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HISTOIRE'
DE FRANCE
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'Imprimerie L. T^l.NO^ rt l>; à Saiiit-Gti i«|Ufc
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HISTOIRE
DE FRANCE
J. MICHELET
NOUVELLE ÉDITION, RBVUB ET ADOUENTËB
TOME TROISIÈME .-'^''ff^^^.
PARIS
LIBRAIHIB INTERNATIONALE
tHtMTDB, BT 13, riVMUKa HONTM:inTllB
A. LACROIX, VEReOECKHOVEtt ET C*.
ÊiIUtuTt d firitxdlM, à Ltiptij tt li LiiouriM
23/. e. iZ-r.
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\F. S
PRÉFACE DE 1837
» * . »
«
L'ère nationale de la France est le xiw* siècler
Les États Généraux, le Parlement/ toutes nos grandes
institutions, commencent ou se régularisent. La bour-^
geoisie apparaît dans la révolution de Mareel, le paysan
da«s la Jacquerie, la France elle-même dans M guerre
des Aiiglais.
Cette locution : Un bon Français, date du xiy* siècle.
Jusqu'ici Ai France était moins France que chrétienté.
Dominée, ainsi que tous les autres États, par la féoda*^
lité et par l'Église^ elle restait obscure et comme per*
due dans ces grandes ombres... Le jour venant peu à
peu, elle commence à s'entrevoir elle-même.
Sortie à peine de cette ùmt poétique du moyen âge,
elle est déjà ce que vous la voyez : peuple» prose, esprit
critique, aoti^symboliqoe.
Aux prêtres, eux chevaliers, succèdent les légistes;
après la fei, la loi.
Le petitrftls de saint Louis met ta main sur le pape et
TI PRÉFACE DE 1837.
détruit le Temple. La chevalerie, celte autre religion,
»
meurt à Courlrai, à Crécy, à Poitiers.
A l'épopée succède la chronique. Une littérature se
forme, déjà moderne et prosaïque, mais vraiment fran-
çaise : poii^<da lyniJI^Qi^s, r|<H) àrjfOfigf^iice n'est que
grâce et mouvement.
Notre vieux droit avait quelques symboles, quelques
formules poétiques. Celte poésie ne comparait pas im-
punément au tribunal des légistes. Le Parlement', ce
fgUBuà grosateuri. la traduit, l'iotei^prèle et la tufi^, .
Au resie, le droit fran^^ avait été. .^ touLteoip^
moins asservi au. symbojisi})^ «que celui d'aucun, wlce
peuple. ÇetlQ vérité, pour ' êJlPQ oéptivQ dansi la MmfU
n'en eM pas moinç féconde* Koua n'ayons .poii^t re^t
au long chemin par lequel nous y sommes arrivéa.. Pojur
apj[)récie^ le Jjénie. austè.re .et la maturité précocade
nqtre droit, ij nous a, fajlu. mettre ^n facf le dffoituj^-
• • • • ■
tique des^ nati9(>& div^rses^. opposer la France et; 1#
monde. . .
Cettç fpis donc, la symbolique du drpit ^ — £{qu$ en
chercherons le moi^^vement^ la dialeai^ue^. lorsque notre
drame national sera mieiuc noué-
' . - ' ■ • • • ' î "' ♦
^ Ce Volame ftit pnbHé, dans st premiôre ëJition, en mdoie temps que
DOS Origines du droit f tançait, <r<m«éffâ<dR»iiftfl»^(krtè#flrfoffiWi|Mf
HISTOIRE
DE FRANCE
LIVRE V
CHAPITRE PREMIER
Yôpres siciliennes.
Le fils de saint Louis, Philippe le Hardi, revenant de
cette triste croisade de Tunis, déposa cinq cercueils aux
caveaux de Saint-Denis. Faible et mourant lui-même, il
se trouvait héritier de presque toute sa famille. Sans parler
du Valois qui lui revenait par la mort de son frère Jean
Tristan, son oncle Alphonse lui laissait tout un royaume
dans le midi de la France (Poitou, Auvergne, Toulouse,
Rouergue, Albigeois, Quercy, Agcnois, Comtat). Enfin, la
mort du comte de Champagne, roi de Navarre, qui n'avait
qu'une fille, mit cette riche héritière entre les mains de
Philippe, qui lui fit épouser son fils.
Par Toulouse et la Navarre, par le Comtat, cette grande
puissance regardait vers le midi, vers Tltalie et TEspagne.
lii. i
S! VÊPRES SICILIENNES.
Hais, tout puissant qu'il était, le fiU de saint Louis n'était
pas le chef véritable de la maison de France. La tétc de
cette maison, c'était le frère de saint Louis, Charles d'An-
jou. L'histoire de France, à cette époque, est celle du roi de.
Naples et de Sicile. Celle de son neveu, Philippe III, n'en
est qu'une dépendance.
Charles avait usé, abusé d'une fortane inouïe. Cadet de
France, il s'était fait comte de Provence, roi de Naples, de
Sicile et de Jérusalem, plus que roi, maître et dominateur
des papes. On pouvait lui adresser le mot qui fut dit au fa-
meux llgolin. « Que me manque-t-il? demandait le tyran
de Pise. — Rien que la colère de Dieu. »
On a vu comment il avait trompé la pieuse simplicité de
son frère, pour détourner la croisade de son but, pour
mettre un pied en Afrique et rendre Tunis tributaire. 11 re-
vint le premier de cette expédition faite par ses conseils et
pour lui ; il se trouva à temps pour profiter de la tempête
qui brisa les vaisseaux des croisés, pour saisir leurs dé-
pouilles sur les rochers de la Calabre, les armes, les ha-
bits, les provisions. Il attesta froidemeat contre ses compa-
gnons, ses frères de la croisade, le droit de bris, qui
donnait au seigneur de l'écueil tout ce que la mer lui
jetait.
C'est ainsi qu'il avait recueilli le grand naufrage de l'Em-
pire et de l'Église. JPendant près de trois ans, il fut comme
pape en Italie, ne souffrant pas que L'on nommât un pape
après Clément lY. Clément, pour vingt mille pièces d'or
que le Français loi promettait de revenus, se trouvait avoir
livré, non-seulement lesDéux-Siciles, mais l'Italie entière.
Charles s'était fait nommer par lui sénateur de Rome et vi-
caire impérial en Toscane. Plaisance, Crémone, Parme»
Modène, Ferrare et Reggio, plus tard même Milan, l'avaient
accepté pour seigneur, ainsi que plusieurs villes du Pié-
mont et de la Romagne. Toute la Toscane l'avait choisi
pour pacificateur. < Tuez-les tous, b disait ce pacificateur
*
VÊPRES SICILIENNES. 3 *
aux Guelfes de Florence qui lui demandaient ce qui! fallait •
faire des Gibelins prisonniers ^.
Mais ritalie était trop petite. Il ne s'y trouvait pas à Taise.
De Syracuse il regardait l'Afrique, d'Otrante l'empire grec.
Déjà il avait donné sa fille au prétendant latin de Cons-
taotinople , au jeune Philippe , empereur sans empire.
Les papes avaient lieu de se repentir de leur triste vic-
toire sur la maison de Souabe. Leur vengeur, leur cher fils,
était établi chez eux et sur eux. Il s'agis«ait désormais de -
savoir comment ils pourraient échappera cette terrible ami- -
tié. Ils sentaient avec effroi rirFésistibie force, Tattraction
maligne que la France exerçait sur eux. Ils voulaient, un
peu tard, s'attacher F Italie. Grégoire X essayait d'assoupir
les factions que ses prédécesseurs avaient nourries si soi-
gneusement ; il demandait qu'on supprimât les noms de
Guelfes et de Gibelins. Les papes avaient toujours conibattu
les empereurs d'Allemagne et de Constantinople ; 6ré«
goire se déclara l'ami des deux empires. 11 proclama la ré-
conciliation de rÉgtise grecque. Il vint à bout de terminer
le grand interrègne d'Allemagne, faisant du moins nommer
un emtpereur tel quel', un simple chevalier dont la maigre
et chauve figure^ dont les coudes gercés, rassuraient les
princes électeurs contre ce nom d'Empereur naguère si for-
midable. Ce pauvre empereur fut pourtant Rodolphe de
Habsbourg; sa maison fut la maison d'Autriche, fondée
ainsi par les papes contre celle de France'.
Le plan de Grégoire X était de mener lui môme l'Europe
à la croisade avec son nouvel Empereur, de relever ainsi
l'Empire et la Papauté. Nicolas III, romain, et de la mai-
son Orsini, eut un autre projet : il voulait fonder en faveur
des siens un royaume central d'Italie. Il saisit le moment
où Rodolphe venait de remporter sa grande victoire sur le
* On n'ëpargna qa'un enfant qa*on envoya au roi de Naplea, et qui
moarut en prison dans la lour de Capoùe.
* Stshmidt.
A VEPRES SICILIENNES.
roi de Bohème. Il intimida Charles par Rodolphe. Le roi de
Naples, qui ne rêvait que Constantinople, sacrifia le titre
de sénateur de Rome et de vicaire impérial. Et cependant
Nicolas signait secrètement avec TAragon et les Grecs une
ligue pour le renverser.
Conjuration au dehors, conjuration au dedans. Les Ita-
liens se croient maîtres en ce genre. Ils ont toujours cons-
piré, rarement réussi; mais pour ce peuple artiste, une
telle entreprise était une œuvre d'art où il se complaisait,
un drame sans fiction, une tragédie réelle. Ils y cherchaient
Tefiet du drame. II y fallait de nombreux spectateurs, une
occasion solennelle, une grande fête, par exemple ; le théâ-
tre était souvent un temple, le moment celui de Télé-
vation^.
La conjuration dont nous allons parler était bien autre
chose que celle des Pazzi, des Olgiati. Il ne s'agissait pas de
donner un coup de poignard, et de se faire tuer en tuant un
homme, ce qui d'ailleurs ne sert jamais à rien. Il fallait
remuer le monde et la Sicile, conspirer et négocier, encou-
rager Tune par l'autre la ligue et l'insurrection ; il fallait
soulever un peuple et le contenir, organiser toute une
guerre, sans qu'il y parût. Cette entreprise, si difficile, était
aussi de toutes la plus juste ; il s'agissait de chasser l'é-
tranger.
La forte tête qui conçut cette grande chose et la mena à
bout, une tête froidement ardente, durement opiniâtre et
astucieuse, comme on en trouve dans le Midi, ce fut un
Calabrois, un médecin *. Ce médecin était un seigneur de
la cour de Frédéric II. Il était seigneur de l'ile de Prochyta,
et comme médecin , il avait été l'ami , le confident de Fré-
' Ce fiit en effet ce moment que prirent les Pazâ pour assassiner les
Ifédicis, et Olgiati pour tner Jean Galeas Sforza.
* Procida était teHement distingnë comme médecin, qu'un noble na-
politain demanda à Charles II d'aller trouter Procida en Sicile» pour se
faire guérir d'une maladie.
VÊPRES SICILIENNES. 5
déric et de Manfred. Pour plaire à ces libret pefiseurs
du xiiie siècle , il Malt être médecin , arabe ou juif. On
entrait chez eux par l'école de Saleme plutôt que par l'É-
glise. Vraisemblablement, cette école apprenait à ses
adeptes quelque chose de plus que les innocentes
prescriptions qu'elle nous a laissées dans ses vers léonins.
Après la ruine de Manfred, Procida se réfugia en Espa-
gne. Examinons quelle était la situation des divers royau-
mes espagnols, ce qu'on pouvait attendre d'eux contre la
maison de France.
D'abord, la Navarre, le petit et vénérable berceau de
l'Espagne chrétienne, était sous la main de Philippe m. Le
dernier roi national avait appelé contre les Castillans les
Maures, puis les Français. Son neveu, Henri, comte de
Champagne, n'ayant qu'une fille, remit en mourant cette
enfant au roi de France, qui, comme nous l'avons dit, la
donna à son fils. Philippe lU, qui venait d'hériter de Tou-
louse, se trouvait bien près de l'Espagne. U n'avait, ce sem-
ble, qu'à descendre des pors des Pyrénées dans sa ville de
Pampelune, et prendre le chemin de Burgos.
Mais l'expérience a prouvé qu'on ne prend pas l'Espagne
ainsi. Elle garde mal sa porte ; mais tant pis pour qui
entre. Le vieux roi de Castille, Alphonse X, beau-père et
beau-frèreduroi de France, voulut en vain laisser son
royaume aux fils de son aine, qui, par leur mère, étaient
fils de saint Louis. Alphonse n'avait pas bonne réputation
chez son peuple, ni comme Espagnol, ni comme chrétien.
Grand clerc, livré aux mauvaises sciences de l'alchimie et
de l'astrologie, il s'enfermait toujours avec ses juifs ^, pour
faire de la fausse monnaie*, ou de fausses lois, pour alté-
rer d'un mélange romain le droit gothique '. II n'aimait pas
• Les rois d'E»pagne les empIoyaieDt de préférence aux xiu* et zit*
sièelrs. Les Aragonais se plaignaient avssi à la même époque des tré*
foriers et receTcurs « qoe eran judios. • Gurita.
• Ferreras.
• App., L
6 ^ ViPR£S SIGIUENNSS.
TEspagne; ^a nianie était de sefaife Empereur. Et l'Espa-
gne le lui rendait. bien. Les Castillans se donnèrent eux-
mtoes pour roi, conformément au droit des Gotha, le se-
cond fils d'Alphonse, Sanche le braTe, le Cid de ce temps^li t.
Déshérité par son père, menacé à la fois par le» Français et
par les Maures, de plus excommunié par le pape pour avoir
épousé sa parente, Sanche fit tête à tout, et garda safemme
et son royaume. Le roi de France fit 4e grandes menaces,
rassembla une grande arméç, prit Toriflamme, entra en
Espagne jusqu'à Salvatierra. Là, il s'aperçut qu'il n'avait
ni vivres ni munitions, et ne piit avancer.
C'était une glorieuse époque pour TEspagne. Le roi d'A-
ragon, D* Jayme, fits du roi tfoubadour qui périt à Muret «a
défendant le comte de Toulouse, venait de conquérir sur
•les Maures les royaumes de Majorque et de Valenee.
D. Jayme axait, telle est Templiase espagnole, gagné
trente-trois batailles, fondé ou repris deux mille églises.
Mais il avait, dît-H>n, enoore plus de maîtresses que d\§-
glises. Il refiftsatt au pape te tribut promis par ses prédé-
cesseurs. Il avait osé faire épouser à son fils D. Pedro la
propre HUe de Manfred, le dernier rejeton de la maison de
Souabe.
Les rois d' Aragon, toujours guerroyantDontre Maures ou
chrétiens, avaient besoin d'être mmés de leurs hommes,
et Tétaient. Lisez le pottralt q«'en a tracé le brave et naïf
Kamon Muntaner, l'hisiorien soldat, comme ils rendaient
bonfie justice, conwne ils aoceptaieat les invitations de
leurs sujets, commette mangeaient en-poUic devant tout
le monde, acceptant, dit-il, ce qu'on leur offrait, fruit,
vin ou autre chose, et no faisant pas <liMc«ité d'en goA-
ter^. MuntanerottUiemM diose, c'est <pie ces rois aipo-
C*fsl ee Sanche qui rtfpoodail aux laeiiaces de MiramoUn : « Je tiens-
le |àteaa d*ttne main et le bàioo de l'antre; ta peux choisir. • Ferre-
ras, — n se seniit assex popaUire pour ôit^r toute eiempiion d'iinp6t
«ut nobles et aux ordres militaires. ^ * 4pp., S.
VintBS SICILIENNES. 7
pnlttms ti'étwent pas renommés par leur loyauté. C'étaient
de rusés montagnards d'Aragon, de vrais Almogavares,
demi-Maures, pillant amis et ennemis.
Gefut près du jeune roi D. Pedro que se retira d'abord le
fidèle serviteur de la maison de Souabe, près de la fille de
ses maîtres, la reine Constance. L'Aragonais le reçut bien,
hiidoniiades terres et des seigneuries. Mais il accueQlit
froidement ses oonseils belliqueux contre la maison de
France ; lesforcesétaienttrop ^proportionnées. Lahaihede
Ifrohrétîenté oontre oett^ m«teon avait besoin d'aûgwienier
encore, il aima mieux refuser et attendre^ Il laissa ravan-
ttirîor agir, sans se oompronwttre. Pour éviter tout sbup-
^on deoonnivence, Prooida ^vendit ees biens dr^Bapagneet
disparut. On f>e svt ce cpi'il était dev^iu.
Il était parti secrëtenient «n* habit de< Anmeiseain* Cet
Iramble déguisement était anssi le plus sûr. Ces moines
allaient partout: ils demandaient, mais vivaient 4e peu, et
partoiut^ étaient Men reçus. <*eiis d'esprit, de ruse et deTa*
ednde; 41s s'ae^ ttavent diaeràtemient *de «ai nté» ' ooanflrfs-
sionsmondainesûL*Eaiv>peélaitrem|ilie de leur^ actiwîté.
Messagers etprééieateurs, -dif^ftomiites* parfois/ils étaient
idori oe que «ont aujourd'hui ia* pacte et la presse. P.rocida
prit donc Ja sak rob» des Mendiants, et s^en alla, butnUe-
mentet pieds nus, >cherDher par le moade des enaemift à
GiMvIes d'Anjou.
Les eoMim me snanquaient pas. Le difficile était de les
aeoavder et de k» faire agit de ooneert et à tempa. tt'^kbard
il se rend en Sioile, au voloan mèmer 4e la o-évoduAton»
vottf écoute et observe. Les signe* de T^éniptioa preoMpio
étaient visibles, rage concentrée, sourd bouillonnement,
et le munaure et le silence. Charles épni^t œ mallhciu-
leux peuple poiar en soumettre un antre. Toot était pèein
4e préparatift et de menaces contre les Grecs. Procida
passe à Gonstaaitinopie, il avertit Palécdogue^ lai donne des
renseignements précis. Le roi de Naples avait déjà &it
8 vApres siciubnnes.
passer trois mille hommes à Durazso. U allait suivre avec
cent galères et cinq cents bâtiments de transport. Le succès
de Taffaire élait sûr, puisque Venise ne craignait pas de
s'y engager. Elle donnait quarante galères avec son doge,
qui était enc(»re un Dandolo. La quatrième croisade allait
se renouveler. Paléologue éperdu ne savait que faire. « Que
faire? Donnez-moi de l'argent. Je vous trouverai un dé-
fenseur qui n'a pas d'argent, mais qui a des armes. »
Procida emmena avec lui un secrétaire de Paléologue ,
le conduisit en Sicile, le montra aux barons siciliens, p«i&
au pape, qu'il vit secrètement au château de Soriano.
L'empereur grec voulait avant tout la signature du pape,
avec lequel il était nouvellement réconcilié. Mais Nicolas
hésitait à s'embarquer dans une si grande affaire. Pro-
cida lui donna de l'argent. Selon d'autres, il lui suffit
de rappeler à ce pontife, Romain et Orsini de naîasmce,
une parole de Otaries d'Anjou. Quand le pape voulait
donner sa nièce Orsini au fils de Charles d'Anjou, Charles
avait dit : c Croit-il, parce qu'il a des bas rouges, que le
sang de ses Orsini peut sa mêler au sang de France 7 »
Nicolas signa,, mais mourut bientM. Tout l'ouvrage
semblait rompu et détruit. Charles se trouvait plus puis*
sant que jamais. U réussit à avoir un pape à lui. Il chassa
du conclave les cardinaux gibelins et fit nommer un Fran-
çais, un ancien chanoine de Tours, servile et tremblante
créature de sa maison. C'était se fSûre pape soi-même. U
redevint sénateur de Rome ; il mit garnison dans tous les
États de l'Église. Cette fois le pape ne pouvait lui échap-
per. U le gardait avec lui à Viterbe, et ne le perdait pas de
vue. Lorsque les malheureux Siciliens vinrent implorer
rintervention du pape auprès de leur roi, ils virent leur
ennemi auprès de leur juge, le roi siégeant à côté du pape.
Les députés, qui étaient pourtant un évéque et un moine,
furent, pour toute réponse, jetés dans un cul de basse-
fosse.
fÈPRES SiaLBKMBS. 9
La Sicile n'avait pas de pitié à attendre de Charles d'An-
jou. Cette lie, à moitié arabe, avait tenu opiniâtrement
pour les amis des Arabes, pour Manfred et sa maison.
Toute insuHe que les vainqueurs pouvaient faire au peuple
sicilien ne leur semblait que représailles. On connaît la
pétulance des Provençaux, leur brutale jovialité. S'il n'y
eût eu encore que l'antipathie nationale, et l'insolence de
la conquête, le mal eût pu diminuer. Mais ce qui menaçait
d'augmenter, de peser chaque jour davantage, c'était un
premier, un inhabile essai d'administration, l'invasion de
la fiscalité, lapparition de la finance dans le monde de
l'Odyssée et de l'Enéide. Ce peuple de laboureurs et de
pasteurs avait gardé sous toute domination quelque chose
de l'indépendance antique. Il y avait eu jusque-là des so-
litudes dans la montagne, des libertés dans le désert. Mais
voilà que le fisc explore toute l'ile. Curieux voyageur, . il
mesure la vallée, escalade le roc, estime le pic inaccessi-
ble. Le percepteur dresse son bureau sous le châtaignier
de la montagne, ou poursuit, enregistre le chevrier errant
aux corniches des rocs entre les laves et les neiges.
Tâchons de démêler la plainte de la Sicile à travers cette
forêt de barbarismes et de solécismes, par laquelle écume
et se précipite la torrentueuse éloquence de Barthélemi de
Nécocastro : « Que dire de leurs inventions inouïes? de
leurs décrets sur les forêts? de l'absurde interdiction du
rivage? de l'exagération inconcevable du produit des
troupeaux? Lorsque tout périssait de langueur sous les
lourdes chaleurs de l'automne ; n'importe, l'année était
toujours bonne, la moisson abondante.... Il frappait tout
à coup une monnaie d'argent pur, et pour un denier sici-
lien s'en faisait ainsi payer trente Nous avions cru re-
cevoir un roi du I%re des Pères, nous avions reçu l' Anti-
Christ <.
40 . VkmU SICiLWNES.
^ Il fAllftit, dU,aiiaiitrQ» représenter chaque Iroopeau au
bout de Taa; )9t^ en; outre, plus de petite que le tnoupesau
n*eo pouvait produire. Les pauvres laboureurs pleuri^ient.
C'était une tex^ur universelle chez les bouviers, les clie--
yriers,ch9Eitott»lespAS(eucs. Onles rendait responsables
delearsi abeiUes, môme, de Tessaim que le vent emporte.
On leur défendait la chasse» et puis Qn allait en cachette
porter dans leurs huttes des peaux de Qer& 09 de daims,,
pour avoir droit de confisquer. Toutes les fois qu'il plaî-
ssMit au roi <le frapper oionnAie neuv^, on sonnajit de la
trompette dans leutea les rues ;. et.de porte e|i porte, il fal-
lait livrer l'argent^... »
Voilà le sort de la Sicile depuis tant desièdes. €'e$t tou-
jours la vache nourrice, épuisée de lait et de aaag pSLS un
maître étranger. Elle n*aeu d'indépçyadance» 4e vie forte
que sous ses tyrans, les Denys^ les Gélon. £ux seuls 'la
rendirent formidable au deliors. Depuis, tpujoiH's esclave.
Et d*abord, c'est chex ^elle que se sont décidées toutes les
grandes querelles du monde aatique : Athènes et Syracuse,
la Grèce et Carthage, Carthage et Borne ; enfin, tes guerres
servilest Toutes ces batailles solenneUes du .genre humain
ont été combattues en vue de TËtna^ comme uji jHgemant
de Dieu pai^devant TauteK Puis viennent ies^acbar^,
ÀKibes, Normands, Allemands^ -Chaque fois la Sicile espère
etidéeire, chaque fois elle souiFre; eUese t4Niirna« se itetouriie,
comme Encelade sous le volcan. FaiUespe, désharmonte
incurable d'un peupla 4e vii^t.raees> tsurqui pàsa si lour-
dement une double iatalité d'histoire, et da climat.
Tout cela ne. parait que Xvoft bien <dans la belle et molle
lamentation par laquelle Falcando commence son-histoire^ :
« le voulais, mon ami, maintenant que Tàpre hiver a. cédé
sous un souffle -plus doux, je voulais t'écrire et.i'adresiier
quelque chose d'aimable, comme prémices du pmateutps»
* Nie Spocialis.
vtnu»^itinjiMiiEs. 41
Hais kl htgttbve nouvelle me. tàii prévoir de nouveaux
oragfe»; mes chants se changeBt en pleura. En vain le eiel
setirit, en vain les jardins et les bocages m'inspirent une
joie importune, et le eondertranonvelé deft oiaeausK m'en-
gage à reprendre le mien. Je ne puis voir sans tannes la pro-
chaine désolation de ma bonne nonrriee^ la Sicile.-* l^equel
embrasseront-^tls dtt joug on de l'honneur I Jecherohe en
silence, et ne sais que dioîair. ;. -^ Je vois q«e dans le dé-
sordre d'im tel moment, nos Sarrasins sent opprimés. Ne
vontMls pas seconder rennemi?v..<iihl si tous, Gbrétians
etSarraÂns; s'accordaient pour éitce un roil... -r Qu'à
ForieRt de rUe, nos brigands siciliens xwosbatlant les bar-
bares, parmi les kmx de TStna et les laves^ k la bonne
beure. Aussi bien c'est «ne race de feu el de silex. Mais
^intérieur de la Sfeilo» mais k^contréç qu'honore notre
belle Palerme, ce serait chose impie, monairttflMsew qu'elle
fût soMIée'de l'aspect de» barbaces. . . Je it*eàpère nep des
A|>uN«nSj qiti n'aiment quenomeantè. Haii toi, Messine,
€ité puissante al lioMe, -senges*ta donc à le défendra, à
TepousBc» l^éMiigerdu détroit? Mdheur è toi, Gatane !
Jamais, 'à^ftme demlamités^ tu n'as pu aatisfeireet iéehir
4a fortune. 'G«0i>rev peste» «tornents enflaomiés de l'JEtna,
'tretnblemeirit'die leire et vuines ; iliae te manque plue que
la servitude^ Mlons, ^meuso» secooe laifMdx, si lu peux;
teite^equence^ éeni tm tempères, emplaîe*4a àrelever le
eoufage des tiens. Que le ^eert'db 4^étre aflinamihie <des
Denysl.. Âh'I qui" nous f^endm nos-i^imsl..^ l'^iw viens
iifainteffantAtefi,'é^Pilerme^<'lélfB^>de}a Sieilél itSeroment
tetpasser sous sHenae, et «eoRimtnt lolouer Ittgoeanent 1. . . »
VaiS'dès tiue Fateatido'a •nommé la belle Merme, il ne
pense phrs k seûtte i^ose, H oublie • les i)ariNirca et tontes
ses craintes. -Le VoHàqisrt'décrit-'insaliaMement la volup-
tueuse cité, sespsilais fimlasiiqneêf son porty.ses«ienreiI-
Icux jardins, soyeux mûriers, orangers, citronniers, cannes
à sucre. Le voilà perdu dansle&fiuitsetles fleur». La na-»
18 TÉPRBS SIOLOmiBS.
ture l'absorbe, il rêve, il a tout oublié. Je crois entendre
dans sa prose Técho delà poésie paresseuse, sensuelle et
mélancolique de l'idylle grecque : « Je chanterai sous l'autre,
en te tenant dans mes bras, et regardant les troupeaux qui
s'en vont paissant vers les bords de la mer de Sicile ^. »
C'était le lundi, 30 mars 4282, le lundi de Pâques. En
Sicile^ c'est déjà l'été, comme on dirait ches nous la Saint-
Jean, quand la chaleur est déjà lourde^ la terre moite et
chaude, qu'elle disparaît sous l'herbe, l'herbe sous les
fleurs. Pâques est un voluptueux moment dans ces con-
trées. Le carême finit; l'abstinence aussi; la sensualité
s'éveille ardente et âpre, aiguisée de dévotion. Dieu a eu sa
part, les sens prennent la leur« Le changement est brusque;
toute fleur perce la terre, toute beauté» brille. C'est une
triomphante éruption de vie, une revanche de la sensualité,
une insurrection de la nature.
Ce jour donc, ce lundi de Pâques, tous et toutes mon-
taient, selon la coutume, de Païenne à Monréale, pour
entendre vêpres, par la belle colline. Les étrangers étaient
là pour gâter la fête. Un si grand rassemblement d'hommes
ne laissait pas de les inquiéter. Le vice*roi avait défendu de
porter les armes et de s'y exercer, comme c'était l'usage
dans ces jours-là. Peut-être avait-U remarqué l'aflDuence
des nobles ; en eSbt, Procida avait eu l'adresse de les réu-
nir à Palerme ; mais il fallait l'occasicm. Un Français la
donna mieux que Procida n'eût souhaité. Cet homme,
nommé Drouet, arrête une belle fille de la noblesse que
son fiancé, et toute sa fkmille menaient à l'église. U fouille
le fiancé, et ne trouve pas d'armes; puis il prétend que la
fille en a sous ses habits, et il porte la main sous sa robe.
■Elle s'évanouit. Le Français est à l'instant désarmé, tué de
son épée. Un cri s'élève : c A mort, à mort les Français* ! »
Partout on les égorge. Les maisons françaises étaienti dit-on*
< Théocrite.
* • Iforiantar GalU. • Bariolomeo.
TÉntES SICILIENNES. 43
marquées d'avance <. Quiconque ne pouvait prononcer le
e ou eh italien {ceci, ekeri) était tué à l'instant*. On
éventra des femmes sîeifiennes pour chercher dans leur
aem mi enfiiint français.
n fallut tout un mois pour que les autres villes, rassu-
rées par l'impunité de Palerme, imitassent son exemple.
L'oppression avait pesé inégalement. Inégale aussi fut la
vengeance, et quelquefois il y eut dans le peuple une
capricieuse magnanimité 3. A Palerme même, le vice-roi,
surpris dans sa maison, avait été outragé, mais non tué;
on voulait le renvoyer à Aigues-Mortes. A Calatafimi, les
habitants épargnèrent leur gouverneur, Thonnéte Porcelet,
et le laissèrent aller avec sa famille. Peut-être était-ce
crainte des vengeances de Charles d'Anjou. Le peuple était
déjà refroidi et découragé, telle est la mobilité méridionale.
Les habitants de Palerme envoyèrent au pape deux reli-
gieux pour demander grâce. Ces députés n'osèrent dire
autre chose que ces paroles des litanies : « Agnus Dei, qui
tollis peccata mundi, miserere nobis. » Et ils répétèrent ces
mots trois fois. Le pape répondit en prononçant, par trois
fois aussi, ce verset de la Passion : « Ave, rex Judœoruni,
et dabant ei alapam. » Messine ne réussit pas mieux auprès
de Charles d'Anjou. Il répondit à ses envoyés qu'ils étaient
tous des traîtres à l'Église et à la couronne, et leur con-
seilla de se bien défendre, comme ils pourraient ^.
Les gens de Messine se hâtèrent de profiter de l'avis.
Tout fut préparé pour faire une résistance désespérée.
Hommes, femmes et enfants, tous portaient des pierres. Ils
élevèrent un mur en trois jours, et repoussèrent bravement
les premières attaques. Il en resta une petite chanson :
• App,, 5.
* Simple tradition.
* Fazello tSKore que Sperlinga fol la sealeTÎile qui tio massacrât pas
les Francs. De là le dicton sicilien : • Quod Sicnlis placuit, *sola Spcr«
lin^ negaTJt. •
• App., a.
44 VÉPB^ ^ICUJSNim. .
« Ahl n'esi^^se pa$ graad'fHtié des femmes. 4e Me$siQ^« de
« les voir échevflées eli portant pierre et chaux T,., Qui
« veut gàiter Messine, Dieu lui daime trouble ei tr^ftil. »
Il était temps toutefois que rAragonaiftarrivàt^Le prina^a;
mséa'étiifc loim d'abord en obfi^rvatioQ, laissant le» sisqijbeii
aux SicUiens. Ceux-^ci s'éUient irrévocablement eoii^ro^
mis par le massacre ; mais cammaiH «Jlaieat-rils soutenir
cet acte irréfléchi^ c'est ce que P. PedJPO vottlttb,voi,F. U se
tenait toutefois en Afrique avec une arquée, et faisait 'malr*
lément la guerre aux infidèles. Cet armement avait inquiété
le roi de France et le pape. 11 rassura le premier en pré^
textant la gMerre des Maures» et pour le mieux tromper» il
lui emprunta de l'argent; il en emprunta mén^e à Cfaarleg
d'Anjou ^ Ses barons ne purent ouvrir qu'en mer las
ordres cachetés qu'il leur avait donnés, et iKn'y lurent rien
que.Ia guerre d'Afrique^. Ce ne fut qu'au bout de plusieurs
mois, et lorsqu'il eut reçu deux députations des Siciliens»
qu'il se décida, et passa dans Vile 3.
L'Aragonais envoya son défi devant Messûae à Charles
d'Anjou, mais il ne se pressa pas d'aller se mettre en laea
de son terrible ennemi. En boa .^reador, il piqw, mais
éluda le taureau. Seulement il expédia au secours de la
ville quelques-uns de ses brigaiuls almog^varea, lestes et
sobres piétons qui firent en trois ;joura le» six journées qu'il
y a de Palerme à Messine ^. JLa flotte catalane, sous le Ca-
labrois Roger de Loria, était un secours plus efficaceen-*
core. Elle devait occuper le détroit, a£bmer Charles d'An^
jou, hii fermer le retour. Le roi de Naples se défiait avec
raison de ses forces de mer. Il repassa le détroit pendant
la nuit, sans pouvoir eulever ni sesc tentes, ni ses provi •
* Villani. — * Mantaner. — * App., 7.
* • Cu qae les autres ne pouvaient supporter était' pour eu%. oomiaa
régal et passe temps... Leur extérieur était élrauge et sauvage, et ooidbm
ils étaient très^noirs, maigres et mai peignos, les Siciliens étaient en
grande a>]roiration et souci, ne voyant venir qu'eux pour dcf^^nseurs.., •
Curita.
«on&. Au majliii» les •MessiaoisémerveiUés ne . virent pliu$
d'eoœmis. Us n'euFent plus qu'à piUer le camp/
Si Voo en croit Muntaner» les Catalans n avaient que
vingt-deux galères eontne les quatre-vingt-dix de Ght'irlos
d'AnjoUi Sur Gellesr^i, il y en avait dix de Pise^ qui s'en-
fuirent les prenûèreSy quinze de Gènes qui les suivirent.
Les Provettçaiv(, sujets de Charles, en avaient vingt,.el ne
tinrent pa& davantage- Les quarante-cinq qui restèrent
étaient de Naples et de Calabre; elles se crurent perdues,
et se jetèrent à la o6te. Mais les Catalans les poursuivirent,
les prirent, y tuèrent six iniUe hommes. Les vainqueurs,
écartés par la tempête, se trouvèrent à la pointe du jour
devaotle pharede Messine.
« Quand le jour fut arrivé, ils se présentèrent à la tou-
relle; Les gens de la ville, voyant un si g:rand nombre de
voiles, s'écrièrent : « Ah l Seigneur I ahl mon Dieu, qu'est-
€ ce cela? Voilà la flotte du toi Charles qui, après s'être
€ emparée des galères du roi d'Aragon, revient sur nous. »
« Le roi était levé, car il se levait constamment à l'aube
du. jour, soit l'été, soit l'hiver; il entendit le bruit, et en
demanda la cause. « Pourquoi ces cris dans toute la cité?
« — Seigneur, c'est la flotte du roi Charles qui revient bien
« plus considérable, et qui s'est emparée de nos galères. »
« Le roi demanda un cbeViSl, et sortit du palais, suivi à
peine de dix personnes. Il courut le long de la côte, oii il
rencontra un grand nombre d'hommes, de femmes at d'en-
fants au désespoir. U les encouragea, en leur disant :
« Bonnes gens, ne craignez rien, ce sont nos galères qui
€ amènent la flotte du roi Charles. » Il répétait ces mots
en courant sur le rivage de la mer; et tous ces gens s'é-
criaient : « Dieu veuille que cela soit ainsi ! » Qi^e vous di-
rai je, enfin? Tous les hommes, les femmeaet enfants de
Messine couraient après lui, et l'armée de Messine le suivait
aussi. Arrivé à la Fontaine d'Or, le roi, voyant approcher
une si grande quantité de voiles poussées par le vent des
46 VÊPIUES SICILIKNNIS.
montagnes, réfléchit un moment, et dit i^ part soi : t Dieu,
qui m'a conduit ici, ne m'abandonnera point, non plus que
ce malheureux peuple; grâces lui en soient rendues! »
« Tandis qu'il était dans ces pensées, un vaisseau armé,
pavoisé des armes du seigneur roi d'Aragon, et monté par
En Cortada, vint devers le roi, que l'on voyait au-dessus
de la Fontaine d'Or, enseignesdéployées, à la tête de la ca-
valerie. Si tous ceux qui étaient là avec le roi furent trans-
portés de joie, en apercevant ce vaisseau avec sa bannière,
c'est ce qu'il ne faut pas demander. Le vaisseau prit terre.
En Cortada débarqua et dit au roi : t Seigneur, voilà vos
galères ; elles vous amènent celles de vos ennemis. Nicotera
est prise, brûlée et détruite, et il a péri plus de deux cents
chevaliers français. » A ces mots, le roi descendit de che-
val et s'agenouilla. Tout le monde suivit son exemple. Ils
commencèrent à entonner tous ensemble le Salve regina. Ils
louèrent Dieu, et lui rendirent grâces de cette victoire, car
ils ne la rapportaient point à eux, mais à Dieu seul. Enfin,
le roi répondit à En Cortada : « Soyez le bienvenu. » Il lui dit
ensuite de retourner sur ses pas, et de dire àtous ceux qui se
trouvaient devant la douane de s'approcher en louant Dieu;
il obéit, etles vingt-deux galères entrèrent les premières, trat-
nant après elles chacune plus de quinze galères, barques ou
bâtiments ; ainsi elles firent leur entrée à Messine, pavoisées,
l'étendard déployé, et traînant sur la mer les enseignes en*
nemies. Jamais on ne fut témoin d'une telle allégresse. On
eût d t que le ciel et la terre étaient confondus ; et au mi-
lieu de tous ces cris, on entendait les louanges de Dieu, de
madame Sainte Marie et de toute la cour céleste... Quand
on fut à la douane, devant le palais du roi, on poussa des
cris de joie ; et les geps de mer etles gens de terre y répon-
dirent, mais d'une telle force, vous pouvez m'en croire,
qu'on les entendait de la Calabre ' . »
* Mununcr.
VÊPRES SICILIENNES. 47
Charles d'Anjou vit du rivage le désaatre de sa flotte. Il
vit incendier sans pouvoir les défendre ces vaisseaux, cons*
truits naguère pour la conquête de Constahtinople. On dit
qu'il mordait de rage le sceptre qu'il tenait à la main, et
qu'il répétait le mot qu'il avait déjà dit en apprenant le
massacre : « Ah, sire Dieu, moutl m'avez offert à surmon-
ter ! Puisqu'il vous plaît de me faire fortune mauvaise, qu'il
vous plaise aussi que la descente se fasse à petits pas et
doucement *. »
Mais l'orgueil l'emporta bientôt sur cette résignation.
Charles d'Anjou, déjà vieux et pesant , proposa au jeune roi
d'Aragon de décider leur querelle par un combat singulier,
auquel auraient pris part cent chevaliers des deux royaumes.
L'Aragonais accepta une proposition si favorable au plus
faible, et qui lui donnait du temps ^. Les deux rdis s'enga-
gèrent à se trouver à Bordeaux le 15 mai 1283, et à com-
battre dans cette ville sous la protection du roi d'Angleterre.
A l'époque indiquée, D. Pedro bien monté, voyageant 'de
nuit, et guidé par un marchand de chevaux qui connais-
sait toutes les routes, tous les pors des Pyrénées, se rendit,
lui troisième, à Bordeaux. 11 y arriva le jour même de la ba-
taille, protesta devant un notaire que le roi de France étant
près de Bordeaux avec ses troupes , il n'y avait pas de sû-
reté pour lui. Pendant que le notaire écrivait, le roi fit le
tour de la lice, puis il piqua son cheval, et fit sans s'arrêter
près de cent milles sur la route d'Aragon.
Charles d'Anjou, ainsi joué, prépara une nouvelle armée
en Provence. Mais avant qu'il fût de retour à Naples, Ta-
mirai Bogerde Loria lui avait porté le coup le plus sensible.
11 vint avec quarante -cinq galères parader devant le port de
Naples, et braver Charles le Boiteux, le fils de Charles d'An-
jou. Le jeune prince et ses chevaliers ne tinrent pas à un
tel outrage. Ils sortirent avec trente-cinq galères qu'ils
* • ...Pacclati, che*l mio calare sia a fetii passi. • Villani.
111* t
4^ TipRES siaLisx:«8S.
aHaigni^ (i^W^.le ppijL. Aju premier cboc« ils fureni défaits et
priSf Char].e&. d'Anjou ajriva le lendemain. « Que n'e$i-41
n^r^ I > s'écriarrt-ilj^ quand on lui apprit la captivité de son
fils Ml se donna la. consolation de faire pendre cent cin-
quai^t^ Napolit^i^s^
Le roi de Naples avait été rudemenl frappé de ce dernier
coup.. Son activité Tabapclonpait. U perdit Tété à négociei
par Tentrenûse du pfipe un. arrangement avec les Siciliens.
L*hiver, il fit de nouveaux préparatifs; mais ils ne devaient
pa;s lui servir.. La vie lui échappait, ainsi que Tespoir de la
vengeance. U mourut, avec la piété et la sécurité d*un saint, ^
se,rendimt ce témpignage, qu'il n'avait fait la conquête dur^
royaume de Sicile que pour 1q senice de r£glise» (7 janvier.
Cependant, le pape, tout Français de naissance et de
cœur, avait déclaré D. Ped|x> déchu de son -royaume d'A-
ragon (1283), assurant les indulgences de la croisade à qui-
conque lui courrait sus. L'année suivante il adjugea ce
royaume au jeune Charles de Valois, second fils de Philippe
le Hardi, et frère de Philippe le Bel. Ce fut en effet une
vraie croisade. La France n'avait point guerroyé depuis
longtemps. Tout le monde voulut en être,, la reine elle--
m.(^e et beaucoup de nobles dames. L'armée se trouva la
plusi forte qui fut jamais sortie, de France depuis Godefroi
de Bouillon. Les Italiens la.pQrtentà viugtmille.ohevaliers,
quatre mille fantassins. Les flottes de. Gènes» de , Marseille^
d'Aigues-MorXes et de Narbonne,. devaient .suivre les ri-
vages de Catalogne» et seconder les ^i;pupQ$, de terre. Tout
promettait un succès facile. D« Pedro se trouvait abandonné
de son allié, le roi de Castille» et de son frère jnéme, le roi
de Migorque. Sessujets venaient de formes unehckrmandad
contre lui. Il se trouva réduit à quelques Almogayares, avec
lesquels il occupait les positions i^t^quablj^, observant .
1 • Lo re Carlo... dU^e cod irato v^mfi : Or fo^iil^jiiMfrf,]^Qne9uU 0
fali nosire mandemenL * Villani.
VÊPRES SICILIENNES. 19
et inquiétant l'ennemi. Elna fit quelque réshtance, et tout
y fut cruellement massacré. Gironne résista davantage. Le
roi deFrance, qui avait fait vœu de la prendre, s'y obstina,
et y perdit un temps précieux. Peu à peu le climat com-
mença à faire sentir son influence malfaisante. Des fièvres
I se mirent dans l'armée. Le découragement augmenta par
t la défaite de l'armée navale; l'amiral vainqueur, Roger de
'. Loria, exerça sur les. prisonniers d'effroyables cruautés. Il
« fallut songer à la retraite, mais tout le monde était malade ;
les soldats se croyaient poursuivis par les saints dont ils
avaient violé les tombeaux. Tous les passages étaient occu-
pés. Les Àlmogavares, attirés parle butin, croissaient en
nombre à vue d'œil. Le roi revenait mourant sur un bran-
card au milieu de ses chevaliers languissants. La pluie tom-
bait à torrents sur cette armée dé malades. La plupart res-
tèrent en route. Le roi atteignit Perpignan, mais pour y
mourir. Il ne lui restait pas un pouce de terre en Espagne.
Le nouveau roi, Philippe le Bel, trouva moyen d'armer
leroideCastille contre son allié d'Aragon. Le fils de Charles
d'Anjou obtint sa liberté avec un parjure. La Sicile et ses
nouveaux rois, cadets de la maison d'Aragon, se virent
abandonnés de la branche ainée, qui prit même les
armes contre eux. Cependant le petit-fils de Charles
d'Anjou, fils de Charles le Boiteux, fut pris par les Sici-
liens, comme son père l'avait été. Un traité suivit (1299),
d'après lequel le roi Frédéric devait garder File sa vie durant.
Mais ses descendants l'ont gardée pendant plus d'un siècle.
Cette royauté de Naples, si mal acquise, ne fut pas ren-
versée entièrement, mais du moins mutilée et humiliée. II
y eut quelque réparation pour les morts. « Le pieux
Charles, aujourd'hui régnant (le fils de Charles d'Anjou),
dit un chroniqueur, qui mourut vers l'an 1300, a construit
une église de Carmes sur les tombeaux de Conradinetde
ceux qui périrent avec lui^. >
' iUcobald. Ferrar.
CHAPITRE II.
Philippe le Bel. ^ Boniface VIII. 1285-1304.
• i
c Je fus la racine de la mauvaise plante qui couvre toute
la chrétienté de son ombre. De mauvaise plante, mauvais
fruit...
c J'eus nom Hugues Capet. De moi sont nés ces Louis,
ces Philippe, qui depuis peu régnent en France.
a J'étais fils d*un boucher de Paris i, mais quand les an-
ciens rofs manquèrent, hors un qui prit la robe grise, je me
trouvai tenir les rênes, et j*avais tels amis, telles forces que
la couronne veuve retomba à mon fils ^ De lui sort cette
race où les morts font reliques 3.
« Tant que la grande dot prow^nçale ne leur ôta toute
vergogne, peu valaient-ils ; du moins faisaient-ils peu de
mal.
a Mais dès lors ils poussèrent par force et par men-
songe, et puis pas pénitence ils prirent Normandie et Gas-
cogne.
« Charles passe en Italie, et puis, par pénitence égorge
Conradin. — Par pénitence encore, il renvoie saint Thomas
au ciel.
* Celte tradition populaire n*est confirmée par aucun texte bien an-
cien, non plus qu'une bonne partie des traits satiriques qui suivent.
* On sait que Hugues Capot ne voulut jamais porter la couronac. Robert
est le premier des C.tpétiens qui la porta.
' AUnsion à la canonisation récente de saint Louis.
BOmFACE VUI. 21
c Un autre Charies sortira tantM de France. Sans armeSt
il sort, sauf la lance du parjure, la lance de Judas. Il en
£rappe Florence au ventre ^.
« L'autre, captif en mer, fait traite et marché de sa fille;
leecNTsairedu moins ne vend que Tétranger.
« Mais voici qui efface le mal fait et à faire... Je le vois
entrer dans Anagni, le fleurdelisé !... Je vois le Christ captif
en son vicaire ; je le vois moqué une seconde fois ; il est de
nouveau abreuvé de fiel et de vinaigre. U est mis à mort
entre des brigands ^. »
Cette furieuse invective gibeline, toute pleine de véri-
tés et de calomnies, c^est la plainte du vieux monde mou*
rant, contre ce laid jeune monde qui lui succède'. Celui-ci
commence vers 1 300 ; il s'ouvre par la France, par l'odieuse
figure de Philippe le Bel.
Au moins quand la monarchie française, fondée par
Philippe-Auguste et Philippe le Bel, finit en Louis XVI,
elle eut dans sa mort une consolation. Elle périt dans la
gloire immense d'une jeune république qui, pour son coup
d'essai, vainquit l'Europe et la renouvela. Mais ce pauvre
moyen âge, papauté, chevalerie, féodalité, sous quelle main
périssent-ils? Sous la main du procureur, du banquerou-
tier, du faux-monnayeur.
La plainte est excusable; ce nouveau monde est laid. S'il
est plus légitime que celui qu'il remplace, quel œil, fût-ce
celui de Dante, pourrait le découvrir à cette époque? Il
naît sous les rides du vieux droit ro^nain, de la vieille fis-
calité impériale. Il naît avocat, usurier; il naît gascon,
lombard et juif.
Ce qui irrite le plus contre ce système moderne, contre
la France, son premier représentant, c'est sa contradiction
perpétuelle, sa duplicité d'instinct, l'hypocrisie naïve, si
je puis dirCf avec laquelle il va attestant tour à tour ei
« U t'agit de Charli» de Valois.
• DâDte, Pqrgit.
as PHIUPPB LB BSU
alternant :ses.4euxpriDeipe8, xoaaaiaet.léodal. La France
est filor& un légiste en euiraaae, un.proeitteur bardé denier;
elle emploie la force féodale à exécuter ie&.89nttfneesida
dimt romain' et oanoniflue.
Fille obéissante de rÉgliae, elle .s'emptre ddVilaUest
de r%lise mânie ; si^Ue tant rfgliae, c'est comme as. fille,
iB«yBune .obligée en consdeoce de a>mgBr4a.mèfe.
Le premier acte du peflt^flls de saint Louis avait ét§
d'exclure les prêtres de radministration de la justice, de
leur interdire tout tribunal, non-seulement ^u parlement
du roi et dans «es domaines, mds dans ceux des seigneurs
[f S87). « U a été ordonné par le conseil du seigneur roi,
tjue les ducs, comtes, barons, archevêques et évêques,
àbbés, chapitres, tTolIéges, gentilshommes (niilites), et en
général, tous ceux qui ont en France juridiction tempo-
reUe, instituent des laïques pour baillis, prévôts et oT&ciecs
de justice; qu'ils n'instituent nullement des clercs en ces
fonctions, afin que, s'ils^ manquent (délinquant) en quelque
ehose, leurs supérievrs puissent sévir contre eux. S'il y a
des clercs dans les susdits offices, qu'ils en soient éloignés.
— item, il a été ordonné que tous ceux qui, après le pré-
sent piarlcment, ont ou auront cause en la cour du seigneur
roi, et devant les juges séculiers du royaume, constituent
des procureurs teîques.'Enregistré ce jour, au parlement,
de là Toussàmt, Tan du Seigneur 1 287. ■
Philippe le Bel rendit le parlement tout laïque. Cesi la
première sépatation expresse de Tordre civil et ecclésias-
tique; disons mieux, c'est la fondation de Tordre civil.
Les prêtres ne se résignèrent pas. Il semble qu'ils aient
essayé de forcer le paplement et d'y reprendre leur siège.
Un A1t99, le roi défend « à ThUippe et Jean, portiers du
parlement, de laisser entrer mflly des prélats en la ciiam-
bre sans le consentement des maistres (présidents) ^ »
•
* D. Vaisselle.
BONiPACE vni. 2S
Constitué par l'exclusion de rélément étranger, ce corps
«'organisa (4994)^ par la division du travail, par la t'épar-
tition des fonctions diverses. Les uns durent recevoir les
requêtes et les expédier, les autres eurent la charge des
enquêtes. Les jours de séance furent fixés, les récusations
-déterminées, ainsi qne les fonctions des officiers du roi.
Un grand pas se fit vers la centralisation judiciaire. Le
«parlement de Toulouse fut supprimé, les appels du Lan-
.guedoc forent désormais portés à Paris ^; le^ grandes
affaires devaient se décider avec plus de calme loin de
'Cette lerPQ passionnée, qui portait la trace de tant de révo-
lutions.
Le parlement a rejeté les prêtres. Il «ne tarde pas à agir
•contre eux. £n -4-288, le roi 'défend qu'aucua juif ne so^it
arrête à la réquisition d'un prêtre ou morne, sans qu'on
Hit informé le sénéchal ou bailli du motif de rarrestationv
«C sans qu^onlui ait présenté copie tlu mandat qui Tor-
^denne. Il modère la tyrannie religieuse sous laquelle
gémissait le Midi : il défend au sénéchal de Garcassonnè
-d'emprisonner qui que ce seit sur la seule demande des
inquisiteurs '. Sans doute, ces concessions étaient intéres-
sées. Le juif était chose du -roi ; l'iiérétique son sujet, son
iaillaklêj n'eût pu être rançonné par lui, s'il l'eût été par
l'inquisition. Ne nous informons, pas trop du motif. L'or-
donnance parait honorable à celui qui la signa. On y en-
trevoit la première lueur ée la tolérance et de l'équité
religieuse.
La même année 4291, le roi frappa sur l'Église un coup
plus hardi. Il limita, ralentit cette terrible puissance d'ab-
sorpUonqui,.pcu à peu, eût fait passer toutes les terres du
royaume aux gens de mainmorte. Morte en effet pour ven-
dre ou donner, la main du prêtre, du moine, était ouverte
-et vivante pour recevoir et prendre. 11 porta à trois, quatre
" Ordonoances. — • Ajjp,^ 9,
S4 PHILIPPE LE DEL. .
OU six fois la rente, ce que devait payer l*acquéreur ecclé-
siastique, en' compensation des droits sur mutations que
l'Ëtat perdait. Ainsi toute donation d'immeubles faite aux
églises profita désormais au roi. Le roi, ce nouveau Dieu
du monde civil, entra en partage dans les dons de la piété
avec Jésus-Christ, avec Notre-Dame et les saints.
Voilà pour TËglise. La féodalité, tout armée et guerrière
qu'elle est, n'est pas moins attaquée. D'dle-méme se dégage
le principe qui doit la ruiner. Ce principe est la royauté
comme suzeraineté féodale. Saint Louis dit expressément
dans ses Établissements (liv. II, c. xxvii) : Se aucun se
plaint en la cour le roy de son saignieur de dete que son
saignieur li doie, ou de promesses, ou de convenances
que il li ait fêtes, li sires n'aura mie la cour : car nus sires
ne doit estre juges, ne dire droit en sa propre querelle, se-
lonc droit escrît en Code. Ne quis in sua causa judicet, en
la loi unique qui commence Generali, el rouge, et el
noir, etc. Les Établissements de saint Louis étaient faits
pour les domaines du roi. Beaumanoir, dans la Coutume
de Beauvoisis, dans un livre fait pour les domaines d'un
fils de saint Louis, de Robert de Clermont, ancêtre de la
maison de Bourbon, écrit sous Philippe le Bel que le roi
a droit de faire des établissements, non pour ses domaines
seulement, mais pour tout le royaume. Il faut voir dans le
texte môme avec quelle adresse il présente cette opinion
scandaleuse et paradoxale ^.
Philippe le Hardi avait facilité aux roturiers l'acquisition
des biens féodaux. D enjoignit aux gens de justice « de ne
pas molester les non-nobles qui acquerront des choses
féodales, d Le non-noble, ne pouvant s'acquitter des ser-
vices nobles qui étaient attachés au fief, il fallait le con-
sentement de i(f\jLS les seigneurs médiats, de degré en
degré jusqu'au roi. Philippe III réduisit à trois le nombre
•
* Dcanmanoir.
BONIFACS VlII. 35
des seigneurs médiats dont le consentement était requis.
La tendance de cette législation s'explique aisément
quand on sait quels furent les conseillers des rois aux
xu]« et \iY^ siècles, quand on connaît la classe à laquelle ils
appartenaient.
Le chambellan, le conseiller de Philippe le Hardi, fut le
barbier ou chirurgien de saint Louis, le tourangeau Pierre
la Brosse. Son frère, évéque de Bayeux, partagea sa puis-
sance et aussi sa ruine. La Brosse avait accusé la seconde
femme de Philippe III d'avoir empoisonné un fils du pre-
mier lit. Le parti des seigneurs, à la tête duquel était le
comte d'Artois, soutint que le favori calomniait la reine^
et que de plus il vendait aux Castillans les secrets du
roi. La Brosse décida le roi à interroger une béguine^ ou
mystique de Flandre. Le parti des seigneurs opposa à la
héguin'e les dominicains, généralement ennemis des mys-
tiques. Un dominicain apporta au roi une cassette où Ton
vit ou crut voir des preuves de la trahison de La Brosse.
Son procès fut instruit secrètement. On ne manqua pas de
le trouver coupable. Les chefc du parti de la noblesse, le
comte d'Artois, une foule de seigneurs , voulurent assister
à son exécution.
En tête des conseillers de saint Louis, plaçons Pierre de
Fontaines, l'auteur du Conseil à mon ami, livre en grande
partie traduit des lois romaines. De Fontaines , natif du
Yermandois, en était bailli l'an 1253. Nous le voyons
ensuite parmi les Maistres du parlement de Paris. En cette
qualité, il prononce un jugement en faveur du roi contre
l'abbé de Saint-Benoit sur Loire, puis un autre, et toujours
favorable au roi contre les religieux du bois de Yincennes.
Dans ces jugements , nous le trouvons nommé après le
chancelier de France ^ Il s'intitule chevalier. Ce qui, dès
* Dapay, Différeot de Doniface VIIL
26 PHILIPPE LB ttSL.
cetteépoque/Tïeprcrave pasgratià'chose. Ces gens de rôfte
longue prirent de bonne heure le titre de chevaliers es lois.
Rien nittâiqtte lion pitts ^e IPhiHppe de Beàtltnan^ir,
baHK deStnHs, VMtMr 'de ee jghtaA iWte des CoatQtMèb
de Vermandols, 'aft'été dé bien jgrstntdë noblesse.* La maiscfo
du môme nom est une famille bretonne, et "nom plcaMe,
qui apparaît dans les guerres dés Atigliffs au xm sièèle»
mais qui ne 'fait pas retûo&ter ré^idrèrme&t ^ filiatioYi
plus haut qwe !e* 5cv«.
• Les d^x* frères 'Ifarigni, sî TpiiIssantà'ôotts'lrtilBppe 'te
Bel, s'appéiai^t de leur vrai liôm de famille LeTortiér'^.
Bs étaient' Mormaiids, et achèterez danâ'lèûr pays la Céffd
de Hariigni. Le plus célèbre des deux, chambellan et
trésorier du roi, capitaine de la tôtir du Louvre, est apfpelè
Coaâjutettr et gouverneur dé tout le royaume de France.
«'C'était, idit un conten^porÀfn,' comme un second' roi, et
toat se faisait à sa volonté'^. »'0n Â'èst pas tenté de soup-
çonner ce témoignage d'exagération lorsqù^on sait ((uè
Itarigni mit sa statue au Palais de 'Justice à côté de celle
du roi K
Au non^bre des ministres 'dé Mllppè 'iè 'M, Il Yaût
placer 'defux banquiers IRorémins, Auxquels §ahs doute on
doit rapporter en grande partie les violences fiscales dèce
règn^.'Ceux qui dirigèrent lès grands et cruels procès do
ttiffippe fe'^élftirent le chancelier Pierre Flotte, qui eiit
ffaôïmeur d*dtretué, tout comme un chevalier, à la bataiHô
déGoùrtrai/Il eut pour collègues oU sucéèssèurs, Plasiah
et*ïtegaret. Celui-ci, qui acquit une célébrité si firagîque,
était né à Caraman en Lauraguais. Son aleûl, si Ton efi
croit tes invectives de ses «unemis, avait été brûlé comiuô
hérétique. Nogaret fût d^abord professeur de droit à Moat-
* • Ita Qt secandoB regolos videretar, ad cojas mitom rcgai aegoda
gerebantar. • Bero. Goidonis, VitaClcm. V.
< Fëlibieo.
BOHITACS ^nn. 37
ptSàety \f^'jagb-'mKg& à& Nîmes. La AuniUe Nogsret, d
fière «a Xfi« siède, mus ie nom d'Âpeiaen, n^'élait
pas encore noble en 437S, ai de l'une, ni^ l'aatre li^nie.
Pm.a^9è&'«elfe& expéditim havdie où GaJMiiime Nogaret
aHa mettse :hi .iBaîn sur - ie pafie, il devint «ehaBcelier et
^rde deMeeaux. Pliilîppele^Loarg ré?o(pia>kB'4mi8 ipû
loi «méat été<ulStparMiili|ife le Bel ; mm ilne^fiit pas
mk^éU^fpkéÊPa»]BipnBmpii^aAefM%nff^ iAticraiiit
aass àmàeéà part6r<attrâile è aes aelea jodkiaikaa, qui
ammàdm^munn» MiÉtiLouiSy^AiplMMiae 3L et tFvédérioU,
Aiceni, .'flaHB -le peâk^tts 4e itaiat Louis, ks iyvaAs de k
•Siance^'.Ges * âftanatteri i m^^inMif ces ânes : 4erplomb et de
inr, lea BlaeiaaygJes Megamt, les Mangni, prooédèreniavee
une «JKtfriMeifwideiir dana kr knitatioiiisarale Ai- droit
mmafai et de la iiaoailé jnifériale. Les Fandeetea^ étaient
leor BiUe, ieur Èmuf^.^Sim n&'les troablait'éteipt'ib
poniaient(Vép0ttdfe<àitarfr.aDèdnrit : Aer^Hum. cfeU. Aiee
des textes, des citations , des falslficatianB , ils déaseMnat
Jfroioyenrêga, paatlint, iéadalifté, elieiaime.'ibuaUèrent
kardiateai .^opinrAlifMisr om <iMrp« Jepape;Baaîihee VIU;
ibi>rùifaeBtJa'jcroîiad0eHe«*niéme :diitts:l&pasoime des
£aa jcnMJn ééimliaB€BBs léa-mofan -kgt aont, il' eoàtede
raaatter^ tes^ihndattias de l'/erdre .eîrii au temps «oiar**
nea. îBfroiyaisant fafBsatraHBatioB tnHiiiarchiqî».. Bs jel^
tant dans kapnmneea des bailUs, dea aénédiaux, des pié**'
yùiSf des .pfoaunnn du roi, des mÉlIres et/pastams de
aseanaie. .Les iniâls.aaiit envahies; par: les «enfisitt, ies
gruiers royaux. Tous cesigens^vatitidiicaaer, déeoinager,
détiiiifeies JMÎdictions féodales. An cantie de laetk vaste
toile d- araignée, siège ieeonsaîi des légistes sona le nom de
Parlement (fixé à Paris en 4M2). Là, tant viendra peu à pea
le perdre,, s'amortir sous rautarltéjroyale.Âu besoin, les
28 PHILIPPE LB BBL.
légistes appelleront à eux les bourgeois. Eux-mêmes ne
sont pas autre chose, quoiqu'ils mendient l'anoblissement,
tout en persécutant la noblesse.
Cette création du gouvernement coûtait certainement
fort cher. Nous n'avons pas ici de détails suffisants ; mais
nous savons que les sergents des prévôts, c'est-à-^lire les
exécuteurs, les agents de cette administration si tyranni-
que à sa naissance , avai^it d'abord , le seront à cheval
trois sols parisis, et plus tard six sob ; le sergent à pied
dix-huit deniers, etc. Voilà une armée judiciaire et admi-
nistrative. Tout à l'heure vont venir des troupes mercenai-
res. Philippe de Valois aura à la fois plusieurs milliers
d'arbalétriers génois. D'où tirer les sommes énormes que
tout cela doit coûter? L'industrie n'est pas née encore. Cette
société nouvelle se trouve déjà atteinte du mal dont mourut
la société antique. Elle consomme sans produire. L'indus*
trie et la richesse doivent sortir à la longue de Tordre et de
a sécurité. Mais cet ordre est si coûteux à établir, qu'on
peut douter pendant longtemps s'il n'augmente pas les mi-
sères qu'il devait guérir. *
Une circonstance aggrave infiniment oes maux. Le sei-
gneur du moyen âge payait ses serviteurs en terres , en
produits de la terre ; grands et petits , ils avaient place
à sa table. La solde, c'était le repas du jour. L'imm^ise
machine du gouvernement royal qui substitue son mouve-
ment compliqué aux mille mouvements naturels et simples
du gouvernement féodal ; cette machine, l'argent seul peut
lui donner l'impulsion. Si cet élément vital manque à la
nouvelle royauté, elle va périr, la monardiie se dissoudra,
et toutes les parties retomberont dans l'isolement , dans la
barbarie du gouvernement féodal.
Ce n'est donc pas la faute de ce gouvernement s'il est
avide et affamé. La faim est sa nature, sa nécessité, le fond
même de son tempérament. Pour y satis&ire, il faut qu'il
emploie tour à tour la ruse et la force. Il y a ici en un seul
BONIFACK Yf If . • 29
prince, comme dans le vieux roman, mattre Renard et
mattre Isengrin.
Ce roi, de sa nature, n'aime pas la guerre, il est juste
de le reconnaître ; il préfère tout autre moyen de prendre,
l'achat, Tusure. D'abord, il trafique, il échange, il achète;
le fort peut dépouiller ainsi honnêtement des amis faibles.
Par exemple, dès qu'il désespère de prendre l'Espagne
aTec des bulles du pape, il achète du moins le patrimoine
de la branche cadette d'Aragon, la bonne ville de Mont-
pellier, la seule qui restât au roi Jacques. Le prince,
avisé et bien instruit en lois, ne se fit pas scrupule
d'acquérir ainsi le dernier vêtement de son prodigue ami,
pauvre fils de famille qui vendait son bien pièce à pièce, et
auquel sans doute il crut devoir en êter le maniement en
vertu de la loi romaine : Prodigus et furiosm ^
Au nord, il acquit Valenciennes, qui se donna à lui
(1 293). Et sans doute il y eut encore de l'argent en cela.
Valenciennes l'approchait de la riche Flandre, si bonne à
prendre, et comme riche, et comme alliée des Anglais.
Du cAté de la France anglaise, il avait acheté au nécessi-
teux £douard I«' le Quercy, terre médiocre, sèche et mon*
tagneuse, mais d'où l'on descend en Guyenne. Edouard
était alors empêtré dans les guerres de Galles et d'Ecosse,
où il ne gagnait que de la gloire. C'eût été beaucoup, il
est vrai, de fonder l'unité britannique, de se fermer dans
l'He. Edouard y fit d'héroïques efforts, et commit aussi
d'incroyables barbaries. Mais il eut beau briser les harpes
de Galles, tueries bardes, il eut beau faire périr le roi
David du supplice des traîtres, et transporter à West-
minster le palladium de l'Ecosse, la fameuse pierre de
t Bfontpellier était en même temps un fief de Tëvêché de Maguelono.
L*éTèqiie, faligoé de la résistance des bonrgeois et de Tappui qu'ils
tronyaient dans le roi de France, vendit tous ses droits à ce dernier.
Ces droits, jusque -là jugés invalides, parurent assez bons pour servir à
dépouiller le vi«ux Jacques.
30 PpttlPFSi 14 BiL.
Scosd» il ne put rien fiair ni daas l'Ile m sur le contiaaou-
Chaque fois qu'il regardait vers la France et vculati y
passer^ il ffppireiuût quelque naravaiee nouvelle da Barder
éooesaia am defrMercliee de Galles» quelqMk wweeU'touK
de Leolyn ou de WaUaee. Wallaee.était eBeûuragé<-pav
Philippe le. Bel« le chef héroïque des clans par le roH^o^
cureur* CeluJHci n'avait que,faiffe de bouger. D lui suftisaît
de relancer Edouard par sea limiers d*£co6se: Uie laiasai4
volontiers s'immortaliser dans lesdésects de GaUes et de
Northumberland» procédait oonUe lui à son aise, ,et. le
condamnait par défaut*
Ainsi, quand il le vit oooupé à conteBir l'ËcofiSe sous.
Baillol, il le somma de répondre des pirateries da ses
Gascons sur nos Normands. Il ajournace roU ce .conqué-
rant, à venir s'expliquer par-devant ce qu'il appelait le
tribunal des pairs. Il le menaça, puis il l'amusa, lui ofiirit
une princesse de France, pour prix d*ane soumisaîaQ
fictive, d'une simple saisie, qui arrangerait tout. L'arran^
gement fut que l'Anglais ouvrit sea places, que. Philippe
les garda, et retira ses offres. Cette grande^ i^xmace» . ce
royaume de Guyenne, fut escamoté.
Edouard cria en vaia. IL demanda et obtint contre
Philippe l'alliance duroi des ftomaina, Adolpbe daNasscu^
celle des duos de Bretagne et da Brabantf des comtes de .
Flandre, de Bar et de Gueldrea. U écrivit humblement 4..
ses sujets de Guienne» leur demandant pardon d'avoir :
consenli à, la susie ^. Mais, trop, occupé en £coase, il ne
vint pfisJui-tmâmeienGuienne» etsoapartin'éprouvaque.
des revers. Philippe eut pour luile:ppp0. (Boni&ce VIII) ,
qui. lui devait la tiare, et tfdU' pouc lui donner un alUé,
délia le roi d'Ecosse des serments qu'il avait prêtés au roi
d'Angleterre. Enfin, il fit si bien, que les Flamands^
mécontents de leur comte, l'appelèrent à leur secoura.
« App,, 10.
i
PQm;)5ou4enu:fla.gy^rre,lei^ deux rois eoinptavaPt.siijr;Uk.
FJs^dj;^.^ liftrgfaase Fl^dre. étajlt U teiitatioa jmtujcelle d&t
ces gouvernements voraces. Tout ce monde dç.b^ons, doi
chev8V^rSj^qu0..jQS jToi^. de frimce sevraient de cxoîsad^s
et de. gixerr^s pflyées». la Flandre était leur rôve, bur
poéskt» l^ui! J^salem* Tous étaient prêts à faire uxl joyeui^ .
-pèlemf^ aux n^agaaixis de Flandre, aux épîoes d&
^uges, aujK fines toiles, d'ïiv'esp aux tapisseries d'Arras. .
U sexAble que Dieu ait fait .cette bonne Flandre» (|u'il ;
Tait platée entre tous pour être mangée des uus ou des-
aMtr.es. Â,vaut.que l'Angleterre fut cette chQ^ colossale.
que nousi voyons» la Flaudre était une Angleti^Fre» mais de
combien déj^ ioféneupe et plus incomplète I Drapiers sans
laine, soldats^ sans cavalejrie» commerçants sans marine.
E) aujourd'hui, ,ces trois. choses, bestiaux, chevaux, ma-
rine, c'e§t| justement le n^rf de TÀngleterre; c'est la ma-
tière,,le yéhipule,. la défense de son industrie.
Ce a'est pas tout. Ce nom, les Flandres, n'exprime pas
un peuple, mais une réunion de plusieurs pays fort
4iyers,,uu^ QoUçctiQP; de tribus et de villes. Rien n'est
ipoiua ho]x^p.g^4PvSaus parler de la différence de race et
4e U9g}^., il y a.tojuijpurs eu haiue de ville à ville, haine
eptirp, les. villes et 1^ , campagnes, haine de classes, haine
4e:ip^tiçrs,i,hainQ entf;e le souverain et le peuple ^. Dans
un pays oii la/en)PKB béritait.et transférait la souveraineté,
le souverain -était, .souvent un nugri étranger. La sensualité
flainand^, la matérialité de ce peuple de chair, apparaît .
dans la précoce indulgence de la Coutume de Flandre
pour la femme et pour le bâtard '. La femme flamande
amena ainsi par mariage des maîtres de toute nation, un
Danois, un Alsacien ; puis un voisin du Hainaut, puis un
prince de Portugal, puis des Français de diverses bran-
ches : Dampierre (Bourbon), Louis de Mâle (Capet),
* • Qaîs Flindri» posiet noeere, si dus illa ciyitatet (Bruges al
GaiJ) concordes iuter se forent. » Meyer. — * App,, il.
32 PHILIPPE LB BEL.
Philippe le âar(K (Valois); enfin Autriche, fispagne,
Autriche encore. Voici maintenant la Flandre sous un
Saxon (Cobourg).
La Flandre se plaignait dû comte français, Gui Dam-
pierre. Philippe s'offrît comme protecteur aux Flamands.
Gui s'adressa aux Anglais, et voulut donner sa fille Philippa
au fils d'Edouard. Ce mariage contre le roi de France ne
pouvait, selon la loi féodale, se faire sans l'assentiment du
roi de France, suzerain de Gui Dampierre. Philippe cepen-
dant ne réclama pas ; il déclara hypocritement qu'étant
parrain de la jeune fille, il ne pouvait lui laisser passer le
détroit sans l'embrasser* . Kefuser, c'était déclarer la guerre,
et trop tôt. Venir, c'était risquer de rester à Paris. Gui
vint en effet et resta. Le père et la fille furent retenus à la
tour du Louvre. Philippe enleva à Edouard son allié et sa
femme, comme il avait fait de la Guienne. Le comte
s'échappa, il est vrai, dans la suite. La jeune fille mourut,
au grand' donimage de Philippe, qui avait intérêt à garder
un tel otage et qu'on accusa de sa mort.
Éilouard croyait avoir ameuté tout le monde contre son
déloyal ennemi. L'empereur Adolphe de Nassau, pauvre
petit prince, malgré son titre, eût volontiers guerroyé aux
gages d'Edouard, comme autrefois Othon de Brunswick
pour Jean, comme plus tard Maximilien pour Henri VIII à
cent écus par jour. Les comtes de Savoie, d'Auxerre,
Montbéliard, Neufchâtel, ceux du Hainaut et de Gueldres,
le duc de Brabant, les évoques de Liège et d'Utrecht, l'ar-
chevêque de Cologne, tous promettaient d'attaquer Phi-
lippe, tous recevaient l'argent anglais, et tous restèrent
tranquilles, excepté le comte de Bar. Édouaixi les payait
pour agir, Philippe pour se reposer.
La guerre se faisait ainsi sans bruit ni bataille. C'était
une lutte de corruption, une bataille d'argent, à qui serait
1 Oudeghcrat. -
bonifàce yiii. 33
le premier ruiné. Il fallait donner aux amis, donner aux
ennemis. Faibles et misérables étaient les ressources des
rois d'alors pour suffire à de telles dépenses. Edouard et
Pbilippe chassèrent, il est vrai, les juifs, en gardant leurs
biens ^. Mais le juif est glissant, il ne se laisse pas prendre.
n écoulait de France, et trouvait moyen d'emporter. Le
rôi de France, qui avait des banquiers italiens pour mi-
nistres, s'avisa, sans doute par leur conseil, de rançonner
les Italiens, les Lombards, qui exploitaient la France, et
qui étaient comme une variété de Tespèce juive. Puis,
pour atteindre plus sûrement encore tout ce qui achetait et
vendait, le roi essaya pour la première fois^de ce triste
moyen si employé dans le xiv® siècle, Faltération de la
monnaie. C'était un impôt facile et tacite, une banqueroute
secrète au moins dans lés premiers moments. Mais bientôt
tous en profitaient; chacun payait ses dettes en monnaie
faible. Le roi y gagnait moins que la foule des débiteurs
sans foi. Enfin, Ton eut recours à un moyen plus direct,
l'impôt universel de la maitôte *.
Ce vilain nom, trouvé par le peuple, fut accepté hardi-
ment du roi même. C'était lin dernier moyen, une inveti-
Uon par laquelle, s'il restait encore quelque substance,
quelque peu à sucer dans la moelle du peuple, on y pouvait
atteindre. Mais on eut beau presser et tordre. Le patient
était si sec, que la nouvelle machine n'en put exprimer
presque rien. Le roi d'Angleterre ne tirait rien des siens
non plus. Sa détresse le désespérait; dans l'un de ses par-
lements, on le vit plcuirer.
Entre ce roi affamé et ce peuple étique, il y avait pour-
tant quelqu'uo de riche. Ce quelqu'un, c'était l'Église.
Archevêques et évoques, chanoines et moines, moines
anciens de Saint-Benoit, moines nouveaux, dits Men-
diants, tous étaient riches et luttaient d'opulence*. Tout ce
< Édoaard, en ii99, Philippe, en lt9(X
* GttilUnme do Nangis.
lu. 3
3i PBlilPPS hM WL.
9
monde tonsuré croissaU des bénédiction» dn ^1 ^idela
graisse de la terre« Celait un.petit peupla .Amt^ux» «jbèse
et reluisant, au milieu du grand peuplie afiamé. qfà oom-
mençait à le regarder dd travers.
Les évoques allemands étaient des prinoaa, et lewent
des armées. L'JËglise. d'Angleterre posaédait» dyit-on, la
moitié des terres de l'jlle. Elle aiHùt,. en \ 337^ . sepfc cent
trente mille marcs de revenus. Aujousd'bui» il est vmî,
Tarchevôque de Cantorbery ne reçoit pftr $n que doune
cent mille francs, et qelui d'York huit cent mille. Loraque
la Restauration préparait Texpédition d'Espagne, en 4823,
i*on apprit que Tarcbevéque de Tolède faisait distribuer
chaque jour k la porte de ses fermes et de ses pakûs dix
mille soupes, et celui de Séville six mille ^.
La confiscation de r£gtise fut la pensée des roia drqyaîs
le xiii® siècle, la cause prinoq>ide de leurs' luttes contie
les papes; toute la différence, c'est que les prètestanls
prirent, et que les catholiques se firent donner. Henri Vlil
employa le schisme, Franijoîs !« le Concordat
Qui donc, au xiv« siècle, du roi ou de r£glias, devait
désormais exploiter la Franco? Idle était la question. Déjà,
lorsque Philippe mit sur le peuple le terrible impôt de bi
maltôte, lorsqu'il altéra les monnaies, lorsquil dépouilla
les Lombards, sijyets ou banquiers du Saint-Siège, il frap-
pait Rome directement ou indireolenefit, il la ruinait, il
lui coupait les vivres h
^ l'aurais peine à croire ce chiffre, B%tièvftiiM aSIrmé en ma pré-
sence par le ministre même qui avait /ait prendre ces iuformalione. ^
Aioitont que fan des eonrents récemment sapprimës & Madrid (San
Salvador), avait deai BÎtlÎMis de biens ei an seni reMs^vt^
* Edouard I« s'y était pris plus rudement encore; sur le ref «a <la
eUtfgé de payer un impôt, il le mit en quelque aorte hors la loi, lâchant
Jes aoldals conm les |>rélree, -et Refendent aux juges de reeeroir tes
plaintes dtf ceux-ci (Kn3rgiW>n)« — Miiliweie Bel» «a veina, jneitait
des formes : « Gomme ce qui est donné vaut mieux et est plus agréable
k Dieu et aux hommes que ce qoi esl exigé, nougeftborWns voife cJiariUt
è nous donner cet aide de la double dlme on cloquitea. ».
BOMFACB Ylîl/ 35
■ • •
• Bonifiice asa enfin de représailles, lîn 1296, dans sa
bulle Clerkis taicos, H déclare excpmmunié& de fait tout
prêtre qui payera, tout laïque qui exigera $ub\'Bntîon,
prêt ou don, sans Tautorisation du Saint-Sîégé; et cela,
sans qu'aucun rang, aucun privilège puisse les excepter.
11 annulait ainsi un privilège important de nos rois, qui,
tout excommuniés qu'ils étaient comme rois^ pouvaient
toujours, dans leur chapelle et portes closes, entendre la
messe et communier.
Au même, moment, sous prétexte de la guerre d'An-
gleterre, Philippe défendait d'exporter du royaume or,
argent, armes, etc. C'était frapper Rome bien plus que
l'Angleterre. '
Rien de plus mystiquement hautain, de plus paternelle-
ment hostile que la bulle en réponse : « Dans la douceur
d'un ineffable amour (Ineffabilis amoris dulcedine sponso
îuo), l*Églîse, unie au Christ, son époux, en a reçu les
dons, les grâces les plus amples, spécialement le don de
liberté. H a voulu que l'adorable épouse régnât, comme
mère, sur les peuples fidèles. Qui donc ne redoutera de
l'offenser, de la provoquer? Qui ne sentira qu'il offense
répoux dans l'épouse? Qui osera porter atteinte aux
libertés ecclésiastiques,' contre son Dieu et son Seigneur?
Sous quel bouclier se cachcra-t-il, pour que le marteau
de la puissance d'en haut ne le réduise en poudre et en
cendre?... 0 mon fils, ne détourne point Toreille delà
▼oix paternelle, etc. »
Il engage ensuite le roi à bien examiner sa situation :
c Tu n'as point considéré avec prudence les régions et les
royaumes qui entourent le tien, les volontés de* ceux qui
les gouveruent, ni peut-être les sentiments de tes sujets
dans les diverses parties de tes Ëtats. Lève les yeux autour
de toi, et regarde, et réfléchis. Songe que les royaumes
des Romains, des Anglais, de l'Espagne, t'entourent de
toutes parts; songe à leur puissance, à la bravoure, à la
36 PH1UPP£ LE BEL.
multitude de leurs habitants, et tu reconnaîtras aisément
que ce n'était pas le temps, que ce n'était pas le Jour
d'attaquer, d'ofTenser et nous et l'Église par de telles
piqûres... Juge toi-même quelles ont dû être les pensées
du siège apostolique, lorsque dans ces jours même où
nous étions occupés de l'examen et de la discussion des
miracles qu'on attribue à l'invocation de ton aïeul de
glorieuse mémoire, tu nous as envoyé de tels dons qui
provoquent la colère de Dieu, et méritent, je ne dis pas
seulement notre indignation, mais celle de l'Église elle-
même...
a Dans quel temps tes ancêtres et toi-même avez-vous
eu recours à ce siège, sans que votre pétition fût écoutée?
Et si une grave nécessité menaçait de nouveau ton
royaume, non-seulement le Saint-Siège t'accorderait les
subventions des prélats et des personnes ecclésiastiques ;
mais, si le cas l'exigeait, il étendrait ses mains jusqu'aux
calices, aux croix et aux vases sacrés, plutôt que de ne
pas défendre efficacement un tel royaume, qui est si cher
au Saint-Siège, et qui lui a été si longtemps dévoué....
Nous exhortons donc ta Sérénité royale, la prions et l'en-
gageons à recevoir avec respect les médicaments que
t'offre une main paternelle, à acquiescer à des avis salu-
taires pour toi et pour ton royaume, à corriger tes
erreurs, et à ne point laisser séduire ton àme par une
fausse contagion. Conserve notre bienveillance et celle du
Saint-Siège, conserve notre bonne renommée parmi les
hommes, et ne nous force point à recourir à d'autres
remèdes, à des remèdes inusités, lors même que la justice
. nous y forcerait, nous en ferait un devoir, nous ne les
emploierions qu'à regret et malgré nous ^. »
Ces graves paroles, mêlées de douceur et de menaces,
devaient faire impression. Aucun pontife n'avait été jus-
* Dupuy, Diffcr.
BONIPACE VIIT. 37
qae<-)à plus partial pour nos rois que Boniface. La maison
de France Tavait fait pape, il est vrai ; mais, en retour, il
la fiiisait reine, autant qu'il était en lui. Il avait appelé en
Italie Charles de Valois, et, en attendant Fempire latin de
Constantinople, il l'avait créé comte de Romagne, capi-
taine du patrimoine de saint Pierre, seigneur de la Marche
d'Ancône. Il obtint aux princes français le trône de
Hongrie ; il fit ce qu'il put pour leur procurer le trône
impérial et celui de Castiile. En 4298, pris pour arbitre
entre les rois de France et d'Angleterre, il essaya de les
rapprocher par des mariages, et, par une sentence provi-
soire, fl ajourna les restitutions que Philippe devait à
TAnglais.
La papauté, toute vieillie qu'elle était déjà apparaissait
encore comme l'arbitre du monde. Boniface Vin avait été
appelé à juger entre la France et l'Angleterre, entre
l'Angleterre et l'Ecosse, entre Naples et l'Aragon, entre
les empereurs Adolphe de Nassau et Albert d'Autriche.
N'y avait*-il pas lieu pour le pape de se faire illusion sur
ses forces réelles?
L'infatoation fut au comble, lorsqu'en l'an 4300, Boni-
face promit rémission des pécnés à tous ceux qui vien-
draient visiter pendant trente jours les églises des Saints-
Apôtres. Ce Jubilé rappelait tout à la fois celui des Juifs
et les fêtes séculaires de Rome païenne. On sait que le
Jubilé mosirïque, revenant tous les cinquante ans, devait
rendre la liberté aux esclaves, les terres aliénées à leur
premier possesseur ; il devait annuler l'histoire, défaire le
temps, pour ainsi dire, au nom du seul Ëternel. La vieille
Home, dans un tout autre point de vue, emprunta des
Étrusques la doctrine des Ages ^ ; mais ce ne fut point
pour y reconnaître la mobilité de ce monde, la mortalité
des empires. Rome se croyait Dieu, elle se jugeait immor-
* Vojr. mon Histoire romaine.
^ PHItIBPK U WL.
telle comwe iavinoible, et, ^u FeUw. de ^h^qjua -sièûie^
^oleonisait son éternité. ,
En Tan iSÛO, la fgî était grande eneore. i^ foule. fMt
prodigieuse à Romei^. On compta 4e$i pèkarina par eent
mille» et bientôt il if y eut plus mojfen de com|^r. Ni lee •
maisapB, ni Ie& églises ne suffirent à les rooevoir ; ils cais^
pèrent par les rues et les places, sous des abris caastruîts
à la h&tej sous des toiles, sous des tentas et sotis la voûIa
du ciel. On eiU dit que, les lemp^ étanti acc^iinplia, la
chrétienté v^ait pa^r-devant son juge dans la vaUiée.4e
J.osapbat
Pour se représenter Teffet de ce (f odigieud ^pectacle^ il
faut encore voir Rome; toute déchue qu'eÛe est, il faut la
voir pendant les fêtes de Pâques. Qln oublierait presque
que c'est bien là la triste Rome, la veuve dç. deux aotl-
4
quités.
. Quel (iu*aît été le nwtif de Boniface YHI, fiscal ou ponr-^
tique y ie no lui en veux pas p^ur cette invention du luhilé»
Des milliers d'hommes feu on(, j'en suis sû^i< remercié
du cœur. C'était mettre une pierre sur la route du t^nfps^
placer un point d'arrêt 4^f s sa vie« mi^à les refais 4^
passé et les espérènces d'un meiJUIeujCrd'm^ moins regret*
table aveûir ; c'était s'arrêter en montant cetta rude peote^
souffler un peu & midi, Ncl mezso cammMi di noura viio..
Ces âges candides croyaient qu'on pouvait fuir le ma},
en changeant de lieu> voyager 4u péché à la saintelép,
laisser le diable avec l'habit qu'on dépose jpoiiur prendra
celui du pèlerin. N'est-ce dooc pas. quelque cl}X)S6 d'é**
chapper à Tiniluence des lieux* des habitudes,, de se dé-
payser, de s'orienter k une vie r^ouvelle? Ji'x a-t-il pas»
une mauvaise puissance d'iiifatuatiou et d'aveuglement
dans ces lieux oii.le cœur s^ psead» que ce soit les Char-
mettes de Jean-Jacques, ou la pinada de Byji^n^ pu ce lac ,
* Au point qu*il y eul famine. Voyez le livre la cardinal de Saint-
George, neveu de Boniface : De Jubilœo,. . . *
d'Aix-I« Chapelle dont, selon k tniditioB, C6arieQ9ftgne. .
fut ensorcelé?
Ne nous étoniKniH pas si nos aievx aimèrent tt&i les .
pèlerinages, s*Hs attribuèrent à la risite des lomtaiDS-
aanctuaires vùne vertu de régénération. « Le vieiUard, tout
blahe et chemi, se sépare des lieux où il a feumi sa car-
rfère, et de sa femîBe alarmée qui se voit pfivée d^on père ;
chéri. — TIeîix, faible^ et saQs baleino, il se traîne eonome
il petit, s'aidant de bon vouloir, tout rompu (pi!il esl par
les ans, par la feligue du ohemii». -^ Il vient k Roiae poiif
y voir fat serabkineeée CeM qme^ lè^baut encore^ il eqpàra ^
bien revmr au ciel t . . . »
Mais il en est quin'arriveM'pas, qui restent en chemin. .«
La pfbpart de nos lecteurs se rappellent ici ce petit tabèeau •
de Robert, la pèlerine ronMiine assise dana la campagne,
aride ; elle ne voit ni ses pieds ensanglmtés^ ni son nour^ .
risson sur ses genoux, altéré et haletant, pourvu 'Cpi'eUe .
atteigne la colline bénie qui phne au loin à rtmaeisoD :
Monte ai giofa!...
Et quand Ib but du voyage, citait Romet quand an.
renouvellement du atècle, au moment solennel où sonnait
une heure de la vie -du monde, on atteignait la gruMle
ville, et que ces monuments, ces viettx tombeaux, jusque*
là seuiemenioiA et oétébrès. On lea voyak, on les tou- '
ckalt ; alors, se rettouvant, eomteoqiorain de toi» les
siècles, et des eeinsuis et des mastyis, ayant de station en
station, du Ckiliséc^au Capitale et du Panthéon à Sninl**
Pierre^ revécu toute Thistoire, ayant vu toute mort et
mine, on s'en aHail^ on ae teraettait en marché vevs ia
patrie, vcm te tombées natal, mais at ec moiqs de regiel^
etd'avance tool oeosôlé de mourir.
L'Église, comme ce^ milliers d^hommes qui venaient k
viaUer, trGfuva dans ce Jubilé de Tan I3(M) le point culmhH.
t Pëlrarqne*
1^
Daat de sa vie htsloriqtte. L> dcsceole coauaeata dès Ion.
Dans cette foule mérae se troanieiu les bommes redont*-
Ues ifoi aiLàûnt (Nmir ■■ nonde Boineaa. Les ■■>, froids
et impitonUes poikiqaes, eoime l'historié» ieaa MDhh;
les Ultras. cha^nOï et saperbes, cofBBe Dmle, ^ai, lui Uttsi.
' aHait se Mie son Jubtie. Le pape anit apfieie â Borne toos
Im TinBls; le poète caotoqua daas a comrtlie loos les
Borts; a fil b reme doiaoïkle fiai, lecbso, lejo^ea. Le
more* A^. eoaune Taatiqiiiié, compaiol devant faû. Kiea
Me hâ ta caché. Le mot d» saoctoaire fut dit et prolaiié-
Lescean fut exUeré, bcûê : ott ae l'a |ks retiomë ■**)—■■
Le Bi<:iyen i^ avait véea ; b vie est on mptèie, qa périt
brsqailacbêiedeseréveter. La révélation, ce fia bDÎiiaa
CiMiuBedîa. b cathédrale de G>l'>^ne , les pcinfti àm
Cimp«-âaA!o de F^. L'art viest ainsi lernÙBer, fienaer
■■e ctviliâatioo, b courofiaer, b oiiettre j
VdccwoDs pas le pape, à cet octty«;aaîi«. vîed avocat.
et aourri dm^ les ru^*-» «t k^ plte pruMlqnes inirignes ', se
bésa ^iç^ft hn-iBènae à b (uandew. à b poesiif de ee
BbKneot. oa i vit k ^ore hoauui réoni à locK et à gKftiKK
devant lui... & est d'iiiearssnesombn* [iii'iiii) de ver-
Lzv d;ias cette vile Ciai^>ftie. Les sodveraiaï de Ki>aie. ses
E:!:ç<Teur>. ont para swmait oMDOfee juos. Ek nèfoe an
UT* >iM-b<>. Ctki KicBÀ. fe Uî d'oB» bbadiùsiease. dew—
tribun dtf K'j4U'e. »e bMrttjit-tl pB suA epee vers les trois
paraes <i« çi<.>ce. <■ duiaoc ; ■ Ceci «t cvo, ceb eacote.
est àmx. »
À ptiK &.'ite nisiKi . k ptip» se crorail-il b Bditr* As
nuBle. LiwNiutf AJ>en d'Aatrk.-fe se ù Empvxear p« b
mi'rt r V !.. ; n<: if Nassm. Bnuôa.-?. inoi^œ. nut b cd*-
pjBOtr sir SI te-,', saisit «n»^ epe«. et s'evria : ■ Cest aui
■{ù suis C-sar. e^it miHipttnèilEBipefmr. cest oui ^
k
BONIFACB TIU. il
défendrai les droits ie TEmpire. » Au~ Jubilé de 4S00, il
parut, an milieu de cette multitude de toute nation, avec
les insignes impériaux ; il fit porter devant lui Tépée et le
sceptre sur la boule du monde, et un béraut allait criant :
c II y a ici deux épées ; Pierre, tu vois ici toh successeur ;
et vous, ^ Christ t regardez votre vicaire. » Il expliquait
unsi les deux épées qui se trouvèrent dans le lieu4>ù J^us-
Christ fit la Cène avec ses apôtres.
Cette outrecuidance pontificale devait perpétuer la guerre
des deux puissances ecclésiastique et civile. La lutte, qui
semblait finie avec la maison de Souabe, est reprise par
celle de France. Guerre d'idées, non de personnes, de né«
cessité, non de volonté. Le pieux Louis IX la commence,
le sacrilège Philippe IV la continue.
« Reconnaître deux puissances et deux principes, dit
Boniface dans sa bulle Unam sanetam^ c'est être hérétique
et manichéen... » Mais le monde du moyen &ge est mani-
chéen, il mourra tel ; toujours il sentira en lui la lutte des
deux principes. — Que cherches-tu ? — la paix. C'est le
mot du monde. L'homme est 'double ; il y a en lui le Pape
et l'Empereur •.
La paix ! Elle est dans l'harmonie, sans doute ; mais,
d'&ge en âge, on l'a cherchée dans runité. Dès le n* siècle,
saint Irénée écrit contre les Gnostiques son Kvre : De
l'unité du principe du monde : De Monarehid, C'est encore
le titre du Dante : De Monarehid, De l'unité du monde
social ^.
Le livre de Dante est bizarre. Sa formule, c*est la paix,
comme condition du développement, la paix sous tfn mo-
narque unique. Ce monarque, possédant tout, ne peut rien
désirer, et partant, il est impeccable. Ce qui fait le mal,
c'est là concupiscence ; où il n'y a plus de limite, que dé*
sirer? quelle concupiscence peut naître '? tel est le rai-
« An-P *3. — » App., 14. —» App., 15.
s
4^ h PHiMPr^ f.% 9m.H
sopn6fniiept de* DiRto. Reste à prouver que cet id^al
êtr^ réei, que oa réel est le peuple ronmin ^ ; qu'enfioi le
peuple romaÂa a iranamU sa souvetaiaeté à l'empereur .
Ce livre est oo^ beUe épitaplie gibeUne pour rfimpira
allemand : TUmpire en 4300, ce n'est plus^fiXGhiâivemeBt-
TAilemagne ; c'est désormais toul empire, toute royauté ;
c'est le pouvoir civil en tout pays» surtout en France. Les
doux adversiaîres sont maintenant TËgUse et le fils; aine de
rBgUse, De$ deux côtés, prétentions sans bornes; deux .
infinis en £aoe. Le roi, s'il n'est pas le roi seul, est dumoina
le4>lus grand roi du monde; le pins révéré encore, depuis
saint Louise fils aîné de l'Kglise, il veut être plus âgé que
sa mère : « Avant qu'il n'y eut des clercs , dit-il» le roi
avait en garda le royaume de France *.. »
La quenelle s'était déjà émue à l'occasion dés biens
d'église; mais il y avait d'autres motifsii'isritatipn.Buiuface
avait décidé entre Philippe et Edouard, non comme ami et
personne i^ivée » mais oonmie pape. Le comte d^Artois,
indigné 4^ la partiaité du pontife pour les Flamands , ar-
racha la bulle au légat et la jeta au feu. En ceprésailles*
Boni&ee lavorisaÀlbert d'Autriche contre Charles de Valois,
qui prétendait à la couronne impériale. De son côté ^ Phi*
lippe ïoii la main sur las régates de Laon, de Poitiers et de
Reims» Il accueillait les ennemis de Boniface, les Colonoa,
ces rud^ Gibelins^ ces nhef de brigands romaina contre las .
papes.
Vexptosioo^ut li^ au. sujet d'un bien mai acquis, que
depuis UiU sièd^ se disputaient le pape et le roi. Je parle
de cette sanglante dépouiUe du Languedoc. Boni£ace YIU
* II Fe prooTe : 1* par l'origine de nomolns, 4eâc6Ddftnt loiit à U Ms
d'Rurope M d'àllts (1* Afrique) ; 9' par Usairaclet qiM Ueo « lui ta çùm
Roiœ i «l»i iSi fDcilU de Nuq^, h& owa du Capitoldi •^•; S* par U
bonté que Rome a montrée au monde, en voulant bien la conquérir, etc.
* « Antequam essent clerici. rex Frincia habebat costodiam regni*
sui, et polcrat statttta facere. % . : ./•-•.. '
fêf^tjpmrinj^Qomi Ut L'iiommaga de Ndifbofimii vendu
diff^atieipneBt «u coi ym le vîcqaitâ, était viveoieAi nMâmà
|MU*;i*aMdbtevéfiie .(4300).:L'aiicheyèc|^ e&t YOùki s'ar^
]|gn|{0r. Le iM^e k meflaça d'«absominuiiiftatfoai> s'il trai^
igii Mfis la immisaîQnidtt &iinl-^Siég6. U/dH^ kt^om^
YhommB^ dumà^Uf de plus, lœaaoa FhilippQ, b^Um fie»
déûUèi dtt comté de lle)giMil,'dentra«» efictore diipiniilr
kÎ9Dl régiise dû MagueioDe. .
Canlesl pat tQui : Jeipepo.aTâk, maigre MiHîppe» «ré^>
dans ee •4a»goMi& Lansûêdimp À la .parle fAi oMite>dr
Foix et du roi d'Aragon, un nouvel évéché pria mt lai
diêeèad de* ToukNiaa, L'évéebé Ae Eatoiersi Û avait fait
éièqoe>i|ii hcHunieià lait Bernard deSaiaeet« CoJCut jusie-
meoÉ ee Sakaaii i}Uli eiïv.aja aa roi pour kù jraptpelûr .«a^:
pFaflaifieae.4!aMar à la croisade, el la sommer de maHre
QDiiberlé Je<iefflte de.flaa4iiP etaa fiUeu Oe feallea paroiea
ne SB dkifieal paa tnapiaénieiit i PhUippe le fiek
Ca SaîftaÊl., .qui parlail ai bardÀiamt, > était deyà dâ^igné
fHi 9Wy par Vév4<ma de Toulouee,. eomme raiAteur d'aa
va0tfreoâiplot..4«î eA&eatei^é tonale. Midi aax. f rangaia.
Saieaei appaatenaii àla iwiiU» dea . aocâeoa viaafnieada
TaMkiasa« JL élail. Vaâii 4a .tous lea homaMa éialaiigum^ 4a
taiièB k ADhlaaia jpmieipaleiide eette gaande cité» li r^ait
la fondatiqa idioa oroyaiiaie 4e Lugnedoc an profil da
comte de Foix, ou da aoMta -de Qiaaniiigea, qili daaeeiH
daii deaJUMMait da JcndotM; liait Hg/séktm de fears
Caa taaada.aatgfttwmida MM» a'avaiaaft ni lea forcaa» ai .
IVwoiir du ,paifl^ aï Ja> Imiteiar d&jioiMaga» iftt'uoe.teUe :
eatteprise aîbt. deaaiiidâs. j^a eoiato de Coaimiagei sa;
sîgaa, ea aniaadaot 4as. paopofiitiDiia si bar^ieft- v « Ce .
Saîsiei est vm ftUti^t diinil^ plutôt ^*ua boam^ ^ » :
* • l5(o non Ml homo, sed diiMa^L .• iim»i§n^%^ du comU lui-uàkina.
44 PHIUPPS LB BBL.
Le comte de f oix joua un rôle plus odieux. Il reçut les
confidences de Saisset, pour les transmettre au roi par
f évéque de Toulouse ^. On sut par lui que Saiaset -se
chargeait de demander pour le fils du comte de Foix la
fille du roi d'Aragon, qui, disait*il, était son uni. Il avait
dit encore : « Les Français ne feront jamais de bien, mais
plutôt du mal au pays. » U ne voulait pas tenâiner avec
le comte de Foix les démêlés de son érvéché, à moins que
ce seigneur ne s'arrangeât avec les comtes d'Armagnac
et de Gomminges, et ne réunit ainsi tout le pays sous son
influence*
On attribuait à Saisset des mots piquants contre le roi :
« Votre roi de France, disait-il, est un faux-monnayeur.
Son argent n'est que de l'ordure. . . Ce Philippe le Bel n'est
ni un homme, ni même une bête; c'est une image, et rien
de plus... Les oiseaux, dit la fable, se donnèrent pour roi
le ducy grand et bel oiseau, il est vrai, maie le plus vil de
tous. La pie vint un jour se plaindre au roi de l'épervier,
et le roi ne répondit rien (fusi quod fievit). Voilii votre
roi de France ; c'est le phis bel homme qu'on puisse voir,
mais il ne sait que regarder les gens... Le monde est
aujourd'hui comme mort et détruit, à cause de la malice
de cette cour... Mais saint Louis m'a dit plus d'une fins
que la royauté de France périrait en celui qui est le
dixième roi, à partir d'Hugues Capet. »
Deux commissaires de Philippe, un laïque et un prêtre,
étant venus en Languedoc pour instrumenter contre
Saisset, il comprit son danger et voulut se sauver à Home.
Les hommes du roi ne lui en laissèrent pas le temps. Ils
le prirent de nuit, dans son lit, et l'enlevèient à Paris,
avec ses serviteurs, qui ftirent mis à la torture. Cependant
le roi envoyait au pape, non pour se justifier d'avoir violé
Cet évêqae de Toulouse éuU détesté dans son diocèse eomme fVnn-
çais, comme étranger à la langue do pays. *
BONIFACB TQI. 15
les privilèges de TÉglise, mais pour demander la dégrada-
lon de l'évéque, avant de le mettre à mort. La lettre da
roi respire une étrange soif de sang : t Le roi requiert le
souverain* pontiié d'appliquer tel remède, d'exercer le dft
de son offiee, de telle sorte que cet homme de mort (dictus
vir mortis), dont la vie souille même le lieu qu'il habite,
il le prive de tout ordre, le dépouille de tout privilège clé-
rical, et que le seigneur roi puisse, de ce traître à
Dieu et aux hommes, de cet homme ehfoncé dans la pro-
fondeur du mal; endurci et sans espoir de correction, que
le roi en puisse par voie de justice faire à Dieu un excellent
sacrifice. Il est si pervers, que tous les éléments dosent
loi manquer dans la mort, puisqu'il offense Dieu et toute
créature *. »
Le pape réclama l'évéque, déclara suspendre le privi-
lège qu'avaient les rois de France de ne pouvoir être
excommuniés, et convoqua le clergé de France à Rome
pour le l^r novembre de l'année suivante. Enfiq il adressa
au roi la bulle AuscultOy fili: Écoute, mon fils, les.conseils
d'un père tendre. Le pape commençait par ces paroles
irritantes, dont ses adversaires surent bien profiter : « Dieu
nous a constitué, quoique indigne, au*dessus des rois et
des royaumes, nous imposant le joug de la servitude apos*
tolique, pour arracher, détruire, disperser, dissiper, et
pour édifier et planter sous son nom et par sa doctrine...»
Du reste, la bulle était, sous forme paternelle, une récapi-
tulation de tous les griefs du pape et de l'Église.
Le diancelier Pierre Flotte se chargea de porter \k
réponse au pape. La réponse, c'était que le roi ne lâchait
pas son prisonnier, qu'il le remettait seulement à garder
à l'archevêque de Narbonne, que l'or et l'argent ne sorti-
raient plus de France, que les prélats n'iraient point à
' Imiution péJaDtesqne d'un passosa du discours de Cicêron Pré
Roiciù Ammno, sur le supplice dn parricide.
i^ PHILVPi I^P Bit
Rome. Ce foi iu»9 rude kasiâUB poiur le p9p0^efioai)& trioii^
phaut de $on JubUè» (lumd 00 pfstit «»ocal tefgte> vint
lui pailler 6i Ubiremeotr L'alleroi^iea fut violente. Le pape
le prit de bacrt : c Men peumir^ dii^, Maferme les
deux. 1» Pierre Flotte réppadit par on ai|re émàn^o ;
« Oui| mais votre pouvoir est verbal, oelui du roi siéeL »
Le gascon K^garet» qui était veau t^ee Pierre Flotte , M
put se contenir ; il parla aveè la violraee ei rei^poriemeiH
méridional sur les abus de la cour pooIJAoale, eur la eoii^
duite môme du pape. Ils sortireBt mbi de- ftemd eorasée
dims leur baiae d'avocats contre les. prêtres, ayant outn^
le pape, et sûrs de périr s'ils ne le pi^évenaient*
pflkir soulever tout le monde oonlre Bonifaee, il fidlail
tirer quelques propositions bien cbires et bien cltoqiiaDles
du doucereux bavardage ou la coair de ftonie aioiait à
noyer sa pensée. Ils arrangèrent done entre eux une
brutale petite bulte où le pape exprinviit crûment toutes
ses prétentions. En mémo temps, ils Maaient oourir iinii
fausse réponse à la fausse buUe, où le roi pariait au pupa
avec une violence et une grossièreté pepukoièM. Celte
réponse, bien entendu, -n^était pas destinée à être eirvoyéep
mais elle devait avoir deux eSets. D'abord eUe avitissait le
pouvoir sacro-saint, auquel on jetait impuaémeoi cette
boue. Ensuite, elle indiquait qne le roi se sentait £Mrt, m
qui est le moyen d^ l'être en eÂet.
« Bonilace, évéque, serviteur des serviteurs de Sien, à
Philippe, roi des Fcaaaos, orams Diett et observe se» oom**
mandements. Nous voulons que tu snehns que lu nous? es
soumis' dans le temporel comme dans le spirituel ; ips fai
collation des bénéfices et des prébendes ne l'appartieni
point; que si tu as ia garde des bénéfices vaesnts, c'esi
pour en réserver les fruits aux successeurs» Que aï tu en
* c Belial ille, Pctras Flote, semivivcns corpore. mcnteque totaliser
sacœeatuft. • Bultê de Soiriface aux prdiafs dr Knince.
weoiiféré qaelqu'un» cous dedaronf^ceittç ceiHai^oA Uiva-
Mcto, et Bons la révoquons si elle a été exécutée, déclarant
bérétkpies tôua cevx qui pensent autrement Donné au
JLatrao, auxnones de décembre, Tan 7 de noti^^ pontifi-
cat. » C'«st la date de la bulle Ausculta^ fiiw
\ Pbilinpe, par la gràoe de Dieu^ coi d/e& Français, ji
Bpniface» qgù se donne pour ptpe» peu ou point de salut.
Que ta très-rgrandû fatuité sache que nous ne sommes
4aun)i3 à personne pour le temporel ; que la collation des
églises et des prébendes vacantes nous appartient par le
droit rayai ; que les fruits en sont à nous \ que les colla-
tions faites et à faire par nous sont valides au passé et ^
Tavenir; que nous maintiendrons leurs possesseurs de
tout notre pouvoir, et que nous tenons pour fous et in-
jsensés ceux qui croiront autrement, t
Ces étranges paroles qui eussent, un siècle plus tôt,
Bxvak tout le royaume pontre te roi, furent bien reçues de
la noblesse et dUi peuple des Wlies. On fit alors un pas de
plus; on compromit directement la noblesse avec le pape.
Le 44 février 4302, en présence du roi et d'une foule de
seigneurs et de chevaliers, au milieu du peuple de Paris,
la petite bulle fut brûlée, et cette exécuticm fut ensuite
criée à son de trompe par toute la ville ^. Encore deux
cents anS| un moine allemand fera de son autorité privée
ce que Pierre Flotte et Nogaret Cont maintenant au nom
du roi de France.
Hais il fallait engager tout le royaume dans la cpierelle.
Le pape avait convoqué les prélats à Rone pour le 4 ^^ no-
vembre 4 le roi convoqua les États pour le 40 avril; non
plus les Etats du clergé et de la noblesse, non plus les
États du Midi, comme saint Louis les avait rassemblés;
mais les États do Midi et du Nord-, les États des trois oitirês,
clergé, noblesse et bourgeoisie des villes. Ces États géné^
> Avp, 17.
48 * PHILIPPE LE râL.
raux de PhiKppe le Bel sont Tère sationale de la France,
son acte de naissance. Elle a été ainsi baptisée dans la
basilioue de Notre-Datne, où s'assemblèrent ces premiers
$tats<. De même que le Saint-Siège, au temps de Gré-
goire VII et d'Alexandre III, s'était appuyé sur le peuple,
Tennemi du Saint-Siège appelle maintenant le peupîe à
lui. Ces bourgeois, maires, échevins, consuls des villes,
S0U5 quelque forme humble et servile qu'ils viennent
d'abord répéter les paroles du roi et des nobles, ils n'en
sont pas moins la première apparition du peuple.
Pierre Flotte ouvrit les États (10 avril 4302) d'une ma-
nière habile et hardie. Il attaqua les premières paroles de
la bulle Ausculta^ fili : « Dieu nous a constitué au-dessus
des rois et des royaumes... » Puis il demanda si les Fran-
çais pouvaient sans lâcheté se soumettre à ce que leur
royaume, toujours libre et indépendant, fût ainsi placé
dans le vasselage du pape. C'était confondre adroitement
la dépendance morale et religieuse avec la dépendance
politique, toucher la fibre féodale, réveiller le mépris de
l'homme d'armes contre le prêtre. Le bouillant comte
d'Artois, qui déjà avait arraché au légat et déchiré la bulle
Ausculta, prit la parole, et dit que, s'il convenait au. roi
d'endurer ou de dissimuler les entreprises du pape, les
seigneurs ne les souffriraient pas. Cette flatterie brutale,
sous forme de liberté et de hardiesse, fut applaudie des
nobles. En môme temps, on leur fit signer et sceller une
lettre en langue vulgaire, non au pape, mais aux cardi-
naux. La lettre ftait probablement toute écrite d'avance
par les soins du chancelier, car elle est datée du 4 0 avril
du jour même où les États furent assemblés. Dans cette
> Ont-ils été les premiers? M. deStadler sigoale des assemblées par*
tielles en 1294, et one assemblée générale à Paris en 12f>5. Philippe le
Bel avait déjà plos d'nne fois demandé des subsides à des assemblées do
députés des trois ordres, soit sons la forme d'États provinciaux, «ail
sous la forme d*États généraux.
BONiFACB vni. 49
longue épitre, les seigneurs, après avoir souhaité aux car-
dinaux « continuel accroissement de charité, d'amour et
de toutes bonnes aventures à leur désir» » déclarent que,
quant aux dommages que « celuy qui en présent est ou
siège du gouvernement de TËglise, » dit être faits par le
roi, ils ne veulent, « ne eux, ne les universités, ne li peuple
du royaume, avoir ne correction ne amende, par autre fors
que par ledit nostre Sire le Aoi. » Ils accusent « Cil qui à
présent siet ou siège du gouvernement de TÉglise » de tirer
beaucoup d'argent de la conférence et collation des arche-
vôques, évoques et autres bénéficiers, « Si que li mêmes
peuples, qui leur est soubgez, soient grevez, et rançonnez.
Ne li préïas ne poent donner leurs bénéfices aux nobles
clercs et autres bien nez et bien lettrez de leurs diocèses,
de qui antecessours les églises sont fondées. > Les seigneurs
signèrent certainement de grand cœur ce dernier mot où
l'habile rédacteur insinuait que les bénéfices, fondés pour
la plupart par leurs ancêtres, devaient être donnés à leurs
cadets, ou à leurs créatures, ainsi que cela se fait en An-
gleterre, surtout depuis la Réforme. C'était attacher à la
défaite du pape le retour des biens immenses dont les sei-
gneurs s'étaient dépouillés pour r£gUse dans les âges de
fer\'eur religieuse *.
La lettre des bourgeois fut calquée sur celle des nobles,
si nous en jugeons par la réponse des cardinaux. Mais elle
n'a pas été conservée, soit qu'on n'ait daigné en tenir
compte, soit qu'on ait craint que le dernier des trois ordres
ne tirât plus tard avantage du langage hardi qu'on lui avait
permis de prendre dans cette occasion.
La lettre des membres du clergé est tout autrement mo-
dérée et douce. D'abord elle est adressée au pape : « Sanc-
tissimo patri ac domino suo carissimo... v Us exposent les
griefs du roi et réclament son indénendance quant au tem-
< App., 18
uk 4
50 PniUPFE iS BEU-
pc^el. Ite ont fai^ tout ce qu'ils oui pu pour l'adoucir ; Ws
l'ont supplié de peroiettce qu'ils allassent aux pieds de la
béatitude apostolique. Mais la réponse est venue du roi et
des barotts qu'on ne leur permettrait aucunement de sortir
du royiuime. Ils sont tenus au roi par leur serment de fi-
délité à ta canservatioiQ de sa personne, de ses honneurs et
libertéa, à oaUe défi droits du royaun^e^ d'autant plus que
nmbrjt d'sutrû ifada tktment dss^ duchés^ comtés^ baronnies et
otilrw/ie/ï. Enfin» dans cette nécessité extrême, ils ont re-
cours à la providenoe de Sa Sainteté, « Avec des paroles
pleines de larmes et des sanglots mêlés de pleurs, implo-
rant aa cléni^ce paternelle» etc. »
Cette lettre, si différente de l'autre, contient pourtant
égaiwikettt le grand grief de la noblesse : « Les prélats n^ont
plus 4e <pà(à donner, pas même de quoi rendre, aux nobles
dont les ancêtres ont fondé les églises *« »
Pendant que la lutte s'engageait ainsi contre le pape,
une grande et terrible nouvelle -avait compliqué l'embar-
ras. Les Ëtais s'étaient assemblés le 1 0 avril. Mais le 24 mars,
le massaoffe des Yépoes siciliennes s'était renouvelé à Bruges»
Quatre mille Français avaient été égorgés dans cette ville.
JLa noblease était réuQic aux États, U ne s'agissait que de
la faire chevaucher vers la Flandre, tout animée de colère
qu'ellç était déjà, toute gonflée d'orgueil féodal, et de lui
faire gagner une belle bataille sur les Flamands, qui eût
été une victoire sur le pape. Pierre Flotte, si engagé dans
cette cause, ne pouvait perdre le roi d^ vue. Tout chance-
lier quil était et homme de robe longue, il monta à cheval
avec les hommes d'armes«
Les Flamands, qui avaient appelé les Français, en étaient
crudlement punis, lia nalveillance mutuelle avait éclaté
dès le premier jour. Edouard ayant laissé le comte à ses
propres forces pour faire tête à Wallace» les Français le
* App,, 49.
ÎONIFACB TOI. 51
m
poussèrenl de place en place et lui persuadèrent de se li-
vrer à Philippe, qui le traiterait bien. Le bon traitement fut
de rentrer dans la prison du Louvre, où déjà sa fille était
morte.
Le roi des Français n'avait eu qu'à prendre paisiblement
possession des Flandres. H ne soupçonnait pm lui-même
l'importance de sa conquête. 'Quand il mena la reine avec
lui voir ces riches et fameuses villes de Gand et deBruges,
ils en furent éblouis, effrayés. Les Flamands aHèrent au-
devant en nombre innombrable, curieux de voir un roi.
Ils vinrent bien vêtus*, gros et gras, chargés de lourdes
chaînes d*or. Ds croyaient faire honneur et plaisir à leur
nouveau seigneur. Ce Ait tout le contraire. La reine ne leur
pardonna pas d'être si braves, aux femmes encore moins :
c Ici, dit-elle avec dépit, je n'aperçois que des reines. »
Le royal gouverneur Châtillon s'attacha à les guérir de
cet orgueil, de cette richesse insolente. Il leur Ata leurs
élections municipales et te maniement de leurs affaires ;
c'était mettre les riches contre soi. Puis il frappa les pau-
vres : il mit Timpdt d'un quart sur le salaire quotidien de
l'ouvrier. Le FVançais, habitué à vexer nos petites commu-
nes, ne savait pas quel risque il y avait à mettre en mou-
vement ces prodigieuses fourmilières, ces formidables
guêpiers de Flandre. Le Ifon couronné de Gand, qui dort
aux genoux de la Tierget, dormait mal et s'éveillait sou-
vent. La cloche de Roland sonnait pour Témeute plus fré-
quemment que pour le feu. — Roland! Roland! tintement,
c*est incendie î volie, c'est soulèvement^ !
Il n'était pas difficile de prévoir. Le peuple commençait
à parler bas, à s'assembler à la tombée du jour 4. Il
* « Tricolah vestlta... PrimatM inter se dissidentes daos habebaoi
colores, mtiUiittdo addidit tertimn. • Mefer.
* App., ÏO. — * App,, SI.
' « Gonvenîre, conferre, eolloqui inter m nub crepasealam noctis
nuUimdo. » Uaver.
52 PfllUPPB LB BEL.
I
n'y avait pas vingt ans qu*avaient eu lieu les Vêpres sici-
liennes.
D'abord trente chefs de métiers vinrent se plaindre à
Châtillon de ce qu'on ne payait pas les ouvrages comman-
dés pour le roi. Le grand seigneur, habitué aux droits de
corvée et de pourvoirie, trouva la réclamation insolente et
les fit arrêter. Le peuple en acmes les délivra et tua quel-
ques hommes, au grand effroi des riches, qui se déclarè-
rent pour les gens du roi. L'affaire fut portée au Parlement,
Voilà le Parlement de Paris qui juge la Flandre, comme
tout à l'heure il jugeait le roi d'Angleterre.
Le Parlement décida que les chefs de métiers devaient
rentrer en prison. Parmi les chefs se trouvaient deux
hommes aimés du peuple, le doyen des bouchers, et celui
des tisserands. Celui-ci, Peter Kœnig (Pierre le Roi), était
un homme pauvre et de mauvaise mine, petit et borgne,
mais un homme de tête, un rude harangueur de carre-
four *. Il entraîna les gens de métiers hors de Bruges, leur
fit massacrer tous les Français dans les villes et châteaux
voisins. Puis ils rentrèrent la nuit. Des chaînes étaient ten*
dues pour empêcher les Français de courir la ville; cha-
que bourgeois s'était chargé de dérober au cavalier logé
chez lui sa selle et sa bride. Le 21 mars 1302, tous les gens
du peuple se mettent à battre leurs chaudrons ; un boucher
frappe le premier, les Français sont partout attaqués, mas-
sacrés. Les femmes étaient les plus furieuses à les jeter par
les fenêtres ; ou bien on les menait aux halles, où ils étaient
égorgés. Le massacre dura trois jours; douze cents cava-
liers, deux mille sergents à pied y périrent.
Après cela, il fallait vaincre. Les gens de Bruges mar-
chèrent d'abord sur Gand, dans l'espoir que cette grande
viUe se joindrait à eux. Mais les Gantais furent retenus par
leurs gros fabricants ^, peut être aussi par la jalousie de
* App,, M. — « App., J3.
BONIFACE VIII. 53
Gand contre Bruges. Les Brugeois n'eurent pour eux,
outre le Franc de Bruges, quTpres, l'Écluse, Newport ,
Berghes, Fumes, et Gravelines, qui les suivirent de gré ou
de force. Us avaient mis à la tête de leurs milices un fils du
comte de Flandre, et un de ses petits-fils, qui était clerc,
et qui se défroqua pour se battre avec eux.
Ils étaient dans Courtrai, lorsque l'armée française vînt
camper en face. Ces artisans, qui n'avaient guère combattu
en rase campagne, auraient peut-être reculé volontiers.
Mais la retraite était trop dangereuse dans une grande
plaine et devant toute cette cavalerie. Ils attendirent donc
bravement. Chaque homme avait mis devant lui à terre son
guUmtag ou pieu ferré. Leur devise était belle : Scilt vnd
vrfendi, Mon ami et mon bouclier. Ils voulurent communier
ensemble, et se firent dire la messe. Mais, comme ils ne
pouvaient tous recevoir l'eucharistie, chaque homme se
baissa, prit de la terre et en mit dans sa bouche ^ Les che-
valiers qu'ilsavaient avec eux, pour les encourager, renvoyè-
rent leurs chevaux; et en même temps qu'ils se faisaient
ainsi fantassins, ils firent chevaliers les chefs des métiers.
Ils savaient tous qu'ils n'avaient pas de grâce à attendre.
Ou répétait que Chàtillon arrivait avec des tonneaux pleins
de cordes pour les étrangler. La reine avait, disait-on, re-
commandé aux Français que quand ils tueraient les porcs
flanuinds, ils n'épargnassent pas les truies flamandes K
Le connétable Raoul de Nesle proposait de tourner les
Flamands et de les isoler de Courtrai. Mais le cousin du
roi, Robert d'Artois, qui commandait l'armée, lui dit bru-
talement : « Est-ce que vous avez peur de ces lapins, ou
bien avez-vous de leur poil? > Le connétable, qui avait
épousé une fille du comte de Flandre, sentit l'outrage, et
répondit fièrement : « Sire, si vous venez oii j'irai, vous
irez bien avant ! » En même temps il se lança en aveugle
* Aj^,, M. — * App,, t5»
54 PBIIIPPS U BEL.
à la tête des cavaliers d^ns une poussière de juiHpt
(il juillet 430S). Chaoun s'efforçtnt de le suivre et
craignant de rester à la queue, les derniers poussaient tes
premiers ; ceuxH^i, approchant des Flamands^ trouvèrent,
ce (fu'on trouve partout dans ce pays coupé de fossés et
de canaux, un fossé de cinq brasses de large ^ Us y touc-
hèrent^ s'y entassèrent; le fossé étant en demi-lune^ il n'y
avait pas moyen de s'écouler par les cAtés. Toute la che-
valerie de France vînt s'enterrer là,. JLrtois, ChÂtiiion,
Nesle^ Brabant, Eu, Aumaley Daxnmartin, Dreux, Soisaoae,
Tancarville, Vienne, Mehu, une foule d'autres, te chan-
celier aussi, qui sans doute na comptait pas périr en si
glorieuse compagnie.
Les Flamands tuaient à leur aise ces cavaliers désac-
çonnés; ils les «hoisissaient dans le fossé. Quand les
cuirasses résistaient, ils les assommaient avec des maillets
.de plomb ou de fer*» Us avaient parmi eux hon nombie
de moines ouvriers \ qui s'acquittaient en conscience de
cette sanglante besogne. Un seul de ces moines prétendit
avoir assommé quarante chevaliers et quatorze cents fan-
tassins; évidemment le moine se vantait. Quatre miUe
éperons dorés (un autre dit sept cents) furent pendus dans
la cathédrale de Courtrai. Triste dépouille qui porta
malheur à ht ville. Quatre-vingts ans apsès, Charles Vl vit
les éperons, et fit massacrer tous les habitants»
Cette terrible défaite, qui avait exterminé toute l'a van t-
garde de l'armée de Fi'ance, c'est^-à-dire la plupart d€^
grands seigneurs, cette bataille qui ouvrait tant de succes-
sions, qui faisait tomber tant de fiefs à des mineurs sous
la tutelle du roi, afiaiblit pour un moment sa puissance
niilitciire sans doute, mais «lie «ne lui ôta rien de sa vigueur
contre le pape. En un sens, la royauté en était plutôt for-
' Oudegherat ne parle pas du fo.aé, saas doate pour rehaasser là
gloire des Flamande.
* App.^ W. — * Meyer.
BONIFACS tm. 55
tifiée. Qui sait si le pape n'eût troatê moyen de tourner
contre le roi quelques-uns de ces grands "feudataires qui
avaient signé, il est vrai, la fhmeuse lettre; mais qui, rev^
nant tous de la guerre de Flandre , revenant riches et
vainqueurs, eussent tnoîns craint la royauté?
II renonçait à confondre les deux puissances, comme fl
avait paru vouloir le faire jusque-là. Mais lorsqu'on eut
appris à Rome la défaîte de Philippe à Gourtrai^ la oour
pontificale changea de langage; un cardinal écrivit au duc
de Bourgogne que le roi était excommunié pour avoir
défendu aux prélats de venir à Rome, que le pape ne pou-^
vait écrire à un excommunié, qu'il fallait avant tout qu*n
fît pénitence. Cependant les prélats, ralliés au pape par là
défaite du roi, partirent pour Rome au nombre de qua^
rante-cinq. C'était comme une désertion en masse de
l'église gallicane. Le roi perdait d'un coup tons ses évèques,
de même qu'il venait de perdre presque tous ses barons à
Courtrai ^
Ce gouvernement de gens de loi montra une vigueur et
une activité extraordinaires. Le 23 mars , une grande
ordonnance très-populaire fut proclamée pour la réfor^
mation du royaume. Le roi y promit bonne administration,
justice égale, répression de la vénalité, protection aux
ecclésiastiques, égards aux privilèges des barons, garantie
des personnes, des biens, des coutumes. Il promettait la
douceur, et il s^assurait la fbrce. R releva ieChfttdét et sa
police armée, ses sergents; sergents à pied, sergents i
cheval, sergents à la douzaine, sergents du guet.
Les deux adversaires, près de se choquer, ne voulurent
laisser rien derrière eux. Ils sacrifièrent tout à l'Intérêt de
i»tte grande lutte. Le pape ^'accommoda avec Albert
d'Autriche, et le reconnut pour Empereur. Il lui faliak
quelqu'un à opposer au roî de France. Le roi acliela la paix
66 PHILIPPE LB BIL.
aux Anglais par Ténorme sacrifice de la Guyenne (20 mai).
Quelle dut être sa douleur, quand il lui fallut rendre à son
ennemi ce riche pays, ce royaume de Bordeaux I
Mais c'est qu'il fallait vaincre ou périra Le 12 mars,
l'homme même du roi, le successeur de Pierre Flotte, ce
hardi Gascon, Nogaret lut et signa un furieux manifeste
contre Boniface^.
a Le glorieux prince des apAtres, le bienheureux Pierre,
parlant en esprit, nous a dit que, tout comme aux temps
anciens, de même.dans Tavenir, il viendra de faux prophè-
tes, qui souilleront la voix de la vérité, et qui, dans leur
avarice, dans leurs fallacieuses paroles, trafiqueront de
nous-mêmes, à l'exemple de ce Balaam qui aima le salaire
de riniquité. Balaam eut pour correction et avertissement,
une bête qui, prenant la voix humaine, proclama la folie
du^faux prophète... Ces choses annoncées par le père et
patriarche de l'Ëglise, nous les voyons de nos yeux réali-
sées à la lettre. En effet, dans la chaire du bienheureux
Pierre, siège ce maître de mensonges, qui, quoique Mal-
faisant de toute manière, se fait appeler Bonifacâ^, Il n'est
pas entré par la porte dans le bercail du Seigneur,
ni comme pasteur et ouvrier, mais plutôt comme voleur et
brigand... Le véritable époux vivant encore (Célestin Y), il
n a pas craint de violer TÉpouse d'un criminel embrasse-
ment. Le véritable époux, Célestin, n'a pas consenti à ce
divorce. En efiet, comme disent les lois humaines : Rien de
plus corUraire au consentement que f erreur... Celui-là ne
peut épouser,' qui, du vivant d'un premier mari non indi-
* Dëj& OD avait mis en avant un Normand, maître Pierre Daboii,
avocat an bailliage de Coutances, qui donna contre te pape nne con-
sQltation triplement biiarre pour le atyle, Téradition et' la logicjiM.
àpp., Î8.
* Dans la snsc/iption, il 86 fait appeler : Chevalier et vén$ràblê pro'
ftueur en droit. Il s'était fait faire cheTtlier, en effet, par le roi, en
IS97. Mais il n'a pas osé ici, dans une assemblée de la noblesse, signer
lai*ffléffle cette qualité. — ' App., 2^.
BiMUTACI TUI. 57
gne, a soaillé te mariage d'adultère. Or, comme ce qui se
commet contre Diea fait tort et injure à tous, et que dans
on si grand crime on admet à témoigner le-premier venu^
même la ftmme^ même une personne infâme; moi donc,
ainsi que la béte qui, par la vertu du Seigneur, prit la voix
d'homme par&it pour rq>rendre la folie du foux j)rophète
prêt à maudire le peupte béni, j^adresse à vous ma suppU-«
que, trè&*exceUent Prince, seigneur Philippe, par la gràce
de Dieu, roi de France, pour qu'à l'exemple de l'ange qui
préaenta l'épée nue à ce maudisseur du peuf^e de Dieu,
vous qui êtes oint pour l'exécution de la justice, vous op-
posiez l'épée à cet autre, et plus funeste Balaam, etVempô-
cbiez de consommer le mal qu'il prépare au peuple. »
Rien ne fut décidé. Le roi louvoyait encore. Il permit à
trois évéques d'excuser la défense qu'il avait faite aux pré-
lats. Le pape envoya un légat, sans doute pour tàter le
dergé de France, et voir s'il voudrait remuer. Hais rien ne
bougea. Le roi dit au. légat qu'il prendrait pour arbitres les
ducs de Bretagne et de Bourgogne ; c'était flatter la no-
blesse et s'en assurer; du reste il ne cédait rien. Alors le
pape adressa au légat un bref dans lequel il déclarait que le
roi avait encouru l'exconmiunication, comme ayant empê-
ché les prélats de se rendre à Rome.
Le légat laissa le bref et s'enfuit. Le roi saisit deux pré*
très qui l'avaient apporté avec le légat et les ecclésiastiques
qui les copiaient. Le bref était du 4 S avril. Deux mois après
(jour pour jour), les deux avocats qui succédaient à Pierre
Flotte, agirent contre Boniface. Plasian accusa, Nogaret
exécuta. Le premier, en présence des barons assemblés en
£tat« au Louvre, prononça un réquisitoire contre Boniface,
et un appd au prochain concile. Aux accusations prccé^
dentés, Plasian ajoutait celle d'hérésie ^ Le roi souscrivit à
l'appel, et Nogaret partit pour l'Italie.
• 4». ».
ft8 pïnLim u BBL.
Pour sooteiiir ééUe déffiftush» deSiiilïve, I& roi fie 9e
ccmtenta pas de rasMntithénf eolfeelif <lèft filât». B^ tAres^a
des lettres iidividneHee unx pféAniê, otnc affines, «ux vilk»,
aux umf«rsîtés; ces lettre» furent portéee <ie prottnce en
province pav le vieeinie de NailienBe et par raeeusatemr
mtee, PUniaiiA. Le roi prie el requiert de eonsentirau
.<Mmeile : Ntm rtqmirmmê êùmmilfe. B tt'eftt pas été sûr db
refuser en Ghb de Tndeunleiir. H rapporta plus ëe sept
oenis adbéflMB* Teot le dAonAe âvark eouserh, ceux mémfe
qaiy rannée pKéoédettie^ aprto lar défaHè* du rar k Courtrai,
a'étaieDr nv^ré lui rendiieprte dbpape. La aanie du îfittth
pomà des qaarMteHriiNf avak suffi pour les converti an
parti da rat. S«af Ctteam, cfoe le pape avait gagné par une
fairenr léoente et qui ae paitagea, • tens donnèrent à Pla-
aion dea tettiea d'adhéakwi ay conoile.
Lea corps lea phie ftrvoriiéB des papear se dftéhtrèrent
poor le nâîr rmiverBfté de fteris, les dominicains de k
BiôflEie tiHe, les minears* de Teurakie-. Qaelquear-itmar,
^omiae on prieur de Ctuny ef un templier, adhèrent, nmî^
ju^ pnnesiBtfaftliyf 9.
Le paipe kur IMboK eHeore" graidTjpeur. 9 fMàtt «A
retour que le roi domàt de» lettrée par te^NfueUes Fui, fa
reine et les jeunes prineee e'engogeBieiit k défendre tel ou
tel qui «fait adhéié ae eonefle^. C'éMt eonrnie «ne aséu-
fmee muCoelle qtte* le roi et lo»^ wfffè du royaume se
douaient dans, ce péri K
Le 15 aoât, BoniANMi déelar» par une buReqn'am pape
* L* prieur et fé eocnredC de» Prêres Prècbéors de Mbntiietlîer «yaat
répenéa ifi'îli m puiaialeat aiihéfer «aeg Vàrétt eipfè^ de l«trr ftimrt
général qui éuii à Parisy J^ apeaie d« rfi ëireol qvtiè$ VovtoiefllsaM
voir rîatention de chacqn «n parlUulUr et m seereL Les raUgieox. j^»r
•iitanc^ lee e^eirtj Ifenr enjofpilrent de sortir tous (rois Joars da
royaume. Ils en dressôreat atfa
*App„ 31.
* Oapay. — * Id. . ,
* V. tons ces actes dam Oopuy.
. BOHVJiiSB Ymi ' 09
•rai il appanemit ée oMKfoqaai tin coneife^ il r^oiiît
fiox aocwialioBS de Hadan et de Nogarel, partHtuliènHnsBt
au reproche d'hérésie. A cette occasiem, X disait : « Qui
a jamais cai> 4ire tfmj je ne di& pts» dan» notre hmille,
ffiaifl dans mU» paya aataâ, dans Ja Cmq^aBîe, il y ait
jaoïaîa eu an hérétîqjm? * C'était attaquer indirectement
PIaai«i.et Nogaret^ cfuiétaielnt justement des paijs aUii^enis .
On disait même qae le gmndf^èt a de* Mofaret. airait Hé
kr&la.
LcB èeux aeeosateurs: saraiianfc bim tant es qu'ife attaimit
à eraindaa. L'acharaanani du papecoutte Plaire Btottfe
devait les éclaifeis* AvaMt la iNltaille^ àm Gouvtnà^BaniGMKe
avait, daaa aoa; discoara an oarcKaanK^ tout nsjeté^ a*
eelui-ei» amoaçantifii'it se réservait de h» jwnir spiaituel-
iamentet tempareUeiiMDt^. Clétait onvriraa roi.un DMqren
définir laqiMelle par la Kacrifioe da chanaelieK'Bipérit.à
Courlrai<; mais «ombiensea deux suocessaurs n'avaiant pas
fins à avaindMi^ afirès lenia^ aadaciausas aocasatipnsd
Aussi dès k 7 mars^ emqjattrs avMit la {nremiàre teqfaèta,
Mogaret s'était fiiit domiar des pmivcBrs iliimité& dn mi,
un véritable blancs-seings imur traiter» et pour fain» éêui
^e gai sêtaiê à pt>9fo$^.Jà partit paur Filalia airea. cotte
jvma^ fersonB^emeat iatéresaé à s'en savnr poilr la
peita da.papai U prit poste iFknrance près du Itonqm^
^ roi de Fmncdi 4|ui dénaî^t lai donner toit l-aigant qn'il
jdeBOAnderaitM U avait aaee hû le gibelin, est gibelina^ le
praseiifc et la victime de Banifaaa,! un hraiftie vdué et
damné pour la mort du pape, Sciainta Colaaaa. C'était4sa
homme précieux peur un coup. Ge roi des lâOnta^aardB
sabinsy des banditi de la campagne romaine, savait si bien
ce que le pape eût fait de lui, qu'étant tombé dans les
* - Et volamos niod lac AelâUipbd jste Petini p«niftttif têmp^roliler
€i ipiritualiUr, sed rogauuis ûfium qood reser?«t eum nabis f oaisa-
doin, sicat ja?iaa «t. • Dnpuy»
•if|>p..3î.
60 PHILIPPB LS BEL.
maiiis des corsaires, il rama pour eux pendant plusieurs
années, plutôt que de dire son nom et de risquer d*être
Tendu à Boniface^.
Après la bulle du 45 août, on devait croire que Boniface
allait lancer la sentence qui avait mis tant de rois hors du
trône, et déclarer les sujets de Philippe déliés de leur
serment envers lui. Réconcilié avec l'empereur Albert, il
savait à qui donner la France. Il allait peut-être renouveler
contre la maison de Capet la tragique histoire de la mai-
son de Souabe. La bulle était prête, en effet, dès le 5 sep-
tembre. Hfollait la prévenir, émousser cette arme dans les
mains du pape en lui signifiant l'appel au concile. Il fallait
lui signifier cet appel à Anagni, dans sa ville natale, ou il
s'était réfugié au milieu de ses parents, de ses amis, au
milieu d'un peuple qui venait de traîner dans la boue les
lis et le drapeau de France*. Nogaret n'était pas homme
de guarre, mais il avait de l'argent. D se ménagea des in-
telligences dans Anagni, et pour dix mille florins (nous '
avons la quittance ^), il s'assura de Supinr), capitaine de
Ferentino, ville ennemie d'Anagni. « Supino s'engagea
pour la vie ou la mort dudit Boniface^. > Colonna donc et
Supino, avec trois cents cavaliers et beaucoup de gens h
pied, de leurs clients ou des soldats de France, introdui-
sirent Nogaret dans Ana^i aux cris de : Meure le pape,
vive le roi de France ^. La commune sonne la cloche, mais
elle prend justement pour capitaine un ennemi de Boni-
face ^, qui donne la main aux assaillants, et se met à piller
-les palais des cardinaux ; ils se sauvèrent par les latrinesr
Les gens d'Anagni, ne pouvant empocher le pillage, se met-
* Pélnrqae. — * Aj^., 33.
■ Dapny. — * App., 3«.
^ • Maoia papa Bonifacio, e vira il Re di Francia. • Villani.
* « Palsata eomtnuni campana, et tractatn haUto. etegcrunt sibi ca*
pi'ancnm qoemdam Arnalphum... Qui quidem... illis ignonn*.ibas,do*
mini papae exsiilil capitalis inimicus. • Walsingiiam.
BONIFACB VUI. 61
»
tenl à piller de compagnie. Le pape, près d'être forcé dans
son palais, obtient un moment de trêve, et fait avertir la
commune ; la commune s'excuse. Alors cet homme si fier
s'adressa à Colonna lui-même. Mais celui-ci voulait qu'il
abdiquât et se rendit à discrétion. « Hélas 1 dit Boniface,
voilà de dures paroles^ 1 » Cependant ses ennemis avaient
brûlé une église qui défendait le palais. Le neveu du pape
abandonna son oncle, et traita pour lui-même. Ce der-
nier coup brisa le vieux pape. Cet homme de quatre-vingt-
six ans se mit à pleurer '. Cependant les portes craquent,
les fenêtres se brisent, la foule pénètre. On menace, on ou-
trage le vieillard. Il ne répond rien. On le somme d'abdi-
quer. « Voilà mon cou, voilà ma tête, » dit-il.
Selon Villani, il aurait dit à l'approche de ses ennemis :
« Trahi comme Jésus, je mourrai, mais*je mourrai pape. »
Et il aurait pris le manteau de saint Pierre, mis la
couronne de Constantin sur sa tête, et pris dans sa main
les defe et la crosse.
On dit que Colonna frappa le vieillard à la joue de son
gantelet de fer K Nogaret lui adressa des paroles qui va-
laient un glaive : « 0 4oi, chétif pape, confesse et regarde
de monseigneur le roy de France la bonté qui tant loing
est de toy son royaume, te garde par moy et défend ^. » Le
pape répondit avec courage : Tu es de famille hérétique,
c'est de toi que j'attends le martyre'. >
Colonna aurait volontiers tué Boniface ; l'homme de loi
Fen émpédia^. Cette brusque mort l'eût trop comprcmiis. Il
ne fallait pas que le prisonnier mourût entre ses mains!
Mais, d'autre part, il n'était guère possible de le mener jus-
qu'en France 7. Boniface refusait da rien manger, craignant
' • lien met durus est bictermol •
• • Plcrit amu-e. » — ' App., 35.
* Chron. de S. Denis. — * Dapny. — * Lettres jastHleatrres de Noga-
tel. — Dapoy.
' Nogaret rayait menacé de le faire conduire lié et garrotté à Lyon»
où il serait jugé et déposé par le concile généial. (Villuii.}
6i pniupn Li VL.
lepttaoïi. Cereflis ént» trois jwira^an bo«t deiqaels le peo.
pie d'Aïuagni, s'apensewaot du petit nomiMie d'étotiii^erst
s'ameuta, chassa les Fraoçoiaet déima son pape.
(te Tapperta bu b piaee, qui pfeuraîtoamme ttn enfant.
Selon te léoH passionné de Watebigham, c il namereia Bien
et le penpte desadéiitfjaMne, et dit : BanaeageBs, vous
avei TA eomment iBBBS>ennenM ont enleié tovi «nies biens
et OBWL de l'£glise. Me voilà panure oomme iob. Je voos
dis en véiiléque je ft'ai rien à mangeriii 1 boire. S^ est
quelque bonne feanne qui veuille me faire aumdne de
pain ou de vin, ou dun peu d'eau mx défiivt de vin, je lui
donnerai la bénédiotion de Dieu et la nûenne. Quiconque
m*apportera la moindre chose pour subvenir à mes be-
soins» je rabsoudrai de tout péché... Tout le peuple se mît
à crier : Vive le saint^père 1 Les femmes coururent en
foule au palais pour y parler du pain, eu vin ou de feau ;
ne trouvant point de tvaaes, elles versaient dans un ocffire. . .
Chacun pouvait entrer, et parlait avec le pape comme evec
tout attire ^pauvie^.
« Le pape 'donsa au peuple Tabsolatton de tout péché
sauf le piUage des biens de TÉglise et des cardmaux. Four
ce qui était k hii, il le leur laissa. On lui en rapporta ce-
pendant quelque chose. Il protesta •ensuite devant tous
qu'il voulait avoir paix avec les Golonna et tous ses
ennemis. Puis il partit pour Rome iMreo une grande foule
de gens arasée. > Hais lorsqu'il aitriva à Saini-Pierre et
qu'il ne fiai plus soutenu par le sentiment du péril, la peur
et la ftim doiÉ il avait eoufiiri, la perte 4e «m argent,
rinselenta «viotcire de ses ennemis, cette bumîHation iaffi-
nie d'une puiasanoe infinie, toutcela lui revint à la fois ; sa
tôte octogénaire n'y tint pas : il perdit l'esprit.
II s'était confié aux Orsini^ comme ennemis des Coîonna.
Meis îi iiitou crut être encorearrété par eux. Soit qu'ils vou«
|Sa>'lf ACE YJU. G3
lu580Qt cacher au peuple le scandale d'un pape béréUf ue»
soit qu'ils s'enteodisseat avec les Colonna pour le reteair
prisonnier, Boixiface ayant voulu sortir pour se réfugier
cbaz d'autres barons, les dGox cardinaux Orsini lui barrè-
rent le passage et le firent rentrer. La folie devint rage, iet
dès lors il repoussa tout aliment. 11 éeumait et grinçait des
dents. Enfin, un de ses amis, Jacobo de Pise lui ayant dit ;
« Saint Pè^re, recommandez-vous à Dieu, h la Vierge Ma-*
rie, et recevez le corps du Christ, » Boniface lui donna ua
soufflet, et cria en mêlant les deux langues : AUoma d$ Dio
et iU Swcta Maria, nolo, «ofo. U chassa deux frères mi^
neurs qui lui apportaient le viatique, et il expira au bout
d'une heure sans commum'on ni confession. Ainsi se serait,
vérifié le mot que son prédécesseur Célestin avait dit de
lui : « Tu as mcNuté comme un renatd; tu régneras conune
un bon ; tu mourras coomie un chien ^. »
On trouve d'autres détails, mais plus suspects encore,
dans une pièce où respire une haine furieuse, et qui sem-
ble avoir été fabriquée par les Plasian et les Nogsret pour
la Caire courir dans le peuple, immédiatement après Té-
vénement : « La vie, état et condition du pape Maléface,
racontée par des gens dignes de foi. Le 9 octobre, le Pha-
raon, sachant que son heure apj^rocbait, confessa qu'il avait
eu des démons familiers, qui kii avaient fait faioe tous ses
crimes. Le joiu* et la nuit quisuivireiit, on entendit tant de
tonnerres, tant d^hoiribles tempêtes, on vit une telle mul-
titude d'oiseaux noirs aux efûroyables cris^ que tout le peu^
pie consterné criait : « Seigneur Jésus, ayez pitié, ayez
pitié, ayez pitié de nous 1 > Tou^ affirmaient que c'étaient
bien les démons d'enfer qui venaient chercher Tâme de ce
Pharaon. Le 40, comme ses amis lui contaient ce qui s'é-
tait pané, et Tavertissaient de songer à son ftme... lui, en-
vcloppé du démon, furieux et grinçant des dents, il se jeta
* D ipuy.
64 . PHILIPPE LE BEL.
sur le prêtre comme pour le dévorer. Le prêtre s'enfuit à
toutes jambes jusqu'à l'église... Puis, sans mot dire, il se
tourna de l'autre côté... Comme on le portait à sa chaise,
on le vit jeter les yeux sur la pierre de son anneau et s'é-
crier : t 0 vous, malins esprits enfermés dans cette pierre,
vous qui m'avez séduit... pourquoi m'abandonnez-vous
maintenant? > Et il jeta au loin son anneau. Son mal et sa
rage croissant, endurci dans son iniquité, il confirma tous
ses actes contre le roi de France et ses serviteurs, et les
publia de nouveau... Ses amis, pour calmer ses dou-
leurs, lui avaient amené le fils de maître Jacques de Pise,
qu'il aimait auparavant à tenir dans ses bras, comme pour
se glorifier dans le péché... mais à la vue de l'enfant, il se
jeta sur lui, et, si on ne l'eût enlevé, il lut aurait arraché
le nez avec les dents. Finalement ledit Pharaon, ceint de
tortures par la vengeance divine, mourut le 2 sans confes-
sion, sans marque de foi ; et ce jour, il y eut tant de ton-
nerres, de tempêtes, de dragons dans l'air, vomissant la
flamme, tant d'éclairs et de prodiges, que le peuple ro-
main croyait que la ville entière allait descendre dans l'a-
blme*. »
Dante, malgré sa violente invective contre les bourreaux
du pontife, lui marque sa place en enfer. Au chant XIX de
Ylnfemo^ Nicolas III, plongé la tête en bas dans les flammes,
entend parler et s'écrie : « Est-ce donc déjà toi debout là-
haut?' est-ce donc déjà toi, Boniface? L'arrêt m'a donc
menti de plusieurs années. Es- tu donc sitôt rassasié de
ce pourquoi, tu n'as pas craint de ravir par mal engin la
belle Épouse, pour en faire ravage et ruine ? »
< Dapny. Prea^es. WaUiogham, qui écrii sous ane ijiflarace con-
traire» exagère plutôt le crime des ennemis de lioniface. Selon lui» Co-
tonna, Supino et le sénéchal du roi de France, ayant saisi le pape, le
mirent sur nn cheval sans frein, la face tournée vers la qoeoe, et le
firent o)arif presque jasqa'an dernier souffle; puis ils rauraienl fait
mourir de faim sans le peuple d^Anagni.
B0X1FACE VIII. m
Le successeur de Bonifoce, Benoit XI, homme de bas
lieu, mais d'un grand mérite, que les Orsini avaient fait
pape, ne se sentait pas bien fort à son avènement. U reçut
de bonne grâce les félicitations du roi de France, apportées
par Plasian, par l'accusateur même du dernier pape. Phi-
lippe sentait que son ennemi n'était pas tellement mort,
qu'il ne pût frapper quelque nouveau coup. U poussait la
guerre à outrance ; il envoya au pape un mémoire contre
Boniface, qui pouvait passer pour une amère satire de la
cour de Rome <. Il s'écrivit lui-même par ses gens de loi une
Supplication du pueuble de France au Roy contre Boniface.
Cet acte important, rédigé en langue vulgaire, était plutôt
un appel du roi au peuple,qu'une supplique dupeuple au roi.
Benoit, au contraire, avait paru vouloir d'abord étouffer
cette grande affaire, en pardonnant à tous ceux qui y
avaient trempé ; il n'exceptait que Nogaret. Hais leur par-
donner, c'était les déclarer coupables. 11 atteignit de cette
démence offensante le roi, les Colonna, les prélats qui ne
s'étaient pas rendus à la sommation de Boniface.
Philippe, alors accablé par la guerre de Flandre, avait
beaucoup à craindre. La meilleure partie des cardinciax
refusait d'adhérer à son appel au concile. Le pape devenait
menaçant. Le roi en était à désirer l'absolution, qu'il avait
d'abord dédaignée. La demanda-t-il sérieusement, on se-
rait tenté' d'en douter quand on voit que la demande fut
portée au pape par Plasian et Nogaret. Celui-ci s'était pro-
bablement donné cette mission, pour rompre un arrange-
ment qui ne pouvait se faire qu'à ses dépens. Le choix seul
d'un tel ambassadeur était sinistre. Le pape éclata, et lança
une furieuse bulle d'excommunication : « Flagitiosuni sce-
lus et scelestum fiagitium, quod quidam sceleratissimi viri,
summum audentes nefas in personam bon» memoriae Bo-
nifaciiP.VIIP... »
* App.,31. -« Dupuy.
lu* 6
C9 PHILIPrE JLE DEL.
Le roi semblait comptis dans celte.buU6.«EUa4it rendue
le 7 juin (13Û4|). Le 4 juillet Benoit était mort. On dit
qu'une jeune femme voilée, gui se donnait.pour conve»e
de sainte Pétronilie à PérousQ, vint lui piésenier à table
une corbeille de figues^fleuvs \. JU en msvig«a •ans dé-
fiance, se .trouva mal et mourut en quelques Jours. Les
cardinaux, craignant de découvrir .trop aiséaient ie cou-
.pable , . ne firen taucune poursuite.
Cette mort vint à. point pour ^Philippe. iLa guerre de
.Flandre l'avait mis à «bout, il m'avait pu, en AdiO% empê-
cher les Flamands d'entrer en France, de brûler Térouanno
et d'assiéger Tournai ?. .U n'avait sauvé cette ville qu'en
demandant une trôve, en mettant, en liberté le «vieux Guy,
qui devait rentrer en, prison, ei.la paix ae.-ae faisait. pas. Le
vieillard. remercia ses.braves fian^nd^, .bénit. ses fiis, et
revint mourir à quatre-viqgtSians.daos.sa prisûn deGom-
piègne.
:Ën 430i, au moment môme où ie ipi^ie îiiiouraît«i>à
propos, Philippe fit un effort désespéié pour :fimr la
guerre. Il avait extorqué tiuelgue«ai$;eni en vendantsdes
^privilèges, surtout en Languedoc, favoriaantiùnsi lestoom-
munesdu Midi pour écraser celles .du Noiti.iIl loua des
Génois, et avec leurs galères il guigna .une bataille navide
devant Ziriksée (août). JLes.Fbunands n'en étaient pas plus
abattus. Us se croyaient .soixante mille. C'était la Flandre
au complet pour la .première fois.;. toutes .les dnîliees des
villes étaient réunies^ cellesde Gand.etdeJBbruges, ceUos
d*^¥pre3, de Lille et de Courtrai. A leur tête itai^t^trois
fils du vieux comte, son cousin .fiuiUanme de Juliers et
plusieurs barons des .Pajs*fias.et d'JUlemagne. ^ilippe,
ayant forcé le passage de ht Lys, les .trouva à Mons en
Puelle, dans une .formidable enceinte de voitures et de
* C'est-à-dire de U premiôre récolte.
« i4pp.,38.
lAmtïùUL a eovoyaGOQtaei^NC, /non iphift M gapdfurnime
cavame à GcniiiMli, oiate^dw ipiéloos ^jwbw^, qui, itput^ila
manger an >ibHre;; fle^ iv««Mft létaîent snr ,les xhaviota. Ce
IfiÉne les i^ulm, ite ti^idiroot poli^nce, lejL le .^oir par Jews
trois portes se lancèrent (tona^naeioble wr (lei^ lEramsai^.
Cenx-ici j»f ft»ng0fnaiitfplu^iL<0Wi le mi^taît .désnimé et
allnk se mettneÀ taUe. iDîdMnl, ce fibm de aangliersfven-
-Mnn tDul. Mm quand Jea Elan^anda .entràneat danatles
tentes, et qu*ila visent :taat 4e loboaes bûnnes.àiprendj:^, il
n'y Bui.pae/niojKaEitde lea retonîf eoaaQUi^,i)bacwfi«)ttlut
fiiÂre aa main. Cependant les JKrançaia se xallièrent^ Ja
canrakee é<Hsasa/tea pillards ; ilsrlaissèrent sixmHle hommes
sur la place.
Is jroi .alla mettie le aiege devant UUe, ne doutaot pas
•dBilaaaHmimion deaFlamMida. Il if ut tbienétonAé iQuand.il
les vit revenir -soixan^ia nûll^, :ùùuam «^lils m'ttvaient ipas
perdu un seul homme. Il pleut des Flamands, disait-il.
Les grands de France, qui ne se souciaient «pas xle se battre
avec ces désespérés, conseillèrent au roi de traiter avec
eux. Il fallut leur rendre leur comte, fils du vieux Guy, et
promettre au petit-fils le comté de Rethel, héritage de sa
femme. Philippe gardait la Flandre française et devait re-
cevoir deux cent mille livres.
Rien n'était fini. Il n'était pas spécifié s'il gardait cette
province, comme gage ou comme acquisijtion ; quant à
l'argent, il ne le tenait pus. D'autre part, Taifaire du pape
était gâtée plus qu'arrangée. C'était un triste bonheur que
la mort subite de Benoit XI ^
Une disette, un imprudent maximum, une perquisition
des blés, tout cela animait le peuple. On commençait à
parler. Un clerc de l'Université parla haut et fut pendu.
Une pauvre béguine de Metz, qui avait fondé un ordre de
I App,, 39.
68 PHILIPPE LE BEL.
religieuses, eut révélation des châtiments que le ciel réser-
vait aux mauvais rois. Charles de Valois la fit prendoe, et
pour lui faire dire que ces prophéties étaient souflOées par
le diable, il lui fit brûler les pieds. Mais chacun crut à la
prédiction, quand on vit, l'année suivante, une comète
apparaître avecun éclat horrible ^.
Philippe le Bel était revenu vainqueur et ruiné. B se
rendit solenaellement à Notre-Dame, parmi le peuple
affamé et les malédictions à voix basse. Il entra à cheval
dans l'église, et pour remercier Dieu d'avoir échappé quand
les Flamands l'avaient surpris, il y voua dévotement son
effigie équestre et armée de toutes pièces. On la voyait
encore à Notre-Dame, peu de temps avant la Révolution,
à côté du colossal saint Christophe.
Nogaret ne s'oublia pas ; il triompha aussi à sa manière.
Nous avons quittance de lui, prouvant que ses appointe-
ments furent portés de cinq cents à huit cents livres '.
1 Cest U comète de Hailey, qui reparaît à de« intervalles de 75 à
76 ans. App., 40.
> D. Vaisselle.
CHAPITRE III
L'or. — Le fisc. — Les Templien.
« L'or, dit Christophe Colomb, est une chose excellente.
Avec de l'or, on forme des trésors. Avec de Tor, on fait
tout ce qu'on désire en ce monde. On fait même arriver
les âmes en paradis ^. »
L'époque oh nous sommes parvenus doit être considérée
comme Pavénement de l'or. C'est le Dieu du monde nou-
veau où nous entrons. — Philippe le Bel, à peine monté
sur le trône, exclut les prêtres de ses conseils, pour y faire
entrer les banquiers K
Gardons-nous de dire du mal de Tor. Comparé à la pro-
priété féodale, à la terre, l'or est une forme supérieure de
la richesse. Petite chose, mobile, échangeable, divisible,
facile à manier, facile à cacher, c'est la richesse subtilisée
déjà ; j'allais dire spiritualisée. Tant que la richesse fut
immobile, l'homme, rattaché par elle à la terre et comme
enraciné, n'avait guère plus de locomotion que la glèbe
sur laquelle il rampait. Le propriétaire était une dépen-
dance du sol ; la terre emportait l'homme. Aujourd'hui
c'est tout le contraire, il enlève la terre, concentrée et ré-
* LeUra de Christophe Colomb à Ferdinand et Isabelle, aprôs son
qnatrième voyage. (Navarelle.)
* Philippe le Bel emploie pendant toat son régne, comme ministres,
les deux banquiers florentins Biccio et Musciato, fils do Guido Franzcsi.
70 l'or. — LB FISC
sumée par Tor. Le docLie métal sert toute transaction ; il
suit, facile et fluide, toute circulation commerciale, admi-
nistrative. Le gouvernement, obligé d'agir au loin, rapide-
ment, de mille manières, a pour principal moyen d'action
les métaux précieux. La création soudaine d'un gouverne-
ment, au commencement du xiv* siècle, crée un besoin
subit, infini, de l'argent et de Vor.
Sous Philippe le Bel, le fisc, ce monstre, ce géant, naît
altéré, afiamé, endenté, U crie en naissant, comme le
Gargantua de Rabelais : A manger, à boire 1 L'enfant ter-
rible, dont on ne peut soûler la faim atroce, mangera au
besoin de la chair et boira du sang^ C'est le cyclope, l'ogre,
la gargouille dévorante de la Seine. La tète du monstre
s'appelle grand conseil, ses longues griffes sont au Parle-
ment, l'organe digestif est la chambre des comptes. Le
seul aliment qui puisse l'apaiser, c'est celui que le peuple
ne peut lui trouver. Fisc et peuple n'ont qu*un cri, c*est l'or.
Yoyez, dans Aristophane, comment Faveuglé et inerte
Plutus est tiraillé par ses adorateurs. Us lui prouvent sans
peine qu'il est le Dieu des Dieux. Et tous les Dieux lui
cèdent. Jupiter avoue qu'il meurt de faiin sans lui ', Mer-
cure quitte son métier de Dieu, se met au service de
Plutus, tourne la broche et lave là vaisselle.
Cette intronisation de l'or à la place de Diea se renoa—
velle au xiv^ siècle. La difficulté est de tirer cet or pares-
seux des réduits obscurs où fl dort. Ce' serait une curieuse
histoire que celle du lAesaunu, depuis Te temps où H se
tenait tapi sous le dragon de Colchos, des ffespérid'es ou
des Nibelungen, depuis son sommeil au ieniple de Delphes,
au palais de Persépolis. Alexandre, Cartilage, Ronie,
l'éveillent et le secouent \ Au moyen âge, il est déjà ren*
« App., 41.
■Cbjcune des fnniies rvTolution« do mon le est aussi IVpocfae de»
gnndes apparitions lïe l'or. Les Phwriet-s fe f^>nt sortir de D» li»h«s^
Alexandre dt Pi^nêpohs; Rume le cirv des utains de dernier sac^es^ear
LES TEMPLIERS. 71
dormi dans les églises, ou, pour mieux reposer, il prend
forme sacrée, croix, chapes, reliquaires. Qui sera assez
hardi pour le tirer de là, assez clairvoyant pour l'aper-
cevoir dans la terre oii il aime à s^enfouir 7 Quel magi-
cien évoquera, profanera cette chose sacrée qui vaut toutes
choses, cette toute-puissance aveugle que donne !a nature?
Le moyen âge ne pouvait atteindre sitdt la grande idée
moderne : Vhommz sait crier la richesse^ il change une vile
matière en objet précieux, lui donnant la richesse qu'il a
en lui, celle de la forme, de l'art, celle d'une volonté in-
telligente, n chercha d^abord la richesse, moins dans la
forme que dans la matière. Il s'acharna sur cette matière,
tourmenta la nature d'un amour furieux, lui demanda ce
qu'on demande à ce qu'on aime, la vie même, l'immorta-
lité '. Mais, malgré les merveilleuses fortunes des Lull'e,
des Flamei, l'or tant de fois trouvé n'apparaissait que pour
fuir, laissant le souffleur hors d'haleine ; il* fuyait, fondait
impitoyablement, et avec lui la substance de Itiomme, son
àme, sa vie, mise au fond dU creuset *.
Alors l'infortuné, cessant d'espérer dians Te pouvoir'
humain, se reniait lui-même, abdiquait tout bien, âme et
Dieu, n appelait le mal, le Diable. Roi des abîmes souter-
rains, le Diable était sans doute le monarque de Tor. Toyez
à Notre-Dame de Paris, et sur tant d'autres églises, l'a triste
d*iJtiMdw; Gorlèi VvMf» d« rAmétitu».. GlMwniiide cas ■mnaKâ.
est marque par on changement subit, non-seulement dans les prix des
denrées, mais aussi dans les idées et dans les mœori.
' Le dernier but de l'alchimie n'était pas tant de trouver Ter qoB
d'obtenir Tor pur, l'or potable, le breuvage d'immortalité. On racontait
la menreilleuse histoire d*un bouvier de Sicile du temps du roi Guilp
laume, qui» ayant trouvé' dans la terre un flacon d*or, but la liqueur
qu'il renfermait et revint à la jeunesse. (Roger Bacon, Opus majus.)
* Quelques-uns se yantèrent de n'avoir point soufflé pour rien. Ray-
mond Lulle, dans leurs traditions, passe en Angleterre^ et, pour encou-
rager le roi à la croisade ^ lui fabrique dans la Tour de Londres rour
six millions d'or. On en fit des Nob*es à la rose, qu'on opptUe 0nwr$
mujcurd^huijfohla de Raymond. Ajtjt., 42.
k
73 LOR, — LB FISC.
représentation du pauvre homme qui donne son &me pour
de l'or, qui s'inféode au Diable, s'agenouille devant la
Béte, et baise la griffe velue ..
Le Diable, persécuté avec les Manichéens et les Albi-
geois, chassé, comme eux, des villes, vivait alors au dé-
sert. Il cabalait sur la prairie avec les sorcières de Mac-
beth. La sorcellerie, débris des vieilles religions vaincues,
avait pourtant cela d'être un appel, non pas seulement à la
nature, comme l'alchimie, mais déjà à la volonté ; à la vo-
lonté mauvaise, au Diable, il est vrai. Cétait un mauvais
industrialisme, qui, ne pouvant tirer de la volonté les tré-
sors que contient son alliance avec la nature, essayait de
gagner, par la violence et le crime, ce que le travail, la pa-
tience, l'intelligence, peuvent seuls donner.
Au moyen fkge, celui qui sait oii est l'or, le véritable
alchimiste, le vrai sorcier, c'est le juif ; ou le demi-juif, le
Lombard *. Le juif, l'homme immonde, l'homme qui ne
peut toucher denrée ni femme qu'on ne la brûle, l'homme
d'outrage, sur lequd tout le monde crache *, c'est à lui
qu'il faut s'adresser.
Prolifique nation, qui par-dessus toutes les autres eut la
force multipliante, la force qui engendre, qui féconde à
volonté les brebis de Jacob ou les sequins de Sbylock.
Pendant tout le moyen âge, persécutés, chassés, rappelés,
ils ont fait l'indispensable intermédiaire entre le fisc et la
victime du fisc, entre l'agent et le patient, pompant l'or
d'en bas, et le rendant au roi par en haut avec laide gri-
' Dani l'usure, les juif', dit-on, dq faiMiaot qa'iiniter lei Lombardi,
le nn )> redresse uri. (Jlurïloh.)
■ A TodIoum, on tes fouffletait Iroii foi» par an, pour lu punir
d'avoir aulraroii livré la viEle aux Sarraain); loui Cliarlcs te CLanve,
ils r^lanircnl inulilcmont. — A Bêzii'rl, on lei cliassail à coups da
pierres penJant loule la Svmnine .'nintv. tls s'en rachelèrenl en llUO. —
Us rammcncèrent sou« te régne de Plnliiipu Aiiguslo 1 porter la rouclj*
i'iune, et le compile de Lairao en fil une loi à tous ht Juifs do la cliré»
liL'iiii) (canon 68;.
LES TEMPLIERS. 73
mace <... Mais U leur en restait toujouis quelque chose.. .
Patients, indestructibles, ils ont vaincu par la durée *. Us
ont résolu le problème de volatiliser la richesse ; affranchis
par la lettre de change, ils sont maintenant libres, ils sont
maîtres ; de soufflets en soufflets, les voilà au trAne du
inonde '.
4
Pour que le pauvre homme s'adresse au juif, pour qu'il
approche de cette sombre petite maison si mal famée, pour
qu'il parle à cet homme qui, dit-on; crucifie les petits
enfants, il ne faut pas moins que l'horrible pression du
fisc. Entre le fisc qui veut sa moelle et son sang, et le
Diable qui veut son âme, il prendra le juif pour milieu. .
Quand donc il avait épuisé sa dernière ressource, quand
son lit était vendu, quand sa femme et ses enfants^ cou-
chés à terre, tremblaient de fièvre ou criaient du pain;
alors, tête basse et plus courbé que s'il eût porté sa charge
« SoaTent ils firent Tobjet de traités entre les seigneurs. Dans l'or-
donnance de 1230, il est dit : • que personne dans notre royaume ne re-
tienne le juif d*un antre seigneur; partont où qaelqn'on retrouTera son
Jaif» il pourra le reprendre comme son eselaye (tanquam proprium. ser-
▼om), quelque long .s<(jour qu'il ait fait sur les terres d'un autre sei-
gneur. > On Toit en eflTet dttns les Etablissements que les meubles des
juifs appartenaient aux barons. Peu à peu le juif passa an roi» comme
U monnaie et les autres droits fiscaux.
' Paiiens, quia stcrnus... — C'est Tusage que les juifs se tiennent
cnr le passage de chaque nouveau pape, et lui présentent leur loi. Est-
ce un hommage ou un reproehe de ia vieille loi à la nouvelle, de la
mère à la fille ?... — • L« jour de son couronnement, le pape Jean XXIIl
chevaucha avec sa mitre papale de rue en rue dans la ville de Boulogne
b Grasse, faisant le signe de la croix Jusques en la rue où demearoient
les Juifs, lesquels offrirent par écrit leur loi, laquelle de sa propre
main il prit et reçut^ et puis la regarda, et tantôt la jela derrière lui, en
dbant : • Votre loi est bonne, mais d'icelle la nôtre est meilleure. > Et
loi parti de là, les juifs le suivoient le cnidant atteindre, et fut toute
la euuverture de son cheval déchirée; et le pape jetoit, par tontes les
raes où il passoii, mon noie, c'est à savoir deniers qu'on appelle qua-
Ifias et mailies de Florence; et y avoit devant lui et derrière ioi deux
eenu hommes d'armes, et avoit chacun en sa main une masse de euir
dont ils frappotent les juifs, tellement que c'étoit grand'joie à voir. •
llonstrelet.
• Aj'p., 43.
74 l'or. — LE FISC.
de bois, il se dirigeait lentement vers l'odieuse* maison, et
il y restait longtemps à la porte avant de frapper. Le juif
ayant ouvert avec précaution la petite gville^ un dialogue
s'engageait, étrange et difficile. Que disait le chrétîea?
t Au nom de Dieu I — Le juif Ta tué, ton Dieu. — Par
pitié ! — Quel chrétien a jamais eu pitié du juif ? Ce ne
sont pas des mots qu'il faut. Il faut un gage. -<- Que peut
donner celui qui n'a rien?* Le juif lui; dira doucement :
Mon ami, conformétaent aux ordonnances du. &oi, notre-
Sire, je ne prête ni sur haWt sanglant, ni sur fer de
charrue... Non, pour gage, je ne veux (pie vous-même. le
ne suis pas des vôtres, mon droit n'est pas le droit diré«-
tien. C'est un droit plus antique (in partes s&canio)^ Votre
chair répondra. Sang pour or, comme vie pour vie. Une
livre de votre chair, que je vais noumîr de mon angeot,
lùielivre seulement de votre belle chaire !....> L'or qua^
prèle le meurtrier du Fils de l'Homme, ne peut être qu'un
or meurtrier, anti-divin, ou, comme on disait dans ce
tempfr-là, AntUChrisl ^. Voilà l'or AnlirChrUt, comme Âris«
tophane nous montrait tout à l'heure dans Plutus r^fUî-
Jupiter.
Cet Anti-Christ, cet anti-dieu, doit dépouiller Dieu,
c'est-à-dire l'Église; l'église sécuTière, lés prêtres,. le
Pape*; Féglise régulière, les moines> les Templiers.
La mort scandaleusement prompte de Benoît Xr Ht
tomber l'iBglise dan&la.maia de Philippe le Bel.; elle la mit
à mélne de faire un pape, de tirer la papauté dé Rome, de
l'amener en France, pour,.en.cotte geôle, la fSoiîre travailler
• Shakespeare. The Merritant of* Vwiaav aet» I^ an. iii. r •• Imi Uiefot*^
fait ba nomtnitad for an eqval prand of fowr finr /letA, to Ija oui' imh
takcn, in trliail' part* oit yonrhodir ytoaroaih ma.. » Afp.^ 44»
* J^indste avec IL Beugnot mit oa point important : les jaifs ne eon»
Durent pas rnsare aux x* et xi« siècles, c'est-àHlire aux époques où oov
lear permiU'industrie (1S60).
LES TBMPLtBRS. 7o
i son profit) lui dlder dés* bulles lucratives, exploitt^r
rinfttHlibilité, constituer le Saint-Esprit comme soribe etf
percepteur pour la maison' de France.
Après la ihort de Benoit, Yeâ-cardinaux^'étaient enfermés
en conclave à Pérouse. Mais les deux partis, le français et
ranti-françafe, se balançaient si bien, qu'il' n'y avait pas
moyen d'en finir. Les gens de la ville, dans leur impa^*
fience, dans leur furie italienne de voir un pape fait à Pé^
rouse, n'y trouvèrent autre remède que d'affisuner les
cardinaux. Ceux-cS convinrent^ qu'un des deux partis dé-
signerait trois cancfidatB, et que ravrfft'e- parti choisirait. Ce
fût au part» français à choinip, et il désigna un Gascon^
Bertrand de Aott;, archevêque de Bbrdèaux. Bertrand s'était
mofntré ju6qa«-ià ennemi' du roi; maia on savut qu'il était
avant tout ami de son intéiét, et Ton espérait bleo le eno^
tertif.
Philippe, inatiruft pan m» eardinaâx et numi de^ lems
letHré&y domfte rendes^ viaus^ au> futur élu près de Saint»^
Asan^-d'Àngefy, dana une foréc Beitrasid y ooort pieis
d'espérance. Yillani parle deêetCB^enlfevuetseorète, comma
a'il y étalL B fiiat ire «• véâit>d'iiiie maligna naïveté :
« Bs entendtent cnaambAn la messe et ae jufèoaik le
Mcret. Mon le ni OMNoeaifa- à* paDlamentev en belle»
pflral«8y pour t^ nécottailtRiv oito Ûariss: de Valois. Sn*^
amte iiiMditr • Htnia^ andievdqne; j'siao. mon pouvoir d»
te faite pape^ at je v«ux ; c'est pour eela cpie je suia veaia
vei^toi } car, si ta me psom0ts.de neiaire six grftiMft quar
je te éenandeeai, je l^a»ancai cette! digaiié, et viaîci que
te prouvera que j'en ai I0 pouvoir. » Àkn» il faiimo«tnt
ka lettras et défi^aCioDs db Vm et de^ l'autre collège. Le
fincoD, plein d» convoilîse, voyant aiosi tout à coup qu'il
dépendait entièremeiit du roi de le faite pape^ se jeta,.
comme éperdia de joie, axix pieds de. Philippe, et dit:
c Monseigneur, c'est à présent que je vois que tu m'aimes
plus qu'homme qui vive, et que tu veux me rendre le bien
76 L*OR. — LB FISC.
pour le mal. Tu dois commander^ moi, obéir, et toujours
j'y serai disposé. » Le roi le releva, le baisa à la bouche,
et lui dit : c Les six grâces spéciales que je te demande sont
les suivantes : La première, que tu me réconcilies parfai-
tement avec rËglise, et me fasses pardonner le méfait que
i'ai commis en arrêtant le pape Boniface ; la seconde, que
tu rendes la communion à moi et à tous les miens ; la
troisième, que tu m'accordes les décimes du clergé dans
mon royaume pour cinq ans, atin d'aider aux dépenses
faites en la guerre; de Flandre ; la quatrième, que tu dé •
truises et annules la mémoire du pape Boniface ; la cin-
quième, que tu rendes la dignité de cardinal à messer
Jacobo et messer Piero de la Colonne, que tu les remettes
en leur état, et qu'avec eux tu fasses cardinaux certains
miens amis. Pour la sixième grâce et promesse, je me
réserve d'en parler en temps et lieu: car c'est chose
^grande et secrète. » L'archevêque promit tout par serment
sur le Corpus Domini, et de plus il donna pour otages son
frère et deux de ses neveux. Le roi, de son côté, promit et
jura qu'il le ferait élire pape i. »
Le pape de Philippe le Bel, avouant hautement sa dé-
pendance, déclara qu'il voulait être couronné à Lyon
(44 nov. 4305). Ce couronnement, qui commençait la
captivité de l'Ëglise, fut dignement solennisé. Au moment
où le cortège passait, un mur chargé de spectateurs s'é-
croule, blesse le roi et tue le duc de Bretagne. Le pape fut
renversé, la tiare tomba. Huit jours après, dans un ban-
quet du pape, ses gens et ceux des cardinaux prennent
querelle, un frère du pape est tué.
Cependant la honte du marché devenait publique. Clé-
ment payait comptant. Il donnait en payement ce qui
n'était pas à lui, en exigeant des décimes du clergé : dé-
cimes au roi de France, décimes au comte de Flandre pour
' App„ 45.
LES TEMPUERS. 77
qu'il s'acquitte envers le roi, décimes à Charles de Valois
pour une croisade contre l'empire grec. Le motif de la
croisade était étrange ; ce pauvre empire, au dire du
pape, était faible, et ne rassurait pas assez la chrétienté
contre les infidèles.
Clément, ayant payé, croyait être quitte et n'avoir plus
qu'à jouir en acquéreur et propriétaire, à user et abuser.
Comme un baron faisait chevauchée autour de sa terre
pour exercer son droit de gite et de pourvoirie. Clément
86 mit à voyager à travers l'Église de France. De Lyon, il
s'achemina vers Bordeaux, mais par Mâcon, Bourges et
Limoges, afin de ravager plus de pays. Il allait, prenant et
dévorant, d'évéché en évôché, avec une armée de fami-
liers et de serviteurs. Partout oii s'abattait cette nuée de
sauterelles, la place restait nette. Ancien archevêque de
Bordeaux, le rancuneux pontife ôta à Bourges sa primatie
sur la capitale de la Guyenne. Il s'établit chez son ennemi,
l'archevêque de Bourges, comme un garnisaire ou 171071--
geur d'office *, et il s'y hébergea de telle sorte, qu'il le
laissa ruiné de fond en comble ; ce primat des Aquitaines
serait mort de faim, s'il n'était venu à la cathédrale parmi
ses chanoines, recevoir aux distributions ecclésiastiques la
portion congrue *.
Dans les vols de Clément, le meilleur était pour une
femme qui rançonnait le pape, comme lui l'Église. C'était
la véritable Jérusalem oii allait l'argent de la croisade. La
belle Brunissende Talleyrand de Périgord lui coûtait, di-
sait-on, plus que la Terre-Sainte.
Clément allait être bientdt cruellement troublé dans
cette douce jouissance des biens de l'Église. Les décimes
en perspective ne répondaient pas aux besoins, actuels du
fisc royal. Le pape gagna du temps en lui donnant les
* Ces mois sont synonymes dans la langue de ce temps.
* CoDtio. G. de Naogis.
"ZS l'or. — LE EiSC.
juifs, en autorisant le roi à les saisir. X.!qpératioD 5e fit en
.un même jour avec un secret et une prouiptiLude qui fout
Jionneur aux gens du roi. Pas un juif, dit-ou, n'édiappa*
Jfon content de vendre leurs biens, Je ,ioi se. chargea de
poursuivre leurs débiteurs, déclarant que leurs .écritures
auflisaient pour titres de créances^ que l'écrit d'jm juif
&isait foi pour lui.
le juif .ne jrendant pas asses^, il .retdmba.s«r.le durétieiu
»I1 altéra encore les nmnnaies, augmentant le ti\x0 et diuii-
.nuant le »poid&; avec deux livres il jen .payait huit. Hai^
.quand il s- agissait de recevoir, il .ne voulait de sa monnaie
^ue pour un tiers ; deux banqueroutes en sens inversa.
Tous les débiteurs profitèrent de iroccasion. Ces jcnon-
naies de diverse valeur sous même titre faisitiont jnaltre
dès querelles sans nombre. Ou jie s'entendait pas:. c'était
une Babel. La seule chose à quoi le peiiple s.'aocorda,(voiUt
donc qu'il y a un peuple), ce fut.à se révolter. Le soi d^'éiait
sauvé au Temple. Ils l'y auraient suivi, ai on ne las .eàt
amusés en chemin à)piller.la maison (d'Etienne Sanbet, un
financier à qui l'on iittribuait Taltéraiion des ,monnaies.
X!émeute finit ainsi. Le roi fit pendre des centaines dlbom-
.mes aux arbres des routesautour de Paria. L'effi:oiJejr^p-
procha des nobles. U leur rendit le combat judiciaire
autrementidit l'impunité. £*était une défaite pour. le.j[ou«-
vernoment joyal. Le roi des légistes abdiquait Ja ioi^ jiaur
.reconnaître les décisions de ila iorce. Triste et douteuse
position, en législation comme en finances. J&eponssé de
l'Église aux juifs, de ceux-xi iiux c^mnumes, des.cam-
xnunestflamandes il retombait surile^clerg^é.
Le plus net des trésors de Philippe, son patrimoine .&
.exploiter,, le.fQnds sur lequel il comptait^ c'était son pape.
JS'il l'avait acheté, ce pape, «'il J'engcaissait ide vols et de
pillages, ce n'était point pour ne s'en pas servir, mais bien
pour en tirer parti, pour lui lever, comme le juif, une
livre de chair sur tel membre qu'il voudrait.
LES TEMPLIERS. 79
Il avait un moyen infaillible de presser et pressurer le
j)ape, un tout-puissant épouvantail, savoir, rie procès de
Boniface VIII/ Ce qu'il demandait à Clément, c'était préci-
sément le suicide de la papauté. Si Boniface était héré-
tique et faux pape* les cardinaux qu'il avait faits étaient
de faux cardinaux. Benoit XI et Clément, élus par «eux,
étaient à leur lour faux papes et sans droit, et ^non-
seulement eui^ mais ious ceux qu'ils avaient choisis ou
confirmés dans les digqités ecclésiastiques; non-rseule-
mant leurs choix, mais leurs actes de toute espèce. L'É-
glise se trouvait enlacée dans une illégalité sans fin.. D'autre
part, si Boniface avait été vrai pape, comme lel J.l était
infaillible, ses fientenees subsistaient, Philippe le Belies-
.tait condamné.
À peine >intronisé, Clément eut à entendre Maigre et
impérieuse requête de Nogarel, qui lui enjoignait de pour-
suivre son prédécesseur. Le marché à peine conclu, I^
Diable denotandait son payement. Le servage de l'chomme
vendu commençait; cette âme, une fois. garrottée desiiens
de l'injustice, ayant reçu le mors et le frein, devait être
misérablement chevauchée jusqu'à la damnation.
Plutôt que de tuer ainsi la pajpî.ut j en droit, Clément
avait mieux aimé la livrer en fait. Il avait créé d'un ooup
douze cardinaux dévoués au roi, les deux Colonna, et dix
Trançais ou Gascons. Ces douze, joints à ce qui restait des
douze du mémciparti, dont on avait surpris la nomination
à Célestin, assuraient à jamais au xoi l'élection des papes
futurs. Clément constituait ainsi la papauté entre les
mains de Philippe ; concession énorme, et. qui (pourtant
ne suffit point.
Il crut qu'il fléchirait son maître icn faisant un pas de
plus. Il révoqua une bulle de Boniface, la bulle Clericis
M0&5, qui fermait au roi la 'bourse ^u ^clergé. La 'bulle
Vnam ^atic/am contenaiiJ*expression de la suprématie pon-
tificale. Clément la sacrifia, et ce ne fut pas assez encore.
SO L\«. — LI FISC
Il eiait à Poitiers^ inquiet et malade de corps el d*esprit.
?hil:p-jv le Bel Tint l'y trvxiT^ arec de Domreiles exigences.
n hù falUit une grande Ci>nôscat3n>n. celle do plus riche
des ordres nrîî^eux, de Forint^ du Teîi.ple. Le pape, serré
eotnf deux ptrîîs, essaya de d>ir:::fr le cfaanpe à Philîf^
en le cixiiMint de ti^;rtes le? fireor? qui riaient au pooToir
du :^nt-S^ce. n ak?a sc4i Êls L:<wi5 Hutfn à s*etablir en
Sinmf : il dtvîirt Sic-n frènt Ojirkt? de Valais chef de la
<-vc>*ie, B Ufv^ji eEr.a de s"jS5SirvT la pr:nc<rtioo de la
ciài^a d"\r;:c. vi:x*r«rcT-ii;î W r:< de Nipies d'une dette
ffcct'.ie e£:rtr5 ! E-:!^, cir>:riia:i:: su de ses fiis, adju-
»rxrî à raztre V îrJoe de B:r.rT>f.
Pt. ri: çv revwi:: ::c;»:cr5^ r::^i> 3 i^ lk'*:iil p-as prise,
t er:,..::ru: k r*tr«e i.K'vsstti.cs c:c:îne Ve Trmr4e- D
tr:cn ciztv ii ::::*iï>i. c nv^-ije 5: C: n.» i: xir Tcdr-lkir qui
*.v*û>ji: !\vikrc^ Ik r^>f« Vr r:C v.cizi >il ecT.Ter des
fj-r^ 5:cLi*?. r^-vLT r«* ras j:"< rrv-^^.tr. là li^is rs-ii
csri::»;çr« 3f 5*f':.::-7.-^»rf, rcvc:«*-:v :\:^:"«::d:s rr:tnrîr> r>-c»a-
LES TEMPLIERS. 84
C'était un tiers da Paris d'alors. A Tombre da Temple et
sous sa puissante protection vivait une foule de serviteurs,
de familiers, d'affiliés, et aussi de gens condamnés; les
maisons de Tordre avaient droit d'asile. Philippe le Bel
lui-même en avait profité en 4306, lorsqu'il était pour-
suivi par le peuple soulevé. Il restait encore à l'époque
de la Révolution, un monument de cette ingi^atitude royale,
la grosse tour à quatre tourelles, bâtie en 4223. Elle servit
de prison à Louis XVi.
Le Temple de Paris était le centre de l'ordre, son trésor ;
les chapitres généraux s'y tenaient. De cette maison dépen-
daient toutes les provinces de l'ordre : Portugal, Castille
et Léon, Aragon, Majorque, AUeçiagne, Italie, Pouille et
Sicile, Angleterre et Irlande. Dans le nord, l'ordre teu-
tonique était sorti du Temple, comme en Espagne d'autres
ordres militaires se formèrent de ses débris. L'immense
majorité des Templiers étaient Français, particulièrement
les grands maîtres. Dans plusieurs langues, on désignait
les chevaliers par leur nom français : Frieri del tempio,
Le Temple, comme tous les ordres militaires, dérivait
de CIteaux. Le réformateur de Clteaux, saint Bernard, de
la même plume qui commentait le Cantique des cantiques,
donna aux chevaliers leur règle enthousiaste et austère.
Cette règle, c'était l'exil et la guerre sainte jusqu'à la
mort. Les Templiers devaient toujours accepter le combat,
fut-ce d'un contre trois, ne jamais demander quartier, ne
point donner de rançon, pas un pan de mur^ pas un pouce
de terre. Ils n'avaient pas de repos à espérer. On ne leur
permettait pas de passer dans des ordres moins austères.
a Allez heureux, allez paisibles, leur dit saint Bernard ;
chassez d'un cœur intrépide les ennemis de la croix de
Christ, bien sûrs que ni là vie ni la mort ne pourront vous
mettre hors l'amour de Dieu qui est en Jésus. En tout
péril, redites-vous la parole : Vivants ou morlSy nous
lu. 6
Sâr L'OR*. — KJ FISC
s9mm&$au SHgmuir^.., dlormxilm ^wkq^lw^ beureus
Yoidiiaimde^^asqiûa^e^qu'iLDOiiftidiMiQa de hi- figure du;
XempUer:: «? Cbevcmi toiidM^ poil béoiesé, aoiwiléda pous-*
siàfia; oiâ^d6.fo^),.noir de bàle et de. soleil. «. Ils aimant.lafr
cbdvauii afjdeotfi.ei rapides^ mai».BOB parés», bigarrés, ca-
pacaoonnài»*. Gor qui. obaKrae dans oetta foule, dans ce
tômsA qai eoule. à Un Deire Sainte^, c'e^t q|ie vous n'y
voyez que des scélérats et des impies. Christ, d'un ennemie
seiaitrUOiahafBii^iQn ;.du. persécuteur SauLU fait ua saint
P.auL...».Pui&.dans> uuiéloqueatvitioéraii^, iL conduit le»
gmmets pénitaiM de.Bellbïéem au CaLvaii?e, de Nazarotbi
aui SftintrSépukflie..
h& soldat a. la gloireiJe: moine: le oepo^.. Le Xeniplier
abjufiaiti Tua et. Ilauire^ II. nâuniaaaii ce.que: les doux; vies».
QBtida.pluâ dur, les périls, et les abstinwoes.. I^ gnaadft»
affaij». du moyen %b futr longtompa tttr guerre sainte^ loi
cnoisade ; llidéal* de laicnoiaadedeniblfliit réalieé dana Tordoe»
du.TemplËu Clétaitla enoiaade don^fM^uo^Sx^et perjnanento».
Associés aux Hospitaliers dans la défensetle^tnts liowi^
ib. es) dilTéraienlioni cft que.lajguQri^étAU.plu^ parlÂeutière-
ment Jâ]bnt>dQr leur inetiMioo^. Les un». et IqsLautrœ.nen-»-
daient. laa fins granda. senu^aa.. Quoi bonhoui) n*4taitr<»
pas. poufi ka pàkniir- qui v^^^geait 9ur loi route poudn^uao,
de JàSb k Jérusalem,, et. qui onoyiwti à UoMt' momoQl voir
fonche.att»- bii les htigaodfraosboa» de.DOimmlrer.uii cb<^
valien^. de. DsoeiaiiallfO! lai aeoouiiablor vwi^ leoug^ su te
roanleau blanc del'oidis^dUiTompl^l BotbatfûUe^loa doux.
oidiie»fiDui3ii8saiM^.alteMal«vemej^ raii^4alTgor4e et Var^
rièra-f[8ida. Om niellait au) miiioui ioft cmâséai nouveaux,
venus^et peu*, habitués, aux. gmarna^ dlAâie». Lâ»^ ohévaiiers
les: entouraienl, les pnatégoateni^. dit fiànamoeU ua i».
lenra^ ûomwmmnêimèim^Qm an^A^.CMiauxîtiwimDMaiiir'
LIS TEimtSRS. 88
gers reeonmidsai^iit ordinairemeiit assez mal ce dévoue-
mené; Ito servaient * moitia IM ohe¥alier8 qu'ils ne les em-
bmacment. OrgueiUevv et» fervents ii^ lèur«a<mtée, bien*
0èrs<qtt'un miracle «Hait sefitire exprèapoor eux, ils ne?
inaïKpiMeBt pup de «rompre te» trévee ; ik* entraînaient les
cbevaiîer»idaiis. dès périls inutile») se ^ faisaient' battre; el<
partaient^ lewrteiiSMit'le'petds delà guerre et les aeousant
de^les afotfmal soutenus. Le8>lt9inpUers formaient Tavanl*
garde à Maosoundi, lorsque ee jevue^ fou de -ceinte dUr<^
tois s'obstina à la poursuite, mulgré leur^onseîl,» et se jeta-
dans la viUe< ils le suivirent' par homiaupet* furent teus^
tués.
On avait cru avec raison ne pottvoi^jalnait Sure assez
pour on ordre si dévoué^l^» atile<. Lesprivilégee les plus-
magnifiques-leur furent accordés; D'abord ils ne» pouvaient
être jugés .que par le piq»e ; * mais un juge placé si loin et si <
hauttn*élut guère réelamé; aînsî lea Teoipliersa étaient
juges dans. leur» cansee^ lia poument' eocore*yrétre té»,
meiasi tanton anrait<foi dans leur lo]fauté I H leur était dé*
fendu d*iaccor Jenanounede lears:oemiiiatidenefrà'la soUi^
eît atiop des grand» ou dea-nris» Ile ne pouvaient p^yer ni i
draift, ni tribut^ ni péage.
Chaenn désirait naturellement parttcif^er à'de>td$ privt«*
léges. Innocent Ui lui*-méRie vouIntéti'eaflUiéà r4)idre;
Philippe leBel ledenaadaenrvaio;
Mai»4|uand oeliovdre n'eàt pas- eu ces gvands^et magni-^
fiques privilèges^ on s'yeerait présenté enfouie* LeTemple
avait pour les imaginatUms un > attrait de mystère* et de^
vague terreuTi Les lécoptious iHMiiantrlieu danslaeé^ses
de Tordre., la nuit etiportee fèimàse^ tes membres^ inlé^
rieurs en éiaient'.eKeiûsN; On4iaaitque6ile'roi de<FraQe»•
lutunénle y eAt^pénétra, iliQ'«enis^rait pas softii
La fonne énfréoeptioBLétaîlieaq^ntée an» riiaa^dnmMt*^ .
tiques et bizarres, aux mystères dont Téglise antique ne
craignait pas d entourer* les chosee sniates^ Le récipien*
84 L*OR. — LE FISC.
daire était présenté d'abord comme un pécheur, un mau-
vais chrétien, un renégat. Il reniait, à Texemple de saint
Pierre ; le reniement, dans cette pantomime, s'exprimait
par un acte S cracher sur la croix. L'ordre se chargeait de
réhabiliter ce renégat, de l'élever d'autant plus haut, que
sa chute était plus profonde. Ainsi dans la fête des fols ou
idiots (fatuorum), l'homme offrait l'hommage même de
son imbécillité, de son infamie, à TËglise qui devaiC le ré-
générer. Ces comédies sacrées, chaque jour moins com-
prises, étaient de plus en plus dangereuses, plus capables
de scandaliser un Âge prosaïque, qui ne voyait que la lettre
et perdait le sens du symbole.
Elles avaient ici un autre danger. L'orgueil du Temple
pouvait laisser dans ces formes une équivoque impie. Le
récipiendaire pouvait croire qu'au delà du christianisme
vulgaire, l'ordre allait lui révéler une religion plus haute,
lui ouvrir un sanctuaire derrière le sanctuaire. Ce nom du
Temple n'était pas sacré pour les seuls chrétiens. S'il
exprimait pour eux le Saint-Sépulcre, il rappelait aux
juifs, aux musulmans, le temple de Salomon ^. L'idée du
Temple, plus haute et plus générale que celle même de
l'ËgUse, planait en quelque sorte par-dessus toute reli-
gion. L'Ëglise datait, et le Temple ne datait pas. Contem-
porain de tous les âges, c'était comme un symbole de la
perpétuité religieuse. Même après la ruine des Templiers,
le Temple subsiste, au moins comme tradition, dans les
enseignements d'une foule de sociétés secrètes, jusqu'aux
Rose-Croix, jusqu'aux Francs-Maçons 3.
L'Ëglise est la maison du Christ, le Temple celle du
Saint-Esprit. Les gnostiques prenaient, pour leur grande
fête, non pas Noël ou Pâques, mais la Pentecôte, le jour
où l'Esprit descendit. Jusqu'à quel point ces vieilles sectes
subsistèrent-elles au moyen âge ? Les Templiers y furent-
< App,, 47. » * App., 48. — ' App,, 49.
LES TEMPLIERS. 85
Ils affiliés? De telles questions, malgré les ingénieuses
conjectures des modernes, resteront toujours obscures dans
rinsufIBsance des monuments <.
Ces doctrines intérieures du Temple semblent tout à la
fois vouloir se montrer et se cacher. On croit les recon-
naître, soit dans les emblèmes étranges, sculptés au por-'
tail de quelques églises, soit dans le dernier cycle épique
du moyen âge, dans ces poèmes où la chevalerie épurée
n'est plus qu'une odyssée, un voyage héroïque et pieux à la
recherche du Graal. On appelait ainsi la sainte coupe qui
reçut le sang du Sauveur. La simple vue de cette coupe
prolonge la vie de cinq cents années. Les enfants seuls peu-
vent en approcher sans mourir. Autour du Temple qui la
contient, veillent en armes les Templistes, ou chevaliers du
Graal K
Celte chevalerie plus qu'ecclésiastique, ce froid et trop
pur idéal, qui fut la fin du moyen âge et sa dernière rê-
verie, se trouvait, par sa hauteur même, étranger à toute
réalité, inaccessiUe à toute pratique. Le tenipliste resta
dans les poèmes, figure nuageuse et quasi-divine. Le Tem-
plier s'enfonça dans Ift brutalité.
Je ne voudrais pas m' associer aux persécuteurs de ce
grand ordre. L'ennemi des Templiers les a lavés sans le
vouloir; les tortures par lesquelles il leur arracha de hon-
teux aveux semblent une présomption d'innocence. On est
tenté de ne pas croire des malheureux qui s'accusent dans
les gênes. S'il y eut des souillures, on est tenté de ne plus
les voir, eifacées qu'elles furent dans la flamme des
bûchers.
Il subsiste cependant de graves aveux, obtenus hors de
la question et des tortures. Les points mêmes qui ne furent
pas prouvés n'en sont pas moins vraisemblables pour qui
« App„ 50.
■ Voyez mon Histoire Je France, t. Il, dernier eiiapi*.re.
86 L'WL — LE FISC.
eonnatt la nniure humaine, pour qui considère sérieuso*
uiHii la situation de Tordre dans ses derniers temps.
Il était naturel que le rekchement s'introduisit parmi
des moines guerriers, des eadels de la noUesae, qui cou-
raient les aventures loin de ia chrétienté» souTont loin des
yeux de leurs cliefs, entre les périb d'une guerre à nM>rt el
les tentations d'un climat brùiant, d'un paya d'^selates, de
ia luxurieuse Syrie. L'oifuail «t l'homMsur les aootiareDt
tant qu*tl y eut espoir pour la Terre SaiMe. SaohoBa4eur gré
d'avoir nvsisté si longtainps, lorsqu'à chaque erohade leur
aUente était «i tristamenl déipue, loisque toute prédietâon
OMUlait^ que las miracles promis s'ajournaient toiqooirs. II
n'y avait pas de semaine qM la doehe ée Jérusalem ne
aottuèl Tapparition des Arabes doM 4a plaine désolée. C'é*
tait toujiHirs aux Templiers, aux Hospitaliers à moater à
clie^« à sortir des aMirs».. -Bbin ik pardirart léwaafcm,
puis Saiiil«JeanHl*A€re« Soldats déiiiiiww, sentinelles per-
duaci. Aml^il s^etumMr ai» «• aoir do celle -hatailo^de deos
^ièrlt^ )f« bras Irur taaAérptUt
La chutiMMl |Mvi^ après laa grands allbils.X*éme
Ie1^ $i haut dans rhên>ksme H la sainteÉ
#«i tHnr^... Malade el aigris^ «Ile sa pkmge dans «le mal
«vec une Aiim $auva|Ee^ cimaiia ^aur ae v««gar d*
TtrlV parait avoir «rte k cènk» du Temple. Tout ce^'il
T axaM «« de saùn #« ^M*4^^ dmùai wchê al aouilaR.
Apr^ anor tendu de 1 iMaume à Dieu, m tenmaëe Oian à
la ftrti^ ^. L^ pteaisi^ ^i!!!^:NP<^ ^ ànii«Nnii»s bcnnqncs»
wsfcxr ■ vas de :silW* a:xxHKr$ ôe ao^ . ^es *. L> iwlaianl Tin-
^u $>i nbir<.tanc tMfe^amfeX EX («MMnl t tranvnil en-
* N»»t> •orme i» SkAi^ iïouw sv^v^u^^ « SUtft
. £ES TBIfPUEil&. 87
ration ehHmcUe, leoriité pu* Téleolion etiPesprit, faimit
montre 4e son 'mépnsipour hfemme 4, se suffismtà'lui-
Hiéme et:n'ai«Biit :f ienlhon de soi.
Comme il9se ymnifiit de lemmes, ib se pitoaûnt aussi
4e pvéùres, |iéohaiit et se confessMit entce eux 4. Stûls^se
passèrent de Dieu encore, lisiessagrèrent des sitpenliiioas
•orientales, deJa magie sartasine.. D'abord symbolique, le
reniement devint :réel ; ik^abjarèrent jtn.fiieu qui neidon-
imitpas la'violDira;iilfl leitraîtèrent eamme un DiendnB-
dèle qtn te :tiiihiaiait, H'ootragàrant, eraohèreni vsur da
«croîK.
»LeBr9ni«fiiea,'8e2semble, devintil^ordrernSme. dsado-
lèrent 'le Temple ét«leBfrBm|ilien,iftaun4che&, .eemme
Temples vifffilte.dis synifadUrant ^par ilaa aérémonies Jes
plus sales et les plus repoussantes iêidévoueBiantBveqgle,
rabamtao oompiat.delanwlonflé. L'ardre^ aesanantJJnsi,
tomba dans une broiushe religien desoi^néaDA^^bision
-maaniipie é90iBme.'€e>qii'il7 a deseaseraineaiant^didbo-
■liqmbdaoB le Diable, (c^.est'de:B*adorar.
.yoUàt^diaa ê on, 4eB leonjaotUMs. iMUs teUes masoitent
•-iMp BataBaliemaot dfnn 'ipnmd inombre 'dfaveux (obtenus
;Ê»mmmkD9eaÊÊS»à laitoctue^ipaaficulièrBmeat'JsaAngle-
term^.
«Que ttél4it été-d'aittetos 'letoaractàre çénéril 4eoUoidre,
-que les saitnlB «diast devenus léxpnaaément lh<mlaia lat
'iinpfe8,rc'<BtQ»^e)e 8u)sloni'dfaffiituer.*De>tdlto««hQBas
^ne s*éori^rMI fns. ioL .corruption contre dans un.oidrerpar
connivence mutuelle et tacite. Les formes subsistent, lohan-
geant-de 'sen6,(iity8rv«rtias paraneimauvaise -interp^ta-
' tion que parsonnecn'JKVoae toutibauL
Mais quand même ces infamies, ces impiétés auraient
• App„ 52. — * App., 53.
* Les dëpositionA les plas sales, et qui paraîtraient *f#B «le plus de
▼rttisefliUaMe di0l4és piirla quesHén, 'SMl celles des témoios- anglais»
•qui pourtant n*y furent pas soumis. App,, 5&« . .
88 L*OR. — LB FISC.
été universelles dans Tordra, elles n'auraient pas suffi
pour entraîner sa destruction. Le clergé les aurait cou-
vertes et étouffées^, comme tant d'autres désordres ecclé-
siastiques. La cause de la ruine du Temple, c'est qu'il était
trop riche et trop puissant. Il y eut une autre cause plus
intime, mais je la dirai tout à l'heure.
A mesure que la ferveur des guerres saintes diminuait
en Europe, à mesure qu'on allait moins à la croisade, on
donnait davantage au Temple, pour s'en dispenser. Les
affiliés de l'ordre étaient innombrables. D suffisait de payer
deux ou trois deniers par an^ Beaucoup de gens oflQraient
tous leurs biens, leurs personnes même. Deux comtes de
Provence se donnèrent ainsi. Un roi d'Âxagon légua son
royaume (Alphonse le Batailleur , 4431-4432); mais le'
royaume n'y consentit pas.
On peut juger du nombre prodigieux des possessions
des Templiers par celui des terres, des fermes, des forts
ruinés qui, dans nos villes ou nos campagnes, portent en-
core le nom du Temple. Ils possédaient, dit-on, plus de
neuf mille manoirs dans la chrétienté K En une seule pro-
vince d'Espagne, au royaume de Valence, ils avaient dix-
sept places fortes. Ils achetèrent argent comptant le
royaume de Chypre, qu'ils ne purent, il est vrai, garder.
Avec de tels privilèges, de telles richesses, de telles pos-
sessions, il était bien difficile de rester humbles '. Richard
Cœur-de-Lion disait en mourant : « Je laisse mon avarice
aux moines de Citeaux, ma luxure aux moines gris, ma
superbe aux Templiers. >
Au dé&ut de musulmans, cette milice inquiète et in-
domptable guerroyait contre les chrétiens. Ils firent la
> V. entre autres le tome XI de cette histoire, ch. zvi, xix, xz, et lo
tome XII, ch. ix.
* Ajtp,, 65.
s Dans leurs anciens statuts on lit : • Régula panperum commilito-
num tempU Salomonis. »
I
LIS TBMPLIKaS. 89
goerre au roi de Chypre et au prince d'Àntioche. Us dé-
trônèrent le roi de Jérusalem Henri II et le duc de Croatie.
Us ravagèrent la Thrace et la Grèce. Tous les croisés qui
revenaient de Syrie ne parlaient que des trahison^des Tem-
pliers, de leurs liaisons avec les infidèles^. Us étaient no-
toirement en rapport avec les Assassins de Syrie'; le peu-
ple remarquait, avec effroi l'analogie de leur costume avec
celui des sectateurs du Vieux de la «Montagne. Us avaient
accueilli le Soudan dans leurs maisons, permis le culte
mahométan, averti les infidèles de l'arrivée de Fré-
déric il 3. Dans leurs rivalités furieuses contre les Hospi-
taUers, ils avaient été jusqu'à lancer des flèches dans le
Saint-Sépulcre^. On assurait qu'ils avaient tué un chef
musulman, qui voulait se faire chrétien pour ne plus leur
payer tribut.
La maison de France particulièrement croyait avoii*
à se plaindre des Templiers. Us avaient tué Robert de
Brienne à Athènes. Us avaient refusé d'aider à la rançon
de saint Louis ^. En dernier lieu, ils s'étaient déclarés pour
la maison d'Aragon contre celle d'Anjou,
Cependant la Terre Sainte avait été définitivement per--
due en 1 194, et la croisade terminée. Les chevaliers reve-
naient inutiles, formidables, odieux. Us rapportaient au
milieu de ce royaume épuisé, et sous les yeux d'un roi fa-
mélique, un monstrueux trésor de cent cinquante mille
florins d'or, et en argent la charge de dix mulets ^. Qu'al-
laient-ils faire en pleine paix de tant de forces et de ri-
chesses ? Ne seraient*ils pas tentés de se créer une souverai-
neté dans l'Occident, comme les chevaliers Teutoniques
* • Et Aère dm cité trabirent'iU par leur grand mesprison. • Chroo.
de S. Oeoys.
' Voyes Uanmer. — < Dapuy.
* £o 1350, l'aQimotiié fat pootsée à no tel excèe» qu'ils ee livrôrcnt
une bataille dau laquelle les Templien furent taillés en pièce*. Les
historieos disent qu'il n*en échappa qu'un seul.
* App., 66. — • Arch. du Vatican, Raya.
90 l'^. ^ ms nftc.
Vont tait en I¥t6^, les HospftiMeMdtada teilki&ideiii 116-
ditefrranée, et les iédtit»4itiiIUit«0iityi.^V|tetiltBieiit{uiih
aux Hoepitdlier8,aucttii*voi dti solide B*«lt|Mi(loiir néâî»-
ter'. llD^éteitpokit'd'ïtatfoii lib'iifMMf&l dttyla«i8»fiM^
tes. Ite ijenalem à imites les JfiMniHes^blës, Us 9k*éaàmn
guère en tout, ikestiii««i,!^ift«di»''epiitBe wlUe*ohovaili«rB:;
mais c'étaienttdes lioiimes lagii^nris, m tnltoti 4)tm 'ptnn
pie qui inel^éciMtpltft, députe k'csinattaii'QM >guenraB des
^lo^euifs. (O^iMt ^^adinriiiiMeS'USVaUem, ^ HvaititaMb
Mameluks, oiasi idlelligeifie, HeMR » mpidea, <qtte la
-pesadte t^Mtovie 4é<Mlato était Knunto :«t^tmrte. On 4eii
"fO^Blt im«40M âv^eitteusemiim ^hei^iiitthar ''^^
mtrablesdhefauattrab^ytsiiMsiAiacttli dHm^éiniy«r,2â)aii
«sopvatlt d-annen, bshb «em)Mer 4^*MelMM if0ifa.4ts«b
pouvaient varier leurs vêtements, mais ite avaîetttidê'fné^
icieusesormes orientai, ^'Miaoiar^e ftae trampe^t^Ua-
wasquinées^iciiemanl.
ilis sentaieift bien toonfeMes. las lefuiplî^rs d'fkitigle^
iteflie-aviMem Médire «u Mt HamîtlM^ «"Voittiseraa m
tant que vous sei«zi}usta. ^ IHiiialatirr lM«ifte,iee>nidt*0tait
ina mÊimotè. fltoiit oelad»ntiatt4ften»r%f>blHppe'tefteI.
Alien wmiait 4 f ltt8MNM<W0Mi^ «(K^e'ia'afvioir smisavit
d?appelaoiitreAoiiiiaoequ*a^ecifései<fa, at<64»}^MMWt«M#i*.
-Us avairat Pefosé d'ttbnettre te Mi ^dam Jk>vdm. Ih-I'a«-
iraientra&eé^iet 4s)revaii»ltHier^,^totiMe*httitiilMfkm.1I
•leur devi^ >4e 4^^flrgt3nt * ; -te Van^rte^ était uM 'M#tè de
-banque^ eomme il*aiit été amii^étfl ^ itenaptoB 4e l-'a»^
•tiquité^. liorafate 4806,ÂlaM)Wa^ii'asaa'chez eux ^lem*-
* Ces ordres également poissants furent également attaqués. Les
év^Ones livoaieM .porièranfrcootniies ehewslief /i^iiiMi((ins 4«sftcta-
salions non moins graves. De Jean XXII à Innocent VI, lee>ilM|nMlisrs
eorer.t à soutenir les mêmes attaques. iMSiAiâiiitM f «maMmUdrent.
* En GtsUile, ks ïeoipliers» ftes.H«iftelifi»6CkiBmlwriUM de-Satot-
lacqnes «valent uniraitëde gamaisexontie teint iutônk
» App , 57.
* Miiford.
LIS XEMPUSnS* 91
tre le peuple soalevé, ce 6A «ansdoute.pour lui une ocea-
sion d'admirer ces trésors de l'ordre ; les cttevaliers^éuieut
trop confiants, tiop fiers, pour lui rien cacher.
La tentation était farte pourle roi ^ Sa f ictoire délions-
«iHPiieUe Favait ruiné. I^jà contraint de rendre la Gujrenne,
il l'avait été encore de lÀcher la Flandre flanuinde. Sa dé*
tresse pécuniaire était extrême» et pourtant il loi laUut
révoquer*un impôt contre lei|ttel la Normandie'S-était soii-
levée.'Lepeupletétaitai ému, qu'on défendit les raBsem*
'bkmeniS'depluS'deieiaq personnes. Le roi ne pouvait^sor-
4ir de celle «siluation désespéiiée que parQuel^pie'giaiide
confiscatîDn. Or, te juifeayant été^iuBsés^lecottp ne pou*
vaît irapper que eurtles. piètres ou sur les>nobiee, eu* bien
aur un ordre^< appartenait aux uns ou aux autna^'mais
qui, par cela même, n'appartenant exclusivement lUi à
<eeux-^i, ai à -ceux-là, ne serait défendu par .peieoiine.
'Loin d'éfire'défendus, les Templiers furent «plutôt attaqués
par leurs défenseurs naturels. Les moines les . powsuivi-
Mnt JLea nobles, les plus grands seigneursde France, don-
nèrent par écrit leur adhésion au procès.
PhUippe le Bel avait été élevé par un domiairwn. U
4nmit pour confesseur un domimeain. Loi^|te0ips«cestmot-
mes avaient été-amîs des Templiers, an point - même qu'ils
s'étaient oiigagis à eoliiciter de cbaqoe mouiUt qu'ils
xoofeasesaient un «legs pour le Temple^. Maisipeuàtpeu
les deux ordres «étaient devenus rivaux. Les doninieains
•vaientunordreniilitaire>à:eux, le94kLvaU$rigaMd$9Ui\^
.ne^prit,{>as grand essor. Àeette rivalité accidentelle il fiiut
ajouter une cause fondamentale de baine. Les T^nipliers
étaient nobles ; les dominicains, les Mehdfants, étaient en
aaitiat»d« «iMpItfs général dit eoarfaleiiBft to éiia.
* Voyes rhisioire de cet or tre, ptr l6dominMaiafFM#riei/1787. Ils
psoaièiflttp pourtant d6s bisn< du T«iiipl»; plaaievMYeMpHinpattdreot
âaju Irur ordre.
92 l'or. — LE FISC.
grande partie roturiers, quoique dans le tiers-ordre ib
comptassent des laïcs illustres et même des rois.
Dans les Mendiants, comme dans les légistes conseillers
de Philippe le Bel, il y avait contre les nobles, les hommes
d'armes, les chevaliers, un fonds commun de malveillance,
un levain de haine niveleuse. Les légistes devaient haïr les
Templiers comme moines ; les dominicains les détestaient
comme gens d'armes, comme moines mondains, qui
réunissaient les profits de la sainteté et l'orgueil de la vie
militaire. L'ordre de saint Dominique, inquisiteur dès sa
naissance, pouvait se croire obligé en conscience de per-
dre en ses rivaux des mécréants, doublement dangereux,
et par l'importation des superstitions sarrasines, et par
leurs liaisons avec les mystiques occidentaux, qui ne vou-*
laient plus adorer que le Saint-Esprit.
Le coup ne fut pas imprévu, comme on l'a dit. Les
Templiers eurent le temps de le voir venir ^. Mais Torgueil
les perdit ; ils crurent toujours qu'on n'oserait.
Le roi hésitait en effet. Il avait d'abord essayé des
moyens indirects. Par exemple, il avait demandé à être
admis dans l'ordre. S'il y eût réussi, il se serait probable-
ment fait grand maître, comme fit Ferdinand le Catholique
pour les ordres militaires d'Espagne. Il aurait appliqué les
biens du Temple à son usage, et l'ordre eût été conservé.
Depuis la perte de la Terre Sainte, et même antérieure-
ment, on avait fait entendre aux Templiers qu'il serait
urgent de les réunir aux Hospitaliers *. Réuni à un ordre
plus docile, le Temple eût présenté peu de résistanca
aux rois.
* Ils avaient de sombres pressenti monts. Un Templier anglais rencon*
trant un chevalier noarellemcnt reça : • Esne f rater noster receptos io
ordioe? Coi respondens. ita. Et ille : Si sederes super campanile Sancti
Pauli Londini^ non posses fidere majora inforlunia qoam tiiù eoniin*
gent anteqoam moriaris. » Concii . Urit.
* Le concile de Saitzbourg, tenu en 1271, et plusieurs autres asseoi*
Liées ecclésiastiques^ avaient pro[ioàc celle réunion.
LES T£UPLIERS. 93
Us ne voulurent point entendre à cela. Le grand maître,
Jacques Molay, pauvre chevalier de Bourgogne, mais
vieux et brave soldat qtfi venait de s'honorer en Orient par
les derniers combats qu'y rendirent les chrétiens, répondit
que saint Louis avait, il est vrai, proposé autrefois la réu«
nion des deux ordres, mais que le roi d'Espagne n'y avait
point consenti; que pour que les Hospitaliers fussent
réunis aux Templiers, il faudrait qu'ils s'amendassent
fort ; que les Templiers étaient plus exclusivement fondés
pour la guerre ^. U finissait par ces paroles hautaines :
« On trouve beaucoup de gens qui voudraiéht ôter aux
religieux leurs biens, plutôt que de leur en donner... Mais
si l'on fait cette union des deux ordres^ cette Religion sera
si forte et si puissante , qu'elle pourra bien défendre ses
droits contre toute personne au monde. »
Pendant que les Templiers résistaient si fièrement à
toute concession, les mauvais bruits allaient se fortifiant.
EuxHOiêmes y contribuaient. Un chevalier disait à Raoul
de Prestes, l'un des hommes les plus graves du temps,
c que dans le chapitre général de l'ordre, il y avait une
ehoae si secrète, que si pour son malheur quelqu'un la
voyi^it, fût-ce le roi de France, nulle crainte de tourment
n'empêcherait ceux du chapitre de le tuer, selon leur pou-
voir*. »
Un Templier nouvellement reçu ayait protesté contre la
forme de réception devant Tofficial de Paris ^. Un autre
s'en était confessé à un cordelier, qui lui donna pour péni-
tence de jeûner tous les vendredis im an durant sans che-
mise. Un autre enfin, qui était de la maison du pape,
« lui avait ingénument confessé tout le mal qu'il avait
reconnu en son ordre, en présence d'un cardinal son
cousin, qui écrivit à l'instant cette déposition. 9
« Afp,, 59. — « Oupny. App,, 60.
' C*ett Je premier des cent qaaranto dépoMnts. Dupay a ircnqotf la
]MSsage. V. le ms. aux archives du royaume. K 413.
91 l'ob. *^ le FldC.
Oit faisait en même' tempe, eouitr doftbniit;:^ siniâfres
sanles.priaoïisÉerribIte où Ie8.obe&tde4iordr0<ptongeaîeai
lesmembcearécaloitrants. Unjcksch«vaHénMléetaRa«<{u*uD
de aB8^clQi<étaii entré dan8J'ofdre-siiin>6tgaitaTeo<Àieiift
ett{aufiOi»;:au bouid^ tarDisjoniia; iiétattrHiovÉ. »
La Keiiiple>a(witeillait< w'tàBmeBii (m- XliwitB^ il tvoumti
lesTeîapyerat'tnop'ricbas^' at) pan génoreuxL Quoique le»
gnisâ. mattoet dans, ses; întennoipatoinBat mante kt muaMI-^
cauMcdô llonb»* unvdeai gri&fa poitési oantseoette opa^
leQtarQoqioraiiooi Qresl.<i qna lasiaumônes .ne s^y^ faiaaieiHi
pas* cofnfueF il.4taimioait^v »
LBS.chases^àlaientniûresi 14a roiappelfttà»Pari# legnand^
msrftre.et!tee;cb0f8^ illesiGareaia) lea^oemMa, lëa/endormiU
Us vimmiisefaiM pmiidra ffiiifitepooflinie. lea preteaUuata-
à la Saint-Barthélemy.
Il venatt. d'augmenter Keura^ privilège»*! li^ wsiV prié le
graend nialtne diétraFpamnn^d'undese^eDftints. Le>4S 00*^
tobne^ Jacquea.Molay^ désigne parlui^aMo^d^niitrea grands»
pdraoiiBage%. anait tMiu- le poéte^ k l^enteivemenl^ d& la-
beUe-aorar de!Pfadli))pe* te* 1^3; iè feti an{èté> aveo'lës oantr
(pianuite> Templiers qui étalant à Parii^ Le> mètne jMr;
siniMUtte le filreiil:à Beauoairer^ puift tme foule d'autra^-par-
toute: laLBl^aneai (hi.s'assurade^'assaBtlniettt'dlipeuple'et
de rUniversité ^. Le jour môme de l'arrestation, le^bouiv^
g^(Hsrfttraqftii|ipaléS{par pamiieesieti pan oonfrévies^wi jar-
din.dtt Doidauala Cité ;dea moines y tprèohèieiil. On peut
jugpn-dlar bt.wcdeDoe de. cas prédiaations^ popatairas: par
celladerïlatleltmjmyale» qui counii par toute la Prance^r
c Uue Qb^scrMaène^ une cbose^déf^omMe^ uftO'Ohese hmw
ribla à.pms^. teiriUe à; entendre* I' clMwer, OKàaraMe de-
* Tosjors acheiaicni sar>9 reodr^,,,
Tanltft'pof'à caa qu'il brito.
Cliron. eo Tors. citée par Rayn.
* En Ecosse, on leur reprochait, ontcfr l^iir o«p«<litéî deB'^tt«-pa»
hotpiuilleaa. Afif^, ftt
» App., oa. — ♦ itip . 0».
LES TEMPLIERS. 95
scélératef^se, détestable d'infamie!... Un esprit, doué de
raison compatit et se trouble dans sa compassion, en
voyant une nature qui s'exile elle-même hors des bornes
de la nature, qui oublie son principe, qui méconnaît sa
dignité, qui prodigue de soi, s'assimile aux bétes dépour-
vues de sens ; que disrj^ ? qui dépa^^ la brutalité des bétes
elles-mêmes!... » On juge de la terreur et du saisisse-
ment avec lesquels une telle lettre fut reçue de toute âme
chrétienne. CétuiiOAnmifi im^ eoup de tmmpette* du juge-
ment dernier.
Suivant l'indication sommaire des accusations : renie-
soimt,,ti;a]Û9Oii.d(0rla chrét4«}Uôw< profit. dos infidèles, ini-
tiatîoa^ d^oâtante^ imstUuti<»Q* aiatudlle ; cofin^. la comble»
de rbomeuir^cra^ber sur la croi».^ i
Ion! cela avaiti été déoenoéi par. des T^ospliere; BeuK
cbevatiersn «BiGiaseoQ et. uni balien,. en pniaon posr lënc»
méfaits,, avaient* disai^eiAi,. i:4«élé' tous. bu. secretader
l'ordre.
Ce* qui. frafpeîti 1^ phisi Uinmgiimtiofii,. c'étaient les
hruile quloaurai^ntieur iwe idele qur'auraienl adonblnr
TiempUeck ie& rapQOPis. variaieBit. S-eitm lee uns^ «'étail.
imi'tâteJiaibue; d'auta^es disaient, une. tête) à trois faees..
EUa avait,. dieeÂtreiii eacor^ dea^ yeuxr éiineeUuils. Seloo)
<aifll(ime»mnft> a'était un crâne d'bomme. D'autcee y subs*^
tituaieitf on fûmiS,
Q^qu'il,«a.fiUi de ee» bmile, Philippe' le Bel it'anraitr
pas- perdu, de lampe» 1^ joue même de Varneatation., il vintt
d& sa pimsonne^ iMbHr- au Temple avec son trésor et son
Xoéaor deaebaiiee, avee une année- de gens.de loi, pour
inatninwnteR, ioventorieR. Cette belle saisie* l'vrait fuit
riche tout d'aoïoanp..
CHAPITRE IV
Suite. Destraetion de Tordre "du Temple. 4?07-i314.
L^étonnement du pape fut extrême, quand il apprit que
le roi se passait de lui, dans la poursuite d'un ordre qui
ne pouvait être jugé que par le Saint-Siège. La colère loi
fit oublier sa servilité ordinaire, sa position précaire et dé-
pendante au milieu des États du roi. Il suspendit les pou-
voirs des juges ordinaires, archevêques et évêques, ceux
même des inquisiteurs.
La réponse du roi est rade. Il écrit au pape : Que Dieu
déteste les tièdes ; que ces lenteurs sont une sorte de con-
nivence avec les crimes des accusés; que le pape devrait
plutôt exciter les évêques. c Ce serait une grave injure
aux prélats de leur ôter le ministère qu'il tiennent de Dieu.
Us n*ont pas mérité cet outrage ; ils ne le supporteront
pas; le roi ne pourrait le tolérer sans violer son serment...
Saint Père, quel est le sacrilège qui osera vous conseiller
de mépriser ceux que Jésus-Christ envoie, ou plutôt Jésus
lui-même?... Si l'on suspend les inquisiteurs, l'affaire ne
finira jamais... Le roi n*a pas pris la chose en main comme
accusateur, mais comme champion de la foi et défenseur
de rËglise, dont il doit rendre compte à Dieu *. »
Philippe laissa croire au pape qu'il allait lui remettre les
prisonniers entre les mains* il se chargeait seulement de
• App., 6«.
DESTRUCTION DE L ORDRE DU TEMPLE. 97
garder les biens pour les appliquer au service de la Terre
Sainte (25 décembre 1307). Son but était d'obtenir que le
pape rendit aux évéques et aux inquisiteurs leurs pouvoirs
qu'il avait suspendus. Il lui envoya soixante-douze Tem-'
pliers à Poitiers, et fit partir de Paris les principaux de
Tordre; mais il ne les fit pas avancer plus loin que Chinon.
Le pape s'en contenta; il obtint les aveux de ceux de Poi-
tiers. En même temps, il leva la suspension des juges or-
dinaires, se réservant seulement le jugement des chefs de
Tordre.
Cette molle procédure ne pouvait satisfaire le roi. Si la
chose eût été traînée ainsi à petit bruit, et pardonnée,
comme au confessionnal, il n'y avait paâ moyen de garder
les biens. Aussi, pendant que le pape s'imaginait tout tenir
dans ses mains, le roi faisait instrumenter à Paris par son
confesseur, inquisiteur générai de France. On obtint sur-
le-champ cent quarante aveux par les tortures; le fer et le
feu y furent employés ^ Ces aveux une fois divulgués, le
pape ne pouvait plus arranger la chose. Il envoya deux
cardinaux à Chinon demander aux chefs, au grand maître,
si tout cela était vrai ; les cardinaux leur persuadèrent d'a-
vouer, et ils s'y résignèrent *. Le pape en effet les récon-
cilia, et les recommanda au roi. Il croyait les avoir sauvés.
Phihppe le laissait dire et allait son chemin. Au com-
mencement de 1308, il fit arrêter par son cousin le roi de
Naples, tous les Templiersf de Provence '. A Pâques, les
Ëtats du royaume furent assemblés à Tours. Le roi s'y fit
adresser un discours singulièrement violedt contre le
clergé : « Le peuple du royaume de France adresse au roi
d'instantes supplications... Qu'il se rappelle que le prince
des fils d'Israél^ Moïse, l'ami de Dieu, à qui le Seigneur
■ App., 67. — -> App., 68.
* Charles le Boiteux écrit à ses officiers en leur adressant des Ittlret
enclfies: • A ce jour quo je vous marque avant qu'il soit clair, ^oire
plutôt en pleine naict, vous les ouvrirez, 13 janvier 130S. .
ni. 7
B8 DESTRUCTION »K L*OII»RS PU TBIirLE.
parlait Ibce à f»ce, voyant Tapostasie des adorateurs du
veau d'or, dh : Que chacun prenne le glaive et tue smi
proche parent... Il n'alla pas pour cela demander le con-
aentement de aon frère Àaron, constitué grand prêtre par
l'ordre de Dieu... Pourquoi donc le roi trè8'K:tivétien ne
procéderait-il pas de même, mime monlre tovX le clergé^ $i
Je clergé errait ainsi, ou soutenait ceux qui errant <? »
A l'appui de ce discours, vingt-six pjcinces et seigneurs
,8e constituàrent accusateurs, et donnèrent ^procuration
pour agir contre les Templiers par- devant le pape et le
roi. La procuration est signée, des ducs de Bourgogne et
4e Bretagne, des pomtes de Flandre, de Neverset d'Au-
vergne, du vicomte de Narbonne, du coiute XaUeyrand de
Périgord. Nagaret signe hardiin^t entre Lusignan et
Goucy *.
Armé de ces adhésions, «.le roi, dit Aupuy, alla à
Poitiers, accompagné d'une grande nmlU&ude de gens,
qui étaient oeu^ de ses procureurs .quCi le «oi avait re-
.t^nusprès de lui, pourpr^dre avis aur les diQiGuUés qui
pourraient survenir ^ »
. £n arrivant, il baisa humblement les pieds au pape.
JAais celui-ci vit bientôt qu'il n'obtiendrait rien. Philippe
ne pouvait entendre à aucun ménagement. U lui fallait
traiter rigoureusement les personnes pour pouvoir garder
les biens. Le pape, hors de lui, vouteit sortir de la ville,
échapper à son tyran ; qui sait même s'il n'aurait pas fui
hoj*s de France ? Mais il n'était pas homme à partir sans
jion argent. Quand il se présenta aux portes avec ses
mulets, ses «bagages, ses sacs, Une put passer; il vit qu'il
était prisonnier du roi, non nums que les Templiers.
Plusieurs foisi il essaya de fuir, toujours inutilement. Il
semblait que son tout-puissant maître s'amusât des tor-
tures de cette âme misérable, qui se débattait encore.
> .R«ya«winl.
t Dapuy, -^* Id.
DKSfRCCTION DE L*ORDRB PB TEUPLB. 99
^lément resta donc et parut se résigoer. Il rendit, le
it 1308, une bulle adressée aux archevêques et aux
is. Cette pièce est siogulièreiBent brève et précise,
• Tusage de la cour de Rome. Il est évident que le
éorit malgré lui, et qu'on lui pousse la main. Quel-
-ques évéques, selon cette J)iille, avaient écrit qu'ils ne
8a?aiaDt e<»nment on devait traiter les accusés qui 3'obs-
«tineraient k nier, et ceux qui rétracteraient leurs aveux.
^ Ces dioses, dit le pape, n'étaient pas laissées indécises
par le droit écrit, dont nous savons que plusiem*s d'entre
vous ont pleine connaissance ; npus n'çnl^ndons pour le
(présent foire en cette affaire un nouveau droit, et noi^s
voulons que vous procédiez selon que le droit exige. »
B y avait ici une dangereuse équivoque, ura scnpta
8*entendait-il du droit romain, ou du droit canonique, w
des règlements de l'inquisition?
