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Full text of "Histoire de France : (livres X-XVII) : étude du manuscrit et examendes remaniements du texte de 1841 et 1ı44 à travers les rééditions"

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HISTOIRE' 


DE   FRANCE 


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'Imprimerie  L.  T^l.NO^  rt  l>;  à  Saiiit-Gti  i«|Ufc 


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HISTOIRE 

DE  FRANCE 

J.    MICHELET 


NOUVELLE     ÉDITION,     RBVUB     ET    ADOUENTËB 


TOME   TROISIÈME    .-'^''ff^^^. 

PARIS 
LIBRAIHIB  INTERNATIONALE 

tHtMTDB,     BT     13,    riVMUKa    HONTM:inTllB 


A.  LACROIX,   VEReOECKHOVEtt    ET   C*. 
ÊiIUtuTt  d  firitxdlM,  à  Ltiptij  tt  li  LiiouriM 


23/.     e.    iZ-r. 


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\F.  S 


PRÉFACE  DE  1837 


»     *    .      » 


« 

L'ère  nationale  de  la  France  est  le  xiw*  siècler 
Les  États  Généraux,  le  Parlement/ toutes  nos  grandes 
institutions,  commencent  ou  se  régularisent.  La  bour-^ 
geoisie  apparaît  dans  la  révolution  de  Mareel,  le  paysan 
da«s  la  Jacquerie,  la  France  elle-même  dans  M  guerre 
des  Aiiglais. 

Cette  locution  :  Un  bon  Français,  date  du  xiy*  siècle. 

Jusqu'ici  Ai  France  était  moins  France  que  chrétienté. 
Dominée,  ainsi  que  tous  les  autres  États,  par  la  féoda*^ 
lité  et  par  l'Église^  elle  restait  obscure  et  comme  per* 
due  dans  ces  grandes  ombres...  Le  jour  venant  peu  à 
peu,  elle  commence  à  s'entrevoir  elle-même. 

Sortie  à  peine  de  cette  ùmt  poétique  du  moyen  âge, 
elle  est  déjà  ce  que  vous  la  voyez  :  peuple»  prose,  esprit 
critique,  aoti^symboliqoe. 

Aux  prêtres,  eux  chevaliers,  succèdent  les  légistes; 
après  la  fei,  la  loi. 

Le  petitrftls  de  saint  Louis  met  ta  main  sur  le  pape  et 


TI  PRÉFACE  DE  1837. 

détruit  le  Temple.  La  chevalerie,  celte  autre  religion, 

» 

meurt  à  Courlrai,  à  Crécy,  à  Poitiers. 

A  l'épopée  succède  la  chronique.  Une  littérature  se 
forme,  déjà  moderne  et  prosaïque,  mais  vraiment  fran- 
çaise :  poii^<da  lyniJI^Qi^s,  r|<H)  àrjfOfigf^iice  n'est  que 
grâce  et  mouvement. 

Notre  vieux  droit  avait  quelques  symboles,  quelques 
formules  poétiques.  Celte  poésie  ne  comparait  pas  im- 
punément au  tribunal  des  légistes.  Le  Parlement',  ce 
fgUBuà  grosateuri.  la  traduit,  l'iotei^prèle  et  la  tufi^,   . 

Au  resie,  le  droit  fran^^  avait  été.  .^  touLteoip^ 
moins  asservi  au.  symbojisi})^  «que  celui  d'aucun,  wlce 
peuple.  ÇetlQ  vérité,  pour '  êJlPQ  oéptivQ  dansi  la  MmfU 
n'en  eM  pas  moinç  féconde*  Koua  n'ayons  .poii^t  re^t 
au  long  chemin  par  lequel  nous  y  sommes  arrivéa..  Pojur 
apj[)récie^  le  Jjénie.  austè.re  .et  la  maturité  précocade 

nqtre  droit,  ij  nous  a, fajlu. mettre ^n  facf  le  dffoituj^- 

•       •     •  •  ■ 

tique  des^  nati9(>&  div^rses^.  opposer  la  France  et;  1# 
monde.  .    . 

Cettç  fpis  donc,  la  symbolique  du  drpit  ^  —  £{qu$  en 
chercherons  le  moi^^vement^  la  dialeai^ue^.  lorsque  notre 
drame  national  sera  mieiuc  noué- 

'       .  -         '    ■  •  •       •  '      î      "'  ♦ 

^  Ce  Volame  ftit  pnbHé,  dans  st  premiôre  ëJition,  en  mdoie  temps  que 

DOS  Origines  du  droit  f tançait,  <r<m«éffâ<dR»iiftfl»^(krtè#flrfoffiWi|Mf 


HISTOIRE 


DE   FRANCE 


LIVRE  V 


CHAPITRE    PREMIER 

Yôpres  siciliennes. 

Le  fils  de  saint  Louis,  Philippe  le  Hardi,  revenant  de 
cette  triste  croisade  de  Tunis,  déposa  cinq  cercueils  aux 
caveaux  de  Saint-Denis.  Faible  et  mourant  lui-même,  il 
se  trouvait  héritier  de  presque  toute  sa  famille.  Sans  parler 
du  Valois  qui  lui  revenait  par  la  mort  de  son  frère  Jean 
Tristan,  son  oncle  Alphonse  lui  laissait  tout  un  royaume 
dans  le  midi  de  la  France  (Poitou,  Auvergne,  Toulouse, 
Rouergue,  Albigeois,  Quercy,  Agcnois,  Comtat).  Enfin,  la 
mort  du  comte  de  Champagne,  roi  de  Navarre,  qui  n'avait 
qu'une  fille,  mit  cette  riche  héritière  entre  les  mains  de 
Philippe,  qui  lui  fit  épouser  son  fils. 

Par  Toulouse  et  la  Navarre,  par  le  Comtat,  cette  grande 
puissance  regardait  vers  le  midi,  vers  Tltalie  et  TEspagne. 
lii.  i 


S!  VÊPRES  SICILIENNES. 

Hais,  tout  puissant  qu'il  était,  le  fiU  de  saint  Louis  n'était 
pas  le  chef  véritable  de  la  maison  de  France.  La  tétc  de 
cette  maison,  c'était  le  frère  de  saint  Louis,  Charles  d'An- 
jou. L'histoire  de  France,  à  cette  époque, est  celle  du  roi  de. 
Naples  et  de  Sicile.  Celle  de  son  neveu,  Philippe  III,  n'en 
est  qu'une  dépendance. 

Charles  avait  usé,  abusé  d'une  fortane  inouïe.  Cadet  de 
France,  il  s'était  fait  comte  de  Provence,  roi  de  Naples,  de 
Sicile  et  de  Jérusalem,  plus  que  roi,  maître  et  dominateur 
des  papes.  On  pouvait  lui  adresser  le  mot  qui  fut  dit  au  fa- 
meux llgolin.  «  Que  me  manque-t-il?  demandait  le  tyran 
de  Pise.  —  Rien  que  la  colère  de  Dieu.  » 

On  a  vu  comment  il  avait  trompé  la  pieuse  simplicité  de 
son  frère,  pour  détourner  la  croisade  de  son  but,  pour 
mettre  un  pied  en  Afrique  et  rendre  Tunis  tributaire.  11  re- 
vint le  premier  de  cette  expédition  faite  par  ses  conseils  et 
pour  lui  ;  il  se  trouva  à  temps  pour  profiter  de  la  tempête 
qui  brisa  les  vaisseaux  des  croisés,  pour  saisir  leurs  dé- 
pouilles sur  les  rochers  de  la  Calabre,  les  armes,  les  ha- 
bits, les  provisions.  Il  attesta  froidemeat  contre  ses  compa- 
gnons, ses  frères  de  la  croisade,  le  droit  de  bris,  qui 
donnait  au  seigneur  de  l'écueil  tout  ce  que  la  mer  lui 
jetait. 

C'est  ainsi  qu'il  avait  recueilli  le  grand  naufrage  de  l'Em- 
pire et  de  l'Église.  JPendant  près  de  trois  ans,  il  fut  comme 
pape  en  Italie,  ne  souffrant  pas  que  L'on  nommât  un  pape 
après  Clément  lY.  Clément,  pour  vingt  mille  pièces  d'or 
que  le  Français  loi  promettait  de  revenus,  se  trouvait  avoir 
livré,  non-seulement  lesDéux-Siciles,  mais  l'Italie  entière. 
Charles  s'était  fait  nommer  par  lui  sénateur  de  Rome  et  vi- 
caire impérial  en  Toscane.  Plaisance,  Crémone,  Parme» 
Modène,  Ferrare  et  Reggio,  plus  tard  même  Milan,  l'avaient 
accepté  pour  seigneur,  ainsi  que  plusieurs  villes  du  Pié- 
mont et  de  la  Romagne.  Toute  la  Toscane  l'avait  choisi 
pour  pacificateur.  <  Tuez-les  tous,  b  disait  ce  pacificateur 


* 

VÊPRES  SICILIENNES.  3    * 

aux  Guelfes  de  Florence  qui  lui  demandaient  ce  qui!  fallait  • 
faire  des  Gibelins  prisonniers  ^. 

Mais  ritalie  était  trop  petite.  Il  ne  s'y  trouvait  pas  à  Taise. 
De  Syracuse  il  regardait  l'Afrique,  d'Otrante  l'empire  grec. 
Déjà  il  avait  donné  sa  fille  au  prétendant  latin  de  Cons- 
taotinople ,  au  jeune   Philippe ,  empereur  sans  empire. 

Les  papes  avaient  lieu  de  se  repentir  de  leur  triste  vic- 
toire sur  la  maison  de  Souabe.  Leur  vengeur,  leur  cher  fils, 
était  établi  chez  eux  et  sur  eux.  Il  s'agis«ait  désormais  de  - 
savoir  comment  ils  pourraient  échappera  cette  terrible  ami-  - 
tié.  Ils  sentaient  avec  effroi  rirFésistibie  force,  Tattraction 
maligne  que  la  France  exerçait  sur  eux.  Ils  voulaient,  un 
peu  tard,  s'attacher  F  Italie.  Grégoire  X  essayait  d'assoupir 
les  factions  que  ses  prédécesseurs  avaient  nourries  si  soi- 
gneusement ;  il  demandait  qu'on  supprimât  les  noms  de 
Guelfes  et  de  Gibelins.  Les  papes  avaient  toujours  conibattu 
les  empereurs  d'Allemagne  et  de  Constantinople  ;  6ré« 
goire  se  déclara  l'ami  des  deux  empires.  11  proclama  la  ré- 
conciliation de  rÉgtise  grecque.  Il  vint  à  bout  de  terminer 
le  grand  interrègne  d'Allemagne,  faisant  du  moins  nommer 
un  emtpereur  tel  quel',  un  simple  chevalier  dont  la  maigre 
et  chauve  figure^  dont  les  coudes  gercés,  rassuraient  les 
princes  électeurs  contre  ce  nom  d'Empereur  naguère  si  for- 
midable. Ce  pauvre  empereur  fut  pourtant  Rodolphe  de 
Habsbourg;  sa  maison  fut  la  maison  d'Autriche,  fondée 
ainsi  par  les  papes  contre  celle  de  France'. 

Le  plan  de  Grégoire  X  était  de  mener  lui  môme  l'Europe 
à  la  croisade  avec  son  nouvel  Empereur,  de  relever  ainsi 
l'Empire  et  la  Papauté.  Nicolas  III,  romain,  et  de  la  mai- 
son Orsini,  eut  un  autre  projet  :  il  voulait  fonder  en  faveur 
des  siens  un  royaume  central  d'Italie.  Il  saisit  le  moment 
où  Rodolphe  venait  de  remporter  sa  grande  victoire  sur  le 

*  On  n'ëpargna  qa'un  enfant  qa*on  envoya  au  roi  de  Naplea,  et  qui 
moarut  en  prison  dans  la  lour  de  Capoùe. 

*  Stshmidt. 


A  VEPRES  SICILIENNES. 

roi  de  Bohème.  Il  intimida  Charles  par  Rodolphe.  Le  roi  de 
Naples,  qui  ne  rêvait  que  Constantinople,  sacrifia  le  titre 
de  sénateur  de  Rome  et  de  vicaire  impérial.  Et  cependant 
Nicolas  signait  secrètement  avec  TAragon  et  les  Grecs  une 
ligue  pour  le  renverser. 

Conjuration  au  dehors,  conjuration  au  dedans.  Les  Ita- 
liens se  croient  maîtres  en  ce  genre.  Ils  ont  toujours  cons- 
piré, rarement  réussi;  mais  pour  ce  peuple  artiste,  une 
telle  entreprise  était  une  œuvre  d'art  où  il  se  complaisait, 
un  drame  sans  fiction,  une  tragédie  réelle.  Ils  y  cherchaient 
Tefiet  du  drame.  II  y  fallait  de  nombreux  spectateurs,  une 
occasion  solennelle,  une  grande  fête,  par  exemple  ;  le  théâ- 
tre était  souvent  un  temple,  le  moment  celui  de  Télé- 
vation^. 

La  conjuration  dont  nous  allons  parler  était  bien  autre 
chose  que  celle  des  Pazzi,  des  Olgiati.  Il  ne  s'agissait  pas  de 
donner  un  coup  de  poignard,  et  de  se  faire  tuer  en  tuant  un 
homme,  ce  qui  d'ailleurs  ne  sert  jamais  à  rien.  Il  fallait 
remuer  le  monde  et  la  Sicile,  conspirer  et  négocier,  encou- 
rager Tune  par  l'autre  la  ligue  et  l'insurrection  ;  il  fallait 
soulever  un  peuple  et  le  contenir,  organiser  toute  une 
guerre,  sans  qu'il  y  parût.  Cette  entreprise,  si  difficile,  était 
aussi  de  toutes  la  plus  juste  ;  il  s'agissait  de  chasser  l'é- 
tranger. 

La  forte  tête  qui  conçut  cette  grande  chose  et  la  mena  à 
bout,  une  tête  froidement  ardente,  durement  opiniâtre  et 
astucieuse,  comme  on  en  trouve  dans  le  Midi,  ce  fut  un 
Calabrois,  un  médecin  *.  Ce  médecin  était  un  seigneur  de 
la  cour  de  Frédéric  II.  Il  était  seigneur  de  l'ile  de  Prochyta, 
et  comme  médecin ,  il  avait  été  l'ami ,  le  confident  de  Fré- 


'  Ce  fiit  en  effet  ce  moment  que  prirent  les  Pazâ  pour  assassiner  les 
Ifédicis,  et  Olgiati  pour  tner  Jean  Galeas  Sforza. 

*  Procida  était  teHement  distingnë  comme  médecin,  qu'un  noble  na- 
politain demanda  à  Charles  II  d'aller  trouter  Procida  en  Sicile»  pour  se 
faire  guérir  d'une  maladie. 


VÊPRES  SICILIENNES.  5 

déric  et  de  Manfred.  Pour  plaire  à  ces  libret  pefiseurs 
du  xiiie  siècle ,  il  Malt  être  médecin ,  arabe  ou  juif.  On 
entrait  chez  eux  par  l'école  de  Saleme  plutôt  que  par  l'É- 
glise. Vraisemblablement,  cette  école  apprenait  à  ses 
adeptes  quelque  chose  de  plus  que  les  innocentes 
prescriptions  qu'elle  nous  a  laissées  dans  ses  vers  léonins. 

Après  la  ruine  de  Manfred,  Procida  se  réfugia  en  Espa- 
gne. Examinons  quelle  était  la  situation  des  divers  royau- 
mes espagnols,  ce  qu'on  pouvait  attendre  d'eux  contre  la 
maison  de  France. 

D'abord,  la  Navarre,  le  petit  et  vénérable  berceau  de 
l'Espagne  chrétienne,  était  sous  la  main  de  Philippe  m.  Le 
dernier  roi  national  avait  appelé  contre  les  Castillans  les 
Maures,  puis  les  Français.  Son  neveu,  Henri,  comte  de 
Champagne,  n'ayant  qu'une  fille,  remit  en  mourant  cette 
enfant  au  roi  de  France,  qui,  comme  nous  l'avons  dit,  la 
donna  à  son  fils.  Philippe  lU,  qui  venait  d'hériter  de  Tou- 
louse, se  trouvait  bien  près  de  l'Espagne.  U  n'avait,  ce  sem- 
ble, qu'à  descendre  des  pors  des  Pyrénées  dans  sa  ville  de 
Pampelune,  et  prendre  le  chemin  de  Burgos. 

Mais  l'expérience  a  prouvé  qu'on  ne  prend  pas  l'Espagne 
ainsi.  Elle  garde  mal  sa  porte  ;  mais  tant  pis  pour  qui 
entre.  Le  vieux  roi  de  Castille,  Alphonse  X,  beau-père  et 
beau-frèreduroi  de  France,  voulut  en  vain  laisser  son 
royaume  aux  fils  de  son  aine,  qui,  par  leur  mère,  étaient 
fils  de  saint  Louis.  Alphonse  n'avait  pas  bonne  réputation 
chez  son  peuple,  ni  comme  Espagnol,  ni  comme  chrétien. 
Grand  clerc,  livré  aux  mauvaises  sciences  de  l'alchimie  et 
de  l'astrologie,  il  s'enfermait  toujours  avec  ses  juifs  ^,  pour 
faire  de  la  fausse  monnaie*,  ou  de  fausses  lois,  pour  alté- 
rer d'un  mélange  romain  le  droit  gothique  '.  II  n'aimait  pas 

•  Les  rois  d'E»pagne  les  empIoyaieDt  de  préférence  aux  xiu*  et  zit* 
sièelrs.  Les  Aragonais  se  plaignaient  avssi  à  la  même  époque  des  tré* 
foriers  et  receTcurs  «  qoe  eran  judios.  •  Gurita. 

•  Ferreras. 

•  App.,  L 


6  ^  ViPR£S  SIGIUENNSS. 

TEspagne;  ^a  nianie  était  de  sefaife  Empereur.  Et  l'Espa- 
gne le  lui  rendait. bien.  Les  Castillans  se  donnèrent  eux- 
mtoes  pour  roi,  conformément  au  droit  des  Gotha,  le  se- 
cond fils  d'Alphonse,  Sanche  le  braTe,  le  Cid  de  ce  temps^li  t. 
Déshérité  par  son  père,  menacé  à  la  fois  par  le»  Français  et 
par  les  Maures,  de  plus  excommunié  par  le  pape  pour  avoir 
épousé  sa  parente,  Sanche  fit  tête  à  tout,  et  garda  safemme 
et  son  royaume.  Le  roi  de  France  fit  4e  grandes  menaces, 
rassembla  une  grande  arméç,  prit  Toriflamme,  entra  en 
Espagne  jusqu'à  Salvatierra.  Là,  il  s'aperçut  qu'il  n'avait 
ni  vivres  ni  munitions,  et  ne  piit  avancer. 

C'était  une  glorieuse  époque  pour  TEspagne.  Le  roi  d'A- 
ragon, D*  Jayme,  fits  du  roi  tfoubadour  qui  périt  à  Muret  «a 
défendant  le  comte  de  Toulouse,  venait  de  conquérir  sur 
•les  Maures  les  royaumes  de  Majorque  et  de  Valenee. 
D.  Jayme  axait,  telle  est  Templiase  espagnole,  gagné 
trente-trois  batailles,  fondé  ou  repris  deux  mille  églises. 
Mais  il  avait,  dît-H>n,  enoore  plus  de  maîtresses  que  d\§- 
glises.  Il  refiftsatt  au  pape  te  tribut  promis  par  ses  prédé- 
cesseurs. Il  avait  osé  faire  épouser  à  son  fils  D.  Pedro  la 
propre  HUe  de  Manfred,  le  dernier  rejeton  de  la  maison  de 
Souabe. 

Les  rois  d' Aragon,  toujours  guerroyantDontre  Maures  ou 
chrétiens,  avaient  besoin  d'être  mmés  de  leurs  hommes, 
et  Tétaient.  Lisez  le  pottralt  q«'en  a  tracé  le  brave  et  naïf 
Kamon  Muntaner,  l'hisiorien  soldat,  comme  ils  rendaient 
bonfie  justice,  conwne  ils  aoceptaieat  les  invitations  de 
leurs  sujets,  commette  mangeaient  en-poUic  devant  tout 
le  monde,  acceptant,  dit-il,  ce  qu'on  leur  offrait,  fruit, 
vin  ou  autre  chose,  et  no  faisant  pas  <liMc«ité  d'en  goA- 
ter^.  MuntanerottUiemM  diose,  c'est  <pie  ces  rois  aipo- 

C*fsl  ee  Sanche  qui  rtfpoodail  aux  laeiiaces  de  MiramoUn  :  «  Je  tiens- 
le  |àteaa  d*ttne  main  et  le  bàioo  de  l'antre;  ta  peux  choisir.  •  Ferre- 
ras, —  n  se  seniit  assex  popaUire  pour  ôit^r  toute  eiempiion  d'iinp6t 
«ut  nobles  et  aux  ordres  militaires.  ^  *  4pp.,  S. 


VintBS  SICILIENNES.  7 

pnlttms  ti'étwent  pas  renommés  par  leur  loyauté.  C'étaient 
de  rusés  montagnards  d'Aragon,  de  vrais  Almogavares, 
demi-Maures,  pillant  amis  et  ennemis. 

Gefut  près  du  jeune  roi  D.  Pedro  que  se  retira  d'abord  le 
fidèle  serviteur  de  la  maison  de  Souabe,  près  de  la  fille  de 
ses  maîtres,  la  reine  Constance.  L'Aragonais  le  reçut  bien, 
hiidoniiades  terres  et  des  seigneuries.  Mais  il  accueQlit 
froidement  ses  oonseils  belliqueux  contre  la  maison  de 
France  ;  lesforcesétaienttrop  ^proportionnées.  Lahaihede 
Ifrohrétîenté  oontre  oett^  m«teon  avait  besoin  d'aûgwienier 
encore,  il  aima  mieux  refuser  et  attendre^  Il  laissa  ravan- 
ttirîor  agir,  sans  se  oompronwttre.  Pour  éviter  tout  sbup- 
^on  deoonnivence,  Prooida  ^vendit  ees  biens  dr^Bapagneet 
disparut.  On  f>e  svt  ce  cpi'il  était  dev^iu. 

Il  était  parti  secrëtenient  «n*  habit  de<  Anmeiseain*  Cet 
Iramble  déguisement  était  anssi  le  plus  sûr.  Ces  moines 
allaient  partout:  ils  demandaient,  mais  vivaient  4e  peu,  et 
partoiut^  étaient  Men  reçus.  <*eiis  d'esprit,  de  ruse  et  deTa* 
ednde;  41s  s'ae^ ttavent  diaeràtemient  *de  «ai  nté»  '  ooanflrfs- 
sionsmondainesûL*Eaiv>peélaitrem|ilie  de  leur^  actiwîté. 
Messagers  etprééieateurs, -dif^ftomiites*  parfois/ils  étaient 
idori  oe  que  «ont  aujourd'hui  ia*  pacte  et  la  presse.  P.rocida 
prit  donc  Ja  sak  rob»  des  Mendiants,  et  s^en  alla,  butnUe- 
mentet  pieds  nus,  >cherDher  par  le  moade  des  enaemift  à 
GiMvIes  d'Anjou. 

Les  eoMim  me  snanquaient  pas.  Le  difficile  était  de  les 
aeoavder  et  de  k»  faire  agit  de  ooneert  et  à  tempa.  tt'^kbard 
il  se  rend  en  Sioile,  au  voloan  mèmer  4e  la  o-évoduAton» 
vottf  écoute  et  observe.  Les  signe*  de  T^éniptioa  preoMpio 
étaient  visibles,  rage  concentrée,  sourd  bouillonnement, 
et  le  munaure  et  le  silence.  Charles  épni^t  œ  mallhciu- 
leux  peuple  poiar  en  soumettre  un  antre.  Toot  était  pèein 
4e  préparatift  et  de  menaces  contre  les  Grecs.  Procida 
passe  à  Gonstaaitinopie,  il  avertit  Palécdogue^  lai  donne  des 
renseignements  précis.  Le  roi  de  Naples  avait  déjà  &it 


8  vApres  siciubnnes. 

passer  trois  mille  hommes  à  Durazso.  U  allait  suivre  avec 
cent  galères  et  cinq  cents  bâtiments  de  transport.  Le  succès 
de  Taffaire  élait  sûr,  puisque  Venise  ne  craignait  pas  de 
s'y  engager.  Elle  donnait  quarante  galères  avec  son  doge, 
qui  était  enc(»re  un  Dandolo.  La  quatrième  croisade  allait 
se  renouveler.  Paléologue  éperdu  ne  savait  que  faire.  «  Que 
faire?  Donnez-moi  de  l'argent.  Je  vous  trouverai  un  dé- 
fenseur qui  n'a  pas  d'argent,  mais  qui  a  des  armes.  » 

Procida  emmena  avec  lui  un  secrétaire  de  Paléologue , 
le  conduisit  en  Sicile,  le  montra  aux  barons  siciliens,  p«i& 
au  pape,  qu'il  vit  secrètement  au  château  de  Soriano. 
L'empereur  grec  voulait  avant  tout  la  signature  du  pape, 
avec  lequel  il  était  nouvellement  réconcilié.  Mais  Nicolas 
hésitait  à  s'embarquer  dans  une  si  grande  affaire.  Pro- 
cida lui  donna  de  l'argent.  Selon  d'autres,  il  lui  suffit 
de  rappeler  à  ce  pontife,  Romain  et  Orsini  de  naîasmce, 
une  parole  de  Otaries  d'Anjou.  Quand  le  pape  voulait 
donner  sa  nièce  Orsini  au  fils  de  Charles  d'Anjou,  Charles 
avait  dit  :  c  Croit-il,  parce  qu'il  a  des  bas  rouges,  que  le 
sang  de  ses  Orsini  peut  sa  mêler  au  sang  de  France  7  » 

Nicolas  signa,,  mais  mourut  bientM.  Tout  l'ouvrage 
semblait  rompu  et  détruit.  Charles  se  trouvait  plus  puis* 
sant  que  jamais.  U  réussit  à  avoir  un  pape  à  lui.  Il  chassa 
du  conclave  les  cardinaux  gibelins  et  fit  nommer  un  Fran- 
çais, un  ancien  chanoine  de  Tours,  servile  et  tremblante 
créature  de  sa  maison.  C'était  se  fSûre  pape  soi-même.  U 
redevint  sénateur  de  Rome  ;  il  mit  garnison  dans  tous  les 
États  de  l'Église.  Cette  fois  le  pape  ne  pouvait  lui  échap- 
per. U  le  gardait  avec  lui  à  Viterbe,  et  ne  le  perdait  pas  de 
vue.  Lorsque  les  malheureux  Siciliens  vinrent  implorer 
rintervention  du  pape  auprès  de  leur  roi,  ils  virent  leur 
ennemi  auprès  de  leur  juge,  le  roi  siégeant  à  côté  du  pape. 
Les  députés,  qui  étaient  pourtant  un  évéque  et  un  moine, 
furent,  pour  toute  réponse,  jetés  dans  un  cul  de  basse- 
fosse. 


fÈPRES  SiaLBKMBS.  9 

La  Sicile  n'avait  pas  de  pitié  à  attendre  de  Charles  d'An- 
jou. Cette  lie,  à  moitié  arabe,  avait  tenu  opiniâtrement 
pour  les  amis  des  Arabes,  pour  Manfred  et  sa  maison. 
Toute  insuHe  que  les  vainqueurs  pouvaient  faire  au  peuple 
sicilien  ne  leur  semblait  que  représailles.  On  connaît  la 
pétulance  des  Provençaux,  leur  brutale  jovialité.  S'il  n'y 
eût  eu  encore  que  l'antipathie  nationale,  et  l'insolence  de 
la  conquête,  le  mal  eût  pu  diminuer.  Mais  ce  qui  menaçait 
d'augmenter,  de  peser  chaque  jour  davantage,  c'était  un 
premier,  un  inhabile  essai  d'administration,  l'invasion  de 
la  fiscalité,  lapparition  de  la  finance  dans  le  monde  de 
l'Odyssée  et  de  l'Enéide.  Ce  peuple  de  laboureurs  et  de 
pasteurs  avait  gardé  sous  toute  domination  quelque  chose 
de  l'indépendance  antique.  Il  y  avait  eu  jusque-là  des  so- 
litudes dans  la  montagne,  des  libertés  dans  le  désert.  Mais 
voilà  que  le  fisc  explore  toute  l'ile.  Curieux  voyageur, .  il 
mesure  la  vallée,  escalade  le  roc,  estime  le  pic  inaccessi- 
ble. Le  percepteur  dresse  son  bureau  sous  le  châtaignier 
de  la  montagne,  ou  poursuit,  enregistre  le  chevrier  errant 
aux  corniches  des  rocs  entre  les  laves  et  les  neiges. 

Tâchons  de  démêler  la  plainte  de  la  Sicile  à  travers  cette 
forêt  de  barbarismes  et  de  solécismes,  par  laquelle  écume 
et  se  précipite  la  torrentueuse  éloquence  de  Barthélemi  de 
Nécocastro  :  «  Que  dire  de  leurs  inventions  inouïes?  de 
leurs  décrets  sur  les  forêts?  de  l'absurde  interdiction  du 
rivage?  de  l'exagération  inconcevable  du  produit  des 
troupeaux?  Lorsque  tout  périssait  de  langueur  sous  les 
lourdes  chaleurs  de  l'automne  ;  n'importe,  l'année  était 
toujours  bonne,  la  moisson  abondante....  Il  frappait  tout 
à  coup  une  monnaie  d'argent  pur,  et  pour  un  denier  sici- 
lien s'en  faisait  ainsi  payer  trente Nous  avions  cru  re- 
cevoir un  roi  du  I%re  des  Pères,  nous  avions  reçu  l' Anti- 
Christ  <. 


40  .     VkmU  SICiLWNES. 

^  Il  fAllftit,  dU,aiiaiitrQ»  représenter  chaque  Iroopeau  au 
bout  de  Taa;  )9t^  en;  outre,  plus  de  petite  que  le  tnoupesau 
n*eo  pouvait  produire.  Les  pauvres  laboureurs  pleuri^ient. 
C'était  une  tex^ur  universelle  chez  les  bouviers,  les  clie-- 
yriers,ch9Eitott»lespAS(eucs.  Onles  rendait  responsables 
delearsi  abeiUes,  môme,  de  Tessaim  que  le  vent  emporte. 
On  leur  défendait  la  chasse»  et  puis  Qn  allait  en  cachette 
porter  dans  leurs  huttes  des  peaux  de  Qer&  09  de  daims,, 
pour  avoir  droit  de  confisquer.  Toutes  les  fois  qu'il  plaî- 
ssMit  au  roi  <le  frapper  oionnAie  neuv^,  on  sonnajit  de  la 
trompette  dans  leutea  les  rues  ;.  et.de  porte  e|i  porte,  il  fal- 
lait livrer  l'argent^...  » 

Voilà  le  sort  de  la  Sicile  depuis  tant  desièdes.  €'e$t  tou- 
jours la  vache  nourrice,  épuisée  de  lait  et  de  aaag  pSLS  un 
maître  étranger.  Elle  n*aeu  d'indépçyadance»  4e  vie  forte 
que  sous  ses  tyrans,  les  Denys^  les  Gélon.  £ux  seuls 'la 
rendirent  formidable  au  deliors.  Depuis,  tpujoiH's  esclave. 
Et  d*abord,  c'est  chex  ^elle  que  se  sont  décidées  toutes  les 
grandes  querelles  du  monde  aatique  :  Athènes  et  Syracuse, 
la  Grèce  et  Carthage,  Carthage  et  Borne  ;  enfin,  tes  guerres 
servilest  Toutes  ces  batailles  solenneUes  du  .genre  humain 
ont  été  combattues  en  vue  de  TËtna^  comme  uji  jHgemant 
de  Dieu  pai^devant  TauteK  Puis  viennent  ies^acbar^, 
ÀKibes,  Normands,  Allemands^  -Chaque  fois  la  Sicile  espère 
etidéeire,  chaque  fois  elle  souiFre;  eUese  t4Niirna«  se  itetouriie, 
comme  Encelade  sous  le  volcan.  FaiUespe,  désharmonte 
incurable  d'un  peupla  4e  vii^t.raees>  tsurqui  pàsa  si  lour- 
dement une  double  iatalité  d'histoire,  et  da  climat. 

Tout  cela  ne. parait  que  Xvoft  bien  <dans  la  belle  et  molle 
lamentation  par  laquelle  Falcando  commence  son-histoire^  : 
«  le  voulais,  mon  ami,  maintenant  que  Tàpre  hiver  a. cédé 
sous  un  souffle -plus  doux,  je  voulais  t'écrire  et.i'adresiier 
quelque  chose  d'aimable,  comme  prémices  du  pmateutps» 

*  Nie    Spocialis. 


vtnu»^itinjiMiiEs.  41 

Hais  kl  htgttbve  nouvelle  me.  tàii  prévoir  de  nouveaux 
oragfe»;  mes  chants  se  changeBt  en  pleura.  En  vain  le  eiel 
setirit,  en  vain  les  jardins  et  les  bocages  m'inspirent  une 
joie  importune,  et  le  eondertranonvelé  deft  oiaeausK  m'en- 
gage à  reprendre  le  mien.  Je  ne  puis  voir  sans  tannes  la  pro- 
chaine désolation  de  ma  bonne  nonrriee^  la  Sicile.-*  l^equel 
embrasseront-^tls  dtt  joug  on  de  l'honneur  I  Jecherohe  en 
silence,  et  ne  sais  que  dioîair.  ;.  -^  Je  vois  q«e  dans  le  dé- 
sordre d'im  tel  moment,  nos  Sarrasins  sent  opprimés.  Ne 
vontMls  pas  seconder  rennemi?v..<iihl  si  tous,  Gbrétians 
etSarraÂns;  s'accordaient  pour  éitce  un  roil...  -r  Qu'à 
ForieRt  de  rUe,  nos  brigands  siciliens  xwosbatlant  les  bar- 
bares, parmi  les  kmx  de  TStna  et  les  laves^  k  la  bonne 
beure.  Aussi  bien  c'est  «ne  race  de  feu  el  de  silex.  Mais 
^intérieur  de  la  Sfeilo»  mais  k^contréç  qu'honore  notre 
belle  Palerme,  ce  serait  chose  impie,  monairttflMsew  qu'elle 
fût  soMIée'de  l'aspect  de»  barbaces. . .  Je  it*eàpère  nep  des 
A|>uN«nSj  qiti  n'aiment  quenomeantè.  Haii  toi,  Messine, 
€ité  puissante  al  lioMe,  -senges*ta  donc  à  le  défendra,  à 
TepousBc»  l^éMiigerdu  détroit?  Mdheur  è  toi,  Gatane  ! 
Jamais,  'à^ftme  demlamités^  tu  n'as  pu  aatisfeireet  iéehir 
4a  fortune. 'G«0i>rev  peste»  «tornents  enflaomiés  de  l'JEtna, 
'tretnblemeirit'die  leire  et  vuines  ;  iliae  te  manque  plue  que 
la  servitude^  Mlons,  ^meuso»  secooe  laifMdx,  si  lu  peux; 
teite^equence^  éeni  tm  tempères,  emplaîe*4a  àrelever  le 
eoufage  des  tiens.  Que  le  ^eert'db  4^étre  aflinamihie  <des 
Denysl..  Âh'I  qui" nous  f^endm  nos-i^imsl..^  l'^iw viens 
iifainteffantAtefi,'é^Pilerme^<'lélfB^>de}a  Sieilél  itSeroment 
tetpasser  sous  sHenae,  et  «eoRimtnt  lolouer  Ittgoeanent  1. . .  » 
VaiS'dès  tiue  Fateatido'a  •nommé  la  belle  Merme,  il  ne 
pense  phrs  k  seûtte  i^ose,  H  oublie  •  les  i)ariNirca  et  tontes 
ses  craintes. -Le  VoHàqisrt'décrit-'insaliaMement  la  volup- 
tueuse cité,  sespsilais  fimlasiiqneêf  son  porty.ses«ienreiI- 
Icux  jardins,  soyeux  mûriers,  orangers,  citronniers,  cannes 
à  sucre.  Le  voilà  perdu  dansle&fiuitsetles  fleur».  La  na-» 


18  TÉPRBS  SIOLOmiBS. 

ture  l'absorbe,  il  rêve,  il  a  tout  oublié.  Je  crois  entendre 
dans  sa  prose  Técho  delà  poésie  paresseuse,  sensuelle  et 
mélancolique  de  l'idylle  grecque  :  «  Je  chanterai  sous  l'autre, 
en  te  tenant  dans  mes  bras,  et  regardant  les  troupeaux  qui 
s'en  vont  paissant  vers  les  bords  de  la  mer  de  Sicile  ^.  » 

C'était  le  lundi,  30  mars  4282,  le  lundi  de  Pâques.  En 
Sicile^  c'est  déjà  l'été,  comme  on  dirait  ches  nous  la  Saint- 
Jean,  quand  la  chaleur  est  déjà  lourde^  la  terre  moite  et 
chaude,  qu'elle  disparaît  sous  l'herbe,  l'herbe  sous  les 
fleurs.  Pâques  est  un  voluptueux  moment  dans  ces  con- 
trées. Le  carême  finit;  l'abstinence  aussi;  la  sensualité 
s'éveille  ardente  et  âpre,  aiguisée  de  dévotion.  Dieu  a  eu  sa 
part,  les  sens  prennent  la  leur«  Le  changement  est  brusque; 
toute  fleur  perce  la  terre,  toute  beauté»  brille.  C'est  une 
triomphante  éruption  de  vie,  une  revanche  de  la  sensualité, 
une  insurrection  de  la  nature. 

Ce  jour  donc,  ce  lundi  de  Pâques,  tous  et  toutes  mon- 
taient, selon  la  coutume,  de  Païenne  à  Monréale,  pour 
entendre  vêpres,  par  la  belle  colline.  Les  étrangers  étaient 
là  pour  gâter  la  fête.  Un  si  grand  rassemblement  d'hommes 
ne  laissait  pas  de  les  inquiéter.  Le  vice*roi  avait  défendu  de 
porter  les  armes  et  de  s'y  exercer,  comme  c'était  l'usage 
dans  ces  jours-là.  Peut-être  avait-U  remarqué  l'aflDuence 
des  nobles  ;  en  eSbt,  Procida  avait  eu  l'adresse  de  les  réu- 
nir à  Palerme  ;  mais  il  fallait  l'occasicm.  Un  Français  la 
donna  mieux  que  Procida  n'eût  souhaité.  Cet  homme, 
nommé  Drouet,  arrête  une  belle  fille  de  la  noblesse  que 
son  fiancé,  et  toute  sa  fkmille  menaient  à  l'église.  U  fouille 
le  fiancé,  et  ne  trouve  pas  d'armes;  puis  il  prétend  que  la 
fille  en  a  sous  ses  habits,  et  il  porte  la  main  sous  sa  robe. 
■Elle  s'évanouit.  Le  Français  est  à  l'instant  désarmé,  tué  de 
son  épée.  Un  cri  s'élève  :  c  A  mort,  à  mort  les  Français*  !  » 
Partout  on  les  égorge.  Les  maisons  françaises  étaienti  dit-on* 

<  Théocrite. 

*  •  Iforiantar  GalU.  •  Bariolomeo. 


TÉntES  SICILIENNES.  43 

marquées  d'avance  <.  Quiconque  ne  pouvait  prononcer  le 
e  ou  eh  italien  {ceci,  ekeri)  était  tué  à  l'instant*.  On 
éventra  des  femmes  sîeifiennes  pour  chercher  dans  leur 
aem  mi  enfiiint  français. 

n  fallut  tout  un  mois  pour  que  les  autres  villes,  rassu- 
rées par  l'impunité  de  Palerme,  imitassent  son  exemple. 
L'oppression  avait  pesé  inégalement.  Inégale  aussi  fut  la 
vengeance,  et  quelquefois  il  y  eut  dans  le  peuple  une 
capricieuse  magnanimité  3.  A  Palerme  même,  le  vice-roi, 
surpris  dans  sa  maison,  avait  été  outragé,  mais  non  tué; 
on  voulait  le  renvoyer  à  Aigues-Mortes.  A  Calatafimi,  les 
habitants  épargnèrent  leur  gouverneur,  Thonnéte  Porcelet, 
et  le  laissèrent  aller  avec  sa  famille.  Peut-être  était-ce 
crainte  des  vengeances  de  Charles  d'Anjou.  Le  peuple  était 
déjà  refroidi  et  découragé,  telle  est  la  mobilité  méridionale. 
Les  habitants  de  Palerme  envoyèrent  au  pape  deux  reli- 
gieux pour  demander  grâce.  Ces  députés  n'osèrent  dire 
autre  chose  que  ces  paroles  des  litanies  :  «  Agnus  Dei,  qui 
tollis  peccata  mundi,  miserere  nobis.  »  Et  ils  répétèrent  ces 
mots  trois  fois.  Le  pape  répondit  en  prononçant,  par  trois 
fois  aussi,  ce  verset  de  la  Passion  :  «  Ave,  rex  Judœoruni, 
et  dabant  ei  alapam.  »  Messine  ne  réussit  pas  mieux  auprès 
de  Charles  d'Anjou.  Il  répondit  à  ses  envoyés  qu'ils  étaient 
tous  des  traîtres  à  l'Église  et  à  la  couronne,  et  leur  con- 
seilla de  se  bien  défendre,  comme  ils  pourraient  ^. 

Les  gens  de  Messine  se  hâtèrent  de  profiter  de  l'avis. 
Tout  fut  préparé  pour  faire  une  résistance  désespérée. 
Hommes,  femmes  et  enfants,  tous  portaient  des  pierres.  Ils 
élevèrent  un  mur  en  trois  jours,  et  repoussèrent  bravement 
les  premières  attaques.  Il  en  resta  une  petite  chanson  : 

•  App,,  5. 

*  Simple  tradition. 

*  Fazello  tSKore  que  Sperlinga  fol  la  sealeTÎile  qui  tio  massacrât  pas 
les  Francs.  De  là  le  dicton  sicilien  :  •  Quod  Sicnlis  placuit,  *sola  Spcr« 
lin^  negaTJt.  • 

•  App.,  a. 


44  VÉPB^  ^ICUJSNim.     . 

«  Ahl  n'esi^^se  pa$  graad'fHtié  des  femmes.  4e  Me$siQ^«  de 
«  les  voir  échevflées  eli  portant  pierre  et  chaux  T,.,  Qui 
«   veut  gàiter  Messine,  Dieu  lui  daime  trouble  ei  tr^ftil.  » 

Il  était  temps  toutefois  que  rAragonaiftarrivàt^Le  prina^a; 
mséa'étiifc  loim  d'abord  en  obfi^rvatioQ,  laissant  le»  sisqijbeii 
aux  SicUiens.  Ceux-^ci  s'éUient  irrévocablement  eoii^ro^ 
mis  par  le  massacre  ;  mais  cammaiH  «Jlaieat-rils  soutenir 
cet  acte  irréfléchi^  c'est  ce  que  P.  PedJPO  vottlttb,voi,F.  U  se 
tenait  toutefois  en  Afrique  avec  une  arquée,  et  faisait 'malr* 
lément  la  guerre  aux  infidèles.  Cet  armement  avait  inquiété 
le  roi  de  France  et  le  pape.  11  rassura  le  premier  en  pré^ 
textant  la  gMerre  des  Maures»  et  pour  le  mieux  tromper»  il 
lui  emprunta  de  l'argent;  il  en  emprunta  mén^e  à  Cfaarleg 
d'Anjou  ^  Ses  barons  ne  purent  ouvrir  qu'en  mer  las 
ordres  cachetés  qu'il  leur  avait  donnés,  et  iKn'y  lurent  rien 
que.Ia  guerre  d'Afrique^.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  plusieurs 
mois,  et  lorsqu'il  eut  reçu  deux  députations  des  Siciliens» 
qu'il  se  décida,  et  passa  dans  Vile  3. 

L'Aragonais  envoya  son  défi  devant  Messûae  à  Charles 
d'Anjou,  mais  il  ne  se  pressa  pas  d'aller  se  mettre  en  laea 
de  son  terrible  ennemi.  En  boa  .^reador,  il  piqw,  mais 
éluda  le  taureau.  Seulement  il  expédia  au  secours  de  la 
ville  quelques-uns  de  ses  brigaiuls  almog^varea,  lestes  et 
sobres  piétons  qui  firent  en  trois  ;joura  le»  six  journées  qu'il 
y  a  de  Palerme  à  Messine  ^.  JLa  flotte  catalane,  sous  le  Ca- 
labrois  Roger  de  Loria,  était  un  secours  plus  efficaceen-* 
core.  Elle  devait  occuper  le  détroit,  a£bmer  Charles  d'An^ 
jou,  hii  fermer  le  retour.  Le  roi  de  Naples  se  défiait  avec 
raison  de  ses  forces  de  mer.  Il  repassa  le  détroit  pendant 
la  nuit,  sans  pouvoir  eulever  ni  sesc  tentes,  ni  ses  provi  • 

*  Villani.  —  *  Mantaner.  —  *  App.,  7. 

*  •  Cu  qae  les  autres  ne  pouvaient  supporter  était'  pour  eu%.  oomiaa 
régal  et  passe  temps...  Leur  extérieur  était  élrauge  et  sauvage,  et  ooidbm 
ils  étaient  très^noirs,  maigres  et  mai  peignos,  les  Siciliens  étaient  en 
grande  a>]roiration  et  souci,  ne  voyant  venir  qu'eux  pour  dcf^^nseurs..,  • 
Curita. 


«on&.  Au  majliii»  les  •MessiaoisémerveiUés  ne . virent  pliu$ 
d'eoœmis.  Us  n'euFent  plus  qu'à  piUer  le  camp/ 

Si  Voo  en  croit  Muntaner»  les  Catalans  n  avaient  que 
vingt-deux  galères  eontne  les  quatre-vingt-dix  de  Ght'irlos 
d'AnjoUi  Sur  Gellesr^i,  il  y  en  avait  dix  de  Pise^  qui  s'en- 
fuirent les  prenûèreSy  quinze  de  Gènes  qui  les  suivirent. 
Les  Provettçaiv(,  sujets  de  Charles,  en  avaient  vingt,.el  ne 
tinrent  pa&  davantage-  Les  quarante-cinq  qui  restèrent 
étaient  de  Naples  et  de  Calabre;  elles  se  crurent  perdues, 
et  se  jetèrent  à  la  o6te.  Mais  les  Catalans  les  poursuivirent, 
les  prirent,  y  tuèrent  six  iniUe  hommes.  Les  vainqueurs, 
écartés  par  la  tempête,  se  trouvèrent  à  la  pointe  du  jour 
devaotle  pharede  Messine. 

«  Quand  le  jour  fut  arrivé,  ils  se  présentèrent  à  la  tou- 
relle; Les  gens  de  la  ville,  voyant  un  si  g:rand  nombre  de 
voiles,  s'écrièrent  :  «  Ah  l  Seigneur  I  ahl  mon  Dieu,  qu'est- 
€  ce  cela?  Voilà  la  flotte  du  toi  Charles  qui,  après  s'être 
€  emparée  des  galères  du  roi  d'Aragon,  revient  sur  nous.  » 

«  Le  roi  était  levé,  car  il  se  levait  constamment  à  l'aube 
du. jour,  soit  l'été,  soit  l'hiver;  il  entendit  le  bruit,  et  en 
demanda  la  cause.  «  Pourquoi  ces  cris  dans  toute  la  cité? 
«  —  Seigneur,  c'est  la  flotte  du  roi  Charles  qui  revient  bien 
«  plus  considérable,  et  qui  s'est  emparée  de  nos  galères.  » 

«  Le  roi  demanda  un  cbeViSl,  et  sortit  du  palais,  suivi  à 
peine  de  dix  personnes.  Il  courut  le  long  de  la  côte,  oii  il 
rencontra  un  grand  nombre  d'hommes,  de  femmes  at  d'en- 
fants au  désespoir.  U  les  encouragea,  en  leur  disant  : 
«  Bonnes  gens,  ne  craignez  rien,  ce  sont  nos  galères  qui 
€  amènent  la  flotte  du  roi  Charles.  »  Il  répétait  ces  mots 
en  courant  sur  le  rivage  de  la  mer;  et  tous  ces  gens  s'é- 
criaient :  «  Dieu  veuille  que  cela  soit  ainsi  !  »  Qi^e  vous  di- 
rai je,  enfin?  Tous  les  hommes,  les  femmeaet  enfants  de 
Messine  couraient  après  lui,  et  l'armée  de  Messine  le  suivait 
aussi.  Arrivé  à  la  Fontaine  d'Or,  le  roi,  voyant  approcher 
une  si  grande  quantité  de  voiles  poussées  par  le  vent  des 


46  VÊPIUES  SICILIKNNIS. 

montagnes,  réfléchit  un  moment,  et  dit  i^  part  soi  :  t  Dieu, 
qui  m'a  conduit  ici,  ne  m'abandonnera  point,  non  plus  que 
ce  malheureux  peuple;  grâces  lui  en  soient  rendues!  » 
«  Tandis  qu'il  était  dans  ces  pensées,  un  vaisseau  armé, 
pavoisé  des  armes  du  seigneur  roi  d'Aragon,  et  monté  par 
En  Cortada,  vint  devers  le  roi,  que  l'on  voyait  au-dessus 
de  la  Fontaine  d'Or,  enseignesdéployées,  à  la  tête  de  la  ca- 
valerie. Si  tous  ceux  qui  étaient  là  avec  le  roi  furent  trans- 
portés de  joie,  en  apercevant  ce  vaisseau  avec  sa  bannière, 
c'est  ce  qu'il  ne  faut  pas  demander.  Le  vaisseau  prit  terre. 
En  Cortada  débarqua  et  dit  au  roi  :  t  Seigneur,  voilà  vos 
galères  ;  elles  vous  amènent  celles  de  vos  ennemis.  Nicotera 
est  prise,  brûlée  et  détruite,  et  il  a  péri  plus  de  deux  cents 
chevaliers  français.  »  A  ces  mots,  le  roi  descendit  de  che- 
val et  s'agenouilla.  Tout  le  monde  suivit  son  exemple.  Ils 
commencèrent  à  entonner  tous  ensemble  le  Salve  regina.  Ils 
louèrent  Dieu,  et  lui  rendirent  grâces  de  cette  victoire,  car 
ils  ne  la  rapportaient  point  à  eux,  mais  à  Dieu  seul.  Enfin, 
le  roi  répondit  à  En  Cortada  :  «  Soyez  le  bienvenu.  »  Il  lui  dit 
ensuite  de  retourner  sur  ses  pas,  et  de  dire  àtous  ceux  qui  se 
trouvaient  devant  la  douane  de  s'approcher  en  louant  Dieu; 
il  obéit,  etles  vingt-deux  galères  entrèrent  les  premières,  trat- 
nant  après  elles  chacune  plus  de  quinze  galères,  barques  ou 
bâtiments  ;  ainsi  elles  firent  leur  entrée  à  Messine,  pavoisées, 
l'étendard  déployé,  et  traînant  sur  la  mer  les  enseignes  en* 
nemies.  Jamais  on  ne  fut  témoin  d'une  telle  allégresse.  On 
eût  d  t  que  le  ciel  et  la  terre  étaient  confondus  ;  et  au  mi- 
lieu de  tous  ces  cris,  on  entendait  les  louanges  de  Dieu,  de 
madame  Sainte  Marie  et  de  toute  la  cour  céleste...  Quand 
on  fut  à  la  douane,  devant  le  palais  du  roi,  on  poussa  des 
cris  de  joie  ;  et  les  geps  de  mer  etles  gens  de  terre  y  répon- 
dirent, mais  d'une  telle  force,  vous  pouvez  m'en  croire, 
qu'on  les  entendait  de  la  Calabre  ' .  » 

*  Mununcr. 


VÊPRES  SICILIENNES.  47 

Charles  d'Anjou  vit  du  rivage  le  désaatre  de  sa  flotte.  Il 
vit  incendier  sans  pouvoir  les  défendre  ces  vaisseaux,  cons* 
truits  naguère  pour  la  conquête  de  Constahtinople.  On  dit 
qu'il  mordait  de  rage  le  sceptre  qu'il  tenait  à  la  main,  et 
qu'il  répétait  le  mot  qu'il  avait  déjà  dit  en  apprenant  le 
massacre  :  «  Ah,  sire  Dieu,  moutl  m'avez  offert  à  surmon- 
ter !  Puisqu'il  vous  plaît  de  me  faire  fortune  mauvaise,  qu'il 
vous  plaise  aussi  que  la  descente  se  fasse  à  petits  pas  et 
doucement  *.  » 

Mais  l'orgueil  l'emporta  bientôt  sur  cette  résignation. 
Charles  d'Anjou,  déjà  vieux  et  pesant ,  proposa  au  jeune  roi 
d'Aragon  de  décider  leur  querelle  par  un  combat  singulier, 
auquel  auraient  pris  part  cent  chevaliers  des  deux  royaumes. 
L'Aragonais  accepta  une  proposition  si  favorable  au  plus 
faible,  et  qui  lui  donnait  du  temps  ^.  Les  deux  rdis  s'enga- 
gèrent à  se  trouver  à  Bordeaux  le  15  mai  1283,  et  à  com- 
battre dans  cette  ville  sous  la  protection  du  roi  d'Angleterre. 
A  l'époque  indiquée,  D.  Pedro  bien  monté,  voyageant  'de 
nuit,  et  guidé  par  un  marchand  de  chevaux  qui  connais- 
sait toutes  les  routes,  tous  les  pors  des  Pyrénées,  se  rendit, 
lui  troisième,  à  Bordeaux.  11  y  arriva  le  jour  même  de  la  ba- 
taille, protesta  devant  un  notaire  que  le  roi  de  France  étant 
près  de  Bordeaux  avec  ses  troupes ,  il  n'y  avait  pas  de  sû- 
reté pour  lui.  Pendant  que  le  notaire  écrivait,  le  roi  fit  le 
tour  de  la  lice,  puis  il  piqua  son  cheval,  et  fit  sans  s'arrêter 
près  de  cent  milles  sur  la  route  d'Aragon. 

Charles  d'Anjou,  ainsi  joué,  prépara  une  nouvelle  armée 
en  Provence.  Mais  avant  qu'il  fût  de  retour  à  Naples,  Ta- 
mirai  Bogerde  Loria  lui  avait  porté  le  coup  le  plus  sensible. 
11  vint  avec  quarante -cinq  galères  parader  devant  le  port  de 
Naples,  et  braver  Charles  le  Boiteux,  le  fils  de  Charles  d'An- 
jou. Le  jeune  prince  et  ses  chevaliers  ne  tinrent  pas  à  un 
tel  outrage.  Ils  sortirent  avec  trente-cinq  galères  qu'ils 

*  •  ...Pacclati,  che*l  mio  calare  sia  a  fetii  passi.  •  Villani. 
111*  t 


4^  TipRES  siaLisx:«8S. 

aHaigni^  (i^W^.le  ppijL.  Aju  premier  cboc«  ils  fureni  défaits  et 
priSf  Char].e&.  d'Anjou  ajriva  le  lendemain.  «  Que  n'e$i-41 
n^r^  I  >  s'écriarrt-ilj^  quand  on  lui  apprit  la  captivité  de  son 
fils  Ml  se  donna  la.  consolation  de  faire  pendre  cent  cin- 
quai^t^  Napolit^i^s^ 

Le  roi  de  Naples  avait  été  rudemenl  frappé  de  ce  dernier 
coup..  Son  activité  Tabapclonpait.  U  perdit  Tété  à  négociei 
par  Tentrenûse  du  pfipe  un.  arrangement  avec  les  Siciliens. 
L*hiver,  il  fit  de  nouveaux  préparatifs;  mais  ils  ne  devaient 
pa;s  lui  servir..  La  vie  lui  échappait,  ainsi  que  Tespoir  de  la 
vengeance.  U  mourut, avec  la  piété  et  la  sécurité  d*un  saint,  ^ 
se,rendimt  ce  témpignage,  qu'il  n'avait  fait  la  conquête  dur^ 
royaume  de  Sicile  que  pour  1q  senice  de  r£glise»  (7  janvier. 

Cependant,  le  pape,  tout  Français  de  naissance  et  de 
cœur,  avait  déclaré  D.  Ped|x>  déchu  de  son  -royaume  d'A- 
ragon (1283),  assurant  les  indulgences  de  la  croisade  à  qui- 
conque lui  courrait  sus.  L'année  suivante  il  adjugea  ce 
royaume  au  jeune  Charles  de  Valois,  second  fils  de  Philippe 
le  Hardi,  et  frère  de  Philippe  le  Bel.  Ce  fut  en  effet  une 
vraie  croisade.  La  France  n'avait  point  guerroyé  depuis 
longtemps.  Tout  le  monde  voulut  en  être,,  la  reine  elle-- 
m.(^e  et  beaucoup  de  nobles  dames.  L'armée  se  trouva  la 
plusi  forte  qui  fut  jamais  sortie,  de  France  depuis  Godefroi 
de  Bouillon.  Les  Italiens  la.pQrtentà  viugtmille.ohevaliers, 
quatre  mille  fantassins.  Les  flottes  de.  Gènes»  de ,  Marseille^ 
d'Aigues-MorXes  et  de  Narbonne,.  devaient  .suivre  les  ri- 
vages de  Catalogne»  et  seconder  les  ^i;pupQ$,  de  terre.  Tout 
promettait  un  succès  facile.  D«  Pedro  se  trouvait  abandonné 
de  son  allié,  le  roi  de  Castille»  et  de  son  frère  jnéme,  le  roi 
de  Migorque.  Sessujets  venaient  de  formes  unehckrmandad 
contre  lui.  Il  se  trouva  réduit  à  quelques  Almogayares,  avec 
lesquels  il  occupait  les  positions  i^t^quablj^,  observant . 

1  •  Lo  re  Carlo...  dU^e  cod  irato  v^mfi  :  Or  fo^iil^jiiMfrf,]^Qne9uU  0 
fali  nosire  mandemenL  *  Villani. 


VÊPRES  SICILIENNES.  19 

et  inquiétant  l'ennemi.  Elna  fit  quelque  réshtance,  et  tout 
y  fut  cruellement  massacré.  Gironne  résista  davantage.  Le 
roi  deFrance,  qui  avait  fait  vœu  de  la  prendre,  s'y  obstina, 
et  y  perdit  un  temps  précieux.  Peu  à  peu  le  climat  com- 
mença à  faire  sentir  son  influence  malfaisante.  Des  fièvres 
I  se  mirent  dans  l'armée.  Le  découragement  augmenta  par 
t  la  défaite  de  l'armée  navale;  l'amiral  vainqueur,  Roger  de 
'.  Loria,  exerça  sur  les.  prisonniers  d'effroyables  cruautés.  Il 
«  fallut  songer  à  la  retraite,  mais  tout  le  monde  était  malade  ; 
les  soldats  se  croyaient  poursuivis  par  les  saints  dont  ils 
avaient  violé  les  tombeaux.  Tous  les  passages  étaient  occu- 
pés. Les  Àlmogavares,  attirés  parle  butin,  croissaient  en 
nombre  à  vue  d'œil.  Le  roi  revenait  mourant  sur  un  bran- 
card au  milieu  de  ses  chevaliers  languissants.  La  pluie  tom- 
bait à  torrents  sur  cette  armée  dé  malades.  La  plupart  res- 
tèrent en  route.  Le  roi  atteignit  Perpignan,  mais  pour  y 
mourir.  Il  ne  lui  restait  pas  un  pouce  de  terre  en  Espagne. 
Le  nouveau  roi,  Philippe  le  Bel,  trouva  moyen  d'armer 
leroideCastille  contre  son  allié  d'Aragon.  Le  fils  de  Charles 
d'Anjou  obtint  sa  liberté  avec  un  parjure.  La  Sicile  et  ses 
nouveaux  rois,  cadets  de  la  maison  d'Aragon,  se  virent 
abandonnés  de   la  branche  ainée,  qui    prit   même   les 
armes   contre  eux.  Cependant  le  petit-fils  de    Charles 
d'Anjou,  fils  de  Charles  le  Boiteux,  fut  pris  par  les  Sici- 
liens, comme  son  père  l'avait  été.  Un  traité  suivit  (1299), 
d'après  lequel  le  roi  Frédéric  devait  garder  File  sa  vie  durant. 
Mais  ses  descendants  l'ont  gardée  pendant  plus  d'un  siècle. 
Cette  royauté  de  Naples,  si  mal  acquise,  ne  fut  pas  ren- 
versée entièrement,  mais  du  moins  mutilée  et  humiliée.  II 
y  eut  quelque  réparation  pour  les  morts.  «  Le  pieux 
Charles,  aujourd'hui  régnant  (le  fils  de  Charles  d'Anjou), 
dit  un  chroniqueur,  qui  mourut  vers  l'an  1300,  a  construit 
une  église  de  Carmes  sur  les  tombeaux  de  Conradinetde 
ceux  qui  périrent  avec  lui^.  > 

'  iUcobald.  Ferrar. 


CHAPITRE    II. 


Philippe  le  Bel.  ^  Boniface  VIII.  1285-1304. 


•    i 


c  Je  fus  la  racine  de  la  mauvaise  plante  qui  couvre  toute 
la  chrétienté  de  son  ombre.  De  mauvaise  plante,  mauvais 
fruit... 

c  J'eus  nom  Hugues  Capet.  De  moi  sont  nés  ces  Louis, 
ces  Philippe,  qui  depuis  peu  régnent  en  France. 

a  J'étais  fils  d*un  boucher  de  Paris  i,  mais  quand  les  an- 
ciens rofs  manquèrent,  hors  un  qui  prit  la  robe  grise,  je  me 
trouvai  tenir  les  rênes,  et  j*avais  tels  amis,  telles  forces  que 
la  couronne  veuve  retomba  à  mon  fils  ^  De  lui  sort  cette 
race  où  les  morts  font  reliques  3. 

«  Tant  que  la  grande  dot  prow^nçale  ne  leur  ôta  toute 
vergogne,  peu  valaient-ils  ;  du  moins  faisaient-ils  peu  de 
mal. 

a  Mais  dès  lors  ils  poussèrent  par  force  et  par  men- 
songe, et  puis  pas  pénitence  ils  prirent  Normandie  et  Gas- 


cogne. 


«  Charles  passe  en  Italie,  et  puis,  par  pénitence  égorge 
Conradin.  — Par  pénitence  encore,  il  renvoie  saint  Thomas 
au  ciel. 

*  Celte  tradition  populaire  n*est  confirmée  par  aucun  texte  bien  an- 
cien, non  plus  qu'une  bonne  partie  des  traits  satiriques  qui  suivent. 

*  On  sait  que  Hugues  Capot  ne  voulut  jamais  porter  la  couronac.  Robert 
est  le  premier  des  C.tpétiens  qui  la  porta. 

'  AUnsion  à  la  canonisation  récente  de  saint  Louis. 


BOmFACE  VUI.  21 

c  Un  autre  Charies  sortira  tantM  de  France.  Sans  armeSt 
il  sort,  sauf  la  lance  du  parjure,  la  lance  de  Judas.  Il  en 
£rappe  Florence  au  ventre  ^. 

«  L'autre,  captif  en  mer,  fait  traite  et  marché  de  sa  fille; 
leecNTsairedu  moins  ne  vend  que  Tétranger. 

«  Mais  voici  qui  efface  le  mal  fait  et  à  faire...  Je  le  vois 
entrer  dans  Anagni,  le  fleurdelisé  !...  Je  vois  le  Christ  captif 
en  son  vicaire  ;  je  le  vois  moqué  une  seconde  fois  ;  il  est  de 
nouveau  abreuvé  de  fiel  et  de  vinaigre.  U  est  mis  à  mort 
entre  des  brigands  ^.  » 

Cette  furieuse  invective  gibeline,  toute  pleine  de  véri- 
tés et  de  calomnies,  c^est  la  plainte  du  vieux  monde  mou* 
rant,  contre  ce  laid  jeune  monde  qui  lui  succède'.  Celui-ci 
commence  vers  1 300  ;  il  s'ouvre  par  la  France,  par  l'odieuse 
figure  de  Philippe  le  Bel. 

Au  moins  quand  la  monarchie  française,  fondée  par 
Philippe-Auguste  et  Philippe  le  Bel,  finit  en  Louis  XVI, 
elle  eut  dans  sa  mort  une  consolation.  Elle  périt  dans  la 
gloire  immense  d'une  jeune  république  qui,  pour  son  coup 
d'essai,  vainquit  l'Europe  et  la  renouvela.  Mais  ce  pauvre 
moyen  âge,  papauté,  chevalerie,  féodalité,  sous  quelle  main 
périssent-ils?  Sous  la  main  du  procureur,  du  banquerou- 
tier, du  faux-monnayeur. 

La  plainte  est  excusable;  ce  nouveau  monde  est  laid.  S'il 
est  plus  légitime  que  celui  qu'il  remplace,  quel  œil,  fût-ce 
celui  de  Dante,  pourrait  le  découvrir  à  cette  époque?  Il 
naît  sous  les  rides  du  vieux  droit  ro^nain,  de  la  vieille  fis- 
calité impériale.  Il  naît  avocat,  usurier;  il  naît  gascon, 
lombard  et  juif. 

Ce  qui  irrite  le  plus  contre  ce  système  moderne,  contre 
la  France,  son  premier  représentant,  c'est  sa  contradiction 
perpétuelle,  sa  duplicité  d'instinct,  l'hypocrisie  naïve,  si 
je  puis  dirCf  avec  laquelle  il  va  attestant  tour  à  tour  ei 

«  U  t'agit  de  Charli»  de  Valois. 
•  DâDte,  Pqrgit. 


as  PHIUPPB  LB  BSU 

alternant  :ses.4euxpriDeipe8,  xoaaaiaet.léodal.  La  France 
est  filor&  un  légiste  en  euiraaae,  un.proeitteur  bardé  denier; 
elle  emploie  la  force  féodale  à  exécuter  ie&.89nttfneesida 
dimt  romain'  et  oanoniflue. 

Fille  obéissante  de  rÉgliae,  elle  .s'emptre  ddVilaUest 
de  r%lise  mânie  ;  si^Ue  tant  rfgliae,  c'est  comme  as.  fille, 
iB«yBune  .obligée  en  consdeoce  de  a>mgBr4a.mèfe. 

Le  premier  acte  du  peflt^flls  de  saint  Louis  avait  ét§ 
d'exclure  les  prêtres  de  radministration  de  la  justice,  de 
leur  interdire  tout  tribunal,  non-seulement  ^u  parlement 
du  roi  et  dans  «es  domaines,  mds  dans  ceux  des  seigneurs 
[f  S87).  «  U  a  été  ordonné  par  le  conseil  du  seigneur  roi, 
tjue  les  ducs,  comtes,  barons,  archevêques  et  évêques, 
àbbés,  chapitres,  tTolIéges,  gentilshommes  (niilites),  et  en 
général,  tous  ceux  qui  ont  en  France  juridiction  tempo- 
reUe,  instituent  des  laïques  pour  baillis,  prévôts  et  oT&ciecs 
de  justice;  qu'ils  n'instituent  nullement  des  clercs  en  ces 
fonctions,  afin  que,  s'ils^ manquent  (délinquant)  en  quelque 
ehose,  leurs  supérievrs  puissent  sévir  contre  eux.  S'il  y  a 
des  clercs  dans  les  susdits  offices,  qu'ils  en  soient  éloignés. 
—  item,  il  a  été  ordonné  que  tous  ceux  qui,  après  le  pré- 
sent piarlcment,  ont  ou  auront  cause  en  la  cour  du  seigneur 
roi,  et  devant  les  juges  séculiers  du  royaume,  constituent 
des  procureurs  teîques.'Enregistré  ce  jour,  au  parlement, 
de  là  Toussàmt,  Tan  du  Seigneur  1 287.  ■ 

Philippe  le  Bel  rendit  le  parlement  tout  laïque.  Cesi  la 
première  sépatation  expresse  de  Tordre  civil  et  ecclésias- 
tique; disons  mieux,  c'est  la  fondation  de  Tordre  civil. 

Les  prêtres  ne  se  résignèrent  pas.  Il  semble  qu'ils  aient 
essayé  de  forcer  le  paplement  et  d'y  reprendre  leur  siège. 
Un  A1t99,  le  roi  défend  «  à  ThUippe  et  Jean,  portiers  du 
parlement,  de  laisser  entrer  mflly  des  prélats  en  la  ciiam- 
bre  sans  le  consentement  des  maistres  (présidents)  ^  » 

• 

*  D.  Vaisselle. 


BONiPACE  vni.  2S 

Constitué  par  l'exclusion  de  rélément  étranger,  ce  corps 
«'organisa  (4994)^  par  la  division  du  travail,  par  la  t'épar- 
tition  des  fonctions  diverses.  Les  uns  durent  recevoir  les 
requêtes  et  les  expédier,  les  autres  eurent  la  charge  des 
enquêtes.  Les  jours  de  séance  furent  fixés,  les  récusations 
-déterminées,  ainsi  qne  les  fonctions  des  officiers  du  roi. 
Un  grand  pas  se  fit  vers  la  centralisation  judiciaire.  Le 
«parlement  de  Toulouse  fut  supprimé,  les  appels  du  Lan- 
.guedoc  forent  désormais  portés  à  Paris  ^;  le^  grandes 
affaires  devaient  se  décider  avec  plus  de  calme  loin  de 
'Cette  lerPQ  passionnée,  qui  portait  la  trace  de  tant  de  révo- 
lutions. 

Le  parlement  a  rejeté  les  prêtres.  Il  «ne  tarde  pas  à  agir 
•contre  eux.  £n -4-288,  le  roi  'défend  qu'aucua  juif  ne  so^it 
arrête  à  la  réquisition  d'un  prêtre  ou  morne,  sans  qu'on 
Hit  informé  le  sénéchal  ou  bailli  du  motif  de  rarrestationv 
«C  sans  qu^onlui  ait  présenté  copie  tlu  mandat  qui  Tor- 
^denne.  Il  modère  la  tyrannie  religieuse  sous  laquelle 
gémissait  le  Midi  :  il  défend  au  sénéchal  de  Garcassonnè 
-d'emprisonner  qui  que  ce  seit  sur  la  seule  demande  des 
inquisiteurs  '.  Sans  doute,  ces  concessions  étaient  intéres- 
sées. Le  juif  était  chose  du -roi  ;  l'iiérétique  son  sujet,  son 
iaillaklêj  n'eût  pu  être  rançonné  par  lui,  s'il  l'eût  été  par 
l'inquisition.  Ne  nous  informons,  pas  trop  du  motif.  L'or- 
donnance parait  honorable  à  celui  qui  la  signa.  On  y  en- 
trevoit la  première  lueur  ée  la  tolérance  et  de  l'équité 
religieuse. 

La  même  année  4291,  le  roi  frappa  sur  l'Église  un  coup 
plus  hardi.  Il  limita,  ralentit  cette  terrible  puissance  d'ab- 
sorpUonqui,.pcu  à  peu,  eût  fait  passer  toutes  les  terres  du 
royaume  aux  gens  de  mainmorte.  Morte  en  effet  pour  ven- 
dre ou  donner,  la  main  du  prêtre,  du  moine,  était  ouverte 
-et  vivante  pour  recevoir  et  prendre.  11  porta  à  trois,  quatre 

"  Ordonoances.  —  •  Ajjp,^  9, 


S4  PHILIPPE  LE  DEL.  . 

OU  six  fois  la  rente,  ce  que  devait  payer  l*acquéreur  ecclé- 
siastique, en' compensation  des  droits  sur  mutations  que 
l'Ëtat  perdait.  Ainsi  toute  donation  d'immeubles  faite  aux 
églises  profita  désormais  au  roi.  Le  roi,  ce  nouveau  Dieu 
du  monde  civil,  entra  en  partage  dans  les  dons  de  la  piété 
avec  Jésus-Christ,  avec  Notre-Dame  et  les  saints. 

Voilà  pour  TËglise.  La  féodalité,  tout  armée  et  guerrière 
qu'elle  est,  n'est  pas  moins  attaquée.  D'dle-méme  se  dégage 
le  principe  qui  doit  la  ruiner.  Ce  principe  est  la  royauté 
comme  suzeraineté  féodale.  Saint  Louis  dit  expressément 
dans  ses  Établissements  (liv.  II,  c.  xxvii)  :  Se  aucun  se 
plaint  en  la  cour  le  roy  de  son  saignieur  de  dete  que  son 
saignieur  li  doie,  ou  de  promesses,  ou  de  convenances 
que  il  li  ait  fêtes,  li  sires  n'aura  mie  la  cour  :  car  nus  sires 
ne  doit  estre  juges,  ne  dire  droit  en  sa  propre  querelle,  se- 
lonc  droit  escrît  en  Code.  Ne  quis  in  sua  causa  judicet,  en 
la  loi  unique  qui  commence  Generali,  el  rouge,  et  el 
noir,  etc.  Les  Établissements  de  saint  Louis  étaient  faits 
pour  les  domaines  du  roi.  Beaumanoir,  dans  la  Coutume 
de  Beauvoisis,  dans  un  livre  fait  pour  les  domaines  d'un 
fils  de  saint  Louis,  de  Robert  de  Clermont,  ancêtre  de  la 
maison  de  Bourbon,  écrit  sous  Philippe  le  Bel  que  le  roi 
a  droit  de  faire  des  établissements,  non  pour  ses  domaines 
seulement,  mais  pour  tout  le  royaume.  Il  faut  voir  dans  le 
texte  môme  avec  quelle  adresse  il  présente  cette  opinion 
scandaleuse  et  paradoxale  ^. 

Philippe  le  Hardi  avait  facilité  aux  roturiers  l'acquisition 
des  biens  féodaux.  D  enjoignit  aux  gens  de  justice  «  de  ne 
pas  molester  les  non-nobles  qui  acquerront  des  choses 
féodales,  d  Le  non-noble,  ne  pouvant  s'acquitter  des  ser- 
vices nobles  qui  étaient  attachés  au  fief,  il  fallait  le  con- 
sentement de  i(f\jLS  les  seigneurs  médiats,  de  degré  en 
degré  jusqu'au  roi.  Philippe  III  réduisit  à  trois  le  nombre 

• 

*  Dcanmanoir. 


BONIFACS  VlII.  35 

des  seigneurs  médiats  dont  le  consentement  était  requis. 

La  tendance  de  cette  législation  s'explique  aisément 
quand  on  sait  quels  furent  les  conseillers  des  rois  aux 
xu]«  et  \iY^  siècles,  quand  on  connaît  la  classe  à  laquelle  ils 
appartenaient. 

Le  chambellan,  le  conseiller  de  Philippe  le  Hardi,  fut  le 
barbier  ou  chirurgien  de  saint  Louis,  le  tourangeau  Pierre 
la  Brosse.  Son  frère,  évéque  de  Bayeux,  partagea  sa  puis- 
sance et  aussi  sa  ruine.  La  Brosse  avait  accusé  la  seconde 
femme  de  Philippe  III  d'avoir  empoisonné  un  fils  du  pre- 
mier lit.  Le  parti  des  seigneurs,  à  la  tête  duquel  était  le 
comte  d'Artois,  soutint  que  le  favori  calomniait  la  reine^ 
et  que  de  plus  il  vendait  aux  Castillans  les  secrets  du 
roi.  La  Brosse  décida  le  roi  à  interroger  une  béguine^  ou 
mystique  de  Flandre.  Le  parti  des  seigneurs  opposa  à  la 
héguin'e  les  dominicains,  généralement  ennemis  des  mys- 
tiques. Un  dominicain  apporta  au  roi  une  cassette  où  Ton 
vit  ou  crut  voir  des  preuves  de  la  trahison  de  La  Brosse. 
Son  procès  fut  instruit  secrètement.  On  ne  manqua  pas  de 
le  trouver  coupable.  Les  chefc  du  parti  de  la  noblesse,  le 
comte  d'Artois,  une  foule  de  seigneurs ,  voulurent  assister 
à  son  exécution. 

En  tête  des  conseillers  de  saint  Louis,  plaçons  Pierre  de 
Fontaines,  l'auteur  du  Conseil  à  mon  ami,  livre  en  grande 
partie  traduit  des  lois  romaines.  De  Fontaines ,  natif  du 
Yermandois,  en  était  bailli  l'an  1253.  Nous  le  voyons 
ensuite  parmi  les  Maistres  du  parlement  de  Paris.  En  cette 
qualité,  il  prononce  un  jugement  en  faveur  du  roi  contre 
l'abbé  de  Saint-Benoit  sur  Loire,  puis  un  autre,  et  toujours 
favorable  au  roi  contre  les  religieux  du  bois  de  Yincennes. 
Dans  ces  jugements ,  nous  le  trouvons  nommé  après  le 
chancelier  de  France  ^  Il  s'intitule  chevalier.  Ce  qui,  dès 

*  Dapay,  Différeot  de  Doniface  VIIL 


26  PHILIPPE  LB  ttSL. 

cetteépoque/Tïeprcrave  pasgratià'chose.  Ces  gens  de  rôfte 
longue  prirent  de  bonne  heure  le  titre  de  chevaliers  es  lois. 

Rien  nittâiqtte  lion  pitts  ^e  IPhiHppe  de  Beàtltnan^ir, 
baHK  deStnHs,  VMtMr  'de  ee  jghtaA  iWte  des  CoatQtMèb 
de  Vermandols,  'aft'été  dé  bien  jgrstntdë  noblesse.*  La  maiscfo 
du  môme  nom  est  une  famille  bretonne,  et  "nom  plcaMe, 
qui  apparaît  dans  les  guerres  dés  Atigliffs  au  xm  sièèle» 
mais  qui  ne  'fait  pas  retûo&ter  ré^idrèrme&t ^  filiatioYi 
plus  haut  qwe  !e*  5cv«. 

•  Les d^x* frères  'Ifarigni,  sî  TpiiIssantà'ôotts'lrtilBppe  'te 
Bel,  s'appéiai^t  de  leur  vrai liôm  de  famille  LeTortiér'^. 
Bs  étaient' Mormaiids,  et  achèterez  danâ'lèûr  pays  la  Céffd 
de  Hariigni.  Le  plus  célèbre  des  deux,  chambellan  et 
trésorier  du  roi,  capitaine  de  la  tôtir  du  Louvre,  est  apfpelè 
Coaâjutettr  et  gouverneur  dé  tout  le  royaume  de  France. 
«'C'était,  idit  un  conten^porÀfn,'  comme  un  second' roi,  et 
toat  se  faisait  à  sa  volonté'^.  »'0n  Â'èst  pas  tenté  de  soup- 
çonner ce  témoignage  d'exagération  lorsqù^on  sait  ((uè 
Itarigni  mit  sa  statue  au  Palais  de  'Justice  à  côté  de  celle 
du  roi  K 

Au  non^bre  des  ministres  'dé  Mllppè  'iè  'M,  Il  Yaût 
placer 'defux  banquiers  IRorémins,  Auxquels  §ahs  doute  on 
doit  rapporter  en  grande  partie  les  violences  fiscales  dèce 
règn^.'Ceux  qui  dirigèrent  lès  grands  et  cruels  procès  do 
ttiffippe  fe'^élftirent  le  chancelier  Pierre  Flotte,  qui  eiit 
ffaôïmeur  d*dtretué,  tout  comme  un  chevalier,  à  la  bataiHô 
déGoùrtrai/Il  eut  pour  collègues  oU  sucéèssèurs,  Plasiah 
et*ïtegaret.  Celui-ci,  qui  acquit  une  célébrité  si  firagîque, 
était  né  à  Caraman  en  Lauraguais.  Son  aleûl,  si  Ton  efi 
croit  tes  invectives  de  ses  «unemis,  avait  été  brûlé  comiuô 
hérétique.  Nogaret  fût  d^abord  professeur  de  droit  à  Moat- 

*  •  Ita  Qt  secandoB  regolos  videretar,  ad  cojas  mitom  rcgai  aegoda 
gerebantar.  •  Bero.  Goidonis,  VitaClcm.  V. 
<  Fëlibieo. 


BOHITACS  ^nn.  37 

ptSàety  \f^'jagb-'mKg&  à&  Nîmes.  La  AuniUe  Nogsret,  d 
fière  «a  Xfi«  siède,  mus  ie  nom  d'Âpeiaen,  n^'élait 
pas  encore  noble  en  437S,  ai  de  l'une,  ni^  l'aatre  li^nie. 
Pm.a^9è&'«elfe&  expéditim  havdie  où  GaJMiiime  Nogaret 
aHa  mettse  :hi  .iBaîn  sur  -  ie  pafie,  il  devint  «ehaBcelier  et 
^rde  deMeeaux.  Pliilîppele^Loarg  ré?o(pia>kB'4mi8  ipû 
loi  «méat  été<ulStparMiili|ife  le  Bel  ;  mm  ilne^fiit  pas 
mk^éU^fpkéÊPa»]BipnBmpii^aAefM%nff^  iAticraiiit 
aass  àmàeéà  part6r<attrâile  è  aes  aelea  jodkiaikaa,  qui 

ammàdm^munn»  MiÉtiLouiSy^AiplMMiae  3L  et  tFvédérioU, 
Aiceni,  .'flaHB  -le  peâk^tts  4e  itaiat  Louis,  ks  iyvaAs  de  k 
•Siance^'.Ges  *  âftanatteri  i  m^^inMif  ces  ânes  :  4erplomb  et  de 
inr,  lea BlaeiaaygJes Megamt,  les  Mangni,  prooédèreniavee 
une  «JKtfriMeifwideiir  dana  kr  knitatioiiisarale  Ai-  droit 
mmafai  et  de  la  iiaoailé  jnifériale.  Les  Fandeetea^  étaient 
leor  BiUe,  ieur  Èmuf^.^Sim  n&'les  troablait'éteipt'ib 
poniaient(Vép0ttdfe<àitarfr.aDèdnrit  :  Aer^Hum.  cfeU.  Aiee 
des  textes,  des  citations ,  des  falslficatianB ,  ils  déaseMnat 
Jfroioyenrêga,  paatlint,  iéadalifté,  elieiaime.'ibuaUèrent 
kardiateai  .^opinrAlifMisr  om  <iMrp«  Jepape;Baaîihee  VIU; 
ibi>rùifaeBtJa'jcroîiad0eHe«*niéme  :diitts:l&pasoime  des 


£aa jcnMJn  ééimliaB€BBs léa-mofan -kgt  aont,  il' eoàtede 
raaatter^  tes^ihndattias  de  l'/erdre  .eîrii  au  temps  «oiar** 
nea.  îBfroiyaisant  fafBsatraHBatioB  tnHiiiarchiqî»..  Bs  jel^ 
tant  dans  kapnmneea  des  bailUs,  dea  aénédiaux,  des  pié**' 
yùiSf  des  .pfoaunnn  du  roi,  des  mÉlIres  et/pastams  de 
aseanaie.  .Les  iniâls.aaiit  envahies;  par: les  «enfisitt,  ies 
gruiers  royaux.  Tous  cesigens^vatitidiicaaer,  déeoinager, 
détiiiifeies  JMÎdictions  féodales.  An  cantie  de  laetk  vaste 
toile  d- araignée,  siège  ieeonsaîi  des  légistes  sona  le  nom  de 
Parlement  (fixé  à  Paris  en  4M2).  Là,  tant  viendra  peu  à  pea 
le  perdre,,  s'amortir  sous  rautarltéjroyale.Âu  besoin,  les 


28  PHILIPPE  LB  BBL. 

légistes  appelleront  à  eux  les  bourgeois.  Eux-mêmes  ne 
sont  pas  autre  chose,  quoiqu'ils  mendient  l'anoblissement, 
tout  en  persécutant  la  noblesse. 

Cette  création  du  gouvernement  coûtait  certainement 
fort  cher.  Nous  n'avons  pas  ici  de  détails  suffisants  ;  mais 
nous  savons  que  les  sergents  des  prévôts,  c'est-à-^lire  les 
exécuteurs,  les  agents  de  cette  administration  si  tyranni- 
que  à  sa  naissance ,  avai^it  d'abord ,  le  seront  à  cheval 
trois  sols  parisis,  et  plus  tard  six  sob  ;  le  sergent  à  pied 
dix-huit  deniers,  etc.  Voilà  une  armée  judiciaire  et  admi- 
nistrative. Tout  à  l'heure  vont  venir  des  troupes  mercenai- 
res. Philippe  de  Valois  aura  à  la  fois  plusieurs  milliers 
d'arbalétriers  génois.  D'où  tirer  les  sommes  énormes  que 
tout  cela  doit  coûter?  L'industrie  n'est  pas  née  encore.  Cette 
société  nouvelle  se  trouve  déjà  atteinte  du  mal  dont  mourut 
la  société  antique.  Elle  consomme  sans  produire.  L'indus* 
trie  et  la  richesse  doivent  sortir  à  la  longue  de  Tordre  et  de 
a  sécurité.  Mais  cet  ordre  est  si  coûteux  à  établir,  qu'on 
peut  douter  pendant  longtemps  s'il  n'augmente  pas  les  mi- 
sères qu'il  devait  guérir.   * 

Une  circonstance  aggrave  infiniment  oes  maux.  Le  sei- 
gneur du  moyen  âge  payait  ses  serviteurs  en  terres ,  en 
produits  de  la  terre  ;  grands  et  petits ,  ils  avaient  place 
à  sa  table.  La  solde,  c'était  le  repas  du  jour.  L'imm^ise 
machine  du  gouvernement  royal  qui  substitue  son  mouve- 
ment compliqué  aux  mille  mouvements  naturels  et  simples 
du  gouvernement  féodal  ;  cette  machine,  l'argent  seul  peut 
lui  donner  l'impulsion.  Si  cet  élément  vital  manque  à  la 
nouvelle  royauté,  elle  va  périr,  la  monardiie  se  dissoudra, 
et  toutes  les  parties  retomberont  dans  l'isolement ,  dans  la 
barbarie  du  gouvernement  féodal. 

Ce  n'est  donc  pas  la  faute  de  ce  gouvernement  s'il  est 
avide  et  affamé.  La  faim  est  sa  nature,  sa  nécessité,  le  fond 
même  de  son  tempérament.  Pour  y  satis&ire,  il  faut  qu'il 
emploie  tour  à  tour  la  ruse  et  la  force.  Il  y  a  ici  en  un  seul 


BONIFACK  Yf  If .  •  29 

prince,  comme  dans  le  vieux  roman,  mattre  Renard  et 
mattre  Isengrin. 

Ce  roi,  de  sa  nature,  n'aime  pas  la  guerre,  il  est  juste 
de  le  reconnaître  ;  il  préfère  tout  autre  moyen  de  prendre, 
l'achat,  Tusure.  D'abord,  il  trafique,  il  échange,  il  achète; 
le  fort  peut  dépouiller  ainsi  honnêtement  des  amis  faibles. 
Par  exemple,  dès  qu'il  désespère  de  prendre  l'Espagne 
aTec  des  bulles  du  pape,  il  achète  du  moins  le  patrimoine 
de  la  branche  cadette  d'Aragon,  la  bonne  ville  de  Mont- 
pellier, la  seule  qui  restât  au  roi  Jacques.  Le  prince, 
avisé  et  bien  instruit  en  lois,  ne  se  fit  pas  scrupule 
d'acquérir  ainsi  le  dernier  vêtement  de  son  prodigue  ami, 
pauvre  fils  de  famille  qui  vendait  son  bien  pièce  à  pièce,  et 
auquel  sans  doute  il  crut  devoir  en  êter  le  maniement  en 

vertu  de  la  loi  romaine  :  Prodigus  et  furiosm  ^ 

Au  nord,  il  acquit  Valenciennes,  qui  se  donna  à  lui 
(1 293).  Et  sans  doute  il  y  eut  encore  de  l'argent  en  cela. 
Valenciennes  l'approchait  de  la  riche  Flandre,  si  bonne  à 
prendre,  et  comme  riche,  et  comme  alliée  des  Anglais. 
Du  cAté  de  la  France  anglaise,  il  avait  acheté  au  nécessi- 
teux £douard  I«'  le  Quercy,  terre  médiocre,  sèche  et  mon* 
tagneuse,  mais  d'où  l'on  descend  en  Guyenne.  Edouard 
était  alors  empêtré  dans  les  guerres  de  Galles  et  d'Ecosse, 
où  il  ne  gagnait  que  de  la  gloire.  C'eût  été  beaucoup,  il 
est  vrai,  de  fonder  l'unité  britannique,  de  se  fermer  dans 
l'He.  Edouard  y  fit  d'héroïques  efforts,  et  commit  aussi 
d'incroyables  barbaries.  Mais  il  eut  beau  briser  les  harpes 
de  Galles,  tueries  bardes,  il  eut  beau  faire  périr  le  roi 
David  du  supplice  des  traîtres,  et  transporter  à  West- 
minster le  palladium  de  l'Ecosse,  la  fameuse  pierre  de 

t  Bfontpellier  était  en  même  temps  un  fief  de  Tëvêché  de  Maguelono. 
L*éTèqiie,  faligoé  de  la  résistance  des  bonrgeois  et  de  Tappui  qu'ils 
tronyaient  dans  le  roi  de  France,  vendit  tous  ses  droits  à  ce  dernier. 
Ces  droits,  jusque -là  jugés  invalides,  parurent  assez  bons  pour  servir  à 
dépouiller  le  vi«ux  Jacques. 


30  PpttlPFSi  14  BiL. 

Scosd»  il  ne  put  rien  fiair  ni  daas  l'Ile  m  sur  le  contiaaou- 
Chaque  fois  qu'il  regardait  vers  la  France  et  vculati  y 
passer^  il  ffppireiuût  quelque  naravaiee  nouvelle  da  Barder 
éooesaia  am  defrMercliee  de  Galles»  quelqMk  wweeU'touK 
de  Leolyn  ou  de  WaUaee.  Wallaee.était  eBeûuragé<-pav 
Philippe  le.  Bel«  le  chef  héroïque  des  clans  par  le  roH^o^ 
cureur*  CeluJHci  n'avait  que,faiffe  de  bouger.  D  lui  suftisaît 
de  relancer  Edouard  par  sea  limiers  d*£co6se:  Uie  laiasai4 
volontiers  s'immortaliser  dans  lesdésects  de  GaUes  et  de 
Northumberland»  procédait  oonUe  lui  à  son  aise,  ,et.  le 
condamnait  par  défaut* 

Ainsi,  quand  il  le  vit  oooupé  à  conteBir  l'ËcofiSe  sous. 
Baillol,  il  le  somma  de  répondre  des  pirateries  da  ses 
Gascons  sur  nos  Normands.  Il  ajournace  roU  ce  .conqué- 
rant, à  venir  s'expliquer  par-devant  ce  qu'il  appelait  le 
tribunal  des  pairs.  Il  le  menaça,  puis  il  l'amusa,  lui  ofiirit 
une  princesse  de  France,  pour  prix  d*ane  soumisaîaQ 
fictive,  d'une  simple  saisie,  qui  arrangerait  tout.  L'arran^ 
gement  fut  que  l'Anglais  ouvrit  sea  places,  que.  Philippe 
les  garda,  et  retira  ses  offres.  Cette  grande^  i^xmace» .  ce 
royaume  de  Guyenne,  fut  escamoté. 

Edouard  cria  en  vaia.  IL  demanda  et  obtint  contre 
Philippe  l'alliance  duroi  des  ftomaina,  Adolpbe  daNasscu^ 
celle  des  duos  de  Bretagne  et  da  Brabantf  des  comtes  de  . 
Flandre,  de  Bar  et  de  Gueldrea.  U  écrivit  humblement  4.. 
ses  sujets  de  Guienne»  leur  demandant  pardon  d'avoir  : 
consenli  à,  la  susie  ^.  Mais,  trop,  occupé  en  £coase,  il  ne 
vint  pfisJui-tmâmeienGuienne»  etsoapartin'éprouvaque. 
des  revers.  Philippe  eut  pour  luile:ppp0.  (Boni&ce  VIII) , 
qui.  lui  devait  la  tiare,  et  tfdU'  pouc  lui  donner  un  alUé, 
délia  le  roi  d'Ecosse  des  serments  qu'il  avait  prêtés  au  roi 
d'Angleterre.  Enfin,   il  fit  si    bien,  que  les  Flamands^ 
mécontents  de  leur  comte,  l'appelèrent  à  leur  secoura. 

«  App,,  10. 


i 


PQm;)5ou4enu:fla.gy^rre,lei^  deux  rois  eoinptavaPt.siijr;Uk. 
FJs^dj;^.^  liftrgfaase  Fl^dre.  étajlt  U  teiitatioa  jmtujcelle  d&t 
ces  gouvernements  voraces.  Tout  ce  monde  dç.b^ons,  doi 
chev8V^rSj^qu0..jQS  jToi^.  de  frimce  sevraient  de  cxoîsad^s 
et  de.  gixerr^s  pflyées».  la  Flandre  était  leur  rôve,  bur 
poéskt»  l^ui!  J^salem*  Tous  étaient  prêts  à  faire  uxl  joyeui^ . 
-pèlemf^  aux    n^agaaixis  de  Flandre,  aux  épîoes  d& 
^uges,  aujK  fines  toiles,  d'ïiv'esp  aux  tapisseries  d'Arras. . 

U  sexAble  que  Dieu  ait  fait  .cette  bonne  Flandre»  (|u'il  ; 
Tait  platée  entre  tous  pour  être  mangée  des  uus  ou  des- 
aMtr.es.  Â,vaut.que  l'Angleterre  fut  cette  chQ^  colossale. 
que  nousi  voyons»  la  Flaudre  était  une  Angleti^Fre»  mais  de 
combien  déj^  ioféneupe  et  plus  incomplète  I  Drapiers  sans 
laine,  soldats^ sans  cavalejrie»  commerçants  sans  marine. 
E)  aujourd'hui,  ,ces  trois. choses,  bestiaux,  chevaux,  ma- 
rine, c'e§t| justement  le  n^rf  de  TÀngleterre;  c'est  la  ma- 
tière,,le  yéhipule,.  la  défense  de  son  industrie. 

Ce  a'est  pas  tout.  Ce  nom,  les  Flandres,  n'exprime  pas 
un  peuple,  mais  une  réunion  de  plusieurs  pays  fort 
4iyers,,uu^  QoUçctiQP;  de  tribus  et  de  villes.  Rien  n'est 
ipoiua  ho]x^p.g^4PvSaus  parler  de  la  différence  de  race  et 
4e  U9g}^.,  il  y  a.tojuijpurs  eu  haiue  de  ville  à  ville,  haine 
eptirp,  les.  villes  et  1^ , campagnes,  haine  de  classes,  haine 
4e:ip^tiçrs,i,hainQ  entf;e  le  souverain  et  le  peuple  ^.  Dans 
un  pays  oii  la/en)PKB  béritait.et  transférait  la  souveraineté, 
le  souverain -était,  .souvent  un  nugri  étranger.  La  sensualité 
flainand^,  la  matérialité  de  ce  peuple  de  chair,  apparaît . 
dans  la  précoce  indulgence  de  la  Coutume  de  Flandre 
pour  la  femme  et  pour  le  bâtard  '.  La  femme  flamande 
amena  ainsi  par  mariage  des  maîtres  de  toute  nation,  un 
Danois,  un  Alsacien  ;  puis  un  voisin  du  Hainaut,  puis  un 
prince  de  Portugal,  puis  des  Français  de  diverses  bran- 
ches :  Dampierre  (Bourbon),  Louis  de  Mâle    (Capet), 

*  •  Qaîs  Flindri»  posiet  noeere,  si  dus  illa  ciyitatet  (Bruges  al 
GaiJ)  concordes  iuter  se  forent.  »  Meyer.  —  *  App,,  il. 


32  PHILIPPE  LB  BEL. 

Philippe  le  âar(K  (Valois);  enfin  Autriche,  fispagne, 
Autriche  encore.  Voici  maintenant  la  Flandre  sous  un 
Saxon  (Cobourg). 

La  Flandre  se  plaignait  dû  comte  français,  Gui  Dam- 
pierre.  Philippe  s'offrît  comme  protecteur  aux  Flamands. 
Gui  s'adressa  aux  Anglais,  et  voulut  donner  sa  fille  Philippa 
au  fils  d'Edouard.  Ce  mariage  contre  le  roi  de  France  ne 
pouvait,  selon  la  loi  féodale,  se  faire  sans  l'assentiment  du 
roi  de  France,  suzerain  de  Gui  Dampierre.  Philippe  cepen- 
dant ne  réclama  pas  ;  il  déclara  hypocritement  qu'étant 
parrain  de  la  jeune  fille,  il  ne  pouvait  lui  laisser  passer  le 
détroit  sans  l'embrasser* .  Kefuser,  c'était  déclarer  la  guerre, 
et  trop  tôt.  Venir,  c'était  risquer  de  rester  à  Paris.  Gui 
vint  en  effet  et  resta.  Le  père  et  la  fille  furent  retenus  à  la 
tour  du  Louvre.  Philippe  enleva  à  Edouard  son  allié  et  sa 
femme,  comme  il  avait  fait  de  la  Guienne.  Le  comte 
s'échappa,  il  est  vrai,  dans  la  suite.  La  jeune  fille  mourut, 
au  grand'  donimage  de  Philippe,  qui  avait  intérêt  à  garder 
un  tel  otage  et  qu'on  accusa  de  sa  mort. 

Éilouard  croyait  avoir  ameuté  tout  le  monde  contre  son 
déloyal  ennemi.  L'empereur  Adolphe  de  Nassau,  pauvre 
petit  prince,  malgré  son  titre,  eût  volontiers  guerroyé  aux 
gages  d'Edouard,  comme  autrefois  Othon  de  Brunswick 
pour  Jean,  comme  plus  tard  Maximilien  pour  Henri  VIII  à 
cent  écus  par  jour.  Les  comtes  de  Savoie,  d'Auxerre, 
Montbéliard,  Neufchâtel,  ceux  du  Hainaut  et  de  Gueldres, 
le  duc  de  Brabant,  les  évoques  de  Liège  et  d'Utrecht,  l'ar- 
chevêque de  Cologne,  tous  promettaient  d'attaquer  Phi- 
lippe, tous  recevaient  l'argent  anglais,  et  tous  restèrent 
tranquilles,  excepté  le  comte  de  Bar.  Édouaixi  les  payait 
pour  agir,  Philippe  pour  se  reposer. 

La  guerre  se  faisait  ainsi  sans  bruit  ni  bataille.  C'était 
une  lutte  de  corruption,  une  bataille  d'argent,  à  qui  serait 

1  Oudeghcrat.  - 


bonifàce  yiii.  33 

le  premier  ruiné.  Il  fallait  donner  aux  amis,  donner  aux 
ennemis.  Faibles  et  misérables  étaient  les  ressources  des 
rois  d'alors  pour  suffire  à  de  telles  dépenses.  Edouard  et 
Pbilippe  chassèrent,  il  est  vrai,  les  juifs,  en  gardant  leurs 
biens  ^.  Mais  le  juif  est  glissant,  il  ne  se  laisse  pas  prendre. 
n  écoulait  de  France,  et  trouvait  moyen  d'emporter.  Le 
rôi  de  France,  qui  avait  des  banquiers  italiens  pour  mi- 
nistres, s'avisa,  sans  doute  par  leur  conseil,  de  rançonner 
les  Italiens,  les  Lombards,  qui  exploitaient  la  France,  et 
qui  étaient  comme  une  variété  de  Tespèce  juive.  Puis, 
pour  atteindre  plus  sûrement  encore  tout  ce  qui  achetait  et 
vendait,  le  roi  essaya  pour  la  première  fois^de  ce  triste 
moyen  si  employé  dans  le  xiv®  siècle,  Faltération  de  la 
monnaie.  C'était  un  impôt  facile  et  tacite,  une  banqueroute 
secrète  au  moins  dans  lés  premiers  moments.  Mais  bientôt 
tous  en  profitaient;  chacun  payait  ses  dettes  en  monnaie 
faible.  Le  roi  y  gagnait  moins  que  la  foule  des  débiteurs 
sans  foi.  Enfin,  Ton  eut  recours  à  un  moyen  plus  direct, 
l'impôt  universel  de  la  maitôte  *. 

Ce  vilain  nom,  trouvé  par  le  peuple,  fut  accepté  hardi- 
ment du  roi  même.  C'était  lin  dernier  moyen,  une  inveti- 
Uon  par  laquelle,  s'il  restait  encore  quelque  substance, 
quelque  peu  à  sucer  dans  la  moelle  du  peuple,  on  y  pouvait 
atteindre.  Mais  on  eut  beau  presser  et  tordre.  Le  patient 
était  si  sec,  que  la  nouvelle  machine  n'en  put  exprimer 
presque  rien.  Le  roi  d'Angleterre  ne  tirait  rien  des  siens 
non  plus.  Sa  détresse  le  désespérait;  dans  l'un  de  ses  par- 
lements, on  le  vit  plcuirer. 

Entre  ce  roi  affamé  et  ce  peuple  étique,  il  y  avait  pour- 
tant quelqu'uo  de  riche.  Ce  quelqu'un,  c'était  l'Église. 
Archevêques  et  évoques,  chanoines  et  moines,  moines 
anciens  de  Saint-Benoit,  moines  nouveaux,  dits  Men- 
diants, tous  étaient  riches  et  luttaient  d'opulence*.  Tout  ce 

<  Édoaard,  en  ii99,  Philippe,  en  lt9(X 
*  GttilUnme  do  Nangis. 

lu.  3 


3i  PBlilPPS  hM  WL. 

9 

monde  tonsuré  croissaU  des  bénédiction»  dn  ^1  ^idela 
graisse  de  la  terre«  Celait  un.petit  peupla .Amt^ux»  «jbèse 
et  reluisant,  au  milieu  du  grand  peuplie  afiamé.  qfà  oom- 
mençait  à  le  regarder  dd  travers. 

Les  évoques  allemands  étaient  des  prinoaa,  et  lewent 
des  armées.  L'JËglise.  d'Angleterre  posaédait»  dyit-on,  la 
moitié  des  terres  de  l'jlle.  Elle  aiHùt,.  en  \  337^ .  sepfc  cent 
trente  mille  marcs  de  revenus.  Aujousd'bui»  il  est  vmî, 
Tarchevôque  de  Cantorbery  ne  reçoit  pftr  $n  que  doune 
cent  mille  francs,  et  qelui  d'York  huit  cent  mille.  Loraque 
la  Restauration  préparait  Texpédition  d'Espagne,  en  4823, 
i*on  apprit  que  Tarcbevéque  de  Tolède  faisait  distribuer 
chaque  jour  k  la  porte  de  ses  fermes  et  de  ses  pakûs  dix 
mille  soupes,  et  celui  de  Séville  six  mille  ^. 

La  confiscation  de  r£gtise  fut  la  pensée  des  roia  drqyaîs 
le  xiii®  siècle,  la  cause  prinoq>ide  de  leurs'  luttes  contie 
les  papes;  toute  la  différence,  c'est  que  les  prètestanls 
prirent,  et  que  les  catholiques  se  firent  donner.  Henri  Vlil 
employa  le  schisme,  Franijoîs  !«  le  Concordat 

Qui  donc,  au  xiv«  siècle,  du  roi  ou  de  r£glias,  devait 
désormais  exploiter  la  Franco?  Idle  était  la  question.  Déjà, 
lorsque  Philippe  mit  sur  le  peuple  le  terrible  impôt  de  bi 
maltôte,  lorsqu'il  altéra  les  monnaies,  lorsquil  dépouilla 
les  Lombards,  sijyets  ou  banquiers  du  Saint-Siège,  il  frap- 
pait Rome  directement  ou  indireolenefit,  il  la  ruinait,  il 
lui  coupait  les  vivres  h 

^  l'aurais  peine  à  croire  ce  chiffre,  B%tièvftiiM  aSIrmé  en  ma  pré- 
sence par  le  ministre  même  qui  avait  /ait  prendre  ces  iuformalione.  ^ 
Aioitont  que  fan  des  eonrents  récemment  sapprimës  &  Madrid  (San 
Salvador),  avait  deai  BÎtlÎMis  de  biens  ei  an  seni  reMs^vt^ 

*  Edouard  I«  s'y  était  pris  plus  rudement  encore;  sur  le  ref «a  <la 
eUtfgé  de  payer  un  impôt,  il  le  mit  en  quelque  aorte  hors  la  loi,  lâchant 
Jes  aoldals  conm  les  |>rélree,  -et  Refendent  aux  juges  de  reeeroir  tes 
plaintes  dtf  ceux-ci  (Kn3rgiW>n)«  —  Miiliweie  Bel»  «a  veina,  jneitait 
des  formes  :  «  Gomme  ce  qui  est  donné  vaut  mieux  et  est  plus  agréable 
k  Dieu  et  aux  hommes  que  ce  qoi  esl  exigé,  nougeftborWns  voife  cJiariUt 
è  nous  donner  cet  aide  de  la  double  dlme  on  cloquitea.  ». 


BOMFACB  Ylîl/  35 

■  •  • 

•  Bonifiice  asa  enfin  de  représailles,  lîn  1296,  dans  sa 
bulle  Clerkis  taicos,  H  déclare  excpmmunié&  de  fait  tout 
prêtre  qui  payera,  tout  laïque  qui  exigera  $ub\'Bntîon, 
prêt  ou  don,  sans  Tautorisation  du  Saint-Sîégé;  et  cela, 
sans  qu'aucun  rang,  aucun  privilège  puisse  les  excepter. 
11  annulait  ainsi  un  privilège  important  de  nos  rois,  qui, 
tout  excommuniés  qu'ils  étaient  comme  rois^  pouvaient 
toujours,  dans  leur  chapelle  et  portes  closes,  entendre  la 
messe  et  communier. 

Au  même,  moment,  sous  prétexte  de  la  guerre  d'An- 
gleterre, Philippe  défendait  d'exporter  du  royaume  or, 
argent,  armes,  etc.  C'était  frapper  Rome  bien  plus  que 
l'Angleterre.  ' 

Rien  de  plus  mystiquement  hautain,  de  plus  paternelle- 
ment hostile  que  la  bulle  en  réponse  :  «  Dans  la  douceur 
d'un  ineffable  amour  (Ineffabilis  amoris  dulcedine  sponso 
îuo),  l*Églîse,  unie  au  Christ,  son  époux,  en  a  reçu  les 
dons,  les  grâces  les  plus  amples,  spécialement  le  don  de 
liberté.  H  a  voulu  que  l'adorable  épouse  régnât,  comme 
mère,  sur  les  peuples  fidèles.  Qui  donc  ne  redoutera  de 
l'offenser,  de  la  provoquer?  Qui  ne  sentira  qu'il  offense 
répoux  dans  l'épouse?  Qui  osera  porter  atteinte  aux 
libertés  ecclésiastiques,'  contre  son  Dieu  et  son  Seigneur? 
Sous  quel  bouclier  se  cachcra-t-il,  pour  que  le  marteau 
de  la  puissance  d'en  haut  ne  le  réduise  en  poudre  et  en 
cendre?...  0 mon  fils,  ne  détourne  point  Toreille  delà 
▼oix  paternelle,  etc.  » 

Il  engage  ensuite  le  roi  à  bien  examiner  sa  situation  : 
c  Tu  n'as  point  considéré  avec  prudence  les  régions  et  les 
royaumes  qui  entourent  le  tien,  les  volontés  de*  ceux  qui 
les  gouveruent,  ni  peut-être  les  sentiments  de  tes  sujets 
dans  les  diverses  parties  de  tes  Ëtats.  Lève  les  yeux  autour 
de  toi,  et  regarde,  et  réfléchis.  Songe  que  les  royaumes 
des  Romains,  des  Anglais,  de  l'Espagne,  t'entourent  de 
toutes  parts;  songe  à  leur  puissance,  à  la  bravoure,  à  la 


36  PH1UPP£  LE  BEL. 

multitude  de  leurs  habitants,  et  tu  reconnaîtras  aisément 
que  ce  n'était  pas  le  temps,  que  ce  n'était  pas  le  Jour 
d'attaquer,  d'ofTenser  et  nous  et  l'Église  par  de  telles 
piqûres...  Juge  toi-même  quelles  ont  dû  être  les  pensées 
du  siège  apostolique,  lorsque  dans  ces  jours  même  où 
nous  étions  occupés  de  l'examen  et  de  la  discussion  des 
miracles  qu'on  attribue  à  l'invocation  de  ton  aïeul  de 
glorieuse  mémoire,  tu  nous  as  envoyé  de  tels  dons  qui 
provoquent  la  colère  de  Dieu,  et  méritent,  je  ne  dis  pas 
seulement  notre  indignation,  mais  celle  de  l'Église  elle- 
même... 

a  Dans  quel  temps  tes  ancêtres  et  toi-même  avez-vous 
eu  recours  à  ce  siège,  sans  que  votre  pétition  fût  écoutée? 
Et  si  une   grave  nécessité   menaçait  de   nouveau  ton 
royaume,  non-seulement  le  Saint-Siège  t'accorderait  les 
subventions  des  prélats  et  des  personnes  ecclésiastiques  ; 
mais,  si  le  cas  l'exigeait,  il  étendrait  ses  mains  jusqu'aux 
calices,  aux  croix  et  aux  vases  sacrés,  plutôt  que  de  ne 
pas  défendre  efficacement  un  tel  royaume,  qui  est  si  cher 
au  Saint-Siège,  et  qui  lui  a  été  si  longtemps  dévoué.... 
Nous  exhortons  donc  ta  Sérénité  royale,  la  prions  et  l'en- 
gageons   à  recevoir  avec  respect  les  médicaments  que 
t'offre  une  main  paternelle,  à  acquiescer  à  des  avis  salu- 
taires pour   toi  et  pour  ton   royaume,  à  corriger   tes 
erreurs,  et  à  ne  point  laisser  séduire  ton  àme  par  une 
fausse  contagion.  Conserve  notre  bienveillance  et  celle  du 
Saint-Siège,  conserve  notre  bonne  renommée  parmi  les 
hommes,  et  ne  nous  force  point  à  recourir  à  d'autres 
remèdes,  à  des  remèdes  inusités,  lors  même  que  la  justice 
.  nous  y  forcerait,  nous  en  ferait  un  devoir,  nous  ne  les 
emploierions  qu'à  regret  et  malgré  nous  ^.  » 

Ces  graves  paroles,  mêlées  de  douceur  et  de  menaces, 
devaient  faire  impression.  Aucun  pontife  n'avait  été  jus- 

*  Dupuy,  Diffcr. 


BONIPACE  VIIT.  37 

qae<-)à  plus  partial  pour  nos  rois  que  Boniface.  La  maison 
de  France  Tavait  fait  pape,  il  est  vrai  ;  mais,  en  retour,  il 
la  fiiisait  reine,  autant  qu'il  était  en  lui.  Il  avait  appelé  en 
Italie  Charles  de  Valois,  et,  en  attendant  Fempire  latin  de 
Constantinople,  il  l'avait  créé  comte  de  Romagne,  capi- 
taine du  patrimoine  de  saint  Pierre,  seigneur  de  la  Marche 
d'Ancône.  Il  obtint  aux  princes  français  le  trône  de 
Hongrie  ;  il  fit  ce  qu'il  put  pour  leur  procurer  le  trône 
impérial  et  celui  de  Castiile.  En  4298,  pris  pour  arbitre 
entre  les  rois  de  France  et  d'Angleterre,  il  essaya  de  les 
rapprocher  par  des  mariages,  et,  par  une  sentence  provi- 
soire, fl  ajourna  les  restitutions  que  Philippe  devait  à 
TAnglais. 

La  papauté,  toute  vieillie  qu'elle  était  déjà  apparaissait 
encore  comme  l'arbitre  du  monde.  Boniface  Vin  avait  été 
appelé  à  juger  entre  la  France  et  l'Angleterre,  entre 
l'Angleterre  et  l'Ecosse,  entre  Naples  et  l'Aragon,  entre 
les  empereurs  Adolphe  de  Nassau  et  Albert  d'Autriche. 
N'y  avait*-il  pas  lieu  pour  le  pape  de  se  faire  illusion  sur 
ses  forces  réelles? 

L'infatoation  fut  au  comble,  lorsqu'en  l'an  4300,  Boni- 
face  promit  rémission  des  pécnés  à  tous  ceux  qui  vien- 
draient visiter  pendant  trente  jours  les  églises  des  Saints- 
Apôtres.  Ce  Jubilé  rappelait  tout  à  la  fois  celui  des  Juifs 
et  les  fêtes  séculaires  de  Rome  païenne.  On  sait  que  le 
Jubilé  mosirïque,  revenant  tous  les  cinquante  ans,  devait 
rendre  la  liberté  aux  esclaves,  les  terres  aliénées  à  leur 
premier  possesseur  ;  il  devait  annuler  l'histoire,  défaire  le 
temps,  pour  ainsi  dire,  au  nom  du  seul  Ëternel.  La  vieille 
Home,  dans  un  tout  autre  point  de  vue,  emprunta  des 
Étrusques  la  doctrine  des  Ages  ^  ;  mais  ce  ne  fut  point 
pour  y  reconnaître  la  mobilité  de  ce  monde,  la  mortalité 
des  empires.  Rome  se  croyait  Dieu,  elle  se  jugeait  immor- 

*  Vojr.  mon  Histoire  romaine. 


^  PHItIBPK  U  WL. 

telle  comwe  iavinoible,  et,  ^u  FeUw.  de  ^h^qjua  -sièûie^ 
^oleonisait  son  éternité.      , 

En  Tan  iSÛO,  la  fgî  était  grande  eneore.  i^  foule.  fMt 
prodigieuse  à  Romei^.  On  compta  4e$i  pèkarina  par  eent 
mille»  et  bientôt  il  if  y  eut  plus  mojfen  de  com|^r.  Ni  lee  • 
maisapB,  ni  Ie&  églises  ne  suffirent  à  les  rooevoir  ;  ils  cais^ 
pèrent  par  les  rues  et  les  places,  sous  des  abris  caastruîts 
à  la  h&tej  sous  des  toiles,  sous  des  tentas  et  sotis  la  voûIa 
du  ciel.  On  eiU  dit  que,  les  lemp^  étanti  acc^iinplia,  la 
chrétienté  v^ait  pa^r-devant  son  juge  dans  la  vaUiée.4e 
J.osapbat 

Pour  se  représenter  Teffet  de  ce  (f  odigieud  ^pectacle^  il 
faut  encore  voir  Rome;  toute  déchue  qu'eÛe  est,  il  faut  la 
voir  pendant  les  fêtes  de  Pâques.  Qln  oublierait  presque 
que  c'est  bien  là  la  triste  Rome,  la  veuve  dç.  deux  aotl- 

4 

quités. 

.  Quel  (iu*aît  été  le  nwtif  de  Boniface  YHI,  fiscal  ou  ponr-^ 
tique  y  ie  no  lui  en  veux  pas  p^ur  cette  invention  du  luhilé» 
Des  milliers  d'hommes  feu  on(,  j'en  suis  sû^i<  remercié 
du  cœur.  C'était  mettre  une  pierre  sur  la  route  du  t^nfps^ 
placer  un  point  d'arrêt  4^f  s  sa  vie«  mi^à  les  refais  4^ 
passé  et  les  espérènces  d'un  meiJUIeujCrd'm^  moins  regret* 
table  aveûir  ;  c'était  s'arrêter  en  montant  cetta  rude  peote^ 
souffler  un  peu  &  midi,  Ncl  mezso  cammMi  di  noura  viio.. 
Ces  âges  candides  croyaient  qu'on  pouvait  fuir  le  ma}, 
en  changeant  de  lieu>  voyager  4u  péché  à  la  saintelép, 
laisser  le  diable  avec  l'habit  qu'on  dépose  jpoiiur  prendra 
celui  du  pèlerin.  N'est-ce  dooc  pas.  quelque  cl}X)S6  d'é** 
chapper  à  Tiniluence  des  lieux*  des  habitudes,,  de  se  dé- 
payser, de  s'orienter  k  une  vie  r^ouvelle?  Ji'x  a-t-il  pas» 
une  mauvaise  puissance  d'iiifatuatiou  et  d'aveuglement 
dans  ces  lieux  oii.le  cœur  s^  psead»  que  ce  soit  les  Char- 
mettes  de  Jean-Jacques,  ou  la  pinada  de  Byji^n^  pu  ce  lac , 

*  Au  point  qu*il  y  eul  famine.  Voyez  le  livre  la  cardinal  de  Saint- 
George,  neveu  de  Boniface  :  De  Jubilœo,.  .    .   * 


d'Aix-I«  Chapelle  dont,  selon  k  tniditioB,  C6arieQ9ftgne. . 
fut  ensorcelé? 

Ne  nous  étoniKniH  pas  si  nos  aievx  aimèrent  tt&i  les . 
pèlerinages,  s*Hs  attribuèrent  à  la  risite  des  lomtaiDS- 
aanctuaires  vùne  vertu  de  régénération.  «  Le  vieiUard,  tout 
blahe  et  chemi,  se  sépare  des  lieux  où  il  a  feumi  sa  car- 
rfère,  et  de  sa  femîBe  alarmée  qui  se  voit  pfivée  d^on  père  ; 
chéri.  —  TIeîix,  faible^  et  saQs  baleino,  il  se  traîne  eonome 
il  petit,  s'aidant  de  bon  vouloir,  tout  rompu  (pi!il  esl  par 
les  ans,  par  la  feligue  du  ohemii».  -^  Il  vient  k  Roiae  poiif 
y  voir  fat  serabkineeée  CeM  qme^  lè^baut  encore^  il  eqpàra  ^ 
bien  revmr  au  ciel  t . . .  » 

Mais  il  en  est  quin'arriveM'pas,  qui  restent  en  chemin. .« 
La  pfbpart  de  nos  lecteurs  se  rappellent  ici  ce  petit  tabèeau  • 
de  Robert,  la  pèlerine  ronMiine  assise  dana  la  campagne, 
aride  ;  elle  ne  voit  ni  ses  pieds  ensanglmtés^  ni  son  nour^ . 
risson  sur  ses  genoux,  altéré  et  haletant,  pourvu 'Cpi'eUe  . 
atteigne  la  colline  bénie  qui  phne  au  loin  à  rtmaeisoD  : 
Monte  ai  giofa!... 

Et  quand  Ib  but  du  voyage,  citait  Romet  quand  an. 
renouvellement  du  atècle,  au  moment  solennel  où  sonnait 
une  heure  de  la  vie  -du  monde,  on  atteignait  la  gruMle 
ville,  et  que  ces  monuments,  ces  viettx  tombeaux,  jusque* 
là  seuiemenioiA  et  oétébrès.  On  lea  voyak,  on  les  tou-  ' 
ckalt  ;  alors,  se  rettouvant,  eomteoqiorain  de  toi»  les 
siècles,  et  des  eeinsuis  et  des  mastyis,  ayant  de  station  en 
station,  du  Ckiliséc^au  Capitale  et  du  Panthéon  à  Sninl** 
Pierre^  revécu  toute  Thistoire,  ayant  vu  toute  mort  et 
mine,  on  s'en  aHail^  on  ae  teraettait  en  marché  vevs  ia 
patrie,  vcm  te  tombées  natal,  mais  at ec  moiqs  de  regiel^ 
etd'avance  tool  oeosôlé  de  mourir. 

L'Église,  comme  ce^  milliers  d^hommes  qui  venaient  k 
viaUer,  trGfuva  dans  ce  Jubilé  de  Tan  I3(M)  le  point  culmhH. 

t  Pëlrarqne* 


1^ 


Daat  de  sa  vie  htsloriqtte.  L>  dcsceole  coauaeata  dès  Ion. 
Dans  cette  foule  mérae  se  troanieiu  les  bommes  redont*- 
Ues  ifoi  aiLàûnt  (Nmir  ■■  nonde  Boineaa.  Les  ■■>,  froids 
et  impitonUes  poikiqaes,  eoime  l'historié»  ieaa  MDhh; 
les  Ultras.  cha^nOï  et  saperbes,  cofBBe  Dmle,  ^ai,  lui  Uttsi. 
'  aHait  se  Mie  son  Jubtie.  Le  pape  anit  apfieie  â  Borne  toos 
Im  TinBls;  le  poète  caotoqua  daas  a  comrtlie  loos  les 
Borts;  a  fil  b  reme  doiaoïkle  fiai,  lecbso,  lejo^ea.  Le 
more*  A^.  eoaune  Taatiqiiiié,  compaiol  devant  faû.  Kiea 
Me  hâ  ta  caché.  Le  mot  d»  saoctoaire  fut  dit  et  prolaiié- 
Lescean  fut  exUeré,  bcûê  :  ott  ae  l'a  |ks  retiomë  ■**)—■■ 
Le  Bi<:iyen  i^  avait  véea  ;  b  vie  est  on  mptèie,  qa  périt 
brsqailacbêiedeseréveter.  La  révélation,  ce  fia  bDÎiiaa 
CiMiuBedîa.  b  cathédrale  de  G>l'>^ne ,  les  pcinfti  àm 
Cimp«-âaA!o  de  F^.  L'art  viest  ainsi  lernÙBer,  fienaer 
■■e  ctviliâatioo,  b  courofiaer,  b  oiiettre  j 


VdccwoDs  pas  le  pape,  à  cet  octty«;aaîi«.  vîed  avocat. 

et  aourri  dm^  les  ru^*-»  «t  k^  plte  pruMlqnes  inirignes  ',  se 
bésa  ^iç^ft  hn-iBènae  à  b  (uandew.  à  b  poesiif  de  ee 
BbKneot.  oa  i  vit  k  ^ore  hoauui  réoni  à  locK  et  à  gKftiKK 
devant  lui...  &  est  d'iiiearssnesombn*  [iii'iiii)  de  ver- 
Lzv  d;ias  cette  vile  Ciai^>ftie.  Les  sodveraiaï  de  Ki>aie.  ses 
E:!:ç<Teur>.  ont  para  swmait  oMDOfee  juos.  Ek  nèfoe  an 
UT*  >iM-b<>.  Ctki  KicBÀ.  fe  Uî  d'oB»  bbadiùsiease.  dew— 
tribun  dtf  K'j4U'e.  »e  bMrttjit-tl  pB  suA  epee  vers  les  trois 
paraes  <i«  çi<.>ce.  <■  duiaoc  ;  ■  Ceci  «t  cvo,  ceb  eacote. 
est àmx.  » 

À  ptiK  &.'ite  nisiKi .  k  ptip»  se  crorail-il  b  Bditr*  As 
nuBle.  LiwNiutf  AJ>en  d'Aatrk.-fe  se  ù  Empvxear  p«  b 
mi'rt  r  V  !..  ;  n<:  if  Nassm.  Bnuôa.-?.  inoi^œ.  nut  b  cd*- 
pjBOtr  sir  SI  te-,',  saisit  «n»^  epe«.  et  s'evria  :  ■  Cest  aui 
■{ù  suis  C-sar.  e^it  miHipttnèilEBipefmr.  cest  oui ^ 


k 


BONIFACB  TIU.  il 

défendrai  les  droits  ie  TEmpire.  »  Au~ Jubilé  de  4S00,  il 
parut,  an  milieu  de  cette  multitude  de  toute  nation,  avec 
les  insignes  impériaux  ;  il  fit  porter  devant  lui  Tépée  et  le 
sceptre  sur  la  boule  du  monde,  et  un  béraut  allait  criant  : 
c  II  y  a  ici  deux  épées  ;  Pierre,  tu  vois  ici  toh  successeur  ; 
et  vous,  ^  Christ  t  regardez  votre  vicaire.  »  Il  expliquait 
unsi  les  deux  épées  qui  se  trouvèrent  dans  le  lieu4>ù  J^us- 
Christ  fit  la  Cène  avec  ses  apôtres. 

Cette  outrecuidance  pontificale  devait  perpétuer  la  guerre 
des  deux  puissances  ecclésiastique  et  civile.  La  lutte,  qui 
semblait  finie  avec  la  maison  de  Souabe,  est  reprise  par 
celle  de  France.  Guerre  d'idées,  non  de  personnes,  de  né« 
cessité,  non  de  volonté.  Le  pieux  Louis  IX  la  commence, 
le  sacrilège  Philippe  IV  la  continue. 

«  Reconnaître  deux  puissances  et  deux  principes,  dit 
Boniface  dans  sa  bulle  Unam  sanetam^  c'est  être  hérétique 
et  manichéen...  »  Mais  le  monde  du  moyen  &ge  est  mani- 
chéen, il  mourra  tel  ;  toujours  il  sentira  en  lui  la  lutte  des 
deux  principes.  —  Que  cherches-tu  ?  —  la  paix.  C'est  le 
mot  du  monde.  L'homme  est  'double  ;  il  y  a  en  lui  le  Pape 
et  l'Empereur  •. 

La  paix  !  Elle  est  dans  l'harmonie,  sans  doute  ;  mais, 
d'&ge  en  âge,  on  l'a  cherchée  dans  runité.  Dès  le  n*  siècle, 
saint  Irénée  écrit  contre  les  Gnostiques  son  Kvre  :  De 
l'unité  du  principe  du  monde  :  De  Monarehid,  C'est  encore 
le  titre  du  Dante  :  De  Monarehid,  De  l'unité  du  monde 
social  ^. 

Le  livre  de  Dante  est  bizarre.  Sa  formule,  c*est  la  paix, 
comme  condition  du  développement,  la  paix  sous  tfn  mo- 
narque unique.  Ce  monarque,  possédant  tout,  ne  peut  rien 
désirer,  et  partant,  il  est  impeccable.  Ce  qui  fait  le  mal, 
c'est  là  concupiscence  ;  où  il  n'y  a  plus  de  limite,  que  dé* 
sirer?  quelle  concupiscence  peut  naître  '?  tel  est  le  rai- 

«  An-P  *3.  —  »  App.,  14.  —»  App.,  15. 


s 


4^  h  PHiMPr^  f.%  9m.H 

sopn6fniiept  de*  DiRto.  Reste  à  prouver  que  cet  id^al 
êtr^  réei,  que  oa  réel  est  le  peuple  ronmin  ^  ;  qu'enfioi  le 
peuple  romaÂa  a  iranamU  sa  souvetaiaeté  à  l'empereur  . 

Ce  livre  est  oo^  beUe  épitaplie  gibeUne  pour  rfimpira 
allemand  :  TUmpire  en  4300,  ce  n'est  plus^fiXGhiâivemeBt- 
TAilemagne  ;  c'est  désormais  toul  empire,  toute  royauté  ; 
c'est  le  pouvoir  civil  en  tout  pays»  surtout  en  France.  Les 
doux  adversiaîres  sont  maintenant  TËgUse  et  le  fils;  aine  de 
rBgUse,  De$  deux  côtés,  prétentions  sans  bornes;  deux  . 
infinis  en  £aoe.  Le  roi,  s'il  n'est  pas  le  roi  seul,  est  dumoina 
le4>lus  grand  roi  du  monde;  le  pins  révéré  encore,  depuis 
saint  Louise  fils  aîné  de  l'Kglise,  il  veut  être  plus  âgé  que 
sa  mère  :  «  Avant  qu'il  n'y  eut  des  clercs ,  dit-il»  le  roi 
avait  en  garda  le  royaume  de  France *.. » 

La  quenelle  s'était  déjà  émue  à  l'occasion  dés  biens 
d'église;  mais  il  y  avait  d'autres  motifsii'isritatipn.Buiuface 
avait  décidé  entre  Philippe  et  Edouard,  non  comme  ami  et 
personne  i^ivée  »  mais  oonmie  pape.  Le  comte  d^Artois, 
indigné  4^  la  partiaité  du  pontife  pour  les  Flamands ,  ar- 
racha  la  bulle  au  légat  et  la  jeta  au  feu.  En  ceprésailles* 
Boni&ee  lavorisaÀlbert  d'Autriche  contre  Charles  de  Valois, 
qui  prétendait  à  la  couronne  impériale.  De  son  côté  ^  Phi* 
lippe  ïoii  la  main  sur  las  régates  de  Laon,  de  Poitiers  et  de 
Reims»  Il  accueillait  les  ennemis  de  Boniface,  les  Colonoa, 
ces  rud^  Gibelins^  ces  nhef  de  brigands  romaina  contre  las  . 
papes. 

Vexptosioo^ut  li^  au.  sujet  d'un  bien  mai  acquis,  que 
depuis  UiU  sièd^  se  disputaient  le  pape  et  le  roi.  Je  parle 
de  cette  sanglante  dépouiUe  du  Languedoc.  Boni£ace  YIU 

*  II  Fe  prooTe  :  1*  par  l'origine  de  nomolns,  4eâc6Ddftnt  loiit  à  U  Ms 
d'Rurope  M  d'àllts  (1*  Afrique)  ;  9'  par  Usairaclet  qiM  Ueo  «  lui  ta  çùm 
Roiœ  i  «l»i  iSi  fDcilU  de  Nuq^,  h&  owa  du  Capitoldi  •^•;  S*  par  U 
bonté  que  Rome  a  montrée  au  monde,  en  voulant  bien  la  conquérir,  etc. 

*  «  Antequam  essent  clerici.  rex  Frincia  habebat  costodiam  regni* 
sui,  et  polcrat  statttta  facere.  % .  :      ./•-•..  ' 


fêf^tjpmrinj^Qomi  Ut  L'iiommaga  de  Ndifbofimii  vendu 
diff^atieipneBt  «u  coi  ym  le  vîcqaitâ,  était  viveoieAi  nMâmà 
|MU*;i*aMdbtevéfiie  .(4300).:L'aiicheyèc|^  e&t  YOùki  s'ar^ 
]|gn|{0r.  Le  iM^e  k  meflaça  d'«absominuiiiftatfoai>  s'il  trai^ 
igii  Mfis  la  immisaîQnidtt  &iinl-^Siég6.  U/dH^  kt^om^ 
YhommB^  dumà^Uf  de  plus,  lœaaoa  FhilippQ,  b^Um  fie» 
déûUèi  dtt  comté  de  lle)giMil,'dentra«»  efictore  diipiniilr 
kÎ9Dl  régiise  dû  MagueioDe.   . 

Canlesl  pat  tQui  :  Jeipepo.aTâk,  maigre  MiHîppe»  «ré^> 
dans  ee  •4a»goMi&  Lansûêdimp  À  la  .parle  fAi  oMite>dr 
Foix  et  du  roi  d'Aragon,  un  nouvel  évéché  pria  mt  lai 
diêeèad  de*  ToukNiaa,  L'évéebé  Ae  Eatoiersi  Û  avait  fait 
éièqoe>i|ii  hcHunieià  lait  Bernard  deSaiaeet«  CoJCut  jusie- 
meoÉ  ee  Sakaaii  i}Uli  eiïv.aja  aa  roi  pour  kù  jraptpelûr  .«a^: 
pFaflaifieae.4!aMar  à  la  croisade,  el  la  sommer  de  maHre 
QDiiberlé  Je<iefflte  de.flaa4iiP  etaa  fiUeu  Oe  feallea  paroiea 
ne  SB  dkifieal  paa  tnapiaénieiit  i  PhUippe  le  fiek 

Ca  SaîftaÊl.,  .qui  parlail  ai  bardÀiamt,  >  était  deyà  dâ^igné 
fHi  9Wy  par  Vév4<ma  de  Toulouee,.  eomme  raiAteur  d'aa 
va0tfreoâiplot..4«î  eA&eatei^é  tonale. Midi  aax. f rangaia. 
Saieaei  appaatenaii  àla  iwiiU»  dea .  aocâeoa  viaafnieada 
TaMkiasa«  JL  élail.  Vaâii  4a  .tous  lea  homaMa  éialaiigum^  4a 
taiièB  k  ADhlaaia  jpmieipaleiide  eette  gaande  cité»  li  r^ait 
la  fondatiqa  idioa  oroyaiiaie  4e  Lugnedoc  an  profil  da 
comte  de  Foix,  ou  da  aoMta  -de  Qiaaniiigea,  qili  daaeeiH 
daii  deaJUMMait  da  JcndotM;  liait  Hg/séktm  de  fears 

Caa  taaada.aatgfttwmida  MM»  a'avaiaaft  ni  lea  forcaa»  ai . 
IVwoiir  du  ,paifl^  aï  Ja>  Imiteiar  d&jioiMaga»  iftt'uoe.teUe  : 
eatteprise  aîbt.  deaaiiidâs.  j^a  eoiato  de  Coaimiagei  sa; 
sîgaa,  ea  aniaadaot  4as.  paopofiitiDiia  si  bar^ieft-  v  «  Ce . 
Saîsiei  est  vm  ftUti^t  diinil^  plutôt  ^*ua  boam^  ^    »  : 

*  •  l5(o  non  Ml  homo,  sed  diiMa^L  .•  iim»i§n^%^  du  comU  lui-uàkina. 


44  PHIUPPS  LB  BBL. 

Le  comte  de  f  oix  joua  un  rôle  plus  odieux.  Il  reçut  les 
confidences  de  Saisset,  pour  les  transmettre  au  roi  par 
f  évéque  de  Toulouse  ^.  On  sut  par  lui  que  Saiaset  -se 
chargeait  de  demander  pour  le  fils  du  comte  de  Foix  la 
fille  du  roi  d'Aragon,  qui,  disait*il,  était  son  uni.  Il  avait 
dit  encore  :  «  Les  Français  ne  feront  jamais  de  bien,  mais 
plutôt  du  mal  au  pays.  »  U  ne  voulait  pas  tenâiner  avec 
le  comte  de  Foix  les  démêlés  de  son  érvéché,  à  moins  que 
ce  seigneur  ne  s'arrangeât  avec  les  comtes  d'Armagnac 
et  de  Gomminges,  et  ne  réunit  ainsi  tout  le  pays  sous  son 
influence* 

On  attribuait  à  Saisset  des  mots  piquants  contre  le  roi  : 
«  Votre  roi  de  France,  disait-il,  est  un  faux-monnayeur. 
Son  argent  n'est  que  de  l'ordure. . .  Ce  Philippe  le  Bel  n'est 
ni  un  homme,  ni  même  une  bête;  c'est  une  image,  et  rien 
de  plus...  Les  oiseaux,  dit  la  fable,  se  donnèrent  pour  roi 
le  ducy  grand  et  bel  oiseau,  il  est  vrai,  maie  le  plus  vil  de 
tous.  La  pie  vint  un  jour  se  plaindre  au  roi  de  l'épervier, 
et  le  roi  ne  répondit  rien  (fusi  quod  fievit).  Voilii  votre 
roi  de  France  ;  c'est  le  phis  bel  homme  qu'on  puisse  voir, 
mais  il  ne  sait  que  regarder  les  gens...  Le  monde  est 
aujourd'hui  comme  mort  et  détruit,  à  cause  de  la  malice 
de  cette  cour...  Mais  saint  Louis  m'a  dit  plus  d'une  fins 
que  la  royauté  de  France  périrait  en  celui  qui  est  le 
dixième  roi,  à  partir  d'Hugues  Capet.  » 

Deux  commissaires  de  Philippe,  un  laïque  et  un  prêtre, 
étant  venus  en  Languedoc  pour  instrumenter  contre 
Saisset,  il  comprit  son  danger  et  voulut  se  sauver  à  Home. 
Les  hommes  du  roi  ne  lui  en  laissèrent  pas  le  temps.  Ils 
le  prirent  de  nuit,  dans  son  lit,  et  l'enlevèient  à  Paris, 
avec  ses  serviteurs,  qui  ftirent  mis  à  la  torture.  Cependant 
le  roi  envoyait  au  pape,  non  pour  se  justifier  d'avoir  violé 


Cet  évêqae  de  Toulouse  éuU  détesté  dans  son  diocèse  eomme  fVnn- 
çais,  comme  étranger  à  la  langue  do  pays.   * 


BONIFACB  TQI.  15 

les  privilèges  de  TÉglise,  mais  pour  demander  la  dégrada- 
lon  de  l'évéque,  avant  de  le  mettre  à  mort.  La  lettre  da 
roi  respire  une  étrange  soif  de  sang  :  t  Le  roi  requiert  le 
souverain* pontiié  d'appliquer  tel  remède,  d'exercer  le  dft 
de  son  offiee,  de  telle  sorte  que  cet  homme  de  mort  (dictus 
vir  mortis),  dont  la  vie  souille  même  le  lieu  qu'il  habite, 
il  le  prive  de  tout  ordre,  le  dépouille  de  tout  privilège  clé- 
rical, et  que  le  seigneur  roi  puisse,  de  ce  traître  à 
Dieu  et  aux  hommes,  de  cet  homme  ehfoncé  dans  la  pro- 
fondeur du  mal;  endurci  et  sans  espoir  de  correction,  que 
le  roi  en  puisse  par  voie  de  justice  faire  à  Dieu  un  excellent 
sacrifice.  Il  est  si  pervers,  que  tous  les  éléments  dosent 
loi  manquer  dans  la  mort,  puisqu'il  offense  Dieu  et  toute 
créature  *.  » 

Le  pape  réclama  l'évéque,  déclara  suspendre  le  privi- 
lège qu'avaient  les  rois  de  France  de  ne  pouvoir  être 
excommuniés,  et  convoqua  le  clergé  de  France  à  Rome 
pour  le  l^r  novembre  de  l'année  suivante.  Enfiq  il  adressa 
au  roi  la  bulle  AuscultOy  fili:  Écoute,  mon  fils,  les.conseils 
d'un  père  tendre.  Le  pape  commençait  par  ces  paroles 
irritantes,  dont  ses  adversaires  surent  bien  profiter  :  «  Dieu 
nous  a  constitué,  quoique  indigne,  au*dessus  des  rois  et 
des  royaumes,  nous  imposant  le  joug  de  la  servitude  apos* 
tolique,  pour  arracher,  détruire,  disperser,  dissiper,  et 
pour  édifier  et  planter  sous  son  nom  et  par  sa  doctrine...» 
Du  reste,  la  bulle  était,  sous  forme  paternelle,  une  récapi- 
tulation de  tous  les  griefs  du  pape  et  de  l'Église. 

Le  diancelier  Pierre  Flotte  se  chargea  de  porter  \k 
réponse  au  pape.  La  réponse,  c'était  que  le  roi  ne  lâchait 
pas  son  prisonnier,  qu'il  le  remettait  seulement  à  garder 
à  l'archevêque  de  Narbonne,  que  l'or  et  l'argent  ne  sorti- 
raient plus  de  France,  que  les  prélats  n'iraient  point  à 


'  Imiution  péJaDtesqne  d'un  passosa  du  discours  de  Cicêron  Pré 
Roiciù  Ammno,  sur  le  supplice  dn  parricide. 


i^  PHILVPi  I^P  Bit 

Rome.  Ce  foi  iu»9  rude  kasiâUB  poiur  le  p9p0^efioai)&  trioii^ 
phaut  de  $on  JubUè»  (lumd  00  pfstit  «»ocal  tefgte>  vint 
lui  pailler  6i  Ubiremeotr  L'alleroi^iea  fut  violente.  Le  pape 
le  prit  de  bacrt  :  c  Men  peumir^  dii^,  Maferme  les 
deux.  1»  Pierre  Flotte  réppadit  par  on  ai|re  émàn^o  ; 
«  Oui|  mais  votre  pouvoir  est  verbal,  oelui  du  roi  siéeL  » 
Le  gascon  K^garet»  qui  était  veau  t^ee  Pierre  Flotte ,  M 
put  se  contenir  ;  il  parla  aveè  la  violraee  ei  rei^poriemeiH 
méridional  sur  les  abus  de  la  cour  pooIJAoale,  eur  la  eoii^ 
duite  môme  du  pape.  Ils  sortireBt  mbi  de-  ftemd  eorasée 
dims  leur  baiae  d'avocats  contre  les.  prêtres,  ayant  outn^ 
le  pape,  et  sûrs  de  périr  s'ils  ne  le  pi^évenaient* 

pflkir  soulever  tout  le  monde  oonlre  Bonifaee,  il  fidlail 
tirer  quelques  propositions  bien  cbires  et  bien  cltoqiiaDles 
du  doucereux  bavardage  ou  la  coair  de  ftonie  aioiait  à 
noyer  sa  pensée.  Ils  arrangèrent  done  entre  eux  une 
brutale  petite  bulte  où  le  pape  exprinviit  crûment  toutes 
ses  prétentions.  En  mémo  temps,  ils  Maaient  oourir  iinii 
fausse  réponse  à  la  fausse  buUe,  où  le  roi  pariait  au  pupa 
avec  une  violence  et  une  grossièreté  pepukoièM.  Celte 
réponse,  bien  entendu,  -n^était  pas  destinée  à  être  eirvoyéep 
mais  elle  devait  avoir  deux  eSets.  D'abord  eUe  avitissait  le 
pouvoir  sacro-saint,  auquel  on  jetait  impuaémeoi  cette 
boue.  Ensuite,  elle  indiquait  qne  le  roi  se  sentait  £Mrt,  m 
qui  est  le  moyen  d^  l'être  en  eÂet. 

«  Bonilace,  évéque,  serviteur  des  serviteurs  de  Sien,  à 
Philippe,  roi  des  Fcaaaos,  orams  Diett  et  observe  se»  oom** 
mandements.  Nous  voulons  que  tu  snehns  que  lu  nous?  es 
soumis' dans  le  temporel  comme  dans  le  spirituel  ;  ips  fai 
collation  des  bénéfices  et  des  prébendes  ne  l'appartieni 
point;  que  si  tu  as  ia  garde  des  bénéfices  vaesnts,  c'esi 
pour  en  réserver  les  fruits  aux  successeurs»  Que  aï  tu  en 

*  c  Belial  ille,  Pctras  Flote,  semivivcns  corpore.  mcnteque  totaliser 
sacœeatuft.  •  Bultê  de  Soiriface  aux  prdiafs  dr  Knince. 


weoiiféré  qaelqu'un»  cous  dedaronf^ceittç  ceiHai^oA  Uiva- 
Mcto,  et  Bons  la  révoquons  si  elle  a  été  exécutée,  déclarant 
bérétkpies  tôua  cevx  qui  pensent  autrement  Donné  au 
JLatrao,  auxnones  de  décembre,  Tan  7  de  noti^^  pontifi- 
cat. »  C'«st  la  date  de  la  bulle  Ausculta^  fiiw 

\  Pbilinpe,  par  la  gràoe  de  Dieu^  coi  d/e&  Français,  ji 
Bpniface»  qgù  se  donne  pour  ptpe»  peu  ou  point  de  salut. 
Que  ta  très-rgrandû  fatuité  sache  que  nous  ne  sommes 
4aun)i3  à  personne  pour  le  temporel  ;  que  la  collation  des 
églises  et  des  prébendes  vacantes  nous  appartient  par  le 
droit  rayai  ;  que  les  fruits  en  sont  à  nous  \  que  les  colla- 
tions faites  et  à  faire  par  nous  sont  valides  au  passé  et  ^ 
Tavenir;  que  nous  maintiendrons  leurs  possesseurs  de 
tout  notre  pouvoir,  et  que  nous  tenons  pour  fous  et  in- 
jsensés  ceux  qui  croiront  autrement,  t 

Ces  étranges  paroles  qui  eussent,  un  siècle  plus  tôt, 
Bxvak  tout  le  royaume  pontre  te  roi,  furent  bien  reçues  de 
la  noblesse  et  dUi  peuple  des  Wlies.  On  fit  alors  un  pas  de 
plus;  on  compromit  directement  la  noblesse  avec  le  pape. 
Le  44  février  4302,  en  présence  du  roi  et  d'une  foule  de 
seigneurs  et  de  chevaliers,  au  milieu  du  peuple  de  Paris, 
la  petite  bulle  fut  brûlée,  et  cette  exécuticm  fut  ensuite 
criée  à  son  de  trompe  par  toute  la  ville  ^.  Encore  deux 
cents  anS|  un  moine  allemand  fera  de  son  autorité  privée 
ce  que  Pierre  Flotte  et  Nogaret  Cont  maintenant  au  nom 
du  roi  de  France. 