Le danger était d'autant plus réel, que le roi ne se
dessaisissait pas des prisonniers pour les remettre au
■f^P^f comme il le lui avait fait espérer. Pans l'entrevue,
il l'anuisa^encore, il lui promit les Ji)iens, pour le. consoler
de n'^avoûr pas les personnes; ces Jbiens devaient être
féttois à ceux que le pape désignerait. C'était le prendre
par son foible ; Clément était fort inquiet de ce que cos
l>ieiis allaient devenir K
Le pape avait rendu (5 juillet 4308) aux juges ordinaires,
•ichevéques et évéques, .leurs pouvoirs un instant sus-
j>endus. Le 4« août encore, il écrivait qu'on pouvait
fljoivre le droit commun. £t le 13, il rem/ettait l'affaire à
une commission. Les commissaires devaient instruire le
procès dans la province de Sens, à Paris, évéché dépenr-
dant de Sens. D'autres commissaires étaient nommés pour
en faire autant dans les autres parties de l'Europe, pour
TAngleterre l'archevéqp^ de Cantorbéry, pour l'Allemagne
• App., 69«
400 BESTRUGTIOX DE L^ORDRB BU TSUPLB.
ceux de Mayence, de Cologne et de Trêves. Le jugement
devait être prononcé d'alors en deux ans, dans un concile
général, hors de France, à Vienne, en Dauphiné, sur terre
d'Empire.
La commission, composée principalement d'évéques <,
était présidée par Gilles d'Aiscelin, archevêque de Nar-
bonne, homme doux et faible, de grandes lettres et de
peu de cœur. Le roi et le pape, chacun de leur côté,
croyaient cet homme tout à eux. Le pape crut calmer
plus sûrement encore le mécontentement de Philippe, en
adjoignant à ia commission le confesseur du roi, moine
dominicain et grand inquisiteur de France, celui qui avait
commencé le procès avec tant de violence et d'audace.
Le roi ne réclama pas. Il avait besoin du pape. La mort
de l'empereur Albert d'Autriche (1«' mai 1308) offrait à la
maison de France une haute perspective. Le frère de
Philippe, Charles de V^alois, dont la destinée était de de-
mander tout et de manquer tout, se porta pour candidat
à l'Empire. S'il eût réussi, le pape devenait à jamais ser-
viteur et serf de la maison de France. Clément écrivit pour
Charles de Valois ostensiblement, secrètement contre lui.
Dès lors il n'y avait plus de sûreté pour le pape sur les
terres du roi. Il parvint à sortir de Poitiers, et se jeta dans
Avignon (mars 4 309). 11 s'était engagé à ne pas quitter la
France, et de cette façon il ne violait pas, il éludait sa
promesse. Avignon c'était la France, et ce n'était pas la
France. C'était une frontière, une position mixte, une
sorte d'asile, comme fut Genève pour Calvin, Ferney pour
Voltaire. Avignon dépendait de plusieurs et de personne.
C'était terre d'Empire, un vieux municipe, une république
sous deux rois. Le roi de Naples comme comte de Pro-
vence, le roi de France comme comte de Toulouse, avaient
chacun la seigneurie d'une moitié d'Avignon. Mais le pape
« Àpp., 70.
DESTRUCTION DE L*ORDRE DU TBHPLE. 404
albit y être bien plus roi qu'eux, lui dont le séjour attire-
rait tant d'argent dans cette petite ville.
Clément se croyait libre, mais traînait sa chaîne. Le roi
le tenait toujours par le procès de Boniface. A peine établi
dans Avignon, il apprend que Philippe lui fait amener par
les Alpes une année de témoins. A leur t^te marchait ce
capitaine de Ferentino, ce Raynaldo de Supino, qui avait
été dans Taffaire d'Anagni le bras droit de Nogaret. A
trois lieues d'Avignon, les témoins tombèrent dans une
embuscade, qui leur avait été dressée. Raynaldo se sauva
à grand'peine à Nîmes, et fit dresser acte, par les gens du
roi, de ce guet-apens ^.
Le pape écrivit bien vite à Charles de Valois pour le
prier de calmer son frère. U écrivit au roi lui-même
(23 août 4309), que si les témoins étaient retardés dans
leur chemin, ce n'était passa faute,- mais celle des gens
du roi, qui devraient pourvoir à leur sûreté. Philippe lui
reprochait d'ajourner indéfiniment l'examen des témoins,
vieux et malades, et d'attendre qu'ils fussent morts. Des
partisans de Boniface avaient, disait-on, tué ou torturé
des témoins; un de ceux-ci avait été trouvé mort dans
son lit. Le pape répond qu'il ne sait rien de tout cela ; ce
qu'il sait, c'est que pendant ce long procès, les affaires des
rois, des prélats, du monde entier, dorment et attendent.
Un des témoins qui, dit-on, a disparu, se trouve préci-
sément en France et chez Nogaret.
Le roi avait dénoncé au pape certaines lettres inju-
rieuses. Le pape répond qu'elles sont, pour le latin et
l'orthographe, manifestement indignes de la cour de
Rome. Il les a fait brûler. Quant à en poursuivre les
auteurs, une expérience récente a prouvé que ces procès
subits contre des personnages importants^ ont une triste et
dangereuse issue K
* Dopay
♦03 MSTRUCTION M l/OftDRE Dlf TEMPLE.
Cette lettre du pape était une humble et timide pixv*
fession d'indépendance à Tégard du roi, une révolte à
genoux. L'allusion aux Templiers qui la termine, indi-
quait assez l'espoir que plaçait le pape dans les embarra»
où ce procès devait jeter Philippe le BeL
La commission pontificale, rassemblée le 7 août 1309;
à l'évéché de Paris, avait été entravée longtemps. Le roi
n'avait pas plus envie de voir justifier* les Templiers que
le «pape de condamner Boniface» Les témoins à charge
contre Boniface étaient maltraités à Avignon, les témoins
à décharge dans TafFaire des Templiers étaient torturés an
Paris. Les évoques n'obéissaient point à la commissionr
pontificale, et ne lui envoyaient point les prisonniers t.
Chaque jour la commission assistait à une messe, puis*
siégeait ; un huissier criait à la porte de la salle : t Si quel-*
qu'Un veut défendre l'ordre de la milice du Temple, il n's
qu'à se présenter. » Mais pers(»»ie ne se pi^ésaiitait. La
commission revenait le lendemain, toujours inutilemenl.
Enfin, le pape ayant, par une bulle (13 septembre 1309)^
ouvert l'instruction du procès contre Bonifiice, le roi
permit, en novembre, que le grand maître du Temple
Nit amené devant les commissaires K Le vieux chevalier
* App., 7î.
• e Le même joair, avAnf lai, le t% novembre, se préeenu deruit les-
évèques an homme eiv habit Wcakier, lequel déclara s'appeler Jean de
Melot (et non filolay, comme disent Raynonard et Dnpuy), aroir M
templier dix ans et aroii' quitté Tordre, quoique, disait-il, il n'y rùi
^aticuB mal. U déclarait venir pour faim et 'dire tout ce qu'eu vuo^''
drait. Les commissaires lui demandèrent s'il voulait défendre l'ordre,
qu'ils étaient prêts à l'entendre bénignement. l\ répondit qu'il n'était
venu pour autre chose, mais qu'il Toudrait bien savoir auparavant eu-
qu'on voulait faire de l'ohire. £t il ajoutait : « Ordonnes de moi ca
que vous voudrez; mais faites-moi donner mes nécessités, car je suis
bien pauvre» • — Les commissaires voyant à sa figure, à ses gestes et à
ses paroles, que c'était un homme simple et un esprit faible, ne prucé-^
dérent pas plus avant, mais le renvoyèrent à Tévéque de Paris, qui,
disaient- Is, l'accueillerait avec booié et lui forait donner de la nourii»
ture. • Process. ms.
DESTRUCTION DE l'ORDRB DU TEMPLE. 1 03
montra d*abord beaucoup de fermeté. H dit - que l'ordre
était privilégié du Saint-Siège, et qu'il lu! semblait bien
étonnant que TÉglise romaine voulût procéder subitement
à sa destruction, lorsqu'elle avait sursis à la déposition
de l'empereur Frédéric H, pendant trente-deux ans.
Il dit encore qu'il était prêt à défendre l'ordre, selon*
son pouvoir ; qu'il se regarderait lui-même comme un
misérable, s'il ne défendait un ordre dont il avait reçu tant
d'honneur et d'avantages; mais qu'il craignait de n'avoir
pas assez de sagesse et de réflexion, qu'il était prisonnier'
du roi et du pape, qu'il n'avait pas quatre deniers à dé--
penser pour la défense, pas d'autre conseil qu'un frère*
servant; qu'au reste, la vérité paraîtrait, non-seulement'
par le témoignage des Templiers, mais par celui des rois7
princes, prélats, ducs, comtes et barons, dans toutes leï*
parties du monde.
Si le grand maître se portait ainsi pour défenseur de
l'ordre, il allait prêter une grande force à la défense, et
sans doute compromettre le roi. Les commissaires l'en-
gagèrent à délibérer mûrement. Ils lui firent lire sa dépo*
sition devant les cardinaux; cette dép4)sition n'émanait
pas directement de luinoiéme; par pudeur ou pour tout
autre motif, il avait renvoyé les cardinaux à un' frère
servant qu'il chargeait de parler pour lui. Mais lorsqu'il
fut devant la commission, et que les gens d'église lui
lurent à haute voix ces tristes aveux, le vieux chevalier
nie put entendre de sang-froid de telles choses dites en
ùce. n fit le signe de la croix, et dit que si les seigneurs^
commissaires du pape* eussent été autres personnes,
il aurait eu quelque chose à leur dire. Les commissaires
répondirent qu'ils n'étaient pas gens à relever un gage
de bataille. — « Ce n'est pas là ce que j'entends, dit
le grand maître, mais plût à Dieu qu'en tel cas on*
' M. Rayooiurd dit les cardinaux, mais-à tort.
loi DESTRUCTION DE L*ORDRE DO TEMPLE.
observât contre les pervers la coutume des Sarrasins et
des Tartares ; ils leur tranchent la tête ou les coupent par
le milieu. » . . -
Cette réponse fit sortir les commissaire^ de leur dou-
ceur ordinaire. Ils répondirent avec une froide dureté :
c Ceux que TÉglise trouve hérétiques, elle les juge héré-
tiques, et abandonne les obstinés au tribunal séculier. »
L*homme de Philippe le Bel, Plasian, assistait à cette
audience, sans y avoir été appelé. Jacques Molay, efirayé
de rimpression que ses paroles avaient produite sur ces
prêtres, crut qu'il valait mieux se confier à un chevalier.
Il demanda la permission de conférer avec Piasian ; celui-
ci l'engagea, en ami, à ne pas se perdre, et le décida à
demander un délai jusqu'au vendredi suivant. Les évêques
le lui donnèrent, et ils lui en auraient donné davantage de
grand cœur i.
Le vendredi, Jacques Molay reparut, mais tout change.
Sans doute Piasian l'avait travaillé dans sa prison. Quand
on lui demanda de nouveau s'il voulait défendre l'ordre,
il répondit humblement qu'il n'était qu'un pauvre che-
valier illettré ; qu'il avait entendu lire une bulle aposto-
lique où le pape se réservait le jugement des chefs de
l'ordre, que, pour le présent, il ne demandait rien de plus.
On lui demanda expressément s'il voulait défendre
l'ordre. Il dit que non; il priait seulement les commis-
saires d'écrire au pape qu'il le fit venir au plus iài devant
lui. Il ajoutait avec la naïveté do l'impatience et de la
peur : « Je suis mortel, les autres aussi ; nous n'avons à
nous que le moment présent. »
Le grand maître, abandonnant ainsi la défense, lui ôtait
l'unité et la force qu'elle pouvait recevoir de lui. Il demanda
seulement à dire trois mots en faveur de l'ordre. D'abord,
qu'il n'y avait nulle église où le service divin se fit plus
• App., 73.
DESTRCCTION DB L*ORDRS DU TBlfPLS. 105
honorablement que dans celles des Templiers. Deuxième-
ment, qu'il ne savait nulle Religion où il se fit plus d'au-
mônes qu'en la Religion du Temple; qu'on y faisait trois
fois la semaine l'aumône à tout venant. Enfin, qu'il n'y
avait, à sa connaissance, nulle sorte de gens qui eussent
tant versé de sang pour la foi chrétienne, et qui fussent
plus redoutés des infidèles; qu'à Mansourab, le comte
d'Artois les avait mis à l'avant-^garde, et que s'il les avait
crus...
Alors une voix s'éleva : « Sans la Foi, tout cela ne sert
de rien au salut. >
Nogarei, qui se trouvait là, prit aussi la parole : « J'ai
oui dire qu'en les chroniques qui sont à Saint-Denis, il
était écrit qu'au temps du sultan de Babylone, le Maître
d'alors et les autres grands de l'ordre avaient fait hom-
mage à Saladin, et que le même Saladin, apprenant un
grand échec de ceux du Temple, avait dit publiquement
que cela leur était advenu en châtiment d'un vice infàine,
et de leur prévarication contre leur loi. »
Le grand maître répondit qu'il n'avait jamais ou! dire
pareille chose ;' qu'il savait seulement que le grand maître
d'alors avait maintenu- les trêves, parce que autrement il
n'aurait pu garder tel ou tel château. Jacques Molay finit
par prier humblement les commissaires et le chancelier
Nogaret, qu'on lui permît d'entendre la messe et d'avoir
sa chapelle et ses chapelains. Ils le lui promirent en louant
sa dévotion.*
Ainsi commençaient en même temps les deux procès du
Temple et de Bonifàco VIII. Ils présentaient l'étrange spec-
tacle d'une guerre indirecte du roi et du pape. Celui-ci,
forcé par le roi de poursuivre Boniface, était vengé par les
dépositions des Templiers contre la barbarie avec*laquelle
les gens du roi avaient dirigé les premières procédures.
Le roi déshonorait la papauté, le paiic déshonorait la
royauté. Mais le roi avait la force ; il empêchait les évéqucs
106 DESTRUCTION DB l'oRDRE DU TEMPLE.
d'envoyer aux commissaires du pape des Templiers prison-
niers, et en même temps il poussait sur Avignon des
nuées de témoins qu'on lui ramassait en Italie. Le pape,
en quelcpie sorte assiégé par eux, était condamné à en-
tendre les plus effrayantes dépositions contre Thonneur du
pontificat. "^
Plusieurs des témoins s'avouaient infâmes, et détail-
laient toiU ^ long dans quelles saletés ils avaient trempé
en commun avec Boniface ^. L'une de leurs dépositions les
moins dégoûtantes, de celles qu'on peut traduire, c'est que
Boniface avait fait tuer son prédécesseur ; il aurait dit à
l'un de ces misérables : « Ne reparais pas devant moi que
tu n'aies tué Célestin. » Le môme Boni&ce aurait fait un
sabbat, un sacrifice au diable. Ce qîii est plus vraisem-
blable dans ce vieux légiste italien, dans ce compatriote
de TArétin et Machiavel, c'est qu'il était incrédule,, impie
et cynique en ses paroles... Des gens ayant peur dans un
orage, et disant que c'était la fin du monde, il aurait dit :
« Le monde a toujours été et sera toujouiB. — Seigneur,
on assure qu'il y aura une résurrection? -^ Avez-vous ja-
mais vu ressusciter personne? »
Un homme lui apportant des figues de Sicile, lui disait :
« Si j'étais mort en mon voyage, Christ eût eu pitié de
moi. » A quoi Boniface aurait répondu : « Va, je suis bien
plus puissant que ton Christ; moi, je puis donner de^
royaumeft »•
Il parlait de tous les mystères avec une effroyable im-
piété. U disait de la Viei^e : « Non credo in Mariolà, Hn-
riolà, Mariolâl » Et ailleurs : « Nous ne croyons plus ni
l'ânesse, ni l'&non y »
Ces booflfonneries ne sont pas bien prouvées. Ce qui-
l'est mieux et ce qui fut peut^tre plus funeste à Boniface^
c'est sa tolérance. Un inquisiteur de Calabre avait dit :
• Dopoy. — * App,, 74.
DSSTBUCriON DB l'ordrb lv tbhplb. 407
€ Je crois que le pape favorise les hérétiques, car il ne
nous permet plus de remplir notre office, s Ailleurs ce
sont des moines qui font poursuivre leur abbé pour héré-
sie ; il est convaincu par Tinquisition. Mais le pape s'en
moque :*« Vous êtes des idiots, leur dit-il; votre abbé est
un savant homme, et il pense mieux que vous : allez et
croyez comme il croit. »
Après tous ces témoignages, il fallut que Clément V en«
durât face à &ce Tinsolence de Nogaret(46 mars 1310).
U vint en personne à Avignon^ mais accompagné de Pla«-
sian et d'une bonne escorte de gens armés. Nogaret,
ayant pour lui le roi et Tépée, était l'oppresseur de son
juge.
Dans les nombreux fbctums qu'il avait déjà lancés, on
trouve la substance de ce qu'il put dire au pape ; c'est un
mélange d'humilité et d'insolence, de servilisme monar-^
chique et de républicanisme classique, d'érudition pédan^
tesque et d'audace révolutionnaire. On aurait tort d'y
voir un petit Luther. L'amertume de Nogaret ne rappelle
pas les belles et naïves colères du bonhomme de Wittem^*
berg, dans lequel il y avait tout ensemble un enfont et un
lion; c'est plutôt la bile amère et recuite de Calvin, cette
haine à la quatrième puissMcd...
Dans son premier factnm, Nogaret ftvait déclaré ne pd«
lâcher prise. L'action contre l'hérésie, dit-il, ne s'éteint
point par la mort, màfte noit exsiinguitui\ li demandait
que Bbni&ce fijt exhumé et brûlé.
En làlO, il veot bîefi se justifier; mais c'est qu'il est
d'une bonne àme de craindre la faute, même oh il n'y a
pas feute; ainsi firefït Job, l'Apôtre, e^ saint Augustin...
Ensuite, il sait des gens qui, par ignorance, sont scanda-
lisés à cause de lui ; il craint, s'il ne se justifie, que ces
gens-là ne se damnent, en pensant mal de lui, Nogaret.
Voilà pourquoi il supplie, demande, postule et requiert
iomme droit^ avec larmes et gémissements, mains jointes»
108 OBSTRUCTION DB L'ORDRB DU TBlfPL9.
genoux en terre... En cette humble posture, il prononce,
en guise de justification, une effroyable invective contre
Boniface. II n'y-a pas moins de soixante chefis d'accusa-
tion.
Boniface, dit-ril encore, ayant décliné le jugement et
repoussé la convocation du concile, était, par cela seul,
contumace et convaincu. Nogaret n'avait pas une minute
à perdre pour accomplir son mandat. À défaut de la puis-
sance ecclésiastique ou civile, il fallait bien que le corps de
rËglise fût défendu par un catholique quelconque ; tout
catholique est tenu d*exposer sa vie pour TÉglise. « Moi
donc, Guillaume Nogaret, homme privé, et non pas seule-
ment homme privé, mais chevalier, tenu, par devoir de
chevalme, à défendre la république, il m'était permis^ il
m'était imposé de résister au susdit tyran pour la vérité
du Seigneur. — Item, comme ainsi soit que chacun est
tenu de défendre sa patrie, aupo\nt qu^onviériterail récom-
pense s%9 en cette défense^ on tuait son père < ; il m'était loi-
sible, que diS'je? obligatoire, de défendre ma patrie, le
royaume de France, qui avait à craindre le ravage, le
glaive, etc. »
Puis donc que Boniface sévissait contre l'Église et contre
lui-même, more furiosi, il fallait bien lui lier les pieds et
les mains. Ce n'était pas là acte d'ennemi, bien au con-
traire.
Mais. voilà qui est plus fort. C'est Nogaret qui a sauvé la
vie à Boniface, et il a encore sauvé un de ses neveux. Il n'a
laissé donner à manger au pape que par gens à qui il se
fiait. Aussi Boniface délivré lui a donné l'absolution. A
Anagni même, Boniface a prêché devant une grande mul-
titude, que tout ce qui lui était arrivé par Nogaret ou ses
gens lui était voru du Seigneur.
* « Pro quâ defensione si patrem oecidat, merltam hatMt, nae pœnas
mereinr. • Dupoy.
DESTRUCTION DE L*OIU>RE DU TEMPLE. 4^9
Cependant le procès du Temple avait commencé à grand
bruit, malgré la désertion du grand maître. Le 28 mars
4310, les commissaires se firent amener dans le jardin de
l'évéché les chevaliers qui déclaraient vouloir défendre
Tordre ; la salle n eût pu les contenir : ils étaient cinq cent
quarante- six. On leur lut en latin les articles de Taccusa-
lion. On voulait ensuite les leur lire en français. Mais ils
s'écrièrent que c'était bien assez de les avoir entendus en
latin, qu'ils ne se souciaient pas que l'on traduisit de
telles turpitudes en langue vulgaire. Comme ils étaient (i
nombreux^ pour éviter le tumulte, on leur dit de déléguer
des procureurs, de nommer quelques-uns d'entre eux qui
parleraient pour les autres. Ils auraient voulu parler tous,
tant ils avaient repris courage. « Nous aurions bien dû
aussi, s'écrièrent-ils, n'être torturés que par procureurs *..»
Us déléguèrent pourtant deux d'entre eux, un chevalier,
frère Raynaud de Pruin, et un prêtre, frère Pierre de Bou-
logne, procureur de l'ordre près la cour pontificale. Quel-
ques autres leur furent adjoints.
Les commissaires firent ensuite recueillir par toutes les
maisons de Paris qui servaient de prison aux Templiers s,
les dépositions de ceux qui voudraient défendre Tordre.
Ce fut un jour afireux qui pénétra dans les prisons de
Philippe le Bel. Il en sortit d'étranges voix, les unes fières
et rudes, d'autres pieuses, exaltées, plusieurs naïvement
douloureuses. Un des chevaliers dit seulement : a Je ne
puis pas plaider à moi seul contre le pape et le roi de
France \ » Quelques-uns remettent pour toute déposition
une prière à la sainte Vierge : « Marie, étoile des mers,
* App,, 75.
* Les ans étaient gardt's an Temple» les aatres à Saint-Martin-des-
Cbamps, d'antres à l'hôtel da comte de Sayoie et dans diverses mat*
■oos pnrticalières. (Process. ms.)
' • Respondit quod Dolebat litigare cam Dominfs papa et rego Fran-
eia. • Process. ms.
449 DBSTRUCTIO^N DE l'ORORB i>U TVVPLK.
oonduis-nous au port du salut ^... » Mais la pièce la plus
curieuse est une protestation en langue vulgaire, où, après
avoir soutenu Tinnocence de Tordre, les chevaliers nous
font connaître leur humiliante misère, le iriste calcul de
leurs dépenses >. Étranges détails et qfui font un cruel con-
traste avec la fierté et la richesse tant célébrée de cet
ordre!... Les malheureux, sur leur pauvre paye de tdouae
deniers par jour, étaient obligés éd payer le passage de
Teau pour aller subir leurs ûitecrogatoires dans la Cité, et
de donner encore de Targent à Thomme qui ouvrait ou
rivait leurs ohaines.
Enfin les défenseurs présentèrent un acte solennel au
nom 4e l'ordre. Dans cette protestation singulièrement
forte et hardie, ils déclarent joe pouvoir se défendre sans
le grand mettre, ni autrement que devant le concile géné-
ral. Ils soutiennent : « Que la religion du Temple est
sainte, pure et immaculée devant Dieu et son Père K
L'institution régulière, l'observance salutaire, y ont unir-
jours été, y sont encore en vigueur. Ipus les frères n!ont
qu'une profession de foi qui dans tout l'univers a été, est
toi/jours observée de tous, .depuis la fondation jusqu'au jour
présent. Et qui dit ou croit autrement, erre totalement
pèche mortellement. » C'était une affirmation bien hardie^
de soutenir que totu étaient restés fidèles aux règles de îo
fondation primitive; qu'il n'y avait eu nulle déviation,
nulle corruption. Lorsque le juste pèche sept fois par jour,
cet ordre superbe se trouvait' pur et sans péché. Un tel
orgueil foi&ait frémir.
ils ne .s'en tenaient pas là. lis demandaient que les
f .'ères apostats fussent mis sous bonne garde jusqu'à ce
qu'il apparût s'ils avaient porté un vrai témoignage.'
Us auraient voulu encore qu'aucun laïque n'assistât aux
interrogatoires. Nul doute en effet que la présence d'un
« App., 76 -•« i4/jj., 77. - > Aip., 73.
DBSTRCCTiON DE X'ORDRE DU TEMPLE. 4 1 1
Plasian, d'un Nogaret, n'intimidât les accusés et les juges.
Us finissent par dire que la oommission pontificale ne
peut aller plus avant : « Car enfin nous ne somilmes pas en
lieu sûr ; nous sommes et avons toiyours été au pouvoir de
ceux qui suggèrent des choses fausses au seigneur roi.
Tous les jours, par eux ou par d'autres, de vive voix, par
lettres ou messages, ils nous avertissent de ne pas ré-
tracter les fausses dépositions qui ont été arrachées par la
crainte ; qu'autrement nous serons hriirés t. »
Quelques jours q>rès, nouvelle protestation, mais plus
forte encore, moins apologétique que menaçante et accusa-
trice. < Ce procès, disent-il% a été soudain, violent, inique
€t.injuste ; ce n'est que violence atroce, intolérahle erreur.. .
Dans les prisons et les tortures, beaucoup et beaucoup
sont morts ; diautres en resteront infirmes pour leur vie.;
plusieurs ont été contraints de mentir contre eux*mèmes
et contre leur ordre. Ces violences et ces tourments leur
ont totalement enlevé le libre arbitre, c'est-à^diralout ce
que rhomme peut avoir de bon. Qui perd le libre arbitre,
perd.tout bien, science, mémoire et intellect.*... Pour les
'pousser au mensonge, au faux témoignage, on leur.mon-
trait des lettres oii pendait le sceau du roi, et qui leur ga-
rantissaient la conservation de leurs membres, de la vie,
de la liberté ; on promettait de pourvoir soigneusement à
ce qu'ils eussent de bons revenus pour leur vie ; on leur
assurait d'ailleurs que l'ordre était condanmé sans re-
mède... »
Quelque habitué que l'on fût alors à la violence des pro-
cédures inquisîtoriales, à l'immoralité des moyens em-
ployés communément poiff faire parler les accusés, il
était impossible que de telles paroles ne soulevassent les
cœurs I Mais ce qui en disait plus que toutes les paroles,
^ • ... Qttk ai raMSKtiinl, praut dievot, combnreatur Mwino.»
• Dapuy.
112 DESTRUCTION DE l'ORDRE tC TEUPLB.
c'était le pitoyable aspect des prisonniers, leur face pâle et
amaigrie, les traces hideuses des tortures... L'un d'eux,
Humbert Dupuy, le quatorzième témoin, avait été torturé
trois fois, retenu trente-six semaines au fond d'une tour
infecte, au pain et à l'eau. Un autre avait été pendu par
les parties génitales. Le chevalier Bernard Dugué (de Yado),
dont on avait tenu les pieds devant un feu ardent, mon-
trait deux os qui lui étaient tombés des talons.
C'étaient là de cruels spectacles. Les juges mêmes, tout
légistes qu'ils étaient, et sous leur sèche robe de prêtre,
étaient émus et souffraient. Combien plus le peuple, qui
chaque jour voyait ces malheureux passer l'eau en barque,
pour se rendre dans la Cité, au palais épiscopal, où sié-
geait la cx)mmission I L'indignation augmentait contre les
accusateurs, contre les Templiers apostats. Un jour, quatre
de ces derniers se présentent devant la commission, gar-
dant encore la barbe, mais portant leurs manteaux à la
main. Ils les jettent aux pieds des évoques, et déclarent
qu*ils renoncent à l'habit du Temple. Mais les juges ne les
virent qu'avec dégoût ; ils leur dirent qu'ils fissent dehors
ce qu-ils voudraient.
Le procès prenait une tournure fâcheuse pour ceux qui
l'avaient commencé avec tant de précipitation et de vio-
lence. Les accusateurs tombaient pou à peu à la situation
d'accusés. Chaque jour, les dépositions de ceux-ci révé-
laient les barbaries, les turpitudes dej la première procé-
dure. L'intention du procès devenait visible. On avait
tourmenté un accusé pour lui faire dire à combien mon-
tait le trésor rapporté de la Terre Sainte. Un trésor était-
il un crime, un titre d'accusation ?
Quand on songe au grand nombre d'affiliés que le
Temple avait dans le peuple, aux relations des chevaliers
avec la noblesse dont ils sortaient tous, on ne peut douter
que le roi ne fût effrayé de se voir engagé si avant. Le but
honteux, les moyens atroces, tout avait été déniasquê. Le
DBSTRUCnON DB L'ORDRS BU TBMPLE. Ii3
peuple, troublé et inquiet dans sa croyance depuis la tra*
gédiede Boniface YIII, n'allait-il pas se soulever ? Dans
rémeute des monnaies, le Temple avait été assez fort pour
protéger Philippe le bel ; aujourd'hui tous les amis du
Temple étaient contre lui. . . .
Ce qui aggravait encore le danger, c'est que dans les
autres contrées de l'Europe S l^s décisions des conciles
étaient favorables aux Templiers. Us furent déclarés inno-
cents, le 47 juin 1310 à Ravenne, le 1®>^ juillet à Mayence,
le 21 octobre è Salamanque. Dès le commencement de
l'année, on pouvait prévoir ces jugements et la dange-
reuse réaction qui s'ensuivrait à Paris. U fallait la pré-
venir, se réfugier dans l'audace. U fallait à tout prix
prendre en main le procès, le brusquer, l'.étouffer.
Au mois de février 1310, le roi s'était arrangé avec le
pape. Il avait déclaré s'en remettre à lui pour le juge-
ment de Boniface YllI. £n avril, il exigea en retour que
Clément nommât à l'archevêché de Sens le jeune Marigni,
frère du fameux Enguerrand, vrai roi de France sous Phi-
lippe le Bel. Le 10 mai, l'archevêque de Sens assemble à
Paris un concile provincial, et y fait paraître les Templiers.
Voilà deux tribunaux qui jugent en même temps les
mêmes accusés, en vertu de deux bulles du pape. La com-
mission alléguait la bulle qui lui attribuait le jugement <.
Le concile s'en raf^rtait à la bulle précédente, qui avait
rendu aux juges ordinaires leurs pouvoirs, d^abord sus*
pendus. Il ne reste point d'acte de ce concile, rien que le
nom de qeux qui siégèrent et le nombre de ceux qu'ils
firent brûler.
* Le roi d'Angleterre s'était d'abord déclaré asaes hautement pour
l'ordre; soit par sentiment de justice, soit par opposition à Philippe le
Bel, il a? ait écrit, le 4 décembre 1307, aai rois de Portugal, de Castille,
d'Aragon et de Sicile, en fa?ear des Templieraj lei coojarant de m
point ajouter fui à tout ce que Ton débitait contre eux en France,
(Dupoy.)
{ ; I SSSTItCCTIOK DE L'OMHIfi tfS TQVLI^
Le i'O mai, le dncnelw, jour ou b. commission éuit
tssemblée, tes défenstuvs de Ferd^e s'étaient pcésenlés
dewat rafdievéqtte de Narbonne et tes antres oonmis-
saires pon4iicainx.])our parter appel. L*arebevéque de Nar-
bonne répondit qu'un tel appel ne regardait ni lui ni ses
eoUègnas ; (p*its n'amcsÉ pas à s'en mèter, puisque ce
n'éftaèl pas de tewr tribunal que Ton appelsit ; que s'ils vou^
latent parler poMr la défense de Terdre, on tes entaulraît
vokmtters.
Les paanves dwraliers suppUètwDt qu'au nsatns on lea
menât devant te concile perur y porter tenv appel, en lenr
donaattt4te«Bx notaires qui en dresseraient acte auAen-
tiqoe ; ik priatemt la conNnission, ils priaient même les
notaires. pvé8eat& Dans leur afipel qu'ils lurent ensuite^ iis
se mettaient sous i» prelectioa dn pape, dans tes termes
tes plus palbétiqaes. c Nous réclamons les saints Apôtres*
nous, tea réclamons enoore une foiS| c'est avec te dernière
instance quenons^les ré&lamoas. » Les maiiieureuses vic«
times sentatent déjà les flammes et se servaient à l'autel
qui ne pouvait les protéger.
Tout le secours qne leur avait ménagéoe pape sur lequel
Ss comptaient, et dont ils se psoomaiandaient comme de
DieU) ÙLi une timide et làehe conaultation, où il avait
essayé d'avance d'iaiterpréter le me* de relaps j dans le cas
oii l'on voudrait appliquer ce ivsm à ewx* qui avaient r^
traeté tems avcoïc : c Û senAle en quelque sovte contraire
à la raison de juger de tels hommes comme rebps... £n
telles eboses dootenses, fl fsut restreindre et mpdérer les
peines. »
Les commissaires pontificaux n'osèrent faire valoir cette
consultation. Itt r^|yoiidirent, te dimanche soir, qolte
épt^ammu^ §ii^anda cowpasaîen pom* les défenseurs de
i'brdré'elites^'aotros 'firères ;- msns que l'affaire dont s'ocou^
paient rafctievéque de Sens et ses suffragants était toute
autre que la leur; qu'ils ne savaient ce qui se faisait, dans ce
ossnujcnoN ïol l'ordae iaj immx. m
eooedr v qo^ À la commission étmlb aiotor iéie |^ Ir Saint*-
Sâég%^ rancfaevéque de Sen» l'étais awsit; cpii^i'uae n'avait
nulle anloritéaurL'autrftr; qa!attf>ni«iifir conp'^âiii, ils ne
▼oyaîeiit rien àobjectt» kVstBàuNé^e de Sena ; que ton**
tefeisib aviacraîeiitM
Pendant qoe ks eommissaûn» «risaiNNit, ils apprirewt
que cinquante- quatre Tampliafs «teieni^ être bvâilés. Ha
jour avait suffi pour édtàvw siifftsunnent ravekevèqo^ de
Sens et sea suffragaials* Suivona faa à paa lerédl dâanei^
Mres d» la commitsion pcattifteale; daaa m simplieitë
ferriUe.
« Le mnrdi i% pendant KintervogaUma' du^ fcève Àam
Bertaud ^, il vî«t k la eonnaisaanœ de» commissaires que
cinquante^quatra^TemplieTS' allaient étie brûlée^. IIschanN-
gèrent le pcéisdt da L'église de- Sbiliers et Ifarehidiacie
d'OriéanSf desedacoi^^dfaUerdîre-à rarcfaeTé<|ue de Seais
et ses suffiragaalB. do dâliliéter rateement: et de diii^rei^
attendu que les foèrea morts ea* prison* afiirraaient^disaîl^
on, SHT le péril de leurs âmes, quîils éteient fisnissament
aocuaéa. Si cette eKécutûin avait lieu, elle era))ôcheraît ka
commissafrea dejpn>eéder ea leur offioe, les accusés éCaqt
telleflBeni efirayés qa^iissemblaienthors de sens* Ea outre
l'un dea commissaivea les chargea de signifier k raffehe<-
¥èque que* frèee Raynaud da Prain, Pierre de. Boulogne^
prôlre, CîaîUauBaa de Chambonnet et BeEtrané de Sar^
tiges, chevaliers, avaient interjeté eertaia appel par-devant
les commissaiaea. »«
n y avait là une gfirve questlen da juridiction. Si le
concile et raroh^équrde Sênsreeoniiaissaîent la validité,
d'un appttl porté defwit la commission papale, ils avouaient
la supériorité de ce tribunal, et les libertés de l'Église
t Nom ptoMina illisible dan la leilaw bASMO tremble éTi«i«mnent.
Plne baat, it noiaiBea bienécfét : BurtaMi^
* Qood LIV ex Templariit... erant dicta die eomborendi. • • PiD*
(• ma. folio 7S (feuiile coupée par la moitié).
410 DSSTBUCTIO.N DS L ORDftS WJ TBttPLI.
qu'ils passent être amenés sous bomie garde toutes les
fais qu'ils le demaaderaient, pour la défense de Tordre. •.
Les commissaires avaient bien soin d'ajouter : « qu'ils ne
voulaient faire aucun empôcbement à Tarchevôque de
Sens et k son concile, mais seulement déchaîner leur con-
science.
« Le seir, les conimissaires se réunirent à Sainte-
Geneviève dans la chapelle de Saint*-Ëloi, et reçurent des
chanoines qui. venaient de la part de Tarchevéque de
Sens. L'archevêque repondait qu'il 7 «vait deux aos que le
procès avait été commencé contre les cbe¥aUers ei-^essua
nommés, comme membres particuliers de l'ordre, qu'il
voulait le terminer selon la forme du mandat Apostoliqae.
Que.du reste il n'entendait aucunement troubler les com-
misaaipes en leur office *. » Effroyable dérision !
« Le6enw>yés de l'archevêque de Sens â'étant retirés,
OA aflieiia devant les commisaaires Raynaud de Pruin,
Chambonneiet Sartiges, lesquels Annoncèrent qu'on avait
sj|Mré d'eux «Pitt rre de Boulogne sans qu'ils ausaent pour-
quoi, ajoutant qu'ils étaieut gens simples, sansex4)érience»
d'ttî)teurs«tupéfaits et troublés, en sorte qu'ils ne pouvaient
nen erdenner ni dicter pour la défenac de l'ordre, sans le
Qonseil <ludit Pierre. C'est pourquoi ils suppliaient les
commissaires de le faire venir, de rentcndre, et 4e savoir
oomment et paurquoi il avait été retiré d'eux, ^t s'il voulait
persister dans la déienae de l'ordre ou l'abandooner. Les
commissaires ordonnèrent eu .-pnév^t de Peitiero et à
Jehan de TeinviUe, que le lendemain au matin ils ame*
nassent ledit frère en leur présence. »
Le lendemain, on ne voit pas que Pierre de Baulogne
ait comparu. Biais usé foule de Templiers vinaent déclarer
qu'ilsebandonnaient k défenae. dLeeamedi,laeomaûasienp
délaissée encore par un de ses membres, s'ajourna au
3 novembre suivant.
* Àpp., 62.
A tMè époque, les «onimissaires étaient moins Dom-
lireux eneeve. He se trewaient. réduits à trois. L*arch6>.
Téqoe 4e N«rbottne «ratt qvitté Paris pour le service du r$i,
l'«?éque de Bayenx élaît près d«i pape de la p&n eut Pt4.
L'archidiaere de Magaelsimie était malade. L^évèqne de
Limoges s'était mis en route pour venir, mais le rst M
avait fait dire qu'il fallait surseoir encore jusqu'au pro-
«diaÎB parlement ^ Les membres présents firent pourtant
damander à la. porte de la salie siipeiqa'im avait quelque
diose à dire pour Tordre du Temple. Personne ne se
jMréseata.
Le 97 décembre, les raMmissaires reprirent les itfterro*
gatoîres et redemandèrent les deux principaux défenseurs
de Turdre. liaîB le preoûer de tœa^ Pieire de Boulogne,
«vaît disparu. Son coHègue, Raynaud de Pruin, ne pouvait
plus répondre, disait-^on, ayant été dégradé par rarohe^
véque de Sens. Vingts-six chevaliers, tpfi déjà avalelit fait
sarment comme devant déposer, furent retenus par lea
^ns du roi, et ne puaent sepréseuter.
CTestune diose admirable qu'au mrReude ces violences,
^ dans un tel périU il se soit trouvé ua oertaia nombre de
•ehevuNsrs pow soutenu rtimucenoe de Foidre ; mais«e
courage fut rare. La plupart étaient sous l'impression
d'une profonde teneur^.
La perte des Tempfiers était partout poursuivie avec
;acbaruement dans les conciles provinciaux ^ ; neuf icbe-
t • iMelIfolO'rer IHutm tegîas ^oed non «kp'érebat. «
* 6n pMt eo jvfer par la disposition ^êe Han ât^ïketmmrt, le treatiK
MjXèyii) aépMsst. Il 4âo1ttre fl'afeorS «Ten tmir à tes premiers avNS.
im €MMBéaMArct, le fayaiM loat fUMe «luui fëtn^o, M 4i9ent de ne
-mmem qa'à dira la ^éfri/ké, al 4 lavfer <«ob iate; ffe^ «a ««an «aeao
péril à dire la vérité devant «me ; ifu^-ila aa févfMefoai pas ses pvrolei(, tii
•i lei ooiakaa préaeau. Alor^ M léfaqaaaa dépanrtian, ift dédara
i^ dira caafaiié à «n frèra «iiMNir, ^ tai « «njvtiil de i»e plus
■* Att& coDciita de Sens, Seulia, Beims, Rouen, Me., dt devant tas
420 DESTRUCTION DK L'ORDRS IHJ TSMPLB.
valiers venaient encore d'être brûlés à Senlis. Les interro-
gatoires avaient lieu sous la terreur des exécutions. Le
procès était étouffé dans les flammes... La commission
continua ses séances jusqu'au 4 4 juin 1 34 4 . Le résultat de
ses travaux est consigné dans un registre ^, qui finit par
ces paroles : « Pour surcroît de précaution, nous avons
év^es d'Amiens» CaTaillon, Glermont, Chartres^ Limoges, Pny, Mans,
Micon. Magaeionne, Neven, Orléans, Pdrigoid, Poiiien, Ubodei»
Saintes, Soissons, Tool, Tours, etc.
* Ce registre, que j'ai souvent cite, est à la Bibliothèque royale (fonds
Harlay, n* 329). H eoDUeut rinslruction faite à Paris par les commis-
saires du pape : Pracesnu tontra T$mpïanoi. Ce ms. a¥aic été déposé
dans le trésor de Notre-Dame. Il passa/ on ne sait comment, dans la
bibliothèque du président Brisson, pnis dans celle de M. Serrin, ayo-
cat général, enfiu dans oelie des Harlay, dont il porte encore les
armes. Au milieu du xtiii* siècle, U. de Harlay, ayant probablement
scrupule de rester détenteur d*on manuscrit de cette importance, le
ligua à la bibliothèque de Saint-Germain des Prés. Ayant heureusement
échappé à rincendie de eette bibliotbèquo en 17^3^ il a passé à la Bt«
bliothèque royale. 11 en existe un double aux archives du Vatican.
Voyez l'appendice de II. Rayn., p. 309. — La plupart des pièces du
procès des Templiers sont aux Archives do royaume. Les plus eu*
rieuses sont : i* le premier interrogatoire de cent qtutrante TempUtrs
arrêtés à Paris (en un gros rouleau de parchemin); Dupuy en a donné
quelques extraits fort négligés; %• plusieurs interrogatùiteê, faits es
d'autres villes; 3» la minute des artieUt sur lesquels ils furent interro-
gés; ces articles sont précédés d'uûo minute de lellre, sans date, du roi
au pape, espèce de factum destiné évidemment à être répandu dans le
peuple. Ces minutes sont sur papier de coton. Ce frêle et précieux chif-
fon, d'une écriture fort difficile, a été déchiffré et transcrit par un de
mes prédécesseurs, le savant M. Paviilet. H esc chargé de corrections
que M. Raynouard a relevées avec soin (p. SU) et qui ne peuvent être
que de la maiii d'un des ministres de Philippe le Bel, de Marigni, de
Plasian ou de Nogarel; le pape a copié docilement les articles sur le
Télin qui est an Vatican. La lettre, malgré ses divisions pédantesqnes,
est écrite avec une chaleur et «ne force remarquables : • In Dei no-
mine. Amen. Christus vincit, Gbristus régnât, Christus imperat. Post
illam universalem victoriam quam ipse Domious fecit in ligno crucis
contra bosiem aniiquum... ita miram et magnam et sirenuam, ita nli*
lem et necessariam... fecit novissimis bis diebns per inquisitores... in
perfidorum Templariorum negotio... Horrenda fuit domino régi...
propter bonditionem personarum dennnciantium, quia parvi etatus
erant bomines ad tam grande promovendum negotiam, etc. •
Section IM. J. 413.
0ISTBUGTION DS l'ORDRB DU TKMPLB. 121
déposé ladite procédure» rédigée par les notaires en acte
authentique, dans le trésor de Notre-Dame de Paris» pour
n'être 'exhibée à personne que sur lettres spéciales de Votre
Sainteté. »
Dans tous les Ëtats de la chrétienté, on supprima
Tordre, comme inutile ou dangereux. Les rois prirent les
biens ou les donnèrent aux autres ordres. Mais les indivi-
dus furent ménagés. Le traitement le plus sévère qu'ils
éprouvèrent furent d'être enq>risonnés dans des monas-
tères, souvent dans leurs propres couvents. C'est Tunique
peine à laquelle on condamna en Angleterre les chefs de
Tordre qui s*obstinaient à nier.
Les Templiers furent condamnés en Lombardie et en
Toscane, justifiés à Ravenne et à Bologne ^ En CastiUe,
on les jugea innocents. Ceux d'Aragon, qui avaient des
places fortes, s'y jetèrent et firent résistance, principale-
ment dans leur fameux fort de Honçon >. Le roi d'Aragon
emporta ces forts, et ils n'en furent pas plus mal traités.
On créa Tordre de Monteza, où ils entrèrent en foule. En
Portugal, ils recrutèrent les ordres d'Avis et du Christ.
Ce n'était pas dans l'Espagne, en face des Maures, sur la
terre classique de la croisade, qu'on pouvait songer à
proscrire les vieux défenseurs de la chrétienté '.
La conduite des autres princes, à l'égard des Templiers,
faisait la satire de Philippe le Bel. Le pape blâma cette
douceur ; il reprocha aux rois d'Angleterre, de Castille,
d'Aragon et de Portugal, de n'avoir pas employé les tor-
tures. Philippe l'avait endurci, soit en lui dcn lant part
aux dépouilles, soit en lui abandonnant le jugement de
* llayence, 1*' juillet; Rayenne, 17 join; SaUmanqiie, 21 octobre
ISIO. Les Templiers d'ADomagne fe justifiéreDt 4 U manière des fraocs-
JQges weslphalicns. Ils se présentôrent en armes par-deTani les arclie-
?èqoes de Mayence et de Trêves, affirmèrent leur innocence, tournèrent
le dos an tribunal, et s'en allèrent paisiblement. App., 84.
* AlonigaudU, la Montagne de la joie. — * App., 85.
422 sBsnocTioN h VOÊom m miMS.
Bonibee. Le roi de Fnuice s'élaît déeidé à céëêr qoeiqne
peu 8ur oe dernier peint. H voyiit tout noMier autonr <to
hû. Les Éttts flor lesquels il Àndut soq intaenoè aetib*
blaient près d'y échapper. Les barons anglais vouiaieni
reniierser le goitremieraent des famrô d'Ëdosard H, qui
les tenait hnmiliéft devant la France. Les'Gttbei» d'Italie
appelaient le nosvd «nqwvenr, Benri de Luseiniievrgy
pow détrôner le petit-fils de Ckarfes d'Anjw, k roi
Ri^rt, grand idere «t pacmre roi, qui n'était haMIe qa'cn
astrolabe. La maison de France nsqnît de perdre ssoi
ascendant dans la chrétienté. TOnpiin, qn'on avait ora
mort, menaçait de revivre. Donainé par «as onûntes, Ma-
lippe pennît à Clément de dédaner qae Banifaee n'était
point hérétique S en assurant tantofois qne lem JMaitagI
sans midignité, qu'il eût ptaitOit, oomme nn amtre Sena,
aaehé la lionte, la nudité patemdle... Nogaret hii-aiâBie
est absous, à oandition qifil ira è la erolsade (s'iiy a craî*
sade), et qu'il servira toute sa vie à la T^re Sainte; en
attendant, il fera tel et tel pèUrianffe. Le cRmtnrnaÉeinr «éa
Nangis ajoute malignement une autre condition, e'aat qan
Nc^iaret fiera le pape son iiérîtier.
il y eut ainsi comproraîa. Le toi cédant snr Bonitee,
le pape lui abandonna les Templiers. H livrait les vifvnla
ponr sauver un mort. Mais oe mort était k papamé aKe-
Bième«
Ces arrangensents fiûts en famille, il restait à les fiimi
approuver par rËgiise. Le concile de Vienne a'nwrit la
46 octobre 4342, ooacîle œcuménique, où siégèrent ptaa
de trois cents évéqnes; aaaâs il âat plus solennel enoora
par la gravité des matières que par le nombre des assis-
tants.
D'abord on devait parler de la déUvramee des aaints
Keux. Tout concile en partait, chaque prince prenait la
• App,,SlfL
DISTRUCTIOSI M L*OMMIE DU TSMFLE. 4S3
croix, 61 tous restaient c! es eux. Ce n'était qu'un moyen
de tirer de Targeot ^
Le concile avait à régler deux grandes affairas, celle de
Bonifiioe, et ceHe du Temple. Dès le mois de norembre,
neuf chevaliers se présentèrent aux prélalB, s'offrant bra-
vement à défendre Tordre, et déclarant que quinte cents
ou deux mille des leurs étaient à Lyon ou dans les mon-
tagnes voisines, tout prêts à les soutenir. Eflinayé de cette
déclaration, ou plutôt de l'intérêt qu'inspirait lie dénnoue-
ment des neuf, le pape les fit arrêter s.
Dès lois il n^osa plus rassembler le eonciie. Il tint les
évéques inadîfs tout l'hiver, dans cette ville étrangère,
loin de leur paijfs et de leurs alhires, espérant sans doote
les vaincre par l'ennni, et les pratiquant un à un.
Le concile avait encore un objet, la répression des mjrs-
tiques, bobards et franciscains spirituek. Ce fut une triste
dboae de voir devant le pafe ' de Philippe le fiel^ aux
genoux de Bertrand de Gott , le pieux et «ofthousiaste
Uberttno , le premier auteur connu d'une Imitation de
Jésus-Qiriflt \ Toute la grùce qu'il demandait pour lui
et ses frères, les Franciscains réformés, c'était qu'on ne
les forçât pas de redtrer dans les eouvents trop 3«lêcbés,
trop riehes, «ù ils ne se trouvaient pas assez pauvres à
lenr gré.
L*lmitation, ponr ces mystiques, c'était la ehasilé et la
pauvreté. Bans roovrage le plus populaire de ce Aemps,
dans la Légende dorée, un saint donne tout ce qu'il a, sa
chemise même; il ne garde que son Évangile. Mais un
pauvre survenant encore, le saint donne l'Évangile *...
• V. is liltradaGlteatti Vau rot de Pranee, il nor. iUi.
* VImUaUcm de Jéfus-Chriit est le sojet commua d'une foule* d*
livm an %vf siècle. Le lîTre (|ae bous roonainions soas œ itire esl
le demer ; c'est le plss raisoaoable do loas, mais non petU-éiie k
élo^neat. ^ Hfp.» bS .
« App,, se.
124 DESTRUCTION DE l'ORDRS OU TEMPLE.
La pauvreté, sœur de la charité, était alors l'idéal des
Franciscains '. Ils aspiraient à ne rien posséder. Mais cela
n'est pas si facile que Ton croit. Us mendiaient, ils rece-
vaient; le pain môme reçu pour un jour, n*est-ce pas une
possession? Et quand les aliments étaient assimilés, mêlés
à leur chair, pouvait-on dire qu'ils ne fussent à eux?...
Plusieurs s'obstinaient à le nier '. Bizarre effort pour
échapper vivant aux conditions de la vie.
Gela pouvait paraître ou sublime ou risible ; mais au
premier coup d'œil, on n'en voyait pas le danger. Cepen-
dant, faire de la pauvreté absolue la loi de l'homme,
n'était-ce pas condamner la propriété? précisément comme,
à la même époque, les doctrines de fraternité idéale et
d'amour sans borne annulaient le mariage, cette autre
base de la société civile.
A mesure que raiîlorité s'en allait, que le prêtre tom-
bait dans l'esprit des peuples, la religion, n'étant plus
contenue dans les formes, se répandait en mysticisme 3.
Les Petits Frères (fraticelli) mettaient en commun les
biens et les femmes. A l'aurore de l'âge de charité,
disaient-ils, on ne pouvait rien garder pour soi. Dans
ritalie, où l'imagination est impatiente, au Piémont, pays
d'énergie, ils entreprirent de fonder sur une montagne ^ la
première cité vraiment fraternelle. Us y soutinrent un
siège, sous leur chef, le brave et éloquent Dulcîno. Sans
doute, il y avait quelque chose en cet homme : lorsqu'il
* Dante célèbre le mariage de la pauvreté et de saint François. Uber*
tino dit ce mot : « La lampe de la foi, la pauvreté... »
* App , 90.
* Ceux qu'on avait nommés les priants (bcghards) défendaient la
prière comme inutile : • Où est Tesprit, disaient-ils, là est la liberté. •
-^ Afp , 91.
^ Montagne appelée depuis Monte Gazari. Il y vincl)eaucoap de croi-
iés de Vereoil et de Nuvarre, de toute la Lombard ie, de Vienne, deSa-
.voie, de Provence et de Francs. Des femmes se cotisèrent et envoyèrent
cinq cents Bilistarii et ntrc ces hérétiques. (Bunv. d'imola.}
DBSTRUCTION DB l'ORDRB DU TBHPLB. 1 25
fut pris et déchiré avec des tenailles ardentes, sa belle
Margareta refusa tous les chevaliers qui voulaient la sau-
ver en répousant, et aima mieux partager cet efiroyable
supplice.
Les femmes tiennent une grande place dans l'histoire
de la religion à cette époque. Les grands saints s<Hit des
femmes : sainte Brigitte et sainte Catherine de Sienne.
Les grands hérétiques sont aussi des femmes. En 1340,
en 1 34 5, on voit, selon le continuateur de Nangis, des
femmes d'Allemagne ou des Pays-Bas enseigner que Tàme
anéantie dans Tamour du Créateur peut laisser fiiire le
le corps, sans plus s'en soucier. Déjà (4300) une Anglaise
était venue en France, persuadée qu'elle était le Saint-
Esprit incamé pour la rédemption des femmes; on la
eroy ait volontiers; elle était belle et de doux langage ^.
Le mysticisme des Franciscains n'était guère moins
alarmant >. Le pape devait condamner leur trop rigou-
reuse logique, leur charité, leur pauvreté absolue. L'idéal
devait être condamné, l'idéal des vertus chrétiennes!
Chose dure et odieuse à dire ! combien plus choquante
encore, quand la condamnation partait de la bouche d'un
Clément V ou d'un Jean XXII. Quelque morte que pût
être la conscience de ces papes, ne devaient-ils pas se
troubler et souiFrir en eux-mêmes, quand il leur Mlait
juger, proscrire, ces malheureux sectaires, cette folle
sainteté, dont tout le crime était de vouloir être pauvres,
déjeuner, de pleurer d'amour, de s'en aller pieds nus par
• App., Itt.
* Eax aossi avaient prècM qne l'âgd d'amour commenciit. Depuis la
vcone do Christ jusqu'à son retour devaient s'écouler sept Ages, • le
sixième, âge de rénovation éTangéliqne, d'C'XtirpatioH de la seete anti-
chrétienne sons 1^ psuvres Toloniaires, ne possédant rien en celte rit.
Cet Age avait commencé à saint François, l'homme féraphique, l'ange
dn sixième sceau de l'Apocalypse. ^ Il semblait ^n'il fût comme une
■ODVelle inearaaiion de Jésus (lesus Fronciscum generans), et sa règle
comme im nouvel Évangile... (Ubertino).
496 .MsniecrioN t» l'omuik du templb.
le mowle, da jouer^ inaMento oomédHSB» le dmoe 9à^
raBoé (jfclomM * T
LIaflÉra des Temfriiers fiit rapriae aa pviBteaipa l^vai
mit la main sur Lyon, leur asile. Les bourgeois ravaisni
apipriè coBÉTB leur afcbeeiréque;. cetta* vîtte impérial* était
délaissée de FEmi»re, ai ^ eoBvenaii trop bien an k%
non-eeulement comme le nœud ds la* Satee al da Hhôae,
la pointe de la France à THsl,. la tète de rottte; ver» Us
Alpes ou Hi Protttnce, (naist«u«totttoomme asile de. mécon-
tents, eorame nid d'hérétîqnesi. Philippoiy tio&mio aasem-
blée de notobles:. Puis il vînt au oonetieiavee'seftfilsv ses
porinoen ei un grond aortége: de gens amés ; il siégea à
côté du pape, un peu auMiessotts.
Jasqu(e4à^ les évéques s'étaient; montrés pieii dociles :
ils s'obstinaient à vouloir entfHidre la défense des Tem-
pliers. Les prélats- d'Italie,, moins, un seul; ceux d'Es-
pagne, c^^ d'Allemagne et» d& Danemnrck ; cevz. d'Afr^*
gletenre, d'ÏEcosse cLd'lrlande ; lesi français- même, SD^jets
de Philippe (sauf les arebevôquues de Reims, de Sens et
de Beuen), dédaràrani qu'ils ner pouvaient, eondwmer
aans ^stendre *.
Il fiUlut donc qtt'aptès avoir assemUé- ks concile, le pap^
nea paasftt II. assembla ses évéques kspk» sûi», et quÂ-
qnna cardinaux, et dMis ce coosistoîre, il abelit l'ordM,
dte son autorité pontificale^. L'abeliiion fol prononoée
ensmlet en présence <itt:Rn el du. oonnile Aucune résli^
matioai ne s'éleva*.
* Ubertino, dani sod désir de r^prètênier rÉTingile, assure qiiUI en-
•Ttit senti el reTèta spirituellemeot tous les personoages, qii*il se Qga-
, fait èlie, Caat6l le serviteur ou- le firèce du Sauveur, ttotOt le boeuf,
r&ne 0» le ibio, quelquefois le pelîL Jésus. Il assiatâit a« supplice^ se-
eiPOOraut la.pë<iiere8ee Madeleine;, puia il devenait Jésnasar* la crois: êl
«liani à sou père, fiafta l'esprit reolovaii.daa%U gloire da lAacenàou.
* Walsiuahum.
> La piupeei de» hiscariêusi ont cru que i'ordra av«it élÀ jmo^ pas le
oonicik*.,Ja huile'd*4boli(i4U) a'» été. infiriioéei iiqui;4» pMUÛéro. fdia.qga'
trois siècles après, en I60ô — Àpp,^ SKt.
]ipSilV€TIO.N AS L OBIMUS DU TJUIPLB» 127
BiiHitairaiitr^iKttfeeproeàs n'éuiipa» de ceux qa'oji
peut jugera U embnissaÂt r£ajrope entière ; les dépositioiu
élakiii par i&Ulievsv lâfr pièces mnombrabks ; les. pto-
•édvtea» anaîMrt 4iÊuté dans les d^reate États. La seuld
Ao9B cceUÎMt- 0 1^ 4*e* l'oadie était désorautis. ioutiie^
aide plus diiii||eraujc. Qiitélâfn» peu bonoiabkis qu'aïeul
été ses aMsiata motifii, la pi^fie agit senaérneat. U déclare
sahuUeeBpbeativa^ qM les .iitfonuatîonB ae soûl pas
lAfes^qii'ii a'a paa le droit de juger ^ luais q/ae Tordre
suspect: m'dimmwiUtsiupeetUfn ^. Clément J[1V a agit
iaitiement à Végard 4es Jésuites.
Cknieiii Y s'efcrça ainsi de couvrir rbonneur de l'B-
B fidsifia seerèteooieal tes registres dc^ BoniËEiee ^^
il ne révoqua psgr4evant le concile qu'une seule
de ses Mlea {CUridBUioos)^ celle qui ue toachak point
la doeÉrine, asak qaianqiàeiiaii le roi de prendre Targeat
daeteagé.
Ainsi* eea grandes quaneUea d'idées et de principes re-
lombAranfc aux qui^slîoai d'arganti Le» biena du Temple
devaient èlae eisfitoyés à la délivrance de la Terre Sainte»
ût doBBéa aux Heai^liefs ^. On accusa même cet ordre
d'arak «keté lalielitioa du Temple. S'il le fit^ U fut bien
lina^M^ Un bistofîea. assure qu'il en fut plut^ appauvri.
lea» XIU s&plaigaatt^ M 4346, de ee que le roi se payait
da 1» garde- des TeiaiplierBt en satsissaut les biens naémes
dea HaspHalieis ^. Eu 4347, ils furent trop heureux de
dfmner quittance finale aux admiaistmleors royaux des
MfiBsda Temple. Le p^)e a'affligeaii, en \^% àa n'avoir
* App., M.
* On irooTe aojonrd'btii en blanc, dans ces registres» les pages qoi
e»t éiéraivr^t tiès sduNi^meot.
* llependAoi en JirsfOD Jean XXU à la prière du roi applique le»
hmm ém Ten^e soa aux lltMpitoUen, ujas au dowcI oidre du Mon-
feu (iDonanière fortifié d« royaume de Valence, dépeuilMue- de Cala-
la>.
* App., W.
128 DESTRUCTION DB L*ORDRB Df TEMPtB.
encore qu'un peu de mobilier, pas même de quoi couvrir
les frais. Mais il n'eut pas finalement à se plaindre *.
Restait une triste partie de la succession du Temple, la
plus embarrassante. Je parle des prisonniers que le roi
gardait à Paris, particulièrement du grand maître. Écou-
tons, sur ce tragique événement, le récit de l'historieii
anonyme, du continuateur de Guillaume de Nangis :
« Le grand maître du ci-devant ordre du Temple et
trois autres Templiers, le Visitateur de France, les maitres
de Normandie et d'Aquitaine, sUr lesquels le pape s'était
réservé de prononcer définitivement «, comparurent par-
devant l'archevêque de Sens, et une assemblée d'autres
prélats et docteurs en droit divin et en droit canon, con-
voqués spécialement dans ce but à Paris sur Tordre du
pape, par Tévèque d'Albano et deux autres cardinaux
légats. Comme les quatre susdits avouaient les cximes dont
ils étaient chargés, publiquement et solennellement, et
qu'ils persévéraient dans cet aveu et paraissaient vouloir
y persévérer jusqu'à la fin, après mûre délibération du
conseil, sur la place du parvis de Notre*Dame, le lundi
après la Saint-Grégoire, ils furent condamnés à être em-
prisonnés pour toujours et murés. Mais comme les car-
dinaux croyaient avoir mis fin à l'affaire, voilà que tout à
coup, sans qu'on pût s'y attendre, deux des condamnés,
le maître d'Outre-mer et le maître de Normandie, £e dé-
fendant opiniâtrement contre le cardinal qui venait de
parler et contre l'archevêque de Sens, en reviennent à
renier leur confession et tous leurs aveux précédents,
sans garder de mesure, au grand étonnement de tous. Les
1 • Modica bona mobilia... quae ad .snmptus et rxpensas... safBeere
rnlnimc potuerunt. • Avignon, mai 130^. — Cependant lo rot de Naples
Charles il lui avait cédé la moitié deà meubi's que les Templiers possé-
daient en Provence.
* • ... Personas re£crvatas ut nosii,... vivœ vocis oraculo... * 1310,
W)V. Arducet,
i
DISTSUCriON DE L'OHDRE DU TEMFLB. 429
cardinaux les remirent au prév(^t de Paris, qui se trouvait
présent, pour les garder jusqu'à ce qu'ils en eussent plus
pleiaemenl délibéré le lendemain. Mais dès que le bruit
en vint aux oreilles du roi, qui' était alors dans son palais
royal, ayant communiqué avec les siens , sans appeler les
clei^cs^ par un avis prudent, vers le soir du même jour, il
les fit brûler tous deux sur le même bûcher dans une
petàte Ue de la Seine, entre le Jardin royal et l'Église des
Frères Ermites de Saint^Augustin. Ils parurent soutenir
les flanmies avec tant de femneté et de résolution, que la
constance de leur mort et leurs dénégations finales frap-
pèrent la multitude d'admiration et de stupeur. Les deux
autres furent enfermés, comme le portait leur sentence ^. »
Cette exécution, à l'insu des juges, fut évidemment un
assassinat. Le roi, qui, en 4340, avait au moins réuni un
co0cile pour faire périr les cinquante^quatre, dédaigna
ici toute apparence de droit et n'employa que la force. Il
n'avait pas même ici l'excuse du danger, la raison d'État,
celle du Salus papuli^ qu'il inscrivait sur ses monnaies K
Non, il considéra la dénégation du grand mattre comme
un outrage personnel, une insulte à la royauté, tant com-
promise dans cette afiaire. Il le frappa sans doute comme
reum 1ms» majestatis K
Maintenant comment expliquer les variations du grand
maître et sa dénégation finale? Ne semble-t-U pas que, par
fidélité chevaleresque, par orgueil militaire, il ait couvert
à tout prix l'honneur de Tordre? que la superbe du Temple
se soit réveillée au dernier moment ? que le vieux chevalier
laissé sur la brèche comme dernier défenseur ait voulu, au
péril de son àme, rendre à jamais impossible le jugement
de l'avenir sur cette obscure question ?
•
* Il y a dM monnaies de Philippe fe Bel qai représentent la Salulalioa
•n^étiqne, avec eeUe légende : SalQs populi.
» App., »7.
m. 0
Oa peut dire mari que les orinies refuroehés à Tordre
éiaidnfc paeliciAlien à* telle provinee 4u Tempta, à telle
mwon^ que roidre w éteil innooait; q«e Jhoqileir IMéy,
après, avoir avoué comme bommei» el par humilité^ pul
nier goomoô grand mattm.
Mm il y a autre ohoie. à: dire. Lo prineipal' chef d^ae^
cu^etiûih,. le renîemant^^ repœMt m» uae^dqtmoquei 11»-
pouvaient avouer qn'ib: eRraîeni* wernéy sens être eo eflël*
a|K>stat&* Ce reuîenieiil, pheiannrJeidédartrenl, était sym-'
bdique ;- c'éteil une isnilelioni ém maienamt de* miat
Pierre, une de 06$ pieuses comédies dont* l'UgHee antique
entourait lesaelea les. plua sérteon. dé la religion^, mai»
dont la tradition oonunençait k:ae peedre au ii^^sièele»
Que cette cérémonie ait été- quelqueftis^aoeomplie avec
une légèreté coupable, ou môme aveiir une dériaioo
impie, c'était le orime de qnekpaeeHUisf ai no&« te vègle
de Tordre.
Cette accusation eet.pourlanl.cfrqal perdille V^mple.
Cane fut pas seulement rinfiunie4ts*aHiars ; eHë n'était
paagénérale^ Ce.ne fiit pas. L'hérésie^ las doatirîMs gnos^
* Gft reaîaiflDt fût ftmm an jdm : (Mnm S DfM votre* inerMtitflé.
— Dans tonte initiation, le récipiendaire est ^réMalé OMMUft vbj ?aBr
rien, afin que l'initiation ait tout l'tionneur de sa réfénérailoa loorate.
YoytB VinitiMtmm iêê iannHim idinnandi (notes de nntrod^. â VhUU
oniv.) : * Tout à rhauie^ dit le parrshi de rayp«imf< j^vetK mmmIs
nnepeau de ehéfBrêt un meurtrier de cerceaux» iw ^Ûft«lmi. an iai^
tenr de parvéÉ, traître aux maîtres et aux compagnons; msiiiteoaotj'Qir
père«.. ett. » — » App^ 9è^
* Un des témoine.dépose que» ecMia^l se. refai»il i lisâfer Usa el à
cracber snr la croix, Rayasiid de BrignoUes, qui le reeersit» lai dit 6&
riant : •> Soie tnrnq^Ule, ooB^esl qtfnne fftrce. Non cures, q nia non est
niai qv»dan trafa^ <(aî^«) l«aiiràisptsur*âU^lliii»«dMS so» isft-
portante déposition, que naos tvanscriroo» en partie». n^ta-aiOonsBivé»
avec le récit d'nne oérémonio de ce gaire, une tradition sor gon origine.
» App,, 99.
* Pourtant mes études pour le S* yolnme da procès m'oM livré des
actes accablants. C'étaient les msmrs de réalise, ^èlns» eê^noines.
V. le cartulaire de Saint-Bertiû poor le xi« el le xii« lieriez Eade» RW
gaud pour le xiu*. (1860.)
DESTRUCTION DB l'ORDRB DU TBUFLI. 134
tiques ; vraisemblablement les chevaliers s'ocenpiieiit peu
de dogme. La vraie eaose de leurruine, celle qui mit tout
le- peuple eostre eux, qui ne leor laissa pas un défenseur
parmi tant de fimiilles nobles auxqueUes ils appartenaient,
ee fbt oetle monstrueuse accusation d'avoir f enié- et. craché
sur la croix, dette accusation -est justement o^e qui fut
avouée du plus grand nombre. La simple énonoiattondtt
fitft éloignait d^eux tout le monde ; chacun se signait et ne
Ttmlaît plus rien entendre.
Ainsi l'ordre qui avait représenté au plus haut degré le
génie symbolique du moyen âge mourut d'un symbole nott
compris ^. Cet événement n'est qu'un épisode de la guerre
étemelle que soutiennent l'un contre Tautre l'esprit et la
lettre, la poésie et la prose. Rien n*est cruel, ingrat, comme
la prose, au moment oii elle méconnaît les vieilles et véné-
rables formes poétiques, dans lesquelles elle a grandi.
Le symbolisme occulte et suspect du Temple n'avait rien
à espérer au moment où le symbolisme pontifical, jusque*
là révéré du monde entier, était lui-môme sans pouvoir.
La poésie mystique de YUnam sanctam, qui eût fait tres-
saillir tout le xn« siècle, ne disait plus rien aux contempo-
rains de Pierre Flotte et de Nogaret. Ni la colombe, ni
Varche, ni la tunique sans couture^ tous ces innocents sym-
boles, ne pouvaient plus défendre la papauté. Le glaive
spirituel était émoussé. Un âge prosaïque et froid com-
mençait, qui n'en sentait plus le tranchant*.
Ce qu'il y a de tragique ici, c'est que l'Église est tuée
par l^glise. Boniface est moins frappé par le gantelet de
Colonna que par l'adhésion des gallicans à l'appel de Phi-
lippe le Bel. Le Temple est poursuivi par les inquisiteurs,
aboli par le pape; les dépositions les plus graves contre
les Templiers sont celles des prêtres 3*. Nul doute que le
* App,, 100. — * App., ICI. — > Et anssl, je crois, des frères ser-
vants. La plupart des deux cents lémoins interrogés par la commissioD
ptntificale, sont qualifit'o servants, serviuntcs.
132 OBSTRUCTION Dfi L'ORDRE DU TBMPLE.
pouvoir d'absoudre, qu'usurpaient les chefs de Tordre, ne
leur ait fait des ecclésiastiques d'irréconciliables ennemis a.
Quelle fut sur les hommes d'alors l'impression de ce
grand suicide de TËglise, les inconsolables tristesses de
Dante le disent assez. Tout ce qu' on avait cru ou révéré,
papauté, chevalerie, croisade, tout semblait finir. Le
moyen âge est déjà une seconde antiquité qu'il faut avec
Dante chercher chez les morts. Le dernier poète de l'âge
symbolique' vit assez pour pouvoir lire la prosaïque allé-
gorie du Roman de la Rose. L'allégorie tue le symbole, la
prose la poésie. •
< App., iOl
* M. Fauriel a fort bien éiabli que le grand poëte théologien ne fut
jamais populaire en Italie. Les Italiens dn xw siècle, hommeg d'affalret
et qui saccédaient aux Jaib, farent antidanteaqoei.
CHAPITRE V
Snîle du r^e de Philippe le Bel. Ses trois fils* — Procès.
Institutions. 1314-1328.
La fin du procès du Temple fut le commencement de
vingt autres. Les premières années du xnr< siècle ne sont
qu'un long procès. Ces hideuses tragédies avaient troublé
les imaginations, effarouché les âmes. Il y eut comme une
épidémie de crimes. Des supplices atroces, obscènes,
qui étaient eux-tnémes des crimes,' les punissaient et les
provoquaient.
Mais les crimes eussent-ils manqué, ee gouvernement de
robe longue, de jugeurs, ne pouvait s'arrêter aisément,
une fois en train de juger. L'humeur militante des gens
du roi, si terriblement éveillée par leurs campagnes contre
Boniface et contre le Temple, ne pouvait plus se pâs^r
de guerre. Leur guerre, leur passion, c'était un grand pro-
cès, un grand et terrible procès, des crimes affreux,
étranges, punis dignement par de grands supplices. Rien
n'y manquait, si le coupable était un personnage. Le po-
pulaire apprenait alors à révérer la robe ; le bourgeois en*
geignait à ses enfants à ôter le chaperon devant Messires,
à s'écarter devant leur mule, lorsqu'au soir, par les petites
rues de la Cité, ils revenaient attardés de quelque fameux
jugement ^
' y. U mor( tf n président Minart.
à
134 SUITE DD RÉGNE DE PHILIPPE LE BEL.
Les accusations vinrent en foule, ils n'eurent point à se
plaindre : empoisonnements, adultères, faux, sorcellerie
surtout. Cette dernière était mêlée à toutes, elle en faisait
l'attrait et l'horreur. Le juge frissonnait sur son siège lors-
qu'on apportait au tribunal les pièces de conviction, phil-
tres, amulettes, crapauds, chats noirs, images percées
d'aiguilles... Il y avait en ces causes une violente curiosité,
un acre plaisir de vengeance et de peur. On ne s'en ras-
sasiait pas. Plus on brûlait, plus il en venait.
On croirait volontiers que ce temps est le règne du Dia-
ble, n'étaient les belles ordonnances qui y apparaissent
par intervalles, et y font comme la part de Dieu...
L'homme est vi^darament disfMUé ptf les deux puissances^
On croit assister au drame de Bariole : l'honuxie par-
devant Jésus, le Diable demandeur, la Yierge défendeur.
Le Diable réclame l'homme comme sa chose, alléguant la
longue possession. La Yierge prouve qu'il n'y a pasprescr^
lion^ et montre que Tautie abuse des textes ^
La Vierge a forte partie à cette époque. Le Diable est
luinmôme du siècle, il en réunit les caractèras, les mau-
Taisds industries. U tient du juif et de l'alchimiste, du sco-
lastiqne et du légiste.
Xa diablerie, comme science, cuvait dès lors pen de pro*
grès à faire. Elle se formait eoomie art. La démooalogie
enfantait la sorcellerie. Il ne suffisait pas de pouvoir di»*
tinguer et classer des légions de diables, d'en savoir les
noms, les professions, les tempéraments ^ ; il fallait ap-»
prandreà les faire servir aux osages^^le l'honane. J^isque-*
* Bien de pkw lré<|iicAt dans las hi^iogra|ibe8 f«e celtt laUe po«r
Yiake convertie, ou plutôt ce procès simulé où le Diable vierit maigre
lui rendre témoignage à la puissance du repentir. ~~ App., 103.
• « AgMi» lacilagi, etc. » M. Heltvs. Cec anteur byiafttin est da
zi« siècle. Edid. Gaulminus. 1C15, in-lS. — Bodîn dans sen livxe Ue
Praestigiis, imprimé à B&Ie 1578, a dressé l'inventaire de la monarchie
diabolique avec les noms et surnoms de 73 princes et de 7,405y9â&
diables.
^^
SES TBOIS 708. — PROCiS. — INSTITUTIONS. 135
là on avait étocMé les moyens de tes chasser ; 6n chercba
désormais ceux de les faire Tenir. Cet effiroyaMe peuple de
tentateurs s*accrut sans mesure. Chaque clan d'Ecosse,
chaque grande maison de France, d'Attemagne, chaque
iMNiime presque avait te sien. Ds acèueillaient toutes les
demandes secrètes qu'on ne peut faire à Dieu, écoutaient
tout ce qu'on ose dire^.». On les trouvait partout '. Leur vol
de chauve-«souris obscurcissait presque la lumière et le
jour de Dieu. On les avait -vils enlever en plein jour un
homme qui venait de comomîer, et qui se faisait garder
-par ses amis, derges allumés '.
Le premier de ces vilains procès de soroelleries, où il n^y
avait des deux oôtés que malhoimôtes gens , est celui de
Guichard , éréque de Troyes , accusé d*avoir, par engin
et maléfiee, procuré la moit de la femme de Philippe
le Bel. Cette mauvaise femme , qui avait recommandé
regorgement des Flamandes (voyee plus haut), est ceUe
maàk qui, selon une tradhion plus célèbre que sûre, se fal-
Mit «mener, la nuit, des étudiants à la tour de Nesie,
-pov toiaire jeter à l'eau quand elle s'en étût servie.
Beine de son dbéi pour fai Navarre, comtesse de Cham-
pagne, elle en vooiaît à Tévéque, qui pour finance av«dt
sauvé un homme qu'elle halssaft. Elle faisait ce qu'elle
pouvait poor ruiner Guichard. D'abord, elle Tavait fait
chasser du oonsea et foroé de résider en Champagne. Puis
elle avaitdit qu'elle peirdrait son comté de Champagne, ou
lui aen évécfaé. Elle le pounuivait pour je ne sais quelle
* lAtotoklktït tmii lorlMt dts nUèiw 4o ce tcanft li nantebéen.
Dm mmaatènt elle avait jftmé dani ïm «Mopagnet. Voir Mr le Dîabta»
l'Ao iOOO, tome II; sur les sorcières, Aenaissance, Introduction; sur le
iftbbalau moyn âge^ lone Xi 4e cette àisleire, ch. xvu et itiii. Le
.«ftUMt «a mayen Age est nue rétoiie oeeliinie Ae série contre le Dienilii
prêtre et da seigneur. (1860.)
* Plusieurs furent «censés d*en avoir Tendn en tonleiUee. • Plat à
Dieu, dit sérienscneat Leloyer, que oetle denrée ttt uMuas sommine
dans le oonsaierce t «
* Mém. de Lnlber, t. lli.
496 SUITE DU RÉGNB DS PBILIP» LB BBL.
restitution. Guichard demanda d'abord à une sorcière un
moyen de se faire aimer de la reine, puis un moyen de la
foire mourir. Il alla, dit-on, la nuit chez un ermite pour
maléficier la reine et VefwoiUr. On fit une reine de cire,
avec Tassistance d'une sage-femme ; on la baptisa Jeanne,
avec parrain et marraine, et on la piqua d'aiguilles. Cepen-
dant la vraie Jeanne ne mourait pas. L'évéque revint plus
d'une fois à l'ermitage , espérant s'y mieux prendre. L'er-
mite eut peur , se sauva et dit tout. La reine mourut peu
après. Mais soit qu'on ne pût rien prouver, soit que Gui-
chard eût trop, d'amis en CQur, son affaire traîna. On le re-
tint en prison ^.
Le Diable, entre autres métiers, faisait celui d'entremet-
teur. Un moine, dit-on , trouva moyen par lui de sâlir
toute la maison de Philippe le Bel. Les trois princesses ses
belles-filles, épouses de ses trois fils, furent dénoncées et
saisies *. On arrêta en même temps deux frères, deux che-
valiers normands qui étaient attachés au service des prin-
cesses. Ces malheureux avouèrent dans les tortures
que, depuis trois ans, ils péchaient avec leurs jeunes mA-
tresses « et même dans les plus saints jours 3. » La pieuse
confiance du moyen âge qui ne craignait pas d'enfermer
une grande dame avec ses chevaliers dans l'enceinte d'un
château, d'une étroit^ tour^ le vasselage qui faisait aux jeu-
nes hommes un devoir féodal des soins les plus doux, était
une dangereuse épreuve pour la nature humaine, quand la
religion faiblissait ^ Le Petit Jehan de Saintré, ce conte ou
* La dënoneUtion avait été d'aatant mieux aecaeillie qae Gokhard
passait pour être fila d'an déaaon, d'an ioeaibe. Archivée, Mslion kitt,
J. 433.
* Marguerite, fille du doc de Bourgogne; Jeanne et Blaoebe, filles da
comte de Bourgogne (Francbe^mté). • lluliercvlja... adlinc ctate ja-
vencutis. • Contin. G. de Naogis.
' « Plaribna loeis et temporibns sacrosanetis. »
* Jean de Meung Clopine! , qui, dit-oo, par ordre de Philippe le Rel,
allongea de dii-imit mille vers le trop long Roman de la Rose, exprime
brutalement ce qu'il pense des dames do ce siècle. On conte que ces
SES TROIS niS. — PROCÈS. — INSTIfUTIONS. 437
cette histoire du temps de Charles YI, ne dit que trop bien
tout cela.
Que la faute fût réelle ou non , la punition fut atroce.
Les deux chevaliers, amenés sur la place du Martroi, près
Forme Saint-Gervais, y furent écorchés vifs, châtrés, dé-
capités, pendus par les aisselles. De même que les prêtres
cherchaient, pour venger Dieu, des supplices infinis, le roi,
ce nouveau dieu du monde, ne trouvait point de peines
assez grandes pour satisfaire à sa majesté outragée. Deux
vicUmes n^ suffirent pas. On chercha des complices. On
prit un huissier du palais, puis une foule d'autres, hommes
ou femmes, nobles ou roturiers; les uns furent jetés à la
Seine, les autres mis à mort secrètement.
Des trois princesses, une seule échappa. Philippe le Long,
son oiari, n'avait garde de la trouver coupable ; il lui aurait
fallu rendre la Franche-Comté qu'elle lui avait apportée en
dot. Pour les deux autres, Marguerite et Blanche, épouses
de Louis Hutin et de Charles le Bel, elles furent honteuse-
ment tondues et jetées dans un château fort. Louis, à son
avènement, fit étrangler la sienne (15 avril 4315), afin de
pouvoir se remarier. Blanche, restée seule en prison, fut
bien plus malheureuse ^.
Une fois dans cette voie de crimes , l'essor étant donné
aux imaginations, toute mort passe pour empoisonnement
ou maléfice. La femme d\i roi est empoisonnée, sa sœur
aussi. L'empereur Henri VII le sera dans Thostie. Le comte
de Flandre manque de l'être par son fils. Philippe le Bel
dames, pour venger leur réputation d'honneur et de modestie, atten-
dirent le poste, verges en main» et qu'elles voulaient le fouetter. Il au*
rmit échappé en demandant pour grioe unique que la plus outragée
frappât la première. Avp-, iOI.
> Klle fut, dit brutalement le moine historien, engrossée par son geô-
lier ou par d'autres. — D'après ce qu'on sait des princes de ce temps,
on eroiralt aisément que la pauvre créature, dont la première faiblesse
nTétait pas bien prouvée, fut mue à la dUcrétion d'un homme chargé de
l'aTUir. App,, 105.
438 SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE LE BEL.
Teat, dU-oa, par ses ministres, par ceux qui perdaient le
plus à sa mort, et non-seulement Philippe, mais son père,
mort trente ans auparavant. On remonterait volontiers
plus haut pour trouyer des crimes ^
Tous ces bruits effrayaient le peuple. D aurait voulu
- apaiser Dieu et faire pénitence. Entre les famines et les
banqueroutes des monnaies, entre les vexations du diable
et les supplices du roi, ils s*en allaient par les villes , pleu-
rant, hurlant 9 en sales processions de pénitents tous nus,
de flagellants obscènes; mauvaises dévotions qui menaient
au péché.
Tel était le triste état du monde, lorsque Philippe et son
pape s'en allèrent en l'autre chercher leur jugement. Jac-
ques Molay les avait, ditH>B, de son bûcher, ajournés è un
an pour comparaître devant Dieu. Clément partit le pre-
mier. U avait peu auparavant vu en songe tout son palais
en flammes, t Depuis, dit son biographe, il ne fut plus gai
et ne dura guère K ^
Sept mois apiès, ce fut le tour de Philippe. H mourut
dana sa maison de Fontainebleau. U est enterré ^ dans la
petite église d'Avon.
Quelques-uns le font mourir à la chasse, renverse par
HAMngliier» Dante, avec sa verve de haine, ne trouve pas,
pour le dire, de mot assez bas : « il mourra d'un coup de
couenne, le faux-monnayeur ^ J »
Hais rhistorien français, contemporain, ne, parle point
de cet accident. Il dit que Philippe s'éteignit, sans fièvre,
sans mal visible, au grand étonnement des médecins. 'Rien
n'indiquait qu'il dût mourir sitôt ; il n'avait que quarante-
six ans. Cette belle et muette figure avait paru impassible
au milieu de tant d'événements. Se crut-il seerèteinent
• A ta mort il dcBMum calque temps conine abandonné. App., 107.
• A eôté de M ooaldesolU.
• App., 108.
. SES TROIS FILS. ««• PftOCÉS. — INSTITUTIONS. A29
firappe par lamaMdidionde Vkfaitiob oti du grand mattre?
ou bien plutôt le Att^^il par la confédération des grands du
royaume, qui êe forma contre loi Tannée même dcr.sa
mort? Les barons «t les^ncMes Tavaient suivi à Tat^ugle
contre te pape ; ils n'avaient pas fait entendre im mol en
fiiv^ur de leurs flrères, des cadets de la noblesse; je parle
des Templiers. Les atteintes portées à leors droits de jus-
tiee et de monnaie leur firent perdre patîenœ. Au fond, le
roi des légistes, Femiefliî delà féodalité, n'spvak pas d'autre
force militaîre à lui opposer que la force féodrie. C'éliit
un cercle vIcieuK d'oà il ne fpewait plus sortir. La mort
le tira d'sffiài^e.
Quelle part eot^il réeHement aux -grands événements de
son règne j on l'ignore. Seulement ^ on le voit parcoufir
sans cesse le royantme. Il ne se fait rien de grand en llien
ou en mal, qu'il wfj soit en personne : à Courtrai et à
Hons-en-Puelle (1302, 1304), à Saint-Jean-d'Angely, à
Lyon (1305), à Poitiers et à Vienne (1308, 1313).
Ce prince parait avoir été rangé et régulier. Nulle iraee
de dépense privée. U comptait avec son trésorier tous les
vingt-cinq jours.
Fils d*une Espagnole, élevé par le dominicain Egidio de
Rome, de la maison de Colonna, il eut quelque chose du
sombre esprit de saint Dominique, comme saint Louis la
douceur mystique de Tordre de Saint-François. Egidio
avait écrit pour son élève un livne De r$gimine principum^,
et il n'eut pas de peine à lui inculquer le dogme du droit
iffimité des rois 4.
Philippe s^était fait traduire la Consoiaiion de Boèce, les
livres de Vegèce sur Tait militaire, et les lettres d'Absilard
et d'HéloIse *. Les infortunes universitaires et atnoureuses
' App., 109.
* C est rmitdiir du Ronnn de la Rose, Jean de Meong, ifji loi irait
traduit cet livres. — La confiance que loi accordait le roi ne ravalt pu
140 surrB du règne db Philippe ue bel.
da célèbre professeur, si maltraité des prêtres, étaient un
texte populaire au milieu de cette grande guerre du roi
contre le clergé. Philippe le Bel s'appuyait sur FUniversité
de Paris ^ ; il caressait cette turbulente r^fMiblique, et elle
le soutenait. Tandis que Boniface cherchait à s'attacher les
Mendiants, l'Université les persécutait par son fameux doc-
teur Jean Pique^Ane (Pungemasinum^)^ champion du roi
contre le pape. Au moment où les Templiers furent arrê-
tés, Nogaret réunit tout le peuple universitaire au Temple,
mahres et écoliers, théologiens et ariistes^ pour leur lire
l'acte d'accusation. C'était une force que d'avoir pour soi
un tel corps, et dgns la capitale. Aussi le roi ne soufirit
pas que Clément Y éngeàt-Ies écoles d'Orléans en univer-
sité, et créât une rivale à son université de Paris K
Ce règne est une époque de fondation pour l'Université.
Il s'y fonde plus de collèges que dans tout le xitT siècle, et
empêché de tracer dans le Roman de la Uose ce rode tableau de la
royauté primîiÎTB v
Ung grant viBaIn entre e«Ix eslenrent,
Le ylos corsa de qoanqn'lls forent,
Le plos ossa, et le (lêigneur.
Et le firent prince et seigneur.
Cil Jura que droit leor tiendroit,
Se diacon en droit soy loy livre
Des biens dont il se paisse riTre...
•Dell Tint le eoBUBMneement .
ÀQX ro'is et princes terriens
Selon les livres ancleas.
Rom. de la Rose, y. i06l. App„ 119.
I « En celle année a'eiment grand'dittension en les Recteur, maistres
et escholiers de l'Université de Paris, et le prévost dadit lien; parce que
ledit prévost avoit fait pendre un clerc de ladite Université. Adone
cessa la lecture de toute* facnltea, jusqnes à tant que ledit prévost
l'amenda, et répara grandement l'offense, et entre antres choees fot
condamné ledit prévost à le dépendre et le baiser. Et convint que ledit
prévost allast en Avignon vers le pape, pour soy faire absoudre. • iSSS.
Nicolas Gilles.
• App., 111.
* Oïd., 1, 90%, Le roi .déclare qu'il n'y aura pas de professeurs de
théologie.
SES TROIS HLS. — PROCÈS. — INSTmiTIONS. • 444
les plus célèbres collèges*. La femme de Philippe le Bel,
malgré sa mauvaise réputation, fonde le collège de Navarre
(4304), ce séminaire de gallicans, d'où sortirent d'Ailly,
Gerson et Bossuet. Les conseillers de Philippe le Bel, qui
avaient aussi beaucoup à expier, font presque tous de
semblables fondations. L'archevêque Gilles d'Aiscelin, le
faible et servile juge des Templiers, fonda ce terrible col-
lège, la plus pauvre et la plus démocratique des écoles
universitaires, ce Monf-Aigu, où l'esprit et les dents, selon
le proveirbe, étaient également aigus*. Là, s'élevaient,
sous rinspiration de la famine, les pauvres écoliers, les
pauvres maîtres ', qui rendirent illustres le nom de Cap-
peis^; chétive nourriture, mais amples privilèges; ils ne
dépendaient pour la confession, ni de l'évoque de Paris, ni
même du pape.
Que Philippe le Bel ait été ou non, un méchant homme
ou un mauvais roi, où ne peut méconnaître en son règne
la grande ère de l'ordre civil en France, la fondation de la
monarchie moderne. Saint Louis est encore un roi féodal.
On peut mesurer d'uii seul mot tout le chemin qui se fit de
l'un à l'autre. Saint Louis assembla les députés des villes
du Midi, Philippe le Bel ceux des États de France. Le pre*
mier fil des établissements pour seis domaines, le second
des ordonnances pour le royaume. L'un posa en principe
la suprématie de la justice royale sur celles des seigneurs,
l'appel au roi ; il essaya de modérer les guerres privées
* Aux coUëges de Navarre et de Montaiga, il fant ajouter le eolWge
d*Harc<mrt (1980); la Maiion du cardiinal (1303); le ooUége de Bayeax
(|:K)S). — 1314, collège de Laon; 1317, collège de Narbonne; 1319,
collëge de Trëguler; 1317-13S1, collège de Coroonaitles; 1396, collège
du Plessit, collège des Écossais; 1329, collège de Marmoutien; 133S,
an nouveau collège de Narbonne fondé en exécution du testament de
lennDU de Bourgogne; 1334, collège des Lombards; 1334, collège de
Toori; 1336, collège de Liiieux; 1337. collège d'Autnn« etc.
* Mous aeutus, dentés aculi, ingeniutn acutum.
•App.,iîl «ilpp.,113.
442 sniTJS DU règne db philippb le bel.
pur la quaranUdne et rtmtif emenl. Sous Philippe le Bel,
l'appel au roi aa trouve si biea.établi, que le plus îndépen-
daiU des grands feudataii^s^ le duc de Bretagae, deaiaûde,
comme gr&ce singulière, d'en être exempté ^ Le Parlement
de Paris écrit pour le roi au plus éloigné des barons^ au
c(Hnte de Gomminges, ce petit roi des hautes Pyrénées^ les
paroles suivantes qui, un siècle plus tât, s'eussent pas
même été comprises : « Dans tout le royaume, la connais-
sance et la punition dû port d*armes n'appartient qu*à
nous *. » '
▲u conmiencement de ce vègne» la. tendant nouvelle
s'annonce fortement Le roi veut exclure les prêtiea de la
justice et des charges municipales s. il protège les juifs ^ et
les hérétiques, il augmente la taxe royale sur les amortis-
sements, sur les acquisitions d'immeubles par les églises ^.
B défend les guerres privées, les tournois. Cette défense
motivée sur le besoin que le. roi a de ses hommes poujr la
guerre de Flandre,, est souvent répétée ; une fois môoie, le
roi ordonne à ses prévâts d'arrêtear ceux q^i vont<4^ux tour-
nois. À. chaque campagne, il lui fallait faire kiprêssù^ et
réunir malgré elle cette indolente abevalerie qpi se sou?-
ciait peu des affaires du roi et du royaume ^^
Ce gouvernement ennemi de la féodalité et des pnêta^es,.
n*avait pas d'autre force militaire que las seigaeuxs, ni
guère d'argent que parl'Église. De là plusieurs contradic*
tiens, plus d'uo pas en arrière.
En 1287, le roi permet aux nobles de poursuivre leurs
serfs fugitifs dans les villes. Peut-être en effet était-il be-
soin de ralentir oe grand mouvement du peuple vers les
villes, d'empêcher la désertion des campagnes '. Les ntles
auraient tout absorbé ; la terre serait restée déserte, comme
il arriva dans l'empire romain.
» Ord., I, 3». — » Olim Parfiamenii. — • i4pp , 111. — * App., Utt
— » App., ils. — « App., U7. — » App,, 118.
SIS TROIS HLâ. — MOCiS. — INSnTOTieNSe^ U3
Bu \ 290^ le eleigé amcha.aa roi une dierte exorbitante,
inexécnlidde^.qBi eùi tué la royautà. Lee prindpaia' aitit- ■
cles étaient que les préiala iu^frmiem\ rfer Jolairumi^ dut. .
kiK^^ deuôma» ^le.les bailUe et gntda ni ne demev-
rettaîeat pee ann tome d!^Uae,. (pie laa.évAq)ies;Miife
ptrannieQt «irèlaptes eordésiaakîfMeav «se lasideiot ne
pkideiaieaift.peiaii6B eoor h^ue pour les aethmapcssoiir ;
neUeSy quand nAme ils j scvaienti obligea' paa lettaea (ht,
Nâ (c'élaii Hnoponiti dès. piétiCB); q«o le» pvMaM bt
IMijefaîent pas pour le» Mena- aoqaîs kJeura-^ises; qnet'
lea juges leëauK» ne cMMîtraîent points des disies, e'esl^'
dire que le clêegA jugerait, seul les abua^fiseanx du cbrgé.
In 4S94, Fkilippe le Bel avait vioimmneni attaqué la
tyrannie de l'inquisition dans le IfldL Eu iSfiS^ ait eom^
rasaoeiBeiit de la guerre contre le pape^ il sseonde Tinlo*
lànnee des évèquea, il ordoime aux seigneurs let ans juges
rsgmnx^ du lene lifrer les- hérétiques; pour qufila les oan<- •
daîonneniet les punissent sans appei« L'anuée» suivante^ 'A.
psemct que les-baiHis ne vexeroni'ptas les égUass dé sat*
ains^violrâtes ; ils ne saniinnt qn'nn manoir à la fois, eta. K
Il fallait aussi satisfaire les nobles. Il leur accorda une
ordonnance contre' leurs créanciers, eontrer lea usnrien
juifs, n garantit leurs droits de chasse. Les collecteurs
royaux a'exploiteront plus les successions dea bâtarde el
des ariiains sur les terres des seigneurs haut-justiders :
c A moins, ^joute prudenunenjt le roi^ ^!t{. m sqU comUtté
par itUmê psnonna qœ- mut avens bimt droiê dtf- jwra^
twrs. »
Eu 1302^ qurès la défaite de Courtrai^ le roi osabeaur-
comp. Il prit pour la monnaie, la moitié de toute vaiBselle
d'argent ' (le^ baillis et gens du roi devaient donner tout) ;
' « SégaiS» à toM^ par eri géDétai, tan» hàre meiiliMi âm pvéUlt mi
d0 èaroa*» e'esi k satair jai^toatei maniera» 4e «eus 9ippmtm% ^tmtàé
de lear TaisMtiBBMnl d'avgeal bUne. •4ké , 1, 317.
444 80m DU RÈGNE DE PHILIPPE LE BEL.
il saisit le temporel des prélats partis pourRome ' ; enfin
il imposa les nobles battus et humiliés à Courtrai : le mo-
ment était bon pour les faire payer *.
En 4303, pendant la crise, lorsque Nogaret eut accusé
Boniface (43 mars), lorsque rexcommunication pouvait
d*un moment à l'autre tomber sur la tète du roi, il promit
tout ce qu'on voulut. Dans son ordonnance de réforme
(fin mars), il s'engageait envers les nobles et prélats, à ne
rien acquérir sur leurs terres 3. Toutefois il y mettait en*
core une réserve qui annulait tout : « Sinon en cas qui
touche noire droit royal K » Dans la même ordonnance, se
trouvait un règlement relatif au Parlement; parmi les
privilèges, l'organisation du corps qui devait détruire
privilèges et privilégiés \
Dans les années qui suivent, il laisse les évéques rentrer
au Parlement. TouJouse recouvre sa justice municipale ;
les nobles d'Auvergne obtiennent qu'on respecte leurs
justices, qu'on réprime les officiers du roi, etc. Enfin en
4306, lorsque l'émeute des monnaies force le roi de se
réfugier au Temple, ne comptant plus sur les bourgeois,
« L'irritation semble avoir été grande contre les prdtres; le roi est
obligé de défendre anx Normands de crier tiaro sur Ui eleres. (Ord., h
318.)— iipp.. I2i.
* Ord., fin 1309.
* Le roi déclare ^u'en nlfermatioii de son royaume, il prend les
églises sons sa protection, et entend les faire jouir de leurs franchises ou
privilèges comme au temps de son aïeul saint Louis. En cons'^'quence,
s'il lui arrive de prononcer quelque saisie sur un prêtre, son bailli no
devra y procéder qu'aprôs mûre enquête, et la saisie ne dépas^ra ja*
mais le taux de Tamende. On recherchera par tout le royaume les
bonnes coutumes qui existaient au temps de saint Louis pour les réta-
blir. Si les prélats ou barons ont au Parlement quelque affaire, ils se-
ront traités honnêtement, expédiés promptement. • (Ord., I, 3S7.)
«iipp.. itt.
* Nul doute que le Parlement ne remonte plus haut. On en trouve la
première trace dans l'ordonnance, dite testament de Philippo Augttsle
(IliK)). Si pourtant l'on oonsidère i'imporunce toute nouvelle que le
Parlement prit sous Philippe le Bol, on ne s'étonnera pas que la plu-
part des historiens l'en aient nommé le fondateur. App», iSd.
SES TROIS FILS. ^— PROCÈS. — IMSTIT0TION8. U5
il rend aux nobles le gage de bataille, la preuve par duel,
au défaut de témoins ^«
La g^nde aflfaire des Templiers (1 308-9) le força en«
Gore à lâcher la main. Il renouvela les promesses de 4303,
régla la comptabilité des baillis, s'engagea à ne plus taxer
les censiers des nobles, mit ordre aux violences des sei-
gneurs, promit aux Parisiens de modérer son droit de
prise et de pourvoierie, aux Bretons de faire de la bonne
monnaie, aux Poitevins d'abattre les fours des faux-mon-
nayeurs. 11 confirma les privilèges de Rouen. Tout à coup
charitable et aumônier, il voulait employer le droit de
chambellage à mari^ de pauvres filles nobles; il donnait
libéralement aux hôpitaux les pailles dont on jonchait les
logis royaux dans ses fréquents voyages.
L'hypocrisie de ce gouvernement n'est en rien plus re-
marquable que dans les affieûres des monnaies. Il est curieux
de suivre d'année en année les mensonges, les tergiver-
sations du royal faux-monnayeur >. En 4295, il avertit le
peuple qu'il va faire une monnaie c où il manquera peut*
être quelque chose pour le titre ou le poids, mais qu'il dé-
dommagera ceux qui en prendront ; sa chère épouse, la
reine Jeanne de Navarre , veut bien qu'on y affecte les revenus
de la Normandie. » En 4305, il fait crier par les rues à son
de trompe, que sa nouvelle monnaie est aussi bonne que
celle de saint Louis. Il avait ordonné plusieurs fois aux
monnayeurs de tenir secrètes les falsifications. Plus tard,
il fait entendre que ses monnaies ont été altérées par
d'autres, et ordonne de détruire les fours oii fon avait fait
de la fausiô monnaie. En 4340 et 4344, craignant la com-
paraison des monnaies étrangères, il en défend l'impor-
tation. En 4343, il défend de peser ou d'essayer les mon-
naies royales.
Nul dotfte qu'en tout ceci le roi ne fût convaincu de
> App., 124. - * Àpp,, lis.
III. 10
446 sum DU rùgsol di PHiyppi lu du.
aon droit, qu- il na ediiBtëéràt «ooHiie lu» aliribut de sa
toute-puissance, d'augmenter à volonlé la Yoleur des nuMir
naies.' Le eomique, c'eat de voir cette loufee-pmssMicey
celter diviaité , ebUgée de mmer avee la siéfience de
peuple; kt sefigioa naiBsante..da la royaoté & déjà aes
iacarMvlea^
Enfin la rojuté elle-œéaie semble douter de soi. Cette
ftère poissenoev a^et dté au bout de la vietence et de k
nise, fait an avea iapticile de sa faiblesw ; eUe en appcUe
à kr liberté. On. » vu ^wlies paroles hardies le noî se fit
adresse» et daas la Cuheuae supplique du pee^la da FrauêB,
et dans le discours des députés des Stats de 4 3M. Mais
rien n'est plus remarqnable qne les termes de Forctai-
nance par laquelle il confirme ï'aiEBaiichissementdea aeefii
du Vatoift, accordé par son frère r « Àtiendii que tomte
créature lunnainequi est formée à l'image de noslre Sei-
gneur,, doit généralement estre franche par droit naturel,
et en aucuns pays de cette natmeUe liberté ou ficaneUsey
par le joug; de la servitude qui tant est baineusey seit si
effiuûée et ebscttreie que les hommes et les fimes qui
habitent èz lieux et pays dessusdilz, en leur naast aoot
réputés ainsi comme morts, et à la te de; lenr danlottrense
et ckMme m, sL estreitemeot liéis el demenéa^ q^e des
biens que Dieu, leur a pasaté en cest siède, ils nepeateai
en leur damière vekmté, dîq^ser ne aedener ^^. »
Cas paroles devaient sonner mai asK orailtea féodales.
EHea seaaHaiesA un néquiaiteire «antre le servage, oantre
la tyrannie desseignenre. iatplamteqmjanferis »*av«it osé
s'élever, pes aeéme il voix ftsade^ voitti qn'elle éclatait ék
tombait d'te beat comme laeeondwnnatîan. Le roi étant
venu à bout de tous ses ennemis, Sfaeeraidadeaseignewa^
ne gardait plus de ménagement pour ceux-ci* Le 4% jwa
4H3, il leur défendît de MresncmMP monnaie jnqn'àce
qu'ils eussent lettres du roi qui les y autorisassent.
'Ord.^aDn. 1311.
SES TROIS FILS. — r PHO.:ÈS. — INSriTLTIONS. 447
Cuite ordonnance combla ta mesure. Quelque terpeur
que dût inspirer le roi après Taffaire da Temple, les
grands se déeidèFenf à risquer tout et à prendi<e un parti.
La pfupart dés seigneurs du Nord et de l'Est (Pîciirdiff;
Artois , Ponthieu , Bourgogne et Fores) fomièi ent une
confédération contre le roi : « A tious- ceux qui verront,
prront (ouïrent) ces présentes lettres, IL nobles et li corn**
tnuns de Champagne, pour nous, pour les pay» de Ver*
mandois et pour nos alliéf et adjoints étant dedams les
points du royaume de France ; salut. Sachent tuîs que
comme très-^pxcellent et très-^puissant ppînce, notre très-
cher et redouté sire, Philippe, par 1& grâce de Bieu> roi
de France, afk fiiit et relevé plusieurs tailles, subventions,
exactions non deus, changement de monnoyes, etplusieun
aultres choses qui ont été faites, par quoi li nobles et U
oonumuns ont été /aoult. grevés, appauvris... Et il n'apert
pas qu'ils soient tcurjiea en L'honneur et prouiit du roy ne
dou royalme,^ ne en deffension dou proufit commun. Des-
quels grîeia nous avons, plusieurs fois requis et supplié
humblement et dévotement ledit sire li roy, que ces choses
▼oulist défaire et délaisser ; de quoy rien n'en ha fait. Et
encore en oette présente année courant, par l'an 1344,
lidit nos sire le roy ha (ait impositions non deuement,
sur li nobles et li ooaunuas du royalme, et subventions
lesqiieUes il s'est eSbrcé da lever ;,laq;ieUe chose ne pou-*
Toos souffris ne soutenir en bonne conscience, car ainsi
perdrions nos honneurs,, franchifies et libertés ; et nous et
cis qui après nous verront (viendront),.^ Avons juré et
promis par nos sermenta,. leaument etea bonne foy» par
(pour) nous et nos hoirs aux. oomtéa d!Anxerre et de Ton-
nerre, aux noblas et aux comaums desdits comtés, leurs
alliés et adjoints, que nos, en la subvention de la présente
année, et tous autres griefs et novelletés non dl?aemént
laites et àr faite, âa temps présent et av4HÛr, que U roi de
France, nos sires, ou aultre, lor voudront faîM,. i0t
448 SUITB DU RÈGNE DE P^{LIPPB LE BEL.
aiderions, et secourerons à nos propres coustes et des-
pens *... »
Cet acte semblerait une réponse aux dangereuses pa-
roles du roi sur le servage. Le roi dénonçait les seigneurs,
ceux-ci le roi. Les deux forces qui s'étaient unies pour
dépouiller l'Église, s'accusaient maintenant l'une l'autre
par-devant le peuple, qui n'existait pas encore comme
peuple, et qui ne pouvait répondre.
Le roi, sans défense contre cette confédération, s'adressa
aux villes. Il appela leurs députés à venir aviser avec lui
sur le fait des monnaies (4344). Ces députés, dociles aux
influences royales, demandèrent que le roi emptchât pen-
dant onze ans les barons de faire de la monnaie^ pour en
îtfbriquer lui-même de bonne, sur laquelle il ne gagnerait
rien.
Philippe le Bel meurt au milieu de cette crise (4344).
L'avènement de son fils, Louis X, si bien nommé Hutin
(désordre, vacarme), est une réaction violente de l'esprit
féodal, local, provincial, qui veut briser Tunité faible en-
core, une demande de démembrement, une réclamation
du chaos *.
Le duc de Bretagne veut juger sans appel, l'échiquier
de Rouen sans appel. Amiens ne veut plus que les sergents
du roi fassent d'ajournement chez les seigneurs, ni que
les prévôts tirent aucun prisonnier de feurs mains. Bour-
gogne et Nevers exigent que le roi respecte la justice
féodale, « qu'il n'affige plus ses pannonceaux » aux tours,
aux barrières des seigneurs.
La demande commune des barons, c'est que le roi n'ait
plus de rapport avec leurs hommes. Les nobles de Bour-
gogne se chargent de punir eux-mêmes leurs oflBciers. La
> BoaUinYillier^.
* Voyei comme le continoatenr de Nangii change de langage tout i
coup, comme il devient hardi, comme il élève la voix. Fol. 69-70. —
âfp., IM.
SES TROIS FILS. — PROCÈS. — INSTITOTIONS. 449
Champagne et le Yermandois int^tsent au roi de faire
assigner les vassaux inférieurs.
Les provinces les plus éloignées Tune de l'autre, le Péri-
gord, Ntmeset la Champagne, s'accordent pour se plaindre
de ce que le roi veut taxer les censiers des nobles.
Amiens voudrait que les baillis ne fissent ni emprison-
nement, ni saisie, qu'après condamnation. Bourgogne,
Amiens, Champagne, demandent unanimement le réta-
blissement du gage de bataille, du combat judiciaire.
Le roi n'acquerra plus ni fief, ni avouerie, sur les terres
des seigneurs, en Bourgogne, Tours et Nevers, non plus
qu'en Champagne (sauf les cas de succession ou de confis-
cation).
Le jeune roi octroie et signe tout. Il y a seulement trois
points où il hésite et veut ajourner. Les seigneurs de Bour-
gogne réclament contre le roi la juridiction sur les rivières^
tes chemins et les lieux consacrés. Ceux de Champagne
doutent que le roi ait le droit de les mener à la guerre
hors de leur province. Ceux d'Amiens, avec la violence
picarde, requièrent sans détour, qiie tous les gentilshommes
puissent guerroyer les uns aux avares^, ne donner trêves;
inais chevaucher, aller ^ venir et estre à arme en guerre et
for faire les uns aux autres... A ces demandes insolentes et
absurdes, le roi répond seulement : « Nous ferons voir les
registres de monseigneur saint Loys et bailler ausdits nobles
deus bonnes personnes, tiels comme U nous nommerons de
nostre conseil^ pour savoir et enquéi'ir diligemment la vérité
dudit arêicle... »
La réponse était assez adroite. Ils demandaient tous
qu'on revint aux bonnes coutumes de saint Louis ; ils ou-
bliaient que saint Louis s'était efforcé d'empêcher les
guerres privées. Mais par ce nom de saint Louis ils n'en-
tendaient autre chose que la vieille indépendante féodale,
le contraire du gouvernement quasi-légal, vénal et tracas -
sier de Philippe le Bel.
150 âUlTB DU RÉGNE M PHILIPPE LE BEL.
Les glands détraisaieBt pièce à pièce tout ce gouverae*
ment du feu roi. Mais ils bc le croyaieat pas mort tant
qu'ils n'avaôeirt pas bàl péiir son Alûr «f o, sob maire du
pakn&j Enguerrand de Marigny, qui dans les dernières
années aidait été eoaé^mtr tt netêur du^^emme^ ^ï s'é-
tait laiasé dresser une statue au Palais à c6lé de celle du
roL Sou vrai nom était Le Portier ; mais il acheta a¥ec
une terre le aott de IbvigBy. Ce Norma&A, peraimaage
gracieux tt aauUiBux ^ mais appavemment ueu moîus
ailencieus que aou maître, n'a point.laisaé d'aefce; il semble
qu'il n'ait éerit m parié.. U fit«mdamner les TempUens par
sen frère qu'il axait fiiît tout exprès anohevôque de Sens..
Il eut sans doute la part principale aux adirés du roi.aYec
les papes; mais il s'y prit si lûen qu'il fasse jmmit avoir
kdssé Oémeot V échapper de Poitiers '. Le pape lui eu
sut gré probablement ; et .d'autre peirt, il put £ûe croire
au joi que le pape lui serait plus utile à Âfiguon, dans une
apparente indépeudance, que dans une eapti^vité qui eût
révoké le mande chtétieu.
£e fut au Temple, au lieu même ou llarigay avait in&-
taUé.son tnaitre pour .dépouiller les Templiers, que le jeune
roi Leuîs vint entendre i'aecusation solennelle portée
eonlne Mnrigny ^. L'ecousateur était le frère de Philippe le
Bel, ce violent Charles de Valois, boauue remuantat mé-
diocre qui se partait .pour chef des barons. JNé si près du
te6ne de f ranoe, û avait oouru toute la obtétienté pour eu
trouver un autre, taudis qu'us petit ichevaUer de Noraeianr-
die régnait à côté de Philippe le Bel. Il ne faut, pas. s'éten-
ner s'A était enragé d'envie.
N n'eût ipas été diffioîle .à .Manfloy \de ee défendeè. si
* Se» eancais i'aa acausArent -<- On disait encoce qnlil Juraft, pour do
l'argeet, procuré une trêve an comte de Flandre.
^ Les modernes ontajoatë 'bemanMip 'de diivonstaucês sur -la «uptara
4a Charles de Valois et de Uarigny, uo déiuuti, an^isiiffla^ 0^.
SBS TROIS FILS. — PROCÈS. — IKSTITUTfONS. 454
Von eût voalu l'entendre. 11 n'avait rien fait, sinon d'être
la pensée, la conscience ée^Pkilippe le Bel. C'était pour le
jeune roi, comme s'fl eût jiigé l'àme de son père. Aussi
TOulaH-il seulement éloigner Marîgny, le reléguer dans
111e de Chypre, et le rappeler jllus tard. Pour le peràre, il
feHut que Charles de Tulois eût recours à la grande aoco^
Mtion du temps, dont personne ne se tirait. On découfvrit,
ou l'on supposa, que la femme ou le scBfur de ll»mgny>
pour provoquer sa délivranoe, ou maléfioier le Toi, «vait
fiait Jaire partmlacqnes delior, oertâHies petites ligiwes t
c ledit Sacques, jeté en prîeon/se ^nd de désespoir, et
ensuite salemme et les sœurs d^nguerrand sont mises «en
]Hrîsoii; etEngueniand luî-fnême, jugé en présenee des
chevaliers, est pendu à ¥flris«U' gibet des vdieuis. Gepeo*
dftnt il ne reeonnut rien des susdits malétees, et ^«eu-
leraent que pour les exactions et les câtérstiens de mon--
naie, il n'en avait point été le «eul auteur... Cestpeurquoi
sa mort, dont ))eaucoup ne conçurent pmitt «ntièrement
ies causes, fut matière à grande admmktlon et stupeur. *«
c Pierre de LatHly, évéqne de Chftlons, soupçonné delà
mort du roi de France Philippe et de son prédécesseur,
M, par ordre du réi retenu en prison au nom de farehe-
véque de Reims. Haoul de Presies, avooat général (ndvo-
catus praecipaus) au Parlement, également suspect el
retenu pour semMable soupçon, Ait enformS dans la-pri-
son de Satnte-Genevvève à Paris, et lorluré par divera sup-
pliées. Gomme 'on ne «pouvait arraéher'de sa^boudie auoun
aven sur les ernnes dent 'on -le ehargeak, quoiqu'il eût en-
duré les tewrmenfts les -plus ^dîvere et les plus douloureux,
on finit par le laisser aller; grande partie de ses biens tant
roeifbles «qu^mnieidiles ayam «élé ou donnés, en perdus,
«ou pillés K »
Ce n*ét{iit 'nen d'avoir pendo Ititttgny , emprisonné
452 SUITE DU RÈGNS DB PUILIPPK LE BEL.
Raoul de Presles, ruiné Nogaret, comme ils firent plus
tard. Le légiste était plus vivace que les barons ne suppo-
saiont. Harigny renaît à chaque règne, et toujours on le
tue en vain. Le vieux système, ébranlé par secousses,
écrase chaque fois un ennemi. Il n'en est pas plus fort.
Toute l'histoire de ce temps est dans le combat à mort du
légiste et du baron.
Chaque avènement se présente comme une restauration
des bons vieux us de saint Louis, comme une expiation du
règne passé. Le nouveau roi, compagnon et ami des
princes et «des barons, comjnence comme premier baron,
comme bon et rude justicier, à faire pendre les meilleurs
serviteurs de son prédécesseur. Une grande potence est
dressée ; le peuple y suit de ses huées l'homme du peuple,
l'homme du roi, le pauvre roi roturier qui porte à chaque
règne les péchés de la royauté. Après saint Louis, le bar-
bier La Brosse; après Philippe le Bel, Marigny ; après Phi-
lippe le Long, Gérard Guecte; après Charles le Bel, le tré-
sorier Remy. . . Il meurt illégalement, mats non injustement.
11 meurt souillé des violences d'un système imparfait où la
mal domine encore le bien. Mais en mourant, il laisse à la
royauté qui le frappe ses instruments de puissance, au
peuple qui le maudit des institutions d'ordre et de paix.
Peu d'années s'étaient écoulées, que le corps de M(\rigny
fut respectueusement descendu de Montfaucon et reçut la
sépulture chrétienne. Louis le Hutin légua dix mille livres
aux fils de-Marigny. Charles de Valois, dans sa dernière
maladie, crut devoir, pour le bien de son âme, réhabiliter
sa victime. Il fit distribuer de grandes aumônes, en recom-
mandant de dire aux pauvres : « Priez Dieu pour Monsei-
gneur Enguerrand de Marigny, et pour Monseigneur
Charles de Valois. »
La meilleure vengeance de Marijpiy, c'est que la roya#Ué,
si forte sous lui, tomba après lui duns la plus déplorsfble
faiblesse. Louis le Hutin, ayant besoin d'argent pour la
SES TROIS FILS. — PROCÈS. — INSTITUTIONS. 4ô3
guerre de Flcndre^ traita comme d'^al à égal avec la ville
de Paris. Les nobles de Champagne et de Picardie se bâ-
tèrent de profiter du droit de guerre privée qu'ils venaient
de reconquérir, et firent la guerre à la comtesse d'Artois,
sans s'inquiéter du jugement du roi qui lui avait.adjugé ce
fiet Tous les barons s'étaient remis à battre monnaie.
Charles de Valons, l'oncle du roi, leur en donnait l'exem-
ple. Mais au lieu d'en frapper seulement pour leurs terres,
conformément aux ordonnances de Philippe le Hardi 6
de Philippe le Bel, ils faisaient la fausse monnaie en grand
et lui donnaient cours par tout le royaume.
U fallut bien alors que le roi se réveillât et revint au.
gouvernement de Marigny et de Philippe le Bel. U décria
les monnaies des barons (49 novembre 4345) et ordonna
qu'elles n'auraient cours que chez eux ^. U fixa les rap«
ports de la monnaie royale avec treize monnaies difiërentes
que trente et un évéques ou barons avaient droit de frap-
per sur leurs terres. Quatre-vingts seigneurs avaient eu ^«^
droit du temps de saint Louis.
Le jeune roi féodal humanisé par le besoin d'argent ne
dédaigna pas de traiter avec les ser& et avec les juifs. La
fameuse ordonnance de Louis Hutin, pour l'afiranchisser
ment des serfs de ses domaines, est entièrement conforme
i celle de Philippe le Bel pour le Valois, que nous avons
citée. « Comme selon le droit de nature chacun doit
naistre franc ; et par aucuns usages et coustumes, qui de
grant ancienneté ont esté entroduites et gardées jusques
cy en nostre royaume, et par avanture pour le mefiet de
leurs prédécesseurs, moult de personnes de nostre com-
mun pueple, soient encheùes en lien de servitudes et de
diverses conditions, qui moult nous desplait : Nous consi-
dérants que nostre royaume est dit, et nommé le royaume
des Francs, et vouUants que la chose eu vérité soit accor-
• App., lia.
451 50ITB DU KEGlfl |>B PUILUW LB SSL.
dant au nom, et qœ la oondHion des gents amende de
nous et la venue de nostre noavel gouvcrncmeat; far dé-
libération de nostre grant conseil avons ordené et «rda-
aons, que generawnent, par tont nostre royaume, de taat
eomme ri peut appartenir à noœ -et à nos avceobsevo,
telles servitudes soient ramenées à franehiseSy «^ à tons
œus qui de origine, on andennelé, ou de nouvel par ma*
nage, ou par résidence de Sens de serve cMditicn,
eneheûes, ou pourroient esoboir ou lien 4e
franchise soit donnée à bennes et ooovenaUes oondî-
tions i. »
fl est euriemc de veir le flls defliiKppe le Sel vanter «ux
serft la liberté, tfais c'est peine perdue. Le marehaod a
l>ean enfhar la voix et gresrir it mérite de sa manfliandiBe^
4eB pauvres serfs n'en veulent pns. Ils étaient trop pauvres,
trop bumbles, trc^ conrt>és vers 'la terre. ^Hê avaienften*
foui dans oette terre quelque manvonse pièee ^ 'monnaie,
ils n'avaient garde dei'en tirer poiv a^dheter «n patrche*
min. En vain le roi se fâche 'de Hes «voir «méawmattre 'une
teHegiéoe. Il 'finit par ^onlonn^rans oommissaiFes,'(Aargés
de l'aflninchiBsement , d^eslimer im Viens dtss seifi «qui
aimeraient mieux « demeurer en laclieli¥ité<deservitnde,t
et les taxent « si suflSsamment et ai grandement, oomme
la oondîtion %t riofaesse des personnes iponrront borasie*
ment aouirir et la nécessité de notre gnerre le •requiert. •
C'est toutefois un grand spectacle de voir prononeer dm
iiautda trône la 'proclamation du droit împresoriplible d#
tout homme à la liberté, les serfc n'aobètent pas, mais ils
se souviendront et de-cette leçon Toyale , et du dangereux
appel qu'elle contient contre les seigneurs*.
Le règne court et <obsoar de Philippe le hfmgm^eA guère
•Ord.J, p. S83.
« App., 129.
SBS TROIS FILS. — PBocàs. — msimmoNS. 4ft&
HOportairt pour le droit public de la Franoe ^joe-ce*
lai mâme de Philippe le Bel.
D'abord xon avteement à la couronne trancliB nao
gnoide qoesftmii. Louis Butin laissant sa femne enceinte,
Mm frère Philippe est réguà et curateur an veaire. L'eo-
ftnt meurt en naissant, PhSqtpe se isit mi au prédise
d'une fille de .fion ftère. La chose semblait d^aulant plus
snrpreiutnis tpie Philippe le Bal ;auait soutenu ie drdit'deB
femmes dans les .sneoessions 4e ftaaoh&-Coaiké ^et d'Âf-*
Sois. Les bavons taraient voulu «pie les filles fussent
CKchns^es fiefs et^futeHes auoeédassentii b eouroiiBeda
France ; leur chef, Charles de ¥4dois, favorisait sa petite-»
nièce ecnt» Philippa^aonaiavau ^.
Philippe assemUa les £tatB^ et fagaa sa cause, qui au
fond était bonne, par des rusons absui^des. fl allégua en
aa feveur-la neille loi aUemande des Francs qui eaehnît lea
filles de .la im saUque. B soutint que la comomie dn
Fraoee était un trop noUe fief pour tomisr en gnsnoMÎUs,
argument féodal dont Teifet Ait pourtant de ruiner la iéo-
dalité. Tandis 40e le progrès de réquilé civile, i'intro*
dneiion dn 4ink romain, ouvraient leseunoessiDns aux
files, cpie Jes fiefr devenaient féminins et paesaieiit de
bouDe ^en InBtûUe, la couwmne ne sortit point de la même
mainmii immnaUs aujuUieu de la mobilité universelle. La
maison de France locesaii dndefamrs la femme, rélément
mobile et variaUa, ornais elle conaerTait dans la série des
mâles riment fiie 'de la liiniHe, Fiésntité du pater--
familias. La fèm^me elmay de nom et de pénates. L'homme
habitant la demeure dea aïeux, reproduisant leur nom, est
porté à 9nma leurs errements. Cette transmission n^
« • KUmB^ ferma à ^«k qifan nèis «prds la rnaii et trais X, il
InmYa ion oncle, le comte de Valois, à la \èie d'au parti prêt à lui dis-
p«ter la régence. La boargeoi.«ie de Paris prit les armes sooj la conduite
de Gaacb«r de Ch&litlon, et chassa le? soldats du comte de Vateis, qui
•'étaient déjà emparés du LouTre. » Féiibieo.-
456 SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPi LE BEL.
variable de la couronne dans la ligne masculine a donné
plus de suite à la politique de nos rois ; eUe a balancé
utilement la légèreté de notre oublieuse nation.
En repoussant ainsi le droit des filles au moment même
où il triomphait peu à peu dans les fiefs, la couronne
prenait ce caractère, de recevoir toujours sans donner
jamais. A la même époque, une révocation hardie de toute
donation depuis saint Louis i, semble contenir le principe
de l'inaliénabilité du donoaine. Malheureusement l'esprit
féodal qui reprit force sous les Valois à la faveur des
guerres, provoqua de funestes créations d'apanages, et
fonda au profit des branches diverses de la famille royale,
une féodalité princiëre aussi embarrassante pour Charles YI
et Louis XI, que Tautre l'avait été pour Philippe le Bel.
Cette succession contestée, cette malveillance des sei-
gneurs, jette Philippe le Long dans les voies de PhiKppe
le Bel. H flatte les villes, Paris, l'Université surtout, la
gravide puissance de Paris. 11 se fait jurer fidélité parles
nobles, en présence des maîtres de V Université qui ap^
prouvent >. Il veut que ses bonnes villes soient garnies
d* armures ; que les bourgeois aient des armes en lieu sûr ;
il leur nomme un capitaine en chaque baillie ou contée
(1316, 42 mars). Senlis, Amiens et le Yermandois, Caen,
Rouen, Gisors, le Cotentin et le pays de Caux, Oriéans,
Sens et Troyes, sont spécialement désignés.
' Philippe le Long aurait voulu (dans un but, il est vrai,
fiical) établir l'uniformité de mesures et de monnaies;
mais ce grand pas ne pouvait se faire encore >.
Il fait quelques efforts pour régulariser un peu la comp-
tabilité. Les receveurs doivent, toute dépense payée, envoyer
le reste au Trésor du roi, mais secrètement, et sans que
personne sache f heure ni h jour. Les baillis et sénéchaux
* App„ 130.
• Coiit. ti. do Ndng. — < App„ 131.
S£S TROIS FILS. — PROCÈS. — INSTITUTIONS. 157
doiTent venir compter tous les ans à Paris. Les trésoriers
compteront deux fois Tannée. L'on spécifiera en quelle
monnaie se font les payements. Les jugeurs des comptes
jugeront de suite.... Et k roi ioura combien Uaà recevoir.
Parmi les règlements de finance, nous trouvons cet
article : « Tous gages de» chastiaux qui ne sont en frontière,
cessent du tout des-ores-en-avant ^ » Ce mot contient un
fidt immense. La paix intérieure commence pourlaFrance,
au moins jusqu'aux guerres des Anglais.
La garantie de cette paix intérieure, c'est l'organisation
d'un fort pouvoir judiciaire. Le Parlement se constitue.
Une ordonnance détermine dans quelle proportion les
clercs et les' laïques doivent y entrer; la majorité est
assurée aux laïques. Quant aux conseillers étrangers aux
corps et aillés temporairement, Philippe le Long répète
l'exclusion déjà prononcée, contre les prélats,* par Philippe
le Bel : c II n*aura nulz Prélaz députez au Parlement, car
le Roy fait conseknce de eus empeschier ou gouvernement de
leurs experituautez. »
Si l'on veut savoir avec quelle vigueur agissait le Par-
lement de Paris, il faut lire, dans le continuateur de Nangis,
l'histoire de lordan de Lille, c seigneur gascon fameux par
sa haute naissance, mais ignoble par ses brigandages. . . »
H n*en avait pas moins obtenu la nièce du pape, et par le
pape le pardon du roi. U n*en usa que c pour accumuler
les crimes, meurtres et viols, nourrissant des bandes
d'assassins, ami des brigands, rebelle au roi. U aurait*
peut-être échappé encore. Un homme du roi était venu le
trouver ; il le tua du bftton même ôii il portait les armes
du roi, insigne de soa ministère. Appelé en jugement, il
vînt à Paris suivi d*un brillant cortège de comtes et de
barons des plus nobles d'Aquitaine... Il n'en fut pas moins
jeté dans les prisons du Chàtelet, condamné à mort par les
IBS aain du règxs ds psilim* lb iol.
Mattrea du Parlement, el, la Teiile* ée iet Trinité, tnlsé à
la queae des elievauxet peada au oommon paflttmkure *^
Le Parlement qui défend si wgourauHeaient rhomisnr
du rai),, aal lai-indine un- vrai rei sous le lappoot jndioiai».
Il poirtie: le ceatume nayal; hi langue tobt, âavpomqiEe et
rberinîna.Gen'e9t.piiBv eommeUNaemUevi'ombre, TefOgie
du roi ; c'est plutôt sa pensée, sa ^onté eonstante,
immuable et vraiment royrie; Le mi Tsat^pup la justice
suive son cours : « Non eonttestant foules oonoesiions,
ordonnances, et lettrea reyaun. à «s oontraôe. » Ainsi le
roi se défie da roi, il se reeoonalti mieux en;son» Parlement
qu'en lui-même* H disting:ue eni lui' un double camctàna;
il se senti roi, et it se seiitheHnne,etle:rai.oiidonneds
désob^ à llbomnie.
Beaucoup de textes d'ordeammces em ee senhonaROt
la sagesse, dbs conseitters qui les dictfarent. Le nAdhemstie
k mettre une bairrière à sa lîbétaUté. ILeocprime la erainte
que l'on n'arradie des dons «eneesaifli àsnfiûUesse^.à son
inattention ; que pendant qu'il dort eu repose; le privilège
-ei l^Murpation ne seunt que tr^ bien éûillés >.
jyoeiï, en. i348, il parie de oertakui teiitt fiedsuK:
€ ..« lesqneb en: noua demanda JOEUvmtf, et sont de plus
^aade valeur fue noua ntf^irsgam^nou&dnvensétre av isée^
ai cpielqu'im: nous les demande K a
ÂilVeuin, il reeommande> aux nceneua» de fiavenk
peisanne* des Eecettes^ exlrMidineinai^ mê. « avemnass qni
nous éehoironik, à ^guantNtena^raûtàmr élire rspd^Âe^lu
Ces Auenx de faiblesse et d'ignMsnee qne les^conseilieR
du^Dcd lui faisaient fure, peu être à naffs, nfevsoni pas
moins^ nespeotables^ IL seâsble; qne la. sojualé noovelb,
duveaue te«t d'un coup la provldeace d'un: peuple, sentfe
< Contin. G. de Nang.
•iipp., 133. — » App, 131.
SES TtfOIS F&». *— PROCÀS. — UfSTflUTIONS. 459
la diB]Mroporiîoii de ses iftoyei» et de ses dsvoirs* Ce con-
traaie se nanpie d'une manière bîuim dans l'ordonnanûe
ée Vhiqppe^ Ib Long : Sur le gouvernameat de sonhostel
et le bien de smî royaume. Il étabfit d'abord, dans un noble
yrénMboie «fue Messîre Bieu a kistitné lea^ oolssur la terre,
poor que bits onlosnés>6n> hmm personnes, ils ordonnent
et geweraeni dûment leur royaume. Il annonce ensuite
ipi'il entend 1& mease tous las matinsv. et défend qa'on
rinlemimpe pendant k même pour lui pcéseater des re-
quêtes. NnUe pecaonae ne pourra lui parler à la chapelle:
« Si ce n'estoit notae confessenr, lequel pourra parier à
noua des cboaea qui tencheront notre conscience. » Il
ponmMiit ensuite à. la gaarde de sa personne royale : • Que
nulle personne mescongûe, ne garçon de petit estât, ne
entre en notve garder-robe, ne mettent main, ne soient, à
Bostfe bt faire:, et qn!on n'i sofire mettre draps estrangers. v
La terreur des empokcmnemenla et des malélees est un
trait de cette époque.
Après ces détails de ménage, viennent des règkmeels
eur le conseil, le trésor, le domaine, etc. L£tai apparaît
ici comme un simple apanage royal, le royaume oaauee
■B acecasoiae de ÏHotêe] ^. — On aaab partout la petite
aegeaae des fftf»dm roi^. ceitJbb bonnâtetè bourgeeise, eiaele
et aemipoleuse dans le menu, flexible dans le grand. Nul
doQle qne cette onlonnanee ne noua donne TidéaLdela
royaoÉé, selonles-gens dérobe, le modUe qu'ils présentaient
en roi fiodal poor em fkiœ an Trai roi comme ils le conce-
▼aîcBt
Ces essais estimaUes d'ordre et de gouvernement ne
changeaient rien aux soufirances du peuple. Sons Louis
HutiS) une borcible mortalité avak enlevé, ditM)n, le tiers
de la pofulaéen dn Noed K La géante de Flandie avait
« Arp., 135. — * Coni. G. de Naog.
460 SUITE DU RÈGNB DB PHILIPPK LB BBL.
épuisé les dernières ressources du pays. En 4320, il fallut
bien finir cette guerre.- La France avait assez à faire chez
elle. L'excès de la misère exaltant les esprits, un grand
mouvement avait lieu dans le peuple. Conune au temps de
saint Louis, une fouie de pauvres gens, de paysans, de
bergers onpastoureaux,ùomme on les appelait, s'attroupent
et disant qu'ils veulent laller outre -mer, que c'est par eux
qu'on doit recouvrer la Terre-Sainte. Leurs cheEs étaient
un prêtre dégradé et un moine apostat. Us entraînèrent
beaucoup de gens simples, jusqu'à des enfants qui fuyaient
la maison paternelle. Ils demandaient d'abord ; puis ils
prirent. On en arrêta ; mais ils forçaient les prisons, et
délivraient les leurs. Au Chàtelet, ils jetèrent du haut des
degrés le prévôt qui voulait leur défendre les portes ; puis,
ils s'allèrent mettre en bataille au Pré-aux-Clercs, et sor^
tirent tranquillement de Paris ; on se garda bien dé les
en empêcher. Il s'en allèrent vers le Midi, égorgeant par^
tout les juifs, que les gens du roi tâchaient en vain de
défendre. Enfin à Toulouse, on réunit des troupes, on
fondit sur les pastoureaux, on les pendit par vingt et par
trente ; le reste se dissipa ^.
Ces étranges émigrations du peuple indiquaient moins
de fanatisme que de souffrance et de misère. Les seigneurs,
ruinés par les mauvaises monnaies, pressurés par l'usure,
retombaient sur le paysan. Celui-ci n'en était pas encore
au temps de la Jacquerie ; il n'était pas assez osé pour se
tourner contre son seigneur. 11 fuyait plutôt, et massacrait
les juifs. Us étaient si détestés, que beaucoup de gens se
scandalisèrent de voir les gens du roi prendre leur dé-
fense. Les villes commerçantes du Midi les jalousaient
cruellement. C'était précisément l'époque oii, cx>mme finan-
ciers, collecteurs, percepteurs, ils commençaient à régner
sur l'Espagne. Aimés des rois pour leur adresse et leur
« App., 13S.
SIS TROIS nLS. — PROCÈS. — INSTITUTIONS. 46f
servilité, ils s'enhardissaient chaque jour, jusqu'à prendre
le titre de Don. Dès le temps de Louis le Débonnaire, l'é-
voque Agobart avait écrit un traité : De insolentià Judaec-
nun. Sous Philippe-Auguste, on avait vu avec étonnement
un juif bailli du roi. En 4267, le pape avait été obligé de
lancer une bulle contre les chrétiens qui judaïsaient ^
Philippe le Bel les avait chassés; mais ils étaient rentrés
à petit bruit. Louis Hutin leur vivait assuré un séjour de
douze ans. Aux termes de son ordonnance, on doit leur
rendre leurs privilèges, si on les retrouve ; on leur resti-
tuera leurs livres, leurs synagogues, leurs cimetières, si-
non le roi les leur payera. Deux auditeurs sont nommés
pour connaître des héritages vendus à moitié prix par les
juifs dans la précipitation de leur fuite. Le roi s'associe à
eux pour le recouvrement de leurs dettes dont il doit avoir
les deux tiers' . — Les nobles débiteurs qui avaient eu le
crédit d'obtenir de Philippe le Bel qu'on cesserait de re-
chereher les créances des juifs, se voyaient de nouveau à
leur merci. Les écritures des juifs faisant foi en justice, ils
pouvaient à leur gré désigner au fisc ses victimes. Le juif,
ulcéré par tant d'injures, était à môme de se venger, au
nom du roi.
La vieille haine étant ainsi irritée, enragée, par la crainte,
on était prêt atout faire contre eux. Au milieu des grandes
mortalités produites par la misère, le bruit se répand tout
à coup que les juifs et les lépreux ont empoisonné les fon-
taines. Le sire de Parthenay écrit au roi, qu'un grand lé-
pret:x, saisi dans sa terre, avoue qu'un riche juif lui a
donné de l'argent et remis certaines drogues. Ces drogues
se composaient de sang humain, d'urine, à quoi on ajou-
tait le corps du Christ ; le tout séché et broyé, mis en un
sachet avec un poids, était jeté dans les fontaines ou dans
les puits. Déjà, en Gascogne, plusieurs lépreux avaient été
t Afp., 137. — « Ord., I, p. 595.
m. il
provisokpeaieiii brMéSi Le vor, .eAmyé do noinrêaii motiTe*
nient qui se préparait^ revint pràcipîlanaiêiit de Poitou en
Fcanesi ordonoanique les iépretn fasseat partoot arrêtés.
Personne ne doulait de cet horrible accord entre les
lépreax et les juib. « Noiia-«Qéniesi, dit le cltfonîqtieurdo
temps, en Poftoii, dans on iKMirgde Aotnecvasselagéy noas
avons 4e nos yeuxtvu- iin.-de eeasachet»/Une léiprfme qui
passaity cntignantd'étrafinse, jeta-derrièreelle an chiffon
lié qui fut . aussitôt poftéen justioe^ et Ton y trouva une
tête* de couleuvre, des pattes itde 'cr«|pKud,- et eonnna des
cheveux de femme enduits d'une liqueur noire et 'puante,
chose horrible à voir^età^sentir. Leteut misdaas an ^nd
feu,. ne put brûler, preuve s^rre qm>e*était"un violentpoi-
son... Il y eut bien des diseaurs^ ibien des epimons. La
plus probable, c'est que le roi des Maures de Grenade, se
voyant avec douleur si souvent' battu, imagina^de s'en
venger en uiachtnaat. ave» les jnife la perte destèirdtiens.
Jtfais les ittife, trop suspects eux^oièmes, s'adressèrent ^ux
lépreux... Ceux-ci, le diable, aidant, furent persuadés par
les juifs. Les principaux lépreux tinrent quatre cofteiles,
pour ainsi parler, et le diable, par les juifs, leur fit enten^
dre que, puisque les lépreux étaient réputés personnes si
objectes et comptée' poar^riea)' il ' serait 'i)on- de faire en
sorte que tous leschrét&ens^moaruaseDt ou devinssent lé-
preux. Gela leur plut à tous^ chacun,; de retour, le redit
i^ux autres. . . Un grand nombre leurrés par de fausses pro*
messes- de royaumes,! oomtéa^' et autees biens 'temporels**
disaient et croyaient" feroMneat que la chose se ferait
ainsi'. »
La vengeaaae du raileGiMaieest'éfidemmentftbU'-
leuse. La culpabilité des .jinflvest improbable^; ils étaient
iilors fevorisés du roi, et l^ure leur fournissait une ven-
jgeance plua «utile. Quaataux lépreux; le récit n'est nas si
4 App,, 133.
SES TROIS FILS. — PROCiS. — iNSTITUTKOSiS. 463
étrange que loDt jagé les historieas modernes. De coupa-
bles folies pouvaient fort bien tomber dans Tespri^t de Ge$ ..
tristes solitaires. L'accusatiûa était du moins spécieuse.
Les juifa et les lépreux avaient un trait commun aux yeux
du- peuple, leur saleté, leur vie à part. La maison du lé-
preux n*était paamoins mystérieusa^et mal famée.que celle .
du juif. L'esprit omteageuxde ces temps s'efTaivoucbait.d^
tout mystère, comme un enfant qui ja peur la nuit* et qui,.
Irappe d*autant plus fort ce qui lui tombe sous la main. . . .
L'institution des léproseries, ladreries^ maladi^erîies^ cfi
sale résidu des croisades, était mal vue» ipal voulue, tout
comme Tordre du Temple, depais qu'il a y avait, plus rien .
à faire pour la Tenrre-Sainte.Les lépi^ux^eux^méines^ déT
sormais sans doute négKgés, avaienèdû perdîe la résigjaar
tion religieuse qui, dans les siècles précéé&f^k l^ur faisait
prendre en bonne part la mort anticipée à laquelle on les .
condamnait ici-bas.
Les rituels pour la séqaèstralioa'des lépreux différaiejot
peu des officesdes morts: Sur deux tréteaux devant Vautel,
on tendait un drap noir, le lépreux dvessé se tenait dessous
agenouillé, et y entendait dévotement la messe. I^ prêtre» .
prenant un peu de terre dans son manteau, en jetait sur ,
Fun des pieds du lépneux^ Puis il le mettait hors de
rËglise, s'il ne faisttU trop fort temps de i^ie ; il le menait '
à sa maisonnette au milieu des ebamps^ et lui faisait les
défenses : t Je te défends que tu' n'entres en TégUse... ne
en compagnie de gens. Je te défends que {u ne voises hors
de ta maison sans ton bafait de ladre, eUv » Et ensuite :
« Recevez cet babit, et levestez ea signe d'humilité...
Prenez ces gants... Recevez cette cliquette en signe qu'il
vous est défendu de parler aux personnes, €tc. .Vous ne
vous fâcherez point poW' être ainsi sépara 4es autres... Et
quant à vos petites nécessités, les gens de bien y pour-
I App., 189. '
i6l SUITE DU RÈGNE DE PfltLIPPS LK BEL.
voyront, et Dieu ne vous délaissera... > On lit encore dans
un vieux rituel des lépreux ces tristes paroles : < Quand il
avendra que le mesel sera trespassé de ce monde, il doit
être enterré en la maisonnette, et non pas au cimetière^. »
D*abord on avait douté si les femmes pouvaient suivre
leurs maris devenus lépreux, ou rester dans le siècle et se
remarieri L'Ëglise décida que le mariage était indissoluble ;
elle donna à ces infortunés cette immense consolation.
Mais alors que devenait la mort simulée? que signifiait le
linceul ? Ils vivaient, ils aimaient, ils se perpétuaient, ils
formaient un peuple... Peuple misérable, il est vrai, en*
vieux, et pourtant envié... Oisifs et inutiles, ils semblaient
une charge, soit qu'ils mendiassent, soit qu'ils jouissent
des riches fondations du siècle précédent.
On les crut volontiers coupables. Le roi ordonna que
ceux qui seraient convaincus fussent brûlés, sauf les lé-
preuses enceintes, dont on attendrait Taccouchement ; les
autres lépreux devaient être enfermés dans les léproseries.
Quant aux juifs, on les brûla sans distinction, surtout
dans le Midi. « A Chinon, on creusa en un jour une grande
fosse, on y. mit du feu copieusement, et on en brûla cent
soixante, hommes et femmes, pôle-méle. Beaucoup d'eux
et d'elles, chantant et comme à des noces, sautaient dans la
fosse. Mainte veuve y fit jeter son enfant avant elle, de
peur qu'on ne l'enlevât pour le baptiser. A Paris, on brûla
seulement les coupables. Les autres furent bannis à tou*
jours, quelques-uns plus riches réservés jusqu'à ce qu'on
c onnût leurs créances, et qu'on pût les affecter au fisc royal
avec le reste de leurs biens. Il y eUt pour le roi environ cent
cinquante mille livres. »
a On assure qu'à Vitry, quarante juifs, en la prison du
roi, voyant bien qu'ils allaient mourir, et ne voulant pas I
< Ce n*ëtait point cependant nn signe de réprobation* Uort au monde,
il semblait aroir fait son purgatoire ici -bas; et en quelques lieux on cd-
lébrait sur loi l'office du confesseur : « Os jusii meditabîtor sapientiam./
SB5 mois rir.s. — procès. — institutions. lO)
tomber dans les mains des incireoncis, s'accordèrent una-
nimement à se faire tuer par un de leurs vieillards qui
passait poyr une bonoe et sainte personne, et qu'ils appe-
laient leur père. Il n'y consentit pas, à moins qu'on ne lui
adjoignit un jeune homme. Tous les autres étant morts, les
deux restant, chacun voulait mourir de la main de l'autre.
Le vieillard l'emporta, et obtint à force de prières que le
jeune le tuemt. Alors le jeune, se voyant seul, ramassa
l'or et l'argent qu'il trouva sur les morts, se fit une corde
avec des habits, et se laissa glisser du haut de la tour.
Mais la corde était trop courte, le poids de l'or trop lourd,
il se cassa la jambe, fut pris, avoua et mourut ignomi-
nieusement ^.
Philippe le Long ne profita pas de la dépouille diBs lé-
preux et des juifs plus longtemps que son père n*avait fait
de celle des Templiers. La même année 43â1, au mois
d'août, la fièvre le prit, sans que les médecins pussent de-
viner la cause du mal ; il languit cinq mois, et mourut,
c Quelques-uns doutent s'il ne fut pas frappé ainsi à cause
des midédictions de son peuple, pour tant d'extorsions
inouïes, sans parler de celles qu'il préparait. Pendant
sa maladie, les exactions se ralentirent, sans cesser entiè-
rement. »
Son frère Charies lui succéda, sans plus se souder des
droits de la fille de Philippe, que Philippe n'avait eu égard
à ceux de la fille de Louis.
L'époque de Charles le Bel est aussi pauvre de faits pour
la France, qu'elle est riche pour l'Allemagne, l'Angleterre
et la Flandre. Les Flamands emprisonnent leur comte.
Les Allemands se partagent entre Frédéric d'Autriche et
Louis de Bavière, qui fait son rival prisonnier à Mulbdorf.
Dans ce déchirement universel, la France semble forte par
i App., 140.
465 SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE LE BEL.
cela seul qu'elle est une. Charles le Bel intervient en faveur
du comte de Flandre. Il entreprend, avec Taîde du pape,
de 86 faire Empereur. Sa sœur Isabeau se fait effectivement
reine d'Angleterre par lo m^irtre d'Edouard II.
Terrible histoire qiteœUe des enfants de Philippe le Bel t
Le fils aîné fait mourir sa femme. La-âUe fait mourir son
mari.
Le roi d'Angleterre, . Edouard II, né parmi les victoires
de son/ père et promis aux • Gallois pour réaliser leur
Àithur, n'en^tait pas moins toujours battu. En France, il
laissait entamer la Guyenne et promettait de venir rendre
hommag6w\Eda Angleterre, il était «malmené- par Robert
Bruce ; mais il le poursuivait en cour de Rome. R avait de-
mandée au pape s*il pouvait , sans péché, se frotter d'une
huile merveilleuse, qui donnait du courage. Sa femme le
méprisait: Mais ihn'aimait pas les femmes; il se consolait
plutôt de sesimésmveiitures avee de heaux jeunes gens. La
> reine, par i^eprésailleS) s'élait^livrée au baron Mortimer.
Les barons, qui détestaientJes mignons du roi, lui tuèrent
d'abord son* brillant Gaveston, bardi Gascon, beau cavalier,
..qui s'amusait dans les tournois à jeter* parterre les- plus
graves'lerds, les plus nobles seigneurs: Speûcer, qui suc-
céda à Gaveston, ne fut pas moins ha!.
L'Angleterre se trouvant désarmée par ses discordes, le
•ror de FMnesfiiofitardu jnomettt, el s^empara de l' Agénois^.
isabesuiviBl en-FiMwice avee son jeçne fils,* pour réclamer^
disait-elle. Mais c*est contre «on mari qu'elle réclama.
GhaBie6!lti>Bel,viieȴ0filant pas s'embarquer en son nom
> dana^uie affinr&ansbif hasardeuse qu'une invasioh de l'An-
gleterre^ défèndil k ses chevaliers de prendre le parti de
1 latrainet. Il At^méme^i^oire qu'il voulait l'arrêter et la
«learaoyer à eonimart. En vrai file de Philippe le Bel, il ne
:daiidMinft{Nis4'apinées mais^e Taisent pour en avoir une.
• Àpp., 141. — * App.s 142.
SES TROIS riLS. — PROCES. -^ fflSTinJTIONS. < 167
Cet argent foi prêté par les Bardi^ banquiers florentins.
D'autre part, le roi de France envoyait des tioupes en
Guyenne ponr r^rimer, èinit^il, «quelques awatucters
gascons.
Le comte dé Hainaut donna sa^fille en «mariage au jeune
' fils d'Isabeau, et le frère du comte se chargea de oonéuire
k petite troupe qu'elle aivait levée. De grandes forées n'au-
raient pu que nuire, en alavmant-les Anglais.- Edouard
était d»rmé, livré ^'avance. Il «nvoya sa^tte lOOKtre
elle; mais la flotfen'availigarâe'de.la'reaeontrer* It dé-
pécha Robert de Watteville^avec des troupes, qui se réu-
nirent àeHe. Il iis^lora lesgens de Londres ; ocux'-oiTé-
pondirent prudemment «qu'ils avaient privilège de. ne
point sortir en batailie; qu'ikne roœvraient pas d'étran-
gers, niaiS'bieaTolontiera)»roi,laMÎaieetieprince royal. »
Non moina prudemment les gens d'égUse accueillaient la
reine à son arrivée. «L^arclMvéque de^rGaatorbéry prêcha
sur ce texte : c La voix du peuple est la. voix de Dieu. »
L'évéque d*Hereibrd sur cet autre : « C'est au clief:que j'ai
mal, CapwtHwmméoleoK » fisfin, VevAque d'Oxfturdprit le
' texte de la Genèse: « Je mettimt inimitié entra toi eÉ la
femme, etellet^éeraseralatéts. » Prophétie bomiaîdtiJiui
■ se vérifia.
CependaM la reine «s'amngatt^wecaonifib et ssipetite
' treup^ ^EMe «venait camMe une » iaamie - malheuraMSe j qui
- veui seutaneauéloignefl da^soo» flaari lesimauMsisaxiitseil-
^eia ^HefeÊêent. StUià gf andefitiédetiaiveig abddtaite
• et^SKéptorée. gjeut le^aondftétoitupawicilit. JHtoetifcbisiitôt
^> entre sea^mains «Edouard et Spencer, te lui: amena? ce
Spenoe^ quiellé Miseail tant: eDe en^raseasiai ses>yeux.
' Puia^devanilafialais, sous4e6<n>isées*de.lareintf( ofrlui
Atsttbirs spvanl la moHi ■d'ohsoènaa.mutilatinns.
1 11 ooDcluait que le seul moyen de itt'iirle corps était de hii eoapai
feCéta.
N
468 SUITS DO RÈGNB DB PHILIPPB LB BBL.
Pour le moment, elle n'osait pas en faire plus. Elle avait
peur, elle tàtait le peuple, elle ménageait son mari. Elle
pleurait, et tout en pleurant elle agissait. Mais rien ne
semblait se faire par elle, tout par justice et régulièment
Edouard était resté en possession de la couronne royale;
cela arrêtait tout. Trois comtes, deux barons, deux évo-
ques et le procureur du Parlement, Guillaume Trussd,
vinrent au chftteau de Kenilworth, faire entendre au pri*
aonnier que s*il ne se dépêchait de livrer la couronne, il
n'y gagnerait rien, qu'il .risquerait plutôt de (aire perdre
le trône à son fils, que le peuple pourrait fort bien choisir
un roi hors de la famille royale. Edouard pleura, s'évanouit
et finit par livrer la couronne. Alors le procureur dressa
et prononça la formule, qu'on a gardée comme bon précé-
dent : c Moi Guillaume Trussel, procureur du Parlement,
au nom de tous les hommes d'Angleterre, je te reprends
Thommage que je t'avais fait, à toi, Edouard. De ce temps
en avant, je te défie, je te prive de tout pouvoir royal.
Désormais, je ne t'obéis plus comme à un roi. »
Edouard croyait au moins vivre ; on n'avait pas encore
tué de roi. Sa femme le flattait toujours. Elle lui écrivait des
choses tendres, elle lui envoyait de beaux habits. Cepen-
dant un roi déposé est bien embarrassant. D'un moment à
l'autre il pouvait être tiré de prison. Dans leur anxiété,
Isabeau et Mortimer demandèrent avis à l'évêque d'He-
reford. Us n'en tirèrent qu'une parole équivoque : Edwar-
dum occidere nolUe Umere bonum est. C'était répondre sans
répondre. Selon que la virgule était placée, ici ou là, on
pouvait lire dans ce douteux oracle la mort ou la vie. Ils
lurent la mort. La reine se mourait de peur tant que
son mari était en vie. On envoya à la prison un nouveau
gouverneur, John Maltravers ; nom sinistre, mais l'homme
était pire.
Maltravers fit longuement goûter au prisonnier les affres
de la mçrt ; il s'en joua pendant quelques jours, peut-être
SES TBOIS FILS. — PROCÈS. — INSTITUTIONS. 189
dans l'espoir qu'il se tuerait lui-même. On lui faisait la
barbe à Feau froide» on le couronnait de foin ; enfin, comme il
8*obstinait à vivre, ils lui jetèrent sur le dos une lourde porte,
pesèrentdessus, etrempalèrentavecunebroche toute rouge.
Le fer était mis, dit-on, dans un tuyau de corne, de ma-
nière à tuer sans laisser trace. Le cadavre fut exposé aux
regards du peuple, honorablement enterré , et une messe
fondée. Il n'y avait nulle marque de blessure , mais les
cris avaient été entendus ; la contraction de la face dénonçait
l'horrible invention des assassins ^
Charles le fiel ne profita pas de cette révolution. Lui-même
il mourut presque en même temps qu'Edouard, ne laissant
qu'une fille. Un cousin succéda^ Toute cette belle famille de
princes qui avaient siégé prè^ de leur père au concile de
Vienne était éteinte, conformément à ce qu'on racontait
des malédictions de Boniface.
• ^pp., 143.
LIVRE VI
CHAPITRE PREMIER
LMogleterrc. — Philippe de Valois. t328-13i9.
Cette mémorable époque, qui met TAngleterre si bas et
la France d'autant plus haut, présente néanmoins dans les
deux pays deux événements analogues. En Angleterre, les
barons ont renversé Edouard II. En France, le parti féodal
met sur le trône la branche féodale des Valois.
Le jeune roi d'Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel
par sa mère, après avoir d'abord réclamé, vient faire hom-
mage à Amiens. Mais l'Angleterre humiliée n'en a pas
moins en elle les éléments de succès qui vont bientôt la faire
prévaloir sur la France.
Le nouveau gouvernement anglais, intimement lié avec la
Flandre, appelle à lui les éli*angers. Il renouvelle la charte
commerciale qu'Edouard I*' avait accordée aux marchands
de toute nation. La France, au contraire, ne peut prendre
part au mouvement nouveau du commerce.Un mot sur cette
grande révolution. Elle explique seule les événements qui
vont suivre. Le secret des batailles de Créci, de Poitiers est
au comptoir des marchands de Londres, de Bordeaux et
de Bruges.
PBILfPPB DE VALOIS. Hf
En 1 S91 , la Terre-Saînte est perdue, Fàge des <»iotsades
* fini. En 1298*, le Vénitien Marco Polo, le Christophe Go-
-lomb de TÂsie, dicte la relation d*un voyage, d'un séjour
de vingt ans à la Chine et au- Japon ^. Pourlapreniitee
fois, on apprend qu'à douze mois de mareheau delà- de
Jérusalem, il y a des royaumes, des nations policées. Jéru-
salem n'est plus le centre du monde, ni cehit de la pensée
' humaine. L'Europe perd la Terre-'Sainte; mais «lie ^kri^la
terre. v»
' Eh<3i^4 , parait lé premier ouvrage d'éoosemie<|K)iîlique
c/mMïtevc\k\e : Sécréta fidelium €ruei& ^s^P^^lo Vénitien
•Sauuto. — Vieux titre, pensée nouvelle. L'auteiirpiiepose
contre l'Egypte, non paawia croisade, mais phMélwi b)o-
cuaioemmereial et maritime '. Ce livr^ est bizarite «dans la
forme. Le passage des idées religieusesà oeHestdu-eom-
inercé s^aceomplM gauchement. Le Vénitien, qui peait^étre
ne veut que*rendre à Veiiî?e'ce qu'eUe'a.perdupar lai-re-
tour des Grecs à'Constantîiiopie , -donne 4'«bord touaies
textes sacrés qui recommandent au* -bon- chrétien la.con-
" quéteide Jérusalem ; puis le catalogue ffaîftennè^destéiBees
dont la Terrè-^Saifite ' est l'entrepôt» : poivre/ ^enoens , gin-
gembre ; îlquaHfie les deurées et ieacotearliclepac article.
U calcule aveeruiie prédskm admhpableJee finAs d«4tvansr
port *, ^tc.
'9iie grande ssroitiade ouiwmenee^etfelftitdaiMfje^mbnde,
mais d'^uff-gaice tout nouveau. €eHe-ci-,^Mioi«s^péétkiue^
t CÊÊKtùk Qtàmvhe Aotonb» iL>e«l4«uoDairtdioctiiia. Jlèif Uiwlonr
de Colomb mit fin à tous la» dsotes : ils commenoèrent. au retour dû
Polo. Son tradacteur latin en appelle an témoignage dn père et de
- l'onde de Polo, eontpagnons de soir fvyB%e.
• > Marco* Fol»*' cmptif à Qéum, dtetail^aat' conipatl'iote» da CMplopbe
• Colomb le livre qui inapira à ce 4ernier sa grande entri^prise.
* Urredei séerett des fâèleê de la Croit, App,, 144.
^ 11 montre la supériorité de la route d'Egypte sur celle d^ Syrie.
Puis il propose contre le Soudan d'Egypte, non pas une croisade, maia
on simple blocus. Le blocus ruinera la«aoiMiaB etpariaaila'lamonda
mabomélan, dont l'Egypte estla-aiMir. -Àpfj^ÀM.
M2 L ANGLETERRE.
n'est pas en quête de la sainte lance, du Graal, ni deFem-
ptre de Trébisonde. Si nqus arrêtons un vaisseau en mer,
nous n*y trouverons plus un cadet de France qui cherche
un royaume t, mais plutôt quelque Génois ou Vénitien qui
nous débitera volontiers du sucre et de la cannelle. Voilà le
héros du monde moderne ; non moins héros que l'autre ;
il risquera pour gagner un sequin autant que Richard Cœur
de Lion pour Saint-Jean-dAcre. Le croisé du commerce a
sa croisade en tout sens, sa Jérusalem partout.
La nouvelle religion^ celle de la richesse, la foi en l'or, a
ses pèlerins, ses moines, ses martyrs. Ceux-ci osent et
souffrent, comme les autres. Ils veillent, ils jeûnent, Hs
s'abstiennent. Ils passent leurs belles années sur les routes
périlleuses, dans les comptoirs lointains, à Tyr, à Londres,
à Novogorod. Seuls et célibataires, enfermés dans des quar-
tiers fortifiés, ils couchent en armes sur leurs comptoirs,
parmi leurs dogues énormes'; presque toujours pillés hors
des villes, dans les villes souvent massacrés.
Ce n'étût pas chose facile de commercer alors. Le mar-
chand qui avait navigué heureusement d'Alexandrie à Ve-
nise, sans mauvaise rencontre, n'avait encore rien fait. Il lui
fallait, pour vendre à bon profit, s'enfoncer dans le Nord,
n fallait que la marchandise s'acheminât, par le Tyrol, par
les rives agrestes du Danube, vers Augsbourg ou Vienne;
qu'elle descendit sans encombre entre les forêts sombres
et les sombres châteaux du Rhin ; qu'elle parvhit à Cologne,
la ville sainte. C'était là que le marchand rendait grâce à
Dieu K Là se rencontraient le Nord et le Midi ; les gens de
la Hanse y traitaient avec les Vénitiens. — Ou bien encore,
il appuyait à gauche. Il pénétrait en France, sur la foi du
bon comte de Champagne. 11 déballait aux vieilles foires de
Troyes, à celles de Lagny, de Bur-sur-Aube , de Provins *•
i Dans la qaatrièma croisade.
* Sartorlns. ~ * Ulmann. «- * Groalay.
PHILIPPE DE VALOIS. 473
Delà, en peu de journées, inaisnon sans risque, il pouvait
atteindre Bruges , la grande station des Pays-Bas , la ville
aux dix-sept nations ^
Mais cette route de France ne fut plus tenable, lorsque
Philippe le Bel, devenu, par sa femme, maître de la Cham*
pagne, porta ses ordonnances contre les Lombards, brouilla
les monnaies , se mêla de régler l'intérêt qu'on payait aux
foires *. Puis vint Louis Hutin, qui mit des droits sur tout
00 qui pouvait s'acheter ou se vendre. Cela suffisait pour
fermer les comptoirs de Troyes. Il n'avait pas besoin d'in-
terdire, comme il fit, tout trafic « avec les Flamands, les
» Génois, les Italiens et les Provençaux. »
Plus tard, le roi derFrance s'aperçut qu'il avaittuésa poule
aux œufs d'or. Il abaissa les droits, rappela les marchands 3.
Mais il leur avait lui-même enseigné à prendre une autre
route. Ils allèrent désormais en Flandre par l'Allemagne,
ou par mer. Ce fut pour Venise l'occasion d'une navigation
plus hardie, qui, par TOcéan, la mit en rapport direct avec
les Flamands et les Anglais.
Le royatime de France , dans sa grande épaisseur, res-
tait presque impénétrable au commerce. Les routes étaient
trop dangereuses, les péages trop nombreux. Les seigneurs
pillaientmoins; mais les agents du roi les sftaient remplacés.
tHallaro.
* Les foires de Champagne étaient pins ancienaes que le comté même.
11 en est fait mention dés l'an 427, dans nne lettre de Sidoine Apolli-
naire à saint Loup. Elles se perpétuèrent toojonrs florissantes, sans que
personne gênât leurs transactions. L'ordonnance de Philippe le^el est
le iftre royal le plus ancien qui les concerne.
* Voyez les ordonnances de Charles le Bel et de Philippe de Valois.
Ce qui aehera la ruine des foires de Champagne, ce fut la ri? alité de
Lyon. Quand eux tracasseries fiscales s'ajoutèrent les alarmes et les
pillagas de la gnerre intérieure, Troyes fut désertée, et Lyon s'ouvrit
comme on asile au commerce. 11 fallut abolir les foires de Lyon pour
rendre quelque Tie aux foires de Champagne. En i486, des quatre foires
de Lyon, deux furent transférées à Bourges et deux à Troyes; mais elles
tombèrent dès que Ljon eut obtenu de rouTrir ses marchés.
^
Ali L ANJLBTERRI.
Pillé comoie un. marchand, était im mot pmvarbîal ' . La- .
main royale coijvraittout; raaiswiJie,IaseBtait^èr«4iwi'
par la griffe du fisc. Si l'ordre venait, e'étaiti^rtAaiaie uni-
verselle. Le sel, l'eau, les rivières, lesioréta,le6^éa, les
défilés, rien n'échappait à l'ubiquité fiscale.
Tandis que les monnaies variaiaat coDtiBueUeoKDt «n
France, elles changeaient peu en Ai^JeteErei Le mm de
France avait échoué dans l'entreprise d'élabltrnlHiAiiw- '
mité des mesures. C'est un des.principaai erticles de;la;;
charte que le roi d'Angleterre accord» aux étnaffera. Daas -
cette charte, le roi déclare qu'il a grande :aoUi«iti*de4es
marchands qui visitent ou habitent l'Aq^tAirej Alle--
mands, français. Espagnols, Portugais, Navarrûa, Lom-
bardi, Toscans, Provençaux, CataUns, Gascons, Toukui-:
sains, Cahorcins, Flamands, Brahoacoas, et autres. 11 leur
assure protection, bonne et prompte justice, bon poida,
bonne mesure. Les juges qui fer(mt tort à un DWfchand
seront punis, même après l'avoir indemnisé.^ Les-étna»-
. gers auront un juge à Londres, pour leur rendre iastico-'
sommaire. Dans les causes cù ils seront intéressas,^ te jurf
sera mi-parti d'Anglais et d'hommes de ieur nattoa-s.
Même avant cette charte les étrangers afDuaiêot en An-,
glelerre. Lorsqu'on voit qud essor le commerce y avait
pris dès le xiu* siècle, on s'étonne peu qu'au xiv*, un
marchand anglais ait invité et traité cinq rois ^. Les histo-
riens du moyen &ge parlent du commerce anglais comme
on pourrait faire aupurd'hui.
B 0 Angleterre, les vaisseaux àe Thsrsis, vantés dans
l'Ëcrittire, pouvaient-ils se comparer aux. tlensî... Le&ar»-
■ • ... Qu'ils eu Gueat t«iu profil ciMUM •j'int' aarchud. i CoK"
> l'ea iprii, les prïTÎldgea drs villes i^ui Ruraient «nlnv^ ea -likn
«omnierce sont décUréi nali el tau [are*. Le roi et lo.i Iwroni na ria> -
qoiéiaiant paj à b uocumoM llM•élnn■■r*^DWIulau Aii|taift'(fl;v
m r... App., m.
L
h
PHILIPPI M VALOIS. \Ty
mate»4'amveBl ides-quatte- climats du monde. PUans,
Génois et Véaîtieiiflf^^iftt^nt le sofUr eM em^randeique .
rouleni'.lfltt fleuireft du. Paradis. L'Asie pour la pourpre^
r Aftique powr le baume; rEspague- pour L'or, rAllegmgne
pour rar^wt,. sont te&kuinbles'seprantas. la Baadre, ta ;
file«se^4'a.tisaii.de ta laine derhatnts précieux. i La.£as^..
cogpe te verse ses vins. Les Mes- de rOurse aux*Hyades^
lOQtesi elles, l'ont mtNÏ.*^ Plus heuveuse, toutefois^ par ta
fécondité ; les flaneaides nations -la bénissent^ léobaufEès.
des toisons-doles.hrebisA t »
La kîne^k viande, c'est ce qui' a fait primitiveneHBt ^
l'Angleterre et la race anglaise. Avanl* d'^Ire pomr' ie
monde la^grande manufiaetwa'des fers et des tissus, l'An^
glet^ee a été «nertnanufacture' de viande. C'est de temps.
imméflMrialun'pei^ile «ievsttr et pasteur, une race nourrie
ée chaîn< De là cette fraîcheur de teint, cette beauté, cette:
foroev JLeur plus f^rand hoaune, Sbakespearev ftit d'abord
un bouebcr.
Qu*on me permette, à cette .occasion^ d'indiquer ici une.
impression personnelle. :
J'avai» vu Londres ^et une^gi'andB^ partie de l'Angleterre
et de l'ficosse.; j'avaiS'. admiré ^plutât que compris. Au re-
tour, eeukment, eomme j'allais d'York à Mancbester, cou-
pant rile dans sa largeuryalors enfin j'eus une. véritable
intuition de l' Angleterre. C'était au matin, par. un froid
brouillard.; eUe m'apparaissait non . plus seulement envi'«>
ronnée^ mak couverte, noyée de l'Océan. Un pâle soleil
cotomil à peine ttoitié du paysage. Les maisonsrnenves en
briques -ffouges'auraieni-trancbé duremem sur Je gazon
vert, ai la brume flottante n'eftt prit soin 4'barmoniser les
teintes. Par-dessus les pâturages couverts de moutons,
flambaient les rouges cheminées des usines. Pâturage,,
laboiuiage, indasirie, tout était..là dans un étroit espaça,
t Uathieo d« Weslniatieiw.
476 l'angletkrrb.
l'un sur Tautre, nourri l'un par l'autre ; l'herbe vivant de
brouillard, le mouton d'herbe, l'homme de sang.
Sous ce climat absorbant, l'homme, toujours affamé, ne
peut vivre que parle travail. La nature l'y contraint. Mais
il le lui rend bien ; il la fait travailler elle-même ; il la sub-
jugue par le fer et le feu. Toute l'Angleterre halète de
combat. L'homme en est comme effarouché. Voyez cette
face rouge, cet air bizarre... On le croirait volontiers ivre.
Mais sa tète et sa main sont fermes. Il n'est ivre que de
sang et de force. Il se traite comme sa machine à vapeur,
qu'il charge et nourrit à l'excès, pour en tirer tout ce
qu'elle peut rendre d'action et de vitesse.
Au moyen âge, l'Anglais était'à peu près ce qu'il est,
trop nourri, poussé à Faction, et guerrier faute d'industrie.
L'Angleterre, déjà agricole, ne fscbriquait pas encore.
Elle donnait la matière ; d'autres l'employaient. La laine
était d'un côté du détroit, l'ouvrier de l'autre. Le boucher
anglais, le drapier flamand, étaient unis, au milieu des
querelles des princes, par une alliance indissoluble. La
France voulut la rompre, et il lui en coûta cent ans de
guerrov II s'agissait pour le roi de la succession de France,
pour le peuple de la liberté du commerce, du libre niarché '
des laines anglaises. Assemblées autour du sac de laine,
les communes marchandaient moins les demandes du roi,
elles lui votaient volontiers des armées.
Le mélange d'industrialisme et de chevalerie donne à
toute cette histoire un aspect bizarre. Ce fier Edouard III
qui sur la Table ronde a juré k héron de conquérir la
France ^ cette chevalerie gravement folle qui, par suite
d'un vœu, garde un œil couvert de drap rouge s, ils ne sont
I Afp,, i47.
' « il y avoit dans la suite de l'évéque de Lincoln plusieurs bache-
liers qui ayoient chacun un œil couvert de drap vermeil, pourquoi it
n'en put voir ; et disoit-on que ceux avoienl voué entre dames de leur
pays que jamais ne verroient que d'un œil jusqu'à ce qu'ils aurorent
fait aucunes prouesses au royaume de France. » Fioissart.
PHILIPPE DB TALOIS. 477
pas tellement fous qu'ils servent à leur frais. La simplicité
des croisades n'est point de cet âge. Ces chevaliers au
fond sont les agents mercenaires, les commis voyageurs
des marchands de Londres et de Gand. 11 faut qu'Edouard
s'humanise, qu1l mette bas l'orgueil, qu'il tâche de plaire
aux drapiers et aux tisserands, qu'il donne la main à son
compère, le brasseur Artevelde, qu'il harangue le popu-
laire du haut du comptoir d'un boucher ^.
Les nobles tragédies du iiv* siècle ont leur partie
comique. Dans les plus fiers chevaliers, il y a du Falstaff. En
France, en Italie, en Espagne, dan^ les beaux climats du
Midi, les Anglais se montrent non moins gloutons que
vaillants. C'est l'Hercule (fouphage. Ils viennent, à la lettre,
manger le pays. Mais, en représailles, ils sont vaincus par
les fruits et les vins. Leurs princes meurent d'indigestion,
leurs armées de dyssenterie.
Lisez après cela Froissart, ce Walter Scott du moyen
ège ; suivez-le dans ses éternels récits d'aventures et
d'apcrtises d'armes. Contemplez dans nos musées ces
lourdes et brillantes armures du xiy« siècle... Nejsemble-
t-il pas que ce soit la dépouille de Renaud ou de Roland ?. . .
Ces épaisses cuirasses pourtant, ces forteresses mouvantes
d'acier, font surtout honneur à la prudence de ceux qui
s'en affublaient... Toutes les fois que la guerre devient
métier et marchandise, les armes défensives s*alourdissent
ainsi. Les marchands de Carthage, ceux de Palmyre, n'al-
laient pas autrement à la guerre K
Voilà l'étrange caractère de ce temps, guerrier et mer-
cantile. L'histoire d'alors est épopée et conte, roman
d'Arthur, farce de Patelin. Toute l'époque est double et
louche. Les contrastes dominent; partout prose et poésie
se démentant, se raillant l'une l'autre. Les deux siècles
* Proitiarl.
* Pour Carthage, V. PliiUrqne» Vie de Timoléoo. Pour Palmyre, ma
Vie de Zéoobie, biogr. Uut.
III. il
•v
1T8 L'i^TGLXTEiail.
(l'inlemU* «ntre les songes de DaMe et les songes do
Shakespeare, font eux-mêmes l'effet d'un songe. C'est le
Rêve d'une nuit d'ili, où le poêle mêle à plaisir les artisans
et les héros ; le noble Thésée y figure à calé du memiider
Boltom, dont les belles oreilles d'ânatouroent la téteàTi-
Pendant que le jeune Edouard III commeoce tri&leineut
ion règne par un faommage à la Fronce, Philippe de Valois
ouvre le sien eu nilieu des fanfares. Homuie féodal, fila
du fàodal Chartes de Valois, sorti de ceUe branche amie
des seigneurs, il est soutenu par eux. Ces seigneurs et
Charles de Valois lui-même avaient pourtant appuyé le
droit des femmes k la mort de Louis Hutin ; ils avaieut
désiré alors que la couronne, traitée comme un fief
féminin, passât par mariage à diverses familles et qu'ainsi
«lie restât faible. Ils oublièrent cette politique lorsque le
droit des mAles amena au trâne un des leurs, le fils même
de leor chef, de Charles de ValoiE. Us comptaient bien
qu'il alUit réparer les injustes violences des règnes précé-
dents; quîil allait, par «xecnf^, rendre la Franche-Comté
et l'Artois à oeox qui les réclamaient en vain depuis si
longtemps. Robert d'Artois, croyant avoir eoSn cause g»-
^gaie, aida puissamotent k l'élévation de Philippe.
Le nouveau .roi se montra d'abord assez complaisant
pour les seigneurs. 11 commença par les dispenser de
payer leurs dettes *. £a signe de gracieux avéne-
meat et de bonne justice, il fit aooroober à un gibet tout
neuf le trésoriM- de son pcédéoeneur *. C'était, nous
I « II* fi4tiBd*i«ni qu'il j awail una at>nj«i«UoB du hamniei du btt
vUt poDr rainCT It nablaue trnofaiae, et «n eomëqaence ili obllnrest
d'ibord DB ordre do coi pour qii« lotu tniN cMutciin htMtti Mit m
phtou el leur* biaoi lA^ucstréi; poii Tint l'oidonnance qai rcduùit
loaie* leon detua anx IroU qnaru, à qn«ire moI* de lenaa. mm ioi^
Tti. * (Coaaa. a. dt Na^t. — (M., l U.)
* PÎMte Usniy,
pmtipps M tALOis. 479
r avons dit, Tusage de ce temps. Mais eomme uû roi vrai-
ment justicier est le proteDteuf natorei éee faibles et des
affligés, Philippe accueillit le comte de Flandre malmené
par les gens de Bruges, tout ainsi que Charles le Bel avait
consolé la bonne reine Isabéau.
C'était une fête d'étrenner ta ferme royauté par t»e
guerre contre ces bourgeois. La noblesse suivit le roi de
grand cœur. Cependant les gens de Bruges el d'ïpreB,
quoique abandonnés de ceux deOand, ne se trcmbèèirent
pas. Bien armés et en bon t)rdre, ils vinrent auHlevant,
jusqu'à Cassel, qu*Hs voulaient défendre (23 août). Les
insolents avaient mis sur leur drapeau un •mq et celtei de-
vise goguenarde :
Qaand !• «o^ icy cbaotora.
Le roy tro«v4 ey entrera <.
Ce ne fut pas le cœur qui leur manqua pour tenir lear
parole, mais la persistance et la patience. Fondant que tes
deux armées étaient en présence et se regardaient, tes
Flamands sentaient que leurs alTahi^ étaient en souf-
france, que les métiers dTpres ne battaient pas, que tes
ballots attendaient sur le marché de Bruges. L'âme de ces
marchands était restée au comptoir. Chaque jour, à 4a
fumée de leurs villages incendiés, ils calculaient et ce
qu'Os perdaient et ce quïls manquaient à gagner. Us n'y
tinrent plus, ils voulurent en finir par une batailte. Leur
chef Zanekin (Petit Jean) s'habille en marefaand de pots-
son, et va voir le camp français. Personne n'y songeait à
l'ennemi. Les seigneurs enlîelles robes causaient, se eoii-
viaient, se fhisaient des visites. Le roi dtnaît, lorsque les
Flamands fondent sur le camp; nen versent tout, et petveiit
jusqu'à latente royale ^. Véme précipitstion des Flamands
> • Appelant ledicl Roy Philippe roy trouvé, • Oudfgbersl.
• App., 148.
480 L*4NGLETERRE.
qu'à Mons-en-Puelle, même imprévoyance du côté des
Français. La chose ne tourna pas mieux pour lés premiers.
Ces gros Flamands, soit brutal orgueil de leur force, soit
prudence de marchands, ou ostentation de richesse, s'é-
taient avisés de porter à pied de lourdes cuirasses de ca-
valiers. Ils étaient bien défendus, il est vrai, mais ils bou-
geaient à peine. Leurs armures suffisaient pour les étouf-
fer. On en jeta treize mille par terre, et le comte, rentrant
dans ses Ëtats, en fit périr dix mille en trois jours.
C'était certainement alors un grand roi que le roi de
France. Il venait de replacer la Flandre dans sa dépen-
dance. U avait reçu l'hommage du roi d'Angleterre pour
ses provinces françaises. Ses cousins régnaient à Naples
et en Hongrie. Il protégeait le roi d'Ecosse. Il avait autour
de lui comme une cour ^de rois, ceux de Navarre, de Ma-
jorque, de Bohême, souvent celui d'Ecosse. Le fameux
Jean de Bohême, de la maison de Luxembourg, dont le fils
fut empereur sous le nom de Charles IV, déclarait ne
pouvoir vivre qu'à Paris, le séjour le plus chevaleresque du
monde, U voltigeait par toute l'Europp, mais revenait
toujours à la cour du grand roi de France. U y avait
là une fête étemelle, toujours des joutes, des tournois, la
réalisation des romans de chevalerie, le roi Arthur et la
^ Table ronde.
r Pour se figurer cette royauté, il faut voir Vincennes, le
Windsor des Valois. Il faut le voir non tel qu'il est au-
jourd'hui, à demi rasé; mais comme il éteit quand ses
.quatre tours, par leurs ponts-levis, vomissaient aux quatre
vents ^ les escadrons panachés, blasonnés, des grandes
armées féodales, lorsque quatre rois, descendant en lice,
joutaient par-devant le roi très-chrétien ; lorsque cette
noble scène s'encadrait dans la majesté d'une forêt, que
des chênes séculaires s'élevaient jusqu'aux créneaux, que
« App„ i49.
PHILIPPE DE VALOIS. 481
les cerfs bramaient la nuit au pied des tourelles, jusqu'à
ce que le jour et le cor vinssent les chasser dans la pro-
fondeur des bois... Vincennes n'est plus rien, et pourtant
sans parler du donjon, je rois d'ici la petite tour de Thor-
loge qui n'a pas moins encore de onze étages d'ogives.
Au milieu de toute cette pompe féodale, qui charmait
les seigneurs, ils eurent bientôt lieu de s'apercevoir que le
fils de leur ami Charles de Valoîs ne régnerait pas autre-
ment que lés fils de Philippe le Bel. Ce règne chevale-
resque commença par un ignoble procès ; le château royal
fut bientôt un greflTe, où Ton comparait des écritures et
jugeait des faux. Le procès n*allait pas à moins qu'à
perdre et déshonorer un des grands barons, un prince du
sang, celui môme qui avait le plus contribué à l'élévation
de Philippe, son cousin, son beau-frère, Robert d'Artois.
On vit en ce procès ce qu'il y avait de plus humiliant pour
les grands seigneurs, un des leurs faussaire et sorcier. Ces
deux crimes appartiennent proprement à ce siècle. Mais il
manquait jusque-là de les trouver dans un chevalier, dans
un homme de c^ rang.
Robert se plaignait depuis vingt-six ans d'avoir été sup-
planté dans la possession de l'Artois par Mahaut, sœur
cadette de son père, femme du comte de Bourgogne.
Philippe lé Bel avait soutenu Mahaut et les deux filles de
Mahaut, qu'avaient épousées ses fils avec cette dot magni-
fique de l'Artois et de la Franche-Conité *. A la mort de
Louis Hutin, Robert, profitant de la réaction féodale, se
jeta sur l'Artois. Mais il fallut qu'il lâchât prise. Philippe
le Long marchait contre lui. 11 attendit donc que tous les
fils de Philippe le Bel fussent morts, qu'un fils de Charles
de Valois parvint au trône. Personne n'eut plus de^part que
Robert à ce dernier événement •. Philippe de Valois, en
reconnaissance, lui confia le commandement de l'avant-
ilp/»., I50.^*i4p/)., 131.
4 82 l'anglsterrk.
garde dans la campagne de Flandre, et donna le titae de
pairie à son oon^ de Beaumont. Il avait épouaé la sœur
du roi, Jeanne de Valois; celle-ci ne se conteatait pas
d*étrie comtesse de Beaumont : elle espérait que son frère
rendrait l'Artois à son marL Elle disait que le roi ferait
jnetîce à Robert, $*il pouvait produire 4{uelque pî^e nou-
velle» ÇHfZgiMpetàe qu'elk fû$,.
La comtesse IMrâut, avertio du, dan^r» s'empressa de
venir à. Paris. Mais elle y mountf psesque w arrivant. Ses
droits passaient à sa fiUe, veuve de Philippe le l^ong. Elle
mourut trois mois après sa, mère ^ Kohert n'avait plus
d'adversaire que le duc de Bourgogne, époux de Jeanne,
fille de Pkilippe la Long, et petiliç-fiU« de Mabaut. Le duc
âkeit luiroiéme frère de la femme du roi. Le roi l'admit à
la jouissance du <*xunté ; mais en même temps il réservait
h Robert le droit de proposer ses raisons. '*^
Ni laa pièces, ni les témoins, ne mauquèr^t à Robert
La eoKitesse Mahaut avait eu pour priocqial conseiller
Tovéque d^Âxras. L'évéque étant mort,, et laissant beaucoup
de biens, la comtesse poursuivit en restitution la maîtresse
de levéque» une certaine dame Oivîon, femme d!un che-
valier '. Celle^i s'enfuit à Paris avec son mari. Elle y était
à peine, que Jeanne de Valois qui savait qu'elle avait tous
les secrets de l'évéque d'Arras, la pressa de livrer les pa*-
piers qu'elle pouvait avoir gardés ; la Divion prétendit
même que la princesse la menaçait de la faire noyer ou
brûler. La Divion n'avait point de pièces ;^eUe en £U : d'à-
« Le brait oomvaa éMt q«« Matait vm% éU mimkéê. Qmni à
Jeanne, m lï\\e, •- Si fiU une nuit ^veo se^ damesi en son déduis ei leur
prit talent de boire ctarey. et elle avoit un boateiiler qu'on appeloit
Uoppin, qui avoil eecé aToc l^oonitewe sa>nière... Tantosl que le tioyne
fut en MO: lift, il.luf prit la*m»Mie. da 1a amn» et wfw tœt vendit m»
espritj et lui couU le venin par les yeux, par la bouche, par le nés et
par les oreilles, et devint son corps tout taché de blanc et de noir. •
Chron. dt; Flandre.
« App.,ioi. - ^App., 153.
PHILIPPB DB TALCMS. 483
bord une lettre de Tévéque d'Arrasoù il demandait pardon
à Robert d'Artois d'avoir soustrait les titres. Puis una
charte de Taïeul Robert, qui assurait TArtoia à son père.
Ces pièces et d'autres à l'appui Airent fabriquées à la bâte
par un clerc de la Divion, et elle y plaqua de vieux sceaux.
Elle avait eu soin d'envoyer demander à Tabbaye de Saint-
Denis quels étaient les pairs à Tépoque des aciaa sap^
posés. A cela près, on ne prit pas de grandes précautions.
Les pièces qui existent encore au Trésor des Chartes smii
visiblement fausses^. A cette époque de calligraphie^ taa
actes importants étaient écrits avec mi'tout autre soin.
Robert produisait à Tappui de ces pièces cinquanto-
cinq témoins. Plusieurs afBrmaiem qu'JSBguerraad de
Karîgny allant à la potence, et déjà dans la efaairatte^.aivttiti
avoué sa complicité avec Tévôque d^Ams daas 1& sov»*
traction des titres.
Robert soutint mal ce roman. Sommé* pav le procu^
reur du roi, en présence du roi méxn^ dé déstarar sUb
comptait faire usage de ces pièces équivoque», il dit oui.
d'abord, et puis non. La Divion- avoua tout, ainsi que
les témoins. Ces aveux sont extrâmeraent natfi et
détaillés. Elle dit entra autres choses qu^eMe alhr au Palais
de Justice pour savoir si l'on pouvaiteontrefiiîrelsssoeauK,
que la charte qui fournit les sceaux fut achetée oent éeus
à un bourgeois ; que les pièces furent écrites en son hôtel,
phee Baudoyer, par un clerc qui avait grand'pcur, et qui,
pour déguiser son écritura, se servit d'uae i^ume d'ai-^
rain, etc. La malheureuse eut beau dtre qu'elle avait été
forcée par madame Jeanne de Valois, elle n'en fut pas
moins brûlée, au marché aux pourceaux, prèa la porte
Saint-Honoré K Robert, qui était accusé en outre d*avoir
* Archives, Section hi^t; J, 13 \
* Jeannette sa servante y subit qnatre ans aprAs le même snpplîce.
Qiiiint aux faux témoins, les p'inripnnx fiirrnt nttdrhr^s an pHori» VtHtta
<lc cbciui£€S toutes parsemées de langues rouges. Archivée»
484 L*ANGLBTERRE.
empoisonné Mahautetsa fille, n'attendit pas le jugement. H
se sauva à Bmxelles^, puis à Londres près du roi d'Angle-
terre. Sa femme, sœur du roi, fut comme reléguée en
Normandie. Sa sœur, comtesse de Foix, fut accusée d'im-
pudicité, et Gaston, son fils, autorisé h l'enfermer an
château d'Orthez. Le roi croyait avoir tout à craindre de
cette famille. Robert en efiet avait envoyé des assassins
pour tuer le duc de Bourgogne, le chancelier, le grand
trésorier et quelques autres de ses ennemis ^. Contré Tas-
sassinat du moins on pouvait se garder ; mais que faire
contre la sorcellerie? Robert essayait d! envoûter la reine et
son fils 3.
Cet acharnement du roi à poursuivre Tun des premiers
barons du royaume, à le couvrir d'une honte qui rejail-
lissait sur tous les seigneurs, était de nature à affaiblir
leurs bonnes dispositions pour le fils de Charles de Valois.
Les bourgeois, les marchands, devaient être encore bien
plus mécontents. Le roi avait ordonné à ses baillis de taxer
dans les marchés les denrées et les salaires, de manière à
les • faire baisser de mcHtié. 11 voulait ainsi payer toutes
choses à moitié prix, tandis qu'il doublait l'impur, refusant
de rien recevoir autrement qu'en forte monnaie ^.
L'un des sujets du roi de France, jet celui peut-être qui
souiFrait le plus, c'était le pape. Le roi le traitait moins en
1 ... n resta assez longtemps en Brabant; le dac lui arait ^nseillé
de quitter Bruxelles pour LoaTain, et avait promis dans le contrat de
mariage de son fils avec Marie de France que Hobert sortirait de ses
Élats. Cependant il se tint encore quelque temps sur ces frontières, al-
lant de château en château; • et bien le savoit le dac de Brabant. •
L'aroné de Huy lui avait donné son chapelain, frère Henri, pour le
guider et « aller à ses besognes en ce sauvage pays. » Réfugié au château
d'Argentean et forcé d'en sortir • pour la ribauderie de son vatet, • il se
dirigea vers Namnr, et dut parlementer longtemps pour y èire reçu ; il
lui fallut attendre dans une pauvre maison, que le comte, son cousin,
fût parti pour aller rejoindre le roi de Bohômo.
' App., .154. — « i4pp., 155.
« ^ov. 1330. Ord. iU
PHILIPPE DB YaLOIS. 4S5
.sujet qu'en esclave. Il avait menacé Jean XXII de le faire
poursuivre comme hérétique par l'Université de Paris. Sa
cpnduite à Tégard de l'Empereur était singulièrement ma-
chiavélique : tout en négociant avec lui, il forçait le pape
de lui faire une guerre de bulles; il aurait voulu se faire
lui-même Empereur. Benott Xn avoua en pleurant aux,
ambassadeurs impériaux que le roi de France l'avait me*
nacé de le traiter plus mal que ne l'avait été Boniface VIQ S
s'il absolvait l'Empereur. Le même pape se défendit avec
peine contre une nouvelle deniande de Phili|^, qui eût
assuré sa toute-puissance et l'abaissement de la papauté.
Il voulait que le pape lui donnât pour tiois ans la disposi-
tion de tous les bénéfices de France, et pour dix le droit
de lever les décimes de la croisade par toute la chrétienté K
Devenu collecteur de cet impôt universel, Philippe eût par*
tout envoyé ses agents, et peut-être enveloppé l'Europe
dans le réseau de l'administration et de la fiscalité fran-
çaise.
Philippe de Valois, en quelques années, avait sa mécon-
tenter tout le monde, les seigneurs par l'affiiire de Robeit
d'Artois, les bourgeois et marchands par son maximum
el ses monnaies,' le pape par ses menaces, la chrétienté
entière par sa duplicité à l'égard de l'Empereur et par sa
demande de lever dans tous les États les décimes de la
croisade.
Tandis que cette grande puissance se minait ainsi elle-
même, l'Angleterre se relevait. Le jeune Edouard III avait
* App., 136.
* Il attachait à son départ poar la croisade tingt-sept conditions,
entre ««très 1« rétablifsement da royavme d'Arles en fa^ear Qe aon fils,
la concession de la couronne d'Italie à Charles, comte d'Alençon, son
frère; la libre disposition du fameax trésor de Jean XXII. Il ajournait à
fois atfs son départ, et comme il pouvait survenir dans rintervalle
quelque obstaole qui le forçât & renoncer à son expédition, le droit d'en
juger la Talidité devait être remis à deux prélau de son royaume. (Vll-
lani.) Après bien des négociations, le pape lui accorda pour six ans les
décimes du lOTaume de France.
vengé son père, fiiît mourir* Mortimar» miferaié m mèM
faabeau. Il avait aoeueitli BÙ)evl d'Aftois, al raAumi de le
livrer. Il eommencait à dikaner sur TiiDEDiiiage qu'il avail
rendu à la France. Les deux puîaaanees ae ireni d'abord
la guerre en Ëooaie. Philippe aecounit lea Bcoaaats, qui
n'en ferenl pas moine battus. En Guyeane, Tattaque fut
plus directe. Le sénéchal du roide FrMce expulsa les Ab^
glaia des possessions contestées^
Mais le grand mouToment partit da la Flandre^ de la
ville de Gaod. Les Flamanda^se tromnaieaÉ alors sous m
comte tout français^ Lonia de Nevers, qui n'était comtnqva
par la bataiHedo Classel et rbamiliatien deacn pays. Ijmm
ae vivait qu'à Paris, à la cour de Philippe de Valois. Sana
consulter ses suiats, il ordonna qoe les Anglais JtasaeBl
arrêtés dans Soûles les viUes de Fiandre. fidouard-fil atré^
lar les Flansands^ » Angleterre K Is eouimeree, sans b^
quel les deux pays ne pouaaieni viwe, su trouva rompu
tout d'un coup.
Aitoquer Iw' Anglais par la Guyenneetpar la Flandre,
c'était, les bleslev par leurs eétés les plus seuaiUes» leur
ôtar la drap efcle vin. Ik vendaient leurs kinea à Sragea
pour aeheter du via à B<Mdeanx. D'aulrê pari, aaus laîna
anglaise les Flamands ne savaient ^pie faire, fidouard,
ayant défendu l'exportation des laines, rédukii la Flandre
au désespoir, et la força de se jeter dans ses bras '.
D'abord âne foule- d'ouvriers flamands passèrent eu An-
l^eterre. On les y attirait k tout prix. U n'y a sorte de flatr*
teries, de caresses, qu'on n'employât auprès d'eux. Il est
curieux de voir dès ce temps 4à jusqu'où ce peuple si fier
descend dans l'oceafiion, lorsque son intérêt le dMumde*
« Leurs habits seront beaux, éerivaient les Anglais en
' MaU m vdme tenpi il écririt ao eomto et %n jbouif mestr^i des
mis grA^Uei^ TiUss pour ss plaiodra de ceiia violenoeu (Uiulesliec»U)
' App., 157.
PHILIPPS DB YALOIS. 487
Flandre, leurs compagnes de lit encore plus belles *. p Ces
émigrations qui continuent pendant tout le xiv* siècle ont,
je crois, modifié aiBgôKèreaient le génie anglais. Avant
qu'elles aient eu Ued, rien n'amionee dans les Anglaiaeeite
patieaoe inditslrieiise qiae noua leur voyons aujourd'hui.
Le roi da France, an a'eAurçanl de séparer la naadre eft
TAngieteive, oa fit anire chose quo provoquar les énigiar
ti<Mis flamandes, et fiûoider rindnatrie anglaise.
Cependant la Flandre ne se résigna pas. Les villes éaUr-
tèrent. Elles haïssaient le oomla de longne date, sait pavoa
qn'il soulsnaife les campagnes contre le monopals 4|Bt
viHee s, soit parée qa*il admettait las étrangers, les Fran*
çais, au pattege de leur eommeree '.
Lea GantaiSt qui sans doute se rq^entaient da n*avoir
pae aoutemi eaux: d'Ypras et de Bruges à la bataille de
Cassai, priranti pour chef en- Mffi la brasseur Jeequenuat
ArteveMa. Saotemi par les eoips de métiers, principale**
mant par les foidens et ouvriers en drap» Artevelde orga-
nisa une vigoureuse tyrannie ^. 11 fit assembler à Gand les
gens des treîa grandes villes, c et leur montra que sans le
a roi d* Angittarra ils ne peuvoîenli vivre. Car tonte Flandre
V aalaît fondée ^sar dcapsvie^ al sans laiaa <m na pouvait
t draper; Et pour œ, lovait qu'on latnst la voy d'Angle-
• tarrekamy. »*
tdouard était un bien petit prinee pivur s'opposer à ostta
grande paissanea de Philippe de Valois; mais il avait pour
lui les vaK» de la Flandre- et rusaniaiité dea Anglais, ias
neiffianri vendeurs dea laines, et les marchands qui en
trafiquaient, tous demandaient la guerre. Pour la rmidre
phas populaire encore, il fit lira dans les paroissaiiiaa eir-
cnlaire au peuple^ rinforaaaat 4a ses grieft contra Phi-
t Waltingham dit poarlant qu*on leur Interdit pendant trois ans en-
core i*( ntrée de l'Angleterre. « Ut sic retunderetur superbia Flandrito«
rum. tjui plui taeeot quamA»g!ot yen(*rabifitur. • Anno t337.
• Mvycr, anno ISM. — » App., iSS. -* * Afp., 189.
4M L*
çais, il ne parlait de rien moins «|fie d'aller avee ooe «imée
se faire absoudre à Avîgooik Êàaimré aUa le trouver à la
diète de Goblentz. Dans cette grande assemblée où Ion
voyait tnns archevêques, quatre éBca, tronie-^eept. comtes,
une foule de barona, T Angbii ^^^ ^ ^^ dépens ce que
c'était que la oMuigueiet la leaaew aUenuDMie. L'£apere«r
voulait d'abord lui aocoiédr ia laveur de >ltti baiser les
pieds. Le roi d*Angletarre, par-devant ce anpnême juge,
se porta pour accusateur-de Bhaiqppe de Valois. L'Empe-
reur, une main sur le globe^ ruuUu sur k sceptre, tandis
qu'un chevalier lui tenait sur la léte une épée nue, défia
le roi de France, le déclara déchu de la protectâon de
rBmpire, et donna gmcÊeuMOient à fidunard le dipktaM
de vieaive impérial sur la rive gauche du Rhin. Au reste,
ce fut tout ce que TAngtais put en tirer. L'Empereur réis-
chit, eut des scrupules, et au iieu de s'engager dans cette
dangereuse guerre de France, il s'achemina vera Tbalis.
Mais Philippe de Valois le fit arrêter au passage été Alpes
.par un fils 4u roi de Bcdiâmt*
Le roi d'Angleterre, revenant avec son difriésiie, de-
manda auduc de Brabant oh il pounrait Texhiber aux se^
gneuis des f aje-Bas. Le duc assigna pour Vaasemblée la
petite viUe de Herck sur la flfontièie de JraiMnt. c Quand
tous ftirém là venuft, saches que la viUe fiit grandement
pleine de seigneurs, de chevaliers, d'écuyers et de toutes
autres manières de gens; et la balle de la ville ou l'on
veadoit'pahi et cbair, qui guères ne vakiient,.encourtinée
de beaux dnps comme te chambre du roi; et Ait le roi
anglois assis, la oounmne d'or mouli riche «I mmit, nobte
sur son chef, plus haut cinq pieds que nul des autres, sur
un banc 4\m (boucher, là oii'ilUailloit et veniaii sa chair.
Oneqves telle haUe no (àt à si grand honneur ^. »
Pendant que tous les seigneurs rendaient hommage sur
> Froiuait.
PniUPPB DS VALOIS. 49r
ce Inidc de rbdiiober au nouveau vicaire impérial^ le duc
de Brabant faisait dîf e au roi de France de ne rien croire
de ce i^tt'oa pouvait diie contre lui. Edouard défiant Phi-
lippe en aen JMm et au nom des seifpQevra, le duc déciant
qu'il aimait mieux fdre p^Hter à.part son défi. Enfin, quand
fidouaid le pria de le suivre devant Cainbrai, U lui asauia
qu'ausaitdi qu'il le saurait devant eette tille, iliiiaôt Ty
relMiiver aiwc deuae eents bonnes lances.
Penëant Thiver, Tardent de Fruioe opéra sur les a»-
gnaurs des Pays-Bas et d'Alleoii^pM. Leur inertie mg-
meata encore. Edouard ne put les mettre en mouMsmeilt
avant le mois de septembre (4339). Cambrai se trouva
mieus défendu qu'on ne le croyait* La saison était avancée.
JUouard leva le siège et renlta en fiance. Mais À la froa**
' tiàra, le iComte de fiainaut lui dit qu'il ne pouvait le suivre
4ML delà, que tenant des flefs de TEmptre-eide la France,
il le servirait vdontîers sur terre d'Empire ; mais qu'arrivé
aur ttfre de France, il devait obéir au roi, sen suzerain» et
qfi"û l'allait joindre de ce paa pour combi^tre les > Anglais 4.
Pacmi ces tribulations , Edouard avançait lentement
vMe l'Oise, ravageant tout le pays, et retenant avec peine
ses alliés mécontents et affamés. 11 lui fallait une belle ba-
taille pour le dédoBunager de tant de frais et d'ennuis. 11
'enit un instant la tébir. Le roi de France lui-même parut
près de la Capelle avec une grande armée. « On y oemp^
tait, dit Froissart, ooae vingt et sept bannières, cinq cent
at soixante pmnons» quatre rois (France, Bobéme, Na*-
varre, Êcoase), six ducs, et trente-six comtes et plus de
quatre mille chevaliers, et des conmiunes de France plus
de soiunte mille. » Le roi de France lui-même demandait
la bataille, iklouard n'avait qu'à choisir pour le 2 octobre
un champ, une belle place où il n'y eût ni bois, ni marais^
m miète qui, put avantager l'un ou l'autre paiiL
« FroissarW
192 ■ L'XNSIBTERRB.
Au jour nnrqué, lorsque déjà Edouard, monté sur nn
petit palefroi, parcourait ses batailles et encourageait les
siens, les Français avisèrent, disent les Chroniques de
Saint-Denis, qu'il était vendredi, et ensuite qu'il y avait
un pas dilBcile entre les deux années *. Selon Froissait :
< Ils n'étoient pas d'accord, mais en disoit chacun son
opinion, et disoieot par estrif (dispute) que cç seroit
graud'honte et grand défaut si le roi ne se combattoit,
quand il savoit que ses ennemis étoîent si près de lui, eo
son pays, rangés en pleins champs, et les avoit suivis ea
intention de combattre à eux. Les aucuns des autres
disoient à rencontre que ce geroit grand'folie s'il se com-
battoit, car il na savoit que chacun pensoit, ni si point
trahison y avoit : car si fortune lui étoit contraire, il mel-
toit son royaume en aventure de perdre, et si il déconfisoit
ses ennemis, pour ce n'auroit-il mie le royaume d'Angle-
terre, ni les terres des seigneurs dé l'Empire, qui avec le
roi anglois étaient alliés. Ainsi eslrivant (dissertant) et
débattant sur ces diverses opinions, le jour passa jusques
ft grand midi. Environ petite nonne, un lièvre s'en vint
tr^assant parmi les champs, et se bouti entre les Fran-
çais, dont ceux qui le virent commencèrent & crier et à
huier (appeler) et à faire grand haro ; de quoi ceux qui
étoient derrière cuidoient que ceux de devant se combat-
tissent, et les plusieurs qui se tenoient en leurs batailles
rangés fesoient autel (autant) : si mirent les plusieurs
leurs bassinets en leurs tètes et prirent leurs glaives.
Là il fut fait plusieurs nouveaux chevaliers ; et par spécial
le comte de Ilainaut en fit quatorze, qu'on nomma depuis
les chevaliers du Lièvre. — ...Avec tout ce et les estrife
(débats) qui étoient au conseil du roi de France, furent
apportées en l'ost lettres de par le roi Robert de Sicile,
lequel étoit un grand astronomien... si uvoit par plusieurs
• Cbroo. de Salnt-Denii.
PHILIPPE DE VALOIS. 193
fois jeté ses sorts sur l'état et aventures du roi de France
et du roi d'Angleterre, et avoit trouvé en l'astrologie et
par es^érience que si le roy de France se combattoit au
roi d'Angleterre, il convenoit qu'il fust déconfit... Jade
longtemps moult soigneusement avoit envoyé lettres et
épisires au roi Philippe, que nullement ils ne se combat-
tissent contre les Anglois là où le corps d'Edouard fut
présent *. »
Cette triste expédition avait épuisé les finances
d'Edouard. Ses amis, fort découragés, lui conseillèrent
de s'adresser à ces riches communes de Flandre qui pou-
vaient l'aider à elles seules, mieux que tout l'Empire. Les
Flamands délibérèrent longuement, et finirent par décla-
rer que leur conscience ne leur permettait pas de déclarer
la guerre au roi de France, leur suzerain. Le scrupule
était d^autant plus naturel qu'ils s'étaient engagés à payer
deux millions de florins au pape, s'ils attaquaient le roi de
France, Artevelde y trouva remède. Pour les rassurer et
sur le péché et sur l'argent, il imagina de faire roi de
France le roi d'Angleterre ^. Celui-ci, qui venait de pren-
dre le titre de vicaire impérial, pour gagner les seigneurs
des Pays-Bas, se laissa faire roi de France, pour rassurer
la conscience des communes de Flandre. Philippe de
Valois fit interdire leurs prêtres par le pape; mais Edouard
leur expédia des prêtres anglais pour les confesser et les
absoudre ^.
La guerre devenait directe. Les deux partis équipèrent
de grandes flottes pour garder, pour forcer le passage.
Celle des Français, fortifiée de galères génoises, comptait,
dit on, plus de cent quarante gros vaisseaux qui portaient
quarante mille hommes ; le tout commandé par un che-
valier et par le trésorier Bahuchet, « qui ne savait que
faire compte. » Cet étrange amiral, qui avait horreur de
* FroissarL
» Ffoissarl. — » Meycr.
M. 19
4 04 l'anglbthbrb.
k mer, tenait toute ^ flotte serrée dans le port de J'Écluae.
En vain le €iénois Barbavara s'efforçait 4t lui ùtire en-
tendre qu'il fi^lait se donner du champ .poHrmanœuvinr.
L'Anglais les surprît immobiles et les accrodia. -Ce fi^ une
bataille de terre. En six heures, les archers anglais don-
nèrent la victcNve à Edouard. L'apparition. des
qui vinrent occuper le rivage, ûtait tout espoir
vaincus. Barbavara, qui de bonne heure avait pris le
large, échappa seul. Trente nulle hommes périrent. Le
ttialencontreux Bahuchet fat pendu au màt de son vais*
«eau ^. L'Anglais, qui se disait roi de France, traitait déjà
l'annemi comme rebelle. La Erance pouvait retrouver
trente mille hommes; mais le tésttltat mond a'éCaiipas
jnoins fimeste que œlui de Ja Hogue et de Trafalgar. Les
Krançaîs perdirent courage du cèté de la mer. Le passage
du détroit resta .libre pour ies An^^is pendant plusienB
^èoles.
Tout semblait enfin Cvroriser Edouard. Arteaelde dans
>soB absenee avait amené soixante ^miHe Fkunaads au ae-
^ours de son allié, le comte de Hainant s. GeMe igrasse
«nnée iai donnait espoir de £aire enfin quelque lehoee. H
fionduisitrtout ce monde, Anglais, Flamands, Brafaançona,
•devant la forte ville de Toimiai. Ce berceau de la monar*
chie en a été plus d'mie fois le boulevard. Charles VHa
reconnu le dévouement tant de fois prouiié doieette ville,
en lui donnant pour armes les armes mômes .de la
France.
Philippe de Valois vint au aecowa; la urilie se défendit
Le siège trahuu QBpwdaat les flamands, ne sachant que
tfaîre, allèrent piller Arquissèodléjéa flunt-^Omer K Mais
' Froissart.
* Après arotr quitté Ëdoinrd, qA*U sefT^t vM'rfiifi^,>>ar dérendra
Philippe 4HI mj^ouRM, ce Janae ieigDenr,.ifrilé-des smfBBdpie^effai
de France avait laissé oommettre en ses États, loi avait porté défi «I
s*éuit rallié au roi d'Angleterre.
• App,, 161.
pniLiPn M VALOIS. 495
voilà que tout à coup la garnison de cette ville food sur
eux^ lanees baissées, tonoXères déployées et à grands crjs^
Les Flamaids eureat beau jeter bas leur buliji, ils Curejat
poursuivis deux lieues, perdirent dix-^huit cents bommeSy
et rapportëreui lour épouvante dans rarmee. « Or avin^
une merveilleuse aveoture... Car environ heure de minuit
que ces Flamands dormolent en leurs tentes, un si grand
effroi les prit eu dormant que tous s^ levèrent et abattirent
tanto&t tentes et pavillons, et troussèreut tout sur leurs
obarriotSf eu si grande hâte que Tun n'attendoit point
l'autre el fuirent tous sans teiuir^oie.,^ Messire Robert
d'Artois et Henri de Flandres s'en vinrent au-devant d'eux
et leur dirent : Reaux ficif^neurs^ dite^-nons quelle chose il
vous fa\u qui omù fuyez... Ils n'en firent compte, mais
toujours fuirent, et prit chacun le chemin vers sa maison
au plus droit qu'il put. Quand messire Bobert d'Artois et
fleuri de Flandres virent qu'ils n'en luiroient autre chose,
si firent tcousser touJt leur barnois et s'en vinrent w
ii^ de\'»i^t Tour/i^y* £t rûoordèrent Taventure des Flar-
maads ot dirent les plusLeui^ qu'ils avoient été enfan-
tùBomh »
L'Anglids eut beau faire. Toute cene grande guerre des
Pays-Bas, dpnt il cvoyait «pcabler la France, vint à rien
entre ses mains. Les Flamands n'étaient pas guerriers de
leur nature, sauf quelques niomeul^ de colèxe brutale ;
4out ce qu'Us voulaieni^ c'était de ne rien payer. Les sei«-
gAeuns des PaiiS^Bas voulaient de plus être payés.; ils
l'étaient 4es deux o6tés et restaient ches eu^.
Heureusement powr Edouard, au momeyi^t où la Flandre
s'éteignait, la Bretagne j)rit feu ^, Le pfiys était tout a/utrc/-
nent ioflMinoiible. On |>^ à peine vraunent dire m
Bioyen kg/d (f^ le» Bretons soient jamais en piiix. 'Quitnd
ils œ se battent pas cbez em;i c'e^t qu'ils sont loués pour
«
J f amant. -* * Àfpp., 162.
496 L'AN'GLtT£RRE.
se battre ailleurs. Sous Philippe le Bel, et jusqu'à la ba*
taille de Cassel, ils suivaient volontiers les années de nos
rois dans les Flandres, pour manger et piller ces riches
pays. Mais quand la France, au contraire, fut entamée
par Edouard, quand les Bretons n'eurent plus à faire
qu'une guerre pauvre, ils restèrent chez eux, et se battirent
entre eux.
Cette guerre fait le pendant de celles d'Ecosse. De
même que Philippe le Bel avait encouragé contre
Edouard I Wallace et Robert Bruce, Edouard III soutint
Montfort contre Philip[)e de Valois. Ce n'est pas seulement
ici une analogie historique. Il y a, comme on sait, parenté
de race et de langue, ressemblance géographique entre
les deux contrées. En Ecosse, comme en Bretagne, la par-
tie la plus reculée est occupée par un peuple celtique, la
lisière par une population mixte, chargée de garder le
p^ys. Au triste border écossais répondent nos landes de
Maiiie et d'Anjou, nos forêts d'Uleet-Vilaine. Hais le bor-
der est plus désert encore. On peut y voyager des heures
entières, au train rapide d'une diligence anglaise, sans
rencontrer ni arbre, ni maison ; à peine quelques plis de
terrain oii les petits moutons de Northumberland cher-
chent patiemment leur vie. Il semble que tout ait brûlé
sous le cheval d'Hotspur <... On cherche, en traversant ce
pays des ballades, qui les a faites ou chantées. Il faut peu
de chose pour faire une poésie. Il n'y a pas besoin des
lauriers-roses de TEurotas; il suffit d'un peu de bruyère
(le Bretagne, ou du chardon national d'Ecosse devant
lequel se détournait la charrue de Burns K
L'Angleterre trouva dans cette rare et bellicpieuse popu-
lation un outlaw invincible, un Robin Hood éternel... Les
gens du border vivaient noblement du bien du voisin.
Quand le butin de la dernière expédition était mangé, la
t Voyez Shakespeare.
* yo}cz riDtrod. de Walicr Scott à son recueil des ballades du border.
il
PHILIPPE DB VALOIS. 407
dame de la maison servait dans un plat, à son mari, une
paire d*éperons, et il partait joyeux... C'étaient d'étranges
guerres ; la difficulté pour les deux partis était de se trou-
ver. Dans sa grande expédition d'Ecosse, Edouard II
avança plusieurs jours sous la pluie et parmi les brous-
sailles, sans voir autre armée que de daims et de biches ^
Il lui fallut promettre une grosse somme à qui lui dirait
où. était Tennemi ^. Les Écossais réunis, dispersés, avec la
légèreté d'un esprit, entraient quand ils voulaient en An-
gleterre; ils avaient peu de cavalerie, mais point de baga-
ges; chaque homme portait son petit sac dç grain et une
brique où le faire cuire.
Us ne se contentaient pas de guerroyer en Angleterre.
Us allaient volontiers au loin. On sait l'histoire de ce Dou-
glas qui, chargé par le roi mourant de porter son cœur à
Jérusalem, s'en alla par l'Espagne, et dans la bataille lança
ce cœur contre les Maures. Mais leur croisade naturelle
était en France, c'est-à-dire où ils pouvaient faire le plus
de mal aux Anglais. Un Douglas devint comte de Touraine.
11 existe encore, dit -on, des Douglas dans la Bresse.
Notre Bretagne eut son border, comme l'Ecosse, et
aussi ses ballades 3. Peut-être la vie du soldat mercenaire,
* • Et erioît-on moult ce jour alarme, et disoi(-on que les premiers
M combattoient tux ennemit; si que chacun cuidant que ce fut roir, se
hàloit quant qu'il pouToit parmi marais, parmi pierres et cailloux,
]Mrmi vallées et montagnes, le heaume appareillé, Técu au col, le
glaire on Tépée au poing, sans atli»ndre père ni frère, ni compagnon. Et
qnand on aToit ainsi couru demie lieue on pins, et on en venoit an lien
d'où ce hntin ou cri naissoit, on se tronvoit dé^u; car ce avoieut été
cerfs ou biches. • Froissa rt.
* • Et fit- on crier que qui se Tondroit tant travailler qu'il put rap-
porter certaines nonvellef an loit là où l'on ponrroit trouver les Ëcos-
aois, le premier qui celui rapportcroit il aurait cent livres de terre à
Jiériuge, et le feroit le roi chevalier. • Froissart. On trouve en efTet
dans Rymer : • Pro Thoma de Kokesby, qui regem duxerat an te visum
intmioomm Scotornm. •
* Voyes, en*re autres ouvrages, le beau livre de M. Emile Souvestre:
Les Derniers Bretons.
19 K L\NGLETEfl«B.
qui fui longtemps celle des Bretons au moyeife Age, étouffii*
t-elte ce génie poétique.
Mais l'histoire seule en Bretagne est une poésie. Il n'est
point mémoire d'une lutte si diverse et si obstinée. Cette
race de béliers a toujours été heurtant, sans rien trouver
de plus dur qu'elle-même. Elle a fait front tour à tour à la
France et aux ennemis de la Franoe. Elle repoussa nos rois
90US Noménoé, sous Hontfort ; elle repoussa les Xorthmans
sous Allan Barbetorte, et les Anglais sous Duguesclin.
C'est au border breton, dans les landes d'Anjou, que
Robert le Fort se fit tuer par las Nortbmans, et gagna le
trône aux Capots. Là encore, les futurs rois d'Angleterre
prirent le nom de Plante-Genêts. Ces bruyères, comme
celles de fthcbeth, saluèrent les deux royautés»
Le long récit des guerres bretonnes qui renluminenl si
bien la Chronique de Froissart^ ces aventures de toutes
sortes, coupées de romanesques incidents, font penser à
certains paysages abruptes de Bretagne, brusquement va-«
ries, pauvres, pierreux, semés parmi le roc de tristes fleurs.
Mais il est plus d'une partie dans cette histoire dont le
chroniqueur élégant et chevaleresque ne représente pas la
sauvage borreur« On ne sent bien l'histoire de Bretagne
que sur le théâtre môme de ces événements, aux roches
d'Auray, aux plages de Quiberon, de Saînt-Michel-cn-
Grève, où le duc fratricide rencontra le moine noir«
Les belles aventures d'amazones, où se platt Froîssart^
ces aper lises de Jehanne de«Mon(fort qui eut courage
d'homme et cœ«r de tUm, ces braves discours de Jeanne
Gisson, de Jeann'e de Blois, ne disent pas tout sur la
guerre de Bretagne. Cette guerre est celle aussi de QissoD
le b(Atcher, du dévot el eonscieneieHsement cruel Charles
de Blois.
1 t Entrerons en la grand matière et histoire de Bretagne, qui gran-
dement renluminc of livre p«ur les beaux laiti d'armes qui y suoi ra-
mcnlttés. •
PHILIPPB DB TALOIS. 109
Le duc Jean IIF, mort sans enfants, iaissail une nièce et
un frère. La nièce, fille d'un frère aîné, avait épousé Charles'
de Bloîs, prince du sang, et elle avait le roi pour elle ; la
noblesse de la Bretagne français lui était assez favorable i.
Le frère cadet, Montfort, avait pour lui les Bretons bre-
tonnants 1, et il appela les Anglais. Le roi d'Angleterre,
qui, en France, soutenait le droit des femmes, soutint cehii
des màles en Bretagne. Le roi de Franee fut inconséquent
en sens opposé.
Singulière destinée que ceHe des Montfort. Nous Tavona
déjà remarqué. TJn Montfort avait conseillé à Louis le Gros
d'armer les communes de France. Un Montfort conduisit
la croisade des Albigeois et anéantit les libertés des villes
du midi. Un Montfort introduisit dans le parlement anglais
les députés des communes. En voici un autre au xiv* siècle
dont le nom rallie les Bretons dans *leur guerre contre la
France.
L'adversaire de Montfort, Charles de Blois, n'était pas
moins qu'un saint, le second qu'ait eu la maison de France.
II se confessait matin et soir, entendait quatre ou cinq
niesses par jour. Il ne voyageait pas qu'il n'eut un aunt^
nier qui portait dans un pot, du pain, du vin, de l'eau et
du feu, pour dire là messe en route '. Voyait-il passer ma
prêtre, il se jetait à bas de dieval dans la boue. 11 fit plu-
sieurs fois, pieds nus sur la neige, le pèlerinage de saint
Tves, le grand saint breton. Il mettait des cailloux dans sa
chaussure, défendait qu'on ôtàt la vermine de son cilîce,
se serrait de trois cordes à nœuds qui lui entraient dans la
chair, à faire pillé, dit un témoin. Quand il priait Dieu, il
se battait furieusement la poitrine, jusqu'à pâlir et devenir
comme vert,
t Stton Froliuit» Chailei 4e Blob en eat imi jours de ton €6ié dt wpl
U$ cinq.
• Arr . 163.
• App,, loi.
200 L'ANGLETERRE.
Un jour il s'arrêta à deux pas de l'ennemi et en grand
danger, pour entendre la messe. Au siège de Quimper, ses
soldats alla'ent être surpris par la marée : Si c'est la vo-
lonté d : Dieu, dit-il, la marée ne nous fera rien. La ville,
en effet, fut emportée, une foule d'habitants égorgés.
^Charles de Blois avait d'abord couru à la cathédrale remer«
cier Dieu. Puis il arrêta le massacre.
Ce terrible saint n'avait pitié ni de lui ni des autres. 11 se
croyait obligé de punir ses adversaires comme rebelles.
Lorsqu'il commença la guerre en assiégeant Montfort à
Nantes (1342), il lui jeta dans la ville la tête de trente che-
valiers. Montfort se rendit, fut envoyé au roi, et contre la
capitulation, enfermé à la tour du Louvre '. « La comtesse
de Montfort, qui bien avoit courage d'homme et cœur de
lion, et étoit en la cité de Rennes, quand elle entendit que
son frère étoit pris, en la manière que vous avez ouï, si elle
en fut dolente et courroucée, ce peut chacun et doit savoir
et penser ; car elle pensa mieux que on dut mettre son sei*
gneur à mort que en prison ; et combien qu'elle eut grand
deuil au cœur, si ne fit-elle mie comme femme décon-
fortée, mais comme homme fier et hardi, en reconfortant
vaillamment ses amis et ses soudoyers ; et leur montroit
un petit fils qu'elle avoit, qu'on appeloit Jean, ainsi que le
père, et leur disoit : « Ha I seigneurs, ne vous déconfortes
mie, ni ébahisse/, pour monseigneur que nous avons perdu ;
ce n'étoit qu'un seul homme : véez ci mon petit enfant qui
sera, si Dieu plait, son restorier (vengeur), et qui vous
fera des biens assez 3. » Assiégée dans Hennebon, par
Charles de Blois, elle brûla dans une sortie les tentes des
Français, et ne pouvant rentrer dans la ville, elle gagna le
château d'Auray ; mais bientôt réunissant cinq cents
hommes d'armes, elle franchit de nouveau le camp des
Français et rentra dans Hennebon « à grand joie et à grand
* App., 165. — « FroUsart.
PHILIPPE DE VALOIS. 201
son de trompettes et de nacaires ! » Il était temps qu'elle
arrivât ; les seigneurs parlementaient en face même de la
comtesse, quand elle vit arriver le secours qu'elle atten-
dait depuis si longtemps d'Angleterre. « Qui adonc vit la
comtesse descendre du chàtel à grand'chère, et baiser
messire Gautier de Mauny et ses compagnons, les uns
après les autres, deux ou trois fois, bien peut dire que
c'étoit une vaillante dame *. »
Le roi d'Angleterre vint lui-même vers la fin de cette
année au secours de la Bretagne. Le roi de France en
approcha avec une armée ; il semblait que cette petite
guerre de Bretagne allait devenir la grande. Il ne se fit rien
d'important. La pénurie des deux rois les condamna à une
trêve, où leurs alliés étaient compris ; les Bretons seuls
restaient libres de guerroyer.
La captivité de Montfort avait fortifié son parti. Philippe
de Valois prit soin de le raviver encore, en faisant mourir
quinze seigneurs bretons qu'il croyait favorables aux
Anglais. L'un d'eux, Clisson, prisonnier en Angleterre, y
avait été trop bien traité. On dit que le comte de Salisbui7,
pour se venger d'Edouard qui lui avait débauché sa belle
comtesse, dénonça au roi de France le traité secret de son
maître et de Clisson ^. Les Bretons invités à un tournoi,
furent saisis et mis à mort sans jugement. Le frère de l'un
d'eux ne fut pas supplicié, mais exposé sur une échelle où
le peuple le lapida.
Peu après, le roi fit encore mourir, sans jugement, trois
seigneurs de Normandie. Il aurait voulu aussi avoir en ses
mains le comte d'Harcourt. Mais il échappa, et ne fut pas
moins utile aux Anglais que Robert d'Artois.
Jusque-là les seigneurs se faisaient peu scrupule de
traiter avec l'étranger. L*homme féodal se considérait
encore comme un souverain qui peut négocier à part. La
• Froissart. — * Cbron. de Flan'!re.
202 L an(;letbrrb.
parenté des deux nc^lesses française et anglaise, la com«
munauté de langues (le& nobles anglais parlaient encore
français), tout favorisait ces rapprochementâ. La naK>rt da
Qisson mil une barrière entre les deux rojnumes.
En une même année, l'Anglais perdit Montfbrt et Arte-
velde. Arievolde était devenu tout Anglais. Sentant la
Flandre lui échapper, il voulait la donner an ]mnce de
Galles. Déjà Edouard était à TËciose et présentait son fiU
aux bourgmestres de Gand, de Bruges et d*Ypres. Arte-
velde fut tué.
Avec toute sa popularité, ce roi de Fkndre, n'était au
fond que le chef des grosses villes, le défenseur de leur
monopole. Elles interdisaient aux petites la fabrication de
la laine. Une révolte eut lieu à ee sujet dans une de ces
dernières. Artevelde la réprima et tua un hbmnie de sa
main. Dans Tenceinte môme de Gand, les deux corps des
drapiers se faisaient la guerre. Les foulons exigeaient dea
tisseurs ou fabricants de draps une augmentation de sa-
laire. Ceux-ci la refusant, ils se livrèrent un furieux corn.-»
bat. Il n'y avait pas moyen de séparer ces dogues. En vaia
les prêtres apportèrent sur la place le corps de Nôtre-Sei-
gneur. Les fabricants, soutenus par Artevelde, écrasèrent
les ouvriers (1345) ^
Artevelde, qui ne se fiait ni aux uns ni aux autres, vou*
lait.sortir de sa dangereuse position, céder ee qu'il ne pou»
vait garder, (m régner encore sous un maître qui aurait
besoin de lui et qui le aeuiieadrait. De rappeler les Fran-
çais, il n'y avait pas à y songer. Il appelait donc l'Anglais^
il courait Bruges et Tpres pour négocier, haranguer. Pen-
dant ce temps, Gand lui échappa.
Quand il y entra, le peuple était déjà ameuté. On disait
dans la foule qu'il Caisait passer en Ant^etenre l'argent de
Flandre. Personne ne le salua. Il se sauva à son hôtel, et
• App,, 166.
PHIUFPB DB TALOIS. 203
de la croisée essaya en Tdin de flédiîr le peuple. Les portes
furent forcées, ArteveMe fut tué ppécisément comme le
tribun Rienzi l'était à Rome deux ans après i,
Edouard avait manqué la Ftendre, ausâî bien que la
Bretagne. Ses attaques aux deux ailes ne réussissaient pas,
il en fit une au centre. Celle-ci^ conduite par un Normand,
Godefrol d'Harcourt, fut bien plus fiitaie à la Fraace.
Philippe de Yalois avait réuni toute» ses forces en une
grande armée pour reprendre aux Anglais leurs conquête»
du midi. Cette armée forte, dil^^on, de cent mille hommes,
reprit en effet Angouléme, et alla se eonsamer devant la
petite place d'Aiguillon. Lés Anglais s'y défendirent d'au^*
tant mieux que le ffls du toi ^i conduisait les Français,
n'avait point fait de quartieif aux antres places.
Si l'on en cro) aft l'invraisemblable réëit de Froissart, le
roi d'Angleterre iet%\i parti pour secourir la Guyenne. Puis
ramené par le vent contraire, il aurait prôté Toreille aux
conseils de Godefroi d'Harcourt, qui l'engageait à attaquer
la tformandie sans défense ^.
Le conseil n'était que trop bon. Tout le pays était dé-
sarmé. C'était l'ouvrage des rois euxriaèm«s, qui avaient
défendu les guerres prît ées. La population était devenue
toute pacifique, touteoo^péedela culture ou des métiers.
La paix avait porté seif fhiits K L'état ilortasaot et prospère
ob les Anglais trouvéneiil le paySy doit nous £aire rabattre
beaucoup de tout ce que les hittorienfl ont dit contre Fad-
ministration royale au xnr® aièele.
Le cœur saigne quand an voit dans Froissait cette sau*
vageapparkiondeiagnerra dans une oontrée paisible déjà
riche et industrielle^ dont l'essor allait être arcôié pour plu-
* • Le roi rhcvadcuolt f^Ar fè Cctfenilfi. 91 îCéHM pm de MctrdrUi si
M«n di pays dl«i«nl rfTrajét oi ëk«b»i oar avant ce ils n'avoient oac-
ques TU hummcs d'armes et ne savotent que cVtoit de guerre ni de* ba-
taille. Si fuyaient devant les Anglais d'aussi loin qu'ils en oyoienl par-
ler. • Froi>karL
204 l'angleterixc.
sieurs siècles. L*armée mercenaire d'Edouard, ces pillards
Gallois , Irlandais , tombèrent au milieu d'une population
sans défense ; ils trouvèrent les moutons dans les champs,
les granges pleines, les villes ouvertes. Du pillage de Caeo,
ils eurent de quoi charger plusieurs vaisseaux. Us trouvé^
rent Saint-Lô et Louviers toutes pleines de draps ^
Pour animer encore ses gens, Edouard découvrit à Caen,
tout à point, un acte * par lequel les Normands offraient à
Philippe de Valois de conquérir à leurs frais l'Angleterre,
à condition qu'elle serait partagée entre eux , comme elle
le fut entre les compagnons de Guillaume le Conquérant.
Cet acte, écrit dans le pitoyable français qu'on parlait alors
à la cour d'Angleterre, est probablement faux. Il fut, par or-
dre d'Edouard, traduit en anglais, lu partout en Angleterre
au prône des églises. Avant de partir, le roi avait chargé
les prêcheurs du peuple, les dominicains , de prêcher la
guerre, d'en exposer les causes. Peu après (4364], Edouard
supprima le français dans les actes publics. Il n'y eut qu'une
langue, qu'un peuple anglais. Les descendants des conqué-
rants normands et ceux des Saxons se trouvèrent réconci- .
liés par la haine des nouveaux Normands.
Les Anglais ayant trouvé les ponts coupés à Rouen, re«
montèrent la rive gauche, brûlant sur leur passage Vemon,
Verneuil, et le Pont-de4' Arche. Edouard s'arrêta à Poissy
pour y construire un pont et fêter l'Assomption, pendant
que ses gens allaient brûler Saint-Germain, Bourg-la -Reine,
Saint-Cloud, et même Boulogne, si près de Paris.
Tout le secours que le roi de France donna à la Nor-
mandie, ce fut d'envoyer à Caen le connétable et le comte
de Tancarville qui s'y firent prendre. Son armée était dans
le Midi à cent cinquante lieues. H crut qu'il serait plus
court d'appeler ses alliés d'Allemagne et des Pays-Bas. B
venait de faire élire empereur le jeune Charles IV, fils de
■ Àfp., 160. — « iipp., |7a
PniLIPPK DE VALOIS. 205
Jean de Bohême. Mais lés Allemands chassèrent l'empereur
élu, qui vint se mettre à la solde du roi. Son arrivée, celle
du roi de Bohême, du duc de Lorraine et autres seigneurs
allemands, fit déjà réfléchir les Anglais.
C'était assez de bravades et d'audace. Ds se trouvaient
engagés au oœur d'un grand royaume, parmi des villes
brûlées, des proviQces ravagées, des populations déses-
pérées. Les forces du roi de France grossissaient chaque
jour. Il avait hftte de punir les Anglais, qui lui avaient
manqué de respect jusqu'à approcher de sa capitale. Les
bourgeois de Paris, si bonnes gensjusque-là, commençaient
à parler. Le roi ayant voulu démolir les maisons qui tou-
chaient à l'enceinte de la ville, il y eut presque un sou-
lèvement.
Edouard entreprit de s'en aller par là Picardie, de se
rapprocher des Flamands qui venaient d'assiéger Béthune,
de traverser le Ponthieu, héritage de sa mère. Mais il
fallait passer la Somme. Philippe faisait garder tous les
ponts, et suivait de près l'ennemi ; de si près, qu'à Airaines
il trouva la table d'Edouard toute servie et mangea son
dîner.
Edouard avait envoyé chercher un gué ; ses gens cher-
chèrent et ne trouvèrent rien. Il était fort pensif, lorsqu'un
garçon de la Blanche-Tache se chargea de lui montra le
gué qui porte ce nom. Philippe y avait mis quelques mille
hommes ; mais les Anglais, qui se sentaient perdus s'ils
ne passaient, firent un grand effort et passèrent. Philippe
arriva peu après ; il n'y avait plus moyen de les pour-
suivre, le flux remontait la Somme ; la mer protégea les
Anglais.
La situation d'Edouard n'était pas bonne. Son armée
était affamée, mouillée, recrue. Les gens qui avaient pris
et gâté tant de butin, semblaient alors des mendiants.
Cette retraite rapide, honteuse, allait être aussi funeste
qu'une bataille perdue. Edouard risqua la bataille.
906 l'anguterrh.
AiTivéd*«Ul6isrs dax» le Poathieu, il se sentait pkis fort ;
<se comté au moins était bieo à lui : fi Prenons ci place de
terre, dit-il, car je n'iraiplusairant, si aurai vu nos ennemis;
et bien y a cause que je les attende ; car je suis sur le drgit
héritage de Madame ma mère, qui lui fut donné e^n mariage ;
si le veux défendre et calengier contre mpn adversaire
Philippe de Valois ^. »
Cela dit, il entra en soa oratoire^ fit dé1rot^meni ses
prières, se coucha, et le lendemain entendit la messe* JU
partagea son armée en trois batailles, et fit mettre pied à
terre à ses gens d'armes. Les Anglais mangèrent, buxeot
un coup, puis s'assirent, leurs armés devant eux, en
attendant l'ennemL
Cependant arrivait à grand bruit l'immense cohue de
l'armée française '. Qn avait conseillé au roi de France de
foire reposer ses troupes, et il y consentait. Mais lesgrands
seigneurs, poussés par le point d'honnemr féodal, avançaient
toujours à qui serait.au premier rang-
JLe roi lui-même, quand il arriva et qu'il vit les Anglais;
f Le sang lui mua, car il les haïssait... £t dit à ses nia^
réchaux : Faites passer nos Génois devant, et commencez
la bataille, au nom de Dieu et de Monseigneur sajnt Denis. »
Ce n'était pas sans grande dépense que le roi entretenait
denuis longtemps des troupes mercenaires. Mais (adjugeait
avec raison les archers génois indispensables contre les
archers anglais. La prompte retraite de Barbavara h la
i)ataiUe de r£cluse, avait naturellement augmenté la dé-
fiance contre ces étrangers. Les mercenaires d^Italie étaient
iiabitués à se ménager fort dans les batailles. .Ceux-ci, au
moment de combattre, déclarèrent que les cordes de leurs
iM'cs étaient mouillées et ne pouvaient servir^ . .11» auraient
pu les cacher sous Icyrs chaperons comme le firent \c$
Anglais.
PHlUrP« DE VALOIS. 207
Le coodte d'Alençon s'écria : « On se doit bien charger
de eeite rît»audaUle qui faliit au besoin. » Les.Génois ne
pouvaâent pas faire grand'chose, les Anglais les criblaient
<le flèches et de baUes d^ fer, lanpées par des bombardes.
€ On eux cru, dit un contemporain , entendre Dieu tonner * . »
C'est le premier emploi 4e TartiUerie dans une bataille^.
Le roi de France, hors de lui, oi ia à ses gens d armes :
< Or tôt, tuez toute cette ribaudaille, car ils nous empêchent
la voie sans raison, p Um pour passer sur le corps aux
fié&ms, les gendarmes rompaient leurs rangs. Les Anglais
tirnent à coup sàr dans cette foule, sans craindre de perdre
un aeol ooup. Les chevaux s'efiarouchaiept, s'emportaient.
Le 4éoordre migaientait à tout fnoment.
Le roi de Bàhéue, vieux et aveugle, se tenait pourtant
à cheval panai ses chevaliers. Quand ils lui dirent ce qui
fle passait, il jugea bien que la bataille était perdue. Ce
iMme prince ifui avait passé toute sa vie dans la domesticité
4e la maison de France, et qui lavait du bien au royaume,,
4«iioa l'exemple, oomme vassal et comme chevalier. Il dit
«oxaiens: « ie vous pirie et requiers très- spécialement
que voasanemeMeesi avant ^|ue je puisse frapper un coup
d'épée. » Ils lui ^bèirent^ lièrent leurs <3bevaux au sien, et
tous se laaeèreiat à T^wougledans la bataille. On les retrouva
le lendemain gisant autour de leur maître, et liés encore.
Les grands seigneurs de Fjcanoe se raontrèreat aussi
noblement. Le comte d'àlençon^ frère du roi, les comtes
de Bkns, d'Haaeourt, d'Aumale, d'Auxerre^ de Sancerre,
4e Saiat-Pi^, tous magnifiquement armés et blaaonnés, au
^raad galop, traversèrent les lignes ennemies. Il&fendirent
IfiB jrangs des arobers, et poussèrent toujouvs, comme
« VlllMIÎ.
* Déjà elle serrait à TaUaqae et à la df^fenw dasipitttfs. fin 1340 op
«B fit otage an aiése do Qa««noy. .[va 133S Bartliëlcmy de Dracli, tré-
sorier des gaerres, porte en compte une ?omme donnéti à Henry de F.f
mecboD pour avoir |ioiidre et autres choses nécessaires aux canons qui
étaient devant Puy-Gniliaume.
208 L*ANGLCTERaB.
dédaignant ces piétons, jusqu'à la petite troupe des gens
d'armes anglais. Là se tenait le fils d'Edouard, âgé de
treize ans, que son père avait mis à la tète d'une division.
La seconde division vint le soutenir, et le comte de
Warv^ick, qui craignait pour le petit prince, faisait de-
mander au roi d'envoyer la troisième au secours. Edouard
répondit qu'il voulait laisser l'enfant gagner ses éperons,
et que la journée fût sienne.
Le roi d'Angleterre, qui dominait toute la bataille de la
butte d'un moulin, voyait bien que les Français allaient
être écrasés ^. Les uns avaient trébuché dans le premier
désordre parmi les Génois, les autres pénétrant au cœur
de l'armée anglaise, se trouvaient entourés. La pesante
armure que l'on commençait à porter alors, ne permettait
pas aux cavaliers, une fois tombés, de se relever. Les
coutiliiers de Galles et de Comouailles venaient avec
leurs couteaux, et les tuaient sans merci, quelque grands
seigneurs qu'ils fussent. Philippe de Valois fut témoin de
cette boucherie. Son cheval avait été tué. Il n'avait plus que
soixante hommes autour de lui, mais il ne pouvait s'arracher
du champ de bataille. Les Anglais, étonnés de leur victoire^
ne bougeaient d'un pas ; autrement ' ils l'eussent pris.
Enfin, Jean de Hénaut saisit le cheval du roi par la bride
et l'entraîna.
Les Anglais faisant la revue du champ de bataille et le
compte des morts, trouvèrent cftize princes, quatre-vingts
seigneurs bannerets, douze cents chevaliers, trente mille
soldats. Pendant qu'ils comptaient, arrivèrent les com-
munes de Rouen et de Beauvais, les troupes de l'arche-
vêque de Rouen et du grand prieur de France. Les pauvres
gens qui ne savaient rien de la bataille, venaient augmenter
le nombre des morts. ^
Ct't immense malheur ne fit qu'en préparer un plus
' • Kl lors, après l.i bataille, s*.\vala le roi ÉlouarJ, qui encore tout
ce jour n*avoit mis son bassincl. • Froii-art.
PHILIPPE DI VALOIS. 209
grand. L'Anglais s'établit en France. Les villes maritimes
d'Angleterre, exaspérées par nos corsaires de Calais,
donnèrent tout exprès une flotte à Edouard. Douvres,
Bristol, Winchelsea, Shoneham, Sandwich, Weymouth,
Plymouth avaient fourni chacune vingt à trente vaisseaux,
la seule Yarmouth, quarante-trois ^ Les marchands an-
glais, que cette guerre ruinait, avaient fait un dernier et
prodigieux effort pour se mettre en possession du détroit.
Edouard vint assiéger Calais, s'y établit à poste fixe, pour
y vivre ou y mourir. Après les sacrifices qui avaient été
faits pour cette expédition, il ne pouvait reparaître devant
les communes qu'il ne fût venu à bout de son entreprise.
Autour de la ville, il bâtit une ville, des rues, des maisons
en charpente^ bien fermées, bien couvertes, pour y rester
été et hiver '. « Et avoit en cette neuve ville du roi toutes
choses nécessaires appartenant à un ost (armée), et plus
encore, et place ordonnée pour tenir marché le mercredi
et h samedi ; et là étoient merceries, boucheries, halles de
draps et de pain et de toutes autres nécessités, et en
recouvroit-on tout aisément pour son argent, et tout ce
leur venoit tous les jours, par mer, d'Angleterre et aussi
de Flandre... »
L'Anglais, bien établi et en abondance, laissa ceux du de-
hors et du dedans faire tout ce qu'ils voudraient. Il ne leur
* accorda pas un combat. Il aimait mieux les faire mourir de
faim. Cinq cents personnes , hommes, femmes et enfants,
mises hors de la ville par le gouverneur, moururent de mi-
sère et de froid, entre la ville et le camp. Tel est du moins
le récit de l'historien anglais s.
Edouard avait pris racine devant Calais. La médiation du
pape n'était pas capable de l'en arracher. On vint lui dire
que les Écossais allaient envahir l'Angleterre. Il ne bougea
pas. Sa persévérance fut récompensée. Il apprit bientôt que
ses troupes, encouragées par la reine , avaient fait prison*
« App., 171 — » Froimn. — » App., 173.
m. 14
2 H) . L'iMOLSTERRB.
nier leroidlScDSse. L'inmée suivante, Cbaries de Bloîs. fîit
pris de métne en nsdiégefnitiaAocbe'deNRien. Ëdooafd.pou-*
vait croiser tes'hras, la foiftone tr&TaiUait poor lui.
II y avait ponr !e roi de ^Pranoe ane grande et ui:geQte
nécessité à secoarirCalais ^. Maisla péntirie était sigraDde,
cette monarchie demi-féodcde si inerte et si embarrassée,
qu'il ne réussit à se mettre enmoavementqu'aii bout de dix
mois de siège, ioraque les Anglais étaient fortifiés, vetrae*-
chés, couverts de palissades, de fossés profcmds. Ayant t»-
massé quelque argent par raltération des.iqmmaîe6^, par la
gabelle, par les déomes «colésiastiques, par la oonfiscation
des biens des-LonAni^, il«'aielieiMn»enfih,iaviecuitegrwQde
et grosse armée, 'Gomme celle iqoi amit éiéibatlUe^à Gréof.
On ne pouvait arriver jusque Cafaiis, que fMsr les 'maraifroa
les dunes. S'enfoncer dans les tnamis^ c'était périr; tous
les passages étaient oeupés, gwdéa; pourtant les gens de
Tournai emportèrent èmvement «ne lour , «ans maohîaes
et à la force de leurs-bras '.
Les dunes du odté de Boulogne étaient aeus le feu d'une
flotte anglaise. ]>a oété de firaurelines^ «Uasétaieot^gardées
par les Flamands, que le roi neput^gagner. H leur o&it des
monts d'or; de leur rendre Lille, Béthune, Douai 4 41 voulait
enrichir leiav bottrgueoiastres., faire de ienfs jeunes ^gem
des i^valien, des aeignenrs K Rien me Jes Aonoha. Us «sai-
'1 liii Angtate<y— i^jonnë to chiiiie A ilau vaiisetaz çpû «ujaient
de loriir du port» iniercepiôrent cette lettre da gonrerAeof '& l^hinplid
de Valois : • Hi iVoms ims )tocotÛ -smns usai -qae'ei^^iMMM tén %»«ër
nettMttie iioae Amkwmm Qwm ée h^U aoeti » ttlnm|M foor aoiben»
pear Tivere oa pour morîr; qar noos Mnone mevtsà morirasebemps
honoarablement ge manger Tan l'aotre... » *Friaiâe. iLe tiotititraiXSitr ds
Nafi|(i8 an qtte 1« rotti*ivtit -pom eSHé^isSMr iWiiMa liM ^iiiii,
par lena ei:|iaraMr; nvii ^aWi awsieat dlé<ddlaara<i.
« Otd. IL -- * il|«p.. 174.
4 II leur offrait encore Oe TiiirelèVer'ndtsriht JMëiMf lalhuilhPtt.'ffy
•flsrelMir leblé peadMK aiktaae àva imfcii fâk; ^émr thÊtn .pw»
ur àm -Mate de Fmaee, fa'-fle nuniafMtBfnaisnt avac le priTiUge de
Tendre en France les draps fabriqués 'de ces lunes, eztlosivement %
toos aatres, tant qu'ils aii y>tt>MiflBt<faBt«i% gia (Bab d?A^catecy4
PnittPPE VE T«L61S. 24i
gntfmttrople retour de leur comte, qui, après nne fausse
réconciliatioii, TeMH encore âe se^auTer de teors tnaîns*.
FMIippe ne ptlt rien fiire. Il négocia, il défia. Edouard se^a
poniMe^.
€e Ait mi ImMe désespoir dans la ville affamée , lors-
qa'eHe «vîf totftes ces 'baninères de franco, toute ^^etle
grande amgée, qui s'éloîgRaîetyt et Fabandonnaient. il ne
jwtait phis mn gens de 'Calais qu'à se donner à l-emiemi,
ail ^roiriak bien d^K. liais les Âtiglais les baissaient 'mcn^-
teOemeiiit, comme marins, 'comme «corsaires *. 1*our savoir
iOBt ee qu'il y a d'irritation dans ^}es trostilités quotidiennes
d'un tel voisinage, dans cet obtique^et haineux regard que
les deux élites «se lancent Tune à TeulPe , il fiiut lire les
guerres de Louis XIV, les faits 'et gesftes de lean Bart, la
lamentable "démolition du port defhinkerque, laformeture
des bassins d'Anvers.
Délait assez-piobaMe que leroi d'i^((leterre, qui s'était
tant ennu^d^ant Calais, qui yétaktresté'un an, qui. •en
meseule campagne, avaîtdêpensé hiiiomme,'énorme alors»
de près de dix millions de -noire momusie , ae doafnerail ila
aatlaholion^de passer iles habitants au fil de répée; an quoi
«erlaniemettt-il^<nTait7>laisir aux 'marehands anglais, ittais
lasebevaliefS'd^onfrdiloi'âirentfleftemoni ^e,*s-iMfiii^
tait ainsi les assiégés, ses gens n'oseraiont i^lus s'^enfenner
dans les places, qu'ils auraient peur des représailles. 11 céda
et voulut bien recevoir la ville à m^rci, pourvu que quel-
• ^or IvtfeKtrà ëpMMT k.filt6'doriotié'Aiial«t«f«« iMiPl.imaoaâ te
mumkHm-mt/çmÊom «mmotM.(U«^<«im9«ii; tlififfu«ili «ontei «ntop^
tel, naiswM hanm fitit:: *• **.tSt.«ifovr^^'ihtftaa «ilé imtor «e»
ékmpié^M léÊiHtêi^pmammmmkm .«la*eD 4»'MMe. » ti^rm^is.
»'B'p«i tm lisa»fTic»||—4»i»ipf»j»ililwini< |n<ilyHiiMiiii mwam^H
2\% L'ANGLETERRE.
quesuns des principaux bourgeois vinssent, selon Tusage,
lui présenter les clefs, tête nue, piads nus, la corde au coL
Il y avait danger pour les premiers qui parattraientdevant
le roi. Mais ces populations des côtes, qui, tousles jours, bra-
vent la colère deFOcéan, n'ont pas peur de celled'un homme.
Il se trouva sur-le-champ, dans cette petite ville dépeuplée
par la famine, six hommes de bonne volonté , oour sauver
les autres. II s*en présente tous le$ jours autant et davantage
dans les mauvais temps, pour sauver un vaisseau en danger.
Cette grande action, j'en suis s&r, se fit tout simplement,
et non piteusement, avec larmes et longs discours, comme
rimagine le chapelain Froissart t.
Il fallut pourtant les prières de la reine et des cheva-
liers, pour empêcher Edouard de faire pendre ces braves
gens. On lui fit comprendre sans doute que ces gens-là
s'étaient battus pour leur ville et leur commerce, plutôt
que pour le roi ou le royaume. Il repeupla la ville d'An-
glais, mais il admit parmi eux plusieurs Calaisiens, qui se
tournèrent Anglais, entre autres Eustache de Saint-Pierre,
le premier de ceux qui lui avaient apporté les clefs '.
Ces clefs étaient celles de la France. Calais, devenue
anglaise, fut pendant deux siècles une porte ouverte à
l'étranger. L'Angleterre fut comme rejointe au continent.
Il n'y eut plus de détroit.
• App., 176.
* Froissart dit : « Et puis firent (les Anglais) lotttes manières de gens
pcliis et grands, partir (de Calais). » « Tout Français ne fat pas exclu,
dit M. de Bréqnigny; J*ai vu au contraire quantité de noms français
parmi les noms des personnes à qui Edouard accorda des maisons dans
sa nouTolie conquête. Eustache de Saint Pierre fut de ce nombre. • •»
Philippe fit ce qui était en son pouvoir pour récompenser les habitants
de Cïlais. Il accorda tons les offices vacants (8 septembre, an mois
après la reddition) à ceux d'entre eux qui yoadraient s'en faire poar«
voir. Dans celte ordonnance il est fait mention d'une antre par laquelle
il avait concédé aux Calaisiens chassés de leur ville tons les biens et hé-
ritages qui lui échoiraient pour quelque cause que ce tAi. Le 10 sep*
tembre, il leur accorda de nonve^n nn grand nombre de privilèges et
franchises, etc., confirmés sous les règnes suivants. App.» 177.
PHIUPPB DE VALOIS. 213
Revenons sur ces tristes événements, Cherchons-en le
vrai sens. Nous y trouverons quelque consolation.
La bataille de Grécy n'est pas seulement une bataille, la
prise de Calais n'est pas une simple prise de ville ; ces deux
événements contiennent une grande révolution sociale. La
chevalerie tout entière du peuple le plus chevalier avait
été exterminée par une petite bande de fantassins. Les
victoires des Suisses sur la chevalerie autrichienne à Mor-
garten, à Laupen, présentaient un- fait analogue, mais elles
n'eurent pas la même importance, le ntème retentissement
dans la chrétienté. Une tactique nouvelle sortait d'un état
nouveau de la société ; ce n'était pas une œuvre de génie
ni de réflexion. Edouard III n'était ni un Gustave-Adolphe,
ni un Frédéric. D avait employé les fantassins, faute de
cavaliers. Dans les premières expéditions, ses armées se
composaient d'hommes d'armes, de nobles et de servants
des nobles Mais les nobles s'étaient lassés de ces longues
campagnes. On ne pouvait tenir si longtemps sous le
drapeau une année féodale. Les Anglais, avec leur goût
d'émigration, aiment pourtant le home. Il fallait que le
baron revint au bout de qi eiques mois au baronial hall,
qu'il revit ses bois, ses chiens, qu'il chassât le renard t. Le
soldat mercenaire, tant qu'il n'était pas riche, tant qu'il
était sans bas ni chausses , comme ces Irlandais , ces
Gallois que lonait Edouard, avait moins d'idées de re-
tour. Son hamey son foyer^ c'était le pays ennemi. Il
persistait de grand cœur dans une bonne guerre qui le
nourrissait, l'habillait, sans compter les profits. Ceci expli-
que pourquoi l'armée anglaise se trouva peu à peu presque
toute de mercenaires, de fantassins.
La bataille de Crécy révéla un secret dont personne ne
se doutait, l'impuissance militaire de ce monde féodal, qui
s'était cru le seul monde militaire. Les guerres privées des
• Afp., 178.
tfi L'ÀNmmMai.
barons^ 4e canton à caiHoo, dans TisoleflMnt prnmfEP du
moyen âge, n'avaient p« apprendre cela-, lesgentilslkiinmês
n'épient vaincus que par des geolilslNMitmes, Deux siècles
de déMtea pendant les Croisades H'avatent pas fait toit à
leur réputation. La cbrétieaté tout entière était întéreissée
à se dissimuler les avantagea des mécréants. D'aitleuis les
gnerrca se passaienl trop Mn, pMtr qu'il n'y eût paa ton-
jcNirs moyen d'excuser les revers ; Yhérolsme d'un Go-
defroi, d'un Ridmrd, rachetait toot te mste. Au xbi* aè-
de, lorsque les 'bannières feodales teent faabitaées à
suivre celle du roi, lorsque, de taoït de conrs seigneuriales,
il s'en lit une seule, éclatante au ilelà de toutes les Ëctions
des romans, les nobles, diminués en puissance, cràrent en
ofi^ueil ; abaîssés en eux-mémesi» ils se sentirent grandis
dans ievr roi. Aa s'estîmètest phn ou moins sdoa qu'ils
partnpaîent a»x fêtes roiyaàes. Le pins af^lawdi dans les
tMimois était cru, se croyait Ini-mème, le ptus vaiHiint
dans les batailles. Fanfares, regards du roi, oeittiades des
belles dames, tout cela enivrait plus qu'une vraie victoire.
L'entvreme&t fut tel, qu'ils abandonnèrent sans mot dire à
Fbilippe le Bel lenrs frères, les Templiers ; ces chevatîers
étaient généralraicnt les cadets de la noblesse. Elle fil bon
marché des moines ebevatiers, tout comme des nôtres
moines ou prêtres. Touieurs elle aida les rois contre les
papes. Ces décimes arrachées an dergé, sous semblant
de croisade ou autre prétexte, les nobles en avaient benne
part ^ Le temps venait pourtant oii le noble, après
avoir aidé le soi à manger le prêtre, pourrait aussi avcnr
son tour.
A Courtrai, les nobles alléguèrent leur héroïque étoor»
derie, le fossé des Flamands. A Mons-en-Puelle, à CassL'l,
deux faciles massacres relevèrent leur rquntation. PtendaiA
plusieurs années, ils accusèrent le roi qui leur défendait
PHi&9ra »» ▼4U)is. 315
4e vaincre. A Créey, ils étaieBt à même; toate* k chei»t«
tem était là réttAid, toute kmniôra iottak a» vent, cet
ften btesoHft) Mon») aiglea, teure, beaeae des. eioîndes,
tout l'orgueiUMx symboHMiie des araMiîriea. B» face, sauf
tma mitte hoinmea é'anMSy e^étaient tes^va»4M»«fîed8 des
ommuuMS aagtaîaes> las vodes^montagiMuda (te GaUaa^ les
porcherade I^Mando A; raeaa aveugleaet sau^ta^aa^ cpiaa
aairaitnt ai finnçiiia, av anf^aîa, ni dmvetene. Ma n!em vi-
sèrent pas moins bien aux nobles baoaièna : iisiifen tua-
ient <p]fr(Ais% H n'y sjmAjmB et langue: cawwrmnr pour
prier OK taaitet. La Wabh oa Tlrialima» n/eiitr niait pas
Ïb htEoa ffén^arsé ipii hii oAraît de le Mcb tkbet: ii ne lé^
penénit que de osataau.
Miitisw^ fai remanesqaa haavoiH» de Jbaa de Bohème ei
de maiot autre, les heiUantes bannièrea ivent tachéea ce
jous-là. j^airoir été tralséea» bmi pa« le noblair gantelet du
aeignemr, mais par las man» aalkuaes, e'étaît difficile à
Ibver» La reiigmn de la noUease eut dès lats phia d'un
daerédide. Le symèaisme armonal perdit tout son effet
On commença à dsutar que ees lâone meadissent, que
«et. dragons de soie Tomiaaent feu et ftsnnoaa. L» vache
de Snisto et In vaehede GalieasemMèreat ausai de bonnes
armoiries.
Pour que le peuple s'avisât ée ton! cela, ià flilint bien dm
Inmps, bien des déiUte». Crécy ne suffit paa, paa mdme
Poitien. Cette réprobatiandes nobles qnî s'éleva hardiment
après hi bataille d'Azîncourt, elle est muette encore et res<^
pectaeaae sens fbilippe de Valoia. B. n'y a ni plainte, ai
révolte ; oMis souft*ance, huigueur, engourdissement sons
las maux. Pea d'eapoir sur terre, guère aîUeusa. La fitii est
ébranlée ; la féodalité, cette antre foi. Test davantage* Le
• Sar I rente-deux mille hommes dont se compomt l'année à'tâkmvàt
Proi<<iart dit expressément qu'il n*y avait que quatorze tnille Anglais
(4,(XX) hommes d'armes, 10.000 aro.hers'. Les autres dix-hdit mille
fuient Gallois et Irlandais (11,0UJ Gaiioét» S,CUd Irl^fidttii).
Si 6 L'AIIGLBTIIIU.
moyen âge avait sa vie en deux idées, l'empereur et le
pape. L'empire est tombé aux mains d*un serviteur du roi
de France ; le pape est dégradé, de Rome à Avignon, valet
d'un roi ; ce roi vaincu, la noblesse humiliée.
Personne ne disait ces choses, ni même ne s*en rendait
bien compte. La pensée humaine était moins révoltée que
découragée, abattue et éteinte. On espérait la fin du
monde ; quelques-uns la fixaient à Tan 4365. Que restait-
il, en effet, sinon de mourir?
Les époques d'abattement moral sont celles de grande
mortalité. Cela doit être, et c'est la gloire de l'homme qu'il
en soit ainsi. Il laisse la vie s'ea aller, dès qu'elle cesse de
lui paraître grande et divine... « Yitamque perosi projecére
animas.... » La dépopulation fut rapide dans les dernières
années de Philippe de Valois. La misère, les souffrances
physiques ne suffiraient pas à l'expliquer; elles n'étaient
pas parvenues au point où elles arrivèrent plus tard. Ce-
pendant, pour ne citer qu'un exemple, dès Tan 4 339, la
population d'une seule ville, de Narbonne, avait diminué,
en quatre ou cinq ans, de cinq cents familles ^.
Par-dessus cette dépopulation trop lente, vint lextermî-
nation, la grande peste noire^ qui d'un coup entassa les
morts par toute la chrétienté. Elle commença en Pro-
vence, à la Toussaint de l'an 4347. £lle y dura seize mois,
et y emporta les deux tiers des habitants. Il en fut de
même en Languedoc. A Montpellier, de douze consuls il
en mourut dix. A Narbonne, il périt trente mille per*
sonnes. £n plusieurs endroits, il ne resta qu'un dixième
des habitants *. L'insouciant Froissart ne dit qu'un mot de
cette épouvantable calamité, et encore par occasion. «... Car
en ce temps par tout le monde généralement une maladie
que l'on clame épidémie couroit, dont bien la tierce parAe
dumonde mourut. »
• App., ISO. — * 0. VaûsetC«.
FHILIFPl ME TALOIS. 217
Le mal ne commença dans le Nord qu'au mois d'août
4348, d'abord à Paris et à Saini-Denis. U fut si terrible à
Pans, qu'il y mourait huit cents personnes par jour, selon
d'autres cinq cents ^. « C'était, dit le continuateur de
Nangis, une effroyable mortalité d'hommes et de femmes,
plus encore de jeunes gens que de vieillards, au point
qu'on pouvait à peine les ensevelir ; ils étaient rarement
plus de deux ou trois jours malades, et mouraient comme
de mort subite en pleine santé. Tel aujourd'hui était bien
portant, qui demain était porté dans la fosse : on voyait se
former tout à coup un gonflement à l'aine ou sous les ais-
selles; c'était signe infaillible de mort... La maladie et la
mort se communiquaient par imagination et par contagion.
Quand on visitait un malade, rarement on échappait à la
mort. Aussi en plusieurs villes, petites et grandes, les
prêtres s'éloignaient, laissant à quelques religieux plus
hardis le soin d'administrer les malades... Les saintes
sœurs de l'Hôtel-Dieu, rejetant la crainte de la mort et le
respect humain, dans leur douceur et leur humilité, les
touchaient, les maniaient. Renouvelées nombre de foia
par la mort, elles reposent, nous devons le croire pieuse-
ment, dans la paix du Christ K »
« Comme il n'y avait alors ni famine, ni manque de
vivres, mais au contraire grande abondance, on disait que
cette peste venait d'une infection de l'air et des eaux. On
accusa de nouveau les juifs ; le monde se souleva cruelle-
ment contre eux, surtout en Allemagne. On tua, on mas-
sacra, on brûla des milliers de juifs sans distinction^... »
La peste trouva l'Allemagne dans un de ses plus sombres
accès de mysticisme . La plus grande partie de ce pauvre
peuple était depuis longtemps privée des sacrements de
r£glise. Nos papes d'Avignon pour faire plaisir au roi de
• Afp., 181. - < CodUo. 6. de
* Coolin. G. de Naogis.
I
2W
France, ftoidemeat al da gaialé dm eflnw «vaîeM pkttgé
r Allemagne dans ie désespoûr .. lova las pays, cpaî recaa-
naissaient loais de Bkkvitee OaiMt tnfipéÊ da Vait^rdil.
Plusieurs viHe», paiticulièaoïoeat StaaÂnnfffr. laataiaiii
fidèles à leur emparaw, mdiiiaia|»ès. m Moit, eà sougMîeaC
toujours les eiM» d» 1» seilanc# po«(tiicaW« Paint de
messe, pefiil de vialiqua. Lk paito taa daa» Steasbanrg
sei'ze mille bomfnes^ qw aa onmal damaésu. Im^ dauMoi^
cains, qui «f ateiM paraMé qaalqua laoftpa à Cvra le aaavioa
ditm^ finmm par &'aB aûar cfmam loa autees. Trois
hommes sauiamant, taoia myaituao, se. tûaneai eom^ da
rinteidil, at parsistètaot àasaialat tm mauygals : le doaû-
nicam Tauter, rangasiâi Thaaaaa dia Stoasbooig, ai la
chartrem Ludalpli. Calait la giasda ofwnia 4»a «ays*
tiques. Ludolpha éeriaait mVieém CArte, Taid^ son Imi-
tation dû Im pawwé vm de Jétm, Suso aan Uvre às& Nêuf
rochers. Tauler hti-méma alaîl conaultar daaa la foiétda
Soigne, près LouvaÛL, l^.viauK ftuyabcoak, le ihc^mr tx^k-
itque.
Mats Taslaaa daas la paaple, çféUit ftiraor. Qajd» Ta^
basdcm oè lea laiaaail r%Uae. daaa laur mépris dea pré*
ires^, ils se passaient da sacraosanta; ils meUaient à la
piaoe, dea uortificaliana fiaaijflitftt» des eoui^ses firéné-
tifUMS. Dea pofatlatioiis emièfea pariiraat» allèrent sans
savoir où, eomme pouaséea parla vant da la çoLère divioeu
IlaportaiMal das croix ronges ; éamî-oua sur las places^ ils
aa frappwattl avect des fouela armés de poinles de fer,
chantant daa Gaittîqaea qu'on n'avait jamais entendus 2. Us
Mvestaiaat dans chaque viBa qu'un jour et une nuit, et se
•agellaiant deux, fois le jmt ; cela fait pendant trente-trois
jours et dcaai, ils ae croyaient purs comme au jour du
haptéma^.
Les flagellants allèrent d'abord d'Allemagne aux Pays-
* Johannes Viiodaranas. -«ilify.» iat«
* Us des Chroniques de Saint- Denis, cité pai HL MaaarA,»
Bas. Puis cette fièvre ga^oa ea Fraociô, par U Flaadre, la
Picai-die. Tille ne passa pas Reims. Le pape les condaouia ,
le roi ordonna de leur courir sua. Us n'en furent pas moins,
à Noél (1349), près de huk cent B»Ue *. Et ce n'était plua
seulement du peuple, mais des gentilshommes, des sei-
gneurs. De nobles dames se BOuettaient à en faire autaot 9.
n n'y eut point de fli^eUattls ea Italie. Ce sombre en-
thousiasme de r AUemagiifi et de la France du nord, cett^
guerre déclarée à ta diair» contraste fort avec la peinture
que Boccace nova a Mssée des Baœura italiennes à la même
époque.
Le prologue dv DécanaérM es4 le principal témoignage
historique que nma ayoi sur la grande peste de 4348.
Boccace prétend qu'à Florenoe seulemeiU, il y eut ceikt
mille morts. La eoBtagioo était effrayablement rapide.
c J'ai vu, dit-il, de mes yeui, deux porcs qui, daas la rue,
secouèrent du groin les baillaos d'un mort ; une petite
heure après, ils tournèrent, tournèrent et tombèrent ; ils
étaient morts evx-môoies... Ce n'étaient plus les amis qui
portaient les corps sur leurs épaules, à l'église indiquée
par le mourant. De pauvres compagnons, de misérab||8
croque-morts portaient vite le eorps à l'église voisine.*,
beaucoup mouraient dans la rue ; d'autres tout seuls dans
leur maison, mais on sentait les maisons des morts... Sou-
vent on mit sur le méoae brancard la femme et le mari,
le lils et le père... On avait fait de grandes fosses où l'oo
entassait k» corps par centaines» comme les nutfcban-
dises dons un vaisseau... Chacun portait à la main des
herbes d'odeur forte. L'air u'était plus que puanteur dn
SDorts et de midades, ou de médecines infectes... Oh 1 que
de belles maisons restèrtint vides I que de fortunes sans
béritiersJ que de belles dames, d'aimables jeunes gens
• Uê des Chroiiiqnes do Saint I>enis, cité par M. Mazarc.
* Cou Un. G. de Nangit« v . .
820 L'ANGLETBRia.
dînèrent le matin avec leurs amis, qui, le soir venant, s'en
allèrent souper avec leurs aïeux I... »
Il y a dans tout le récit de Boccace quelque chose de plus
triste que la mort, c'est le glacial égoîsme qui y est avoué.
« Plusieurs, dit-il, s'enfermaient, se nourrissaient avec
une extrême tempérance des aliments les plus exquis et
des meilleurs vins, sans vouloir entendre aucune nouvelle
des malades, se divertissant de musique ou d'autres choses,
sans luxure toutefois. D'autres, au contraire, assuraient
que la meilleure médecine, c'était de boire, d'aller chan-
tant, et de se moquer de tout. Ils le faisaient comme ils
disaient, allant jour el nuit de maison en maison ; et cela
d'autant plus aisément, que chacun, n'espérant plus vivre,
laissait à l'abandon ce qu'il avait, aussi bien que soi-
même ; les maisons étaient devenues communes. L'auto-
rité des lois divines et humaines était comme perdue et
dissoute, n'y ayant plus personne pour les fwre observer-
Plusieurs, par une pensée cruelle, et peut-être plus pru-
dente «, disaient qu'il n'y avait remède que de fuir ; ne
s'inquiétant plus que d'eux-mêmes, ils laissaient là leur
vMle, leurs maisons, leurs parents ; ils s'en allaient aux
champs, comme si la colère de Dieu n'eût pu les précéder...
Les gens de la campagne, attendant la mort, et peu sou-
cieux de l'avenir, s'efforçaient, s'ingéniaient à consommer
tout ce qu'ils avaient. Les bœufs, les ânes, les chèvres,' les
chiens même, abandonnés, s'en allaient dans les champs
où les fruits de la terre restaient sur pied, et comme créa-
tures raisonnables, quand ils étaient repus, ils revenaient
sans berger le soir à la maison... A la ville, les parents ne
se visitaient plus. L'épouvante était si forte au cœur des
hommes, que la sœur abandonnait le frère, la femme le
mari ; chose presque incroyable, les pères et mères évi-
taient de soigner leurs fils. Ce nombre infini de malades
> llauco ViUani blâme ceux qui se retirèrent.
PHILIPPE DE .VALOIS. 221
D*avait donc d'autres ressources que la pitié de leurs amis
(et de tels amis, il n*y en eut guère), ou bien l'avarice des
serviteurs ; encore ceux-ci étaient-ils des gens grossiers,
peu habitués à un tel service, et qui n'étaient guère bons
qu'à voir quand le malade était mort. De cet abandon uni-
versel résulta une chose jusque-là inouïe, c'est qu'une
femme malade, tant belle, noble et gracieuse fût-elle, ne
craignait pas de se faire servir par un homme, même
jeune, ni de lui laisser voir, si la nécessité de la maladie
l'y obligeait^ tout ce qu'elle aurait montré à une femme ;
ce qui peut-être causa diminution d'honnêteté en celles
qui guérirent. •
Pour la maligne bonhomie, tout aussi bien que pour
l'insouciance, Boccace est le vrai frère de Froissart. Mais
le conteur ici en dit plus que l'historien. Le Décaméron,
dans sa forme même, dans le passage du tragique au plai-
sant, ne représente que trop les jouissances égoïstes qui
suivent les grandes calamités ^ Son prologue nous intro-
duit par le funèbre vestibule de la peste de Florence aux
jolis jardins de Pampinea, à cette vie de rire, de rien fatre
et d'oubli calculé, que mènent ses conteurs, près de leurs
belles maltresses, dans une sobre et discrète hygiène...
Machiavel, dans son livre sur la peste de 4527, a moins de
ménagements. Nulle part l'auteur du Prince ne me semble
plus froidement cruel. Il se prend d'amour et de galants
propos dans une église en deuil. Ds se revoient avec sur-
prise, comme des revenants, se savent bon gré de vivre, et
se plaisent. L'entremetteuse, c'est la mort.
Selon le continuateur de Guillaume de Nangis : « Ceux
qui restaient, hommes et femmes, se marièrent en foule.
Les survivantes concevaient outre mesure. Il n'y en avait
pas de stérile. On ne voyait d'ici et de là que femmes
■-
• App,, 1S3.
S82 L*A!«GLETIilRE.
grosses. Elles enEGuitaieot qui deux, qui trois enfants à la
fi»îs. »
Ce fut, comme apràs tout grand flAau« comme après la
peste de Marseille^ comme après la Terreur, une joie sau-
vage de vivre, une orgie d'héritiers ^ Le roi^ veuf et libre,
allait jDfiaâer son fils à sa cousine Blanche ; mais quand il
vit la jeum fille, il la trouva trop belle pour son fils et la
gMrda pour lui. Il avait cinquantc^^huit ans, elle dix-huit.
Le fils épousa une veuv« qui en vivait vingt^quatre, Théri-
tière de Boulogne et d'ÀHvevgne, qui de. pUis lui donnait»
avec la tutelle de son fils enfant, l'administration des deux
Bourgognes. Le royaume souffrait, mais il s'arrondissait
Le roi venait d'acheter Montpellier et le Dauphiné. Le petit*
fils du roi épousa la fiUe du duc de Bourbooi, le oomte de
Flandre ceUe du duc de Bsabant. Ce n'était que noces et
^pie fêtes»
Ces fêtes tiraient un bizarre éclat des jonodes aouvelles
qui s'étaient introduites depuis quelques ^mnées en France
et en ÂJ^terre. Les gens de la côir jpeut-étre pour se
distioguer davantage des chevaliers ès4oUf des liommes de
robe lopgU€^ avaient adopté des vêtements serrés^ souvent
mi-ipartie de deux couleurs^ leurs cheveux serrés en
queue* leur barbe touffue» leurs monstrueux souliers à la
poulaine^ui remontaient en se 4«courbant, leur donnaient
un air biaarre» qaèUfae ^iiose du diable 4Ni du scorpion.
Les femmes chai^geaient leur tète «d'une -mitre énorme
d'où flottaient-dés Tubam^ eomme las flammes d'un mât.
Elles -ne voulaient, plus de j>alefrois ; il leur fallait de fou*
gueux destriers. Elles portaient deux digues «à la ceinture.
— L'Église pnécbait en vain cantre ces modes oiyueil-
leuses et impudentes. Xe sévère chroniqueur en j>arle ru-
dement^: « 41s «'étaient juis.» dil-4(, ÀjporterlMrbe Joqguei
gt4Pobee Qourtes,ai couMsqu-ils montraient leurs fesses*^
< Ualteo Vaiani,
PHILIPPE DS VALOIS. ' 22^
Ce qui causa parmi le populaire une dérision non petite ;
ils devinrent, comme l'événement le prouva souvent, d'au*
tant mieux en état de fuir devant Tennemi ^. »
Ces changements en annonçaient d'autres. Le monde
allait changer d'acteurs comme d'habits. Ces folies parmi
les malheurs, ces ««cas ptécîpitées le lendemain de la
peste, devaient avoir aussi leurs morts. Le vieux Philippe
jde Valois ne tarda pas à languir près de sa jeune reine, el
laissa la couronne à aoAfik>(dSë(]^
' ^vp., 184.
CHAPITRE II
lean. BataiUe de PoiUeri. 1350-1830.
La peste de 4318 enleva, entre autres personnages
célèbres, l'historien Jean Villani, et la belle Laure de
Sades, celle qui, vivante ou morte, fut Tobjet des clmnts
de Pétrarque.
Laure, fille de messire Audibert, syndic du bourg de
Noves, près d'Avignon, avait épousé Hugues de Sadea,
d'une vieille famille municipale de cette ville. Elle vécut
honorablement à Avignon avec son mari, dont elle eut
douze enfants. Cette union pure et fidèle, cette belte image
de la famille, au milieu d'une ville si décriée pour ses
mœurs, est sans doute ce qui toucha Pétrarque* Ce fut le
6 avril 4327, que Laure apparut pour la première fois an
jeune exilé florentin, le vendredi de la semaine sainte,
dans une église, entourée, comme il est probable, de son
époux et de ses enfants. Dès lors cette noble image de
jeune femme lui resta devant l'esprit.
Qu'on ne nous reproche pas comme une digression Ic^*
peu que nous disons d'une Française qui inspira une si
durable passion au plus grand poète du siècle. L'histoire
des mœurs est surtout celle de la femme. Nous avons
parlé d'Héloîse et de Béatrix. Laure n'est pas, comme
Héloïse, la femme qui aime et se donne. Ce n'est point la
Béatrix de Dante, dans laquelle l'idéal domine et qui finit
par se confondre avec l'éternelle beauté. Elle ne meurt
BATAILLE DK POITIERS. 225
pas jeune ; elle n'a pas la glorieuse transfiguration de la
mort. Elle accomplit toute sa destinée sur la terre. Elle est
épouse, elle est mère, elle vieillit, toujours adorée ^. Une
passion si fidèle et si désintéressée à cette époque de
sensualité grossière, méritait bien de rester parmi les plus
touchants souvenirs du xiv^ siècle. On aime à voir dans'
ces temps de mort une âme vivante, un amour vrai
et pur, qui suffit à une inspiration de trente années. On
rajeunit, à regarder cette belle et immortelle jeunesse
d'àroe.
n la vit pour la dernière fois en septembre 1347. C'était
au milieu d'un cercle de femmes. Elle était sérieuse et
pensive, sans perles, sans guirlandes. Tout était déjà plein
de la terreur de la contagion. Le poète, ému, se retira,
pour ne pas pleurer La nouvelle de sa mort lui par-
vint, l'année suivante, à Vérone. Il y écrivit la note tou-
chante qu'on lit encore sur son Virgile. Il y remarque
qu'elle est morte au même mois, au même jour et à la
même heure, où il Favait vue trente ans auparavant pour
la première fois.
Le poète avait vu périr en quelques années toutes ses
espérances, tous les rêves de sa vie ^. Jeune, il avait espéré
que la chrétienté se réconcilierait, et trouverait la paix
intérieure dans une belle guerre contre les infidèles. Il
avait écrit le célèbre canzone : a 0 aspettata in ciel beata
e bella... v Mais quel pape prêchait la croisade? Jean XXII,
le fils d'un cordonnier de Cahors, avocat avant d'être
pape, cahorHn et usurier lui-même, qui en^ssait les
millions, et brûlait ceux qui parlaient d'amour pur et de
pauvreté.
L'Italie, sur laquelle Pétrarque plaça ensuite son espoir,
n'y répondit pas davantage. Les princes fiattaientPétrarque,
disaient ses amis, mais aucun ne Técoutait. Quels amis
m. i3
•
226 JEAPr.
pour le crédite poète que ces féroces et rûsèsf is^^onfide
Milan!... Napl6S valait mieux, ce semUe. Le SttVAHl toi
Robert avait Vbulu donner lui-même A Pétrarque la cou-
ronne du Capltole. Mais lorsqu'il se rendit à Nftptes, Robert
n'était plus. La reine Jeanne lui atait snccédé^. Le poète,
à peine arrivé, vit avec horreur les combats de ^fliaiéUrs
renouvelés dans cette coUr par utle noblesse sàngtiiiialre.
n prévit la catastrophe du jeune épout de Jeanne, étVahgté
peu après par les amants de sa femme... R écrit lui-même
de Naples : « Heu ! fuge crudeles terras, fuge litlas
avarum I >
Cependant on parlait de la restauration de la liberté
romaine par le tribun de Rienii. Pétrarque né douta point
de la réunion prochaine dé ritalie, dû monde, sous le àon
élai II chanta d'avance les vertus du libérateur et la gloire
de la nouvelle Rome. Cependant Rien^i menaçait dé mort
les amis de Pétrarque, les Colonnfr. Celui ci refVisa long-
temps d'y croire ; il écrivît au tribun une lettre triste et
inqnièle, oii il le prie dé démentir ceà mauvais trults^.
La^chute du tribun lui ôtant l'espoir que Fltalie pût se
rélever elle-même, il transporta son facile enthousiasme à
l'empereurCharleâ tV, qui alors entrait en Italie. Pétrarque
8é trouva sur son passage ; il lui présenta les ihédailtes
d'or de Trajan et d'Auguste ; il le somma de se souvenir
de ceà grands empereurs. Ce trajan, (^ Auguste avait
passé les Alpes avec deux ou trois cents cavaliers. U venait
vendre les droits de l'empire en Italie, avant de les sacrifier
en Altemiigne dans âa bulle d'or. Le pacifique et économe
empereur, avec son cortège mal monté, était comparé par
les Italiens à un marchand ambulant qui va à la foire *.
« App., 187.
• App., 1>8.
'H tira d'eux qaelqoe argent, et s'en retoarna plas vite qnll n'éiait
venu. Les villes fermaient tontes leurs portes» on Ini permit avec peina
de reposer une nuit à Crémone.
f
BATAILLE DE POITIERS. %i1
Le Mste Pétrârqtte, ttimiiDé fant Ae foîft ^, %e réfagia
chaque jour davaifitagè ûMs hiloititaiM MitiquilM. fi se iftnt^
déjà t{i»ux, à appi^d^ te ItArgûe d'BcHtfièrë, à épeler
rilisde. n faiK voir queb furent ses transports quand,
pour te première fois, il %0u6hft le précieux isiaimseHI
qu'il ne pouvait lire.
h erta «finsi dan« te^ASettiiè»^ tmhéeis, surviVéM, coffitiie
liante, à fottt cé qtii! airnaît. €e n'était pas Dante, Kwais
ptuMt son onfbre, "phxs pâle et plus dtduce, tottijours Mfi^
Asile par Virgile, et se faiisant de te poésie antique utt
Elysée. Vers ta fitt, iftquiet pour les précieux irnnuserits
qu*SI tratnaft partout avec lui, il les lé^a à te fépuf^que
de Tenise, eft déposa son lomère ^t soft Virgile dans te
baMiothèque méttie de Saint-Mâ)«c, «devrtère les fa^neux
chevaux de Cormthe, où on les a retjHittvés Crois œufs «n
après, à nioitié perdu» de pousi^ère. Venise, ^t i»*
vlolabie asile au miKea des meus, était alors te seul lieu
sèr auquel la maîia (neuse du poète pût confier en mouyaift
hes éteui èrraï^ de rantiquitè.
9ûof lui, ce devoir aecompli, il alte qvelqtte temps
rédbafuff^ sa vieillesse au soleil d' Arqua, il y mourut daM
sa bibliothèque et te télé sur un livfe K
Ge» Vains i^grets, bMfe fidélité oMtinée m paessé, qui
pendant Mute te vie du poète lui fit poursuivre des ombres,
qui lui fit placer «ai crédule espoir dans te tfiba>n, dam
l^n^pereuf, te n^eM pas 4*erreur de Pétrarque, e'efift celle
det^l Soft«iMI^. Là fttance ittèttm, ipà semble ui^eir si
diH^iiMit vompu «vec le îmytfh âge par TiimnotetiM des
Templters et de Bontfaee, y revient malgré eltei«pfto
I Ce qu'il y avait de plus humiliant, c'est qoe le malicir ux empereur
avait donné la couronne poêiique à tin tidtre que Pétrarque.
* Quelques jours auparavant, Boeca^e hri a¥ait envoyé fe Di*i*iattr.'ron.
Le Tieitlard en retint par rœur la pcttleftU VtiMiêti, eetle beMs hia-
ic.fe qui, à elle ieule, purrflc te reste (îtt tfvre.
S28 i£A?(.
effort, et s'y engourdit. La défaite des armées féodales, la
grande leçon de Crécy, qui devrait lui faire comprendre
qu'un autre monde a commencé, ne sert qu'à lui faire
regretter la chevalerie. Les archers anglais ne Tinstruisent
pas. Elle n'entend point le génie moderne qui Ta foudroyée
à Crécy par l'artillerie d'Edouard.
Le fils de Philippe de YaloiSj le roi Jean, est le roi des
gentilshommes. Plus chevaleureux encore et plus malen-
contreux que son père, il prend pour modèle l'aveugle
Jean de Bohème qui combattit lié à Crécy. Non moins
aveugle que son modèle^ le roi Jean, à la bataille de Poitiers,
mit pied à terre pour attendre des gens à cheval. Mais il
n'eut pas le bonheur d'être tué, comme Jean de Bohême.
Dès son avènement, Jean, pour complaire aux nobles,
ordonna de surseoir au payement des dettes ^. U créa
pour eux un ordre nouveau, l'ordre de l'Ëtoile, qui assurait
une retraite à ses membres. C'était comme les Invalides
de la chevalerie. Déjà une somptueuse maison commençait
à s'élever pour cette destination dans la plaine de Saint-
Denis. Elle ne s'acheva pas 2. Les membres de cet ordre
fiûsaient vœu de ne pas reculer de quatre arpents, s'ils
n'étaient tués ou pris. Ils furent pris en effet.
Ce prince, si chevaleresque, commence brutalement
par tuer, sur un soupçon, le connétable d'Eu, principal
conseiller de son père. Il jette tout à un favori, homme du
midi, adroit et avide, Charles d'Espagne, pour qui il avait
« un amour désordonné 3. > Le favori se fait connétable, et
se fait encore donner un comté qui appartenait au jeune
roi de Navarre, Charles, que Jean avait déjà dépouillé de la
Champagne^. Charles, descendu d'une fille de Louis Hutin,
se croyait, comme Edouard III, dépouillé de la couronne
1 Ord.. 30 mars 1351, el septembre. ^ > App,, 189. .
s C'était, dit VillaDi, le l>rDll public.
* Charles avait aassi- à se plaindre de l'iosolence du connétable <{oi
rayait appelé billonnnkr monnoU (faax-monnoyeur).
BATAItLE DE POITIERS. 229
de France. Il assassina le favori, et voulait tuer Jean.
Celui-ci Temprisonna, lui fit demander pardon à genoux.
Cet homme flétri sera le démon de la France. Il est sur-
nommé le mauvais. Jean tue le connétable, tue d'Harcoort
et d'autres encore ; au demeurant, c'est Jean le bon.
Le bon veut dire ici le confiant, Tétourdi, le prodigue.
Nul prince en effet n'avait encore si noblement jeté l'argent
du peuple. Il allait, comme l'homme de Rabelais, man-
geant son raisin en verjus, son blé en herbe. Il faisait'
argent de tout, gâtant le présent, engageant l'avenir. On
eût dit qu'il prévoyait ne devoir pas rester longtemps en
France.
Sa grande ressource était l'altération des monnaies^.
Philippe le Bel et ses fils, Philippe de Valois, avaient usé
largement de cette forme de banqueroute. Jaan les fit
oublier, comme il surpassa aussi toute banqueroute royale^
ou nationale qui pût jamais venir. On croit rêver quand'
on lit les brusques et contradictoires ordonnances que fit'
ce prince en si peu d'années. C'est la loi en démence, à'
son avènement, le marc d'argent valait cinq libres cinq
sous, à la fin de l'année onze livres. En février 4352, il
était tombé à quatre livres cinq sous; un an après il était'
reporté à douze livres. En 4354, il fut fixé à quatre livres
quatre sous ; il valait dix-huit livres en \ 355. On le remit'
à cinq livres cinq sous, mais on affaiblit tellement la mon-
naie, qu'il monta en 1 359 au taux de cent deux livres ^.
Ces banqueroutes royales sont au fond celles des nobles
sur les bourgeois. Les seigneurs, les nobles chevaliers
assiègent le bon roi, et lui prennent tout ce qu'il prend
t • Sor phuiaars d« ces monnAies, le roi d'Angleterre éuit représenté
tOBS forme de lion on de dragon, fonlé par le roi de France. • Leblanc.
* De 1361 à 13(M), la li^re tournois changea soixante et onie fois de
▼aleor. M. Nfltalis de Wailly met ce rt^gimo en balance avec celui des
asmgiials. (llëmoire sor les Tariations de la lîYre lonrnois.) Nott de
ISeO. - App., 190.
230 jEjix.
aux autres, ta seule reine Blanche avait obtenu pour elle
la confiscation des Lombards ; elle poursuivait à son profit
leurs débiteurs par tout le royaume *.
La noblesse, commençant à vivre loin de s^es cbàteaux,
séjournant à grands frais près du roi, devenait chaque jour
plus avide. Elle ne voulait plus servir gratis. U Callait la
payer pour combattre, pour défendre ses terres des ra-
vages de r Anglais. Ces Qers barons descendaient de bonne
grâce à Tétat de mercenaires >, paraissaient à leur rang,
dans les gjrandes montres et revues royales, et t^ndait'ut la
main jau payeun. Sous Philippe, de Valois» le chevalier
s'était contenté de dix sous par jour. Sous Jean, il en
exigea vingt, et le seigneur bannerçt en eut quarante.
Cette dépense énorme obligea le roi Jean d'assembler 1^
Ëtats plus souvent qu'aucun de aea prédéc^seurs. Les
nobles contribuèrent ain^, indirectement et h leur insu, à
donner une importance toute nouyelle. aux Ëtats^ surtout
au tiers-état, à l'état qui payait^
Déjà, en 1343, la guçrra avait &rcé Philippe de Valois
de demander aux États un droit de quatre, deniers par
livre sur* les marchandises, lequel devait être perçu à
chaque vente. Ce n'était pas seulement un impât, c'était
une intolérable vexation, une guerre contre le commerce.
Le percepteur campait sur le marché,, espionnait mar-
chands et acheteurs, mettait la main à toutes les poches,
demandait (comme il arriva sou$l Charles. VI) sa part sur
un aou d'herbe. Ce droit, qui n!est autre que Talcavala
espagnol, alors récemment établi à l'occaçion des.guerres
d^s Maures, a tué l'industrie de VEspagne.. Philippe de
* Les États de i2Ki exigèrent ({a'an «ispcodAt «m ponmûlM.
* £a i33â, lest nobles du UiRgnedae^se pUâg»iMii&dece que Im^ , _
qii*oaleur avait payés pendant la goerce-de Gaseagne n'étateut pa» pro*
portionn^s à ceux qfiiU avaieni reçaSrdaAS Ifs aalves^ goarres qui avaieM
éié faites en ce pays. On êlaik au «UMMai de la cepiise do la gnen»-
contre les Anglais. Le roi fit droit à la requête.
BATAILLE DB POITIBRS. S3I
Taloi» proHiil en réoompeiiM de firapfpeB de boaoe mon-
naîe, comme du temps de saint Louas.
NoaTeanx besoins, nouvelUs promesses. Daas Ift erise
de 4946, le roi promit au Ëtats du nord de reatreiikljEe W
droit de prise ».ai]x n^cessIléS' de sen bétels de aai ehèii9<
compagne la reine el de ass en&nts. » IL supprima des
places de sergents, abotil dea jaridiatîoQ& oppMwéea eoire
elles, retira les lettre» de i{épit par leaqueUea ik pentteitw^
aux seigneurs d'ajourner- le payement de leuvs dettes Ic^.
£t9ts du midi acoordèrent dix aoiis pae fau» 8Mr la pra*
messe qu'on leur fit de 8un>nnier la gabeUe et 1q droii ^ir
les ventes.
En 4351) Jean, demandant aux* Étals aoun droîÉ de jeyaw
avènement, se montra facile à ko» réoiaiiafttjoos^ q^ielqiae
diverses et contradictoires qu'elles fussent ^. Il promitaw
nobtee Pioards de toléner les gnevoeaprinées, vssk bourgepis
Acmnands de Isa interdirq. Laa uns et les* aiitt^ bsM aiçopp^
dèrent siK dkniieTa par liirre ai» lea ventes» U assusa.aox.
fibricante de Traj^s. bi bbcî^uri) exehuiiKe 4^ toUfts*
étroites ou SM^ra+d^^ anji nmlÉrea des wélieifr de Pari^
un règlement qui ftxait lesi saWrea dea oiivxie<9«, étoiiiés^
outre mosma par suite! de la. dépopuletion fit. de. 1a. peste.
les boui^eais di» Faris^ eonauttés par «ui-wlmes a(t uqiv
pav dépvtéB) à bw* aammUén 4» pmrMt «m bowigsoiSk.
Mcerdèrentle.teuft^éasTMtea» Le rai Iw- ^pdUii auipavv*
Mr ; ils flfy YCBdaaiit bîesAMavie Mi
Sn Mèà^ 1* foL anaîA promis des^ réformes', Ws Btets
avaient cru, voté docilement. Tout avaU été foi ea uoi
jour. En 4354 , les nobles Picards refusent de laisser payer
leurs vassaux, s'il» ne sddI eux^-méaiea ane«pte9.eti si l^s
vassaux du roi et dles, princes ne payent
In 4Si56, les la^laisr ravageaf^t le Midi> il ùXM bien
encore demander de* Pargent. Les Ëtats* du nocd.eui de^U
tangue. d'Oil, convoqués le 30 novembre, se montrèrent
• App,, 191.
2 M , JEAN,
peu dociles. Il fallut leur promettre Tabolition du vol
direct qu'on appelait droU de prises et du vol indirect qui
se faisait sur les monnaies. Le roi déclara que le nouvel
imp^t s'étendrait à tous, clercs et nobles ; qu'il le payerait
lui-même, ainsi que la reine et les princes.
Ces bonnes paroles ne rassurèrent pas les États. Us ne
se fièrent pas à la parole royale, aux receveurs royaux. Ils
voulurent recevoir eux-mêmes par des receveurs de leur
choix, se faire rendre compte, s'assembler de nouveau au
l^r mars, puis un an après, à la Saint-André.
Voter et recevoir l'impôt, c'est régner. Personne alors
ne sentit toute la portée de cette demande hardie des
États, pas même probablement Marcel; le fameux prévôt
des marchands, que nous voyons à la tête des députés des
villes *.
L'Assemblée achetait cette royauté par la concession
énorme de six millions de livres parisis pour solder trente
mille gens d'ai-mes. Cet argent devait être levé par deux
impôts, sur le sel et sur les ventes; mauvais impôts .sans
doute, et sur le pauvre, mais quel autre imaginer dans un
besoin pressant, lorsque tout le midi était en proie?...
La Normandie, l'Artois, la Picardie n'envoyèrent point
à ces États. Les Normands étaient encouragés par le roi de
Navarre, le comte d'Harcourt et autres, qui déclarèrent que
la gabelle ne serait point levée sur leurs terres: « Qu'il ne
se trottveroit point si hardi homme de par le roi de France
qui la dût faire courir, ni sergent qui enlevât amende, qui
ne le payât de son corps K »
* • Prol6stèr«nt 1m iMHines rilles par l« bouche de Etiaone Uareel,
lors pré^ost des marchands à Paris, que ili estoient tous prests de vûre»
de mourir avec le roi. • Froiss. ~ Lire snr Etienne Marcel et la réTO*
i; lution de 1356 88 rexcellcnt trayail de M. Perrens. MM. H. Martin el
I. Qoicherat (Plutarque Français) avaient déjà bien indiqoé le carae*
tère des événements de cette gninde époque sur lesquels M. Perrens a
concentré la plus vive lumière en les racontant et les discutant avae
détail (1860;.— * Froissart.
J
BATAILLE DE POITIERS. 233
tt
Les Ëtats reculèrent. Ils supprimèrent les deux impdts,
et y substituèrent une taxe sur le revenu: 5 pour 400
sur les plus pauvres, 4 pour 400 sur les biens médiocres,
\ 9 pour 400 sur les riches. Plus on avait, et moins Ton
payait.
Le roi, cruellement blessé de la résistance du roi de
Navarre et de ses amis, avait dit « qu'il n'auroit jamais
parfaite joie tant qu'ils fussent en vie. » Il partit d'Orléans
avec quelques cavaliers, chevaucha trente heures, et les
surprit au château de Rouen, où ils étaient à table. Le
dauphin les avait invités. Il fit couper la tête à d'Harcourt
et à trois autres ; le roi de Navarre fut jeté en prison et
menacé de la mort. On répandit le bruit qu'ils avaient
engagé le dauphin à s'enfuir chez l'Empereur pour faire la
^erre au roi son père.
La résistance aux impôts votés par les États,' livrait le
royaume à l'Anglais. Le prince de Galles se promenait à
son aise dans nos provinces du midi. Il lui suffisait d'une
petite année, composée cette fois en bonne partie de gens
d'armes, de chevaliers. La guerre n'en était pas plus che-
valeresque. Us brûlaient, gâtaient comme des brigands
qui passent pour ne pas revenir. D'abord ils coururent le
lÂnguedoc, pays intact qui n'avait pas soufiert encore ^.
La province ftit ravagée, mise à sac, comme la Normandie
en 4346. Ils ramenèrent à Bordeaux cinq mille charrettes
pleines. Puis, ayant mis leur butin à couvert, ils re-
prirent méthodiquement leur cruel voyage, parle Rouer-
gue, l'Auvergne et le Limousin, entrant partout sanscoup
férir, brûlant et pillant, chargés comme des porte-balles,
soûlés des fruits, des vins de France. Puis ils descendirent
dans le Berri, et coururent les bords de la Loire. Trois
chevaliers pourtant, qui s'étaient jetés dans Romorantîn
avec quelques hommes, suffirent pour les arrêter. Ils fu-
234 JEAN.
reot tout étûimés de cette résistance. Le prince de GaUes
jura de forcer la place et y perdit plusieurs jours ^
Le roi Jean, qui avait commencé la campagne par
prendre en Normandie les places du roi de Navarre où U
aurait pu introduire l'Anglais, vint enfin au-devant avec
une grande armée» aussi nombreuse qu'aucune qu'ait per-
due la France. Toute la campagne était couverte de ses
coureurs ; les Anglais ne trouvaient plus, à vivre» Du reste»
les deux eonemis ne savaient trop ou ils en étaient ; Jean
croyait avoir les Anglais devant, et courait après, tandis
qu'il les avait derrière. Le prince de GaUes, aussi bieo
informé» croyait ^es Français derrv^re lui.. C^ètait la s^
conde fois, et non la dernière, que les Anglais s'enga-
geaient à l'aveugle dans le pays ennemi. A moins d'un
miracle, ils étaient perdus. C'en fut un que l'étourderie
de Jean.
L'armée du prioce de Galles, pairtie anglaise, partie gas-
conne, était forte de deu}^ mille hommes d'armes, de
quatre mille archers,, et da deux mille brigands qu'on
louait dans le midi, troupes légères., Jeaa était k. la tête d«
la grande cohue fëodala du ban et dn l'arrière-ban» qui
faisait him cini|u«ata mille hommes. Il y avait les quatre
ffis de Jjean„ vixigt-six ducs ou comtea» cent quarante sei^
gneucs baBn«i:ets avec leurs banniènçs déplojiéfis ; magni-
tique coiip d'œil,. mais l'armée: n'en valait pas OMeia»
Doux carc^naux lé^^, doni un du aono. de Talleytajid ,
s'entremirant poux empêcher l'effusioa du sang ^^'^''ftTii
Le jfrism de GaUes offrait de rendretaut ce qu'il avait pria,
places et bommas, eldejujcer da ne plus servir de sapt ans
coxUae laJxau^Si. Jean xafiis», comnae il était naturel ; il eiU
été bonteiu de laisser alleir ocs {ûUards. Il exigeait qu'au
moins le prince de GaUes se. vendit avec cent chevaliers.
« Il dut déployer contre cei trois chevaliers toai an appareil de siéfer
t canons, carreaux, bombardes et f^ ox grégeois. • Froissa/t.
BATAILLE DS POITIERS. 235
Les Anglais & eUuttDt fortifiés smrle céleau de Maupei^is
près Foiliers, coUiae roià»^ plantée de vignes, ferniées de
haies et de boiasona d'épinesu Le haut de la paite éuit
hérissé d'arohera angbôa. il n'y avait pas besoÎQ d*a4ta(|tt«r.
U suffisait de les tenir là; la aoif et la faim les auraient ap-
privoisés au booft de deux jours. Jean trouva plus ehiavale-
resque de forcer son esmmi.
h n'y avait qu'uoa étroit sentier pour aacurter aw Anglais*
Le roi de Franoe y employa des cavaliers. Il en fut k peu
près ooouiie à la bataille de Moifartea. Les archers firent
tember une phiie de traUs, eriblèrent N cbevaux, lesefiar
roucbèrêBt, lea jetbront Tua sur Vautre. Le& Anglm saisjrr-
rent ce UMNooent pour dosoendre ^. Le tfouMa se répandift*
dans celte grande ariaée. Trois fils du roi se retirèrent du
champ de batail^,pftr fondre de leuirpère,eouu<ena«t.p9ur
eaeorte un corps de-huit cents Innées^
Cepesdant la roi lettét ferme. U availiemployédaaeaijart
Kers pour foeûsr la montagiae; «vee le mène boft asM* U
donna ordee aux siens de mettre piad à tetre pour ean^
battre les Aoglnn qui veaaienl à ohe^aL Lae résfetaAM d#
Jean fut aussi funeste au royaume quei la reirato de seafila.
Ses oonffàns de rerdr&del'ËÉeile fiirwit» eonun^luî, âdih
les à leur veut; ils nel^uiàrentpaa. n El aecombattoientpar
taroupeaux eftparoompagnie, aimé que ila se trouvoîent efc
reoaraîUment : ». Mais^ln muHitud» teyaît vers Poitieri ^
fenom saaporles :. • Amift yjeut4Lsttrla chauasâs et devant
k pone^at grand^hnrriUetÀde geMoeoire, navrer et aha^
tre, que m#rveilkisfiraikè papam^) sa iMdoiaat ks Vnaa^
de ai loin qu'ila pauaroîmb v^ir un An^ilnis. »-
Cepandiait le «àanp de bataille était easere éîspalé :
€ Le roi Jean y fiiisoit de sa nwa merveilles d'armes, el
tenoit la hache, dont trop bien se défendoit et combattoit^»*
à ses celés, aû»pliin jeune Ûs, qui mérita le sumam de
• App., 103.
236 JEAN.
Hardi, guidait son courage aveugle , lui criant à chaque
nouvel assaut : Père, gardez-vous à droite, gardez-vous à
gauche. Mais le nombre des assaillants redoublait , tous
accouraient à cette riche proie : « Tant y survinrent Anglois
et Gascons de toutes parts, que par force ils ouvrirent et
rompirent la presse de la bataille du roi de France et furent
les François si entortillés entre leurs ennemis qu'il y avoit
bien cinq hommes d* armes sur un gentilhomme. » C'était
autour du roi qu'on se pressait, « pour la convoitise de
le prendre; et lui crioient ceux qui le connoissoient et
qui le plus près de lui étoient : < Rendez-vous, rendez-
vous, autrement vous êtes mort. Là avoit un chevalier de
la nation de Saint-Omer qu'on appeloit Denys de Morbec-
que. Si se avance en la presse, et à la force des bras et du
corps, car il étoit grand*et fort, et dit au roi, en bon fran-
çois où le roi s'arrêta plus que aux autres : c Sire^sire, ren-
dez-vous. » Le roi qui se vit en un dur parti... et aussi que
la défense ne lui valoit rien, demanda en regardant le che-
valier : « A qui me rendrai-je ? à qui ? Où est mon cousin
le prince de Galles ? Si je le véois , je parlerois. » — Sire,
répondit messire Denys, il n'est pas ci, mais rendez-vous à
moi, je vous mènerai devant loi. » — « Qui êtes vous? >
« dit le roi. — « Sire, je suis Denys de Morbecque,un che^
valier d'Artois, mais je sers le roi d'Angleterre, pour ce
que je ne puis au royaume de France demeurer, et que je
y ai forfait tout le mien. » — Adoneques, répondit le roi
de France : < Et je me rends à vous. » Et lui bailla son dés-
ire gand. Le chevalier le prit qui en eut grand' joie. Là eut
grand'presse et grand tireis entour le Roi : car chacuns
s'elforçoit de dire : « Je l'ai pris, je l'ai pris. » Et pie pou-
voit le Roi aller avant, ni messire Philippe son maisné
(jeune) fils ^ »
Le prince de Galles fit honneur à cette fortune inouïe qui
' FroissATt.
BATAILLE DE POITIERS. S37
lui avait mis entre les mains un tel gage. Il se garda bien
de ne pas traiter son captif en roi, ce fut pour lui le vrai
roi de France, et non Jean de ViiloiSj comme les Anglais
l'appelaient jusqu'alors. Il lui importait trop qu'il fût roi en
efiet, pour que le royaume parût pris lui-même en son roi,
et se ruinât pour le racheter. Il servit Jean à table après la
bataille. Quand il fit son entrée à Londres, il le mit sur un
grand cheval blanc (signe de suzeraineté), tandis qu'il le
suivait lui-même sur une petite haquenée noire.
Les Anglais ne furent pas moins courtois pour les autres
prisonniers. Ils en avaient deux fois plus qu'ils n'étaient
d'hommes pour les garder. Ils les renvoyèrent pour la plu-
part sur parole, leur faisant promettre de venir payer aux
fêtes de Noël les rançons énormes auxquelles ils les taxaient.
Ceux-ci étaient trop bons chevaliers pour y manquer. Dans
cette guerre entre gentilshommes, le pis qui pût arriver au
vaincu était d'aller prendre sa part des fêtes des vainqueurs,
d'aller chasser, jouter en Angleterre, de jouir bonnement
de rinsoleijite courtoisie des Anglais ^, noble guerre , sans
doute, qui n'écrasait que le vilain.
L'effroi fut grand à Paris, quand les fuyards de Poitiers,
le dauphin en tête, vinrent dire qu'il n'y avait plus ni roi,
ni barons en France, que tout était tué ou pris. Les An-
glais, un instant éloignés pour mettre en sûreté leur cap-
ture, allaient sans doute revenir. On devait s'attendre cette
fois à ce qu'ils prissent non pas Calais, mais Paris et le «
royaume même.
« Afp., 104.
CHAPITRÉ ÎIÏ
Suite. ^ Ëuts généraux. — Pari^. — Jàcqneive. Peste. 1356-1301.
D n'y avait pas à espérer grand'chose du dauphin, ni de
ses frères. Le prince était faible, pâle, cbétif ; il n'avait que
dix^neuf ans. On ne le connaissait que pour avoir invité
les ainis du roi de Navarre au funeste dîner de Rouen, et
donné à la bataille le signal du sauve-qui-f>eut.
Mais la ville n'avait pas besoin du dauphin. Elle se mit
d'elle-même en défense. Le prévôt des marchands, Etienne
Marcel, mit ordre à tout. D*abord, pour prévenir les sur-
prises de nuit, on forgea et Ton tondit des dialnes. Puis on
exhaussa les murs de parapets \ on y mit des balistes et
autres machines, avec ce qu'on avait de canons. Mais le»
vieux murs de Philippe^-Auguste necoalenaient plus Paris;
il«vait débordé de toutes parts. On éleva d'autres mu*
railles qui eouvraient l'université, et qui de l'autre ciHé,
allaient de l'Àve-Maria à la porte Saint Denis, et de là au
Louvre. L'ile même fut foilifiée. On y fixa sur les remparts
sept cent cinquante guérites. Tout cet immense travail fut
terminé en quatre ans t.
Je ne puis faire comprendre la révolution qui va suivre,
et le rôle que Paris y joua, sans dire ce que c'est que Paris.
Paris a pour armes un vaisseau. Primitivement, il est
* App., 195.
PARIS. — JACQUERIE. 239
Itri-méme tin vsûsseau, une île qtri nage entre là Seine et
Ift Marne, déjà réunies, mais non confondues^.
An sud la ville savante, aa nord ta ville coîftmérçante *.
Au centre de la 6ité, la cathédrale, le palais, l'autorité.
Cette belle harmonie d'une cité flottant entre deux villes
dWnrses, qui l'enserrent girabieusemefit, ^ufAratt pour faire
de Paris la ville unique, la plus belle qui fut jamais, lome,
Londres, n'ont rien de tel*; elles sont jetées sur un seul
côté de tientr lleme^. La forme de Paris est non-seulement
belle, mais vtafment organique. L*individaalitè primitive
est dans la Cîlé, à quoi sont venues se rattacher les deux
ttuïversalités tl« la science et du commerce, le tout consti-
tuant la vraie capitale de la sociabilité humaine.
L'autorité, la Cité, c'était 111e. Mais sur les deux rives,
deux asiles s'ouvraient à l'indépendance. L'Université avait
sa jurïdiotion ]^aur leâ écotien», le Temple là sienne pour
les arttsans ♦.
Lorsque Guillaume de tlhatnpeaux, battu par Âbaîlard
«U5t écoles dé N<Atig4)ame, alla se réfugier à Tabbaye de
Saint- Victor, l'invincible aTgumentateur l'y poursuivit et
Mmpa à Sainte-Geneviève. Cette guerre, cette secessîo sur
tm autre Aventin, Alt la fondation des écoles de la mon-
tagne. Abaflard, dont la parole suffisait pour <^réer une
tille au désert, fat ainsi Yxm des fondateur^ de notre Paris
tttéfidional. La ville élastique naquit de la dispute.
Au couchant, elle ne pouvait s*étendre. Elle heurtait
l'immuable muraille de Saint-Germain des-Pfés. La vieille
ftbbaye qui avait vu la TiUe tente petite, (p l'avait d'abord
* A rtl^ Lcuatiers, on distingue soarent les deux rivières à la toulenr
é9 letifs <e*ttit.
* De ce tMf éèt té tempe de Charles le CÉeave^ dms tmTon la
foire du Landît, entre Saint-Denis et La Chapelle*
* Elles n'ont de Tantre côté qn'nn faubourg.
« Cinq siéMes après (a ehnte ées tcmp'iers, l'enelos da Temple, bien
rédoit, il est vrai, proti'geaii encore les petits commerçants contre les
règlements des corporations.
^
9iO SEIT£. tTATS CtNÎRADS.
aidée î grandir, en était entourée, assiégée. Hais elle ré-
sistait. Cette ville, née de la Seine, s'étendait du moins
sur l'autre rive. Elle y mit ses halles, ses boucheries, son
cimetière des Innocents. Mais une fois bornée de ce câté
entre le Louvre < et le Temple, elle enfla, ne pouvant
allonger, et prit ce ventre qui va du ChàteLet à la porte
Saint-Denis*.
Les juridictions ecclésiastiques, Notre-Dame, Saint-Ger-
main, trouvèrent de rudes adversaires dans nos rois. On
sait que la reine Blanche força elle-même les prisons des
chanoines pour en tirer leurs débiteurs. Le premier prévôt
royal (1032), un Etienne, avait aussi voulu forcer Saint-
Germain, mais pour y prendre, dans un besoin du roi, la
riche croix de Childebert. Ces prévdts n'étaient guère, ce
semble, dévots qu'au roi. Un autre Etienne (Etienne B(h-
leau) obtint le consentement de Raint Louis pour pendre un
voleur le vendredi saint. Le prévôt de Charles V fut persé-
cuté par le clergé, comme ahii des Juifs.
L'Université était souvent en guerre avec Notre-Dame et
Saint-Germain-des-Prés. Le roi la soutenait, H donnait
presque toujours raison aux écoliers contre les bourgeois,
contre son prévôt même. Le prévôt faisait ordinairement
amende honorable pour avoir ^it justice. Le roi avait
besoin de l'Université : il s'appuyait volontiers sur cette
grande force, sans se douter qu'elle pouvait tourner contre
lui. Philippe le Bel appela au Temple les maîtres de l'Uni-
versité pour leur faire lire l'accusation contre les Templiers.
Philippe le Long, pour appuyer sa royauté contestée, les
fit assister au serment qu'ilexigeaitde la noblesse, et obtint
leur approbation. La fille des rois semble ici se porter pour
juge des rois. Philippe de Valois la fait juge du pape. Le
pape, qui si longtemps a soutenu l'Université contre
' • Lupartni prope Ptriïios. t Pbilippa-AoguaM en «cheva la cob^
triiclion *LTs lîOl.
» App., !«,
PifilS. — JACQUERIE. 841
révéque de Paris, est menacé par elle de condanmatioa K
Tout à Theure, Forgueil de l'Université sera porté au
comble par le schisme ; nous la verr<His choisir ^tre les
papes, gouverner Paris, régenter le roi.
L'Université seule était un peuple. Lorsque le recteur, à
la tète des facultés, des nations^ conduisait l'Université à la
foire du Landit, entre Saint -Denis et la Chapelle, lorsqu'il
allait avec les quatre parchemins de l'Université juger des*
potiquement les parchemins de la banlieue, les bourgeois
remarquaient avec orgueil que le recteur était arrivé à la
plaine Saint-Denis lorsque la queue de la processi<« était
anx Mathurins-Saint-Jacques.
Mais le Paris du Nord était encore plus peuplé. On peut
en juger par deux grandes revues qui se firent au xiv* siècle.
L'Université, composée de prêtres, d'écoliers, d'étrangers,
n*y figurait pas. Dans la première revue (4343), ordonnée
par Philippe le Bel pour faire honneur à son gendre, le roi
d'Angleterre, on estima qu'il y avait vingt mille chevaux
et trente mille fantassins. Les Anglais étaient stupéfaits. En
4383, les Parisiens, pour recevoir Charles VI, qui reve-
nait de Flandre, sortirent du côté de Montmartre et se
rangèrent en bataille. Il y avait plusieurs corps d'armée,
un d'arbalétriers, un de paveschiens (portant des bou-
cliers), un autre armé de nîaiUets, qui à lui seul comptait
vingt mille hommes.
Cette population n'était pas seulement très-nombreuse,
mais très*intelligent6« et bien asKdeasus de la France
^ d'alors. Sans parier du coi^aet de cette grande Université.
le commerce, la banque, les lombards, devaient y importer
des idées. Le Pariement, oii se portaient les appels de
toutes les justices de France, attirait à Paris un monde de
plaideurs. La chambre des Comptes, ce grand tribunal de
finances, Y empire dg Galilée, comme on l'appelait, ne pou-
* Ravn., Annal. Eccles., ann. 1331.
lu. 15
til SUm. ÉTATS -6£NjnUÙX.
viftft iiwwftfêr'é^i^rttr b^Mcoup de gens, à cette -^leqoe
fiscale. 'Les boofgeois remplistoieBt- les plus grandes
ebafges. Baiiïêt, ^maître de la monnaie -sous Philippe le
Bel, Poilvilain, trésorier du roi Jean, étaient des boui^eois
de'Pafift. Le 'toi- faisait «montre de sa confianee pour la
bonne Tille. Ifalgré-laféToltedas nioimaies'en<4806, illeâ
avait appelés tni-onénie è son jardin 'roj«t, kns'de l^Ssîre
des Templiers^.
Le chef naturel de ee grand -peufdeiéÉait, tum le prérél
royal, magistrat de police, presiiiie toujours inopopakireii
mi^ le pré?M des maroluinds *, président naturel des
échevins de Paris. Dans l'abandon où'le royaume se trour
vait après la bataille deFaitiêrs, Paris ptrit i'iuitiiithpe, et
dans Paris le prévôt des. marchands.
Led états du nord' de ]a*Franc6,*a8S8mldé»le>i7^Mtobrer
un mois après la bataille, réunirentvquâtreeeÉlsdépuCis
tles bonnes villes, età leur tète 'Ëtiennejlfcreel,«prévtAt des
marchands. Les seigneftis,'la plupart ^ptiseoiniefSf n*y tin-
rent g«^ Xjae par proooreoriB. fl -en dîît <d6 «mtee dis
évéqués. Toute rinfluenoe^M aoK 'députés* dés "rilles^at
surtout à eeux de Paris. Sans ItevdonBanGe ^ie -4357, ré-
sultat mémorable de ces états^ an Isenti hi' wèrve véRM^itioo-
~naire '9t en 'même ^temps le génie - adaamistaÉîf 4e 'k
gnmdeHcommune. OnnepeotiexpMqiiepqu'ahsiia netteté,
l'unité des vues qui caractérisent cet a0le.fLaiBiiyuiem'éèt
riéu feitssais Paris.
^s états, assmifeiéa ^dtabOrd *att tBatlontant, ^ptûsMa
•G6r^iers,D0tiiffièrent«nisMBlé de dnM|uaBÉe.4>eB8otaek
'poerr piwtidre eonnatesgoeetdeJttsitparidiBHtt^fayBun». Ibr
voulufont «'enisofesafoirsplOB tffwHs^œileigraaditréBbr
qtt^(m'«ik>ft4evé^«li<r<iy«nttte du4eff|)sfpa88é,^0lisdiiBènMi,
en TOêMélès,tan2sobsiÀs,'«t ièn i{bBgësafehaaftn0iea,«efclen
I Allusion à la rne de Galilée, près dû Uqaelle siëgetit la coor.
> Chef de la marchandite ds rsati, dont le privilège exdnaif rcmoatiit
41191
'PARIS. — JACOums. 2i>a
tonte auffe- extorsion ; dont leurs- gens^aToiant été fonne-
nés et taboulés; èi'tes96ÙU0yCMinialif«yésvtet lecoyaune
mal gaMé t^tàètMitx;Wfh\d€^imfmÊm^4e<»rnB,wfiQài
nul à rendre (sxmïpté M »
'Tout ee'^'dn ^m^ l(f<M qtfHby <miitiiBii^pi6di0riilé
monstrueuse, ' 'malterrtifion, oomiMAon. Lefi«oi,i aui.plAs
fort dé la détresse' prtlffhttie/lifaie>dMittéiJdiR|«aii^
écus à un ^eUrde*Beâriefa^Uiers.'41es><tfSmers(voyaiix,.fiiÉs
un n'avait les maittS'tfett^s. * Les 609Minteafiw.teent avroir
au dauphin 'que/dansIfl'-^éanee'pbMiqttef éb^ui'daoMnde-
raient de pûorsuWre ses- dfftetets, fie '^liMrav> le]<roi.ïde
Navarre, et' de permettre que treme^s^dépoMadts étala,
douze de cbaqueoifdre; Taidii^âNMit à gouvemel'tovoyaame.
Le dauphin, qui n'était pas roi, ne pouvait guèfOMMre
ainsi le royaume entré les^ tnAkls' d«s «tils. JL^aîoatila la
séance, ^us prétexte' de lettres iqti41'iurttit^'Mçoe8.dii* toi
et de' l'eitipëi^ur.' Pins ilintila' les'dépiiléaHè.veloiiaBer
chez eux poarprerfdré fatfa'de» hwa/UimiiiiqaSl'ikMwiil-
teraît au^t^onr père"*.
Les ét&ts 'du^Mtdî, 'MsembMs- tf<fMiDit, letan ftèBtàa
'danger, se montt*èrent pltur doélteswItoMMèMiitalaVatgaiit
et des troupes/ Site éterts'iïro^ciMx/ oMvoAVbuirargoe,
par e<^mt)le,*acc6Mftfftftt acnsif tntttê tonjdanieiiisatfAttf-
Tànt'rddfttfniMrMiflvrVde W(^9srmimAB»ÊKA)iL0i&m}lpltin
'éuit pendant cevtemps ht^Wn»^^wfi99nmtf soiir.iMMie,.
' rempereur Chï^nes*-'?! ;» «rtlle()da«(rtitai) 4vi«e':eoBpeisêar,
qut ne pt^uvisiéhli iriën» raniipOtt^^Mr&eOauaoaxeMi/da
reine mère'Vj^ity'WMitr à<4M)woilMiik»tson)tp6titr daot^de
'Bourgogne', qtfëlte a««M<Mi<P«impi»iafe0Kt,.Wiac4at)^
' Margu^rlte'dé Rttidtie'/ Gé IWj^'tèÙMai^miÊ^ Kayantige
' Fruissart.
* Kd fes reny6yOTt âS'tfet ^IW K'ymHatta/ if'dlMQ^Mfraat^tfMirviir
les dissentifrito'HU11Mi^isT)Vi!t4«ritHtot 0^ét«m*^MIré* «M'iiUéféU' »i di-
rtn, sur ia jatoa^ie des noblci ' t'oatll ien ilfe^'<Ée>^i<lca «Mffi%4^nis».
dont l'iofluence avait décidé la dernière réYOlnlion.
f
244 SUITE. ÉTATS GÉiâiunx.
lointain de rattacher la Flandre à la France. Que devenait
Paris, ainsi abandonné, sans roi, ni reine, ni dauphin ? U
voyait arriver par toutes ses portes les paysans avec leurs
familles et leurs, petits bagages; puis, par longues files
lugubres, les moines, les religieuses des environs. Tous ces
fugitife racontaient des choses effroyables de ce qui se pas-
sait dans les campagnes. Les seigneurs, les prisonniers de
Poitiers, relâchés sur parole, revenaient sur leurs terres
pour ramasser vitement leurs rançons, et ruinaient le
paysan. Par-dessus, arrivaient les soldats licenciés, pillant,
violant, tuant. Us torturaient celui qui n'avait plus rien
pour le forcer à donner encore i. C'était dans toute la cam-
pagne une terreur, comme celle des chauffeurs de la Ré-
volution.
Les états étant de nouveau i^éunis le 5 février 4357,
Marcel et Robert le Coq, évéque de Laon, leur présentè-
rent le cahier des doléances, et obtinrent que chaque dé-
puté le comnauniquerait à sa province. Cette communica-
tion, très-rapide pour ce temps-là et surtout en cette
saison, se fit en un mois. Le 3 mars, le. dauphin reçut les
doléances. Elles lui furent présentées par Robert le Coq,
ancien avocat de Paris, qui avait été successivement con-
seiller de Philippe de Valois, président du Parlement, et
qui, s'étant fait évéque-duc de Laon, avait acquis l'indé-
pendance des grands dignitaires de l'Ëglise. Le Coq, tout
à la fois homme du roi, homme des communes, allait des
uns aux autres, et conseillait les deux partis. On le com-
parait à la besagué du charpentier (bis-acuta), qui taiUe da
deux bouu *. Après qu'il eut parlé, le sire de Péquigny
pour les nobles, un avocat de B&ville pour les communes,
I • Une aoire oompagoie roboît tout le pays entre Seine et Loire, par-
•quoi noi n'osoit aller de Pari* à Vendôme, à Orléans, à Montargis; ni nol
<i*osoit y demeurer, ainsi éioteni tons les gens da plat pays affais i Paris
«B à Orléans. • Froissart. — Àfp,, 197.
■ Àpp,, iOS.
PARIS. — JACQUERIB. 945
Marcel pour les bourgeois de Paris, déclarèrent qu'ils
Favouaient de tout ce qu'il venait de dire.
Cette remontrance des états ^ était tout à la fois une ha«
rangue et un sermon. On conseillait d'abord au dauphin
de craindre Dieu, de l'honorer ainsi que ses ministres, de
garder ses commandements. Il devait éloigner les mauvais
de lui, ne rien ordonner par Us jeunes^ simples et ignorants.
n ne pouvait douter, lui disait-on, que les états n'expri-
massent la pensée du royaume, puisque les députés étaient
près de huit cents et qu'ils avaient consulté leurs provin-
ces. Quant à ce qu'on lui avait dit que les députés son-
geaient à faire tuer ses conseillers, c'était, ils le lui assu-
raient, un mensonge, une calomnie.
Ils exigeaient que dans l'intervalle des assemblées il
gouvernât avec l'assistance de trente-six élus des états,
douze de chaque ordre. D'autres élus devaient être en-
voyés dans les provinces avec des pouvoirs presque illimi-
tés. Ils pouvaient punir sans forme de procès, emprunter
et contraindre, instituer, salarier, châtier les agents royaux,
assembler des états provinciaux, etc.
Les états accordaient de quoi payer trente mille hommes
d'armes. Mais ils faisaient promettre au dauphin que l'aide
ne seroit levée ni employée par ses gens^ mais par bonnes
genssages^ loyaux et solvables^ ordonnés par les trois étals K
Une nouvelle monnaie devait être faite, mais conforme à
finstr action et aux patrons qui sont entre les mains dU pré*
vôt des marchands de Paris. Nul changement dans les mon-
naies sans le consentement des états.
Nulle trêve, nulle convocation d'arrière-ban sans leur
autorisation.
Tout homme en France sera obligé de s'armer.
Les nobles ne pourront quitter le royaume sous aucun
« App.. IM.
* L'aide n'est accordée que pour ud an. Les états, convoqués ou non,
iTasscmbleront à la Quasimodo.
SMe SUITE. ÉTAl^^G^N^ftillX,
prétexte. Us suapendDoiH) touta guene privée.; . « Que si
«ucun fait le contriiire, la ju&tice du .lieu, ouis'il est be-
soixk, çu bontM ^(im.àu pays^prei}n9nLleU.gu£t^iers...ei
las /îontitaigiient wirs.délai par.r^tciapede corp^ et axploi-
tom^ntda leurs biens^ à faice pm%et,à cesaar.de guer-r
r^yer. » Voila, les ndUea. soumis à J9..sui:vemanc^ des
comiiiuiies..
Le droit de prise cease« .Qn^pottigra résister em. procu-r«
renrs, et s'assembler carUrs ^luc^r firi,t(^ car son de clocke. .
Plus de dou suc le.doomn^t Iiiu(>doa.testpv révoqué, en.
remontant jusqu'à Ptiilippe Joi^^i -^Le^dauphiii promet .
de faire cesser, autour 'de lui toute ^épaoaa superflue et
voluptuaire. — Il fera jurer:à tQua^se&.of&oiersde. ne. lui.,
riendemander qu!ea préseooQ duigiiaadxxmseil^
Qiacuase contentera d!ua office. — Le. nombre des.
gens de juatipe^sera réduit, — Les prévôtés, vicomtes^ ne .
seront plus données à ferme. — Les prévôts, ete-t W ppui^-
ront être placés dans les p(^ oii ils sont nés.
Plus de jugement panicommission. -«^Les criminels ne
pourront composer, « mais il sera fait pleine justice. »
Quoique Tun.des principaux rédacteurs de Tordon*
nanoei, Lfi Coq,: soit .ung^voi^tv un;présidenti du Parlement,
les magistrats y sont traités sévèrement, QnJeur défend-
de faire le commerce ; on. leur interdit lescoalitions, les
empiétomeatSiSur l^ons jucidictipus ^ re^p^tives.. On leur.
reproche leur pan^sse^ On. réduit lems ^aWâS en certains.
CBS. Les réformes sont justes > maisvi^ lang^g^ e^t rude, le.
ton aigre et hostile. Il est évident que leParlement.se re*
fusait à.soulenir les iétats et la commune.
Les présidents, ou autres membres du Parlement, com-
mis aux enquétasir ne. prendront qitfii qi^arante sols par
jour; « Plusieurs onliaocQUStumé de prendr^^ .salaire tr0p
excessif, et d'aller à quatre ou cinq chevaux , quoique s'ils
Alloient à leui^ dépens, il leur suffiroit bien d'aHer à deux
chevaux ou à trois. »
sont accusés de négligence. Des arrit^^qi^^d^mùiffU^amr^
éUr$ndus^Uyai>ingpanèj.sorH\efmnàreHdrûkM^ gqh-
soiUfir» Tîdime&t tard^Iomi^ dtneva aoufrloogPt lam^ agrès?.
« jureront awK smatfr évangiles de Oieu^^ qi}a^bie9»etlûi]2jal^
nent ils délitr^imt. laibono^gouli et.; par or4re> Jioftf eu^Or
/air» muêevt »-lM9,gr8iid>QpAoU%.le^PaAleoMdH> .1» obafnbre
di» Comptaf , . (toiveat'. a'asaa^)bleJ^ a«f soleUi ImkfMt. ^
HKmhre&dvjgnuHl 00QS«iLqmiM wwdrjWhpa^i^irflHk*
âiit pardroiH» l^ gag0^ deUu jmivi.é^ ^ (^Oàombiw».
nalgré Iwi^ bmto^ po$itim» sM4i.c^QimA)QP iKHK.UwMai
Moa façon* par lea.bouiigeois l^ia)atott«&< .
CeUagiraiide anioaimaca da;, laoT^.qiie le d(|uplw«fat^
obligé de signer, était bien pliis qu'uAi»^ ^aforiO^Qf . EUa*
changeait d'un ciHip< le^ gou^^ernaioeiit.. I^e a»attaifc.. Ua^-
miQi8lrationaQtr0{laa'maîii»d^9iétata> siiJMUuait 1% i^pur.
btiqueià k^ noaaiysbîab BUa ddnnrà te^gpimwQeip^t an
pevi^ Cmatitiiar ub. nouveau gouv^rn^is^t- au;XQiUeu,
4!iine teUa-guefra, o'éiaift une opératiim sÂagjiilidnamaQh
pétttlleusa, comme^ oaUe-d'una wrméequi ramiarsttraÂ^. asHV
otdra de bataille m poésemie dei k'eMeoûw Hi y^avMt* ài'
cmudre^que lar Fjraaoeiifripéidt dao^ «ûmvinsipaBl-
Vondannance détmiaait. l^alma. Maia. 1». rt^uté of^
nyab.gn£uQe qna d'abua^»
Dans la réalité, la France existait-elle conime penMM»
polUîqucr^IMNiimtiHDuJttLauppai^rïunfiitûton^
£e qfaloKk peuti affimaaiu Q'^atcqHei rautoril^hé appemiar^
aait touli entière dans la< reyauté. Ella n^dQubwtail» que*
des réformes pantialles. L'oi^ncMBce approuva, daa étal»
n'éuit, selon louto vmiaenublance, que Tûsuvre d*uQe»cûain
Biune, d'une granddel iaieUigenla coamiuna^ qui pariakt
* Ceci n'excQse point la royauté, maïs rincrimine êM eoDtraire de
D'avoir voula qae les perpétuer. (16ÔQ ) App., 200.
SfiiQE sunm Èrxis «ÉNteftfrx.
Le texte (far disoomn^ tiré, arion riœtge^du totops, de^]ft>.
sainte Écriture, prètettam» dév^Q|ipfinu3QtS{ pfttbétiquaa;
Justus Domiimi&.U dUeaaktjuSÊUittf\ vidA mfUiUaUtn. vuUus,
0ft^LQ niîda.Ifrmrr^»s'ad»e68ttDti.aflM0 une îfi8îdieose>
douceur, au dauphin lui-même, le prenait à témoiii des
injnreft qufon luîavail failm. (àaa f»wà biMb lortde se dé-
fier de lui ; n'était^iL pa» BrfUiÇMft de'ptee et de mère t
n'jétait>-il pas^plus: prèa^da' la €ûfasrûùm'qo0. le roi d'An-,
gleterre qui. là néûlaonit tv iL wadniit vimrer ol mourir en*
déièBdanl le»na]wiime>daifiraaaak,. Le^dificours ftiti si long,,
qu'on ovoilisoM^ dânsuB4ir>it quand* Uiçftfn^i.Mdi^^ quoi-,
que le baurgeot»* n'aime pasi à^aa* dmkmftr K 'A nen- fiil«
pas moins favorable au hamogueiir; Ce: fut à qui lui doiH.
narait de rargent.
Se Paris, ilala à Rouen ety exposai ses maiheors.aTOe^
la>méme faoonde h Ilfitd6soenidre>dtt gibet lûscoorp&det
se» amis qêx avaient- été>miaÀ inoet an: ternble dlnen dut
fiotten ^) et'leS'Suività'la'Calbédïaèe'au.son des-otoebesei;
à la lueur des cierges. G^était^le jour dasi Sàints^rlniioGanlSi
(S8 déoembre)^ il parla sur> ce texte: « Des* Inmoenla et^
des justes s'étaient attachés àmoi, parperquejetanais poa»i
vous> ô Seigneur I »
Ëe> dauphin prêchait aussi' à l^rtst lit harangtcait au
halles, Mtircel à Saint-Jacques^'. Mais lëpremier n'amt
pas 1&^ foul^. Le peuple n'aitnaiv pae \h mine «chétive du
jeune prince< Tbut sage et 'seneé^ qu'il ipouvwt être, c'était
u«^froid'harangueur, à cdté dUîroi de Ntmirre.
L'engeuement>de Pïirîs pour cekii^ei' était étrange'^. Que
demandait ce prince si populaire? Qu'on affaiblit encore le
royaume, qu'on mit en ses maîna des provinces entières
i Chroniques de Saint-Denis. — * Comme «fît le cardinal de ReCi
* • Miserias saas expesmt.. . a)«faiuer. • Cùoi* 6. d4 Nangis.
*App„ 203.—* App,, 20i
* • ymnibas amabilis et dileclus^ » dit le second :ontinii«t«ar- éê
Ofiillaumj de Naogic
PAIUS. — JACOU£RIE. SSI*
les provîQces les plus vitales de U raomrolttev toiite. la
Champagne et une paviie de la Normandie^ la frontière'
anglaise, le LiOioiiBia^ une foule de places et de forteresses.
Mettre ea des nains si suspectes aes laeilleiires |iffDvi«S6s«
c'eût été perdm^d'uiK trait sde pkune aataaiqiifoft avait,
perdu par la bataiUe de Poitiers.
Les booigeoJsde Paris s'imaginaient qneisî'da rai de Nft?
varre étAit«atia{aUy il allait les déliivrar deflËhanéeade'tbri-*-
gands qui affiuAaieat, la vilte et quâsadiaaieBtiNaaanraîs.
Au fond, ib A'^aientnt au roi de NaTsrre^ nié persana*.
11 eût voulu rappeler taus ces pillards qu'il ne Taurait pu^
Cependant les bourgeois, le prévôt^ VUmversité; enton*'
raient, assiégeaieoÉ Ist dauphin. Ils le somoasiMt de ftiffec
justice à ce pauvreroi de Navarre. Un jaoobi&v pariant an
nom de rUniversité, loi déclara:qa'îlélsîl'arréléqDfrle roi
de Navarre ayaui une fois fait toutes ses dapiaBriksi.ledaa*-^
phin lui rendrait ses forteresses; que sur le reste, la'viHe
et l'Université avisetaient. Un mouie de SàitttfMniB .vint
après le Jacohia : « Voua n'aies pas tout dit;, maître, sfé-
€rla-t-iL Dites enooire que si monseignear le duc on le rot
de JMavafrene se tient à ce qui eat décidé, ttMB.nauadéda-
roos contre luL »
Il n'y avait pas: à dire non. Le daupimi promettait gra-
cieusement. Puis ilfaisaijt répondre par les coaamandanis
et -capitaines qu'ayant reçu leurs places du* roi ils m pou-
vaientdes rendre sur un ordre du dauphin.
Geluwci,. au milieu d'une, ville ennemie, n*€nunt d^autre*
moyen de se procurer quelque argent que par da^nouvelles
altérations des monnaieB (^, 23 janvier, 7 7 février). Les
états, réunis le 4 4^ février, lai firent prendra le titre de r^
gent du royaume, sans doute afin d'autoriser iontoe- qu'ils
ordomi^aient en son nom. Peut«^tre aussi la commission
des treDte«<]uatre, choisie sous rinfiuence>dé-Mareel, maiti^
comjiosée en majorité de nobles et d'ecclésiastiques, voulait-
elle rendre force au dauphin contre les bourgeois de
SS2 SUITE.. ÉTATS GÉNÉRAUX.
Un événement tragique avait porté au comble le mauvais
vouloir de ceux-ci. Un clerc, apprenti d'un changeur,
nommé Perrin Marc, ayant vendu, pour le exempte de son
maître, deux chevaux au dauphin et n'étant pas payé, ar-
rêta dans la rue Neuve-Saint-Merry Jean BaÛlet, trésorier
des finances. Le trésorier refusait de payer, sans doute sous
prétexte du droit de prise. Une dispute s'éleva. Perrin tua
Baillet, et se jeta à quartier dans Saint -Jacques-la>Bou'
chérie. Les gens du dauphin, Robert de Glermont, maré-
chal de Normandie, Jean de Châlons et Guillaume Staise,
prévôt de Paris, s'y rendirent, forcèrent l'asile, traînèrent
Perrip au Chàtelet, lui coupèrent les poings et le firent
pendre. L'évéque se plaignit bien haut de cette violation
des immunités ecclésiastiques, il obtint le corps de Perrin
et l'enterra honnêtement à Saint-M erry. Marcel assista au
service tandis que le dauphin suivait l'enterrement de
Baillet.
Une collision était imminente. Marcel, pour encourager
les bourgeois par la vue de leur nombre, leur fit porter des
chaperons bleus et rouges, aux couleurs de la ville ^. Il
écrivit aux bonnes villes pour les prier de prendre ces
chaperons. Amiens et Laon n'y manquèrent pas. Peu
d'autres villes consentirent à en faire autant.
Cependant la désolation des campagnes amenait, entas-
sait dans Paris tout un peuple de paysans. Les vivres deve-
naient rares et chers. Les bourgeois qui avaient beaucoup
de petits biens dans l'île de France, et qui en tiraient miQe
.douceurs, œufs, beurre, fromages, volailles, ne recevaient
plus rien* Ils trouvaient cela bien dur*. Le 22 février, le
dauphin rendit une nouvelle ordonnance pour altérer en-
core les monnaies. *
Le lendemain , le prévêt des marchands assembla en
armes à Saint-Ëloi tous les corps de métiers. À neuf heu-
PARIS. — JACQinmii. 253
Tes, celte foule année reconnut dans la rue un des conseil*
1ers du dauphin, avocat au Parlement, maître Régoault
Dacyi, qui revenait du Palais chez lui, près Saint-*Landry.
^ Ils se mirant à courir sur lui ; il se jeta dans la maison
d'un pâtissier, et y fut frappé à mort; il n'eut pas le temps
de pousser un cri. Cependant le prévôt, suivi d'une foule
de bonnets rouges et bleus, entra dans ThAtel du dauphin,
monta jusqu'à sa chambre, et lui dit aigrement qu'il de-
Trait mettre ordre aux affiiires du royaume; que ce
royaume devant après tout lui revenir, c'était à lui à le
garder des compagnies qui gâtaient tout le pays. Le dau*
phin, qui était entre ses conseillers ordinaires les maré-
chaux de Champagne et de Normandie, répondit avec
plus de hardiesse que de coutume : « Je le ferais volon-
tiers, si j*avais de quoi le faire ; mais c'est à celui qui a les
droits et profits à avoir aussi la garde du royaume^. » D y
eut encore quelques paroles aigres, et le prévôt éclata :
« Monseigneur, dit^il au dauphin, ne vous étonnez de rien
de ce que vous allez voir; il faut qu'il en soit ainsi. » Puis,
se tournant vers les hommes aux capuces rouges, il Jeur
dit : c Faites- vite ce pourquoi vous êtes venu*. > A l'ins-
tant, ils se jetèrent sur le maréchal de Champagne et le
tuèrent près du lit du dauphin. Le maréchal de Normandie
s'était retiré dans un cabinet; il l'y poursuivirent et le
tuèrent aussi. Le dauphin se croyait perdu ; le sang avait
rejailli jusque sur sa- robe. Tous ses officiers avaient fui.
« SauvezHBoi la vie, » dit-il au prévét. Marcel lui dit de
ne rien craindre. Il changea de chaperon avec lui, le cou-
vrant ainsi des couleurs de la ville. Toute la journée, Mar-
cel porta hardiment le chaperon du dauphin. Le peuple
Tattradait à la Grève. Il le harangua d'une. fenêtre, dit
que ceux qui avaient été tués étaient des traîtres, et de-
manda au peuple s'il le soutiendrait. Plusieurs crièrent
« Froistart. — ' • Eia bre?iter facita hoc piopler qood hie venisUs. •
GoDt. G. de Nangis.
SS4 SOŒ, ÈSktS-GtHÈBMJX.
q&'ûs r«niwieat de tout, tttsedévoiiaîeat'à kû àla vie et
è la mort.
MaroehretDBtaa au. palais «viac une Ibttle de gens armés
qu'il laiita<dMÉB la oour. H trouva le daa|ilttikpl^n de sai-
aiBsem&ttl<^ti4e doialear. » « 'Ne tous affligez pas, monsei-
gDtur/tai^éitdeiprévét' Ge»4|mi s'est isîtf s'est fait pour
éVtter le .plUs^grandi péril, :eiida ia tioionltf éupêupU^. » Et
S le pritfit deiout approuver.
Il fallait que le dâupkia< epprouvàt^ ne peuvaiit mieux.
Il lui faUut encore faire bonne^mine au.roi de Navarre, qui
rentra quatre Jours après. Hareel et Le Coq les -avaient
réconciliés, bon gré asal gré, > et les fiûsaieoat . dinar en-
semble tous les jours.
Ge retour du roi de Navorrev quatre jours après 4e meur-
tre dssoonseillerS'du.daaphin. de donnait que tropdai-
. rainent'le sens de cette4;ra^fédîe: lipouvait rentrer; Marcel
lui avait fait pince 111»^ par 4a «mort de ses ennemis. Il lui
avait donné «n terrible gaf^iqoi'le liait à loi pour jamais.
itétaitémientMiue tout élaitifini^entreillafoel et le dan-
iphin. Ge:oinne««avatt« été (probablement imposé au tpiévôt
par Chartae^ie ]kfaiURraiB,.-quinii'était pas neuf^aux assas-
sinata^^iiteeeUs^étaM donné aîosi,ile noi de Nav»re avait
'«lésomutis ^^ôir^ceiqin^il eorfefait,' ieta'ilavaii pkis d'avan-
tage A^ yakier mvk le 'vendre.
llfatwlîdr09ihî«v0ii^\g8Bné46rmidelNa«anPOy^o^ perdit
les étatsjXl'eit^^te qM>la légslité,'.violéeuparain crime,
le'déittiswpcmr'iotfjoars.' Ce-qui refait ^dea^députés de 4a
uOEbta^seMquIlita Paris, •JsnnsuiMeadflS) la cMtvre. riBtosiettrs
méme!é0Sf'«ooinMissairesideS'élÉts,inlNU9éSiéu?9o^
ment dtfosilîimoKalle due DWiiÉfns,»aieivoulnf eitt ffaa^goo-
vemer, 'AitabÉsièiQatcMBBtel. IiuL,raÉoa ser déooumger,'ii
* les 'remplaçai par 4liS''iMUisg8DîstiddJteà»9.i1b^ elHr-
le goum»flert»'Bi«nne*4inkla"irranceaœ naubttpas^.
• App , 807. — » App,, SOd — * App. 109.
^f;»44e8nHe/qu 8l«it si vnoRNDtirâ paie ett-délivrant
te foi de Nanvre, fol ht prëmîèfe à refuser d'^mnoyerde
Fai^geM à Fam. «Les •éuts-de Charapagne s'asaomblèreiit,
«I Ihnrcel ne 'fol *]» aasesifort poor enipèchar le dauphin
d'y aller. Dès lors,»il defint4)értr tôt ouiard. Le pouvoir
royal n'aimlt tMaoîn qse d^oM prisa, poor ressaisir tout.
Le dauphin <aUa à4iesatatft,'8cooBipagDé das.geiis de Mar-
cel ; et d'ahonIil'<i^Ma*rfs& dise contre ce*qui s'était paftié
à fnh. IWs lesudfatesde Champagne ne manquaient |>as
de parler. Le osoite^de Bratne^lui deiaaanda n les mare*
cbattK de Qfaanlpagne et de NornHmdie avaieitt mérité la
mort. Le dauphin nr^ndit qu'ils ravaient^toujours et bien
JoyakniflDlsservi. Méîne scène àCompiègne, aux étals de
Vennandais^. Le dauphin, tout àiaii rassaré, «prit attr lui
de tranttrer à4knftpiègne>fesélats de la Langue d'oU, qui
'élaieiit'eoinrlHpiéa pour rie '1^^ ■ mai 'à 'Paris. JPeude meade
7'viitt. C'éCëb leulêfoislme Tefuréseatatkm iteUe' qissttedu
«oyauaie contie l^aria.
Le&étatsqnèndifeni^liomniagetaiiKTOfannaS'd^ la^fpMnde
«domanae/en'lds 'adoptskit^pdur laiphipa«t.:L'aide qu'ils
'^otèfcnt deidt >éM peiçiie par des chspulâs des états.
Cette 'Bflbetatioii deipajMaFikèeSniyatMaroel.^Il engagea
-Mlaiçanltélàiimpkfrer^poa^ la ^viilela démemce du dan-
fln. tfdlB îliiy»vak/f>lu»dlepaiK.poe8iUe. Le prince in-
eHlaitr4>oliri|o'barlsi(thMt dixmt^doiiaetiestpliis'cevpa-
Mes. ili ie Hdmllitîttlèiiife à loiaq ot «k^ «aasnmftiqttïl ' kie
les ferait pas mourir...
diaiPuèl lie «V'Ba9âs.dlfa(SheittpiiiaBptaitaitt)é9ttiurs
de^Pais^aana épargna 'les lhuiiaons< de imoines^npd teo-
elMJeDtiKënceiBle^. 11 s-etnpava^<la 4oUrdudiaÎMn«. SI
' '*ietofs»(i<»MaMe%ea»ifa<si,i«iaaéWSiWstt nwtfafctoJtnUuaaniMma
regarda comme des construetiona des Sarraaîos. Lk, selon les anciennes
chroniquf t, aTait existé aaireibis- on camp appelé AUam-FoIium (rue
HaulêfemUê, rue Piirrê^Samuin). ^ * App., Sii.
256 SOTTE. ÉTATS GÉNÉBàUX.
La noblesse et la commune allaient combattre et se me-
suraient, lorsqu'un tiers se leva auquel personne n'avait
songé. Les souffrances du pajsan avaient passé la mesure;
tous avaient frappé dessus, comme une béte tombée sous
la charge; la béte se releva enragée, et elle mordit.
Nous Tavons déjà dit. Dans cette guerre chevaleresque
que se faisaient à armes courtoises^ les nobles de France
et d'Angleterre, il n'y avût au fond qu^un ennemi, une
victime des maux de la guerre ; c'était le paysan. Avant la
guerre, celui-*ci s'était épuisé pour fournir aux magoî-
ficences des seigneurs, pour payei^ ces belles armes, ces
écussons émaillés, ces riches bannières qui se firent
prendre à Crécy et à Poitiers. Après, qui paya la rançonf
ce fut encore le paysan.
Les prisonniers, relftchés sur parole, vinrent sur leurs
terres, ramasser vitement les sommes monstrueuses qu%
avaient promises sans marchander sur le champ de ba«
taille. Le bien du paysan n'était pas long à inventorier.
Maigres bestiaux, misérables attelages, cbarrue, char-
rette, et quelques ferrailles. De mobUier, il n'y en avait
point. Nulle réserve, sauf un peu de grain pour semer.
Cela pris et vendu, que restait-il sur quoi le seigneur eût
recours? le corps, la peau du pauvre diable. On tâchait
encore d'en tirer quelque chose. Appavenunént, le rustro
avait quelque cachette où il enfouissait. Pour le lui faire
dire, on le travaillait ^dément. On lui chaufiait les pieds.
On n'y plaignait ni le fer ni le feu.
H n'y a plus guère de châteaux ; les édits de Richelieu, la
révolution, y ont pourvu. Toutefois maintenant encore,
lorsque nous cheminons sous les murs de Taillebourg ou
de Tancarville, loi*squ'au fond des Ardennes, dans la gorge
de Montcomet, nous envisageons sur nos têtes l'oblique et
louohe fenêtre qui nous regarde passer, le coeur se seiTej
« App,, 211
PARIS. — JACQUERIE. S57
nous ressentons quelque chose des souffrances de ceux qui,
tant de siècles durant, ont langui au pied de ces tours. Il
n'est même pas besoin pour cela que nous ayons lu les
vieilles histoires. Les âmes de nos pères vibrent encore en
nous pour des douleurs oubliées , à peu près comme le
blessé souffre à la main qu'il n'a plus.
Ruiné par son seigneur , le paysan n'était pas quitte. Ce
fut le caractère atroce de ces guerres des Anglais ; pendant
qu'ils rançonnaient le royaume en gros, ils le pillaient en
détail. Il se forma par tout le royaume des compagnies,
dites d'Anglais ou de Navarrais. Le Gallois Griffith désolait
tout le pays entre Seine et Loire, l'Anglais Knolies la Nor-
mandie. Le premier à lui seul saccaga Montargis, Étampes,
Arpajon, Montlhéry, plus de quinze villes ou gros bourgs^.
Ailleurs, c'étaient l'Anglais Audley,les Allemands Albreeht
et Frank Hennekin. Un de ces chefs , Arnaud de Cervoles,
qu'on appelait l'archiprôtre, parce qu'en effet, quoique sécu-
lier, il possédait un archiprétré, laissa les provinces déjà
pillées, traversa toute la France, jusqu'en Provence, mit à
sac Salon et Saint-Maximin pour épouvanter Avignon. Le
pape tremblant invita le brigand, le reçut comme un fils de
France ^, le fit dtner avec lui, et lui donna quarante mille
écus, de plus l'absolution. Cervoles, en sortant d'Avignon,
n'en pilla pas moins la ville d'Aix, d'où il alla en Bourgo-
gne, pour en faire autant.
Ces chefs de bande n'étaient pas, comme on pourrait
croire , des gens de rien , de petits compagnons , mais des
nobles, souvent des seigneurs. Le frère du roi de Navarre
pillait comme les autres 3. Dans les sauf-conduits qu'ils ven-
daient aux marchands qui approvisionnaient les villes, il
exceptait nommément les choses propres aux nobles , les
1 Froissait.
* Froissart.
* Philippe le Hardi duc de Bourgogne rappelai i son compère. Prott-
sart l'appelle Monseigneur.
ui. 17
858 SUITE. ÉTATS GÉlâRAOX.
parures militaires : <; Chapeaux de castor, plaines d'aulra*
che et fers de glaive ^. »
Les chevaliers du xiv« siècle «vaient une «utie miasMA
que ceux des romans, c'était d*éeraser le faible. Le aire
d'Aubrécicourt volait et tuait au hmûTd^pauf bim mépiur
de sa dame^ Isabelle de JuUers, ntèce de k feîae d'Asile-
terre : < Car il était jeune et amoureux durement. • Il se
faisait fort de devenir au moins comte de Champagne*. La
dissolution de la monarchie donnait à ces piUards des es^
pérances folles. C'était à qui entrerait par ruse ou par foroe
dans quelque château mal gardé. Les capitaines éea places
se croyaient libres de leurs serments. Phis de roi ^ plus de
foi. Ils vendaient, échangeaient leurs flftces , leurs garni-
sons.
Cette vie de trouble et d'aventures, après tant d'années
d'<Aéiss8Boe sous les rois, faisait la jaie des nobles. C'était
comme une échappée d'écoliers, qui ne ménagent rien dans
leurs jeux. Froissart, leur historien, ne se lasse pas de conter
ces belles histoires. U s'intéresse à oes pillards, prend paît
à leurs bonnes fortunes : « Et tot^jourâ i^agtioient pauvres
brigands, etc. ^. » Il ne lui anrive nulle paît de douter de
leur loyauté. A peine doute-t-il de leur saltit ^
* • Et toujours gagnoient pauvres brigands 4 {iHfterTiHils»
Ils épioient une bonne Yille ou châteU mne jsomée on deux loiQ»«K
pois s'asssmbloiedt st etotroiest en eelle ville droit sur le point du
jour, et bouioiant i« tmk an une tniisoir ou dent^; et «saz da la ville
cuidoient fue ce fussent mille aitnuMS 4e Êw;.** lî a'eafugr^^DU» «i
ces brigands brisoient maisons, coffres et ébrins... Et. gagnèrent ainsi
pNaieiifs oMteawcM les teffftidif^Bht. fiticro les ttttrea, eut Htt brigsnd
qaii épia It fort ebilel de ilonboorae ea )LklMaia, «iMOftrsaia la «s
compagnons et récbellcrent, et gagnèrent Je-seignaar dedao^ il le mi-
rent en pfi&on ea Éibn cliàtel même, et le tinrent ai longtemps, qM se
rançonna atout vingt-quatre mille écus, et encore détint ledit brigand le
cbâtel. Et par ses prouesses le roi de France le voulut avoir Us let tai,
et acheta son chàlel vingt mille ëcus et fut huissier d'armes ktatoi >db
Franee. fit éloti appelé «e brigand Datoa. »
« t Le coursier de Croquard trébucha et rompll à Mm mritfe la «1. la
»
PARIS. ^ JACQUEBIBi S&9
jL'eSroi éUUtel à Paris, que Les bourgeois avaient offert à
Noire-Dame une bougie qui , disait-on , avait la longueur
du tour de la ville ^ On n'osait plus sonner dans les ég/à$ea,
si ce n*est à l'heure du couvre-feu, de crainte que les ha-
bitants en sentinelle sur les murailles n'entendissent veniç
leanemi. Combien la terreur n'était-elle pas plus grande
dans les canopagnes ! Les paysai^ ne dormaient plus. Ceux
des bords de la Loire passaient les nuits dans les îles, ou
dans des bateaux arrêtés au milieu du fleuve. En Picardie les
populalioBS creusaient la terre et s*y réfugiaient. Le loag d^
la Somme» de Péronne à remboucbu4'e, on comptait en-
core au dernier siècle trente de ces souterrains K C'est ià
qu'oA pouvait avoir quelque impression de l'horreujr de oes
temps. C'étaient de longues allées voûtées de sept ou huit
pieds de large» bordées de vingt ou treatechauÂres, avee
piiita au centre» pour avoir à la fois de l'air et de l'eau. Au-
tour du puits, de gramies chambres pour les bestiaux. Le
soin et h solidité qu'on remarque dans ces conatructions
iadique as^e^ que c'étaiit une des demeures ordinaires de
la triste population de ces temps. Les familles s'y entas-
saient à rapproche de l'ennemi. Les femmes , les enfaals,
y pourrissaient des semaines, des noois, pendant que les
kommes allaient timidement au clocher, voir si les gens de
g«erre s'éloignaient de la campagne.
Mais ils ne s'en allaient pas toujours assez vite pour que les
p«ttvres gens pussent semer ou récolter. Us avaient beau se
i^ugier sous la terrt^ la faim les y aUeignait. Dans la Brie
et le Beau^aisis surtout , il M'y avait plus de ressources ^.
D6 MÎf qae son avoir devint ni qui eut l'âme, maU je sais que Croquard
fljia ainsi. • Froissart.
' ChfooiquM fit Ssialrneato.
• • UMt an ii elMr temps vint en ITsaoee, qae oa «eaéoit yn leiuMlel
de harangtiwnie éon^ et toutes «lires choses à l'«reDani, et moareieni
les petites gens de faim, dont c'était graad'piiiéi et 4«raaeue-4aniié et
ce ctier t'^mps plus de quatre ans. • Froiesari, iAfUk»SI4.
S60 SUITE. iTATS GÉNÉRAUX.
Tout était gâté, détruit. Il ne restait plus rien que dans les
châteaux. Le paysan, enragé de faim et de misère , força les
châteaux, égorgea les nobles.
Jamais ceux-<^i n'auraient voulu croire à une telle audace.
Ils avaient ri tant de fois, quand on essayait d'armer ces
populations simples et dociles, quand on les traînait à la
guerre 1 On appelait par dérision le paysan Jacques
Bonhomme, comme nous appelons Jeanjeans, nos cons-
crits ^. Qui aurait craint de maltraiter des gens qui por-
taient si gauchement les armes ? C'était un dicton entre
les nobles : « Oignez vilain, il vous poindra ; poignez vilain,
il vous oindra ^. »
Les Jacques payèrent à leurs seigneurs un arriéré de
plusieurs siècles. Ce fut une vengeance de désespérés, de
damnés. Dieu semblait avoir si complètement délaissé ce
monde t... Ils n'égorgeaient pas seulement leurs seigneurs,
mais tâchaient d'exterminer les familles, tuant les jeunes
héritiers, tuant l'honneur en violant les dames '. Puis, ces
sauvages s'affublaient de beaux habits, eux et lemrs femmes,
se paraient de belles dépouilles sanglantes.
Et toutefois, ils n'étaient pas tellement sauvages, qu'ils
n'allassent avec une sorte d'ordre, par bannières, et sous
un capitaine, un des leurs, un rusé paysan qui s'appelait
Guillaume Callet ^ : « Et en ces assemblées avoit gens de
/abour le plus, et si y avoit de riches hommes boui^eois et
aultres^. » — « Quand on leur demandoit, dît Froissart,
pourquoi ils faisoyent ainsi, ils répondoient qu'ils ne
sav oient, mais qu'ils faisoyent ainsi qu'ils veoyent les
autres faire ; et pensoyent qu'ils dussent en telle manière
1 App,, 215. — Mpp., 216. — » App., 217.
« OuXaillet, dans les Chroniques de Frtnee; Ktrie, dans le Gontinna-
tenr de Nangis; Jacques Bonhomme, selon Froissart et ranleor ano-
nyme de la première Vie d* Innocent VI : • Et l'élorent le pire des
mauTats, et ce roi on appeloit Jacques Bonhomme. • Froissart. —
V. sur CaUe, U. Perrens, page 2'i7. 4860.
* Chron. de Saint-Denis. App., 218.
PARIS. — JACQUERIE. 264
destruire tous les nobles et gentilshommes du monde. »
Aussi les grands et les nobles se déclarèrent tous contre
eux, sans distinction de parti. Charles le Mauvais les flatta,
invita leurs principaux chefs S et pendant les pourparlers
il fit main basse sur eux. Il couronna le roi des Jacques
d'un trépied de fer rouge. Il les surprit ensuite près de
Montdidier, et en fit un grand carnage. Les nobles se ras-
surèrent, prirent les armes, et se mirent à tuer et brûler
tout dans les campagnes, à tort ou à droit '.
La guerre des Jacqueâ avait fait une diversion utile à
celle de Paris. Marcel avait .intérêt à les soutenir 3. Les
communes hésitaient. Senlis et Meaux les reçurent. Amiens
leur envoya quelques hommes, mais les fit bientôt revenir.
Marcel, qui avait profité du soulèvement pour détruire
plusieurs forteresses autour de Paris, se hasarda à leur
envoyer du monde pour les aider à prendre le Marché de
Meaux. D'abord le prévôt des monnaies leur conduisit cinq
cents hommes, auxquels se joignirent trois cents autres
sous la conduite d'un épicier de Paris.
La duchesse d'Orléans, la duchesse de Normandie, une
foule de nobles dames, de demoiselles et d'enfants,
s'étaient jetées dans le Marché de Meaux, environné de la
Marne. De là elles voyaient et entendaient les Jacques qui
remplissaient la ville. Elles se mouraient de peur. D*un
moment à l'autre, elles pouvaient être forcées, massacrées.
Heureusement il leur vint un secours inespéré. Le comte
de Foix, et le captai de Buch (ce dernier au service des
Anglais) revenaient de la croisade de Prusse, avec quelques
cavaliers. Ils apprirent à Chàlons le danger de ces dames,
et chevauchèrent rapidement vers Meaux. Arrivés dans le
Marché : « Ils firent ouvrir tout arrière, et puis se mirent
au-devant de ces vilains, noirs et petits et très-mal armés,
et lancèrent à eux de leurs lances et de leurs épées. Ceux
• • Blanditiis advocAvit. » Cont.G. deN.
2G2 St'lTË. ÉTATS GÉNÉRAUX;
qui étolent devant et qui sentoient les horions reculèrent
de hideur et tomboient les uns sur les autres. Alors issi—
rent les gens d'armes hors des barrières et les ahattoieat
à grands monoeaux et les tuoient ainsi que bétes et les re-
boutèrent hors de la ville. Ils en mirent à fin piva de
sept mille et boutèrent le feu en la désordonnée ville de
Heaux(9juin4358)<. »
Les nobles firent partout main basse sur les pajmms;
sans s'informer de la part qu'ils avaient prise à la iao-
querie ; a et ils firent, dit un contemporain, tant de mal
au pays, qu'il n'y avait pas besoin que les Anglais vinssent
pour la destruction du royaume. Ils n'auraient jamais pa
faire ce que firent les nobles de France K »
Ils voulaient traiter Sentis comme Meaux. Ils s'en fireat
ouvrir les portes» disant venir de la part du régent, puis ils
se mirent à crier : « Ville prise ! ville gagnée. » Mais ik
trouvèrent tous les bourgeois en armes, et même d'autres
nobles qui défendaient la ville. On lança sur eux, par la
pente rapide de la grande rue, des charrettes qui les ren^
versèrent. L'eau bouillante pleuvait des fenêtres. « Lps uns
s'enfuirent à Meaux Conter leur déconfiture et se lait o okk
quer ; les autres qui restèrent sur la place^ ne feront plus
de mal aux gens de Senlis K »
C'est un prodige qu'au milieu de cette dévastation dits
campagnes, Paris ne soit pas mort de faim. Cela fait grand
honneur à l'habileté du prév^ des marchands. Il ne pou*
vait nourrir longtemps cette graadeet dévoraate ville sans
avoir pour lui la campagne ; de là l'apparente incomlaiinr
de sa conduite. Il s'aUia aux Jacques» puis au raî de
Navarre^ destructeur des Jacques. La cavalerie de ce priasa
* Praissut. — Lira «a refMd des «xtgërattons ptssioiitiées de Frai**
sart h récit d« M. Perrem, lait ici d*i^près le Tn^eor des Chartes. <t8iO )
* Conitn. G. de Nangis. App., 221.
* t Qui yerô mortai remanieront, geati SilTaneotenii amplièe bod:
BOcebunt. > Idem.
PARIS. — JACQUERIE. t63
lui était indispensable pour garder quelques routes libres,
tandis que le dauphin tenait la rivière. Il fit donner i
Charles le Mauvais le titre de capitaine de Paris (15 juin).
Mais le prince lui-même n'était pas libre. Il fut abandonné
de plusieurs de ses gentilshommes, qui ne voulaient pas
servir la canaille contre les honnêtes gens. Cependant les
bourgeois mêmes tournaient contre lui ; ils lui ea voulaient
d*avoir détruit les Jacques, et ils soupçonnaient bien qu0
leur ca{Mtaine ne finisaR pas grand cas d'eux.
Cependant les vivres enchérissaieiit. Le dauphin afOC
trois mille lances était à Charenton, et arrêtait les arri-
vages de la Seine et de la Marne. Les bourgeois somaièreAt
le roi de Navarre de les défendre, de sortir, de faire enfin
cpielque chose. Il sortit, mais pour traiter. Les deux pryi^s
eurent une kmgue et secrète entperae, et se sopaièrent
bons amis. Le roi de Navarre ayant encore osé rentrer
dans Paris, ses phis déterminés partisans et Maneel lui-
même lui ôtèrent le titre de capitaine de la ville. Use retira
en se plaignant fort ; Navarrais et bourgeois se querellè-
rent, et il y eut quelques hommes de taés.
La position de Marcel devenait mauvaise. Le ëauphîn
tenait la haute Seine, Charenlon, Saint^klmir ; le KNi de
Navarre, la basse, Saint-Denis. Il bitftait tonte la caespa^ne.
Les arrivages étaient impossibles. Paris nUnit élonfi'er. ie
toi de Navaire, qin le voyait bien, ae fmsini inaaebwdar
par les deux partis. La danpbiae et bnaneoiv de b^tm^
gens, e*e8t^à-dire des seigneurs, 4es éviques, s'enteem^
talent, aMaieiili el venaient. On oflMt an rai de Nawrre
quatre cent mille florins, pourvu fn*iL Bvrftt Paris et
Marcel *. Le traité était déjà signé, et me messe dite, #ù
les deux princes devaient eommnnier de la ménne hostie.
Le roi de Navarre déclara qu'il ne pouvait, n*étant paa à
jeftn*.
• Froissart. — * Secop««^
2GI SUIT8. ÉTATS GÉNÉRAUX.
Le dauphin lui promettait de l'argent. Marcel lui en
donnait. Toutes les semaines il envoyait à Charles le Mau-
vais deux charges d'argent pour payer ses troupes. Il
n'avait d'espoir qu*en lui ; il Fallait voir à Saint Denis ; il
le conjurait de se rappeler que c'étaient les gens de Paris
qui l'avaient tiré de prison, et eux encore qui avaient tué
ses ennemis. Le roi de Navarre lui donnait de bonnes
paroles ; il l'engageait : « À se bien pourvoir d'or et d*ar-
gentt et à l'envoyer hardiment à Saint-Denis ; qu'il leur
en rendrait bon compte '. >
Ce roi des bandits ne pouvait, ne voulait sans doute les
empêcher de piller. Les bourgeois voyaient leur argent s'en
aller aux pillards, et les vivres n'en venaient pas mieux.
Le prévôt était toujours sur la route de Saint-Denis, tou«
jours en pourparlers. Cela leur donnait à penser. De tant
d'argent que levait Marcel, n'en gardait-il pas bonne part?
Déjà on avait épilogue sur les salaires que les commis-
saires des états s'étaient libéralement attribués à eux-
mêmes K
Les Navarrais, Anglais et autres mercenaires, avaient
suivi la plupart le roi de Navarre à Saint-Denis. D'autres
étaient restés à Paris pour manger leur argent. Les bour-
geois les voyaient de mauvais œil. U y eut des batteries, et
l'on en tua plus de soixante. Marcel, qui ne craignait rien
tant que de se brouiller avec le roi de Navarre, sauva les
autres en les emprisonnant, et le soir même il les renvoya
à Saint-Denis ^. Les bourgeois ne le lui pardonnèrent pas.
Cependant les Navarrais poussaient leurs courses jus-
qu'aux portes ; on n'osait plus sortir. Les Parisiens se
fâchèrent ; ils déclarèrent au prévôt qu'ils voulaient châ-
tier ces brigands. Il fallut leur complaire, les faire sortir,
pour chercher les Navarrais. Ayant couru tout le jour vers
Saint- Goud, ils revenaient fort las (c'était le 22 juillet),
t Froissa rt.
' OrJoQD. 111. Voyez aussi Villaai. -— * Chroniqaca de France.
PARIS. — JACQiERIE. 2C5
traînant leurs épées, ayant défait leurs bassinets ', se plai-
gnant fert de n'avoir rien trouvé, lorsqu'au fond d'un
chemin ils trouvent quatre cents hommes qui se lèvent et
tombent sur eux. Us s'enfuirent à toutes jambes, mais
avant d'atteindre les portes, il en périt sept cents ; d'autres
encore furent tués le lendemain, lorsqu'ils allaient cher-
cher les morts. Cette déconfiture acheva de les exaspérer
contre Marcel : c'était sa faute, disaientnils ; il était rentré
avant eux *, il ne les avait pas soutenus ; probablement il
avait averti Tennemi.
Le prévôt était perdu. Sa seule ressource était de se
livrer au roi de Navarre, lui, et Paris, et le royaume s'il
pouvait. Charles le Mauvais touchait au but de son ambi-
tion '. Marcel aurait promis au roi de Navarre de lui livrer
les clefs de Paris, pour qu'il se rendit maître de la ville, et
tuât tous ceux qui lui étaient opposés. Leurs portes étaient
marquées d'avance ^.
La nuit du 31 juillet au l^r ^oùt, Etienne Marcel entre-
prit de livrer la ville qu'il avait mise en défense, les mu-
railles qu'il avait bâties. Jusque-là, il semble avoir toujours
consulté les échevins, même sur le meurtre des deux ma-
réchaux. Mais cette fois, il voyait que les autres ne son-
geaient plus qu'à se sauver en le perdant. Celui des éche-
vins sur lequel il comptait le plus, qui s'était le plus
compromis, qui était son compère, Jean Maillart, lui avait
cherché querelle le jour même. Maillart s'entendit avec les
chefs du parti du dauphin, Pépin des Essarts et Jean de
•
' • Et portott l'an son bassinet en sa main, l'autre à son col, les
astres par lAcheté et ennui tralnoient leurs épées on les portoient en
éebarpe. • FroissarL
* App ,t2!i,
* • Ad boe lotis Tiribus anbelabit. • Contin. 0. de Nangis.
* Le plus grave bisloriea de ce temps, témoin oculaire de toute celte
réroloiion, le Continuateur de Guillaume de Mangis qui rapporte ces
brgits, semble les révoquer en doute. • On a du moins, dit-il, accuse
dêpuU le prévOiet ^i amis de toutes ces choses. • V. Terrens, Élienne
Uarcei. iS(>0.
266 SUITJI. KTATS GÉNÉRAUX.
Charny, et tous trois, avec leurs hommes, se trouvèrent h
la bastille Saint-Denis, que Marcel devait livrer, c Et s en
viarent un peu avant minuit... et ti ravèrent ledit prévdt
des marchands, les clefs de la porte en ses mains. Le pre-
mier parler que Jean Maillart.lui dit, ce fut que il lui de-
manda paff «on nom : a Etienne, Etienne, que faites- vous
ci à cette heure ?» Le prévôt lui répondit : « Jean, à vous
qu'en monte de savoir ? je suis ci pour prendre garde de la
vîUe dont j'ai le gouvernement » — « Par Dieu, répondit
Jean Maillart, il ne va mie ainsi ; mais n'êtes ci à cette
heure pour nul bien ; et je le vous montre, dit-il à ceux
qui étoient de-lez (près) lui, comment il tient les cle£s des
portes en ses mains pour trahir la ville. » Le prévôt des
marchands s'avança et dit : « Vous mentez. » ^ « Par Dieu 1
répondit Jean Maillart, traître, mais vous mentez I » et
tantôt férit à lui et dit à ses gens : « A la mort, à la mort
tout homme de son côté, car ils sont traîtres. 9 Là eut
grand butin et dur ; et s'en fut volontiers le prévôt des
marchands fui s'il'eùt pu ; «nais il fut si hâté qu'il ne put
Car Jean Maillart la férit d'une hache siv la télé et rabatit
h terre, quoique ce fût .aoa compère, ni ne se partit de lui
jusqu'à ee qu il fut occis et six de ceui; qui là étoient, et l^
demeurant pris et envoyé eu .prison ^ »
Sekm une version pîus vraisemblable, Marcel et cia-
quanle-quatre de ses amis qui étaient venus avec lui Umr
bèrent &*appé& par de9 gardes obscurs de la porte Saini-
AntoiaeS.
Cependant les meurtriers s'en allèrent, criant par la ville
et éveillant le peuple. Le mutin, tous étaient assemblés aux
halles, 011 Maillart les harangua. Il leur conta comment
cette même nuit, la ville devait être courue et détruite, si
Dieu ne l'eût éveillé hii et ses anris, et ne levr eût révélé la
irahisoit La foule apprit arec saisissement le péril où elle
* Froissart — * V. Perrons, Etienne Marcel. 18ML
L
PARIS. — UCQUER». S67
avait été sans le savoir ; tou»|oigiiaieiit les mains et reroer^
ciaient Dieu K
Telle fut la première impression. Qu'on ne croie pat
pourtant que le peuple ak étë ingrat pour celui qui avait
tant (ait pour hii. Le parti de Marcel, qui comptait beau*
eoup d'hommes instruits el éloquents >, survécut à son
chef. Quelques mois après, il y eut une conspiration pour
▼enger Marcel. Le dauphin fit rendre à sa teuve tous les
meubles du prévôt qui n'avaient pas été donnés ou pendus»
dans le m<Mnent qui suivit sa mort K
La carrière de cet homme fiit courte ci terrible. En
1356, il sauve Paris, il le met en défense. De concert avec
Bdl)ert Le C6q, îl dicte au dauphin la fiHnenfie ordoniMnee
de 4357. Cette ré ferme du royaume par l'influence d'UM
commune ne peut se Caire que par des moyens violents*
Marcel est poussé de proche en proche à une foule d'actes
irréguliera^ funestes. Il tire de prison Charles le ManvaiSi
pour l'opposer au dauphin, mais il se troove avoir donné
vn chef wax bandits. Il met la main sur le dauphin, il ini
tue ses conseillers, les ennemis du roi de Navarre.
Afatmdonnédes étala, il tue les états en les faisant oomnois
fl les veut, en créant des députés, en remplaçant les d^
pntés des nobles par des bourgeois de Paris ^. Paris ne
poorait encore mener la France, Marcel n'avait pas les
ressources de la Terreur; il ne pouvait assiégé Lyon, ni
foillotiner la €iiQttde.' la nécessité des appravisionne-
menls le mettait dons la dépendttioe de la campagne. D
s'allia aux Jaoqpies, et, les Jaeques échouant, au roî de
Navane. Celai h qui il s'était doané» il essaya de lui donner
le royauaie ; il y périt.
La doatrine-clastifae du Salus popuS, du droit de tuer
* App., as3.
* • Unltvm loleniDes et éloquentes qnim i>IariaMna M Seeti. • €cnlfii.
O. d« NADfis. Afp., tSS.-» • Afp., ffS.
* App., 126.
268 SaiTB. ÉTATS GÉNÉniUX.
les tyrans, avait été attestée au commencement du siëctep
par le roi contre le pape ^. Un demî-siècle est à peine
écoulé; Marcel la tourne contre la royauté elle-même,
contre les serviteurs de la royauté.
Cette tache sanglante dont la mémoire d*Étienne Marcel
est restée souillée ne peut nous faire oublier que notre
vieille charte est en partie son ouvrage. Il dut périr,
comme ami du Navarrais, dont le succès eût démembré la
France; mais dans l'ordonnstnce de 1357, il vit et vivra.
Cette ordonnance est le premier acte politique de la
France, comme la Jacquerie est le premier élan du peuple
des campagnes. Les réformes indiquées dans Tordonnance
furent presque toutes accomplies par nos rois. La Jac-
querie, commencée contre les nobles, continua contre
l'Anglais. La nationalité, l'esprit militaire, naquirent peu
à peu. Le premier signe peut-être de ce nouvel esprit se
trouve, dès l'an 1359, dans un récit du continuateur de
Nangis. Ce grave témoin, qui note jour par jour tout ce
qu'il voit et entend, sort de sa sécheresse ordinaire, pour
conter tout au long une de ces rencontres oii le peuple
des campagnes laissé à lui-môme commença à s'enhardir
contre l'Anglais. Q s'y arrête avec complaisance : « C'est,
dit-il naïvement, que la chose s'est passée près de mon
pays, et qu'elle a été menée bravement par les paysans,
par Jacques Bonhomme '. >
11 y a un lieu assez fort au petit viUage près Gompiègne,
lequel dépend du monastère de Saint-Corneille. Les ha-
bitants, voyant qu'il y avait péril pour eux, si les Anglais
s'en emparaient, l'occupèrent, avec la permission du régent
et de l'abbé, et s'y établirent avec des armes et des vivres.
D'autres y vinrent des villages voisins, pour être plus en
sûreté. Ils jurèrent à leur capitaine de défendre ce poste
t Voyez plot haat, p. 138.
* Per ru8;icos, sea Jacques Batihommêp strcnoè MLpedilam. • CodUil
G* de Nangit.
PARIS. — JACQUERIE. S69
jusqu'à la mort. Ce capitaine, qu'ils s'étaient donné du
consentement du régent, était un des leurs, un grand et
bel homme, qu'on appelait Guillaume aux AUouettes. Il
avait avec lui pour le servir un autre paysan d'une force
de membres incroyable, d'une corpulence et d'une taille
énorme, plein de vigueur et d'audace, mais avec cette
grandeur de corps, ayant une humble et petite opinion de
lui-même. On l'appelait Le Grand-Ferré ^ Le capitaine le
tenait près de lui comme sous le frein, pour le lâcher à
propos. Us s'étaient donc mis là deux cents, tous labou-
reurs ou autres gens qui gagnaient humblement leur vie
par le travail de leurs mains. Les Anglais, qui campaient
il Creil, n'en tinrent grand compte, et dirent bientôt :
« Chassons ces paysans, la place est forte et bonne à
prendre. » On ne s'aperçut pas de leur approche, ils trou-
vèrent les portes ouvertes et entrèrent hardiment. Ceux du
dedans, qui étaient aux fenêtres, sont d'abord tout étonnés
de voir ces gens armés. Le capitaine est bientôt entouré,
blessé mortellement. Alors Le Grand-Ferré et les autres se
disent: « Descendons, vendons bien notre vie ; il n'y a pas
de merci à attendre. » Ils descendent en effet, sortent par
plusieurs portes, et se mettent à frapper sur les Anglais,
comme s'ils battaient leur blé dans l'aire * ; les bras s'éle«-
vaîent, s'abattaient, et chaque coup était mortel. Le Grand,
voyant son maître et capitaine frappé à mort, gémit pro-
fondément, puis il se porta entre les Anglais et les siens
qu'il dominait également des épaules, maniant une lourde
hache, frappant et redoublant si bien qu'il fit place nette ;
il n'en touchait pas un qu'il ne fendit le casque ou n'abattit
les bras. Voilà tous les Anglais qui se mettent à fuir ; plu-
t • Et jaxtà ejns corporis magnimdinem, habebat in se hnmllitatcm et
repntatioDii intriosecs parvitatem, nomine Magnas Fcrraïus. • Conlin.
G. de Nangis.
* « Saper Anglieos ita se habebant, ac si Blada in borrcis more suo
iolifo flagellassent. • Idem.
270 SUITE. ETATS GÉXÉRiUX.
sieurs sautent dans le fossé et se noient. Le Grand tue
leur porte-enseigne^ et dit à un de ses camarades de patier
la bannière anglaise au fossé. L'autre lui montrant qu'il j
avak encore une foule d'ennemis entre lui et le fossé :
a Suis-moi donc, » dit Le Gramd. Et il se mit à marcher
devant, jouant de la hache à droite et à gauche, jusqu'à ce
que la bannière eut été jetée à l'eau... Il avait tué en ce
jour plus de quarante hommes... Quant au capilaifte,
Guillaume aux Aliouettes, il mourut de ses Uessunes, et
ils l'enterrèrent avec bien des larmes, car il était bon et
sage... Les Anglais furent encore baUus une autre fois par
Le Grand. Mais cette fois hors des murs. Plusieurs nobles
Anglais furent pris, qui auraient donné de bonoes rançons,
si on les eût rançonnés, comme font les nobUs ^ ; mais ou
les tua, afin qu'ils ne fissent plus de mal. Cette fois La
Grand, -échaufië par cette besogne, but de l'eau froide en
quantité, et fut saisi de la fièvre. Il s'en aUa à son village,
regagna sa cabane et se mit au lit, non toutefois sans
garder près de lui sa hache de fer qu'un boiaime ordinaira
pouvait à peine lever. Les Anglais, ayant appris qu'il était
malade, envoyèrent un jour douze hommes pour le tuer.
Sa femme les vit venir, et se mit à crier: 1 0 mon pauvre
Le Graùd, voilà les Anglais! que faire ?^. v Lui, oubliani
à l'instant 6on mat, il ae lève, prend sa hache, al sort àtm»
la petite cour : a Ah t brigandsi, vous venex donc pour «m
prendre au liil vous ne me tenez pas encore... » Aiors
s'adossant à un mur, il en tue cinq en un fiiomeot ; les
autres s'enfuient. Le Gi*and se remit au lit ; mais il avait
chaud, il but encore de l'eau froide; la fièvre le reprit plus
fort, et au bout de quelques jours, ayant reçu les sacre-
ments de l'Église, il sortit du siècle, et fut enterré au cime-
tière de son village. Il fut pleuré de tous ses con]{)agnons,
* SioQt Dobiles viri faciuni. • Coût in. G. do Nangis. IdeuL
PARIS. — J4G0U£raB. 274
de tout le pays ; car, lui vivant, jamais les Aoglais a'y se^
raient venus *.
Il ost difficile de ne pas être touché de ee aaif vécii. Ces
paysans qui ne se mettent en défense qu'en demandant
permission, cet homme fort et humble, ce boa géante qui
obéit volontiers, comme le saint Christophe de la légende,
tout cela présente une belle figure du peuple*. .Ce pcteple
est visil)lement simple et brute encore, impétueuiL, aveugle,
demi-homme et demi-taureau... Il ne sait ni garder ses
portes, ni se garder lui-môme de ses appétits, ^uand il a
battu Tennemi comme blé en grange, quand il Ta suffi-
samment charpenté de sa hache, et qu'il a pris chaud à la
besogne, le bon travailleur, il boit froid, et se couche pour
mourir. Patience; sous la rude éducation des guerres, sous
la verge de l'Anglais, la brute va se. faire homme^ Serrée
de plus près tout à l'heure, et comme tenaillée, elle échap-
pera, cessantd'étre elle-même, et se transligurant; Jacques
deviendra Jeanne, Jeanne la vierge, la Pucelle.
Le mot vulgaire, un bon Franfais^ date de l^poque des
Jacques et de Marcel ^. La Pucelle ne tardera pas à dire :
« Le cœur me saigne quand je vois le sang d*un Frénç&is. »
tJn tel mot suffirait pour marquer dans l'histc^re le vrai ^
commencement de la Fiance. Depuis lors, iioas avons une
patrie. Ce sont des français que ces paysans, n'en rou-
gissez pas, c'est déjà le peuple Français, c'est vous, ô
France 1 Que l'histoire vous les montre beaux ou laids,
aous le capuce de Marcel, sous la jaquette des Jacques, vous
ne devez pas Jes «néconni^tne. Peur nous, panniloas les
combats des nobles, à travers les beaux coups de lance où
s'amuse l'insouciant Froissart, nous cherchons ce pauvre
peupk. Nous Tirions prendre dans cette grande mêlée,
^ • Mtfrartt de sœealo... QuàndiA riiisset, id locum Uliim AngHci
non refib^ent. • Conîin. G. île N in};i.s.
* • Volo eitfe bonm GalHcut, * CuUlin. G. de ^ungi>; aim lCw3«
272 SdlTB. ÉTATS GÉNÉRAUX.
SOUS l'éperoD des gentilshommes, sous le ventre des che-
vaux. Souillé, défiguré, nous l'amènerons tel quel au jour
de la justice et de l'histoire, afin que nous puissions lui
dire, à ce vieux peuple du xiv" siècle : « Vous êtes mon
père, vous êtes ma mère. Vous m*avez conçu dans les
larmes. Vous avez sué la sueur et le sang pour me faire une
France. Bénis soyez-vous dans votre tombeau I Dieu me
garde de vous renier jamais t »
Lorsque le dauphin rentra dans Paris, appuyé sur le
meurtrier, il y eut, comme toujours en pareille circon-
stance, des cris, des acclamations. Ceux qui le matin
s'étaient armés pour Marcel cachaient leurs capuces rouges,
et criaient plus fort que les autres ^.
Avec tout ce bruit, il n'y avait pas beaucoup de gens
qui eussent confiance au dauphin. Sa longue taille maigre,
sa face pâle et son visage longuet ', n'avaient jamais plu au
peuple. On n'en attendait ni grand bien, ni grand mal ;
il y eut cependant des confiscations et des supplices contre
le parti de Marcel '. Pour lui, il n'aimait, il ne haïssait
personne. Il n'était pas facile de Témouvoir. Au moment
même de son entrée, un bourgeois s'avança hardiment et
dit tout haut : « Par Dieu ! sire, si j'en fusse cru, vous n'y
fussiez entré ; mais on y fera peu pour vous. > Le comte
de Tancarville voulait tuer le vilain ; le prince le retint et
répondit : « On ne vous croira pas, beau sire^. »
La situation de Paris n'était pas meilleure. Le dauphin
n'y pouvait rien. Le roi de Navarre occupait la Seine au«-
i « Illa nibea capneia» qae anteA pomposè gorebanior^ abscondita... •
Cont. G. de Nangis.
* • De corsage estoit banlt et bien formé, droit et lé par les espaoles,
et baingre par les flans; groz bras et beaals membres, visage un pea
longuet, grant front et large ; la cbtère ot asses pale, et croy que ce,
et ce qu'il esioit monll maigre, luy estuit venu par accident de mila-
die; cbanlt, furieus en nul cas n'estoil trouré. • Christ, de Pisan.
t App.f 127.
* « Pensa ce p;'u<Jent prince, ajoute Chriâtine de Pisan, que si l'on
tuoil cet homme, la rille se fust bien pu émouvoir. ■
PARIS. — JAGQCERIE. 273
dessus et au-dessous. Il ne venait plus de bois de la Bour*-
gogne, ni rien de Rouen. On ne se chauffait qu'en coupant
des arbres ^ Le setier de blé qui se donne ordinairement
pour douze sols, dit le chroniqueur, se vend maintenant
trente livres et plus. — Le printemps fut beau et doux,
nouveau chagrin pour tant de pauvres gens des campagnes
qui étaient enfermés dans Paris, et qui ne pouvaient cul*-
tiver leurs champs, ni tailler leurs vignes K
Il n'y avait pas moyen de sortir. Les Anglais, les Na-
varrais couraient le pays. Les premiers s'étaient établis à
Creil, qui les rendait maîtres de TOise. Ils prenaient par*
tout des forts, sans s'inquiéter des trêves. Les Picards
essayaient de leur résister. Mais les gens de Touraine,
d'Anjou et de Poitou leur achetaient des sauf-conduits,
leur payaient des tributs K
Le roi de Navarre, en voyant les Anglais se fixer ainsi au
eœur du royaume, finit par en être lui-même plus ^rayé
que le dauphin. Il fit sa paix avec lui, sans stipuler aucun
avantage, et promit d'être bon Française Les Navarrais
n'en continuèrent pas moins de rançonner les bateaux sur
la haute Seine. Toutefois cette réconciliation du dauphin
et du roi de Navarre donnait à penser aux Anglais. En
même temps des Normands, des Picards, des Flamands,
firent ensemble une expédition pour délivrer, disaient-ils,
le roi Jean s. Ils se contentèrent de brûler une ville anglaise.
Du moins les Anglais surent aussi ce que c'étaient que les
maux de la guerre.
Les conditions qu'ils vouUient d'abord imposer à la
France étaient monstrueuses, inexécutables. Ils d^nan-
> A^„ 918.
* « Vîne» qiia amœnissimum illum desideratum liquorem minis-
J«ni, qui IsUtieare sotet oor homiDis... non cultivât». • Cont. G. do
Naniis.
* App,, M9. — * • Voîo esM bonus Gallicus de caetcro. • Ibid.
* • Posoerunt te in mare, m ad Angliaiu invatlciidum irtnaft^ta*
re.it. • Gonu G. de Nangis.
m. ta
274 SUIXK. STAT& G&NKBAUI.
daieni non*eeolement tout ce qui estea face d'eux, Calais-,.
Montreuil, Boulogne, le Ponthieu, non-eeuleineDt 1 Àqiit^
laine (Guyenne, Bigorre, Âgiinois, Qaercy, Périgord,
Limousin, Poitou, Saintopge, Auais), niaiâ encore la
Tonraine, l'Anna, et de plussla Nornian4ie; c'est-à-dire
qu'il m leur suffisait pas d'Occuper to détroit, de fermer
la Garonne ; il9 voulaient aussi ferm^ la Loire et la Seine,.
boucher le moindre jour par où nous voyons l'Océan,
crever les yeux de te France.
Le roi Jean avait signé tout, et promis de plus quatre
miUv)iis d'écus. d'or pour sa rançon. Le- ésuphiii^ qui ne
pouvail se dépouiller ainsi, lit refuser le traité par une.
assemblée de quelques députés des provinces, qa'il appel»
états généraux. Ils répondirent: «- Que le roi Jean de-*
meurât encore en Angleterre, et que quand i^plaicoit à.
Dieu, il y pourvoiroit de remède ^. »
Le roi d'Angleterve se nùt en campagae, mais cette
fois pour conquérir la France. U Toulait d'abopd aller 4.
Beims, et s'y faire saorer 9. Tout ce qu'il y avaitde noblesse
en Angleterre Tavait suivi à cette expédition. Une autre
armée l'attendait à Calais^ sur laquelle il ne comptait pas.
Une foule d'hommes d'armes. et die seigneurs d'Allemagne
et des Pays-Bas, entendant* dire qu'il s'agis^aii d'une
conquête^ et espérant un. partage^ comme oelitt de l'An^
gleterce par les compagnons- de G«iUa«nie le Coequérant,
avaient vouki èlre aussi de la Mte. Hs eMryaieittdéîà a tant
gagner qu'ils ne seroient jamais pauvres^. ? Ht stflen^
dirent Edouard jusqu'au 28* octobre, et il eul^grand-peina à
s'en, débansasserv Û fUtut qu'it le» wUtt à nstottiaer chez.
eux, qu'il leur prêtât de l'argent, à ne jamais rendre.
Edouard avait amené avec lui six mille gène d'armes
couverte de {Içr, son fil$, ses trois, (tares, s0s princes, ses
grands seigneurs. C'était comme une émigration des Aik^
« EMiaarik
* CoDt. G. de Nangîj. ~ * Froissart.
KtM0. ^ JACQUEMi. 275
(^is «n Franfie.Pottr (hive la guerre confortablement, iK
tntnaîuit six. mille chariots» iQ$ f(^ur6, des moulias, d^es
fergea, tavie sorte d*at6lier& ambulaata. Ils Mraiant poussé
la prieaution yaaqfi'k se^ muiUr de meutes pour chasser, et
de nacallflf de cuir pM» pâcber 6n oaréoie ^. H n'y avait'
rien en eflét à attendre du paya« c'était un désert ; depuis
trois ana, on ne^semait plua 3. Les villes, bien fermées» se
gardaient elles-mêmes; elles savaient qu'il n'y avait paa
de mepoi k attendre des Anglais.
Du M octobre aaS^navembRe its obemioèrent à trav^s
la pluie et la boue^ de Calais k. Reînw. Ik avaient oompté
sur les vins. Mais il pteuvait trop ; la 'vendange ne valut
rien. lia miècent sept semaines à se morfondre devant
Reima» gâtèvantla paiya tout auioui}, mais/Reims ne bougea
pea. De là ils paasèrent derrant Cbàlona, Barr4o*Duc, Troyes ;
puia Us antièrent dans le duché de Bourgogne. Le duc.
composa avec emx pour dei» cent mille éous d'or. Ce fui
me benne affaire pour VAn^ais; qui eutromeal n'eût
rfMatiréda-toBiaicaftte graadfrexpédilion*
n ynni camper tont pcèsde Paria, fitaespàqpesi à Chante-
loup^ et approdia fusipilà. Bûwrg-la-fteÀie. a De ia Seine
JQsqu*à> ttaaafes^ dit le témoin oaulaii!ei» il n'y a plus un
seul hoonnei Ton* s'est réfupé aux. Ivois foub(>ui:gs de
Satnt'€ennaiB^ Saint-Marcel etNotre-Daoïe-desGhaokps.^.
MonUtiéry et LiMnanmeau: «ont en! feu. . . On.distiague dans
toua lesalentouffaiiL&iDiéedesvittagesv qui monte jusqu'ao;
ciel... Le saint four de Pâ(|uaav j'ai vu. aux Caimu» offcier
lc9 prêtiesiés dis cmnsiunes^^ Le. lendemain, on a dunné
ordae da Mleeles trois fiittfaMirgs» et permis à toutbomme
d'y prendreice. cp'il pooirait;. boia-^ far, tuiles et rie reste..
B n'a pas manqué da gana pcnur le. faire bi«n vite. Les una.
ptenaneni^ lea» mIms. riaientn.. — Près de Chantaloup».
douze cents personnes, hommes, femmes et eoiaotSn
• Froissart. * * Id.
276 SUITE. ÉTATS GÉNiRAlTX.
s'étaient enfermés dans une église Le capitaine, cnugnant
qu'ils ne se rendissent, a fait mettre le feu... Toute Té-
glise a brûlé. II ne s'en est pas sauvé trois cents personnes.
Ceux qui sautaient par les fenêtres trouvaient en bas les
Anglais qui les tuaient et se moquaient d'eux pour s'être
brûlés eux-mêmes. J'ai appris ce lamentable événement
d'un homme qui avait échappé, par la volonté de notre
Seigneur, et qui en remerciait Dieu ^. »
Le roi d'Angleterre n'osa attaquer Paris K U s'en alla
vers la Loire, sans avoir pu combattre, ni gagner aucune
place. 11 consolait les siens en leur promettant de les
ramener devant Paris aux vendanges. Mais ils étaient
fatigués de cette longue campagne d'hiver. Arrivés près
de Chartres, ils y éprouvèrent un terrible orage, qui mit
leur patience à bout. Edouard y fit vœu, dit-on, de rendre
la paix aux deux peuples. Le pape l'en suppliait. Les nobles
de France, ne touchant plus rien de leurs revenus, priaient
le régent de traiter à tout prix. Le roi Jean sans doute
pressait aussi son fils. Aux conférences de Bretigny, ou*
vertes le 4®' mai, les Anglais demandèrent d'abord tout le
royaume ; puis tout ce* qu'avaient eu les Plantagenets
(Aquitaine, Normandie, Maine, Anjou, Touraine). Us
cédèrent enfin sur ces quatre dernières provinces ; mais
ils eurent l'Aquitaine comme libre souveraineté, et non
plus comme fief. Ils acquirent au même titrece qui entourait
Calais, les comtés de Ponthieu et de Guines, et la vicomte
de Montreuil. Le roi payait l'énorme rançon de trois
millions d'écus d'or, six cent mille écus sous quatre mob,
avant de sortir de Calais, et quatre cent mille par an dans
les six années suivantes. L'Angleterre, après avoir tué et
démembré la France, continuait à peser dessus, de sorte
que, s'il restait un peu de vie et de moelle, elle pût encore
la sucer.
« Coau G. de Nai.gis. — « App., 190.
PAHIS. — JACQUERIE. 277
Ce déplorable traité excita à Paris une folle joie. Le
Anglais qui rapportèrent pour le faire jurer au dauphin
furent accueillis comme des anges de Dieu. On leur donna
en présent ce qu'on avait de plus précieux, des épines de
la couronne du Sauveur, qu'on gardait à la Sainte Cha-
pelle. Le sage chroniqueur du temps cède ici à Tentraîne-
ment général. « A l'approche de l'Ascension, dit-il, au
temp5: oii le Sauveur, ayant remis la paix entre son Père
et le genre humain, montait au ciel dans la jubilation, il
ne souffrit pas que le peuple de France demeurât affligé...
Les conférences commencèrent le dimanche oii l'on chante
à réglise : Caniate. Le dimanche où l'on chante : Vocem
jucundidads, le régent et les Anglais allèrent jurer Je
traité à Notre-Dame. Ce fut une joie ineffable pour le
peuple. Dans cette église et dans toutes celles de Paris,
toutes les cloches, mises en branle, mugissaient dans une
pieuse harmonie ; le. clergé chantait en toute joie et dévo-
tion: Te Deum laudamvs.,. Tous se réjouissaient, excepté
peut-être ceux qui avaient fait de gros^ains dans les guer-
res, par exemple les armuriers... Les faux traîtres, les
brigands craignaient la potence. Mais de ceux-ci n'en
parlons plus ^ »
La joie ne dura guère. Cette paix, tant souhaitée, fit
pleurer toute la France. Les provinces que. Ton cédait ne
voulaient pas devenir anglaises. Que l'administration des
Anglais fût pire ou meilleure, leur insupportable morgue
les faisait partout détester. Les comtes de Périgord, de
Comminges, d'Armagnac, le sire d'Âlbret, et beaucoup
d'autres disaient avec raison que le seigneur n'avait pas
droit de donner ses vassaux. La Rochelle, d'autant plus
française que Bordeaux était anglais, supplia le roi, au
nom de Dieu, de ne pas l'abandonner. Les Rochellais di-
saient qu'ils aimeraient mieux être taillés tous les ans de
• Coht G. de Nangis.
280 SUIT£. KTATS GÉNtlIAUX.
avait disparu. Il fallut s'adresser aux usuriers, aux juiFs,
et cette fois leur donner un établissement fixe. On leur
assura un séjour de vingt années. Un prince du sang était
établi gardien de leurs privilèges, et il se chargeait spécia-
lement de tes faire payer de leurs dettes. Ces privilèges
étaient excessifs. Nous en parlerons ailleurs. Pour les ac-
quérir, ils devaient payer vingt florins eh rentrant dans ce
royaume, et de plus sept par an. Un Manassé, qui prenait
en ferme toute la juiverie; devait avoir pour sa peine un
énorme droit de deux florins sur les vingt, et d'un par an
sur les sept.
Les tristes et vides années qui suivent, 4361,1362,1363,
ne présentent au dehors que les quittances de l'Anglais,
au dedans que la cherté des vivres, les ravages des bri-
gands, la terreur d'une comète, une grande et eflroyable
mortalité. Cette fois, le mal atteignait les hommes, les en-
fants, plutôt que les vieillards et les femmes. 11 frappait de
préférence la force et l'espoir des générations. On ne voyait
que mères en pleurs, que veuves, que femmes en noir ^
La mauvaise nourriture était pour beaucoup dans l'épi-
démie. On n'amenait presque rien aux villes. On ne pou-
y vait plus aller de Paris à Orléans, ni à Chartres, le pap
était infesté de Gascons et de Bretons >.
Les nobles qui revenaient d'Angleterre et qui se sen-
taient méprisés n'étaient pas moins cruels que ces bri-
gands. La ville de Péronne, qui s'était bravement gardée
elle-même, prit querelle avec Jean d'Artois. Ce fut comme
une croisade des nobles contre le peuple. Jean d'Artois,
soutenu par le frère du roi et par la noblesse, prit à sa
I Contin. G. de Nangis.
t Les brigands ayaient surpris on fort près de Corbeil. Beaneonp
d'hommes d'armes se çhargôreot de le reprendre et firent encore pins de
mal an pays; les défenseurs nuisaient plus que les ennemis; les chiens
aidaient les loups à manger le troupeau. Le Continuateur de Nangis ra-
conte la fable.
PARIS. — JAGQUfiRIB. 281
solde des Anglais; il assiégea Péronne, la prit, la brûla.
Ils traitèrent de même Chauny-sur-Oise et d'autres villes.
— En Bourgogne, les nobles servaient eux-mêmes de
guide aux bandes qui pillaient le pays ^ Les brigands de
toute nation se disant Anglais, le roi défendait de les at-
taquer. 11 pria Edouard d'en écrire à ses lieutenants *.
Ces pillards s'appelaient eux-mêmes les Tard<-Venus ;
venus après la guerre, il leur fallait aussi leur pai*t. La
principale compagnie commença en Champagne et en
Lorraine, puis elle passa en Bourgogne: le chef était un
' Gascon, qui voulait, comme TArchi-prêtre, les mener
voir le pape à Avignon, en passant par le Forez et le Lyon-
nois. Jacques de Bourbon, qui se trouvait^ alors dans le
Midi, était intéressé à défendre le ;Forez,' pays de ses ne-
veux et de sa sœur. — Ce prince, généralement aimé,
réunit bientôt i^eaucoup de noblesse. Il avait avec luije
fameux Archiprêtre,^ qui avait laissé le commandement
des compagnies. S'il eût suivi les conseils de cet homihe,
il les aurait détruites. Ëtant venu en présence à Briguais,
près Lyon, il donna dans un piège grossier, crut l'ennenû
moins fort qu'il n'était, l'attaqua sur une montagne, et fut
tué avec son fils, son neveu, et nombre des siens ( 2 avril
4362). Cette mort toutefois fut glorieuse. Le premier titré
des Capets est la mort de Robert le Fort à Brisserte; celui
des Bourbons, la mort de Jacques à Briguais : Cous deux
tués en défendant le royaume contre les brigands.
Les compagnies n'avaient plus rien à craindre, elles cou-
raient les deux rives du Rhône. Un de leurs chefs s'intitu-
lait : Ami de Dieu , ennemi de tout le monde '. Le pape,
tremblant dans Avignon , prêchait la croisade contre eux.
* • Us avoient de leur accord aaeiins choraliers ei ëcnyars du p lys,
qui lea menoient et condoisoieot. • Froissait.
* • Msia les pillards n'en tcnoient compte, et disoient qu'ils falsoient
b guerre en l'ombre et nom du roi de Navarre. • Ibid.
* Froisaart.
f 82 SUITE. «TATS GÉinîRAUX.
M«is les croisés se joignaient plutôt aux compagnies *. Hcn-
reusement pour Avignon, le marquis de Monferrat. mem-
bre ée la ligue Toscane contre les Visoonti, en prit une
partie à sa solde , et les mena en Itaiie, où ils portèrent
la {ïeste. Le pape, pour tlécider leur départ, leur donna
30,600 florins et rabs<^u!îon«.
La mortalité. qui dépeuptait le royaume lui donna au
moins unhel héritage. Le jeune duc de Bourgogne mourut ,
ain«î que sa sœur ; la première maison de Bourgogne se
trouva éteinte t la suceession comprenait les deux Bofurgo-
gnes, l'Artois , les comtés d'Auvergne et de Boulogne. Le
phis proche héritier était le roi de Navarre. H demandait
qu'on lui laissât prendre possession de la Bourgogne , ou
au moins de la Champagne tpilï réclamait depuis si iong-
temps. 11 n'eut ni Tune ni l'autre. H était impossible dere*
mettre ces provinœsii un roi étranger, à un prince odieux.
Jean les dé^slara réunies à son domaine * ; "et partit pour en
prendre possession, « chetm'nant à petites joamées et à
grands dépens , et séjoumant de ville en ville, de cité en
€ité, «n4a duché de Bourgogne ^. >
H y apprit , sans aller phe tite, ta mort de 5acqnes de
Bourbon. Vers la fin de Tannée, il descendit h Avignon, et
y passa six mois dans les lêtes. tl espérait y faire nne nou-
velle conquête en pleine paijc. leanne de Kaptes, comtesse
de Provence, oeHe <fii avait laissé tuer son premier mari-, se
trouvait vewadn second, lèan prétendait être le troisième,
ilélffit veuf Itti-méme; il n^avait encore que quarante-trois
ans. Cajptif , mais après une beHe résistance, ce roi soldat ^
intéressait la ohrétienté , comme Prançois !•% après Pavie.
Le pape ne se SMoia pas de faire un 90i de France maître
« i4pp., S33.
* « Dont le roi Jean et loat le royaume forent grandement réjonii...
ntn «ncore«n retonroèrent assez en Bourgogne. • Froissart.
* App.t Î31. — * Froiisarl.
* V. la chronique en [ rose de Duguosclio.
PARIS. — JAGQUERIB. 283
<liNaplesetddlaf^vence.lléoana à€eiteTeîiiedc4iente-
« rat un toot jeune jnari, nonipâi un fite de f rmce, aiais
Jacques d'Aragon, fils dn roi détrdné de lio^ovque.
Pdur consoler ledtt, le pape retwoaragea dans-un projet
911 seaàAmst MMensé^auppennîerceup d'onl , mais qui e*t
-dlèctîveimntrdevésa fortune, ha ni ded^^reéliAvenu
à Avignon deiMnÉer . des KecoQiB,- proposer «ine croisade.
Jean prit lacroix, et une favie-Jetgrand» seignonrsuveeloi *.
Le voi de Gh^rpve âUa proposer la croisade en ÂUemagne ;
4aan en jLiq^liCenre. ih de sesâs, donné en otage, Tenait
deTsatrer «n^ranne^ an népna des Draôté». le Tetasar de
Jean à Lonikes aMt-i'apiNnreBoe lapins houoraUe. H aein-
UaHrepater la finitetde ses ils. Quelques irascprétméaient
qu'il n^ latWt q«e par ennin des tni^ea 4e la iFrancê^ ou
pour Teroir quelque belle tnaitresse K Cependant taa rois
d'tcoBseetdeDanenuvkdevaîant'venîrfyitrouveir* Gomme
roide France, il présidait ntmrellenienttoute^aSseHUée 4e
ms.Hmailié par le nonveaa eyatèmedegaanreqnd'les An-
glaismvslentaHBenpratictiieiyleiiai'de FntnceieAt'ifjpris, par
la croisade, wuaie vîeas4rapeanduinoifenâge,le premier
TangdBMlachnitienté. 11 aurait entraltoéies coiftpagnîes, il
en aurait délivré la France K Les Anglais mâmea etlts fias-
oons, malgré lamauvaise volonté duroi d'Angleterre qui allé-
guait son âge pour ne pas prendre la croix ^, disaient haute-
ment au roi de Chypre : « Que c'étoit vraiment un voyage
eiitous gens de bien et d'honneur dévoient entendre, et que
s'il plaisoit à Dieu que le passage fût ouvert, il ne le fe-
roit pas seul. » La mort de Jean détruisit ces espérances.
> t Après U prédication faite, qai fut moalt humble et moalt doaee
et déTole, le roi de France par grand dtivotion empril la croix.*, et
pria doucement le {lape qu'il lui vousist accorder. » Froissart.
* • Cuucà joci, • dit le héjère historien du temps. Couiiii. G. de
Nangis.
' • Pour traire liori du royaume toutes manières de gens d'armes ap-
pelées compagnies... et pour sauver leur» aiiics. • Proi>sarté
*App., '33.
284 SUITE. ÉTATS GÊXiRAUX.
Après un hiver passé à Londres en fêtes et en grands re-
pas, il tomba malade, et mourut regretté, dit-on, des An-
glais, qu'il aimait lui-même, et auxquels il s'était attaché,
simple qu'il était et sans fiel, pendant sa longue captivité.
Edouard lui fit faire df somptueuses funérailles à Saint-Paul
de Londres. On y brûla, selon des témoins oculaires , qua-
tre mille torches de douze pieds de haut, et quatre mille
torches cierges de dix livres pesant.
La France, toute mutilée et ruinée qu'elle était, se retrou-
vait encore, de l'aveu de jses ennemis, la tète de la chré-
tienté. C'est son sort, à cette pauvre France, devoir de temps
à autre l'Europe envieuse s'ameuter contre elle, et conjurer
sa ruine. Chaque fois, ils croient l'avoir tuée ; ils s'imagi-
nent qu'il n'y aura plus de France; ils tirent ses dépouilles
au sort; ils arracheraient volontiers ses membres san-
glants. Elle s'obstine à vivre. Elle survécut en 4361, mai
défendue, trahie par sa noblesse: en 4709, vieillie de la
vieillesse de son roi ; en 1845 encore, quand le monde en-
tier l'attaquait... Cet accord obstiné du monde contre la
France prouve sa supériorité mieux que des victoires.
Celui contre lequel tous sont facilement d'accord, c'est
qu'apparemment il est le premier.
CHAPITRE IV
Charles Y. — ExpuUU» des Angbis. i364-l38a
Le jeune roi était né vieux. Il avait de bonne heure beau*
eoup vu, beaucoup souffert. De sa personne, il était faible
et malade. Tel royaume, tel roi. On disait que Charles^ le
Mauvais l'avait empoisonné; il en était resté pâle, et avait
une main enflée, ce qui Tempéchait de tenir la lance. Il ne
chevauchait guère, mais plus se tenait à Vincennes , à son
hdtel de Saint Paul, à sa royale librairie du Louvre. Il lisait,
il oyait les habiles, il avisait froidement. On l'appela le sage,
e'est-à-dire le lettré, le clerc, ou bien encore l'avisé, Tastu-
cieux. Voilà le premier roi moderne, un roi assis, comme
TeflBgie royale est sur les sceaux. Jusque-là on se figurait
qu'un roi devait monter à cheval. Philippe le Bel lui-même,
ùvec son chancelier Pierre Flotte, était allé se battre à Cour-
trai. Charles V combattait mieux de sa chaise. Conquérant
dans sa chambre, entre ses procureurs, ses juifs, et ses as-
trologues, il défit les fameux chevaliers, et les Compagnies
encore plus redoutables. De ia même plume, il signa les
traités qui ruinaient l'Anglais, et minuta ks pamphlets qui
devaient ruiner le pape, livrer au roi les biens de l'Ëglise.
Ce médecin malade du royaume avait à le guérir de
tiois maux, dont le moindre semblait mortel : l'Anglais, le
Navarrais, les Compagnies. Il se débarrassa du premier,
comme on l'a vu, en le soûlant d'or, en patientant jusqu'à
286 CHARLES T.
ce qu'il fût assez fort. Le Navarrais fut battu, puis payé,
éloigné l'on lui fit espérer Montpellier. Les Compagnies
s'écoulèrent vers l'Espagne.
Charles Y s'aida d'abord de ses frères ; il leur confia les
provinces les plus excentriques, le Languedoc au duc
d'Anjou, la Bourgogne à Philippe le Hardi ^. 11 ne s'oc-
cupa que du centre.' Mais il lui fâllaii un bras, une épée.
Il n'y avait guère alors d'esprit militaire que parmi les
Bretons et les Gascons. On célébrait le combat des Trente,
où les Bretons avaient vaîneu les Anglaîs** Le rot s'attacha
un brave Breton de Dinan, le sire Bertrand Duguesclin \
qu'il avait vu lui-même au siège de Melun, et qui coin—
battait pour la.Fr^unca depuis 1 3^7.
La vie de ce fameux chef do compagpiea <pû délivra la
France des compagnies et des Anglais a été chantée^ c'est*
à-dire gâtée et obscurcie^ dans une sorte, d'épopée che*
valeresque que l'on compoaa probablement pour ranioier
l'esprit militaire de la noblesse. Nos histoires de DiiguesH
clin ne sont, guère que des traductions ea prose de oeite
épopée. U n'est pas {adte de dégager de cette poésie ce
qu'elle présente de sérieux, de vraiment historique. Noos
en croirons volontiers le poème et les romans en tout g%
qui se rapproche du caractère biea eonau^des. Prct<m9«
Nous pourrons les croire encore dans las aveux qju'il^ioot
contre leur héros. Ilsavouentd'abecdqulit était laid : « De
moyenne stature, le visage brui^ le pe% eavme» to yeiu
verts, large d'épaules^ lon^ bras et petites nAêû>e. > Us
disent qu'il était dès son enfeeee hcmiu^^ wrçpn* « rude^
malicieux et.divers en couraige^ » q.u!il ftfiiewhiift. lefi e»*^
*■ « t^co temps s'drmoft «t étoit toujours armé François, un cheTt-
Ii0ff<cl».]if9tifie«9«i't'app0hrit «leisipv Bii»til DmgmÊCÏiÊt, « ProMi>
EXPULSION DfiS ANGLAIS. 237
fanis, les partageait en troupes, qu'il battait et blessait les
autres. Il fut cpielque temps eafermé par son père. Ce-
pendant une religieuse avait prédit de bonne heure qu?
cet enfaat seeait un fameux chevalier. Il fut enoore en*
Icouragé par les prédic^os d'une certaine demoiseUe
. Tipbaine, que les Bretons croyaient sorcière, et que flus
tard il épousa. Cet intraitable bataill^ur était pourtant,
comme sont les Bretons, ben enfant et prodigue, souvent
riche, souvent ruiné, donqaçt parfois tout ce. qu'il avait
po||r racheter ses hommes; mais en revanche avide et
pillard, rude ep guerre et sans quartier. Comme les aur
très capitaines de oe temps, il préférait la ruse à tout autre
moyen de \9imfe^ il restait toujours libre de sa parole et
de sa foi. Avant la bataille, il était homme de tactique, de
ressource et d'engin subtil. 11 savait prévoir et pourvoir.
Mais une fois qu'il y était, la tôte bretonne reparaissait, il
plongeait dans la mêlée, et si loin qu'il ne pouvait pas tou««>
jours s'en retirer. Deux fois il fut pris et paya ran^n»
La première affaire pour le nouveau rui, c'éuit de rede-
venir maitre du cours de la Seine. Mantes et Meubo
étaient au roi de Navarre; Boucicaut'at Duguesctin les
prirent par une insigne perfidie. Les deux villes payèrent
tout le mal que les Navarf ais avaient iait aux Parisiens.
Les bourgeois eurent la satisfaction d'en voir pendre vingt*^
huit à Paris,
Les Navarrais, fortifiés d'Anglais et de Gascons $ous le
captai de Bueh, voulaient se venger« et foire. quelque: chose
pour empêcher le roi d'aller h Beima. miguescMn vint
bientôt au-devant av^ une bonoe troupe de François,, die
B/e(ons, et aussi de Gascons. Le oapti^l reciri«^ vers
£vreux, Il s'arrêta à Cocberél, su^ un monticule; mai*
DuguesoUn eut Tadres^e de lui dt^r l'avantage du terrain,
il sonna la retraits et fit semUant. d« fair, h» captai ne. put
empêcher ses Anglais de descendre ; ils étaient trop fiers
pour écouter un général gascon,, quoique grand seigneur
288 CHARLES T.
et de la maison de Foix. Il fallut qu'il obéit à ses soldats,
et les suivH en plaine. Alors Duguesclin fit volte-face ; les
Gascons, qu'il avait de son côté, avaient fait, à trente, la
partie d'enlever le captai du milieu de ses troupes. Les ^
autres chefs navarrais furent tués, la bataille gagnée^.
Gagnée le 46 mai, elle fut connue le 18 à Reims, la veille
même du sacre; belle élrewie de la nouvelle royauté.
Charles Y donna à Duguesclin une récompense telle que
jamais roi n'en avait donné : un établissement de prince,
le comté même de Longueville, héritage du frère du roi de
Navarre. En même temps, il faisait couper la tête au sire de
Saquenville,run des principaux conseillers duNavarrais. Il
ne traitait pas mieux les Français qui se trouvaient pamii
les gens des Compagnies. On commença à se souvenir que
le brigandage était un crime.
M guerre de Bretagne finit l'année suivante. Charles de
Blois ^ résignait au partage de la Bretagne; mais sa
femme n'y consentit pas. Le roi de France prêta Dugu<»-
clin et mille lances à Charles. Le prince de Galles envoya
à Montfort le brave Chandos, deux cents lances, autant
d'archers, auxquels se joignirent beaucoup de chevaliers
anglais'.
Montfort et les Anglais étaient sur une hauteur, comme
le prince de Galles à Poitiers, Charles de Blois ne 6*en in-
quiéta pas. Ce prince dévot, qui croyais aux miracles et
qui en faisait, avait refusé au siège de Quimper de se re-
tirer devant le flux. « Si c'est la volonté de Dieu, disait-il,
la marée ne nous fera aucun mal. » 11 ne s'arrêta pas phis
devant la montagne à Auray que devant le flux à Quimper.
Charles de Blois était le plus fort. Beaucoup de Bretons,
même de la Bretagne bretoiinante, se joignirent à lui, sans
doute en haine des Anglais^. Duguesclin avait rangé cette
armée dans un ordre admirable. Chaque homme d'armes,
t App., 238. — • App., iS9, - ' App , 210.
EXPULSION DIS ANGLAIS. 889
dit Froissart, portait sa lance droit devant lui, taillée à la
mesure de cinq pieds» et une hache forte, dure, et bien
acérée, à petit manche... « Et s*en venoient ainsi tout heU
lement le pas. Us chevauchoient si serrés qu'on n'eût pu
jeter une balle de paume qu'elle ne tombÀt sur les pointes
des lances. Jean Chandos regarda longtemps l'ordonnance
des Français, « laquelle en soi-même il prisoit durement. »
11 ne s'en put taire, et dit : « Que Dieu m'aide, comme il^
esterai qu'il y a ici fleur de chevalerie, grand sens et
bonne ordonnance^. »
Chandos s'était ménagé une réserve, pour soutenir cha-
que corps qui faiblissait. Ce ne fut pas sans peine qu'il
obtint d'un de ses chevaliers qu'il voulût bien rester sur
les derrières pour commander cette réserve. U y fallut des
prières^ et presque des larmes^. Le préjugé féodal faisait
considérer le premier rang comme la seule place hono-
rable. Duguesclin n'aurait pu obtenir pareille chose dans
Tautre armée.
Les deux prétendants combattaient en tête. C'était un
duel sans quartier. Les Bretons étaient las de celte guerre,
et voulaient en finir par la mort de l'un ou de l'autre 3. La
réserve de Chandos lui donna l'avantagç sur Duguesclin,
qui fut porté par terre et pris. Tout retomba sur Charles
de Blois : sa bannière fut arrachée, renversée, lui-même
tué. Les plus grands seigneurs de la Bretagne s'obstinè-
rent, et se firent tuer aussi.
Lorsque les Anglais vinrent à grande joie montrer à
Hontfort son ennemi qu'ils lui avaient tué, le sang français
se réveilla en lui, ou peut-être la parenté ; les larmes lui
vinrent aux yeux. On trouva un ciiice sous. la cuirasse du
* Froissart.
* • tioii mestire Jean Chandos aaques (prcsqua) sur le point de
larmoyer. Si dit encore mouU doucement : ■ Mcàsire lluo, pu il faut que
Too> le fussiez 00 que je le fasse. » Id.
SdD CHABLE9 V.
mort. Sa piété» ses belles qualités rovmreiil en mémoire.
U n'avait recommenoé la gnenre^ que par défiércaioe pour
sa femnie, dont la Bretagne était rbérita^e» Ce saint ^ élait
aussi un homme. U faisait de» vers, conpasait des iai^
dans rintervalle des batailles. Il avait été amoureux ; on
sien bMaird fut tué à côté de lui|. es voidaiit venger sa
mopt.
Montfort reçut en peu de jouiB les plus fcites places du
pays. Les enfants de Otaries de- Blois étaient prisooniets
en Angleterre. Le roi de France, qui ne^ portak nulle pas**
sion dans la guerre, s'arrangea avea te vainqueur^ et dé-
cida la veuve de Charles de Blois àise contenliar da^comté
de Penthièvre, de la vicomte de Limoges et d'une rente
de dix mille livres; Le roi fit sagement. Liessenlial étaât
d'empêcher que ia Bretagne ne fithoamis^à TAnglcis. U
y avait à parier qu'elle se lasserait t6t oa tard<du protégé
de l'Angleterre.
C'était quelque chose d'avoir fini la guerrede Bretagne
et'celle du roi de Navarre. Mais il fallait du temps pour
que la France se remit» La simple^ éaumératioo; des:ordoav
nances de Charles V suffit à décauvrir. quelles ^piÂea- cS^
froyablesla guerre avait £aitea<i.La plupart sont destinées
à cooatater des diminuttonsde/euir, à.i«GOiinaHre.que les
Gonumuoes dépeuplées ne peuvent, plus. payer les impôts.
D'autres sont les sauv^^rdes que les viU<»^ las ahbajvs^
les hôpitaux, les chapitres obtiennentdn roè. La protectîoa
publique était siibible»^ qu'on* en réclamait une toute spé-
ciale. Les villes,, les oarporations, les UBiveKBité8,.demsaf
dent que l'on consacre leurs priviléges4 Plusiescs villes sont
déclarées inséparables de la. couronne. Les marchands
italiens à Nîmes, les Castillans et Portugais à HarAeur et à
Caen, obtiennent des privilèges. Au total, peu ou point de
mesure générale ; tout est spécial, individuel : on sent
* « Et l'appelle- t-OD saint Charles. » Froissart. App,, îtSt
EXPLLSWN DBS ANGLAIS. %l
combien le royaume est loin de l'unité, combien il csi
faible et malade encore.
La plus grande misère de la/ France, c'était le brigan-*
(lage des Compagnies^ Licenciées par rAnglais, repoussera
de rile-de-France, de la Normandie, de la Bretagne , de
l'Aquitaine, ces bandes refluaient sur le centre; elles se
promenaient par le Berri, le Limousin), etc. Les brigandb
étaient là comme cbezeux. C'était leu» chambre, disaient-^
ils insolemment ^. ils étaient d^ toute* nation, mais la ptli-'
part Anglais et Gascons, Bretons- encore ; mais ceur-ei
étaient en petit nombre. Le peuple les regardait totts
comme Anglais ; rien n'a plus contribué à exaspérer la
France contre l'Angleterre. On proposait aux Compagniesr
d aller à la croisade. L'empereur leur avait obtenu le pas-
sage par la Hongrie, et il offmit de les défruyer en Allis^
magne. Mais la plupart ne se souoiaient pas dfaller siloin.
Ceux qui s'y décidèrent, dans l'espoir de piller rAlie*^
magne chemin faisant, y parvini^ent à peine. Menés par
rArchiprétrej,usqu'en Alsace, ils y trouvèrent des popula^
tions serrées, hostiles^ qui de toutes parts tombèrent sur
eux. 11 n'en réchappa guère. D'auGres passèrent en Italie.
Mais le principal écoulement s'opéra vers* FEspagiie,
vers la Castille, dans la guerre du^ bâtard Don Burique de
Transtamare contre son frère Don PèdreJa Cruil. Tous
les rois d'Espi^e d'alors méritaient ce surnom. En Na-
varre régnait Charles le Mauvais, le meurtrier, l'empoi-
sonneur. En Portugaly Don Pèdre lo Justicier, celui ifiii fit
une si atroce justice de la mort d'faiès de Castro ; en
Aragon, Don Pèdre le Cérémonieux, qui,, sans forme de
procès, fit pendre par les pieds un légat chargé de lex*-
communier. De même. Don* Pèdre le Cruel avait fait brftier
vif un moine qui lut prédisait que son frère le tuerait. Il
faut voir dans la Chrooiquad-Aj^lace qo'étoii l^E^gne^
S92 CHAIILES Y.
depuis qu'ayant moins à craindre les Maures, elle cédait à
leur influence, devenait moresque, juive, tout, plutôt que
chrétienne. Les guerres sans quartier contre les mécréants
avaient rendu les mœurs féroces ; elles le devenaient encore
plus sous la dure fiscalité juive '.
Ce Pèdre le Cruel était une espèce de fou furieux. Les
deux éléments discordants de FËspagne se combattaient
en lui et en faisaient un monstre. Il se piquait de cheva-
lerie, comme tout Castillan, et en même temps il ne
régnait que par les juifs ; il ne se fiait qu'à eux et aux Sar-
rasins K On le disait fils d'une juive. Sans cette partialité
pour les juifs, les communes lui auraient su gré de sa
cruauté à l'égard des nobles.
Cet homme sanguinaire aimait pourtant. Il avait pour
maltresse la Dona Maria de Padilla, « petite, jolie et spiri-
tuelle, » dit le contemporain t. Pour lui plaire, il enferma
sa femme Blanche, belle-sœur de Charles V, et finit par
l'empoisonner. Il avait déjà fait périr je ne sais combien
des siens. Son frère, Don Enrique de Transtamare, qui
avait tout à craindre, se sauva et vint solliciter le roi de
France de venger sa belle-sœur.
Le roi lui donna de bon cœur les Compagnies qui dé-
solaient la France. Le roi d'Aragon offrit le passage, le
papa Tautorisation d'envahir la Castille. Don Pèdre, entre
autres violences, avait mis la main sur des biens d'église.
Le jeune duc de Bourbon était de nom le chef de l'ex *
pédition ; le vrai chef devait être Duguesclin ^. U était
« La cour dut plas d'ane fois donner satisfaction au peuple. En
4320, pour apaiser les méconteatements, on força le jaif Joseph à ren-
dre compte de son adminisiration dans les Aoanoes, et oo fit un non*
veaa règlement qui excluait de ces fonctions quiconque n'était pas chré-
tien. En 1360, D. Pèdrd fit mourir le juif Samuel l^n> que don Juan
Alphonse lui avait donné ponr trésorier dix ans auparavant* il avait
amassé une fortune énorme. (Ayala.)
* App., 243. — * Ayala.
4 App., 244.
EXPULSION DIS ANGLAIS. 293
encore prisonnier; les Anglais ne voulaient pas le rendre,
à moins de 400,000 fr. ^. Le roi, le pape et'D. Enrique se
cotisèrent, et payèrent pour lui.
Duguesclin prit le commandement des aventuriers, et
les mena en Espagne, mais par Avignon, pour faire encore
iinancer le pape. Il en tira deux cent miUe francs en or et
une absolution générale pour les siens. L'armée grossissait
sur la route ' ; quoique le roi d'Angleterre eût défendu
à ses sujets de prendre part à cette guerre, une foule
d^aventuriers. Anglais et Gascons, n'en tenaient compte.
Un Français les emmenait tous, au grand déplaisir de
l'Anglais K
Ces gens, qui avaient commencé par rançonner le pape,
n'en donnaient pas moins à cette guerre d'Espagne un
faux air de croisade. Quand ils furent en Aragon, ils en*
voyèrent dire au roi de Castilie qu'il eût à donner le pas-
sage et les vivres « aux pèlerins de Dieu qui avoient en-
trepris par grfmd'dévotion d'aller au royaume de Grenade,
pour venger la souffrance de Notre-Scigneur, détruire les
incrédules et exhausser notre foi. Le roi Don Piètre de ces
nouvelles ne fit que rire, et répondit qu'il n'en feroit rien,
et que jà il n'obéiroit à telle truandaille K »
* Ce fut en effet comme un pèlerinage. Il n'y eut rien à
combattre. Don Pèdre fut abandonné. Il ne trouva d'asile
qu'en Andalousie, chez ses amis les Maures. De là, il passa
en Portugal, en Galice, et enfin à Bordeaux. H y fut bien
reçu. Les Anglais étaient outrés de colère et d'envie. Us se
chargèrent de ramener Don Pèdre, de rétablir le bourreau
* Chirlet V loi préift eet argent, à condiiion qa'il emmènerait les
CoDipagDies. App,, 945.
* « Là étoient tous les cheté de compagnie, c'est à sayoir messire Ro«
bart. Briquet» Lamit, le petit liescnin, le bourg (bâtard) Catnns, etc. «
Froissari.
* • Si y allèrent de la principaaté et des cbevaliers do prince de
Galle5. • Id.
* Froissart.
SD4 Qil.ldlLfS v«
de l'Espagne ; l^tM^unS' ce dinbatique ot^a&à, «pii lear a si
souvent tourné Ja %éto, tout sensés (fu ils paraissom, le
même qui leur a fuit brûler Ja ttuœlle d'Orléans, qui, sous
K. Pitt, leur aurait fait bir&Ier.la France. ^
Le rprÎBce de Gattee était tellement infatué de sa puis-
sance, qu'il ae «e oontentait pas de vouknr rétablir Don
Pèdre eu Ca&tUle ; il proraettaîi «u roi dépouUlé de Ma*
jorquede le femener/ea. Aragon. Les seigneurs gascons,
qui Qe se souoi«ieDt pas d*,aller si ioin faire les affaires des
Anglais, basar^^lèr^iU^e lui dire qu'il était plus difficHe de
rétaUir D. Pèdre que de le chasser. cQui trop embrasse
mal étreint, disaient-ils encore... Nous voudrions bien
savoir qui nous payera ; on ne nietpasdes gens d'armes
hors de cbeE eux sans les payer ^ » Don Pèdre leur pro-
mettait tout ce .qu'ils vouiaieiit; il avait laissé des trésors
cacbés daAs des lieux que lui eeul eonnaiasait ; ii leur don-
nerait six cent mille florins K jPourle piinoe de «Galles, û
devait lui donner la Biscaye» o'^esio-àHliiie. l'entrée des
Pyrénées, un Calais pour i'lispagiie«
Toi»! ce qu'il y avait d'aventuriers laagias dans l'année
de Don finrique fut rappelé en Guyeme. Us pardrcm bien
payés par lui, pour revenir le iiattre et gagner autant au
^rvice de Don Pèdre 3 : lelle est la loyauté de ce temps. De
mAme, le roi de Navarre traitait à la ùâs avec les deux
partis, se faisant payer paurmuvflir^ foar kmutr les ^non-
tagnes. Il crai^MÎt iteHomeMt de se aoiapremettre pour
les uns ou les auitres, qu'au mooieai^'fiDtrer en campagne
avec les ko^lm, U aiwannmix lee faite faire prisonnier K
Le prince de Galles eut plus de gens d'armes qu'il ne
voulait^. La difficulté était de ias nourrir. Arrivés sur
l'Ëbre, dans un maigre pays, par le vent, la pluie et la
neige, les vivres leur manquèrent. Us en étaient Aéyà à
1 FjroissArt. -- > Id. — ' App , S46. — « App., 247.
^ Il ne garda que les Anglais et les Gascons, congédiant presque loor
lesautr s, Aliuaiands, Flamands, etc (Froissari.)
EXPULSION DBS ANGLAIS. t9l
payer le petit pain un florin. — On conseillait à Don En^
rique de refuser la bataille, de (aire garder les passages et
de les aflhmer. L'orgueil espagnol né le permit pas. Il se
voyait trois mille armures de fer, six mille hommes 4e ca«
Talerie légère (vingt mille hommes d'armes, dît FroîBSiirt),
dix mîille arbalétriers, soixante mille communeros avec des
lances, des piques et des frondes. Après tout, ce n'était
guère que du peuple. Les archers anglais valaient mieux
que les frondeurs castillans ; les ' lances nnglarses portaient
plus loin que les dagues et lesépées dont les^fVançais ^
les Aragonais aimaient à se servir. La bataille fet conduite
par ce brave et 'froid lean Chandos qui avait déjà fttit ga-
gner aux Anglais les bataffles de Poitiers et â'A«aiiy.
Malgré les efforts de Don Enrique^ qui ramem les tiem
trois fois, les Espagnols s'enferrent. Les aventuriêflfS
restèrent seuls à se battre inutilement^. Tout fat mé
ou pris. Chandos «e trouva, povnria seeoiide fois, avoir
plis Duguesdin.
Ce fut un beau jour pour le prince 4e Chiles.'Il yttVÉH
juste vingt ans qtf il aurait combattu è Cféey, dte cfu'il avélt
gagné la bataille de 'Poitiers. Il Tendit des jugmMrts datts
la plaine de Burgos', il y tint gages et «liamp de tataSie :
on put dire que rEspagne bi un jour à'iui.
le roi de Vrance, 'fort abattu de «es neuveHes, fl^eM
soutenir Henri de Transtaroare. Sur une lettre ée ta parin*
ceasc de Galles, il s'emprèssaide défendre au fugitif Âflta
qgjtr la Guyenne; H fit même mettre en prison le jevM
comte d'Auxerre, qui armait pour don Snrique.
Les vainqueurs restaient en Espagne à attendre 'què
DonPèdre les payftt sur les trésors cachés. Us s'enwuyaieilt
fort ; la sobre hospitafhé espagnole *ne les dédommageait
pas de ce long séjour. Les lourdes ehuleurs venaient; ils
se jetaient sur les fruits, et la dyssenterie les tuait en foule.
* Les paayrfs ^ensdes communes, vivement poursuivis, .nllérent tom^
bcr dans l'Kbre, « en l'eau qui étoit roidc, noire et hideuse. • Froissari,
896 CDAULES V.
Le prince de Galles n'était pas Tun des moins malades. Ils
étaient, dit-on, réduits au cinquième, lorsqu'ils se déci-
dèrent à repasser les monts, mal contents, mal portants,
mal payés ^
Le prince de Galles, qui avait répondu pour Don Pèdre,
ne pouvant les satisfaire, ils pillaient l'Aquitaine. Il finit
par leur dire d'aller chercher leur vie ailleurs. Ailleurs,
c'était en France. Ils y passèrent, et tout en pillant sur
leur route, ils ne manquaient pas de dire partout que c'é-
tait le prince de Galles, leur débiteur, qui les autorisait à
se payer ainsi '.
Le prince fit encore, par orgueil, la faute de délivrer
Duguesclin; ce qui était donner un chef aux Compagnies.
Le prudent Chandos, a qui était son maître, > avait dit
qu'il ne le laisserait jamais se/acheter. Un jour cependant
'que le prince était en gaieté, il aperçut le prisonnier, et
[lui dit : f Comment vous trouvez- vous, Bertrand? — A
imerveille, Dieu merci, répliqua-t il. Comment ne serais-je
ipas bien? Depuis que je suis ici, je me trouve le premier
chevalier du monde. On dit partout que vous me craignez,
que vous n'osez me mettre à rançon. » L'Anglais fut
piqué : c Messire Bertrand, dit-il, vous croyez donc que
c'est pour votre bravoure que no\is vous gardons? Par
saint Georges, payez cent mille francs, et vous êtes libre.»
Duguesclin le prit au mot '.
Ayala dit que le prince, pour montrer qu'il se souciait
peu de Duguesclin, lui dit de fixer lui-même combien il
voulait payer. Duguesclin dit fièrement : « Pas moins 3e
cent mille francs. » Ce serait plus d'un million aujour-
d'hui. Le prince fut étonné : a Et oii les prendrez- vous,
Bertrand? » — Le Breton, selon la chronique, aurait»dit
ces belles paroles, qui n'ont rien d'invraisemblable : c Moa-
I Àpp., S4S.
* • Que le prince de Galles les enToyoit là. • Froissart.
' Ibitj. • Et Unlûl que le prince Touit ainsi parler, il s*6n repentit •
IMPULSION DBS ANGLAIS. 297
seigneur, le roi de Castille en payera moitié, et le roi de
France le reste ; et si ce n'était assez, il n*y a femme en
France sachant filer, qui ne filât pour ma rançon <. »
Il ne présumait pas trop. La guerre était imminente.
Pendant que Charles V recevait honorablement à Paris un
fils du roi d'Angleterre, qui allait "Se marier à Milan, les
Compagnies licenciées par les Anglais désolaient la Cham-
pagne, et jusqu'aux environs de Paris. C'était trop de payer
et d'être pillé.
Le prince de Galles était revenu d'Espagne hydropique,
et son année ne valait guère mieux. Les Gascons qui s'é-
taient engagés dans cette affaire anglaise sur la foi des
trésor^ cachés de D. Pèdre, revenaient pauvres, en piteux
équipage et de mauvaise humeur. Ils gardaient d'ailleurs
an prince plus d'une vieille rancune. Il avait forcé le
comte de Foix à donner passage aux Compagnies, il avait
demandé mUle lances au sire d'Albret, et lui en avait laissé
huit cents à sa charge *. Les méridionaux en voulaient aux
Anglais, non pas seulement de leurs vexations, mais de ce
qu'ils étaient Anglais, c'est-à-dire ennuyeux, incommodes
à vivre. Ces vives, spirituelles et parleuses populations
souffraient à les voir orgueilleusement taciturnes, et ru-
minant toujours en eux «mêmes leur bataille de Poi-
tiers •,
Le prince de Galles méprisait les Gascon^. Il dioirit,
avec le tact anglais, ce moment de mauvaise humeur pour
mettre sur leurs terres un fouage de dix sols par feu *; au
lieu de les payer, il leur demandait de l'argent; un fouage
I App., M9.
» App.. 290.
* • lit sont ceux da Poiton, do Sainlonge, de Qafrcy, de Limousin, do
Booergne, de telle natore qu'iU nopoQTent aimer les Anglois,... et les
Anglois aassi qui sont orgueilleaz et présomptueux ne les pearent aussi
aimer, ni no firent-ils oncques, et encore maint(»n.inf moins que on^ves,
nais les tiennent en grand dépit et vildd. • FroiM.
aux maigre» populalicHis des landes, aux pauvre^ cfaevrîers
das mo&tagnes; un fouage à cette brave petite noblesse
qui ne fiii jftinais ri^fae qu'en cadets et en bâtards. Le
prince avait convoqué tes états à Niort, 4ans Tespoir de
convertir les Gascons par le bon exemple des Poitevins et
des limousins. Ils n'y furent pas sensibles. Il eut beau
transférer les états à Angoulénie, à Poitiers, à Bergerac.
Ils n'eurent pas plus envie de payer à Bergerac qu'à
Niort.
£t non^eulement ils ne payèrent pas, mais ils allèrent
trouver le roî de France, lui disant avi90 la vivacité, de leur
pays (fu'ils voulaient justice, que sa couir était la plus juste
da 'monde, que s'il. ne recevait pasJeor appel, ils'iraieot
chercher un autre seigneur *. Le roi qui n'était p»s pfét
à la guerrcviâcbaitide les contenir. Une les soutenait pas^
ne les renvoyait pas; mais il les gardait k Paris, les
choyait^ les défnayait K 11 y avait à» beUes fortunos à JEûie
«après de oe bon roi. L'Anglais ne ipayait past, même
après;. lui, il parfait d'avnace. U donnait aux petits cbeva-
lîeffs, aen fas de l'argent seulement, mais dîas établisse*
neofts, des fortunes de prince. Jl élait le pire des Bretons
el dns fiaBoons. U ne leur gardait .pas rancune. Pins on
avait bnttn aas gens, et mieux il von^ traitait. U venait
d'accueillir le Vendéen Clisson, l'un de ceux qui avaient le
pbêB nomribué à h dtfaite des FraA(;aÂs à«4uçay. U offrit
au .captai ée Binth leidncbéde Nemours., il donna «u sire
d'Attwel nue fiUc'de FrsiMte en jnaria^. Ce fut pour Jes
Gaseons fuo grand €neoui]|fe«nnJ; de voir un dies leuis
devenir prince, beau-frère des rois de France et de Cas*
tille.
Le 25 janvier 4369, le prince de Galles reçut à Bordeaux
un docteur es lois et un cbevialîer, qui venaient, de la paii
fl Ffoinoit.
* « El vous mettrons à aocord «f«e no&re irét eber amtn le pràied in
Galles, qui espoir (peut-ôire) n'est mie bien conreiilé. • Uiid.
EXPULSION DES ANgLAlS. 299
du roi de France, lui remettre un exploit. C'était une som-
mation polie de venir à Paris, et de répondre en cour des
pairs, touchant certains griefs dont a par foible conseil et
simple information, il aurait molesté les prélats, barons,
chevaliers et communes des marches de Gascogne aux
frontières de notre royaume, de laquelle chose nous
sommes tout émerveillés ^ » Le malade, ayant pris con-
naissance du message, dit fièrement le mot de Guillaume
le Conquérant : « Nous irons, mais ce sera le bassinet en
této, et soixante mille hommes'à notre compagnie... II en
coûtera cent mille vies. » Le prince était de si mauvaise
humeur, qu'après avoir permis aux messagers de s'en
aller, il fit courir après, et les mît en prison sous un pré-
texte : « De crainte qu'ils n'allassent recorder leurs sougles
(plaisanteries) et leurs bourdes (railleries) au duc d'Anjou
qui vous aime tout petit, et qu'ils disent comme ils m'ont
ajourné en mon hôtel même *. »
Le roi de France, tout au contraire, avait Tair de croire
que cette affaire de Gascogne ne touchait point lé roi
d'Angleterre. Au même moment, il lui envoyait vm présent
de cinquante pipes de bon vin, dont pourtant l'Anglais ne
voulut pas. Il avait naguère encore acquitté un des
payements de la rançon du roi Jean. ^
Charles savait endurer et patienter. Ses affaires n'en
marchaient pas mdins. Au nord, il gagnait les gens des
Pays-Bas. Il pratiquait le Ponthieu, Abbcviflc. Au midi, il
avait, de longue date, fait placer par le pape des évéques à
lui dans toutes les provinces anglaises. Au delà des Pyré-
nées, il envoyait Duguesclin et quelques gens des Compa-
gnies pour aider les Castillans à se débarrasser du roi que
les Anglais leur avaient imposé. Don Enrtque promettait
en retour d'armer contre les Anglais une flotte douUe de
celle du roi de France.
I ProisMrt. — > Mem.
300 CHARLES V.
Don Pèdre avait pour lui beaucoup de communes, pré-
cisément à cause do sa cruauté à Tégard des nobles. D
avait surtout les Maures et les juifs, mauvais auxiliaires
qui n*étaient pas capables de le défendre et qui donnaient
une fâcheuse couleur à son parti. Il s'était retiré dans un
des pays les moins chrétiens d'Espagne, dans l'Andalousie.
Don Enrique et Duguesclin, emmenant rapidement un
petit corps d'hommes sûrs, ne lui laissèrent pas le temps
de reconnaître le nombre des assaillants. Les juifs qui,
contre toutes leurs habitudes, avaient pris les armes, les
jetèrent au plus vite ; les Maures avec leura flèches ne
pouvaient arrêter la grosse cavalerie. Duguesclin défendit
qu'on fît quartier à ces mécréants. Don Pèdre n'eût que le
temps de se jeter dans le château de Montiel. On dit que
Duguesclin lui promit de le faire évader et qu'il le trahit;
que les deux frères étant venus en présence dans la tente
de D. Enrique, ces furieux se jetèrent l'un ;sur l'autre ;
que D. Pèdre ayant mis Enrique dessous, Duguesclin prit
D. Pèdre par la jambe et le mit sous son frère qui le poi-
gnarda ^
La bataille de Montiel eut lieu le 4 4 mars. À la fin d'a-
vril, Charles V éclata, surprit le Ponthieu et défia le roi
d'Angleterre. Le défi fut porté h Westminster par un valet
de cuisine. Le choix du messager, en chose moins grave,
eût semblé épigrammatique. Ces conquérants, maltraités
en Espagne par les fruits, en France par les vins, étaient
malades, vieillis de leurs excès. Un fils d'Edouard III,
Lionel, mourait à Milan d'indigestion. Les Anglais soutin-
rent qu'il était empoisonné .
Il n'y avait que trop de bonnes raisons pour rompre la
paix. Les Anglais l'avaient rompue eux-mêmes, en là- ^
chant leurs Compagnies sur la France. Charles V n'en
< Au lieu de Dugueflclin qu^Ayala fait intenrenir, Froitsart noBinek
vicomte de Roqueberlio.
EXPULSION DES ANGLAIS. 30 1
•
parla pas, non plus que des réclamations des Gascons au
traité de Bretigni, pas davantage de leurs privilèges violés
par les Anglais. Il aima mieux chercher dans les chartes
du traité quelque défaut de forme. Les états généraux,
consultés par lui avec déférence, décidèrent que son droit
était bon (9 mai 1369). Il se fit donner par la cour des
pairs sentence pour confisquer l'Aquitaine; U dit hardi-
ment dans cet acte que la suzeraineté et le droit d*appel
avaient été réservés par le traité de Bretigni.
U pouvait mentir hardiment : tout le monde était pour
lui. Les Compagnies se déclarèrent françaises. Les évéques
d'Aquitaine lui donnaient leurs villes; de longue date,
Varchevéque de Toulouse les avait gagnées : soixante* villes,
bourgs ou châteaux, chassèrent les Anglais, même Cahors,
même Limoges, dont les évéques semblaient tout anglais.
Le roi de France méritait ces miracles ; tout maladif qu'il
était, il faisait continuellement, pieds nus, ^e dévotes pro-
cessions *. Les prêcheurs populaires parlaient pour lui.
Le roi d'Angleterre faisait bien aussi prêcher Tévéque de
Londres ; mais il n'avait pas le même succès >.
Toutes les villes qui se rendaient à Charles V obtenaient'
confirmation et augmentation de privilèges. On suit le
progrès de sa conquête de charte en charte : Rhodez,
Figeac, Montauban, février 1370; Milhaud en Rouergue,
mai ; Cahors, Sarlat, juillet '.
Il est difiicile de croire qu'une tête aussi froide, aussi
sage, ait eu réellement l'idée d'envahir l'Angleterre *. H fit
tout ce qu'il fallait pour le faire croire, sans doute afin
« App., Ï5Î.
* • An Toir dire, il était de néCMtilé à l'on roi et à l'antre, pnkqw
guerroyer YonUnent, qu'ils fissent meUre en termes et remonirer à leur
peuple Tordonnance de leur querelle, pourquoi chacun entendit de plus
grand volonté à conforter son seigneur; et de ce étoiv'At-ils tons réveillée
en TuB royaume et en Tauire. • Froiss.
•il pp., Î53.
* Froissari.
30i CHARLES y.
d'attirer les Anglais dans le nord, et de les empêcher
d'étouffer le mouvement du midi. Ils débarquèrent en
effet une armée à Calais sous le duc de Lancastre. La
grande et grosse armée française, conduite par le duc de
Bourgogne, cinq fois plus forte que l'anglaise, avait dé-
fense e^resse de combattre. Elle resta immobile, puis se
retira, sous les huées des Anglais *. Ceux-ci n'en perdi-
rent'pas moins leur temps et leur argent. Les villes du
nord étaient en bon état. Dans le midi ils avaient regagné
plusieurs places, mais en perdant ce qui valait bien plus,
l'irréparable capitaine auquel ils devaient les victoires de
Poitiers, d'Auray et de Najara, le sage et habile Jean
Chandos.
Ce brave homme avait tout prévu. Dès le moment que le
prince de Galles s'obstina, contre son avis, à imposer ce
fatal fouage, Chandos se retira en Normandie. Puis, le midi
se soulevant, il revint pour réparer le mal, pour sauver
les imprudents qui n'avaient pas voulu l'écouter ; mais il
espérait peu de cette guerre. L'historien du temps le repré-
sente fort triste et mélancolieuXy comme s'il eût prévu sa
mort prochaine et la perte des provinces anglaises. Après
sa mort, le roi d'Angleterre suivit enfin son avis, et révoqua
rimpôt. Il était trop tatd.
Les Anglais étaient, eomme on est dans le malheur, de
plus en plus malhabiles et tîialheureux. Ils auraient dû à
tout prix s'assurer le roi de Navarre et s'en servir contre
la France. Le marché tint, selon toute apparence, à la
vicomte de Limoges que le Navarrais demandait. Le prince
de Galles ne voulut pas ébrécher son royaume d'^Aquilaine :
ihlui importait de garder cette porte de la France. 11 refusa
et perdit tout. Le roi de France regagna le roi* de Navarre
en lui donnant Montpellier, qu41 lui' promettaii depu» st
longiLemps. Peu après il eut encore Tadresse de se conci-
* Froissart,
EXPULSION DSS ANGLAIS. 3d9
lier le nouveau roî d'i^lcosse, premier de la maisoa de
SUiart, Castitte, Navarre, FUndre, Ecosse, il détachait toul
de rAngleterre ; il isolak soa ennemie.
L'orgueil anglais était si engagé dans cette guerre,
qu'Edouard trouva encore moyen', af rès tant de sacrifiées,
de faire contre la France deux expéditions^ à^ la fotst^ Peiv-
dant <|ii'ttn de ses fils^ le duc ée Laneastre,, alkuU; secourir
le prince de Galles resserré dans Bordeam (fin juilt^
4^7ê), une autre armée sous^ un vieux capitfi&ne, ftoberi
Knolles, entrait ^i Picardie (même mois^. Des deux côtés,
nulle résistance ; Dugaeselin, Cliason, eonseiltaieni d'éviter
tout cooibat, d'esearmeucher seulement et de garder lea
places ; lai campagne devenait ce qu'elle filouvait. Ces ebe£ii
de Cofl^pagnie ne connaîssaieiit qne le suceee ; les plua
braves atmaienl mieux employer la ruse. Quant à l'hon-
neur dJu royaume, ilS' ne savaient- ce que c'était^ H falkait
que le due de Bourbon vit, sans bouger, passer devant le
froni de sen année, sa- mère, mère de la reino de Franecy
que les Anglais avaie&ft prise,, et qu'ils ftrenb ehevauehei^
sous ses yeux dans l'espoir d'entraîner le ftls'att combats H
leur proposa un dueK maiS' leuf^ refusa la bataille ^
A N090B, l'outrage fat plu» sangUinl* L'ÉcoseaisSeyteoi
sauta les barrières de la viiley fer«ailla< une teure avec le»
Français^ et sortit sain et sauf ^. L'avmée anglaise vinlr
aussi* jusqu'en Chaaapagne, jusqu'à Rh'eims^ jusqu'à Paris,'
détruisant et brûlant tiout ce qu eUe treuvaiti chercbanft s'il
y aurait quelque ravage aases. cruel, quelque piqûve assez;
sensible, pour réveiller l'honneur de l'ennemi. Pendant uni
jour et deux nuits qu'ils furent devant Paris] le noi, de* sont
hôtel Saiat4^a«l, voyait sans s'émouvoir la flamfhe desr
villages'qu'ik inoMidiaient*de tous- oôtéa. Une^vMniNPeuse
et briUaiita chevelerie, les TencacviUei* le» Goucy,. lea
* App., 254.
* • SeigRcnn; je ton» viMt Toir;' vous^ m tlaifuotf Hitr hwp dt' \^8
barrières, et j'y dtigne bien entrer. # Froissiri.
I 304 CHARLES T.
Clisson, étaient dans la ville, niai$ il les retenait. Clisson,
dont la bravoure était connue, encourageait cette pru-
dence cruelle : a Sire, vous n'avez que faire d'employer
vos gens contre ces enragés ; laissez-les se fatiguer eux-
mêmes. Us ne vous mettront pashors de votre héritage,
avec toutes ces fumières. »
Au moment du départ, un Anglais approcha de M bar-
rière Saint-Jacques qui était toute ouverte et pleine de
chevaliers. Il avait fait vœu de heurter sa lance aux bar-
rières de Paris. Nos chevaliers l'applaudirent et le laissè-
rent aller '. Cet outrage aux murailles de la cité< à Thon-
neur du pomœrium, chose si sainte chez les anciens, ne
touchait pas les hommes féodaux. L'Anglais s'en allait au
petit pas, quand un brave boucher avance sur le chemin,
et d'une lourde hache à long manche lui décharge un coup
entre les deux épaules ; il redouble sur I9 tête et le ren-
verse. Trois autres surviennent, et à eux quatre ils frap-
paient sur l'Anglais a ainsi que sur une enclume. » Les
seigneurs qui étaient à la porte, vinrent le ramasser pour
l'enterrer en terre sainte.
Le prince de Galles ne trouva pas plus d'obstacles pour
assiéger LimQges que Knolles pour insulter Paris. Dugues*
clin avait lui-même conseillé de dissoudre l'armée du
midi et n'avait gardé que deux cents lances pour courir le
pays. Le prince en voulait d'autant plus cruellement aux
gens de Linioges, que l'auteur de la défection de cette ville,
l'évéque, était sa créature et son compère. 11 avait juré
l'âme de son père qu'il ferait payer cher à la ville cette
trahison. Les bourgeois, fort effrayés, auraient vouhi se
rendre? Mais les capitaines français les en empêchèrent.
Cependant de prince ayant fait miner une' partie des mu*
railles, les fit sauter et entra par la brèche. Il était trop
« « AUes-TOQs-ea» allet-vous-eD, vous voiu êtes biea aoqaiité. > Frov-
tau*
EXPULSION DBS ANGLAIS. 805
malade pour chevaucher, mais se faisait traîner dans un
chariot. 11 avait donné ordre de tuer tout, hommes,
femmes et enfants. Il se donna le spectacle de cette bou-
cherie. « Il n*est si dur cœur que, s'il fut adonc en la cité
de Limoges, et il lui souvint de Dieu qui n'en pleurât ten-
drement ^ -» Le prince de Galles ne s*en souvint pas. Cet
homme blême et malade, qui était si près de rendre
compte, ce mourant ne pouvait se rassasier de voir des
morts. Des femmes, des enfants, se jetaient à genoux sur
son passage, en criant : « Grâce, grâce, gentil Sire I » Il
n'écoutait rien. Il n'épargna que Tévéque, c'est-à-dire le
seul coupable, et trois chevaliers français qui lui plurent
pour s'être défendus à outrance.
Cette extermination de Limoges, qui rendit le nom
anglais exécrable en France, apprit aux villes à se bien
défendre. C'était un adieu de l'ennemi. Il traitait le pays
comme la terre d'un autre, comme n'y comptant pas re-
Tenir. Peu après se sentant plus malade, le prince se laissa
persuader par les médecins d*aller respirer le brouillard
natal, et se fit embarquer pour Londres. Son frère, le duc
de Lancastre, commençait sans doute à lui porter ombrage.
Le prince de Galles, qui ne pouvait espérer de succéder,
voulait au moins assurer le trône à son fils.
Le roi fit plaisir à tout le royaume en nommant Dugues-
clin connétable *. Le petit chevalier breton investi de cette
première dignité du royaume, mangea à la table du roi,
distinction faite pour étonner, quand on voit, dans Chris-
tine de Pisan, que le cérémonial de France était que le roi
fût servi à table par ses frères.
Le nouveau connétable entendait seul la guerre qu'il
fallait faire à l'Anglais. Les batailles étaient impossibles ;
f • Plus de trois mille personnes y furent décollées eette jonraée.
Dieu en ait les 4mes; car ils furent bien martyrs. » Froissart.
* • Pour le plus vaillant, mieux taillé et idoine de ce faire, et le plof
vorinevx et fortuné en ses besognes. » Ibid.
ui. 10
300 CHARLES T.
les imaginations étaient frappées depuis Crécy et Poitiers.
Chose bizarre, les Français, qui sous Duguesclin forcèrent
les Anglais dans plusieurs places, hésitaient à rencontrer
en plaine ceux auxquds ils ne craignaient pas de donner
assaut. li leur Cillait être tout auonoins en nombre double.
Ils commencèrent à. se rassurer, lorsque Duguesclin. sui-
vant Tarmée de Knolles dans sa retraite, enleva deux cent^
Anglais avee quatre cents Français.
Ce qui servait Charles V mieux que Duguesdln, mieux
que tout le monde, c'était la folie des Anglais, le vertige
qui les poussait de faute en faute. Ils firent déclarer pour
eux le duc de Bretagne. Mais la Bretagne était contre. Ils
se trouvèrent avoir provoqué la ruine de Monlfort, qu'ils
avaient établi avec tant de peine. Les Bretons chassèrent
leur duc *.
L'alliance de Castille avait jusque là peu servi Charles V.
Les Anglais se chargèrent de la resserrer, de la. rendre effi-
cace» Le duc de Lancastrc, dans son ambUion extrava-
gante, épousa la fille aînée de D. Pèdre ; le comte de Cam-
bridge épousa, sa seconde fille. C'était une infatuation
inouïC) incroyable. L'Angleterre, qui n'avait pu conquérir
la-FniRee, entreprenait de plus la conquête de TËspague.
Le résultat de cette nouvelle imprudence fut de donner
unS' flotte aux Français. Le roi de Castille^ menacé par ce
maringe, envoya une armée navale à Charles V. Les gros
vaisseaux espagnols^ chargés d'm'tiUerie» accablèrent de-
vant la Rochelle les petits vaisseaux des Anglais, leurs
archers. La Rocbdid applaudit, et chassa les vaincus. Elle
se donna, mais avec bonnes réserves et sous condition* de
manière à rester une république som le roi K
Ge graqd événement entraîna tpul. la Poitou. Edouard et
le prince de Galles, le vieillard et le malade, montèrent
pourtant en mer etessayèrent de venir au secours. La mer
» App, 253. — Mi)p.,256u
EXPULSION DES ANGLAIS. 307
•
ne voulait plus d'eux. Elle les ramena, bon gré, mal gré,
en Angleterre. Thouars succomba. Duguesclin battit ce qui
restait d'Anglais à Chizey. La Bretagne suivit : ce fut
l'affaire de quelques sièges. Le seul capitaine qui restât
aux Anglais était un Gascon, le captai de Buch : i'un des-
meilleurs qu'eussent les Français était un^allois, un des-
cendant des princes de Galles qui vengeait ses aïeux en
servant la France. Le Gallois prit le Gascon : Charles V
garda précieusement à la tour du X^mple cet important
prisonnier, sans lui permettre de se racheter jamais.
Le second fils d'Edouard III, le duc de Lancastre, tige de
cette ambitieuse branche de Lancastre qui fit la gloire et
le malheur de l'Angleterre au xv» siècle, avait pris le titre
de roi de Castille. 11 se fit nommer capitaine général du
roi d'Angleterre en France, son lieutenant dans TAqui-
tnine, où les Anglais n'avaient presque plus rien. II y a une
telle force d'orgueil dans le caractère anglais, une passion
51 opiniâtre, qu'après tant d'hommes et d'argent joués et
perdus, ils firent une mise nouvelle pour regagner fout. Ils
trouvèrent encore une grande armée à donner h leur capi-
taine d'Aquitaine. Débarqué à Calais, Lancastre traversa la
France, sans trouver rien à faire, ni bataille à livrer, nî
ville à prendre : tout était fermé, en défense. Los Anglais
ne purent rançonner* que quelques villages. Tant qu'ils-
furent dans le nord, les vivres abondaient : « Ils dînaient
tous les jours splendidement. » Mais, dès qu'ils furent
clans l'Auvergne, ils ne trouvèrent plus ni vivres, ni four-
rages. La faim, les maladies firent dans T^irmée àei^ ravages
terribles. Ils étaient partis de Calais avec trente mille cho^
vaux ; ils arrivèrent à pied en Guienne : c'était une armée
de mendiants ; ils demandaient de porte en porte leur pain
aux Français ^
L'arrivée de cette armée h Bordfeaux eut pom*tant un
« App,, t57.
308 CHARLES ▼.
effet. Les Gascons, qui n'étaient plus Anglais et qui n'é-
taient pas pressés de devenir Français, s'enhardirent, et
déclarèrent au connétable de France qu'ils feraient hom-
mage à celui des deux partis qui battrait l'autre. II fut
convenu qu'une bataille serait livrée le 45 avril à Moissac.
Puis les Anglais l'ajournèrent au 15 août; puis ils deman-
dèrent qu'elle eût lieu près de Calais. Les actes n'ayant
pas été conser\'és, on ne sait trop ce qui fut convenu. Au
i 5 août, les Français se rendirent à Moissac, s'y rangèrent
en bataille, attendirent et ne virent personne. Alors ils
forcèrent les Gascons de tenir parole. Il ne resta aux An-
glais en France que Calais, Bayonne et Bordeaux (4374).
Cet effort qui n'avait abouti à rien, ce coup donné en
l'air, leur fit beaucoup de mal. L'épuisement qui suivit fot
tel, qu'Edouard accepta la médiation du pape qu'il avait
'tant de fois refusée. Le grondement du peuple devenait
formidable au roi. Ce rude dogue, qu'on avait mené si
longtemps par l'appât d'une proie qui reculait toujours,
commençait à faire mine de se jeter sur son maître. On
avait eu une peine incroyable à faire aimer la guerre à
l'Angleterre. Elle était déjà lasse à la bataille de Crécy.