Hais  il  fallait  engager  tout  le  royaume  dans  la  cpierelle. 
Le  pape  avait  convoqué  les  prélats  à  Rone  pour  le  4  ^^  no- 
vembre 4  le  roi  convoqua  les  États  pour  le  40  avril;  non 
plus  les  Etats  du  clergé  et  de  la  noblesse,  non  plus  les 
États  du  Midi,  comme  saint  Louis  les  avait  rassemblés; 
mais  les  États  do  Midi  et  du  Nord-,  les  États  des  trois  oitirês, 
clergé,  noblesse  et  bourgeoisie  des  villes.  Ces  États  géné^ 

>  Avp,  17. 


48  *  PHILIPPE  LE  râL. 

raux  de  PhiKppe  le  Bel  sont  Tère  sationale  de  la  France, 
son  acte  de  naissance.  Elle  a  été  ainsi  baptisée  dans  la 
basilioue  de  Notre-Datne,  où  s'assemblèrent  ces  premiers 
$tats<.  De  même  que  le  Saint-Siège,  au  temps  de  Gré- 
goire VII  et  d'Alexandre  III,  s'était  appuyé  sur  le  peuple, 
Tennemi  du  Saint-Siège  appelle  maintenant  le  peupîe  à 
lui.  Ces  bourgeois,  maires,  échevins,  consuls  des  villes, 
S0U5  quelque  forme  humble  et  servile  qu'ils  viennent 
d'abord  répéter  les  paroles  du  roi  et  des  nobles,  ils  n'en 
sont  pas  moins  la  première  apparition  du  peuple. 

Pierre  Flotte  ouvrit  les  États  (10  avril  4302)  d'une  ma- 
nière habile  et  hardie.  Il  attaqua  les  premières  paroles  de 
la  bulle  Ausculta^  fili  :  «  Dieu  nous  a  constitué  au-dessus 
des  rois  et  des  royaumes...  »  Puis  il  demanda  si  les  Fran- 
çais pouvaient  sans  lâcheté  se  soumettre  à  ce  que  leur 
royaume,  toujours  libre  et  indépendant,  fût  ainsi  placé 
dans  le  vasselage  du  pape.  C'était  confondre  adroitement 
la  dépendance  morale  et  religieuse  avec  la  dépendance 
politique,  toucher  la  fibre  féodale,  réveiller  le  mépris  de 
l'homme  d'armes  contre  le  prêtre.   Le  bouillant  comte 
d'Artois,  qui  déjà  avait  arraché  au  légat  et  déchiré  la  bulle 
Ausculta,  prit  la  parole,  et  dit  que,  s'il  convenait  au.  roi 
d'endurer  ou  de  dissimuler  les  entreprises  du  pape,  les 
seigneurs  ne  les  souffriraient  pas.  Cette  flatterie  brutale, 
sous  forme  de  liberté  et  de  hardiesse,  fut  applaudie  des 
nobles.  En  môme  temps,  on  leur  fit  signer  et  sceller  une 
lettre  en  langue  vulgaire,  non  au  pape,  mais  aux  cardi- 
naux. La  lettre  ftait  probablement  toute  écrite  d'avance 
par  les  soins  du  chancelier,  car  elle  est  datée  du  4  0  avril 
du  jour  même  où  les  États  furent  assemblés.  Dans  cette 

>  Ont-ils  été  les  premiers?  M.  deStadler  sigoale des  assemblées  par* 
tielles  en  1294,  et  one  assemblée  générale  à  Paris  en  12f>5.  Philippe  le 
Bel  avait  déjà  plos  d'nne  fois  demandé  des  subsides  à  des  assemblées  do 
députés  des  trois  ordres,  soit  sons  la  forme  d'États  provinciaux,  «ail 
sous  la  forme  d*États  généraux. 


BONiFACB  vni.  49 

longue  épitre,  les  seigneurs,  après  avoir  souhaité  aux  car- 
dinaux «  continuel  accroissement  de  charité,  d'amour  et 
de  toutes  bonnes  aventures  à  leur  désir»  »  déclarent  que, 
quant  aux  dommages  que  «  celuy  qui  en  présent  est  ou 
siège  du  gouvernement  de  TËglise,  »  dit  être  faits  par  le 
roi,  ils  ne  veulent,  «  ne  eux,  ne  les  universités,  ne  li  peuple 
du  royaume,  avoir  ne  correction  ne  amende,  par  autre  fors 
que  par  ledit  nostre  Sire  le  Aoi.  »  Ils  accusent  «  Cil  qui  à 
présent  siet  ou  siège  du  gouvernement  de  TÉglise  »  de  tirer 
beaucoup  d'argent  de  la  conférence  et  collation  des  arche- 
vôques,  évoques  et  autres  bénéficiers,  «  Si  que  li  mêmes 
peuples,  qui  leur  est  soubgez,  soient  grevez,  et  rançonnez. 
Ne  li  préïas  ne  poent  donner  leurs  bénéfices  aux  nobles 
clercs  et  autres  bien  nez  et  bien  lettrez  de  leurs  diocèses, 
de  qui  antecessours  les  églises  sont  fondées.  >  Les  seigneurs 
signèrent  certainement  de  grand  cœur  ce  dernier  mot  où 
l'habile  rédacteur  insinuait  que  les  bénéfices,  fondés  pour 
la  plupart  par  leurs  ancêtres,  devaient  être  donnés  à  leurs 
cadets,  ou  à  leurs  créatures,  ainsi  que  cela  se  fait  en  An- 
gleterre, surtout  depuis  la  Réforme.  C'était  attacher  à  la 
défaite  du  pape  le  retour  des  biens  immenses  dont  les  sei- 
gneurs s'étaient  dépouillés  pour  r£gUse  dans  les  âges  de 
fer\'eur  religieuse  *. 

La  lettre  des  bourgeois  fut  calquée  sur  celle  des  nobles, 
si  nous  en  jugeons  par  la  réponse  des  cardinaux.  Mais  elle 
n'a  pas  été  conservée,  soit  qu'on  n'ait  daigné  en  tenir 
compte,  soit  qu'on  ait  craint  que  le  dernier  des  trois  ordres 
ne  tirât  plus  tard  avantage  du  langage  hardi  qu'on  lui  avait 
permis  de  prendre  dans  cette  occasion. 

La  lettre  des  membres  du  clergé  est  tout  autrement  mo- 
dérée et  douce.  D'abord  elle  est  adressée  au  pape  :  «  Sanc- 
tissimo  patri  ac  domino  suo  carissimo...  v  Us  exposent  les 
griefs  du  roi  et  réclament  son  indénendance  quant  au  tem- 

<  App.,  18 

uk  4 


50  PniUPFE  iS  BEU- 

pc^el.  Ite  ont  fai^  tout  ce  qu'ils  oui  pu  pour  l'adoucir  ;  Ws 
l'ont  supplié  de  peroiettce  qu'ils  allassent  aux  pieds  de  la 
béatitude  apostolique.  Mais  la  réponse  est  venue  du  roi  et 
des  barotts  qu'on  ne  leur  permettrait  aucunement  de  sortir 
du  royiuime.  Ils  sont  tenus  au  roi  par  leur  serment  de  fi- 
délité à  ta  canservatioiQ  de  sa  personne,  de  ses  honneurs  et 
libertéa,  à  oaUe  défi  droits  du  royaun^e^  d'autant  plus  que 
nmbrjt  d'sutrû  ifada  tktment  dss^  duchés^  comtés^  baronnies  et 
otilrw/ie/ï.  Enfin»  dans  cette  nécessité  extrême,  ils  ont  re- 
cours à  la  providenoe  de  Sa  Sainteté,  «  Avec  des  paroles 
pleines  de  larmes  et  des  sanglots  mêlés  de  pleurs,  implo- 
rant aa  cléni^ce  paternelle»  etc.  » 

Cette  lettre,  si  différente  de  l'autre,  contient  pourtant 
égaiwikettt  le  grand  grief  de  la  noblesse  :  «  Les  prélats  n^ont 
plus  4e  <pà(à  donner,  pas  même  de  quoi  rendre,  aux  nobles 
dont  les  ancêtres  ont  fondé  les  églises  *«  » 

Pendant  que  la  lutte  s'engageait  ainsi  contre  le  pape, 
une  grande  et  terrible  nouvelle -avait  compliqué  l'embar- 
ras. Les  Ëtais  s'étaient  assemblés  le  1 0  avril.  Mais  le  24  mars, 
le  massaoffe  des  Yépoes  siciliennes  s'était  renouvelé  à  Bruges» 
Quatre  mille  Français  avaient  été  égorgés  dans  cette  ville. 

JLa  noblease  était  réuQic  aux  États,  U  ne  s'agissait  que  de 
la  faire  chevaucher  vers  la  Flandre,  tout  animée  de  colère 
qu'ellç  était  déjà,  toute  gonflée  d'orgueil  féodal,  et  de  lui 
faire  gagner  une  belle  bataille  sur  les  Flamands,  qui  eût 
été  une  victoire  sur  le  pape.  Pierre  Flotte,  si  engagé  dans 
cette  cause,  ne  pouvait  perdre  le  roi  d^  vue.  Tout  chance- 
lier quil  était  et  homme  de  robe  longue,  il  monta  à  cheval 
avec  les  hommes  d'armes« 

Les  Flamands,  qui  avaient  appelé  les  Français,  en  étaient 
crudlement  punis,  lia  nalveillance  mutuelle  avait  éclaté 
dès  le  premier  jour.  Edouard  ayant  laissé  le  comte  à  ses 
propres  forces  pour  faire  tête  à  Wallace»  les  Français  le 

*  App,,  49. 


ÎONIFACB  TOI.  51 

m 

poussèrenl  de  place  en  place  et  lui  persuadèrent  de  se  li- 
vrer à  Philippe,  qui  le  traiterait  bien.  Le  bon  traitement  fut 
de  rentrer  dans  la  prison  du  Louvre,  où  déjà  sa  fille  était 
morte. 

Le  roi  des  Français  n'avait  eu  qu'à  prendre  paisiblement 
possession  des  Flandres.  H  ne  soupçonnait  pm  lui-même 
l'importance  de  sa  conquête.  'Quand  il  mena  la  reine  avec 
lui  voir  ces  riches  et  fameuses  villes  de  Gand  et  deBruges, 
ils  en  furent  éblouis,  effrayés.  Les  Flamands  aHèrent  au- 
devant  en  nombre  innombrable,  curieux  de  voir  un  roi. 
Ils  vinrent  bien  vêtus*,  gros  et  gras,  chargés  de  lourdes 
chaînes  d*or.  Ds  croyaient  faire  honneur  et  plaisir  à  leur 
nouveau  seigneur.  Ce  Ait  tout  le  contraire.  La  reine  ne  leur 
pardonna  pas  d'être  si  braves,  aux  femmes  encore  moins  : 
c  Ici,  dit-elle  avec  dépit,  je  n'aperçois  que  des  reines.  » 

Le  royal  gouverneur  Châtillon  s'attacha  à  les  guérir  de 
cet  orgueil,  de  cette  richesse  insolente.  Il  leur  Ata  leurs 
élections  municipales  et  te  maniement  de  leurs  affaires  ; 
c'était  mettre  les  riches  contre  soi.  Puis  il  frappa  les  pau- 
vres :  il  mit  Timpdt  d'un  quart  sur  le  salaire  quotidien  de 
l'ouvrier.  Le  FVançais,  habitué  à  vexer  nos  petites  commu- 
nes, ne  savait  pas  quel  risque  il  y  avait  à  mettre  en  mou- 
vement ces  prodigieuses  fourmilières,  ces  formidables 
guêpiers  de  Flandre.  Le  Ifon  couronné  de  Gand,  qui  dort 
aux  genoux  de  la  Tierget,  dormait  mal  et  s'éveillait  sou- 
vent. La  cloche  de  Roland  sonnait  pour  Témeute  plus  fré- 
quemment que  pour  le  feu.  —  Roland!  Roland!  tintement, 
c*est  incendie î  volie,  c'est  soulèvement^  ! 

Il  n'était  pas  difficile  de  prévoir.  Le  peuple  commençait 
à  parler  bas,  à  s'assembler  à  la  tombée  du  jour  4.  Il 


*  «  Tricolah  vestlta...  PrimatM  inter  se  dissidentes  daos  habebaoi 
colores,  mtiUiittdo  addidit  tertimn.  •  Mefer. 

*  App.,  ÏO.  —  *  App,,  SI. 

'  «  Gonvenîre,  conferre,  eolloqui  inter  m  nub  crepasealam  noctis 
nuUimdo.  »  Uaver. 


52  PfllUPPB  LB  BEL. 

I 

n'y  avait  pas  vingt  ans  qu*avaient  eu  lieu  les  Vêpres  sici- 
liennes. 

D'abord  trente  chefs  de  métiers  vinrent  se  plaindre  à 
Châtillon  de  ce  qu'on  ne  payait  pas  les  ouvrages  comman- 
dés pour  le  roi.  Le  grand  seigneur,  habitué  aux  droits  de 
corvée  et  de  pourvoirie,  trouva  la  réclamation  insolente  et 
les  fit  arrêter.  Le  peuple  en  acmes  les  délivra  et  tua  quel- 
ques hommes,  au  grand  effroi  des  riches,  qui  se  déclarè- 
rent pour  les  gens  du  roi.  L'affaire  fut  portée  au  Parlement, 
Voilà  le  Parlement  de  Paris  qui  juge  la  Flandre,  comme 
tout  à  l'heure  il  jugeait  le  roi  d'Angleterre. 

Le  Parlement  décida  que  les  chefs  de  métiers  devaient 
rentrer  en  prison.  Parmi  les  chefs  se  trouvaient  deux 
hommes  aimés  du  peuple,  le  doyen  des  bouchers,  et  celui 
des  tisserands.  Celui-ci,  Peter  Kœnig  (Pierre  le  Roi),  était 
un  homme  pauvre  et  de  mauvaise  mine,  petit  et  borgne, 
mais  un  homme  de  tête,  un  rude  harangueur  de  carre- 
four *.  Il  entraîna  les  gens  de  métiers  hors  de  Bruges,  leur 
fit  massacrer  tous  les  Français  dans  les  villes  et  châteaux 
voisins.  Puis  ils  rentrèrent  la  nuit.  Des  chaînes  étaient  ten* 
dues  pour  empêcher  les  Français  de  courir  la  ville;  cha- 
que bourgeois  s'était  chargé  de  dérober  au  cavalier  logé 
chez  lui  sa  selle  et  sa  bride.  Le  21  mars  1302,  tous  les  gens 
du  peuple  se  mettent  à  battre  leurs  chaudrons  ;  un  boucher 
frappe  le  premier,  les  Français  sont  partout  attaqués,  mas- 
sacrés. Les  femmes  étaient  les  plus  furieuses  à  les  jeter  par 
les  fenêtres  ;  ou  bien  on  les  menait  aux  halles,  où  ils  étaient 
égorgés.  Le  massacre  dura  trois  jours;  douze  cents  cava- 
liers, deux  mille  sergents  à  pied  y  périrent. 

Après  cela,  il  fallait  vaincre.  Les  gens  de  Bruges  mar- 
chèrent d'abord  sur  Gand,  dans  l'espoir  que  cette  grande 
viUe  se  joindrait  à  eux.  Mais  les  Gantais  furent  retenus  par 
leurs  gros  fabricants  ^,  peut  être  aussi  par  la  jalousie  de 

*  App,,  M.  —  «  App.,  J3. 


BONIFACE  VIII.  53 

Gand  contre  Bruges.  Les  Brugeois  n'eurent  pour  eux, 
outre  le  Franc  de  Bruges,  quTpres,  l'Écluse,  Newport , 
Berghes,  Fumes,  et  Gravelines,  qui  les  suivirent  de  gré  ou 
de  force.  Us  avaient  mis  à  la  tête  de  leurs  milices  un  fils  du 
comte  de  Flandre,  et  un  de  ses  petits-fils,  qui  était  clerc, 
et  qui  se  défroqua  pour  se  battre  avec  eux. 

Ils  étaient  dans  Courtrai,  lorsque  l'armée  française  vînt 
camper  en  face.  Ces  artisans,  qui  n'avaient  guère  combattu 
en  rase  campagne,  auraient  peut-être  reculé  volontiers. 
Mais  la  retraite  était  trop  dangereuse  dans  une  grande 
plaine  et  devant  toute  cette  cavalerie.  Ils  attendirent  donc 
bravement.  Chaque  homme  avait  mis  devant  lui  à  terre  son 
guUmtag  ou  pieu  ferré.  Leur  devise  était  belle  :  Scilt  vnd 
vrfendi,  Mon  ami  et  mon  bouclier.  Ils  voulurent  communier 
ensemble,  et  se  firent  dire  la  messe.  Mais,  comme  ils  ne 
pouvaient  tous  recevoir  l'eucharistie,  chaque  homme  se 
baissa,  prit  de  la  terre  et  en  mit  dans  sa  bouche  ^  Les  che- 
valiers qu'ilsavaient  avec  eux,  pour  les  encourager,  renvoyè- 
rent leurs  chevaux;  et  en  même  temps  qu'ils  se  faisaient 
ainsi  fantassins,  ils  firent  chevaliers  les  chefs  des  métiers. 
Ils  savaient  tous  qu'ils  n'avaient  pas  de  grâce  à  attendre. 
Ou  répétait  que  Chàtillon  arrivait  avec  des  tonneaux  pleins 
de  cordes  pour  les  étrangler.  La  reine  avait,  disait-on,  re- 
commandé aux  Français  que  quand  ils  tueraient  les  porcs 
flanuinds,  ils  n'épargnassent  pas  les  truies  flamandes  K 

Le  connétable  Raoul  de  Nesle  proposait  de  tourner  les 
Flamands  et  de  les  isoler  de  Courtrai.  Mais  le  cousin  du 
roi,  Robert  d'Artois,  qui  commandait  l'armée,  lui  dit  bru- 
talement :  «  Est-ce  que  vous  avez  peur  de  ces  lapins,  ou 
bien  avez-vous  de  leur  poil?  >  Le  connétable,  qui  avait 
épousé  une  fille  du  comte  de  Flandre,  sentit  l'outrage,  et 
répondit  fièrement  :  «  Sire,  si  vous  venez  oii  j'irai,  vous 
irez  bien  avant  !  »  En  même  temps  il  se  lança  en  aveugle 

*  Aj^,,  M.  —  *  App,,  t5» 


54  PBIIIPPS  U  BEL. 

à  la  tête  des  cavaliers  d^ns  une  poussière  de  juiHpt 
(il  juillet  430S).  Chaoun  s'efforçtnt  de  le  suivre  et 
craignant  de  rester  à  la  queue,  les  derniers  poussaient  tes 
premiers  ;  ceuxH^i,  approchant  des  Flamands^  trouvèrent, 
ce  (fu'on  trouve  partout  dans  ce  pays  coupé  de  fossés  et 
de  canaux,  un  fossé  de  cinq  brasses  de  large  ^  Us  y  touc- 
hèrent^ s'y  entassèrent;  le  fossé  étant  en  demi-lune^  il  n'y 
avait  pas  moyen  de  s'écouler  par  les  cAtés.  Toute  la  che- 
valerie de  France  vînt  s'enterrer  là,.  JLrtois,  ChÂtiiion, 
Nesle^  Brabant,  Eu,  Aumaley  Daxnmartin,  Dreux,  Soisaoae, 
Tancarville,  Vienne,  Mehu,  une  foule  d'autres,  te  chan- 
celier aussi,  qui  sans  doute  na  comptait  pas  périr  en  si 
glorieuse  compagnie. 

Les  Flamands  tuaient  à  leur  aise  ces  cavaliers  désac- 
çonnés;  ils  les  «hoisissaient  dans  le  fossé.  Quand  les 
cuirasses  résistaient,  ils  les  assommaient  avec  des  maillets 
.de  plomb  ou  de  fer*»  Us  avaient  parmi  eux  hon  nombie 
de  moines  ouvriers  \  qui  s'acquittaient  en  conscience  de 
cette  sanglante  besogne.  Un  seul  de  ces  moines  prétendit 
avoir  assommé  quarante  chevaliers  et  quatorze  cents  fan- 
tassins; évidemment  le  moine  se  vantait.  Quatre  miUe 
éperons  dorés  (un  autre  dit  sept  cents)  furent  pendus  dans 
la  cathédrale  de  Courtrai.  Triste  dépouille  qui  porta 
malheur  à  ht  ville.  Quatre-vingts  ans  apsès,  Charles  Vl  vit 
les  éperons,  et  fit  massacrer  tous  les  habitants» 

Cette  terrible  défaite,  qui  avait  exterminé  toute  l'a  van  t- 
garde  de  l'armée  de  Fi'ance,  c'est^-à-dire  la  plupart  d€^ 
grands  seigneurs,  cette  bataille  qui  ouvrait  tant  de  succes- 
sions, qui  faisait  tomber  tant  de  fiefs  à  des  mineurs  sous 
la  tutelle  du  roi,  afiaiblit  pour  un  moment  sa  puissance 
niilitciire  sans  doute,  mais  «lie «ne  lui  ôta  rien  de  sa  vigueur 
contre  le  pape.  En  un  sens,  la  royauté  en  était  plutôt  for- 

'  Oudegherat  ne  parle  pas  du  fo.aé,  saas  doate  pour  rehaasser  là 
gloire  des  Flamande. 
*  App.^  W.  —  *  Meyer. 


BONIFACS  tm.  55 

tifiée.  Qui  sait  si  le  pape  n'eût  troatê  moyen  de  tourner 
contre  le  roi  quelques-uns  de  ces  grands  "feudataires  qui 
avaient  signé,  il  est  vrai,  la  fhmeuse  lettre;  mais  qui,  rev^ 
nant  tous  de  la  guerre  de  Flandre ,  revenant  riches  et 
vainqueurs,  eussent  tnoîns  craint  la  royauté? 

II  renonçait  à  confondre  les  deux  puissances,  comme  fl 
avait  paru  vouloir  le  faire  jusque-là.  Mais  lorsqu'on  eut 
appris  à  Rome  la  défaîte  de  Philippe  à  Gourtrai^  la  oour 
pontificale  changea  de  langage;  un  cardinal  écrivit  au  duc 
de  Bourgogne  que  le  roi  était  excommunié  pour  avoir 
défendu  aux  prélats  de  venir  à  Rome,  que  le  pape  ne  pou-^ 
vait  écrire  à  un  excommunié,  qu'il  fallait  avant  tout  qu*n 
fît  pénitence.  Cependant  les  prélats,  ralliés  au  pape  par  là 
défaite  du  roi,  partirent  pour  Rome  au  nombre  de  qua^ 
rante-cinq.  C'était  comme  une  désertion  en  masse  de 
l'église  gallicane.  Le  roi  perdait  d'un  coup  tons  ses  évèques, 
de  même  qu'il  venait  de  perdre  presque  tous  ses  barons  à 
Courtrai  ^ 

Ce  gouvernement  de  gens  de  loi  montra  une  vigueur  et 
une  activité  extraordinaires.  Le  23  mars ,  une  grande 
ordonnance  très-populaire  fut  proclamée  pour  la  réfor^ 
mation  du  royaume.  Le  roi  y  promit  bonne  administration, 
justice  égale,  répression  de  la  vénalité,  protection  aux 
ecclésiastiques,  égards  aux  privilèges  des  barons,  garantie 
des  personnes,  des  biens,  des  coutumes.  Il  promettait  la 
douceur,  et  il  s^assurait  la  fbrce.  R  releva ieChfttdét  et  sa 
police  armée,  ses  sergents;  sergents  à  pied,  sergents  i 
cheval,  sergents  à  la  douzaine,  sergents  du  guet. 

Les  deux  adversaires,  près  de  se  choquer,  ne  voulurent 
laisser  rien  derrière  eux.  Ils  sacrifièrent  tout  à  l'Intérêt  de 
i»tte  grande  lutte.  Le  pape  ^'accommoda  avec  Albert 
d'Autriche,  et  le  reconnut  pour  Empereur.  Il  lui  faliak 
quelqu'un  à  opposer  au  roî  de  France.  Le  roi  acliela  la  paix 


66  PHILIPPE  LB  BIL. 

aux  Anglais  par  Ténorme  sacrifice  de  la  Guyenne  (20  mai). 
Quelle  dut  être  sa  douleur,  quand  il  lui  fallut  rendre  à  son 
ennemi  ce  riche  pays,  ce  royaume  de  Bordeaux  I 

Mais  c'est  qu'il  fallait  vaincre  ou  périra  Le  12  mars, 
l'homme  même  du  roi,  le  successeur  de  Pierre  Flotte,  ce 
hardi  Gascon,  Nogaret  lut  et  signa  un  furieux  manifeste 
contre  Boniface^. 

a  Le  glorieux  prince  des  apAtres,  le  bienheureux  Pierre, 
parlant  en  esprit,  nous  a  dit  que,  tout  comme  aux  temps 
anciens,  de  même.dans  Tavenir,  il  viendra  de  faux  prophè- 
tes, qui  souilleront  la  voix  de  la  vérité,  et  qui,  dans  leur 
avarice,  dans  leurs  fallacieuses  paroles,  trafiqueront  de 
nous-mêmes,  à  l'exemple  de  ce  Balaam  qui  aima  le  salaire 
de  riniquité.  Balaam  eut  pour  correction  et  avertissement, 
une  bête  qui,  prenant  la  voix  humaine,  proclama  la  folie 
du^faux  prophète...  Ces  choses  annoncées  par  le  père  et 
patriarche  de  l'Ëglise,  nous  les  voyons  de  nos  yeux  réali- 
sées à  la  lettre.  En  effet,  dans  la  chaire  du  bienheureux 
Pierre,  siège  ce  maître  de  mensonges,  qui,  quoique  Mal- 
faisant  de  toute  manière,  se  fait  appeler  Bonifacâ^,  Il  n'est 
pas  entré  par  la  porte  dans  le  bercail  du  Seigneur, 
ni  comme  pasteur  et  ouvrier,  mais  plutôt  comme  voleur  et 
brigand...  Le  véritable  époux  vivant  encore  (Célestin  Y),  il 
n  a  pas  craint  de  violer  TÉpouse  d'un  criminel  embrasse- 
ment.  Le  véritable  époux,  Célestin,  n'a  pas  consenti  à  ce 
divorce.  En  efiet,  comme  disent  les  lois  humaines  :  Rien  de 
plus  corUraire  au  consentement  que  f  erreur...  Celui-là  ne 
peut  épouser,'  qui,  du  vivant  d'un  premier  mari  non  indi- 

*  Dëj&  OD  avait  mis  en  avant  un  Normand,  maître  Pierre  Daboii, 
avocat  an  bailliage  de  Coutances,  qui  donna  contre  te  pape  nne  con- 
sQltation  triplement  biiarre  pour  le  atyle,  Téradition  et'  la  logicjiM. 
àpp.,  Î8. 

*  Dans  la  snsc/iption,  il  86  fait  appeler  :  Chevalier  et  vén$ràblê  pro' 
ftueur  en  droit.  Il  s'était  fait  faire  cheTtlier,  en  effet,  par  le  roi,  en 
IS97.  Mais  il  n'a  pas  osé  ici,  dans  une  assemblée  de  la  noblesse,  signer 
lai*ffléffle  cette  qualité.  —  '  App.,  2^. 


BiMUTACI  TUI.  57 

gne,  a  soaillé  te  mariage  d'adultère.  Or,  comme  ce  qui  se 
commet  contre  Diea  fait  tort  et  injure  à  tous,  et  que  dans 
on  si  grand  crime  on  admet  à  témoigner  le-premier  venu^ 
même  la  ftmme^  même  une  personne  infâme;  moi  donc, 
ainsi  que  la  béte  qui,  par  la  vertu  du  Seigneur,  prit  la  voix 
d'homme  par&it  pour  rq>rendre  la  folie  du  foux  j)rophète 
prêt  à  maudire  le  peupte  béni,  j^adresse  à  vous  ma  suppU-« 
que,  trè&*exceUent  Prince,  seigneur  Philippe,  par  la  gràce 
de  Dieu,  roi  de  France,  pour  qu'à  l'exemple  de  l'ange  qui 
préaenta  l'épée  nue  à  ce  maudisseur  du  peuf^e  de  Dieu, 
vous  qui  êtes  oint  pour  l'exécution  de  la  justice,  vous  op- 
posiez l'épée  à  cet  autre,  et  plus  funeste  Balaam,  etVempô- 
cbiez  de  consommer  le  mal  qu'il  prépare  au  peuple.  » 

Rien  ne  fut  décidé.  Le  roi  louvoyait  encore.  Il  permit  à 
trois  évéques  d'excuser  la  défense  qu'il  avait  faite  aux  pré- 
lats. Le  pape  envoya  un  légat,  sans  doute  pour  tàter  le 
dergé  de  France,  et  voir  s'il  voudrait  remuer.  Hais  rien  ne 
bougea.  Le  roi  dit  au. légat  qu'il  prendrait  pour  arbitres  les 
ducs  de  Bretagne  et  de  Bourgogne  ;  c'était  flatter  la  no- 
blesse et  s'en  assurer;  du  reste  il  ne  cédait  rien.  Alors  le 
pape  adressa  au  légat  un  bref  dans  lequel  il  déclarait  que  le 
roi  avait  encouru  l'exconmiunication,  comme  ayant  empê- 
ché les  prélats  de  se  rendre  à  Rome. 

Le  légat  laissa  le  bref  et  s'enfuit.  Le  roi  saisit  deux  pré* 
très  qui  l'avaient  apporté  avec  le  légat  et  les  ecclésiastiques 
qui  les  copiaient.  Le  bref  était  du  4  S  avril.  Deux  mois  après 
(jour  pour  jour),  les  deux  avocats  qui  succédaient  à  Pierre 
Flotte,  agirent  contre  Boniface.  Plasian  accusa,  Nogaret 
exécuta.  Le  premier,  en  présence  des  barons  assemblés  en 
£tat«  au  Louvre,  prononça  un  réquisitoire  contre  Boniface, 
et  un  appd  au  prochain  concile.  Aux  accusations  prccé^ 
dentés,  Plasian  ajoutait  celle  d'hérésie  ^  Le  roi  souscrivit  à 
l'appel,  et  Nogaret  partit  pour  l'Italie. 

•  4».  ». 


ft8  pïnLim  u  BBL. 

Pour  sooteiiir  ééUe  déffiftush»  deSiiilïve,  I&  roi  fie  9e 
ccmtenta  pas  de  rasMntithénf  eolfeelif  <lèft  filât».  B^  tAres^a 
des  lettres  iidividneHee  unx  pféAniê,  otnc  affines,  «ux  vilk», 
aux  umf«rsîtés;  ces  lettre»  furent  portéee  <ie  prottnce  en 
province  pav  le  vieeinie  de  NailienBe  et  par  raeeusatemr 
mtee,  PUniaiiA.  Le  roi  prie  el  requiert  de  eonsentirau 
.<Mmeile  :  Ntm  rtqmirmmê  êùmmilfe.  B  tt'eftt  pas  été  sûr  db 
refuser  en  Ghb  de  Tndeunleiir.  H  rapporta  plus  ëe  sept 
oenis  adbéflMB*  Teot  le  dAonAe  âvark  eouserh,  ceux  mémfe 
qaiy  rannée  pKéoédettie^  aprto  lar  défaHè*  du  rar  k  Courtrai, 
a'étaieDr  nv^ré  lui  rendiieprte  dbpape.  La  aanie  du  îfittth 
pomà  des  qaarMteHriiNf  avak  suffi  pour  les  converti  an 
parti  da  rat.  S«af  Ctteam,  cfoe  le  pape  avait  gagné  par  une 
fairenr  léoente  et  qui  ae  paitagea,  •  tens  donnèrent  à  Pla- 
aion  dea  tettiea  d'adhéakwi  ay  conoile. 

Lea  corps  lea  phie  ftrvoriiéB  des  papear  se  dftéhtrèrent 
poor  le  nâîr  rmiverBfté  de  fteris,  les  dominicains  de  k 
BiôflEie  tiHe,  les  minears*  de  Teurakie-.  Qaelquear-itmar, 
^omiae  on  prieur  de  Ctuny  ef  un  templier,  adhèrent,  nmî^ 
ju^  pnnesiBtfaftliyf  9. 

Le  paipe  kur  IMboK  eHeore"  graidTjpeur.  9  fMàtt  «A 
retour  que  le  roi  domàt  de»  lettrée  par  te^NfueUes  Fui,  fa 
reine  et  les  jeunes  prineee  e'engogeBieiit  k  défendre  tel  ou 
tel  qui  «fait  adhéié  ae  eonefle^.  C'éMt  eonrnie  «ne  aséu- 
fmee  muCoelle  qtte*  le  roi  et  lo»^  wfffè  du  royaume  se 
douaient  dans,  ce  péri  K 

Le  15  aoât,  BoniANMi  déelar»  par  une  buReqn'am  pape 


*  L*  prieur  et  fé  eocnredC  de»  Prêres  Prècbéors  de  Mbntiietlîer  «yaat 
répenéa  ifi'îli  m  puiaialeat  aiihéfer  «aeg  Vàrétt  eipfè^  de  l«trr  ftimrt 
général  qui  éuii  à  Parisy  J^  apeaie  d«  rfi  ëireol  qvtiè$  VovtoiefllsaM 
voir  rîatention  de  chacqn  «n  parlUulUr  et  m  seereL  Les  raUgieox.  j^»r 
•iitanc^  lee  e^eirtj  Ifenr  enjofpilrent  de  sortir  tous  (rois  Joars  da 
royaume.  Ils  en  dressôreat  atfa 

*App„  31. 

*  Oapay.  —  *  Id.  .  , 

*  V.  tons  ces  actes  dam  Oopuy. 


.  BOHVJiiSB  Ymi  '  09 

•rai  il  appanemit  ée  oMKfoqaai  tin  coneife^  il  r^oiiît 
fiox  aocwialioBS  de  Hadan  et  de  Nogarel,  partHtuliènHnsBt 
au  reproche  d'hérésie.  A  cette  occasiem,  X  disait  :  «  Qui 
a  jamais  cai>  4ire  tfmj  je  ne  di&  pts»  dan»  notre  hmille, 
ffiaifl  dans  mU»  paya  aataâ,  dans  Ja  Cmq^aBîe,  il  y  ait 
jaoïaîa  eu  an  hérétîqjm?  *  C'était  attaquer  indirectement 
PIaai«i.et  Nogaret^  cfuiétaielnt  justement  des  paijs  aUii^enis . 
On  disait  même  qae  le  gmndf^èt a  de*  Mofaret.  airait  Hé 
kr&la. 

LcB  èeux  aeeosateurs:  saraiianfc  bim  tant  es  qu'ife  attaimit 
à  eraindaa.  L'acharaanani  du  papecoutte  Plaire  Btottfe 
devait  les  éclaifeis*  AvaMt  la  iNltaille^  àm  Gouvtnà^BaniGMKe 
avait,  daaa  aoa;  discoara  an  oarcKaanK^  tout  nsjeté^  a* 
eelui-ei»  amoaçantifii'it  se  réservait  de  h»  jwnir  spiaituel- 
iamentet  tempareUeiiMDt^.  Clétait  onvriraa  roi.un  DMqren 
définir  laqiMelle  par  la  Kacrifioe  da  chanaelieK'Bipérit.à 
Courlrai<;  mais  «ombiensea  deux  suocessaurs  n'avaiant  pas 
fins  à  avaindMi^  afirès  lenia^  aadaciausas  aocasatipnsd 
Aussi  dès  k  7  mars^  emqjattrs  avMit  la  {nremiàre  teqfaèta, 
Mogaret  s'était  fiiit  domiar  des  pmivcBrs  iliimité&  dn  mi, 
un  véritable  blancs-seings  imur  traiter»  et  pour  fain»  éêui 
^e  gai  sêtaiê  à  pt>9fo$^.Jà  partit  paur  Filalia  airea.  cotte 
jvma^  fersonB^emeat  iatéresaé  à  s'en  savnr  poilr  la 
peita  da.papai  U  prit  poste  iFknrance  près  du  Itonqm^ 
^  roi  de  Fmncdi  4|ui  dénaî^t  lai  donner  toit  l-aigant  qn'il 
jdeBOAnderaitM  U  avait  aaee  hû  le  gibelin,  est  gibelina^  le 
praseiifc  et  la  victime  de  Banifaaa,!  un  hraiftie  vdué  et 
damné  pour  la  mort  du  pape,  Sciainta  Colaaaa.  C'était4sa 
homme  précieux  peur  un  coup.  Ge  roi  des  lâOnta^aardB 
sabinsy  des  banditi  de  la  campagne  romaine,  savait  si  bien 
ce  que  le  pape  eût  fait  de  lui,  qu'étant  tombé  dans  les 

*  -  Et  volamos  niod  lac  AelâUipbd  jste  Petini  p«niftttif  têmp^roliler 
€i  ipiritualiUr,  sed  rogauuis  ûfium  qood  reser?«t  eum  nabis  f  oaisa- 
doin,  sicat  ja?iaa  «t.  •  Dnpuy» 

•if|>p..3î. 


60  PHILIPPB  LS  BEL. 

maiiis  des  corsaires,  il  rama  pour  eux  pendant  plusieurs 
années,  plutôt  que  de  dire  son  nom  et  de  risquer  d*être 
Tendu  à  Boniface^. 

Après  la  bulle  du  45  août,  on  devait  croire  que  Boniface 
allait  lancer  la  sentence  qui  avait  mis  tant  de  rois  hors  du 
trône,  et  déclarer  les  sujets  de  Philippe  déliés  de  leur 
serment  envers  lui.  Réconcilié  avec  l'empereur  Albert,  il 
savait  à  qui  donner  la  France.  Il  allait  peut-être  renouveler 
contre  la  maison  de  Capet  la  tragique  histoire  de  la  mai- 
son de  Souabe.  La  bulle  était  prête,  en  effet,  dès  le  5  sep- 
tembre. Hfollait  la  prévenir,  émousser  cette  arme  dans  les 
mains  du  pape  en  lui  signifiant  l'appel  au  concile.  Il  fallait 
lui  signifier  cet  appel  à  Anagni,  dans  sa  ville  natale,  ou  il 
s'était  réfugié  au  milieu  de  ses  parents,  de  ses  amis,  au 
milieu  d'un  peuple  qui  venait  de  traîner  dans  la  boue  les 
lis  et  le  drapeau  de  France*.  Nogaret  n'était  pas  homme 
de  guarre,  mais  il  avait  de  l'argent.  D  se  ménagea  des  in- 
telligences dans  Anagni,  et  pour  dix  mille  florins  (nous  ' 
avons  la  quittance  ^),  il  s'assura  de  Supinr),  capitaine  de 
Ferentino,  ville  ennemie  d'Anagni.  «  Supino  s'engagea 
pour  la  vie  ou  la  mort  dudit  Boniface^.  >  Colonna  donc  et 
Supino,  avec  trois  cents  cavaliers  et  beaucoup  de  gens  h 
pied,  de  leurs  clients  ou  des  soldats  de  France,  introdui- 
sirent Nogaret  dans  Ana^i  aux  cris  de  :  Meure  le  pape, 
vive  le  roi  de  France  ^.  La  commune  sonne  la  cloche,  mais 
elle  prend  justement  pour  capitaine  un  ennemi  de  Boni- 
face  ^,  qui  donne  la  main  aux  assaillants,  et  se  met  à  piller 
-les  palais  des  cardinaux  ;  ils  se  sauvèrent  par  les  latrinesr 
Les  gens  d'Anagni,  ne  pouvant  empocher  le  pillage,  se  met- 


*  Pélnrqae.  —  *  Aj^.,  33. 
■  Dapny.  —  *  App.,  3«. 

^  •  Maoia  papa  Bonifacio,  e  vira  il  Re  di  Francia.  •  Villani. 

*  «  Palsata  eomtnuni  campana,  et  tractatn  haUto.  etegcrunt  sibi  ca* 
pi'ancnm  qoemdam  Arnalphum...  Qui  quidem...  illis  ignonn*.ibas,do* 
mini  papae  exsiilil  capitalis  inimicus.  •  Walsingiiam. 


BONIFACB  VUI.  61 

» 

tenl  à  piller  de  compagnie.  Le  pape,  près  d'être  forcé  dans 
son  palais,  obtient  un  moment  de  trêve,  et  fait  avertir  la 
commune  ;  la  commune  s'excuse.  Alors  cet  homme  si  fier 
s'adressa  à  Colonna  lui-même.  Mais  celui-ci  voulait  qu'il 
abdiquât  et  se  rendit  à  discrétion.  «  Hélas  1  dit  Boniface, 
voilà  de  dures  paroles^  1  »  Cependant  ses  ennemis  avaient 
brûlé  une  église  qui  défendait  le  palais.  Le  neveu  du  pape 
abandonna  son  oncle,  et  traita  pour  lui-même.  Ce  der- 
nier coup  brisa  le  vieux  pape.  Cet  homme  de  quatre-vingt- 
six  ans  se  mit  à  pleurer  '.  Cependant  les  portes  craquent, 
les  fenêtres  se  brisent,  la  foule  pénètre.  On  menace,  on  ou- 
trage le  vieillard.  Il  ne  répond  rien.  On  le  somme  d'abdi- 
quer. «  Voilà  mon  cou,  voilà  ma  tête,  »  dit-il. 

Selon  Villani,  il  aurait  dit  à  l'approche  de  ses  ennemis  : 
«  Trahi  comme  Jésus,  je  mourrai,  mais*je  mourrai  pape.  » 
Et  il  aurait  pris  le  manteau  de  saint  Pierre,  mis  la 
couronne  de  Constantin  sur  sa  tête,  et  pris  dans  sa  main 
les  defe  et  la  crosse. 

On  dit  que  Colonna  frappa  le  vieillard  à  la  joue  de  son 
gantelet  de  fer  K  Nogaret  lui  adressa  des  paroles  qui  va- 
laient un  glaive  :  «  0  4oi,  chétif  pape,  confesse  et  regarde 
de  monseigneur  le  roy  de  France  la  bonté  qui  tant  loing 
est  de  toy  son  royaume,  te  garde  par  moy  et  défend  ^.  »  Le 
pape  répondit  avec  courage  :  Tu  es  de  famille  hérétique, 
c'est  de  toi  que  j'attends  le  martyre'.  > 

Colonna  aurait  volontiers  tué  Boniface  ;  l'homme  de  loi 
Fen  émpédia^.  Cette  brusque  mort  l'eût  trop  comprcmiis.  Il 
ne  fallait  pas  que  le  prisonnier  mourût  entre  ses  mains! 
Mais,  d'autre  part,  il  n'était  guère  possible  de  le  mener  jus- 
qu'en France  7.  Boniface  refusait  da  rien  manger,  craignant 

'  •  lien  met  durus  est  bictermol  • 

•  •  Plcrit  amu-e.  »  —  '  App.,  35. 

*  Chron.  de  S.  Denis.  —  *  Dapny.  —  *  Lettres  jastHleatrres  de  Noga- 
tel.  —  Dapoy. 

'  Nogaret  rayait  menacé  de  le  faire  conduire  lié  et  garrotté  à  Lyon» 
où  il  serait  jugé  et  déposé  par  le  concile  généial.  (Villuii.} 


6i  pniupn  Li  VL. 

lepttaoïi.  Cereflis  ént»  trois  jwira^an  bo«t  deiqaels  le  peo. 
pie  d'Aïuagni,  s'apensewaot  du  petit  nomiMie  d'étotiii^erst 
s'ameuta,  chassa  les  Fraoçoiaet  déima  son  pape. 

(te  Tapperta bu b piaee,  qui pfeuraîtoamme ttn enfant. 
Selon  te  léoH  passionné  de  Watebigham,  c  il  namereia  Bien 
et  le  penpte  desadéiitfjaMne,  et  dit  :  BanaeageBs,  vous 
avei  TA  eomment  iBBBS>ennenM  ont  enleié  tovi  «nies  biens 
et  OBWL  de  l'£glise.  Me  voilà  panure  oomme  iob.  Je  voos 
dis  en  véiiléque  je  ft'ai  rien  à  mangeriii  1  boire.  S^  est 
quelque  bonne  feanne  qui  veuille  me  faire  aumdne  de 
pain  ou  de  vin,  ou  dun  peu  d'eau  mx  défiivt  de  vin,  je  lui 
donnerai  la  bénédiotion  de  Dieu  et  la  nûenne.  Quiconque 
m*apportera  la  moindre  chose  pour  subvenir  à  mes  be- 
soins» je  rabsoudrai  de  tout  péché...  Tout  le  peuple  se  mît 
à  crier  :  Vive  le  saint^père  1  Les  femmes  coururent  en 
foule  au  palais  pour  y  parler  du  pain,  eu  vin  ou  de  feau  ; 
ne  trouvant  point  de  tvaaes,  elles  versaient  dans  un  ocffire. . . 
Chacun  pouvait  entrer,  et  parlait  avec  le  pape  comme  evec 
tout  attire  ^pauvie^. 

«  Le  pape  'donsa  au  peuple  Tabsolatton  de  tout  péché 
sauf  le  piUage  des  biens  de  TÉglise  et  des  cardmaux.  Four 
ce  qui  était  k  hii,  il  le  leur  laissa.  On  lui  en  rapporta  ce- 
pendant quelque  chose.  Il  protesta  •ensuite  devant  tous 
qu'il  voulait  avoir  paix  avec  les  Golonna  et  tous  ses 
ennemis.  Puis  il  partit  pour  Rome  iMreo  une  grande  foule 
de  gens  arasée.  >  Hais  lorsqu'il  aitriva  à  Saini-Pierre  et 
qu'il  ne  fiai  plus  soutenu  par  le  sentiment  du  péril,  la  peur 
et  la  ftim  doiÉ  il  avait  eoufiiri,  la  perte  4e  «m  argent, 
rinselenta  «viotcire  de  ses  ennemis,  cette  bumîHation  iaffi- 
nie  d'une  puiasanoe  infinie,  toutcela  lui  revint  à  la  fois  ;  sa 
tôte  octogénaire  n'y  tint  pas  :  il  perdit  l'esprit. 

II  s'était  confié  aux  Orsini^  comme  ennemis  des  Coîonna. 
Meis  îi  iiitou  crut  être  encorearrété  par  eux.  Soit  qu'ils  vou« 


|Sa>'lf  ACE  YJU.  G3 

lu580Qt  cacher  au  peuple  le  scandale  d'un  pape  béréUf  ue» 
soit  qu'ils  s'enteodisseat  avec  les  Colonna  pour  le  reteair 
prisonnier,  Boixiface  ayant  voulu  sortir  pour  se  réfugier 
cbaz  d'autres  barons,  les  dGox  cardinaux  Orsini  lui  barrè- 
rent le  passage  et  le  firent  rentrer.  La  folie  devint  rage,  iet 
dès  lors  il  repoussa  tout  aliment.  11  éeumait  et  grinçait  des 
dents.  Enfin,  un  de  ses  amis,  Jacobo  de  Pise  lui  ayant  dit  ; 
«  Saint  Pè^re,  recommandez-vous  à  Dieu,  h  la  Vierge  Ma-* 
rie,  et  recevez  le  corps  du  Christ,  »  Boniface  lui  donna  ua 
soufflet,  et  cria  en  mêlant  les  deux  langues  :  AUoma  d$  Dio 
et  iU  Swcta  Maria,  nolo,  «ofo.  U  chassa  deux  frères  mi^ 
neurs  qui  lui  apportaient  le  viatique,  et  il  expira  au  bout 
d'une  heure  sans  commum'on  ni  confession.  Ainsi  se  serait, 
vérifié  le  mot  que  son  prédécesseur  Célestin  avait  dit  de 
lui  :  «  Tu  as  mcNuté comme  un  renatd;  tu  régneras  conune 
un  bon  ;  tu  mourras  coomie  un  chien  ^.  » 

On  trouve  d'autres  détails,  mais  plus  suspects  encore, 
dans  une  pièce  où  respire  une  haine  furieuse,  et  qui  sem- 
ble avoir  été  fabriquée  par  les  Plasian  et  les  Nogsret  pour 
la  Caire  courir  dans  le  peuple,  immédiatement  après  Té- 
vénement  :  «  La  vie,  état  et  condition  du  pape  Maléface, 
racontée  par  des  gens  dignes  de  foi.  Le  9  octobre,  le  Pha- 
raon, sachant  que  son  heure  apj^rocbait,  confessa  qu'il  avait 
eu  des  démons  familiers,  qui  kii  avaient  fait  faioe  tous  ses 
crimes.  Le  joiu*  et  la  nuit  quisuivireiit,  on  entendit  tant  de 
tonnerres,  tant  d^hoiribles  tempêtes,  on  vit  une  telle  mul- 
titude d'oiseaux  noirs  aux  efûroyables  cris^  que  tout  le  peu^ 
pie  consterné  criait  :  «  Seigneur  Jésus,  ayez  pitié,  ayez 
pitié,  ayez  pitié  de  nous  1  >  Tou^  affirmaient  que  c'étaient 
bien  les  démons  d'enfer  qui  venaient  chercher  Tâme  de  ce 
Pharaon.  Le  40,  comme  ses  amis  lui  contaient  ce  qui  s'é- 
tait pané,  et  Tavertissaient  de  songer  à  son  ftme...  lui,  en- 
vcloppé  du  démon,  furieux  et  grinçant  des  dents,  il  se  jeta 

*  D  ipuy. 


64     .  PHILIPPE  LE  BEL. 

sur  le  prêtre  comme  pour  le  dévorer.  Le  prêtre  s'enfuit  à 
toutes  jambes  jusqu'à  l'église...  Puis,  sans  mot  dire,  il  se 
tourna  de  l'autre  côté...  Comme  on  le  portait  à  sa  chaise, 
on  le  vit  jeter  les  yeux  sur  la  pierre  de  son  anneau  et  s'é- 
crier :  t  0  vous,  malins  esprits  enfermés  dans  cette  pierre, 
vous  qui  m'avez  séduit...  pourquoi  m'abandonnez-vous 
maintenant?  >  Et  il  jeta  au  loin  son  anneau.  Son  mal  et  sa 
rage  croissant,  endurci  dans  son  iniquité,  il  confirma  tous 
ses  actes  contre  le  roi  de  France  et  ses  serviteurs,  et  les 
publia  de  nouveau...  Ses  amis,  pour  calmer  ses  dou- 
leurs, lui  avaient  amené  le  fils  de  maître  Jacques  de  Pise, 
qu'il  aimait  auparavant  à  tenir  dans  ses  bras,  comme  pour 
se  glorifier  dans  le  péché...  mais  à  la  vue  de  l'enfant,  il  se 
jeta  sur  lui,  et,  si  on  ne  l'eût  enlevé,  il  lut  aurait  arraché 
le  nez  avec  les  dents.  Finalement  ledit  Pharaon,  ceint  de 
tortures  par  la  vengeance  divine,  mourut  le  2  sans  confes- 
sion, sans  marque  de  foi  ;  et  ce  jour,  il  y  eut  tant  de  ton- 
nerres, de  tempêtes,  de  dragons  dans  l'air,  vomissant  la 
flamme,  tant  d'éclairs  et  de  prodiges,  que  le  peuple  ro- 
main  croyait  que  la  ville  entière  allait  descendre  dans  l'a- 
blme*.  » 

Dante,  malgré  sa  violente  invective  contre  les  bourreaux 
du  pontife,  lui  marque  sa  place  en  enfer.  Au  chant  XIX  de 
Ylnfemo^  Nicolas  III,  plongé  la  tête  en  bas  dans  les  flammes, 
entend  parler  et  s'écrie  :  «  Est-ce  donc  déjà  toi  debout  là- 
haut?' est-ce  donc  déjà  toi,  Boniface?  L'arrêt  m'a  donc 
menti  de  plusieurs  années.  Es- tu  donc  sitôt  rassasié  de 
ce  pourquoi,  tu  n'as  pas  craint  de  ravir  par  mal  engin  la 
belle  Épouse,  pour  en  faire  ravage  et  ruine  ?  » 


<  Dapny.  Prea^es.  WaUiogham,  qui  écrii  sous  ane  ijiflarace  con- 
traire» exagère  plutôt  le  crime  des  ennemis  de  lioniface.  Selon  lui»  Co- 
tonna,  Supino  et  le  sénéchal  du  roi  de  France,  ayant  saisi  le  pape,  le 
mirent  sur  nn  cheval  sans  frein,  la  face  tournée  vers  la  qoeoe,  et  le 
firent  o)arif  presque  jasqa'an  dernier  souffle;  puis  ils  rauraienl  fait 
mourir  de  faim  sans  le  peuple  d^Anagni. 


B0X1FACE  VIII.  m 

Le  successeur  de  Bonifoce,  Benoit  XI,  homme  de  bas 
lieu,  mais  d'un  grand  mérite,  que  les  Orsini  avaient  fait 
pape,  ne  se  sentait  pas  bien  fort  à  son  avènement.  U  reçut 
de  bonne  grâce  les  félicitations  du  roi  de  France,  apportées 
par  Plasian,  par  l'accusateur  même  du  dernier  pape.  Phi- 
lippe sentait  que  son  ennemi  n'était  pas  tellement  mort, 
qu'il  ne  pût  frapper  quelque  nouveau  coup.  U  poussait  la 
guerre  à  outrance  ;  il  envoya  au  pape  un  mémoire  contre 
Boniface,  qui  pouvait  passer  pour  une  amère  satire  de  la 
cour  de  Rome  <.  Il  s'écrivit  lui-même  par  ses  gens  de  loi  une 
Supplication  du  pueuble  de  France  au  Roy  contre  Boniface. 
Cet  acte  important,  rédigé  en  langue  vulgaire,  était  plutôt 
un  appel  du  roi  au peuple,qu'une supplique  dupeuple  au  roi. 

Benoit,  au  contraire,  avait  paru  vouloir  d'abord  étouffer 
cette  grande  affaire,  en  pardonnant  à  tous  ceux  qui  y 
avaient  trempé  ;  il  n'exceptait  que  Nogaret.  Hais  leur  par- 
donner, c'était  les  déclarer  coupables.  11  atteignit  de  cette 
démence  offensante  le  roi,  les  Colonna,  les  prélats  qui  ne 
s'étaient  pas  rendus  à  la  sommation  de  Boniface. 

Philippe,  alors  accablé  par  la  guerre  de  Flandre,  avait 
beaucoup  à  craindre.  La  meilleure  partie  des  cardinciax 
refusait  d'adhérer  à  son  appel  au  concile.  Le  pape  devenait 
menaçant.  Le  roi  en  était  à  désirer  l'absolution,  qu'il  avait 
d'abord  dédaignée.  La  demanda-t-il  sérieusement,  on  se- 
rait tenté'  d'en  douter  quand  on  voit  que  la  demande  fut 
portée  au  pape  par  Plasian  et  Nogaret.  Celui-ci  s'était  pro- 
bablement donné  cette  mission,  pour  rompre  un  arrange- 
ment qui  ne  pouvait  se  faire  qu'à  ses  dépens.  Le  choix  seul 
d'un  tel  ambassadeur  était  sinistre.  Le  pape  éclata,  et  lança 
une  furieuse  bulle  d'excommunication  :  «  Flagitiosuni  sce- 
lus  et  scelestum  fiagitium,  quod  quidam  sceleratissimi  viri, 
summum  audentes  nefas  in  personam  bon»  memoriae  Bo- 
nifaciiP.VIIP...  » 

*  App.,31.  -«  Dupuy. 

lu*  6 


C9  PHILIPrE  JLE  DEL. 

Le  roi  semblait  comptis  dans  celte.buU6.«EUa4it  rendue 
le  7  juin  (13Û4|).  Le  4  juillet  Benoit  était  mort.  On  dit 
qu'une  jeune  femme  voilée,  gui  se  donnait.pour  conve»e 
de  sainte  Pétronilie  à  PérousQ,  vint  lui  piésenier  à  table 
une  corbeille  de  figues^fleuvs  \.  JU  en  msvig«a  •ans  dé- 
fiance, se  .trouva  mal  et  mourut  en  quelques  Jours.  Les 
cardinaux,  craignant  de  découvrir  .trop  aiséaient  ie  cou- 
.pable , .  ne  firen  taucune  poursuite. 

Cette  mort  vint  à. point  pour  ^Philippe.  iLa  guerre  de 
.Flandre  l'avait  mis  à  «bout,  il  m'avait  pu,  en  AdiO%  empê- 
cher les  Flamands  d'entrer  en  France,  de  brûler  Térouanno 
et  d'assiéger  Tournai  ?.  .U  n'avait  sauvé  cette  ville  qu'en 
demandant  une  trôve,  en  mettant,  en  liberté  le  «vieux  Guy, 
qui  devait  rentrer  en, prison,  ei.la  paix  ae.-ae  faisait. pas.  Le 
vieillard. remercia  ses.braves  fian^nd^,  .bénit. ses  fiis,  et 
revint  mourir  à  quatre-viqgtSians.daos.sa  prisûn  deGom- 
piègne. 

:Ën  430i,  au  moment  môme  où  ie  ipi^ie  îiiiouraît«i>à 
propos,  Philippe  fit  un  effort  désespéié  pour  :fimr  la 
guerre.  Il  avait  extorqué  tiuelgue«ai$;eni  en  vendantsdes 
^privilèges,  surtout  en  Languedoc,  favoriaantiùnsi  lestoom- 
munesdu  Midi  pour  écraser  celles  .du  Noiti.iIl  loua  des 
Génois,  et  avec  leurs  galères  il  guigna  .une  bataille  navide 
devant  Ziriksée  (août).  JLes.Fbunands  n'en  étaient  pas  plus 
abattus.  Us  se  croyaient  .soixante  mille.  C'était  la  Flandre 
au  complet  pour  la  .première  fois.;. toutes  .les  dnîliees  des 
villes  étaient  réunies^  cellesde  Gand.etdeJBbruges,  ceUos 
d*^¥pre3,  de  Lille  et  de  Courtrai.  A  leur  tête  itai^t^trois 
fils  du  vieux  comte,  son  cousin  .fiuiUanme  de  Juliers  et 
plusieurs  barons  des  .Pajs*fias.et  d'JUlemagne.  ^ilippe, 
ayant  forcé  le  passage  de  ht  Lys,  les  .trouva  à  Mons  en 
Puelle,  dans  une  .formidable  enceinte  de  voitures  et  de 


*  C'est-à-dire  de  U  premiôre  récolte. 
«  i4pp.,38. 


lAmtïùUL  a eovoyaGOQtaei^NC, /non iphift  M  gapdfurnime 
cavame  à  GcniiiMli,  oiate^dw  ipiéloos  ^jwbw^,  qui,  itput^ila 

manger  an  >ibHre;;  fle^  iv««Mft  létaîent  snr  ,les  xhaviota.  Ce 
IfiÉne  les  i^ulm,  ite  ti^idiroot  poli^nce,  lejL  le  .^oir  par  Jews 
trois  portes  se  lancèrent  (tona^naeioble  wr  (lei^  lEramsai^. 
Cenx-ici  j»f  ft»ng0fnaiitfplu^iL<0Wi  le  mi^taît  .désnimé  et 
allnk  se  mettneÀ  taUe. iDîdMnl,  ce  fibm  de aangliersfven- 
-Mnn  tDul.  Mm  quand  Jea  Elan^anda  .entràneat  danatles 
tentes,  et  qu*ila  visent  :taat  4e  loboaes  bûnnes.àiprendj:^,  il 
n'y  Bui.pae/niojKaEitde  lea  retonîf  eoaaQUi^,i)bacwfi«)ttlut 
fiiÂre  aa  main.  Cependant  les  JKrançaia  se  xallièrent^  Ja 
canrakee  é<Hsasa/tea  pillards  ;  ilsrlaissèrent  sixmHle  hommes 
sur  la  place. 

Is  jroi  .alla  mettie  le  aiege  devant  UUe,  ne  doutaot  pas 
•dBilaaaHmimion  deaFlamMida.  Il  if ut  tbienétonAé  iQuand.il 
les  vit  revenir  -soixan^ia  nûll^,  :ùùuam  «^lils  m'ttvaient  ipas 
perdu  un  seul  homme.  Il  pleut  des  Flamands,  disait-il. 
Les  grands  de  France,  qui  ne  se  souciaient  «pas  xle  se  battre 
avec  ces  désespérés,  conseillèrent  au  roi  de  traiter  avec 
eux.  Il  fallut  leur  rendre  leur  comte,  fils  du  vieux  Guy,  et 
promettre  au  petit-fils  le  comté  de  Rethel,  héritage  de  sa 
femme.  Philippe  gardait  la  Flandre  française  et  devait  re- 
cevoir deux  cent  mille  livres. 

Rien  n'était  fini.  Il  n'était  pas  spécifié  s'il  gardait  cette 
province,  comme  gage  ou  comme  acquisijtion  ;  quant  à 
l'argent,  il  ne  le  tenait  pus.  D'autre  part,  Taifaire  du  pape 
était  gâtée  plus  qu'arrangée.  C'était  un  triste  bonheur  que 
la  mort  subite  de  Benoit  XI  ^ 

Une  disette,  un  imprudent  maximum,  une  perquisition 
des  blés,  tout  cela  animait  le  peuple.  On  commençait  à 
parler.  Un  clerc  de  l'Université  parla  haut  et  fut  pendu. 
Une  pauvre  béguine  de  Metz,  qui  avait  fondé  un  ordre  de 

I  App,,  39. 


68  PHILIPPE  LE  BEL. 

religieuses,  eut  révélation  des  châtiments  que  le  ciel  réser- 
vait aux  mauvais  rois.  Charles  de  Valois  la  fit  prendoe,  et 
pour  lui  faire  dire  que  ces  prophéties  étaient  souflOées  par 
le  diable,  il  lui  fit  brûler  les  pieds.  Mais  chacun  crut  à  la 
prédiction,  quand  on  vit,  l'année  suivante,  une  comète 
apparaître  avecun  éclat  horrible  ^. 

Philippe  le  Bel  était  revenu  vainqueur  et  ruiné.  B  se 
rendit  solenaellement  à  Notre-Dame,  parmi  le  peuple 
affamé  et  les  malédictions  à  voix  basse.  Il  entra  à  cheval 
dans  l'église,  et  pour  remercier  Dieu  d'avoir  échappé  quand 
les  Flamands  l'avaient  surpris,  il  y  voua  dévotement  son 
effigie  équestre  et  armée  de  toutes  pièces.  On  la  voyait 
encore  à  Notre-Dame,  peu  de  temps  avant  la  Révolution, 
à  côté  du  colossal  saint  Christophe. 

Nogaret  ne  s'oublia  pas  ;  il  triompha  aussi  à  sa  manière. 
Nous  avons  quittance  de  lui,  prouvant  que  ses  appointe- 
ments furent  portés  de  cinq  cents  à  huit  cents  livres  '. 

1  Cest  U  comète  de  Hailey,  qui  reparaît  à  de«  intervalles  de  75  à 
76  ans.  App.,  40. 
>  D.  Vaisselle. 


CHAPITRE  III 


L'or.  —  Le  fisc.  —  Les  Templien. 


«  L'or,  dit  Christophe  Colomb,  est  une  chose  excellente. 
Avec  de  l'or,  on  forme  des  trésors.  Avec  de  Tor,  on  fait 
tout  ce  qu'on  désire  en  ce  monde.  On  fait  même  arriver 
les  âmes  en  paradis  ^.  » 

L'époque  oh  nous  sommes  parvenus  doit  être  considérée 
comme  Pavénement  de  l'or.  C'est  le  Dieu  du  monde  nou- 
veau où  nous  entrons.  —  Philippe  le  Bel,  à  peine  monté 
sur  le  trône,  exclut  les  prêtres  de  ses  conseils,  pour  y  faire 
entrer  les  banquiers  K 

Gardons-nous  de  dire  du  mal  de  Tor.  Comparé  à  la  pro- 
priété féodale,  à  la  terre,  l'or  est  une  forme  supérieure  de 
la  richesse.  Petite  chose,  mobile,  échangeable,  divisible, 
facile  à  manier,  facile  à  cacher,  c'est  la  richesse  subtilisée 
déjà  ;  j'allais  dire  spiritualisée.  Tant  que  la  richesse  fut 
immobile,  l'homme,  rattaché  par  elle  à  la  terre  et  comme 
enraciné,  n'avait  guère  plus  de  locomotion  que  la  glèbe 
sur  laquelle  il  rampait.  Le  propriétaire  était  une  dépen- 
dance du  sol  ;  la  terre  emportait  l'homme.  Aujourd'hui 
c'est  tout  le  contraire,  il  enlève  la  terre,  concentrée  et  ré- 


*  LeUra  de  Christophe  Colomb  à  Ferdinand  et  Isabelle,  aprôs  son 
qnatrième  voyage.  (Navarelle.) 

*  Philippe  le  Bel  emploie  pendant  toat  son  régne,  comme  ministres, 
les  deux  banquiers  florentins  Biccio  et  Musciato,  fils  do  Guido  Franzcsi. 


70  l'or.  —  LB  FISC 

sumée  par  Tor.  Le  docLie  métal  sert  toute  transaction  ;  il 
suit,  facile  et  fluide,  toute  circulation  commerciale,  admi- 
nistrative.  Le  gouvernement,  obligé  d'agir  au  loin,  rapide- 
ment, de  mille  manières,  a  pour  principal  moyen  d'action 
les  métaux  précieux.  La  création  soudaine  d'un  gouverne- 
ment, au  commencement  du  xiv*  siècle,  crée  un  besoin 
subit,  infini,  de  l'argent  et  de  Vor. 

Sous  Philippe  le  Bel,  le  fisc,  ce  monstre,  ce  géant,  naît 
altéré,  afiamé,  endenté,  U  crie  en  naissant,  comme  le 
Gargantua  de  Rabelais  :  A  manger,  à  boire  1  L'enfant  ter- 
rible, dont  on  ne  peut  soûler  la  faim  atroce,  mangera  au 
besoin  de  la  chair  et  boira  du  sang^  C'est  le  cyclope,  l'ogre, 
la  gargouille  dévorante  de  la  Seine.  La  tète  du  monstre 
s'appelle  grand  conseil,  ses  longues  griffes  sont  au  Parle- 
ment, l'organe  digestif  est  la  chambre  des  comptes.  Le 
seul  aliment  qui  puisse  l'apaiser,  c'est  celui  que  le  peuple 
ne  peut  lui  trouver.  Fisc  et  peuple  n'ont  qu*un  cri,  c*est  l'or. 

Yoyez,  dans  Aristophane,  comment  Faveuglé  et  inerte 
Plutus  est  tiraillé  par  ses  adorateurs.  Us  lui  prouvent  sans 
peine  qu'il  est  le  Dieu  des  Dieux.  Et  tous  les  Dieux  lui 
cèdent.  Jupiter  avoue  qu'il  meurt  de  faiin  sans  lui  ',  Mer- 
cure quitte  son  métier  de  Dieu,  se  met  au  service  de 
Plutus,  tourne  la  broche  et  lave  là  vaisselle. 

Cette  intronisation  de  l'or  à  la  place  de  Diea  se  renoa— 
velle  au  xiv^  siècle.  La  difficulté  est  de  tirer  cet  or  pares- 
seux des  réduits  obscurs  où  fl  dort.  Ce' serait  une  curieuse 
histoire  que  celle  du  lAesaunu,  depuis  Te  temps  où  H  se 
tenait  tapi  sous  le  dragon  de  Colchos,  des  ffespérid'es  ou 
des  Nibelungen,  depuis  son  sommeil  au  ieniple  de  Delphes, 
au  palais  de  Persépolis.  Alexandre,  Cartilage,  Ronie, 
l'éveillent  et  le  secouent  \  Au  moyen  âge,  il  est  déjà  ren* 


«  App.,  41. 

■Cbjcune  des  fnniies  rvTolution«  do  mon  le  est  aussi  IVpocfae  de» 
gnndes  apparitions  lïe  l'or.  Les  Phwriet-s  fe  f^>nt  sortir  de  D»  li»h«s^ 
Alexandre  dt  Pi^nêpohs;  Rume  le  cirv  des  utains  de  dernier  sac^es^ear 


LES  TEMPLIERS.  71 

dormi  dans  les  églises,  ou,  pour  mieux  reposer,  il  prend 
forme  sacrée,  croix,  chapes,  reliquaires.  Qui  sera  assez 
hardi  pour  le  tirer  de  là,  assez  clairvoyant  pour  l'aper- 
cevoir dans  la  terre  oii  il  aime  à  s^enfouir  7  Quel  magi- 
cien évoquera,  profanera  cette  chose  sacrée  qui  vaut  toutes 
choses,  cette  toute-puissance  aveugle  que  donne  !a  nature? 

Le  moyen  âge  ne  pouvait  atteindre  sitdt  la  grande  idée 
moderne  :  Vhommz  sait  crier  la  richesse^  il  change  une  vile 
matière  en  objet  précieux,  lui  donnant  la  richesse  qu'il  a 
en  lui,  celle  de  la  forme,  de  l'art,  celle  d'une  volonté  in- 
telligente, n  chercha  d^abord  la  richesse,  moins  dans  la 
forme  que  dans  la  matière.  Il  s'acharna  sur  cette  matière, 
tourmenta  la  nature  d'un  amour  furieux,  lui  demanda  ce 
qu'on  demande  à  ce  qu'on  aime,  la  vie  même,  l'immorta- 
lité '.  Mais,  malgré  les  merveilleuses  fortunes  des  Lull'e, 
des  Flamei,  l'or  tant  de  fois  trouvé  n'apparaissait  que  pour 
fuir,  laissant  le  souffleur  hors  d'haleine  ;  il*  fuyait,  fondait 
impitoyablement,  et  avec  lui  la  substance  de  Itiomme,  son 
àme,  sa  vie,  mise  au  fond  dU  creuset  *. 

Alors  l'infortuné,  cessant  d'espérer  dians  Te  pouvoir' 
humain,  se  reniait  lui-même,  abdiquait  tout  bien,  âme  et 
Dieu,  n  appelait  le  mal,  le  Diable.  Roi  des  abîmes  souter- 
rains, le  Diable  était  sans  doute  le  monarque  de  Tor.  Toyez 
à  Notre-Dame  de  Paris,  et  sur  tant  d'autres  églises,  l'a  triste 


d*iJtiMdw;  Gorlèi  VvMf»  d«  rAmétitu»..  GlMwniiide  cas  ■mnaKâ. 
est  marque  par  on  changement  subit,  non-seulement  dans  les  prix  des 
denrées,  mais  aussi  dans  les  idées  et  dans  les  mœori. 

'  Le  dernier  but  de  l'alchimie  n'était  pas  tant  de  trouver  Ter  qoB 
d'obtenir  Tor  pur,  l'or  potable,  le  breuvage  d'immortalité.  On  racontait 
la  menreilleuse  histoire  d*un  bouvier  de  Sicile  du  temps  du  roi  Guilp 
laume,  qui»  ayant  trouvé' dans  la  terre  un  flacon  d*or,  but  la  liqueur 
qu'il  renfermait  et  revint  à  la  jeunesse.  (Roger  Bacon,  Opus  majus.) 

*  Quelques-uns  se  yantèrent  de  n'avoir  point  soufflé  pour  rien.  Ray- 
mond Lulle,  dans  leurs  traditions,  passe  en  Angleterre^  et,  pour  encou- 
rager le  roi  à  la  croisade  ^  lui  fabrique  dans  la  Tour  de  Londres  rour 
six  millions  d'or.  On  en  fit  des  Nob*es  à  la  rose,  qu'on  opptUe  0nwr$ 
mujcurd^huijfohla  de  Raymond.  Ajtjt.,  42. 


k 


73  LOR,    —   LB  FISC. 

représentation  du  pauvre  homme  qui  donne  son  &me  pour 
de  l'or,  qui  s'inféode  au  Diable,  s'agenouille  devant  la 
Béte,  et  baise  la  griffe  velue  .. 

Le  Diable,  persécuté  avec  les  Manichéens  et  les  Albi- 
geois, chassé,  comme  eux,  des  villes,  vivait  alors  au  dé- 
sert. Il  cabalait  sur  la  prairie  avec  les  sorcières  de  Mac- 
beth. La  sorcellerie,  débris  des  vieilles  religions  vaincues, 
avait  pourtant  cela  d'être  un  appel,  non  pas  seulement  à  la 
nature,  comme  l'alchimie,  mais  déjà  à  la  volonté  ;  à  la  vo- 
lonté mauvaise,  au  Diable,  il  est  vrai.  Cétait  un  mauvais 
industrialisme,  qui,  ne  pouvant  tirer  de  la  volonté  les  tré- 
sors que  contient  son  alliance  avec  la  nature,  essayait  de 
gagner,  par  la  violence  et  le  crime,  ce  que  le  travail,  la  pa- 
tience, l'intelligence,  peuvent  seuls  donner. 

Au  moyen  fkge,  celui  qui  sait  oii  est  l'or,  le  véritable 
alchimiste,  le  vrai  sorcier,  c'est  le  juif  ;  ou  le  demi-juif,  le 
Lombard  *.  Le  juif,  l'homme  immonde,  l'homme  qui  ne 
peut  toucher  denrée  ni  femme  qu'on  ne  la  brûle,  l'homme 
d'outrage,  sur  lequd  tout  le  monde  crache  *,  c'est  à  lui 
qu'il  faut  s'adresser. 

Prolifique  nation,  qui  par-dessus  toutes  les  autres  eut  la 
force  multipliante,  la  force  qui  engendre,  qui  féconde  à 
volonté  les  brebis  de  Jacob  ou  les  sequins  de  Sbylock. 
Pendant  tout  le  moyen  âge,  persécutés,  chassés,  rappelés, 
ils  ont  fait  l'indispensable  intermédiaire  entre  le  fisc  et  la 
victime  du  fisc,  entre  l'agent  et  le  patient,  pompant  l'or 
d'en  bas,  et  le  rendant  au  roi  par  en  haut  avec  laide  gri- 


'  Dani  l'usure,  les  juif',  dit-on,  dq  faiMiaot  qa'iiniter  lei  Lombardi, 
le nn  )> redresse uri.  (Jlurïloh.) 

■  A  TodIoum,  on  tes  fouffletait  Iroii  foi»  par  an,  pour  lu  punir 
d'avoir  aulraroii  livré  la  viEle  aux  Sarraain);  loui  Cliarlcs  te  CLanve, 
ils  r^lanircnl  inulilcmont.  —  A  Bêzii'rl,  on  lei  cliassail  à  coups  da 
pierres  penJant  loule  la  Svmnine  .'nintv.  tls  s'en  rachelèrenl  en  llUO.  — 
Us  rammcncèrent  sou«  te  régne  de  Plnliiipu  Aiiguslo  1  porter  la  rouclj* 
i'iune,  et  le  compile  de  Lairao  en  fil  une  loi  à  tous  ht  Juifs  do  la  cliré» 
liL'iiii)  (canon  68;. 


LES  TEMPLIERS.  73 

mace  <...  Mais  U  leur  en  restait  toujouis  quelque  chose.. . 
Patients,  indestructibles,  ils  ont  vaincu  par  la  durée  *.  Us 
ont  résolu  le  problème  de  volatiliser  la  richesse  ;  affranchis 
par  la  lettre  de  change,  ils  sont  maintenant  libres,  ils  sont 
maîtres  ;  de  soufflets  en  soufflets,  les  voilà  au  trAne  du 
inonde  '. 

4 

Pour  que  le  pauvre  homme  s'adresse  au  juif,  pour  qu'il 
approche  de  cette  sombre  petite  maison  si  mal  famée,  pour 
qu'il  parle  à  cet  homme  qui,  dit-on;  crucifie  les  petits 
enfants,  il  ne  faut  pas  moins  que  l'horrible  pression  du 
fisc.  Entre  le  fisc  qui  veut  sa  moelle  et  son  sang,  et  le 
Diable  qui  veut  son  âme,  il  prendra  le  juif  pour  milieu. . 

Quand  donc  il  avait  épuisé  sa  dernière  ressource,  quand 
son  lit  était  vendu,  quand  sa  femme  et  ses  enfants^  cou- 
chés à  terre,  tremblaient  de  fièvre  ou  criaient  du  pain; 
alors,  tête  basse  et  plus  courbé  que  s'il  eût  porté  sa  charge 

«  SoaTent  ils  firent  Tobjet  de  traités  entre  les  seigneurs.  Dans  l'or- 
donnance de  1230,  il  est  dit  :  •  que  personne  dans  notre  royaume  ne  re- 
tienne le  juif  d*un  antre  seigneur;  partont  où  qaelqn'on  retrouTera  son 
Jaif»  il  pourra  le  reprendre  comme  son  eselaye  (tanquam  proprium.  ser- 
▼om),  quelque  long  .s<(jour  qu'il  ait  fait  sur  les  terres  d'un  autre  sei- 
gneur. >  On  Toit  en  eflTet  dttns  les  Etablissements  que  les  meubles  des 
juifs  appartenaient  aux  barons.  Peu  à  peu  le  juif  passa  an  roi»  comme 
U  monnaie  et  les  autres  droits  fiscaux. 

'  Paiiens,  quia  stcrnus...  —  C'est  Tusage  que  les  juifs  se  tiennent 
cnr  le  passage  de  chaque  nouveau  pape,  et  lui  présentent  leur  loi.  Est- 
ce  un  hommage  ou  un  reproehe  de  ia  vieille  loi  à  la  nouvelle,  de  la 
mère  à  la  fille  ?...  —  •  L«  jour  de  son  couronnement,  le  pape  Jean  XXIIl 
chevaucha  avec  sa  mitre  papale  de  rue  en  rue  dans  la  ville  de  Boulogne 
b  Grasse,  faisant  le  signe  de  la  croix  Jusques  en  la  rue  où  demearoient 
les  Juifs,  lesquels  offrirent  par  écrit  leur  loi,  laquelle  de  sa  propre 
main  il  prit  et  reçut^  et  puis  la  regarda,  et  tantôt  la  jela  derrière  lui,  en 
dbant  :  •  Votre  loi  est  bonne,  mais  d'icelle  la  nôtre  est  meilleure.  >  Et 
loi  parti  de  là,  les  juifs  le  suivoient  le  cnidant  atteindre,  et  fut  toute 
la  euuverture  de  son  cheval  déchirée;  et  le  pape  jetoit,  par  tontes  les 
raes  où  il  passoii,  mon  noie,  c'est  à  savoir  deniers  qu'on  appelle  qua- 
Ifias  et  mailies  de  Florence;  et  y  avoit  devant  lui  et  derrière  ioi  deux 
eenu  hommes  d'armes,  et  avoit  chacun  en  sa  main  une  masse  de  euir 
dont  ils  frappotent  les  juifs,  tellement  que  c'étoit  grand'joie  à  voir.  • 
llonstrelet. 

•  Aj'p.,  43. 


74  l'or.   —  LE  FISC. 

de  bois,  il  se  dirigeait  lentement  vers  l'odieuse*  maison,  et 
il  y  restait  longtemps  à  la  porte  avant  de  frapper.  Le  juif 
ayant  ouvert  avec  précaution  la  petite  gville^  un  dialogue 
s'engageait,  étrange  et  difficile.  Que  disait  le  chrétîea? 
t  Au  nom  de  Dieu  I  —  Le  juif  Ta  tué,  ton  Dieu.  —  Par 
pitié  !  —  Quel  chrétien  a  jamais  eu  pitié  du  juif  ?  Ce  ne 
sont  pas  des  mots  qu'il  faut.  Il  faut  un  gage.  -<-  Que  peut 
donner  celui  qui  n'a  rien?*  Le  juif  lui; dira  doucement  : 
Mon  ami,  conformétaent  aux  ordonnances  du.  &oi,  notre- 
Sire,  je  ne  prête  ni  sur  haWt  sanglant,  ni  sur  fer  de 
charrue...  Non,  pour  gage,  je  ne  veux  (pie  vous-même.  le 
ne  suis  pas  des  vôtres,  mon  droit  n'est  pas  le  droit  diré«- 
tien.  C'est  un  droit  plus  antique  (in  partes  s&canio)^  Votre 
chair  répondra.  Sang  pour  or,  comme  vie  pour  vie.  Une 
livre  de  votre  chair,  que  je  vais  noumîr  de  mon  angeot, 
lùielivre  seulement  de  votre  belle  chaire  !....>  L'or  qua^ 
prèle  le  meurtrier  du  Fils  de  l'Homme,  ne  peut  être  qu'un 
or  meurtrier,  anti-divin,  ou,  comme  on  disait  dans  ce 
tempfr-là,  AntUChrisl  ^.  Voilà  l'or  AnlirChrUt,  comme  Âris« 
tophane  nous  montrait  tout  à  l'heure  dans  Plutus  r^fUî- 
Jupiter. 

Cet  Anti-Christ,  cet  anti-dieu,  doit  dépouiller  Dieu, 
c'est-à-dire  l'Église;  l'église  sécuTière,  lés  prêtres,.  le 
Pape*;  Féglise  régulière,  les  moines>  les  Templiers. 

La  mort  scandaleusement  prompte  de  Benoît  Xr  Ht 
tomber  l'iBglise  dan&la.maia  de  Philippe  le  Bel.;  elle  la  mit 
à  mélne  de  faire  un  pape,  de  tirer  la  papauté  dé  Rome,  de 
l'amener  en  France,  pour,.en.cotte  geôle,  la  fSoiîre  travailler 


•  Shakespeare.  The  Merritant  of* Vwiaav aet» I^  an. iii. r  ••  Imi  Uiefot*^ 
fait  ba  nomtnitad  for  an  eqval  prand  of  fowr  finr  /letA,  to  Ija  oui'  imh 
takcn,  in  trliail' part* oit yonrhodir  ytoaroaih  ma..  »  Afp.^  44» 

*  J^indste  avec  IL  Beugnot  mit  oa  point  important  :  les  jaifs  ne  eon» 
Durent  pas  rnsare  aux  x*  et  xi«  siècles,  c'est-àHlire  aux  époques  où  oov 
lear  permiU'industrie  (1S60). 


LES  TBMPLtBRS.  7o 

i  son  profit)  lui  dlder  dés*  bulles  lucratives,  exploitt^r 
rinfttHlibilité,  constituer  le  Saint-Esprit  comme  soribe  etf 
percepteur  pour  la  maison' de  France. 

Après  la  ihort  de  Benoit,  Yeâ-cardinaux^'étaient  enfermés 
en  conclave  à  Pérouse.  Mais  les  deux  partis,  le  français  et 
ranti-françafe,  se  balançaient  si  bien,  qu'il'  n'y  avait  pas 
moyen  d'en  finir.  Les  gens  de  la  ville,  dans  leur  impa^* 
fience,  dans  leur  furie  italienne  de  voir  un  pape  fait  à  Pé^ 
rouse,  n'y  trouvèrent  autre  remède  que  d'affisuner  les 
cardinaux.  Ceux-cS  convinrent^  qu'un  des  deux  partis  dé- 
signerait trois  cancfidatB,  et  que  ravrfft'e- parti  choisirait.  Ce 
fût  au  part»  français  à  choinip,  et  il  désigna  un  Gascon^ 
Bertrand  de  Aott;,  archevêque  de  Bbrdèaux.  Bertrand  s'était 
mofntré  ju6qa«-ià  ennemi' du  roi;  maia  on  savut  qu'il  était 
avant  tout  ami  de  son  intéiét,  et  Ton  espérait  bleo  le  eno^ 
tertif. 

Philippe,  inatiruft  pan  m»  eardinaâx  et  numi  de^  lems 
letHré&y  domfte  rendes^ viaus^  au>  futur  élu  près  de  Saint»^ 
Asan^-d'Àngefy,  dana  une  foréc  Beitrasid  y  ooort  pieis 
d'espérance.  Yillani  parle  deêetCB^enlfevuetseorète,  comma 
a'il  y  étalL  B  fiiat  ire  «•  véâit>d'iiiie  maligna  naïveté  : 

«  Bs  entendtent  cnaambAn  la  messe  et  ae  jufèoaik  le 
Mcret.  Mon  le  ni  OMNoeaifa-  à*  paDlamentev  en  belle» 
pflral«8y  pour  t^  nécottailtRiv  oito  Ûariss:  de  Valois.  Sn*^ 
amte  iiiMditr  •  Htnia^  andievdqne;  j'siao.  mon  pouvoir  d» 
te  faite  pape^  at  je  v«ux  ;  c'est  pour  eela  cpie  je  suia  veaia 
vei^toi }  car,  si  ta  me  psom0ts.de  neiaire  six  grftiMft  quar 
je  te  éenandeeai,  je  l^a»ancai  cette!  digaiié,  et  viaîci  que 
te  prouvera  que  j'en  ai  I0  pouvoir.  »  Àkn»  il  faiimo«tnt 
ka  lettras  et  défi^aCioDs  db  Vm  et  de^  l'autre  collège.  Le 
fincoD,  plein  d»  convoilîse,  voyant  aiosi  tout  à  coup  qu'il 
dépendait  entièremeiit  du  roi  de  le  faite  pape^  se  jeta,. 
comme  éperdia  de  joie,  axix  pieds  de.  Philippe,  et  dit: 
c  Monseigneur,  c'est  à  présent  que  je  vois  que  tu  m'aimes 
plus  qu'homme  qui  vive,  et  que  tu  veux  me  rendre  le  bien 


76  L*OR.   —  LB  FISC. 

pour  le  mal.  Tu  dois  commander^  moi,  obéir,  et  toujours 
j'y  serai  disposé.  »  Le  roi  le  releva,  le  baisa  à  la  bouche, 
et  lui  dit  :  c  Les  six  grâces  spéciales  que  je  te  demande  sont 
les  suivantes  :  La  première,  que  tu  me  réconcilies  parfai- 
tement avec  rËglise,  et  me  fasses  pardonner  le  méfait  que 
i'ai  commis  en  arrêtant  le  pape  Boniface  ;  la  seconde,  que 
tu  rendes  la  communion  à  moi  et  à  tous  les  miens  ;  la 
troisième,  que  tu  m'accordes  les  décimes  du  clergé  dans 
mon  royaume  pour  cinq  ans,  atin  d'aider  aux  dépenses 
faites  en  la  guerre;  de  Flandre  ;  la  quatrième,  que  tu  dé  • 
truises  et  annules  la  mémoire  du  pape  Boniface  ;  la  cin- 
quième, que  tu  rendes  la  dignité  de  cardinal  à  messer 
Jacobo  et  messer  Piero  de  la  Colonne,  que  tu  les  remettes 
en  leur  état,  et  qu'avec  eux  tu  fasses  cardinaux  certains 
miens  amis.  Pour  la  sixième  grâce  et  promesse,  je  me 
réserve  d'en  parler  en  temps  et  lieu:  car  c'est  chose 
^grande  et  secrète.  »  L'archevêque  promit  tout  par  serment 
sur  le  Corpus  Domini,  et  de  plus  il  donna  pour  otages  son 
frère  et  deux  de  ses  neveux.  Le  roi,  de  son  côté,  promit  et 
jura  qu'il  le  ferait  élire  pape  i.  » 

Le  pape  de  Philippe  le  Bel,  avouant  hautement  sa  dé- 
pendance, déclara  qu'il  voulait  être  couronné  à  Lyon 
(44  nov.  4305).  Ce  couronnement,  qui  commençait  la 
captivité  de  l'Ëglise,  fut  dignement  solennisé.  Au  moment 
où  le  cortège  passait,  un  mur  chargé  de  spectateurs  s'é- 
croule, blesse  le  roi  et  tue  le  duc  de  Bretagne.  Le  pape  fut 
renversé,  la  tiare  tomba.  Huit  jours  après,  dans  un  ban- 
quet du  pape,  ses  gens  et  ceux  des  cardinaux  prennent 
querelle,  un  frère  du  pape  est  tué. 

Cependant  la  honte  du  marché  devenait  publique.  Clé- 
ment payait  comptant.  Il  donnait  en  payement  ce  qui 
n'était  pas  à  lui,  en  exigeant  des  décimes  du  clergé  :  dé- 
cimes au  roi  de  France,  décimes  au  comte  de  Flandre  pour 

'  App„  45. 


LES  TEMPUERS.  77 

qu'il  s'acquitte  envers  le  roi,  décimes  à  Charles  de  Valois 
pour  une  croisade  contre  l'empire  grec.  Le  motif  de  la 
croisade  était  étrange  ;  ce  pauvre  empire,  au  dire  du 
pape,  était  faible,  et  ne  rassurait  pas  assez  la  chrétienté 
contre  les  infidèles. 

Clément,  ayant  payé,  croyait  être  quitte  et  n'avoir  plus 
qu'à  jouir  en  acquéreur  et  propriétaire,  à  user  et  abuser. 
Comme  un  baron  faisait  chevauchée  autour  de  sa  terre 
pour  exercer  son  droit  de  gite  et  de  pourvoirie.  Clément 
86  mit  à  voyager  à  travers  l'Église  de  France.  De  Lyon,  il 
s'achemina  vers  Bordeaux,  mais  par  Mâcon,  Bourges  et 
Limoges,  afin  de  ravager  plus  de  pays.  Il  allait,  prenant  et 
dévorant,  d'évéché  en  évôché,  avec  une  armée  de  fami- 
liers  et  de  serviteurs.  Partout  oii  s'abattait  cette  nuée  de 
sauterelles,  la  place  restait  nette.  Ancien  archevêque  de 
Bordeaux,  le  rancuneux  pontife  ôta  à  Bourges  sa  primatie 
sur  la  capitale  de  la  Guyenne.  Il  s'établit  chez  son  ennemi, 
l'archevêque  de  Bourges,  comme  un  garnisaire  ou  171071-- 
geur  d'office  *,  et  il  s'y  hébergea  de  telle  sorte,  qu'il  le 
laissa  ruiné  de  fond  en  comble  ;  ce  primat  des  Aquitaines 
serait  mort  de  faim,  s'il  n'était  venu  à  la  cathédrale  parmi 
ses  chanoines,  recevoir  aux  distributions  ecclésiastiques  la 
portion  congrue  *. 

Dans  les  vols  de  Clément,  le  meilleur  était  pour  une 
femme  qui  rançonnait  le  pape,  comme  lui  l'Église.  C'était 
la  véritable  Jérusalem  oii  allait  l'argent  de  la  croisade.  La 
belle  Brunissende  Talleyrand  de  Périgord  lui  coûtait,  di- 
sait-on,  plus  que  la  Terre-Sainte. 

Clément  allait  être  bientdt  cruellement  troublé  dans 
cette  douce  jouissance  des  biens  de  l'Église.  Les  décimes 
en  perspective  ne  répondaient  pas  aux  besoins,  actuels  du 
fisc  royal.  Le  pape  gagna  du  temps  en  lui  donnant  les 

*  Ces  mois  sont  synonymes  dans  la  langue  de  ce  temps. 

*  CoDtio.  G.  de  Naogis. 


"ZS  l'or.   —  LE  EiSC. 

juifs,  en  autorisant  le  roi  à  les  saisir.  X.!qpératioD  5e  fit  en 
.un  même  jour  avec  un  secret  et  une  prouiptiLude  qui  fout 
Jionneur  aux  gens  du  roi.  Pas  un  juif,  dit-ou,  n'édiappa* 
Jfon  content  de  vendre  leurs  biens,  Je  ,ioi  se. chargea  de 
poursuivre  leurs  débiteurs,  déclarant  que  leurs  .écritures 
auflisaient  pour  titres  de  créances^  que  l'écrit  d'jm  juif 
&isait  foi  pour  lui. 

le  juif  .ne  jrendant  pas  asses^,  il  .retdmba.s«r.le  durétieiu 
»I1  altéra  encore  les  nmnnaies,  augmentant  le  ti\x0  et  diuii- 
.nuant  le  »poid&;  avec  deux  livres  il  jen  .payait  huit.  Hai^ 
.quand  il  s- agissait  de  recevoir,  il  .ne  voulait  de  sa  monnaie 
^ue  pour  un  tiers  ;  deux  banqueroutes  en  sens  inversa. 
Tous  les  débiteurs  profitèrent  de  iroccasion.  Ces  jcnon- 
naies  de  diverse  valeur  sous  même  titre  faisitiont  jnaltre 
dès  querelles  sans  nombre.  Ou  jie  s'entendait  pas:. c'était 
une  Babel.  La  seule  chose  à  quoi  le  peiiple  s.'aocorda,(voiUt 
donc  qu'il  y  a  un  peuple),  ce  fut.à  se  révolter.  Le  soi  d^'éiait 
sauvé  au  Temple.  Ils  l'y  auraient  suivi,  ai  on  ne  las  .eàt 
amusés  en  chemin  à)piller.la  maison  (d'Etienne  Sanbet,  un 
financier  à  qui  l'on  iittribuait  Taltéraiion  des  ,monnaies. 
X!émeute  finit  ainsi.  Le  roi  fit  pendre  des  centaines  dlbom- 
.mes  aux  arbres  des  routesautour  de  Paria.  L'effi:oiJejr^p- 
procha  des  nobles.  U  leur  rendit  le  combat  judiciaire 
autrementidit  l'impunité.  £*était  une  défaite  pour. le.j[ou«- 
vernoment  joyal.  Le  roi  des  légistes  abdiquait  Ja  ioi^  jiaur 
.reconnaître  les  décisions  de  ila  iorce.  Triste  et  douteuse 
position,  en  législation  comme  en  finances.  J&eponssé  de 
l'Église  aux  juifs,  de  ceux-xi  iiux  c^mnumes,  des.cam- 
xnunestflamandes  il  retombait  surile^clerg^é. 

Le  plus  net  des  trésors  de  Philippe,  son  patrimoine  .& 
.exploiter,,  le.fQnds  sur  lequel  il  comptait^  c'était  son  pape. 
JS'il  l'avait  acheté,  ce  pape,  «'il  J'engcaissait  ide  vols  et  de 
pillages,  ce  n'était  point  pour  ne  s'en  pas  servir,  mais  bien 
pour  en  tirer  parti,  pour  lui  lever,  comme  le  juif,  une 
livre  de  chair  sur  tel  membre  qu'il  voudrait. 


LES  TEMPLIERS.  79 

Il  avait  un  moyen  infaillible  de  presser  et  pressurer  le 
j)ape,  un  tout-puissant  épouvantail,  savoir,  rie  procès  de 
Boniface  VIII/  Ce  qu'il  demandait  à  Clément,  c'était  préci- 
sément le  suicide  de  la  papauté.  Si  Boniface  était  héré- 
tique et  faux  pape*  les  cardinaux  qu'il  avait  faits  étaient 
de  faux  cardinaux.  Benoit  XI  et  Clément,  élus  par  «eux, 
étaient  à  leur  lour  faux  papes  et  sans  droit,  et  ^non- 
seulement  eui^  mais  ious  ceux  qu'ils  avaient  choisis  ou 
confirmés  dans  les  digqités  ecclésiastiques;  non-rseule- 
mant  leurs  choix,  mais  leurs  actes  de  toute  espèce.  L'É- 
glise se  trouvait  enlacée  dans  une  illégalité  sans  fin.. D'autre 
part,  si  Boniface  avait  été  vrai  pape,  comme  lel  J.l  était 
infaillible,  ses  fientenees  subsistaient,  Philippe  le  Belies- 
.tait  condamné. 

À  peine  >intronisé,  Clément  eut  à  entendre  Maigre  et 
impérieuse  requête  de  Nogarel,  qui  lui  enjoignait  de  pour- 
suivre son  prédécesseur.  Le  marché  à  peine  conclu,  I^ 
Diable  denotandait  son  payement.  Le  servage  de  l'chomme 
vendu  commençait;  cette  âme,  une  fois. garrottée  desiiens 
de  l'injustice,  ayant  reçu  le  mors  et  le  frein,  devait  être 
misérablement  chevauchée  jusqu'à  la  damnation. 

Plutôt  que  de  tuer  ainsi  la  pajpî.ut j  en  droit,  Clément 
avait  mieux  aimé  la  livrer  en  fait.  Il  avait  créé  d'un  ooup 
douze  cardinaux  dévoués  au  roi,  les  deux  Colonna,  et  dix 
Trançais  ou  Gascons.  Ces  douze,  joints  à  ce  qui  restait  des 
douze  du  mémciparti,  dont  on  avait  surpris  la  nomination 
à  Célestin,  assuraient  à  jamais  au  xoi  l'élection  des  papes 
futurs.  Clément  constituait  ainsi  la  papauté  entre  les 
mains  de  Philippe  ;  concession  énorme,  et.  qui  (pourtant 
ne  suffit  point. 

Il  crut  qu'il  fléchirait  son  maître  icn  faisant  un  pas  de 
plus.  Il  révoqua  une  bulle  de  Boniface,  la  bulle  Clericis 
M0&5,  qui  fermait  au  roi  la  'bourse  ^u  ^clergé.  La  'bulle 
Vnam  ^atic/am  contenaiiJ*expression  de  la  suprématie  pon- 
tificale. Clément  la  sacrifia,  et  ce  ne  fut  pas  assez  encore. 


SO  L\«.   —  LI  FISC 

Il  eiait  à  Poitiers^  inquiet  et  malade  de  corps  el  d*esprit. 
?hil:p-jv  le  Bel  Tint  l'y  trvxiT^  arec  de  Domreiles  exigences. 
n  hù  falUit  une  grande  Ci>nôscat3n>n.  celle  do  plus  riche 
des  ordres  nrîî^eux,  de  Forint^  du  Teîi.ple.  Le  pape,  serré 
eotnf  deux  ptrîîs,  essaya  de  d>ir:::fr  le  cfaanpe  à  Philîf^ 
en  le  cixiiMint  de  ti^;rtes  le?  fireor?  qui  riaient  au  pooToir 
du  :^nt-S^ce.  n  ak?a  sc4i  Êls  L:<wi5  Hutfn  à  s*etablir  en 
Sinmf  :  il  dtvîirt  Sic-n  frènt  Ojirkt?  de  Valais  chef  de  la 
<-vc>*ie,  B  Ufv^ji  eEr.a  de  s"jS5SirvT  la  pr:nc<rtioo  de  la 
ciài^a  d"\r;:c.  vi:x*r«rcT-ii;î  W  r:<  de  Nipies  d'une  dette 
ffcct'.ie  e£:rtr5  !  E-:!^,  cir>:riia:i::  su  de  ses  fiis,  adju- 
»rxrî  à  raztre  V  îrJoe  de  B:r.rT>f. 

Pt.  ri:  çv  revwi::  ::c;»:cr5^  r::^i>  3  i^  lk'*:iil  p-as  prise, 
t  er:,..::ru:  k  r*tr«e  i.K'vsstti.cs  c:c:îne  Ve  Trmr4e-  D 
tr:cn  ciztv  ii  ::::*iï>i.  c  nv^-ije  5:  C:  n.»  i:  xir  Tcdr-lkir  qui 
*.v*û>ji:  !\vikrc^  Ik  r^>f«  Vr  r:C  v.cizi  >il  ecT.Ter  des 

fj-r^  5:cLi*?.  r^-vLT  r«*  ras  j:"<  rrv-^^.tr.  là  li^is  rs-ii 

csri::»;çr«  3f  5*f':.::-7.-^»rf,  rcvc:«*-:v    :\:^:"«::d:s  rr:tnrîr>  r>-c»a- 


LES  TEMPLIERS.  84 

C'était  un  tiers  da  Paris  d'alors.  A  Tombre  da  Temple  et 
sous  sa  puissante  protection  vivait  une  foule  de  serviteurs, 
de  familiers,  d'affiliés,  et  aussi  de  gens  condamnés;  les 
maisons  de  Tordre  avaient  droit  d'asile.  Philippe  le  Bel 
lui-même  en  avait  profité  en  4306,  lorsqu'il  était  pour- 
suivi par  le  peuple  soulevé.  Il  restait  encore  à  l'époque 
de  la  Révolution,  un  monument  de  cette  ingi^atitude  royale, 
la  grosse  tour  à  quatre  tourelles,  bâtie  en  4223.  Elle  servit 
de  prison  à  Louis  XVi. 

Le  Temple  de  Paris  était  le  centre  de  l'ordre,  son  trésor  ; 
les  chapitres  généraux  s'y  tenaient.  De  cette  maison  dépen- 
daient toutes  les  provinces  de  l'ordre  :  Portugal,  Castille 
et  Léon,  Aragon,  Majorque,  AUeçiagne,  Italie,  Pouille  et 
Sicile,  Angleterre  et  Irlande.  Dans  le  nord,  l'ordre  teu- 
tonique  était  sorti  du  Temple,  comme  en  Espagne  d'autres 
ordres  militaires  se  formèrent  de  ses  débris.  L'immense 
majorité  des  Templiers  étaient  Français,  particulièrement 
les  grands  maîtres.  Dans  plusieurs  langues,  on  désignait 
les  chevaliers  par  leur  nom  français  :  Frieri  del  tempio, 

Le  Temple,  comme  tous  les  ordres  militaires,  dérivait 
de  CIteaux.  Le  réformateur  de  Clteaux,  saint  Bernard,  de 
la  même  plume  qui  commentait  le  Cantique  des  cantiques, 
donna  aux  chevaliers  leur  règle  enthousiaste  et  austère. 
Cette  règle,  c'était  l'exil  et  la  guerre  sainte  jusqu'à  la 
mort.  Les  Templiers  devaient  toujours  accepter  le  combat, 
fut-ce  d'un  contre  trois,  ne  jamais  demander  quartier,  ne 
point  donner  de  rançon,  pas  un  pan  de  mur^  pas  un  pouce 
de  terre.  Ils  n'avaient  pas  de  repos  à  espérer.  On  ne  leur 
permettait  pas  de  passer  dans  des  ordres  moins  austères. 

a  Allez  heureux,  allez  paisibles,  leur  dit  saint  Bernard  ; 

chassez  d'un  cœur  intrépide  les  ennemis  de  la  croix  de 

Christ,  bien  sûrs  que  ni  là  vie  ni  la  mort  ne  pourront  vous 

mettre  hors  l'amour  de  Dieu  qui  est  en  Jésus.  En  tout 

péril,  redites-vous  la  parole  :   Vivants  ou  morlSy  nous 
lu.  6 


Sâr  L'OR*.  —  KJ  FISC 

s9mm&$au  SHgmuir^..,  dlormxilm  ^wkq^lw^  beureus 

Yoidiiaimde^^asqiûa^e^qu'iLDOiiftidiMiQa  de  hi-  figure  du; 
XempUer::  «?  Cbevcmi  toiidM^  poil  béoiesé,  aoiwiléda  pous-* 
siàfia;  oiâ^d6.fo^),.noir  de  bàle  et  de. soleil. «.  Ils  aimant.lafr 
cbdvauii  afjdeotfi.ei  rapides^  mai».BOB  parés»,  bigarrés,  ca- 
pacaoonnài»*.  Gor  qui.  obaKrae  dans  oetta  foule,  dans  ce 
tômsA  qai  eoule.  à  Un  Deire  Sainte^,  c'e^t  q|ie  vous  n'y 
voyez  que  des  scélérats  et  des  impies.  Christ,  d'un  ennemie 
seiaitrUOiahafBii^iQn ;.du. persécuteur  SauLU fait  ua saint 
P.auL...».Pui&.dans>  uuiéloqueatvitioéraii^,  iL  conduit  le» 
gmmets  pénitaiM  de.Bellbïéem  au  CaLvaii?e,  de  Nazarotbi 
aui  SftintrSépukflie.. 

h&  soldat  a.  la  gloireiJe:  moine:  le  oepo^..  Le  Xeniplier 
abjufiaiti  Tua  et.  Ilauire^  II. nâuniaaaii  ce.que:  les  doux;  vies». 
QBtida.pluâ  dur,  les  périls,  et  les  abstinwoes..  I^  gnaadft» 
affaij».  du  moyen  %b  futr  longtompa  tttr  guerre  sainte^  loi 
cnoisade  ;  llidéal*  de  laicnoiaadedeniblfliit  réalieé  dana  Tordoe» 
du.TemplËu  Clétaitla  enoiaade  don^fM^uo^Sx^et  perjnanento». 

Associés  aux  Hospitaliers  dans  la  défensetle^tnts  liowi^ 
ib.  es)  dilTéraienlioni  cft  que.lajguQri^étAU.plu^  parlÂeutière- 
ment  Jâ]bnt>dQr leur  inetiMioo^.  Les  un». et  IqsLautrœ.nen-»- 
daient.  laa  fins  granda.  senu^aa..  Quoi  bonhoui)  n*4taitr<» 
pas.  poufi  ka  pàkniir-  qui  v^^^geait  9ur  loi  route  poudn^uao, 
de  JàSb  k  Jérusalem,,  et.  qui  onoyiwti  à  UoMt'  momoQl  voir 
fonche.att»-  bii  les  htigaodfraosboa»  de.DOimmlrer.uii  cb<^ 
valien^.  de.  DsoeiaiiallfO!  lai  aeoouiiablor  vwi^  leoug^  su  te 
roanleau  blanc  del'oidis^dUiTompl^l  BotbatfûUe^loa  doux. 
oidiie»fiDui3ii8saiM^.alteMal«vemej^  raii^4alTgor4e  et  Var^ 
rièra-f[8ida.  Om  niellait  au)  miiioui  ioft  cmâséai  nouveaux, 
venus^et  peu*,  habitués,  aux.  gmarna^  dlAâie».  Lâ»^  ohévaiiers 
les:  entouraienl,  les  pnatégoateni^.  dit  fiànamoeU  ua  i». 
lenra^  ûomwmmnêimèim^Qm  an^A^.CMiauxîtiwimDMaiiir' 


LIS  TEimtSRS.  88 

gers  reeonmidsai^iit  ordinairemeiit  assez  mal  ce  dévoue- 
mené;  Ito  servaient  *  moitia  IM  ohe¥alier8  qu'ils  ne  les  em- 
bmacment.  OrgueiUevv  et»  fervents  ii^  lèur«a<mtée,  bien* 
0èrs<qtt'un  miracle  «Hait  sefitire  exprèapoor  eux,  ils  ne? 
inaïKpiMeBt  pup  de  «rompre  te»  trévee  ;  ik*  entraînaient  les 
cbevaiîer»idaiis.  dès  périls  inutile»)  se  ^  faisaient' battre;  el< 
partaient^  lewrteiiSMit'le'petds  delà  guerre  et  les  aeousant 
de^les  afotfmal  soutenus.  Le8>lt9inpUers  formaient  Tavanl* 
garde  à  Maosoundi,  lorsque  ee  jevue^  fou  de -ceinte  dUr<^ 
tois  s'obstina  à  la  poursuite,  mulgré  leur^onseîl,»  et  se  jeta- 
dans  la  viUe<  ils  le  suivirent' par  homiaupet*  furent  teus^ 
tués. 

On  avait  cru  avec  raison  ne  pottvoi^jalnait  Sure  assez 
pour  on  ordre  si  dévoué^l^»  atile<.  Lesprivilégee  les  plus- 
magnifiques-leur  furent  accordés;  D'abord  ils  ne»  pouvaient 
être  jugés  .que  par  le  piq»e  ;  *  mais  un  juge  placé  si  loin  et  si  < 
hauttn*élut  guère  réelamé;  aînsî  lea  Teoipliersa  étaient 
juges  dans. leur»  cansee^  lia  poument' eocore*yrétre  té», 
meiasi  tanton  anrait<foi  dans  leur  lo]fauté  I  H  leur  était  dé* 
fendu  d*iaccor  Jenanounede  lears:oemiiiatidenefrà'la  soUi^ 
eît atiop  des  grand»  ou  dea-nris»  Ile  ne  pouvaient  p^yer  ni  i 
draift,  ni  tribut^  ni  péage. 

Chaenn  désirait  naturellement  parttcif^er  à'de>td$  privt«* 
léges.  Innocent  Ui  lui*-méRie  vouIntéti'eaflUiéà  r4)idre; 
Philippe  leBel  ledenaadaenrvaio; 

Mai»4|uand  oeliovdre  n'eàt  pas- eu  ces  gvands^et  magni-^ 
fiques  privilèges^  on  s'yeerait  présenté  enfouie*  LeTemple 
avait  pour  les  imaginatUms  un  >  attrait  de  mystère*  et  de^ 
vague terreuTi  Les  lécoptious  iHMiiantrlieu danslaeé^ses 
de  Tordre.,  la  nuit  etiportee  fèimàse^  tes  membres^  inlé^ 
rieurs  en  éiaient'.eKeiûsN;  On4iaaitque6ile'roi  de<FraQe»• 
lutunénle  y  eAt^pénétra,  iliQ'«enis^rait  pas  softii 

La  fonne  énfréoeptioBLétaîlieaq^ntée  an»  riiaa^dnmMt*^ . 
tiques  et  bizarres,  aux  mystères  dont  Téglise  antique  ne 
craignait  pas  d  entourer*  les  chosee  sniates^  Le  récipien* 


84  L*OR.   —  LE  FISC. 

daire  était  présenté  d'abord  comme  un  pécheur,  un  mau- 
vais chrétien,  un  renégat.  Il  reniait,  à  Texemple  de  saint 
Pierre  ;  le  reniement,  dans  cette  pantomime,  s'exprimait 
par  un  acte  S  cracher  sur  la  croix.  L'ordre  se  chargeait  de 
réhabiliter  ce  renégat,  de  l'élever  d'autant  plus  haut,  que 
sa  chute  était  plus  profonde.  Ainsi  dans  la  fête  des  fols  ou 
idiots  (fatuorum),  l'homme  offrait  l'hommage  même  de 
son  imbécillité,  de  son  infamie,  à  TËglise  qui  devaiC  le  ré- 
générer. Ces  comédies  sacrées,  chaque  jour  moins  com- 
prises, étaient  de  plus  en  plus  dangereuses,  plus  capables 
de  scandaliser  un  Âge  prosaïque,  qui  ne  voyait  que  la  lettre 
et  perdait  le  sens  du  symbole. 

Elles  avaient  ici  un  autre  danger.  L'orgueil  du  Temple 
pouvait  laisser  dans  ces  formes  une  équivoque  impie.  Le 
récipiendaire  pouvait  croire  qu'au  delà  du  christianisme 
vulgaire,  l'ordre  allait  lui  révéler  une  religion  plus  haute, 
lui  ouvrir  un  sanctuaire  derrière  le  sanctuaire.  Ce  nom  du 
Temple  n'était  pas  sacré  pour  les  seuls  chrétiens.  S'il 
exprimait  pour  eux  le  Saint-Sépulcre,  il  rappelait  aux 
juifs,  aux  musulmans,  le  temple  de  Salomon  ^.  L'idée  du 
Temple,  plus  haute  et  plus  générale  que  celle  même  de 
l'ËgUse,  planait  en  quelque  sorte  par-dessus  toute  reli- 
gion. L'Ëglise  datait,  et  le  Temple  ne  datait  pas.  Contem- 
porain de  tous  les  âges,  c'était  comme  un  symbole  de  la 
perpétuité  religieuse.  Même  après  la  ruine  des  Templiers, 
le  Temple  subsiste,  au  moins  comme  tradition,  dans  les 
enseignements  d'une  foule  de  sociétés  secrètes,  jusqu'aux 
Rose-Croix,  jusqu'aux  Francs-Maçons  3. 

L'Ëglise  est  la  maison  du  Christ,  le  Temple  celle  du 
Saint-Esprit.  Les  gnostiques  prenaient,  pour  leur  grande 
fête,  non  pas  Noël  ou  Pâques,  mais  la  Pentecôte,  le  jour 
où  l'Esprit  descendit.  Jusqu'à  quel  point  ces  vieilles  sectes 
subsistèrent-elles  au  moyen  âge  ?  Les  Templiers  y  furent- 

<  App,,  47.  »  *  App.,  48.  —  '  App,,  49. 


LES  TEMPLIERS.  85 

Ils  affiliés?  De  telles  questions,  malgré  les  ingénieuses 
conjectures  des  modernes,  resteront  toujours  obscures  dans 
rinsufIBsance  des  monuments  <. 

Ces  doctrines  intérieures  du  Temple  semblent  tout  à  la 
fois  vouloir  se  montrer  et  se  cacher.  On  croit  les  recon- 
naître, soit  dans  les  emblèmes  étranges,  sculptés  au  por-' 
tail  de  quelques  églises,  soit  dans  le  dernier  cycle  épique 
du  moyen  âge,  dans  ces  poèmes  où  la  chevalerie  épurée 
n'est  plus  qu'une  odyssée,  un  voyage  héroïque  et  pieux  à  la 
recherche  du  Graal.  On  appelait  ainsi  la  sainte  coupe  qui 
reçut  le  sang  du  Sauveur.  La  simple  vue  de  cette  coupe 
prolonge  la  vie  de  cinq  cents  années.  Les  enfants  seuls  peu- 
vent en  approcher  sans  mourir.  Autour  du  Temple  qui  la 
contient,  veillent  en  armes  les  Templistes,  ou  chevaliers  du 
Graal  K 

Celte  chevalerie  plus  qu'ecclésiastique,  ce  froid  et  trop 
pur  idéal,  qui  fut  la  fin  du  moyen  âge  et  sa  dernière  rê- 
verie, se  trouvait,  par  sa  hauteur  même,  étranger  à  toute 
réalité,  inaccessiUe  à  toute  pratique.  Le  tenipliste  resta 
dans  les  poèmes,  figure  nuageuse  et  quasi-divine.  Le  Tem- 
plier s'enfonça  dans  Ift  brutalité. 

Je  ne  voudrais  pas  m' associer  aux  persécuteurs  de  ce 
grand  ordre.  L'ennemi  des  Templiers  les  a  lavés  sans  le 
vouloir;  les  tortures  par  lesquelles  il  leur  arracha  de  hon- 
teux aveux  semblent  une  présomption  d'innocence.  On  est 
tenté  de  ne  pas  croire  des  malheureux  qui  s'accusent  dans 
les  gênes.  S'il  y  eut  des  souillures,  on  est  tenté  de  ne  plus 
les  voir,  eifacées  qu'elles  furent  dans  la  flamme  des 
bûchers. 

Il  subsiste  cependant  de  graves  aveux,  obtenus  hors  de 
la  question  et  des  tortures.  Les  points  mêmes  qui  ne  furent 
pas  prouvés  n'en  sont  pas  moins  vraisemblables  pour  qui 


«  App„  50. 

■  Voyez  mon  Histoire  Je  France,  t.  Il,  dernier  eiiapi*.re. 


86  L'WL   —  LE  FISC. 

eonnatt  la  nniure  humaine,  pour  qui  considère  sérieuso* 
uiHii  la  situation  de  Tordre  dans  ses  derniers  temps. 

Il  était  naturel  que  le  rekchement  s'introduisit  parmi 
des  moines  guerriers,  des  eadels  de  la  noUesae,  qui  cou- 
raient les  aventures  loin  de  ia  chrétienté»  souTont  loin  des 
yeux  de  leurs  cliefs,  entre  les  périb  d'une  guerre  à  nM>rt  el 
les  tentations  d'un  climat  brùiant,  d'un  paya  d'^selates,  de 
ia  luxurieuse  Syrie.  L'oifuail  «t  l'homMsur  les  aootiareDt 
tant  qu*tl  y  eut  espoir  pour  la  Terre  SaiMe.  SaohoBa4eur  gré 
d'avoir  nvsisté  si  longtainps,  lorsqu'à  chaque  erohade  leur 
aUente  était  «i  tristamenl  déipue,  loisque  toute  prédietâon 
OMUlait^  que  las  miracles  promis  s'ajournaient  toiqooirs.  II 
n'y  avait  pas  de  semaine  qM  la  doehe  ée  Jérusalem  ne 
aottuèl  Tapparition  des  Arabes  doM  4a  plaine  désolée.  C'é* 
tait  toujiHirs  aux  Templiers,  aux  Hospitaliers  à  moater  à 
clie^«  à  sortir  des  aMirs»..  -Bbin  ik  pardirart  léwaafcm, 
puis  Saiiil«JeanHl*A€re«  Soldats  déiiiiiww,  sentinelles  per- 
duaci.  Aml^il  s^etumMr  ai»  «•  aoir  do  celle -hatailo^de  deos 
^ièrlt^  )f«  bras  Irur  taaAérptUt 

La  chutiMMl  |Mvi^  après  laa  grands  allbils.X*éme 
Ie1^  $i  haut  dans  rhên>ksme  H  la  sainteÉ 
#«i  tHnr^...  Malade  el  aigris^  «Ile  sa  pkmge  dans  «le  mal 
«vec  une  Aiim  $auva|Ee^  cimaiia  ^aur  ae  v««gar  d* 


TtrlV  parait  avoir  «rte  k  cènk»  du  Temple.  Tout  ce^'il 
T  axaM  ««  de  saùn  #«  ^M*4^^  dmùai  wchê  al  aouilaR. 
Apr^  anor  tendu  de  1  iMaume à  Dieu,  m  tenmaëe  Oian  à 
la  ftrti^  ^.  L^  pteaisi^  ^i!!!^:NP<^  ^  ànii«Nnii»s  bcnnqncs» 
wsfcxr  ■  vas  de  :silW* a:xxHKr$  ôe  ao^ .  ^es  *.  L>  iwlaianl  Tin- 
^u  $>i  nbir<.tanc  tMfe^amfeX  EX  («MMnl  t tranvnil  en- 


*  N»»t>  •orme  i»  SkAi^  iïouw  sv^v^u^^  «  SUtft 


.     £ES  TBIfPUEil&.  87 

ration  ehHmcUe,  leoriité  pu*  Téleolion  etiPesprit,  faimit 
montre  4e  son  'mépnsipour  hfemme  4,  se  suffismtà'lui- 
Hiéme  et:n'ai«Biit  :f  ienlhon  de  soi. 

Comme  il9se  ymnifiit  de  lemmes,  ib  se  pitoaûnt  aussi 
4e  pvéùres,  |iéohaiit  et  se  confessMit  entce  eux  4.  Stûls^se 
passèrent  de  Dieu  encore,  lisiessagrèrent  des  sitpenliiioas 
•orientales,  deJa  magie  sartasine.. D'abord  symbolique,  le 
reniement  devint  :réel  ;  ik^abjarèrent  jtn.fiieu  qui  neidon- 
imitpas  la'violDira;iilfl  leitraîtèrent  eamme  un  DiendnB- 
dèle  qtn  te  :tiiihiaiait,  H'ootragàrant,  eraohèreni  vsur  da 
«croîK. 

»LeBr9ni«fiiea,'8e2semble,  devintil^ordrernSme.  dsado- 

lèrent 'le  Temple  ét«leBfrBm|ilien,iftaun4che&,  .eemme 

Temples  vifffilte.dis  synifadUrant  ^par  ilaa  aérémonies  Jes 

plus  sales  et  les  plus  repoussantes  iêidévoueBiantBveqgle, 

rabamtao  oompiat.delanwlonflé.  L'ardre^  aesanantJJnsi, 

tomba  dans  une  broiushe  religien  desoi^néaDA^^bision 

-maaniipie é90iBme.'€e>qii'il7 a  deseaseraineaiant^didbo- 

■liqmbdaoB  le  Diable, (c^.est'de:B*adorar. 

.yoUàt^diaa  ê  on, 4eB leonjaotUMs.  iMUs  teUes  masoitent 
•-iMp  BataBaliemaot  dfnn  'ipnmd  inombre  'dfaveux  (obtenus 
;Ê»mmmkD9eaÊÊS»à  laitoctue^ipaaficulièrBmeat'JsaAngle- 
term^. 

«Que  ttél4it  été-d'aittetos  'letoaractàre  çénéril  4eoUoidre, 
-que  les  saitnlB  «diast  devenus  léxpnaaément  lh<mlaia  lat 
'iinpfe8,rc'<BtQ»^e)e  8u)sloni'dfaffiituer.*De>tdlto««hQBas 
^ne  s*éori^rMI  fns.  ioL  .corruption  contre  dans  un.oidrerpar 
connivence  mutuelle  et  tacite.  Les  formes  subsistent, lohan- 
geant-de  'sen6,(iity8rv«rtias  paraneimauvaise  -interp^ta- 
'  tion  que  parsonnecn'JKVoae  toutibauL 

Mais  quand  même  ces  infamies,  ces  impiétés  auraient 


•  App„  52.  —  *  App.,  53. 

*  Les  dëpositionA  les  plas  sales,  et  qui  paraîtraient  *f#B  «le  plus  de 
▼rttisefliUaMe  di0l4és  piirla  quesHén,  'SMl  celles  des  témoios- anglais» 
•qui  pourtant  n*y  furent  pas  soumis.  App,,  5&«  .  . 


88  L*OR.  —  LB  FISC. 

été  universelles  dans  Tordra,  elles  n'auraient  pas  suffi 
pour  entraîner  sa  destruction.  Le  clergé  les  aurait  cou- 
vertes et  étouffées^,  comme  tant  d'autres  désordres  ecclé- 
siastiques. La  cause  de  la  ruine  du  Temple,  c'est  qu'il  était 
trop  riche  et  trop  puissant.  Il  y  eut  une  autre  cause  plus 
intime,  mais  je  la  dirai  tout  à  l'heure. 

A  mesure  que  la  ferveur  des  guerres  saintes  diminuait 
en  Europe,  à  mesure  qu'on  allait  moins  à  la  croisade,  on 
donnait  davantage  au  Temple,  pour  s'en  dispenser.  Les 
affiliés  de  l'ordre  étaient  innombrables.  D  suffisait  de  payer 
deux  ou  trois  deniers  par  an^  Beaucoup  de  gens  oflQraient 
tous  leurs  biens,  leurs  personnes  même.  Deux  comtes  de 
Provence  se  donnèrent  ainsi.  Un  roi  d'Âxagon  légua  son 
royaume  (Alphonse  le  Batailleur ,  4431-4432);  mais  le' 
royaume  n'y  consentit  pas. 

On  peut  juger  du  nombre  prodigieux  des  possessions 
des  Templiers  par  celui  des  terres,  des  fermes,  des  forts 
ruinés  qui,  dans  nos  villes  ou  nos  campagnes,  portent  en- 
core  le  nom  du  Temple.  Ils  possédaient,  dit-on,  plus  de 
neuf  mille  manoirs  dans  la  chrétienté  K  En  une  seule  pro- 
vince d'Espagne,  au  royaume  de  Valence,  ils  avaient  dix- 
sept  places  fortes.  Ils  achetèrent  argent  comptant  le 
royaume  de  Chypre,  qu'ils  ne  purent,  il  est  vrai,  garder. 

Avec  de  tels  privilèges,  de  telles  richesses,  de  telles  pos- 
sessions, il  était  bien  difficile  de  rester  humbles  '.  Richard 
Cœur-de-Lion  disait  en  mourant  :  «  Je  laisse  mon  avarice 
aux  moines  de  Citeaux,  ma  luxure  aux  moines  gris,  ma 
superbe  aux  Templiers.  > 

Au  dé&ut  de  musulmans,  cette  milice  inquiète  et  in- 
domptable guerroyait  contre  les  chrétiens.  Ils  firent  la 


>  V.  entre  autres  le  tome  XI  de  cette  histoire,  ch.  zvi,  xix,  xz,  et  lo 
tome  XII,  ch.  ix. 

*  Ajtp,,  65. 

s  Dans  leurs  anciens  statuts  on  lit  :  •  Régula  panperum  commilito- 
num  tempU  Salomonis.  » 


I 


LIS  TBMPLIKaS.  89 

goerre  au  roi  de  Chypre  et  au  prince  d'Àntioche.  Us  dé- 
trônèrent le  roi  de  Jérusalem  Henri  II  et  le  duc  de  Croatie. 
Us  ravagèrent  la  Thrace  et  la  Grèce.  Tous  les  croisés  qui 
revenaient  de  Syrie  ne  parlaient  que  des  trahison^des  Tem- 
pliers, de  leurs  liaisons  avec  les  infidèles^.  Us  étaient  no- 
toirement en  rapport  avec  les  Assassins  de  Syrie';  le  peu- 
ple remarquait,  avec  effroi  l'analogie  de  leur  costume  avec 
celui  des  sectateurs  du  Vieux  de  la  «Montagne.  Us  avaient 
accueilli  le  Soudan  dans  leurs  maisons,  permis  le  culte 
mahométan,  averti  les  infidèles  de  l'arrivée  de  Fré- 
déric il  3.  Dans  leurs  rivalités  furieuses  contre  les  Hospi- 
taUers,  ils  avaient  été  jusqu'à  lancer  des  flèches  dans  le 
Saint-Sépulcre^.  On  assurait  qu'ils  avaient  tué  un  chef 
musulman,  qui  voulait  se  faire  chrétien  pour  ne  plus  leur 
payer  tribut. 

La  maison  de  France  particulièrement  croyait  avoii* 
à  se  plaindre  des  Templiers.  Us  avaient  tué  Robert  de 
Brienne  à  Athènes.  Us  avaient  refusé  d'aider  à  la  rançon 
de  saint  Louis  ^.  En  dernier  lieu,  ils  s'étaient  déclarés  pour 
la  maison  d'Aragon  contre  celle  d'Anjou, 

Cependant  la  Terre  Sainte  avait  été  définitivement  per-- 
due  en  1 194,  et  la  croisade  terminée.  Les  chevaliers  reve- 
naient inutiles,  formidables,  odieux.  Us  rapportaient  au 
milieu  de  ce  royaume  épuisé,  et  sous  les  yeux  d'un  roi  fa- 
mélique, un  monstrueux  trésor  de  cent  cinquante  mille 
florins  d'or,  et  en  argent  la  charge  de  dix  mulets  ^.  Qu'al- 
laient-ils  faire  en  pleine  paix  de  tant  de  forces  et  de  ri- 
chesses ?  Ne  seraient*ils  pas  tentés  de  se  créer  une  souverai- 
neté dans  l'Occident,  comme  les  chevaliers  Teutoniques 

*  •  Et  Aère  dm  cité  trabirent'iU  par  leur  grand  mesprison.  •  Chroo. 
de  S.  Oeoys. 

'  Voyes  Uanmer.  —  <  Dapuy. 

*  £o  1350,  l'aQimotiié  fat  pootsée  à  no  tel  excèe»  qu'ils  ee  livrôrcnt 
une  bataille  dau  laquelle  les  Templien  furent  taillés  en  pièce*.  Les 
historieos  disent  qu'il  n*en  échappa  qu'un  seul. 

*  App.,  66.  —  •  Arch.  du  Vatican,  Raya. 


90  l'^.  ^  ms  nftc. 


Vont  tait  en  I¥t6^,  les  HospftiMeMdtada  teilki&ideiii  116- 
ditefrranée,  et  les  iédtit»4itiiIUit«0iityi.^V|tetiltBieiit{uiih 
aux  Hoepitdlier8,aucttii*voi  dti  solide  B*«lt|Mi(loiir  néâî»- 
ter'. llD^éteitpokit'd'ïtatfoii lib'iifMMf&l  dttyla«i8»fiM^ 
tes.  Ite  ijenalem  à  imites  les  JfiMniHes^blës,  Us  9k*éaàmn 
guère  en  tout,  ikestiii««i,!^ift«di»''epiitBe  wlUe*ohovaili«rB:; 
mais  c'étaienttdes  lioiimes  lagii^nris,  m  tnltoti  4)tm  'ptnn 
pie  qui  inel^éciMtpltft,  députe  k'csinattaii'QM  >guenraB  des 
^lo^euifs.  (O^iMt  ^^adinriiiiMeS'USVaUem,  ^  HvaititaMb 
Mameluks,  oiasi  idlelligeifie,  HeMR  »  mpidea,  <qtte  la 
-pesadte  t^Mtovie  4é<Mlato  était  Knunto  :«t^tmrte.  On  4eii 
"fO^Blt  im«40M  âv^eitteusemiim  ^hei^iiitthar ''^^ 
mtrablesdhefauattrab^ytsiiMsiAiacttli  dHm^éiniy«r,2â)aii 
«sopvatlt  d-annen,  bshb  «em)Mer  4^*MelMM  if0ifa.4ts«b 
pouvaient  varier  leurs  vêtements,  mais  ite  avaîetttidê'fné^ 
icieusesormes orientai, ^'Miaoiar^e  ftae  trampe^t^Ua- 
wasquinées^iciiemanl. 

ilis  sentaieift  bien  toonfeMes.  las  lefuiplî^rs  d'fkitigle^ 
iteflie-aviMem  Médire  «u  Mt  HamîtlM^  «"Voittiseraa  m 
tant  que  vous  sei«zi}usta.  ^  IHiiialatirr  lM«ifte,iee>nidt*0tait 
ina  mÊimotè.  fltoiit  oelad»ntiatt4ften»r%f>blHppe'tefteI. 

Alien  wmiait  4  f  ltt8MNM<W0Mi^  «(K^e'ia'afvioir  smisavit 
d?appelaoiitreAoiiiiaoequ*a^ecifései<fa,  at<64»}^MMWt«M#i*. 
-Us  avairat  Pefosé  d'ttbnettre  te  Mi  ^dam  Jk>vdm.  Ih-I'a«- 
iraientra&eé^iet  4s)revaii»ltHier^,^totiMe*httitiilMfkm.1I 
•leur  devi^  >4e  4^^flrgt3nt  *  ;  -te  Van^rte^  était  uM  'M#tè  de 
-banque^  eomme  il*aiit  été  amii^étfl  ^  itenaptoB  4e  l-'a»^ 
•tiquité^.  liorafate  4806,ÂlaM)Wa^ii'asaa'chez  eux  ^lem*- 

*  Ces  ordres  également  poissants  furent  également  attaqués.  Les 
év^Ones  livoaieM  .porièranfrcootniies  ehewslief  /i^iiiMi((ins  4«sftcta- 
salions  non  moins  graves.  De  Jean  XXII  à  Innocent  VI,  lee>ilM|nMlisrs 
eorer.t  à  soutenir  les  mêmes  attaques.  iMSiAiâiiitM  f  «maMmUdrent. 

*  En  GtsUile,  ks  ïeoipliers»  ftes.H«iftelifi»6CkiBmlwriUM  de-Satot- 
lacqnes «valent  uniraitëde  gamaisexontie  teint iutônk 

»  App ,  57. 

*  Miiford. 


LIS  XEMPUSnS*  91 

tre  le  peuple  soalevé,  ce  6A  «ansdoute.pour  lui  une  ocea- 
sion  d'admirer  ces  trésors  de  l'ordre  ;  les  cttevaliers^éuieut 
trop  confiants,  tiop  fiers,  pour  lui  rien  cacher. 

La  tentation  était  farte  pourle  roi  ^  Sa  f  ictoire  délions- 
«iHPiieUe  Favait  ruiné.  I^jà  contraint  de  rendre  la  Gujrenne, 
il  l'avait  été  encore  de  lÀcher  la  Flandre  flanuinde.  Sa  dé* 
tresse  pécuniaire  était  extrême»  et  pourtant  il  loi  laUut 
révoquer*un  impôt  contre  lei|ttel  la  Normandie'S-était  soii- 
levée.'Lepeupletétaitai  ému,  qu'on  défendit  les  raBsem* 
'bkmeniS'depluS'deieiaq  personnes.  Le  roi  ne  pouvait^sor- 
4ir  de  celle  «siluation  désespéiiée  que  parQuel^pie'giaiide 
confiscatîDn.  Or,  te juifeayant été^iuBsés^lecottp  ne  pou* 
vaît  irapper  que  eurtles. piètres  ou  sur  les>nobiee,  eu* bien 
aur  un  ordre^< appartenait  aux  uns  ou  aux  autna^'mais 
qui,  par  cela  même,  n'appartenant  exclusivement  lUi  à 
<eeux-^i,  ai  à  -ceux-là,  ne  serait  défendu  par  .peieoiine. 
'Loin  d'éfire'défendus,  les  Templiers  furent  «plutôt  attaqués 
par  leurs  défenseurs  naturels.  Les  moines  les .  powsuivi- 
Mnt  JLea  nobles,  les  plus  grands  seigneursde  France,  don- 
nèrent par  écrit  leur  adhésion  au  procès. 

PhUippe  le  Bel  avait  été  élevé  par  un  domiairwn.  U 
4nmit  pour  confesseur  un  domimeain.  Loi^|te0ips«cestmot- 
mes  avaient  été-amîs  des  Templiers,  an  point  -  même  qu'ils 
s'étaient  oiigagis  à  eoliiciter  de  cbaqoe  mouiUt  qu'ils 
xoofeasesaient  un  «legs  pour  le  Temple^.  Maisipeuàtpeu 
les  deux  ordres  «étaient  devenus  rivaux.  Les  doninieains 
•vaientunordreniilitaire>à:eux,  le94kLvaU$rigaMd$9Ui\^ 
.ne^prit,{>as grand  essor.  Àeette rivalité  accidentelle  il  fiiut 
ajouter  une  cause  fondamentale  de  baine.  Les  T^nipliers 
étaient  nobles  ;  les  dominicains,  les  Mehdfants,  étaient  en 


aaitiat»d«  «iMpItfs  général  dit  eoarfaleiiBft  to  éiia. 

*  Voyes  rhisioire  de  cet  or  tre,  ptr  l6dominMaiafFM#riei/1787.  Ils 
psoaièiflttp pourtant d6s bisn< du T«iiipl»;  plaaievMYeMpHinpattdreot 
âaju  Irur  ordre. 


92  l'or.   —  LE  FISC. 

grande  partie  roturiers,  quoique  dans  le  tiers-ordre  ib 
comptassent  des  laïcs  illustres  et  même  des  rois. 

Dans  les  Mendiants,  comme  dans  les  légistes  conseillers 
de  Philippe  le  Bel,  il  y  avait  contre  les  nobles,  les  hommes 
d'armes,  les  chevaliers,  un  fonds  commun  de  malveillance, 
un  levain  de  haine  niveleuse.  Les  légistes  devaient  haïr  les 
Templiers  comme  moines  ;  les  dominicains  les  détestaient 
comme  gens  d'armes,  comme  moines  mondains,  qui 
réunissaient  les  profits  de  la  sainteté  et  l'orgueil  de  la  vie 
militaire.  L'ordre  de  saint  Dominique,  inquisiteur  dès  sa 
naissance,  pouvait  se  croire  obligé  en  conscience  de  per- 
dre en  ses  rivaux  des  mécréants,  doublement  dangereux, 
et  par  l'importation  des  superstitions  sarrasines,  et  par 
leurs  liaisons  avec  les  mystiques  occidentaux,  qui  ne  vou-* 
laient  plus  adorer  que  le  Saint-Esprit. 

Le  coup  ne  fut  pas  imprévu,  comme  on  l'a  dit.  Les 
Templiers  eurent  le  temps  de  le  voir  venir  ^.  Mais  Torgueil 
les  perdit  ;  ils  crurent  toujours  qu'on  n'oserait. 

Le  roi  hésitait  en  effet.  Il  avait  d'abord  essayé  des 
moyens  indirects.  Par  exemple,  il  avait  demandé  à  être 
admis  dans  l'ordre.  S'il  y  eût  réussi,  il  se  serait  probable- 
ment fait  grand  maître,  comme  fit  Ferdinand  le  Catholique 
pour  les  ordres  militaires  d'Espagne.  Il  aurait  appliqué  les 
biens  du  Temple  à  son  usage,  et  l'ordre  eût  été  conservé. 

Depuis  la  perte  de  la  Terre  Sainte,  et  même  antérieure- 
ment, on  avait  fait  entendre  aux  Templiers  qu'il  serait 
urgent  de  les  réunir  aux  Hospitaliers  *.  Réuni  à  un  ordre 
plus  docile,  le  Temple  eût  présenté  peu  de  résistanca 
aux  rois. 

*  Ils  avaient  de  sombres  pressenti  monts.  Un  Templier  anglais  rencon* 
trant  un  chevalier  noarellemcnt  reça  :  •  Esne  f rater  noster  receptos  io 
ordioe?  Coi  respondens.  ita.  Et  ille  :  Si  sederes  super  campanile  Sancti 
Pauli  Londini^  non  posses  fidere  majora  inforlunia  qoam  tiiù  eoniin* 
gent  anteqoam  moriaris.  »  Concii .  Urit. 

*  Le  concile  de  Saitzbourg,  tenu  en  1271,  et  plusieurs  autres  asseoi* 
Liées  ecclésiastiques^  avaient  pro[ioàc  celle  réunion. 


LES  T£UPLIERS.  93 

Us  ne  voulurent  point  entendre  à  cela.  Le  grand  maître, 
Jacques  Molay,  pauvre  chevalier  de  Bourgogne,  mais 
vieux  et  brave  soldat  qtfi  venait  de  s'honorer  en  Orient  par 
les  derniers  combats  qu'y  rendirent  les  chrétiens,  répondit 
que  saint  Louis  avait,  il  est  vrai,  proposé  autrefois  la  réu« 
nion  des  deux  ordres,  mais  que  le  roi  d'Espagne  n'y  avait 
point  consenti;  que  pour  que  les  Hospitaliers  fussent 
réunis  aux  Templiers,  il  faudrait  qu'ils  s'amendassent 
fort  ;  que  les  Templiers  étaient  plus  exclusivement  fondés 
pour  la  guerre  ^.  U  finissait  par  ces  paroles  hautaines  : 
«  On  trouve  beaucoup  de  gens  qui  voudraiéht  ôter  aux 
religieux  leurs  biens,  plutôt  que  de  leur  en  donner...  Mais 
si  l'on  fait  cette  union  des  deux  ordres^  cette  Religion  sera 
si  forte  et  si  puissante ,  qu'elle  pourra  bien  défendre  ses 
droits  contre  toute  personne  au  monde.  » 

Pendant  que  les  Templiers  résistaient  si  fièrement  à 
toute  concession,  les  mauvais  bruits  allaient  se  fortifiant. 
EuxHOiêmes  y  contribuaient.  Un  chevalier  disait  à  Raoul 
de  Prestes,  l'un  des  hommes  les  plus  graves  du  temps, 
c  que  dans  le  chapitre  général  de  l'ordre,  il  y  avait  une 
ehoae  si  secrète,  que  si  pour  son  malheur  quelqu'un  la 
voyi^it,  fût-ce  le  roi  de  France,  nulle  crainte  de  tourment 
n'empêcherait  ceux  du  chapitre  de  le  tuer,  selon  leur  pou- 
voir*. » 

Un  Templier  nouvellement  reçu  ayait  protesté  contre  la 
forme  de  réception  devant  Tofficial  de  Paris  ^.  Un  autre 
s'en  était  confessé  à  un  cordelier,  qui  lui  donna  pour  péni- 
tence de  jeûner  tous  les  vendredis  im  an  durant  sans  che- 
mise. Un  autre  enfin,  qui  était  de  la  maison  du  pape, 
«  lui  avait  ingénument  confessé  tout  le  mal  qu'il  avait 
reconnu  en  son  ordre,  en  présence  d'un  cardinal  son 
cousin,  qui  écrivit  à  l'instant  cette  déposition.  9 

«  Afp,,  59.  —  «  Oupny.  App,,  60. 

'  C*ett  Je  premier  des  cent  qaaranto  dépoMnts.  Dupay  a  ircnqotf  la 
]MSsage.  V.  le  ms.  aux  archives  du  royaume.  K  413. 


91  l'ob.  *^  le  FldC. 

Oit  faisait  en  même' tempe,  eouitr  doftbniit;:^  siniâfres 
sanles.priaoïisÉerribIte  où  Ie8.obe&tde4iordr0<ptongeaîeai 
lesmembcearécaloitrants.  Unjcksch«vaHénMléetaRa«<{u*uD 
de  aB8^clQi<étaii  entré  dan8J'ofdre-siiin>6tgaitaTeo<Àieiift 
ett{aufiOi»;:au  bouid^  tarDisjoniia;  iiétattrHiovÉ.  » 

La  Keiiiple>a(witeillait<  w'tàBmeBii  (m-  XliwitB^  il  tvoumti 
lesTeîapyerat'tnop'ricbas^'  at)  pan  génoreuxL  Quoique  le» 
gnisâ.  mattoet  dans,  ses;  întennoipatoinBat  mante  kt  muaMI-^ 
cauMcdô  llonb»*  unvdeai  gri&fa  poitési  oantseoette  opa^ 
leQtarQoqioraiiooi  Qresl.<i  qna  lasiaumônes  .ne  s^y^  faiaaieiHi 
pas*  cofnfueF  il.4taimioait^v  » 

LBS.chases^àlaientniûresi  14a  roiappelfttà»Pari#  legnand^ 
msrftre.et!tee;cb0f8^  illesiGareaia)  lea^oemMa,  lëa/endormiU 
Us vimmiisefaiM pmiidra ffiiifitepooflinie. lea  preteaUuata- 
à  la  Saint-Barthélemy. 

Il  venatt. d'augmenter  Keura^  privilège»*!  li^  wsiV  prié  le 
graend  nialtne diétraFpamnn^d'undese^eDftints.  Le>4S 00*^ 
tobne^  Jacquea.Molay^  désigne  parlui^aMo^d^niitrea  grands» 
pdraoiiBage%.  anait  tMiu-  le  poéte^  k  l^enteivemenl^  d&  la- 
beUe-aorar  de!Pfadli))pe*  te*  1^3;  iè  feti  an{èté>  aveo'lës  oantr 
(pianuite>  Templiers  qui  étalant  à  Parii^  Le>  mètne  jMr; 
siniMUtte  le  filreiil:à  Beauoairer^  puift  tme  foule  d'autra^-par- 
toute:  laLBl^aneai  (hi.s'assurade^'assaBtlniettt'dlipeuple'et 
de  rUniversité  ^.  Le  jour  môme  de  l'arrestation,  le^bouiv^ 
g^(Hsrfttraqftii|ipaléS{par  pamiieesieti  pan  oonfrévies^wi  jar- 
din.dtt  Doidauala  Cité  ;dea  moines  y  tprèohèieiil.  On  peut 
jugpn-dlar  bt.wcdeDoe  de.  cas  prédiaations^  popatairas:  par 
celladerïlatleltmjmyale» qui  counii  par  toute  la  Prance^r 
c  Uue  Qb^scrMaène^  une  cbose^déf^omMe^  uftO'Ohese  hmw 
ribla  à.pms^. teiriUe  à;  entendre* I'  clMwer,  OKàaraMe  de- 

*  Tosjors  acheiaicni  sar>9  reodr^,,, 
Tanltft'pof'à  caa  qu'il  brito. 

Cliron.  eo  Tors.  citée  par  Rayn. 

*  En  Ecosse,  on  leur  reprochait,  ontcfr  l^iir  o«p«<litéî  deB'^tt«-pa» 
hotpiuilleaa.  Afif^,  ftt 

»  App.,  oa.  —  ♦  itip .  0». 


LES  TEMPLIERS.  95 

scélératef^se,  détestable  d'infamie!...  Un  esprit,  doué  de 
raison  compatit  et  se  trouble  dans  sa  compassion,  en 
voyant  une  nature  qui  s'exile  elle-même  hors  des  bornes 
de  la  nature,  qui  oublie  son  principe,  qui  méconnaît  sa 
dignité,  qui  prodigue  de  soi,  s'assimile  aux  bétes  dépour- 
vues de  sens  ;  que  disrj^  ?  qui  dépa^^  la  brutalité  des  bétes 
elles-mêmes!...  »  On  juge  de  la  terreur  et  du  saisisse- 
ment avec  lesquels  une  telle  lettre  fut  reçue  de  toute  âme 
chrétienne.  CétuiiOAnmifi  im^  eoup  de  tmmpette*  du  juge- 
ment dernier. 

Suivant  l'indication  sommaire  des  accusations  :  renie- 
soimt,,ti;a]Û9Oii.d(0rla  chrét4«}Uôw< profit. dos  infidèles,  ini- 
tiatîoa^  d^oâtante^  imstUuti<»Q*  aiatudlle  ;  cofin^.  la  comble» 
de  rbomeuir^cra^ber  sur  la  croi».^  i 

Ion!  cela  avaiti  été  déoenoéi  par.  des  T^ospliere;  BeuK 
cbevatiersn  «BiGiaseoQ  et.  uni  balien,.  en  pniaon  posr  lënc» 
méfaits,,  avaient*  disai^eiAi,.  i:4«élé'  tous.  bu.  secretader 
l'ordre. 