Lorsque le chancelier demandait aux gens des communes,
pour les piquer d'honneur : « Quoi donc? voudriez-vous
d*une paix perpétuelle? » ils répondaient naïvement:
c Oui, certes, nous l'accepterions ^ » — .On leur fit croire
ensuite que tout serait fini avec la prise de Calais. Puis
vint la victoire de Poitiers, qui leur tourna la tète. Ils se
figuraient que la rançon du roi de France les dispenserait
à jamais de payer l'impôt. Après, on les amusa avec l'Es-
pagne, avec les fameux trésors cachés de Don Pèdre. L'ar«
gent d'Espagne ne venant pas, on leur persuada qu'on
prendrait l'Espagne elle-même.
En \ 376, ils firent leurs comptes, et virent qu'ils n'avaient
I ilallam.
EXPULSION DES ANGLAIS. 309
rien, ni argent, ni Espagne, ni France. Leur mauvaise
humeur fut extrême. Us s*en prirent au roi, au duc de
Lancastre qui avait alors la principale influence. Son frère
aîné, le prince de Galles, tout malade qu'il était, se mon-
trait favorable à l'opposition. Le Parlement de 4376, ap-
pelé le bon Parlement^ ne se laissa plus mener par des
mots. Il demanda ce qu'était devenu tant d'argent, ces
subsides, ces rançons de France et d'Ecosse. Il attaqua
brutalement Edouard, dévoila sans pitié les faiblesses
royales, le poursuivit dans son intérieur, dans sa chambre
à ciiucher.
Le vieux roi était gouverné par une jeune femme ma-
riée, Alice Perrers, femme de chambre delà reine, belle,
hardie, impudente ^. La pauvre reine, qui voyait tout,
avait foit en mourant cette prière au roi : « Qu'il voulût
bien se faire enterrer près d'elle à Westminster, » espé-
rant ravoir à elle, au moins dans la mort.
Les joyaux de la reine furent donnés à Alice. La créature
80 faisait donner, prenait ou volait. Elle vendait des places,
des jugements même. Elle allait de sa personne au Banc
du roi solliciter des causes. Les juges d'église, les docteurs
en droit canon, étaient exposés dans leurs jugements, à
voir la belle Alice venir hardiment leur parler à l'oreille.
Le Parlement somma le roi d'éloigner cette femme et
d'autres mauvais conseillers.
Le pince de Galles mourut, laissant un fils tout jeune.
Le duc de Lancastre, entre ce neveu enfant et son vieux
père, se trouviait effectivement roi. Les conseillers revin-
rent. Le vote d'une grosse taxe fut extorqué au Parlement.
Le duc, qui avait besoin de bien d'autres ressources pour
•a future conquête d'Espagne, se préparait à mettre la
main sur les biens du clergé. Déjà il avait lancé contre les
prêtres le fameux prédicateur Wicleff ; il le soutenait, avec
« App., 258.
310 CÏÏARLES V.
tous les grands seigneurs, contre révoque de Londres. Los
gens de Londres, sur un mot insolent deLancaslre conire
leur évéque, se soulevèrent, et faillirent mettre le duc eu
pièces.
Pendant tout ce l)ruît, le vieil Edouard III se mourait à
Elthani, abandonné à la merci de son Alice. Elle le trom-
pait jusqu'au bout, restant près de son lit, le flattant d'ua
prochain rétablissement, Tempéchant de songer à son
salut. Dès qu'il perdit la parole, elle lui aiTacha ses un-
neaux des doigts, et le laissa là.
Le fds et le père étaient morts à un an de disUince. Ces
deux noms, auxquels se rattachent de tels événements,
sont peut-être encore les plus chers souv^irs de TAngle-
terre. Quoi^iue le prince ait du en grande partie à Jean
Chandos ses victoires de Poitiers et de Najara, quoique
son orgueil ait soulevé les Gascons et armé la Castille con-
tre l'Angleterre, peu d'hommes méritèrent mieux la re-
connaissance de leur pays. Nous-mêmes, à qui il a ii.ît
tant de mal, nous ne pouvons voir sans respect, à Cantur-
«béry, la cotte d'armes du grand ennemi de la France. Ce
mauvais iiaillon de peau^piiu^^e des vers éclate entre tous
les riches écussons dont l'église est parée. Il a survécu
cinq cents ans au noble cœur qu'il couvrait.
Dès que le roi de France apprit la mort d'Edouard, il
dit que c'était là un gloiieux règne et qu'un tel prince
méritait mémoire entre les preux. Il assembla nombre de
prélats et de seigneurs, et fit faire un service à la Sainte-
Chapelle. £n Angleterre, les funérailles furent troublées.
Quatre jours après la mort d'Edouard, la flotte de Castille,
chargée des troupes de France, courut toute la cùte en
brûlant des villes : Wigth, Rye, Yarmouth, Darmouth,
Plymouth et Wincbelsea. Jamais du vivant d'Edouard et
du priuce de Galles, l'Angleterre n'avait éprouvé un pareil
désastre.
De toutes parts le roi de France faisait une guerre de
EXPoLSION DES ANGLAIS. 31 1
tiéjçocîatîons. Dopuîs cinq ans il empochait le mariage d*un
fils d'Edouard avec l'héritière de Flandre, par défaut de
dispense papale ; il obtint sans diftlculté cette dispense
pour son frère, le duc de Bourgogne, parent de la jeune
comtesse au même degré. Le père ue voulait pas d% ce
mariage, non plus que les villes de Flandre. Mais la
grand'inère, comtesse d'Artois et de Franche-Comté, fit
«lire à son fils, le comte de Flandre, qu'elle le déshéritait
s'il ne donnait sa fille au prince français. Le mariage se
fit pour le désespoir du prince d'Angleterre, qui voyait
cette immense succession prête à échoir à la maison de
France. La France, mutilée à Touest, se formait sa vaste
ceinture de Test et du nord.
Cet échec et ceux que les Anglais éprouvèrent encore
près de Rordeaux alhiient les décider à faire ce qu'ils
auraient dû faire tout d'abord, à s'unhr avec le roi de
Navarre. Ils lui auraient donné Bayonne et le pays voisin,
Il eût été leur lieutenant en Aquitaine. Le Navarrais, plus
fin qu'habile, envoyait son fils à Paris pour mieux tromper
le roi, tandis qu'il traitait avec les Atiglais. Il lui advkit
comme à Louis XI à Péronne. Sa finesse le mena au piège.
Le roi lui garda son fils, lui i éprit Montpellier, et saisit
son comté d'Évreux. On prit son lioutonant Dutertre, son
conseiller Du Rue qui, disait-on, était venu empoisonner
le roi. On accusait Charles le Mauvais d'avoir empoisonné
déjà la reine de France, la reine de Navarre et d'autoes
encore. Tout cela n'était pas invraisemblable : ce petit
prince, exaspéré par ses longs malheurs, pouvait essayer
de reprendre par le crime et la ruse ce que la force lui
avait ùié. Il avait sujet de haïr les siens autant que l'ennemi.
Sa femme le trompait pour le brave capitaine gascon des
Anglais, le captai de Buoh i. Du Rue avoua seulement que
Charles le Mauvais comptait empoisonner le r^i par le
• il/;/., 209.
312 CHARLES T.
moyen d'un jeune médecin de Chypre, qui pouvait s*in-
troduire aisément près de Charles V et lui plaire, « parce
qu'il parloit beau latin, et étoit fort argumentatif. » Du-
tertre et Du Rue furent exécutés. Charles V tira de ce
procès l'avantage d'avilir, de déshonorer le roi de Navarre,
de lui faire une réputation d'empoisonneur, de tuer ainsi
ses prétentions au trône de France.
Charles le Mauvais perdit tout dans le Nord, excepté
Cherbourg. Au Midi les Castillans le menaçaient. 11 eût
perdu la Navarre même, si les Anglais n'étaient venus à
son secours. Les Gascons y aidèrent les Anglais. Ceux-ci
essayèrent ensuite de prendre Saint-Malo, et n'y réussirent
pas plus que les Français à prendre Cherbourg. Tout ce
grand mouvement de guerre n'aboutit encore à rien. Le
roi de France ne put être forcé ni à combattre, ni à rendre ;
il resta les mains garnies ^
L'habileté de Charles V, et l'affaiblissement des autres
£tats, avaient relevé la France, au moins dans l'opinion.
Toute la chrétienté regardait de nouveau vers elle. Le
pape, la Castille, l'Ecosse, regardaient le roi comme un
protecteur. Frère du futur comte de Flandre, allié des
Visconti, il voyait les rois d'Aragon, de Hongrie, am-
bitionner son alliance. Il recevait les ambassades lointaines
du roi de Chypre, du Soudan de Bagdad, qui s'adressait à
lui, comme au premier prince des Francs K L'empereur
même lui rendit une sorte d'hommage, en le visitant à
Paris. Après avoir aliéné les droits de l'Empire en Alle-
magne et en Italie, il venait donner au dauphin le titre du
royaume d'Arles.
La subite restauration du royaume de France était un
miracle que chacun voulait voir. De toutes parts on venait
admirer ce prince qui avait tant enduré, qui avait vaincu
' ilj>p., S60.
• • Comme au solennel prince des chrétiens. •
^
EXPULSION DES ANGLAIS. 313
k force de ne pas combattre ^, cette patience de Job, cette
sagesse de Salomon. Le xiy* siècle se désabusait ^ de la
chevalerie, des folies héroïques, pour révérer en Charles V,
le héros de la patience et de la ruse.
Ce prince naturellement économe, ce roi d'un peuple
ruiné, étonnait les étrangers de la multitude de ses cons-
tructions. Il élevait autour de Paris des maisons dites de
plaisance, Melun, Beauté, Saint-Germain ; mais toute
maison alors était un fort. Il donnait à la ville un nouveau
pont (Pont-Neuf), des murs, des portes, une bonne bastille.
Il ne se fiait guère qu'aux murailles *.
Près de sa Bastille, il avait construit, étendu, aménagé,
avec le luxe d'un roi et les recherches d'un malade, le
vaste hôtel Saint-Paul 3. La magnificence de cette de-
meure, la splendiile hospitalité qu'y trouvaient les princes
et les seigneurs étrangers, faisaient illusion sur l'état du
royaume. Le sire de La Rivière, Tainiable et subtil con-
seiller de Charles V, le gentilhomme accompli de ce temps,
en faisait les honneurs. Il leur montrait la noble demeure
de son maître, ces galeries, ces bibliothèques, ces bufiets
chargés d'or, et ils l'appelaient le riche roi K
€ L'eure de son descouchier au matin estoit comme de
six à sept heures. Donnoit audience mesmes aux mendres,
de hanÛement deviser à luy. Après, luy pigné, vestu et
ordonné,... on lui apportoit son bréviaire ; environ huit
heures du jour, aloit à sa messe ; à l'issue de sa chapelle,
toutes manières de gens povoient bailier leurs requêtes.
Après ce, aux jour députez à ce, aloit au conseil, après
lequel... environ dix heures asseoit à table... A l'exemple
* • Le roi ChArles de France fat dnrement sage et sabiil ; ear tout
qiioi (eoi) étoit en ses ebambres et en ses déduits; si reconquéroit ee que
set prédécesseurs avoient perd a sur le cbamp, la tête armée et répëê
an poing. • Froi-s.
• App.,m. — » i4pp..262.
4 Aiusi Tappeloit &latbieu de Concy.
3U CHARLES T.
de David, înstraments bas oyoit volontiers à la fin de ses
mangiers. »
« Luy levé de table, à la colacion, vers lai povoyent aler
toutes manières d'estrangiers. Là luy estoient apfKtftées
nouvelles de toutes manières de pays on des aventures
de ses guerres... pendant l'espace de deux heures ; après
aloit reposer une heure. Après son dormir, estoit un espace
avec ses plus privés en esbatement, visitant joyauls ou
autres richeres. Puis aloit à vespres. Après... entroit en
été en ses jardins, où marchands venoient apportervelours,
draps d'or, etc. En h^'ver s'occupoit souvent à oyr lire de
diverses belles ystoires de la sainte Escripture, oa des Lils
des romans ou nioralitez de philosophes et d'avlKS
sciences, jusques à heures de soupper, auquel s'asseoit
.d*assez bonne heure, après lequel une pièce s^esbatoit,
puis se retrayoit. Pour obvyer à vaines et vagues paroUes
et pensées, avoit (au diner de la reine) un prud'honini6
en estant au bout de la table, qui, sans cesser, dismt gesles
4b mœurs virtueux d'aucuns bons treppassez *. >
Les philosophes avec lesquels le roi aimait àis'entretenir
étaient ses astrologues'. Son astrologue en titre, un Italien,
Thomas de Pisan, avait été appelé tout exprès de Bologne ;
le roi hd donnait cent livres par mois. Ces gens, quels que
fussent leurs moyens de prévoir, ne se troaq[>aàent pas
trop. Ils étaient pleins de finesse et de sagacité. Chartes V
donna un astrologue à Duguesdin en lui remettant Tépée
de'oovnétable.
ht peu que nous savons de Charles Y, de ses jugements,
de ses paroles, indique, comme tout son règne, une douce
et froide sagesse, peut-être aussi quelque indifférence au
bien et au mal ^. a Considérant dit son historien femelle,
la fragilité humaine, il ne permit jamais aux maris d'em"
murer leurs femmes pour méfait de corps, quoiqu'il en
I Christine de Pisnn.
* App., 203. — » App,, 201.
EXPULSION DES ANGLAIS. 315
fust maintes fois supplié ^ » — Il surprit trois fois son
barbier en flagrant délit de vol et la main dans la poche,
sans se fâcher ni le punir ^.
Charles V est peut-être le premier roi, chez cette nation
jusque-là si légère, qui ait su préparer de loin un succès,
le premier qui ait compris l'influence, lointaine et lente,
mais dès lors réelle, des livres sur les affaires. Le pr\eur
Honoré Bonnor écrivit par son ordre, sous le titre bizarre
de TÂrbre des batailles, le prcn)ier essai sur le droit de la
paix et de la guerre. Son avocat général, Raoul de Presles,
lui mettait la Bible en langue vulgaire, tant d'années avant
Luther et Calvin. Son ancien précepteur. Nicolas Oresnio,
traduisait l'autre Bible du temps, Aristote. Oresme, Raoul
de Presles, Philippe de Maizièrcs travaillaient, peut-être à
frais communs, à ces grands livres du Songe du verger, du
Songe du vieux pèlerin, sorte de romans encyclopédiques
où toutes les questions du temps étaient traitées, et qui
préparaient rabaissement de la puissance spirituelle et li
confiscation des biens d'église. C'est ainsi qu'au xvi« siècle,
Pithou, Passerat et quelques autres travaillèrent ensemble
à ia Ménippée.
Les dépenses croissaient, lepetple était ruiné; l'Ëglise
seule pouvait payer. C'était là toute la pensée du xiv« siècle.
En Angleterre, le duc de Làncastre essaya, pour brusquer
la chose, de Wicleff et des LoUards, et faillit bouleverser
le royaume. En France, Charles V la préparait avec une
habile lenteur. Elle pressait pourtant. L'apparente restau*
ration de la France ne pouvait tromper le roi. II ne vivait
que d'expédients. Il avait été obligé de payer les juges
avec les amendes mêmes qu'ils prononçaient, de vendre
* • ... Et à difficulté donnoll congé que le mari la teiiist close en uue
chambre, si trop estoit désordonnée. • Christ, de Pisan.
* Il ne la reoToya qu'à la quatriôme. — Cependant lui-même av«it
Ja jusiica k cœor et s'en mêlait. Une bonne femme étant venue .«e
plaindre d'un homme d'armes qui avait viole sa Aile» il Ûl en ta pfé*
scoce pendre le coupable à un arbfe.
316 CHARLES ▼.
rimpunité aux usuriers, de se meltre entre les mains des
juifs. Conformément aux privilèges monstrueux que Jean
leur avait vendus pour payer sa rançon, ils étaient quittes
d'impôts, exempts de toute juridiction, sauf celle d'un
prince du sang, nommé gardien de leurs privilèges. Nuls
lettres royaux n'avaient force contre eux. lis promettaient
de n'exiger par semaine que quatre deniers par livre d'in-
térêt. Mais en même temps, ils devaient être crus contre
leurs débiteurs de tout ce qu'ils jureraient ^.
Le prince, leur protecteur, devait les aider dans le re-
couvrement de leurs créances, c'est à-dire que le roi se
faisait recors pour les juifs, afin de partager. L'argent
extorqué par de tels moyens coûtait au peuple bien plus
qu'il ne rendait au roi.
U fallait bien passer entre les mains du juif, ne pouvant
dépouiller le prêtre. Le juif, le. prêtre, avaient seuls de
Fargcnt. Il n'y avait encore ni production de la richesse
par l'industrie, ni circulation par ie commerce. La ri-
chesse, c'était le trésor ; trésor caché du juif, sourdement
nourri par l'usure ; trésor du prêtre, trop visible dans les
églises, dans les biens d'église.
La tentation était forte pour Charles V, mais la difficulté
était grande aussi. Les prêtres avaient été ses plus zélés
auxiliaires contre l'Anglais. Ils lui avaient en grande partie
livré l'Aquitaine, comme ils la donnèrent jadis à Qovîs.
U y avait deux sujets de querelles entre la puissance
spirituelle et la temporelle, Targent et la juridiction. La
question de juridiction elle-même rentrait en grande
partie dans celle d'argent, car la justice se payait K
Les premières plaintes contre le clergé partent des sei-
gneurs, et non des rois (1 205) '. Les seigneurs, conunc
fl App., MS.
* Le défenseur officiel do clergé, en 1390, nous dit exprcs.«éinent que
la justice, surtout en France, était le revenu le plus net de TÊflise.
> Libertés de IKgL gallic.
EXPULSION DES ANGLAIS. 317
fbndateurs et patrons des églises, étaient bien plus direc-
tement intéressés dans la question. Sous saint Louis, ils
forment une confédération contre le clergé, décident de
combien chacun doit contribuer pour soutenir cette espèce
de guerre, se nomment des représentants pour prêter
main-forte à ceux d'entre eux qui seraient frappés de sen-
tences ecclésiastiques ^. Dans la fameuse pragmatique de
saint Louis (4270), acte jusqu'ici peu compris, le roi de-
mande que les élections ecclésiastiques soient libres, c'est-
à-dire laissées à Tinfluence royale et féodale *.
Philippe le Bel eut les seigneurs pour lui dans sa lutte
contre le pape. Ils formèrent une nouvelle confédération
féodale qui effraya les évoques et livra au roi l'Église de
France. L'accord de cette Église lui livra la papauté elle-
même. Cependant, au commencement et à la fin de son
règne, Philippe le Bel frappa deux coups d'une impar-
tialité hardie, la maltdte, qui atteignit les nobles et les
prêtres aussi bien que les bourgeois, la suppression du
Temple, de la chevalerie ecclésiastique.
La royauté, triomphante sous Philippe de Valois, se fit
donner par le pape tout ce qu'elle voulait sur les revenus
de l'Église de France. Elle eut même la prétention, de lever
les décimes de la croisade sur toute la chrétienté. En dé-
dommagement des décimes, régales, etc., les églises cher-
chaient à augmenter les profits de leurs justices, à empiéter
sur les juridictions laïques, seigneuriales ou royales. Le
roi parut vouloir y porter remède. Le 22 décembre 4 329
eut lieu par-devant lui, au château de Vincennes, une
solennelle plaidoirie entre l'avocat Pierre Cugnières et
Pierre du Roger, archevêque de Sens. Le premier sou-
tenait les droits du roi et des seigneurs ^. Le second dé-
• Libertés de TËgl. (allie.
1 11 réclame contre les excès de la coor de Rome, contre les empécho-
nenta de jaridiciion, contre la violation des franchises dn royaume,
•ans dire quelles sont ees franchises. lt)id. — * App., S65.
318 CHARLES V.
fendait ceux du clergé. Celui-ci parla sur le texte : «Deum
tîmete; regem honoriQcate ; '» et il ramena ce ppécepte
aux quatre suivants : « Servir Dieu dévotement ; lui donner
largement ; honorer sa gent dûment ; lui rendre Le sien
entièrement. »
Je serais porté à croire que toute cette diq>ute ne fat
qu une satisfaction donnée par le roi aux seigneurs. Il la
termina en disant que, bien loin de diminuer les privilèges
de l'Ëglise, il les augmenterait plutôt. Seulement, il établit
par une ordonnance son droit de régales sur les bénéfices
vacants (1334). Des deux avocats, celui du clergé devint
pape; celui du roi et des seigneurs fut, dit un grave his-
torien, universellement sifïlé: son nom resta le synonyme
d*un mauvais ergoteur. £t ce ne fut pas tout. Il y avait à
Notre-Dame une figure grotesque de dafnné, comme on
voit ailleurs Dagobert tiraillé pai' les diables ; cette figure
laide et camuse fut appelée : M. Pierre du Coignel^ Toute
la gent cléricale, sous-diacres, sacristains, bedeaux, enfants
de chœur, plantaient leurs bougies sur le nez du pauvre
diable, ou, pour éteindre leurs cierges, lui en frapp^eot
la face. Il endura quatre cents ans cette vengeance de
sacristie.
Les églises étaient entre l'enclume et le marteau, entre
le roi et le pape. Quand un évécbé vacant avait payé
au roi pendant un an ou plus les régales de la vacance,
le nouvel élu payait au pape Vannate^ ou première aanée
de revenu *.
Une autre chose dont se plaignaient le plus les seigneurs
patrons de réglise, et les chanoines ou moines qui coa-
couraient aux élections, c'est ce qu on appelait les Aé-
serves. Le pape arrêtait d'un, moi l'élection; il décrirait
qu'il s'était réservé de nommer à tel évéché, à telle
* Les arc]icvè|nes 'ie Mayenco cl d < Cologne payaient cUacun au papa,
vingl-qualrc mille «lucVs pour le j'alliuiu»
EXPULSION DES ANGLAIS. 319
abbaye. Ces réserves, qui donnaient sourent un pasteur
italien ou français à une église d'Angleterre, d'Allemagne,
d'Espagne, étaient fort odieuses. Cependant, elles avaient
souvent l'avantage de soustraire les grands sièges aux stu^
pides influences féodales, qui n'y auraient guère porté
que des siijets indignes, des cadets, des cousins des sel*-,
gneurs. Les papes prenaient quelquefois au fond d'un
oouvent ou dans la poui^ière des universités un docte et
habile clerc pour le &ire évêque, archevêque, primat des
Gaules ou de l'Empire.
Les papes d'Avignon n'eurent pas pour la plupart cette
baute politique. Pauvres serviteurs du- roi de France, ils
laissaient la papauté devenir ce qu'elle pouvait lis ne
Toyaient dans les Réser\'es qu'un nipyen de vendre des
places, de faire de la simonie en grand. Jean XX.11 déclara
effrontément qu'en haine de la simonie, il se réservait
tous les bénéfices vacants dans la chrétienté la première
année de son pontificat ^. Ce fils d'un savetier de Calions
laissa on mourant un trésor de vingt-cinq millions dq
ducats. Les hommes du temps cruoent qu'il avait ti*ouvé
la pierre philosophale.
Benoit XII était si effrayé de l'état oii il voyait l'Église,
des intrigues et de la corniptiiMi dont il était assiégé, q^ il
annait mieux- Itiiseer tes bénéfices. vacants; il. se réservait
les nominations et ne nommait personne. Lui mort, le
torrent reprit son cours. A L'élection du prodigue et mon-
dain Clément VI, on assure que plus de cent mille clercs
Tinrent à Avignon acheter des bénéfices K
II. faut Ure les douloureuses lano^ntations de Pétrarque
sur l'état de l'Ëglise, ses invectives contre la Bahylone
d'Occident. C'est tout à la fois Juvénal et Jérémie. Avignon
est pour lui un autre labyrinthe, mais sans Ai'iane, sans
fil libérateur; il y trouve la cruauté de Minos et l-infamio
* App,,W3. — * In Clémente clntncntia:.. Ténia Vil- Clem. Yl.
320 CHARLES ▼.
du Minotaure '. Il peint avec dégoût les vieilles amours des
princes de l'Église, ces mignons à tête blanche... Mille
histoires scandaleuses couraient. Le conte absurde de la
papesse Jeanne devint vraisemblable *.
' L'érudite indignation de Pétrarque pouvait inspirer
quelque défiance. Un jugement plus imposant pour le
peuple était celui de sainte Brigitte et des deux saintes Ca-
therine. La première fait dire par Jésus même ces paroles
au pape d'Avignon : « Meurtrier des âmes, pire que Pilate
et Judas! Judas n'a vendu que moi. Toi, tu vends encore
les ftmes de mes élus 3. »
Les papes qui suivirent Clément VI furent moins souillés,
mais plus ambitieux. Ils rendirent l'Église conquérante,
désolèrent l'Italie. Clément avait acheté Avignon à la reine
Jeanne en l'absolvant du meurtre de son mari. Ses succes-
seurs, avec l'aide des compagnies, reprirent tout le patri-
moine de saint Pierre. Cette association du pape avec les
brigands anglais et bretons porta au comble l'exaspération
des Italiens. La guerre devint atroce, pleine d'outrage et
de barbarie. Les Visconti donnèrent le choix aux légats
qui leur apportaient l'excommunication, de se laisser
noyer ou de manger la bulle. A Milan, on jetait les prêtres
dans les fours allumés; à Florence, on voulait les enterrer
vifs. Les papes sentirent que l'Italie leur échapperait s'ils
ne quittaient Avignon.
Us tenaient moins sans doute à cette ville, depuis qu'ils
y avaient été rançonnés par les Compagnies. L'abaissement
de la France les laissait libres de choisir leur séjour.
Urbain V, le meilleur de ces papes, essaya de se fixer à
> Petrarch., Ep. x.
< L'anlipape Nicolas V avait eu pour femmo Jeanne de Corbière, avec
laquella il avait divorcé pour se faire mineur. Lorsqu^ii fut pape,
Jeanne prétendit que le divorce était nul. On en flt mille contes à la
cour d'Avignon; de là la fable de la papette Jeanne, App., 268.
» App., 2C9.
EXPULSION DSS ANGLAIS. 324
Rome. II y alla et n'y put rester. Grégoire s*y établit et
y mourut.
A. sa mort, les Français avaient dans le conclave une ma*
jortté rassurante. Cependant ce conclave se tenait à Rome ;
les cardinaux entendaient un peuple furieux crier autour
d'eux : « Romano lo volemo o almanco italiano. » De seize
cardinaux qui entrèrent au conclave, il n'y avait que quatre
Italiens et un Espagnol, onze étaient Français. Les fran-
çais étaient divisés. Deux des derniers papes, qui étaient
Limousins, avaient fait plusieurs cardinaux de leur pro-
vince. Ces Limousins, voyant que les* autres Français les
excluaient de la papauté, s'unirent aux Italiens, et nom*
mèrent un Italien, «ju'ils croyaient du reste dévoué à la
France, le^Calabrois Bartolomeo Prignani.
D advint, comme à l'élection de Clément V, tout le con-
traire de ce qu'on avait attendu, mais cette fois au préju-
dice de la France. Urbain VI, homme de soixante ans,
jusque-là considéré comme fort modéré, sembla avoir
perdu l'esprit dès qu'il fut pape. U voulait, disait-il, ré-
former l'Église, mais il commençait parles cardinaux,
prétendant, entre autres choses, les réduire à n'avoir
qu'un plat sur leur table. Ils se sauvèrent, déclarèrent que
l'élection avait été contrainte, et firent un autre pape. Us
choisirent un grand seigneur, Robert de Genève, fils du
comte de Genève, qui avait montré dans les guerres de
l'Église beaucoup d'audace et de férocité. Us l'appelèrent
Clément VU, sans doute en mémoire de Qément VI, un
des papes les plus prodigues et les plus mondains qui aient
déshonoré l'Ëglne. De concert avec la reine Jeanne de
Naples, contre laquelle Urbain s'était déclaré. Clément et
ses cardinaux prirent à !eur solde une compagnie de Bre-
tons qui rôdait en Italie. Mais ces Bretons furent défaits
par Barbiano, un brave condottiere qui avait formé la pre*
mière compagnie italienne contre les compagnies étran-
gères. Clément se sauva en France, à Avignon. Voilà deux
39f CHAttE» y.
papes, Turi à Avignon, rwiftre à Rernev ». bravant et &ex-
communiaDt Tun l'autre.
On ne pouvait attendre qUe la FniMe etslês ttate qui en
swvaîent alors rimpatekm (Éeosse, NamgniB et Castilîe) se
laisBeraknt facilement déposséder delà papauté. Gbariea Y
reeenaut CMfuMÉ. U pensa sans dtauta que», quand même
toute l'Europe eût été peiir Uvbain; il valait aûeu paar
hé avoir an papefrançrâ, une série de patriarche dani il
disposât. Cette poiitiqile égoïste Iwr fiit anèMimni rapta-
diée. On considéra tons 1^ nialbeur^qat anisàrenl^ la felie
de Charles Yl, lea.vîctoirca dca Ànglaia, comme ifiie paai*
tkm du ciel t.
On asimn qae les canAinau français avaient tm A'nbaid
ridée de faire pape CharieS' V IniMnèmei. tt a«iptit lafcwé»
comme infirmer d'ua tens» et ne panvani oétàteer la
messe*.
Ce lie fat pas sans peine que le^roi amems f Dnivarsila à
se décider en faveur de Clément. Les faevMs d# drait et
de médeelne étaient sans diflSeidtè pnur le pape da toi.
Itiiis cdie dea ccm^ (Sovnpoaéa de quatse natkÎBSv m s'ae»-
<XMrdait pas avec elle^^méme. Les nations firançaise et nar^
mande étaient pour Clément VII ; la Kctfdie at l'Ângtaiss
demandaient la neutralité. L'Univenâté^ ne poorantt nrriver
à un vote nnanime, suppliait qu'on lui donnai dn tasaps.
Le roi prêtent sériai. U éerivil de Baauténio^dllaaiieqn'U
avait des infortnationa sufflsaiitea : « Le pape GléttaaA lU
est vray pasienr da TtgUse univarsettaw.. Se voosrmallKGÉ
en reftû ota délaya voua notid feiea déplaîsir ^. »
Cbariee-V^agitew cette otcasîDn aKacABavi^aeitatqaâBB
« • 0 quel ftayel t à qut\ doolomeut itfosoirief, ^ttf uM^éstef ccr •
Oifhu de PSsaa. — AppK, ITa.
* Leofoot, Gont. de Pise. — > • Cepeaitatil momiait toQ§ Aes ans de
ses mains la vraie croix au peuple à la Sainte-Chapella, comme ravâit
fait saint Lonis. • GbrisC. de Pi$M.
* Bulttus#
EXPULSION DES ANGLAIS. 3%
lui était pas ordinaire. Il semble qu'il ait été honteca et
aigri de n'avoir pas préva.
Il* aurait bien voulct gagner k Mor pape la FbnAre, et
par elle l'Angleterre. . H fit dire an comte de Fkindre
qu'Urbain pariait fort rtnà des Anglais', cpTû avilit éH <|Uê
d'après leur conduite à Fégard du Ssinf-^iége il lea teiMâC
pour hérétiques. La Flandre et l'Angkterre i^'en reeoimtt^
rent pas moins le pape de Rome en baine de ocAtti d'Avî<^
gnon. Urbain avait déjà l'Italie. VkVfdttïSLgpe, la Bongri»;
l'Aragon, embrassèrent sont paiti. Les dem saintes pep«h-
laires, sainte Caffherine (fe SÎeime et saMe Catlierive de
Suède, le reconnurent, aius? que TirtStnï Pierre d^Aregoiy,
qu'on tenait aussi pour un saint homme. On demt»Hla^
chose inouïe, une consultationr au phts fitmeux juriseo»'^
suite du temps sur Péiection du pape ; Btrfdas décida que
l'élection d'Urbain était bonne et vafeeibfe, disant, amc
assez d'apparence, que, si rélection avait pu être eontrcniite,
les car(finaux n'^en étaient pas* moins retenus d^etftHmémes
après le tunralte et qu'As avaient intronisé UriMdn en pleiffe
liberté.
On événement rmpossiMe k prévoir avait nâs presqite
toute la chrétienté en opposifrofi' ûvee laFn^nce. la fortfsne
s'était jouée de la sagesse. La reine Jeanne deNaples, cou-
sine et alliée du roi, fut peu après déposée* par Uri^«i»,
renversée par son fils adoptrf Charles de Duras, étranglée
en punition dTun crime qui datait de trentei^'einq ans.
Toute PEurope renraatt. Le mouvement était partout ;
msis les causes infititment diverses. Les LoUards d*^«fe*
terre sembhiient mettre en pAril TÉglise, la royauté, fa
propriété même. A Florence, les Ciompi feisaient leur ré-
vohition démocratique ^. La Framce elleMnéme semMait
échapper à Cfaaries V. TroM provinces, les plus exeeMrih
ques, mais les plus* vitafes* peut-être, se révoftèrent.
« V. le récit de M. Quinet, RéioiuUom d'Italie, t. IV des œuvre»
co:nplétes (i(58).
321 CHARLES V.
Le Languedoc éclata d'abord. Charles V, préoccupé du
Nord, et regardant toujours vers l'Angleterre, avait fait
d'un de ses frères une sorte de roi du Languedoc. U avait
confié cette province au duc d'Anjou. Par le duc d'Anjou,
il semblait près d'atteindre l'Aragon et Naples, tandis que
par son autre frère, le duc de Bourgogne, il allait occuper
la Flandre. Hais la France, misérablement ruinée, n'était
guère capable de conquêtes lointaines. La fiscalité, si dure
alors dans tout le royaume, devint en Languedoc une
atroce tyrannie. Ces riches munîcipes du Midi, qui ne
prospéraient que par le commerce et la liberté, furent
taillés sans merci comme l'eût été un fief du Nord. Le
prince féodal ne voulait rien comprendre à leurs privi-
lèges. Il lui fallait au plus vite de l'argent pour envahir
l'Espagne et l'Italie, pour recommencer les fameuses vic-
toires de Charles d'Anjou.
Nimes se souleva (1378), mais se voyant seule, elle se
soumit. Le duc d'Anjou aggrava encore les impôts. U mit,
au mois de mars 4379, un monstrueux droit de cinq francs
et dix gros sur chaque feu. Au mois d octobre, nouvelle
taxe de douze francs d'or par an, d'un franc par mois. Pour
celle-ci, la levée en était impossible. La province était telle-
ment ruinée, qu'en trente ans la population se trouvait ré-
duite de cent mille familles à trente mille. Les consuls de
Montpellier refusèrent de percevoir le dernier impôt. Le
peuple massacra les gens du duc d'Anjou. Clermont-
Lodève en fit autant. Mais les autres villes ne bougèrent.
Les gens de Montpellier effrayés reçurent le prince à ge-
noux, et attendirent ce qu'il déciderait de leur sort. La
sentence fut effroyable. Deux cents citoyens devaient être
brûlés vifs, deux cents pendus, deux cents décapités, dix-
huit cents notés d'mfamie et privés de tous leurs biens.
Tous les autres étaient frappés d'amendes ruineuses i.
« App,, 171.
EXPULSION DES ANGLAIS. 325
Oo obtint avec peine du duc d'Anjou qu'U adoucit la
sentence. Charles Y sentit la nécessité de lui ôter le Lan*
guedoc. II envoya des commissaires pour y réformer les
abus. Au reste, dans les instructions qu'il leur donne, il n'y
a pas trace d'un sentiment d'homme ou de roi. Il n'est
préoccupé que des intérêts du fisc et du doAiaine : c Comme
nous avons audit pays plusieurs terres labourables, vignes,
forêts, moulins et autres héritages qui nous étaient ordi*
naireoDsnt de grand revenu et profit; lesquelles terres
sont demeurées désertes, parce que le peuple est si diminué
par les mortalités, les guerres et autrement, qu'il n'est nul
qui les puisse ou veuille labourer, ni tenir aux charges et
re(}evances anciennes, nous voulons que nos conseillers
puissent donner nos -héritages à nouvelle charge, croître et
diminuer l'ancienne. » Us doivent aussi révoquer tous les
dons, et s'informer de la conduite de tous les sénéchaux,
capitaines, viguiers, etc.
La politique étroite, qui ne parait que trop dans ces
instructions, fit faire au roi une grande faute, la plus
grande de son règne. Il arma contre lui la Bretagne. Ses
meilleurs hommes de guerre étaient Bretons ; il les avait
comblés de biend ; il croyait tenir en eux tout le pays. Ces
mercenaires pourtant n'étaient pas la Bretagne. Eux-mêmes
n'étaient plus aussi contents du roi. Il avait ordonné aux
gens de guerre de. payer désormais tout ce qu'ils pren-
draient. Il avait créé une maréchaussée pour réprimer leurs
brigandages, des prévôts qui couraient le pays, jugeaient
et pendaient.
Il n'aimait pas Clisson. Quoiqu'il Tait désigné pour être
connétable à la mort de Duguesclin, il eût préféré le sire
de Coucy.
Un cousin de Duguesclin, le Breton Sévestre Budes,
qui avait acquis beaucoup de réputation dans les guerres
d'Italie, fut arrêté sur un soupçon par le pape français
Clément VII, et livré par lui au bailli de Mâcon, qui le fit
323 CHAUtSS ▼.
uaourir, au (gnrand chugi'ui 4e Duguesctin. Les parents du
Breton 4tMd venus se pbiîftdre et $SiKmML son innocence»
le roi dÂt firoîdemeat : « S'il «$t laort ÎQSQoeiit, la chose est
moins ii<Hieu«e pour vous autres ; -e'^afit lant mieux pour
son ftme et pour votre faonoeur. >
Les Bretons étaient' Français eonire rAxigleterre, mafe
Bretons avant tout Leur due voulait les Uvoer aux Anglais,
ils ravs^ieflA chassé. La roi voulant les réunir à la couixmne,
Us^ituissàventlevoi.
Le 6 avril 4 378, Montfort s'étail engagé à 4Mivi*ir aux
AJOiglais le château de Brest. Le 30 juin^ le roi rsyouma à
camparaitra en Parlement, puis le fil «condanuier par dé-
faut. La procédnr'e fiit étrange. On assigiia le duc à
Bennes et à Nantes, tandis qn'il était en Flandre. X)n ne
lui donna pas de sauf'^conduit. Plusieurs pairs ne vouhi-
rent point siéger au jugement. Le roi parla, lui-même
contre son vassal, et conclut à la contiscation. Si le duché
étaU enlevé k Alontfoii, il aj^rait dà revenir à la maison
de Blois, conlormément au traité de Guérande, que le
«niaittitgaraati.
JDiire à la vieille Bretiigne que désoisnais elle ne serait
plus qu'une province de Prancfa une dépendanœ du do^
maioe, c'était une chiise hiMrdie, et avssi «ne ingratitude»
sfivbs ce que les Bretons avaient liit po^r ohasser l'Anglais.
I^ firold et égoïste prince ne connaissait pas évidemment
le peuple auquel il avaitaflaire, et il ine pouvait le con-
nattre; U y ades ^gnoranees sans lea^e, celles du cœur.
Les Bretons, nobles et paysans, étaient déjà mal disposés.
Le connétable Duguescltn d^ns ises gueare» da Bretagne,
n'avait pas ménagé ses compatriotes. U les avait frappés
d'un fouage de vingt sous par feu ; il avait défendu les
affranchissements et rétabli la servitude de mainmorte,
abolie par le duc. Le premier acte du gouvernement royal
fut rétablissement de la gabelle. La Bretagne arma.
Les bourgeois armèi'ent camiiie les nobles. Ceux d»
\ I
EXPULSION MS ANGLAIS. 3S7
Rennes s'associèrent eKpressémeiit aux barons, et jurèrent
de TÎvrê et mourir pour la défense commune. Le duc, re*
venant d'Angleterre, fert acene&ii avec tnins|>ort par teux
même qui l'avaient chasaé. On ne se sowrini pku s'il était
Hois ou Itfôntfort. C'était le duo de Bretagne. Lorsqull
débarqua près de Saint-^Malo, tous les barons, tout le
peuple l'attendaient sur le rivage*, plusieuiis entrèrent dans
i'eau et s'y mirerit à genoux, «leame de Blois, eUe^méme,
vînt le Féliciter à Dinan, la veuve de Gharle»de Mois, «de
celui qu'il avait tué.
les meffleurs c^taines que le roi pouvait emplo3Rdr
otmtrela Bretagne étaient des Bretons. Clisson parut devant
Nantes; mais ri ne put s'empêcher de dire aux gens de te
ville qu'ils feraient sagement de ne laisser entrer chez enc
personne qui f&t plm fort qtf'etrx. Dugnesdin et Clisson se
rendirent à rarmée que le duc d'Anjou rassemblait. Mais,
à la première approche d'une troupe bretonne, cette armée
se dissipa*. Le -duc d'Anjevi fiit 9éMl îà demander une
Iréw.
Lerm^ojwJt ses Br8tonBipasBer<l''ttn i^rès r^fttnaÂfm^
nemi. Ceux qui ne voulurent le quitter qu'avecson «Aori-
sationr^iMnreBt ians<WiwiHo;-maiaà hifrwHiè/niqniles
arrêtait pevr les«i€Mne àtnevt conmie tntttnes. Oogvescflte
hi^même, en butte'aux soupçons^ki roi, hti myvoyar^épée
de connétifMe, disant qu'il s'en «Hait en Espagne, «qu'ilétak
ansn ^conoèlaMe ée Clatfliile. Les ducs -d'Anjou et «de Boar-
bonlnnntemFoyés powr l'apaiser. Clurrles Vsenisil Mm
qu'H-nepouvaRmnfinresainhii. Maisle^vieuscaftaineétafit
trop avisé pour «lier se casser la tète ooHtre cette 'fimewa
Bretagne. H valait mieux pour M rosier bro«iHé avec le roi,
et gagner du temps. Selon tovIeaffiareKoe, ili>e*c— oelil
pas à reprendre l'épée de connétable. Ce fut comme ami
du duc de Bourbon , et pour lui faire plaisir, quHl «lia
*App., Î73.
3S8 CHARLES T.
assiéger dans le château de Randon, près du Puy eu Velay,
une compagnie qui désolait le pays. Il y toniba malade, et
y mouruti. On assure que le capitaine de la place, qui a^ait
promis de se rendre dans quinze jours s*ii n'était secouru,
tint parole et vint mettre les cle& sur le lit du mort. Cela n'est
pas invraisemblable. Duguesdin avait été Thonneurdes
Compagnies, le père des soldats; il faisait leur fortune, il
se ruinait pour payer leurs rançons.
Les états d^ Bretagne négociaient avec le roi de France,
le duc avec celui d'Angleterre. Charles Y n'ayant voulu en-
tendre à aucun arrangement, les Bretons laissèrent venir
l'Anglais. Un frère de Richard II, comte de Bucking^iam,
fut chargé de conduire une armée en Bretagne, mais en
traversant le royaume par la Picardie, la Champagne, la
Beauce, le Blaisois et le, Maine. Charles V les laissa passer.
Le duc de Bourgogne lui demanda en vain la permission de
combattre.
Duglesclin était mort le 43 juillet (1380). Le roi mourut le
46 septembre. Ce jour même, il abolit tout impôt non cou*
senti par les états. C'était revenir au point d'oii son r^e
avait commencé.
Il recommanda ausai en mourant de gagner à tout prix
las Bretons *. Il avait déjà ordonné que Duguesdin fût en-
terré à Saint-Denis, à côté de son tombeau. Son fidèle
conseiller, le sire de La Rivière, le fut k ses pieds.
Ce prince étaitmort jeune (quarante^uatreans)»et n'avait
rien fini. Une minorité commençait. Le schisme^ la guerre
de Bretagne, la révolte de Languedoc à peine assou{Me, la
révolution de Flandre ^ dans toute sa force, c'étaient bien
des embarras pour un jeune roi de douze ans. Quoique
Charles V eût déclaré par une ordonnance, dès 4374, que
• App., rs.
* Frois!>art.
* L'histoire de cette rérolation se lie plus naturellement à celle do
règne de Ciiark's YI.
EXPULSION DES ANGLAIS. 329
désormais les rois seraient majeurs à quatorze, son fils de-
vait rester longtemps mineur, et même toute sa vie.
Charles Y laissait deux choses , des places bien fortifiées
et de l'argent. Après en avoir tant donné aux Anglais, aux
Compagnies, il avait trouvé moyen d'amasser dix-sept miU
lions. Il avait caché ce trésor à Vincennes, dans l'épaisseur
d'un mur. Mais son fils n'en profita pas.
Le roi se croyait sûr des bourgeois. Il avait confirmé ci
augmenté les privilèges de toutes les villes qui quittaient le
parti anglais *. Il avait défendu que les hôtels de ses frères
servissent d'asile aux criminels, et soumis ces hôtels à la ju
ridiction du prévôt. Conformément aux remontrances du
Parlement de Paris, il l'autorisa à rendre ses arrêts sans
délai, nonobstant tous lettres royauo9à ce contraires '. Il per-
mit aux bourgeois de Paris d'acquérir des fiefs au même
titre que les nobles, et de porter les mêmes ornements que
les chevaliers. Le roi créait ainsi au centre du royaume
une noblesse roturière qui devait avilir l'autre en limitant.
Toutes les terres de l'Ile de France allaient peu à peu se
trouver entre des mains bourgeoises , c'est-à-dire dans la
dépendance plus immédiate du roi.
Ces avantages lointains ne balançaient pas les maux
présents. Le peuple n'en pouvait plus. Les taxes étaient
d'autant plus fortes , que le roi, dès le commencement de
son règne , s'était sagement interdit toute altération des
monnaies. Je ne sais si cette dernière forme d'impôt n'était
même pas regrettée; à une époque oii il y avait peu de com-
merce, et où les rentes féodales se payaient généralement
en nature, l'altération des monnaies frappait peu de per-
sonnes, et seulement les' gens qui pouvaient perdre, par
exemple, les usuriers, juifs, Cahorsins, Lombards, ceux
qui faisaient la banque et les affaires de Rome ou d'Avr-
* Y. ei-defsus, paç^ 29 i.
• Ordoûn., V.
330 £fiilRLBS V.
gnoa. h^taxj^ au contraire, oe tgucbaîrat j>ar C€ttz-^',
elles toQotbaient d'aplomb sur le pauvre.
Les biens 4'égUse pouvûen^ .seuls venir inuseoMirs du
peuple et du roi. Mais il £aUait4u lei^ps avaatqu'xni<oaàt
y porter les mains.
. Ce gui prouve combien le clergé «avait encore de puis-
sance, c'est la facilité av.ec laquelle il avait chassé les An-
glais des villes du Midi. Le roi de France» ^u^ .les jpfêtres
venaient de seconder si bien, devait y regarder à deux fois
avant dJe se brouiller avec eux. •
Le schisme mettait le pape d'Avignon, entièrement à la
discrétion du roi, et ^ui donnait, il est vrai, la libre dispo-
sition des. bénéfices dans UMite TÊgUse gaUicaneL Mais cet
événement plaçait la France dans une situation périlleuse;
elle se trouvait i» .que^ue sorte isolée au miUlett de l'Eu-
rope, «et comme hors du droit chrétien.
C'était beaucoup sans doute pour la royauté , d'avoir en
deux siècles, concentré en ses mains les deux finies du
mojten Age, r£glise et la iéodalité. Les dignités ecclésiasti-
ques étaient désormais assurées aux serviteurs du roi, les
fiefs réunis à la couronne, ou devenus l'apaniige des princes
du aaujg, Les^oandes maisons féodales, ces vivants sym-
boles des grandes jprovincialités , s'étaient peu à peu
éteintes. Les diversités du moyen Age se fondaiont dans
l'unité. Mats l'unité était &ible encore*
Si Charles Y ne put. faire beaucoi^) Uû-méjne, fl laissa
du moins à la France le type du roi moderne» «{u'eUe ne
connaissait pas* H enseigna aux étourdis de Crécy et de
Poitiers, ce que c'était ijue réflexion, patience, persévé-
rance. L'^ucation devait être loo^e; il y fallut bien des
leçons. Maisau moins le but était marqua La France de-
vait s'y acheminer , lentement, il est vrai, par Louis XI et
par Henri IV, par Richelieu et par Colbert.
Dans les misères du x\\^ siècle, elle commença à se mieux
connaître elle-même. Elle sut d'abord qu^elle n*était pas et
SXPULSIOK aSS AKfiLAlS. 331
neTOttlait pas étiie Ai^bMe. Ea aiéaieitemps, eUe perdait
quelque chose eu caractère arieUgieiiK et cbevaleresque -qui
Tavait conronéoe avec le reste de Ja chrétunAé pendant tout
le moyen ftge^ et etta aenoyaitt p«ir iapreiiière foi^ comme
nation et oomma prose. Elle attaî^paait du premier coup ,
dans froi$sart, laperfectiendela proie naivalive ^.lej)ro-
grès de Ia4ang«e est immenae de Jctiimlla àFroicsact, pres-
que nul de Froiss&Dt à Caoaîiiea.
Froissart, c'est vraiment la France d*alors, au fond ioutc
prosaïque, naais dieTaderedopiedeiénne et ^ajneuae d'al-
lure. Le galant chapetain quH€Ê$trnUmaimneBkilifp.aé^
bwua rieits ti de iaû^Vzanovrneus oonte bob Ustoke auaà
noncManameQtqu'ilcIiaaBtaittfa meaBe. Diamls ou d'teMe^
mis, d'Anglais ou deFxaiiQais,4e bieo ou démaille conteipr
ne «'en «Micie guère. Ceux <pà Tacottseï^ de paiAialîibé ne
le eouneiasent pas vraioMBt S'U paiaft qiaedk|uefois .aw«r
miettK r Anglais y entqnerjknglaîsréuasit. Peu lui inG^orte»
pourvu -que de cUtean «n di&teau, d'abbaye en tabbaye, 'A
oente «et éoeule At èeHes histoires, 4X)nuDe ju>us je veyena
dans son voyage aux fyuéaéon, ciiaDiBant., ie joyew paft-
\9t, avec ses quatre lèrâiBrs^fln'lasaaeiqu'il nftMie i^u «omta
de Voix.
Un livre bien mains connu, letnarieqnel je.m*amétecais
MMiantphirvolonliersyc'estnn tnîÉé<xemposé ponrI'Alsiee
du peuple Aes^ampa^ws parioedre^TiN : U vrairigims
H geuœrmmmudm bwgersïeiÈurgàreÊ, umpaU p9r i$ nmi-
que MumuU ftm, ir ban berger (18 VM). Baos « pctiH livre,
écrit aivcc^pAce et beaucoup de 4QBMeur« nn4)0sa9e4ejre-
lever la^iedes «hampe, d'y intèteaaer le peyaanu déQour,agé
du travail apeès tant de cabonités. Cda est fort touchant.
Cest évidenimant le roi qui se fait berger, ^ qui« sous cet
habit, vient trouver le peuple, gisant eaiae le boeuf et l'âne,
lesermonnedoucement, r^ncourageeteaaaj^ de l'inatruire.
330
CBARLBS ▼.
P^ ,^^tion des troupeaux, et parmi les re*
®*' .'^jje*^^ du vétérinaire, Jehan trouve moyen de
j/^^^^(^ des grandes questions qui. s'agitaient
lyr^^potos de pasteur et d'ouailles prêtent à mille
^ %ji sent partout, au milieu de cette afféctatioa
^/^^ rustique, l8 malice des gens de robe, leur ti-
^ a^siicîié à l'égard des prêtres. Ce livre est très*
^e parei^^ de l'Avocat Patelin et de la Satyre Mé-
jl^renons. Il y avait dans Tordre apparent qu'on adoii-
^ sous Charles V, et dans le système général du xtv
siècle^ quelque diose de faible et de faux. La nouvelle
religion, sur laquelle tout reposait, la royauté, se fondait
elle-même sur une équivoque. De suzeraineté féodale, elle
s'était faite, sous l'influence des légistes, monarchie ro-
maine, impériale. Les établissements de France ti dOr^
Uans étaient devenus les établissements éfe la France. Le
roi avait énervé la féodalité, lui avait 6té les armes des
mains; puis, la guerre venant, il avait voulu les lui rendre.
Elle suteistait encore cette féodalité, pleine d'orgueil et de
ftiblesse. C'était comme une armure gigantesque qui,
toute vide qu'elle est, menace et brandit la lance. Elle
tomba dès qu'on la toucha, à Crécy et k Poitiers.
Il fallut bien alors employer les mercenaires, les soldats
de louage, c'est^*dire faire la guerre avec de l'argent.
Mais cet argent, où le prendre? On n*osait encore dé-
pouiller l'Église, et l'industrie n'était pas née. Charles Y,
avec toute sa sagesse politique, ne pouvait rien faire à cela.
Au dernier moment, tout lui manqua à la ibis. Les An-
glais, qui traversèrent la France en 4380, ne rencontrèrent
pas plus de résistance qu'en 4370 ; le roi, qui n'aVait plus
les Bretons, se trouvait plus faible encore*
La sagesse ayant édioué, on essaya de hi folie. La
France se lança sous le jeune Charles Vi dans une extra-
vagante imitation de la chevalerie ancienne, dont on avait
EXPULSION DES ANGLAIS. 333
oublié le vrai caractère et même les formes ^ Cette fausse
chevalerie prit pour son héros un personnage fort peu che-
valeresque, le fameux chef'des Compagnies qui en avait
délivré la France, Thabile Duguesclin. L'épopée que Ton
fit de ses faits et gestes s indiqué assez que personne n'a-
vait compris le vrai génie du connétable de Charles V.
Ce qu'on imita le mieux de la chevalerie, ce fut la ri*
chesse des armes et des armoiries, le luxe des tgurnois.
Charles Y avait un peuple ruiné. On demanda à cette mi-
sère plus que la richesse n'eût jamais pu payer. Une fois
dans l'impossible, que coûte-t-il de demander?
Même situation dans toute l'Europe. Même vertige. Le
hasard veut que la plupart des royaumes soient livrés à
des mineurs. La royauté, cette divinité récente, elle bé-
gaye, ou radote. Le siècle de Charles le Sage, le premier
siècle de la politique, n'est pas arrivé aux trois quarts,
qu'il délire et devient fou. Une génération d'insensés oc-
cupe tous les trônes. Au glorieux Edouard III succède
l*étourdi Richard II, au prudent empereur Charies IV l'i-
▼rogne Wenceslas, au sage Charles Y Charles YI, un fou
furieux. Urbain YI, D. Pèdre de Castille, Jean Yisconti,
donnèrent tous des signes de dérangement d^esprit.
La petite sagesse négative qui pensait avoir neutralisé le
grand mouvement du monde, se trouvait déjà à bout. Elle
s'imaginait avoir tout fini, et tout commençait. Le's fils,
que les habiles avaient cru tenir, s'embrouillaient de plus
en plus. La contradiction du monde augmentait. On eût
dit que la raison divine et humaine avait abdiqué. « Dieu,
< Ao point que, sous Charles VI, lorsqu'on arma solennellement che-
Taliers les deux fils da duc d*Anjoa, tous les assistants demandaient ce
que signifiaient ces rites.
* Ce poëme offre le mélange bixarre de denx esprits très-opposés.
Dognesclin y est peint comme un chevalier du xiii* siècle; mais il vst
malTeillant pour les prêtres, comme on Tétait au xiv*. l\ ne reut rien
prendre du peuple ; il ne rançonne que le pape et les gens d'église. On
croirait lire la Hênriaâe. App., 276.
334 CDÀBUss ▼.
conune dit Luther, s'eaauyaît du jeu, et jetait les cartes
sens la taUfiL »
C*est un moment trac^que q«e eeliû où l'on se sent de-
venir fou, le moment où la raison, éclairée de sa dernière
lueur^ se voit périr et s'éteindre. « Oh I ne permets pas
que je soie fou, bc»ité du eiel, S'^écrie le soi Lear, conserve»
moi dans: Téquiliiure. Ob ! non, pa^ fou^ de grâce I je ne
Youdraia pas» être fou t..* r
APPENDICE
•MMMa^BAi
i -— page 5 -— AijyhmnêÊ' X t^enfammU avec tm jmif$^ péwr aiêè^
rer d'wt mikangt rOiMt» U âmi gôêhùfmê,.^
Je ne fnéUsoàa pâ6 déppécicr ici le tiode 4ea 8utt FmrMa$\^
j'espère q«& mom am» H.. Rûsaew Stioti'nairc: aOQs le ftfrt
bientôt cQualife dan» ks aceosA v«itttt&^ m» HisÉtire é'Ësi-
pagDe, qae iMXua aUemlosa HnpalieiftinMiV. Je n'ai peétenëti
exprimer a*r l^s4oi6 d'Alphonae, fuai le- j^giraiettt phns pefrio-
tiqae qu'éclairé de TEapagna d'alora. Uest josia de retûDnaiire
d'akUeon qêm ee prince, tôui ciere et :Ava«t qu'il étail^ Mlaa
la lanfoe eapegnole* • U fut le premier dta roia d'Espagne ^ÊÂ
erdonna fne les contrats et toualed antirc» acten pnbliaa ae
fiuent déâoemai» en eapagattU 11 ^ faôre mfe Irédncliott dea
livrea aacréa en eaatîUan... U ettvfit la porte h unn ignoranea
profonde dea letlrea hoMaine» ei dea autres seienr ea, qne lea
eedéaîaatiqnds aensi bîen que les sécaltera ne enlUvèrani phMv
par l'oubli de 1» langne laitne. > Mariaoa, Ilh p. tôB dm la trn-
daction (noie de lâS?)^
^ — pAg^ ^ -^ ^^^* ^ porêroÊi deê rots cfAvapon dsmê !>■»*•
(ortar...
« Si lea snjeèn de non rots aameni oossbie» lea antraa roiS'
sont dura et cmel^envera leurs pevfrièsv ils beiaeratent la terroi
foilée par leurs se^pken^a• Si ren me demanda : « Muntancr ,
• qnellea faveurs foui les Eois d'Anrgon É leurs aajet», plus que
« les autres rois? » Je répcndrsM, premièrement; qn'ila ioni
836 , APPENDICE.
observer aux nobles, prêtais, chevaliers, citoyens, bourgeois et
geos des campagnes, la juslice et la bqnne foi, mieux qu'aucun
autre seigneur de la terre; chacun peut devenir riche sans
qu'il ait à craindre qu'il lui soit rien demandé au delà de la
raison et de la justice, ce qui n'est pas ainsi chez les* autres
seigneurs; aussi les Catalans et les Âragonnais ont des senti-
ments plus élevés, parce qu'ils ne sont point contraints dans
leurs actions, et nul ne peut être bon homme de guerre, s'il
n'a des sentimenis élevés. Leurs sujets ont de plus cet avan-
tage, que chacun d'eux peut parlera son seigneur autant qu'il
le désire, étant bien sûr d'être toujours écouté avec bienveil-
lance, et d'en recevoir des réponses satisfaisantes. D'un autre
côté, si un homme riche, un chevalier, un titoyen honnête,
veut marier sa fille, et les prie d'honorer la cérémonie de leur
présence, ces seigneurs se rendront, soit à l'église, soit ailleurs;
ils se rendraient de même au convoi ou à l'anniversaire tic tout
homme, comme s'il était de leurs parents, ce que ne font pas
assurément les autres seigneurs, quels qu'ils soient. De plus,
dans les grandes fêtes, ils invitent nombre de braves gens, et
ne font pas difficulté de prendre leur repas en public ; et tous
les invités y mangent, ce qui n'arrive nulle part ailleurs. En-
suite, si des hommes riches; des chevaliers, prélats, citoyens,
bourgeois, laboureurs ou autres, leur offirent en présent des
fruits, du vin ou autres objets, ils ne feront pas difficulté d'en
manger; et dans les châteaux, villes, hameaux et métairies, ils
acceptent les invitations qui leur sont faites, mangent ce qu'on
leur présente, et couchent dans les chambres qu'on leur a
destinées; ils vont aussi & cheval dans les villes, lieux et cités,
et se montrent à leurs peuples; et si de pauvres gens, hommes
ou femmes, les invoquent, ils s'arrêtent, ils les écoutent, et les
aident dans leurs besoins. Que vous dirai-je enfin? ils sont si
bons et si affectueux envers leurs sujets, qu'on ne saurait le
raconter, tant il y aurait à faire; aussi leurs sujets sont pleins
d'amour pour eux, et ne craignent point de mourir pour élever
leur honneur et leur puissance, et rien ne peut les arrêter
quand il faut supporter le froid et le chaud, et courir tous les
dangers. • Ramon MunUner, î, ch. xx, p. 60, Hrad. de
M. Buchon.
AP.-'TNDICS. 337
3 ^ page 9 *- « Nous ovions reçu VAntiehrist,,, •
ff Regni Siculi Antichrislum. > Bart à Neocastro, ap. Mara-
tori, XIll, 1026. fiartolomeo et Ramon Muntaner ne font nalle
mealion de Procida. L'un veut donner toute la gloire aux Sici-
liens, l'autre au roi d'Aragon, D. Pedro.
4 -. page 10 — La lamentation par laquelle Falcando commence
son histoire.,.
Hugo Falcandus, ap. Muratori, VII, £52. La latinité de ce
grand historien du zii* siècle est singulièrement pure, si on
la compare à celle de Bartolomeo, qui écrit pourtant cent ans
plus tard.
5 — page 13 — Les maisons françaises étaient marquées
d avance,,,
« Ceulx de Palerme et de Heschincs, et des autres bonnes
villes, signèrent les huys de Francoysdonuyt; et quant ce vint
au point du jour qu'ils purent voir entour eux, si occirent tous
eealx qu'ils peurcnt trouver, et ne furent épargnés ne viculx
uc jeunes que tous ne fussent occis. > tlironiques de S. Denis.
Au 110 1282.
6 — page 43 — Charles d'Afjou ré^^ondit aux envoyés de
Uessine^ etc ..
Villani ajoute avec une prudence toute machiavélique : c Onde
fae, et sera sempre grande ascmpio a quclli, che sono et che
saranno, di prendere i patti, che si possono havere de* nimici,
poteudo havere la terra assediata. > Vill., 1. VU, c. lxt, p. 281-
282. — Le légat engageait Charles à accepter les conditions
des habitants : • Per6 chè, poi che fossino indurati, ognidi
peggiorercbbono i patti; ma riavendo egli la terra, con volontà
de' cittadini medesimi ogni di îi potrebbe alargare; il qualo
cra sano et buono consiglio. > Id., 1. VU, c. lxt, p. 231.
7 — page 14 — Ctf »? fut qu'au bout de plusieurs mois, etc..
Rien de plus romanesque et toutefois de plus vraisemblable
que le tableau du chroniqueur sicilien, lorsque le froid Arago-
naiâ se hasarda à descendre sur cette terre ardente, où tout
338 APPBXDÎCE.
élail passion elpdrrl. Il'&llaH entrer surie terrilohrcdc MMBînc,
et déjà il était parvenu à une église de Nolre-Dhmc, ane ien
temple situé sur un promontoire d'où Ton voit» la mer el la
fumée lointaine des îles de Li pari. Il ne put s^empôc.hcr d'ad-
mirer celte vue. et alla camper dans la vallée voisine. C'était
le soir, et déjà tout le monde reposait. Un vieux mendiant
s'approche et demande humblement à parler au roi de chose*
qui touchent l'honneur du royaume : • Excellent prince» dit il,
ne dédaignez pas d'écouter cet homme couvert de la cape des
chevriers de l'Etna. J'ftimais votre beau-frère, le roi llanfred,
d'éternelle mémoire. Proscrit et dépouillé pour lui, j'ai visité
les royaumes chrétiens et barbares. Mais je voula-is revoir la
Sicile, je me suis hasardé à y revenir; j'y ai vécu avec les ber-
gers, changeant de retraite dans les gorges et les bois. Vous ne
connaissez pas les Siciliens sur lesquels vous allez régner, vous
ignorez leur duplîciié. Comment vous - fier, par exemple, an
léontin Alaymc. et à^sa femme Machalda, qui le gouverne ? Ne
savez-vous pas qu'il : a *été proscrit par Mftnfired 1 ramené; eo-
richi par Charles d'Anjou? Sa femme saura bien: encore le
tourner contre vous-même. — Qui es- lu. mon ami, toi qui veux
nous mettre en défiance de nos nouveaux sujets? —Je suis
Vitalis de Vitali. Je suis de Messine.. » — A l'instant même
arrive Machalda, vôtue en amazone; elle venait hardiment
prendre possession du jeune roi : • Seigneur, dit-elle avec la
vivacité sicilicmic, j'arrive la dernière: Tous les logis sont
pris, je viens vous démander rhospitalUéd'tine' nuit. • Ite roi
lui céda lé logisoù il devait reposer; Maià ce n'éUit pas-son
afiftîife, elle ne partait pas. Vïiiûement dit-41 à son- majoréome :
• Uesiieçips de iirendre du- repos; » EWererfle immobile. Alors
le roi prend son parti : c Eh bitU', dil-lly causons jusqu'à»
jour. Madame, que craignez-vous leplusî'—U mt>rt de mon
mari.' - Qu'aimez-vous le plus ? - Ce que j 'aime n'est point a^
moi. » —Le roi, prenant alors un ton plùa grave, raconte les
phénomènes étranges qui ont, ditril, accompagné sa naissance :
il est Tenu au mondé pendent un tremblement de terre; dési-
gné ainsi par la Providence, il n'a pris les annea que pour
accomplir le saint .devoif de venger Manfrcd. Machalda, ainsi
éconduite, devint l'ennemie implacable du roi. > Plût au ciel.
APPENDICE. 339
dit naïvement l'historien palrîole, qu'elle eût séduit le roi! Elle
n'eût pas troublé le royaume. » Bartliol. à Neoc, apud MUra»
tori. XUI, 1060-63. . .
8 — pagp i7 — Lé roi à: Aragon nrcepta le combaHringuli^i"
proposé par Charles d'Anjou,'..
€ Cio fece per grande sagacité di guerra et per suo grau
senno, concibsia cosa ch'egli era moUo povero di moneta et da
DOD potere respondere al soccorso et rlparo de' Ciciliani...
Oode timea che .. non si arrendessono... per che non li sentiva*
eonsunti ne fénni... el cosi et savio suo provedîmeiHo venno'
bene adoperato. » Viilàni, c. lxxxt, p. 290.'
9 — page 23— Philippe le Bel défend d'emprisêmer qui qn^
ce sait sur la seule' demande des inquisiteurs...
« Dictum fuit (in parlianento) qnod prsefati aat eorum oât-
claies non possunt pœnas pecuniarias Judaeis infiigere nec exi*
gère per ecciesinliosoi ctnauram, sed'ftohim-modo pœnama
eanone siatatam, scilîcet «ommonioDaeini fideliam sibi subtra-
heruj > (Libertés de TËgiise gallioana; Ift, 14&>— Oa secail
testé de^veifici une inNÛe-asièreideir^xoûaiBnnicatioii.
10 — page '30 — Edouard I«r écrivit humblement à ses sujets
de Guyenne, etc..»
c Moas avions un Irailé avec le roi de France, d'après lequel
nous avons fait de vous et de notre duché certaines obéissances
à ce Roîv qoenou» avea& cru .êtra<pour lebien de la paix et
l'avantage de la chrétienté. Hais^, par. 1&^ noua noua sommes
rendus conpabies envers. vous^ pnisque nous l'avons fait sans
voUe eonsentemenl^ d'aalsatfpjna qife vous étiez Jbien préparés
à ^rder^t à/, défendre votre terre. Toutefois^ nous vous de-
mandons de. vouloir i bien ^n4>ns-tenic pour excusés; car nous.
avens étéxiraenvenoe^et séduits; dens.eeltfrjconji^ncture. Nous
engouffrons ptns^De ppjsonne» comme pourront vous l'assurer
Hugues de Vères, Raymond de Ferrers, cpii conduisaient en.
notre nom ce traité à la cour de France» Hais, avec l'aide de
Dieu, nous ne ferons plus rien d'Important désormais relative*
ment à ce duché sans votre conseil et votre assentiment. »
Ap. Rymer, t. 11, p. 644. Sismondi, Vlll, 480.
340 APPENDICE.
11 — page 31 — L'indulgence de la Coutume de Flandre pour
la femme et pour le bâtard...
c In Flandria jaminde ab initîo obseryatum constat, nemtnem
ibi'notbnm esse ex matre. > Meyer, folio 75. Le privilège fui
étendu aux hommes de Bruges par Louis de Nevers : • 11 les af-
franchit de bastardise, sy avant que le bastard soit bourgeois
ou Gis de bourgeois, sans fraude. > (1331) Oudegherst. Chron.
de Flandres. — Origines du droit, page 67, 1. U»", chap. m. Les
b&tards héritaient des biens de leurs mères. < Car on n'est pas
l'enfant illégitime de sa mère. • Miroir de Saxe. — Diverses
lois anciennes donnentméme aux enfants naturels des droits sur
les biens de leur père. Grimm, 476. — J'ai parlé ailleurs du
droit.des b&tards en France. Selon Olivier deTla Marche. « il n'y
avait en Europe que les Allemands chez qui les b&tards fussent
généralement méprisés. » Guillaume le Conquérant s'intitule
dans une lettre : < Moi, Guillaume, surnommé le B&tard, >
■
12 — page 40 — Boni face VIll, tieU avocat, etc..
f Hic loDgo tcmpore expericntiam habuit curiae, quia primo
advocatus ibidem, indc factus postea nolariuspape,postea car*
dinalis, et inde in cardinalatu expcditorad casus Collegîide-
clarandos, seu ad cxteros respondendos. > Muralori, XI»
1103.
13 — page 41 — L'homme est double; Uy aen lui le Pape et
rEmpereur.,.
€ Cum omnis natura ad ultimum quemdam finem ordinetur,
consequitur ut hominis duplex finis existât : ut sicut inler
omnia entia soins incorruptibilitatem et corruptibilitalem parti-
cipât, sic... Propter quod opus fuit homini duplici directivo, se-
cundum dupliccm finem : sciîicet summo ponlificc, qui sccan-
•dum rcvelata humanum genus produceret ad vitam sternam; et
imperatore, qui secundu m philosophica documenta genus hu-
manum adtemporalem felicitatem dirigeret. > Dante, De Monar>
«hi&. p. 78, édit. Zalta.
i\ — page 41 — De Monarchia, « De Tunitè du monde sa*
€ial > ...
APPENDICE. 344
Dante (De monarchia, t. IV, p 2. a). L'éditeur a mis an fron-
tispice l'aigle de l'Empire avec cette épigraphe :
£ 60tto l'ombra délie sacre penne,
Goveroo Tmondo li di mano in mano.
Paradii., c. vi, ▼. 7.
15 — page il — Ce monarque, pomdant lout^ ne peut rien de*
sirer, etc.
c Notandum quod justitiae maxime contrarialur cupidilas..»
Ubi non est quod possit optari, impossibile est ibi cupiditatcm
esse... Sed moDarchia non habet quod possit oplare. Sua nam-
quc juridictio terminatur Oceano solum, » p. 17. — 11 prouve
ensuite que la cbarilé, la liberté universelle, sont à la condi-
tion de cette monarcbie. — « 0 genus humanum, quantis pro-
cellis et jacturis quantisque naufragiis agi tari te necesse est,
dum bellua mullorum capitum factum in diverse conaris, iutel-
lectu aegrotas utroque similitcr cl aflicctu,.. cum per tubam
sanctî spiritns tibi cfflelur : £cce quam bonum et qaam jucun-
dum habitare fratres in unum ! » Dante , De monarchia,
p. Î7.
16 — page 43 — Sais>et appartenatt a h famille des anciens i-
eomîes de Toulouse.,.
• Qaod antiquitus erat Cornes et Vicccomcs Tholosae et quia
ipsc erat de génère Vicecomitis, qui dîctus Vicccomes domina-
batur in certa parte^ civitatis Tholosae. > Dupuy, Diff., 640.
// était l'ami de toute la noblesse municipale...
c Quiaomnes meliores homines de Tholosn sunt de parcntcla
noatra, et facient quidquid nos voluerimus. » Ibid , p. G43.
Jl rêvait la fondaiion d'un royaume de Languedoc...
c Audivit dicltim Episcopum Appam Comiti Fuxi dicentem :
Faciatis Pacem mecum, et vos habcbitis civitatem Appam, et
erîtis rex, quia anliquitus solcbat ibi esse Regnum adeo nobile
aient Hegnnm Francise, et postea ego faciam quod vos eritis
Cornes Tholosœ, quia in civitatc Tholosae, et in terra habeo mul«
tos amicoa, valde nobiles et valde potcntes... > Ibid., 645, V.
encore le l«r témoin, p. 633, et le XIV« témoin, p. 640.
•.. au profit du comte de CommingesA.
>.
342 irrsNiucB.
c Ipse episcQpus «empcr dilexerat conuteia .ÇoiweDacaTn et
totum genus jsuum, et speci ailler quia ent ex parie uoa iie
recta linea comitîs Tholosani, et quod génies totius terne âili-
gebant dictum comitem «x cansa pnedieU. > Ib., XV11« té-
moin, p. 642.
17 — page 47 — FjŒ petite bulle fut hrûUe, etc.
Dapuy, Preuves du Diff., p. 59. — t Fuerunt litters ejus
(papœ) in regno Francise coram pluribus concrematae, et sine
hodore remissi nuntii. * Chron. ''Rothomagense, ann. 1302 ; et
Âppendix annalinm H. "Stcronis Attahensis. — Le ms. cité par
Dupuy (Preuv. du Diff., 59), et que lui seul a vu, n'est
donc pas, comme le dit 'M. deSismondi, la seule autorité pour
ce fait. (V. -Sism., IX, 88.)
18 — page 49 — Letire^des noUesAux eardimux...
La lettre ajoutait au nom des nobles : Et se ainsi esloit que
nous, ou aucuns de nous le vousis$ions.6oufijrir, ne les soufer-
Tù'ii mie lidicts noslre sire li royç, ne li commun peuples dudit
royaume : et à grand'doulcur, et à grand meschief, nous vous
faisQns à sçavoir par la teneur, de ces lettres, que ce ne sont
choses qui plaiaent à Dieu, ne ne doivent plaire' à ualibomsie de
bonne voulenlé, ne oncques mes telles cboaesne deaGeBdiront
en cuer d'bomime, ne ores >nc furoat, ne aUcsdués advenir, fors
avecqucs Antéchrist... Pourquoi nous vous prions «t requeroas
tant affectueusement comme nous pouvons.,, que UjasaU^^ea qui
est esmeus, soit arrière mis .et.aaiantjii.'.eljquedei^as cKcès
qu'il a accoustumé à fai«e, il scût cbasli«%4ja loUarmaiv^, que
li estât de la Ghrestienté soit et dejvieureien^on .bon poiaiietian
son bon estât, et de ces chqscs nous faites à sçavoir par lepor*
leur de ses leUres vx)stre volonté etv^atre aftAeataon : car pour
ce nous renvoy4)ns.espéciaumeul à> vous* -.et. bien veruloasqie
vous soyez certain queue pour vie, tte:pour.fmort, .naasjiadé-
partirons, .ne ne veoAs à 4épartir de ce pcooez,, al , Cayst oi^s ,
ainsi queli Roys nostre Sire levouhist bieo...i£t.popQae^e
trop longue chose, et ehargeans seroit, se ohaeun daaoaa ■»(-
tcroit seel en ces présentes lettres, laites denoalre coauga«nas-
senlement, nos Loys fils .le roi de Ffancc,cueitsde£vreux; Ro-
APPBKDICB. 313
1>ert cuens d*ArKHs; Robert Dok de Boni^oif ne ; Jean Dnx de'
Bretaîne; Ferry Dox de Lorraine ; Jetn coens de Hainaot et de
Hollande ; Henry coens de Luxembourg; Guis cuens de S. Pol;
Jean cuens de Dreux ^Huges cuens de la Marche ; Robert cuens
de Bouioigne; Loys couens de<Niver8 et de Aetel; lean cuens
d'Eu; Bernard cuens de Gomminges; Jean 'cuens d*Aubmar]e;
Jean cuens de Fores; Valeran cuens dePérigors; Jean cuens
de Joigny; J. cuens d'Auxerre; Aymars de Poitiers, cuens de
Valenlinois; Estcnncs cuens de Sancerrc ; Renault cuens de
Mootbeliarl; Enjorrant sire de Coucy; Godcfroy de Breban;
Raoul àe GlevroontiooAsasUblc .de^Foioee; Jeaaairie.de Ghas-
4f«uvilain v Jourdain. sire dcLiUq > Jean 4le.Ghaloni site Bttelty ;
ifimrllauBiO'de Gbaveîgny^sire de Ghaa«iau4kKMil;«Ricbars l'aire
4&BewHW,t oiiiAmaarry visuaas de Manbaiiuerfavons.mistttila
roquesAe, etron .neaiKde bous, >et.po«r.toii84asta«lres,<Qa»at«us
en ces présentes lettres. Donné à Paris, le-iO^joun d'avrii, l^an
dcgr&coiaOâ.»
«49 — page SO — * LHireides^mmÊiibriê'éu^i^^é.,.
c ... Prout quidam noslrum qui ducatus, comitams, Woèias,
feoda etalia membra dicti Rcgni tenemus... adcssemus eidem
debitis consilHs et auxiliis oppoftunis... Gognoscedtés qudd ex-
crcscunt angustiae cum jam abhorreant lolci et prorsus Offugiant
consorlia clericorum. tûopuy, Neuves, p. 70. — La lèilre est
datée de mars, c'est-à-dire probablement an tidatéc : «' Dàtuml^a-
risi is die Marti» praedicta . Lesasdit Jourde mars. • Et ils n'ont
indiqué auparavant aucun Jour. Mais ils ne voulaient .point
dater de rassemblée du roi, ne s'élant . pas rendus à celle du
pape.
Cette lettre contient également le grand grief de la nobfeue.,.
«Et prael.ili dum non habcnt quîd pro meritis tribuant,
imo rétribuant nobilibus, quorum progenitoresccclesias funda-
vcrunt, cl aliis litteratis personis, non inveniunt scrvitorcs. »
Dup., Preuves, p. 69.
ÎO - page^a^i — I»« Mùne^ifrannè de .GanJ, quidortMux ge-
^Quxdela Vierge,,.
• Hodic quoquc pro symbole urbis Virgo sppimonlo Vgnco
344 APPENDICE.
clausa, cujus in sinu Léo cum Flandriae lababo cabat... * Sac-
derus, Gandav. Rcr., 1. 1, p. 51.
2i — page 51 — « Roland, Bdand, etc... >
C'étail rinscripUon de la cloche :
Roelan'lt, RoeUndr, als ick kleppe, dan ist brandt,
Als ick lave, dan ist storn in Vlacnderlandt.
(Sandenu, 1. Il, p. 115.)
S9 — page 52 — Peter Kœnig,,.
■ Primus ausns est Gallorum obsistere tyranntdl Petrns oo-
gnomcnto Rex, homo plebeins, unocnlus, œtate sexagenarios,
opificio textor pannorum, brevi vir stature nec facie admodum
libéral! , animo lamen magno et feroci, consilio bqpus, mana
promptus, flandrica quidem lingua comprîmisfacundus. galîi-
cie ignarus. » Mcyer, p. 91.
Les gens du peuple te mettent à battre Iturt chaudrons...
c Gumque ad campanam civilatis, non auderent accedere,
pelves suas puisantes... omnem multitudinem ooncitarunl. »
Ibid., p. 90.
23 ~ page 52 —.Les Gantais furent retenus par leurs gros fa-
bricants.
c Primorcs civitatis, quique dignate aliqûa aut opibus valc-
bant, Liliatorum sequebantur parles, formidantes Régis poten-
tiam, suisque timentes facuUatibus. * Ibid., p. 91.
24 — page 53 — Ils voulurent r4)mmunier ensemble, etc..
< A la bataille de Courtrai, les Flamands firent venir nn prê-
tre sur le champ de bataille avec le corps de Christ, de sorte
qu'ils pouvaient tous le voir. En guise de communion, chacun
d'eux prit de la terre k ses pieds cl se la mit dans la bouche. •
G. Villani, t. VllI, c ly, p. 333. — V. d'autres exemples de cette
communion par la terre dans mes Origines du droit, livre III,
ch. lY
25 — page 53 •— On répétait que CkâtiUon^ etc...
t Vasa vinaria portasse restibus plena, ut plebeios strangn-
laret. » Mever.
APFBIDICB. 345
La riine aoait^ dUait-on, recQmmandè aux Françait 911e, etc..
c Ut apros quidem , hoc est vlros» hastis, sed sues verutis
eonfoderent* infesta admodam mnlieribns, quas sues Tocabat,
ob fastiim illnm femîneum vîsnm a se Brugis. » Ibid., p. 93.
— V. eî-dessns page 68 : La reine avait dit en voyant les Fla-
mandes : ■ Ego rata . snm me esse Reginam ; at hic sezcentas
conspicio. » Ibid., p. 89.
26 — page 54 — L$s Flamands tuaient à leur aise, etc.
c Incredibjle narratu est qnanto robofe , qnahtaqne fcrocia,
coUnctantem secnm in fossis hostem nostri exceperint, malleis
ferreis plumbeisqne mactaverint. > Meyer, 94. — cGnillelmus
cognomento. ab Saltinga... tantis viribus dimicavit, nt équités 40
prostravisse, hostesque alios 1400 se jugulftsse gloriatus sit. »
Ibid., 95.
Î7 — page 55 — Après la défaits de Philippe à Courirai, la
eour pontificale changea de langage.
Quinze jours avant la bataille de Ck)urtrai , le pape tint dans
rassemblée des cardinaux un discours dont la conciliation
semblait le but. Il y dit, entre autres choses, que sous Philippe-
Auguste, le roi de France avait dix-huit mille livres de revenus,
et que maintenant-, grftce à la munificence de TËglise, il en
avait plus de quarante mille. Pierre Flotte, dit-il encore, est
aveugle de corps et d'esprit, Dieu l'a ainsi puni en son corps ;
cet homme de fiel, cet homme du diable , cet* Architophd , a
pour appui les comtes d'Artois et de Saiût-Pol; il a falsifié ou
supposé une lettre du pape; il lui fait dire au roi qu'il
ail à reconnaître "qu'il tient son royaume de lui. Le pape
ajoute : 1 Voilà quarante ans que nous sommes doctear en
droit, et que nous savons que les deux puissances sont
ordonnées de Dieu. Qui peut donc croire qu'une telle folie
nous soit tombée dans l'esprit ?... Mais on ne peut nier que le
roi ou tout autre fidèle ne nous soit soumis sous le rapport du
péAè.., Ce que le roi a fait illicitement, noas voulons désor-
mais qu'il le fasse licitement. Nous ne lui refuserons aucune
grâce. Qu'il nous envoie des gens de bien, comme le duc de
Bourgogne et le comte de Bretagne ; qu'ils disent en quoi nous
346 ..JIPBMHCE.
afons manquer 008S nous ain«iiderons.>Tantqae jUii été car-
'dtnal, j-ai été. Francis; depuis, bo«s avons beaueoap aimé le
roi. San»iiioiis, lâL.ne 'iienérait .pas d'an pied daaaison siège
royal ; les Anglais et las lAUemaarfsiSjélèvaaraienb^osiiire Aaî.
Noas connaissons tiatts las faaoiels du. refaane;.*iioiis savons
«eomme les Allvntmds, 'leH Boar^aigaoBa ateeenz du Lugsadlcc
aiment les Français. Amantes neminem amat.vds bcok), oonuae
dit Bernard. Nos prédécesseurs ont déposé trois rois de France ;
après tout ce quetcelui-ci a. fait, nous le.déposeriûns commue un
pamre gars (sicut unom^garcioAeip), .avec douleur toutefois,
avec grande Jci&tesser^s il fallait :en avenir à.xette nécessité. *
Dupny, Pr.,,p. 77'-8. — lfaJgré.Un3olence,deiaifinale, ee 4ts-
>€Ours. était une concesaion du^pf^p^, ua pa&eaarhèce.
28 — page 56 note 1 — Consultation de Pierre Dttèat»«*»lre
le pajpe... '
Voici en subatanee ce pamphlet dii^u^* aièole.'— r Apièa uvoir
établi l'impûssibilité d'une. 6uprtealÎ6«iia^«raeMe et réfoié les
. préleudas rexempile8iiia& Mudians, < des. Aasyrieus, -des ifisats et
des;ftoniains, iL'cke<la toi .derMoiae .cpti.délaod4ai«oiiuakise
'.*etleivM..« iOrûle .pape>'C«Avoiiei'ai-aafiU la :supréne Afcieitéaiu
iBtti,^i est^^et la fouioutaéléy^dcnu^âlretSMiiiiisisà ipefiaaiiue,< et
<deiCoaMnanden.par-tout]aon{ toyaame4aanstcniale cet ^amitéle
ihumain.'De.pdaàs, un'tte peniliier Kfue depuis ia dâslîBeftiMi dos
fitoiaiuef, .Kuaurpatkai' des oboses; possédéas, -tie cellas^auriaut
qui. sont prescrites par iaa« pMaea«cm'ini«ttémonaAc,(«e:;wit
pécbé ijnoBlel. ôr ie roi Ae/Fnnee possède la . siqifAaae ;f«ri-
i dietionet la fmcyse de son temporel, depaîs plus de aailAaans.
Itflra,iletsaôme toiy'depuis te tsMps de £hapiwBigfic doai il
descondr comme en ie-TOtfridaB&de>oaflOii AwJeeeeseru pêeteie,
i«t a prescrit. la cotialion-ides prébandss styles fruits de lagaide
•des dglises , ioan saKslikre«'étpar.oeoapaAwn, anais ipar doaa-
tian àuipapetAdmenyqui,^da!cenaenlCBWflt du xoaeih&géaéfa],
s conféré à jQhcrlemafae liées ulosils. et Jiien'idlaalfes pieaifue
:iBOonipaiuMeaentipliis*:gaaBKl8, savoir ique^Jui et'.aes.s«ccas-
laeuss. paurraieat ehèisir attaornier .«^iiilstmidraieot papea,
■cardinaux, -patriarehes , rpoélals, ^atc...i O^ailloifa, lc>p^>e
nc.peut réclamer la suprénaiie do^neyaiuane ée ^Kaanse 4ue
IWESfMGE. 347
eomme souverain Pontife imais si c'étarit rdoHenieBl< un droit
de la papauté, il eût aparlonu à aaial Pierre et à ses sueeesseurs
tfui ne l'ont point rédamé. Le roi de France a pq«r..lQi ..«ne
prescription de donze.oeatsoixanie-dix ans* Or, la possession
cMUenairc niârae suis litre suffit, .d'après 4iBe nouvel oonsti-
tniion dndit pape, pour peescr ire contre lai .et ooatte l'Eglise
romainev et néme contre l'Empire, selon les lois impériales.
Donc, si le pape ou l'enapereur avaient eu quelque servitude
sur le royanme, ce qui n'est pas vrai, leur droiitserait^éieint...
En onlre, si le p*pe statuait que la prescripiion.ne courtjpas
contre lui, elle no co«rra doiiopa&iion phis contre. lt& Mires,
et aarkmt oantfe les princes,* qui ne reconnaîssont pas ode .«u-
périenrs. Donc, Tempereur de Gonsiantinople .qui lui a. donné
IMI son. patrimoine (la donaiion étant excessive, .comme faite
par an .anapleadministfatour des biens de Tomplre), paut,
eoonne âonalaar (ou remperour d'AUemagné, comme sobsogé
«n oa piact), févoquer cette donation... fit ainsi ia.jiopMité
oeiut réduite -^à «sa pauvret prisaitive des temps antésienn .à
€onalanliD, pmufie cette donation, nulle en droit dè&le prin-
oipe, penrrait être révoquée. sans la prescription ioj^gtutait
êâmpariif > Ûapuy, p. ilirl.
29 «- »99^ î»G t JkiiM la cktUre du biêuh$Mrêttic.PùrKù^$iiigê
cê metlrj dé WAMenyac... -*
« Sedet in cathedra beati Pétri mendaciocom.m^giatûr, fa-
eîeaa se, enmsit omnifario maleficus,£opilaeittAijiominari, >
Ibid... « Mec ad eînsoxoasAlioDem.^. .quodab aliqaibus diciljir
post aoctem téicii Ccelesiini.». Ci^rdinaies in eitm denjto con-
sensisse : eim ^JMê mm • ùmjmx non potuêrit quam. , primo viro
wioênie^ Me digm Cênfi^ii^ consiat per adulierinm /polUme* >
Ibid., 57... « Utsicut angélus Domini prophète Balaam... oe-
cnrrit gladio evaginato in via, sic dicto pestiféré vos ev^gioaio
gladio occ^irere velitis, ne possit maium perficere populo qaod
iatendît. > Ibid.
30 '— page 57 — RéfMÙiknrê de Pl(mameo/Ure Bemifaee.,.
« Moi Gfoillanme de Plasian, chevalier, je dis, j'avance et
j'affirme que Boniface qui occupe maintenant le siège apesto-
j 3i8 APPEIfDICE.
liqûe sera trouvé parfait hérétiqne, en hérésies, fails éoormcs
et dogmes pervers ci-dessus meotionnés : !<> Il ne croit pas à
^ ^ rimmortalilé de l'àme; 2o il ne croît pas à la vie étemelle, car
il dit qu'il aimerait mieux être chien, âne ou quelque antre
brute que Français, ce qu'il ne dirait pas s'il croyait qiiuoD
Français a une ftme étemelle. — Il ne croit point à la présenee
réelle, car il orne plus magnifiquement son trône que l'autel.
— Il a dit que pour abaisser le roi et les Français, il bovl^
verserait tout le monde. — Il a approuvé le livre d'Arnaud de
Villeneuve, condamné par l'évéque et l'université de Paris. —
Il s'est fait élever des statues d'argent dans les églises. — Il a
un démon familier ; car il a dit que si tous les hommes éiaienl
d'un côté et lui seul de l'autre, il ne pourrait se tromper ni en
fait ni en droit : cela suppose un art diabolique. — 11 a prêdié
publiquement que le pontife romaio ne pouvait commettre de
simonie : ce qui est hérétique à dire. — En parfait hérétiqae
qui veut avoir la vraie foi à lui seul, il a appelé Patérins les
Français, nation notoirement très-chrétienne. — il est sodo-
mîtc. — Il a fait tuer plusieurs clercs devant lui, disant à ses
gardes s'ils ne les tuaient pas du premier coup : Frappe, frappe;
Dali, Dali. — Il a forcé des prêtres à violer le secret de la con-
fession... ~ Il n'observe ni vigiles ni carême. — Il déprécie le
collège des cardinaux, les ordres des moines noirs et blancs,
des frères prêcheurs et mineurs, répétant souvent que le monde
se perdait par eux, que c'étaient de faux hjrpocrites, et que rien
de bon n'arriverait à qui se confesserait à eux. •» Voulant dé-
truire la foi, il a conçu une vieille aversion contre le roi de
France, en haine de la foi, parce qu'en la France est et fat ton-
jours la splendeur de la foi, le grand appui et l'exemple de la
chrétienté. — Il a tout soulevé contre la maison de France,
l'Angleterre, TAllemagne, confirmant au roi d'Allemagne le titre
d'empereur, et publiant qu'il le faisait pour détruire la superbe
des Français, qui disaient nôtre soutnis à personne temporel*
lement : ajoutant qu'ils en avaient menti par la gorge (pcr
gulam), et déclarant, que si un ange descendait du ciel et disait
qu'ils ne sont soumis ni à lui ni à l'empereur, il serait ana*
thème. — Il a laissé perdre la Terre-Sainte... détournant Tar*
gcnt destiné à la défendre. — II est publiquement reconna
ArpEra>:cB. 349
«imonlaqne, bien plas, la source et la base de la sîmonie, ven-
dant au plus offrant' les bénéfices, imposant à l'Église et aux
prélats le servage et la taille pour enrichir les siens du patri-
iBOine du Crucifié, en faire marquis, comtes, barons — II rompt
'les mariages. — Il rompt les vœux des religieuses. — Il a dit
4]uc dans peu il ferait de tous les Français des martyrs ou des
«i>ostats , etc. > Dnpuy, Diff... Preuves, p. 102-7; cf. 326-316»
350-362.
31 ^ page 58 ^ L'univenUê de Paris , le$ dominicaine dé la
wéme viÙi^ les mineun de Touraine, $$ dèdarértnt pour le rot...
En 1295, Boniface les avait affranchis de toute juridiction
ecclésiastique, sans craindre le mécontentement du clergé do
France. Butœus, ill. p. 511. 11 n'avait point cessé d'ajouter à
leurs privilèges. Ibid., p. 516, 545. — Quant à rUniversité,
(Philippe le Bel l'avait gagnée par mille* prévenances. Bulœns,
lII, p. 542, 544. Aussi elle le soutint dans toutes ses mesures
fiscales contre le clergé. Dès le commepcement de la lutte, elle
se trouvait associée à sa cause par le pape lui-même : c Univer-
sitates qus in his culpabiles fuerint, ecclesiastico supponimus
interdicto. V (Bulle Clerieie laicoe,) Aussi l'Universilé se déclare
hautement pour le roi : « Appellationi Régis adhteremus snp-
ponentes nos... et universitatem nostram prolectioni divin» et
prvdicti concilii generalis ac futuri veri et Icgilimi summi
pontifiets. • Dupuy, Pr., p. 117-118.
3Î — page 59 — Nogafet e^èlait fait donner des pouvoirs illi^
sniêés du roi»..
« Phi lippus, Dei gratis... Guillelmo de Nogareto... plenam et
liberam tenore prœsentium commiuimus potcstatem, ratum
babituri et gratum , quidquid Tactum fuerit in prsmissis, et ea
iangentïbuSf seu dependenlibus ex eisdem... > Dupuy., Pr., 175.
33 — page 60 -- ... d Anagni, au milieu (ftcn peuple qui venait
de traîner dans la boue les lis et le drapeau de France,,.
« Ut proditioncm fecerint cidcm domino Guillelmo et sequa*
ctbus suis , ac trascinarc fecisscnt pcr Anagniam vexillum ac
insignia dicli domini Régis, favore et adjutorio illiusBonifacii. >
Dupuy, Pr., p. 175.
35ft" 4PPB»MGI«
34t-* pag^-âO^' — SupiMÔ ë'eagog^a fom* la. vit. on la moi t de
Bomifaee^^
t ^uitLeiiniiA pred ictus asaccuit dietom dominum Raynaldaxn
(de Sttpiao)» esae b«n«volamrfloUiciXuin ei fidekHBL,. tam in viia
ip8iu»Booifacu4pi«ni ia iboM««« elipsuxn dominum Guillel*
mum xecep^ssa tam in \ïiai,quam^iu^mû»:tê Bûuif^riijirœdicti. »
Dup.vPr;, p% 17$.
35 — page 61 — On menace, on outrage le vieillard, etc..
c Ruptis^ostits et fencslris palatii p«pe, et pluiilitis loei»
ignesuppo^to, per viin ad papan» eiereitvs est ingreas«s ;
qtteni'*t«iio.permuU> verbis coRturaeHom suai agressi : mam
eliam eî a pluribus sunt iîlatasi Seë papa ovili nespondit. fioim-»
vero cnmad rationem positus essel,aii veltet reuvnciare piupa^-
tui, eonstanter respendit non, imo eilius- veHét perdere* c»piit
sunny; dlcena in sno vulgnri': c Eeco il collo, eeco il capo. »
Walèîngham, apud DupVT, Pt*. •* « Da che-peraradlmento corne
Jestt Ghristo vogiio essere preso, convienmî'morife, ahneoo
vogKo mortre corne papa. > Et di présente si féce- parare deir
amanto di san Piero, et coq la corona ék GoDSt«otioo it eapo,
et con 4a chiayi et croce in nrnuo, et poseei a sediere snso la sedia
papale: 1 YiHani. VIII, 63; ->c^ e«5i été'feru doua fois d'aa
dtBchevalfers'de la Colonne, n'eust é(é'uwetaevalier*de^PnRiee
qwî le contesta... >' Ghron. de Saint^^Den». Dup., Pi*., p. Ift.
Nicolas Gilles (1492) y ajoute: c par deux féia cuidale^pape
estte tué par un chevalier de cenlx de la Goulonne , si ne fust
qu'on le détourna : toutefois il le frappa de la maiu armée d'un
gantelet sur le visage jusquea à grande effusion* dé sang. »
Ap. Dup., Pr;, p. 199.
36 '— p^ge 6t — On rapporta sur la place , etc..
c Tune populus fecit papam dcportari in magnam plateam,
ubi .pap^lacrymando pppulo priedicavii, inter omnia graiias
agens Duo et populo Anagoise de vita sua. Taadem iu iîae ser«-
moois^iiit; Boni homines et mulieres, constat vobis qualiter
inimici<inei veneruni^t abstuleruni omnia bona mea, et noa
tantttminea,.sed et omnia. bona £ccleaiœ> et me ita paupcrem
sicut Job fuerat dimiseruni. Prop*.er quod dioo- vobis veracLter»
APPECOICE» 351 .
qooé nihU -hal^eo ad eomediocUimvclibfbcndviii, ci jaivBus re-
niansi usqne aë 'preM08« Et si siiaHqaa booa.jnttiieriquœ me*
veKl ' dû' sua javmv« eleemosyDa^ iopaBa. vel viao : el su vinum.
non 'habnerft,' d« aqaa persmdUUKi dabo «ei .benediotAoneoi Dei
et meam... Tuii&oinses htec>exiOPepap>e«lai&abaDl: .Vivaa« Pa>
tersanete. »' El DQiw cernercB i mulieres .cnnrere oerlatiuLiadi
palatiam, ad offi»readv^raibi•p^Delll, TiâmiL vel aqoaoïi... Ei
cnm nonînveoireninr yaw» ad < eapiendan « allala» fuadebaofr.
vinum et aqnam 1q arca camenfr-papœ^ in magna' quanUlate.
Et tnncpotaii qnisqae ingredi elcum papa lùqui^ sioni cum alla
panpere. «Walsingh-, apQdDiipoy> Pr., IM.
37 -^ page 6$ — PhilippeefWûya au pop^tin mémoire eank'et
Bonifâee^ etc..
« La forme de cet acte est biaarre, à obliqua titre d'aaeuiatîony
il y a nn éloge pour la ^om de Rome. Ainsi : < Les saintaPèrea*
> avaient conttxme* de na point tbésanrtser ç il a disiribaaieat:
» aux pauvres les biens des églises. Boaifsae, toaiaa coa***
1 traire, ete. • C'est la forme' in varhiblede^chaqne article. Oa
poavaît douter si c'était bien sérîensemeDiqtte^ie roi altribnak
ainsi à un seul pape tous les abus* de la ' papamtéi' > tapiiy»
Preuves, p. 209-îi(h'
Cet acte, rédigé en langue vul^re^ était pluêôtuwaiÊpd du roi
au peuple t etc...
9 A vous, tfès^noble prince, nostre Sire, par la grâce de
Dieu Roy de France; supplie et requière le pueuble de vostiwi
royaume, pour ce que il appartient que* ce soit faict, que vous
gardiez la souveraine francbfse^d^vostre royauaiie, qui cstielle-
que vous ne recognissîez de vestige temporal souverain en terret
fors que Dieu, et quevous faciez déclarer que -le pape Boni&ee»
erra manifestement et* fit pééhé mortel, notoirement en voua
mandant par lettres buUées que il eaioilvos(re« souverain de
Tostre temporel... Item... que l'on doit tenir ledit Pape pour
facrège... L'on peut prouver par vive force sans ce que nul
n'y pusse par raison répondre que le papen'cul oneques sei-
gneurie de vostre temporel. . QuuDd Dieu le Père eut créé le
ciel et les quatre éléments, eut formé Adam et ËKtO» il dit à eux
et à leur succession : Quod ealcaverit pe$ tuu$, tuum erit^^
3132 APP£ND1CB.
G'esuà-dire qa*îl vouloit que chascon homme fost le seigneur
decen qu'il occuperoit de terre. Ainsi départirent les fils d'A-
dam la terre et en furent seigneurs trois mil ans et plus, aTant
le temps. Melchisedech qui fut le premier Prêtre qui fat Roy«
si comme dit l'histoire : mais il ne fut pas Roy de tout le
monde : et obéissant la gent à li comme a Roy temporel et non
pas a Prestre si fut autant Roy que Preslre. Emprès sa mort fm
grands temps, €00 ans ou plus, avant que nul autre fust
Prestre. El Dieu le Père qui donna la Loy à Moïse, l'eslablît
Prince de son peuple d'israél et li commanda que il fist Araon
son frère souverain Prestre et son fils après li. Et Moïse bailla
et commist quand il deust mourir, du commandement de Dieu,
la seigneurie du temporel non pas au souverain Prestre son
frère mais à Josué sans débat que Aaron et son fils après li y
missent: mais gardoient le tabernacle ..et se aidoient an tem-
porel défendre... Celuy Dieu qui toutes choses présentes et avenir
sçavoit, commanda àJosuélcur Prince qu'il parlist la terre entre
ces onzelignics; et que la lignie des Prcstres eussent en liea de
leur partie les diesmesetles prémisses de tout, et en resquissent
sans terre, si que eux peussent plus profîtablement Dieu serrîr
et prier pour ce pueuble. Et puis quand ce peuple d'Israël
demanda Roy a nostre Seigneur, ou fit demander par le pro-
phète Samuel, il ne leur eslit pas ce souverain Prestre, mais
Sadl qui surmonloit de grandeur tout le pueuble de tout le col
et de la teste... (allusion à Philii^pê 1$ Bel?) Si que il noi nal
Roy en Hierusalem sus le pueuble de Dieu qui fust Prestre,
mais avoient Roy et souverain Prostrés en diverses personnes
et avait l'un assez à faire de gouverner le temporel et le autre
l'espirituel^du petit pueuble et si obéissoient tous les Prestrcs,
du temporel as Rois. Emprès Notrc-Seigneur Jésus-Crhist fut
souverain Prestre, et ne trouve l'en point écrit qu'il eust onc-
qucs nulle possession de temporel... Après ce, sainct Père
(i^ierre)... Co fusl grande abomination à ouir que c'est Doni-
face, pour ce que Dieu dit à sainol Père : t Ce que tu lieras ca
> terre sera lié au ciel, > cette parole d'cspiritualité entendît
mallement comme bougre, quant au temporel, il estoiL grei-
gneur besoin qu'il sceust arable, caldei, grieux, ebrieux et tons
autres langages dcsqueulx il est mouU de chrétiens qui ne
APPENDICE. 357
croient pas, comme Vdglise de Rome... Vous noble Roy...herège
dcfendeour de la foy, desiruiteur de bougres povès et devès et
estes tenus requerre et procurer que ledit Boni face soit te^
nus et jugez pour berège et punis en la manière que Ton le
pourra et devra et doit faire emprès sa mort. > Dupuy, Diffdr.,
p. 214-218.
38 — page 66 — La gutrr$ de Flandre avait mis à^out Phi-
lippe...
Cette terrible année 1303 est caractérisée par le silence des
registres du Parlement. On y lit en 1301 : « Anno pra^cedcnlc
propter guerram Fiandriae non fuit parliamcntum. » Olim, lli,
folio CVIL Archives du royaume, Section judiciaire*
29 — page 67 ^ L'affaire dupape^ ele...
Baillet établit un rapprochement entre les démêlés de Phi-
lippe le Bel et ceux de Lqois XIY avec le Saint-Siège : • L'un
et l'autre différend s'est paasé sous trois pi^pes, dont le premier
ayant vttiialtrc le, différend, est mort au fort de la querelle
(Boniface Ylll, Innocent XI). Le second (Benoit XI, successeur
de Boniface, et Alexandre YIU, successeur d'Innocent), ayant
été prévenu de soumissions par la France, s'est racommodé en
usant néanmoins de dissimulation pour sauver les prétentions
de la cour de Rome. Le troisième (Clément V, et Innocent XU)
a terminé toute affaire. De la p^rt de la France, il n'y a eu dans
chaque démêlé qu'un roi (Philippe le Bel, Louis XI Vj. Un évê-
que de Pamiers semble avoir donné occasion à la querelle dans
l'un comme dans l'autre différend. Le droit de régale est entré
dans tous les deux. Il y a eu dans l'un et dans lautre, appel
au futur Concile... l'attachement des membres de l'Ëglise galll- *
cane pour leur roi y a été presque égal. Le clergé, les univer*
sites, les moines et les mendiants se sont jetés partout dans les
intérêts du roi et ont adhéré à l'appel. 11 y a eu excommunica-
tion d'ambassadeurs, et menaces pour leurs mallrcs. Les juifs
chassés du royaume par Philippe le Bel, et les Templiers dé-
truits, semblent fournir aussi quelque rapport avec l'cxlirpation
des huguenots et la dcstrution des religieuses de l'Enfance. »
(Daiilct, Hrst. des démêlés, elc.)
354 APPJmuX.
40 — page 68, note i — C'atlaromm âfi Balley^ et£.
On présume qu'elle parut la première fois à la nâissaoce de
Mithridate, 130 ans avant l'ère chrétienne. Justin (lib. xxxynf
dit que pendant 80 jours, elle éclipsait presque le soleil. Elle
reparut en 339 et en 550, époque de la prise de Rome pur To-
tila. En 1305, elle avait un éclat extraordinaire. En li5tS, elle
traînait une queue qui embrassait les deux tiers de rintervalle
compris entre l'horizon et le zénith ; en 1682, la queae aTait '
encore 30 degrés; en 1750, elle semblait ne devoir attirer i'at-
Mention que des astronomes. Ces faits sembleraient établir que
les comètes vont s'affaiblissent. Celle de Halley a repam en
octobre 1835. Annuaire du Bureau des longitudes pour 1835.
Voyez aussi une notice sur cette comète, par M. de Pontécou-
lant.
41 — page 70 — Jupiter avoue qu'il meurt de fenm sans Plu-
lus.,.
AîwXmx* (nrè XipioO. . Aristojih., Wul., V. 1174. Voyeï aussi les
vers 129, 133, 115» et I16»^9.
42 — page 71, note 2 — Raymond LnVe^ etc..
Il est dit dans l'UItimum Testamcnlum, mis sous son nom,
qu'en une fois il convertit en or cinquante milliers pesant de
mercure, de plomb et d'élain.— Le pape Jean XXII, à qui Pagi
attribue un traité sur l'wl rnran#mu(a(oir^, y disait qu'il avait
transmuté à Avignon deux cents lingots pesant chacun un
quintal, c'est-à-dire vingt mille livres d'or. Était-ce une ma-
nière de rendre compte des énormes richesses entassées dans
ses caves? — Au reste, ils étaient forcés <jl^ convenir entre eux
que cet or qu'ils obtenaient par quintaux n'avait de l'or que h
couleur.
43 — page 13 — ,.^d$ soufflets en soufflets^ ks voilà au tr6»e
du monde...
le lisars le... octobre 1834, dans un Journal anglais : « Ap-
jourd'huî, peu d'affaires à la bourse; c'est jour férié pour les
juifs. > ^ Maisil n'ont pas seulement las upérioriléde richesses.
S55
Oa senit tenté de lenr en «ooopder ube autre loriqa''On voit
que la plapart des hommes quf font aajojard'bui le plu» d'kuMi-
nevr à i'Aliaiuigno sont des j«i& (1837). — J'ai parlé dao^ les
notes de la Renaistance de taitt deMfo iliustres, nos cooiesp-
poraina (18€0^
k\ ^ page 74, tiMe 1 •— c Une (éere âewtrêehmr,.. •
Sir Thomas Nan^o acquit à Calcutta, U y a irenle aa», «a
ms. où se trouvé Thistoire orif^nale de ht livre de eliair, «le.
Seulement, au Heu d'un chrétien, c'est un BnMolmaU que le
juif vent dépecer. V. Asiatîc Journal. — Orig. du droit, î. IV,
c. xin : L'atrocité de la loi des Douze Tables, déjà repouasée
par les Romains eux-mêmes, ne pouvait, à plus forte raîsoù,
prévaloir chez les nations chrétiennes Toyez cependant le
droit nor\'égien. Grimm, 617. — Dana les tradltionè pepulaires,
H juif stipule une livre de chair à couper sur le corps de son
débiteur, mais le juge le prévient que <'tl coupe plat «a motac,
il sera lui-même mis à mort. ^ V. le Peeorone (écrit vers
1378), lesGesia Romanonim dans la (onné* allomaede. — * Voir
atiaai mon Ristoire romaine.
45 — page 76 — Entrevue de Philippe et de Bertrand de
Gott...
G. Viilani, 1. Vllf, c, lxxx, p. 417. — L'opinion du temps est
bien représentée dans les vers burlesques cités par Walsin-
g'iam :
Fcriesi» navis titubât, regni quia claris
firrmt, R«x. Papa» facti saat nna cappa.
Hoc faciaot do, des, Pilalos hic, alter Herodes.
WalSMifb., p. 45^, aBD. i3û6.
M-- page 8ê ^ Lemêlhmpenœ p^pe 4foaaa, paurnêpêêreee'
9oir le$ commiseaiiru dn roi, la pbu ridiaUe «rcaM...
Baluzc, Acta vet. ad Pap. Av.. p. 75-6... c Qusdam prépara-
toria sumere, et postmodum purgationem accipere, quœ secun*
dum praediclorum physicorum judicium, auctore Domiuo»
valde nlilis nobis erit. a
336. APPniDiCE.
47 — page 84 — L% reniement* i'expritnaU par wi «te,
cracher sur la croix.,. *
Voyez plus loin (page 168) les motifs qui nons onl décidé
à regarder ce point comme hors de doute. — Le ht» siècle
ne voyait probablement qu'une singularité suspecte daos la
fidélité des Templiers aux ancienne^ traditions symboliques de
l'Église, par exemple dans leur prédilection pour le nombre
trois. On interrogeait trois fois le récipiendaire av&nl de
l'introduire dans le chapitre. Il demandait par trois fois le
pain et l'eau, et la société de l'ordre. 11 faisait trois vœux. Les
chevaliers observaient tro!s grands jeilnes. Ils communiaicot
troi$ fois l'an. L'aumône se faisait dans toutes les maisons de
l'ordre trou fois la semaine. Chacun des chevaliers devait avoir
troiê chevaux. On leur disait la messe trois fois la semaine. 11^
mangeaient de la viande trois jours de la semaine seulemcDt.
Dans les jours d'abstinence, on pouvait leur servir trois mets
dififérents. Ils adoraient la croix solennellement à trois époques
de l'année. Ils juraient de ne pas fuir en présence delroii
ennemis. On flagellait par trois fois en plein chapitre ceax qai
avaient mérité cette correction, etc., etc., etc. Même remarque
pour les accusations dont ils furent l'objet. On leur reprocha
de renier trois fois, de cracher trois fois sur la croix. < Ttr
abnegabant^ et horribili crudelitate ter in faciem spuebant ejus. >
Circul. de Philippe le Bel, du 14 septembre 1307. c Et li fait
renier par trois fois le prophète et par trois fois crachier sor
la croix. > Instruct. de l'inquisiteur Guillaume de Paris.
Rayn., p. 4.
48 — page 84 — Ce nom de Temple rappelait U temple de Si-
lomon,,.
Dans quelques monuments anglais, l'ordre du Temple est
appelé Mililia Templi Salomonis. (Ms. Bibliolh. CoUoniansti
BodUianœ.) Ils sont aussi nommés J'ratres militiae Salomonis,
dans une charte de 1197. Ducange. Rayn., p. 2.
49 — page 8i — Le Temple subsiste dans les enseignemenli
d'une foule de sociétés secrètes.,.
11 est posssible que les Templiers qui échappèrent se soient
Â?piin>i€B. 357
fondas dans des sociétés secrètes. En Ecosse, ils disparaissent
toos, excepté deux. Or, on a remarqué que les plus secrets
mystères de la fraoc-maçonnerie sont réputés émanés d'Ecosse,
et que les hauts grades y sont nommés Écossais. V. Grou*
'velle et les écrivains qu'il a suivis. Manier, Moldenbawer,
Kicolal., etc.
50 •— page 85 «- Lm Templiers furmut-Us affUUs aux gnêS"
tiqui$f,..
Voyez Hammer, Mémoire sur deux coffrets gnostîquos, p. 7.
V. aussi le mémoire du même dans les Mines d'Orient, et la
réponse de M. Raynouard. (Michaud, llist. des croisades,
éd. £828 1. V. p. 572.)
51 — page 86 — Tout ce qu'il y avait eu de saint en Vordre
devint pèehè et souillure,. .
La règle austère que Tordre reçut à son origine semble à
sa chute un acte d'accusation terrible : c Domus hospitis non
careat lumine, ne tenebrosus hostis... Vestiti autem camisiis
dormiant, et cum femoralibus dormiant. Dormientibus itaque
fratribus usque mane nunquam dcerit luccrna... i Actes da
concile de Troyes, 1128. Ap. Dup. Templ. 92-i02.
52 — page 87 — Son mépris pour la femme...
Voyez cependant Processus contra Templarios, ms. de la
BUdiotk. royale. Ce qu'on y lit dans les Articles de L'interroga-
toire sur ^ leurs relations avec les femmes (Item^ les maîtres
feeoient frères tt tuers du Temple... Proe. me., folio iO-ii) doit
s'entendre des afliliés de l'ordre; il y en avait des deux sexes
(V. Dup. 99, 102), mais il ne me souvient pas d'avoir lu aucun
avea sur ce point, même dans les déposftions les plus con-
traires à l'ordre. Ils avouent plutôt une autre infamie bien plus
honteuse (1837). — Depuis j'ai publié les deux premiers volu-
mes des pièces du procès des Templiers, avec une inirodaciion,
18ii-1851. J'y renvoie le lecteur (1860).
53 — page 87 -* Ils se passaient aussi de prêtres, se confessant
entre eux*..
358 APfïHDI€B.
< La matière âe tenir chapiire et d^asaondre. Après eliapiire
dira le roestre on cely que tendra le chapitre : Beaux seigneurs
fr.ère», le pardon de nostre chapitre est tiels, qne eil qaî ostast
les almones de la meson à te^ie maleresoun, on tenîst aucune
cliose eo nonn de propre, ne prendreH u tena ov pardon de
nostre chapitre. Mes toutes les choses qe wms kssez-à dire p^mr
hounte de (a char^ ou pbour de la justice de la mesoun, qe lein
ne la prenge requer Dietb pour la recfuestre de la sq« doBoe
Hère le vous pardoint. » Conciles d'Angleterre, édit. 1737»
t. lUf. 38».
Vk ^^ page 87, note* i -*- Let (ffpoMttotia les fins sales, etc.
a Post redditas gratias capellanus ordinis Teinplr increpaTÎt
fratres, diccns : c Diabolus comburct vos » vcl similia vcrba...
Et vidtl braeeias nnias frttrum Templi et ipsnra tenentem
faciem versus occidentem et posteriora vereas altare... * 359,
< Oatendebatar imago er«cifixi et ilicebatur et, qaod sreai antea
honoraverat i^sum sic modo tîtaperarei, et eonspaereiia eun :
quod et feeit. item dkftnm Ml ei qaéd» deposhia braocits.
YOrteret dforaam ad cramilnm : qood teryaaodo fecit... »
Ibidem, 8«9, col, #.
. •
55 — page 88 ^ Ils possédaient, etc..
c Habent Teniplarn m obrisltanitate n«pem mHlia nmnerio-
r«m... > Math. Pftria^ p. 4i7. Ftus^afd htohroniqQe de Flandre
leur attrilrae #0,560 manoirs. Dans la sénécmmssée de Bcaa-
caira, l'ordre avait aetaelé'^ikquaraale. aaa paor 10,000 livres
derèoiea. -^ Le seui «prieané de fiais tGiUe» atait 54 oommn-
daaiça. ftiotvelleyip^ftlttv
'9ê '^ page M -*^/## «mkmi reftmè^ ëmà§iru ki rsmçom dm-^ami .
•V
Joi&vHIe, p. 81, np. Diip., Pr., p. I4M64. — LoraqvVm
effèetnait le payement-^ fa rançon, U manifaAil 90,000 livres»
Joinville pria les Templiers' de lea'préler an voK iU refusèrent
et dirent : c Vous savez que nous recevons les commandes en
tel manière que psrr nos scMmiMita mm^- ne iea pooos délivrer,
mes que à ceulz qui les nous baillent. » Cependant ils dtreni
APPENDICE. 359
qu'on pouvait leur prendre cet argent de force, que Tordre
avait dans ville d'Acre de quoi se dédommager, loin ville se
rendit alors sur leur c m^stre galie, » et, descendu dans )%
cale, demanda les clefs d'un coffte qu'il voyait devant lui. On
les lut refusa, il prit une cognée, la leva et menaça de fctire la
def te roy. Alors le maréchal du Temple le prit à témoin qu'il
lui faisait violence, et lui donna la clef, loinville, p. 81,
éd. 1761.
. 57 — page 90 — Philippe le Bel leur devait de V argent,.,
« Is magistrum ordinis exosum habuil, propter importunaih
pecuniae exaclionem, qnam, in i^iptiis 6Iiae snse IsabcHœ, ei
muluadederat. > Thomas de la Moor, in Yilâ Ednardi, apud
Baluze, Pap. Aven., notae, p. 189. — Le Temple arail, à diver-
ses époques, servi de dépôt aux trésors du roi. PhHippe-Aùgnste
(1190; ordonne que tous ses revenus, pendant son voyage d'ou-
tre-mer, soient portés au Temple et enfermés dans des coffres, ,
dont se^ ajgenis auront une clef et les Templiers une autre.
Philippe U Hardi ordonne qu'on y dépose les épargnes publi-
ques. — Le trésorier des Templiers s'intitulait Trésorier du
Temple et du Roi, et m&me Trésorier du Koî au Temple.
Sauvai, II, 37.
58 — page 91 — La lentdthn était forte pour le roi,,,
V. dans Dupuy un pamphlet que Phiîfppe le Be! se fl( proba-
blement adresser : < Opinio eujusdam prudentis régi Philippe,
ut regnum Hieros, et Cypri acquireret pro altère flliorum suo- *
mm,, acde invasione regni ifigypti et de dispositione bonorum
ordinis Templariorum. » — V. aussi Walsingham. — L'idée
d'appliquer leurs biens au service de la Terre-Saidte aurait été
de Raymond LuIIe. Baluz. Pap Aven .
99 •— page 99 -^ Les- Templiifts étaient plw excta^iffemmt
wâèi pour ta guerre.,.
' * 5i uirib fieret, maltum^ oporteret qtiod TemplarH lar»f«ii^
lur, vel Hospitalarti restringerentttr m plvribns. Et ex hœ*
posscnt animarum pericula provenire... Religio hospitalario-
rnm super hospitalitate fnndata est. TemplarH vdfo super
militia propriè sunt fundati. • Dupuy, Pr., p. 180.
360 APPENDICE.
60 — page 93 — Que dans le chapitre gènkral de V ordre il y
avait une chose si secrète ^ etc...
Un autre disait : c Esto quod esses pater mens et posses fîeri
sammus magistcr tolius ordinis, noilem qaod intnres, quia
babemus très articulos inter nos in ordine nostro qaos diu»-
qnam aliquis sciet nisi Deus et diabolos, et nos, fratres illîus
ordinis (51 test., p. 36i). > ^ V. les histoires qui couraient sur
des gens qui auraient été tués pour avoir vu les cérémonies
secrètes du Temple. Concil. Brit., II, 361.
6i — page 94, note 3 — JBn Ecosse, on leur reprotHàit, elc.«.
c Item dixerunt quod pauperes ad hospitalitatem libenter
non recipiebant, sed, timoris causa, divites et potente^ solos;
et quod multum erant cupidi aliéna bona per fas et nefas pro
8U0 ordine adquirere. « Concil. Brit., 40« témoin d'Ecosse» p. ^I±.
62 — page 94 '— Philippe venaU d'augmenter Uurs prtrt»
léges...
Il est curieux de voir par quelle prodigalité d'éloges et de
faveurs il les attirail dans son royaume dès 1304 : < Philippns,
Del gralia Francorum Rex, opéra misericordis, magnifica plé-
nitude quœ in sancia domo militise Templi, divinttus instituta,
longe lateque per orbem terranim exercentur... merito nos
. inducunt ut dictae domui Ten»pli et fratribus ejusdem in r^no
nostro ttbilibct conslitutis, quos sincère diiigimus et prosequi
favore cupimus specialL regiam liberalitalis dextram extendî-
mus. » Rayn., p. 44.
63 ^ page 94 — 0» ï assura de rassentiment de VUniverfiU...
Le roi s'étudia toujours à lui faire partager l'examen et aussi
la responsabilité de celte affaire. Nogaret lut l'acte d'accusation
devant la première assemblée de TUniversilé, tenue dès le
lendemain de l'arrestation. Une au (réassemblée détona les
maîtres et de tous les écoliers de chaque faculté fut tenue an
Temple : on y interrogea le grand maître et quelques autres.
Us le furent encore dans une second assemblée.
6i — page 95 — Suivait C indication sommaire des accusa^
tions, . •
APPENDICE*' 361
Voyez les nombreux articles de Vacle d'accusation (Dap.)- Il
est. curieux de le comparer à une antre pièce du même genre»
k la bulle du pape Grégoire IX aux électeurs d'Hildesheim,
Lubeck, etc., contrôles Stadhînghiens (Rayn., ann. i23i, XUI,
p. 446-7). C'est avec plus d'ensemble l'accusation contre les
Templiers. Celte conformilé prouverait-elle, comme le veut
I M. de Hammer, l'afidliation des Templiers à ces sectaires^
65 -« page 95 — Ce qui frappait le plui lei imaginations,
c'étaient lei bruite étranges qui couraient sur une idole^ etc.
Selon les plus nombreux témoignages,' c'était une tôle ef-
frayante à la longue barbe blanche, aux yeux étincelants
(Rayn. p. 26i) qu'on les accusait d'adorer. Dans les instructions
que Guillaume de Paris envoyait aux provinces, il ordonnait
de les interroger sur c une ydole qui est eq forme d'une teste
d*homme à grant barbe. > Et l'acte d'accusation que publia la
cour de Rome portait, art. 16 : < Que dans toutes les provinces
ils avaiettl des idoles, c'eat-à-dire des tètes dont quelques-unes
avaient trois faces et d'autres une seule et qu'il 8*en trouvait
qui avaient un crâne d'homme, > Art. 47 et suivants : « Que
dans les assemblées et surtout dans les grands cbapilres, ils
adoraient l'idole, comme un Dieu, comme leur sauveur, disant
que cette I6te pouvait les sauver, qu'elle accordait à l'ordre ton*
tes les richesses et qu'elle faisait fleurir les arbres et germer
les plantes de la terre. > Rayn. p. i87. Les nombreuses dépost-
tioDS des Templiers en France, en Italie, plusieurs témoigna-
ges indirects en Angleterre, répondirent à ce chef d'aoausâtton
et ajonlèrent quelques circonstances. On adorait cette télé
comme celle d'un Sauveur, c quoddam eaput cum barba* quod
adorant et Yocant Salvaiorem suum. « (Rayn, p, 386.) Deodat
Jaffet, reçu à Pedenat, dépose que celui qui le reoevaiàlidmon*
tfu une tête ou idole qui lui parut avoir trois fiscea, en lui di-
sant : Tu dois l'adorer comme ton Sauveur et le Sauveur, de
l'ordre du Temple, et que lui témoin adora l'idole disant :
s Béni soit celui qui jMiuvera mon âme. > (P. 247 etS93. } Cet'
ttts Ragonts, reçu à Rome dans une chambre du palais de La«
tran, dépose qu'on lui dit en lui montrant l'idole : Recom-
mande-toi à elle, et prie-la qu'elle te donne la santé (p. 205)*
362 APriifBiGB.
Selo0 le premier tdn\oin de Florenee, les frôres lui disaient les
paroles ebréUeDnes : t De«s, âdjuva më. » Et il ajoutait que
cette adoraiicm était un Ht observé dans tout Tordre (p. i^>.
Ëten effet en Angleterre un frère mineur dépose avoir appris
d'an Templier anglais qu'il y existait quatre principales idoles,
une dans la saerlsiie du temple de Londres, une à Bristelham,
la troi^ème «ptid Bruerimn et h, quatrième au ilelà de THitm-
ber (p.'SQ?). Le second témoin de Florence ajoute une circons-
tance nouvelle; il déclare que dans un chapitre un frère dit
aux autres : c Adorez celte tôtc... Islud caput vester Deus est, et
vester Hahumet > (p. 295). Gauserand de Montpesant dit qu elle
était faite in Bguram Baifometi, et Raymond Rubei dépo-
sant qu'on lui avait montré une t6te de bois où était
peinte figura Baphometif ajoute : < Et ilhm adoravit obsculaado
sibi pedes^ dicens 2/a//a, verbum Saracenorum. »
m
M. Raynouard ( p. ^i) regarde le moi Baptamnot, dans ees
deux dépositioBtv'Oomme une altératioD du mol Mahomet doDii6
pai le pffeMier ténoin ; il y voit i»a tandanea des impnsiiears
à eonôrmer ces acousaiions de bmmt iutellif enae avec les
SamsiBs».si répandues ooatre Wa lempliatSw Alaia tè Iradrait
admeUre qiie>tofttes oes défioaitiaMaaat aoa^^lélaaNBt fausMia
eft aitachées par les lortat es» iar rioD de plaa ahamdt cmm
doate ^e de' faire les TeiapUera pina nahomélon qae laa wm^
haanéUiQSf qui n'adorent point Mabdnel. ibis ces tétteigBagc»
so»! trop nomèrenx, (top ansDimea el tvap divers à la lots
(Rsiy».« p. 332, 337 et i80«3M). D*aii!éars Us^soni loin d'être
asaafckHMs poor l'ordre. T^ul ce que les Tem^Uera dise«l de
plue grave, «'est qu'île ont au ps»r, c'est qa'ilS'Ortt erv y voir
mm léte' de diable, de ma9ftr{^ tèOi\, t'en qu'ils ont v» le di»-
llle IvUméme dans eeseérémoataa^ wna la agira d'os elMii o«
d'vns lemne <p. SQM94^. Sam voaMr Cairs des Tediplieis sa
toet-poiat iMiaacie de gaestiqaea, j'aimefaisnieiis vsfrietaNrae'
M. do iiaaiflier une infloente de ees doctriDSa orieatsles. B»-
pISNMi^ s» grec' (selon «se ëtysMlogis, il est vrai» assez dosH
looae), c*esl le dieu qui baptise l'esprii^ celui dont il est éeril:
Ipse vos ks)»tixavit in Spiritu Saaato et igtti ^Matta.,.), 41), eis.
G'éait pour les gnostiques le Atraeiel descendu sur lesapétres
sa foriae de langues de feu. Le baptême gaostiqos était en efei
APPfemMCB. 303
un baptême de feu. Peot-être.fatii-i) voir une allusion à qncK
que edrémoiiie de ce genre dans ces bruits qui couraient dans le
peuple contre les Templiers c qu'un enfant nouveau engendré '
d'un Templier et une pucclte estoit cuit et rosty au Asu, et toute
la graÎHse osiée et de celle estoit sacrée et ointe leur idole >
(Cliron. de Saint^Drâis p. tè). Cette prétendhe idole ne serait*^
elle pas une représentation du Paraelet dont la lète (la Pente*
côto^ était la pins -grande adUnnitécNi TemflelCealétesdotiil
une devait se trovrer daaa. ebaqut eht|tit»e ne furent point re«
troméot, il est Vrai, sauf uso MUlo# maU elle portait l'insarip- .
tion LUI. La pûbliciiéet Timportapoe^t'on dOMiiiitfc ce chef
d'accusalron décidèrent sans dame les Tedlplâere 'à en faire au *
plus \6t dispmrattre lapneuve. Quant: à la léle aaiaie au chapiire
de Paris» ils la firent passer pour un rdiqtaire, la téU de Tmie
deB<)nse mille vierges (Raya. p. 190)» -^ EUecvait une grande
barbe d'argent;
06* — page 9(> — £41 réjwntè tfu rdv d« pape, efe...
Dupuy ne donne point cette lettre en entier } probablement
elle ne fut point envoyée; mais plutôt répandue dans le peuplé.
Nous en avons une au contraire du pape(l^ décembre 1307),
a^lon laquelle le roi aurai! écrit à Clément Y, qM dêofmidtk^
eeur pontifii tde awiitni fàii^ehiire cmx ij/ettê du roi que le pape le
chargeait de poursuivre; le roi se serait empressé de dhckttrg^r
ta confcienee iftin lei fenrâettu, et de remettre toute l'affaire au
pape qui Ken remercfe beaucoup. Geile lettre de QéSMtft
me parait, comme l'autre, moins adressée' nu roi qu'au publie ;
il est probable qu'elle répond à une lettre qui ne fut jamais
éevile.
par i€$'lor$ttrUf,. .
AfMte$ du ftfammê'h 419. Ces dépositions existent dlns un
grès rouleau de psrrcbemi»; «lies ont été fsrtnégttgemmei^ ex-
traites par Dupuy, p.' ID7-4IV.
68 — page 97 -- £# jMpa éMOfa dM» <ardk»am éêmandêr
au grmd iMUrtêi iMrl tê9à4iait era^w.
364 APPBNDIGI.
c Confe«sa8 est abncgationem prsedicUm, nobis supplieans
qua tenus quemdam frairem servientem et familiareni soam,
qaem secum babebat, volentem confiteri, audiremus. » Lelire
des cardinaux. Dnpuy, 241.
09 — page 99 — Let hiem d$$ pruonnien devaient être réunis
à ceux que le pape dèeigneraii. . .
Il avait même écrit déjà au roi d'Angleterre, pour lui assurer
que Philippe les remettait aux agents pontificaux» ot pour l'en*
gager à imiter ce bon exemple. Dupuy, p. 104. Lettre du 4 oc-
tobre 1307. Toutefois Tordopuanice de mainlevée par laquelle
Philippe faisait remettre les biens des Templiers aux délégués
du pape n'est que du £5 janvier £309. Encore, 4 ces délégués
du pape il avait adjoint quelques siens agents qui veillaient à
ses intérêts en France, et qui, 4 l'ombre de la commiasioo pflwt^
tificale, empiétaient sur le domaine voisin. C'est ce que nou
apprenons par une réclamation du sénéchal de Gascogne» qui
s^ plaint au nom d'Edouard II, de ces envahissements du roi de
Franco. Dupuy, p. 3i2.
Clément était fort im^peiet de ce que cee hiem allaient devenir,,.
Ailleurs il loue magnifiquement le désintéressement de sou
cher fils, qui n'agit point par avarice^ et ne veut rien garder
sur ces biens : < Deinde vero, tu, oui eadem fuerant £acinora
nnnliata,. non type avaritiœ, cum de bonis Templariorum nihil
tibi appropriare... immo ea nobis administranda, gubernanda,
conserv^nda et custodienda liberaliter et dévote dimisisti... »
iS août £308. Dupuy, p. 240.
70 — page £00 — La comintmoii, compote prineipaiewtemi
d'évêquee...
Dupuy, p. S40-S42. La commission se composait de l'arelie-
véque de Narbonne, des évéques de Bayeux, de Monde, de Li-
moges, des trois archidiacres de Rouen, de Trente et de Mague-
lonne, et du prévôt de l'église d'Aix. Les méridionaux, plus
dévoués au pape, étaient, comme on le voit, en majorité.
7£ — page iO£ — Le pape répond, etc...
Passant ensuite à une autre affaire, le pape déclare avoir sup-
APPENDICE. 365
primé comme inutile un article de la convention avec les Fla-
mands, qu'il avait, par préoccupation ou négligepce, signé à
Poitiers, savoir, que si les Flamands encouraient la sentence
pontificale en violant cette convention, ils ne pourraient être
absous qu'à la requôte^u roi. Ladite clause pourrait faire taxer
le pape de simplicité. Tout excommunié qui satisfait peut se
faire absoudre, môme sans le consentement de la partie ad-
Terse. Lie pape ne peut abdiquer le pouvoir d'absoudre.
m
72 — page i02 — Ln éoêques n'obéissaient point à fa commis-
sion pontificale t etc. ..
Processus contra Templarios^ ms» Les commissaires écrivirent
une nouvelle lettre où ils disaient qu'apparemment les pré-
lats avaient cru que la commission devait procéder contre
Tordre en général, et non contre les membres; qu'il n'en
'était pas ainsi : que le pape lui avait remis le jugement des
Templiers.
*
73 — page 104 — Jacques Molay crut qu'il valait mieux se con-
fier à un chevalier...
c Quum idem Magister rogasset nobilem virum dominum
Guillelmum de Plasiano... qui ibidem venerat, sed non de man-
dato diclorum dominorum commissariorum, secundum quod
dixerunt... et diclus dominus Guillelmus fuissctad parlemlocu-
tas cumeodem STagistro, quem sicut asserebat, diligcbat et dî-
lexerat, quia uterque miles erat. > Dupuy, 319.
Les évêques lui donnèrent un délai.,.
€ Quam dilationem concesscrunt cidem, majorcm ctiani se
datâtes asserentes, si sibi placeret et volebat. » Ibid, 320.
74 ^ page 106 — Boniface était incrédule, impie et cynique en
$ei paroles...
€ Vade, vade, ego plus possum quam Chrislus unquam po-
tucrit, quia ego possum humiliare et depauperare reges, et im-
peratorcs et principes, et possum de uno parvo milite facere
unum magnum regem, et possum donare civitatcs et régna. •
Ibid., p. 566. ^ t Tace, miser, non credimus in asinam ncc in
pnllum ejus. > Ibid., p. 6.
366 APPENDICE.
75 — page 109 — On leur lut en latin tes articles de Vocana''
(ton, etc.. lU s'écrièrent,,.
€ Quod contenli eranl de leciura fada în lalino, cl quort non
carabanl quod tanlœ lurpiludines, quas asserebani omninofsse
falsas et noif nominandas.vulgariler exponerenlur, ■ Pror. e.-ïïi-
tra Tempi, m$. *— t Dicenles quod nonpetebalur ab eisquando
ponebantur in janiis, si |rocuratores constiluere volebant. •
Ibidem.
76 — page iiO — Quelques-uns remettent pour toute déposition
une prière à la sainte Vierge , etc.
Le frère ÊUe, auteur de cette pièce toucbante, finit par prier
les notaires de corriger les locutions vicieuses qui peuvent
s'être glissées dans son latin. Process. ms.^ folio 31-32. —
D'autres écrivent une apologie en langue romane, altérée et fort
mêlée de français du nord. Folio 36-8.
77 — page ilO ^-^Une protestation en langue vulgaire, etc ..
Je donne cette pièce, telle qu'elle a été transcrite par les no-
taires, dans son orthographe barbare. ■ A homes honcrables et
sages, ordenés de per notre père l'Apostelle (le paite) pour le fet
des Templiers li frères, liquiessunt en prisson à Paris en la
masson de Tiron... Honeur et reverencie. Cornes votre comaa-
demans feut à nos ce jeudi prochainement passé et nos feut de-
mandé se nos volcns défendre la Religion deu Temple desusdite,
tait disrent oil, el disons que ele est boue -et Ical, et on tout
sans mauvcsté et traison tout ce que nos l'en met sus, et somes
prest de nous défendre chacun pour soy on tous ensemble, an
telle manière que droit et sanie Ëglies et vos an rognrdarons,
come cil qui .sunt en prisson an nois frès à copie II. El somes
en neire fosse oscure toutes les nuits. — Item no vos fessons à
savir que les gages de Xll deniers que nos avons ne nos souffi-
cent mie. Car nos convient paier nos Us. 111 deniers par jour
chascun lis Loage du cuisine, napes« toualcs pour tenolles et
îiulrcs choses, H sols VI denier la scmaigne. Ilem pour nos for-
ger et desfcrger (dterlcs fers), puisque nos somes de\anl Icsau-
dilors, II soi. hem pour laver dras et robes, lin^i's, chacun
XV jours XVIII denier. Ilem pour bûche cl candole chascun
APPENDICE. 367
jor IIII deniers. Item passer el repasser les dis frères, XVI de-
niers de asiles de Notre-Dame de Taltre part de Piau. • Proc.
m$. folio 39.
78 — page ilO — Ist défeMcurs $oHtietment : « Que h reli-
gion du Temple est pure...
«... ApudDeum etPatrem... Et hoc est omnium Tratum
Templi communiter una professio, qusB per universum orbem
servatur et servata fuit per omnes fralres ejusdem ordinis, a
fandamento religionisusque ad dièm prsesentem. Et qûicumque
alind dicit vel aliler crédit, errai iotaliter, peccat mortalitcr... •
Dup., 333.
79 -^ page 113 — !m commission allkguait la bulle qui lui attri-
bua it le jugevi eut . . .
Selon Dupuy, p. 45, les commissaires du pape auraiept ré-
pondu à l'appel des défenseurs : « Que les conciles jugeaient
les particuliers, et eux informaient du général. • — La com-
mission dit tout le contraire.
80 — page 116 — Le yune Marigni, créé archevêque de Sens
iout exprès, etc..
< ... Âquodam fuisse diclum coram domino archiepiscopo
Senonensi, ejus suffraganeis et cohcilio... quod dicti prsepo-
situs... et archidiaconus... (qui in dicta die marlis... praimissa
ÎD limasse diccbantur, et ipsi iidem hoc altestabantur, suffra-
panels domini archiepiscopi Senoroensi... tune absente dicto do'
mina archiepiscopo Senomensi) prsedicta non sijni/ieaverant de
mandato eorumdcm dominorum oommissariorum. » Process.
nu. follot 71 verso,
81 -- page 116 -^ Par devant les coruinissaires fut amené
frère Aimeri de Villars-le^Duc.
< Pallidus et multum exicrritus... imprlraado sibi ipsi, si
mentiebatur in hoc, mortem subitancam ci quod siallm in
anima et corpore in prœsenlia dominorum commisse rioru m
absorberelur in infernum, tondendo sibi pecius cum puguis,
ei clevando manus suas versus al lare ad inajorcm asscrtionem,
368 APPENDICE.
flcclendo genua... cum Ipse tcsti vidisset.,. duci in quadrigis
Lllll fratres dicti ordinis ad comhurendum.,, cIacditisse sos
FUISSE coxBusTOS ; quod ipse qui dubjlabal quod non posselh»-
bere bonam palientiam si combureretur, limore morlis confi-
teretur... omnes errores... et quidem etiam interfecUse Domi'
num f si peieretur ab eo... > Process. ms,, 10, verso.
«
82 — page 118 — L'archevêque de Sem répondait, elc...
• Non erat intentionis... in aliquo impedire offîciam... •
Ibidem,
« Comme on disait que le prévôt de l'église de Poitiers ^
l'archidiacre d'Orléans n'avaient pas parlé de la part des com-
missaires, ceux-ci chargèrent les cnvo^'és de Tarchevéque de
Sens de lui dire que le prévôt et rarchidacre avaient effective-
ment parlé eu leur nom. De plus, ils leur dirent d'annoncer i
l'archevêque de Sens que Pierre de Boulogne, Chambonuet et
Sàrtiges avaient appelé de rarchevôquc et de son concile, le
dimanche 10 mai, et que cet appel avait dû élrc annoncé le
mardi, au concile, par le prévôt et l'archidiacre. > Proceu*
«M. ibidem,
83 — page 121 — Le résultat des travaux de la commission est
consigné dans un registre.., «
Ce registre, que j'ai souvent cité, est à la Bibliothèque royale
(fonds Harlay, no 329). Il contient l'instruction faite à Paris par
les commissaires du pape : Processus contra Tcmplarios. Ce ms.
avait été déposé dans le trésor de Nolre4)amc. 11 passa, on ne
sait comment, dans la bibliothèque du président Brisson, puis
dans celle de M. Servin, avocat général, enfin dans celle des
Harlay, dont il porte encore les armes. Au milieu du xviii« siècle.
M. de Harlay, ayant probablement scrupule de rester détenteur
d'un manuscrit de cette importance, le légua à la bibliothèque
de Saint- Gormain-des-Prés. Ayant heureusement échappé i
l'incendie de cette bibliothèque en 1793, il a passé à la Biblio*
thèque royale. 11 en exista un double aux archives du Vatican.
Voyez l'appendice de M. Rayn., p. 309. — La plupart des pièces
du procès des Templiers sont aux Archives du royaume. Lci
plus curieuses sont : lo le premier interrogatoire de cent qua-
APPENDICE. 369
ranie TêmpHen arrêtés à Paris (en an gros roaleaa de parche»
min) ; Dupny en a donné quelques extraits fort négligés ;
^ plusieurs interrogatoires^ faits en d'antres yï\\(Ss ; 3o la minute
des articles sur lesquels ils furent interrogés ; ces articles sont
précédés d'une minute de lettre, sans date, dm roi au fope^ es*
pèce de factum destiné évidemment à être répandu dans le
peuple. Ces minutes sont sur papier de coton. Ce frêle et pré-
cieux chiffon, d'une écriture fort difficile, a été déchiffré ol
transcrit par un de mes prédécesseurs, le savant M. PavilleL II
est chargé de corrections que H. Raynouard a relevées avec
soin (p. 50) et qui ne peuvent être que de la main d'un des mi*
nistre de Philippe le Bel, de Marigni, de Plasian ou de Noga-
ret; le pape a copié docilement les articles sur le vélin qui est
au Vatican. La lettre, malgré ses divisions pédantesqucs, est
écrite avec une chaleur et une force remarquables ; t In Del
DOinine, Amen. Christus vincit. Christns régnât. Cbristus im-
perat. Post illam universalem victoriam quam i. se Deminus
fecit in ligno crucis contra hostem antiqnum... ila miram et
magnam et strenuam, ita utilem et necessariam... fecit novis-
simis his diebus per inquisitores... in perfidorum Templario-
rnm negotio... H^rrenda fuit domino régi... propter condiiio-
ncm personarum denuncianlium, quiaparvi statue erant homi*
nés ad tam grande promovendum negotium, etc. » Archives^
Section kist. /. 413.
84 — page 121 , note 2 — Les Templiers d'Allemagne se justi*
fièrent à la manière des francs-juges westphaliens,..
Origines du droit, liv. IV, chap. VI: < Si le franc-juge wcstpha-
lien est accusé, il prendra une épée, la placera devant lui,
mettra dessus deux doigts de la main droite, et parlera ainsi :
« Seigneurs francs-comtes, pour le point principal, pour tout ce
dont vous m'avez parlé et dont l'accusateur me charge, j'en
suis innocent : ainsi me soient en aide Dieu et tous ses saints!»
Puis il prendra un pfenning marqué d'une croix (kreutz*pfen-
Dîng) et le jetterra en preuve au franc-comte ; ensuite ri tour«
oera le dos étira son chemin, • Grimm. 860.
85 _ page i)i ... En Castille on jugea les Templiers inno*
eents^ etc..
• CbUeclk»' conciiiorafia tttspaDi». epistolMua, décretalium,
ote., oura Joa, Saeaz. de Âguirre, bonad. hiap. mag . generalis
ei eardioalis. Romae, lOM, c; ni, p.. 546. CoDcilinn Tarraeo»
neiiseoiiinas etsingttU a caaclis deltctis, crrorifaEss absoloti.
1^12. — V. att8si Monarckia Lasiiana, pars 6, 1, id.
86 — page lîi — Phiîippe permit à Clément de déclarer qve
Boniface n était point hérétique...
Cette timide et incomplète réparation ne semble pas suffi*
santé à Yillani. Il ajoate, sans doute poar rendre la chose plus
dramatique et plus honteuse aux Français, qne deux chevaliers
catalans jetèrent le gant^ et s'offrirent pour défendre en combat
rinnocencede Boniface. Villaui, I. IX, c.22, p. 434.
^ *~ V^i^ ^^3 "^ 7oia -cattfi/tf parlais di la croisade, etc...
La pièce suivanle» troavéâ 4 l'abbaye des daaies de Loug-
qbaiB{>,. est un échantillon dqs »ervcill4^ax récits par lesquels on
t^bait de réchauffer la zèJe du peapLa pour la croisade : • A
tiei sainte daoïe de la réal Ungniée des Françoâ2i« Jehenne»
E4>yne de Jérusalem et de Cécile* aolie trcz bo»orable cousine,
Que foy de Cypvo» taus ses ba& désirs eoijurospérilé venir. Es-
îeuissez vous et elesaiez avecquaT^uiMM et avecques les auirez
creslienz portans le singne de la croix, qui poutl^reverance de
Dieu et la venjance dn trez doniz Jhesucrist qui pour nous
saoY^r TOuU estre en l'autel de la crois saejs«fies. se combateni
contre la trez meseréaul geats dea Tvrz. Ësleveaau ciel le cri
d;e tous voîi 90 plus haut que ^votts p#ucpe% et ^yn eosemble
ùk faites crier eu rendaui grtcea et letAgea s«fi:; iane« cesser à
la htiioileTriiiMelà U trèa glorieuse Vierge Harie de sisol-
lemp«e^ si f ratti ei sioguUier béaéâc^ qik\ ouques maia iel dus
qu4$z à hère,, im fu e»uis« toquol jo iiiz «koât. ftuai le xiioi jeurs
de juîng,, &uusuveeq«ez ks anloei^ eeeaUeM ^gués du slufoe
de la crois, eslioiis aasembiea eu un ple&i^ enitr^SuiiicHie el haol
lieu, U ou estoii l'osi M l'osueuiblâe kfeii (eri et Urea puissaui
des Turz prez de m. c aaîlLe, e.L Miua ev^atîenu eavireD ec
mille, meuz et animez de la vertu divine, comaqsamcz à si vi«
greiiseme9t combattre et si gvaat nraUtHudet T«n nMttre à
mort, quç environ de heure de vesprez nous fensmez laultosacu
Hfnxamsu 371
ef tdftC a^iM^îM qm tiovs n*eQ |mik>bs ph». Mais tous eheiu^
èlArre aland«oiift te mort el l6*koécv dt lAlre martire, pour oq
qjB» des T»n svati •n^orenoultéescMidiaB^iii ancorcr poiaiAe
sesMeat coQtbttii ne Msloiettt de rimis invailka. et venoienii
eeetre nous, aum ëésiraUK de boirt notce saïus comme cfatcca
sent dé&iranx d» boèm ke eane des MevfeL EL heu l'easseoi, ai
M trez havie dovteeiir du ekl ae e«et attltreneat poonteu*.
lais qiKUit les ehevftliers de Jhesucrist ee refarderoot que U
esleiettt Tenez à lel point de la bataiile* ai OMMacHieiarenl d«
euer ensemble ft crier à TOîz.eBroaee»de leurgrenL kibetH" el
delenr grant feblesee: 0 très doub fils de la très donlce Vierge Mof
rie, qvi ponr nottsracbeter Tousts estre cmeifies» donne noM^
Imne espérance et vieilles nor eness si en Tons coo fermer
qne nous pussions par l'anenr de ton glorieis non te teier de
Martirereeevoir, que phizae nonspooitzdcfffmdre decea cbieMi
aiesereans. Et ainsi comme nous esltenz en oraisan en pk«fft
et en lanhez, en eriant alassez ma enroneeft, ei la mort irai
amere atendnns, sondainement doTnnt nos tantei aparni snn
tu très binac cheval si très hant qie anlie heate de si granl
haulear nesU Uns boms en sa main portant baniere en eham|»
pivs blanche qoe nulle riens à «ne crois metreillQ plus ronge
qne sanc, et esloit resta de pens de charnel, et avoit (sen
grant et très longue barbe et de maigre lace cle^ et peluisank
eonme le soleil, qui eria a ekre et haute vois : « 0 les gens de
Jbesucrist, ne vous doubles. Veei la majestd divine qui vous a
eaver leseieli et voaseaveée aiéa îaviaibte ; levés sus et vouai
réconfortes et prenes.de la vhnada etveœs'Vigreusemeniavc»'»
ques moi coaibattre, ne ne voas éDables de riens. Quar dea
Ton vous aures vieloire «I pe« naurroas de vous et chuU qui
de vous moarront auront hi vie perdnrable. » £i adooc noua
Boux levâmes loaa, ai recoaiartes at aaaai eoname se nous «e
nous feossiens eaques eombalas et aouéaâaeasem noiaSi aaaile«
mes (assaillîmes) les fars de tieageand eaarel neas-eamhaliaoa
toutes nuit, et si nopooos pas bien vraiemaDt dire nuit, oar ïm.
lune non pascoame tone. maixeemme te aateil ffesplandiseant*,
Kt le jour venu, les Tors qui damearea estoteni a'eafeatreat 9k
que plus ne les veismez et aussi par t'aide de Dieu nous eumea
victoire de la hutaille, et de aaatin aaus neam seatieas pkaa fsfa
372 APPINDICB.
que nous ne faiçicnz an commencement de la première ba*
taille. Si feimez chanter nne messe en lonneur de la benoite
Trinité et de la benoite Vierge Marie, et dévotement priâmes
Dien que il nous vonsit octroier grâce que les corps des sains
martirs nous puissienz reconnoistre des corps aux mescreanz.
Et adonc celui qui devant nous avoit aparut noos dit : < Vous
aurez ce que vous avez demandé et plus grant chose fera Dieu
pour vous, se fermement en vraie foy persévérez. > Adonc de
notre propre bouche li demandâmes : c Sire, di nous qui es tu, qui
si grsnz choses as fait pour nous, pourquoy nous puissions a«
pucple crestien ton non manifester. > Et il rcspondi : < Je suis
celui qui dist : Ecce agnus Dei, Ecce qui toUit peccata mnndi,
Celui de cui aujourduy vous célébrez la fcste. » Et ce dit, plus
ne le veismez mais de lui nous demeura si très-grant et si
très*soucve oudeur que ce jour et la nuit ensuivant nous en
feumez parfaitement soustenus recréez et repuez sans autre
soutenance de viande corporelle. Et en ccste si parfaite récréa-
tion nous ordenemez de qucrre et dénombrer lez corps dez
sainz martirs et quant nous veinmez au lieu nous trouvasmes ai
«hief de chaccun corps dez crestienz un lonc fut sanz wranchei
(branches) qui avoit au coupel une trez blanche fleur ronde
•comme une oiste (hostie} que l'on consacre, et en celle fleur
Hvoit escript de lettres dor : Je suis crestien. Et adonc nous lez
rseparamez dez corps dez mescreanz, en mcrciant le souverain
^ingheur. Et ainsi comme nous voulienz suz lez corps faire
dire l'oflice dez mors, cy comme lez crestienz ont acoustume
à faire, lez voix du ciel sanz nombre entonnèrent et levèrent
un chans de si très doulce mélodie que il sembloit a chaccnn
de nous que nous feussienz en possession de la vie perdurable,
et par III fois chantèrent ce verset : Venite, benedicti Palris
mei, ctc. Venez lez benoiz filz de mon Père, et vous mêlez en
possession du royaume qui vous est aplie dez le commence-
ment du monde. Et adonc nous ensevellsmez lez corps, ccsi a
savoir III mille et cinquante et II, jouste la cite de Tesbayde
•qui fu jadiz une cite singulière, laquelle, avuecquez le pays
^ileuc environ, nous tenonz pour nous et pour loîaux crestienz.
Et est ce pays tant plaisant et delitabl'e et plantureux que nul
èon crestien qui soit la, ne se puet doubter que il ne puist
APPENDICE. 873
bien vivre et trouver sa soustenance. Et les charoingnez des
corps des mcscrcanz cy, comme nous les poîmez nombrer,
furent pluz de lixiuh. Si avonz espérance que le temps est
présent venu que la parole de lEuvangele sera verefiée qui dit
qu'il sera une bergerie et un pasteur, c'est-a-dire que toutez
manières de gent seront d'une foy emsemblez en la maison et
lobediance de S< église dont Jbesucrist sera pasteur. Qui est
bcnedictus in secula sccuiorum. Amen. Et avint cedit miracle
en lan de grâce mu ccc. et xlvii. » Archives^ Section hist.,
M 105.
88 — page 193 — > Ubertino, le premier auteur connu d*une
Imitaticn deJesui'-Christ.,.
c Nibil in boc libro intendit nisi Jésus Cbristi notiiia et
dilectio viseerosa et imitatoria vita. > Ârbor Yitae cruclfixi Jcsu,
Prolog. 1« 1. — Plusieurs passages respirent un amour exalté :
^ 0 mon &mê, fonds et résous-toi toute en larmes, en songeant
à la vie dure du cber petit Jésus et de la tendre Vierge sa mère.
Vois comme ils se crucifient» et de leur compassion mutuelle et
de celle qu'ils ont pour nous. Ab! si tu pouvais faire de toi un
lu pour Jésus fatigué qui coucbe sur la terre... Si tu pouvais
de tes larmes abondantes leur faire un breuvage rafralcbissant;
pèlerins altérés, ils ne trouvent rien à boire... — II y a deux
Mveurs dans l'amour; Tune si douce dans la présence de
l'objet aimé : comme Jésus le fit goûter à sa mère tandis qu'elle
était avec lui, le serrait et le baisait. L'autre saveur est amère,
dans l'absence et le regret. L'àme défaille en soi, passe en Lui;
elle erre autour, cherchant ce qu'elle aime et demandant
secours à toute créature. (Ainsi la Vierge cherchait le petit
Jésus, lorsqu'il enseignait dans le Temple.) Ubcrt, de Casali,
Arbor VitsB crucifixi Jesu, lib. V, c. vi-vui, in-4o.
89 — page if^ — V Imitation ^ pour ces mystiques c était ta
cftartlê...
Selon quelques-uns, la Passion était mieux représentée dans
l'auméne que dans le sacrifice : ■ Quod opus misericordiœ plus
placet Dco, quam sacrificium allaris. Quod in elcemosyna
magis repraescntatur Passio Chrisli quam in sacrifîcio Cbristi. •
Erreurs condamnées à Tarragone, ap. d'Argcntré, I, 271*
371 ATPiniDICB.
90 -» p»^ 1^4 <-« L$s Fra4oi$etLim ^piraimU à mê rien |m«*
Yoyct Ubertioo de Casali, dans «on chapiu^ : J4$u» pro notm
indi§ens. < Habeoies dicit (aposloins) non qaanU&m ad proprie-
Utem (lomiaii sed qnaniiaaii ad facttUaiem uiendi, per quem
iBodum dicimvr case ^uod uUmar, etiaia si non sit nobis pro-
^rium, scd gratis alinode «olUinnu » Ubert. de Casali, Arbor
Vitœ, i. lU c. ii.
91 — page 124, note 3 — Let Beghards.,.
c Non sunt humanœ subjecti obedienliae, nec ad aliqua prae-
eepta Eccicsi» oMigantur^ quia, ut asseninl, abi spiriius
domini, ibi libertas. > Clemcntin., L V, lit. S, c. m. D'Argea»
Iré. !. 276.
92 ^ page 125 — Un» Angialméktit vmm «n ^rttfMe,«te...
c Tenit de AngHa virgo deeora Talde pariterqve faevoda^
dtcens Spiritinn sanettiRi incarnatom in redemplionepa imilîe»
rom, et bapUzavit matières, in nomine Patris, FiUi ac ant. »
Annal. Dominican. Gelmmr. ap. |}rstiti«in. P. î, f« 33.
^ ~~ P^gc ^^ ~~ Clément F, dans t$ tomtsUnre^ ahdHt
forrfrf...
< ftnitîs toeatis pra;1a(ls ciim canlinatibus in pmalo eonsi^
iorio, ordinem Templariomm cas avit Tertia aatem die aprilis
4312, fuit seconda sessio condiii, et pnediela cassaiîo eoram
omnibus pnblteata est (Quint. ¥ita€lem. Y)... praesenie rege
Fmnci» Phillppo eum tribus fiKia suis, cul negotivra eral
cordi. > (Tert. Vita Clem. V.) /•
94 — page 127 -^ Le pàp$ dklarB ittnstA Mfa et^eolûM...
> Quod ipsœ confessiones ordinem valde suspectum redde-
bant... non per modum définitive scntentîas, cùih làm super hoc,
secundùm inquisitioues et processus praedictos, non (>ossemas
ferre de jure, sed per viam provisionîs et ordinationts aposto*
licae.,. > Reg. anni VU Dom Clem. V, Rayn. 195. On ne peut
nier toutefois qu'il n*y eût aussi* beaucoup de complaisance et
de servilité à l'égard du roi de France. Celait l'opinion da
AVFBNDICB. 375
«miis... i flt sîcot ivdivi «b uno qui fuit examiuntor cause'et
testium, ^eslruclns fuit (ordo) coftir» joslitiam. Et mihi dixit
^•d ipM Cl^neùs protaiit hoc : Et si fton per viam justiti«
potest desirai, d«8tra«tiir ' tatiieii pcr viam expccUcoti», ne
âcandaliielar cbarms filins nosier rex Fhinci».. t AUiericas è
Aosate.
«
95 ^ page 197 -^ Jean XXti u phi§nait êi eè qm 1$ roi
MûifMtl iti biêHê mêmtÈ 4eê U^ikUièrt^ . .
c Per capliOBem booornni quondim ofdinis tempU jatn mh*
seront per omnes ^mos îp&^s HospthnUs f ertOB ex<icatores qui
vendant et disirahunt pro libito Ixma Hospitalis. . . » Lattre ée
Jean XXll. XV kai. fun. iai6, Rsyn. 25*
96 — iK) — Le roi les fit ^l'ô/^r tous deux. . .
Cent. C. dtî Nangîâ, p. 67. Il rttHMt reste encore un sele suilien*
tique où cette cxécnlion se irouTe îndtreclcmcnt constatée dans
un registre du parlement de l'année 1313 : « Gum nupcr Parisius
in insoU existeate în floTio Sequanœ jusu peintam jardinii
nostri, interdictum jardinium nostrum exuna parte dicli fluvii,
et (kMnmn religiosorum Nirorum nostrum S. Augustini Parisius
jtx attert parte dieti fluvii, tg enti» fkcta fuêrii de dutobuê Aoaii-
sisèw qui qwntdam templarii extUarwiU, tu insyUk pnedicêa com*
bmstû; ci abbas et oonventus S. Gemanî de Pratis Parîaios, dir
4eentes se esse ifi saisiaa habeodia omnimodêm altam ei bassam
justitiam ia insala prsMlida».* Nos Dolumus. . , quod juri pr»^
dictoraai... prejudiciuai aliquod feaeretur. > Oiim PatÙam/
Ul , fiàîo cxLvi, U mars 1313 (431^,
97 «^ page 119 --*- CeUê t^iùuXkm pu mi ntMstJnal) èU...
« Comment qualifier les paroles do Dapuy îLés grsndspriDeei
ont je ne scav quel lAalheorqal aeeompagne leurs plus belles
et généreuses aetions, qu'elles sont le plue souvent tirets à
eonirc sens, et prises en mauvaise paît, par ceux qui ignorant
Torigine des ehoses*, ei ^ise soAt trouves intéresses datas les
partis, putsssnts ennemis de la Téritéi en leur daaaant des
motifs (*t des fins titieusos, au lieu que Icxèle à la vertu y preai
4l ordinaire la meilleure poil t. I Daouy, D.i»
376 APPENDICE.
98 — page 130 — L$ nniimeiU des Templien èiait jymMîfiie.-
V. plus haut, t. H, liTre 111 et livre IV, ch. ix» les cérémouics
grotesques et la fête des idiots, /o/tiomm.: c Le peuple élevait
la voix. • . , il entrait , innombrable , tumultueux , par tous les
Tomitoires de la catbddrale, avec sa grande voix confuse, géant
enfant, comme le saint Christophe de la légende, brut, ignorant,
passionné, mais docile, implorant Tinitiation, demandant à por-
ter le Christ sur ses épaules colossales. 11 entrait, amenant dans
rÉglise te hideux dragon du péché, il le traînait , soûlé de vic-
tuailles, aux pieds du Sauveur, sous le coup de la prière qui doit
llmmoler. Quelquefois aussi, reconnaissant que la bestialité était
en lui-même, il exposait dans des extravagances symboliques
sa misère, son infirmité. C'est ce qu'on appelait la fête des
idiots, fatuorwn. Cette imitation de l'orgie païenne, tolérée par
le christianisme, copmc l'adieu de l'homme à la sensualité qu'il
abjurait , se reproduisait aux félcs de l'enfance du Christ, à la
Circoncision, aux Rois, aux Saints-Innocents. »
99 — page 130, note 1 — Déposition du prèreptêur «filgiit-
taine, . .
Celui qui le recevait, l'ayant revêtu du manteau de l'Ordre, lui
montra sur un missel un crucifix et lui dit d'abjurer le Christ,
attaché en croix. Et lui tout effrayé le refusa s'écriant : Hélas!
mon Dieu, pourquoi le ferais-je? Je ne le ferai aucunemeuL
— - Fais-le sans crainte, lui répondit l'autre. Je jure sur mon
ftme que tu n'en éprouveras aucun dommage en ton âme et ta
conscience ; car c'est une cérémonie de l'Ordre, introduite par un
mauvais grand maître, qui se trouvait captif d'un Soudan, et ne
put obtenir sa liberté qu'en jurant de faire ainsi abjurer le
Christ à tous ceux qui seraient reçus à l'avenir ; et cela fut tou-
jours observé, c'est pourquoi tu peux bien le faire. Et alors le
déposant ne le voulut faire, mais plutôt y contredit, et il de*
manda où était son oncle et I^s autres bonnes gens qui l'avaient
conduit là. Mais l'autre Itii répondit : Uz sont partis , et il faut
que tu fasses ce que je te prescris. Et il oe le voulut encore faire.
Voyant sa résistance, le chevalier lui dit encore : Si tu voulais
me jurer sur les saints Évangiles de Dieu que tu diras à tous les
frères de l'Ordre que tuasfaitce que je t'ai prescrit, je t'en ferais
APFKIDiCI. 377
grâee. El le déposant le promit et jora. Et alors il lui en fit grâce,
sanf toutefois que couvrant de sa main le crucifix, il le fit cra-
cher sur sa main... Interrogé s'il a ordonné quelques frères, il
dit qu'il en fit peu de sa main, à cause de cette irrévérence
qu'il fallait commettre en leur réception... Il dit toutefois
qu'il avait fait cinq chevaliers. Et interrogé s'il leur avait fait
abjurer le Christ, il affirma sous serment qu'il les avait ménagés
de la même manière qu'on l'avait ménagé.. . fit un jour qu'il
était dans la chapelle pour entendre la messe. . • le frère Ber^
Dard lui dit : Seigneur, certaine trame s'ourdit contre vous : on
adéjà rédigé un écrit dans lequel on mande au grand maître et
aux autres que dans la réception des frères de l'Ordre vous n'ob*
servez pas les formes que vous devez observer. . . Et le dépo-
sant pensa que c'était pour avoir usé de ménagements envers
ces chevaliers. *-> Adjuré de dire d'où venait cet aveuglement
étrange de renier le Christ et de cracher sur la croix, il répondit
sons serment : t Certains de l'Ordre disent que ce fut un ordre
de ce grand maître captif du Soudan comme on l'a dit. D'autres,
que c'est une des mauvaises introductions et statuts de frère
Procelin, autrefois grand maître; d'autres, de détestables sta-
tata et doctrines de frère TJiomas Bernard, jadis grand maître ;
d'autres, quê c'est à Vimitation $h mémoire, de saint Pierre, qui
r^mia trois fois le Christ. 9 Dupuy, p. 314-316. Si l'ahsence de
torture, et les efiforls de Taccusé pour atténuer le fait, mettent
ce fait hors de doute, ses scrupules, ses ménagements, les tra-
ditions diverses quil accumule avant d'arriver à l'origine
symbolique, prouvent non moins sûrement qu'on avait perdu
la signification du symbole.
100 ^ page 131 -> L'ordre du Temple mourut en France d^u%
mfmbolenon compris, etc.
Origines du droit, page cxviii :
c Le symbolisme féodal n'eut point en France la riche efflo*
rescenee poétique qui le caractérise en Allemagne. La France
est une province romaine , une terre d'église. Dans ses àgca
barbares, elle conserve toujours des habitudes logiques. La poé-
sie féodale naquit au sein de la prose.
c Cette poésie trouvait dans l'élément primitif, dans la race
378 .immMGi.
mâme, «[oelque chose de plus hosAlle Mcorts. lies Gaulois, davi
ieurs invasions d Italie et de Grùee> apparaissent déjà eoime
•un peuple raiOeeir. te sait qulaa inajcsuieux aspect du vieax
Ronmiii • siégeant sur sa cMsiseourale, le soldat 4e Bnennas
trouva plaisant de Jui toucher la barbe. La France a toueM
«iasî fauiilièrement tonte poésie.
« Maif ré l'abatteaient des nisèms> anigré la grande tristesse
4i«e leehrisiiaiiismé répaodaiisat h» moyen àfe« Vteooio pères
^e boane heure* Bès .lie sa* aiède, Guilbert de Ifof^oi aoas
-moiitre les gens d'Amwas^ las eabarelieta et les boooheis, se
mettant sur leurporie, quaod leur comte, sur mm gros cheval,
^earacolait dans lies ruej», etrious ef^foochaat de leurs lisées la
•béto féodale.
^ ff Le svmboHsme ari»ei)al, ses-iicties couleurs, ses beilesda*
Tîses, n'imposaient profeablement pas boaueoup à do telles
^ns. La pantomime jtiridiquo ^s estes féodaux faisait rire lé
bourgeois soqs cape» Ne croyes pas trop à la siraplesse du
peuple de ces lemps»ià> à la naïveté de cette èofmeeittUa iouf bc«
'Los renards noyaux> qui s'afoblèrent do si bisncho et si doues
hermine pour surprendre lès lioas^ les eigles féodaux, tuaient,
;comms tuait le sphinx, par rénigno et par réquivoqoe. *
101 — page 131 — Ni in ' èotombe, ni l'arthe, ni la tunique
sans couture, etc. . Le glaite sjHrituel était émouuè,..
€ Un^est columbamea, pcrfectamea, una est matri su^...
13na nempe fuit dlluvii tempère arca 9oé... Haec est tunica {lia
DominiincousuUlis... Dicentibus Apostolis : Ecee gladîl duo
hic... > preuves du différent, p. 55. — < Qu'elle est forte cette
Église, et que redoutable est le glaive... » Bossuet, Oraison
funèbre de Le TeUier.
«
102 ^ page 132 — Nul dauùê fus U pamùdr ^TàAiiiidrt ne
Uur ait fait dee ^etlètiastiquêi éPitrémntUiablni Hmêmiu..
C'est un des faits qui par llseoonl de tous les témoignages
avait été placé en Angleterre dana la catégorie des points trré^
<susshles. c Articuli qui videbantur profoati. • Tantôt les ebe s
renvoyaient à absoudre «u &ère ohapeiain, saos confession i
j Prœcipii fratri capellano . eum absolvove a poocatis lUis
APKRBICB. 879
qnatnvis firater capeilanas eam eonfessionem aon atidiorat, >
p. 377, col. 2, 367. Tanldl ils les absolvaient eux-mêmes, quoi--
que laies:... « Quod et credebant et dicebatur eis quod ma«
gnus magister ordinis poierat eos ahsoWcre a peccatis suis.
Item quod visilalor. Item quod prœceptores quorum multi
erant laici, > 358, 2i test. < Quod... templàrii laid suos homi-
nes absolvebaat. > Concil. Brit., II, 360. — «Quod facii gencra-
lém absolutionem de pcccatis quae noluntconfîteri proplcrcru-
bescentiam carois... quod credebant quod do peccatis capitulo
fecognitis,.de quib\is ibidem fuerat absolulio non oportcbat
coofitcri sacerdoii... quod de mortalibus non debebatit coufi*
leri nisi in capUulo, et de vcnialibus tantum sacerdot! > (5 lestes)
358, col. i. — Môme accord dans les dépositions des templiers
d'Ecosse : t Inferiores clericl vet laïci possunt absolvere fralres
sibi subditos, > p. 381, col. 1, premier témoin. De même le 41*
témoin. Conc. Brît. 14, p. 382.
103 — page 133, note 1 — trotès iitnulé, où te diable, ffv...
On connaît la fameuse légende de Dagobcrt. César d'Heister^
bacb cite une pareille histoire d'un usurier cfoUTerti. Que \e
débat fût visible ou non, c'était toujours la formule r v Si quis
decedat contritus et confessus, licet non satisfecerit de peccatis
confessis, tamen boni angeli confortant Spsum contra Ineursum
dœmonuni, dicantes... Quibus maligni spiriltts^.* Mox advenit
Virgo Maria alloquens dœmoQCS...« etc. > Herm. Corn. chr.
dp. Bccard. m* œvi. t. S, p. là*
104 — page 133, note 4 — Jean de Meung Clopinel^ etc.
c ProdoR femmes par saint Dcmîs. Autant eu est que de Phé-
nix, etc. > - Lui-même au reste avait pris soin .de ies justifier
par les doctrines qu'il prêche dans aon livre. Ce n'est pas moins
que la communauté des femmes: * . •
Car nature n'est pu si «otte. ..
Ains vous a fait, beau fils, n'en doobtet,
Toutes pour tous, et tous pour mums»
Cbascone pour chascun commune
Et ehasciin eommOn pour ch«2cune.
Bonaa de la Rose, Y. 14, 653. fid. 17S5-7.
380 APPENDICE.
Cei insipide ouvrage, qui n'a pour lui que le jargon de la ga-
lanterie du temps, et l'obscénité de la fin, semble la profcssioa
do foi du sensualisme grossier qui règne au xivo siècle. Jean
MoUnet Ta moralisé et mis en prose.
i05 — page 137, note — Bk^nche fut, dit brutalement le woiu
historien y etc...
« Blancha vero carcere remanens, a servientc quodam ejus
custodiae deputato dicebatur imprsgnata fuisse quam a proprio
comité diceretur, vel ab aliis impraegnata. a Cent. G. dcN.,
p. 70. Il passe outre avec une cruelle insouciance; peut-être
aussi n'ose-t-il en dire davantage. — Cette horrible aventure
des belles-filles de Philippe le Bel a peut être donné lieu, par
un malentendu, à la tradition relative à la femme de ce prince,
Jeanne de Navarre, et à l'hôtel de Nesle. Aucun témoignage
ancien n'appuie cette tradition. Voyez Bayle, article Buridan.
La tradition serait toutefois moins vraisemblable encore, si l'on
voulait, comme Bayle, l'appliquer à l'une des belles-filles du
roi. Jeunes comme elles l'étaient, elles n'avaient pas besoin de
tels moyens pour trouver des amants. Quoi qu'il en soit, Jeanne
de Navarre parait avoir été d'un caractère dur et sanguinaire.
(Voyez plus haut , p. 48-51.) Elle élait reine de son chef, cl
pouvait moins ménager son époux.
i06 -^ page 138 — Une fois dans cette voie de crimes, toute
mort passe pour empoisonnement ou maléfice, etc..
Contin. G. de Nangis, ann. 1304, 1308, 1313, 1315, 1320,
p. 58, 61, 67, 68, 70, 77, 78.
107 - page 138, note % — Ala mort de Clément V^ etc..
« Gascones qui cum co steterant, intenti circa sarçinas, vi-
debantur de sepultura corporis non curare, quia diù remansit
insepultum. » Baluz., Vit. Pap. Aven.» I, p. 22.
108 — page 138 — Dante ne trouve pas, pour la mort de Phi-
lippe le Bel, de mot assez bas.. .
Dante, Paradiso, c. XIX :
Li si vedra in duoi, che sopra Senna
Induec, falseggiando la moneta
Quel che morra dt colpn di eotenca.
APPENDICE. 381
Salvant plusieurs auteurs, il aurai élé en effet tué à la
chasse au cerf, c 11 veit venir le cerf vers luy, si sacqua son
cspéc, et ferit son cheval des espérons, et cuida férir le cerf, et
son cheval le porta encore contre un arbre, de si grand' roi -
deur, que le bon roy cheut à terre, et fut moult durement blccé
au cucur, et fut porté à Corbeil. Là, luy agreva sa maladie
moult fort... > Chronique, trad. par Sauvage, p. ilO, Lyon,
1572. in-folio.
Lltistoriên français contemporain ne parle point de cet acci"
dent,,.
« Diuturnà detentus infirmitatc, cujus causa medieîs erat in-
cognita. non solum ipsis, scd et aliis multi stuporis matcriam
et admiralionis induxit; prœsertim cum infirmitalis aut mortis
periculum nec pulsus ostcnderet nec urina. » Gontin. G. de
T^angis, fol. 69.
109 — page 139'— Egidio avait écrit pour son élève un livre :
Deregimine principum.,,
V. S. iEgidii Romani, archiep. Biturîcensis questio De ulra-
quc potcslatc, edidit Goldastus, Monarchia, 11,95. Un Colonna
BC pouvait qu*inspirer à son élève la haine des papes.
110 — page 139, note 2 — Jean de Ueung lui avait traduit la
Consolation de Boèce,,,
Il rappelle tous ses titres littéraires dans VÉpitre liminaire
qull a mise en tête du livre de la Consolation. « A ta royale
« Majesté, très*noble Prince par la Grâce de Dieu, Roy des
« François Philippe le Qu^rt; je Jehan de Meung qui jadis au
« Romans de la Rose, puisque Jalousie ot mis en prison Bel-
« acueil, ay enseigné la manière du Cbastel prendre, et de la
« Rose cueillir; et translaté de latin en françois le livre de
c Vegèccde chevalerie, et le livre des merveilles de Hirlandc :
« et le livre des Epistrcs de Pierre Abeillard et Hélolse sa
« femme : et le livre d'Aclred, de spirituelle amitié : envoyé
« oresBoèce de Consolation, que j'ai translaté en françois,
« jaçoit ce qu'entendes bien latin. »
111 — page 140 — L* Université persécutait les Mendiants par
ton docteur Jean Pique-Ane,..
382 APPBNDICB.
Buleus» IV, 70. Voyez dans Goldasl., Il, iû8, JobanQÎs de Pa«
risils TractaUis dû poicstale ragia el papali.
Ht " page iil — Les pauvre$ écoliers, les pauvres maîtres...
Le maître sera élu enlrc les pauvres écoliers et par eux...
L'élu sera appelé le minisitre'des pauvres. Il est fait menlioo
dans ce règlemeat de Si pauvres écoliers fondés en Hioaneor
des 12 apôtres et des 7â disciples.
113 —page 141 — Cappetx,.,
L'habit de cette sociélé était une cape fermée par devant
comme en porlaien lies mattres-ès-artsde laruedeFouarre, et un
camail aussi fermé par devant et par derrière, d'où leur nom de
Capètes. Les parents ne pouvaient menacer leurs enfants d'an
plus grand ch&limentque de les faire Capètes. Felibien,!,
526 sq.
114 — page 142 — Le roi veut exclure les prêtres de la justire
et des charges municipales.
t^ Omnes in regno Francis temperatam juridictioncm hahcD-
tes, baillivum, prœposilum et servientes laicos et nullatenas
clericos instituant, ul, si ibi délinquant, superiores suî possint
animailvertere m eo&deiB. Et si aliqai cLcrici siai in pnediciis
ofûciis, amoveantur. » Ord., 1,316. Années 1187-1288.
115 - page 142 — /i protège les juifs. .
« KoB capianlur aut incarccrentur ad mandatum aliquonim
patrum, fratrum alicujus ordinis vel aliorum, quocunque fuQ-
gnntur officio. > ûrd., I, 317.
116 — page 142 — Il augmente la ta-ée royale sur Us o^g 't;i-
tions d'immeubles par les églises,..
Ord., I, 323* On y distingue les fief^ du roi, les arrièrc-fi fs,
les aïeux. Dans tous les cas, la taxe royale pour les acquisili os
à Utre onéreux est le double de la taxe des acquisitionsià li re
gratuit. On craignait plus les achats que les donations.
117 — page 142 — Il âéfend les guerres prtoèes. Us tournois.,.
€ Ad instar sancti Ludovici. eximii confessons.^ guerras ..i
APnifftKac'. 38S
bella..., provocatUnts etiam ad dt^oiium... dnrautibua guciris
iiostrts, ^presse inhibemus* > Ord., l, 390, €onf. p. 3i^. Am.
im, p. 344. Ann. 4302, p. m». Aiin. 1314, juillet. -^ t Qm<
tenus ômoes et singulos nobi !««... capi as et arrestes, capiqoe
H arrestari faeias , et tamdiu îa arresto tefaeri, .donec a aobis
maDdatum. » Ord., f» 494 (Ann. 130)).
A chaque campagne^ il lui fallait faire ia presse.,.
En 1302, ordre au bailli d'Amiens d'envoyer à la guerre de
Flandre, tevs eeux qui a»r«nl pliu de 100 livrea en meubles
et 200 en immeubles : les autres devaient être épargnés. Ord., I»
3y$. M^s l'anude svirante .(99 mai) il fut ordonné que tout
Totvrier qui anrait oinquaBlq livres en meubies ou vingt eu
immeubles , eMtribuwait de sa pecaonne ou de son argeAt^
Ord., I, 373»
it^ — page 142 *- Ord&nntmce pour empêcher h âésertUm de$
tampagnes...
C'étaient des formalités analojpcues à oclhs qu'on impose au*
jourd'hui à l'étranger qui veut devenir Français; autorisation
du prévost ou maire, doïnieile établi par l'aobai t p^ur raison
de la bourgeoisie d'une maison dcdenz an et jour, de la value
de soixante sols perieis au moins; signiiM^ au seigneur
dessoubs caî il iert partis; » résidence obligatoire de la Tous-*
saint 4 la Saii»l->}eaD, eCe. Ord., 1, 3i4.
119 — page 143 — £f» 1200, le clergé arrcicha au roi une
tharfe fœorbitante.,,
Ord., I, p. 31S... t Quod bona mobitii clericorum eapi vel
Justiciari non pessîtti .. per jostietam seeu!arcm... Cause ordi-
nari» prttlatorum tn parliamentis tantummodo agitentur... née
ad seneseallos aut balRivos... îieeat appelVare... Non împe*
diantur a tailKs..., etc. »
En 1298, le roi seconde l'intolérance des évéguee,. .
• BaillÎTis... îi^ungimus. .. dtocesanîs episcopis, et înquisi-
toribns .. pareant, et intendant in haereticorum investtgatione,
captioae:.. coudemnatos sibi relictos stalim rccipiant, indilate
animadverstone débita puniendos .. non obstanlibus appella»
tiooibita. > Ord., f, p. 330, ann. 1298.
381 APnSDICE.
L'année suivantiy U promet que les baiUie, etc...
Mandement adressé anx baillis de la Touraine et du Maine,
pour leur commander le respect des ecclésiasliqucs. lettres
accordées aux évoques de Normandie contre les oppressions
des baillis, vicomtes, etc. Ord., I, 331, 334. Ordonnance sem-
blable en faveur des églises du Languedoc , 8 mai 1302, ibid.,
page 3iO.
4 20 '— page i&3 — // accorde aux nobles une ordonnanee eontrs
les usuriers juifs, . .
« Contra usurarum voraginem... volnmus ut débita quantum
ad sorlem primariam plenarie persolvantur, quod vero ultra
sortem fuerit legaliter penitus remittendo. » Ord., 1, 334.
Les eoUeeteurs royaux n'exploiteront plus les successions des
bâtards et des aubains, etc.
< Misipriusper aliquemidoneumvirum.ftMni ad Aoc«2Mcîa<i(€r
deputaverimus,,. consttterit, quod dos sumus in booa saisini
percipiendi... > Ord., I, 338-339.
121 -- page 144 — // scùsit le temporel des prélats partis pa»
Rome,..
c Monnulli prœlati, abbatet, prières..., inbibitione nostrt
sprcta... ab regno egredi... Nolentes igttur ob ipsarum absen*
tiam personarum bona earum dissipari et potius ea cupientes
conscrvari... mandamus, etc. Ord., I, 349.
122 — page 144 — Dans son ordonnance de réforme, etc..
« Nisi in casu pertinente ad jus nostrum regium... i II ajou-
tait pourtant que le licf acquis ainsi par forfaiture serait dans
Tan et jour remis hors sa main à une personne convenable qui
desservit le fief. Mais il se réservait encore cettj alternative :
< Ou nous donnerons au maître du fief récompense suffiscnlc
et raisonnable. > Ord., l, 358.
La plus grande partie de cette ordonnance de réforme con*
cerne les baillis et autres officiers royaux, et tend à prévenir
les abus de pouvoir. Nommés par le grand conseil (i4), ils ne
pourront faire partie de cette assemblée (16). Ils ne pourront
avoir pour prévois ou lieutenants, leurs parents ou alliés, si
APPENDICE. 385
remplir cette charge dans le lieu de leur naissance (27), ni
s'attaclier par mariage on achat d'immeubles an pays de leur
juridiction, mesure de garantie imitée des Romains, maîa
étendue aux enfants, sœurs* nièces et neveux des officiers
royaux (50-51). L'ordonnance réglait le temps de leurs assi-
ses (26), dont chacune, en finissant, devait préciser le com-
mencement de la suivante ; elle posait les limites de leur ressort
entre eux (60), de leur compétence entre les justices des pré-
lats et des barons (25), et les limites de leurs pouvoirs sur leurs
justiciables. Ils ne pouvaient tenir aucun en prison pour dettes,
à moins qu'il n'y eût sur lui contrainte par corps, par lettres
passées* sous le scel royal (52). La même ordonnance leur dé«
fendait de receyoir à titre de don ou de prêt (40-43) ni |io\ir
eux ni pour leurs etofants (41) (ils ne pourront recevoir de vin;
nisi in barillis, seu boutellis vel potis), et ils ne pourront
Tendre le surplus, ni donner rien aux membres du grand
conseil, leurs juges (44) , ni prendre des baillis inférieurs
lenrs comptables (48). La nomination à ces charges devait se
faire par eux avec les plus grandes précautions (56); le roi
eontinue à en exclure les clercs ; il met ceux-ci en assez mau-
vaise compagnie : t Non clerici, non usurarii, non infâmes,
nec suspccti circa oppressiones snbjcclorum > (19). Ord. I,
357-367.
123 — page 144, note 3 — Règlement relatif au Parlement..,
Voyez l'important mémoire de M. Klimrath Sur les Olimetsur
U Parlement. V. aussi une disserlalion ms. sur l'origine du
parlement {Archives du royaume). L'auteur anonyme, qui peut-
être écrivait sous le chancelier Maupeou, partage l'opinion de
M. Klimrath.
124 — page 145 — Philippe le Bel rend aux nobles le gage de
bataille , la preuve par due!. . .
Ann. 1304. Ord. I, 547. Cette ordonnance parait être la mise
à exécution de l'art. 62 de l'édit que nous venons d analyser.
C'est le règlement d'administration qui complète la loi.
Origines du droit , livre IV, chap. vu : « Pendant tout le
moyen Age, la jurisprudence flotte entre le duel et l'épreuve,
lu. 25.
APPENOUGB.
que l'espril militaire et sacerdotal 4*empoctft attatn*» .
tfscaent.
• Le serment et les ordalies étant trop soavantsaspMilea, las
vgÊtspnûTê préféraient lo duel» Saint -Lottis el Eaédério U la dé-
isadireat dès le ziiio siècle.
• Qoe trop mauvcse coustame sonloU courre enchiennemeotr
ai eomme nous avons entendu des seigo^ra de ktia^ car \k
aacaas si louoient campions, en tele ipaaière que^ îLsa da-
^voîeat combatre par toutes les qnerelleaque il axoieni à Cera
oa bonnes ou mauveses. • <Beaumanoir.) — t Quand aucaa a
passé âge comme de soixante ans^ ou qu'il est débilité daa-
caa membre, il n'est pas habile à combattre. Et pour oe fiu
éUbli que s'il étoit accusé d'aucun cas^qui par, gaga.de batailla
ae deut terminer^ qu'il pourroit mettre champioa qui.feroit la
lait pour lui, à ses périls et dépends, ^.t pour ce fnt constîtai.
ci établi bornage de foy et de service. £t en souLoit-on ancîan-
neflient plus user, que l'on ne fait, car on combattoit pour
plas de cas, qu'on ne fait pour le présent. . . £t doit l'en savoir^
quand un champion faisoit gaige de bataille pour auciin
lire accusé d'aucun crimi*., se le champion «stoit desconfit»
par soi rendant en champ, ou autrement, cil pour qui îl
'Combattoit estoit pendu, et foj^aisoit tous ses biens et meubles
Mritages, ainsi que la coutume déclaire, aussi bien comaie cil
;fiapre eust été déconfit en champ; et le champion n'avoit nul
atti et ne forfaisoit rien. » (Vieille glose sur l'ancienne cou-
.tame de Normandie.)
125 -^ page 145 et suiv. — Lkgpacrùiê.^dê ca (poaafranaaal
4amM les affaires des monnaies,,» .
Em i393... < Nos autem Johanna impertimus assesaum. . »
Hrd.^ I, 326.
M» i305... Ord., I, 429.
Kut tard, il ordonne de détruire les fours^ etc... Ord:, 1, 451.
Em iZiOet 13ii, U défend rimportatim âe$ monnaies èu
« Que nul ne rachace, ne face rechacier, ne trébucher, na
•aqueure nulle monnoye quele qu'ele soit de nostre coing. •
JBi janvier 1310, Ord., 1, 475.
APBBNOieS.. 3&7
Bfi'iZiin'Udèfiifiéde peser otc UVitfayir les munmm» r^al$$.»4
.Ord.,I,48i,16inaii3ii.
En iZi^^ il appela les dépuUÊ dêi^9iUu i v^niroomt^apêt (ni.
sur h f$iu449 momaiêt^ eiC4.»,
I Quelle Roi poorchaee^ ^ar^Aewrei 8e$. Baron» qoe ils ae >
sueffire»^ de faire, ouvrer iosque» à; coqs ana, o&r aulremeiklU
nepeaipa$ remplir 80Ci:pu«ï)l&;i4e boniKt manaoïe» ne. 40a.
royaume. Et furent à accort que li {lois doinl taatdn ory.eo.>
argent que il n'y preigne nul profit. • Ord., l, 548-549. Cepen-
dant on rencontra tant de rësîstanoe de la tiart des barons et
des prélats intéressés qu'il fallut se contenter de leur prescrire
l'aloi, le poids et la marqiieile leura monnaies.* Leblaiio,p. 239.
126 — page 148 et suir. •*- Uavènément de LouU le HnHnM -
«fie rèa^ion viohnte de V esprit fhêal, had, provineiàly etc; ^
Le due de Bretagne, etc.. Ord., 1., 551 et 592, 561-577 ^t 525;*
672...
La demande commune dee barone, etc... Ord., 1, 559/8o;*574, <
5«;554,2o.
Lee pranineet les plue éloignées, etc... Ord., !, 562, 2«...
Bourgogne, Amiens, Champagne demandent unanimement^ etc:..*^
c Nous voulions et octroyons que en cas de murtre, de larre-
ein^ de rapt, de trahison et de roberie gage de bataille soit ou-
Tcrt, se les cas ne pouvoient cstre prouves par tesmoings. >
Ord., i, 507. < Et quant au gage de bataille, nous voulions qur
il en usent, si corne Ten fesoit anciennement. » Ibid. 559.
Le roi n'acquerra plus^ etc..
< Le quart article qui est tiel. Item, que k Roy n*acqui^e, ne
e^accroisee es baronnies et chasteUeniêJ, es fiet et riere-fiez desdits
nobles et religieus, sen'est de leur volante, nous leur octroyons. »
A ces demandes iruolentes le roi répond...,
Ord., I, 572 (31) ; 576 (15) ; 564 (6).
127 ^ page 151 -^ Raoul de Prestes. . .
II y e«l troia Eaonl de Prtsles; le premier» qui déposa en
1309 contre les Templiers, fut impliqué dans l'affaire de Pierre
de LaltUy, et reoouvra la liberté en perdant «ea bîons. I^ouis
le Hutin en eut des remecds ; par so« tesiameiUï-il ordonna .
383 APP^a>iCB.
qu'on lui rendit comme de raiiOH tout ce qu'on lui avait pris.
Philippe le Long et Charles le Bel Tanoblirent pour ses bons
services. Le second Aaoul n'est connu que par un faux, et aussi
par un b&tard qu'il eut en prison. Ce bfttard est le plus illusire
des Raoul. En I365,il se fit connaître de Charles V par une allé-
gorie, intitulée to Muse, Il fut chargé par ce prince de traduire
la Cité de Dieu, et parait n'avoir pas éié étranger à la compo-
sition du Songe du Vergier.
128 — page 153 — Louis le Mutin décria les momuaies dts
barons, etc..
< Nous qui avons oie la grande complainte de nostre pueble
du royaume de France, qui nous a montré comment par les
monoies faites hors de nostre royaume et contrefaites à nos
coings, et aus coings de nos barons, et par les monoies aussi
de nos dits barons lesquelles monoies toutes ne sont pas du
poids de la loy ne du coing anciens ne convenables, nos sub-
giez et nostre pueble sont domagiés en moult de manières et
de eeuz souvent grossement... Ordenons, etc. » Ord., I, 609-6.
Il fixa Us rapports de la monnaie royale^ etc.. Ord., I, 64«i et
suiv.
129— page loi — Les serfs se souviendront de cetleleçon i^yale.,.
A la fin de son règne si court, Louis semble devenu ren«
nemi des barons. Jamais Philippe le Bel ne leur fit réponse
plus sèche et, ce semble, plus dérisoire que celle de son fils
aux nobles de Champagne (1er décembre 1315). Us deman*
d aient qu'on leur expliquât ce mot vague de Cas royaux, au
m oyen duquel les juges du roi appelaient à eux toute affaire
qu'ils voulaient. Le roi répond : c Nous les avons éclaircis en
> celte manière. C'est assavoir que la Royal Majesté est cnten-
> due, es cas qui de droit, ou de ancienne coutume, puent et
t doient appartenir à souverain Prince et à nul autre. « Ord.,
I, 606.
130 — page 156 — Philippe le Long révoque toute donation
depuis saint Louis.,,
Le roi révoque spécialement les dons faits à Guillaume
Flotte, Nogaret, Plasian et quelques antres. Ord., I, 667
APPSNDICB. 389
131 — pige 156 — Il auraU VQUlu étaHit^ VuniformiU des
me$ure$ et de$ m(mnam, . •
« Le roi avait commencé à régler qu'on ne se servirail dans
son royaume que d'une mesure unifarme pour le vin, le blé el
toutes marchandises; mais prévenu par une maladie, il ne put
accomplir l'œuvre qu'il avait commencée. Ledit roi proposa
aussi que, dans tout le royaume, toutes les monnaies fussent
réduites à une seule; et comme l'eiécution d'un si grand pro-
jet exigeait de grands frais, séduit, dit-on, par de faux conseils,
il avait résolu d'extorquer de tous ses sujets la cinquième par-
aie de leur bien. 11 envoya donc pour cette affaire des députés
en différents pays; mais les prélats et les grands, qui avaient
depuis longtemps le droit de /aire différentes monnaies, selon
les diversités des lieux et l'exigence des hommes, ainsi que les
communautés des bonnes villes du royaume, n*ayant pas con-
senti à ce projet, les députés revinrent vers leur maUre sans
avoir réussi dans leur négociation. » ConU G. de Nang., 79.
13Î — page 157 et suiv. — îl fait quelques efforts pour régu-
la viser la comptabilité,.,
Ord„I,713-4. 629, 659.
Parmi les règlements de finance^ etc.. Ord., I, p. 660 (27).
Le Parlement se constitue, etc.. Ord., 1, 728-731 — Ord.,
1,70S.
133 — page 158 — La méridienne du roi..,
V. au l«r vol. de cette histoire, p. 207 et suiv., la concession
de Clovis à saint Rémi. -* Voy. aussi la Légende dorée, c. ii2.
— Origines du droit, p. 79-80 : c En l'an 676« Dagobert ayant
donné à saint Florent la ville où il demeurait et ses dépen-
dances, le saint vint prier le roi de lui faire savoir combien il
avait en long et en large. • Tout ce que tu auras chevauché sur
ton petit âne pendant qui je me baignerai et que je mettrai
mes habits, tu l'auras en propre. > Or saint Florent savait fort
bien le temps que le roi passait au bain : aussi il monta en
toute hâte sur son àne et trotta par monts et par vaux mieux et
plus rapidement que ne l'aurait fait à cheval le meilleur ca-
▼alier, et il se trouva encore à Theure indiquée chez le roi. »
Orimm. 87.
[.
990 APPIKDICE.
13^ -''pa^ i^3 «^ FkUippfi h Long pari» de cm'UMU ikmU
féodaux y elc...
Ord., I, p. 661 (;^9).
U r$command$( aux ffcetwir^t elo. .. OnL S, 713 <9).
135 -r page 199 ^^ L0 roi ehânkê 4 metUn» unêbarrUrt à ra
UbiralUé..»
« QoA poiur l68 «ions (raCragens qui ost asté^Aih ça en ar-
rière»» par dos prédécesseuESs M domaine dou royaume sont
noall apelitté.l^ous qui àémtuB noolt faeîMraissement et le
bon estai de notre 'Royaume, el de nos. a^giex» nous eoteh-
dons dores en avant gardef de '4el8 dans, aa pins que noas
ponrrûns boaemenl, ot défondoasqaennl a* nous ose Caife
anppUcalUm de faire dons à- héritage, set oe^a'esieo la pré-
sence de noire^ grand conseiL » Ord., 1, 670 (d)«
136 — page'160' wL«f pcwaMireftaâB...
« Cum solis pera ctbaculo sine pecunia, dimissis in campis
'porcis et pecortbus.-post ipsos qu^si pecora cônfluebaoï. •
Cont. G. de Nangis, p. 77. — c Projectis ïnnumcrabilibus lignis
et lapidibus, propriis projectis pnerîs, se virilltcr el inhuma-
niter defensabant... Videntes antcm dicli judsei quod cvadere
noii valebant... loeavertxnt nnum de suis... nt eos gladio jugu-
laret. • Ibidem. — c Illic viginli, illic trîginla sccondum pins
et minus suspendens in palibalis^t i^rborihos, » Ibid.
137 page 161 — Les Juift, etc...,
Voyez lé Mémoire de M, dcu^QAt^iSarJea: juifs d'Occid>yM»et
la grande histoire de Jozt.
' 138 7- page 162.-- L« '>vuU s'ixriinadj^uê.feêiuifê
oïït empoisonné Us foniaineSf Qla.*. •
• Fiebant de saQguiQe.bumano. oi .urina. 4Jk Mribiui iierbia...
ponebatur eliam Gorpus«€brisiie cl.cufa^aseBJlo«nia,disaiiaU,
nsque ad pulvercm terûbantur» qu»*missa in.aaaoaIia4nin<alK
quo pondcroso... in puleis^^ iactabauiij^r. > Coat &• d« Nang.»
ann. 1321, p. 78.— « bivenlum est i».panaoicapui oolubri, pe»
dèsbufonisct capilli quasi mullieris, infecti quodaai . Mf tt0<»
AfPBMDIGE.
«igerrlmo... quod tolmn in igoem oapiosnni..: projentum,
modo combur! potiih, babSto imtnifcsto expérimente et hoe !
dem esse yeoennm fortîssimum. » Ibidem.
Les priitcipauT lépreux tinrent qnatrê eoncUes, etc..
c Saadente disbolo per miimteitnni lude&eram... m
tiani omnes morerentar, vel oimies unifonniter keprosi
rentnr, et sic, enm omnes essent tmifermes, tHiltv» ab
despieeretur. i ibidem. — Voyez swt les lépreux les INctii
naires de Bonebel et Brien et sortent le Dictieirnaire de
fmr Delamarfc, I; page 609. Voyez aussi les Ώm du POriewumi^
IV. ^. LXXVI, etc.
139 ~ page 163 — Les rituels pour ta séquestration desB^
preux différaient peu de l'office de9 morts ... ' '
c Leprosum aqua benedicta respersnm dncat ad ecctesiam
crnce précédente... cantando Libéra me Domine... In
ante altare pannus. iiiger. Prcsbyler cnm palla tcrram si
qnemlibet pedum ejns perducît dicendo : Sis mortntrsmmi^
▼LTens iternm Deo. > Rituel du Berri, Màrtène, 11^ p^. lOliL
Plusieurs rituels défendirent plus tard ces lugubres cérénUa^
monies, celui d'Angers, de Reims fbid., p. f005, lt)06.
140 — page 165 ^ Quant aux juifs, on les br^la sans
iinetion, . .
« Judaei... aine diferentia combusti.,.,Facta quadam foi
per maxima, igpe copioso in'eam injecte, oclies viginti
pramlscui sont combusti -, unde et muUi illorum et illarum ca»»
tantes quasiqueii^v^Uti ad^nuptias^ in fQvean\saliebant.*> OnsL,
0. deN.angis, P..Ï8.
Mainte 99Uioe y fit, jei^ son.enfcknt»,^* Hé ad baptismum ra-
p^rentnr,.» Ibid.
Quarante juifs s'aecordirent à se faire tuer par un deJemtB-
vieiVards.,
« Unius antiqui... sanctior et melior videbatur ; unde et ob*
«JQS bonltatem et antiquHatem pater Yocabatnr » Ibid.^ p. 79.
*»« Cum funis esset bretior... dimîUens se deorsum eadere».
tibtam sîbi fregît, auri et argenti prie maxime ponrlere graY&^
las. Ibidem. ^ *
392 AniNDICB.
141 — page 166 — L*Anglelerre se trouvant dèiarmie portée
dUrordes, U roi de France s'empara de VAgènois...
Voyez le DifTércnd entre la France et rAngleterre soaa
Charles le Bel, par M. de Bréqnigny. La querelle qui d'abord
n'avait pour objet que la possession d'une petite forteresse,
prit en peu de temps le caractère le plus grave par la Cai blesse
d'Edouard et l'audace de ses officiers. Tandis qu'Edouard ex-
cuse ses lenteurs à venir rendre hommage, et prie le roi de
France d'arrêter les entreprises des Français sur ses domaines,
les officiers anglais en Guyenne ruinent la forteresse disputée»
et rançonnent le grand maître des arbalétriers de France* qui
avait voulu en tirer satisfaction. Edouard se hâta de désavouer
ces actes auprès de Charles, et en môme temps il donnait
ordre à toutes personnes de prêter assistance à Raoul Basset,
auteur de Tinsulte faite au Roi de France. Mais il recula bien-
tôt devant cette guerre et destitua Raoul Basset ; ses officiers
laissés sans secours durent donner satisfaction à Charles le Bel,
qui ne s'arrêta pas en si beau chemin : les ambassadeurs d'E-
douard lui écrivaient qu'on disait tout haut à la cour de France :
< Qu'on ne voulait mie être servi seulement de parchemin et
de parole comme on Tavait été. > Edouard, qui d'abord avait
eu recours au pape et fait quelques préparatifs, s'alarma de cet
orage qui pouvait troubler ses plaisirs. 11 donna pleins pouvoirs
pour tout terminer, et envoya à Charles un Français nommé
Sully avec son plénipotentiaire. Le roi écouta le Français,
chassa l'Anglais et fit entrer ses troupes en Guyenne. Agen,
après avoir inutilement attendu le secours du comte de Keot,
ouvrit ses portes. De nouveaux ambassadeurs vinrent d'Angle-
terre; ils eurent pour toute réponse qu'il fallait c qu'on souf-
frit sans obstacle que le roi de France mit en ses mains le reste
de la Gascogne, et qu'Edouard se rendit auprès de lui. Alors s'il
lui demandait droit, il lui ferait bon et hâtif; s'il lui requérait
grâce, il ferait ce que bon lui semblerait.
143 — page 166 — Charles U Bel défendit de prendre U parti
de la reine Isabeau, etc. .
c... Dont plusieurs chevaliers en furent moult courroucés...
et dirent que or et argent y étoient cfforciement accourus
APPENDICE. 393
d'Angleterre. Vtroîssart, éd. Daeier, I, M, — c Si entendit-îl se-
crètement que Charles le Bel étoit en volonté de faire prendre
sa sœur, son fils, le comte de Kent et messîre Roger de Morti-
mer, et de eux remettre es mains du roi d'Angleterre et dndit
Spenser ; et ainsi le vint-il dire de nuit à la reine d'Angleterre
et l'avisa du péril où elle étoit. > Froissart, I, 29.
•
•
143 — page 169 ^ Edouard croyait au moins vivre^ etc..»
• Ut innotuit viri dejectio, plena dolore (ut foris apparaît],
fere mente alîenata fuit... Misit indumenta delicata et H lieras
blandicntes. Eodem tempore assignata fuit dos regins talis et
laou, quod rcgi filio regni pars tertia vix remansit. a Wals,
p. 126-127. — < Ipso prostrato et sub ostio ponderoso detenio
ne surgeret, dum lortores imponercnt cornu, et per foramen
iaimiUerentignitum vern in viseera.sua. » Ibid.
«
i44 — page i7i — Livre des secrets des fidèles de la eroix^ par
U Vénitien Sanuto..»
c Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen. En l'an 1321,
j'ai été introduit auprès de notre seigneur le Pape et lui ai
présenté deux livres sur le recouvrement de la Terre Sain te« et
le salut des Mêles; l'un était couvert en rouge, l'autre pn
jaune. En même temps j'ai mis sous ses yeux quatre cartes
géographiques. Tune de la mer Méditerranée, l'autre de la
terre et de la mer, la troisième de la Terre Sainte, la quatrième
de l'Egypte. • A la suite de Bon gars, Gesta Dei per Francos.
S*tl partage son livre en trois parties en l'honneur de la
Sainte-Trinité, la raison qu'il en donne c'est qu'il y a trois
choses principales pour le rétablissement de la santé du corps,
le sirop préparatoire, la médecine et le bon régime : c Partitur
autem totale opns ad honorem Sanctie Triniiatis in très libres.
TIam sicnt infirmanti corpori... tria impertiri curamus : primo
syrapum ad praeviam dispositionem... secundo eongruam me-
dieinam que morbum expellat... tertio -ad eonservandam sani*
latem debîtuni vitae regimen... Sic conformiter coniinet liber
primus dispositionem quasi syrupum, etc. Sccreta fideliuro
cmcis, etc., p. 9.
B94 AFBglKDICK.
145 -^ |»«ge i7i ^ lit |n*a|KM0 contre (^ $<mda» dÉç^fU m
• Dix faUres suffiront. 11 fire avec aoe prévoyance toute mo*
derne c^•qtt'il fani d'hommes, d'argieul, devivrea. La flotte doit
être armie à Veaise. « Les marins de Venise, dit-iU sauront
seuls se conduire sur les filages basses d'Egypte qui ressem-
blent à leurs lagunes c (p. 35-36). Il n'ose pas demander que
l'amiral soit un Vénitien, il se cqntente de dire qu'il doit être
ami des Vé&Hiens', pour agir de concert arec eux (p; 6S). > Il
faut, dit- il nettement, o« que: l'accès de l'âgypte soii ai>soln-
ment interdit, ou qu'il soit-élargi et fiusiliul de telle aorte que
chacun puisse aller; reveniri commencer pat lea terres du soi-
dan, en 'toute liberté, eiqtt*en ce dernier cas, obq ne parle plus
de recouvrer ta Terre Sainte.^» •*- « Maia^ dira-t-on, û le seu-
daa détournait le Nil de la Méditerranée dans la M^Eonget U
chose est impoaetble ; et ^i elie^arvait lieu, i'tgypteaeeail lanéeit-
tie, ellq deviendrait déserte... Le soudan réduit, les forteresses
de l'Egypte maritime deviendront un sûr asile pour les nations
chrétiennes comme fe furent pour lés Vénitiens les- Ia|>nnes de
l'Adriatique qui. dans les tçmpêtes de^ invasions gauloises,
africaines^ bmbardes et dans celle 'd'Attila, sont restées invio-
lées. • (Pari. 3, cb. 1.) Ceé derniers mots fontaflusion^^aux
crtiîn tes récentes que les invasions deâ Motigols^avait^nt inspi-
rées ft toute la Chrétienté.
•
r^. 146 -«-npage 174 -f^ 1^4)601*^4 .^ia roi ija^^kterre acearda
au» ètr^kitgêi't ..
. La rolrdéoiare.qu'Ulear accQrde,à jamaia* en^aonnom et an
A^m 4e s^4U4eea$ej^i:s« !<> 4^ pouvoir ;venir enaûraié aou% la
pn>teciion,Foyale/libres de diveis. droi^ qu'il spécifie : Ik mm-
ragi% jjaiOa^/lp^Mi^io^i^eri et quieli; ^^d'y vendre en gros
^ qui. iisf voudront; kes merceries e^ épices peuveoi même éire
vendueaen détî^Ipar les éti^^ngers; i^ d'emporter et exporter,
eni^yant'le^ droits, touie.. chose, e^ptéles .vin5,..qu'oo ne
peui^porter, sans licence spéciale du roi; 49 leurs marchan-
dises n:aaroat àcraindre nidroil de prise ni saisie; $<> on lear
rendra bonQo^JQSiice ; car si i^n juge leur fait tort, il sera puni
même apr^s que les marchands auront été indemnisés; &> en
toate cause où ils seront intéressée, le Jary sera edmposé poai
une moitié, de leurs compatriotes ; 7^ dans tout le royaume il
n'y aura qu'un poids et une mesure ; dans chaque ville ou lieu
de foire, il y aura un poids royal» la balance sera l)ien vide, et
celai qui pèse n'y portera pa» lea maips : 8^ à Londres, il y aura
nn juge desdits .marebanda* pour leur rendre jaatice som-
maire ; 9o pour.4oi(8 ces 4roila<iA6.paieM)»^ileax; aoua de plus
qu'autrefois sur ebaqu^ lonMau- qu'ila arnèBerout ;t quarante
deniers* dé plus par sac de laine/ etc.<<etc/; iO^mals une fois
ces droits payés, ils pourront aller et tommercer librement par
tout le royaume.
' I
147 — 176 -^ Ceféir'ticfmrà ÏTl qui sur la Table ronde a
juré le héron de conquérir la France,,,
Par devant la roïne, Robert s*agenoirilla,-
Et dist que le haîron par temps départira.
Mes que cboa f it'voQ^^ui la caar U din^ *
«^ baisai, dit la.nâoe, or ne me parlés, jà;
« Dame ne peni vouor, puis qu'elle seign^or a, "
« Car 8>lle veue riens, son mari pooira.
• Qutfbicn puel rapeller chou qu'elle vouera;
' V Et iriAinti Mit tl eorps'tfue'jaesi'piÀmra, - >
- «^'f^evmirtTide «Mb dHers-aifts ••MlMii^'to^fli.'ara. •
^- fil dIst ietroy r i^¥oe*,'Wraoit t'aqiriMera.
<• « «««ÉH^w^flaer a pciMB^'Bieaaars^'ea peetra;
•«• «iVeois kardéMHoa* «ft>DieM/tvoM*aiéi>ffa. •
4« Aionar^tUtlaiatiloa» je aai bioD, que pischa',
-•. Qaajf^iafcosaard'ento^ qna mon corps senti là,
• Eoflost vttL ji laire^» qu'en mon corps se tourna.
.« Et je voue, et^prometh a Dieu, qui me crda,
• Qoi nasqùi de la Vierge, qoe seè corps nVïipîra,
4 ^ qtii'dloVnil eu crois; 6n Iv crucifia,
• Que jk*H fmls de «of , d^moar corps 'tt%tera,
ti 9i'ai*en*-arêa'aiaBé«èapa3è|i#vdelà,
••'^•r avaMàierito ffuiqtte-«o.€OTfa<vDué a;
• Et s'il en voelh isir, quant baaiHitafn>B«aera,
« Duo grand contel d*achier 11 miens corps s'ocliira :
• Serai m'asme perdue, et li frais périra. •
Et quand H ro1s Tentent, ttoiilt forment fcn pensa;
Et dist : « CcrUinement ifots pltn fla^o«ere< •
396 âppbndicb.
Li bairoQS fa partis, U rolne en mengoa.
Adooc, quant cbe fa fait, li roit 8*apareilla,
Et fit garnir les nés, la roîne i entra.
Et maint franc cboTalier areeques lai mena.
De illoc en Anvers, li rois ne s'arrêta.
Quant ontre sont yenn, la dame délirra;
D'an beaa fils gracieax U dame a'aooaka»
Lyon d^ÂfWên ot non, qnant.on le baptisa.
Ensi le fraaqœ Dame le sien ven aoqnitU;
Ainaqae soient tout fait, main preadomme en mom»
Et maint bon eberalier dolent s'en clamera.
Et mainte preode femme ponr lasse s'en tenra.
Adone parti U eonrs des Englès par delà.
Cki jintnt kut tsiu du Aotron.
Ce petit poëme se trouve à la fin du 1. 1 de Froissart, éd.
Dacier-Buchoo, p. U0«
148 — page 179 — Bataille âê Cassel,.
€ Oncques en l'est du roy ne feit on guet ; et les grands sei-
gneurs alèrent d'une tente en l'autre, pour eux déduire, en
leurs belles robes. Or vous dirons des Flamans, qui sur le mont
étoient.,. Si feirent trois grosses batailles les Flamans; et
veindrent avalant le mont, au grand pas, devers Tost du roy :
et passèrent tout outre, sans cry ne noise : et fut à l'heore de
vespres sonnans... fit les Flamans ne s'atargèrent mie, ains
veindrent le grand pas, pour surprendre le roy en sa tente.
« Froissart, 1, c. lxix, p. 1Î3. ^ V. aussi Gont. G. de Nangis,
p. 90. Oudegherst, c. cliv, f. 289. — Je regrette de n'avoir pas
eu entre les mains l'important ouvrage de M. Warnkœnig, lors-
que j'ai imprimé le récit de la bataille de Courtrai : Histoire de
la Flandre et de ses institutions civiles et politiques, jusqu'à
l'année 1305, par M. Warnkœnig, trad. de l'allemand, par
M. Ghueldorf. 1835. Voyez particulièrement aux pages ^,
308, du premier volume, quelques oireonslauces intéressantes
qui complètent mon réeit.
149 page 180 — Les quatre tours de Vineennes par leurs jimas- '
ievis, vomissaient aux quatre oenl»...
APPENDICE. 397
Les ch&leaux, comme les églises du moyen ftge, comme les
cités antiques, sont, je crois, généralement, orientés. Voyez
mon Histoire romaine, et ma Symbolique du droit.
150 — page 181 ^ Roberi se plaignait d'avoir été supplanté
dans la possession de r Artois par Mahaut, etc..
Un arrêt de la cour de France, prononcé en plein parlement,
déboutait pour toujours Robert et ses successeurs de leurs pré-
tentions, et ordonnait « Que ledit Robert amast ladite comtesse
comme sa cbière tante, et ladite comtesse ledit Robert comme
son bon nepveu. >
151 page 181 — Personne n'eut plus de part que Rt^fert à e$
qu'un fils de Charles de Valois parvint au trône...
L'ancienne chronique de. Flandre allait même jusqu'à lui en
donner tout l'honneur : c Et n'estoient mie les barons d'accord
de faire le roy, mais toutefois par le pourchas de messire Ro*
bert d'Artois fut tant la chose démenée, que messire Philippe...
fat élu à roy de France. > Cbroo.. ch. lxyii, p. 131, Mém. Ac
Insc. X, 593.
152 — page 182 — L« roi réservait à Robert le droit de pro*
poser set raisons,.,
€ Sur ce qu'il lui a esté donné à entendre, que au traiité de
mariage de Philippe d'Artois avec Blanche de Bretagne... du-
quel traicté furent faites deux paires de lettres rattifiiées par
Philippe le Bel... et furent enregistrées en nostreCour es re-
gistre, lesquelles lettres, depuis le deceds dudit comte, ont esié
fortraites par notre chière cousine Mabault d'Artois. > 1329.
Chron. de Flandre, p. 601.
153 — page 182 et suiv. — ... La maîtresse de Vévêque, une cer-
faine dame Divion...
« Qusdam mulier nobilis et formosa, quae fuerat M. Theodc-
rici concubina. > Gest. cpisc, Leod., p. 408.
La Divion prétendit que Jeanne de Valois la menaçait de la faire
hrûier ...
Elle l'en menaçait môme au nom du Roi. t J'ai voulu vous
398 AP^SSQICS,.
<
exenser» disaît-clle, ea luy représontant qae.vous n'aviez nalla
desdiiea lettre^ et il m'a répondu qu'il vou$ feroil ardoirse
You» ne l'en bailler • Ibid., 600.
* ... BUi y plaqua d€ vieux sceatix, etc.
La DiTion ajrati été envoyée tout exprès eajirtois pour se
procurer le sceau du comte Elle parvîal apcès quelque recher-
che à eu trouver un entre les mains d'Ourson le Borgne dit le
beau Pariais. U en voulait trois cents livres. Comme elle ne les
avait pas» .elle offrit d'abord en gage un cheval noir sur lequel
son mari avait |oûlé à Ârras. Ourson refusa ; alors» autorisée
de son mari, elle déposa des joyaux, sa/voir deux couronnes»
trois chapeaux, deux affiches, deux anneaux, le tout d'or et
prisé sept cent vingt-quatre livres parisis. » Ibid » 609-610. —
1 Ensuite elle prit un scel à une lettre qui estoit scellée dudit
évéque Thierry, et par barat engigneur. Testa de cette lettre
TÎeille et la plaça à la nouvelle. Et a ce faire furent présens
Jeanne et Marie, meschines (servantes) de ladite Divion^ laquelle
Harie tenoit la chandelle, et Jehanne li aidoit. ■ Ibid , 598. Dé-
position de Martin de Nuesport. La Divion déclara qu'elle
assista seule avec la dame de Beaumont et Jeanne à Tapplica-
tion des sceaux c et n'y avoit à faire que elles trois tant seule-
ment. > Ibid., p. 611. ^ Déplus c pour ce que le Roy Philippe
avoit accoustumé de faire ses lettres en latin, » on aTaît de-
mandé à un chapelain Thibaulx,de Veaux, de donner en cette
langue le commencement et la fin d'une lettre de confirmation
qui devait, disait-on, servir au mariage de .Jean d.' Artois avec
la demoiselle de Leuze. Ibid., 612.
A cette époque de caUigraphie, etc.*.
La Divion semble pourtant jittacher grande importiance à son
œuvre ; elle faisait passer les pièces, à mesure qu'elle les fa-
briquait, à Robert d'Artois, c Disant teles paroles. Sire vées ci
copie des lettres que nous avons, gardez si elle est bonne ; et il
respondoit : Si je l'avoie de celle forme, il me suffîroit. a Elle
Touiut même les soumettre dabotd à des experts. Mém. Ac.,
!• ib.
Robert produisait einquante^nq témoifu...
Archives, Sent. hist. /., 439, no 2. — Ils avaient eu soin de
ménager à ces témoignages un commencement de preuve par
APPBmtGB. 399
écrit, dans la fausse lettre de Tévèqse d'Arras : « Dc:iqi|<>ilcs
lettres jon^en ay une, et les antoes eu Uraietié du . mariage, ma^
dame la Royne Jehaniie furontpai* tm de iio»?gea<ida sûigneurs
gettésa«ifea«.o > lbidi> p. ft97. *
1/ sonêiwtmtU te r(mi(m,.eic. ..
c... Et Jura- au Rey, mains levées vem les saints^tque un <
homme vestude noir aussi oomme rarcbcfesquede Roven, il.
avoit baillé lesdites lettres de confirmation. « Cet bomraen \éiw
de noirétail son confesseur; Robert les lui avait données^ puis
les avait reçues de ses mains; moyennant quoi il jurait en*'
toute sûreté de conscience. Ibid., p. 610.
La Divto» amma tout ûimi qnu Us.tàmoins., .
Jacques Rondelle convint qu'on lui avait dit» que s'il dépo^
sait c ce luy vaudroit un voyage à Saint^lacques en^fiallicè.»
Gérard de Juvigny, « qu'il avdil rendu fatfx témoignage ft la
rcqucste dudit Monsieur^obcrt, qui venoil chies luy si se»*./
vent, qu'il en estoitteut ennuyé... ^ Ibid., 599i< ^
Déposition de la Divion : c ... Item elle confesse que-Prot'
sondit clere« de son'- commandements eserfpt toutes lesdites-
fausses lettres de sa maîo^ ei eseript celle ou pent le scel-de la-
diic feu comtesse une penne d^airain, pour sa main desgui-
zicr... Item elle dit que mons, Robert assez tost après en en*
-voya ledit Prot elle ne scet où, en quel lieu, ne en quel part»
que elle avoit dit à mous. Robert, Sire, je ne say que nonsi fa-
ciens de eest derc, je me doubt trop de sa contenance, ear il
est si paoureus que c'est merveille et que àchaenBefiChose que*:
il oyoit la nuit,. .îL dit : -Ay ma damotaelle* AyichaaneiiAyUe*
banne, les sergents me .viennent querre, en soyoeffrabntret dt«
saut : Je en ay 4ro^ grand paoar. Et à moy messie aâàdit plu-
sieurs fois» toutde jours;. de lagrant paour quil en aveit;qiie
se il est pris et miv en «prison ^i il dira tout sans riens espari^ierk
Et dit que ledit nlonSi Robert li respondoit, Noua nous enohe*
virons bien Mertitle 'ne'seet, eu rh est^ fors que elle croit «ique-;
il est en ancmis des tiébergement» des tepsaefe andit mona^
Robert. • Àriskwif^ Secimm Mii. T. 44(^ no H.' hem elle ditrqne
par trop de fois la dite dameiMarie sagenouilla devant elle, en
li priant, en plorantet adjointes moins, par telx moarPonr
if damoiselley laites tant que Moaaeigneuff aie ces letlret
400 APPENDICE.
que VOUS savez, qui li ont méiicr pour son droit don eomté
d'Artoys, et je say bien que vous le ferez bien se il vous plaist,
car ce soit grand meschief s'il estoit déshérité par deffaut de
lettres, il ne H faut que trop peu de lettre. Le roy a dit à Ma-
dame que sil li en puet monstrer lelre, ja si petite ne fei, que
li délivrera Ja conté, et pour Dieu pensez en et en mettez Mon-
seigneur et Madame hors de la mesaise ou il en sont. Car ii
sont en si grant tristesse quil n'en pueent boire, mengier, dor-
mir ne reposer nuit ne jour. > Archiva, Section hist. J. 440,
n^ll.
154 — page 184 — B(>bert avait envoyé des auastim pomr tutr
le duc de Bourgogne...
c Les assassins vinrent jusqu'à Reims, ou ils cnidoient tron-
,ver le comte de Bar a une feste qu'il y devoit lenir pour
dames ; > mais on était sur leurs traces, ils durent revenir ; ce
coyp manqué, Robert d'Artois se décida à venir lui-même en
France. Il y passa quinze jours, et revint convaincu par les in-
sinuations de sa femme que tout Paris serait pour lui, s'il tuait
le roi. Mém. de l'Acad., x, p« 6i5-6.
155 — page 184 — Robert essayait d'envoûter la reine et son
fils...
a Entre la Saint-Remy et la Toussaint de la mémp année 1333,
frère Henry fut mandé par Robert, qui, après beaucoup de ca-
resses, débuta par luy faire derechef une fausse confidence, et
luy dit que ses amis luy avoient envoyé de France un volt ou
voust, que la Reine avoit fait contre luy. Frère Henry lui de-
manda < que est ce que voust? C'est une image de cire, ré-
pondit Robert, que l'en* fait pour baptiser, pour grever ceux
que l'on welt grever. L'en ne les appelle pas en ces pays voulz,
répliqua le moine, l'en les appelle manies. > Robert ne soutint
pas longtemps cette imposture : il avoua à frère Henry que ce
qu'il vcnoitde luy dire de la Reine n'esloit pas vray, mais qu'il
avoit un secret important h luy communiquer ; qu'il ne le lui
diroit qu'après qu'il auroit juré qu'il Icprenoit sous le soeau de
de la confession. Le moine jura, c la main mise au piz. • Alors
Robert ouvrit un polit ecrln et en tira t une image de cire en-
APPENDICE. 404
velopëe en un qucf rc^hicf crespé« laquelle image estoit à la
semblancc d'une figure d'un jueune homme, et csloil bien de
la longueur d'un pied et demi, ce li semble, et si le vit bien
elerement par le quevrc^chief qui e$ioit mouU déliez, et avoit
entour le chicf semblancc de cheveux aussi comme un jeune
homme qui porte chief. > Le moine voulut y toucher. « N'y tou-
chiez, frère Henry, luy dit Robert, il est tout fait, iccstuy c&t
tout baptisiez, l'en le m'a envoyé de France tout fait et tout
baptisé; il n'y faut rien à cestuy, et est fait contre Jehan de
France en son nom, et pouj- le grever : Ce vous dis-je bien en
confession, mais je en vouldroye avoir un autre que je voul-
droye que il fut baptisié. Et pour qui est-ce» dit frère Henry.
C'est contre une deablesse, dit Robert, c'est contre la Royne,
non pas Roy ne, c'est une dyablesse; ja tant comme elle vive,
elle ne fera bien ne ne fera que moy grever, ne ja que elle vive
je n'auray ma paix, mais se elle estoit morte et son fîls mort,
je auroie ma paix tantos au Roy, quar de luy fcrois-jc tout ce
qu'il me plairoit, je ne m'en double mie, si vous prie que vous me
le baptisiez, quar il est tout fait, il n'y faut que le baplesmc, je
ay tout prcst les parrains et les maraincs et quant que il y a
mcsticr, fors de baptisemcnt... Il n\ faull à faire fors aussi
comme à un enfant baptiser, et dire les noms qui y appar-
tiennent, s Le moine refusa son ministère pour de pareilles
opérations, remontra c que c'éloit mal fait d'y avoir créance,
que cela ne convenoit point à si hault homme comme il estoit,
vous le voulez faire sur le Roy et sur la Royne qui sont les
pcrsennes du monde qui plus vous peuvent ramener à hon-
neur. B Monsieur Robert répondit . c Je amcroie mieux estran-
gler le dyable que le dyable m'estranglast » Ibitl, p. 627.
156 — page 185 — BenoU XII ovova en jiienraiit aux (im-
biMStadain impériaux, etc.
« In aurem nuntiis, quasi fleus conquerebatur, quod ad
principem esset inclinatus. et quod rex Francis sibi scripserit
ccrtis litteris, si Bavarum sine ejus voluntate absolveret, pejora
sibi fierenty quam papse Bonifacio a suis praedecessoribus cs-
acnt facta. > Albcrlus Argent., p. 127.
ut. 20
■» V ^^ »
qne yots savez, qui U ont méiicr pow |:
d-Artoys. el je say bien qne vons le fere| 9- ^
.j),j APPBSDKE.
onr r
car ce soit grand mcschief sM esloil | é ^ ^
lettres, il ne li faut qne trop peu d^ f | ^ '
dame que sil U en puel monslrcr ^^^. <h o ^
li délivrera la coulé, et pour Di^» 1 1. ^ | #
seigneur el Madame hors de'^ ^^ \%^^%
sont en si granl tristesse quiV^^ i %^, ^ V ^ t
mir ne reposer nuit ne \^> | | | f . ^ ?- |
154 -page 18V-;^, |n 1'^ I ^ ^^
20 duc de Bourflfojme.^ ^ ^ ^ ? 1 1- ^
« Les assassins 'I ^ i $ 1 v- '^
ver le comte dr| ^ ^ |, ^
dames; t mais;;|5 * -»« **"
coyp manqué C | -'' - Voyci Rymet.
France. W^'i-/ *'"> *^<^'
sinuations :
le roi. Mé ' tiWt^ huissaienl h comte pnrcB qa'il
, au partage de leur commerce.,.
195 ô. Joannis Angeliaci et Kupell® dédit u\ IW
/M*.,. .equenlare porlum Flandrcnsem apudSlusamtd
« uascumque mercaturas consliluenlesque stabilem âbi
fi* vinorum suorum in oppido Dummensi .. eaque in mer-
T ara omne monopolium prohibens. > Meyer, p. i3o.
159— page iBl—ArtevMe organisa um rigoureuse turannie...
c El avoil adonc à Gand un homme qui avoil été brasseur de
miel ; celui éloit entré en si grande fortune et en si grande
grftee à tous les FlanMods, que e'éioit tout fati et bienfait
quand il vouloit deviser et commaader f>:urtoui Fluidre, de
l'un des côtés jusques à l'autre ; et n'y avoil aucun, comme
grand qu'il fut, qui de rien, osât trépasser son commandcmoBl,
ni contredire. Il avoil toujours après lui allant aval (en bas) U
ville de Gand soixante ou quatre-vingts \arlels armés, entre
lesquels il y en a\X)it deux ou Iroîs qui savoicnl aucuns de ses
secret; el quand il encontroit un homme qu'il heoit (baîssnt)
^^^.
<-»
APPENDICE. 403
npçon, il étoit tantôt tué ; ear il avoît
^ ^i. varlctset dit :•# Srtôt que j'^eanlre-
<i2. ^ ^ais nn tel signe, si le tues sam 4é-
^1r.
<;;^^ '^ ^' comme haut qu'il aoit, sans ai-
;• <!, ^ ^oil souvent ; et en4it en <*?tle
%, 1^ "^ ^ tuer : par quoi il éloliei
^ -^ ' ^ *^^^ ^r contre chose qu'il vou-
^ ' '^ 'V^ 'edire. Et tantM ^ue ces
% \ % "^^J^^ ^ o hôtel . ehâeum aliôit
2^ % ^ <j; -î^ ♦'^ ^ ' revcDoftBBl devant
;' ^^^'>^f^^ %J^^ '^ jusque» aétmc
\ •'> % *%^ -* **Wo P«WBi
' '^^ *^. ** -a souper. Ct aacli^z
^ ^^ , avo«C chacm îour quatre
^ ^lOfMur les frais et pour sfcs
. payer 4e semaine en sennaine. \\
Ai% les villes de Flandre et les chalelleries
./fés àtae gi^es, pettr Caire tons ses Aomnpan-
^pier s'il avoit nuU^ part personne qui fût cet>alld à
qui dm oo îftfotmAA aoeun centre ses voleoté». Et fitôt
. i4 ee sawt a«cmii en une vilte, U ae cesaoit iamaâA tent ^u'ril
faut banoi ou fait Uur saas déport (délai) ; îa^il (celui^si) pe
s'en pot i^der Bt meaMBcnt touf Km plus puis$ania de
Hanéra, dievaliers» éeuyers «L les boni^ois des honiiieft villes
qa^n pensait qui fussent lavoraides wx eemie de Flandre en au-
cune aMoièee^sl ita baaniaeoii de f^atiilre et levoii la rooiiiCdc
leurs rev«aue% et iassaaii l'antre moilié pour le diNiairo et }e
gouvernement de leur» fcmnies el de iMKa eofAnts. « Frtip-
sart, t. U e- LXT» F» ^-
■ jÉrteeffit Uiêiaà ^'ea temtk ia rpy d'^ng/etarre 4 «aRiy. »^. .
Sauvage, p. 143*. •€ Ojas tedevis ^neôpol austères f^icre J(i-
cob Artevelda, et Sigerus Curtracensis equcs Flandrus nobilis -
aîaïaai. Sed banc J4|d4»vipu... jussu Philippi régis, Brugi« de-
eoUavit. t Meyer, p. 138, comp. Froissa t, p. 187.
160 ^ page 19 1 --- ITifeiianf /Ir Wrt iMnë hw paroiMei «•/#
drculttire au forple. ..
Armer, t. !▼, p. B0&. De même anratit la campagne qiii ae
40i APPENDICE.
termina par la bataille de Crécy, il écrivit aux dcax chefs des
Domioicains et des Augustins, prédicateurs populaires : i Rcx
dileclo sibi in Cbristo... ad informandum intelligcalias et ani*
roandum nostrorum corda fidelium... specialiler vos quibus
expedire viderelis clero et populo velitis patenter exponere .. »
Rymer, Acta public, V, 496.
161 ~ page 194 — L« Flamands idlinnipilUr Arques à dUè
de Saint^Omsr,..
c Robert d'Artois les conduisait : Par un^ mercredi malin il
manda tous les chèvetaines de son ost, et leur dit : Seigneurs,
j*ay ouy nouvelles que m'en voise vers la ville de Saint-Omer,
et que tantost me sera rendue. Lesquels sans délay se cou-
rurent armer, et disoîent l'un à l'antre : Or tost, compain :
Nous bevrons encore en huy de ees bons vins de Saint-Omer. »
Chronique publiée par Sauvage, p. 106.
16t — page 195 — Heureusement pour Edouard^ Us Brtia§m
prit feu,,.
Le comte de M ontfort étant venu lui faire hommage, c Quand
le roi anglois eut oui ces paroles, il y entendit volontiera, car
il regarda et imagina que la guerre du Roy de France en serait
embellie, et qu'il ne pouvoit avoir une plus belle entrée au
royaume, ne plus profitable, que par Bretagne; et tant qu'il
avoit guerroyé par les Allemands et .les Flamands et les Bra-
bançons, il n 'avoit fait fors que frayé et dépendu grandement
et grossement ; et l'avoient mené et démené les seigneurs de
l'Empire qui avoient pris son or et son argent, ainsi que l'a-
voient voulu, et rien n'avoient fait. » Froissart, ann. 1341» il,
p. 20. Los lettres par lesquelles Louis de Bavière révoque le
titre de vicaire de l'Empire sont du 25 juin 1341.
163 — page 199 — Monfort avait pour lui les Bretaiu 6f«-
tonnants... ,
Froissart, t. I, c. 314. < Si chevaucha le connestable pre-
mièrement Brctigne bretonnant, pourtant qu'il la sentoil tous-
jours plus incline au duc Jehan de Monfort, que Bretagne gal-
lot. > — « La dame de Montfort tenoit plusieurs /orteresses en
APPENDICE. 405
Bretagne brclonnant. t — Le comte de Montfort fut enterré à
Quimpcrcorontin Sauvage, p. 175.
164 — page 199— Vadver$airê tU Montfori, Charles de Bioif,
n'était pas moins qu'un saint. .
Procès-verbal et informations sur la vie et les miracles de
Charles duc de "Bretagne , de la maison de France, etc. Ms. de
la Bihl, du Roi, î vol/in-foL tio 5381. D. Morice, Preuves, t. Il,
p. 1, en a donné l'extrait, d'après un autre manuscrit. ^ 24^
témoin. Yves le Clerc, t. I, p. 147 : > Non.mutabat cilicem
saum, dum fnisset tanto plénum pediculis, quod mirum erat,
et quaudo cubicularius \olebat amovere pedicdios a diclo ci-
lice, ipse dominus Carolus dicebat : ■ Dimiltatis, nolo quod
aliquem pediculum amovcatis, > c et dicebat quod sibi malum
non faclebant^el quod, quando ipsum pungebant, recordaba-
lur de Deo •...
Quand il priait Dieu, il se baltdit furieusement la poitrine,..
t In tantum quod adstaniibus vidcbatur quod a sensu alie*
nains erat, et color vultus ipsius mutabatur de nalurali colore
in viridem. » 17» témoin, Pagan de Quélen, t. I, p. 87.
165 — page 200-- Montfort se rendit^ et contre la capitulation
fut enfermé à la tour du Louvre..,
La chronique en vers de Guillaume de Saint-André, conseil-
ler, ambassadeur et secrétaire du duc Jean lY, notaire apos-
tolique et impérial, ne laisse aucun doute sur la duplicité dont
on usa envers lui. Boujoux, 111, p. 178.
166 — page 202 — Les fabricants soutenus par ArtevelJe,
écrasèrent les owsriei^s...
4 Malus dies lune (Den quaden macndahj .. Pugnabant lex-
lores contra fullones aeparvum quœstum. Dux tcxtorum Gerar-
dQS erat, quibus et Artevelda accessit. » Meyef, p. 146. » Les-
quels ayant occis plus de quinze cents foulions, chassèrent les
antres dudict mesiier hors de la ville, et réduisirent ledict
mestier de foulions à nrant, comme il est cncoircs pour le
jonrd'bni. • Oudcgb. f. Ï7Î.
406 . APPBimiCB.
167 — page 2d3 «- Arteveldê fut tui...
c Quand il eut fait son tour, il revint à Gand et entra en la
ville, ainsi comme à l'heore de midi. Ceux de la ville qui bien
sa voient sa revenue, étoient ^semblés sur la rue par où il de-
voit chevaucher en son hôtel. Sitôt qu'ils le virent, ils odtai-
mencèrent à murmurer et à bouter trois tètes en un chaperoa,
et dirent : c Voici celui qui est trop grand maître et qui veut
ordonner de la comté de Flaadn à sa volonté; ce ne fait mie à
souffrir. »... Ainsi que iacques d'Àrlevelle cbevauchoit par la
rue. il se aperçut tantôt qu'il y avoit aucune chose de nouvel
contre lui, car ceux 4ui se souloient incliner et ôter leurs
ehaperons ooatre lui» lui tournoient l'épaule, et rentroienten
lours maisons. Si se commença à douter; et sitôt qu'il fut des-
cendu en spn hôtel, il fit fermer et barrer portes et huis et fe-
nêtres. A peine eurent ses varlets ce fait, quand la rue où il
demeuroii. fut toute couverte, devant et derrière, de gens,
spécialement de menues de métier. Là fut son hôtel environné
et assailli devant et derrière, et rompu par force. Bien est voir
(vrai) que ceux de dedans se défendirent moult longuement
et en altcrrèreni et blessèrent plusieurs ; mais finalement ils
ne purent durer, car ils étoieut assaillis si roide que presque
les trois quarts de la ville étoient à cet assaut. Quand Jacques
d'Artevelle vil TefForl, et comment il étoil oppressé, il vint à une
fenêtre sur la rue, se commença à humilier et dire, par trop
beau langage et à un chef : « Bonnes gens, que vous faus? Que
vous meut ? Pourquoi êtcs-vous si troublés sur moi ? En quelle
manière vous puis-je avoir courroucé? Dite&-le moi, et je la-
menderai pleinement à votre volonté. > Donc répondirent-îls,
à une voix, ceux qui ouï l'avoienl : c Nous voulons avoir
compte du grand trésor de Flandre que vous avez dévoyé sans
titre de raison. • Donc, répondit Artevelle moult doucement:
a Certes, seigneurs, au trésor de Flandre ne pria-je onoques
denier. Or vous retraiez bellement en vos maisoftS, je voas ea
prie, et revenez demain au matin ei je serai si pourvu de voaa
faire et rendre bon compte que par raison il \^oaa devra
sufiire. » Donc répondirent-ils, d'une voix : « Nennin, nennia,
nous le voulons tantôt avoir; vous ne nous échapperez miia
ainsi : nous savons de vérité que voas l'avez vidé de piéça, et
APP8N0ICB. 407
«nvoyé en Ai»gleterre, sans noire sçn, pour bquelle canse il
TOns faot mourir. » Quand Àrtovclle onil ce mot, il joignit sea
mains et eommança pleurer moult teodoemeni, et dit : c Sei-
gneurs, tel que je suis vous m'avez fait, et me jurâtes jadis que
contre tous hommes vous me défendriea tt gardorioa; et main*
tenant vous me voulez occire et sans raison. Faire le pouvez» si
vous voulez, car je ne sais que un seul homme centre vous tous»
à point de défense. Avisez pour Dieu, et retournez an temps
passé. Si considérez les gr&ces et les grands courtoisies que
jadis vous a faites. Votis me voulez rendre petit guerredon
(récompense) des grands hiens que au temps passé je vous ai
faits. Ne savez*vou8 comment toute marchandise étoit périe en
ce pays? je la voua reconvrai. Ko aprèsi je vous ai gouvernés
en si grande paix, que vous avez eu, du temiK de mon gouver-
nement, toutes choses à volonté, blé$> laines, avoir, et toutes
marchandises, dont vous êtes recouvrés et en bon point. •
Adonc commenceront eux à crier tous à une voix : « Descendez,
et ne nous sermonez plus de si haut; car nous voulons avoir
compte et raison iani6t du grand trésor de Flandre que voua
avez gouverné trop longuement, sans rendre compte; ce qui
n'appartient mte à nul officier qu'il reçoive les biens d'un sei-
gneur et d'un pays, sans rendre compte. • Quand ArteveUe vit
.qne point ne se reCroidiroieni ni refroneroient, il recloui
(referma) la fenêtre, et s'avisa qu'il videroit |»ar derrière, et
s'en irait en une église qui joignoit près de son bétel éloit jit
rompu et effondré par derrière, ety a«oit plus de quatre cents
personnes qui tous tiroient à l'avoir. Finalement il lui pris
entre eux et là occis sans merci, et lui donna le coup de la
mort un tellier (tisserand) qui s'appeloit Thomas Denis. Ainsi
fioa Artcvcllc, qui en son temps fut si grand maître en Flandre:
poures (pauvres) gens i'amontèrent (relevèrent) premièrement,
et méchants gens le tuèrent en la parûn. • Froissart, U, S54*9.
168 — page 203 — Si l'on en croyait l'invraisemblable récit
de Froiêêartf etc.,,
• Si singlèrent ce premier jour à l'ordonnance de ttev, du
vent, et des mariniers, et eureilt assez bon exploit pour aller
Tcrs Gascogne on le roi tendoit aller. Au tiers jour... îe vent lea
7
j
I
406 . kfwaoÊa.
<
167 — page "2«» — Àrtcnldê f%t tui..^ g
c Quand il eut fait son lour, il ret*; |
ville, ainsi comme à l*heure de mi(V ^ ^
sa voient sa revenue, étoient ^se^' f ^ 1-
voit chevaucher en son hôtel.y i î ^%
< h
•^
mencèrent à murmurer et à I ^ ^> . .
et dirent : t Voici celui qa^j/fs > T %% *
ordonner de lu comté de '^jl '^t i i ^
souffrir. »•.. Ainsi que ;^ i ^i
rue. il se aperçut tar /| / -•^«-
contre lui, car ceu * i ^
chaperons ooaire i / ^ ' .,. :,: "''^^":*'' ^°"» ««
laurs maisons. SV ' .ntu^r, AT ? ^'""'°^^^ -
ceodtt en son h^ ^^lentureux de toutes choses, les
nèlrcs A neir richesses . riches bourgeois , chevanx.
demeuroit -outeis, et les plus beaux bœufs du inonde
spéciale»; .;^", P*y^-; ^:"'^-' "• P- ^^^- -• ^^^^i^rem
elassaill' '* ^ ''^ ® P"^ ®^' "^^"^ ®^ riches jovaux.
(vrw^ r trouvèrent si grand foison , que garçons n'avoienl cnrc
et en ^^''* ^^^^^^^ ^® ^'*^'** * Ibidem. - t El furent les Angloisde
oe r f'^^^^^ ^*®" seigneurs trois jours et envoyèrent par barges
le A^' '^'"'^ ^"^"* ^™P*' joyaux, vaisselle d'or et d'argent cl lou-
^ jff autres richesses dont ils avoient grandfoison jusques à Icw
^sse navie; et eurent avis par grand^deliberation que leur
„avîe à (avec) tout le conquetet leurs prisonniers ilsenvcproienl
«rrière en Angleterre. • Ibid., 320. - « El lrouva.t^)n en ladite
ville de Saint-Lo manants huit ou neuf mille que bourgeois, que
gens de métier... on ne peut croire a la grand'foison de draps
qu'ils y trouvèrent. > Ibid.. p. 31 1 .— bouviers adonc cloil «ne
des villes de Normandie ou Ton faisoil la plus grande plenlé de
draperie etetoit grosse.riche et marchande mais point fermée...
et fut robée et pillée, sans déport c^ conquirent les Anglois très
grand avoir, i ibid., p. 523.
170 - page m - Pour animer set gène, Edouard dkœmt
à Caen un acte, etr.,.
iaST' '"• ^^ '• P- ^®- ~ '** ^"^^^^-^^ PW^-n» de fournir
4O0O hommes d armes, £0.000 de pied dont 5000 arbalétriers
0.
APPENDICE. 409
<^ excepté 1000 hommes d'armes que le
'ait choisir ailleurs, mais qui seraient
Vohligeaient à entreteair ces iron-
"" semaines. Si l'Angleterre est con-
% x)nne appartiendra dès lors au
W%» ^^^^ ^^' Anglais nohies et ro-
«V '^?*«^^5{i. *^^ églises, barons, nobles, et
'^/.'%^ ^^ "* -«ppartenant au pape, à
V. '»t*^ '^ ^* seront point com-
v/fîi^ -ary rapporte cet actç en
"^^ -«it-il, à Caen, 1346. — Ce lan-
.ddcde la conquête, s'accordent mal
.a Edouard trouva le pays.
page 206 et suiv. — Bataille de Crècy...
il n'est nul homme qui pot accorder la vérité, spécialement
de la partie des François, tant y eut pauvre arroy et ordonnance
en leors conrois (dispositions), et ce que j'en sais, je l'ai su le
plus... par le gens messire Jean de Uainaut, qui fut toujours de
lei le roi de France. » Froissart, 111, 357.
Ln gens du roi de Bohême lièrent leurs chevaux au sien^ etc...
FnHSS. 1, e. ccluxtui, p 363. U y a là un vieil usage barbare.
Voyez la Germania de Tacite, et les récits de la bataille de Las
navas de Tolosa.
Le ehaenp de bataiUe de Crècy,,.
Froissart, e. ccxciu, p. 373. — Ibid., H, p. 375-380 : ■ Si en
eut morts sur les champs, que par haies, que par buissons,
ainsi qn'ils foyoient, plus de sept mille .. Ainsi chevauchèrent
ceUe matinée les Anglois qoerants aveniures et rencontrèrent
plusieurs François qui s'étoient fourvoyés le samedi, et met-
toient tout à l'épéc, et me fut dit que des communautés et des
gcos de pied des cités et des bonnes villes de France il y cu
eat mort ce dimanche au malin, phis quatre fois que le samedi
que la grosso bataille fut... Les deux chevaliers messire Regoault
de Cobham et messire Richard de Stanfort dirent que onze chefs
de princes étoienlr demeurés sur la place, quatre-vingts banne-
rcts, douze cents chevaliers d'un écu, et environ 30,000 hommes
d'autre» gens. »
41 0 APPENDICE
172 — page 209 — Les villes maritimei é^ Angleterre dtm»èrrmi
un9 flotte à Edouard..,
Quelques villes de rintérîeur contribuèrent aussi, mais dans
une proportion bien différente. La puissante ville d'York donna
un vaisseau et neuf bommes. Andersen^ I, 322.
173 — page 209 — Autour de Calais, Édawtrd bâtit vnevWe..,
c Et fit bàlir entre la ville et la rivière et le pont de Hieulai
boiels et maisons et couvrir lesdites maisons qui etoieut assises
et ordonnées par rues bien ei facilement d^estratn (paille) et de
genêts, ainsi comme s'il dut là demeurer dix ou douze ans, car
telle étoit son intention qu'il ne,s*en partiroit par biver ni par
été, tant qu'il l'eut conquise. » Froiss., p. 38S.
Cinq cents personnes moururent de misère et de froid, entre la
ville et le camp...,
Knyghton, De event. Angl., L IV. Froiasart dit au coatzaire
que noD*8eulement il ie& laissa passer parmi son ost, mais en*
core qu'il les ût dîner copiousemeat. Il» p> 387.
174 — page 210 — Les ^ens de Tournai emportèrent
une tour...
« Si s'avancèrent ceux de Totirnay, qai bien étaient
cents et allèrent de grande voloaié celle part. Geax de dedans
la tour en navrèrent aucuns. Quand les compagnonsde Toumay
Virent ce, ils furent tous courroucés, et se mirent de grande vo-
lonté à assaillir oes An g. aïs. La eut dur assavt et grand, ci moalt
de ceux de Tournay blessés, mais ils ûreni tant que par force et
grand apperiise de corps, ils conquirent celle tour« De quoi lea
Français tinrent ce fait à grand proaaeases. «Froisa., U, p. 449.
175 — page 211 — Les Anglais heAssaient morteUeêienî Ife Ca-
laisiens, comfne marins, comme corsaires. . .
Villani, qui devait être trèshbien instruH des affaires de Prince
par les marcbands florentins et lombards, dit expresaément
qu'Edouard était résolu à faire pendre ceux de Calais càmmepireh
tes, parce qu'Qs avaient causé beauea^ip de dcmmmges mtx Anglais
sur mer. Villani , 1. 12, c. 93. — M Dacier a comparé les récits
divers des historiens (Froissa rt, 111,466-7). Voyez aussi une dîa-
APPBNDICB. 4H
scrlation de 11. Bolard,coaroanéeparla Sociale des antiquaires
de la Moriaie. -^ Aueao critique, que jo sache, n'a senti toute
la portée du passage de Villa dî.
176 — page Hit — Cette grande œUon te fU lam em^Umeni...
Cest peut-être pour cela qic les historiens eontempocains ne
désignent point Eostache de Saint* Pierre elsos compagnons,
lorsqu'ils font mention de cette circonstance : « Bargcnses pro-
cedebant cum simili formai hahenles fnnes singnli iu manibus
suis, in signum quod reil oos hkqooo lospenderet velsalvaret ad
voluntatem suam. » Knyghton. Le récit de Thomas de la Moor
s'accorde avec cet hislorien. Villani dit qu'ils sortirent nus en
chemises, et Robert d'Avesbory qa'Êdouard se contenta de rete-
nir prisonniers les plus considérables. Tontes ces données réu-
nies forment les élémenls du dramatique récit de Froissart.
177 — page tlî, noie t — Piuêieurs Calainem se Ummirmit
attx Anylait^ enti'eemtm Eusîathe de SQifU'Pi$rre*.<,
Par des lettres du B octobre 1347, deux mois après la reddition
de Calais, fidouard donneà Bastache une pension considérable en
attendant qu'il ait pourvu plus amplement à sa fortune. JUes mo-
tifs de cette grftee sont tes services qu'il devait rendre soit en
maintenant le bon ordre dans Calais, soit en veillant à la garde ,
de celte place. D'antres lettres du même jour lui accordent la
plupart des maisons et emplacements qu il avoit possédés dans
cette ville et en ajoutent quelques autre». V. Frois., 11, o. 473.
178 — page 2i3 — ... qf**il chasêdt U renard.,.
Ce caractère du fox-huter anglais n'est pas moderne. Voy. an
l. IV, l'entrée d'Henri V à Paris.
179 - page 214 -^ Ce$ décimes arrachés au clergé, les nobles eu
avaient bonne part, ,
« mis autem diebus (1346) levabat domiuusrei décimas eccle-
siarum de voluntate domini pape... et sic infinité pccuniœ per
diverses cautclaslevabantar, scd rcvcra quanto plures nummi in
Francia per taies extorquebantur, tanto magis Oominus Rcx de-
paupeiabalur ; pecunie miliiibus multis et nobilibus,ut patrtana
412 APPENDICE.
et regnum juvarent et defensarent, contribuebanta^, sed omnla
ad usas inutiles ludoruin.ad taxilloset indeeeotcs jocos.contuina-
ciler exponebantur. • Conlin. G. de Ijiangis, p. 106.
180 — page 216 — Narbonne avait diminué^ çlc.^
Narbonne demande qu'on lui allège les contributions de
guerre : • L'inondatioita de l'Aude nous a extrémemeat incom-
modes, et le nombre de feux est diminué de cinq cents depuis
quatre à cinq ans; plusieurs habitants sont réduits à la mendi-
citét ele. > D. Vaissette» Hist. de Lang., IV, 231.
181 — page tl7 — La pest$ noire fut terrible à Pari»..
Contin. G. de Nangis, p. 110, et i« tradueleur contemporaim de
la petite chronique de Saint-Denùf nu. Coaelin^ n. liC^iM. Big.
— c Ad sepeliendos mortuos vix sufficere poterant. Pairem
filius, et filius patrem in grabato relinquebat. t Coniim. Cam,
de S. Victore^ m«. Bibl, Reg,, n. 818, petit tfi-4<*.
Elle tua dans Strasbourg 16,000 hommes qui se crurent dam-
nés . .
Voyez, entre autres ouvrages, la thèse remarquable de
M Schmidt de Strasbourg, sur les mystiques du xiv« siècle.
132 — page 218 — Les ftagetlants chantant des eantiquês qu*on
n*avait jamais entendus, . .
« Novitcr adînventas. > Contin. G. de Nangis, III. — M. Ma-
lurc, bibliothécaire de Poitiers, a publié un cantique fort
remarquable que les frères delà Croix avaient coutume de chan-
ter dans leurs cérémonies :
Or ayant, entra nous tous frèrei
Battons no^ charognes bien fort
En remembrant la grant misôre
De Diea et sa piteuse mort.
Qui fut pris en la gent amdre
Et yendus et trali à tort.
Et battu sa ehar Tierge et dire...
An nom de ce, battons plus fort, etc.
183 — page 221 — Les jouissances égoïstes qui suivent les gran»
des calamités ..
APPENDICE. 443
Thucydide nons a retracé le même effet dans la description
de la peste de l'Attiquo. Il exprime aussi un remarquable pro-
grès du scepticisme, lorsqu'il rappelle la fausse interprétation
donnée aux paroles de Toracle (Xifù;, faim, pour Xciubç, peste).
« Ceux qui restaient, hommes et femmes, se marièrent en foule. »,t
c ... Sed quod supra modum admirationem facît, est quod
dicti puerî nati post tempùs illud mortalitatis supradictœ, et
deinceps dnm ad selatem dentium devenerunt, non nisi viginti
dentés yel viginti duos in ore communiter habuerunt, cum
ante dicta tempera homines de commiini cursu triginta duos
dentés et supra simul ih mandibulis habuissent > Contin.
G. de Nangis, p. 110.
■
181 — page t23 ^ Modes nouvelles en France et en Angk~
terre...
Cfaaucer, 198. Gaguin, apud Spond. 488. Lingard, ann. 1390«
t. IV, p. 106-7 de latrad.
Robes courtes, etc . . .
« Ad fugiendum coram inimicis magis apti. « C. G. de Nangis,
p. 105.
185 ^ page 225 — Laure est épouse, elle est mèrsy elle vieillit,
toujours adorer..,
€ Non tam corpus amasse quam animam... Quo illa magis în
aelate progressa est... oo ilrmîor in opiniope permanst; et si
enim visibiliter in vere flos tractu temporis languesceret, nnimi
deeus augebatur... » Pétrar., p. 356. Il semble qu'il ait reconnu
plus tard la vanité de ses amours : c Quotiens tu^ipse... in hac
civilalc (quœ malorum tuorum omnium non dicam causa, sed
officina est), postquam tibi convaluisse vldebaris... pcr vicQs
notes incedens ac sola loconim facie admouilus vetcrum vani-
tatum, ad nullius occursum, stupuisti, suspirasti, subslilisli,
denique vix lacrymas tenuisti, et mox semisaucius fugicns di«
xisti tccum-: Agnosco in his locis adhuc latere nescio cj^uas an-
tiqui hostis insidias; reliquiœ niorlis bic habitant... ■ De Cent,
mundi, p. 360, cd. Basile», 15Si. ^ Voyez aussi, entre autres
ouvrages relatifs à Pétrarque, les Mémoires de l'ahbé de Sadcs,
l'ouvrage récent, intitulé, Vîaggi di Pctrarcha, l'article de la
Diographie universelle, par M. Fotsset, etc.
4U IPPJENIUCB.
»
A la nouvelle de $a morf, Pétrarque içrinil ceJUe nele tOMokante
sur son Virgile.,.
c Lattre, illustre pur ses propres vertus, et longtemps célé-
brée par. mes vers, parut^ pour la pfemièro fois à mes yeux,
au premier temp ' de mon adolescence» Tan 1327, le 6 du mois
. d'avril, à la première heure du jour (six heures du malin), dans
l'église de Sainte-Claire d'Avignon» et. dans U mène ville, an
même mois d'avril, le mémo jour 6, et à la même heure, l'ao
1348^ cette lun^ièro fut eiilcyée ^n monde, lorsque j'étais à
Vérone, héJas' ignorant mon trisle sort. La malheureuse noo-
velle m'en fut apportée par une lettre de mon ami Louis : elk
me trouva à Parme, la môme année, le 19 mai, au matia. Ce
corps si chaste et si beau fut déposé dans l'église des Frères-
. Mineur», le soir do jour même de aa moit. So» 4ne, je n'eo
doute pas, est retournée au ciel, d'où elle était venue. Pocr
conserver la mémoire douloureuse 4e ceUc perte» j'^p<«aTe qq
certain plaisir mêlé d'amertume à écrira ceci; d je ('écria pré-
férablement sur ce livre, qui revient sçuy^ ^ mes yeux, aio
, qu'il n'y ait plus rien qui me plai^ d/ms ceUe vie« et \m^ mon
lien le plus fort étant rompu, je sois averti, par la vue fré-
quente de ces paroles, et par la juste appréciation d'une \ie
• fugitive, qo'i) est temps de sortir de Bàbylone ; ce qiit, a^c le
secours de la grâce divine, me deviendra facile par la eoolett-
ptation nftle et cowragenae des BOflns soperfiss, dei vaines es-
pérances ot des é%yéncincDts ioatteDdus q^ti m'ont i^té pea-
dant le teaaps que j'ai passé sur )a terre. • IVad. 4e X. FoissK.
Biogr. iiniv., IXXl, p. 467.
186^^ page 225— Le poêle avait vu pirir toutes ses espérances. . .
c Que faisons-nous maintenant, mon frërç^ Tiou3 avons icot
éprou' é, et nulle part n'est 1^ repos' Quand vlendra-t-il ? où le
chercher? Le temps nous fuit, pour ainsi dire entre les doigts,
nos vieilles csjjc^rance^ dorment dans la tombe de nos amis.
L'an 13i8 nous a isplés, appauvris,. non point 4e, ces richesses
que les mers des Indes, ou de Carpathie peuvent renouveler ....
Il n'est qu'une seule consolation; nous suivrons ceux qui nous
ont devancés .. Le désespoir me rend plus calme. Que pour-
rait craindre celui qui tant de fois a lalté contre la mort:
• Una saluftTioM«au^mrsper<ar.»5al«l<4a.
APPENDICE. 41 ^
Tq me Terras de jour en jour agir filits d'Aae, parler avec pi«fr
d'âme; et si quelque dîf dc sojet s'offre à ma plume* ma plume
sera plas ferte. > Peirareb., Kpni. fam. Pref., p 570.
{37 . page 226 ^ Lorsqu'à se rendit à Napkt, la nim Jeanne
avait succédé à Robert, etc.
« Ita me Regin» Junioris nnvique Regfs adolescentia, ita lapc
Régine alterioaœlas et propositnm; ita me tandem territant au-
licofum iogenia equosduos multonim custodis lu porum cré-
dites tideo, regnnmqiie sine rege... • p. ^9. c Neapolim veni,
Reghiasadii et regînamm consiHo interfot. Froh ^udor! qaale
monstrnm. Auferat ab lialico cœlo Deos genus hoc pestis... •
Ibid , p. 640-1. -^ « Kocturnum ilar hic non secua atqua inlcr
dcDsissîmas silvas, aneeps ac periculis plcnam^ obaideniîbas
Tîas nebilifoos adelesoentalis armatis... Quid miri est .. cam
lace média, inspectai! tibns regiboa ac populo, infamis i&e gla-
dîaiorins ludva in orbe itala. calebretsrt plttsqnam barbariea
ferîtate .. > Ibid., p. 64S^6.
188 — page n% — Il terif^ité Rietixi une hitr$ 9ri$t$ al in-
quiète. . .
< Gare, obsecro, speciôsissimmn famé ta» frontem, propriis
nanibas deformare. NalH fas homioum est nisi tibi uni rerum
tiiamm fnndamenta eonvellere, tu potes evcrtcre qui fa ndasti...
ttondus ergo le videbit dc foonorum duce satellitem reprobo-
mm... Examina tecam, net te fallas, qui sis, qui fueris, unde,
quo Toneris... quam personam indoeris, quod nomen assump-
seris, quam spem tnî feceris, quîd professas fueris, tidabis le
non Dominpm Rcfpttblieae, sed ministnim. » Ibid., ^. 677 •^.
189 ^ page tS8 — Le roi Jean créa l'ordre de VÊiaik...
c En ce temps ordonna le roi Jean une belle compagnie sur
la manière de la Table ronde, de laquelle dévoient être trois
cents chevaliers des plus suffisans et eut en conventVe roi Jean
aux compagnons de faire une belle maison et grande à son
eoflt de les Saint-Denis, là ot Ions les eompagnoiis daveicni
repairerà tOQies les fctes solemnelles de Tan... et leur eonvc-
Boii Jurer qao jnmafs ils ne fuiroicnt en bataille pins Iota de
416 APPENDICE.
quatre arpents, aîoçois mourroient on se rendroient pris... Si
fut la maison presque faite et encore est elle assez près de Saint-
Denis; et si- il avenoit que aucuns des compagnons de r&loile
en vieillesse eussent mestier de être aidés et que iU fussent
affotblis de corps et amoindris de chevance, on lui devoit faire
ses frais en la maisoli bien et honorablement pour lui et pour
deux varlets, si en la maison vouloit demeurer. * Froiss. III.
53^58.
190 ^ page 229 — Altération dei monnaies par le roi Jean,,,.
Leblanc, 4'raité des monnaies, ibid., p. 261. Jean avait d'a-
bord cherché à tenir secrètes ces honteuses falsifications; il
nandaît aux officiers des monnaies : « Sur le serment que vovs
avez au Roy, tenez cette chose secretle le mieux que vous pour-
rez... que par vous ne aucuns d'eux les changeurs ne autres ne
puissent savoir ne sentir aucune chose; car si par vous estsça
en serez punis par telle manière, que tous autres y auront
exemplb. » (24 mars 1350) ...c Si aucuq demande à combien les
blancs sont "ûe loy, feignez qu'ils sont à six deniers. » Il leur
enjoignait de les frapper bien exactement aux anciens coins :
c Afin que les marchands ne puissent apercevoir rabaissement
à peine d*estre déclarés traîtres. > Philippe de Valois avait osé
aussi autrefois de ces précautions, mais à la longue .il avait été
plus hardi et avait proclamé comme un droit ce qu'il cachait
d'abord comme une fraude. Jean ne pouvait être moins hardi
que son père, c Jasoit, > dit-il, c ce que à nous seul, et pour le
tout de nostre droit royal, partout nostre royaume apparliègne
de faire teles monnoycs comme il nous plaît, et de leur don-
ner cour^. • Ord. III, p. 556. Et comme si ce n'était pas le peu-
ple qui en souffrait, il donnait cette ressource pour un revenu
privé qu'il faisait servir aux dépenses publiques c desquelles
sans le trop grand grief du peuple dudit Royaume nous ne
pourrions bonnement fmer, si n'estoit pas le domaine et reve-
nue du proufiit et émolument des monnoycs. Préf., Ord. IIL
191 — page 231 et suiv. — Jean demandant aux ÉtaU son droU
de joyeux avénementy te montra faeite à letive réclamations^ cic...
Ord. H, p. 39a, 15» et 447-8. - Ord. Il, p. 408, 27^ - Oni.
APPENDICE. 417
II, p. 344. — Ord. II, p. a50. - Ibid., p. 422, 432, 434. « Let-
tres par lesquelles le Roi dcffend que ses gens n'emportent les
matelats et les coussins des maisons de Paris où il ira loger. »
Autre ordon., 435-7. ~ Ord. 111, p. 26-29. — Ord. lU, p. 22 et
seq. Froiss.^ 111, c. 340, p. 450.
192 — page 233 — Les Anglais coururent le Languedoc, eic».
c Sachez que ce pays de Carcassonnois et de Narbonuois et
de Toulousain, où les Anglois furent on cette saison, étoit en
devant un des gras pays du inonde, bonnes gens et simples
gens qni ne savoient que c'étoit de guerre, car oncques nefu-
rent guerroyés, ni n'avoient été en devant ainçois que 1c prince
de Galles y convcrsast. • Froissart, III, 104.— < 'Ni les Anglois
ne faisoient compte de peines (velours) fors de vaî^fScUe d*ap«
gent ou de bons florins. > Ibid., p. 103. iix addit. « Si fut
tellement pararse (brûlée) et détruite des Anglois que otcques
n'y demeura de ville pour héberger un cl>eval, ni à peine ^-
voient les héritiers, ni les manants de la ville rasseaer (assigner)
ni dire de voir (vrai : f Ci sits mon héritage. — Ainsi fut-elle
menée. > Ibid , p. 120.
193 — page 235 — BatailU de Poitiers,..
c Sitôt que ces gens d'armes furent là embattus, archers
eommencèrent à traire à exploit, et à mettre main en œuvre &
deux côtés de la haye, et à verser chevaux et à enfiler tout de-
dans de ces longues sajètes barbues. Ces chevaux qui traits
esloient et qui les fers de ces longues sajètes scntoicnt, se ressoi-
gnoient, et ne vouloient avant aller, et se tourooient l'un de
travers, l'autre de costé, ou ils chcoient et trébnchoient dessous
leurs maîtres. > Froiss., c. ccclvi, p. 202-206. ~ Les archers
d'Angleterre portèrent très-grand avantage à leurs gens, et trop
ébahirent les François, car ils traioicntsi omniement et si épaisse-
nient,qae les François ne savoient de quel cosié entendre qu'ils
ne fussent atteints du trait. • Ibid., c. ccclvh, p. 204. — Dit
messire Jean Cbandosau prince: c Sire, sire, chevauchez avant,
la journée est vostie. Dieu sera huy en vostre main ; adressons-
nous devers vo-stre adversaire le roi de France; car cette part
gU tout le &orl de la besogne. Dion sçais que p.;r vaillance, il
111. 27
413 AP.^X^fDlCB*
ne fuira point; si vous <lcmciircra, s'ilplaltà Dieu cl à sai«i
George. . > Ces paroles é?ertttferent si le prince, qu'il dil toat
en haut : • Jean, allons, allons, vous ne me verres mais hny
retourner, mais toujours chevaucher avant. • Adoncquesi, dit à
sa bannière : « Chevauchez avant, banmère, au nom de Dieu el
4e saint Georges. > Ibid., c. ccglvui, p. 205.
Trois fUs du rovs$ retirèrent par Vordrtdeienr pèr9^i^
Je suis ici le cottiiAualeur de QuiUaiime de Kaogis de préfet
ren«e à Ff oissart. Voyez l'importanle ietlredu<«omle d'Armm-
gnac, publiée par. M. Lacabane, dan» son exceUtat* ariUa
Charles^, Diclionnaire de la Conversation.
Jeai domta wrdre aux eieue de metire pMà ierrê..^
Froissart a'y voit que le côté chevaleresque : c EA ne monlm
pa» semblant de fuir ui de reculer qoiiad il dit àses hooMMs :*
c A pied! à pied! « Et fit deacendce tous ceux qui à dicval es-
toiûttt, ei il mesme oe mil à. pied devant itous'iesistens, «oe
haobe de guerre en ses mûns^ et fit passer avant tesibanatères
au nom de Dieu ei devint Deays. y Uiid*, c* eocas, p. âiL
194 «-page 237 — VineoUnte courtoisie des AngtaïK,,
t Si éloit le roi de France monté sur un grand blanc cour»
•sier, très-bien arréé et appareillé de lout poi«i, et le prince de
Galles sur un^ petite baquenée uoîm de iès^ hiL Aiasi< fut-ii
convoyé tout le longde.la eité de Londree*;. > Froias^^'C
xcGLXxv, p. ,367^8 *-* «- Un peu ipuèt lut le >roi 'de4hrftooe«
traaalaAé de l'hôtel. de Savoie et remk'att chasiel: de Winisor-,
et tous ces hoatels«i gens. Si alloit.voler,> chasser; tdéèulneel
prendre tous aes- esbattwnent» environ .Windsor,. Ainsi tpiik lui
plaisoît. ft Ibid., p. i69i
195'-^ pag«»i38 '^- Mai^e$ifmiifiePa/h..;
« Sur la rive gauche,- ies progrès- de 'ia poptrhtfon n'ayant
^u^po éid sensibles, il n'y ont qu'à réparer ies murailteâ et A les
retuler-de deux. ou trot» cents pas. Mafs-sur la rive' droite, où
les Parisiens se portaient de préféi'enee, Marcel dut ordonner
qu'on eonstrmi«lt une muraiHe flanquée de tours. Cette muraille,
partant de la jfK)rle Barbette, sur le quai des Ormes, passait par
i' Arsenal» les rues Saint-Anloine, du Tempie, 5aint Martin»
ÀPFENOICB. 449
Saint-Denis, Hontinsrtee. des Fosséfi-Montmtrtre, la plaoe^ des
Victoires, l'Hôtel de Toulouse>(la Banque actaoUe),le iardin du
Palais-Royal, la rue Richelieu, et arrivait à la porte Sfiint*
Honoré par la rue de ce nom, et jusqu'au bord de la Seiqe^ Sur
les #eux rives du fleuve, des bastilles furent con^ruitea pour *
protéger les portes» et l'on, fortifia d'un .fossé i'ile Saint-'Loaisv
qu'on appelait en ce tempfr-U l'Ile NotrenDame, afin qu'elle pàt,
dansle besoÎAf^devonip ua(lieii.de xelugeiponr ie».habiJbants de. ..
Paris.
« Ces tra\'aux, poussés avee une* activité extrême, se-eonU-.
nuèrent durant quatre années» et co6tèrenl cent qttfdre-viagt^.
deax mille cinq cent vingt livres pariais, qui font huit. cent
mille livres de notre monnaie, somme énorme pour ce tempsr -
là. Tout l'honneuren' revient à Ëtienae Xaveel; à ^e épeqvo
où Paris était si aouveat menaeé, pefsofln«w>«yaEt iui,. n 'avait ■
pensé qu'il fût nécessaire de le mettre en étsA «le^défianse.^ ■
Pemns, Etienne llareel,.page 80 (.1860).
196 -^ page 240 — Paris^ enlre le Louore et U Temple...
Le parloir aux bourgeois^ siège des délibérations des écbevins, .
était situé aux environs du Cbàtelet. Marcel acheta aux frais de
la municipalilé, en 1357, suf la place de Grève^ Tbôtel au Dau-
phin ou la maison aux- pHiers. L'Hôtel-derYiUe. actuel ne fut ,
commencé qaen i525.^>..
197 — page 244 ■— Paris voyait arriver par totUes ses portes
lu patfsans avec leurs fainilles, etc.. .
< Duce Normandiae, qui rcgnum jure baereditario... defcn'dci^e
et regcre tenebatur, nulla remédia apponeute, magna [ars
populi rusticani .. ad civitatem Parisiënsem... cum uxoribus et
îiberis .. accurrere... Nec parcebatur in hoc Rellgiosis quibus-
cumque. Propter quod monachi et moniales .. sorores de'
Poissiaco, de Longoeampo, etc. * Gontin. G. de l^angis, p li<h '
ij% — pageMi*^ 4l€éêrî Eê eo^:..
M. Perrons s'est attaché à réfuter lesiealomma foi ma/Ldbmtii •
curei ce caractère^ p. 8» 4 83,>£ii6nne Murcel (i86Q|w Voir aussi
sur Lc£oq,..la judiéieme-appcéaistàoii^iaren' faiijM.'illQAis
i20 APPENDICE.
199 — page 245 et saiv. — La remontranee des états...
Ms de la Bibliothèque royale^ fonds Dttptcy, no 646, \et Brienne,
no 376.
kss èt€Us exigeaient que le dauphin gouieemât avet l'assisimue
de trente^six élus,,.
Un document publié par M. Douet d'Arcq en donne la liste,
lorsqu'une nouvelle victoire de la bourgeoisie modifia la conn*
position de ce conseil. Le clergé obtint d'y être représenté par
Onze prélats, les nobles par six des leurs, le tiers par dix-sept
bourgeois. Bibliolhèque de TËcole de Chartes, t. II, p. 360 et
suiv. V. Perrens, page 60, Ëiiennc Marcel (1860).
D'autres élus envoyés dans les provinces pouvaieiU punir sasts
forme de procès,
t Sans figure de jugement. » Commission des trois élus des
Ëtats pour les diocèses de Clermont et de Saint-Flour. 3 mars
1356 (1357). Ordonn. IV, 181.
L'aide « ne serait levée que par de bonnes gens, ordonnés par
les États >...
c Lesquels jureront aux saints évangiles de Dieu, qu'ils ne
donneront ni distribueront ledit argent à notre seigneur le Roy/
ni à nous, ni à d'autres, si ce n'est aux gens d'armes... Et si
aucun de nos officiers vouloit le prendre^ nous voulons que les*
dits receveurs puissent leur résister, et s'ils ne sont pas assez
forts qu'ils appellent leurs voisins des bonnes villes (art. 2).
Le duc de Bourgogne, le comte de Flandre et autres nobles on
députés des villes, qui ne sont pas venus aux Ëtats, sont requis
d'y venir à la Quasimodo, avec intimation que s'ils ne viennent,
ils seront tenus à ce qu'auront ordonné ceux qui y viendront
(art. 5). »Ordon., III, 126-7.
Le droit de prise cesse.,.
Seulement, dans les voyages du roi, de la reine et du dau«
phin, leurs maîtres d'bôlel pourront, hors des villes, faire
prendre par les gens de la justice du lieu, des tables, des
coussins, de la paille, et des voitures, le tout en payant, et seu-
lement pour un jour. > Ibidem.
On défend aux magistrats de faire le commerce,,.
Défense aux conseillers et officiers de faire marchandise.
I Les denrées sont aucunes foiz par leurs mauvaistiez grande-
APPENDICE. 421
ment cnetaéries; et qui pis est, pour leur gautesse, il est peu de
personnes qui osent mettre aux denrées que euh ou leurs fac-
teurs pour eux bent avoir ou acheter... » Art. 3f . Ibidem.
Le grand Cinueil, le Parlemèni, ta chambré des Comptés, dot-
vent t^asiembter au éoléit levàni,,.
Ceci n'est pas dans Vordonnance, mais dans la Remontrance
d^à oîlëe. On y dit aussi c que ceux qui voulbient gouverner
n'étant que deux ou trois, les choses souffroient de longs dé-
lais ; que ceux qui poursuivoient la court, chevaliers, écuyers et
bourgeois, étoient si dommages par ces délais, qu'ils vendoient
leurs chevaux, et partoient sans réponse, mal contens, etc. >
Msdeïa Bihl. royale, f^mdi Dupuy^, n» 616, et Briénne, n» 276.
^200 — page 247 — La royauté ne vivait que d^ahus...
H. Perrens dit très-bien, page 11 : « 11 n'est point vrai de
dire que, pour faire contre-poids à la noblesse, le pouvoir royal
fit alliance ayec les classes populaires : il se servait tantôt de
l'une, tantôt des autres, et, à la faveur de leurs discordes,
poussait chaque jour plus loin ses empiétements et ses progrès.
Si la nation s'est affranchie à la longue, ce n'est point par son
concours, mais malgré les obstacles qu'il mettait sur sa route.
L'histoire de nos rois n'est, le plus souvent, qu'une longue
suite de conjurations qu'ils croyaient légitimes, puisqu'ils se
regardaient comme investis d'un droit supérieur pour comman-
der aux autres hommes. Que fût- il arrivé, si les successeurs de
Hugues Capet, si les Valois et les Bourbons eussent fait le per-
sonnage populaire qu'on a cru voir dans leur histoire? Selon
toute apparence, la Révolution française en eAt été avancée
de quelques siècles, et elle n'eût coûté ni tant de sang ni tant
de ruines. >
201 ^ page 248 — Dant cette dissolution du royaume, la
commune restaii viioante, . .
« Etienne Marcel donnait tous ses soins à l'organisation des
milices bourgeoises» qui existaient depuis longtemps, mais qui
manquaient de discipline. II donna à chaque quartier un chef
militaire qui, sous le nom de quartinier, commandait aux ein-
quantainiers, lesquels commandaient à cinquante hommes, el
\ 4*22 AFPSNDKE.
aux (lu«i niera qui ea commandai eni dix. Ainsi, iea ordres du
. . prévdi ' des marcliandà; communiqués diractomcnt aox qo&rle-
nier&««rôttienil par ceux-oit aux ûaquanlainiers et par les^ cin-
quankainicrs aux dizainifirs, qui pouvaient, en peu de temps,
réunir leurs hommes et se teoir prêts à ioui évéuemcnU La
cbarge de quarlinier avait pris par là nue grande importance ;
Maroel la relera encore ou la rendant élective— •
Marcel entrait en même lerapa dans les- moiodroa détails de
l'admiaistratioa- municipale. 11 e^joiot.aux. Parisiens, par une
0TdoniiaDCO,« de mainUsnirlapropseii dans le» rues, chacun
devant sa maison, et- de* no point laisser iaurs- pourceattXren
liberXé, s'ils ne les voulaient voici tuer- par dos sergcnU. »
Ces règlements de police étaient d'autant plus nécessaires
qu'à cette époque la population de Paris.s'était accrue d'an
grand nombre- d'habitants des campagn^Si qui venaient j
chercher un abri. V. p« 315.
Marcel ne ferma jamais les portes à ces malheureux, et pré-
serva Parii jusqu'au dernier moment de la famine et de la peste.
(Perrcns, Etienne Marcel, p. 139» IBQOJ
202 — page 249 — Le roi dé Navarre revint à Parh.,.
c Et mesmcmcnt le duc de Normandie le festa grandemeut.
Mais faire le convonoit, car le prévost des marchands et ceux
de son accord le. cnnortèrent à ce faire. * Froissart, III, p. 290.
203 — page 250 -— A Rouen ^ iî Kt descendre du gibet le corps
de ses amis, etc.
« Le corps du comlè'd'HarcoDrl avait déjà été enlevé depuis
longtemps. Les trois autres corps furcnl ensevelis par trois
rendus (frères convers) de la Madeleine de Rouen. Chacun de
ces corps fut ensuite mis dans un coftrc, et il y eut un qua-
trième coffre vide en représentation du comte d'Harcourl. Ce
dernier coffre fut mis dans un char à dames. » Secousse,
p. 165. — « Campanis pulsatis... sermone per ipsum regom
prius facto, ubr asbtrmpsît thcma islud : Innocentes et Tccli
adhœserunt mih! (Ps. xxiv, 2f ). » Cent. G. de Nangis!
' 204-^ pagu 250 — Le dauphin fitehaHiauBti à Paris, etc..
.Ledadphin voulait, disait* il, vivre et mourir avec eux, ks-
AmifDids. 423
g^nd&rfnes qu'il réunissait étaient pour défendre Icr rêyaume
contre les ennemis qni le ravageaient impunément par la faute-
de ceux qni s'étaient emparés dn gon^emement ; il aurait déjà
ebassé ces ennemis s'il avait eu* Cadminislralion de la finance,
•mais il n'avait pas touché un dénier ni • une maille de tout
l'argent levé par les ttata. «^ Marcel ^ «averti de i>ffet firoduit
parce discours, fit à son lonr assembler le peuple à Saint-
Jacques de rUépital. Le duc y vint» maîs< ne'put* se faire en-
tendre. ConsaCi partisan' du -pré'tôl', parla contr» k» jofficieri; il
7 avait tant de mauvaises' herbes* disait^ il, qnelea bonnes ne
pouvaient fructifier. L'avocat Jean deSninl Onde, un des géné-
raux des aides, déclara qu'une partie de l'argent avait été mal
employée, et que plusieurs chevaliers, qu'il nomma, avaient
reçu, par ordre dn duo de Normandie, 40,000 ou 50,000 mou-
tons d'or « Si comme les rooles le notoient. > Se^usse,«iiiât.
de Charles le MaiivaiSt 170,
205 — page 252 — Four encourager U$ bourgeois par la vue d9
leur nombre^ Qiz...
t Dans la première semaine de janvier, ceux de Paris or don-
nèrent que ils auroieot tous chapperons my partis de drap
rouge et pers. > Jf«. c Outre ces chaperons, les partisans du
prévôt portèrent encore des fcrmeilles d'argent mi-partiz d'esr
mail vermeil et asoré, au dessous avoit escript à èonne /in, en
signe d'alience de vivre et roorir avec ledit prévôt contre
toutes personnes. • Lettres d'abolition du 10 août f3o8»
Secousse,, ibid., p. 163.
206 - page m — * A Pûri$ In-'Vwn» if^iMNwml mr«f: et
ther$.„
c Admiraniibua'de hoc et dotentibos prspositoineraatoenmi
et civibus, quod perregentem et nobiles qui eirca eum erant
non remediabatur, ipsum pluries adierunt oxorantes... Qui
optiDie eia feeere promittebat, sed... Qninimo mugia gaudcrc d&
malis insurgentibus in populis et afilictionibus, et lune et
poatea Mobiles videbantur. > Coot» G» de Nangis, p« 116.
tO? ^ pa§e 254 L$ meurtre dêi conseillers du dauj^tin aeait
été probablement imposé au prévôt par Charles le -Alauvais,,
)••
i24 APPENDICE.
M. Perrcns objecte que le roi de Navarre n'était pas à Paris,
« il ne savait qu'à moitié ce qui s'y passait, au lieu qne Harcel
et les autres cbeCs de la bourgeoisie, voyant de leurs yeux Ica
deux maréchaux à Tœuvre, et leur opposition constante k
Tautorité des États, avaient de plus pressantes raisons de jse
venger. > Perrons, Etienne Marcel, page 188, note, 1860. — Ce
qui est certain, c'est que la mort des maréchaux fui résolue
dans l'assemblée des métiers à Saint-Ëloi, et qu'on ne voiilat
point surseoir à Texécution. — - « Quod uttnam nunquam ad
effectum finaliter devenisset. Et fuit isiud prout iste praeposîlus
cum suis me et muUis audientibus confessus est. • Conl. G. de
Nangis, p. Ii6.
208 — page 254 — Plusieurs des commissaires des Étais me
voulurent plus gouverner..,
c Or vous dis que les nobles du royaume de France, et les
prélats de la sainte Eglise se commencèrent à tanner de Tem-
prise et ordonnance des trois états. Si en laissoienl le prévost
des marchands convenir et aucuns des bourgeois de Paris. »
Froiss., III, ch ccclxxxii, p. 287. Conf. Matt. Villani, 1. VIII,
c. xxxTiii, 492.
209 — page 254 — Paris se cliargeait de gouverner la France.
La France ne le voulut pas, . .
< Rien ne peut donner l'idée de l'esprit d'opposition qui
régnait dans les provinces : les habitants relevaient avec
aigreur des détails sans importance, par exemple, le traitement
que recevaient les députés chargés de lever le subside... On
accusait Harcel et les siens de ne se servir de leur pouvoir que
pour piller le royaume et amasser des richesses immenses, i
Pcrrens, Etienne Marcel, page 141. 1860.
210 — page 255 — Le dauphin à Compiégne aux États de Ver^
mandois..,
9 Ut illos principales çccidi faceret, vel si non posseL..
expugnarct viriliter civitatem et tam diu dictam urbem Pari-
siensem... per impedimentum suorum vietualium moles tarel. ■
Contin. G. de Nangi-», p. 117. '^
APPENDICE. 425
tlt — page 2SS — Marcel envoya en Avignon huer des hri*
gands,.»
Jean Donati partit 1c 8 mai 1358 pour Avignon, portant à
Pierre Maloisel 2,000 florins d'or au Mouton, de la part de
Marcel, qui l'avait chargé de lever des brigande, et pour y
acheter des armes. — Marcel avait aussi dans Paris, dit Frois-
sart, un grand nombre de gens d'armes et soudoyers Navurrois
et Anglois, archers et autres compagnons. Secousse, p. 224-5.
V. aussi Perrens, Etienne Marcel, p. 229. 1860 : c II envoyait
de tontes parts pour enrôler des hommes aguerris et pour
acheter des armes. Mais presque partout il était victime des
malversations, de ses agents et de la mauvaise foi des merce-
naires... Marcel y vit, non sans raison, combien il lui serait
difficile de se faire une armée, et par suite, de quelle impor-
tance il était de gagner définitivement le roi de Navarre^ qui
en avait une< »
212 — page 256 — Dans cette guerre chevaleresque, etc..
c Les chevaliers et les écuyers rançonnoient-ils assez cour-
toisement, à mise d'argent, ou à coursiers- ou à roncins; ou d'un
pauvre gentilhomme qui n'avoit de quoi rien payer, le pre-
noient bien le service un quartier d'an, ou deux ou trois. >
Froissart 111, 333.
213 . page 259 — Le long de la Somme^ on comptait trente
de ces souterrains.,.
Ces souterrains paraissent avoir été creusés dès l'époque des
invasions normandes. Ils furent probablement agrandis d'âge
en âge. Une partie du lerriloire de Santerre, qui à elle scule^
possédait trois de ces souterrains, était appelée Tcrritorium
sanctœ liberationis. Mém. de l'abbé Lebœuf, dans les Mém. de
l'Acad. des inscr.» xxvii, 179.
214 -— page 259, note S — Famine de 1358...
Les ecclésiastiques eux-mêmes souffrirent beaucoup : « MuUi
abbates et monachi depauperati et etiam abbatiss» varia et
aliéna loca per Parisios et alibi, divitiis diminutis, quœrere
cogebantur. Tune enim qui oHm cum magna equorum scutife*
436 APPSNDIGE.
rormm caterva vin fuerant ineedere, nnnc pedàtand* antco
famulo et monacho cum victu sobrio poterant contentari. t
Coatin. G. de Naugis, II, i22i ^ La misère et le» kisoltes des
geas de guerre iiwpirèrent souvent aux eccléaiaatiques un
courage extraordinaire. Nous, voyoas dans une occasioa le
Ghanoine de Rohesart abattre trois Nayarrais de son premier
eoup de lance. Ensuite il fit merveille d.e sa hache. L'é%^ue
de Noyon faisait aussi. aine rude goeria à -ces brigaods. Frois-
sart, 11^ 353. Secousse, L 340-1.
' 215 — page 260 — On appelait par dèrmon le paytan Jaeqn^
' Bonhomme..,^
' Gontiû. G. dé Nangis. Les autres^lytifologîes sont ridîctries.
Voyez Baluze, Pap. Aven., 1, 333, etc.
216 — page 260 — Qui aurait craint de maltraiter Jacques
Bonliamme ?...
■ Quand ou était dans les bons jours, que Ton ne voulait pas
tuer ou qu*on ne le voulait que par hasard et par accident, il
y avait une facétie qui se reproduisait souvent et qui était
devenue traditionnelle. On enfermait le mari dans la huche oà
^ Ton pétrit le pain, etjetant la femme dessus comme sur un lit,
on la violait. S'il y avait là quelque enfant dont les cris imj>or-
tunaient, au moyen d'un lien très-court on attachait ^ cet
enfant un chat retenu par un de ses membres. Voyez-vous d ici
la figure de Jacques Bonhomme sortant de sa huche, blémisssot
encore de rage sous cette couche de farine qui le rend grotosqae
et lui ôte jusqu'à la dignité de son désespoir ; le voyez-vous
retrouvant sa femme et sa fille souillées, son enfant ensao-
,- glanté, dévisagé, tué quelquefois par le chat en fureur? >
Bonnemère, Histoire des Paysans. iVofe de 1860.
217 — page. 260 -^^LeeJeKfuês. ptyirent àiewfê uigmeur» un
arrUrè de fdusieum sëaifis. . .
« Ouerentes niebUes et : eorum raanerîa^ cum uxoribus et
iiberis exsiirpare... Doninas DolHlessttae vili libidine opprime-
. bant. • ConL G. de Nangis, I19«
SfS^pageMO^ Lff/ASfttff «ll<Miil«w«'i«ii«optl«ttie, etc.
« Cb»qiie vHlago ▼ottUîlaToir ion chef, et au Kea^ de le
prendre :p«raii les plus' feranés,' eeB p&ysafis, qui pdihaifli^ent
dans rbîsloire oumb» des bêles feiirea, s^adressaknrde pi^-
fenee au plii8"boiiimi>le^'aii pias. «oaâdérable - et souvent au
plus modéré. JHns- la •Valata.iOti -trouve asinombre de estf ohefs
I>enisol Rabours, capkamede Frasnoy;rLaflU>eit de^ SsutaiMi^
laine, frère de' Pierre» deiDèmaaiUev qui' élaît président au
Fariement.et oiMrseyier idu duai^e ^Nomandie ; Jean iiiilot
d^BslMeguy, « hoimne de bonnefane et renommée, » disant
les leltf es de rémi^onilean 'lleraiBfet,«ttré de GéKdoait;
Coiartv le meanierj gsositoargaais île la ootité dadeamost ;
la dame dsi Batencourlv ille idtti:8sifBieur -de! Saint4lailiis le
G«nllart# ^i^ervenSfiÊliennc Mareel, page -245, d'après leiTmor
4sa
' 1W9 -*-'p»ge't6i — Le$ noMes se mirent àtner etbrûl&iôut
dan fin campagnes...
Cbatcaubfiaîid; Études hîst.; édif.MSSf , t: IV, p/170 : ■« Wtjus
avons encore les eomplaimes latines que fon cbantaifstfrhs
maHiear$ de- ces temps, et ce couplet :
• > Jasfats Boabomme, :
Gtues* csaMSrieRÉ d'armes vt |»iëlMs,
De piller et manger le Bonhomme»
Qui de iQDgtemps Jacques Bon hon\me
Se nomme. »
.Ca-eoriplet aetpilibîen anefen?- -» fimr «ler oompfamtes
laliiias,^03rea Ménk^caHaclioit Pétkot, t. V, p 481.
' fÊê -^ paga 264--^* MafiMi'oeail'IfiâMt d loiiisntr Us Jacques...
«Si Marcel éléii**trop politique pour ne pas profiter d'une
élferston- si oppairtuaei il irà pouvait ni la prétoir/pirfsqu'elle
ne fut 4 pas caneeHée, nf la provoquer, puisque, malgré l'àl-
liaacade qaeiqaes* bonnes viHes, il^ n'exerçait' dlrecteriiént
-ananne action hors'dSS Parl$. TÔus'Bês actes sont d'uir homme
que les événements ont surpris et qui ne songe quTaprè» coup
à eiL tirer. parti, c Biaisa aaoaisçafair, éorirait-il le 14 jatllel
4S8 APPENDICE.
(4358), que les dites ehoses furent en Beaavoisis commeneées
et faictes sans nostre scen et volenté. ■ On objecte qa*il mTait
intérêt à nier la part qu'il venait de prendre à la Jacquerie;
mais il ne la nie que pour les premiers jours. > Perrens, page
239. — t... Et mieuls ameriens estre mort que avoir appitKé
les fais par la manière qu'ils furent commencié par aucons des
gens du plat paiis de Beanvoisis^ mais envoiasmes bien trois
cens combatans de nos gens et lettres de eredanee pour euls
faire désister de grans mauls qu'il fisisoient, et pour ce qu'il
ne voudrenl désister des choses qu'il fatsoient, ne encUner à
nostre requeste, nos gens se départirent d'euls et de noetre
commandement firent crier bien en soixante villes sur paine
de perdre la teste que nuls ne tuast femmes, ne enTans de
gentil homme, ne gentil femme se il n'esloit ennemi de la
bonne ville de Paris, ne ne robast, pillast, ardeist, ne nbalist
maisons qu'il eussent, et au temps de lors avoit en la ville de
Paris plus de mille que gentils hommes que gentils femmes et
y estoit ma dame de Flandres, ma dame la royne Jehanne et
ma dame d'Orliens, et à tous on ne fit que bien et honneur et
encoresen y a mil qui y sont venus à seurté, ne à bons gentils
hommes, ne à bonnei gentils femmes qui nul mal n'ont lait au
peuple, ne ne veulent faire, nous ne voulons nul mal... >
Lettre d'Etienne Marcel aux bonnes villes de France et de
Flandre (publiée par M. Kervyn de Lettenhove. dans les Bullet.
de TAcad. roy. de Belg., t. XX, no 9.
n avait profité du soulèvemetU pour déiruir$ pluiieurs farta-
Têtsêê autour de Paris.,.
c Quand Marcel vit les efforts intelligents de Guillaume Galle
pour former un faisceau de tant de bandes dispersées, il com-
prit le parti qu'on pouvait tirer de cette nouvelle force en la
réglant. C'est pourquoi, sur divers points, il indiqua aux
Jacques les chefs qu'ils devaient choisir, tandis qo'aillevrs il
communiquait avec ceux qu'ils avaient élus d'eux-mêmes... il
leur recommandait de raser tous les cbÀteaux qui pouvaient
nuire aux Parisiens* S'il redoutait les ravages et les meurtres
inutiles, il acceptait le but df cette guerre, qui devaii être
l'abaissement de la noblesse.
c Mais bientôt il put se convaincre qu'il ne suffisais pas de
APPENDICE. 429
diriger de loin, par ses conseils, des alliés indociles, et qu'il
fallait tout ensemble leur envoyer des honimes d'armes et des
chefs qni leur donnassent l'exemple. 11 organisa une double
expédition de Parisiens et de mercenaires à leur solde. L'une,
sous les ordres de l'épicier Pierre Gilles et de l'orfèvre Pierre
Desbarres, devait attaquer les chfttcaux, principalement au sud
de Paris... L'autre, dirigée par Jean Vaillant, prévôt des mon-
naies, devait se joindre à Guillaume Galle... •
La bourgeoisie parisienne, en prenant part à la Jacquerie,
communique sa modération aux chefs et aux paysans. « C'est
un fait certain que, partout où elle parut, la vie même de ses
plus cruels ennemis fut respectée : il n'y a rien à sa charge
dans le volumineux recueil du Trésor des Chartes, ni dans les
chroniqueurs, si ce n'est la ruine de quelques châteaux qui la
menaçaient incessamment. , On y voit même que les colonnes
bourgeoises parcouraient le pays en annonçant, au nom du
prévôt des marchands, qu'il était défendu, sous peine de mort,
de tuer les femmes ou les enfants des gentilshommes ; elles
offraient en outre un asile aux familles de leurs ennemis,
lorsque ces familles ne portaient pas un. nom trop notoirement
odieux aux Parisiens. > Perrens, Et. Marcel, p. 231, 254. 1860.
221 — page 262 — « Les nobUs lurent îantde mal au pay«,etc...>
Marcel trace le tableau de cette effroyable réaction dans la
lettre qu'il écrit, le il juillet 1358, c aux bonnes villes de
France et de Flandre : > « ...Nous pensons que vous avez bien
oy parler comment très-grant multitude de nobles, tant de
vostre paiis de Flandres, d'Artois, de Boulonois, de Guinois^ de
Ponthieu, de Haynault, de Gorbioisr de Beauvoisis et de Ver-
roendois, comme de plusieurs autres lieux par manière univer-
sele de nobles universaument contre non nobles, sens faire
distinction quelconques de coulpables on non coulpables, de
bons ou de mauvais, sont venuz en armes par manière d'osti-
lité, de murdre et de roberie, de ça l'yaue de la Somme et
ftussi deçà l'yaue d'Oise, et combien que à plusieurs d'euls
rien ne leur ait esté roeffait, toutevoies il ont ars les villes» tué
les bonnes gens des paiis, sens pité et miséricorde quelcon-
ques, robe et pillié tout quanques il ont trouvé, femmes, en-
430 APPENDICE.
faus, prestresv religieux, mis à orueoses gehines pomr saTOir
l'avoir des gens et ycels prendra et rober., et plusieurs d'icevU >
fait morir es gebines... les pucelle& corrompues et les-fcB&mes
violées en présence de leurs■^Iaa£i&#.et.b^ie£nlentrifaii plosde
manls plus crueliaent «t pius^. inhmrtiittRBiejit i|ue ancgne» ne
firent les Wandres, ne Sarrazins... et encore .ès^dttsjnaois {»ep-
sévèrent de. jour en jour, et tous .marchaos qu'ils trearveni
mettent à mort en raençonneni et ostant .leurs marcha mil sqe» -^
tout homme non noble de bonnes villes oa4e plat 4)aii& ai les
laboureurs tous mcltent.à mort et rx)beni et iiérobent.«« ELtûen .
savons que monseigneur le duc (le régent)» nous, uoz bieas -et
de tout le plat paiis a mis en hab.andoA aus nobles et de ce
qu'il ont fait et feront &ur oqiis« les a. advoez» ne.n'ont.aaircs
gaiges de li que ce que il peuvent, rober^ et .combien que-iidil
noble, depuis la .prise du roy noaire sir«».ne se soiem. .vola
armer contre Jes ennemis du royapme^ .si.^conune.chaacoaa .
veu et.scou» ne. aussi aïonseigneuf ie,duc,(>touievoie%ooiare
nous 1 se sont armé et .conjtre le . coounun, et. pour La .irèsFsgraiil
hayne.quiils ont À nous, et à tout le commua.et Jes grfint |ûUes
et roberies.que il font^ur le peuple, il en vient grant et si
grnnt quantité que c'est merveille. > Lettre. dËiienAe Marcel
aux bonnes villri* de France et de Flandre (publiée par
H. Kervyn de Letlenhove). — V. aussi Perrons, p. 263 et iOi
et seq.
Le régent, qui n'eut pas un mot de. blâme pouries gentils-
hommes qui s'étaient rendus. coupables de. ces meurtscs eiàe-.-
ces spoliations, nous- apprend luirméme qu'au moia d'aoAt
(1358) les nobles continuaient c de» piller» de voier, de violer
dans, les environs de. Aeima [et. aiUeurs), malgrf les délienaes
par lui faites. » Les . babitattts de diverses villes, entre aolres
Saint-Thierry, Talmersy, le .Grand etJe PetitpKouillQn^.Yillen-
Saiote-Anne^.Chanay* Cb&lon-sarryedUi, et Villara^Fraoqiieax
voulurent s'opposer k ces. indignas .traitements^ les- noèleaea
tuèrent plus.de clnquanie. Cependant. le priftvôt forain de Laon
accuse^lcs hourgepisd'avnir.. attaqua ^ gentiUhiM»ines^«uiscp*
vice du régent et les vevt condamaerià liamettde,*c.et.qne pia-t
est les di^ nobles . accompaigc^ez.de . plusiaurs autres se^soieBt .
depuis cffoi*cic« et s'efforcent ancare<4lc.joyc.en.joyurdech<^
APP£^'DlCl• 424
vaBchîer et chefaucbeal coaUoQeUcmeot èa dites villes de
mettre à mort et peurs gcnz et chevaux de harnais cl.autres*
à rançonner villes et genz, pour lesquelles choses il a convenu
tous les dix habitanz deedites ailles aler demourer hovs d*icelles
sanz que aucun y soit demeuré, mais sont les maisons démon-
rées vaipoes el lesi^tOAs-qui sont ou pais perisseiH ma champs
et aussi les autres héritages demeurent ga9(ey,ittCttHfve»«t
inul'les, dont très^frant domage et iaconveniena se pourroiettl- *
cnssir, car le pais en pourroit estre desers» les TiHe« despen-
p\iees et la bonoe'^ille de Remz perie laquelle des villes du
plat pais se gouverne par yccllc. » Lettres de Rémiastoo pour .
les babicans de SainwThierry, eto. kTvHoràet Chmttt, Reg. 86,
fo 130). V. Perrons;' p. 365, ^ p. 367 :' t Le régent avoue, dans
les lettres de rémission, quelles nobles incendiaient et détrui*^
saieat les villes qui n'avaient pris aucune pari à h Jacquerie;
par«xeni|^, daos la seule pré\ôié de Vitry, Heislemarroîs,
Sirapoy, Vitry^ BofQioouTt et Dully » Lettres de ftétnrission *
ponr les* habilatits> de' Heisfemarrois, etc. (Trésor des ChdHen^
heg* 8l,/'o i2tV.' — «Les ineendies qu'ils allumèrcntydit le
eonliaoateiir de fla&gis, font encore verser des larmes. »
« Lire Perreas; chap. x, sur cette réaction nobiliaire : « Les
cruautés des n<d)Us et -de leurs hommes d'armes surpassèrent
ccHes des paysans parle nombre et la durée. » Froissart parle
décent mille hommes qui* auraient pris part à la Jacquerie,
taudis que le eoatinuateur de Nangîs dit six mille seulement.
— La Jacquerie avait commencé le 21 mai 1358^ iet non en
novembre 13o7, comme le dit Froissart. Le 9 juin, jour du dé-
part de l'expédition contre Meaux, elle était déjà terminée : elle
a\ait donc, en réalité, duré moins de trois semaines. Les re-
pr(^sailles des nobles étaieni déjà commencées le 9 juin, et au
mois d'août, quand le régent renlra dans Paris, elles duraient
encore : elles avaient eu pour théàlrc à peu près tout le pays
de langue d'oïl. » —Pages 210, iTl, Etienne Marcel. 1860.
fil — page 265. ^ Qombii de la porU SamÂ^Hoiiorè,..
^. dans Terrens la discussion de ce faites! llaK6irentfa«n
ville avant ou après le combat de la porte Saint Honoré. « H est
probable que si Marcel éuit rentré avant le cooUial» il n'eo
433 APPENDIGB.
eut la nouvelle que lorsque la lutte était terminée. ■ Page 303,
note. 1860.
223 — page 267— Les meurtrière de Marcel s'en aUèremi
éveillant le peuple^ etc.
€ Ceux qui le matin avaient pris les armes pour « vivre et
mourir avec les chefs du peuple, • déclaraient, le soir, ne s'être
armés que pour ouvrir les portes de Paris au régent. Su an
instant, tous les chaperons rouges et pers (bleu foncé) avaient
disparu» et chacun donnait des marques bruyantes d'une joie
qui n'était pas dans les cœurs. »
Parmi ceux qui donnèrent l'exemple de la résistance aax
vainqueurs, il faut nommer surtout Nicolas de la Courtneave.
« Garde de la Monnaie à Rouen, il avait été nommé par Marcel
aux mêmes fonctions à la Monnaie de Paris. Il resta à son
«
poste, et il sut empêcher qu'aucun des ouvriers soumis à ses
ordres ne se prononç&t pour Maillard et le régent. Le lendemain
de la mort du prévôt, Jean le Flament, maître de la Monnaie da
roi, s'étant présenté à l'iiôtel des Mosnaies pour en prendre
possession et s'en faire remettre les clefs, Nicolas de la Court-
neuve refusa d'obéir, attendu, dit-il, qu'on ne savait pas en-
core qui élait le seigneur. ...Lorsque enfin il se fut assuré
qu'il n'y avait plus d'espérance, plutét que de remettre les cTefsà
un ofiicier du régent, il les donna à Pierre le maréchal, que
Marcel avait nommé maître particulier des monnaies. > Perrcns»
£t. Marcel, p. 319. 1860.
22i — page 267 — Le parti de Marcel survécut à son chef,..
t Les forces de cetle opposition étaient sans doute considé-
rables, quoique les auteurs n'en parlent point, puisque, avant
de rentrer dans Paris, le régent crut qu'il était nécessaire de
nommer une commission chargée d'admettre les turbulents à
composition moyennant fînance. > Perrens, p. 320, d'après Tri*
sordes Chartes, reg, 86, p. 431.
Une conspiration pour venger Marcel. . .
Trésor des Chartes, reg. 90, p. 382. Secousse. — V. dans
Perrens le complot et la mort héroïque de Martin Pisdoé,
t changeur fort riche et fort estimé. > Décembre 1359, chap.ir,
pages 3i6 et suiv. (1860.)
APPENDICE. 433
)25 — page 267 — Le dauphin fit rendre à la veuve de Jftir-
cel, etc...
« Marguerite des Essarts» veuve d'Etienne Marcel, ne vonlnt
point se remarier. Ce fut en souvenir d«8 services rendus par
son père, Pierre des Essarta, à Philippe de Valois* que le régent
lui fit restituer tous ses biens meubles et accorder pour elle et
ses six enfants en bas âge une rente annuelle de soixante livres
pari sis, faible compensation de la perte des trois mille écus d'or
qu'elle avait apportés en dot, et de tous les biens de Marcel. »
Pcrrens, chap. xiv, page 339. (Trèeor de$ Chariee^ Reg. 90,
fo 49.) 1860.
226 — page 267 — Marcel tue les èlnts en Us faisant comme il
les veut...
Ce fui un des principaux griefs contre Marcel qu'il ait peu à
peu laissé convertie le conseil en une réunion secrète de ses
seuls amis qu'il présidait lui-môme et qui s*im posait aux Pari*
siens comme la seule autorité. A cela l'on répond qu'il était
naturel que le prévôt s'appuy&t sur ses amis et ne mit pas ses
adversaires dans le secret de ses desseins. Ces conciliabules
secrets n'en excitèrent pus moins les accusations les plus pas-
sionnées, et quand plus tard le dauphin accorda des lettres de
rémission & la ville de Paris, il eut soin d'en excepter les mem-
bres du conseil secret, comme coupables de haute trahison.
(Y. Perrcns, Etienne Marcel^ p. 1)2.) (1860.)
227 — page 272 ^ Il y eut des eonfieeations et des supplices
anUre le parti de Marcel...
• Le régent ne se contenta pas de dépouiller ceux dont il
épargnait la vie : il prenait les biens de ceux-là mêmes que la
hache avait frappés, en sorte que personne, en mourant, ne
pouvait se flatter d'avoir épuiâé la vengeance royale... —Ses
rigueurs ne frappaient pas seulement les citoyens qui étaient
suspects d'avoir pris une part active à la révolution populaire ;
la vengeance royale s'acharnait jusque sur les boulangers qui
avaient fourni du pain, fût-ce par contrainte, i la faction vain-
cue. Les personnes qu'on arrêtait pour les mettre à mort étaient
soumises à des tortures affreuses, et on leur arrachait ainsi tous
nu 2d
tô4 APPSNXHCE.
]ed »feax qu'on votiiaii, même les moi os véritables. > Perreas,
Etienne Marcel, c. xiv, 1860.
ttg>^ page ÎTS -> Dèêreùe et P«rit 9» 1359#.. .
c Vn<i« arboce» per Uinera eV yiacaft iacidebanlur, el annu-
Its Hgnomm, qui tnlo pr« daoèus solidis dabalur, dudc pro
onittsfloreDi prelio Yenditur. » Contin. G. de Nangis» p. 121.
-** t Qaafta anteoi boni Yini.», xigintiqujalaorsolidi. » Ibid.,
p*. 115, oonf. 12».
•
229 — page 273 — Les gens de Tonraine^ etc., achclaient aux
Anglais des ^aufs-conduits. . .
< Nullns salvus» nisi ab ois salvum conductum litteralorie
obtinebat > Cent. G. de Nangis, p. 122. c .. . Se cis Iributarios
rec^diderunl. t lbid.>P* 125^
230 — page 276 — Le roi d'Angleterre n'osa attaquer Paris..,
c Angllci... accesserunt ... Nobiles qui in urbc tune crant,
oum domino régente in bona copia, armisprolccii se extra
moros posuerunt, non multum eloogantes a forialiiiis et for-
salis... Non fuit tune prseliatum. » Ibid.
Près de Chartres, les Anglais éprouvèrent un terrible orage..,
< Blaxima pars bigarum etcurruum in viis et itîneribus imbre
nimio madentibus remansit, equis deficientibus. > Ibid.
231 — page 278 — La RocheUe, d^ autant pltts française...
c Et disoient bien les plus notables de la ville : < Nous aoae»
rons les Ânglois des lèvres, mais les cmers ne s'en nH>uvroDt
jà. > Froiss., ch. ccGcxn, p. 229-230. -* Les regrets des gens
de Cahors ne sont pas moÎM foiicba»t»: tResponderont flendo
et lamentanda ... qiiod fpsi iion'ftdai4tl«b|iiktdoraiBum regem
Anglise, imo domitnn «ester, mx FhiAcili, î)mo$ dcrtbioqaebfti
tanquam orphanos. • Note commun rqnée par M. Lacabane»
d'après les Archives de Cahort, et le- fiwwcAi kt BU4. roffale^
232 ~~ page 27^ -^Lsroi Jean vtwdibêtk chmrH avn «m^...
Mat. YiUani, XIV, 617. -**.« Le roi ée FctAce, q«i ac Yeoit e&
danger, pour avoir k'argefti plus ajpftareilU s'y a4corda légèi
ment. » Froiss. IV, ch. ccgcxux> p. 79.
APPENDICE. 485
Î33 — page Î8Î -^ L^s croisés se joignaimt plutôt aux Com-
pagnies..,
• Plusieurs sVd allé "cnl celle pari, chevaliers, écuyers et
autres, qui cuidoicnl av(ir grands bienfaits du pape avecques
les pardons dessutdit, mais on ne leur vouloit rien donner, si
s'en partoient... et se meltoienl en la mauvaise compagnie qui
toudis croissoit de jour en jour. > Froiss., ch. cccclxix, p. 142.
234 — page ?82 — La sneeession du due de Bourgoguty etc.
Le roi de Navarre descendait d'une sœur aînée, mais à un
degré inférieur. Jean allégua ; • Que la loi écrite si dit que
outre les fils des frères, nul lieu n'a représentation, mais l'em-
porte le plus prochain du sang et du côté. » Secousse, Preuves
de l'Hist. de Cb. le M., t. II, p. 201.
235 — page 283 — Le roi d'Angleterre alléguait son âge pour
ne pas prendre la croix. ..
« Oil, dit le roi d'Angleterre, je ae leur débattrois jamais, si
autres besognes ne me sourdent, et à mon royaume dont je ne
nie donne garde. — Onques le poî ne pul antre chose impetrer
fors tant que toujours il fut liement et honorablement traité en
dîners et en grands soupers, t Froiss., ch. ccctxxviii, p. 1C7.
Î36 — page 286 — On célébrait fe combat def Trente, où les
Bretons av lient vaincu les Anglais.,»
On a élevé un monument sur la lande de Mi-Voie, près Ploer-
mel, pour perpétuer le souvenir de cet événement. Voy. le
poème publié par M. de FréminvilJe, en 18i9, et par Crapelel,
en 1827. Voy. aussi M. de Roujoux, Hist. de Bretagne, III, 38l!
— La douleur de Beaumanoir, lorsqu'il rencontra les paysans
bictons traînés en esclavage par les Anglais, est exprimée avec
une toachanat naîlveié :
Il vit peiner cbétifs, dont il eut granrrpitié.
L'an estoit en an ceps et 11 aolTe ferré. . . .
Comme vaches et bœafs que l'on mène ao marché.
Qaand Deanmanoir hs rit, du cœar a êoupirét
iJ*^ APPENDICE.
Beaumanoir, s'en plaignant à l'Anglais Bemborough, en reçoit
la réponse suivante :
Bianmaner, taisiex-vous; de ce n'est plus parlée
Montfort si sera duc de la noble duché.
De Nante à Pontorson, et même à Saint^tfahé,
Édonard s^ra roy de France eoaronné.
Et Beaumanoir, selon le poêle, lui répondit humblement :
Songiez un aatre songe, cestuy est mal songié;
Car jamais par tel voie n'en aorci demi pié.
Au commencement de la bataille, l'Anglais crie à Beauma-
noir •
Rendr-toi lot, Beaumanoir, je ne t'occiray mie;
Mais je fdray de toi biau présent à ma mie-
Car je lui ai promis, et ne veux mentir mie.
Que ce soir le mettrai dans sa chambre joMe (honnête).
Kl Beaumanoir répond : Je te lesnrcnvie!
. . De sueur et de sang la terre rosoya.
Beaumanoir, demandant & boire, reçoit de Geoflfroy Dubois la
fameuse réponse :
Bois ton sang, Beaumanoir, la soif se passera!
L'histoire, dit le poêle, en fut écrite» et peinte en tappichife:
Par trctous les éiats qui son^de ci la mer;
Et s*en est esbattu maint gentil chevalier,
Et mainte noble dame à la bouche jolie.
Or priez, et Jésus, et Michel, et Marie,
Que Dieu leur soit eo aiie et dites-en, Amen.
237 — page 286 — Bertrand Dugueselin . .
Duguesclin est nommé dans les actes Glecqnin, Gléaqnin,
Glayaquin, Glesquin, tieyquin, Claikin, etc. Ceci le désignerait
pour vrai Breton de race. 11 se croyait lui même descendu d'un
roi maure, Hakim, retiré en Bretagne, qui, chassé du pays par
Charlemagne, aurait laissé dans la tour de Glay son fils, que
Charles fit baptiser. Le connétable voulait, après la guerre de
APPENDICE. 437
Castille, passer en Afrique ^t conquérir Bougie. (Voyez le man,
de h BibL du roi : Conquête de la firet. Armorique, faite par le
preux Charlemagne sur un g payen nommé Aquin, qui l'atoîst
usurpé, etc., no 35, 356 du P. Lelong.)
Sa vie a éU éhanièe dans une eorte d^épopée ekevaleresque.,.
Cils qui le mist en rime fast Goveliert
Et pour l'amonr du prince qui de Dieu soil tauTé»
Afin qu'on n'eust pas les bons fais oubliés
Du vaillant eonnestable qui tant fut rodoubtex.
En a fait les beaux vers noblement ordenei.
ifi. de la Bibl royale, n* 7224.
H. Macé, professeur d'histoire, a donné une notice intéres-
sante sur cet important manuscrit dans l'Annuaire de Dinan,
1835.
Le potne avoue quil était laid.,.
Mais l'enfant dont jo dis et dont je voi^ parlant,
Je croi« qu'il not si lait de fiesnea à Disnant,
Camus esloit et noir, malotru et massant (?).
Li père et la mère si le héoient tant. . .
Ifi. de la BiM. royale, n* 7224.
Voyez aussi la chronique en prose, réimprimée par M. Fran-
cisque Michel.
238 * page 288 — BalaiUe de Cocherel. . .
c Si ordonnons que nous mettions à cheval trente des nôtres...;
et de fait ils prendront ledit captai et trousseront el l'empor-
teront entre eux. ■ Froiss., IV, ch. ccgclxxiviii, p. 201.
« Si y furent grand temps sur un état que de crier Notre-
Bame-Auxerre, et de faire pour ce jour leur souverain le comte
d'Auxerre... Si y fut avisé et regardé pour meilleur chevalier do
la place et qui plus s'étoit combattu de la main... messire Ber-
trand Duguesclin. Si fut ordonné de commun accord que on
crieroit Notre-Dame Guesclin. > Ibid., p. 202-3.
tSS APPENDICE.
•
Chmie* V donna à Ikiguesclin poun récompense le comté de Lob-
guevUle^,,
Les lettres de donation sont du 27 mai 1364. Duchàtelci,
Hist. de Duguesclin, p. 297. — En 1365, le roi reprit ce comté,
en payant une partie de la rançon de Duguesclin. Archives, i.
SSL
En même temps, il faisait couper la tête au sire de Saquen-
ville, etc..
t Si furent pris & mercy tous 1*8 soudoyers étrangers; mais
aucuns pillards de la nation de France, q«i là «*éloieiit hautes,
furent tous morts. » Proiss., IV, eh. occcioviii, p. 830.
239 — page 23S — > Le prince de Galles envoya à Monifort le
hraioe Chandos, elc.
« Chandos... pria plusieurs chevaliers et écuyersdc la duché
d'Aquitaine; mais trop petit en y allèrent avec lui, si ils n'éloi^ ot
ÂDglois. > Froiss., IV, ch. di, p. 241.
240 — page 288 — Beaucoup de Bretons se joignirent à Charles
de Blois., .
c Le vicomte de Rohan, le sire de Léo», le aire deKargonle
(Kergorlay), le sire de Loheac... et moult d'autres que je ne
puis mie tous nommer. » Ihid., ch. du, p, 242.
241 ^- page 289 — Les Bretons voulaient en finir jpar la mort
de Cun ou île l'autre..,
« Que si on venoit au-dessus de la bataille que messire Cbar«
les de Blois fut trouvé en la place, on ne le devoit point pren-
dre & nulle rançon, mais occire. El ainsi en cas semblable, les
François et les Bretons en avoient ordonné de messire Jean di
MoDifort; car en ce Jour ils vouloien lavoir fin de la bataille et
de guerre. > Ibid , ch. dx, p. 26i.
242 — pagei90, note 1 ^€EtVappelU't'OnSamt-Charles*...
Urbain V, bon François^ ordonna, il est vrai, une enquête
pour la canonisaiion de Charles de Blois, nais il mourut avant
qu'elle fût faite, et son successeur Grégoire II, souskquel^Ue
-eailiea, B*en fit aacan fisage, pour ne pss offenser te- duc de
Bretagne. Hisl. de Brct., p. 336 (note de M. Dftcter sur Froissard).
243 — page Î9Î — Don Pèdre le Crud ne se fiait t^tfcmx juifs
et aux Sarrasins,.. "'
En 135?, voulant faire la gcrerre aii roi d'Aragmi. * Ewrîb
el rey D. Pedro a regard al rey Mahomad de Grtînâda, qiie Te
ayuda se con algunas galeas. » Avala, c. xi.
244 — page 292 — Expédition contre Pèdre le Cruàh., - "
On a sur Texpédilion d'Espagne un chant languedocien : A
Dona Clamenca. Cançon dilta la bèrtat,' fattat sur là gnerra
d'Espania, falta pel generoso Gucscliû assislat des nobles
inoundis de Tholosa. 1367. Don Tttorice, ï, p. Î6, et Froits./lV,
p. 286.
245 — page 293, noie 2 — Charles V prêta à Virgesrlin fà^-
gent de sa rançon.,»
f A lous ceuls qui ces présentes lettres verront, Bertran du
Guesclin, chevalier, conte de Longueville, chambellan du roy
de France, mon très-redoubté et souvcraio. seigneur, salut.
Savoir faisons que parmi certaine somme de deniers que ledit
roy mon souverain seigneur nous a pieça fait bailler en presi,
tant pour mettre hors de son royaume les compaignes qui esloîei^t
es parties de Bretaigne^ de Normandie et de Chartain et aillieurs
es basses marches^ comme pour nous aidier à paier partie de
notre raençon â noble homme messire Jahan de Champdos^ vicomte
de Saint-Sauveur et connestable d'AcquUtainc, duquel nous
sommes prisonnier. Nous avons promis et promettons audit
roy mon souverain seigneur pas nos foy et serment mettre et
emmener hors de son royaume lesdictes compaigttes à nostfe pou-
voir le plus hastivement que nous pourrons, sans fraude ou
mal engin, el aussi sans les souffrir* ne souffrir demeurer ne
faire arrcst en aucune partie dudit royaume, se n*est eii faisant
leur chemin, et ^aas c6 €(tM nous >om les dictes «osnp'dgnes de*
mandions oupuisstdis demander audit rey mon souverain sei-
gneur ne à ses subgiez (TU bonnes Tilles, finance ou autre aide
qaelcoirques, eto. > <ldfi5, 22 seul.) Archives, J. 481.
440 APPBNDICB.
246 — page 294 -^ Tout ce qu'il y avait éTaviniuriert angUa»
dans Varmie d$ Don Enriquê, etc. . .
c Si prirent congé au roi Henry... au pins eonrtoisement
sans eux découvrir, ni l'intention du prince. Le roi Henry qui
étoit large, courtois et honorable, leur donna moult douce-
ment de beaux dons, et les remercia grandement de leur ser-
vice, cl leur départit au partir de ses biens, tant que tous s'en
con tentèrent. Si vidèrent d'Espagne. > Froiss., eh. nxxir,
p. 326. Duguesclin avait été créé duc de la Molina. D. Moricc,
I, p. 1628.
247 — page 294 — Liroide Navarre craignait tellement de
te compromettre pour lee une ou le$ autret, etc..
« Et supposoient les aucuns que tout par cautèle s*étoit fait
prendre... pourtant que il ne savoit encore comment la besogne
se porteroit du roi Henry et du roi Don Piètre. » Froissart,
ch. Dxxxix, p. 369.
248 — page 296 — Lee vainqueurs étaient réduits au cm-
gutéme^etc...
Knyglhon, col. 2629; et Froiss., ch. dlxu, p. 429. « Ils por-
toient & grand meschcf la chaleur et l'air d'Espagne, et môme-
ment le prince étoit tout pesant et maladieux. > Walsingham
ajoute qu'on disait alors que le prince avait été empoisonné.
Wals., p. 117.
Le prince de GaUee ne pouvant les satisfaire. Us pillaient rAqui'
taine...
t Si leur fît dire le prince et prier qu'ils voulussent issir de
son pays et aller ailleurs pour chasser et vivre... Ils entrèrent
en France, qu'ils appeloient leur chambre. > Froiss , ch. dlxit,
p. 439.
249 — page 297 — c ... et si ce n'était auez, il n'y a femme
en France sachant filer.,.
N'a filairesse en Franee, qui tache fli filer.
Qui ne gaignut ainçoia ma finance à filer.
Qu'elles ne me volissent hors de vos las geler.
Ms. de la Bibl. royale. %• 72U, folio 86.
APPKNDICB. 441
550 — page 297 — Ld prince de Galles avait demandé mille
lancée au eire éTAîbret, etc..»
c II s'y prêta fort mal : < Messire le prince do Galles se truffe
c de moi. t Adonc demanda tantôt un clerc. 11 vint. Quand il
fat venu, il lui dit, et lo clerc écrivit : c Cher sire, plaise vous
« savoir que je ne saurois sevrer les uns des autres... et si au-
c cuns iront, tout iront, ce sçais-je. Dieu vous ait en sa sainte
c garde. » Froiss., ch. dxxxi, p. 350-1.
•
551 ~ page S97 -— Il mit eur lee terrée des Gaeeone un fouage
de dix sols par feu,..
Et non d'un franc, comme le dit Froissart. Lettres du Prince
de Galles, 26 janvier 1368. Note communiquée par M. Lacabane.
Ms. de la Bibl. royale.
S8« — page 301 — Tàut maladif qu'U était, Charîee V faisait
eomlinuellement de dévotes proceseions.,.
c Tout déchaux et nuds pieds, et madame la reine aussi... et
faisoit ledit roi de France par tout son royaume être son peuple,
par contrainte des prélats et des gens d'église en celte afflic-
tion. » Froiss., ch. dlxxxtii, p. 87.
253 — page 301 — Toutes les villes qui se rendaient à Chav"
les K, etc..
Ordonn. V, p. 291, 324, 333, 338. Sism. IX, p. 145.
— Sur l'histoire des communes, voyez particulièrement le
einquième volume du cours de M. Guizot,
254 — page 303 — Il fallut que le duc de Bourbon^ etc..
c Puisque combattre ne voulez... dedans trois jours, sire duc
de Bourbon^ à heure de tierce ou de midi, vous verrez votre
dame de mère mettre à cheval et mener en voie : si avisez sur
ce, et la rescouez (délivrez) si vous voulez. • Froiss., ch. dcxx,
p. 173. c ... Mais oncques ne s'en murent ni bougèrent. » Ibid.,
cb« DGxxi, p. 175.
255 — page 306 ^ La Bretagne était contre les Anglais...
« Tous les barons, chevaliers et écuyers de Bretagne, étoient
4#2 AFKNDtGS.
4rès-b(nis FfftDÇois : « Cher sire, aveienUîh dît à leur ^e, âiôl
> que nous pourrons apercevoir que vous vous ferei partie
> pour le roi d* Angleterre contre le roi ëe Prmee... nous tous
« refinqoerons tous, ^i metirons bers àt BrMagae* » f roiss.,
Vf, ch. wSLntt, p 47-t8.
«^ ^ page a06 «- LaitocUle HÉûmm éCAtfrte F, «où
avec 6onnes ré$erve$,..
< ...Etauroienten leurs villes €0ins pour forger florins et mon*
Boie bUmtiM'eitioipe»^ teilé ferme elailoi eottine ont ctu de
Paris > Froiss., VI, ch. dclxx, p. 15.
^7 — page 307 ^ Le due 4ê LaneÊisirê iraoersala France, etc^.
t Vix quadraginta caballos vives* secuni duceos^ > Wak,
p. 529.— c Milites famosos et nobiles, delicatos quoildain el divi-
lea^.. ostiatini metiëioaiMlOi fMaam petere, nec erat qai eis
^aret. » Wals., p. 187. .
158 — pMige 300 — Alice Pemts... .
c Milites parliamentales graviter conquesti ^ant de quadaa
Alicia Pères appellata, lemioa procacissima* c Waisângham,
p. 189. — « Illa nunc juxta justiliarios régis residen do, Laocm
fero ecdesiastico juxta doetores se collocand<^. |jro defeasione
eausarnm snadere ac etiam contra postulare minime ver<eba-
tur. > Wals., p, 189. — « < Invereejmda pelien detraxit annalos
a smiadigititet reoessik » Ibid.
259 — page 311 ^ Le roi de Navarre traite avec lee An-
glaie, etc..
Secousse, Hist. de Charles le Mauvais, t. 1,2* partie, p. 173.
— Lebràsseur, HisU du comte d'Évreux, p. 93. — Voyez les
pièces originales du procès. Archiies du royaume.i . 618.
260 — page 3l2 — Charles T ne put être forcé ni àamAaitn
ni A rendre, ,*
c Le roi de France rossoignoit (craignait) Bi les lomnes pé-
rilleuses que nullement il ne vouloit que ses gens s'aventons-
sent par bataille sî H n^avoft contre six les cinq. > Froiss.,
VH, !1*.
ÀPPENDICI. 443
26i — page 913 -^ La viuUUwiê de $€9 c9n$lrmtM%s*^
€ Comment le roy Charles eblott df oit arHsie et api^ris es
seienees et des beamks maçonDaf es qv'ii fiai faire : -^ Fonda
t'église deSaiotrAnthoéne dedans l^ris. L'église <Saiftt*Paiil ôal
amender «t aeroÂtre, et maintes aiUres églises et ahapelles
fonds, amenda et enil les édifices et tfenies. Aeemt son h^eft
de Saint'Panl; le chastel du Louvre à Paris fit édifiée de neuf;
la Bastille Sainl-Anthoine, combien que fmison y ait ouvré, el
sus plusieurs des portes de Paris, isii édifice foit et bol* Iteoi
les murs veufs et belles, grosses et bauHes «tours qui «aiour
Paris sont. OréooM à faire le Pont-J<ieul. Édâliaaesoilé; PMr
sance la uDbie maison; répara l'ostel de Saiat-Ooyn, HoiJ^tfiC
Tédifier le chastel de Saint-Germaitt«en-Laye ; Creol, Montavgis;
le chastel de lekin et mains attires notables édifices. » Cbr«st«
de PîSan VI, 25. . .
■
iGf — page 313 — Il avait cotutruit le vaste hâtet Saint-Paut.,
Le séjour de l'h^^tel Saint-Paul était, disail-il, favorable à sa
santé. Dans ce labyrinthe de chambres qai composaient les ap»-
partements du roi, on comptait : la chambre où giit le roi, la
grand' chambre de retrait^ la chambre de l'estude. De plus, il }
avait un jardin, un parc, une chambre des bains, une des étu-
ves, une ou deux autres qu'on appelait chauffê^daus^ un jetk de
paume, des lices, une volière, une cbamiMre pour les teiurte-
relles, des ménsgeries pour les sangliers, pour lesgraftids lions
et les petits, une chambre de conseil, etc. Charles V atait ren^
fermé dans son b6tei Ssini-Paul plusieurs amtres MUels, comms
ceux des abbés de Saiii4-*Maur etde Puteymuce (petlffiiu; dans
les environs se tenaient des scribes qui faisaient le métier d'é^
crire des pétitions : par une autre corruption «a Tappolt
Polit-Musc). Les appartements du duc d'Orléans n'étaient guère
moins vastes que ceux du roi ; puis venaient dans de sembla-
bles proportions ceux du duc de Bourgne, de Mari^> d'Isabelle,
de Catherine de France» des ducs et duchesses do Valois et do
Bourbon» des princes et princesses du saog et do qoaalsté d'au*
très seigneurs et gens do cour. Le duc dOrléana avait un oabi->
net qui lui servait simplement & dire ses heures et qu'on sf^pe*
lait retrait où dit êeêheureê Monsieur Louis de France^ De mémo
4U AFPENDICI.
quand on descendail dans les cours, on trouvait la marescbans-
sée, la conciergerie, la fourille, la lingerie, la pellelerie, la
bouteillerie, la saucisserie, le garde-manger, la maison dn four,
la fauconnerie, la lavanderie, la fruiterie, réchançoonerie, la
panneterie, répicerle, la tapisserie, la charbonnerie, le liea oà
l'on faisait Thypocras, la pâtisserie, le bûcher, la taillerie, la
cave aux vins des maisons du roi, les cuisines, les jeux de paume,
les celliers, les poulaillers, etc. Les chambres étaient lam-
brissées du bois le plus rare; jusque dans les chapelles il y
avait des cheminées et des poêles qu'on appelait ehauffe-'doux.
Les cheminées étaient ornées de statues colossales, selon Ta-
sagedu temps; c celle de la chambre du roi avait de grands
chevaux de pierre ; une autre était chargée de douze grosses
bétes et de treize grands prophèies. > Féliblen, I, p. 654-5.
' Le iir$ d$ La Rivière en faisait les honneurs.,.
« Pour maintenir sa court en honneur, le roy avoit avec loy
barons de son sang et autres chevaliers duîs et apris en toutes
honneurs... ainsi mcssire Burel de la Rivière, beau chevalier,
et qui certes très-gracieusement, largement et joyeusement
savoit accueillir ceux que le roy vouloil festoyer et honorer. »
Christ, de Pisan, VI, 63.
263 — page 314 — Les astrologues de Charles F...
• Les grands princes séculiers^ (dit un conlemporaio de
Charles Y) n'oseroient rien faire de nouvel sans son comman-
dement* et sans sa saincte élection (de l'aslrologie) ; ils n'ose-
roient chasteaux fonder, ne églises édifier, ne guerre commen-
cer, ne entrer en bataille, ne vestir robe nouvelle, ne donner
joyau, ne entreprendre un grand voyage, ne partir de Tostel
sans son commandement. » Christ, de Pis., p. 208.
264 — page 314 — * CaraeUre de Charles V . .
Il ne biftmait pas toute dissimulation : • Dissimuler, disoyent
aucuns, est un rain (une branche) de trahison. Certes, ce dîst
le roy adont, les circonstances font les choses bonnes ou maul-
vaises; car en tel manière peut estre dissimulé, que c'est verts
et en telle manière vice; sçavoir : dissimuler contre la fureur
des gens pervers, quant ce est bcsoing est grant sens ; maïs
APKNDICI. 445
dfssimvler et faindre son courage en attendant opportoni é de
grever aucun, se peut appeler vice. > Christine, VI, p. 53.
265 -* page 316 -* PuUianee det Juifs,,,
Ord. III, p. 35! et 47i. Conf. à IV, p. 532 (4 février 1364). -*
Ord. III, p. 478, art 26. •* Ils ne devaient pas prêter snr gages
suspects; mais ils s'étaient ménagé une justification facile.
Article 20 des privilèges des juifs : c De crainte qu'on ne mette
dans leurs maisons des choses que Ton diroit ensuite volées,
nous voulons qu'ils ne puissent être repris pour nulle chose
trouvée chez eux, sauf en un coffre dont ils porteroientles clefs.»
Ord. III. p. 478.
Quoique Charles V eût essayé d'introduire un peu d'ordre
dans la comptabilité, il n'y pouvait voir clair. L'usage des
chiffres romains, maintenu presque jusqu'à nous par la cham-
bre des Comptes, suffisait pour rendre les calculs impossibles.
^^ " P^gc 317 — Une soljnneUe plaidoirie par-devant le
roi't etc..
Pierre Cugoières demandait entre autres choses que le vassal
félon fût puni parle seigneur et non par l'église, sauf la péni-
tence qui viendrait après; qu'un seigneur ne fût pasexcom-
ninnié pour les fautes des siens; que le juge ecclésiastique ne
forçât pas le vassal d'autrui par excommunication à plaider de-
vant lui, que l'église ne donnât pas asilo à ceux qui échap-
paient des prisons du roi ; d'autre part que les terres acquises
par le clerc payassent les taxes et retournassent à sa famille,
au lieu de rester en main morte, que le clerc qui trafiquait ou
prétait fût sujet à la taille, qu'un roturier ne donnât moitié de
sa terre à son fils clerc, s'il avait deux enfants, etc.
Ltf nom de Favoeat du roi resta le synonyme d^un mauvais er-
goteur,.,
• Abiitque in proverbium, ut quem sciolum et-argutulum et
deformem videmus, M. Petrum de Cuneriis, vel corrupte,
M. Pierre du Coignet vocitemus. > Bulœus, IV, 222.*Libertés de
l'église gall. Traités. Lettres de Brunet, p. 4. — ■ SImulacrum
cjus, simum et déforme... quod scholastici pnetereuntes stylis
suis scriploriis pugnisque confodere etcontundere solebanl. t
Bulœus, IV, 322.
149 AFPBfIDiCS.
t%l — page 319 -*- M» XXU dédarA tgrauimnîqu^tti kamt
de la simonie, U se réeérvaU...
Balus. Pap. Aven, I, p. 722. « Omnia bénéficia ecclesiastifa
quae fuerunt, et quocumqiie nmnine censeantar et nbicnmque
^ vacare eontigerit. >
268 — page 320 sole 9 -<* L^kteir» d^ M papeese Jeanne..,
On l'a rejetée à Van 848, et efté en prenne Mamoas Festus et
Sigebert de GembltHirs ; mai» en n'en trouve pas un mol dans
les ancien mannsefits de ces antesrs. Plus tard seolemcDi on
it)sëradans' le ftexie ce qu'on ayait d'abonjp écrit à la marge.
Balœas, IV, 240.
269 — page 320 * Suinte BriyiUe fait dire par Jésus na pope
d^ Avignon,.,
t Tu pej«r Lwrfffero . . . tn injnstîor Pilato ... lu immîtior Jndi,
qui jfne solum vendidiL; tu aulcm non solum me veodis, sed et
animas electorum meorum > S. Brigittœ Revelationes, 1.1,
C. XLI.
270 — page 322 — On considéra tous les malheurs qui suivirgnt
comme une pt^nition du ciel..
On cliantait à cette époque le cantiq^ae suivant :
Plange regni re^publica.
Tua gens, ut sehismatica,
DesoTatur.
Kma pArs «Jm est iniqfaa,
El akera sopblAiioai
RttpBistiir; «ta.
Bibt, duroi^eod, 7«t9. CoU. dm Mém. r, 181.
. 221 ^ pftffo âe4i -^ Bm>slt9s du ÏAmguedoo. . .
HialL du. Lao^itedoe, 1. XXlUi], ch. ici, p. 36$, -* ch. kt
]K3âB,.-^«db 3att,.p* 369;.
272 -m pflgcr 8i7 -^ Màoahse de lagreta^Hê:..
GbrotHi^e en «aosAto 13 'ni à i^^t, par maUoe Gvilt. de Siiaw
André, licencié en décret, scolustique de Dol, notaire
liqve él ispéml, vnibm9dà%m^ conseiller eiseeréUiire du duc
1^6 Fiaoecéa «Ataieiit twtMnéi»
Si leurs air« (ont efltaioés;
Avoitnt beaucoup de perleiie9|
Et de noavelles broderies.
Ils estoient frisques et mignotz,
Çbantoieni 6orame des sy reuotz ;
fln salles d'herbettes jonchées,
DftBsofeD^ portoient barbes fonrebées,
... Les nmi% nsMÊo^iÀéni ani jeuoâi;
Et tou praooieot tetriUe oom«
Po«f faife paout aux Bfelqnt *
»
273 — page 328 ^ Mûri d» J)u:fm$GUn. ..
Al dauice France amie, JQ ialairay briefjueiu!
Orreille Dieu de gloire^ par soq comiQ^nJeoiQDi,
Qae si bon conestable aiez prochainemeot
De coi TOUS vaillies mieux en honour ptainement!
Poème de DugueicHn, mt. de la Bihl. royaU, n* 7224, 143 verso.
■
¥. Teicelleol art. Charles V de U. Lacabane (Dict. de la eon-
Tcrsation).
274 -^ pafe ^i -^ Ia FratH» atUigiiMii 4an« Ft'QÛsart la
ptrfecûoik de Uk prote norraiwe . . .
Sans parler de tant de beanx récits» je ne crois pas qtt'ii y ail
rien daos noire langue de plus exquis que le cbafMlre : « Opm-
ment le rovËdovard dit à U comtesse de Salisbury qu'il oon-
vcBoil qu'il fa si aimé d'ellci douielle fui fortement ébahie. >
Quoique Froissart ait séjourné si longtemps en Angleterre, je
n'y trouve qu'un moi. qui semble emprunté à la langue de ce
paya : c Le roi de Fraœe pour oe jour éioil jeune, et volontiers
iraviUint (voyageait» traveUùdj.* T. IX, p. 475, année 1388.
DoÊtâ «on v&yage aux P^rènm^ ^minaeni le joyêUx jn-étrt, moie
m$ ^yairt lâvrigrê en lea^,,,
% Cooeidérai en moiHfnéme que nuUe eapérance n'étnit que
•ncnfts lihsd'arttes se fissent es psrUes de Pieardie et de
448 APPBia>ici.
Flandre, puisque paix y étoit, et point ne vonlois être oiseux;
ctr je savois bien que an temps à venir et quand je serai aiort,
sera cette hante et noble histoire en grand cours, et y prendront
tous nobles et caillants homjnes plaisance et exemple de bien
firire ; et enlrenientes que j'avois. Dieu merci, sens, mémoire et
bonne souvenance de toutes les choses passées, engin clair et
aigu pour concevoir tous les faits dont je pourroîs être infonné
touchants à vf^ principale matière, ftge» corps et membres pour
souffrir peine, me avisai que je ne voulois me séjourner de non
poursuivre ma matière; et pour savoir la vérilô des lointaines
besognes sans ce que j'envoyasse ancniie autre personne en
lieu de moi, pris voie et achoison (occasion) raisonnable d'aller
devers haut prince et redouté seigneur messire Gaston comte
de Foix et de Berne... Et tant travaillai et chevauchai en qué-
rant de tous côtés nouvelles, que par la grâce de Dieu, sans
péril et sans dommage, je vins en son chftiel à Ortais... en l'an
de grâce 1388. Lequel.... quand je lui demandois aucnne chose,
il me ie disoit moult volontiers; et me disoit bien qucFliis-
toire que je avois fait et poursuivois seroit au temps à venir
plus recommandée que mille autres. « Froiss&rt, IX, 218-2201
•
275 — page 331 — ^Le vrai régime det bergers et bergères par
Jehan de Brie*,.,
Jehan raconte d'abord comme quoi : t A l'âge où les enfants
commencent à muer leurs premières dents et où ils ont encore
leur folle plume, et ne sont prenables d'aucune loi, > il fut
chargé de garder les oies, puis les pourceaux; comment en-
suite, • accroissant son estât d'estre promeu aux honneors ter-
riens, 1 il eut la garde des chevaux et des vaches. Maïs il y fat
blessé, et revint dire que jamais il ne garderoitde vaches : c D
lors, lui fust baillée lag.rde de quatre-vingts agneaux débon-
naires et innocents..., et il fut comme leur tuteur et curateur,
car ils étoicnt soubs àg^ et mineurs d'ans. > 11 ne se conduisit
pas comme certains pasteurs temporels ou spirituels..., etc En*
suile t ledit Jehan de Brie, sans simonie, fui establi et institué
à porter les clefs des vivres.... de l'hdtel do Messy, appartenant
à l'un des conseillers du roy nostre seigneur lès enqnestcs de
son parlement à Paris... Quand ledict de Brie eut été licencié
APPENDICE» 449
et maifltre en ceste science de bergerie, et qu'il estoît digne de
lire en la rue ta Feurre (la rue du Fouarre, où étaient les écolet)
auprès la crèche aulx veaux^ ou aoubz Vombre d'ung ormel
ou tilleul, derrière les lirebis, lors vint demourer au Palais-
Royal, en l'hosiel de Heisire Àmoul dd Grantpont, trésorier de
la Sainte-Cbapelle royale à Paris... — Premièrement, les ai-
gniaux qui sont jeunes et tendres doivent ester traitez amyable-
ment et sans violence, et ne les doit-on pas férir ne chastier
de verges, de bastons, etc. » — Lorsque l'on coupe lésagneaux:
c Doft lors le berger estre sans péché, et est bon de soi confes-
ser, etc., etc.»— Ce charmant petit. livre n'a pas été réimprimé,
que je sache, depuis le xti« siècle. J'en connaia deux éditions,
toutes deux de Paris; l'une porte la date de 1542 (Bibl. de l'Ar-
senal)^ l'autre n'a pas d'indication d'année (Bibl. royale,
S. 880).
Le passage suivant a bien l'air d'être écrit par un homme de
robe : t Us estoient (les agneaux) sous ftge et mineurs d'ans;
et pour ce que ledit Jehan n'est pas noble^ et que il ne lui ap-
partenoit pas de lignage, il n'en put avoir le 6at/, mais il en eut
la garde^ gouvernement et administration, quant à la nour-
rilure. >
276 — page 333 — L'épopée des faite et geetee de Duguesclin...
.... Le prévost d'Avignon
Vint droit à Villenove, où la chevalerie
De Beriran et des siens estoit adonc logte.
I la dit à Bertran que point ne le detric :
Sire, l'avoir est prest, je vous aeertefie,
Et la solution séelëe et fournie,
Corne Jhesu donna le fils sainte Marie
A llarie-llagdalaine qui fat Jhesu amie.
Et Bertran 11 a dii : Beau sire, je vous prie»
Dont vint ycils avoirs, ne me le celés mie?
^ La pris li Aposteles en sa thresorerie?
Nanil, Sire, dit-il, mais la debte est paie
Du eommun d'Avignon, a chascnn sa partie.
Dit Bertran Du Guesclin : Prévost, je vous afie,
Jà n'en arons deniers en jour de notre vie.
Se ce n'est de l'avoir venant de la dergie,
m. »
ifiO APFBNMGB.
£t TotoM qae toH cU q«i la tiiilB ontpaiée.
Aient tout lor argeBt, sans prendre une maillie.
Sire, dit li préros» Dieu tous doiot bonne viet
La pour gent arez Ibrhdèat ësclëeslle (r^teis).
Amis, ne dit Bertran» in pipe me dita,
Qne ees grens trésors eoH <A¥m% ^ êéfsilMi^
€eoli ^ai 4oiit paie» il lor son Mtaiet^
St dittes qne ]aainlf &'«b lott nul ret^oL
4kr» en le MToie^ Jà ae-vonann donhlM^
Et je teie «nltiemer .ptswi^t bien ata^
le eeroie ainçoia par deç\ relournez...
■ai Vu§wmlmi im^ ir la JNU« irt^ah^^n* 79Êk fiÊMIk
VW M tOMB ftoh
TABLE DES MATIÈRES
UVftE V
CBAnfM 1«. Tipt^u iieitiênne$
IS70.iS83. Phuippi li Hardi 9
Charles d'Anjou chef de la malaon de Pranaa« . « « . S
Efforts des papes pour seooëer U fmgfvm^ké , . 7
Jean de Procida « . . 4 . . «^ . . iS
11 passe jd'Espagtte m ttcUe et ft CoaiUsiitiiiofik»* . 19
IttS. llaasaece des Français «i|'8kiUo«<x 13
D. PadvOi toi d'Jitfagon , 4cS0«rt les SieUieoe tt
tlSS. Mon de Cbarles d'Anjou ..,«,.., 18
Philippe le Hardi meurt en Espagne 19
1S99. La Sicile reste au roi Fréd4riCj Napies aux descen-
daou de Charles d'Anjou 19
CiupiTst II. PhUippe U Bel. ^ Boniface VIII , 1285-4304. 20
1283. PaiLippB LB Bel 20
Administration 21
128S.1291 . Parlement 22
452 TABLE DES MATIÈRES.
Centralisation monarchique. Légistes ^
Fiscalité «4
1293-1300. L'argent et la ruse 25
Philippe appelé par les Flamands 29
Le comte de Flandre et sa fille retenus à Paris. . . 32
Expulsion des Juifs, altération des monnaies; mal-
té^e 33
1295-1304. Démêlés entre Boni face VIII et Philippe le Bel. ;i5
1300. Le Jubilé 37
Le pape favorise les ennemis de la France; repré-
sailles de Philippe 42
Rupture au sujet du Languedoc 43
1301 . Philippe fait enlever l'évéque de Pamiers ii
1302. Bulle supposée; brûlée à Paris 47
Philippe appuyé par les Ëtats généraux 48
Révolte des Flamands 82
Défaite de Gourtrai .' 51
1302. Suite de la lutte contre le pape 56
Nogaret à Anagni 60
Retour du pape à Rome; sa mort 64
BenoU XI meurt subitement 66
1304. Victoires de Ziriksée et de Mons-en-Puelle 67
Misère du peuple * • 68
Cn ApiTBE IlL L'or, — Le fisc. — Ln TempltBn 69
L'or ea
Le fisc 70
L'alchimie 71
La sorcellerie 72
Le juif 73
1305. Bertrand de Gott (Clément V) 75
TABLE DES MATIÈRES. 453
1306. Poursuites contre Boniface Vill \ 79
Le Temple .... 80
Puissance, privilèges du Temple 81
Cérémonies 83
Accusations dirigées contre cet ordre 84
Richesse des Templiers 86
Us font la guerre aux chrétiens. 89
Griefs de la maisoi^ de France 89
Philippe le Bel ruiné attaque les Templiers 91
Les moines et les nobles les abandonnent 92
Ils refusent de se réunir aux hospitaliers 93
Les chefs de Tordre nrrétés à Paris. 94
1307. instruction du procès 95
CBiPiTBE IV. SuiU. — Dettructùm de Vordrê du Temple.
1307-1314 96
4307. Opposition du pape 96
L'instruction continue 97
1307. Aveux obtenus par les tortures. • • 98
1308. Adhésion des États du«royaume aux poursuites... 98
Difficultés suscitées par le pape.. 99
Le pape se réfugie à Avignon • 100
Concessions mutuelles 101
1309. Commission pontificale. Faiblesse du grand-maUre. i(A
1310. Poursuites contre la mémoire de Boniface lOt
Défense des Templiers entravée 103
Protestation des Templiers 104
intérêt qu'ils excitent 119
Consultation du pape en leur faveur 1 12
Concile provincial tenu 4 Paris • 113
Supplice de cinquante-quatre Templiers M5
454 TABLB DBS ITÀTliftSS.
1311 . L'ordre aupprimé par toute It tliftfltettlé ilf
Compromis entre le pape et le- roi iââ
1312. Concile de Vienne iâ2
Condamnation des mystiques btfgliaffds, francis-
cains ..« * 123
Abolition du Tem pie. ...... ^ »... 126
Fin du procès de Bonifa^VlIL,*^ ,*.. 127
4314. Exécution dçs chefs 4^ l'«r4»c, •,.•.. 129
Causes d^ la cfanU du T«iD^>l»«.f .•••«».•••»•«.. 130
m
CUAPiTSB V. Stt/ftf (fu f^gnxdé Philippe le Bel, — Ses trais
fiit. — Proeèi. — InkUutwns. 131l-i.'«8 13^
Le diable 134
Procèe atroces • »• • • .' 13$
Itl4. Mort de Philippe le Bei.*V 13»
Activité, éducation de Philippe le Bel 139
U ménage TUniversilé. • « i . • . . ^ . • 110
Institutions- «f^^w^ 141
Ordonnances contradictoires 112
Hyp<Scri4ie de ce gmiTernement 115
Attaque» contre la uo^lesse 146
Confédération' de la «oblesse du aord et de f est. . 147
«^ Louis X', réaction féodale «.....: 148
Lutte des barons et des légistes. . . . r. . .*. 150
1315. Lois nouvelles sur les mcnnatcs 153
Ordonnance pour t'affmntffalssement des serfs 153
1316. Philippe li Lom.-. 154
Application ée la loi Salique r 155
Les Tilles sont armées '. ' • . • • 156
Tentative -pour la* réforme des poids et des mé-
. sures. ..».'.,.. ^ ••..,•..>• ,•»..... 156*
TiBLB DBS HATIÈIIIS. 4S5
Règlements de ^nance^ 157
i316-13S2. Le parlement se constitne 158
La niyavté-fte constitue. 159
idSO. Pastewreavs • 160
Le» J « i fs et les léprem. ....» 161
l9S2-13ftS. Cbam.» IV, iv Bu 165
Edouard II, roi d'Angleterrtft. ittnjreiaé PM sa
femme, Isabelle de FraDce,f ».•.-•••» 163
i3î8. Mort de Charles IV 169
JJVBJÎ Yl
Chamim lir. L'Anpktur». ^ PhiHpp$ de FiOaw. I3|8-
12&9 : 170
13S8. Avènement de PmirppB db Valois. . . ^ ^ . . 470
L'Angleterre sous Edouard lU .................. . 171
Flandre, Angleterre; esprit commercial. ^ ^ « . ^* . • . 171
Routes du commerce depuis les croi^deç. . . t. .. . • 171
Commerce de l'Angleterre ,«.,, ^.. 172
Caractère guerrier et mercantile du nv* aièçl^. ». . 176
Caractère opposé de la fr^i^ç^.^,,.,^...f^.,»»^,. 177
.Premières années du règne die. Phiuim Vt. . r 178
tecm 4e Ftodre. Batailla d^ Cdssdl f 180
m9^ Ppoeès de Robert d'Artois 181
1132. Bokefi a'MfnU ca FisMlra, puia am Aoglaterre. . . 183
1333. Poursuites contre sa faroilie 184
1336. Oril0BUMpM8 sur les inpdl» et sur )^ aaraban-
diacs\. 184
Rapports de Pliilippe VI avee le pape 185
Meeontentemetit'gdndral. 186
456 TABLE DBS MAT1BRB6.
< Edouard 111 relève son autorité 186
Guerre indirecte entre la France et l'Angleterre. . . 186
Ëmigration des ouvriers flamands en Angleterre. . 186
1337. Révolte des Gantais* Jac^^uemart ArUveide 187
Ordonnances et préparatifs d'Ëdouyd III 187
Armée féodale et mercenaire de Philippe YI. • . . . . 188
1338. Les Anglais en Flandre 190
Edouard 111, vicaire impérial 19S
1339. Les Anglais en France 191
Edouard 111 roi de France 196
1340. BaUille de l'Écluse 198
La guerre de Flandre sans résultats 199
1341 . Guerre de Bretagne. Blois et Montfort 200
1342. Philippe VI soutient Charles de Blois; Edouard ill
soutient Jean de MontfOrt 201
1345. Edouard 111 perd à la fois Montfort et Artcvelde. . . 20i
1346. Edouard III attaque la Normandie 203
Lés Anglais brillent Saint-Germain, Saint-Gioud,
Boulogne 204
Philippe VI les poursuit 205
Bataille de Crécy 206
Siège de Calais » 209
Persistance d'Edouard III ; ses snccès en Ecosse et
en Bretagne 210
Tentatives de Philippe -pour faire lever le siège de
Calais 21 1
1347. Prise de Calais : dévouement de six bourgeois.. . . 212
Calais peuplé d'Anglais 213
Les mercenaires, les Jantassins remplacent les
troupes féodales ill
Humiliation du pape, de rcmperoor, du roi, de la
noblesse 215
TABLE DBS MATlfcRBS. 457
AbattemenI moral; alterne de la fin du monde;
mortalité 216
1348. La PisU noire 217
Mysticisme de TAllemagne ; flagellants. 218
Boccace; prologue dn Déeaméron 219
Suites delaPeste 220
1349-13o0. Le roi se remarie; il acquiert Montpellier et
le Danphiné ... 222
Noces et fêtes 222
■
1390. Mort de Philippe VI 223
CHAmaB 11. Jean. <- BataiUi de PoUiên. i350-13W 224
•
Lanre, Pétrarque 225
Le xiT« siècle s'obstine dans sa fidélilé au passé.. . . 227
1350. Avènement de Jkaii 228*
Création de Tordre de l'Ëtoile 228
Charles d'Espagne, Charles de NaVarre 229
1350 1359. Rapides variations des monnaies. ..... ^ 229
Etats généraui, sous Philippe de Valois, sous Jean. 230
1355. Gabelle votée par les Ëuts. RésisUnce de la Nôr-
mandic et du comte d'Harcourt 231
Le comte d*Harcourl décapité 213
1356. Le prince de Galles ravage le midi 184
Eatoille de Poitiers 235
Le roi prisonnier 235
Chapitbe 111. Suite. Étale géniraur. ~ Parie. — Jacque*
rie. 1356-1364 \ 233
1356. Le dauphin Charles. Le prévôt des marchands,
Etienne Marcel 238
Paris 238
iS8 TABUi 913 lUTltaSS.
1357. âtaUgéaéruix.. ...,, .,. îiî
États provinciaiiit. . •. ....,,.••..• ii3
Robert le CoqaL Etienne Marcel. ...••. ÎI4
Désastres de ta VVtnee. 248
Charles le Manvais à Paris. Si9
i358. Nouveaux Ëlàts; lé dauphin régent du royaume.. . 250
RévoUe de Paris '. , 251
Meurtre des maréchaux de Champagne; et de Nor-
mandie 25Î
Règne de Marcel 25^
La Champagne, le Vermandois pour le dauphin. . . 2^
Étatsdela Langue d'oil a Conpiègne 265
Souffrances du paysan 256
Jacquerie 257
' Gharlea le Mauvais, capitaine de Paris. 265
Marcel s'appuie* sur Charles* le ffaavais et essaye
de lui livrer Paris» «/.. 265
. Marcel assassiné* ..»••••« 266
l9fS9. Le dauphin rentre & Pbt^ 267
* Hégociatioiis avec les Anglais. «... 268
' Leurs propositions rejetée) par Tes Ëtats M
Edouard III en France 269
Les Anglais anx portes de Paris 271
1360. Traité de Brelîgny.. 271
Désolation des provinces cédées. 27S
Rançon du fbi 27S
Le roi en liberté; ses premières ordonnances. .... 279
* Ordonnance en faveur des Juifs. , • . .' 280
1360-1363. Misère, ravage, mortalité 281
Les Tard-ivents. *. . « .> . : . . ..; ». ^•.» .» • • /. . Va
' 13C2. Jeanréunit au donraine la Bourgogne et la Cham-
- • pagnew«««««««w...* «..•..^.••••'. . 282
XUU Mt IttTiiitt. tS9
i363. U ▼» pvécbf r lâr cf0f 8i4e #«k Ang iMrf». Î83
1364. Mdrt do roi Jefto- à Londrti... ..-.s . .^ .* 284
CHAPmi IV. Ckarhi Y. (304^1380. ^ J^^iiMon é^ A^r
glaii ^. 285
« • • •
1964. Chailes V, im Saob.k* ••«..*.'.. t 285
L'ABgla», le Navarrais^ l6» CMit]ifigaiGi^ 286
• Beii fêtkâ Du ftfead lu.......; «' « ^ . 287
BaUill^deCoclwMl. .,:.;; «. M7
IM5 . Bataine iT Aitty; n«tt dé C)iarli« de BtoU. ...... 2W
Ordon ii»n oea de Cli arlea. V*..j.4 ««... 290
Guerre de don Eari^aeîdeTtaittlaaiar» caQtmivn
fréredoD Bèdre le^Crvel ..•••.. 29i
1966. Dngneadin à la tète des Coftipagnlea. . . ..#;..... 293
Le pape rançonnié à Avignen 291
Don Pèdré quitte l'Espagne; M rétabli par les
Anglais .1 • 294
1367. Bataille de Najara; Dugneaclin prisonnier 295
Les Compagnies, mal payées, ise jettent sor la
France .' 295
Dvguesdin recouvre ht liberté. 296
1368. Le midi mécontent des Anglais 297
1369 . Défections 298
Le prince de Galles cité devant lâ*co'ar des Pairs. . 299*
Charles recônvré son influence 300
Dugueselin replace don Enrique sur le trône de '
Castille ; don Pèdre vuincu à la bataille M len-
liel. 300
Chailas V eonâsqne TAquitaine .< . • 301
1370.' Les Angîalè (rave'rècAt'Ià Prantfe; mort de Jean
" Cfaairdos.. '.'.•*...;•..; »..-... SOI
460 TABLE DBS MATIBRBS.
Charles V se eoncilie le roi de Navarre et le roi
. dÉcosse 301
Le prince de Galles prend Limoges d'assaut 305
Dngnesclin coiAiétable 305
Le duc de Bretagne prend parti pour les Anglais; il
est chassé par les Bretons 306
1370-1373. Le roi de Castille envoie une flotte à Charles?.
Prise de La Rochelle 306
Les Anglais battus partout 307
Le duc de Laocastre traverse de nouveau la France. 307
1374. Les Gascons se livrent à la France « «. 306
1376. L'Angleterre veut la paix ; Le b<m parfmiuiU 309
Mort du prince de Galles 309
1377. Mort d'Edouard 111; Alice Ferrera 309
Charles V marie son frère, le duc de Boargogne, &
l'bériUère de Flandre 3il
1378. Le roi de Navarre traite avec les Aijglais; Charles V
le prévient 312
La France relevée dans l'opinion de l'Europe 31i
Monuments de Charles V. Bastille. H6tel Saint-
Paul *. 313
Vie privée de Charles V...n 313
Astrologues 311
Sagesse de Charles V ; sa prévoyance^ 31?
Mauvais état des finances du roi; puissance des
Juifs ^ 315
Richesse, juridiction du clergé 316
Régales, annales, réserves 316
Corruption de l'Eglise 317
Grand schisme. Urbain VI, Clément Vil 317
Charles V ne. peut faire reconnaître son pape dans
la chrétienté 317
1379. Révoltes du Languedoc 314
TABLE DBS MATIÈRES. 464
Révoltes de la Flaodre (Voyez le t. IV) 325
Révoltes de la Bretagne. \ 326
1380. Mort de Daguesclln 328
Mort de Charles V 328
Son gouvernement 329
Caractère prosaïque dn xir« siècle 330
Froissart. Jehan U (on hwqw^ etc 331
Situation difficile et contradictoire où se trouve la
chrétienté. Folie de Charles VI et de la plupart
des princes de cette époque \ 333
Appenihcb ik 335
rm DB LA TABLE DU TOHB TBOISltHI.
Imprifflerie L. Tofnoo et C*. à Samt-G«nnaia«
HISTOIRE
DE FRANCE
IV
J ■
OfPBIlfERIB EUaÈMB BEUTTB ^T C*, 4 SAINT- ^BBlIAIll
HISTOIRE
DE FRANCE
PAR
J. MICHELET
NOUVELLE ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE
TOME QUATRIÈME
PARIS
A. LACROIX ET C«, ÉDITEURS
13, PAUBOURO irONTMARTRE, 13
1874
TtfM draitt ût indiictloB «1 éê rcprodiiailoa réacrvéï.
PRÉFACE DE 1840
Ce volume et le suivant ont pour sujet commun la
grande crise du xv'siëclei les deux phases de celte crise
où la France sembla s'abîmer. Celui-ci racontera lamort,
le suivant la résurrection.
La première des deux périodes dure près d'un demi-
siècle; elle part du schisme pontifical, et traverse le
schisme politique d'Oriéans et de Bourgogne, de Valois
et de Lancastre.
Notre faible unité nationale du xrv« siècle était toute
dans la royauté; au xv*, la royauté môme se divisant» il
faut bien que le peuple essaye d'y suppléer. Le peuple
des villes y échoue en 1413, et de cette tentative il ne
reste qu'un code, le premier code administratif qu'ait
eu la France. Le peuple des campagnes fera par inspi-
ration ce que la sagesse des villes n'a pu faire ; il rélèvera
la royauté, rétablira l'unité, et de cette épreuve où le
pays faillit périr, sortirai confuse encore, mais vivace et
forte, ridée môme de la patrie.
Avant d'en venir là, il faut que ce pays descende dans
j
VI PRÉFACE DE 1840
la ruine, dans la mort, à une profondeur dont rien peut-
être, ni avant ni après, n*a donné l'idée. Celui qui par
Tétude a traversé les siècles pour se replacer dans les
misères de celte époque funèbre, qui, pour mieux les
comprendre, a voulu y vivre et en prendre sa pari, ne
pourra encore qu'à grand'peine en faire entrevoir l'hor-
reur.
L'histoire est grave ici par le sujet; elle ne l'est pas
moins par le caractère tout nouveau d'autorité qu'elle
tire des monuments de l'époque. Pour la première fois
peut-être elle marche sur un terrain ferme. La chro-
nique, jusque-là enfantine et conteuse, commence à
déposer avec le sérieux d'un témoin. Mais à côté de ce
témoignage nous en trouvons un autre plus sûr. Les
grandes collections d'actes publics, imprimés ou ma-
nuscrits, deviennent plus complètes et plus instructives.
Elles forment dans leur suite, désormais peu interrom-
pue, d'authentiques annales, au moyen desquelles nous
pouvons dater, suppléer, souvent démentir, les on 4U
des chroniqueurs. Sans accorder aux actes une conflance
illimitée, sans oublier que les actes les plus graves, les
lois même, restent souvent sur le papier et sans appli-
cation, on ne peut nier que ces témoignages oiliciels et
nationaux n'aient généralement une autorité supérieure
aux témoignages individuels.
Les ordonnances de nos rois, le Trésor des Chartes,
les Registres du Parlement, les actes des Conciles; telles
PRiFAGB DB 1840 VU
ont été nos sources pour les faits les plus importants.
Joignez-y, quant à TAnglelerre, le Recueil de Rymer et
celui des Statuts du royaume. Ces collections nous ont
donné, particulièrement vers lafm du volume, l'histoire
tout entière d'importantes périodes sur lesquelles la
chronique se taisait.
L'étude de ces documents de plus en plus nombreux,
l'interprétation, le centrale des chroniques par les actes,
des actes par les chroniques» tout cela exige des travaux
préalables, des tâtonnements, des discussions critiques
dont nous épargnons à nos lecteurs le laborieux spec-
tacle. Une histoire étant une œuvre d'art autant que de
science, elle doit paraître dégagée des machines et des
échafaudages qui en ont préparé la construction. Nous
n'en parlerions même pas, si nous ne croyions devoir ex«
pliquer et la lenteur avec laquelle se succèdent les vo-
lumes de cet ouvrage et le développement qu'il a
pris. Il ne pouvait rester dans les formes d'un abrégé,
Sans laisser dans Tobscurité beaucoup de choses essen-
tielles, et sans exclure les éléments nouveaux auxquels
riiistoire des temps modernes doit ce qu'elle a de fécon-
dité et de certitude.
8 février 1840.
HISTOIRE
DE FRANCE
LIVRE VII
CHAPITRE PREMIER
Jeunesse de Charles YI. 1380-13d3.
Si le grave abbé Suger et son dévot roi Louis VU
s'étaient éveillés, du fond de leurs caveaux, au bruit des
étranges fêtes que Charles VI donna dans Tabbaye de
Saint-Denis, s'ils étaient revenus un moment pour voir la
nouvelle France, certes, ils auraient été éblouis, mais aussi
surpris cruellement; ils se seraient signés de la tête aux
pieds et bien volontiers recouchés dans leur linceul.
Et en effet, que pouvaient-ils comprendre à ce spectacle?
En vain ces hommes des temps féodaux, studieux contem*
plateurs des signes héraldiques, auraient parcouru des
yeux la prodigieuse bigarrure dc^ écussons appendus aux
murailles ; en vain ils auraient cherché les familles des
barons de la croisade qui suivirent Godefroi ou Louis le
nr. 1
3 JEUNESSE DE CHARLES YI.
Jeune; la plupart étaient éteintes. Qu'étaient devenus les
irrands (ieJs souverains des ducs de Normandie, rois d'An-
gleterre, des comtes d'Anjou, rois de Jérusalem, dt^s
comtes de Toulouse et de Poitiers? On en aurait trouve
les armes à grand'peine, rétrécies qu'elles étaient ou
effacées par les fleurs de lis dans les quarante-six écussons
royaux. En récompense, un peuple de noblesse avait
surgi avec un chaos de douteux blasons. Simples autrefois
comme emblèmes des fiefs, mais devenus alors les insignes
des familles, ces blasons allaient s'embrouillant de
mariages, d'héritages, de généalogies vraies ou fausses.
Les animaux héraldiques s'étaient prêtés aux plus étranges
accouplements. L'ensemble présentait une bizarre masca-
rade. Les devises, pauvre invention moderne i, essayaient
d'expliquer ces noblesses d'hier.
Tels blasons, telles personnes. Nos morts du xu« siècle
n'auraient pas vu sans humiliation, que dis -je! sans
horreur, leurs successeurs du xlv*. Grand eût été leur
scandale, quand la salle se serait remplie des mons-
trueux costunies de ce temps, des immorales et fantastiques
parures qu'on ne craignait pas de porter. D'abord des
hommes- femmes, gracieusement attifés, et traînant molle-
ment des robes de douze aunes; d'autres se dessinant
dans leurs jaquettes de Bohème avec des chausses col-
lantes» mais leurs manches flottaient jusqu'à terre. Ici, des
hommes-bctes brodés de toute espèce d'animaux ; là, des
hommes-musique, historiés de notes ^ qu on chantait
devant ou derrière, tandis que d'autres s'afiichaient d un
grimoire de lettres et de caractères qui sans doute ne
disaient rien de bon.
Cette foule tourbillonnait dans une espèce d'église;
rinuuense salle de bois qu'on avait construite en avait
> Moderne, c'esl-à-dire renouvelde alors rdcemment. Les «leieDs
avaient eu auèsi des devises. App., 1.
« App., 2.
JEUNESSE DE CHARLES YI. 3
Taspect. Les arts de Dieu étaient descendus complaisam-
ment aux plaisirs de Thomme. Le$ ornements les plus
mondains avaient pris les formes sacrées. Les sièges des
belles dames semblaient de petites cathédrales d'ébène,
des châsses d*or. Les voiles précieux que Ton n'eût jadis
tirés du trésor de la cathédrale que pour parer le chef de
Notre-Dame au jour de l'Assomption voltigeaient sur de
jolies têtes mondaines ; Dieu, la Vierge et les Saints avaient
Tair d'avoir été mis à contribution pour la fête. Mais le
Diable fournissait davantage. Les formes sataniques, bes-
tialeSj qui grimacent aux gargouilles des églises, des créa-
tures vivantes n'hésitaient pas à s'en affubler. Les femmes
portaient des cornes à la tête, les hommes aux pieds ; leurs
becs de souliers se tordaient en cornes, en griffes, en
queues de scorpion. Elles surtout, elles faisaient trembler;
le sein nu, la tête haute, elles promenaient par-dessus la
tête des hommes leur gigantesque hennin, échafaudé de
cornes ; il leur fallait se tourner et se baisser aux portes.
A les voir ainsi belles, souriantes, grasses ^; dans la sécu-
rité du péché, on doutait si c'étaient des femmes; on
croyait reconnaître, dans sa beauté terrible, la Béte décrite
et prédite; on se souvenait que le Diable était peint fré-
quemment comme une belle femme cornue *... Costunn^s
échangés entre hommes et femmes, livrée du Diable portée
par des chrétiens, parements d'autels sur l'épaule des
• L*obësité est un caractère des figures de cette sensuelle ëpoqne.
Voir les sUtnes de Sainl-Denis; celles du xiv* iiècle sont visiblement
des portraits. Voir surtout la statue du duc de Berri, dans la chapelle
souterraine de Bourges, avec Vignoble chien gras qui est à ses pieds.
' « Les dames et demoiselles menoient grands et eicessifs estais, et
cornes menreillenses, hautes et large»; et avoient de chacun cosië, an
lieu de bourlées, deux grandes oreilles si larges que quand elles vou-
loient passer l'huis d'une chambre, il falloit qu'elles se tourna^^si'nt de
cô:é et baissassent. • Jurénal des Ursins. — • Quid de comibus et caudis
loquar?... Adde quod in effigie cornulœ fosiiiina Diabolus plerumque
pingitur. • Clemengis.
4 JEUNESSE DE CHARLES TI.
ribauds, tout cela faisait une splendide et royale figure de
sabbat.
Un seul costume eût trouvé grâce. Quelques-uns, de
discret maintien, de douce et matoise figure, portaient
humblement la robe royale, l'ample robe rouge fourrée
d'hermine. Quels étaient ces rois? D'honnêtes boui^eois
de la cité, domiciliés dans la rue de la Calandre, ou dans
la cour de la Sainte-Chapelle. Scribes d'abord du royal
parlement des barons, puis siégeant près d'eux comme
juges, puis juges des barons eux-mêmes, au nom du roi
et sous sa robe. Le roi, laissant cette lourde robe pour un
habit plus leste. Ta jetée sur leui*s bonnes grosses épaules.
Yoiià deux déguisements : le roi prend l'habit du peuple,
le peuple prend l'habit du roi. Charles YI n'aura pas de
plus grand plaisir que de se perdre dans la foule, et de
recevoir les coups des sergents ^. Il peut courir les rues,
danser, jouter dans sa courte jaquette ; les bourgeois juge-
ront et régneront pour lui.
Cette Babel des costumes et des blasons exprimait trop
faiblement encore l'embrouillement des idées. L'ordre
politique naissait ; le désordre intellectuel semblait com-
mencer. La paix publique s'était établie ; la guerre morale
se déclarait. On eût dit que du sérieux monde féodal et
pontifical s'était, un matin, déchaînée la fantaisie. Cette
nouvelle reine du temps se dédommageait après sa longue
pénitence. C'était comme un écolier échappé qui fait du
pis qu'il peut. Le moyen âge, son digne père, qui si long-
temps l'avait contenue, elle le respectait fort; mais, sous
prétexte d'honneur, elle l'habillait de si bonne sorte, que
le pauvre vieillard ne se reconnaissait plus.
On ne sait pas communément que le moyen âge s'est,
de son vivant, oublié lui-même.
Déjà le dur Speculalor Durandus, ce gardien inflexible
1 Voir plas bas l'entrée de la reine habeau.
JEUNESSE DE CHARLES VI. 5
du symbolisme antique, déclare avec douleur que le
prêtre môme ne sait plus le sens des choses saintes ^.
Le conseiller de saint Louis, Pierre de Fontaines, se
croit obligé d'écrire le droit de son temps. « Car, dit-il,
les anciennes coutumes que les prud'hommes tcnoierjt,
soQt tantôt mises à rien... En sorte que le pays est à peu
près sans coutume K »
Les chevaliers, qui se piquaient tant de fidélité, étaient-
ils restés fidèles aux rites de la chevalerie? Nous lisons que,
lorsque Charles YI arma chevaliers ses jeunes cousins
d'Anjou, et qu'il voulut suivre de point en point l'ancien
cérémonial, beaucoup de gens « trouvèrent la chose
étrange et extraordinaire 3. »
Ainsi, avant i 400, les grandes pensées du moyen âge,
ses institutions les plus chères, vont s'altérant pour les
signes, ou s'obscurcissant pour le sens. Nous connaissons
aujourd'hui ce que nous fûmes au xuie siècle mieux que
nous ne le savions au xve. 11 en est advenu comme
d*un homme qui a perdu de vue sa famille, ses parents,
ses jeunes années, et qui, plus tard, se recueillant, s'étonne
d'avoir délaissé ces vieux souvenirs.
Quelqu'un offrant un jour une mnémonique au grand
Thémistocle, il répondit ce mot amer : « Donne-moi plu-
tôt un art d'oublier. » Notre France n'a pas besoin d'un
tel art; elle n'oublie que trop vite !
Qu'un tel homme ait dit ce mot sérieusement, je ne le
croirai jamais. Si Thémistocle eût vraiment pensé ainsi, s'il
eût dédaigné le passé, il n'eût pas mérité le solennel éloge
que fait de lui Thucydide : a L'homme qui sut voir le pré-
sent et prévoir l'avenir. »
Quiconque néglige, oublie, méprise, il en sera puni par
l'esprit de confusion. Loin d'entrevoir l'avenir, il ne com-
prendra rien au présent : il n'y verra qu'un fait sans
• ilpp., 3, — « App., i. — * App,, 5.
6 JEUNESSE DE CHARUtS TI.
cause. Un fait, et rien qui le fasse i Quelle diose plus
propre à troubler le sens?... Le fait lui apparaîtra sans
|raisàn, ni droit d'exister. L'ignorance du fait, folisciims-
sement du droit, sont le fléau du xiv« et du xt* siède.
Les chroniqueurs ne pouvant expliquer ces choses, y
voient la peine du schisme. Ils ont raison en un sens. Mais
le schisme pontifical était lui-même un inckkait di»
schisme universel qui travaillait les esprits.
La discorde intellectuelle et morde se tradaisaît co
guerres civiles. Guerre dans TEmpire, entre Wencesias et
Robert ; en Italie, entre Duras et Anjou ; en Portugal, pour
et contre les enfants d'Inès ; en Aragon, entre Pierre YI et
son fils ; tandis qu'en France se prépareirt les guerres
d'Orléans et de Bourgogne, en Angleterre celles d'York et
de Lancastre.
Discorde dans chaque état, discorde dans fsbaqoe
famille. « Deux hommes se levant d'un même Ut, disait à
peine un mot, qu'ils s'enfuient Fun de l'autre ; l'un crie
York, l'autre Lancastre; et, pour adieu, ils croisent leurs
épées *. »
Voilà les parents, les frères. Hais qui eût peAétré plus
avant encore, ([ui eût ouvert un cœur d'homme, il y
aurait trouvé toute une guerre civile, une mêlée acharnée
d'idées, de sentiments en discorde.
Si la sagesse consiste à se connaître soi-même et à se
pacifier, nulle époque ne tut plus naturellement â>lle.
L'homme, portant en lui cette furieuse guerre, fu\*ait de
l'idée dans la passion, du trouble dans le trouble. P^a à
peu, esprit et sens, âme et corps, tout se détraquant, il n'y
avait bientôt plus dans la machine humaine ime pièce qui
tint. Comment, d'ignorance en erreur, d'idées fausses en
passions mauvaises, d'ivresse en frénésie, l'homme poti-il
sa nature d'homme? Nous ferons ce cruel récit. L'histoire
* Micbacl DraytOD*s The miseries of Qucea M&rgarel.
JEUNESSE DE CHARLES YI. 7
individuelle explique Thistoire générale. La folie du roi
n'était pas celle du roi seul : le royaume en avait sa part
Reprenons Charles YI à son enfance, à son avènement.
^\ . Le petit roi de douze ans, déjà fol de chasse et de guerre^
courait un jour le cerf dans la forêt de Senlis. Nos forêts
étaient alors bien autrement vastes et profondes, et la
dépopulation des quarante dernières années les avait
encore épaissies. Charles YI fit dans cette chasse une
merveilleuse rencontre : il vit un cerf qui portait, non la
croix, comme le cerf de saint Hubert, mais un beau coK
lier de cuivre doré, où on lisait ces mots latins : a César hoc
niihi donavil (César me Ta donnée). » Que ce cerf eût vécu
si longtemps, c'était, tout le monde en convenait, chose
prodigieuse et de grand présage. Mais comment fallait-il
l'entendre? Ëtaitce un signe de Dieu qui promettait des
victoires au règne de son élu? ou bien, une de ces visions
diaboliques par où ' le Tentateur prend possession des
siens, et les pousse au hasard à travers les précipices
jusqu'à ce qu'ils se rompent le col?
Quoi qu'il en soit, la faible imagination de l'enfant royaî»
déjà gâtée par les romans de chevalerie, fut frappée de
cette aventure : il vit encore le cerf en songe avant sa vic-^
toire de Boosebeke. Dès lors, il plaça sous son écusson le
cerf merveilleux, et donna pour support aux armes de
France la malencontreuse figure du cornu et fugitif
animal.
C'était chose peu rassurante de voir un grand royaume
remis, comme un jouet, au caprice d'un enfant. On sal-
tendait à quelque chose d'étrange; des signes merveilleux
apparaissaient.
Ces signes, qui menaçaient-ils? le royaume, ou les en-
nemis du royaume? On pouvait encore en douter. Jamais
« RdigicQx de Saint-Denn,
8 JEUNESSE DE CflARLES VI.
plus faible roi; mais jamais la France n'avait été si forte.
Pendant tout le xui^, tout le xiv^ siècle, à travers les suc-
cès et les désastres, elle avait constamment gagné. Poussée
fatalement dans la grandeur, elle croissait victorieuse;
vaincue, elle croissait encore. Après la défaite de Courtrai,
elle gagna la Champagne et la Navarre ^ ; après la défaite
de Crécy, le Dauphiné et Montpellier; après celle de Poi-
tiers , la Guienne , les deux Bourgognes , la Flandre.
Étrange puissance, qui réussissait toujours malgré ses fau-
tes, par ses fautes.
Non-seulementleroyaumes'étendait, maisleroi étaitplus
roi. Les seigneurs lui avaient remis leur épée de justice '
et de bataille; ils n'attendaient qu'un signe de lui pour
monter à cheval et le suivre n'importe où. On commen-
çait à entrevoir la grande chose des temps modernes, un
empire mû comme un seul homme.
Cette force énorme, où allait-elle se tourner? Qui allait-
elle écraser? Elle flottait incertaine dans une jeune main,
gauche et violente, qui ne savait pas même ce qu'elle tenait.
Quelque part que le coup tombât, il n'y avait dans toute
la chrétienté rien, ce semble, qui pût résister.
L'Italie, sous ses belles formes, était déjà faible et ma-
lade. Ici les tyrans, successeurs des Gibelins ; là les villes
guelfes, autres tyrans, qui avaient absorbé toute vie. Naples
était ce qu'elle est, mêlée d'éléments divers, une grosse
tt^te sans corps. Sous le prétexte du vieux crime de la
reine Jeanne, les uns appelaient les princes hongrois de b
première maison d'Anjou, sortie du frère de saint Louis ;
les autres réclamaient le secours de la seconde maison
d'Anjou, c'est-à-dire de l'aîné des oncles de Charles YI.
L'Allemagne ne valait pas mieux. Elle se dégageait à
grand'peine de son ancien état de hiérarchie féodale, sans
* Par la mort de la reine Jeanne, femme de Philippe le Bel.
* Pour les appels, aans parler de linfluaQce indirecte des joges
royaux.
JEUNESSE DE CHARLES Yl. 9
attendre encore son nouvel état de fédération. Elle tour-
nait.» cette grande Allemagne , vacillante et lourdement
ivre, comme son empereur Wenceslas. La France n'avait,
ce semble, qu'à lui prendre ce qu'elle voulait. Aussi le duc
de Bourgogne, le plus jeune des oncles et le plus capable,
poussait le roi de ce côté. Par mariage, par achat, par
guerre, on pouvait enlever à TEmpire ce qui y tenait le
moins, à savoir, les Pays-Bas.
Par delà les Pays-Bas, le duc de Bourgogne montrait
TAngleterre. Le moment était bon. Cette orgueilleuse An-
gleterre avait alors une terrible fièvre. Le roi, les barons,
et leur homme Wicleff, avaient lâché le peuple contre
l'Église. Mais le dogue, une fois lancé, se retournait contre
les barons. Dans ce péril, tout ce qui avait autorité ou pro-
priété, roi, évéques, barons, se serrèrent et firent corps.
Le roi, jeune et impétueux, frappa le peuple, raffermit les
grands, puis s'en repentit, recula. La France pouvait pro-
fiter de ce faux mouvement, et porter un coup.
Cette France, si forte, n'avait d'empêchement qu'en
elle-même. Les oncles la tiraient en sens inverse, au midi,
au nord. 11 s'agissait de savoir d'abord qui gouvernerait le
petit Charles YI. Ces princes, qui, pendant Fagonie de
leur frère ^, étaient venus avec deux armées se disputa* la
régence, consentirent pourtant à plaider leur droit au par-
lement *. Le duc d'Anjou, comme aîné, fut régent. Mais on
produisit une ordonnance du feu roi, qui réservait la garde
de son fils au duc de Bourgogne et au duc de Bourbon, son
t Pendant que son frère expirait, le duc d'Anjou 8*était tenu caclié
dans une ebambre yoUine; pois, il ayait fait main basse sur tous les
meubles, tonte la yaisselle, tons les joyaux. — On disait que le feu roi
ayait lait sceller des barres d'or et d'argent dans les murs du ch&teau de
llelan, et que les maçons employés à ce trayail avaient ensuite disparu.
Vd trésorier avait juré de garder le secret. Lie duc d'Anjou, n'en pouvant
rien tirer, fit venir le bourreau. • Coupe la tête à cet homme, • lui dil-il.
Le trésorier indiqua la place.
* Religieiu de Saint-Denis.
40 JEUNESSE DE CHARLES H.
oncle maternel. Charles Yl devait être iuunédkteiiient
couronné ^.
Une autre difficulté, c'est que, si le pa^ s'était un peu
refait vers la fin du r^e de Ghaiies V, il n* y avait pas plus
d'ordre ni d'habileté en finanoes; le peu d'argent qu'on levait,
mettait le peuple au désespoir, et le roi n'en prolUait pas.
On se plai§ait à croire que le feu roi avait un nyameoi
aboli les nouveaux impôts pour le remède de aoB âme. On
crut ensuite qu'ils seraient remis par le nouveau roi, comme
joyeuse étrenae du sacre. Mais les oncles menèrent \em
pupille droit à Reims, sans loi faire traverser les viUes, de
cramte qu'il n'entendit les plaintes. On lui fil même, au
retour, éviter Saint-Denis, où Tabbé et les religieux l'atten-
daient en grande pompe; on Tempôcha de faire ses
dévotions au patron de la France, oomme faisaient toujoars
les nouveaux rois.
La royale entrée fut belle ; des fontaines jetaient dn lait,
du vin et de Teau de rose. Et ii n'y avait pas de pain dans
Paris. Le peuple perdit patience. Déjà, tout ant^nr, les
villes et les campagnes étaient en fea. Le piévôt orut gagner
du temps, en convoquant les notables au Parioir aux bour-
geois; mais il en vint bien d'autres; um tanneur demanda
si lion, croyait les amuseï* ainsi. Us mènerait, bon gré mal
gré, le prévôt au palais. (^ duc d'Anjou et le cbukeelier
montèrent tout tremblants sur la Table de marbre, et
promirent l'abolition des impôts établis depuis Philippe de
Valois, depuis Philippe le Bel. La populace courut de là
aux juifs, aux receveurs, pilla, tua 3.
1 Les trois oncles de Charles VI étalent lout aaui ambitieiiz at
que les oncles de Aichard II. Il leur C»llait Misei des ccMuvnaea. £i
France môme, le trône pouvait yaquer. Les jtnua «nIaaAa dm aaUdif
Charles V pouvaient suivre leor père. La devise du d«e de Barci, ktlk
qu'on la lisait dans sa belle chapelle de Bour^ea, ândiqaait tma tes
vagues espérances : « Oureine« le temps veaial • Afp,^ 6w
* Maints débiteurs profitèrent du tumulte pour faire tiÛBWtrthm kuf
créanciers les titres de leurs obligations. (lieUigieux*)
IBtJNSSSB STB CHARLES TI. 44
Le moyen d'ooouper ces bëtes furieuses, c'était de leur
jeter un homme. Les princes cluHsirent un de leurs ennemis
personnels, un des conseillers du feu r6i, le vieil Àubriot,
préT^ de Paris. Us avaient d'ailleurs leurs raisons;
Aubriot avait prêté de l'argent à plus d'un grand seigneur,,
qui se trouvait quitte, s'il était pendu. Ce .prévôt était un
rode justicier, un de ces hommes que la populace aime et
hait, parce que, tout en malmenant le peuple, ils sont
peuple eux-mêmes. U avait fait faire d'inmienses travaux
dans Paris, le quai du Louvre, le mur Saint- Antoine, le pont
Saint-Michel, les premiers égouts, tout oela par corvée,
en ramassant les gens qui traînent dans les rues. Ji ne
traitait pas l'Eglise ni rUniversité plus doucement; il
s'obstinait à ignorer leurs privilèges. 11 avait fait tout exprès
«a Chàtelet deux cachots pour les écoliers et les clercs^.
IL haïssait nommément l'Université c comme mère des
prêtres. » U disait souvent à Charles V que les rois étaient
des sots d'avoir si bien rente les gens d'Église. Jamais il ne
eonminniait. Kailleur, blasphémateur, fort débauché,
malgré ses soixante ans, il était bien avec les juifs, mieux
avec les juives ; îl leur rendait leurs enfants, qu'on enlevait
pour les baptiser. Ce fiit ce qui le perdit. L'Université
l'accusa devant Févéque. Un siècle plus tôt, il eût été
brûlé. U en fut-^quitte pour l'amende honorable et la pénw
teace perpétuelle^ qui ne dura guère.
. Abolir les impôts établis depuis Pldlippe le Bel, c'eût été
supprimer le gouvernement Par deux fois, le duc d'Anjou
essaya de les rétablir (octobre 4384, mars 4382). A la
seconde tentative, il prit de grandes précautions. Il fit
mettre les recettes à l'encan^mais à huis clos dans l'enceinte
du Chàidet. U y avait des gens assez hardis pour acheter,
personne qui osât orier le rétablissement des impôts.
« « Tcterrimos carceres composuerat, uni Clauttri BruneUi, alteri
Vicè Straminum adapians aomiaa. » Heligieux.
\2 lETSESSE VfE CHABLIS YI.
Pourtant, à force d'argent, on trouva on homme déterminéy
qui vînt à cheval dans la halle, et cria d'abord, pour
amasser la foule : « Argenterie da roi volée! Récompense
à qui la rendra ! » Puis quand tout le monde écouta^ il
piqua des deux, en criant que le lendemain oo aurait à
payer l'impôt.
Le lendemain, un des collecteurs se hasarda à demander
un sol à une femme qui vendait du cresson *; il fîit as-
sommé. L'alarme fut si terrible, que Tévêque, les princi-
paux bourgeois, le prévôt même qui devait mettre Tordre,
se sauvèrent de Paris. Les furieux couraient toute la ville
avec des maillets tout neufs qu'ils avaient pris à l'arsenal
Ils les essayèrent sur la tète des collecteurs. L'un deox
s'était réfugié à Saint-Jacques, et tenait la Vierge «n-
brassée ; il fut égorgé sur l'autel (4«' mars 4382). Us pil-
lèrent les maisons des morts; puis sous prétexte qu'il y
avait des collecteurs ou des juifs dans Saint-Germain-des-
Prés, ils forcèrent et pillèrent la riche abbaye. Ces gens,
qui violaient les monastères et les églises, respectèrent le
palais du roi.
Ayant forcé le Chàtelet, ils y trouvèrent Aubriot, le dé-
livrèrent, et le prirent pour capitaine. Hais l'ancien prévôt
était trop avisé pour rester avec eux. La nuit se passa à
boire, et le matin ils trouvèrent que leur capitaine s'était
sauvé. Le seul homme qui leur tint tète et gagna quelque
chose sur eux, c'était le vieux Jean Desmarets, avocat gé-
néral. Ce bonhomme, qu'on aimait beaucoup dans la ville,
empêcha bien d'autres excès. Sans lui, ils auraient détruit
le pont de Charenton.
Rouen s'était soulevé avant Paris, et se soumit avant.
Paris commença à s'alarmer. L'Université, le boa vieux
Desmarets, intercédèrent pour la ville. Ils obtinrent une
amnistie pour tous, sauf quelques-uns des plus notés, qae
' Rollgienx de Saint-Denis.
JEUNESSE DE CHARLES YI. 43
l'on fit tout doucement jeter, la nuit, à la rivière. Cepen-
dant, il n'y avait pas moyen de parler d'impôt aux Pari-
siens. Les princes assemblèrent à Compiègne les députés
de plusieurs autres villes de France (mi-avriM38â). Ces
députés demandèrent à consulter leurs villes, et les villes
ne voulurent rien entendre A. Il fallut que les princes cé-
dassent. Ils vendirent aux Parisiens la paix pour cent
mille francs.
Ce qui brusqua Tarrangement, c'est que le régent était
forcé de partir; il ne pouvait plus différer son expédition
d'Italie. La reine Jeanne de Naples, menacée par son cou-
sin Charles de Duras, avait adopté Louis d^Anjou, et l'ap-
pelait depuis deux ans*. Mais, tant qu'il avait eu quelque
chose à prendre dans le royaume, il n'avait pu se décider
à se mettre en route. Il avait employé ces deux ans à piller
la France et l'Église de France. Le pape d'Avignon, espé-
rant qu'il le déferait de son adversaire de Rome, lui avait
livré non-seulement tout ce que le Saint-Siège pouvait
recevoir, mais tout ce qu'il pourrait emprunter, engageant,
de plus, en garantie de ces emprunts, toutes les terres de
l'Église^. Pour lever cet argent, le duc d'Anjou avait mis
partout chez les gens d'église dés sergents royaux, des
gamisaires, des mangeurs^ comme on disait. Ils en étaient
réduits à vendre les livres de leurs églises, les ornements,
les calices, jusqu'aux tuiles de leurs toits.
Le duc d'Anjou partit enfin, tout chargé d'argent et de
jnalédictions (fin avril 4382). Il partit lorsqu'il n'était plus
temps *de secourir la reine Jeanne. La malheureuse, fas-
cinée par la terreur, affaissée par l'âge ou par le souvenir
i\<i son crime, avait attendu son ennemi. Elle était déjà
prisonnière, lorsqu'elle eut la douleur de voir enfin devant
* • Quiboi^dain ex potentioribns arbiboft. . Potins mon optamus quam
lovfntur. • licligieux.
14 JEU.NESSS DI CHARLES TI.
•
Naples la flotte protençale, qui Teût sauvée qoekpies Jours
plus tôt. La flotte parut dans les premiers joufs de maL Le
42, Jeanne fut étoufiëe sous un maldasw
Louis d'AnjoUy qui se souciait peu de venger sa mère
adoptive, avait envie de rester en Provence, et de recueillir
ainsi le plus liquide de la succession ; le pape le poussa en
Italie. Il semblait, en effet, honteux de ne rien faire avec
une telle armée, une telle masse d'argent. Tout œla
ne servait à rien. Louis d*Ànjou n'eut pas même la conso-
lation de voir son ennemi. Chartes de Duras s'enferma
dans les places, et laissa faire le climat» la famine, la haine
du peuple. Louis d'Anjou le défia par dix foîs« Au boot de
quelques mois, l'armée, l'argent,, tout était perdu. Les
nobles coursiers de bataille étaient morts de Mm ; les plus
iers chevaliers étaient montés sur dfes ânes. Le duc avait
vendu toute sa vaisselle, tous ses joyaux, jusqu'à sa cou-
ronne. U n'avait sur sa cuirasse qu'une méchante toile
peinte. U mourut de la fièvre, à Bari. Les autres revinrent
comme ils purent, en mendiant, ou ne revinrent pas (t 3^}.
Des trois oncles de Charles YI, l'ainé^ le duc d'Anjou,
alla ainsi se perdre à la recherche d'une royauté d'Italie.
Le second, le duc de Berri, s'en était fait une en France,
gouvernant d'une manière absolue le Languedoc et la
GuiOnne, et ne se môlant pas du reste. Le troisième, le duc
de Bourgogne, débarrassé des deux autres, put faire ce
qu'il voulait du roi et du royaume. La Flandre était son
héritage, celui de sa femme; il mena le roi en Flandre,
pour y terminer une rév(dution qui mettait ses espérances
en danger.
Il y avait alors une grande émotion dans toute la chré-
tienté. Il semblait cpi'une guerre' universelle commençât,
des petits contre les grands. En Languedoc, les paysans,
furieux de misère faisaient main basse sur les nobles
et sur les prêtres, tuant sans pitié tous ceux qui
n'avaient pas les mains dures et calleuses, comme eux;
JEUNESSE DB CQARLBS ?I. 45
leur ehef s'appeiftk Pierre de la Bruyère*, Les chaperons
Uancs de Flandre suivaient un bourgeds de Gand ; les
ciompi de Florenee, un cardeur de laine ; les compagnons
de Ronen avaient tait roi, bon gré mal gré, un drapier,
« rai gros homme, pauvre d'esprit*. » En Angleterre, un
couvreur menait le peuple à Londresr, eC dictait au roi l'af-
franchissement général des serfe.
L'effroi était grand. Les gentilshommes, attaqués par-
tout en même temps, ne savaient à qui entendre. « L'on
craignoit, dit Froissart, que toufe gentillesse ne pértt. »
Dans tout cela, pourtant, il n'y avait nul concert, nul en-
semble. Quoique les maillotins de Paris eussent essayé de
correspondre avec les blancs chaperons de Flandre 3; tous
ces mouvements, analogues en apporence, [HDcédaient de
causes au fond si différentes, qu'ils ne pouvaient s^^accorder»
et devaient être tous comprimés isolément.
En Flandre, par exemple, la domination d'un comte
français, ses exaetions, ses violences, avaient décidé la
crise; mais il y avait un mal plus grave encore, plus pro-
fond, b rivalité des villes de Gand et de Bruges^, leur
tyrannie sur les petites villes et sur les eampagnes. La
guerre avait commencé par l'imprudence du comte, qui,
pour faire de l'argent, vendit à ceux de Bruges le droit de
faire passer la Lys dans leur canal, au piéjudîce de Gand.
Cette grosse ville de Bruges^ alors le premier comptoir de
la chrétienté, avait étendu autour d'elle un monopole im-
pitoyable. Elle empêchait les ports d'avoir des entrepôts,
* Ils tuèrent ainsi un écuyer écossais, aprè» ravoir coaronné de fer
rougd, et un religieux de la Trinité, qu'ils traversèreni de part en part
d*nne broche de fer. Le lendemain, ayant pris un prêtre qui allait à la
coor de Borne, iis lui coupèrent le bout des doigts, lui enlevèrent la peau
de sa tonsure et le biîUèreat.
* App., 9.
* On trouve, dit-on, an pillage de Courtrai des lettres de bourgeois
de Paris qui établissaient leurs intelligences avec les Flamands. V. aussi
App,, 18. — App,, iO.
46 JEUNBSSI DE CHARLES TL
les campagnes de fabriquer^; elle avait établi sa domination
sur vingt-quatre villes voisines. Elle ne put prévaloir sur
Gand. Celle-ci, bien mieux située^ au rayonnement des
fleuves et des canaux, était d'ailleurs plus peuplée, et d'un
peuple violent, prompt à tirer le couteau. Les Gantais
tombèrent surceux de Bruges, qui détournèrent leur fleuve,
tuèrent le baUli du comte, brûlèrent son château. Tpres,
Courtrai se laissèrent entraîner par eux. Liège, Bruxelles,
la Hollande môme, les encourageaient, et regrettaient
d'être si loin >. Liège leur envoya six cents diarrettes de
farine.
Gand ne manqua pas d'habiles meneurs. Plus on en
tuait, plus il s'en trouvait. Le premier, Jean Hyoens, qui
dirigea le mouvement, fut empoisonné ; le second, déca|Mté
en trahison. Pierre Dubois, un domestique d'Hyoens, suc-
céda ; et voyant les affaires aller maï, il décida les Gantais,
pour agir avec plus d'unité, à faire un tyran^. Ce fut Phi-
lippe Artewelde, fils du fameux Jacquemart, sinon aussi
habile, du moins aussi hardi que son père. Assiégé, sans
secours, sans vivres, il prend ce qui restait, cinq charrettes
de p^n, deux de vin; avec cinq mille Gantais, il marche
droit à Bruges, où était le comte. Les Brugeois, qui se
voyaient quarante mille, sortent fièrement, et se sauvent
aux premiers coups. Les Gantais entrent dans la ville avec
les fuyards, pillent, tuent,' surtout les gens des gros mé-
tiers^. Le comte échappa en se cachant dans le lit d^une
vieille femme. (3 mai 4382.)
Le duc de Bourgogne, gendre et héritier du comte de
Flandre, n'eut pas de peine à faire crojre au jeune roi que
la noblesse était déshonorée, si on laissait l'avantage à de
tels ribauds. Ils avaient d'ailleurs couru le pays de Tour-
nai, qui était terre de France. Une guerre en Flandre, dans
ce riche pays, était une fête pour les gens de guerre; il
» App,, 12. — « App., i3. — » App,, 14. — * ilpp., 15.
JEDNBSSB DE CHARLES VI. 47
vînt à l'année tout un peuple de Bourguignons, de Nor-
mands, de Bretons*. Ypres eut peur; la peur gagna, les
villes se livrèrent. Les pillards n'eurent qu'à prendre;
draps, toiles, coutils, vaisselle plate, ils vendaient, embal-
laient, expédiaient chez eux.
Les Gantais, ne pouvant compter sur personne^, réduits
à leurs milices, n'ayant presque point de gentilshommes
avec eux, partant; point de cavalerie, se tinrent, à leur or-
dinaire, en un gros bataillon. Leur position était bonne
(Roosebeke près Courtrai), mais la saison devenait dure
(27 novembre 4382). Us avaient hâte de retrouver leurs
poêles. D'ailleurs, les défections commençaient; le sire de
Herzele, un de leurs chefs, les avait quittés. Us forcèrent
Arteweide de les mjner au combat.
Pour être sûr$ de charger avec ensemble, et de ne pas
être séparés par la gendarmerie, ils s'étaient liés les uns aux
autres. La masse avançait en silence , toute hérissée
d'épieux, qu'ils poussaient vigoureusement de l'épaule et
de la poitrine. Plus ils avançaient^ plus ils s'enfonçaient
entre les lances des gens d'armes, qui les débordaient de
droite et de gauche. Peu à peu, ceux-ci se rapprochèrent.
Les lances étant plus longues que les épieux, les Flamands
étaient atteints sans pouvoir atteindre. Le premier rang re-
cula sur le second; le bataillon alla se serrant; une lente
et terrible pression s'opéra sur la masse; cette force énorme
se refoula cruellement contre elle-même. Le sang ne coulait
qu'aux extrémités ; le centre étouffait. Ce n'était point le
tumulte ordinaire d'une bataille, mais les cris inarticulés
' Le Religieux de SainuDenû prétend que ceUe armée montait k pins
de eent mille hommes. Ce fut un seul fournisseur, un bourgeois de Paris,
Nicolas Bouiard, qui se chargea d'approvisionner pour quatre mois le
marché qui se tenait au eamp.
* Les Gantais avaient demandé du secours aux Anglais, mais« de
crainte qu'on ne Toulût leur faire payer ce secours, ils réclamèrent les
sommes que la Flandre avait autrefois prêtées à Edouard UL Ils n'eurent
ni secours ni argent. App., 10.
IT. %
48 JEUNESSB DE CHARLES YI.
de gens qui perdaient haleine, les sourds gémissements, le
Tàle des poitrines qui craquaient ^.
' Les oncles du roi, qui Fav-aient tenu hors de Taction et
à cheval, l'amenèrent ensuite sur la place, et lui montrèrent
tout. Ce champ était hideux à Toir; c'était un entassement
de plusieurs milliers d'hommes étouffés. Itsiui dirent que
c'était lui qui avait gagné la bataille, puisqu'il en avait
donné l'ordre et le signal. On avait remarqué d'ailleurs
qu'au moment où le roi fit déployer Toriflamme, le soleû
se leva, après cinq jours d'obscurité et de brouillard.
Contempler ce terrible spectacle, croire que c'était lui
qui avait fait tout cela, éprouver, parmi les répugnances
de la nature, la joie contre nature de cet immense
meurtre, c'était de quoi troubler profondément un jeune
esprit. Le duc de Bourgogne put bientôt s'en apercevoir,
a son propre dommage. Lorsqu'il ramena à Courtraî son
jeune roi, le cœur ivre de sang, quelqu'un ayant eu l'im-
prudence de lui parler des cinq cents éperons français
qu'on y gardait depuis la défaite de Philippe le Bel, il
ordonna qu'on mit la ville à sac et qu'dn la brûlât.
Le roi, ainsi animé, voulait pousser la guerre, aller
jusqu'à Gand, lassiéger ; mais la ville était en défense. Le
mois de décembre était venu ; il pleuvait toujours. Les
princes aimèrent mieux faire la guerre aux Parisiens
souifiis qu'aux Flamands armés. Paris était ému encore,
mais disposé à obéir. L'avocat général Desmarets avait ea
l'adresse de tout contenir, donnant de bonnes paro!e<,
promettant plus qu'il 'ne pouvait, trahissant 'vertueusement
les deux partis, comme font les modérés. Lorsque le roi
arriva, les bourgeois, pour le mieux 'fôter, crurent faire
une belle chose en se mettant en 'bataille. Peut-être aussi
espéraient-ils, en montrant ainsi leur nombre, obtenir de
mcilieures conditions. Ils s'étalèrent devant Montmartre en
* App.t 17,
JEUNESSE DE CHARLES VI. 19
longues files ; il y avait un corps d'arbalétriers, un corps
armé de boucliers et d*épées, un atitre armé de maillets;
ces maillotins, à eux seuls, étaient vingt mille hommes ^.
Ce spectacle ne fit pas l'impression qu'ifs espéraient. La
noblesse, qui menait le roi, revenait bouffie de sa victoire
de Roosebeke. Les gens d'armes commencèrent parrjdter
bas les barrières; puis on arracha les partes même de
leurs gonds ; on les renversa sur la chaussée du roi ; les
jirinces, toute cette noblesse, eurent la satisfaction de
marcher sur les portes de Paris •. Ils continuèrent en
vainqueurs jusqu'à Notre-Dame. Le jeune roi, bien dressé
à faire son personnage, chevauchait la lance sur la cuisse»
ne disant rien, ne saluant personne, majestueux et teiv-
rible.
Le soldat logea militairement, chez le bourgeois. On
cria que tous eussent à porter leurs armes au "Palais ou au
Louvre. Ils en portèrent tant, dans leur peur, qu'il s'en
trouvait, disait-on, de quoi armer huit cent mille hommes^
La ville désarmée, on résolut de la serrer entre deux forts;
on acheva la Bastille Saint- Antoine, et l'on bâtit au Louvre
une grosse tour qui plongeait dans l'eau; on croyait qu'une
fois pris dans cet étau, Paris ne pourrait plus bouger.
Alors commencèrent les exécutions. On mit à mort les
plus notés, les violents *; puis d*honnêtes gens qui les
avaient contenus, et qui avaient rendu les plus grands
services, comme le pauvre Desmarets ^. On ne lui par-
* App., 18.— *« ...Qnasi teoninam oivium saperbiam CQneakafinL*.*
■Béligidiix de Saint^Deois.
' ibidem. Cette exagération proaye Bellement l'idée qii*on se formait
déjà de la population de celte grande ville.
* Le lundi qui sairit kt'rentrtfa da roi, on exéenla on orfèvre et an
mairvband de drap, plusieurs autres dans la quinzaine suivante, parmi
Jesqaels Nicolas le Flamand, un des amis d*Elienne Marcel, qui avait
assisté nu menrtre de Robert de Clermom.
* On préieod qu'à sa mort il refusa de dire merci an roi, et dit aen-
lement merci à Dieu. Il était l'auteur d'un recueil de Décisions notoires,
établies par enqtmtapar tourba, de 1300 à 1387.
20 JEUNESSE DE CHARLES YI.
donna pas de s*étre mis entre le roi et la ville. Après quel-
ques jours, d'exécutions et de terreur, on arrangea une
scène de clémence. L'Université, la vieille duchesse
d'Orléans, avaient déjà demandé grâce ; mais le duc de
Berri avait répondu que tous les bourgeois méritaient la
mort. £nfin, on dressa, au plus haut des degrés du Palais^
une tente magnifique, où le jeune roi siégea avec ses
oncles et les hauts barons. La foule suppliante remplissait
la cour. Le chancelier énuméra tous les crimes des Pari-
siens depuis le roi- Jean, maudit leur trahison, et demanda
quels supplices ils n'avaient pas mérités. Les malheureux
voyaient déjà la foudre tomber, et baissaient les épaules ;
ce n'était que cris, des femmes surtout qui avaient leurs
maris en prison : elles pleuraient let sanglotaient. Les
oncles du roi, son frère, furent touchés ; ils se jetèrent à
ses pieds, comme il était convenu, et demandèrent que la
peine de mort fut commuée en amende.
' L'effet était produit; la peur ouvrit les bourses. Tout ce
qui avait eu charge, tout ce qui était riche ou aisé, fat
mandé, taxé à de grosses sommes, à trois mille, à six
mille, à huit mille francs. Plusieurs payèrent plus qu'ils
n'avaient. Lorsqu'on crut ne pouvoir plus rien tirer, on
publia à son de trompe que désormais on aurait à payer les
anciens impôts, encore augmentés ; on mit une sui-chai^
de douze deniers sur toute marchandise vendue. La ville
ne pouvait rien dire ; il n'y avait plus de ville, plus de
prévôt, plus d'échevins, plus de commune de Paris ^. Les
chaînes des rues furent portées à Vincennes. Les portes
restèrent ouvertes de nuit et de jour.
On traita à peu près de même Rouen *, Reims, Châlons,
Troyes, Orléans et Sens ; elles furent aussi rançonnées. La
meilleure partie de cet argent, si rudement extorqué, alla
finalement se perdre dans les poches de quelques sei-
• App,, 19, — * App,t 20.
JEUNESSE DE CHARLES VI. SI
liseurs, n n*en resta pas grand'chose ^. Ce qui resta, ce
fut l'outrecuidance de cette noblesse, qui croyait avoir
vaincu la Flandre et la France; ce fut Tinfatuation du
jeune rot, désormais tout prêt à toutes sottises, la tète à
jamais brouillée par ses triomphes de Paris et de Roose-
beke, et lancé à pleine course dans le grand chemin de la
folie.
* « Nec inde regale srariam ditatum est. » Religienx.
CHAPITRE II
Jeunesse de Charles VI. 1384-1391.
La Flandre, qu'on disait vaincue, domptée, l'était si peu,
qu'il y fallut encore deux campagnes, et pour finir par
accorder aux Flamands tout ce qu'on 'leur avait refusé
d'abord.
Cette pauvre Flandre était pillée à la fois par les Fran-
çais, ses ennemis, et par les Anglais, ses amis. Ceux-ci,
irrités du succès des Français à Roosebeke, préparèrent
une croisade contre eux comme schismatiques et partisans
du pape d'Avignon. Cette croisade, dirigée, disaitH>n,
contre la Ficardie, tomba sur la Flandre. Les Flamands
eurent beau représenter au chef de la croisade, àl'évéque
de Norwick, qulls étaient amis des Anglais, point schis-
matiques, mais, comme, eux, partisans du pape de Rome ;
révéque, qui, sous ce titre épiscopai, n'était qu'un rude
homme d'armes et grand pillard, s'obstina à croire que h
Flandre était conquise par les Français et devenue toute
française. Il prit d'assaut Gravelines, une» ville amie, sans
défense, qui ne s'attendait à rien. Cassel, pillée par les
Anglais, fut ensuite brûlée par les Français. Bergues eut
beau ouvrir ses portes au roi de France; le jeune roi, qui
n'avait pas encore pris de ville, s'obstina à donner l'assaut;
il escalada les murs dégarnis, força les portes ouvertes.
Le comte de Flandre insistait pour qu'oa agit sérieuse-
<t^. NES6S DB ilBABIiES VI, 23
P ^ 'a guerre. Mai&iout le inonda était:
'% ^ 4tre l)ien appauvri ; ii n'y avait
"^o^ ^y ^' ^»t' Ce quîil fallait prendre^
• ''V,. '^ti. ^ ^e ville de Gands à quoi,
> <>* ^/ * C "^^®' P^sonoe ne s'en
^•i\, ^x '^^^ /; ^ 'isolait d'être tenu si.
V. ''', V. ./ • ^, ^cr tous ses hivers
/ '■> V .'*; ^ V. ., ires du duo de
'ù'. "^ ^ -• '; ^. Tient oelui-ci
'':^'' âgnandé'i.
.iut homme de
^ai est peu croyable,.
.«V le duc de Bourgogne,.
ce gendre ne fut pas difûcila
|iaix; il n'avait contre les Flamands
ae; l'esèenliel pour lui était d'hériter. Il
^ut ce qu'ils voi^lurent, jura toutes les chartes
donnèrent à jurer. U le» dispenw môme de
i à genoux, cérémonial qui pourtant était d'usage du
.a^ial au seigneur, et. qui n'avait rien d'hunoiliant dans let
id^ féodales» (18 décembre 1384.)
Le duc de Bourgogne était la seule tête politique de cette
féoiille. U s'affermit dans les Pays-Bas par un double
mariage de ses enfants avec ceux de la maison de Bavière,
laquelle, possédant à la fois le llainaut^ la Hollande et la
Zélande, entourait ainsi la Flandre au nord et au.midi. U
eut encore l'adresse de marier le jeune roi, et de le marier
dans cette même maison de Bavière. On proposait les
filles des ducs de Bavière, de Lorraine et d'Autriche. Un
peintre fut envoyé pour faire le portrait des trois pi in-
ceftsoa. La Bavaroise ne manqua pas d'être la plus belle,
comme il convenait aux intérêts du duc de Bourgogne. On
M/>p., 21.
2i jfenXESSE Dl CHARLES ▼!.
la fit venir en grande pompe à Amiens^. Le mariage devut
se faire à Arras. Mais le roi déclara qu'il voulait avoir tout
de suite sa petite femme ; il fallut la lui donner. Celaient
pourtant deux enfants ; il avait seize ansi elle quatorze.
Voilà le duc dé Bourgogne bien fort, un pied en France,
un pied dans TEmpire. Il voulait faire une plus grande
chose, chose immense, et pourtant alors faisable : la con-
quête de TAngleterre. Les Anglais désolaient tout le midi
de la France; ils envahissaient la Castille, notre alliée. An
lieu de traîner cette guerre interminable sur le continent,
il valait mieux aller les trouver dans leur tle, faire la
guerre chez euxatà leurs dépens. Ils avaient entre eux
"une autre guerre qui les occupait, guerre sourde, silen-
cieuse et terrible. Ils étaient si enragés de haines, si achar-
nés à se mordre, qu'on pouvait les battre *et les tuer avant
qu'ils s*en aperçussent. " *
L'effort fût grand, digne du l^ut. On rassembla tout ce
qu'on put acheter, louer de vaisseaux, depuis la Prusse
jusqu'à la Castille. On parvint à en réunir jusqu'à treize
cent quatre-vingt-sept*. Vaisseaux de transport plus que
de guerre ; tout le monde voulait s'embarquer. Il semblait
qu'on préparât une émigration générale de la noblesse
française. Les seigneurs ne craignaient pas de se ruiner,
sûrs d'en trouver dix fois plus de l'autre c^té du détroit.
Ils tenaient à passer galamment ; ils paraient leurs vais-
seaux comme des maîtresses. Ils faisaient argenter les
mâts, dorer les proues; d'immenses pavillons de soie,
flottant dans tout l'orgueil héraldique, déployaient au vent
les lions, les dragons, les licornes, pour faire peur aux
léopards.
La merveille de l'expédition, c'était une ville de bots
qu'on apportait toute charpentée des forêts de la Bretagne,
> « La jeune dame, en estant debout, se tenoit coie et ne mouToit ni
cil ni bonche; et aussi à ce jonr ne saroit point de françois. • Froissart
* App,, as.
nUNESSB DE CHARLES tl. ' 25
et qui faisait la charge de soixante-douze vaisseaux. Elle
devait se remonter au moment du débarquement, et
s'étendre, pour loger l'armée, sur trois mille oas de dia-
mètre ^. Quel que fût révénement des batailles, elle assu-
rait aux Français le plus sûr résultat du débarquement;
elle leur donnait une place en Angleterre, pour recueillir
les mécontents, une sorte de Calais britannique.
Tout cela était assez raisonnable. Mais le duc de Bour-*
gogne n'était pas roi de France. Le projet avait le tort de
lui étns trop utile ; le maître de la Flandre eût pf ofité plus
que personne du succès de l'invasion d'Angleterre. On
obéit donc lentement et de mauvaise grâce; La ville de
bois se fit attendre, et n'arriva qu'à moitié brisée par la
tempête. Le duc de Berri amusa le roi, le plus longtemps
qu'il put, en mariant son fils avec la petite sœur du roi,
ftgée de neuf ans. Charles VI partit seulement le 5 août, et
on lui fit encore visiter lentement les places de la Picardie,
de manière qu'il n'arriva à Arras qu'à la mi-septembre.
Le temps était beau, on pouvait passer. Mais les Anglais
négociaient. Le duc de Berri n'arrivait pas ; il n'était aucu«
nement pressé. Lettres, messages. Tien ne pouvait lui faire
hâter sa marche. Il arriva lorsque la saison rendait le
passage à peu près impossible '. Le mois de décembre était
venu, les mauvais temps, les longues nuits. L'Océan garda
encore cette fois son île, comme il a fait contre Philippe II,
contre Bonaparte '.
Notre meilleure arme contre .la Grande-Bretagne, c'est
la Bretagne. Nos marins bretons sont les vrais adversaires
des leurs; aussi fermes, moins sages peut-être, mais répa-
rant cela par l'élan dans le moment critique. Le conné-
* KnyghtoD. — Walsinghara. — • App., S3.
' ... And Océan, 'mid hia uproar wild»
Speaks safety to his island child.
• L*Océan qui la garde, en son rauqae murmure, dit amour et salut
à son lie, à son enfant I • Coleridge.
26 JffJNiBfiS^ DE GHARIJiS YL
table de Clisson, homnie du roi et chef des résistances
bretonnes contre le duc de Bretagne, reprit Texpédition/
et en fit l'affaire de sa province. Glisson. visait baut; il
venait de racheter aux Anglais le jaune comte de Btois,
prétendant au dudié de Bretagne; il lui donna sa fille, et
il l'aurait fait duc. Le duc régnant, Jean de Montfort, prit
Clisson en trahison; mais ses> barons rempèchèrant de
le tuer ^. Ge petit événement fit encore manquer la grande
expédition d'Angleterre. '
Les Anglais, réveillés toutefois et bien avertis^ prirent
des mesures. Ils désarmèrent leur roi, qui leur était sus-
pect. Leur nouveau gouvernement nous chercha de Tocca-
pation en Allemagne. Il y avait forée petits princas néees*
siteux qu'on pouvait acheter à bon marché. Le duo de
Gueldre, qui avait plus d'un différend avec les maisons de
Bourgogne et de Blois, se vendit aux Anglais pour une
pension de vingt-quatre mille francs; il .leur fit hommage;
et, d'autant plus hardi qu'il avait moins à peidre ^, il
défia majestueusement le roi de France.
Le duo de Bourgogne, fut charmé, pour l'extension de
son influence, de faire sentir dans les Pays-Bas et si loin
vers le nord ce que pesait le gnuid royaume. Il fit faire
contre cet imperceptible duc de Gueldre presque autant
d'efforts qu'il en aurait follu pour conquérir l'Angleterre.
On rassembla quinze mille hommes d'armes, quatre-vingt
mille fantassins ^. La difficulté n'éteit pas de lever des
t Le siro de Laval dil an du&de Breta^^ne : • 11 n'y auroil en Bretagne
chevalier ni écuyer, cité, chasiel ni bonne ville» ni homme nul, qui ne
TOUS haït à mort, et ne mit peine à tous déshériter. Mi i» ni d'AlIgk terre
ni Bon conaeil ne vont ea sanroienl . nul gré. Yms vmJck voBe igtréte
pour la vie d'un homme? » Froissart.
* Et plus à gagner : • Plus est riche et puissant le duc de Bourgogne,
tant y vaut la guerre mieulx... Pour une hoffe que je recevrai, j'en doo-
nerai six. » Froissart.
* On renvoya, il est vrai, le plus grand nombre comme impropM au
service. Le même Nicolas Boulard, dont nous avons parlé, pouivut aux
approvisioQocmcnts. App„ 24.
JEU!fB66B DE CHAHU» VU 27
hommes> mais de les faire arriver jusque*-là. Le duc de
Bourgogne, pour qui on faisait la.guerre, ne voulut pas que
cette grande et dévorante armée passât par son richa
Brafcant,. dont il allait: hériter; Il fallut tourner par les
déserts de la Champagne, s'enfoncer dans les Ârdonnes,
par les basses^ humides et* boueuses forêts, en suivant,
comme on pouvait, les sentiers des chasseurs. Deux mille
cinq cents hommes armés de haches- allaient devant pour
frayer la route, jetaient des ponts, comblaient les marais.
La pluie tombait ; le pays était triste et monotone. On ne*
trouvait rien à prendre, personne, paa même d'ennemis.
D'ennui et de lassitude, on finit par écouter les princes qui
intercédaient, l'archevêque de Cologne, Tévêque de Liège,
la duc de Juliers. Charles YI fut touché surtout des prières
d'une grande dame du pays, qui se disait éprise d'amour
pour l'invincible roi de France K Sous ce doux patronage,
le duc de Gueldre fut reçu à s'excuser; il parla à genoux,
et affirma que les défis n'avaient pas été écrits par lui, que
c'étaient ses clercs qui lui avaient joué ce tour (1388).
Le résultat était grand pour le duo de Bourgogne, petit,
pour le roi. Deux mots d'excuses pour payer tant de peines
et de dépenses, c'était peu. Au reste, les autres expédi- '
ttons n'avaient pas mieux tourné. La France avait envahi
ritalie, menacé d'Angleterre, touché l'Allemagne. Elle
avait fait de grands mouvements, elle avait fatigué et sué,
et il ne lui en restait rien. Elle n'était pas heureuse ; rien
ne venait à bien. Le roi, gâté de bonne heure par la
bataille de Hoosebekc, avait' cru tout facile, et il ne ren-
contrait que des obstacles ^. A qui pouvait^il s'en prendre,
* App., 25.
* Une expédilion sollicitée par les Génois, et* commandée par le doc
de Bourbon, allaéohoaer en Afrique (A390). Le comte d'Armagnac, ra«
massant tous les soldats qui pillaient la Franco, passa les Alpi's, attaqua
les Visconti et se fit prendre (1391). Le roi lui-même projciail un» croi-
sade d'Iiaiie; il aurait établi le jeune Louis d'Anjou à Naples, ol terminé
le sclii«me par la prise de Rome.
S8 JEUNB6SB DE CHARLES VI.
suion à ceux qui Tavaient jeté dans les guerres? A
oncles, qui i'avaien^ toujours conseillé à son dam et à leur
profit.
Les pacifiques conseillers de Charles Y prévalurent à
leur tour, le sire de la Rivière, Tévéquede Laon, Montaigu,
et CUsson. Charles YI, tout enfant qu'il était, avait tou-
jours aimé ces honunes. Il avait obtenu de bonne heure
que Clîsson fût connétable. Il avait sauvé la vie au doux et
aimable sire de la Rivière, que ses oncles voulaient perdre.
La Rivière 'était l'ami et le serviteur personnel de Char-
les Y ; il a été enterré à Saint-Denis» aux pieds de sou
maître.
Le roi avait atteint vmgt et un ans. Mais les oncles
avaient le pouvoir en main : il fallait de l'adresse pour le
leur ôler. L'affaire fut bien menée t. Au retour de leur
triste expédition de Gueldre, un grand conseil fut as-
semblé à Reims, dans la salle de l'archevêché. Le roi
demanda les moyens de rendre au peuple un peu de repos,
et ordonna aux assistants de donner leur avis. Alors
révéque de Laon se leva, énumèra doctement toutes les
qualités du roi, corporelles et spirituelles, la dignité de sa
personne, sa prudence et sa circonspection*; il déclara
qu'il ne lui manquait rien pour régner par lui-même. Les
oncles n'osant dire le contraire, Charles YI répondit qu'il
goûtait ravis du prélat; il remercia ses oncles de leurs
bons services, et leur ordonna de se rendre chez eux, Tua
en Languedoc, l'autre en Bourgogne. Il né garda que le
duc de Bourbon, son oncle maternel, qui était en effet le
meilleur des trois.
L'évoque de Laon mourut empoisonné. Mais il avait
rendu un double service au royaume. Les oncles, renvoyés
chez eux, s'occupèrent un peu de leurs provinces, les pur-
* Le Rciisieuz.
JEUNBSSB DE CHARLES YI. 29
gèrent des brigands qui lés dévastaient. Les nouveaux
conseillers du roi, ces petites gens, ces marmoitsets^
comme on les appelait, rendirent à la ville de Paris ses
échevins et son prévôt des marchands. Ils conclurent une
trêve avec l'Angleterre, favorisèrent l'Université contre le
pape, et cherchèrent les moyens d'éteindre le schisme. Ils
auraient aussi voulu réformer les finances. Ils allégèrent
d*abord les impôts, mais furent bientôt obligés de les réta-
blir.
Le gouvernement était plus sage, mais le roi était plus
fol. A défaut de batailles, il lui fallait des fêtes. Il avait eu
le malheur de commencer son règne par un de ces heu-
reixx hasards qui tournent les plus sages têtes ; il avait à
quatorze ans gagné une grande bataille ; il s'était vu salué
vainqueur sur un champ couvert de vingt-six mille morts.
Chaque année il avait eu les espérances delà guerre; à
chaque printemps sa bannière s'était déployée pour les
belles aventures. Et c'était à vingt ans, lorsque le jeune
homme avait atteint sa force, lorsqu'il était reconnu pour
un cavalier accompli dans tout exercice de guerre, qu'on
le condamnait au repos I Un gouvernement de marmousets
lui défendait les hautes espérances, les vastes pensées...
Combien fallait-il de tournois pour le dédommager des
combats réels, combien de fêtes, de bals, de vives, et
rapides amours, pour lui faire oublier la vie dramatique
de la guerre, ses joies, ses hasards !
Il se jeta en furieux dans les fêtes, fit rude guerre aux
finances, prodiguant en jeune homme, donnant en roi. Son
bon coeur était une calamité publique. La chambre des
comptes, ne sachant comment résister, notait tristement
chaque don du roi de ces mots : « Nimis habuit, » ou
« Recuperetur. » Les sages conseillers de la chambre
avaient encore imaginé d'employer ce qui pouvait rester,
après toute dépense, à faire un beau cerf d'or, dans Tes-
poir que cette figure aimée du roi serait mieux respectée.
30 JIUNBSSB DB. CHARLES VI.
Mais le cevf fuyait, fondait toujours.; on ne put même
jamais Tachever ^.
•D'abord, les fils du «duc d'Anjou devant partir pour
revendiquer la malheureuse royauté de Napies, le roi
voulut auparavant leur conférer l'ordre de chevalerie. La
fôte se fit à Saint-Denis, avec une magnificence et un con-
cours de monde incroyables. Toute la noblesse de France,
d'Angleterre, d'Allemagne, était invitée. U fallut que la
silencieuse et vénérable abbaye, l'église des tombeaiu^
^'ouvrît à ces pompes mondaines, que les cloîtres reten-
tissent sous les éperons dorés, que les pauvres moines
jiccueillissent les belles dames. £IIes longèrent dansTabbaye
môme K Le .récit du moine chroniqueur en est encore
tout ému.
Aucune salle n'était assez vaste pour le banquet royale
on en fit une dans la grande cour. Elle avait la forme d'une
église 3, et n'avait pas moins de trente-deux toises de'long.
L'intérieur était tendu d'une toile immense, rayée de blanc
et de vert. Au bout s'élevait un lajc-ge et haut pavillon de
tapisseries précieuses, bizarrement historiées ; on eût dit
l'autel de cette église, mais c'était le trône.
Hors des murs de l'abbaye^ on aplanit, on ferma de
barrières des lices longues de cent vingt pas. Sur un cùlé
s'élevaient des galeries et des tours, oii devaient siéger les
damés, pour juger des coups.
Il y eut trois jours de fêtes, d'abord les messes, les céré-
monies de l'ÉgUse, puis les banquets et les joutes, puis le
bal de nuit ; un dernier bal enfin, mais celui-ci masqué,
pour dispenser de rougir. La présence du roi, la sainteté
du lieu, n'imposèrent en rien. La foule s'était enivrée
d'une attente de trois jours. Ce fut un véritable Pervigi--
lium ye)i$ris; on était aux premiers jours du mois de moi,
* « T(on nisi osqne ad coTli gammitatem peregerant; « Beligiens.
* t Ad teo^li aimiiitttdioem. » Heligifioz.
XinNIKSI M CHARLS8 VI. ' 3t
« Mainte demotoelle s'oublia, plasteurs maris pâtirent... »
Serait-ce par hasard dans cette funeste nuit que le jeune
duc d'Orléans,. frèreduroi, aurait plu, pour son malheur,
à là femme de son cousin Jean Sans-iPeur, eomme il eut
ensuite l'imprudence de s*en vanter ^?
'Cette bacchanaletprès des tombeaux eut un bizarre len-
demain. Ce ne fut pas assez que les morts eussent été
trottbiés'par lebruil de la fête, on ne les tint pas quittes. Il
felhit qu'ils «jouassent aussi leur rôle. Pour aviver le plaisir
par le contraste, ou tromper les langueurs qui suivent^ le .
roi -se fit donner le spectacle d'une pompe funèbre. Le
héros de Charles \'I ^, eelni dont les exploits avaient
amosé ^son enfance, Duguesclin, mort depuis dix ans, eut
le triste honneur d'amuser de ses .iunérailles la folle et
luxurieuse cour.
lies fêtes appellent les fêtes; le roi voulut que la reine
Isabeau, qui, depuis quatre ans, était entrée cent fois dans
Paris, y flt^sa première miirie. Après la noble fête féodale,
le popiJlfrire devait avoir «la sienne, celle-ci gaie, bruyante,
«vec les accidents «vulgaires et risibies, le vertige étourdis-
sant des grandes foules. Les bourgeois étaient générale-
ment vêtus de vert, les gens de^princes Tétaient en rose.
On ne voyait aux fenêtres quebolles filles vêtues d ecarlate
«vec des ceintures d'or. Le. lait et le vin coulaient dos fon-
taines; des musiciens jouaient à chaque porte que passait
la reine. Aux carrefours, des 'enfants représentaient de
pieux mystères. La reine suivit la rue Saint-Denis. Deux
anges descendirent par une corde, Imposèrent sur la tête
une couronne d'or en chantant :
Dame floclote-entie flenm de.Ui»
Ëtet-Toospaf da paradis?
Lorsqu'elle fut arrivée au pont Notre-Dame, on vit avec
« App., Î8. — « App„ «9.
32 JEUNESSE DE CHÀBUSS YI.
étonnement un homme descendre, deux flambeaux à ia
main, par une corde tendue des tours de la cathédrale.
Le roi avait pris tout comme un autre sa part de la fête;
il s*était mêlé à la foule des bourgeois, pour voir aussi
passer sa belle jeune Allemande. Il reçut même des ser-
gents « plus d'un horion » pour avoir approché trop près;
le soir, il s'en vanta aux dames ^. Le prince débonnaire,
sachant aussi qu'il y avait à la fête beaucoup d'étrangers
qui regrettaient de n'avoir jamais vu jouter le roi, se mêla
aux joutes pour leur faire plaisir.
Bientôt après, le jeune frère du roi,, le duc d'Orléans,
épousa la fille de Yisconti, le riche duc de Milan I. Char-
les YI voulut que la fête se fit à Melun. Il y reçut magnifi-
quement la charmante Valentina, qui devait exercer un si
doux et si durable ascendant sur ce faible esprit.
La ville de Paris avait cru que Ventrée de la reine lui
vaudrait une diminution d'impôt. Ce fut tout le contraire.
Il fallut, pour payer la fête, hausser la gabelle, et, de plus,
l'on décria les pièces de douze et de quatre deniers, avec
défense de les passer, sous peine de la hart. C'était la
monnaie du petit peuple, des pauvres. Pendant quinze
jours ces gens furent au désespoir, ne pouvant, avec cette
nionnaie, acheter de quoi manger K
Cependant le roi s'ennuyait; il s'avisa d'un voyage. II
n'avait pas fait son tour du royaume, sa royale chevauchée.
Il ne connaissait pas encore ses provinces du Midi. Il en
avait reçu de tristes nouvelles. Un pieux moine de Saint-
Bernard était venu du fond du Languedoc lui dénoncer le
mauvais gouvernement de son oncle de Berri. Le moioe
* • En eut le roy plusieurs coups et horions sar les espanles bien assez.
Et au soir, en la présence des dames et damoiselles» fut la chose sçua
et récitée, et le roy mesme se farçoit des horions qu'il avoit reçus. •
Grandes chroniques de Saint-Denis.
* Ce mariage eut de grandes «iconsëquences qu'on verra plus tard. £Uo
apporta Asti en dot, arec 450,000 florins. AràUvet.
' Le Religieux.
JEUNESSE DE CHARLES VI. 33
avait surmonté tous les obstacles, forcé les portes, et, en
présence même de Toncle du roi, il avait parlé avec une
hardiesse toute chrétienne. Le roi, qui avait bon cœur,
l'écouta patiemment, le prit sous sa sauvegarde, et promit
d'aller lui-même voir ce malheureux pays. Il voulait,
d'ailleurs, passer à Avignon, et s'entendre avec le pape sur
les moyens d'éteindre le schisme.
Après avoir, selon Tusage de nos rois en pareille circons-
tance, fait ses dévotions à l'abbaye de Saint-Denis, il prit
sa route par Nevers, et y fut reçu avec la prodigue magni*
licence de la maison de Bourgogne. Mais il ne permit pas
à ses oncles de le suivre ^; il ne voulait pas qu'ils fermas-
sent ses oreilles aux plaintes des peuples. Peut-être aussi
se sentait' il moins libre, en leur présence, de se livrera
ses fantaisies de jeune homme. Pour la même raison, il
n'emmena point la reine; il voulait jouir sans contrainte,
goûter royalement tout ce que la France avait de plaisirs.
Il s'arrêta d'abord à Lyon, dans cette grande et aimable
ville, demi -italienne. 11 fut reçu sous un dais de drap
d'or, par quatre jeunes belles demoiselles, qui le menèrent
à Tarchevêché. Ce ne fut, pendant quatre jours, que jeux,
bals et galanteries.
Mais nulle part le roi ne passa le temps plus agréable-
ment qu'à Avignon, chez le pape. Personne n'était plus
consommé que ces prêtres dans tous les arts du plaisir.
Nulle part la vie n'était plus facile, nulle part les esprits
plus libres. L'eussent-ils été moins, ils se trouvaient à la
sjurce même des indulgences; le pardon était tout près
du péché. Le roi, au départ, laissa de riches souvenirs aux
belles dames d'Avignon, « qui s'en louèrent toutes a. »
' App„ 30.
* • Quoiqu'ils fussent logés de les le pape et les cardinaux, si ne se
pouTOient-ils tenir... que toute nuit ils ne fussent en danses, en earoles
et en esbattements arec les dames et damoiselles d'Avignon; et leur
adminisiroit leurs reriaux (fêtes) le comte de Genève, lequel étoit frère
dapape. • Froiisart.
IT. 9
34 JEUNESSE DE CHARLES YI.
Il partit grand ami du pape, et tout gagné à son parti.
Clément YII avait donné au jeune duc d'Ânjoa le litre de
roi de Napjes, et au roi lui-même la disposition de sept
cent cinquante bénéfices, celle, entre autres, de Tarche-
véché de Reims. Hais Télu du roi, qui était on fan^iui
adversaire du pape et des dominicains, mourut bientôt
empoisonné ^
Arrivé en Languedoc, Je roi n'entendit que plaintes et
que cris. Le duc de Berri avait réduit le pays à un tel
désespoir, que déjà plus de quarante mille hommes
s'étaient enfuis en Aragon. Ce prince, bon et doux dans
son Berri, livrait le Languedoc à ses agents comoie une
ferme à exploiter. Avide et prodigue, il se faisait béuîr des
uns, détester des autres. Il était homme à donner deux
cent mille francs à son bouffon. Il est vrai qu'en récom-
pense il donnait aussi aux clercs et construisait des églises.
Il bâtissait ces tourelles aériennes, faisait tailler à grands
frais ces dentelles de pierre que nous admirons et que le
peuple . maudissait. Précieux manuscrits, riches minia-
tures, sceaux admirables, rien ne lui coûtait. En dernier
lieu, à soixante ans, il venait d'épouser une petite fille de
douze ans, la nièce du comte de Foix. Combien de fêles et
de dépenses fallait -il au sexagénaire pour se faire par-
donner son âge par cette enfant?
Le roi, retenu douze jours entiers à Montpellier par l^
vives et « f risques » demoiselles du pays^, vint ensuite
assister, à Toulouse, à l'exécution de Bétisac, trésorier de
son oncle. Cet homme avouait tous ses crimes, mais il
ajoutait qu'il n'avait rien fait que par ordre de monseigneur
de Berri. Ne sachant comment le tirer de cette puissante
protection, on lui persuada qu'il n'avait d'autre ressource
i Selon le béfiëdictia de Siiat-Denis, oa soupçonaa géDécaleiBent
les domiuiâains.
- « El leur doDDoit analj d'or et fermaillcts (agrafes) à chasôuie... •
Froissaria
JEUNESSE DE CHARLES VI. 35
que de* se» dire hérétique, qu'alors on renverrait au pape»
qu'il serait sauvé. Il crut ce conseil, se déclara hérétique, et
fiit brûlé vif. L'exécution eut lieu sous les fenêtres du roi,
aux acclamations du peuple. Le roi donna cette satisfaction
aux plaintes du Languedoc.
Pour faire encore diose agréable à la bonne ville de
Toulouse, Charles VI accorda aux abbayes des filles de joie,
que ces fiUes ne fussentplusobligéesde porter un costume^
mais que désormais elles s'habillassent à leur fantaisie. 11
voulait qu'elles prissent part à la joie de sa royale entrée.
Il revint droit à Paris, soûl de plaisirs, las de fêtes; il
évita au retour celles qu'on lui préparait. 11 gagea avec son
frère que, tous deux partant à franc étrier, il arriverait
avant lui. 11 n'y avait plus de repos pour lui que dans
rétonrdissement. A vingt-deux ans, il était fini ; il avait
usé deux vies, une de guerre, une de plaisirs. La tête était
morte, le cœur vide ; les sens commençaientà défaillir. Quel
remède à cet état desolant?L'agitation, le vertige d'une
course furieuse. « Les mort& vont vite. »
La vie est un combat, sans doute, mais il ne faut pas
s'en plaindre; c'est un malheur quand le combat finit. La
guerre intérieure de Fllomo duplex est justement ce qui
nous soutient. Contemplons-la, cette guerre, non plus dans
le roi, mais dans le royaume, dans le Paris d'alors, qui la
représentait si bien.
Le Paris de Charles VI, c'est surtout le Paris du Nord, ce
grand et profond Paris de la plaine, étendant ses rues obs-
cures du royal hôtel Saint-Paul à l'hôtel de Bourgogne, aux
halles. Au cœur de ce Paris, vers la Grève, s'élevaient deux
églises, deux idées, Saint-Jacques et Saint-Jean.
Saint 'Jacques de la Boucherie était la paroisse des bou-
chers et des lombards, de l'argent et de la viande. Digne-
ment enceinte d'écorcheries, de tanneries et de mauvais
* •«• Sauf une jarretière d'autre eoolcar an bras...( Ordoonances»)
3 G JEUNESSE DB CHARLES Tf.
lieux, la sale et riche paroisse s'étendait de la rue Trousse-
vache au quai des Peaux ou Pelletier. A l'ombre de Téglisé
des bouchers, sous la protection de ses confréries, dans
une chétive échoppe, écrivaient, intriguaient, amassaient
Flaiïiel et sa vieille Pernelle, gens avisés, qui passaient pour
alchimistes, et qui de cette boue infecte surent en effet
tirer de l'or*.
Contre la matérialité de Saint-Jacques, s'élevait, à deux
pas, la spiritualité de Saint-Jean. Deux événements tra-
giques avaient fait de cette chapelle une grande église, une
grande paroisse : le miracle de la rue des Billettes, où
a Dieu fut boulu par un juif; » puis, la ruine du Temple, qur
étendit la paroisse de Saint-Jean sur ce vaste et silencîeoi
quartier. Son curé était le grand docteur du temps, Jean
Gerson, cet homme de combat et de contradiction. Mys-
tique, ennemi des mystiques, mais plus ennemi encore
dus hommes de matière et de brutalité, pauvre et impuis-
sant curé de Saint-Jean, entre les folies de Saint-Paul et
les violences de Saint-Jacques, il censura les princes, il
attaqua les bouchers; il écrivit contre les dangereuses
sciences de la matière, qui sourdement minaient le chris-
tianisme, contre Tastrologie, contre Talchimie.
1 Saint-Jacques était le Saint-Denis, le Wisiniinster des eonfréries;
l*ambiiion des bouchers, des armuriers, était d'y être enterré. 1^ premia
bienfaiteur de cette église fat une teiniuriôre. Les boacheri( l'cnrichirefit
Ces hommes rudes aimaient leur église. Nous voyons par les chafles qu:
le boucher Alain y acheta une lucarne pour voir la messe de chez loi;
le boucher Haussecul acquit à grand prix une clef de Tég lise. Cetie
église éiaii fort indépendante, entre Notre-Dame et Saint-Martin, qui se
la disputaient. C'était un. redoutable asile que Ton n'eût pas violé impe-
ncment. Voilà pourquoi le rusé Flamel, écrivain non jure', non autorisé
de l'Université, s'établit à l'ombre de Saint- Jacques. Il pul y être pro-
tégii par le curé du temps, homme Considérable, greffier da parlement,
qui avait cette cure, sans môme être prêtre (voir les lettres de ClëmeB-
gis). Fiiimel se tint là trente ans dans une échoppe de cinq pieds sur
trois; et il s'y aida si bien de travail, de saroir-faire, d'industrie scoter-
raine^ qu'à sa mort il fallut, pour contenir les titres de ses bleD&j lA
coffre plus grand que l'échoppe. i)|ip.,31.
JEUNESSE DE CïïXRLES YI. C7
Sa tâche était dilKicile; la partie était forte. La nature, ot
les sciences de la nature, comprimées par l'esprit chré-
tien, allaient avoir leur renaissance.
Cette dangereuse puissance, longtemps captive dans les
creusets et les matrices des disciples d'Averroès, trans-
formée par Arnauld de Villeneuve et quasi spiritualisée ^,
se contint encore au xnP siècle ; au xv», elle flamba...
Combien, en présence de cette éblouissante apparition, la
vieille éristique p<Mit? Celle-ci avait tout occupé en Thomme;
puis, tout laissé vide. Dans Fentr'acte de la vie spirituelle,
l'éternelle nature reparaît, toujours jeune et charmante.
Elle s'empare de l'homme défaillant, et Tattire contre son
sein.
Elle revient après le christianisme, malgré lui, elle re-
vient comme péché. Le charme n'en est que plus irritant
pour l'homme, le désir plus âpre. N'étant pas encore com-
prise, n'étant pas science, mais magie, elle exerce sur
l'homme une fascination meurtrière. Le fini va se perdre
dans le charme infiniment varié de la nature. Lui, il donne,
donne sans compter. Elle, belle, immuable, elle reçoit ton*
jours et sourit.
Il faut donc que tout y passe. L'alchimiste vieillissant à
la recherche de l'or, maigre et p&le sur son creuset, souf-
flera jusqu'à la fin. II brûlera ses meubles, ses livres ; il
brûlerait ses enfants... D'autres poursuivront la nature
dans ses formes les plus séduisantes ; ils languiront à la re-
cherche de la beauté. ^lats la beauté fuit comme l'or ;
chacune de ses gracieuses apparitions échappe à l'homme,
vaine et vide, et toute vainc qu'elle est, elle n'emporte pas
moins les riches dons de son être... Ainsi triomphe de l'être
éphémère l'insatiable, l'infatigable nature. Elle absorbe sa
vie, sa force; elle le reprend en elle, lui et son désir, et ré-
sout l'amour et l'amant dans l'éternelle chimie.
t App,, 3i«
38 JEUNESSE DE CHARLES YI.
Que si la vie ne manque point» mais que seulement
Tàme défaille, alors c'est bien pis. L'homme n'a plus de li
vie que la conscience de sa mort. Ayant éteint son dieu in-
térieur, il se sent délaissé de Dieu, et cooune excepté seul
de Tunivei^selle providence.
Seul... Mais au moyen âge on n'était pas longtemps
seuL Le Diable vient vite, dans ces moments, à la place de
Dieu. L'àme gisante est pour lui on jouet qu'il tourne et
pelote... Et cette'pauvre toie est si malade, qu'dOie veut
rester malade, creusant son mal et fouillant les mauvaises
jouissances : MtUa mentis çaudia. Leurrée de croyances
folles, amusée de lueurs sombres, menée de côté et d'autre
par la vaine curiosité, elle cherche à tâtons dans la nuit;
elle a peur et elle cherche...
Ce sont d'étranges époques. On nie, on croit tout. Une
fiévreuse atmosphère de superstition sceptique enveloppe ks
villes sombres. L'ombre augmente dans leurs rues étroiles;
leur brouillard va s*épaississant.aux fumées d'alchimie et
de sabbat. Les croisées obliques ont des regards loudies.
La boue noire des carrefours grouille en mauvaises pa»
rôles. Les portes sont fermées tout le jour ; mais dles sa-
vent bien s'ouvrir le soir, pour recevoir l'homme du nul,
le juif, le sorcier, l'assassin.
On s'attend alors à quelque chose. A quoi? On l'ignore.
Hais la nature avertit ; les éléments semblent changés. Le
i bruit courut un moment, sous Charles Yl, qu'on avait em-
ipoisonné les rivières ^ Dans tous les esprits, flottait
d'avance une vague pensée de crime.
« App„ 33.
CHAPITRE III
Folie de Ghariei YL iaM-â4Û0
Cette braUle histoire qui va présenter tant de crimes
hardis, de crimes orgueilleux qui cherchent le jour, elle
commence par un vilain crime de nuit, un guet-apens. Ce
fut un attMitat de la féodalité mourante contre le droit
féodal, commis en trahison par un arrière-vassal sur un
officier de son suzerain, dans la résidence du suzerain
même; et par-dessus, ce fut un sacrilège, l'assassin ayant
pris pour faire son coup le jour du Sâint^Sacrement.
Les Marmousets, les petits devenus maîtres des grands,
étaient mortellement hais; Clisson, de plus, était crainte
En France, il était connétabla, Tépée du roi contre les
seigneurs ; en Bretagne, il était au contraire le chef des
seigneurs contre le duc. Lié étroitement aux maisons de
Penthièvre et d'Anjou, il n'attendait qu'une occasion pour
chasser le duc de Bretagne et le renvoyer chez ses amis,
les Anglais. Le duc, qui le savait à merveille, qui vivait en
crainte continuelle de Clisson, et ne rêvait que du terrible
borgne^ ne pouvait se consoler d'avoir eu son ennemi
entre les mains, de l'avoir tenu et de n'avoir pas eu le cou-
rage de le tuer. Or il y avait un homme qui avait intérêt à
tuer Clisson, qui avait tout à craindre du connétable et de
la maison d'Anjou. C'était un seigneur angevin, Pierre de
* Il «T»U perds un ml à la bataille d'Aaray, en 1361.
40 KOLIE DB CHARLES VI.
Craon, qui, ayant volé le trésor du duc d* Anjou, son maître,
dans l'expédition de Naples, fut cause qu'il périt sans se>
course La veuve ne perdait pas de vue cet homme, et
Clissoii, allié de la maison d'Anjou, ne rencontrait pas le
voleur sans le traiter comme il le méritait.
Les deux peurs, les deux haines . s'entendirent. Craon
promit au duc de Bretagne de le défaire de Clisson. Jl re-
vint secrètement à Paris, rentra de nuit dans la ville ; les
portes étaient toujours ouvertes depuis la punition des
Maillotins. Il remplit de coupe-jarrets son hôtel du Marché-
Saint-Jean. Là, portes et croisées fermées, ils attendirent
plusieurs jours. Enfin, le 43 juin, jour de la fête du Saint-
Sacrement, un grand gala ayant eu lieu à Thôtel Saint-
Paul, joutes, souper et danses après minuit, le connétable
revenait presque seul à son hôtel de la rue de Paradis. Ce
vaste et silencieux Marais, assez désert même aujourd'hui,
rétait bien plus alors; ce n'étaient que grands hôteb,
jardins et couvents. Craon se tînt à cheval avec quarante
bandits au coin de la rue Sainte-Catherine ; Clisson arrive,
ils éteignent les torches, fondent sur lui. Le connétable
crut d*abord que c'était un jeu. du jeune frère du roi. Mais
Crnon vQulut, en le tuant^ lui donner, l'amertume de savoir
par qui il mourait. « Je suis votre ennemi, lui dit-il, je
suis Pierre de Craon. » Le connétable, qui n'avait qu'un
petit coutelas, para du mieux qu'il put. Enfin, atteint à la
tétc, il tomba; fort heureusement, il ouvrit en tombant une
porte entre-bâillée, celle d'un boulanger, qui chauffait son
four à cette heure avancée de la nuit. La tête et moitié du
corps se trouvèrent dans la boutique ; pour l'achever, il
eût fallu entrer. Mais les quarante braves n'osèrent des-
cendre de cheval ; ils aimèrent mieux croire qu'il en avait
ûssez, et se sauvèrent m galop par la porte Saint-Antoine.
•
1 Le dac do Berri lai dit an joar : t Méchant traître, c'est toi qoî as
cause la mort de notre frère. ■ El il donna ordre de l'arrdler. mais per-
sonne a*obéit. (Religieax.)
FOLIE DE CHARLES VI. 41
Le roi, qui se couchait, fut averti un moment après. Il
ne prit pas le temps de s'habiller ; il vint sans attendre sa
suite, en chemise, dans un manteau. Il trouva le connétable
déjà revenu à lui, et lui promit de le venger, jurant que
jamais chose ne serait payée plus cher que celle-là.
Cependant le meurtrier s'était blotti dans son château
de Sablé au Maine, puis dans quelque coin de la Bretagne.
Les oncles du roi, qui étaient ravis de l'événement, et qui
d'avance en avaient su quelque chose, disaient, pour
amuser le roi et gagner du temps, que Craon était en
Espagne. Mais le roi ne s'y trompait pas. C'était le duc de
Bretagne qu'il voulait punir. Il était loin, ce duc ; il fallait
l'atteindre chez lui, dans son pauvre et rude pays, à travers
les forêts du Mans, de Vitré, de Rennes. Il fallait que les
oncles du roi lui amenassent leurs vassaux, c'est-à-dire
qu'ils se prétassent à punir le crime de leurs amis, le leur
peut-être ^ Le roi, ne sachant comment venir à bout de
leur répugnance et de leurs lenteurs, alla jusqu'à rendre
au duc de Berri le Languedoc qu'il lui avait si justement
retiré^.
Il était languissant, malade d'impatience. Il avait eu
une fièvre chaude peu de temps auparavant, et n'était pas
trop remis. Il y avait en lui quelque chose d'égaré et
comme d'étrange. Ses oncles auraient voulu qu'il se soi-
gnât, qu'il se tint tranquille, qu'il s'abstint surtout de venir
au conseil; mais ils ne gagnaient rien sur lui. II monta à
cheval malgré eux, et les mena jusqu'au Mans. Là, ils
parvinrent encore à le retenir trois semaines. Enfm, se
croyant mieux, il n'écouta plus rien, et fit déployer soa
étendard.
* Il9 ne tardèrent pas à obtenir la grAce de Craon (13 mars 1395).
* Nons suiroDS pu à pas leReHgieu do Saint-Denis. Ce grave his-
torien mérite ici d'antant pins d'attention, qu'il était lui-mCme à l'armée
et témoin oculaire des érénements.
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40 KOLIE DB CHARLES VI.
Craon, qui, ayant volé le trésor du duc d*Aq^ "^^
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^ . o: <^® nouveau duc d'Orléans,
suis ti'
.- *ice qui n'avait que trop d'esprt
J\ . jiiait tout le monde ; il venait de mettre
.d lis la belle couleuvre de Milan *... Donc,
j^ .i de sur. Des gens qui n'avaient pas craîDl
.r son connétable à sa porte, ne se feraient pas
jL scrupule de mettre la main sur lui. II était seulpanoi
.s traîtres... Qu'avait-il fait pourtant, pour être aîDsi
haï de tous, lui qui ne haïssait personne, qui plutôt aimiit
« n Tenait d'^p<mser It fille du due de M ihui, qui «rait qbc eoskmt
dans ses armes.
W^m I» CHASUft Tl. 43
^Q
%ii Tovla pouvoir ûûre quelque chose
^ "^ peuple ; tout au moins il avait boa
<: "V aavaieat bien.
^ ^^^ ^<*> la forêt, usk homme de mau-
^^. ^y. "^A ^^ Tjj^m qu'une méchante cotte
la bride du cheval du roi,
He, noble roi^ ne passe
^r la bride, mais on le
t pour entrer dans
aplomb. Tout le
ortait la lance
'nbant, alla
'il ce bruit
/^./\%' *^ l'épée, et,
'''- ^> "^ ^ aux traîtres I ils
'<; ^<. ^ « épée nue sur le duc
^ ^ ^ roi eut le temps de tuer
^ utTarréler^. Il fallut qu'il se
^is chevaliers vint le saisir par
^la, on le descendit de cheval, on le
. par terre. Les yeux lui roulaient étran-
«a tête, 11 ne reconnaissait personne et ne
. Ses oncles, son frère, étaient autour de iuL
monde pouvait approcher et le voir. Les ambassa-
^1% d'Angleterre "^ vinrent comme les autres, ce qu'on
tfouva généralement fort mauvais. Le duc de Bourgogne,
Wrtout, s'emporta contre le chambellan La Rivière, qui
avait laissé voir le roi en cet état aux ennemis de la France.
Lorsqu'il revint un peu à lui, et qu'il sut ce qu'il avait
^^1 il en eut horreur, demanda pardon et se confessa. Les
oncles s'étaient emparés de tout, et avaient mis en prison
*-a Rivière et les autres conseillers du roi ; Clisson avait
* ^PP . 35.
44 POLIB DB CHARLES TI.
seul échappé. Toutefois le roi défendit qu'on leur fît mal,
et leur fit môme rendre leurs biens *.
Les médecins ne manquèrent point au royal malale,
mais ils ne firent pas grand'chose. Cétait déjà, comme,
aujourd'hui, la médecine matérialiste, qui soigne le corps
sans se soucier de Tâme, qui veut guérir le mal physique
sans rechercher le mal moral, lequel pourtant est ordinai-
rement la cause première de l'autre. Le moyen âge faisait
tout le contraire; il ne connaissait pas toujours les remèdes
matériels ; mais il savait à merveille calmer, charmer le
malade, le préparer à se laisser guérir. La médecine se
faisait chrétiennement, au bénitier même des églises. Sou-
vent on commençait par confesser te patient, et l'on con«
naissait ainsi sa vie, ses habitudes. On lui donnait ensuite
la communion, ce qui aidait à rétablir l'harmonie des
esprits troublés. Quand le malade avait mis bas la passion,
l'habitude mauvaise, dépouillé le vieil homme, alors on
cherchait quelque remède. C'était ordinairement quelque
absurdQ recette ; mais sur un homme si bien prép^,
tout réussissait. Au xiv« siècle, on ne connaissait déjà
plus ces ménagements préalables ; on s'adressait directe-
ment, brutalement au corps ; on le tourmentait. Le roi se
lassa bientôt du traitement, et dans un moment de raison
il chassa ses médecins.
Les gens de la cour l'engageaient à ne chercher d'aube
remède que les amusements, les fêtes, à guérir la folie par
la folie. Une belle occasion se présenta : la reine mariait
une de ses dames allemandes, déjà veuve. Les noces de
veuves étaient, des charivaris, des fêtes folles, où l'on
disait et faisait tout. Afin d'en faire, s'il se pouvait, da-
vantage, le roi et cinq chevaliers se déguisèrent en satyres.
Celui qui mettait en train ces farces obscènes était un
I On était loin de s'attendre à an traitement si humain. Les Parisiens
allaient toas les joars à la Grère, dans l'espoir de les yoir pendre.
FOLIE pS CHARLES YL 43
certain Hugues de Guisay, ua mauvais homme, de ces gens
qui deviennent quelque chose en amusant les grands et
marchant sur les petits. Il fit coudre ces satyres dans une
toile enduite de poix-résine, sur quoi fut collée une toison
d'étoupes qui les faisait paraître velus comme des boucs.
Pendant que le roi, sous ce déguisement, lutine sa jeune
tante, la toute jeune épouse du vieux duc de Berri, le duc
d'Orléans, son frère, qui avait passé la soirée ailleurs,
rentre avec le comte de Bar ; ces malheureux étourdis
imaginent, pour faire peur aux dames, de mettre le feu
aux étoupes. Ces étoupes tenaient à la poix-résine ; à l'in-
stant les satyres flambèrent. La toile était cousue ; rien ne
pouvait les sauver. Ce fut chose horrible de voir courir
dans la salle ces flammes vivantes, hurlantes... Heureuse-
ment, la jeune duchesse de Berri retint le roi^ Tempécha
de bouger, le. couvrit de sa robe, de sorte qu'aucune étin-
celle ne tombât sur lui. Les autres brûlèrent une demi-
heure, et mirent trois jours à mourir^
Les princes avaient tout à craindre, si le roi n'eût
échappé ; le peuple les aurait mis en pièces. Quand le
bruit de cette aventure se répandit dans la ville, ce fut un
mouvement général d'indignation et de pitié. Que l'on
abandonnât le roi à ces honteuses folies, qu'il eût risqué,
innocent et simple qu'il était, d'être enveloppé dans ce
terrible châtiment de Dieu, Thonnéte bourgeoisie de Paris
frémissait d'y penser. Ils se portèrent plus de cinq cents ù
rhôtel Saint Paul. On ne put les calmer qu'en leur mon-
trant leur roi sous son dais royal, où il les remercia et leur
dit de bonnes paroles.
Une telle secousse ne pouvait manquer d'amener une
I L'inrenteor de la mascarade fat un des brûlés, à la grande joie da
peuple, n avait toujours traita les pauvres gens avec la plus cruelle
insoli^nce. Il les battait comme des chiens, les forçait d'aboyer, les fou«
lait aux pieds avec ses éperons. Quand son corps passa dans Paris,
plusieurs crièrent après lui son mot ordinaire: « Aboie, chien t •
(Religieux.)