Ce*  qui.  frafpeîti  1^  phisi  Uinmgiimtiofii,.  c'étaient  les 
hruile  quloaurai^ntieur  iwe  idele  qur'auraienl  adonblnr 
TiempUeck  ie&  rapQOPis.  variaieBit.  S-eitm  lee  uns^  «'étail. 
imi'tâteJiaibue;  d'auta^es  disaient,  une.  tête)  à  trois  faees.. 
EUa  avait,. dieeÂtreiii  eacor^  dea^  yeuxr  éiineeUuils.  Seloo) 
<aifll(ime»mnft>  a'était  un  crâne  d'bomme.  D'autcee  y  subs*^ 
tituaieitf  on  fûmiS, 

Q^qu'il,«a.fiUi  de  ee»  bmile,  Philippe'  le  Bel  it'anraitr 
pas- perdu,  de  lampe»  1^  joue  même  de  Varneatation.,  il  vintt 
d&  sa  pimsonne^  iMbHr-  au  Temple  avec  son  trésor  et  son 
Xoéaor  deaebaiiee,  avee  une  année-  de  gens.de  loi,  pour 
inatninwnteR,  ioventorieR.  Cette  belle  saisie*  l'vrait  fuit 
riche  tout  d'aoïoanp.. 


CHAPITRE  IV 


Suite.  Destraetion  de  Tordre  "du  Temple.  4?07-i314. 


L^étonnement  du  pape  fut  extrême,  quand  il  apprit  que 
le  roi  se  passait  de  lui,  dans  la  poursuite  d'un  ordre  qui 
ne  pouvait  être  jugé  que  par  le  Saint-Siège.  La  colère  loi 
fit  oublier  sa  servilité  ordinaire,  sa  position  précaire  et  dé- 
pendante au  milieu  des  États  du  roi.  Il  suspendit  les  pou- 
voirs des  juges  ordinaires,  archevêques  et  évêques,  ceux 
même  des  inquisiteurs. 

La  réponse  du  roi  est  rade.  Il  écrit  au  pape  :  Que  Dieu 
déteste  les  tièdes  ;  que  ces  lenteurs  sont  une  sorte  de  con- 
nivence avec  les  crimes  des  accusés;  que  le  pape  devrait 
plutôt  exciter  les  évêques.  c  Ce  serait  une  grave  injure 
aux  prélats  de  leur  ôter  le  ministère  qu'il  tiennent  de  Dieu. 
Us  n*ont  pas  mérité  cet  outrage  ;  ils  ne  le  supporteront 
pas;  le  roi  ne  pourrait  le  tolérer  sans  violer  son  serment... 
Saint  Père,  quel  est  le  sacrilège  qui  osera  vous  conseiller 
de  mépriser  ceux  que  Jésus-Christ  envoie,  ou  plutôt  Jésus 
lui-même?...  Si  l'on  suspend  les  inquisiteurs,  l'affaire  ne 
finira  jamais...  Le  roi  n*a  pas  pris  la  chose  en  main  comme 
accusateur,  mais  comme  champion  de  la  foi  et  défenseur 
de  rËglise,  dont  il  doit  rendre  compte  à  Dieu  *.  » 

Philippe  laissa  croire  au  pape  qu'il  allait  lui  remettre  les 
prisonniers  entre  les  mains*  il  se  chargeait  seulement  de 

•  App.,  6«. 


DESTRUCTION  DE  L  ORDRE  DU  TEMPLE.        97 

garder  les  biens  pour  les  appliquer  au  service  de  la  Terre 
Sainte  (25  décembre  1307).  Son  but  était  d'obtenir  que  le 
pape  rendit  aux  évéques  et  aux  inquisiteurs  leurs  pouvoirs 
qu'il  avait  suspendus.  Il  lui  envoya  soixante-douze  Tem-' 
pliers  à  Poitiers,  et  fit  partir  de  Paris  les  principaux  de 
Tordre;  mais  il  ne  les  fit  pas  avancer  plus  loin  que  Chinon. 
Le  pape  s'en  contenta;  il  obtint  les  aveux  de  ceux  de  Poi- 
tiers. En  même  temps,  il  leva  la  suspension  des  juges  or- 
dinaires, se  réservant  seulement  le  jugement  des  chefs  de 
Tordre. 

Cette  molle  procédure  ne  pouvait  satisfaire  le  roi.  Si  la 
chose  eût  été  traînée  ainsi  à  petit  bruit,  et  pardonnée, 
comme  au  confessionnal,  il  n'y  avait  paâ  moyen  de  garder 
les  biens.  Aussi,  pendant  que  le  pape  s'imaginait  tout  tenir 
dans  ses  mains,  le  roi  faisait  instrumenter  à  Paris  par  son 
confesseur,  inquisiteur  générai  de  France.  On  obtint  sur- 
le-champ  cent  quarante  aveux  par  les  tortures;  le  fer  et  le 
feu  y  furent  employés  ^  Ces  aveux  une  fois  divulgués,  le 
pape  ne  pouvait  plus  arranger  la  chose.  Il  envoya  deux 
cardinaux  à  Chinon  demander  aux  chefs,  au  grand  maître, 
si  tout  cela  était  vrai  ;  les  cardinaux  leur  persuadèrent  d'a- 
vouer, et  ils  s'y  résignèrent  *.  Le  pape  en  effet  les  récon- 
cilia, et  les  recommanda  au  roi.  Il  croyait  les  avoir  sauvés. 

Phihppe  le  laissait  dire  et  allait  son  chemin.  Au  com- 
mencement de  1308,  il  fit  arrêter  par  son  cousin  le  roi  de 
Naples,  tous  les  Templiersf  de  Provence  '.  A  Pâques,  les 
Ëtats  du  royaume  furent  assemblés  à  Tours.  Le  roi  s'y  fit 
adresser  un  discours  singulièrement  violedt  contre  le 
clergé  :  «  Le  peuple  du  royaume  de  France  adresse  au  roi 
d'instantes  supplications...  Qu'il  se  rappelle  que  le  prince 
des  fils  d'Israél^  Moïse,  l'ami  de  Dieu,  à  qui  le  Seigneur 


■  App.,  67.  — ->  App.,  68. 

*  Charles  le  Boiteux  écrit  à  ses  officiers  en  leur  adressant  des  Ittlret 
enclfies:  •  A  ce  jour  quo  je  vous  marque  avant  qu'il  soit  clair,  ^oire 
plutôt  en  pleine  naict,  vous  les  ouvrirez,  13  janvier  130S.  . 

ni.  7 


B8  DESTRUCTION  »K  L*OII»RS  PU  TBIirLE. 

parlait  Ibce  à  f»ce,  voyant  Tapostasie  des  adorateurs  du 
veau  d'or,  dh  :  Que  chacun  prenne  le  glaive  et  tue  smi 
proche  parent...  Il  n'alla  pas  pour  cela  demander  le  con- 
aentement  de  aon  frère  Àaron,  constitué  grand  prêtre  par 
l'ordre  de  Dieu...  Pourquoi  donc  le  roi  trè8'K:tivétien  ne 
procéderait-il  pas  de  même,  mime  monlre  tovX  le  clergé^  $i 
Je  clergé  errait  ainsi,  ou  soutenait  ceux  qui  errant  <?  » 

A  l'appui  de  ce  discours,  vingt-six  pjcinces  et  seigneurs 
,8e  constituàrent  accusateurs,  et  donnèrent  ^procuration 
pour  agir  contre  les  Templiers  par- devant  le  pape  et  le 
roi.  La  procuration  est  signée, des  ducs  de  Bourgogne  et 
4e  Bretagne,  des  pomtes  de  Flandre,  de  Neverset  d'Au- 
vergne, du  vicomte  de  Narbonne,  du  coiute  XaUeyrand  de 
Périgord.  Nagaret  signe  hardiin^t  entre  Lusignan  et 
Goucy  *. 

Armé  de  ces  adhésions,  «.le  roi,  dit  Aupuy,  alla  à 
Poitiers,  accompagné  d'une  grande  nmlU&ude  de  gens, 
qui  étaient  oeu^  de  ses  procureurs  .quCi  le  «oi  avait  re- 
.t^nusprès  de  lui,  pourpr^dre  avis  aur  les  diQiGuUés  qui 
pourraient  survenir  ^  » 

.  £n  arrivant,  il  baisa  humblement  les  pieds  au  pape. 
JAais  celui-ci  vit  bientôt  qu'il  n'obtiendrait  rien.  Philippe 
ne  pouvait  entendre  à  aucun  ménagement.  U  lui  fallait 
traiter  rigoureusement  les  personnes  pour  pouvoir  garder 
les  biens.  Le  pape,  hors  de  lui,  vouteit  sortir  de  la  ville, 
échapper  à  son  tyran  ;  qui  sait  même  s'il  n'aurait  pas  fui 
hoj*s  de  France  ?  Mais  il  n'était  pas  homme  à  partir  sans 
jion  argent.  Quand  il  se  présenta  aux  portes  avec  ses 
mulets,  ses  «bagages,  ses  sacs,  Une  put  passer;  il  vit  qu'il 
était  prisonnier  du  roi,  non  nums  que  les  Templiers. 
Plusieurs  foisi  il  essaya  de  fuir,  toujours  inutilement.  Il 
semblait  que  son  tout-puissant  maître  s'amusât  des  tor- 
tures de  cette  âme  misérable,  qui  se  débattait  encore. 

>  .R«ya«winl. 

t  Dapuy,  -^*  Id. 


DKSfRCCTION  DE  L*ORDRB  PB  TEUPLB.  99 

^lément  resta  donc  et  parut  se  résigoer.  Il  rendit,  le 

it  1308,  une  bulle  adressée  aux  archevêques  et  aux 

is.  Cette  pièce  est  siogulièreiBent  brève  et  précise, 

•  Tusage  de  la  cour  de  Rome.  Il  est  évident  que  le 

éorit  malgré  lui,  et  qu'on  lui  pousse  la  main.  Quel- 

-ques  évéques,  selon  cette  J)iille,  avaient  écrit  qu'ils  ne 

8a?aiaDt  e<»nment  on  devait  traiter  les  accusés  qui  3'obs- 

«tineraient  k  nier,  et  ceux  qui  rétracteraient  leurs  aveux. 

^  Ces  dioses,  dit  le  pape,  n'étaient  pas  laissées  indécises 

par  le  droit  écrit,  dont  nous  savons  que  plusiem*s  d'entre 

vous  ont  pleine  connaissance  ;  npus  n'çnl^ndons  pour  le 

(présent  foire  en  cette  affaire  un  nouveau  droit,  et  noi^s 

voulons  que  vous  procédiez  selon  que  le  droit  exige.  » 

B  y  avait  ici  une  dangereuse  équivoque,  ura  scnpta 
8*entendait-il  du  droit  romain,  ou  du  droit  canonique,  w 
des  règlements  de  l'inquisition? 

Le  danger  était  d'autant  plus  réel,  que  le  roi  ne  se 
dessaisissait  pas  des  prisonniers  pour  les  remettre  au 
■f^P^f  comme  il  le  lui  avait  fait  espérer.  Pans  l'entrevue, 
il  l'anuisa^encore,  il  lui  promit  les  Ji)iens,  pour  le. consoler 
de  n'^avoûr  pas  les  personnes;  ces  Jbiens  devaient  être 
féttois  à  ceux  que  le  pape  désignerait.  C'était  le  prendre 
par  son  foible  ;  Clément  était  fort  inquiet  de  ce  que  cos 
l>ieiis  allaient  devenir  K 

Le  pape  avait  rendu  (5  juillet  4308)  aux  juges  ordinaires, 
•ichevéques  et  évéques,  .leurs  pouvoirs  un  instant  sus- 
j>endus.  Le  4«  août  encore,  il  écrivait  qu'on  pouvait 
fljoivre  le  droit  commun.  £t  le  13,  il  rem/ettait  l'affaire  à 
une  commission.  Les  commissaires  devaient  instruire  le 
procès  dans  la  province  de  Sens,  à  Paris,  évéché  dépenr- 
dant  de  Sens.  D'autres  commissaires  étaient  nommés  pour 
en  faire  autant  dans  les  autres  parties  de  l'Europe,  pour 
TAngleterre  l'archevéqp^  de  Cantorbéry,  pour  l'Allemagne 

•  App.,  69« 


400  BESTRUGTIOX  DE  L^ORDRB  BU  TSUPLB. 

ceux  de  Mayence,  de  Cologne  et  de  Trêves.  Le  jugement 
devait  être  prononcé  d'alors  en  deux  ans,  dans  un  concile 
général,  hors  de  France,  à  Vienne,  en  Dauphiné,  sur  terre 
d'Empire. 

La  commission,  composée  principalement  d'évéques  <, 
était  présidée  par  Gilles  d'Aiscelin,  archevêque  de  Nar- 
bonne,  homme  doux  et  faible,  de  grandes  lettres  et  de 
peu  de  cœur.  Le  roi  et  le  pape,  chacun  de  leur  côté, 
croyaient  cet  homme  tout  à  eux.  Le  pape  crut  calmer 
plus  sûrement  encore  le  mécontentement  de  Philippe,  en 
adjoignant  à  ia  commission  le  confesseur  du  roi,  moine 
dominicain  et  grand  inquisiteur  de  France,  celui  qui  avait 
commencé  le  procès  avec  tant  de  violence  et  d'audace. 

Le  roi  ne  réclama  pas.  Il  avait  besoin  du  pape.  La  mort 
de  l'empereur  Albert  d'Autriche  (1«'  mai  1308)  offrait  à  la 
maison  de  France  une  haute  perspective.  Le  frère  de 
Philippe,  Charles  de  V^alois,  dont  la  destinée  était  de  de- 
mander tout  et  de  manquer  tout,  se  porta  pour  candidat 
à  l'Empire.  S'il  eût  réussi,  le  pape  devenait  à  jamais  ser- 
viteur et  serf  de  la  maison  de  France.  Clément  écrivit  pour 
Charles  de  Valois  ostensiblement,  secrètement  contre  lui. 
Dès  lors  il  n'y  avait  plus  de  sûreté  pour  le  pape  sur  les 
terres  du  roi.  Il  parvint  à  sortir  de  Poitiers,  et  se  jeta  dans 
Avignon  (mars  4  309).  11  s'était  engagé  à  ne  pas  quitter  la 
France,  et  de  cette  façon  il  ne  violait  pas,  il  éludait  sa 
promesse.  Avignon  c'était  la  France,  et  ce  n'était  pas  la 
France.  C'était  une  frontière,  une  position  mixte,  une 
sorte  d'asile,  comme  fut  Genève  pour  Calvin,  Ferney  pour 
Voltaire.  Avignon  dépendait  de  plusieurs  et  de  personne. 
C'était  terre  d'Empire,  un  vieux  municipe,  une  république 
sous  deux  rois.  Le  roi  de  Naples  comme  comte  de  Pro- 
vence, le  roi  de  France  comme  comte  de  Toulouse,  avaient 
chacun  la  seigneurie  d'une  moitié  d'Avignon.  Mais  le  pape 

«  Àpp.,  70. 


DESTRUCTION  DE  L*ORDRE  DU  TBHPLE.  404 

albit  y  être  bien  plus  roi  qu'eux,  lui  dont  le  séjour  attire- 
rait tant  d'argent  dans  cette  petite  ville. 

Clément  se  croyait  libre,  mais  traînait  sa  chaîne.  Le  roi 
le  tenait  toujours  par  le  procès  de  Boniface.  A  peine  établi 
dans  Avignon,  il  apprend  que  Philippe  lui  fait  amener  par 
les  Alpes  une  année  de  témoins.  A  leur  t^te  marchait  ce 
capitaine  de  Ferentino,  ce  Raynaldo  de  Supino,  qui  avait 
été  dans  Taffaire  d'Anagni  le  bras  droit  de  Nogaret.  A 
trois  lieues  d'Avignon,  les  témoins  tombèrent  dans  une 
embuscade,  qui  leur  avait  été  dressée.  Raynaldo  se  sauva 
à  grand'peine  à  Nîmes,  et  fit  dresser  acte,  par  les  gens  du 
roi,  de  ce  guet-apens  ^. 

Le  pape  écrivit  bien  vite  à  Charles  de  Valois  pour  le 
prier  de  calmer  son  frère.  U  écrivit  au  roi  lui-même 
(23  août  4309),  que  si  les  témoins  étaient  retardés  dans 
leur  chemin,  ce  n'était  passa  faute,- mais  celle  des  gens 
du  roi,  qui  devraient  pourvoir  à  leur  sûreté.  Philippe  lui 
reprochait  d'ajourner  indéfiniment  l'examen  des  témoins, 
vieux  et  malades,  et  d'attendre  qu'ils  fussent  morts.  Des 
partisans  de  Boniface  avaient,  disait-on,  tué  ou  torturé 
des  témoins;  un  de  ceux-ci  avait  été  trouvé  mort  dans 
son  lit.  Le  pape  répond  qu'il  ne  sait  rien  de  tout  cela  ;  ce 
qu'il  sait,  c'est  que  pendant  ce  long  procès,  les  affaires  des 
rois,  des  prélats,  du  monde  entier,  dorment  et  attendent. 
Un  des  témoins  qui,  dit-on,  a  disparu,  se  trouve  préci- 
sément en  France  et  chez  Nogaret. 

Le  roi  avait  dénoncé  au  pape  certaines  lettres  inju- 
rieuses. Le  pape  répond  qu'elles  sont,  pour  le  latin  et 
l'orthographe,  manifestement  indignes  de  la  cour  de 
Rome.  Il  les  a  fait  brûler.  Quant  à  en  poursuivre  les 
auteurs,  une  expérience  récente  a  prouvé  que  ces  procès 
subits  contre  des  personnages  importants^  ont  une  triste  et 
dangereuse  issue  K 

*  Dopay 


♦03  MSTRUCTION  M  l/OftDRE  Dlf  TEMPLE. 

Cette  lettre  du  pape  était  une  humble  et  timide  pixv* 
fession  d'indépendance  à  Tégard  du  roi,  une  révolte  à 
genoux.  L'allusion  aux  Templiers  qui  la  termine,  indi- 
quait assez  l'espoir  que  plaçait  le  pape  dans  les  embarra» 
où  ce  procès  devait  jeter  Philippe  le  BeL 

La  commission  pontificale,  rassemblée  le  7  août  1309; 
à  l'évéché  de  Paris,  avait  été  entravée  longtemps.  Le  roi 
n'avait  pas  plus  envie  de  voir  justifier*  les  Templiers  que 
le  «pape  de  condamner  Boniface»  Les  témoins  à  charge 
contre  Boniface  étaient  maltraités  à  Avignon,  les  témoins 
à  décharge  dans  TafFaire  des  Templiers  étaient  torturés  an 
Paris.  Les  évoques  n'obéissaient  point  à  la  commissionr 
pontificale,  et  ne  lui  envoyaient  point  les  prisonniers  t. 
Chaque  jour  la  commission  assistait  à  une  messe,  puis* 
siégeait  ;  un  huissier  criait  à  la  porte  de  la  salle  :  t  Si  quel-* 
qu'Un  veut  défendre  l'ordre  de  la  milice  du  Temple,  il  n's 
qu'à  se  présenter.  »  Mais  pers(»»ie  ne  se  pi^ésaiitait.  La 
commission  revenait  le  lendemain,  toujours  inutilemenl. 

Enfin,  le  pape  ayant,  par  une  bulle  (13  septembre  1309)^ 
ouvert  l'instruction  du  procès  contre  Bonifiice,  le  roi 
permit,  en  novembre,  que  le  grand  maître  du  Temple 
Nit  amené  devant  les  commissaires  K  Le  vieux  chevalier 


*  App.,  7î. 

•  e  Le  même  joair,  avAnf  lai,  le  t%  novembre,  se  préeenu  deruit  les- 
évèques  an  homme  eiv  habit  Wcakier,  lequel  déclara  s'appeler  Jean  de 
Melot  (et  non  filolay,  comme  disent  Raynonard  et  Dnpuy),  aroir  M 
templier  dix  ans  et  aroii'  quitté  Tordre,  quoique,  disait-il,  il  n'y  rùi 
^aticuB  mal.  U  déclarait  venir  pour  faim  et 'dire  tout  ce  qu'eu  vuo^'' 
drait.  Les  commissaires  lui  demandèrent  s'il  voulait  défendre  l'ordre, 
qu'ils  étaient  prêts  à  l'entendre  bénignement.  l\  répondit  qu'il  n'était 
venu  pour  autre  chose,  mais  qu'il  Toudrait  bien  savoir  auparavant  eu- 
qu'on  voulait  faire  de  l'ohire.  £t  il  ajoutait  :  «  Ordonnes  de  moi  ca 
que  vous  voudrez;  mais  faites-moi  donner  mes  nécessités,  car  je  suis 
bien  pauvre»  •  —  Les  commissaires  voyant  à  sa  figure,  à  ses  gestes  et  à 
ses  paroles,  que  c'était  un  homme  simple  et  un  esprit  faible,  ne  prucé-^ 
dérent  pas  plus  avant,  mais  le  renvoyèrent  à  Tévéque  de  Paris,  qui, 
disaient-  Is,  l'accueillerait  avec  booié  et  lui  forait  donner  de  la  nourii» 
ture.  •  Process.  ms. 


DESTRUCTION  DE  l'ORDRB  DU  TEMPLE.  1 03 

montra  d*abord  beaucoup  de  fermeté.  H  dit  -  que  l'ordre 
était  privilégié  du  Saint-Siège,  et  qu'il  lu!  semblait  bien 
étonnant  que  TÉglise  romaine  voulût  procéder  subitement 
à  sa  destruction,  lorsqu'elle  avait  sursis  à  la  déposition 
de  l'empereur  Frédéric  H,  pendant  trente-deux  ans. 

Il  dit  encore  qu'il  était  prêt  à  défendre  l'ordre,  selon* 
son  pouvoir  ;  qu'il  se  regarderait  lui-même  comme  un 
misérable,  s'il  ne  défendait  un  ordre  dont  il  avait  reçu  tant 
d'honneur  et  d'avantages;  mais  qu'il  craignait  de  n'avoir 
pas  assez  de  sagesse  et  de  réflexion,  qu'il  était  prisonnier' 
du  roi  et  du  pape,  qu'il  n'avait  pas  quatre  deniers  à  dé-- 
penser  pour  la  défense,  pas  d'autre  conseil  qu'un  frère* 
servant;  qu'au  reste,  la  vérité  paraîtrait,  non-seulement' 
par  le  témoignage  des  Templiers,  mais  par  celui  des  rois7 
princes,  prélats,  ducs,  comtes  et  barons,  dans  toutes  leï* 
parties  du  monde. 

Si  le  grand  maître  se  portait  ainsi  pour  défenseur  de 
l'ordre,  il  allait  prêter  une  grande  force  à  la  défense,  et 
sans  doute  compromettre  le  roi.  Les  commissaires  l'en- 
gagèrent à  délibérer  mûrement.  Ils  lui  firent  lire  sa  dépo* 
sition  devant  les  cardinaux;  cette  dép4)sition  n'émanait 
pas  directement  de  luinoiéme;  par  pudeur  ou  pour  tout 
autre  motif,  il  avait  renvoyé  les  cardinaux  à  un'  frère 
servant  qu'il  chargeait  de  parler  pour  lui.  Mais  lorsqu'il 
fut  devant  la  commission,  et  que  les  gens  d'église  lui 
lurent  à  haute  voix  ces  tristes  aveux,  le  vieux  chevalier 
nie  put  entendre  de  sang-froid  de  telles  choses  dites  en 
ùce.  n  fit  le  signe  de  la  croix,  et  dit  que  si  les  seigneurs^ 
commissaires  du  pape*  eussent  été  autres  personnes, 
il  aurait  eu  quelque  chose  à  leur  dire.  Les  commissaires 
répondirent  qu'ils  n'étaient  pas  gens  à  relever  un  gage 
de  bataille.  —  «  Ce  n'est  pas  là  ce  que  j'entends,  dit 
le  grand  maître,  mais  plût  à  Dieu  qu'en  tel   cas   on* 

'  M.  Rayooiurd  dit  les  cardinaux,  mais-à  tort. 


loi  DESTRUCTION  DE  L*ORDRE  DO  TEMPLE. 

observât  contre  les  pervers  la  coutume  des  Sarrasins  et 
des  Tartares  ;  ils  leur  tranchent  la  tête  ou  les  coupent  par 
le  milieu.  »  .  .  - 

Cette  réponse  fit  sortir  les  commissaire^  de  leur  dou- 
ceur ordinaire.  Ils  répondirent  avec  une  froide  dureté  : 
c  Ceux  que  TÉglise  trouve  hérétiques,  elle  les  juge  héré- 
tiques, et  abandonne  les  obstinés  au  tribunal  séculier.  » 

L*homme  de  Philippe  le  Bel,  Plasian,  assistait  à  cette 
audience,  sans  y  avoir  été  appelé.  Jacques  Molay,  efirayé 
de  rimpression  que  ses  paroles  avaient  produite  sur  ces 
prêtres,  crut  qu'il  valait  mieux  se  confier  à  un  chevalier. 
Il  demanda  la  permission  de  conférer  avec  Piasian  ;  celui- 
ci  l'engagea,  en  ami,  à  ne  pas  se  perdre,  et  le  décida  à 
demander  un  délai  jusqu'au  vendredi  suivant.  Les  évêques 
le  lui  donnèrent,  et  ils  lui  en  auraient  donné  davantage  de 
grand  cœur  i. 

Le  vendredi,  Jacques  Molay  reparut,  mais  tout  change. 
Sans  doute  Piasian  l'avait  travaillé  dans  sa  prison.  Quand 
on  lui  demanda  de  nouveau  s'il  voulait  défendre  l'ordre, 
il  répondit  humblement  qu'il  n'était  qu'un  pauvre  che- 
valier illettré  ;  qu'il  avait  entendu  lire  une  bulle  aposto- 
lique où  le  pape  se  réservait  le  jugement  des  chefs  de 
l'ordre,  que,  pour  le  présent,  il  ne  demandait  rien  de  plus. 

On  lui  demanda  expressément  s'il  voulait  défendre 
l'ordre.  Il  dit  que  non;  il  priait  seulement  les  commis- 
saires d'écrire  au  pape  qu'il  le  fit  venir  au  plus  iài  devant 
lui.  Il  ajoutait  avec  la  naïveté  do  l'impatience  et  de  la 
peur  :  «  Je  suis  mortel,  les  autres  aussi  ;  nous  n'avons  à 
nous  que  le  moment  présent.  » 

Le  grand  maître,  abandonnant  ainsi  la  défense,  lui  ôtait 
l'unité  et  la  force  qu'elle  pouvait  recevoir  de  lui.  Il  demanda 
seulement  à  dire  trois  mots  en  faveur  de  l'ordre.  D'abord, 
qu'il  n'y  avait  nulle  église  où  le  service  divin  se  fit  plus 

•  App.,  73. 


DESTRCCTION  DB  L*ORDRS  DU  TBlfPLS.  105 

honorablement  que  dans  celles  des  Templiers.  Deuxième- 
ment, qu'il  ne  savait  nulle  Religion  où  il  se  fit  plus  d'au- 
mônes qu'en  la  Religion  du  Temple;  qu'on  y  faisait  trois 
fois  la  semaine  l'aumône  à  tout  venant.  Enfin,  qu'il  n'y 
avait,  à  sa  connaissance,  nulle  sorte  de  gens  qui  eussent 
tant  versé  de  sang  pour  la  foi  chrétienne,  et  qui  fussent 
plus  redoutés  des  infidèles;  qu'à  Mansourab,  le  comte 
d'Artois  les  avait  mis  à  l'avant-^garde,  et  que  s'il  les  avait 
crus... 

Alors  une  voix  s'éleva  :  «  Sans  la  Foi,  tout  cela  ne  sert 
de  rien  au  salut.  > 

Nogarei,  qui  se  trouvait  là,  prit  aussi  la  parole  :  «  J'ai 
oui  dire  qu'en  les  chroniques  qui  sont  à  Saint-Denis,  il 
était  écrit  qu'au  temps  du  sultan  de  Babylone,  le  Maître 
d'alors  et  les  autres  grands  de  l'ordre  avaient  fait  hom- 
mage à  Saladin,  et  que  le  même  Saladin,  apprenant  un 
grand  échec  de  ceux  du  Temple,  avait  dit  publiquement 
que  cela  leur  était  advenu  en  châtiment  d'un  vice  infàine, 
et  de  leur  prévarication  contre  leur  loi.  » 

Le  grand  maître  répondit  qu'il  n'avait  jamais  ou!  dire 
pareille  chose  ;'  qu'il  savait  seulement  que  le  grand  maître 
d'alors  avait  maintenu-  les  trêves,  parce  que  autrement  il 
n'aurait  pu  garder  tel  ou  tel  château.  Jacques  Molay  finit 
par  prier  humblement  les  commissaires  et  le  chancelier 
Nogaret,  qu'on  lui  permît  d'entendre  la  messe  et  d'avoir 
sa  chapelle  et  ses  chapelains.  Ils  le  lui  promirent  en  louant 
sa  dévotion.* 

Ainsi  commençaient  en  même  temps  les  deux  procès  du 
Temple  et  de  Bonifàco  VIII.  Ils  présentaient  l'étrange  spec- 
tacle d'une  guerre  indirecte  du  roi  et  du  pape.  Celui-ci, 
forcé  par  le  roi  de  poursuivre  Boniface,  était  vengé  par  les 
dépositions  des  Templiers  contre  la  barbarie  avec*laquelle 
les  gens  du  roi  avaient  dirigé  les  premières  procédures. 
Le  roi  déshonorait  la  papauté,  le  paiic  déshonorait  la 
royauté.  Mais  le  roi  avait  la  force  ;  il  empêchait  les  évéqucs 


106  DESTRUCTION  DB  l'oRDRE  DU  TEMPLE. 

d'envoyer  aux  commissaires  du  pape  des  Templiers  prison- 
niers, et  en  même  temps  il  poussait  sur  Avignon  des 
nuées  de  témoins  qu'on  lui  ramassait  en  Italie.  Le  pape, 
en  quelcpie  sorte  assiégé  par  eux,  était  condamné  à  en- 
tendre les  plus  effrayantes  dépositions  contre  Thonneur  du 
pontificat.  "^ 

Plusieurs  des  témoins  s'avouaient  infâmes,  et  détail- 
laient toiU  ^  long  dans  quelles  saletés  ils  avaient  trempé 
en  commun  avec  Boniface  ^.  L'une  de  leurs  dépositions  les 
moins  dégoûtantes,  de  celles  qu'on  peut  traduire,  c'est  que 
Boniface  avait  fait  tuer  son  prédécesseur  ;  il  aurait  dit  à 
l'un  de  ces  misérables  :  «  Ne  reparais  pas  devant  moi  que 
tu  n'aies  tué  Célestin.  »  Le  môme  Boni&ce  aurait  fait  un 
sabbat,  un  sacrifice  au  diable.  Ce  qîii  est  plus  vraisem- 
blable dans  ce  vieux  légiste  italien,  dans  ce  compatriote 
de  TArétin  et  Machiavel,  c'est  qu'il  était  incrédule,,  impie 
et  cynique  en  ses  paroles...  Des  gens  ayant  peur  dans  un 
orage,  et  disant  que  c'était  la  fin  du  monde,  il  aurait  dit  : 
«  Le  monde  a  toujours  été  et  sera  toujouiB.  —  Seigneur, 
on  assure  qu'il  y  aura  une  résurrection?  -^  Avez-vous  ja- 
mais vu  ressusciter  personne?  » 

Un  homme  lui  apportant  des  figues  de  Sicile,  lui  disait  : 
«  Si  j'étais  mort  en  mon  voyage,  Christ  eût  eu  pitié  de 
moi.  »  A  quoi  Boniface  aurait  répondu  :  «  Va,  je  suis  bien 
plus  puissant  que  ton  Christ;  moi,  je  puis  donner  de^ 
royaumeft  »• 

Il  parlait  de  tous  les  mystères  avec  une  effroyable  im- 
piété. U  disait  de  la  Viei^e  :  «  Non  credo  in  Mariolà,  Hn- 
riolà,  Mariolâl  »  Et  ailleurs  :  «  Nous  ne  croyons  plus  ni 
l'ânesse,  ni  l'&non  y  » 

Ces  booflfonneries  ne  sont  pas  bien  prouvées.  Ce  qui- 
l'est  mieux  et  ce  qui  fut  peut^tre  plus  funeste  à  Boniface^ 
c'est  sa  tolérance.  Un  inquisiteur  de  Calabre  avait  dit  : 

•  Dopoy.  —  *  App,,  74. 


DSSTBUCriON  DB  l'ordrb  lv  tbhplb.  407 

€  Je  crois  que  le  pape  favorise  les  hérétiques,  car  il  ne 
nous  permet  plus  de  remplir  notre  office,  s  Ailleurs  ce 
sont  des  moines  qui  font  poursuivre  leur  abbé  pour  héré- 
sie ;  il  est  convaincu  par  Tinquisition.  Mais  le  pape  s'en 
moque  :*«  Vous  êtes  des  idiots,  leur  dit-il;  votre  abbé  est 
un  savant  homme,  et  il  pense  mieux  que  vous  :  allez  et 
croyez  comme  il  croit.  » 

Après  tous  ces  témoignages,  il  fallut  que  Clément  V  en« 
durât  face  à  &ce  Tinsolence  de  Nogaret(46  mars  1310). 
U  vint  en  personne  à  Avignon^  mais  accompagné  de  Pla«- 
sian  et  d'une  bonne  escorte  de  gens  armés.  Nogaret, 
ayant  pour  lui  le  roi  et  Tépée,  était  l'oppresseur  de  son 
juge. 

Dans  les  nombreux  fbctums  qu'il  avait  déjà  lancés,  on 
trouve  la  substance  de  ce  qu'il  put  dire  au  pape  ;  c'est  un 
mélange  d'humilité  et  d'insolence,  de  servilisme  monar-^ 
chique  et  de  républicanisme  classique,  d'érudition  pédan^ 
tesque  et  d'audace  révolutionnaire.  On  aurait  tort  d'y 
voir  un  petit  Luther.  L'amertume  de  Nogaret  ne  rappelle 
pas  les  belles  et  naïves  colères  du  bonhomme  de  Wittem^* 
berg,  dans  lequel  il  y  avait  tout  ensemble  un  enfont  et  un 
lion;  c'est  plutôt  la  bile  amère  et  recuite  de  Calvin,  cette 
haine  à  la  quatrième  puissMcd... 

Dans  son  premier  factnm,  Nogaret  ftvait  déclaré  ne  pd« 
lâcher  prise.  L'action  contre  l'hérésie,  dit-il,  ne  s'éteint 
point  par  la  mort,  màfte  noit  exsiinguitui\  li  demandait 
que  Bbni&ce  fijt  exhumé  et  brûlé. 

En  làlO,  il  veot  bîefi  se  justifier;  mais  c'est  qu'il  est 
d'une  bonne  àme  de  craindre  la  faute,  même  oh  il  n'y  a 
pas  feute;  ainsi  firefït  Job,  l'Apôtre,  e^  saint  Augustin... 
Ensuite,  il  sait  des  gens  qui,  par  ignorance,  sont  scanda- 
lisés à  cause  de  lui  ;  il  craint,  s'il  ne  se  justifie,  que  ces 
gens-là  ne  se  damnent,  en  pensant  mal  de  lui,  Nogaret. 
Voilà  pourquoi  il  supplie,  demande,  postule  et  requiert 
iomme  droit^  avec  larmes  et  gémissements,  mains  jointes» 


108  OBSTRUCTION  DB  L'ORDRB  DU  TBlfPL9. 

genoux  en  terre...  En  cette  humble  posture,  il  prononce, 
en  guise  de  justification,  une  effroyable  invective  contre 
Boniface.  II  n'y-a  pas  moins  de  soixante  chefis  d'accusa- 
tion. 

Boniface,  dit-ril  encore,  ayant  décliné  le  jugement  et 
repoussé  la  convocation  du  concile,  était,  par  cela  seul, 
contumace  et  convaincu.  Nogaret  n'avait  pas  une  minute 
à  perdre  pour  accomplir  son  mandat.  À  défaut  de  la  puis- 
sance ecclésiastique  ou  civile,  il  fallait  bien  que  le  corps  de 
rËglise  fût  défendu  par  un  catholique  quelconque  ;  tout 
catholique  est  tenu  d*exposer  sa  vie  pour  TÉglise.  «  Moi 
donc,  Guillaume  Nogaret,  homme  privé,  et  non  pas  seule- 
ment homme  privé,  mais  chevalier,  tenu,  par  devoir  de 
chevalme,  à  défendre  la  république,  il  m'était  permis^  il 
m'était  imposé  de  résister  au  susdit  tyran  pour  la  vérité 
du  Seigneur.  —  Item,  comme  ainsi  soit  que  chacun  est 
tenu  de  défendre  sa  patrie,  aupo\nt  qu^onviériterail  récom- 
pense s%9  en  cette  défense^  on  tuait  son  père  <  ;  il  m'était  loi- 
sible, que  diS'je?  obligatoire,  de  défendre  ma  patrie,  le 
royaume  de  France,  qui  avait  à  craindre  le  ravage,  le 
glaive,  etc.  » 

Puis  donc  que  Boniface  sévissait  contre  l'Église  et  contre 
lui-même,  more  furiosi,  il  fallait  bien  lui  lier  les  pieds  et 
les  mains.  Ce  n'était  pas  là  acte  d'ennemi,  bien  au  con- 
traire. 

Mais. voilà  qui  est  plus  fort.  C'est  Nogaret  qui  a  sauvé  la 
vie  à  Boniface,  et  il  a  encore  sauvé  un  de  ses  neveux.  Il  n'a 
laissé  donner  à  manger  au  pape  que  par  gens  à  qui  il  se 
fiait.  Aussi  Boniface  délivré  lui  a  donné  l'absolution.  A 
Anagni  même,  Boniface  a  prêché  devant  une  grande  mul- 
titude, que  tout  ce  qui  lui  était  arrivé  par  Nogaret  ou  ses 
gens  lui  était  voru  du  Seigneur. 


*  «  Pro  quâ  defensione  si  patrem  oecidat,  merltam  hatMt,  nae  pœnas 
mereinr.  •  Dupoy. 


DESTRUCTION  DE  L*OIU>RE  DU  TEMPLE.  4^9 

Cependant  le  procès  du  Temple  avait  commencé  à  grand 
bruit,  malgré  la  désertion  du  grand  maître.  Le  28  mars 
4310,  les  commissaires  se  firent  amener  dans  le  jardin  de 
l'évéché  les  chevaliers  qui  déclaraient  vouloir  défendre 
Tordre  ;  la  salle  n  eût  pu  les  contenir  :  ils  étaient  cinq  cent 
quarante- six.  On  leur  lut  en  latin  les  articles  de  Taccusa- 
lion.  On  voulait  ensuite  les  leur  lire  en  français.  Mais  ils 
s'écrièrent  que  c'était  bien  assez  de  les  avoir  entendus  en 
latin,  qu'ils  ne  se  souciaient  pas  que  l'on  traduisit  de 
telles  turpitudes  en  langue  vulgaire.  Comme  ils  étaient  (i 
nombreux^  pour  éviter  le  tumulte,  on  leur  dit  de  déléguer 
des  procureurs,  de  nommer  quelques-uns  d'entre  eux  qui 
parleraient  pour  les  autres.  Ils  auraient  voulu  parler  tous, 
tant  ils  avaient  repris  courage.  «  Nous  aurions  bien  dû 
aussi,  s'écrièrent-ils,  n'être  torturés  que  par  procureurs  *..» 
Us  déléguèrent  pourtant  deux  d'entre  eux,  un  chevalier, 
frère  Raynaud  de  Pruin,  et  un  prêtre,  frère  Pierre  de  Bou- 
logne, procureur  de  l'ordre  près  la  cour  pontificale.  Quel- 
ques autres  leur  furent  adjoints. 

Les  commissaires  firent  ensuite  recueillir  par  toutes  les 
maisons  de  Paris  qui  servaient  de  prison  aux  Templiers  s, 
les  dépositions  de  ceux  qui  voudraient  défendre  Tordre. 
Ce  fut  un  jour  afireux  qui  pénétra  dans  les  prisons  de 
Philippe  le  Bel.  Il  en  sortit  d'étranges  voix,  les  unes  fières 
et  rudes,  d'autres  pieuses,  exaltées,  plusieurs  naïvement 
douloureuses.  Un  des  chevaliers  dit  seulement  :  a  Je  ne 
puis  pas  plaider  à  moi  seul  contre  le  pape  et  le  roi  de 
France  \  »  Quelques-uns  remettent  pour  toute  déposition 
une  prière  à  la  sainte  Vierge  :  «  Marie,  étoile  des  mers, 


*  App,,  75. 

*  Les  ans  étaient  gardt's  an  Temple»  les  aatres  à  Saint-Martin-des- 
Cbamps,  d'antres  à  l'hôtel  da  comte  de  Sayoie  et  dans  diverses  mat* 
■oos  pnrticalières.  (Process.  ms.) 

'  •  Respondit  quod  Dolebat  litigare  cam  Dominfs  papa  et  rego  Fran- 
eia.  •  Process.  ms. 


449  DBSTRUCTIO^N  DE  l'ORORB  i>U  TVVPLK. 

oonduis-nous  au  port  du  salut  ^...  »  Mais  la  pièce  la  plus 
curieuse  est  une  protestation  en  langue  vulgaire,  où,  après 
avoir  soutenu  Tinnocence  de  Tordre,  les  chevaliers  nous 
font  connaître  leur  humiliante  misère,  le  iriste  calcul  de 
leurs  dépenses  >.  Étranges  détails  et  qfui  font  un  cruel  con- 
traste avec  la  fierté  et  la  richesse  tant  célébrée  de  cet 
ordre!...  Les  malheureux,  sur  leur  pauvre  paye  de  tdouae 
deniers  par  jour,  étaient  obligés  éd  payer  le  passage  de 
Teau  pour  aller  subir  leurs  ûitecrogatoires  dans  la  Cité,  et 
de  donner  encore  de  Targent  à  Thomme  qui  ouvrait  ou 
rivait  leurs  ohaines. 

Enfin  les  défenseurs  présentèrent  un  acte  solennel  au 
nom  4e  l'ordre.  Dans  cette  protestation  singulièrement 
forte  et  hardie,  ils  déclarent  joe  pouvoir  se  défendre  sans 
le  grand  mettre,  ni  autrement  que  devant  le  concile  géné- 
ral. Ils  soutiennent  :  «  Que  la  religion  du  Temple  est 
sainte,  pure  et  immaculée  devant  Dieu  et  son  Père  K 
L'institution  régulière,  l'observance  salutaire,  y  ont  unir- 
jours  été,  y  sont  encore  en  vigueur.  Ipus  les  frères  n!ont 
qu'une  profession  de  foi  qui  dans  tout  l'univers  a  été,  est 
toi/jours  observée  de  tous,  .depuis  la  fondation  jusqu'au  jour 
présent.  Et  qui  dit  ou  croit  autrement,  erre  totalement 
pèche  mortellement.  »  C'était  une  affirmation  bien  hardie^ 
de  soutenir  que  totu  étaient  restés  fidèles  aux  règles  de  îo 
fondation  primitive;  qu'il  n'y  avait  eu  nulle  déviation, 
nulle  corruption.  Lorsque  le  juste  pèche  sept  fois  par  jour, 
cet  ordre  superbe  se  trouvait'  pur  et  sans  péché.  Un  tel 
orgueil  foi&ait  frémir. 

ils  ne  .s'en  tenaient  pas  là.  lis  demandaient  que  les 
f  .'ères  apostats  fussent  mis  sous  bonne  garde  jusqu'à  ce 
qu'il  apparût  s'ils  avaient  porté  un  vrai  témoignage.' 

Us  auraient  voulu  encore  qu'aucun  laïque  n'assistât  aux 
interrogatoires.  Nul  doute  en  effet  que  la  présence  d'un 

«  App.,  76   -•«  i4/jj.,  77.  -  >  Aip.,  73. 


DBSTRCCTiON  DE  X'ORDRE  DU  TEMPLE.  4  1 1 

Plasian,  d'un  Nogaret,  n'intimidât  les  accusés  et  les  juges. 

Us  finissent  par  dire  que  la  oommission  pontificale  ne 
peut  aller  plus  avant  :  «  Car  enfin  nous  ne  somilmes  pas  en 
lieu  sûr  ;  nous  sommes  et  avons  toiyours  été  au  pouvoir  de 
ceux  qui  suggèrent  des  choses  fausses  au  seigneur  roi. 
Tous  les  jours,  par  eux  ou  par  d'autres,  de  vive  voix,  par 
lettres  ou  messages,  ils  nous  avertissent  de  ne  pas  ré- 
tracter les  fausses  dépositions  qui  ont  été  arrachées  par  la 
crainte  ;  qu'autrement  nous  serons  hriirés  t.  » 

Quelques  jours  q>rès,  nouvelle  protestation,  mais  plus 
forte  encore,  moins  apologétique  que  menaçante  et  accusa- 
trice. <  Ce  procès,  disent-il%  a  été  soudain,  violent,  inique 
€t.injuste  ;  ce  n'est  que  violence  atroce,  intolérahle  erreur.. . 
Dans  les  prisons  et  les  tortures,  beaucoup  et  beaucoup 
sont  morts  ;  diautres  en  resteront  infirmes  pour  leur  vie.; 
plusieurs  ont  été  contraints  de  mentir  contre  eux*mèmes 
et  contre  leur  ordre.  Ces  violences  et  ces  tourments  leur 
ont  totalement  enlevé  le  libre  arbitre,  c'est-à^diralout  ce 
que  rhomme  peut  avoir  de  bon.  Qui  perd  le  libre  arbitre, 
perd.tout  bien,  science,  mémoire  et  intellect.*...  Pour  les 
'pousser  au  mensonge,  au  faux  témoignage,  on  leur.mon- 
trait  des  lettres  oii  pendait  le  sceau  du  roi,  et  qui  leur  ga- 
rantissaient la  conservation  de  leurs  membres,  de  la  vie, 
de  la  liberté  ;  on  promettait  de  pourvoir  soigneusement  à 
ce  qu'ils  eussent  de  bons  revenus  pour  leur  vie  ;  on  leur 
assurait  d'ailleurs  que  l'ordre  était  condanmé  sans  re- 
mède... » 

Quelque  habitué  que  l'on  fût  alors  à  la  violence  des  pro- 
cédures inquisîtoriales,  à  l'immoralité  des  moyens  em- 
ployés communément  poiff  faire  parler  les  accusés,  il 
était  impossible  que  de  telles  paroles  ne  soulevassent  les 
cœurs  I  Mais  ce  qui  en  disait  plus  que  toutes  les  paroles, 


^  • ...  Qttk  ai  raMSKtiinl,  praut  dievot,  combnreatur  Mwino.» 
•  Dapuy. 


112  DESTRUCTION  DE  l'ORDRE  tC  TEUPLB. 

c'était  le  pitoyable  aspect  des  prisonniers,  leur  face  pâle  et 
amaigrie,  les  traces  hideuses  des  tortures...  L'un  d'eux, 
Humbert  Dupuy,  le  quatorzième  témoin,  avait  été  torturé 
trois  fois,  retenu  trente-six  semaines  au  fond  d'une  tour 
infecte,  au  pain  et  à  l'eau.  Un  autre  avait  été  pendu  par 
les  parties  génitales.  Le  chevalier  Bernard  Dugué  (de  Yado), 
dont  on  avait  tenu  les  pieds  devant  un  feu  ardent,  mon- 
trait deux  os  qui  lui  étaient  tombés  des  talons. 

C'étaient  là  de  cruels  spectacles.  Les  juges  mêmes,  tout 
légistes  qu'ils  étaient,  et  sous  leur  sèche  robe  de  prêtre, 
étaient  émus  et  souffraient.  Combien  plus  le  peuple,  qui 
chaque  jour  voyait  ces  malheureux  passer  l'eau  en  barque, 
pour  se  rendre  dans  la  Cité,  au  palais  épiscopal,  où  sié- 
geait la  cx)mmission  I  L'indignation  augmentait  contre  les 
accusateurs,  contre  les  Templiers  apostats.  Un  jour,  quatre 
de  ces  derniers  se  présentent  devant  la  commission,  gar- 
dant encore  la  barbe,  mais  portant  leurs  manteaux  à  la 
main.  Ils  les  jettent  aux  pieds  des  évoques,  et  déclarent 
qu*ils  renoncent  à  l'habit  du  Temple.  Mais  les  juges  ne  les 
virent  qu'avec  dégoût  ;  ils  leur  dirent  qu'ils  fissent  dehors 
ce  qu-ils  voudraient. 

Le  procès  prenait  une  tournure  fâcheuse  pour  ceux  qui 
l'avaient  commencé  avec  tant  de  précipitation  et  de  vio- 
lence. Les  accusateurs  tombaient  pou  à  peu  à  la  situation 
d'accusés.  Chaque  jour,  les  dépositions  de  ceux-ci  révé- 
laient les  barbaries,  les  turpitudes  dej  la  première  procé- 
dure. L'intention  du  procès  devenait  visible.  On  avait 
tourmenté  un  accusé  pour  lui  faire  dire  à  combien  mon- 
tait le  trésor  rapporté  de  la  Terre  Sainte.  Un  trésor  était- 
il  un  crime,  un  titre  d'accusation  ? 

Quand  on  songe  au  grand  nombre  d'affiliés  que  le 
Temple  avait  dans  le  peuple,  aux  relations  des  chevaliers 
avec  la  noblesse  dont  ils  sortaient  tous,  on  ne  peut  douter 
que  le  roi  ne  fût  effrayé  de  se  voir  engagé  si  avant.  Le  but 
honteux,  les  moyens  atroces,  tout  avait  été  déniasquê.  Le 


DBSTRUCnON  DB  L'ORDRS  BU  TBMPLE.  Ii3 

peuple,  troublé  et  inquiet  dans  sa  croyance  depuis  la  tra* 
gédiede  Boniface  YIII,  n'allait-il  pas  se  soulever  ?  Dans 
rémeute  des  monnaies,  le  Temple  avait  été  assez  fort  pour 
protéger  Philippe  le  bel  ;  aujourd'hui  tous  les  amis  du 
Temple  étaient  contre  lui. . . . 

Ce  qui  aggravait  encore  le  danger,  c'est  que  dans  les 
autres  contrées  de  l'Europe  S  l^s  décisions  des  conciles 
étaient  favorables  aux  Templiers.  Us  furent  déclarés  inno- 
cents, le  47  juin  1310  à  Ravenne,  le  1®>^  juillet  à  Mayence, 
le  21  octobre  è  Salamanque.  Dès  le  commencement  de 
l'année,  on  pouvait  prévoir  ces  jugements  et  la  dange- 
reuse réaction  qui  s'ensuivrait  à  Paris.  U  fallait  la  pré- 
venir, se  réfugier  dans  l'audace.  U  fallait  à  tout  prix 
prendre  en  main  le  procès,  le  brusquer,  l'.étouffer. 

Au  mois  de  février  1310,  le  roi  s'était  arrangé  avec  le 
pape.  Il  avait  déclaré  s'en  remettre  à  lui  pour  le  juge- 
ment de  Boniface  YllI.  £n  avril,  il  exigea  en  retour  que 
Clément  nommât  à  l'archevêché  de  Sens  le  jeune  Marigni, 
frère  du  fameux  Enguerrand,  vrai  roi  de  France  sous  Phi- 
lippe le  Bel.  Le  10  mai,  l'archevêque  de  Sens  assemble  à 
Paris  un  concile  provincial,  et  y  fait  paraître  les  Templiers. 
Voilà  deux  tribunaux  qui  jugent  en  même  temps  les 
mêmes  accusés,  en  vertu  de  deux  bulles  du  pape.  La  com- 
mission alléguait  la  bulle  qui  lui  attribuait  le  jugement  <. 
Le  concile  s'en  raf^rtait  à  la  bulle  précédente,  qui  avait 
rendu  aux  juges  ordinaires  leurs  pouvoirs,  d^abord  sus* 
pendus.  Il  ne  reste  point  d'acte  de  ce  concile,  rien  que  le 
nom  de  qeux  qui  siégèrent  et  le  nombre  de  ceux  qu'ils 
firent  brûler. 

*  Le  roi  d'Angleterre  s'était  d'abord  déclaré  asaes  hautement  pour 
l'ordre;  soit  par  sentiment  de  justice,  soit  par  opposition  à  Philippe  le 
Bel,  il  a? ait  écrit,  le  4  décembre  1307,  aai  rois  de  Portugal,  de  Castille, 
d'Aragon  et  de  Sicile,  en  fa?ear  des  Templieraj  lei  coojarant  de  m 
point  ajouter  fui  à  tout  ce  que  Ton  débitait  contre  eux  en  France, 
(Dupoy.) 


{  ;  I  SSSTItCCTIOK  DE  L'OMHIfi  tfS  TQVLI^ 

Le  i'O  mai,  le  dncnelw,  jour  ou  b.  commission  éuit 
tssemblée,  tes  défenstuvs  de  Ferd^e  s'étaient  pcésenlés 
dewat  rafdievéqtte  de  Narbonne  et  tes  antres  oonmis- 
saires  pon4iicainx.])our  parter  appel.  L*arebevéque  de  Nar- 
bonne répondit  qu'un  tel  appel  ne  regardait  ni  lui  ni  ses 
eoUègnas  ;  (p*its  n'amcsÉ  pas  à  s'en  mèter,  puisque  ce 
n'éftaèl  pas  de  tewr  tribunal  que  Ton  appelsit  ;  que  s'ils  vou^ 
latent  parler  poMr  la  défense  de  Terdre,  on  tes  entaulraît 
vokmtters. 

Les  paanves  dwraliers  suppUètwDt  qu'au  nsatns  on  lea 
menât  devant  te  concile  perur  y  porter  tenv  appel,  en  lenr 
donaattt4te«Bx  notaires  qui  en  dresseraient  acte  auAen- 
tiqoe  ;  ik  priatemt  la  conNnission,  ils  priaient  même  les 
notaires.  pvé8eat&  Dans  leur  afipel  qu'ils  lurent  ensuite^  iis 
se  mettaient  sous  i»  prelectioa  dn  pape,  dans  tes  termes 
tes  plus  palbétiqaes.  c  Nous  réclamons  les  saints  Apôtres* 
nous,  tea  réclamons  enoore  une  foiS|  c'est  avec  te  dernière 
instance  quenons^les  ré&lamoas.  »  Les  maiiieureuses  vic« 
times  sentatent  déjà  les  flammes  et  se  servaient  à  l'autel 
qui  ne  pouvait  les  protéger. 

Tout  le  secours  qne  leur  avait  ménagéoe  pape  sur  lequel 
Ss  comptaient,  et  dont  ils  se  psoomaiandaient  comme  de 
DieU)  ÙLi  une  timide  et  làehe  conaultation,  où  il  avait 
essayé  d'avance  d'iaiterpréter  le  me*  de  relaps j  dans  le  cas 
oii  l'on  voudrait  appliquer  ce  ivsm  à  ewx*  qui  avaient  r^ 
traeté  tems  avcoïc  :  c  Û  senAle  en  quelque  sovte  contraire 
à  la  raison  de  juger  de  tels  hommes  comme  rebps...  £n 
telles  eboses  dootenses,  fl  fsut  restreindre  et  mpdérer  les 
peines.  » 

Les  commissaires  pontificaux  n'osèrent  faire  valoir  cette 
consultation.  Itt  r^|yoiidirent,  te  dimanche  soir,  qolte 
épt^ammu^  §ii^anda  cowpasaîen  pom*  les  défenseurs  de 
i'brdré'elites^'aotros  'firères  ;-  msns  que  l'affaire  dont  s'ocou^ 
paient  rafctievéque  de  Sens  et  ses  suffragants  était  toute 
autre  que  la  leur;  qu'ils  ne  savaient  ce  qui  se  faisait,  dans  ce 


ossnujcnoN  ïol  l'ordae  iaj  immx.  m 

eooedr  v  qo^  À  la  commission  étmlb  aiotor iéie  |^  Ir  Saint*- 
Sâég%^  rancfaevéque  de  Sen»  l'étais  awsit;  cpii^i'uae  n'avait 
nulle  anloritéaurL'autrftr;  qa!attf>ni«iifir  conp'^âiii,  ils  ne 
▼oyaîeiit  rien  àobjectt»  kVstBàuNé^e  de  Sena  ;  que  ton** 
tefeisib  aviacraîeiitM 

Pendant  qoe  ks  eommissaûn»  «risaiNNit,  ils  apprirewt 
que  cinquante- quatre  Tampliafs  «teieni^  être  bvâilés.  Ha 
jour  avait  suffi  pour  édtàvw  siifftsunnent  ravekevèqo^  de 
Sens  et  sea  suffragaials*  Suivona  faa  à  paa  lerédl  dâanei^ 
Mres  d»  la  commitsion  pcattifteale;  daaa  m  simplieitë 
ferriUe. 

«  Le  mnrdi  i%  pendant  KintervogaUma'  du^  fcève  Àam 
Bertaud  ^,  il  vî«t  k  la  eonnaisaanœ  de»  commissaires  que 
cinquante^quatra^TemplieTS' allaient  étie  brûlée^.  IIschanN- 
gèrent  le  pcéisdt  da  L'église  de-  Sbiliers  et  Ifarehidiacie 
d'OriéanSf  desedacoi^^dfaUerdîre-à rarcfaeTé<|ue de  Seais 
et  ses  suffiragaalB.  do  dâliliéter  rateement:  et  de  diii^rei^ 
attendu  que  les  foèrea  morts  ea*  prison*  afiirraaient^disaîl^ 
on,  SHT  le  péril  de  leurs  âmes,  quîils  éteient  fisnissament 
aocuaéa.  Si  cette  eKécutûin  avait  lieu,  elle  era))ôcheraît  ka 
commissafrea  dejpn>eéder  ea  leur  offioe,  les  accusés  éCaqt 
telleflBeni efirayés  qa^iissemblaienthors de  sens*  Ea outre 
l'un  dea  commissaivea  les  chargea  de  signifier  k  raffehe<- 
¥èque  que*  frèee  Raynaud  da  Prain,  Pierre  de.  Boulogne^ 
prôlre,  CîaîUauBaa  de  Chambonnet  et  BeEtrané  de  Sar^ 
tiges,  chevaliers,  avaient  interjeté  eertaia  appel  par-devant 
les  commissaiaea.  »« 

n  y  avait  là  une  gfirve  questlen  da  juridiction.  Si  le 
concile  et  raroh^équrde  Sênsreeoniiaissaîent  la  validité, 
d'un  appttl  porté  defwit  la  commission  papale,  ils  avouaient 
la  supériorité  de  ce  tribunal,  et  les  libertés  de  l'Église 

t  Nom  ptoMina  illisible  dan  la  leilaw  bASMO  tremble  éTi«i«mnent. 
Plne  baat,  it  noiaiBea  bienécfét  :  BurtaMi^ 
*  Qood  LIV  ex  Templariit...  erant  dicta  die  eomborendi.  •  •  PiD* 
(•  ma.  folio  7S  (feuiile  coupée  par  la  moitié). 


410  DSSTBUCTIO.N  DS  L  ORDftS  WJ  TBttPLI. 

qu'ils  passent  être  amenés  sous  bomie  garde  toutes  les 
fais  qu'ils  le  demaaderaient,  pour  la  défense  de  Tordre.  •. 
Les  commissaires  avaient  bien  soin  d'ajouter  :  «  qu'ils  ne 
voulaient  faire  aucun  empôcbement  à  Tarchevôque  de 
Sens  et  k  son  concile,  mais  seulement  déchaîner  leur  con- 
science. 

«  Le  seir,  les  conimissaires  se  réunirent  à  Sainte- 
Geneviève  dans  la  chapelle  de  Saint*-Ëloi,  et  reçurent  des 
chanoines  qui.  venaient  de  la  part  de  Tarchevéque  de 
Sens.  L'archevêque  repondait  qu'il  7  «vait  deux  aos  que  le 
procès  avait  été  commencé  contre  les  cbe¥aUers  ei-^essua 
nommés,  comme  membres  particuliers  de  l'ordre,  qu'il 
voulait  le  terminer  selon  la  forme  du  mandat  Apostoliqae. 
Que.du  reste  il  n'entendait  aucunement  troubler  les  com- 
misaaipes  en  leur  office  *.  »  Effroyable  dérision  ! 

«  Le6enw>yés  de  l'archevêque  de  Sens  â'étant  retirés, 
OA  aflieiia  devant  les  commisaaires  Raynaud  de  Pruin, 
Chambonneiet  Sartiges,  lesquels  Annoncèrent  qu'on  avait 
sj|Mré  d'eux  «Pitt rre  de  Boulogne  sans  qu'ils  ausaent  pour- 
quoi, ajoutant  qu'ils  étaieut  gens  simples,  sansex4)érience» 
d'ttî)teurs«tupéfaits  et  troublés,  en  sorte  qu'ils  ne  pouvaient 
nen  erdenner  ni  dicter  pour  la  défenac  de  l'ordre,  sans  le 
Qonseil  <ludit  Pierre.  C'est  pourquoi  ils  suppliaient  les 
commissaires  de  le  faire  venir,  de  rentcndre,  et  4e  savoir 
oomment  et  paurquoi  il  avait  été  retiré  d'eux,  ^t  s'il  voulait 
persister  dans  la  déienae  de  l'ordre  ou  l'abandooner.  Les 
commissaires  ordonnèrent  eu  .-pnév^t  de  Peitiero  et  à 
Jehan  de  TeinviUe,  que  le  lendemain  au  matin  ils  ame* 
nassent  ledit  frère  en  leur  présence.  » 

Le  lendemain,  on  ne  voit  pas  que  Pierre  de  Baulogne 
ait  comparu.  Biais  usé  foule  de  Templiers  vinaent  déclarer 
qu'ilsebandonnaient  k  défenae.  dLeeamedi,laeomaûasienp 
délaissée  encore  par  un  de  ses  membres,  s'ajourna  au 
3  novembre  suivant. 

*  Àpp.,  62. 


A  tMè  époque,  les  «onimissaires  étaient  moins  Dom- 
lireux  eneeve.  He  se  trewaient. réduits  à  trois.  L*arch6>. 
Téqoe  4e  N«rbottne  «ratt  qvitté  Paris  pour  le  service  du  r$i, 
l'«?éque  de  Bayenx  élaît  près  d«i  pape  de  la  p&n  eut  Pt4. 
L'archidiaere  de  Magaelsimie  était  malade.  L^évèqne  de 
Limoges  s'était  mis  en  route  pour  venir,  mais  le  rst  M 
avait  fait  dire  qu'il  fallait  surseoir  encore  jusqu'au  pro- 
«diaÎB  parlement  ^  Les  membres  présents  firent  pourtant 
damander  à  la.  porte  de  la  salie  siipeiqa'im  avait  quelque 
diose  à  dire  pour  Tordre  du  Temple.  Personne  ne  se 
jMréseata. 

Le  97  décembre,  les  raMmissaires  reprirent  les  itfterro* 
gatoîres  et  redemandèrent  les  deux  principaux  défenseurs 
de  Turdre.  liaîB  le  preoûer  de  tœa^  Pieire  de  Boulogne, 
«vaît  disparu.  Son  coHègue,  Raynaud  de  Pruin,  ne  pouvait 
plus  répondre,  disait-^on,  ayant  été  dégradé  par  rarohe^ 
véque  de  Sens.  Vingts-six  chevaliers,  tpfi  déjà  avalelit  fait 
sarment  comme  devant  déposer,  furent  retenus  par  lea 
^ns  du  roi,  et  ne  puaent  sepréseuter. 

CTestune  diose  admirable  qu'au  mrReude  ces  violences, 
^  dans  un  tel  périU  il  se  soit  trouvé  ua  oertaia  nombre  de 
•ehevuNsrs  pow  soutenu  rtimucenoe  de  Foidre  ;  mais«e 
courage  fut  rare.  La  plupart  étaient  sous  l'impression 
d'une  profonde  teneur^. 

La  perte  des  Tempfiers  était  partout  poursuivie  avec 
;acbaruement  dans  les  conciles  provinciaux  ^  ;  neuf  icbe- 


t  •  iMelIfolO'rer  IHutm tegîas  ^oed  non «kp'érebat.  « 
*  6n  pMt  eo  jvfer  par  la  disposition  ^êe  Han  ât^ïketmmrt,  le treatiK 
MjXèyii)  aépMsst.  Il  4âo1ttre  fl'afeorS  «Ten  tmir  à  tes  premiers  avNS. 
im  €MMBéaMArct,  le  fayaiM  loat  fUMe  «luui  fëtn^o,  M  4i9ent  de  ne 
-mmem  qa'à  dira  la  ^éfri/ké,  al  4  lavfer  <«ob  iate;  ffe^  «a  ««an  «aeao 
péril  à  dire  la  vérité  devant  «me  ;  ifu^-ila  aa  févfMefoai  pas  ses  pvrolei(,  tii 
•i  lei  ooiakaa  préaeau.  Alor^  M  léfaqaaaa  dépanrtian,  ift  dédara 
i^  dira  caafaiié  à  «n  frèra  «iiMNir,  ^  tai  «  «njvtiil  de  i»e  plus 

■*  Att&  coDciita  de  Sens,  Seulia,  Beims,  Rouen,  Me.,  dt  devant  tas 


420  DESTRUCTION  DK  L'ORDRS  IHJ  TSMPLB. 

valiers  venaient  encore  d'être  brûlés  à  Senlis.  Les  interro- 
gatoires avaient  lieu  sous  la  terreur  des  exécutions.  Le 
procès  était  étouffé  dans  les  flammes...  La  commission 
continua  ses  séances  jusqu'au  4  4  juin  1 34  4 .  Le  résultat  de 
ses  travaux  est  consigné  dans  un  registre  ^,  qui  finit  par 
ces  paroles  :   «  Pour  surcroît  de  précaution,  nous  avons 


év^es  d'Amiens»  CaTaillon,  Glermont,  Chartres^  Limoges,  Pny,  Mans, 
Micon.  Magaeionne,  Neven,  Orléans,  Pdrigoid,  Poiiien,  Ubodei» 
Saintes,  Soissons,  Tool,  Tours,  etc. 

*  Ce  registre,  que  j'ai  souvent  cite,  est  à  la  Bibliothèque  royale  (fonds 
Harlay,  n*  329).  H  eoDUeut  rinslruction  faite  à  Paris  par  les  commis- 
saires du  pape  :  Pracesnu  tontra  T$mpïanoi.  Ce  ms.  a¥aic  été  déposé 
dans  le  trésor  de  Notre-Dame.  Il  passa/  on  ne  sait  comment,  dans  la 
bibliothèque  du  président  Brisson,  pnis  dans  celle  de  M.  Serrin,  ayo- 
cat  général,  enfiu  dans  oelie  des  Harlay,  dont  il  porte  encore  les 
armes.  Au  milieu  du  xtiii*  siècle,  U.  de  Harlay,  ayant  probablement 
scrupule  de  rester  détenteur  d*on  manuscrit  de  cette  importance,  le 
ligua  à  la  bibliothèque  de  Saint-Germain  des  Prés.  Ayant  heureusement 
échappé  à  rincendie  de  eette  bibliotbèquo  en  17^3^  il  a  passé  à  la  Bt« 
bliothèque  royale.  11  en  existe  un  double  aux  archives  du  Vatican. 
Voyez  l'appendice  de  II.  Rayn.,  p.  309.  —  La  plupart  des  pièces  du 
procès  des  Templiers  sont  aux  Archives  do  royaume.  Les  plus  eu* 
rieuses  sont  :  i*  le  premier  interrogatoire  de  cent  qtutrante  TempUtrs 
arrêtés  à  Paris  (en  un  gros  rouleau  de  parchemin);  Dupuy  en  a  donné 
quelques  extraits  fort  négligés;  %•  plusieurs  interrogatùiteê,  faits  es 
d'autres  villes;  3»  la  minute  des  artieUt  sur  lesquels  ils  furent  interro- 
gés; ces  articles  sont  précédés  d'uûo  minute  de  lellre,  sans  date,  du  roi 
au  pape,  espèce  de  factum  destiné  évidemment  à  être  répandu  dans  le 
peuple.  Ces  minutes  sont  sur  papier  de  coton.  Ce  frêle  et  précieux  chif- 
fon, d'une  écriture  fort  difficile,  a  été  déchiffré  et  transcrit  par  un  de 
mes  prédécesseurs,  le  savant  M.  Paviilet.  H  esc  chargé  de  corrections 
que  M.  Raynouard  a  relevées  avec  soin  (p.  SU)  et  qui  ne  peuvent  être 
que  de  la  maiii  d'un  des  ministres  de  Philippe  le  Bel,  de  Marigni,  de 
Plasian  ou  de  Nogarel;  le  pape  a  copié  docilement  les  articles  sur  le 
Télin  qui  est  an  Vatican.  La  lettre,  malgré  ses  divisions  pédantesqnes, 
est  écrite  avec  une  chaleur  et  «ne  force  remarquables  :  •  In  Dei  no- 
mine.  Amen.  Christus  vincit,  Gbristus  régnât,  Christus  imperat.  Post 
illam  universalem  victoriam  quam  ipse  Domious  fecit  in  ligno  crucis 
contra  bosiem  aniiquum...  ita  miram  et  magnam  et  sirenuam,  ita  nli* 
lem  et  necessariam...  fecit  novissimis  bis  diebns  per  inquisitores...  in 
perfidorum  Templariorum  negotio...  Horrenda  fuit  domino  régi... 
propter  bonditionem  personarum  dennnciantium,  quia  parvi  etatus 
erant  bomines  ad  tam  grande  promovendum  negotiam,  etc.  • 
Section  IM.  J.  413. 


0ISTBUGTION  DS  l'ORDRB  DU  TKMPLB.  121 

déposé  ladite  procédure»  rédigée  par  les  notaires  en  acte 
authentique,  dans  le  trésor  de  Notre-Dame  de  Paris»  pour 
n'être 'exhibée  à  personne  que  sur  lettres  spéciales  de  Votre 
Sainteté.  » 

Dans  tous  les  Ëtats  de  la  chrétienté,  on  supprima 
Tordre,  comme  inutile  ou  dangereux.  Les  rois  prirent  les 
biens  ou  les  donnèrent  aux  autres  ordres.  Mais  les  indivi- 
dus furent  ménagés.  Le  traitement  le  plus  sévère  qu'ils 
éprouvèrent  furent  d'être  enq>risonnés  dans  des  monas- 
tères, souvent  dans  leurs  propres  couvents.  C'est  Tunique 
peine  à  laquelle  on  condamna  en  Angleterre  les  chefs  de 
Tordre  qui  s*obstinaient  à  nier. 

Les  Templiers  furent  condamnés  en  Lombardie  et  en 
Toscane,  justifiés  à  Ravenne  et  à  Bologne  ^  En  CastiUe, 
on  les  jugea  innocents.  Ceux  d'Aragon,  qui  avaient  des 
places  fortes,  s'y  jetèrent  et  firent  résistance,  principale- 
ment dans  leur  fameux  fort  de  Honçon  >.  Le  roi  d'Aragon 
emporta  ces  forts,  et  ils  n'en  furent  pas  plus  mal  traités. 
On  créa  Tordre  de  Monteza,  où  ils  entrèrent  en  foule.  En 
Portugal,  ils  recrutèrent  les  ordres  d'Avis  et  du  Christ. 
Ce  n'était  pas  dans  l'Espagne,  en  face  des  Maures,  sur  la 
terre  classique  de  la  croisade,  qu'on  pouvait  songer  à 
proscrire  les  vieux  défenseurs  de  la  chrétienté  '. 

La  conduite  des  autres  princes,  à  l'égard  des  Templiers, 
faisait  la  satire  de  Philippe  le  Bel.  Le  pape  blâma  cette 
douceur  ;  il  reprocha  aux  rois  d'Angleterre,  de  Castille, 
d'Aragon  et  de  Portugal,  de  n'avoir  pas  employé  les  tor- 
tures. Philippe  l'avait  endurci,  soit  en  lui  dcn  lant  part 
aux  dépouilles,  soit  en  lui  abandonnant  le  jugement  de 


*  llayence,  1*'  juillet;  Rayenne,  17  join;  SaUmanqiie,  21  octobre 
ISIO.  Les  Templiers  d'ADomagne  fe  justifiéreDt  4  U  manière  des  fraocs- 
JQges  weslphalicns.  Ils  se  présentôrent  en  armes  par-deTani  les  arclie- 
?èqoes  de  Mayence  et  de  Trêves,  affirmèrent  leur  innocence,  tournèrent 
le  dos  an  tribunal,  et  s'en  allèrent  paisiblement.  App.,  84. 

*  AlonigaudU,  la  Montagne  de  la  joie.  —  *  App.,  85. 


422  sBsnocTioN  h  VOÊom  m  miMS. 

Bonibee.  Le  roi  de  Fnuice  s'élaît  déeidé  à  céëêr  qoeiqne 
peu  8ur  oe  dernier  peint.  H  voyiit  tout  noMier  autonr  <to 
hû.  Les  Éttts  flor  lesquels  il  Àndut  soq  intaenoè  aetib* 
blaient  près  d'y  échapper.  Les  barons  anglais  vouiaieni 
reniierser  le  goitremieraent  des  famrô  d'Ëdosard  H,  qui 
les  tenait  hnmiliéft  devant  la  France.  Les'Gttbei»  d'Italie 
appelaient  le  nosvd  «nqwvenr,  Benri  de  Luseiniievrgy 
pow  détrôner  le  petit-fils  de  Ckarfes  d'Anjw,  k  roi 
Ri^rt,  grand idere  «t  pacmre  roi,  qui  n'était  haMIe  qa'cn 
astrolabe.  La  maison  de  France  nsqnît  de  perdre  ssoi 
ascendant  dans  la  chrétienté.  TOnpiin,  qn'on  avait  ora 
mort,  menaçait  de  revivre.  Donainé  par  «as  onûntes,  Ma- 
lippe  pennît  à  Clément  de  dédaner  qae  Banifaee  n'était 
point  hérétique  S  en  assurant tantofois  qne  lem  JMaitagI 
sans  midignité,  qu'il  eût  ptaitOit,  oomme  nn  amtre  Sena, 
aaehé  la  lionte,  la  nudité  patemdle...  Nogaret  hii-aiâBie 
est  absous,  à  oandition  qifil  ira  è  la  erolsade  (s'iiy a  craî* 
sade),  et  qu'il  servira  toute  sa  vie  à  la  T^re  Sainte;  en 
attendant,  il  fera  tel  et  tel  pèUrianffe.  Le  cRmtnrnaÉeinr  «éa 
Nangis  ajoute  malignement  une  autre  condition,  e'aat  qan 
Nc^iaret  fiera  le  pape  son  iiérîtier. 

il  y  eut  ainsi  comproraîa.  Le  toi  cédant  snr  Bonitee, 
le  pape  lui  abandonna  les  Templiers.  H  livrait  les  vifvnla 
ponr  sauver  un  mort.  Mais  oe  mort  était  k  papamé  aKe- 
Bième« 

Ces  arrangensents  fiûts  en  famille,  il  restait  à  les  fiimi 
approuver  par  rËgiise.  Le  concile  de  Vienne  a'nwrit  la 
46  octobre  4342,  ooacîle  œcuménique,  où  siégèrent  ptaa 
de  trois  cents  évéqnes;  aaaâs  il  âat  plus  solennel  enoora 
par  la  gravité  des  matières  que  par  le  nombre  des  assis- 
tants. 

D'abord  on  devait  parler  de  la  déUvramee  des  aaints 
Keux.  Tout  concile  en  partait,  chaque  prince  prenait  la 

•  App,,SlfL 


DISTRUCTIOSI  M  L*OMMIE  DU  TSMFLE.  4S3 

croix,  61  tous  restaient  c!  es  eux.  Ce  n'était  qu'un  moyen 
de  tirer  de  Targeot  ^ 

Le  concile  avait  à  régler  deux  grandes  affairas,  celle  de 
Bonifiioe,  et  ceHe  du  Temple.  Dès  le  mois  de  norembre, 
neuf  chevaliers  se  présentèrent  aux  prélalB,  s'offrant  bra- 
vement à  défendre  Tordre,  et  déclarant  que  quinte  cents 
ou  deux  mille  des  leurs  étaient  à  Lyon  ou  dans  les  mon- 
tagnes voisines,  tout  prêts  à  les  soutenir.  Eflinayé  de  cette 
déclaration,  ou  plutôt  de  l'intérêt  qu'inspirait  lie  dénnoue- 
ment  des  neuf,  le  pape  les  fit  arrêter  s. 

Dès  lois  il  n^osa  plus  rassembler  le  eonciie.  Il  tint  les 
évéques  inadîfs  tout  l'hiver,  dans  cette  ville  étrangère, 
loin  de  leur  paijfs  et  de  leurs  alhires,  espérant  sans  doote 
les  vaincre  par  l'ennni,  et  les  pratiquant  un  à  un. 

Le  concile  avait  encore  un  objet,  la  répression  des  mjrs- 
tiques,  bobards  et  franciscains  spirituek.  Ce  fut  une  triste 
dboae  de  voir  devant  le  pafe  '  de  Philippe  le  fiel^  aux 
genoux  de  Bertrand  de  Gott ,  le  pieux  et  «ofthousiaste 
Uberttno ,  le  premier  auteur  connu  d'une  Imitation  de 
Jésus-Qiriflt  \  Toute  la  grùce  qu'il  demandait  pour  lui 
et  ses  frères,  les  Franciscains  réformés,  c'était  qu'on  ne 
les  forçât  pas  de  redtrer  dans  les  eouvents  trop  3«lêcbés, 
trop  riehes,  «ù  ils  ne  se  trouvaient  pas  assez  pauvres  à 
lenr  gré. 

L*lmitation,  ponr  ces  mystiques,  c'était  la  ehasilé  et  la 
pauvreté.  Bans  roovrage  le  plus  populaire  de  ce  Aemps, 
dans  la  Légende  dorée,  un  saint  donne  tout  ce  qu'il  a,  sa 
chemise  même;  il  ne  garde  que  son  Évangile.  Mais  un 
pauvre  survenant  encore,  le  saint  donne  l'Évangile  *... 

•  V.  is  liltradaGlteatti  Vau  rot  de  Pranee,  il  nor.  iUi. 

*  VImUaUcm  de  Jéfus-Chriit  est  le  sojet  commua  d'une  foule*  d* 
livm  an  %vf  siècle.  Le  lîTre  (|ae  bous  roonainions  soas  œ  itire  esl 

le  demer  ;  c'est  le  plss  raisoaoable  do  loas,  mais  non  petU-éiie  k 
élo^neat.  ^  Hfp.»  bS . 

«  App,,  se. 


124  DESTRUCTION  DE  l'ORDRS  OU  TEMPLE. 

La  pauvreté,  sœur  de  la  charité,  était  alors  l'idéal  des 
Franciscains  '.  Ils  aspiraient  à  ne  rien  posséder.  Mais  cela 
n'est  pas  si  facile  que  Ton  croit.  Us  mendiaient,  ils  rece- 
vaient; le  pain  môme  reçu  pour  un  jour,  n*est-ce  pas  une 
possession?  Et  quand  les  aliments  étaient  assimilés,  mêlés 
à  leur  chair,  pouvait-on  dire  qu'ils  ne  fussent  à  eux?... 
Plusieurs  s'obstinaient  à  le  nier  '.  Bizarre  effort  pour 
échapper  vivant  aux  conditions  de  la  vie. 

Gela  pouvait  paraître  ou  sublime  ou  risible  ;  mais  au 
premier  coup  d'œil,  on  n'en  voyait  pas  le  danger.  Cepen- 
dant, faire  de  la  pauvreté  absolue  la  loi  de  l'homme, 
n'était-ce  pas  condamner  la  propriété?  précisément  comme, 
à  la  même  époque,  les  doctrines  de  fraternité  idéale  et 
d'amour  sans  borne  annulaient  le  mariage,  cette  autre 
base  de  la  société  civile. 

A  mesure  que  raiîlorité  s'en  allait,  que  le  prêtre  tom- 
bait dans  l'esprit  des  peuples,  la  religion,  n'étant  plus 
contenue  dans  les  formes,  se  répandait  en  mysticisme  3. 

Les  Petits  Frères  (fraticelli)  mettaient  en  commun  les 
biens  et  les  femmes.  A  l'aurore  de  l'âge  de  charité, 
disaient-ils,  on  ne  pouvait  rien  garder  pour  soi.  Dans 
ritalie,  où  l'imagination  est  impatiente,  au  Piémont,  pays 
d'énergie,  ils  entreprirent  de  fonder  sur  une  montagne  ^  la 
première  cité  vraiment  fraternelle.  Us  y  soutinrent  un 
siège,  sous  leur  chef,  le  brave  et  éloquent  Dulcîno.  Sans 
doute,  il  y  avait  quelque  chose  en  cet  homme  :  lorsqu'il 


*  Dante  célèbre  le  mariage  de  la  pauvreté  et  de  saint  François.  Uber* 
tino  dit  ce  mot  :  «  La  lampe  de  la  foi,  la  pauvreté...  » 

*  App  ,  90. 

*  Ceux  qu'on  avait  nommés  les  priants  (bcghards)  défendaient  la 
prière  comme  inutile  :  •  Où  est  Tesprit,  disaient-ils,  là  est  la  liberté.  • 
-^  Afp ,  91. 

^  Montagne  appelée  depuis  Monte  Gazari.  Il  y  vincl)eaucoap  de  croi- 
iés  de  Vereoil  et  de  Nuvarre,  de  toute  la  Lombard ie,  de  Vienne,  deSa- 
.voie,  de  Provence  et  de  Francs.  Des  femmes  se  cotisèrent  et  envoyèrent 
cinq  cents  Bilistarii  et  ntrc  ces  hérétiques.  (Bunv.  d'imola.} 


DBSTRUCTION  DB  l'ORDRB  DU  TBHPLB.  1 25 

fut  pris  et  déchiré  avec  des  tenailles  ardentes,  sa  belle 
Margareta  refusa  tous  les  chevaliers  qui  voulaient  la  sau- 
ver en  répousant,  et  aima  mieux  partager  cet  efiroyable 
supplice. 

Les  femmes  tiennent  une  grande  place  dans  l'histoire 
de  la  religion  à  cette  époque.  Les  grands  saints  s<Hit  des 
femmes  :  sainte  Brigitte  et  sainte  Catherine  de  Sienne. 
Les  grands  hérétiques  sont  aussi  des  femmes.  En  1340, 
en  1 34  5,  on  voit,  selon  le  continuateur  de  Nangis,  des 
femmes  d'Allemagne  ou  des  Pays-Bas  enseigner  que  Tàme 
anéantie  dans  Tamour  du  Créateur  peut  laisser  fiiire  le 
le  corps,  sans  plus  s'en  soucier.  Déjà  (4300)  une  Anglaise 
était  venue  en  France,  persuadée  qu'elle  était  le  Saint- 
Esprit  incamé  pour  la  rédemption  des  femmes;  on  la 
eroy ait  volontiers;  elle  était  belle  et  de  doux  langage  ^. 

Le  mysticisme  des  Franciscains  n'était  guère  moins 
alarmant  >.  Le  pape  devait  condamner  leur  trop  rigou- 
reuse logique,  leur  charité,  leur  pauvreté  absolue.  L'idéal 
devait  être  condamné,  l'idéal  des  vertus  chrétiennes! 

Chose  dure  et  odieuse  à  dire  !  combien  plus  choquante 
encore,  quand  la  condamnation  partait  de  la  bouche  d'un 
Clément  V  ou  d'un  Jean  XXII.  Quelque  morte  que  pût 
être  la  conscience  de  ces  papes,  ne  devaient-ils  pas  se 
troubler  et  souiFrir  en  eux-mêmes,  quand  il  leur  Mlait 
juger,  proscrire,  ces  malheureux  sectaires,  cette  folle 
sainteté,  dont  tout  le  crime  était  de  vouloir  être  pauvres, 
déjeuner,  de  pleurer  d'amour,  de  s'en  aller  pieds  nus  par 


•  App.,  Itt. 

*  Eax  aossi  avaient  prècM  qne  l'âgd  d'amour  commenciit.  Depuis  la 
vcone  do  Christ  jusqu'à  son  retour  devaient  s'écouler  sept  Ages,  •  le 
sixième,  âge  de  rénovation  éTangéliqne,  d'C'XtirpatioH  de  la  seete  anti- 
chrétienne  sons  1^  psuvres  Toloniaires,  ne  possédant  rien  en  celte  rit. 
Cet  Age  avait  commencé  à  saint  François,  l'homme  féraphique,  l'ange 
dn  sixième  sceau  de  l'Apocalypse.  ^  Il  semblait  ^n'il  fût  comme  une 
■ODVelle  inearaaiion  de  Jésus  (lesus  Fronciscum  generans),  et  sa  règle 
comme  im  nouvel  Évangile...  (Ubertino). 


496  .MsniecrioN  t»  l'omuik  du  templb. 

le  mowle,  da  jouer^  inaMento  oomédHSB»  le  dmoe  9à^ 
raBoé  (jfclomM  *  T 

LIaflÉra des  Temfriiers  fiit rapriae  aa  pviBteaipa  l^vai 
mit  la  main  sur  Lyon,  leur  asile.  Les  bourgeois  ravaisni 
apipriè  coBÉTB  leur  afcbeeiréque;.  cetta*  vîtte  impérial*  était 
délaissée  de  FEmi»re,  ai  ^  eoBvenaii  trop  bien  an  k% 
non-eeulement  comme  le  nœud  ds  la*  Satee  al  da  Hhôae, 
la  pointe  de  la  France  à  THsl,.  la  tète  de  rottte;  ver»  Us 
Alpes  ou  Hi  Protttnce,  (naist«u«totttoomme  asile  de.  mécon- 
tents, eorame  nid  d'hérétîqnesi.  Philippoiy  tio&mio  aasem- 
blée  de  notobles:.  Puis  il  vînt  au  oonetieiavee'seftfilsv  ses 
porinoen  ei  un  grond  aortége:  de  gens  amés  ;  il  siégea  à 
côté  du  pape,  un  peu  auMiessotts. 

Jasqu(e4à^  les  évéques  s'étaient;  montrés  pieii  dociles  : 
ils  s'obstinaient  à  vouloir  entfHidre  la  défense  des  Tem- 
pliers. Les  prélats-  d'Italie,,  moins,  un  seul;  ceux  d'Es- 
pagne, c^^  d'Allemagne  et»  d&  Danemnrck  ;  cevz.  d'Afr^* 
gletenre,  d'ÏEcosse  cLd'lrlande  ;  lesi  français- même,  SD^jets 
de  Philippe  (sauf  les  arebevôquues  de  Reims,  de  Sens  et 
de  Beuen),  dédaràrani  qu'ils  ner  pouvaient,  eondwmer 
aans  ^stendre  *. 

Il  fiUlut  donc  qtt'aptès  avoir  assemUé-  ks  concile,  le  pap^ 
nea  paasftt  II.  assembla  ses  évéques  kspk»  sûi»,  et  quÂ- 
qnna  cardinaux,  et  dMis  ce  coosistoîre,  il  abelit  l'ordM, 
dte  son  autorité  pontificale^.  L'abeliiion  fol  prononoée 
ensmlet  en  présence  <itt:Rn  el  du.  oonnile  Aucune  résli^ 
matioai  ne  s'éleva*. 

*  Ubertino,  dani  sod  désir  de  r^prètênier  rÉTingile,  assure  qiiUI  en- 
•Ttit  senti  el  reTèta  spirituellemeot  tous  les  personoages,  qii*il  se  Qga- 

,  fait  èlie,  Caat6l  le  serviteur  ou-  le  firèce  du  Sauveur,  ttotOt  le  boeuf, 
r&ne  0»  le  ibio,  quelquefois  le  pelîL  Jésus.  Il  assiatâit  a«  supplice^  se- 
eiPOOraut  la.pë<iiere8ee  Madeleine;,  puia  il  devenait  Jésnasar*  la  crois: êl 
«liani  à  sou  père,  fiafta  l'esprit  reolovaii.daa%U  gloire  da  lAacenàou. 

*  Walsiuahum. 

>  La  piupeei  de»  hiscariêusi  ont  cru  que  i'ordra  av«it  élÀ  jmo^  pas  le 
oonicik*.,Ja  huile'd*4boli(i4U)  a'»  été. infiriioéei  iiqui;4»  pMUÛéro.  fdia.qga' 
trois  siècles  après,  en  I60ô  —  Àpp,^  SKt. 


]ipSilV€TIO.N  AS  L  OBIMUS  DU  TJUIPLB»  127 

BiiHitairaiitr^iKttfeeproeàs  n'éuiipa»  de  ceux  qa'oji 
peut  jugera  U  embnissaÂt  r£ajrope  entière  ;  les  dépositioiu 
élakiii  par  i&Ulievsv  lâfr  pièces  mnombrabks  ;  les.  pto- 
•édvtea»  anaîMrt  4iÊuté  dans  les  d^reate  États.  La  seuld 
Ao9B  cceUÎMt-  0 1^  4*e*  l'oadie  était  désorautis.  ioutiie^ 
aide  plus  diiii||eraujc.  Qiitélâfn»  peu  bonoiabkis  qu'aïeul 
été  ses  aMsiata  motifii,  la  pi^fie  agit  senaérneat.  U  déclare 
sahuUeeBpbeativa^  qM  les  .iitfonuatîonB  ae  soûl  pas 
lAfes^qii'ii  a'a  paa  le  droit  de  juger ^  luais  q/ae  Tordre 
suspect:  m'dimmwiUtsiupeetUfn  ^.  Clément  J[1V  a  agit 
iaitiement  à  Végard  4es  Jésuites. 
Cknieiii  Y  s'efcrça  ainsi  de  couvrir  rbonneur  de  l'B- 
B  fidsifia  seerèteooieal  tes  registres  dc^  BoniËEiee  ^^ 
il  ne  révoqua  psgr4evant  le  concile  qu'une  seule 
de  ses  Mlea  {CUridBUioos)^  celle  qui  ue  toachak  point 
la  doeÉrine,  asak  qaianqiàeiiaii  le  roi  de  prendre  Targeat 
daeteagé. 

Ainsi*  eea  grandes  quaneUea  d'idées  et  de  principes  re- 
lombAranfc  aux  qui^slîoai  d'arganti  Le»  biena  du  Temple 
devaient  èlae  eisfitoyés  à  la  délivrance  de  la  Terre  Sainte» 
ût  doBBéa  aux  Heai^liefs  ^.  On  accusa  même  cet  ordre 
d'arak  «keté  lalielitioa  du  Temple.  S'il  le  fit^  U  fut  bien 
lina^M^  Un  bistofîea. assure  qu'il  en  fut  plut^ appauvri. 
lea»  XIU  s&plaigaatt^  M  4346,  de  ee  que  le  roi  se  payait 
da  1»  garde- des  TeiaiplierBt  en  satsissaut  les  biens  naémes 
dea  HaspHalieis  ^.  Eu  4347,  ils  furent  trop  heureux  de 
dfmner  quittance  finale  aux  admiaistmleors  royaux  des 
MfiBsda  Temple.  Le  p^)e a'affligeaii,  en  \^%  àa  n'avoir 


*  App.,  M. 

*  On  irooTe  aojonrd'btii  en  blanc,  dans  ces  registres»  les  pages  qoi 
e»t  éiéraivr^t  tiès  sduNi^meot. 

*  llependAoi  en  JirsfOD  Jean  XXU  à  la  prière  du  roi  applique  le» 
hmm  ém  Ten^e  soa  aux  lltMpitoUen,  ujas  au  dowcI  oidre  du  Mon- 
feu  (iDonanière  fortifié  d«  royaume  de  Valence,  dépeuilMue- de  Cala- 

la>. 

*  App.,  W. 


128  DESTRUCTION  DB  L*ORDRB  Df  TEMPtB. 

encore  qu'un  peu  de  mobilier,  pas  même  de  quoi  couvrir 
les  frais.  Mais  il  n'eut  pas  finalement  à  se  plaindre  *. 

Restait  une  triste  partie  de  la  succession  du  Temple,  la 
plus  embarrassante.  Je  parle  des  prisonniers  que  le  roi 
gardait  à  Paris,  particulièrement  du  grand  maître.  Écou- 
tons, sur  ce  tragique  événement,  le  récit  de  l'historieii 
anonyme,  du  continuateur  de  Guillaume  de  Nangis  : 

«  Le  grand  maître  du  ci-devant  ordre  du  Temple  et 
trois  autres  Templiers,  le  Visitateur  de  France,  les  maitres 
de  Normandie  et  d'Aquitaine,  sUr  lesquels  le  pape  s'était 
réservé  de  prononcer  définitivement  «,  comparurent  par- 
devant  l'archevêque  de  Sens,  et  une  assemblée  d'autres 
prélats  et  docteurs  en  droit  divin  et  en  droit  canon,  con- 
voqués spécialement  dans  ce  but  à  Paris  sur  Tordre  du 
pape,  par  Tévèque  d'Albano  et  deux  autres  cardinaux 
légats.  Comme  les  quatre  susdits  avouaient  les  cximes  dont 
ils  étaient  chargés,  publiquement  et  solennellement,  et 
qu'ils  persévéraient  dans  cet  aveu  et  paraissaient  vouloir 
y  persévérer  jusqu'à  la  fin,  après  mûre  délibération  du 
conseil,  sur  la  place  du  parvis  de  Notre*Dame,  le  lundi 
après  la  Saint-Grégoire,  ils  furent  condamnés  à  être  em- 
prisonnés pour  toujours  et  murés.  Mais  comme  les  car- 
dinaux croyaient  avoir  mis  fin  à  l'affaire,  voilà  que  tout  à 
coup,  sans  qu'on  pût  s'y  attendre,  deux  des  condamnés, 
le  maître  d'Outre-mer  et  le  maître  de  Normandie,  £e  dé- 
fendant opiniâtrement  contre  le  cardinal  qui  venait  de 
parler  et  contre  l'archevêque  de  Sens,  en  reviennent  à 
renier  leur  confession  et  tous  leurs  aveux  précédents, 
sans  garder  de  mesure,  au  grand  étonnement  de  tous.  Les 


1  •  Modica  bona  mobilia...  quae  ad  .snmptus  et  rxpensas...  safBeere 
rnlnimc  potuerunt.  •  Avignon,  mai  130^.  —  Cependant  lo  rot  de  Naples 
Charles  il  lui  avait  cédé  la  moitié  deà  meubi's  que  les  Templiers  possé- 
daient en  Provence. 

*  •  ...  Personas  re£crvatas  ut  nosii,...  vivœ  vocis  oraculo...  *  1310, 
W)V.  Arducet, 


i 


DISTSUCriON  DE  L'OHDRE  DU  TEMFLB.  429 

cardinaux  les  remirent  au  prév(^t  de  Paris,  qui  se  trouvait 
présent,  pour  les  garder  jusqu'à  ce  qu'ils  en  eussent  plus 
pleiaemenl  délibéré  le  lendemain.  Mais  dès  que  le  bruit 
en  vint  aux  oreilles  du  roi,  qui'  était  alors  dans  son  palais 
royal,  ayant  communiqué  avec  les  siens ,  sans  appeler  les 
clei^cs^  par  un  avis  prudent,  vers  le  soir  du  même  jour,  il 
les  fit  brûler  tous  deux  sur  le  même  bûcher  dans  une 
petàte  Ue  de  la  Seine,  entre  le  Jardin  royal  et  l'Église  des 
Frères  Ermites  de  Saint^Augustin.  Ils  parurent  soutenir 
les  flanmies  avec  tant  de  femneté  et  de  résolution,  que  la 
constance  de  leur  mort  et  leurs  dénégations  finales  frap- 
pèrent la  multitude  d'admiration  et  de  stupeur.  Les  deux 
autres  furent  enfermés,  comme  le  portait  leur  sentence  ^.  » 

Cette  exécution,  à  l'insu  des  juges,  fut  évidemment  un 
assassinat.  Le  roi,  qui,  en  4340,  avait  au  moins  réuni  un 
co0cile  pour  faire  périr  les  cinquante^quatre,  dédaigna 
ici  toute  apparence  de  droit  et  n'employa  que  la  force.  Il 
n'avait  pas  même  ici  l'excuse  du  danger,  la  raison  d'État, 
celle  du  Salus  papuli^  qu'il  inscrivait  sur  ses  monnaies  K 
Non,  il  considéra  la  dénégation  du  grand  mattre  comme 
un  outrage  personnel,  une  insulte  à  la  royauté,  tant  com- 
promise dans  cette  afiaire.  Il  le  frappa  sans  doute  comme 
reum  1ms»  majestatis  K 

Maintenant  comment  expliquer  les  variations  du  grand 
maître  et  sa  dénégation  finale?  Ne  semble-t-U  pas  que,  par 
fidélité  chevaleresque,  par  orgueil  militaire,  il  ait  couvert 
à  tout  prix  l'honneur  de  Tordre?  que  la  superbe  du  Temple 
se  soit  réveillée  au  dernier  moment  ?  que  le  vieux  chevalier 
laissé  sur  la  brèche  comme  dernier  défenseur  ait  voulu,  au 
péril  de  son  àme,  rendre  à  jamais  impossible  le  jugement 
de  l'avenir  sur  cette  obscure  question  ? 

• 

*  Il  y  a  dM  monnaies  de  Philippe  fe  Bel  qai  représentent  la  Salulalioa 
•n^étiqne,  avec  eeUe  légende  :  SalQs  populi. 
»  App.,  »7. 

m.  0 


Oa  peut  dire  mari  que  les  orinies  refuroehés  à  Tordre 
éiaidnfc  paeliciAlien  à*  telle  provinee  4u  Tempta,  à  telle 
mwon^  que  roidre  w  éteil  innooait;  q«e  Jhoqileir  IMéy, 
après,  avoir  avoué  comme  bommei»  el  par  humilité^  pul 
nier  goomoô  grand  mattm. 

Mm  il  y  a  autre  ohoie.  à:  dire.  Lo  prineipal'  chef  d^ae^ 
cu^etiûih,.  le  renîemant^^  repœMt  m»  uae^dqtmoquei  11»- 
pouvaient  avouer  qn'ib:  eRraîeni*  wernéy  sens  être  eo  eflël* 
a|K>stat&*  Ce  reuîenieiil,  pheiannrJeidédartrenl,  était  sym-' 
bdique  ;-  c'éteil  une  isnilelioni  ém  maienamt  de*  miat 
Pierre,  une  de  06$  pieuses  comédies  dont*  l'UgHee  antique 
entourait  lesaelea  les.  plua  sérteon.  dé  la  religion^,  mai» 
dont  la  tradition  oonunençait  k:ae  peedre  au  ii^^sièele» 
Que  cette  cérémonie  ait  été-  quelqueftis^aoeomplie  avec 
une  légèreté  coupable,  ou  môme  aveiir  une  dériaioo 
impie,  c'était  le  orime  de  qnekpaeeHUisf  ai  no&«  te  vègle 
de  Tordre. 

Cette  accusation  eet.pourlanl.cfrqal  perdille  V^mple. 
Cane  fut  pas  seulement rinfiunie4ts*aHiars  ;  eHë  n'était 
paagénérale^  Ce.ne  fiit  pas.  L'hérésie^  las  doatirîMs  gnos^ 


*  Gft  reaîaiflDt  fût  ftmm  an  jdm  :  (Mnm  S  DfM  votre*  inerMtitflé. 
—  Dans  tonte  initiation,  le  récipiendaire  est  ^réMalé  OMMUft  vbj  ?aBr 
rien,  afin  que  l'initiation  ait  tout  l'tionneur  de  sa  réfénérailoa  loorate. 
YoytB  VinitiMtmm  iêê  iannHim  idinnandi  (notes  de  nntrod^.  â  VhUU 
oniv.)  :  *  Tout  à  rhauie^  dit  le  parrshi  de  rayp«imf<  j^vetK  mmmIs 
nnepeau  de  ehéfBrêt  un  meurtrier  de  cerceaux»  iw  ^Ûft«lmi.  an  iai^ 
tenr  de  parvéÉ,  traître  aux  maîtres  et  aux  compagnons;  msiiiteoaotj'Qir 
père«..  ett.  »  — »  App^  9è^ 

*  Un  des  témoine.dépose  que»  ecMia^l  se.  refai»il  i  lisâfer  Usa  el  à 
cracber  snr  la  croix,  Rayasiid  de  BrignoUes,  qui  le  reeersit»  lai  dit  6& 
riant  :  •>  Soie  tnrnq^Ule,  ooB^esl  qtfnne  fftrce.  Non  cures,  q  nia  non  est 
niai  qv»dan  trafa^  <(aî^«)  l«aiiràisptsur*âU^lliii»«dMS  so»  isft- 
portante  déposition,  que  naos  tvanscriroo»  en  partie».  n^ta-aiOonsBivé» 
avec  le  récit  d'nne  oérémonio  de  ce  gaire,  une  tradition  sor  gon  origine. 
»  App,,  99. 

*  Pourtant  mes  études  pour  le  S*  yolnme  da  procès  m'oM  livré  des 
actes  accablants.  C'étaient  les  msmrs  de  réalise,  ^èlns»  eê^noines. 
V.  le  cartulaire  de  Saint-Bertiû  poor  le  xi«  el  le  xii«  lieriez  Eade»  RW 
gaud  pour  le  xiu*.  (1860.) 


DESTRUCTION  DB  l'ORDRB  DU  TBUFLI.  134 

tiques  ;  vraisemblablement  les  chevaliers  s'ocenpiieiit  peu 
de  dogme.  La  vraie  eaose  de  leurruine,  celle  qui  mit  tout 
le-  peuple  eostre  eux,  qui  ne  leor  laissa  pas  un  défenseur 
parmi  tant  de  fimiilles  nobles  auxqueUes  ils  appartenaient, 
ee  fbt  oetle  monstrueuse  accusation  d'avoir  f  enié-  et.  craché 
sur  la  croix,  dette  accusation -est  justement  o^e  qui  fut 
avouée  du  plus  grand  nombre.  La  simple  énonoiattondtt 
fitft  éloignait  d^eux  tout  le  monde  ;  chacun  se  signait  et  ne 
Ttmlaît  plus  rien  entendre. 

Ainsi  l'ordre  qui  avait  représenté  au  plus  haut  degré  le 
génie  symbolique  du  moyen  âge  mourut  d'un  symbole  nott 
compris  ^.  Cet  événement  n'est  qu'un  épisode  de  la  guerre 
étemelle  que  soutiennent  l'un  contre  Tautre  l'esprit  et  la 
lettre,  la  poésie  et  la  prose.  Rien  n*est  cruel,  ingrat,  comme 
la  prose,  au  moment  oii  elle  méconnaît  les  vieilles  et  véné- 
rables formes  poétiques,  dans  lesquelles  elle  a  grandi. 

Le  symbolisme  occulte  et  suspect  du  Temple  n'avait  rien 
à  espérer  au  moment  où  le  symbolisme  pontifical,  jusque* 
là  révéré  du  monde  entier,  était  lui-môme  sans  pouvoir. 
La  poésie  mystique  de  YUnam  sanctam,  qui  eût  fait  tres- 
saillir tout  le  xn«  siècle,  ne  disait  plus  rien  aux  contempo- 
rains de  Pierre  Flotte  et  de  Nogaret.  Ni  la  colombe,  ni 
Varche,  ni  la  tunique  sans  couture^  tous  ces  innocents  sym- 
boles, ne  pouvaient  plus  défendre  la  papauté.  Le  glaive 
spirituel  était  émoussé.  Un  âge  prosaïque  et  froid  com- 
mençait, qui  n'en  sentait  plus  le  tranchant*. 

Ce  qu'il  y  a  de  tragique  ici,  c'est  que  l'Église  est  tuée 
par  l^glise.  Boniface  est  moins  frappé  par  le  gantelet  de 
Colonna  que  par  l'adhésion  des  gallicans  à  l'appel  de  Phi- 
lippe le  Bel.  Le  Temple  est  poursuivi  par  les  inquisiteurs, 
aboli  par  le  pape;  les  dépositions  les  plus  graves  contre 
les  Templiers  sont  celles  des  prêtres  3*.  Nul  doute  que  le 

*  App,,  100.  —  *  App.,  ICI.  —  >  Et  anssl,  je  crois,  des  frères  ser- 
vants. La  plupart  des  deux  cents  lémoins  interrogés  par  la  commissioD 
ptntificale, sont  qualifit'o servants,  serviuntcs. 


132  OBSTRUCTION  Dfi  L'ORDRE  DU  TBMPLE. 

pouvoir  d'absoudre,  qu'usurpaient  les  chefs  de  Tordre,  ne 
leur  ait  fait  des  ecclésiastiques  d'irréconciliables  ennemis  a. 
Quelle  fut  sur  les  hommes  d'alors  l'impression  de  ce 
grand  suicide  de  TËglise,  les  inconsolables  tristesses  de 
Dante  le  disent  assez.  Tout  ce  qu'  on  avait  cru  ou  révéré, 
papauté,  chevalerie,  croisade,  tout  semblait  finir.  Le 
moyen  âge  est  déjà  une  seconde  antiquité  qu'il  faut  avec 
Dante  chercher  chez  les  morts.  Le  dernier  poète  de  l'âge 
symbolique'  vit  assez  pour  pouvoir  lire  la  prosaïque  allé- 
gorie du  Roman  de  la  Rose.  L'allégorie  tue  le  symbole,  la 
prose  la  poésie.  • 

<  App.,  iOl 

*  M.  Fauriel  a  fort  bien  éiabli  que  le  grand  poëte  théologien  ne  fut 
jamais  populaire  en  Italie.  Les  Italiens  dn  xw  siècle,  hommeg  d'affalret 
et  qui  saccédaient  aux  Jaib,  farent  antidanteaqoei. 


CHAPITRE    V 


Snîle  du  r^e  de  Philippe  le  Bel.  Ses  trois  fils*  —  Procès. 

Institutions.  1314-1328. 


La  fin  du  procès  du  Temple  fut  le  commencement  de 
vingt  autres.  Les  premières  années  du  xnr<  siècle  ne  sont 
qu'un  long  procès.  Ces  hideuses  tragédies  avaient  troublé 
les  imaginations,  effarouché  les  âmes.  Il  y  eut  comme  une 
épidémie  de  crimes.  Des  supplices  atroces,  obscènes, 
qui  étaient  eux-tnémes  des  crimes,'  les  punissaient  et  les 
provoquaient. 

Mais  les  crimes  eussent-ils  manqué,  ee  gouvernement  de 
robe  longue,  de  jugeurs,  ne  pouvait  s'arrêter  aisément, 
une  fois  en  train  de  juger.  L'humeur  militante  des  gens 
du  roi,  si  terriblement  éveillée  par  leurs  campagnes  contre 
Boniface  et  contre  le  Temple,  ne  pouvait  plus  se  pâs^r 
de  guerre.  Leur  guerre,  leur  passion,  c'était  un  grand  pro- 
cès, un  grand  et  terrible  procès,  des  crimes  affreux, 
étranges,  punis  dignement  par  de  grands  supplices.  Rien 
n'y  manquait,  si  le  coupable  était  un  personnage.  Le  po- 
pulaire apprenait  alors  à  révérer  la  robe  ;  le  bourgeois  en* 
geignait  à  ses  enfants  à  ôter  le  chaperon  devant  Messires, 
à  s'écarter  devant  leur  mule,  lorsqu'au  soir,  par  les  petites 
rues  de  la  Cité,  ils  revenaient  attardés  de  quelque  fameux 
jugement  ^ 

'  y.  U  mor(  tf n  président  Minart. 


à 


134  SUITE  DD  RÉGNE  DE  PHILIPPE  LE  BEL. 

Les  accusations  vinrent  en  foule,  ils  n'eurent  point  à  se 
plaindre  :  empoisonnements,  adultères,  faux,  sorcellerie 
surtout.  Cette  dernière  était  mêlée  à  toutes,  elle  en  faisait 
l'attrait  et  l'horreur.  Le  juge  frissonnait  sur  son  siège  lors- 
qu'on apportait  au  tribunal  les  pièces  de  conviction,  phil- 
tres, amulettes,  crapauds,  chats  noirs,  images  percées 
d'aiguilles...  Il  y  avait  en  ces  causes  une  violente  curiosité, 
un  acre  plaisir  de  vengeance  et  de  peur.  On  ne  s'en  ras- 
sasiait pas.  Plus  on  brûlait,  plus  il  en  venait. 

On  croirait  volontiers  que  ce  temps  est  le  règne  du  Dia- 
ble, n'étaient  les  belles  ordonnances  qui  y  apparaissent 
par  intervalles,  et  y  font  comme  la  part  de  Dieu... 
L'homme  est  vi^darament  disfMUé  ptf  les  deux  puissances^ 
On  croit  assister  au  drame  de  Bariole  :  l'honuxie  par- 
devant  Jésus,  le  Diable  demandeur,  la  Yierge  défendeur. 
Le  Diable  réclame  l'homme  comme  sa  chose,  alléguant  la 
longue  possession.  La  Yierge  prouve  qu'il  n'y  a  pasprescr^ 
lion^  et  montre  que  Tautie abuse  des  textes  ^ 

La  Vierge  a  forte  partie  à  cette  époque.  Le  Diable  est 
luinmôme  du  siècle,  il  en  réunit  les  caractèras,  les  mau- 
Taisds  industries.  U  tient  du  juif  et  de  l'alchimiste,  du  sco- 
lastiqne  et  du  légiste. 

Xa  diablerie,  comme  science,  cuvait  dès  lors  pen  de  pro* 
grès  à  faire.  Elle  se  formait  eoomie  art.  La  démooalogie 
enfantait  la  sorcellerie.  Il  ne  suffisait  pas  de  pouvoir  di»* 
tinguer  et  classer  des  légions  de  diables,  d'en  savoir  les 
noms,  les  professions,  les  tempéraments  ^  ;  il  fallait  ap-» 
prandreà  les  faire  servir  aux  osages^^le  l'honane.  J^isque-* 

*  Bien  de  pkw  lré<|iicAt  dans  las  hi^iogra|ibe8  f«e  celtt  laUe  po«r 
Yiake  convertie,  ou  plutôt  ce  procès  simulé  où  le  Diable  vierit  maigre 
lui  rendre  témoignage  à  la  puissance  du  repentir.  ~~  App.,  103. 

•  «  AgMi»  lacilagi,  etc.  »  M.  Heltvs.  Cec  anteur  byiafttin  est  da 
zi«  siècle.  Edid.  Gaulminus.  1C15,  in-lS.  —  Bodîn  dans  sen  livxe  Ue 
Praestigiis,  imprimé  à  B&Ie  1578,  a  dressé  l'inventaire  de  la  monarchie 
diabolique  avec  les  noms  et  surnoms  de  73  princes  et  de  7,405y9â& 
diables. 


^^ 


SES  TBOIS  708.  —  PROCiS.  —  INSTITUTIONS.         135 

là  on  avait  étocMé  les  moyens  de  tes  chasser  ;  6n  chercba 
désormais  ceux  de  les  faire  Tenir.  Cet  effiroyaMe  peuple  de 
tentateurs  s*accrut  sans  mesure.  Chaque  clan  d'Ecosse, 
chaque  grande  maison  de  France,  d'Attemagne,  chaque 
iMNiime  presque  avait  te  sien.  Ds  acèueillaient  toutes  les 
demandes  secrètes  qu'on  ne  peut  faire  à  Dieu,  écoutaient 
tout  ce  qu'on  ose  dire^.».  On  les  trouvait  partout  '.  Leur  vol 
de  chauve-«souris  obscurcissait  presque  la  lumière  et  le 
jour  de  Dieu.  On  les  avait -vils  enlever  en  plein  jour  un 
homme  qui  venait  de  comomîer,  et  qui  se  faisait  garder 
-par  ses  amis,  derges  allumés  '. 

Le  premier  de  ces  vilains  procès  de  soroelleries,  où  il  n^y 
avait  des  deux  oôtés  que  malhoimôtes  gens ,  est  celui  de 
Guichard ,  éréque  de  Troyes ,  accusé  d*avoir,  par  engin 
et  maléfiee,  procuré  la  moit  de  la  femme  de  Philippe 
le  Bel.  Cette  mauvaise  femme ,  qui  avait  recommandé 
regorgement  des  Flamandes  (voyee  plus  haut),  est  ceUe 
maàk  qui,  selon  une  tradhion  plus  célèbre  que  sûre,  se  fal- 
Mit  «mener,  la  nuit,  des  étudiants  à  la  tour  de  Nesie, 
-pov  toiaire  jeter  à  l'eau  quand  elle  s'en  étût  servie. 
Beine  de  son  dbéi  pour  fai  Navarre,  comtesse  de  Cham- 
pagne, elle  en  vooiaît  à  Tévéque,  qui  pour  finance  av«dt 
sauvé  un  homme  qu'elle  halssaft.  Elle  faisait  ce  qu'elle 
pouvait  poor  ruiner  Guichard.  D'abord,  elle  Tavait  fait 
chasser  du  oonsea  et  foroé  de  résider  en  Champagne.  Puis 
elle  avaitdit  qu'elle  peirdrait  son  comté  de  Champagne,  ou 
lui  aen  évécfaé.  Elle  le  pounuivait  pour  je  ne  sais  quelle 

*  lAtotoklktït  tmii  lorlMt  dts  nUèiw  4o  ce  tcanft  li  nantebéen. 
Dm  mmaatènt  elle  avait  jftmé  dani  ïm  «Mopagnet.  Voir  Mr  le  Dîabta» 
l'Ao  iOOO,  tome  II;  sur  les  sorcières,  Aenaissance,  Introduction;  sur  le 
iftbbalau  moyn  âge^  lone  Xi  4e  cette  àisleire,  ch.  xvu  et  itiii.  Le 

.«ftUMt  «a  mayen  Age  est  nue  rétoiie  oeeliinie  Ae  série  contre  le  Dienilii 
prêtre  et  da  seigneur.  (1860.) 

*  Plusieurs  furent  «censés  d*en  avoir  Tendn  en  tonleiUee.  •  Plat  à 
Dieu,  dit  sérienscneat  Leloyer,  que  oetle  denrée  ttt  uMuas  sommine 
dans  le  oonsaierce  t  « 

*  Mém.  de  Lnlber,  t.  lli. 


496  SUITE  DU  RÉGNB  DS  PBILIP»  LB  BBL. 

restitution.  Guichard  demanda  d'abord  à  une  sorcière  un 
moyen  de  se  faire  aimer  de  la  reine,  puis  un  moyen  de  la 
foire  mourir.  Il  alla,  dit-on,  la  nuit  chez  un  ermite  pour 
maléficier  la  reine  et  VefwoiUr.  On  fit  une  reine  de  cire, 
avec  Tassistance  d'une  sage-femme  ;  on  la  baptisa  Jeanne, 
avec  parrain  et  marraine,  et  on  la  piqua  d'aiguilles.  Cepen- 
dant la  vraie  Jeanne  ne  mourait  pas.  L'évéque  revint  plus 
d'une  fois  à  l'ermitage ,  espérant  s'y  mieux  prendre.  L'er- 
mite eut  peur  ,  se  sauva  et  dit  tout.  La  reine  mourut  peu 
après.  Mais  soit  qu'on  ne  pût  rien  prouver,  soit  que  Gui- 
chard eût  trop,  d'amis  en  CQur,  son  affaire  traîna.  On  le  re- 
tint en  prison  ^. 

Le  Diable,  entre  autres  métiers,  faisait  celui  d'entremet- 
teur. Un  moine,  dit-on ,  trouva  moyen  par  lui  de  sâlir 
toute  la  maison  de  Philippe  le  Bel.  Les  trois  princesses  ses 
belles-filles,  épouses  de  ses  trois  fils,  furent  dénoncées  et 
saisies  *.  On  arrêta  en  même  temps  deux  frères,  deux  che- 
valiers normands  qui  étaient  attachés  au  service  des  prin- 
cesses. Ces  malheureux  avouèrent  dans  les  tortures 
que,  depuis  trois  ans,  ils  péchaient  avec  leurs  jeunes  mA- 
tresses  «  et  même  dans  les  plus  saints  jours  3.  »  La  pieuse 
confiance  du  moyen  âge  qui  ne  craignait  pas  d'enfermer 
une  grande  dame  avec  ses  chevaliers  dans  l'enceinte  d'un 
château,  d'une  étroit^  tour^  le  vasselage  qui  faisait  aux  jeu- 
nes hommes  un  devoir  féodal  des  soins  les  plus  doux,  était 
une  dangereuse  épreuve  pour  la  nature  humaine,  quand  la 
religion  faiblissait  ^  Le  Petit  Jehan  de  Saintré,  ce  conte  ou 

*  La  dënoneUtion  avait  été  d'aatant  mieux  aecaeillie  qae  Gokhard 
passait  pour  être  fila  d'an  déaaon,  d'an  ioeaibe.  Archivée,  Mslion  kitt, 
J.  433. 

*  Marguerite,  fille  du  doc  de  Bourgogne;  Jeanne  et  Blaoebe,  filles  da 
comte  de  Bourgogne  (Francbe^mté).  •  lluliercvlja...  adlinc  ctate  ja- 
vencutis.  •  Contin.  G.  de  Naogis. 

'  «  Plaribna  loeis  et  temporibns  sacrosanetis.  » 

*  Jean  de  Meung  Clopine! ,  qui,  dit-oo,  par  ordre  de  Philippe  le  Rel, 
allongea  de  dii-imit  mille  vers  le  trop  long  Roman  de  la  Rose,  exprime 
brutalement  ce  qu'il  pense  des  dames  do  ce  siècle.  On  conte  que  ces 


SES  TROIS  niS.   —  PROCÈS.   —  INSTIfUTIONS.         437 

cette  histoire  du  temps  de  Charles  YI,  ne  dit  que  trop  bien 
tout  cela. 

Que  la  faute  fût  réelle  ou  non ,  la  punition  fut  atroce. 
Les  deux  chevaliers,  amenés  sur  la  place  du  Martroi,  près 
Forme  Saint-Gervais,  y  furent  écorchés  vifs,  châtrés,  dé- 
capités, pendus  par  les  aisselles.  De  même  que  les  prêtres 
cherchaient,  pour  venger  Dieu,  des  supplices  infinis,  le  roi, 
ce  nouveau  dieu  du  monde,  ne  trouvait  point  de  peines 
assez  grandes  pour  satisfaire  à  sa  majesté  outragée.  Deux 
vicUmes  n^  suffirent  pas.  On  chercha  des  complices.  On 
prit  un  huissier  du  palais,  puis  une  foule  d'autres,  hommes 
ou  femmes,  nobles  ou  roturiers;  les  uns  furent  jetés  à  la 
Seine,  les  autres  mis  à  mort  secrètement. 

Des  trois  princesses,  une  seule  échappa.  Philippe  le  Long, 
son  oiari,  n'avait  garde  de  la  trouver  coupable  ;  il  lui  aurait 
fallu  rendre  la  Franche-Comté  qu'elle  lui  avait  apportée  en 
dot.  Pour  les  deux  autres,  Marguerite  et  Blanche,  épouses 
de  Louis  Hutin  et  de  Charles  le  Bel,  elles  furent  honteuse- 
ment tondues  et  jetées  dans  un  château  fort.  Louis,  à  son 
avènement,  fit  étrangler  la  sienne  (15  avril  4315),  afin  de 
pouvoir  se  remarier.  Blanche,  restée  seule  en  prison,  fut 
bien  plus  malheureuse  ^. 

Une  fois  dans  cette  voie  de  crimes ,  l'essor  étant  donné 
aux  imaginations,  toute  mort  passe  pour  empoisonnement 
ou  maléfice.  La  femme  d\i  roi  est  empoisonnée,  sa  sœur 
aussi.  L'empereur  Henri  VII  le  sera  dans  Thostie.  Le  comte 
de  Flandre  manque  de  l'être  par  son  fils.  Philippe  le  Bel 


dames,  pour  venger  leur  réputation  d'honneur  et  de  modestie,  atten- 
dirent le  poste,  verges  en  main»  et  qu'elles  voulaient  le  fouetter.  Il  au* 
rmit  échappé  en  demandant  pour  grioe  unique  que  la  plus  outragée 
frappât  la  première.  Avp-,  iOI. 

>  Klle  fut,  dit  brutalement  le  moine  historien,  engrossée  par  son  geô- 
lier ou  par  d'autres.  —  D'après  ce  qu'on  sait  des  princes  de  ce  temps, 
on  eroiralt  aisément  que  la  pauvre  créature,  dont  la  première  faiblesse 
nTétait  pas  bien  prouvée,  fut  mue  à  la  dUcrétion  d'un  homme  chargé  de 
l'aTUir.  App,,  105. 


438  SUITE  DU  RÈGNE  DE  PHILIPPE  LE  BEL. 

Teat,  dU-oa,  par  ses  ministres,  par  ceux  qui  perdaient  le 
plus  à  sa  mort,  et  non-seulement  Philippe,  mais  son  père, 
mort  trente  ans  auparavant.  On  remonterait  volontiers 
plus  haut  pour  trouyer  des  crimes  ^ 

Tous  ces  bruits  effrayaient  le  peuple.  D  aurait  voulu 
-  apaiser  Dieu  et  faire  pénitence.  Entre  les  famines  et  les 
banqueroutes  des  monnaies,  entre  les  vexations  du  diable 
et  les  supplices  du  roi,  ils  s*en  allaient  par  les  villes ,  pleu- 
rant, hurlant  9  en  sales  processions  de  pénitents  tous  nus, 
de  flagellants  obscènes;  mauvaises  dévotions  qui  menaient 
au  péché. 

Tel  était  le  triste  état  du  monde,  lorsque  Philippe  et  son 
pape  s'en  allèrent  en  l'autre  chercher  leur  jugement.  Jac- 
ques Molay  les  avait,  ditH>B,  de  son  bûcher,  ajournés  è  un 
an  pour  comparaître  devant  Dieu.  Clément  partit  le  pre- 
mier. U  avait  peu  auparavant  vu  en  songe  tout  son  palais 
en  flammes,  t  Depuis,  dit  son  biographe,  il  ne  fut  plus  gai 
et  ne  dura  guère  K  ^ 

Sept  mois  apiès,  ce  fut  le  tour  de  Philippe.  H  mourut 
dana  sa  maison  de  Fontainebleau.  U  est  enterré  ^  dans  la 
petite  église  d'Avon. 

Quelques-uns  le  font  mourir  à  la  chasse,  renverse  par 
HAMngliier»  Dante,  avec  sa  verve  de  haine,  ne  trouve  pas, 
pour  le  dire,  de  mot  assez  bas  :  «  il  mourra  d'un  coup  de 
couenne,  le  faux-monnayeur  ^  J  » 

Hais  rhistorien  français,  contemporain,  ne, parle  point 
de  cet  accident.  Il  dit  que  Philippe  s'éteignit,  sans  fièvre, 
sans  mal  visible,  au  grand  étonnement  des  médecins.  'Rien 
n'indiquait  qu'il  dût  mourir  sitôt  ;  il  n'avait  que  quarante- 
six  ans.  Cette  belle  et  muette  figure  avait  paru  impassible 
au  milieu  de  tant  d'événements.  Se  crut-il  seerèteinent 


•  A  ta  mort  il  dcBMum  calque  temps  conine  abandonné.  App.,  107. 

•  A  eôté  de  M ooaldesolU. 

•  App.,  108. 


.  SES  TROIS  FILS.  ««•  PftOCÉS.  —  INSTITUTIONS.        A29 

firappe par lamaMdidionde Vkfaitiob oti du  grand mattre? 
ou  bien  plutôt  le  Att^^il  par  la  confédération  des  grands  du 
royaume,  qui  êe  forma  contre  loi  Tannée  même  dcr.sa 
mort?  Les  barons  «t  les^ncMes  Tavaient  suivi  à  Tat^ugle 
contre  te  pape  ;  ils  n'avaient  pas  fait  entendre  im  mol  en 
fiiv^ur  de  leurs  flrères,  des  cadets  de  la  noblesse;  je  parle 
des  Templiers.  Les  atteintes  portées  à  leors  droits  de  jus- 
tiee  et  de  monnaie  leur  firent  perdre  patîenœ.  Au  fond,  le 
roi  des  légistes,  Femiefliî  delà  féodalité,  n'spvak  pas  d'autre 
force  militaîre  à  lui  opposer  que  la  force  féodrie.  C'éliit 
un  cercle  vIcieuK  d'oà  il  ne  fpewait  plus  sortir.  La  mort 
le  tira  d'sffiài^e. 

Quelle  part  eot^il  réeHement  aux  -grands  événements  de 
son  règne j  on  l'ignore.  Seulement ^  on  le  voit  parcoufir 
sans  cesse  le  royantme.  Il  ne  se  fait  rien  de  grand  en  llien 
ou  en  mal,  qu'il  wfj  soit  en  personne  :  à  Courtrai  et  à 
Hons-en-Puelle  (1302,  1304),  à  Saint-Jean-d'Angely,  à 
Lyon  (1305),  à  Poitiers  et  à  Vienne  (1308, 1313). 

Ce  prince  parait  avoir  été  rangé  et  régulier.  Nulle  iraee 
de  dépense  privée.  U  comptait  avec  son  trésorier  tous  les 
vingt-cinq  jours. 

Fils  d*une  Espagnole,  élevé  par  le  dominicain  Egidio  de 
Rome,  de  la  maison  de  Colonna,  il  eut  quelque  chose  du 
sombre  esprit  de  saint  Dominique,  comme  saint  Louis  la 
douceur  mystique  de  Tordre  de  Saint-François.  Egidio 
avait  écrit  pour  son  élève  un  livne  De  r$gimine  principum^, 
et  il  n'eut  pas  de  peine  à  lui  inculquer  le  dogme  du  droit 
iffimité  des  rois  4. 

Philippe  s^était  fait  traduire  la  Consoiaiion  de  Boèce,  les 
livres  de  Vegèce  sur  Tait  militaire,  et  les  lettres  d'Absilard 
et  d'HéloIse  *.  Les  infortunes  universitaires  et  atnoureuses 


'  App.,  109. 

*  C  est  rmitdiir  du  Ronnn  de  la  Rose,  Jean  de  Meong,  ifji  loi  irait 
traduit  cet  livres.  —  La  confiance  que  loi  accordait  le  roi  ne  ravalt  pu 


140  surrB  du  règne  db  Philippe  ue  bel. 

da  célèbre  professeur,  si  maltraité  des  prêtres,  étaient  un 
texte  populaire  au  milieu  de  cette  grande  guerre  du  roi 
contre  le  clergé.  Philippe  le  Bel  s'appuyait  sur  FUniversité 
de  Paris  ^  ;  il  caressait  cette  turbulente  r^fMiblique,  et  elle 
le  soutenait.  Tandis  que  Boniface  cherchait  à  s'attacher  les 
Mendiants,  l'Université  les  persécutait  par  son  fameux  doc- 
teur Jean  Pique^Ane  (Pungemasinum^)^  champion  du  roi 
contre  le  pape.  Au  moment  où  les  Templiers  furent  arrê- 
tés, Nogaret  réunit  tout  le  peuple  universitaire  au  Temple, 
mahres  et  écoliers,  théologiens  et  ariistes^  pour  leur  lire 
l'acte  d'accusation.  C'était  une  force  que  d'avoir  pour  soi 
un  tel  corps,  et  dgns  la  capitale.  Aussi  le  roi  ne  soufirit 
pas  que  Clément  Y  éngeàt-Ies  écoles  d'Orléans  en  univer- 
sité, et  créât  une  rivale  à  son  université  de  Paris  K 

Ce  règne  est  une  époque  de  fondation  pour  l'Université. 
Il  s'y  fonde  plus  de  collèges  que  dans  tout  le  xitT  siècle,  et 

empêché  de  tracer  dans  le  Roman  de  la  Uose  ce  rode  tableau  de  la 
royauté  primîiÎTB  v 

Ung  grant  viBaIn  entre  e«Ix  eslenrent, 
Le  ylos  corsa  de  qoanqn'lls  forent, 
Le  plos  ossa,  et  le  (lêigneur. 
Et  le  firent  prince  et  seigneur. 
Cil  Jura  que  droit  leor  tiendroit, 
Se  diacon  en  droit  soy  loy  livre 
Des  biens  dont  il  se  paisse  riTre... 
•Dell  Tint  le  eoBUBMneement  . 
ÀQX  ro'is  et  princes  terriens 
Selon  les  livres  ancleas. 

Rom.  de  la  Rose,  y.  i06l.  App„  119. 

I  «  En  celle  année  a'eiment  grand'dittension  en  les  Recteur,  maistres 
et  escholiers  de  l'Université  de  Paris,  et  le  prévost  dadit  lien;  parce  que 
ledit  prévost  avoit  fait  pendre  un  clerc  de  ladite  Université.  Adone 
cessa  la  lecture  de  toute*  facnltea,  jusqnes  à  tant  que  ledit  prévost 
l'amenda,  et  répara  grandement  l'offense,  et  entre  antres  choees  fot 
condamné  ledit  prévost  à  le  dépendre  et  le  baiser.  Et  convint  que  ledit 
prévost  allast  en  Avignon  vers  le  pape,  pour  soy  faire  absoudre.  •  iSSS. 
Nicolas  Gilles. 

•  App.,  111. 

*  Oïd.,  1,  90%,  Le  roi  .déclare  qu'il  n'y  aura  pas  de  professeurs  de 
théologie. 


SES  TROIS  HLS.  —  PROCÈS.   —  INSTmiTIONS.    •     444 

les  plus  célèbres  collèges*.  La  femme  de  Philippe  le  Bel, 
malgré  sa  mauvaise  réputation,  fonde  le  collège  de  Navarre 
(4304),  ce  séminaire  de  gallicans,  d'où  sortirent  d'Ailly, 
Gerson  et  Bossuet.  Les  conseillers  de  Philippe  le  Bel,  qui 
avaient  aussi  beaucoup  à  expier,  font  presque  tous  de 
semblables  fondations.  L'archevêque  Gilles  d'Aiscelin,  le 
faible  et  servile  juge  des  Templiers,  fonda  ce  terrible  col- 
lège, la  plus  pauvre  et  la  plus  démocratique  des  écoles 
universitaires,  ce  Monf-Aigu,  où  l'esprit  et  les  dents,  selon 
le  proveirbe,  étaient  également  aigus*.  Là,  s'élevaient, 
sous  rinspiration  de  la  famine,  les  pauvres  écoliers,  les 
pauvres  maîtres  ',  qui  rendirent  illustres  le  nom  de  Cap- 
peis^;  chétive  nourriture,  mais  amples  privilèges;  ils  ne 
dépendaient  pour  la  confession,  ni  de  l'évoque  de  Paris,  ni 
même  du  pape. 

Que  Philippe  le  Bel  ait  été  ou  non,  un  méchant  homme 
ou  un  mauvais  roi,  où  ne  peut  méconnaître  en  son  règne 
la  grande  ère  de  l'ordre  civil  en  France,  la  fondation  de  la 
monarchie  moderne.  Saint  Louis  est  encore  un  roi  féodal. 
On  peut  mesurer  d'uii  seul  mot  tout  le  chemin  qui  se  fit  de 
l'un  à  l'autre.  Saint  Louis  assembla  les  députés  des  villes 
du  Midi,  Philippe  le  Bel  ceux  des  États  de  France.  Le  pre* 
mier  fil  des  établissements  pour  seis  domaines,  le  second 
des  ordonnances  pour  le  royaume.  L'un  posa  en  principe 
la  suprématie  de  la  justice  royale  sur  celles  des  seigneurs, 
l'appel  au  roi  ;  il  essaya  de  modérer  les  guerres  privées 

*  Aux  coUëges  de  Navarre  et  de  Montaiga,  il  fant  ajouter  le  eolWge 
d*Harc<mrt  (1980);  la  Maiion  du  cardiinal  (1303);  le  ooUége  de  Bayeax 
(|:K)S).  —  1314,  collège  de  Laon;  1317,  collège  de  Narbonne;  1319, 
collëge  de  Trëguler;  1317-13S1,  collège  de  Coroonaitles;  1396,  collège 
du  Plessit,  collège  des  Écossais;  1329,  collège  de  Marmoutien;  133S, 
an  nouveau  collège  de  Narbonne  fondé  en  exécution  du  testament  de 
lennDU  de  Bourgogne;  1334,  collège  des  Lombards;  1334,  collège  de 
Toori;  1336,  collège  de  Liiieux;  1337.  collège  d'Autnn«  etc. 

*  Mous  aeutus,  dentés  aculi,  ingeniutn  acutum. 
•App.,iîl «ilpp.,113. 


442  sniTJS  DU  règne  db  philippb  le  bel. 

pur  la  quaranUdne  et  rtmtif  emenl.  Sous  Philippe  le  Bel, 
l'appel  au  roi  aa  trouve  si  biea.établi,  que  le  plus  îndépen- 
daiU  des  grands  feudataii^s^  le  duc  de  Bretagae,  deaiaûde, 
comme  gr&ce  singulière,  d'en  être  exempté  ^  Le  Parlement 
de  Paris  écrit  pour  le  roi  au  plus  éloigné  des  barons^  au 
c(Hnte  de  Gomminges,  ce  petit  roi  des  hautes  Pyrénées^  les 
paroles  suivantes  qui,  un  siècle  plus  tât,  s'eussent  pas 
même  été  comprises  :  «  Dans  tout  le  royaume,  la  connais- 
sance et  la  punition  dû  port  d*armes  n'appartient  qu*à 
nous  *.  »  ' 

▲u  conmiencement  de  ce  vègne»  la.  tendant  nouvelle 
s'annonce  fortement  Le  roi  veut  exclure  les  prêtiea  de  la 
justice  et  des  charges  municipales  s.  il  protège  les  juifs  ^  et 
les  hérétiques,  il  augmente  la  taxe  royale  sur  les  amortis- 
sements, sur  les  acquisitions  d'immeubles  par  les  églises  ^. 
B  défend  les  guerres  privées,  les  tournois.  Cette  défense 
motivée  sur  le  besoin  que  le.  roi  a  de  ses  hommes  poujr  la 
guerre  de  Flandre,,  est  souvent  répétée  ;  une  fois  môoie,  le 
roi  ordonne  à  ses  prévâts  d'arrêtear  ceux  q^i  vont<4^ux  tour- 
nois. À. chaque  campagne,  il  lui  fallait  faire  kiprêssù^  et 
réunir  malgré  elle  cette  indolente  abevalerie  qpi  se  sou?- 
ciait  peu  des  affaires  du  roi  et  du  royaume  ^^ 

Ce  gouvernement  ennemi  de  la  féodalité  et  des  pnêta^es,. 
n*avait  pas  d'autre  force  militaire  que  las  seigaeuxs,  ni 
guère  d'argent  que  parl'Église.  De  là  plusieurs  contradic* 
tiens,  plus  d'uo  pas  en  arrière. 

En  1287,  le  roi  permet  aux  nobles  de  poursuivre  leurs 
serfs  fugitifs  dans  les  villes.  Peut-être  en  effet  était-il  be- 
soin de  ralentir  oe  grand  mouvement  du  peuple  vers  les 
villes,  d'empêcher  la  désertion  des  campagnes  '.  Les  ntles 
auraient  tout  absorbé  ;  la  terre  serait  restée  déserte,  comme 
il  arriva  dans  l'empire  romain. 


»  Ord.,  I,  3».  —  »  Olim  Parfiamenii.  —  •  i4pp  ,  111.  —  *  App.,  Utt 
—  »  App.,  ils.  —  «  App.,  U7.  —  »  App,,  118. 


SIS  TROIS  HLâ.  —  MOCiS.  —  INSnTOTieNSe^        U3 

Bu  \  290^  le  eleigé  amcha.aa  roi  une  dierte  exorbitante, 
inexécnlidde^.qBi  eùi  tué  la  royautà.  Lee  prindpaia'  aitit-  ■ 
cles  étaient  que  les  préiala  iu^frmiem\  rfer  Jolairumi^  dut. . 
kiK^^  deuôma»  ^le.les  bailUe  et  gntda  ni  ne  demev- 
rettaîeat  pee  ann  tome  d!^Uae,.  (pie  laa.évAq)ies;Miife 
ptrannieQt  «irèlaptes  eordésiaakîfMeav  «se  lasideiot  ne 
pkideiaieaift.peiaii6B  eoor  h^ue  pour  les  aethmapcssoiir  ; 
neUeSy  quand  nAme  ils  j  scvaienti  obligea'  paa  lettaea  (ht, 
Nâ  (c'élaii  Hnoponiti  dès.  piétiCB);  q«o  le»  pvMaM  bt 
IMijefaîent  pas  pour  le»  Mena-  aoqaîs  kJeura-^ises;  qnet' 
lea  juges  leëauK»  ne  cMMîtraîent  points  des  disies,  e'esl^' 
dire  que  le  clêegA  jugerait,  seul  les  abua^fiseanx  du  cbrgé. 
In  4S94,  Fkilippe  le  Bel  avait  vioimmneni  attaqué  la 
tyrannie  de  l'inquisition  dans  le  IfldL  Eu  iSfiS^  ait  eom^ 
rasaoeiBeiit  de  la  guerre  contre  le  pape^  il  sseonde  Tinlo* 
lànnee  des  évèquea,  il  ordoime  aux  seigneurs let  ans  juges 
rsgmnx^  du  lene  lifrer  les-  hérétiques;  pour  qufila  les  oan<-  • 
daîonneniet  les  punissent  sans  appei«  L'anuée»  suivante^  'A. 
psemct  que  les-baiHis  ne  vexeroni'ptas  les  égUass  dé  sat* 
ains^violrâtes  ;  ils  ne  saniinnt  qn'nn  manoir  à  la  fois,  eta.  K 
Il  fallait  aussi  satisfaire  les  nobles.  Il  leur  accorda  une 
ordonnance  contre'  leurs  créanciers,  eontrer  lea  usnrien 
juifs,  n  garantit  leurs  droits  de  chasse.  Les  collecteurs 
royaux  a'exploiteront  plus  les  successions  dea  bâtarde  el 
des  ariiains  sur  les  terres  des  seigneurs  haut-justiders  : 
c  A  moins,  ^joute  prudenunenjt  le  roi^  ^!t{.  m  sqU  comUtté 
par  itUmê  psnonna  qœ-  mut  avens  bimt  droiê  dtf- jwra^ 
twrs.  » 

Eu  1302^  qurès  la  défaite  de  Courtrai^  le  roi  osabeaur- 
comp.  Il  prit  pour  la  monnaie,  la  moitié  de  toute  vaiBselle 
d'argent  '  (le^  baillis  et  gens  du  roi  devaient  donner  tout)  ; 

'  «  SégaiS»  à  toM^  par  eri  géDétai,  tan»  hàre  meiiliMi  âm  pvéUlt  mi 
d0  èaroa*»  e'esi  k  satair  jai^toatei  maniera»  4e  «eus  9ippmtm%  ^tmtàé 
de  lear  TaisMtiBBMnl  d'avgeal  bUne.  •4ké ,  1, 317. 


444  80m  DU  RÈGNE  DE  PHILIPPE  LE  BEL. 

il  saisit  le  temporel  des  prélats  partis pourRome  ' ;  enfin 
il  imposa  les  nobles  battus  et  humiliés  à  Courtrai  :  le  mo- 
ment était  bon  pour  les  faire  payer  *. 

En  4303,  pendant  la  crise,  lorsque  Nogaret  eut  accusé 
Boniface  (43  mars),  lorsque  rexcommunication  pouvait 
d*un  moment  à  l'autre  tomber  sur  la  tète  du  roi,  il  promit 
tout  ce  qu'on  voulut.  Dans  son  ordonnance  de  réforme 
(fin  mars),  il  s'engageait  envers  les  nobles  et  prélats,  à  ne 
rien  acquérir  sur  leurs  terres  3.  Toutefois  il  y  mettait  en* 
core  une  réserve  qui  annulait  tout  :  «  Sinon  en  cas  qui 
touche  noire  droit  royal  K  »  Dans  la  même  ordonnance,  se 
trouvait  un  règlement  relatif  au  Parlement;  parmi  les 
privilèges,  l'organisation  du  corps  qui  devait  détruire 
privilèges  et  privilégiés  \ 

Dans  les  années  qui  suivent,  il  laisse  les  évéques  rentrer 
au  Parlement.  TouJouse  recouvre  sa  justice  municipale  ; 
les  nobles  d'Auvergne  obtiennent  qu'on  respecte  leurs 
justices,  qu'on  réprime  les  officiers  du  roi,  etc.  Enfin  en 
4306,  lorsque  l'émeute  des  monnaies  force  le  roi  de  se 
réfugier  au  Temple,  ne  comptant  plus  sur  les  bourgeois, 

«  L'irritation  semble  avoir  été  grande  contre  les  prdtres;  le  roi  est 
obligé  de  défendre  anx  Normands  de  crier  tiaro  sur  Ui  eleres.  (Ord.,  h 
318.)— iipp..  I2i. 

*  Ord.,  fin  1309. 

*  Le  roi  déclare  ^u'en  nlfermatioii  de  son  royaume,  il  prend  les 
églises  sons  sa  protection,  et  entend  les  faire  jouir  de  leurs  franchises  ou 
privilèges  comme  au  temps  de  son  aïeul  saint  Louis.  En  cons'^'quence, 
s'il  lui  arrive  de  prononcer  quelque  saisie  sur  un  prêtre,  son  bailli  no 
devra  y  procéder  qu'aprôs  mûre  enquête,  et  la  saisie  ne  dépas^ra  ja* 
mais  le  taux  de  Tamende.  On  recherchera  par  tout  le  royaume  les 
bonnes  coutumes  qui  existaient  au  temps  de  saint  Louis  pour  les  réta- 
blir. Si  les  prélats  ou  barons  ont  au  Parlement  quelque  affaire,  ils  se- 
ront  traités  honnêtement,  expédiés  promptement.  •  (Ord.,  I,  3S7.) 

«iipp..  itt. 

*  Nul  doute  que  le  Parlement  ne  remonte  plus  haut.  On  en  trouve  la 
première  trace  dans  l'ordonnance,  dite  testament  de  Philippo  Augttsle 
(IliK)).  Si  pourtant  l'on  oonsidère  i'imporunce  toute  nouvelle  que  le 
Parlement  prit  sous  Philippe  le  Bol,  on  ne  s'étonnera  pas  que  la  plu- 
part des  historiens  l'en  aient  nommé  le  fondateur.  App»,  iSd. 


SES  TROIS  FILS.  ^—  PROCÈS.  —  IMSTIT0TION8.         U5 

il  rend  aux  nobles  le  gage  de  bataille,  la  preuve  par  duel, 
au  défaut  de  témoins  ^« 

La  g^nde  aflfaire  des  Templiers  (1 308-9)  le  força  en« 
Gore  à  lâcher  la  main.  Il  renouvela  les  promesses  de  4303, 
régla  la  comptabilité  des  baillis,  s'engagea  à  ne  plus  taxer 
les  censiers  des  nobles,  mit  ordre  aux  violences  des  sei- 
gneurs, promit  aux  Parisiens  de  modérer  son  droit  de 
prise  et  de  pourvoierie,  aux  Bretons  de  faire  de  la  bonne 
monnaie,  aux  Poitevins  d'abattre  les  fours  des  faux-mon- 
nayeurs.  11  confirma  les  privilèges  de  Rouen.  Tout  à  coup 
charitable  et  aumônier,  il  voulait  employer  le  droit  de 
chambellage  à  mari^  de  pauvres  filles  nobles;  il  donnait 
libéralement  aux  hôpitaux  les  pailles  dont  on  jonchait  les 
logis  royaux  dans  ses  fréquents  voyages. 

L'hypocrisie  de  ce  gouvernement  n'est  en  rien  plus  re- 
marquable que  dans  les  affieûres  des  monnaies.  Il  est  curieux 
de  suivre  d'année  en  année  les  mensonges,  les  tergiver- 
sations du  royal  faux-monnayeur  >.  En  4295,  il  avertit  le 
peuple  qu'il  va  faire  une  monnaie  c  où  il  manquera  peut* 
être  quelque  chose  pour  le  titre  ou  le  poids,  mais  qu'il  dé- 
dommagera ceux  qui  en  prendront  ;  sa  chère  épouse,  la 
reine  Jeanne  de  Navarre ,  veut  bien  qu'on  y  affecte  les  revenus 
de  la  Normandie.  »  En  4305,  il  fait  crier  par  les  rues  à  son 
de  trompe,  que  sa  nouvelle  monnaie  est  aussi  bonne  que 
celle  de  saint  Louis.  Il  avait  ordonné  plusieurs  fois  aux 
monnayeurs  de  tenir  secrètes  les  falsifications.  Plus  tard, 
il  fait  entendre  que  ses  monnaies  ont  été  altérées  par 
d'autres,  et  ordonne  de  détruire  les  fours  oii  fon  avait  fait 
de  la  fausiô  monnaie.  En  4340  et  4344,  craignant  la  com- 
paraison des  monnaies  étrangères,  il  en  défend  l'impor- 
tation. En  4343,  il  défend  de  peser  ou  d'essayer  les  mon- 
naies royales. 

Nul  dotfte  qu'en  tout  ceci  le  roi  ne  fût  convaincu  de 

>  App.,  124.  -  *  Àpp,,  lis. 

III.  10 


446  sum  DU  rùgsol  di  PHiyppi  lu  du. 

aon  droit,  qu- il  na  ediiBtëéràt  «ooHiie  lu»  aliribut  de  sa 
toute-puissance,  d'augmenter  à  volonlé  la  Yoleur  des  nuMir 
naies.'  Le  eomique,  c'eat  de  voir  cette  loufee-pmssMicey 
celter  diviaité ,  ebUgée  de  mmer  avee  la  siéfience  de 
peuple;  kt  sefigioa  naiBsante..da  la  royaoté  &  déjà  aes 
iacarMvlea^ 

Enfin  la  rojuté  elle-œéaie  semble  douter  de  soi.  Cette 
ftère  poissenoev  a^et  dté  au  bout  de  la  vietence  et  de  k 
nise,  fait  an  avea  iapticile  de  sa  faiblesw  ;  eUe  en  appcUe 
à  kr  liberté.  On.  »  vu  ^wlies  paroles  hardies  le  noî  se  fit 
adresse»  et  daas  la  Cuheuae  supplique  du  pee^la  da  FrauêB, 
et  dans  le  discours  des  députés  des  Stats  de  4  3M.  Mais 
rien  n'est  plus  remarqnable  qne  les  termes  de  Forctai- 
nance  par  laquelle  il  confirme  ï'aiEBaiichissementdea  aeefii 
du  Vatoift,  accordé  par  son  frère  r  «  Àtiendii  que  tomte 
créature  lunnainequi  est  formée  à  l'image  de  noslre  Sei- 
gneur,, doit  généralement  estre  franche  par  droit  naturel, 
et  en  aucuns  pays  de  cette  natmeUe  liberté  ou  ficaneUsey 
par  le  joug;  de  la  servitude  qui  tant  est  baineusey  seit  si 
effiuûée  et  ebscttreie  que  les  hommes  et  les  fimes  qui 
habitent  èz  lieux  et  pays  dessusdilz,  en  leur  naast  aoot 
réputés  ainsi  comme  morts,  et  à  la  te  de;  lenr  danlottrense 
et  ckMme  m,  sL  estreitemeot  liéis  el  demenéa^  q^e  des 
biens  que  Dieu,  leur  a  pasaté  en  cest  siède,  ils  nepeateai 
en  leur  damière  vekmté,  dîq^ser  ne  aedener  ^^.  » 

Cas  paroles  devaient  sonner  mai  asK  orailtea  féodales. 
EHea  seaaHaiesA  un  néquiaiteire  «antre  le  servage,  oantre 
la  tyrannie  desseignenre.  iatplamteqmjanferis  »*av«it  osé 
s'élever,  pes  aeéme  il  voix  ftsade^  voitti  qn'elle  éclatait  ék 
tombait  d'te  beat  comme  laeeondwnnatîan.  Le  roi  étant 
venu  à  bout  de  tous  ses  ennemis,  Sfaeeraidadeaseignewa^ 
ne  gardait  plus  de  ménagement  pour  ceux-ci*  Le  4%  jwa 
4H3,  il  leur  défendît  de  MresncmMP  monnaie  jnqn'àce 
qu'ils  eussent  lettres  du  roi  qui  les  y  autorisassent. 

'Ord.^aDn.  1311. 


SES  TROIS  FILS.   — r  PHO.:ÈS.    —    INSriTLTIONS.         447 

Cuite  ordonnance  combla  ta  mesure.  Quelque  terpeur 
que  dût  inspirer  le  roi  après  Taffaire  da  Temple,  les 
grands  se  déeidèFenf  à  risquer  tout  et  à  prendi<e  un  parti. 
La  pfupart  dés  seigneurs  du  Nord  et  de  l'Est  (Pîciirdiff; 
Artois ,  Ponthieu ,  Bourgogne  et  Fores)  fomièi  ent  une 
confédération  contre  le  roi  :  «  A  tious-  ceux  qui  verront, 
prront  (ouïrent)  ces  présentes  lettres,  IL  nobles  et  li  corn** 
tnuns  de  Champagne,  pour  nous,  pour  les  pay»  de  Ver* 
mandois  et  pour  nos  alliéf  et  adjoints  étant  dedams  les 
points  du  royaume  de  France  ;  salut.  Sachent  tuîs  que 
comme  très-^pxcellent  et  très-^puissant  ppînce,  notre  très- 
cher  et  redouté  sire,  Philippe,  par  1&  grâce  de  Bieu>  roi 
de  France,  afk  fiiit  et  relevé  plusieurs  tailles,  subventions, 
exactions  non  deus,  changement  de  monnoyes,  etplusieun 
aultres  choses  qui  ont  été  faites,  par  quoi  li  nobles  et  U 
oonumuns  ont  été  /aoult. grevés,  appauvris...  Et  il  n'apert 
pas  qu'ils  soient  tcurjiea  en  L'honneur  et  prouiit  du  roy  ne 
dou  royalme,^  ne  en  deffension  dou  proufit  commun.  Des- 
quels grîeia  nous  avons,  plusieurs  fois  requis  et  supplié 
humblement  et  dévotement  ledit  sire  li  roy,  que  ces  choses 
▼oulist  défaire  et  délaisser  ;  de  quoy  rien  n'en  ha  fait.  Et 
encore  en  oette  présente  année  courant,  par  l'an  1344, 
lidit  nos  sire  le  roy  ha  (ait  impositions  non  deuement, 
sur  li  nobles  et  li  ooaunuas  du  royalme,  et  subventions 
lesqiieUes  il  s'est  eSbrcé  da  lever  ;,laq;ieUe  chose  ne  pou-* 
Toos  souffris  ne  soutenir  en  bonne  conscience,  car  ainsi 
perdrions  nos  honneurs,,  franchifies  et  libertés  ;  et  nous  et 
cis  qui  après  nous  verront  (viendront),.^  Avons  juré  et 
promis  par  nos  sermenta,.  leaument  etea  bonne  foy»  par 
(pour)  nous  et  nos  hoirs  aux.  oomtéa  d!Anxerre  et  de  Ton- 
nerre, aux  noblas  et  aux  comaums  desdits  comtés,  leurs 
alliés  et  adjoints,  que  nos,  en  la  subvention  de  la  présente 
année,  et  tous  autres  griefs  et  novelletés  non  dl?aemént 
laites  et  àr  faite,  âa  temps  présent  et  av4HÛr,  que  U  roi  de 
France,  nos  sires,    ou  aultre,  lor  voudront  faîM,.  i0t 


448  SUITB  DU  RÈGNE  DE  P^{LIPPB  LE  BEL. 

aiderions,  et  secourerons  à  nos  propres  coustes  et  des- 
pens  *...  » 

Cet  acte  semblerait  une  réponse  aux  dangereuses  pa- 
roles du  roi  sur  le  servage.  Le  roi  dénonçait  les  seigneurs, 
ceux-ci  le  roi.  Les  deux  forces  qui  s'étaient  unies  pour 
dépouiller  l'Église,  s'accusaient  maintenant  l'une  l'autre 
par-devant  le  peuple,  qui  n'existait  pas  encore  comme 
peuple,  et  qui  ne  pouvait  répondre. 

Le  roi,  sans  défense  contre  cette  confédération,  s'adressa 
aux  villes.  Il  appela  leurs  députés  à  venir  aviser  avec  lui 
sur  le  fait  des  monnaies  (4344).  Ces  députés,  dociles  aux 
influences  royales,  demandèrent  que  le  roi  emptchât  pen- 
dant onze  ans  les  barons  de  faire  de  la  monnaie^  pour  en 
îtfbriquer  lui-même  de  bonne,  sur  laquelle  il  ne  gagnerait 
rien. 

Philippe  le  Bel  meurt  au  milieu  de  cette  crise  (4344). 
L'avènement  de  son  fils,  Louis  X,  si  bien  nommé  Hutin 
(désordre,  vacarme),  est  une  réaction  violente  de  l'esprit 
féodal,  local,  provincial,  qui  veut  briser  Tunité  faible  en- 
core, une  demande  de  démembrement,  une  réclamation 
du  chaos  *. 

Le  duc  de  Bretagne  veut  juger  sans  appel,  l'échiquier 
de  Rouen  sans  appel.  Amiens  ne  veut  plus  que  les  sergents 
du  roi  fassent  d'ajournement  chez  les  seigneurs,  ni  que 
les  prévôts  tirent  aucun  prisonnier  de  feurs  mains.  Bour- 
gogne et  Nevers  exigent  que  le  roi  respecte  la  justice 
féodale,  «  qu'il  n'affige  plus  ses  pannonceaux  »  aux  tours, 
aux  barrières  des  seigneurs. 

La  demande  commune  des  barons,  c'est  que  le  roi  n'ait 
plus  de  rapport  avec  leurs  hommes.  Les  nobles  de  Bour- 
gogne se  chargent  de  punir  eux-mêmes  leurs  oflBciers.  La 

>  BoaUinYillier^. 

*  Voyei  comme  le  continoatenr  de  Nangii  change  de  langage  tout  i 
coup,  comme  il  devient  hardi,  comme  il  élève  la  voix.  Fol.  69-70.  — 
âfp.,  IM. 


SES  TROIS  FILS.  —  PROCÈS.  —  INSTITOTIONS.         449 

Champagne  et  le  Yermandois  int^tsent  au  roi  de  faire 
assigner  les  vassaux  inférieurs. 

Les  provinces  les  plus  éloignées  Tune  de  l'autre,  le  Péri- 
gord,  Ntmeset  la  Champagne,  s'accordent  pour  se  plaindre 
de  ce  que  le  roi  veut  taxer  les  censiers  des  nobles. 

Amiens  voudrait  que  les  baillis  ne  fissent  ni  emprison- 
nement, ni  saisie,  qu'après  condamnation.  Bourgogne, 
Amiens,  Champagne,  demandent  unanimement  le  réta- 
blissement du  gage  de  bataille,  du  combat  judiciaire. 

Le  roi  n'acquerra  plus  ni  fief,  ni  avouerie,  sur  les  terres 
des  seigneurs,  en  Bourgogne,  Tours  et  Nevers,  non  plus 
qu'en  Champagne  (sauf  les  cas  de  succession  ou  de  confis- 
cation). 

Le  jeune  roi  octroie  et  signe  tout.  Il  y  a  seulement  trois 
points  où  il  hésite  et  veut  ajourner.  Les  seigneurs  de  Bour- 
gogne réclament  contre  le  roi  la  juridiction  sur  les  rivières^ 
tes  chemins  et  les  lieux  consacrés.  Ceux  de  Champagne 
doutent  que  le  roi  ait  le  droit  de  les  mener  à  la  guerre 
hors  de  leur  province.  Ceux  d'Amiens,  avec  la  violence 
picarde,  requièrent  sans  détour,  qiie  tous  les  gentilshommes 
puissent  guerroyer  les  uns  aux  avares^, ne  donner  trêves; 
inais  chevaucher,  aller ^  venir  et  estre  à  arme  en  guerre  et 
for  faire  les  uns  aux  autres...  A  ces  demandes  insolentes  et 
absurdes,  le  roi  répond  seulement  :  «  Nous  ferons  voir  les 
registres  de  monseigneur  saint  Loys  et  bailler  ausdits  nobles 
deus  bonnes  personnes,  tiels  comme  U  nous  nommerons  de 
nostre  conseil^  pour  savoir  et  enquéi'ir  diligemment  la  vérité 
dudit  arêicle...  » 

La  réponse  était  assez  adroite.  Ils  demandaient  tous 
qu'on  revint  aux  bonnes  coutumes  de  saint  Louis  ;  ils  ou- 
bliaient que  saint  Louis  s'était  efforcé  d'empêcher  les 
guerres  privées.  Mais  par  ce  nom  de  saint  Louis  ils  n'en- 
tendaient autre  chose  que  la  vieille  indépendante  féodale, 
le  contraire  du  gouvernement  quasi-légal,  vénal  et  tracas  - 
sier  de  Philippe  le  Bel. 


150  âUlTB  DU  RÉGNE  M  PHILIPPE  LE  BEL. 

Les  glands  détraisaieBt  pièce  à  pièce  tout  ce  gouverae* 
ment  du  feu  roi.  Mais  ils  bc  le  croyaieat  pas  mort  tant 
qu'ils  n'avaôeirt  pas  bàl  péiir  son  Alûr  «f  o,  sob  maire  du 
pakn&j  Enguerrand  de  Marigny,  qui  dans  les  dernières 
années  aidait  été  eoaé^mtr  tt  netêur  du^^emme^  ^ï  s'é- 
tait laiasé  dresser  une  statue  au  Palais  à  c6lé  de  celle  du 
roL  Sou  vrai  nom  était  Le  Portier  ;  mais  il  acheta  a¥ec 
une  terre  le  aott  de  IbvigBy.  Ce  Norma&A,  peraimaage 
gracieux  tt  aauUiBux  ^  mais  appavemment  ueu  moîus 
ailencieus  que  aou  maître,  n'a  point.laisaé  d'aefce;  il  semble 
qu'il  n'ait  éerit  m  parié.. U  fit«mdamner  les  TempUens  par 
sen  frère  qu'il  axait  fiiît  tout  exprès  anohevôque  de  Sens.. 
Il  eut  sans  doute  la  part  principale  aux  adirés  du  roi.aYec 
les  papes;  mais  il  s'y  prit  si  lûen  qu'il  fasse jmmit avoir 
kdssé  Oémeot  V  échapper  de  Poitiers  '.  Le  pape  lui  eu 
sut  gré  probablement  ;  et  .d'autre  peirt,  il  put  £ûe  croire 
au  joi  que  le  pape  lui  serait  plus  utile  à  Âfiguon,  dans  une 
apparente  indépeudance,  que  dans  une  eapti^vité  qui  eût 
révoké  le  mande  chtétieu. 

£e  fut  au  Temple,  au  lieu  même  ou  llarigay  avait  in&- 
taUé.son  tnaitre  pour  .dépouiller  les  Templiers,  que  le  jeune 
roi  Leuîs  vint  entendre  i'aecusation  solennelle  portée 
eonlne  Mnrigny  ^.  L'ecousateur  était  le  frère  de  Philippe  le 
Bel,  ce  violent  Charles  de  Valois,  boauue  remuantat  mé- 
diocre qui  se  partait  .pour  chef  des  barons.  JNé  si  près  du 
te6ne  de  f  ranoe,  û  avait  oouru  toute  la  obtétienté  pour  eu 
trouver  un  autre,  taudis  qu'us  petit  ichevaUer  de  Noraeianr- 
die  régnait  à  côté  de  Philippe  le  Bel.  Il  ne  faut, pas. s'éten- 
ner  s'A  était  enragé  d'envie. 

N  n'eût  ipas  été  diffioîle  .à  .Manfloy  \de  ee  défendeè.  si 


*  Se»  eancais  i'aa  acausArent  -<-  On  disait  encoce  qnlil  Juraft,  pour  do 
l'argeet,  procuré  une  trêve  an  comte  de  Flandre. 

^  Les  modernes  ontajoatë  'bemanMip 'de  diivonstaucês  sur -la  «uptara 
4a  Charles  de  Valois  et  de  Uarigny,  uo  déiuuti,  an^isiiffla^  0^. 


SBS  TROIS  FILS.  —  PROCÈS.  —  IKSTITUTfONS.         454 

Von  eût  voalu  l'entendre.  11  n'avait  rien  fait,  sinon  d'être 
la  pensée,  la  conscience  ée^Pkilippe  le  Bel.  C'était  pour  le 
jeune  roi,  comme  s'fl  eût  jiigé  l'àme  de  son  père.  Aussi 
TOulaH-il  seulement  éloigner  Marîgny,  le  reléguer  dans 
111e  de  Chypre,  et  le  rappeler  jllus  tard.  Pour  le  peràre,  il 
feHut  que  Charles  de  Tulois  eût  recours  à  la  grande  aoco^ 
Mtion  du  temps,  dont  personne  ne  se  tirait.  On  découfvrit, 
ou  l'on  supposa,  que  la  femme  ou  le  scBfur  de  ll»mgny> 
pour  provoquer  sa  délivranoe,  ou  maléfioier  le  Toi,  «vait 
fiait Jaire  partmlacqnes  delior,  oertâHies  petites  ligiwes t 
c  ledit  Sacques,  jeté  en  prîeon/se  ^nd  de  désespoir,  et 
ensuite  salemme  et  les  sœurs  d^nguerrand  sont  mises  «en 
]Hrîsoii;  etEngueniand  luî-fnême,  jugé  en  présenee  des 
chevaliers,  est  pendu  à ¥flris«U' gibet  des  vdieuis.  Gepeo* 
dftnt  il  ne  reeonnut  rien  des  susdits  malétees,  et  ^«eu- 
leraent  que  pour  les  exactions  et  les  câtérstiens  de  mon-- 
naie,  il  n'en  avait  point  été  le  «eul  auteur...  Cestpeurquoi 
sa  mort,  dont  ))eaucoup  ne  conçurent  pmitt  «ntièrement 
ies  causes,  fut  matière  à  grande  admmktlon  et  stupeur.  *« 

c  Pierre  de  LatHly,  évéqne  de  Chftlons,  soupçonné  delà 
mort  du  roi  de  France  Philippe  et  de  son  prédécesseur, 
M,  par  ordre  du  réi  retenu  en  prison  au  nom  de  farehe- 
véque  de  Reims.  Haoul  de  Presies,  avooat  général  (ndvo- 
catus  praecipaus)  au  Parlement,  également  suspect  el 
retenu  pour  semMable  soupçon,  Ait  enformS  dans  la-pri- 
son  de  Satnte-Genevvève  à  Paris,  et  lorluré  par  divera sup- 
pliées. Gomme 'on  ne  «pouvait  arraéher'de  sa^boudie  auoun 
aven  sur  les  ernnes  dent 'on -le  ehargeak,  quoiqu'il  eût  en- 
duré les  tewrmenfts  les  -plus  ^dîvere  et  les  plus  douloureux, 
on  finit  par  le  laisser  aller;  grande  partie  de  ses  biens  tant 
roeifbles  «qu^mnieidiles  ayam  «élé  ou  donnés,  en  perdus, 
«ou  pillés  K  » 

Ce  n*ét{iit  'nen  d'avoir   pendo  Ititttgny ,  emprisonné 


452  SUITE  DU  RÈGNS  DB  PUILIPPK  LE  BEL. 

Raoul  de  Presles,  ruiné  Nogaret,  comme  ils  firent  plus 
tard.  Le  légiste  était  plus  vivace  que  les  barons  ne  suppo- 
saiont.  Harigny  renaît  à  chaque  règne,  et  toujours  on  le 
tue  en  vain.  Le  vieux  système,  ébranlé  par  secousses, 
écrase  chaque  fois  un  ennemi.  Il  n'en  est  pas  plus  fort. 
Toute  l'histoire  de  ce  temps  est  dans  le  combat  à  mort  du 
légiste  et  du  baron. 

Chaque  avènement  se  présente  comme  une  restauration 
des  bons  vieux  us  de  saint  Louis,  comme  une  expiation  du 
règne  passé.  Le  nouveau  roi,  compagnon  et  ami  des 
princes  et  «des  barons,  comjnence  comme  premier  baron, 
comme  bon  et  rude  justicier,  à  faire  pendre  les  meilleurs 
serviteurs  de  son  prédécesseur.  Une  grande  potence  est 
dressée  ;  le  peuple  y  suit  de  ses  huées  l'homme  du  peuple, 
l'homme  du  roi,  le  pauvre  roi  roturier  qui  porte  à  chaque 
règne  les  péchés  de  la  royauté.  Après  saint  Louis,  le  bar- 
bier La  Brosse;  après  Philippe  le  Bel,  Marigny  ;  après  Phi- 
lippe le  Long,  Gérard  Guecte;  après  Charles  le  Bel,  le  tré- 
sorier Remy. . .  Il  meurt  illégalement,  mats  non  injustement. 
11  meurt  souillé  des  violences  d'un  système  imparfait  où  la 
mal  domine  encore  le  bien.  Mais  en  mourant,  il  laisse  à  la 
royauté  qui  le  frappe  ses  instruments  de  puissance,  au 
peuple  qui  le  maudit  des  institutions  d'ordre  et  de  paix. 

Peu  d'années  s'étaient  écoulées,  que  le  corps  de  M(\rigny 
fut  respectueusement  descendu  de  Montfaucon  et  reçut  la 
sépulture  chrétienne.  Louis  le  Hutin  légua  dix  mille  livres 
aux  fils  de-Marigny.  Charles  de  Valois,  dans  sa  dernière 
maladie,  crut  devoir,  pour  le  bien  de  son  âme,  réhabiliter 
sa  victime.  Il  fit  distribuer  de  grandes  aumônes,  en  recom- 
mandant de  dire  aux  pauvres  :  «  Priez  Dieu  pour  Monsei- 
gneur Enguerrand  de  Marigny,  et  pour  Monseigneur 
Charles  de  Valois.  » 

La  meilleure  vengeance  de  Marijpiy,  c'est  que  la  roya#Ué, 
si  forte  sous  lui,  tomba  après  lui  duns  la  plus  déplorsfble 
faiblesse.  Louis  le  Hutin,  ayant  besoin  d'argent  pour  la 


SES  TROIS  FILS.  —  PROCÈS.   —  INSTITUTIONS.         4ô3 

guerre  de  Flcndre^  traita  comme  d'^al  à  égal  avec  la  ville 
de  Paris.  Les  nobles  de  Champagne  et  de  Picardie  se  bâ- 
tèrent de  profiter  du  droit  de  guerre  privée  qu'ils  venaient 
de  reconquérir,  et  firent  la  guerre  à  la  comtesse  d'Artois, 
sans  s'inquiéter  du  jugement  du  roi  qui  lui  avait.adjugé  ce 
fiet  Tous  les  barons  s'étaient  remis  à  battre  monnaie. 
Charles  de  Valons,  l'oncle  du  roi,  leur  en  donnait  l'exem- 
ple. Mais  au  lieu  d'en  frapper  seulement  pour  leurs  terres, 
conformément  aux  ordonnances  de  Philippe  le  Hardi  6 
de  Philippe  le  Bel,  ils  faisaient  la  fausse  monnaie  en  grand 
et  lui  donnaient  cours  par  tout  le  royaume. 

U  fallut  bien  alors  que  le  roi  se  réveillât  et  revint  au. 
gouvernement  de  Marigny  et  de  Philippe  le  Bel.  U  décria 
les  monnaies  des  barons  (49  novembre  4345)  et  ordonna 
qu'elles  n'auraient  cours  que  chez  eux  ^.  U  fixa  les  rap« 
ports  de  la  monnaie  royale  avec  treize  monnaies  difiërentes 
que  trente  et  un  évéques  ou  barons  avaient  droit  de  frap- 
per sur  leurs  terres.  Quatre-vingts  seigneurs  avaient  eu  ^«^ 
droit  du  temps  de  saint  Louis. 

Le  jeune  roi  féodal  humanisé  par  le  besoin  d'argent  ne 
dédaigna  pas  de  traiter  avec  les  ser&  et  avec  les  juifs.  La 
fameuse  ordonnance  de  Louis  Hutin,  pour  l'afiranchisser 
ment  des  serfs  de  ses  domaines,  est  entièrement  conforme 
i  celle  de  Philippe  le  Bel  pour  le  Valois,  que  nous  avons 
citée.  «  Comme  selon  le  droit  de  nature  chacun  doit 
naistre  franc  ;  et  par  aucuns  usages  et  coustumes,  qui  de 
grant  ancienneté  ont  esté  entroduites  et  gardées  jusques 
cy  en  nostre  royaume,  et  par  avanture  pour  le  mefiet  de 
leurs  prédécesseurs,  moult  de  personnes  de  nostre  com- 
mun pueple,  soient  encheùes  en  lien  de  servitudes  et  de 
diverses  conditions,  qui  moult  nous  desplait  :  Nous  consi- 
dérants que  nostre  royaume  est  dit,  et  nommé  le  royaume 
des  Francs,  et  vouUants  que  la  chose  eu  vérité  soit  accor- 

•  App.,  lia. 


451  50ITB  DU  KEGlfl  |>B  PUILUW  LB  SSL. 

dant  au  nom,  et  qœ  la  oondHion  des  gents  amende  de 
nous  et  la  venue  de  nostre  noavel  gouvcrncmeat;  far  dé- 
libération de  nostre  grant  conseil  avons  ordené  et  «rda- 
aons,  que  generawnent,  par  tont  nostre  royaume,  de  taat 
eomme  ri  peut  appartenir  à  noœ  -et  à  nos  avceobsevo, 
telles  servitudes  soient  ramenées  à  franehiseSy  «^  à  tons 
œus  qui  de  origine,  on  andennelé,  ou  de  nouvel  par  ma* 
nage,  ou  par  résidence  de  Sens  de  serve  cMditicn, 
eneheûes,  ou  pourroient  esoboir  ou  lien  4e 
franchise  soit  donnée  à  bennes  et  ooovenaUes  oondî- 
tions  i.  » 

fl  est  euriemc  de  veir  le  flls  defliiKppe  le  Sel  vanter  «ux 
serft  la  liberté,  tfais  c'est  peine  perdue.  Le  marehaod  a 
l>ean  enfhar  la  voix  et  gresrir  it  mérite  de  sa  manfliandiBe^ 
4eB  pauvres  serfs  n'en  veulent  pns.  Ils  étaient  trop  pauvres, 
trop  bumbles,  trc^  conrt>és vers  'la terre.  ^Hê  avaienften* 
foui  dans  oette  terre  quelque  manvonse  pièee  ^  'monnaie, 
ils  n'avaient  garde  dei'en  tirer  poiv  a^dheter  «n  patrche* 
min.  En  vain  le  roi  se  fâche  'de  Hes  «voir  «méawmattre  'une 
teHegiéoe. Il  'finit  par ^onlonn^rans oommissaiFes,'(Aargés 
de  l'aflninchiBsement ,  d^eslimer  im  Viens  dtss  seifi  «qui 
aimeraient  mieux  «  demeurer  en  laclieli¥ité<deservitnde,t 
et  les  taxent  «  si  suflSsamment  et  ai  grandement,  oomme 
la  oondîtion  %t  riofaesse  des  personnes  iponrront  borasie* 
ment  aouirir  et  la  nécessité  de  notre  gnerre  le  •requiert.  • 

C'est  toutefois  un  grand  spectacle  de  voir  prononeer  dm 
iiautda  trône  la  'proclamation  du  droit  împresoriplible  d# 
tout  homme  à  la  liberté,  les  serfc  n'aobètent  pas,  mais  ils 
se  souviendront  et  de-cette  leçon  Toyale ,  et  du  dangereux 
appel  qu'elle  contient  contre  les  seigneurs*. 

Le  règne  court  et  <obsoar  de  Philippe  le  hfmgm^eA  guère 

•Ord.J,  p.  S83. 
«  App.,  129. 


SBS  TROIS  FILS.  —  PBocàs.  —  msimmoNS.      4ft& 

HOportairt  pour  le  droit  public  de  la  Franoe  ^joe-ce* 
lai  mâme  de  Philippe  le  Bel. 

D'abord  xon  avteement  à  la  couronne  trancliB  nao 
gnoide  qoesftmii.  Louis  Butin  laissant  sa  femne  enceinte, 
Mm  frère  Philippe  est  réguà  et  curateur  an  veaire.  L'eo- 
ftnt  meurt  en  naissant,  PhSqtpe  se  isit  mi  au  prédise 
d'une  fille  de  .fion  ftère.  La  chose  semblait  d^aulant  plus 
snrpreiutnis  tpie  Philippe  le  Bal  ;auait  soutenu  ie  drdit'deB 
femmes  dans  les  .sneoessions  4e  ftaaoh&-Coaiké  ^et  d'Âf-* 
Sois.  Les  bavons  taraient  voulu  «pie  les  filles  fussent 
CKchns^es  fiefs  et^futeHes  auoeédassentii  b  eouroiiBeda 
France  ;  leur  chef,  Charles  de  ¥4dois,  favorisait  sa  petite-» 
nièce  ecnt»  Philippa^aonaiavau  ^. 

Philippe  assemUa  les  £tatB^  et  fagaa  sa  cause,  qui  au 
fond  était  bonne,  par  des  rusons  absui^des.  fl  allégua  en 
aa  feveur-la  neille  loi  aUemande  des  Francs  qui  eaehnît  lea 
filles  de  .la  im  saUque.  B  soutint  que  la  comomie  dn 
Fraoee  était  un  trop  noUe  fief  pour  tomisr  en  gnsnoMÎUs, 
argument  féodal  dont  Teifet  Ait  pourtant  de  ruiner  la  iéo- 
dalité.  Tandis  40e  le  progrès  de  réquilé  civile,  i'intro* 
dneiion  dn  4ink  romain,  ouvraient  leseunoessiDns  aux 
files,  cpie  Jes  fiefr  devenaient  féminins  et  paesaieiit  de 
bouDe  ^en  InBtûUe,  la  couwmne  ne  sortit  point  de  la  même 
mainmii  immnaUs  aujuUieu  de  la  mobilité  universelle.  La 
maison  de  France  locesaii  dndefamrs  la  femme,  rélément 
mobile  et  variaUa,  ornais  elle  conaerTait  dans  la  série  des 
mâles  riment  fiie  'de  la  liiniHe,  Fiésntité  du  pater-- 
familias.  La  fèm^me  elmay  de  nom  et  de  pénates.  L'homme 
habitant  la  demeure  dea aïeux,  reproduisant  leur  nom,  est 
porté  à  9nma  leurs  errements.  Cette  transmission  n^ 


«  •  KUmB^  ferma  à  ^«k  qifan  nèis  «prds  la  rnaii  et  trais  X,  il 
InmYa  ion  oncle,  le  comte  de  Valois,  à  la  \èie  d'au  parti  prêt  à  lui  dis- 
p«ter  la  régence.  La  boargeoi.«ie  de  Paris  prit  les  armes  sooj  la  conduite 
de  Gaacb«r  de  Ch&litlon,  et  chassa  le?  soldats  du  comte  de  Vateis,  qui 
•'étaient  déjà  emparés  du  LouTre.  »  Féiibieo.- 


456  SUITE  DU  RÈGNE  DE  PHILIPPi  LE  BEL. 

variable  de  la  couronne  dans  la  ligne  masculine  a  donné 
plus  de  suite  à  la  politique  de  nos  rois  ;  eUe  a  balancé 
utilement  la  légèreté  de  notre  oublieuse  nation. 

En  repoussant  ainsi  le  droit  des  filles  au  moment  même 
où  il  triomphait  peu  à  peu  dans  les  fiefs,  la  couronne 
prenait  ce  caractère,  de  recevoir  toujours  sans  donner 
jamais.  A  la  même  époque,  une  révocation  hardie  de  toute 
donation  depuis  saint  Louis  i,  semble  contenir  le  principe 
de  l'inaliénabilité  du  donoaine.  Malheureusement  l'esprit 
féodal  qui  reprit  force  sous  les  Valois  à  la  faveur  des 
guerres,  provoqua  de  funestes  créations  d'apanages,  et 
fonda  au  profit  des  branches  diverses  de  la  famille  royale, 
une  féodalité  princiëre  aussi  embarrassante  pour  Charles  YI 
et  Louis  XI,  que  Tautre  l'avait  été  pour  Philippe  le  Bel. 

Cette  succession  contestée,  cette  malveillance  des  sei- 
gneurs, jette  Philippe  le  Long  dans  les  voies  de  PhiKppe 
le  Bel.  H  flatte  les  villes,  Paris,  l'Université  surtout,  la 
gravide  puissance  de  Paris.  11  se  fait  jurer  fidélité  parles 
nobles,  en  présence  des  maîtres  de  V  Université  qui  ap^ 
prouvent  >.  Il  veut  que  ses  bonnes  villes  soient  garnies 
d* armures  ;  que  les  bourgeois  aient  des  armes  en  lieu  sûr  ; 
il  leur  nomme  un  capitaine  en  chaque  baillie  ou  contée 
(1316,  42  mars).  Senlis,  Amiens  et  le  Yermandois,  Caen, 
Rouen,  Gisors,  le  Cotentin  et  le  pays  de  Caux,  Oriéans, 
Sens  et  Troyes,  sont  spécialement  désignés. 
'  Philippe  le  Long  aurait  voulu  (dans  un  but,  il  est  vrai, 
fiical)  établir  l'uniformité  de  mesures  et  de  monnaies; 
mais  ce  grand  pas  ne  pouvait  se  faire  encore  >. 

Il  fait  quelques  efforts  pour  régulariser  un  peu  la  comp- 
tabilité. Les  receveurs  doivent,  toute  dépense  payée,  envoyer 
le  reste  au  Trésor  du  roi,  mais  secrètement,  et  sans  que 
personne  sache  f  heure  ni  h  jour.  Les  baillis  et  sénéchaux 


*  App„  130. 

•  Coiit.  ti.  do  Ndng.  —  <  App„  131. 


S£S  TROIS  FILS.  —  PROCÈS.   —  INSTITUTIONS.         157 

doiTent  venir  compter  tous  les  ans  à  Paris.  Les  trésoriers 
compteront  deux  fois  Tannée.  L'on  spécifiera  en  quelle 
monnaie  se  font  les  payements.  Les  jugeurs  des  comptes 
jugeront  de  suite....  Et  k  roi  ioura  combien  Uaà  recevoir. 

Parmi  les  règlements  de  finance,  nous  trouvons  cet 
article  :  «  Tous  gages  de»  chastiaux  qui  ne  sont  en  frontière, 
cessent  du  tout  des-ores-en-avant  ^  »  Ce  mot  contient  un 
fidt  immense.  La  paix  intérieure  commence  pourlaFrance, 
au  moins  jusqu'aux  guerres  des  Anglais. 

La  garantie  de  cette  paix  intérieure,  c'est  l'organisation 
d'un  fort  pouvoir  judiciaire.  Le  Parlement  se  constitue. 
Une  ordonnance  détermine  dans  quelle  proportion  les 
clercs  et  les' laïques  doivent  y  entrer;  la  majorité  est 
assurée  aux  laïques.  Quant  aux  conseillers  étrangers  aux 
corps  et  aillés  temporairement,  Philippe  le  Long  répète 
l'exclusion  déjà  prononcée,  contre  les  prélats,*  par  Philippe 
le  Bel  :  c  II  n*aura  nulz  Prélaz  députez  au  Parlement,  car 
le  Roy  fait  conseknce  de  eus  empeschier  ou  gouvernement  de 
leurs  experituautez.  » 

Si  l'on  veut  savoir  avec  quelle  vigueur  agissait  le  Par- 
lement de  Paris,  il  faut  lire,  dans  le  continuateur  de  Nangis, 
l'histoire  de  lordan  de  Lille,  c  seigneur  gascon  fameux  par 
sa  haute  naissance,  mais  ignoble  par  ses  brigandages. . .  » 
H  n*en  avait  pas  moins  obtenu  la  nièce  du  pape,  et  par  le 
pape  le  pardon  du  roi.  U  n*en  usa  que  c  pour  accumuler 
les  crimes,  meurtres  et  viols,  nourrissant  des  bandes 
d'assassins,  ami  des  brigands,  rebelle  au  roi.  U  aurait* 
peut-être  échappé  encore.  Un  homme  du  roi  était  venu  le 
trouver  ;  il  le  tua  du  bftton  même  ôii  il  portait  les  armes 
du  roi,  insigne  de  soa  ministère.  Appelé  en  jugement,  il 
vînt  à  Paris  suivi  d*un  brillant  cortège  de  comtes  et  de 
barons  des  plus  nobles  d'Aquitaine...  Il  n'en  fut  pas  moins 
jeté  dans  les  prisons  du  Chàtelet,  condamné  à  mort  par  les 


IBS  aain  du  règxs  ds  psilim*  lb  iol. 

Mattrea  du  Parlement,  el,  la  Teiile*  ée  iet  Trinité,  tnlsé  à 
la  queae  des  elievauxet  peada  au  oommon  paflttmkure  *^ 

Le  Parlement  qui  défend  si  wgourauHeaient  rhomisnr 
du  rai),,  aal  lai-indine  un- vrai  rei  sous  le  lappoot  jndioiai». 
Il  poirtie:  le  ceatume  nayal;  hi  langue  tobt,  âavpomqiEe  et 
rberinîna.Gen'e9t.piiBv  eommeUNaemUevi'ombre,  TefOgie 
du  roi  ;  c'est  plutôt  sa  pensée,  sa  ^onté  eonstante, 
immuable  et  vraiment  royrie;  Le  mi  Tsat^pup  la  justice 
suive  son  cours  :  «  Non  eonttestant  foules  oonoesiions, 
ordonnances,  et  lettrea  reyaun.  à  «s  oontraôe.  »  Ainsi  le 
roi  se  défie  da  roi,  il  se  reeoonalti  mieux  en;son»  Parlement 
qu'en  lui-même*  H  disting:ue  eni  lui' un  double  camctàna; 
il  se  senti  roi,  et  it  se  seiitheHnne,etle:rai.oiidonneds 
désob^  à  llbomnie. 

Beaucoup  de  textes  d'ordeammces  em  ee  senhonaROt 
la  sagesse,  dbs  conseitters  qui  les  dictfarent.  Le  nAdhemstie 
k  mettre  une  bairrière  à  sa  lîbétaUté.  ILeocprime  la  erainte 
que  l'on  n'arradie  des  dons  «eneesaifli  àsnfiûUesse^.à  son 
inattention  ;  que  pendant  qu'il  dort  eu  repose;  le  privilège 
-ei  l^Murpation  ne  seunt  que  tr^  bien  éûillés  >. 

jyoeiï,  en.  i348,  il  parie  de  oertakui  teiitt  fiedsuK: 
€  ..«  lesqneb  en:  noua  demanda  JOEUvmtf,  et  sont  de  plus 
^aade  valeur  fue  noua  ntf^irsgam^nou&dnvensétre  av  isée^ 
ai  cpielqu'im:  nous  les  demande  K  a 

ÂilVeuin,  il  reeommande>  aux  nceneua»  de  fiavenk 
peisanne*  des  Eecettes^  exlrMidineinai^  mê.  «  avemnass  qni 
nous  éehoironik,  à  ^guantNtena^raûtàmr  élire  rspd^Âe^lu 

Ces  Auenx  de  faiblesse  et  d'ignMsnee  qne  les^conseilieR 
du^Dcd  lui  faisaient  fure,  peu  être  à  naffs,  nfevsoni  pas 
moins^  nespeotables^  IL  seâsble;  qne  la.  sojualé  noovelb, 
duveaue  te«t  d'un  coup  la  provldeace  d'un:  peuple,  sentfe 


<  Contin.  G.  de  Nang. 
•iipp.,  133.  —  »  App,  131. 


SES  TtfOIS  F&».  *—  PROCÀS.  —  UfSTflUTIONS.         459 


la  diB]Mroporiîoii  de  ses  iftoyei»  et  de  ses  dsvoirs*  Ce  con- 
traaie  se  nanpie  d'une  manière  bîuim  dans  l'ordonnanûe 
ée  Vhiqppe^  Ib  Long  :  Sur  le  gouvernameat  de  sonhostel 
et  le  bien  de  smî  royaume.  Il  étabfit  d'abord,  dans  un  noble 
yrénMboie  «fue  Messîre  Bieu  a  kistitné  lea^  oolssur  la  terre, 
poor  que  bits  onlosnés>6n>  hmm  personnes,  ils  ordonnent 
et  geweraeni  dûment  leur  royaume.  Il  annonce  ensuite 
ipi'il  entend  1&  mease  tous  las  matinsv.  et  défend  qa'on 
rinlemimpe  pendant  k  même  pour  lui  pcéseater  des  re- 
quêtes. NnUe  pecaonae  ne  pourra  lui  parler  à  la  chapelle: 
«  Si  ce  n'estoit  notae  confessenr,  lequel  pourra  parier  à 
noua  des  cboaea  qui  tencheront  notre  conscience.  »  Il 
ponmMiit  ensuite  à.  la  gaarde  de  sa  personne  royale  :  •  Que 
nulle  personne  mescongûe,  ne  garçon  de  petit  estât,  ne 
entre  en  notve  garder-robe,  ne  mettent  main,  ne  soient,  à 
Bostfe  bt  faire:,  et  qn!on  n'i  sofire  mettre  draps estrangers.  v 
La  terreur  des  empokcmnemenla  et  des  malélees  est  un 
trait  de  cette  époque. 

Après  ces  détails  de  ménage,  viennent  des  règkmeels 
eur  le  conseil,  le  trésor,  le  domaine,  etc.  L£tai  apparaît 
ici  comme  un  simple  apanage  royal,  le  royaume  oaauee 
■B  acecasoiae  de  ÏHotêe]  ^.  —  On  aaab  partout  la  petite 
aegeaae  des  fftf»dm  roi^.  ceitJbb  bonnâtetè  bourgeeise,  eiaele 
et  aemipoleuse  dans  le  menu,  flexible  dans  le  grand.  Nul 
doQle  qne  cette  onlonnanee  ne  noua  donne  TidéaLdela 
royaoÉé,  selonles-gens  dérobe,  le  modUe  qu'ils  présentaient 
en  roi  fiodal  poor  em  fkiœ  an  Trai  roi  comme  ils  le  conce- 
▼aîcBt 

Ces  essais  estimaUes  d'ordre  et  de  gouvernement  ne 
changeaient  rien  aux  soufirances  du  peuple.  Sons  Louis 
HutiS)  une  borcible  mortalité  avak  enlevé,  ditM)n,  le  tiers 
de  la  pofulaéen  dn  Noed  K  La  géante  de  Flandie  avait 

«  Arp.,  135.  —  *  Coni.  G.  de  Naog. 


460  SUITE  DU  RÈGNB  DB  PHILIPPK  LB  BBL. 

épuisé  les  dernières  ressources  du  pays.  En  4320,  il  fallut 
bien  finir  cette  guerre.-  La  France  avait  assez  à  faire  chez 
elle.  L'excès  de  la  misère  exaltant  les  esprits,  un  grand 
mouvement  avait  lieu  dans  le  peuple.  Conune  au  temps  de 
saint  Louis,  une  fouie  de  pauvres  gens,  de  paysans,  de 
bergers  onpastoureaux,ùomme  on  les  appelait,  s'attroupent 
et  disant  qu'ils  veulent  laller  outre -mer,  que  c'est  par  eux 
qu'on  doit  recouvrer  la  Terre-Sainte.  Leurs  cheEs  étaient 
un  prêtre  dégradé  et  un  moine  apostat.  Us  entraînèrent 
beaucoup  de  gens  simples,  jusqu'à  des  enfants  qui  fuyaient 
la  maison  paternelle.  Ils  demandaient  d'abord  ;  puis  ils 
prirent.  On  en  arrêta  ;  mais  ils  forçaient  les  prisons,  et 
délivraient  les  leurs.  Au  Chàtelet,  ils  jetèrent  du  haut  des 
degrés  le  prévôt  qui  voulait  leur  défendre  les  portes  ;  puis, 
ils  s'allèrent  mettre  en  bataille  au  Pré-aux-Clercs,  et  sor^ 
tirent  tranquillement  de  Paris  ;  on  se  garda  bien  dé  les 
en  empêcher.  Il  s'en  allèrent  vers  le  Midi,  égorgeant  par^ 
tout  les  juifs,  que  les  gens  du  roi  tâchaient  en  vain  de 
défendre.  Enfin  à  Toulouse,  on  réunit  des  troupes,  on 
fondit  sur  les  pastoureaux,  on  les  pendit  par  vingt  et  par 
trente  ;  le  reste  se  dissipa  ^. 

Ces  étranges  émigrations  du  peuple  indiquaient  moins 
de  fanatisme  que  de  souffrance  et  de  misère.  Les  seigneurs, 
ruinés  par  les  mauvaises  monnaies,  pressurés  par  l'usure, 
retombaient  sur  le  paysan.  Celui-ci  n'en  était  pas  encore 
au  temps  de  la  Jacquerie  ;  il  n'était  pas  assez  osé  pour  se 
tourner  contre  son  seigneur.  11  fuyait  plutôt,  et  massacrait 
les  juifs.  Us  étaient  si  détestés,  que  beaucoup  de  gens  se 
scandalisèrent  de  voir  les  gens  du  roi  prendre  leur  dé- 
fense. Les  villes  commerçantes  du  Midi  les  jalousaient 
cruellement.  C'était  précisément  l'époque  oii,  cx>mme  finan- 
ciers, collecteurs,  percepteurs,  ils  commençaient  à  régner 
sur  l'Espagne.  Aimés  des  rois  pour  leur  adresse  et  leur 

«  App.,  13S. 


SIS  TROIS  nLS.   —  PROCÈS.   —  INSTITUTIONS.         46f 

servilité,  ils  s'enhardissaient  chaque  jour,  jusqu'à  prendre 
le  titre  de  Don.  Dès  le  temps  de  Louis  le  Débonnaire,  l'é- 
voque Agobart  avait  écrit  un  traité  :  De  insolentià  Judaec- 
nun.  Sous  Philippe-Auguste,  on  avait  vu  avec  étonnement 
un  juif  bailli  du  roi.  En  4267,  le  pape  avait  été  obligé  de 
lancer  une  bulle  contre  les  chrétiens  qui  judaïsaient  ^ 

Philippe  le  Bel  les  avait  chassés;  mais  ils  étaient  rentrés 
à  petit  bruit.  Louis  Hutin  leur  vivait  assuré  un  séjour  de 
douze  ans.  Aux  termes  de  son  ordonnance,  on  doit  leur 
rendre  leurs  privilèges,  si  on  les  retrouve  ;  on  leur  resti- 
tuera leurs  livres,  leurs  synagogues,  leurs  cimetières,  si- 
non le  roi  les  leur  payera.  Deux  auditeurs  sont  nommés 
pour  connaître  des  héritages  vendus  à  moitié  prix  par  les 
juifs  dans  la  précipitation  de  leur  fuite.  Le  roi  s'associe  à 
eux  pour  le  recouvrement  de  leurs  dettes  dont  il  doit  avoir 
les  deux  tiers' .  —  Les  nobles  débiteurs  qui  avaient  eu  le 
crédit  d'obtenir  de  Philippe  le  Bel  qu'on  cesserait  de  re- 
chereher  les  créances  des  juifs,  se  voyaient  de  nouveau  à 
leur  merci.  Les  écritures  des  juifs  faisant  foi  en  justice,  ils 
pouvaient  à  leur  gré  désigner  au  fisc  ses  victimes.  Le  juif, 
ulcéré  par  tant  d'injures,  était  à  môme  de  se  venger,  au 
nom  du  roi. 

La  vieille  haine  étant  ainsi  irritée,  enragée,  par  la  crainte, 
on  était  prêt  atout  faire  contre  eux.  Au  milieu  des  grandes 
mortalités  produites  par  la  misère,  le  bruit  se  répand  tout 
à  coup  que  les  juifs  et  les  lépreux  ont  empoisonné  les  fon- 
taines. Le  sire  de  Parthenay  écrit  au  roi,  qu'un  grand  lé- 
pret:x,  saisi  dans  sa  terre,  avoue  qu'un  riche  juif  lui  a 
donné  de  l'argent  et  remis  certaines  drogues.  Ces  drogues 
se  composaient  de  sang  humain,  d'urine,  à  quoi  on  ajou- 
tait le  corps  du  Christ  ;  le  tout  séché  et  broyé,  mis  en  un 
sachet  avec  un  poids,  était  jeté  dans  les  fontaines  ou  dans 
les  puits.  Déjà,  en  Gascogne,  plusieurs  lépreux  avaient  été 

t  Afp.,  137.  —  «  Ord.,  I,  p.  595. 

m.  il 


provisokpeaieiii  brMéSi  Le  vor,  .eAmyé  do  noinrêaii  motiTe* 
nient  qui  se  préparait^  revint  pràcipîlanaiêiit  de  Poitou  en 
Fcanesi  ordonoanique  les  iépretn  fasseat  partoot  arrêtés. 

Personne  ne  doulait  de  cet  horrible  accord  entre  les 
lépreax  et  les  juib.  «  Noiia-«Qéniesi,  dit  le  cltfonîqtieurdo 
temps,  en  Poftoii,  dans  on  iKMirgde  Aotnecvasselagéy  noas 
avons 4e  nos  yeuxtvu-  iin.-de  eeasachet»/Une  léiprfme  qui 
passaity  cntignantd'étrafinse,  jeta-derrièreelle  an  chiffon 
lié  qui  fut .  aussitôt  poftéen  justioe^  et  Ton  y  trouva  une 
tête*  de  couleuvre,  des  pattes itde  'cr«|pKud,-  et  eonnna  des 
cheveux  de  femme  enduits  d'une  liqueur  noire  et 'puante, 
chose  horrible  à  voir^età^sentir.  Leteut  misdaas  an  ^nd 
feu,. ne  put  brûler,  preuve  s^rre  qm>e*était"un  violentpoi- 
son...  Il  y  eut  bien  des  diseaurs^  ibien  des  epimons.  La 
plus  probable,  c'est  que  le  roi  des  Maures  de  Grenade,  se 
voyant  avec  douleur  si  souvent' battu,  imagina^de  s'en 
venger  en  uiachtnaat.  ave»  les  jnife  la  perte  destèirdtiens. 
Jtfais  les  ittife,  trop  suspects  eux^oièmes,  s'adressèrent  ^ux 
lépreux...  Ceux-ci,  le  diable,  aidant,  furent  persuadés  par 
les  juifs.  Les  principaux  lépreux  tinrent  quatre  cofteiles, 
pour  ainsi  parler,  et  le  diable,  par  les  juifs,  leur  fit  enten^ 
dre  que,  puisque  les  lépreux  étaient  réputés  personnes  si 
objectes  et  comptée' poar^riea)'  il  ' serait 'i)on- de  faire  en 
sorte  que  tous  leschrét&ens^moaruaseDt  ou  devinssent  lé- 
preux. Gela  leur  plut  à  tous^  chacun,;  de  retour,  le  redit 
i^ux  autres. . .  Un  grand  nombre  leurrés  par  de  fausses  pro* 
messes- de  royaumes,!  oomtéa^' et  autees  biens 'temporels** 
disaient  et  croyaient"  feroMneat  que  la  chose  se  ferait 
ainsi'.  » 

La  vengeaaae  du  raileGiMaieest'éfidemmentftbU'- 
leuse.  La  culpabilité  des  .jinflvest  improbable^;  ils  étaient 
iilors  fevorisés  du  roi,  et  l^ure  leur  fournissait  une  ven- 
jgeance  plua  «utile.  Quaataux  lépreux;  le  récit  n'est  nas  si 

4  App,,  133. 


SES  TROIS  FILS.  —  PROCiS.  —  iNSTITUTKOSiS.         463 

étrange  que  loDt  jagé  les  historieas  modernes.  De  coupa- 
bles folies  pouvaient  fort  bien  tomber  dans  Tespri^t  de  Ge$  .. 
tristes  solitaires.  L'accusatiûa  était  du  moins  spécieuse. 
Les  juifa  et  les  lépreux  avaient  un  trait  commun  aux  yeux 
du-  peuple,  leur  saleté,  leur  vie  à  part.  La  maison  du  lé- 
preux n*était  paamoins  mystérieusa^et  mal  famée.que  celle  . 
du  juif.  L'esprit omteageuxde  ces  temps  s'efTaivoucbait.d^ 
tout  mystère,  comme  un  enfant  qui  ja  peur  la  nuit*  et  qui,. 
Irappe  d*autant  plus  fort  ce  qui  lui  tombe  sous  la  main. . . . 

L'institution  des  léproseries,  ladreries^  maladi^erîies^  cfi 
sale  résidu  des  croisades,  était  mal  vue»  ipal  voulue,  tout 
comme  Tordre  du  Temple,  depais  qu'il  a  y  avait,  plus  rien  . 
à  faire  pour  la  Tenrre-Sainte.Les  lépi^ux^eux^méines^  déT 
sormais  sans  doute  négKgés,  avaienèdû  perdîe  la  résigjaar 
tion  religieuse  qui,  dans  les  siècles  précéé&f^k  l^ur  faisait 
prendre  en  bonne  part  la  mort  anticipée  à  laquelle  on  les . 
condamnait  ici-bas. 

Les  rituels  pour  la  séqaèstralioa'des  lépreux  différaiejot 
peu  des  officesdes  morts:  Sur  deux  tréteaux  devant  Vautel, 
on  tendait  un  drap  noir,  le  lépreux  dvessé  se  tenait  dessous 
agenouillé,  et  y  entendait  dévotement  la  messe.  I^  prêtre»  . 
prenant  un  peu  de  terre  dans  son  manteau,  en  jetait  sur  , 
Fun  des  pieds  du  lépneux^  Puis  il  le  mettait  hors  de 
rËglise,  s'il  ne  faisttU  trop  fort  temps  de  i^ie  ;  il  le  menait  ' 
à  sa  maisonnette  au  milieu  des  ebamps^  et  lui  faisait  les 
défenses  :  t  Je  te  défends  que  tu'  n'entres  en  TégUse...  ne 
en  compagnie  de  gens.  Je  te  défends  que  {u  ne  voises  hors 
de  ta  maison  sans  ton  bafait  de  ladre,  eUv  »  Et  ensuite  : 
«  Recevez  cet  babit,  et  levestez  ea  signe  d'humilité... 
Prenez  ces  gants...  Recevez  cette  cliquette  en  signe  qu'il 
vous  est  défendu  de  parler  aux  personnes,  €tc.  .Vous  ne 
vous  fâcherez  point  poW' être  ainsi  sépara  4es  autres...  Et 
quant  à  vos  petites  nécessités,  les  gens  de  bien  y  pour- 

I  App.,  189.  ' 


i6l  SUITE  DU  RÈGNE  DE  PfltLIPPS  LK  BEL. 

voyront,  et  Dieu  ne  vous  délaissera...  >  On  lit  encore  dans 
un  vieux  rituel  des  lépreux  ces  tristes  paroles  :  <  Quand  il 
avendra  que  le  mesel  sera  trespassé  de  ce  monde,  il  doit 
être  enterré  en  la  maisonnette,  et  non  pas  au  cimetière^.  » 

D*abord  on  avait  douté  si  les  femmes  pouvaient  suivre 
leurs  maris  devenus  lépreux,  ou  rester  dans  le  siècle  et  se 
remarieri  L'Ëglise  décida  que  le  mariage  était  indissoluble  ; 
elle  donna  à  ces  infortunés  cette  immense  consolation. 
Mais  alors  que  devenait  la  mort  simulée?  que  signifiait  le 
linceul  ?  Ils  vivaient,  ils  aimaient,  ils  se  perpétuaient,  ils 
formaient  un  peuple...  Peuple  misérable,  il  est  vrai,  en* 
vieux,  et  pourtant  envié...  Oisifs  et  inutiles,  ils  semblaient 
une  charge,  soit  qu'ils  mendiassent,  soit  qu'ils  jouissent 
des  riches  fondations  du  siècle  précédent. 

On  les  crut  volontiers  coupables.  Le  roi  ordonna  que 
ceux  qui  seraient  convaincus  fussent  brûlés,  sauf  les  lé- 
preuses enceintes,  dont  on  attendrait  Taccouchement  ;  les 
autres  lépreux  devaient  être  enfermés  dans  les  léproseries. 

Quant  aux  juifs,  on  les  brûla  sans  distinction,  surtout 
dans  le  Midi.  «  A  Chinon,  on  creusa  en  un  jour  une  grande 
fosse,  on  y.  mit  du  feu  copieusement,  et  on  en  brûla  cent 
soixante,  hommes  et  femmes,  pôle-méle.  Beaucoup  d'eux 
et  d'elles,  chantant  et  comme  à  des  noces,  sautaient  dans  la 
fosse.  Mainte  veuve  y  fit  jeter  son  enfant  avant  elle,  de 
peur  qu'on  ne  l'enlevât  pour  le  baptiser.  A  Paris,  on  brûla 
seulement  les  coupables.  Les  autres  furent  bannis  à  tou* 
jours,  quelques-uns  plus  riches  réservés  jusqu'à  ce  qu'on 
c  onnût  leurs  créances,  et  qu'on  pût  les  affecter  au  fisc  royal 
avec  le  reste  de  leurs  biens.  Il  y  eUt  pour  le  roi  environ  cent 
cinquante  mille  livres.  » 

a  On  assure  qu'à  Vitry,  quarante  juifs,  en  la  prison  du 
roi,  voyant  bien  qu'ils  allaient  mourir,  et  ne  voulant  pas  I 

<  Ce  n*ëtait  point  cependant  nn  signe  de  réprobation*  Uort  au  monde, 
il  semblait  aroir  fait  son  purgatoire  ici -bas;  et  en  quelques  lieux  on  cd- 
lébrait  sur  loi  l'office  du  confesseur  :  «  Os  jusii  meditabîtor  sapientiam./ 


SB5  mois  rir.s.  —  procès.  —  institutions.      lO) 

tomber  dans  les  mains  des  incireoncis,  s'accordèrent  una- 
nimement à  se  faire  tuer  par  un  de  leurs  vieillards  qui 
passait  poyr  une  bonoe  et  sainte  personne,  et  qu'ils  appe- 
laient leur  père.  Il  n'y  consentit  pas,  à  moins  qu'on  ne  lui 
adjoignit  un  jeune  homme.  Tous  les  autres  étant  morts,  les 
deux  restant,  chacun  voulait  mourir  de  la  main  de  l'autre. 
Le  vieillard  l'emporta,  et  obtint  à  force  de  prières  que  le 
jeune  le  tuemt.  Alors  le  jeune,  se  voyant  seul,  ramassa 
l'or  et  l'argent  qu'il  trouva  sur  les  morts,  se  fit  une  corde 
avec  des  habits,  et  se  laissa  glisser  du  haut  de  la  tour. 
Mais  la  corde  était  trop  courte,  le  poids  de  l'or  trop  lourd, 
il  se  cassa  la  jambe,  fut  pris,  avoua  et  mourut  ignomi- 
nieusement ^. 

Philippe  le  Long  ne  profita  pas  de  la  dépouille  diBs  lé- 
preux et  des  juifs  plus  longtemps  que  son  père  n*avait  fait 
de  celle  des  Templiers.  La  même  année  43â1,  au  mois 
d'août,  la  fièvre  le  prit,  sans  que  les  médecins  pussent  de- 
viner la  cause  du  mal  ;  il  languit  cinq  mois,  et  mourut, 
c  Quelques-uns  doutent  s'il  ne  fut  pas  frappé  ainsi  à  cause 
des  midédictions  de  son  peuple,  pour  tant  d'extorsions 
inouïes,  sans  parler  de  celles  qu'il  préparait.  Pendant 
sa  maladie,  les  exactions  se  ralentirent,  sans  cesser  entiè- 
rement. » 

Son  frère  Charies  lui  succéda,  sans  plus  se  souder  des 
droits  de  la  fille  de  Philippe,  que  Philippe  n'avait  eu  égard 
à  ceux  de  la  fille  de  Louis. 

L'époque  de  Charles  le  Bel  est  aussi  pauvre  de  faits  pour 
la  France,  qu'elle  est  riche  pour  l'Allemagne,  l'Angleterre 
et  la  Flandre.  Les  Flamands  emprisonnent  leur  comte. 
Les  Allemands  se  partagent  entre  Frédéric  d'Autriche  et 
Louis  de  Bavière,  qui  fait  son  rival  prisonnier  à  Mulbdorf. 
Dans  ce  déchirement  universel,  la  France  semble  forte  par 

i  App.,  140. 


465  SUITE  DU  RÈGNE  DE  PHILIPPE  LE  BEL. 

cela  seul  qu'elle  est  une.  Charles  le  Bel  intervient  en  faveur 
du  comte  de  Flandre.  Il  entreprend,  avec  Taîde  du  pape, 
de  86  faire  Empereur.  Sa  sœur  Isabeau  se  fait  effectivement 
reine  d'Angleterre  par  lo  m^irtre  d'Edouard  II. 

Terrible  histoire  qiteœUe  des  enfants  de  Philippe  le  Bel  t 
Le  fils  aîné  fait  mourir  sa  femme.  La-âUe  fait  mourir  son 
mari. 

Le  roi  d'Angleterre, .  Edouard  II,  né  parmi  les  victoires 
de  son/  père  et  promis  aux  •  Gallois  pour  réaliser  leur 
Àithur,  n'en^tait  pas  moins  toujours  battu.  En  France,  il 
laissait  entamer  la  Guyenne  et  promettait  de  venir  rendre 
hommag6w\Eda  Angleterre,  il  était  «malmené- par  Robert 
Bruce  ;  mais  il  le  poursuivait  en  cour  de  Rome.  R  avait  de- 
mandée  au  pape  s*il  pouvait ,  sans  péché,  se  frotter  d'une 
huile  merveilleuse,  qui  donnait  du  courage.  Sa  femme  le 
méprisait:  Mais  ihn'aimait  pas  les  femmes;  il  se  consolait 
plutôt  de  sesimésmveiitures  avee  de  heaux  jeunes  gens.  La 

>  reine,  par  i^eprésailleS)  s'élait^livrée  au  baron  Mortimer. 
Les  barons,  qui  détestaientJes  mignons  du  roi,  lui  tuèrent 
d'abord  son* brillant Gaveston,  bardi  Gascon,  beau  cavalier, 

..qui  s'amusait  dans  les  tournois  à  jeter* parterre  les- plus 
graves'lerds,  les  plus  nobles  seigneurs:  Speûcer,  qui  suc- 
céda à  Gaveston,  ne  fut  pas  moins  ha!. 

L'Angleterre  se  trouvant  désarmée  par  ses  discordes,  le 
•ror  de  FMnesfiiofitardu  jnomettt,  el  s^empara  de  l' Agénois^. 
isabesuiviBl  en-FiMwice  avee  son  jeçne  fils,*  pour  réclamer^ 
disait-elle.  Mais  c*est  contre  «on  mari  qu'elle  réclama. 
GhaBie6!lti>Bel,viieȴ0filant  pas  s'embarquer  en  son  nom 

>  dana^uie  affinr&ansbif  hasardeuse  qu'une  invasioh  de  l'An- 
gleterre^ défèndil  k  ses  chevaliers  de  prendre  le  parti  de 

1  latrainet.  Il  At^méme^i^oire  qu'il  voulait  l'arrêter  et  la 
«learaoyer  à  eonimart.  En  vrai  file  de  Philippe  le  Bel,  il  ne 
:daiidMinft{Nis4'apinées  mais^e  Taisent  pour  en  avoir  une. 

•  Àpp.,  141.  —  *  App.s  142. 


SES  TROIS  riLS.  —  PROCES.   -^  fflSTinJTIONS.     <    167 

Cet  argent  foi  prêté  par  les  Bardi^  banquiers  florentins. 
D'autre  part,  le  roi  de  France  envoyait  des  tioupes  en 
Guyenne  ponr  r^rimer,  èinit^il,  «quelques  awatucters 
gascons. 
Le  comte  dé  Hainaut  donna  sa^fille  en  «mariage  au  jeune 

'  fils  d'Isabeau,  et  le  frère  du  comte  se  chargea  de  oonéuire 
k  petite  troupe  qu'elle  aivait  levée.  De  grandes  forées  n'au- 
raient pu  que  nuire,  en  alavmant-les  Anglais.- Edouard 
était  d»rmé,  livré  ^'avance.  Il  «nvoya  sa^tte  lOOKtre 
elle;  mais  la  flotfen'availigarâe'de.la'reaeontrer*  It  dé- 
pécha Robert  de  Watteville^avec  des  troupes,  qui  se  réu- 
nirent àeHe.  Il  iis^lora  lesgens  de  Londres  ;  ocux'-oiTé- 
pondirent  prudemment  «qu'ils  avaient  privilège  de. ne 
point  sortir  en  batailie;  qu'ikne  roœvraient  pas  d'étran- 
gers, niaiS'bieaTolontiera)»roi,laMÎaieetieprince  royal.  » 
Non  moina  prudemment  les  gens  d'égUse  accueillaient  la 
reine  à  son  arrivée.  «L^arclMvéque  de^rGaatorbéry  prêcha 
sur  ce  texte  :  c  La  voix  du  peuple  est  la.  voix  de  Dieu.  » 
L'évéque  d*Hereibrd  sur  cet  autre  :  «  C'est  au  clief:que  j'ai 
mal,  CapwtHwmméoleoK  »  fisfin,  VevAque  d'Oxfturdprit  le 
'  texte  de  la  Genèse:  «  Je  mettimt  inimitié  entra  toi  eÉ  la 
femme,  etellet^éeraseralatéts.  »  Prophétie  bomiaîdtiJiui 

■    se  vérifia. 

CependaM  la  reine «s'amngatt^wecaonifib  et  ssipetite 

'   treup^  ^EMe  «venait  camMe  une  »  iaamie  -  malheuraMSe  j  qui 

-    veui  seutaneauéloignefl  da^soo»  flaari  lesimauMsisaxiitseil- 
^eia  ^HefeÊêent.  StUià  gf  andefitiédetiaiveig  abddtaite 

•  et^SKéptorée.  gjeut  le^aondftétoitupawicilit.  JHtoetifcbisiitôt 

^>  entre  sea^mains  «Edouard  et  Spencer,  te  lui:  amena?  ce 
Spenoe^  quiellé  Miseail  tant:  eDe  en^raseasiai  ses>yeux. 

'  Puia^devanilafialais,  sous4e6<n>isées*de.lareintf(  ofrlui 
Atsttbirs  spvanl la moHi  ■d'ohsoènaa.mutilatinns. 

1  11  ooDcluait  que  le  seul  moyen  de  itt'iirle  corps  était  de  hii  eoapai 
feCéta. 


N 


468  SUITS  DO  RÈGNB  DB  PHILIPPB  LB  BBL. 

Pour  le  moment,  elle  n'osait  pas  en  faire  plus.  Elle  avait 
peur,  elle  tàtait  le  peuple,  elle  ménageait  son  mari.  Elle 
pleurait,  et  tout  en  pleurant  elle  agissait.  Mais  rien  ne 
semblait  se  faire  par  elle,  tout  par  justice  et  régulièment 
Edouard  était  resté  en  possession  de  la  couronne  royale; 
cela  arrêtait  tout.  Trois  comtes,  deux  barons,  deux  évo- 
ques et  le  procureur  du  Parlement,  Guillaume  Trussd, 
vinrent  au  chftteau  de  Kenilworth,  faire  entendre  au  pri* 
aonnier  que  s*il  ne  se  dépêchait  de  livrer  la  couronne,  il 
n'y  gagnerait  rien,  qu'il  .risquerait  plutôt  de  (aire  perdre 
le  trône  à  son  fils,  que  le  peuple  pourrait  fort  bien  choisir 
un  roi  hors  de  la  famille  royale.  Edouard  pleura,  s'évanouit 
et  finit  par  livrer  la  couronne.  Alors  le  procureur  dressa 
et  prononça  la  formule,  qu'on  a  gardée  comme  bon  précé- 
dent :  c  Moi  Guillaume  Trussel,  procureur  du  Parlement, 
au  nom  de  tous  les  hommes  d'Angleterre,  je  te  reprends 
Thommage  que  je  t'avais  fait,  à  toi,  Edouard.  De  ce  temps 
en  avant,  je  te  défie,  je  te  prive  de  tout  pouvoir  royal. 
Désormais,  je  ne  t'obéis  plus  comme  à  un  roi.  » 

Edouard  croyait  au  moins  vivre  ;  on  n'avait  pas  encore 
tué  de  roi.  Sa  femme  le  flattait  toujours.  Elle  lui  écrivait  des 
choses  tendres,  elle  lui  envoyait  de  beaux  habits.  Cepen- 
dant un  roi  déposé  est  bien  embarrassant.  D'un  moment  à 
l'autre  il  pouvait  être  tiré  de  prison.  Dans  leur  anxiété, 
Isabeau  et  Mortimer  demandèrent  avis  à  l'évêque  d'He- 
reford.  Us  n'en  tirèrent  qu'une  parole  équivoque  :  Edwar- 
dum  occidere  nolUe  Umere  bonum  est.  C'était  répondre  sans 
répondre.  Selon  que  la  virgule  était  placée,  ici  ou  là,  on 
pouvait  lire  dans  ce  douteux  oracle  la  mort  ou  la  vie.  Ils 
lurent  la  mort.  La  reine  se  mourait  de  peur  tant  que 
son  mari  était  en  vie.  On  envoya  à  la  prison  un  nouveau 
gouverneur,  John  Maltravers  ;  nom  sinistre,  mais  l'homme 
était  pire. 

Maltravers  fit  longuement  goûter  au  prisonnier  les  affres 
de  la  mçrt  ;  il  s'en  joua  pendant  quelques  jours,  peut-être 


SES  TBOIS  FILS.  —  PROCÈS.   —  INSTITUTIONS.         189 

dans  l'espoir  qu'il  se  tuerait  lui-même.  On  lui  faisait  la 
barbe  à  Feau  froide»  on  le  couronnait  de  foin  ;  enfin,  comme  il 
8*obstinait  à  vivre,  ils  lui  jetèrent  sur  le  dos  une  lourde  porte, 
pesèrentdessus,  etrempalèrentavecunebroche  toute  rouge. 
Le  fer  était  mis,  dit-on,  dans  un  tuyau  de  corne,  de  ma- 
nière à  tuer  sans  laisser  trace.  Le  cadavre  fut  exposé  aux 
regards  du  peuple,  honorablement  enterré ,  et  une  messe 
fondée.  Il  n'y  avait  nulle  marque  de  blessure  ,  mais  les 
cris  avaient  été  entendus  ;  la  contraction  de  la  face  dénonçait 
l'horrible  invention  des  assassins  ^ 

Charles  le  fiel  ne  profita  pas  de  cette  révolution.  Lui-même 
il  mourut  presque  en  même  temps  qu'Edouard,  ne  laissant 
qu'une  fille.  Un  cousin  succéda^  Toute  cette  belle  famille  de 
princes  qui  avaient  siégé  prè^  de  leur  père  au  concile  de 
Vienne  était  éteinte,  conformément  à  ce  qu'on  racontait 
des  malédictions  de  Boniface. 

•  ^pp.,  143. 


LIVRE  VI 


CHAPITRE    PREMIER 


LMogleterrc.  —  Philippe  de  Valois.  t328-13i9. 


Cette  mémorable  époque,  qui  met  TAngleterre  si  bas  et 
la  France  d'autant  plus  haut,  présente  néanmoins  dans  les 
deux  pays  deux  événements  analogues.  En  Angleterre,  les 
barons  ont  renversé  Edouard  II.  En  France,  le  parti  féodal 
met  sur  le  trône  la  branche  féodale  des  Valois. 

Le  jeune  roi  d'Angleterre,  petit-fils  de  Philippe  le  Bel 
par  sa  mère,  après  avoir  d'abord  réclamé,  vient  faire  hom- 
mage à  Amiens.  Mais  l'Angleterre  humiliée  n'en  a  pas 
moins  en  elle  les  éléments  de  succès  qui  vont  bientôt  la  faire 
prévaloir  sur  la  France. 

Le  nouveau  gouvernement  anglais,  intimement  lié  avec  la 
Flandre,  appelle  à  lui  les  éli*angers.  Il  renouvelle  la  charte 
commerciale  qu'Edouard  I*'  avait  accordée  aux  marchands 
de  toute  nation.  La  France,  au  contraire,  ne  peut  prendre 
part  au  mouvement  nouveau  du  commerce.Un  mot  sur  cette 
grande  révolution.  Elle  explique  seule  les  événements  qui 
vont  suivre.  Le  secret  des  batailles  de  Créci,  de  Poitiers  est 
au  comptoir  des  marchands  de  Londres,  de  Bordeaux  et 
de  Bruges. 


PBILfPPB  DE  VALOIS.  Hf 

En  1 S91 ,  la  Terre-Saînte  est  perdue,  Fàge  des  <»iotsades 
*  fini.  En  1298*,  le  Vénitien  Marco  Polo,  le  Christophe  Go- 
-lomb  de  TÂsie,  dicte  la  relation  d*un  voyage,  d'un  séjour 
de  vingt  ans  à  la  Chine  et  au- Japon  ^.  Pourlapreniitee 
fois,  on  apprend  qu'à  douze  mois  de  mareheau  delà- de 
Jérusalem,  il  y  a  des  royaumes, des  nations  policées.  Jéru- 
salem n'est  plus  le  centre  du  monde,  ni  cehit  de  la  pensée 
'  humaine.  L'Europe  perd  la  Terre-'Sainte;  mais  «lie  ^kri^la 
terre.  v» 

'  Eh<3i^4 , parait  lé  premier  ouvrage  d'éoosemie<|K)iîlique 
c/mMïtevc\k\e  :  Sécréta  fidelium  €ruei&  ^s^P^^lo  Vénitien 
•Sauuto.  —  Vieux  titre,  pensée  nouvelle.  L'auteiirpiiepose 
contre  l'Egypte,  non  paawia  croisade,  mais  phMélwi  b)o- 
cuaioemmereial  et  maritime  '.  Ce  livr^  est  bizarite  «dans  la 
forme.  Le  passage  des  idées religieusesà  oeHestdu-eom- 
inercé  s^aceomplM  gauchement.  Le  Vénitien,  qui  peait^étre 
ne  veut  que*rendre  à  Veiiî?e'ce  qu'eUe'a.perdupar  lai-re- 
tour des  Grecs  à'Constantîiiopie ,  -donne  4'«bord  touaies 
textes  sacrés  qui  recommandent  au* -bon- chrétien  la.con- 
"  quéteide  Jérusalem  ;  puis  le  catalogue  ffaîftennè^destéiBees 
dont  la  Terrè-^Saifite  '  est  l'entrepôt»  :  poivre/  ^enoens ,  gin- 
gembre ;  îlquaHfie  les  deurées  et  ieacotearliclepac  article. 
U  calcule  aveeruiie  prédskm  admhpableJee  finAs  d«4tvansr 
port  *,  ^tc. 

'9iie  grande  ssroitiade  ouiwmenee^etfelftitdaiMfje^mbnde, 
mais  d'^uff-gaice  tout  nouveau.  €eHe-ci-,^Mioi«s^péétkiue^ 

t  CÊÊKtùk  Qtàmvhe  Aotonb»  iL>e«l4«uoDairtdioctiiia.  Jlèif  Uiwlonr 
de  Colomb  mit  fin  à  tous  la»  dsotes  :  ils  commenoèrent.  au  retour  dû 
Polo.  Son  tradacteur  latin  en  appelle  an  témoignage  dn  père  et  de 
-    l'onde  de  Polo,  eontpagnons  de  soir  fvyB%e. 

•  >  Marco*  Fol»*' cmptif  à  Qéum,  dtetail^aat'  conipatl'iote»  da  CMplopbe 
•  Colomb  le  livre  qui  inapira  à  ce  4ernier  sa  grande  entri^prise. 

*  Urredei  séerett  des  fâèleê  de  la  Croit,  App,,  144. 

^  11  montre  la  supériorité  de  la  route  d'Egypte  sur  celle  d^  Syrie. 
Puis  il  propose  contre  le  Soudan  d'Egypte,  non  pas  une  croisade,  maia 
on  simple  blocus.  Le  blocus  ruinera  la«aoiMiaB  etpariaaila'lamonda 
mabomélan,  dont  l'Egypte  estla-aiMir.  -Àpfj^ÀM. 


M2  L  ANGLETERRE. 

n'est  pas  en  quête  de  la  sainte  lance,  du  Graal,  ni  deFem- 
ptre  de  Trébisonde.  Si  nqus  arrêtons  un  vaisseau  en  mer, 
nous  n*y  trouverons  plus  un  cadet  de  France  qui  cherche 
un  royaume  t,  mais  plutôt  quelque  Génois  ou  Vénitien  qui 
nous  débitera  volontiers  du  sucre  et  de  la  cannelle.  Voilà  le 
héros  du  monde  moderne  ;  non  moins  héros  que  l'autre  ; 
il  risquera  pour  gagner  un  sequin  autant  que  Richard  Cœur 
de  Lion  pour  Saint-Jean-dAcre.  Le  croisé  du  commerce  a 
sa  croisade  en  tout  sens,  sa  Jérusalem  partout. 

La  nouvelle  religion^  celle  de  la  richesse,  la  foi  en  l'or,  a 
ses  pèlerins,  ses  moines,  ses  martyrs.  Ceux-ci  osent  et 
souffrent,  comme  les  autres.  Ils  veillent,  ils  jeûnent,  Hs 
s'abstiennent.  Ils  passent  leurs  belles  années  sur  les  routes 
périlleuses,  dans  les  comptoirs  lointains,  à  Tyr,  à  Londres, 
à  Novogorod.  Seuls  et  célibataires,  enfermés  dans  des  quar- 
tiers fortifiés,  ils  couchent  en  armes  sur  leurs  comptoirs, 
parmi  leurs  dogues  énormes';  presque  toujours  pillés  hors 
des  villes,  dans  les  villes  souvent  massacrés. 

Ce  n'étût  pas  chose  facile  de  commercer  alors.  Le  mar- 
chand qui  avait  navigué  heureusement  d'Alexandrie  à  Ve- 
nise, sans  mauvaise  rencontre,  n'avait  encore  rien  fait.  Il  lui 
fallait,  pour  vendre  à  bon  profit,  s'enfoncer  dans  le  Nord, 
n  fallait  que  la  marchandise  s'acheminât,  par  le  Tyrol,  par 
les  rives  agrestes  du  Danube,  vers  Augsbourg  ou  Vienne; 
qu'elle  descendit  sans  encombre  entre  les  forêts  sombres 
et  les  sombres  châteaux  du  Rhin  ;  qu'elle  parvhit  à  Cologne, 
la  ville  sainte.  C'était  là  que  le  marchand  rendait  grâce  à 
Dieu  K  Là  se  rencontraient  le  Nord  et  le  Midi  ;  les  gens  de 
la  Hanse  y  traitaient  avec  les  Vénitiens.  —  Ou  bien  encore, 
il  appuyait  à  gauche.  Il  pénétrait  en  France,  sur  la  foi  du 
bon  comte  de  Champagne.  11  déballait  aux  vieilles  foires  de 
Troyes,  à  celles  de  Lagny,  de  Bur-sur-Aube ,  de  Provins  *• 


i  Dans  la  qaatrièma  croisade. 

*  Sartorlns.  ~  *  Ulmann.  «-  *  Groalay. 


PHILIPPE  DE  VALOIS.  473 

Delà,  en  peu  de  journées,  inaisnon  sans  risque,  il  pouvait 
atteindre  Bruges ,  la  grande  station  des  Pays-Bas  ,  la  ville 
aux  dix-sept  nations  ^ 

Mais  cette  route  de  France  ne  fut  plus  tenable,  lorsque 
Philippe  le  Bel,  devenu,  par  sa  femme,  maître  de  la  Cham* 
pagne,  porta  ses  ordonnances  contre  les  Lombards,  brouilla 
les  monnaies ,  se  mêla  de  régler  l'intérêt  qu'on  payait  aux 
foires  *.  Puis  vint  Louis  Hutin,  qui  mit  des  droits  sur  tout 
00  qui  pouvait  s'acheter  ou  se  vendre.  Cela  suffisait  pour 
fermer  les  comptoirs  de  Troyes.  Il  n'avait  pas  besoin  d'in- 
terdire, comme  il  fit,  tout  trafic  «  avec  les  Flamands,  les 
»  Génois,  les  Italiens  et  les  Provençaux.  » 

Plus  tard,  le  roi  derFrance  s'aperçut  qu'il  avaittuésa  poule 
aux  œufs  d'or.  Il  abaissa  les  droits,  rappela  les  marchands  3. 
Mais  il  leur  avait  lui-même  enseigné  à  prendre  une  autre 
route.  Ils  allèrent  désormais  en  Flandre  par  l'Allemagne, 
ou  par  mer.  Ce  fut  pour  Venise  l'occasion  d'une  navigation 
plus  hardie,  qui,  par  TOcéan,  la  mit  en  rapport  direct  avec 
les  Flamands  et  les  Anglais. 

Le  royatime  de  France ,  dans  sa  grande  épaisseur,  res- 
tait presque  impénétrable  au  commerce.  Les  routes  étaient 
trop  dangereuses,  les  péages  trop  nombreux.  Les  seigneurs 
pillaientmoins;  mais  les  agents  du  roi  les  sftaient  remplacés. 


tHallaro. 

*  Les  foires  de  Champagne  étaient  pins  ancienaes  que  le  comté  même. 
11  en  est  fait  mention  dés  l'an  427,  dans  nne  lettre  de  Sidoine  Apolli- 
naire à  saint  Loup.  Elles  se  perpétuèrent  toojonrs  florissantes,  sans  que 
personne  gênât  leurs  transactions.  L'ordonnance  de  Philippe  le^el  est 
le  iftre  royal  le  plus  ancien  qui  les  concerne. 

*  Voyez  les  ordonnances  de  Charles  le  Bel  et  de  Philippe  de  Valois. 
Ce  qui  aehera  la  ruine  des  foires  de  Champagne,  ce  fut  la  ri? alité  de 
Lyon.  Quand  eux  tracasseries  fiscales  s'ajoutèrent  les  alarmes  et  les 
pillagas  de  la  gnerre  intérieure,  Troyes  fut  désertée,  et  Lyon  s'ouvrit 
comme  on  asile  au  commerce.  11  fallut  abolir  les  foires  de  Lyon  pour 
rendre  quelque  Tie  aux  foires  de  Champagne.  En  i486,  des  quatre  foires 
de  Lyon,  deux  furent  transférées  à  Bourges  et  deux  à  Troyes;  mais  elles 
tombèrent  dès  que  Ljon  eut  obtenu  de  rouTrir  ses  marchés. 


^ 


Ali  L  ANJLBTERRI. 

Pillé  comoie  un.  marchand,  était  im  mot  pmvarbîal  ' .  La- . 

main  royale  coijvraittout;  raaiswiJie,IaseBtait^èr«4iwi' 
par  la  griffe  du  fisc.  Si  l'ordre  venait,  e'étaiti^rtAaiaie  uni- 
verselle. Le  sel,  l'eau,  les  rivières,  lesioréta,le6^éa,  les 
défilés,  rien  n'échappait  à  l'ubiquité  fiscale. 

Tandis  que  les  monnaies  variaiaat  coDtiBueUeoKDt  «n 
France,  elles  changeaient  peu  en  Ai^JeteErei  Le  mm  de 
France  avait  échoué  dans  l'entreprise  d'élabltrnlHiAiiw- ' 
mité  des  mesures.  C'est  un  des.principaai  erticles  de;la;; 
charte  que  le  roi  d'Angleterre  accord»  aux  étnaffera.  Daas  - 
cette  charte,  le  roi  déclare  qu'il  a  grande  :aoUi«iti*de4es 
marchands  qui  visitent  ou  habitent  l'Aq^tAirej  Alle-- 
mands,  français.  Espagnols,  Portugais,  Navarrûa,  Lom- 
bardi,  Toscans,  Provençaux,  CataUns,  Gascons,  Toukui-: 
sains,  Cahorcins,  Flamands,  Brahoacoas,  et  autres.  11  leur 
assure  protection,  bonne  et  prompte  justice,  bon  poida, 
bonne  mesure.  Les  juges  qui  fer(mt  tort  à  un  DWfchand 
seront  punis,  même  après  l'avoir  indemnisé.^  Les-étna»- 
.  gers  auront  un  juge  à  Londres,  pour  leur  rendre  iastico-' 
sommaire.  Dans  les  causes  cù  ils  seront  intéressas,^  te  jurf 
sera  mi-parti  d'Anglais  et  d'hommes  de  ieur  nattoa-s. 

Même  avant  cette  charte  les  étrangers  afDuaiêot  en  An-, 
glelerre.  Lorsqu'on  voit  qud  essor  le  commerce  y  avait 
pris  dès  le  xiu*  siècle,  on  s'étonne  peu  qu'au  xiv*,  un 
marchand  anglais  ait  invité  et  traité  cinq  rois  ^.  Les  histo- 
riens du  moyen  &ge  parlent  du  commerce  anglais  comme 
on  pourrait  faire  aupurd'hui. 

B  0  Angleterre,  les  vaisseaux  àe  Thsrsis,  vantés  dans 
l'Ëcrittire,  pouvaient-ils  se  comparer  aux. tlensî...  Le&ar»- 

■  •   ...  Qu'ils  eu  Gueat  t«iu  profil  ciMUM  •j'int' aarchud.  i  CoK" 

>  l'ea  iprii,  les  prïTÎldgea  drs  villes  i^ui  Ruraient  «nlnv^  ea  -likn 
«omnierce  sont  décUréi  nali  el  tau  [are*.  Le  roi  et  lo.i  Iwroni  na  ria>  - 
qoiéiaiant  paj  à  b  uocumoM  llM•élnn■■r*^DWIulau  Aii|taift'(fl;v 
m  r...  App.,  m. 


L 


h 


PHILIPPI  M  VALOIS.  \Ty 

mate»4'amveBl  ides-quatte-  climats  du  monde.  PUans, 
Génois  et  Véaîtieiiflf^^iftt^nt  le  sofUr  eM  em^randeique . 
rouleni'.lfltt  fleuireft  du.  Paradis.  L'Asie  pour  la  pourpre^ 
r Aftique  powr  le  baume;  rEspague- pour  L'or,  rAllegmgne 
pour  rar^wt,.  sont  te&kuinbles'seprantas.  la  Baadre,  ta  ; 
file«se^4'a.tisaii.de  ta  laine  derhatnts  précieux. i  La.£as^.. 
cogpe  te  verse  ses  vins.  Les  Mes-  de  rOurse  aux*Hyades^ 
lOQtesi  elles,  l'ont  mtNÏ.*^  Plus  heuveuse,  toutefois^  par  ta 
fécondité  ;  les  flaneaides  nations  -la  bénissent^  léobaufEès. 
des  toisons-doles.hrebisA  t  » 

La  kîne^k  viande,  c'est  ce  qui'  a  fait  primitiveneHBt  ^ 
l'Angleterre  et  la  race  anglaise.  Avanl*  d'^Ire  pomr' ie 
monde  la^grande  manufiaetwa'des  fers  et  des  tissus,  l'An^ 
glet^ee  a  été  «nertnanufacture'  de  viande.  C'est  de  temps. 
imméflMrialun'pei^ile  «ievsttr  et  pasteur,  une  race  nourrie 
ée  chaîn<  De  là  cette  fraîcheur  de  teint,  cette  beauté,  cette: 
foroev JLeur  plus  f^rand  hoaune,  Sbakespearev  ftit  d'abord 
un  bouebcr. 

Qu*on  me  permette,  à  cette  .occasion^  d'indiquer  ici  une. 
impression  personnelle.  : 

J'avai»  vu  Londres  ^et  une^gi'andB^  partie  de  l'Angleterre 
et  de  l'ficosse.;  j'avaiS'.  admiré  ^plutât  que  compris.  Au  re- 
tour, eeukment,  eomme  j'allais  d'York  à  Mancbester,  cou- 
pant rile  dans  sa  largeuryalors  enfin  j'eus  une.  véritable 
intuition  de  l' Angleterre.  C'était  au  matin,  par.  un  froid 
brouillard.;  eUe  m'apparaissait  non .  plus  seulement  envi'«> 
ronnée^  mak couverte,  noyée  de  l'Océan.  Un  pâle  soleil 
cotomil  à  peine  ttoitié  du  paysage.  Les  maisonsrnenves  en 
briques -ffouges'auraieni-trancbé  duremem  sur  Je  gazon 
vert,  ai  la  brume  flottante  n'eftt  prit  soin  4'barmoniser  les 
teintes.  Par-dessus  les  pâturages  couverts  de  moutons, 
flambaient  les  rouges  cheminées  des  usines.  Pâturage,, 
laboiuiage,  indasirie,  tout  était..là  dans  un  étroit  espaça, 

t  Uathieo  d«  Weslniatieiw. 


476  l'angletkrrb. 

l'un  sur  Tautre,  nourri  l'un  par  l'autre  ;  l'herbe  vivant  de 
brouillard,  le  mouton  d'herbe,  l'homme  de  sang. 

Sous  ce  climat  absorbant,  l'homme,  toujours  affamé,  ne 
peut  vivre  que  parle  travail.  La  nature  l'y  contraint.  Mais 
il  le  lui  rend  bien  ;  il  la  fait  travailler  elle-même  ;  il  la  sub- 
jugue par  le  fer  et  le  feu.  Toute  l'Angleterre  halète  de 
combat.  L'homme  en  est  comme  effarouché.  Voyez  cette 
face  rouge,  cet  air  bizarre...  On  le  croirait  volontiers  ivre. 
Mais  sa  tète  et  sa  main  sont  fermes.  Il  n'est  ivre  que  de 
sang  et  de  force.  Il  se  traite  comme  sa  machine  à  vapeur, 
qu'il  charge  et  nourrit  à  l'excès,  pour  en  tirer  tout  ce 
qu'elle  peut  rendre  d'action  et  de  vitesse. 

Au  moyen  âge,  l'Anglais  était'à  peu  près  ce  qu'il  est, 
trop  nourri,  poussé  à  Faction,  et  guerrier  faute  d'industrie. 

L'Angleterre,  déjà  agricole,  ne  fscbriquait  pas  encore. 
Elle  donnait  la  matière  ;  d'autres  l'employaient.  La  laine 
était  d'un  côté  du  détroit,  l'ouvrier  de  l'autre.  Le  boucher 
anglais,  le  drapier  flamand,  étaient  unis,  au  milieu  des 
querelles  des  princes,  par  une  alliance  indissoluble.  La 
France  voulut  la  rompre,  et  il  lui  en  coûta  cent  ans  de 
guerrov  II  s'agissait  pour  le  roi  de  la  succession  de  France, 
pour  le  peuple  de  la  liberté  du  commerce,  du  libre  niarché  ' 
des  laines  anglaises.  Assemblées  autour  du  sac  de  laine, 
les  communes  marchandaient  moins  les  demandes  du  roi, 
elles  lui  votaient  volontiers  des  armées. 

Le  mélange  d'industrialisme  et  de  chevalerie  donne  à 
toute  cette  histoire  un  aspect  bizarre.  Ce  fier  Edouard  III 
qui  sur  la  Table  ronde  a  juré  k  héron  de  conquérir  la 
France  ^  cette  chevalerie  gravement  folle  qui,  par  suite 
d'un  vœu,  garde  un  œil  couvert  de  drap  rouge  s,  ils  ne  sont 

I  Afp,,  i47. 

'  «  il  y  avoit  dans  la  suite  de  l'évéque  de  Lincoln  plusieurs  bache- 
liers qui  ayoient  chacun  un  œil  couvert  de  drap  vermeil,  pourquoi  it 
n'en  put  voir  ;  et  disoit-on  que  ceux  avoienl  voué  entre  dames  de  leur 
pays  que  jamais  ne  verroient  que  d'un  œil  jusqu'à  ce  qu'ils  aurorent 
fait  aucunes  prouesses  au  royaume  de  France.  »  Fioissart. 


PHILIPPE  DB  TALOIS.  477 

pas  tellement  fous  qu'ils  servent  à  leur  frais.  La  simplicité 
des  croisades  n'est  point  de  cet  âge.  Ces  chevaliers  au 
fond  sont  les  agents  mercenaires,  les  commis  voyageurs 
des  marchands  de  Londres  et  de  Gand.  11  faut  qu'Edouard 
s'humanise,  qu1l  mette  bas  l'orgueil,  qu'il  tâche  de  plaire 
aux  drapiers  et  aux  tisserands,  qu'il  donne  la  main  à  son 
compère,  le  brasseur  Artevelde,  qu'il  harangue  le  popu- 
laire du  haut  du  comptoir  d'un  boucher  ^. 

Les  nobles  tragédies  du  iiv*  siècle  ont  leur  partie 
comique.  Dans  les  plus  fiers  chevaliers,  il  y  a  du  Falstaff.  En 
France,  en  Italie,  en  Espagne,  dan^  les  beaux  climats  du 
Midi,  les  Anglais  se  montrent  non  moins  gloutons  que 
vaillants.  C'est  l'Hercule  (fouphage.  Ils  viennent,  à  la  lettre, 
manger  le  pays.  Mais,  en  représailles,  ils  sont  vaincus  par 
les  fruits  et  les  vins.  Leurs  princes  meurent  d'indigestion, 
leurs  armées  de  dyssenterie. 

Lisez  après  cela  Froissart,  ce  Walter  Scott  du  moyen 
ège  ;  suivez-le  dans  ses  éternels  récits  d'aventures  et 
d'apcrtises  d'armes.  Contemplez  dans  nos  musées  ces 
lourdes  et  brillantes  armures  du  xiy«  siècle...  Nejsemble- 
t-il  pas  que  ce  soit  la  dépouille  de  Renaud  ou  de  Roland  ?. . . 
Ces  épaisses  cuirasses  pourtant,  ces  forteresses  mouvantes 
d'acier,  font  surtout  honneur  à  la  prudence  de  ceux  qui 
s'en  affublaient...  Toutes  les  fois  que  la  guerre  devient 
métier  et  marchandise,  les  armes  défensives  s*alourdissent 
ainsi.  Les  marchands  de  Carthage,  ceux  de  Palmyre,  n'al- 
laient pas  autrement  à  la  guerre  K 

Voilà  l'étrange  caractère  de  ce  temps,  guerrier  et  mer- 
cantile. L'histoire  d'alors  est  épopée  et  conte,  roman 
d'Arthur,  farce  de  Patelin.  Toute  l'époque  est  double  et 
louche.  Les  contrastes  dominent;  partout  prose  et  poésie 
se  démentant,  se  raillant  l'une  l'autre.  Les  deux  siècles 

*  Proitiarl. 

*  Pour  Carthage,  V.  PliiUrqne»  Vie  de  Timoléoo.  Pour  Palmyre,  ma 
Vie  de  Zéoobie,  biogr.  Uut. 

III.  il 


•v 


1T8  L'i^TGLXTEiail. 

(l'inlemU*  «ntre  les  songes  de  DaMe  et  les  songes  do 
Shakespeare,  font  eux-mêmes  l'effet  d'un  songe.  C'est  le 
Rêve  d'une  nuit  d'ili,  où  le  poêle  mêle  à  plaisir  les  artisans 
et  les  héros  ;  le  noble  Thésée  y  figure  à  calé  du  memiider 
Boltom,  dont  les  belles  oreilles  d'ânatouroent  la  téteàTi- 


Pendant  que  le  jeune  Edouard  III  commeoce  tri&leineut 
ion  règne  par  un  faommage  à  la  Fronce,  Philippe  de  Valois 
ouvre  le  sien  eu  nilieu  des  fanfares.  Homuie  féodal,  fila 
du  fàodal  Chartes  de  Valois,  sorti  de  ceUe  branche  amie 
des  seigneurs,  il  est  soutenu  par  eux.  Ces  seigneurs  et 
Charles  de  Valois  lui-même  avaient  pourtant  appuyé  le 
droit  des  femmes  k  la  mort  de  Louis  Hutin  ;  ils  avaieut 
désiré  alors  que  la  couronne,  traitée  comme  un  fief 
féminin,  passât  par  mariage  à  diverses  familles  et  qu'ainsi 
«lie  restât  faible.  Ils  oublièrent  cette  politique  lorsque  le 
droit  des  mAles  amena  au  trâne  un  des  leurs,  le  fils  même 
de  leor  chef,  de  Charles  de  ValoiE.  Us  comptaient  bien 
qu'il  alUit  réparer  les  injustes  violences  des  règnes  précé- 
dents; quîil  allait,  par  «xecnf^,  rendre  la  Franche-Comté 
et  l'Artois  à  oeox  qui  les  réclamaient  en  vain  depuis  si 
longtemps.  Robert  d'Artois,  croyant  avoir  eoSn  cause  g»- 
^gaie,  aida  puissamotent  k  l'élévation  de  Philippe. 

Le  nouveau  .roi  se  montra  d'abord  assez  complaisant 
pour  les  seigneurs.  11  commença  par  les  dispenser  de 
payer  leurs  dettes  *.  £a  signe  de  gracieux  avéne- 
meat  et  de  bonne  justice,  il  fit  aooroober  à  un  gibet  tout 
neuf  le  trésoriM-  de  son  pcédéoeneur  *.    C'était,    nous 

I  «  II*  fi4tiBd*i«ni  qu'il  j  awail  una  at>nj«i«UoB  du  hamniei  du  btt 
vUt  poDr  rainCT  It  nablaue  trnofaiae,  et  «n  eomëqaence  ili  obllnrest 
d'ibord  DB  ordre  do  coi  pour  qii«  lotu  tniN  cMutciin  htMtti  Mit  m 
phtou  el  leur*  biaoi  lA^ucstréi;  poii  Tint  l'oidonnance  qai  rcduùit 
loaie*  leon  detua  anx  IroU  qnaru,  à  qn«ire  moI*  de  lenaa.  mm  ioi^ 
Tti.  *  (Coaaa.  a.  dt  Na^t.  —  (M.,  l  U.) 

*  PÎMte  Usniy, 


pmtipps  M  tALOis.  479 

r avons  dit,  Tusage  de  ce  temps.  Mais  eomme  uû  roi  vrai- 
ment justicier  est  le  proteDteuf  natorei  éee  faibles  et  des 
affligés,  Philippe  accueillit  le  comte  de  Flandre  malmené 
par  les  gens  de  Bruges,  tout  ainsi  que  Charles  le  Bel  avait 
consolé  la  bonne  reine  Isabéau. 

C'était  une  fête  d'étrenner  ta  ferme  royauté  par  t»e 
guerre  contre  ces  bourgeois.  La  noblesse  suivit  le  roi  de 
grand  cœur.  Cependant  les  gens  de  Bruges  el  d'ïpreB, 
quoique  abandonnés  de  ceux  deOand,  ne  se  trcmbèèirent 
pas.  Bien  armés  et  en  bon  t)rdre,  ils  vinrent  auHlevant, 
jusqu'à  Cassel,  qu*Hs  voulaient  défendre  (23  août).  Les 
insolents  avaient  mis  sur  leur  drapeau  un  •mq  et  celtei  de- 
vise goguenarde  : 


Qaand  !•  «o^  icy  cbaotora. 
Le  roy  tro«v4  ey  entrera  <. 


Ce  ne  fut  pas  le  cœur  qui  leur  manqua  pour  tenir  lear 
parole,  mais  la  persistance  et  la  patience.  Fondant  que  tes 
deux  armées  étaient  en  présence  et  se  regardaient,  tes 
Flamands  sentaient  que  leurs  alTahi^  étaient  en  souf- 
france, que  les  métiers  dTpres  ne  battaient  pas,  que  tes 
ballots  attendaient  sur  le  marché  de  Bruges.  L'âme  de  ces 
marchands  était  restée  au  comptoir.  Chaque  jour,  à  4a 
fumée  de  leurs  villages  incendiés,  ils  calculaient  et  ce 
qu'Os  perdaient  et  ce  quïls  manquaient  à  gagner.  Us  n'y 
tinrent  plus,  ils  voulurent  en  finir  par  une  batailte.  Leur 
chef  Zanekin  (Petit  Jean)  s'habille  en  marefaand  de  pots- 
son,  et  va  voir  le  camp  français.  Personne  n'y  songeait  à 
l'ennemi.  Les  seigneurs  enlîelles  robes  causaient,  se  eoii- 
viaient,  se  fhisaient  des  visites.  Le  roi  dtnaît,  lorsque  les 
Flamands  fondent  sur  le  camp;  nen versent  tout,  et  petveiit 
jusqu'à  latente  royale  ^.  Véme  précipitstion  des  Flamands 

>  •  Appelant  ledicl  Roy  Philippe  roy  trouvé,  •  Oudfgbersl. 
•  App.,  148. 


480  L*4NGLETERRE. 

qu'à  Mons-en-Puelle,  même  imprévoyance  du  côté  des 
Français.  La  chose  ne  tourna  pas  mieux  pour  lés  premiers. 
Ces  gros  Flamands,  soit  brutal  orgueil  de  leur  force,  soit 
prudence  de  marchands,  ou  ostentation  de  richesse,  s'é- 
taient avisés  de  porter  à  pied  de  lourdes  cuirasses  de  ca- 
valiers. Ils  étaient  bien  défendus,  il  est  vrai,  mais  ils  bou- 
geaient à  peine.  Leurs  armures  suffisaient  pour  les  étouf- 
fer. On  en  jeta  treize  mille  par  terre,  et  le  comte,  rentrant 
dans  ses  Ëtats,  en  fit  périr  dix  mille  en  trois  jours. 

C'était  certainement  alors  un  grand  roi  que  le  roi  de 
France.  Il  venait  de  replacer  la  Flandre  dans  sa  dépen- 
dance. U  avait  reçu  l'hommage  du  roi  d'Angleterre  pour 
ses  provinces  françaises.  Ses  cousins  régnaient  à  Naples 
et  en  Hongrie.  Il  protégeait  le  roi  d'Ecosse.  Il  avait  autour 
de  lui  comme  une  cour  ^de  rois,  ceux  de  Navarre,  de  Ma- 
jorque, de  Bohême,  souvent  celui  d'Ecosse.  Le  fameux 
Jean  de  Bohême,  de  la  maison  de  Luxembourg,  dont  le  fils 
fut  empereur  sous  le  nom  de  Charles  IV,  déclarait  ne 
pouvoir  vivre  qu'à  Paris,  le  séjour  le  plus  chevaleresque  du 
monde,  U  voltigeait  par  toute  l'Europp,  mais  revenait 
toujours  à  la  cour  du  grand  roi  de  France.  U  y  avait 
là  une  fête  étemelle,  toujours  des  joutes,  des  tournois,  la 
réalisation  des  romans  de  chevalerie,  le  roi  Arthur  et  la 

^  Table  ronde. 

r  Pour  se  figurer  cette  royauté,  il  faut  voir  Vincennes,  le 
Windsor  des  Valois.  Il  faut  le  voir  non  tel  qu'il  est  au- 
jourd'hui, à  demi  rasé;  mais  comme  il  éteit  quand  ses 
.quatre  tours,  par  leurs  ponts-levis,  vomissaient  aux  quatre 
vents  ^  les  escadrons  panachés,  blasonnés,  des  grandes 
armées  féodales,  lorsque  quatre  rois,  descendant  en  lice, 
joutaient  par-devant  le  roi  très-chrétien  ;  lorsque  cette 
noble  scène  s'encadrait  dans  la  majesté  d'une  forêt,  que 
des  chênes  séculaires  s'élevaient  jusqu'aux  créneaux,  que 

«  App„  i49. 


PHILIPPE  DE  VALOIS.  481 

les  cerfs  bramaient  la  nuit  au  pied  des  tourelles,  jusqu'à 
ce  que  le  jour  et  le  cor  vinssent  les  chasser  dans  la  pro- 
fondeur des  bois...  Vincennes  n'est  plus  rien,  et  pourtant 
sans  parler  du  donjon,  je  rois  d'ici  la  petite  tour  de  Thor- 
loge  qui  n'a  pas  moins  encore  de  onze  étages  d'ogives. 

Au  milieu  de  toute  cette  pompe  féodale,  qui  charmait 
les  seigneurs,  ils  eurent  bientôt  lieu  de  s'apercevoir  que  le 
fils  de  leur  ami  Charles  de  Valoîs  ne  régnerait  pas  autre- 
ment que  lés  fils  de  Philippe  le  Bel.  Ce  règne  chevale- 
resque commença  par  un  ignoble  procès  ;  le  château  royal 
fut  bientôt  un  greflTe,  où  Ton  comparait  des  écritures  et 
jugeait  des  faux.  Le  procès  n*allait  pas  à  moins  qu'à 
perdre  et  déshonorer  un  des  grands  barons,  un  prince  du 
sang,  celui  môme  qui  avait  le  plus  contribué  à  l'élévation 
de  Philippe,  son  cousin,  son  beau-frère,  Robert  d'Artois. 
On  vit  en  ce  procès  ce  qu'il  y  avait  de  plus  humiliant  pour 
les  grands  seigneurs,  un  des  leurs  faussaire  et  sorcier.  Ces 
deux  crimes  appartiennent  proprement  à  ce  siècle.  Mais  il 
manquait  jusque-là  de  les  trouver  dans  un  chevalier,  dans 
un  homme  de  c^  rang. 

Robert  se  plaignait  depuis  vingt-six  ans  d'avoir  été  sup- 
planté dans  la  possession  de  l'Artois  par  Mahaut,  sœur 
cadette  de  son  père,  femme  du  comte  de  Bourgogne. 
Philippe  lé  Bel  avait  soutenu  Mahaut  et  les  deux  filles  de 
Mahaut,  qu'avaient  épousées  ses  fils  avec  cette  dot  magni- 
fique de  l'Artois  et  de  la  Franche-Conité  *.  A  la  mort  de 
Louis  Hutin,  Robert,  profitant  de  la  réaction  féodale,  se 
jeta  sur  l'Artois.  Mais  il  fallut  qu'il  lâchât  prise.  Philippe 
le  Long  marchait  contre  lui.  11  attendit  donc  que  tous  les 
fils  de  Philippe  le  Bel  fussent  morts,  qu'un  fils  de  Charles 
de  Valois  parvint  au  trône.  Personne  n'eut  plus  de^part  que 
Robert  à  ce  dernier  événement  •.  Philippe  de  Valois,  en 
reconnaissance,  lui  confia  le  commandement  de  l'avant- 

ilp/».,  I50.^*i4p/).,  131. 


4  82  l'anglsterrk. 

garde  dans  la  campagne  de  Flandre,  et  donna  le  titae  de 
pairie  à  son  oon^  de  Beaumont.  Il  avait  épouaé  la  sœur 
du  roi,  Jeanne  de  Valois;  celle-ci  ne  se  conteatait  pas 
d*étrie  comtesse  de  Beaumont  :  elle  espérait  que  son  frère 
rendrait  l'Artois  à  son  marL  Elle  disait  que  le  roi  ferait 
jnetîce  à  Robert,  $*il  pouvait  produire  4{uelque  pî^e  nou- 
velle» ÇHfZgiMpetàe  qu'elk  fû$,. 

La  comtesse  IMrâut,  avertio  du,  dan^r»  s'empressa  de 
venir  à.  Paris.  Mais  elle  y  mountf  psesque  w  arrivant.  Ses 
droits  passaient  à  sa  fiUe,  veuve  de  Philippe  le  l^ong.  Elle 
mourut  trois  mois  après  sa,  mère  ^  Kohert  n'avait  plus 
d'adversaire  que  le  duc  de  Bourgogne,  époux  de  Jeanne, 
fille  de  Pkilippe  la  Long,  et  petiliç-fiU«  de  Mabaut.  Le  duc 
âkeit  luiroiéme  frère  de  la  femme  du  roi.  Le  roi  l'admit  à 
la  jouissance  du  <*xunté  ;  mais  en  même  temps  il  réservait 
h  Robert  le  droit  de  proposer  ses  raisons. '*^ 

Ni  laa  pièces,  ni  les  témoins,  ne  mauquèr^t  à  Robert 
La  eoKitesse  Mahaut  avait  eu  pour  priocqial  conseiller 
Tovéque  d^Âxras.  L'évéque  étant  mort,,  et  laissant  beaucoup 
de  biens,  la  comtesse  poursuivit  en  restitution  la  maîtresse 
de levéque»  une  certaine  dame Oivîon,  femme  d!un  che- 
valier '.  Celle^i  s'enfuit  à  Paris  avec  son  mari.  Elle  y  était 
à  peine,  que  Jeanne  de  Valois  qui  savait  qu'elle  avait  tous 
les  secrets  de  l'évéque  d'Arras,  la  pressa  de  livrer  les  pa*- 
piers  qu'elle  pouvait  avoir  gardés  ;  la  Divion  prétendit 
même  que  la  princesse  la  menaçait  de  la  faire  noyer  ou 
brûler.  La  Divion  n'avait  point  de  pièces  ;^eUe  en  £U  :  d'à- 


«  Le  brait  oomvaa  éMt  q««  Matait  vm%  éU  mimkéê.  Qmni  à 
Jeanne,  m  lï\\e,  •-  Si  fiU  une  nuit  ^veo  se^  damesi  en  son  déduis  ei  leur 
prit  talent  de  boire  ctarey.  et  elle  avoit  un  boateiiler  qu'on  appeloit 
Uoppin,  qui  avoil  eecé  aToc  l^oonitewe  sa>nière...  Tantosl  que  le  tioyne 
fut  en  MO:  lift,  il.luf  prit  la*m»Mie.  da  1a  amn»  et  wfw  tœt  vendit  m» 
espritj  et  lui  couU  le  venin  par  les  yeux,  par  la  bouche,  par  le  nés  et 
par  les  oreilles,  et  devint  son  corps  tout  taché  de  blanc  et  de  noir.  • 
Chron.  dt;  Flandre. 

«  App.,ioi.  -  ^App.,  153. 


PHILIPPB  DB  TALCMS.  483 

bord  une  lettre  de  Tévéque  d'Arrasoù  il  demandait  pardon 
à  Robert  d'Artois  d'avoir  soustrait  les  titres.  Puis  una 
charte  de  Taïeul  Robert,  qui  assurait  TArtoia  à  son  père. 
Ces  pièces  et  d'autres  à  l'appui  Airent  fabriquées  à  la  bâte 
par  un  clerc  de  la  Divion,  et  elle  y  plaqua  de  vieux  sceaux. 
Elle  avait  eu  soin  d'envoyer  demander  à  Tabbaye  de  Saint- 
Denis  quels  étaient  les  pairs  à  Tépoque  des  aciaa  sap^ 
posés.  A  cela  près,  on  ne  prit  pas  de  grandes  précautions. 
Les  pièces  qui  existent  encore  au  Trésor  des  Chartes  smii 
visiblement  fausses^.  A  cette  époque  de  calligraphie^  taa 
actes  importants  étaient  écrits  avec  mi'tout  autre  soin. 

Robert  produisait  à  Tappui  de  ces  pièces  cinquanto- 
cinq  témoins.  Plusieurs  afBrmaiem  qu'JSBguerraad  de 
Karîgny  allant  à  la  potence,  et  déjà  dans  la  efaairatte^.aivttiti 
avoué  sa  complicité  avec  Tévôque  d^Ams  daas  1&  sov»* 
traction  des  titres. 

Robert  soutint  mal  ce  roman.  Sommé*  pav  le  procu^ 
reur  du  roi,  en  présence  du  roi  méxn^  dé  déstarar  sUb 
comptait  faire  usage  de  ces  pièces  équivoque»,  il  dit  oui. 
d'abord,  et  puis  non.  La  Divion-  avoua  tout,  ainsi  que 
les  témoins.    Ces   aveux    sont   extrâmeraent    natfi  et 
détaillés.  Elle  dit  entra  autres  choses  qu^eMe  alhr  au  Palais 
de  Justice  pour  savoir  si  l'on  pouvaiteontrefiiîrelsssoeauK, 
que  la  charte  qui  fournit  les  sceaux  fut  achetée  oent  éeus 
à  un  bourgeois  ;  que  les  pièces  furent  écrites  en  son  hôtel, 
phee  Baudoyer,  par  un  clerc  qui  avait  grand'pcur,  et  qui, 
pour  déguiser  son  écritura,  se  servit  d'uae  i^ume  d'ai-^ 
rain,  etc.  La  malheureuse  eut  beau  dtre  qu'elle  avait  été 
forcée  par  madame  Jeanne  de  Valois,  elle  n'en  fut  pas 
moins  brûlée,  au  marché  aux  pourceaux,  prèa  la  porte 
Saint-Honoré  K  Robert,  qui  était  accusé  en  outre  d*avoir 


*  Archives,  Section  hi^t;  J,  13 \ 

*  Jeannette  sa  servante  y  subit  qnatre  ans  aprAs  le  même  snpplîce. 
Qiiiint  aux  faux  témoins,  les  p'inripnnx  fiirrnt  nttdrhr^s  an  pHori»  VtHtta 
<lc  cbciui£€S  toutes  parsemées  de  langues  rouges.  Archivée» 


484  L*ANGLBTERRE. 

empoisonné  Mahautetsa  fille,  n'attendit  pas  le  jugement.  H 
se  sauva  à  Bmxelles^,  puis  à  Londres  près  du  roi  d'Angle- 
terre. Sa  femme,  sœur  du  roi,  fut  comme  reléguée  en 
Normandie.  Sa  sœur,  comtesse  de  Foix,  fut  accusée  d'im- 
pudicité,  et  Gaston,  son  fils,  autorisé  h  l'enfermer  an 
château  d'Orthez.  Le  roi  croyait  avoir  tout  à  craindre  de 
cette  famille.  Robert  en  efiet  avait  envoyé  des  assassins 
pour  tuer  le  duc  de  Bourgogne,  le  chancelier,  le  grand 
trésorier  et  quelques  autres  de  ses  ennemis  ^.  Contré  Tas- 
sassinat  du  moins  on  pouvait  se  garder  ;  mais  que  faire 
contre  la  sorcellerie?  Robert  essayait  d! envoûter  la  reine  et 
son  fils  3. 

Cet  acharnement  du  roi  à  poursuivre  Tun  des  premiers 
barons  du  royaume,  à  le  couvrir  d'une  honte  qui  rejail- 
lissait sur  tous  les  seigneurs,  était  de  nature  à  affaiblir 
leurs  bonnes  dispositions  pour  le  fils  de  Charles  de  Valois. 
Les  bourgeois,  les  marchands,  devaient  être  encore  bien 
plus  mécontents.  Le  roi  avait  ordonné  à  ses  baillis  de  taxer 
dans  les  marchés  les  denrées  et  les  salaires,  de  manière  à 
les  •  faire  baisser  de  mcHtié.  11  voulait  ainsi  payer  toutes 
choses  à  moitié  prix,  tandis  qu'il  doublait  l'impur,  refusant 
de  rien  recevoir  autrement  qu'en  forte  monnaie  ^. 

L'un  des  sujets  du  roi  de  France,  jet  celui  peut-être  qui 
souiFrait  le  plus,  c'était  le  pape.  Le  roi  le  traitait  moins  en 


1  ...  n  resta  assez  longtemps  en  Brabant;  le  dac  lui  arait  ^nseillé 
de  quitter  Bruxelles  pour  LoaTain,  et  avait  promis  dans  le  contrat  de 
mariage  de  son  fils  avec  Marie  de  France  que  Hobert  sortirait  de  ses 
Élats.  Cependant  il  se  tint  encore  quelque  temps  sur  ces  frontières,  al- 
lant de  château  en  château;  •  et  bien  le  savoit  le  dac  de  Brabant.  • 
L'aroné  de  Huy  lui  avait  donné  son  chapelain,  frère  Henri,  pour  le 
guider  et  «  aller  à  ses  besognes  en  ce  sauvage  pays.  »  Réfugié  au  château 
d'Argentean  et  forcé  d'en  sortir  •  pour  la  ribauderie  de  son  vatet,  •  il  se 
dirigea  vers  Namnr,  et  dut  parlementer  longtemps  pour  y  èire  reçu  ;  il 
lui  fallut  attendre  dans  une  pauvre  maison,  que  le  comte,  son  cousin, 
fût  parti  pour  aller  rejoindre  le  roi  de  Bohômo. 

'  App.,  .154.  —  «  i4pp.,  155. 

«  ^ov.  1330.  Ord.  iU 


PHILIPPE  DB  YaLOIS.  4S5 

.sujet  qu'en  esclave.  Il  avait  menacé  Jean  XXII  de  le  faire 
poursuivre  comme  hérétique  par  l'Université  de  Paris.  Sa 
cpnduite  à  Tégard  de  l'Empereur  était  singulièrement  ma- 
chiavélique :  tout  en  négociant  avec  lui,  il  forçait  le  pape 
de  lui  faire  une  guerre  de  bulles;  il  aurait  voulu  se  faire 
lui-même  Empereur.  Benott  Xn  avoua  en  pleurant  aux, 
ambassadeurs  impériaux  que  le  roi  de  France  l'avait  me* 
nacé  de  le  traiter  plus  mal  que  ne  l'avait  été  Boniface  VIQ  S 
s'il  absolvait  l'Empereur.  Le  même  pape  se  défendit  avec 
peine  contre  une  nouvelle  deniande  de  Phili|^,  qui  eût 
assuré  sa  toute-puissance  et  l'abaissement  de  la  papauté. 
Il  voulait  que  le  pape  lui  donnât  pour  tiois  ans  la  disposi- 
tion de  tous  les  bénéfices  de  France,  et  pour  dix  le  droit 
de  lever  les  décimes  de  la  croisade  par  toute  la  chrétienté  K 
Devenu  collecteur  de  cet  impôt  universel,  Philippe  eût  par* 
tout  envoyé  ses  agents,  et  peut-être  enveloppé  l'Europe 
dans  le  réseau  de  l'administration  et  de  la  fiscalité  fran- 
çaise. 

Philippe  de  Valois,  en  quelques  années,  avait  sa  mécon- 
tenter tout  le  monde,  les  seigneurs  par  l'affiiire  de  Robeit 
d'Artois,  les  bourgeois  et  marchands  par  son  maximum 
el  ses  monnaies,'  le  pape  par  ses  menaces,  la  chrétienté 
entière  par  sa  duplicité  à  l'égard  de  l'Empereur  et  par  sa 
demande  de  lever  dans  tous  les  États  les  décimes  de  la 
croisade. 

Tandis  que  cette  grande  puissance  se  minait  ainsi  elle- 
même,  l'Angleterre  se  relevait.  Le  jeune  Edouard  III  avait 

*  App.,  136. 

*  Il  attachait  à  son  départ  poar  la  croisade  tingt-sept  conditions, 
entre  ««très  1«  rétablifsement  da  royavme  d'Arles  en  fa^ear  Qe  aon  fils, 
la  concession  de  la  couronne  d'Italie  à  Charles,  comte  d'Alençon,  son 
frère;  la  libre  disposition  du  fameax  trésor  de  Jean  XXII.  Il  ajournait  à 
fois  atfs  son  départ,  et  comme  il  pouvait  survenir  dans  rintervalle 
quelque  obstaole  qui  le  forçât  &  renoncer  à  son  expédition,  le  droit  d'en 
juger  la  Talidité  devait  être  remis  à  deux  prélau  de  son  royaume.  (Vll- 
lani.)  Après  bien  des  négociations,  le  pape  lui  accorda  pour  six  ans  les 
décimes  du  lOTaume  de  France. 


vengé  son  père,  fiiît  mourir*  Mortimar»  miferaié  m  mèM 
faabeau.  Il  avait  aoeueitli  BÙ)evl  d'Aftois,  al  raAumi  de  le 
livrer.  Il  eommencait  à  dikaner  sur  TiiDEDiiiage  qu'il  avail 
rendu  à  la  France.  Les  deux  puîaaanees  ae  ireni  d'abord 
la  guerre  en  Ëooaie.  Philippe  aecounit  lea  Bcoaaats,  qui 
n'en  ferenl  pas  moine  battus.  En  Guyeane,  Tattaque  fut 
plus  directe.  Le  sénéchal  du  roide  FrMce  expulsa  les  Ab^ 
glaia  des  possessions  contestées^ 

Mais  le  grand  mouToment  partit  da  la  Flandre^  de  la 
ville  de  Gaod.  Les  Flamanda^se  tromnaieaÉ  alors  sous  m 
comte  tout  français^  Lonia  de  Nevers,  qui  n'était  comtnqva 
par  la  bataiHedo  Classel  et  rbamiliatien  deacn  pays.  Ijmm 
ae  vivait  qu'à  Paris,  à  la  cour  de  Philippe  de  Valois.  Sana 
consulter  ses  suiats,  il  ordonna  qoe  les  Anglais  JtasaeBl 
arrêtés  dans  Soûles  les  viUes  de  Fiandre.  fidouard-fil  atré^ 
lar  les  Flansands^  »  Angleterre  K  Is  eouimeree,  sans  b^ 
quel  les  deux  pays  ne  pouaaieni  viwe,  su  trouva  rompu 
tout  d'un  coup. 

Aitoquer  Iw' Anglais  par  la  Guyenneetpar  la  Flandre, 
c'était,  les  bleslev  par  leurs  eétés  les  plus  seuaiUes»  leur 
ôtar  la  drap  efcle  vin.  Ik  vendaient  leurs  kinea  à  Sragea 
pour  aeheter  du  via  à  B<Mdeanx.  D'aulrê  pari,  aaus  laîna 
anglaise  les  Flamands  ne  savaient  ^pie  faire,  fidouard, 
ayant  défendu  l'exportation  des  laines,  rédukii  la  Flandre 
au  désespoir,  et  la  força  de  se  jeter  dans  ses  bras  '. 

D'abord  âne  foule-  d'ouvriers  flamands  passèrent  eu  An- 
l^eterre.  On  les  y  attirait  k  tout  prix.  U  n'y  a  sorte  de  flatr* 
teries,  de  caresses,  qu'on  n'employât  auprès  d'eux.  Il  est 
curieux  de  voir  dès  ce  temps  4à  jusqu'où  ce  peuple  si  fier 
descend  dans  l'oceafiion,  lorsque  son  intérêt  le  dMumde* 
«  Leurs  habits  seront  beaux,  éerivaient  les  Anglais  en 

'  MaU  m  vdme  tenpi  il  écririt  ao  eomto  et  %n  jbouif mestr^i  des 
mis  grA^Uei^  TiUss  pour  ss  plaiodra  de  ceiia  violenoeu  (Uiulesliec»U) 
'  App.,  157. 


PHILIPPS  DB  YALOIS.  487 

Flandre,  leurs  compagnes  de  lit  encore  plus  belles  *.  p  Ces 
émigrations  qui  continuent  pendant  tout  le  xiv*  siècle  ont, 
je  crois,  modifié  aiBgôKèreaient  le  génie  anglais.  Avant 
qu'elles  aient  eu  Ued,  rien  n'amionee  dans  les  Anglaiaeeite 
patieaoe  inditslrieiise  qiae  noua  leur  voyons  aujourd'hui. 
Le  roi  da  France,  an  a'eAurçanl  de  séparer  la  naadre  eft 
TAngieteive,  oa  fit  anire  chose  quo  provoquar  les  énigiar 
ti<Mis  flamandes,  et  fiûoider  rindnatrie  anglaise. 

Cependant  la  Flandre  ne  se  résigna  pas.  Les  villes  éaUr- 
tèrent.  Elles  haïssaient  le  oomla  de  longne  date,  sait  pavoa 
qn'il  soulsnaife  les  campagnes  contre  le  monopals  4|Bt 
viHee  s,  soit  parée  qa*il  admettait  las  étrangers,  les  Fran* 
çais,  au  pattege  de  leur  eommeree  '. 

Lea  GantaiSt  qui  sans  doute  se  rq^entaient  da  n*avoir 
pae  aoutemi  eaux:  d'Ypras  et  de  Bruges  à  la  bataille  de 
Cassai,  priranti  pour  chef  en-  Mffi  la  brasseur  Jeequenuat 
ArteveMa.  Saotemi  par  les  eoips  de  métiers,  principale** 
mant  par  les  foidens  et  ouvriers  en  drap»  Artevelde  orga- 
nisa une  vigoureuse  tyrannie  ^.  11  fit  assembler  à  Gand  les 
gens  des  treîa  grandes  villes,  c  et  leur  montra  que  sans  le 
a  roi  d* Angittarra  ils  ne  peuvoîenli  vivre.  Car  tonte  Flandre 
V  aalaît  fondée  ^sar  dcapsvie^  al  sans  laiaa  <m  na  pouvait 
t  draper;  Et  pour  œ,  lovait  qu'on  latnst  la  voy  d'Angle- 
•  tarrekamy.  »* 

tdouard  était  un  bien  petit  prinee  pivur  s'opposer  à  ostta 
grande  paissanea  de  Philippe  de  Valois;  mais  il  avait  pour 
lui  les  vaK»  de  la  Flandre- et  rusaniaiité  dea  Anglais,  ias 
neiffianri  vendeurs  dea  laines,  et  les  marchands  qui  en 
trafiquaient,  tous  demandaient  la  guerre.  Pour  la  rmidre 
phas  populaire  encore,  il  fit  lira  dans  les  paroissaiiiaa  eir- 
cnlaire  au  peuple^  rinforaaaat  4a  ses  grieft  contra  Phi- 


t  Waltingham  dit  poarlant  qu*on  leur  Interdit  pendant  trois  ans  en- 
core i*(  ntrée  de  l'Angleterre.  «  Ut  sic  retunderetur  superbia  Flandrito« 
rum.  tjui  plui  taeeot  quamA»g!ot  yen(*rabifitur.  •  Anno  t337. 

•  Mvycr,  anno  ISM.  —  »  App.,  iSS.  -*  *  Afp.,  189. 


4M  L* 

çais,  il  ne  parlait  de  rien  moins  «|fie  d'aller  avee  ooe  «imée 
se  faire  absoudre  à  Avîgooik  Êàaimré  aUa  le  trouver  à  la 
diète  de  Goblentz.  Dans  cette  grande  assemblée  où  Ion 
voyait  tnns  archevêques,  quatre  éBca,  tronie-^eept.  comtes, 
une  foule  de  barona,  T Angbii  ^^^  ^  ^^  dépens  ce  que 
c'était  que  la  oMuigueiet  la  leaaew  aUenuDMie.  L'£apere«r 
voulait  d'abord  lui  aocoiédr  ia  laveur  de  >ltti  baiser  les 
pieds.  Le  roi  d*Angletarre,  par-devant  ce  anpnême  juge, 
se  porta  pour  accusateur-de  Bhaiqppe  de  Valois.  L'Empe- 
reur, une  main  sur  le  globe^  ruuUu  sur  k  sceptre,  tandis 
qu'un  chevalier  lui  tenait  sur  la  léte  une  épée  nue,  défia 
le  roi  de  France,  le  déclara  déchu  de  la  protectâon  de 
rBmpire,  et  donna  gmcÊeuMOient  à  fidunard  le  dipktaM 
de  vieaive  impérial  sur  la  rive  gauche  du  Rhin.  Au  reste, 
ce  fut  tout  ce  que  TAngtais  put  en  tirer.  L'Empereur  réis- 
chit,  eut  des  scrupules,  et  au  iieu  de  s'engager  dans  cette 
dangereuse  guerre  de  France,  il  s'achemina  vera  Tbalis. 
Mais  Philippe  de  Valois  le  fit  arrêter  au  passage  été  Alpes 
.par  un  fils  4u  roi  de  Bcdiâmt* 

Le  roi  d'Angleterre,  revenant  avec  son  difriésiie,  de- 
manda auduc de  Brabant  oh  il pounrait Texhiber  aux  se^ 
gneuis  des  f  aje-Bas.  Le  duc  assigna  pour  Vaasemblée  la 
petite  viUe  de  Herck  sur  la  flfontièie  de  JraiMnt.  c  Quand 
tous  ftirém  là  venuft,  saches  que  la  viUe  fiit  grandement 
pleine  de  seigneurs,  de  chevaliers,  d'écuyers  et  de  toutes 
autres  manières  de  gens;  et  la  balle  de  la  ville  ou  l'on 
veadoit'pahi  et  cbair,  qui  guères  ne  vakiient,.encourtinée 
de  beaux  dnps  comme  te  chambre  du  roi;  et  Ait  le  roi 
anglois  assis,  la  oounmne  d'or  mouli  riche  «I  mmit,  nobte 
sur  son  chef,  plus  haut  cinq  pieds  que  nul  des  autres,  sur 
un  banc  4\m  (boucher,  là  oii'ilUailloit  et  veniaii  sa  chair. 
Oneqves  telle  haUe  no  (àt  à  si  grand  honneur  ^.  » 

Pendant  que  tous  les  seigneurs  rendaient  hommage  sur 

>  Froiuait. 


PniUPPB  DS  VALOIS.  49r 

ce  Inidc  de  rbdiiober  au  nouveau  vicaire  impérial^  le  duc 
de  Brabant  faisait  dîf e  au  roi  de  France  de  ne  rien  croire 
de  ce  i^tt'oa  pouvait  diie  contre  lui.  Edouard  défiant  Phi- 
lippe en  aen  JMm  et  au  nom  des  seifpQevra,  le  duc  déciant 
qu'il  aimait  mieux  fdre  p^Hter  à.part  son  défi.  Enfin,  quand 
fidouaid  le  pria  de  le  suivre  devant  Cainbrai,  U  lui  asauia 
qu'ausaitdi  qu'il  le  saurait  devant  eette  tille,  iliiiaôt  Ty 
relMiiver  aiwc  deuae  eents  bonnes  lances. 

Penëant  Thiver,  Tardent  de  Fruioe  opéra  sur  les  a»- 
gnaurs  des  Pays-Bas  et  d'Alleoii^pM.  Leur  inertie  mg- 
meata  encore.  Edouard  ne  put  les  mettre  en  mouMsmeilt 
avant  le  mois  de  septembre  (4339).  Cambrai  se  trouva 
mieus  défendu  qu'on  ne  le  croyait*  La  saison  était  avancée. 
JUouard  leva  le  siège  et  renlta  en  fiance.  Mais  À  la  froa** 
'  tiàra,  le  iComte  de  fiainaut  lui  dit  qu'il  ne  pouvait  le  suivre 
4ML  delà,  que  tenant  des  flefs  de  TEmptre-eide  la  France, 
il  le  servirait  vdontîers  sur  terre  d'Empire  ;  mais  qu'arrivé 
aur  ttfre  de  France,  il  devait  obéir  au  roi,  sen  suzerain»  et 
qfi"û  l'allait  joindre  de  ce  paa  pour  combi^tre  les  > Anglais  4. 

Pacmi  ces  tribulations ,  Edouard  avançait  lentement 
vMe  l'Oise,  ravageant  tout  le  pays,  et  retenant  avec  peine 
ses  alliés  mécontents  et  affamés.  11  lui  fallait  une  belle  ba- 
taille pour  le  dédoBunager  de  tant  de  frais  et  d'ennuis.  11 
'enit  un  instant  la  tébir.  Le  roi  de  France  lui-même  parut 
près  de  la  Capelle  avec  une  grande  armée.  «  On  y  oemp^ 
tait,  dit  Froissart,  ooae  vingt  et  sept  bannières,  cinq  cent 
at  soixante  pmnons»  quatre  rois  (France,  Bobéme,  Na*- 
varre,  Êcoase),  six  ducs,  et  trente-six  comtes  et  plus  de 
quatre  mille  chevaliers,  et  des  conmiunes  de  France  plus 
de  soiunte  mille.  »  Le  roi  de  France  lui-même  demandait 
la  bataille,  iklouard  n'avait  qu'à  choisir  pour  le  2  octobre 
un  champ,  une  belle  place  où  il  n'y  eût  ni  bois,  ni  marais^ 
m  miète  qui, put  avantager  l'un  ou  l'autre  paiiL 

«  FroissarW 


192  ■    L'XNSIBTERRB. 

Au  jour  nnrqué,  lorsque  déjà  Edouard,  monté  sur  nn 
petit  palefroi,  parcourait  ses  batailles  et  encourageait  les 
siens,  les  Français  avisèrent,  disent  les  Chroniques  de 
Saint-Denis,  qu'il  était  vendredi,  et  ensuite  qu'il  y  avait 
un  pas  dilBcile  entre  les  deux  années  *.  Selon  Froissait  : 
<  Ils  n'étoient  pas  d'accord,  mais  en  disoit  chacun  son 
opinion,  et  disoieot  par  estrif  (dispute)  que  cç  seroit 
graud'honte  et  grand  défaut  si  le  roi  ne  se  combattoit, 
quand  il  savoit  que  ses  ennemis  étoîent  si  près  de  lui,  eo 
son  pays,  rangés  en  pleins  champs,  et  les  avoit  suivis  ea 
intention  de  combattre  à  eux.  Les  aucuns  des  autres 
disoient  à  rencontre  que  ce  geroit  grand'folie  s'il  se  com- 
battoit,  car  il  na  savoit  que  chacun  pensoit,  ni  si  point 
trahison  y  avoit  :  car  si  fortune  lui  étoit  contraire,  il  mel- 
toit  son  royaume  en  aventure  de  perdre,  et  si  il  déconfisoit 
ses  ennemis,  pour  ce  n'auroit-il  mie  le  royaume  d'Angle- 
terre, ni  les  terres  des  seigneurs  dé  l'Empire,  qui  avec  le 
roi  anglois  étaient  alliés.  Ainsi  eslrivant  (dissertant)  et 
débattant  sur  ces  diverses  opinions,  le  jour  passa  jusques 
ft  grand  midi.  Environ  petite  nonne,  un  lièvre  s'en  vint 
tr^assant  parmi  les  champs,  et  se  bouti  entre  les  Fran- 
çais, dont  ceux  qui  le  virent  commencèrent  &  crier  et  à 
huier  (appeler)  et  à  faire  grand  haro  ;  de  quoi  ceux  qui 
étoient  derrière  cuidoient  que  ceux  de  devant  se  combat- 
tissent, et  les  plusieurs  qui  se  tenoient  en  leurs  batailles 
rangés  fesoient  autel  (autant)  :  si  mirent  les  plusieurs 
leurs  bassinets  en  leurs  tètes  et  prirent  leurs  glaives. 
Là  il  fut  fait  plusieurs  nouveaux  chevaliers  ;  et  par  spécial 
le  comte  de  Ilainaut  en  fit  quatorze,  qu'on  nomma  depuis 
les  chevaliers  du  Lièvre.  —  ...Avec  tout  ce  et  les  estrife 
(débats)  qui  étoient  au  conseil  du  roi  de  France,  furent 
apportées  en  l'ost  lettres  de  par  le  roi  Robert  de  Sicile, 
lequel  étoit  un  grand  astronomien...  si  uvoit  par  plusieurs 

•  Cbroo.  de  Salnt-Denii. 


PHILIPPE  DE  VALOIS.  193 

fois  jeté  ses  sorts  sur  l'état  et  aventures  du  roi  de  France 
et  du  roi  d'Angleterre,  et  avoit  trouvé  en  l'astrologie  et 
par  es^érience  que  si  le  roy  de  France  se  combattoit  au 
roi  d'Angleterre,  il  convenoit qu'il  fust  déconfit...  Jade 
longtemps  moult  soigneusement  avoit  envoyé  lettres  et 
épisires  au  roi  Philippe,  que  nullement  ils  ne  se  combat- 
tissent contre  les  Anglois  là  où  le  corps  d'Edouard  fut 
présent  *.  » 

Cette  triste  expédition  avait  épuisé  les  finances 
d'Edouard.  Ses  amis,  fort  découragés,  lui  conseillèrent 
de  s'adresser  à  ces  riches  communes  de  Flandre  qui  pou- 
vaient l'aider  à  elles  seules,  mieux  que  tout  l'Empire.  Les 
Flamands  délibérèrent  longuement,  et  finirent  par  décla- 
rer que  leur  conscience  ne  leur  permettait  pas  de  déclarer 
la  guerre  au  roi  de  France,  leur  suzerain.  Le  scrupule 
était  d^autant  plus  naturel  qu'ils  s'étaient  engagés  à  payer 
deux  millions  de  florins  au  pape,  s'ils  attaquaient  le  roi  de 
France,  Artevelde  y  trouva  remède.  Pour  les  rassurer  et 
sur  le  péché  et  sur  l'argent,  il  imagina  de  faire  roi  de 
France  le  roi  d'Angleterre  ^.  Celui-ci,  qui  venait  de  pren- 
dre le  titre  de  vicaire  impérial,  pour  gagner  les  seigneurs 
des  Pays-Bas,  se  laissa  faire  roi  de  France,  pour  rassurer 
la  conscience  des  communes  de  Flandre.  Philippe  de 
Valois  fit  interdire  leurs  prêtres  par  le  pape;  mais  Edouard 
leur  expédia  des  prêtres  anglais  pour  les  confesser  et  les 
absoudre  ^. 

La  guerre  devenait  directe.  Les  deux  partis  équipèrent 
de  grandes  flottes  pour  garder,  pour  forcer  le  passage. 
Celle  des  Français,  fortifiée  de  galères  génoises,  comptait, 
dit  on,  plus  de  cent  quarante  gros  vaisseaux  qui  portaient 
quarante  mille  hommes  ;  le  tout  commandé  par  un  che- 
valier et  par  le  trésorier  Bahuchet,  «  qui  ne  savait  que 
faire  compte.  »  Cet  étrange  amiral,  qui  avait  horreur  de 

*  FroissarL 

»  Ffoissarl.  —  »  Meycr. 

M.  19 


4  04  l'anglbthbrb. 

k  mer,  tenait  toute  ^  flotte  serrée  dans  le  port  de  J'Écluae. 
En  vain  le  €iénois  Barbavara  s'efforçait  4t  lui  ùtire  en- 
tendre qu'il  fi^lait  se  donner  du  champ .poHrmanœuvinr. 
L'Anglais  les  surprît  immobiles  et  les  accrodia.  -Ce  fi^  une 
bataille  de  terre.  En  six  heures,  les  archers  anglais  don- 
nèrent la  victcNve  à  Edouard.  L'apparition. des 
qui  vinrent  occuper  le  rivage,  ûtait  tout  espoir 
vaincus.  Barbavara,  qui  de  bonne  heure  avait  pris  le 
large,  échappa  seul.  Trente  nulle  hommes  périrent.  Le 
ttialencontreux  Bahuchet  fat  pendu  au  màt  de  son  vais* 
«eau  ^.  L'Anglais,  qui  se  disait  roi  de  France,  traitait  déjà 
l'annemi  comme  rebelle.  La  Erance  pouvait  retrouver 
trente  mille  hommes;  mais  le  tésttltat  mond  a'éCaiipas 
jnoins  fimeste  que  œlui  de  Ja  Hogue  et  de  Trafalgar.  Les 
Krançaîs  perdirent  courage  du  cèté  de  la  mer.  Le  passage 
du  détroit  resta  .libre  pour  ies  An^^is  pendant  plusienB 
^èoles. 

Tout  semblait  enfin  Cvroriser  Edouard.  Arteaelde  dans 
>soB  absenee  avait  amené  soixante  ^miHe  Fkunaads  au  ae- 
^ours  de  son  allié,  le  comte  de  Hainant  s.  GeMe  igrasse 
«nnée  iai  donnait  espoir  de  £aire  enfin  quelque  lehoee.  H 
fionduisitrtout  ce  monde,  Anglais,  Flamands,  Brafaançona, 
•devant  la  forte  ville  de  Toimiai.  Ce  berceau  de  la  monar* 
chie  en  a  été  plus  d'mie  fois  le  boulevard.  Charles  VHa 
reconnu  le  dévouement  tant  de  fois  prouiié  doieette  ville, 
en  lui  donnant  pour  armes  les  armes  mômes  .de  la 
France. 

Philippe  de  Valois  vint  au  aecowa;  la  urilie  se  défendit 
Le  siège  trahuu  QBpwdaat  les  flamands,  ne  sachant  que 
tfaîre,  allèrent  piller  Arquissèodléjéa flunt-^Omer  K  Mais 

'  Froissart. 

*  Après  arotr  quitté  Ëdoinrd,  qA*U  sefT^t  vM'rfiifi^,>>ar  dérendra 
Philippe  4HI  mj^ouRM,  ce  Janae  ieigDenr,.ifrilé-des  smfBBdpie^effai 
de  France  avait  laissé  oommettre  en  ses  États,  loi  avait  porté  défi  «I 
s*éuit  rallié  au  roi  d'Angleterre. 

•  App,,  161. 


pniLiPn  M  VALOIS.  495 

voilà  que  tout  à  coup  la  garnison  de  cette  ville  food  sur 
eux^  lanees  baissées,  tonoXères  déployées  et  à  grands  crjs^ 
Les  Flamaids  eureat  beau  jeter  bas  leur  buliji,  ils  Curejat 
poursuivis  deux  lieues,  perdirent  dix-^huit  cents  bommeSy 
et  rapportëreui  lour  épouvante  dans  rarmee.  «  Or  avin^ 
une  merveilleuse  aveoture...  Car  environ  heure  de  minuit 
que  ces  Flamands  dormolent  en  leurs  tentes,  un  si  grand 
effroi  les  prit  eu  dormant  que  tous  s^  levèrent  et  abattirent 
tanto&t  tentes  et  pavillons,  et  troussèreut  tout  sur  leurs 
obarriotSf  eu  si  grande  hâte  que  Tun  n'attendoit  point 
l'autre  el  fuirent  tous  sans  teiuir^oie.,^  Messire  Robert 
d'Artois  et  Henri  de  Flandres  s'en  vinrent  au-devant  d'eux 
et  leur  dirent  :  Reaux  ficif^neurs^  dite^-nons  quelle  chose  il 
vous  fa\u  qui  omù  fuyez...  Ils  n'en  firent  compte,  mais 
toujours  fuirent,  et  prit  chacun  le  chemin  vers  sa  maison 
au  plus  droit  qu'il  put.  Quand  messire  Bobert  d'Artois  et 
fleuri  de  Flandres  virent  qu'ils  n'en  luiroient  autre  chose, 
si  firent  tcousser  touJt  leur  barnois  et  s'en  vinrent  w 
ii^  de\'»i^t  Tour/i^y*  £t  rûoordèrent  Taventure  des  Flar- 
maads  ot  dirent  les  plusLeui^  qu'ils  avoient  été  enfan- 
tùBomh  » 

L'Anglids  eut  beau  faire.  Toute  cene  grande  guerre  des 
Pays-Bas,  dpnt  il  cvoyait  «pcabler  la  France,  vint  à  rien 
entre  ses  mains.  Les  Flamands  n'étaient  pas  guerriers  de 
leur  nature,  sauf  quelques  niomeul^  de  colèxe  brutale  ; 
4out  ce  qu'Us  voulaieni^  c'était  de  ne  rien  payer.  Les  sei«- 
gAeuns  des  PaiiS^Bas  voulaient  de  plus  être  payés.;  ils 
l'étaient  4es  deux  o6tés  et  restaient  ches  eu^. 