46 rOLTE DS CHARLES TI.
rechute. Celle ci fut Tîotente. Il soutenait qH*il n'était
point marié, qu*il n'avait pas d'enfant. Un antre trah de sa
folie, et ce n'était pas le pins fol, c'était de ne vonloir plus
être Ini-même, point Charles, point roi. S'il voyait des lis
sur les vitraux ou sur les murs, il s'en moquait, dansait
devant, les brisait, les effaçait. « Je m'appelle Georges,
disait-il; mes armes sont un lion percé d'une épée*.
Les femmes seules avaient encore puissance sur lui, sauf
la reine, qu'il ne pouvait plus souffrir. Une femme Tarait
sauvé du feu. Mais celle qui avait sur lui le plus d'empire,
c'était sa belle-sœur, Yalentina, la duchesse d'Orléans. B
la reconnaissait fort bien, et l'appelait : « Chère sœur. ■
II fallait qu'il la vtt tous les jours ; ii ne pouvait durer sans
elle ; si elle ne venait, il Tallait chercher. Cette jeune femme,
déjà délaissée de son mari, avait pour le pauvre fol un
.singulier attrait; ils étaient tous deux malheureux. Elle
'Soule savait se faire écouter de lui; il Itd obéissait, ce fof,
elle était devenue sa raison.
Personne, que je sache, n'a bien expliqué encore ce
phénomène de l'infatuation, cette fascination étrange qui
tient de l'amour et n'est pas l'amour. Ce ne sont pas seule-
ment les personnes qui l'exercent 7 les lieux ont aussi cette
influence; témoin le lac dont Charlemagne ne pouvait,
dit-on, détacher ses yeux*. Si la nature, si les forêts
muettes, les froides eaux, nous captivent et nous fascinent,
que sera-ce donc de la femme? Quel pouvoir n'exercera-t-
elle pas sur Fâme souffrante qui viendra chercher près
d'elle le charme des entretiens solitaires et de voluptueuses
compassions?
Douce, mais dangereuse médecine, qui calme et qui
trouble. Le peuple, qui juge grossièrement, et qui juge
* On fat oblige de marer tontes les entï^es de YMleà 8atnt-Pol.
App.t 36.
* On eTpItqvaît aTissi par an talisman rinfluettci de Diane de Poitiers
sur Henri II. (Gttii)er(.)
FOLIE DB CHARLXS Vf. 47
bien, sentait qne ce remède était un mal encore. Elle a,
disaient-ils, cette Visconti, venue du pays des poisons, des
maléfices, elle a ensorcelé le roi... Et il pouvait bien y
avoir, en eifet, quelque enchantement dans les paroles de
l'Italienne, un subtil poison dans le regard de la femme du
Midi.
Un meilleur remède aux troubles d*esprit, un moyen
plus sage d'harmoniser nos puissances morales, c'est de
recourir à la paix suprême, de se réfugier en Dieu. Le roi
se voua à saint Denis, et lui offrit une grosse châsse û*or.
Il se fit mener en Bretagne, au mélancolique pèlerinage
du Mont'Saint-Mîchel, m periculo maris; plus tard, aux
aflhreuses montagnes volcaniques du Puy en Vélay. On lui
fit faire aussi de sévères ordonnances coptre les blasphé*
mateurs, contre les juifs. Cette fois, du moins, les jui^
furent mieux traités; le roi, en les chassant, leur permit
d'emporter leurs biens. Une autre ordonnance accordait
un confesseur aux condamnés, de manière qu'en tuant le
corps on sauvât du moins Tâme. Tout jeu fut défendu, sauf
l'utile exercice de l'arbalète. Une fille du roi fut oilerte à
la Vierge, et faite religieuse en naissant; on espérait que
l'innocente créature expierait les péchés de son père et lui
obtiendrait guérison.
De toutes les bonnes œuvres royales, la plus royale c'est
la paix ; ainsi en jugeait saint Louis ^. Les rois ne sont ici-
bas que pour garder la paix de Dieu. On croyait générale-
ment que la maison de France était frappée pour avoir mis
la guene ei le schisme dans le monde chrétien. Donc, la
« Voir tes belles paroles» à ce mjel, dins son insiractioD à son IjIs :
• Cliier 6U, je t'enseigne que les guerres et les contens qui seront en ta
terre, ou entre tes homes, que tu metes peine de Tapaiser à ton pooToir;
car c'est une chose qui moult plest à Notro-Seigneur : etmessire Saint-
fiJartin nous a donné moult grant exemple, car il ala pour mètre çès
mtfe Ife clers qui estoient en sa arehevécbé, av tens qu'il saToii par
Noiic Seigneur que il devoit mourir; et 11 sembla que il metoit bone fia
en sa vie en ce fere. ■
48 FOUE DE CHARLES VI.
paix était le remède; paix de rËgli3e entre Rome et
Avignon, par la cession des deux papes; "paix de la chré-
tienté entre la France et l'Angleterre, par un bon traité
entre les deux rois, par une belle croisade contre le Turc,
c'était le vœu de tout le monde ; c'étaient ce que disaient
tout haut les sermons des prédicateurs, les harangues de
r Université; tout bas les pleurs et les prières de tant de
misérables, la prière commune des familles, celle que les
mères enseignaient le soir aux petits enfants.
Il faut voir avec quelle vivacité Jean Gerson célèbre ce
beau don de la paix, dans un de ces moments d'espoir où
l'on crut à la cession des deux papes. Ce sermon est plutôt
un hymne ; l'ardent prédicateur devient poète et rime sans
le vouloir; nul doute que ces rimes n'aient été redites et
chantées par la foule émue qui les entendait :
• Allons, allons, sans attarder,
• Allons de paix le droit senUer....
« GrAces à Diea, honneur et gloire,
• Quand il nous a donné yictoire.
« Élevons nos cœurs, ô dévot peuple chrétien I mettons
« hors toute autre cure, donnons cette heure à considérer
« le beau don de paix qui approche. Que de fois, par
« grands désirs, depuis près de trente ans, avons*noas
a demandé la paix, soupiré la paix! Veniatpax^, »
Les rois se réconcilièrent plus aisément que les papes.
Les Anglais ne voulaient point la paix'; mais leur jroiU
voulut ; il signa du moins une trêve de vingt-huit ans.
Richard II, haï des siens, avait besoin de l'amitié de la
France. Il épousa une fille du roi 3, avec une dot énonnd
de huit cents écus^. Mais il rendait Brest et Cherbourg.
Cet heureux traité permit à la noblesse de France, ca
* AppyZ7.^*App.^ ae.
* La jeune Isabelle avait sept ans. Eichard asaon qu'il «Q était épa
sur la Yue do son portrait* *
« App., 39.
FOLIB DE CHARLES VI. 49
qu'elle souhaitait depuis si longtemps, de faire encore une
croisade. La guerre contre les infidèles, c'était la paix entre
les chrétiens. II n'y avait plus si loin à chercher la croisade;
elle venait nous chercher. Les Turcs avançaient; ils enve-
loppaient Constantinople, serraient la Hongrie. Ce rapide
conquérant, Bajazet VÉclair (Hilderim), avait, disait-on,
jugé de faire manger l'avoine à son cheval sur l'autel de
Saint-Pierre de ftome. Une nombreuse noblesse partit, le
connétable, quatre princes du sang, plusieurs hommes d^
grande réputation, l'amiral de Vienne, les sires de Couci,
de Boucicaut. L'ambitieux duc de Bourgogne obtint que .
son fils, le duc de Nevers, un jeune homme de vingt-deux
ans, fût le chef de ces vieux et expérimentés capitaines^.
Une foule déjeunes seigneurs qui faisaient leurs premières
armes déployèrent un luxe insensé. Les bannières, les gui-
dons, les housses, étaient chargés d'or et d'argent ; les
tentes étaient de satin vert. La vaisselle d'argent suivait sur
des chariots; des bateaux de vins exquis descendaient le
Danube. Le camp de ces croisés fourmillait de femmes et
de filles.
Que devenait, pendant ce temps, l'affaire du schisme?
Beprenons d'un peu plus haut.
Longtemps les princes avaient exploité à leur profit la
division de l'ËgKse, le duc d'Anjou d'abord, puis le duc
de Berri. Les papes d'Avignon, sérviles créatures de ces
princes, ne donnaient de bénéfices qu'à ceux qu'ils leur
désignaient. Les prêtres erraient, mouraient de faim. Les
suppôts de l'Université, les plus savants élèves qu*elle for-
mait, les plus éloquents docteurs, restaient oubliés à
Paris, languissants dans quelque grenier ^. j
A la longue pourtant, quand l'Église fut presque ruinée,
et que les abus devinrent moins lucratifs, alors, enfin, les
I App,, 40.
* Nous analyserons plus tard to terrible pamphlet de Oémengifl.
ir. 4
I^iaces oommencèrent à écouter las plaintes de rilnher-
aibé. Cette compagnie, enhardie par rabaissement des
papes» prit en main Tautorité ; elle déclara qu'elle avait de
droit divin la charge non-^ulement d'^oseigner, mais de
corriger et de censurer, de censurer et doctrinalîter etjudù
cUUiUr, pour parler le langage du temps. Elle appela tous ses
membres à donner avis sur la grande question de Tunioa
de r£glise. Tou& votèrent, du plus grand au plus petit. Uo
troBc était ouvert aux Mathurins. Le moindre des pauvra
maîtres de Sorbonne,^ le plus crasseux des cappets de
Montaigu, y jeta son vote. On en compta dix mille; mais
kta dix mille votes se réduisirent à trois avis : compromis
entre les deux papes, cession de Tun et de Tautre, concile
général pour juger Taffaire. La voie de cession sembla la
plus sûre. On la croyait d'autant plus facile^ que Clé-
ment VII venait de mourir. Le roi écrivit aux cardinaux de
surseoir à rélcction. Ils gardèrent ses lettres cachetées, et
se bâtèrent d'élire. Le nouvel élu,^ Pierre de Luoa,
Benoît Xllly avait promis, il est vrai, de tout faire pour
Tunion de l'Église, et de céder, s'il le fallait ^
Pour obtenir do lui qu*il tint parole, on lui envoya la
plus solennelle ambassade qu'aucun pape eut jamais reçue.
Les ducs de Berri, de Bourgogne et d'Orléans vinrent le
ti'ouver à Avignon, avec un docteur envoyé par TUniver-
sité de Paris. Celui - ci harangua le pape avec la plus
grande hardiesse. Il avait pris ce texte : « Illuminez^ grand
a Dieu, ceux qui devraient nous conduire, et qui sont
a eux-mêmes dans les ténèbres et dans l'ombre de h
« mort. » Le pape parla à merveille; il répondit avec
beaucoup de présence d esprit et d'éloquence, protestant
qu il ne désirait rien plus que l'union. C'était un habile
homme, mais un Aragonais, une tête dui^e, pleine d^obs-
tination et d'astuce. Il se joua des princes, lassa leur pa-
FOLIE DE CHARLES VI. 54
tience, les excédant de doctes harangues, de discours, de
réponses et de répliques, lorsqu'il ne fallait, comme on le
lui dit, qu'un tout petit mot : Cession ^ Puis, quand il les
vit languissants, découragés, malades d'ennui, il s'en dé-
barrassa par un coup hardi. Les princes ne demeuraient
pas dans la ville d'Avignon, mais de l'autre côté, à Ville-
neuve, et tous les jours ils passaient le pont du Rhône,
pour conférer avec le pape. Un matin, ce pont se trouva
brûlé, on ne passait qu'en barque avec danger et lenteur.
Le pape assura qu'il allait rétablir le pont^. Mais les princes
perdirent patience, et laissèrent l'Aragonais maitre du
champ de bataille. La paix de TÊglise fut ajournée pour
longtemps.
Les affaires de Turquie, d*Angleterre, ne tournèrent
pas mieux.
Le 25 décembre 1396, pendant la nuit de Noël, au milieu
des réjouissances de cette grande fête, tous les princes
étant chez le roi, un cavalier entra à l'hôtel Saint-Paul,
tout botté et eu éperons. Use jeta à genoux devant le roi,
et dit qu'il venait de la part du duc de Nevers, prisonnier
des Turcs. L'armée tout entière avait péri. De tant de mil-
liers, d hommes, il restait vingt -huit hommes, les plus
grands seigneurs, que les Turcs avaient réservés pour les
mettre à rançon.
Il n'y avait pjis lieu de s'en étonner ; la folle présomption
des croisés ne pouvait qu'amener un tel désastre. Ils
n'avaient pas même voulu croire que les Turcs pussent les
attendre. Bajazet était à six lieues, que le maréchal Bouci-
j caut faisait couper les oreilles aux insolents qui préten-
daient que cette canaille infidèle osait venir à sa ren-
contre 3.
Le roi de Hongrie, qui avait appris à ses dépens ce genre
de guerre, pria du moins les croisés de laisser ses Hou-
• LeReligienx. — «Id.
* Le Ueligieax.
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I .t n CIMMU» VI.
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FOLIE DE CHARLES VI. 53
de fer, une cotte d'armes cle laine à la turque, un tambour,
et des arcs dont les cordes étaient tissues avec des en-
trailles humaines i. Pour que rien ne manquât à Toutrage,
îl fit venir ses prisonniers au départ, et, s'adressant au
comte de Nevers, il lui dit ces rudes paroles* : « Jean, je
sais que tu es un grand seigneur en ton pays, et fils d'un
grand seigneur. Tu es jeune, tu as long avenir. 11 se peut
que tu sois confus et chagrin d& ce qui t'est advenu lors de
ta première chevalerie, et que, pour réparer ton honneur,
tu rassembles contre moi une puissante armée. Je pour-
rais, avant de te délivrer, te faire jurer, sur ta foi et ta loi,
que tu n'armeras contre moi, ni toi ni tes gens. Mais, non,
je ne ferai faire ce serment ni à eux ni à toi. Quand tu
seras de retour là-bas, arme-toi, si cçla te fait plaisir, et
viens m'attaquer. Et ce que je te dis, je le dis pour tous les
chrétiens que tu voudrais amener. Je suis ne pour guer-
royer toujours, toujours conquérir. »
La honte était grande pour le royaume, le deuil uni-
versel. Il y avait peu de nobles familles qui n'eussent perdu
juelqu'un. On n'entendait aux églises que des messes des
aorls. On ne voyait que gens en noir.
A peine on quittait ce deuil, que le roi et le royaume en
urent un autre à porter. Le gendre de Charles VI, le roi
Angleterre, Richard II, fut, au grand étonnement de
.ut le monde, renversé en quelques jours par son cousin
•ilingbroke, fils du duc de Lancastre. Richard était ami
•' la France. Sa terrible catastrophe et l'usurpation dos
incastre nous préparaient Henri V et la bataille d'Azin-
>urt.
Nous parlerons ailleurs, et tout au long, de cette
ubitieuse maison de Lancastre, des sourdes menées par
quelles, ayant manqué le trône de Castille, elle se
«
* App., 43.
^ • L'Amorath parla aa comte de Ncven par la boached'un latinior
: Irjnsportoit la parole. • Froissart.
54 FOLIE DE CHARLES VI.
prépara celui d'Angleterre. Un mot seulement de la catas-
trophe.
Quelque violent et aveugle que fût Richard, sa mort fat
pleurée. C'était le fils du Prince Noir ; il était né en Guienne,
sur terre conquise, dans Tinsolence des victoires de Créci
et de Poitiers; il avait le courage de son père, il le prouva
dans la grande révolte de 1380, où il comprima le peuple,
qui voulait faire main basse sur l'aristocratie. Il était
difficile qu'il se laissât faire la loi par ceux qu'il avait
sauvés, par les barons et les évéques, par ses oncles, qui les
^citaient sous main. Il entra contre eux tous dans une
lutte à mort ; provoqué par le parlement impitoyable, qui
lui tua ses favoris, il fut à son tour sans pitié: il fît tuer
son oncle Glocester, et chassa le fils de son autre oncle
Lancastre. C'était jouer quitte ou double. Hais sa violence
sembla justifiée par la l&cheté publique. Il trouva un
empressement extraordinaire dans les amis à trahir leurs
amis ; il y eut foule pour dénoncer, pour jurer et parjurer;
chacun tâchait de se laver avec le sang d'un autrei.
Richard en eut mal au cœur, et un tel mépris des hommes,
qu'il crut ne pouvoir jamais trop fouler cette boue. Il osa
déclarer dix-sept comtés coupables de trahison et acquis à
la couronne, condamnant tout un peuple en masse pour le
rançonner en détail, escomptant le pardon, revendant aux
gens leurs propres biens, brocantant l'iniquité. Cet acte,
audacieusement fou, par delà toutes les folies de Charles YI,
* Shakespeare n'exagèfo rien dans la scène où le père conrt dén«iieer
son fils à Tusurpaieor qu'il vient lui-même de combattre. Cette scènes
d'un comique iàorriblc, n'exprime qae trop fidèlement la mobile foyoïilé
de ce temps si prompt à se passionner pour les forts. Pent-^tre aussi
faut-il y reconnaître la facilité qu'on acquérait, parmi tant de aermems
y divers, de se mentir à soi-même et de tourner son hypocrisie en un fana*
tisme farouche. Dans tout ceci Shakespeare est aussi grand historien que
Tacite. Mais lorsque Froissart montre le chien même do roi Richard
qui laisse jon maître et vient faire fèie an yainqueur, il n'est pas moiiit
tragique que Shakespeare.
perdit Rich(u*d II. Les Anglais lui léchaient les mains,
tant qu'il se contentait de verser du sang. Dès qu'il toucha
à leurs biens, à leur arche sacro-sainte, la propriété, ils
appelèrent le fils de Lancastre^.
Celui-ci était encouragé tantôt par Orléans, tantôt par
Bourgogne, qui, sans doute, souhaitait, comme précédent,
le triomphe des branches cadettes. Il passa en Angleterre,
protestant hypocritement qu'il ne demandait autre chose
que rhéritage de son père. Mais quand même il eût voulu
s'en tenir là, il ne Taurait pu. Tout le monde vint se
joindre à lui, comme ils ont fait tant de fois^, et pour York,
et pour Warwick, et pour Edouard lY, "et pour Guillaume.
Richard se trouva seul; tous le quittèrent, môme son
chien 3. Le comte de Northumberland Tamusa par des
serments. Je baisa et le livra. Conduit à son rival sur uù
vieux cheval étique, abreuvé d'outrages, mais ferme, il
accepta avec dignité le jugement de Dieu, il abdiqua^.
Lancastre fut obligé par les siens de régner, obligé, pour
leur sûreté, de leur laisser tuer Richard ^^
Le gendre du roi avait péri, et avec lui l'alliance anglaise
et la sécurité de la France. La croisade avait manqué, les
Turcs pouvaient avancer. La chrétienté semblait irrémé-
diablement divisée, le schisme incurable. Ainsi la paix,
espérée un instant, s'éloignait de plus en plus. Elle ne
pouvait revenir dans les affaires, n'étant pas dans les
esprits; jamais ils ne furent moins pacifiés, plus discor-
dants d'orgueil, de passions violentes et de haines.
< L'ÉglisA «Qt an fond la part principale dans cette révolation. La
maison de Lancaiitre, qui avait d'abord soutenu W^iclefT et les Lollarda,
se concilia ensuite les évoques et réussit par eux. Tnrner seul a bien
compris ceci.
* • Leur ooustnme d^Angleterre est que» quand ils sont an-dessna d^
la bataille, iJa ne tuent riens, et par spécial du peuple, car ils connoisseot
que chacun quiert leur complaire, parce qu*il8 sont les plus forts. »
Communes.
* App., 4i. — * App., 46. — » App., 46.
56 FOLIB DB CHARLES YI.
On avait beau prier Dieu pour la paix et pour la santé
du roi ; ces prières, parmi les injures et les malédictions,
ne pouvaient se faire entendre. Tout en s*adre$sant à Dieu,
on essayait aussi du Diable. On faisait des o£frandes à l'un,
pour l'autre des conjurations. On implorait à la fois le del
et Tenfer.
On avait fait venir du Languedoc un homme fort extraor-
dinaire qui veillait, jeûnait comme un saint, non pour se
sanctifier, mais afin d'acquérir influence sur les éléments
et de faire des astres ce qu'il voulait. Sa science était dans
un livre merveilleux qui s'appelait Smagorad, et dont
Toriginal avait été donné à Adam^ Notre premier père,
disait-il, ayant pleuré cent ans son fils Âbel, Dieu lui
envoya ce livre par un ange pour le consoler, le relever de
sa chute, pour donner à Thomme régénéré puissance sur
les étoiles.
Le livre ne réussissant pas pour Charles Yi aussi bi^
que pour Adam, on eut recours à deux Gascons ermites de
Saint- Augustin. On les établit à la Bastille près de l'hôtel
Saint-Paul. On leur fournit tout ce qu'ils deniiandaient,
entre autres choses des perles en poudre, dont ils firent
un breuvage pour le roi. Ce breuvage, et les paroles
tnagiques dont ils le fortifiaient^ ne produisirent aucun
l)ien durable ; les deux moines, pour s'excuser, accusèrent
le barbier du roi et le concierge du duc d'Orléans de
troubler leurs opérations par de mauvais sortilèges. Ce
barbier avait été vu, disait-on, rôdant autour d'un gibet,
pour y prendre les ingrédients de ses maléfices. Toutefois
Jes moines ne purent rien prouver ; on les sacrifia au duc
•d'Orléans, au clergé. Us avaient fait grand scandale. Tout
le monde venait les consulter à la Bastille, leur demander
des remèdes pour les maladies, des philtres d amour. Ils
furent dégradés en Grève par l'évoque de Paris, puis
« App., 47.
FOLtB DB CHARLIS VI. S7
promenés par la ville, décapités, mis en quartiers, et les
quartiers attachés aux portes de Paris.
L'effet de ces mauvais remèdes fut d'aggraver le mal. Le
pauvre prince, après une lueur de raison, sentit l'approche
de la frénésie; il dit lui-même qu'il fallait se bâter. de lui
ôter son couteau <. Il souffrait de grandes douleurs, et
disait, les larmes aux yeux, qu'il aimerait mieux mourir.
Tout le monde pleurait aussi, quand on l'entendait dire,
comme il fit au milieu de toute sa maison : « S'il est ici
parmi vous, celui qui me fait souffrir, je le conjure, au
nom de Notre-Seigneur, de ne pas me tourmenter davan-
tage, de faire que je ne languisse plus; qu'il m'achève
plutôt, et que je meure. »
Hélas I disaient les bonnes gens, comment un roi si
débonnaire^ est-il ainsi frappé de J)ieu et livré aux mau-
vais esprits? Il n'a pourtant jamais fait' de mal. il n'était
pas fier; il saluait tout le monde, les petits comme les
grands^. On pouvait lui dire tout ce qu'on voulait. II ne
rebutait personne; dans les tournois, il joutait avec le
premier venu. 11 s'habillait simplement, non comme un
roi, mais comme un homme. Il était paillard, il est vrai ;
il aimait les femmes, les filles. Après tout, on ne pouvait
dire qu'il eût jamais fait de peine aux familles honnêtes.
La reine ne voulant plus coucher avec lui, on lui mettait
dans son Ut une petite fille^, mais c'était en la payant bien,
et jamais il ne lui fit mal dans ses plus mauvais moments.
Ahl s'il avait eu sa tête, la ville et le royaume s'en
seraient bien mieux trouvés. Chaque fois qu'il revenait à
lui, il tâchait de faire un peu de bien, de remédier à quel-
que mal. 11 avait essayé de mettre de l'ordre dans les
finances, de révoquer les dons qu'on lui surprenait dans
ses absences d'esprit. Comment n'aurait-il pas eu bon
« App., 48. — • App,, 49. — * App. 60.
♦ App,, 5i.
138 POLfS DE GHARLIS YI.
cœur pour les chrétiens, lui qui avait ménagé les juifs
même, en les renvoyant T..»
En quelque état qu'il fiit, il voyait toujours avec plssir
ses braves bourgeois, a Je n'ai, disait-il, confiance qu'es
mon prévôt des marchands, Juvénal, et mes bourgeois de
Paris. > Quand d'autres gens venaient le voir, il regardait
d'un air effaré ; mais quand c'était le prévôt, il lui parlait;
il disait : « Juvénal, ne perdons pas notre temps, tâsm
de bonne besogne. «
Nous avons remarqué au coanencement de cette his-
toire, en parlant des rois fainéants ^ combien le peuple était
naturellement porté à respecter ces muettes et innocentes
figures, qui passaient deux fois par an devant lui sur leur
char attelé de bœufs. Les musulmans regardent les idiots
comme marqués du sceau de Dieu, et souvent eonuue
personnes saintes. Dans certains cantons de la Savoie, c'est
un touchant préjugé que le crétin porte bonheur à sa
famille. La brute qui ne suit que l'instinct, en qui la raison
individuelle est nulle, semble, par cela même, rester plss
près de la raison divine. Elle est tout au moins innoooite.
Rien d'étonnant, si le peuple, au mihea de tous ces
princes orgueilleux, violents et sanguinaires, prenait pour
objet de prédilection cette pauvre créature, comme H
humiliée sous la main de Dieu. Dieu pouvait par lui^ aussi
bien que par un plus sage, guérir les maux du royaorne.
U n'avait pas fait grand'chose; mais visiblement il aimait
le peuple. Il aimait 1 mot immense. Le peuple le lui rendit
bien... Il lui resta toujours fidèle. Dans quelque abaisse-
ment qu'il fût, il s'obstina à espérer en lui; il ne voulait
être sauvé que par lui. Rien de plus touchant, et en même
temps de plus hardi, que les paroles par lesquelles le grand
prédicateur populaire, Jean Gerson, bravant à la fois les
ambitions rivales des princes qui attendaient la succfôsioa
du malade, s'adresse à lui, et lui dit : Rex^ in sempiumwn
vtve!.... 0 mon roi, vivez toujours I...
FOLB ni OUBLIS TL 5l9
Cet ttlidienieDt nniTeisd da peaple pour Qnurles VI
parut dans un de ces malheureux essais que Ton fit pour le
guérir. Deux sorciers oflQrirent an bailli de Dijon de
découTrîr d'où venait sa maladie. Au fond d'une forêt
ToisÎDe, ils âevèreat ua grand cercle de lier sur douze
colonnes de fer; douze chaînes de fer étaient k Tentour.
Mais il fallait trouver douze hommes, prêtres, nobles et
bourgeois, qui voulussent entrer dans ce cercle formidable
et se laisser lier de ces chaînes. On en trouva onze sans
peine, et le bailli fit le douzième, qui se dévouèrent ainsi»
an risque d'être peut-être emportés corps et àme par le
Diables
Le peuple de Paris voulait toujours voir son roi. Quand
il n'était pas trop fol, et qu'on ne craignait pas qu'il fit
rien d'inconvenant, on Is menait aux églises. Ou bien
encore, abattu et languissant, il allait aux représentations
des Mystères que les Confrères de la Passion jouaient alors
rue Saint-Denisv Ces Mystères, moitié pieux, moitié bur-
lesques, étaient considérés comme des actes de foi. Ceux
qui n'y auraient pas trouvé d'amusement n'y eussent pas
moins assisté, pour leur édification. Dans plusieurs églises,
on avançait l'heure des vêpres, pour qu'on pût aller aux
Mystères.
Mais on n'osait pas toujours faire sortir le roi. Alors
dans son retrait de l'hêtel Saint- Paul, ou dans la librairie
do Louvre, amassée par Charles V, on lui mettait dans les
mains des figures pour l'amuser. Immobiles dans les livres
écrits, ces figures prirent mouvement, et devinrent des
cartes '. Le roi jouant aux cartes, tout le monde voulut y
jouer. Elles étaient peintes d'abord ; mais cela étant trop
cbetj on s'avisa de les imprimer'. Ce qu'on aimait dans ce
t Le fi«lisieas.
* Les cartes étaient conimes avant Charles YI, mais peu en nsage.
App., 52.
* App„ 63.
GO FOLIE DB CHARLES VI.
jeu, c'est qu'il empêchait dépenser, qu'il donnait Toubli.
Qui eût dit qu'il en sortirait l'instrument qui multiplie la
pensée et qui l'éternisé, que de ce jeu des fols sortirait le
tout-puissant véhicule de la sagesse?
Quelque recette de distraction qu'il y eût au fond de ce
jeu, ces rois, ces dames, ces valets dans leur bal perpétuel,
dans leurs indifférentes et rapides évolutions, devaient
quelquefois faire songer. À force de les regarder, le pauvre
fol solitaire pouvait y placer ses rêves; le fol? pourquoi pas
le sage?... N'y avaitril pas dans ces cartes de naïves images
du temps? N'était-ce pas un beau coup de cartes, et des
plus soudains, de voir Bajazet V Éclair, vainqueur à Ntco-
polis, quasi maître de Constantinople, entrer dans une
cage de fer? N'en était-ce pas un de voir le gendre du roi
de France, le magnifique Richard 11, supplanté en quelques
jours par l'exilé Bolingbroke ? Ce roi, en qui tout à l'heure
il y avait dix millions d'hommes, le voilà qui est moins
qu'un homme, un homme en peinture, un roi de carreau...
Dans une des farces de la bazoche, que les petits clercs
du palais jouaient sur la royale Table de marbre, figu-
raient comme personnages les temps d'un verbe latin :
a Regno, regnavi, regnabo. » Pédantesque comédie, mab
dont il était difficile de méconnaître le sens.
Dans l'ordonnance par laquelle Charles VI autorise ceux
qui jouaient les Mystères de la Passion, il les appelle « ses
aimés et chers confrères ^ » Quoi de plus juste, en effet?
Triste acteur lui-même, pauvre jongleur du grand Mystère
historique, il allait voir ses confrères, saints, anges et
diables, bouffonner tristement la Passion. 11 n'était pas
' seulement spectateur, il était spectacle. Le peuple venait
voir en lui la Passion de la royauté. Roi et peuple, ils se
contemplaient, et avaient pitié l'un de l'autre. Le roi y
voyait le peuple misérable, déguenillé, mendiant. Le peuple
* App., 54.
FOLIE DE CHARLES VI. 61
4
■
y voyait le roi plus pauvre encore sur le trône, pauvre
d'esprit, pauvre d'amis, délaissé de sa famille, de sa
femme, veuf de lui-même et se survivant, riant triste-
ment du rire des fols, vieil enfant sans père ni mère pour
en avoir soin.
La dérision n'eût pas été suffisante, la tragédie 'eût été
moins comique, s'il eût cessé de régner. Le merveilleux,
le bizarre, c'est qu'il régnait par moments. Toute négligée
et sale qu'était sa personne, sa main signait eneore, et
semblait toute-puissante. Les plus graves personnages, les
plus sages tètes du conseil, venaient entre deux accès
profiter d'un moment lucide, épier les faibles lueurs d'une
intelligence obscurcie, provoquer les douteux oracles qui
tombaient de cette bouche imbécile.
C'était toujours le roi de France, le premier roi chré-
tien, la tète de la chrétienté. Les principaux Ëtats d'Italie,
Milan, Florence, Gênes, se disaient ses clients. Gênes ne
crut pouvoir échapper à Visconti qu'en se donnant à
Charles VI. Ainsi la fortune moqueuse s'amusait à charger
d*un nouveau poids cette faible main qui ne pouvait rien
porter.
Ce fut un curieux spectacle de voir l'empereur Wen-
ceslas, amené en France par les affaires de l'Ëglise, con-
férer avec Charles VI (4398). L'un était fol, l'autre prcsquo
toujours ivre. H fallait prendre l'empereur à jeun; mais
pour le roi ce n'était pas toujours le moment lucide.
Charles VI ayant eu pourtant trois jours de bon, on en
profita pour lui faire signer une ordonnance qui, selon le
vœu de l'Université, suspendait l'autorité de Benoit XllI
dans le royaume de France. Le maréchal Boucicaut fut
envoyé à Avignon pour le contraindre par corps. Le vieux
pontife se défendit dans le château d'Avignon, en vrai
capitaine (1 398-1 399). N'ayant plus de bois pour sa cuisine^
il brûla une à une les poutres de son palais. Les Français
avaient honte eux-mêmes de cette guerre ridicule. Les
62 iOUIl M CHiiBLlS Vi.
partisans de Tauli» pape ne lui étaiaU pas pins sonaû
Les Romains étaient en acmea contre fionifiu^e,. comme les
Français contre Benoli.
Voilà donc la papauté, l'eBipire,. la royauté aux prises â
s'injuriant; l'empereur ivre, le roi idiot, prenant le pott-
Toir spirituel, suspendant la pape, tandis que le pape sai-
sit les armes temporelles et endosse la cuirasse. Les dieux
humains délirent^ défendent qut'on leur obéisse, et se
proclament fols....
Gela était certain, réel, maie aucunement vraisemblable,
contraire à toute raiscA, propre à faire croire de préfé-
rence les mensonges les plus hasardés. Nulle comédie, oui
Mystère ne devait dès lors choquer les esprits. Le plus M
n'était pas celui qui oubliait des réalités absurdes pour des
fictions raisonnables^ Ces Mystères aidaient d'ailleurs à
rillusion par leur prodigieuse durée; quelqaes-uns se
divisaient en quarante jours. Une représentation si longue
devenait pour le spectateur assidu une vie artificielle qui
faisait oublier l'autre, ou pouvait lui faire douter souvent
de quel côté était le rêve ^ '
1 • Si noiM rêvions tontes les naito la même ehose, elle nous affectproit
peul-ôire autant que les objets que nous Toyon& tous les jours Et i ao
artisan éloit sûr de rêver toutes les nuits douze heures durant qu'il est
roi. je erois qu'il seioit preflfne aussi henraiK qu'on mi qoL léfWÀi
toutes 1m naita donis heures duraat qu'il est artisaii. • Pascal»
LIVRE VIII
CHAPITRE PREMIER
Le doc d'Orléans» la dac de Bourgogne. — Meartre da duc d'Orlëaaa.
1400-1407.
Il y a dans la personne humaine deux personnes, deux
ennemis qui guerroient à nos dépens, jusqu'à ce que la
mort y mette ordre. Ces deux ennemis, l'orgueil et le
désir, nous les avons vus aux prises dans cette pauvre àme
de roi. L'un a prévalu d*abord, puis l'autre ; puis, dans ce
long combat, cette âme s'est éclipsée^ et il n'y a plus eu où
combattre. La guerre fmie dans le roi, elle éclate dans le
royaume; les deux principes vont agir en deux hommes et
deux factions, jusqu'à ce que cette guerre ait produit son
acte frénétique : le meurtre : jusqu'à ce que, les deux
* hommes ayant été tués Tun par l'autre, les deux factions,
pour se tuer, s'accordent à tuer la France.
Cela dît, au fond tout est dit. Si pourtant on veut savoir
le nom des deux hommes, nommons l'homme du plaisir,
le duc d'Orléans, frère du roi ; l'homme de l'orgueil, du
brutal et sanguinaire orgueil, Jean Sans-Peur, duc de
Bourgogne.
Les deux hommes et les deux partis doivent se choquer
dans Paris. Deux partis, deux paroisses ; nous les avons
64 LE DUC D'ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE.
nommées déjà, celle de la cour, celle des bouchers, la folie
de Saint-Paul, la brutalité de Saint^Jacques. La scène de
rhistoire dit d'avance l'histoire même.
Louis d'Orléans, ce jeune homme qui mourut si jeune,
qui fut tant aimé et regretté toujours, qu'avait-il fait pour
mériter de tels regrets? Il fut pleuré des femmes, et c est
tout simple, il était beau, avenant, gracieux ^ ; mais noa
moins regretté de TÊglise, pleuré des saints... C'était pour-
tant un grand pécheur. II avait, dans ses emportements de
jeunesse, terriblement vexé le peuple ; il fut maudit du
peuple, pleuré du peujrfe... Vivant, il coûta bien des
larmes ; mais combien plus, morti
Si vous eussiez demandé à la France si ce jeune homme
était bien digne de tant d'amour, elle eût répondu : Je
l'aimais^. Ce n'est pas seulement pour le bien qu'on aime;
qui aime, nime tout, les défauts aussi. Celui-ci plut
comme il était, mêlé de bien et de mal. La France n'oublia
jamais qu'en ses défauts même, elle avait vu poindre
l'aimable et brillant esprit, l'esprit léger, peu sévère, mais
gracieux et doux, delà Renaissance; tel il se continua
dans son iils, Charles d'Orléans^ l'exilé, le poète ^ dans
son bâtard Dunois, dans son petit-fils, le bon et clément
Louis XU.
Cet esprit, louez-le, blàmez-le, ce n'est pas celui d'un
temps, d'un âge, c'est celui de la France même. Pour U
première fois, au sortir du roide et gothique moyen âge,
elle se vit ce qu'elle est, mobilité, élégance légère, fan-
taisie gracieuse. Elle se vit, elle s'adora. Celui-ei fut le
dernier enfant, le plus jeune et le plus cher, celui à qui
tout est permis, celui qui peut gâter, briser; la mère
I App., 55.
* « Si on me presse de dire pourqnoy je Taymois» je sens que cela ne
se f eut exprimer qu'en respondant: Parceque c'estoit luy, parceqoe
c'estoit moy. • Montaigne.
' Louis d'Orléans était poëte aussi, s'il est vrai qn'il !iTait cdlébrd dam
de* vers les secrètes beautés de la duchesse ûb Bourgogne. (Baraate.)
MSURTRE DU DUC D*ORLKANS. 65
gronde, mais elle sourît... Elle aimait cette jolie tête qui
tournait celle des femmes; elle aimait cet esprit hardi
qui déconcertait les docteurs : c'était plaisir de voir les
vieilles barbes de T Université, au milieu de leurs lourdes
harangues, se troubler à ses vives saillies et balbutier ^ 11
ii*en était pas moins bon pour les doctes, les clercs et les
prêtres, pour les pauvres, aumônier et charitable. L'Église
était faible pour cet aimable prince ; elle lui passait bien
des choses ; il n'y avait pas moyen d'être sévère avec cet
enfant gâte de la nature et de la grâce.
De qui Louis tenait-il ces dons qu'il apporta en naissant?
De qui, sinon d'une femme ? De sa charmante mère appa-
remment, dont son mari même, le sage et froid Charles V,
ne pouvait s'empêcher de dire : a C'est le soleil du
royaume. » Une femme mit la grâce en lui, et les femmes
la cultivèrent... Et que serions-nous sans elles? Elles nous
donnent la vie (et cela, c'est peu), mais aussi la vie de
Tàme. Que de choses, nous apprenons près d'elles comme
fils, comme amants ou amis... C'est par elles, pour elles,
que l'esprit français est devenu le plus brillant, et, ce qui
vaut mieux, le plus sensé de l'Europe. Ce peuple n'étudiait
volontiers que dans les conversations des femmes; en cau-
sant avec ces aimables docteurs qui ne savaient rien, il a
tout appris ».
Nous n'avons pas la galerie oii le jeune Louis eut la
dangereuse fatuité de faire peindre ses maltresses. Nous
connaissons assez mal les femmes de ce temps-là. J'en vois
trois pourtant qui do près ou de loin tinrent au duc
d'Orléans. Toutes trois, de père ou de mère, étaient
Italiennes. De l'Italie, partait déjà le premier souffle de la
Renaissance; le nord, réchaulFé de ce vent parfumé du
1 il pp., 50.
« L'eiiucation d'un jeune cheval ier, par les femmes, eat rinvariaLle
sujet des romans on bUloircs romanesques du xv* siOcle. A]^]^,, 57.
IT. 6
08 LB DUC D'ORIIARS, VË DUC D8 BODRGOGNB.
sad, crut sentir, comme dit le poète, « une odev de
paradis^. •
De ces ItaKennes, l'une fut la femme du duc d'Orléans,
Yalentina Yisconti, sa femme, sa triste veuve, el elle
mourut de sa mort. L'autre, Isabeau de Bavière (Visconi
du côté maternel) fut sa belle-sœur, son amie, pent^re
davantage. La troisième, dans un .rang bien modeste, h
chaste, la savante Christine \ n'eut avec lui d'autre rap-
port que les encouragements qu'il donna à son aimaUe
génie 3.
L'Italie, la renaissance, l'art, l'irruption de la fantaisie,
il y avait dans tout cela de quoi séduire et de quoi blesser.
Ce jour du xvi« siècle, qui éclatait brusquement dès la fin
du XIV», dut effaroucher les ténèbres. L'art n'était-il pas
une coupable contrefaçon de la nature? Celle ci n'a-t-elle
pas assez de danger, assez de séduction, sans qu'une dia»
boli que adresse la reproduise encore pour la perdition des
âmes? Cette perfide Italie, la terre des poisons et des
maléfices, n'est-ce pas aussi le pays de ces mirades du
Diable?
C'étaient là les propos du peuple, ce qu'il disait tout
haut. Joignez-y le silence haineux des scolastîques, qui
voyaient bien que peu à peu il leur fallait céder la place.
Derrière, appuyaient la foule des esprits secs et étroits,
qui demandent toujours : A quoi bon?... A quoi bon un
tableau du Giotto, une miniature du beau Froissart, une
ballade de Christine?
I Qaan la doss aora Tenta
Dcves vostre pats,
M'es veiaire que senta
Odor de Paradis.
« Quand le doux zéphyr soufflo de votre pays, 6 ma Dame, 3 me
semble que je sens une odeur de Paradis. • Bernard de Yenudour.
* Christine do Pisan semble avoir commencé la suite des femmes àe
lettres^ pauvres et laborieuses, qui ont nourri leur faaiille do produit
de leur plume. Âpp., 58.
* App,, 59.
MBaRTRB DU DOC d'ORLÉANS. 67
De tels esprits sont toujours un grand peuple. Mais alors
ils avaient pour eux un grave et puissant auxiliaire, lâ pau-
vreté publique, qui ne voyait dans les dépenses d'art et de
luxe qu'une coupable prodigalité.
A ces mécontentements, à ces malveillances, à ces
haines publiques ou secrètes, il fallait un envieux pour
chef. La nature semblait avoir fait le duc de Bourgogne
Jean sans Peur toul exprès pour haïr le duc d'Orléans. Il
avait peu d'avantages physiques, peu d'apparence, peu de
taille, peu de facilité ^. Son silence habituel couvrait un
caractère violent. Héritier d'une grande puissance, il tenta
de grandes choses et échoua d'autant plus tristement. Sa
captivité de Nicopolis coûta gros au royaume. Nourri
d'amertume et d'envie, il souffrait cruellement de voir en
face cette heureuse et brillante figure qui devait toujours
réclipser. Avant que leur rivalité éclatât, avant que de
secrets outrages eussent engendré en eux de nouvelles
haines, il semblait être déjà le Caïn prédestiné de cet Abél.
L'équité nous oblige de faire remarquer avant tout que
Iliistoire de ce temps n*a guère été écrite que par les
ennemis du duc d'Orléans. Cela doit nous mettre en
défiance. Ceux qui le tuèrent en sa personne, ont dû faire
ce qu'il fallait pour le tuer aussi dans l'histoire.
Monstrelct est sujet et serviteur de la maison de Bour-
gogne s. Le Bourgeois de Paris est un Bourguignon
furieux. Paris était généralement hostile au duc d'Or*
léans, et cela pour un motif facile à comprendre : le
duc d'Orléans demandait sans cesse de l'argent; le duc
de Bourgogne défendait de payer.
Cette rancune de Pai^s n'a pas été sans influence sur le
* Le Religieux de SftÎDt-Denis ajoate toutefois que, quoiqu'il parlât
peu, il avait de l'eiprit; ses yeux (étaient intelli (cents. Il en existe on
portrait fort ancien au musée de Versailles et au château d Eu. 11 est en
prii^res, déjà vieux, les chairs molle- I air bona^v et vulgaire. Christine
rappelle en 140i : • Prince de toute boni/, dalvable, juste, saige, beaigoe^
doula et de toute bonne meurs. • ^ * ^PP-t OU.
68 LB DUC D'ORliANS, LB DUC DE BOURGOGNE.
plus impartial des historiens de ce temps, sur le Religieux
de Saint-Denis. 11 n*a pu se défendre de reproduire la
clameur de cette grande a ille voisine. Le moine a pu céder
aussi à celle du clergé, que le duc d'Orléans essayait indi-
rectement de soumettre à Timpôt *.
Il ne faut pas oublier que le duc d'Orléans, ne possédant
rien, ou presque' rien, hors du royaume, tirait toutes ses
ressources de la France, de Paris surtout. Le duc de Bour-
gogne au contraire était, tout à la fois, uti prince français
et étranger ; il avait des possessions et dans le royaume
et dans l'Empire; il recevait beaucoup d'argent de la
Flandre, et demandait plutôt des gens d'armes à la Bour-
gogne «.
Remontons à la fondation de cette'maison de Bourgogne.
Nos rois ayant presque détruit le seul pouvoir militaire qui
se trouvât en France, la féodalité, essayèrent, au xme et
au xv« siècles, d'une féodalité artificielle, ils placèrent les
grands 'iiefs dans la main des princes leurs parents.
Charles Y fit im grand établissement féodal. Tandis que
son frère aîné, gouverneur du Languedoc, regardait vers
la Provence et l'Italie, il donna la Bourgogne en apanage à
son plus jeune frère, de manière à agir vers l'Empire et
les Pays-Bas. Il fit pour ce dernier l'immense sacrifice de
rendre aux Flamands Lille et Douai, la Flandre française ',
la barrière du royaume au nord, pour que ce frère épousât
leur future souveraine, l'héritière des comtés de Flandre,
d'Artois, de Réthel, de Nevers et de la Franche-Comté. II
espérait que dans cette alliance la France absorberait la
Flandre, que les peuples étant réunis sous une même
domination, les intérêts se confondraient peu à peu. H
n'en fut pas ainsi. La distinction resta profonde, les
mœurs difféi^entes, la barrière des langues iramuabUî ; la
^ V. 1402. et les projets du parti d'OrWans, 141 1.
* Aq témoignage de Charles le Téméraire. (Gachard.)
• App., 01.
MEURTRE DU DUC d'ORLÂANS. 69
langue française et wallonne ne gagna pas un pouce de
terrain sur le flamand ^. La riche Flandre ne devint pas
un accessoire de la pauvre Bourgogne s. Ce fut tout le
contraire : l'intérêt flamand emporta la balance. Quel
intérêt? un intérêt hostile à la France, l'alliance commer-
ciale de FAngleterre, commerciale d*abord, puis politique.
Nous avons dit ailleurs comment la Flandre et l'Angle-
terre étaient liées depuis longtemps. S'il y avait mariage
politique entre les princes de la France et de la Flandre,
il y avait toujours eu mariage commercial entre les peuples
de la Flandre et de l'Angleterre. Edouard III ne put faire
son fils comte de Flandre ; Charles Y fut plus heureux
pour son frère. Mais ce frère, tout Français qu'il était, ne
86 lit accepter des Flamands qu'en se résignant aux rela-
tions indispensables de la Flandre et de l'Angleterre. Ces
^relations faisaient la richesse du pays, celle du prince.
Toutefois, les Anglais qui depuis Edouard III avaient attiré
beaucoup de drapiers de la Flandre ', n'avaient plus tant
de ménagements à garder avec les Flamands ; ils pillaient
souvent leurs marchands, et secondaient les bannis de
Flandre dans leurs pirateries. Le fameux Pierre Dubois, l'un
des chefs de la révolution do Flandre en 4 382, se fit pirate,
et fut la terreur du détroit. En 4387, il enleva la flotte
flamande, qui chaque année allait à la Rochelle acheter
nos vins du Midi K La Flandre et le comte de Flandre
étaient ruinés par ces pirateries, si ce comte ne devenait
ou le mattre, ou l'allié de l'Angleterre. Ayant essayé en
vain de s'en rendre mattre (4386), il fallait qu'il en fût
l'allié, qu'il y fit, s'il pouvait, un roi qui garantit cette
alliance. Il y parvint en 4399, contre l'intérêt de la France.
t App., 62.
* • Mon pays de Bourgoigne n*a point d'argent; il sent la France. •
Mot de Charles le Téméraire. (Gachard.)
* V. 9U tome 111, livre Vi, cbap. i**, les étranges promesses par les-
quelles les Anglais s'efforçaient de les attirer.
4 App., 63.
TO LE DDG D*ORLBANSt LE DUC M BOURGOGNE.
Cette puissance de Bourgogne, ainsi partagée entie Tin-
térôt français et étranger, n'allait pas moins s'étendant et
s^agrandissant. Philippe le Hardi compléta ses Booi^pognes
en achetant le Charolais (1390), ses Pays-Bas, ea fiiisant
épouser à son fils Théritière de Hainaut et de Hollande
(1 385). Le souverain de la Flandre, jusque-là serré entre la
Hollande et le Hainaut, allait saisir ainsi deux grands
postes, par la Hollande des ports sur l'Océan, e'ét^t comme
des fenêtres ouvertes sur l'Angleterre ; par le Hainaut des
places fortes, Mons et Yalenciennes, les portes de la
France.
Voilà une grande et formidable puissance, formidable
par son étendue et par la richesse de ses possessions, mais
bien plus encore par sa position, par ses relations, tou-
chant à tout, ayant prise sur tout. U n'y avait rien en
France à opposer à une telle force. La maison d'Anjou
avait fondu en quelque sorte, dans ses vaines tentatives
sur ritalie. Le duc de Berri, lors même qu'il était gouver-
neur du Languedoc, n'y était paâ sérieusement établi; il
n'était que le roi de Bourges. Le duc d'Orléans, frère du
roi, s'était fait donner successivement l'apanage d'Orléans,
puis une bonne part du Périgord et de l'Angoumois, pois
les comtés de Valois, Bloiset Beaumont, puis encore celai
de Dreux. U avait, par sa femme, une position dans les
Alpes, Asti. C'étaient certes de grands établissements,
mais dispersés; ce n'était pas une grande puissance. Tout
cela ne faisait point masse en présence de cette masse
énorme et toujours grossissante des possessions du duc de
Bourgogne.
Philippe le Hardi avait eu, à son grand profit, la part
principale à l'administration du royaume sous la minorité
de Charles VL et bien au delà, jusqu'à ce qu'il eut vingt et
un ans. Il l'avait perdue quelque temps, pendant le gou-
vernement des Marmousets, la Rivière, Clisson, Montaigu.
La folie de Charles VI fut comme une nouvelle minorité;
MEURTRE DU DUC D^ORLÉANS. 71
eependant il devenait impossible de ne pas donner part»
dans le gouvernement, au duc d'Orléans, frère du roi, qui
en 4101 avait trjente ans. Ce prince, héritier probable du
Toi malade et de ses enfants maladifs, avait apparemment
autant d'intérêt au bien du royaume que le duc de Bour-
gogne, qui, s*étendant toujours vers TEmpire et les Pays-
Bas, devenait de plus en plus un prince étrange. Tou-
tefois, les légèretés du duc d'Orléans, ses passions, ses
imprudences, lui faisaient tort ; la vivacité même de son
esprit, ses qualités brillantes, mettaient en défiance. Son
oncle, déjà &gé, solide sans éclat (comme il faut pour
fonder), rassurait davantage. D'ailleurs, il était riche hors
du royaume; on pensait que le maître de la riche Flandre
prendrait moins d'argent en France.
Ce fut un moment décisif, entre Tonele et le neveu, que
celui de la révolution d'Angleterre, en 4399. Tous deux
avaient caressé le dangereux Lancastre, pendant son séjour
au château de Bicètre. Le duc d'Orléans en fit son frère
d*armes, et se crut sûr de lui. Mais Lancastre, avec beau-
coup de sens, préféra l'alliance du duc de Bourgogne»
comte de Flandre. Celui-ci montra dans cette circonstance
une extrême prudence. II en avait besoin. Richard avait
épousé sa petite-nièce, il^était gendre du roi de France, et
notre allié. Le duc de Bourgoj^ne se serait perdu dans le
royaume; s'il avait ostensiblement concouru à une révolu-
tion qui nous était si préjudiciable. Il ne laissa pas passer
Lancastre par ses États ; il donna même ordre de Farrêter
à Boulogne, où il ne devait point aller. Lancastre fit le tour
par la Bretagne, dont le duc était ami et allie du duc de
Bourgogne; ils lui donnèrent pour Vaccompagnèr quel-
ques gens d'armes, et leur homme, Pierre de Craon*, l'as-
sassin de Clisson, l'ennemi mortel du duc d'Orléans.
* L* misère força peut-être Craon à cet acte monstrueux d'ingratilode.
I] avait dû la grÂcc do 5on premier crime aux pridres de la jeune IsabeUe
de France^ é|MNU6 de llicliard II. V. Ajtp,, 34»
72 LE DLC d'oRLEANS, LE DL'C DE BOLRGOGNB.
C'étaient de faibles moyens, mais ce qu'ils y joignirent
d'argent, on ne peut le deviner. Or, c'était surtout d'argent
que Lancastre avait besoin ; les hommes ne manquaient
pas en Angleterre pour en recevoir.
Ce ne fut pas tout. Le duc de Bretagne étant mort peu
après, sa veuve, qui avait vu Lancastre à son passage, dé-
clara qu'elle voulait l'épouser. Cette veuve était la fille du
terrible ennemi de nos rois, de Charles le Mauvais. Rien
n'était plus dangereux que ce mariage. Le duc de Bour-
gogne en détourna la veuve, comme il devait ; mais il eut
le bonheur de ne pas être écouté; le mariage se fit au
grand profit du duc de Bourgogne, qui, malgré le duc
d'Orléans, malgré le vieux Clissoii, vint prendre la garde
du jeune duc de Bretagne et de la Bretagne, et bâtit à
Nantes même sa tour d« Bourgogne^.
Ainsi se formait autour du royaume un vaste cercle
d'alliances suspectes. Le maître de la Franche-Comté, de
la Bourgogne et des Pays-Bas, se trouvait aussi maître de
la Bretagne, ami du nouveau roi d'Angleterre et du roi de
Navarre. La maison de Lancastre s'était alliée, en CasUUe,
à la maison bâtarde de Transtamare, comme celle de
Bourgogne s'unit plus tard à la maison non moins bâtarde
de Portugal. Bourgogne, Bretagne, Navarre, Lancastre,
toutes les branches cadettes, se trouvaient ainsi Ijées entre
elles, et avec les branches bâtardes de Portugal et de
Castille.
Contre cette conjuration de la politique, le duc d'Orléans
se porta pour champion du vieux droit. Il prit cette cause
en main dans toute la chrétienté, se déclarant pour Wen-
ceslas contre Robert, pour le pape contre l'Université,
* De plus, il emmena arec loi le duc et ses deux frères.— Lorsque le
jeune duc de Bretagne retourna cbei lui, on lui donna^ noo-seiilemeat le
comté d'Évreux, mais la ville royale de Saint-Malo, Too des plus pré-
cieux fleurons de la couronne de France. 11 n*en resta pas moins à
moitié Anglais; son frère Ariliar tenait le comté de Richeoioot du lot
d'Angleterre.
MEURTRE DU DUC D*ORLKANS. 73
pour la jeune veuve de Richard contre Henri IV. Après
avoir provoqué un duel de sept Français contre sept An-
glais, il jeta le gant à son ancien frère d'armes, pour
venger la mort de Richard II ^ Il lui reprochait de plus
d'avoir manqué, dans la personne de la veuve, Isabelle de
France, à tout ce qu'un homme noble devait « aux damea
veuves et pucelles^. » Il lui demandait un rendez -vous aux
frontières, où ils pourraient combattre chacun à la tête de
cent chevaliers.
Lancastre répondit, avec la morgue anglaise, qu'il n^avait
vu nulle part que ses prédécesseurs eussent été ainsi défiés ,
par gens de moindre état ; ajoutant, dans le langage hypo-
crite du parti ecclésiastique qui l'avait mis sur le trône,
que ce qu'un prince fait, « U le doit faire à l'honneur de
Dieu, et comme profit de toute chrétienté ou de son
royaume, et non pas pour vaine gloire ni pour nulle con-
voitise temporelle 3. »
Henri IV avait de bonnes raisons pour refuser le combat;
il avait bien autre chose à faire chez lui; il ne voyait qu'ea-
nemis autour de lui ; ce trône tout nouveau branlait. Le
duc de Bourgogne lui rendit le service de faire continuer
la trêve avec la France.
Ces afifaires d'Angleterre et de Bretagne sont déjà une
guerre indirecte entre les ducs d'Orléans et de Bourgogne.
La guerre va devenir directe, acharnée. Le neveu essaye
d'attaquer l'oncle dans les Pays-Bas ; l'oncle attaque et
ruine le neveu en France, à Paris.
Le duc d'Orléans, battu par son habile rival dans l'affaire
de Bretagne, fit une chose grave contre lui ; si grave, que
la maison de Bourgogne dut vouloir dès lors sa ruine. II se
lit un établissement au milieu des possessions de cotte
; « il|>p., 64. — * Monstrelet.
/ * Idem. — Quant à Isabelle de France, il r(5criminait d'une maniôro
toute satirique : • Plût à Dieu que vous n'eussiez fait rigueur, cruauté
ni vilenie enveri nulle linmc ni dainoisello. non plus qu'avons fait enven
elle; nous crojfons que vous en vaudriez mieux. •
74 LE D(JC D*OItL£ÀNS^ LE DUC J)£ BOURGOGMX.
maison, parmi les petits Ëtats qu'elle avait ou qu'elle con-
voitait; il acheta le Luxembourg, se logeant comme une
épine au cœur du Bourguignon, entre lui et l'Empire, à
la porte de Liège, de manière à donner courage aux petits
princes du pays, par exemple au duc de Gueidre. Le duc
d'Orléans paya ce duc pour faire ce qu'il avait toujoun
' fait, pour piller les Pays-Bas.
Louis d'Orléans ayant engagé ce condottiere au serrice
du roi, il l'amène à Paris avec ses bandes ; et, d'autre part,
il fait venir des Gallois des garnisons de Guyenne. Le duc
de Bourgogne y accourt ; l'évéque de Liège lui amène da
renfort; une Ibule d'aventuriers du Hainaut, de Brabant,
de TÀllemagne arrivent à la file. Le duc d'Orléans de son
côté se fortifie des Bretons de Oisson, d'Écossais, de Nor-
mands. Paris se mourait de peur. Mais il n'y eut rien
encore; les deux rivaux se mesurèrent, se virent en force,
et se laissèrent réconcilier.
Le duc de Bourgogne n'avait pas besoin d^une bataille
pour perdre son neveu ; il n'y avait qu'à le laisser faire : il
avait pris un râle impopulaire qui le menait à sa ruine. Le
duc d'Orléans voulait la guerre, demandait de l'argent au
peuple, au clergé même. Le duc de Bourgogne voulait la
paix (le commerce flamand y avait intérêt); ric^ie d'ailleurs,
il se popularisait ici par un moyen facile, il défendait de
payer les taxes. Si l'on en croyait une tradition consenée
par Meyer, historien flamand, ordinairement très-partial
pour la maison de Bourgogne, les princes de cette maison,
ulcérés par les tentatives galantes du duc d'Orléans sur la
femme du jeune duc de Bourgogne, auraient organisé
contre leur ennemi un vaste système d'attaques souter-
raines, le représentant partout au peuple comme l'unique
auteur des taxes sous le poids desquelles il gémissait, le
désignant à la haine publique, préparant longuement,
patiemment l'assassinat par la calomnie'.
1 iij^f, 66i
MKUBTRK m DUC d'OBLÉANS. 75
B n'y aurait eu pour le duc d'Orléans qu'un moyen de
sortir de cette impopularité, une guerre glorieuse contre
l'Anglais. Hais pour cela, il fallait de l'argent» l'Église en
avait. Le duc d'Orléans fit ordonner un emprunt général,
dont les gens d'Église ne seraient point exempts. Mais le
duc de Bourgogne se mit du côté du clergé, et l'encou-
ragea à refuser l'emprunt Une ordonnance de taxe géné-
rale fut de même inutile. Le duc de Bourgogne déclara
que l'ordonnance mentait, en se disant consentU par les
princeê, que ni lui, ni le duc de Berri n'y avaient consenti;
que si les coffres du roi étaient vides, ce n'était pas du
sang^des peuples qu'il fallait les remplir; qu'il fallait faire
regorger les sangsues ; que pour lui, il voulait bien qu'on
sût que s'il eût autorisé cette nouvelle exaction, il aurait
emboursé deux cent mille écus pour sa part.
Qu'on juge si de telles paroles étaient bien reçues du
peuple. Le duc de Bourgogne eut tout le monde pour lui.
On l'appela, on le mit à l'œuvre, et alors il ne fut pas mé-
diocrement embarrassé. Après avoir tant déclamé contre
1 js taxes, il n'en pouvait guère lever lui-même. Il lui fallut
avoir recours à un étrange expédient. Il envoya dans toutes
les villes du royaume des commissaires du parlement pour
examiner les contrats entre particuliers et frapper
d'amendes arbitraires ceux qu'ils trouveraient usuraires
ou frauduleux ^ Tous ceux a. qui auraient vendu trop cher
de moitié, » devaient être punis. Cette absurde et împra-
tiquable inquisition ne produisit pas grand'chose.
Le duc d'Orléans reprit son influence, il s'était étroite-
tement lié avec le pape Benoît Xllf ; ce pape ayant enfin
échappé aux troupes qui l'assiégeaient dans Avignon» le
duc surprit au roi une ordonnance qui restituait au pape
l'obcdience du royaume; l'Université en rugit. D'autre
part, le duc s'étant lié étroitement avec sa belle-sœur Isa-
<i(f>p., 66.
76 LE DUC D'ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE.
beau, la fît entrer dans le conseil, et s'y trouva prépondé-
rant. Il parut ainsi maître et de TÉglise et de l*Ètat, c'est-
à-dire que dès lors tout ce qui se fit d'impopulaire, retomba
sur lui.
Quoi qu'il en soît, on ne peut nier que le parti d'Orléans
ne fût le seul qui agit pour la France et contre F Anglais,
qui sentît qu'on devait profiter de l'agitation de ce pays»,
qui tentât des expéditions. Je vois en 1 403 les Bretons de
ce parti mettre une flotte en mer et battre les Anglaise
Plus tard des secours sont envoyés aux chefs gallois, a?ec
lesquels le roi fait alliance 3. Je vois l'homme du duc d*Or-
léans, le connétable d'Albret, faire une guerre heureuse
en Guienne^. On envoie en Castille pour demander les
secours d'une flotte contre les Anglais. Une transaction
utile leur ferme la Normandie; on tire Cheri>oui^ et
Ëvreux des mains suspectes du roi de Navarre, en le dé-
dommageant ailleurs.
En 1404, tout le royaume souffrant des courses des An-
glais, un grand armement fut ordonné, une lourde taxe.
Tout l'argent fut placé dans une tour du palais, pour n'en
sortir que du consentement des princes. Le duc d'Orléans
n'attendît pas ce consentement ; il vint la nuit forcer la tour
et en tira l'argent^. C'était un acte violent, injustifiable,
une sorte de vol. Toutefois, quand on songe que le duc de
Bourgogne venait d'abandonner le comte de Saint-Pol aux
vengeances de l'Anglais <', quand on songe que le duc de
Berri avait fait manquer l'invasion de 1386, et qu'il em-
pêcha encore le roi de combattre en 1415, on. comprend
* C'était le temps de la révolte des Percy.
* C'étaient les Bretons de Clisson, conduits par Goillaume Docfaâtel.
* Rymer.
* Le comte de Clermont, très-jeane encore, était le chef nominal do
cette armée.
^ Le Religieux dit qu'il s'était muni d'un ordre du roi.
* Le comte de Saint-Po! avait pris les armes pour les intérêts de si
fille, beile-fille du duc de L'ourgogne.
MEURTRE DU DUC D'ORLÉâNS. 77
que jamais ces princes n'auraient employé cet argent
contre les ennemis du royaume.
L'armement se fit à Brest, une flotte fut préparée. Elle
devait (^tre conduite dans le pays de Galles, par le comte
de La Marche, prince de la maison de Bourbon, qui était
agréable aux deux partis. Mais ce prince fit ce que le duc
de Berri avait fait autrefois. Il s'obstina à nebouger de
Paris.; il y resta d'août en novembre pour les fêtes d'un
double mariage entre les princes de la maison de Bour-
gogne et les enfants du roi. On allégua que le vent était
contraire. Et en effet, on voit bien qu'il soufflait d'Angle-
terre ; les Anglais étaient instruits de tout par des traîtres;
ils avaient ici des agents à qui ils payaient pension ; ils pen-
sionnaient entre autres le capitaine de Paris ^ Le nouveau
duc de Bourgogne, Jean sans Peur^ avait d'ailleurs intérêt
à ne pas commencer par déplaire aux Flamands en leur
fermant l'Angleterre. Il conclut au contraire une trêve
marchande avec les Anglais',
L'habile et heureux fondateur de la maison de Bourgogne
était mort au milieu de la crise (1404), au moment où il
venait encore de mettre un de ses fils en possession du
Brabant. Il avait recueilli tous les fruits de sa politique
égoïste ' ; il s'était constamment servi des ressources de la
France, de ses armées, de son argent, et avec cela, il
mourut populaire, laissant à son fils Jean sans Peur, un
grand parti dans le royaume.
Philippe le Hardi était, dans son intérieur, un homme
rangé et régulier; il n'eut d'autre femme que sa femme,
la riche et puissante héritière des Flandres et de tant de
provinces, et qui lui aidait à les maintenir. Il fut toujours
bien avec le clergé ; il le défendait volontiers au conseil du
roi ; du reste, donnant peu aux églises.
On ne lui reproche aucun acte violent. Eut-îl connaîs-
* App., 67. — » App,, 68. — » App., 69.
78 U DUC D^ORLÉil^, LB DCC DS BOURGOGHE.
sance de l'assassinat de Clisson et de rempoisonnement
de révoque de Laon? La chose est possible , mais encore
. moins prouvée.
Ce politique mettait dans toute chose tm feste royal,
qu'on pouvait prendre pour de la prodigalité, et qui sans
doute était un moyen. Le culte était célébré dans sa mai-
son avec plus de pompe que chez aucun roi ; la musique
surtout nombreuse, excellente. Dans les occasions publi-
ques, dans les fêtes, il tenait à éblouir, et jetait Targent
Lorsqu'il alla recevoir, à Lélinghcn, Isabelle de France,
veuve de Richard II, qu'Henri lY renvoyait, il déploya on
luxe incroyable, inconvenant dans une si triste circons-
tance, mais il voulait sans doute imposer à ses amis les
Anglais. Au reste, il ne lui en coûta rien, il profita de
cette dépense pour se donner, au nom du roi de France,
une énorme pension de trente-six mille livies. 11 en fut de
même au mariage de son second fils; il donna à tons les
seigneurs des Pays-Bas qui y assistaient, des robes de ve-
lours vert et de satin blanc, et leur distribua pour dix mille
écus de pierreries ; il avait pourvu d'avance à ces dépenses
en se faisant assigner, sur le trésor de France, une somme
de cent quarante mille francs.
La rançon de son fils, loin de lui coûter, fut pour lui
une occasion de lever des sommes énormes. Indépendam-
ment de tout ce qu'il tira de la Bourgogne, de la Flan-
dre, etc., il s'assigna, au nom du roi, quatre- vingt mille
livres. Nous voyons le même fils, à peine de retour, tirer
encore. Tannée suivante, douze mille livres de (3iar-
les YI ^ Cette maison si riche ne méprisait pas les plus
petits gains.
Le duc de Bourgogne n'aimait pas à payer. Ses tréso-
riers n'acquittaient rien, pas même les dépenses journa-
lières de sa maison ^. Quoiqu'il laissât à sa mort une
* D. Plancher. — ' Le Religieux.
HBDRTRB DU DUC d'ORLÉANS. 79
masse énorme, ixiestimable, de meubles, de joyaux, d'ob-
jets précieux, il y avait lieu de craindre qu'ils ne suffissent
point à payer tant de créanciers. Plutôt que de toucher
aux immeubles, la veuve se décida à renoncer à la succes-
sion des biens mobiliers.
Ce n'était pas chose simple, au moyen ftge, que cession
et renonciation. Le débiteur insolvable faisait triste figure ;
il devait se dégrader lui-même de chevalerie en s'ôtant le
ceinturon. Dans certaines villes, il fallait que, par-devant
le juge et sous les huées de la foule, a il frappât du cul sur
la pierre t. » La cession du débiteur était honteuse. La re-
nonciation de la veuve étftit odieuse et cruelle. Elle venait
déposer les clefs sur le corps du défunt, comme pour lui
dire qu'elle lui rendait sa maison, renonçant à la commu*
nauté, et n'ayant plus rien à voir avec lui; elle reniait son
mariage ^. U n'y avait guère de pauvre femme qui se déci-
dât à boire une telle honte, à briser ainsi son cœur... Elles
donnaient plutôt leur dernière chemise.
La duchesse de Bourgogne ne recula pas. Cette femme
d'une audace virile accomplit bravement la cérémonie '.
Elle descendait, comme Charles le Mauvais, de cette vio-
lente Espagnole Jeanne de Navarre, et de Philippe le Bel ^.
La petite*fille de Jeanne, Marguerite, avait fondé avec
non moins de violence la maison de Bourgogne. On dit
que, voyant son fils le comte de Flandre hésiter à accep-
ter pour gendre Philippe le Hardi, elle lui montra sa ma-
« App., 70.
' La renonciation de la renrt n*eti pas m effet aaiia analogie avec le
reniemeut da mariage, par lequel la lui de Castille permeUait à la
femme noble, qoi avait épousé mi roturier, de reprendre sa noblesse à
la mortd'j son mari. Il fallait qu'elle allât à l'église avec une hallebarde
sur lYpanle; là, elle touchait de la pointe la fo:^se da défunt et elle loi
dÎMil : • Vilain, garde tavilainic, que jp puisse reprendre ma noblesse. •
Noi* communiquée par M. Uossew Saint-llilaire. App., 71,
' • Et <le ce demanda instrument à un noUlre public, qui esloit là
prêsfnl. • Monslrdet. App., 7î.
« V. tome m.
80 LE DUC D*ORLéANS, LE DUC DE BOURGOGNE.
nielle, et lui dit que, s'il ne consentait, elle trancherait le
sein qui l'avait nourri. Ce mariage, comme nous l'avons
TU, mit tout un empire dans les mains de la maison de
Bourgogne, la seconde Marguerite, petite-fille de Tautre,
femme de Philippe le Hardi, digne mère de Jean sans
Peur, aima mieux faire cette banqueroute solennelle, que
de diminuer d'un pouce de terre les possessions de sa
maison. Elle connaissait son temps, cet âge de fer et de
plomb. Ses fils n'y perdirent rien^ ils n'en furent ni moins
honorés ni moins populaires. Une telle audace fit peur; on
sut ce qu'on avait à craindre de ces princes.
La mort de Philippe le Hardi semblait laisser le dur:
d'Orléans maître du conseil. H en profita pour se faire
donner des places qui couvraient Paris au nord^ Giucy,
Ham, Soissons. Avec la Fère, Châlons, Château-Thierry,
Orléans et Dreux, il possédait ainsi une ceinture de places
autour de Paris. Le duc de Bourgogne avait pris, il est
vrai, au midi, le poste important d'Étampes*.
Le duc d'Orléans obtint de son pape une défense an
nouveau duc de Bourgogne de se mêler des afiaires da
royaume '. Pour que cette défense signifiât quelque chose,
il fallait être le plus fort. 11 ne put empêcher Jean sans
Peur d'entrer au conseil, et non-seulement lui, maïs trois
autres qui n'étaient qu'un avec lui, ses frères, les ducs de
Lîmbourg et de Nevers, et son cousin le duc de Bretagne.
Jean sans Peur, suivant la politique de son père, com-
mença par se déclarer contre la taille que faisait ordonner
le duo d'Orléans pour la continuation de la guerre, décla-
rant qu'il empêcherait ses sujets de la payer. Paris, encou*
ragé, n'avait pas envie de payer non plus. En vain, les
crieurs qui proclamaient la taxe annonçaient en même
temps que celle de l'année dernière avait été bien employée,
^ n se Uclait fait céd«r en iiOO parle dac de Berri.
• Mcyer.
moRTKS DU DUC d'orléàns. 84
qa*on avait repris plusieurs places du LimousiB. Le peôple
de Paris ne se souciait du Limousin ni du royaume ; il ne
paya point. Les prisons se remplirent, les places se cou-
unirent de meubles à Tencan. L'exaspération était telle,-
ipi'il fallut défendre, à son de trompe, de porter ni épée
ni couteau ^.
Tout porte à croire que les impôts n'étaient pas exces-
sifs, quoi. qu'en «disent les contemporains. La France était
redevenue riche par la paix ; la main-d'œuvre était à haut
prix dans les villes. Le fisc levait plus facilement six francs
par feu, qu'il n'aurait levé un franc cinquante ans aupara-
vant *. Mais cet argent était levé avec une violence, une
précipitation, une inégalité capricieuse, plus funeste que
l'impôt même.
Que le peuplQ^ùt ou n'eût pas d'argent, il n*en voulait
pas donner. On lui disait que la reine faisait passer en Alle-
magne tout ce que le duc d'Orléans ne gaspillait pas. On
avait, disait-on, arrêté à Metz six charges d'or que la
Bavaroise envoyait chez elle 3. Les esprits les plus sages
'accueillaient ces bruits; le grave historien du temps
croit que la taxe* précédente avait fourni la somme mon-
strueuse de huit cent mille écus .d'or ^, et que le duc et la
reine avaient tout mangé. Pour juger ces assertions, pour
apprécier l'ignorance et la malveillance avec lesquelles on
raisonnait des ressources du royaume, il faut voir le beau
plan que le parti du duc de Bourgogne proposait pour la
réforme des finances, a II y a, disait-on, dix-sept cent mille
villes, bourgs et villages ; ôtons-en sept cent mille qui sont
ruinés; qu'on impose les autres à vingt écus seulement par
an, cela fera vingt millions d'écus; en payant bien les
troupes, la maison du roi, les collecteurs et receveurs, en
réser\'ant même quelque chose pour réparer les forteres-
ses, il restera trois millions dans les coffres du roi. » Ce
« Le Religieux — * Àpp», 73. — * App., 74. — * App., 75.
IT. G
82 LE DUC D'ORli^NS, LE DUC VE BOURGOGNE.
calcul de dix-sept cent mille clochers est jostemenl ceU
sur lequel s^appuie le facétieux recteur de la satire Mé-
nippée.
Rien ne servit mieux le parti bourguignon que le ser-
mon d'un moine augustin contre la reine et le duc La
reine pourtant était présente i. Le saint homme ne paria
qu*avec plus de violence, et probablement sans bien savoir
qui il servait par cette violence. Il n'y a pas de naeilleur
instrument pour les factions que ces fanatiques qui frap-
pent en conscience. Dans sa harangue, il attaquait péte-
m'éte les prodigalités de la cour, les abus, les nouTeaulés
en général, la danse, les modes, les franges, les grandes
manches *. Il dit, en face de la reine, que sa cour était le
domicile de dame Vénus, etc. 3.
On en parla au roi, qui, loin de se Àcher, voulut aussi
l'entendre. Devant le roi, il en dit encore plus : Que les
tailles n'avaient servi à rien; que le roi lui-même était
vêtu du sang et des larmes du peuple; que le duc (il ne le
désignait pas autrement) était maudit, et que, sans doute,
Dieu ferait passer le royaume dans une main étran-
gère *.
Le duc d'Orléans, si violemment attaqué, n'essayait
point de regagner les esprits. On l'accusait de prodigalité;
il n'en fut que plus prodigue; il y avait trop peu d'argent
pour la guerre, il y en avait assez pour les fêtes, les amu-
sements. Ëloigné si longtemps du gouvernement par ses
oncles, sous prétexte de jeunesse, il restait jeune en effet;
il avait passé la trentaine, et n'en était que plus ardent
^ Le Religieux.
* • Loricatis, fimbriatlg et manieatis yestibos. • Religieax.
* « Domina Venus. » Religieux. — Cet Âugostia, qui prêcha contre
le due d'Orléans, lui avait dédié un livre, qat peal-étre n'aTait pas été
assez payé.
* • Te induere de subsianlia, lacrimis et gemitibos misemmae p!<
Religieux.
IIBURTOB DU MJC D'oBLÉANS. 83
dans ses folles passioas. A cet âge d'action, Thomme que
les circonstances empêchent d*agir, se retourne avec vio-
lence vers la jeunesse qui s'en va, vers les caprices d'un
autre âge ; mais il y porte une fantaisie tout autrement
difficile, insatiable; tout y passe, rien n'y suffit; le plaisir
d*aBord, mais c'est bientôt fini ; p«iis, dans le plaisir, l'aigre
saveur du péché secret; puis le secret dédaigné, les jouis-
sances insolentes du bruit, du scandale.
La petite reine de Charles VI n'était pas ce qu'il lui
fallait ; il n'aimait que les grandes dames, c'est-à-dire les
aventures, les enlèvements, les folles tragédies de l'amour.
Il prit ainsi chez lui la dame de Ganny, et il la garda, au
TU et su de tout le monde, jusqu'à ce qu'il en eut un fils.
Ce fut le fameux Dunois.
Fut-i] l'amant des deux Bavaroises, de Marguerite, femme
de Jean sans Peur, et de la reine kabeau, propre femme
de son frère? la chose n'est pas improbable. Ce qui est sûr,
c est qu'il semblait fort uni avec Isabeau au conseil et dans
les afi'aires ; une si étroite alliance d'un jeune homme trop
galant, avec une jeune femme qqi se trouvait comme
veuve du vivant de son mari, n'était rien moins qu'édi-
fiante.
Maître de la reine, il semblait vouloir l'être du royaume.
Il profita d une recliute de son frère pour se faire donner
par lui le gouvernement de la Normandie. Cette province,
la plus riche de toutes, avait été convoitée par le feu duc
de Bourgogne. Le duc d'Orléans, qui ne pouvait plus tirer
d'argent de Paris, eût trouvé là d'autres ressources. C'était
aussi des ports de Normandie qu'il eût pu le mieux diriger»
contre l'Angleterre, les capitaines de son parti. L'expédi-
tion du comte de la Marche, préparée à Brest, n'avait
abouti à rien ; elle eût peut-être réussi en partant d'fion-
fleur ou de Dieppe. Les Normands, sans doute encouragés
sous main par le parti de Bourgogne, reçurent fort mal
leur nouveau gouverneur ; il essaya en vain de désarmer
84 LE DUC D'ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE.
Rouen *. Il y avait une grande imprudence à irriter ainsi
cette puissante commune. Les capitaines des villes et for-
teresses gardèrent leurs places, contre lui, jusqu'à nouvel
ordre du roi.
Cette tentative du duc d'Orléans sur la Normandie excita
de grandes défiances contré lui dans l'esprit de Charles VI,
lorsqu'il eut une lueur de bon sens. On s'adressa aussi à
son orgueil. On lui apprit dans quel honteux abaradon sa
femme et son frère le laissaient* ; on lui dit que ses servi-
teurs n'étaient plus payés, que ses enfants étaient négligés,
qu'il n'y avait plus moyen de faire face aux dépenses de sa
maison. Il demanda au dauphin ce qui en était, l'enfant
dit oui, et que depuis trois mois la reine le caressait et le
baisait pour qu*il ne dit rien'.
> Ceux de Rouen répondirent avec dérision : • Nous porterons dos
armes an château, c*estrà*dire que nous irons armés, armés aussi nous
reviendrons. »
* < C'estoit grande pillé de la maladie du roy, laquelle loy lenoit lon-
guement. Et quand il mangeoit, c'estoit bien g-outement et louvisse-
ment. Et' ne le pouToit-on faire despoûiller, et estoit tout plein de pooi,
vermine et ordure. Et avoîi un petit lopin de fer, lequel il mit secretu-
ment au plus près de sa chair. De laquelle chose on ne sçaroit rien, et
luy avoit tout pourry la pauvre chair, et n'y avoit personne qui oiast
approcher de luy pour y remédier. Toutefois 11 avoit un physicien qai
dit, qu'il estoit nécessité d'y remédier, ou qu'il estoit en d?nger, et que
de la garison do la maladie il n'y avoit remède, comme il luy sembloit.
Et ad visa qu'on ordonnaàt quelque dix on doute compagnons des-
guisez, qui fussent noircis, et aucunement garnis dessous^ pour doou
qu'il ne les biessast. Et ainsi fut fait« et entrèrent les compagnons, qui
estoient bien terribles à voir, en sa chambre. Quand il les vid, il fut
bien esbahi, et vinrent de faict à luy : et avoit-on fait faire tous habil-
lements nouveaux, chemise, gippoo, robbe, chausses, boites, qu*aa
porloit. lis le prirent, luy cependant dicoit plusieurs paroles, pua le
dépouillèrent, et luy vestirent lesdites choses qu'ils avoient apportées.
Ces toit grande pitié de le voir^ car son corps estoit tout mangé de poux
et d'ordurd. Et si trouvèrent ladite pièce de fer : toutes les fuis qu on
le vouloit nettoyer, falloit que ce fust par ladite manière. > Javénal des
(Jrsins.
' 11 témoigna beaucoup de reaonnaissance à une dame qui avait soia
du dauphin et suppléait à la négligence de sa mère. 11 lui donna le
gobelet d'or dans lequel il venait de boire. (Religieux.)
MEURTRE DD DUC D*ORL£ANS. 85
On obtint ainsi de Charles VI qu'il appel&t le duc de
Bourgogne; celui-ci, sous prétexte de faire hommage de la
Flandre, vint avec un cortège qui était plutôt une armée.
Il amenait avec lui la foule de ses vassaux et six mille
hommes d'armes. La reine et le duc d'Orléans se sauvèrent
à Melun. Les enfants de France devaient les suivre le
lendemain ; mais le duc de Bourgogne arriva à temps pour
les arrêter 4.
Il avait besoin du jeune dauphin'. En l'absence du roi,
il lui fit présider un conseil, composé des princes, des
conseillers ordinaires, où, de plus, on avait appelé, chose
nouvelle, le recteur et force docteurs de l'Université^. Là,
maître Jean de Nyelle, un docteur de l'Artois, serviteur du
duc de Bourgogne, prononça une longue harangue sur les
abus dont son maître demandait la réforme. Il termina en
accusant le duc d'Orléans de négliger la guerre des Anglais,
montrant comment cette guerre était juste, prétendant
qu'avec les subsides annuels, les tailles générales, et l'em-
prunt fait récemment aux riches et aux prélats, on pouvait
bien la soutenir.
On ne peut que s'étonner d'un tel discours, lorsqu'on
voit, qu'alors même, le duc de Bourgogne, comme comte
de Flandre, venait de traiter avec les Anglais, et que de
plus, il avait donné l'exemple de ne rien payer pour la
guerre. Le parti d'Orléans, à ce moment même, reprenait
dix-huit petites places, puis soixante dans la Guienne. Le
comte d'Armagnac leur offrait la bataille sous les murs de
Bordeaux^. Le sire de Savoisy fit une course heureuse
contre les Anglais. Des secours furent envoyés aux Gallois.
Les chefs de ces expéditions, Albret, Armagnac, Savoisy,
Ri^ux, Duchàtel, étaient tous du parti d'Orléans.
L'exaspération de Paris contre les taxes, la jalousie des
* n logea avec le dauphin, pour dtro plag tûr. de loi*
* Le Religieai. — 4 App., 77.
96 LE DUC D'ORLÉAMS, LI SUC NI BOURGOGNE.
princes eontre le duc d'Orléans, rendirent tin moment
Jean sans Peur maître de tout. Le roi de Navarre, le roi
de Sicile, le duc de Benri, déclarèrent que tout ce que le
duc de Biiurgogne avait fait était bien fiiit. Le dergé et
l'Université prêchèrent en ce s^eis. Puis, les princes avè-
rent un à un à Melun prier le duc d'Orléans de ne plus
assembler de troupes, et de laisser la reine revenir daas sa
bonne ville. Le vieux duc de Berri s'emporta jusqu^à dire
à son neveu, qu'il n'y avait aucun des princes qui ne le
tint pour ennemi public ; à quoi le duc d'Orléans répliqua
seulement : a Qui a bon droit, le garde* !
Il répondit aussi à l'ambassade de TUniversîté, au rec-
teur, aux docteurs, qui venaient le sermonner sur les iâests
de la paix. Il les harangua à son tour en langue vulgaire,
mais dans leur style, opposant syllogisme à syllc^ifflie,
citation à citation. Il concluait par les paroles suivantes,
auxquelles il n'y avait, ce semble, rien à répondre :
c l'Université ne sait pas que le roi étant malade et le
dauphin mineur, c'est au frère du roi qu'il appartient
de gouverner le royaume. Et comment le saurait-elle?
L'Université n'est pas française; c'est un mélange d'hom-
mes de. toute nati<Hi^; ces étrangers n'ont rien à voir dans
nos afiaires... Docteurs, retournez à vos écoles. Chacun
son métier. Vous n'appelleriez pas apparemment des gens
d'armes à opiner sur la foi^. > Et il ajouta d'un ton plus
léger : a Qui vous a chargé de négocier la paix eatre
moi et mon cousin de Bourgogne? U n'y a entre nous ni
haine ni discorde^ »
ft • Sar les pcnnoaeetnx de leurs lances les Don^^nignofie portoteat :
ieh hoMd, je tiens, à i*eiicoQtre des Orléanois qui «voient : je
Monstrelet. — * Bulœus.
* • In casa fidei ad consilinm milites non erocaretis. • Religiei
* Monâtrelet prétend que le duc d'Orléans avait pris l'Unirersilé pour
juge et arbitre. — Ce qui est plus sûr, c'est qa*il s'adressa an Parie-
ment : • Si reqaeroit la cour qu'elle ne souffrist iedia dauphin estre
transporté... • Arehivet, Reg. du Parkm, Cons., YOl. XII, f.
MEURTRE DU DUC D*OR(JaNS. 87
Le duc de Bourgogne comptait sur Paris. U avait achevé
de gagner les Parisiens par la bonne discipline de ses
troupes qui ne prenaient rien sans payer. Les bourgeois ,
avaient été autorisés à se mettre en défense, k refaire les
chaînes de fer qui barraient les rues ; on en forgea plus de
six cents en huit jours. Hais quand il voulut mener plus
loin les Parisiens, et les décider ai le suivre contre le duc
d'Orléans, ils refusèrent nettement. Ce refus rendit la
réconciliation plus facile. Les princes consentirent à Un
rapprochement. Xes deux partis avaient à craindre la
disette. Le duc d'Orléans rentra dans Paris, toucha dans
la main au duc de Bourgogne i, et consentit aux réformes
qu'il avait proposées. Quelques suppressions d*officiers,
quelques réductions de gages, ce fut toute la réforme.
Mais la discorde restait la même entre les princes. Le duc
d^Orléans, doux et insinuant, avait trouvé moyen de rega-
gner son oncle de Berri, et presque tout le conseil; il
reprenait peu à peu le pouvoir. On essaya bientôt d'un
nouvel accord aussi inutile que le premier.
D n'y avait qu'une chance de paix; c'était le cas où les
Anglais, par leurs pirateries, par leurs ravages autour de
Calais, décideraient le duc de Bourgogne, comte de Flan-
dre, à agir sérieusement contre eux, et à s'arranger avec
le duc d'Orléans. On put croire un moment que les ennemis
de la France lui rendraient ce service. En \ 405, les Anglais
Toyant que Philippe le Hardi était mort, crurent avoir
meilleur marché de la veuve et du jeune duc ; ils tentèrent
de s'emparer du port de l'Écluse. Et ceci ne fut pas une
tentative individuelle, un coup de piraterie, mais bien une
6xpédition autorisée, par une flotte royale, et sous la con -
duite du duc de Clarence, le propre fils d'Henri iV. C'était
justement le moment ou le nouveau comte de Flandre
1 Si Ton en croyait la chronique suivie par M. de Barante, ils auraient
couché dans la même lit.
88 LE DUC D'ORLÉàNS, LE DUC DE BOURGOGNE.
venait de renouveler les trêves marchandes avec les
Anglaise
Voilà les princes d*acCord pour agir contre l'ennemi.
Le duc de Bourgogne se charge d'assiéger Calais, tandis
que le duc d'Orléans fera la guerre en Guienne. Calais et
Bordeaux étaient bien les deux points à attaquer, mais ce
n'était pas trop des forces réunies du royaume pour une
seule des deux entreprises ; les tenter toutes deux à la fois,
c'était tout manquer.
Calais ne pouvait guère se prendre que l'hiver et par mi
coup de main ; c'est ce que vit plus tard le grand Guise^.
Le duc de Bourgogne avertit longuement l'ennemi, par
d'interminables préparatifs ; il rassembla dt;s troupes con-
sidérables, des munitions infinies, douze cents canons',
petits il est vrai. Il prit le temps de bâtir une ville de bois
pour enfermer la ville. Pendant qu'il travaille et charpente,
les Anglais ravitaillent la place, l'arment, la rendent im-
prenable.
Le duc d'Orléans ne réussit pas mieux. Il commença la
campagne trop tard, comme à l'ordinaire, se mettant en
route lorsqu'il eût fallu revenir. On lui disait bien pourtant
qu'il ne trouverait plus rien dans la campagne, ni vivres
ni fourrages, que l'hiver approchait; il répondait avec
légèreté que la gloire en serait plus grande d*avoir à
vaincre l'Anglais et l'hiver.
Les Gascons qui l'avaient appelé, se ravisèrent et ne
l'aidèrent point ^. N'ayant qu'une petite armée de cinq
mille hommes, il ne pouvait se hasarder d'attaquer Bor-
deaux ; il aurait voulu du moins en saisir les approches;
il tâta Blaye, puis Bourg. Le siège traîna dans la mauvaise
saison ; les vivres manquèrent, une flotte qui en apportait
• App., 78.
* L'hiver, an contraire, découragea le duc de Bourgogoe. (Juyénal des
Ursins.)
Mpp.,7». ^* App,, 90.
UJiURTRK DO DUC D*ORLÉANS. 89
de la Rochelle fut prise en mer par les Anglais. Les troupes
affamées se débandèrent. Le duc d'Orléans s'obstinait à ce
malheureux siège, sans espoir, mais s'étourdissigit, jouant
la solde des troupes, n'osant revenir.
II savait bien ce qui l'attendait à Paris. Le duc de Bour-
gogne y était déjà, il ameutait le peuple contre lui, le
désignait comme l'ami des Anglais, l'accusait d'avoir dé-
tourné pour sa belle expédition de Guienne l'argent avec
lequel on eût pris Calais^ Paris était fort ému, l'Université,
le clergé même. Le duc d'Orléans avait récemment irrité
l'évéque et l'église de Paris; à son départ pour Guienne,
il avait été à Saint-Denis baiser les os du patron de la
France; ceux de Paris qui prétendaient avoir les vraies
reliques du saint, ne pardonnèrent pas^au duc de décider
ainsi contre eux.
Peu à peu, Paris devenait unanime contre le duc d'Or-
léans. Les gens de TUnivei^sité de Paris couvaient contre
lui une haine profonde, haine de docteurs, haine de prê-
tres. D'abord, irétait l'ami du pape leur ennemi, il faisait
donner les bénéfices à d'autres qu'aux universitaires, il les
affamait. Autre crime : à l'Université de Paris, il opposait
les universités d'Orléans, d'Angers, de Montpellier et de
Toulouse, toutes favorables au pape d'Avignon <. Il sou-
tenait, comme on l'a vu, que l'Université de Paris n'était
pas française, que, composée en grande partie d'étrangers,
elle ne pouvait s'immiscer dans les affaires du royaume.
C'étaient là de terribles griefs auprès de nos docteurs.
Peut-être cependant lui auraient-ils à la rigueur pardonné
tout cela ; mais, ce qui était bien autrement grave pour des
lettrés, décidément irrémissible et inexpiable, il se mo-
quait d'eux.
Déjà surannée, pour là science et l'enseignement, l'tni-
versité de Paris avait atteint l'dpogée de sa puissance. Elle
' « App., 81.
* Bttlœos.
90 LE DUC D'ORLÉANS, LI DUC DE BOURGOGIOL
était devenue, pour ainsi dire, Tautorité. Depuis plus d*ua
siècle, cette vieïle ainée des rois avait parlé haut dans la
maison de son père, fille équivoque* en soutane de prêtre,
et comme les vieilles filles, aigre et colérique. Le roi aussi
ravaii gâtée, ayant besoin d'elle contre les templiers,
contre les papes. Dans le grand schisme, elle se chargea de
choisir pour la chrétienté, et choisit Clément YTI; puis dk
humilia son pape.
C'était pour le roi un instrument peu sûr, et qui souvent
le blessait lui-même. Au moindre mécontentement l'Uni*
versité venait lui déclarer que la Fille des rois, lésée dans
ses privilèges, ;irfiit, brebis errante', chercher un autre
asile. Elle fermait ces classes, les écoliers sç dispersaient,
au grand dommage de Paris. Alors on se hâtait de courir
après eux, definir^la^^ce^^fo, de rappeler la gens logaUtéoi
mont Aven tin.
L'Université ne s'en tint pas à ces moyens négatife.
Bientôt, associée au petit peuple, elle donna ses ordr^ à
rhCtel Saint-Paul, et traita le roi presque aussi mal qu'elle
avait traité le pape. Dans cette éclipse misérable de la
papauté, de TEmpire; de la royauté, l'Université de Paris
trônait, férule en main, et se croyait reine du monde.
Et il y avait bien quelque raison dans cette absurdité.
Avant l'imprimerie, avant la domination de la presse, sous
laquelle nous vivons, toute publicité était dans Tensrigne-
ment oral, que dispensaient les universités ; or la première
et la plus influente de toutes était celle de Paris.
Puissance immense, à peu près sans contrôle. Et dans
quelles mains se trouvait-elle? Aux mains d'un peuple de
docteurs, aigris par la misère, en qui d'ailleurs la haine, i
l'envie, les mauvaises passions, avaient été soigneusem^l
cultivées par une éducation de polémique et de dispute.
* On a débatta pendant cincf cents ans cette question insofaibb ti
rUniversité était nn corps ecclésiastique oa laïque.
> • Qaaai oyem erraboadam. • Religieux.
MEURTRE DU DUC D'ORLÉANS. 91
Ces gens arrivaient à la puissance, ils devaient montrer
hîeDtôl combieo l'éristiqne sèdie et dureit la fibre morale^
comment, portée du raisonnement dans la réalité, elle '
«sonlioiie d'abstraire, abstrait la vie et raisonne le meurtre,
comme tout autre négation.
De bcNftoe beure, T Université avait commencé la guerre
contre le duc d'Orléans. Dès UOâ, elle déclara les ennemis
de la aoualaraction d'obédience, les amis du pape, pécheurs
d fauteurs du schisme. Le prince, si clairement désigné,
demanda réparation; mais le môme soir, l'un des plus
célèbres docteurs et prédicateurs, Courtecuisse, renouvela
l'invective.
Deux ans après, l'Université saisit une occasion de
frapper un des principaux serviteurs du duc d'Orléans et
de la reine, le sirô de Savoisy. Ce seigneur, qui avait fait
des expéditions heureuses contre les Anglais, avait autour
de lui une maison toute militaire, des serviteurs insolents,
des pages fort mal Asciplinés ; un de ceux-ci donna des
éperons à son cheval tout au travers d'une procession de
rUniversité; les écoliers le souffletèrent, les gens de Savoisy
prirent parti, poursuivirent les écoliers qui se jetèrent dans
Sainte-Catherine ; des portes, ils tirèrent au hasard dans
l'église, au grand effroi du prêtre qui disait la messe en ce
moment. Plusieurs écoliers furent blessés. Savoisy eut
beau demander pardon à l'Université, et offrir de livrer les
coupables ^ U fallut qu'il perpétuât le souvenir de son hu-
miliation, en fondant une chapelle de cent livres de rentes;
que son propre hôtel, l'un des plus beaux alors, fût démoli
de fond en comble. Les peintures admirables dopt il était
décoré, ne purent toucher les scolastiques^. La démolition
* Il déclara méma qa*il était prêt à pend» le coupable de sa propm
maîD. (Religieux.)
* Le roi no pat sauver qutine galerie peinte à fresque, qui était bâtie
ÊOt lee oHurs de la viiie, et on loi en fit payer la valeur.
92 LE DUC d'ORLÉANS, le duc de BOURGOGHiS.
se fit à grand bruit, au son des trompettes qui proclamaient
la victoire de l'Université ^
Elle avait suspendu ses leçons, et défendu les prédica-
tions, jusqu'à ce qu'elle eût obtenu cette réparation,
éclatante. Elle usa du même moyen, lorsque Benoit XIII
s'étant échappé d'Avignon, le duc d'Orléans fit révoquer
par le roi la soustraction d'obédience, et que le pape
ordonna la levée d'une décime sur le clergé, dont le duc
aurait profité sans doute. Un concile assemblé à Paris
n'osait rien décider. L'Université, par l'organe d'un de ses
docteurs, Jean Petit, éclata avec violence contre le pape,
contre les fauteurs du pape» contre l'Université de Tou-
louse qui le soutenait ; celle de Paris exigea du roi un
ordre au parlement de faire brûler la lettre qu'avaient
écrite ceux de Toulouse à cette occasion. La terreur était
si grande, que le même Savoisy, récemment maltraité par
l'Université, se chargea de porter au parlement l'ordre du
roi. Cet homme, intrépide devant les Anglais, rampait
devant la puissance populaire, dont il avait vu de si près
la force et la rage.
On peut juger de l'insolence des écoliers après de telles
victoires, ils se croyaient décidément les ,maitres sur le
pavé de Paris. Deux d entre eux, un Breton, et un Nor-
mand, firent je ne sais quel vol. Le prévôt, messire de
Tignonville, ami du duc d*Orléans, jugeant bien que, s'il
les renvoyait à leurs juges ecclésiastiques, ils se trouve-
raient les plus innocentes personnes du monde, les traita
comme déchus du privilège de cléricature, les mit à la
torture, les fit avouer, puis les envoya au gibet. Là-dessus,
grande clameur de l'Université et des clercs en général.
Les princes ne pouvant abandonner le prévôt, répon-
daient aux universitaires qu'ils pouvaient aller dépendre
et inhumer les corps, et qu'il n'en fût plus parlé. Sfais ce
n'était pas leur compte ; ils voulaient que le prévôt fondât
> • Gumliluis et ioslrumonùs musicii. » Religieux.
MEURTRE DC DUC D^.ORLÉANS. 93
deux chapelles, qu'il fût déclaré inhabile à tout emploi,
qu'il allât dépendre lui-même les deux clercs, et les inhumât
de ses mains, après les avoir baisés, ces cadavres déjà
pourris et infects, à la bouche ^
Tout le clergé soutint F Université. Non -seulement les
classes furent fermées, mais les prédications suspendues,
et cela, dans le* saint temps de Noël, pendant tout TA vent,
tout le carême, à la fête même de Pâques. Déjà, Tannée
précédente, les prédications et renseignement avaient été
suspendus aux mêmes époques, pour ne pas payer la
décime. Ainsi le clergé se vengeait avhi dépens des âmes
qui lui étaient confiées^ il refusait au peuple le pain de la
parole, dans le temps des plus saintes fêtes, parmi les
misères de Fhiver, lorsque les âmes ont tant besoin d'être
soutenues. La foule allait aux églises, et n'y trouvait plus
de consolation K L'hiver, le printemps, passèrent ainsi
silencieux et funèbres.
Le duc d'Orléans avait beaucoup à craindre ; le peuple
s'en prenait de tout à lui. Son parti s'affaiblissait. 11 reçut
un nouveau coup par la mort de son ami Clisson. Tant
qu'il vivait, tout vieux qu'il était, Clisson faisait peur au
duc de Bretagne.
Quelque temps auparavant, le duc et la reine se promc •
nant ensemble du côté de Saint Germain, un effroyable
orage fondit sur eux ; le duc se réfugia dans la litière de la
reine; mais les chevaux effrayés faillirent les jeter dans la
rivière. La reine eut peur, le djuc fut touché ; il déclara
vouloir payer ses ^créanciers, ne sachant pas sans doute
lui-même combien il était endetté. Mais il en vint plus de
huit cents ; les gens du duc ne payèrent rien, et les ren-
voyèrent.
t • Post oris osculum. > Religieux.
* En rt'compense, les méQcHriers semblent s'être multipliés. Leur cor-
poration <J(>Tient imporUnle. Elle fait confirmer ses statuts. Portef,
Fontaui:u, 2i avril 14u7.
94 LE DUC D*ORLÉAXS, L¥ DUC DB BOtlRGOGNB.
Dans ce triste hiver de \ 407 le duc et la reine crurent
ramener les esprits en ordonnant au nom du roi, la so^
pension du droit de prUe, celui de tous les abus qui faisait
le plus crier. Les maîtres d'hôtel du roi, des princes, des
grands, prenaient sur les marchés, dans les maisons,
tout ce qui pouvait servir à la table de leurs maîtres,
ce qui les tentait .eux-mêmes, ce qu'ils pouvaient em-
porter ; meublés, linge, tout leur était bon. Les gens du
duc et de la reine avaient rudement pillé; ils eurent beaa
suspendre Texercice de ce droit odieux ^ ; le peuple leur
en voulait trop, il ne leur en sut aucun gré.
Tout tournait contre eux. La reine, depuis longtemps
éloignée de son mari, n'en était pas moins enceinte ; elle
attendait, souhaitait un enfant. Elle accoucha en effet d*un
fils, mais qui mourut en naissant. 11 fut pleuré de sa mère,
plus qu'on ne pleure un enfant de cet âge quand on en a
déjà plusieurs autres; pleuré comme un gage d'amour.
Le duc d'Orléans, lui-même, était malade, il se tenait à
son château de Beauté. Ce replis onduleuxde la Marne et
ses lies boisées ^, qui d'un côté regardent l'aimable coteau
de Nogent, de l'autre, l'ombre monacale de Saint-Maur >,
a toujours eu un inexplicable attrait de grâce mélanoo-
Kquc. Dans ces 4les, sur la belle et dangereuse rivière,
s'éleva jadis une villa mérovingienne, un palais de Frédé-
gonde^ ; là, plus tard, fut la chère retraite oii Charles Vil
crut vainement metti'e en sûreté son trésor, la bonne et
* Ils le SQf pendirent poar quatre ans. 7 septemlire 1407.
' Marne l'^nceint
Et belle tour qui garde les dëlroii.
Où l'en te puei relraire d tauveii;
Pour tons ces poins 11 donlz prince coorloif
J Donna ce nom à ee lien de Beauté.
Ettstaehe DescbaAps.
* Saint-Manr était alors une grande abbaye fortifiée.
* C'est de la Marne qu'on pâcheur retira le corps dn jenne fils da
Chilpéric, noyé par sa marâtre.
MEL'RTRE DU DUC D'ORLLANS. Ô5
belle Agnès i. Ce château d'Agnès Sorel était celui même
de Louis d'Orléans ; il s'y tenait malade au mois de no-
vembre U07; c'était la fin de l'automne, les premiers
froids, les feuilles tombaient.
Chaque vie a son automne, sa saison jaunissante, où
toute bbose se fane et pâlit ; plût au ciel que ce fût la
malurité ; mais ordinairement c'est plus tôt, bien avant
rage mûr, C*est ce point, souvent peu avancé de l'âge, où
rhomme voit les obstacles se multiplier tout autcfur, où
les efforts deviennent inutiles, où s'abrège l'espoir, où, le
jour diminuant, grandissent peu à peu les ombres de
l'avenir... On entrevoit alors, pour la première fois, que
la mort est un remède, qu'elle vient au secours des desti-
nées qui ont peine à s'accomplir.
Louis d*Orléans avait trente-six ans; mais déjà, depuis
plusieurs années, parmi ses passions même, et ses folles
amours, il avait eu des moments sérieux '. Il avait fait,
écrit de sa main, un testament fort chrétien, fort pieux,
plein de charité et de pénitence. Il y ordonnait d'abord le
payement de ses créanciers, puis des legs aux églises, aux
collèges, aux hôpitaux, d'abondantes aumônes. Il y recom-
mandait ses enfants à son ennemi même, au duc de Bour-
gogne; il éprouvait le besoin d'expier; il demandait è
être porté au tombeau, sur une claie couverte de cen-
dres K
Au temps où nous sommes pan^enus, il ii'cut un pres-
sentiment que trop vrai de sa fin prochaine. Il allait
* £lte moanit jeune, et l'on crut qu'elle était empoisonnée. Ce châtetu
d'Agnès dans ane Ile lait penser an la^yrintha delà belle Rosainonde.
Y. la jolie ballade.
* • Ad ma lia yitia prffceps fuit, qnse taœen boirait cnm ad virilem
nutrm pervenisset. • Religieoi.
* Son testament fut trouvé écrit tout entier de sa main, quatre ans
avant sa mort. La bonté de son âme confiante et sans fiel, se manifes-
tait dans la recommandation qu'il faisait do ses enfants aux soins de son
oncle le duc Philippe, tandis qu'ils étaient déjà ati plus fort de leurs
querelles. App., Si.
96 LE DUC D'ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE.
souvent aux Célestins; il aimait ce couvent; dans son
enfance, sa bonne dame de gouvernante l'y menait tout
petit entendre les offices. Plus tard, il y visitait fréquem-
ment le sage Philippe de Maizières, vieux conseiller de
Charles V, qui s*y était retiré *. Il séjournait même quel-
quefois au couvent, vivant avec les moines, comme eux,
et prenant part aux offices de jour et de nuit. Une nuit
donc qu'il allait aux matines, et qu'il traversait le dortoir,
il vit, ou crut voir, la Mort *. Cette vision fut confirmée par
une autre ; il se croyait devant Dieu et prêt à subir son
jugement. C*était un signe solennel, qu'au lieu même oii
avait commencé son enfance, il fût ainsi averti de sa fin.
Le prieur du couvent auquel il se confia^ crut aussi qu'en
effet il lui fallait songer à son âme, et se préparer à bien
mourir.
Ce ne fut pas une apparition moins sinistre qu'il eut
bientôt au château de Beauté. Il y reçut une étrange
visite, celle de Jean sans Peur. Il devait peu s'y attendre,
un nouveau motif avait encore aigri leur haine. Les
Liégeois ayant chassé leur évoque, jeune homme de vingt
ans, qui voulait être évéque sans se faire prêtre ^y ils en
avaient élu un autre, avec l'appui du duc d^Orléans et du
pape d'Avignon. L'évêque chassé était justement le beau-
frère du duc de Bourgogne. Si le duc d'Orléans, maître
du Luxembourg, étendait encore son influence sur Liège,
son rival allait avoir une guerre permanente chez lui, en
Brabant, en Flandre ; la f rance lui échappait. Ce danger
devait porter son exaspération au comble *.
1 Jean Petit prétend qu'ils conspiraient ensemble, (llonstrelet.)
* Telle était la tradition du couvent. Les moines avaient fait peindre
celte vision dans leur chapelle à côté de Tantel ; on y voyait la Mort
tenant une faux à la main, et montrant au duc d'Orléans cette légende :
< Juvenes ac senes rapio. • Millin.
' App., 83.
. ■* Dans Tattenle d'une guerre prochaine, il s'était assuré de rallianee
du duc de Lorraine (6 ayrii i407), et il avait pris à son service le ma-
MXURTRB ^DO DUC D*ORLÉANS. . 97
Dès longtemps, il avait annoncé des résolutions vio-
lentes. En 4 405, lorsque les deux rivaux étaient en pré-
sence, sous les murs de Paris, Louis d'Orléans ayant pris
pour emblème un bâton noueux, Jean sans Peur prît pour
le sien un rabot. Comment le bâton devait-il être raboté ^?
on pouvait tout craindre.
Le duc de Barri, plein d'inquiétude, crut gagner beau-
coup sur son neveu, en le décidant à aller voir le malade.
Soit pour tromper son oncle, soit par un sentiment de
haineuse curiosité, il se contraignit jusque-là. Le duc
d'Orléans allait mieux ; le vieil oncle prit ses deux neveux,
les mena entendre la messe, et les fit communier de la
même hostie; il leur donna un grand repas de réconcilia-
tion, et il fallut qu'ils s'embrassassent. Louis d'Orléans le
fit de bon cœur, tout porte à, le croire; la veille, il s'était
confessé et avait témoigné amendement et repentance. Il
invita son cousin à diner avec lui le dimanche suivant; il
•ne savait point qu'il n'y aurait pas de dimanche pour lui.
On voit encore aujourd'hui, au coin de la Vieille rue du
Temple et de la rue des Francs-Bourgeois, une tourelle
du XV® siècle, légère, élégante, et qui contraste fort avec
la laide maison, qui de côté et d'autre s'y est gauchement
accrochée. Cette tourelle fermait, de ce côté, le grand
enclos de l'hôtel Barbette, occupé en 4407 par la reine
Isabeau, en 4 550 par Diane de Poitiers.
L'hôtel Barbette placé hors de l'enceinte de Philippe
Auguste^ entre les deux juridictions de la ville et du
Temple, libre également de l'une et de l'autre, avait été
réchal de Boacicavit. Boacieaat promet de le servir envers et eonin UnUp
sauf le roi et ses enfants, « en mémoire de ce que le duc de Bourgogne
lui a sauvé lavip, estant pris des Turcs. • Fonds Baluze, 18 juillet 1407.
1 On disait après la mort dn doc d'Orl<<ans : « Bacnlum nodosoAi fac«
t«m esse planum. • Meyer. — Devises : Mgr d'Orléans, Ve iuii fnaret"
ekal d$ grant renommée, H en appert hien, fay forge levée, Mgr do
Bourgogne, Je tuie eharboHnier d^ètrange eontrie. J'ay auez eAar6oii..
pour faire fumée, Mss. tk>lbert, Regiua.
iT. 7
98 , LE DUC |>ORIJ(ANS, U DUC DB BOURGOGNE.
longtemps sou8trait« par sa^ position» aux gènes de la ville,
couvre-feu, fermeture des portes, etc. Enfermé pkis tard
dans renceinte de Charles V^ il n*en était pas moins,
dans ce quartier peu fréquenté, hors de la surreillance
des honnêtes et médisants bourgeois de Paris*.
Cet hôtel, bâti par le financier Etienne Barbette, maître
de la monnaie sous Philippe le Bel, lut piUé dans la grande
sédition, où le peuple enragé poursuivît le roi jusqu'au
Temple (i^6). Le même h6tel, qaatre-vingt&ana après,
appartenait à un autre parvenu^ au grand maître Hontaigu^
l'un des Marmousets qui gouvernaient le royaume. Ik y
firent eoueher Charles VI, la veille de son dépari pour la
Bretagne, lorsque, malgré ses onele», ils parvinrent à le
tirer de Paris pour lui faire poursuivre la vengeance de
l'assassinat de Ciisson. Montaigu, amiy eonmie Cliseon, du
éuC'd'Orléane, fit sa cour à la reine, en lui cédant cette
maison commode ; elle n'aimait pas l'hôtel Saint-Paul, où
vivait son mari; ce mari la gênait €|uand il était fou, bien
plus encore quand il ne Tétait pas.
Ëile avait embelli à plaisir ce séjour de prédilection,
lavait agrandi, étendu jusqu'à la rue de la Perle. Les jar«
dtns étaient d'autant mieux fermés et solitaires, que le kmg
de la Vieille rue du Temple, ils se trouvaient masqués d'une
lii;iie de maisons qui regardaient ta rue, et ne voyaient
rien derrière, tout au plus le mur du mystérieux hôtel.
La reine y accoucha le iO novembre. Les deux prinees
communièrent ensemble le 20 ; k 2i^ ils mangèrent cbet
le duc de Berri, s'embrassèrenil et se jarèrest une amitié
;de frères. Cependant, depuis le 47, le duc de Bourgogne
avait tout préparé pour tuer ce frère;, il lui avait dressé
4"
, t Les maisons placées ainsi n'avaioM pas bon renom» 0» 1« toH par
les plaintes que faUaient les clunoim» de Sai»t-&léry eoMre ks VMtf
vais lieux qui se trouvaient le long da la vieille eaceiAte de Philippe»
Aucu«^te. Ils obiinrcnt une ordomtaiioe d'Heari Yl> loi de Fraace 0I
d'An^lelerre, pour en purger ce ^uwfciir.
MEURTRE DU DUC D ORLEANS. 99
embuscade près de l'hôtel Barbette, les assassins atten-'
daient.
Dès la Saint-Jean, c'est-à-dire depuis plus de quatre
mois, Jean sans Peur cherchait une maison pour ce guet-*
apens. Un clerc de l'Université, qui était son homme, avait
chargé un couraU'er public de maisons, de lui en louer une^
oii il voulait, disait-il, mettre du vin, du blé et autres
denrées que les écoliers et les clercs recevaient de leur
pays, et qu'ils avaient le privilège universitaire de vendre
sans droit. Le courtier lui trouva et lui fit livrer, le 47 no-
vembre, Ifl maison de Timage Notre-Dame, Vieille rue du
Temple, en face l'hôtel de Rieux et de la Bretonnerie. Le
duc de Bourgogne y fit entrer de nuit des gens à lui, entre
autres, un ennemi mortel du duc d'Orléans, un Normand,
Raoul d'Auquetonville, ancien général des finances, que le
duc avait chassé pour malversation. Raoul répondait de
tuer ; un valet de chambre du' roi promit, pour argent, do
livrer et de trahir.
Le lendemain du repas de réconciliation, le mercredi
23 novembre 1407, Louis d'Orléans avait été, comme à
l'ordinaire, chez la reine ; il y avait soupe, et gaiement,
pour essayer de consoler la pauvre mère^ Le valet de
chambre du roi arrive en l|âte, et dit que le roi demande
son frère, qu'il veut lui parler '. Le duc, qui avait dans
Paris six cents chevaliers ou écuyers, n'avait pourtant pas
amené grand monde avec lui, aimant mieux sans doute
faire à petit bruit ces visites dont on ne médisait que trop.
Il laissa môme à l'hôtel Barbette une partie de ceux qui
l'avaient suivi, comptant peut-être y retourner quand il
serait quitte du roi. Il n'était que huit heures; c'était de
bonne heure pour les gens de la cour, mais tard pour ce
quartier retiré, en novembre surtout. H n'avait avec lui que?
deux écuyers montés sur un même cheval, un page et
f « Dolorem... stadoit mitigare... cœna jocunda pcracta« • Religieux.
* Monslrelet.
100 LE DUC D'ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE.
quelques valets pour éclairer. Il s'en allait, vêtu d*une
simple robe de damas noir, par la Vieille rue du Temple,
en arrière de ses g^ns, chantant à demi-voix, et jouant
avec son gant, comme un homme qui veut être gai. Nous
savons ces détails par deux témoins oculaires : un valet de
l'hôtel de Rieux, et une pauvre femme qui logeait daDs
une chambre dépendante du même hôtel. Jaquette, femme
de Jacques Griffart, cordonnier, déposa qu'étant à sa fenêtre
haute sur la rue, pour voir si son mari ne revenait pas, et
y prenant un lange qui séchait, elle vit passer un seigneur
à cheval, et un moment après, comme elle couchait son
enfant, elle entendit crier : a A mort ! à moil ! b Elle
courut à la fenêtre, son enfant dans les bras, et elle vit le
même seigneur à genoux, dans la rue, sans chaperon:
autour de lui, sept ou huit hommes, le visage masqué, qui
frappaient dessus, de haches et d'épées; lui, il mettait son
bras devant, en disant quelques mots, comme : « Qu'est
ceci ? D*oii vient ceci? » Il tomba, mais ils ne continuaient
pas moins à frapper d'estoc et de taille.' La femme, qui
voyait tout, criait au meurtre tant qu'elle pouvait. Un
homme qui l'aperçut à Ja fenêtre, lui dit : « Taisez-vous,
mauvaise femme. » Alors, à la lueur des torches, elle vît
sortir de la maison de l'image Notre-Dame, un grand
homme, avec un chaperon rouge descendant sur les yeux;
il dit aux autres : a Éteignez tout, allons-nous-en, il est
bien mort! » Quelqu'un lui donna encore un coup de
massue, mais il ne remuait plus. Près de lui gisait un jeune
homme, qui, tout mourant qu'il était, se souleva en criant:
a Ahl monseigneur mon maître i. » C'était le page qui ne
l'avait pas quitté, et s'était jeté au-devant des coups. Ce
page était Allemand; il avait peut-être été donné à Louis
d'Orléans par Isabeau de Bavière.
Depuis l'assassinat manqué de Clisson, on savait qu il
« App,, 84.
MEURTRE DU DUC d'ORLÉANS. 401
ne fallait pas croire à la légère qu'un homme était tué ;
aussi, selon un autre récit, le grand homme au chaperon
rouge vint, avec un falot de paille, regarder à terre si la
besognç avait été faite consciencieusement ^ Il n*y avait
rien à dire ; le mort était taillé en pièces, le bras droit était
tranché à deux places, au coude, au poignet; le poing
gauche était détaché, jeté au loin par la violence du coup ;
la tête était ouverte de l'œil à l'oreille, d une oreille à
l'autre ; le crâne était ouvert, la cervelle épandue sur le
pavé*.
Ces pauvres restes furent portés le lendemain matin,
parmi la consternation et la terreur générale 3, à Téglise
voisine des Blancs-Manteaux. Ce fut au jour seulement
qu'on ramassa, dans la boue, la main mutilée et la cervelle.
Les princes vinrent lui donner l'eau bénite. Le vendredi, il
fut enseveli à l'église des Célestins, dans la chapelle qu'il
avait bâtie lui-même ^. Les coins du drap mortuaire
étaient portés par son oncle, le vieux duc de Berri, par ses
cousins, le roi de Sicile, le duc de Bourgogne et le duc de
Bourbon; puis, venaient les seigneurs, les chevaliers, une
foule innombrable de peuple. Tout le monde pleurait, les
ennemis comme les amis ^. Il n'y a4)lus d'ennemis alors;
chacun, dans ces moments, devient partial pour le mort.
Quoi! si jeune, si vivant naguère, et déjà passé! Beauté,
grâce chevaleresque, lumière de science, parole vive et
douce; hier tout cela, aujourd'hui plus rien 6...
Rien?... davantage peut-être. Celui qui semblait hier
un simple individu, on voit qu'il avait en lui plus d'une
* • Lesquelles playes estuient telles el si énormes que le lest estoit
fendu» et que toute la ceryelle en sailloit... Item qite son bras destre
estoit rompu tant que le maistre os sailloit dehors au droit du coude... •
laformation du sire de Tignouvi'Je, prévôt de Paris.
» App., 86. — * App., 87.
» iffyp., 88. — • App,, 80.
408 LE DUC D ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE.
existence, que c'était en effet un être multiple, infiniment
varié M... Admirable vertu de la uiortl Seule elle révèle
la vie. L'homme vivant n'est vu de chacun que par un
côté, selon qu'il le sert ou le gène. Meurt-il, on le voit
alors sôus mille aspects nouveaux, on distingue tous les
liens divers par lesquels il tenait au monde. Ainsi, quand
vous arrachez le lierre du chône qui le soutenait, vous
apercevez dessous d'innombrables fils vivaces, que jamais
vous ne pourrez déprendre de l'écorce où ils ont vécu; ils
resteront brisés, mais ils resteront •.
Chaque homme est une humanité, une histoire univer-
selle... Et pourtant cet être, en qui tenait une généralité
infinie, c'était en môme temps un individu spécial, une
personne, un être unicjue, irréparable, que rien ne rem-
placera. Rien de tel avant, rien après ; Dieu ne recommen-
cera point. 11 en viendra d'autres, sans doute ; le monde,
qui ne se lasse pas, amènera à la vie d'autres personnes,
meilleures peut-être, mais semblables, jamais, jamais...
Celui-ci sans doute eut ses vices ; mais c'est en partie
pour cela que nous le pleurons; il n'en appartint que
davantage à la pauvre humanité ; il nous ressembla d'au-
tant plus ; c'était lui, et c'était nous. Nous nous pleurons
en lui nous-mêmes, et le mal profond de notre nature.
On dit que la mort embellit ceux qu'elle frappe, et
exagère leurs vertus; mais c'est bien plutôt en général la
vie qui leur faisait tort. La mort, ce pieux et irréprochable
témoin, nous apprend, selon la vérité, selon la charité,
qu'en chaque homme, il y a ordinairement plus de bien
que de mal. On connaissait les prodigalités du duc
d'Orléans, on connut ses aumônes. On avait parlé de ses
1 Henri II s'écria /m voyant le corps do doc de Guise : « !f oo Dieo*
-qii*il est grand! Il paroU encore plus grand mort que yivaot. • il dUaii
mieux qu'il ne croyait; cela est vrai dans un bien autre sens.
* Je faisais l'autre jour celte observation dans la forêt de Saint-Ger-
main (12 septembre 1639).
HEORTHB VC PDG D*0RL]^AN6. 403
falaateries; on ne savait pas assez que celte heureuse
nature avait toujours conservé, au milieu inénie des vaines /^
8HIOWS, i amour divin et Télan vers Dieu. On trouva auxl
Célestins la cellule où ii aimait à se retirer!. Lorsqu'on,
ouvrit son iestament, on vit qu'au pUns fort de «es que- i
relies, eetle ftme sans ^el était ttoujours •Gonfianle, ahnante ^
pour «es plus grands ennemis. |
Tout oeki demande gràee... £hl qui ne paidonnerait,
quand oet 4iomme, dépouiUé de tous les biens de la vie,
redevenu nu et pauvre, est apporté dans 1 église, et attend
<on jugemeot? Tous prient pour lui, tous Texcusent^ expU«
quant «es fautes par les leurs, et «e «condamnant euit-
méme^... (Pardorniee-lui, Seigneur, frappez -4)ous plutôt.
Personne n'aivait plus à «e plaindra du duc d'Orléans
que sa femme Valentine ; elle l'avait toujours aimé, et
toujours il en aima d'autres. 'Elle ne Texeusa pas moins
autant qu'il était en «lie ; die prit comme «ien avec elle le
bâtard de son mari, et Téleva parmi ses enfants. Elle
raimait autant «qu'eux, davantage. Souvent, lui voyant
tant d'esprit et d'ardeur, rjtalienne le serrait, lui disait :
« Ah I tu m'as été dérobé i <}'est toi qui vengeras ton
père*. » •
La justice ne vint jamais pour la veuve, elle n'eut pas
cette consolation. Elle n'eut pas celle d'élever au mort
rhumble tombe « de trois doigts au-dessus de terre «
qu'il demandait dans son testament ^; elle ne put même
lui mettre sous la tête « la rafle pierre, la roehe » qu'il
voulait pour oreiller. Louis d'Orléans, proscrit dans la
mort, attendit eent ans un tombeau.
Aux premiers âges chrétiens, dans les temps de vive
fbi, les douleurs liaient patientes ; la mort semblait un
< App., 00.
* • Qu'il lui aroit été emblë, et qu'il n*y avoit à peine des enfants qui
fiist si bien taillé de veoger la mort de son père ^a*il eeioit. • Juvénal.
»i4pp.,91.
»
I
404 LE DUC d'orléàns, le duc de bourgogne.
court divorce ; elle séparait, mais pour réunir. Un signe
de cette ioi dans l'âme, dans la réunion des âmes, c'est
que, jusqu'au xu* siècle, le corps, la dépouille mortelle,
semble avoir moins d'importance ; elle ne demande pas
encore de magnifiques tombeaux ; cachée dans un coin de
l'église, une simple dalle la couvre ; c*est assez pour la
désigner au jour de la résurrection : « Hinc surrectura^.»
Au temps dont nous écrivons l'histoire, il y avait déjà un
changement, peu avoué, d*autant plus profond. Même
dévotion extérieure, mais La foi était moins vive; au plus
profond des cœurs, à leur insu, l'espoir faiblissait. La
douleur ne se laissait plus aisément charmer aux pro-
messes de l'avenir; aux pieuses consolations, elle opposait
le mot de Yalentine : c Rien ne m'est plus,* plus ne m'est
rien *. »
S'il lui restait quelque chose, c'était de parer la triste
dépouille, de glorifier les restes, de faire de la tombe une
chapelle, une église, dont ce mort serait le dieu.
Vains amusements de la douleur, qui ne l'arrêtent pas
longtemps. Quelque profond que soit le sépulcre, elle n'en
ressent pas moins à travers les puissantes attractions de
la moH ; elle les suit... La veuve du duc d'Orléans vécut
ce que dura sa robe de deuil.
C'est que les mots de l'union : Vovs devenez même chair,
ils ne sont pas un vain son ; ils durent pour celui qui survit.
Qu'ils aient donc leur effet suprême!... Jusque-là, il va
chaque jour heurter cette tombe à l'aveugle, l'interroger,
lui demander compte... Elle ne sait que répondre ; il aurait
beau la briser, qu'elle n'en dirait pas davantage... En
vain, s'obstinant à douter, s'irritant, niant la moit, il
arrache l'odieuse pierre ; en vain, parmi les défaillances de
^ La dgvise de Valenliae se lisait dans 9a chapelle aux CordeUers de
Blois.
MEURTRE DU DUC d'ORLÉANS. 405
la douleur et de la nature, il ose soulever le linceul, et
montrant à la lumière ce qu'elle ne voudrait pas voir, il
dispute aux vers le Je ne sais quoi, informe et terrible, qui
fut pourtant Inès de Castro ^.
< • Le roi se rendit à l'église de Santa-GIara, où il fit exhumer le
corps de la femme qu'il chérissait. Il ordonna que son Inès fût revêtue
des ornements royaux, et qu'on la plaçât sur un trône où ses sujets
Tinrent baiser les ossements qui avaient été une si belle main. • Faria
y Souza. App,, 93.
CHAPITRE II
Lutte des deux partis. — > Cabochiens. — Essais de râforae dans rËtat
et dans TËglise.
L'étranger qui visite la silencieuse Vérone et les tom-
beaux des La Scala, découvre dans un coin une lourde
tombe sans nom i. C'est, selon toute apparence, la tombe
de ïassassiné >. A côté, s'élève un somptueux monument à
triple étage de statues, et par-dessus ce monument, sur
la tête des saints et des prophètes, plane un cavalier de
marbre. C'est la statue de l'assassin. Can Signore de La
Scala tua son frère dans la rue en plein jour, il lui succéda.
Cela ne produisit, ce semble, ni étonnement, ni trouble K
Le meurtrier régna doucement pendant seize années ; et
alors, sentant sa fin venir, il donna ordre à ses affaires, fit
encore étrangler un de ses frères qu'il tenait prisonnier,
et laissa la seigneurie de Vérone à son bâtard, comme
tout bon père de famille laisse son bien à son fils.
Les choses ne se passèrent pas ainsi en France à la mort
du duc d'Orléans. La France n'en prit pas si aisément son
parti. S'il n'eut pas un tombeau de pierre*, il en eut un
dans les cœurs. Tout le pays sentit le coup, et en fut pro-
fondément remué, et l'État, et la famille, et chaque homme
« App,, 94. — • App., 95. — » App., 96.
* Ce tombeau ne fut élevé que par Louis XII.
ESSAIS DB RÉFORME DANS L'ÉTAT ET DANS L'ÉGLISE. t07
jusqu'aux entrailles. Une dispute, une guerre de trente
années commença; il en coûta la vie à des millions
d'hommes. Cela est triste, mais il n*en faut pas moins
féliciter la France et la nature humaine.
« Ce n'était pourtant que la mort d'un homme, » dit
froidement le chroniqueur de la maison de Bourgogne*.
Mais la mort d'un homme est un événement immense,
lorsqu'elle arrive par un crime ; c'est un fait terrible sur
lequel les sociétés ne doivent se résigner jamais.
Cette mort engendra la guerre, et la guerre entre les
esprits. Toutes les questions politiques, morales, reli*
gieuses, s'agitèrent à cette occasion^. La grande polémique
des temps modernes, elle a commencé pour la France, par
le sentiment du droit, par l'émotion de 'la nature, par la
douce et sainte pitié.
Où se livra d'abord ce grand combat? Là même d'où
partit le crime, au cœur du meurtrier. Le lendemain au
matin, lorsque tous les parents du mort allèrent aux Blancs-
Manteaux visiter le corps, et lui donner l'eau bénite, le duc
de Bourgogne qualifia lui-même l'acte selon la vérité :
c Jamais plus méchant et plus traître meurtre n'a été
commis en ce royaume. » Le vendredi au convoi, il tenait
un des coins du drap mortuaire, et pleurait comme les
autres.
Plus que tous les autres sans doute, et non moins sincè-
rement. Il n'y avait pas là d'hypocrisie. La nature humaine
est ainsi faite. Nul doute que le meurtrier n'eût voulu alors
ressusciter le mort au prix de sa vie. Mais cela n'était pas
en lui. Il fallait qu'il traînât à jamais ce fardeau, qu'à
jamais il portât ce pesant drap mortuaire.
Lorsqu'il fut constant que les assassins avaient fui vers
la rue Mauconseil, où était l'hôtel du duc de Bourgogne,
• « ... Pour la mort d*an seul homme... • MonstreleL
» Atp„ 97.
408 LUTTB DES DSUX PARnS. — CAB0CHIBN5.
lorsque le prévôt de Paris déclara qu'il se faisait fort de
trouver les coupables, si on lui permettait de fouiller les
hôtels des princes, le duc de Bourgogne se troubla; il
tira à part le duc de Berri et le roi de Sicile^ et leur dit
tout pâle : « C'est moi; le diable m'a tenté ^. » Ils reca-
lèrent; le duc de Berri fondit en larmes, et ne dit qu'une
parole : « J'ai perdu mes deux neveux. »
Le duc de Bourgogne s'en alla accablé, humilié, et Thu-
miliation le changea. L'orgueil tua le remords. U se souvint
qu'il était puissant, qu'il n'y avait pas de juge pour lui.
Il s'endurcit, et puisque enfin le coup était fait, le mal
irréparable, il résolut de revendiquer son crime comme
vertu, d'en faire, s'il pouvait, un acte héroïque. Il osa venir
au conseil. U en trouva la porte fermée; le duc de Berri l'y
retint, en lui disant doucement qu'on ne l'y verrait pas
avec plaisir. A quoi le coupable répondit, avec le masque
d'airain qu'il s'était décidé à prendre : « Je m'en passerai
volontiers, monsieur ; qu'on n'accuse personne de la mort
du duc d'Orléans; ce qui s'est fait, c'est moi qui l'ai fait
faire. »
Avec ce beau semblant d'audace, le duc de Boai^ogne
n'était pas rassuré. 11 retourna à son hôtel, monta à cheval
et galopa sans s'arrêter jusqu'en Flandre. Dès qu'on sut
qu'il fuyait, on le poui-suivit; cent vingt chevaliers du duc
d'Orléans coururent après lui. Mais il n'y avait pas moyen
de l'atteindre: à une heure il était déjà à Bapaume. U
ordonna, en mémoire de ce péril, que dorénavant les
cloches sonnassent à cette heure-là. Cela s'appela longtemps
Tangelus du duc de Bourgogne.
11 avait échappé à ses ennemis, non à lui-même. A peine
arrivé à Lille, il convoqua ses barons, ses prêtres. Ils lui
prouvèrent invinciblement qu'il n'avait fait que son devoir,
qu'il avait sauvé le roi et le royaume. Il reprit 'courage,
* App., 98.
*A^ * «. .... *. . »M . *J.
ESSAIS DE REFORME BANS L ETAT ET DANS L EGLISE. 409
rassembla les états de Flandre, d'Artois, ceux de Lille et de
Douai, et leur en fit répéter autant ^ Il le fit dire, prêcher,
écrire, et ces écrits furent répandus partout, tant il sentait
le besoin de mettre son crime en commun avec ses sujets,
de se faire donner par eux l'approbation qu'il ne pouvait
plus se donner lui-même, d'étouffer sous la voix du
peuple la voix de son cœur.
Entre autres bruits qu'il fit répandre, on dit partout que
le duc d'Orléans depuis longtemps lui dressait des embû-
ches, qu'il n'avait fait que le prévenir*. Il fit croire cette
grossière invention aux braves Flamands ; sans doute il eût
voulu y croire aussi.
Cependant l'émotion du tragique événement ne s'affai-
blissait pas dans Paris. Ceux même qui regardaient le duc
d'Orléans comme l'auteur de tant d'impôts, et qui peut-
être s'étaient réjouis tout bas de sa mort, ne purent voir,
sans être touchés, sa veuve et ses enfants qui vinrent lui
demander justice. La pauvre veuve, madame Valentine,
amenait avec elle son second fils, sa fille et madame
Isabeau de France, fiancéQ au jeune duc d'Orléans, et déjà
veuve elle-même, à quinze^ns, d'un autre assassiné, du
roi d'Angleterre, Richard IJi. Le roi de Sicile, le duc de
Bcrri, le duc de Bourbon, le comte de Clermont, le conné-
table, allèrent au-devant. La litière était couverte de drap
noir et traînée par quatre chevaux blancs. La duchesse
était en grand deuil, ainsi que ses enfants et sa suite ; ce
triste cortège entra à Paris le 40 décembre, par le plus
triste et plus rude hiver qu'on eût vu depuis plusieurs
siècles ^.
Descendue à l'hôtel Saint-Paul, elle se jeta à genoux en
pleurant devant le roi, qui pleurait aussi. Deux jours après
elle revint par-devant le roi et son conseil, portant plainte
et demandant justice. Le discours des avocats qui parlèrent
« App., 99. — * App., iOO. — ' App., iOl.
4 1 0 LITTB DSS DEUX PARTIS. — CADOCfilENS.
pour elle, celui des prédicateurs qui firent Téloge funèbre
du duc d'Orléans, la Jettre que son fils répandit quelques
années après, sont pleins de choses touchantes et d'une
naïveté douloureuse.
« Yox sangoinis fratrii (ni clamât ad mt de terra.
€ Tu peux, ô roi» dire à la partie adverse cette parolr^
qu*a dite le Seigneur à Caïn, après qu'il eut tué son frère...
Certes oui, la terre crie et le sang réclame; car il ne serait
pas un homme naturel, ni d'un sang pur, celui qui n'aurait
pas compassion d'une mort si cruelle.
a Et toi, 6 roi Charles de bonne mémoire, si tu vivais
maintenant, que dirais-tu? quelques larmes pourraient
t apaiser? qui t'empêcherait de faire justice d'une telle
mort? Hélas 1 tu as tant aimé, honoré et élevé avec tant de
soin Tarbrc où est né le fruit dont ton fils a reçu la mort!
Hélas ! roi Charles ! tu pourrais bien dire comme Jacob :
Fera pessima (Uvoravit fiiium meurh^ une béte très-mauvaise
a dévoré mon fils.
a Hélas! il n'y a si pauvre homme, ou de si bas état en
ce monde, dont le père ou le frère ait été tué si traîtreuse-
ment, que ses parents et ses amis ne s'engagent à pour-
suivre l'homicide jusqu'à la mort. Qu'est-ce donc quand
le malfaiteur persévère et s'obstine dans sa volonté crimi-
nelle?... Pleurez, princes et nobles, car le chemin est
ouvert pour vous faire mourir en trahison et à i'improvisttî;
pleurez, hommes, femmes, vieillaixis et jeunes gens; k
douceur de la paix et de la tranquillité vous est 6tée,
puisque le chemin vous est montré pour occire et porter
le glaive contre les princes, et qu'ainsi vous voilà en guerre,
en misère, en voie de destruction. »
La prophétie ne s'accomplit que trop. Celui contre lequel
on venait d'accueillir cette plainte, celui qu'on jugeait
digne de toute peine, d'amende honorable, de prison, il
ESSAIS THE RéPORVE I>A!f9 l'ÉTAT ET DANS L*ÉGLISE. 441
n'y eut pas besoïn de le poof Siiftre : il revînt de lui-même,
mais en maître; Ton n'avait que des plaidoiries à lur
opposer. 1} revint, malgré les plus expresses défenses,
entouré d'homnres d'armes, et fH mettre sur la porte de
son hôteï deux fers de lance, Fun affilé, Fautre émoussé*,
pour dire qu'il était prêt à !a guerre et à la paix, qu'if
combattrait aux armes courtoises, ou,«i Fon aimait mieux,
à mort. Les princes avaient été Jusqu'à Amiens pour Fefn-^
pécher de venir. Il leur donna des fêtes, leur fit entendre
d'excellente musique, et continua sa roirte jusqu'à Saint-
Denis, où il fit ses dévotions. Là, nouvelle défense des
princes^. Hais il n'entra pas moins à Paris. Il se trouva des
gens pour crier : « Noél au bon duc' I » Le peuple croyafit
qu'il allait supprimer les taxes. Les princes Faccueiltirent.
La reine, chose odiease, se contraignit au point de lui faire
bonne mine.
Tout semblait rassurant ; et pourtant, en entrailt dans la
ville oii l'acte avait été commis, il ne pouvait s'empêcher
de trembler. II alla droit à son hôtel, fit camper toutes ses
troupes autour. Mais son hôtel ne lui semblait pas sûr. II
fallut, pour calmer son imagination, que dans son hôtel
même, on lui bâtît une chambre tout en pierres de taille,
et forte comme une tour*. Pendant que ses maçons travail-
laient à défendre le corps, ses théologiens faisaient ce
qu'ils pouvaient pour cuirasser Fàme. Déjà il a^'ait les
certificats de ses docteurs de Flandre; mais il voulait celui
de FUniversité, une bonne justification solennelle en pré-
sence du roi, des princes, du peuple, qui approuveraient,
au moins par leur silence. Il fellait que le monde entier
suât à laver o^tte tache.
« App., iOÎ. — « App„ 103.
> C'est da moins ce que rapporte le chroniqueur bourguignon r
« Mesmement les' petîts enfants en plusieurs carrefours à haute roix
crioicnt Noël. » Monslrelct.
* • Fist faire*., à puissance d'ouvriers, une forte chambre de pierre,
bien taillée, en manière d'une tour. * Monstrel«t.
412 LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCBUCÏS.
Le duc de Bourgogne ne pouvait manquer de défenseui^
parmi les gens de l'Université. Son père et lui avaient
toujours été liés avec ce corps par la haine commune du
duc d'Orléans et de son pape Benoit XIII. Us avaient
protégé les principaux docteurs. Philippe le Dardi avait
donné un bénéfice au célèbre Jean Gersoni; son succes-
seur pensionnait le cordelier Jean Petit, tous deux grands
adversaires du pape.
Toutefois, pour soutenir cette thèse que le partisan du
pape avait été bien et justement tué, il fallait trouver un
aveugle et violent logicien, capable de suivre intrépidement
le raisonnement contre la raison, l'esprit de corps et de
parti contre l'humanité et la nature.
Cette logique n'était pas celle des grands docteurs de'
l'Université, Gerson, d'Ailly,Clémengis. Us restèrent plutôt
dans l'inconséquence ; dans leur plus grande passion, ils
ne furent'jamais aveuglés. D'Ailly èt.Clémengis écrivirent
contre le pape ; puis, quand ils craignirent d'avoir ébranlé
l'Ëglise môme, ils se rallièrent à la papauté. Gerson at-
taqua le duc d'Orléans pour ses exactions; puis il pleura
l'aimable prince, il fit son oraison funèbre.
Au-dessous de ces illustres docteurs, en qui le bon sens
et le bon cœur firent toujours équilibre à la dialectique, se
trouvaient les vrais scolastiques, les subtils, les violents,
qui paraissaient les forts, les grands hommes du temps qui
n'ont pas été ceux de l'avenir. Ceux-ci étaient générale-
ment plus jeunes que Gerson, qui lui-même était disciple
de Pierre d'Ailly et de Clémengis. Ces violents étaient donc
la troisième génération dans cette longue polémique,
d'autant plus violents qu'ils y venaient tard. Ainsi la
Constituante fut dépassée par la jeune Législative, celle-ci
par la très-jeune Convention.
Ces hommes n'étaient pas des misérables, des hommes
t Uo canooicat de BrOges, auquel Gerson renonça de bonne heve»
ESSAIS BB RÊFORU£ DANS L'ÉTAT ET DANS L ÉGLISE. 443
mercenaires, comme on Ta dit, mais généralement de
jeunes docteurs, estimés pour la sévérité de leurs mœurs,
pour la subtilité de leur esprit, pour leur faconde. Les uns
étaient des moines comme le cordelier Jean Petit, comme
le carme Pavilly, Torateur des bouchers, le harangueur
de la Terreur de 4413. Les autres furent les meneurs des
conciles, et marquèrent comme prélats \ tels furent, au
concile de Ck)n$tance, Courcelles et Pierre Cauchon, qui
déposèrent le pape Jean XXIII et jugèrent la Pucelle.
L'apologiste du duc de Bourgogne, Jean Petit, était un
Normand, animé d'un âpre esprit normand, un moine
mendiant, de la pauvre et sale famille de saint François.
Ces cordeliers, d'autant plus hardis qu'ils n'avaient que
leur corde et leurs sandales, se jetaient volontiers en avant.
A.U xiv« siècle, ils avaient été pour la plupart visionnaires,
Kiystiques, malades et fols de l'amour de Dieu ; ils étaient
alors ennemis de l'Université. Mais, à mesure que le mysti-
cisme fit place à la grande polémique du schisme, ils
furent du parti de l'Université, et au delà. Le cordelier
Jean Petit n'avait pas le moyen d'étudier; il fut soutenu
par le duc de Bourgogne, qui l'aida à prendre ses grades
et lui fit une pension K A peine docteur, il se fit remarquer
par sa violence. L'Université l'envoya parmi ceux de ses
membres qu'elle députait aux deux papes. Lorsque l'as-
semblée du clergé de France, en 4 406, flottait et n'osait se
déclarer entre l'Université de Paris qui attaquait le pape
Benoit, et celle de Toulouse qui le défendait, Jean Petit
prêcha avec la fureur burlesque d'un prédicateur de carre-
four, a contre les farces et tours de passe-passe de Piecre
de la Lune, dit Benoit. » 11 demanda et obtint que le par-
lement fit brûler la lettre de l'Université de Toulouse.
C'est alors que le parti de Benoit et du duc d'Orléans fut
jugé vaincu, que les gens avisés le quittèrent', que ses
' ^PP'f iW. — • Par exetrplc Savoisy,
IV. . 8
4U LUTTB BES DEUX PARTIS. — CABOCBIIIIS.
ennemis s'enhardirent, et que, la suspension des prêtes*
lions ayant suffisamment irrité le peuple, en enit poufoir
enfin tuer celui qu'on désignait depuis longtemps à h
haine comme Tauteur des taxes et le complice du scMsne.
L'Université avait récemment arraché au roî l'oitbe ds
contraindre par corps le pape qui refusait de céder. Ce
pape avait été jugé schismatique, et ses partisans schisoia^
tiques. Par deux fois on essaya d'exécuter cette oontnmile
par l'épée. La mort d'un prince qui soutenait le pspe sesH
felait aux universitaires un résultat naturel de oette oon-
.damnation du pape ; c'était aussi une contrainte par omfs.
Je n'ai pas le courage de reproduire la longue harangue
par laquelle Jean Petit entreprit de justifier le meurtre. D
faut dire pourtant que, si ce discours parut odieux à
beaucoup de gens, personne ne le trouva ridicule. H est
Avisé et subdivisé selon la méthode scotastique, la seule
que l'on suivit alors.
Il prit pour texte ces paroles de T Apôtre : c La convoi-
tise est la racine de tous maux. » Il déduisait de là docte-
ment une majeure en quatre parties, que la mineure devait
appliquer. La mineure avait quatre parties de même pour
établir que le duc d'Orléans tombant dans les quatre
genres de convoitise, concupiscence, etc., s'était rendu
coupable de lèse-majesté en quatre degrés. Il établissait,
par le témoignage des philosophes, des Pères de l'Église
et de la sainte Écriture, qu'il était non-seulement jpennis,
mais honorable et méritoire de tuer un tyran. A cela il
apportait douze raisons en l'honneur des douze apdtr»,
appuyées de nombreux exemples bibliques.
Cet épouvantable fatras n'a pas moins de quatre-vingt-
trois pages dans Monstrelet. Le copier, ce 'serait à en
vomir. 11 faut résumer. Tout peut se réduire à trois points :
4. Le duc de Bourgogne a tué pour Dieu <. Ainsi
C
1 • Les Idgistes disent que toute occision d*honiine, juste oa injuste»
ESSAIS DS RÉSORUE DANS l'eTAT ET DANS L'ÉGUSB. 445
Judith, etc. Le duc d'Orléans n'était pas seulement Ten-
nemî du peuple de Dieu, .comme Holopherne. U' était
l'ennemi de Dieu, l'ami du Diable ; il était sorcier i. La dia-
blesse Vénus lui avait donné un talisman pour se foire
aimer, etc.
'9. Le duc de Bourgogne a tué pour le roi., U a, comme
bon v^ssal^ sauvé son suzerain des entreprises d'un vassal
félon.
3. Il a tué pour la chose publique^ et comme bon citoyen.
Le duc d*Orléans était un tyran. Le tyran doit être tué, etc. K
Mais 11 faut lire roriginal.'Il faut voir dans sa laideur ce
monstrueux accouplement des droits et des systèmes con-
traires. Le cruel raisonneur prend indifféremment, et
partout, tout ce qui peut, tant bien cpie mal, fonder le
droit de tuer ; tradition biblique, classique, féodale, tout
lui est bon, pourvu qu'on tue^
Le discours de Jean Petit ne mériterait guère d'attention,
si c'était l'œuvre individilëlle du pédant, l'indigeste avorton
éclos du cerveau d'un cuistre. Mais non ; il ne fout «pas
oublier que Jean Petit était un docteur très-important,
très-autorisé. Cette monstrueuse laideur de confusion et
d'incohérence, ce mélange sauvage de tant de choses mal
comprises, c'est du siècle, et non de l'homme. J'y vois la
grimaçante figure du moyen âge caduque, le masque
demi-homme, demi-béte de la scolastique agonisante.
L'histoire, au reste, ne présente guère d'objet plus cho-
quant. On rirait de ce pêle-mêle d'équivoques, de malen-
tendus, d'histoires travesties, de raisonnements cornus,
où Tabsurde s'appuie magistralement sur le faux. On
est homicide. Maif les théologiens disent qu'il y a deux manières d'ho-
micides, ete. »
« App., 100.
• • Celai qai Toceit par bonite iubtiHté et eauielte en Vèpiant, pour
sanver la rie de son roi... il ne fait pas tiffat,., » •» Ceci Tait penser aux
Proviacialef.
H 6 LUTTB DES DEUX PARTIS. — CABiJCHIEKS.
rirait ; mais on frémit. Les syllogismes ridicules ont pour
majeure Tassassinat, et la conclusion y ramène. L'hisUHre
devient ce qu'elle peut. La fausse science, comme un
tyran, la violente et la maltraite. Elle tronque et taille les
faits, comme elle ferait des hommes. Elle tue l'empereur
Julien avec la lance des croisades ; elle égorge César avec
le couteau biblique, en sorte que le tout a l'air d'un mas-
sacre indistinct d'hommes et de doctrines, d'idées et de
faits.
Quand il y aurait eu le moindre bon sens dans ce traité
de l'assassinat, quand les crimes du duc d'Orléans eussent
été prouvés et qu'il eût mérité la mort, cela ne justifiait
pas encore la trahison du duc de Bourgogne. Quoi ! pour
des fautes si anciennes, après une réconciliation solennelle,
après avoir mangé ensemble et communié de la même
hostie!... Et l'avoir tué dé nuit, en guet-apens, désarmé,
était-ce d'un chevalier ? Un chevalier devait l'attaquer à
armes égales, le tuer en champ clos. Un prince, un grand
souverain, devait faire la guerre avec une armée, vaincre
son ennemi en bataille ; les batailles sont les duels des
rois.
Au reste la harangue de Jean Petit était moins une
apologie du duc de Bourgogne qu'un réquisitoire contre le
duc d'Orléans. C'était un outrage après la mort, coftime si
le meurtrier revenait sur cet homme gisant à terre, ayant
peur qu'il ne revécût, et tftchant de le tuer une seconde
fois.
Le meurtrier n'avait pas besoin d'apologie. Pendant que
son docteur pérorait, il avait en poche de bonnes lettres
de rémission qui le rendaient blanc comme neige. Dans
ces lettres, le roi déclare que le duc lui a exposé comment
pour son bien et celui du royaume « il a fail mettre Tiors
de ce inonde » son frère le duc d'Orléans ; mais il a appris
que le roi, « sur le rapport d'aulcuns ses malveillans... en
a pris desplaisance... Savoir faisons que nous avons osté
£SSÀIS DB RÉFORHB DANS L'ÉTâT ET DANS L'ÉGLISE. 147
et osions toute desplaisance que nous pourrions avoir eue
envers lui..., etc. ^ »
Les gens de rUmversité ayant si bien soutenu le duc de
Bourgogne, il était bien juste qu'il les soutint à son tour.
D*abord il termina à leur avantage Taffaire qui depuis un
an tenait en guerre les deux juridictions, civile et ecclé-
siastique. La première eut tort. L'Université, le clergé,
allèrent dépendre les deux écoliers voleurs dont les sque-
lettes branlaient encore àMontfaucon. Tout un peuple de
prêtres, de moines, de clercs et d'écoliers, animés d'une
joie frénétique, les mena à travers Paris jusqu'au parvis
de Notre-Dame, où ils furent remis à la justice ecclésias-
tique, et déposés aux pieds de i'évéque '. Le prévôt
demanda pardon aux recteurs, docteurs et régents *. Ce
triomphe des deux cadavres, qui était l'enterrement de la
justice royale, eut lieu au soleil de mai, attristé par la lueur
des torches que portait tout ce monde noir.
Le 44 mai, la veille même de la grande victoire de l'Uni-
Yersité, deux messagers du pape Benoit Xlll avaient eu la
hardiesse de venir braver dans Paris cette colérique puis-
sance. Us avaient apporté des bulles menaçantes où l'en-
nemi, qu'on croyait à terre, semblait plus vivant que
jamais K C'était un gentilhomme aragonais (comme son
maître Benoit XIII) qui avait hasardé ce coup.
Une députation de l'Université vint à grand bruit
demander justice. Une grande assemblée se fit à Saint-
< Cartons de FontanUu, tinnèe 1407.
« App., i07.
* • llesseignenn, leur dii-il, se raillant de leur puissance et de leur
obstination, outre le pardon que vous m*accordex, je tous ai grande
obligation ; car lorsque vous m'avez attaqué, je me tins pour assuré d'élro
mis hors de mon élat ; mais je craignais qu'il ne vous vint en idée
#!e conclure aussi à ce que je fusse marié, et je suis bien certain que si
une fois vous eussiez mis cette conclu.-ion en avant, il m'aurait fallu,,
oon grë, mal grë, me marier. Par votre grâce, vous avez bien voulu
m'exempter de celte rigueur, ce dont je vous remercie très-humblement. •
Chronique n* 10897. — « App., 108.
448 Lirm ns deux PAims. — câbochibns.
Paul en présence da roi, du duc de Bourgogne et des
princes. Un violent sermon y fut prononcé par Courte-
cuisse, qui faisait le pendant du discours de Jean Petit.
C'était la condamnation du pape, comme l'autre était h
condamnation du prince, partisan du pape.
Le texte était : « Que la douleur en soit pour lui ; tombe
sur lui son iniquité ! » Si le pape eût été là, il n'y eût guère
eu. plus de sûreté pour lui que pour le duc d'Orléans. Le
pape n'y étant pas, on ne frappa que ses bulles. Le chan-
celier les condamna au nom de l'assemblée, les secrétaires
royaux y enfoncèrent le canif, et les jetèrent au recteur qui
les mit en menus morceaux.
Ce n'était pas assez de poignarder un parchemin. On
envoya ordte à Boucicaut d'arrêter le pape ; et en atten-
dant, on prit, comme suspects d'aimer le pape, l'abbé de
Saint-Denis et le doyen de Saint-Germain-l'Auxerrois.
Saint-Denis étant, comme on l'a vu, fort mal avec l'église
de Paris, Tarrestation de l'abbé était populaire. Mais le
doyen de Saint-Germain-rAuxerrois était membre du
Parlement. Il y avait imprudence à Tarrôter; le Parlement
en garda rancune. Le% prisonniers, ayant tout à craindre
dans ce moment de violence, essayèrent d'apaiser rUniver-
site en se réclamant d'elle, et demandant l'adjonction de
quelques-uns de ses docteurs à la commission qui devait
les juger, ils eurent lieu de s'en repentir. Ces scolastiqaes,
étrangers -aux lois, aux hommes et aux affaires, ne purent
jamais s'accorder avec les juges ^ lis montrèrent autant
de gaucherie que de violence, firent arrêter au hasard
nombre de gens. Les prisonniers avaient beau invoqua* le
Parlement, Tévêque de Paris ; les princes même intercé-
daient. Ces implacables pédants ne voulaient point làoher
prise.
Le dimanche S5 mai, un professeur de l'Université,
• App., m.
ESSAIS DS RÉFORME D.VNS L*£TÀT ET DANS LÉGLISH. 449
Pierre aux Bœufs (cordelier, comme Jean Petit), lut devant
la peuple les lettres royaux qui déclaraient<[ue dorénavant
on n'obéirait ni à Tun ni à Tautre pape. Cela s'appela l'acte
de Neutralité. A^ucune salle, aucune place n'aurait contenu
la foule. La lecture se fit à la culture de Saint Martin-des-:
Champs. Cette ordonnance n'est point dans le style ordi-
naire des lois. C'est visiblement un factum de l'Université,
violent» acre, et qui n'est pas sans éloquence.: « Qu ils
tombent, qu'ils périssent, j^utOrt que l'unité de V£glise.
Qu'on n'entende plus la voix de la marâtre : Coupes
r enfant^ et quU ne spU ni à mot, ni à elle; mais 1{^ voix de
la bonne mère : Z>onnez-{e-/uipiu/d^ tout entier... »
On ne s'en tint pas à des paroles. Un concile assemblé
dans la Sainte-Chapelle détermina comment l'Ëglise se
gouvernerait dans la vacance du Saint-Siège. Benoit.ne
put être atteint; il se sauva à Perpignan, entre le royaume
d'Aragon, son pays, où il était soutenu, et la France, où il
guerroyait contre le concile à force de bulles. Mais ses
deux messagers furent pris, et traînés par les rues dans un
étrange accoutrement; ils étaient coiffés de tiares de papier»
vêtus de dalmatiques noires aux armes de Pierre de Luna»
et de plus chargés d'écritôaux qui les qualifiaient traîtres et
messagers d'un traître. Ainsi équipés, ils furent mis dans
un tombereau de boueurs, piluriés dans la cour du Palais,
parmi les huées du peuple, qui s'habituait à mépriser les
insignes du pontificat ^ Le dimanche suivant, uiéme scène
au parvis Notre-Dame : un moine trinitaire, régent de
théologie, invectiva contre eux et contre le pape, avec une
violence furieuse et des farces de bateleur, le tout dans une
. langue si fangeuse, que bonne part de cette boue retomb ait
/sur l'Université^.
Le pape de Rome, le pape d'Avignon, étaient tous les
* Le Religieux. ^App., 110.
' • Quod anum sordiJid.-imœ omasariœ osculari mallet quam os
Pctri. • Religieux.
420 LUTTE DES DEOX PARTIS. — CABOCHIENS.
deux en fuite ; leurs cardinaux avaient déserté. La reine
s'enfuit aussi, emmenant de Paris le dauphin, gendre du
duc de Bourgogne. Les ducs d'Anjou (roi de Sicile), de
Bcrri et de Bretagne ne tardèrent pas à les suivre. Le duc
de Bourgogne allait se trouver seul de tous les princes à
Paris, ayant toutefois dans les mains le roi, le concile,
rUniversi té. Lâcher le roi et Paris, c'était risquer beaucoup.
Cependant il ne pouvait plus remettre son retour aux Pays-
Bas. Pendant qu'il faisait ici la guerre au pape et écoutait
les prolixes harangues des docteurs, le parti de Benoit et
d'Orléans se fortifiait à Liège. Le jeune évéque de Liège,
son cousin Jean de Bavière, ne pouvait plus résister*. Les
Liégeois étaient menés par un homme de tête et de main,
le sire de Perweiss, père de l'autre prétendant à l'évèché de
Liège ; il appelait les Allemands ; il faisait venir des archers
anglais. Le Brabant était en péril. Que serait-il advenu si
la Flandre avait pris parti pour Liège, si les gens de Gand
s'étaient souvenus que les Liégeois leur avaient envoyé des
vivres avant la bataille de Roosebeke?
Je parlerai plus tard de ce curieux peuple de Liège, de
cette extrême pointe de la race et de la langue wallonne au
sein des populations germaniques, petite France belge qui
est restée, sous tant de rapports^ si semblable à la vieille
France, tandis que la ndtre changeait. Mais tout cela ne
peut se dire en passant.
Les Liégeois étaient quarante mille intrépides fantassins.
Mais le duc avait contre eux toute la chevalerie de Picardie
et des Pays-Bas, qui regardait avec raison cette guerre
comme l'affaire commune de la noblesse. La noblesse était
d'accord. Les villes, Liège, Gand et Paris, ne s'entendaient
pas. Gand et Paris ne suivaient pas le même pape que les
Liégeois. Le duc de Bourgogne, qui soulevait les communes
en France, écrasa en Belgique celle de Liège.
ESSAIS DE RÉFORME DANS l'ÉTAT ET DANS L.*£GLISE. 421
Les Liégeois étaient une population d'armuriers et de
charbonniers, brutale et indomptable, que leurs chefs ne
pouvaient mener. Dès que les bannières féodales apparu-
rent dans la plaine deHasbain, le proverbe se vérifia :
Qai passe dans le Hasbain
A bataiUe le lendemain.
Us se postèrent quarante mille dons une enceinte fermée
de chariots et de canons, et attendirent fièrement. Le duc
de Bourgogne, qui savait qu'il allait leur venir encore -dix
mille hommes de troupes et des archers d'Angleterre, se
hasarda d'attaquer. Les Liégeois avaient un peu de cava-
lerie, quelques^chevaliers; mais ils s'en défiaient trop; ils
les empêchèrent de bouger. Ceux de Bourgogne ne pouvant
les forcer par devant, les tournèrent ; une terreur panique
les prit ; plusieurs miUiers de Liégeois se rendirent pri-
sonniers. Le duc de Bourgogne, presque vainqueur, voit
apparaître alors les dix mille paresseux de Tongres, qui
venaient enfin combattre, il craignit qu'ils ne lui arrachas-
sent la victoire, et ordonna le massacre des prisonniers.
Ce fut une immense boucherie ; toute cette chevalerie,
cruelle par peur, s'acharna sur la multitude qui avait posé
les armes. Le duc de Bourgogne prétend, dans une lettre < ,
qu'il resta vingt^quatre mille hommes sur le carreau : il
avait perdu seulement de soixante à quatre-vingts cheva-
liers ou écuyei*s, sans compter les soldats apparemment.
Néanmoins, cette disproportion fait sentir assez combien,
dans la nouveauté et l'imperfection des armes à feu, les
moyens offensifs étaient faibles contre ces maisons de fer
dont les chevaliers s'affublaient.
Je me défie un peu de ce nombre de vingt-quatre mille
hommes; c'est juste celui de la bataille de Roosebeke, que
gagna Philippe le Hardi. Le fils ne voulut pas sans doute
422 , LCTTE DES BEUX PARTIS. — CABOCHIENS.
avoir tué moins que le père. Quoi qu*il en soit, le récit
des cruautés épouvantables du parti de Bourgogne, qui, !
dans le Hasbain seul, avait brûlé, disait-on, quatre cents
églises paroissiales, souvent même avec les paroissiens, la
vengeance de Tévéque de Liège, Jean sans Pitié, ses
noyades dans la Meuse, tout cela, chose triste à dire, mais
qui peint le siècle, frappa les iinaginations et releva le duc
de Bourgogne. Cette bataille fut prise pour le jugement de
Dieu. On savait qu'il avait d'ailleurs payé de sa personnel
Le peuple, comme les fenomes, aime les forts : Ferrum est
qnod amarU. On donna au duc de Bourgogne le snmam de
Jean sans Peur : sans peur des hommes et sans peur de
Dieu*.
La reine et les princes étaient revenas à Paris dans
l'absence du duc de Bourgogne^, et procédaient contre loi.
Un éloquent prédicateur, Cérisy , prononçait une touchanU>
apologie de Louis d'Orléans, qui a effacé à jamais le dis-
cours de Jean Petit. L'avocat de la veuve et des orphelins
concluait à ce que le duc de Bourgogne fit amende hono-
rable, demandât pardon et baisât la terre,'et qu'après avoir
fait diverses fondations expiatoires, il allât pendant vin^
ans outi*c-mer pour pleurer son crime. Cela se disait It'
41 septembre; le 23, il gagnait la bataille d'Hasbain; !«'
24 novembre, il arrivait à Paris. La foule alla voir avec res-
pect l'homme qui venait de tuer vingt^inq mille hommes;
il s'en trouva pour crier Noéll
La reine et les princes avaient enlevé le roi à Chartres;
ils pouvaient en son nom agir contre le duc. Cela le décida
à un accommodement^. La chose fut négociée par le grand
j > App., 113.
* 11 eût pa être nommé, tout aussi bien que son coasia I^évôqve, Jean
$anê Pitié, Monslrelet dit lai-mème : • Quand il fat demandé, après Ii
déconfiture, si on cesseroit de plus occire iceux liégeois, U fit réponso
qu'ils mourroient tous ensemble, et que,pas ne vonloit qu'oD les prenst
à rançon ni mislà finance. » ^ > ^PP*. 114.
^ A la rentrée du Parlement, le vieux chancelier tra^a un Uhleaii
BSSA» DB BÉrORlU OàlfS l'ÊTAT ET DANS L'ÉGLISE. 123
maître Montaigu» serviteur de la reine et de la maison
d'Orléans, principal eonaeiller de ce parti, qui avait été
envoyé au duc de Bourgogne, qui en avait n4)porté' une
grande peur, et qui ne sentait pas sa tête bien ferme sur
aes épaules. U arrangea avec la crédulité de la peur ce
triste traité qui déshonorait les deux partis. Le principal
artiide était que le second fils du mort* épouserait une lille
du meurtrier, avec une dot de cent cinquante mille francs
d'or. Gomme dot, c'était beaucoup* mais comme prix du
^.sang, combien peu 1
Ce fut une laide scène, laide encore .eomme profanation
d'une des plus saintes églises de France. Notre-Dame de
ChartreSf ses innombrables statues de saints et de docteurs,
furent condamnées à être témoins de la fausse paix et des
parjures. On dressa, non pas au parvis ou* se faisaient les
amendes honorables,, mais a l'entrée du chceur, un grand
échafaud. Le roi, la neine, les princes, y siégeaient.
L'avocat du duc de Bourgogne demanda au roi au nom du
duc qu*il lui plût « de ne conserver dans le- cœur ni colère,
ni indignation à cause du fait qu'il a commis et fait .faire
sur la personne de monseigneur d'Orléans, pour le bien
du royaume et de vous. »
Puis les enfants d'Orléans entrèrent; le roi leur fit part
du pardon qu'il avait accordé, et les requit de l'avoir pour
agréable. L'avocat de Bourgogne paria en ces termes : '
« Monseigneur d'Orléans et messeigneurs ses frères, voici,
monseigneur de Bourgogne, qui vous supplie de bannir de^
vos cœurs toute haine et toute vengeance,. et d'être bons*
amis avec lui. » Le duc ajouta de sa propre bouche : « Mes
chers cousins, je vous en prie. »
Les jeunes princes pleuraient. Selon le cérémonial con-
venu, la reine, le dauphin et les seigneurs du sang royal
toachant de U désolation da royaume. Archives, Regittrê du Parlement,
Conteil XUl, folio 49.
1^4 LDTTB DES DEUX PARTIS. ^ GABOCHIENS.
s'approchèrent d'eux, et intercédèrent pour le dac de
Bourgogne; ensuite, le roi, du haut de son trtee, leur
adressa ces mots : « Mon très-cher fils et mon très-cher
neveu, consentez à ce que nous avons fait, et pardonnez. •
Le duc d'Orléans et son frère répétèrent alors, l'un ajwès
l'autre, les paroles prescrites.
Montaigu, qui avait dressé d'avance ce traité, par lequel
les enfants reconnaissaient que leur père était tué pour le
bien du royaume, avait au fond trahi son ancien maître,
le duc d'Orléans, pour le duc de Bourgogne. Cdui-d
néanmoins lui en voulut mortdlement. Il n'avait pas
probablement deviné d'avance l'humiliante attitude qu'il
lui faudrait prendre dans cette cérémonie, et ce qu'il lui
en coûterait pour dire aux enfants : Pardonnez.
Tout le monde savait à quoi s'en tenir sur la valeur d'une
telle paix. Lé greffier du Parlement, en l'inscrivant sur
son registre, ajoute ces mots à la marge : « Pax, pax,
inquit Propheta, et non est pax. i
Les réconciliés revinrent à Paris, plus ennemis que
jamais, mais d'accord pour sacrifier le trop conciliant
Montaigu. Ce pauvre diable n'avait après tout péché que
par peur. Mais il avait encore un autre crime ; il était trop
riche. On se demandait comment ce fils d'un notaire de
Paris, médiocrement lettré, de pauvre mine, petite taille,
barbe claire, la langue épaisse <, comment il s'y était pris
pour gouverner la France depuis si longtemps. 11 fallait
bien, avec tout cela, qu'il fût pourtant un habile homme
pour que la reine, le duc d'Orléans, les ducs de Berri et
de Bourbon, eussent tous besoin de lui et l'appelassent
leur ami.
L'habileté qui lui manqua, ce fut de se faire petit. Sans
parler de ses grandes terres, il avait bâti à Marcoussis un
délicieux château. A Paris, le peuple montrait avec envie
t Le Religieiu.
ESSAIS DE RÉFORME DANS L'ÉTAT ET DANS l'ÉGLÎSB. 425
son splebdide hôtel. Les plus grands seigneurs avaient
recherché ses filles. Récemment encore, il avait marié son
fils avec la fille du connétable d'Àlbret, cousin du roi. Il fit
encore son frère évéque de Paris, et à cette occasion il euC
l'imprudence de traiter les princes, d'étaler une incroyable
quantité de vaisselle d'or et d'argent. Les convives ouvri-
rent de grands yeux; leur cupidité attisa leur haine. Ils
trouvèrent fort mauvais que Montaigu eût tant de vaisselle
d'or, lorsque celle du roi était en gage.
Pour un homme nouveau, Montaigu semblait bien assis
Dès le temps du gouvernement des Marmousets, il s'était
acquis beaucoup de gens; il était bien apparenté, bien
allié. Frère de l'archevêque de Sens, il venait de prendre
une forte position populaire dans Paris en y faisant son
frère évéque. Aussi les princes menèrent l'afiaire à petit
bruit. Ils s'assemblèrent secrètement à Saint-Victor, déli-
bérèrent sous le sceau du serment ; ils conspirèrent, trois
ou quatre princes du sang et les plus grands seigneurs de
France, contre le fils du notaire. On avertit Montaigu ;
mais il s obstina S ne rien craindre. N'avait-il pas pour
lui le roi, le bon duc de Berri, la reine surtout, en
mémoire du duc d'Orléans? La reine s'employa, il est
vrai, un peu en sa faveur. Mais il ne fallut pas> grande
violence pour lui forcer la mam ; on lui promit que les
grands biens de Montaigu seraient donnés au dauphin^
Après tout, elle était absente, à Melun ; ce triste spectacle
de la mort d'un vieux serviteur ne devait pas afiliger ses
yeux.
Il y eut à la mort de Montaigu une chose qu'on ne voit
guère à la chute des favoris : le peuple se souleva s. Mon-
taigu, il est vrai, intéressait les trois puissances de la ville :
il était frère de l'évéque; il réclamait le privilège de cléri-
1 Bibliothèque royale, nm., Dupuy, vol Iki. Fonlanieu 107-103,
ann. 1409.
* LeReiigieox.
426 LLTTE DES DEUX PABTIâ. — CABOGHIENS.
cature, celui da clergé et de TUniversîté: enfin, il en
appelait au Parlement. Rien ne lui servit. La ville était
pleine des gentilshommes du duc de Boui^ogne. Le nouveau
prévôt de Paris, Pierre Desessarts, monta à cheval, courut
les rues avec une forte troupe, criant qu'il tenait les
j traîtres qui étaient cause de la maladie du roi, quTl en
rendrait bon compte, que les bonnes gens n'avaient qu'à
* retourner à leurs affaires et à leurs métiers ^.
Montaigu nia tout d'abord ; mais il était entre les griffiss
d'une commission ; on lui fit tout avouer par la torture.
Le 47 octobre, sans perdre de temps, moins d'an mois
après sa belle fête, il fut tratné aux halles. On ne lut pas
même Farrèt. Brisé qu'il était par la torture, les mains
disloquées, le ventre rompu, il baisait la croix de toutstm
cœur, affirmant jusqu'au bout qu'il n'était pas coupable,
non plus que le duc d'Oriéans, que seulement il ne pouvait
nier qu'ils n'eussent mal usé des deniers du Toi et trop
dépensé^. L'assistance pleurait ; %eux môme que les princes
avaient envoyés pour s'assurer du supplice revinrent tout
en larmes.
Cette mort avait touché tout le monde, mais efiErajé
encore plus. Quel en fut le résultat? Celui qu'on devait
attendre de la lÀcheté du temps. Tous voulurent être du
côté d'un homme qui frappait si fort; la mort du duc d'Or-
léans, celle de Montaigu, le massacm de Liège, c'étaient
trois grands coups. Le roi de Navarre était déjà allié du
duc de Bourgogne^, dont il avait besoin contre le comle
d'Armagnac. Le duc d'Anjou le fut pour de l'argent; il en
reçut, comme dot d'une fille ^de Bourgogne, pour aller
perdre encore cet argent en Italie. La reine fut aussi
1 Le ReligienT. — • App., H5.
* Le dac de Bourgogne déploie dans cette année 1409 une remeninable
activité. Il cherche des alliances an midi et an nord. Voy. les traités
arec le roi de Navarre, le comte de Foix, le dac de Bavière et ÉdooarJ
de Bar, titff., Baluze, 9&84, 2.
ISSAIS DE RÉFORME DANS l'ÉTAT ET DANS L'ÉGLISE.' 427
gagnée par un mariage ; le duc de Bourgogne alla la voir
à Melun et promit de faire épouser au frère d'Isabeau
(Louis de Bavière) la fille de son ami, le roi de Navarre, if
était d'ailleurs arrangé que le jeune dauphin présiderait
désormais le conseil ; la grosse Isabeau ' crut sottement
qu'elle 'gouvernerait son fils, et par son fils le royaume.
Elle revint à Paris, c'est-à-dire qu'elle se remit entre les
mains du duc de, Bourgogne.
Ainsi, les choses tournaient à souhait pour lui et pour
son parti. L'Université, toute-puissante au concile de Pise,
venait de mettre à profit la déposition des deux papes,
pour faire donner la papauté à l'un de ses anciens profes-
seurs, qui apparemment n'aurait rien à refuser à l'Uni-
versité et au duc de Bourgogne.
Que manquait-il à celui-ci, sinon* de se réhabiliter, s'il
pouvait, de faire oublier? Il y avait deux moyens, réformer
rËtat et chasser l'Anglais. Il entreprit de nouveau d'as-
■ _
siéger Calais : cette fois, le duc d'Orléans n'était plus là
pour faire manquer l'entreprise. Il s'y prit comme la pre-
mière fois; il fit^'bâtir une ville de bois autour de la ville;
il entassa dans l'abbaye de Saint-Omer force machines
et quantité d'artillerie. Mais les Anglais, pour la somme
de dix mille nobles à la rose, trouvèrent un charpentier
qui y jeta le feu grégeois et brûla en un moment tout co
qu*on avait longuement préparé.
La réforme n'alla guère mieux que la guerre. Le duc de
Bourgogne l'avait commencée à sa manière, rudement.
Il avait rendu à Paris ses privilèges, en y mettant un
prévôt à lui, le violent Desessarts. Il avait convoqué une
assemblée générale de la noblesse, sous la présidence du
dauphin, s'emparant du dauphin même et mettant de côté
le vieux duc de Berri.
Cependant il prenait les finances en main, destituant au
f
< • Mole carDÎft gravata nimlam. • Religieux.
128 LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS.
nom du roi et des princes tous les trésoriers, et mettant à
leur place des bourgeois de Paris, des gens riches, timides
êi dépendants. Tous les receveurs devaient rendre compte
à un haut conseil qu'il dominait par le comte de Saint-Pol.
Ce conseil fit une chose inouïe, il interdit la Chambre des
comptes, fit arrêter plusieurs de ses membres ^, et néan-
moins il se servit de ses registres, relevant sur les marges
les Nimis habuit ou Recuperetur dont cette sage et honnête
compagnie marquait les payements excessifs. On voulait
s'autoriser de ces notes pour tirer de l'argent de ceux qui
avaient reçu, ou même de leurs héritiers.
Cela était inquiétant pour beaucoup de monde, suspect
pour tous, d'autant plus que dans toutes ces mesures on
voyait derrière le duc de Bourgogne, un homme emporté,
passionné et brouillon, le nouveau prévôt de Paris, Deses-
sarts, homme de peu, qui ^ hâtait de faire sa maio,
d'enrichir les siens, comme avait fait Hontaigu; il l'avait
mené au gibet, et il y courait lui-même.
Tel était Paris ; hors de Paris, se formait un grand
orage. Le duc d'Orléans n'était qu'un enfant, un nom ;
mais autour de ce nom se serraient naturellement tous
ceux qui haïssaient le duc ^e Bourgogne et le roi de
Navarre. D'abord le comte d'Armagnac, ennemi du second
par voisinage, du premier pour avoir dès longtemps été
forcé de céder le Charolais ; puis le duc de Bretagne, les
comtes de Clermont et d'Alençon; enfin, les ducs de Berri
et de Bourbon, qui, se voyant comptés pour rien par le duc
de Bourgogne, passèrent de l'autre côté. Ces princes s'alliè-
rent a pour la réforme de l'État et contre les ennemis du
royaume. »
C'était aussi contre les ennemis du royaume que le duc
de Bourgogne levait des troupes et demandait de l'argent.
Il fit venir à Paris les principaux bourgeois des villes de
« App., 116.
SSSÀIS DE RÉFOR&IB DANS l'ÉTAT ET DANS l'ÉGLISE. \29
France pour obtenir, non une taxe, mais un prêt; les
Anglais, disait-il, menaçaient de débarquer. Les bourgeois,
t'sans délibérer, répondirent nettement que leurs villes
étaient déjà trop chargées, que le duc de Bourgogne n'avait
qu'à faire usage des trois cent mille écus d'or qui, disait-
on, avaient été recouvrés. Mais cet argent s'était écoulé
sans qu'on %ût comment ^
Paris ne montrait pas plus de zèle que les autres villes ;
le duc avait voulu lui rendre ses armes et ses divisions
militaires de centeniers, soixanteniers, cinquanteniers, etc.
Les Parisiens le remercièrent, et n'en voulurent pas, ne se
souciant pas de devenir les soldats du duc de Bourgogne.
11 n'avait pu non plus faire un capitaine de Paris; la ville
prétendit qu'ayant eu un prince du sang pour capitaine (le
duc de Berri), elle ne pouvait accepter un capitaine de
moindre rang.
Le duc de Bourgogne, ayant contre lui les princes, sans
avoir pour lUi les villes, fut obligé de recourir à ses res-
sources personnelles. Il appela ses vassaux. Une nuée de
Brabançons vint s'abattre sur la France du nord, sur Paris,
pillant, ravageant. Paris, devenu sensible au mal général
par ses propres souffrances, demanda la paix à grands cris.
Son organe ordinaire, l'Univerçité, avec cet aplomb propre
aux gens qui ne connaissent ni les hommes, ni les choses,
trouvait un moyen fort simple de tout arranger, c'était
d'exclure du gouvernement les deux chefs de partis, les
ducs de Berri et de Bourgogne, de les renvoyer dans leurs
terres, et de prendre dans les trois États des gens de bien
et d'expérience, qui gouverneraient à merveille. Le duc de
Bourgogne et le roi de Navarre accueillirent d'autant
mieux la chose, qu'elle était impraticable. Ils firent parade
de désintéressenxent; ils étaient prêts, disaient-ik, soit
à servir TËtat gratuitement, en sacrifiant même leurs
t App., 117.
IV. 0
430 LOTTE DIS DEUX PARTIS. — GABOCHIEKS.
biens, ou encore à se retirer, si c'était l'utilité du royaume.
L'Université n'eut pas à aller loin pour trouver le duc de
Berri. U était déjà avec ses troupes à Bicétre. Il avait
répondu à une première ambassade, qui lui demandait la
paix au nom du roi, que justement il venait pour s en-
tendre avec le roi. 11 reçut parfaitement les députés de
r Université, goûta leur conseil, répondants gaiement :
« S'il faut pour gouverner des gens pris dans les trois
États, j'en suis et je retiens place dans les rangs de la
noblesse. »
L'hiver et la faim forcèrent pourtant les princes à
accepter Texpédient que proposait l'Université. U donnait
satisfaction à leur gloriole. Le due de Bourgogne consen-
tait à s'éloigner en même temps qu'eux. Le conseil
devait être composé de gens qui jureraient de n'appar-
tenir ni à l'un ni à l'autre. Le dauphin était remis à deui
seigneurs nommés, l'un par le duc de Berri, l'autre par
le duc de Bourgogne. (Paix de Bicétre, 4 nov. 4410.]
Au fond, celui-ci restait maître. U avait l'air de quitter
Paris, mais il le gardait. Son prévôt, Desessarts, qui devait
sortir de charge, y fut maintenu. Le dauphin n'eut guère
autour de lui que de zélés Bourguignons. Son chancelier
était Jean de Nyelle, sujet et serviteur du duc de Bour^
gogne; ses conseillers, le sire de Heilly, autre vassal du
même prince, le sire de Savoisy, qui avait embrassé
récemment son parti, Antoine de Craon, de la famille de
l'assassin de Clisson, le sire de Courcelles, pairent sans
doute du célèbre docteur qui fut l'un des juges de là
Pucelle, etc.
Le duc de Bourgogne s'était retiré conformément au
traité. U n'armait pas, et ses adversaires armaient. Lrs
torts paraissaient être du côté des amis du duc d'Orléans.
Le conseil du dauphin, pour mieux faire croire à son
impartialité, s'adjoignit le Parlement, quelques évéques,
quelques docteurs de l'Université, plusieurs notables bour-
ESSAIS DE.BÉFORME DANS l'ÉTAT ET DANS L'ÉGLISE. 131
geois, et, au nom de cette assemblée, if défendit aux ducs
d'Orléans et de Bourgogne d'entrer dans Paris.
La défense était dérisoire; ce dernier était en réalité si
bien présent dans Paris, qu'à ce moment même il décidait
la ville alarmée à prendre pour capitaine un homme à lui,
le comte de Saint-Pol.
U s'agissait de mettre Paris en défense. On proposa une
taxe générale dont personne ne serait exempt, ni le clergé,
ni l'Université. Mais leur zèle n'alla pas jusque-là pour le
parti de Bourgogne; à ce mot d'argent, ils se soulevèrent.
Le chancelier de Notre-Dame, parlant au nom des deux
corps, déclara qu'ils ne pouvaient donner ni prêter ; qu'ils
avaient bien de la peine à vivre; qu'on savait bien que si
les finances du roi n'étaient dilapidées, il entrerait tous les
mois deux cent mille écus d'or dans ses coffres ; que les
biens de FËglise^ amortis depuis longtemps, n'avaient rien
à voir avec les taxes. Enfin il s'emporta jusqu'à dire que,
lorsqu'un prince opprimait ses sujets par d'injustes exac-
tions, c'était, d'après les anciennes histoires, un cas légi-
time de le déposer ^.
Cette hardiesse extraordinaire de langage indiquait assez
que le clergé etTUniyersité ne seraient point pour le parti
bourguignon un instrument docile. Le nouveau capitaine de
Paris chercha ses alliés plus bas; il s'adressa aux bouchers.
Ce fut un curieux spectacle de voir le comte de Saint-Pol,
de la maison de Luxembourg,* cousin des Empereurs et du
chevaleresque Jean de Bohème, partager sa charge de
capitaine de Paris avec les Legoix < et autres bouchers ; de
le voir armer ces gens, marcher dans Paris de front avec
cette milice royale, les charger de faire les affaires de la
ville, et de poursuivre les Orléanais. D risquait gros en
« App., |18.
* Pea après, nom Toyons le dac ne Boargogne assister anx obsèques
da boucher Legoix : • Et iui flt-on moult honorables obsèques, aatani
que si c^eust été an grand comte. • Juvénal.
132 LUTTB DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS.
s'alliant ainsi. Il croyait tenir les bouchers ; n'étaient-ce
pas eux qui allaient bientôt le tenir lui-môme? Le comte
de Saint-Pol et son maître le duc de Bourgogne mettaient
là en mouvement une formidable machine ; mais, le doigt
pris dans les roues, ils pouvaient fort bien, doigt, tète et
.. corps, y passer tout entiers.
; Je ne sais au reste s'il y avait moyen d'agir autrement.
Tout esprit de faction à part, Paris, au milieu des bandes
qui venaient batailler autour, avait grand besoin de se
garder lui-même. Or, depuis la punition des Maillotins et
le désarmement, les seuls des habitants qui eussent le fer
en main et l'assurance que donne le maniement du fer,
c'étaient les bouchers. Les autres, comme on l'a vu,
avaient refusé de reprendre leurs centenîers, de crainte
de porter les armes. Les gentilshommes du comte de Saiat-
Pol n'auraient pas suiB, ils auraient même été bientôt
suspects, si on ne les eût vus toujours à côté d'une milice,
brutale, il est vrai, violente, mais après tout, parisienne et
intéressée à défendre Paris du pillage. Quelque peur qnoD
eût des bouchers, on avait bien autrement peur des
innombrables pillards qui venaient jusqu'aux portes ob-
server, tàter la ville, et qui auraient fort bien pu, si elle
n'eut pris garde à elle, l'enlever^par un coup de main '.
C'était une terrible chose, pour la gent innocente et
pacilique des bourgeois, de voir du haut de leurs clochers
le double flot des populations du Midi et du Nord qui
battait leurs nmrs. On eût dit que les provinces extrêmes
du royaume, longtemps sacrifiées au centre, venaient
prendre leur revanche. La Flandre se souvenait de sâ
défaite de Roosebeke. Le Languedoc n'avait pas oubUé les
guerres des Albigeois, encore moins les exactions récentes
des ducs -d'Anjou et de Berri. Ce que le centre avait gagné
1 Dins une de ces alarmes, on fit Iog';r le roi aa Palais avec une forte
troupe de gens d'armes, au grand effroi du greiQer. App, li9«
ESSAIS DE REFORME DANS l'ÉTAT ET DANS l'ÉGLISE. 133
par l'attraction monarchique, il le rendit avec usure. Le
Nord, le Midi, TOuest, envoyèrent ici tout ce qu^ils avaient
de bandits.
D*abord pour défendre Paris contre les gens du Midi
qu'amenait le duc d'Orléans, arrivèrent les Brabançons
mercenaires du duc de Bourgogne. Pour mieux le dé-
fendre, ils ravagèrent tous les environs, pillèrent Saint-
Denis. Autres défenseurs, les gens des communes de
Flandre ; ceux*ci, gens intelligents qui savaient le prix
des choses, pillaient méthodiquement, avec ordre, à fond,
de manière à faire place nette ; puis ils emballaient pro-
prement. De guerre, il ne fallait pas leur en parler; ce
n'était pas pour cela qu'ils étaient venus. Leur comte avait
beau les prier, chapeau bas, de se battre un peu, ils n'en
tenaient compte. Quand ils avaient rempli leurs char-
rettes i, les seigneurs de Gand et de Bruges reprenaient,
quoi qu'on put leur dire, le chemin de leur pays.
Mais la grande foule des pillards venait des provinces
nécessiteuses de l'Ouest et du Midi. La campagne, à la
voir au loin, était toute noire de ces bandes fourmillantes;
gueux ou soldats, on n'eût pu le dire; qui à pied, qui à
cheval, à àne; bétes et gens maigres et avides, à faire
frémir, comme les sept vaches dévorantes du songe de
Pharaon.
Démêlons cette cohue. D'abord il y avait force Bretons.
Les familles étaient d'ftutant plus nombreuses, en Bre-
tagne, qu'elles étaient plus pauvres. C'était une idée bre-
* Deux mille charrettes, selon Meyer; dooze mille, selon Monstrelet.-»
« Lear requist bien insummenl qu'ils le voulsisscnt servir encore huit
jours... Commencèrent à crier à hauUe voix: Wapf wnp! (qui est à
dire en francois : A l'arme! à l'arme!)... boutèrent le feu par ions leurs
logis, en criant de rechef tons ensemble : Gau ! gauf se départirent et
prirent leur chemin yers leurs pays... Le duc de Bourgogne... le chape-
ron 6té hors de la tète devant eux, leur pria à mains jointcà Ircs-hum-
blcment.,. eux disant et appelant frères, compains et amis... » Mons-
uelet.
434 LDTTB DES DECX PARTIS. — CABOCHIEXS.
tonne d'avoir le plus d'enfants possible, c'est-à-dire plus
de soldats qui allassent gagner au loin et qui rappor-
tassent ^. Dans les vraies usances bretonnes, la maison
paternelle, le foyer restait au plus jeune *; les aînés
étaient mis dehors ; ils se jetaient dans une barque, ou sui
un mauvais petit cheval, et tant les portait la barque o^
l'indestructible béte, qu'ils revenaient au manoir rëfaits
vêtus et passablement garnis.
En Gascongne, un droit différent produisait les mêmes
effets. L'alné restait fièrement au castel, sur sa roche, sans
vassal que lui-même, et se servant par simplicité. Les
cadets s'en allaient gaiement devant eux, tant que la terre
s'étendait, bons piétons, comme on sait, allant à pied par
goût, tant qu'ils ne trouvaient pas un cheval, riches d'une
épée de famille, d'un nom sonore et d'une cape percée ;
du reste nobles comme le roi, c'est-à-dire comme lui sans
fief 3, et n'en levant pas moins quint et requint sur la terre,
péage sur le passant.
Ce vieux portrait du Gascon, pour être vieux, n'est pas
moins ressemblant, et je crois que, mutatismutandis^ il en
reste quelque chose. Tels les peint la chronique dès le
temps du bon roi Robert ^ ; tels au temps des Planta-
genets ^ ; tels sous Bernard d'Armagnac, et enfin sous
Henri IV. L'excellent baron de Feneste ^ n'exprime pas
seulement l'invasion des intrigants du Midi sous le Béar-
nais ; plus sérieux en apparence, moins amusant, moins
gfxsconnantf ce baron subsiste. Alors, aujourd'hui et tou-
jours, ces gens ont exploité de préférence un fonds
* Quelquefois cinquante enfants, de dix femmes différentes... (Gaii-
laame de Poitiers.)
« App., 120.
* Le roi n'en est pas moins le grand fieffeux; il n'a rien et il a Umt.
A Voir au tome II, ceux qui vinrent avec la reine Constance.
^ V. loines II et UI. Sous la plupart de ces princes, anx xu* et
xiu* siècles, les Poitevins et les Gascons gourernôrent TAngletem.
* Âveolurcs du baron do Fcneslc (par d'Aubigné), 1620.
ESSAIS Dl RÉFORME DANS l'ÉTAT BT DANS L*ÉGLISE. 135
excellent, la simplicité et la pesanteur des hommes du
Nord. Aussi émigraient-ils volontiers. Ce n*était pas pour
bâtir, comme les Limousins, ni pour porter et vendre,
comme les gens d'Auvergne. Les Gascons no vendaient
qu'eux-mêmes. Comme soldats, comme domestiques dos
princes, ils servaient pour devenir maîtres. Ne leur parlez
pas d'être ouvriers ou marchands; ministres ou rois, à la
bonne heure! Il leur faut, non pas ce que demandait
Sancho, une toute petiit île^ mais bien un royaume, un
royaume de Naplcs, de Portugal, s'il se pouvait ; de Suède
au moins ^, ils s'en contenteront, hommes honnêtes et
modérés. Tout le monde ne peut pas, comme le meunier
du moulin de Barbaste ', gagner Paris pour une messe.
Quoique au fond le caractère ait peu changé, nous ne
devons pas nous figurer les méridionaux d'alors, comme
nous les voyons et les comprenons aujourd'hui. Tout
autres ils apparurent à nos gens du xv« siècle, lorsque les
oppositions provinciales étaient si rudement contrastées,
et encore exagérées par l'ignorance mutuelle. Ce Midi fit
horreur au Nord. La brutalité provençale, capricieuse et
violente; l'âpreté gasconne, sans pitié, sans cœur, faisant
le mal pour en rire ; les durs et intraitables montagnards
du Rouergue et des Cévennes, les sauvages Bretons aux
cheveux pendants, tout cela dans la saleté primitive,
baragouinant, maugréant dans vingt langues, que ceux du
nord croyaient espagnoles ou mauresques. Pour mettre la
confusion au comble, il y avait parmi le tout des bandes
de soldats all^nands, d'autres de lombards. Cette diversité
de langues était une terrible barrière entre les hommes,
une des causes pour lesquelles ils se haïssaient sans savoir
pourquoi. Elle rendait la guerre plus cruelle qu'on ne peut
se le figurer. Nul moyen de s'entendre, de se rapprocher.
' L'affaire de Portugal, pour être moins éelairtie, n'en est pas moins
probable.
* C'est le Eobriqaet d'amitié que les Gascons donnaient à lear Henri.
136 LUTTE DBS DEUX PARTIS. — CABOCfilENS.
Le vaincu qui ne* peut parler se trouve sans ressource^ le
prisonnier sans moyen d'adoucir son maître. L*homme à
terre voudrait en vain s'adresser à celui qui va Tégorger ;
Tun dit grâce, Tautre répond mort.
Indépendamment de ces antipathies de langage et de
race, dans une même race, dans une même langue, les
provinces se haïssaient. Les Flamands, même de langue
wallonne, détestaient les chaudes têtes picardes i. Les
Picards méprisaient les habitudes régulières des Normands,
qui leur paraissaient serviles ^. Voilà pour la langue d'oil.
Dans la langue d'oc, les gens du Poitou et de la Saintonge,
haïs au Nord comnie méridionaux, n'en ont pas moins fait
des satires contre les gens du Midi, surtout contre les
Gascons 5.
Au bout de cette échelle de haines, par delà Bordeaux
et Toulouse, se trouve, au pied des Pyrénées, hors des
routes et des rivières navigables, un petit pays dont le
nom a résumé toutes les haines kIu Midi et du Nord. Ce
nom tragique est celui d'Armagnac.
Rude pays, vineux, il est vrai, mais sous les grêles de
la montagne, souvent fertile, souvent frappé. Ces gens
d'Armagnac et de Fézenzac, moins pauvres que ceux des
Landes, furent pourtant encore plus inquiets. De bonne
heure, leurs comtes déclarent qu'ils ne veulent dépendre
que de Sainte-Marie d'Auch, et ensuite ils battent et pillent
l'archevêque d'Auch pendant près de deux siècles. Persé-
cuteurs assidus des églises, excommuniés de génération
en génération, ils vécurent, la plupart, en vrais fils du
diable.
« Monstrelet.
* Je lis dans nne lettre de grâce qae des Picards entendant parler
d'une somme de 800 livres, que le capitaine de Gisors exigeait des Nor-
mands, disaient : « Se c'estoit en Picardie, Ton abateroit les maisons de
ceniz qui se acorderoient de les paier. « Archivet, Trètor des Chartrett
Registres 148, Si4; ann, 1395.
' D'Aubignë, l'autear du Baron de F«neste> était né en Saintonge,
établi en Poitou.
ESSAIS DE REFORME DANS L ÉTAT ET DANS l'ÉGLISE. 137
Lorsque le terrible Simon de Montfort tomba sur le Midi,
comme le jugement de Dieu, ils s*amendèrent^ lui firent
hommage, puis au comte de Poitiers. Saint Louis leur
donna plus d'une sévère leçon. L*un d'eux fut mis, pour
réfléchir deux ans, dans le château de Péronne. Us finirent
par comprendre qu*ils gagneraient plus à servir le roi de
France; la succession de Rhodez, si éloigné de l'Arma-
gnac, les engagea d^ailleurs dans les intérêts du royaume.
Les Armagnacs devinrent alors, avec les Albret, les
capitaines du Midi pour le roi de France. Battants, battus,
toujours en armes, ils menèrent partout les Gascons,
jusqu'en Italie. Ils formèrent une leste etinfatigable infan-
terie, la première qu ait eue la France. Ils poussaient la
guerre avec une violence inconnue jusque-là, forçant tout
le monde à prendre la croix blanche, coupant le pied, le
poing, à qui refusait de les suivre *.
Nos rois les comblèrent. Ils les étouffèrent dans For. Ils
les firent généraux, connétables. C'était méconnaître leur
talent; ces chasseurs des Pyrénées et des Landes, ces
lestes piétons du Midi, valaient mieux pour la petite
guerre que pour commander de grandes armées. Les
comtes d'Armagnac furent faits deux fois prisonniers en
Lombardie. Le connétable d' Albret conduisait malheureu-
sement Tarmée d'Azincourt.
C'était trop faire pour eux, et Ton fit encore davantage.
Nos rois crurent s'attacher ces Armagnacs en les mariant
à des princesses du sang. Voilà ces rudes capitaines gas-
cons qui se décrassent, prennent figure d'homme et devien*
nent des princes. On leur donne en mariage une petite-fille
de saint Louis. Qui ne les croirait satisfaits? Chose étrange
et qui les peint bien : à peine eurent-ils cet excès d'honneur
de s'allier à la maison royale, qu'ils prétendirent valoir
mieux qu'elle, et se fabriquèrent tout doucement une
m
138 LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS.
généalogie qui les rattachait aux anciens ducs d'Aquitaine,
légitimes souverains du Midi, d'autre part aux Mérovin-
giens, premiers conquérants de la France. Les Capétiens
étaient des usurpateurs qui détenaient le patrimoine de la
maison d'Armagnac.
Tout Français et princes, qu'ils étaient devenus, le na-
turel diabolique reparaissait à tout moment. L'an d'eux
épouse sa belle-sœur (pour garder la dot) ; un aatre sa
propre sœur, avec une fausse dispense. Bernard YII, comte
d'Armagnac, qui fut presque roi et finit si mal, avait com-
mencé par dépouiller son parent, le vicomte de Fézenza-
guet, le jetant avec ses fils, les yeux crevés, dans une ci-
terne. Ce même Bernard, se déclarant ensuite seniteur
du duc d'Orléans, fit bonne guerre aux Anglais, leur re-
prit soixante petites places. Au fond, il ne travaillait que
pour lui-môme : quand le duc d'Orléans vint en Guienne,
il ne le seconda pas. Mais, dès que le prince fut mort, le
comte d'Armagnac se porta pour son ami, pour son ven-
geur ; il saisit hardiment ce grand rôle, mena tout le Midi
au ravage du Nord, fit épouser sa fille au jeune duc d'Or-
léans, lui donnant en dot ses bandes pillardes et la malé-
diction de la France.
' Ce qui rendit ces Armagnacs exécrables, ce fut, cuire
leur férocité, la légèreté impie avec laquelle ils traitaient
les prêtres, les églises, la religion. On aurait dit une ven-
geance d'Albigeois, ou l'avant-goût des guerres protes-
tantes. On l'eût cru, et l'on se fût trompé. C'était légèreté
gasconne S ou brutalité soldatesque. Probablement aussi,
dans leur étrange christianisme , ils pensaient que c'était
bien fait de piller les saints de la langue d'oil, qu'à coup
sûr ceux de la langue d'oc ne leur en sauraient pas mau-
vais gré. Ils emportaient les reliquaires sans se soucier des
reliques; ils faisaient du calice un gobelet Jetaient les hos-
•
> App,, 123.
ESSAIS DB RÉFORME DANS L'ÊTAt ET DANS L'ÉGUSE. \ 39
fies. Us remplaçaient volontiers leurs pourpoints percés
par des ornements d'église ; d'une chape ils se taillaient
une cotte d'amies, d'un coxporal un bonnet.
Arrivés devant Paris, ils avaient pris Saint-Denis pour
centre, ils logèrent dans la petite ville et dans la riche
abbaye. La tentation était grande. Les religieux, de peur
d'accidents, avaient fait enfouir le trésor du bienheureux;
mais ils n'avaient pas songé à prendre la même précaution
pour la vaisselle d'or et d'argent que la reine leur avait
confiée. Un matin, après la messe, le comte d'Axmagnac
réunit au réfectoire l'abbé et les religieux ; il leur expose
que les princes n'ont pris les armes que pour délivrer le
roi et rétablir la justice dans le royaume, que tout le monde
doit aider à une si louable entreprise. « Nous attendons
de l'argent, dit-il, mais il n'arrive pas; la reine ne sera pas
fâchée, j en suis sûr, de nous prêter la vaisselle pour payer
nos troupes; messieurs les princes vous en donneront
bonne décharge, scellée de leur sceau. » Cela dit, sans s'ar-
rêter aux représentations des religieux, il se fait ouvrir la
porte du Trésor, entre, le marteau à la main» et force les
cofires. Encore né craignit-il pas de dire que si cela ne
suffisait pas, il faudrait bien aussi que le trésor du saint
contribuât. Les moines se le tinrent pour dit, et firent
sortir de l'abbaye ceux des leurs qui connaissaient la ca-
chette t.
Des gens qui prenaient de telles libertés avec les saints
ne pouvaient pas être fort dévots à l'autre religion de la
France, la royauté* Ce roi fou que les gens du Nord, que
Paris, au milieu de ses plus grandes violences, ne voyaient
qu'avec amour, ceux du Midi n'y trouvaient rien que de
risible. Quand ils prenaient un paysan, et que, pour
s'amuser, ils lui coupaient les oreilles ou le nez : « Va,
disaient-ils; va maintenant te montrer à ton idiot de roi*.»
* App., 123.
* • Ite ad regem vestnim insannm, innlilem et captivum. * Reiigieiix.
140 LUTTB DBS DEUX PARTIS. — CABOCDIKNS.
Ces dérisions, ces impiétés, ces cruautés atroces, ren-
dirent service au duc de Bourgogne. Les villes affamées par
les pillards tournèrent contre le duc d'Orléans. Les paysans,
désespérés, prirent la croix de Bourgogne, et tombèrent
souvent sur les soldats isolés. Avec tout cela, il n'y avait
guère en France d'autre force militaire que les Armagnacs.
Le duc de Bourgogne, ne pouvant leur faire lâcher Paris,
qu'ils serraient de tous côtés, eut recours à la dernière, à
la plus dangereuse ressource : il appela les Anglais <.
Les choses en étaient venues à ce point, que les Anglais
étaient moins odieux aux Français du Nord que les Fran-
çais du Midi. Le duc de Bourgogne conclut d'abord une
trêve marchande avec les Anglais, dans l'intérêt delà
Flandre ; puis il leur demanda des troupes, offrant de
donner une de ses filles en mariage au fils atné d'Henri IV
{\^^ septembre 14H). Quelles furent les conditions, quelle
part da la France leur promit-il? Bien ne l'indique. Le
parti d'Orléans publia qu'il faisait hommage de la Flandre
à l'Anglais, et s'engageait à lui faire rendre la Guienneet
la Normandie.
L'arrivée des troupes anglaises fit refluer les Armagnacs
de Paris à la Loire, jusqu'à Bourges, jusqu'à Poitiers. Ils
perdirent môme Poitiers; mais les princes tinrent dans
Bourges, où le duc de Bourgogne vint les assiéger avec les
Anglais, avec le roi, qu'il traînait partout. Néanmoins, le
siège fut long. Le manque de vivres , les exhalaisons des
marais, des champs pleins de cadavres, la peste enfin,
qui/ du camp, se répandit dans le royaume, déci-
dèrent les deux partis à une vaine et fausse paix, qui fut
i Selon le Religieux de Saint-Denis, qui prit des informations à ce
sujet, le duc d'Orléans pria le roi d* Angleterre, au nom de la parenté
qui les unissait» de ne pas envoyer de troupes à son adversaire.
Henri IV répondit qu'il avait craint de soulever les Anglais (alliés des
Flaraands)^ et qu'il avait accepté les offres du duc de Bourgogne.
* Uymer.
ESSAIS m RiFORMB DANS L'ÉTAT ET DANS L'ÉGLISE. U1
% peine une trêve (traité de Bourges, ^5 juillet U12). Le
duc de Bourgogne promettait ce qu'il ne pouvait tenir,
d'obliger les siens à rendre aux princes leurs biens confis-
qués. Tout ce que le duc d'Orléans y gagna, ce fut de faire
quelque réparation à la mémoire de Montaîgu ; le prévôt
de Paris alla détacher son corps du gibet de Montfaucon et
le fit enterrer honorablement.
Cependant les Orléanais, voyant que leur adversaire ne
les avait chassés que par le secours de l'Anglais, essayaient
de le détacher à tout prix du Bourguignon. Celui-ci, au
contraire, était déjà las de ses alliés, et il avait envoyé des
troupes pour les combattre en Guienne. Le comte d'Ar-
magnac prit à l'instant la -croix rouge, et se fit Anglais,
confirmant ainsi les accusations du duc de Bourgogne. Il
avait fait publier à grand bruit dans Paris qu'on avait saisi
sur un moine les papiers des princes et les propositions
qu'ils faisaient aux ennemis. Ils avaient fait serment, disait-
on, de tuer le roi, de brûler Paris, de partager la France.
Cette bizarre invention du parti de Bourgogne produisit le
plus grand effet à Paris*. Les gens de l'Université, les
bourgeois, tout le peuple, les femmes et les enfants, pro-
nonçaient mille imprécations contre ceux qui livraient
ainsi le roi et le royaume. Le pauvre roi pleurait, et de-
mandait ce qu'il fallait faire.
Le traité réel était assez odieux sans y ajouter ces fablos :
les princes faisaient hommage à l'Anglais, s'engageaient à
lui faire recouvrer ses droits, et lui remettaient vingt places
dans le Midi. Pour tant d'avantages, il ne laissait aux ducs
de Berri et d'Orléans, le Poitou, l'Angoumois et le Péri-
gord, que leur vie durant. Le seul comte d'Armagnac con-
servait tous ses fiefs à perpétuité. Le traité visiblement était
son ouvrage* (48 mai U12).
Ainsi, des princes sans cœur jouaient tour à tour à ce jeu
* App,, i%ï. ^ * Rymer.
442 LOTIS DBB DEUX FABTIS. -* CABOGBIE!».
funeste, d'appeler rennemi du royaume. La chose était
pourtant sérieuse* Us 8*en seraient aperçus bientôt, si la
mort d'Henri lY n'eût donné un répit à la France* Trahie
par les deux partis, n'ayant rien à attendre que d'elle, elle
va essayer dans ceiintervaile de faiie ses affaires ella-mâme.
En est-elle déjà capable? on peut en douter.
Pans cette période de cinq imnées, entre on crime et
un crime, le meurtre du duc d'Orléans et le traité avec
l'Anglais, les partis ont prouvé leur impuissance pour la
paix et pour la guerre; trois traités n'ont servi qu*à eni^e-
nimer les haines.
Est-ce à dire pourtant que ces tristes années aient été
perdues, que le temps ait coulé en vain?... Non, il n'y a
point d'années perdues ; le temps a porté son fruit. D'aboïd,
les deux moitiés de la France se sont rapprochées, il est
vrai, pour se haïr; le Midi est venu visiter le Nord, comme
au temps des Albigeois le Nord visita le Midi. Ces rappro-
chements, même hostiles, étaient pourtant nécessaires;
il fallait que la France, pour devenir une plus tard, se
connût d'abord, qu'elle se vit, comme elle était, diverse
encore et hétérogène.
Ainsi se prépare de loin l'unité de la nation. Déjà le
sentiment national est éveillé par les fréquents appds à
l'opinion publique, que Cotnt les partis dans cette courte
période. Ces manifestes continuels pour ou contre le doc
de Bourgogne ^, ces prédications politiques dans Tintérêt
des factions, ces représentations théâtrales où la foule est
admise comme témoin des grands actes poUtiques, l'écha-
faud de Chartres, le sermon de la NeutraUté, tout cela,
c'est déjà implicitement un appel au peuple.
Dans les pédantesques harangues, du temps, parmi los
violences, les mensonges, parmi le sang et la boue, iJ y a
• App., 125.
ESSAIS DE REFORME DANS l'ÉTAT £T DANS l'ÉGLISE. U3
pourtant une chose qui fait la force du parti de Bourgogne,
si souillé et si coupable, à savoir : l'aveu solennel de la
responsabilité des puissants, des princes et des rois. L'Uni-
* versité professe cette doctrine alors inouïe, qu'un roi qui
accable ses sujets d'exactions injustes peut et doit être
déposé. Cette parole est réprouvée; mais ne croyez pas
qu'elle tombe. Des pensées inconnues fermentent. C'est vers
cette époque, ce semble, qu'au front même de la cathédrale
de Chartres, témoin de l'humiliation des princes, im
sculpte une figure nouvelle, celle de la Liberté*; liberté
morale, sans doute, mais l'idée de la. libellé politique s'y
mêle et s'y ajoute peu à peu.
Le duc de Bourgogne était bien indigne d'être le repré-
sentant du principe moderne. Ce principe ne se démêle en
lui qu'à travers la double laideur du crime et des contra-
dictions. Le meurtrier vient pavler d'ordre, de réforme et
de bien public ; il vient attester les lois, lui qui a tué la loi;
nous allons pourtant voir paraître, sôus les auspices de cet
odieux parti, la grande ordonnance du xv« siècle.
Autre bizarrerie. Ce prince féodal, qui vient, à la tête
d'une noblesse acharnée, d'exterminer la commune de
Liège, il puise dans cette victoire même la force qui relève
la commune de Paris ; là-bas prince des barons, ici prince
des bouchers.
Ces contradictions font, nous l'avons dit, la laideur du
siècle, celle surtout du parti bourguignon. Le chef, au
reste, parut comprendre que, quoi qu'il eût fait, il n'avait
rien fait lui-même, qu'il ne pouvait pas grand'chose.
Lorsque l'Université proposa de tirer des trois États des
gens sages et non suspects pour aider au gouvernement, il
prononça cette grande parole : « Qu'en effet, il ne se sentait
pas capable de gouverner si grand royaume que le royaume
de France^.
lilfp^ltt.— I «Iad%niu&sexfiHU»vitrefiiBtiieUBlirffniuteiat
regaum Francio). •
^
V
CHAPITRE III
Essais de réforme dans l'État et dans l'Église. — Gabochiens de Paris;
grande ordonnance. — Ck>nciles de Pise et de Constance. i409-i4iS.
Le gouvernement d'un seul' étant avoué impossible, il
fallut bien essayer du gouvernement de plusieurs. Le parti
de Bourgogne, dans sa détresse, convoqua, au nom du roi,
une grande assemblée des députés des villes, des prélats,
chapitres, etc. (30 janvier 4413.) Cette assemblée de nota-
bles est qualifiée par quelques-uns du nom d*États-Géné'
raux. Us furent si peu généraux qu*il n'y vînt presque
personne, sauf les envoyés de quelques villes du centre.
Dans ce moment de crise, entre la guerre civile et la guerre
étrangère, que l'on voyait imminente, la France se chercha,
et elle ne put se trouver.
C'était, il est vrai, Thiver; les chemins impraticables,
pleins de bandits ; la moitié du royaume étrangère ou hos-
tile à l'autre. H vint peu de gens, et ce peu ne savait qoe
dire. Il n'y avait point de traditions, de précédents, pour
une telle assemblée; un demi-siècle s'était écoulé depuis
les derniers Ëtats. Les gens de Reims, de Rouen, de Sens
et de Bourges parlèrent seuls, ou plutôt prêchèrent sur un
texte de l'Écriture, prouvant doctement les avantages de
la paix, mais avec non moins de force l'impossibilité de
payer pour finir la guerre ; ils concluaient qu'il fallait avant
tout recouvrer les deniers mal perçus ou détournés. Maître
CONCILE DE PISE. 44Ç
Benoit Genti^n, célèbre docteur et moine de Saint-Denis,
parla au nom de Paris et de TUniversité. Il demanda des
réforores, indiqua des abus, déclama contre l'ambition et
la convoitise, toutefois en termes généraux et sans nommer
personne. Il déplut à tout le monde.
Dans la réalité, les maux étaient trop grands pour s'en
tenir à. une médecine expectante. Les généralités vagues
n'avançaient à rien. L'assemblée fut congédiée; Paris prit
la parole, au défaut de la France, Paris, et la voix de Paris,
son Université.
L'Université, nous l'avons vu/ avait plus de zèle que de
capacité pour s'acquitter d'une telle tâche. Elle avait grand
besoin d'être dirigée. Or, il n'y'avait qu'une classe qui pût
le faire, qui eût connaissance des lois, des faits, et quelque
esprit pratique *: c'étaient les membres des hautes cours,
du Parlement ^ de la Chambre des comptes et de la Cour
des aides. Je ne vois pas que l'Université se soit adressée
aux deux derniers corps; leur extrême timidité lui était
sans doute trop bien connue ; mais elle demanda l'appui
du Parlement, l'engageant à se joindre à elle pour de-
mander les réformes nécessaires.
Le Parlement n'aimait pasl'Université, qui dès longtemps
l'avait fait déclarer imcompétent dans les causes qui la re-
gardaient ; la victoire récente deïa juridiction ecclésiastique
(i 408) n'était pas propre à les réconcilier. Celte puissance
tumultueuse, qui peu à peu devenait l'alliée de la popu-
lace, était antipathique à la gravité des parlementaires,
autant qu'à leurs habitudes de respect pour l'autorité
rojale. Us répondirent à l'Université de la manière sui-
vante : a II ne convient pas à une cour établie pour rendre
la justice au nom du roi de se rendre partie plaignante
pour la demander. Au surplus, le Parlement est toujours
1 C'était ropioion de Ciémengis. Il implore dans ses lettres Tinterven*
tion du Parlement comme l'unique remède aux maux présenta et futuM
du royaume, ilpp., 127.
I?, 40
146 ESSAIS DE REFORME DANS L'ÉTAT ET DANS l'ÉGUSB.
prCl, toutes et quantes fois il plaira au roi de choisir quel*
jqaes-uns de ses membres pour s'occuper des affaires du
xroyaiime. L'Université et le corps de la ville sauront bien
ne faire nulle chose qui ne soit à faire. »
I Ce refus du Parlement de prendre part à la révohition
devait la rendre violente et impuissante. Paris et l'Univer-
sité pouvaient dès lors faire ce qu'ils voulaient, obtenir des
réformes, de belles ordonnances; il n'y avait personne
pour les exécuter. Il faut aux lois des hommes pour qu'elles
soient vivante^, efficaces. Le temps, les habitudes, les
mœurs, peuvent seuls faire ces hommes.
Je dirai ailleurs tout au long ce que je pense du Parle-
ment, comme cour de justice. Ce n'est pas en passant qu'on
peut qualifier ce long travail de la transformation du droit,
cette œuvre d'interprétation, de ruse et d*équivoque *. Qu'A
me suffise ici de regarder le Parlement du point de vue
extérieur, et d'expliquer pourquoi un corps qui pouvait
agir si utilement refusa son concours.
Le Parlement n'avait pas besoin de prendre le pouvoir
des mains de l'Université et du peuple de Paris ; le pouvoir
lui venait invinciblement par la force des choses. Il craignit
avec raison de compromettre, par une intervention directe
dans les affaires, TinQuence indirecte, mais toute-puissante,
qu'il acquérait chaque jour. Il n'avait garde d'ébranler
l'autorité royale, lorsque cette autorité devenait peu à peu
la sienne.
La juridiction du Parlement de Paris avait toujours gagné
dans le cours du xiv® siècle. Ceux qui avaient le plus ré-
clamé contre elle finissaient par regarder comme un pri-
vilège d'être jugé par le Parlement. Les églises et les
chapitres réclamaient souvent cette faveur.
Suprême cour du roi, le Parlement voyait, non-seule-
ment les baillis du roi et ses juges d'épée, mais les barons,
* App., 128.
CONCILE BE PISK. ^ 147
les plus grands seigneurs féodaux, attendre à la grand'salle
et soUietter humblement. Récemment il avait porté une
sentence de mort et de confiscation contre lé comte de
Périgord^. Il recevait appel contre les princes, contre le
duc de Bretagne, contre le duc d'Anjou frère du roi (1328»
4371). Bien plus, le roi, en plusieurs cas, lui avait subor-
donné son autorité même, lui défendant d'obéir aux lettres
royaux, déchirant en quelque sorte que la sagesse du Par-
lement était moins faillible, plus sûre, plus constante, plu&
royale q«e celle du roi^.
€ Le Parlement, dit-il encore dans ses ordonnances, est
le miroir de justice. Le Ghàtelet et tous les tribunaux
doivent suivre le style du Parlement. »
AdmiraUe ascendant de la raison et de la sagesse I Dans
la défiance universelle où Ton était de tout le reste, cette
cour de justice fut obligée d'accepter toute sorte de pou*
voirs administratifs, de police, d'ordre communal, etc.
Paris se reposa sur le Parlement du soin de sa subsistance;
le pain, l'arrivage de la marée, une foule d'autres détails,
la surveillance des monnayeurs, des barbiers ou chirur-
giens, celle du pavé de la ville, ressortiront à lui. Le roi
lui donna à régler sa maison '.
Les seules puissances qui résistassent à cette attraction,,
c^étaient, outre F Université S les grandes cours fiscales, la
Chambre des comptes, la Cour des aides ^. Encore voyons-
nous, dans une grande occasion, qu'il est ordonné aux ré-
formateurs des aides et finances de consulter le Parlement^.
On croit devoir expliquer que si les mallres des comptes
sont juges sans appel, c'est c qu'il y aurait inconvénient à
transporter les registres, pour les mettre sous les yeux du
Parlement 7. »
* App., 129. — * V. Ordonnances, poiitm, particnlièrement aux an*
nées 13i4, 4359, 1389, 1400. — > Ord., ann. 1358, 1369, 1372, 13t^2.
— * Ord., ann. 1306.
» Ord., ann. 1375. - • Ord., aan. 1374. ~ ^ Ord., aon. iiOS.
448 E33AIS DE RÉFORME DANS C'ÉTÀT ET DANS l'ÉGLISE.
li fut réglé en 1388 et i400, ordonné de nouveau en
4413, que le Parlement se recruterait lui-môme par voie
d'élection*. Dès lors il forma un corps, et devint de plus en
plus homogène. Les charges ne sortirent plus des mêmes
familles. Transmises par mariage, par vente même, elles
ne passèrent guère qu'à des sujets capables et dignes. Il y
eut des familles parlementaires, des mœurs parlementaires.
Cette image de sainteté laïque que la France avait vue une
fois, en un homme, en un roi, elle l'eut immuable dans ce
roi judiciaire, sans caprice, sans passion, sauf Fintérêt de
la royauté. La stabilité de Tordre judiciaire se trouve ainsi
fondée, au moment oii Tordre politique va subir les plus
rapides variations. Quoi qu'il advienne, la France aura un
dépôt de bonnes traditions et de sagesse ; dans les moments
extrêmes où la royauté, la noblesse, tous ces vieux appuis
lui manqueront, où elle sera au point de s'oublier elle-
même, elle se reconnaîtra au sanctuaire de la justice
civile.
Le Parlement n'a donc pas tort de se refuser à sortir de
cette immobilité si utile à la France. Il regardera passer la
révolution, il lui survivra, pour en reprendre et en appli-
quer à petit bruit les résultats les plus utiles.
Le Parlement se récusant, l'Université n'en alla pas
moins son chemin. Cette bizarre puissance, théologique,
démocratique et révolutionnaire, n'était guère propre à
réformer le royaume. D'abord, elle avait en elle trop peu
d'unité, d'harmonie, pour en donner à l'État. Elle ne savait
pas même si elle était un corps ecclésiastique ou laïque,
quoiqu'elle réclamât les privilèges des clercs. La faculté
de théologie, dans la morgue de son orthodoxie, dans Tor-
gueil de sa victoire sur les chefe de TÉglise, était Église
pourtant. £lle semblait diriger, mais au fond elle était
t On ajoute qu'on élira aussi des nobles, ce qui proiTC qu'ordiuaîre-
ment la chose n'arrivait guère. Ord., ann. i407-8.
CONCILB DE PISE. 149
menée, violentée par la nombreuse et tumultueuse faculté
des Arts (c'est-à-dire de logique)*. Celle-ci, peu d'accord
avec Tautre, ne Tétait pas davantage avec elle«méme ; elle
S6 divisait en quatre nations, et, dans ce qu'on appelait une
nation, il y avait bien des nations diverses, Danois, Irlan-
dais, Écossais, Lombards, etc.
Une révolution avait eu lieu dans l'Université au
xivesiècle. Pour régulariser les études et les mœurs, on avait
peu à peu, par des fondations de bourses et autres moyens,
cloîtré les écoliers dans ce qu'on appelait des collèges. La
plupart des collèges semblaient être au fond la propriété
des boursiers, qui nommaient au scrutin les principaux, les
maîtres. Rien n'était plus démocratique^.
Ces petites républiques cloîtrées de jeunes gens pauvres
étaient, comme on peut croire, animées de l'esprit le plus
inquiet, surtout à l'époque du schisme, où les princes
disposaient de tout dans l'Église, et fermaient aux univer-
sitaires l'accès des bénéfices. Dans ces tristes demeures,
sous l'influence de la sèche et stérile éducation du temps,
languissaient sans espoir de vieux écoliers. Il y avait là de
bizarres existences, des gens qui, sans famille, sans amis,
sans connaissance du monde, avaient passé toute une vie
dans les greniers du pays latin, étudiant, faute d'huile, au
clair de la lune, vivant d'arguments ou de jeûnes, ne des-
cendant des sublimes misères de la Montagne, de la goût*
tière de Standonc^, de la lucarne d'où fut jeté Ramus, que
< Les règlemenls de ces deux facnltés se modifièrent en sens inverse.
La faculté de théologie prolongea ses cours; elle exigea six ans d'étude
au lien de cinq avant le baccalauréat. La faculté des arts réduisit ses
cours de six ans à cinq, pois à tro^ et demi, et enfin, en 1600, à deux.
La scolasiique perdait paa à peu son importance. (Balsas.)
* App-, 130.
* Fils d'un cordonnier de Malines^ il vint à Paris comme domestique
ou marmiton, selon l'histoire manuscrite de Sàinte-Geneviôfe : le jour
il était à sa cuisine, la nuit il se retirait au clocher de l'église, et y étu-
diait i^u clair de lune. 11 entra au collège de Montaigu, releva ce collège
^
150 ESSAIS DE RÉFORME DAKS L'ÊTàT ET DANS L'ÉGLISE.
pour disputer à mort dans la boue de la rue du Fouarre ou
4le la place Maubert.
Les moines Mendiants, nouveaux membres de TCniver-
sité, avaieitf , outre Taigreur de la scolastique, celle de la
pauvreté ; ils étaient souvent haineux et envieux pardessus
toute créature ; misérables, et faisant de leur misère un
système, ils ne demandaient pas mieux que de Tinfliger
aux autres. On a dit (et je crois qu'il en était ainsi pour
beaucoup d*entre eux) qu'ils ne comprenaient le christia-
nisme que comme religion de la mort et de la. douleur.
Mortifiés et mortifiants, ils se tuaient d'abstinences et de
violences, et ils étaient prêts à traiter le prochain comme
eux-mêmes. C'est parmi eux que le duc de Bourgogne
trouva sans peine des gens pour louer le meurtre.
Le mépris que les autres ordres avaient pour les Mai-
diants était propre à irriter cette disposition farouche. Or,
parmi les Mendiants, il y avait un ordre moins important,
moins nombreux que les Dominicains et les Franciscains,
mais plus bigarre, phis excentrique, et dont les autres
Mendiants se moquaient eux-mêmes. Cet ordre, celui des
Carmes, ne se contentait pas d*une^ origine chrétienne ; ib
voulaient, comme les Templiers, remonter plus haut que
le christianisme ^ Ermites du mont Carmel, descendants
d'Élie, ils se piquaient d'imiter Taustérité des prophètes
hébraïques, de ces terribles mangeurs de sauterelles qui,
dans le désert, luttaient contre l'esprit de Dieu^.
Un carme, Eustache de Pavilly, se chargea de lire la
remontrance de l'Université au roi. Cet Élie de la place
Maubert parla presque aussi durement que celui du Carmel.
«Ion miaé, et en fat comme le second fondatevr. U n'en est pis moins
célèbre poar la Tioleace arec laquelle il- prêcha contre le dirorce do
Louis XII.
< App., 131.
* La régie des Carines était très-propre à développer l'eialtation : de
longs jeènes, de longs silences, les jours et les ouile paisés dans une
cellule.
CO>XILE DE PISE. 151
On ne pouvait du moins reprocher à cette remontrance
d'être générale et vague. Rien n'était plus net^ Le carme
n'accusait pas seulement les abus, il dénonçait les hommes ;■
il les nommait hardiment par leurs noms, en tête le prévôt
' . Desessarts, jusque-là Fhomme des Bourguignons, celui
qui avait arrêté Montaigu. Mais alors on n'était plus sûr de
lui et il venait de se brouiller avec l'Université*.
Le duc de Bourgogne accueillit la remontrance. Menacé
par les princes, et voyant le dauphin, son gendre, s'éloigner
de lui, il résolut de s'appuyer sur FUniversité et sur Paris.
n força le conseil à destituer les financiers, comme l'Uni-
versité le demandait. Desessarts se sauva, déclarant qu'en
effet il lui manquait deux millions, mais qu'il en avait les
reçus du duc de Bourgogne.
Celui-ci se trouvait fort intéressé à tenir loin un tel
accusateur. Un mois après, il apprend qu'il est revenu»
qu'il a forcé le pont de Charenton, et qu'il occupe la
Bastille au nom du dauphin. Les conseillers du dauphin
s'étaient imaginé que, la Bastille prise, Paris tournerait
pour lui contre le duc de Bourgogne. Il en fut tout autre-
ment. Le poste de Charenton, qui assurait les arrivages de
la haute Seine et les approvisionnements de la ville, était
la chose du monde qui intéressait le plus les Parisiens.
L'attaque de ce poste fit croire que Desessarts voulait
affamer Paris. Un immense flot de peuple vint heurter à
rhôtel de ville, réclamant l'étendard de la commune, pour
aller attaquer la Bastille. Le premier jour, on parvint à les
renvoyer 3. Le second, ils prirent l'étendard et assiégèrent
Ta forteresse. Us auraient eu peine à la forcer. Mais le duc
« App.f t3J.
* DeMoarts et son frère recevaient on prenaient beaucoup cPargent.
Mais l'Université avait contre le prévôt un sujet particulier de haiue. Il
avait pris parti contre les écoliers dans leur querelle avec un sergent du
prévdt qui était en même temps aubergiàte, et qui, en dërtston des éco-
liers, avait traîné un âne mort à la porte du collège d'HarcourL
* Ils respectèrent la courageuse résistance du clerc de i'bûtel de ville»
452 ESSAIS DE RÉFORME DANS l'ÉTAT ET DANS L'ÉGLISB.
(le Bourgogne aida : il décicfa Desessarts effrayé de sortir,
lui répondant de la vie^ Il lui fit une croix sur le dos de sa
main, et jura dessus. Le duc croyait mener le peuple; il
vit bientôt qu'il le suivait.
Ceux qui venaient de planter rêtendard de la commune
contre une forteresse royale n*étaient pourtant pas, autant
qu'on pourrait croire, des ennemis de Tordre. Us ne mirent
pas la main sur Desessarts, ne lui firent aucun mal; ils
voulaient qu'on lui fit son procès. Ils le menèrent au
château du Louvre, et lui donnèrent une garde demi-
bourgeoise et demi-royale.
Ces hommes, modérés dans la violence même, n'étaient
pas des gens de la bonne bourgeoisie de Paris, de celle
qui fournissait les échevins, les cinquanteniers. Cette
bourgeoisie avait parlé par l'organe de Benoît Gentieii,
parlé modérément, vaguement; elle était incapable d'agir.