Heureusement  powr  Edouard,  au  momeyi^t  où  la  Flandre 
s'éteignait,  la  Bretagne  j)rit  feu  ^,  Le  pfiys  était  tout  a/utrc/- 
nent  ioflMinoiible.  On  |>^  à  peine  vraunent  dire  m 
Bioyen  kg/d  (f^  le»  Bretons  soient  jamais  en  piiix.  'Quitnd 
ils  œ  se  battent  pas  cbez  em;i  c'e^t  qu'ils  sont  loués  pour 

« 

J  f  amant.  -*  *  Àfpp.,  162. 


496  L'AN'GLtT£RRE. 

se  battre  ailleurs.  Sous  Philippe  le  Bel,  et  jusqu'à  la  ba* 
taille  de  Cassel,  ils  suivaient  volontiers  les  années  de  nos 
rois  dans  les  Flandres,  pour  manger  et  piller  ces  riches 
pays.  Mais  quand  la  France,  au  contraire,  fut  entamée 
par  Edouard,  quand  les  Bretons  n'eurent  plus  à  faire 
qu'une  guerre  pauvre,  ils  restèrent  chez  eux,  et  se  battirent 
entre  eux. 

Cette  guerre  fait  le  pendant  de  celles  d'Ecosse.  De 
même  que  Philippe  le  Bel  avait  encouragé  contre 
Edouard  I  Wallace  et  Robert  Bruce,  Edouard  III  soutint 
Montfort  contre  Philip[)e  de  Valois.  Ce  n'est  pas  seulement 
ici  une  analogie  historique.  Il  y  a,  comme  on  sait,  parenté 
de  race  et  de  langue,  ressemblance  géographique  entre 
les  deux  contrées.  En  Ecosse,  comme  en  Bretagne,  la  par- 
tie la  plus  reculée  est  occupée  par  un  peuple  celtique,  la 
lisière  par  une  population  mixte,  chargée  de  garder  le 
p^ys.  Au  triste  border  écossais  répondent  nos  landes  de 
Maiiie  et  d'Anjou,  nos  forêts  d'Uleet-Vilaine.  Hais  le  bor- 
der est  plus  désert  encore.  On  peut  y  voyager  des  heures 
entières,  au  train  rapide  d'une  diligence  anglaise,  sans 
rencontrer  ni  arbre,  ni  maison  ;  à  peine  quelques  plis  de 
terrain  oii  les  petits  moutons  de  Northumberland  cher- 
chent patiemment  leur  vie.  Il  semble  que  tout  ait  brûlé 
sous  le  cheval  d'Hotspur  <...  On  cherche,  en  traversant  ce 
pays  des  ballades,  qui  les  a  faites  ou  chantées.  Il  faut  peu 
de  chose  pour  faire  une  poésie.  Il  n'y  a  pas  besoin  des 
lauriers-roses  de  TEurotas;  il  suffit  d'un  peu  de  bruyère 
(le  Bretagne,  ou  du  chardon  national  d'Ecosse  devant 
lequel  se  détournait  la  charrue  de  Burns  K 

L'Angleterre  trouva  dans  cette  rare  et  bellicpieuse  popu- 
lation un  outlaw  invincible,  un  Robin  Hood  éternel...  Les 
gens  du  border  vivaient  noblement  du  bien  du  voisin. 
Quand  le  butin  de  la  dernière  expédition  était  mangé,  la 

t  Voyez  Shakespeare. 

*  yo}cz  riDtrod.  de  Walicr  Scott  à  son  recueil  des  ballades  du  border. 


il 


PHILIPPE  DB  VALOIS.  407 

dame  de  la  maison  servait  dans  un  plat,  à  son  mari,  une 
paire  d*éperons,  et  il  partait  joyeux...  C'étaient  d'étranges 
guerres  ;  la  difficulté  pour  les  deux  partis  était  de  se  trou- 
ver. Dans  sa  grande  expédition  d'Ecosse,  Edouard  II 
avança  plusieurs  jours  sous  la  pluie  et  parmi  les  brous- 
sailles, sans  voir  autre  armée  que  de  daims  et  de  biches  ^ 
Il  lui  fallut  promettre  une  grosse  somme  à  qui  lui  dirait 
où.  était  Tennemi  ^.  Les  Écossais  réunis,  dispersés,  avec  la 
légèreté  d'un  esprit,  entraient  quand  ils  voulaient  en  An- 
gleterre; ils  avaient  peu  de  cavalerie,  mais  point  de  baga- 
ges; chaque  homme  portait  son  petit  sac  dç  grain  et  une 
brique  où  le  faire  cuire. 

Us  ne  se  contentaient  pas  de  guerroyer  en  Angleterre. 
Us  allaient  volontiers  au  loin.  On  sait  l'histoire  de  ce  Dou- 
glas qui,  chargé  par  le  roi  mourant  de  porter  son  cœur  à 
Jérusalem,  s'en  alla  par  l'Espagne,  et  dans  la  bataille  lança 
ce  cœur  contre  les  Maures.  Mais  leur  croisade  naturelle 
était  en  France,  c'est-à-dire  où  ils  pouvaient  faire  le  plus 
de  mal  aux  Anglais.  Un  Douglas  devint  comte  de  Touraine. 
11  existe  encore,  dit -on,  des  Douglas  dans  la  Bresse. 

Notre  Bretagne  eut  son  border,  comme  l'Ecosse,  et 
aussi  ses  ballades  3.  Peut-être  la  vie  du  soldat  mercenaire, 


*  •  Et  erioît-on  moult  ce  jour  alarme,  et  disoi(-on  que  les  premiers 
M  combattoient  tux  ennemit;  si  que  chacun  cuidant  que  ce  fut  roir,  se 
hàloit  quant  qu'il  pouToit  parmi  marais,  parmi  pierres  et  cailloux, 
]Mrmi  vallées  et  montagnes,  le  heaume  appareillé,  Técu  au  col,  le 
glaire  on  Tépée  au  poing,  sans  atli»ndre  père  ni  frère,  ni  compagnon.  Et 
qnand  on  aToit  ainsi  couru  demie  lieue  on  pins,  et  on  en  venoit  an  lien 
d'où  ce  hntin  ou  cri  naissoit,  on  se  tronvoit  dé^u;  car  ce  avoieut  été 
cerfs  ou  biches.  •  Froissa rt. 

*  •  Et  fit- on  crier  que  qui  se  Tondroit  tant  travailler  qu'il  put  rap- 
porter certaines  nonvellef  an  loit  là  où  l'on  ponrroit  trouver  les  Ëcos- 
aois,  le  premier  qui  celui  rapportcroit  il  aurait  cent  livres  de  terre  à 
Jiériuge,  et  le  feroit  le  roi  chevalier.  •  Froissart.  On  trouve  en  efTet 
dans  Rymer  :  •  Pro  Thoma  de  Kokesby,  qui  regem  duxerat  an  te  visum 
intmioomm  Scotornm.  • 

*  Voyes,  en*re  autres  ouvrages,  le  beau  livre  de  M.  Emile  Souvestre: 
Les  Derniers  Bretons. 


19  K  L\NGLETEfl«B. 

qui  fui  longtemps  celle  des  Bretons  au  moyeife  Age,  étouffii* 
t-elte  ce  génie  poétique. 

Mais  l'histoire  seule  en  Bretagne  est  une  poésie.  Il  n'est 
point  mémoire  d'une  lutte  si  diverse  et  si  obstinée.  Cette 
race  de  béliers  a  toujours  été  heurtant,  sans  rien  trouver 
de  plus  dur  qu'elle-même.  Elle  a  fait  front  tour  à  tour  à  la 
France  et  aux  ennemis  de  la  Franoe.  Elle  repoussa  nos  rois 
90US  Noménoé,  sous  Hontfort  ;  elle  repoussa  les  Xorthmans 
sous  Allan  Barbetorte,  et  les  Anglais  sous  Duguesclin. 

C'est  au  border  breton,  dans  les  landes  d'Anjou,  que 
Robert  le  Fort  se  fit  tuer  par  las  Nortbmans,  et  gagna  le 
trône  aux  Capots.  Là  encore,  les  futurs  rois  d'Angleterre 
prirent  le  nom  de  Plante-Genêts.  Ces  bruyères,  comme 
celles  de  fthcbeth,  saluèrent  les  deux  royautés» 

Le  long  récit  des  guerres  bretonnes  qui  renluminenl  si 
bien  la  Chronique  de  Froissart^  ces  aventures  de  toutes 
sortes,  coupées  de  romanesques  incidents,  font  penser  à 
certains  paysages  abruptes  de  Bretagne,  brusquement  va-« 
ries,  pauvres,  pierreux,  semés  parmi  le  roc  de  tristes  fleurs. 
Mais  il  est  plus  d'une  partie  dans  cette  histoire  dont  le 
chroniqueur  élégant  et  chevaleresque  ne  représente  pas  la 
sauvage  borreur«  On  ne  sent  bien  l'histoire  de  Bretagne 
que  sur  le  théâtre  môme  de  ces  événements,  aux  roches 
d'Auray,  aux  plages  de  Quiberon,  de  Saînt-Michel-cn- 
Grève,  où  le  duc  fratricide  rencontra  le  moine  noir« 

Les  belles  aventures  d'amazones,  où  se  platt  Froîssart^ 
ces  aper lises  de  Jehanne  de«Mon(fort  qui  eut  courage 
d'homme  et  cœ«r  de  tUm,  ces  braves  discours  de  Jeanne 
Gisson,  de  Jeann'e  de  Blois,  ne  disent  pas  tout  sur  la 
guerre  de  Bretagne.  Cette  guerre  est  celle  aussi  de  QissoD 
le  b(Atcher,  du  dévot  el  eonscieneieHsement  cruel  Charles 
de  Blois. 

1  t  Entrerons  en  la  grand  matière  et  histoire  de  Bretagne,  qui  gran- 
dement renluminc  of  livre  p«ur  les  beaux  laiti  d'armes  qui  y  suoi  ra- 
mcnlttés.  • 


PHILIPPB  DB  TALOIS.  109 

Le  duc  Jean  IIF,  mort  sans  enfants,  iaissail  une  nièce  et 
un  frère.  La  nièce,  fille  d'un  frère  aîné,  avait  épousé  Charles' 
de  Bloîs,  prince  du  sang,  et  elle  avait  le  roi  pour  elle  ;  la 
noblesse  de  la  Bretagne  français  lui  était  assez  favorable  i. 
Le  frère  cadet,  Montfort,  avait  pour  lui  les  Bretons  bre- 
tonnants  1,  et  il  appela  les  Anglais.  Le  roi  d'Angleterre, 
qui,  en  France,  soutenait  le  droit  des  femmes,  soutint  cehii 
des  màles  en  Bretagne.  Le  roi  de  Franee  fut  inconséquent 
en  sens  opposé. 

Singulière  destinée  que  ceHe  des  Montfort.  Nous  Tavona 
déjà  remarqué.  TJn  Montfort  avait  conseillé  à  Louis  le  Gros 
d'armer  les  communes  de  France.  Un  Montfort  conduisit 
la  croisade  des  Albigeois  et  anéantit  les  libertés  des  villes 
du  midi.  Un  Montfort  introduisit  dans  le  parlement  anglais 
les  députés  des  communes.  En  voici  un  autre  au  xiv*  siècle 
dont  le  nom  rallie  les  Bretons  dans  *leur  guerre  contre  la 
France. 

L'adversaire  de  Montfort,  Charles  de  Blois,  n'était  pas 
moins  qu'un  saint,  le  second  qu'ait  eu  la  maison  de  France. 
II  se  confessait  matin  et  soir,  entendait  quatre  ou  cinq 
niesses  par  jour.  Il  ne  voyageait  pas  qu'il  n'eut  un  aunt^ 
nier  qui  portait  dans  un  pot,  du  pain,  du  vin,  de  l'eau  et 
du  feu,  pour  dire  là  messe  en  route  '.  Voyait-il  passer  ma 
prêtre,  il  se  jetait  à  bas  de  dieval  dans  la  boue.  11  fit  plu- 
sieurs  fois,  pieds  nus  sur  la  neige,  le  pèlerinage  de  saint 
Tves,  le  grand  saint  breton.  Il  mettait  des  cailloux  dans  sa 
chaussure,  défendait  qu'on  ôtàt  la  vermine  de  son  cilîce, 
se  serrait  de  trois  cordes  à  nœuds  qui  lui  entraient  dans  la 
chair,  à  faire  pillé,  dit  un  témoin.  Quand  il  priait  Dieu,  il 
se  battait  furieusement  la  poitrine,  jusqu'à  pâlir  et  devenir 
comme  vert, 

t  Stton  Froliuit»  Chailei  4e  Blob  en  eat  imi jours  de  ton  €6ié  dt  wpl 
U$  cinq. 

•  Arr  .  163. 

•  App,,  loi. 


200  L'ANGLETERRE. 

Un  jour  il  s'arrêta  à  deux  pas  de  l'ennemi  et  en  grand 
danger,  pour  entendre  la  messe.  Au  siège  de  Quimper,  ses 
soldats  alla'ent  être  surpris  par  la  marée  :  Si  c'est  la  vo- 
lonté d  :  Dieu,  dit-il,  la  marée  ne  nous  fera  rien.  La  ville, 
en  effet,  fut  emportée,  une  foule  d'habitants  égorgés. 
^Charles  de  Blois  avait  d'abord  couru  à  la  cathédrale  remer« 
cier  Dieu.  Puis  il  arrêta  le  massacre. 

Ce  terrible  saint  n'avait  pitié  ni  de  lui  ni  des  autres.  11  se 
croyait  obligé  de  punir  ses  adversaires  comme  rebelles. 
Lorsqu'il  commença  la  guerre  en  assiégeant  Montfort  à 
Nantes  (1342),  il  lui  jeta  dans  la  ville  la  tête  de  trente  che- 
valiers. Montfort  se  rendit,  fut  envoyé  au  roi,  et  contre  la 
capitulation,  enfermé  à  la  tour  du  Louvre  '.  «  La  comtesse 
de  Montfort,  qui  bien  avoit  courage  d'homme  et  cœur  de 
lion,  et  étoit  en  la  cité  de  Rennes,  quand  elle  entendit  que 
son  frère  étoit  pris,  en  la  manière  que  vous  avez  ouï,  si  elle 
en  fut  dolente  et  courroucée,  ce  peut  chacun  et  doit  savoir 
et  penser  ;  car  elle  pensa  mieux  que  on  dut  mettre  son  sei* 
gneur  à  mort  que  en  prison  ;  et  combien  qu'elle  eut  grand 
deuil  au  cœur,  si  ne  fit-elle  mie  comme  femme  décon- 
fortée, mais  comme  homme  fier  et  hardi,  en  reconfortant 
vaillamment  ses  amis  et  ses  soudoyers  ;  et  leur  montroit 
un  petit  fils  qu'elle  avoit,  qu'on  appeloit  Jean,  ainsi  que  le 
père,  et  leur  disoit  :  «  Ha  I  seigneurs,  ne  vous  déconfortes 
mie,  ni  ébahisse/,  pour  monseigneur  que  nous  avons  perdu  ; 
ce  n'étoit  qu'un  seul  homme  :  véez  ci  mon  petit  enfant  qui 
sera,  si  Dieu  plait,  son  restorier  (vengeur),  et  qui  vous 
fera  des  biens  assez  3.  »  Assiégée  dans  Hennebon,  par 
Charles  de  Blois,  elle  brûla  dans  une  sortie  les  tentes  des 
Français,  et  ne  pouvant  rentrer  dans  la  ville,  elle  gagna  le 
château  d'Auray  ;  mais  bientôt  réunissant  cinq  cents 
hommes  d'armes,  elle  franchit  de  nouveau  le  camp  des 
Français  et  rentra  dans  Hennebon  «  à  grand  joie  et  à  grand 

*  App.,  165.  —  «  FroUsart. 


PHILIPPE  DE  VALOIS.  201 

son  de  trompettes  et  de  nacaires  !  »  Il  était  temps  qu'elle 
arrivât  ;  les  seigneurs  parlementaient  en  face  même  de  la 
comtesse,  quand  elle  vit  arriver  le  secours  qu'elle  atten- 
dait depuis  si  longtemps  d'Angleterre.  «  Qui  adonc  vit  la 
comtesse  descendre  du  chàtel  à  grand'chère,  et  baiser 
messire  Gautier  de  Mauny  et  ses  compagnons,  les  uns 
après  les  autres,  deux  ou  trois  fois,  bien  peut  dire  que 
c'étoit  une  vaillante  dame  *.  » 

Le  roi  d'Angleterre  vint  lui-même  vers  la  fin  de  cette 
année  au  secours  de  la  Bretagne.  Le  roi  de  France  en 
approcha  avec  une  armée  ;  il  semblait  que  cette  petite 
guerre  de  Bretagne  allait  devenir  la  grande.  Il  ne  se  fit  rien 
d'important.  La  pénurie  des  deux  rois  les  condamna  à  une 
trêve,  où  leurs  alliés  étaient  compris  ;  les  Bretons  seuls 
restaient  libres  de  guerroyer. 

La  captivité  de  Montfort  avait  fortifié  son  parti.  Philippe 
de  Valois  prit  soin  de  le  raviver  encore,  en  faisant  mourir 
quinze  seigneurs  bretons  qu'il  croyait  favorables  aux 
Anglais.  L'un  d'eux,  Clisson,  prisonnier  en  Angleterre,  y 
avait  été  trop  bien  traité.  On  dit  que  le  comte  de  Salisbui7, 
pour  se  venger  d'Edouard  qui  lui  avait  débauché  sa  belle 
comtesse,  dénonça  au  roi  de  France  le  traité  secret  de  son 
maître  et  de  Clisson  ^.  Les  Bretons  invités  à  un  tournoi, 
furent  saisis  et  mis  à  mort  sans  jugement.  Le  frère  de  l'un 
d'eux  ne  fut  pas  supplicié,  mais  exposé  sur  une  échelle  où 
le  peuple  le  lapida. 

Peu  après,  le  roi  fit  encore  mourir,  sans  jugement,  trois 
seigneurs  de  Normandie.  Il  aurait  voulu  aussi  avoir  en  ses 
mains  le  comte  d'Harcourt.  Mais  il  échappa,  et  ne  fut  pas 
moins  utile  aux  Anglais  que  Robert  d'Artois. 

Jusque-là  les  seigneurs  se  faisaient  peu  scrupule  de 
traiter  avec  l'étranger.  L*homme  féodal  se  considérait 
encore  comme  un  souverain  qui  peut  négocier  à  part.  La 

•  Froissart.  —  *  Cbron.  de  Flan'!re. 


202  L  an(;letbrrb. 

parenté  des  deux  nc^lesses  française  et  anglaise,  la  com« 
munauté  de  langues  (le&  nobles  anglais  parlaient  encore 
français),  tout  favorisait  ces  rapprochementâ.  La  naK>rt  da 
Qisson  mil  une  barrière  entre  les  deux  rojnumes. 

En  une  même  année,  l'Anglais  perdit  Montfbrt  et  Arte- 
velde.  Arievolde  était  devenu  tout  Anglais.  Sentant  la 
Flandre  lui  échapper,  il  voulait  la  donner  an  ]mnce  de 
Galles.  Déjà  Edouard  était  à  TËciose  et  présentait  son  fiU 
aux  bourgmestres  de  Gand,  de  Bruges  et  d*Ypres.  Arte- 
velde  fut  tué. 

Avec  toute  sa  popularité,  ce  roi  de  Fkndre,  n'était  au 
fond  que  le  chef  des  grosses  villes,  le  défenseur  de  leur 
monopole.  Elles  interdisaient  aux  petites  la  fabrication  de 
la  laine.  Une  révolte  eut  lieu  à  ee  sujet  dans  une  de  ces 
dernières.  Artevelde  la  réprima  et  tua  un  hbmnie  de  sa 
main.  Dans  Tenceinte  môme  de  Gand,  les  deux  corps  des 
drapiers  se  faisaient  la  guerre.  Les  foulons  exigeaient  dea 
tisseurs  ou  fabricants  de  draps  une  augmentation  de  sa- 
laire. Ceux-ci  la  refusant,  ils  se  livrèrent  un  furieux  corn.-» 
bat.  Il  n'y  avait  pas  moyen  de  séparer  ces  dogues.  En  vaia 
les  prêtres  apportèrent  sur  la  place  le  corps  de  Nôtre-Sei- 
gneur. Les  fabricants,  soutenus  par  Artevelde,  écrasèrent 
les  ouvriers  (1345)  ^ 

Artevelde,  qui  ne  se  fiait  ni  aux  uns  ni  aux  autres,  vou* 
lait.sortir  de  sa  dangereuse  position,  céder  ee  qu'il  ne  pou» 
vait  garder,  (m  régner  encore  sous  un  maître  qui  aurait 
besoin  de  lui  et  qui  le  aeuiieadrait.  De  rappeler  les  Fran- 
çais, il  n'y  avait  pas  à  y  songer.  Il  appelait  donc  l'Anglais^ 
il  courait  Bruges  et  Tpres  pour  négocier,  haranguer.  Pen- 
dant ce  temps,  Gand  lui  échappa. 

Quand  il  y  entra,  le  peuple  était  déjà  ameuté.  On  disait 
dans  la  foule  qu'il  Caisait  passer  en  Ant^etenre  l'argent  de 
Flandre.  Personne  ne  le  salua.  Il  se  sauva  à  son  hôtel,  et 

•  App,,  166. 


PHIUFPB  DB  TALOIS.  203 

de  la  croisée  essaya  en  Tdin  de  flédiîr  le  peuple.  Les  portes 
furent  forcées,  ArteveMe  fut  tué  ppécisément  comme  le 
tribun  Rienzi  l'était  à  Rome  deux  ans  après  i, 

Edouard  avait  manqué  la  Ftendre,  ausâî  bien  que  la 
Bretagne.  Ses  attaques  aux  deux  ailes  ne  réussissaient  pas, 
il  en  fit  une  au  centre.  Celle-ci^  conduite  par  un  Normand, 
Godefrol  d'Harcourt,  fut  bien  plus  fiitaie  à  la  Fraace. 

Philippe  de  Yalois  avait  réuni  toute»  ses  forces  en  une 
grande  armée  pour  reprendre  aux  Anglais  leurs  conquête» 
du  midi.  Cette  armée  forte,  dil^^on,  de  cent  mille  hommes, 
reprit  en  effet  Angouléme,  et  alla  se  eonsamer  devant  la 
petite  place  d'Aiguillon.  Lés  Anglais  s'y  défendirent  d'au^* 
tant  mieux  que  le  ffls  du  toi  ^i  conduisait  les  Français, 
n'avait  point  fait  de  quartieif  aux  antres  places. 

Si  l'on  en  cro)  aft  l'invraisemblable  réëit  de  Froissart,  le 
roi  d'Angleterre  iet%\i  parti  pour  secourir  la  Guyenne.  Puis 
ramené  par  le  vent  contraire,  il  aurait  prôté  Toreille  aux 
conseils  de  Godefroi  d'Harcourt,  qui  l'engageait  à  attaquer 
la  tformandie  sans  défense  ^. 

Le  conseil  n'était  que  trop  bon.  Tout  le  pays  était  dé- 
sarmé. C'était  l'ouvrage  des  rois  euxriaèm«s,  qui  avaient 
défendu  les  guerres  prît ées.  La  population  était  devenue 
toute  pacifique,  touteoo^péedela  culture  ou  des  métiers. 
La  paix  avait  porté  seif  fhiits  K  L'état  ilortasaot  et  prospère 
ob  les  Anglais  trouvéneiil  le  paySy  doit  nous  £aire  rabattre 
beaucoup  de  tout  ce  que  les  hittorienfl  ont  dit  contre  Fad- 
ministration  royale  au  xnr®  aièele. 

Le  cœur  saigne  quand  an  voit  dans  Froissait  cette  sau* 
vageapparkiondeiagnerra  dans  une  oontrée  paisible  déjà 
riche  et  industrielle^  dont  l'essor  allait  être  arcôié  pour  plu- 

*  •  Le  roi  rhcvadcuolt  f^Ar  fè  Cctfenilfi.  91  îCéHM  pm  de  MctrdrUi  si 
M«n  di  pays dl«i«nl  rfTrajét  oi ëk«b»i  oar  avant  ce  ils  n'avoient  oac- 
ques  TU  hummcs  d'armes  et  ne  savotent  que  cVtoit  de  guerre  ni  de*  ba- 
taille. Si  fuyaient  devant  les  Anglais  d'aussi  loin  qu'ils  en  oyoienl  par- 
ler. •  Froi>karL 


204  l'angleterixc. 

sieurs  siècles.  L*armée  mercenaire  d'Edouard,  ces  pillards 
Gallois  ,  Irlandais ,  tombèrent  au  milieu  d'une  population 
sans  défense  ;  ils  trouvèrent  les  moutons  dans  les  champs, 
les  granges  pleines,  les  villes  ouvertes.  Du  pillage  de  Caeo, 
ils  eurent  de  quoi  charger  plusieurs  vaisseaux.  Us  trouvé^ 
rent  Saint-Lô  et  Louviers  toutes  pleines  de  draps  ^ 

Pour  animer  encore  ses  gens,  Edouard  découvrit  à  Caen, 
tout  à  point,  un  acte  *  par  lequel  les  Normands  offraient  à 
Philippe  de  Valois  de  conquérir  à  leurs  frais  l'Angleterre, 
à  condition  qu'elle  serait  partagée  entre  eux ,  comme  elle 
le  fut  entre  les  compagnons  de  Guillaume  le  Conquérant. 
Cet  acte,  écrit  dans  le  pitoyable  français  qu'on  parlait  alors 
à  la  cour  d'Angleterre,  est  probablement  faux.  Il  fut,  par  or- 
dre d'Edouard,  traduit  en  anglais,  lu  partout  en  Angleterre 
au  prône  des  églises.  Avant  de  partir,  le  roi  avait  chargé 
les  prêcheurs  du  peuple,  les  dominicains ,  de  prêcher  la 
guerre,  d'en  exposer  les  causes.  Peu  après  (4364],  Edouard 
supprima  le  français  dans  les  actes  publics.  Il  n'y  eut  qu'une 
langue,  qu'un  peuple  anglais.  Les  descendants  des  conqué- 
rants normands  et  ceux  des  Saxons  se  trouvèrent  réconci-  . 
liés  par  la  haine  des  nouveaux  Normands. 

Les  Anglais  ayant  trouvé  les  ponts  coupés  à  Rouen,  re« 
montèrent  la  rive  gauche,  brûlant  sur  leur  passage  Vemon, 
Verneuil,  et  le  Pont-de4' Arche.  Edouard  s'arrêta  à  Poissy 
pour  y  construire  un  pont  et  fêter  l'Assomption,  pendant 
que  ses  gens  allaient  brûler  Saint-Germain,  Bourg-la -Reine, 
Saint-Cloud,  et  même  Boulogne,  si  près  de  Paris. 

Tout  le  secours  que  le  roi  de  France  donna  à  la  Nor- 
mandie, ce  fut  d'envoyer  à  Caen  le  connétable  et  le  comte 
de  Tancarville  qui  s'y  firent  prendre.  Son  armée  était  dans 
le  Midi  à  cent  cinquante  lieues.  H  crut  qu'il  serait  plus 
court  d'appeler  ses  alliés  d'Allemagne  et  des  Pays-Bas.  B 
venait  de  faire  élire  empereur  le  jeune  Charles  IV,  fils  de 

■  Àfp.,  160.  —  «  iipp.,  |7a 


PniLIPPK  DE  VALOIS.  205 

Jean  de  Bohême.  Mais  lés  Allemands  chassèrent  l'empereur 
élu,  qui  vint  se  mettre  à  la  solde  du  roi.  Son  arrivée,  celle 
du  roi  de  Bohême,  du  duc  de  Lorraine  et  autres  seigneurs 
allemands,  fit  déjà  réfléchir  les  Anglais. 

C'était  assez  de  bravades  et  d'audace.  Ds  se  trouvaient 
engagés  au  oœur  d'un  grand  royaume,  parmi  des  villes 
brûlées,  des  proviQces  ravagées,  des  populations  déses- 
pérées. Les  forces  du  roi  de  France  grossissaient  chaque 
jour.  Il  avait  hftte  de  punir  les  Anglais,  qui  lui  avaient 
manqué  de  respect  jusqu'à  approcher  de  sa  capitale.  Les 
bourgeois  de  Paris,  si  bonnes  gensjusque-là,  commençaient 
à  parler.  Le  roi  ayant  voulu  démolir  les  maisons  qui  tou- 
chaient à  l'enceinte  de  la  ville,  il  y  eut  presque  un  sou- 
lèvement. 

Edouard  entreprit  de  s'en  aller  par  là  Picardie,  de  se 
rapprocher  des  Flamands  qui  venaient  d'assiéger  Béthune, 
de  traverser  le  Ponthieu,  héritage  de  sa  mère.  Mais  il 
fallait  passer  la  Somme.  Philippe  faisait  garder  tous  les 
ponts,  et  suivait  de  près  l'ennemi  ;  de  si  près,  qu'à  Airaines 
il  trouva  la  table  d'Edouard  toute  servie  et  mangea  son 
dîner. 

Edouard  avait  envoyé  chercher  un  gué  ;  ses  gens  cher- 
chèrent et  ne  trouvèrent  rien.  Il  était  fort  pensif,  lorsqu'un 
garçon  de  la  Blanche-Tache  se  chargea  de  lui  montra  le 
gué  qui  porte  ce  nom.  Philippe  y  avait  mis  quelques  mille 
hommes  ;  mais  les  Anglais,  qui  se  sentaient  perdus  s'ils 
ne  passaient,  firent  un  grand  effort  et  passèrent.  Philippe 
arriva  peu  après  ;  il  n'y  avait  plus  moyen  de  les  pour- 
suivre, le  flux  remontait  la  Somme  ;  la  mer  protégea  les 
Anglais. 

La  situation  d'Edouard  n'était  pas  bonne.  Son  armée 
était  affamée,  mouillée,  recrue.  Les  gens  qui  avaient  pris 
et  gâté  tant  de  butin,  semblaient  alors  des  mendiants. 
Cette  retraite  rapide,  honteuse,  allait  être  aussi  funeste 
qu'une  bataille  perdue.  Edouard  risqua  la  bataille. 


906  l'anguterrh. 

AiTivéd*«Ul6isrs  dax»  le  Poathieu,  il  se  sentait  pkis  fort  ; 
<se  comté  au  moins  était  bieo  à  lui  :  fi  Prenons  ci  place  de 
terre,  dit-il,  car  je  n'iraiplusairant,  si  aurai  vu  nos  ennemis; 
et  bien  y  a  cause  que  je  les  attende  ;  car  je  suis  sur  le  drgit 
héritage  de  Madame  ma  mère,  qui  lui  fut  donné e^n  mariage  ; 
si  le  veux  défendre  et  calengier  contre  mpn  adversaire 
Philippe  de  Valois  ^.  » 

Cela  dit,  il  entra  en  soa  oratoire^  fit  dé1rot^meni  ses 
prières,  se  coucha,  et  le  lendemain  entendit  la  messe*  JU 
partagea  son  armée  en  trois  batailles,  et  fit  mettre  pied  à 
terre  à  ses  gens  d'armes.  Les  Anglais  mangèrent,  buxeot 
un  coup,  puis  s'assirent,  leurs  armés  devant  eux,  en 
attendant  l'ennemL 

Cependant  arrivait  à  grand  bruit  l'immense  cohue  de 
l'armée  française  '.  Qn  avait  conseillé  au  roi  de  France  de 
foire  reposer  ses  troupes,  et  il  y  consentait.  Mais  lesgrands 
seigneurs,  poussés  par  le  point  d'honnemr  féodal,  avançaient 
toujours  à  qui  serait.au  premier  rang- 

JLe  roi  lui-même,  quand  il  arriva  et  qu'il  vit  les  Anglais; 
f  Le  sang  lui  mua,  car  il  les  haïssait...  £t  dit  à  ses  nia^ 
réchaux  :  Faites  passer  nos  Génois  devant,  et  commencez 
la  bataille,  au  nom  de  Dieu  et  de  Monseigneur  sajnt  Denis.  » 

Ce  n'était  pas  sans  grande  dépense  que  le  roi  entretenait 
denuis  longtemps  des  troupes  mercenaires.  Mais  (adjugeait 
avec  raison  les  archers  génois  indispensables  contre  les 
archers  anglais.  La  prompte  retraite  de  Barbavara  h  la 
i)ataiUe  de  r£cluse,  avait  naturellement  augmenté  la  dé- 
fiance contre  ces  étrangers.  Les  mercenaires  d^Italie  étaient 
iiabitués  à  se  ménager  fort  dans  les  batailles. .Ceux-ci,  au 
moment  de  combattre,  déclarèrent  que  les  cordes  de  leurs 
iM'cs  étaient  mouillées  et  ne  pouvaient  servir^ .  .11»  auraient 
pu  les  cacher  sous  Icyrs  chaperons  comme  le  firent  \c$ 
Anglais. 


PHlUrP«  DE  VALOIS.  207 

Le  coodte  d'Alençon  s'écria  :  «  On  se  doit  bien  charger 
de  eeite  rît»audaUle  qui  faliit  au  besoin.  »  Les.Génois  ne 
pouvaâent  pas  faire  grand'chose,  les  Anglais  les  criblaient 
<le  flèches  et  de  baUes  d^  fer,  lanpées  par  des  bombardes. 
€  On  eux  cru,  dit  un  contemporain ,  entendre  Dieu  tonner  * .  » 
C'est  le  premier  emploi 4e  TartiUerie  dans  une  bataille^. 

Le  roi  de  France,  hors  de  lui,  oi  ia  à  ses  gens  d  armes  : 
<  Or  tôt,  tuez  toute  cette  ribaudaille,  car  ils  nous  empêchent 
la  voie  sans  raison,  p  Um  pour  passer  sur  le  corps  aux 
fié&ms,  les  gendarmes  rompaient  leurs  rangs.  Les  Anglais 
tirnent  à  coup  sàr  dans  cette  foule,  sans  craindre  de  perdre 
un  aeol  ooup.  Les  chevaux  s'efiarouchaiept,  s'emportaient. 
Le  4éoordre  migaientait  à  tout  fnoment. 

Le  roi  de  Bàhéue,  vieux  et  aveugle,  se  tenait  pourtant 
à  cheval  panai  ses  chevaliers.  Quand  ils  lui  dirent  ce  qui 
fle  passait,  il  jugea  bien  que  la  bataille  était  perdue.  Ce 
iMme  prince  ifui  avait  passé  toute  sa  vie  dans  la  domesticité 
4e  la  maison  de  France,  et  qui  lavait  du  bien  au  royaume,, 
4«iioa  l'exemple,  oomme  vassal  et  comme  chevalier.  Il  dit 
«oxaiens:  «  ie  vous  pirie  et  requiers  très- spécialement 
que  voasanemeMeesi  avant  ^|ue  je  puisse  frapper  un  coup 
d'épée.  »  Ils  lui  ^bèirent^  lièrent  leurs  <3bevaux  au  sien,  et 
tous  se  laaeèreiat  à  T^wougledans  la  bataille.  On  les  retrouva 
le  lendemain  gisant  autour  de  leur  maître,  et  liés  encore. 

Les  grands  seigneurs  de  Fjcanoe  se  raontrèreat  aussi 
noblement.  Le  comte  d'àlençon^  frère  du  roi,  les  comtes 
de  Bkns,  d'Haaeourt,  d'Aumale,  d'Auxerre^  de  Sancerre, 
4e  Saiat-Pi^,  tous  magnifiquement  armés  et  blaaonnés,  au 
^raad  galop,  traversèrent  les  lignes  ennemies.  Il&fendirent 
IfiB  jrangs  des  arobers,  et  poussèrent  toujouvs,  comme 

«  VlllMIÎ. 

*  Déjà  elle  serrait  à  TaUaqae  et  à  la  df^fenw  dasipitttfs.  fin  1340  op 
«B  fit  otage  an  aiése  do  Qa««noy.  .[va  133S  Bartliëlcmy  de  Dracli,  tré- 
sorier des  gaerres,  porte  en  compte  une  ?omme  donnéti  à  Henry  de  F.f 
mecboD  pour  avoir  |ioiidre  et  autres  choses  nécessaires  aux  canons  qui 
étaient  devant  Puy-Gniliaume. 


208  L*ANGLCTERaB. 

dédaignant  ces  piétons,  jusqu'à  la  petite  troupe  des  gens 
d'armes  anglais.  Là  se  tenait  le  fils  d'Edouard,  âgé  de 
treize  ans,  que  son  père  avait  mis  à  la  tète  d'une  division. 
La  seconde  division  vint  le  soutenir,  et  le  comte  de 
Warv^ick,  qui  craignait  pour  le  petit  prince,  faisait  de- 
mander au  roi  d'envoyer  la  troisième  au  secours.  Edouard 
répondit  qu'il  voulait  laisser  l'enfant  gagner  ses  éperons, 
et  que  la  journée  fût  sienne. 

Le  roi  d'Angleterre,  qui  dominait  toute  la  bataille  de  la 
butte  d'un  moulin,  voyait  bien  que  les  Français  allaient 
être  écrasés  ^.  Les  uns  avaient  trébuché  dans  le  premier 
désordre  parmi  les  Génois,  les  autres  pénétrant  au  cœur 
de  l'armée  anglaise,  se  trouvaient  entourés.  La  pesante 
armure  que  l'on  commençait  à  porter  alors,  ne  permettait 
pas  aux  cavaliers,  une  fois  tombés,  de  se  relever.  Les 
coutiliiers  de  Galles  et  de  Comouailles  venaient  avec 
leurs  couteaux,  et  les  tuaient  sans  merci,  quelque  grands 
seigneurs  qu'ils  fussent.  Philippe  de  Valois  fut  témoin  de 
cette  boucherie.  Son  cheval  avait  été  tué.  Il  n'avait  plus  que 
soixante  hommes  autour  de  lui,  mais  il  ne  pouvait  s'arracher 
du  champ  de  bataille.  Les  Anglais,  étonnés  de  leur  victoire^ 
ne  bougeaient  d'un  pas  ;  autrement  '  ils  l'eussent  pris. 
Enfin,  Jean  de  Hénaut  saisit  le  cheval  du  roi  par  la  bride 
et  l'entraîna. 

Les  Anglais  faisant  la  revue  du  champ  de  bataille  et  le 
compte  des  morts,  trouvèrent  cftize  princes,  quatre-vingts 
seigneurs  bannerets,  douze  cents  chevaliers,  trente  mille 
soldats.  Pendant  qu'ils  comptaient,  arrivèrent  les  com- 
munes de  Rouen  et  de  Beauvais,  les  troupes  de  l'arche- 
vêque de  Rouen  et  du  grand  prieur  de  France.  Les  pauvres 
gens  qui  ne  savaient  rien  de  la  bataille,  venaient  augmenter 
le  nombre  des  morts.  ^ 

Ct't  immense  malheur  ne  fit  qu'en  préparer  un  plus 

'  •  Kl  lors,  après  l.i  bataille,  s*.\vala  le  roi  ÉlouarJ,  qui  encore  tout 
ce  jour  n*avoit  mis  son  bassincl.  •  Froii-art. 


PHILIPPE  DI  VALOIS.  209 

grand.  L'Anglais  s'établit  en  France.  Les  villes  maritimes 
d'Angleterre,  exaspérées  par  nos  corsaires  de  Calais, 
donnèrent  tout  exprès  une  flotte  à  Edouard.  Douvres, 
Bristol,  Winchelsea,  Shoneham,  Sandwich,  Weymouth, 
Plymouth  avaient  fourni  chacune  vingt  à  trente  vaisseaux, 
la  seule  Yarmouth,  quarante-trois ^  Les  marchands  an- 
glais, que  cette  guerre  ruinait,  avaient  fait  un  dernier  et 
prodigieux  effort  pour  se  mettre  en  possession  du  détroit. 
Edouard  vint  assiéger  Calais,  s'y  établit  à  poste  fixe,  pour 
y  vivre  ou  y  mourir.  Après  les  sacrifices  qui  avaient  été 
faits  pour  cette  expédition,  il  ne  pouvait  reparaître  devant 
les  communes  qu'il  ne  fût  venu  à  bout  de  son  entreprise. 
Autour  de  la  ville,  il  bâtit  une  ville,  des  rues,  des  maisons 
en  charpente^  bien  fermées,  bien  couvertes,  pour  y  rester 
été  et  hiver  '.  «  Et  avoit  en  cette  neuve  ville  du  roi  toutes 
choses  nécessaires  appartenant  à  un  ost  (armée),  et  plus 
encore,  et  place  ordonnée  pour  tenir  marché  le  mercredi 
et  h  samedi  ;  et  là  étoient  merceries,  boucheries,  halles  de 
draps  et  de  pain  et  de  toutes  autres  nécessités,  et  en 
recouvroit-on  tout  aisément  pour  son  argent,  et  tout  ce 
leur  venoit  tous  les  jours,  par  mer,  d'Angleterre  et  aussi 
de  Flandre...  » 

L'Anglais,  bien  établi  et  en  abondance,  laissa  ceux  du  de- 
hors et  du  dedans  faire  tout  ce  qu'ils  voudraient.  Il  ne  leur 
*  accorda  pas  un  combat.  Il  aimait  mieux  les  faire  mourir  de 
faim.  Cinq  cents  personnes ,  hommes,  femmes  et  enfants, 
mises  hors  de  la  ville  par  le  gouverneur,  moururent  de  mi- 
sère et  de  froid,  entre  la  ville  et  le  camp.  Tel  est  du  moins 
le  récit  de  l'historien  anglais  s. 

Edouard  avait  pris  racine  devant  Calais.  La  médiation  du 
pape  n'était  pas  capable  de  l'en  arracher.  On  vint  lui  dire 
que  les  Écossais  allaient  envahir  l'Angleterre.  Il  ne  bougea 
pas.  Sa  persévérance  fut  récompensée.  Il  apprit  bientôt  que 
ses  troupes,  encouragées  par  la  reine ,  avaient  fait  prison* 

«  App.,  171  —  »  Froimn.  —  »  App.,  173. 

m.  14 


2  H)  .  L'iMOLSTERRB. 

nier  leroidlScDSse.  L'inmée  suivante,  Cbaries  de  Bloîs.  fîit 
pris  de  métne  en  nsdiégefnitiaAocbe'deNRien.  Ëdooafd.pou-* 
vait  croiser  tes'hras,  la  foiftone  tr&TaiUait  poor  lui. 

II  y  avait  ponr  !e  roi  de  ^Pranoe  ane  grande  et  ui:geQte 
nécessité  à  secoarirCalais  ^.  Maisla  péntirie  était  sigraDde, 
cette  monarchie  demi-féodcde  si  inerte  et  si  embarrassée, 
qu'il  ne  réussit  à  se  mettre  enmoavementqu'aii  bout  de  dix 
mois  de  siège,  ioraque  les  Anglais  étaient  fortifiés,  vetrae*- 
chés,  couverts  de  palissades,  de  fossés  profcmds.  Ayant  t»- 
massé  quelque  argent  par  raltération  des.iqmmaîe6^,  par  la 
gabelle,  par  les  déomes  «colésiastiques,  par  la  oonfiscation 
des  biens  des-LonAni^,  il«'aielieiMn»enfih,iaviecuitegrwQde 
et  grosse  armée,  'Gomme  celle  iqoi  amit  éiéibatlUe^à  Gréof. 
On  ne  pouvait  arriver  jusque  Cafaiis,  que  fMsr  les  'maraifroa 
les  dunes.  S'enfoncer  dans  les  tnamis^  c'était  périr;  tous 
les  passages  étaient  oeupés,  gwdéa;  pourtant  les  gens  de 
Tournai  emportèrent  èmvement  «ne  lour ,  «ans  maohîaes 
et  à  la  force  de  leurs-bras  '. 

Les  dunes  du  odté  de  Boulogne  étaient  aeus  le  feu  d'une 
flotte  anglaise.  ]>a  oété  de  firaurelines^  «Uasétaieot^gardées 
par  les  Flamands,  que  le  roi  neput^gagner.  H  leur  o&it  des 
monts  d'or;  de  leur  rendre  Lille,  Béthune,  Douai  4  41  voulait 
enrichir  leiav  bottrgueoiastres.,  faire  de  ienfs  jeunes ^gem 
des  i^valien,  des  aeignenrs  K  Rien  me  Jes  Aonoha.  Us  «sai- 

'1  liii  Angtate<y— i^jonnë  to  chiiiie  A  ilau  vaiisetaz  çpû  «ujaient 
de  loriir  du  port»  iniercepiôrent  cette  lettre  da  gonrerAeof  '&  l^hinplid 
de  Valois  :  •  Hi  iVoms  ims  )tocotÛ  -smns  usai  -qae'ei^^iMMM  tén  %»«ër 
nettMttie  iioae  Amkwmm  Qwm  ée  h^U  aoeti  » ttlnm|M  foor  aoiben» 
pear  Tivere  oa  pour  morîr;  qar  noos  Mnone  mevtsà  morirasebemps 
honoarablement  ge  manger  Tan  l'aotre...  » *Friaiâe. iLe  tiotititraiXSitr ds 
Nafi|(i8  an  qtte  1«  rotti*ivtit  -pom  eSHé^isSMr  iWiiMa  liM ^iiiii, 
par  lena  ei:|iaraMr;  nvii  ^aWi  awsieat  dlé<ddlaara<i. 

«  Otd.  IL -- *  il|«p..  174. 

4  II  leur  offrait  encore  Oe  TiiirelèVer'ndtsriht  JMëiMf  lalhuilhPtt.'ffy 
•flsrelMir leblé  peadMK aiktaae àva imfcii fâk; ^émr thÊtn .pw» 
ur  àm  -Mate  de  Fmaee,  fa'-fle  nuniafMtBfnaisnt  avac  le  priTiUge  de 
Tendre  en  France  les  draps  fabriqués  'de  ces  lunes,  eztlosivement  % 
toos  aatres,  tant  qu'ils  aii  y>tt>MiflBt<faBt«i%  gia  (Bab  d?A^catecy4 


PnittPPE  VE  T«L61S.  24i 

gntfmttrople  retour  de  leur  comte,  qui,  après  nne  fausse 
réconciliatioii,  TeMH  encore  âe  se^auTer  de  teors tnaîns*. 
FMIippe  ne  ptlt  rien  fiire. Il  négocia,  il  défia.  Edouard  se^a 
poniMe^. 

€e  Ait  mi  ImMe  désespoir  dans  la  ville  affamée  ,  lors- 
qa'eHe  «vîf  totftes  ces  'baninères  de  franco,  toute  ^^etle 
grande  amgée,  qui  s'éloîgRaîetyt  et  Fabandonnaient.  il  ne 
jwtait  phis  mn  gens  de 'Calais  qu'à  se  donner  à  l-emiemi, 
ail  ^roiriak  bien  d^K.  liais  les  Âtiglais  les  baissaient 'mcn^- 
teOemeiiit,  comme  marins,  'comme  «corsaires  *.  1*our  savoir 
iOBt  ee  qu'il  y  a  d'irritation  dans  ^}es  trostilités  quotidiennes 
d'un  tel  voisinage,  dans  cet  obtique^et  haineux  regard  que 
les  deux  élites  «se  lancent  Tune  à  TeulPe ,  il  fiiut  lire  les 
guerres  de  Louis  XIV,  les  faits  'et  gesftes  de  lean  Bart,  la 
lamentable  "démolition  du  port  defhinkerque,  laformeture 
des  bassins  d'Anvers. 

Délait  assez-piobaMe  que  leroi  d'i^((leterre,  qui  s'était 
tant  ennu^d^ant  Calais,  qui  yétaktresté'un  an,  qui.  •en 
meseule  campagne,  avaîtdêpensé  hiiiomme,'énorme  alors» 
de  près  de  dix  millions  de -noire  momusie ,  ae  doafnerail  ila 
aatlaholion^de  passer iles  habitants  au  fil  de  répée;  an  quoi 
«erlaniemettt-il^<nTait7>laisir  aux 'marehands  anglais,  ittais 
lasebevaliefS'd^onfrdiloi'âirentfleftemoni  ^e,*s-iMfiii^ 
tait  ainsi  les  assiégés,  ses  gens  n'oseraiont  i^lus  s'^enfenner 
dans  les  places,  qu'ils  auraient  peur  des  représailles.  11  céda 
et  voulut  bien  recevoir  la  ville  à  m^rci,  pourvu  que  quel- 


•  ^or  IvtfeKtrà  ëpMMT  k.filt6'doriotié'Aiial«t«f««  iMiPl.imaoaâ  te 
mumkHm-mt/çmÊom  «mmotM.(U«^<«im9«ii;  tlififfu«ili  «ontei  «ntop^ 
tel,  naiswM  hanm  fitit::  *•  **.tSt.«ifovr^^'ihtftaa  «ilé  imtor  «e» 

ékmpié^M  léÊiHtêi^pmammmmkm  .«la*eD  4»'MMe.  »  ti^rm^is. 

»'B'p«i  tm  lisa»fTic»||—4»i»ipf»j»ililwini<  |n<ilyHiiMiiii  mwam^H 


2\%  L'ANGLETERRE. 

quesuns  des  principaux  bourgeois  vinssent,  selon  Tusage, 
lui  présenter  les  clefs,  tête  nue,  piads  nus,  la  corde  au  coL 

Il  y  avait  danger  pour  les  premiers  qui  parattraientdevant 
le  roi.  Mais  ces  populations  des  côtes,  qui,  tousles  jours,  bra- 
vent la  colère  deFOcéan,  n'ont  pas  peur  de  celled'un  homme. 
Il  se  trouva  sur-le-champ,  dans  cette  petite  ville  dépeuplée 
par  la  famine,  six  hommes  de  bonne  volonté ,  oour  sauver 
les  autres.  II  s*en  présente  tous  le$  jours  autant  et  davantage 
dans  les  mauvais  temps,  pour  sauver  un  vaisseau  en  danger. 
Cette  grande  action,  j'en  suis  s&r,  se  fit  tout  simplement, 
et  non  piteusement,  avec  larmes  et  longs  discours,  comme 
rimagine  le  chapelain  Froissart  t. 

Il  fallut  pourtant  les  prières  de  la  reine  et  des  cheva- 
liers, pour  empêcher  Edouard  de  faire  pendre  ces  braves 
gens.  On  lui  fit  comprendre  sans  doute  que  ces  gens-là 
s'étaient  battus  pour  leur  ville  et  leur  commerce,  plutôt 
que  pour  le  roi  ou  le  royaume.  Il  repeupla  la  ville  d'An- 
glais, mais  il  admit  parmi  eux  plusieurs  Calaisiens,  qui  se 
tournèrent  Anglais,  entre  autres  Eustache  de  Saint-Pierre, 
le  premier  de  ceux  qui  lui  avaient  apporté  les  clefs  '. 

Ces  clefs  étaient  celles  de  la  France.  Calais,  devenue 
anglaise,  fut  pendant  deux  siècles  une  porte  ouverte  à 
l'étranger.  L'Angleterre  fut  comme  rejointe  au  continent. 
Il  n'y  eut  plus  de  détroit. 

•  App.,  176. 

*  Froissart  dit  :  «  Et  puis  firent  (les  Anglais)  lotttes  manières  de  gens 
pcliis  et  grands,  partir  (de  Calais).  »  «  Tout  Français  ne  fat  pas  exclu, 
dit  M.  de  Bréqnigny;  J*ai  vu  au  contraire  quantité  de  noms  français 
parmi  les  noms  des  personnes  à  qui  Edouard  accorda  des  maisons  dans 
sa  nouTolie  conquête.  Eustache  de  Saint  Pierre  fut  de  ce  nombre.  •  •» 
Philippe  fit  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour  récompenser  les  habitants 
de  Cïlais.  Il  accorda  tons  les  offices  vacants  (8  septembre,  an  mois 
après  la  reddition)  à  ceux  d'entre  eux  qui  yoadraient  s'en  faire  poar« 
voir.  Dans  celte  ordonnance  il  est  fait  mention  d'une  antre  par  laquelle 
il  avait  concédé  aux  Calaisiens  chassés  de  leur  ville  tons  les  biens  et  hé- 
ritages qui  lui  échoiraient  pour  quelque  cause  que  ce  tAi.  Le  10  sep* 
tembre,  il  leur  accorda  de  nonve^n  nn  grand  nombre  de  privilèges  et 
franchises,  etc.,  confirmés  sous  les  règnes  suivants.  App.»  177. 


PHIUPPB  DE  VALOIS.  213 

Revenons  sur  ces  tristes  événements,  Cherchons-en  le 
vrai  sens.  Nous  y  trouverons  quelque  consolation. 

La  bataille  de  Grécy  n'est  pas  seulement  une  bataille,  la 
prise  de  Calais  n'est  pas  une  simple  prise  de  ville  ;  ces  deux 
événements  contiennent  une  grande  révolution  sociale.  La 
chevalerie  tout  entière  du  peuple  le  plus  chevalier  avait 
été  exterminée  par  une  petite  bande  de  fantassins.  Les 
victoires  des  Suisses  sur  la  chevalerie  autrichienne  à  Mor- 
garten,  à  Laupen,  présentaient  un- fait  analogue,  mais  elles 
n'eurent  pas  la  même  importance,  le  ntème  retentissement 
dans  la  chrétienté.  Une  tactique  nouvelle  sortait  d'un  état 
nouveau  de  la  société  ;  ce  n'était  pas  une  œuvre  de  génie 
ni  de  réflexion.  Edouard  III  n'était  ni  un  Gustave-Adolphe, 
ni  un  Frédéric.  D  avait  employé  les  fantassins,  faute  de 
cavaliers.  Dans  les  premières  expéditions,  ses  armées  se 
composaient  d'hommes  d'armes,  de  nobles  et  de  servants 
des  nobles  Mais  les  nobles  s'étaient  lassés  de  ces  longues 
campagnes.  On  ne  pouvait  tenir  si  longtemps  sous  le 
drapeau  une  année  féodale.  Les  Anglais,  avec  leur  goût 
d'émigration,  aiment  pourtant  le  home.  Il  fallait  que  le 
baron  revint  au  bout  de  qi  eiques  mois  au  baronial  hall, 
qu'il  revit  ses  bois,  ses  chiens,  qu'il  chassât  le  renard  t.  Le 
soldat  mercenaire,  tant  qu'il  n'était  pas  riche,  tant  qu'il 
était  sans  bas  ni  chausses ,  comme  ces  Irlandais ,  ces 
Gallois  que  lonait  Edouard,  avait  moins  d'idées  de  re- 
tour. Son  hamey  son  foyer^  c'était  le  pays  ennemi.  Il 
persistait  de  grand  cœur  dans  une  bonne  guerre  qui  le 
nourrissait,  l'habillait,  sans  compter  les  profits.  Ceci  expli- 
que pourquoi  l'armée  anglaise  se  trouva  peu  à  peu  presque 
toute  de  mercenaires,  de  fantassins. 

La  bataille  de  Crécy  révéla  un  secret  dont  personne  ne 
se  doutait,  l'impuissance  militaire  de  ce  monde  féodal,  qui 
s'était  cru  le  seul  monde  militaire.  Les  guerres  privées  des 

•  Afp.,  178. 


tfi  L'ÀNmmMai. 

barons^  4e  canton  à  caiHoo,  dans  TisoleflMnt  prnmfEP  du 
moyen  âge,  n'avaient  p«  apprendre  cela-,  lesgentilslkiinmês 
n'épient  vaincus  que  par  des  geolilslNMitmes,  Deux  siècles 
de  déMtea  pendant  les  Croisades  H'avatent  pas  fait  toit  à 
leur  réputation.  La  cbrétieaté  tout  entière  était  întéreissée 
à  se  dissimuler  les  avantagea  des  mécréants.  D'aitleuis  les 
gnerrca  se  passaienl  trop  Mn,  pMtr  qu'il  n'y  eût  paa  ton- 
jcNirs  moyen  d'excuser  les  revers  ;  Yhérolsme  d'un  Go- 
defroi,  d'un  Ridmrd,  rachetait  toot  te  mste.  Au  xbi*  aè- 
de, lorsque  les  'bannières  feodales  teent  faabitaées  à 
suivre  celle  du  roi,  lorsque,  de  taoït  de  conrs seigneuriales, 
il  s'en  lit  une  seule,  éclatante  au  ilelà  de  toutes  les  Ëctions 
des  romans,  les  nobles,  diminués  en  puissance,  cràrent  en 
ofi^ueil  ;  abaîssés  en  eux-mémesi»  ils  se  sentirent  grandis 
dans  ievr  roi.  Aa  s'estîmètest  phn  ou  moins  sdoa  qu'ils 
partnpaîent  a»x  fêtes  roiyaàes.  Le  pins  af^lawdi  dans  les 
tMimois  était  cru,  se  croyait  Ini-mème,  le  ptus  vaiHiint 
dans  les  batailles.  Fanfares,  regards  du  roi,  oeittiades  des 
belles  dames,  tout  cela  enivrait  plus  qu'une  vraie  victoire. 
L'entvreme&t  fut  tel,  qu'ils  abandonnèrent  sans  mot  dire  à 
Fbilippe  le  Bel  lenrs  frères,  les  Templiers  ;  ces  chevatîers 
étaient  généralraicnt  les  cadets  de  la  noblesse.  Elle  fil  bon 
marché  des  moines  ebevatiers,  tout  comme  des  nôtres 
moines  ou  prêtres.  Touieurs  elle  aida  les  rois  contre  les 
papes.  Ces  décimes  arrachées  an  dergé,  sous  semblant 
de  croisade  ou  autre  prétexte,  les  nobles  en  avaient  benne 
part  ^  Le  temps  venait  pourtant  oii  le  noble,  après 
avoir  aidé  le  soi  à  manger  le  prêtre,  pourrait  aussi  avcnr 
son  tour. 

A  Courtrai,  les  nobles  alléguèrent  leur  héroïque  étoor» 
derie,  le  fossé  des  Flamands.  A  Mons-en-Puelle,  à  CassL'l, 
deux  faciles  massacres  relevèrent  leur  rquntation.  PtendaiA 
plusieurs  années,  ils  accusèrent  le  roi  qui  leur  défendait 


PHi&9ra  »»  ▼4U)is.  315 

4e  vaincre.  A  Créey,  ils  étaieBt  à  même;  toate*  k  chei»t« 
tem  était  là  réttAid,  toute  kmniôra  iottak  a»  vent,  cet 
ften  btesoHft)  Mon»)  aiglea,  teure,  beaeae  des.  eioîndes, 
tout  l'orgueiUMx  symboHMiie  des  araMiîriea.  B»  face,  sauf 
tma  mitte  hoinmea  é'anMSy  e^étaient  tes^va»4M»«fîed8  des 
ommuuMS  aagtaîaes>  las  vodes^montagiMuda  (te  GaUaa^  les 
porcherade  I^Mando  A;  raeaa  aveugleaet  sau^ta^aa^  cpiaa 
aairaitnt  ai  finnçiiia,  av  anf^aîa,  ni  dmvetene.  Ma  n!em  vi- 
sèrent pas  moins  bien  aux  nobles  baoaièna  :  iisiifen  tua- 
ient <p]fr(Ais%  H  n'y  sjmAjmB  et  langue:  cawwrmnr  pour 
prier  OK  taaitet.  La  Wabh  oa  Tlrialima»  n/eiitr  niait  pas 
Ïb  htEoa  ffén^arsé  ipii  hii  oAraît  de  le  Mcb  tkbet:  ii  ne  lé^ 
penénit  que  de  osataau. 

Miitisw^  fai  remanesqaa  haavoiH»  de  Jbaa  de  Bohème  ei 
de  maiot  autre,  les  heiUantes  bannièrea  ivent  tachéea  ce 
jous-là.  j^airoir  été  tralséea»  bmi  pa«  le  noblair  gantelet  du 
aeignemr,  mais  par  las  man»  aalkuaes,  e'étaît  difficile  à 
Ibver»  La  reiigmn  de  la  noUease  eut  dès  lats  phia  d'un 
daerédide.  Le  symèaisme  armonal  perdit  tout  son  effet 
On  commença  à  dsutar  que  ees  lâone  meadissent,  que 
«et.  dragons  de  soie  Tomiaaent  feu  et  ftsnnoaa.  L»  vache 
de  Snisto  et  In  vaehede  GalieasemMèreat  ausai  de  bonnes 
armoiries. 

Pour  que  le  peuple  s'avisât  ée  ton!  cela,  ià  flilint  bien  dm 
Inmps,  bien  des  déiUte».  Crécy  ne  suffit  paa,  paa  mdme 
Poitien.  Cette  réprobatiandes  nobles  qnî  s'éleva  hardiment 
après  hi  bataille  d'Azîncourt,  elle  est  muette  encore  et  res<^ 
pectaeaae  sens  fbilippe  de  Valoia.  B.  n'y  a  ni  plainte,  ai 
révolte  ;  oMis  souft*ance,  huigueur,  engourdissement  sons 
las  maux.  Pea  d'eapoir  sur  terre,  guère  aîUeusa.  La  fitii  est 
ébranlée  ;  la  féodalité,  cette  antre  foi.  Test  davantage*  Le 

•  Sar  I rente-deux  mille  hommes  dont  se  compomt  l'année  à'tâkmvàt 
Proi<<iart  dit  expressément  qu'il  n*y  avait  que  quatorze  tnille  Anglais 
(4,(XX)  hommes  d'armes,  10.000  aro.hers'.  Les  autres  dix-hdit  mille 
fuient  Gallois  et  Irlandais  (11,0UJ  Gaiioét»  S,CUd  Irl^fidttii). 


Si  6  L'AIIGLBTIIIU. 

moyen  âge  avait  sa  vie  en  deux  idées,  l'empereur  et  le 
pape.  L'empire  est  tombé  aux  mains  d*un  serviteur  du  roi 
de  France  ;  le  pape  est  dégradé,  de  Rome  à  Avignon,  valet 
d'un  roi  ;  ce  roi  vaincu,  la  noblesse  humiliée. 

Personne  ne  disait  ces  choses,  ni  même  ne  s*en  rendait 
bien  compte.  La  pensée  humaine  était  moins  révoltée  que 
découragée,  abattue  et  éteinte.  On  espérait  la  fin  du 
monde  ;  quelques-uns  la  fixaient  à  Tan  4365.  Que  restait- 
il,  en  effet,  sinon  de  mourir? 

Les  époques  d'abattement  moral  sont  celles  de  grande 
mortalité.  Cela  doit  être,  et  c'est  la  gloire  de  l'homme  qu'il 
en  soit  ainsi.  Il  laisse  la  vie  s'ea  aller,  dès  qu'elle  cesse  de 
lui  paraître  grande  et  divine...  «  Yitamque  perosi  projecére 
animas....  »  La  dépopulation  fut  rapide  dans  les  dernières 
années  de  Philippe  de  Valois.  La  misère,  les  souffrances 
physiques  ne  suffiraient  pas  à  l'expliquer;  elles  n'étaient 
pas  parvenues  au  point  où  elles  arrivèrent  plus  tard.  Ce- 
pendant, pour  ne  citer  qu'un  exemple,  dès  Tan  4  339,  la 
population  d'une  seule  ville,  de  Narbonne,  avait  diminué, 
en  quatre  ou  cinq  ans,  de  cinq  cents  familles  ^. 

Par-dessus  cette  dépopulation  trop  lente,  vint  lextermî- 
nation,  la  grande  peste  noire^  qui  d'un  coup  entassa  les 
morts  par  toute  la  chrétienté.  Elle  commença  en  Pro- 
vence, à  la  Toussaint  de  l'an  4347.  £lle  y  dura  seize  mois, 
et  y  emporta  les  deux  tiers  des  habitants.  Il  en  fut  de 
même  en  Languedoc.  A  Montpellier,  de  douze  consuls  il 
en  mourut  dix.  A  Narbonne,  il  périt  trente  mille  per* 
sonnes.  £n  plusieurs  endroits,  il  ne  resta  qu'un  dixième 
des  habitants  *.  L'insouciant  Froissart  ne  dit  qu'un  mot  de 
cette  épouvantable  calamité,  et  encore  par  occasion.  «...  Car 
en  ce  temps  par  tout  le  monde  généralement  une  maladie 
que  l'on  clame  épidémie  couroit,  dont  bien  la  tierce  parAe 
dumonde  mourut.  » 

•  App.,  ISO.  —  *  0.  VaûsetC«. 


FHILIFPl  ME  TALOIS.  217 

Le  mal  ne  commença  dans  le  Nord  qu'au  mois  d'août 
4348,  d'abord  à  Paris  et  à  Saini-Denis.  U  fut  si  terrible  à 
Pans,  qu'il  y  mourait  huit  cents  personnes  par  jour,  selon 
d'autres  cinq  cents  ^.  «  C'était,  dit  le  continuateur  de 
Nangis,  une  effroyable  mortalité  d'hommes  et  de  femmes, 
plus  encore  de  jeunes  gens  que  de  vieillards,  au  point 
qu'on  pouvait  à  peine  les  ensevelir  ;  ils  étaient  rarement 
plus  de  deux  ou  trois  jours  malades,  et  mouraient  comme 
de  mort  subite  en  pleine  santé.  Tel  aujourd'hui  était  bien 
portant,  qui  demain  était  porté  dans  la  fosse  :  on  voyait  se 
former  tout  à  coup  un  gonflement  à  l'aine  ou  sous  les  ais- 
selles; c'était  signe  infaillible  de  mort...  La  maladie  et  la 
mort  se  communiquaient  par  imagination  et  par  contagion. 
Quand  on  visitait  un  malade,  rarement  on  échappait  à  la 
mort.  Aussi  en  plusieurs  villes,  petites  et  grandes,  les 
prêtres  s'éloignaient,  laissant  à  quelques  religieux  plus 
hardis  le  soin  d'administrer  les  malades...  Les  saintes 
sœurs  de  l'Hôtel-Dieu,  rejetant  la  crainte  de  la  mort  et  le 
respect  humain,  dans  leur  douceur  et  leur  humilité,  les 
touchaient,  les  maniaient.  Renouvelées  nombre  de  foia 
par  la  mort,  elles  reposent,  nous  devons  le  croire  pieuse- 
ment, dans  la  paix  du  Christ  K  » 

«  Comme  il  n'y  avait  alors  ni  famine,  ni  manque  de 
vivres,  mais  au  contraire  grande  abondance,  on  disait  que 
cette  peste  venait  d'une  infection  de  l'air  et  des  eaux.  On 
accusa  de  nouveau  les  juifs  ;  le  monde  se  souleva  cruelle- 
ment contre  eux,  surtout  en  Allemagne.  On  tua,  on  mas- 
sacra, on  brûla  des  milliers  de  juifs  sans  distinction^...  » 

La  peste  trouva  l'Allemagne  dans  un  de  ses  plus  sombres 
accès  de  mysticisme .  La  plus  grande  partie  de  ce  pauvre 
peuple  était  depuis  longtemps  privée  des  sacrements  de 
r£glise.  Nos  papes  d'Avignon  pour  faire  plaisir  au  roi  de 


•  Afp.,  181.  -  <  CodUo.  6.  de 

*  Coolin.  G.  de  Naogis. 


I 


2W 

France,  ftoidemeat  al  da  gaialé  dm  eflnw  «vaîeM  pkttgé 
r  Allemagne  dans  ie  désespoûr ..  lova  las  pays,  cpaî  recaa- 
naissaient  loais  de  Bkkvitee  OaiMt  tnfipéÊ  da  Vait^rdil. 
Plusieurs  viHe»,  paiticulièaoïoeat  StaaÂnnfffr.  laataiaiii 
fidèles  à  leur  emparaw,  mdiiiaia|»ès.  m  Moit,  eà  sougMîeaC 
toujours  les  eiM»  d»  1»  seilanc#  po«(tiicaW«  Paint  de 
messe,  pefiil  de  vialiqua.  Lk  paito  taa  daa»  Steasbanrg 
sei'ze  mille  bomfnes^  qw  aa  onmal  damaésu.  Im^  dauMoi^ 
cains,  qui  «f ateiM  paraMé  qaalqua  laoftpa  à  Cvra  le  aaavioa 
ditm^  finmm  par  &'aB  aûar  cfmam  loa  autees.  Trois 
hommes  sauiamant,  taoia  myaituao,  se.  tûaneai  eom^  da 
rinteidil,  at  parsistètaot  àasaialat  tm  mauygals  :  le  doaû- 
nicam  Tauter,  rangasiâi  Thaaaaa  dia  Stoasbooig,  ai  la 
chartrem  Ludalpli.  Calait  la  giasda  ofwnia  4»a  «ays* 
tiques.  Ludolpha  éeriaait  mVieém  CArte,  Taid^  son  Imi- 
tation dû  Im  pawwé  vm  de  Jétm,  Suso  aan  Uvre  às&  Nêuf 
rochers.  Tauler  hti-méma  alaîl  conaultar  daaa  la  foiétda 
Soigne,  près  LouvaÛL,  l^.viauK  ftuyabcoak,  le  ihc^mr  tx^k- 
itque. 

Mats  Taslaaa  daas  la  paaple,  çféUit  ftiraor.  Qajd»  Ta^ 
basdcm  oè  lea  laiaaail  r%Uae.  daaa  laur  mépris  dea  pré* 
ires^,  ils  se  passaient  da  sacraosanta;  ils  meUaient  à  la 
piaoe,  dea  uortificaliana  fiaaijflitftt»  des  eoui^ses  firéné- 
tifUMS.  Dea  pofatlatioiis  emièfea  pariiraat»  allèrent  sans 
savoir  où,  eomme pouaséea  parla  vant  da  la  çoLère  divioeu 
IlaportaiMal  das  croix  ronges  ;  éamî-oua  sur  las  places^  ils 
aa  frappwattl  avect  des  fouela  armés  de  poinles  de  fer, 
chantant  daa  Gaittîqaea  qu'on  n'avait  jamais  entendus  2.  Us 
Mvestaiaat  dans  chaque  viBa  qu'un  jour  et  une  nuit,  et  se 
•agellaiant  deux,  fois  le  jmt  ;  cela  fait  pendant  trente-trois 
jours  et  dcaai,  ils  ae  croyaient  purs  comme  au  jour  du 
haptéma^. 
Les  flagellants  allèrent  d'abord  d'Allemagne  aux  Pays- 

*  Johannes  Viiodaranas.  -«ilify.»  iat« 

*  Us  des  Chroniques  de  Saint-  Denis,  cité  pai  HL  MaaarA,» 


Bas.  Puis  cette  fièvre  ga^oa  ea  Fraociô,  par  U  Flaadre,  la 
Picai-die.  Tille  ne  passa  pas  Reims.  Le  pape  les  condaouia , 
le  roi  ordonna  de  leur  courir  sua.  Us  n'en  furent  pas  moins, 
à  Noél  (1349),  près  de  huk  cent  B»Ue  *.  Et  ce  n'était  plua 
seulement  du  peuple,  mais  des  gentilshommes,  des  sei- 
gneurs. De  nobles  dames  se  BOuettaient  à  en  faire  autaot  9. 
n  n'y  eut  point  de  fli^eUattls  ea  Italie.  Ce  sombre  en- 
thousiasme de  r AUemagiifi  et  de  la  France  du  nord,  cett^ 
guerre  déclarée  à  ta  diair»  contraste  fort  avec  la  peinture 
que  Boccace  nova  a  Mssée  des  Baœura  italiennes  à  la  même 

époque. 

Le  prologue  dv  DécanaérM  es4  le  principal  témoignage 
historique  que  nma  ayoi  sur  la  grande  peste  de  4348. 
Boccace  prétend  qu'à  Florenoe  seulemeiU,  il  y  eut  ceikt 
mille  morts.  La  eoBtagioo  était  effrayablement  rapide. 
c  J'ai  vu,  dit-il,  de  mes  yeui,  deux  porcs  qui,  daas  la  rue, 
secouèrent  du  groin  les  baillaos  d'un  mort  ;  une  petite 
heure  après,  ils  tournèrent,  tournèrent  et  tombèrent  ;  ils 
étaient  morts  evx-môoies...  Ce  n'étaient  plus  les  amis  qui 
portaient  les  corps  sur  leurs  épaules,  à  l'église  indiquée 
par  le  mourant.  De  pauvres  compagnons,  de  misérab||8 
croque-morts  portaient  vite  le  eorps  à  l'église  voisine.*, 
beaucoup  mouraient  dans  la  rue  ;  d'autres  tout  seuls  dans 
leur  maison,  mais  on  sentait  les  maisons  des  morts...  Sou- 
vent on  mit  sur  le  méoae  brancard  la  femme  et  le  mari, 
le  lils  et  le  père...  On  avait  fait  de  grandes  fosses  où  l'oo 
entassait  k»  corps  par  centaines»  comme  les  nutfcban- 
dises  dons  un  vaisseau...  Chacun  portait  à  la  main  des 
herbes  d'odeur  forte.  L'air  u'était  plus  que  puanteur  dn 
SDorts  et  de  midades,  ou  de  médecines  infectes...  Oh  1  que 
de  belles  maisons  restèrtint  vides  I  que  de  fortunes  sans 
béritiersJ  que  de  belles  dames,  d'aimables  jeunes  gens 


•  Uê  des  Chroiiiqnes  do  Saint  I>enis,  cité  par  M.  Mazarc. 

*  Cou  Un.  G.  de  Nangit«     v  .  . 


820  L'ANGLETBRia. 

dînèrent  le  matin  avec  leurs  amis,  qui,  le  soir  venant,  s'en 
allèrent  souper  avec  leurs  aïeux  I...  » 

Il  y  a  dans  tout  le  récit  de  Boccace  quelque  chose  de  plus 
triste  que  la  mort,  c'est  le  glacial  égoîsme  qui  y  est  avoué. 
«  Plusieurs,  dit-il,  s'enfermaient,  se  nourrissaient  avec 
une  extrême  tempérance  des  aliments  les  plus  exquis  et 
des  meilleurs  vins,  sans  vouloir  entendre  aucune  nouvelle 
des  malades,  se  divertissant  de  musique  ou  d'autres  choses, 
sans  luxure  toutefois.  D'autres,  au  contraire,  assuraient 
que  la  meilleure  médecine,  c'était  de  boire,  d'aller  chan- 
tant, et  de  se  moquer  de  tout.  Ils  le  faisaient  comme  ils 
disaient,  allant  jour  el  nuit  de  maison  en  maison  ;  et  cela 
d'autant  plus  aisément,  que  chacun,  n'espérant  plus  vivre, 
laissait  à  l'abandon  ce  qu'il  avait,  aussi  bien  que  soi- 
même  ;  les  maisons  étaient  devenues  communes.  L'auto- 
rité des  lois  divines  et  humaines  était  comme  perdue  et 
dissoute,  n'y  ayant  plus  personne  pour  les  fwre  observer- 
Plusieurs,  par  une  pensée  cruelle,  et  peut-être  plus  pru- 
dente «,  disaient  qu'il  n'y  avait  remède  que  de  fuir  ;  ne 
s'inquiétant  plus  que  d'eux-mêmes,  ils  laissaient  là  leur 
vMle,  leurs  maisons,  leurs  parents  ;  ils  s'en  allaient  aux 
champs,  comme  si  la  colère  de  Dieu  n'eût  pu  les  précéder... 
Les  gens  de  la  campagne,  attendant  la  mort,  et  peu  sou- 
cieux de  l'avenir,  s'efforçaient,  s'ingéniaient  à  consommer 
tout  ce  qu'ils  avaient.  Les  bœufs,  les  ânes,  les  chèvres,'  les 
chiens  même,  abandonnés,  s'en  allaient  dans  les  champs 
où  les  fruits  de  la  terre  restaient  sur  pied,  et  comme  créa- 
tures raisonnables,  quand  ils  étaient  repus,  ils  revenaient 
sans  berger  le  soir  à  la  maison...  A  la  ville,  les  parents  ne 
se  visitaient  plus.  L'épouvante  était  si  forte  au  cœur  des 
hommes,  que  la  sœur  abandonnait  le  frère,  la  femme  le 
mari  ;  chose  presque  incroyable,  les  pères  et  mères  évi- 
taient de  soigner  leurs  fils.  Ce  nombre  infini  de  malades 

>  llauco  ViUani  blâme  ceux  qui  se  retirèrent. 


PHILIPPE  DE  .VALOIS.  221 

D*avait  donc  d'autres  ressources  que  la  pitié  de  leurs  amis 
(et  de  tels  amis,  il  n*y  en  eut  guère),  ou  bien  l'avarice  des 
serviteurs  ;  encore  ceux-ci  étaient-ils  des  gens  grossiers, 
peu  habitués  à  un  tel  service,  et  qui  n'étaient  guère  bons 
qu'à  voir  quand  le  malade  était  mort.  De  cet  abandon  uni- 
versel résulta  une  chose  jusque-là  inouïe,  c'est  qu'une 
femme  malade,  tant  belle,  noble  et  gracieuse  fût-elle,  ne 
craignait  pas  de  se  faire  servir  par  un  homme,  même 
jeune,  ni  de  lui  laisser  voir,  si  la  nécessité  de  la  maladie 
l'y  obligeait^  tout  ce  qu'elle  aurait  montré  à  une  femme  ; 
ce  qui  peut-être  causa  diminution  d'honnêteté  en  celles 
qui  guérirent.  • 

Pour  la  maligne  bonhomie,  tout  aussi  bien  que  pour 
l'insouciance,  Boccace  est  le  vrai  frère  de  Froissart.  Mais 
le  conteur  ici  en  dit  plus  que  l'historien.  Le  Décaméron, 
dans  sa  forme  même,  dans  le  passage  du  tragique  au  plai- 
sant, ne  représente  que  trop  les  jouissances  égoïstes  qui 
suivent  les  grandes  calamités  ^  Son  prologue  nous  intro- 
duit par  le  funèbre  vestibule  de  la  peste  de  Florence  aux 
jolis  jardins  de  Pampinea,  à  cette  vie  de  rire,  de  rien  fatre 
et  d'oubli  calculé,  que  mènent  ses  conteurs,  près  de  leurs 
belles  maltresses,  dans  une  sobre  et  discrète  hygiène... 
Machiavel,  dans  son  livre  sur  la  peste  de  4527,  a  moins  de 
ménagements.  Nulle  part  l'auteur  du  Prince  ne  me  semble 
plus  froidement  cruel.  Il  se  prend  d'amour  et  de  galants 
propos  dans  une  église  en  deuil.  Ds  se  revoient  avec  sur- 
prise, comme  des  revenants,  se  savent  bon  gré  de  vivre,  et 
se  plaisent.  L'entremetteuse,  c'est  la  mort. 

Selon  le  continuateur  de  Guillaume  de  Nangis  :  «  Ceux 
qui  restaient,  hommes  et  femmes,  se  marièrent  en  foule. 
Les  survivantes  concevaient  outre  mesure.  Il  n'y  en  avait 

pas  de  stérile.  On  ne  voyait  d'ici  et  de  là  que  femmes 

■- 

•  App,,  1S3. 


S82  L*A!«GLETIilRE. 

grosses.  Elles  enEGuitaieot  qui  deux,  qui  trois  enfants  à  la 
fi»îs.  » 

Ce  fut,  comme  apràs  tout  grand  flAau«  comme  après  la 
peste  de  Marseille^  comme  après  la  Terreur,  une  joie  sau- 
vage de  vivre,  une  orgie  d'héritiers  ^  Le  roi^  veuf  et  libre, 
allait  jDfiaâer  son  fils  à  sa  cousine  Blanche  ;  mais  quand  il 
vit  la  jeum  fille,  il  la  trouva  trop  belle  pour  son  fils  et  la 
gMrda  pour  lui.  Il  avait  cinquantc^^huit  ans,  elle  dix-huit. 
Le  fils  épousa  une  veuv«  qui  en  vivait  vingt^quatre,  Théri- 
tière  de  Boulogne  et  d'ÀHvevgne,  qui  de.  pUis  lui  donnait» 
avec  la  tutelle  de  son  fils  enfant,  l'administration  des  deux 
Bourgognes.  Le  royaume  souffrait,  mais  il  s'arrondissait 
Le  roi  venait  d'acheter  Montpellier  et  le  Dauphiné.  Le  petit* 
fils  du  roi  épousa  la  fiUe  du  duc  de  Bourbooi,  le  oomte  de 
Flandre  ceUe  du  duc  de  Bsabant.  Ce  n'était  que  noces  et 
^pie  fêtes» 

Ces  fêtes  tiraient  un  bizarre  éclat  des  jonodes  aouvelles 
qui  s'étaient  introduites  depuis  quelques  ^mnées  en  France 
et  en  ÂJ^terre.  Les  gens  de  la  côir  jpeut-étre  pour  se 
distioguer  davantage  des  chevaliers  ès4oUf  des  liommes  de 
robe  lopgU€^  avaient  adopté  des  vêtements  serrés^  souvent 
mi-ipartie  de  deux  couleurs^  leurs  cheveux  serrés  en 
queue*  leur  barbe  touffue»  leurs  monstrueux  souliers  à  la 
poulaine^ui  remontaient  en  se  4«courbant,  leur  donnaient 
un  air  biaarre»  qaèUfae  ^iiose  du  diable  4Ni  du  scorpion. 
Les  femmes  chai^geaient  leur  tète  «d'une  -mitre  énorme 
d'où  flottaient-dés  Tubam^  eomme  las  flammes  d'un  mât. 
Elles -ne  voulaient, plus  de  j>alefrois  ;  il  leur  fallait  de  fou* 
gueux  destriers.  Elles  portaient  deux  digues  «à  la  ceinture. 
—  L'Église  pnécbait  en  vain  cantre  ces  modes  oiyueil- 
leuses  et  impudentes. Xe  sévère  chroniqueur  en  j>arle  ru- 
dement^: «  41s  «'étaient  juis.»  dil-4(,  ÀjporterlMrbe  Joqguei 
gt4Pobee  Qourtes,ai  couMsqu-ils  montraient  leurs  fesses*^ 

<  Ualteo  Vaiani, 


PHILIPPE  DS  VALOIS.   '  22^ 

Ce  qui  causa  parmi  le  populaire  une  dérision  non  petite  ; 
ils  devinrent,  comme  l'événement  le  prouva  souvent,  d'au* 
tant  mieux  en  état  de  fuir  devant  Tennemi  ^.  » 

Ces  changements  en  annonçaient  d'autres.  Le  monde 
allait  changer  d'acteurs  comme  d'habits.  Ces  folies  parmi 
les  malheurs,  ces  ««cas  ptécîpitées  le  lendemain  de  la 
peste,  devaient  avoir  aussi  leurs  morts.  Le  vieux  Philippe 
jde  Valois  ne  tarda  pas  à  languir  près  de  sa  jeune  reine,  el 
laissa  la  couronne  à  aoAfik>(dSë(]^ 

'  ^vp.,  184. 


CHAPITRE  II 


lean.  BataiUe  de  PoiUeri.  1350-1830. 


La  peste  de  4318  enleva,  entre  autres  personnages 
célèbres,  l'historien  Jean  Villani,  et  la  belle  Laure  de 
Sades,  celle  qui,  vivante  ou  morte,  fut  Tobjet  des  clmnts 
de  Pétrarque. 

Laure,  fille  de  messire  Audibert,  syndic  du  bourg  de 
Noves,  près  d'Avignon,  avait  épousé  Hugues  de  Sadea, 
d'une  vieille  famille  municipale  de  cette  ville.  Elle  vécut 
honorablement  à  Avignon  avec  son  mari,  dont  elle  eut 
douze  enfants.  Cette  union  pure  et  fidèle,  cette  belte  image 
de  la  famille,  au  milieu  d'une  ville  si  décriée  pour  ses 
mœurs,  est  sans  doute  ce  qui  toucha  Pétrarque*  Ce  fut  le 
6  avril  4327,  que  Laure  apparut  pour  la  première  fois  an 
jeune  exilé  florentin,  le  vendredi  de  la  semaine  sainte, 
dans  une  église,  entourée,  comme  il  est  probable,  de  son 
époux  et  de  ses  enfants.  Dès  lors  cette  noble  image  de 
jeune  femme  lui  resta  devant  l'esprit. 

Qu'on  ne  nous  reproche  pas  comme  une  digression  Ic^* 
peu  que  nous  disons  d'une  Française  qui  inspira  une  si 
durable  passion  au  plus  grand  poète  du  siècle.  L'histoire 
des  mœurs  est  surtout  celle  de  la  femme.  Nous  avons 
parlé  d'Héloîse  et  de  Béatrix.  Laure  n'est  pas,  comme 
Héloïse,  la  femme  qui  aime  et  se  donne.  Ce  n'est  point  la 
Béatrix  de  Dante,  dans  laquelle  l'idéal  domine  et  qui  finit 
par  se  confondre  avec  l'éternelle  beauté.  Elle  ne  meurt 


BATAILLE  DK  POITIERS.  225 

pas  jeune  ;  elle  n'a  pas  la  glorieuse  transfiguration  de  la 
mort.  Elle  accomplit  toute  sa  destinée  sur  la  terre.  Elle  est 
épouse,  elle  est  mère,  elle  vieillit,  toujours  adorée  ^.  Une 
passion  si  fidèle  et  si  désintéressée  à  cette  époque  de 
sensualité  grossière,  méritait  bien  de  rester  parmi  les  plus 
touchants  souvenirs  du  xiv^  siècle.  On  aime  à  voir  dans' 
ces  temps  de  mort  une  âme  vivante,  un  amour  vrai 
et  pur,  qui  suffit  à  une  inspiration  de  trente  années.  On 
rajeunit,  à  regarder  cette  belle  et  immortelle  jeunesse 
d'àroe. 

n  la  vit  pour  la  dernière  fois  en  septembre  1347.  C'était 
au  milieu  d'un  cercle  de  femmes.  Elle  était  sérieuse  et 
pensive,  sans  perles,  sans  guirlandes.  Tout  était  déjà  plein 
de  la  terreur  de  la  contagion.  Le  poète,  ému,  se  retira, 
pour  ne  pas  pleurer La  nouvelle  de  sa  mort  lui  par- 
vint, l'année  suivante,  à  Vérone.  Il  y  écrivit  la  note  tou- 
chante qu'on  lit  encore  sur  son  Virgile.  Il  y  remarque 
qu'elle  est  morte  au  même  mois,  au  même  jour  et  à  la 
même  heure,  où  il  Favait  vue  trente  ans  auparavant  pour 
la  première  fois. 

Le  poète  avait  vu  périr  en  quelques  années  toutes  ses 
espérances,  tous  les  rêves  de  sa  vie  ^.  Jeune,  il  avait  espéré 
que  la  chrétienté  se  réconcilierait,  et  trouverait  la  paix 
intérieure  dans  une  belle  guerre  contre  les  infidèles.  Il 
avait  écrit  le  célèbre  canzone  :  a  0  aspettata  in  ciel  beata 
e  bella...  v  Mais  quel  pape  prêchait  la  croisade?  Jean  XXII, 
le  fils  d'un  cordonnier  de  Cahors,  avocat  avant  d'être 
pape,  cahorHn  et  usurier  lui-même,  qui  en^ssait  les 
millions,  et  brûlait  ceux  qui  parlaient  d'amour  pur  et  de 
pauvreté. 

L'Italie,  sur  laquelle  Pétrarque  plaça  ensuite  son  espoir, 
n'y  répondit  pas  davantage.  Les  princes  fiattaientPétrarque, 

disaient  ses  amis,  mais  aucun  ne  Técoutait.  Quels  amis 


m.  i3 


• 


226  JEAPr. 

pour  le  crédite  poète  que  ces  féroces  et  rûsèsf  is^^onfide 
Milan!...  Napl6S  valait  mieux,  ce  semUe.  Le  SttVAHl  toi 
Robert  avait  Vbulu  donner  lui-même  A  Pétrarque  la  cou- 
ronne du  Capltole.  Mais  lorsqu'il  se  rendit  à  Nftptes,  Robert 
n'était  plus.  La  reine  Jeanne  lui  atait  snccédé^.  Le  poète, 
à  peine  arrivé,  vit  avec  horreur  les  combats  de  ^fliaiéUrs 
renouvelés  dans  cette  coUr  par  utle  noblesse  sàngtiiiialre. 
n  prévit  la  catastrophe  du  jeune  épout  de  Jeanne,  étVahgté 
peu  après  par  les  amants  de  sa  femme...  R  écrit  lui-même 
de  Naples  :  «  Heu  !  fuge  crudeles  terras,  fuge  litlas 
avarum  I  > 

Cependant  on  parlait  de  la  restauration  de  la  liberté 
romaine  par  le  tribun  de  Rienii.  Pétrarque  né  douta  point 
de  la  réunion  prochaine  dé  ritalie,  dû  monde,  sous  le  àon 
élai  II  chanta  d'avance  les  vertus  du  libérateur  et  la  gloire 
de  la  nouvelle  Rome.  Cependant  Rien^i  menaçait  dé  mort 
les  amis  de  Pétrarque,  les  Colonnfr.  Celui  ci  refVisa  long- 
temps d'y  croire  ;  il  écrivît  au  tribun  une  lettre  triste  et 
inqnièle,  oii  il  le  prie  dé  démentir  ceà  mauvais  trults^. 

La^chute  du  tribun  lui  ôtant  l'espoir  que  Fltalie  pût  se 
rélever  elle-même,  il  transporta  son  facile  enthousiasme  à 
l'empereurCharleâ  tV,  qui  alors  entrait  en  Italie.  Pétrarque 
8é  trouva  sur  son  passage  ;  il  lui  présenta  les  ihédailtes 
d'or  de  Trajan  et  d'Auguste  ;  il  le  somma  de  se  souvenir 
de  ceà  grands  empereurs.  Ce  trajan,  (^  Auguste  avait 
passé  les  Alpes  avec  deux  ou  trois  cents  cavaliers.  U  venait 
vendre  les  droits  de  l'empire  en  Italie,  avant  de  les  sacrifier 
en  Altemiigne  dans  âa  bulle  d'or.  Le  pacifique  et  économe 
empereur,  avec  son  cortège  mal  monté,  était  comparé  par 
les  Italiens  à  un  marchand  ambulant  qui  va  à  la  foire  *. 


«  App.,  187. 

•  App.,  1>8. 

'H  tira  d'eux  qaelqoe  argent,  et  s'en  retoarna  plas  vite  qnll  n'éiait 
venu.  Les  villes  fermaient  tontes  leurs  portes»  on  Ini  permit  avec  peina 
de  reposer  une  nuit  à  Crémone. 


f 


BATAILLE  DE  POITIERS.  %i1 

Le  Mste  Pétrârqtte,  ttimiiDé  fant  Ae  foîft  ^,  %e  réfagia 
chaque  jour  davaifitagè  ûMs  hiloititaiM  MitiquilM.  fi  se  iftnt^ 
déjà  t{i»ux,  à  appi^d^  te  ItArgûe  d'BcHtfièrë,  à  épeler 
rilisde.  n  faiK  voir  queb  furent  ses  transports  quand, 
pour  te  première  fois,  il  %0u6hft  le  précieux  isiaimseHI 
qu'il  ne  pouvait  lire. 

h  erta  «finsi  dan«  te^ASettiiè»^  tmhéeis,  surviVéM,  coffitiie 
liante,  à  fottt  cé  qtii!  airnaît.  €e  n'était  pas  Dante,  Kwais 
ptuMt  son  onfbre,  "phxs  pâle  et  plus  dtduce,  tottijours  Mfi^ 
Asile  par  Virgile,  et  se  faiisant  de  te  poésie  antique  utt 
Elysée.  Vers  ta  fitt,  iftquiet  pour  les  précieux  irnnuserits 
qu*SI  tratnaft  partout  avec  lui,  il  les  lé^a  à  te  fépuf^que 
de  Tenise,  eft  déposa  son  lomère  ^t  soft  Virgile  dans  te 
baMiothèque  méttie  de  Saint-Mâ)«c,  «devrtère  les  fa^neux 
chevaux  de  Cormthe,  où  on  les  a  retjHittvés  Crois  œufs  «n 
après,  à  nioitié  perdu»  de  pousi^ère.  Venise,  ^t  i»* 
vlolabie  asile  au  miKea  des  meus,  était  alors  te  seul  lieu 
sèr  auquel  la  maîia  (neuse  du  poète  pût  confier  en  mouyaift 
hes  éteui  èrraï^  de  rantiquitè. 

9ûof  lui,  ce  devoir  aecompli,  il  alte  qvelqtte  temps 
rédbafuff^  sa  vieillesse  au  soleil  d' Arqua,  il  y  mourut  daM 
sa  bibliothèque  et  te  télé  sur  un  livfe  K 

Ge»  Vains  i^grets,  bMfe  fidélité  oMtinée  m  paessé,  qui 
pendant  Mute  te  vie  du  poète  lui  fit  poursuivre  des  ombres, 
qui  lui  fit  placer  «ai  crédule  espoir  dans  te  tfiba>n,  dam 
l^n^pereuf,  te  n^eM  pas  4*erreur  de  Pétrarque,  e'efift  celle 
det^l  Soft«iMI^.  Là  fttance  ittèttm,  ipà  semble  ui^eir  si 
diH^iiMit  vompu  «vec  le  îmytfh  âge  par  TiimnotetiM  des 
Templters  et  de  Bontfaee,  y  revient  malgré  eltei«pfto 


I  Ce  qu'il  y  avait  de  plus  humiliant,  c'est  qoe  le  malicir  ux  empereur 
avait  donné  la  couronne  poêiique  à  tin  tidtre  que  Pétrarque. 

*  Quelques  jours  auparavant,  Boeca^e  hri  a¥ait  envoyé  fe  Di*i*iattr.'ron. 
Le  Tieitlard  en  retint  par  rœur  la  pcttleftU  VtiMiêti,  eetle  beMs  hia- 
ic.fe  qui,  à  elle  ieule,  purrflc  te  reste  (îtt  tfvre. 


S28  i£A?(. 

effort,  et  s'y  engourdit.  La  défaite  des  armées  féodales,  la 
grande  leçon  de  Crécy,  qui  devrait  lui  faire  comprendre 
qu'un  autre  monde  a  commencé,  ne  sert  qu'à  lui  faire 
regretter  la  chevalerie.  Les  archers  anglais  ne  Tinstruisent 
pas.  Elle  n'entend  point  le  génie  moderne  qui  Ta  foudroyée 
à  Crécy  par  l'artillerie  d'Edouard. 

Le  fils  de  Philippe  de  YaloiSj  le  roi  Jean,  est  le  roi  des 
gentilshommes.  Plus  chevaleureux  encore  et  plus  malen- 
contreux que  son  père,  il  prend  pour  modèle  l'aveugle 
Jean  de  Bohème  qui  combattit  lié  à  Crécy.  Non  moins 
aveugle  que  son  modèle^  le  roi  Jean,  à  la  bataille  de  Poitiers, 
mit  pied  à  terre  pour  attendre  des  gens  à  cheval.  Mais  il 
n'eut  pas  le  bonheur  d'être  tué,  comme  Jean  de  Bohême. 

Dès  son  avènement,  Jean,  pour  complaire  aux  nobles, 
ordonna  de  surseoir  au  payement  des  dettes  ^.  U  créa 
pour  eux  un  ordre  nouveau,  l'ordre  de  l'Ëtoile,  qui  assurait 
une  retraite  à  ses  membres.  C'était  comme  les  Invalides 
de  la  chevalerie.  Déjà  une  somptueuse  maison  commençait 
à  s'élever  pour  cette  destination  dans  la  plaine  de  Saint- 
Denis.  Elle  ne  s'acheva  pas  2.  Les  membres  de  cet  ordre 
fiûsaient  vœu  de  ne  pas  reculer  de  quatre  arpents,  s'ils 
n'étaient  tués  ou  pris.  Ils  furent  pris  en  effet. 

Ce  prince,  si  chevaleresque,  commence  brutalement 
par  tuer,  sur  un  soupçon,  le  connétable  d'Eu,  principal 
conseiller  de  son  père.  Il  jette  tout  à  un  favori,  homme  du 
midi,  adroit  et  avide,  Charles  d'Espagne,  pour  qui  il  avait 
«  un  amour  désordonné  3.  >  Le  favori  se  fait  connétable,  et 
se  fait  encore  donner  un  comté  qui  appartenait  au  jeune 
roi  de  Navarre,  Charles,  que  Jean  avait  déjà  dépouillé  de  la 
Champagne^.  Charles,  descendu  d'une  fille  de  Louis  Hutin, 
se  croyait,  comme  Edouard  III,  dépouillé  de  la  couronne 


1  Ord..  30  mars  1351,  el  septembre.  ^  >  App,,  189. . 
s  C'était,  dit  VillaDi,  le  l>rDll  public. 

*  Charles  avait  aassi-  à  se  plaindre  de  l'iosolence  du  connétable  <{oi 
rayait  appelé  billonnnkr  monnoU  (faax-monnoyeur). 


BATAItLE  DE  POITIERS.  229 

de  France.  Il  assassina  le  favori,  et  voulait  tuer  Jean. 
Celui-ci  Temprisonna,  lui  fit  demander  pardon  à  genoux. 
Cet  homme  flétri  sera  le  démon  de  la  France.  Il  est  sur- 
nommé le  mauvais.  Jean  tue  le  connétable,  tue  d'Harcoort 
et  d'autres  encore  ;  au  demeurant,  c'est  Jean  le  bon. 

Le  bon  veut  dire  ici  le  confiant,  Tétourdi,  le  prodigue. 
Nul  prince  en  effet  n'avait  encore  si  noblement  jeté  l'argent 
du  peuple.  Il  allait,  comme  l'homme  de  Rabelais,  man- 
geant son  raisin  en  verjus,  son  blé  en  herbe.  Il  faisait' 
argent  de  tout,  gâtant  le  présent,  engageant  l'avenir.  On 
eût  dit  qu'il  prévoyait  ne  devoir  pas  rester  longtemps  en 
France. 

Sa  grande  ressource  était  l'altération  des  monnaies^. 
Philippe  le  Bel  et  ses  fils,  Philippe  de  Valois,  avaient  usé 
largement  de  cette  forme  de  banqueroute.  Jaan  les  fit 
oublier,  comme  il  surpassa  aussi  toute  banqueroute  royale^ 
ou  nationale  qui  pût  jamais  venir.  On  croit  rêver  quand' 
on  lit  les  brusques  et  contradictoires  ordonnances  que  fit' 
ce  prince  en  si  peu  d'années.  C'est  la  loi  en  démence,  à' 
son  avènement,  le  marc  d'argent  valait  cinq  libres  cinq 
sous,  à  la  fin  de  l'année  onze  livres.  En  février  4352,  il 
était  tombé  à  quatre  livres  cinq  sous;  un  an  après  il  était' 
reporté  à  douze  livres.  En  4354,  il  fut  fixé  à  quatre  livres 
quatre  sous  ;  il  valait  dix-huit  livres  en  \  355.  On  le  remit' 
à  cinq  livres  cinq  sous,  mais  on  affaiblit  tellement  la  mon- 
naie, qu'il  monta  en  1 359  au  taux  de  cent  deux  livres  ^. 

Ces  banqueroutes  royales  sont  au  fond  celles  des  nobles 
sur  les  bourgeois.  Les  seigneurs,  les  nobles  chevaliers 
assiègent  le  bon  roi,  et  lui  prennent  tout  ce  qu'il  prend 


t  •  Sor  phuiaars  d«  ces  monnAies,  le  roi  d'Angleterre  éuit  représenté 
tOBS  forme  de  lion  on  de  dragon,  fonlé  par  le  roi  de  France.  •  Leblanc. 

*  De  1361  à  13(M),  la  li^re  tournois  changea  soixante  et  onie  fois  de 
▼aleor.  M.  Nfltalis  de  Wailly  met  ce  rt^gimo  en  balance  avec  celui  des 
asmgiials.  (llëmoire  sor  les  Tariations  de  la  lîYre  lonrnois.)  Nott  de 
ISeO.  -  App.,  190. 


230  jEjix. 

aux  autres,  ta  seule  reine  Blanche  avait  obtenu  pour  elle 
la  confiscation  des  Lombards  ;  elle  poursuivait  à  son  profit 
leurs  débiteurs  par  tout  le  royaume  *. 

La  noblesse,  commençant  à  vivre  loin  de  s^es  cbàteaux, 
séjournant  à  grands  frais  près  du  roi,  devenait  chaque  jour 
plus  avide.  Elle  ne  voulait  plus  servir  gratis.  U  Callait  la 
payer  pour  combattre,  pour  défendre  ses  terres  des  ra- 
vages de  r Anglais.  Ces  Qers  barons  descendaient  de  bonne 
grâce  à  Tétat  de  mercenaires  >,  paraissaient  à  leur  rang, 
dans  les  gjrandes  montres  et  revues  royales,  et  t^ndait'ut  la 
main  jau  payeun.  Sous  Philippe,  de  Valois»  le  chevalier 
s'était  contenté  de  dix  sous  par  jour.  Sous  Jean,  il  en 
exigea  vingt,  et  le  seigneur  bannerçt  en  eut  quarante. 
Cette  dépense  énorme  obligea  le  roi  Jean  d'assembler  1^ 
Ëtats  plus  souvent  qu'aucun  de  aea  prédéc^seurs.  Les 
nobles  contribuèrent  ain^,  indirectement  et  h  leur  insu,  à 
donner  une  importance  toute  nouyelle.  aux  Ëtats^  surtout 
au  tiers-état,  à  l'état  qui  payait^ 

Déjà,  en  1343,  la  guçrra  avait  &rcé  Philippe  de  Valois 
de  demander  aux  États  un  droit  de  quatre,  deniers  par 
livre  sur*  les  marchandises,  lequel  devait  être  perçu  à 
chaque  vente.  Ce  n'était  pas  seulement  un  impât,  c'était 
une  intolérable  vexation,  une  guerre  contre  le  commerce. 
Le  percepteur  campait  sur  le  marché,,  espionnait  mar- 
chands et  acheteurs,  mettait  la  main  à  toutes  les  poches, 
demandait  (comme  il  arriva  sou$l  Charles.  VI)  sa  part  sur 
un  aou  d'herbe.  Ce  droit,  qui  n!est  autre  que  Talcavala 
espagnol,  alors  récemment  établi  à  l'occaçion  des.guerres 
d^s  Maures,  a  tué  l'industrie  de  VEspagne..  Philippe  de 


*  Les  États  de  i2Ki  exigèrent  ({a'an  «ispcodAt  «m  ponmûlM. 

*  £a  i33â,  lest  nobles  du  UiRgnedae^se  pUâg»iMii&dece  que  Im^  ,  _ 
qii*oaleur  avait  payés  pendant  la  goerce-de  Gaseagne  n'étateut  pa»  pro* 
portionn^s  à  ceux  qfiiU  avaieni  reçaSrdaAS  Ifs  aalves^  goarres  qui  avaieM 
éié  faites  en  ce  pays.  On  êlaik  au  «UMMai  de  la  cepiise  do  la  gnen»- 
contre  les  Anglais.  Le  roi  fit  droit  à  la  requête. 


BATAILLE  DB  POITIBRS.  S3I 

Taloi»  proHiil  en  réoompeiiM  de  firapfpeB  de  boaoe  mon- 
naîe,  comme  du  temps  de  saint  Louas. 

NoaTeanx  besoins,  nouvelUs  promesses.  Daas  Ift  erise 
de  4946,  le  roi  promit  au  Ëtats  du  nord  de  reatreiikljEe  W 
droit  de  prise  ».ai]x  n^cessIléS'  de  sen  bétels  de  aai  ehèii9< 
compagne  la  reine  el  de  ass  en&nts.  »  IL  supprima  des 
places  de  sergents,  abotil  dea  jaridiatîoQ&  oppMwéea  eoire 
elles,  retira  les  lettre»  de  i{épit  par  leaqueUea  ik  pentteitw^ 
aux  seigneurs  d'ajourner-  le  payement  de  leuvs  dettes  Ic^. 
£t9ts  du  midi  acoordèrent  dix  aoiis  pae  fau»  8Mr  la  pra* 
messe  qu'on  leur  fit  de  8un>nnier  la  gabeUe  et  1q  droii  ^ir 
les  ventes. 

En  4351)  Jean,  demandant  aux* Étals  aoun  droîÉ  de  jeyaw 
avènement,  se  montra  facile  à  ko»  réoiaiiafttjoos^  q^ielqiae 
diverses  et  contradictoires  qu'elles  fussent  ^.  Il  promitaw 
nobtee  Pioards  de  toléner  les  gnevoeaprinées,  vssk  bourgepis 
Acmnands  de  Isa  interdirq.  Laa  uns  et  les*  aiitt^  bsM  aiçopp^ 
dèrent  siK  dkniieTa  par  liirre  ai»  lea  ventes»  U  assusa.aox. 
fibricante  de  Traj^s.  bi  bbcî^uri)  exehuiiKe  4^  toUfts* 
étroites  ou  SM^ra+d^^  anji  nmlÉrea  des  wélieifr  de  Pari^ 
un  règlement  qui  ftxait  lesi  saWrea  dea  oiivxie<9«,  étoiiiés^ 
outre  mosma  par  suite!  de  la.  dépopuletion  fit.  de.  1a. peste. 
les  boui^eais  di»  Faris^  eonauttés  par  «ui-wlmes  a(t  uqiv 
pav  dépvtéB)  à  bw*  aammUén  4»  pmrMt  «m  bowigsoiSk. 
Mcerdèrentle.teuft^éasTMtea»  Le  rai  Iw- ^pdUii  auipavv* 
Mr  ;  ils  flfy  YCBdaaiit  bîesAMavie  Mi 

Sn  Mèà^  1*  foL  anaîA  promis  des^  réformes',  Ws  Btets 
avaient  cru,  voté  docilement.  Tout  avaU  été  foi  ea  uoi 
jour.  En  4354 ,  les  nobles  Picards  refusent  de  laisser  payer 
leurs  vassaux,  s'il»  ne  sddI  eux^-méaiea  ane«pte9.eti  si  l^s 
vassaux  du  roi  et  dles,  princes  ne  payent 

In  4Si56,  les  la^laisr  ravageaf^t  le  Midi>  il  ùXM  bien 
encore  demander  de*  Pargent.  Les  Ëtats*  du  nocd.eui  de^U 
tangue.  d'Oil,  convoqués  le  30  novembre,  se  montrèrent 

•  App,,  191. 


2  M  ,     JEAN, 

peu  dociles.  Il  fallut  leur  promettre  Tabolition  du  vol 
direct  qu'on  appelait  droU  de  prises  et  du  vol  indirect  qui 
se  faisait  sur  les  monnaies.  Le  roi  déclara  que  le  nouvel 
imp^t  s'étendrait  à  tous,  clercs  et  nobles  ;  qu'il  le  payerait 
lui-même,  ainsi  que  la  reine  et  les  princes. 

Ces  bonnes  paroles  ne  rassurèrent  pas  les  États.  Us  ne 
se  fièrent  pas  à  la  parole  royale,  aux  receveurs  royaux.  Ils 
voulurent  recevoir  eux-mêmes  par  des  receveurs  de  leur 
choix,  se  faire  rendre  compte,  s'assembler  de  nouveau  au 
l^r  mars,  puis  un  an  après,  à  la  Saint-André. 

Voter  et  recevoir  l'impôt,  c'est  régner.  Personne  alors 
ne  sentit  toute  la  portée  de  cette  demande  hardie  des 
États,  pas  même  probablement  Marcel;  le  fameux  prévôt 
des  marchands,  que  nous  voyons  à  la  tête  des  députés  des 
villes  *. 

L'Assemblée  achetait  cette  royauté  par  la  concession 
énorme  de  six  millions  de  livres  parisis  pour  solder  trente 
mille  gens  d'ai-mes.  Cet  argent  devait  être  levé  par  deux 
impôts,  sur  le  sel  et  sur  les  ventes;  mauvais  impôts  .sans 
doute,  et  sur  le  pauvre,  mais  quel  autre  imaginer  dans  un 
besoin  pressant,  lorsque  tout  le  midi  était  en  proie?... 

La  Normandie,  l'Artois,  la  Picardie  n'envoyèrent  point 
à  ces  États.  Les  Normands  étaient  encouragés  par  le  roi  de 
Navarre,  le  comte  d'Harcourt  et  autres,  qui  déclarèrent  que 
la  gabelle  ne  serait  point  levée  sur  leurs  terres:  «  Qu'il  ne 
se  trottveroit  point  si  hardi  homme  de  par  le  roi  de  France 
qui  la  dût  faire  courir,  ni  sergent  qui  enlevât  amende,  qui 
ne  le  payât  de  son  corps  K  » 

*  •  Prol6stèr«nt  1m  iMHines  rilles  par  l«  bouche  de  Etiaone  Uareel, 
lors  pré^ost  des  marchands  à  Paris,  que  ili  estoient  tous  prests  de  vûre» 
de  mourir  avec  le  roi.  •  Froiss.  ~  Lire  snr  Etienne  Marcel  et  la  réTO* 
i;  lution  de  1356  88  rexcellcnt  trayail  de  M.  Perrens.  MM.  H.  Martin  el 
I.  Qoicherat  (Plutarque  Français)  avaient  déjà  bien  indiqoé  le  carae* 
tère  des  événements  de  cette  gninde  époque  sur  lesquels  M.  Perrens  a 
concentré  la  plus  vive  lumière  en  les  racontant  et  les  discutant  avae 
détail  (1860;.—  *  Froissart. 


J 


BATAILLE  DE  POITIERS.  233 

tt 

Les  Ëtats  reculèrent.  Ils  supprimèrent  les  deux  impdts, 

et  y  substituèrent  une  taxe  sur  le  revenu:   5  pour  400 

sur  les  plus  pauvres,  4  pour  400  sur  les  biens  médiocres, 

\  9  pour  400  sur  les  riches.  Plus  on  avait,  et  moins  Ton 

payait. 

Le  roi,  cruellement  blessé  de  la  résistance  du  roi  de 
Navarre  et  de  ses  amis,  avait  dit  «  qu'il  n'auroit  jamais 
parfaite  joie  tant  qu'ils  fussent  en  vie.  »  Il  partit  d'Orléans 
avec  quelques  cavaliers,  chevaucha  trente  heures,  et  les 
surprit  au  château  de  Rouen,  où  ils  étaient  à  table.  Le 
dauphin  les  avait  invités.  Il  fit  couper  la  tête  à  d'Harcourt 
et  à  trois  autres  ;  le  roi  de  Navarre  fut  jeté  en  prison  et 
menacé  de  la  mort.  On  répandit  le  bruit  qu'ils  avaient 
engagé  le  dauphin  à  s'enfuir  chez  l'Empereur  pour  faire  la 
^erre  au  roi  son  père. 

La  résistance  aux  impôts  votés  par  les  États,' livrait  le 
royaume  à  l'Anglais.  Le  prince  de  Galles  se  promenait  à 
son  aise  dans  nos  provinces  du  midi.  Il  lui  suffisait  d'une 
petite  année,  composée  cette  fois  en  bonne  partie  de  gens 
d'armes,  de  chevaliers.  La  guerre  n'en  était  pas  plus  che- 
valeresque. Us  brûlaient,  gâtaient  comme  des  brigands 
qui  passent  pour  ne  pas  revenir.  D'abord  ils  coururent  le 
lÂnguedoc,  pays  intact  qui  n'avait  pas  soufiert  encore  ^. 
La  province  ftit  ravagée,  mise  à  sac,  comme  la  Normandie 
en  4346.  Ils  ramenèrent  à  Bordeaux  cinq  mille  charrettes 
pleines.  Puis,  ayant  mis  leur  butin  à  couvert,  ils  re- 
prirent méthodiquement  leur  cruel  voyage,  parle  Rouer- 
gue,  l'Auvergne  et  le  Limousin,  entrant  partout  sanscoup 
férir,  brûlant  et  pillant,  chargés  comme  des  porte-balles, 
soûlés  des  fruits,  des  vins  de  France.  Puis  ils  descendirent 
dans  le  Berri,  et  coururent  les  bords  de  la  Loire.  Trois 
chevaliers  pourtant,  qui  s'étaient  jetés  dans  Romorantîn 
avec  quelques  hommes,  suffirent  pour  les  arrêter.  Ils  fu- 


234  JEAN. 

reot  tout  étûimés  de  cette  résistance.  Le  prince  de  GaUes 
jura  de  forcer  la  place  et  y  perdit  plusieurs  jours  ^ 

Le  roi  Jean,  qui  avait  commencé  la  campagne  par 
prendre  en  Normandie  les  places  du  roi  de  Navarre  où  U 
aurait  pu  introduire  l'Anglais,  vint  enfin  au-devant  avec 
une  grande  armée»  aussi  nombreuse  qu'aucune  qu'ait  per- 
due la  France.  Toute  la  campagne  était  couverte  de  ses 
coureurs  ;  les  Anglais  ne  trouvaient  plus,  à  vivre»  Du  reste» 
les  deux  eonemis  ne  savaient  trop  ou  ils  en  étaient  ;  Jean 
croyait  avoir  les  Anglais  devant,  et  courait  après,  tandis 
qu'il  les  avait  derrière.  Le  prince  de  GaUes,  aussi  bieo 
informé»  croyait  ^es  Français  derrv^re  lui..  C^ètait  la  s^ 
conde  fois,  et  non  la  dernière,  que  les  Anglais  s'enga- 
geaient à  l'aveugle  dans  le  pays  ennemi.  A  moins  d'un 
miracle,  ils  étaient  perdus.  C'en  fut  un  que  l'étourderie 
de  Jean. 

L'armée  du  prioce  de  Galles,  pairtie  anglaise,  partie  gas- 
conne, était  forte  de  deu}^  mille  hommes  d'armes,  de 
quatre  mille  archers,,  et  da  deux  mille  brigands  qu'on 
louait  dans  le  midi,  troupes  légères.,  Jeaa  était  k.  la  tête  d« 
la  grande  cohue  fëodala  du  ban  et  dn  l'arrière-ban»  qui 
faisait  him  cini|u«ata  mille  hommes.  Il  y  avait  les  quatre 
ffis  de  Jjean„  vixigt-six  ducs  ou  comtea»  cent  quarante  sei^ 
gneucs  baBn«i:ets  avec  leurs  banniènçs  déplojiéfis  ;  magni- 
tique  coiip  d'œil,.  mais  l'armée:  n'en  valait  pas  OMeia» 

Doux  carc^naux  lé^^,  doni  un  du  aono.  de  Talleytajid , 
s'entremirant  poux  empêcher  l'effusioa  du  sang  ^^'^''ftTii 
Le  jfrism  de  GaUes  offrait  de  rendretaut  ce  qu'il  avait  pria, 
places  et  bommas,  eldejujcer  da  ne  plus  servir  de  sapt  ans 
coxUae  laJxau^Si.  Jean  xafiis»,  comnae  il  était  naturel  ;  il  eiU 
été  bonteiu  de  laisser  alleir  ocs  {ûUards.  Il  exigeait  qu'au 
moins  le  prince  de  GaUes  se.  vendit  avec  cent  chevaliers. 


«  Il  dut  déployer  contre  cei  trois  chevaliers  toai  an  appareil  de  siéfer 
t  canons,  carreaux,  bombardes  et  f^  ox  grégeois.  •  Froissa/t. 


BATAILLE  DS  POITIERS.  235 

Les  Anglais  &  eUuttDt  fortifiés  smrle  céleau  de  Maupei^is 
près  Foiliers,  coUiae  roià»^  plantée  de  vignes,  ferniées  de 
haies  et  de  boiasona  d'épinesu  Le  haut  de  la  paite  éuit 
hérissé  d'arohera  angbôa.  il  n'y  avait  pas  besoÎQ  d*a4ta(|tt«r. 
U  suffisait  de  les  tenir  là;  la  aoif  et  la  faim  les  auraient  ap- 
privoisés au  booft  de  deux  jours.  Jean  trouva  plus  ehiavale- 
resque  de  forcer  son  esmmi. 

h  n'y  avait  qu'uoa  étroit  sentier  pour  aacurter  aw  Anglais* 
Le  roi  de  Franoe  y  employa  des  cavaliers.  Il  en  fut  k  peu 
près  ooouiie  à  la  bataille  de  Moifartea.  Les  archers  firent 
tember une phiie de traUs,  eriblèrent N cbevaux, lesefiar 
roucbèrêBt,  lea  jetbront  Tua  sur  Vautre.  Le&  Anglm  saisjrr- 
rent  ce  UMNooent  pour  dosoendre  ^.  Le  tfouMa  se  répandift* 
dans  celte  grande  ariaée.  Trois  fils  du  roi  se  retirèrent  du 
champ  de  batail^,pftr  fondre  de  leuirpère,eouu<ena«t.p9ur 
eaeorte  un  corps  de-huit  cents  Innées^ 

Cepesdant  la  roi  lettét  ferme.  U  availiemployédaaeaijart 
Kers  pour  foeûsr  la  montagiae;  «vee  le  mène  boft  asM*  U 
donna  ordee  aux  siens  de  mettre  piad  à  tetre  pour  ean^ 
battre  les  Aoglnn  qui  veaaienl  à  ohe^aL  Lae  résfetaAM  d# 
Jean  fut  aussi  funeste  au  royaume  quei  la  reirato  de  seafila. 
Ses oonffàns de rerdr&del'ËÉeile fiirwit»  eonun^luî,  âdih 
les  à  leur  veut;  ils  nel^uiàrentpaa.  n  El  aecombattoientpar 
taroupeaux  eftparoompagnie,  aimé  que  ila  se  trouvoîent  efc 
reoaraîUment  :  ».  Mais^ln  muHitud»  teyaît  vers  Poitieri  ^ 
fenom  saaporles  :.  •  Amift  yjeut4Lsttrla  chauasâs  et  devant 
k  pone^at  grand^hnrriUetÀde  geMoeoire,  navrer  et  aha^ 
tre,  que  m#rveilkisfiraikè  papam^)  sa  iMdoiaat  ks  Vnaa^ 
de  ai  loin  qu'ila  pauaroîmb  v^ir  un  An^ilnis.  »- 

Cepandiait  le  «àanp  de  bataille  était  easere  éîspalé  : 
€  Le  roi  Jean  y  fiiisoit  de  sa  nwa  merveilles  d'armes,  el 
tenoit  la  hache,  dont  trop  bien  se  défendoit  et  combattoit^»* 
à  ses  celés,  aû»pliin  jeune  Ûs,  qui  mérita  le  sumam  de 

•  App.,  103. 


236  JEAN. 

Hardi,  guidait  son  courage  aveugle ,  lui  criant  à  chaque 
nouvel  assaut  :  Père,  gardez-vous  à  droite,  gardez-vous  à 
gauche.  Mais  le  nombre  des  assaillants  redoublait ,  tous 
accouraient  à  cette  riche  proie  :  «  Tant  y  survinrent  Anglois 
et  Gascons  de  toutes  parts,  que  par  force  ils  ouvrirent  et 
rompirent  la  presse  de  la  bataille  du  roi  de  France  et  furent 
les  François  si  entortillés  entre  leurs  ennemis  qu'il  y  avoit 
bien  cinq  hommes  d* armes  sur  un  gentilhomme.  »  C'était 
autour  du  roi  qu'on  se  pressait,  «  pour  la  convoitise  de 
le  prendre;  et  lui  crioient  ceux  qui  le  connoissoient  et 
qui  le  plus  près  de  lui  étoient  :  <  Rendez-vous,  rendez- 
vous,  autrement  vous  êtes  mort.  Là  avoit  un  chevalier  de 
la  nation  de  Saint-Omer  qu'on  appeloit  Denys  de  Morbec- 
que.  Si  se  avance  en  la  presse,  et  à  la  force  des  bras  et  du 
corps,  car  il  étoit  grand*et  fort,  et  dit  au  roi,  en  bon  fran- 
çois  où  le  roi  s'arrêta  plus  que  aux  autres  :  c  Sire^sire,  ren- 
dez-vous. »  Le  roi  qui  se  vit  en  un  dur  parti...  et  aussi  que 
la  défense  ne  lui  valoit  rien,  demanda  en  regardant  le  che- 
valier :  «  A  qui  me  rendrai-je  ?  à  qui  ?  Où  est  mon  cousin 
le  prince  de  Galles  ?  Si  je  le  véois ,  je  parlerois.  »  —  Sire, 
répondit  messire  Denys,  il  n'est  pas  ci,  mais  rendez-vous  à 
moi,  je  vous  mènerai  devant  loi.  »  —  «  Qui  êtes  vous?  > 
«  dit  le  roi.  —  «  Sire,  je  suis  Denys  de  Morbecque,un  che^ 
valier  d'Artois,  mais  je  sers  le  roi  d'Angleterre,  pour  ce 
que  je  ne  puis  au  royaume  de  France  demeurer,  et  que  je 
y  ai  forfait  tout  le  mien.  »  —  Adoneques,  répondit  le  roi 
de  France  :  <  Et  je  me  rends  à  vous.  »  Et  lui  bailla  son  dés- 
ire gand.  Le  chevalier  le  prit  qui  en  eut  grand'  joie.  Là  eut 
grand'presse  et  grand  tireis  entour  le  Roi  :  car  chacuns 
s'elforçoit  de  dire  :  «  Je  l'ai  pris,  je  l'ai  pris.  »  Et  pie  pou- 
voit  le  Roi  aller  avant,  ni  messire  Philippe  son  maisné 
(jeune)  fils  ^  » 

Le  prince  de  Galles  fit  honneur  à  cette  fortune  inouïe  qui 

'  FroissATt. 


BATAILLE  DE  POITIERS.  S37 

lui  avait  mis  entre  les  mains  un  tel  gage.  Il  se  garda  bien 
de  ne  pas  traiter  son  captif  en  roi,  ce  fut  pour  lui  le  vrai 
roi  de  France,  et  non  Jean  de  ViiloiSj  comme  les  Anglais 
l'appelaient  jusqu'alors.  Il  lui  importait  trop  qu'il  fût  roi  en 
efiet,  pour  que  le  royaume  parût  pris  lui-même  en  son  roi, 
et  se  ruinât  pour  le  racheter.  Il  servit  Jean  à  table  après  la 
bataille.  Quand  il  fit  son  entrée  à  Londres,  il  le  mit  sur  un 
grand  cheval  blanc  (signe  de  suzeraineté),  tandis  qu'il  le 
suivait  lui-même  sur  une  petite  haquenée  noire. 

Les  Anglais  ne  furent  pas  moins  courtois  pour  les  autres 
prisonniers.  Ils  en  avaient  deux  fois  plus  qu'ils  n'étaient 
d'hommes  pour  les  garder.  Ils  les  renvoyèrent  pour  la  plu- 
part sur  parole,  leur  faisant  promettre  de  venir  payer  aux 
fêtes  de  Noël  les  rançons  énormes  auxquelles  ils  les  taxaient. 
Ceux-ci  étaient  trop  bons  chevaliers  pour  y  manquer.  Dans 
cette  guerre  entre  gentilshommes,  le  pis  qui  pût  arriver  au 
vaincu  était  d'aller  prendre  sa  part  des  fêtes  des  vainqueurs, 
d'aller  chasser,  jouter  en  Angleterre,  de  jouir  bonnement 
de  rinsoleijite  courtoisie  des  Anglais  ^,  noble  guerre ,  sans 
doute,  qui  n'écrasait  que  le  vilain. 

L'effroi  fut  grand  à  Paris,  quand  les  fuyards  de  Poitiers, 
le  dauphin  en  tête,  vinrent  dire  qu'il  n'y  avait  plus  ni  roi, 
ni  barons  en  France,  que  tout  était  tué  ou  pris.  Les  An- 
glais, un  instant  éloignés  pour  mettre  en  sûreté  leur  cap- 
ture, allaient  sans  doute  revenir.  On  devait  s'attendre  cette 
fois  à  ce  qu'ils  prissent  non  pas  Calais,  mais  Paris  et  le  « 
royaume  même. 

«  Afp.,  104. 


CHAPITRÉ  ÎIÏ 


Suite.  ^  Ëuts  généraux.  —  Pari^.  —  Jàcqneive.  Peste.  1356-1301. 


D  n'y  avait  pas  à  espérer  grand'chose  du  dauphin,  ni  de 
ses  frères.  Le  prince  était  faible,  pâle,  cbétif  ;  il  n'avait  que 
dix^neuf  ans.  On  ne  le  connaissait  que  pour  avoir  invité 
les  ainis  du  roi  de  Navarre  au  funeste  dîner  de  Rouen,  et 
donné  à  la  bataille  le  signal  du  sauve-qui-f>eut. 

Mais  la  ville  n'avait  pas  besoin  du  dauphin.  Elle  se  mit 
d'elle-même  en  défense.  Le  prévôt  des  marchands,  Etienne 
Marcel,  mit  ordre  à  tout.  D*abord,  pour  prévenir  les  sur- 
prises de  nuit,  on  forgea  et  Ton  tondit  des  dialnes.  Puis  on 
exhaussa  les  murs  de  parapets  \  on  y  mit  des  balistes  et 
autres  machines,  avec  ce  qu'on  avait  de  canons.  Mais  le» 
vieux  murs  de  Philippe^-Auguste  necoalenaient  plus  Paris; 
il«vait  débordé  de  toutes  parts.  On  éleva  d'autres  mu* 
railles  qui  eouvraient  l'université,  et  qui  de  l'autre  ciHé, 
allaient  de  l'Àve-Maria  à  la  porte  Saint  Denis,  et  de  là  au 
Louvre.  L'ile  même  fut  foilifiée.  On  y  fixa  sur  les  remparts 
sept  cent  cinquante  guérites.  Tout  cet  immense  travail  fut 
terminé  en  quatre  ans  t. 

Je  ne  puis  faire  comprendre  la  révolution  qui  va  suivre, 
et  le  rôle  que  Paris  y  joua,  sans  dire  ce  que  c'est  que  Paris. 

Paris  a  pour  armes  un  vaisseau.  Primitivement,  il  est 

*  App.,  195. 


PARIS.   —  JACQUERIE.  239 

Itri-méme  tin  vsûsseau,  une  île  qtri  nage  entre  là  Seine  et 
Ift  Marne,  déjà  réunies,  mais  non  confondues^. 

An  sud  la  ville  savante,  aa  nord  ta  ville  coîftmérçante  *. 
Au  centre  de  la  6ité,  la  cathédrale,  le  palais,  l'autorité. 

Cette  belle  harmonie  d'une  cité  flottant  entre  deux  villes 
dWnrses,  qui  l'enserrent  girabieusemefit,  ^ufAratt  pour  faire 
de  Paris  la  ville  unique,  la  plus  belle  qui  fut  jamais,  lome, 
Londres,  n'ont  rien  de  tel*;  elles  sont  jetées  sur  un  seul 
côté  de  tientr  lleme^.  La  forme  de  Paris  est  non-seulement 
belle,  mais  vtafment  organique.  L*individaalitè  primitive 
est  dans  la  Cîlé,  à  quoi  sont  venues  se  rattacher  les  deux 
ttuïversalités  tl«  la  science  et  du  commerce,  le  tout  consti- 
tuant la  vraie  capitale  de  la  sociabilité  humaine. 

L'autorité,  la  Cité,  c'était  111e.  Mais  sur  les  deux  rives, 
deux  asiles  s'ouvraient  à  l'indépendance.  L'Université  avait 
sa  jurïdiotion  ]^aur  leâ  écotien»,  le  Temple  là  sienne  pour 
les  arttsans  ♦. 

Lorsque  Guillaume  de  tlhatnpeaux,  battu  par  Âbaîlard 
«U5t  écoles  dé  N<Atig4)ame,  alla  se  réfugier  à  Tabbaye  de 
Saint- Victor,  l'invincible  aTgumentateur  l'y  poursuivit  et 
Mmpa  à  Sainte-Geneviève.  Cette  guerre,  cette  secessîo  sur 
tm  autre  Aventin,  Alt  la  fondation  des  écoles  de  la  mon- 
tagne. Abaflard,  dont  la  parole  suffisait  pour  <^réer  une 
tille  au  désert,  fat  ainsi  Yxm  des  fondateur^  de  notre  Paris 
tttéfidional.  La  ville  élastique  naquit  de  la  dispute. 

Au  couchant,  elle  ne  pouvait  s*étendre.  Elle  heurtait 
l'immuable  muraille  de  Saint-Germain  des-Pfés.  La  vieille 
ftbbaye  qui  avait  vu  la  TiUe  tente  petite,  (p  l'avait  d'abord 


*  A  rtl^  Lcuatiers,  on  distingue  soarent  les  deux  rivières  à  la  toulenr 
é9  letifs  <e*ttit. 

*  De  ce  tMf  éèt  té  tempe  de  Charles  le  CÉeave^  dms  tmTon  la 
foire  du  Landît,  entre  Saint-Denis  et  La  Chapelle* 

*  Elles  n'ont  de  Tantre  côté  qn'nn  faubourg. 

«  Cinq  siéMes  après  (a  ehnte  ées  tcmp'iers,  l'enelos  da  Temple,  bien 
rédoit,  il  est  vrai,  proti'geaii  encore  les  petits  commerçants  contre  les 
règlements  des  corporations. 


^ 


9iO  SEIT£.   tTATS  CtNÎRADS. 

aidée  î  grandir,  en  était  entourée,  assiégée.  Hais  elle  ré- 
sistait. Cette  ville,  née  de  la  Seine,  s'étendait  du  moins 
sur  l'autre  rive.  Elle  y  mit  ses  halles,  ses  boucheries,  son 
cimetière  des  Innocents.  Mais  une  fois  bornée  de  ce  câté 
entre  le  Louvre  <  et  le  Temple,  elle  enfla,  ne  pouvant 
allonger,  et  prit  ce  ventre  qui  va  du  ChàteLet  à  la  porte 
Saint-Denis*. 

Les  juridictions  ecclésiastiques,  Notre-Dame,  Saint-Ger- 
main, trouvèrent  de  rudes  adversaires  dans  nos  rois.  On 
sait  que  la  reine  Blanche  força  elle-même  les  prisons  des 
chanoines  pour  en  tirer  leurs  débiteurs.  Le  premier  prévôt 
royal  (1032),  un  Etienne,  avait  aussi  voulu  forcer  Saint- 
Germain,  mais  pour  y  prendre,  dans  un  besoin  du  roi,  la 
riche  croix  de  Childebert.  Ces  prévdts  n'étaient  guère,  ce 
semble,  dévots  qu'au  roi.  Un  autre  Etienne  (Etienne  B(h- 
leau)  obtint  le  consentement  de  Raint  Louis  pour  pendre  un 
voleur  le  vendredi  saint.  Le  prévôt  de  Charles  V  fut  persé- 
cuté par  le  clergé,  comme  ahii  des  Juifs. 

L'Université  était  souvent  en  guerre  avec  Notre-Dame  et 
Saint-Germain-des-Prés.  Le  roi  la  soutenait,  H  donnait 
presque  toujours  raison  aux  écoliers  contre  les  bourgeois, 
contre  son  prévôt  même.  Le  prévôt  faisait  ordinairement 
amende  honorable  pour  avoir  ^it  justice.  Le  roi  avait 
besoin  de  l'Université  :  il  s'appuyait  volontiers  sur  cette 
grande  force,  sans  se  douter  qu'elle  pouvait  tourner  contre 
lui.  Philippe  le  Bel  appela  au  Temple  les  maîtres  de  l'Uni- 
versité pour  leur  faire  lire  l'accusation  contre  les  Templiers. 
Philippe  le  Long,  pour  appuyer  sa  royauté  contestée,  les 
fit  assister  au  serment  qu'ilexigeaitde  la  noblesse,  et  obtint 
leur  approbation.  La  fille  des  rois  semble  ici  se  porter  pour 
juge  des  rois.  Philippe  de  Valois  la  fait  juge  du  pape.  Le 
pape,  qui    si  longtemps   a    soutenu  l'Université  contre 

'  •  Lupartni  prope  Ptriïios.  t  Pbilippa-AoguaM  en  «cheva  la  cob^ 

triiclion  *LTs  lîOl. 
»  App.,  !«, 


PifilS.  —  JACQUERIE.  841 

révéque  de  Paris,  est  menacé  par  elle  de  condanmatioa  K 
Tout  à  Theure,  Forgueil  de  l'Université  sera  porté  au 
comble  par  le  schisme  ;  nous  la  verr<His  choisir  ^tre  les 
papes,  gouverner  Paris,  régenter  le  roi. 

L'Université  seule  était  un  peuple.  Lorsque  le  recteur,  à 
la  tète  des  facultés,  des  nations^  conduisait  l'Université  à  la 
foire  du  Landit,  entre  Saint -Denis  et  la  Chapelle,  lorsqu'il 
allait  avec  les  quatre  parchemins  de  l'Université  juger  des* 
potiquement  les  parchemins  de  la  banlieue,  les  bourgeois 
remarquaient  avec  orgueil  que  le  recteur  était  arrivé  à  la 
plaine  Saint-Denis  lorsque  la  queue  de  la  processi<«  était 
anx  Mathurins-Saint-Jacques. 

Mais  le  Paris  du  Nord  était  encore  plus  peuplé.  On  peut 
en  juger  par  deux  grandes  revues  qui  se  firent  au  xiv*  siècle. 
L'Université,  composée  de  prêtres,  d'écoliers,  d'étrangers, 
n*y  figurait  pas.  Dans  la  première  revue  (4343),  ordonnée 
par  Philippe  le  Bel  pour  faire  honneur  à  son  gendre,  le  roi 
d'Angleterre,  on  estima  qu'il  y  avait  vingt  mille  chevaux 
et  trente  mille  fantassins.  Les  Anglais  étaient  stupéfaits.  En 
4383,  les  Parisiens,  pour  recevoir  Charles  VI,  qui  reve- 
nait de  Flandre,  sortirent  du  côté  de  Montmartre  et  se 
rangèrent  en  bataille.  Il  y  avait  plusieurs  corps  d'armée, 
un  d'arbalétriers,  un  de  paveschiens  (portant  des  bou- 
cliers), un  autre  armé  de  nîaiUets,  qui  à  lui  seul  comptait 
vingt  mille  hommes. 

Cette  population  n'était  pas  seulement  très-nombreuse, 
mais  très*intelligent6«  et  bien  asKdeasus  de  la  France 
^  d'alors.  Sans  parier  du  coi^aet  de  cette  grande  Université. 
le  commerce,  la  banque,  les  lombards,  devaient  y  importer 
des  idées.  Le  Pariement,  oii  se  portaient  les  appels  de 
toutes  les  justices  de  France,  attirait  à  Paris  un  monde  de 
plaideurs.  La  chambre  des  Comptes,  ce  grand  tribunal  de 
finances,  Y  empire  dg  Galilée,  comme  on  l'appelait,  ne  pou- 

*  Ravn.,  Annal.  Eccles.,  ann.  1331. 

lu.  15 


til  SUm.  ÉTATS -6£NjnUÙX. 

viftft  iiwwftfêr'é^i^rttr  b^Mcoup  de  gens,  à  cette -^leqoe 
fiscale.  'Les  boofgeois  remplistoieBt-  les  plus  grandes 
ebafges.  Baiiïêt,  ^maître  de  la  monnaie  -sous  Philippe  le 
Bel,  Poilvilain,  trésorier  du  roi  Jean,  étaient  des  boui^eois 
de'Pafift.  Le 'toi- faisait  «montre  de  sa  confianee  pour  la 
bonne  Tille.  Ifalgré-laféToltedas  nioimaies'en<4806,  illeâ 
avait  appelés  tni-onénie  è  son  jardin 'roj«t,  kns'de  l^Ssîre 
des  Templiers^. 

Le  chef  naturel  de  ee  grand  -peufdeiéÉait,  tum  le  prérél 
royal,  magistrat  de  police,  presiiiie  toujours  inopopakireii 
mi^  le  pré?M  des  maroluinds  *,  président  naturel  des 
échevins  de  Paris.  Dans  l'abandon  où'le  royaume  se  trour 
vait  après  la  bataille  deFaitiêrs,  Paris  ptrit  i'iuitiiithpe,  et 
dans  Paris  le  prévôt  des.  marchands. 

Led  états  du  nord' de  ]a*Franc6,*a8S8mldé»le>i7^Mtobrer 
un  mois  après  la  bataille,  réunirentvquâtreeeÉlsdépuCis 
tles  bonnes  villes,  età  leur  tète 'Ëtiennejlfcreel,«prévtAt  des 
marchands.  Les  seigneftis,'la  plupart ^ptiseoiniefSf  n*y  tin- 
rent g«^  Xjae  par  proooreoriB.  fl  -en  dîît  <d6  «mtee  dis 
évéqués.  Toute  rinfluenoe^M  aoK 'députés* dés  "rilles^at 
surtout  à  eeux  de  Paris.  Sans  ItevdonBanGe  ^ie  -4357,  ré- 
sultat mémorable  de  ces  états^  an  Isenti  hi' wèrve  véRM^itioo- 
~naire  '9t  en  'même  ^temps  le  génie  -  adaamistaÉîf  4e  'k 
gnmdeHcommune.  OnnepeotiexpMqiiepqu'ahsiia netteté, 
l'unité  des  vues  qui  caractérisent  cet  a0le.fLaiBiiyuiem'éèt 
riéu  feitssais  Paris. 

^s  états,  assmifeiéa ^dtabOrd *att tBatlontant, ^ptûsMa 
•G6r^iers,D0tiiffièrent«nisMBlé  de  dnM|uaBÉe.4>eB8otaek 
'poerr  piwtidre  eonnatesgoeetdeJttsitparidiBHtt^fayBun».  Ibr 
voulufont  «'enisofesafoirsplOB  tffwHs^œileigraaditréBbr 
qtt^(m'«ik>ft4evé^«li<r<iy«nttte  du4eff|)sfpa88é,^0lisdiiBènMi, 
en  TOêMélès,tan2sobsiÀs,'«t  ièn  i{bBgësafehaaftn0iea,«efclen 

I  Allusion  à  la  rne  de  Galilée,  près  dû  Uqaelle  siëgetit  la  coor. 
>  Chef  de  la  marchandite  ds  rsati,  dont  le  privilège  exdnaif  rcmoatiit 
41191 


'PARIS.  —  JACOums.  2i>a 

tonte  auffe-  extorsion  ;  dont  leurs- gens^aToiant  été  fonne- 
nés  et  taboulés;  èi'tes96ÙU0yCMinialif«yésvtet  lecoyaune 
mal  gaMé  t^tàètMitx;Wfh\d€^imfmÊm^4e<»rnB,wfiQài 
nul  à  rendre  (sxmïpté  M  » 

'Tout  ee'^'dn  ^m^  l(f<M  qtfHby  <miitiiBii^pi6di0riilé 
monstrueuse, ' 'malterrtifion,  oomiMAon.  Lefi«oi,i  aui.plAs 
fort  dé  la  détresse'  prtlffhttie/lifaie>dMittéiJdiR|«aii^ 
écus  à  un  ^eUrde*Beâriefa^Uiers.'41es><tfSmers(voyaiix,.fiiÉs 
un  n'avait  les  maittS'tfett^s.  *  Les  609Minteafiw.teent  avroir 
au  dauphin  'que/dansIfl'-^éanee'pbMiqttef éb^ui'daoMnde- 
raient  de  pûorsuWre  ses-  dfftetets,  fie  '^liMrav>  le]<roi.ïde 
Navarre,  et' de  permettre  que  treme^s^dépoMadts  étala, 
douze  de  cbaqueoifdre;  Taidii^âNMit  à  gouvemel'tovoyaame. 

Le  dauphin,  qui  n'était  pas  roi,  ne  pouvait  guèfOMMre 
ainsi  le  royaume  entré  les^  tnAkls' d«s  «tils.  JL^aîoatila  la 
séance,  ^us  prétexte'  de  lettres iqti41'iurttit^'Mçoe8.dii* toi 
et  de'  l'eitipëi^ur.' Pins  ilintila'  les'dépiiléaHè.veloiiaBer 
chez  eux  poarprerfdré  fatfa'de»  hwa/UimiiiiqaSl'ikMwiil- 
teraît  au^t^onr  père"*. 

Les  ét&ts  'du^Mtdî,  'MsembMs- tf<fMiDit,  letan  ftèBtàa 
'danger,  se  montt*èrent  pltur  doélteswItoMMèMiitalaVatgaiit 
et  des  troupes/ Site  éterts'iïro^ciMx/  oMvoAVbuirargoe, 
par  e<^mt)le,*acc6Mftfftftt  acnsif  tntttê  tonjdanieiiisatfAttf- 
Tànt'rddfttfniMrMiflvrVde  W(^9srmimAB»ÊKA)iL0i&m}lpltin 
'éuit  pendant  cevtemps  ht^Wn»^^wfi99nmtf  soiir.iMMie,. 
'  rempereur  Chï^nes*-'?!  ;»  «rtlle()da«(rtitai)  4vi«e':eoBpeisêar, 
qut  ne  pt^uvisiéhli  iriën»  raniipOtt^^Mr&eOauaoaxeMi/da 
reine  mère'Vj^ity'WMitr  à<4M)woilMiik»tson)tp6titr  daot^de 
'Bourgogne',  qtfëlte  a««M<Mi<P«impi»iafe0Kt,.Wiac4at)^ 
'  Margu^rlte'dé  Rttidtie'/ Gé  IWj^'tèÙMai^miÊ^  Kayantige 

'  Fruissart. 

*  Kd  fes  reny6yOTt  âS'tfet  ^IW K'ymHatta/  if'dlMQ^Mfraat^tfMirviir 
les  dissentifrito'HU11Mi^isT)Vi!t4«ritHtot  0^ét«m*^MIré* «M'iiUéféU'  »i  di- 
rtn,  sur  ia  jatoa^ie  des  noblci '  t'oatll ien  ilfe^'<Ée>^i<lca  «Mffi%4^nis». 
dont  l'iofluence  avait  décidé  la  dernière  réYOlnlion. 


f 


244  SUITE.  ÉTATS  GÉiâiunx. 

lointain  de  rattacher  la  Flandre  à  la  France.  Que  devenait 
Paris,  ainsi  abandonné,  sans  roi,  ni  reine,  ni  dauphin  ?  U 
voyait  arriver  par  toutes  ses  portes  les  paysans  avec  leurs 
familles  et  leurs,  petits  bagages;  puis,  par  longues  files 
lugubres,  les  moines,  les  religieuses  des  environs.  Tous  ces 
fugitife  racontaient  des  choses  effroyables  de  ce  qui  se  pas- 
sait dans  les  campagnes.  Les  seigneurs,  les  prisonniers  de 
Poitiers,  relâchés  sur  parole,  revenaient  sur  leurs  terres 
pour  ramasser  vitement  leurs  rançons,  et  ruinaient  le 
paysan.  Par-dessus,  arrivaient  les  soldats  licenciés,  pillant, 
violant,  tuant.  Us  torturaient  celui  qui  n'avait  plus  rien 
pour  le  forcer  à  donner  encore  i.  C'était  dans  toute  la  cam- 
pagne une  terreur,  comme  celle  des  chauffeurs  de  la  Ré- 
volution. 

Les  états  étant  de  nouveau  i^éunis  le  5  février  4357, 
Marcel  et  Robert  le  Coq,  évéque  de  Laon,  leur  présentè- 
rent le  cahier  des  doléances,  et  obtinrent  que  chaque  dé- 
puté le  comnauniquerait  à  sa  province.  Cette  communica- 
tion, très-rapide  pour  ce  temps-là  et  surtout  en  cette 
saison,  se  fit  en  un  mois.  Le  3  mars,  le.  dauphin  reçut  les 
doléances.  Elles  lui  furent  présentées  par  Robert  le  Coq, 
ancien  avocat  de  Paris,  qui  avait  été  successivement  con- 
seiller de  Philippe  de  Valois,  président  du  Parlement,  et 
qui,  s'étant  fait  évéque-duc  de  Laon,  avait  acquis  l'indé- 
pendance des  grands  dignitaires  de  l'Ëglise.  Le  Coq,  tout 
à  la  fois  homme  du  roi,  homme  des  communes,  allait  des 
uns  aux  autres,  et  conseillait  les  deux  partis.  On  le  com- 
parait à  la  besagué  du  charpentier  (bis-acuta),  qui  taiUe  da 
deux  bouu  *.  Après  qu'il  eut  parlé,  le  sire  de  Péquigny 
pour  les  nobles,  un  avocat  de  B&ville  pour  les  communes, 

I  •  Une  aoire  oompagoie  roboît  tout  le  pays  entre  Seine  et  Loire,  par- 
•quoi  noi  n'osoit  aller  de  Pari*  à  Vendôme,  à  Orléans,  à  Montargis;  ni  nol 
<i*osoit  y  demeurer,  ainsi  éioteni  tons  les  gens  da  plat  pays  affais  i  Paris 
«B  à  Orléans.  •  Froissart.  —  Àfp,,  197. 