Les cinquanteniers avaient fait ce qu'ils avaient pu pour
empêcher qu'on ne marchât sur la Bastille. Il y avait des
gens plus forts qu'eux, et que la foule suivait plus volon-
tiers, gens riches, mais qui, par leur position, leur métier
et leurs habitudes, se rapprochaient du petit peuple :
c'étaient les maîtres bouchers, maîtres héréditaires des
étaux de la grande boucherie et de la bouche) ie Sainte-
Geneviève^. Ces étaux passaient, comme des fiefs, d'hoir
en hoir, et toujours aux mâles. Les mêmes familles les ont
possédés pendant plusieurs siècles. Ainsi les Saint- Yon et les ,
Thibert, déjàimportants sous Charles V (1376), subsistaient '
encore au dernier siècle 3. Ce qui, malgré leur richesse,
leur conservait les habitudes énergiques du métier, c^est
qu'il leur était enjoint d'exercereux-mémes, de sorte que,
tout riches qu'ils pouvaient être, ces seigneurs bouchers
* Le duc lui dit : • Mon ami, ne te soucie; car je te jare que ta
n'auras autre garde que de mon propre corps. Et lai fit la croix sur le
dos de la main« et l'emmena. » Juvcnal. '
*App., 133. ^^App., 134.
CONCILE DE PISE. 453
restaient de vrais bouchers, tuant, saignant et détaillant la
viande.
C'étaient du reste des gens rangés, réguliers, et souvent
dévots. Ceux de la grande boucherie étaient fort afifec-
tionnés à la paroisse, Saint- Jacques- la-Boucherie. Nous
voyons, dans les actes de Saint-Jacques, le boucher Alain^
y acheter une lucarne pour voir la messe de chez lui *, et
le boucher Haussecul une clef de TégUse pour y faire à
toute heure ses dévotions.
Dans cette classe honnête, mais grossière et violente, les
plus violents étaient les bouchers de la boucherie Sainte*
Geneviève, les Legoix surtout. Ceux-ci, anciens vassaux
de l'abbaye, vivaient assez mal avec elle. lis s'obstinaient»
malgré l'abbé, à vendre de la viande les jours maigres, et
de plus, à fondre leur suif chez eux, au risque de brûler
le quartier. Établis au milieu des écoles et des disputes,
ils participaient à l'exaltation des écoliers. La boucherie
Sainte-Geneviève était justement près de la Croix des
Carmes, et, par conséquent, à la porte du couvent des
Carmes ; les Legoix étaient ainsi voisins, amis sans doute
de ce violent moine Eustache de Pavilly, le harangueur de
l'Université.
La force des maîtres bouchers, c'était une armée de
garçons, de valets, tueurs, assommeurs, écorcheurs, dont
ils disposaient. II y avait parmi ces garçons, des hommes
remarquables par leur audace brutale, deux surtout,
l'écorcheur Caboche, et le fils d'une tripière. C'étaient des
gens terribles dans une émeute ; mais leurs maîtres, qui
les lançaient, croyaient toujours pouvoir les rappeler.
Il était curieux de voir comment les maîtres bouchers,
ayant un moment Paris entre les mains, J^aris, le roi, la
reine et le dauphin, comment ils useraient de ce grand
pouvoir. Ces gens, honnêtes au fond, religieux et loyaux»
45i ESSAIS DE RÉFORME DANS L ÉTAT ET DANS L EGLISE.
regardaient tous les maux du royaume comme la suite dn
mal du roi, et ce mal lui-même comme une punition de
Dieu. Dieu ayait frappé pour leurs péchés le roi et le duc,
d'Orléans son frère. Restait le jeune dauphin; ils mettaient'
en lui leur espoir ; toute leur crainte était que le châtiment
ne s'étendît à celui-ci, qu'il ne ressemblât à son père*. Ce
prince, tout jeune qu'il était, leur donnait sous ce rapport
beaucoup d^inquiétude. Il était dépensier, n'aimait que les
beaux habits ; ses habitudes étaient toutes contraires à
celles des bourgeois rangés. Ces gens, qui se couchaient
de bonne heure, entendaient toute la nuit la musique du
dauphin ; il lui fallait des orgues, des enfants de choeur,
pour ses fêtes mondaines. Tout le monde en était scan-
dalisé.
Ils avisèrent, dans leur sagesse, qu'ils devaient, pour
réformer le royaume, réformer d'abord l'héritier du
royaume, éloigner de lui ceux qui le perdaient, veiller à sa
santé corporelle et spirituelle.
Pendant que Dcsessarts était encore dans la Bastille
s'excusant sur les ordres du dauphin, nos bouchers se ren-
daient à Saint-Paul, ayant à leur tête un vieux chirurgien.
Jean de Troyes, homme d'une figure respectable et qui
parlait à merveille. Le dauphin, tout tremblant, se mit à sa
fenêtre, par le conseil du duc de Bourgogne, et le chirur-
gien parla ainsi : « Monseigneur, vous voyez vos très-
humbles sujets, les bourgeois de Paris, en armes devant
vous. Ils veulent seulement vous montrer par là quils ne
craindraient pas d'exposer leur vie pour votre sem'ce,
comme ils l'ont déjà su faire; tout leur déplaisir est que
votre royale jeunesse ne brille pas à Tégal de vos ancétn^
et que vous soyez détourné de suivre leurs traces par les
traîtres qui vous obsèdent et vous gouvernent. Chacun sait
qu'ils prennent à tâche de corrompre vos bonnes mœurs,
• App., 136.
CONCILE DE PISE. 455
et de vous jeter dans le dérèglement. Nous n'ignorons pas
que notre bonne reine, votre mère, en est fort mal con-
tente; les princes de votre sang eux-mêmes craignent que
lorsque vous serez en âge de régner, votre mauvaise
éducation ne vous en rende incapable. La juste aversion
que nous avons contre des hommes si dignes de châtiment
nous a fait solliciter assez souvent qu'on les ôtât de votre
service. Nous sommes résolus de titrer aujourd'hui ven-
geance de leur trahison, et nous vous dcmandons.de les
mettre entre nos mains. 9
Les cris de la foule témoignèrent que le vieux chirurgien
avait parlé selon ses sentiments. Le dauphin, avec assez
de fermeté, répondit : « Messieurs les bons bourgeois, je
vous supplie dé retourner à vos métiers, et de ne point
montrer ccCte furieuse animosité contre des serviteurs qui
me sont attachés. »
c Si vous connaissez des traîtres, dit le chancelier du
dauphin, croyant les intimider, on les punira, nommez-les.
« — Vous, d*abord, » lui crièrent-ils. Et ils lui remirent
une liste de cinquante seigneurs ou gentilshommes, en tcte
de laquelle se trouvait son nom. Il fut forcé de la lire tout
haut, et plus d'une fois.
Le dauphin, tremblant, pleurant, rouge de colère, mais
voyant bien pourtant qu'il n'y avait pas moyen de résister,
prit une croix d'or que portait sa femme, et lit jurer au duc
de Bourgogne qu'il n'arriverait aucun mal à ceux que le
peuple allait saisir. Il jura, comme pour Desessarts, ce
qu'il ne pouvait tenir. \
Cependant ils enfonçaient les portes, et se mettaient à
fouiller l'hôtel du roi pour y chercher les traîtres. Us
saisirent le duc de Bar, cousin du roi, puis le chancelier
du dauphin, le sire de la Rivière, son chambellan, son
écuyer tranchant, ses valets de chambre et quelques
autres. Ils en airachèrent un brutalement à la dauphine,
fille du duc de Bourgogne, qui voulait le sauver. Tous les
156 ESSAIS DE RÉFORME DANS L'ÉTAT ET DANS L'ÉGLISE.
t
prisonniers, mis à cheval, furent menés à l'hôtel du duc
de Bourgogne, puis à la tour du Louvre.
Tous n*arrivèrent pas jusqu'au Louvre. Us égorgèreol
ou jetèrent à la Seine ceux qu'ils croyaient coupables des
dérèglements du dauphin ou de ses folles dépenses, on
riche tapissier, un pauvre diable de musicien appelé
Courtebotte. Ils rencontrèrent aussi un habile mécanicien
ou ingénieur, qui avait Jàïdé le duc de Berri à défendre
Bourges; quelqu'un s'étant avisé de dire crue cet homme se
vantait de pouvoir mettre le feu à la ville, sans qu'on pût
l'éteindre, il fut tué à l'instant.
Les bouchers croyaient avoir fait une chose méritoire et
comptaient bien être remerciés; ils vinrent le lendemain
à l'hôtel de ville. Là, les gros bourgeois, échevins et autres,
repassaient en frémissant les événements de la veille,
l'hôtel royal forcé, l'enlèvement des serviteurs du roi, le
sang versé. Ils craignaient que le duc d'Orléans ei les
princes ne vinssent, en punition, anéantir la ville de Paris.
Ils avaient peur des princes; mais, d'autre part, ils avaient
peur des bouchers ; ils n'osaient les désavouer. Us envoyè-
rent aux princes quelques-uns des'leurs avec des docteurs
de l'Université, pour leur faire entendre, s'ils pouvaient,
que tout s'était fait par bonne intention et sans quon
voulût leur déplaire.
Cependant les bouchers, persévérant dans leur projet de
réformer les mœurs du dauphin, ne cessaient de revenir
à Saint-Paul, ou d'y envoyer des docteurs de leur parti.
C'était un spectacle terrible et comique que ce peuple,
naïvement moral et religieux dans sa férocité, qui ne
songeait ni à détruire le pouvoir royal, ni à le transporter
aune autre maison, pas môme à une autre branche, mais
qui voulait seulement amender la royauté, qui venait lui
tâter le pouls, la médeciner gravement. L'hygiène appli-
quée à la politique^ n'avait rien d'absurde, lorsque TÈtat
I App:, 137.
CONaLE DE PISE. 157
se trouvant encore renfermé dans la personne du roi,
languissait de ses infirmités, était fol de sa folie.
Le carme Eustache Pavilly s'était particulièrement chargé
d*administrer au jeune prince cette médecine morale, n'y
épargnant nul Remède héroïque. 11 lui^disait en face, par
exemple : « Âh I Monseigneur, que vous êtes changé ! tant
que vous vous êtes laissé éduquer et conduire au bon gou-
vernement de votre respectable mère, vous donniez tout
l'espoir qu'on peut concevoir d'un jeune homme bien né.
Tout le monde bénissait Dieu d'avoir donné au roi un
successeur si docile aux bons enseignements. Mais, une
fois échappé aux directions maternelles, vous n'avez que
trop ouvert l'oreille à des gens qui vous ont rendu indcvot
envers Dieu, paresseux et lent à expédier les affaires. Ils
vous ont appris, chose odieuse et insupportable aux bons
sujets du roi, à faire de la nuit le jour, à passer le temps en
mangeries, en vilainçs danses et autres choses peu conve-
nables à la majesté royale. »
Pavilly l'admonestait ainsi, tantôt en présence de la
reine, tantôt devant les princes. Une fois, il lui fit entendre
tout un traité complet de la conduite des princes ^ exami-
nant dans le plus grand détail toutes les vertus qui peuvent
rendre digne du trône, et rappelant tous les exemples des
vertus et des vices que l'histoire, surtout l'histoire de
France, pouvait présenter. Les derniers exemples étaient
ceux du roi encore vivant et de son frère, celui du dauphin
même, qui, s'il ne s'amendait, obligerait de transférer son
droit d'ainesse à son jeune frère, ainsi que la reine l'en
avait menacé.
11 conclut en demandant qu'on?choisît des commissaires
pour informer contre les dissipateurs des deniers publies,
d'autres pour faire le procès des traîtres emprisonnés,
enfin, des capitaines contre le conte d'Armagnac. « Ce
^ • Ex quibus posset componi tractatas val Je mngnus. • Religieux.
V
158 ESSAIS DE RfiFORMS DANS L ETAT ET DANS L EGLISE.
peuple, ajoutait-il, est là pour m'avouer detoutcda;je
viens d'exposer ses humbles demandes, b
Le dauphin répondait doucement; mais il n'y pouvait
plus tenir. Il aurait voulu s*échapper. Le comte de Vertus,
frère du duc d'Orléans, s'était enfui sous on déguisement.
, Le dauphin eut l'imprudence d'écrire aux princes devenir
le délivrer. Les bouchers, qai s'en doutaient, prirent leurs
mesures pour que leur royal pupiDe ne pût échapper à
leur surveillance; ils mirent bonne garde aux portes de la
ville, et s'assurèrent de l'hôtel Saint-PauH, dont ils consti-
tuèrent gardien et concierge le sage chirurgien Jean de
Troyes. Et cependant ils faisaient jour et nuit des rondes
autour a pour la sûreté du roi et de monseigneur le due
de Guienne. » C'est ainsi qu'on nommait le dauphin.
Garder son roi et héritier du royaume, les tenir en
geôle, c'était une situation nouvelle, étrange, et qui devait
étonner les bouchers eux-mômes. Mais quand ils se seraient
repentis, ils n'étaient plus maîtres. Leurs valets, qulls
avaient menés d'abord, les menaient maintenant à leur
tour. Les héros du parti étaient les écorcheurs, le fils de
la tripière, Caboche et Denisot. Ils avaient pour capitaine
un chevalier bourguignon, Hélion de Jacquevtlle, aussi
brutal qu'eux. La garde des deux postes de conGance, d'où
dépendaient les vivres, Charenton et Saint-Clond, les
écorcheurs se l'étaient réservée à eux-mêmes. Apparem-
ment les maîtres bouchers n'étaient plus jugés assez sûrs.
Le duc de Bourgogne n'en était pas sans doute à regretter
ce qu'il avait fait. Les Parisiens gardant le dauphin, les
Gantais voulurent garder le fils du duc de Bourgogne'. Ds
vinrent le demander à Paris. Les Parisiens avaient pris le
blanc chaperon de Gand ; les Gantais le reprirent de leur
main. Le duc de Bourgogne fut obligé d'envoyer son fils
* • Gardèrent carieusement les portes..., et disoient aocans d'eux
qu'on lo faisoit pour sa correction, car il estoit de jeune âge. • MonsUelet.
* App., 133.
CONCILE DE PISE. 459
aux Gantais, de leur donner ce précieux otage. Il subit le
chaperon.
Un jour que le roi mieux portant allait en grande
pompe remercier Dieu à Notre-Dame, avec ses princes et
sa noblesse, le vieux Jean de Troyes se trouve sur son pas-
sage avec le corps de ville ; il supplie le roi de prendre le
chaperon, en signe de Taffection cordiale qu'il a pour sa
ville de Paris. Le roi Faccepte bonnement. Dès lors il fallut
bien que tout le monde le portât^, le recteur, les gens du
Parlement. Malheur à ceux qui l'auraient porté de travers*.
Le chaperon fut envoyé aux autres villes, et presque
toutes le prirent. Néanmoins aucune n'entra sérieusement
dans le mouvement de Paris. Les cabochiens, ne trouvant
aucune résistance, mais n'étant aidés de personne, furent
obligés de recourir à des moyens expéditifs pour faire de
l'argent. Ils demandèrent au dauphin l'autorisation de
prendre soixante bourgeois, gens riches, modérés et sus-
pects. Us les rançonnèrent.
On avait commencé par emprisonner les courtisans, les
seigneurs. Déjà on en venait aux bourgeois. On ne pouvait
deviner où s'arrêteraient les violences. Les petites gens
prenaient peu à peu goût au désordre ; ils ne voulaient plus
rien faire que courir les rues avec le chaperon blanc ; ne
gagnant plus, il fallait bien qu'ils prissent. Le pillage pou-
vait commencer d'un moment à l'autre.
Les gens de l'Université, qui avaient mis tout en mou-
vement sans savoir ce qu'ils faisaient, n'étaient pas les
moins effrayés. Ils avaient crû accomplir la réforme en
compagnie du duc de Bourgogne, du corps de ville et des
1 • Et en prinrent hommes d'ëglises, femmes d'bonnenr, marchaDdet
qui à toot Tendoient les denrées. • Journal d'un bourgeois de Paris.
* Le danpbin ayant fait Tespiéglerie de tirer en bas une corne de
son chaperon de maniôre à ce qu'elle iignràt une bande (signe des Arma-
gnacs), les bouchers faillirtnt éclater-: • Regardex, disaient-ils, ce bon
enfant de dauphin, il en fera tant qu'il nous mettra en colère. > Jurénal.
>.'^.« .. ^...^ . >JU
460 ESSAIS DE REFORME DANS L ETAT ET DANS L EGLISE.
bourgeois les plus honorables. Et voilà qu'il ne leur restait
que les bouchers, les valets de boucherie, les écorcheurs*
Ils frémissaient de se rencontrer dans les rues avec ces
nouveaux frères et amis, qu'ils voyaient pour la première
fois, sales, sanglants, manches retroussées, menaçant tout
le monde, hurlant le meurtre.
I L'alliance monstrueuse des docteurs et des assommeurs
ne pouvait durer. Les universitaires se réunirent au couvent
des Carmes de la place Maubert, dans la cellule même
d'Eustache Pavilly*. Us étaient singulièrement abattus, et
ne savaient quel parti prendre. Ces pauvres docteurs, ne
trouvant dans leur science aucune lumière qui pût les
guider, se décidèrent humblement à consulter les simples
d*esprit. Ils s*enquirent des personnes dévotes et contem-
platives, des religieux, des saintes femmes qui avaient des
visions. Pavilly, plein de confiance, s'offrit d'aller les con-
sulter. Mais les visions de ces femmes n'avaient rien de
rassurant. L'une avait vu trois soleils dans le ciel. Une
autre voyait sur Paris flotter des nuées sombres, tandis
qu'il faisait beau^ au midi, vers les marches de Berri et
d'Orléans. « Moi, disait la troisième, j'ai vu le roi d'Angle-
terre en grand orgueil au haut des tours de Notre-Dame ;
il excommuniait notre sire le roi de France; et le roi, en-
touré de g*ens en noir, était assis humblement sur une
pierre dans le parvis*. »
La terreur de ces visions ébranla les plus intrépides. Us
voulurent consulter un honnête homme du parti opposé,
le modéré des modérés, Juyénal des Ursins. Ils le firent
venir ; mais ils n'en purent tirer rien de praticable. Il ne
voyait rien à faire, sinon prier les princes de se réconcilier
et de rompre les négociations qu'ils avaient entamées avec
1 App., 139.
* Quelques-uns disaient qu'il fallait s'attendre à tons les maui, depuis
la roal'Hliciion prononcée par Boniface, et depuis renoorelée par
BenoU Xlll.
œNCILB D& PISE. ' 461
l'Anglais ^ C'était simplement se soumettre et renoncer
aux réformes. Cependant l'abattemeat était tel, le désir de
la paix si fort, que cet avis entraînait tout le monde. Le
seul Pavilly s'obstina; il soutint que tout ce qui s*était fait
était bien fait, et qu'il fallait aller jusqu'au bout^.
Ces divisions, dont les princes étaient instruits, les en-
couragèrent sans doute à différer la publication delà grande
ordonnance de réforme que l'Université avait d'abord si
vivement sollicitée. Alors, sans plus s'inquiéter des doc-
teurs qui l'abandonnaient, le moine entraînant après lui le
prévôt des marchands, les échevins, une foule de petit
peuple, et bon nombre de bourgeois intimidés, s'en alla
hardiment prêcher le roi à Saint- Paul ^ (22 mai) : « Il y
a encore, dit-il, de mauvaises herbes au jardin du roi et de
la reine ; il faut sarcler et nettoyer ; la bonne ville de
Paris, comme un sage jardinier, doit ôter ces herbes fu-
nestes, qui étoufferaient les lis ^... » Quand il eut fini cette
sinistre harangue, et accepté la collation qu'on offrit, selon
l'usage, au prédicateur, le chancelier lui demanda au nom
de qui il parlait. Le carme se tourna vers le prévôt et les
échevins, qui l'avouèrent de ce. qu'il avait dit. Mais le
chancelier objectant que cette députation était peu nom-
breuse pour représenter la ville de Paris, ils appelèrent
quelques bourgeois des plus considérables qui étaient dans
la cour ; ceux-ci montrèrent, à contre-cœur, et se mettant
à genoux devant le roi, protestèrent de leur bonne inten-
* II sarait que les princos faisaient veoir le duc de Clarence, et la
dac de Bonrgogne, le comte d'Arundel.
« App., 140.
^ • Et dans les trois tours dudii bostel mirent et ordonnèrent leurs
gcDS d*ariniB.-<. • Munsirelcl. — • ... Ont esté à Saint-Pol..., et après une
collation faite par M. Eusiace de Pavilly. maistre on théologie, de l'ordre
de N. D. des Carmes, tendant à fln d'hoster les bons des mauvais. . . »
Archives, Hegisiret dt Parlement, Conteti,
* • Trés-inauvaises herbes et périlleuses, cV:»t à savoir quelques ser«
Tuteurs et servintcs, qu'il falloit sarcler et oster. • Juvênal. Aftp,, lii,
IT. ii
4 62 ESSAIS DB RÉPOEOIS DJ»8 VtTAT ST DANS L'ÉGLISB.
tion. Cependant, la fouie augmentait; toutes sortes de
entraient sans qu'on ôs&t leur interdire la porte, rhôlel
s'emplissait. Le duc de Bourgogne luî-méme oommençait
à avoir p^r de ses amis ; pour les décider à s*en aller, il
s'avisa de leur dire que le roi était à peine rétabli, que œ
tumulte allait hit Caire mal, Im causer unerec&ule. Mâs
ils criaient de plus belle qu'ils étaieiit venus juntemant poor
le bien du roi.
Alors le ehircrrgien Jean de Tfioyas exhiba une asndie
liste de tndtres. Bn tftte, se trouvait le propae ftèee de la
reine, Louis de Baiviàve. Le due de Bonqgogne eut beau
prier, la reine venar des termes^ ; Louia de Bavière, «pu
allait se marier, demandait au moins huit jours, pronettaitf
de se constituer ptisonnier la semuine d'aptes, ils famt
inflexibles. Pour abrtger, le eapîtaÎDe de la milice, 1k-
queville, monta avec ses gens, et brntadeawnt, aans égasi
pour la reine, pewr le roi ni le daii|dMi, pénétrant par-
tout, brisant ftn pertes^ il mit la main aor œiix qne le
peuple demandait. PouroomUe de violence, ils emmeacicnt
treize dames de la naine et de la dauphine^*. Il ne bllaît
pas parler à ces gens de respect pour 1^ damea^ ni de che-
valerie. Parmi les prhonniers qu'ils emnieBèrent, se trou-
vait un Bourguignon, un des leurs, que hmijoKis aupa-
ravant ils avaient doimé pour duinceUer au; AMipt^yn La
défiance croissait d'heuae en heure.
Cependant le dus de Bervi et d'antres pmrgBilj despri-
•sonniers envoyèrent demander à l'Université si elle avouait
ce qui s'était fait. Celle-ci, consultée en masse et comme
corps, se rassura un peu par sa multitude, et doAoa du
j noins une réponse équivoque. « Que de ce elle voulait en
rien s'entremettre ni empêcher. » Dans le conseil du roi,
les universitaires allèrent plus loin, et déclarèrent qu'il;^
f Le dauphin • s'abstint de f^WKMr, ea fftfH pit, aa
hrmos. » Monstretot.
> • £i. ce faii le r*i 8*mi alla dkMr* • tfMMtralflC
CONCILE LE PISE. 463
n'étaient pour rien dans Tenlèvement des seigneurs, et que
la chose ne leur plaisait pas.
Le désaveu timide de lUnîversité ne rassurait pas les
princes. Cette fois, ils craignaient pour eux-mêmes; le
coup avait frappé si près d'eux, qu'ils firent sigiier au roi
une ordonnance où il approuvait ce qui s'était fait. Le len*
demain (25 mai 44(3), Ait hie solennellement la grande
ordonnance de réforme.
Cette ordonnance, si violemment arrachée, ne porte pas,
alitant qu'onpourraitcroire, le caractère du moment; c'est
une sage et impartiale fusion des meilleures ordonnances
du xiv« siècle. On peut l'appeler le code admmiitrcuif de la
vieille France, comme l'ordonnance de 4357 avait été sa
charte législaiwe et politique.
On peut s'étonner de voir cette ordonnance 8 peine men-
tionnée dans les historiens. Elle n'a pourtant pas moins de
soixante-dix pages in-folio ^ Sauf quelques articles trop
minutieux et d'une rédaction enftintine*, ou bien encore
dirigés hostilement contre certains individus, on ne peut
qu'admirer l'esprit qui y règne, esprit très-spécial, très-
pratique : sans spécialité, point de réforme réelle. Celle-ci
part de bien bas, mais elle va haut, et pénètre partout. Elle
réduit les gages de la lingère, de la poissonnière du roi ;
mais elle règle lies droits des grands corps de l'Ëtat, et tout
le jeu de la machine administrative, judiciaire et financière.
La forme est curieuse, je voudrais pouvoir la conserver;
mais alors, cette ordonnance seule occuperait le reste du
volume, et encore l'ensemble resterait coniVis. Il m'est im^
possible de résumer ce code en quelques lignes, sans em-
prunter notre langage moderne, plus précis et plus
formulé.
Tout ce détail immense semble dominé par deux idées :
I Ordonnances, t. X, p. 7i-134.
« App,, i4i.
164 ESSAIS DE RÉFORME DANS l'ÉTAT ET DANS l'ÉGLISB.
la centralisation de Tordre financier, de l'ordre judiciaire.
Dans le premier, tout aboutit à la Chambre des comptes;
dans le second, tout au Parlement.
Les chef!ides administrations llnancières (domaine, aide,
trésor des guerres) sont réduits à un petit nombre; mesure
économique, qui contribue à assurer la responsabilité. La
Chambre des comptes examine les résultats de leur admi-
nistration ; elle juge en cas de doute, mais sur pièces et
sans plaidoiries.
Tous les vassaux du roi sont tenus de faire dresser les
aveux et dénombrements des fiefs qu'ils tiennent de lui,
et de les envoyer à la Chambre des tomptes^. Ce tribunal
de finance se trouve ainsi le surveillant» l'agent indirect de
la centralisation politique.
L'élection est le principe de l'ordre judiciaire ; les charges
ne s'achètent plus. Les lieutenants des sénéchaux et pré-
vôts sont élus par les conseillers, les avocats et autres
saiges.
Pour nommer un prévôt, le bailli demande aux a advo-
cats, procureurs, gens de pratique et d'autre estât » la
désignation de trois ou quatre personnes capables. Le
chancelier et une commission du Parlement, « appelez
avec eux des gens de notre grand conseil et des gens de
nos comptes, » choisissent entre les candidats.
Aux offices notables, c'est directement le Parlement qui
nomme, en présence du chancelier et de quelques mem-
bres du grand conseil.
Le Parlement élit ses membres^ en présence du chancelier
et de quelques membres du grand conseil. Ce corps se
recrute désormais lui-même ; l'indépendance de la magis-
trature est ainsi fondée.
Deux juridictions oppressives sont limitées, restreintes.
L'hôtel du roi n'enlèvera plus les plaideurs à leurs tribu-
« Ord.,p. 109.
CONXILE DE PISE. 165
naux naturels, ne les ruinera plus préalablement en les
forçant de venir des provinces éloignées implorer à Paris
une justice tardive. La charge du grand maître des eaux et
forets est supprimée. Ce grand maître, ordinairement Tun
des hauts seigneurs du royaume, n'avait que trop de
facilités pour tyranniser les campagnes. 11 y aura six
maîtres, et Ton pourra appeler de leurs tribunaux au* par-
lement. Les nuages des bonnes gens seront respectés. Les
louvetiers n'empêcheront plus le paysan de tuer les loups.
Il pourra détruire les nouvelles garennes que les seigneurs
on^ faites, « en dépeuplant le voisin des hommes et habi-
tants, et le peuplant de bétes sauvages ^. »
Dans la lecture de ce grand acte, une chose inspire
Tâdmiriition et le respect, c'est une impartialité qui ne se
dément nulle part. Quels en ont été les véritables rédac-
teurs? De quel ordre de l'Ëtat est-elle plus particulière-
ment émanée? On ne saurait le dire.
L'Université elle-même, à qui elle est principalement
attribuée dans le préambule s, ne pouvait avoir cet esprit
d'application, cette sagesse pratique. La remontrance de
l'Université, telle qu'on la lit dans Monstrelet, n'est guère
qu'une violente accusation de tel abus, de tel fonction-
naire.
Les parlementaires, auxquels l'ordonnance accorde tant
de pouvoir, ne semblent pourtant pas avoir dominé dans la
rédaction. On leur reproche l'ignorance de quelques^ns
d'entre eux, leur facilité à recevoir des présents; on
leur défend d'être plusieurs membres du Parlement d'une
même famille.
Les avocats, notaires, greffiers, sont tancés pour Tesp rit
I Ord., p. 163.
* • Eussions requis les Prëlat«, auerariers, Ecuyer.4, Bourgeois de nos
•eitfit et bonnes villes, et mesniement nostre très ciiiére et très amce fille
rUnirereité de Paris... que nous baillassent leur bon aris... > Ord.,
p. 71.
ï
166 ESSAIS DE REFORME DANS L ETAT ET DANS L'ÉGLISS.
fiscal, pour la paperasserie ruineuse qui déjà dévorait les
plaideurs.
Les gens des comptes sont traités avec défiance. Us ne
doivent rien décider isolément, mais par délibération
commune « et en plein bureau, s
Les prévôts et sénéchaux doivent être nés dans une autre
province que dans celle où ils jugent* Us ne peuvent y rien
acquérir, ni s'y marier, ni y marier leurs filles. Quand ils
vont quitter la province, ils doivent y rester quarante jours
pour répondre de ce qu'ils ont fait.
Los gens d'Église n'inspirent pas plus de confiance au
rédacteur de Tordonnance. Il ne veut pas que des prêtres
puissent être avocats. Il accuse les présidents clercs du
Parlement de négligence ou de connivence. Je ne reconnais
pas ici la main ecclésiastique.
Cette ordonnance n*émane pas non plus exclusivement
de Fesprit bourgeois et communal. Elle protège les habi-
tants des campagnes. Elle leur accorde le droit de chasse
dans les garennes que les seigneurs ont faites sans droit.
Elle leur permet de prendre les armes pour seconder les
sénéchaux et courir sus aux pillards *.
De tout ceci, nous pouvons conclure qu'une réforme
aussi impartiale de tous les ordres de TÉtat, ne s'est faite
sous Tinfiuence exclusive d'aucun d'eux, mais que tous y
ont pris part.
Les violents ont exigé et quelquefois dicté ; les modérés
ont écrit ; ils ont transformé les violences passagères en
réformes sages et durables. Les docteurs, Pavilly, Gentien,
Courtecuisse; les légistes, Henri de Marie, Arnaud de
Corbie, Juvénul des Ursins, tous vraisemblablement
auront été consultés. Toutes les ordonnances antérieures
sont venues se fondre ici. C'est la sagesse de la France
d'alors, son grand monument, qu'on a pu condamner un
■
* Ord., p. 137.
CONCILB DX PISB. 467
moment avec la révolution qui l'avait élevé, mais qui n'en
est pas moins resté comme un fonds où la législation
venait puiser, comme un point de départ pour les amélio-
rations nouvelles.
Quelque sévères que nous puissions être, nous autres
modernes, pour ces essais gothiques, convenons pourtant
qu'on y voit poindre les vrais principes de l'organisme,
administratif, principes qui ne sont autres que ceux de'
tout organisme, centralisation de l'ensemble, subordination
mutuelle des parties. La séparati<m des pouvoirs adminis-^
tratif et judiciaire, des pouvoirs judiciaire et municipal,
quoique impossible encore, n'en est pas moins indiquée
dans quelques articles.
La eonCusion des pouvoirs judiciaire et mffîtaîre, oe
fléau des sociétés barbares, y subsiste en droit dans les
nénéchaux et les baiUis. En fait, ces juges d'épée ne sont
plus d^ les vrais juges ; ils «Mit la représentation et les
bénéfices de la justice plus qu'ils n'en ont le pouvoir
même. Les vrais juges sont leurs lieutenants, et ceux-ci
sont élus parles avocats et les conseillers, «pur les sages ^
cooune dit l'ordonnanee.
Elle accorde beaucoup à ces sagu^ aux gens de loi,
beaucoup trop, ce semble. Les compagnies se recrutant
elles-mêmes se recruteront probablement en Camille ; les
juges s'associeront, malgré toutes les précautions de la loi,
leurs fils, leurs neveux, leurs gendres. Les élections cou-
vriront des arrangements d'intérêt ou de parenté. Une
charge sera souvent une dot ; étrange appsn d'une jeune
^ épousée, le droit de feiire rompre et pendre... Ces gens se
V respecteront, je le crois, en proportion môme des droits
immenses qui sont en leurs mains. Le pouvoir judiciaire,
transmis comme propriété, n'en sera que plus fixe, plus
digne peut-être. Ne sera-t-il pas trop fixe? Ces familles,
ne se mariant guère qu'entre elles, ne vont-elles pas cons-
tituer une sorte de féodalité judiciaire ? immense inconvé-
168 ESSAIS DE RÉFORME DANS L'ÉTAT £T DANS l'ÉGLISB.
nient... Mais alors c'était un avantage. Cette féodalité était
nécessaire contre la féodalité militaire, qu'il s'agissait
d'annuler. La noblesse avdt la force de cohésion et de
\ parenté; il fallait qu'il y eût aussi parenté dans la judica-
jture ; à ces époques, matérielles encore, il n*y a d'associa-
[lion solide que par la chair et le sang.
) Deux choses manquaient pour que la belle réforme
îadministrativeet judiciaire de 1413 fût viable^: d*abord
d'être appuyée sur une réforme législative et politique:
celle-ci avait été essayée isolément en 1357. Hais ce qui
manquait surtout, c'étaient des hommes, et les^mœurs qui
font les hommes : sans les mœurs, que peuvent les lois?...
Ces mœurs ne pouvaient se former qu'à la longue, et
d'abord dans certaines familles, dont l'exemple pût donner
à la nation ce qu'elle a le moins, il faut le dire, ce qu'elle
acquiert lentement, le sérieux, l'esprit de suite, le respect
des précédents. Tout cela se trouva dans les familles par-
lementaires.
Cette ordonnance des ordonnances fut déclarée solen-
nellement par le roi obligatoire^ inviolable. Les princes et
les prélats qui étaient à ses côtés, en levèrent la maio.
L'aumônier du roi, mattre Jean Courtecuisse , célèbre
docteur de l'Université, prêcha ensuite à Saint-Paul sur
rexcellencii de l'ordonnance. Dans son discours, généra-
lement faible et traînant, il y a néanmoins une figure
-pathétique ; il y représente l'Université comme un pauvre
Affamé qui a faim et soif des lois ^.
Il s'agissait d'appliquer ce grand code. Là devait appa-
raître la terrible disproportion entre les lois et les hommes.
> La seule garantie qfv'on lai donne, c'est la publicité, rinsuffisaote
publicité de ee tempe. £lle doit être lue et affichée une fois au siège de
chaque sénéchaussée et bailliage, le premier jour des assises. Ord.,
p. 113.
* ilpp., 143.
CONCILE DE PISE. 1 G9
Les modérés, les capables se tenant à Técart, restaient
pour commencer l'application *de ces belles lois, les gens
les moins propres à mettre en mouvement une telle
machine, les scolastiques et les bouchers, ceux-ci trop
grossiers, ceux-là trop subtils, trop étrangers aux réa-
lités.
Quelle qu'ait été leur gaucherie brutale dans un métier
si nouveau pour eux, l'histoire doit dire qu'ils ne se mon-
trèrent pas aussi indignes du pouvofr qu'on l'eût attendu. .
Ces gens de la commune de Paris, délaissés du royaume,
essayèrent tout à la fois de le réformer et de le défendre.
Ils envoyèrent leur prévôt contre les Anglais, en môm(
temps que leur capitaine Jacqueville allait bravement à la
rencontre des princes ^. Dans Paris même, ils commencè-
rent un grand monument d'utilité publique, qui complé-
tait la triple unité de cette ville ; je parle du pont Notre-
Dame, grand ouvrage, fondé héroïquement dans des
circonstances si difficiles et avec si peu de ressources *.
Le fait est que ce gouvernement ne fut soutenu de per-
sonne. Les Anglais étaient à Dieppe, si près de Paris ;
personne ne voulut donner d'argent. Gerson refusa de
payer et laissa plutôt piller sa maison. L'avocat général,
Juvéïial, refusa aussi, aimant mieux être emprisonné.
En donnant ainsi Texémple d'annuler par une résistance
d'inertie ce gouvernement irrégulier, les modérés n'en
prirent pas moins une responsabilité bien grave. Us aban-
donnaient tout à la fois et la défense du pays et la belle .
rt'forme qu'on avait obtenue avec tant de peine. Ce n'est
pas la seule fois que les honnêtes gens ont ainsi trahi ;
l'intérêt public, et puni la liberté du crime de son .parti.
* Jasqa*à Monteretn... • ili ne rencontrèrent pas Tun Tautre. •
Uonstrelet. — * App„ I4i.
> Cependant le nouveau gouvernement avait essay<^ de s'assurer^ do
rUniversité en enjoignant au prévôt de Parié et aux autres justiciers do
faire jouir i'Universilé des avantages que le pape Jean XXIli lui avait
accordât dans la répartition des bénéfices. Ord., p. lo5, 6 juillet 1413.
470 ESSAIS DE RÉFORME DANS L'ETAT ET DAXS l'ÈGLISK.
Les cabochiens ne purent faire contribuer ni TËgUse, ni le
Parlen^nt. Ayant saisi l'argent de la fuire du Landit, qui
appartenait aux moines de Saint-Denis, ils virent s*élever
une clameur générale. Leurs amis, les uDÂversitaîres,
refusèrent de les aider, et les obligèrent de rapporter
l'argent qu'ils avaient levé sur quelques suppôts de TUni-
versité.
Se voyant ainsi entravés de toute part et ne trouvant que
des obstacles, les cabochiens entrèrent en fureur. Us pour-
suivirent Gerson, qui fut obligé de se cacher dans 1^
voûtes de Notre-Dame. Le jugement des prisonniers fut
hâté ; la commission eut peur, et signa des condamnations.
D'abord on ût mourir d^ gens qui l'avaient mérité, par
exemple iin homme qui avait livré à l'ennemL, à la mort,
quatre cents bourgeois de Paris. Puis» on traîna à la Grèv£
le prévôt Desessarts qui avait trahi les deux partis tour à
tour. Les bouchers hâtèrent sa mort, justement parce
qu'ils estimaient sa bravoure et sa cruauté '. (i^r juillet)
Les juges allant encore trop lentement, les assassinats
abrégèrent. Jacqueville alla insulter dans sa prison le sire
de La Rivière, et celui-ci Tayant démenti, ce digne capi-
taine des bouchers assomma le prisonnier désarmé. La
Rivière n'en fut pas moins porté le lenden[iain à la Grève ;
l'on décapita péle-méle les vivants et le mort K
Si la prison même n'était plus une sauvegarde, Thôtei
du roi risquait fort de n'en plus ôtiïe une. Un soir que
Jacqueville et ses bouchers faisaient leur rondfi, ils enten-
dirent, vers onze heures, un ^rand bruit de fête chez le
dauphin. Ce jeune homme dansait, pendant qu'on tuait ses
I • Depuis qu'il fast mis sur la claye jusgnes & sa mort, il ne faisoit
toujours que rire. » Journal du Bourgeois.
' Les cabochiens s'inquiétèrent pourtant Je rcffet qae produisait ctilù
barbarie. Ils envoyèrent dans les villes une sorte d'apologie; ils y di-
8:ii(.nt : i que chacurie inTormation de ceux qui avoienl été décïkles,
coatcnoit soixante feuilles de papier. > Mouslrelet.
COliCIUS DS PI6K. 471
aiBM. Les baudbers raimtèrenl» et lui firent den^aiider par
JBcqHeviUe $*'û était décent à ua fils de Fraooe de danser
aiasi à une beure indue ^. Le sire da la TrémouiUe répliqua,
JaequeviUe lui reprocha d'étdPe l'auteur de ces désordres.
La palîeoee maiiqcka audanidûn; U s'élança sur Jaoque- (
/ilie, et lui porta teois coups de poignard qu'ajrréta«sa cotte I
de mailles. La Trémouille eût été massacvé^ si le duc da
Bourgogne n'eâft prié pour luL (40 juillet.)
Cette vioiatiûn ia Tfaôtel du rot détaehabien des gens de
ce parti qfà se neq^ctail rien. La religion de la royauté
était encore entière, et le fut longten^'. Les bons bour--
gaois' assurèrent le dauphin de leur douleur et de leur
dérooement Les boucliers avaient lassé tout le monde.
Les artisans même, les derniers du peuple, commençaient
à en sfToir aases; phis de cooimenee» plus d'ouvrage ; ils
étaient sans cesse appelés > faire le guet, excédés de
gardes, de rondes et de veilles.
Les princes, cfut n'ignoraient pas Tétat de Paris, appro*
ehaiant toujours, en offrant la paÎK^. Tout le monde la
désirait, mais on avait peur. Le dauphin fit part des pro-
positions aux grands corps, au Parlement, à TUniversité.
U fut décidé, maigre les boochers, qu'il y aurait conférence
avec les princes. L'éloquence de Caboche, qui pérora dans
un brillant costume de chevalier, ne persuada personne ;
ses tiienaces eurent peu d'effet.
Personne dans la bourgeoisie n'agit plus habilement
contre les bouchers que l'avocat général Javénai. Cet bon-»
néte homme poursuivait alors, sans souci des réformes,
sans intelligence de l'avenir^, un seul but : la tin des
* • Entre onze et douze heures du soir. > /nvénal.
* App., 145.
' te BoargeoU de Paris est l'écho fidète des hrnits absurdes qu'on
faisait circuler : • Uais bien scay que ils demandoienl toujours... U
desirociion de la home ville de Paris.
* App., 146.
172 ESSAIS DE RiFORip DANS L*ÉTAT ET DANS l'ÉGLISI.
désordres et la sécurité de Paris. Cette pensée ne lui laissait
ni 'repos ni sommeil. Une nuit, s*étant endormi vers le
matin, il lui sembla qu'une voix lui disait : Surgite cùm
^ederetis^ qui manducatis panem doloris. Sa femme, qiû
était une bonne et dévoté dame, lorsqu'il s*éveilla, lai dit :
« Mon ami, j'ai entendu ce matin qu'on vous disait, ou que
vous prononciez en rêvant des paroles que j'ai souvent lues
dans mes Heures, « et elle les lui répéta. Le bon Juvénal
lui répondit : « Ma mie, nous avons onze enfants, et par
conséquent grand sujet de prier Dieu de nous accorder la
paix ; ayons espoir en lui, il nous aidera. »
La ruine des bouchers fut décidée par une chose, petite,
et pourtant de grand effet. Il fut convenu, malgré eux, que
les propositions des princes seraient- lues d'abord, non
dans l'assemblée générale, mais dans chaque quartier
(21 juillet). La faible minorité, qui tyrannisait Pans,
pouvait effrayer encore, quand elle était réunie; divisée,
elle devenait impuissante, presque imperceptible. Ce point
fut emporté contre les bouchers par l'énergie d'un quar-
tenier du cimetière Saint- Jean, le charpentier Guillaume
Cirasse, qui osa bien dire en face aux Legoix : c Noos
verrons s'il y a à Paris autant de frappeurs de cognée que
d'assommeurs de boeufs. >
Les bouchers n'obtinrent pas même que la paix accordée
aux princes le fût sous forme d'amnistie. Quoi qu'ils pus-
sent dire, on criait : « La paixl » Ce parti vint 6nir à la
Grève même. Dans une assemblée qui s'y tint, une voix
cria : « Que ceux qui veulent la paix passent à droite ! » D
ne resta' presque personne* à gauche. Ils n'eurent d*autre
ressource, eux et le duc de Bourgogne, que de se joindre
au cortège du dauphin qui allait au Louvre délivrer les
prisonniers. (3 août.)
La réaction alla si vite qu'en sortant de la prison du
Louvre, le duc de Bar en fut nommé capitaine; et l'autre
fort de Paris, la Bastille,, fut confié à un autre prisonnier,
CONCILE DE PISE. 17$
au duc de Bavière. Deux des échevins furent changés; le
charpentier fut échevin à la place de Jean de Troyes^.
Peu après, un des lie Troyes et deux bouchers, coupables
des premiers meurtres, furent condamnés et mis à mort.
Plusieurs s'enfuirent, et la populace se mit à piller leurs
maisons. On faisait courir le bruit qu'on avait trouvé une
liste de quatorze cents personnes, dont les noms étaient
marqués d'un T, d'un B ou d'un H (tué, banni ou ran-
çonné).
Le duc de Bourgogne n'essaya pas de résister au mou-
vement. Il laissa arrêter deux' de ses chevaliers dans son
hôtel même, et partit sans rien dire aux siens, qu'il laissai t
en grand danger. 11 voulait emmener le roi. Mais Juvénal
et une troupe de bourgeois les rejoignirent à Vincennes, et
il leur laissa reprendre ce précieux otage ^. (23 août.)
Dans l'arrangement avec les princes, il était convenu
qu'ils n'entreraient pas dans Paris. Mais toute condition
fut oubliée, à commencer par celie^i. Le dauphin et le
duc d'Orléans parurent ensemble, vêtus des mêmes cou-
leurs, portant une huque italienne en drap violet avec une
croix d'argent. C'était, et ce n'était pas deuil ; le chaperon
était rouge et noir; pour devise : « Le droit chemm. ^ Cf^
qui était plus hostile encore pour les Bou^guigno^s. c'était
la blanche écharpe d'Armagnac. Tout le monde la prit ; on
la mit même aux images des saints. Lorsque les petits
enfants, moins oublieux, moins enfants que ce peuple,
chantaient les chansons bourguignonnes, ils étaient sûrs
d'être battus 3.
> App., 147.
> Juvénal donne encore ici le beau rôlo à son père. ■ Le duc de Bour-
gojrne dit au roy : Que s'il luy pUiM>it aller esbaltre jusques vers le boii
de Vincennes, qu'il y faisoit beau, et en fut le roy content. Mais Jarënat
alla aussitôt avec deux cents chevaux vers le bois, et dit au roy : Sire,
venez-vous-en en vostre bonne ville de Paris, le temps est bien chaud
pour vous tenir sur les champs. Dont le roy fut trds content, et se mit à
retourner. »
* • Mesmes les petits enfans qui lianloient aae cbarnon..., oà oa
47i ESSAIS DE RÉFORME IMiNS L KTIT ET DANS L EGLISE.
L'ordonnance de réforme, si solemielieinent proclamée,
fut non moins soleoneHement anaulée par le roi dans ua
lit de justice (5 sept.). Le sage hiâtoxien du ienps^ affligé
de cette versatilité, osa demander à qoelqnes-naa du Con-
seil comment, après avoir vanté cas ordonnances comme
éminemment salutatrest, Us eonsentamt à leur abrogation.
Ils répondirent naïvement : « Now voidona ce que veulent
les princes. » A qui donc vous ooaq>arerai-je» dit le moine,
sinon à ces coqs de clocher qui tournent à tous les vents' ? ■
On renvoya à Jean sans Peur sa iUe, que devait épouser
le fils du duc d'Anjou. L'Université «mdmnaa lea dineoms
de Jean P^ât. Une onlonoancodéoinsa le éac de Bourgogne
rebelle (4 0 février) ; on convoqua eontre loi le ban et
l'arrière-ban. Il ne s'agissait de rien moins que de canfis*
quer sesttata.
Il crut pouvoir prénrasir ses ennemis. Les cnbochîans
exilés lui persmdi^nt qu'il toi suffirait de paraître devant
Paris avec ses troupes pour y étio mfu. Le dauphin, déjà
las des remontrances de sa mère et do oriies des pnneea,
appelait en effet le BooErguignos. 11 vinfaaiper entn
Montmartre et Ghaiilot ; le comte d^Annagnae, qui avait
onze mille chevaux dans Paris, tiat feimo,. et rieo m
bougea.
Le dnc de Bourgogne se retirajirt, les princes entropment
de le poursuivTOy d'eaéeuter la confiscation. Mais les el-
froyaUes bairlMiries des Armagnaes à Saisaona' avertirent
trop bien Arras de ce ça'elle »vait à craindre. Ib échouè-
rent devant cette ville, comme le duc de Bourgogne avait
échoué devant Paris*.
dlioit : Buo àê BaiÊrgoffnê^ Mu Ê$ VÊmaka «a job/..* > Jovnial 4a
bOÙTfgÊùiê,
* « Gsilis «iBipmiliMD aoolMiafBai, à «aet» veaii» volvaMltiL •
Religievx.
* Ce qui foroa le due de Benfgosae à ttaîtac». een qa» lei Flemradi
rabandonnaieot. Les députes de Gand dirent aa roi, qu'ils sa
4e laeger le éUKà son devoir»
\
f
Voilà les deux partis convaincus de nouveau d'impuis-
sance, lis font encore un traité. Le dnc de Bourgogne est
quitte pour an peu de honte, mais ii ne perd rien ; il offkie
au r(M, pour la forme, les clefs d'Arras'*. n est défendu de
porter désormais la bande d'Armagnac et la croix de
Bourgogne. (4 sept, f 4U.)
La réaction ne fut point arrêtée par cette paix. Les mo-
dérés, qui avaient si imprudemment abandonné la réforme,
eurent sujet de s'en repentir. Les princes traitèrent Paris en
ville conquise. Les tailles devinrent énormes, et FargenC
était gaspillé, donné, jeté. Juvénal, alors chancelier, ayant
refusé de signer je ne sais quelle folie de prince, on lui
retira les sceaux. Toute modération déplut. La violence
gagna les meilleures têtes. Au service ftmèbre qui fut
célébré pour le duc d^O^Iéans, Gerson prêcha devant le roi
et les princes; il attaqua le duc de Bourgogne, avec qui
Ton venait de fkire la paix, et déclama contre le gouverne-
ment populaire (5 janvier 4415).
« Tout le mal est venu, dH Gerson, de ce que le roi
et la bonne bourgeoisie ont été en servitude par Toutra.-
geusc entreprise de gens de petit état... Dieu Ta permis
afin que nous connussions la différence qui est entre la
domination royale et celle d'aucuns populaires; car la
royale a communément et doit avoir douceur'; celle du
vilain est domination tyrannique, et qui se détruit elle-
même. Aussi Aristote enseignoit-il à Alexandre : « N'élève
pas ceux que la nature fait pour obéir, v — Le prédicateur
Ciroit reconnaître les divers ordres de l'État dans les métaux
divers dont se composait la statue de Nabuchodonosor :
c L'état de bourgeoisie, des marchands et laboureurs, est
figuré par les jambes qui sont de fer et partie de terre,
pour leur labeur et humilité à servir et obéir...; en leur
I Le roi désirait fort traiter. Juvdnal donne U-dettos une jolie scène
d*iatériear. — il|^.« 148.
n6 ESSAIS DE RÉFORME DANS l'ÉTAT ET DANS L'ÉGLISE.
état doit être le fer de labeur et la terre d'humilité *. >
Le même homme qui condamnait le gouvernement po-
pulaire dans rÉtat, le demandait dans l'Église. Donnons-
nous ce curieux spectacle. Il peut sembler humiliant pour
Tesprit humain ; il ne Test pas pour Gerson même. Dans
chaque siècle, c'est le plus grand homme qui a mission
d'exprimer les contradictions, apparentes ou réelles, de
notre nature; pendant ce temps-là, les médiocres, les
esprits bornés qui ne voient qu'un côté des choses, s'y
établissent fièrement, s'enferment dans un coin, et là
triomphent de dire.».
Dès qu'il s'agit de l'Église, Gerson est républicain, par-
tisan du gouvernement de tous. Il définit le concile : « Une
réunion de toute l'Église catholique, comprenant tout
ordre hiérarchique, sans exclure aucun fidèle qui voudra
se faire entendre. » Il ajoute, il est vrai, que cette assem-
blée doit être convoquée «par une autorité légitime; »
mais cette autorité n'est pas supérieure à celle du concile,
puisque le concile a droit de la déposer. Gerson ne s'en
tint pas à la théorie du républicanisme ecclésiastique ; il
fit donner suffrage aux simples prêtres dans le concile Je
Constance, et coopéra puissamment à déposer Jean XXII 2.
Reprenons d'un peu plus haut. Avant que les griefs de
l'État fussent signalés par la remontrance de l'Université
et la grande ordonnance de 1 413, ceux de l'Église l'avaient
été par un violent jpamphlet universitaire, qui eut un bien
autre retentissement. La remontrance, l'ordonnance, ces
actes mort-nés furent à peine connus hors de Paris. MaLs
le terrible petit livre de Clémengis : Sur la Corruption de
i^ÉglisCy éclata dans toute la chrétienté. Peut-être n'est ce
pas exagérer que d'en comparer l'effet à celui de la Capli-
vUé de Babylone^ écrite un siècle après par Luther.
• Jean Gerson.
» App., M.
coxciLS DE nsE. 477
De tout temps, on avait fait des satires c nt e le i cns
d'Église. L'une des premières, et certainement l'une des
plus piquantes, se trouve dans un des capitulaires de Char-
îemagne. Ces attaques, généralement, avaient été indi-
rectes, timides, le plus souvent sous forme allégorique.
L'organe de la satire^ c'était le renard, la bêle plus sage
que rbomme; c'était le bouffon, le fol plus sage que les
sages: ou bien enfin le diable, c'est-à-dire la malignité
clairvoyante. Ces trois formes où U satire, pour se faire
pardonner, s'exprime par les organes les plus récusables,
comprennent toutes les attaques indirectes du moyen âge.
Quant aux attaques directes, elles n'avaient guère été
hasardées jusqu au xui® siècle que par les hérétiques
déclarés, Albigeois, Vaudois, etc. Au xiy« siècle, les
laïques, Dante, Pétrarque, Chaucer, tancèrent contre
Rome, contre Avignon, des traits pénétrants. Mais enfin,
c'étaient des laïques ; l'Église leur contestait le droit de la
juger. Ici, vers 1400, ce sont les Universités, ce sont les
plus gi*ands docteurs, c*est l'Église, dans ce qu'elle a de
plus autorisé, qui censure, qui frappe l'Église. Ce sont les
papes eux-mêmes qui se jettent au visage les plus tristes
accusations.
Ce dialogue, qui se prolongea entre Avignon et Rome
pendant tout le temps du schisme, n'en apprit que trop .
sur toutes les deux. La fiscalité surtout des deux sièges,
qui vendaient les bénéfices longtemps avant qu'ils ne
vaquassent, cotte vénalité famélique est caractérisée par
des mots terribles : « N'a t-on pas vu, disent les uns, les
courtiers du pape *de Rome courir toute l'Italie, pour
s'informer s'il n'y avait pas quelque bénéficier malade,
puis bien vite dire à Rome qu'il était mort*? N'a-t-on pas
vu ce pape, ce marchand de mauvaise foi, vendre à plu-
' • El si aliqaos invenerunt a?grotante5, lune currebanl ad curiam
li'iinanam, et moriem tn!ium intimabnnr. • Thcodor. & Niom. de Schism.
IV. 12
478 ESSAIS DE REFORME DANS LETAT ET DANS L'ÉGLISB.
sieurs le même bénéfice, et la marchandise déjà livrée, U
proclamer encore et la revendre au second, au troisième,
au quatrième acheteur? » — a Et vous, répondaient les
autres, vous qui réclamez pour le pape la succession des
prêtres, ne venez -vous pas au chevet de l'agonisant rafler
toute sa dépouille? Un prêtre déjà inhumé a été tiré du
sépulcre, et le cadavre déterré pour le mettre à nu^. >
Ces furieuses invectives furent ramassées, comme en
une masse, dans le pamphlet de Clémengis, et cette masse
lancée, de façon à écraser l'Ëglise. Le pamphlet n'était pas
seulement dirigé contre la tête, tous les membres étaient
frappés. Pape, cardinaux, évêques, chanoines, moines^
tous avaient leur part, jusqu'au dernier Mendiant. Certain
nement Clémengis fit bien plus qu'il ne voulait. Si l'Église
était vraiment telle, il n'y avait pas à la réformer ; il fallait
prendre ce corps pourri et le jeter tout entier au feu.
D'abord l'effroyable cumul, jusqu'à réunir en une main
quatre cents, cinq cents bénéfices , l'insouciance des pas-
teurs qui souvent n'ont jamais vu leur église ; Tignorance
insolente des gros bonnets, qui rougissent de prêcher;
l'arbitraire tyrannique de leur juridiction, au point que tout
le monde fuit maintenant le jugement de TËglise ; la con-
fession vénale, l'absolution mercenaire : « Quç si, dit-il,
on leur rappelle le précepte de l'Évangile : Donnez graïuUe-
ment, ainsi que vous avez reçu, ils répondent sans sour-
ciller : « Nous n*avons pas reçu gratis ; nous avons acheté^
nous pouvons revendre^. »
Dans l'ardeur de l'invective, ce violent prêtre aborde
hardiment mille choses que les laïques auraient craiot
d'expliquer : l'étrange vie des chanoines, leurs quasi-
mariages, leurs orgies parmi les cartes et les pots, la pros-
titution des religieuses, la corruption hypocrite des Men-
i t Ut inhamatos eralso monTUDento atque corrupto corpore sois
spoliis effossus prlvaretur. * AppeUatio Univers. Paris, à D. BenedicKk
* Clemeogis.
CONQUE DK PISBtf 179
diaiits qui se vantent de faire la besogne de tous les autres,
de porter seuls le poids de l'ÉgUse, tandis qu'ils vont de
maison en maison boire avec les femmes : « Les femmes
sont celles des autres, mais les enfants sont bien d'eux ^ »
En repassant froidement ces virulentes accusations on
remarque qu'il y a dans le factun ecclésiastique de l'Uni-»
versitéy comme dans son factum politique de 4443, plus
d'un grief mal fondé. Jl était injuste de reprocher d'une
manière absolue au roi, au pape, «ox grands dignitaires
de rËglise, Taugmentation de» dépenses. Cette augmenta-
tion ne tenait pas seulement à la prodigalité, au gaspillage,
au mauvais mode de perception, mais bien aussi à Vamlis-'
semtni progressif du prix de ï argent^ ce grand phénomène
économique que le moyen. âge n'a pas compris; de plus, à
la multiplicité croissante des besoins de la civilisation, au dé-
veloppement de l'administration, au progrès des arts^etc.^.
La dépense av^it augmenté, et quoique la production eût
augmenté aussi, celle-ci ne croissait pas dans une propor-
tion assez rapide pour suffire à l'autre. La richesse crois-
sait lentement, et elle était mai répartie. L'équilibre de la
production, et de la consommation avait peine à s'établir.
Ca autre grief de CiéniengiSi et le plus grand sans doute
aux yeux des universitaires, c'est que les bénéfices étaient
donnés le plus souvent à- des gens fort peu théologiens,
aux créatures des princes, du pape, aux légistes surtout.
Les princi^s, les papes, n'avaient pas tout le tort. Ce n'était
pas leur faute si les laïques partageaient alors avec l'Église
ce qui avait fait le titre et le droit de celle-ci au moyen
âge, Vesprity le pouvoir spirituel. Le clergé seul était riche,
les récompenses ne pouvaient guère se prendre que sur les
biens du clergé.
Clémengis lui-môme fournit une bonne réponse à ses
* « Cmn non sui» oxoribos, licet s^pe cam sois parvulis. > Clémengis.
* App„ iSU.
180 ESSAIS DE RÉFORME DANS L ÉTAT ET DANS L*ÉGL1SI.
accusations. Quand on parcourt le volumineux recueil de
ses lettres, on est étonné de trouver dans la correspondance
d'un homme si important, de l'homme d'affaires de l'Uni-
versité, si peu de choses positives. Ce n'est que vide, que
généralités vagues. Nulle condamnation plus décisive de
l'éducation scolastique.
Les contemporains n'avaient garde de s'avouer cette
pauvreté intellectuelle, ce dessèchement de l'esprit. Us se
félicitaient de l'état florissant de la philosophie et de la
littérature. N'avaient -ils pas de grands hommes, tout
comme les âges antérieurs? Clémengis était un grand
homme, d'Ailly était un grand homme ^, et bien d'autres
encore, qui dorment dans les bibliotlièques, et méritent
d'y dormir.
L'esprit humain se mourait d'ennui. C'était là son mal.
Cet ennui était une cause indirecte, il est vrai, mais réelle
de la corruption de l'Église. Les prêtres excédés de sco-
lastique, de formes vides, de mots où il n'y avait rien pour
l'àme, ils la donnaient au corps, cette âme dont ils ne
savaient que faire. L'Église périssait par deux causes en
apparence contraires, et dont pourtant l'une expliquait
l'autre : subtilité, stérilité dans les idées, matérialité gros-
sière dans les mœurs.
Tout le monde parlait de réforme. Il fallait, disait-on,
réformer le pape, réformer l'Église; il fallait que l'Église,
siégeant en concile, ressaisit ses justes droits. Mais trans-
¥
porter la réforme du pape au concile, ce n'était guère
avancer. De tels maux sont au fond des âmes : m In culpa
est animus. » Un changement de formé dans le gouver-
nement ecclésiastique, une réforme négative ne pouvait
changer les choses; il eût fallu l'introduction d'un élé*
ment positif, un nouveau principe vital, une étincelle,
une idée.
f App., 151.
€ONCILE DE PISE. 181
>l crut tout faire, en condamnant par
"^pes qui refusaient de céder, en les
\xi\. pape un frère mineur, un an-
'sité de Paris. Ce professeur, qui
brouilla bien vite avec l'Uni-
on en eut trois ; ce fut tout,
liront avec amusement le
^toe les deux papes ré-
du monde chrétien
patriarches, environ
quatre générauiP
ents chapitres,
t les ambas*
église by-
.0. Elle n'en
"1:^, X ^ «etieux récit des
'^/ ' les deux papes élu-
osion qu'on leur deman-
. entendaient au fond à mer-
dxaltation, avaient juré de céder.
.lit, disaient-ils, céder qu'ensemble,
.lient : il fallait une entrevue. Poussés Tun
^.ar leurs cardinaux, ils trouvaient chaque jour
ties difficultés. Les routes de terre n'étaient pas
', il leur &Uait des saufs-conduits des princes. Les saufs-
«induits arrivaient-ils? ils ne s'y fiaient pas. Il leur fallait
une escorte, des soldats à eux. D'ailleurs, ils n'ftvaient pas
d'argent pour se mettre en route ; ils en empruntaient à
leurs cardinaux. Puis, ils voulaient aller par mer : il leur
fallait des vaisseaux. Les vaisseaux prêts, c'était autre chose.
On parvint un moment à les approcher un peu Tun de
l^autre. Mais il n'y eut pas moyen de leur faire faire le der-
« iipp.. IB2.
* Us Universitds de Bologne, d'Angers, d'Orléans, de Toulouse même.
Avaient fini par se réunir contre les papes à celle de Paris.
1
48i ESSAIS DE RÉFORMI llà!lS LÉTAT KT DX5S LÉGUSL
nier pas. L'un voulait que l'entrevue eut lieu dans wl port,
au rivage même ; l'autre avait horreur de la mer. C<
comme deux animaux d'élément différent, qui ne
se rencontrer*.
Benoit XIU, Tàragonais, finit par jeter le masqwe, et dit
qu'il croirait pécher mortellement, s'il acceptait la vote de
cession*. Et peut-être était*il sincère. C^ier, c'était
naître comme supérieure l'autorité qui imposait la
c'était subordonner la papauté au concile, ctiaiiyr le
gouvernement de l'Église, de monarchie en répabliqae.
Ëtait-ce bien au milieu d'un ébranlement universel dn
monde qu'il pouvait toucher à l'unité qui, si longtemps,
avait fait la force du grand édifice spirituel, la clef de la
voûte? Au moment ou la critique touchait à la légende
législative de la papauté, lorsque Valla élevait les premiers
doutes sur l'authenticité des décrétâtes 3, pouvait-on de-
mander au pape d'aider à son abaissement, de se tuer de
ses propres mains?
11 faut le dire. Ce n'était pas une question de forme,
mais bien de fond et de vie. Monarchie ou république,
rÊglise eût été également malade. Le concile avait-il en \m
la vie morale qui manquait au pape? les réformateurs
valaient-ils mieux que le réformé? le chrf était gâté, mais
les membres étaient*ils sains? Non, il y avait, dans les uns
et dans les autres, beaucoup de corruption ; tout ce cfui
constituait le pouvoir spirituel tendait à se matérialiser, à
n'être plus spirituel. Et cela venait principalement, nous
l'avons dit, de l'absence des idées, du vide iiiunense qui se
ti'ouvait dans les esprits .
C'en était fait de la scolasti^ue. Baimond LuUe l'avait
« App., i53.
* Loriqu'ou lai apprit que la France ayail déclaré sa touttraction.
d'obnlienee, il dit avec beaucoup de dignité : • Qu'importe? Sftiai Pierre
u'avaii pas ce royauou daas soû ubcdit^uoe. »
3 Ajp , loi.
CONCILB DE PISE. 183
w
feimée par sa machine à penser; puis Ockam en refusant
la réalité aux universaux, en replaçant la question au point
où Tavait laissée Âbaiiard.
Raimond Lulle pleura aux pieds de son Arbor^^ qui
finissait la scolastiqne. Pétrarque pleura la poésie. Les
grands mystiques d*aIors avaient de même le sentiment de
la fin. Le xiv« siècle voit passer ces derniers génies; cha-
cun d'eux se tait, s'en va, éteignant sa lumière : il se fait
d'épaisses ténèbres.
Il ne faut pas s'étonner si Tesprit humain s'effraye et
s'attriste. L'Église ne le console pas. Cette grande épouse
du moyen âge avait promis de ne pas vieillir, d'être tou-
jours belle et féconde, de renouveler^ toujours, de sorte
qu'elle occupât sans cesse Tinquiète pensée de l'homme,
l'inépuisable activité de son cœur. Cependant elle avait
passé de la jeune vitalité populaire aux abstractions de
l'école, à saint Thomas 3. Dans sa tendance vers l'abstrait
et le pur, la religion spiritualiste refusait peu à peu tout
autre aliment que la logique. Noble régime, mais sobre, et
qui finit par se composer de négations. Aussi elle allait
maigrissant; maigreur au xiv^ siècle, consomption au xv%
effrayante figure de dépérissement et de phthisie, comme
vous la voyez, à la face creuse, aux mains transparentes
du Christ uiaudissant d'Orcagna.
Telles étaient les misères de cet âge, ses contradictions.
Réduit au formalisme vide, il y plaçait ses espérances.
Gerson croyait tout guérir en ramenant TÊglise aux formes
républicaines, au moment même où il se déclarait contre
• App., !55. — * App., 166.
* Saint Thomas, comme Albert le Grand, fait profe<ision de partir
toujours d'un iexl<», de commenter, rien de plus. Que sera-ce s'il est
d(*monirô qu'ils n'ont pas eu de tex»e sérieux, qu'ils ont marché cons-
tamment fur le chemin peu roVuia, perti te, des traductions les plus
infidèles, ci cela sans s'a perr*» voir que tel prt'leiidu pa«M?e d'Aristote,
fiar exemple, estaoïiaristotôliquc. V. itcnaiisance, IntroJuction (1860).
184 ESSAIS DE RÉFORME DANS l'kTAT ET DANS L*ÉGLISE.
la' liberté dans TÊtat. L'expérience du concile de Pise
n'avait rien appris. On allait assembler un autre concile k
Constance, y chercher la quadrature du cercle religieux
et politique : lier les mains au chef que Ton recoonait in-
faillible, le proclamer supérieur, en se réservant de le juger
au besoin.
Ce tribunal suprême des questions religieuses devait
aussi décider une grande question de droit. Le parti d'Or-
léans, celui de Gerson, voulait y faire condamner la mé-
moire de Jean Petit, son apologie du duc de Bourgogne, et
proclamer ce principe qu'aucun intérêt, aucune nécessité
politique n*est au-dessus de l'humanité. C'eût été une
grande chose, si, dans l'obscurcissement des idées, on fût
revenu aux sentiments de la nature.
La France semblait tout entière à ces éternels problèmes;
on eût dit qu'elle oubliait le temps, la réalité, sa réforme,
son ennemi. Au moment où l'Anglais allait fondre sur elle,
étrange préoccupation^ un grand politique d'alors pense
que si le royaume doit craindre, c'est du côté de l'Aile-
magfie et du duc de Lorraine *. Lorsqu'on vint avertir Jean
sans Peur que les Anglais, débarqués depuis près de deux
mois, étaient sur le point de livrer à l'armée royale une
grande et décisive bataille, les messagers le trouvèrent
dans ses forêts de Bourgogne'. Sous prétexte de la chasse,
il s'était rapproché de Constance, rêvant toujours à Jean
Petit et à son vieux crime, inquiet du jugement que le
concile allait rendre, et, en attendant, vivant sous la tente
au milieu des bois, et prêtant l'oreille aux voix des cerfs
qui bramaient la nuit 3.
» App., 157.
* I*cut-Oire y avait-il moins d'insouciance que de connivenofr. Oa
jugera.
^ « Le duc de Bourgogne, qui longtemps n'avoit demooré ni sêjoomé
en son pays de Buurgo.:ne, et qui vouJoit bien avoir ses plaisirs el
souibs, se ad visa que pour mieux avoir son ddduit de la citasse des
cerf-, (.'lies 011} r bruire par nuit, ii se logeroit dedans la foresi d'Ar-
gilly, qui est grande el ice. • Lcfebvre de Suint-Ucmy.
LIVRE IX
CHAPITRE PREMIER
L'Angteteire : l'ÉUt, l'Enlisé. — Asineonrt. 1415.
Pour comprendre le terrible événement que nous devons
raconter, — la captivité, non du roi, mais du royaume
même, la France prisonnière, — il y a un fait essentiel
qu'il ne faut pas perdre de vue :
En France, les deux autorités, l'Église et TËtat, étaient
divisées entre elles, et chacune d'elles en soi ;
En Angleterre, l'État et l'Église établie^ étaient parvenus,
•sous la maison de Lancastre, à la plus complète union.
Edouard III avait eu TÉglise contre lui, et malgré ses
victoires, il avait échoué. Henri V eut l'Église pour lui, et
il réussit, il devint roi de France ^
Cette cause n'est pas la seule, mais c'est la principale,
et la moins remarquée.
L'Église, étant le plus grand propriétaire de TAngleterre,
y avait aussi la plus grande influence. Au moment oîi la
propriété et la royauté se trouvèrent d'accord, celle-ci
< Du moins roi de la France do Nord. Il n*eut pas le titre de roi, étant
mort avant Charles VJ, mais il le laissa à sod fils.
\ 86 L'ANGLETERRE : L'ÊTAT, L ÉGLISE.
acquit une force irrésistible ; elle ne vainquit pas seule-
ment, elle conquit.
L'Église avait besoin de la royauté. Ses prodigieuses
richesses la mettaient en péril. Elle avait absorbé la meil-
leure partie des terres ; sans parler d'une foule de pro-
priétés et de revenus divers, des fondations pieuses, des
dîmes, etc., sur les einqucMB-tfois mille Reh de chevaliers
qui existaient en Angleterre, elle en possédait vingt-huil
mille 4. Cette grande propriété était sans cesse altaqufée au
Parlement, et elle n'y était pas représentée, défendue en
proportion de son importance ; les membres du clergé d\
étaient plus appelés que : ad canuntiendum K
La royauté, de son côté, ne pouvait se passer de Tappui
du grand proprétaire du royaume, je veux dire, du clergé.
Elle avait besoin éé soa influeaee, encore plus que de
son argent. C'est ce que ne sentirent ni Edouard I«' ni
Edouard III, qui toujours le vexèrent pour de petites
questions de subsides. C'est ce que sentit admiraMement
la maison de Lancastre, qui, à son ayén^niant» dédaia
qu'elle ne demandait à rÉglise « que ses prières 3. ^
L'on comprend combien la roycnUé et la propriété ecclé-
siastique avaient besoin de s'entendre, si Ton se rappelle
que l'édifice tout artificiel de l'Angleterre au moyen âge a
porté sur deux fictions : un roi infaillible et inviolable ^,
I App., 158.
* Ils finirent par n'y pin allflr. (HalUiii.)
» Turner. — Wilkins.
4 Les Anglais ont porté dans le droit politique oe ge'nie de fiction qoe
les Romains n'avaient montré que dans le droit civil. &I. Allen, dans soo
livre sur la Prérogative royale, a résumé les prodigieux tours de foroe
au moyen desquels se jouait cette bizarre comédie, chacun faisant sem-
blant de confondre le roi et la royauté. Thomme faillible et l'idée in-
faillible. De temps en temps la patience échappait, la coafusîoii eesuit
et rabstraction se faisait d'une manière sanglante; si la roi ne périssait
(comme Edouard H, Richard II, Henri Vl et Charles 1"), il était ren-
versé, ou tout au moins humilié, réduit à l'impuissance (Henri II, Jean,
Henri III, Jacques II).
AZINCODRT. 487
que Ton jugeait pourtant de deux règnes en deux règnes ;
d'autre part, une Église non inoins invioUble, qui, au
fond, n'étant qa*un grand établissement aristocratique et
territorial sous prétexte de religion, se voyait toujours à la
veille d'ètTQ dépouillée, ruinée.
La maison cadette de Lancastre unit pour la première
fois les deux intérêts en péril ; elle associa le roi et 1 Église.
Ce fut sa légitimité, le secret de son prodigieux succès. U
fai4 indiquer, rapidement du moins, la longue, oblique et
souterraine route par oii elle chemina. ^
Le cadet hait Tainé, c'est la règle ^, mais nulle part plus
respectueusement qu'en Angleterre, plus sournoisement^.
Aiiiourd'hui il va chercher fortune, le monde lui est
ouvert, rindustrie, k mer, les Indes ; au moyen ^e, il
restait souvent, rampait devant Tainé, conspirait 3.
Les ûls cadets d'Edouard UI, Clarence, Lancastre, York,
Glocester, titrés de noms sonores et vides, avaient vu avec
désespoir l'aîné, l'héritier, régner déjà, du vivant de leur
père, comme duc d'Aquitaine. Il fallait que ces cadets
périssent, ou régnassent aussi. Clarence alla aux aventures
en Italie, et il y mourut. Glocester troubla rAn|,^leterre,
jusqu'à ce que son neveu le Ht étrangler. Lancastre se lit
appeler roi de Castilie, envahit r£spagne et échoua ; puis
la France, et il échoua encore ^. Alors il se retourna du
coté de lAngleterre.
* Bi»n entenin, là où il y a priyflégc pour t'alné.
« Ceci est moins vrai depuis que l'Anglcferw a créé un* iainen*)
|»ropricl4ii}iobi/i^e,.qui se parLigo mtIoo l'é(|uiui. L» propriété terril'^
riaû reste assujettie aux loi» du moyen Age. — Au reste, le droit «l'aî-
iie-se e>tdaus les mceurs, dans les idées mOine du peuple. J ai liu* a re
•ojet UM anecdote uès-Cttrïeu'te (l. I. à U lin du livre preiwier). — iJ»*
que le père s'enrichit, sa première pensée est : F«ir« un a'tut. A «luoi
réplique tout bas la peasée du cadet : Être indepemiaHi, avuir une l|w<»-
nèm iufj^tauce (lo bc independent, to liave a ci>nipoienci -^ Ce» deux
uiois }»oni le dialogue tacite de la famille an^'laise. iipp.» 159.
» Happrorlier 1 bistoîre des trois Gk^esier, du frère dtt l*iioc« >oir,
du frère d'Henri V et du frère d'Edouard i V.
« tn 1373.
188 l'àMGLETERRE : L'ÉTâT, l'égusk.
Le moment était favorable pour lui. Le mécontentement
était au comble. Depuis les victoires de Crécy et de Poitiers,
FAngleterre s'était méconnue; ce peuple laborieux, dis-
trait une fois de sa tâche naturelle, Taccumulation de la
richesse et le progrès des garanties, était sorti de son
caractère ; il ne rêvait que conquêtes, tributs de l'étranger,
exemption d'iriipôts. Le riche fonds de mauvaise humeur
dont la nature les a doués, fermentait à merveille. Us s'en
prenaient au roi, aux grands, à tous ceux qui faisaient la
guerre en France; c'étaient des traîtres, des lâches. Les
cockneys de Londres, dans leur arrière-boutique, trou-
vaient foi*t mal qu'on ne leur gagnât pas tous les jours des
batailles de Poitiers. « 0 richesse, richesse, dit une ballade
anglaise, réveille- toi donc, reviens dans ce pays *I » Cette
tendre invocation à l'argent était le cri national.
La France ne rapportant plus rien, il fallut bien que,
dans leur idée fixe de ne rien payer, ils regardassent où
ils prendraient. Tous les yeux se tournèrent vers l*Sglise.
Mais l'Église aussi avait son principe immuable, le pre-
mier article de son credo : De ne rien donner. A toute
denfande, elle répondait froidement : « L'Ëglise est trop
pauvre.. »
Cçtte pauvre Église ne donnant rien, on songeait à lui
enlever tout. L'homme du rt)i, Wicleff^, y poussait; les
lollards aussi, par en bas, obscurément et dans le peuple.
Lancastre en fit d'abord autant ; c'était alors le grand
chemin de la popularité.
J'ai dit ailleurs comment les choses tournèrent, comment
1 • Awake, wealth, and walk in this région t.. . • Toraer. — La foi
des Anglais dans la tonte-pnissance de l'argrnl est naïvement exprimée
dans les dernières paroles dn cardinal Winchester, il dûait en mouraBt :
• Comment est-il donc possible que je meure, étant si riche? Qooil
Targent ne peut donc rien à cela? • Ibidem.
* Lewis. Richard II prit Wicleff ponr son chapelain. V. dans Walsin-
gham la grande scène où Wicleff est soutenu par les princas et les grands
contre TéTèque et le peuple de Londres.
AZINCOI'RT. 180
eo grand mouvement entraînant le peuple, et jusqu'aux
serfs, toute propriété se trouva en péril, non plus seule-
ment la propriété ecclésiastique; comment le jeune
Richard 11 dispersa les serfs, en leur promettant qu'ils
seraient affranchis. Lorsque ceux-ci furent désarmés, et
qu'on les pendait par centaines, le roi déclara pourtant
que si les prélats, les lords et les communes confirmaient
l'affranchissement, il le sanctionnerait. A quoi ils répondi-
rent unanimement : « Plutôt mourir tous en un jour ^ »
Richard n'insista pas; mais Faudacieuse et révolution*
naire parole qui lui était échappée, ne fut jamais oubliée
des propriétaires, des maîtres de serfs, barons, évéques,
abbés. Dès ce jour, Richard dut périr. Dès lors aussi,
Lancastré' dut être le candidat de l'aristocratie et de
l'Église.
11 semble qu'il ait préparé patiemment son succès. Des
bruits furent semés, qui le désignaient. Une fois, c'était un
prisonnier français qui aurait dit : « Ah ! si vous aviez
pour roi le duc de Lancastre, les Français n oseraient plus
infester vos côtes. » On faisait circuler d'abbaye eu abbaye,
et partout au moyen des frères, une chronique qui attri-
buait au duc je ne sais quel droit de succession à la cou-
ronne, du chef d'un fils d'Edouard I^*". Un carme accusa
hardiment le duc de Lancastre de conspirer la mort de
Richard; Lancastre nia, obtint que son accusateur serait
provisoirement remis à la garde de lord llollanJ, et, la
veille du jour où l'imputation devait être examinée, le
carme fut trouvé mort.
Richard travailla lui-même pour Lancastre. Il s'entoura
de petites gens, il fatigua les propriétaires d'emprunts, de
vexations; enfin, il commit le grand crime qui a perdu
tant de rois d'Angleterre *, il se maria en France. II n'y
avait qu'on point difficile pour Lancastre et son fils Derby,
c'était de se décider entre les deux grands pai-tis, entre
« Toroer. - * Henri 11, Edouard 11, Richard H, Ilcori YI, Charles !«'.
190 l'angleterrs : l'état, l'Aglisb.
rÉgli^ établie et les novateurs. Richard rendit à Derby le
service de l'exiler ; c'était le dispenser de choisir. De loin,
il devint la pensée de tous ; chacun le déâra« le croyant
pour soi.
La chose mûre, Tarchevéque de Cantoriiéry alla cher*
cher Derby en France ^. Celui-ci débarqua, déclarant
humblement qu'il ne réclamait rien que le bien de son
père. On a vu comment il se trouva forcé de régner. Alors
il prît son parti nettement. Au grand étonnement des nova-
teurs, parmi lesquels il avait été élevé à Oxford, Henri IT
se déclara le champion de l'Église établie : a Mes prédé-
cesseurs, dit-il aux prélats, vous appelaient pour vous
demander de Targent. Moi, je viens vous .voir pour réda-
mer vos prières. Je maintiendrai les libertés de l'ËgUse;
je détruirai, selon mon pouvoir, les hérésies et les héré*
tiques*. »
Il y eut un compromis amical entre le roi et l'Église.
Elle le sacra, l'oignit. Lui, il lui livra ses ennemis. Les
adversaires des prêtres furent livrés aux prêtres, pour être
ju^fés; brûlés'. Tout le monde y trouvait son compte. Les
biens des lollards étaient confisqués ; un tiers revenait an
juge ecclésiastique, un tiers au roi. Le dernier tiers était
donné mix communes où Ton trouverait des hérétiques;
c'était un moyen ingénieux de prévenir leur résistance,
de les allécher à la délation^.
* 11 avait été banni par Richard n et ton temporel eonfisqoé.
* Henri IV, intimement uni aux évéques d'Anf leterre, conmeiifa son
règne par leur donner des armes contre les trois genres d'ennemis qu'ils
avaient à craindre : i" contre le pape, contre Tinyasion du dergé ètmm'
gn-; 2" contre les moinet (hes moines achetaient des bulles du pape pour
se dispenser de payer la dime aux évéques); 3* oonlre les hèréU^ua^
Statules of the realm.)
' Les diocésains peuvent faire arrêter ceux qui prêchent ou emeignenî
sant leur autorisation et las faire brûUr, en lieu apparent et élevé :
• In eminenii loco comburi faciant. » —. i And thepi before the people
in an hii;h place do to be burnt, » Ibidem.
« Turner. En 1430, il n*ea était plos ainsi; tout rertnait an rai.
AZI!«COUfiT. 494
Les prélats, les barons, n'aTaient mis leur homme sttr le
trône, que pour régner eux-mêmes. Cette royauté qu*ils
lui avaient donnée en gros, ils la lui reprirent en détail.
Non contents de faire les lois, ils s'emparèrent indirecte-
ment de l'administration. Us finirent par nommer au roi
une sorte de conseil de tutelle, dans lequel il ne pouvait
pîen faire*. Il regretta alors d'avoir livré les lollards ; il
essaya de soustraire aux prêtres le jugement des gens de
ee parti. Il songeait, comme Richard 11, à chercher un
appui chez l'étranger; il voulait marier son fils en France.
Mais son fils même n'était pas sûr. On a remarqué, non
sans apparence de raison, qu'en Angleterre les atnés
aiment moins leurs pères ^; avant d'être fils, ils sont héri-
tiers. Le fils de Lancastre était d'autant plus impatient de
porter la couronne à son tour, qu'il avait, par une vic-
toire, ra&rmi cette eouvonnè sur la tète de son père. Lui
aussi, il traitait avec les Français', mais à part et pour son
compte.
Ce jeune ^ Henri plaisait au peuple. C'était une svelte et
élégante figure, comme on les trouve volontiers dans les
nobles familles anglaises. C'était un infatigable foc^huntery
si leste qu'il pouvait, disait-on, ehasser le daim à pied. Il
* Ces conditions étaient pins hnmiliantes qu'aucune de celles qui
avaieni été imposées à Kichafd II. Il devait prendre seiie conseillers, m
laisser guider «niqoeoieni par leurs aris, etc.
* • L^ droit de primogéniture met de Ja rudesse dans les rapports du
pore au fils atné. Celui-ci s'habitue & se considéra oomme indépendant;
ee qu'il reçoit de tes parents est à set yeux une dette plus qu'un bien*
fait. La mor: d'un père, celle d'un frère atné, dont on attend l'héritage,
sont sur la scène anglaise l'objet do plaisanteries qne l'on applaudit et
qui chei 90US révolteraient le public, t M"* de Staël. — Je ne puis
m'empécher de rapprocher de ceci le mot de l'historien romain dans son
tableau des proscriptions : t II y eut beaucoup de fidélité daa% las
épouses, assex dans les affranchis, qaelque peu chez les esclaves, aucune
dam les fils; tant, l'espoir une fois conçu, ii est difficile dlattendiel •
Velleius Paterculuj.
■ Le fil-4 négociait arec le parti de Bourgogne, tandis que le père sa
rapprochait du parti d'Orléans.
192 l'Angleterre: létat, l église.
avait fait longtemps les petites et rudes guerres des Gallfê,
la chasse aux hommes.
Il se lia aux mécontents, se faufila parmi les loliards,
courant leurs, réunions nocturnes, dans les champs S dans
les hôtelleries. Il se fit Tami de leur chef, du brave et dan-
gereux Oldcastle, celui même que Shakespeare^ ennemi
des sectaires de tout âge^, a malicieusement transformé
dans l'ignoble Falstaff. Le père n'ignorait rien. Mais, en-
fermer son fils, c'eût été se déclarer contre les loilanL^,
dont il voulait justement se rapprocher à cette époque.
Cependant, le roi, malade, lépreux, chaque jour plus
solitaire et plus irritable, pouvait être jeté par ses craintes
dans quel(|ue ré$oIutioi\ violente. Son fils cherchait à le
rassurer par une affectation de vices et de désordres,.par
des folies de jeunesse, adroitement calculées. On dit
qu'un jour il se présenta devant son père couvert d'un
habit de satin, tout percé d'œillets, où les aiguilles tenaient
encore par leur fil; il s'agenouilla devant lui, lui présenta
un poignard pour qu'il l'en perçât, s*il pouvait avoir
quelque défiance d'un jeune fol, si ridiculement habillé.
Quoi qu'il en soit de cette histoire, le roi ne put s'em-
pêcher de faire comme s'il se fiait à lui. Pour lui diMiner
patience, il consentît à ce qu'il entrât au conseil. Mais ce
n'était pa§ encore assez. Le jour de sa mort, comme il
ouvrait les yeux après une courte léthargie, il vit l'héritier
qui mettait la main sur la couronne, posée (selon l'usage)
sur un coussin près du lit du roi. II l'arrêta, avec cette
froide et triste parole : « Beau fils, quel droit y avez-vous?
Votre a père n'y eut pas droits. »
^ c'était comme nos écoles hui%ionnière4 da xvi* siècle.
* Il e^t dit toutefois dans Henri IV que Falâiaff parlait : Contre 1a
prostituée de Babylone. App., 100.
* Le roi loi demanda pourquoi il emportait sa couronne, et le prince
lui dit : • Monseigneur, voici en présence ceux qui m*avoient donné à
eniendrc et afiirmc que vous estiez trépassé; et pour ce que je suis votre
fUsahié.,.* Monstrclet.
AZmCOURT. 193
i
Dans les derniers temps qui précédèrent son avènement,
Henri Y avait tenu une conduite double, qui donnait de
l'espoir aux deux partis. D'un côté, il resta étroitement lié
avec Oidcastle^, avec les lollards. De Tautre, il se déclara
Tami de TËglise établie, et c'est sans doute comme tel qu'il
finit par présider le conseil. A peine roi, il cessa de ménager
les lollards ; il irompit avec ses amis. Il devint l'homme de
r£glîse, le prince selon le cœur de Dieu ; il prit la gravité
ecclésiastique, « au point, dit le moine historien, qu'il eût
servi d'exemple aux prêtres mêmes*. »
D'abord, il accorda des lois terribles aux seigneurs
laïques et ecclésiastiques, ordonnant aux justices de paix
de poursuivre les serviteurs et gens de travail, qui fuyaient
de comté en comté 3. Une inquisition régulière fut orga-
nisée contre l'hérésie. Le chancelier, le trésorier, les ju-
ges, etc. , devaient^ en entrant en charge, jurer de faire toute
diligence pour rechercher et détruire les hérétiques. En
même temps le primat d'Angleterre enjoignait aux évéques
et archidiacres, de s'enquérir au moins deux fois par an
des personnes suspectes d'hérésie, d'exiger dans chaque
commune que trois hommes respectables déclarassent
sous serment s'ils connaissaient des hérétiques, des gens
qui différassent des autres dans leur vie et habitudes, des
gens qui tolérassent ou reçussent les suspects, des gens qui
possédassent des livres dangereux en langue anglaise^ etc.
Le roi, s'associant aux sévérités de l'Église, abandonna
lui-même son vieil ami Oldcastle à l'archevêque de Can-
torbéry*. Des processions eurent lieu par ordre du roi,
pour chanter les litanies, avant les exécutions.
* Tellement que l'archevôque de Canlurbéry hésitait à Tattaqner, le
croyait t encore ami du roi. (Walsingh^im.)
* • liepente matatus est in virum alteram..., cnjns mores et gestus
Omni condiiioni, tam religiosorum quam laicorum, in exempla fuere. •
WaUiiigham.
' Siatulcs of (hc realm.
* L'ex 1111 jn d'OlUcaâile par rarchev^quB est très- curieux dans l'his*
IV. 43
iU L'ANGLETERRE : L ÉIÀT, L ÉGLISE.
L*£gUse frappait, et elle tremblaU. Les lollards avaient
affiché qu'ils étaieat cent mille en armes. Us devaient se
réunir au champ de SaintGiUea, le lendemain de TËpi-
phanie. Le roi y alla de nuii, et les attendit avec des
troupes ; mais ils n'acceptèrent pas la bataille.
Ce champion de TÉglise n'avait pas seulement contre lui
les ennemis de l'Ëglise; il avait les siens encore, comme
Laneastre, comme usurpateur. Les uns s'obstinaient à
croire que ftichard U n'était pas mort. Les autres disaient
que rhéritier légitime était le comte de Harch; et ils
disaient vrai. Scrop lui-même, le principal conseiller
d'Henri, le confident, ïhomme du aewr^ conspira avec
deux autres en £»veur du comte de March.
A cette fermentation intérieure, il n'y avait qu'un
remède, la guerre. Le 4.6 avril 1415, Henri avait annoncé
■au Parlemeat qa'il ferait une descente en France. Le i9,
il ordonna à tous les seigneurs, de se tenir prêts. Le 28 mai,
prétendant une invasion imminente des Français, il écrivit
à. l'archevêque de Cantorbéry et aux autres prélats» d^ orga-
niser les gens d*Église pour la défense du royaume^. Trois
semaines après, il ordonna aux chevaliers et écuyers de
passer en revue Les honunes capables de porter les armes,
de les diviser par compagnies. L'afiaire de Scrop le retar-
dait, mais il complétait ses préparatifs^. Il animait le
peuple contre les Français, en faisant courir le bruit que
c'étaient eux qui payaient des traîtres, qui avaient gagne
Scrop, pour déchirer, ruiner le pays^.
Henri, envoya en France deux ambassades coup sur coup,
disant qu'il était roi de France, mais qu'il voulait bien
attendre la mort du roi, et en attendant épouser sa fille,
toire du moine Walsingham ; il est impossible de toer arec plus de s^o-
sibiliid; le jage s'aUeodrit* il pleure; oo le plaiodrait volootie» plus
que U victime. A^., 161.
» i4pp., 162. ^*App., 163.
3 Walsingham y croit. Mais Turner voit irès-bieo que ce n'êtât qu uo
faux brnit.
AZINCOURT. 495
avec toutes les provinces cédées par le traité de Bretigny ;
c'était une terrible dot; mais il lui fallait encore la Nor-
mandie, e*est-à-dire le moyen de prendre le reste. Une
grande ambassade ^ vint en réponse lui offrir, au lieu de la
Normandie, le Limousin, en portant la dot de la princesse
jusqu'à 850,000 écus d'or. Alors le roi d'Angleterre de-
manda que cette somme fût payée comptant. Cette vaine
Dégociation dura trois mois (13 avril -â8 juillet), autant
que les préparatifs d*Henri. Tout étant prêt, il fit donner
des présents considérables aux ambassadeurs et les ren-
voya, leur disant qu*il allait les suivre.
Tout le monde en Angleterre avait besoin de la guerre.
Le roi en avait besoin. La branche aînée avait eu ses
batailles de Crécy et de Poitiers. La cadette ne pouvait se
I^itimer que par une bataille.
L'Église en avait besoin, d'abord pour détacher des loi-
lards une foule de gens misérables qui n'étaient loUards
que faute d'être soldats* Ensuite, tandis qu'on pillerait la
France, on ne songerait pas à piller TËglise ; la terrible
question de sécularisation serait ajournée.
Quoi de plus digne aussi de la respectable Église d'An-
gleterre et qui pût lui faire plus d'honneur, que de réformer
cette France schismatique, de la châtier fraternellement,
de lui faire sentir la verge de Dieu? Ce jeune roi si dévoué,
si pieux, ce David de l'Église établie, était visiblement
l'instrument prédestiné d'une si belle justice.
Tout était difficile avant cette résolution ; tout devint
facile. Henri, sûr de sa force, essaya de calmer les haines
en faisant réparation au passé. Il enterra honorablement
Richard II. Les partis se turent. Le parlement unanime
vota pour l'expédition une somme inouïe. Le roi réunit
six mille homntes d'armes, vingt-quatre mille archers, la
• Jamais le roi de France n'arjil envoyd à celui d'Angleterre niK*
amlM9»ade an<fii 8olcDn<»lle; il y avail dotne ambas^adt^urs, et ïewr
saite se composait de cinq centqaaire-viogi-douie personnea. (Rymar.)
496 l'angletfrre : létat, l'églisb.
plus forte armée que les Anglais eussent eue depuis plus
de cinquante ans*.
Cette armée, au lieu de s'amuser autour de Calais,
aborda directement à Harfleur, à l'entrée de la Seine. Le
point était bien choisi. Harfleur, devenu ville anglaise, eût
été bien autre chose que Calais. Il eût tenu la Seine
ouverte; les Anglais pouvaient dès lors entrer, sortir.
pénétrer jusqu'à Rouen et prendre la Normandie, jusqu a
Paris, prendre la France, peut-être.
L'expédition avait été bien conçue, très-bien préparée.
Le roi s'était assuré de la neutralité de Jean sans Peur; il
avait loué ou acheté huit cents embarcations en Zélande et
en Hollande, pays soumis à l'influence du duc de Bour-
gogne, et qui d'ailleurs ont toujours prêté volontiers des
vaisseaux à qui payait bien*. Il emporta beaucoup de
vivres, dans la supposition que le pays n'en fournirait pas.
D'autre part, l'Église d'Angleterre, de concert avec les
communes, n'oublia rien pour sanctifier l'entreprise:
jeûnes, prières, processions, pèlerinages '. Au moment
môme de l'embarquement on brûla encore un hérétique.
Le roi prit part à tout dévotement. Il emniena boti nombre
de prêtres, particulièrement l'évoque de Norwîch, qui lui
fut donné pour principal conseiller.
Le passage ne fut pas disputé, la France n'avait pas un
vaisseau * ; la descente ne le fut pas non plus, les popula-
tions de la côte n'étaient pas en état de combattre cette
1 Caire les canonjiiers, oayriersi etc. Quinze cents bâtiments de truiâ-
port. App., 164.
* Sous Charles VT> sous Louis XI TT, etc.
* Les scrupules d'Henri allèrent jusqu'à refuser le service d'on feot-
leman qui lui amenait vingt hommes^ mais qui ayait été moine» et n'était
rentré dans la vie séculière qu'au moyen d'une âitpenge dM pape. Ces
dispenses étaient le sujet d'une guerre continuelle entre Rome et l'église
d'Angleterre.
^ Le roi n'en avait pas; mais plusieurs villes, telles qoeU RoclMlie,
Dieppe, etc. , en avaient un assez grand nomUre,
AZl^'couRT. 1 97
grande armée. Mais elles se montrèrent très -hostiles; le
duc de Normandie, c'est le premier titre que prit Henri V,
fut mal reçu dans son duché, les villes, les châteaux se
gardèrent; les Anglais n'osaient s'écarter, ils n'étaient
maîtres que de la plage malsaine que couvrait leur camp.
N'oublions pas que notre malheureux pays n'avait phis
de gouvernement. Les deux partis ayant reflué au nord, au
midi, le centre était vide; Paris était las, comme après les
grands efforts, le roi fol, le dauphin malade, le duc de
Berri presque octogénaire. Cependant ils envoyèrent le
maréchal de Boucicaut à Rouen, puis ils y amenèrent le
roi, pour réunir la noblesse de l'Ile-de-France, de la Nor-
mandie et de la Picardie. Les gentilshommes de cette
dernière province reçurent ordre contraire du duc de
Bourgogne^; les uns obéirent au roi, les autres au duc;
quelques-uns se joignirent même aux Anglais.
HarQeur fut vaillamment défendu, opiniâtrement attaqué.
Une brave noblesse s'y était jetée. Le siège tratna; les
Anglais souflfrirent infiniment sur cette côte humide. Leurs
vivres s'étaient gâtés. On était en septembre, au temps des
fruits; ils se jetèrent dessus avidement. La dyssenterie se
mit dans l'armée et emporta les hommes par milliers,
non -seulement les soldats, mais les nobles, écuyers,
chevaliers, les plus grands seigneurs, l'évéque même de
Norwich. Le jour de la mort de ce prélat, l'armée anglaise,
par respect, interrompit les travaux du siège.
Harfleur n'était pas secouru. Un convoi de poudre
envoyé de Rouen fut pris en chemin. Une autre tentative
ne fut pas plus heureuse; des seigneurs avaient réuni
jusqu'à six mille hommes pour surprendre le cainp an-
* Le senritenr des dacs de Bourgogne, qui depuis fut leur héraut
d^armes, sous le nom de Toison d'or, avoue ceci expressément : • Y
allèrent à puissance de gens, jd toit (quoique) U due de Bourgogne
mandât par ses lettres patentes, que ils ne bougeattent, et que ne ser-
Tissant ni partissent de leurs hostels, jusques à tant qu'il leur ûil sça-
▼oir. > Lefebvre de Saint- lieroy.
198 X ANGLETERRE: L ÉTAT, L ÉGLISE.
glais ; leur impétuosité fit tout manquer, ils se découvrirent
avant le moment favorable.
Cependant ceux qui défendaient Harfleur, n'en pouvaient
plus de fatigue. Les Anglais ayant ouvert une large brèche,
les assiégés avaient élevé des palissades derrière. On leur
brûla cet immense ouvrage, qui fut trois jours à se con-
sumer. L'Anglais employait un moyen infaillible de les
mettre à bout ; c'était de tirer jour et nuit ; ils ne dormaient
plus.
Ne voyant venir aucun secours, ils finirent par demander
deux jours pour savoir si Ton viendrait à leur aide. « Ce
n'est pas assez de deux jours, dit l'Anglais; vous en aurez
quatre. » Il prit des otages, pour être sûr qu'ils tiendraient
leur parole. Il ûi bien, car le secours n'étant pas venu au
jour dit, la garnison eût voulu se battre encore. Quelques-
uns même, plutôt que se rendre, se réfugièrent dans les
tours de la côte, et là ils tinrent dix jours de plus.
Le siège avait duré un mois. Mais ce mois avait été plus
meurtrier que toute Tannée qu'Edouard III resta campé
devant Calais. Les gens d'Harfleur avaient, comme ceux de
Calais, tout à craindre des vainqueurs. Un prêtre anglab
qui suivait l'expédition nous apprend, avec une satisfac-
tion visible, par quels délais on prolongea l'inquiétude et
l'humiliation de ces braves gens : « On les amena dans
une tente, et ils se mirent à genoux, mais ils ne virent pas
le roi ; puis dans une tente oii ils s'agenouillèrent long*
temps, mais il ne virent pas le roi. En troisième lieu, on
les introduisit dans une tente intérieure, et le roi ne se
montra pas encore. Enfin, on les conduisit au lieu où le
roi siégeait. Là ils fuirent longtemps à genoux, et notre rot
ne leur accorda pas un regard, sinon lorsqu'ils eurent été
très'longtetnps agenouillés. Alors le roi les regarda, et fit
signe au comte de Dorset de recevoir les clefs de la ville.
Les Français furent relevés et rassurés *. •
* App,, i65.
AZINCOURT. 499
Le n>i cTAngleteire, avec ses ea^Htaines, son clergé, son
armée, fit son entrée dni» la viUe. A la poite, il descendit
de cheval et se fit âter sa chatissore ; il alla, pieds nus, à
réglise paroissiale « regrftcîer son Créateur de sa bonne
lortmie. » La viUe n'en fiit pas mieux traitée; une bonne
partie des bourgeois furent mis à rançon, toutconmnc les
gens de guerre; tous les habitants furent chassés de la
ville, les feaunesiséine et les enfents; on leur laissait cinq
sols et leurs jupes ^
Les vaiaqueurs, au boat de cette guerre de cinq scnMtnes,
éiûeat d^à Uea découragés. Des trente mille hommes qui
étaient partis, il en restait vingt mille; et il en («liât ren-
voyer encore cinq raille, qui étaient blessés, malodes oo
tuop fatifttés. jyÛs, quoique la prise d'Barfleur fût un
grand et important résultat, le roi, qui l'avait acheté parla
perte de tant de aoidats, de tant de personnages éminents,
ne pouvait se présenter devant le pays en deuil, s'il ne
relevait les esprits par quelque chose de chevaleresque et
de hardi. D'abord il défia le dauphin à combattre corps à
eorps. Puis, pour constater que la France n'osait com-
battre, il déclara que d'Harfleur il irait, à travers champs,
jusqu'à la ville de Calais'.
La chose était hardie, elle n'était pas téméraire. On con-
naissait les divisions de la noblesse française, les défiances
qui rempéchaient de se réunir en armes. Si elle n'était pas
venue à temps, pendant tout un grand mois, pour défendre
le poste qui couvrait la Seine et tout le royaume, il y avait
à parier qu'elle laisserait bien aux Anglais les huit jours
qu'il leur fiallait pour arriver à Calais selon le calcul
d'Uenri. •
11 lui restait deux mille hommes d'armes, treize mille
archers, une armée leste, robuste; c'étaient ceux qui
avaient résisté. Il leur fit prendre des vivres pour huit
• App., t66. — > App., IS7.
SOO l'angletrbiu; : l'état, l'église.
jours. D'ailleurs, une fois sorti de Normandie, il y avait à
parier que les capitaines du duc de Bourgogne en Picardie,
en Artois, aideraient à nourrir cet)e armée, ce qui arriva.
C'était le mois d'octobre, les vendanges se faisaient; le vin
ne manquerait pas ; avec du vin, le soldat anglais pouvait
aller au bout du monde.
L'essentiel était de ne pas soulever les populations sur
sa route, de ne pas armer les paysans par des désordres.
Le roi fit exécuter à la lettre les belles ordonnances de
Richard II sur la discipline^ : Défense du viol et du pillage
d'église, sous peine de la potence; défense de crier haooc
(pille I), sous peine d'avoir la tête coupée ; même peine
contre celui qui vole un marchand ou vivandier ; obéir an
capitaine, loger au logis marqué, sous peine d'être empri-
sonné et de perdre son cheval, etc.
L'armée anglaise partit d'Harfleur le 8 octobre. Elle tra-
versa le pays de Caux. Tout était hostile. Arques tira sur
les Anglais; mais quand ils eurent fait la menace de
brûler tout le voisinage, la ville fournit la seule chose
qu'on lui demandait, du pain et du vin. Eu fit une furieuse
sortie; même menace, même concession ; du pain, du vin,
rien de plus. .
Sortis enfin de la Normandie, les Anglais arrivèrent le
J 3 à Abbevilie, comptant passer la Somme à la Blanche-
Tache, au lieu même où Edouard III avait forcé le passage
avant la bataille de Crécy. Henri V apprit que le gué était
gardé. Des bruits terribles circulaient sur la prodigieuse
armée que les Français rassemblaient; le défi chevale-
resque du roi d'Angleterre avait provoqué la furie fran-
çaise^ ; le duc de Lorraine, à ItH seul, amenait, disait-on,
t
« Règlement de 1386. V. Sir Nicolas.
^ La noblesse élait animée par la honte d'avoir loissé prendre Har-
Heiir. Le Religieux exprime ici avec une cxtrôme amertume le senlîroent
nalional : • La nob'essc, dil-il. en fui moquée, sifilée, cbansonnre, tout
le juui' chez les nalions étrangères. Avoir sans résistance laissé le
AZtrCCOURT. 20 1
«
cinquante mille hommes*. Le fait est que, quelque dili-
gence que mtt la noblesse, celle surtout du parti d'Orléans,
à se rassembler, elle était loin de l'être encore. On crut
^tile de tromper Henri Y, de lui persuader que le passage
était impossible/ Les Français ne craignaient rien tant que
de le voir échapper impunément. Un Gascon, qui apparte-
nait au connétable d'Albret, fut pris, peut-être se fit
prendre; mené au roi d'Angleterre, il affirma que le
passage était gardé et infranchissable, a S'il n'en est ainsi,
dit'il, coupez -moi la tête. » On croit lire la scène où le
Gascon Montluc entraîna le roi et le conseil, et le décida à
permettre la bataille de Cérisoles.
Retourner à travers les populations hostiles de la Nor-
mandie, c'était une honte, un danger; forcer le passage
du gué était difficile, mais peut-être encore possible.
Lefebvre de Saint-Remy dit lui-même que les Français
étaient loin d'être prêts. Le troisième parti, c'était de
s'engager dans Içs terres, en remontant la Somme jusqu'à
ce qu'on trouvât un passage. Ce parti eût été le plus
hasardeux des trois, si les .Anglais n'eussent eu intelli-
gence dans le pays. Mais il ne faut pas perdre de vue que
dépuis 4 406, la Picardie était sous l'influence du duc de
Rourgogne; qu'il y avait nombre de vassaux, que les
capitaines des villes devaient craindre de lui déplaire, et
qu'il venait de leur défendre d'armer contre les Anglais.
Ceux-ci, venus sur les vaisseaux de Hollande et deZélande,
avaient dans leurs rangs des gens du Hainault ; des Picards
s'y joignirent, et peut-être les guidèrent *.
L'armée, peu instruite des facilités qu'elle trouverait
dans cette entreprise si téméraire en apparence, s'éloigna
de la mer avec inquiétude. Les Anglais étaient partis le
9 d'Harfleur; le 13, ils commencèrent à remonter la
«
royaume perdre son meilleur et son plus utile port, aroir laissé prendre
honteusement ceux qui s'étaient si bien défendus! •
t A^., 108. . • Afp.^ 109.
202 L'ANGLETERRE : L'ÉTAT, l'ÉGLISE.
Somme. Le 14, ils envoyèrent un détachemeiU pour essayer
le passage de Pont-de-Remy ; mais ce détachement fut
repoussé; le 15, ils trouvèrent que le passage de Pont-
Audemer était gardé aussL Huit jour^ étaient écoulés
au 17, depuis le départ d^Harfleur, mai£ au lieu d'être à
Calais, ils se trouvaient près d'Amiens. Les plus fermes
commençaient à porter la tète basse ; Us se recomman-
daient de tout leur cœur à Saint-Georges et à la sainle
Yierge. Après tout, les vivres ne manquaient pas. Ils trou-
vaient à chaque station du pain et du vin; à Boves, qui
était au duc do Bourgogne, le vin les attondaît, en telle
quantité, que le roi craignit qu'ils ne s'enivrassent.
Près de Nesles, les paysans refusèrent les vivres et s'en-
fuirent. La Providence secourut encore les Anglais. Un
homme du pays vint dire * qu'en traversant un marais, ils
trouveraient un gué dans la rivière. C'était un passage
long, dangereux, auquel on ne passait guère. Le roi avait
ordonné au capitaine de Saint-Quentin de détruire le gué,
et même d'y planter des pieux, mais il n'en avait rien fait.
Les Anglais ne perdirent pas un moment. Pour faciliter
le passage, ils abattirent les maisons voisines, jetèrent sur
l'eau des portes, des fenêtres, des échelles, tout ce qu'ils
trouvaient. Il leur fallut tout un Jour ; les Français avaient
une belle occasion de les attaquer dans ce long passage.
Ce fut seulement le lendemain, dimanche 20 octobre,
que le roi d'Angleterre reçut enfin le défi du duc d'Orléans,
du duc de Bourbon et du connétable d'Albret. Ces princ4?s
n'avaient pas perdu de temps, mais ils avaient trouvé tous
les obstacles que pouvait rencontrer un parti qui se por-
tait seul pour défenseur du royaume. En un mois, ils
avaient entraîné jusqu'à Abbeville toute la noblesse du
midi, du centre. Ils avaient forcé l'indécision du cun>eil
royal et les peurs du duc ^e Berri. Ce vieux duc voulait
« Apv., 170.
AZmCOURT. 203
d'abord que les partis d'Orléans et de Bourgogne envoyas^
sent chacun cinq cents lances seulement ^; mais ceux
d'Orléans vinrent tous. JEnsuite se souvenant de PoitierS;
oit il s était sauvé jadis, il voulait qu'on évitât la bataille,
que du moins le roi et le dauphin se gardassent bien d'y
aller. 11 obtint ce dernier point; mais la bataille fut décidée.
Sur trente-cinq conseillers, il s'en trouva cinq contre,
trente pour. C'était au fond le sentiment national; il
fallait, dut- on être battu, faire preuve de cœur, ne pas
laisser 1 Anglais s'en aller rire à nos dépens après cette
longue promenade. Nombre de gentilshommes des Pays-
Bas voulurent nous servir de seconds dans ce grand duel.
Ceux du Uainault, du Brabant, de Zélande, de Hollande
même si éloignés, et que la chose ne touchait en rien,
vinrent oorabatlre dans nos rangs, malgré la duc de Bout*
«ogne.
D'Abbevilie, l'armée des princes avait de son c6té
remonté la Somme jusqu'à Péronne, pour disputer le
}ias8age. Sachant qu'Henri était passé, ils lui envoyèrent
demander, sdon les us de la chevalerie, jour et lieu pour
la bataille, et quelle route il voulait tenir. L'Anglais ré-
pondit, avec une simplicité digne, qu'il allait droit à
Calais, qu'il n'entrait dans aucune ville, qu'ainsi on le
trouverait toujours en plein champ, à la grâce de Dieu, k
quoi 11 ajouta : « Nous engageons nos ennemis à ne pas
nous fermer la route et à éviter TeSusion du sang chré-
tien. »
De l'autre côté de la Somme, les Anglais se virent vrai-
ment en pays ennemi. Le pain manqua ; ils ne mangèrent
pendant huit jours que de la viande, des œufs, du beurre,
enfin ce qu'ils purent trouver. Les princes avaient dévasté
la campagne, rompu les routes L'armée anglaise fut
obUgée, pour les logements, de se diviser entre plusieurs
* App., 171.
$04 L ANGLETERRB : L'BTAT, L ÉGLISE.
villages. C'était encore une occasion pour les Français; ils
n*en profitèrent pas. Préoccupés uniquement de faire une
belle bataille, ils laissaient Tennemi venir tout à son aise.
Ils s'assemblaient plus loin, près du ch&teau d'Azîncourt,
dans un lieu où la route de Calais se resserrant entre Âzin-
court et Tramecourt, le roi serait obligé, pour passer, de
livrer bataille.
Le jeudi 24 octobre, les Anglais ayant passé Blangy ^
apprirent que les Français étaient tout près et crurent
qu'ils allaient attaquer. Les gens d'armes descendirent de
cheval, et tous, se mettant à genoux, levant les mains an
ciel, prièrent Dieu de les prendre en sa garde. Cependant
il n'y eut rien encore ; le connétable n'était pas arrivé à
l'armée française. Les Anglais allèrent loger à Maisoncelle
se rapprochant d'Azincourt. Henri Y se débarrassa de ses
prisonniers. « Si vos maîtres survivent, dît-il, vous vous
représenterez à Calais. >
Enfin ils découvrirent Timmeiise armée française, ses
feux, ses bannières. 11 y avait, au jugement du témoin oca-
laire, quatorze mille hommes d'armes, en tout peut-^ie
cinquante mille hommes ; trois fois plus que n'en comp-
taient les Anglais*. Ceux-ci avaient enze ou douze mille
hommes, de quinze mille qu'ils avaient emmenés d'Har*
fleur ; dix mille au moms, sur ce nombre, étaient des ar-
chers.
Le premier qui vint avertir le roi, le Gallois ^ David
Gam, comme on lui demandait ce que les Français pou-
vaient avoir d'hommes, répondit avec le ton léger et van-
tard des Gallois : « Assez pour être tués, assez pour être
* « Gomme il fat dit an roy d'Angleterre gue il aroit passe son lo^s,
il s'arrêta et dit : • Jà Dieu ne plaise, entenda que j*ai U cotle d'armes
• reslue, que je dois retourner arriére. > fit passa outre. • Lefebvre.
* App., iir
' Henri avait des Gallois et des Portugais. On a tii déjà qu'il ATait
des gens duUaioauU.
AZIKCODRT. 205
pris, assez pour fuir I. » Un Anglais, sir Walter Hunger-
fard, ne put s'empêcher d'observer qu'il n'eût pas été inu-
tile de faire venir dix mille bons archers de plus ; il y en
avait tant en Angleterre qui n'auraient pas mieux demandé.
Mais le roi dit sévèrement : « Par le nom de Nôtre-Seigneur,
je ne voudrais pas un homme de plus. Le nombre que
nous avons, c'est je nombre qu'il a voulu; ces gens placent
leur confiance dans leur multitude, et moi dans Celui qui
fit vaincre si souvent Judas Machabée. »
Les Anglais, ayant encore une nuit à eux, l'employèrent
utilement à se préparer, à soigner l'âme et le corps, autant
qu'il se pouvait. D'abord ils roulèrent les bannières, de
peur de la pluie, mirent bas et plièrent les belles cottes
d'armes qu'ils avaient endossées pour combattre. Puis»
afin de passer confortablement cette froide nuit d'octobre,
ils ouvrirent leurs malles et mirent sous eux de la paille
qu'ils envoyaient chercher aux villages voisins. Les hommes
d'armes remettaient des aiguillettes à leurs armures, les
archers des cordes neuves aux arcs. Ils avaient depuis
plusieurs jours taillé, aiguisé les pieux qu'ils plantaient
ordinairement devant eux pour arrêter la gendarmerie.
Tout en préparant la victoire, ces braves gens songeaient
au salut; ils se mettaient en règle du côté de Dieu et de la
conscience. Us se confessaient à la hâte, ceux du moins
que les prêtres pouvaient expédier. Tout cela se faisait
sans bruit, tout bas. Le roi avait ordonné le silence, sous
peine, pour les gentlemen, de perdre leur cheval, et pour
les autres l'oreille droite.
Du côté des Français, c'était autre chose. On s'occupait
à faire des chevaliers. Partout de grands feux qui mon-
traient tout à l'ennemi; un bruit confus de gens qui
criaient, s'appelaient, un vacarme de valets et de pages.
Beaucoup de gentilshommes passèrent la nuit dans leurs
•.Powel. — Turner.
SOS L*ÂNGLETERn : l'état, l*sgusk.
lourdes armures, à cheval, sans doute pour ne pas les
dans la boue; boue profonde, pluie froide; ils étaient
morfondus. Encore, s*îl y avait en de la musique ^.. Les
chevaux m^*mes étaient tristes; pas un ne hennissait... Ace
fâcheux augure, joignez les souvenirs; ÂzinGoort n*est pas
loin de Crécy.
Le matin du 2h octobre H45, Jour de saint CréfMftet
saint Crépinien, le roi d'Angleterre entendit, selon sa cou-
tume^ trois messes^, tout armé, tète nue. Puis il se fit
mettre en tète un magnifique bassinet où se trouvait une
couronne d*or, cerclée, fermée, impériale. Il moBla on
petit cheval gris, sans éperons, ftt avancer son armée sur
un champ de jeunes blés irerts, où le terrain était moins
défoncé par la pluie, toute Tarmée en on corps, au centre
les quelques lances quHl avait, flanquées de masses d'ar*
chers; puis il alla tout le long au pas, disant quelques
paroles brèves : « Vous avez bonne cause, je ne suis venu
que pour demander mon droit... Souvenez-vous que vous
êtes de la vieille Angleterre ; que vos parents, vos temmei
et vos enfants vous attendent là-bas ; il faut avoir on beau
retour. Les rois d'Angteterre ont toujours fait de belle be*
sogne en France... Gardez Thonnear de la Couronne;
gardez-vous vous-mêmes. Les Français dnent qu*ils feroot
couper trois doigts de la main à tous les arebers. »
Le terrain était en Si mauvais état que personne ne se
souciait d'attaquer. Le roi d'Angleterre fit parier aox
Français. Il offrait de renoncer au titre de roi de France
et de rendre Harfleur, pourvu qu'on loi donnât la Graenae,
on peu arrondie, le Ponthieu, une fille du roi et hait e^it
mille écus. Ce parlementage entre les deux armées ne di*
mihua pas, comme on eût pu le croire, la fermeté anglaise;
pendant ce temps, les archers assuraient leurs pieox.
* Lefebvre de Saint- Remy.
* • Car il avoit cousiume d'en oyr chaseun jonr^ trois l'ane apfès
l'antre. • Jehan de Yaurin, îm, •
AZINCOURT. 207
Les deux armées faisaient un étrange contraste. Du
côté des Français, trois escadrons énormes, comme trois
forêts de lances, qui, dans cette plaine étroite, se succé-
daient à la file et s'étirafent en profondeur; au front* le
connétable, les princes, les ducs d'Orléans, de Bar et
d^Alençon, les comtes de Nevers, d'Eu, de Rîchemont, de
Vendôme, une foule de seigneurs, une iris éblouissante
d*armures èmaillées, d*écussons, de bannières, les chevaux
bizarrement déguisés dans Tacier et dans l'or. Les Fran-
çais avaient aussi des archers, des gens des communes*;
mais où les mettre? Les places étaient comptées, personne
ii*eùt donné la sienne^; ces gens auraient feit tache en si
noble assemblée. Il y avait des canons, mais il ne parait
pas qu'on s'en soit servi ; probablement il n'y eut pas non
plus de place pour eux.
L'armée anglaise n'était pas belle. Les archers n'avaient
pas d armure, souvent pas de souliers; ils étaient pauvre-
ment coiffés de cuir bouilli, d'osier même avec une croi-
sure de fer ; les cognées et les haches, pendues à leur cein-
ture, leur donnaient un air de charpentiers. Plusieurs de
ces bons ouvriers avaient baissé leurs chausses, pour être
à Taise et bien travailler, pour bander l'arc d'abord 3, puis
* Quatre mille archers, sans compter de oombrenses milices. Les Pari-
sieni avaient ofTert six mille hommes aniKÎs; on n'en voulut pis. Cn
chevalier dit à cette oeeasion ; « Qu'aTom-nons besoin de ces ouvriers?
nous sommes déjà Urpis fois pi as nombreux que les Anglais. • Le Reli-
gieux remarque qu'on fit la môme faute à Courlrai, à Poitiers et à Nico-
polii, et il ajoute des réflexions hardies pour le temps.
* Tous, dit le Relifieui^ Toulaient être à ravant-garde : • Gom sia»
gnli anii-guardiam poseerent conducendanu.. essetque inde exorta rer-
hfilit eonirovertia, tandem tamcn unanlmiter (proh dolort) concluscrunt
ut omnes in prima fiante loearentnr; • — C'est ainsi que Je grand-
père de Mirabeau nous apprend qu'au pont de Cassano les officiers
furent au moment de tirer répée las uns contre les autres, tous voulant
être les premiers au combat. (Mémoires de Mirabeau.)
' Les aichers anglais poussaient l'arc avec le bras gauche, ceux de
France liraient la cor Je avec le bras droit; chez cc'UX-ci c'était le bras
gauche, chez ceux-là le bras droit qui restait immobile. M. Gilpin ailri-
208 L'ANGLETERRE : L'ÉTAT, l'ÉGLISE.
pour manier la hache, quand ils pourraient sortir de leur
enceinte de pieux, et charpenter ces masses immobiles.
Un fait bizarre, incroyable, et pourtant certain, c'est
qu en effet l'armée française ne put bouger, dî pour com-
battre, ni pour fuir. L'arrière-garde seule échappa.
Au moment décisif, lorsque le \\e\xx Thomas de Her-
pinghem, ayant rangé l'armée anglaise, jeta son bâton en
Fair en disant : «Now strike M », lorsque lès Anglais eurent
répondu par un formidable cri de dix mille hommes,
Tarmée fançaise resta immobile, à leur grand étoimement
Chevaux et chevaliers, tous parurent enchantés, ou morts
dans leurs armures. Dans la réalité, c'est que ces grands
chevaux de combat, sous la charge de leur pesant cavalier,
de leur vaste caparaçon de fer, s'étaient profondément en-
foncés des quatre pieds dans les terres fortes ; ils y étaient
parfaitement établis, et ils ne s*en dépêtrèrent que pour
avancer quelque peu au pas.
Tel est Taveu des historiens du parti anglais, aveu mo-
deste qui fait honneur à leur probité.
Lefebvre, Jean de Vaurin et Walsingham* disent expres-
sément que le champ n'était qu'une boue visqueuse. « La
place estoit molle et effondrée des chevaux, en telle ma-
nière que à grant peine se pouvoient ravoir hors de la
terre, tant elle estoit molle. »
« D'autre part, dit 'encore Lefebvre, les Franchois
estoient/ si chargés de harnois qu'ils ne pouvoient aller
avant. Premièrement, estoient chargés de cottes d'acier,
longues, passants les genoux et moult pesantes, et pardes-
sous harnois de jambes, et pardessus blancs harnois, et do
plus bachinets de caruail... Us estoient si pressés Tun de
bue h cette diiïércnce de procéda celle d'eipressîon dans les deos
langues: tirer de Tare, en français; bander l'are, en anglais.
' • Maintenant, frappe t • Monstrelet.
' Les fantassins mùme avaient peine à marcher : • Propter soli mol*
liliem... percampum lutosum. • Walsingtiam.
AZINCOURT. 209
Tautre, qu*ils ne pouvoieni lever leurs bras pour férir les
ennemis, sinon aucuns qui estoient au front. »
Un autre historien du parti anglais nous apprend que
les Français étaient rangés sur une profondeur de trente-
deux hommes, tandis que les Anglais n'avaient que quatre
rangs ^ Cette profondeur énorme des Français ne leur
servait à rien; leurs trente-deux rangs étaient tous» ou
presqu^lpus, de cavaliers; la plupart, loin de pouvoir
agir, ne voyaient même pas l'action; les Anglais agirent
tous. Des cinquante mille Français, deux ou trois mille
seulement purent combattre les ouze mille Anglais, ou du
moins l'auraient pu, si leurs chevaux s'étaient tirés de la
boue.
Les archers anglais, pour réveiller ces inertes masses,
leur dardèrent, avec une extrême roideur, dix mille traits
aa visage. Les cavaliers de fer baissèrent la tête, autrement
les traits auraient pénétré par les visières des casques.
Alors les deux ailes, de Tramecourt, d'Azincourt, s ébran-
lèrent lourdement à grand renfort d'éperons, deux esca-
drons français; ils étaient conduits par deux excellents
hommes d'armes, messire Clignet de Brabant, et messire
Guillaume de Saveuse. Le premier escadron, venant de
Tramecourt, fut inopinément criblé en flanc par un corps
d'archers cachés dans le bois^; ni l'un ni l'autre escadron
n'arriva.
De douze cents hommes qui exécutaient cette charge, il
n'y en avait plus cent vingt, quand ils vinrent heurter aux
pieux des Anglais. La plupart avaient chu en route,
h3mmes et chevaux, en pleine boue. £t plût au ciel que
tous eussent tombé; mais les autres, dont les chevaux
étaient blessés, ne purent plus gouverner ces bêtes fu-
* Titus Livias.
* llonsirelet. Qijelqaes-nns disaient aussi que le roi d'Angleterre aviii
enToyé des archers derrière l'armée française; mais les iciuoiiis ocu-
laires affirment le contraire.
IV. . Il
210 l'anglkterrb r l'état, L'Écr-isB,
rieuses, qui revinrent se ruer sur les rangs français. L'aTsnt-
garde, bien kin de pouvoir s'ouvrir pour les laisser passer,
était, comme on Ta vu, serrée à ne pas se mouvoir. On
peut juger des accidents terribles qui eurent lieu dans celte
masse compacte, les chevaux s'effrayant, reculant, s'étouf-
fant, jetant leurs cavaliers, ou les froissant dans leurs ar-
mures entre le fer et le fer.
Alors survinrent les Anglais. Laissant leur enceinte de
pieux, jetant arcs et flèches, ils vinrent fort à leur aise,
avec les haches, les cognées, les lourdes épées et les mas-
sues plombées ^ démolir cette montagne d'hommes et de
chevaux confondus. Avec le temps, ils vinrent à bout de
nettoyer l'avant-garde, et entrèrent, leur roi en tète, dans
la seconde bataille.
C'est peut-être à ce moment que dix-huit gentHhommes
français seraient venus fondre sur le roi d'Angleterre. Bs
avaient fait vœu, dit-on, de mourir ou de lui abattre sa
couronne -, un d'eux en détacha un fleuron ; tous y péri-
rent. Cet on dit ne sufllt pas aux historiens; ils l'omeHt
encore, ils en font une scène homérique où le roi 'combat
sur le corps de son frère blessé, comme Achille sur celui
de Patrocle. Puis, c'est le duc d*Alençon, commandafit ée
Varmée française, qui tue le duc d'York et fend la couronne
du roi. Bientôt entouré, il se rend ; Henri lui tend la main ;
mais déjà i! était tué *.
Ce qui est plus certain, c'est qu'à te second moment de
la bataille, le duc de Brabant arrivait en hâte. C'était le
propre frère du duc de Bourgogne; il semble être venu là
pour laver l'honneur de la famille. H arrivait bien tard,
mais encore à temps pour mourir. Le brave prince avait
laissé tous les siens derrière hii, il n'avait pas même vètn
sa cotte d'armes; au défaut, il prit sa bannière, il y fit un
I App„ 173.
* App., 174.
AZfNCODRT. i4 \
troa, y passa la tète, et se jeta à travers les Anglais, qui k
tuèrent au moment même.
Restait I^arrière-garde, qai ne tarda pas à se dissiper.
Une foule de cavaliers français, démontés, mais relevés
par les valets, s étaient tirés de la bataille et rendus aux
Anglais. En ce moment, on vint dire au roi qu'un corps
français pille ses bagages, et d'autre part il voit dans
Tarrière^garde des Bretons on Gascons qui faisaient mine
de revenir sur hii. Il eut un moment de crainte, surtout
voyant les siens embarrassés de tant de prisonniers; il
ordonna à l'instant que chaque honune eut à tuer le sien.
Pas un n'obéissait ; ces soldats sans chausses ni souliers,
qui se voyaient en main les plus grands seigneurs de France
et croyaient avoir fait fortune, on leur ordonnait de se
ruiner... Alors le roi désigna deux cents hommes pour
servir de bourreaux. €e fut, dit riiistorien, un spectacle
effroyable, de voir ces pauvres gens désarmés à qui on
venait de donner parole, et qui, de sang-froid furent
égorgés, décapités, taillés en pièces!... L'alarme n'était
rien. C'étaient des pillards du voisinage, des gens d'Azin-
court, qui, malgré le duc de Bourgogne leur maître, avaient
profité de l'occasion: il les en punit sévèrement^ quoiqu'ils
eussent tiré du butin une riche épée pour son iils.
La bataille finie, les archers se hâtèrent de dépouillev les
Bkerts, taudis qu'ils étaient encore tièdes. Beaucoup furent
tirés vivants de dessous les cadavres, entre autres le duc
d'Orléans. Le lendemain, au départ, le vainqueur prit ou
tua ce qui pouvait rester en vie*.
« C'était pitoyable chose à voir, la grant iKiblesse qui là
avoit été occise, lesquels étaient desjà tout nuds comme
c<*ux qui naissent de niens. » Un prêtre anglais n'eu fut
pas moins touché. « Si cette vue, dit-il, excitait compassion
« C'ait jD^temeDt d« rhistoriao iioiirgiiifnaB que dmm lenoM oc dé-
tail. Munstrniçt.
• App., 1/5.
21 2 L ANGLETERRE : L ETAT, L EGLISE.
et componction en nous qui étions étrangers et passant
* par le pays, quel deuil était-ce donc pour les natifs habi-
tants! Ah ! puisse la nation française venir à paix et union
avec Tanglaise, et s*éloigner de ses iniquités et de ses
mauvaises voies! » Puis la dureté prévaut sur la compas-
sion, et il ajoute : « En attendant, que leur faute retombe
sur leur tête*. »
Les Anglais avaient perdu seize cents hommes, les Fran-
çais dix mille, presque tous gentilshommes, cent vingt
seigneurs ayant bannières. La liste occupe six grandes
pages dans Monstrelet. D*abord sept princes (Brabant,
Nevers, Albret*, Alençon, les trois de Bar), puis des
seigneurs sans nombre, Dampierre, Yaudemont, Marie,
Boussy, Salm, Dammartin., etc.,les baillis du Vermandois,
de Màcon, de Sens, de Senlis, de Caen, de Meaux, un brave
archevêque, celui de Sens, Montaigu, qui se battit comme
un lion.
Le fils du duc de Bourgogne fit à tous les morts qui
restaient nus sur le champ de bataille la charité d*une
fosse. On mesura vingt-cinq verges carrées de terre, et
•ians cette fosse énorme Ton descendit tous ceux qui
yr:Àvaient pas été enlevés; de compte fait, cinq mille huit
i^nts hommes. La terre fut bénie, et autour on planta une
forta haie d'épines, de crainte des loups^.
Il n'y eut que quinze cents prisonniers, les vainqueurs
ayant tué, comme on a dit, ce qui remuait encore. Os
prisonniers n'étaient rien moins que les ducs d'Orléans et
de Bourbon, le comte d'Eu, le comte de Vendôme, le
comte de Bichemont, le maréchal de Boucicaut, messire
Jacques d'Harcourt, messire Jean de Craon, etc. Ce fut
toute une colonie française transportée en Angleterre.
I « Let his grief be lurned npon hishead. t (Sfs., Sir Nicolas.)
* Le connétable fat très-heureax en cela; sa mort répondit à oeui qui
l'accnsaientde trahir, App,, 170.
» App,, 177.
AZINCOUBT. SI 3
Après la bataille de la Meloria, perdue par les Pisans, on
disait: « Voulez-vous voir Pise, allez à Gènes. » On eût pu
dire après Azincourt : « Voulez-vous voir la France, allez
à Londres. »
Ces prisonniers étaient entre les mains des soldats. Le
roi fit une bonne affaire; il les acheta à bas prix, et en
tira d'énormes rançons^ En attendant, ils furent tenus de
très-près. Henri ne se piqua point d'imiter la courtoisie
du Prince Noir.
La veuve d'Henri IV, veuve en premières noces du duc
de Bretagne, eut le malheur de revoir à Londres son fils
Arthur prisonnier. Dans cette triste entrevue, elle avait
mis à sa place une dame qu'Arthur prit pour sa mère. Le
cdsur maternel en fut brisé. « Malheureux enfant, dit-elle,
ne me reconnais-tu donc pas? » On les sépara. Le roi ne
permit pas de communication entre la mère et le fîls^.
Le plus dur pour les prisonniers, ce fut de subir les
sermons de ce roi des prêtres 3, d'endurer ses moralités,
ses humilités. Immédiatement après la bataille, parmi les
cadavres et les blessés, il fit venir Monljoie le héraut de
France, et dit : « Ce n'est pas nous qui avons fait cette
occîsion^ c'est Dieu, pour les péchés des Français. » Puis
il demanda gravement à qui la victoire devait être attribuée,
au roi de France ou à, lui? « A vous, monseigneur, »
répondit le héraut de France*.
Prenant ensuite son chemin vers Calais, il ordonna dans
une halte qu'on envoyât du pain et du vin au duc d'Or-
léans, et, comme on vint lui dire que le prisonnier ne
prenait rien, il y alla, et lui dit : « Beau cousin, comment
vous va ? — Bien, monseigneur. — D'oii vient que vous ne
voulez ni boire ni manger? — Il est vrai, je jeûne. — Beau
1 Le Religieux.
* Mémoire d'Artos III.
* • Princeps presbytcroniin. t Walsiogham.
* Moostrelet.
S) 4 L ANGLETERRE: L ETAT, L ÉGLISE.
eousin, ne prenez souci ; je sais bien que si Dieu Bà*a fait
la grâce de gagner la bataille sur les Français^ ce n'est pas
que j'en sois digne ; mais c'est, je le croîs fermement, qu'il
a voulu les puoir. Au fait, il n*y a pas à s'en étonner, si ce
qu'on' m'en raconte est vrai ; on dit que jamais il ne s'est
vu tant de désordre, de voluptés, de péchés et de mauvais
vices, qu'on en voit aujourd'hui en France. C'est pitié de
l'ouïr, et horreur pour les écoutants. Si Dieu en est cour-
roucé, ce n'est pas merveille*. »
£lait-ii donc bien sûr que l'Angleterre fût chargée de
punir la France? La France était-elle si complètement
abandonnée de Dieu, qu'il lui fallût cette discipline anglaise
et ces charitables enseignements ?
Un témoin oculaire dit qu'un moment avant la bataille
il vit, des rangs anglais, un touchant spectacle dans l'autre
armée. Les Français de tous les partis se jetèrent dans les
bras les uns des autres et se pardohnèrent ; ils rompirent
le pain ensemble. De ce moment, ajoute-t-il, la haine se
changea en amour ^.
Je ne vois point que les Anglais se soient réconciliés ^.
Ils se confessèrent; chacun se mît en règle, sans s'inquié-
ter des autres.
Cette armée anglaise semble avoir été une honnête
armée, rangée, régulière. Ni jeu, ni filles, ni jurements.
On voit à peine vraiment do quoi ils se confessaient.
Lesquels moururent en meilleur état? Desquels aurions-
nous voulu être?... Le fils du duc de fiourgogne, Philippe
le Bon, que son père empêcha d'aMer joindre les Français,
disait encore quarante ans après : « Je ne me console point
de n'avoir pas été à Azincourt, pour vivre ou mourir ^. »
' Lefebvre de Sakil-Remy. — * Lefebvre.
' Et pourtant il s'en fallait bien qu'ils fussent de même parti, il y
avait ceitiinement des partisane do Mortimeret des j^artittas (la Lan-
castre, des iollards et des orthodoxes.
* • Et ce... j'ai ouï dire an comie de Gltaroloid, depai« %ue ii atvoii
atteint i'dge de soixante-sept ans. » Lefebvre de Saint- liemy.
AZINCOCRT. 2 1 5
L'excellence du caractère français, qui parut si bien à
celte triste bataille, est noblement avouée par T Anglais
Walsînghani dans une autre circonstance : « Lorsque le
duc de Lancastre envahit la Castille, et que ses soldats
mouraient de faim, ils demandèrent un sauf-conduit» et
passèrent dans le camp des Castillans, oii il y avait beau-
coup de Français auxiliaires. Ceux-ci furent touchés de la
misère des Anglais; ils les traitèrent avec humanité et ils
les nourrirent t. » Il n'y a rien à ajouter à un tel fait.
J'y ajouterais pourtant volontiers des vers charmants,
pleins de bonté et de douceur d'âme s, que le duc d'Or-
léans, prisonnier vingt-cinq ans en Angleterre, adresse
en partant à une famille anglaiie qui l'avait gardé '. Sa
captivité dura presque autant que sa vie. Tant que les An--
glais purent croire qu'il avait chance d'arriver au trâoe*
ils ne voulurent jamais lui permettre de se racheter. Placé
d abord dans le château de Windsor avec ses compagnons,
il en fut bientôt séparé pour être renfermé dans la prison
de Pomfret; sombre et sinistre prison, qui n'avait pas
coutume de rendre ceux qu^elle recevait ; témoin Richard II.
11 y passa de longues années, traité honorablement \
sévèrement, sans compagnie, sans distraction ; tout au plus
la chasse au faucon ***, chasse de dames, qui se faisait ordi-
nairement à pied, et presque sans changer de place. C'était
tin triste amusement dans ce pays d'ennui et de brouil-
lard, où il ne faut pas moins que toutes les agitations do
la vie sociale et les plus violents exercices, pour faire ou-
blier la monotonie d'un sol sans accident, d'un climat sans
saison, d'un ciel sans soleil.
Mais les AngMs eurent beau faire, il y eut toujours un
« App., 178. — * App., 179.
* Mon trés-bon hôte et ma très-donlce hôtesse.
♦ App., 180.
^ 11 Y avaitfl'aatres poi*:es parmi les prisonniers d'Azincoart, entra
autres te maréchal Boucicaut.
216 L'ANGLETERRE : l'ÉTAT, l'ÊGLISE.
rtiyon du soleil de France dans celte tour de Pomfret, Les
chansons les plus françaises que nous ayons y furent
écrites par Charles d'Orléans. Notre Béranger du xv« siè-
cle ', tenu si longtemps en cage, n'en chanta que mieux.
C'est un Béranger un peu faible, peut-être; toujours
bienveillant, aimable, gracieux; une douce gaieté qui oe
passe jamais le sourire ; et ce sourire est près des larmes*.
On dirait que c*est pour cela que ces pièces sont si petites;
souvent il s'arrête à temps, sentant les larmes venir...
Viennent-elles, elles ne durent guère, pas plus qu'une
ondée d'avril.
Le plus souvent c'est, en effet, un chant d'avril et d'a-
louette 3. La voix n'est ni foite, ni soutenue, ni profondé-
ment passionnée ^. C'est l'alouette, rien de plus ^. Ce n'est
pas le rossignol.
Telle fut en général notre primitive et naturelle Franœ,
un peu légère peut-être pour le sérieux d'aujourd'hui.
Telle elle fut en poésie comoie elle est en vins, en femmes.
Ceux de nos vins que le monde aime et recherche comme
français, ne sont, il est vrai, qu'un souffle, mais c'est un
« App., 181.
> App., 182.
* César, qui était poCte aussi, et qni avait tant d'esprit, appela s»
légion gauloise Valouet^e (alauda), la chauteuse...
4 II y a pourlant un vif mouvement de passion dans les vers suivants:
Dieu! qa'il la (ail bon regarder,
La Bnicieuse. bonne cl belle I
Qai se pourroit d'elle bsser?
Tous jours sa beauic renouvelle.
Dien! qu'il la Tjit bon reejrJeri
La gracieuse, bonne cl belle 1
Par deçà, ni delà la mer.
Ne scays dame ni demoyscUe
Qui soit eu tout bicu parCiit lelle.
C'est un songe que d*y penser!
Dicul qu'il U Ta l bon regarder.
•'•..rlui d Orléans. App., 183.
» App., 184,
* Peu m'importe de sayoir l'auleur des ren de Clotilde Sanrille; il
me suffit de savoir qae Lamartine, très-jeune, les avait retenus par
CŒor. l'ersonoe n'ignore maintenant que le second volume est l'ouvrage
de ringéoieux Nodier.
^ Perlin s'en plaignait déjà au xvi* siècle : • Il me desp'ait que ces
viUins estans en leur pays nous crachent à la face, el eulx e^tans à la
France, on les honore et révère, comme peiis dieux • (ISkM).
i
AZINCOURT. 217
souffle d'esprit. La beauté française, non plus, nVst pas
facile à bien saisir; ce n'est ni le beau sang anglais, ni la
régularité italienne ; quoi donc ? le mouvement, la grâce,
le je ne sais quoi, tous les jolis riens.
Autre temps, autre poésie. N'importe ; celle-là subsiste ;
rien, en ce genre, ne l'a surpassée. Naguère encore, lors-
que ces chants étaient oubliés eux-mêmes, il a suffi, pour
nous ravir, d'une faible imitation, d'un infidèle et lointain l
écho *. _ 5
Quelque blasés que vous soyez par tant de livres et
d'événements, quelque préoccupés des profondes littéra-
tures des nations étrangères, de leur puissante musique^
gardez. Français d'aujourd'hui, gardez toujours bon sou-
venir à ces aimables poésies, à ces doux chants de vos
pères dans lesquels ils ont exprimé leurs joies, leurs
amours, à ces chants qui touchèrent le cœur de vos qières
et dont vous-mêmes êtes nés...
Je me suis écarté, ce semble ; mais je devais ceci au {
poète, au prisonnier. Je devais, après cet immense mal- j
heur, dire aussi que les vaincus étaient moins dignes de i
mépris que les vainqueurs ne l'ont cru... Peut-être j
encore, au milieu de cette docile imitation des mœurs et I
II
des idées anglaises qui gagne chaque jour ', peut-être est- |
ce chose utile de réclamer en faveur de la vieille France, i
qui s'en est allée... Où est-elle, cette France du moyen âge
et de la renaissance de Charles d'Orléans, de Froissart?...
248 LANGLET£RRS: L ÉTAT, L ÉGLISE.
Villon se le demandait déjà en vers \Aus mélttOûikiiMs
qu'on n*eût attendu d'un si joyeux e&faut de Paris :
Dites-moi ea qnel^fiap
Est Flora, la belle Romaine?
Oa est ht très-shge Hélols?...
La reîDe Blandia, tatunt » Ht,
Qai chantoit à voix de.Strèae?
... Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qa'A»glais brAlèreiit à Rovea ?
Où sont-ils, Vierge sonTerainet
- • Mais où £ont les neiges d'antanf •
CHAPITRE II
!
!
!
llôit dtt Gonnétabte d'Armagnac, mort da dac do Bourgogne.
Henri Y. 1416-1422. j|
Deux hommes n'avaient pas été à la bataille d'Azincourt,
les chefs des deux partis, le duc de Bourgogne, la comte
d'Armagnac. Tous deux s'étaient réservés. !
Le roi d'Angleterre leur rendit service ; il tua non-seu- ]
lement leurs ennemis, mais aussi leurs amis, leurs rivaux ^
dans chaque faction. Désormais la place était nette, la \
partie entre eux seuls ; les deux corbeaux vinrent s'abattre j
sur le champ de bataille et jouir des morts. '
11 s'agissait de savoir qui aurait Paris. Le duc de Bour-
gogne, qui gardait, depuis le mois de juillet, une armée
de Bourguignons^ de Lorrains et de Savoyards, prit seule- j
ment dix chevaux, et galopa droit à Paris. Il n'arriva pour- •
tant pas à temps ; ta place était prise. j
Armagnac était dans la ville avec six mille Gascpns. li
tenait dans ses mains, avec Paris, le roi et le dauphin. Il
prit répée de connétable.
Le' duc de Bourgogne resta à Lagny, fîiisant tous les
jours dire à ses partisans qu'il allait venir, leur assurant
que c'était lui qui avait défendu les passages de la Somme
contre .les Anglais, espérant que Paris finirait par se décla-
ler. Il resta ainsi deux mois et demi à Lagny. Les Parisiens
iinireni par l'appeler « Jean da Lagny qui n'a hùte. » Il
emporta ce sobriquet.
220 Honr du connétable d'armacnac.
Armagnac resta maître de Paris, et d'autant plus maître,
que tous ceux qui Ty avaient appelé moururent en quelques
mois, le duc de Berri, le roi de Sicile, le dauphin i. Le se-
cond fils du roi devenait dauphin, et le duc de Bourgogne,
près (le qui il avait été élevé, croyait gouverner en son
nom. Mais ce second dauphin mourut, et un troisième
encore vingt-cinq jours après. Le quatrième dauphin
vécut; il était ce qu il fallait au connétable; il était enfant.
Arm^agnac, si bien servi par la mort, se trouva roi un
moment. Le royaume en péril avait besoin d'un homme.
Armagnac était un méchant homme et capable de tout,
mais enfm c'était, on ne peut le nier, un homme de tète
et de main *.
Les Anglais faisaient des triomphes, des processions,
chantaient des Te Deum •; ils parlaient d'aller au printemps
prendre possession de leur ville de Paris. Et tout à coup
ils apprennent qu'Harfleur est assiégé. Après cette terrible
bataille, qui avait mis si bas les courages. Armagnac eut
Taudace d'entreprendre ce grand siège.
D'abord il crut surprendre la place. II quitta Paris dont
il était si peu sûr; c'était risquer Paris pour Harfleur. Hy
alla de. sa personne avec une troupe de gentilshommes; ils
lâchèrent pied, et il les fit pendre comme vilains.
Harfleur ne pouvait être attaqué avec avantage que par
mer; il fallait des vaisseaux. Armagnac s'adressa au\
Génois; ceux-ci, qui venaient de chasser les Français de
Gênes, n'acceptèrent pas moins l'argent de France, et
fournirent toute une flotte, neuf grandes galères, des.car-
raquos pour les machines de siège, trois cents embarca-
tions de toute grandeur, cinq mille archers génois ou c^-
i App., 185.
* Le Religieux de Saint-Denis est dès ce moment toat Annsfoic;
c'est un grand témoignage en farear de ce parti, qui était eo eff^ ceiti
de la défense nationale.
* Et des balladis. App., 186.
HENRI y. 224
talans. Ces Génois se battirent bravement avec leurs galères
de la Méditerranée contre les gros vaisseaux de TOcéan.
Une première flotte qu*envoyèrent les Anglais fut repousséo.
Avec quel argent Armagnac soutenait-il cette énorme
dépense? La plus grande partie du royaume ne lui
payait rien. Il n'avait guère que Paris, et ses propres
fiefs du Languedoc et de Gascogne. Il suça et pressura
Paris.
Le Bourguignon y était très-fort ; une grande conspira-
tion se fit pour l'y introduire. Le chef était un chanoine
boiteux, frère du dernier évéque ^. Armagnac découvrit
tout. Le chanoine, en manteau violet, fut promené dans
un tombereau, puis muré, au pain et à l'eau. On publia
que les condamnés avaient voulu tuer le roi et le dauphin.
Il y eut nombre d'exécutions, de noyades. Armagnac, qui
savait quelle confiance il pouvait mettre dans le peuplc^e
Paris, organisa une police rapide, terrible, à Titalienne; il
faisait aussi, disait-on, la guerre à la lombarde. Défense
de se baigner à la Seine, pour qu'on n'allât pas compter
les noyés ; on sait qu'il était défendu à Venise de nager
dans le canal Orfano.
Le Parlement fut purgé, le Chàtelet, l'Cniversité, trois
ou quatre cents bourgeois mis hors de Paris, et tous envoyés
du côté d'Orléans. La reine, qui négociait sous main avec
le Bourguignon, fut transportée prisonnière à Tours, et
l'un de ses amants jeté à la rivière ^.
Armagnac 6ta aux bourgeois les chaînes des mes, il les
* A en eruire l'historien même da parti bourguignon, le chanoine ei
les autres conjurés voulaient massacrer les princes : • Le jour de
Pasques, apréis dyner. • Monstrelet.
* • MessireLoys Bourdon allant de Paris au bois (de Vinccnnes)...
en passant assez prësduKoy, lui fistla révérence, et pa«sa ouire as.«ez
2egiérement... (on l'arrùia). ht après, par le poromandement du Uoy,
fut qucslioiiiiê, puis fut mis en un sacq de cuir cl geclé ou Saint'; sur
lequel sacq avoit cscript : Laiiuz paner la justice du lioy, • Lefcbvre
de Saint-Uemy.
222 MORT DU CONNiTABLS d'aRMAGNAC.
désarma. Il supprima la grande boucherie, en fît cputre,
pour quatre quartiers; plus del)ouchers héréditaÎTes; tout
homme capabfe put s'élever au rang de boucher.
Pour n'avoir plus leurs «mes, les bourgeois n'étsient
pas quittes de la guerre ^. On les obligeait de se cotiser de
manière qu'à trois ils fournissent un homme d'armes.
Eux-mêmes, on les envoyait travaSler aux fortifieatioDS,
curer les fossés, chacun tous les cinq jours.
Ordre à toute maison de s'approvisionner de Ué; pour
attirer les vivres, Armagnac supprima l'cjctroî. En récom-
pense , les autres taxes furent payées deux fois dans
Tannée. Les bourgeois furent obligés d'acheter tout le sei
des greniers publics à prix forcé et comptant, sinon des
garnisaires. Paris succombait à payer seul les dépense^du
roi et du royaume.
La position du duc de Bourgogne était plus facile à
coup sûr que celle du connétable. Il envoyait dtos les
grandes villes des gens qui, au nom du roi et du dauphin,
défendaient de payer Timpôt. Abbeville, Amiens, Auxerre»
reçurent cette défense avec reconnaissanoe et s'y oonfor-
mèrent avec empressement. Armagnac craignait que
Rouen n'en fit autant, et voulait y envoya des troupes;
mais, plutôt que de recevoir les Gascons, Rouen tua S4>a
baîUi et ferma ses portes 2.
Le duc de Bourgogne \int tàter Paris, qui n'aurait pas
mieux demandé que d être quitte du connétable. Mais
celui-ci tint bon. Le due de Bourgogne ne pouvant eatrer,
augmenta du moins la fermentation par La rareté des
vivres; il ne laissait plus rien veoii* ni de Rouen ni de la
Beauce. Les chanoines même, dit l'historien, furent obiigés
* « Et poar loger les gens des eapitatnes Arinagntes ftirent les fo^i^
gens boutés hors de leurs maisons, et' à grant prière et à grant petc«
avoient-ils le couvert di* leur ostel, et cette laronaille coaehoieot tsi
leurs ijets. • Journal du Bourgaoîs.
• App.f 187.
HENR! Y. 225
de mettre bas leur cuisine. Le roî, re\'enant h !uî, et appre-
nant que vc'étaient les Bourguignons qui rendaient ses .
repas si maigres, disait au connétable : « Que ne chassez-
vous ces gens-là ! »
Le duc de Bourgogne, ne» pouvant blesser directement
son ennemi, lui porta indirectement un grand coup. Il
enleva la reine de Tours ; elle déclara qu'elle était régente
et qu'elle défendait de payer les taxes. Cette défense cir^
cula non-seulement dans le Nord, mais dans le Midi, en
Languedoc. Cela devait tuer Armagnac ; il ne lui restait
que Paris, Paris ruiné, affamé, furieux.
Le roi d'Angleterre n'avait pas à se presser; les Français
faisaient sa besogne ; ils suffisaient bien à ruiner la France.
Fier de la neutralité, de l'amitié secrète des ducs de Bour-
gogne et de Bretagne, négociant toujours avec les Arma-
gnacs, il eut !e bon esprit d'attendre et de ne pas venir à
Paris. 11 fil sagement, pofhiqnemenl, la conquête de la
Normandie, de la basse Normandie d'abord, puis de la
haute, Caen en 4 417, Rouen en 1418.
Armagnac ne pouvait s^opposer à rien. Il avait assez de
peine à contenir Paris ; le duc de Bourgogne campait à
Montrouge. Henri V put sans inquiétude faire le siège de
cette importante ville de Caen. C'était dès lors un grand
marché, un grand centre d'agriculture. Une telle ville eût
résisté, si elle eût eu le moindre secours. Aussi, tout en
l'attaquant, il envoyait proposer la paix à Paris. I! parlait
de paix et faisait la guerre. Au milieu de cette négociation,
on apprit qu'il était maître de Caen, qu il en avait chassé
toute la population, hommes, fenmies et enfants, en tout
vingt-cinq mille ftmes, que cette capitale de la basse Nor-
mandie était devenue une ville anglaise, aussi bien qu'Har-
fleur et Calais.
La Normandie de\'aH nourrir les Anglais pendant cette
lente conquête. Aussi Henri V, avec une remarquable
sagesse, y assura autant qu'il put l'ordre, la continuolioa
224 MORT DU CONNÉTABLE D* ARMAGNAC.
du travail de l'agriculture. Il fit respecter les femmes, les
églises, les prêtres, les faux prêtres môme (il y avait une
foule de paysans qui se tonsuraient) ^. Tout ce qui se sou-
mettait était protégé; t:)ut ce qui résistait était puni. Aux
prises de ville, il n'y avait point de violence; mais le roi
exceptait ordinairement de la capitulation quelques-uns
des assiégés à qui il faisait couper la tête, comme ayant
résisté à leur souverain légitime, roi de France et duc de
Normandie *.
Le roi d'Angleterre faisait si paisiblement cetta prome-
nade militaire, qu'il ne craignit pas départager son armée
en quatre corps, pour mener plusieurs sièges à la fois.
Que pouvait-il craindre, en effet, lorsque le seul prince
français qui fût puissant, le duc de Bourgogne, était son
ami?
L'unique affaire de celui-ci était la perte du connétable
d'Armagnac. Elle ne pouvait manquer d'arriver; il avait
mangé ses dernières ressources ; il en était à fondre les
châsses des saints 3. Ses Gascons, n'étant plus payés, dis-
paraissaient peu à peu ; il n'en avait plus que trois mille.
U fallait qu'il employât les bourgeois à faire le guet, ces
bourgeois qui le détestaient pour tant de causes, comme
gascon, comme brigand, comme schismatique ^. Le Bour-
geois de Paris dit expressément qu'il croit que cet « Arma-
gnac est un diable en fourrure d'homme. »
Le duc de Bourgogne offrait la paix. Les Parisiens cru-
rent un moment l'avoir. Le roi, le dauphin consentaient.
» Walsingham. — « App., 188.
* Il le fit avec ménagemcnl, déclarant que c'était an emprunt, et
assignant an rcTcnu pour remplacer les châsses. Néanmoins les moioej
de Saint-Denis lui déclarèrent que ce serait dam leurs chroniquit une
tacite pour ce régne : • Opprobrium sempiternum... à redigeretor m
chronicis... • Le Religieux.
* Armagnac persévérait dans son attachement au vieux papo do due
d'Orlé;ins, au pape des Pyrénées, à l'Âragonais Pedro de Luoa
(DenoU Xlli), condamné par les conciles de Pise et de Conslinee.
App., 189.
nBNW r. 255
Le peuple criait déjà Noël ^ Le connétable 8éuls*yo|Jposa;
il sentait bien qu'il n'y avait pas de paix pour lui, que ee
serait seulement remettre le roi entre les mains du duc de
Bourgogne. Cette joie trompée jeta le peuple dans une
rage muette.
Un certain Perrinet Leclerc *, n^archand de fer an
Petit Pont, qui avait été maltraité par les Armagnacs, s'as-
socia quelques mauvais sujets, et prenant les clefs sous le'
chevet de son père qui gardait la porte Saint^Germain, il
ouvrit aux Bourguignons, Le sire de llie*-Adam entra avec
huit cents chevaliers ; quatre cents bourgeois s'y joignirent.
Us s'emparèrent du roi et de la ville. Les gens du daufrtiin
le sauvèrent dans la Bastille. De là, leurs capitaines, le
Gascon Barbasan, et les Bretons Rieux et Tann^uy Du-
chàtel osèrent, quelques jours après, rentrer dans Paris,
pour reprendre le roi; mais l^ roi était bien gardé au
Louvre; rUe-Àdam les combattit dans les rues, le peuple
se mit contre eux, et les écrasa dés fenêtres.
Le connétable d'Armagnac qui s'était caché chez un
maçon, fut livré et emprisonné avec les principaux de son
parti. Alors rentrèrent dans la ville les ennemis des Arma-
gnacs, et avec eux une foule de pillards. Tous ceux qu'on
disait Armagnacs furent rançonnés de maison en maison.
Les grands seigneurs bourguignons s'y opposèrent d'au-
tant moins, qu'eux-mêmes prenaient tant qu'ils pouvaient.
Ces revenants étaient justement les bouchers, les pro-
scrits, les gens ruinés, ceux dont les femmes avaient été
menées à Orléans (fort mal menées) par les sergents d'Ar-
magnac. Us arrivaient furieux, maigres, pâles de famine
Dieu sait en quel état ils retrouvaient leurs maisons.
* Depuis loDgtemps, c'était Tanique yosn du people : « Vivat, rifaii
^aidomiiwri poicrit! dum pax... • Le Religieux. Peiidaot le a aftsacm
da 1418» OD criait de même : • Fiat pas ! •
* • Jeunes compagnons du moyen e&lai ei de lèg're voionlc, qui au«
Uefois avoieoi éic punis pour leurs dêmdritcs. » Aiontirelet.
IT. i5
29^ MORT DU GONN^AWB D'ARMAGNAC.
On disait à cbaqiie instant q«e les Aru^agoacs reairaienl
dans li^ vJÂle pour délivrer les le^rs. il n'y avait pas de
mât qu'on ne fut éveillé en suosaut par le tocsio. A ces
cont^nuelies alarnes joignez la rareté des vivres; ils ne
venaient qu'à grand'peine. Les Anglais tenaient la Seine;
lia ^ssi^eWent le Bont-de-l* Arche.
La nuit du dimanche 42 juin, un Lambert, potier d'é-
tain« commença à pousser le peuple au .massacre des pri-
soniwBi^ C'était, disait -il, le seul moyen d'en finir; autre-
ment, pott^ de l'argent^ ik trouveraient moyen d'échapper t.
Ces furieux coururent d'abord aux prisons de l'hôtel de
vîlie. Les seigneurs bourguignons, nie-Adam, Luxem-
bourg et Foss^us^t vinrent essayer de les arrêter; mais,
quand ils se viro^t jm millier de gentilshommea devant
une masse 4^ quarante mille hoinmes armés,, ils ne surent
dine aulre obaae».siAoa : % £nfants, vous faites bien. 9 La
tour du f alais fut {broéa, la prison Saint-Êloi, le grand
Châtelet, où les prisonniers essayèrent de se défendre,
puis Sau^t*llar^B, Saintt-Magloire et le Temple. Au petit
Châtelet, ils firent l'appel des prisonniers; k mesure qu'ils
passaient le guichet, on les égorgeait»
Ce massacre. oe peutsecompArar aux 2 eiSseptembre.
Ce ne fut, pas ufi^<6xé€)Ution par des bouchers à tant par
jo«ur. Ce fut un vf at massacre populaire, exécuté par une
populiK^e en furie. Ils tuaient tout, au hasard, même les
pi'jfiQnniîers pour dettes. Deux présidents du Parlement,
d'auâires magistrats périrent, des évéques même* Cepen-
daut, k SaintrËloift trouvant l'abbé de SaintnDenis qui
disait la messe aux prisonniers et tenait l'hostie, ils le me-
uacèrQulifi brandiront i^r ^ la couteau; mais, comme il
ne lâcha point le corps du Christ, ils n'osèrent pas le tuer.
Seize .cents personnes périrent du dimanche matin au
hiiidi matin'. Tout nefut pas aux prisons; on tua auasi
«4t», iÈlk^^App., 10L
•*.-
UNiii ▼. 227
dans les rues: si Ton voyait passer son ennemi, on n'atait
qu'à crier à rArmagnac, il était mort. Une femme grosse
fut éventrée; elle resta nue dans la rue» et comme, on
Toyaît l'enfant remuer^ la canaille disait autour : « Vois
donc, ce petit cbien remue encore. » Mais personne n'osa
le prendre. Les prêtres du parti bourguignon ne baptisaient
pas les petits Armagnacs, afin qu'ils fussent damnés.
Les enfants des rues jouaient avec les cadavres. Le corps
du eonnéfaUe et d'autres restèrent trois jours dans le
palais, àlariaéedes passants. Ils. s'étaient avisés de lui
lever dans le dos une bande de peau, afin que lui aussi it
portât sa bande blanche d'Armagnac. La puanteur força
enfin de jeter tous lès débris dan^ des tombereaux, puia
sans prêtres ni prières, dans une fosse ouverte au Marché^
auK-Pouroéaux ^.
Les gens du Bourguignon, effrayés eux-mêmes, le près*
salent fort de venir à Paris. 11 y fit en effet son entrée avec
la reine. Ce Ait une grasde joie pour le peuple ; ils criaient
de toutes leurs forces : « Vive ie roil vive la reine I vive le
duc ! vive la paix l »
La paix ne vint pas, les vivres non plus. Les Anglais
tenaient la rivière par en bas, par en haut les Armagnacs
étaient roitftres deMelun. Une sorte d'épidémie commença
dans Paris et les campagnes voisines, qui emporta cin-
quante mille hommea* Us se laissaient mourir; rabatte-
ment était extrême, après la fureur. Les meurtriers surtout
ne résistèrent pas : ils repoussaient les consolations, les
sacrements; sept ou huit cents moururent à l'Uùtel-Dieu,
désespérés. On en vit un courir dans les rues en criant :
« Je 9uia damné I » Et il se jeta dans un puits la tête la pre-
mière.
D'autres pepsèrent tout au contraire que, si les choses
allaient si mal, c'est qu'on n'avait pas assez tué. 11 se
* • En nne fosse nommée la Loaviérc... • Lefebvre de Saint-Remy.
228 MORT DU CONNéTÀBLE d'aRMAGNAC.
trouva, non-seulerpent parmi les bouchers, mais daos
ri'niversîté même, des gens qui criaient en chaire qu'il
n'y avait pas de justice à attendre des princes, qu'ils
allaient mettre les prisonniers à rançon et les relâcher
ai^^'ris et plus méchants encore. Le 24 août, par une extrême
chaleur, un formidable rassemblement s'ébranle vers les
prisons, une foule à pied, en tête la mort même àche?alS
le bourreau de Paris, Capeluche. Cette masse va fondre
au grand Chàtelct ; les prisonniers se défendent, du con-
sentement des geôliers. Mais les assassins entrent par le
toit ; tout est tué, prisonniers et geôliers. Même scène au
petit Chàtelet ^. Puis les voilà devant la Bastille. Le duc de
Bourgogne y vient, sans troupes, voulant rester à tout pnx
le favori de la populace; il les prie honnêtement de se
retirer, leur dit de bonnes paroles; Mais rien n*opérait. Il
avait beau montrer de la confiance, de la bonhomie, se
faire petit, jusqu'à toucher dans la main au chef (le chef,
c'était le bourreau). Il en fut pour cette honte. Tout ce
qu'il obtint, ce fut une promesse de mener les prisonniers
au Ch^telet; alors il les livra. Arrivés au Chàtelet, les pri-
sonniers y trouvèrent d'autres gens du peuple qui n'avaient
rien promis et qui les massacrèrent.
Le duc de Bourgogne avait joué là un triste rôle. Il fut
enragé de s'être ainsi avili. 11 engagea les massacreurs à
aller assiéger les Armagnacs à Montlhéry pour rouvrir la
route aux blés de la Beauce. Puis il fit fermer la porte
derrière eux, et couper la tête à Capeluche. En oiéme
temps, pour consoler le parti, il fait décapiter quelques
magistrats armagnacs.
Ce Capeluche, qui paya si cher Thonneur d'avoir touché
la main d'un prince du sang, était un homme original
dans son métier, point furietix, et qui se piquait de tuer
* « Solus eqaester... • Religieux,
« App,, 192.
par principe et avec intelligence. 11 tira un bourgeois du
jmassucre au péril de sa vie ^ Quand il lui fallut franchir le
pas à son tour, il montra à son valet comment il devait s'y
prendre 2,
Le duc de Bourgogne, en devenant maître de Paris,
avait succédé à tous les embarras du connétable d'Arma-
gnac. Il lui fallait à son tour gouverner la grande ville, la
nourrir, l'approvisionner; cela ne pouvait se faire qu'en
tenant les Armagnacs et les Anglais à distance, c'est-à-dire
en faisant la guerre, en rétablissant les taxes qu'il venait
de supprimer, en perdant sa popularité.
Le rôle équivoque qu'il avait joué si longtemps, accu-
sant les autres de trahison, tandis qu'il trahissait, ce rùle
devait finir. Les Anglais remontant la Seine, menaçant
Paris, il fallait lâcher Paris, ou les combattre. Mais avec
son éternelle tergiversation et sa duplicité, il avait énervé
son propre parti ; il ne pouvait plus rien ni pour la paix, ni
pour la guerre. Juste jugement de Dieu; son succès l'avait
perdu; il était entré, tête baissée, dans une longue et
sombre impas^, où il n'y avait plus moyen d'avancer ni
de reculer.
Le peuple de Rouen, de Paris, qui l'avait appelé, était
Bourguignon sans doute et «nnemi des Armagnacs, mais
encore plus des Anglais. Il s'étonnait, dans sa simplicité,
de voir que ce bon duc ne fit rien contre l'ennemi du
royaume. Ses plus chauds partisans commençaient à dire
« qu'il était en toutes ses besognes le plus long homme
qu'on pût trouver 3. » Cependant que pouvait-il faire?
appeler les Flamands; un traité tout récent avec l'Anglais
ne le lui permettait pas^. Les Bourguignons? ils avaient
assez à faire de se garder contre les Armagnacs. Ceux-ci
tenaient tout le centre. Sens, Moret, Crécy, Compiègne,
Montihéry, un cercle de villes autour de Paris, Meaux et
* Le ReligieaT. — * Joarnal du Bourgeois.
' Joarual do Bourgeois. — * App., 193.
S30 MORT DU CONNÉTABLB d'ARMAGNAC.
Melun, c'est-à-dire la Marne et la haute Seine. Tout ee
dont il put disposer, sans dégarnir Parts, il l'envoya à
Eouen ; c'était quatre mille cavaliers.
On pouvait prévoir de longue date que Rouen aersîl
investi. Henri V s'en était approché avec une extrême
lenteur. Non content d'avoir derrière lui deux grandes
colonies anglaises, Harfleur et Gaen, il avait oomplélé b
conquête de la basse Normandie par la prise de Falaise^
de Vire, deSaint-Lo, de Coutance et d'Évreux. 11 tenak
la Seifie, non-seulement par Harfleur, mais par le
Pont-de-r Arche. Il avait déjà rétabli un peu Tordra,
rassuré les gens d'Église^ invité les absents à revenir, leur
promettant appui, et déclarant qu'autrement il disposerait
de leurs terres ou de leurs bénéfices. Il rouvrit l'échiquier
et les autres tribunaux, et leur donna pour président su-^ .
prôme son grand trésorier de Normandie. U rédaisit
presque à rien l'impôt du sel, « en rhonneur de la aainle
Vierge *. »
Peu de rois avaient été plus heureux à la guerre, mafe la
guerre était son moindre moyen. Henri V était, ses actes
en témoignent, un esprit politique, un homme d*ordre,
d'administration, et en même temps de diplomalie. Il
avançait lentement, parlementant toujours, exploitant
toutes les peurs, tous les intérêts, profitant à merveille de
la dissolution profonde du pays auquel il avait affaire,
fascinant de sa ruse, de sa force, de son invincible fortune,
des esprits vacillants qui n'avaient plus rien où se prendre,
ni principe ni espoir; personne en ce malheureux pays ne
se fuiit plus à personne, tous se méprisaient eux -mêmes.
Il négociait infaligiiblement, toujours, avec tous ; avec
SCS prisonniers dahord, c'était le plus facile. Les tenant
«ous la main, iristeiuent, durement, il eut bon luarcliéde
leur fermeté.
* Rymer.
n'eut au odHimeneement qu'un sefv^
trar fnnotn^. I>ii teste hono^bleAient, bon Ht, sans doute
fcoone tiM»; noM»s le besoin d'aelMié ii*a» était que plus
gniMl; U^ se moMmieiil dTeiiiivt/ Chaque fois^ que le ro!
d'Angleterre revenait dans-sottHé, il fiiisaU yiiske € k bgb
etmskm df^tléfins «t de^BborboH? *■ il leur pa^lsif amiea-
lenielitf oonfldenCîeitenieM. Une totB II lëurdîsaft: « Je
T»i9 rentier e» campagne ; et peut* oéCte fois, je n'y épzt^
gne.nan; je ni*y Mtnonm^rai' toujours; les Français' en
feraoc lesi fhiîs. » Upe< autre foie, prenant vn air triarfe':
€ Je m^ea vais bientôt à' ftirîsi.. Pest' dommage, e'est* un
bfsve peuple. Mais qoe faîi*e? le oeura^e nepent rieB> s'il
y a Avisions »
Ces coniMenceB amicales étaient fiîtea pour désespérer
l» prisonniers. Ce n'étaient pas de» Régulus. Ils obtinrent
<f enve^ en leur nom le dve de Bourbon peur décider le^
DO» et Franee à faire la paix an plus vite, en passant paf
iDiitaa les oooditions d*H«nri; qu'autreaieDil Us se feraient
Anglais et Ini vendraient hommage ponr tontes leurs*
tieries K «
Celait un terrible dissolvant, une puissante contagion
de déconragement^ que ees- prisonniers d'AzhioouK qui
Tenaient préeber la soumission à tont prix. Cèle aidait aux
négociations qu'Henri menait de front avec tous les princes
de France. Dès louvccture de la campagne, an mois de
mats 1448^ il renouvela lea trêves avec la Flandre et le>
duc de Bourgogne, En juillet, il en signa une pour la^
Guyenne ; le 4 aoôt, il prorogea la trêve avec le duc de
Bretagne. H* accnetllah avee la même complaisance les
solliettations de la reine de. Sicile^ comtesse d^Anîou et du
Maine. Ce roi paetHqne n'avait rien pins àf eosur qne d'évi-
ter Teffusion du sang chrétien. Tout en accordant des
* « Ut eommiiniter dicitar, dirist virtas elle diNMor. • neKgieox.
> Rymer, Î7janyierl4l7.
fS^ MORT DU C0fClfÉT4BU D*AR1IAGNAC.
trêves particulières, il écoutait les propositions eonlinvelles
de paix générajk» que les deux partis lui faisaient ; il prê-
tait impartialemeqit une oreille au dauphin, Fautre au duc
de Bourgogne^mais il s'en était pas tellement préoccopé
qu'il ne mit la noainsur Bouen.
Dès la jQn de juin , il avait &it battre la campagne, de
sorte que les moissons ne puisent arriver à Rouen et que
la ville ne fut point approvisionnée. Il avait importé poar
cela huit mille Irlandais, presque nus, des sauvages, <[m
n'étaient ni armés ni montés, mais qui, allant partoat i
pied» sur de petits chevaux de montagne, sur des vaches,
mangeaient ou prenaient tout. Ils enlevaient les petits en-
fants pour qu'on les rachetât. Le paysan était déseq)éré^
Quinze mille hommes de milice dans Rouen, (paire
çiille cavaliers, en tout peut^tre soixante mille âmes,
c'était tout un peuple à nourrir. Henri, sachant bien qu'il
n'avait rien à craindre ni des Armagnacs dispersés, ai du
duc de Bourgogne, qui venait- de lui demander eacore
une trêve pour la Flandre, ne craignit pas de diviser son
armée en huit ou neuf corps, de jnanière à embrasser U
vaste enceinte de Rouen. Ces corps commaniquaieot par
«des tranchées qui les abritaient du boulet; vers la cam*
pagne, ils étaient défendus d'une, surprise par des fossés
profonds revêtus d'épines. Toute l'Angleterre y était, les
frères du roi, Glocester. Clarence, son connétable, son
connétable Cornwall, son amiral Dorset, son grand néço-
vciateur Warwick, chacun à une porte.
Il s'attendait à une résistance opiniâtre ; son attente fut
-surpassée. Un vigoureux levain caboohien fermentait à
Rouen. Le chef des arbalétriers, Alain Blanchard ^, et les
autres chefs rouennais semblent avoir été liés avec le carme
< « Un de leur pied chaussé et l'autre nud, sans avoir braie«... pr^
noient petits enfant? en berceau... montûient sur vaches, pDrtaat ieidiU
peiils enfant^.., • Moiistrel<^
•ilpp., 195.
I
i
PavUly, Forateur de Paris en Ui3. Le PaviUy de Rfnicii
était le chanoine Dèlivet, Ces hommes défendirent Ruuon
pondant sept mois, tinrentsept moisen échec celte granrlo
armée anglaise. Le peuple et le clergé rivalisèrent d'ar-
deur ; les prêtres excommuniaient, le peuple combattait ;
il ne se contentait pas de garder ses murailles ; il allait
chercher les Anglais, il sortait en masse, <> et non par une
porte, ni par deux, ni par trois, mais à la fois pnr toutes
les portés i. »
La résistance de Rouen eût été peut-être plus longue
encore, si pendant qu'elle combattait, elle n'eût eu unr
révolution dans ses murs. La ville était pleine de nobtos et
croyait être trahie par eux. Déjà en 1415, les voyant faire
si peu de résistance aux Anglais descendus en Normandie,
le peuple s'était soulevé et avait tué le bailli armagnac.
Les nobles bourguignons n'inspirèrent pas plus de con-
fiance V Le peuple crut toujours qu'ils le trahissaient.
Dans une sortie, les gens de Rouen attaquant les retran-
chements des Anglais, apprennent que le pont sur lequel
ils doivent repasser vient d'être scié en dessuus. Ils nreu-
sérent leur capitaine. le sire de Bouieiller. Celui-ci ne
justifia que trop ces accusations après la reddition de la
ville ; il se fit anglais et reçut des tïcfs de son nouveau
maître.
Les gens de Rouen ne tardèrent pas à souffrir cruelle-
ment de la famine. Ils parvinrent à faire passer un dç
leurs prêtres jusqu'à Paris. Ce prêtre fut aitieiié devant tç
. roi par le carme Pavîlly, qui parla pour lui ; puis l'homme
dp Rouen prononça ces paroles solennelles : ■ Tri's-exceV
lent prince et seigneur, il m'est enjoint <1e i^ar les hubt-
tants de la ville de Rouen de crier contre vous, et aussi
contre vous, sire de Bourgogne, qui avez \f nnuMTiieinent
durai et de son royaume, le grand Anio, liijLiL'Uigiiirie
23ti MORT OU CONNÉTàBUS d'aRHAG^AG.
l'oppression qu'Us ODt des Anglais ; ils vous m^ndwit et
font savoir par nioi» que si^ par faute de votre secours, il
convient qu'ils soient suj[ets au roi d'Angleterre, vous
n'aurez en tout le monde pires enneniis qu'eux, et s'ils
peuvent, ils détruiront vous et votre génération ^. >
Le duc de Bourgogne promit qu'il enverrait (lu secours*
Le secours ne fut autre chose qu'une ambassadei. Les An-
glais la reçurent, comme à Tordinaire, volontiers; cela
servait toujours à énerver et à endormir. Ambassade du
duc de Bourgogne au Pont-de-l' Arche, ambassaiie du
dauphin à Alençon.
Outre les cessions immenses du traité de Brétigny, le
duc de Bourgogne offrait la Normandie ; le dauphia pro-
posait» noa la Normandie,, mais la Flandre et rArtois,
c'est-à-dire les meilleures provinces du duc de Bourgogne.
Le clerc anglais Morgan, chargé de prolonger <|uelques
jours ces négociations, dit enfin aux gens du dauphin :
« Pourquoi négocier? Nous avons défi lettres de votre
maître au duc de Bourgogne» par lesquelles il lui propose
de s'unir à lui contre nous. » Les Anglais amusèrent de
même le duc de Bourgogne et finirent par dire : c Le roi
est fol, le dauphin mineur, et le duc de Bourgogne n a pas
qualité pour rien céder en France \ •
Ces comédies diplomatiques n'arrêtaient pas la tragédie
de Rouen. Le roi d'Angleterre, croyant faire peur aux ba-
bitantSi, avait dressé des gibets autour de la ville, et il y
faisait pendre des prisonniers. D'autre part il barra la
Seine avec un pont de bois, des chaînes et des navires, de
sorte que rien ne put passer. Les Rouennais de bonne
heure semblaient réduits aux dernières extrémités, et ils
résistèrent six mois encore ; ce fut un miracle. Us avaient
mangé les chevaux, les chiens et le& chats 3. Ceux qui pou-
1 Iftnstreiot.
* V. le journal des négociations dans Rymer, noT. 14t8.
> La chronique anglaise donne an étrange tarif des aaioaax d^oû-
HBNfU V.
vftMDt eaeore Uiovver quelque aUment;, tmt fùi4l im*
saoade, ils se gfirdaieot bi&a de le montrer; les affamés le
aéraient jetés dessus. La plus horrible nécessité, c'est qu'il
fallut faire sortir 4e la ville tout ce qui ne . pouvait pas
eombattre» douxe mille vieillardSj femmes et enfanta. Il
fallut que le fils mît son vieux père à la porte, le mari aa
femme ; ce fut là «a déehirement. Cette fonle déplorable
vint se présenter anx retranchementa anglaîa ; ils y fureint
reçus à la pointe ^ Tépée^ ftepoussés également de leun
amis et de leurs ennemis» ils restèrent entre le camp et la
ville, dans le fossé, sans autre aliment que Therbe qu'ils
arradiaiant. Us y passèrent Thiver sous le ciel . Des femaea,
béiaa! y aooouohèrent... ; et alors les gens de Bouen, vou-»
lant que TenfaiU lât du moins baptisé, le montaient par
une corde; puis on le redescendait, pour qa*il allét mou-
rir avec sa mère ^. On ne dit pas que les Anglais aient eu
œtte charité ; et pourtant leur camp était plein de prêtres,
d'évéqnes; il y avait entre autres la piimat d'Angleterre,
archevêque de Cantorbéry.
Au grand jour de Noél, lorsque tout le m<HMle chrétien
dans la joie, célèbre par de douces réunions de famille la
naissance du petit Jésus, les Anglais se firent scrupule de
tanii dont les gens de Rouen se nourrirent; peot-élre ce tarif n'est qu'une
dérision féroce de la misèse des assiégés : On vendait un rat 40 penoe
(environ 40 fraoca, moonsie acliMliB|, et un chat, a nobles (00 franc»),
une souris se veotlail 6 pence (environ 6 fraoqi), etc. Afp., IdS.
1 Mon»trelet. — La maison, dit le chroniqueur anglais, clait pour eux
une grande source de misère; H ne faisait que pleuvoir. Les fossés pré»
iCBtûent plus d'un speoutcle laaientaiiile; on y sçyan dea enfanta de
deux à trois ans oblig(^ de neodier leur pain, parce que leun père ei
mère (étaient morts. L'eau s(<]ournanl sur le sol qu'ils étaient roniraints
d'habiier, et, gisant çè et là, ils ponsaaieiit des cris, inplorant un pea
de nourriture. Plusieurs avaient les membres flfchis par la faibles-se, et
étaient maigres GOOQiBe une brancbe desséchée; les femmes tenaient
leurs nourri)<sons dans leurs bras, sans avoir rien pour le^ rcchauflcr;
des enfants tétaient encore le sein de leur môre étendue sans vie. Ob
trouvait dix à douze morts [our un vivant.
93S iToirr du comrÉTABLK d'armagnac.
fme bombance ^ sans jeter des miettes à ces affinmés.
Deux prêtres anglais descendirent parmi les spectres du
fossé et leur apportèrent du pain. Le roi fit dire aussi anx
habitants qu'il voulait bien leur donner des vivres pour le
saint jour deNoél; mais nos Français *ne voulurent rien
recevoir de l'ennemi.
Cependant le duc de Bourgogne commençait à se mettre
en mouvement. Et d'abord, il alla de Paris à Saint-Denis.
Là, il fit prendre au roi solennellement l'oriflamme ; cmelle
dérision ) ce fut pour rester à Pontoise, longtemps à Pon*
toise, longtemps à Beauvais. Il y reçut encore un homme
de Rouen qui s'était dévoué pour risquer le passage; c'était
le dernier messager, la vtoix d'une ville expirante ; ii dit
sîmpleiQent que dans Rouen et la banliaie, il était mort
cinquante mille hommes de faim. Le duc de Bourgogne fîit
touché, il promit secours, puis débarrassé du messager, et
comptant bien sans doute ne plus entendre parler de Rouen;
il tourna le dos à la Normandie et mena le roi à Provins.
Il fallut donc se rendre. Mais le rold'Àngleterrey croyant
utile de faire un exemple pour une si longue résistance,
voulait les avoir à merci. Les Rouennais, qui savaient ce
que c'était que la merci d'Henri V, prirent la résolution
de miner un mur, et de sortir par là la nuit les armes à la
main, à la grâce de Dieu. Le roi et les éyéques réfléchi-
rent, et l'archevêque de Cantorbéry vint lui-même offirtr
une capitulation H «La vie sauve, cinq hommes exc^ités^;
ceux des cinq qui étaient riches ou gens d'église se tirè-
rent d'affaire ; Alain Blanchart paya pour tous ; il fallait
à l'Anglais une exécution^ pour constater que la réststance
avait été rébellion au roi légitime. 2o Pour la même raison,
H^nri assura à la ville tous les privilèges que les rois de
* Le camp anglais regorgeait de Tlrres; les habitants de Londres
ayarent enyoyë à eux seuls un TaT^an chargé de vin et de ceiroîse.
(Chéraet.)
* App., 190.
HENRI T. S32
France, se& ancêtres, lui avaient accordés, avaru Vmurpa"
tio» de Philippe de Yalois, S» Mais elle dut payer une teir-
rîble amende, trois cent mille écus d*or, moitié en janvier
.(on était déjà au 19 janvier*), moitié en février. Tirai* cela
d'une ville dépeuplée, ruinée s, ce n'était pas chose facile.
U y avait à parier que ces débiteurs insolvables feraient
plutôt cession de biens, qu'ils se sauveraient tous de la
ville, et que le créancier se trouverait n'avoir pour gage
que des maisons croulantes. — On y pourvut; la ville fut
contrainte par corps ; tous les habitants consignés jusqu'à
parfait payement. Des gardes étaient mis aux portes; pour
sortir, il fallait montrer un billet qu'on achetait fort cher K
Ces billets parurent une si heureuse invention de police et
d'un si bon rapport, que désormais on en exigea partout.
La Normandie entière devint une geôle anglaise. Ce gou-
vernement sage et dur ajouta à ces rigueui;;» un bienfait,
qui parut une rigueur encore : l'unité de poids, de mesures
et d'aunage, poids de Troyes, mesure de Rouen et d'Arqués,
aunage de Paris ^.
Le roi d'Angleterre, occupé d'organiser le pays conquis,
accorda une trêve aux deux partis français, aux Bourgui-
gnons et aux Armagnacs. U avait besoin de refaire un^ eu
son armée. Il lui fallait surtout ramasser de l'argent et
s'acquitter envers les évéques qui lui en avaient prêté pour
cette longue expédition. L'£glise lui faisait la banque,
mais en prenant ses sûretés ; tantôt les évéques se faisaient
assigner par lui le produit d'un impôt '; tantôt ils lui prê-
taient sur gage, sur ses joyaux ^, sur sa couronne, par
> Afp,, ÎÛO.
J L'entrée magnifique du vainqaeur, au milieu de ses ruiqes, fit un
contraste cruel. L'honnête et humain M. Turner en est lui-même blessé.
* MoDstrelet. — * Rymer.
* Par exemple, en lilS* il engage à l'archevêque de Canlorbéry et
aux évéques de Winchester, etc., la perception de droits féodaux.
(V.^lud loin, page S61 et App., 2!9.
* Par exemple, le 2V juillet 1415, K* 22 juin 1417. (Rymer.)
i38 MORT DU CONNÈTABLV D*ÀRM AGNAC.
exemple. Toilà sam doute pourquoi ils suiirâient le eamp
en grand nombre (. A chaque conquête, ils pouvaient
récupérer leurs arances, occupant les bénéfices racants,
les administrant, en percevant les firuits. Si les absents
s^bstinaîcnt à ne pas revenir, le roi disposait de leurs
bénéfices, de leurs héritages, en faveur de ceux qui le
suivaient. La terre ne manquait pas. Beaucoup de gens
aimaient mieux tout perdre que de revenir. Le pays de
Caux était désert ; il se peuplait de loups ; le roi y créa un
louvetier.
Ce grand succès àe la prise de Rouen exalta rorgneil
d'Henri V et obscurcît un moment cet excellent esprft ;
telle est la faiblesse de notre nature. Il se crut si sûr de
réussir, qu'il fit tout ce qu'il fallait pour échouer.
Chose étrange, et pourtant certaine, ce conquérant de
la France n'avait encore qu'une province, et déjà la France
ne lui suffisait plus, fl commençait à se mêler des affaires
d'Allemagne. Il y voulait marier son frère Bedford * ; la
désorganisation de l'Empire l'encourageait sans doute ; un
frère du roi d'Angleterre, c'était bien assez pour faire un
Empereur ; témoin le frère d^Henri 111, Richard de Cor-
nonailles. Déjà Henri V marchandait l'hommage des arcbe^
véque» et autres princes du Rhin.
Autre foKe, et plus folle. 11 voulait faire adopter son
jeune frère, Glocester, à la reine de Naplcs, et provisoire-
ment se faire donner le port de Brindes et le duché de
Calabre ^. Brindes était un lieu d'embarquement pour
Jérusalem ; ritalie était pour Hoiri le chemin de la terre
sainte; déjà ses envoyés prenaient des informations en
Syrie. En attendant, ce projet lui faisait un ennemi mortel
du roi' d'Aragon, Alfonse le. Magnanime» prélendaDi* à
l'adoption de Naples; il mettait d'aecord contre lui les
I • Proïf itonim, umper sibiagristenHum, consilîo... • Religieux.*
* App,, aOl, -»ilpp., 20«.
HSNRt T. 339
Axagonais^ et les Castillans, deux puissances maritimf^.
Dès lors la Guyenne*, rAnglelerre môme, étaient en péril.
Naguère les Castillans, conduits par un Normand, amiral
de Castllle, avaient gagné sur les Anglais une p;randc
bataille navale ^. Leurs vaisseaux devaient sans difRculté,
ou ravager les côtes d'Angleterre, ou tout au moms aller
en Ecosse, chercher les Écossais et lés amener ûommc
auxiliaires au dauphin .
Henri V voyait sî peu son danger du cAté du dauphin,
de rÊcosse et deTEspagne, qull ne craignit pas de mécon-
tenter le duc de Bourgogne. Celui-ci, misérablement
dépendant des Anglais pour les trêves de Flandre, avait
essayé d& fléchir Henri. Il lui demanda une entrevue, et
lui proposa d'épouser une fille de Charles Y!, avec ht
Guyenne et la Normandie ; mais il voulait encore la Bre^
tagne comme dépendance de la Normandie, et de plus le
Haine, TAnjou et la Touraîne. Le duc de Bourgogne n*a\^it
pas craint d^amener à cette triste négociation la jeune
princesse, comme pour voir sî elle plairait. Elle plilt;
mais TAnglais n'en fut pas moins dur, moins insolent; cet
homme, «qui ordinairement parlait .peu et avec mesure,
s'oublia jusqu'à dire : « Beau cousin, saches que nous
aurons la fille de votre roi, et le rrste, ou que nous vous
mettrons, lu! et vous, hors de ce royaume ^. »
Le roi d'Angleterre ne voulait pas traiter sérieusement;
et le duc de Bourgogne avait près de lui des gens qui le
suppliaient de traiter avec eux, les gens du dauphin, deux
braves qui commandaient ses troupes, Barbazan et Tan-
negui Duchàtel. Il était bien temps que la France se récon-»
* Lfs Anglais •'étaient fort maladroitement mités des affaires inté-
rieares de l'AracoD, dés i4i3. (Ferreras.)
> App., Î03.
* Le Nurmand Robert de Bramement, amiral de Castllle. (Le Rcli-
fiem.) ifpp., aoi.
* Jilonstreleu
iiO MORT DU GONNiTABLK D'aIUUGIÎAC.
cîliàt, si près de sa perte. Le Parlement de Paris et celui
de Poitiers y travaillaient également ; la reine aussi, et
plus efficacement, car elle employait près du duc de Bour-
gogne une belle femme, pleine d'esprit et de grâce, qui
parla, pleura S .et trouva moyen de toucher cette àme
endurcie.
Le 11 juillet, on vit au ponceau de Pouilly ce spectacle
singulier : le duc de Bourgogne au milieu des anciens
serviteurs du duc d'Orlëans, parmi les frères et les parents
des prisonniers d'Azincourt et des égorgés de Paris. Il
voulut lui-même s*agenouiller devant le dauphin. Un
traité d'amitié, de secours mutuel, fut signé, subi par les
uns et les autres. Il fallait voir aux preuves ce que devien-
drait cette anâitié entre gens qui avaient de si bonnes
raisons de se haïr.
Les Anglais n'étaient pas sans inquiétude *. Sept jours
après ce traité, le 18 juillet, Henri V dépécha de nouveaux
négociateurs pour renouer l'affaire du mariage. Ce qui est
plus étrange, ce qui étonnera ceux qui ne savent pas com-
bien les Anglais sortent aisément de leur caractère quand
leur intérêt l'exige, c'est qu'il devint tout à coup empressé
et galant; il envoya k la princesse un présent considérable
de joyaux ^. Il est vrai que les gens du dauphin arrêtèrent
ces joyaux en route; ils crurent pouvoir porter au frère ce
qu'on destinait à la sœur.
Le roi d'Angleterre eut bientôt lieu de se rassurer. Le
duc de Bourgogne, quoi qu'il fit, ne pouvait sortir de la
situation équivoque oii le plaçait l'intérêt de la Flandre.
Son traité avec le dauphin ne rompit pas les négociations
' Le bon Religieux de Saint-Denis l'appelle : « La respectable et pra-
dente dame de Giac... • Ce qui est sûr, c'est qu'elle était fort habile.
Son mari« le sire de Giac, ne davinant pas pourquoi il réussissait dans
tout, croyait le devoir au Diabk*, à qui il ayait voué une de ses mains.
« App., 205.
' Le Religieux croit, sans doute d'après un bruit populaire^ qu'il y en
avait pour cent mille écus!
HEKm V. 24t
qu'il avait engagées depuis le mois de juin pour continuer
les trêves entre la Flandre et l'Angleti;rro Le 28 juillet, à
Londres, le duc de Bedford proclame le renouvelleuient
des trêves. Le 29, près de Paris, les Bourguignons en gar-
nison à Pontoise se laissèrent surprendre par les Anglais ;
les habitants fugitifs arrivèrent à Paris, et y jetèrent une
extrême consternation. £llc augmenta lorsque, le 30, le
duc de Bourgogne, emmenant précipitamment le roi de
Paris à Troyes, passa sous les murs de Paris sans y entrer,
sans pourvoir à la défense des Parisiens éperdus, autre-
ment qu'en nommant capitaine de la ville son neveu,
enfant de quinze ans ^.
D'après tout cela, les gens du dauphin crurent, à tort
ou à droit, qu'il s'entendait avec les Anglais. Ils savaient
que les Parisiens étaient fort irrités de l'abandon où les
laissait leur bon duc, sur lequel ils avaient tant compté. Ils
crurent que le duc de Bourgogne était un homme ruiné,
perdu. Etalor3, la vieille haine se réveilla d'autant plus
forte qu'enfin la vengeance parut possible après tant
d'années.
Ajoutez que le parti du dauphin était alors dans la joie
d'une victoire navale des Castillans sur les Anglais ; ils
savaient que les armées réunies de Castille et d'Aragon
allaient assiéger Bayonne, qu'enfin les flottes espagnoles
devaient amener au dauphin des auxiliaires écossais. Ils
croyaient que le roi d'Angleterre, attaqué ainsi de plu-
sieurs côtés, ne saurait où courir.
Le dauphin, enfant de seize ans, était fort mal entouré.
Ses principaux conseillers étaient son chancelier Maçon,
* I e mi'contentemeni extrême de Paris se fait sentir jusque dans les
p&iesel tiiniiles notes du gn-flierdu Parlement : • Ce jo<>r (9 août), les
Anglois vittr»*ni courir devant les portes de Paris. . It lors, y avoit à
Pans petite garnison de gens d'armes, pour rabsrnce du Hoy, de la
Royne, de Mess, le Dauphin, le due de tiourgoingue et des autres sei-
gneurs «Je ¥rûUct\ gnijust^ufS cy uut fnit petite rvusU uce nui dits Anylois
ei à leurs cnln-pti&cs... • ArclùViS, itej sircs du Pa:Lment.
ir. it
242 UORT DU CONNÉTABLE d' ARMAGNAC.
et Louvet^ président de Provence, deux légistes, de ces
g^»ns qui avaient toujours pour justifier chaque crime royal
une sentence de lèse-majesté. Il avait aussi pour conseil-
lers des hommrs d'armes, de braves brigands armagnacs,
gascons et bretons, habitués depuis dix ans à une petite
guerre de surprises, de coups fourrés, qui ressemblaient
foit aux assassinats.
Les serviteurs du duc lui disaient presque tous qu'il pé-
rirait dans Tentrevue que le dauphin lui demandait. Les
gens du dauphin s'étaient chargés de construire sur le
pont de Montereau la galerie où elle devait avoir liea,
une longue et tortueuse galerie de bois ; point de barrière
au milieu, contre l'usage qu'on observait toujours dans œt
âge défiant. Malgré tout cela, il s'obstina d'y aller; la
dame de Giac, qui ne le quittait point, le voulut ainsi ^
Le duc tardant à venir, Tannegui Duchàtel aHa 1<
chercher. Le duc n'hésita plus ; il lui frappa sur Tépanle,
en disant : « Voici en qui je me fie. » Duchàtel lui
fit hâter le pas; le dauphin, disait-il, attendait; de cette
manière il le sépara de ses hommes, de sorte qu'il entra
seul dans la galerie avec le sire de Navailles, frère du np-
tal de Buch, qui servait les Anglais et venait de prendre
Pontoise. Tous deux y furent égorgés (40 septembre Ul 91
L'altercation qui eut lieu est diversement rapnorît'e.
S 'Ion l'historien ordinairement le mieux informé, Ifôg^^ns
du dauphin lui auraient dit durenient : * Approchez donc
enfin, monseigneur, vous avez bien tardé-! » A quoi il
aurait répondu que « c'était le dauphin qui tardait à agir,
que sa lenteur et sa négligence avaient fait bien du mal dans
1 Le irahit-el'e? tout le monde le crut, quand après l'évënemeot onli
vil re!*ler du vMé du dauphin. Pourtant elle avjiit penlu, f»ar la mi'"
de Jean sans Peur, l'ospoir d'une grande foi lune. Innocente oufonp^t''"''
qu'aurait-»'ile éiti chercher en Bourgogne? la haine de la veuYé, ^^''^^
puissante sous son fils?
• « Tardaviiiis... lardavistis... • Religieux.
HfNUl V. 3i3
le rnyaamc. » Selon un autre récit, il aurait dit qu'on nd
pouvait traiter qu'en présence du roi, que le dauphin
devait y venir; le sire de Navaiiles, mettant la. main sur
son épée, de l'autre saisissant le bras du jeune prince,
aurait crié, avec la violence méridionale de la maison de
Foix : « Que vous le veuillez ou non, vous y viendrez, mon-
seigneur. »' Ce récjj, qui est celui des dauphinois, n'en est
pas moins assez croyable ; ils avouent, comme on voit, que
leur plus grande crainte était que le dauphin ne leur
échappât, qu'il ne revint près de son père et du duc de
Bourgogne.
Tannegui Duchàtel assura toujours qu'il n'avait pas
frappé le duc. D'autres s'en vantèrent L'un d'eux. Le Bou-
teillir, disait : « J'ai* dit au duc de Bourgogne : Tu as
coupé le poing au duc d Orléans, mon maître, je vais te
couper le tien. »
Quelque peu regrettable que fût le duc de Bourgogne,
sa mort fit un mal immrnse au dauphin i. » Jean sans
Peur était tombé bien bas, lui et son parti. Il n'y avait
bientôt plus de Bourguignons. Rouen ne pouvait jamais
oublier qu'il l'avait laissé sans secours. Paris, qui lui était
si dévoué, s'en voyait de uième abandonné au moment du
péril. Tout le monde C(mnnenvait à le mépriser, à le hair.
Tous, dès qu'il fut tué, se retrouvèrent Bourguiguuns.
La lassitude était extrême, les soullVances inexprima-
bles ; on fut trop heureux de trouver un prétexte pour
céder. Chacun s'exagéra à lui-même sa pitié et son inili-
gnation. La honte d'appeler l'étranger se couvrit d'un beau
semblant de veiigeaiict». Au fond, P«u'is céda, parce qu'il
mourait de Llm. La reine céda, parce qu'après tout«« si
* « Le s«M,;n(>ar de Barboziii pnr ptasi^nrs fois rppro.*ha à ronx qui
avoit^Dt rua<'liiit(i le ras d>>.sus «lit. dis.iiii qu'ils a>oichl il iruii Uur
niiiîre de clu'vari.:e et d'himii. iir, o' iju- m t'ux Noirlrnii avoir {'{<• iii'»rt
qn.' d'avoir »3îe :i i«.L'lle journi--, cointjMn qu ij en fût iui oclmiI. • >Jo!n-
trdel. i4/'p., im.
241 MORT DU CONNÉTABLE d'aïÎM;.G>\VC.
son fils n'était roi, sa fille au moins serait reine. Le fils du
duc de Bourgogne, Philippe le Bon, était le seul sincère ;
il avait son père à venger. Mais sans doute aussi, il croyait
y trouver son compte ; la branche de Bourgogne grandis*
sait en ruinant la branche aînée, en mettant sur le trône
un .étranger qui n'aurait jamais qu'un pied de ce côté du
détroit, et qui, s'il était sage, gouvernerait la France par
le duc de Bourgogne.
Il ne faut pas croire que Paris ait appelé facilement l'é-
tranger. Il avait' été amené à cette dure extrémité par des
souffrances dont rien peut-être, sauf le siège de 1590, n'a
donné l'idée depuis. Si l'on veut voir comment les lon-
gues misères abaissent et matérialisent l'esprit, il faut lire
la chronique d'un Bourguignon de Paris qui écrivait jour
par jour. Ce désolant petit livre fait sentir à la lecture
quelque chose des misères et de la brutalité du temps.
Quand on vient de lire le placide et judicieux Religieux de
Saint-Denis, et que de là on passe au journal de ce fu-
rieux Bourguignon, il semble qu'on change, non d'au-
teur seulement, mais de siècle; c'est comme un âge bar-
bare qui commence. L'instinct brutal des besoins physi-
ques y domine tout ; partout un accent de misère, une
âpre voix de famine. L'auteur n'est préoccupé que du prix
des vivres, de la difficulté des arrivages ; les blés sont
chers, les légumes ne viennent plus, les fruits sont hors
de prix, la vendange est mauvaise, l'ennemi récolte pour
nous. En deux mots, c'est là le livre : a J'ai faim ; j'ai
froid, 9 ce cri déchirant que l'auteur entendait sans cesse
dans les longues nuits d'hiver.
Paris laissa donc faire les Bourguignons, qui avaient
encore toute autorité dans la ville. Le jeune Saint Pol,
neveu du duc de Bourgogne et capitaine de Paris, fut
envoyé en novembre au roi d'Angleterre avec maître Eus-
tache Atry, a au nom de la cité, du clergé et de la com-
mune. » 11 les reçut à merveille, déclarant qu'U ne voulait
HSXRI Y. iitb
que la possession indépendante de ce qu'il avait conquis
et la main de la princesse Catherine, li disait gracieuse-
ment : c Ne suis-je pas moi-môme du sang de France ? Si
je deviens gendre du roi, je le défendrai contre tout
homme qui puisse vivre et mourir <. »
11 eut plus qu'il ne demandait. Ses ambassadeurs, en-
couragés par les dispositions du nouveau c^c de Bour-
gogne, réclamèrent le droit de leur maître à la couronne
de France, et le duc reconnut ce droit (2 décembre 4419)»
Le roi d'Angleterre avait mis trois ans à conquérir la Nor-
mandie ; la mort de Jean sans Peur sembla lui donner la
France en un jour.
Le traité conclu à Troyes au nom de Charles YI assurait
au roi d'Angleterre la main de la fille du roi de France, et la
survivance du royaume : « Est accordé que tantôt après nosire
trépas^ la couronne et royaume de France demeureront et
seront perpétuellement à nostredit fils le roy Henry et à ses
hoirs... La faculté et V exercice de gouverner et ordonner la
chose publique dudit royaume, seront et demeureront,
notre vie durant, à nostre dit fils le roi Henri, avec le con-
seil des nobles et sages dudit royaume... Durant nostre vie,
les lettres concernées en justice devront être écrites et
procéder sous nostre nom et scel ; toutefois, pour ce
qu'aucuns cas singuliers pourraient advenir..., il sera loi-
sible à nostre fils... écrire ses lettres à nos sujets, par
lesquels il mandera, défendra et commandera, de par
nous et de par lui, comme régent.., »
Après ceci, Tarticle suivant n'était-il pas dérisoire?
« Toutes conquestos qui se feront par nostre dit fils le roi
Henri sur les désobéissants, seront et se feront à notre
profit. »
Ce traité monstrueux finissait dignement par ces lignes,
où le roi proclamait le déshonneur de sa famille, oii le
< Le lieligieux.
2i6 MORT DU CONNÉTABLE d'aRMàGXAC.
père proscrivait son fils : a Considéré les horribles et
énormes crimes et délits perpétrés audit royaume de
France par Charles, soi-disant dauphin de Viennois, il est
accordé que nous, notre dit fils le roi, et aussi notre très-
cher fils Philippe, duc de Bourgogne, ne iraiierons aucune-
ment de paix ni de concorde avec que ledit Charles, ni truke-
rons ou ferons traiter, sinon du consentement et du conseil
de tous et chacun de nous trois, et des trois états des deux
rovnumes dessusdits ^. »
Ce mot honteux, soi^isant dauphin^ fut payé comptant
à la mère. Isabeau se fit assigner immédiatemeut deux mille
francs par mois, à prendre sur la monnaie de Troyes^. A
ce prix, elle rcnia son fils et livra sa fille. L'Anglais pre-
nait tout à la fois au roi de France son royaume et son
enfant. La pau\Te demoiselle était obligée d'épouser un
maître ; elle lui apportait en dot la ruine de son frère.
Elle devait recevoir un ennemi dans son lit, lui enfanter
des iils maudits de la France.
• Il eut si peu d égard pour elle, que le matin même de la
nuit des noces, il partit pour le siège de Sens ^. Cet impla-
cable chasseur d'hommes court ensuite à Montereau. £t
ne pouvant réduire le château, il fait pendre les prison-
niers au bord des fossés*. C'était pourtant le premier niuis
de son mariage, le moment où il n'y a point de cœur qui
n'aime et ne pardonne; sa jimne Française était enceinte;
il n'en traitait pas mieux les Français.
^ V. cet acte en trois langue», latine, française et anglaise, dans Rymcr,
21 mai 1420.
« KyriKT, 9 juin 1420.
* Comcni' on allait :aire des joutes pour le mariajîe : • Il dit, oïtnt
tous, de son niouveinml : Je prie à M. le Hoy de qui j'ai espou^e la liiie
cl à luus MS s.Mvilturs, et à mes serviteurs j»- conimahd.' que «leuiaiu au
matin nous ï^non.s' tous prAis ^'oiir aller ineltrc lo sirge dfvaui la ciLi
de Sens, et la pourra rhasrun jou>(er. • Journal du iiourg<*oi>.
* t Au'juel litu le roi d'An;{i»'lerre fil dre>s:;r i ii g bn, uù le> denses-
dits pris.iijiicis luiviil tous pi'UiJus, voy.Hit ceux du cUaslel. ■ Mons^
irclfi
HENRI V. 247
Avec toute cette impétuosité, il fallut bien qu'il patientât
devant Melun ; le brave Bai bazan Vy arrêta plusieurs nioîs.
Le roi d'Angleterre, employa tous les moyens, amena au
siège Charles V 1 et les deux reines, se présentant comme
gendre du roi de Franc, parlant au nom de son beau-
père, se servant de sa femme, comme d'amorce et de
piège. Toutes ces habiletés ne réussirent pas. Les assiégés
résistèrent vaillamment ; il y eut des combats acharnés
autour' des murs et sous les murs, dans les mines et contre-
mines, et Henri lui-même ne s'y épargna pas. Cependant
les vivres manquant, il fallut se rendre. L'Anglais, selon
son usage, excepta de la capitulation et fit tuer plusieurs
bourgeois, tout ce qu'il y avait d'Ëcossais dans la place, et
jusqu'à deux moines.
Pendant le siège de Melun, il s'était fait livrer Paris par
les Bourguignons, les quatre forts, Vincennes, la Bastille,
Ift Louvre et la tour de Nesle. Il fit son entrée en décembre.
Il chevauchait entre le roi de France et le duc de Bour-
gogne. Celui-ci était vctu de deuil «, en signe de douleur
et de vengeance ; par pudeur aussi peut être, pour s'excu-
ser du triste personnage qu'il faisait en amenant Trlran^er.
Le roi d'Angleterre était suivi de ses frères, les duc; de
Clarence et de B^dford, du duc d'Kxcter, du comte de
Waruick et de tous ses lords. Derrière lui. on portait,
entre autres bannières, sa bannière pcrsunnelUî, la lance
à queue dp renard- ; c'était api;areuinient un si^i;ne qu'il
r.vait pris jadis, en bon fox hunier, dans sa vive jeunesse ;
Iiomme fait, roi et victorieux, il gardait avec une insolente
simplicité le signe du cliasseur dans cette grande chasse
d(» France.
Le roi d'Angleterre fut bien reçu à Paris''. Ce peuple
sans caur (la nusère l'avait fait tel) accueillit l'étranger,
i Mons'n Ici.
2iS MORT DU CONNETABLE d'aRMAGNàC.
comme il eût accueilli la paix elle-même. Les gens d'Église
vinrent en procession au-devant des deux rois leur faire
baiser les reliques. On les mena à Notre-Dame, où ils
firent leurs prières au grand autel. De là le roi de France
alla loger à sa maison de Saint-Pol ; le vrai roi, le rûi
d'Angleterre, s'établit dans la bonne forteresse du Louvre
(déc. U20).
Il prit possession, comme régent de France, en assem-
blant les Ëtats le 6 décembre 1420 et leur faisant sanc-
tionner le traité de Troyes *.
Pour que le gendre fût sûr d'hériter, il fallait que le fils
fût proscrit. Le duc de Bourgogne et sa mère vinrent par-
devant le roi de France, siégeant comme juge à l'hôtel
Saint-Pol, faire « grand'plainte et clameur de la piteuse
mort de feu le duc Jean de Bourgogne. « Le roi d'Angle-
terre était {(ssis sur le même banc que le roi de France.
Messire Nicolas Raulin demanda, au nom du duc de Bour-
gogne et de sa mère^ que Charles, soi-disant dauphin,
Tannegui Duchàtel et tous les assassins du duc de Bour-
gogne fussent menés dans un tombereau, la torche au
poing, par les carrefours, pour faire amende honorable.
L'avocat du roi prit les mêmes conclusions. L'Université
appuya 2. Le roi autorisa la poursuite, et Charles ayant été
crié et cité à la- Table de marbre, pour comparaître sous
trois jours devant le Parlement, fut, par défaut, condamné
au bannissement et débouté de tout droit à la couronne de
France (3 janvier 1421) 3.
1 \.e Parlement d'Angleterre en fit autant le 2i mai 1421. (Hymcr.)
« Monstrelei. — =» App., 20a.
CHAPITRE III
Suite dD précédent. — > Concile de Constance» 1414-1418.
Mort 4e Charles VI et d'Henri V, 1421.
Deux rois de France, Charles VU et Henri VI.
Dans les années M2i et 1422, TAnglais résida souvent
au Louvre, exerçant les pouvoirs de la royauté, faisant jus-
tice et grâce, dictant des ordonnances, nommant des offi-
ciers royaux. A Noél, à la Pentecôte, il tint cour plénière
et table royale avec la jeune reine. Le peuple de Paris alla
voir Leurs Majestés siégeant couronne en tète, et autour,
dans un bel ordre, les évéques, les princes, les barons et
chevaliers anglais. La foule affamée vint repaître ses yeux
du somptueux banquet, du riche service ; puis elle s'en alla
à jeun, sans que les maîtres d'hôtel eussent rien offert à
personne. Ce n'était pas comme cela sous nos rois, disaient-
ils en s'en allant ; à de pareilles fêtes, il y avait table ou-
verte ; s'asseyait qui voulait ; les serviteurs servaient lar-
gement, et des mets, des vins du roi même. Mais alors, le
roi et la reine étaient à Saint-Pol, négligés et oubliés.
Les plus mécontents ne pouvaient nier après tout que
cet Anglais ne fût une noble figure de roi et vraiment
royale. Il avait la mine haute, l'air froidement orgueilleux,
mais il se contraignait assez pour parler honnêtement à
chacun, selon sa condition, surtout aux gens d'Église. On
remarquait à sa louange qu'il n'affirmait jamais avec ser-
ment; il disait seulement ; « Lnpossible. » Ou bien :
2:30 CONCILE DE CONSTANXE.
a Cela sera*. » En général, il parlait peu. Ses réponses
étaient brèves, « et tranchaient comme rasoir*. »
U était surtout beau à voir, quand on lui apportait de
mauvaises nouvelles ; il ne sourcillait pas, c était la plus
superbe égalité d*àme. La violence du caractère, la passion
intéiieure, ordinairement contenue, perçait plutôt dans les
succès; l'homme parut à Âzîncourt... Mais au temps où
nous sommes il était bien plus haut ^encore, si haut, qu'il
n'y a guère de tête d'homme qui n'y eût tourné : roi d'An-
gleterre et déjà de France, traînant après lui son allié et
serviteur le (tnc de Bourgogne, ses prisonniers le roi d £-
coss(\ le duc de Bourbon, le frère du duc de Bretagn.*,
enfin les ambassadeurs de tous les princes chrétiens. Ceux
du Rhin particulièrement lui faisaient la cour; ils ten-
daient la main à l'argent anglais. Les archevêques de
Mayoncc et de Trêves lui avaient rendu hommage, et étaient
devenus ses vasuiux^. Le palatin et autres piinccs d'Em-
pire, avec toute leur fierté allemande, sollicitaient son ar-
bitrage, et n'êtiiient pas loinde reconnaître sa juridiction.
Cette couronne impériale qu'il avait prise hardiment à
Azincourt, elle semblait devenue sur sa léte la vraie cou-
ronne du saint Eiiijiire, cellt* de la chrétienté.
l'ne trlh^ puis.-anee pt^sa, (^onime on peut croire, au con-
cile de (loiistaiice. Celte petite Angleterre s'y fît recon-
naître d'abord pour un quart du monde, pour une des quativ
nations du concile. Le roi d«»s Romains, Sigismond, «étroi-
tement lié avec les Anglais, croyait les men(*r et fut in«':ii*
par eux. Le pa[)e prisonnier, conlié d'abord à la garde (ie
Sigismond, le fut ensuite à celle d'un évè(|ue anglais ;
Henri V, (jui avait déjà tant de prinees français et éco.ssals
dans S(»s prisois, se lit encore reinellre ce précieux gage
de la paix de l'È^^lise.
* • Impossi!»le '•si; v«'l : Sic fieri oporl»*bil. • TV-'li^ieiix.
* Ciiroiiii|iiti Ue George Lha^lullaïU. App,t 210.
» Âp})-., ail.
DEUX ROIS DE FHANCE, CHARLES VU ET HÎ'XRI VI. 2ol
Pour faire coruprendre lo rôle que TAngleterre et la
France jouèrent dans ce concile, nous devons reiiioutcr
plus haut. Quelque triste que sojit alors l'état de l'Église, il
faut que nous en pai'lioas et que nous laissions un nio-
jinent ce Paris d'Henri V. Notre histoire est d'ailleurs à
Constance autant qu'à Paris.
Si jamais concile général fut œcuménique, ce fut celui
de Constance. On put croire un moment que ce ne serait
pas'une n^présnitation du monde, mais que le monde y
venait en personne, le monde ecclésiastique et laïque *. Le
concile semblait bien répondre à cette large définition que
Cierson donnait d'un concile : « Une assemblée... qui n'ex-
clue aucun fidèle. » Mais il s'en fallait de beaucoup que
tous fussent des lidèles ; cette foule représentait si bien le
monde, qu'elle en contenait toutes les misères morales,
tous les scandales. Les Pères du concile qui devait réi'or-
mer la chrétienté ne pouvaient pas même réformer
le peuple de toute sorte qui venait à leur suite; il It-ur
fallut siéger comme au milieu d'une foire, parmi les caba-
rets et les mauvais lieux.
Les p()liti(iues doutaient fort de l'ulllilé du concile -. Mais
le grand homme de l'É^^lise, Jean Gerson, s'obstinait à y
croire, il conser\ait, par delà tous les autres, l'e^pjir (^t la
f »i. Malailu du mal de TK^^lise-^ il ne jiouvait s'y rési-uier.
><>n iUiiilie, Pierre d Ailly, s'était reposé dans le cardinalat.
S -n amis, Clémengis, qui avait tant éciitconlr(;. la Baby -
\niut papahî, alla la voir et s'y trouva si bien, qu'il devint
h* siiuetaire, l'ami des papes.
(i<M\v»n voulait siMitu^ement la réf»)rme, il la voula't
î'vec pabbion, et quoi qu'il eu coûtât. Pour Cila, il fallait
' On dit qu'il y vint cent ririfinnnfr» mille piT'.onn-'^, que loa cl.ovaux
t ■•) (•riiiceH < i prélats élaicut uu noiubrc de (reulc mille.
« Afij»., 212.
^ * •Il il c:o utlver2>ie vuleluJiuii» Qie«e. • Geraun. K|ii:>lu!a de lUfann.
252 CONCILE DE CONSTANCE.
trois choses : \^ rétablir Tunité du pontificat, couper les
trois têtes de la papauté ; 2o fixer et coasa<u*er le dogme ;
Wicieff, déterré et brûlé à Londres*, semblait reparaître à
Prague dansla personne de Jean Huss; 3^ il fallait raffer-
mir cnlin le droit royal, condamner la doctrine meurtrière
du franciscain Jean Petit.
Ce qui rendait la position de Gerson difficile, ce qui ra-
nimait d'un zèle implacable contre ses adversaires, c'est
qu il avait partagé, ou semblait partager encore plusieurs
de leurs opinions. Lui aussi, à une autre époque, il avait
dit comme Jean Petit cette parole homicide : « Nulle vic-
time plus agréable à Dieu qu'un tyran ^. » Dans sa doc-
trine sur la hiérarchie et la juridiction de TÉglise, il avait
bien aussi quelque rapport avec les novateurs. Jean Huss
soutenait, comme Wicleff, qu'il est permis à tout prêtre,
de prêcher sans Tautorisation de Févêque ni du pape: Et
Gerson, à Constance même, fit donner aux prêtres et
même aux docteurs laïques le droit de voter avec les évo-
ques et de juger le pape. Il reprochait à Jean Huss de rea-
.dre rinférieur indépendant de l'autorité, et cet inférieur,
il le constituait juge de Tautorité même.
Les trois papes furent déclarés déchus. Jean XUII fut
dégradé, emprisonné. Grégoire XII abdiqua. Le seul Be-
noît XllI (Pierre de Luna), retiré dans un fort du royaume
de Valence, abandonné de la France, de l'Espagne même,
et n'ayant plus dans son obédience que sa tour et son ro-
cher, n'en brava pas moins le concile, jugea ses juges, les
vît passer comme il en avait vu tant d'autres, et mourut
invincible à près de cent ans.
Le concile traita Jean Huss conime un pape, c'est-à-dire
très-mal. Ce docteur était en réalité, depuis 4442, comme
* Cette scène atroce ent lien à Londres en 1419, U même année oà
Jérôme de Prague afficha la buile tar la gorge d'une fille publique.
* D'après Sénéque le tragique : • Nu lia Dec graiior victima quam
tyrannus. • Gerson. Considcrationes contra adalatores.
DEUX ROIS DB FRANCE, CHARLES VII ET HENRI VI. .253
le pape national de la Bohême. Soutenu par toute la noblesse
du pays, directeur de la reine, poussé peut-èlre sous main
parle roi Wenceslas^, comme Wicleff semble l'avoir été par
Edouard Ili et Richard II, beau-frère de Wenceslas, Jean
Huss était le héros du peuple beaucoup plus qu'un théolo*
gien'; il écrivait dans la langue du pays; il défendait la
nationalité de la Bohême contre les Allemands, contre les
étrangers en général; il repoussait les papes, comme
étrangers surtout. Du reste, il n'attaquait pas, comme fit
Luther, la papauté même. Dès son arrivée à Constance, il
fut absous par Jean XXIII.
Jean Huss soutenait les opinions de Wicleff sur la hié-
rarchie; il voulait, comme lui, un clergé national, indi-
gène, élu sous l'influence des localités. En cela il plaisait
aux seigneurs, qui, comme anciens fondateurs, comme
patrons et défenseurs des Églises, pouvaient tout dans les
élections locales. Huss fut donc, comme Wicleff, Thomme
de la noblesse. Les chevaliers de Bohême écrivirent trois
fois au concile pour le sauver; à sa mort, ils armèrent
leurs paysans et commencèrent la terrible guerre des hus-
sites.
Sous d'autres rapports, Huss était bien moins le disci-
ple de WicleflF qu'il ne se le croyait lui-même. 11 se rappro-
chait de lui pour la Trinité ; mais il n'attaquait pas la pré-
sence réelle, pas davantage la doctrine du libre arbitre.
Je ne vois pas du moins dans ses ouvrages que, sur ces
questions essentielles, il se rattache à Wicletf, autant qu'on
le croirait d'après les articles de condamnation.
En philosophie, loin d'être un novateur, Jean Huss était
le défenseur des vieilles doctrines de la scolastique. L'U-
niversité de Prague, sous son influence, resta fidèle au réa-
lisme du moyen âge, tandis que celle de Paris sous d'Ailly,
< Wonceslas le défendit contre les accuMtions des moines et des cler !»
V. »a riiponse dans Pfister, llist. d*Aliemagne.
* V. iicnuissance. Xotcs de l'Introduction.
"2oi CONCILE DE CONSTAXCE.
Clt'mongis et Gerson, se jetait dans les nouveautés hardies
du noniinalisnie trouvées (ou reti\)uvées) par Occain. C'eUiit
le novateur relij^neux, Jean lluss, qui défendait le vieux
credo philosophique des écoles. Il le soutenait dans son
Université boliémienne, d'où il avait chassé les étran^'ers;
il le soutenait à Oxford, à Paris même, par son violent dis-
ciple Jérôme de Pra^nie. (lelui ci était venu braver dans sa
chaire, dans son trône, la formidable Université de Paris*»
dénoncer les maîtres de Navarre pour leur enseignement
nominaliste, les sif:^naler comme des hérétiques en philo-
sophie, comme de p(uniei('ux adversaires du réalisme de
saint Thomas.
Jusipi à quel point celte question d'école avait-elle aiijri
nos «gallicans, les liieilleurs, lt*s plus saints?... On no.v?
soinh-rctîtte trisle question. l!njx.-méiUiîs probabltmieiit
n'auraient pu Téclaircir. Ils s'expli(iuaient leur haine con-
tre Jean iliiss jjar sa participation aux hérésies de Wideir.
L(^ concile s ouvrit le o novembre 1411; des le 27 mai,
(i^ rson avait écrit à l'archevéiiue de Prague pour quH
livrât Jean lluss au bras séculier. « Il faut, disait-il, coii-
j) 'r Cv);irl aux disputes cpii coinprometttMit la vérité, il
faut, [)ar une cruauté misérici)rdieuse, employer le fer ft
le ft'U -. )^ Les j^aliicans auraient bien vou'lu que rarclit-
vè(|ue |;àl ('^oar^rier au concihî cette terrible besogne. Mu'S
qui aurait ose en H )liéim; mettre la main surThounne des
clii'varu'rs boiiéiuieiis?
Jean lluss était biavtî comme Zwingli; i^ voulut voir eu
face Ms t lâueuiis: il vint au ('oncih\ 11 croyait d'ailleurs à
la j)arole de Si^^ismond, dont il avait un sauf-conduit. L.i,
excepté le I):ip'N il trouva tjut le monde contre lui. Les
i^'^'•^, (jui par leur violence contre la papauté, se sentaient
(1,'veiius fort suspects aux peuples, avaient besoin d'un
,;>:,• v.çA-^urcux Contre riiére>ie, pour prouver leur fui. Les
DEUX ROIS DK' FRANClE, CHARLES VII ET DEXUI VI. 255
Allrmnnds trouvaient fort bon qu'on brûlât un Bohé-
mion; les Nominaux se résignaient aisément à la mort
d*un Réaliste *. Le roi des Romains, qui lui avait promis
sûreté 2, saisît cette occasion de perdre un homme dont la
popularité pouvait fortifier Wenceslas en Bohême.
Ceux môme qui ne trouvaient pas le Bohémien héré-
tique, le condamnèrent comme rebelle; qu'il eût erré ou
non, il devait, disaient-ils, se rétracter sur Tordre du con-
cile 3. Cette assemblée, qui venait do nier trois foisTinfail-
iibilité du pape, réclamait pour elle-même rinfaillibilité,
la toute-puissance sur la raison individuelle. La république
ecclésiastique se dtîclarait aussi absolue que la monarchie
pontificale. Elle posa de même la^question entre l'autorité
et la liberté, entre la majorité et la minorité; fiiible mina-
rilé sans doute, qui, dans cette grande as^^embléo, se
réduisait à un individu; l'individu ne céda pas, il aima
mieux périr.
Il dut en coûter au ca»ur de Gerson de consommer
ce sacrifice à l'unité 'spirituelle, cette immolaticm d'un
homme... L'année suivante, il fallut en immoler un
autre. Jérôme do Prague avait échappé, mais quand il
api)rit comment son maître é;ait mort, il rougit de vivre
et revint devant ses juges. Le concile devait démentir son
premier arrêt ou biûler encore celui-ci *.
* Pierre d'AîtIyaTalt contribué pni^'sammpnt à lachnte de Jean XX III.
Il 8»> montra, en coiii|>?iisa(iuii, d'uiilant \\\\x-> zelo coulre 1 liiToliqut^; il
rc:iibirrîi.s>a i^ar d'cir.i.gjs suliiiliii.s, voi'latil rainmer à avoui-r que
ce'iii qui ne cruit pas aux universaux, ne croit pas à la Transsub tan-
tiaiion.
' ' e sauf-f^onduit était daté du 18 oct. 1114.
» J«'ari Hus.<» nous fait connahn* lui-iiiôine le^ efforts qno l'on fil
n".;)r<';. do lui pour oblcfiir le sa<'riû>'e ahsolu ilc la raison huinaino. (in
n'y ('(largna ni W% ar,,;umonts ni l'.>s exemples. On lui citait entre autres
Çk'A»' i.'tr.i!jgi' lug. nio dune sainte fetutne qui entra dans un rouv»'nl de
Tel. g "'iis's NOUS iiabii d'bomiiio, tl fut, comme homm(», accu-^ê»» d'avoir
rei.duc l'nrciiilo une des norint'K : elle so rocgnnnt coupable^ confessa le
fait et é!. va IVuriiil; la vcrité ne fut connue qu'à «a mort,
* Le Togge^ lômoiQ du jugement de Jérôme, fut saisi de son éloquence.
2:36 CONCILE DE CONSTANCE.
L'un des vœux de Gerson, Tune des bénédictions qu'il
attendait du concile, c'était qu'il condamnerait solennelle-
ment ce droit de tuer, prêché par Jean Petit... Et pour en
venir là, il a fallu commencer par tuer deux hommes!...
Deux? Deux cent mille peut-être. Ce Huss, brûlé, ressus-
cité dans Jérôme et encore brûlé, il est si peu mort, que
maintenant il revient comme un grand peuple, un peuple
atmé, qui poursuit la controverse Tépée à la main. Les
hussites, avec l'épée, la lance et la faux, sous le petit Pro-
cope, sous Ziska, Tindomptable borgne, donnent lâchasse
à la belle chevalerie allemande : et quand Procope sera
tué, le tambour fait de sa peau mènera encore ces bar-
bares, et battra par TAllemagne son roulement meur-
trier.
Nos gallicans avaient payé cher la réforme de Constance,
et ils ne l'eurent pas ^ Elle fut habilement éludée. Les
Italiens, qui d'abord avaient les trois autres nations contre
eux, surent se rallier les Anglais; ceux-ci, qui avaient
paru si zélés, qui avaient tant accusé la France de perpé-
tuer les maux de TËglise, s'accordèrent avec les Italiens
pour faire décider, contre Tavis des Français et des Alle-
mands, que le pape serait élu avant toute réforme, c'est-
à-dire qu'il n'y aurait pas de réforme sérieuse. Ce poml
décidé, les Allemands se rapprochèrent des Italiens et des
Anglais, et les trois nations firent ensemble un pape italien.
Les Français restèrent seuls et dupes, ne pouvant manquer
d'avoir le pape contre eux, puisqu'ils avaient entravé son
élection. Il était beau, toutefois, d'être ainsi dupes, pour
avoir persévéré dans la réforme de TËglise.
C'était en 1417 ; le connétable d'Armagnac, partisan du
II l'appelle : Virum dignum menions sempitem». Cet homme si fier
et si obstiné, montra sur le hûcber ane douceor héroïque; voyant m
petit paysan qui apportait du bois avec grand xèle, il s'écria : • 0 res*
pectable simplicité, qui te trompe est mille fois coupable! • A^., 215.
» App , 210.