■  Àpp,,  iOS. 


PARIS.   —  JACQUERIB.  945 

Marcel  pour  les  bourgeois  de  Paris,  déclarèrent  qu'ils 
Favouaient  de  tout  ce  qu'il  venait  de  dire. 

Cette  remontrance  des  états  ^  était  tout  à  la  fois  une  ha« 
rangue  et  un  sermon.  On  conseillait  d'abord  au  dauphin 
de  craindre  Dieu,  de  l'honorer  ainsi  que  ses  ministres,  de 
garder  ses  commandements.  Il  devait  éloigner  les  mauvais 
de  lui,  ne  rien  ordonner  par  Us  jeunes^  simples  et  ignorants. 
n  ne  pouvait  douter,  lui  disait-on,  que  les  états  n'expri- 
massent la  pensée  du  royaume,  puisque  les  députés  étaient 
près  de  huit  cents  et  qu'ils  avaient  consulté  leurs  provin- 
ces. Quant  à  ce  qu'on  lui  avait  dit  que  les  députés  son- 
geaient à  faire  tuer  ses  conseillers,  c'était,  ils  le  lui  assu- 
raient, un  mensonge,  une  calomnie. 

Ils  exigeaient  que  dans  l'intervalle  des  assemblées  il 
gouvernât  avec  l'assistance  de  trente-six  élus  des  états, 
douze  de  chaque  ordre.  D'autres  élus  devaient  être  en- 
voyés dans  les  provinces  avec  des  pouvoirs  presque  illimi- 
tés. Ils  pouvaient  punir  sans  forme  de  procès,  emprunter 
et  contraindre,  instituer,  salarier,  châtier  les  agents  royaux, 
assembler  des  états  provinciaux,  etc. 

Les  états  accordaient  de  quoi  payer  trente  mille  hommes 
d'armes.  Mais  ils  faisaient  promettre  au  dauphin  que  l'aide 
ne  seroit  levée  ni  employée  par  ses  gens^  mais  par  bonnes 
genssages^  loyaux  et  solvables^  ordonnés  par  les  trois  étals  K 
Une  nouvelle  monnaie  devait  être  faite,  mais  conforme  à 
finstr  action  et  aux  patrons  qui  sont  entre  les  mains  dU  pré* 
vôt  des  marchands  de  Paris.  Nul  changement  dans  les  mon- 
naies sans  le  consentement  des  états. 

Nulle  trêve,  nulle  convocation  d'arrière-ban  sans  leur 
autorisation. 

Tout  homme  en  France  sera  obligé  de  s'armer. 

Les  nobles  ne  pourront  quitter  le  royaume  sous  aucun 

«  App..  IM. 

*  L'aide  n'est  accordée  que  pour  ud  an.  Les  états,  convoqués  ou  non, 
iTasscmbleront  à  la  Quasimodo. 


SMe  SUITE.   ÉTAl^^G^N^ftillX, 

prétexte.  Us  suapendDoiH)  touta  guene  privée.; .  «  Que  si 
«ucun  fait  le  contriiire,  la  ju&tice  du  .lieu,  ouis'il  est  be- 
soixk,  çu  bontM  ^(im.àu  pays^prei}n9nLleU.gu£t^iers...ei 
las /îontitaigiient  wirs.délai  par.r^tciapede  corp^  et  axploi- 
tom^ntda  leurs  biens^  à  faice  pm%et,à  cesaar.de  guer-r 
r^yer.  »  Voila,  les  ndUea.  soumis  à  J9..sui:vemanc^  des 
comiiiuiies.. 

Le  droit  de  prise  cease«  .Qn^pottigra  résister  em.  procu-r« 
renrs,  et  s'assembler  carUrs  ^luc^r  firi,t(^  car  son  de  clocke. . 

Plus  de  dou  suc  le.doomn^t  Iiiu(>doa.testpv révoqué,  en. 
remontant  jusqu'à  Ptiilippe  Joi^^i  -^Le^dauphiii  promet . 
de  faire  cesser,  autour 'de  lui  toute  ^épaoaa  superflue  et 
voluptuaire.  — Il  fera  jurer:à  tQua^se&.of&oiersde.  ne. lui., 
riendemander  qu!ea  préseooQ  duigiiaadxxmseil^ 

Qiacuase  contentera  d!ua  office.  —  Le.  nombre  des. 
gens  de  juatipe^sera  réduit,  —  Les  prévôtés,  vicomtes^  ne . 
seront  plus  données  à  ferme.  —  Les  prévôts,  ete-t  W  ppui^- 
ront  être  placés  dans  les  p(^  oii  ils  sont  nés. 

Plus  de  jugement  panicommission.  -«^Les  criminels  ne 
pourront  composer,  «  mais  il  sera  fait  pleine  justice.  » 

Quoique  Tun.des  principaux  rédacteurs  de  Tordon* 
nanoei,  Lfi  Coq,:  soit  .ung^voi^tv  un;présidenti  du  Parlement, 
les  magistrats  y  sont  traités  sévèrement,  QnJeur  défend- 
de  faire  le  commerce  ;  on. leur  interdit  lescoalitions,  les 
empiétomeatSiSur  l^ons  jucidictipus  ^  re^p^tives..  On  leur. 
reproche  leur  pan^sse^  On. réduit  lems  ^aWâS  en  certains. 
CBS.  Les  réformes  sont  justes >  maisvi^  lang^g^  e^t  rude,  le. 
ton  aigre  et  hostile.  Il  est  évident  que  leParlement.se  re* 
fusait  à.soulenir  les  iétats  et  la  commune. 

Les  présidents,  ou  autres  membres  du  Parlement,  com- 
mis aux  enquétasir  ne.  prendront  qitfii  qi^arante  sols  par 
jour;  «  Plusieurs  onliaocQUStumé  de  prendr^^  .salaire  tr0p 
excessif,  et  d'aller  à  quatre  ou  cinq  chevaux ,  quoique  s'ils 
Alloient  à  leui^  dépens,  il  leur  suffiroit  bien  d'aHer  à  deux 
chevaux  ou  à  trois.  » 


sont  accusés  de  négligence.  Des  arrit^^qi^^d^mùiffU^amr^ 
éUr$ndus^Uyai>ingpanèj.sorH\efmnàreHdrûkM^  gqh- 
soiUfir»  Tîdime&t  tard^Iomi^  dtneva  aoufrloogPt  lam^  agrès?. 

«  jureront  awK  smatfr  évangiles  de  Oieu^^  qi}a^bie9»etlûi]2jal^ 
nent  ils  délitr^imt.  laibono^gouli  et.;  par  or4re>  Jioftf  eu^Or 
/air»  muêevt  »-lM9,gr8iid>QpAoU%.le^PaAleoMdH>  .1»  obafnbre 
di»  Comptaf , .  (toiveat'.  a'asaa^)bleJ^  a«f  soleUi  ImkfMt.  ^ 
HKmhre&dvjgnuHl  00QS«iLqmiM  wwdrjWhpa^i^irflHk* 
âiit  pardroiH»  l^  gag0^  deUu  jmivi.é^  ^  (^Oàombiw». 
nalgré  Iwi^  bmto^  po$itim»  sM4i.c^QimA)QP  iKHK.UwMai 
Moa  façon*  par  lea.bouiigeois  l^ia)atott«&< . 

CeUagiraiide  anioaimaca  da;,  laoT^.qiie  le  d(|uplw«fat^ 
obligé  de  signer,  était  bien  pliis  qu'uAi»^  ^aforiO^Qf .  EUa* 
changeait  d'un  ciHip<  le^  gou^^ernaioeiit..  I^e  a»attaifc..  Ua^- 
miQi8lrationaQtr0{laa'maîii»d^9iétata>  siiJMUuait  1% i^pur. 
btiqueià  k^  noaaiysbîab  BUa  ddnnrà  te^gpimwQeip^t  an 
pevi^  Cmatitiiar  ub.  nouveau  gouv^rn^is^t- au;XQiUeu, 
4!iine  teUa-guefra,  o'éiaift  une  opératiim  sÂagjiilidnamaQh 
pétttlleusa,  comme^  oaUe-d'una  wrméequi  ramiarsttraÂ^.  asHV 
otdra  de  bataille  m  poésemie  dei  k'eMeoûw  Hi  y^avMt*  ài' 
cmudre^que  lar Fjraaoeiifripéidt dao^ «ûmvinsipaBl- 

Vondannance  détmiaait.  l^alma.  Maia.  1».  rt^uté  of^ 
nyab.gn£uQe  qna  d'abua^» 

Dans  la  réalité,  la  France  existait-elle  conime  penMM» 
polUîqucr^IMNiimtiHDuJttLauppai^rïunfiitûton^ 
£e  qfaloKk  peuti  affimaaiu  Q'^atcqHei  rautoril^hé  appemiar^ 
aait  touli  entière  dans  la<  reyauté.  Ella  n^dQubwtail»  que* 
des  réformes  pantialles.  L'oi^ncMBce  approuva,  daa  étal» 
n'éuit,  selon  louto  vmiaenublance,  que  Tûsuvre  d*uQe»cûain 
Biune,  d'une granddel iaieUigenla  coamiuna^  qui pariakt 


*  Ceci  n'excQse  point  la  royauté,  maïs  rincrimine  êM  eoDtraire  de 
D'avoir  voula  qae  les  perpétuer.  (16ÔQ  )  App.,  200. 


SfiiQE  sunm  Èrxis  «ÉNteftfrx. 


Le  texte  (far  disoomn^  tiré,  arion  riœtge^du  totops,  de^]ft>. 
sainte  Écriture,  prètettam»  dév^Q|ipfinu3QtS{  pfttbétiquaa; 
Justus  Domiimi&.U  dUeaaktjuSÊUittf\  vidA  mfUiUaUtn.  vuUus, 
0ft^LQ  niîda.Ifrmrr^»s'ad»e68ttDti.aflM0  une  îfi8îdieose> 
douceur,  au  dauphin  lui-même,  le  prenait  à  témoiii  des 
injnreft  qufon  luîavail  failm.  (àaa  f»wà biMb  lortde  se  dé- 
fier de  lui  ;  n'était^iL  pa»  BrfUiÇMft  de'ptee  et  de  mère  t 
n'jétait>-il  pas^plus:  prèa^da'  la  €ûfasrûùm'qo0.  le  roi  d'An-, 
gleterre  qui. là  néûlaonit  tv  iL  wadniit  vimrer  ol  mourir  en* 
déièBdanl  le»na]wiime>daifiraaaak,.  Le^dificours  ftiti  si  long,, 
qu'on  ovoilisoM^  dânsuB4ir>it  quand*  Uiçftfn^i.Mdi^^  quoi-, 
que  le  baurgeot»*  n'aime  pasi  à^aa*  dmkmftr  K  'A  nen-  fiil« 
pas  moins  favorable  au  hamogueiir;  Ce:  fut  à  qui  lui  doiH. 
narait  de  rargent. 

Se  Paris,  ilala  à  Rouen  ety  exposai  ses  maiheors.aTOe^ 
la>méme  faoonde  h  Ilfitd6soenidre>dtt  gibet  lûscoorp&det 
se»  amis  qêx  avaient-  été>miaÀ  inoet  an:  ternble  dlnen  dut 
fiotten  ^)  et'leS'Suività'la'Calbédïaèe'au.son  des-otoebesei; 
à  la  lueur  des  cierges.  G^était^le  jour  dasi  Sàints^rlniioGanlSi 
(S8  déoembre)^  il  parla  sur> ce  texte:  «  Des*  Inmoenla  et^ 
des  justes  s'étaient  attachés  àmoi,  parperquejetanais  poa»i 
vous>  ô  Seigneur  I  » 

Ëe>  dauphin  prêchait  aussi'  à  l^rtst  lit  harangtcait  au 
halles,  Mtircel  à  Saint-Jacques^'.  Mais  lëpremier  n'amt 
pas  1&^  foul^.  Le  peuple  n'aitnaiv  pae  \h  mine  «chétive  du 
jeune  prince<  Tbut  sage  et 'seneé^  qu'il ipouvwt  être,  c'était 
u«^froid'harangueur,  à  cdté  dUîroi  de  Ntmirre. 

L'engeuement>de  Pïirîs  pour  cekii^ei' était  étrange'^.  Que 
demandait  ce  prince  si  populaire?  Qu'on  affaiblit  encore  le 
royaume,  qu'on  mit  en  ses  maîna  des  provinces  entières 

i  Chroniques  de  Saint-Denis.  —  *  Comme  «fît  le  cardinal  de  ReCi 

*  •  Miserias  saas  expesmt.. .  a)«faiuer.  •  Cùoi*  6.  d4  Nangis. 
*App„  203.—*  App,,  20i 

*  •  ymnibas  amabilis  et  dileclus^  »  dit  le  second   :ontinii«t«ar-  éê 
Ofiillaumj  de  Naogic 


PAIUS.  —  JACOU£RIE.  SSI* 

les  provîQces  les  plus  vitales  de  U  raomrolttev  toiite.  la 
Champagne  et  une  paviie  de  la  Normandie^  la  frontière' 
anglaise,  le  LiOioiiBia^  une  foule  de  places  et  de  forteresses. 
Mettre  ea  des  nains  si  suspectes  aes  laeilleiires  |iffDvi«S6s« 
c'eût  été  perdm^d'uiK  trait sde  pkune  aataaiqiifoft  avait, 
perdu  par  la  bataiUe  de  Poitiers. 

Les  booigeoJsde  Paris  s'imaginaient  qneisî'da  rai  de  Nft? 
varre  étAit«atia{aUy  il  allait  les  déliivrar  deflËhanéeade'tbri-*- 
gands qui affiuAaieat,  la  vilte  et  quâsadiaaieBtiNaaanraîs. 
Au  fond,  ib  A'^aientnt  au  roi  de  NaTsrre^  nié  persana*. 
11  eût  voulu  rappeler  taus  ces  pillards  qu'il  ne  Taurait  pu^ 

Cependant  les  bourgeois,  le  prévôt^  VUmversité;  enton*' 
raient,  assiégeaieoÉ  Ist dauphin.  Ils  le  somoasiMt  de  ftiffec 
justice  à  ce  pauvreroi  de  Navarre.  Un  jaoobi&v  pariant  an 
nom  de  rUniversité,  loi  déclara:qa'îlélsîl'arréléqDfrle  roi 
de  Navarre  ayaui  une  fois  fait  toutes  ses  dapiaBriksi.ledaa*-^ 
phin  lui  rendrait  ses  forteresses;  que  sur  le  reste,  la'viHe 
et  l'Université  avisetaient.  Un  mouie  de  SàitttfMniB  .vint 
après  le  Jacohia  :  «  Voua  n'aies  pas  tout  dit;,  maître,  sfé- 
€rla-t-iL  Dites  enooire  que  si  monseignear  le  duc  on  le  rot 
de  JMavafrene  se  tient  à  ce  qui  eat  décidé,  ttMB.nauadéda- 
roos  contre  luL  » 

Il  n'y  avait  pas:  à  dire  non.  Le  daupimi  promettait  gra- 
cieusement. Puis  ilfaisaijt  répondre  par  les  coaamandanis 
et -capitaines  qu'ayant  reçu  leurs  places  du*  roi  ils  m  pou- 
vaientdes  rendre  sur  un  ordre  du  dauphin. 

Geluwci,.  au  milieu  d'une,  ville  ennemie,  n*€nunt  d^autre* 
moyen  de  se  procurer  quelque  argent  que  par  da^nouvelles 
altérations  des  monnaieB  (^,  23  janvier,  7  7  février).  Les 
états,  réunis  le  4  4^  février,  lai  firent  prendra  le  titre  de  r^ 
gent  du  royaume,  sans  doute  afin  d'autoriser iontoe- qu'ils 
ordomi^aient  en  son  nom.  Peut«^tre  aussi  la  commission 
des  treDte«<]uatre,  choisie  sous  rinfiuence>dé-Mareel,  maiti^ 
comjiosée  en  majorité  de  nobles  et  d'ecclésiastiques,  voulait- 
elle  rendre  force  au  dauphin  contre  les  bourgeois  de 


SS2  SUITE.. ÉTATS  GÉNÉRAUX. 

Un  événement  tragique  avait  porté  au  comble  le  mauvais 
vouloir  de  ceux-ci.  Un  clerc,  apprenti  d'un  changeur, 
nommé  Perrin  Marc,  ayant  vendu,  pour  le  exempte  de  son 
maître,  deux  chevaux  au  dauphin  et  n'étant  pas  payé,  ar- 
rêta dans  la  rue  Neuve-Saint-Merry  Jean  BaÛlet,  trésorier 
des  finances.  Le  trésorier  refusait  de  payer,  sans  doute  sous 
prétexte  du  droit  de  prise.  Une  dispute  s'éleva.  Perrin  tua 
Baillet,  et  se  jeta  à  quartier  dans  Saint -Jacques-la>Bou' 
chérie.  Les  gens  du  dauphin,  Robert  de  Glermont,  maré- 
chal de  Normandie,  Jean  de  Châlons  et  Guillaume  Staise, 
prévôt  de  Paris,  s'y  rendirent,  forcèrent  l'asile,  traînèrent 
Perrip  au  Chàtelet,  lui  coupèrent  les  poings  et  le  firent 
pendre.  L'évéque  se  plaignit  bien  haut  de  cette  violation 
des  immunités  ecclésiastiques,  il  obtint  le  corps  de  Perrin 
et  l'enterra  honnêtement  à  Saint-M erry.  Marcel  assista  au 
service  tandis  que  le  dauphin  suivait  l'enterrement  de 
Baillet. 

Une  collision  était  imminente.  Marcel,  pour  encourager 
les  bourgeois  par  la  vue  de  leur  nombre,  leur  fit  porter  des 
chaperons  bleus  et  rouges,  aux  couleurs  de  la  ville  ^.  Il 
écrivit  aux  bonnes  villes  pour  les  prier  de  prendre  ces 
chaperons.  Amiens  et  Laon  n'y  manquèrent  pas.  Peu 
d'autres  villes  consentirent  à  en  faire  autant. 

Cependant  la  désolation  des  campagnes  amenait,  entas- 
sait dans  Paris  tout  un  peuple  de  paysans.  Les  vivres  deve- 
naient rares  et  chers.  Les  bourgeois  qui  avaient  beaucoup 
de  petits  biens  dans  l'île  de  France,  et  qui  en  tiraient  miQe 
.douceurs,  œufs,  beurre,  fromages,  volailles,  ne  recevaient 
plus  rien*  Ils  trouvaient  cela  bien  dur*.  Le  22  février,  le 
dauphin  rendit  une  nouvelle  ordonnance  pour  altérer  en- 
core les  monnaies.  * 

Le  lendemain ,  le  prévêt  des  marchands  assembla  en 
armes  à  Saint-Ëloi  tous  les  corps  de  métiers.  À  neuf  heu- 


PARIS.  —  JACQinmii.  253 

Tes,  celte  foule  année  reconnut  dans  la  rue  un  des  conseil* 
1ers  du  dauphin,  avocat  au  Parlement,  maître  Régoault 
Dacyi,  qui  revenait  du  Palais  chez  lui,  près  Saint-*Landry. 
^  Ils  se  mirant  à  courir  sur  lui  ;  il  se  jeta  dans  la  maison 
d'un  pâtissier,  et  y  fut  frappé  à  mort;  il  n'eut  pas  le  temps 
de  pousser  un  cri.  Cependant  le  prévôt,  suivi  d'une  foule 
de  bonnets  rouges  et  bleus,  entra  dans  ThAtel  du  dauphin, 
monta  jusqu'à  sa  chambre,  et  lui  dit  aigrement  qu'il  de- 
Trait  mettre  ordre  aux  affiiires  du  royaume;  que  ce 
royaume  devant  après  tout  lui  revenir,  c'était  à  lui  à  le 
garder  des  compagnies  qui  gâtaient  tout  le  pays.  Le  dau* 
phin,  qui  était  entre  ses  conseillers  ordinaires  les  maré- 
chaux de  Champagne  et  de  Normandie,  répondit  avec 
plus  de  hardiesse  que  de  coutume  :  «  Je  le  ferais  volon- 
tiers, si  j*avais  de  quoi  le  faire  ;  mais  c'est  à  celui  qui  a  les 
droits  et  profits  à  avoir  aussi  la  garde  du  royaume^.  »  D  y 
eut  encore  quelques  paroles  aigres,  et  le  prévôt  éclata  : 
«  Monseigneur,  dit^il  au  dauphin,  ne  vous  étonnez  de  rien 
de  ce  que  vous  allez  voir;  il  faut  qu'il  en  soit  ainsi.  »  Puis, 
se  tournant  vers  les  hommes  aux  capuces  rouges,  il  Jeur 
dit  :  c  Faites- vite  ce  pourquoi  vous  êtes  venu*.  >  A  l'ins- 
tant, ils  se  jetèrent  sur  le  maréchal  de  Champagne  et  le 
tuèrent  près  du  lit  du  dauphin.  Le  maréchal  de  Normandie 
s'était  retiré  dans  un  cabinet;  il  l'y  poursuivirent  et  le 
tuèrent  aussi.  Le  dauphin  se  croyait  perdu  ;  le  sang  avait 
rejailli  jusque  sur  sa-  robe.  Tous  ses  officiers  avaient  fui. 
«  SauvezHBoi  la  vie,  »  dit-il  au  prévét.  Marcel  lui  dit  de 
ne  rien  craindre.  Il  changea  de  chaperon  avec  lui,  le  cou- 
vrant ainsi  des  couleurs  de  la  ville.  Toute  la  journée,  Mar- 
cel porta  hardiment  le  chaperon  du  dauphin.  Le  peuple 
Tattradait  à  la  Grève.  Il  le  harangua  d'une. fenêtre,  dit 
que  ceux  qui  avaient  été  tués  étaient  des  traîtres,  et  de- 
manda au  peuple  s'il  le  soutiendrait.  Plusieurs  crièrent 

«  Froistart.  —  '  •  Eia  bre?iter  facita  hoc  piopler  qood  hie  venisUs.  • 
GoDt.  G.  de  Nangis. 


SS4  SOŒ,  ÈSktS-GtHÈBMJX. 


q&'ûs  r«niwieat  de  tout,  tttsedévoiiaîeat'à  kû  àla  vie  et 
è  la  mort. 

MaroehretDBtaa  au.  palais  «viac  une  Ibttle  de  gens  armés 
qu'il  laiita<dMÉB  la  oour.  H  trouva  le  daa|ilttikpl^n  de  sai- 
aiBsem&ttl<^ti4e  doialear.  »  « 'Ne  tous  affligez  pas,  monsei- 
gDtur/tai^éitdeiprévét'  Ge»4|mi  s'est  isîtf  s'est  fait  pour 
éVtter  le .plUs^grandi péril, :eiida ia  tioionltf  éupêupU^.  »  Et 
S  le  pritfit  deiout  approuver. 

Il  fallait  que  le  dâupkia<  epprouvàt^  ne  peuvaiit  mieux. 
Il  lui  faUut  encore  faire bonne^mine  au.roi  de  Navarre,  qui 
rentra  quatre  Jours  après.  Hareel  et  Le  Coq  les -avaient 
réconciliés,  bon  gré  asal  gré,  >  et  les  fiûsaieoat .  dinar  en- 
semble tous  les  jours. 

Ge  retour  du  roi  de  Navorrev  quatre  jours  après  4e  meur- 
tre dssoonseillerS'du.daaphin.  de  donnait  que  tropdai- 
.  rainent'le  sens  de  cette4;ra^fédîe:  lipouvait  rentrer;  Marcel 
lui  avait  fait  pince  111»^  par  4a  «mort  de  ses  ennemis.  Il  lui 
avait  donné  «n  terrible  gaf^iqoi'le  liait  à  loi  pour  jamais. 
itétaitémientMiue  tout  élaitifini^entreillafoel  et  le  dan- 
iphin.  Ge:oinne««avatt«  été  (probablement  imposé  au  tpiévôt 
par  Chartae^ie  ]kfaiURraiB,.-quinii'était  pas  neuf^aux  assas- 
sinata^^iiteeeUs^étaM  donné  aîosi,ile  noi  de  Nav»re  avait 
'«lésomutis  ^^ôir^ceiqin^il  eorfefait,'  ieta'ilavaii  pkis  d'avan- 
tage A^  yakier  mvk  le  'vendre. 

llfatwlîdr09ihî«v0ii^\g8Bné46rmidelNa«anPOy^o^  perdit 
les  étatsjXl'eit^^te  qM>la  légslité,'.violéeuparain  crime, 
le'déittiswpcmr'iotfjoars.'  Ce-qui  refait ^dea^députés  de 4a 
uOEbta^seMquIlita  Paris,  •JsnnsuiMeadflS)  la  cMtvre.  riBtosiettrs 
méme!é0Sf'«ooinMissairesideS'élÉts,inlNU9éSiéu?9o^ 
ment  dtfosilîimoKalle  due  DWiiÉfns,»aieivoulnf eitt  ffaa^goo- 
vemer,  'AitabÉsièiQatcMBBtel.  IiuL,raÉoa  ser  déooumger,'ii 
*  les 'remplaçai  par  4liS''iMUisg8DîstiddJteà»9.i1b^  elHr- 
le  goum»flert»'Bi«nne*4inkla"irranceaœ  naubttpas^. 


•  App  ,  807.  —  »  App,,  SOd  —  *  App.  109. 


^f;»44e8nHe/qu  8l«it si  vnoRNDtirâ  paie  ett-délivrant 
te  foi  de  Nanvre,  fol  ht  prëmîèfe  à  refuser  d'^mnoyerde 
Fai^geM  à  Fam.  «Les  •éuts-de  Charapagne  s'asaomblèreiit, 
«I  Ihnrcel  ne  'fol  *]»  aasesifort  poor  enipèchar  le  dauphin 
d'y  aller.  Dès  lors,»il  defint4)értr  tôt  ouiard.  Le  pouvoir 
royal  n'aimlt  tMaoîn  qse  d^oM  prisa,  poor  ressaisir  tout. 
Le  dauphin  <aUa  à4iesatatft,'8cooBipagDé  das.geiis  de  Mar- 
cel ;  et  d'ahonIil'<i^Ma*rfs&  dise  contre  ce*qui  s'était  paftié 
à  fnh.  IWs  lesudfatesde  Champagne  ne  manquaient  |>as 
de  parler.  Le  osoite^de  Bratne^lui  deiaaanda  n  les  mare* 
cbattK  de  Qfaanlpagne  et  de  NornHmdie  avaieitt  mérité  la 
mort.  Le  dauphin  nr^ndit  qu'ils  ravaient^toujours  et  bien 
JoyakniflDlsservi.  Méîne  scène àCompiègne,  aux  étals  de 
Vennandais^.  Le  dauphin,  tout  àiaii  rassaré,  «prit  attr  lui 
de  tranttrer  à4knftpiègne>fesélats  de  la  Langue  d'oU,  qui 
'élaieiit'eoinrlHpiéa  pour  rie '1^^ ■  mai  'à 'Paris.  JPeude  meade 
7'viitt.  C'éCëb  leulêfoislme  Tefuréseatatkm  iteUe'  qissttedu 
«oyauaie  contie  l^aria. 

Le&étatsqnèndifeni^liomniagetaiiKTOfannaS'd^  la^fpMnde 
«domanae/en'lds 'adoptskit^pdur  laiphipa«t.:L'aide  qu'ils 
'^otèfcnt  deidt  >éM  peiçiie  par  des  chspulâs  des  états. 
Cette  'Bflbetatioii  deipajMaFikèeSniyatMaroel.^Il  engagea 
-Mlaiçanltélàiimpkfrer^poa^  la  ^viilela  démemce  du  dan- 
fln.  tfdlB  îliiy»vak/f>lu»dlepaiK.poe8iUe.  Le  prince  in- 
eHlaitr4>oliri|o'barlsi(thMt  dixmt^doiiaetiestpliis'cevpa- 
Mes.  ili  ie  Hdmllitîttlèiiife  à  loiaq  ot  «k^ «aasnmftiqttïl  ' kie 
les  ferait  pas  mourir... 

diaiPuèl  lie  «V'Ba9âs.dlfa(SheittpiiiaBptaitaitt)é9ttiurs 
de^Pais^aana  épargna 'les  lhuiiaons<  de  imoines^npd  teo- 
elMJeDtiKënceiBle^.  11  s-etnpava^<la  4oUrdudiaÎMn«.  SI 

'  '*ietofs»(i<»MaMe%ea»ifa<si,i«iaaéWSiWstt nwtfafctoJtnUuaaniMma 
regarda  comme  des  construetiona  des  Sarraaîos.  Lk,  selon  les  anciennes 
chroniquf t,  aTait  existé  aaireibis-  on  camp  appelé  AUam-FoIium  (rue 
HaulêfemUê,  rue  Piirrê^Samuin).  ^  *  App.,  Sii. 


256  SOTTE.  ÉTATS  GÉNÉBàUX. 

La  noblesse  et  la  commune  allaient  combattre  et  se  me- 
suraient, lorsqu'un  tiers  se  leva  auquel  personne  n'avait 
songé.  Les  souffrances  du  pajsan  avaient  passé  la  mesure; 
tous  avaient  frappé  dessus,  comme  une  béte  tombée  sous 
la  charge;  la  béte  se  releva  enragée,  et  elle  mordit. 

Nous  Tavons  déjà  dit.  Dans  cette  guerre  chevaleresque 
que  se  faisaient  à  armes  courtoises^  les  nobles  de  France 
et  d'Angleterre,  il  n'y  avût  au  fond  qu^un  ennemi,  une 
victime  des  maux  de  la  guerre  ;  c'était  le  paysan.  Avant  la 
guerre,  celui-*ci  s'était  épuisé  pour  fournir  aux  magoî- 
ficences  des  seigneurs,  pour  payei^  ces  belles  armes,  ces 
écussons  émaillés,  ces  riches  bannières  qui  se  firent 
prendre  à  Crécy  et  à  Poitiers.  Après,  qui  paya  la  rançonf 
ce  fut  encore  le  paysan. 

Les  prisonniers,  relftchés  sur  parole,  vinrent  sur  leurs 
terres,  ramasser  vitement  les  sommes  monstrueuses  qu% 
avaient  promises  sans  marchander  sur  le  champ  de  ba« 
taille.  Le  bien  du  paysan  n'était  pas  long  à  inventorier. 
Maigres  bestiaux,  misérables  attelages,  cbarrue,  char- 
rette, et  quelques  ferrailles.  De  mobUier,  il  n'y  en  avait 
point.  Nulle  réserve,  sauf  un  peu  de  grain  pour  semer. 
Cela  pris  et  vendu,  que  restait-il  sur  quoi  le  seigneur  eût 
recours?  le  corps,  la  peau  du  pauvre  diable.  On  tâchait 
encore  d'en  tirer  quelque  chose.  Appavenunént,  le  rustro 
avait  quelque  cachette  où  il  enfouissait.  Pour  le  lui  faire 
dire,  on  le  travaillait  ^dément.  On  lui  chaufiait  les  pieds. 
On  n'y  plaignait  ni  le  fer  ni  le  feu. 

H  n'y  a  plus  guère  de  châteaux  ;  les  édits  de  Richelieu,  la 
révolution,  y  ont  pourvu.  Toutefois  maintenant  encore, 
lorsque  nous  cheminons  sous  les  murs  de  Taillebourg  ou 
de  Tancarville,  loi*squ'au  fond  des  Ardennes,  dans  la  gorge 
de  Montcomet,  nous  envisageons  sur  nos  têtes  l'oblique  et 
louohe  fenêtre  qui  nous  regarde  passer,  le  coeur  se  seiTej 

«  App,,  211 


PARIS.   —  JACQUERIE.  S57 

nous  ressentons  quelque  chose  des  souffrances  de  ceux  qui, 
tant  de  siècles  durant,  ont  langui  au  pied  de  ces  tours.  Il 
n'est  même  pas  besoin  pour  cela  que  nous  ayons  lu  les 
vieilles  histoires.  Les  âmes  de  nos  pères  vibrent  encore  en 
nous  pour  des  douleurs  oubliées ,  à  peu  près  comme  le 
blessé  souffre  à  la  main  qu'il  n'a  plus. 

Ruiné  par  son  seigneur ,  le  paysan  n'était  pas  quitte.  Ce 
fut  le  caractère  atroce  de  ces  guerres  des  Anglais  ;  pendant 
qu'ils  rançonnaient  le  royaume  en  gros,  ils  le  pillaient  en 
détail.  Il  se  forma  par  tout  le  royaume  des  compagnies, 
dites  d'Anglais  ou  de  Navarrais.  Le  Gallois  Griffith  désolait 
tout  le  pays  entre  Seine  et  Loire,  l'Anglais  Knolies  la  Nor- 
mandie. Le  premier  à  lui  seul  saccaga  Montargis,  Étampes, 
Arpajon,  Montlhéry,  plus  de  quinze  villes  ou  gros  bourgs^. 
Ailleurs,  c'étaient  l'Anglais  Audley,les  Allemands  Albreeht 
et  Frank  Hennekin.  Un  de  ces  chefs ,  Arnaud  de  Cervoles, 
qu'on  appelait l'archiprôtre,  parce  qu'en  effet,  quoique  sécu- 
lier, il  possédait  un  archiprétré,  laissa  les  provinces  déjà 
pillées,  traversa  toute  la  France,  jusqu'en  Provence,  mit  à 
sac  Salon  et  Saint-Maximin  pour  épouvanter  Avignon.  Le 
pape  tremblant  invita  le  brigand,  le  reçut  comme  un  fils  de 
France  ^,  le  fit  dtner  avec  lui,  et  lui  donna  quarante  mille 
écus,  de  plus  l'absolution.  Cervoles,  en  sortant  d'Avignon, 
n'en  pilla  pas  moins  la  ville  d'Aix,  d'où  il  alla  en  Bourgo- 
gne, pour  en  faire  autant. 

Ces  chefs  de  bande  n'étaient  pas,  comme  on  pourrait 
croire ,  des  gens  de  rien ,  de  petits  compagnons ,  mais  des 
nobles,  souvent  des  seigneurs.  Le  frère  du  roi  de  Navarre 
pillait  comme  les  autres  3.  Dans  les  sauf-conduits  qu'ils  ven- 
daient  aux  marchands  qui  approvisionnaient  les  villes,  il 
exceptait  nommément  les  choses  propres  aux  nobles ,  les 

1  Froissait. 

*  Froissart. 

*  Philippe  le  Hardi  duc  de  Bourgogne  rappelai i  son  compère.  Prott- 
sart  l'appelle  Monseigneur. 

ui.  17 


858  SUITE.   ÉTATS  GÉlâRAOX. 

parures  militaires  :  <;  Chapeaux  de  castor,  plaines  d'aulra* 
che  et  fers  de  glaive  ^.  » 

Les  chevaliers  du  xiv«  siècle  «vaient  une  «utie  miasMA 
que  ceux  des  romans,  c'était  d*éeraser  le  faible.  Le  aire 
d'Aubrécicourt  volait  et  tuait  au  hmûTd^pauf  bim  mépiur 
de  sa  dame^  Isabelle  de  JuUers,  ntèce  de  k  feîae  d'Asile- 
terre  :  <  Car  il  était  jeune  et  amoureux  durement.  •  Il  se 
faisait  fort  de  devenir  au  moins  comte  de  Champagne*.  La 
dissolution  de  la  monarchie  donnait  à  ces  piUards  des  es^ 
pérances  folles.  C'était  à  qui  entrerait  par  ruse  ou  par  foroe 
dans  quelque  château  mal  gardé.  Les  capitaines  éea  places 
se  croyaient  libres  de  leurs  serments.  Phis  de  roi  ^  plus  de 
foi.  Ils  vendaient,  échangeaient  leurs  flftces ,  leurs  garni- 
sons. 

Cette  vie  de  trouble  et  d'aventures,  après  tant  d'années 
d'<Aéiss8Boe  sous  les  rois,  faisait  la  jaie  des  nobles.  C'était 
comme  une  échappée  d'écoliers,  qui  ne  ménagent  rien  dans 
leurs  jeux.  Froissart,  leur  historien,  ne  se  lasse  pas  de  conter 
ces  belles  histoires.  U  s'intéresse  à  oes  pillards,  prend  paît 
à  leurs  bonnes  fortunes  :  «  Et  tot^jourâ  i^agtioient  pauvres 
brigands,  etc.  ^.  »  Il  ne  lui  anrive  nulle  paît  de  douter  de 
leur  loyauté.  A  peine  doute-t-il  de  leur  saltit  ^ 


*  •  Et  toujours  gagnoient  pauvres  brigands 4 {iHfterTiHils» 
Ils  épioient  une  bonne  Yille  ou  châteU  mne  jsomée  on  deux  loiQ»«K 
pois  s'asssmbloiedt  st  etotroiest  en  eelle  ville  droit  sur  le  point  du 
jour,  et  bouioiant  i«  tmk  an  une  tniisoir  ou  dent^;  et  «saz  da  la  ville 
cuidoient  fue  ce  fussent  mille  aitnuMS  4e  Êw;.**  lî  a'eafugr^^DU»  «i 
ces  brigands  brisoient  maisons,  coffres  et  ébrins...  Et.  gagnèrent  ainsi 
pNaieiifs  oMteawcM  les  teffftidif^Bht.  fiticro  les  ttttrea,  eut  Htt  brigsnd 
qaii  épia  It  fort  ebilel  de  ilonboorae  ea  )LklMaia,  «iMOftrsaia  la  «s 
compagnons  et  récbellcrent,  et  gagnèrent  Je-seignaar  dedao^  il  le  mi- 
rent en  pfi&on  ea  Éibn  cliàtel  même,  et  le  tinrent  ai  longtemps,  qM  se 
rançonna  atout  vingt-quatre  mille  écus,  et  encore  détint  ledit  brigand  le 
cbâtel.  Et  par  ses  prouesses  le  roi  de  France  le  voulut  avoir  Us  let  tai, 
et  acheta  son  chàlel  vingt  mille  ëcus  et  fut  huissier  d'armes ktatoi >db 
Franee.  fit  éloti  appelé  «e  brigand  Datoa.  » 

«  t  Le  coursier  de  Croquard  trébucha  et  rompll  à  Mm  mritfe  la  «1.  la 


» 


PARIS.  ^  JACQUEBIBi  S&9 

jL'eSroi  éUUtel  à  Paris,  que  Les  bourgeois  avaient  offert  à 
Noire-Dame  une  bougie  qui ,  disait-on ,  avait  la  longueur 
du  tour  de  la  ville  ^  On  n'osait  plus  sonner  dans  les  ég/à$ea, 
si  ce  n*est  à  l'heure  du  couvre-feu,  de  crainte  que  les  ha- 
bitants en  sentinelle  sur  les  murailles  n'entendissent  veniç 
leanemi.  Combien  la  terreur  n'était-elle  pas  plus  grande 
dans  les  canopagnes  !  Les  paysai^  ne  dormaient  plus.  Ceux 
des  bords  de  la  Loire  passaient  les  nuits  dans  les  îles,  ou 
dans  des  bateaux  arrêtés  au  milieu  du  fleuve.  En  Picardie  les 
populalioBS  creusaient  la  terre  et  s*y  réfugiaient.  Le  loag  d^ 
la  Somme»  de  Péronne  à  remboucbu4'e,  on  comptait  en- 
core au  dernier  siècle  trente  de  ces  souterrains  K  C'est  ià 
qu'oA  pouvait  avoir  quelque  impression  de  l'horreujr  de  oes 
temps.  C'étaient  de  longues  allées  voûtées  de  sept  ou  huit 
pieds  de  large»  bordées  de  vingt  ou  treatechauÂres,  avee 
piiita  au  centre»  pour  avoir  à  la  fois  de  l'air  et  de  l'eau.  Au- 
tour du  puits,  de  gramies  chambres  pour  les  bestiaux.  Le 
soin  et  h  solidité  qu'on  remarque  dans  ces  conatructions 
iadique  as^e^  que  c'étaiit  une  des  demeures  ordinaires  de 
la  triste  population  de  ces  temps.  Les  familles  s'y  entas- 
saient à  rapproche  de  l'ennemi.  Les  femmes ,  les  enfaals, 
y  pourrissaient  des  semaines,  des  noois,  pendant  que  les 
kommes  allaient  timidement  au  clocher,  voir  si  les  gens  de 
g«erre  s'éloignaient  de  la  campagne. 

Mais  ils  ne  s'en  allaient  pas  toujours  assez  vite  pour  que  les 
p«ttvres  gens  pussent  semer  ou  récolter.  Us  avaient  beau  se 
i^ugier  sous  la  terrt^  la  faim  les  y  aUeignait.  Dans  la  Brie 
et  le  Beau^aisis  surtout ,  il  M'y  avait  plus  de  ressources  ^. 


D6  MÎf  qae  son  avoir  devint  ni  qui  eut  l'âme,  maU  je  sais  que  Croquard 
fljia  ainsi.  •  Froissart. 
'  ChfooiquM  fit  Ssialrneato. 

•  •  UMt  an  ii  elMr  temps  vint  en  ITsaoee,  qae  oa  «eaéoit  yn  leiuMlel 
de  harangtiwnie  éon^  et  toutes  «lires  choses  à  l'«reDani,  et  moareieni 
les  petites  gens  de  faim,  dont  c'était  graad'piiiéi  et  4«raaeue-4aniié  et 
ce  ctier  t'^mps  plus  de  quatre  ans.  •  Froiesari,  iAfUk»SI4. 


S60  SUITE.   iTATS  GÉNÉRAUX. 

Tout  était  gâté,  détruit.  Il  ne  restait  plus  rien  que  dans  les 
châteaux.  Le  paysan,  enragé  de  faim  et  de  misère ,  força  les 
châteaux,  égorgea  les  nobles. 

Jamais  ceux-<^i  n'auraient  voulu  croire  à  une  telle  audace. 
Ils  avaient  ri  tant  de  fois,  quand  on  essayait  d'armer  ces 
populations  simples  et  dociles,  quand  on  les  traînait  à  la 
guerre  1  On  appelait  par  dérision  le  paysan  Jacques 
Bonhomme,  comme  nous  appelons  Jeanjeans,  nos  cons- 
crits ^.  Qui  aurait  craint  de  maltraiter  des  gens  qui  por- 
taient si  gauchement  les  armes  ?  C'était  un  dicton  entre 
les  nobles  :  «  Oignez  vilain,  il  vous  poindra  ;  poignez  vilain, 
il  vous  oindra  ^.  » 

Les  Jacques  payèrent  à  leurs  seigneurs  un  arriéré  de 
plusieurs  siècles.  Ce  fut  une  vengeance  de  désespérés,  de 
damnés.  Dieu  semblait  avoir  si  complètement  délaissé  ce 
monde  t...  Ils  n'égorgeaient  pas  seulement  leurs  seigneurs, 
mais  tâchaient  d'exterminer  les  familles,  tuant  les  jeunes 
héritiers,  tuant  l'honneur  en  violant  les  dames  '.  Puis,  ces 
sauvages  s'affublaient  de  beaux  habits,  eux  et  lemrs  femmes, 
se  paraient  de  belles  dépouilles  sanglantes. 

Et  toutefois,  ils  n'étaient  pas  tellement  sauvages,  qu'ils 
n'allassent  avec  une  sorte  d'ordre,  par  bannières,  et  sous 
un  capitaine,  un  des  leurs,  un  rusé  paysan  qui  s'appelait 
Guillaume  Callet  ^  :  «  Et  en  ces  assemblées  avoit  gens  de 
/abour  le  plus,  et  si  y  avoit  de  riches  hommes  boui^eois  et 
aultres^.  »  —  «  Quand  on  leur  demandoit,  dît  Froissart, 
pourquoi  ils  faisoyent  ainsi,  ils  répondoient  qu'ils  ne 
sav oient,  mais  qu'ils  faisoyent  ainsi  qu'ils  veoyent  les 
autres  faire  ;  et  pensoyent  qu'ils  dussent  en  telle  manière 

1  App,,  215.  —  Mpp.,  216.  —  »  App.,  217. 

«  OuXaillet,  dans  les  Chroniques  de  Frtnee;  Ktrie,  dans  le  Gontinna- 
tenr  de  Nangis;  Jacques  Bonhomme,  selon  Froissart  et  ranleor  ano- 
nyme de  la  première  Vie  d* Innocent  VI  :  •  Et  l'élorent  le  pire  des 
mauTats,  et  ce  roi  on  appeloit  Jacques  Bonhomme.  •  Froissart.  — 
V.  sur  CaUe,  U.  Perrens,  page  2'i7.  4860. 

*  Chron.  de  Saint-Denis.  App.,  218. 


PARIS.  —  JACQUERIE.  264 

destruire  tous  les  nobles  et  gentilshommes  du  monde.  » 
Aussi  les  grands  et  les  nobles  se  déclarèrent  tous  contre 
eux,  sans  distinction  de  parti.  Charles  le  Mauvais  les  flatta, 
invita  leurs  principaux  chefs  S  et  pendant  les  pourparlers 
il  fit  main  basse  sur  eux.  Il  couronna  le  roi  des  Jacques 
d'un  trépied  de  fer  rouge.  Il  les  surprit  ensuite  près  de 
Montdidier,  et  en  fit  un  grand  carnage.  Les  nobles  se  ras- 
surèrent, prirent  les  armes,  et  se  mirent  à  tuer  et  brûler 
tout  dans  les  campagnes,  à  tort  ou  à  droit  '. 

La  guerre  des  Jacqueâ  avait  fait  une  diversion  utile  à 
celle  de  Paris.  Marcel  avait  .intérêt  à  les  soutenir  3.  Les 
communes  hésitaient.  Senlis  et  Meaux  les  reçurent.  Amiens 
leur  envoya  quelques  hommes,  mais  les  fit  bientôt  revenir. 
Marcel,  qui  avait  profité  du  soulèvement  pour  détruire 
plusieurs  forteresses  autour  de  Paris,  se  hasarda  à  leur 
envoyer  du  monde  pour  les  aider  à  prendre  le  Marché  de 
Meaux.  D'abord  le  prévôt  des  monnaies  leur  conduisit  cinq 
cents  hommes,  auxquels  se  joignirent  trois  cents  autres 
sous  la  conduite  d'un  épicier  de  Paris. 

La  duchesse  d'Orléans,  la  duchesse  de  Normandie,  une 
foule  de  nobles  dames,  de  demoiselles  et  d'enfants, 
s'étaient  jetées  dans  le  Marché  de  Meaux,  environné  de  la 
Marne.  De  là  elles  voyaient  et  entendaient  les  Jacques  qui 
remplissaient  la  ville.  Elles  se  mouraient  de  peur.  D*un 
moment  à  l'autre,  elles  pouvaient  être  forcées,  massacrées. 
Heureusement  il  leur  vint  un  secours  inespéré.  Le  comte 
de  Foix,  et  le  captai  de  Buch  (ce  dernier  au  service  des 
Anglais)  revenaient  de  la  croisade  de  Prusse,  avec  quelques 
cavaliers.  Ils  apprirent  à  Chàlons  le  danger  de  ces  dames, 
et  chevauchèrent  rapidement  vers  Meaux.  Arrivés  dans  le 
Marché  :  «  Ils  firent  ouvrir  tout  arrière,  et  puis  se  mirent 
au-devant  de  ces  vilains,  noirs  et  petits  et  très-mal  armés, 
et  lancèrent  à  eux  de  leurs  lances  et  de  leurs  épées.  Ceux 

•  •  Blanditiis  advocAvit.  »  Cont.G.  deN. 


2G2  St'lTË.   ÉTATS  GÉNÉRAUX; 

qui  étolent  devant  et  qui  sentoient  les  horions  reculèrent 
de  hideur  et  tomboient  les  uns  sur  les  autres.  Alors  issi— 
rent  les  gens  d'armes  hors  des  barrières  et  les  ahattoieat 
à  grands  monoeaux  et  les  tuoient  ainsi  que  bétes  et  les  re- 
boutèrent hors  de  la  ville.  Ils  en  mirent  à  fin  piva  de 
sept  mille  et  boutèrent  le  feu  en  la  désordonnée  ville  de 
Heaux(9juin4358)<.  » 

Les  nobles  firent  partout  main  basse  sur  les  pajmms; 
sans  s'informer  de  la  part  qu'ils  avaient  prise  à  la  iao- 
querie  ;  a  et  ils  firent,  dit  un  contemporain,  tant  de  mal 
au  pays,  qu'il  n'y  avait  pas  besoin  que  les  Anglais  vinssent 
pour  la  destruction  du  royaume.  Ils  n'auraient  jamais  pa 
faire  ce  que  firent  les  nobles  de  France  K  » 

Ils  voulaient  traiter  Sentis  comme  Meaux.  Ils  s'en  fireat 
ouvrir  les  portes»  disant  venir  de  la  part  du  régent,  puis  ils 
se  mirent  à  crier  :  «  Ville  prise  !  ville  gagnée.  »  Mais  ik 
trouvèrent  tous  les  bourgeois  en  armes,  et  même  d'autres 
nobles  qui  défendaient  la  ville.  On  lança  sur  eux,  par  la 
pente  rapide  de  la  grande  rue,  des  charrettes  qui  les  ren^ 
versèrent.  L'eau  bouillante  pleuvait  des  fenêtres.  «  Lps  uns 
s'enfuirent  à  Meaux  Conter  leur  déconfiture  et  se  lait  o  okk 
quer  ;  les  autres  qui  restèrent  sur  la  place^  ne  feront  plus 
de  mal  aux  gens  de  Senlis  K  » 

C'est  un  prodige  qu'au  milieu  de  cette  dévastation  dits 
campagnes,  Paris  ne  soit  pas  mort  de  faim.  Cela  fait  grand 
honneur  à  l'habileté  du  prév^  des  marchands.  Il  ne  pou* 
vait  nourrir  longtemps  cette  graadeet  dévoraate  ville  sans 
avoir  pour  lui  la  campagne  ;  de  là  l'apparente  incomlaiinr 
de  sa  conduite.  Il  s'aUia  aux  Jacques»  puis  au  raî  de 
Navarre^  destructeur  des  Jacques.  La  cavalerie  de  ce  priasa 


*  Praissut.  —  Lira  «a  refMd  des  «xtgërattons  ptssioiitiées  de  Frai** 
sart  h  récit  d«  M.  Perrem,  lait  ici  d*i^près  le  Tn^eor  des  Chartes.  <t8iO  ) 

*  Conitn.  G.  de  Nangis.  App.,  221. 

*  t  Qui  yerô  mortai  remanieront,  geati  SilTaneotenii  amplièe  bod: 
BOcebunt.  >  Idem. 


PARIS.  —  JACQUERIE.  t63 

lui  était  indispensable  pour  garder  quelques  routes  libres, 
tandis  que  le  dauphin  tenait  la  rivière.  Il  fit  donner  i 
Charles  le  Mauvais  le  titre  de  capitaine  de  Paris  (15  juin). 
Mais  le  prince  lui-même  n'était  pas  libre.  Il  fut  abandonné 
de  plusieurs  de  ses  gentilshommes,  qui  ne  voulaient  pas 
servir  la  canaille  contre  les  honnêtes  gens.  Cependant  les 
bourgeois  mêmes  tournaient  contre  lui  ;  ils  lui  ea  voulaient 
d*avoir  détruit  les  Jacques,  et  ils  soupçonnaient  bien  qu0 
leur  ca{Mtaine  ne  finisaR  pas  grand  cas  d'eux. 

Cependant  les  vivres  enchérissaieiit.  Le  dauphin  afOC 
trois  mille  lances  était  à  Charenton,  et  arrêtait  les  arri- 
vages de  la  Seine  et  de  la  Marne.  Les  bourgeois  somaièreAt 
le  roi  de  Navarre  de  les  défendre,  de  sortir,  de  faire  enfin 
cpielque  chose.  Il  sortit,  mais  pour  traiter.  Les  deux  pryi^s 
eurent  une  kmgue  et  secrète  entperae,  et  se  sopaièrent 
bons  amis.  Le  roi  de  Navarre  ayant  encore  osé  rentrer 
dans  Paris,  ses  phis  déterminés  partisans  et  Maneel  lui- 
même  lui  ôtèrent  le  titre  de  capitaine  de  la  ville.  Use  retira 
en  se  plaignant  fort  ;  Navarrais  et  bourgeois  se  querellè- 
rent, et  il  y  eut  quelques  hommes  de  taés. 

La  position  de  Marcel  devenait  mauvaise.  Le  ëauphîn 
tenait  la  haute  Seine,  Charenlon,  Saint^klmir  ;  le  KNi  de 
Navarre,  la  basse,  Saint-Denis.  Il  bitftait  tonte  la  caespa^ne. 
Les  arrivages  étaient  impossibles.  Paris  nUnit  élonfi'er.  ie 
toi  de  Navaire,  qin  le  voyait  bien,  ae  fmsini  inaaebwdar 
par  les  deux  partis.  La  danpbiae  et  bnaneoiv  de  b^tm^ 
gens,  e*e8t^à-dire  des  seigneurs,  4es  éviques,  s'enteem^ 
talent,  aMaieiili  el  venaient.  On  oflMt  an  rai  de  Nawrre 
quatre  cent  mille  florins,  pourvu  fn*iL  Bvrftt  Paris  et 
Marcel  *.  Le  traité  était  déjà  signé,  et  me  messe  dite,  #ù 
les  deux  princes  devaient  eommnnier  de  la  ménne  hostie. 
Le  roi  de  Navarre  déclara  qu'il  ne  pouvait,  n*étant  paa  à 
jeftn*. 

•  Froissart.  —  *  Secop««^ 


2GI  SUIT8.   ÉTATS  GÉNÉRAUX. 

Le  dauphin  lui  promettait  de  l'argent.  Marcel  lui  en 
donnait.  Toutes  les  semaines  il  envoyait  à  Charles  le  Mau- 
vais deux  charges  d'argent  pour  payer  ses  troupes.  Il 
n'avait  d'espoir  qu*en  lui  ;  il  Fallait  voir  à  Saint  Denis  ;  il 
le  conjurait  de  se  rappeler  que  c'étaient  les  gens  de  Paris 
qui  l'avaient  tiré  de  prison,  et  eux  encore  qui  avaient  tué 
ses  ennemis.  Le  roi  de  Navarre  lui  donnait  de  bonnes 
paroles  ;  il  l'engageait  :  «  À  se  bien  pourvoir  d'or  et  d*ar- 
gentt  et  à  l'envoyer  hardiment  à  Saint-Denis  ;  qu'il  leur 
en  rendrait  bon  compte  '.  > 

Ce  roi  des  bandits  ne  pouvait,  ne  voulait  sans  doute  les 
empêcher  de  piller.  Les  bourgeois  voyaient  leur  argent  s'en 
aller  aux  pillards,  et  les  vivres  n'en  venaient  pas  mieux. 
Le  prévôt  était  toujours  sur  la  route  de  Saint-Denis,  tou« 
jours  en  pourparlers.  Cela  leur  donnait  à  penser.  De  tant 
d'argent  que  levait  Marcel,  n'en  gardait-il  pas  bonne  part? 
Déjà  on  avait  épilogue  sur  les  salaires  que  les  commis- 
saires des  états  s'étaient  libéralement  attribués  à  eux- 
mêmes  K 

Les  Navarrais,  Anglais  et  autres  mercenaires,  avaient 
suivi  la  plupart  le  roi  de  Navarre  à  Saint-Denis.  D'autres 
étaient  restés  à  Paris  pour  manger  leur  argent.  Les  bour- 
geois les  voyaient  de  mauvais  œil.  U  y  eut  des  batteries,  et 
l'on  en  tua  plus  de  soixante.  Marcel,  qui  ne  craignait  rien 
tant  que  de  se  brouiller  avec  le  roi  de  Navarre,  sauva  les 
autres  en  les  emprisonnant,  et  le  soir  même  il  les  renvoya 
à  Saint-Denis  ^.  Les  bourgeois  ne  le  lui  pardonnèrent  pas. 

Cependant  les  Navarrais  poussaient  leurs  courses  jus- 
qu'aux portes  ;  on  n'osait  plus  sortir.  Les  Parisiens  se 
fâchèrent  ;  ils  déclarèrent  au  prévôt  qu'ils  voulaient  châ- 
tier ces  brigands.  Il  fallut  leur  complaire,  les  faire  sortir, 
pour  chercher  les  Navarrais.  Ayant  couru  tout  le  jour  vers 
Saint- Goud,  ils  revenaient  fort  las  (c'était  le  22  juillet), 

t  Froissa rt. 

'  OrJoQD.  111.  Voyez  aussi  Villaai.  -—  *  Chroniqaca  de  France. 


PARIS.   —  JACQiERIE.  2C5 

traînant  leurs  épées,  ayant  défait  leurs  bassinets  ',  se  plai- 
gnant fert  de  n'avoir  rien  trouvé,  lorsqu'au  fond  d'un 
chemin  ils  trouvent  quatre  cents  hommes  qui  se  lèvent  et 
tombent  sur  eux.  Us  s'enfuirent  à  toutes  jambes,  mais 
avant  d'atteindre  les  portes,  il  en  périt  sept  cents  ;  d'autres 
encore  furent  tués  le  lendemain,  lorsqu'ils  allaient  cher- 
cher les  morts.  Cette  déconfiture  acheva  de  les  exaspérer 
contre  Marcel  :  c'était  sa  faute,  disaientnils  ;  il  était  rentré 
avant  eux  *,  il  ne  les  avait  pas  soutenus  ;  probablement  il 
avait  averti  Tennemi. 

Le  prévôt  était  perdu.  Sa  seule  ressource  était  de  se 
livrer  au  roi  de  Navarre,  lui,  et  Paris,  et  le  royaume  s'il 
pouvait.  Charles  le  Mauvais  touchait  au  but  de  son  ambi- 
tion '.  Marcel  aurait  promis  au  roi  de  Navarre  de  lui  livrer 
les  clefs  de  Paris,  pour  qu'il  se  rendit  maître  de  la  ville,  et 
tuât  tous  ceux  qui  lui  étaient  opposés.  Leurs  portes  étaient 
marquées  d'avance  ^. 

La  nuit  du  31  juillet  au  l^r  ^oùt,  Etienne  Marcel  entre- 
prit de  livrer  la  ville  qu'il  avait  mise  en  défense,  les  mu- 
railles qu'il  avait  bâties.  Jusque-là,  il  semble  avoir  toujours 
consulté  les  échevins,  même  sur  le  meurtre  des  deux  ma- 
réchaux. Mais  cette  fois,  il  voyait  que  les  autres  ne  son- 
geaient plus  qu'à  se  sauver  en  le  perdant.  Celui  des  éche- 
vins sur  lequel  il  comptait  le  plus,  qui  s'était  le  plus 
compromis,  qui  était  son  compère,  Jean  Maillart,  lui  avait 
cherché  querelle  le  jour  même.  Maillart  s'entendit  avec  les 
chefs  du  parti  du  dauphin,  Pépin  des  Essarts  et  Jean  de 

• 
'  •  Et  portott  l'an  son  bassinet  en  sa  main,  l'autre  à  son  col,  les 
astres  par  lAcheté  et  ennui  tralnoient  leurs  épées  on  les  portoient  en 
éebarpe.  •  FroissarL 

*  App  ,t2!i, 

*  •  Ad  boe  lotis  Tiribus  anbelabit.  •  Contin.  0.  de  Nangis. 

*  Le  plus  grave  bisloriea  de  ce  temps,  témoin  oculaire  de  toute  celte 
réroloiion,  le  Continuateur  de  Guillaume  de  Mangis  qui  rapporte  ces 
brgits,  semble  les  révoquer  en  doute.  •  On  a  du  moins,  dit-il,  accuse 
dêpuU  le  prévOiet  ^i  amis  de  toutes  ces  choses.  •  V.  Terrens,  Élienne 
Uarcei.  iS(>0. 


266  SUITJI.   KTATS  GÉNÉRAUX. 

Charny,  et  tous  trois,  avec  leurs  hommes,  se  trouvèrent  h 
la  bastille  Saint-Denis,  que  Marcel  devait  livrer,  c  Et  s  en 
viarent  un  peu  avant  minuit...  et  ti  ravèrent  ledit  prévdt 
des  marchands,  les  clefs  de  la  porte  en  ses  mains.  Le  pre- 
mier parler  que  Jean  Maillart.lui  dit,  ce  fut  que  il  lui  de- 
manda paff  «on  nom  :  a  Etienne,  Etienne,  que  faites- vous 
ci  à  cette  heure  ?»  Le  prévôt  lui  répondit  :  «  Jean,  à  vous 
qu'en  monte  de  savoir  ?  je  suis  ci  pour  prendre  garde  de  la 
vîUe  dont  j'ai  le  gouvernement  »  —  «  Par  Dieu,  répondit 
Jean  Maillart,  il  ne  va  mie  ainsi  ;  mais  n'êtes  ci  à  cette 
heure  pour  nul  bien  ;  et  je  le  vous  montre,  dit-il  à  ceux 
qui  étoient  de-lez  (près)  lui,  comment  il  tient  les  cle£s  des 
portes  en  ses  mains  pour  trahir  la  ville.  »  Le  prévôt  des 
marchands  s'avança  et  dit  :  «  Vous  mentez.  »  ^  «  Par  Dieu  1 
répondit  Jean  Maillart,  traître,  mais  vous  mentez  I  »  et 
tantôt  férit  à  lui  et  dit  à  ses  gens  :  «  A  la  mort,  à  la  mort 
tout  homme  de  son  côté,  car  ils  sont  traîtres.  9  Là  eut 
grand  butin  et  dur  ;  et  s'en  fut  volontiers  le  prévôt  des 
marchands  fui  s'il'eùt  pu  ;  «nais  il  fut  si  hâté  qu'il  ne  put 
Car  Jean  Maillart  la  férit  d'une  hache  siv  la  télé  et  rabatit 
h  terre,  quoique  ce  fût  .aoa  compère,  ni  ne  se  partit  de  lui 
jusqu'à  ee  qu  il  fut  occis  et  six  de  ceui;  qui  là  étoient,  et  l^ 
demeurant  pris  et  envoyé  eu  .prison  ^  » 

Sekm  une  version  pîus  vraisemblable,  Marcel  et  cia- 
quanle-quatre  de  ses  amis  qui  étaient  venus  avec  lui  Umr 
bèrent  &*appé&  par  de9  gardes  obscurs  de  la  porte  Saini- 
AntoiaeS. 

Cependant  les  meurtriers  s'en  allèrent,  criant  par  la  ville 
et  éveillant  le  peuple.  Le  mutin,  tous  étaient  assemblés  aux 
halles,  011  Maillart  les  harangua.  Il  leur  conta  comment 
cette  même  nuit,  la  ville  devait  être  courue  et  détruite,  si 
Dieu  ne  l'eût  éveillé  hii  et  ses  anris,  et  ne  levr  eût  révélé  la 
irahisoit  La  foule  apprit  arec  saisissement  le  péril  où  elle 

*  Froissart   —  *  V.  Perrons,  Etienne  Marcel.  18ML 


L 


PARIS.  —  UCQUER».  S67 

avait  été  sans  le  savoir  ;  tou»|oigiiaieiit  les  mains  et  reroer^ 
ciaient  Dieu  K 

Telle  fut  la  première  impression.  Qu'on  ne  croie  pat 
pourtant  que  le  peuple  ak  étë  ingrat  pour  celui  qui  avait 
tant  (ait  pour  hii.  Le  parti  de  Marcel,  qui  comptait  beau* 
eoup  d'hommes  instruits  el  éloquents  >,  survécut  à  son 
chef.  Quelques  mois  après,  il  y  eut  une  conspiration  pour 
▼enger  Marcel.  Le  dauphin  fit  rendre  à  sa  teuve  tous  les 
meubles  du  prévôt  qui  n'avaient  pas  été  donnés  ou  pendus» 
dans  le  m<Mnent  qui  suivit  sa  mort  K 

La  carrière  de  cet  homme  fiit  courte  ci  terrible.  En 
1356,  il  sauve  Paris,  il  le  met  en  défense.  De  concert  avec 
Bdl)ert  Le  C6q,  îl  dicte  au  dauphin  la  fiHnenfie  ordoniMnee 
de  4357.  Cette  ré  ferme  du  royaume  par  l'influence  d'UM 
commune  ne  peut  se  Caire  que  par  des  moyens  violents* 
Marcel  est  poussé  de  proche  en  proche  à  une  foule  d'actes 
irréguliera^  funestes.  Il  tire  de  prison  Charles  le  ManvaiSi 
pour  l'opposer  au  dauphin,  mais  il  se  troove  avoir  donné 
vn  chef  wax  bandits.  Il  met  la  main  sur  le  dauphin,  il  ini 
tue  ses  conseillers,  les  ennemis  du  roi  de  Navarre. 

Afatmdonnédes  étala,  il  tue  les  états  en  les  faisant  oomnois 
fl  les  veut,  en  créant  des  députés,  en  remplaçant  les  d^ 
pntés  des  nobles  par  des  bourgeois  de  Paris  ^.  Paris  ne 
poorait  encore  mener  la  France,  Marcel  n'avait  pas  les 
ressources  de  la  Terreur;  il  ne  pouvait  assiégé  Lyon,  ni 
foillotiner  la  €iiQttde.'  la  nécessité  des  appravisionne- 
menls  le  mettait  dons  la  dépendttioe  de  la  campagne.  D 
s'allia  aux  Jaoqpies,  et,  les  Jaeques  échouant,  au  roî  de 
Navane.  Celai  h  qui  il  s'était  doané»  il  essaya  de  lui  donner 
le  royauaie  ;  il  y  périt. 

La  doatrine-clastifae  du  Salus  popuS,  du  droit  de  tuer 

*  App.,  as3. 

*  •  Unltvm  loleniDes  et  éloquentes  qnim  i>IariaMna  M  Seeti.  •  €cnlfii. 
O.  d«  NADfis.  Afp.,  tSS.-»  •  Afp.,  ffS. 

*  App.,  126. 


268  SaiTB.   ÉTATS  GÉNÉniUX. 

les  tyrans,  avait  été  attestée  au  commencement  du  siëctep 
par  le  roi  contre  le  pape  ^.  Un  demî-siècle  est  à  peine 
écoulé;  Marcel  la  tourne  contre  la  royauté  elle-même, 
contre  les  serviteurs  de  la  royauté. 

Cette  tache  sanglante  dont  la  mémoire  d*Étienne  Marcel 
est  restée  souillée  ne  peut  nous  faire  oublier  que  notre 
vieille  charte  est  en  partie  son  ouvrage.  Il  dut  périr, 
comme  ami  du  Navarrais,  dont  le  succès  eût  démembré  la 
France;  mais  dans  l'ordonnstnce  de  1357,  il  vit  et  vivra. 

Cette  ordonnance  est  le  premier  acte  politique  de  la 
France,  comme  la  Jacquerie  est  le  premier  élan  du  peuple 
des  campagnes.  Les  réformes  indiquées  dans  Tordonnance 
furent  presque  toutes  accomplies  par  nos  rois.  La  Jac- 
querie, commencée  contre  les  nobles,  continua  contre 
l'Anglais.  La  nationalité,  l'esprit  militaire,  naquirent  peu 
à  peu.  Le  premier  signe  peut-être  de  ce  nouvel  esprit  se 
trouve,  dès  l'an  1359,  dans  un  récit  du  continuateur  de 
Nangis.  Ce  grave  témoin,  qui  note  jour  par  jour  tout  ce 
qu'il  voit  et  entend,  sort  de  sa  sécheresse  ordinaire,  pour 
conter  tout  au  long  une  de  ces  rencontres  oii  le  peuple 
des  campagnes  laissé  à  lui-môme  commença  à  s'enhardir 
contre  l'Anglais.  Q  s'y  arrête  avec  complaisance  :  «  C'est, 
dit-il  naïvement,  que  la  chose  s'est  passée  près  de  mon 
pays,  et  qu'elle  a  été  menée  bravement  par  les  paysans, 
par  Jacques  Bonhomme  '.  > 

11  y  a  un  lieu  assez  fort  au  petit  viUage  près  Gompiègne, 
lequel  dépend  du  monastère  de  Saint-Corneille.  Les  ha- 
bitants, voyant  qu'il  y  avait  péril  pour  eux,  si  les  Anglais 
s'en  emparaient,  l'occupèrent,  avec  la  permission  du  régent 
et  de  l'abbé,  et  s'y  établirent  avec  des  armes  et  des  vivres. 
D'autres  y  vinrent  des  villages  voisins,  pour  être  plus  en 
sûreté.  Ils  jurèrent  à  leur  capitaine  de  défendre  ce  poste 

t  Voyez  plot  haat,  p.  138. 

*  Per  ru8;icos,  sea  Jacques  Batihommêp  strcnoè  MLpedilam.  •  CodUil 
G*  de  Nangit. 


PARIS.   —  JACQUERIE.  S69 

jusqu'à  la  mort.  Ce  capitaine,  qu'ils  s'étaient  donné  du 
consentement  du  régent,  était  un  des  leurs,  un  grand  et 
bel  homme,  qu'on  appelait  Guillaume  aux  AUouettes.  Il 
avait  avec  lui  pour  le  servir  un  autre  paysan  d'une  force 
de  membres  incroyable,  d'une  corpulence  et  d'une  taille 
énorme,  plein  de  vigueur  et  d'audace,  mais  avec  cette 
grandeur  de  corps,  ayant  une  humble  et  petite  opinion  de 
lui-même.  On  l'appelait  Le  Grand-Ferré  ^  Le  capitaine  le 
tenait  près  de  lui  comme  sous  le  frein,  pour  le  lâcher  à 
propos.  Us  s'étaient  donc  mis  là  deux  cents,  tous  labou- 
reurs ou  autres  gens  qui  gagnaient  humblement  leur  vie 
par  le  travail  de  leurs  mains.  Les  Anglais,  qui  campaient 
il  Creil,  n'en  tinrent  grand  compte,  et  dirent  bientôt  : 
«  Chassons  ces  paysans,  la  place  est  forte  et  bonne  à 
prendre.  »  On  ne  s'aperçut  pas  de  leur  approche,  ils  trou- 
vèrent les  portes  ouvertes  et  entrèrent  hardiment.  Ceux  du 
dedans,  qui  étaient  aux  fenêtres,  sont  d'abord  tout  étonnés 
de  voir  ces  gens  armés.  Le  capitaine  est  bientôt  entouré, 
blessé  mortellement.  Alors  Le  Grand-Ferré  et  les  autres  se 
disent:  «  Descendons,  vendons  bien  notre  vie  ;  il  n'y  a  pas 
de  merci  à  attendre.  »  Ils  descendent  en  effet,  sortent  par 
plusieurs  portes,  et  se  mettent  à  frapper  sur  les  Anglais, 
comme  s'ils  battaient  leur  blé  dans  l'aire  *  ;  les  bras  s'éle«- 
vaîent,  s'abattaient,  et  chaque  coup  était  mortel.  Le  Grand, 
voyant  son  maître  et  capitaine  frappé  à  mort,  gémit  pro- 
fondément, puis  il  se  porta  entre  les  Anglais  et  les  siens 
qu'il  dominait  également  des  épaules,  maniant  une  lourde 
hache,  frappant  et  redoublant  si  bien  qu'il  fit  place  nette  ; 
il  n'en  touchait  pas  un  qu'il  ne  fendit  le  casque  ou  n'abattit 
les  bras.  Voilà  tous  les  Anglais  qui  se  mettent  à  fuir  ;  plu- 


t  •  Et  jaxtà  ejns  corporis  magnimdinem,  habebat  in  se  hnmllitatcm  et 
repntatioDii  intriosecs  parvitatem,  nomine  Magnas  Fcrraïus.  •  Conlin. 
G.  de  Nangis. 

*  «  Saper  Anglieos  ita  se  habebant,  ac  si  Blada  in  borrcis  more  suo 
iolifo  flagellassent.  •  Idem. 


270  SUITE.   ETATS  GÉXÉRiUX. 

sieurs  sautent  dans  le  fossé  et  se  noient.  Le  Grand  tue 
leur  porte-enseigne^  et  dit  à  un  de  ses  camarades  de  patier 
la  bannière  anglaise  au  fossé.  L'autre  lui  montrant  qu'il  j 
avak  encore  une  foule  d'ennemis  entre  lui  et  le  fossé  : 
a  Suis-moi  donc,  »  dit  Le  Gramd.  Et  il  se  mit  à  marcher 
devant,  jouant  de  la  hache  à  droite  et  à  gauche,  jusqu'à  ce 
que  la  bannière  eut  été  jetée  à  l'eau...  Il  avait  tué  en  ce 
jour  plus  de  quarante  hommes...  Quant  au  capilaifte, 
Guillaume  aux  Aliouettes,  il  mourut  de  ses  Uessunes,  et 
ils  l'enterrèrent  avec  bien  des  larmes,  car  il  était  bon  et 
sage...  Les  Anglais  furent  encore  baUus  une  autre  fois  par 
Le  Grand.  Mais  cette  fois  hors  des  murs.  Plusieurs  nobles 
Anglais  furent  pris,  qui  auraient  donné  de  bonoes  rançons, 
si  on  les  eût  rançonnés,  comme  font  les  nobUs  ^  ;  mais  ou 
les  tua,  afin  qu'ils  ne  fissent  plus  de  mal.  Cette  fois  La 
Grand,  -échaufië  par  cette  besogne,  but  de  l'eau  froide  en 
quantité,  et  fut  saisi  de  la  fièvre.  Il  s'en  aUa  à  son  village, 
regagna  sa  cabane  et  se  mit  au  lit,  non  toutefois  sans 
garder  près  de  lui  sa  hache  de  fer  qu'un  boiaime  ordinaira 
pouvait  à  peine  lever.  Les  Anglais,  ayant  appris  qu'il  était 
malade,  envoyèrent  un  jour  douze  hommes  pour  le  tuer. 
Sa  femme  les  vit  venir,  et  se  mit  à  crier:  1 0  mon  pauvre 
Le  Graùd,  voilà  les  Anglais!  que  faire  ?^.  v  Lui,  oubliani 
à  l'instant  6on  mat,  il  ae  lève,  prend  sa  hache,  al  sort  àtm» 
la  petite  cour  :  a  Ah  t  brigandsi,  vous  venex  donc  pour  «m 
prendre  au  liil  vous  ne  me  tenez  pas  encore...  »  Aiors 
s'adossant  à  un  mur,  il  en  tue  cinq  en  un  fiiomeot  ;  les 
autres  s'enfuient.  Le  Gi*and  se  remit  au  lit  ;  mais  il  avait 
chaud,  il  but  encore  de  l'eau  froide;  la  fièvre  le  reprit  plus 
fort,  et  au  bout  de  quelques  jours,  ayant  reçu  les  sacre- 
ments de  l'Église,  il  sortit  du  siècle,  et  fut  enterré  au  cime- 
tière de  son  village.  Il  fut  pleuré  de  tous  ses  con]{)agnons, 


*  SioQt  Dobiles  viri  faciuni.  •  Coût  in.  G.  do  Nangis.  IdeuL 


PARIS.  —  J4G0U£raB.  274 

de  tout  le  pays  ;  car,  lui  vivant,  jamais  les  Aoglais  a'y  se^ 
raient  venus  *. 

Il  ost  difficile  de  ne  pas  être  touché  de  ee  aaif  vécii.  Ces 
paysans  qui  ne  se  mettent  en  défense  qu'en  demandant 
permission,  cet  homme  fort  et  humble,  ce  boa  géante  qui 
obéit  volontiers,  comme  le  saint  Christophe  de  la  légende, 
tout  cela  présente  une  belle  figure  du  peuple*. .Ce  pcteple 
est  visil)lement  simple  et  brute  encore,  impétueuiL,  aveugle, 
demi-homme  et  demi-taureau...  Il  ne  sait  ni  garder  ses 
portes,  ni  se  garder  lui-môme  de  ses  appétits,  ^uand  il  a 
battu  Tennemi  comme  blé  en  grange,  quand  il  Ta  suffi- 
samment charpenté  de  sa  hache,  et  qu'il  a  pris  chaud  à  la 
besogne,  le  bon  travailleur,  il  boit  froid,  et  se  couche  pour 
mourir.  Patience;  sous  la  rude  éducation  des  guerres,  sous 
la  verge  de  l'Anglais,  la  brute  va  se.  faire  homme^  Serrée 
de  plus  près  tout  à  l'heure,  et  comme  tenaillée,  elle  échap- 
pera, cessantd'étre  elle-même,  et  se  transligurant;  Jacques 
deviendra  Jeanne,  Jeanne  la  vierge,  la  Pucelle. 

Le  mot  vulgaire,  un  bon  Franfais^  date  de  l^poque  des 
Jacques  et  de  Marcel  ^.  La  Pucelle  ne  tardera  pas  à  dire  : 
«  Le  cœur  me  saigne  quand  je  vois  le  sang  d*un  Frénç&is.  » 

tJn  tel  mot  suffirait  pour  marquer  dans  l'histc^re  le  vrai  ^ 
commencement  de  la  Fiance.  Depuis  lors,  iioas  avons  une 
patrie.  Ce  sont  des  français  que  ces  paysans,  n'en  rou- 
gissez pas,  c'est  déjà  le  peuple  Français,  c'est  vous,  ô 
France  1  Que  l'histoire  vous  les  montre  beaux  ou  laids, 
aous  le  capuce  de  Marcel,  sous  la  jaquette  des  Jacques,  vous 
ne  devez  pas  Jes  «néconni^tne.  Peur  nous,  panniloas  les 
combats  des  nobles,  à  travers  les  beaux  coups  de  lance  où 
s'amuse  l'insouciant  Froissart,  nous  cherchons  ce  pauvre 
peupk.  Nous  Tirions  prendre  dans  cette  grande  mêlée, 

^  •  Mtfrartt  de  sœealo...  QuàndiA  riiisset,  id  locum  Uliim  AngHci 
non  refib^ent.  •  Conîin.  G.  île  N  in};i.s. 
*  •  Volo  eitfe  bonm  GalHcut,  *  CuUlin.  G.  de  ^ungi>;  aim   lCw3« 


272  SdlTB.  ÉTATS  GÉNÉRAUX. 

SOUS  l'éperoD  des  gentilshommes,  sous  le  ventre  des  che- 
vaux. Souillé,  défiguré,  nous  l'amènerons  tel  quel  au  jour 
de  la  justice  et  de  l'histoire,  afin  que  nous  puissions  lui 
dire,  à  ce  vieux  peuple  du  xiv"  siècle  :  «  Vous  êtes  mon 
père,  vous  êtes  ma  mère.  Vous  m*avez  conçu  dans  les 
larmes.  Vous  avez  sué  la  sueur  et  le  sang  pour  me  faire  une 
France.  Bénis  soyez-vous  dans  votre  tombeau  I  Dieu  me 
garde  de  vous  renier  jamais  t  » 

Lorsque  le  dauphin  rentra  dans  Paris,  appuyé  sur  le 
meurtrier,  il  y  eut,  comme  toujours  en  pareille  circon- 
stance, des  cris,  des  acclamations.  Ceux  qui  le  matin 
s'étaient  armés  pour  Marcel  cachaient  leurs  capuces  rouges, 
et  criaient  plus  fort  que  les  autres  ^. 

Avec  tout  ce  bruit,  il  n'y  avait  pas  beaucoup  de  gens 
qui  eussent  confiance  au  dauphin.  Sa  longue  taille  maigre, 
sa  face  pâle  et  son  visage  longuet  ',  n'avaient  jamais  plu  au 
peuple.  On  n'en  attendait  ni  grand  bien,  ni  grand  mal  ; 
il  y  eut  cependant  des  confiscations  et  des  supplices  contre 
le  parti  de  Marcel  '.  Pour  lui,  il  n'aimait,  il  ne  haïssait 
personne.  Il  n'était  pas  facile  de  Témouvoir.  Au  moment 
même  de  son  entrée,  un  bourgeois  s'avança  hardiment  et 
dit  tout  haut  :  «  Par  Dieu  !  sire,  si  j'en  fusse  cru,  vous  n'y 
fussiez  entré  ;  mais  on  y  fera  peu  pour  vous.  >  Le  comte 
de  Tancarville  voulait  tuer  le  vilain  ;  le  prince  le  retint  et 
répondit  :  «  On  ne  vous  croira  pas,  beau  sire^.  » 

La  situation  de  Paris  n'était  pas  meilleure.  Le  dauphin 
n'y  pouvait  rien.  Le  roi  de  Navarre  occupait  la  Seine  au«- 

i  «  Illa  nibea  capneia»  qae  anteA  pomposè  gorebanior^  abscondita...  • 
Cont.  G.  de  Nangis. 

*  •  De  corsage  estoit  banlt  et  bien  formé,  droit  et  lé  par  les  espaoles, 
et  baingre  par  les  flans;  groz  bras  et  beaals  membres,  visage  un  pea 
longuet,  grant  front  et  large  ;  la  cbtère  ot  asses  pale,  et  croy  que  ce, 
et  ce  qu'il  esioit  monll  maigre,  luy  estuit  venu  par  accident  de  mila- 
die;  cbanlt,  furieus  en  nul  cas  n'estoil  trouré.  •  Christ,  de  Pisan. 

t  App.f  127. 

*  «  Pensa  ce  p;'u<Jent  prince,  ajoute  Chriâtine  de  Pisan,  que  si  l'on 
tuoil  cet  homme,  la  rille  se  fust  bien  pu  émouvoir.  ■ 


PARIS.  —  JAGQCERIE.  273 

dessus  et  au-dessous.  Il  ne  venait  plus  de  bois  de  la  Bour*- 
gogne,  ni  rien  de  Rouen.  On  ne  se  chauffait  qu'en  coupant 
des  arbres  ^  Le  setier  de  blé  qui  se  donne  ordinairement 
pour  douze  sols,  dit  le  chroniqueur,  se  vend  maintenant 
trente  livres  et  plus.  —  Le  printemps  fut  beau  et  doux, 
nouveau  chagrin  pour  tant  de  pauvres  gens  des  campagnes 
qui  étaient  enfermés  dans  Paris,  et  qui  ne  pouvaient  cul*- 
tiver  leurs  champs,  ni  tailler  leurs  vignes  K 

Il  n'y  avait  pas  moyen  de  sortir.  Les  Anglais,  les  Na- 
varrais  couraient  le  pays.  Les  premiers  s'étaient  établis  à 
Creil,  qui  les  rendait  maîtres  de  TOise.  Ils  prenaient  par* 
tout  des  forts,  sans  s'inquiéter  des  trêves.  Les  Picards 
essayaient  de  leur  résister.  Mais  les  gens  de  Touraine, 
d'Anjou  et  de  Poitou  leur  achetaient  des  sauf-conduits, 
leur  payaient  des  tributs  K 

Le  roi  de  Navarre,  en  voyant  les  Anglais  se  fixer  ainsi  au 
eœur  du  royaume,  finit  par  en  être  lui-même  plus  ^rayé 
que  le  dauphin.  Il  fit  sa  paix  avec  lui,  sans  stipuler  aucun 
avantage,  et  promit  d'être  bon  Française  Les  Navarrais 
n'en  continuèrent  pas  moins  de  rançonner  les  bateaux  sur 
la  haute  Seine.  Toutefois  cette  réconciliation  du  dauphin 
et  du  roi  de  Navarre  donnait  à  penser  aux  Anglais.  En 
même  temps  des  Normands,  des  Picards,  des  Flamands, 
firent  ensemble  une  expédition  pour  délivrer,  disaient-ils, 
le  roi  Jean  s.  Ils  se  contentèrent  de  brûler  une  ville  anglaise. 
Du  moins  les  Anglais  surent  aussi  ce  que  c'étaient  que  les 
maux  de  la  guerre. 

Les  conditions  qu'ils  vouUient  d'abord  imposer  à  la 
France  étaient  monstrueuses,  inexécutables.  Ils  d^nan- 

>  A^„  918. 

*  «  Vîne»  qiia  amœnissimum  illum  desideratum  liquorem  minis- 
J«ni,  qui  IsUtieare  sotet  oor  homiDis...  non  cultivât».  •  Cont.  G.  do 
Naniis. 

*  App,,  M9.  —  *  •  Voîo  esM  bonus  Gallicus  de  caetcro.  •  Ibid. 

*  •  Posoerunt  te  in  mare,  m  ad  Angliaiu  invatlciidum  irtnaft^ta* 
re.it.  •  Gonu  G.  de  Nangis. 

m.  ta 


274  SUIXK.  STAT&  G&NKBAUI. 

daieni  non*eeolement  tout  ce  qui  estea  face  d'eux,  Calais-,. 
Montreuil,  Boulogne,  le  Ponthieu,  non-eeuleineDt  1  Àqiit^ 
laine  (Guyenne,  Bigorre,  Âgiinois,  Qaercy,  Périgord, 
Limousin,  Poitou,  Saintopge,  Auais),  niaiâ  encore  la 
Tonraine,  l'Anna,  et  de  plussla  Nornian4ie;  c'est-à-dire 
qu'il  m  leur  suffisait  pas  d'Occuper  to  détroit,  de  fermer 
la  Garonne  ;  il9  voulaient  aussi  ferm^  la  Loire  et  la  Seine,. 
boucher  le  moindre  jour  par  où  nous  voyons  l'Océan, 
crever  les  yeux  de  te  France. 

Le  roi  Jean  avait  signé  tout,  et  promis  de  plus  quatre 
miUv)iis  d'écus.  d'or  pour  sa  rançon.  Le- ésuphiii^  qui  ne 
pouvail  se  dépouiller  ainsi,  lit  refuser  le  traité  par  une. 
assemblée  de  quelques  députés  des  provinces,  qa'il  appel» 
états  généraux.  Ils  répondirent:  «-  Que  le  roi  Jean  de-* 
meurât  encore  en  Angleterre,  et  que  quand  i^plaicoit  à. 

Dieu,  il  y  pourvoiroit  de  remède  ^.  » 

Le  roi  d'Angleterve  se  nùt  en  campagae,  mais  cette 
fois  pour  conquérir  la  France.  U  Toulait  d'abopd  aller  4. 
Beims,  et  s'y  faire  saorer  9.  Tout  ce  qu'il  y  avaitde  noblesse 
en  Angleterre  Tavait  suivi  à  cette  expédition.  Une  autre 
armée  l'attendait  à  Calais^  sur  laquelle  il  ne  comptait  pas. 
Une  foule  d'hommes  d'armes. et  die  seigneurs  d'Allemagne 
et  des  Pays-Bas,  entendant*  dire  qu'il  s'agis^aii  d'une 
conquête^  et  espérant  un.  partage^  comme  oelitt  de  l'An^ 
gleterce  par  les  compagnons- de  G«iUa«nie  le  Coequérant, 
avaient  vouki  èlre  aussi  de  la  Mte.  Hs  eMryaieittdéîà  a  tant 
gagner  qu'ils  ne  seroient  jamais  pauvres^.  ?  Ht  stflen^ 
dirent  Edouard  jusqu'au  28*  octobre,  et  il  eul^grand-peina  à 
s'en,  débansasserv  Û  fUtut  qu'it  le»  wUtt  à  nstottiaer  chez. 
eux,  qu'il  leur  prêtât  de  l'argent,  à  ne  jamais  rendre. 

Edouard  avait  amené  avec  lui  six  mille  gène  d'armes 
couverte  de  {Içr,  son  fil$,  ses  trois,  (tares,  s0s  princes,  ses 
grands  seigneurs.  C'était  comme  une  émigration  des  Aik^ 

«  EMiaarik 

*  CoDt.  G.  de  Nangîj.  ~  *  Froissart. 


KtM0.   ^  JACQUEMi.  275 

(^is  «n  Franfie.Pottr  (hive  la  guerre  confortablement,  iK 
tntnaîuit  six.  mille  chariots»  iQ$  f(^ur6,  des  moulias,  d^es 
fergea,  tavie  sorte  d*at6lier&  ambulaata.  Ils  Mraiant  poussé 
la  prieaution  yaaqfi'k  se^  muiUr  de  meutes  pour  chasser,  et 
de  nacallflf  de  cuir  pM»  pâcber  6n  oaréoie  ^.  H  n'y  avait' 
rien  en  eflét  à  attendre  du  paya«  c'était  un  désert  ;  depuis 
trois  ana,  on  ne^semait  plua  3.  Les  villes,  bien  fermées»  se 
gardaient  elles-mêmes;  elles  savaient  qu'il  n'y  avait  paa 
de  mepoi  k  attendre  des  Anglais. 

Du  M  octobre  aaS^navembRe  its  obemioèrent  à  trav^s 
la  pluie  et  la  boue^  de  Calais  k.  Reînw.  Ik  avaient  oompté 
sur  les  vins.  Mais  il  pteuvait  trop  ;  la 'vendange  ne  valut 
rien.  lia  miècent  sept  semaines  à  se  morfondre  devant 
Reima»  gâtèvantla  paiya  tout  auioui},  mais/Reims  ne  bougea 
pea.  De  là  ils  paasèrent  derrant  Cbàlona,  Barr4o*Duc,  Troyes  ; 
puia  Us  antièrent  dans  le  duché  de  Bourgogne.  Le  duc. 
composa  avec  emx  pour  dei»  cent  mille  éous  d'or.  Ce  fui 
me  benne  affaire  pour  VAn^ais;  qui  eutromeal  n'eût 
rfMatiréda-toBiaicaftte  graadfrexpédilion* 

n  ynni camper  tont  pcèsde  Paria, fitaespàqpesi à  Chante- 
loup^  et  approdia  fusipilà.  Bûwrg-la-fteÀie.  a  De  ia  Seine 
JQsqu*à>  ttaaafes^  dit  le  témoin  oaulaii!ei»  il  n'y  a  plus  un 
seul  hoonnei  Ton*  s'est  réfupé  aux.  Ivois  foub(>ui:gs  de 
Satnt'€ennaiB^  Saint-Marcel  etNotre-Daoïe-desGhaokps.^. 
MonUtiéry  et  LiMnanmeau:  «ont  en!  feu. . .  On.distiague  dans 
toua  lesalentouffaiiL&iDiéedesvittagesv  qui  monte  jusqu'ao; 
ciel...  Le  saint four  de  Pâ(|uaav  j'ai  vu. aux  Caimu»  offcier 
lc9  prêtiesiés  dis  cmnsiunes^^  Le.  lendemain,  on  a  dunné 
ordae  da  Mleeles  trois  fiittfaMirgs»  et  permis  à  toutbomme 
d'y  prendreice.  cp'il  pooirait;.  boia-^  far,  tuiles  et  rie  reste.. 
B  n'a  pas  manqué  da  gana  pcnur  le.  faire  bi«n  vite.  Les  una. 
ptenaneni^  lea»  mIms.  riaientn..  —  Près  de  Chantaloup». 
douze  cents   personnes,  hommes,   femmes  et  eoiaotSn 

•  Froissart.  *  *  Id. 


276  SUITE.  ÉTATS  GÉNiRAlTX. 

s'étaient  enfermés  dans  une  église  Le  capitaine,  cnugnant 
qu'ils  ne  se  rendissent,  a  fait  mettre  le  feu...  Toute  Té- 
glise  a  brûlé.  II  ne  s'en  est  pas  sauvé  trois  cents  personnes. 
Ceux  qui  sautaient  par  les  fenêtres  trouvaient  en  bas  les 
Anglais  qui  les  tuaient  et  se  moquaient  d'eux  pour  s'être 
brûlés  eux-mêmes.  J'ai  appris  ce  lamentable  événement 
d'un  homme  qui  avait  échappé,  par  la  volonté  de  notre 
Seigneur,  et  qui  en  remerciait  Dieu  ^.  » 

Le  roi  d'Angleterre  n'osa  attaquer  Paris  K  U  s'en  alla 
vers  la  Loire,  sans  avoir  pu  combattre,  ni  gagner  aucune 
place.  11  consolait  les  siens  en  leur  promettant  de  les 
ramener   devant  Paris  aux  vendanges.  Mais  ils  étaient 
fatigués  de  cette  longue  campagne  d'hiver.  Arrivés  près 
de  Chartres,  ils  y  éprouvèrent  un  terrible  orage,  qui  mit 
leur  patience  à  bout.  Edouard  y  fit  vœu,  dit-on,  de  rendre 
la  paix  aux  deux  peuples.  Le  pape  l'en  suppliait.  Les  nobles 
de  France,  ne  touchant  plus  rien  de  leurs  revenus,  priaient 
le  régent  de  traiter  à  tout  prix.  Le  roi  Jean  sans  doute 
pressait  aussi  son  fils.  Aux  conférences  de  Bretigny,  ou* 
vertes  le  4®'  mai,  les  Anglais  demandèrent  d'abord  tout  le 
royaume  ;  puis  tout  ce*  qu'avaient  eu  les  Plantagenets 
(Aquitaine,    Normandie,    Maine,   Anjou,  Touraine).  Us 
cédèrent  enfin  sur  ces  quatre  dernières  provinces  ;  mais 
ils  eurent  l'Aquitaine  comme  libre  souveraineté,  et  non 
plus  comme  fief.  Ils  acquirent  au  même  titrece  qui  entourait 
Calais,  les  comtés  de  Ponthieu  et  de  Guines,  et  la  vicomte 
de  Montreuil.   Le  roi  payait  l'énorme  rançon  de  trois 
millions  d'écus  d'or,  six  cent  mille  écus  sous  quatre  mob, 
avant  de  sortir  de  Calais,  et  quatre  cent  mille  par  an  dans 
les  six  années  suivantes.  L'Angleterre,  après  avoir  tué  et 
démembré  la  France,  continuait  à  peser  dessus,  de  sorte 
que,  s'il  restait  un  peu  de  vie  et  de  moelle,  elle  pût  encore 
la  sucer. 

«  Coau  G.  de  Nai.gis.  —  «  App.,  190. 


PAHIS.   —    JACQUERIE.  277 

Ce  déplorable  traité  excita  à  Paris  une  folle  joie.  Le 
Anglais  qui  rapportèrent  pour  le  faire  jurer  au  dauphin 
furent  accueillis  comme  des  anges  de  Dieu.  On  leur  donna 
en  présent  ce  qu'on  avait  de  plus  précieux,  des  épines  de 
la  couronne  du  Sauveur,  qu'on  gardait  à  la  Sainte  Cha- 
pelle. Le  sage  chroniqueur  du  temps  cède  ici  à  Tentraîne- 
ment  général.  «  A  l'approche  de  l'Ascension,  dit-il,  au 
temp5:  oii  le  Sauveur,  ayant  remis  la  paix  entre  son  Père 
et  le  genre  humain,  montait  au  ciel  dans  la  jubilation,  il 
ne  souffrit  pas  que  le  peuple  de  France  demeurât  affligé... 
Les  conférences  commencèrent  le  dimanche  oii  l'on  chante 
à  réglise  :  Caniate.  Le  dimanche  où  l'on  chante  :  Vocem 
jucundidads,  le  régent  et  les  Anglais  allèrent  jurer  Je 
traité  à  Notre-Dame.  Ce  fut  une  joie  ineffable  pour  le 
peuple.  Dans  cette  église  et  dans  toutes  celles  de  Paris, 
toutes  les  cloches,  mises  en  branle,  mugissaient  dans  une 
pieuse  harmonie  ;  le.  clergé  chantait  en  toute  joie  et  dévo- 
tion: Te  Deum  laudamvs.,.  Tous  se  réjouissaient,  excepté 
peut-être  ceux  qui  avaient  fait  de  gros^ains  dans  les  guer- 
res, par  exemple  les  armuriers...  Les  faux  traîtres,  les 
brigands  craignaient  la  potence.  Mais  de  ceux-ci  n'en 
parlons  plus  ^  » 

La  joie  ne  dura  guère.  Cette  paix,  tant  souhaitée,  fit 
pleurer  toute  la  France.  Les  provinces  que.  Ton  cédait  ne 
voulaient  pas  devenir  anglaises.  Que  l'administration  des 
Anglais  fût  pire  ou  meilleure,  leur  insupportable  morgue 
les  faisait  partout  détester.  Les  comtes  de  Périgord,  de 
Comminges,  d'Armagnac,  le  sire  d'Âlbret,  et  beaucoup 
d'autres  disaient  avec  raison  que  le  seigneur  n'avait  pas 
droit  de  donner  ses  vassaux.  La  Rochelle,  d'autant  plus 
française  que  Bordeaux  était  anglais,  supplia  le  roi,  au 
nom  de  Dieu,  de  ne  pas  l'abandonner.  Les  Rochellais  di- 
saient qu'ils  aimeraient  mieux  être  taillés  tous  les  ans  de 

•  Coht  G.  de  Nangis. 


280  SUIT£.   KTATS  GÉNtlIAUX. 

avait  disparu.  Il  fallut  s'adresser  aux  usuriers,  aux  juiFs, 
et  cette  fois  leur  donner  un  établissement  fixe.  On  leur 
assura  un  séjour  de  vingt  années.  Un  prince  du  sang  était 
établi  gardien  de  leurs  privilèges,  et  il  se  chargeait  spécia- 
lement de  tes  faire  payer  de  leurs  dettes.  Ces  privilèges 
étaient  excessifs.  Nous  en  parlerons  ailleurs.  Pour  les  ac- 
quérir, ils  devaient  payer  vingt  florins  eh  rentrant  dans  ce 
royaume,  et  de  plus  sept  par  an.  Un  Manassé,  qui  prenait 
en  ferme  toute  la  juiverie;  devait  avoir  pour  sa  peine  un 
énorme  droit  de  deux  florins  sur  les  vingt,  et  d'un  par  an 
sur  les  sept. 

Les  tristes  et  vides  années  qui  suivent,  4361,1362,1363, 
ne  présentent  au  dehors  que  les  quittances  de  l'Anglais, 
au  dedans  que  la  cherté  des  vivres,  les  ravages  des  bri- 
gands, la  terreur  d'une  comète,  une  grande  et  eflroyable 
mortalité.  Cette  fois,  le  mal  atteignait  les  hommes,  les  en- 
fants, plutôt  que  les  vieillards  et  les  femmes.  11  frappait  de 
préférence  la  force  et  l'espoir  des  générations.  On  ne  voyait 
que  mères  en  pleurs,  que  veuves,  que  femmes  en  noir  ^ 

La  mauvaise  nourriture  était  pour  beaucoup  dans  l'épi- 
démie. On  n'amenait  presque  rien  aux  villes.  On  ne  pou- 
y  vait  plus  aller  de  Paris  à  Orléans,  ni  à  Chartres,  le  pap 

était  infesté  de  Gascons  et  de  Bretons  >. 

Les  nobles  qui  revenaient  d'Angleterre  et  qui  se  sen- 
taient méprisés  n'étaient  pas  moins  cruels  que  ces  bri- 
gands. La  ville  de  Péronne,  qui  s'était  bravement  gardée 
elle-même,  prit  querelle  avec  Jean  d'Artois.  Ce  fut  comme 
une  croisade  des  nobles  contre  le  peuple.  Jean  d'Artois, 
soutenu  par  le  frère  du  roi  et  par  la  noblesse,  prit  à  sa 


I  Contin.  G.  de  Nangis. 

t  Les  brigands  ayaient  surpris  on  fort  près  de  Corbeil.  Beaneonp 
d'hommes  d'armes  se  çhargôreot  de  le  reprendre  et  firent  encore  pins  de 
mal  an  pays;  les  défenseurs  nuisaient  plus  que  les  ennemis;  les  chiens 
aidaient  les  loups  à  manger  le  troupeau.  Le  Continuateur  de  Nangis  ra- 
conte la  fable. 


PARIS.  —  JAGQUfiRIB.  281 

solde  des  Anglais;  il  assiégea  Péronne,  la  prit,  la  brûla. 
Ils  traitèrent  de  même  Chauny-sur-Oise  et  d'autres  villes. 
—  En  Bourgogne,  les  nobles  servaient  eux-mêmes  de 
guide  aux  bandes  qui  pillaient  le  pays  ^  Les  brigands  de 
toute  nation  se  disant  Anglais,  le  roi  défendait  de  les  at- 
taquer. 11  pria  Edouard  d'en  écrire  à  ses  lieutenants  *. 

Ces  pillards  s'appelaient  eux-mêmes  les  Tard<-Venus  ; 
venus  après  la  guerre,  il  leur  fallait  aussi  leur  pai*t.  La 
principale  compagnie  commença  en  Champagne  et  en 
Lorraine,  puis  elle  passa  en  Bourgogne:  le  chef  était  un 
'  Gascon,  qui  voulait,  comme  TArchi-prêtre,  les  mener 
voir  le  pape  à  Avignon,  en  passant  par  le  Forez  et  le  Lyon- 
nois.  Jacques  de  Bourbon,  qui  se  trouvait^  alors  dans  le 
Midi,  était  intéressé  à  défendre  le  ;Forez,'  pays  de  ses  ne- 
veux et  de  sa  sœur.  —  Ce  prince,  généralement  aimé, 
réunit  bientôt  i^eaucoup  de  noblesse.  Il  avait  avec  luije 
fameux  Archiprêtre,^  qui  avait  laissé  le  commandement 
des  compagnies.  S'il  eût  suivi  les  conseils  de  cet  homihe, 
il  les  aurait  détruites.  Ëtant  venu  en  présence  à  Briguais, 
près  Lyon,  il  donna  dans  un  piège  grossier,  crut  l'ennenû 
moins  fort  qu'il  n'était,  l'attaqua  sur  une  montagne,  et  fut 
tué  avec  son  fils,  son  neveu,  et  nombre  des  siens  (  2  avril 
4362).  Cette  mort  toutefois  fut  glorieuse.  Le  premier  titré 
des  Capets  est  la  mort  de  Robert  le  Fort  à  Brisserte;  celui 
des  Bourbons,  la  mort  de  Jacques  à  Briguais  :  Cous  deux 
tués  en  défendant  le  royaume  contre  les  brigands. 

Les  compagnies  n'avaient  plus  rien  à  craindre,  elles  cou- 
raient les  deux  rives  du  Rhône.  Un  de  leurs  chefs  s'intitu- 
lait :  Ami  de  Dieu ,  ennemi  de  tout  le  monde  '.  Le  pape, 
tremblant  dans  Avignon ,  prêchait  la  croisade  contre  eux. 


*  •  Us  avoient  de  leur  accord  aaeiins  choraliers  ei  ëcnyars  du  p  lys, 
qui  lea  menoient  et  condoisoieot.  •  Froissait. 

*  •  Msia  les  pillards  n'en  tcnoient  compte,  et  disoient  qu'ils  falsoient 
b  guerre  en  l'ombre  et  nom  du  roi  de  Navarre.  •  Ibid. 

*  Froisaart. 


f  82  SUITE.  «TATS  GÉinîRAUX. 

M«is  les  croisés  se  joignaient  plutôt  aux  compagnies  *.  Hcn- 
reusement  pour  Avignon,  le  marquis  de  Monferrat.  mem- 
bre ée  la  ligue  Toscane  contre  les  Visoonti,  en  prit  une 
partie  à  sa  solde ,  et  les  mena  en  Itaiie,  où  ils  portèrent 
la  {ïeste.  Le  pape,  pour  tlécider  leur  départ,  leur  donna 
30,600  florins  et  rabs<^u!îon«. 

La  mortalité. qui  dépeuptait  le  royaume  lui  donna  au 
moins  unhel  héritage.  Le  jeune  duc  de  Bourgogne  mourut , 
ain«î  que  sa  sœur  ;  la  première  maison  de  Bourgogne  se 
trouva  éteinte  t  la  suceession  comprenait  les  deux  Bofurgo- 
gnes,  l'Artois ,  les  comtés  d'Auvergne  et  de  Boulogne.  Le 
phis  proche  héritier  était  le  roi  de  Navarre.  H  demandait 
qu'on  lui  laissât  prendre  possession  de  la  Bourgogne ,  ou 
au  moins  de  la  Champagne  tpilï  réclamait  depuis  si  iong- 
temps.  11  n'eut  ni  Tune  ni  l'autre.  H  était  impossible  dere* 
mettre  ces  provinœsii  un  roi  étranger,  à  un  prince  odieux. 
Jean  les  dé^slara  réunies  à  son  domaine  *  ;  "et  partit  pour  en 
prendre  possession,  «  chetm'nant  à  petites  joamées  et  à 
grands  dépens  ,  et  séjoumant  de  ville  en  ville,  de  cité  en 
€ité,  «n4a  duché  de  Bourgogne  ^.  > 

H  y  apprit ,  sans  aller  phe  tite,  ta  mort  de  5acqnes  de 
Bourbon.  Vers  la  fin  de  Tannée,  il  descendit  h  Avignon,  et 
y  passa  six  mois  dans  les  lêtes.  tl  espérait  y  faire nne  nou- 
velle conquête  en  pleine  paijc.  leanne  de  Kaptes,  comtesse 
de  Provence,  oeHe  <fii  avait  laissé  tuer  son  premier  mari-,  se 
trouvait  vewadn  second,  lèan  prétendait  être  le  troisième, 
ilélffit  veuf  Itti-méme;  il  n^avait  encore  que  quarante-trois 
ans.  Cajptif ,  mais  après  une  beHe  résistance,  ce  roi  soldat  ^ 
intéressait  la  ohrétienté ,  comme  Prançois  !•%  après  Pavie. 
Le  pape  ne  se  SMoia  pas  de  faire  un  90i  de  France  maître 


«  i4pp.,  S33. 

*  «  Dont  le  roi  Jean  et  loat  le  royaume  forent  grandement  réjonii... 
ntn  «ncore«n  retonroèrent  assez  en  Bourgogne.  •  Froissart. 

*  App.t  Î31.  —  *  Froiisarl. 

*  V.  la  chronique  en  [  rose  de  Duguosclio. 


PARIS.   —    JAGQUERIB.  283 

<liNaplesetddlaf^vence.lléoana  à€eiteTeîiiedc4iente- 
«  rat  un  toot  jeune  jnari,  nonipâi  un  fite  de  f  rmce,  aiais 
Jacques  d'Aragon,  fils  dn  roi  détrdné  de  lio^ovque. 

Pdur  consoler  ledtt,  le  pape  retwoaragea  dans-un  projet 
911  seaàAmst  MMensé^auppennîerceup  d'onl ,  mais  qui  e*t 
-dlèctîveimntrdevésa  fortune,  ha  ni  ded^^reéliAvenu 
à  Avignon  deiMnÉer . des  KecoQiB,- proposer  «ine  croisade. 
Jean  prit  lacroix,  et  une  favie-Jetgrand»  seignonrsuveeloi  *. 
Le  voi  de  Gh^rpve  âUa  proposer  la  croisade  en  ÂUemagne  ; 
4aan  en  jLiq^liCenre.  ih  de  sesâs,  donné  en  otage,  Tenait 
deTsatrer  «n^ranne^  an  népna  des  Draôté».  le  Tetasar  de 
Jean  à  Lonikes  aMt-i'apiNnreBoe  lapins  houoraUe.  H  aein- 
UaHrepater  la  finitetde  ses  ils.  Quelques  irascprétméaient 
qu'il  n^  latWt  q«e  par  ennin  des  tni^ea  4e  la  iFrancê^  ou 
pour  Teroir  quelque  belle  tnaitresse  K  Cependant  taa  rois 
d'tcoBseetdeDanenuvkdevaîant'venîrfyitrouveir*  Gomme 
roide  France,  il  présidait  ntmrellenienttoute^aSseHUée  4e 
ms.Hmailié  par  le  nonveaa  eyatèmedegaanreqnd'les  An- 
glaismvslentaHBenpratictiieiyleiiai'de  FntnceieAt'ifjpris,  par 
la  croisade,  wuaie  vîeas4rapeanduinoifenâge,le  premier 
TangdBMlachnitienté.  11  aurait  entraltoéies  coiftpagnîes,  il 
en  aurait  délivré  la  France  K  Les  Anglais  mâmea  etlts  fias- 
oons,  malgré  lamauvaise  volonté  duroi  d'Angleterre  qui  allé- 
guait son  âge  pour  ne  pas  prendre  la  croix  ^,  disaient  haute- 
ment au  roi  de  Chypre  :  «  Que  c'étoit  vraiment  un  voyage 
eiitous  gens  de  bien  et  d'honneur  dévoient  entendre,  et  que 
s'il  plaisoit  à  Dieu  que  le  passage  fût  ouvert,  il  ne  le  fe- 
roit  pas  seul.  »  La  mort  de  Jean  détruisit  ces  espérances. 


>  t  Après  U  prédication  faite,  qai  fut  moalt  humble  et  moalt  doaee 
et  déTole,  le  roi  de  France  par  grand  dtivotion  empril  la  croix.*,  et 
pria  doucement  le  {lape  qu'il  lui  vousist  accorder.  »  Froissart. 

*  •  Cuucà  joci,  •  dit  le  héjère  historien  du  temps.  Couiiii.  G.  de 
Nangis. 

'  •  Pour  traire  liori  du  royaume  toutes  manières  de  gens  d'armes  ap- 
pelées compagnies...  et  pour  sauver  leur»  aiiics.  •  Proi>sarté 

*App.,  '33. 


284  SUITE.   ÉTATS  GÊXiRAUX. 

Après  un  hiver  passé  à  Londres  en  fêtes  et  en  grands  re- 
pas, il  tomba  malade,  et  mourut  regretté,  dit-on,  des  An- 
glais, qu'il  aimait  lui-même,  et  auxquels  il  s'était  attaché, 
simple  qu'il  était  et  sans  fiel,  pendant  sa  longue  captivité. 
Edouard  lui  fit  faire  df  somptueuses  funérailles  à  Saint-Paul 
de  Londres.  On  y  brûla,  selon  des  témoins  oculaires ,  qua- 
tre mille  torches  de  douze  pieds  de  haut,  et  quatre  mille 
torches  cierges  de  dix  livres  pesant. 

La  France,  toute  mutilée  et  ruinée  qu'elle  était,  se  retrou- 
vait  encore,  de  l'aveu  de  jses  ennemis,  la  tète  de  la  chré- 
tienté. C'est  son  sort,  à  cette  pauvre  France,  devoir  de  temps 
à  autre  l'Europe  envieuse  s'ameuter  contre  elle,  et  conjurer 
sa  ruine.  Chaque  fois,  ils  croient  l'avoir  tuée  ;  ils  s'imagi- 
nent qu'il  n'y  aura  plus  de  France;  ils  tirent  ses  dépouilles 
au  sort;  ils  arracheraient  volontiers  ses  membres  san- 
glants. Elle  s'obstine  à  vivre.  Elle  survécut  en  4361,  mai 
défendue,  trahie  par  sa  noblesse:  en  4709,  vieillie  de  la 
vieillesse  de  son  roi  ;  en  1845  encore,  quand  le  monde  en- 
tier l'attaquait...  Cet  accord  obstiné  du  monde  contre  la 
France  prouve  sa  supériorité  mieux  que  des  victoires. 
Celui  contre  lequel  tous  sont  facilement  d'accord,  c'est 
qu'apparemment  il  est  le  premier. 


CHAPITRE  IV 


Charles  Y.  —  ExpuUU»  des  Angbis.  i364-l38a 


Le  jeune  roi  était  né  vieux.  Il  avait  de  bonne  heure  beau* 
eoup  vu,  beaucoup  souffert.  De  sa  personne,  il  était  faible 
et  malade.  Tel  royaume,  tel  roi.  On  disait  que  Charles^  le 
Mauvais  l'avait  empoisonné;  il  en  était  resté  pâle,  et  avait 
une  main  enflée,  ce  qui  Tempéchait  de  tenir  la  lance.  Il  ne 
chevauchait  guère,  mais  plus  se  tenait  à  Vincennes ,  à  son 
hdtel  de  Saint  Paul,  à  sa  royale  librairie  du  Louvre.  Il  lisait, 
il  oyait  les  habiles,  il  avisait  froidement.  On  l'appela  le  sage, 
e'est-à-dire  le  lettré,  le  clerc,  ou  bien  encore  l'avisé,  Tastu- 
cieux.  Voilà  le  premier  roi  moderne,  un  roi  assis,  comme 
TeflBgie  royale  est  sur  les  sceaux.  Jusque-là  on  se  figurait 
qu'un  roi  devait  monter  à  cheval.  Philippe  le  Bel  lui-même, 
ùvec  son  chancelier  Pierre  Flotte,  était  allé  se  battre  à  Cour- 
trai.  Charles  V  combattait  mieux  de  sa  chaise.  Conquérant 
dans  sa  chambre,  entre  ses  procureurs,  ses  juifs,  et  ses  as- 
trologues, il  défit  les  fameux  chevaliers,  et  les  Compagnies 
encore  plus  redoutables.  De  ia  même  plume,  il  signa  les 
traités  qui  ruinaient  l'Anglais,  et  minuta  ks  pamphlets  qui 
devaient  ruiner  le  pape,  livrer  au  roi  les  biens  de  l'Ëglise. 

Ce  médecin  malade  du  royaume  avait  à  le  guérir  de 
tiois  maux,  dont  le  moindre  semblait  mortel  :  l'Anglais,  le 
Navarrais,  les  Compagnies.  Il  se  débarrassa  du  premier, 
comme  on  l'a  vu,  en  le  soûlant  d'or,  en  patientant  jusqu'à 


286  CHARLES  T. 

ce  qu'il  fût  assez  fort.  Le  Navarrais  fut  battu,  puis  payé, 
éloigné  l'on  lui  fit  espérer  Montpellier.  Les  Compagnies 
s'écoulèrent  vers  l'Espagne. 

Charles  Y  s'aida  d'abord  de  ses  frères  ;  il  leur  confia  les 
provinces  les  plus  excentriques,  le  Languedoc  au  duc 
d'Anjou,  la  Bourgogne  à  Philippe  le  Hardi  ^.  11  ne  s'oc- 
cupa que  du  centre.'  Mais  il  lui  fâllaii  un  bras,  une  épée. 
Il  n'y  avait  guère  alors  d'esprit  militaire  que  parmi  les 
Bretons  et  les  Gascons.  On  célébrait  le  combat  des  Trente, 
où  les  Bretons  avaient  vaîneu  les  Anglaîs**  Le  rot  s'attacha 
un  brave  Breton  de  Dinan,  le  sire  Bertrand  Duguesclin  \ 
qu'il  avait  vu  lui-même  au  siège  de  Melun,  et  qui  coin— 
battait  pour  la.Fr^unca  depuis  1 3^7. 

La  vie  de  ce  fameux  chef  do  compagpiea  <pû  délivra  la 
France  des  compagnies  et  des  Anglais  a  été  chantée^  c'est* 
à-dire  gâtée  et  obscurcie^  dans  une  sorte,  d'épopée  che* 
valeresque  que  l'on  compoaa  probablement  pour  ranioier 
l'esprit  militaire  de  la  noblesse.  Nos  histoires  de  DiiguesH 
clin  ne  sont,  guère  que  des  traductions  ea  prose  de  oeite 
épopée.  U  n'est  pas  {adte  de  dégager  de  cette  poésie  ce 
qu'elle  présente  de  sérieux,  de  vraiment  historique.  Noos 
en  croirons  volontiers  le  poème  et  les  romans  en  tout  g% 
qui  se  rapproche  du  caractère  biea  eonau^des.  Prct<m9« 
Nous  pourrons  les  croire  encore  dans  las  aveux  qju'il^ioot 
contre  leur  héros.  Ilsavouentd'abecdqulit  était  laid  :  «  De 
moyenne  stature,  le  visage  brui^  le  pe%  eavme»  to  yeiu 
verts,  large  d'épaules^  lon^  bras  et  petites  nAêû>e.  >  Us 
disent  qu'il  était  dès  son  enfeeee  hcmiu^^  wrçpn*  «  rude^ 
malicieux  et.divers  en  couraige^  »  q.u!il  ftfiiewhiift.  lefi  e»*^ 

*■  «  t^co  temps  s'drmoft  «t  étoit  toujours  armé  François,  un  cheTt- 
Ii0ff<cl».]if9tifie«9«i't'app0hrit  «leisipv  Bii»til  DmgmÊCÏiÊt,  «  ProMi> 


EXPULSION  DfiS  ANGLAIS.  237 

fanis,  les  partageait  en  troupes,  qu'il  battait  et  blessait  les 
autres.  Il  fut  cpielque  temps  eafermé  par  son  père.  Ce- 
pendant une  religieuse  avait  prédit  de  bonne  heure  qu? 
cet  enfaat  seeait  un  fameux  chevalier.  Il  fut  enoore  en* 
Icouragé  par  les  prédic^os  d'une  certaine  demoiseUe 
.  Tipbaine,  que  les  Bretons  croyaient  sorcière,  et  que  flus 
tard  il  épousa.  Cet  intraitable  bataill^ur  était  pourtant, 
comme  sont  les  Bretons,  ben  enfant  et  prodigue,  souvent 
riche,  souvent  ruiné,  donqaçt  parfois  tout  ce.  qu'il  avait 
po||r  racheter  ses  hommes;  mais  en  revanche  avide  et 
pillard,  rude  ep  guerre  et  sans  quartier.  Comme  les  aur 
très  capitaines  de  oe  temps,  il  préférait  la  ruse  à  tout  autre 
moyen  de  \9imfe^  il  restait  toujours  libre  de  sa  parole  et 
de  sa  foi.  Avant  la  bataille,  il  était  homme  de  tactique,  de 
ressource  et  d'engin  subtil.  11  savait  prévoir  et  pourvoir. 
Mais  une  fois  qu'il  y  était,  la  tôte  bretonne  reparaissait,  il 
plongeait  dans  la  mêlée,  et  si  loin  qu'il  ne  pouvait  pas  tou««> 
jours  s'en  retirer.  Deux  fois  il  fut  pris  et  paya  ran^n» 

La  première  affaire  pour  le  nouveau  rui,  c'éuit  de  rede- 
venir maitre  du  cours  de  la  Seine.  Mantes  et  Meubo 
étaient  au  roi  de  Navarre;  Boucicaut'at  Duguesctin les 
prirent  par  une  insigne  perfidie.  Les  deux  villes  payèrent 
tout  le  mal  que  les  Navarf ais  avaient  iait  aux  Parisiens. 
Les  bourgeois  eurent  la  satisfaction  d'en  voir  pendre  vingt*^ 
huit  à  Paris, 

Les  Navarrais,  fortifiés  d'Anglais  et  de  Gascons  $ous  le 
captai  de  Bueh,  voulaient  se  venger«  et  foire. quelque: chose 
pour  empêcher  le  roi  d'aller  h  Beima.  miguescMn  vint 
bientôt  au-devant  av^  une  bonoe  troupe  de  François,,  die 
B/e(ons,  et  aussi  de  Gascons.  Le  oapti^l  reciri«^  vers 
£vreux,  Il  s'arrêta  à  Cocberél,  su^  un  monticule;  mai* 
DuguesoUn  eut  Tadres^e  de  lui  dt^r  l'avantage  du  terrain, 
il  sonna  la  retraits  et  fit  semUant.  d«  fair,  h»  captai  ne.  put 
empêcher  ses  Anglais  de  descendre  ;  ils  étaient  trop  fiers 
pour  écouter  un  général  gascon,,  quoique  grand  seigneur 


288  CHARLES  T. 

et  de  la  maison  de  Foix.  Il  fallut  qu'il  obéit  à  ses  soldats, 
et  les  suivH  en  plaine.  Alors  Duguesclin  fit  volte-face  ;  les 
Gascons,  qu'il  avait  de  son  côté,  avaient  fait,  à  trente,  la 
partie  d'enlever  le  captai  du  milieu  de  ses  troupes.  Les  ^ 
autres  chefs  navarrais  furent  tués,  la  bataille  gagnée^. 

Gagnée  le  46  mai,  elle  fut  connue  le  18  à  Reims,  la  veille 
même  du  sacre;  belle  élrewie  de  la  nouvelle  royauté. 
Charles  Y  donna  à  Duguesclin  une  récompense  telle  que 
jamais  roi  n'en  avait  donné  :  un  établissement  de  prince, 
le  comté  même  de  Longueville,  héritage  du  frère  du  roi  de 
Navarre.  En  même  temps,  il  faisait  couper  la  tête  au  sire  de 
Saquenville,run  des  principaux  conseillers  duNavarrais.  Il 
ne  traitait  pas  mieux  les  Français  qui  se  trouvaient  pamii 
les  gens  des  Compagnies.  On  commença  à  se  souvenir  que 
le  brigandage  était  un  crime. 

M  guerre  de  Bretagne  finit  l'année  suivante.  Charles  de 
Blois  ^  résignait  au  partage  de  la  Bretagne;  mais  sa 
femme  n'y  consentit  pas.  Le  roi  de  France  prêta  Dugu<»- 
clin  et  mille  lances  à  Charles.  Le  prince  de  Galles  envoya 
à  Montfort  le  brave  Chandos,  deux  cents  lances,  autant 
d'archers,  auxquels  se  joignirent  beaucoup  de  chevaliers 
anglais'. 

Montfort  et  les  Anglais  étaient  sur  une  hauteur,  comme 
le  prince  de  Galles  à  Poitiers,  Charles  de  Blois  ne  6*en  in- 
quiéta pas.  Ce  prince  dévot,  qui  croyais  aux  miracles  et 
qui  en  faisait,  avait  refusé  au  siège  de  Quimper  de  se  re- 
tirer devant  le  flux.  «  Si  c'est  la  volonté  de  Dieu,  disait-il, 
la  marée  ne  nous  fera  aucun  mal.  »  11  ne  s'arrêta  pas  phis 
devant  la  montagne  à  Auray  que  devant  le  flux  à  Quimper. 

Charles  de  Blois  était  le  plus  fort.  Beaucoup  de  Bretons, 
même  de  la  Bretagne  bretoiinante,  se  joignirent  à  lui,  sans 
doute  en  haine  des  Anglais^.  Duguesclin  avait  rangé  cette 
armée  dans  un  ordre  admirable.  Chaque  homme  d'armes, 

t  App.,  238.  —  •  App.,  iS9,  -  '  App  ,  210. 


EXPULSION  DIS  ANGLAIS.  889 

dit  Froissart,  portait  sa  lance  droit  devant  lui,  taillée  à  la 
mesure  de  cinq  pieds»  et  une  hache  forte,  dure,  et  bien 
acérée,  à  petit  manche...  «  Et  s*en  venoient  ainsi  tout  heU 
lement  le  pas.  Us  chevauchoient  si  serrés  qu'on  n'eût  pu 
jeter  une  balle  de  paume  qu'elle  ne  tombÀt  sur  les  pointes 
des  lances.  Jean  Chandos  regarda  longtemps  l'ordonnance 
des  Français,  «  laquelle  en  soi-même  il  prisoit  durement.  » 
11  ne  s'en  put  taire,  et  dit  :  «  Que  Dieu  m'aide,  comme  il^ 
esterai  qu'il  y  a  ici  fleur  de  chevalerie,  grand  sens  et 
bonne  ordonnance^.  » 

Chandos  s'était  ménagé  une  réserve,  pour  soutenir  cha- 
que corps  qui  faiblissait.  Ce  ne  fut  pas  sans  peine  qu'il 
obtint  d'un  de  ses  chevaliers  qu'il  voulût  bien  rester  sur 
les  derrières  pour  commander  cette  réserve.  U  y  fallut  des 
prières^  et  presque  des  larmes^.  Le  préjugé  féodal  faisait 
considérer  le  premier  rang  comme  la  seule  place  hono- 
rable. Duguesclin  n'aurait  pu  obtenir  pareille  chose  dans 
Tautre  armée. 

Les  deux  prétendants  combattaient  en  tête.  C'était  un 
duel  sans  quartier.  Les  Bretons  étaient  las  de  celte  guerre, 
et  voulaient  en  finir  par  la  mort  de  l'un  ou  de  l'autre  3.  La 
réserve  de  Chandos  lui  donna  l'avantagç  sur  Duguesclin, 
qui  fut  porté  par  terre  et  pris.  Tout  retomba  sur  Charles 
de  Blois  :  sa  bannière  fut  arrachée,  renversée,  lui-même 
tué.  Les  plus  grands  seigneurs  de  la  Bretagne  s'obstinè- 
rent, et  se  firent  tuer  aussi. 

Lorsque  les  Anglais  vinrent  à  grande  joie  montrer  à 
Hontfort  son  ennemi  qu'ils  lui  avaient  tué,  le  sang  français 
se  réveilla  en  lui,  ou  peut-être  la  parenté  ;  les  larmes  lui 
vinrent  aux  yeux.  On  trouva  un  ciiice  sous. la  cuirasse  du 


*  Froissart. 

*  •  tioii  mestire  Jean  Chandos  aaques  (prcsqua)  sur  le  point  de 
larmoyer.  Si  dit  encore  mouU  doucement  :  ■  Mcàsire  lluo,  pu  il  faut  que 
Too>  le  fussiez  00  que  je  le  fasse.  »  Id. 


SdD  CHABLE9  V. 

mort.  Sa  piété»  ses  belles  qualités  rovmreiil  en  mémoire. 
U  n'avait  recommenoé  la  gnenre^  que  par  défiércaioe  pour 
sa  femnie,  dont  la  Bretagne  était  rbérita^e»  Ce  saint  ^  élait 
aussi  un  homme.  U  faisait  de»  vers,  conpasait  des  iai^ 
dans  rintervalle  des  batailles.  Il  avait  été  amoureux  ;  on 
sien  bMaird  fut  tué  à  côté  de  lui|.  es  voidaiit  venger  sa 
mopt. 

Montfort  reçut  en  peu  de  jouiB  les  plus  fcites  places  du 
pays.  Les  enfants  de  Otaries  de-  Blois  étaient  prisooniets 
en  Angleterre.  Le  roi  de  France,  qui  ne^  portak  nulle  pas** 
sion  dans  la  guerre,  s'arrangea  avea  te  vainqueur^  et  dé- 
cida la  veuve  de  Charles  de  Blois  àise  contenliar  da^comté 
de  Penthièvre,  de  la  vicomte  de  Limoges  et  d'une  rente 
de  dix  mille  livres;  Le  roi  fit  sagement.  Liessenlial  étaât 
d'empêcher  que  ia  Bretagne  ne  fithoamis^à  TAnglcis.  U 
y  avait  à  parier  qu'elle  se  lasserait  t6t  oa  tard<du  protégé 
de  l'Angleterre. 

C'était  quelque  chose  d'avoir  fini  la  guerrede Bretagne 
et'celle  du  roi  de  Navarre.  Mais  il  fallait  du  temps  pour 
que  la  France  se  remit»  La  simple^  éaumératioo;  des:ordoav 
nances  de  Charles  V  suffit  à  décauvrir.  quelles  ^piÂea-  cS^ 
froyablesla  guerre  avait  £aitea<i.La  plupart  sont  destinées 
à  cooatater  des  diminuttonsde/euir,  à.i«GOiinaHre.que  les 
Gonumuoes  dépeuplées  ne  peuvent,  plus. payer  les  impôts. 
D'autres  sont  les  sauv^^rdes  que  les  viU<»^  las  ahbajvs^ 
les  hôpitaux,  les  chapitres  obtiennentdn  roè.  La  protectîoa 
publique  était  siibible»^  qu'on*  en  réclamait  une  toute  spé- 
ciale. Les  villes,,  les  oarporations,  les  UBiveKBité8,.demsaf 
dent  que  l'on  consacre  leurs  priviléges4  Plusiescs  villes  sont 
déclarées  inséparables  de  la.  couronne.  Les  marchands 
italiens  à  Nîmes,  les  Castillans  et  Portugais  à  HarAeur  et  à 
Caen,  obtiennent  des  privilèges.  Au  total,  peu  ou  point  de 
mesure  générale  ;  tout  est  spécial,  individuel  :  on  sent 

*  «  Et  l'appelle- t-OD  saint  Charles.  »  Froissart.  App,,  îtSt 


EXPLLSWN  DBS   ANGLAIS.  %l 

combien  le  royaume  est  loin  de  l'unité,  combien  il  csi 
faible  et  malade  encore. 

La  plus  grande  misère  de  la/  France,  c'était  le  brigan-* 
(lage  des  Compagnies^  Licenciées  par  rAnglais,  repoussera 
de  rile-de-France,  de  la  Normandie,  de  la  Bretagne ,  de 
l'Aquitaine,  ces  bandes  refluaient  sur  le  centre;  elles  se 
promenaient  par  le  Berri,  le  Limousin),  etc.  Les  brigandb 
étaient  là  comme  cbezeux.  C'était  leu»  chambre,  disaient-^ 
ils  insolemment  ^.  ils  étaient  d^  toute*  nation,  mais  la  ptli-' 
part  Anglais  et  Gascons,  Bretons-  encore  ;  mais  ceur-ei 
étaient  en  petit  nombre.  Le  peuple  les  regardait  totts 
comme  Anglais  ;  rien  n'a  plus  contribué  à  exaspérer  la 
France  contre  l'Angleterre.  On  proposait  aux  Compagniesr 
d  aller  à  la  croisade.  L'empereur  leur  avait  obtenu  le  pas- 
sage par  la  Hongrie,  et  il  offmit  de  les  défruyer  en  Allis^ 
magne.  Mais  la  plupart  ne  se  souoiaient  pas  dfaller  siloin. 
Ceux  qui  s'y  décidèrent,  dans  l'espoir  de  piller  rAlie*^ 
magne  chemin  faisant,  y  parvini^ent  à  peine.  Menés  par 
rArchiprétrej,usqu'en  Alsace,  ils  y  trouvèrent  des  popula^ 
tions  serrées,  hostiles^  qui  de  toutes  parts  tombèrent  sur 
eux.  11  n'en  réchappa  guère.  D'auGres  passèrent  en  Italie. 

Mais  le  principal  écoulement  s'opéra  vers*  FEspagiie, 
vers  la  Castille,  dans  la  guerre  du^  bâtard  Don  Burique  de 
Transtamare  contre  son  frère  Don  PèdreJa  Cruil.  Tous 
les  rois  d'Espi^e  d'alors  méritaient  ce  surnom.  En  Na- 
varre régnait  Charles  le  Mauvais,  le  meurtrier,  l'empoi- 
sonneur. En  Portugaly  Don  Pèdre  lo  Justicier,  celui  ifiii  fit 
une  si  atroce  justice  de  la  mort  d'faiès  de  Castro  ;  en 
Aragon,  Don  Pèdre  le  Cérémonieux,  qui,,  sans  forme  de 
procès,  fit  pendre  par  les  pieds  un  légat  chargé  de  lex*- 
communier.  De  même.  Don*  Pèdre  le  Cruel  avait  fait  brftier 
vif  un  moine  qui  lut  prédisait  que  son  frère  le  tuerait.  Il 
faut  voir  dans  la  Chrooiquad-Aj^lace  qo'étoii  l^E^gne^ 


S92  CHAIILES  Y. 

depuis  qu'ayant  moins  à  craindre  les  Maures,  elle  cédait  à 
leur  influence,  devenait  moresque,  juive,  tout,  plutôt  que 
chrétienne.  Les  guerres  sans  quartier  contre  les  mécréants 
avaient  rendu  les  mœurs  féroces  ;  elles  le  devenaient  encore 
plus  sous  la  dure  fiscalité  juive  '. 

Ce  Pèdre  le  Cruel  était  une  espèce  de  fou  furieux.  Les 
deux  éléments  discordants  de  FËspagne  se  combattaient 
en  lui  et  en  faisaient  un  monstre.  Il  se  piquait  de  cheva- 
lerie, comme  tout  Castillan,  et  en  même  temps  il  ne 
régnait  que  par  les  juifs  ;  il  ne  se  fiait  qu'à  eux  et  aux  Sar- 
rasins K  On  le  disait  fils  d'une  juive.  Sans  cette  partialité 
pour  les  juifs,  les  communes  lui  auraient  su  gré  de  sa 
cruauté  à  l'égard  des  nobles. 

Cet  homme  sanguinaire  aimait  pourtant.  Il  avait  pour 
maltresse  la  Dona  Maria  de  Padilla,  «  petite,  jolie  et  spiri- 
tuelle, »  dit  le  contemporain  t.  Pour  lui  plaire,  il  enferma 
sa  femme  Blanche,  belle-sœur  de  Charles  V,  et  finit  par 
l'empoisonner.  Il  avait  déjà  fait  périr  je  ne  sais  combien 
des  siens.  Son  frère,  Don  Enrique  de  Transtamare,  qui 
avait  tout  à  craindre,  se  sauva  et  vint  solliciter  le  roi  de 
France  de  venger  sa  belle-sœur. 

Le  roi  lui  donna  de  bon  cœur  les  Compagnies  qui  dé- 
solaient la  France.  Le  roi  d'Aragon  offrit  le  passage,  le 
papa  Tautorisation  d'envahir  la  Castille.  Don  Pèdre,  entre 
autres  violences,  avait  mis  la  main  sur  des  biens  d'église. 

Le  jeune  duc  de  Bourbon  était  de  nom  le  chef  de  l'ex  * 
pédition  ;  le  vrai  chef  devait  être  Duguesclin  ^.  U  était 


«  La  cour  dut  plas  d'ane  fois  donner  satisfaction  au  peuple.  En 
4320,  pour  apaiser  les  méconteatements,  on  força  le  jaif  Joseph  à  ren- 
dre compte  de  son  adminisiration  dans  les  Aoanoes,  et  oo  fit  un  non* 
veaa  règlement  qui  excluait  de  ces  fonctions  quiconque  n'était  pas  chré- 
tien. En  1360,  D.  Pèdrd  fit  mourir  le  juif  Samuel  l^n>  que  don  Juan 
Alphonse  lui  avait  donné  ponr  trésorier  dix  ans  auparavant*  il  avait 
amassé  une  fortune  énorme.  (Ayala.) 

*  App.,  243.  —  *  Ayala. 

4  App.,  244. 


EXPULSION  DIS  ANGLAIS.  293 

encore  prisonnier;  les  Anglais  ne  voulaient  pas  le  rendre, 
à  moins  de  400,000  fr.  ^.  Le  roi,  le  pape  et'D.  Enrique  se 
cotisèrent,  et  payèrent  pour  lui. 

Duguesclin  prit  le  commandement  des  aventuriers,  et 
les  mena  en  Espagne,  mais  par  Avignon,  pour  faire  encore 
iinancer  le  pape.  Il  en  tira  deux  cent  miUe  francs  en  or  et 
une  absolution  générale  pour  les  siens.  L'armée  grossissait 
sur  la  route  '  ;  quoique  le  roi  d'Angleterre  eût  défendu 
à  ses  sujets  de  prendre  part  à  cette  guerre,  une  foule 
d^aventuriers.  Anglais  et  Gascons,  n'en  tenaient  compte. 
Un  Français  les  emmenait  tous,  au  grand  déplaisir  de 
l'Anglais  K 

Ces  gens,  qui  avaient  commencé  par  rançonner  le  pape, 
n'en  donnaient  pas  moins  à  cette  guerre  d'Espagne  un 
faux  air  de  croisade.  Quand  ils  furent  en  Aragon,  ils  en* 
voyèrent  dire  au  roi  de  Castilie  qu'il  eût  à  donner  le  pas- 
sage et  les  vivres  «  aux  pèlerins  de  Dieu  qui  avoient  en- 
trepris par  grfmd'dévotion  d'aller  au  royaume  de  Grenade, 
pour  venger  la  souffrance  de  Notre-Scigneur,  détruire  les 
incrédules  et  exhausser  notre  foi.  Le  roi  Don  Piètre  de  ces 
nouvelles  ne  fit  que  rire,  et  répondit  qu'il  n'en  feroit  rien, 
et  que  jà  il  n'obéiroit  à  telle  truandaille  K  » 

*  Ce  fut  en  effet  comme  un  pèlerinage.  Il  n'y  eut  rien  à 
combattre.  Don  Pèdre  fut  abandonné.  Il  ne  trouva  d'asile 
qu'en  Andalousie,  chez  ses  amis  les  Maures.  De  là,  il  passa 
en  Portugal,  en  Galice,  et  enfin  à  Bordeaux.  H  y  fut  bien 
reçu.  Les  Anglais  étaient  outrés  de  colère  et  d'envie.  Us  se 
chargèrent  de  ramener  Don  Pèdre,  de  rétablir  le  bourreau 

*  Chirlet  V  loi  préift  eet  argent,  à  condiiion  qa'il  emmènerait  les 

CoDipagDies.  App,,  945. 

*  «  Là  étoient  tous  les  cheté  de  compagnie,  c'est  à  sayoir  messire  Ro« 
bart.  Briquet»  Lamit,  le  petit  liescnin,  le  bourg  (bâtard)  Catnns,  etc.  « 

Froissari. 

*  •  Si  y  allèrent  de  la  principaaté  et  des  cbevaliers  do  prince  de 

Galle5.  •  Id. 

*  Froissart. 


SD4  Qil.ldlLfS  v« 

de  l'Espagne  ;  l^tM^unS'  ce  dinbatique  ot^a&à,  «pii  lear  a  si 
souvent  tourné  Ja  %éto,  tout  sensés  (fu  ils  paraissom,  le 
même  qui  leur  a  fuit  brûler  Ja  ttuœlle  d'Orléans,  qui,  sous 
K.  Pitt,  leur  aurait  fait  bir&Ier.la  France.  ^ 

Le  rprÎBce  de  Gattee  était  tellement  infatué  de  sa  puis- 
sance, qu'il  ae  «e  oontentait  pas  de  vouknr  rétablir  Don 
Pèdre  eu  Ca&tUle  ;  il  proraettaîi  «u  roi  dépouUlé  de  Ma* 
jorquede  le  femener/ea.  Aragon.  Les  seigneurs  gascons, 
qui  Qe  se  souoi«ieDt  pas  d*,aller  si  ioin  faire  les  affaires  des 
Anglais,  basar^^lèr^iU^e  lui  dire  qu'il  était  plus  difficHe  de 
rétaUir  D.  Pèdre  que  de  le  chasser.  cQui  trop  embrasse 
mal  étreint,  disaient-ils  encore...  Nous  voudrions  bien 
savoir  qui  nous  payera  ;  on  ne  nietpasdes  gens  d'armes 
hors  de  cbeE  eux  sans  les  payer  ^  »  Don  Pèdre  leur  pro- 
mettait tout  ce  .qu'ils  vouiaieiit;  il  avait  laissé  des  trésors 
cacbés  daAs  des  lieux  que  lui  eeul  eonnaiasait  ;  ii  leur  don- 
nerait six  cent  mille  florins  K  jPourle  piinoe  de  «Galles,  û 
devait  lui  donner  la  Biscaye»  o'^esio-àHliiie.  l'entrée  des 
Pyrénées,  un  Calais  pour  i'lispagiie« 

Toi»!  ce  qu'il  y  avait  d'aventuriers  laagias  dans  l'année 
de  Don  finrique  fut  rappelé  en  Guyeme.  Us  pardrcm  bien 
payés  par  lui,  pour  revenir  le  iiattre  et  gagner  autant  au 
^rvice  de  Don  Pèdre  3  :  lelle  est  la  loyauté  de  ce  temps.  De 
mAme,  le  roi  de  Navarre  traitait  à  la  ùâs  avec  les  deux 
partis,  se  faisant  payer  paurmuvflir^  foar  kmutr  les  ^non- 
tagnes.  Il  crai^MÎt  iteHomeMt  de  se  aoiapremettre  pour 
les  uns  ou  les  auitres,  qu'au  mooieai^'fiDtrer  en  campagne 
avec  les  ko^lm,  U  aiwannmix  lee  faite  faire  prisonnier  K 

Le  prince  de  Galles  eut  plus  de  gens  d'armes  qu'il  ne 
voulait^.  La  difficulté  était  de  ias  nourrir.  Arrivés  sur 
l'Ëbre,  dans  un  maigre  pays,  par  le  vent,  la  pluie  et  la 
neige,  les  vivres  leur  manquèrent.  Us  en  étaient  Aéyà  à 

1  FjroissArt.  --  >  Id.  —  '  App  ,  S46.  —  «  App.,  247. 

^  Il  ne  garda  que  les  Anglais  et  les  Gascons,  congédiant  presque  loor 
lesautr  s,  Aliuaiands,  Flamands,  etc    (Froissari.) 


EXPULSION  DBS  ANGLAIS.  t9l 

payer  le  petit  pain  un  florin.  —  On  conseillait  à  Don  En^ 
rique  de  refuser  la  bataille,  de  (aire  garder  les  passages  et 
de  les  aflhmer.  L'orgueil  espagnol  né  le  permit  pas.  Il  se 
voyait  trois  mille  armures  de  fer,  six  mille  hommes  4e  ca« 
Talerie  légère  (vingt  mille  hommes  d'armes,  dît  FroîBSiirt), 
dix  mîille  arbalétriers,  soixante  mille  communeros  avec  des 
lances,  des  piques  et  des  frondes.  Après  tout,  ce  n'était 
guère  que  du  peuple.  Les  archers  anglais  valaient  mieux 
que  les  frondeurs  castillans  ;  les  '  lances  nnglarses  portaient 
plus  loin  que  les  dagues  et  lesépées  dont  les^fVançais  ^ 
les  Aragonais  aimaient  à  se  servir.  La  bataille  fet  conduite 
par  ce  brave  et 'froid  lean  Chandos  qui  avait  déjà  fttit  ga- 
gner aux  Anglais  les  bataffles  de  Poitiers  et  â'A«aiiy. 
Malgré  les  efforts  de  Don  Enrique^  qui  ramem  les  tiem 
trois  fois,  les  Espagnols  s'enferrent.  Les  aventuriêflfS 
restèrent  seuls  à  se  battre  inutilement^.  Tout  fat  mé 
ou  pris.  Chandos  «e  trouva,  povnria  seeoiide  fois,  avoir 
plis  Duguesdin. 

Ce  fut  un  beau  jour  pour  le  prince  4e  Chiles.'Il  yttVÉH 
juste  vingt  ans  qtf  il  aurait  combattu  è  Cféey,  dte  cfu'il  avélt 
gagné  la  bataille  de  'Poitiers.  Il  Tendit  des  jugmMrts  datts 
la  plaine  de  Burgos',  il  y  tint  gages  et  «liamp  de  tataSie  : 
on  put  dire  que  rEspagne  bi  un  jour  à'iui. 

le  roi  de  Vrance,  'fort  abattu  de  «es  neuveHes,  fl^eM 
soutenir  Henri  de  Transtaroare.  Sur  une  lettre  ée  ta  parin* 
ceasc  de  Galles,  il  s'emprèssaide  défendre  au  fugitif  Âflta 
qgjtr  la  Guyenne;  H  fit  même  mettre  en  prison  le  jevM 
comte  d'Auxerre,  qui  armait  pour  don  Snrique. 

Les  vainqueurs  restaient  en  Espagne  à  attendre  'què 
DonPèdre  les  payftt  sur  les  trésors  cachés.  Us  s'enwuyaieilt 
fort  ;  la  sobre  hospitafhé  espagnole  *ne  les  dédommageait 
pas  de  ce  long  séjour.  Les  lourdes  ehuleurs  venaient;  ils 
se  jetaient  sur  les  fruits,  et  la  dyssenterie  les  tuait  en  foule. 

*  Les  paayrfs  ^ensdes  communes,  vivement  poursuivis,  .nllérent  tom^ 
bcr  dans  l'Kbre,  «  en  l'eau  qui  étoit  roidc,  noire  et  hideuse.  •  Froissari, 


896  CDAULES  V. 

Le  prince  de  Galles  n'était  pas  Tun  des  moins  malades.  Ils 
étaient,  dit-on,  réduits  au  cinquième,  lorsqu'ils  se  déci- 
dèrent à  repasser  les  monts,  mal  contents,  mal  portants, 
mal  payés  ^ 

Le  prince  de  Galles,  qui  avait  répondu  pour  Don  Pèdre, 
ne  pouvant  les  satisfaire,  ils  pillaient  l'Aquitaine.  Il  finit 
par  leur  dire  d'aller  chercher  leur  vie  ailleurs.  Ailleurs, 
c'était  en  France.  Ils  y  passèrent,  et  tout  en  pillant  sur 
leur  route,  ils  ne  manquaient  pas  de  dire  partout  que  c'é- 
tait le  prince  de  Galles,  leur  débiteur,  qui  les  autorisait  à 
se  payer  ainsi  '. 

Le  prince  fit  encore,  par  orgueil,  la  faute  de  délivrer 
Duguesclin;  ce  qui  était  donner  un  chef  aux  Compagnies. 
Le  prudent  Chandos,  a  qui  était  son  maître,  >  avait  dit 
qu'il  ne  le  laisserait  jamais  se/acheter.  Un  jour  cependant 
'que  le  prince  était  en  gaieté,  il  aperçut  le  prisonnier,  et 
[lui  dit  :  f  Comment  vous  trouvez- vous,  Bertrand?  — A 
imerveille,  Dieu  merci,  répliqua-t  il.  Comment  ne  serais-je 
ipas  bien?  Depuis  que  je  suis  ici,  je  me  trouve  le  premier 
chevalier  du  monde.  On  dit  partout  que  vous  me  craignez, 
que  vous  n'osez  me  mettre  à  rançon.  »  L'Anglais  fut 
piqué  :  c  Messire  Bertrand,  dit-il,  vous  croyez  donc  que 
c'est  pour  votre  bravoure  que  no\is  vous  gardons?  Par 
saint  Georges,  payez  cent  mille  francs,  et  vous  êtes  libre.» 
Duguesclin  le  prit  au  mot  '. 

Ayala  dit  que  le  prince,  pour  montrer  qu'il  se  souciait 
peu  de  Duguesclin,  lui  dit  de  fixer  lui-même  combien  il 
voulait  payer.  Duguesclin  dit  fièrement  :  «  Pas  moins  3e 
cent  mille  francs.  »  Ce  serait  plus  d'un  million  aujour- 
d'hui. Le  prince  fut  étonné  :  a  Et  oii  les  prendrez- vous, 
Bertrand?  »  —  Le  Breton,  selon  la  chronique,  aurait»dit 
ces  belles  paroles,  qui  n'ont  rien  d'invraisemblable  :  c  Moa- 

I  Àpp.,  S4S. 

*  •  Que  le  prince  de  Galles  les  enToyoit  là.  •  Froissart. 

'  Ibitj.  •  Et  Unlûl  que  le  prince  Touit  ainsi  parler,  il  s*6n  repentit  • 


IMPULSION  DBS  ANGLAIS.  297 

seigneur,  le  roi  de  Castille  en  payera  moitié,  et  le  roi  de 
France  le  reste  ;  et  si  ce  n'était  assez,  il  n*y  a  femme  en 
France  sachant  filer,  qui  ne  filât  pour  ma  rançon  <.  » 

Il  ne  présumait  pas  trop.  La  guerre  était  imminente. 
Pendant  que  Charles  V  recevait  honorablement  à  Paris  un 
fils  du  roi  d'Angleterre,  qui  allait  "Se  marier  à  Milan,  les 
Compagnies  licenciées  par  les  Anglais  désolaient  la  Cham- 
pagne, et  jusqu'aux  environs  de  Paris.  C'était  trop  de  payer 
et  d'être  pillé. 

Le  prince  de  Galles  était  revenu  d'Espagne  hydropique, 
et  son  année  ne  valait  guère  mieux.  Les  Gascons  qui  s'é- 
taient engagés  dans  cette  affaire  anglaise  sur  la  foi  des 
trésor^  cachés  de  D.  Pèdre,  revenaient  pauvres,  en  piteux 
équipage  et  de  mauvaise  humeur.  Ils  gardaient  d'ailleurs 
an  prince  plus  d'une  vieille  rancune.  Il  avait  forcé  le 
comte  de  Foix  à  donner  passage  aux  Compagnies,  il  avait 
demandé  mUle  lances  au  sire  d'Albret,  et  lui  en  avait  laissé 
huit  cents  à  sa  charge  *.  Les  méridionaux  en  voulaient  aux 
Anglais,  non  pas  seulement  de  leurs  vexations,  mais  de  ce 
qu'ils  étaient  Anglais,  c'est-à-dire  ennuyeux,  incommodes 
à  vivre.  Ces  vives,  spirituelles  et  parleuses  populations 
souffraient  à  les  voir  orgueilleusement  taciturnes,  et  ru- 
minant toujours  en  eux  «mêmes  leur  bataille  de  Poi- 
tiers •, 

Le  prince  de  Galles  méprisait  les  Gascon^.  Il  dioirit, 
avec  le  tact  anglais,  ce  moment  de  mauvaise  humeur  pour 
mettre  sur  leurs  terres  un  fouage  de  dix  sols  par  feu  *;  au 
lieu  de  les  payer,  il  leur  demandait  de  l'argent;  un  fouage 

I  App.,  M9. 

»  App..  290. 

*  •  lit  sont  ceux  da  Poiton,  do  Sainlonge,  de  Qafrcy,  de  Limousin,  do 
Booergne,  de  telle  natore  qu'iU  nopoQTent  aimer  les  Anglois,...  et  les 
Anglois  aassi  qui  sont  orgueilleaz  et  présomptueux  ne  les  pearent  aussi 
aimer,  ni  no  firent-ils  oncques,  et  encore  maint(»n.inf  moins  que  on^ves, 
nais  les  tiennent  en  grand  dépit  et  vildd.  •  FroiM. 


aux  maigre»  populalicHis  des  landes,  aux  pauvre^  cfaevrîers 
das  mo&tagnes;  un  fouage  à  cette  brave  petite  noblesse 
qui  ne  fiii  jftinais  ri^fae  qu'en  cadets  et  en  bâtards.  Le 
prince  avait  convoqué  tes  états  à  Niort,  4ans  Tespoir  de 
convertir  les  Gascons  par  le  bon  exemple  des  Poitevins  et 
des  limousins.  Ils  n'y  furent  pas  sensibles.  Il  eut  beau 
transférer  les  états  à  Angoulénie,  à  Poitiers,  à  Bergerac. 
Ils  n'eurent  pas  plus  envie  de  payer  à  Bergerac  qu'à 
Niort. 

£t  non^eulement  ils  ne  payèrent  pas,  mais  ils  allèrent 
trouver  le  roî  de  France,  lui  disant  avi90  la  vivacité,  de  leur 
pays  (fu'ils  voulaient  justice,  que  sa  couir  était  la  plus  juste 
da 'monde,  que  s'il. ne  recevait  pasJeor  appel,  ils'iraieot 
chercher  un  autre  seigneur  *.  Le  roi  qui  n'était  p»s  pfét 
à  la  guerrcviâcbaitide  les  contenir.  Une  les  soutenait  pas^ 
ne  les  renvoyait  pas;  mais  il  les  gardait  k  Paris,  les 
choyait^  les  défnayait  K  11  y  avait  à»  beUes  fortunos  à  JEûie 
«après  de  oe  bon  roi.  L'Anglais  ne  ipayait  past,  même 
après;. lui,  il  parfait  d'avnace.  U  donnait  aux  petits  cbeva- 
lîeffs,  aen  fas  de  l'argent  seulement,  mais  dîas  établisse* 
neofts,  des  fortunes  de  prince.  Jl  élait  le  pire  des  Bretons 
el  dns  fiaBoons.  U  ne  leur  gardait  .pas  rancune.  Pins  on 
avait  bnttn  aas  gens,  et  mieux  il  von^  traitait.  U  venait 
d'accueillir  le  Vendéen  Clisson,  l'un  de  ceux  qui  avaient  le 
pbêB  nomribué  à  h  dtfaite  des  FraA(;aÂs  à«4uçay.  U  offrit 
au  .captai  ée  Binth  leidncbéde  Nemours.,  il  donna  «u  sire 
d'Attwel  nue  fiUc'de  FrsiMte  en  jnaria^.  Ce  fut  pour  Jes 
Gaseons  fuo  grand  €neoui]|fe«nnJ;  de  voir  un  dies  leuis 
devenir  prince,  beau-frère  des  rois  de  France  et  de  Cas* 
tille. 

Le  25  janvier  4369,  le  prince  de  Galles  reçut  à  Bordeaux 
un  docteur  es  lois  et  un  cbevialîer,  qui  venaient,  de  la  paii 

fl  Ffoinoit. 

*  «  El  vous  mettrons  à  aocord  «f«e  no&re  irét  eber  amtn  le  pràied  in 
Galles,  qui  espoir  (peut-ôire)  n'est  mie  bien  conreiilé.  •  Uiid. 


EXPULSION  DES  ANgLAlS.  299 

du  roi  de  France,  lui  remettre  un  exploit.  C'était  une  som- 
mation polie  de  venir  à  Paris,  et  de  répondre  en  cour  des 
pairs,  touchant  certains  griefs  dont  a  par  foible  conseil  et 
simple  information,  il  aurait  molesté  les  prélats,  barons, 
chevaliers  et  communes  des  marches  de  Gascogne  aux 
frontières  de  notre  royaume,  de  laquelle  chose  nous 
sommes  tout  émerveillés  ^  »  Le  malade,  ayant  pris  con- 
naissance du  message,  dit  fièrement  le  mot  de  Guillaume 
le  Conquérant  :  «  Nous  irons,  mais  ce  sera  le  bassinet  en 
této,  et  soixante  mille  hommes'à  notre  compagnie...  II  en 
coûtera  cent  mille  vies.  »  Le  prince  était  de  si  mauvaise 
humeur,  qu'après  avoir  permis  aux  messagers  de  s'en 
aller,  il  fit  courir  après,  et  les  mît  en  prison  sous  un  pré- 
texte :  «  De  crainte  qu'ils  n'allassent  recorder  leurs  sougles 
(plaisanteries)  et  leurs  bourdes  (railleries)  au  duc  d'Anjou 
qui  vous  aime  tout  petit,  et  qu'ils  disent  comme  ils  m'ont 
ajourné  en  mon  hôtel  même  *.  » 

Le  roi  de  France,  tout  au  contraire,  avait  Tair  de  croire 
que  cette  affaire  de  Gascogne  ne  touchait  point  lé  roi 
d'Angleterre.  Au  même  moment,  il  lui  envoyait  vm  présent 
de  cinquante  pipes  de  bon  vin,  dont  pourtant  l'Anglais  ne 
voulut  pas.  Il  avait  naguère  encore  acquitté  un  des 
payements  de  la  rançon  du  roi  Jean.    ^ 

Charles  savait  endurer  et  patienter.  Ses  affaires  n'en 
marchaient  pas  mdins.  Au  nord,  il  gagnait  les  gens  des 
Pays-Bas.  Il  pratiquait  le  Ponthieu,  Abbcviflc.  Au  midi,  il 
avait,  de  longue  date,  fait  placer  par  le  pape  des  évéques  à 
lui  dans  toutes  les  provinces  anglaises.  Au  delà  des  Pyré- 
nées, il  envoyait  Duguesclin  et  quelques  gens  des  Compa- 
gnies pour  aider  les  Castillans  à  se  débarrasser  du  roi  que 
les  Anglais  leur  avaient  imposé.  Don  Enrtque  promettait 
en  retour  d'armer  contre  les  Anglais  une  flotte  douUe  de 
celle  du  roi  de  France. 

I  ProisMrt.  —  >  Mem. 


300  CHARLES  V. 

Don  Pèdre  avait  pour  lui  beaucoup  de  communes,  pré- 
cisément à  cause  do  sa  cruauté  à  Tégard  des  nobles.  D 
avait  surtout  les  Maures  et  les  juifs,  mauvais  auxiliaires 
qui  n*étaient  pas  capables  de  le  défendre  et  qui  donnaient 
une  fâcheuse  couleur  à  son  parti.  Il  s'était  retiré  dans  un 
des  pays  les  moins  chrétiens  d'Espagne,  dans  l'Andalousie. 
Don  Enrique  et  Duguesclin,  emmenant  rapidement  un 
petit  corps  d'hommes  sûrs,  ne  lui  laissèrent  pas  le  temps 
de  reconnaître  le  nombre  des  assaillants.  Les  juifs  qui, 
contre  toutes  leurs  habitudes,  avaient  pris  les  armes,  les 
jetèrent  au  plus  vite  ;  les  Maures  avec  leura  flèches  ne 
pouvaient  arrêter  la  grosse  cavalerie.  Duguesclin  défendit 
qu'on  fît  quartier  à  ces  mécréants.  Don  Pèdre  n'eût  que  le 
temps  de  se  jeter  dans  le  château  de  Montiel.  On  dit  que 
Duguesclin  lui  promit  de  le  faire  évader  et  qu'il  le  trahit; 
que  les  deux  frères  étant  venus  en  présence  dans  la  tente 
de  D.  Enrique,  ces  furieux  se  jetèrent  l'un  ;sur  l'autre  ; 
que  D.  Pèdre  ayant  mis  Enrique  dessous,  Duguesclin  prit 
D.  Pèdre  par  la  jambe  et  le  mit  sous  son  frère  qui  le  poi- 
gnarda ^ 

La  bataille  de  Montiel  eut  lieu  le  4  4  mars.  À  la  fin  d'a- 
vril, Charles  V  éclata,  surprit  le  Ponthieu  et  défia  le  roi 
d'Angleterre.  Le  défi  fut  porté  h  Westminster  par  un  valet 
de  cuisine.  Le  choix  du  messager,  en  chose  moins  grave, 
eût  semblé  épigrammatique.  Ces  conquérants,  maltraités 
en  Espagne  par  les  fruits,  en  France  par  les  vins,  étaient 
malades,  vieillis  de  leurs  excès.  Un  fils  d'Edouard  III, 
Lionel,  mourait  à  Milan  d'indigestion.  Les  Anglais  soutin- 
rent qu'il  était  empoisonné . 

Il  n'y  avait  que  trop  de  bonnes  raisons  pour  rompre  la 
paix.  Les  Anglais  l'avaient  rompue  eux-mêmes,  en  là-  ^ 
chant  leurs  Compagnies  sur  la  France.  Charles  V  n'en 


<  Au  lieu  de  Dugueflclin  qu^Ayala  fait  intenrenir,  Froitsart  noBinek 
vicomte  de  Roqueberlio. 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  30 1 

• 

parla  pas,  non  plus  que  des  réclamations  des  Gascons  au 
traité  de  Bretigni,  pas  davantage  de  leurs  privilèges  violés 
par  les  Anglais.  Il  aima  mieux  chercher  dans  les  chartes 
du  traité  quelque  défaut  de  forme.  Les  états  généraux, 
consultés  par  lui  avec  déférence,  décidèrent  que  son  droit 
était  bon  (9  mai  1369).  Il  se  fit  donner  par  la  cour  des 
pairs  sentence  pour  confisquer  l'Aquitaine;  U  dit  hardi- 
ment dans  cet  acte  que  la  suzeraineté  et  le  droit  d*appel 
avaient  été  réservés  par  le  traité  de  Bretigni. 

U  pouvait  mentir  hardiment  :  tout  le  monde  était  pour 
lui.  Les  Compagnies  se  déclarèrent  françaises.  Les  évéques 
d'Aquitaine  lui  donnaient  leurs  villes;  de  longue  date, 
Varchevéque  de  Toulouse  les  avait  gagnées  :  soixante*  villes, 
bourgs  ou  châteaux,  chassèrent  les  Anglais,  même  Cahors, 
même  Limoges,  dont  les  évéques  semblaient  tout  anglais. 
Le  roi  de  France  méritait  ces  miracles  ;  tout  maladif  qu'il 
était,  il  faisait  continuellement,  pieds  nus,  ^e  dévotes  pro- 
cessions *.  Les  prêcheurs  populaires  parlaient  pour  lui. 
Le  roi  d'Angleterre  faisait  bien  aussi  prêcher  Tévéque  de 
Londres  ;  mais  il  n'avait  pas  le  même  succès  >. 

Toutes  les  villes  qui  se  rendaient  à  Charles  V  obtenaient' 
confirmation  et  augmentation  de  privilèges.  On  suit  le 
progrès  de  sa  conquête  de  charte  en  charte  :  Rhodez, 
Figeac,  Montauban,  février  1370;  Milhaud  en  Rouergue, 
mai  ;  Cahors,  Sarlat,  juillet  '. 

Il  est  difiicile  de  croire  qu'une  tête  aussi  froide,  aussi 
sage,  ait  eu  réellement  l'idée  d'envahir  l'Angleterre  *.  H  fit 
tout  ce  qu'il  fallait  pour  le  faire  croire,  sans  doute  afin 

«  App.,  Ï5Î. 

*  •  An  Toir  dire,  il  était  de  néCMtilé  à  l'on  roi  et  à  l'antre,  pnkqw 
guerroyer  YonUnent,  qu'ils  fissent  meUre  en  termes  et  remonirer  à  leur 
peuple  Tordonnance  de  leur  querelle,  pourquoi  chacun  entendit  de  plus 
grand  volonté  à  conforter  son  seigneur;  et  de  ce étoiv'At-ils  tons  réveillée 
en  TuB  royaume  et  en  Tauire.  •  Froiss. 

•il  pp.,  Î53. 

*  Froissari. 


30i  CHARLES  y. 

d'attirer  les  Anglais  dans  le  nord,  et  de  les  empêcher 
d'étouffer  le  mouvement  du  midi.  Ils  débarquèrent  en 
effet  une  armée  à  Calais  sous  le  duc  de  Lancastre.  La 
grande  et  grosse  armée  française,  conduite  par  le  duc  de 
Bourgogne,  cinq  fois  plus  forte  que  l'anglaise,  avait  dé- 
fense e^resse  de  combattre.  Elle  resta  immobile,  puis  se 
retira,  sous  les  huées  des  Anglais  *.  Ceux-ci  n'en  perdi- 
rent'pas  moins  leur  temps  et  leur  argent.  Les  villes  du 
nord  étaient  en  bon  état.  Dans  le  midi  ils  avaient  regagné 
plusieurs  places,  mais  en  perdant  ce  qui  valait  bien  plus, 
l'irréparable  capitaine  auquel  ils  devaient  les  victoires  de 
Poitiers,  d'Auray  et  de  Najara,  le  sage  et  habile  Jean 
Chandos. 

Ce  brave  homme  avait  tout  prévu.  Dès  le  moment  que  le 
prince  de  Galles  s'obstina,  contre  son  avis,  à  imposer  ce 
fatal  fouage,  Chandos  se  retira  en  Normandie.  Puis,  le  midi 
se  soulevant,  il  revint  pour  réparer  le  mal,  pour  sauver 
les  imprudents  qui  n'avaient  pas  voulu  l'écouter  ;  mais  il 
espérait  peu  de  cette  guerre.  L'historien  du  temps  le  repré- 
sente fort  triste  et  mélancolieuXy  comme  s'il  eût  prévu  sa 
mort  prochaine  et  la  perte  des  provinces  anglaises.  Après 
sa  mort,  le  roi  d'Angleterre  suivit  enfin  son  avis,  et  révoqua 
rimpôt.  Il  était  trop  tatd. 

Les  Anglais  étaient,  eomme  on  est  dans  le  malheur,  de 
plus  en  plus  malhabiles  et  tîialheureux.  Ils  auraient  dû  à 
tout  prix  s'assurer  le  roi  de  Navarre  et  s'en  servir  contre 
la  France.  Le  marché  tint,  selon  toute  apparence,  à  la 
vicomte  de  Limoges  que  le  Navarrais  demandait.  Le  prince 
de  Galles  ne  voulut  pas  ébrécher  son  royaume  d'^Aquilaine  : 
ihlui  importait  de  garder  cette  porte  de  la  France.  11  refusa 
et  perdit  tout.  Le  roi  de  France  regagna  le  roi*  de  Navarre 
en  lui  donnant  Montpellier,  qu41  lui' promettaii  depu»  st 
longiLemps.  Peu  après  il  eut  encore  Tadresse  de  se  conci- 

*  Froissart, 


EXPULSION  DSS  ANGLAIS.  3d9 

lier  le  nouveau  roî  d'i^lcosse,  premier  de  la  maisoa  de 
SUiart,  Castitte,  Navarre,  FUndre,  Ecosse,  il  détachait  toul 
de  rAngleterre  ;  il  isolak  soa  ennemie. 

L'orgueil  anglais  était  si  engagé  dans  cette  guerre, 
qu'Edouard  trouva  encore  moyen',  af  rès  tant  de  sacrifiées, 
de  faire  contre  la  France  deux  expéditions^  à^  la  fotst^  Peiv- 
dant  <|ii'ttn  de  ses  fils^  le  duc  ée  Laneastre,,  alkuU;  secourir 
le  prince  de  Galles  resserré  dans  Bordeam  (fin  juilt^ 
4^7ê),  une  autre  armée  sous^  un  vieux  capitfi&ne,  ftoberi 
Knolles,  entrait  ^i  Picardie  (même  mois^.  Des  deux  côtés, 
nulle  résistance  ;  Dugaeselin,  Cliason,  eonseiltaieni  d'éviter 
tout  cooibat,  d'esearmeucher  seulement  et  de  garder  lea 
places  ;  lai  campagne  devenait  ce  qu'elle  filouvait.  Ces  ebe£ii 
de  Cofl^pagnie  ne  connaîssaieiit  qne  le  suceee  ;  les  plua 
braves  atmaienl  mieux  employer  la  ruse.  Quant  à  l'hon- 
neur dJu  royaume,  ilS' ne  savaient-  ce  que  c'était^  H  falkait 
que  le  due  de  Bourbon  vit,  sans  bouger,  passer  devant  le 
froni  de  sen  année,  sa-  mère,  mère  de  la  reino  de  Franecy 
que  les  Anglais  avaie&ft  prise,,  et  qu'ils  ftrenb  ehevauehei^ 
sous  ses  yeux  dans  l'espoir  d'entraîner  le  ftls'att  combats  H 
leur  proposa  un  dueK  maiS'  leuf^  refusa  la  bataille  ^ 

A  N090B,  l'outrage  fat  plu»  sangUinl*  L'ÉcoseaisSeyteoi 
sauta  les  barrières  de  la  viiley  fer«ailla<  une  teure  avec  le» 
Français^  et  sortit  sain  et  sauf  ^.  L'avmée  anglaise  vinlr 
aussi*  jusqu'en  Chaaapagne,  jusqu'à  Rh'eims^  jusqu'à  Paris,' 
détruisant  et  brûlant  tiout  ce  qu  eUe  treuvaiti  chercbanft  s'il 
y  aurait  quelque  ravage  aases.  cruel,  quelque  piqûve  assez; 
sensible,  pour  réveiller  l'honneur  de  l'ennemi.  Pendant  uni 
jour  et  deux  nuits  qu'ils  furent  devant  Paris]  le  noi,  de*  sont 
hôtel  Saiat4^a«l,  voyait  sans  s'émouvoir  la  flamfhe  desr 
villages'qu'ik  inoMidiaient*de  tous-  oôtéa.  Une^vMniNPeuse 
et  briUaiita  chevelerie,  les  TencacviUei*  le»  Goucy,.  lea 

*  App.,  254. 

*  •  SeigRcnn;  je  ton»  viMt  Toir;'  vous^  m  tlaifuotf  Hitr  hwp  dt'  \^8 
barrières,  et  j'y  dtigne  bien  entrer.  #  Froissiri. 


I  304  CHARLES  T. 

Clisson,  étaient  dans  la  ville,  niai$  il  les  retenait.  Clisson, 
dont  la  bravoure  était  connue,  encourageait  cette  pru- 
dence cruelle  :  a  Sire,  vous  n'avez  que  faire  d'employer 
vos  gens  contre  ces  enragés  ;  laissez-les  se  fatiguer  eux- 
mêmes.  Us  ne  vous  mettront  pashors  de  votre  héritage, 
avec  toutes  ces  fumières.  » 

Au  moment  du  départ,  un  Anglais  approcha  de  M  bar- 
rière Saint-Jacques  qui  était  toute  ouverte  et  pleine  de 
chevaliers.  Il  avait  fait  vœu  de  heurter  sa  lance  aux  bar- 
rières de  Paris.  Nos  chevaliers  l'applaudirent  et  le  laissè- 
rent aller  '.  Cet  outrage  aux  murailles  de  la  cité<  à  Thon- 
neur  du  pomœrium,  chose  si  sainte  chez  les  anciens,  ne 
touchait  pas  les  hommes  féodaux.  L'Anglais  s'en  allait  au 
petit  pas,  quand  un  brave  boucher  avance  sur  le  chemin, 
et  d'une  lourde  hache  à  long  manche  lui  décharge  un  coup 
entre  les  deux  épaules  ;  il  redouble  sur  I9  tête  et  le  ren- 
verse. Trois  autres  surviennent,  et  à  eux  quatre  ils  frap- 
paient sur  l'Anglais  a  ainsi  que  sur  une  enclume.  »  Les 
seigneurs  qui  étaient  à  la  porte,  vinrent  le  ramasser  pour 
l'enterrer  en  terre  sainte. 

Le  prince  de  Galles  ne  trouva  pas  plus  d'obstacles  pour 
assiéger  LimQges  que  Knolles  pour  insulter  Paris.  Dugues* 
clin  avait  lui-même  conseillé  de  dissoudre  l'armée  du 
midi  et  n'avait  gardé  que  deux  cents  lances  pour  courir  le 
pays.  Le  prince  en  voulait  d'autant  plus  cruellement  aux 
gens  de  Linioges,  que  l'auteur  de  la  défection  de  cette  ville, 
l'évéque,  était  sa  créature  et  son  compère.  11  avait  juré 
l'âme  de  son  père  qu'il  ferait  payer  cher  à  la  ville  cette 
trahison.  Les  bourgeois,  fort  effrayés,  auraient  vouhi  se 
rendre?  Mais  les  capitaines  français  les  en  empêchèrent. 
Cependant  de  prince  ayant  fait  miner  une'  partie  des  mu* 
railles,  les  fit  sauter  et  entra  par  la  brèche.  Il  était  trop 

«  «  AUes-TOQs-ea»  allet-vous-eD,  vous  voiu  êtes  biea  aoqaiité.  >  Frov- 
tau* 


EXPULSION  DBS  ANGLAIS.  805 

malade  pour  chevaucher,  mais  se  faisait  traîner  dans  un 
chariot.  11  avait  donné  ordre  de  tuer  tout,  hommes, 
femmes  et  enfants.  Il  se  donna  le  spectacle  de  cette  bou- 
cherie. «  Il  n*est  si  dur  cœur  que,  s'il  fut  adonc  en  la  cité 
de  Limoges,  et  il  lui  souvint  de  Dieu  qui  n'en  pleurât  ten- 
drement ^  -»  Le  prince  de  Galles  ne  s*en  souvint  pas.  Cet 
homme  blême  et  malade,  qui  était  si  près  de  rendre 
compte,  ce  mourant  ne  pouvait  se  rassasier  de  voir  des 
morts.  Des  femmes,  des  enfants,  se  jetaient  à  genoux  sur 
son  passage,  en  criant  :  «  Grâce,  grâce,  gentil  Sire  I  »  Il 
n'écoutait  rien.  Il  n'épargna  que  Tévéque,  c'est-à-dire  le 
seul  coupable,  et  trois  chevaliers  français  qui  lui  plurent 
pour  s'être  défendus  à  outrance. 

Cette  extermination  de  Limoges,  qui  rendit  le  nom 
anglais  exécrable  en  France,  apprit  aux  villes  à  se  bien 
défendre.  C'était  un  adieu  de  l'ennemi.  Il  traitait  le  pays 
comme  la  terre  d'un  autre,  comme  n'y  comptant  pas  re- 
Tenir.  Peu  après  se  sentant  plus  malade,  le  prince  se  laissa 
persuader  par  les  médecins  d*aller  respirer  le  brouillard 
natal,  et  se  fit  embarquer  pour  Londres.  Son  frère,  le  duc 
de  Lancastre,  commençait  sans  doute  à  lui  porter  ombrage. 
Le  prince  de  Galles,  qui  ne  pouvait  espérer  de  succéder, 
voulait  au  moins  assurer  le  trône  à  son  fils. 

Le  roi  fit  plaisir  à  tout  le  royaume  en  nommant  Dugues- 
clin  connétable  *.  Le  petit  chevalier  breton  investi  de  cette 
première  dignité  du  royaume,  mangea  à  la  table  du  roi, 
distinction  faite  pour  étonner,  quand  on  voit,  dans  Chris- 
tine de  Pisan,  que  le  cérémonial  de  France  était  que  le  roi 
fût  servi  à  table  par  ses  frères. 

Le  nouveau  connétable  entendait  seul  la  guerre  qu'il 
fallait  faire  à  l'Anglais.  Les  batailles  étaient  impossibles  ; 

f  •  Plus  de  trois  mille  personnes  y  furent  décollées  eette  jonraée. 
Dieu  en  ait  les  4mes;  car  ils  furent  bien  martyrs.  »  Froissart. 

*  •  Pour  le  plus  vaillant,  mieux  taillé  et  idoine  de  ce  faire,  et  le  plof 
vorinevx  et  fortuné  en  ses  besognes.  »  Ibid. 

ui.  10 


300  CHARLES  T. 

les  imaginations  étaient  frappées  depuis  Crécy  et  Poitiers. 
Chose  bizarre,  les  Français,  qui  sous  Duguesclin  forcèrent 
les  Anglais  dans  plusieurs  places,  hésitaient  à  rencontrer 
en  plaine  ceux  auxquds  ils  ne  craignaient  pas  de  donner 
assaut.  li  leur  Cillait  être  tout  auonoins  en  nombre  double. 
Ils  commencèrent  à.  se  rassurer,  lorsque  Duguesclin.  sui- 
vant Tarmée  de  Knolles  dans  sa  retraite,  enleva  deux  cent^ 
Anglais  avee  quatre  cents  Français. 

Ce  qui  servait  Charles  V  mieux  que  Duguesdln,  mieux 
que  tout  le  monde,  c'était  la  folie  des  Anglais,  le  vertige 
qui  les  poussait  de  faute  en  faute.  Ils  firent  déclarer  pour 
eux  le  duc  de  Bretagne.  Mais  la  Bretagne  était  contre.  Ils 
se  trouvèrent  avoir  provoqué  la  ruine  de  Monlfort,  qu'ils 
avaient  établi  avec  tant  de  peine.  Les  Bretons  chassèrent 
leur  duc  *. 

L'alliance  de  Castille  avait  jusque  là  peu  servi  Charles  V. 
Les  Anglais  se  chargèrent  de  la  resserrer,  de  la.  rendre  effi- 
cace» Le  duc  de  Lancastrc,  dans  son  ambUion  extrava- 
gante, épousa  la  fille  aînée  de  D.  Pèdre  ;  le  comte  de  Cam- 
bridge épousa,  sa  seconde  fille.  C'était  une  infatuation 
inouïC)  incroyable.  L'Angleterre,  qui  n'avait  pu  conquérir 
la-FniRee,  entreprenait  de  plus  la  conquête  de  TËspague. 

Le  résultat  de  cette  nouvelle  imprudence  fut  de  donner 
unS' flotte  aux  Français.  Le  roi  de  Castille^  menacé  par  ce 
maringe,  envoya  une  armée  navale  à  Charles  V.  Les  gros 
vaisseaux  espagnols^  chargés  d'm'tiUerie»  accablèrent  de- 
vant la  Rochelle  les  petits  vaisseaux  des  Anglais,  leurs 
archers.  La  Rocbdid  applaudit,  et  chassa  les  vaincus.  Elle 
se  donna,  mais  avec  bonnes  réserves  et  sous  condition*  de 
manière  à  rester  une  république  som  le  roi  K 

Ge  graqd  événement  entraîna  tpul.  la  Poitou.  Edouard  et 
le  prince  de  Galles,  le  vieillard  et  le  malade,  montèrent 
pourtant  en  mer  etessayèrent  de  venir  au  secours.  La  mer 

»  App,  253.  —  Mi)p.,256u 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  307 

• 

ne  voulait  plus  d'eux.  Elle  les  ramena,  bon  gré,  mal  gré, 
en  Angleterre.  Thouars  succomba.  Duguesclin  battit  ce  qui 
restait  d'Anglais  à  Chizey.  La  Bretagne  suivit  :  ce  fut 
l'affaire  de  quelques  sièges.  Le  seul  capitaine  qui  restât 
aux  Anglais  était  un  Gascon,  le  captai  de  Buch  :  i'un  des- 
meilleurs  qu'eussent  les  Français  était  un^allois,  un  des- 
cendant des  princes  de  Galles  qui  vengeait  ses  aïeux  en 
servant  la  France.  Le  Gallois  prit  le  Gascon  :  Charles  V 
garda  précieusement  à  la  tour  du  X^mple  cet  important 
prisonnier,  sans  lui  permettre  de  se  racheter  jamais. 

Le  second  fils  d'Edouard  III,  le  duc  de  Lancastre,  tige  de 
cette  ambitieuse  branche  de  Lancastre  qui  fit  la  gloire  et 
le  malheur  de  l'Angleterre  au  xv»  siècle,  avait  pris  le  titre 
de  roi  de  Castille.  11  se  fit  nommer  capitaine  général  du 
roi  d'Angleterre  en  France,  son  lieutenant  dans  TAqui- 
tnine,  où  les  Anglais  n'avaient  presque  plus  rien.  II  y  a  une 
telle  force  d'orgueil  dans  le  caractère  anglais,  une  passion 
51  opiniâtre,  qu'après  tant  d'hommes  et  d'argent  joués  et 
perdus,  ils  firent  une  mise  nouvelle  pour  regagner  fout.  Ils 
trouvèrent  encore  une  grande  armée  à  donner  h  leur  capi- 
taine d'Aquitaine.  Débarqué  à  Calais,  Lancastre  traversa  la 
France,  sans  trouver  rien  à  faire,  ni  bataille  à  livrer,  nî 
ville  à  prendre  :  tout  était  fermé,  en  défense.  Los  Anglais 
ne  purent  rançonner*  que  quelques  villages.  Tant  qu'ils- 
furent  dans  le  nord,  les  vivres  abondaient  :  «  Ils  dînaient 
tous  les  jours  splendidement.  »  Mais,  dès  qu'ils  furent 
clans  l'Auvergne,  ils  ne  trouvèrent  plus  ni  vivres,  ni  four- 
rages. La  faim,  les  maladies  firent  dans  T^irmée  àei^  ravages 
terribles.  Ils  étaient  partis  de  Calais  avec  trente  mille  cho^ 
vaux  ;  ils  arrivèrent  à  pied  en  Guienne  :  c'était  une  armée 
de  mendiants  ;  ils  demandaient  de  porte  en  porte  leur  pain 
aux  Français  ^ 

L'arrivée  de  cette  armée  h  Bordfeaux  eut  pom*tant  un 

«  App,,  t57. 


308  CHARLES  ▼. 

effet.  Les  Gascons,  qui  n'étaient  plus  Anglais  et  qui  n'é- 
taient pas  pressés  de  devenir  Français,  s'enhardirent,  et 
déclarèrent  au  connétable  de  France  qu'ils  feraient  hom- 
mage à  celui  des  deux  partis  qui  battrait  l'autre.  II  fut 
convenu  qu'une  bataille  serait  livrée  le  45  avril  à  Moissac. 
Puis  les  Anglais  l'ajournèrent  au  15  août;  puis  ils  deman- 
dèrent qu'elle  eût  lieu  près  de  Calais.  Les  actes  n'ayant 
pas  été  conser\'és,  on  ne  sait  trop  ce  qui  fut  convenu.  Au 
i  5  août,  les  Français  se  rendirent  à  Moissac,  s'y  rangèrent 
en  bataille,  attendirent  et  ne  virent  personne.  Alors  ils 
forcèrent  les  Gascons  de  tenir  parole.  Il  ne  resta  aux  An- 
glais en  France  que  Calais,  Bayonne  et  Bordeaux  (4374). 

Cet  effort  qui  n'avait  abouti  à  rien,  ce  coup  donné  en 
l'air,  leur  fit  beaucoup  de  mal.  L'épuisement  qui  suivit  fot 
tel,  qu'Edouard  accepta  la  médiation  du  pape  qu'il  avait 
'tant  de  fois  refusée.  Le  grondement  du  peuple  devenait 
formidable  au  roi.  Ce  rude  dogue,  qu'on  avait  mené  si 
longtemps  par  l'appât  d'une  proie  qui  reculait  toujours, 
commençait  à  faire  mine  de  se  jeter  sur  son  maître.  On 
avait  eu  une  peine  incroyable  à  faire  aimer  la  guerre  à 
l'Angleterre.  Elle  était  déjà  lasse  à  la  bataille  de  Crécy. 
Lorsque  le  chancelier  demandait  aux  gens  des  communes, 
pour  les  piquer  d'honneur  :  «  Quoi  donc?  voudriez-vous 
d*une  paix  perpétuelle?  »  ils  répondaient  naïvement: 
c  Oui,  certes,  nous  l'accepterions  ^  »  — .On  leur  fit  croire 
ensuite  que  tout  serait  fini  avec  la  prise  de  Calais.  Puis 
vint  la  victoire  de  Poitiers,  qui  leur  tourna  la  tète.  Ils  se 
figuraient  que  la  rançon  du  roi  de  France  les  dispenserait 
à  jamais  de  payer  l'impôt.  Après,  on  les  amusa  avec  l'Es- 
pagne, avec  les  fameux  trésors  cachés  de  Don  Pèdre.  L'ar« 
gent  d'Espagne  ne  venant  pas,  on  leur  persuada  qu'on 
prendrait  l'Espagne  elle-même. 

En  \  376,  ils  firent  leurs  comptes,  et  virent  qu'ils  n'avaient 

I  ilallam. 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  309 

rien,  ni  argent,  ni  Espagne,  ni  France.  Leur  mauvaise 
humeur  fut  extrême.  Us  s*en  prirent  au  roi,  au  duc  de 
Lancastre  qui  avait  alors  la  principale  influence.  Son  frère 
aîné,  le  prince  de  Galles,  tout  malade  qu'il  était,  se  mon- 
trait favorable  à  l'opposition.  Le  Parlement  de  4376,  ap- 
pelé le  bon  Parlement^  ne  se  laissa  plus  mener  par  des 
mots.  Il  demanda  ce  qu'était  devenu  tant  d'argent,  ces 
subsides,  ces  rançons  de  France  et  d'Ecosse.  Il  attaqua 
brutalement  Edouard,  dévoila  sans  pitié  les  faiblesses 
royales,  le  poursuivit  dans  son  intérieur,  dans  sa  chambre 
à  ciiucher. 

Le  vieux  roi  était  gouverné  par  une  jeune  femme  ma- 
riée, Alice Perrers,  femme  de  chambre  delà  reine,  belle, 
hardie,  impudente  ^.  La  pauvre  reine,  qui  voyait  tout, 
avait  foit  en  mourant  cette  prière  au  roi  :  «  Qu'il  voulût 
bien  se  faire  enterrer  près  d'elle  à  Westminster,  »  espé- 
rant ravoir  à  elle,  au  moins  dans  la  mort. 

Les  joyaux  de  la  reine  furent  donnés  à  Alice.  La  créature 
80  faisait  donner,  prenait  ou  volait.  Elle  vendait  des  places, 
des  jugements  même.  Elle  allait  de  sa  personne  au  Banc 
du  roi  solliciter  des  causes.  Les  juges  d'église,  les  docteurs 
en  droit  canon,  étaient  exposés  dans  leurs  jugements,  à 
voir  la  belle  Alice  venir  hardiment  leur  parler  à  l'oreille. 
Le  Parlement  somma  le  roi  d'éloigner  cette  femme  et 
d'autres  mauvais  conseillers. 

Le  pince  de  Galles  mourut,  laissant  un  fils  tout  jeune. 
Le  duc  de  Lancastre,  entre  ce  neveu  enfant  et  son  vieux 
père,  se  trouviait  effectivement  roi.  Les  conseillers  revin- 
rent. Le  vote  d'une  grosse  taxe  fut  extorqué  au  Parlement. 
Le  duc,  qui  avait  besoin  de  bien  d'autres  ressources  pour 
•a  future  conquête  d'Espagne,  se  préparait  à  mettre  la 
main  sur  les  biens  du  clergé.  Déjà  il  avait  lancé  contre  les 
prêtres  le  fameux  prédicateur  Wicleff  ;  il  le  soutenait,  avec 

«  App.,  258. 


310  CÏÏARLES  V. 

tous  les  grands  seigneurs,  contre  révoque  de  Londres.  Los 
gens  de  Londres,  sur  un  mot  insolent  deLancaslre  conire 
leur  évéque,  se  soulevèrent,  et  faillirent  mettre  le  duc  eu 
pièces. 

Pendant  tout  ce  l)ruît,  le  vieil  Edouard  III  se  mourait  à 
Elthani,  abandonné  à  la  merci  de  son  Alice.  Elle  le  trom- 
pait jusqu'au  bout,  restant  près  de  son  lit,  le  flattant  d'ua 
prochain  rétablissement,  Tempéchant  de  songer  à  son 
salut.  Dès  qu'il  perdit  la  parole,  elle  lui  aiTacha  ses  un- 
neaux  des  doigts,  et  le  laissa  là. 

Le  fds  et  le  père  étaient  morts  à  un  an  de  disUince.  Ces 
deux  noms,  auxquels  se  rattachent  de  tels  événements, 
sont  peut-être  encore  les  plus  chers  souv^irs  de  TAngle- 
terre.  Quoi^iue  le  prince  ait  du  en  grande  partie  à  Jean 
Chandos  ses  victoires  de  Poitiers  et  de  Najara,  quoique 
son  orgueil  ait  soulevé  les  Gascons  et  armé  la  Castille  con- 
tre l'Angleterre,  peu  d'hommes  méritèrent  mieux  la  re- 
connaissance de  leur  pays.  Nous-mêmes,  à  qui  il  a  ii.ît 
tant  de  mal,  nous  ne  pouvons  voir  sans  respect,  à  Cantur- 
«béry,  la  cotte  d'armes  du  grand  ennemi  de  la  France.  Ce 
mauvais  iiaillon  de  peau^piiu^^e  des  vers  éclate  entre  tous 
les  riches  écussons  dont  l'église  est  parée.  Il  a  survécu 
cinq  cents  ans  au  noble  cœur  qu'il  couvrait. 

Dès  que  le  roi  de  France  apprit  la  mort  d'Edouard,  il 
dit  que  c'était  là  un  gloiieux  règne  et  qu'un  tel  prince 
méritait  mémoire  entre  les  preux.  Il  assembla  nombre  de 
prélats  et  de  seigneurs,  et  fit  faire  un  service  à  la  Sainte- 
Chapelle.  £n  Angleterre,  les  funérailles  furent  troublées. 
Quatre  jours  après  la  mort  d'Edouard,  la  flotte  de  Castille, 
chargée  des  troupes  de  France,  courut  toute  la  cùte  en 
brûlant  des  villes  :  Wigth,  Rye,  Yarmouth,  Darmouth, 
Plymouth  et  Wincbelsea.  Jamais  du  vivant  d'Edouard  et 
du  priuce  de  Galles,  l'Angleterre  n'avait  éprouvé  un  pareil 
désastre. 

De  toutes  parts  le  roi  de  France  faisait  une  guerre  de 


EXPoLSION  DES  ANGLAIS.  31  1 

tiéjçocîatîons.  Dopuîs  cinq  ans  il  empochait  le  mariage  d*un 
fils  d'Edouard  avec  l'héritière  de  Flandre,  par  défaut  de 
dispense  papale  ;  il  obtint  sans  diftlculté  cette  dispense 
pour  son  frère,  le  duc  de  Bourgogne,  parent  de  la  jeune 
comtesse  au  même  degré.  Le  père  ue  voulait  pas  d%  ce 
mariage,  non  plus  que  les  villes  de  Flandre.  Mais  la 
grand'inère,  comtesse  d'Artois  et  de  Franche-Comté,  fit 
«lire  à  son  fils,  le  comte  de  Flandre,  qu'elle  le  déshéritait 
s'il  ne  donnait  sa  fille  au  prince  français.  Le  mariage  se 
fit  pour  le  désespoir  du  prince  d'Angleterre,  qui  voyait 
cette  immense  succession  prête  à  échoir  à  la  maison  de 
France.  La  France,  mutilée  à  Touest,  se  formait  sa  vaste 
ceinture  de  Test  et  du  nord. 

Cet  échec  et  ceux  que  les  Anglais  éprouvèrent  encore 
près  de  Rordeaux  alhiient  les  décider  à  faire  ce  qu'ils 
auraient  dû  faire  tout  d'abord,  à  s'unhr  avec  le  roi  de 
Navarre.  Ils  lui  auraient  donné  Bayonne  et  le  pays  voisin, 
Il  eût  été  leur  lieutenant  en  Aquitaine.  Le  Navarrais,  plus 
fin  qu'habile,  envoyait  son  fils  à  Paris  pour  mieux  tromper 
le  roi,  tandis  qu'il  traitait  avec  les  Atiglais.  Il  lui  advkit 
comme  à  Louis  XI  à  Péronne.  Sa  finesse  le  mena  au  piège. 
Le  roi  lui  garda  son  fils,  lui  i  éprit  Montpellier,  et  saisit 
son  comté  d'Évreux.  On  prit  son  lioutonant  Dutertre,  son 
conseiller  Du  Rue  qui,  disait-on,  était  venu  empoisonner 
le  roi.  On  accusait  Charles  le  Mauvais  d'avoir  empoisonné 
déjà  la  reine  de  France,  la  reine  de  Navarre  et  d'autoes 
encore.  Tout  cela  n'était  pas  invraisemblable  :  ce  petit 
prince,  exaspéré  par  ses  longs  malheurs,  pouvait  essayer 
de  reprendre  par  le  crime  et  la  ruse  ce  que  la  force  lui 
avait  ùié.  Il  avait  sujet  de  haïr  les  siens  autant  que  l'ennemi. 
Sa  femme  le  trompait  pour  le  brave  capitaine  gascon  des 
Anglais,  le  captai  de  Buoh  i.  Du  Rue  avoua  seulement  que 
Charles  le  Mauvais  comptait  empoisonner  le  r^i  par  le 

•  il/;/.,  209. 


312  CHARLES  T. 

moyen  d'un  jeune  médecin  de  Chypre,  qui  pouvait  s*in- 
troduire  aisément  près  de  Charles  V  et  lui  plaire,  «  parce 
qu'il  parloit  beau  latin,  et  étoit  fort  argumentatif.  »  Du- 
tertre  et  Du  Rue  furent  exécutés.  Charles  V  tira  de  ce 
procès  l'avantage  d'avilir,  de  déshonorer  le  roi  de  Navarre, 
de  lui  faire  une  réputation  d'empoisonneur,  de  tuer  ainsi 
ses  prétentions  au  trône  de  France. 

Charles  le  Mauvais  perdit  tout  dans  le  Nord,  excepté 
Cherbourg.  Au  Midi  les  Castillans  le  menaçaient.  11  eût 
perdu  la  Navarre  même,  si  les  Anglais  n'étaient  venus  à 
son  secours.  Les  Gascons  y  aidèrent  les  Anglais.  Ceux-ci 
essayèrent  ensuite  de  prendre  Saint-Malo,  et  n'y  réussirent 
pas  plus  que  les  Français  à  prendre  Cherbourg.  Tout  ce 
grand  mouvement  de  guerre  n'aboutit  encore  à  rien.  Le 
roi  de  France  ne  put  être  forcé  ni  à  combattre,  ni  à  rendre  ; 
il  resta  les  mains  garnies  ^ 

L'habileté  de  Charles  V,  et  l'affaiblissement  des  autres 
£tats,  avaient  relevé  la  France,  au  moins  dans  l'opinion. 
Toute  la  chrétienté  regardait  de  nouveau  vers  elle.  Le 
pape,  la  Castille,  l'Ecosse,  regardaient  le  roi  comme  un 
protecteur.  Frère  du  futur  comte  de  Flandre,  allié  des 
Visconti,  il  voyait  les  rois  d'Aragon,  de  Hongrie,  am- 
bitionner son  alliance.  Il  recevait  les  ambassades  lointaines 
du  roi  de  Chypre,  du  Soudan  de  Bagdad,  qui  s'adressait  à 
lui,  comme  au  premier  prince  des  Francs  K  L'empereur 
même  lui  rendit  une  sorte  d'hommage,  en  le  visitant  à 
Paris.  Après  avoir  aliéné  les  droits  de  l'Empire  en  Alle- 
magne et  en  Italie,  il  venait  donner  au  dauphin  le  titre  du 
royaume  d'Arles. 

La  subite  restauration  du  royaume  de  France  était  un 
miracle  que  chacun  voulait  voir.  De  toutes  parts  on  venait 
admirer  ce  prince  qui  avait  tant  enduré,  qui  avait  vaincu 


'  ilj>p.,  S60. 

•  •  Comme  au  solennel  prince  des  chrétiens.  • 


^ 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  313 

k  force  de  ne  pas  combattre  ^,  cette  patience  de  Job,  cette 
sagesse  de  Salomon.  Le  xiy*  siècle  se  désabusait  ^  de  la 
chevalerie,  des  folies  héroïques,  pour  révérer  en  Charles  V, 
le  héros  de  la  patience  et  de  la  ruse. 

Ce  prince  naturellement  économe,  ce  roi  d'un  peuple 
ruiné,  étonnait  les  étrangers  de  la  multitude  de  ses  cons- 
tructions. Il  élevait  autour  de  Paris  des  maisons  dites  de 
plaisance,  Melun,  Beauté,  Saint-Germain  ;  mais  toute 
maison  alors  était  un  fort.  Il  donnait  à  la  ville  un  nouveau 
pont  (Pont-Neuf),  des  murs,  des  portes,  une  bonne  bastille. 
Il  ne  se  fiait  guère  qu'aux  murailles  *. 

Près  de  sa  Bastille,  il  avait  construit,  étendu,  aménagé, 
avec  le  luxe  d'un  roi  et  les  recherches  d'un  malade,  le 
vaste  hôtel  Saint-Paul  3.  La  magnificence  de  cette  de- 
meure, la  splendiile  hospitalité  qu'y  trouvaient  les  princes 
et  les  seigneurs  étrangers,  faisaient  illusion  sur  l'état  du 
royaume.  Le  sire  de  La  Rivière,  Tainiable  et  subtil  con- 
seiller de  Charles  V,  le  gentilhomme  accompli  de  ce  temps, 
en  faisait  les  honneurs.  Il  leur  montrait  la  noble  demeure 
de  son  maître,  ces  galeries,  ces  bibliothèques,  ces  bufiets 
chargés  d'or,  et  ils  l'appelaient  le  riche  roi  K 

€  L'eure  de  son  descouchier  au  matin  estoit  comme  de 
six  à  sept  heures.  Donnoit  audience  mesmes  aux  mendres, 
de  hanÛement  deviser  à  luy.  Après,  luy  pigné,  vestu  et 
ordonné,...  on  lui  apportoit  son  bréviaire  ;  environ  huit 
heures  du  jour,  aloit  à  sa  messe  ;  à  l'issue  de  sa  chapelle, 
toutes  manières  de  gens  povoient  bailier  leurs  requêtes. 
Après  ce,  aux  jour  députez  à  ce,  aloit  au  conseil,  après 
lequel...  environ  dix  heures  asseoit  à  table...  A  l'exemple 


*  •  Le  roi  ChArles  de  France  fat  dnrement  sage  et  sabiil  ;  ear  tout 
qiioi  (eoi)  étoit  en  ses  ebambres  et  en  ses  déduits;  si  reconquéroit  ee  que 
set  prédécesseurs  avoient  perd  a  sur  le  cbamp,  la  tête  armée  et  répëê 
an  poing.  •  Froi-s. 

•  App.,m.  —  »  i4pp..262. 

4  Aiusi  Tappeloit  &latbieu  de  Concy. 


3U  CHARLES  T. 

de  David,  înstraments  bas  oyoit  volontiers  à  la  fin  de  ses 
mangiers.  » 

«  Luy  levé  de  table,  à  la  colacion,  vers  lai  povoyent  aler 
toutes  manières  d'estrangiers.  Là  luy  estoient  apfKtftées 
nouvelles  de  toutes  manières  de  pays  on  des  aventures 
de  ses  guerres...  pendant  l'espace  de  deux  heures  ;  après 
aloit  reposer  une  heure.  Après  son  dormir,  estoit  un  espace 
avec  ses  plus  privés  en  esbatement,  visitant  joyauls  ou 
autres  richeres.  Puis  aloit  à  vespres.  Après...  entroit  en 
été  en  ses  jardins,  où  marchands  venoient  apportervelours, 
draps  d'or,  etc.  En  h^'ver  s'occupoit  souvent  à  oyr  lire  de 
diverses  belles  ystoires  de  la  sainte  Escripture,  oa  des  Lils 
des  romans  ou  nioralitez  de  philosophes  et  d'avlKS 
sciences,  jusques  à  heures  de  soupper,  auquel  s'asseoit 
.d*assez  bonne  heure,  après  lequel  une  pièce  s^esbatoit, 
puis  se  retrayoit.  Pour  obvyer  à  vaines  et  vagues  paroUes 
et  pensées,  avoit  (au  diner  de  la  reine)  un  prud'honini6 
en  estant  au  bout  de  la  table,  qui,  sans  cesser,  dismt  gesles 
4b  mœurs  virtueux  d'aucuns  bons  treppassez  *.  > 

Les  philosophes  avec  lesquels  le  roi  aimait  àis'entretenir 
étaient  ses  astrologues'.  Son  astrologue  en  titre,  un  Italien, 
Thomas  de  Pisan,  avait  été  appelé  tout  exprès  de  Bologne  ; 
le  roi  hd  donnait  cent  livres  par  mois.  Ces  gens,  quels  que 
fussent  leurs  moyens  de  prévoir,  ne  se  troaq[>aàent  pas 
trop.  Ils  étaient  pleins  de  finesse  et  de  sagacité.  Chartes  V 
donna  un  astrologue  à  Duguesdin  en  lui  remettant  Tépée 
de'oovnétable. 

ht  peu  que  nous  savons  de  Charles  Y,  de  ses  jugements, 
de  ses  paroles,  indique,  comme  tout  son  règne,  une  douce 
et  froide  sagesse,  peut-être  aussi  quelque  indifférence  au 
bien  et  au  mal  ^.  a  Considérant  dit  son  historien  femelle, 
la  fragilité  humaine,  il  ne  permit  jamais  aux  maris  d'em" 
murer  leurs  femmes  pour  méfait  de  corps,  quoiqu'il  en 

I  Christine  de  Pisnn. 

*  App.,  203.  —  »  App,,  201. 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  315 

fust  maintes  fois  supplié  ^  »  —  Il  surprit  trois  fois  son 
barbier  en  flagrant  délit  de  vol  et  la  main  dans  la  poche, 
sans  se  fâcher  ni  le  punir  ^. 

Charles  V  est  peut-être  le  premier  roi,  chez  cette  nation 
jusque-là  si  légère,  qui  ait  su  préparer  de  loin  un  succès, 
le  premier  qui  ait  compris  l'influence,  lointaine  et  lente, 
mais  dès  lors  réelle,  des  livres  sur  les  affaires.  Le  pr\eur 
Honoré  Bonnor  écrivit  par  son  ordre,  sous  le  titre  bizarre 
de  TÂrbre  des  batailles,  le  prcn)ier  essai  sur  le  droit  de  la 
paix  et  de  la  guerre.  Son  avocat  général,  Raoul  de  Presles, 
lui  mettait  la  Bible  en  langue  vulgaire,  tant  d'années  avant 
Luther  et  Calvin.  Son  ancien  précepteur.  Nicolas  Oresnio, 
traduisait  l'autre  Bible  du  temps,  Aristote.  Oresme,  Raoul 
de  Presles,  Philippe  de  Maizièrcs  travaillaient,  peut-être  à 
frais  communs,  à  ces  grands  livres  du  Songe  du  verger,  du 
Songe  du  vieux  pèlerin,  sorte  de  romans  encyclopédiques 
où  toutes  les  questions  du  temps  étaient  traitées,  et  qui 
préparaient  rabaissement  de  la  puissance  spirituelle  et  li 
confiscation  des  biens  d'église.  C'est  ainsi  qu'au  xvi«  siècle, 
Pithou,  Passerat  et  quelques  autres  travaillèrent  ensemble 
à  ia  Ménippée. 

Les  dépenses  croissaient,  lepetple  était  ruiné;  l'Ëglise 
seule  pouvait  payer.  C'était  là  toute  la  pensée  du  xiv«  siècle. 
En  Angleterre,  le  duc  de  Làncastre  essaya,  pour  brusquer 
la  chose,  de  Wicleff  et  des  LoUards,  et  faillit  bouleverser 
le  royaume.  En  France,  Charles  V  la  préparait  avec  une 
habile  lenteur.  Elle  pressait  pourtant.  L'apparente  restau* 
ration  de  la  France  ne  pouvait  tromper  le  roi.  II  ne  vivait 
que  d'expédients.  Il  avait  été  obligé  de  payer  les  juges 
avec  les  amendes  mêmes  qu'ils  prononçaient,  de  vendre 

*  •  ...  Et  à  difficulté  donnoll  congé  que  le  mari  la  teiiist  close  en  uue 
chambre,  si  trop  estoit  désordonnée.  •  Christ,  de  Pisan. 

*  Il  ne  la  reoToya  qu'à  la  quatriôme.  —  Cependant  lui-même  av«it 
Ja  jusiica  k  cœor  et  s'en  mêlait.  Une  bonne  femme  étant  venue  .«e 
plaindre  d'un  homme  d'armes  qui  avait  viole  sa  Aile»  il  Ûl  en  ta  pfé* 
scoce  pendre  le  coupable  à  un  arbfe. 


316  CHARLES  ▼. 

rimpunité  aux  usuriers,  de  se  meltre  entre  les  mains  des 
juifs.  Conformément  aux  privilèges  monstrueux  que  Jean 
leur  avait  vendus  pour  payer  sa  rançon,  ils  étaient  quittes 
d'impôts,  exempts  de  toute  juridiction,  sauf  celle  d'un 
prince  du  sang,  nommé  gardien  de  leurs  privilèges.  Nuls 
lettres  royaux  n'avaient  force  contre  eux.  lis  promettaient 
de  n'exiger  par  semaine  que  quatre  deniers  par  livre  d'in- 
térêt. Mais  en  même  temps,  ils  devaient  être  crus  contre 
leurs  débiteurs  de  tout  ce  qu'ils  jureraient  ^. 

Le  prince,  leur  protecteur,  devait  les  aider  dans  le  re- 
couvrement de  leurs  créances,  c'est  à-dire  que  le  roi  se 
faisait  recors  pour  les  juifs,  afin  de  partager.  L'argent 
extorqué  par  de  tels  moyens  coûtait  au  peuple  bien  plus 
qu'il  ne  rendait  au  roi. 

U  fallait  bien  passer  entre  les  mains  du  juif,  ne  pouvant 
dépouiller  le  prêtre.  Le  juif,  le.  prêtre,  avaient  seuls  de 
Fargcnt.  Il  n'y  avait  encore  ni  production  de  la  richesse 
par  l'industrie,  ni  circulation  par  ie  commerce.  La  ri- 
chesse, c'était  le  trésor  ;  trésor  caché  du  juif,  sourdement 
nourri  par  l'usure  ;  trésor  du  prêtre,  trop  visible  dans  les 
églises,  dans  les  biens  d'église. 

La  tentation  était  forte  pour  Charles  V,  mais  la  difficulté 
était  grande  aussi.  Les  prêtres  avaient  été  ses  plus  zélés 
auxiliaires  contre  l'Anglais.  Ils  lui  avaient  en  grande  partie 
livré  l'Aquitaine,  comme  ils  la  donnèrent  jadis  à  Qovîs. 

U  y  avait  deux  sujets  de  querelles  entre  la  puissance 
spirituelle  et  la  temporelle,  Targent  et  la  juridiction.  La 
question  de  juridiction  elle-même  rentrait  en  grande 
partie  dans  celle  d'argent,  car  la  justice  se  payait  K 

Les  premières  plaintes  contre  le  clergé  partent  des  sei- 
gneurs, et  non  des  rois  (1 205)  '.  Les  seigneurs,  conunc 

fl  App.,  MS. 

*  Le  défenseur  officiel  do  clergé,  en  1390,  nous  dit  exprcs.«éinent  que 
la  justice,  surtout  en  France,  était  le  revenu  le  plus  net  de  TÊflise. 
>  Libertés  de  IKgL  gallic. 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  317 

fbndateurs  et  patrons  des  églises,  étaient  bien  plus  direc- 
tement intéressés  dans  la  question.  Sous  saint  Louis,  ils 
forment  une  confédération  contre  le  clergé,  décident  de 
combien  chacun  doit  contribuer  pour  soutenir  cette  espèce 
de  guerre,  se  nomment  des  représentants  pour  prêter 
main-forte  à  ceux  d'entre  eux  qui  seraient  frappés  de  sen- 
tences ecclésiastiques  ^.  Dans  la  fameuse  pragmatique  de 
saint  Louis  (4270),  acte  jusqu'ici  peu  compris,  le  roi  de- 
mande que  les  élections  ecclésiastiques  soient  libres,  c'est- 
à-dire  laissées  à  Tinfluence  royale  et  féodale  *. 

Philippe  le  Bel  eut  les  seigneurs  pour  lui  dans  sa  lutte 
contre  le  pape.  Ils  formèrent  une  nouvelle  confédération 
féodale  qui  effraya  les  évoques  et  livra  au  roi  l'Église  de 
France.  L'accord  de  cette  Église  lui  livra  la  papauté  elle- 
même.  Cependant,  au  commencement  et  à  la  fin  de  son 
règne,  Philippe  le  Bel  frappa  deux  coups  d'une  impar- 
tialité hardie,  la  maltdte,  qui  atteignit  les  nobles  et  les 
prêtres  aussi  bien  que  les  bourgeois,  la  suppression  du 
Temple,  de  la  chevalerie  ecclésiastique. 

La  royauté,  triomphante  sous  Philippe  de  Valois,  se  fit 
donner  par  le  pape  tout  ce  qu'elle  voulait  sur  les  revenus 
de  l'Église  de  France.  Elle  eut  même  la  prétention,  de  lever 
les  décimes  de  la  croisade  sur  toute  la  chrétienté.  En  dé- 
dommagement des  décimes,  régales,  etc.,  les  églises  cher- 
chaient à  augmenter  les  profits  de  leurs  justices,  à  empiéter 
sur  les  juridictions  laïques,  seigneuriales  ou  royales.  Le 
roi  parut  vouloir  y  porter  remède.  Le  22  décembre  4  329 
eut  lieu  par-devant  lui,  au  château  de  Vincennes,  une 
solennelle  plaidoirie  entre  l'avocat  Pierre  Cugnières  et 
Pierre  du  Roger,  archevêque  de  Sens.  Le  premier  sou- 
tenait les  droits  du  roi  et  des  seigneurs  ^.  Le  second  dé- 

•  Libertés  de  TËgl.  (allie. 

1  11  réclame  contre  les  excès  de  la  coor  de  Rome,  contre  les  empécho- 
nenta  de  jaridiciion,  contre  la  violation  des  franchises  dn  royaume, 
•ans  dire  quelles  sont  ees  franchises.  lt)id.  —  *  App.,  S65. 


318  CHARLES  V. 

fendait  ceux  du  clergé.  Celui-ci  parla  sur  le  texte  :  «Deum 
tîmete;  regem  honoriQcate  ; '»  et  il  ramena  ce  ppécepte 
aux  quatre  suivants  :  «  Servir  Dieu  dévotement  ;  lui  donner 
largement  ;  honorer  sa  gent  dûment  ;  lui  rendre  Le  sien 
entièrement.  » 

Je  serais  porté  à  croire  que  toute  cette  diq>ute  ne  fat 
qu  une  satisfaction  donnée  par  le  roi  aux  seigneurs.  Il  la 
termina  en  disant  que,  bien  loin  de  diminuer  les  privilèges 
de  l'Ëglise,  il  les  augmenterait  plutôt.  Seulement,  il  établit 
par  une  ordonnance  son  droit  de  régales  sur  les  bénéfices 
vacants  (1334).  Des  deux  avocats,  celui  du  clergé  devint 
pape;  celui  du  roi  et  des  seigneurs  fut,  dit  un  grave  his- 
torien, universellement  sifïlé:  son  nom  resta  le  synonyme 
d*un  mauvais  ergoteur.  £t  ce  ne  fut  pas  tout.  Il  y  avait  à 
Notre-Dame  une  figure  grotesque  de  dafnné,  comme  on 
voit  ailleurs  Dagobert  tiraillé  pai'  les  diables  ;  cette  figure 
laide  et  camuse  fut  appelée  :  M.  Pierre  du  Coignel^  Toute 
la  gent  cléricale,  sous-diacres,  sacristains,  bedeaux,  enfants 
de  chœur,  plantaient  leurs  bougies  sur  le  nez  du  pauvre 
diable,  ou,  pour  éteindre  leurs  cierges,  lui  en  frapp^eot 
la  face.  Il  endura  quatre  cents  ans  cette  vengeance  de 
sacristie. 

Les  églises  étaient  entre  l'enclume  et  le  marteau,  entre 
le  roi  et  le  pape.  Quand  un  évécbé  vacant  avait  payé 
au  roi  pendant  un  an  ou  plus  les  régales  de  la  vacance, 
le  nouvel  élu  payait  au  pape  Vannate^  ou  première  aanée 
de  revenu  *. 

Une  autre  chose  dont  se  plaignaient  le  plus  les  seigneurs 
patrons  de  réglise,  et  les  chanoines  ou  moines  qui  coa- 
couraient  aux  élections,  c'est  ce  qu  on  appelait  les  Aé- 
serves.  Le  pape  arrêtait  d'un,  moi  l'élection;  il  décrirait 
qu'il  s'était  réservé  de  nommer  à  tel  évéché,  à  telle 

*  Les  arc]icvè|nes  'ie  Mayenco  cl  d  <  Cologne  payaient  cUacun  au  papa, 
vingl-qualrc  mille  «lucVs  pour  le  j'alliuiu» 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  319 

abbaye.  Ces  réserves,  qui  donnaient  sourent  un  pasteur 
italien  ou  français  à  une  église  d'Angleterre,  d'Allemagne, 
d'Espagne,  étaient  fort  odieuses.  Cependant,  elles  avaient 
souvent  l'avantage  de  soustraire  les  grands  sièges  aux  stu^ 
pides  influences  féodales,  qui  n'y  auraient  guère  porté 
que  des  siijets  indignes,  des  cadets,  des  cousins  des  sel*-, 
gneurs.  Les  papes  prenaient  quelquefois  au  fond  d'un 
oouvent  ou  dans  la  poui^ière  des  universités  un  docte  et 
habile  clerc  pour  le  &ire  évêque,  archevêque,  primat  des 
Gaules  ou  de  l'Empire. 

Les  papes  d'Avignon  n'eurent  pas  pour  la  plupart  cette 
baute  politique.  Pauvres  serviteurs  du-  roi  de  France,  ils 
laissaient  la  papauté  devenir  ce  qu'elle  pouvait  lis  ne 
Toyaient  dans  les  Réser\'es  qu'un  nipyen  de  vendre  des 
places,  de  faire  de  la  simonie  en  grand.  Jean  XX.11  déclara 
effrontément  qu'en  haine  de  la  simonie,  il  se  réservait 
tous  les  bénéfices  vacants  dans  la  chrétienté  la  première 
année  de  son  pontificat  ^.  Ce  fils  d'un  savetier  de  Calions 
laissa  on  mourant  un  trésor  de  vingt-cinq  millions  dq 
ducats.  Les  hommes  du  temps  cruoent  qu'il  avait  ti*ouvé 
la  pierre  philosophale. 

Benoit  XII  était  si  effrayé  de  l'état  oii  il  voyait  l'Église, 
des  intrigues  et  de  la  corniptiiMi  dont  il  était  assiégé,  q^  il 
annait  mieux-  Itiiseer  tes  bénéfices. vacants;  il. se  réservait 
les  nominations  et  ne  nommait  personne.  Lui  mort,  le 
torrent  reprit  son  cours.  A  L'élection  du  prodigue  et  mon- 
dain Clément  VI,  on  assure  que  plus  de  cent  mille  clercs 
Tinrent  à  Avignon  acheter  des  bénéfices  K 

II.  faut  Ure  les  douloureuses  lano^ntations  de  Pétrarque 
sur  l'état  de  l'Ëglise,  ses  invectives  contre  la  Bahylone 
d'Occident.  C'est  tout  à  la  fois  Juvénal  et  Jérémie.  Avignon 
est  pour  lui  un  autre  labyrinthe,  mais  sans  Ai'iane,  sans 
fil  libérateur;  il  y  trouve  la  cruauté  de  Minos  et  l-infamio 

*  App,,W3.  —  *  In  Clémente  clntncntia:..  Ténia  Vil-  Clem.  Yl. 


320  CHARLES  ▼. 

du  Minotaure  '.  Il  peint  avec  dégoût  les  vieilles  amours  des 
princes  de  l'Église,  ces  mignons  à  tête  blanche...  Mille 
histoires  scandaleuses  couraient.  Le  conte  absurde  de  la 
papesse  Jeanne  devint  vraisemblable  *. 
'  L'érudite  indignation  de  Pétrarque  pouvait  inspirer 
quelque  défiance.  Un  jugement  plus  imposant  pour  le 
peuple  était  celui  de  sainte  Brigitte  et  des  deux  saintes  Ca- 
therine. La  première  fait  dire  par  Jésus  même  ces  paroles 
au  pape  d'Avignon  :  «  Meurtrier  des  âmes,  pire  que  Pilate 
et  Judas!  Judas  n'a  vendu  que  moi.  Toi,  tu  vends  encore 
les  ftmes  de  mes  élus  3.  » 

Les  papes  qui  suivirent  Clément  VI  furent  moins  souillés, 
mais  plus  ambitieux.  Ils  rendirent  l'Église  conquérante, 
désolèrent  l'Italie.  Clément  avait  acheté  Avignon  à  la  reine 
Jeanne  en  l'absolvant  du  meurtre  de  son  mari.  Ses  succes- 
seurs, avec  l'aide  des  compagnies,  reprirent  tout  le  patri- 
moine de  saint  Pierre.  Cette  association  du  pape  avec  les 
brigands  anglais  et  bretons  porta  au  comble  l'exaspération 
des  Italiens.  La  guerre  devint  atroce,  pleine  d'outrage  et 
de  barbarie.  Les  Visconti  donnèrent  le  choix  aux  légats 
qui  leur  apportaient  l'excommunication,  de  se  laisser 
noyer  ou  de  manger  la  bulle.  A  Milan,  on  jetait  les  prêtres 
dans  les  fours  allumés;  à  Florence,  on  voulait  les  enterrer 
vifs.  Les  papes  sentirent  que  l'Italie  leur  échapperait  s'ils 
ne  quittaient  Avignon. 

Us  tenaient  moins  sans  doute  à  cette  ville,  depuis  qu'ils 
y  avaient  été  rançonnés  par  les  Compagnies.  L'abaissement 
de  la  France  les  laissait  libres  de  choisir  leur  séjour. 
Urbain  V,  le  meilleur  de  ces  papes,  essaya  de  se  fixer  à 

>  Petrarch.,  Ep.  x. 

<  L'anlipape  Nicolas  V  avait  eu  pour  femmo  Jeanne  de  Corbière,  avec 
laquella  il  avait  divorcé  pour  se  faire  mineur.  Lorsqu^ii  fut  pape, 
Jeanne  prétendit  que  le  divorce  était  nul.  On  en  flt  mille  contes  à  la 
cour  d'Avignon;  de  là  la  fable  de  la  papette  Jeanne,  App.,  268. 

»  App.,  2C9. 


EXPULSION  DSS  ANGLAIS.  324 

Rome.  II  y  alla  et  n'y  put  rester.  Grégoire  s*y  établit  et 
y  mourut. 

A. sa  mort,  les  Français  avaient  dans  le  conclave  une  ma* 
jortté  rassurante.  Cependant  ce  conclave  se  tenait  à  Rome  ; 
les  cardinaux  entendaient  un  peuple  furieux  crier  autour 
d'eux  :  «  Romano  lo  volemo  o  almanco  italiano.  »  De  seize 
cardinaux  qui  entrèrent  au  conclave,  il  n'y  avait  que  quatre 
Italiens  et  un  Espagnol,  onze  étaient  Français.  Les  fran- 
çais étaient  divisés.  Deux  des  derniers  papes,  qui  étaient 
Limousins,  avaient  fait  plusieurs  cardinaux  de  leur  pro- 
vince. Ces  Limousins,  voyant  que  les*  autres  Français  les 
excluaient  de  la  papauté,  s'unirent  aux  Italiens,  et  nom* 
mèrent  un  Italien,  «ju'ils  croyaient  du  reste  dévoué  à  la 
France,  le^Calabrois  Bartolomeo  Prignani. 

D  advint,  comme  à  l'élection  de  Clément  V,  tout  le  con- 
traire de  ce  qu'on  avait  attendu,  mais  cette  fois  au  préju- 
dice de  la  France.  Urbain  VI,  homme  de  soixante  ans, 
jusque-là  considéré  comme  fort  modéré,  sembla  avoir 
perdu  l'esprit  dès  qu'il  fut  pape.  U  voulait,  disait-il,  ré- 
former l'Église,  mais  il  commençait  parles  cardinaux, 
prétendant,  entre  autres  choses,  les  réduire  à  n'avoir 
qu'un  plat  sur  leur  table.  Ils  se  sauvèrent,  déclarèrent  que 
l'élection  avait  été  contrainte,  et  firent  un  autre  pape.  Us 
choisirent  un  grand  seigneur,  Robert  de  Genève,  fils  du 
comte  de  Genève,  qui  avait  montré  dans  les  guerres  de 
l'Église  beaucoup  d'audace  et  de  férocité.  Us  l'appelèrent 
Clément  VU,  sans  doute  en  mémoire  de  Qément  VI,  un 
des  papes  les  plus  prodigues  et  les  plus  mondains  qui  aient 
déshonoré  l'Ëglne.  De  concert  avec  la  reine  Jeanne  de 
Naples,  contre  laquelle  Urbain  s'était  déclaré.  Clément  et 
ses  cardinaux  prirent  à  !eur  solde  une  compagnie  de  Bre- 
tons qui  rôdait  en  Italie.  Mais  ces  Bretons  furent  défaits 
par  Barbiano,  un  brave  condottiere  qui  avait  formé  la  pre* 
mière  compagnie  italienne  contre  les  compagnies  étran- 
gères. Clément  se  sauva  en  France,  à  Avignon.  Voilà  deux 


39f  CHAttE»  y. 

papes,  Turi  à  Avignon,  rwiftre  à  Rernev  ».  bravant  et  &ex- 
communiaDt  Tun  l'autre. 

On  ne  pouvait  attendre  qUe  la  FniMe  etslês  ttate  qui  en 
swvaîent  alors  rimpatekm  (Éeosse,  NamgniB  et  Castilîe)  se 
laisBeraknt  facilement  déposséder  delà  papauté.  Gbariea  Y 
reeenaut  CMfuMÉ.  U  pensa  sans  dtauta  que»,  quand  même 
toute  l'Europe  eût  été  peiir  Uvbain;  il  valait  aûeu  paar 
hé  avoir  an  papefrançrâ,  une  série  de  patriarche  dani  il 
disposât.  Cette  poiitiqile  égoïste  Iwr  fiit  anèMimni  rapta- 
diée.  On  considéra  tons  1^  nialbeur^qat  anisàrenl^ la  felie 
de  Charles  Yl,  lea.vîctoirca  dca  Ànglaia,  comme ifiie  paai* 
tkm  du  ciel  t. 

On  asimn  qae  les  canAinau  français  avaient  tm  A'nbaid 
ridée  de  faire  pape  CharieS' V  IniMnèmei.  tt  a«iptit  lafcwé» 
comme  infirmer  d'ua  tens»  et  ne  panvani  oétàteer  la 
messe*. 

Ce  lie  fat  pas  sans  peine  que  le^roi  amems  f  Dnivarsila  à 
se  décider  en  faveur  de  Clément.  Les  faevMs  d#  drait  et 
de  médeelne  étaient  sans  diflSeidtè  pnur  le  pape  da  toi. 
Itiiis  cdie  dea  ccm^  (Sovnpoaéa  de  quatse  natkÎBSv  m  s'ae»- 
<XMrdait  pas  avec  elle^^méme.  Les  nations  firançaise  et  nar^ 
mande  étaient  pour  Clément  VII  ;  la  Kctfdie  at  l'Ângtaiss 
demandaient  la  neutralité.  L'Univenâté^  ne  poorantt  nrriver 
à  un  vote  nnanime,  suppliait  qu'on  lui  donnai  dn  tasaps. 
Le  roi  prêtent  sériai.  U  éerivil  de  Baauténio^dllaaiieqn'U 
avait  des  infortnationa  sufflsaiitea  :  «  Le  pape  GléttaaA  lU 
est  vray  pasienr  da  TtgUse  univarsettaw..  Se voosrmallKGÉ 
en  reftû  ota  délaya  voua  notid  feiea  déplaîsir  ^.  » 

Cbariee-V^agitew  cette  otcasîDn  aKacABavi^aeitatqaâBB 


«  •  0  quel  ftayel  t  à  qut\  doolomeut  itfosoirief,  ^ttf  uM^éstef  ccr  • 
Oifhu  de  PSsaa.  —  AppK,  ITa. 

*  Leofoot,  Gont.  de  Pise.  — >  •  Cepeaitatil  momiait  toQ§  Aes  ans  de 
ses  mains  la  vraie  croix  au  peuple  à  la  Sainte-Chapella,  comme  ravâit 
fait  saint  Lonis.  •  GbrisC.  de  Pi$M. 

*  Bulttus# 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  3% 

lui  était  pas  ordinaire.  Il  semble  qu'il  ait  été  honteca  et 
aigri  de  n'avoir  pas  préva. 

Il*  aurait  bien  voulct  gagner  k  Mor  pape  la  FbnAre,  et 
par  elle  l'Angleterre. .  H  fit  dire  an  comte  de  Fkindre 
qu'Urbain  pariait  fort  rtnà  des  Anglais',  cpTû  avilit  éH  <|Uê 
d'après  leur  conduite  à  Fégard  du  Ssinf-^iége  il  lea  teiMâC 
pour  hérétiques.  La  Flandre  et  l'Angkterre  i^'en  reeoimtt^ 
rent  pas  moins  le  pape  de  Rome  en  baine  de  ocAtti  d'Avî<^ 
gnon.  Urbain  avait  déjà  l'Italie.  VkVfdttïSLgpe,  la  Bongri»; 
l'Aragon,  embrassèrent  sont  paiti.  Les  dem  saintes  pep«h- 
laires,  sainte  Caffherine  (fe  SÎeime  et  saMe  Catlierive  de 
Suède,  le  reconnurent,  aius?  que  TirtStnï  Pierre  d^Aregoiy, 
qu'on  tenait  aussi  pour  un  saint  homme.  On  demt»Hla^ 
chose  inouïe,  une  consultationr  au  phts  fitmeux  juriseo»'^ 
suite  du  temps  sur  Péiection  du  pape  ;  Btrfdas  décida  que 
l'élection  d'Urbain  était  bonne  et  vafeeibfe,  disant,  amc 
assez  d'apparence,  que,  si  rélection  avait  pu  être  eontrcniite, 
les  car(finaux  n'^en  étaient  pas*  moins  retenus  d^etftHmémes 
après  le  tunralte  et  qu'As  avaient  intronisé  UriMdn  en  pleiffe 
liberté. 

On  événement  rmpossiMe  k  prévoir  avait  nâs  presqite 
toute  la  chrétienté  en  opposifrofi'  ûvee  laFn^nce.  la  fortfsne 
s'était  jouée  de  la  sagesse.  La  reine  Jeanne  deNaples,  cou- 
sine et  alliée  du  roi,  fut  peu  après  déposée*  par  Uri^«i», 
renversée  par  son  fils  adoptrf  Charles  de  Duras,  étranglée 
en  punition  dTun  crime  qui  datait  de  trentei^'einq  ans. 

Toute  PEurope  renraatt.  Le  mouvement  était  partout  ; 
msis  les  causes  infititment  diverses.  Les  LoUards  d*^«fe* 
terre  sembhiient  mettre  en  pAril  TÉglise,  la  royauté,  fa 
propriété  même.  A  Florence,  les  Ciompi  feisaient  leur  ré- 
vohition  démocratique  ^.  La  Framce  elleMnéme  semMait 
échapper  à  Cfaaries  V.  TroM  provinces,  les  plus  exeeMrih 
ques,  mais  les  plus*  vitafes*  peut-être,  se  révoftèrent. 

«  V.  le  récit  de  M.   Quinet,  RéioiuUom  d'Italie,  t.  IV  des  œuvre» 
co:nplétes  (i(58). 


321  CHARLES  V. 

Le  Languedoc  éclata  d'abord.  Charles  V,  préoccupé  du 
Nord,  et  regardant  toujours  vers  l'Angleterre,  avait  fait 
d'un  de  ses  frères  une  sorte  de  roi  du  Languedoc.  U  avait 
confié  cette  province  au  duc  d'Anjou.  Par  le  duc  d'Anjou, 
il  semblait  près  d'atteindre  l'Aragon  et  Naples,  tandis  que 
par  son  autre  frère,  le  duc  de  Bourgogne,  il  allait  occuper 
la  Flandre.  Hais  la  France,  misérablement  ruinée,  n'était 
guère  capable  de  conquêtes  lointaines.  La  fiscalité,  si  dure 
alors  dans  tout  le  royaume,  devint  en  Languedoc  une 
atroce  tyrannie.  Ces  riches  munîcipes  du  Midi,  qui  ne 
prospéraient  que  par  le  commerce  et  la  liberté,  furent 
taillés  sans  merci  comme  l'eût  été  un  fief  du  Nord.  Le 
prince  féodal  ne  voulait  rien  comprendre  à  leurs  privi- 
lèges. Il  lui  fallait  au  plus  vite  de  l'argent  pour  envahir 
l'Espagne  et  l'Italie,  pour  recommencer  les  fameuses  vic- 
toires de  Charles  d'Anjou. 

Nimes  se  souleva  (1378),  mais  se  voyant  seule,  elle  se 
soumit.  Le  duc  d'Anjou  aggrava  encore  les  impôts.  U  mit, 
au  mois  de  mars  4379,  un  monstrueux  droit  de  cinq  francs 
et  dix  gros  sur  chaque  feu.  Au  mois  d  octobre,  nouvelle 
taxe  de  douze  francs  d'or  par  an,  d'un  franc  par  mois.  Pour 
celle-ci,  la  levée  en  était  impossible.  La  province  était  telle- 
ment ruinée,  qu'en  trente  ans  la  population  se  trouvait  ré- 
duite de  cent  mille  familles  à  trente  mille.  Les  consuls  de 
Montpellier  refusèrent  de  percevoir  le  dernier  impôt.  Le 
peuple  massacra  les  gens  du  duc  d'Anjou.  Clermont- 
Lodève  en  fit  autant.  Mais  les  autres  villes  ne  bougèrent. 
Les  gens  de  Montpellier  effrayés  reçurent  le  prince  à  ge- 
noux, et  attendirent  ce  qu'il  déciderait  de  leur  sort.  La 
sentence  fut  effroyable.  Deux  cents  citoyens  devaient  être 
brûlés  vifs,  deux  cents  pendus,  deux  cents  décapités,  dix- 
huit  cents  notés  d'mfamie  et  privés  de  tous  leurs  biens. 
Tous  les  autres  étaient  frappés  d'amendes  ruineuses  i. 

«  App,,  171. 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  325 

Oo  obtint  avec  peine  du  duc  d'Anjou  qu'U  adoucit  la 
sentence.  Charles  Y  sentit  la  nécessité  de  lui  ôter  le  Lan* 
guedoc.  II  envoya  des  commissaires  pour  y  réformer  les 
abus.  Au  reste,  dans  les  instructions  qu'il  leur  donne,  il  n'y 
a  pas  trace  d'un  sentiment  d'homme  ou  de  roi.  Il  n'est 
préoccupé  que  des  intérêts  du  fisc  et  du  doAiaine  :  c  Comme 
nous  avons  audit  pays  plusieurs  terres  labourables,  vignes, 
forêts,  moulins  et  autres  héritages  qui  nous  étaient  ordi* 
naireoDsnt  de  grand  revenu  et  profit;  lesquelles  terres 
sont  demeurées  désertes,  parce  que  le  peuple  est  si  diminué 
par  les  mortalités,  les  guerres  et  autrement,  qu'il  n'est  nul 
qui  les  puisse  ou  veuille  labourer,  ni  tenir  aux  charges  et 
re(}evances  anciennes,  nous  voulons  que  nos  conseillers 
puissent  donner  nos  -héritages  à  nouvelle  charge,  croître  et 
diminuer  l'ancienne.  »  Us  doivent  aussi  révoquer  tous  les 
dons,  et  s'informer  de  la  conduite  de  tous  les  sénéchaux, 
capitaines,  viguiers,  etc. 

La  politique  étroite,  qui  ne  parait  que  trop  dans  ces 
instructions,  fit  faire  au  roi  une  grande  faute,  la  plus 
grande  de  son  règne.  Il  arma  contre  lui  la  Bretagne.  Ses 
meilleurs  hommes  de  guerre  étaient  Bretons  ;  il  les  avait 
comblés  de  biend  ;  il  croyait  tenir  en  eux  tout  le  pays.  Ces 
mercenaires  pourtant  n'étaient  pas  la  Bretagne.  Eux-mêmes 
n'étaient  plus  aussi  contents  du  roi.  Il  avait  ordonné  aux 
gens  de  guerre  de.  payer  désormais  tout  ce  qu'ils  pren- 
draient. Il  avait  créé  une  maréchaussée  pour  réprimer  leurs 
brigandages,  des  prévôts  qui  couraient  le  pays,  jugeaient 
et  pendaient. 

Il  n'aimait  pas  Clisson.  Quoiqu'il  Tait  désigné  pour  être 
connétable  à  la  mort  de  Duguesclin,  il  eût  préféré  le  sire 
de  Coucy. 

Un  cousin  de  Duguesclin,  le  Breton  Sévestre  Budes, 
qui  avait  acquis  beaucoup  de  réputation  dans  les  guerres 
d'Italie,  fut  arrêté  sur  un  soupçon  par  le  pape  français 
Clément  VII,  et  livré  par  lui  au  bailli  de  Mâcon,  qui  le  fit 


323  CHAUtSS  ▼. 

uaourir,  au  (gnrand  chugi'ui  4e  Duguesctin.  Les  parents  du 
Breton  4tMd  venus  se  pbiîftdre  et  $SiKmML  son  innocence» 
le  roi  dÂt  firoîdemeat  :  «  S'il  «$t  laort  ÎQSQoeiit,  la  chose  est 
moins  ii<Hieu«e  pour  vous  autres  ;  -e'^afit  lant  mieux  pour 
son  ftme  et  pour  votre  faonoeur.  > 

Les  Bretons  étaient'  Français  eonire  rAxigleterre,  mafe 
Bretons  avant  tout  Leur  due  voulait  les  Uvoer  aux  Anglais, 
ils  ravs^ieflA  chassé.  La  roi  voulant  les  réunir  à  la  couixmne, 
Us^ituissàventlevoi. 

Le  6  avril  4  378,  Montfort  s'étail  engagé  à  4Mivi*ir  aux 
AJOiglais  le  château  de  Brest.  Le  30  juin^  le  roi  rsyouma  à 
camparaitra  en  Parlement,  puis  le  fil  «condanuier  par  dé- 
faut. La  procédnr'e  fiit  étrange.  On  assigiia  le  duc  à 
Bennes  et  à  Nantes,  tandis  qn'il  était  en  Flandre.  X)n  ne 
lui  donna  pas  de  sauf'^conduit.  Plusieurs  pairs  ne  vouhi- 
rent  point  siéger  au  jugement.  Le  roi  parla,  lui-même 
contre  son  vassal,  et  conclut  à  la  contiscation.  Si  le  duché 
étaU  enlevé  k  Alontfoii,  il  aj^rait  dà  revenir  à  la  maison 
de  Blois,  conlormément  au  traité  de  Guérande,  que  le 
«niaittitgaraati. 

JDiire  à  la  vieille  Bretiigne  que  désoisnais  elle  ne  serait 
plus  qu'une  province  de  Prancfa  une  dépendanœ  du  do^ 
maioe,  c'était  une  chiise  hiMrdie,  et  avssi  «ne  ingratitude» 
sfivbs  ce  que  les  Bretons  avaient  liit  po^r  ohasser  l'Anglais. 
I^  firold  et  égoïste  prince  ne  connaissait  pas  évidemment 
le  peuple  auquel  il  avaitaflaire,  et  il  ine  pouvait  le  con- 
nattre;  U  y  ades  ^gnoranees  sans  lea^e,  celles  du  cœur. 

Les  Bretons,  nobles  et  paysans,  étaient  déjà  mal  disposés. 
Le  connétable  Duguescltn  d^ns  ises  gueare»  da  Bretagne, 
n'avait  pas  ménagé  ses  compatriotes.  U  les  avait  frappés 
d'un  fouage  de  vingt  sous  par  feu  ;  il  avait  défendu  les 
affranchissements  et  rétabli  la  servitude  de  mainmorte, 
abolie  par  le  duc.  Le  premier  acte  du  gouvernement  royal 
fut  rétablissement  de  la  gabelle.  La  Bretagne  arma. 

Les  bourgeois  armèi'ent  camiiie  les  nobles.  Ceux  d» 


\  I 


EXPULSION  MS  ANGLAIS.  3S7 

Rennes  s'associèrent  eKpressémeiit  aux  barons,  et  jurèrent 
de  TÎvrê  et  mourir  pour  la  défense  commune.  Le  duc,  re* 
venant  d'Angleterre,  fert  acene&ii  avec  tnins|>ort  par  teux 
même  qui  l'avaient  chasaé.  On  ne  se  sowrini  pku  s'il  était 
Hois  ou  Itfôntfort.  C'était  le  duo  de  Bretagne.  Lorsqull 
débarqua  près  de  Saint-^Malo,  tous  les  barons,  tout  le 
peuple  l'attendaient  sur  le  rivage*,  plusieuiis  entrèrent  dans 
i'eau  et  s'y  mirerit  à  genoux,  «leame  de  Blois,  eUe^méme, 
vînt  le  Féliciter  à  Dinan,  la  veuve  de  Gharle»de  Mois, «de 
celui  qu'il  avait  tué. 

les  meffleurs  c^taines  que  le  roi  pouvait  emplo3Rdr 
otmtrela  Bretagne  étaient  des  Bretons.  Clisson  parut  devant 
Nantes;  mais  ri  ne  put  s'empêcher  de  dire  aux  gens  de  te 
ville  qu'ils  feraient  sagement  de  ne  laisser  entrer  chez  enc 
personne  qui  f&t  plm  fort  qtf'etrx.  Dugnesdin  et  Clisson  se 
rendirent  à  rarmée  que  le  duc  d'Anjou  rassemblait.  Mais, 
à  la  première  approche  d'une  troupe  bretonne,  cette  armée 
se  dissipa*.  Le  -duc  d'Anjevi  fiit  9éMl îà  demander  une 
Iréw. 

Lerm^ojwJt  ses Br8tonBipasBer<l''ttn  i^rès  r^fttnaÂfm^ 
nemi.  Ceux  qui  ne  voulurent  le  quitter  qu'avecson  «Aori- 
sationr^iMnreBt  ians<WiwiHo;-maiaà  hifrwHiè/niqniles 
arrêtait  pevr  les«i€Mne  àtnevt  conmie  tntttnes.  Oogvescflte 
hi^même,  en  butte'aux  soupçons^ki  roi,  hti  myvoyar^épée 
de  connétifMe,  disant  qu'il  s'en  «Hait  en  Espagne,  «qu'ilétak 
ansn  ^conoèlaMe  ée  Clatfliile.  Les  ducs  -d'Anjou  et  «de  Boar- 
bonlnnntemFoyés  powr  l'apaiser.  Clurrles  Vsenisil  Mm 
qu'H-nepouvaRmnfinresainhii.  Maisle^vieuscaftaineétafit 
trop  avisé  pour  «lier  se  casser  la  tète  ooHtre  cette 'fimewa 
Bretagne.  H  valait  mieux  pour  M  rosier  bro«iHé  avec  le  roi, 
et  gagner  du  temps.  Selon  tovIeaffiareKoe,  ili>e*c— oelil 
pas  à  reprendre  l'épée  de  connétable.  Ce  fut  comme  ami 
du  duc  de  Bourbon ,  et  pour  lui  faire  plaisir,  quHl  «lia 

*App.,  Î73. 


3S8  CHARLES  T. 

assiéger  dans  le  château  de  Randon,  près  du  Puy  eu  Velay, 
une  compagnie  qui  désolait  le  pays.  Il  y  toniba  malade,  et 
y  mouruti.  On  assure  que  le  capitaine  de  la  place,  qui  a^ait 
promis  de  se  rendre  dans  quinze  jours  s*ii  n'était  secouru, 
tint  parole  et  vint  mettre  les  cle&  sur  le  lit  du  mort.  Cela  n'est 
pas  invraisemblable.  Duguesdin  avait  été  Thonneurdes 
Compagnies,  le  père  des  soldats;  il  faisait  leur  fortune,  il 
se  ruinait  pour  payer  leurs  rançons. 

Les  états  d^  Bretagne  négociaient  avec  le  roi  de  France, 
le  duc  avec  celui  d'Angleterre.  Charles  Y  n'ayant  voulu  en- 
tendre à  aucun  arrangement,  les  Bretons  laissèrent  venir 
l'Anglais.  Un  frère  de  Richard  II,  comte  de  Bucking^iam, 
fut  chargé  de  conduire  une  armée  en  Bretagne,  mais  en 
traversant  le  royaume  par  la  Picardie,  la  Champagne,  la 
Beauce,  le  Blaisois  et  le, Maine.  Charles  V  les  laissa  passer. 
Le  duc  de  Bourgogne  lui  demanda  en  vain  la  permission  de 
combattre. 

Duglesclin  était  mort  le  43  juillet  (1380).  Le  roi  mourut  le 
46  septembre.  Ce  jour  même,  il  abolit  tout  impôt  non  cou* 
senti  par  les  états.  C'était  revenir  au  point  d'oii  son  r^e 
avait  commencé. 

Il  recommanda  ausai  en  mourant  de  gagner  à  tout  prix 
las  Bretons  *.  Il  avait  déjà  ordonné  que  Duguesdin  fût  en- 
terré à  Saint-Denis,  à  côté  de  son  tombeau.  Son  fidèle 
conseiller,  le  sire  de  La  Rivière,  le  fut  k  ses  pieds. 

Ce  prince  étaitmort jeune (quarante^uatreans)»et  n'avait 
rien  fini.  Une  minorité  commençait.  Le  schisme^  la  guerre 
de  Bretagne,  la  révolte  de  Languedoc  à  peine  assou{Me,  la 
révolution  de  Flandre  ^  dans  toute  sa  force,  c'étaient  bien 
des  embarras  pour  un  jeune  roi  de  douze  ans.  Quoique 
Charles  V  eût  déclaré  par  une  ordonnance,  dès  4374,  que 

•  App.,  rs. 

*  Frois!>art. 

*  L'histoire  de  cette  rérolation  se  lie  plus  naturellement  à  celle  do 
règne  de  Ciiark's  YI. 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  329 

désormais  les  rois  seraient  majeurs  à  quatorze,  son  fils  de- 
vait rester  longtemps  mineur,  et  même  toute  sa  vie. 

Charles  Y  laissait  deux  choses ,  des  places  bien  fortifiées 
et  de  l'argent.  Après  en  avoir  tant  donné  aux  Anglais,  aux 
Compagnies,  il  avait  trouvé  moyen  d'amasser  dix-sept  miU 
lions.  Il  avait  caché  ce  trésor  à  Vincennes,  dans  l'épaisseur 
d'un  mur.  Mais  son  fils  n'en  profita  pas. 

Le  roi  se  croyait  sûr  des  bourgeois.  Il  avait  confirmé  ci 
augmenté  les  privilèges  de  toutes  les  villes  qui  quittaient  le 
parti  anglais  *.  Il  avait  défendu  que  les  hôtels  de  ses  frères 
servissent  d'asile  aux  criminels,  et  soumis  ces  hôtels  à  la  ju 
ridiction  du  prévôt.  Conformément  aux  remontrances  du 
Parlement  de  Paris,  il  l'autorisa  à  rendre  ses  arrêts  sans 
délai,  nonobstant  tous  lettres  royauo9à  ce  contraires  '.  Il  per- 
mit aux  bourgeois  de  Paris  d'acquérir  des  fiefs  au  même 
titre  que  les  nobles,  et  de  porter  les  mêmes  ornements  que 
les  chevaliers.  Le  roi  créait  ainsi  au  centre  du  royaume 
une  noblesse  roturière  qui  devait  avilir  l'autre  en  limitant. 
Toutes  les  terres  de  l'Ile  de  France  allaient  peu  à  peu  se 
trouver  entre  des  mains  bourgeoises ,  c'est-à-dire  dans  la 
dépendance  plus  immédiate  du  roi. 

Ces  avantages  lointains  ne  balançaient  pas  les  maux 
présents.  Le  peuple  n'en  pouvait  plus.  Les  taxes  étaient 
d'autant  plus  fortes ,  que  le  roi,  dès  le  commencement  de 
son  règne ,  s'était  sagement  interdit  toute  altération  des 
monnaies.  Je  ne  sais  si  cette  dernière  forme  d'impôt  n'était 
même  pas  regrettée;  à  une  époque  oii  il  y  avait  peu  de  com- 
merce, et  où  les  rentes  féodales  se  payaient  généralement 
en  nature,  l'altération  des  monnaies  frappait  peu  de  per- 
sonnes, et  seulement  les'  gens  qui  pouvaient  perdre,  par 
exemple,  les  usuriers,  juifs,  Cahorsins,  Lombards,  ceux 
qui  faisaient  la  banque  et  les  affaires  de  Rome  ou  d'Avr- 


*  Y.  ei-defsus,  paç^  29  i. 

•  Ordoûn.,  V. 


330  £fiilRLBS  V. 

gnoa.  h^taxj^  au  contraire,  oe  tgucbaîrat  j>ar  C€ttz-^', 
elles  toQotbaient  d'aplomb  sur  le  pauvre. 

Les  biens  4'égUse  pouvûen^  .seuls  venir  inuseoMirs  du 
peuple  et  du  roi.  Mais  il  £aUait4u  lei^ps  avaatqu'xni<oaàt 
y  porter  les  mains. 

.  Ce  gui  prouve  combien  le  clergé  «avait  encore  de  puis- 
sance, c'est  la  facilité  av.ec  laquelle  il  avait  chassé  les  An- 
glais des  villes  du  Midi.  Le  roi  de  France»  ^u^  .les  jpfêtres 
venaient  de  seconder  si  bien,  devait  y  regarder  à  deux  fois 
avant  dJe  se  brouiller  avec  eux.    • 

Le  schisme  mettait  le  pape  d'Avignon,  entièrement  à  la 
discrétion  du  roi,  et  ^ui  donnait,  il  est  vrai,  la  libre  dispo- 
sition des.  bénéfices  dans  UMite  TÊgUse  gaUicaneL  Mais  cet 
événement  plaçait  la  France  dans  une  situation  périlleuse; 
elle  se  trouvait  i»  .que^ue  sorte  isolée  au  miUlett  de  l'Eu- 
rope, «et  comme  hors  du  droit  chrétien. 

C'était  beaucoup  sans  doute  pour  la  royauté ,  d'avoir  en 
deux  siècles,  concentré  en  ses  mains  les  deux  finies  du 
mojten  Age,  r£glise  et  la  iéodalité.  Les  dignités  ecclésiasti- 
ques étaient  désormais  assurées  aux  serviteurs  du  roi,  les 
fiefs  réunis  à  la  couronne,  ou  devenus  l'apaniige  des  princes 
du  aaujg,  Les^oandes  maisons  féodales,  ces  vivants  sym- 
boles des  grandes  jprovincialités ,  s'étaient  peu  à  peu 
éteintes.  Les  diversités  du  moyen  Age  se  fondaiont  dans 
l'unité.  Mats  l'unité  était  &ible  encore* 

Si  Charles  Y  ne  put. faire  beaucoi^)  Uû-méjne,  fl  laissa 
du  moins  à  la  France  le  type  du  roi  moderne»  «{u'eUe  ne 
connaissait  pas*  H  enseigna  aux  étourdis  de  Crécy  et  de 
Poitiers,  ce  que  c'était  ijue  réflexion,  patience,  persévé- 
rance. L'^ucation  devait  être  loo^e;  il  y  fallut  bien  des 
leçons.  Maisau  moins  le  but  était  marqua  La  France  de- 
vait s'y  acheminer ,  lentement,  il  est  vrai,  par  Louis  XI  et 
par  Henri  IV,  par  Richelieu  et  par  Colbert. 

Dans  les  misères  du  x\\^  siècle,  elle  commença  à  se  mieux 
connaître  elle-même.  Elle  sut  d'abord  qu^elle  n*était  pas  et 


SXPULSIOK  aSS  AKfiLAlS.  331 

neTOttlait  pas  étiie  Ai^bMe.  Ea  aiéaieitemps,  eUe  perdait 
quelque  chose  eu  caractère  arieUgieiiK  et  cbevaleresque  -qui 
Tavait  conronéoe  avec  le  reste  de  Ja  chrétunAé  pendant  tout 
le  moyen  ftge^  et  etta  aenoyaitt  p«ir  iapreiiière  foi^  comme 
nation  et  oomma  prose.  Elle  attaî^paait  du  premier  coup , 
dans  froi$sart,  laperfectiendela  proie  naivalive  ^.lej)ro- 
grès  de  Ia4ang«e  est  immenae  de  Jctiimlla  àFroicsact,  pres- 
que nul  de  Froiss&Dt  à  Caoaîiiea. 

Froissart,  c'est  vraiment  la  France  d*alors,  au  fond  ioutc 
prosaïque,  naais dieTaderedopiedeiénne et ^ajneuae d'al- 
lure. Le  galant  chapetain  quH€Ê$trnUmaimneBkilifp.aé^ 
bwua  rieits  ti  de  iaû^Vzanovrneus  oonte  bob  Ustoke  auaà 
noncManameQtqu'ilcIiaaBtaittfa  meaBe.  Diamls  ou  d'teMe^ 
mis,  d'Anglais  ou  deFxaiiQais,4e  bieo  ou  démaille  conteipr 
ne  «'en  «Micie  guère.  Ceux  <pà  Tacottseï^  de  paiAialîibé  ne 
le  eouneiasent  pas  vraioMBt  S'U  paiaft  qiaedk|uefois  .aw«r 
miettK  r  Anglais  y  entqnerjknglaîsréuasit.  Peu  lui  inG^orte» 
pourvu  -que  de  cUtean  «n  di&teau,  d'abbaye  en  tabbaye,  'A 
oente  «et  éoeule  At  èeHes  histoires,  4X)nuDe  ju>us  je  veyena 
dans  son  voyage  aux  fyuéaéon,  ciiaDiBant.,  ie  joyew  paft- 
\9t,  avec  ses  quatre  lèrâiBrs^fln'lasaaeiqu'il  nftMie  i^u  «omta 
de  Voix. 

Un  livre  bien  mains  connu, letnarieqnel  je.m*amétecais 
MMiantphirvolonliersyc'estnn  tnîÉé<xemposé  ponrI'Alsiee 
du  peuple  Aes^ampa^ws  parioedre^TiN  :  U  vrairigims 
H  geuœrmmmudm bwgersïeiÈurgàreÊ,  umpaU  p9r i$  nmi- 
que  MumuU  ftm,  ir  ban  berger  (18 VM).  Baos  «  pctiH  livre, 
écrit  aivcc^pAce  et  beaucoup  de  4QBMeur«  nn4)0sa9e4ejre- 
lever  la^iedes  «hampe,  d'y  intèteaaer  le  peyaanu  déQour,agé 
du  travail  apeès  tant  de  cabonités.  Cda  est  fort  touchant. 
Cest  évidenimant  le  roi  qui  se  fait  berger,  ^  qui«  sous  cet 
habit,  vient  trouver  le  peuple,  gisant  eaiae  le  boeuf  et  l'âne, 
lesermonnedoucement,  r^ncourageeteaaaj^  de  l'inatruire. 


330 


CBARLBS  ▼. 


P^  ,^^tion  des  troupeaux,  et  parmi  les  re* 

®*'  .'^jje*^^  du  vétérinaire,  Jehan  trouve  moyen  de 

j/^^^^(^  des  grandes  questions  qui.  s'agitaient 

lyr^^potos  de  pasteur  et  d'ouailles  prêtent  à  mille 

^  %ji  sent  partout,  au  milieu  de  cette  afféctatioa 

^/^^  rustique,  l8  malice  des  gens  de  robe,  leur  ti- 

^  a^siicîié  à  l'égard  des  prêtres.  Ce  livre  est  très* 

^e  parei^^  de  l'Avocat  Patelin  et  de  la  Satyre  Mé- 

jl^renons.  Il  y  avait  dans  Tordre  apparent  qu'on  adoii- 
^  sous  Charles  V,  et  dans  le  système  général  du  xtv 
siècle^  quelque  diose  de  faible  et  de  faux.  La  nouvelle 
religion,  sur  laquelle  tout  reposait,  la  royauté,  se  fondait 
elle-même  sur  une  équivoque.  De  suzeraineté  féodale,  elle 
s'était  faite,  sous  l'influence  des  légistes,  monarchie  ro- 
maine, impériale.  Les  établissements  de  France  ti  dOr^ 
Uans  étaient  devenus  les  établissements  éfe  la  France.  Le 
roi  avait  énervé  la  féodalité,  lui  avait  6té  les  armes  des 
mains;  puis,  la  guerre  venant,  il  avait  voulu  les  lui  rendre. 
Elle  suteistait  encore  cette  féodalité,  pleine  d'orgueil  et  de 
ftiblesse.  C'était  comme  une  armure  gigantesque  qui, 
toute  vide  qu'elle  est,  menace  et  brandit  la  lance.  Elle 
tomba  dès  qu'on  la  toucha,  à  Crécy  et  k  Poitiers. 

Il  fallut  bien  alors  employer  les  mercenaires,  les  soldats 
de  louage,  c'est^*dire  faire  la  guerre  avec  de  l'argent. 
Mais  cet  argent,  où  le  prendre?  On  n*osait  encore  dé- 
pouiller l'Église,  et  l'industrie  n'était  pas  née.  Charles  Y, 
avec  toute  sa  sagesse  politique,  ne  pouvait  rien  faire  à  cela. 
Au  dernier  moment,  tout  lui  manqua  à  la  ibis.  Les  An- 
glais, qui  traversèrent  la  France  en  4380,  ne  rencontrèrent 
pas  plus  de  résistance  qu'en  4370  ;  le  roi,  qui  n'aVait  plus 
les  Bretons,  se  trouvait  plus  faible  encore* 

La  sagesse  ayant  édioué,  on  essaya  de  hi  folie.  La 
France  se  lança  sous  le  jeune  Charles  Vi  dans  une  extra- 
vagante imitation  de  la  chevalerie  ancienne,  dont  on  avait 


EXPULSION  DES  ANGLAIS.  333 

oublié  le  vrai  caractère  et  même  les  formes  ^  Cette  fausse 
chevalerie  prit  pour  son  héros  un  personnage  fort  peu  che- 
valeresque, le  fameux  chef'des  Compagnies  qui  en  avait 
délivré  la  France,  Thabile  Duguesclin.  L'épopée  que  Ton 
fit  de  ses  faits  et  gestes  s  indiqué  assez  que  personne  n'a- 
vait compris  le  vrai  génie  du  connétable  de  Charles  V. 

Ce  qu'on  imita  le  mieux  de  la  chevalerie,  ce  fut  la  ri* 
chesse  des  armes  et  des  armoiries,  le  luxe  des  tgurnois. 
Charles  Y  avait  un  peuple  ruiné.  On  demanda  à  cette  mi- 
sère plus  que  la  richesse  n'eût  jamais  pu  payer.  Une  fois 
dans  l'impossible,  que  coûte-t-il  de  demander? 

Même  situation  dans  toute  l'Europe.  Même  vertige.  Le 
hasard  veut  que  la  plupart  des  royaumes  soient  livrés  à 
des  mineurs.  La  royauté,  cette  divinité  récente,  elle  bé- 
gaye, ou  radote.  Le  siècle  de  Charles  le  Sage,  le  premier 
siècle  de  la  politique,  n'est  pas  arrivé  aux  trois  quarts, 
qu'il  délire  et  devient  fou.  Une  génération  d'insensés  oc- 
cupe tous  les  trônes.  Au  glorieux  Edouard  III  succède 
l*étourdi  Richard  II,  au  prudent  empereur  Charies  IV  l'i- 
▼rogne  Wenceslas,  au  sage  Charles  Y  Charles  YI,  un  fou 
furieux.  Urbain  YI,  D.  Pèdre  de  Castille,  Jean  Yisconti, 
donnèrent  tous  des  signes  de  dérangement  d^esprit. 

La  petite  sagesse  négative  qui  pensait  avoir  neutralisé  le 
grand  mouvement  du  monde,  se  trouvait  déjà  à  bout.  Elle 
s'imaginait  avoir  tout  fini,  et  tout  commençait.  Le's  fils, 
que  les  habiles  avaient  cru  tenir,  s'embrouillaient  de  plus 
en  plus.  La  contradiction  du  monde  augmentait.  On  eût 
dit  que  la  raison  divine  et  humaine  avait  abdiqué.  «  Dieu, 

<  Ao  point  que,  sous  Charles  VI,  lorsqu'on  arma  solennellement  che- 
Taliers  les  deux  fils  da  duc  d*Anjoa,  tous  les  assistants  demandaient  ce 
que  signifiaient  ces  rites. 

*  Ce  poëme  offre  le  mélange  bixarre  de  denx  esprits  très-opposés. 
Dognesclin  y  est  peint  comme  un  chevalier  du  xiii*  siècle;  mais  il  vst 
malTeillant  pour  les  prêtres,  comme  on  Tétait  au  xiv*.  l\  ne  reut  rien 
prendre  du  peuple  ;  il  ne  rançonne  que  le  pape  et  les  gens  d'église.  On 
croirait  lire  la  Hênriaâe.  App.,  276. 


334  CDÀBUss  ▼. 

conune  dit  Luther,  s'eaauyaît  du  jeu,  et  jetait  les  cartes 
sens  la  taUfiL  » 

C*est  un  moment  trac^que  q«e  eeliû  où  l'on  se  sent  de- 
venir fou,  le  moment  où  la  raison,  éclairée  de  sa  dernière 
lueur^  se  voit  périr  et  s'éteindre.  «  Oh  I  ne  permets  pas 
que  je  soie  fou,  bc»ité  du  eiel,  S'^écrie  le  soi  Lear,  conserve» 
moi  dans:  Téquiliiure.  Ob  !  non,  pa^  fou^  de  grâce  I  je  ne 
Youdraia  pas»  être  fou  t..*  r 


APPENDICE 


•MMMa^BAi 


i  -—  page  5  -—  AijyhmnêÊ'  X  t^enfammU  avec  tm  jmif$^  péwr  aiêè^ 
rer  d'wt  mikangt  rOiMt»  U  âmi  gôêhùfmê,.^ 

Je  ne  fnéUsoàa  pâ6  déppécicr  ici  le  tiode  4ea  8utt  FmrMa$\^ 
j'espère  q«&  mom  am»  H..  Rûsaew  Stioti'nairc:  aOQs  le  ftfrt 
bientôt  cQualife  dan»  ks  aceosA  v«itttt&^  m»  HisÉtire  é'Ësi- 
pagDe,  qae  iMXua  aUemlosa  HnpalieiftinMiV.  Je  n'ai  peétenëti 
exprimer  a*r  l^s4oi6  d'Alphonae,  fuai  le- j^giraiettt  phns  pefrio- 
tiqae  qu'éclairé  de  TEapagna  d'alora.  Uest  josia  de  retûDnaiire 
d'akUeon  qêm  ee  prince,  tôui  ciere  et  :Ava«t  qu'il  étail^  Mlaa 
la  lanfoe  eapegnole*  •  U  fut  le  premier  dta  roia  d'Espagne  ^ÊÂ 
erdonna  fne  les  contrats  et  toualed  antirc»  acten  pnbliaa  ae 
fiuent  déâoemai»  en  eapagattU  11  ^  faôre  mfe  Irédncliott  dea 
livrea  aacréa  en  eaatîUan...  U  ettvfit  la  porte  h  unn  ignoranea 
profonde  dea  letlrea  hoMaine»  ei  dea  autres  seienr ea,  qne  lea 
eedéaîaatiqnds  aensi  bîen  que  les  sécaltera  ne  enlUvèrani  phMv 
par  l'oubli  de  1»  langne  laitne.  >  Mariaoa,  Ilh  p.  tôB  dm  la  trn- 
daction  (noie  de  lâS?)^ 

^  —  pAg^  ^  -^  ^^^*  ^  porêroÊi  deê  rots  cfAvapon  dsmê  !>■»*• 
(ortar... 

«  Si  lea  snjeèn  de  non  rots  aameni  oossbie»  lea  antraa  roiS' 
sont  dura  et  cmel^envera  leurs  pevfrièsv  ils  beiaeratent  la  terroi 
foilée  par  leurs  se^pken^a•  Si  ren  me  demanda  :  «  Muntancr , 
•  qnellea  faveurs  foui  les  Eois  d'Anrgon  É  leurs  aajet»,  plus  que 
«  les  autres  rois?  »  Je  répcndrsM,  premièrement;  qn'ila  ioni 


836  ,  APPENDICE. 

observer  aux  nobles,  prêtais,  chevaliers,  citoyens,  bourgeois  et 
geos  des  campagnes,  la  juslice  et  la  bqnne  foi,  mieux  qu'aucun 
autre  seigneur  de  la  terre;  chacun  peut  devenir  riche  sans 
qu'il  ait  à  craindre  qu'il  lui  soit  rien  demandé  au  delà  de  la 
raison  et  de  la  justice,  ce  qui  n'est  pas  ainsi  chez  les* autres 
seigneurs;  aussi  les  Catalans  et  les  Âragonnais  ont  des  senti- 
ments plus  élevés,  parce  qu'ils  ne  sont  point  contraints  dans 
leurs  actions,  et  nul  ne  peut  être  bon  homme  de  guerre,  s'il 
n'a  des  sentimenis  élevés.  Leurs  sujets  ont  de  plus  cet  avan- 
tage, que  chacun  d'eux  peut  parlera  son  seigneur  autant  qu'il 
le  désire,  étant  bien  sûr  d'être  toujours  écouté  avec  bienveil- 
lance, et  d'en  recevoir  des  réponses  satisfaisantes.  D'un  autre 
côté,  si  un  homme  riche,  un  chevalier,  un  titoyen  honnête, 
veut  marier  sa  fille,  et  les  prie  d'honorer  la  cérémonie  de  leur 
présence,  ces  seigneurs  se  rendront,  soit  à  l'église,  soit  ailleurs; 
ils  se  rendraient  de  même  au  convoi  ou  à  l'anniversaire  tic  tout 
homme,  comme  s'il  était  de  leurs  parents,  ce  que  ne  font  pas 
assurément  les  autres  seigneurs,  quels  qu'ils  soient.  De  plus, 
dans  les  grandes  fêtes,  ils  invitent  nombre  de  braves  gens,  et 
ne  font  pas  difficulté  de  prendre  leur  repas  en  public  ;  et  tous 
les  invités  y  mangent,  ce  qui  n'arrive  nulle  part  ailleurs.  En- 
suite, si  des  hommes  riches;  des  chevaliers,  prélats,  citoyens, 
bourgeois,  laboureurs  ou  autres,  leur  offirent  en  présent  des 
fruits,  du  vin  ou  autres  objets,  ils  ne  feront  pas  difficulté  d'en 
manger;  et  dans  les  châteaux,  villes,  hameaux  et  métairies,  ils 
acceptent  les  invitations  qui  leur  sont  faites,  mangent  ce  qu'on 
leur  présente,  et  couchent  dans  les  chambres   qu'on  leur  a 
destinées;  ils  vont  aussi  &  cheval  dans  les  villes,  lieux  et  cités, 
et  se  montrent  à  leurs  peuples;  et  si  de  pauvres  gens,  hommes 
ou  femmes,  les  invoquent,  ils  s'arrêtent,  ils  les  écoutent,  et  les 
aident  dans  leurs  besoins.  Que  vous  dirai-je  enfin? ils  sont  si 
bons  et  si  affectueux  envers  leurs  sujets,  qu'on  ne  saurait  le 
raconter,  tant  il  y  aurait  à  faire;  aussi  leurs  sujets  sont  pleins 
d'amour  pour  eux,  et  ne  craignent  point  de  mourir  pour  élever 
leur  honneur  et  leur  puissance,  et  rien  ne  peut  les  arrêter 
quand  il  faut  supporter  le  froid  et  le  chaud,  et  courir  tous  les 
dangers.    •  Ramon    MunUner,  î,  ch.  xx,   p.  60,  Hrad.  de 
M.  Buchon. 


AP.-'TNDICS.  337 

3  ^  page  9  *-  «  Nous  ovions  reçu  VAntiehrist,,,  • 

ff  Regni  Siculi  Antichrislum.  >  Bart  à  Neocastro,  ap.  Mara- 
tori,  XIll,  1026.  fiartolomeo  et  Ramon  Muntaner  ne  font  nalle 
mealion  de  Procida.  L'un  veut  donner  toute  la  gloire  aux  Sici- 
liens, l'autre  au  roi  d'Aragon,  D.  Pedro. 

4  -.  page  10 — La  lamentation  par  laquelle  Falcando  commence 
son  histoire.,. 

Hugo  Falcandus,  ap.  Muratori,  VII,  £52.  La  latinité  de  ce 
grand  historien  du  zii*  siècle  est  singulièrement  pure,  si  on 
la  compare  à  celle  de  Bartolomeo,  qui  écrit  pourtant  cent  ans 
plus  tard. 

5  —  page  13  —  Les  maisons  françaises  étaient  marquées 
d  avance,,, 

«  Ceulx  de  Palerme  et  de  Heschincs,  et  des  autres  bonnes 
villes,  signèrent  les  huys  de  Francoysdonuyt;  et  quant  ce  vint 
au  point  du  jour  qu'ils  purent  voir  entour  eux,  si  occirent  tous 
eealx  qu'ils  peurcnt  trouver,  et  ne  furent  épargnés  ne  viculx 
uc  jeunes  que  tous  ne  fussent  occis.  >  tlironiques  de  S.  Denis. 
Au  110  1282. 

6  —  page  43  —  Charles  d'Afjou  ré^^ondit  aux  envoyés  de 
Uessine^  etc  .. 

Villani  ajoute  avec  une  prudence  toute  machiavélique  :  c  Onde 
fae,  et  sera  sempre  grande  ascmpio  a  quclli,  che  sono  et  che 
saranno,  di  prendere  i  patti,  che  si  possono  havere  de*  nimici, 
poteudo  havere  la  terra  assediata.  >  Vill.,  1.  VU,  c.  lxt,  p.  281- 
282.  —  Le  légat  engageait  Charles  à  accepter  les  conditions 
des  habitants  :  •  Per6  chè,  poi  che  fossino  indurati,  ognidi 
peggiorercbbono  i  patti;  ma  riavendo  egli  la  terra,  con  volontà 
de'  cittadini  medesimi  ogni  di  îi  potrebbe  alargare;  il  qualo 
cra  sano  et  buono  consiglio.  >  Id.,  1.  VU,  c.  lxt,  p.  231. 

7  —  page  14  —  Ctf  »?  fut  qu'au  bout  de  plusieurs  mois,  etc.. 
Rien  de  plus  romanesque  et  toutefois  de  plus  vraisemblable 

que  le  tableau  du  chroniqueur  sicilien,  lorsque  le  froid  Arago- 
naiâ  se  hasarda  à  descendre  sur  cette  terre  ardente,  où  tout 


338  APPBXDÎCE. 

élail  passion  elpdrrl.  Il'&llaH  entrer  surie  terrilohrcdc  MMBînc, 
et  déjà  il  était  parvenu  à  une  église  de  Nolre-Dhmc,  ane ien 
temple  situé  sur  un  promontoire  d'où  Ton  voit»  la  mer  el  la 
fumée  lointaine  des  îles  de  Li pari.  Il  ne  put  s^empôc.hcr  d'ad- 
mirer celte  vue.  et  alla  camper  dans  la  vallée  voisine.  C'était 
le  soir,  et  déjà  tout  le  monde  reposait.  Un  vieux  mendiant 
s'approche  et  demande  humblement  à  parler  au  roi  de  chose* 
qui  touchent  l'honneur  du  royaume  :  •  Excellent  prince»  dit  il, 
ne  dédaignez  pas  d'écouter  cet  homme  couvert  de  la  cape  des 
chevriers  de  l'Etna.  J'ftimais  votre  beau-frère,  le  roi  llanfred, 
d'éternelle  mémoire.  Proscrit  et  dépouillé  pour  lui,  j'ai  visité 
les  royaumes  chrétiens  et  barbares.  Mais  je  voula-is  revoir  la 
Sicile,  je  me  suis  hasardé  à  y  revenir;  j'y  ai  vécu  avec  les  ber- 
gers, changeant  de  retraite  dans  les  gorges  et  les  bois.  Vous  ne 
connaissez  pas  les  Siciliens  sur  lesquels  vous  allez  régner,  vous 
ignorez  leur  duplîciié.  Comment  vous  -  fier,  par  exemple,  an 
léontin  Alaymc.  et  à^sa  femme  Machalda,  qui  le  gouverne  ?  Ne 
savez-vous  pas  qu'il  :  a  *été  proscrit  par  Mftnfired  1  ramené;  eo- 
richi  par  Charles  d'Anjou?  Sa  femme  saura  bien:  encore  le 
tourner  contre  vous-même.  —  Qui  es- lu.  mon  ami,  toi  qui  veux 
nous  mettre  en  défiance  de  nos  nouveaux  sujets?  —Je  suis 
Vitalis  de  Vitali.  Je  suis  de  Messine..  »  —  A  l'instant  même 
arrive  Machalda,  vôtue  en  amazone;  elle  venait  hardiment 
prendre  possession  du  jeune  roi  :  •  Seigneur,  dit-elle  avec  la 
vivacité  sicilicmic,  j'arrive  la  dernière:  Tous  les  logis  sont 
pris,  je  viens  vous  démander  rhospitalUéd'tine'  nuit.  •  Ite  roi 
lui  céda  lé  logisoù  il  devait  reposer;  Maià  ce  n'éUit  pas-son 
afiftîife,  elle  ne  partait  pas.  Vïiiûement  dit-41  à  son- majoréome  : 
•  Uesiieçips  de  iirendre  du- repos;  »  EWererfle  immobile.  Alors 
le  roi  prend  son  parti  :  c  Eh  bitU',  dil-lly  causons  jusqu'à» 
jour.  Madame,  que  craignez-vous  leplusî'—U  mt>rt  de  mon 
mari.'  -  Qu'aimez-vous  le  plus  ?  -  Ce  que  j 'aime  n'est  point  a^ 
moi.  »  —Le  roi,  prenant  alors  un  ton  plùa  grave,  raconte  les 
phénomènes  étranges  qui  ont,  ditril,  accompagné  sa  naissance  : 
il  est  Tenu  au  mondé  pendent  un  tremblement  de  terre;  dési- 
gné ainsi  par  la  Providence,  il  n'a  pris  les  annea  que  pour 
accomplir  le  saint  .devoif  de  venger  Manfrcd.  Machalda,  ainsi 
éconduite,  devint  l'ennemie  implacable  du  roi.  >  Plût  au  ciel. 


APPENDICE.  339 

dit  naïvement  l'historien  palrîole,  qu'elle  eût  séduit  le  roi!  Elle 
n'eût  pas  troublé  le  royaume.  »  Bartliol.  à  Neoc,  apud  MUra» 
tori.  XUI,  1060-63. .  . 

8  —  pagp  i7  —  Lé  roi  à: Aragon  nrcepta  le  combaHringuli^i" 
proposé  par  Charles  d'Anjou,'.. 

€  Cio  fece  per  grande  sagacité  di  guerra  et  per  suo  grau 
senno,  concibsia  cosa  ch'egli  era  moUo  povero  di  moneta  et  da 
DOD  potere  respondere  al  soccorso  et  rlparo  de'  Ciciliani... 
Oode  timea  che  ..  non  si  arrendessono...  per  che  non  li  sentiva* 
eonsunti  ne  fénni...  el  cosi  et  savio  suo  provedîmeiHo  venno' 
bene  adoperato.  »  Viilàni,  c.  lxxxt,  p.  290.' 

9  —  page  23—  Philippe  le  Bel  défend  d'emprisêmer  qui  qn^ 
ce  sait  sur  la  seule' demande  des  inquisiteurs... 

«  Dictum  fuit  (in  parlianento)  qnod  prsefati  aat  eorum  oât- 
claies  non  possunt  pœnas  pecuniarias  Judaeis  infiigere  nec  exi* 
gère  per  ecciesinliosoi  ctnauram,  sed'ftohim-modo  pœnama 
eanone  siatatam,  scilîcet  «ommonioDaeini  fideliam  sibi  subtra- 
heruj  >  (Libertés  de  TËgiise  gallioana; Ift,  14&>—  Oa  secail 
testé  de^veifici  une  inNÛe-asièreideir^xoûaiBnnicatioii. 

10  —  page  '30  —  Edouard  I«r  écrivit  humblement  à  ses  sujets 
de  Guyenne,  etc..» 

c  Moas  avions  un  Irailé  avec  le  roi  de  France,  d'après  lequel 
nous  avons  fait  de  vous  et  de  notre  duché  certaines  obéissances 
à  ce  Roîv  qoenou»  avea&  cru  .êtra<pour  lebien  de  la  paix  et 
l'avantage  de  la  chrétienté.  Hais^,  par.  1&^  noua  noua  sommes 
rendus  conpabies  envers. vous^  pnisque  nous  l'avons  fait  sans 
voUe  eonsentemenl^  d'aalsatfpjna  qife  vous  étiez  Jbien  préparés 
à  ^rder^t  à/,  défendre  votre  terre.  Toutefois^  nous  vous  de- 
mandons de.  vouloir  i  bien  ^n4>ns-tenic  pour  excusés;  car  nous. 
avens  étéxiraenvenoe^et  séduits; dens.eeltfrjconji^ncture.  Nous 
engouffrons  ptns^De  ppjsonne»  comme  pourront  vous  l'assurer 
Hugues  de  Vères,  Raymond  de  Ferrers,  cpii  conduisaient  en. 
notre  nom  ce  traité  à  la  cour  de  France»  Hais,  avec  l'aide  de 
Dieu,  nous  ne  ferons  plus  rien  d'Important  désormais  relative* 
ment  à  ce  duché  sans  votre  conseil  et  votre  assentiment.  » 
Ap.  Rymer,  t.  11,  p.  644.  Sismondi,  Vlll,  480. 


340  APPENDICE. 


11  —  page  31  —  L'indulgence  de  la  Coutume  de  Flandre  pour 
la  femme  et  pour  le  bâtard... 

c  In  Flandria  jaminde  ab  initîo  obseryatum  constat,  nemtnem 
ibi'notbnm  esse  ex  matre.  >  Meyer,  folio  75.  Le  privilège  fui 
étendu  aux  hommes  de  Bruges  par  Louis  de  Nevers  :  •  11  les  af- 
franchit de  bastardise,  sy  avant  que  le  bastard  soit  bourgeois 
ou  Gis  de  bourgeois,  sans  fraude.  >  (1331)  Oudegherst.  Chron. 
de  Flandres.  —  Origines  du  droit,  page  67, 1.  U»",  chap.  m.  Les 
b&tards  héritaient  des  biens  de  leurs  mères.  <  Car  on  n'est  pas 
l'enfant  illégitime  de  sa  mère.  •  Miroir  de  Saxe.  —  Diverses 
lois  anciennes  donnentméme  aux  enfants  naturels  des  droits  sur 
les  biens  de  leur  père.  Grimm,  476.  — J'ai  parlé  ailleurs  du 
droit.des  b&tards  en  France.  Selon  Olivier  deTla  Marche.  «  il  n'y 
avait  en  Europe  que  les  Allemands  chez  qui  les  b&tards  fussent 
généralement  méprisés.  »  Guillaume  le  Conquérant  s'intitule 
dans  une  lettre  :  <  Moi,  Guillaume,  surnommé  le  B&tard,  > 

■ 

12  —  page  40  —  Boni  face  VIll,  tieU  avocat,  etc.. 

f  Hic  loDgo  tcmpore  expericntiam  habuit  curiae,  quia  primo 
advocatus  ibidem,  indc  factus  postea  nolariuspape,postea  car* 
dinalis,  et  inde  in  cardinalatu  expcditorad  casus  Collegîide- 
clarandos,  seu  ad  cxteros  respondendos.  >  Muralori,  XI» 
1103. 

13  —  page  41  —  L'homme  est  double;  Uy  aen  lui  le  Pape  et 
rEmpereur.,. 

€  Cum  omnis  natura  ad  ultimum  quemdam  finem  ordinetur, 
consequitur  ut  hominis  duplex  finis  existât  :  ut  sicut  inler 
omnia  entia  soins  incorruptibilitatem  et  corruptibilitalem  parti- 
cipât, sic...  Propter  quod  opus  fuit  homini  duplici  directivo,  se- 
cundum  dupliccm  finem  :  sciîicet  summo  ponlificc,  qui  sccan- 
•dum  rcvelata  humanum  genus  produceret  ad  vitam  sternam;  et 
imperatore,  qui  secundu m  philosophica  documenta  genus  hu- 
manum adtemporalem  felicitatem  dirigeret.  >  Dante,  De  Monar> 
«hi&.  p.  78,  édit.  Zalta. 

i\  —  page  41  — De  Monarchia,  «  De  Tunitè  du  monde  sa* 
€ial  >  ... 


APPENDICE.  344 

Dante  (De  monarchia,  t.  IV,  p  2.  a).  L'éditeur  a  mis  an  fron- 
tispice l'aigle  de  l'Empire  avec  cette  épigraphe  : 

£  60tto  l'ombra  délie  sacre  penne, 
Goveroo  Tmondo  li  di  mano  in  mano. 

Paradii.,  c.  vi,  ▼.  7. 

15 —  page  il  —  Ce  monarque,  pomdant  lout^  ne  peut  rien  de* 
sirer,  etc. 

c  Notandum  quod  justitiae  maxime  contrarialur  cupidilas..» 
Ubi  non  est  quod  possit  optari,  impossibile  est  ibi  cupiditatcm 
esse...  Sed  moDarchia  non  habet  quod  possit  oplare.  Sua  nam- 
quc  juridictio  terminatur  Oceano  solum,  »  p.  17.  —  11  prouve 
ensuite  que  la  cbarilé,  la  liberté  universelle,  sont  à  la  condi- 
tion de  cette  monarcbie.  —  «  0  genus  humanum,  quantis  pro- 
cellis  et  jacturis  quantisque  naufragiis  agi  tari  te  necesse  est, 
dum  bellua  mullorum  capitum  factum  in  diverse  conaris,  iutel- 
lectu  aegrotas  utroque  similitcr  cl  aflicctu,..  cum  per  tubam 
sanctî  spiritns  tibi  cfflelur  :  £cce  quam  bonum  et  qaam  jucun- 
dum  habitare  fratres  in  unum  !  »  Dante ,  De  monarchia, 
p.  Î7. 

16  —  page  43  —  Sais>et  appartenatt  a  h  famille  des  anciens  i- 
eomîes  de  Toulouse.,. 

•  Qaod  antiquitus  erat  Cornes  et  Vicccomcs  Tholosae  et  quia 
ipsc  erat  de  génère  Vicecomitis,  qui  dîctus  Vicccomes  domina- 
batur  in  certa  parte^  civitatis  Tholosae.  >  Dupuy,  Diff.,  640. 

//  était  l'ami  de  toute  la  noblesse  municipale... 

c  Quiaomnes  meliores  homines  de  Tholosn  sunt  de  parcntcla 
noatra,  et  facient  quidquid  nos  voluerimus.  »  Ibid  ,  p.  G43. 

Jl  rêvait  la  fondaiion  d'un  royaume  de  Languedoc... 

c  Audivit  dicltim  Episcopum  Appam  Comiti  Fuxi  dicentem  : 
Faciatis  Pacem  mecum,  et  vos  habcbitis  civitatem  Appam,  et 
erîtis  rex,  quia  anliquitus  solcbat  ibi  esse  Regnum  adeo  nobile 
aient  Hegnnm  Francise,  et  postea  ego  faciam  quod  vos  eritis 
Cornes  Tholosœ,  quia  in  civitatc  Tholosae,  et  in  terra  habeo  mul« 
tos  amicoa,  valde  nobiles  et  valde  potcntes...  >  Ibid.,  645,  V. 
encore  le  l«r  témoin,  p.  633,  et  le  XIV«  témoin,  p.  640. 

•..  au  profit  du  comte  de  CommingesA. 


>. 


342  irrsNiucB. 

c  Ipse  episcQpus  «empcr  dilexerat  conuteia .ÇoiweDacaTn  et 
totum  genus  jsuum,  et  speci ailler  quia  ent  ex  parie  uoa  iie 
recta  linea  comitîs  Tholosani,  et  quod  génies  totius  terne  âili- 
gebant  dictum  comitem  «x  cansa  pnedieU.  >  Ib.,  XV11«  té- 
moin, p.  642. 

17  —  page  47  —  FjŒ  petite  bulle  fut  hrûUe,  etc. 

Dapuy,  Preuves  du  Diff.,  p.  59.  —  t  Fuerunt  litters  ejus 
(papœ)  in  regno  Francise  coram  pluribus  concrematae,  et  sine 
hodore  remissi  nuntii.  *  Chron.  ''Rothomagense,  ann.  1302  ;  et 
Âppendix  annalinm  H.  "Stcronis  Attahensis.  —  Le  ms.  cité  par 
Dupuy  (Preuv.  du  Diff.,  59),  et  que  lui  seul  a  vu,  n'est 
donc  pas,  comme  le  dit  'M.  deSismondi,  la  seule  autorité  pour 
ce  fait.  (V. -Sism.,  IX,  88.) 

18  —  page  49  —  Letire^des  noUesAux  eardimux... 

La  lettre  ajoutait  au  nom  des  nobles  :  Et  se  ainsi  esloit  que 
nous,  ou  aucuns  de  nous  le  vousis$ions.6oufijrir,  ne  les  soufer- 
Tù'ii  mie  lidicts  noslre  sire  li  royç,  ne  li  commun  peuples  dudit 
royaume  :  et  à  grand'doulcur,  et  à  grand  meschief,  nous  vous 
faisQns  à  sçavoir  par  la  teneur,  de  ces  lettres,  que  ce  ne  sont 
choses  qui  plaiaent  à  Dieu,  ne  ne  doivent  plaire'  à  ualibomsie  de 
bonne  voulenlé,  ne  oncques  mes  telles  cboaesne  deaGeBdiront 
en  cuer  d'bomime,  ne  ores  >nc  furoat,  ne  aUcsdués advenir,  fors 
avecqucs  Antéchrist...  Pourquoi  nous  vous  prions  «t  requeroas 
tant  affectueusement  comme  nous  pouvons.,,  que  UjasaU^^ea  qui 
est  esmeus,  soit  arrière  mis  .et.aaiantjii.'.eljquedei^as  cKcès 
qu'il  a  accoustumé  à  fai«e,  il  scût  cbasli«%4ja  loUarmaiv^,  que 
li  estât  de  la  Ghrestienté  soit  et  dejvieureien^on  .bon  poiaiietian 
son  bon  estât,  et  de  ces  chqscs  nous  faites  à  sçavoir  par  lepor* 
leur  de  ses  leUres  vx)stre  volonté  etv^atre  aftAeataon  :  car  pour 
ce  nous  renvoy4)ns.espéciaumeul  à> vous* -.et. bien  veruloasqie 
vous  soyez  certain  queue  pour  vie,  tte:pour.fmort,  .naasjiadé- 
partirons,  .ne  ne  veoAs  à  4épartir  de  ce  pcooez,,  al , Cayst  oi^s , 
ainsi  queli  Roys  nostre  Sire  levouhist  bieo...i£t.popQae^e 
trop  longue  chose,  et  ehargeans  seroit,  se  ohaeun  daaoaa  ■»(- 
tcroit  seel  en  ces  présentes  lettres,  laites  denoalre  coauga«nas- 
senlement,  nos  Loys  fils  .le  roi  de  Ffancc,cueitsde£vreux;  Ro- 


APPBKDICB.  313 

1>ert  cuens  d*ArKHs;  Robert  Dok  de  Boni^oif  ne  ;  Jean  Dnx  de' 
Bretaîne;  Ferry  Dox  de  Lorraine  ;  Jetn  coens  de  Hainaot  et  de 
Hollande  ;  Henry  coens  de  Luxembourg;  Guis  cuens  de  S.  Pol; 
Jean  cuens  de  Dreux  ^Huges  cuens  de  la  Marche  ;  Robert  cuens 
de  Bouioigne;  Loys  couens  de<Niver8  et  de  Aetel;  lean  cuens 
d'Eu;  Bernard  cuens  de  Gomminges;  Jean 'cuens  d*Aubmar]e; 
Jean  cuens  de  Fores;  Valeran  cuens  dePérigors;  Jean  cuens 
de  Joigny;  J.  cuens  d'Auxerre;  Aymars  de  Poitiers,  cuens  de 
Valenlinois;  Estcnncs  cuens  de  Sancerrc  ;  Renault  cuens  de 
Mootbeliarl;  Enjorrant  sire  de  Coucy;  Godcfroy  de  Breban; 
Raoul  àe  GlevroontiooAsasUblc  .de^Foioee;  Jeaaairie.de  Ghas- 
4f«uvilain  v Jourdain. sire  dcLiUq  >  Jean  4le.Ghaloni  site  Bttelty  ; 
ifimrllauBiO'de  Gbaveîgny^sire  de  Ghaa«iau4kKMil;«Ricbars l'aire 
4&BewHW,t  oiiiAmaarry  visuaas  de  Manbaiiuerfavons.mistttila 
roquesAe,  etron  .neaiKde  bous, >et.po«r.toii84asta«lres,<Qa»at«us 
en  ces  présentes  lettres.  Donné  à  Paris,  le-iO^joun  d'avrii,  l^an 
dcgr&coiaOâ.» 

«49  —  page  SO  —  *  LHireides^mmÊiibriê'éu^i^^é.,. 

c  ...  Prout  quidam  noslrum  qui  ducatus,  comitams,  Woèias, 
feoda  etalia  membra  dicti  Rcgni  tenemus...  adcssemus  eidem 
debitis  consilHs  et  auxiliis  oppoftunis...  Gognoscedtés  qudd  ex- 
crcscunt  angustiae  cum  jam  abhorreant  lolci  et  prorsus  Offugiant 
consorlia  clericorum.  tûopuy, Neuves,  p.  70.  —  La  lèilre  est 
datée  de  mars,  c'est-à-dire  probablement  an  tidatéc  :  «'  Dàtuml^a- 
risi is  die  Marti» praedicta  .  Lesasdit  Jourde  mars.  •  Et  ils  n'ont 
indiqué  auparavant  aucun  Jour.  Mais  ils  ne  voulaient  .point 
dater  de  rassemblée  du  roi,  ne  s'élant .  pas  rendus  à  celle  du 
pape. 

Cette  lettre  contient  également  le  grand  grief  de  la  nobfeue.,. 

«Et  prael.ili  dum  non  habcnt  quîd  pro  meritis  tribuant, 
imo  rétribuant  nobilibus,  quorum  progenitoresccclesias  funda- 
vcrunt,  cl  aliis  litteratis  personis,  non  inveniunt  scrvitorcs.  » 
Dup.,  Preuves,  p.  69. 

ÎO  -  page^a^i  —  I»«  Mùne^ifrannè  de  .GanJ,  quidortMux  ge- 
^Quxdela  Vierge,,. 

•  Hodic   quoquc  pro  symbole  urbis   Virgo  sppimonlo  Vgnco 


344  APPENDICE. 

clausa,  cujus  in  sinu  Léo  cum  Flandriae  lababo  cabat...  *  Sac- 
derus,  Gandav.  Rcr.,  1. 1,  p.  51. 

2i  —  page  51  —  «  Roland,  Bdand,  etc...  > 
C'étail  rinscripUon  de  la  cloche  : 

Roelan'lt,  RoeUndr,  als  ick  kleppe,  dan  ist  brandt, 
Als  ick  lave,  dan  ist  storn  in  Vlacnderlandt. 

(Sandenu,  1.  Il,  p.  115.) 

S9  —  page  52  —  Peter  Kœnig,,. 

■  Primus  ausns  est  Gallorum  obsistere  tyranntdl  Petrns  oo- 
gnomcnto  Rex,  homo  plebeins,  unocnlus,  œtate  sexagenarios, 
opificio  textor  pannorum,  brevi  vir  stature  nec  facie  admodum 
libéral! ,  animo  lamen  magno  et  feroci,  consilio  bqpus,  mana 
promptus,  flandrica  quidem  lingua  comprîmisfacundus.  galîi- 
cie  ignarus.  »  Mcyer,  p.  91. 

Les  gens  du  peuple  te  mettent  à  battre  Iturt  chaudrons... 

c  Gumque  ad  campanam  civilatis,  non  auderent  accedere, 
pelves  suas  puisantes...  omnem  multitudinem  ooncitarunl.  » 
Ibid.,  p.  90. 

23  ~ page  52  —.Les  Gantais  furent  retenus  par  leurs  gros  fa- 
bricants. 

c  Primorcs  civitatis,  quique  dignate  aliqûa  aut  opibus  valc- 
bant,  Liliatorum  sequebantur  parles,  formidantes  Régis  poten- 
tiam,  suisque  timentes  facuUatibus.  *  Ibid.,  p.  91. 

24 —  page  53  —  Ils  voulurent  r4)mmunier  ensemble,  etc.. 

<  A  la  bataille  de  Courtrai,  les  Flamands  firent  venir  nn  prê- 
tre sur  le  champ  de  bataille  avec  le  corps  de  Christ,  de  sorte 
qu'ils  pouvaient  tous  le  voir.  En  guise  de  communion,  chacun 
d'eux  prit  de  la  terre  k  ses  pieds  cl  se  la  mit  dans  la  bouche.  • 
G.  Villani,  t.  VllI,  c  ly,  p.  333.  —  V.  d'autres  exemples  de  cette 
communion  par  la  terre  dans  mes  Origines  du  droit,  livre  III, 
ch.  lY 

25  —  page  53  •—  On  répétait  que  CkâtiUon^  etc... 
t  Vasa  vinaria  portasse  restibus  plena,  ut  plebeios  strangn- 
laret.  »  Mever. 