DEUX ROIS DE FRÀKCB, CHARLES TU ET HENRI VI. 257
vieux Benoit XlJl, gouvernait Paris au nom du roi et du
dauphin. Il fit ordonner par le dauphin, à l'Université, de
suspendre son jugeaient sur l'élection du nouveau pape»
Martin Y ; mais son parti était tellement affaibli dans Paris
même, malgré les moyens de terreur dont il avait essayé,
que l'Université osa passer outre et approuver rélection«
Elle avait hâte de se rendre le pape favorable; elle voyait
que le système des libres élections ecclésiastiques qu'elle
avait tant défendu, ne profitait point aux universitaires.
Elle avait abaissé la papauté, relevé le pouvoirdes évéques;
et ceux-ci, de concert avec les seigneurs, faisaient élire
aux bénéfices des gens incapables, illettrés, les cadets des
seigneurs, leurs ignares chapelains, les filsde leurs paysans,
qu'ils tonsuraient tout exprès. Les papes, dh moins, s'ils
plaçaient des prêtres peu édifiants, choisissaient parfois
des gens d'esprit. L'Université déclara qu'elle aimait
mieux que le pape donnât les bénéfices ^. C'était un curieux
spectacle de voir l'Université, si longtemps alliée aux évo-
ques conire le pape, de la voir retourner à sa mère, la -pa-
pauté, et attester contre les évéques, contre les élections
locales, la puissance centrale de l'Église. Mais l'Université
l'avait tuée, cette puissance pontificale ; elle n'y revenait
qu'en abdiquant ses maximes, en se reniant et se tuant
elle-même.
Ce fut le sort de Gerson de voir ainsi la fin de la papauté
et de l'Université. Après le concile de Constance, il se re-
tira brisé, non en France, il n'y avait plus de France. H
chercha un asile dans les forêts profondes du Tyrol, puis
à Vienne, où il fut reçu par Frédéric d'Autriche, l'ami du
pape que Gerson avait fait déposer.
* Bulactts. Une assfmbicc de grands et de prélats, présidée par le
dauphin, fit emprisonner le recteur qui avait parlé contre la manière dont
ils dirigeaient les élections ecelésîaotiques et conféraient \e% bénéfices.
Le Parlement ne soutint pas lUniveriité, qui fit drs excuses. Ce fut
reoierrement de l'Université, comme puissance populaios.
I?. 17
S58 OMCUJE US COHSVÂlICE.
PIqs tard, k mort du ûmc de Bourgogne eiieounigea
Oersoft à revemir, «Mts seolemeiit jusqu'au bord de te
France, jiMqo'à Lyon. C'était «ncnrMe fninçMae, n«|;aèrc
d'Empire', mais tonjoors ime ville commune à toos, une
répttblî({iie marchande dont ka pti?ilégeft oottviwent toai
le monde, une patrie conmiuiepawEr le Suisse, le fiwoyard,
rAliemand. KltaUen, aalant que pour le Français. Ce con-
fluent des fleuves et des penplas, -aoos la vue lointaine des
Alpes, cet «eéan d'hommes de tout pays, cette gcande et
profonde ville. avec ses raes aombn» et ses esealiers noirs
qui ont Tair de grimper au cieli c'était «ne retraite plus
solitaire que los solitndes du TyroU 11 s'yblottltdansiui
couvent de CélasUns dont son firàre était prieur; il j expia,
par la docilifé monastique, aa doannation sur l'Ëgltse,
goûtant le bonhaur d'obéir^ la douceur de Jié plus vouloir
de sentir qu'on ne répond plus de soi. S'il reprit par in-
tervalle cette plume toute*puissante, ce fat pour diercher
le moyen de calmer la guerre qui le travaillait «noore;
pour trouver le moyen d'accorder le myatickme et la rai-
son, d'être seîenfttfiquement mystique , de délirer avec
méthode. Sans doute que oe grand esprit floit par aeniir
que cela encore étaitvain* On dit qu'en ses demièreB an-
nées, il ne pouvait plus voir que des ^nfittls, comme il
arriva sur la fin à Rousseau et à Bernardin de Satnt-Pierre.
Il ne vécut plus qu'avec les petits, les enseignant <, ou
plut()t recevant lui-nnérae renseignement de osa inno-
cents ^. Avec eux, il apprenait la siraplirâté, désapprenait
la scolastique. On inscrivit eur sa tembe : « Sursum
corda ^. »
Le résultat du concile de Constance était un revers pour
i Lire son traité De paimlis ad ChrtBUm trttiaiié^
* Il Goni[mii sar iMir rntsroenioD, et les rëaait «acofe la v«<1le de n
mon, pour lesr reeoonnftader de dire dans'leare pHèm : • Seigneur.
«ycz pitié de vsUepaarre secvitsur'leao Gcftsa.-* * i4)ip*> '^7.
DEUX ROIS DE FRANCE, CHARLES VU ET HENRI VI. 2o9
la France, une défaite, et plus grande qu'on ne peut dire,
une bataille d'Azioeourt. Af^ès avoir eu si longtegaps un
pape à elle, une sorte de patriarche français, par lequel
elle agissait encore sur ses alliés d'Ecosse et d'Espagne^
elle allait voir Tunité de r£gHse rétablie en apparence»
rétablie contre elle au profit de ses ennemis; ce pape
italien, citent du parti anglo-allemand, n'allait-il pas en*
trcr dahs les affaii*es de France, y dicter les ordres de
l'étranger?
L'Angleterre avait vaincu par la politique , aussi bien
que par les armes. Elle avait eu grande part à Télection de
Martin V ; elle tenait entre les mains son prédécesseur^
Jean XXUl, sous la garde du cardinal de Winchester, on-
cle d'Henri V. Henri pouvait exiger du pape tout ce qu'il
croirait nécessaire à l'accomplissement de ses projets sur
la France, Naples, les Pays Bas, l'Allemagne, la Terre-
Sainte.
Dans cette suprême grandeur où l'Angleterre semblait
arrivée, il' y avait bien pourtant un sujet d'inquiétude.
Cette grandeur, ne l'oublions pas, elle la devait principa-
lement à letroite alliance de 1 épiscopat et de la royauté
sous la maison de Lancastre : ces deux puissances s'étaient
accordées pour réformer l'Église et conquérir la France
schismatique. Or, au moment de la réforme, l'épicopat
anglais n'avait que trop lais^ voir combien peu .11 s'en
souciait ; d'antre part, la conquête de la France à peine
commencée, la bonne intelligence des deux alliés, épisco-
pat et royauté, était déjà compromise.
Depuis un siècle, l'Angleterre accusait la France de no
vouloir aucune réforme, de perpétuer le schisme. Elle en
parlait à son aise, elle qui, par son statut des Proviseurs,
avait de bonne heure annulé l'influence papale dans les
élections ecclésiastiques. Séparée du pape sous ce rapport,
elle avait beau j/;u de reprocher le schisme aux Français.
La France, soumise au pape, voulait un pape français ù
260 CO:<ÎCfLE DE CONSTANCE.
Avignon; TÂngletcrre, indépendante du pape dans la
question essentielle, voulait un pape universel, et ellelai-
mait mieux à Rome que partout ailleurs. Dès qu'il n'y eut
plus de pape français, les Anglais ne s'inquiétèrent plus de
réformer le pontificat ni l'Église.
Les Anglais avaient donné leur victoire pour la yictoire
de Dieu; leur roi, sur les premières monnaies qu'il fit
frapper en France, avait mis : « Christus régnât, Christus
vincit, Christus impcrat. » Il eut beaucoup d'égards et de
ménagements pour les prêtres français; il entendait son
intérêt; ces prêtres, qui' étaient prêtres bien plus que
Français, devaient s'attacher aisément à un prince qui
respectait leur robe. Mais ce n'était pas l'intérêt des lords
évêques qui suivaient le roi comme conseillers, comme
créanciers ; ils devaient trouver avantage à ce que la fuite
des ecclésiastique» français laissât un grand nombre de
bénéfices vacants qu'on pût administrer, ou même pren-
dre, donner à d'autres. C'est ce qui explique peut-être la
dureté que ce conseil anglais, presque tout ecclésiastique,
montra pour les pivtres qu'on trouvait <lans les places as-
siégées. Dans la capitulation de Rouen, dressée et négo-
ciée par l'archevêque de Cantorbéry, le fameux chanoine
de Livet fut excepté de l'amnistie; il fut envoyé en Angle-
terre ; s'il ne périt pas, c'est qu'il était riche, et qa'il com-
posa pour sa vie. Les moines étaient traités plus durement
encore que les prêtres. Lorsque Melun se rendit, on en
trouva deux dans la garnison, et ils furent tués. A la prise
de Meaux, trois religieux de Saint-Denis ne furent sauvés
qu'à grand'peine pnr les réclamations de leur abbé; mats
le femeux évêque (lauchon, Tftme damnée du cardinal
Winchester, les jtta dans d'aflreux cachots *.
Cela devait effrayer les bénéflciers absents. L'évéque de
Paris, Jean Courtecuisse, n'osait revenir dans son évéché;
DEUX ROIS DE FRANCE, CaAitLES VII ET HENRI VI. â6t
ces absences laissaient nombre de bénéfices à la discrétion
des lords évéques, bien des fruits à percevoir. Le roi; qui
sans doute aurait mieux aimé que les absents revinssent et
se ralliassent à lui, ne se lassait pas de les rappeler, avec
menaces de disposer de leurs bénélices ; mais ils n'avaient
garde de revenir. Les bénéfices étant* alors considérés
comme vacants, les évéques en disposaient pour leurs
créatures ; cela faisait deux titulaires pour chaque béné-
fice. Après avoir tant accusé la France de perpétuer le
schisme pontifical, la conquête anglaise créait peu à peu
un schisme dans le clergé français.
€es grandes et lucratives affaires expliquent seules
pourquoi, dans toutes les expéditions d'Henri V, nous
voyons les grands dignitaires de TÉglise d'Angleterre ne
plus quitter son camp, le suivre pas à pas. Us semblent
avoir oublié leur troupeau : les âmes insulaires deviennent
ce qu'elles peuvent; les pasteurs anglais sont trop préoc-*
cupés de sauver celles du continent. Nous ne voyons en-
core au siège d'Harfleur que l'évéque de Norwich comme
principal conseiller d'Henri. Mais après la bataille d'Âzin*
court» le roi, pressé de revenir en France, se remet entre
les mains des évéques ; il charge les deux chefs de Fépisco-
pat, l'archevêque de Cantorbéry et le cardinal de Win-
chester, de percevoir, au nom de la couronne, les droits
féodaux de gardes^ mariages et forfaitures pour notre pro-*
cham passage de mer ^. il fallait, avant même de commen-
cer une autre expédition, mettre Uarfleur en état de dé-
fense; le roi, parfaitement instruit des affaires de France,
ne doutait pas qu'Armagnac n'essayât de lui arracher cet
inappréciable résultat de la dernière campagne. Les
évéques, qui seuls avaient de l'argent toujours prêt, firent
évidemment les avances, et se firent assigner en garantie le
produit de ces droits lucratifs.
• App., 219.
S6t • amau ns coxstaiicb.
Le cardinal Winchester, onde d'Henri V, devint peu à
peu rhomnie le plus riche de l'Angleterre et peut-être da
monde. Nous le voyons plus tard faire à la Couronne des
prêts tels qu'aucun roi n'eût pu les faire alors; des vingt
mille, cinquante mille livres sterling à la fois ^. Quelques
amiées s^irès la m&ri d'Henri, il se trouva un moment le
vrai roi de la France et de l'Angleterre (4 43(M431). Henri,
de son vivant même, lui reprocha publiquement d'usurper
les droits de la royauté ^ ; il croyait même que Winches-
ter souhaitait impatiemment sa mort, et qu'il eût voubila
hâter.
Use trompait peut-être; mais ce qui est sûr, c'est que
les deux royautés, la royauté militaire et la royauté épis-
«opale et financière, avaient pu commencer ensemble la
conquête, mais qu elles n'auraient pu posséder ensemble,
qu'elles ne pouvaient tarder à se brouiller. Au moment de
ce grand effort du siège de Rouen, le roi, ayant besoin
d'argent, se hasarda à parler de réformer les moeurs éà
clergé ^. Les évoques lui accordèrent une aide pour la
guerre, mais ce ne fut pas gratis ; ils se firent livrer en re*
tour plusieurs hérétiques.
En H20, sous prétexte d'invasion imminente des Écos-
sais, il obtint une demi-décime du clergé du nord de
l*Anglètefre, et chargea rarohevéque d'Tork de lever cet
impdt K C'était la terrible année du traité de Ti-oyes, il
n'avait pas à espérer de rien tirer de la France, d'un pays
ruiné, à qui cette année même on prenait son dernier
bien, l'indépendance et la vie nationale. Au contraire, il
essaya de rattacher étrottementhi Normandie et la Guyenne
a rAngicterre, d'une part; en exemptant de certains droits
les ecclésiastiques normands ; de l'autre, en diminuant les
1 V. rdniimëration détaillée de ces prèls, dans Turawr.
* Henri lui reprochait, entre autres félonies, de contreraire la mooiuta
royale. App., 220.
« ïurner. — * Rymer, 27 octobre 1420.
DELX ROIS DE FRANCE, CHARLES Vtl ET HENRI VI. 26S
droits que payaient en Angleterre les marchands de Tins
de Bordeaox ^.
Mais en 1 4^4 , il fallut de l'argent à tout prix. Charles VII
occupait Bfeaux et assiégeait Chartres. Les Anglais avaient
mis toute la campagne précédente à prendre MeUin.
àienri V fut obligé de pressurer les deux royaumes, et
l'Angleterre, mécontente et grondante, tout étonnée de
payer, lorsqu'elle attendait des tributs, et la malheureuse
France, un cadavre, un squelette, dont on ne pouvait
8ttoer le sang, mais tout au plus ronger les os. Le roi mé^
nagea Torguctl anglais en appelant Timpi^t un emprunt;
emprunt volontain, mais qui fut levé violemment, brus-
quement ; dans chaque comté, il avait désigné quelques
personnes riches qui répondaient et payaient, sauf à lever
1 argent sur les autres, en s*arrangeant t;omme ils pour^
raient : les noms de ceux qui auraient refusé devaient être
envoyés au m ^.
La Normandie ftifr ménagée, quant aux formes, presque
autant que l'Angleterre. Le roi convoqua les trois États de
Normandie à Rouen, pour leur exposer ce qu'il voulait faire
pour l'avantage général. Ce qu1l voulait d'abord, c'était
de recevoir du clergé une décime. Eti récompense, il li-
mitait le pouvoir militaire des capitaines des villes 3, ré*
primait les excès des soldats. Le droit de prise ne devait
plus être exercé en Normandie, etc.
L'emprunt anglais, la décime normande, ne suffisaient
pas pour solder cette grosse armée de quatre mille hom-
mes d'armes et de plusieurs milliers d'archers qu'il ame-
nait d'Angleterre. Il fallut prendre une mesure qui frappftt
toute la France anglaise ; le coup ftit surtout terrible à Pa-
ris. Henri V lit faire une monnaie forte, d'un titre double
1 Rymer, 22 jaiiaarii, 22 mart. 1420.
• Rympr, 21 april. 1421.
' Un ehfTaher est chargé de faire une enquête à ce snjet. (Hymer»
:> mai 1421.)
26i GONCILB DE GONSTANCB.
OU triple de la faible monnaie qui courait ; il déclara qa*il
n'en recevrait plus d'autre ; c'était doubler ou tripler Tim-
p6t. La chose fut plus funeste encore au peuple qu*utile au
trésor ; les transactions particulières furent étrangement
troublées ; il fallut pendant toute Tannée des règlements
Yexatoires pour interpréter, modifier celte grande vexa-
tion *. . . ^
La lourde et dévorante armée que ramenait Benri ne lui
était que trop nécessaire. Son frère Clarence venait d'être
battu et tué avec deux ou trois mille Anglais en Anjou
(bataille de Baugé^ 25 mars 4421). Dans le Nord même, le
comte d'Harcourt avait pris les armes contre les Anglais
et courait la Picardie. Saintrailles et la Hire venaient à
grandes journées lui donner la main. Tous les gentils-
hommes passaient peu à peu du côté de Charles VII ^, du
parti qui «faisait les expéditions hardies, les courses aven-
tureuses. Les paysans, il est vrai, souffrant de ces courses
et de ces pillages, devaient à la. longne se rallier à un
maître qui saurait les protéger 3.
La férocité des vieux pillards armagnacs servait
Henri V. Il fit une chose populaire en assiégeant la ville
deMeaux, dont le capitaine, une espèce d*ogre ^, le bâtard
de Vaurus, avait jeté dans les campagnes une indicible ter-
reur. Mais comme le bâtard et ses gens n'attendaient au-
cune merci, ils se défendirept en désespérés. Du haut des
murs, ils vomissaient toute sorte d'outrages contre Henri Y,
qui était là en personne; ils y avaient fait monter un àne,
qu'ils couronnaient et btittajent tour à tour ; c>était, dit*
saientwls, le roi d'Angleterre qu'ils avaient fait prison-
nier. Ces brigands servirent admirablement la France,
* Ordonnances, X!.
* Journal du Eiourgeois. — Monstrelet.
» Jpp.. 22i.
* Tout le monde a la eette terrible histoire populaire de la paorn
femme enceinte qu'un den Vaarus flt lier à un arbre, qui accoucha la
jiuit et fat mangée des loups. (Journal du Bourgeois.)
DEUX ROIS DE FRANCS, CHARLES VII ET HENRI VI. 365
dont pourtant Us ne se souciaient guère. Ils tinrent les
Anglais devant Meaux tout Thiver, huit grands mois; la
belle armée se consuma parle froid, la misère et la peste.
Le siège ouvrit le 6 octobre ; le 18 décembre, Henri, qui
voyait déjà cette armée diminuer, écrivait en Allemagne,
en Portugal, pour en tirer au plus tôt des soldats. Les An-
glais probablement lult^oûtaient plus cher que ces étran-
gers. Pour décider les mercenaires allemands à se louer à
lui plutôt qu*au dauphin, il leur faisait dire entre autres
choses qu1l les payerait etï meilleure monnaie *.
11 n'avait pas à compter sxiv le duc de Bourgogne. Il vînt
un moment au siège de Meaux, mais s'éloigna bientôt sous
prétexte d'aller en Bourgogne pour obliger les villes de
son duché à accepter le traité de Troyes. Henri avait bien
lieu de croire que le duc lui-même avait sous main pro-
voqué cette résistance à un traité qui annulait les droits
éventuels de là maison de Bourgogne à la couronne, aussi
bien que ceux du dauphin, du duc d'Orléans et de tous les
princes français. Et pourquoi le jeune Philippe avait-il
fait un tel sacrifice à l'amitié des Anglais ? Parce qu'il
croyait avoir besoin d'eux pour venger son père et battre
son ennemi. Mais c'étaient eux, bien plutôt, qui avaient
besoin de lui. Le bonheur les avait quittés. Pendant que
le duc de Clarence se faisait battre en Anjou, le duc de
Bourgogne avait eu en Picardie un brillant succès ; il
avait joint les Dauphinois, Saintrailles et Gamaches, avant
qu'ils eussent pu se réunir à d'Harcourt, et les avait défaits
et pris.
La malveillance réciproque des Anghaîs et des Bourgui-
gnons datait de loin. De bonçe heure, ceux-ci avaient
souffert de l'insolence de leurs alliés. Dès 1416, le duc de
Glocester se trouvant comme otage chez le duc de Bour-
gogne Jean sans Peur, le fils de celui-ci, alors comte de
• Rymer.
\
\
\
266 . GONCILB DB C0R5TANCB.
Charolaîs, vint faire visite à Glocester; celui-ci, qui par^
lait ea ce moment à des Anglais, ne se dérangea point à
Tarrivée du prince, et lui dit simplement bonjour sans
même se tourner vers lui ^ Plus tard, dans une alterca-
tion entre le maréchal d'Angleterre Cornwall et le brave
capitaine Bourguignon Hector de S^aveuse, le général
anglais, qui était à la tête d^une fojrte troupe, ne craignit
pas de frapper le capitaine de son gantelet. Une telle chose
laisse des haines profondes» Les Bourguignons ne les ca-
chaient point.
L'homme le plus compromis peut-être du parti bour-
guignon était le sire de l'Ile-Adam, celui qui avait repris
Paris et laissé faire les massacres. Il croyait du moins
que son maître le duc dé Bourgogne en profiterait, mais
celui-ci, comme on Ta vu, livra Paris à Henri Y. L*IIe-
Adam avait peine à cacher sa mauvaise humeur. Un
jour, il se présente au roi d'Angleterre vêtu d'une grosse
cotte grise. Le roi ne passa point cela : « L'Ile- Adam, lai
dit-il, est-ce là la robe d'un maréchal de France? »
L'autre , au lieu de s'excuser, répliqua qu'il l'avait Eût
faire tout exprès pour venir par les bateaux de la Seine.
Et il regardait le roi fixement. » Comment donc, dit l'An-
glais avec hauteur, osez vous bien regarder un prince au
visage, quand vous lui parlez! — Sire, dit le Bourguignon,
c'est notre coutume à nous autres Français ; quand un
homme parle à un autre, de quelque rang qu'il soit, les
yeux baissés, on dit qu'il n'est pas prud'homme, puisqu'il
nose regarder en face. — Ce n'est pas l'usage d'Angle-
terre, » dit sèchement le roi. Mai^ il se tint pour averti; *
un homme qui pariait si ferme, avait bien l'air de ne pas'
rester longtemps du c6té' anglais . L'Ile- Adam avait piisj
une fois Paris, peut-être aurait-il essayé de le reprendre,i
en cas d'une rupture d'Henri avec le duc de Bourgogne.!
1 Monstrelet.
DBdX ROIS DE FR4NCS, CHAXIUS Vil ET HENRI VI. i&ï
Peu après, sous ua prétexte, le duc d'Bxeter, capitaine de
Paris, mit la main sur le Bourguignon et le traîna à la
Bastille. Le petit peuple s'assembla, cria et fit mine de le
défendre. Les Anglais firent une charge meurtrière «
comme sur une année ennemie ^.
Henri V voulait faire tuer rile-Adam, mais le duc ae
Bourgogne intercéda. Ce qui (ut tué, et à n*en jamais re**
venir, ce fut le parti anglais dans Paris*
Le changement est sensible dans le Journal dut Bour^
gejis. Le sentiment national se réveille en lui, il se réjouit
d'une défaite des Anglais^ ; il oomaience à s*atteûdrir sur
le sort des Armagnacs qui apurent sans confession^.
Le roi d'Angleterre, prévoyant sans doute une ropture
avec le duc de Bourgogne, sembla avoir voulu prendre
des postes contre lui dans les Pays-Bas. Il traita avec le
roi des Romains pour l'acquisition du Luxembourg, puis
chercha à conclure uœ étroite alliaoce avec Liège ^. On
se rappelle que c'est justement par la même acquisition et
la même alliance que la maison d'Orléans se fit une enne*
mie irréconciliable de celle de Bourgogne*
Agir ainsi contre un allié qui avait été si utile , se pré-
parer une guerre au nord quand on ne pouvait venir à
bout de celle du midi, c'était une étrange imprudence.
Quelles étaient donc les ressources du roi dMngleierre ?
D'après son budget, tel qu'il fut dressé en 4421 par
Tarchevôque de Cantorbéry, le cardinal Winchester et
deux autres évéques^ son revenu n était que de cinquante-
trois mille livres sterling , ses dépenses courantes de cin-*
quante mille (vingt et un mille seulement pour Calais et la
< App-, 229.
* • Le peuple les aroit en trop mortelle haine les nns ti les aAlres. •
Journal du Bourgeois.
« Fut faite g rant fesle k Paris... • Mieux on dust avoir pleuré...
QduI dommaige et quel pitié par toate diue^Uenié..* • Journal d«
Bourgeois.
' H} mer. 17 jul. 1421 ; 6 a' ùt U2i,
268 CONCILE UK CONSTANCE.
marche voisine'). Il y avait un excédant apparent de trois
mille livres. Mais, sur cette petite somme, il fallait qu'il
pourvût au.x dépenses de Tartillerie, des fortifications et
constructions, des ambassades, de la garde des prison-
niers, à celles de sa maison, etc., etc. Dans ce compte, il
n*y avait rien * pour servir les intérêts des vieilles dettes
d'Harfleur, de Calais, etc., qui allaient s'accroissant.
La situation d'Henri Y devenait ainsi fort triste. Ce con-
quérant, £e dominateur de l'Europe, allait se trouver peu
à peu sous la domination la plus humiliante, celle de ses
créanciers. D'une part, il traînait après lui ce pesant
conseil de lords évèques, qui ne pouvait manquer de
devenir chaque jour et plus nécessaire et plus impérieux;
d'autre part, les hommes d'armes, les capitaines, qui lui
avaient engagé, amené des soldats, devaient sans cesse
réclamer l'arriéré ^.
Henri V avait trouvé au fond de sa victoire la détresse
et la misère. L'Angleterre rencontrait dans son action sur
l'Europe, au xv« siècle, le môme obstacle que la France
avait trouvé au X(v®. La France aussi avait alors étendu
vigoureusement les bras au nfiidi et au nord, vers l'Italie,
TEmpIre, les Pays-Bas. La force lui avait manqué dans
ce grand effort, les bras lui étaient retombés , et elle
était restée dans cet état de langueur oii la surprit la
conquête anglaise.
Les Anglais s'étaient figuré, en faisant la guerre, que la
France pouvait la payer. Ils trouvèrent le pays déjà désolé.
Depuis quinze ans, les misères avaient crû, les ruines
étaient ruinées. Ils tirèrent si peu des pays conquis que,
pour n'y pas périr eux-mêmes , il fallait qu'ils appor-
* • Et nondam proyisum est, etc. » Rymer.
* Ces réclamations farerH si vives à la mort d*Henn V, que le eonsdl
de régence fat obligé de leur assigner en payement le iiert et U tiert da
tiers de tout ce que le roi avait pu gagner personoellement i la guerre,
bulin, prisonniers, «te. (Statutes of theAealm.)
DEUX ROIS DE FRANCE. CHARLES VU ET HENRI YI. 369
fassent. Où prendre donc? Nous Tavons dit, TÉglise seule
alors était 'riche. Mais comment la maison de Lancastre,
qui s*était élevée à l'ombre de TËglise, et en lui livrant ses
ennemis, comment eût-elle repris , contre TËglise, le rôle
de ces ennemis même, celui des niveleurs hérétiques
qu'elle avait livrés aux bûchers ?
L'Angleterre avait reproché à Ja France, pendant un
siècle, d*exploitqrl'£glise, de détourner les biens ecclésias-
tiques à des usages profanes ; elle s'était chargée de mettre
fin à un tel scandale, TËglise et la royauté anglaises
s'étaient unies pour cette œuvre, et elles avaient en eifet
écrasé la France... Cela fait, où en étaient les vainqueurs?
au point où ils avaient trouvé les vaincus, dans les mêmes
nécessités dont ils leur avaient fait un crime; mais ils
avaient de plus la honte de la contradiction. Si le roi des
prêtres ne touchait au bien des prêtres, il était perdu.
Ainsi commençait à apparaître tel qu'il était enr réalité,
faible et ruineux, ce colossal édifice dont le pharisaïsme
anglican avait cru sceller les fondements du sang des
lollards anglais et des Français schismatiques.
Henri V ne voyait que trop clairement tout cela ; il n'es-
pérait plus. Rouen lui avait coûté une année, Melun une
année, Meaux une année. Pendant cet intern^nable siège
de MeauX; lorsqu'il voyait sa belle armée fondre autour
de lui, on vint lui apprendre que la reine avait mis au
monde un fils au château de Windsor : il n'en montra
aucune joie, et, comparant sa destinée à celle de cet en-
fant, il dit avec une tristesse prophétique : « Henri de Mou*
mouth aura régné peu et conquis beaucoup; Henri de
Windsor régnera longtemps et il perdra tout. La volonté
de Dieu soit faite I »
On conte qu'au milieu de ces sombres prévisions, un
ermite vint le trouver et lui dit : « Notre-Seigncur, qui ne
veut pas votre perte, m'a envoyé un saint homme, et voici
ce que^e saint homme a dit : « Dieu ordonne que vous
970 CONCILE DK C0N8TANG8.
VOUS désistiez de tourmenter son chrétieB peuple de
France ; sinon, vous avez peu à vivre ^ >
Henri V était jeune encore; mais il avait beaucoup tta-
vaille en ce monde, le temps était venu du repos. U n*ea
avait pas eu depuis sa naissance. 11 fut pris après sa cam-
pagne d'hiver d'une vive irritation d'entraiUes, mal fort
commun alors, et qu'on appelait le feu Saint-Antoioe. La
dysenterie le saisit*. Cependant le duc de Bourgogne lui
ayaat demandé secours pour une bataille qu'il allait livrer,
H craignit que lefeane prince français ne vainquit encore
une fois tout seul, et îl répandit : « Je n'enverrai pas,
j'irai. » U était déjà très'-faible, et ae. faisait porter en li-
tière : mais il ne put aller plus loin que Melun ; il Oailut le
rapporter à Vtncennes. Instruit par les mé()ecins da aa lia
prochaine, il recommanda son fils à aes frères, et leur dit
deux sages paroles : premièrement, de ménager le duc de
Bourgogne ; deuxièmement, si Ton traitait, de s'arrangea
toujours pour garder la Normandie.
Puis il se fit lire les psaumes- de la pénitence ; et quand
on en vint aux paroles du Misei'ûre : t Ut œdifio^iUur mûri
Hierusaiem, > le génie guerrier du mourant se réveilla
dans sa piété même : c Ah 1 si Dieu m'avait laissé vivre
mon âge, dit-il, et finir la guerre de France, c'est moi qui
aurais conquis la Terre-Sainte^ 1 •
U semble qu'à ce moment suprême il ait éprouvé quel-
que doute sur la légitimité de sa conquête de France,
quelque besoin de se rassurer. On en jugerait volontiers
ainsi, d'après les paroles qu'il ajouta comme pour répon-
dre à une objection intérieure : « Ce n'est pas l'ambition
ni la vaine gloire du monde qui m'ont fait combattre. Ma
guerre a été approuvée des saints prêtres et des pru-
d'honmies; en la fatsant, je n'ai point mis mon 4me en
péril. Peu après il expira (34 août U2â).
* Ch<astellain. » * f >e parti ennemi pubKa qaH était mort mio^
des poux. — - • il|ip., sat.
DEUX ROIS DE FRANCE, CHARLES VII ET HENRI VI. 271
L'Angleterre, dont îl avait exprimé l'opinion en mou-
rant, lui rendit môme témoignage. Son corps fut porté à
Westminster, parpni un deuil incroyable, non comme celui
d*un roi, d*uQ triomphateur, mais comme les reliques d'un
sainte
Il était mort le 3\ août ; Charles VI le suivit le SI octo-
bre*. Le peuple de Paris pleura son pauvre roi fol, autant
que les Anglais leur victorieux Henri V. « Tout le peuple
qui étoit dans les rues et aux fenêtres pleuroit et crîoît,
comme si chacun eût vu mourir ce qu'il aimoit le plus.
Vraiment leurs lamentations étoient comme celles du pro-
phète : Quomodo sedet sola cîvîtas plena populo? »
« Le menu commun de Paris criait : Ah ! très-cher
prince, jamais nous n'en aurons un si bon! Jamais nous ne
te verrons. Maudite soit la mort ! Nous n'aurons jamais
plus que guerre, puisque tu nous as laissés. Tu vas en
repos; nous demeurons en tribulation et douleur*. »
Charles VI fut porté à Saint-Denis, a petitement accom-
pagné pour un roi de France ; il n*avoit que son chambel-
lan, son chancelier, son confesseur et quelques menus
officiers. » Un seul prince suivait le convoi, et c'était le
duc de Bedford. « Hélas! son fils et ses parens ne pou-
voient être à l'accompagner, de quoi îls estoicnt légitime^
ment excusez *. » Cette belle famille était presque éteinte ;
les trois fils aînés étaient morts. Des filles, Talnée avait
épousé l'infortuné Richard II, puis le duc d'Orléans, pri-
sonnier toute sa vie; la seconde, femme du duc de Bour-
gogne, mourut de chagrin ; la troisième avait été con-
trainte d'épouser l'ennemi de fa France. Le seul qui restât
des fils de Charles VI était proscrit, déshérité.
* • Comaa s'ils fuiseot acertenez qu'il fnst ou soit saint en paradis. •
MoBsIrelet.
* « Après le quatrième oa cinquième accès de fièvre quarte. • At-
ehites, Hegitlret du Parlimeni.
* Journal da Boargeois. — 4 JaTéoaL
272 CONCILE DE CONSTANCE.
«
Lorsque le corps fut descendu, les huissiers d'armes
rompirent leurs verges et les jetèrent dans la fosse, et ils
renversèrent leurs masses. Alors Berri, roi d'armes de
France, cria sur la fosse : t Dieu veuille avoir pitié de
Tàme de très-haut et très-excellent prince Charles, roi de
France, sixième du nom, notre naturel et souverain sei-
gneur. » Ensuite il reprit : « Dieu accorde .bonne vie à
Henri par la grâce de Dieu, roi de France et d'Angleterre,
notre souverain seigneur <. »
Après avoir dit la mort du roi, il faudrait dire la mort
du peuple. De 4418 à 1422, la dépopulation fut effroyable.
Dans ces années lugubres, c'est comme un cercle meur-
trier : la guerre mène à la famine, et la famine à la peste;
celle-ci ramène la famine à son tour. On croit lire cette
nuit de TExode oh Tange passe et repasse, touchant chaque
maison de l'épée.
L'année des massacres de Paris (1418), la misère,
Teffroi, le désespoir, amenèrent une épidémie qui enleva,
dit-on, dans cette ville* seule, quatre-vingt mille àmes^.
« Vers la fin de septembre, dit le témoin oculaire, dans sa
naïveté terrible, on mouroit tant et si vite, qu'il falioit
faire dans les cimetières de grandes fosses où on les met-
tait par trente et quarante, arrangés comme lard, et à
peine poudrés de terre. On ne rencontrait dans les rues
que prêtres qui portoient Notre- Seigneui*. »
< Monstrelet.
* « Comme il fat tronvë par les curés de paroisses. • MoDstrelet —
« Ceax qui faisoieol les fosses... affermoieat... qu'avoient enterré plus ie
cent mille personnes. • Journal du Bourgeois de Paris. Il a dit on p«a
pi as haut que dans les cinq premières semaines il était mort cinquante
mille personnes. A ces calculs fort suspects d'exagération, il en ajoate
un qui semble mériter plus de confiance : « Les cordnaniers comptèrent
le jour.de leur confrérie les morts do leur mesUer... et irouyèrent qu'ils
estoient trépassés bien dix-huit cents, tant maistres que yarlets, en ces
deux mois. •
DEUX ROIS DE FRANGE, CHARLES VU ET HENRI VI. 273
En 4 449, il n'y ayait pas à récolter ; les laboureurs étaient
morts ou en fuite : on avait peu semé, et ce peu fut ravagé.
La cherté des vivres devint extrême. On espérait que les
Anglais rétabliraient un peu d'ordre et de sécurité, et que
les vivres deviendraient moins rares ; au contraire, il y eut
famine. < Quand venoient huit heures, il y avoit si grande
presse à la porte des boulangers, qu'il faut l'avoir vu pou:*
le croire... Vous auriez entendu dans tout Paris des lamen-
tations pitoyables des petits enfants qui crioient : « Je
meurs de faim.» On voyoit sur un fumier vingt, trente en*
fiints, garçons et filles, qui mourwcnt de faim et de froid.
Et il n'y avoit pas de cœur Ri dur, qui, les entendant crier
la nuit : « Je meurs de faim I » n'en eût grand pitié. Quel-
ques-uns des bons bourgeois achetèrent trois ou quatre
maisons dont ils firent hôpitaux pour les pauvres en-
fantsi. »
En 1 421 , même famine et plus dure. Le tueur de chiens
était suivi des pauvres, qui, àitiesure qu'il tuait, dévoraient
tout, a chair et trippes^. » La campagne, dépeuplée, se-
peuplait d'autre sorte : des bandes de loups couraient les
champs, grattant, fouillant les cadavres ; ils entraient la
nuit dans Paris, comme pour en prendre possession. La
ville, chaque jour plus déserte, semblait bientôt être à
eux: on dit qu'il n*y avait pas moins de vingt-quatre
mille maisons abandonnées 3.
On ne pouvait plus rester à Paris. L'impôt était trop
écrasant. Les mendiants (autre impôt) y affluaient de toute
part, et à la fin il y avait plus de mendiants que d'autres
personnes, on aimait mieux s'en aller, laisser son bien.
Les laboureurs de même quittaient leurs champs et je-
taient la pioche ; ils se disaient entre eux : « Fuyons aux
bois avec les bétes fauves... adieu les femmes et les en*
* loornal du Bourgeois. — * Idem.
• App., Î25.
IT. ^ 18
871 cirrcfLx hb co^rjoa.
fants... Faisons fe pis que nous poomms. Refneltx»as-
nousren la main dir Diable ^ »
Arrivé là, on ne pleure phis ; les Hiannes sont fiom, 00
parmi les larmes même éciatent de diaboiiqpBes joies, 011
rire sauvage.... C'est le caractère le ph» tragique àa
temps, que, dans les moments les ploa sonilves» îl y ait
des alternatives de gaieté frénétique.
Le commencement de cette longue suite de maiix^ < d»
cette douloureuse danse, » comme dit le Bourgeois de
Paris, c'est la folie de Charles YI, c'est le temps aussi de
cette trop fameuse mascarade des satyres^, des mjfstèfes
pieusement burlesques, des farces de la Basoche.
L'année de l'assassinat du duc d'Orléans a été sîgmdée
par l'organisation du corps des ménétriers. Cette corpo-
ration, tout à fait nécessaire san» doute dans une si
époque, était devenue importante et respectable. Les
de paix se criaient dans les rues à grand renfort de violons;
il ne se passait guère six mols^u'il n'y eût une paix criée
et chantée K
L'ainé des fils de Charles YI, le premier dauphin, était
un joueur infatigable de harpe et d'épinette. U avait for»
musiciens, et faisait venir enc<M*e, pour aider, les en&ots
de chœur de Notre-Dame. U chantait, dansait et « balait, >
* Journnl du Bourgeois. Nous regrettons de ne pouvoir» faole d'es-
pace, suivre, pour ces tristes années, le conseil que M. de Sismondî
donne à l'historien arec un scniimt-nt si profond de l'humanité :
« Ne novs pressons pas; lorsque le narrateur se presse, il dooae aae
fausse idée de l'iiistoire... Ces années, si pauvres en vertus et eu grands
6x<'mples, étaient tout aussi longues à passer pour les malheureux sujets
du royaume, que uîllesqui paraissent resplendissantes d'héraôT^me. Ten*
du ut qu'elles s'écoulaient, les uns étaient alïabés pM* le» progrès de Ti^;
les autres étaient remplacés par leurs enfants : la natiun n'était di-ji
pins la même... Le lecteur ne s*aperçoit jamais de ce progrèj du temps,
s'il ne voit pas aossi comment ee tempsa été rempli? la dorée se pro-
portionne toujours pour .lui an nombre des fafts qui lui sont présentés,
et en quelque sorte, au nombre des pages qu'il parcourt, il peut bien
être averti que des années ont passé es siitinee, jxuis it ne le
« iipp., 2«6.
DEUX ROIS DB FRANCS, CHARLES tll ET HENRI VI. 275
la nuit et le jour t, et cela l'année des cabocbiens, pendant
qu'on lut tuait ses amii. Il se tua, lui aussi, à force de
chanter et de danser.
Cette apparente gaieté, dans les moments les plu»
tristes, n'est pas un trait particulier de notre histoire. La
chronique portugaise nous apprend que le roi D. Pedro,
dans son terrible deuil d'Inès qui lui dura jasqu*àla mort,
éprouvait un besoin étrange de danse et de musique. U
n'aimait plus que deux choses, les supplices et les concert».
Et ceux-ci, il les lui Aillait étourdiûaals, violente, des
instruments métalliques, doirt la voix perçante prit tyran*
niquement le dessus, fH taire les voix dit dedans et remuât
le corps, comme d'un mouvement d'automate. U avait
tout exprès pour cela de longues trompettes d'argent.
Quelquefois, quand il ne dormait pas, il prenait ses trom-
pettes avec des torches, et il s'en allait damant par les.
rues ; le peuple alors se levait aussi, et soit compassion^
soit entraînement méridional; ils se mettaient à danscr-
tous ensemble, peuple et roi, jusqu'à ce qu'U en eût assoz,
et que l'aube le ramenât épuisé à son palais^.
Il parait constant qu'au xiv« siècle, la danse devint, dans*
beaucoup de pays, involontaire et maniaque. Les violentes
processions des Flagellants en donnèrent le premier
exemple. Les grandes épidémies, le terrible ébranleuicnt
nerveux qui en restaient aux survivants, tournaient aisé-
ment en danse de Saint-Gui 3. Ces phénomènes sont,
comme on sait, de nature contagieuse* Le spectacle des
convulsions agissait d'autant plus puissamment qu'il n'y
avait dans les àines que convulsions et vertige. Alors les
sains et les malades dansaient sans distinction. On les
voyait dans les rues, dans les églises, se saisir violemment
par la main et former des rondes. Plus d'un, qui d abord
* C'mi ee que lai raprccbaient tant \e% brachert.
* Chroniques de l'£»pagae et du Poriagal. (Perd. Oeais.)
276 COIfCILE DE CONSTANCE.
en riait ou regardait froidement, en venait aussi à n*y
plus voir, la tête lui tournait» il tournait luinnême et
dansait avec les autres. Les rondes allaient se multipliant,
s'enlaçant ; elles devenaient de plus en plus vastes, de plus
en plus aveugles, rapides, furieuses à briser tout, comme
d'immenses reptiles qui, de minute en minute, iraient
grossissant» se tordant. Il n'y avait pas à arrêter le monstre;
mais on pouvait couper les anneaux ; on brisait la cbaioe
électrique, en tombant des pieds et des poings sur qud-
ques-uns des danseurs. Cette rude dissonance rompant
l'harmonie, ils se trouvaient libres; autrement, ils au-
raient roulé jusqu'à l'épuisement final et dansé à mort.
Ce phénomène du xiv« siècle ne se représente pas au xt«.
Mais nous y voyons, en Angleterre, en France, en Alle-
magne, un bizarre divertissement qui rappelle ces grandes
danses populaires de malades et de mourants. Cela s'appe-
lait la danse des morts, ou danse macabre ^ Cette danse
plaisait fort aux Anglais qui l'introduisirent chez nous ^.
On voyait naguère à Bàle 3^ on voit encore à Lucerne, à la
Chaise-Dieu en Auvergne, une suite de tableaux qui
représentent la Mort entrant en danse avec des' hommes de
tout âge, de tout état, et les entraînant avec elle. Ces danses
en peinture furent destinées à reproduire de véritables
danses en nature et en action ^. Elles durent certain^nent
leur origine à quelques-uns des mimes sacrés qu'on jouait
I C'est-à-dire, danse de cimetîére. App., SfS.
* Peut-être y introduisirent- ils nnssi la danse aux a^rengles, ei la
ournoi des aveugles : • On meist quatre aveugles ton^ armes en na
parc, chacun ung bâton en sa nOain, et en ce lieu avoit un Tort ponrrcl
lequel Us dévoient avoir s'ils le povoient tuer. Ainsi fut fait, et firmi
celte bataille si estrangc; car ils se donoèreirt tant de grands ooops •
Journal du Bourgeois.
3 Ainsi qû*au cimetière de Dresde» à' Sainte-Marie de Laberk. au
Temple neuf de Strasbourg, sous. les arcades du château de Bloi$, etc.
La plus ancienne pent-étre de ces peintures était celle de Hiaden en
Westphalie; elle était datée de 1383.
4 L'an vivant, Tart en action, a partout prdecîdé l'art figuré. Afp.^
DEUX BOIS DB FRANCE, CHARLES VU ET HENRI YI. 277
dans les églises, aux parvis, aux cimetières, ou môme dans
les rues aux processions *. L'effort des mauvais anges pour
entraîner les ftmes, tel qu'on le voit partout encore dans
les bas-reliefs des églises, en donna sans doute la pre-
mière idée. Mais, à mesure que le sentiment chrétien alla
!s'affaiblissant, ce spectacle cessa d'être religieux, il ne
rappela aucune pensée de jugement, de salut, ni de résur-
rection •, mais devint sèchement moral, durement philo-
sopliique et matérialiste. Ce ne fut plus le Diable, tils du
|5éché, de la volonté corrompue, mais la Mort, la mort
fatale, matérielle et sous forme de squelette. Le squelette
humain, dans ses formes anguleuses et gauches au premier
coup d'oeil, rappelle, comme on sait, la vie de mille façons
ridicules, mais TaiTreux rictus prend en revanche un ar
ironique... Moins étrange encore par la forme que par
la bizarrerie des poses, c'est l'homme et ce n'est pas
l'homme... Ou, si c'est lui, il semble, cet.horrible baladin,
étaler avec un cynisme atroce la nudité suprême qui
devait rester vêtue de la terre.
Le spectacle de la danse des morts se joua ' à Paris
en 1 424 au cimetière des Innocents. Cette place étroite où
pendant tant de siècles l'énorme ville a versé presque tous
ses habitants, avait été d'abord tout à la fois un cimetière,
une voirie, hantée la nuit des voleurs, le soir des folles
filles qui faisaient leur métier sur les tombes. Philippe-
Auguste ferma la place de murs, et pour lâ^purifier, la
dédia à saint Innocent, un enfant crucifié par les juifs.
Au xiv« siècle, les églises étant déjà bien pleines, la mode
vint parmi les bon^. bourgeois de se faire enterrer au
cimetière. On y bâtit une église ; Flamel y contribua, et
mit au portail des signes bizarres, inexplicables qui, au
di re du peuple, recela]^ de grands mystères alchimiques.
« Cb. MagaiB. — * Apf. 130.
> App., %ii.
278 CONCILE DS CONSTANCE.
Flainel aida encore à la construclion des charniers qu'on
bâtit tout autour. Sous les arcades de ces charniers étaient
les principales tombes ; au-dessus régnait un étage et des
greniers, oii Ton pendait demi-pourris les os que Ton
tirait des fosses i, car il y avait peu de plac^; les morts ne
reposaient guère; dans cette terre vivante,, un cadavre
devenait s(}uelette en neuf jours. Cependant tel était le
torrent de matière morte qui passait et repassait, tel le
dépiit qui. en restait, qu*à 1 époque oii le cimetière fut
d'ti uit, le sol s'était exhaussé de huit pieds au-dessus des
rues voisines -. De cette longue alluvion des siècles s'était
formée une montagne de morts qui dominait les vivants.
Tel fut le digne théâtre de la danse macabre. On la
commença en septembre 1424, lorsque les chaleurs
avaient diminué, et que les premières pluies rendaient
le lieu moins infect. Les représentations durèrent plu-
sieurs mois.
Quelque dégoût que pût inspirer et le lieu et le spectacle,
c'était chose à faire réiléchir de voir, dans ce temps meur-
Irii'r, dans une ville si fréquemment, si durement visitée
de la mort, cette, foule famélique, maladive, à. peine
vivante, accepter joyeusement la Mort même pour spec-
tacle, la contenq)li'r insatiablement dans ses moralitt^s
boiilfiiniu's, et s'en anmser si bien qu'ils marchaient sans
j épauler sur les os do, leurs pères, sur les fosses béantes
qu'ils allaient remplir eux-mêmes.
Api es tout, pounjuoi nauraient-ils pas ri, en . attendant ?
C'était la vraie tVte de l'épocpie, sa comédie naturelle, la
danse dt^s grands et des j)Ctits. Sans parler de ces millions
d'iionnnes obscurs qui y avaient pris part en quelques
années, n'était-ce pas une curieuse ronde qu'avaient
* Le rez-do-cliau!îsJe exlérit^ur, adosse à la galerie des tomb»^aux, cl
fciiItlKiriaiit les ^'.iletas où st-chaieiU les os, éiail occupé par des bouliques
de linpri\>, d.î marrliandes de modes, d'écrivains^ elc
s
A pp., un.
DEUX ROIS DS jaiXCE, CHARLES VU ET HENRI YI. 279
menée les rois et les princes, Louis d'Orléans et Jean «ans
Peuf, Ueori V et Charles VI! Quel jeu de la mort, quel
malicieux passe^temps d'avoir approché ce victorieux
Henri, à un mois près, de la couronne de France ! Au bout
de toute une vie de travail, pour survivre à Charles VI, il
lui manquait un petit mois seulement... Non I pas un mois,
pas un jour ! £t il ne mourra pas même en bataille ; il faut
qu'il s'alite avec la dysenterie et qu'il meure d'héiuor-
roïdes *.
Si Ton eût trouvé un peu .dures ces dérisions de la Mort,
elle eût eu de quoi répondre. Elle eût dit qu'à bien regar-
der, on verrait qu'elle n'avait guèrç tué que ceux qui ne
vivaiejait plus, le conquérant était mort, du moment que
la conquête languit et ne put plus avancer ; Jean sans
Peur, lorsqu'au bout de ses tergiversations, connu enfin des
eiens mérne^ il .se voyait à jamais avili et impuissant.
Partis et chefs de partis, tous avaient désespéré. Les
Armagnacs, frappés à Azincourt, frappés au massacre de
Paris, Tétaient bien plus encore par leur crime de Monte-
reau. Les cabochiens et les Bourguignons avaient été obli-
gés de s'avouer qu'ils étaient dupes, que leur duc de Bour-
gogne était l'ami des Anglais ; ils s'étaient vus forcés, eux
qui s'étaient crus la France, de devenir Anglais eux-
mêmes. Chacun survivait ainsi à son principe et à sa foi ; la
mort morale, qui est la vraie, était au fond de tous les
c<purs. Pour 4*egarder la* danse des morts, il ne restait
que des morts.
Les Anglais môme, les vainqueurs, à leur spectacle
favori, ne pouvaient qu'être mornes et sombres. L'Angle-
terre, qui avait gagné à sa conquête d'avoir pour roi un
• Cette dérision de la mort frappa les contemporains. Un Leniilhommo,
messire Sarrazin d'Arles, voyant un de ses gens qui revenait du convoi
d'Henri V, lui demanda si lu roi ■ avoit point ses housseaux ciiaus>és. »
Ah t' monseigneur, nenni, par ma foi! — • Bel ami, dit l'aulre, jamais
ne me crois, s'il les a lais:>cs c^^Franct! • Monsireict.
280
CONCILE DE CONSTANCE.
onfant français par sa mère, avait bien Tair d*être morte,
surtout s'il ressemblait* à son grand-père Charles YI. Et
pourtant en France, cet enfant était Anglais, c'était
Henri VI de Lancastre ; sa royauté était la mort nationale
de la France même.
Lorsque, quelques années après, ce jeune roi anglo-
français, ou plutôt ni l'un ni l'autre, fut amené dans Paris
désert par le cardinal Winchester, le cortège passa devant
rhôtel Saint-Paul, où la reine Isabeau, veuve de Charles Vf,
était aux fenêtres. On dit à l'enfant royal que c'était sa
grand-mère ; les deux ombres se regardèrent ; la paie
jeune figure ôta son chaperon et salua ; la vieille reine,
de son côté, fit une humble révérence, mais, sedétoar-
nant, elle se mit à pleurer^.
< • Et tantost elle s'inclina vers lui moult humblement et ae toama
d*aiitre part plorant. » Joornal du Bourgeoia.
APPENDICE
1 — page f ^ Le blason,,. Us divises,,,
V.Spener. — Origines du drcil. Introd. p. xxxix : c Comme
les Écossais, comme la plupart des populations celtiques, nos
aïeux aimaient, au témoignage des anciens, les vêlements ba»
riolés. La diversité des blasons provinciaux couvrit la France
féodale commo d'un tartan multicolore. — L'Allemagne et la
France sont les deux grandes nations féodales. Le blason y est
indigène. Il y devint un système, une science. Il fut importé en
Angleterre, imité en Espaghe et en Italie. — L'Allemagne bar-
bare et féodale aimait dans les armoiries le vert, la couleur de
terre, d'une terre verdoyante. La France féodale, mais non
moins ecclésiastique, a préféré les couleurs du ciel. — Les cou-
leurs, les signes muets, précèdent longtemps les devises. Celles-
ci sont la révélation du mystère féodal. Elles «n sont aussi 'la
décadence. Toute religion s'affaiblit en s' expliquant. Dès que
le blason devient parleur, il est moins écoulé. — L'origine des
devises, ce sont les cris d'armes. Quelques-uns, d'une aimable,
poésie, semblent emporter les souviïnirs de la paix au sein des
batailles. Lo sire de Prie criait : c Chants d'oiseaux! t Un autre :
t Notre-Dame au peigne d'pr ! • Ces cris de bataille font penser
au mot tout français de Jotnvtlle ; « Noos en parleribs devant
les dames. • — Le blason plaisait comme énigme, les devises
comme équivoque. Leur beauté principale r<^sulte des sens mul-
tiples qu'on peut y trouver. Celle du doc de Bourgogne fait
penser: < J'ai h&te, • hAte do ciel on du trône? Cette maison
'282 APPENDICE.
<le Bourgogne, si grandef silôt tombée, semble dire ici son
destin. — La devise des ducs de Bourbon est plus claire* on
■mol sur une épée : c Penetrabit. Elle entrera. »
^ — page 2 — Des hommee-bitet brodés de toute espèce d^ani-
tnaux,
« Liiieris aut bettns iitezxas,» Siedlai ClcmcTig. epîstol. i. Il,
p. 149.
Des hommes -musique hiiioriès de notes,..
Ordonnance de Charles, duc d'Orléans, pour payer 276 livres,
7 solsi 6 deniers tournois, pour 960 perles destinées à orner une
robe : « Sur les manches est escript de broderie tout au long le
dit de la chanson Madame, je suis pli sjoyeulx^ et nollé tout aa
long sur chacune desdites deux manches, 568 perles pour ser-
vira former les noUes de ladite chanson, ou il a 142 noltes,
c'est assavoir pour chacune nolte 4 perles en quarrée, etc. » Ca-
talogue imprimé des titres de la collection de M. de Courceiles,
vendue le 21 mai 1834.
3 — page 5 — Le prêtre même ne sait plus le sens des dums
:saùUes..,
« Proh 4olor! ipsi hodle, ut plurimum^ dehisqui usa quoti-
•diano in eccle»iasticis cootrectant rébus ei prsferttBt oâlcîis,
quid sigxiiûceat etquare insUtola sint nu>aicujnapprebendunt.
adeo \M implctutn esse ad liUcr&m illud pr^liclicum vidcalur :
Sicut populus, sic sacerdos„ » Durandi Ralionale divinorum of*
ficiorum, folio 1, 1459 in folio. Mogunt. — Xoules les édlLioos
ultérieures que je connais porleol par erreur proferunt pour
frœferwit. Le premier éditeur, l'un des iAvcatcurs de Timpri-
inerie, a seul compris que prœferuut rappelle \e prœkkti^ comme
contrectaiU ïe sarerdoles da la phrase pxécéd^n Le. Cf. les éditions
de 1476, 1480,1481, etc..
4 ^ p'tige 5 — i> £ûnseiUer de smU Louhs^ ^ifirre 4# Fos-
taises, se croit obUgè 4'êcrire le dr-oit 4k son i^m^ .*
« Li anchlencs coustumes, ke li preiidommes fioAoieat tenir
«t user, sont moult anoienlies... Si ke h pais est à bâen pK-s
.sans coustume. » De Tontainoa^ipu 78» â la suite 4u J.oin\ilie de
APPENDICE. 2ë3
Ducange, i668, in4oUo. — Brussel dit et montre très-bien que
« dès le milieu duxiu^ siècle, on commençait à ignorer jusqu'à
la sigoiGcatioQ de quelques-uns des principaux termes du droit
des fiefs. > Brussel, 1,41. — M. Klimrath (Revue de législation),
a prouvé que BouteiUer ue savait plus ce que c'était que la sai-
sine»
5 •» page 5 «^ Lorsque Charlet VI arma chevaliers ses jeunes
cousins d* Anjou, etc.
« Qood pcregrinum vcl extraneum valde fuit. • Chronique du
Religieux de Saint-Denis, édition de MM. Bollaguet et Magin»
18^, 1. 1, p. 590. Edition correcte, traduction élégante. — Ce
grave historien est la principale source pour le règne de Char-
les Vt. Le Laboureur en fait cet éloge : < Quand il parle des
exactions du duc d'Orléans, on diroit qu'il est Bourguignon;
quand il donne le détail des pratiques et des funeste s inlcUl-
genees du duc de Bourgogne avec des assassins infimes et la
canaille de Paris, on croiroit qu'il est Orléanois* t
6 — page 10, note 3 — Les trois oncles de Charles VI..,
Voir dans les actes d'août et d'octobre 1374 combien le s gc
roi Charles V, tant d'années avant sa mort, était préoccupé de
ses (léfiances à l'égard de ses frères. Il ne nomme pas le duc de
Berri. Quant à son frère aîné, le duc d'Anjou, il ne peut se dis-
penser de lui laisser la régence; mais il place à quatorze ans
l'époque de la majorilé des rois, il limite le pouroir du régent,
non seulement en réservant la tutelle à la rcine-mèrc et aux
ducs de Bourgogne et de Bourbon, mais encore\n autorisant
son ami personnel, le chambellan Bureau de La Rivière, à ae-
cumnlcr jusqu'à la majorité du jeune roi tout ce qui pourra
s'épargner sur le revenu des villes et terres réservé pour son
entretien, villes de Paris, Melun, Senlis, duché de Norman-
die, ete. Il appelle an conseil Dugucsclin,Ciisson,Couci, Savoisi.
Philippe de Maizières, etc. Ordonnances, L VI, p. 26 et 49-54»
août et octobre 1374.
7 ^- page 13 — La reine Jeanne de Napks aoait adopté Louit
d'Anjou.,.
Charles V avait d'abord proposé au roi de Hongrie d'unir
284 AFPENDIOE.
leurs enfants par un mariage (le second fils du roi de France
aurait épousé la fille du roi de Hongriey, et de forcer la main à
la reine Jeanne, pour qu'elle leur assurât sa succession. Voir les
instructions données par Charles V à ses ambassadeurs. Archives^
Trésor dês Charte$, J. 458, surtout la pièce 9.
8 — page 13 — Ltf pape d'Avignon av*iii hvrè à Louis d^ An-
jou, etc..
Dans l'incroyable traité quMls firent ensemble et qui subsiste,
le pape accorde au duc toute décime en France et hors de
France, à Naples, en Autriche, en Portugal, en Ecosse, avec
moitié du revenu de Castille et d'Aragon, de plus toutes dettes
et arrérages, tout cens biennal, toute dépouille des prélats qui
mourront, tout émolument de la chambre apostolique; le duc
y aura ses agents. Lcpape fera de plus des emprunts aux gens
d'Église et receveurs de TËglise. Il engagera pour garantie
de ce que le duc dépensé, Avignon, le comtat Venaissin cl au-
tres terres d'Église. 11 lui donne en fief Bénévent et Ancône. Et
comme le duc ne se fie pas trop à sa parole^ le pape jure le tout
sur la croix. — Voirie projet d'un royaume, qui serait inféodé
par le pape au duc d'Anjou, les réclamations des cardi-
naux, etc. Archives, Trésor des Chartes, J. 495.
9 *-> page m '^ Les compagnons de Hotten avaient fait roi un
drapier,,.
< Ducenti et eo amplius iusolentissimi viri, vino forsitam. te-
mulenti, et qui publicis ofiBcini mechanicis inscrviebantarlibus,
quemdam burgensem simplicem.locupletem tamen, venditorem
pannorum, ob pinguedinemnimiumCrassum ideo vocalum, an-
garientes, ut ejus autoritate uterentur in agendis... r^em su-
per se iilico statuerunt. Hune in sede, more régis, prteparata
super currum levaverunl, quem per villœ compita perducentes,
et laudes régi as barbarisantes, cum ad principale forum rerum
venalium pervenissent, ut plebs maneret libéra ab omni subsi-
diorum jugo postulant et assequuntur... Sedens pro tribunali,
audire omnium oppositiones coactus est. • Religieux de Saint-
Denis, t. 1, p. 130.
▲PPBNDIQS. S85
10 — page 15 ^ £4t geiU%l$h0mme$ aitaqués partout en même
iempi, etc.. ^
c Encore se tenoK le roi de France sur le mont de Ypres, '
qnand nouvelles vinrent que les Parisiens s'ëloient rebellés et
avoient eu conseil, si comme on disoit, entre eux 14 et lors pour
aller abattre le beau cbastel de Beauté qui sied au bois de Vin-
cennes, et aussi le chasteau du Louvre et toutes les fortes mai-
sons d'environ Paris# afin qu'ils n'en pussent jamais être grevés!
— (Mais Nicolas le Flamand leur dit) : Beaux seigneurs, abste-
nez-vous de ce faire tant que nous verrons comment l'afiairc du
roi notre sire se portera en Flandre : si ceux de Gand viennent
à leur entente, ainsi que on espère qu'ils y venront,. adonc
sera-t-il heure du faire et temps assez.
< Or, regardez la grand'diablerie que ce eût été, si le roi de
France eût été déconfit en Flandre, et la noble chevalerie que
étoit avecques lui en ce voyage. On peut bien croire et imagi-
ner que toute gentillesse et noblesse eût été morte et perdue en
France et autant bien ens es autre pays : ni la Jacqperie ne
fut oncques si grande ni si horrible qu'elle eût été. (Àf pa* -
reillement à Reims, à Ch&lons en Champagne, et sur la rivière
de Marne, les vilains se rebelloient et menacoient jà les gen-
tilshommes et dames et enfants qui étoient demeurés derrière;
aussi bien à Orléans, k Blois, k Houen en Normandie, et en
Beauvoisis, leur étoit le diable entré en la tête pour tout occire,
si Dieu proprement n'y eût pourvu de remède. > Froissart,
Vlli, 319-320.
< Tous prenoient pied et ordonnance snr les Gantois, et di-
soient adonc les communautés par tout le monde, que les Gan*
tois étoient bonnes gens et que vaillamment .ils se souienoieni
en leurs franchises; dont ils dévoient de tomes gens être aimés
et honorés. > Froissart, Vlil, i03.
« Les gentilshommes du pays... avoient dit et disoient encore
et soutenoient toujours que si le commvD de Flandre gagnoit
la journée contre le roi de France, et que les nobles du royaume
de France y fussent morts, l'orgueil seroit si grand en toutes
conimunauiés, que tous gentilshommes s'en douleroient, et jà
en avoit-on vu l'apparent en Angleterre. • Froissart, YUI,
3€7-8.
286 AFfENDIOr.
il — page ifi''' La rivaliiè de$ vida cfe Gcnd et iê Bm^ec...
« Quand les haines et Iribulations vinrent premièrement en
Flandre, le pays éloit si plein et si rempli de biens qae mer-
Teilles seroit à raconter et à considérer; et tenoient les gens
des bonnes vHles si grands états que merveilles seroit à regar-
der, et devez savoir que toutes ces guerres et haines murent
par orgueil et par envie que les bonnes villesde Flandre avoient
Tune sur Tautre... Et ces guerres commencèrent par si petite
incidence que, au justement considérer, si sens el avis s'en
fussent ensoignés (môles), il ne dut point avoir en de guerre;
et peuvent dire et pourront ceux qui cette matière liront ou
lire feront, que ce fut œuvre du deable; car vous savez et avez
oui dire aux sages que le diable subtile et attire nuit et jour à
bouter guerre et haine là où il voit paix, et court an long de
petit en petit pour voir comment il peut venir à ses ententes. »
Froissart, VU, 2i5-!6.
it 7" pagt 16 — Brmget empêduiU ki porU iTÀDotr du emtrê-
En 13S8, le comte de Flandre c accorda à ceux de Bmges el
leur promist que jamais il ne mettroit sus aucun eataplede
biens ou marchandises en autre ville que audit Bruges, mesmes
qu'il priveroil de leurs offices les baillis et eschevins de l'caue
à l'Esclusc, toutes les fois qu'ils seroyeot trouvez avoir fait
contre ledict droict d'estaple, et qu'il en apparut par cinc esche-
Tins de Bruges. • Oudegherst, folio 273, éd. in-4o. — « Puis,
(ceux de Bruges, Gand, Ypres et Coarlray) alèrent à rEseluse,
par acord, et y abêtirent plusieurs maisons, qui estoient sus le
port, en une rue, eu laquelle on vendoit et acheptoit marchan-
dises, sans égard; et disoient les Flaraans de Bruges et autres
que c'estoitau préjudice des marchands et d'eux, et pour ce les
abatirent. t Chronique de Sauvage, p« 233.
... les campagmg d$ fatriquer.,*
€ Interdictum petitione Brugensinm (1384), ne post faae Frao-
eonates per pages sues lanificium faciant. > Meyer, p. 201. —
Aussi : < Ceux du Franc ont toujours esté de la partie du comte
plus que tout le demeurant de Flandre. • Froissart, YII, 439.
APPENDICB. a^T
13 — page 10 — Liège, Bruxelles, etc. encourageaient /es
« Coux de Brabant, et par spécial ceux de Bruxelles leur
étoîcnt moult favorables, et leur mandèrent ceux de Liéfjc pour
eux reconforter en leur opinion : c Bonnes gens deOand, noifs
savons bien que pour le présent vous avez moull affaire et éies
fort travaillés de votre sei(;neur le comte et d* s genlilshommcs^
et du demeurant du pays, dont noua somnMB mmilt covrroucds ;
et saehes que si nous étions à quatre ou à six lieues près mar-
cbbsnis(Uraltrophes) è vous, nous tous ferions tel confort que-
on doit faire à ses frères, amis et voisins, etc. * Froissart, Vll^
490. Voir aussi Meyer.
Il — page 16 -^ Pierre Dubois décida Us Gantais à faire «m
tirran • •
Dubois va trouver Philippe Artewelde et lui dit : c Et saurex-»
TOUS bien fffire )e cruel et I^ hantin? car un sire entre commui»
(peuple), et par spécial à ce que nous avons à faire, nevavt
rien s'il n'est crému et redouté et renomméà la fois de cruauté;
ainsi veulent Flamandsétre menés, ni on ne doit tenir entre eux
compte de vies d'hommes, ni avoir pitié non plus que d'aroo*
deaulx (hirondelle:)) ou de alouettes qu'on prend en la saison
pour manger. — Par ma foi. dit Philippe, je saurai tout ce
faire. — El c'est bien, dit Piètre, et vous serez, comme je pense»
souverain de tous les autres. ^ Proissart, Vif, 479.
15 — page 16 — Les Gantais entrent dans Bruges.,,
Ils rapportèrent 3 Oand, pour humilier Brujrcs, le grand dra«
gon de cuivre doré que Brauilouin de Flandre, empereur de
Constant! nopîe, avait pris à Si in le Sophie et que les Brugeois
avaient placé sur leur belle tour de la halle aux draps. — Cctt*
tradition contestée est discutée et finalement adoptée dansl'io*
téressant Précis des Annales de Bruges, de M. Delpierre, p. 10^
1335.
16 — page 17. note 3 — Les Gantais rèrlan/iërent aux Anglais
les sommes que la Flandre avait autrefois prêtées à Edouard Fff..,
« (îuand les seigneurs orcnt oui celte parole et requête, ils
âSS À^PEXDICB.
commencèrent à regarder Tun l'autre» et les anemis à tovrire,..
El lesconsaulx d'Angleterre sur leurs requêtes étoient en grand
di£fércnt, et tenoient les Flamands à orgueilleux et présnmp-
cieux, quand ils demandoient à ravoir deux cent mille vieil
ëcus de si ancienne date que de quarante ans.» Froissart.YUI,
250- i.
i7 — page i8 — Bataille de Rootebeke»».
« Ces Flairands qui descendoient orgueilleasement et de
grand volonté, venoient roys et durs, et boutoienl en venant
de l'épaule et de la poitrine, ainsi comme sangliers tout force-
nés, et étoient si fort entrelacés ensemble que on ne lespoa-
voit ouvrir et dérompre... Là fut un mons et un tas de Flamands
occis moult long et moult haut ; et de si grand bataille et de si
grand'foison de gens morts comme il y en ot là, on ne vit ooc-
ques si peu de sang issir qu'il en issit, et c'étolt au moyen de
ce qu'ils étoient beaucoup d'éteints et étouffés dans la presse,
. car icenx ne jetoient point de sang. » Froissart» VU, 347-^.
— c Et y heubt en Flandre après la bataille grant erreur et pa-
gnaisie en le place où le bataille a voit esté, des mors dont le
place duroit une grande lieue... et les mangeoient les chiens et
maint grand oisel qui furent veu en icelle place, dont le peuple
avoit grant merveille. » Chronique inédite, ms. 801» D, de la fit-
bliothèque de Bourgogne (à Bruxelles), folio 153. Cette chroniqte
curieuse n'est pas celle que Sauvage a rajeunie ; d'ailleurs elle
va plus loin.
i8 — ' page 19 — Lorequê le roi arriva à 'Paris^ les bourgeois
e' étalèrent 'en longuee fUee. ..
Sur tout ceci, voyez le récit du Religieux de Saint-Denis. —
Le calcul de Froissart, différent en apparence^ ne contredit
point celui-ci: c Et osloient en la cité de Pans de riches et
puissants hommes armés de pied en cap la somme de trente
mille hommes, aussi bien arrés et appareillés de toutes pièces
comme nul chevalier pourroit être; et avoient leurs varlets et '
leurs maisnies (suite) armés à l'avenant. Et avoient et portoient
maillets de fer et d'acier, périlleux basions pour effondrer heaal-
mes et bassinets ; et disoient en Paris quand ils se nombroient
APPENDICE. 289
qne ils étoient bien gens, et se trouvoicnt par paroisses lant
que pour combaitrc tfc eux-mêmes sans autre aide le plus
grand seigneur du monde. > Froissart, Vill, 183.
19 — page 20 ^ Il n'y avait plus de prévdf , plus dé eommwM
de Paris,,,
« Siatuentes ut officium prœpositurae exerccret qui regia auc-
toritatc et non civium fungerctur. — Confralerni taies etiam ad
devotionem ecclcsiarum sânclorum^ et earum ditationem inlro-
ductas, in quibus cives consucvcranl couvcnirc, ut simul gau-
dculcs cpularcnlur. .. ccnsucrunl etiam suspendendasnsquc .''.d
beneplacitum rcgiije majeslalis. > Religieux de Saint-Denis, 1,
242. — Ordonnance du 27 janvier 1382, t. Yi du Recueil des
Ord.f p. 685. Un mol de cette ordonnance fait entendre que les
Parisiens avaient aidé indirectement les Flamands : • lis ont
empesché que nos charioz et ceux de nostre chier oncle, le due
de Bourgogne, et plusieurs autres choses fussent amenez pa«
devers nous... où nous estions. >
20 — page 20 — On traita à peu prés de même Rouen, etc.
La ville de Rouen fut fort maltraitée, sa cloche lui fut enle-
vée, et donnée aux panctiers du roi ; c'est ce qui résulte d'une
charte dont je dois la communication à l'amitié de M. Chéruel :
« Comme par nos lettres patentes vous est apparu nous avoir
donné à nos bien amés panetiers Pierre Dobuen et Guillaume
Hcroval une cloche qui soulloil eslrc en la mairie de Rouen,
nommée Rebel, laquelle fust confisquée à Rouen quand la com-
motion du peuple fusi dernièrement en ladicte ville. > Archives
de Rouen, registre ms., côté A, folio 267.
■.^
21 — page 23 — Les Flamands prétendirent que le duc de Berrt
acait poignardé le comte de Flandre...
Froissart dit quil mourut de maladie, t. IX, p. 10, édit. Bu-
chon. — Le Religieux de Saint-Denis, ce grave et ^vère histo-
rien, qui ne déguise aucun crime des princes de ce temps, n'ac-
cuse point le duc de Berri. - Meycr (lib. xni, fol. 200) ne
rapjiorle l'assassinat que d'après une chronique flamande du
xyo siècle, laquelle se réfute clic même par la cause qu'elle as-
•^- 19
290 . appexi>k:e.
^gne su fh\X, La due de B^ri nnratt pris querelle «tcc Iceomte
de Flandre peur rhommagc du comté de Boalognc, hëritige de
sa femme. Or lo duc de Berri o'épousa l'hérilière de Boulogne
que cinq ans après. Arl de vérifier les dates, Comtes de Flandre,
ana. 4384, 4. 1U« p. 21.
M — page H — On ragênnHa tout ce qtCtm put utéiteîer, iauer
« Ils furent nombres à treize cents et quatre-vingt-sept vais-
seaux ... Et encore n'y es toit pas la navie du connétable.! Frots-
sart, t. X,- c. XXIV, p. 16d. — c Les pourréances de tontes
parts arrî voient en Flandre, et si grosses devins et de chairs sa-
lées, de foin, d'avoine, de tonneaux de sel, d'oignons, de ver-
jus, de bjscuit, de farine, de graisses, de moyeux (jaancs)
d'œufs battus en tonneaux, et de toute chose dont ou se poa-
voit aviser ni pourpefiser, que qui ne le vit adoncques, il ne
le voudra ou pourra croire. > Froissart, ibid., p. 158.
23 — page 25 — Le due de Berri arriva lorsque la taison mt-
dait le pastage à peu prèf ifnposêible. . .
Lo duc de Berri répondait ffoidcmenl aux reproches du duc
de Bourgogne sur 1 inutilité de ces prodigieuses dépenses:
^ Beau-frère, ti nous avons la finance et nos gens l'aient anssû
la greigneur partie en retournera en France ; toujours va et
vient finance. Il vaut mieux cela aventurer que mettre les corps
en péril ni en doute, c Froissart, t. X, p. 271.
24 — page 26, note 3 — Éoulard pourvut aux ujjprorwioiwf-
ments.,,,
Il envoya ses agents avec cent mille écus d'or sur le Rhin; ils
furent partout bien poçus^ surlo renom de leur maître^ • Ob ma-
gistri noliliam. » Les mariniers du Ahin s'employèrent avec
be^^coup de zèle ^ faire doacendre cas provisions jusqu'aux
P^y«-Bas. Religieux de SaintrDeiiU, I, IX, c. vu, p'. 532.
^ ^ page 27 — Charlm VI fui touché êurtout des prières ^un$
grande dame. du p«y«...
5 Quod«ccepUbÛius régi fuit, insignis domina municipiii*^
àppskimcs. 294
ris, casto sTnorf suecensa, ad eum personalUer aceessît.t Religieux
de Sainl'Dcnis, ibidem, p. 538. — V. Les traités originaux des
princes dos Pays-Bas, et leurs excuses au roi. Archives, Trésor
des €haii€Sf J., 52t.
26 — page 28 — L'affaire fut bien menée.
Elle étail préparée de longue date. On ne perdait pas une oc-
casion d'indisposer le roi contre ses oncles: c ... Lear en ay
oy aucune foiz tenir lenr consaulz, et dire au roy : Sire, vous
Il 'avez mais à languir que six ans, et l'autre foiz que cinq ans,
et ainsi ch^scunc année, si comme le temps s'aprocboit... BÎns-
truGtion de Jean do Bcrry, dans les Analcctes, his. de M. Le
Glay, Lille, 1838, p. 159.
27 — pa^e 30 — Les belles dames logèrent dans r abbaye même
Je Saiut'Denis».,
€ Abbalia pro Regina domlnarumque insigniconlubcrnîo rc-
Icnta .. • Religieux de Saint-Denis, 1. 1, p. 586. — « Quarum sî
pulchriludinein. .. attendisses... ficlum dearum... ritum dixisses
rcuovalum. > Ibidem, p. 594.
2g — page 31 — Serait-ce dans cette funeste nuit que le jeune
duc d'Orléans, etc.*.
Celte tradition ne se trouve quedansMeyer et autres auteurs
assez modernes. Mais le contemporain y fait allusion : • Alias
ilispliccaciœradicesutique non si cognitas quod scriptu dignns
rcpuicm. » lUUgieux de Saint-Denis, ms., 388, vetso. — Juvénal
ccrivant plus tard, est déj;\ plus clair : a Et cstoit commune
renommée que desdites joustes estoient provenues des choses
doshonuc&tes en matière d'amourettes, et dout depuis beaucoup
de maux sont venus, > Juvénal des Ursins, p 73, ddil. Gode-
frov.
»
29 — pa^ 3! — Le héros de Charles Vï, Du0ue^d*n, etc.
Dans son testament il lè^ue une somme considérable, trois
cents livres, pour que Ton fasse des prières pour l'Ame de Du-
gnesrlin, mort douze ans auparavant. TcstamenldcCharWs VI,
jacniei 131»3, Archives, Trisor des Cliartis,} , 40i.
30 — page 33 — Charles VI ne permit pat à tes ondes de le
suivre.,.
Je suis sur oe point le Religieux de Saint-Denis, p. 618. Au
reste, les contradictions des historiens sur ce voyage ne sont
pas inconciliables.
31 — page 36, note — Flamel...
D'abord, sans autre binn que sa plume et une belle main.
<5pousa une vieille femme qui avait quelque cbose. Sous même
enseigne, il fit plus d'un métier. Tout en copiant les beaux
manuscrits qu'on admire encore, il est probable que, dans ce
quartier de riches bouchers ignorants, de lombards et de juifs,
il fit et fit faire bien d'autres écritures. Un curé, greffier du Par-
lement pouvait encore lui procurer de l'ouvrage. LeprixàeTin-
struction commençant à être senti; lej seigueurs à qui il ven-
dait ces beaux manuscrits lui donnèrent à élever leurs enfaDls.
11 acheta quelques maisons ; ces maisons, d'abord à vil prii.
^ar la fuite des juifs et par la misère générale du temps, ac-
•quircnl peu à peu de la valeur. Flamel sut en tirer parti. Ton
/le monde affluait à Paris ; on ne savait où loger. De ces mai-
. sons^ il fît des hospices, où il recevait des locataires pour une
somme modique. Ces petits gains qui lui venaient ainsi depar-
toutj firent dire qu'il savait faire de l'or. Il laissa dire, et peut-
être favorisa ce bruit, pour mieux vendre ses livres.— Cependant
<;es arts occultes n'étaient pas sans danger. De là le soin ex-
trême que mit Flamel à afficher partout sa piété aux portes des
églises. Partout on le voyait en bas-relief agenouillé devant h
croix avec sa femme Pernclle. Il trouvait à cela double avau*
. tage. Il sanctifiait sa fortune et il Taugmenlait en donnant à
. son nom cette publicité. Voir le savant et ingénieux abbé Vl-
;ilain. Histoire de Saint-Jacqucs-la-Boucherîe, 1758; et son His-
itoire de Nicolas Flamel, 1761.
32 — page 37 — Amauld de Villeneuve...
Voy. ses Œuvres, Lyon, 1504, et sa Vie (par Haitze), Aix,
{719.
33 — page 38 — Le bruit courut qu^on avait empoisonné les
rivières...
APPENDICE. 293
Scion le chroniqueur bénédidln, on accusa encore de ce
crime les dominicains : t Veneficos ignorabant , siebant la-
men quod desupi>r habitum. longum et nigrum, subtus vcro al-
bum, utreligiosi, deferebant. «Religieux de Saint-Denis, 1. 1,
1. XI, c. V. p. 684.
J
34 — page 41 , note i ^ Les oncles du roi ne tardèrent pas à
obtenir la grâce de Craon'..,
Lettres de rémission accordées à Pierre de Craon : t ... Il ait
esté par notre commandement et ordenance au saint Sépulcre,
et depuis par nostre permission et licence et soobs nostre sauf •
conduit soit venu en nostre royaume et en l'abbaye de Saint-
Denis, où il a cslé pir l'espace de un mois et demi ou envi-
ron en espérance de ciudicr trouver paix et accord avec ledit
sire de Clîcon... et avec ce ait esté naguèrcs banni de nostre
royaume et entre autres choses condcmpné envers notre irès-
chere et très-améc tante la royne de Cécille pararrostde nostre
Parlement, pour lesquels bannissement et autres condemnations
lui, sa femme et ses enfants sont du tout déserts d*estat et de
chevance, mesmemenl que de ses biens ne lui demeura autre
chose... et leur a convenu... requcrirleurs parents etamis pour
vivre... — Voulans en ce cas pitié et miséricorde préférer à ri-
gueur de justice et pour contemplation de nostie très-chère el
très-amée fille Ysabrlle royne d'Angleterre, qui surcecous a...
supplié le jour de ses fiansailles et que ledit suppliant est de
nostre ligciaige. Nous par saine et meure délibération et de nos
très- chers et amés oncles ei frère... » Archives, Trésor des
CharUs, J., 37.
35 — page 43 — Comme il travenait la forêt, un homme de
mauvaise mine, etc..
< ... Quemdam abjectissiihum virum obviam habuit, qui eum
lermit vehementer. Is nec minis nec terroribus potuit cohiberi,
quin régi pcrlranseunti lerribililerclamando fere per dimidiam
horam hœcverbareiteraret : Non progrediarisulterius, insignis
rex, quia cito pcrdendus es. Cui cito assensit ejus imaginalio
jam turbata... Hoc furore perdurante, viros quatuor occidit»
eum quodam insigni milite dicto de Polegnac de Vasconia, ex
S94 APPSKmcE.
furliyo Umeo concabitu orinado.» Le UelÎQwux d$ SattU-Dmis,
folio 189, ms, — M. Bella§ucl ayant encore le manascrit origi-
nal ealre les mains, el a'ayai»i pas eneor» publié caUe pvûe,
Je me secs de TexeeUenle copie d« BaIttM (16^9).
^6 —V page 46 ^11 soutenait quil n'était point marié, qu'il iV
vait pqi d'enfant,.^
« Non solum se uxoratum liberosque genuiase denegibat, imo
suimct etliluli regni Francis oblilus,se non nominari Carobim,
nec déferre lilia asserebal; et quoliens arma sua vcl regina;
exarata vasisaureis velalicubi vidcbat^ ea iadignaniissimede-
lebal I Le Religieux de Saint-Denis, nu,, anno 1393, folio ^1.
-^ ( Arnrta propria et reginae si in vilreis vcl parietibus exaraia
yéï depicla percepissel« inboneste ei dispHcenter saltando lise
delebat, a&screns se Georgium vocari, el ia armis leonem gta-
dio transforatum se déferre. >
37 -^ pega 4S — àerson célébré la ptiix, dans wn de cet m*
ments où l'on crul à la cession des deuxpapest..
Toutefais Gerson doute encore. Si la cession s*opère, ce sen
Ma don de Dieu, et non une œuvre de Tbomme ; il y a trop
d'exemples de la fragilité bumaine : Ajax, Catoa, Médée, b
-anges mémo, «qui trébuchèrent du ciel» • enûn les apdlres^ei
notamment saint Pierre, c qui à la voix d'une fenicletle reoya
iJoâtre-Seigneur. • Gersou» édition de Du Pin, 1. 1\\ p. 567.
39 — F^g® ^ -* ^^< Anglai$ m tmiktient point la pair,.*
Sur les négociations anléiieures, depuis 1380, Yoir enlreai-
très pièces le Voyage de Nicolis de Bosc, évêque de Biycux,
imprimé dans le voyage litLéraipe de ddux bénédicUns, partie
seconde, p. 307-360.
39 — page 4S ^ Ricliard H épousa um fille de roiy. aeec mi
dot de huit cent mille écus,,^
Elle apporta, en outre, un grand nombre d'objets prt^ûcax.
V. deux déclarations des joyaux, vaisselle d'or el d'argeot,
robes, tapisscri s et objets divers pour la personne de midaine
Lsabcnu, pour sa cbambre, sa chapelle et son écurie, paanete-
ne, friiiUriA^ cniaiM. etc. Nov. 1396, 23 iiûltet lUK). Anhiou,
TriKtt ie* CkarUi, i.. 6i3.
U) — paf[fl i9 — Croiiadt MBlri Ui Titra..^
Comparer sur le récit de celle croisade dos hïslarieDs natio-
naui el lu écrivains hongrois et allemaada cilés par Hammer,
Uisloire de l'Empire OUonen. Ce gtaod oavrage e éid traduit
MUS la direciku de r«ui£m, par IL Uellerl, qui l'a earichi d'un
«iUs très- utile.
U — pigoSO^ÉiutimdêJ'ierTwéM Imu.BêmoUXIIL,.
Consulter sur tout ceci le récit hostile ni pape (pion trouve
- dans les acLes du concile de Pise. Concilia, éd. Labbc el Cossart,
1671, t. XI, pari. 3, col. 3172, el aeq.
iS — page 53 — Qwaid U Suitan vit le cbamp à» balaiUt, el«. , .
Récit du bavarois Schildberger, l'un des prisonniers, qui fui
épargné, à la prière du fils da sulKui. Uamoier, Histoire de
l'Empire Ottoman , trad. de H. Uellert. 1. 1. p. 33&.
43 — page K3 — PrètmU de Bajaut s* roi d* Pramtê. . .
Le Religieux de Sainb-Denis y ajanle : < Eqiins babciis abeis-
Hs imbaB narcs, ut diutiua ad curaum babilis redderelur. >
JUt., folio 330.
4V — page 5S — Taiw quUlirent Rickard, mémt ma chUn...
< Leroiltichardavoilunl<5vricrlcquelon nommait Uath, très-
beau outre mesure; cl ne vouloiloeehieneonnoltrc nul lionam'i
fors le roi ; et quand le roi devoii chevaucher, cil qui l'avoii
en garde le laissoii alli'r i el co lévrier vcnoit lanlAt devers k-
roi festoyer et lui mettoit sm deux pieds sur les épaules. Et
or donc advint que le roi et le comle Derby parlant ensemble
«n mi la place de la cour du dit chaiel el leurs chevaux tons
acllés, car tamûi ils dévoient monter, ce lévrier Dornmé HliDi
qui coutumicr étoil de faire au roi ce ^^ae dit e:it, Iui»»a le rul
«t s'en vint au duc de Lancasiro et lui Gt toutes les coiili:-
naacos telles que endcvaat il faisoil au roi, et lui asaist li'4
dcuxpiedssurlc col, elle coiniiioiiv-igiaudeuium Àcoojouir. Uc
296 APPBNDICB.
duc deLancnstre, qui point ne connaissait le lévrier, demanda
au roi : « El que veut ce lévrier faire?! *-c Cousin ce dit le roi,
ce vous est un grand'signiûance et à moi petite. > — € Com-
ment dit le duc, rentendez-vous? > — c Je Tenlends, dit le
roi , 1c lévrier vous festoie et recueille aujourd'hui comme roi
d Angleterre que vous serez, et j'en serai déposé ; et le lévrier
en a connoissance naturelle ; si le tenez de lez ( près) vous, car
il vous suivra et il m'éloignera. > Leduc de Lancastre entendit
bien celte parole et conjouil le lévrier, lequel oncques depuis
ne voulut suivre Richard de Bordeaux, mais le duc de Lancas-
tre ; et ce virent et sçarent plus de trente mille. • Froissait»
t. XIV, c. Lxxv, p, 205. '
i5 — pnge 55 — Abdicaiitm de Richard IL,.
Voy., au t. XIV du Froissart édité par M. Buchon, le poSme
français sur la déposition de Richard II (p. 322-166), écrit par
un gentilhomme frahçais qui était attaché à sa personne. —
Voir aussi la publication de M. Thomas Wright : Alltterative
Poem on Ihe déposition of king Richard II.— Richardi Maydis-
ton de Concordia inter Ricardum II et civitatem London, 1838. ^
— La lamentation de Richard est très-louchante dans /écm de
Vaurin : Ha, Monseigneur Jean-Baptiste mon parrain, je l'ai
tiré. du gibet, etc. Bibl, royale, mu,, 6756, t. IV, partie 2. /b-
lio 246.
46 — page 55 — Laneeutre fut obligé par U$ $ient de Uur foû-
ser tuer Richard..,
tSi fut dit au roi : tSire, tant que Richard de Bordeaux vive,
vous ni le pays ne serez à sûr état. > Répondit le roi : c Je
crois que vous dites vérité, mais tant que à moi je ne le ferai
jà mourir, car je l'ai pris sus. Si lui tiendrai son convenant
(promesse) tant que apparent me sera que fait me aura trahi-
son. » Si répondirent ses chevaliers : • Il vous vaudroit mieux
mort qu£ vif ; car tant que les François le sauront en vie, ib
s'efforceront toujours de vous guerroyer, et auront espoir de fe
retourner encore en son Etat, pour la c«iuse de ce que il a la
fille du roi de Franco. • Le roi d'Angleterre ne répondit point
à ce propos et se départit de là, et les laissa en ht chambre par»
IcrensemMe, et il entendit à ses ranconniers, et mil un faucon
sur son poing, et l'oubli k à le palirc. > Froissart, 1. MV, c,
Lxiii, p. 238.
47 — page M — Sa teùnee ilait iant un litrt mtntilhux qui
m'appttait Sma}orad...
Ce passage du Religieux de Sainl-Denis ne peut Ironver son
explication que dans les anieurs qni ont traité de la Cabnle.
Voiries iravanxdeH. VraDclt,sî remarquables parlaprécifloa
et la netteté.
48 — page 57 — Lt pauvr» prinea intit rapproche de la frè-
t Sequenti die , mente se alienarl sentiens, jnssit sibi cul-
IcUnm amoveri et avoncnlo sno duei Burgondie pr»ccpil, ut
sicomoes facerenl curiales. Totangustiis pressns est illa die
quodseqneDti luce, cum prœralum ducem el anlicos accersissei.
cis lachriniabiliter fassuaesL, qood morlem avîdios appetcbal
quam taliter cruciari, omnesque circomstantes movens êd la-
cbriroas, pluries fcrtur diiisse : Amore Jesn Christi, si sinl ati-
qui coQScii bujus mal!, oro ut me non terqoeant smplius. «ed
cito diem ultimnra faciant me siguiTe.' R»ligitua dt Saint-
Denii, m». Baluzt.
49 — page 57 — Un rot *i d^xMnairt.,.
Le Religieux donne une preuve remarquable de la doueenr
de Charles VI :<Cuminitincre... adolescens... dexlrarinm... nr-
gcrel calcaribus, ut eum ad superbiam exciiaret, recalciirando
valce tibiam cjus graviter vuloeraiit et inde cruornuili lar-
gissimus, lade... circumstanlcs cum in actorem deltcti animad-
vcricre conarentur, id rex manu et verbis \i.:\ ibiis, cic. Ibidem,
folio 736.
90 —pages? — H lalwuHout U monde, l.-i jirfi
grandi...
• Tanta affabilitalc prtecminebat, utelinni (ruiUi'iii|jlihi)ibuB
pcnonis ex iroproviso eL nominalim salmiunuli ik'pciiilerei
affatum, et ad se iagreUi voleniibus \cl otturruutibus
S98 APPUiSICE.
moine collocvlioitis aat ofiferret ultro oommereiiim tai poslii-
lanlibos non nefsrei.., Qusmvi» l^efieficioram. el injuriinm
valde recolens, non tamen naturaliterneqae ma^is deetvsis
sic ad iracundianv pronus fuit, ut alicui contumelias autim-
properia pr oferret. Carnis lubriea eaatn malriiBimii hoaesii-
tem dicitur laboTftsse,ita tamen utnanÎDi acandalom fieiet,
DuUi vis, nnlli enormis inflif^eretnr injaria. FradeceaMnim
morcm cUam non okservaas» raro et eam diapIienUa habito
regaii, epMgio seilieet ei taiari tnaiea ntabaliar, ttà îBdiffe-
renter, ul decuriones cœteri, holosericis indalas, ei moc Bêe-
mannum nunc Alemannnm se fingens^ etiam... post aactioocm
auscepiam hastiladta ai>oaa miUiaria jualassej^aa execoÉ^t.»
Ibidem, folio 141.
51 ^ paga 57 — ô» M mêtttni dÊtw mm IH «im jwf#« /lAr..*
« Filia cnjusdam mercaCoria eqvorem... qn» quidem oomr^y
tenter fnii remunerata, quia sibi ffl«ninl d«ta dno manerii
pulchra cum suis omnibus pcrtin«ntns, silnata unam a Creicil,
•et aliad a Bagaolet, et rpaa Tulgariter voeabatur palam et pu-
bliée Farva Hegina, et secdm dia sietit, saseepitqae aè eo onani
filiam, qvam ipae re« matrimon>ialiter eopalavît evidam Dtin-
<Cttpato ttarpedeoDe» eai dédit daniniam de BefleviHe io Pic-
tavia, iiliaque vocabatur domicella de BeHevine. > ^ Je d^
retrouve plus la source d'où j'ai tiré cette note. Elle est ou ài
Religieux de Saint-JOenia, oa da wê», Dupuy, Dûtourt^ili-
nuiire» mesUz, coté 4H8.
52 — page 59,nore — Les caries étaient connues avant CharitsTl,
maië peu en vsage, . .
On en trouve la première menlton dans le Renart contrefait,
dont l'auteur anonyme nous apprend' qu'il a commencé sod
poëmc en 1328 et l'a fini en 1341. M. Peignot a donné une n-
ricusc bîQgraphie de tous les auteurs qui ont traité ce sujet.
Peignot, Recherches sar les danses des morts ei sar Ips carti s i
jouer. — Les uns font les cartes d'origine allemande^ les autres
d'origine espagnole ou provençale. M. R4mnsat remarque que
nos plus anciennes caries à jouer ressemblent aux cartf's cbi-
ooises. Aboi Rénasal, Uém, Acad., 2« s«rie, t. VH, p. 418.
290
53 — page 59 — Le$ caries étaient jMMifit Sabord; mais cela
étant trop ^i€r, on $*apUa de Ut ttnpriaMT...
Ea 14S0, Philippe-Marie Tiseonli, duc de ViUa, paya quiiue
eeats pièces d'or pour un jev de cartes peinteâ, — En iiïi, les
earliers de Venise présoBient reqaéie peur se plaindre du tort
que leur font les marchands étvaii^ers par les caiies qu'ils tm-
priiii#iU. Ibidem, p. 3i8, j^.
54 •* page 60 — Chariêê VI appêOa cmuÊ fm jmcmiiI Im ifyt-
téres de la Paseion « $eê omet tt (^rt eoufrérot, »
Ordonnances, t. YIll, p. 555, déc. 4409. -^ Dana une lettre
bien antérieure, Charles VI assigne : « Quarante francs à certains
chapelains et clercs de ta Sainte-Chapelle de nostre Palais à
Faris, lesquels joueront devant nous le jour de Pasqnes nagaires
passé lesjenx*(1ela Résurrection Nosiro Seigneur. >5 avril 1390.
BibUothéquê royûle, mtt.y eabinH det tkret,
55 — page 64 ^ Louis d' Orléans, etc..
Voir le Religieux de Saint»Denis à Tannée 1405, et le portrait
qu'il fait du duc d'Orléans, année 1407, m«. Baluze^ folio 553.
— V. aussi les complaintes et autres pièces sur la mort do Louis
d'Orléans. Bibt, ro^ahy mss. Colbert 2403, Regins 96^1-5.
• •
56 — page 65 — LesvieiUet barhts de V Université se troublaient
à ses vires saillies,..
V. page 109 la réponse qu'il leur fil en 1405. Toutefois ordi-
nairement il leur parlait avec douceurv.' « Ipsum vidi clegantio-
rcm respondendo... quam fucranl proponendo... milissimc
alloqui, et si uspiam errassent, leniler admonerc. » Religieux de
Saint' Denis, mu», 553 tsrao.
• «
57 — page 65,' note t — L'édiicalioa d'un jeune chevalier par
les fftmnes- . .
Los histoires de Saintré, de Flenrangcs, de iacqaes de La-
lai ng, ne sont guère autre chose. L'homme y prend toujours le
petit rôle; il troave doux d'y Caire l'enfaat. Tout au contraire
de la Nouvelle-Héloise, dans les romans du xv« siècle, la femme ,
€n:>(.'igno, et non l'homme, ce qui est hien plus gracieux. C'cu
300 APnsiDiCE.
ordinairement nnejennô dame, mais plus ftg^e que {«i, une
dame dans la seconde jeunesse, une grande dame surtout, d'au
rang élevé, inaccessible, qui se plaît à cultiver le petit page, à
l'élever peu à peu. Est*çe une mère, une sœur, un ange gar-
dien ? Un peu tout cela. Toutefois, c'est une femme... Oui, maU
une dame placée si haut! Que cle mériie il faudrait, que d'ef-
forts^ de soupirs pendant de longues années l... Les leçoos
qu'elle lui donne ne sont pas des leçons pour rire : rien n'e^t
plus sérieux, quelquefois plus pédantesque. La pédanterie même.
* l'austéiiié des conseils, la grandeur des difficultés, font on
contraste piquant et ajoutent un prix à l'amour... Au but, tout
s'évanouit; en cela» comme toujours, le but n'est rieo, la route
est tout. Ce qui rcste^ c'est un chevalier accompli, le mériie et
la grftcc même. — Voir l'histoire du Petit iehan de Saiotré,
3- vol. in-12, 172^; lePanégyric du chevalier sans reproche (La
Trémouille), 1527, etc., etc. (note de 1840). — Voir Renaissanee.
Notés de Tintroduciion (1855).
58 — page 66 ^ Christine de Pisan...
Nous devons à M. Thomassy de pouvoir apprécier enfin ce
mérite si longtemps méconnu. Essai sur les écrits politiques
de Christine de Pisan, 1838. M. de Sismondi la traite encore
assez durement. Gab:icl Naudé, ce grand chercheur, avait eo
l'idée de tirer ses manuscrits de la poussière. Naudsi Epistolf,
épist. XLIX, p. 369.
59 — page 66 -« Christine n'eui de rapport avec le duc <fOr-
léans, etc.-
Elle dédia au duc d'Orléans son Débat des deux amants et
d'autres ouvrages. Du reste, elle fait entendre qu'elle ne le \it
qu'une fois, et pour solliciter sa protection : « Et ay-je veu Je
mes yeulx, comme j'eusse affaire aucune requeste d'ayde de sa
parolle, à laquelle, de sa grlice,ne faillis mie. Plus d'une heure
fus en sa présence, où je prenoye grant plaisir de veoir sa
contenance, et si agmodérément expédier besongnes, chascooe
par ordre; et moi mesmes, quant vint à point, par luy fus ap-
pclléc, et fait ce que requeroye... • ^ Elle dit encore du duc
d Orléans : • N'a cure d'oyr dire déshonneur des femmes d ao-
APPEXDICB. 30 f
tray, à l'exemple du sage, (et dit de telles notables paroUcs :
c Quand on me dit mal d'aucun, je considère se celluy qui le
dit a aucune particulière hayne à celluy dont il parle) >, ne de
nelluy mesdire, et ne croit mie de legier mal qu'on luy rap-
porte. > Christine de Pisan, collection Petitot, t. V, p. 393.
60 — page 67 -<- Motutrelet est sujet et serviteur de la maison
de Bourgogne..,
M. Darcier n'a pas réussi, dans la préface de son Monstrelet,
à établir Timpartialité de ce chroniqueur. Monstrclct omet ou
abrège ce qui est défavorable à la maison de Bourgogne , ou
favorable à l'autre parli. Gela est d'autant pins frappant qu'il
est ordinairement d'un bavardage faligant. c Plus baveux qu'un
pot à moutarde, > dit Rabelais.
61 — page 68 — Charles V re^itaux Flamands Lille et Douais
la Flandre française.,,
11 est curieux de voir comment Philippe le Hardi eut l'adresse
de se conserver cette importante possession que Charles V avait*
cru, ce semble, ne céder que temporairement^ pour gagner les
Flamands et faciliter le mariage de son frère. Celui *ci obtint,
sous la minorité de Charles VI, qvon lui laisserait LUle, etc.,
pour sa vie et celle de son premier hoir mâle. 11 savait bien
qn'une si longue possession finirait par devenir propriété. V. les
Preuves de l'Hist. de Bourgogne, de D. Plancher, 16 janvier 1386,
1. 111, p. 91-94.
62 — page 69 — La langue française et wallonê ne gagna pas
nn pauee de terrain sur le flamand,,.
C'est ce qui résulte de l'important mémoire de M. Raoux; il
prouve par une suite de témoignages que depuis le xi* siècle,
la limite des deux langues est la même. Rien n'a changé dans
les villes mêmes que les Français ont gardées un siècle et demi.
Mémoires de l'Académie de Bruxelles, t. IV, p. 442-440.
63 — page 69 — Pierre Dubois se fltpirate^ etc...
Mcycri Annales Flandriae, folio 208, et Altemeyer, Histoire
des relations commerciales et politiques des Pays-Bas avec le Nord^
d'oitrés les documents inédits; ms.
302 ÀPFBFiMa.
04 — page 73 — L$ êw dTOrlèans jeta le garni à Emiri TV pour
vmger Richard il, .
Lettre des ambassadeurs anglais contre le dnc d*0rl^ns,ete. :
c Le roi d'Angleterre , alors duc, étant rerenn en Angleterre
demander justice, a éié ponrsniYÎ parle roi Ricbard, lequel est
mort en celte poursuite, ayant auparavant résigné sou royauote
audit duc; Il n'est pas nouveau qu'un roi, comme un pape, puisse
résigner son État. » 24 septembre 1404. Arehivei^ Trésor dt$
Chartes, 1., 645.
^ ^ psige 74 -« Si r«» efi rfyyoii um$ traditiom eoHêertéê par
Mêyer^ etc..
Meyer ne nomme pas cet auteur» qui nons apprend senlemeoi
dans le passage cité, qu'il a vu souvent Charles VII et causé
familtèrenenL avec lai. Il préleml qœ Jean sans Peur voulait,
dès le vi\ant de son père, tuer le duc d'Orléans; que dès qu'il
lui succéda , il demanda à ses oooaeiUers quel était le moyen
d'en venir à bout avec moins de danger. N'ayani pa chang^er
sa résolution, ils lui conseillèrent d'attendre qu'il eâi perdu
son easomi dans l'esprit du people : « Id autem hoc modo
efiicere possct, si Parisiis praBcipue et stmslîter in aliis quibas-
qae regoi nobilioribus civitalibus, per l>iennium vcl trieanum
anie per impo^ttas perso naa abiqne disseminari facerct : € Se
«.maxime regnicolis compati et oondoicre, quod tôt tributis,
c et variis, et mullipWcibu§ vecligalibus premerenlur. Scque
« tolis onili conatibus ut, regno ad antiquas suas libertates
« atqAe immvnitates restîtulo, omnibns hujusmodi moieslis-
« simis gravissirnisquc exaclionibus populos lev.nrclur; sed ne
c sui oplimi ac piissimi voti et affectus quem ad regnum et re-
« gnicolas gercbnt, fructum asscquerelur, ipsius Aurolianensis
t duels vires et conatus semper obslitisse et continuo obstaro,
€ qui omnium hujus modi imponendorum et in dies excres-
< ccnlium novorui» tribulorum alque vectigalium author et
« defensor maximus exisleret ac scmper cxlilisscl. » Hoc igilur
rumorc per oiîines pcne civilales et provincias regni auresmen-
Icsque popuîarium occupanle, tanla iuvîdîa apud plcbcm fqu:i?
hujusmodi gravaminavedigalium atquccxaclionum allius sentit
alquc suspiratj couflata fuit adversus praefatum Aurcliaucnsium
APPEimiCE. 399
dpcem, tantas rero amor, gratîa ntqtie farer omnhnn dnci Bar»
gundioniim arcesserant, nt... » Meyer, tï^Terso.
66 — page 75 — Le duc de Bourgogne déclara, elc...
c Compaliend» fegQicolit .. ABiuwpt^quod ^1... coMensiaaety
Iode Anoentamillia soatt anri, sibi promiasa, fMreepisiifll. • Bt-
ligieux âe SaivU-Demi, nu., folio 391.
Uemoya Amm$ tomH$ ki villes dê$ townrniêiairm, elc..«
t Qoi de uavrariis dolo&isquc contraeiiboa et specLaliter d»
illis qui ultra inedMlaleni justi pretii aliquid veadidissent in*
qairerefft, el ab eîa aecandam démérita, pecaniaa extorque*
rcDt. • Ibidem^ folio 394.
67 ^ page 77 — 1^$ Ànglëi$ fmmênnaimU h eapUainê de
Parii.,.
Lefteligîevx parait eroire pourtant qu'il était ianooent; ie
Parleaiaat le jugea tel. 11 était Normand, et fortement soutenv
par let nobles de Normandie. Ibidem^ fêlêo 414. « £t diaeieAi
les Angiaia... <|«'tl n y avoil cbose si aecrete an eonaeil du ro^
que tantost après ils ne sccussent.t in vénal, p. 162.
68 — page 77 -— Jêtm «ma Pewr conclut wie tréoe imarrk<mde
avec les Anglais.,»
En 1403, le due de Bour{^>^nc n'osant négocier avec les-
Anglaia, laiaia les villes de Flandre traiter avec enx. Rymcr,
cditio tertta, t. IV, p. IM. ^ 11 se lit ensuite anloriscr par le roi
à eoadnre une Iréve marchande. Cette trêve fut renouvelée par
sa veuve et son anecesseur, S9 août 4403, 19 juin i4Ûi. Archives,
Trésor dês CkartrUy J., 573.
69 » page 77 — L'habile et henreux fondateur de la maison de-
Dmirgogne, etc...
V. Kexeellent jugement que Le Laboureur porte sur le carac-
tère de Philippe le Hardi. Introd. à i'Hist. do Cbarles VI, p. 96»
70 — page 79 — Ln cession de biens au moyen âge,..
Glossaire de taurière, t I, p. Î06. Michelcl, Origines du
droit, p. 393 : t Se dcsccindre, » c'est le signe de la cesbio»
3di APPEKDICB.
d« biens. — fin certaines villes dltalie, celai qui fait cession
a payé pour toujours, c s'il frappe du cul sur la pierre en pré-
sence du juge. Y •
>»••
Vi — page 79 •*-> £«a rêmoneiatia» de la veuvr,
Michelet, Originet^ p. 42 : c La clef était un des principaux
symboles usités dans le mariage... ^Eu France: « Lorsqu'on
ostoit les clefs à sa femme, c étoit le signe du divorce. » Godet.
— t C'est une coutume chez les François que les veuves dé-
posent leurs clefs et leur ceinture sur le corps mort de leur
43pottx, en signe qu'elles renoncealAla communauté des biens. »
Le Grand Goutumier.
73 -*- page 79 — La duAusê de Bourgogne acccmpHl brate-
mentla eèrèmonie,.,
t Et là (à Arras), la duchesse Marguerite, sa femme (femme
de Philippe le Hardi), renonça à ses biens meubles parla doute
qu'elle ne trouvât trop grands dettes, en mettant sur sa repré-
sentation sa ceinture avec sa bourse et les clefs, comme il est
de coutume, etc. > Monstrelet.
73 — page 81 -— La France était redevenite riche par la
paix.,.
Gela ressort d'une infinité de faits de détail. Un historien
dont l'opinion est grave en ce qui touche l'économie politique,
et que d'ailleurs on ne peut soupçonner d'oublier jamais la
cause du peuple, M. de Sismondi a compris ceci comme
cous : c L'agriculture n'était point détruite en France,
quoiqu'il semblât qu'on eût fait tout ce qu'il fallait ponr
l'anéantir. Au contraire, les granges brûlées par les dernières
expéditions des Anglais avaient été rebâties, les vignes avaient
élé replantées, les champs se couvraient de moissons. Les arts,
les manufactures, n'étaient point abandonnés; au contraire,
il parait qu'ils employaient un plus grand nombre de bras dans
les villes, à en juger par les statuts de corps de métiers qui
se multipliaient dans toutes les provinces, et pour les-
quels on demandait chaque année de nouvelles sanctions
royales. La richesse, si barbarement enlevée à ceux qui l'avaient
▲PPENBICB. 30S
produite, était bientôt recréée par d'autres; et il faut bien que
ce fût avec plus d'abondance encore, car le produit des tailles
et des impositions, loin de diminuer, s'était considérablement
^ccm. Le roi levait plus facilement six francs par feu dans
jl'année, qu'il n'aurait levé un franc cinquante ans auparavant. »
"Sismondi, Histoire des Français, t. XII, p. 173.
74 — page 81 — 0» dùatt au peuple que la reine faûaii passer
en AllenutgM, etc. . .
c Cum regina ex illis sex equos oueralos auro monetato in
Alemaniam mitteret, boc in pnedam veoit Metensium (de ceux
de Metz) qui a conductoribus didicerunt quod alias finantiam
similem in Alemaniam conduxeraot, unde mirati snnt muiti, cum
sic vellet depauperare Franciam ut Alemanos ditaret. > Reli-
gieux de Saint-Denis, m«., folio 440.
75 — page 81 — Le grave historien du temps croit qus la taxe
précédente^ etc...
c Mihi pluries de summa sciscitanti responsum est^ quod
octies ad centum millia scuta auri venerat, quam tamen pro-
priis deputaverunt usibus. > Ibidem, folio 439.
76 — page 85 ^ O/i obtint de Charles VI qu'il appelât le duc de
Bourgogne^ etc...
Monstrelet, t. I, p. 163. Le greffier du Parlement, contre son
ordinaire, raconte ce fait avec détail : € Ce dit jour, le roy
estant malade en son bostel de SaintrPoI, à Paris, de la maladie
de l'aliénation de son entendement (laquelle a duré dès
Tan mil cccuaxx et xui, hors aucuns intervalles de résipiscence
telle quelle), et la royne et le duc d'Orliens Loys frère du roy
estant à Mcleun, où leu menoit le dauphin duc de Guienne
aagié de IX ans environ et sa femme aagiée de X ans ou envi-
ron, au mandement de la royne mère dudit dauphin, Jehan due.
de Dourgoigne et contes de Flandres, cousin germain du roy et
père de la femme dudit dauphin (qui venoit au roy comme
len disoit pour faire hommage après le décès de Philippe son
père, oncle du roi, jadis de ses terres, et pour le visiter et avi-
ser comme len disoit du petit gouvernement de ce royaume)
If. V) •
3)6
ftonpeconam eomme len disoti que la royiic a>Qsl oiandé MU
daaphia pour aa venae, chevancba liaaiiveneiit ci aavdaioe-
meat, à toal ta gent annôfl de Loavrea ea Parlais od il arott feu,
cil passant par Paris aaviron Vil hanraaao «Raiin, et a coosoit
ledit dauphin son gendre ^oi avotl gan à Vîll&-Jayv« à Geoisy,
cl ledit dauphîn mterrogné après salas ad il ak>il et si \avdrait
pas bien retourner en sa bonne ville de Paris, a rcspondu que
oy, comme Ion disoit, le ramena enviroa XII keiurea contre le
gré du marquis du Pont cousin germain du roy et dudit dacet
contre le gré du frère «de la rovne qoi le meDoicoi» aaqacl
dauphin nièrent au-dcvaat le roy de Nararre cooslo gerosaia,
te duc de Berry et le duc de Boarbon, oncles du roy et plasicars
autres seigneurs qui estoient à Pa.is, et le meoèrcol oo cbas-
teau du Louvre pour ôtre plus seuremeal; dont ae tiodrcat
mal contens lesdits duc d'Orlienset la royne, tclemeni que bine
onde s'assemblèrent à Paris du cousté dudit duc de Bourgogne
le duc de Lambourt son frère à grand nombre de gens d'armes,
et ou plat-paiz plusieurs de plusieurs paiz et à McLcuo cl en
paiz environ du consté du duc d'Orlicns plusieurs, comme Ion
disoit. Quil en avendra? Dieu y pourvoi, car en lui doit e^e
espérance et sicncj et < non in principibus nec in ûliis bomi-
num, in quibus non est salus. > Archives^ Registres du ParU-
ment. Conseil, voL XII, folio 222, 19 août 1405.
77 — page 85 — Le parti d'Orléans reprenait dix-^huH petita
f lires, etc..
Le comte d'Armagnac prit d'abord dix-huit petites plices,
selon le lieligieux, ms., 469 verso: t Bnrdegalenscm adîit civi-
Inlcm, îp«is mandans quod si cxire audcbant... » — Le conn«5-
table d'AIbrel et le comte d'Armagnac, e^mployanl tour à lonr
les anncs et Targcni, se firent rendre soixante forts oa vill.ig s
lorliliés. Religieux, 471, verso,
< 78 -- page 88 — CéîaU U ttunmnt où 1$ noaaatM evmu d
Flandre^ etc..
A Promesse de la duchesse de Bourgogne et du due iean. son
j fils, qui s'engagent à suivre l'iastmction du roi pour r^Sgier i.-
rommercc des Flamands avec les Anglais, 19 juin 1401. Arckiccs,
Ti(i4tir des Oiartûs, J . 573.
AFrasmcE. 807
79 — '^age 88 *^ Le due à» B^utfogm roMembU du mimt-
tiow$ inlimiiêf douze êemis ranoMi...
Voyez le curieux travail 4e M. Laeabane sUr VHiiloirê de
VmrtUUriê au mofêH offe (maouscril ea 1840).
80 — page 88 — Lês €a$con$ qui avaient appelé U due d^Or^
léa$ste ravisèrent et ne Vaidérênt point...
< Ferefoatur eapitaneos ad custodiam Aquitaniae depuiatos
dominum duccm AareliaDensem antea sollicilasse, ul... aggre*
diendo armis palriam Durdegalensem... ^ lier arripuit, qnam-
vis minime ignoraret agililatem Vaseonum cl qnantis astootis
Francos reileratis vicibus dcccpcrunt ab auliquo. » Religieux
de Saint-Denis, nu., folio m, 490.
81 — page 89 -* L« due de Bourgogne aeeueent le di$c d^Or-
/éHYU, etc.
Monstrelet dit que Ion avait, abusé du nom du roi pour dé-
fendre aux capitaines de la Picardie et du Boulenois d'aider
le due de Bourgogne. Monstrelet, I. 1, p. 193. ^ Le duc ré-
clama des dédommagements. V. Compte des dépensei faites p(ir
le duc de Bourgogne pour le siéye de Calais^ extrêmement impor-
tant pour l'histoire de l'arlillerie, et en général du matériel de
la guerre. Arckives, Trésor des Ckarles, J. 922.
82 — page 95 — .!<« testament du due dOrléane.,.
On y voyait le goût et la connaissance familière des divines
Écritures et des choses saintes. Durant sa vie, il avait été le
plus magnifique des princes dans ses dons aux églises. Ses der-
nières volontés étaient plus libérales encore. Après le payement
lie ses dettes qu'il recommandait d'une façon expresse, com-
Dieoçait un merveilleux détail de toutes les fondations qu'il
ordonnait, des prières et services funèbres qu'il prescrivait
pour ta mémoire et dont les cérémonies étaient soigneusement
déterminées. 11 assignait des fonds pour construire une cha-
pelle dans chaque église dcSaiotc-Croix d'Orléans, Kotre-Dame
de Chartres, Saint-£ust«che et Saint-Paul de Paris. En outre,
comme il avait une dévotion particulière pour Tordre des reli-
gieux Célcstins, il fondait uno chapelle dans^chacuBe des
308 APPENDICE.
églises qulls avaient en France, an nombre de treize, sans
parier des ricliesses qu'il lai^ait à leur maison de Paris. Il
avait' voulu y être inhumé en habit de l'ordre, porté humble-
ment au tombeau sur une claie couverte de cendre, et que sa
statue de marbre le représentât aussi vêtu de celte robe. Les
pauvres et les hôpitaux n'étaient pas oubliés dans ses bienfaits;
et son amour pour les Icilres paraissait dans la fondalion de
six bourses au collège de l'Ave-Maria. Uistoire des Célesiîos,
par le P. Beurrier. M. de Barante, t. lU, p. 95, 3* édition. Voir
l'acte original, inséré en entier par Godefroy, à la suite de Jn*
vénal des Ursins, p. 631-6i6.
83 ^ page 96 — Les Liègeoif ayant ehassè leur évêque, ete ..
c Urgcbant ut aut sacris iniiiaretur, aut certc episcopalum
abdic^ret. > Zanfliet est ici d'autant plus croyable que sa par-
tialité pour Tévéque est partout visible. Corn. Zanilict, Léo-
diensi monachi Cbronicon, apud Martene, Amplissima Collee-
tio, t. V, p. 360. Voir aussi Catalogua episcoporum Leoden-
sium, auclore Placentio, aun. 1&03-1408, et la Colleaion de Cba-
pcauvilie.
Sï — page 100 — Assassinat du duc d'Orléans..,
Déposition de Jacqueltc Griflart. Mém. Acad., t. XXI, p. 5i6
et suiv. : « Elle s'en alla de sa dite fenestre pour coucher son
enfant, et incontinent après ouit crier, etc... • — L'autre
témoin oculaire, serviteur d'un neveu du maréchal de Rtenx,
dépose aussi : « (lue le jour d'hier au soir, environ huit heures
de nuit..., estant à Thuis d'une des salles... qui ont égari sur
la Vieille rue du Temple... ouit et entendit qu'en la rue avoit
grand cliquetis comme d'épées et autres armures... ei disotent
tels mots : < A mort, à mort! » Dont lors pour scavoir ce que
c'estoil, il remonta en la dite chambre dudit son maître, qui
est au-dessus de ladite salle... et trouva que aux fenêtres d'ieelle
estoit desja ledit son maître, le page, le barbier d'ioelnî son
maître, qui rcgardoicnt en ladite Vieille rue du Temple, par
Tune desquelles fenestres il qui parle regarda emmi ladite me.
et veid à la clarté d'une torche qui étoit ardente sur les car-
reaux, que droit devant l'hétel de l'Image de Notre-Dame,
APPERDICS. 309
ëloienl plusieurs compaignons ft pied, comme du nomlire de
douze à quatorze, oui desqneU il ne connaissoit, lesquels
teDoieal tes uns des espâes lonies nues, lei aolres haches, les
autres becs de faucon, et massues de boi& svaus piquans de fer
au bout, et desdits liarnois fdroient et frippoient sur aucuns
qui esloicat en la compagnie, disans tels mots: < A mort, ii
morti > El qu'il est vrai que lors, il qui parle, pour mieux
voir qui esloicnt iccux compagnons, alla ouvrir le gnlchct de
la porte qui a issue en ladite Vieille rue du Temple... El ainsi
qu'il ouirit ledit guicbcl de ladite porte, on bouta un bec de
faucon entre ledit guichet et la porte, dont tors il qui parle,
pour double qu'on ne lui Bt mal dudil bec de faucon referma
ledit guichet cl s'en retourna en la chambre dudit son maître,
par l'une des fcocstres de laquelle il vil aucuns compaignons
qui éloienl moniés sur chevaux emmi la rue, et si vcid sortir
d'icclui liâlcl, cinq ou six compagnons tous montas sur che-
vaux, qu'incontinent qu'ils furent sonls, un homme de pied
près d'iceux, fâri et frappa dune massue de bois pn homme
qui éloit tout éiendu sur les carreaux, et revêtu d'une houppe-
lande de drap de damas noir, fourriïo de marlre) et quand il
eut frappi^ ledit coup, il monta sur un cheval et se mit en la
compagnie des autres... El inceniinent apri^i ledit coup de
massue ainsi donna, il qui parle veid lous Icsdils compagnons
qui étoient ft cheval eux en aller et fouir le plusiOl qu'ils pon-
voicul sans aucune lumière, droit i l'entrée de la rue des
Blancs-Manteaux tn laquelle ils se boulèrent, et ne sait quelle
part ils allèrent. Incontinent qu'ils s'en furent alliSs, lui estant
encore i ladite fencsirc, vil sortir par les fencsires d'en haut
tiudilbûtcl de l'image Notrc-Dainc, grande fumée, et si ouit
ptusicursdei voisins qui crioient moult forl ; < Au feu, au
feu! • El loTS lui qui parle, ledit son maître et les autres dessus
nommés, allèrent tous emmi la rue. eux finns en laquelle, il
qui parle vcid à la clarté d'une ou deux torches, ledit feu mon-
seigneur d'Orléans qui étoit tout dtcndu mort sur les carreaux,
le ventre contremonl, et n'avoit point (le poing an Iti^ m-ih,.
trc... et si veid qu'environ lu long de deux loises \<n\ ilmlit
feu monseigneur le duc d'Orlrans, éloit aussi élCTiiiu aiir les
carreaux un compagnon qui estoit à la cour dudil feu U. lo
X
310 APPIMMaS.
duc d'Orléans, appelé ^cob, qvi se oomphûgnoit monlt fert«
comme s'il voulait mourir* » Déposition du Tarlet Raoul Frieur,
Mém. Àcad., U XIl,- j». 52».
«85 — page 101 ^- 5«ioii im oiitrt réeit, /« §r(md homme n
chaperon rou§e^ ele^.
« Cadavef ignomiatose traxit ad ridaum foe^idissimum lutnm,
ubi, cum face alraminia ardente, scelnaadimpletum yîdit; mde
laetu», tanqoam de re benegesta, ad hospitium dueis Bargundî»
rediit. • Religieux de Sainl-Denis, ma., folio 553. > — T. dans les
Preuves de Félibien, le rédl des Befieiree du P^rUmeni, Ces-
— page 101 — Cêi pauvret restes fitrmt partie, petrmi h
terreur gànir0ie..i
Celle terreur ae paraH que trop dans le peu de mots qu'oa
écrivit le lendemain sur les registres do Pariement. Preuves de
Félibien, t. H , p. 5i9. Les gens du PaViemeM paraissent
sentir, avec la sagaciié de la peur, qu'un tel coup n'a pu être
fait que par un homme bien puissant. Ils ne disent rien de
favorable au m or^ : 4 Ce prince qui si grand seigneur estoilet
si puissant, et à qui naturellement, au cas qu'il e«^t faiJn gou-
verneur en ce royaume, appanenott le gowemcni^nt, en si
petit moment a £né aes jours moult .horribleaient^ Aonfenst-
ment. Et qui ce a faict, «* seietur autem poatea. • — Plus tard,
on apprend que le meurtrier est le duc de Roorgognc, et le
Parlement fait écrire sur ses registres les lignes suivantes, où
le biftme est partagé assca égaleisent entre les denx |»artis.
« XXIU Dovembris M CCCC VU iatiitmaaiter ftiil. tmcklntus et
iaterfcclus D. Ludovicns Francise, dna Aufeèianensis et frater
régis, multum tututM et inag^i intclleetus, sed nmiisin cama-
libus lubricus, de nocte bora IX por ducem Borgnndiae, aut
suo prœcepto, ut confessus est, in vico prope pertam de Kar-
hêHe. Unde inûnita roala proeesscrunt, qns dtu nimis dara-
bunt. » RegUtree du Parlement^ Liber conediorum^ passage im*
primé dans les M41anges cucieux de Labbo, t. II, p. 70i-3.
AnaHGi. 311
$7 - page iOi-^Ledue d:Orliani fnt «umJt à rèQlise des
Cèlestifu...
Les CélestîDB avaieol été foadës par Pierre de Morone
(Célcsiii) V), <e simple d'eapidiqui fai déposé du pontificat par
DoDiface Vlll. En haine de Boiiifaee, Philippe le Bei honora les
Célcslins, les ùi venir ea France, les établit dans la forêt de
Compiègne (I308)« Gel ordre deviat trèfl-pop«Uire en France.
Tous les hommes imporlanls du temps de Charles V et de
Charles VI furent en in lime reialioa av«c eet ordre. Montaigu fit
beaucoup de bien aux Célcstins de Marcoiiasia. Arc/iwc»,
L. 1539-1540.
88 — page 101 « Tout le monde pleurait^ let tmnemk ûommê
Monsirelet, serviiear de la maison de Bourgogne, qui écrit à
Cambrai (en la noble cité de Cambrai, i. U P- 4^)* et eert&tne*
ment plusieurs années après l'événement, assure que ie peuple
se réjouit de cette mort. Le Kcligieux de Saînt-Benis, ordinai-
rement si bien informé, si près des événements, et qui semble
les enregistrer à mesure qu'ils arrivent* ne dit rien de pareil.
11 assure que le meurtrier lui-même parut affligé lJfoliQ^Z)\ il
ne croit pas, il est vrai, à la sincérité de celte douleur. Moi, j'y
crois, cette contradiction me parait être dans la nature. L'apo-
logiste du duc d'O'-léans dît que le duc de Bourgogne pleurait
et sangioUtt : c Singultibns et lacrymis. > Ibidem, folio $93.
89 -^ page 101 — Hier tout cela, auj^wrd^lmii jdu$ rien.».
€ ... Et lui qui estoit le plus grant de ce royaume, après le
Roy et ses enfans, est en si petit de temps, si chétif. Et qui
cecidit, stabili non ercÊt illê gradu. Apio»eo nuUam homini fidu-
dam, nisi in Deo; $t ti parum videedur^ illnsceêcat clarius.,,
Parcatsibi Deus, > Ardrites. Registres du Fartement, Plaidoiries^
MatinéeSy VI, f, 7 verso.
90 — page f03 — On trouva aux Cêlestins la cellule où il
aimait à se retirer...
Selon l'apologisle du duc d'Orléans (Religieux de Sainte
Denis, ms., folio 59i), il disait tous les jours le bréviaire':
31? APPENDICE.
c Horas canonicas dicebat. > — - tli avoit, dit Sauvai, sa cellgle
dans le dorloir des Célcstins, laquelle y est encore en son en-
tier. Il jcûnoit, veilloit avec les religieux, vcnoil à maiines
comme eux durant l'Avcnt et le Carême. Ce prince leur a donné
la grande Bible en vélin, enluminée, qui avoit été à son père
Charles V, et qu*on voit dans leur bibliothèque, signée de
Charles V et de Louis, duc d'Orléans. Il leur donna aussi ODe
autre grande Bible en cinq volumes in-folio, écrite sur le vélin,
qui a toujours servi et sert encore pour lire an réfectoire. >
Sauvai, t. 1, p. 460.
91 — page 103 — Sa vBUvê n'eut pas la eontolation d^Hever tm
mort l'humble tombé,..
c Considérant le mot du prophèle': Ego sum vermis et non
homo^ opprobrium hominum et abjectio plebis; Je veux et or-
donne que la remembrance de mon visage et de mesmaiassoit
faite sur ma tombe en guise de mort, et soit madicte remem-
brance vôlue de l'habit dcsdicts religieux Célestins, ayant
dessous la tête au lieu d'oreiller une rude pierre en guise et
manière d'une roche, et aux pieds, au lieu de lyons ... une
autre rude roche... Et veux... que madicte tombe ne soit que
-de trois doigts de haut sur terre, et soit faicte de marbre noir
eslevée et d'albâtre blanc..., et que je tienne en mes deux
mains un livre où soit cscrit le psaume : Quicumque vultsalvas
csso... Autour de ma tombe soient escrits le Pater, TAvc elle
Credo. « Testament de Louis d'Orléans, imprimé parGodefroy,
à la suite de Juvénal des Ursins, p. 633.
Ct oist i.OYS nue Dorléans...
Lequel sur tous ducz terriens
Fut le plus noble en son vivant
Mais unq qui voult aller devant
Par envye le feist mourir.. .
»
Epislaphe de feu Loys, duc d'Orléans, Bibl. royale^ mes, Colbert,
2403; Regius, 9681, 5.
D2 — page 104 - t Hinc surrectura »...
Celle inscription, la plus belle peu- être qu'on ait jamais lue
soroiiG tombe chréiieDoe, a été placée par mon ami, U. Fourcy
(bibliothécaire de l'Ëcole polytechnique), sur celle de sa mère.
93 — page iOU, note 2 — Iitis de Coâtro ..
I^pe parle seulement de la translatioD dn corps : < Como Toi
trellada Dont Encz, etc. > Collecçao de livroi JDeditoi. 1816,
I. IV, p. 113. H. Ferdinand Denis, dans ses inléressantes
Chroniques de l'Espagne et da Poringal, t. I. p. 157, cite le
texte principal (de Faria y Sooza), qui appuie la tradition. —
Un savant Portngais, H. Corvalho, assurait avoir vn, il y a
quelques années, le corps d'Inès bien conservé : • Seulement
la peau avait pris le ton du vélin bruni par le temps... > (Ibi-
dem, 1. 1, p. 163). M. Taylor, en 1835, n'a plus trouvé que des
ossements dispersés sur les dalles du couvent d'Alcobaça, et
il les a pieusement inhumés. Voyage pitt. en Espagne et en
Portugal, I. XIII. — le trouve encore dans les Chroniques, tra-
duites par H. Ferdinand Denis (t. 1, p. 78), un fait curieux qui
caractérise, autant que l'histoire d'Ings, te matérialisme poé-
tique de ces temps, c'est l'histoire du bon vassal qui ne veut '
pas rendre son château au nouveau roi avant de s'assurer de la
mort de son maître Sanche II. Il va k Tolède, où Sanclie était
morteitlé, enlève la pierre, reconnaît le mort, cL accomplit
son serment féodal en lui remettant au bras droit les clefs du
château qu'il lui a autrefois conGées.
94 — page 106 — La tondtauxd» la Scala...
< 1d terra, e meie sepolte, son prima tre arche dî marmo
Dostrale, quali non si sa per quat di questa casa servisscro,
poichè non hanoo iscriiione alcnna; ben anno l'arme sopra i
copercbî, e nel mezo di uno li vede la tcala con aquila topra,
E'n au la ical4 porta il aanio ncdio. •
Dante, Parad., ivii, 7S. HaBei, Verona illuslrata, p:irtc Icrza,
p. 78, éd. in-folio.
95 — page 106 — La tombe de l'asiauini...
Si ma mémoire ne me trompe, il y a prés de lï, dmiï Vérone,
à
3 1 4 JO^PKNDICE.
plusteura lieux dont les noms rappellent cet évéocmcnt : c Via
deirainmazato, Via dcllequatro spade, VoUo barharo, eic • -
Na conjecture semble appuyée parle passag[e suivant : « Scpnl-
tus... exigua cum pompa tantum, cum cives vererenlor dc
offenderent fratrem. • ToreHy SartyQS Veroneiwis Htsi. Ven».,
iib. secundo; Th^savr. AntiqvH. Itd. Gntm M Bunnanni,
I. noni parte sepiis», eoloun. 71.
96 — page ItMT — Can Signorè de la Seàla tua ton frèn âMS
la ruê en plein jour,,,
€ Caede bac a civîbus et populo percepta, quilibet qnielus
remansit... Approbala fuit ejus mens.... Exclamarnnt oaaes:
Vivat Dominus noster.» > Ibidem, colonn. 70-71.
97 — page 107 — Toutes les questions politiques^ morales, re-
ligieuses s'agitèrent à V occasion de la mort du duc d'Orléans.,
Ces grandes questions semblent avoir été déjà débaltaes en
France, à l'occasion delà fin tragique de Richard II. Voy. Utin
M Charles VI aux Anglais, 2 oct. 1402. Bibl. royale, mss. Fot-
tanieu, i05-6; Srienne, vol. XXXI V^ p. 227.
98 — page 108 — I« duc de Bourgogne leur dit tout pile...
« Se fecisse insligante Diabolo. > Religieux^ nu., folio S^--
Plus loin, l'apologiste du duc d'Orléans rapporte cette parole
comme avouée du duc de Bourgogne lui-même : c Tune dixit
quod Diabôlus ad id ipsum tenlaverat, et nunc sine verecundia
sibimet contradicendo diclt quod optime fecit. • Ibidem, w.,
folio 593.
99 — page 109 — Il ranembla Us Étals de Flandre^ é^ Ar-
tois, etc..
c Auxquels il fit remontrer publiquement comment à Paris
il avoit fait occire Louis, duc d'Orléans; et la cause pourquoi il
l'avoit fait, il la fil lors divulguer par beaux articles et com-
manda que la copie en fût baillée par écrit à tous ceux qui la
voudroient avoir ; pour lequel fait il pria qu'on lui voulsîst
faire aide à tous besoins qui lui pourroient survenir. A quoi
lui fut répondu des Flamands que très-volontiers aide Ini
APPtXMCB. 315
fcroient. « — Les Flamands l«i éuient d'autant pins favorables
CQ ce moment qn'ii venart de lenr obtenir nae trêve de l'An*
gleierre. Mmistrelel, 1. 1, p. 907, %ii.
100 — page i09 — Il fit répandre le bruit qu'U n'avait fait qw9
prévenir le duc d'Orléans. ..
Le duc de Bourgogne aurait pu soutenir cette assertion, si
Ton s'en rapportait à la mauvai!>e traduction que Le Laboureur
a faite du Religieux. Il lui fait dire ridiculement (p. 6:24) : « Ces
flanièches de division causèrent un embrasement de haine et
-d'inimitié qu'on ne put esteindre et qui fil découvrir beaucoup
d'apparence de eunspirmtioM sur la vie Vun do. l'autre. > II n'y
a pas de compirations dans le texte ; il dit : c In necem muluam
diu visi fuerunt pu6/(Cf aspirarc. > Fo/to 552.— Cette récrimina-
tion atrccc du meurtrier u'cst, je crois, exprimée nettement que
dans nne chronique belge que j ai déjà citée. Elle suppose, ce
qui met le comble k l'invraisemblance, que le duc' d'Orléans
s'adressa à son ennemi mortel, Raoul d'Auquetonville, pour le
décider à tner le duc de Bourgogne : « Avint ce nonobstant^
pnr commune voix et renommée, si comme on disoit, que ledit
Dorliensavoit marchandé on voloit marchander à Raoulet d'Ac-
tonville de iuer le doc de Bourgogne, lequel fait fu découvert
par ledit Baotilel an duc de Bourgogne. » CkroniqUê au., no 801 D
(U'Mliolkèquê de BQtirgogtu^ à Bru£eUes)t folio 222.
101 — page 109 — Le phu triste et h phu rwde hiver.,.
Au commencement de janvier 1408, il fait si froid que le
Parlement ne lient pas séance... « Il ne pouoit hesoigner : le
grejfhier mesme, tomhitn qn'ii mit prins feu deiez hà , en mn^
poeletify pour garder (ancre de $on cornet de geler ^ lancre se geioit
en ea pîume, de 2 on 3 mos en 3 mot, et tant que enregistrer ne
pouoit.., t Ce récit est qnatrc fois plus long que celui de la mort
du duc d'Orléans. Les glaçons empotaient les moulins de
fonctionner : il y eut disette. Quand la gelée cessa, les ponts
furent emportés. Le greffier termine par ces mots. .. t Et ce cas,
avec Coccisinn de fen monschjnenr Loiz duc Dorlèans frère du roi
(de 0^0 scpRA, WE?rsE KOTEMBRi), a fofé à grant merveiUe en ce
roiiduvie... » II paraît qu'il y eut vacance pendant un mois»
316 APPENDICE.
1er jour de février : c Curia vaeaU four u qu'il n*a <m patm k
rivière pour aler au Palaiz pour la grani impétuosité et fme
d'elle, t Car aussy croit-elle toujours, c Arehivei^ Registres du
Parlement, Conseil, vol. XIII, /bho 11 ; ei Plaidoiries, Matinée \l,
folio 40.
102 *- page 111 — Le duc de Bourgogne revint, etc..
t Et se logea en l'hostcl d'un bourgeois, nommé Jacques de
Haugarl, auquel hôtel ledit duc fit pendre par dessus Thuîs par
dehors deux lances, dont l'une si avoil fer de guerre et l'autre
fcrdcrochot; pourquoi fut dit de plusieurs nobles estant à
icelle assemblée que ledit duc les y avoil fait mettre en signi-
fiance que qui voudroit avoir à lui paix ou guerre, si le prensiUi
Nonstrclet, 1. 1, p. 234.
103 — page 111— Les princes avaient été jusqu'à Amiens pour
l'empêcher de venir. . ,
A rapproche des troupes qui allaient occuper Paris, le Par-
lement, avec sa prudence ordinaire, ne voulut point se mêler
des affaires de la ville ni des précautions à prendre : c Et si a
esté touché de requérir provision pour la ville de Paris où p)a-
sieurs gens d'armes doivent arriver...Surquoy n'a pas été concla,
quia ad curiam non pertineret multis obstantibus; au moins, dj
pourroit remédier. « Archives, Registres du Parlement, Conseil,
Xni, 10 février 1407 (1408), f. 13, verso.
104 — page 113 — Jean Petit fut soutenu par U duc de Bour-
gogne, . .
Cette pension n'était pas gratuite; Jean Petit nous apprend
lui<môpie qu'il a fait serment au duc de Bourgogne ; c Je sois
obligé à le servir par serment à lui faict il y a trois ans passés...
Lui, regardant que j'estois très-petitement bénéficié, m'adonne
chascun an bonne et grande pension pour moi aider à tenir
aux escoles; de laquelle pension, j'ai trouvé une grand' partie
de mes dépens et trouverai encore, s'il lui plait de sa gr&ce. »
Monslrciet, 1. 1, p. 245.
APPENDICX. 317
106 — page 115 —. « Le due d'Orléans était sorcier >•..
M. Buchon dit que le détail des maléfices du duc d'Orléans,
toujours omis dans les éditions antérieures de Monstrelet, ne se
trouve que dans le ms. 8347. Le ms. du Roi 10319, ms. du
commencement du x?e siècle, est précédé d'une miniature en-
luminée qui représente un loup cherchant à couper une cou-
ronne surmontée d'une fleur de lis, tandis qu'un lion 1 effraye
et le fait fuir. Au bas, on lit ces quatre vers :
Par force le leu rompt et tire
A ses dents et gris la couronne.
Et le lion par trôs grand ire
De sa pâte grant conp loi donne.
' BnehoD, édit. de Monstrelet, 1. 1, p. 30S.)
107 —page 117 — L'Université, le clergé, allèrent dépeu--
dre, etc.*
c Ce dit Jour ont esté despenduz deux exécutez au gibet, qui
se disoient clercs et escolicrs de l'Université de Paris, et au
despendre a eu, comme len dit, plus de XL mille personnes ai>
gibet, et ont esté ramenez en deux sarqueux, à grant compai-
gnie et grans processions des églises, et de l'Université, sonnans
toutes les cloches des églises, jusques au parviz de N. D., entre
X et XI heures, couverU de toile noire, et rendus à lévesque de
Paris par certaine forme et manière, et depuiz portez ou menez
à Salnt-Maturiu où ont esté inhumez, comme len dit, et ce fait
par ordonnance royal. » iQm^ïiiÙS. Archives, Registres du Par-
Ument, PlaidoirUs, Matinée VU folio 93; ei Conseil, vol. XIH,
folio 26*
108 — page 117 — Deux messagers de Benoit XÏU avaient
apporté des Mies menaçantes.,.
c A esté présentée au roy, dès lundi, comme len disoit', une
bulle par laquelle le pape Benedict, qui est lun des contendcns
du papal, excommunie le roy et messires ses parents et adhé-
rons. Et qu'il en avendrat Diex y pourvoie! ■ Archives» Be-
gistres du Parlement, Conseil, Xlll, folio 27.
318 APmOMCB.
109 — page lld — Ctê wtoiltfntfr, àlram§Êri mue loà, aux
hommes et aux afmrm^ etc..»
« Theologi atqvt arlisUe^ îo di8|raUtioiiibat magis qian
processibns experti... Unde inter eos alqiie ia jure periiofi pli-
riesorta verbalis diaeordia. » HeU§iiÊUPf ms.^ foU» 563.
110 ^ page 119 — Im diux mtmmfmrrém jMipt fmmt tnm
par les rues, etc.,
c Au jour dui entre 10 et 11 heures les prélas et dergiedc
France assemblé au Palaiz,$ur le fait de TËglise, ont esté ame-
nez maistre Sanceloup, nci du pair Darragon, et un che\aa-
cheur du pape Bcnedict qui fu devers nei de Castelle, en
2 tumbereaux , chascen deulx ve&tua dune -tunique de lotlle
pcinete, où csloit en briaf effigîée la manière de la présenlaiion
'desmauvescs bulles dont est mention le 21 de may cy-dessas,
et les armes du dict Benedict renversées et autres choses, et
mittrez de papier sur leurs têtes, où avoit escriptures da !ait,
depuis le Louvre où cstoienl prisonniers, avec plusieurs aalres
de ce royaume, prélas et autres gens déglise, qui avolcnt fa\o-
risé aux dictes bulles, comme Icn dit, jusques en la coarlda
Palaiz en molt grant compaiguie de gens à trompes, et là oot
esté eschafaudez publiquement et puiz remenez audit ^joavrc
par la manière dessus dicte.» Archives, Registres du PisrUmat,
Conseil XllI, folio 39, août 1408.
111 — page 120 — Le parti de Benoit et d'Orléans se fortifaii
à Liège».,
V. les curieux détails que donne Zanfliet sur la fraetioR des
l/nVroiY. Cornelii Zanfliet Leodiensis monaehi Chronicon, ap.
Nartène Ampliss. Coll., t. V, p. 365, 366. Le Religieux et Moo-
slrelct sont fort étendus et fort instructifs. Placcnlius (Caia!o«
gus, etc.) est peu détaillé.
1 12 — page 121 -^.Ls duc de Bourgogne ordonna le massacrs
des prisonniers.,.
« Y ont esté occis... de vîngl-quatre à viogt-six mille Liégeois,
comme on peut le savoir par restimalion de ceux qui oot >u
les noms... Nou&avons bien perdu de soixante à auaire-viog^^
APPENDICE. 319
chevaliers ou cscuycrs. > Lcltre du duc de Bourgogne. V. M. de
Barantc, l. III, p. âll-212. 3« édilîon.
113 — page 122 — On savait qu'il avait payé de sa personne.,.
€ Comment en décourant de lieu à autre, sur un petit chevaU
exhorta et bailla à ses gens grand courage, et comment il se'
maintint jusques en la fin, n'est besoin d'en faire grand'décla-
ration... Oncques de son corps sang ne fut trait pour icclui
jour, combien qu'il fut plusieurs fois travaillé. » IHonstreIct,
l. Il, p. 17.
114 — page 1|2 — La r^ilte et les princes étaient revenus à
Paris.,.
c Dimanche 26 août 1408... Entrèrent à Paris et vtndrcnt de
Ucleun }a royne et le dauphin accompuigniés, environ quatre;
heures après disner, des ducs de Borrî, de Bretoignc, de Bour-
bon, et plusieurs autres contes et seigneurs et granl multitude
de gens darmes et alèrcnt parmi la ville ]oger au Louvre. —
Mardi 28 août... Ce dict jour entra à Paris la duchesse Dor-
léans, mère du duc Dorléans qui à présent est, cl la royne d'An-
gleterre, femme du dict duc, en une litière couverte de noir à
quatre chevaux couverts de draps noirs, à heure de vespres,
accompaignée de plusieurs chariots noirs pleins de dames et
femmes, et de plusieurs ducs et contes et gens darmes. t Ar-
chives, Begisirts du Parlement, CoJiseil. vol. XUÏ, fol. 40-41. —
Les princes s'accordèrent pour déférer, dans cet intervalle, un
pouvoir nominal à la reine et au dauphin : t Ce V» jour (5 sep-
tembre 1403) furent tous les seigneurs de céans au Louvre en la
grant sale, où estoient en personne la -royne, le duc de
Guienne, etc. (Suit une longue série de noms)... en la présence
desquclz... fu publiée par la bouche de maistre Jeh. JouvcncI,
advocat du roy, la puissance oclroiée et commise par le roy à
la royne et audit mons. de Guienne sur le gouvernement du
royaume, le roy empeschié ou absent. > Archives, Ibidem, Coh"
seil, vol, Xlll, fol, 42 verso.
115-^ page 126 — Brisé qu'il était par la torture^ Montaigu
affirmail,..
320 APPENDICE.
t Affirmasse quod tonnenlorum violcntia ( qna et mannsdis-
locatas et se ruptum circa pudenda monstrabat) illa confessas
fuerat, uec in aliquo culpabilem dacem Aareliancnsem nec se
etiam reddcbat nisi in pecuniarum regiaram nimia consomp-
tionc. > Religieux, ms., folio 633.
1 16 — page 128 — Ce eonseti interdit la Chamhre des eompla...
c Et quia à longo tempore, D. Camerœ compiitoniin egre
ferentes quod Rex manu prodiga pecunias muUis etiam iodi-
gnis consueverat largiri, dona in scriptis redigebant, addenles
in margine Reeuperetur, Nimithahuit; statu lam est ut registrnm
prœsidentibus traderetur, qui quod nimium fuerat ab ipsis ant
eorum bseredibus usque ad ultimum quadranlem; cessante
omni appellatione, extorquèrent. Omnes etiam Dominos Ca-
. meree computorum deposuerunt, uno duntaxat exceptoqui vices
suppleret omnium, donec... » Religieux^ me., folio 639. —Voir
aussi Ordotinances, t. IX, p. 468 et seq.
117 — page 129 — Cet argent s'était écoulé eam q»on ni
comment, . .
Au milieu de cette délrcsse, nous trouvons, entre autres dé-
penses, un mandement de Charles VI pour le payement de ses
veneurs. L'acte est rédigé dans des termes très-impératifs et
très-rigoureux. A la suite de la signature du roi viennent ces
mots : t Garde qu'eu ce n'ait faute. • Bibliothèque royale ^nits-f
Fontanieu 107-108, ann. 1410, 9 juillet. — < Pour une piirc
d'heures, données par le roi à la duchesse de Bourgogne, 600
dcus. > ^Ibidem, 109-110, ann. 1413.
118 — page 131 — Le chancelier de Notre-Dame t^emporia
jusqu*à dire,,,
< Nec reges digne vocari, si exactionibus injustis opprimsDl
populum suum, sed quod eos depositione dignos possint raùo-
nabilitcr rcputare, in annalibus antiquis possunt de niullis
légère. > Religieux, ms,, fol. 675, verso.
119 — page 132 note « Dans une de ces alarmes, etc..
« Ce dlct jour, pour ce que le Roy notre Sire, accompaignié
APPENDICE. 321
ce moTt ae princes, barons et chevaliers et grant nombre de
gens darmes, estoit venu loger au Palaiz, et pour lesgensdarmes
esloient pleins les hostclz tant de la Cilé que du cloistrc de
Paris, et par tout ouilre les pons par devers la place Maabert
sans distinction , hors les seigneurs de céans pour lesquels a
esté ordené, comme a dit en la chambre le prévost de Paris, qui!
en leurs hostclz len ne se logera pas^ et que en telz cas aven-
tare seroit que les chambellans du Roy notre dit sire ne preis-
sent les lournelles de céans, esquelles a procès sans nombre qui
seroient en aventure dcstre. embroillez, fouillez, et adircz rf
perdus, qui seroit dommage inestimable à tous de quelque esta»
que soit de ce royaume ; j'ay fait murer l'uiz de ma tournelle^
afin que len ne y entre, car: In armigero vix potest vigere rafto.»
Le greffier a dessiné un soldat sur la marge, archives, Régis*
très du Parlement^ Conseil, XUI, folio 131, verso^ 16 sep^
tembrs 1410.
120 — page 134 — Dans les vraies usances bretonnes^ le foyer
restait au plus jeune...
Origines du droit, page 63 : Uscment de Rohnn : c En succes-
sion directe de père et de mère^ le fils juveigneur et dernier
né desdits tenanciers succède au tout de ladite tenue et en
exclut les autres, soient fils ou filles. ». — Art. 22 : « Le fils
Juveigneur, auquel seul appartient la tenue, cpmme dit est,
doit loger ses frères et sœurs jusqucs à ce qu'ils soient mariés ;
et d'autant qu'ils seroient mineurs d'ans, doivent les frères et
soeurs estres mariés et entretenus sur le bail et profit de la
tenue pendant leur minorité; et estant les frères et sœurs
mariés, le juveignieur peut les expulser tous.» (Coutumier géné-
ral.) — Celle loi me semble conforme à l'esprit d'un peuple
navigateur et guerrier qui veut forcer les aînés, déjà grands cl
capables d'agir, à chercher fortune au loin. — Voir ibidem sur
le droit d'aînesse.
121 — page 137 — Les Armagnacs poussaient la pii^trt avec
une violence inconnue jusque-^là, etc..
Vaisiclte, llist. du Languedoc, t, IV, p. 282. Néanmoins i!s
conservaient toujours des liaisons avec les Anglais. Le Parlc-
IV. Si
992 APPENDICE.
ment leur fait un procès en 1395, à ce sujet. Ârdtitfes, Ee^
fret du Parlement^ Arrêts^ XI, ann, 1395.
122 — page't38 — La légèreté impie des Armagnacs,.,
Cette légèreté méridionale est sensible dans les prorerbe?,
particulièrement d ns ceux des Béarnais; plusieurs sonl fort
irrévérencieux pour la noblesse et pour l'Eglise :
HftbiHftt liï biuloii,
Qo'AQrA Tair du btpon.
Habillez un bftUm, il aora l'air d'un bâton.
^ Las aoufcièraftet kms knbii^aioii
AU» cixras b»n miqya eitpQiia.
Les sorcières et les loups-garous font manger des ehapoos
aux curés, etc., etc. Collection de Proverbes Méantais^ m., m-
muniquéepar MM, Picot et Badé, de Pau.
123 — page 139 •— Les Armagnacs à Saint^Denis,,,
Les Parisiens croyaient néanmoins, et non sans apparcocc,
que les moines étaient favorables au parti d'Orléans. Le tru.t
même courut à Paris que le duc d'Orléans ^^élaitfdit couroaofr
ro.I de France dans l'abbaye de Saint-Denis. Religieux, niJ./f.TOl
verso,
124 — page 141 — Le duc de Bourgogne avait fait puUlkr î
grand bruit dans Paris, etc..
€ Indeque rabics popularis sic exarsit, ut omnes ulrînsquî
sexus absque erubesccntiœ vélo ducibus publiée mal edicenics,
orarent ut cum Juda prodilore aelcrnam perciperentporlionem.'
Reîi§ieuXj ms, folio, 734.
125 — page 142 — Les fréquents appels à l'opinion publii^i
^U9 font ks partis,,.
Le plus important pcut-ôtre de ces manifestes est celai (fJ^
le duc de Bourgogne publia au nom du roi, le 13 février liiî.
Il y demandait une aide à la langue d'oil et à la langue d'oti
et es «OD fiait la perœptÂmi à ira bouiçebis de Paris. Pcéak-
blemeat il y lait une longée histoire apologétique des ûémèiés
de la YDaiaoa jde fionrgogae avec oalle d'OrÛana. Il y HMe
Paris; il entre dans le ressentiment du peuple contre laa eacès
des gens d'armes du parti d'Orléans. Il fait dire au roi : c Nous
feusmes deucmcnt et souffisamment ioformés .qu'ils tendoient
à débouter du tout Nous et notre génération de notre royaume et
seigneurie. > BibL royale^ mes., Fontanùu^ i09-ii0, an». i412>
idfénrier; diaprés un vidimms de la vicomte. de itoifati.
126 — page i43 .— Am front de la catkàdrale de Chmrtret, «n
sculpte la figure de la Libère.,,
Voir le èurieux rapport Ae H. ûidron, daoa le Journal do
rinslruolion publique, 1839.
127 page 145 — démengie implore Vmterveniion du Park*
ment.».
€ 0 Clariaaimi prœsides vegiorum iribunalium, casterique ce-
Jeberrimi judices, qui illam egregiam Curiam illuslralisr exper-
giscimini tandem aliquando, et regni non dico statiim« ^uia
non statt sed miserabilem lapsum aspicite... (Le juge 4oit
comme le médecin) non tanium .morbis cum exorli Xaerint
subvenire, sed praestantiori etiam cum gloria, salubri ante prae-
servatione, ne oriantur propisccre. > Nie. Clemeng., Epistol.,
t. Il, p. 284.
128 — page 146 — Ce long travail de la transformation du
droit,
n est ceriaiu d'obeerrer le oommtBeeinent de -ce grand tra-
vail dans les registres dits Olim. On y trouve déjà des déiatis
curieux sur la procédure. Deux employés des Asduves,
MM. Beasailes et Duclos, en prépareat la publioaliOB aaaa èa
directicm de M. le comte Beugnot.* Voir anbsidiaîraaneat les
notices de MM. &limralh, Taillandier et Bcugnot, sur nos ao-
ciens livres de droit et sur l'immense collectioD des regisifeaéu
Parlement. -- Toutefois il ne faut pas oublier que ces regislres,
màaiQ Olim , que ces livres , môme ceux du xiuo sièc'e,
contiennent moins le droit du moyen âge que la destruction du
3S( àpfsrdicx.
droii du tnoyen âge, 11 faudrait remonter aa droit fkàd, an
droit êceléiiastique, tels qu'on les trouve dans les chartes, dans
les canons, dans les rituels, dans les formules et symboles juri-
diques.
129 — page 147 — Le Parlement avait porté une untena ai
mort et de confiscation contre le comte de Périgord...
Il serait plus exact de dire : Comte en Périgord. II D'avaii
guère que l^neuvième partie du département actuel de laDor-
dogne (mes. inédits de M. Dessalles sur l'histoire do Péri-
gord). D'après une chronique ms, qu'a retrouvée If. lérilboo,
la chute du dernier comte aurait été décidée par un rapt qu'il
essaya de faire sur la fille d'un consul de Périgueux, pendact
une procession. Le procès énumère bien d'autres crimes. Rien
n'est plus curieux pour faire connaître les détailsde celte inter-
minable guerre entre les seigneurs et les gens du roi. Le prin-
cipal grief c'est que, à en croire l'accusation, le comte disait
qu'il voulait ôtre roi et agissait comme tel : c Jactabat palamel
publiée fore se REOEif...Acertumque judicem pro appellationi-
bus decidendis... constituerat... a quo non permitlebat ad Nos
velad... Curiam appel lare. » Archives, Registres duparUsuat^
Arrêts criminels, reg, XI, ann, 1389-1396.
130 — page 149 — La plupart des collèges, etc..
Du Boulay donne tout au 4ong les constitutions de ces col-
lèges, t. IV et V.
131 — page 150 — L«t Carmes voulaient remanier^ yai
que le christianisme,,.
Cette prétention produisit au xvii« siècle une vive polémique
entre les Carmes et les Jésuites. Ceux-ci, qui n'aimaient guère
plus la poésie du moyen âge que la philosophie moderne, atta-
quèrent durement l'histoire d'ÉUe ; ils prirent une massae de
science et de critique pour écraser la frôle légende. Les Car-
mes, en représailles, firent proscrire en Espagne les Acla des
Bollandlstes. Héliot , Histoire des Ordres monastiques, t. li
p. 305-310.
APP£NDICB. 325
132 — page i5i -^ La remontrance de V Université au roi,,,
■ Le passage le plus important est celui où l'on compare les
dépenses de la maison royale à des époqurs différentes ; c Ad
priscorum regum, reginarum ac liberorum suorum conlinuai-
dnm statum magnificum et qnotidianas expansiones 94,000
fraitcomn auri abunde sufficiebant, indeqqe i^reditores débite
contentabantur; quod utiqne modo non fit, quamvis ad prae-
dîctos usus 450,000 annuatim recipiant. > Religieux, me.,
foin 761.
133 — page 152 -« Les maîtres bouchers, , .
Cette antique corporation ne fit pas inscrire ses règicments
parmi ceux des autres métiers , lorsque le prévôt Etienne Boi-
ieau les recueillit sous saint Louis. Sans doute les boucbers
aimèrent mieux s'en fier à la tradition, à la notoritété publi-
que, et à la. crainte qu'ils inspiraient. V. M. Depping. Introd.
aux Règlements d'Et. Boiicau, p. LYI; et Lamare, Traité de la
police, t. Il, livre Y, tit. XX.
134 —page 152 — - Ces Hau» passaient t comme des fiefs, d'hoir
en hoir, etc..
Félibien , t. 11^ p. 753. Sauvai , t. I, 634, 642. V. aussi les
Ordonnances, passim. L'une des plus curieuses est celle qui
fixe la redevance de chaque nouveau boucher envers le celle*
rier et le concierge i de la Court-le-Roy > (du Parlement).
Ordonnancea, t. Vi, p. 597, ann. 1381.
135 — page 153. — Le boucher Alain y achète une lucarne
pour voir la meue de chez lui. . .
• Une vue de deux doigts de long sur deux de large. » Vi-
lain, Histoire de Saint^acques-la-Boucherie, p. 54,.ann. 1388 «
1405.
136 ^ page 154 — Leur crainte était que le dauphin ne res»
semblât' à son père.,.
• Si ab aliquo praepotente (ut publiée ferebatur) inducti ad
hoc fuerint lune non habui pro comperto; eos tamen non
ignoro ducia Guyennie nociurnas et indécentes vigilias,
3S0 AffWWCK»
ejus eomnressBtfones et modam inorâhiataiii-weadiiMlesâs-
srnre tulisse, timentes, sicai dicebant, n» ioDftmiutcai pi^
terns similem ' inrcarroreli ra âtâevmv regain • Jtoiifiw», Mi,
fotio 778.
i37 — page f 50 -^ Lltygiine applîijnèe ei f^ jiodii^, efe...
V. le sermon de Gerson sur la: santé corporelle et spirifutllc
du roi , cl la lettre de Cidmengrs, mfîhriée : De polîU» GaIIh
canœ aegriludine^ per met^phoram corporis humani lfpsi*et
consumpli. Nie. Clemeng. Epist., t. II, p. 300. Ces comparai-
sons abondent encore av rm« sièeie, el jtnqae dam. ks pd-
faces de 'Corneille.
138 ^ page 158 — . Les ^onienV «on/imml g&réêr k fkèi
duc de Bourgogne,.,
Ce fait ai important ne se troirye que dans^le Religieux. Les
historiens du parti bourgufgiron, Iffonsirctei, îfeyer, B*endis«flt
rien. Meyer passe sur tout cela comme sur des eharlMni . —Ce
fut Paris qui s'entremit en celte affaire pour ceux de Gand:
t Regali censiiio (preepo^Mi nvereaK^rum et scabiaeraii^ hri-
siensium validie precibus) ut Dominus Cornes de Cbarolob,
primogenirus dvcis Brigua diae*., etua nxore sua, ûlia. Régis, io
Flandriam dueeretar. .., GaBdaveiifiiiiiii<bargBaaes ob«iAMfiaL>
Religieux, ms,, 729wr<v.
139 — page 160 — Les Umverti^edre^sexrèvmweM m
dis Carmes.,,
Lisez cette grandescène dans Jarénal des deaiiEi, p^ Salffî-
Cet bislorien médiocre, qui sem-ble ordinarrensnâ s^ coBleiier
d'abréger le Religieux, présente 'cepend^Lisl de ploa qneiqocs
détails importants qnll ayatl afifiris.de sod pftrv,
140 — page 161 — Le seul Pavilly s*obstina, etc.
JuTénal affirme, atuc une légèreté iiniveHlamlfe,.qM le Canne
tirait de Targent de tout cela. Quelqu'un^ diMl,. parla poor
sauver Desessarts qui était a« Cliéialet, en grand ëajifer : « ^'^^
le dit de Pavilly qui tendoU fort cm profit de ses bùurwe, el s'io-
tércssoit fort avec les Gois^ Saiati^wia. et leoss aUiez, vaula^
APFSfiHMCB. 327
moBtrar qoe la pruB des personnes estoit dament faUe et qu'il
falloii ordonner commissaires pour faire leur procès* > Juvénal
des Ursins, p. 252.
141 _ page 161 — c // y a de mauvaiêêê' hên^ cm jardin de
Is remê »^..«
Jean, de Troyes avait dé}à employé, la mtoe métaphore :
Eradieenlur hevh» malas, ne impediani florem javentuiis vestrae
viittttum frnetoaedorifero» piodacerei viMt^ftetM^ «m. , 7So't$r*o.
— Celle poésie de: jardinage plaisait fort au peuple desnlles,
tonjoura enfenné, ei d'autant pius^ amoowiU) de la. eampagoe
qu'il ne la voyait paa. On la reiaoate partout dafts leS' Meister-
saenger, dans Hans Sach», e&e. IL est vrai qn*eUe n'y eai^ pas
mise à l'usage du meurtre, oomme ici.
14Η page 163— Sauf quelques articlet trop mhmhetisret
d'une rédaction enfantine, cic. . .
V. rarlicUî sur « Nostre bonne couronne desmembrée, et les
Courons d'icclle baillez en goige... « Ordonnances, t. X, p. 92;
cl l'article sur les aides de la guerre, dont l'argent sera serré :
« En un gros coffre , qui sera mis en la grosse tour de Nostre
Palais , on ailleurs en lieu sûr et secret, ouquel coffre aura
trois clefs... • Ibidem, p. 96,
li3 — page 168 — Jean Courteeuisse, célèbre docteur de VUni^
versiféf prêcha sur Vexcellence de V ordonnance,,.
Du Boulay rapporte à tort ce sermon ^l'année li03. Cepen-
dant le titre qu'il lui donne lui-môme devait rnvcrtir qu'il
est de 1413. Aura-t-il craint, pour l'honneur de rUnivcrsité,'
d'avouer les liaisons d'un de ses plus grands docteurs avec lc(
Cabochiens ?
144 ^ page 169 « Bs commencèrent le pont Notr&'Dame,..
« Cedii jour fnt nommé le pont de la Planche de Mibray le
Pont Noitre-Damet et le nomma le roi de France •Charles, et
frappa de la trie sur le premier pieu, et le duc de Guicnne, son
fils, après, et la duc de Bcrr}*, cl le duc de Bourgogne, et le
328 APPENDICE.
sirc de la Trémoaille. > Journal du bourgeois de Paris, 10 mai
lil3, éd. Buchon, t. XV. p. 182.
145 — page 171 — La religion de la royauté était encan en-
tière, et le fut longtempe...
Voyez si longtemps après l'extrême timidité du chef de la
Fronde. Il eut peur des Ëtals*Généraux (Retz, livre il), peur
de l'union des villes (livre lil) : « J'en eus scrupule, « dit-il.
11 eut peur encore de se lier avec Cromwell. Mazarin, toatca
défendant Tautorité royale qui était la sienne, avait appa-
remment moins de scrupule, s'il est vrai qu'après la mort de
Charles I«r, il ai^ dit dans sa prononciation italienne : t Ce M. de
Cromwell est né houroux (heureux). »
•
146 — page 171 — L'avocat général Juvénal.,,
Voyez au Musée de Versailles la longue et piteuse figure de
Juvénal , et la rouge trogne de son fils l'archevêque. Le père
n'en fut pas moins un excellent citoyen. Son Qls rapporte un
trait admirable de fermeté à l'égard du duc de bourgogne,
p. 222, note 2.
147 — page 173 — Le charpentier GuUlaume Ciraue,..
V. les armoiries de Guillaume .Cirasse, dans le Recueil des
armoiries des prévois et échevins de Paris ( exemplaire colorié
à U hibl. du cabinet du Roi, au Louvre).
148 — page 175, note — Le roi désirait fort traita, etc.
Un grand seigneur vient trouver le roi au matin pour fanimer
contre les Bourguignons, t Le ro^' estant en son lict, ne dormoit
pas et parloit en s'esbatant avec un de ses valets de chambre,
en soy farsant et divertissant. Et ledit seigneur \int prendre
par dessous la couverture le roy tout doucement par le pied,
en disant : Monseigneur, vous ne dormez pas? Non, heaa cou-
sin, luy dit le roy, vous soyez le bien venu, voulex-vous rien!
y a-l-il aucune chose de nouveau? Nenny, Monseigneur, luy
respondit-il, sinon que vos gens qui sont en ce siège, disent
que tel jour qu'il vous plaira, verrez assaillir la ville, où sont
vos ennemis et ont espérance d'y entrer. Lors le roy dit , que
ÀPPBNJICB. 329
son cousin le duc de Bourgogne vouloît venir à raison , et
mettre la ville en sa main , sans assaut, et qu'il falloit avoir
paix. A quoy ledit seigneur respondit: Comment, Monseigneur,
voulez-vous avoir paix avec ce mauvais, faux, traistre et des-
loyal, qui si faussement et mauvaisement a faict tuer voslre
frère? Lors le roy, aucunement desplaisant, luy dit: Du con-
sentement de beau iils d'Orléans, tout lui a esté pardonné.
Hélas, Sire, répliqua ledit seigneur, vous ne le verrez jamais
voslre frère... Mais le roy lui respondit assez chaudement;
Beau cousin, allez-vous-en; je le verray au jour du Jugement, i
Juvénal, p. 2-3.
149 — page 176 — Dès qu'U s'agit de rÉglise, Gerson est ré-
publicain..,
V. les œuvres de Gerson (éd. Du Pin), surtout au tome lY,
et les travaux estimables de MM. Faugèrc, Schmidt et Thomassy.
Je parlerai ailleurs de ceux de MM. Gence, Gregori, Daunou,
Onésyme Leroy, et en général des écrivains qui ont débattu la
question de Tlmitatiob.
150 — page 179 — ^augmentation des dépenses tenait à ravi*
lissement progressif du prix de V argent..,
Clémengis s'étonne de ce qu'un monastère qui nourrissait
primitivement cent moines n'en nourrit plus que dix (p. 19).
Qui ne sait combien en deux ou trois siècles changent et le
prix des choses et le nombre de celles qu'on juge nécessaires?
Pour ne parler que d'un siècle, quelle grande maison pjDurrait
être défrayée aujourd'hui d'après le calcul que madame de
Vaintenon fait pour celle de son frère? Voir, entre autres ou-
vrages, une brochure de M. le comte d'Hauterive : Faits et
observations sur la dépense d'une des grandes administra-
tions, etc.; deux autres brochures de M. Eckard : Dépenses
effectives de Louis XIV en b&timents au cours du temps des
travaux et leur évaluation, etc., etc.
151 — page 180 — CUmengis.,. d'AiUy. . ,
Je ne veux pas contester le mérite réel de ces deux person-
nages, qui furent tout à la fois d'émincnts docteurs et des
k. mmes d'atctiaai D'AtUy fui l'une. dtS'^oiiifs ^g la^gnnda
école gallicane do eollô^a de Navarre ; il y forma Cléracngis et
Oerson. ClémeDgis ùA «a boa éorivain polémiqtae, mordinl,
amusant^. sM^ (eomae. aurait dit Satal^mon). Y. la ubleaa
^«'il fait de la ser?itiide et de la< servilitô da ^pe d'Avigooo,
ûanale livre de (a Corroption- de l'Église, (p 26). Laconelasioa
dulivre est trèa-éloq^eD&e; C'est une. apostrophe aa Christ; les
protestaota peuiieal^y voir uae prophétie de la Eôforme : t Si
tuam vioêftia'.labrasGbEi aanticosiaque vii^Uis- palmites soffo-
'Oantibua okaept«Ba« iofraotifea^m; via. ad naturam redaoere,
qnismelior modns id agendi, quam inutiles stii^ies eam steri-
lem efficientes quae falcibus emputatœ pullulant, radicitns
evellere,viJioamq^e ipsam* aliia aip'icelis locatam novismr-
sum autifcracibus et fructiferis palmitibus inserere?... Hâecnon
i^si ejûigua-suot dolorum initia et suavia quidam eorum q^t:a?
sopersuatprcBituiMk. Sedtempuserat, ut portum, ingraente jam
iempestale, peteremua« ooslrsque in. bis periculis saluti con*
fuleremus, ne tsmta procellarum vis, qua& laceram Peiri navi-
culam validiori turbinis impulsu, quàm ulla aJias tempore
coneussura est, in mediis nos (luctibus, cum bis qui mérite naa-
fpagio pcrituri suA, abaorbeaX. > Kic* Clcmeng. De corraplo
Ecclcsiam slatu, t. T, p. 28,
452, •. page 18i — ..» U. piquant réquisitoire du concile contre
tes detM papes réf^actaires ...
Conciliufn Pisanum^ap. Goucil. cd. Labbe et Cossart, 1671;
t, XI, pars II, R* 3172 et seq^
153 -^ page i82< — Ces ennemis aaharnéi s'entendent aa fonda
merveille,, m-
t Habentes faoies^diversa8r...,.sed caudas habent ad inviceoi
^ligatas, v de vanitate oonveniant*. > Ibidem, p.- 2183. —
« ... Volcbat ujAum pedem: teueise in aqua* et aiium in terra. *
t Ibidem, p. 2184. *
154 — page 183 ^ Lorsque Yalta éUoaiL les premiers iasUi
e«r l'authenticité des^dèerètales,*,
Non -seulement VaUa » maia.Gomoii^idaoaaouépUre De mo-
(l?a ttiii«i!^i ad refiBmBOHkë EcciesMa, p. i9k S«r¥alla, lire a»
article excellem de la Bii^rpaiphie usÂv^rseUe (j^ II. Vignier),.
t.'XLVIUp. 3I6-303L — .c Bear papes oml pemis à BalUrinida
critiquer, à Bdme aéiner tes âtuaaes déeréittles. PoBrc|ttoir na
les ont-i!s pa& révoquées ? Poor la mène raison que. les roia de
France- n'oHt pas réveqaié les faUes ppUiiquea relalives asx
douze piiirs de Cfcarfcfmagae, ni les Kmpereaes celles qui ae.
rallachent à l'origine des conrs Welnsques^ eic, > Tello est U
réponse de Tingénieux M. Walter. Waller, Lerhbucb des Kir*
chenreebts:^ Bonoy i83a, p. iA4;
m
I8i^ — page: 183 — Maymowé ImOb i^jauvo: au» piidt <U sm At'-
Bor qwi finiitaU la JsoiastifMtf. ..
Voir la cnriensejpiéfiKe. ftaymnndi Lullii Majoricensis^ iil«-
minati palris, Arbor scie n lias. Lugduni, 1636, in«4<> p. 2 ei 3.
156 '-— page lill%->... r9mu»ikr^
Ce verbe^ employé comme neutre , avait bien plus de grâce.
ie ereis qu'on y reTtendea*. V^ Charles d'ârléans (p. 48) :
f Tons jours sa beauté r$nouaêUê, • Et Èustacba Deschaoïps
(p*. 99) : « De joun en joui^votce beanté r$noun$Ue, »
157 — page 184 — Au montent où V Anglais allait fondre sur
la FraneSf etCw.
« Licet quis, conlemnendum esse, quantum ad bella pertî-
net, imêm LoUioringùBt née tantis poUerc viribus, ut domui
andeat Franci» bellûm inferre, non panrus débet bostis viderc
qnem Dieus excitât et propter aliorum adjuvat facinora. > Nie.
Clemengis, U IL, p. 3o7. — On voit de môme dans les lettres
de Maebiavel qu'à la veille d'être conquise par les Espagnols,
l'Italie ne craignait que les Vénitiens, 11 écrit aux magistrats
de Florence : « Vos Seigneuries m'ont toujours dit que la li-
berlfi de l'Italie n'avait à craindre que Venise. > Machiavel, '
letire de février oa mars 1^08.
158 — page 186 — Sur Us cinquante-trois mille fiefs en An*
gleterre, f Église eupossèdaU vingt^huit mille.,,
. lurner, The Uistery of Englaad, during ihe middle âges (cd.
332 APPENDICB.
1830), Tol. ilT, p. 96. On assurait récemment que le clergé
anglican avait encore anjonrd'hni un revenu supérieur à celui
de tout le clergé de l'Europe. Ce qui Dst sûr, c'est qael'ar-
chevéque de Cantorbéry a un revenu pnnze fois plus grand
que celui d'un archevêque français, trente fois pljis grand que
celui d'un cardinal à Rome. Stalislics of Ihe Church of Englaad,
1836, p. 5. V. aussi trois lettres de Léon Faucher (Courrier
français, juillet, août 1836),
159 — page 187 — Le droit d'aineesê en Angleterre.s.
Le 12 avril 1836, M. Ewart voulait présenter un bitl sUtuant
que, au moins dans les successions ab intestat, les propriétés
foncières seraient partagées également entre les enfants; sir
John Russcl a parlé contre, et la motion a été rejetée à ooe
forte majorité.
iOO — page 192 — Shàkeepeare ennemi de$ seeUUrei de Umt
âge,,,
Shakespeare a fait de rares allusions auT puritains naissants,
toutes malveillantes. Voir entre- autres celle qui* se trouve
dans Twelfth Night, act. III, scène lu — Quant à Falslaff, j*ao-
rai occasion d'y revenir.
161 — page 194, note ^^ Vexamen d'Oldcastle par Vardtevé^
de Cantorbéry, etc..
c Dominus Cantuariensis gratiose se obtulit, et paratum fore
promisit ad absolvendum eum ; sçd ille... petere noinit... Coi
compalicns dominus Cant. dixit : Caveatis... Unde dominas
Gant, sibi compatiens... Gui archiepiscopusaffabiliteretsuaTi-
tcr... Coiisequenter dominus Cant. suavi et modesto modoro-
gavit... Quibus diclis dominus Cant. flebili vultu eum alloque-
batur.. Ergo, eum magna cordis amaritudine, processit ad
prolationem scntentiae. • Walsingham^ p. 384. — Elmham cé-
lèbre en prose et en vers les exécutions et les processions.
< Rege jubente... Regiamens gaudet. » Turner, vol. III, p, 141
162 — page 194 — Henri V écrivit aux prélats.,.
De arraiaiione clcri : < Prompti sint ad resistendum contra
APPBNDICB. 393
malitiam înimicorum regni, eciclesiœ, etc. > Rymer, 3« éd.,
vol. IV, pars I, p. 123 ; 28 mai 1415.
163 — page 19& — // complétait $e$ préparatifs..,
Trailé pour avoir des vaisseaux de Hollande, 18 mars 1415.
Presse des navires, 11 avril ; dea armuriers (operariis ar-
cuum, etc., tant intra libertates quam extra)^ le 20 ; presse des
matelots, le 3 mai; recherche de charrettes, le 16; achat de
clous et de fers de chevaux, le 25 ; achat de hœufs et vaches, le
A juin; ordre pour cuire du pain et brasser de la bière, le 27
mai; presse des maçons, charpentiers, serruriers, etc. — 5 juin,
négociations avec le GaUois Owen Glendour; 24 juillet, testa-
ment du roi; défense de la frontière d'Ecosse; négociations
avec l'Aragon, avec le duc de Bretagne, avec le duc de Bour^
gogne^ 10 août; Bedford nommé gardien de rAngleterre,
11, août ; au maire de Londres, 12, etc. Rymer, t. lY, p. 1,
p. 109-146.
164 -— page 196 — Le roi réunit la plus forte armée, etc.
Tels sont les nombres indiqués par Monstrelet, t, III, p. 313.
Lefebvre dit : huit cents bâtiments. Rien n'est plus incertain
que les calculs de ce temps. Lefebre croit que le roi de France
avait deux cent mille hommes devant Arras, en 4414; Monstre*
let en donne cent cinquante mille aux Français à la bataille
d'Azincourt. Je crois cependant qu'il a été mieux instruit sur le
nombre réel de l'armée anglaise à son départ.
165 — page 198 — Un prêtre anglais nous apprend, etc. . •
Ms. cité par Sir Harris Nicolas dans son histoire de la bataille
d'Azincourt (1832), p. 129. Ce remarquable opuscule offre iMle
l'impartialité qu'on devait attendre d'un Anglais jndicienx, qui
d'ailleurs n a pas oublié l'origine française de sa famille. Qu'il
me soit permis de faire remarquer en passant que beaucoup
d'étrangers distingués descendent de nos réfugiés français : sir
Nicolas, miss Martinean» Savigny, Anciilon, Micheiet de Ber*
lin, etc.
ni4 iàmraMW.
4
166 -^ pftge 1^— 7mc« 2eâ fca6tfâiif« êtMmtpmr furm
sis de la viUe,.,
Le chapelain rapporte les lamentations de ces pauvres gens,
et il ajoute, avec une bien singulière j)réoccupation anglaise,
qu'après tout ils regrettaient une posses^on & laqvélle ë» n'a-
vaient pas droit : « For tlie loss of thetr aecuslomed, tk9u$k
unlawful, habitations, s Y. Sir Nicolas^ p. 914.
167 — page 199 — 'Henri Y déclara qme fHarJUur \l nrnt
jusguà CalaiSm..
Celle expédition a été racontée par trois témoins oculaires
qui tous trois étaient dans le camp anglais : Hardyng, un cha-
pelain d'Henri Y, et Lcfebvre de Saint-Kemy« gentilhomme pi-
card, du parti bourguignon, qui suivit l'armée d*Henri. Il n'y a
qu'un témoin de l'autre parti, Jean de Yaurin, qui n ajoute
l^ère au ré:it des iiutres. Je suivrai volouliers les témoignages
anglais. L*hfslorien français qui raconte ce grand malheur na-
lional doit se tenir en garde contre spn émotion, doit s'infor-
mer de préférence dans le parti ennemi.
46^ -^ page iOâ — J> duc de Lorraiusà lui smL oMoamim'
Leitre du gouverneur de Calaia Bardol/, au duc de Bcdford :
4 Plaise à voatre Seignnrie savoir, que par les enlxevenans di-
vers et bonnes amis, repairaus ea ceste ville et marche, asoi
Jtûen hors des parties de France, epmmede FlaundreSt me sait
dit et rapporté plainement que suns faulle le Aoinostre Sei*
gnur... ara bataille... au pluis tarde, deins quinsze jours... que
le duc de Lorenne ait assembleie... bien einquant mt/^ hom-
mes, tft que, tiras qu'ils soient tous «asembléea, ils ne seront
TOOinsde osnltsilte^n pluts* • Bj^mer, t. lY, p.i, p. àiS, 7 oc-
4flière44iô.
t69 — page 301 — Des Ptcarcb «e joiynireHi aseat Am^aà it
pefU-Hre les guidèrsttt. . .
Lorsqu'on voit un de ces Picards, rbkiorien Lefebtre Ae
SaiiU-Rémy, après avoir combatta pour ies Anglais à Axin-
court, devenir le confident de la maison de Bourgogne, le ser-
APPBNDÎCE. 835
vir dans les pdtts importantes missions (L^âbvre, prdlogne,
t. Vfl, *p. ÎS8) et etffin vteiHrr dans cette cour comme hennit do
la Toison d'or, on est bien tenté de croire que Lefebvre, quoi-^
que jeune alors, lut l'agent bôtnpguîgBOn^fèsii'ilaDri Y, 11 no
Tint pas seulement pour .voir la "bataille , las. détails màniUieux
qu'il donne (p. 499) portent à tfoire qu'il smvit l'armâe. an-
glaise, dès son -enttréeen Picardie. 'V. anr fl^eCefane kLinotâoe
de mademoiselle Dupont (Bulletin dela'Sooîété'âe Thiatoirede
France, tome H, ire partie). La savante demoiselle a refait
tonte la vîe dt; Ifefehvre-, ielle:a prouva ^lu'il a;vaU générale--
ment copié Monstrelet; il me parait toutefois qu'en copiani, jl
a quelque -peu modifié le réeit. des faîAs dont il avait été té-
moin ^ocnlatre.
170 — page 202 — Un homme du pti^ .vMit^îre« ete««.
Les deux Bourguignons, Monstrelet et Lefevbre, ne disent
rien de ceci. Ce «ont les Anglais qui nous l'apprei)nent .: i But
êtiddenly, in tbe midst of Iheir despondency, rons of the viUagen
oMnmnnioated to:theking the invaluab le information*. • » Tur-*
%t. U,p.ii23.
171 — page 20^ — te duc de Berri vauUnt que les partis d'Or-
Uans et de Bonrgo^e envoyassent êhacun cinq eents lances.^,
11 avait d'abord fait éerire en ce sens aux deux ducs, avec
défense de venir en personne; c'est oc qulassure ke duc de
"Bourgogne dans la lettre an roi. Huvénal des Ursinav p.' 299.
172 — pageWi — BataiUe d'Avrneoiitrt,,.
Lcfebvre,t. Vîîl, p. 541. BeUgieux,ms,,'9^ verso. Jehm de
Vaurin. Chroniques d'Angleterre^ roi, F, perrhe /, chap, 9, /*. 15
verso; ms. delà Bibliothèque roy aie, «0 6756. — Jean de Vaurin
était à la bataille, comme Lefeb^Te, mais de l'autre celé : « Moy,
acteur de ccsle œuvre, en sçay la vérité, 'car en «elle assemblée
cstoie du costé des François. >
173 — page 240 — Alors survinrent les Anglais^ etc..
« Ictus rciterabont -mortales, inusitato etiam armnrum
génère usi quisqne eorum in parte maxima clavam plumbeûn
336 APPENDICE.
gestabaDt, qa» eapiti alicujas afflicta mox illam preeipilabai
Id terram moribundum. • ReligieiÊX de Saint-Denis^wu., f, 9S0.
174 — page SiO — PuU^ e*ési U dmc ^Aleufon, etc...
Cet embellissement est de la façon de Monstreict, t III,
p. 355. Il le place hors du récit de la bataille, après la longoc
liste des morts. Lefebvre, témoin oculaire, n'a pu se décider
ici à copier Monstrelet.
175 _ page 211— Lé lendemain le vainquenr prit outnAcequi
jtêuvait rester en vie. . .
Lefebvre, t. VIII, p. 16-17, Monstrelet, t. III, p. 347. Je ne
sais d'après quel auteur M. de Barante a dit : Henri IV fit cesser
le carnage et relever les blessés. » Hist. des ducs de Bourgogne,
3e édition., t. IV, p. 250.
176 — page 212 note 2 — Le connétable JfAJbrei...
Le Religieux revient fréquemment {fol. 940, 946, 948) sur
' ces bruits de trahison^ qui probablement circulaient surtout à
Paris, sous rinfluence secrète du parti bourguignon. — Nalle
part ces accusations ne sont exprimées avec plus de force que
dans le récit anonyme qu'a - publié M. Tailliar : Charles de
Labrech, connétable de Franche^ alloit bien souvent boire et
mangier avec le roi en l'ost des Englès... Li connétables se
ienoit en ses bonnes villes et faisoit défendre de par le roi de
Franche que on ne le combatesit nient. > Cette dernière accusa-
tion, si manifestement calomnieuse, ferait soupçonner que
celte- pièce est un bulletin du duc de Bourgogne. Au resXa,
l'auteur cdnfond beaucoup de choses; il croit que c'est Qigoet
de Brabant qui pilla le camp anglais, etc. Dans la même page,
il appelle Henri V tantôt roi de France, tantôt roi d'AngieUrre.
Archivée du nord de la France et dn midi de la Belgique (Valeu-
eiennee), 1830.
177 ~ page 212 — Le file du due de Bourgogne filàtoui têt
morts la ejiarité Sune fosse.,.
Monstrelet, t. III, p. 358. Selon le récit anonyme publié par
M. Tailliar, on ne put jamais savoir le vrai nombre des morts;
APPENDICE. 337
ceux qui les avaient enfouis jurèrent de ne point le révéler.
Archives du nord de la France (Valenciennee), 1839.
• 178 — page 215 — Lee Français nourrirent les Anglais..,
• De suis victualibus refecerunt. > Walsingbam, p. 342.—
Walsingham ajoute une observation de la plus haute importance:
cNempemos est utrique genti. Angliœ scilicet atque Galliœ,
licet sibimet in propriis sint infesti regionibus, in remolis
partibus tanquam fratres subvenire, et fidem ad invicem invio-
iabilem observare. > Walsingham, ibidem. — C'est qu'en effet»
ce sont des frères ennemis^ mais après tout des friree.
179—- page 215 — ...dês vers charmants, pleins de bonté et de
douceur éP âme...
Malgré cette douceur de caractère, Charles d'Orléans avait eu
quelques pensées de vengeance après la mort de son père. Les
devisesqu'on lisaitsursesjoyaux,d'après-un inventaire de 1409»
semblent y faire allusion : c Iiem une verge d'or, où il a
esQript, Dieu le scet. — Item une autre verge d'or où il est
escript, t^ est loup. » Item une autre verge d'or plate en laquelle
est escript, Souviegne vous de, — * Item deux autres verges d'or
es quelles est escript, Inverbesserin. — Item un bracelet d'ar-
gent esmaillié de vert et escript, Inverbessirin. Inventoire des
joyaulx d'or et d'argent, que monseigneur le duc d'Orléans a
par-devers lui, fait à Blois en la présence de mondit seigneur,
par monseigneur de Gaule et par monseigneur de Chaumont,
le iii« jour de décembre^ Tan mil cccc et neuf, et escript par
moy Hugues Perrier, etc. > — Cette pièce curieuse a été trouvée
dans les papiers des Célestins de Paris. Archives du royaume,
L. 1539.
180 — page 215 ~ Charles d'Orléans passa de longues années à
Pomfret, traité honorablement...
V. le détail curieux d'un achat de quatorze Tts pour les prin-
cipaux prisonniers : oreillers, traversins, couvertures, plume,
satin, toile de Flandre, etc. Rymer, 3«édit., t. IV, P. I, p. 155,
(mars 1416).
IV. 22
338 APPENDICE.
£81 __ page 216 - ^otre Bèrarhjer du xyc siècle...
Pour compléter un Déranger de ce Icmps-là, il faudra!
joindre à Charles d'Orléans Euslache Deschamps. 11 représente
Réranger par d'autres faces, par ses côlés palriolique, sali-
rique, sensuel, etc. V. la pièce : Paix n'aurez jà, s'ils ne ren-
dent Calais, p. 7J.— U s-élèvc quelquefois très-haut. Dans la
ballade suivante, il semble comprendre le caractère lilauique
et salaniquc de la patrie de Dyron (V. mon Introduction à
l'histoire universelle):
Selon le Brut, de Tisle des Géans,
Qui depuis fut Albions appeler,
Peuple maudit, tar dis en Ditu crcans.
Sera l'isle de tous poins désolée.
Par leur orgueil vient la dure journée
Dont leur prophète Merlin
Pronosiica leur doloreuse fin,
Quant il eseript Vie perdrez et terre.
Lors monstreront esirangiez et voisins :
Au temps jalis estait cy Angleterre,
Visaige d'ange portez (ai^gli angeli), mais la pensée
De diable est eu vous tou dis sortissans
A Lucifer
Destruîz serez; Grecs diront et Latins :
Au temps jiitlis estait ey Angleterre.
18â — page 216 — Lf sourire y est près des larmes,..
Fortune, vuoillicz-moi laisser, p. 170 (Poésies de Chnilos
d'Orléans, éd. IS03). — Puisque ainsi est que vous allez en
France, Duc de Dourbon, mon compagnon très-cher, p. 200.—
F:i la forêt d'ennuyeuse liislcs.<e, p. ^209. — En regardant \er3
le pays de Franco,' p. 3:2;J. — Ma irès-doulcc Yalculinte, Pojr
M<.y fuMes-vous trop lût née, p. 209.
C'est l'inspiration des vers de Voltaire :
Si vous voultz que j'aime encore,
HonJez-moi l'ùge des amours...
m
Et celle de Déranger:
Vous vieillirez, ù ma belle maîtresse,
Vous vitillirez, et je ne serai plus.,.
APPENDICE. 339
183 — pngc 216, note — Il y a pourtant un vif mouvement de
passion, etc..
Le pauvre prisonnier eut encore un autre malheur; il fut tou-
jours amoureux; bien des vers furent adressés par lui à une
belle dame de ce côlô-ci du détroit. Les Anglaises, probable-
ment meilleures pour lui que les Anglais, n'en ont pas gardé
rancune, s'il est vrai qu'en mémoire de Charles d'Orléans et de
sa mère Valenline, elles ont pris pour fôle d'amour la Saint-
Valentin. Y. Poésies de Charles d'Orléans, éd. 1803. (Note de la
p W.)
18i — page 216 — Cest Valouettê, rien de plia...
Le temps a quitté son manteau
De yent, de froidore et do pluie...
Idem, p. 257.
Ces jolis chants d'alouette font penser à la vieille petite chan-
son, incomparable de légèreté et de prestesse :
J'étais petite et simplette
Quand à i'ccole on me mit
Et je D*y ai rien appris...
Qu'on petit mot d'amourette...
Et toujours je le rediâ.
Depuis qu'ay un bel amy.
185 — page 220 — Moururent en quelques wioif... le dau-
phin, etc..
fCc dit jour Mons. Loiz de France, ainsné filz du Roy, notre
Sire, Dauphin de Viennoiz et duc de Guiennc, moru, de laagc
de vint ans ou environ, bel de visaige, suffisamment grant et
gros de corps, pcsans et tardif cl po agile, voluntaire et moult
curieux à magnificence dabiz et joiaux circa cultum sui corporis
désirans grandement grandeur, oneur de par dehors, grant
despensier à ornemens de sa chapelle privée, à avoir ymnges
grosses et grandes dor et dargent, qui moult grant plaisir avoit
à sons dorgues, lesquels entre les autres oblcctacions mondai-
nes hanloit diligemment, si avoit-il musiciens de bouche ou de
voii, et pour ce avoit chapelle de grant nombre de jeune
340 APPENDICE.
gCDt; ci si avoit bon entendement, tant en latin que en
françois, mais il cmploiott po, car sa condicion estoit demploier
la nnit à veiller et po faire, et le jour à dormir; disnoità 111 on
IV heures après midi, et soupoît à minuit, et aloit coucher su
point du jour et à soleil levant sonvant, et pour ce estoit aTcn-
ture qu'il vesquit longuement. > Archives du Royaumij Begùim
du Parlement, Conseil XIV, f. 3è, verso, 19, décembre 1415.
186 — page W) ^ Les Anglais tàantaienî des Te Demain
ballades.
As the King Uy maûng on his bed,
He thought himself npon a time,
Those trihotes due froni the French King,
That had not been paid for lo long a tim»
Fal, lai, lal, lai, laral, laral, la.
He called nnto hii lovely page,
His lovely page away came he..., et«.
(Ballade citée par Sir Harris Nicolas, Aginflonrt, p. 7S0
iB7 — page tfï — Plutôt que de recevoir les Gascons, Bffsa
tua son bailli, etc.
H. Chéruel a trouvé des détails curieux dans les archives de
Rouen. Chéruel, Histoire de Rouen sous la domination anglaise,
p. 19. Rouen, 1840.
188 — page 224 — Le roi d'Angleterre exceptait de la espi/i-
lation quelques-uns des assiégés, etc.
Ut rel laesoe majestatis. > Religieux, ms.^ folio 79. Ce point de
vue des légistes anglais qui suivaient le roi est mis dans son
vrai jour au siège de Meaux. Ibidem, folio 176.
189 — page 224, note 2 — Armagnac persévérait dent m
attachement à Benoit XIII...
Y. la déclaration de la reine contre lui. Ordonnances, t. X,
p. 436.
190 — page 226 — Un Lambert commença à pousser lepevfU
au massacre des prisonniers.,.
Le Bourgeois devient poôte tout à coup, pour parer le mas-
APPENDICB. 341
sacre de mythologie et d'allégories : c Le dimanche ensuivant,
12 jour de juing, environ onze heures de nuyt, on cria alanno«
comme on faisoit souvent alnrme à la porte Saint-Germain, les
antres crioicnt à la porte de Bardellcs. Lors s'esmeut le peuple
vers la place Haubert et environ, puis après ceulx de deçà les
pons, comme des halles, et de Grève et de tout Paris, et couru-
rent vers les portes dessus dites; mais nulle part ne trouvèrent
nulle cause de crier alarme. Lors se leva la Déesse de Discorde,
qui estoit en la tour de Mauconseil, et esveilla Ire la forcenée,
et Convoitise, et Enragerie et Venge*) nce, et prindrent armes
de toutes manières, et boutèrent lors d'avec eulx Raison, Jus-
tice, Mémoire de Dieu... Et n'estoit homme nul qui, en celle
nuyt ou jour, eust osé parler de Raison ou de Justice, ne de-
mander où elle estoit enfermée. Car Ire les avoit mise en si
profonde fosse, qu'on ne les pot oncqucs trouver tout celle
nuyt, ne la journée ensuivant. Si en parla le Prévost de Paris
au peuple, et le seigneur de l'Isle-Adam, en leur admonestant
pitié, justice et raison; mais Ire et Forcennerie respondirent
par la bouche du peuple : Malgrebieu, Sire, de vostre justice,
de vostre pitié et de vostre raison : mauldit soit de Dieu qui
aura la pitié de ces faulx traistres Arminaz Angloys, ne que de
chiens; car par eulz est le royaulme de France destruit et gasté,
et si l'a voient vendu aux Angloys. > Journal du Bourgeois de
Paris, t. XV, p. 234.
i9i ^ page 226 — Seize cents personnes périrent, etc..
Monstrelet, t. VI, p. 97. — Le greffier dit moins : < Jusques
au nombre de huit cens personnes et au-dessus, comme on dit.i
Archives f Registres du Parlement ^ Conseil, XIV, f, 139.
19^ — page 228 — Tout est tué au petit Châtelet... .
€ Tuèrent bien trois cens prisonniers. » Blonstrelet, t. IV,
p. 120. c Durant laquelle assemblée et commocion, furent tuez
et mis à mort environ de quatre-vingt à cent personnes, entre
lefquelles y ot trois ou quatre femmes tuées, si comme on di-
se it...ii4rc/i i!?e*, Registres du Parlement, Conseil^ XIV, /b/wl42
verso, 21 août.
349 AfFniOMCK.
199 » pago ÎS9 — Un iraUè réeeiU tkote V Anglais m permtkil
pas mu duc d$ Bourgogne d'appeler les Flamands. . .
Le traité probablement ne concernait que la Flandre. Tout
le monde croyait que dans une entrevue avec ttenh VàCaUis,
il s^étaît alUé à lui. Il existe uli traité d'alliance et de ligue, où
le duc reconnaît les droits d'Henri à la couronne de Fraoee,
mais cet acte ne présente ni date précise ni signature. U tsi
probable que ce n'était qu'un projet, une offre de partager les
conquêtes qui se feraient à frais communs. — il est probable
que Jean sans Peur fît entendre au roi d'Angleterre, qae,sil
l'aidait activement^ c'en était fait du parti bourguigoofi ea
France, qu'il servirait mieux les Anglais par sa neutralité que
par son concours. Rymer, 3<> éd., t. iV» pars 1» p. 177-178, oc*
tobre 1416.
194 — page Î31 — Chacun det princes prisonniers n'eut qu'u
serviteur français...
Selon le Religieux. Mais Rymer indique uo plus grand
nombre.
195 — page 232 — Alain Blanchard,,.
Sur Alain Blanchard, V. la notice publiée par M. Auguste Le
Prévôt, en i8'!6, l'Histoire do Rouen sous les Anglais, par
H. Chérucl (1840), et l'Histoire du privilège de Saint -Roniain,
par M. Floquct, t. 11, p. 548.
196 ~ page 233 -^ Le peuple de Rouen sortait à la fois fsr
toutes les portes,,,
M. Cbérael, p. 46i, d'après la cbronique versifiée d'un Anglais
qui était au siôgc. Archaeologia Britannica, t. XXI, XXll. Ce
curieux poCmc a élé traduit par M. Potier, bibliothécaire de
Rouen.
197 — page 233 — Bouen était pleih de nMes et croyait Mrs
trcdii.
« Les Engloys descendirent à la Hogue de Saint-Yaast, di-
monce l«r jour d'aost 1416, adonc csloit le dalphin de Yyaoe ï
RoUwn avec sa forchc; et de là se partit à soy rctraire à Paris,
APPENDICE. 343
Cl laissa Tninsnd filz du comte do Harconri , cliapitaine du
chaslcl et de la ville, et M. de Gamachcs, bailly de la dicte ville,
avcnc grant quantité d'cstrangisrs qui gardoieiU la ville et la
quidùrent piller; mes Yen s'en apcrchut, et y out sur ce pour-
véanche. Mais'nonostanl tout, fut levé en la viUc une taille de
16,000 liv. et un prcsl de 12,000, et tout poi^ dedens la my-aosl
ensuivant. Etfucommanchcmenlde malv4!!se estrenche; et puis
louz s'en alèrent au dyablc. Et après culsy vint M. Gui le Bou*
teillcr, capilainc de la ville, de par le duc de Bourgongnc, avec
iiOO ou J500 Bourguégnons et cstrangi'ers,pour guarder la ville
contre les Engloys; mais ils estoiont micz Engloys que Fran-
choiz; les quiez estoient as gages do la ville, et si desiruioienl
la vitaille et la garnison de la ville. » Chronique ms. du temps^
communiquée par if. F loquet.
198 — page 235, note 2 — Détresse de Rouen...
Archœologia, t. XXI, XXII. — H. Chéruel a trouvé un rensei-
gnement plus sérieux sur le prix des denrées; par délibération
du 7 octobre 1418, le chapitre fait fondre une châsse d'argent,
cl paey, entre autres dettes, soixante livres tournois {miWeînincs
d'aujourd'hui?) pour deux boisseaux de blé. M. Chéruel, Rouen
sous les Anglais, p. 53, d'après les registres capitulaircs, con-
servés aux Architi>es départementales de la Seine-Inférieure. Cet
excellent ouvrage donne une foule de renseignements non
moins précieux pour l'histoire de la r^ormandie et de la France
en général.
i09 — page 236 — Capitulation de Rouen, etc..
fl llcm, esioil octroyé par ledit seigneur Roi, que tous el cha«
cun pourroicnl s'en retourner..., excepté Luc, Italien, Guil-
laume de Houdetotf chevalier bailly, Alain Blauchart^ Jehan
S^fjneuU, maire, maître Robin, Delioet, el excepté la personne
qui, de mauvaises paroles et déshonnéles, auroit parlé antienne*
ment, s'il peul ôlre découvert, sans fraude ou mal engyn... >
Vidimus de la capitulation de Rouen, aux Archives de Rouen (com-
tnuniqué par A!. Chéruel). Rymcr donne le même acte en latio,
l. IV, P. Il, p. 82, 13 januar. U19.
344 APPENDias.
200 — page 237 — Rouen dut payer trois eetU mHk èeiu
d*or...
« Januarii instantis, febrnarii inslantis. > Les articles sni*
vants prouvent qu'il s'agit bien de 1418, et non de 1419, Rynier,
t. IV, P. U, p. gî.
201 — page 238 -» Henri V voulait marier en AUenuigne ton
frire Bedford,.,
« Super sponsalibus inter Bedfordium et filiam iinîcam Fr.
burgravii Nuremburiensis, fîliam unicam ducis LotorÎDgiae, aii-
quam consanguineam imperatoris. > Rymer, t. IV, P. II, p. 100,
18 mart. 1419.
202 " page 238 » il voulait faire adopter son jeune frère^ Glo-
cester, à lareinede Napies, etc..
t Cum Johanna, regina Apuleœ, de adoptione Johannis ducis
Bedfordiœ. Dux mittat qutnquaginta millia ducatorum, quons-
que forlalitia civilatis Brandusii erint ei consignata. . . Dux te-
neatur, intra octo menses, venire personaliter cum mille homi*
nibus armalis, 2000 sagittariis. Non intromittet se de regimine
regni, excepto dueatu Calabriœ quem gubernabitad beneplacitum
suum. > Ibidem, p. 98, 12 mart. 1419.
203 -> page 239 — Il mettait d^aecord contre lui les iirnj^*
nais et les Castillans.,.
Les gens de Baypnne écrivent au roi d'Angleterre qoe • ua
balencr armé a pris un clerc du roy de Gastille, i et qu'on a
su par lui que quarante vaisseaux castillans allaient chercber
des Écossais en Ecosse, les troupes du dauphin à Belle Isle, et
amener toute cette armée devant Bayonne. Rymer, t. IV, P. II,
p. 128, 22 jul. 1419. Les gens de Bayonne écrivent plus tard
que les Aragonais vont se joindre aux Castillans pour assiéger
leur ville, p. 132, 5 septeml)re.
204 page 239, note 3 — Le Normand Robert de Braque^
tnont,.,
9c reviendrai sur cette famille Hluslre et sur les Béthencourt,
alliés et parents des Braquemont, à qui ceux-ci cédèrent leurs
APPEinoiCE. 345
droits snr les Canaries. V. Histoire de la conqncste des Canaries,
faite par Jean de Béthencourt, escritc du temps môme par
P, Bonlier et J. Leverrier, prestres, 1630. Paris, in-12.
205 — page 240 — Les Anglais n*ètaient pas sans inquié^
tudes,,,
«Nous ne savons plus, écrivait nn agent anglais à Henri V, si
nous avons la guerre ou la paix; mais dans six jours... Tt is
not know whethir we shall hâve werre or pees... But withynne
six dayes... > Rymer, ibidem, p. 126, 14 juil. 1419.
*
206 — page 243 — La mort du due de Bourgogns fit un mal
immense au dauphin.»,
c Pour occasion duquel fait plusieurs grans inconvénients et
domages irréparables sont disposez davenir et plus grans que
paravant, à la honte des faiseurs, au dommage du mond, Seig.
Dauphin principalment, qui aitendoit le royaume par hoirrie
et succession après le Roy notre souverain S. A. quoy il aura
moins daide et de faveur et plus dennemis et adversaires que
par avant. > Archives, Registres du Parlem^nt^ C(mseilf Z/K,
folio 193, septembre 1419.
207 — page 247 — Derrière Henri V on portait sa bannière
personnelle f la lance à queue de renard.,,
c Et portoit en sa devise une queue de renard de broderie. *
Journal du Bourgeois de Paris, t. XV, p. 275. A l'entrée de
Rouen, c'était une véritable queue de Renard : c Une lance à
laquelle d'emprès le fer avoit attaché une queue de renarl en
manière de penoncel, en quoi aucuns sage notoienl moult de
choses. 9 Honstrelet, t. IV, p. 140.
208 — page 247 — Le roi ât Angleterre fut bien reçu à
Paris,*,
Le greffier même du Parlement partage l'entraînement géné-
ral, & en juger par ses mentions continuelles de processions et
supplications pour le salut des deux rois : Furent moult joyeu-
sement et honorablement rcceuz en la ville de Paris... > Ar^
chives, Registres du Parlement, Conseil, XIV^ folio 2i4.
»
^
346 APP£ND1CE*
209 — p&ge24B — Charles fut condamné au bannissemeni...
La sentence rendue par le roi de France, c de l'avis du Parle-
ment, » est placée par Rymer an 23 décembre 1420 : c Consi-^
dérant que Charles soi-disant dauphin avoit conclu alliance avec
le duc de Bourgogne... déclare les coupables de celle mort
inhabiles à toute dignité, > — V. Aussi le violent manifeste de
Charles VI contre son fils : « 0 Dieu véritable, etc., » 17 janvier
1419. Ord., t. XII, p. 273, — Un acte plus odieux encore, c'est
celui qui ordonne que les Parisiens seront payés de ce qui
leur est dû sur les biens des proscrits, de manière à associer
Paris au bénéfice de la confiscation, Ord., t. XII, p,2Sl. Cela
fait penser aux statuts anglais qui donnaient part aux com-
munes dans les biens des Lollards.
210 — page 230, note 2 — Chroniqiu de George Chaslellain..^
En citant pour la première fois Chastellain, je ne puis m'cm-
pêchcr de remercier M. Buchon d'avoir recherché avec tant de
sagacité les membres épars de cet éloquent historien. Espérons
qu'on publiera bientôt le fragment qui manquait encore et que
M. Lacroix vient de retrouver à Florence.
211 ^ page 250 — Les princes da Rhin tendaient la main à
l'argent anglais!..
Procuration du roi d'Angleterre au Palatin du Rhin pour re-
cevoir rhcmmage de l'électeur de Cologne. Rymer, t. IV, P. I,
p. 158159, 4 mai 1416. — Autre au Palatin du Rhin (pension-
naire de l'Angleterre), pour qu'il reçoive l'hommage des élec-
teurs de Mayence et de Trêves. Ibidem, P. II, p, 102« i april.
1419.
212 — page 231 — • Les politiques doutaient fort de rutiliié du
Concile de Constance,.,
Petrus de Alliaco, de difiicullate reforma tionis in concilio, ap.
Von dcr Hardt, Concil. Constant., t. 1, P. VI, p. 246. SchoMdt,
Essai surCerson, p. 37 (Strasb., 1839}.
213 — page 254 ~ Jérôme de Prague était venu braver rPnt-
Virsité de Paris,..
APPENDICE. 347
•
Royko, 1 theil, 112. Jean Huss avaii, dit-on», édfiô TUniver-
silédc Paris : c VenLant omnes magistri de Parisiis! Ego volo
eu m ipsls disputa rc qui libros noslros cremaverani in quib«s>
boDor totius mundi jacuil ! > Concil. Labbe, t. XII, p. 140.
214 — page 254 » Gerton avait écrit à l'archtvique dt Fra-
guepour qu'il livrât Jean Husi au bras iéculier,..
c ... Securis bracbii secularis.». In ignem mittens... miseri-
cordi crudelilate. Nimis ailcrcando... deperdetur veritas... Vos
bracbium invocarc viis omnibus convenit. » Gerson. £pist. ad
arclùepisc. Prag.,. 27 mai 1414. Bulaeus, V. 270.
215 — page 236 ^, Jean Huss et Jérôme de Pragus...
V. les détails du supplice de Jean Huss et de Jérôme : Mon«-
monta Hussi, t. II, p. 51o-32i, 532-535.
216 — page 2ti6 — Les gallicans n'eurent pas la réforme,.,
Clémengis leur avait écrit pendant le concile qu'ils n'arrive-
raient à aucun résultat: « Excidit spes uniquique vmquam
vidcndae unionis... Quis in re desperata suum libenter vclit labo-
rem impendere?Ibit schisma Latinœ Ecclesiœ, cum schismaie
GriJBCorum, in incuriam atque obiivionem. • Nie. Clcmeng.
Epist., t. II, p. 312.
217 — page 258 — Jean Gerson..»
Sur le tombeau de Gerson, et sur le culte dont il était l'objet
jusqu'à ce que les Jésuites eussent fait prévaloir une autre in-
fluence, voyez l'Histoire de l'église de Lyon, par Saint-Aubin»
et une lettre de M. Aimé Guillon, dans la brochure de M. Gencc :
Sur rimilation polyglotte de M. Montfalcon. 11 n'existe qu'un
portrait de Gerson, celui que M. Jarry de Mancy a donné dan»
sa galerie des bommes utiles, d'après uii manuscrit.
218 — page 260 ^^ A la prise de Meaux, trois religieux de
Saint' Denis^ eU*
m
C In horribili carcere cum vils austeritate detineri fecit. >
— Le Religieux de Saint-Denis, sans être arrêté par les préju-
gés de sa robe, décide avec son bon sens ordinaire que» quoi-
318 APPENDICE.
que moines, ils ont ût résister à l'ennemi : t Hinns bene eon-
siderans qus canunt jnra, videlicet yrm t! repelicre omnibus
cnjuscumque status... licitum esse, pngnareqne pro patria. »
Religieux, nu. fol, 176-177.
219 — page 261 — Henri V eharge rtnrehevique de CaïUorhèry
et le cardinal deWinchetter de percevoir.,,
c Exilas et proficns de wardis et maritagiîs, ac etiam forisCac-
luras... Volentes quodH. Cantuariensi archieptscopo. H. Win-
loniensi cancellario nostro, et T. Dunolmensi episcopis, ac...
miiiti nostro J. Rothenbale persolvanlur. > Rymer» t. IV» P. I,
p. 150,28 nov. 1415.
// fallait mettre Har fleur en ktat de dèfenee.,.
Presse de maçons, tuiliers^ etc., pour aller fortifier Harfienr.
Ibidem., p. 152, 16 déc. 1415.
220 — page 262 — Henri V reprochait au cardinal de Win-
'Ckester d*u8urpei' les droits de la royauté. ..
V. les lettres de pardon qu'il lui accorde. Rymer, t. iV,P.II,
p. 7, 23 juin 1417. — Mais, tout vainqueur, tout populaire
<|U'était alors Henri V, il craignait ce dangereux prêtre. 11 lui
accorde une faveur le il sept, suivant, l'appelle son oncle, etc.
221 — page 264 — Le^paysatu souffrant des courses etdespil^
lages du parti de Charles F//, etc.
C'est ce que disent du moins les bistoriens du parti Bourgui-
gnon, Honstrelet et Pierre de Fcnin : c Et en y eut plusieurs
qui commencèrent à eux armer avec les Anglois, non pas gens
de grand*autorité... c Monstrelet, t. IV, p. 143. — Pierre de
Fenln assure môme que : c Le povre peuple l'aimoit sur tons
atitres ; car il estoit tout conclu de préserver le menu peuple
contre les gentis-hommes. > Fenin, p. 187 (dans l'excellente
édition de mademoiselle Dupont; 1837).
222 — page 267 — Les Anglais firent une ckarge meurtrière
sur le petit peuple de Paris,.,
Monstrelet, t. IV, p. 277, 309. Les Parisiens finirent par
comprendre ainsi aue l'Anglais c'était l'ennemi. Ils en étaient
APPENDICE. 349
déjà avertis par le langage. Les ambassadeurs anglais f requi-
rent ledit président de exposer ieelle créance, ponr ce que
chascun n'euit seeu hien aisément entendre leur françois lan-
gage.., * Archivée, Regietree du Parlement, ConeeU, XIY, foU
215-216, mat 1420.
223 — page 268 — Budget d^Henri V...
c Pro Calesio et marchiis ejusdero, XII H n^arcas; pro cus-
todia Angliae, VllI H marcas; pro custodia Hibemtœ II Bl D
marcas. > Rymer, ibidem, p. 27, 6 mai 1421.
224 — page 270 -^ • Cest moi qui auraie conquit la Terre^
Sainte. 9
Henri Y avait envoyé pour examiner le pays le chevalier
Guillebertde Launey, dont nous avons le rappott : c Sur plu-
sieurs visitations de villes, pors et rivières, tant as par d'E-
gypte, come de Surie, Tan de grftce 1422, le commande-
ment, etc. • Turner, vol. II, 477.
225 — page 273 — On dit qu'il n'y avait pae moine de
vingt-quatre mille maieone ahandonnèee...
Nombre exagéré évidemment. Toutefois il ne faut pas ou-
blier qu'il y avait alors plus de maisons à proportion qu'aujour-
d'hui, parce qu'elles étaient fort petites et qu'il n'y avait guère
de famille qui n'eût la sienne. — Il résulte des détails qu'on
.trouve dans la vie de Flamel que la dépopulation avait com-
mencé dès 1406. Vilain, Hist. de Flamel, p. 355.
*
226 — page 274 — Une paix criée et chantée,..
C'était au reste un usage fort ancien. — t Et fut criée parmi
Paris à quatre trompes et à six ménestriers (19 sept. 1418) ..
Et tous les jours à Paris, spécialement de nuit, faisoit-on très-
grani fesle pour ladite paix, à ménestriers et autrement (11
juillet 1419). » Journal du Bourgeois, p. 249-260. — Il parait
qu'on se disputait les joueurs de violon : c Ayant commencé
une fe t? ou noce, ils seront obligés d'y rester jusques à ce
qu'elle soit finie. > Archives, Ordinatio super offido de ion^
glcurs, etc., 24 april. 1407, Registre /. 161, no 270.
, *../*. J/Ujj
I
3 jO APPENDICE.
227 page 275 — Les grandes épidémies^ c/c.
Sur la peaie noire, sur les Flagellants el leurs eau tiques, voir
le tome 111 de celle Hisloirc. Le savant et éloquent Lillré a
donné, dans la Revue des Deux Mondes ifévricr 1836, t. V de
la IV»? scorie, p. 220), un article dune haute importance: Surlcs
graiulcs épidémies. — M. Larrey, qui a fait une inléressaule
notice sur la clioréc ou danse de Saint-Gui, aurait dû peut-
éire rappeler que celle maladie avait élé commune au iiv^ siè-
cle. Mémoires de l'Académie des sciences, l. XVI, p. 424-437.
228 — page 276, note 1 — La danse des morts ou danse ma-
cabre...
Selon M. Van Praet (Catalogue des livres imprimés sur v(51in),
ce mot viendrait de l'arabe Magabir, Magabarag (cimeliiVe).
D'autres le tirent des mots anglais Make, Break (faire, briser),
unis ensemble pour imiter le bruit du froissement et du craque-
ment des os On croyait, dos la fin du xv<^ siècle, que Macabrt^
était un nom d'homme; c'est l'opinion la moins probable de
toutes.
220 — page 270, note 2 —L'art vivant^ l'art en action, a par-
tout précédé l'art figuré...
C'est ce que Vico, entre aulres, a très-bien compris. Sur la
danse, voir particulièrement le curieux ouvrage de Bonnet,
Histoire de la danse, in-12, Paris 1723..
230 — page 277 — Mimes sarrcSy etc..
J'ai parlé de ces drames à la fin du tome II de cette Tiisloîre.
Ailleurs j'ai rappelé un charmant mime de Résurrection qui se
ri^j)rt' ente dans les processions de Messine. Introduction à
lllisloirc universelle, p. 187 de la seconde édition, d'après
Blunt, Vestiges of ancienl manncrs discoverable in modem
llaly and Sicily, p. lo8.
231 — page 277 — Le spectacle de la danse des morts se joua
à P(tris,..
« hem, l'an iWk fut faite la Dnnse Maratreaux Inno.^cntsPt
fui commencée environ le movs d'aoust et achevée au karcsme
IPPENDICE. 351
suivant. > Journal du Bourgeois de Paris, p. 352. c En Tau
1429, le cordelier Richart, preschant aux Innocents, cstoit
monté sur ung hault cschaffaut qui estoit près de toise et'de-
mie de haut, le dos tourné vers les charniers en-contre la
charronnerie^ àVendroit de la danse macabre, > Ibidem, p. 384.
— Je crois, avec Félibien et MM. Dulaure, de Barante et Lacroix,
que c'était d'abord un spectacle, et non simplement une pein-
ture, comme le veut M. Peignot : c'est le progrès naturel,
comme je l'ai déjà fait remarquer (page 356, note 2). Le spec-
tacle d'abord, puis la peinture^ puis les livres de gravures avec
explication. —La première édition connue de la Danse Ma-
cabre (1485) est en français, la première édition latine (1490) a
été donnée par un Français; mais elle porte : Versibus alema-
fkicis descripta. V. le curieux travail de M. Peignot^ si intéres-
sant sous le rapport bibliographique : Recherches sur les
danses des morts et sur l'origine des cartesà jouer. Dijon 1826.
232 — page 278 — Le charnier des Innocents,..
MAîoire de Cadet-de-Vaux, rapport de Thouret, et procès-
verbal des exhumations du cimetière des Innocents, cités par
M. Héricart de Thury, dans sa Description des catacombes,
p. 176-178.
En terminant l'impression de ce volume, je dois remercier
l:s personnes fort nombreuses qui m'ont fourni des indications
utiles, particulièrement mes amis ou élèves de l'Ëcole normale,
de l'Ecole des Charles et des Archives, dont la plupart, jeunes
encore, occupent déjà un rang distingué dans l'enseignement
et dans la science : MM. la Cabane, Castelnau, Ch4ruo], Des-
salles, Roscnwald, de Siadler, Teulet, Thomassy^ Yanoski, etc.
(note de 1840).
«
m so Ton ooATBitn.
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE VU.
Chapitre 1er. Jeunesse de Charles VI, 1380-1383 I
Caractère général de l'époque : oubli, confusion
d'idées, vertige; costumes biiarres, etc. ....... i
État de l'Europe 8
Force et faiblesse de la France. Les oncles do
Charles VI 9
1380-1381 . Régence, sacre ; impôts, révolte 9
Procès du prévôt Aubriol ii
1382. Nouvelle révolte, maillotins 12
Expédition du duc d'Anjou en Italie 13
Expédition du duc de Bourgogne et du roi en
Flandre 14
Soulèvements de Languedoc, d'Angleterre, d'Italie. 14
Soulèvement de Flandre 15
(27 nov.). Bataille de Rooscbcke 17
1383. Punition de Paris, suppression du prévôt des mar-
chands, etc 19
Chapiteb il Suite, 1384-1391 22
1384 (18 déc). Le duc de Bourgogne devient comte de
Flandre 23
IV.
';a
354 TàBLB des MATIERES.
1386. Il décide les expédilions d'Angleterre 24
1388. — — deGueldre 26
1389. Les ducs de Berri et de Bourgogne renvoyés. Gon*
vernement des Marmoutets, Clisson, La Ri-
vière, elc 28
1389-1392. Prodigalités du jeune roi, fêtes, voyage du
midi 29
Corruption du temps; scepticisme et superstition;
alchimie 33
Paris : Saint-Jacques-Ia*Boucherie, Flamel; Sainl-
Jean-en-Grëve, Gerson Si)
CBAnTBB 111. Folie de Charles VI, 139M40(> 39
1392 (13 juin). Assassinat de Clisson 4i)
(8 août). Expédition de Bretagne, folie du roi.... 41
Tentatives pour rétablir la paix de TËglise 47
1396. Trôve avec l'Angleterre; Richard II, gendre de
Charles VI 48
Croisade contre les Turcs, défaite de Nicopolis... 49
1398. Richard II renversé par Henri de Lancastre ^^
1399-1400. Rechutes de Charles YI; cabale, sorcellerie.. •>('
Cartes à jouer. Mystères *)''
LIVRE vm.
CHAmBB I©'. Le duc dVrléam, le duc de Bourgogne. — Meurtre
du ducd*Orléans, 1400-1407 fi»
1400*1401. Louis d'Orléans, frère de Charles VI; esprit
de la Renaissance ^'^
Jean-sans-Peur, fils du duc de Bourgogne, Philippe-
Ic-Hardi ^'
TABLI DES MATIÈRES. 355
Politique de la maison de Bourgogne 68
L'intérôl flamand lie cette maison à TAngleterre. . 69
Elle aide à l'élévation de Lancastre 71
Le duc d'Orléans achète le Luxembourg 74
Lutte du duc de Bourgogne et du duc d'Orléans. . . 74
1402. Le duc de Bourgogne réclame en faveur du peuple
contre les impôts 75
Gouvernement impopulaire du duc d'Orléans; il se
déclare pour le pape d'Avignon; ses tentatives
contre l'Angleterre 75
i'i04. Mort du duc de Bourgogne, Philippe-le-Uardi ;
Jcan-sans-Pcur 77
Jean -sans -Peur encourage le peuple à refuser
l'impôt 80
14D5. Louis d'Orléans et Jean-sans-Peur; deux armées
autour de Paris 8â
1406. Fausse paix; guerre contre les Anglais, sans ré-
sultat 87
Irritation de Paris et de l'Université coalre le duc
d'Orléans 89
1407 (23 nov.)- Jean-sans-Peur le fait assassiner 100
Chapitbe II. Lutte des deux partis. — Cabochiens. — Essais
de réforme dans l'État et dans l'Église, 1408-1414. lOG
£407. Fuite de Jean-sans-Peur 108
(10 déc). La veuve de Louis d'Orléans demande
justice 109
1108. Retour de Jean sans- Peur et son apologie, par Jean
Petit, docteur de l'Uiiivcrsilé 111
Triomphe de l'Université sur la juridiction ! ovale, f 17
Elle prononce l'cxclusiou des deux papes 119
(23 sept.). Victoire de Jean-sans-Peur et do Jean-
sans-Pitié sur les Liégeois m
356 TABLE DES MNTIIinKS.
1409 (9 mars). Jcan-sans-Pi^ur exige que les fils de Louis
d'Orléans lui proniellcnl amitié; paix de Chartres. 123
Le iK^gociatcur de celle paix, ^lonlaigu, est mis à
mort iZo
Jcan-sans-Pciir essaye de réformer l'Éuit 127
1410 (1" nov.). Les ducs d'Orléans cl de Bcrri viennent
en armes jusqu'à Dicélre; ils sont obligés de
traiter : paix de BiccHrc 430
La France du sud-ouest envahit la France du nord. 133
Armagnac, boau-p6rc du duc d'Orléans 138
1411 (!<?'■ sept.). Jcan-sans-Pcur appelle les Anglais contre
les Armagnacs et assiège Bourges 1^0
1412 (18 mai). Le parli d'Orléans et Armagnac appelle les
Anglais 14!
(14 juin.). Jean-sans-Peur obli"gé de traiter; paix de
Bourges 141
Impuissance des deux partis 142
CHAPiTaE III. Essais de reforme da7is lÉlat et da7is VÉglise.
— Cabochicns de Paris; grande ordonnaJice. —
Concile de Pise, 1409-1414 144
lilG (30 janv.). Le duc de Bourgogne assemble les États
inutilement ihï
Le Parlement se récuse 1 ir>
L'Université entreprend la réforme de PËtat. ..... 1 iS
(28 avril). La Bastille assiégée par le peuple ITil
Puissance des bouchers 152
Ils veulent réformer d'abord la famille royale, le
dauphin l.')4
Il se font livrer les courtisans du dauphin 15 j
ïvrannio des écorchcurs 15S
(22 mai). Nouvel enlèvement des seigneurs cl cour-
tisans. 102
TàBLB des MATIERES. *i^^
m mai). Promulgation de la grande orâwtnance d«
^\, 163
réforme
Quels en onl été les auteurs? • • • • ^^^
(mai-juillet). Gouvernement violent des cabocUiens,
emprunt forcé, etc *'^
(îl juin.)- Réaction *'^
(5 sept.). L'ordonnance annulée 474
1414 (10 fév'r.). Le duc do Bourgogne déclaré rebelle ... 174
(4 sept.). Siège, traité d'Arras; la réaction con-
vaincue d'impuissance à son tour 474
1415 (5 janvO- Sermon dp Gerson contre le gouverne-
ment populaire *7o
Affaires ecclésiastiques; livre de Clémengis sur la
Corruption de l'Église 476
1409. Inutilité du concile de Fisc 481
Pauvreté intellecluelle de l'époque. / 483
LIVRE IX.
Chivitrb Iw. VÂngîeUrre : VÉtat, VÉgliiê. — Azincourt,
1415 485
Étroite union de la Royauté et de l'Église sous la
maison de Lancastre 186
L'Église comme grand propriétaire 186
Élévation des Lancastre : Henri IV, Henri Y 190
Persécutions des hérétiques 193
1414-1415. Danger du roi et de l'Église 194
1415 (16 avril). Henri Y se prépare à envahir la France.. 194
(14 août-22 sept.). Il débarque à Harfleur ; Harflcur
se rend 196
Henri Y entreprend d'aller d'l(ari)eiir ^ Calais .... 199
358 TABLE DES MATIÈRES.
(19 oct.). Il parvient à passer la Somme Î02
(25 oct.). Bataille d'Âzincourt 20\
Captivité de Charles d'Orléans ; ses poésies 213
Cdapitbb II. Mort du connétable d'Armagnac, mort du duc
de Bourgogne. — Henri K, 1416-1421 219
Armagnac, connétable et maître de Paris ; sa ty-
rannie 219
1416. Il essaye de reprendre Harflcur 220
1417. Le duc de Bourgogne défend de payer l'impôt 222
Henri Y s'empare de Cacn et de la basse Nor-
mandie 22*]
lUS (29 mai). Les Bourguignons reprennent Paris 2âo
(12 juin). Massacre des Armagnacs 225
(21 août). Nouveau massacre 228
Duplicité et impuissance du duc de Bourgogne. . . 229
Négociations de Henri V avec les deux partis 231
(fin juin}. Il assiège Rouen. 232
Détresse de cette viilc 233
1419 (19 janv.). Elle se rend 236
Coopération des évoques anglais à la conquête . . . 237
Projets gigantesques de Henri V sur l'Italie, etc. . . 238
(11 juin.). Le duc de Bourgogne traite avec le
dauphin 240
(10 sept.). 11 est assassiné dans rentrcvue de Mon-
tereau 2'i2
(2 décemb). Son fils reconnaît le droit de Henri Y
à la couronne de France 244
1420 (21 mai). Traité de Troycs; Henri héritier et régenU 2^5
(juill.-nov.). Siège de Melun 247
(déc). Entrée de Henri V à Paris 247
1421 (3 janv.). Le dauphin est déclaré déchu de ses droits
h la couronne 248
TABLE DES MATIÈRES. 359
CnAPiTKB III. Suite du précèdent, — Concile de Constance,
i414-14i8. — Mort de Henri V et de Charle$ VI,
d422 249
Henri V au Louvre ; sa suprématie dans la chré-
licnlé 249
1414-1418. Affaires ecclésiastiques : Concile de Cons-
lance 231
Vues de Gerson et des gallicans 2oi
Jean Huss et Jérôme de Prague 252
1418. Impuissance du Concile ; retraite cl fin de Gerson. 2o6
Quelle avait été l'influence de l'Angleterre dans le
Concile 259
Position difficile de Henri; ses embarras financiers;
domination des évoques 262
1421 (23 mars). Les Anglais défaits en Anjou 264i
1421-1422 (6 oct.-lO mai). Siège de Meaux 264
Mésintelligence des Anglais et des Bourguignons.. 265
1122 (31 août). Détresse de Henri V, son découragement,
sa mort 268
(21 oct.). Mort de Charles VI; avènement de Char-
les VU et de Henri VI 271
1418-1422. Dépopulation; épidémies, famines; désespoir. 272
Gaieté frénétique 275
La danse des morts 276
Appendice 281
Notes 351
FIN DE lA TABLE DU TOVE QUATRIÈME.
Imprimerie i«:uc<mic /!eutti61 C*, ii Siint-Ccrnuin.
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