APFBIDICB.  345 

La  riine  aoait^  dUait-on,  recQmmandè  aux  Françait  911e,  etc.. 

c  Ut  apros  quidem  ,  hoc  est  vlros»  hastis,  sed  sues  verutis 
eonfoderent*  infesta  admodam  mnlieribns,  quas  sues  Tocabat, 
ob  fastiim  illnm  femîneum  vîsnm  a  se  Brugis.  »  Ibid.,  p.  93. 
—  V.  eî-dessns  page  68  :  La  reine  avait  dit  en  voyant  les  Fla- 
mandes :  ■  Ego  rata .  snm  me  esse  Reginam  ;  at  hic  sezcentas 
conspicio.  »  Ibid.,  p.  89. 

26  —  page  54  —  L$s  Flamands  tuaient  à  leur  aise,  etc. 

c  Incredibjle  narratu  est  qnanto  robofe ,  qnahtaqne  fcrocia, 
coUnctantem  secnm  in  fossis  hostem  nostri  exceperint,  malleis 
ferreis  plumbeisqne  mactaverint.  >  Meyer,  94.  —  cGnillelmus 
cognomento. ab  Saltinga...  tantis  viribus  dimicavit,  nt  équités  40 
prostravisse,  hostesque  alios  1400  se  jugulftsse  gloriatus  sit.  » 
Ibid.,  95. 

Î7  —  page  55  —  Après  la  défaits  de  Philippe  à  Courirai,  la 
eour  pontificale  changea  de  langage. 

Quinze  jours  avant  la  bataille  de  Ck)urtrai ,  le  pape  tint  dans 
rassemblée  des  cardinaux  un  discours  dont  la  conciliation 
semblait  le  but.  Il  y  dit,  entre  autres  choses,  que  sous  Philippe- 
Auguste,  le  roi  de  France  avait  dix-huit  mille  livres  de  revenus, 
et  que  maintenant-,  grftce  à  la  munificence  de  TËglise,  il  en 
avait  plus  de  quarante  mille.  Pierre  Flotte,  dit-il  encore,  est 
aveugle  de  corps  et  d'esprit,  Dieu  l'a  ainsi  puni  en  son  corps  ; 
cet  homme  de  fiel,  cet  homme  du  diable ,  cet* Architophd ,  a 
pour  appui  les  comtes  d'Artois  et  de  Saiût-Pol;  il  a  falsifié  ou 
supposé  une  lettre  du  pape;  il  lui  fait  dire  au  roi  qu'il 
ail  à  reconnaître  "qu'il  tient  son  royaume  de  lui.  Le  pape 
ajoute  :  1  Voilà  quarante  ans  que  nous  sommes  doctear  en 
droit,  et  que  nous  savons  que  les  deux  puissances  sont 
ordonnées  de  Dieu.  Qui  peut  donc  croire  qu'une  telle  folie 
nous  soit  tombée  dans  l'esprit  ?...  Mais  on  ne  peut  nier  que  le 
roi  ou  tout  autre  fidèle  ne  nous  soit  soumis  sous  le  rapport  du 
péAè..,  Ce  que  le  roi  a  fait  illicitement,  noas  voulons  désor- 
mais qu'il  le  fasse  licitement.  Nous  ne  lui  refuserons  aucune 
grâce.  Qu'il  nous  envoie  des  gens  de  bien,  comme  le  duc  de 
Bourgogne  et  le  comte  de  Bretagne  ;  qu'ils  disent  en  quoi  nous 


346  ..JIPBMHCE. 

afons  manquer  008S  nous  ain«iiderons.>Tantqae  jUii  été  car- 
'dtnal,  j-ai  été. Francis;  depuis,  bo«s  avons  beaueoap  aimé  le 
roi.  San»iiioiis,  lâL.ne  'iienérait  .pas  d'an  pied  daaaison  siège 
royal  ;  les  Anglais  et  las  lAUemaarfsiSjélèvaaraienb^osiiire  Aaî. 
Noas connaissons tiatts  las faaoiels  du. refaane;.*iioiis savons 
«eomme  les  Allvntmds, 'leH  Boar^aigaoBa  ateeenz  du  Lugsadlcc 
aiment  les  Français.  Amantes  neminem  amat.vds  bcok),  oonuae 
dit  Bernard.  Nos  prédécesseurs  ont  déposé  trois  rois  de  France  ; 
après  tout  ce  quetcelui-ci  a. fait,  nous  le.déposeriûns  commue  un 
pamre  gars  (sicut  unom^garcioAeip),  .avec  douleur  toutefois, 
avec  grande  Jci&tesser^s  il  fallait  :en  avenir  à.xette  nécessité.  * 
Dupny,  Pr.,,p.  77'-8.  —  lfaJgré.Un3olence,deiaifinale,  ee  4ts- 
>€Ours.  était  une  concesaion  du^pf^p^,  ua  pa&eaarhèce. 

28  —  page  56  note  1  —  Consultation  de  Pierre  Dttèat»«*»lre 
le  pajpe...   ' 

Voici  en  subatanee  ce  pamphlet  dii^u^*  aièole.'— r  Apièa  uvoir 
établi  l'impûssibilité  d'une. 6uprtealÎ6«iia^«raeMe et réfoié les 
. préleudas  rexempile8iiia&  Mudians,  < des. Aasyrieus,  -des  ifisats  et 
des;ftoniains,  iL'cke<la  toi  .derMoiae  .cpti.délaod4ai«oiiuakise 
'.*etleivM..«  iOrûle  .pape>'C«Avoiiei'ai-aafiU  la  :supréne  Afcieitéaiu 
iBtti,^i  est^^et  la  fouioutaéléy^dcnu^âlretSMiiiiisisà  ipefiaaiiue,<  et 
<deiCoaMnanden.par-tout]aon{  toyaame4aanstcniale  cet  ^amitéle 
ihumain.'De.pdaàs,  un'tte  peniliier  Kfue  depuis ia  dâslîBeftiMi  dos 
fitoiaiuef,  .Kuaurpatkai'  des  oboses;  possédéas,  -tie  cellas^auriaut 
qui. sont  prescrites  par  iaa«  pMaea«cm'ini«ttémonaAc,(«e:;wit 
pécbé  ijnoBlel.  ôr  ie  roi  Ae/Fnnee  possède  la .  siqifAaae  ;f«ri- 
i  dietionet  la  fmcyse  de  son  temporel,  depaîs  plus  de  aailAaans. 
Itflra,iletsaôme  toiy'depuis  te  tsMps  de  £hapiwBigfic  doai  il 
descondr  comme  en  ie-TOtfridaB&de>oaflOii  AwJeeeeseru  pêeteie, 
i«t  a  prescrit. la  cotialion-ides  prébandss  styles  fruits  de  lagaide 
•des  dglises  ,  ioan  saKslikre«'étpar.oeoapaAwn,  anais  ipar  doaa- 
tian  àuipapetAdmenyqui,^da!cenaenlCBWflt  du  xoaeih&géaéfa], 
s  conféré  à  jQhcrlemafae  liées  ulosils.  et  Jiien'idlaalfes  pieaifue 
:iBOonipaiuMeaentipliis*:gaaBKl8,  savoir  ique^Jui  et'.aes.s«ccas- 
laeuss.  paurraieat  ehèisir  attaornier  .«^iiilstmidraieot  papea, 
■cardinaux,  -patriarehes ,  rpoélals,  ^atc...i  O^ailloifa,  lc>p^>e 
nc.peut  réclamer  la  suprénaiie  do^neyaiuane  ée  ^Kaanse  4ue 


IWESfMGE.  347 

eomme  souverain  Pontife  imais  si  c'étarit  rdoHenieBl<  un  droit 
de  la  papauté,  il  eût  aparlonu  à  aaial  Pierre  et  à  ses  sueeesseurs 
tfui  ne  l'ont  point  rédamé.  Le  roi  de  France  a  pq«r..lQi  ..«ne 
prescription  de  donze.oeatsoixanie-dix  ans*  Or,  la  possession 
cMUenairc  niârae  suis  litre  suffit,  .d'après  4iBe  nouvel  oonsti- 
tniion  dndit  pape,  pour  peescr ire  contre  lai  .et  ooatte  l'Eglise 
romainev  et  néme  contre  l'Empire,  selon  les  lois  impériales. 
Donc,  si  le  pape  ou  l'enapereur  avaient  eu  quelque  servitude 
sur  le  royanme,  ce  qui  n'est  pas  vrai,  leur  droiitserait^éieint... 
En  onlre,  si  le  p*pe  statuait  que  la  prescripiion.ne  courtjpas 
contre  lui,  elle  no  co«rra  doiiopa&iion  phis  contre. lt& Mires, 
et  aarkmt  oantfe  les  princes,*  qui  ne  reconnaîssont  pas  ode  .«u- 
périenrs.  Donc,  Tempereur  de  Gonsiantinople  .qui  lui  a.  donné 
IMI  son.  patrimoine  (la  donaiion  étant  excessive,  .comme  faite 
par  an  .anapleadministfatour  des  biens  de  Tomplre),  paut, 
eoonne  âonalaar  (ou  remperour  d'AUemagné,  comme  sobsogé 
«n  oa  piact),  févoquer  cette  donation...  fit  ainsi  ia.jiopMité 
oeiut  réduite -^à  «sa  pauvret  prisaitive  des  temps  antésienn  .à 
€onalanliD,  pmufie  cette  donation,  nulle  en  droit  dè&le  prin- 
oipe,  penrrait  être  révoquée. sans  la  prescription  ioj^gtutait 
êâmpariif  >  Ûapuy,  p.  ilirl. 

29  «-  »99^  î»G  t  JkiiM  la  cktUre  du  biêuh$Mrêttic.PùrKù^$iiigê 
cê  metlrj  dé  WAMenyac...  -* 

«  Sedet  in  cathedra  beati  Pétri  mendaciocom.m^giatûr,  fa- 
eîeaa  se,  enmsit  omnifario  maleficus,£opilaeittAijiominari,  > 
Ibid...  «  Mec  ad  eînsoxoasAlioDem.^.  .quodab  aliqaibus  diciljir 
post  aoctem  téicii  Ccelesiini.».  Ci^rdinaies  in  eitm  denjto  con- 
sensisse  :  eim  ^JMê  mm  •  ùmjmx  non  potuêrit  quam. ,  primo  viro 
wioênie^  Me  digm  Cênfi^ii^  consiat  per  adulierinm  /polUme*  > 
Ibid.,  57...  «  Utsicut  angélus  Domini  prophète  Balaam...  oe- 
cnrrit  gladio  evaginato  in  via,  sic  dicto  pestiféré  vos  ev^gioaio 
gladio  occ^irere  velitis,  ne  possit  maium  perficere  populo  qaod 
iatendît.  >  Ibid. 

30  '—  page  57  —  RéfMÙiknrê  de  Pl(mameo/Ure  Bemifaee.,. 

«  Moi  Gfoillanme  de  Plasian,  chevalier,  je  dis,  j'avance  et 
j'affirme  que  Boniface  qui  occupe  maintenant  le  siège  apesto- 


j  3i8  APPEIfDICE. 

liqûe  sera  trouvé  parfait  hérétiqne,  en  hérésies,  fails  éoormcs 

et  dogmes  pervers  ci-dessus  meotionnés  :  !<>  Il  ne  croit  pas  à 

^  ^  rimmortalilé  de  l'àme;  2o  il  ne  croît  pas  à  la  vie  étemelle,  car 

il  dit  qu'il  aimerait  mieux  être  chien,  âne  ou  quelque  antre 
brute  que  Français,  ce  qu'il  ne  dirait  pas  s'il  croyait  qiiuoD 
Français  a  une  ftme  étemelle.  —  Il  ne  croit  point  à  la  présenee 
réelle,  car  il  orne  plus  magnifiquement  son  trône  que  l'autel. 
—  Il  a  dit  que  pour  abaisser  le  roi  et  les  Français,  il  bovl^ 
verserait  tout  le  monde.  —  Il  a  approuvé  le  livre  d'Arnaud  de 
Villeneuve,  condamné  par  l'évéque  et  l'université  de  Paris.  — 
Il  s'est  fait  élever  des  statues  d'argent  dans  les  églises.  —  Il  a 
un  démon  familier  ;  car  il  a  dit  que  si  tous  les  hommes  éiaienl 
d'un  côté  et  lui  seul  de  l'autre,  il  ne  pourrait  se  tromper  ni  en 
fait  ni  en  droit  :  cela  suppose  un  art  diabolique.  —  11  a  prêdié 
publiquement  que  le  pontife  romaio  ne  pouvait  commettre  de 
simonie  :  ce  qui  est  hérétique  à  dire.  —  En  parfait  hérétiqae 
qui  veut  avoir  la  vraie  foi  à  lui  seul,  il  a  appelé  Patérins  les 
Français,  nation  notoirement  très-chrétienne.  —  il  est  sodo- 
mîtc.  —  Il  a  fait  tuer  plusieurs  clercs  devant  lui,  disant  à  ses 
gardes  s'ils  ne  les  tuaient  pas  du  premier  coup  :  Frappe,  frappe; 
Dali,  Dali.  —  Il  a  forcé  des  prêtres  à  violer  le  secret  de  la  con- 
fession... ~  Il  n'observe  ni  vigiles  ni  carême.  —  Il  déprécie  le 
collège  des  cardinaux,  les  ordres  des  moines  noirs  et  blancs, 
des  frères  prêcheurs  et  mineurs,  répétant  souvent  que  le  monde 
se  perdait  par  eux,  que  c'étaient  de  faux  hjrpocrites,  et  que  rien 
de  bon  n'arriverait  à  qui  se  confesserait  à  eux.  •»  Voulant  dé- 
truire la  foi,  il  a  conçu  une  vieille  aversion  contre  le  roi  de 
France,  en  haine  de  la  foi,  parce  qu'en  la  France  est  et  fat  ton- 
jours  la  splendeur  de  la  foi,  le  grand  appui  et  l'exemple  de  la 
chrétienté.  —  Il  a  tout  soulevé  contre  la  maison  de  France, 
l'Angleterre,  TAllemagne,  confirmant  au  roi  d'Allemagne  le  titre 
d'empereur,  et  publiant  qu'il  le  faisait  pour  détruire  la  superbe 
des  Français,  qui  disaient  nôtre  soutnis  à  personne  temporel* 
lement  :  ajoutant  qu'ils  en  avaient  menti  par  la  gorge  (pcr 
gulam),  et  déclarant,  que  si  un  ange  descendait  du  ciel  et  disait 
qu'ils  ne  sont  soumis  ni  à  lui  ni  à  l'empereur,  il  serait  ana* 
thème.  —  Il  a  laissé  perdre  la  Terre-Sainte...  détournant  Tar* 
gcnt  destiné  à  la  défendre.  —  II  est  publiquement  reconna 


ArpEra>:cB.  349 

«imonlaqne,  bien  plas,  la  source  et  la  base  de  la  sîmonie,  ven- 
dant au  plus  offrant' les  bénéfices,  imposant  à  l'Église  et  aux 
prélats  le  servage  et  la  taille  pour  enrichir  les  siens  du  patri- 
iBOine  du  Crucifié,  en  faire  marquis,  comtes, barons  —  II  rompt 
'les  mariages.  —  Il  rompt  les  vœux  des  religieuses.  —  Il  a  dit 
4]uc  dans  peu  il  ferait  de  tous  les  Français  des  martyrs  ou  des 
«i>ostats ,  etc.  >  Dnpuy,  Diff...  Preuves,  p.  102-7;  cf.  326-316» 
350-362. 

31  ^  page  58  ^  L'univenUê  de  Paris ,  le$  dominicaine  dé  la 
wéme  viÙi^  les  mineun  de  Touraine,  $$  dèdarértnt  pour  le  rot... 

En  1295,  Boniface  les  avait  affranchis  de  toute  juridiction 
ecclésiastique,  sans  craindre  le  mécontentement  du  clergé  do 
France.  Butœus,  ill.  p.  511. 11  n'avait  point  cessé  d'ajouter  à 
leurs  privilèges.  Ibid.,  p.  516,  545.  —  Quant  à  rUniversité, 
(Philippe  le  Bel  l'avait  gagnée  par  mille*  prévenances.  Bulœns, 
lII,  p.  542,  544.  Aussi  elle  le  soutint  dans  toutes  ses  mesures 
fiscales  contre  le  clergé.  Dès  le  commepcement  de  la  lutte,  elle 
se  trouvait  associée  à  sa  cause  par  le  pape  lui-même  :  c  Univer- 
sitates  qus  in  his  culpabiles  fuerint,  ecclesiastico  supponimus 
interdicto.  V  (Bulle  Clerieie  laicoe,)  Aussi  l'Universilé  se  déclare 
hautement  pour  le  roi  :  «  Appellationi  Régis  adhteremus  snp- 
ponentes  nos...  et  universitatem  nostram  prolectioni  divin» et 
prvdicti  concilii  generalis  ac  futuri  veri  et  Icgilimi  summi 
pontifiets.  •  Dupuy,  Pr.,  p.  117-118. 

3Î  —  page  59  —  Nogafet  e^èlait  fait  donner  des  pouvoirs  illi^ 
sniêés  du  roi».. 

«  Phi  lippus,  Dei  gratis...  Guillelmo  de  Nogareto...  plenam  et 
liberam  tenore  prœsentium  commiuimus  potcstatem,  ratum 
babituri  et  gratum ,  quidquid  Tactum  fuerit  in  prsmissis,  et  ea 
iangentïbuSf  seu  dependenlibus ex eisdem...  >  Dupuy.,  Pr.,  175. 

33  —  page  60  --  ...  d  Anagni,  au  milieu  (ftcn  peuple  qui  venait 

de  traîner  dans  la  boue  les  lis  et  le  drapeau  de  France,,. 

«  Ut  proditioncm  fecerint  cidcm  domino  Guillelmo  et  sequa* 

ctbus  suis ,  ac  trascinarc  fecisscnt  pcr  Anagniam  vexillum  ac 

insignia  dicli  domini  Régis,  favore  et  adjutorio  illiusBonifacii.  > 

Dupuy,  Pr.,  p.  175. 


35ft"  4PPB»MGI« 

34t-*  pag^-âO^' — SupiMÔ  ë'eagog^a  fom*  la. vit.  on  la  moi  t  de 
Bomifaee^^ 

t  ^uitLeiiniiA  pred ictus  asaccuit  dietom  dominum  Raynaldaxn 
(de  Sttpiao)»  esae  b«n«volamrfloUiciXuin  ei  fidekHBL,.  tam  in  viia 
ip8iu»Booifacu4pi«ni  ia  iboM«««  elipsuxn  dominum  Guillel* 
mum  xecep^ssa  tam  in  \ïiai,quam^iu^mû»:tê  Bûuif^riijirœdicti.  » 
Dup.vPr;,  p%  17$. 

35  —  page  61  —  On  menace,  on  outrage  le  vieillard,  etc.. 

c  Ruptis^ostits  et  fencslris  palatii  p«pe,  et  pluiilitis  loei» 
ignesuppo^to,  per  viin  ad  papan»  eiereitvs  est  ingreas«s  ; 
qtteni'*t«iio.permuU>  verbis  coRturaeHom  suai  agressi  :  mam 
eliam  eî  a  pluribus  sunt  iîlatasi  Seë  papa  ovili  nespondit.  fioim-» 
vero  cnmad  rationem  positus  essel,aii  veltet  reuvnciare  piupa^- 
tui,  eonstanter  respendit  non,  imo  eilius-  veHét  perdere*  c»piit 
sunny;  dlcena  in  sno  vulgnri':  c  Eeco  il  collo,  eeco  il  capo.  » 
Walèîngham,  apud  DupVT,  Pt*.  •*  «  Da  che-peraradlmento  corne 
Jestt  Ghristo  vogiio  essere  preso,  convienmî'morife,  ahneoo 
vogKo  mortre  corne  papa.  >  Et  di  présente  si  féce-  parare  deir 
amanto  di  san  Piero,  et  coq  la  corona  ék  GoDSt«otioo  it  eapo, 
et  con  4a  chiayi  et  croce  in  nrnuo,  et  poseei  a  sediere  snso  la  sedia 
papale:  1  YiHani.  VIII,  63;  ->c^  e«5i  été'feru  doua  fois  d'aa 
dtBchevalfers'de  la  Colonne,  n'eust  é(é'uwetaevalier*de^PnRiee 
qwî  le  contesta...  >'  Ghron.  de  Saint^^Den».  Dup.,  Pi*.,  p.  Ift. 
Nicolas  Gilles  (1492)  y  ajoute:  c  par  deux  féia  cuidale^pape 
estte  tué  par  un  chevalier  de  cenlx  de  la  Goulonne ,  si  ne  fust 
qu'on  le  détourna  :  toutefois  il  le  frappa  de  la  maiu  armée  d'un 
gantelet  sur  le  visage  jusquea  à  grande  effusion*  dé  sang.  » 
Ap.  Dup.,  Pr;,  p.  199. 

36  '—  p^ge  6t  —  On  rapporta  sur  la  place ,  etc.. 

c  Tune  populus  fecit  papam  dcportari  in  magnam  plateam, 
ubi  .pap^lacrymando  pppulo  priedicavii,  inter  omnia  graiias 
agens  Duo  et  populo  Anagoise  de  vita  sua.  Taadem  iu  iîae  ser«- 
moois^iiit;  Boni  homines  et  mulieres,  constat  vobis  qualiter 
inimici<inei  veneruni^t  abstuleruni  omnia  bona  mea,  et  noa 
tantttminea,.sed  et  omnia. bona  £ccleaiœ>  et  me  ita  paupcrem 
sicut  Job  fuerat  dimiseruni.  Prop*.er  quod  dioo-  vobis  veracLter» 


APPECOICE»  351  . 

qooé  nihU  -hal^eo  ad  eomediocUimvclibfbcndviii,  ci  jaivBus  re- 
niansi  usqne  aë 'preM08«  Et  si  siiaHqaa  booa.jnttiieriquœ  me* 
veKl ' dû' sua javmv«  eleemosyDa^ iopaBa. vel viao :  el  su vinum. 
non  'habnerft,'  d«  aqaa  persmdUUKi  dabo  «ei  .benediotAoneoi  Dei 
et  meam...  Tuii&oinses  htec>exiOPepap>e«lai&abaDl:  .Vivaa«  Pa> 
tersanete.  »' El  DQiw  cernercB  i  mulieres  .cnnrere  oerlatiuLiadi 
palatiam,  ad  offi»readv^raibi•p^Delll,  TiâmiL  vel  aqoaoïi...  Ei 
cnm  nonînveoireninr  yaw»  ad  <  eapiendan  «  allala»  fuadebaofr. 
vinum  et  aqnam  1q  arca  camenfr-papœ^  in  magna'  quanUlate. 
Et  tnncpotaii  qnisqae  ingredi elcum  papa  lùqui^  sioni cum alla 
panpere.  «Walsingh-,  apQdDiipoy>  Pr.,  IM. 

37  -^  page 6$  —  PhilippeefWûya  au  pop^tin  mémoire eank'et 
Bonifâee^  etc.. 

«  La  forme  de  cet  acte  est  biaarre,  à  obliqua  titre  d'aaeuiatîony 
il  y  a  nn  éloge  pour  la  ^om  de  Rome.  Ainsi  :  <  Les  saintaPèrea* 
>  avaient  conttxme*  de  na  point  tbésanrtser  ç   il  a  disiribaaieat: 
»  aux  pauvres  les  biens  des  églises.   Boaifsae,  toaiaa  coa*** 
1  traire, ete.  •  C'est  la  forme' in varhiblede^chaqne  article.  Oa 
poavaît  douter  si  c'était  bien  sérîensemeDiqtte^ie  roi  altribnak 
ainsi  à  un  seul  pape  tous  les  abus*  de  la  '  papamtéi'  >  tapiiy» 
Preuves,  p.  209-îi(h' 

Cet  acte,  rédigé  en  langue  vul^re^  était  pluêôtuwaiÊpd  du  roi 
au  peuple t  etc... 

9  A  vous,  tfès^noble  prince,  nostre  Sire,  par  la  grâce  de 
Dieu  Roy  de  France;  supplie  et  requière  le  pueuble  de  vostiwi 
royaume,  pour  ce  que  il  appartient  que* ce  soit  faict,  que  vous 
gardiez  la  souveraine  francbfse^d^vostre  royauaiie,  qui  cstielle- 
que  vous  ne  recognissîez  de  vestige  temporal  souverain  en  terret 
fors  que  Dieu,  et  quevous  faciez  déclarer  que -le  pape  Boni&ee» 
erra  manifestement  et*  fit  pééhé  mortel,  notoirement  en  voua 
mandant  par  lettres  buUées  que  il  eaioilvos(re« souverain  de 
Tostre  temporel...  Item...  que  l'on  doit  tenir  ledit  Pape  pour 
facrège...  L'on  peut  prouver  par  vive  force  sans  ce  que  nul 
n'y  pusse  par  raison  répondre  que  le  papen'cul  oneques  sei- 
gneurie de  vostre  temporel.  .  QuuDd  Dieu  le  Père  eut  créé  le 
ciel  et  les  quatre  éléments,  eut  formé  Adam  et  ËKtO»  il  dit  à  eux 
et  à  leur  succession   :  Quod  ealcaverit  pe$  tuu$,  tuum  erit^^ 


3132  APP£ND1CB. 

G'esuà-dire  qa*îl  vouloit  que  chascon  homme  fost  le  seigneur 
decen  qu'il  occuperoit  de  terre.   Ainsi  départirent  les  fils  d'A- 
dam la  terre  et  en  furent  seigneurs  trois  mil  ans  et  plus,  aTant 
le  temps.  Melchisedech  qui  fut  le  premier  Prêtre  qui  fat  Roy« 
si  comme  dit  l'histoire  :  mais  il  ne   fut  pas  Roy  de  tout    le 
monde  :  et  obéissant  la  gent  à  li  comme  a  Roy  temporel  et  non 
pas  a  Prestre  si  fut  autant  Roy  que  Preslre.  Emprès  sa  mort  fm 
grands  temps,  €00  ans  ou  plus,  avant   que  nul   autre    fust 
Prestre.  El  Dieu  le  Père  qui  donna  la  Loy  à  Moïse,  l'eslablît 
Prince  de  son  peuple  d'israél  et  li  commanda  que  il  fist  Araon 
son  frère  souverain  Prestre  et  son  fils  après  li.  Et  Moïse  bailla 
et  commist  quand  il  deust  mourir,  du  commandement  de  Dieu, 
la  seigneurie  du  temporel   non  pas  au  souverain  Prestre  son 
frère  mais  à  Josué  sans  débat  que  Aaron   et  son  fils  après  li  y 
missent:  mais  gardoient  le  tabernacle  ..et  se  aidoient  an  tem- 
porel défendre...  Celuy  Dieu  qui  toutes  choses  présentes  et  avenir 
sçavoit,  commanda  àJosuélcur  Prince  qu'il  parlist  la  terre  entre 
ces  onzelignics;  et  que  la  lignie des  Prcstres  eussent  en  liea  de 
leur  partie  les  diesmesetles  prémisses  de  tout,  et  en  resquissent 
sans  terre,  si  que  eux  peussent  plus  profîtablement  Dieu  serrîr 
et  prier  pour  ce  pueuble.  Et  puis  quand  ce  peuple  d'Israël 
demanda  Roy  a  nostre  Seigneur,  ou  fit  demander  par  le  pro- 
phète Samuel,  il  ne  leur  eslit  pas  ce  souverain  Prestre,  mais 
Sadl  qui  surmonloit  de  grandeur  tout  le  pueuble  de  tout  le  col 
et  de  la  teste...  (allusion  à  Philii^pê  1$  Bel?)  Si  que  il  noi  nal 
Roy  en  Hierusalem  sus  le  pueuble  de  Dieu  qui  fust  Prestre, 
mais  avoient  Roy  et  souverain  Prostrés  en  diverses  personnes 
et  avait  l'un  assez  à  faire  de  gouverner  le  temporel  et  le  autre 
l'espirituel^du  petit  pueuble  et  si  obéissoient  tous  les  Prestrcs, 
du  temporel  as  Rois.   Emprès  Notrc-Seigneur  Jésus-Crhist  fut 
souverain  Prestre,  et  ne  trouve  l'en  point  écrit  qu'il  eust  onc- 
qucs  nulle  possession  de   temporel...  Après  ce,  sainct  Père 
(i^ierre)...  Co  fusl  grande  abomination  à  ouir  que  c'est  Doni- 
face,  pour  ce  que  Dieu  dit  à  sainol  Père  :  t  Ce  que  tu  lieras  ca 
>  terre  sera  lié  au  ciel,  >  cette  parole  d'cspiritualité  entendît 
mallement  comme  bougre,  quant  au  temporel,  il  estoiL  grei- 
gneur  besoin  qu'il  sceust  arable,  caldei,  grieux,  ebrieux  et  tons 
autres  langages  dcsqueulx  il  est  mouU  de  chrétiens  qui  ne 


APPENDICE.  357 

croient  pas,  comme  Vdglise  de  Rome...  Vous  noble  Roy...herège 
dcfendeour  de  la  foy,  desiruiteur  de  bougres  povès  et  devès  et 
estes  tenus  requerre  et  procurer  que  ledit  Boni  face  soit  te^ 
nus  et  jugez  pour  berège  et  punis  en  la  manière  que  Ton  le 
pourra  et  devra  et  doit  faire  emprès  sa  mort.  >  Dupuy,  Diffdr., 
p.  214-218. 

38  —  page  66  —  La  gutrr$  de  Flandre  avait  mis  à^out  Phi- 
lippe... 

Cette  terrible  année  1303  est  caractérisée  par  le  silence  des 
registres  du  Parlement.  On  y  lit  en  1301  :  «  Anno  pra^cedcnlc 
propter  guerram  Fiandriae  non  fuit  parliamcntum.  »  Olim,  lli, 
folio  CVIL  Archives  du  royaume,  Section  judiciaire* 

29  —  page  67  ^  L'affaire  dupape^  ele... 

Baillet  établit  un  rapprochement  entre  les  démêlés  de  Phi- 
lippe le  Bel  et  ceux  de  Lqois  XIY  avec  le  Saint-Siège  :  •  L'un 
et  l'autre  différend  s'est  paasé  sous  trois  pi^pes,  dont  le  premier 
ayant  vttiialtrc  le, différend,  est  mort  au  fort  de  la  querelle 
(Boniface  Ylll,  Innocent  XI).  Le  second  (Benoit  XI,  successeur 
de  Boniface,  et  Alexandre  YIU,  successeur  d'Innocent),  ayant 
été  prévenu  de  soumissions  par  la  France,  s'est  racommodé  en 
usant  néanmoins  de  dissimulation  pour  sauver  les  prétentions 
de  la  cour  de  Rome.  Le  troisième  (Clément  V,  et  Innocent  XU) 
a  terminé  toute  affaire.  De  la  p^rt  de  la  France,  il  n'y  a  eu  dans 
chaque  démêlé  qu'un  roi  (Philippe  le  Bel,  Louis  XI Vj.  Un  évê- 
que  de  Pamiers  semble  avoir  donné  occasion  à  la  querelle  dans 
l'un  comme  dans  l'autre  différend.  Le  droit  de  régale  est  entré 
dans  tous  les  deux.  Il  y  a  eu  dans  l'un  et  dans  lautre,  appel 
au  futur  Concile...  l'attachement  des  membres  de  l'Ëglise  galll-    * 
cane  pour  leur  roi  y  a  été  presque  égal.  Le  clergé,  les  univer* 
sites,  les  moines  et  les  mendiants  se  sont  jetés  partout  dans  les 
intérêts  du  roi  et  ont  adhéré  à  l'appel.  11  y  a  eu  excommunica- 
tion d'ambassadeurs,  et  menaces  pour  leurs  mallrcs.  Les  juifs 
chassés  du  royaume  par  Philippe  le  Bel,  et  les  Templiers  dé- 
truits, semblent  fournir  aussi  quelque  rapport  avec  l'cxlirpation 
des  huguenots  et  la  dcstrution  des  religieuses  de  l'Enfance.  » 
(Daiilct,  Hrst.  des  démêlés,  elc.) 


354  APPJmuX. 

40  —  page  68,  note  i  —  C'atlaromm  âfi  Balley^  et£. 

On  présume  qu'elle  parut  la  première  fois  à  la  nâissaoce  de 
Mithridate,  130  ans  avant  l'ère  chrétienne.  Justin  (lib.  xxxynf 
dit  que  pendant  80  jours,  elle  éclipsait  presque  le  soleil.  Elle 
reparut  en  339  et  en  550,  époque  de  la  prise  de  Rome  pur  To- 
tila.  En  1305,  elle  avait  un  éclat  extraordinaire.  En  li5tS,  elle 
traînait  une  queue  qui  embrassait  les  deux  tiers  de  rintervalle 
compris  entre  l'horizon  et  le  zénith  ;  en  1682,  la  queae  aTait  ' 
encore  30  degrés;  en  1750,  elle  semblait  ne  devoir  attirer  i'at- 
Mention  que  des  astronomes.  Ces  faits  sembleraient  établir  que 
les  comètes  vont  s'affaiblissent.  Celle  de  Halley  a  repam  en 
octobre  1835.  Annuaire  du  Bureau  des  longitudes  pour  1835. 
Voyez  aussi  une  notice  sur  cette  comète,  par  M.  de  Pontécou- 
lant. 

41  —  page  70  —  Jupiter  avoue  qu'il  meurt  de  fenm  sans  Plu- 
lus.,. 

AîwXmx*  (nrè  XipioO.  .  Aristojih.,  Wul.,  V.  1174.  Voyeï  aussi  les 

vers  129,  133,  115»  et  I16»^9. 

42  —  page  71,  note  2  —  Raymond  LnVe^  etc.. 

Il  est  dit  dans  l'UItimum  Testamcnlum,  mis  sous  son  nom, 
qu'en  une  fois  il  convertit  en  or  cinquante  milliers  pesant  de 
mercure,  de  plomb  et  d'élain.—  Le  pape  Jean  XXII,  à  qui  Pagi 
attribue  un  traité  sur  l'wl rnran#mu(a(oir^,  y  disait  qu'il  avait 
transmuté  à  Avignon  deux  cents  lingots  pesant  chacun  un 
quintal,  c'est-à-dire  vingt  mille  livres  d'or.  Était-ce  une  ma- 
nière de  rendre  compte  des  énormes  richesses  entassées  dans 
ses  caves?  —  Au  reste,  ils  étaient  forcés  <jl^  convenir  entre  eux 
que  cet  or  qu'ils  obtenaient  par  quintaux  n'avait  de  l'or  que  h 
couleur. 

43  —  page  13  —  ,.^d$  soufflets  en  soufflets^  ks  voilà  au  tr6»e 
du  monde... 

le  lisars  le...  octobre  1834,  dans  un  Journal  anglais  :  «  Ap- 
jourd'huî,  peu  d'affaires  à  la  bourse;  c'est  jour  férié  pour  les 
juifs.  >  ^  Maisil  n'ont  pas  seulement  las  upérioriléde  richesses. 


S55 

Oa  senit  tenté  de  lenr  en  «ooopder  ube  autre  loriqa''On  voit 
que  la  plapart  des  hommes  quf  font  aajojard'bui  le  plu»  d'kuMi- 
nevr  à  i'Aliaiuigno  sont  des  j«i&  (1837).  —  J'ai  parlé  dao^  les 
notes  de  la  Renaistance  de  taitt  deMfo  iliustres,  nos  cooiesp- 
poraina  (18€0^ 


k\  ^  page  74,  tiMe  1  •—  c  Une  (éere  âewtrêehmr,..  • 
Sir  Thomas  Nan^o  acquit  à  Calcutta,  U  y  a  irenle  aa»,  «a 
ms.  où  se  trouvé  Thistoire  orif^nale  de  ht  livre  de  eliair,  «le. 
Seulement,  au  Heu  d'un  chrétien,  c'est  un  BnMolmaU  que  le 
juif  vent  dépecer.  V.  Asiatîc  Journal.  —  Orig.  du  droit,  î.  IV, 
c.  xin  :  L'atrocité  de  la  loi  des  Douze  Tables,  déjà  repouasée 
par  les  Romains  eux-mêmes,  ne  pouvait,  à  plus  forte  raîsoù, 
prévaloir  chez  les  nations  chrétiennes  Toyez  cependant  le 
droit  nor\'égien.  Grimm,  617.  —  Dana  les  tradltionè  pepulaires, 
H  juif  stipule  une  livre  de  chair  à  couper  sur  le  corps  de  son 
débiteur,  mais  le  juge  le  prévient  que  <'tl  coupe  plat  «a  motac, 
il  sera  lui-même  mis  à  mort.  ^  V.  le  Peeorone  (écrit  vers 
1378),  lesGesia  Romanonim  dans  la  (onné*  allomaede.  — *  Voir 
atiaai  mon  Ristoire  romaine. 

45  —  page  76  —  Entrevue  de  Philippe  et  de  Bertrand  de 
Gott... 

G.  Viilani,  1.  Vllf,  c,  lxxx,  p.  417.  —  L'opinion  du  temps  est 
bien  représentée  dans  les  vers  burlesques  cités  par  Walsin- 
g'iam  : 

Fcriesi»  navis  titubât,  regni  quia  claris 

firrmt,  R«x.  Papa»  facti  saat  nna  cappa. 
Hoc  faciaot  do,  des,  Pilalos  hic,  alter  Herodes. 

WalSMifb.,  p.  45^,  aBD.  i3û6. 

M--  page  8ê  ^  Lemêlhmpenœ p^pe  4foaaa,  paurnêpêêreee' 
9oir  le$  commiseaiiru  dn  roi,  la  pbu  ridiaUe  «rcaM... 

Baluzc,  Acta  vet.  ad  Pap.  Av..  p.  75-6...  c  Qusdam  prépara- 
toria  sumere,  et  postmodum  purgationem  accipere,  quœ  secun* 
dum  praediclorum  physicorum  judicium,  auctore  Domiuo» 
valde  nlilis  nobis  erit.  a 


336.  APPniDiCE. 

47  —  page  84  —  L%  reniement* i'expritnaU  par  wi  «te, 
cracher  sur  la  croix.,.  * 

Voyez  plus  loin  (page  168)  les  motifs  qui  nons  onl  décidé 
à  regarder  ce  point  comme  hors  de  doute.  —  Le  ht»  siècle 
ne  voyait  probablement  qu'une  singularité  suspecte  daos  la 
fidélité  des  Templiers  aux  ancienne^  traditions  symboliques  de 
l'Église,  par  exemple  dans  leur  prédilection  pour  le  nombre 
trois.  On  interrogeait  trois  fois  le  récipiendaire  av&nl  de 
l'introduire  dans  le  chapitre.  Il  demandait  par  trois  fois  le 
pain  et  l'eau,  et  la  société  de  l'ordre.  11  faisait  trois  vœux.  Les 
chevaliers  observaient  tro!s  grands  jeilnes.  Ils  communiaicot 
troi$  fois  l'an.  L'aumône  se  faisait  dans  toutes  les  maisons  de 
l'ordre  trou  fois  la  semaine.  Chacun  des  chevaliers  devait  avoir 
troiê  chevaux.  On  leur  disait  la  messe  trois  fois  la  semaine.  11^ 
mangeaient  de  la  viande  trois  jours  de  la  semaine  seulemcDt. 
Dans  les  jours  d'abstinence,  on  pouvait  leur  servir  trois  mets 
dififérents.  Ils  adoraient  la  croix  solennellement  à  trois  époques 
de  l'année.  Ils  juraient  de  ne  pas  fuir  en  présence  delroii 
ennemis.  On  flagellait  par  trois  fois  en  plein  chapitre  ceax  qai 
avaient  mérité  cette  correction,  etc.,  etc.,  etc.  Même  remarque 
pour  les  accusations  dont  ils  furent  l'objet.  On  leur  reprocha 
de  renier  trois  fois,  de  cracher  trois  fois  sur  la  croix.  <  Ttr 
abnegabant^  et  horribili  crudelitate  ter  in  faciem  spuebant  ejus.  > 
Circul.  de  Philippe  le  Bel,  du  14  septembre  1307.  c  Et  li  fait 
renier  par  trois  fois  le  prophète  et  par  trois  fois  crachier  sor 
la  croix.  >  Instruct.  de  l'inquisiteur  Guillaume  de  Paris. 
Rayn.,  p.  4. 

48  —  page  84  —  Ce  nom  de  Temple  rappelait  U  temple  de  Si- 
lomon,,. 

Dans  quelques  monuments  anglais,  l'ordre  du  Temple  est 
appelé  Mililia  Templi  Salomonis.  (Ms.  Bibliolh.  CoUoniansti 
BodUianœ.)  Ils  sont  aussi  nommés  J'ratres  militiae  Salomonis, 
dans  une  charte  de  1197.  Ducange.  Rayn.,  p.  2. 

49  —  page  8i  —  Le  Temple  subsiste  dans  les  enseignemenli 
d'une  foule  de  sociétés  secrètes.,. 

11  est  posssible  que  les  Templiers  qui  échappèrent  se  soient 


Â?piin>i€B.  357 

fondas  dans  des  sociétés  secrètes.  En  Ecosse,  ils  disparaissent 
toos,  excepté  deux.  Or,  on  a  remarqué  que  les  plus  secrets 
mystères  de  la  fraoc-maçonnerie  sont  réputés  émanés  d'Ecosse, 
et  que  les  hauts  grades  y  sont  nommés  Écossais.  V.  Grou* 
'velle  et  les  écrivains  qu'il  a  suivis.  Manier,  Moldenbawer, 
Kicolal.,  etc. 

50  •—  page  85  «-  Lm  Templiers  furmut-Us  affUUs  aux  gnêS" 
tiqui$f,.. 

Voyez  Hammer,  Mémoire  sur  deux  coffrets  gnostîquos,  p.  7. 
V.  aussi  le  mémoire  du  même  dans  les  Mines  d'Orient,  et  la 
réponse  de  M.  Raynouard.  (Michaud,  llist.  des  croisades, 
éd.  £828 1.  V.  p.  572.) 

51  —  page  86  —  Tout  ce  qu'il  y  avait  eu  de  saint  en  Vordre 
devint  pèehè  et  souillure,. . 

La  règle  austère  que  Tordre  reçut  à  son  origine  semble  à 
sa  chute  un  acte  d'accusation  terrible  :  c  Domus  hospitis  non 
careat  lumine,  ne  tenebrosus  hostis...  Vestiti  autem  camisiis 
dormiant,  et  cum  femoralibus  dormiant.  Dormientibus  itaque 
fratribus  usque  mane  nunquam  dcerit  luccrna...  i  Actes  da 
concile  de  Troyes,  1128.  Ap.  Dup.  Templ.  92-i02. 

52  —  page  87  —  Son  mépris  pour  la  femme... 

Voyez  cependant  Processus  contra  Templarios,  ms.  de  la 
BUdiotk.  royale.  Ce  qu'on  y  lit  dans  les  Articles  de  L'interroga- 
toire sur  ^  leurs  relations  avec  les  femmes  (Item^  les  maîtres 
feeoient  frères  tt  tuers  du  Temple...  Proe.  me.,  folio  iO-ii)  doit 
s'entendre  des  afliliés  de  l'ordre;  il  y  en  avait  des  deux  sexes 
(V.  Dup.  99, 102),  mais  il  ne  me  souvient  pas  d'avoir  lu  aucun 
avea  sur  ce  point,  même  dans  les  déposftions  les  plus  con- 
traires à  l'ordre.  Ils  avouent  plutôt  une  autre  infamie  bien  plus 
honteuse  (1837).  —  Depuis  j'ai  publié  les  deux  premiers  volu- 
mes des  pièces  du  procès  des  Templiers,  avec  une  inirodaciion, 
18ii-1851.  J'y  renvoie  le  lecteur  (1860). 

53  —  page  87  -*  Ils  se  passaient  aussi  de  prêtres,  se  confessant 
entre  eux*.. 


358  APfïHDI€B. 

<  La  matière  âe  tenir  chapiire  et  d^asaondre.  Après  eliapiire 
dira  le  roestre  on  cely  que  tendra  le  chapitre  :  Beaux  seigneurs 
fr.ère»,  le  pardon  de  nostre  chapitre  est  tiels,  qne  eil  qaî  ostast 
les  almones  de  la  meson  à  te^ie  maleresoun,  on  tenîst  aucune 
cliose  eo  nonn  de  propre,  ne  prendreH  u  tena  ov  pardon  de 
nostre  chapitre.  Mes  toutes  les  choses  qe  wms  kssez-à  dire  p^mr 
hounte  de  (a  char^  ou  pbour  de  la  justice  de  la  mesoun,  qe  lein 
ne  la  prenge  requer  Dietb  pour  la  recfuestre  de  la  sq«  doBoe 
Hère  le  vous  pardoint.  »  Conciles  d'Angleterre,  édit.  1737» 
t.  lUf.  38». 

Vk  ^^  page  87,  note*  i  -*-  Let  (ffpoMttotia  les  fins  sales,  etc. 

a  Post  redditas  gratias  capellanus  ordinis  Teinplr  increpaTÎt 
fratres,  diccns  :  c  Diabolus  comburct  vos  »  vcl  similia  vcrba... 
Et  vidtl  braeeias  nnias  frttrum  Templi  et  ipsnra  tenentem 
faciem  versus  occidentem  et  posteriora  vereas  altare...  *  359, 
<  Oatendebatar  imago  er«cifixi  et  ilicebatur  et,  qaod  sreai  antea 
honoraverat  i^sum  sic  modo  tîtaperarei,  et  eonspaereiia  eun  : 
quod  et  feeit.  item  dkftnm  Ml  ei  qaéd»  deposhia  braocits. 
YOrteret  dforaam  ad  cramilnm  :  qood  teryaaodo  fecit...  » 
Ibidem,  8«9,  col,  #. 

.  • 

55  —  page  88  ^  Ils  possédaient,  etc.. 

c  Habent  Teniplarn  m  obrisltanitate  n«pem  mHlia  nmnerio- 
r«m...  >  Math.  Pftria^  p.  4i7.  Ftus^afd  htohroniqQe  de  Flandre 
leur  attrilrae  #0,560  manoirs.  Dans  la  sénécmmssée  de  Bcaa- 
caira,  l'ordre  avait  aetaelé'^ikquaraale.  aaa  paor  10,000  livres 
derèoiea.  -^  Le  seui  «prieané  de  fiais  tGiUe»  atait  54  oommn- 
daaiça.  ftiotvelleyip^ftlttv 

'9ê  '^  page  M  -*^/##  «mkmi  reftmè^  ëmà§iru  ki  rsmçom  dm-^ami  . 


•V 


Joi&vHIe,  p.  81,  np.  Diip.,  Pr.,  p.  I4M64.  —  LoraqvVm 
effèetnait  le  payement-^  fa  rançon,  U manifaAil  90,000  livres» 
Joinville  pria  les  Templiers' de  lea'préler  an  voK  iU  refusèrent 
et  dirent  :  c  Vous  savez  que  nous  recevons  les  commandes  en 
tel  manière  que  psrr  nos  scMmiMita  mm^-  ne  iea  pooos  délivrer, 
mes  que  à  ceulz  qui  les  nous  baillent.  »  Cependant  ils  dtreni 


APPENDICE.  359 

qu'on  pouvait  leur  prendre  cet  argent  de  force,  que  Tordre 
avait  dans  ville  d'Acre  de  quoi  se  dédommager,  loin  ville  se 
rendit  alors  sur  leur  c  m^stre  galie,  »  et,  descendu  dans  )% 
cale,  demanda  les  clefs  d'un  coffte  qu'il  voyait  devant  lui.  On 
les  lut  refusa,  il  prit  une  cognée,  la  leva  et  menaça  de  fctire  la 
def  te  roy.  Alors  le  maréchal  du  Temple  le  prit  à  témoin  qu'il 
lui  faisait  violence,  et  lui  donna  la  clef,  loinville,  p.  81, 
éd.  1761. 

.  57  —  page  90  —  Philippe  le  Bel  leur  devait  de  V argent,., 
«  Is  magistrum  ordinis  exosum  habuil,  propter  importunaih 
pecuniae  exaclionem,  qnam,  in  i^iptiis  6Iiae  snse  IsabcHœ,  ei 
muluadederat.  >  Thomas  de  la  Moor,  in  Yilâ  Ednardi,  apud 
Baluze,  Pap.  Aven.,  notae,  p.  189.  —  Le  Temple  arail,  à  diver- 
ses époques,  servi  de  dépôt  aux  trésors  du  roi.  PhHippe-Aùgnste 
(1190;  ordonne  que  tous  ses  revenus,  pendant  son  voyage  d'ou- 
tre-mer,  soient  portés  au  Temple  et  enfermés  dans  des  coffres, , 
dont  se^  ajgenis  auront  une  clef  et  les  Templiers  une  autre. 
Philippe  U  Hardi  ordonne  qu'on  y  dépose  les  épargnes  publi- 
ques. —  Le  trésorier  des  Templiers  s'intitulait  Trésorier  du 
Temple  et  du  Roi,  et  m&me  Trésorier  du  Koî  au  Temple. 
Sauvai,  II,  37. 

58  —  page  91  —  La  lentdthn  était  forte  pour  le  roi,,, 
V.  dans  Dupuy  un  pamphlet  que  Phiîfppe  le  Be!  se  fl(  proba- 
blement adresser  :  <  Opinio  eujusdam  prudentis  régi  Philippe, 
ut  regnum  Hieros,  et  Cypri  acquireret  pro  altère  flliorum  suo-  * 
mm,,  acde  invasione  regni  ifigypti  et  de  dispositione  bonorum 
ordinis  Templariorum.  »  —  V.  aussi  Walsingham.  —  L'idée 
d'appliquer  leurs  biens  au  service  de  la  Terre-Saidte  aurait  été 
de  Raymond  LuIIe.  Baluz.  Pap  Aven . 

99  •—  page  99  -^  Les-  Templiifts  étaient  plw  excta^iffemmt 
wâèi  pour  ta  guerre.,. 

'  *  5i  uirib  fieret,  maltum^  oporteret  qtiod  TemplarH  lar»f«ii^ 
lur,  vel  Hospitalarti  restringerentttr  m  plvribns.  Et  ex  hœ* 
posscnt  animarum  pericula  provenire...  Religio  hospitalario- 
rnm  super  hospitalitate   fnndata  est.  TemplarH  vdfo  super 
militia  propriè  sunt  fundati.  •  Dupuy,  Pr.,  p.  180. 


360  APPENDICE. 

60  —  page  93  —  Que  dans  le  chapitre  gènkral  de  V ordre  il  y 
avait  une  chose  si  secrète ^  etc... 

Un  autre  disait  :  c  Esto  quod  esses  pater  mens  et  posses  fîeri 
sammus  magistcr  tolius  ordinis,  noilem  qaod  intnres,  quia 
babemus  très  articulos  inter  nos  in  ordine  nostro  qaos  diu»- 
qnam  aliquis  sciet  nisi  Deus  et  diabolos,  et  nos,  fratres  illîus 
ordinis  (51  test.,  p.  36i).  >  ^  V.  les  histoires  qui  couraient  sur 
des  gens  qui  auraient  été  tués  pour  avoir  vu  les  cérémonies 
secrètes  du  Temple.  Concil.  Brit.,  II,  361. 

6i  —  page  94,  note  3  —  JBn  Ecosse,  on  leur  reprotHàit,  elc.«. 

c  Item  dixerunt  quod  pauperes  ad  hospitalitatem  libenter 
non  recipiebant,  sed,  timoris  causa,  divites  et  potente^  solos; 
et  quod  multum  erant  cupidi  aliéna  bona  per  fas  et  nefas  pro 
8U0 ordine  adquirere.  «  Concil.  Brit., 40« témoin  d'Ecosse»  p.  ^I±. 

62  —  page  94  '—  Philippe  venaU  d'augmenter  Uurs  prtrt» 
léges... 

Il  est  curieux  de  voir  par  quelle  prodigalité  d'éloges  et  de 
faveurs  il  les  attirail  dans  son  royaume  dès  1304  :  <  Philippns, 
Del  gralia  Francorum  Rex,  opéra  misericordis,  magnifica  plé- 
nitude quœ  in  sancia  domo  militise  Templi,  divinttus  instituta, 
longe  lateque  per  orbem  terranim  exercentur...  merito  nos 
.  inducunt  ut  dictae  domui  Ten»pli  et  fratribus  ejusdem  in  r^no 
nostro  ttbilibct  conslitutis,  quos  sincère  diiigimus  et  prosequi 
favore  cupimus  specialL  regiam  liberalitalis  dextram  extendî- 
mus.  »  Rayn.,  p.  44. 

63  ^  page  94  —  0»  ï assura  de  rassentiment  de  VUniverfiU... 
Le  roi  s'étudia  toujours  à  lui  faire  partager  l'examen  et  aussi 

la  responsabilité  de  celte  affaire.  Nogaret  lut  l'acte  d'accusation 
devant  la  première  assemblée  de  TUniversilé,  tenue  dès  le 
lendemain  de  l'arrestation.  Une  au  (réassemblée  détona  les 
maîtres  et  de  tous  les  écoliers  de  chaque  faculté  fut  tenue  an 
Temple  :  on  y  interrogea  le  grand  maître  et  quelques  autres. 
Us  le  furent  encore  dans  une  second  assemblée. 

6i  —  page  95  —  Suivait  C  indication  sommaire  des  accusa^ 
tions, .  • 


APPENDICE*'  361 

Voyez  les  nombreux  articles  de  Vacle  d'accusation  (Dap.)-  Il 
est.  curieux  de  le  comparer  à  une  antre  pièce  du  même  genre» 
k  la  bulle  du  pape  Grégoire  IX  aux  électeurs  d'Hildesheim, 
Lubeck, etc.,  contrôles  Stadhînghiens (Rayn.,  ann.  i23i,  XUI, 
p.  446-7).  C'est  avec  plus  d'ensemble  l'accusation  contre  les 
Templiers.  Celte  conformilé  prouverait-elle,  comme  le  veut 
I  M.  de  Hammer,  l'afidliation  des  Templiers  à  ces  sectaires^ 


65  -«  page  95  —  Ce  qui  frappait  le  plui    lei  imaginations, 
c'étaient  lei  bruite  étranges  qui  couraient  sur  une  idole^  etc. 

Selon  les  plus  nombreux  témoignages,'  c'était  une  tôle  ef- 
frayante à  la  longue  barbe  blanche,   aux  yeux  étincelants 
(Rayn.  p.  26i)  qu'on  les  accusait  d'adorer.  Dans  les  instructions 
que  Guillaume  de  Paris  envoyait  aux  provinces,  il  ordonnait 
de  les  interroger  sur  c  une  ydole  qui  est  eq  forme  d'une  teste 
d*homme  à  grant  barbe.  >  Et  l'acte  d'accusation  que  publia  la 
cour  de  Rome  portait,  art.  16  :  <  Que  dans  toutes  les  provinces 
ils  avaiettl  des  idoles,  c'eat-à-dire  des  tètes  dont  quelques-unes 
avaient  trois  faces  et  d'autres  une  seule  et  qu'il  8*en  trouvait 
qui  avaient  un  crâne  d'homme,  >  Art.  47  et  suivants  :  «  Que 
dans  les  assemblées  et  surtout  dans  les  grands  cbapilres,  ils 
adoraient  l'idole,  comme  un  Dieu,  comme  leur  sauveur,  disant 
que  cette  I6te  pouvait  les  sauver,  qu'elle  accordait  à  l'ordre  ton* 
tes  les  richesses  et  qu'elle  faisait  fleurir  les  arbres  et  germer 
les  plantes  de  la  terre.  >  Rayn.  p.  i87.  Les  nombreuses  dépost- 
tioDS  des  Templiers  en  France,  en  Italie,  plusieurs  témoigna- 
ges indirects  en  Angleterre,  répondirent  à  ce  chef  d'aoausâtton 
et  ajonlèrent  quelques  circonstances.  On  adorait  cette  télé 
comme  celle  d'un  Sauveur,  c  quoddam  eaput  cum  barba*  quod 
adorant  et  Yocant  Salvaiorem  suum.  «  (Rayn,  p,  386.)  Deodat 
Jaffet,  reçu  à  Pedenat,  dépose  que  celui  qui  le  reoevaiàlidmon* 
tfu  une  tête  ou  idole  qui  lui  parut  avoir  trois  fiscea,  en  lui  di- 
sant :  Tu  dois  l'adorer  comme  ton  Sauveur  et  le  Sauveur,  de 
l'ordre  du  Temple,  et  que  lui  témoin  adora  l'idole  disant  : 
s  Béni  soit  celui  qui  jMiuvera  mon  âme.  >  (P.  247  etS93. }  Cet' 
ttts  Ragonts,  reçu  à  Rome  dans  une  chambre  du  palais  de  La« 
tran,  dépose  qu'on  lui  dit  en  lui  montrant  l'idole  :  Recom- 
mande-toi à  elle,  et  prie-la  qu'elle  te  donne  la  santé  (p.  205)* 


362  APriifBiGB. 

Selo0  le  premier  tdn\oin  de  Florenee,  les  frôres  lui  disaient  les 
paroles  ebréUeDnes  :  t  De«s,  âdjuva  më.  »  Et  il  ajoutait  que 
cette  adoraiicm  était  un  Ht  observé  dans  tout  Tordre  (p.  i^>. 
Ëten  effet  en  Angleterre  un  frère  mineur  dépose  avoir  appris 
d'an  Templier  anglais  qu'il  y  existait  quatre  principales  idoles, 
une  dans  la  saerlsiie  du  temple  de  Londres,  une  à  Bristelham, 
la  troi^ème  «ptid  Bruerimn  et  h,  quatrième  au  ilelà  de  THitm- 
ber  (p.'SQ?).  Le  second  témoin  de  Florence  ajoute  une  circons- 
tance nouvelle;  il  déclare  que  dans  un  chapitre  un  frère  dit 
aux  autres  :  c  Adorez  celte  tôtc...  Islud  caput  vester  Deus  est,  et 
vester  Hahumet  >  (p.  295).  Gauserand  de  Montpesant  dit  qu  elle 
était  faite  in  Bguram  Baifometi,  et  Raymond  Rubei  dépo- 
sant qu'on  lui  avait  montré  une  t6te  de  bois  où  était 
peinte  figura  Baphometif  ajoute  :  <  Et  ilhm  adoravit  obsculaado 
sibi  pedes^  dicens  2/a//a,  verbum  Saracenorum.  » 

m 

M.  Raynouard  (  p.  ^i)  regarde  le  moi  Baptamnot,  dans  ees 
deux  dépositioBtv'Oomme  une  altératioD  du  mol  Mahomet  doDii6 
pai  le  pffeMier  ténoin  ;  il  y  voit  i»a  tandanea  des  impnsiiears 
à  eonôrmer  ces  acousaiions  de  bmmt  iutellif  enae  avec  les 
SamsiBs».si  répandues  ooatre  Wa  lempliatSw  Alaia  tè  Iradrait 
admeUre  qiie>tofttes  oes  défioaitiaMaaat  aoa^^lélaaNBt  fausMia 
eft  aitachées  par  les  lortat es»  iar  rioD  de  plaa  ahamdt  cmm 
doate  ^e  de' faire  les  TeiapUera  pina  nahomélon  qae  laa  wm^ 
haanéUiQSf  qui  n'adorent  point  Mabdnel.  ibis  ces  tétteigBagc» 
so»!  trop  nomèrenx,  (top  ansDimea  el  tvap  divers  à  la  lots 
(Rsiy».«  p.  332,  337  et  i80«3M).  D*aii!éars  Us^soni  loin  d'être 
asaafckHMs  poor  l'ordre.  T^ul  ce  que  les  Tem^Uera  dise«l  de 
plue  grave,  «'est  qu'île  ont  au  ps»r,  c'est  qa'ilS'Ortt  erv  y  voir 
mm  léte'  de  diable,  de  ma9ftr{^  tèOi\,  t'en  qu'ils  ont  v»  le  di»- 
llle  IvUméme  dans  eeseérémoataa^  wna  la  agira  d'os  elMii  o« 
d'vns  lemne  <p.  SQM94^.  Sam  voaMr  Cairs  des  Tediplieis  sa 
toet-poiat  iMiaacie  de  gaestiqaea,  j'aimefaisnieiis  vsfrietaNrae' 
M.  do  iiaaiflier  une  infloente  de  ees  doctriDSa  orieatsles.  B»- 
pISNMi^  s»  grec'  (selon  «se  ëtysMlogis,  il  est  vrai»  assez  dosH 
looae),  c*esl  le  dieu  qui  baptise  l'esprii^  celui  dont  il  est  éeril: 
Ipse  vos  ks)»tixavit  in  Spiritu  Saaato  et  igtti  ^Matta.,.),  41),  eis. 
G'éait  pour  les  gnostiques  le  Atraeiel  descendu  sur  lesapétres 
sa  foriae  de  langues  de  feu.  Le  baptême  gaostiqos  était  en  efei 


APPfemMCB.  303 

un  baptême  de  feu.  Peot-être.fatii-i)  voir  une  allusion  à  qncK 
que  edrémoiiie  de  ce  genre  dans  ces  bruits  qui  couraient  dans  le 
peuple  contre  les  Templiers  c  qu'un  enfant  nouveau  engendré  ' 
d'un  Templier  et  une  pucclte  estoit  cuit  et  rosty  au  Asu,  et  toute 
la  graÎHse  osiée  et  de  celle  estoit  sacrée  et  ointe  leur  idole  > 
(Cliron.  de  Saint^Drâis  p.  tè).  Cette  prétendhe  idole  ne  serait*^ 
elle  pas  une  représentation  du  Paraelet  dont  la  lète  (la  Pente* 
côto^  était  la  pins  -grande  adUnnitécNi  TemflelCealétesdotiil 
une  devait  se  trovrer  daaa.  ebaqut  eht|tit»e  ne  furent  point  re« 
troméot,  il  est  Vrai,  sauf  uso  MUlo#  maU  elle  portait  l'insarip- . 
tion  LUI.  La  pûbliciiéet  Timportapoe^t'on  dOMiiiitfc  ce  chef 
d'accusalron  décidèrent  sans  dame  les  Tedlplâere  'à  en  faire  au  * 
plus  \6t  dispmrattre  lapneuve.  Quant: à  la  léle aaiaie au  chapiire 
de  Paris»  ils  la  firent  passer  pour  un  rdiqtaire,  la  téU  de  Tmie 
deB<)nse  mille  vierges  (Raya.  p.  190)»  -^  EUecvait  une  grande 
barbe  d'argent; 

06*  —  page  9(>  —  £41  réjwntè  tfu  rdv d« pape,  efe... 

Dupuy  ne  donne  point  cette  lettre  en  entier }  probablement 
elle  ne  fut  point  envoyée;  mais  plutôt  répandue  dans  le  peuplé. 
Nous  en  avons  une  au  contraire  du  pape(l^  décembre  1307), 
a^lon  laquelle  le  roi  aurai!  écrit  à  Clément  Y,  qM  dêofmidtk^ 
eeur  pontifii  tde  awiitni  fàii^ehiire  cmx  ij/ettê  du  roi  que  le  pape  le 
chargeait  de  poursuivre;  le  roi  se  serait  empressé  de  dhckttrg^r 
ta  confcienee  iftin  lei  fenrâettu,  et  de  remettre  toute  l'affaire  au 
pape  qui  Ken  remercfe  beaucoup.  Geile  lettre  de  QéSMtft 
me  parait,  comme  l'autre,  moins  adressée' nu  roi  qu'au  publie  ; 
il  est  probable  qu'elle  répond  à  une  lettre  qui  ne  fut  jamais 
éevile. 

par  i€$'lor$ttrUf,. . 

AfMte$  du  ftfammê'h  419.  Ces  dépositions  existent  dlns  un 
grès  rouleau  de  psrrcbemi»;  «lies  ont  été  fsrtnégttgemmei^  ex- 
traites par  Dupuy,  p.'  ID7-4IV. 

68  —  page  97  --  £#  jMpa  éMOfa  dM»  <ardk»am  éêmandêr 
au  grmd  iMUrtêi  iMrl  tê9à4iait  era^w. 


364  APPBNDIGI. 

c  Confe«sa8  est  abncgationem  prsedicUm,  nobis  supplieans 
qua tenus  quemdam  frairem  servientem  et  familiareni  soam, 
qaem  secum  babebat,  volentem  confiteri,  audiremus.  »  Lelire 
des  cardinaux.  Dnpuy,  241. 

09  —  page  99  —  Let  hiem  d$$  pruonnien  devaient  être  réunis 
à  ceux  que  le  pape  dèeigneraii. . . 

Il  avait  même  écrit  déjà  au  roi  d'Angleterre,  pour  lui  assurer 
que  Philippe  les  remettait  aux  agents  pontificaux»  ot  pour  l'en* 
gager  à  imiter  ce  bon  exemple.  Dupuy,  p.  104.  Lettre  du  4  oc- 
tobre 1307.  Toutefois  Tordopuanice  de  mainlevée  par  laquelle 
Philippe  faisait  remettre  les  biens  des  Templiers  aux  délégués 
du  pape  n'est  que  du  £5  janvier  £309.  Encore,  4  ces  délégués 
du  pape  il  avait  adjoint  quelques  siens  agents  qui  veillaient  à 
ses  intérêts  en  France,  et  qui,  4  l'ombre  de  la  commiasioo  pflwt^ 
tificale,  empiétaient  sur  le  domaine  voisin.  C'est  ce  que  nou 
apprenons  par  une  réclamation  du  sénéchal  de  Gascogne»  qui 
s^  plaint  au  nom  d'Edouard  II,  de  ces  envahissements  du  roi  de 
Franco.  Dupuy,  p.  3i2. 

Clément  était  fort  im^peiet  de  ce  que  cee  hiem  allaient  devenir,,. 

Ailleurs  il  loue  magnifiquement  le  désintéressement  de  sou 
cher  fils,  qui  n'agit  point  par  avarice^  et  ne  veut  rien  garder 
sur  ces  biens  :  <  Deinde  vero,  tu,  oui  eadem  fuerant  £acinora 
nnnliata,.  non  type  avaritiœ,  cum  de  bonis  Templariorum  nihil 
tibi  appropriare...  immo  ea  nobis  administranda,  gubernanda, 
conserv^nda  et  custodienda  liberaliter  et  dévote  dimisisti...  » 
iS  août  £308.  Dupuy,  p.  240. 

70  —  page  £00  —  La  comintmoii,  compote  prineipaiewtemi 
d'évêquee... 

Dupuy,  p.  S40-S42.  La  commission  se  composait  de  l'arelie- 
véque  de  Narbonne,  des  évéques  de  Bayeux,  de  Monde,  de  Li- 
moges, des  trois  archidiacres  de  Rouen,  de  Trente  et  de  Mague- 
lonne,  et  du  prévôt  de  l'église  d'Aix.  Les  méridionaux,  plus 
dévoués  au  pape,  étaient,  comme  on  le  voit,  en  majorité. 

7£  —  page  iO£  —  Le  pape  répond,  etc... 

Passant  ensuite  à  une  autre  affaire,  le  pape  déclare  avoir  sup- 


APPENDICE.  365 

primé  comme  inutile  un  article  de  la  convention  avec  les  Fla- 
mands, qu'il  avait,  par  préoccupation  ou  négligepce,  signé  à 
Poitiers,  savoir,  que  si  les  Flamands  encouraient  la  sentence 
pontificale  en  violant  cette  convention,  ils  ne  pourraient  être 
absous  qu'à  la  requôte^u  roi.  Ladite  clause  pourrait  faire  taxer 
le  pape  de  simplicité.  Tout  excommunié  qui  satisfait  peut  se 
faire  absoudre,  môme  sans  le  consentement  de  la  partie  ad- 
Terse.  Lie  pape  ne  peut  abdiquer  le  pouvoir  d'absoudre. 

m 

72  —  page  i02  —  Ln  éoêques  n'obéissaient  point  à  fa  commis- 
sion pontificale t  etc. .. 

Processus  contra  Templarios^  ms»  Les  commissaires  écrivirent 
une  nouvelle  lettre  où  ils  disaient  qu'apparemment  les  pré- 
lats avaient  cru  que  la  commission  devait  procéder  contre 
Tordre  en  général,  et  non  contre  les  membres;  qu'il  n'en 
'était  pas  ainsi  :  que  le  pape  lui  avait  remis  le  jugement  des 
Templiers. 

* 

73  —  page  104  —  Jacques  Molay  crut  qu'il  valait  mieux  se  con- 
fier à  un  chevalier... 

c  Quum  idem  Magister  rogasset  nobilem  virum  dominum 
Guillelmum  de  Plasiano...  qui  ibidem  venerat,  sed  non  de  man- 
dato  diclorum  dominorum  commissariorum,  secundum  quod 
dixerunt...  et  diclus  dominus  Guillelmus  fuissctad  parlemlocu- 
tas  cumeodem  STagistro,  quem  sicut  asserebat,  diligcbat  et  dî- 
lexerat,  quia  uterque  miles  erat.  >  Dupuy,  319. 

Les  évêques  lui  donnèrent  un  délai.,. 

€  Quam  dilationem  concesscrunt  cidem,  majorcm  ctiani  se 
datâtes  asserentes,  si  sibi  placeret  et  volebat.  »  Ibid,  320. 

74  ^  page  106  —  Boniface  était  incrédule,  impie  et  cynique  en 
$ei  paroles... 

€  Vade,  vade,  ego  plus  possum  quam  Chrislus  unquam  po- 
tucrit,  quia  ego  possum  humiliare  et  depauperare  reges,  et  im- 
peratorcs  et  principes,  et  possum  de  uno  parvo  milite  facere 
unum  magnum  regem,  et  possum  donare  civitatcs  et  régna.  • 
Ibid.,  p.  566.  ^  t  Tace,  miser,  non  credimus  in  asinam  ncc  in 
pnllum  ejus.  >  Ibid.,  p.  6. 


366  APPENDICE. 

75  —  page  109  —  On  leur  lut  en  latin  tes  articles  de  Vocana'' 
(ton,  etc..  lU  s'écrièrent,,. 

€  Quod  contenli  eranl  de  leciura  fada  în  lalino,  cl  quort  non 
carabanl  quod  tanlœ  lurpiludines,  quas  asserebani  omninofsse 
falsas  et  noif  nominandas.vulgariler  exponerenlur,  ■  Pror.  e.-ïïi- 
tra  Tempi,  m$.  *—  t  Dicenles  quod  nonpetebalur  ab  eisquando 
ponebantur  in  janiis,  si  |rocuratores  constiluere  volebant.  • 
Ibidem. 

76  —  page  iiO  —  Quelques-uns  remettent  pour  toute  déposition 
une  prière  à  la  sainte  Vierge ,  etc. 

Le  frère  ÊUe,  auteur  de  cette  pièce  toucbante,  finit  par  prier 
les  notaires  de  corriger  les  locutions  vicieuses  qui  peuvent 
s'être  glissées  dans  son  latin.  Process.  ms.^  folio  31-32.  — 
D'autres  écrivent  une  apologie  en  langue  romane,  altérée  et  fort 
mêlée  de  français  du  nord.  Folio  36-8. 

77  —  page  ilO  ^-^Une  protestation  en  langue  vulgaire,  etc  .. 

Je  donne  cette  pièce,  telle  qu'elle  a  été  transcrite  par  les  no- 
taires, dans  son  orthographe  barbare.  ■  A  homes  honcrables  et 
sages,  ordenés  de  per  notre  père  l'Apostelle  (le  paite)  pour  le  fet 
des  Templiers  li  frères,  liquiessunt  en  prisson  à  Paris  en  la 
masson  de  Tiron...  Honeur  et  reverencie.  Cornes  votre  comaa- 
demans  feut  à  nos  ce  jeudi  prochainement  passé  et  nos  feut  de- 
mandé se  nos  volcns  défendre  la  Religion  deu  Temple  desusdite, 
tait  disrent  oil,  el  disons  que  ele  est  boue -et  Ical,  et  on  tout 
sans  mauvcsté  et  traison  tout  ce  que  nos  l'en  met  sus,  et  somes 
prest  de  nous  défendre  chacun  pour  soy  on  tous  ensemble,  an 
telle  manière  que  droit  et  sanie  Ëglies  et  vos  an  rognrdarons, 
come  cil  qui  .sunt  en  prisson  an  nois  frès  à  copie  II.  El  somes 
en  neire  fosse  oscure  toutes  les  nuits.  —  Item  no  vos  fessons  à 
savir  que  les  gages  de  Xll  deniers  que  nos  avons  ne  nos  souffi- 
cent  mie.  Car  nos  convient  paier  nos  Us.  111  deniers  par  jour 
chascun  lis  Loage  du  cuisine,  napes«  toualcs  pour  tenolles  et 
îiulrcs  choses,  H  sols  VI  denier  la  scmaigne.  Ilem  pour  nos  for- 
ger et  desfcrger  (dterlcs  fers),  puisque  nos  somes  de\anl  Icsau- 
dilors,  II  soi.  hem  pour  laver  dras  et  robes,  lin^i's,  chacun 
XV  jours  XVIII  denier.  Ilem  pour  bûche  cl  candole  chascun 


APPENDICE.  367 

jor  IIII  deniers.  Item  passer  el  repasser  les  dis  frères,  XVI  de- 
niers de  asiles  de  Notre-Dame  de  Taltre  part  de  Piau.  •  Proc. 
m$.  folio  39. 

78  —  page  ilO  —  Ist  défeMcurs  $oHtietment  :  «  Que  h  reli- 
gion du  Temple  est  pure... 

«...  ApudDeum  etPatrem...  Et  hoc  est  omnium  Tratum 
Templi  communiter  una  professio,  qusB  per  universum  orbem 
servatur  et  servata  fuit  per  omnes  fralres  ejusdem  ordinis,  a 
fandamento  religionisusque  ad  dièm  prsesentem.  Et  qûicumque 
alind  dicit  vel  aliler  crédit,  errai  iotaliter,  peccat  mortalitcr...  • 
Dup.,  333. 

79  -^  page  113  —  !m  commission  allkguait  la  bulle  qui  lui  attri- 
bua it  le  jugevi eut . . . 

Selon  Dupuy,  p.  45,  les  commissaires  du  pape  auraiept  ré- 
pondu à  l'appel  des  défenseurs  :  «  Que  les  conciles  jugeaient 
les  particuliers,  et  eux  informaient  du  général.  •  —  La  com- 
mission dit  tout  le  contraire. 

80 —  page  116  —  Le  yune  Marigni,  créé  archevêque  de  Sens 
iout  exprès,  etc.. 

<  ...  Âquodam  fuisse  diclum  coram  domino  archiepiscopo 
Senonensi,  ejus  suffraganeis  et  cohcilio...  quod  dicti  prsepo- 
situs...  et  archidiaconus...  (qui  in  dicta  die  marlis...  praimissa 
ÎD limasse  diccbantur,  et  ipsi  iidem  hoc  altestabantur,  suffra- 
panels  domini  archiepiscopi  Senoroensi...  tune  absente  dicto  do' 
mina  archiepiscopo  Senomensi)  prsedicta  non  sijni/ieaverant  de 
mandato  eorumdcm  dominorum  oommissariorum.  »  Process. 
nu.  follot  71  verso, 

81  --  page  116  -^  Par  devant  les  coruinissaires  fut  amené 
frère  Aimeri  de  Villars-le^Duc. 

<  Pallidus  et  multum  exicrritus...  imprlraado  sibi  ipsi,  si 
mentiebatur  in  hoc,  mortem  subitancam  ci  quod  siallm  in 
anima  et  corpore  in  prœsenlia  dominorum  commisse rioru m 
absorberelur  in  infernum,  tondendo  sibi  pecius  cum  puguis, 
ei  clevando  manus  suas  versus  al  lare  ad  inajorcm  asscrtionem, 


368  APPENDICE. 

flcclendo  genua...  cum  Ipse  tcsti  vidisset.,.  duci  in  quadrigis 
Lllll  fratres  dicti  ordinis  ad  comhurendum.,,  cIacditisse  sos 
FUISSE  coxBusTOS  ;  quod  ipse  qui  dubjlabal  quod  non  posselh»- 
bere  bonam  palientiam  si  combureretur,  limore  morlis  confi- 
teretur...  omnes  errores...  et  quidem  etiam  interfecUse  Domi' 
num f  si  peieretur  ab  eo...  >  Process.  ms,,  10,  verso. 

« 

82  —  page  118  —  L'archevêque  de  Sem  répondait,  elc... 

•  Non  erat  intentionis...  in  aliquo   impedire  offîciam...  • 

Ibidem, 

«  Comme  on  disait  que  le  prévôt  de  l'église  de  Poitiers  ^ 
l'archidiacre  d'Orléans  n'avaient  pas  parlé  de  la  part  des  com- 
missaires, ceux-ci  chargèrent  les  cnvo^'és  de  Tarchevéque  de 
Sens  de  lui  dire  que  le  prévôt  et  rarchidacre  avaient  effective- 
ment parlé  eu  leur  nom.  De  plus,  ils  leur  dirent  d'annoncer  i 
l'archevêque  de  Sens  que  Pierre  de  Boulogne,  Chambonuet  et 
Sàrtiges  avaient  appelé  de  rarchevôquc  et  de  son  concile,  le 
dimanche  10  mai,  et  que  cet  appel  avait  dû  élrc  annoncé  le 
mardi,  au  concile,  par  le  prévôt  et  l'archidiacre.  >  Proceu* 
«M.  ibidem, 

83  —  page  121  —  Le  résultat  des  travaux  de  la  commission  est 
consigné  dans  un  registre..,  « 

Ce  registre,  que  j'ai  souvent  cité,  est  à  la  Bibliothèque  royale 
(fonds  Harlay,  no  329).  Il  contient  l'instruction  faite  à  Paris  par 
les  commissaires  du  pape  :  Processus  contra  Tcmplarios.  Ce  ms. 
avait  été  déposé  dans  le  trésor  de  Nolre4)amc.  11  passa,  on  ne 
sait  comment,  dans  la  bibliothèque  du  président  Brisson,  puis 
dans  celle  de  M.  Servin,  avocat  général,  enfin  dans  celle  des 
Harlay,  dont  il  porte  encore  les  armes.  Au  milieu  du  xviii«  siècle. 
M.  de  Harlay,  ayant  probablement  scrupule  de  rester  détenteur 
d'un  manuscrit  de  cette  importance,  le  légua  à  la  bibliothèque 
de  Saint- Gormain-des-Prés.  Ayant  heureusement  échappé  i 
l'incendie  de  cette  bibliothèque  en  1793,  il  a  passé  à  la  Biblio* 
thèque  royale.  11  en  exista  un  double  aux  archives  du  Vatican. 
Voyez  l'appendice  de  M.  Rayn.,  p.  309.  —  La  plupart  des  pièces 
du  procès  des  Templiers  sont  aux  Archives  du  royaume.  Lci 
plus  curieuses  sont  :  lo  le  premier  interrogatoire  de  cent  qua- 


APPENDICE.  369 

ranie  TêmpHen  arrêtés  à  Paris  (en  an  gros  roaleaa  de  parche» 
min)  ;  Dupny  en  a  donné  quelques  extraits  fort  négligés  ; 
^  plusieurs  interrogatoires^  faits  en  d'antres  yï\\(Ss  ;  3o  la  minute 
des  articles  sur  lesquels  ils  furent  interrogés  ;  ces  articles  sont 
précédés  d'une  minute  de  lettre,  sans  date,  dm  roi  au  fope^  es* 
pèce  de  factum  destiné  évidemment  à  être  répandu  dans  le 
peuple.  Ces  minutes  sont  sur  papier  de  coton.  Ce  frêle  et  pré- 
cieux chiffon,  d'une  écriture  fort  difficile,  a  été  déchiffré  ol 
transcrit  par  un  de  mes  prédécesseurs,  le  savant  M.  PavilleL  II 
est  chargé  de  corrections  que  H.  Raynouard  a  relevées  avec 
soin  (p.  50)  et  qui  ne  peuvent  être  que  de  la  main  d'un  des  mi* 
nistre  de  Philippe  le  Bel,  de  Marigni,  de  Plasian  ou  de  Noga- 
ret;  le  pape  a  copié  docilement  les  articles  sur  le  vélin  qui  est 
au  Vatican.  La  lettre,  malgré  ses  divisions  pédantesqucs,  est 
écrite  avec  une  chaleur  et  une  force  remarquables  ;  t  In  Del 
DOinine,  Amen.  Christus  vincit.  Christns  régnât.  Cbristus  im- 
perat.  Post  illam  universalem  victoriam  quam  i.  se  Deminus 
fecit  in  ligno  crucis  contra  hostem  antiqnum...  ila  miram  et 
magnam  et  strenuam,  ita  utilem  et  necessariam...  fecit  novis- 
simis  his  diebus  per  inquisitores...  in  perfidorum  Templario- 
rnm  negotio...  H^rrenda  fuit  domino  régi...  propter  condiiio- 
ncm  personarum  denuncianlium,  quiaparvi  statue erant  homi* 
nés  ad  tam  grande  promovendum  negotium,  etc.  »  Archives^ 
Section  kist.  /.  413. 

84  —  page  121 ,  note  2  —  Les  Templiers  d'Allemagne  se  justi* 
fièrent  à  la  manière  des  francs-juges  westphaliens,.. 

Origines  du  droit,  liv.  IV,  chap.  VI:  <  Si  le  franc-juge  wcstpha- 
lien  est  accusé,  il  prendra  une  épée,  la  placera  devant  lui, 
mettra  dessus  deux  doigts  de  la  main  droite,  et  parlera  ainsi  : 
«  Seigneurs  francs-comtes,  pour  le  point  principal,  pour  tout  ce 
dont  vous  m'avez  parlé  et  dont  l'accusateur  me  charge,  j'en 
suis  innocent  :  ainsi  me  soient  en  aide  Dieu  et  tous  ses  saints!» 
Puis  il  prendra  un  pfenning  marqué  d'une  croix  (kreutz*pfen- 
Dîng)  et  le  jetterra  en  preuve  au  franc-comte  ;  ensuite  ri  tour« 
oera  le  dos  étira  son  chemin,  •  Grimm.  860. 

85  _  page  i)i  ...  En  Castille  on  jugea  les  Templiers  inno* 
eents^  etc.. 


•  CbUeclk»'  conciiiorafia  tttspaDi».  epistolMua,  décretalium, 
ote.,  oura  Joa,  Saeaz.  de  Âguirre,  bonad.  hiap.  mag .  generalis 
ei  eardioalis.  Romae,  lOM,  c;  ni,  p..  546.  CoDcilinn  Tarraeo» 
neiiseoiiinas  etsingttU  a  caaclis  deltctis,  crrorifaEss  absoloti. 
1^12.  —  V.  att8si  Monarckia  Lasiiana,  pars  6, 1,  id. 

86  —  page  lîi  —  Phiîippe  permit  à  Clément  de  déclarer  qve 
Boniface  n  était  point  hérétique... 

Cette  timide  et  incomplète  réparation  ne  semble  pas  suffi* 
santé  à  Yillani.  Il  ajoate,  sans  doute  poar  rendre  la  chose  plus 
dramatique  et  plus  honteuse  aux  Français,  qne  deux  chevaliers 
catalans  jetèrent  le  gant^  et  s'offrirent  pour  défendre  en  combat 
rinnocencede  Boniface.  Villaui,  I.  IX,  c.22,  p.  434. 

^  *~  V^i^  ^^3  "^  7oia  -cattfi/tf  parlais  di  la  croisade,  etc... 

La  pièce  suivanle»  troavéâ  4  l'abbaye  des  daaies  de  Loug- 
qbaiB{>,.  est  un  échantillon  dqs  »ervcill4^ax  récits  par  lesquels  on 
t^bait  de  réchauffer  la  zèJe  du  peapLa  pour  la  croisade  :  •  A 
tiei  sainte  daoïe  de  la  réal  Ungniée  des  Françoâ2i«  Jehenne» 
E4>yne  de  Jérusalem  et  de  Cécile*  aolie  trcz  bo»orable  cousine, 
Que  foy  de  Cypvo»  taus  ses  ba&  désirs  eoijurospérilé  venir.  Es- 
îeuissez  vous  et  elesaiez  avecquaT^uiMM  et  avecques  les  auirez 
creslienz  portans  le  singne  de  la  croix,  qui  poutl^reverance  de 
Dieu  et  la  venjance  dn  trez  doniz  Jhesucrist  qui  pour  nous 
saoY^r  TOuU  estre  en  l'autel  de  la  crois  saejs«fies.  se  combateni 
contre  la  trez  meseréaul  geats  dea  Tvrz.  Ësleveaau  ciel  le  cri 
d;e  tous  voîi  90  plus  haut  que  ^votts  p#ucpe%  et  ^yn  eosemble 
ùk  faites  crier  eu  rendaui  grtcea  et  letAgea  s«fi:; iane«  cesser  à 
la  htiioileTriiiMelà  U  trèa  glorieuse  Vierge  Harie  de  sisol- 
lemp«e^  si  f  ratti  ei  sioguUier  béaéâc^  qik\  ouques  maia  iel  dus 
qu4$z  à  hère,,  im  fu  e»uis«  toquol  jo  iiiz  «koât.  ftuai  le  xiioi  jeurs 
de  juîng,,  &uusuveeq«ez  ks  anloei^  eeeaUeM  ^gués  du  slufoe 
de  la  crois,  eslioiis  aasembiea  eu  un  ple&i^  enitr^SuiiicHie  el  haol 
lieu,  U  ou  estoii  l'osi  M  l'osueuiblâe  kfeii  (eri  et  Urea  puissaui 
des  Turz  prez  de  m.  c  aaîlLe,  e.L  Miua  ev^atîenu  eavireD  ec 
mille,  meuz  et  animez  de  la  vertu  divine,  comaqsamcz  à  si  vi« 
greiiseme9t  combattre  et  si  gvaat  nraUtHudet  T«n  nMttre  à 
mort,  quç  environ  de  heure  de  vesprez  nous  fensmez  laultosacu 


Hfnxamsu  371 

ef  tdftC  a^iM^îM  qm  tiovs  n*eQ  |mik>bs  ph».  Mais  tous  eheiu^ 
èlArre  aland«oiift  te  mort  el  l6*koécv  dt  lAlre  martire,  pour  oq 
qjB»  des  T»n  svati  •n^orenoultéescMidiaB^iii  ancorcr  poiaiAe 
sesMeat  coQtbttii  ne  Msloiettt  de  rimis  invailka.  et  venoienii 
eeetre  nous,  aum  ëésiraUK  de  boirt  notce  saïus  comme  cfatcca 
sent  dé&iranx  d»  boèm  ke  eane  des  MevfeL  EL  heu  l'easseoi,  ai 
M  trez  havie  dovteeiir  du  ekl  ae  e«et  attltreneat   poonteu*. 
lais  qiKUit  les  ehevftliers  de  Jhesucrist  ee  refarderoot  que  U 
esleiettt  Tenez  à  lel  point  de  la  bataiile*  ai  OMMacHieiarenl  d« 
euer  ensemble  ft  crier  à  TOîz.eBroaee»de  leurgrenL  kibetH"  el 
delenr  grant  feblesee:  0  très  doub  fils  de  la  très  donlce  Vierge  Mof 
rie,  qvi  ponr  nottsracbeter  Tousts  estre  cmeifies»  donne  noM^ 
Imne  espérance  et  vieilles  nor  eness  si  en  Tons  coo  fermer 
qne  nous  pussions  par  l'anenr  de  ton  glorieis  non  te  teier  de 
Martirereeevoir,  que  phizae  nonspooitzdcfffmdre  decea  cbieMi 
aiesereans.  Et  ainsi  comme  nous  esltenz  en  oraisan  en  pk«fft 
et  en  lanhez,  en  eriant  alassez  ma  enroneeft,  ei  la  mort  irai 
amere  atendnns,  sondainement  doTnnt  nos  tantei  aparni  snn 
tu  très  binac  cheval  si  très  hant  qie  anlie  heate  de  si  granl 
haulear  nesU  Uns  boms  en  sa  main  portant  baniere  en  eham|» 
pivs  blanche  qoe  nulle  riens  à  «ne  crois  metreillQ  plus  ronge 
qne  sanc,  et  esloit  resta  de  pens  de  charnel,  et  avoit  (sen 
grant  et  très  longue  barbe  et  de  maigre  lace  cle^  et  peluisank 
eonme  le  soleil,  qui  eria  a  ekre  et  haute  vois  :  «  0  les  gens  de 
Jbesucrist,  ne  vous  doubles.  Veei  la  majestd  divine  qui  vous  a 
eaver  leseieli  et  voaseaveée  aiéa  îaviaibte  ;  levés  sus  et  vouai 
réconfortes  et  prenes.de  la  vhnada  etveœs'Vigreusemeniavc»'» 
ques  moi  coaibattre,  ne  ne  voas  éDables  de  riens.  Quar  dea 
Ton  vous  aures  vieloire  «I  pe«  naurroas  de  vous  et  chuU  qui 
de  vous  moarront  auront  hi  vie  perdnrable.  »  £i  adooc  noua 
Boux  levâmes  loaa,  ai  recoaiartes  at  aaaai  eoname  se  nous  «e 
nous  feossiens  eaques  eombalas  et  aouéaâaeasem  noiaSi  aaaile« 
mes  (assaillîmes)  les  fars  de  tieageand  eaarel  neas-eamhaliaoa 
toutes  nuit,  et  si  nopooos  pas  bien  vraiemaDt  dire  nuit,  oar  ïm. 
lune  non  pascoame  tone.  maixeemme  te  aateil  ffesplandiseant*, 
Kt  le  jour  venu,  les  Tors  qui  damearea  estoteni  a'eafeatreat  9k 
que  plus  ne  les  veismez  et  aussi  par  t'aide  de  Dieu  nous  eumea 
victoire  de  la  hutaille,  et  de  aaatin  aaus  neam  seatieas  pkaa  fsfa 


372  APPINDICB. 

que  nous  ne  faiçicnz  an  commencement  de  la  première  ba* 
taille.  Si  feimez  chanter  nne  messe  en  lonneur  de  la  benoite 
Trinité  et  de  la  benoite  Vierge  Marie,  et  dévotement  priâmes 
Dien  que  il  nous  vonsit  octroier  grâce  que  les  corps  des  sains 
martirs  nous  puissienz  reconnoistre  des  corps  aux  mescreanz. 
Et  adonc  celui  qui  devant  nous  avoit  aparut  noos  dit  :  <  Vous 
aurez  ce  que  vous  avez  demandé  et  plus  grant  chose  fera  Dieu 
pour  vous,  se  fermement  en  vraie  foy  persévérez.  >  Adonc  de 
notre  propre  bouche  li  demandâmes  :  c  Sire,  di  nous  qui  es  tu,  qui 
si  grsnz  choses  as  fait  pour  nous,  pourquoy  nous  puissions  a« 
pucple  crestien  ton  non  manifester.  >  Et  il  rcspondi  :  <  Je  suis 
celui  qui  dist  :  Ecce  agnus  Dei,  Ecce  qui  toUit  peccata  mnndi, 
Celui  de  cui  aujourduy  vous  célébrez  la  fcste.  »  Et  ce  dit,  plus 
ne  le  veismez  mais  de  lui  nous  demeura  si  très-grant  et  si 
très*soucve  oudeur  que  ce  jour  et  la  nuit  ensuivant  nous  en 
feumez  parfaitement  soustenus  recréez  et  repuez  sans  autre 
soutenance  de  viande  corporelle.  Et  en  ccste  si  parfaite  récréa- 
tion nous  ordenemez  de  qucrre  et  dénombrer  lez  corps  dez 
sainz  martirs  et  quant  nous  veinmez  au  lieu  nous  trouvasmes  ai 
«hief  de  chaccun  corps  dez  crestienz  un  lonc  fut  sanz  wranchei 
(branches)  qui  avoit  au  coupel  une  trez  blanche  fleur  ronde 
•comme  une  oiste  (hostie}  que  l'on  consacre,  et  en  celle  fleur 
Hvoit  escript  de  lettres  dor  :  Je  suis  crestien.  Et  adonc  nous  lez 
rseparamez  dez  corps  dez  mescreanz,  en  mcrciant  le  souverain 
^ingheur.  Et  ainsi  comme  nous  voulienz  suz  lez  corps  faire 
dire  l'oflice  dez  mors,  cy  comme  lez  crestienz  ont  acoustume 
à  faire,  lez  voix  du  ciel  sanz  nombre  entonnèrent  et  levèrent 
un  chans  de  si  très  doulce  mélodie  que  il  sembloit  a  chaccnn 
de  nous  que  nous  feussienz  en  possession  de  la  vie  perdurable, 
et  par  III  fois  chantèrent  ce  verset  :  Venite,  benedicti  Palris 
mei,  ctc.  Venez  lez  benoiz  filz  de  mon  Père,  et  vous  mêlez  en 
possession  du  royaume  qui  vous  est  aplie  dez  le  commence- 
ment  du  monde.  Et  adonc  nous  ensevellsmez  lez  corps,  ccsi  a 
savoir  III  mille  et  cinquante  et  II,  jouste  la  cite  de  Tesbayde 
•qui  fu  jadiz  une  cite  singulière,  laquelle,  avuecquez  le  pays 
^ileuc  environ,  nous  tenonz  pour  nous  et  pour  loîaux  crestienz. 
Et  est  ce  pays  tant  plaisant  et  delitabl'e  et  plantureux  que  nul 
èon  crestien  qui  soit  la,  ne  se  puet  doubter  que  il  ne  puist 


APPENDICE.  873 

bien  vivre  et  trouver  sa  soustenance.  Et  les  charoingnez  des 
corps  des  mcscrcanz  cy,  comme  nous  les  poîmez  nombrer, 
furent  pluz  de  lixiuh.  Si  avonz  espérance  que  le  temps  est 
présent  venu  que  la  parole  de  lEuvangele  sera  verefiée  qui  dit 
qu'il  sera  une  bergerie  et  un  pasteur,  c'est-a-dire  que  toutez 
manières  de  gent  seront  d'une  foy  emsemblez  en  la  maison  et 
lobediance  de  S<  église  dont  Jbesucrist  sera  pasteur.  Qui  est 
bcnedictus  in  secula  sccuiorum.  Amen.  Et  avint  cedit  miracle 
en  lan  de  grâce  mu  ccc.  et  xlvii.  »  Archives^  Section  hist., 
M   105. 

88  —  page  193  — >  Ubertino,  le  premier  auteur  connu  d*une 
Imitaticn  deJesui'-Christ.,. 

c  Nibil  in  boc  libro  intendit  nisi  Jésus  Cbristi  notiiia  et 
dilectio  viseerosa  et  imitatoria  vita.  >  Ârbor  Yitae  cruclfixi  Jcsu, 
Prolog.  1«  1.  —  Plusieurs  passages  respirent  un  amour  exalté  : 
^  0  mon  &mê,  fonds  et  résous-toi  toute  en  larmes,  en  songeant 
à  la  vie  dure  du  cber  petit  Jésus  et  de  la  tendre  Vierge  sa  mère. 
Vois  comme  ils  se  crucifient»  et  de  leur  compassion  mutuelle  et 
de  celle  qu'ils  ont  pour  nous.  Ab!  si  tu  pouvais  faire  de  toi  un 
lu  pour  Jésus  fatigué  qui  coucbe  sur  la  terre...  Si  tu  pouvais 
de  tes  larmes  abondantes  leur  faire  un  breuvage  rafralcbissant; 
pèlerins  altérés,  ils  ne  trouvent  rien  à  boire...  —  II  y  a  deux 
Mveurs  dans  l'amour;  Tune  si  douce  dans  la  présence  de 
l'objet  aimé  :  comme  Jésus  le  fit  goûter  à  sa  mère  tandis  qu'elle 
était  avec  lui,  le  serrait  et  le  baisait.  L'autre  saveur  est  amère, 
dans  l'absence  et  le  regret.  L'àme  défaille  en  soi,  passe  en  Lui; 
elle  erre  autour,  cherchant  ce  qu'elle  aime  et  demandant 
secours  à  toute  créature.  (Ainsi  la  Vierge  cherchait  le  petit 
Jésus,  lorsqu'il  enseignait  dans  le  Temple.)  Ubcrt,  de  Casali, 
Arbor  VitsB  crucifixi  Jesu,  lib.  V,  c.  vi-vui,  in-4o. 

89 — page  if^  —  V Imitation  ^  pour  ces  mystiques  c  était  ta 
cftartlê... 

Selon  quelques-uns,  la  Passion  était  mieux  représentée  dans 
l'auméne  que  dans  le  sacrifice  :  ■  Quod  opus  misericordiœ  plus 
placet  Dco,  quam  sacrificium  allaris.  Quod  in  elcemosyna 
magis  repraescntatur  Passio  Chrisli  quam  in  sacrifîcio  Cbristi.  • 
Erreurs  condamnées  à  Tarragone,  ap.  d'Argcntré,  I,  271* 


371  ATPiniDICB. 

90  -»  p»^  1^4  <-«  L$s  Fra4oi$etLim  ^piraimU  à  mê  rien  |m«* 

Yoyct  Ubertioo  de  Casali,  dans  «on  chapiu^  :  J4$u»  pro  notm 
indi§ens.  <  Habeoies  dicit  (aposloins)  non  qaanU&m  ad  proprie- 
Utem  (lomiaii  sed  qnaniiaaii  ad  facttUaiem  uiendi,  per  quem 
iBodum  dicimvr  case  ^uod  uUmar,  etiaia  si  non  sit  nobis  pro- 
^rium,  scd  gratis  alinode  «olUinnu  »  Ubert.  de  Casali,  Arbor 
Vitœ,  i.  lU  c.  ii. 

91  —  page  124,  note  3  —  Let  Beghards.,. 

c  Non  sunt  humanœ  subjecti  obedienliae,  nec  ad  aliqua  prae- 
eepta  Eccicsi»  oMigantur^  quia,  ut  asseninl,  abi  spiriius 
domini,  ibi  libertas.  >  Clemcntin.,  L  V,  lit.  S,  c.  m.  D'Argea» 
Iré.  !.  276. 

92  ^  page  125  —  Un»  Angialméktit  vmm  «n  ^rttfMe,«te... 

c  Tenit  de  AngHa  virgo  deeora  Talde  pariterqve  faevoda^ 
dtcens  Spiritinn  sanettiRi  incarnatom  in  redemplionepa  imilîe» 
rom,  et  bapUzavit  matières,  in  nomine  Patris,  FiUi  ac  ant.  » 
Annal.  Dominican.  Gelmmr.  ap.  |}rstiti«in.  P.  î,  f«  33. 

^  ~~  P^gc  ^^  ~~  Clément  F,  dans  t$  tomtsUnre^  ahdHt 
forrfrf... 

<  ftnitîs  toeatis  pra;1a(ls  ciim  canlinatibus  in  pmalo  eonsi^ 
iorio,  ordinem  Templariomm  cas  avit  Tertia  aatem  die  aprilis 
4312,  fuit  seconda  sessio  condiii,  et  pnediela  cassaiîo  eoram 
omnibus  pnblteata  est  (Quint.  ¥ita€lem.  Y)...  praesenie  rege 
Fmnci»  Phillppo  eum  tribus  fiKia  suis,  cul  negotivra  eral 
cordi.  >  (Tert.  Vita  Clem.  V.)  /• 

94  —  page  127  -^  Le  pàp$  dklarB  ittnstA  Mfa  et^eolûM... 

>  Quod  ipsœ  confessiones  ordinem  valde  suspectum  redde- 
bant...  non  per  modum  définitive  scntentîas,  cùih  làm  super  hoc, 
secundùm  inquisitioues  et  processus  praedictos,  non  (>ossemas 
ferre  de  jure,  sed  per  viam  provisionîs  et  ordinationts  aposto* 
licae.,.  >  Reg.  anni  VU  Dom  Clem.  V,  Rayn.  195.  On  ne  peut 
nier  toutefois  qu'il  n*y  eût  aussi*  beaucoup  de  complaisance  et 
de  servilité  à  l'égard  du  roi  de  France.  Celait  l'opinion  da 


AVFBNDICB.  375 

«miis...  i  flt  sîcot  ivdivi  «b  uno  qui  fuit  examiuntor  cause'et 
testium,  ^eslruclns  fuit  (ordo)  coftir»  joslitiam.  Et  mihi  dixit 
^•d  ipM  Cl^neùs  protaiit  hoc  :  Et  si  fton  per  viam  justiti« 
potest  desirai,  d«8tra«tiir  '  tatiieii  pcr  viam  expccUcoti»,  ne 
âcandaliielar  cbarms  filins  nosier  rex  Fhinci»..  t  AUiericas  è 
Aosate. 

« 

95  ^  page  197  -^  Jean  XXti  u  phi§nait  êi  eè  qm  1$  roi 
MûifMtl  iti  biêHê  mêmtÈ  4eê  U^ikUièrt^ . . 

c  Per  capliOBem  booornni  quondim  ofdinis  tempU  jatn  mh* 
seront  per  omnes  ^mos  îp&^s  HospthnUs  f  ertOB  ex<icatores  qui 
vendant  et  disirahunt  pro  libito  Ixma  Hospitalis. . .  »  Lattre  ée 
Jean  XXll.  XV  kai.  fun.  iai6,  Rsyn.  25* 

96  —  iK)  —  Le  roi  les  fit  ^l'ô/^r  tous  deux. . . 

Cent.  C.  dtî  Nangîâ,  p.  67.  Il  rttHMt  reste  encore  un  sele  suilien* 
tique  où  cette  cxécnlion  se  irouTe  îndtreclcmcnt  constatée  dans 
un  registre  du  parlement  de  l'année  1313  :  «  Gum  nupcr  Parisius 
in  insoU  existeate  în  floTio  Sequanœ  jusu  peintam  jardinii 
nostri,  interdictum  jardinium  nostrum  exuna  parte  dicli  fluvii, 
et  (kMnmn  religiosorum  Nirorum  nostrum  S.  Augustini  Parisius 
jtx  attert  parte  dieti  fluvii,  tg  enti»  fkcta  fuêrii  de  dutobuê  Aoaii- 
sisèw  qui  qwntdam  templarii  extUarwiU,  tu  insyUk  pnedicêa  com* 
bmstû;  ci  abbas  et  oonventus  S.  Gemanî  de  Pratis  Parîaios,  dir 
4eentes  se  esse  ifi  saisiaa  habeodia  omnimodêm  altam  ei  bassam 
justitiam  ia  insala  prsMlida».*  Nos  Dolumus. . ,  quod  juri  pr»^ 
dictoraai...  prejudiciuai  aliquod  feaeretur.  >  Oiim  PatÙam/ 
Ul ,  fiàîo  cxLvi,  U  mars  1313  (431^, 

97  «^  page  119  --*-  CeUê  t^iùuXkm  pu  mi  ntMstJnal)  èU... 

«  Comment  qualifier  les  paroles  do  Dapuy  îLés  grsndspriDeei 
ont  je  ne  scav  quel  lAalheorqal  aeeompagne  leurs  plus  belles 
et  généreuses  aetions,  qu'elles  sont  le  plue  souvent  tirets  à 
eonirc  sens,  et  prises  en  mauvaise  paît,  par  ceux  qui  ignorant 
Torigine  des  ehoses*,  ei  ^ise  soAt  trouves  intéresses  datas  les 
partis,  putsssnts  ennemis  de  la  Téritéi  en  leur  daaaant  des 
motifs  (*t  des  fins  titieusos,  au  lieu  que  Icxèle  à  la  vertu  y  preai 
4l  ordinaire  la  meilleure  poil  t.  I  Daouy,  D.i»  


376  APPENDICE. 

98 — page  130  —  L$  nniimeiU  des  Templien  èiait  jymMîfiie.- 
V.  plus  haut,  t.  H,  liTre  111  et  livre  IV,  ch.  ix»  les  cérémouics 
grotesques  et  la  fête  des  idiots,  /o/tiomm.:  c  Le  peuple  élevait 
la  voix.  • . ,  il  entrait ,  innombrable ,  tumultueux ,  par  tous  les 
Tomitoires  de  la  catbddrale,  avec  sa  grande  voix  confuse,  géant 
enfant,  comme  le  saint  Christophe  de  la  légende, brut,  ignorant, 
passionné,  mais  docile,  implorant  Tinitiation,  demandant  à  por- 
ter le  Christ  sur  ses  épaules  colossales.  11  entrait,  amenant  dans 
rÉglise  te  hideux  dragon  du  péché,  il  le  traînait ,  soûlé  de  vic- 
tuailles, aux  pieds  du  Sauveur,  sous  le  coup  de  la  prière  qui  doit 
llmmoler.  Quelquefois  aussi,  reconnaissant  que  la  bestialité  était 
en  lui-même,  il  exposait  dans  des  extravagances  symboliques 
sa  misère,  son  infirmité.  C'est  ce  qu'on  appelait  la  fête  des 
idiots,  fatuorwn.  Cette  imitation  de  l'orgie  païenne,  tolérée  par 
le  christianisme,  copmc  l'adieu  de  l'homme  à  la  sensualité  qu'il 
abjurait ,  se  reproduisait  aux  félcs  de  l'enfance  du  Christ,  à  la 
Circoncision,  aux  Rois,  aux  Saints-Innocents.  » 

99  —  page  130,  note  1  —  Déposition  du  prèreptêur  «filgiit- 
taine, . . 

Celui  qui  le  recevait,  l'ayant  revêtu  du  manteau  de  l'Ordre,  lui 
montra  sur  un  missel  un  crucifix  et  lui  dit  d'abjurer  le  Christ, 
attaché  en  croix.  Et  lui  tout  effrayé  le  refusa  s'écriant  :  Hélas! 
mon  Dieu,  pourquoi  le  ferais-je?  Je  ne  le  ferai  aucunemeuL 
— -  Fais-le  sans  crainte,  lui  répondit  l'autre.  Je  jure  sur  mon 
ftme  que  tu  n'en  éprouveras  aucun  dommage  en  ton  âme  et  ta 
conscience  ;  car  c'est  une  cérémonie  de  l'Ordre,  introduite  par  un 
mauvais  grand  maître,  qui  se  trouvait  captif  d'un  Soudan,  et  ne 
put  obtenir  sa  liberté  qu'en  jurant  de  faire  ainsi  abjurer  le 
Christ  à  tous  ceux  qui  seraient  reçus  à  l'avenir  ;  et  cela  fut  tou- 
jours observé,  c'est  pourquoi  tu  peux  bien  le  faire.  Et  alors  le 
déposant  ne  le  voulut  faire,  mais  plutôt  y  contredit,  et  il  de* 
manda  où  était  son  oncle  et  I^s  autres  bonnes  gens  qui  l'avaient 
conduit  là.  Mais  l'autre  Itii  répondit  :  Uz  sont  partis ,  et  il  faut 
que  tu  fasses  ce  que  je  te  prescris.  Et  il  oe  le  voulut  encore  faire. 
Voyant  sa  résistance,  le  chevalier  lui  dit  encore  :  Si  tu  voulais 
me  jurer  sur  les  saints  Évangiles  de  Dieu  que  tu  diras  à  tous  les 
frères  de  l'Ordre  que  tuasfaitce  que  je  t'ai  prescrit,  je  t'en  ferais 


APFKIDiCI.  377 

grâee.  El  le  déposant  le  promit  et  jora.  Et  alors  il  lui  en  fit  grâce, 
sanf  toutefois  que  couvrant  de  sa  main  le  crucifix,  il  le  fit  cra- 
cher sur  sa  main...  Interrogé  s'il  a  ordonné  quelques  frères,  il 
dit  qu'il  en  fit  peu  de  sa  main,  à  cause  de  cette  irrévérence 
qu'il  fallait  commettre  en  leur  réception...  Il  dit  toutefois 
qu'il  avait  fait  cinq  chevaliers.  Et  interrogé  s'il  leur  avait  fait 
abjurer  le  Christ,  il  affirma  sous  serment  qu'il  les  avait  ménagés 
de  la  même  manière  qu'on  l'avait  ménagé.. .  fit  un  jour  qu'il 
était  dans  la  chapelle  pour  entendre  la  messe. .  •  le  frère  Ber^ 
Dard  lui  dit  :  Seigneur,  certaine  trame  s'ourdit  contre  vous  :  on 
adéjà  rédigé  un  écrit  dans  lequel  on  mande  au  grand  maître  et 
aux  autres  que  dans  la  réception  des  frères  de  l'Ordre  vous  n'ob* 
servez  pas  les  formes  que  vous  devez  observer. . .  Et  le  dépo- 
sant pensa  que  c'était  pour  avoir  usé  de  ménagements  envers 
ces  chevaliers.  *->  Adjuré  de  dire  d'où  venait  cet  aveuglement 
étrange  de  renier  le  Christ  et  de  cracher  sur  la  croix,  il  répondit 
sons  serment  :  t  Certains  de  l'Ordre  disent  que  ce  fut  un  ordre 
de  ce  grand  maître  captif  du  Soudan  comme  on  l'a  dit.  D'autres, 
que  c'est  une  des  mauvaises  introductions  et  statuts  de  frère 
Procelin,  autrefois  grand  maître;  d'autres,  de  détestables  sta- 
tata  et  doctrines  de  frère  TJiomas  Bernard,  jadis  grand  maître  ; 
d'autres,  quê  c'est  à  Vimitation  $h  mémoire,  de  saint  Pierre,  qui 
r^mia  trois  fois  le  Christ.  9  Dupuy,  p.  314-316.  Si  l'ahsence  de 
torture,  et  les  efiforls  de  Taccusé  pour  atténuer  le  fait,  mettent 
ce  fait  hors  de  doute,  ses  scrupules,  ses  ménagements,  les  tra- 
ditions diverses  quil  accumule  avant  d'arriver  à  l'origine 
symbolique,  prouvent  non  moins  sûrement  qu'on  avait  perdu 
la  signification  du  symbole. 

100  ^  page  131  ->  L'ordre  du  Temple  mourut  en  France  d^u% 
mfmbolenon  compris,  etc. 

Origines  du  droit,  page  cxviii  : 

c  Le  symbolisme  féodal  n'eut  point  en  France  la  riche  efflo* 
rescenee  poétique  qui  le  caractérise  en  Allemagne.  La  France 
est  une  province  romaine ,  une  terre  d'église.  Dans  ses  àgca 
barbares,  elle  conserve  toujours  des  habitudes  logiques.  La  poé- 
sie féodale  naquit  au  sein  de  la  prose. 

c  Cette  poésie  trouvait  dans  l'élément  primitif,  dans  la  race 


378  .immMGi. 

mâme,  «[oelque  chose  de  plus  hosAlle  Mcorts.  lies  Gaulois,  davi 
ieurs  invasions  d  Italie  et  de  Grùee>  apparaissent  déjà  eoime 
•un  peuple  raiOeeir.  te  sait  qulaa  inajcsuieux  aspect  du  vieax 
Ronmiii  •  siégeant  sur  sa  cMsiseourale,  le  soldat  4e  Bnennas 
trouva  plaisant  de  Jui  toucher  la  barbe.  La  France  a  toueM 
«iasî  fauiilièrement  tonte  poésie. 

«  Maif  ré  l'abatteaient  des  nisèms>  anigré  la  grande  tristesse 
4i«e  leehrisiiaiiismé  répaodaiisat  h»  moyen  àfe«  Vteooio  pères 
^e  boane  heure*  Bès  .lie  sa*  aiède,  Guilbert  de  Ifof^oi  aoas 
-moiitre  les  gens  d'Amwas^  las  eabarelieta  et  les  boooheis,  se 
mettant  sur  leurporie,  quaod  leur  comte,  sur  mm  gros  cheval, 
^earacolait  dans  lies  ruej»,  etrious  ef^foochaat  de  leurs  lisées  la 
•béto  féodale. 

^  ff  Le  svmboHsme  ari»ei)al,  ses-iicties  couleurs,  ses  beilesda* 
Tîses,  n'imposaient  profeablement  pas  boaueoup  à  do  telles 
^ns.  La  pantomime  jtiridiquo  ^s  estes  féodaux  faisait  rire  lé 
bourgeois  soqs  cape»  Ne  croyes  pas  trop  à  la  siraplesse  du 
peuple  de  ces  lemps»ià>  à  la  naïveté  de  cette  èofmeeittUa  iouf  bc« 
'Los  renards  noyaux>  qui  s'afoblèrent  do  si  bisncho  et  si  doues 
hermine  pour  surprendre  lès  lioas^  les  eigles  féodaux,  tuaient, 
;comms  tuait  le  sphinx,  par  rénigno  et  par  réquivoqoe.  * 

101  —  page  131  —  Ni  in  '  èotombe,  ni  l'arthe,  ni  la  tunique 
sans  couture,  etc. .  Le  glaite  sjHrituel  était  émouuè,.. 

€  Un^est  columbamea,  pcrfectamea,  una  est  matri  su^... 
13na  nempe  fuit  dlluvii  tempère  arca  9oé...  Haec  est  tunica  {lia 
DominiincousuUlis...  Dicentibus  Apostolis  :  Ecee  gladîl  duo 
hic...  >  preuves  du  différent,  p.  55.  — <  Qu'elle  est  forte  cette 
Église,  et  que  redoutable  est  le  glaive...  »  Bossuet,  Oraison 
funèbre  de  Le  TeUier. 

« 

102  ^  page  132  —  Nul  dauùê  fus  U  pamùdr  ^TàAiiiidrt  ne 
Uur  ait  fait  dee  ^etlètiastiquêi  éPitrémntUiablni  Hmêmiu.. 

C'est  un  des  faits  qui  par  llseoonl  de  tous  les  témoignages 
avait  été  placé  en  Angleterre  dana  la  catégorie  des  points  trré^ 
<susshles.  c  Articuli  qui  videbantur  profoati.  •  Tantôt  les  ebe  s 
renvoyaient  à  absoudre  «u  &ère  ohapeiain,  saos  confession  i 
j  Prœcipii  fratri  capellano .  eum  absolvove   a  poocatis   lUis 


APKRBICB.  879 

qnatnvis  firater  capeilanas  eam  eonfessionem  aon  atidiorat,  > 
p.  377,  col.  2,  367.  Tanldl  ils  les  absolvaient  eux-mêmes,  quoi-- 
que  laies:...  «  Quod  et  credebant  et  dicebatur  eis  quod  ma« 
gnus  magister  ordinis  poierat  eos  ahsoWcre  a  peccatis  suis. 
Item  quod  visilalor.  Item  quod  prœceptores  quorum  multi 
erant  laici,  >  358,  2i  test.  <  Quod...  templàrii  laid  suos  homi- 
nes absolvebaat.  >  Concil.  Brit.,  II, 360.  —  «Quod  facii  gencra- 
lém  absolutionem  de  pcccatis  quae  noluntconfîteri  proplcrcru- 
bescentiam  carois...  quod  credebant  quod  do  peccatis  capitulo 
fecognitis,.de  quib\is  ibidem  fuerat  absolulio  non  oportcbat 
coofitcri  sacerdoii...  quod  de  mortalibus  non  debebatit  coufi* 
leri  nisi  in  capUulo,  et  de  vcnialibus  tantum  sacerdot!  >  (5  lestes) 
358,  col.  i.  —  Môme  accord  dans  les  dépositions  des  templiers 
d'Ecosse  :  t  Inferiores  clericl  vet  laïci  possunt  absolvere  fralres 
sibi  subditos,  >  p.  381,  col.  1,  premier  témoin.  De  même  le  41* 
témoin.  Conc.  Brît.  14,  p.  382. 

103  —  page  133,  note  1  —  trotès  iitnulé,  où  te  diable,  ffv... 
On  connaît  la  fameuse  légende  de  Dagobcrt.  César  d'Heister^ 

bacb  cite  une  pareille  histoire  d'un  usurier  cfoUTerti.  Que  \e 
débat  fût  visible  ou  non,  c'était  toujours  la  formule  r  v  Si  quis 
decedat  contritus  et  confessus,  licet  non  satisfecerit  de  peccatis 
confessis,  tamen  boni  angeli  confortant  Spsum  contra  Ineursum 
dœmonuni,  dicantes...  Quibus  maligni  spiriltts^.*  Mox  advenit 
Virgo  Maria  alloquens  dœmoQCS...«  etc.  >  Herm.  Corn.  chr. 
dp.  Bccard.  m*  œvi.  t.  S,  p.  là* 

104  —  page  133,  note  4  —  Jean  de  Meung  Clopinel^  etc. 

c  ProdoR  femmes  par  saint  Dcmîs.  Autant  eu  est  que  de  Phé- 
nix, etc.  >  -  Lui-même  au  reste  avait  pris  soin  .de  ies  justifier 
par  les  doctrines  qu'il  prêche  dans  aon  livre.  Ce  n'est  pas  moins 
que  la  communauté  des  femmes:  *  .      • 

Car  nature  n'est  pu  si  «otte. .. 

Ains  vous  a  fait,  beau  fils,  n'en  doobtet, 

Toutes  pour  tous,  et  tous  pour  mums» 

Cbascone  pour  chascun  commune 

Et  ehasciin  eommOn  pour  ch«2cune. 

Bonaa  de  la  Rose,  Y.  14,  653.  fid.  17S5-7. 


380  APPENDICE. 

Cei  insipide  ouvrage,  qui  n'a  pour  lui  que  le  jargon  de  la  ga- 
lanterie du  temps,  et  l'obscénité  de  la  fin,  semble  la  profcssioa 
do  foi  du  sensualisme  grossier  qui  règne  au  xivo  siècle.  Jean 
MoUnet  Ta  moralisé  et  mis  en  prose. 

i05  —  page  137,  note  —  Bk^nche  fut,  dit  brutalement  le  woiu 
historien  y  etc... 

«  Blancha  vero  carcere  remanens,  a  servientc  quodam  ejus 
custodiae  deputato  dicebatur  imprsgnata  fuisse  quam  a  proprio 
comité  diceretur,  vel  ab  aliis  impraegnata.  a  Cent.  G.  dcN., 
p.  70.  Il  passe  outre  avec  une  cruelle  insouciance;  peut-être 
aussi  n'ose-t-il  en  dire  davantage.  —  Cette  horrible  aventure 
des  belles-filles  de  Philippe  le  Bel  a  peut  être  donné  lieu,  par 
un  malentendu,  à  la  tradition  relative  à  la  femme  de  ce  prince, 
Jeanne  de  Navarre,  et  à  l'hôtel  de  Nesle.  Aucun  témoignage 
ancien  n'appuie  cette  tradition.  Voyez  Bayle,  article  Buridan. 
La  tradition  serait  toutefois  moins  vraisemblable  encore,  si  l'on 
voulait,  comme  Bayle,  l'appliquer  à  l'une  des  belles-filles  du 
roi.  Jeunes  comme  elles  l'étaient,  elles  n'avaient  pas  besoin  de 
tels  moyens  pour  trouver  des  amants.  Quoi  qu'il  en  soit,  Jeanne 
de  Navarre  parait  avoir  été  d'un  caractère  dur  et  sanguinaire. 
(Voyez  plus  haut ,  p.  48-51.)  Elle  élait  reine  de  son  chef,  cl 
pouvait  moins  ménager  son  époux. 

i06  -^  page  138  —  Une  fois  dans  cette  voie  de  crimes,  toute 
mort  passe  pour  empoisonnement  ou  maléfice,  etc.. 

Contin.  G.  de  Nangis,  ann.  1304,  1308,  1313,  1315,  1320, 
p.  58, 61,  67,  68,  70,  77,  78. 

107  -  page  138,  note  %  —  Ala  mort  de  Clément  V^  etc.. 

«  Gascones  qui  cum  co  steterant,  intenti  circa  sarçinas,  vi- 
debantur  de  sepultura  corporis  non  curare,  quia  diù  remansit 
insepultum.  »  Baluz.,  Vit.  Pap.  Aven.»  I,  p.  22. 

108  —  page  138  —  Dante  ne  trouve  pas,  pour  la  mort  de  Phi- 
lippe le  Bel,  de  mot  assez  bas.. . 

Dante,  Paradiso,  c.  XIX  : 

Li  si  vedra  in  duoi,  che  sopra  Senna 
Induec,  falseggiando  la  moneta 
Quel  che  morra  dt  colpn  di  eotenca. 


APPENDICE.  381 

Salvant  plusieurs  auteurs,  il  aurai  élé  en  effet  tué  à  la 
chasse  au  cerf,  c  11  veit  venir  le  cerf  vers  luy,  si  sacqua  son 
cspéc,  et  ferit  son  cheval  des  espérons,  et  cuida  férir  le  cerf,  et 
son  cheval  le  porta  encore  contre  un  arbre,  de  si  grand' roi - 
deur,  que  le  bon  roy  cheut  à  terre,  et  fut  moult  durement  blccé 
au  cucur,  et  fut  porté  à  Corbeil.  Là,  luy  agreva  sa  maladie 
moult  fort...  >  Chronique,  trad.  par  Sauvage,  p.  ilO,  Lyon, 
1572.  in-folio. 

Lltistoriên  français  contemporain  ne  parle  point  de  cet  acci" 

dent,,. 

«  Diuturnà  detentus  infirmitatc,  cujus  causa  medieîs  erat  in- 
cognita.  non  solum  ipsis,  scd  et  aliis  multi  stuporis  matcriam 
et  admiralionis  induxit;  prœsertim  cum  infirmitalis  aut  mortis 
periculum  nec  pulsus  ostcnderet  nec  urina.  »  Gontin.  G.  de 
T^angis,  fol.  69. 

109  —  page  139'—  Egidio  avait  écrit  pour  son  élève  un  livre  : 
Deregimine  principum.,, 

V.  S.  iEgidii  Romani,  archiep.  Biturîcensis  questio  De  ulra- 
quc  potcslatc,  edidit  Goldastus,  Monarchia,  11,95.  Un  Colonna 
BC  pouvait  qu*inspirer  à  son  élève  la  haine  des  papes. 

110  —  page  139,  note  2  —  Jean  de  Ueung  lui  avait  traduit  la 
Consolation  de  Boèce,,, 

Il  rappelle  tous  ses  titres  littéraires  dans  VÉpitre  liminaire 
qull  a  mise  en  tête  du  livre  de  la  Consolation.  «  A  ta  royale 
«  Majesté,  très*noble  Prince  par  la  Grâce  de  Dieu,  Roy  des 
«  François  Philippe  le  Qu^rt;  je  Jehan  de  Meung  qui  jadis  au 
«  Romans  de  la  Rose,  puisque  Jalousie  ot  mis  en  prison  Bel- 
«  acueil,  ay  enseigné  la  manière  du  Cbastel  prendre,  et  de  la 
«  Rose  cueillir;  et  translaté  de  latin  en  françois  le  livre  de 
c  Vegèccde  chevalerie,  et  le  livre  des  merveilles  de  Hirlandc  : 
«  et  le  livre  des  Epistrcs  de  Pierre  Abeillard  et  Hélolse  sa 
«  femme  :  et  le  livre  d'Aclred,  de  spirituelle  amitié  :  envoyé 
«  oresBoèce  de  Consolation,  que  j'ai  translaté  en  françois, 
«  jaçoit  ce  qu'entendes  bien  latin.  » 

111  —  page  140  —  L*  Université  persécutait  les  Mendiants  par 
ton  docteur  Jean  Pique-Ane,.. 


382  APPBNDICB. 

Buleus»  IV,  70.  Voyez  dans  Goldasl.,  Il,  iû8,  JobanQÎs  de  Pa« 
risils  TractaUis  dû  poicstale  ragia  el  papali. 

Ht  "  page  iil  —  Les  pauvre$  écoliers,  les  pauvres  maîtres... 

Le  maître  sera  élu  enlrc  les  pauvres  écoliers  et  par  eux... 

L'élu  sera  appelé  le  minisitre'des  pauvres.  Il  est  fait  menlioo 

dans  ce  règlemeat  de  Si  pauvres  écoliers  fondés  en  Hioaneor 

des  12  apôtres  et  des  7â  disciples. 

113  —page  141  —  Cappetx,., 

L'habit  de  cette  sociélé  était  une  cape  fermée  par  devant 
comme  en  porlaien  lies  mattres-ès-artsde  laruedeFouarre,  et  un 
camail  aussi  fermé  par  devant  et  par  derrière,  d'où  leur  nom  de 
Capètes.  Les  parents  ne  pouvaient  menacer  leurs  enfants  d'an 
plus  grand  ch&limentque  de  les  faire  Capètes.  Felibien,!, 
526  sq. 

114  —  page  142  —  Le  roi  veut  exclure  les  prêtres  de  la  justire 
et  des  charges  municipales. 

t^  Omnes  in  regno  Francis  temperatam  juridictioncm  hahcD- 
tes,  baillivum,  prœposilum  et  servientes  laicos  et  nullatenas 
clericos  instituant,  ul,  si  ibi  délinquant,  superiores  suî  possint 
animailvertere  m  eo&deiB.  Et  si  aliqai  cLcrici  siai  in  pnediciis 
ofûciis,  amoveantur.  »  Ord.,  1,316.  Années  1187-1288. 

115  -  page  142  —  /i  protège  les  juifs.  . 

«  KoB  capianlur  aut  incarccrentur  ad  mandatum  aliquonim 
patrum,  fratrum  alicujus  ordinis  vel  aliorum,  quocunque  fuQ- 
gnntur  officio.  >  ûrd.,  I,  317. 

116  —  page  142  —  Il  augmente  la  ta-ée  royale  sur  Us  o^g  't;i- 
tions  d'immeubles  par  les  églises,.. 

Ord.,  I,  323*  On  y  distingue  les  fief^  du  roi,  les  arrièrc-fi  fs, 
les  aïeux.  Dans  tous  les  cas,  la  taxe  royale  pour  les  acquisili  os 
à  Utre  onéreux  est  le  double  de  la  taxe  des  acquisitionsià  li  re 
gratuit.  On  craignait  plus  les  achats  que  les  donations. 

117  —  page  142  —  Il  âéfend  les  guerres  prtoèes.  Us  tournois.,. 
€  Ad  instar  sancti  Ludovici.  eximii  confessons.^  guerras  ..i 


APnifftKac'.  38S 

bella...,  provocatUnts  etiam  ad  dt^oiium...  dnrautibua  guciris 
iiostrts,  ^presse  inhibemus*  >  Ord.,  l,  390,  €onf.  p.  3i^.  Am. 
im,  p.  344.  Ann.  4302,  p.  m».  Aiin.  1314,  juillet.  -^  t  Qm< 
tenus  ômoes  et  singulos  nobi !««...  capi as  et  arrestes,  capiqoe 
H  arrestari  faeias ,  et  tamdiu  îa  arresto  tefaeri,  .donec  a  aobis 
maDdatum.  »  Ord.,  f»  494  (Ann.  130)). 
A  chaque  campagne^  il  lui  fallait  faire  ia  presse.,. 
En  1302,  ordre  au  bailli  d'Amiens  d'envoyer  à  la  guerre  de 
Flandre,  tevs  eeux  qui  a»r«nl  pliu  de  100  livrea  en  meubles 
et  200  en  immeubles  :  les  autres  devaient  être  épargnés.  Ord.,  I» 
3y$.  M^s  l'anude  svirante  .(99  mai)  il  fut  ordonné  que  tout 
Totvrier  qui  anrait  oinquaBlq  livres  en  meubies  ou  vingt  eu 
immeubles ,  eMtribuwait  de  sa  pecaonne  ou  de  son  argeAt^ 
Ord.,  I,  373» 

it^  —  page  142  *-  Ord&nntmce  pour  empêcher  h  âésertUm  de$ 
tampagnes... 

C'étaient  des  formalités  analojpcues  à  oclhs  qu'on  impose  au* 
jourd'hui  à  l'étranger  qui  veut  devenir  Français;  autorisation 
du  prévost  ou  maire,  doïnieile  établi  par  l'aobai  t  p^ur  raison 
de  la  bourgeoisie  d'une  maison  dcdenz  an  et  jour,  de  la  value 
de  soixante  sols  perieis  au  moins;  signiiM^  au  seigneur 
dessoubs  caî  il  iert  partis;  »  résidence  obligatoire  de  la  Tous-* 
saint  4  la  Saii»l->}eaD,  eCe.  Ord.,  1,  3i4. 

119  —  page  143  —  £f»  1200,  le  clergé  arrcicha  au  roi  une 
tharfe  fœorbitante.,, 

Ord.,  I,  p.  31S...  t  Quod  bona  mobitii  clericorum  eapi  vel 
Justiciari  non  pessîtti  ..  per  jostietam  seeu!arcm...  Cause  ordi- 
nari»  prttlatorum  tn  parliamentis  tantummodo  agitentur...  née 
ad  seneseallos  aut  balRivos...  îieeat  appelVare...  Non  împe* 
diantur  a  tailKs...,  etc.  » 

En  1298,  le  roi  seconde  l'intolérance  des  évéguee,. . 

•  BaillÎTis...  îi^ungimus. ..  dtocesanîs  episcopis,  et  înquisi- 
toribns  ..  pareant,  et  intendant  in  haereticorum  investtgatione, 
captioae:..  coudemnatos  sibi  relictos  stalim  rccipiant,  indilate 
animadverstone  débita  puniendos  ..  non  obstanlibus  appella» 
tiooibita.  >  Ord.,  f,  p.  330,  ann.  1298. 


381  APnSDICE. 

L'année  suivantiy  U  promet  que  les  baiUie,  etc... 

Mandement  adressé  anx  baillis  de  la  Touraine  et  du  Maine, 
pour  leur  commander  le  respect  des  ecclésiasliqucs.  lettres 
accordées  aux  évoques  de  Normandie  contre  les  oppressions 
des  baillis,  vicomtes,  etc.  Ord.,  I,  331,  334.  Ordonnance  sem- 
blable en  faveur  des  églises  du  Languedoc ,  8  mai  1302,  ibid., 
page  3iO. 

4  20  '—  page  i&3  —  //  accorde  aux  nobles  une  ordonnanee  eontrs 
les  usuriers  juifs, . . 

«  Contra  usurarum  voraginem...  volnmus  ut  débita  quantum 
ad  sorlem  primariam  plenarie  persolvantur,  quod  vero  ultra 
sortem  fuerit  legaliter  penitus  remittendo.  »  Ord.,  1,  334. 

Les  eoUeeteurs  royaux  n'exploiteront  plus  les  successions  des 
bâtards  et  des  aubains,  etc. 

<  Misipriusper  aliquemidoneumvirum.ftMni ad Aoc«2Mcîa<i(€r 
deputaverimus,,.  consttterit,  quod  dos  sumus  in  booa  saisini 
percipiendi...  >  Ord.,  I,  338-339. 

121  --  page  144  —  //  scùsit  le  temporel  des  prélats  partis  pa» 
Rome,.. 

c  Monnulli  prœlati,  abbatet,  prières...,  inbibitione  nostrt 
sprcta...  ab  regno  egredi...  Nolentes  igttur  ob  ipsarum  absen* 
tiam  personarum  bona  earum  dissipari  et  potius  ea  cupientes 
conscrvari...  mandamus,  etc.  Ord.,  I,  349. 

122  —  page  144  —  Dans  son  ordonnance  de  réforme,  etc.. 

«  Nisi  in  casu  pertinente  ad  jus  nostrum  regium...  i  II  ajou- 
tait pourtant  que  le  licf  acquis  ainsi  par  forfaiture  serait  dans 
Tan  et  jour  remis  hors  sa  main  à  une  personne  convenable  qui 
desservit  le  fief.  Mais  il  se  réservait  encore  cettj  alternative  : 
<  Ou  nous  donnerons  au  maître  du  fief  récompense  suffiscnlc 
et  raisonnable.  >  Ord.,  l,  358. 

La  plus  grande  partie  de  cette  ordonnance  de  réforme  con* 
cerne  les  baillis  et  autres  officiers  royaux,  et  tend  à  prévenir 
les  abus  de  pouvoir.  Nommés  par  le  grand  conseil  (i4),  ils  ne 
pourront  faire  partie  de  cette  assemblée  (16).  Ils  ne  pourront 
avoir  pour  prévois  ou  lieutenants,  leurs  parents  ou  alliés,  si 


APPENDICE.  385 

remplir  cette  charge  dans  le  lieu  de  leur  naissance  (27),  ni 
s'attaclier  par  mariage  on  achat  d'immeubles  an  pays  de  leur 
juridiction,  mesure  de  garantie  imitée  des  Romains,  maîa 
étendue  aux  enfants,  sœurs*  nièces  et  neveux  des  officiers 
royaux  (50-51).  L'ordonnance  réglait  le  temps  de  leurs  assi- 
ses (26),  dont  chacune,  en  finissant,  devait  préciser  le  com- 
mencement de  la  suivante  ;  elle  posait  les  limites  de  leur  ressort 
entre  eux  (60),  de  leur  compétence  entre  les  justices  des  pré- 
lats et  des  barons  (25),  et  les  limites  de  leurs  pouvoirs  sur  leurs 
justiciables.  Ils  ne  pouvaient  tenir  aucun  en  prison  pour  dettes, 
à  moins  qu'il  n'y  eût  sur  lui  contrainte  par  corps,  par  lettres 
passées*  sous  le  scel  royal  (52).  La  même  ordonnance  leur  dé« 
fendait  de  receyoir  à  titre  de  don  ou  de  prêt  (40-43)  ni  |io\ir 
eux  ni  pour  leurs  etofants  (41)  (ils  ne  pourront  recevoir  de  vin; 
nisi  in  barillis,  seu  boutellis  vel  potis),  et  ils  ne  pourront 
Tendre  le  surplus,  ni  donner  rien  aux  membres  du  grand 
conseil,  leurs  juges  (44) ,  ni  prendre  des  baillis  inférieurs 
lenrs  comptables  (48).  La  nomination  à  ces  charges  devait  se 
faire  par  eux  avec  les  plus  grandes  précautions  (56);  le  roi 
eontinue  à  en  exclure  les  clercs  ;  il  met  ceux-ci  en  assez  mau- 
vaise compagnie  :  t  Non  clerici,  non  usurarii,  non  infâmes, 
nec  suspccti  circa  oppressiones  snbjcclorum  >  (19).  Ord.  I, 
357-367. 

123  —  page  144,  note  3  —  Règlement  relatif  au  Parlement.., 
Voyez  l'important  mémoire  de  M.  Klimrath  Sur  les  Olimetsur 

U  Parlement.  V.  aussi  une  disserlalion  ms.  sur  l'origine  du 
parlement  {Archives  du  royaume).  L'auteur  anonyme,  qui  peut- 
être  écrivait  sous  le  chancelier  Maupeou,  partage  l'opinion  de 
M.  Klimrath. 

124  —  page  145  —  Philippe  le  Bel  rend  aux  nobles  le  gage  de 
bataille ,  la  preuve  par  due!. . . 

Ann.  1304.  Ord.  I,  547.  Cette  ordonnance  parait  être  la  mise 
à  exécution  de  l'art.  62  de  l'édit  que  nous  venons  d  analyser. 
C'est  le  règlement  d'administration  qui  complète  la  loi. 

Origines  du  droit ,  livre  IV,  chap.  vu  :  «  Pendant  tout  le 
moyen  Age,  la  jurisprudence  flotte  entre  le  duel  et  l'épreuve, 
lu.  25. 


APPENOUGB. 

que  l'espril  militaire  et  sacerdotal  4*empoctft  attatn*» . 
tfscaent. 

•  Le  serment  et  les  ordalies  étant  trop  soavantsaspMilea,  las 
vgÊtspnûTê  préféraient  lo  duel»  Saint -Lottis  el  Eaédério  U  la  dé- 
isadireat  dès  le  ziiio  siècle. 

•  Qoe  trop  mauvcse  coustame  sonloU  courre  enchiennemeotr 
ai  eomme  nous  avons  entendu  des  seigo^ra  de  ktia^  car  \k 
aacaas  si  louoient  campions,  en  tele  ipaaière  que^  îLsa  da- 
^voîeat  combatre  par  toutes  les  qnerelleaque  il  axoieni  à  Cera 
oa  bonnes  ou  mauveses.  •  <Beaumanoir.)  —  t  Quand  aucaa  a 
passé  âge  comme  de  soixante  ans^  ou  qu'il  est  débilité  daa- 
caa  membre,  il  n'est  pas  habile  à  combattre.  Et  pour  oe  fiu 
éUbli  que  s'il  étoit  accusé  d'aucun  cas^qui  par, gaga.de  batailla 
ae  deut  terminer^  qu'il  pourroit  mettre  champioa  qui.feroit  la 
lait  pour  lui,  à  ses  périls  et  dépends,  ^.t  pour  ce  fnt  constîtai. 
ci  établi  bornage  de  foy  et  de  service.  £t  en  souLoit-on  ancîan- 
neflient  plus  user,  que  l'on  ne  fait,  car  on  combattoit  pour 
plas  de  cas,  qu'on  ne  fait  pour  le  présent. . .  £t  doit  l'en  savoir^ 

quand  un  champion  faisoit  gaige  de  bataille  pour  auciin 
lire  accusé  d'aucun  crimi*.,  se  le  champion  «stoit  desconfit» 
par  soi  rendant  en  champ,  ou  autrement,  cil  pour  qui  îl 
'Combattoit  estoit  pendu,  et  foj^aisoit  tous  ses  biens  et  meubles 
Mritages,  ainsi  que  la  coutume  déclaire,  aussi  bien  comaie  cil 
;fiapre  eust  été  déconfit  en  champ;  et  le  champion  n'avoit  nul 
atti  et  ne  forfaisoit  rien.  »  (Vieille  glose  sur  l'ancienne  cou- 
.tame  de  Normandie.) 

125  -^  page  145  et  suiv.  —  Lkgpacrùiê.^dê  ca  (poaafranaaal 
4amM  les  affaires  des  monnaies,,»  . 

Em  i393...  <  Nos  autem  Johanna  impertimus  assesaum. .  » 
Hrd.^  I,  326. 

M»  i305...  Ord.,  I,  429. 

Kut  tard,  il  ordonne  de  détruire  les  fours^  etc...  Ord:,  1,  451. 

Em  iZiOet  13ii,  U  défend  rimportatim  âe$  monnaies  èu 


«  Que  nul  ne  rachace,  ne  face  rechacier,  ne  trébucher,  na 
•aqueure  nulle  monnoye  quele  qu'ele  soit  de  nostre  coing.  • 
JBi  janvier  1310,  Ord.,  1, 475. 


APBBNOieS..  3&7 

Bfi'iZiin'Udèfiifiéde  peser  otc  UVitfayir  les  munmm»  r^al$$.»4 
.Ord.,I,48i,16inaii3ii. 

En iZi^^ il  appela  les  dépuUÊ  dêi^9iUu  i  v^niroomt^apêt  (ni. 
sur  h  f$iu449  momaiêt^  eiC4.», 

I  Quelle  Roi  poorchaee^  ^ar^Aewrei 8e$. Baron» qoe  ils  ae  > 
sueffire»^  de  faire,  ouvrer  iosque»  à;  coqs  ana,  o&r  aulremeiklU 
nepeaipa$  remplir  80Ci:pu«ï)l&;i4e  boniKt  manaoïe»  ne. 40a. 
royaume.  Et  furent  à  accort  que  li  {lois  doinl  taatdn  ory.eo.> 
argent  que  il  n'y  preigne  nul  profit.  •  Ord.,  l,  548-549.  Cepen- 
dant on  rencontra  tant  de  rësîstanoe  de  la  tiart  des  barons  et 
des  prélats  intéressés  qu'il  fallut  se  contenter  de  leur  prescrire 
l'aloi,  le  poids  et  la  marqiieile  leura  monnaies.*  Leblaiio,p.  239. 

126  —  page  148  et  suir.  •*-  Uavènément  de  LouU  le  HnHnM  - 
«fie  rèa^ion  viohnte  de  V esprit  fhêal,  had,  provineiàly  etc;  ^ 

Le  due  de  Bretagne,  etc..  Ord.,  1.,  551  et  592, 561-577  ^t  525;* 

672... 

La  demande  commune  dee  barone,  etc...  Ord.,  1,  559/8o;*574,  < 
5«;554,2o. 

Lee  pranineet  les  plue  éloignées,  etc...  Ord.,  !,  562, 2«... 

Bourgogne,  Amiens,  Champagne  demandent  unanimement^  etc:..*^ 

c  Nous  voulions  et  octroyons  que  en  cas  de  murtre,  de  larre- 
ein^  de  rapt,  de  trahison  et  de  roberie  gage  de  bataille  soit  ou- 
Tcrt,  se  les  cas  ne  pouvoient  cstre  prouves  par  tesmoings.  > 
Ord.,  i,  507.  <  Et  quant  au  gage  de  bataille,  nous  voulions  qur 
il  en  usent,  si  corne  Ten  fesoit  anciennement.  »  Ibid.  559. 

Le  roi  n'acquerra  plus^  etc.. 

<  Le  quart  article  qui  est  tiel.  Item,  que  k  Roy  n*acqui^e,  ne 
e^accroisee  es  baronnies  et  chasteUeniêJ,  es  fiet  et  riere-fiez  desdits 
nobles  et  religieus,  sen'est  de  leur  volante,  nous  leur  octroyons.  » 

A  ces  demandes  iruolentes  le  roi  répond..., 

Ord.,  I,  572  (31)  ;  576  (15)  ;  564  (6). 

127  ^  page  151  -^  Raoul  de  Prestes. . . 

II  y  e«l  troia  Eaonl  de  Prtsles;  le  premier»  qui  déposa  en 
1309  contre  les  Templiers,  fut  impliqué  dans  l'affaire  de  Pierre 
de  LaltUy,  et  reoouvra  la  liberté  en  perdant  «ea  bîons.  I^ouis 
le  Hutin  en  eut  des  remecds  ;  par  so«  tesiameiUï-il  ordonna  . 


383  APP^a>iCB. 

qu'on  lui  rendit  comme  de  raiiOH  tout  ce  qu'on  lui  avait  pris. 
Philippe  le  Long  et  Charles  le  Bel  Tanoblirent  pour  ses  bons 
services.  Le  second  Aaoul  n'est  connu  que  par  un  faux,  et  aussi 
par  un  b&tard  qu'il  eut  en  prison.  Ce  bfttard  est  le  plus  illusire 
des  Raoul.  En  I365,il  se  fit  connaître  de  Charles  V  par  une  allé- 
gorie, intitulée  to  Muse,  Il  fut  chargé  par  ce  prince  de  traduire 
la  Cité  de  Dieu,  et  parait  n'avoir  pas  éié  étranger  à  la  compo- 
sition du  Songe  du  Vergier. 

128  —  page  153  —  Louis  le  Mutin  décria  les  momuaies  dts 
barons,  etc.. 

<  Nous  qui  avons  oie  la  grande  complainte  de  nostre  pueble 
du  royaume  de  France,  qui  nous  a  montré  comment  par  les 
monoies  faites  hors  de  nostre  royaume  et  contrefaites  à  nos 
coings,  et  aus  coings  de  nos  barons,  et  par  les  monoies  aussi 
de  nos  dits  barons  lesquelles  monoies  toutes  ne  sont  pas  du 
poids  de  la  loy  ne  du  coing  anciens  ne  convenables,  nos  sub- 
giez  et  nostre  pueble  sont  domagiés  en  moult  de  manières  et 
de  eeuz  souvent  grossement...  Ordenons,  etc.  »  Ord.,  I,  609-6. 

Il  fixa  Us  rapports  de  la  monnaie  royale^  etc..  Ord.,  I,  64«i  et 
suiv. 

129— page  loi — Les  serfs  se  souviendront  de  cetleleçon  i^yale.,. 

A  la  fin  de  son  règne  si  court,  Louis  semble  devenu  ren« 
nemi  des  barons.  Jamais  Philippe  le  Bel  ne  leur  fit  réponse 
plus  sèche  et,  ce  semble,  plus  dérisoire  que  celle  de  son  fils 
aux  nobles  de  Champagne  (1er  décembre  1315).  Us  deman* 
d  aient  qu'on  leur  expliquât  ce  mot  vague  de  Cas  royaux,  au 
m  oyen  duquel  les  juges  du  roi  appelaient  à  eux  toute  affaire 
qu'ils  voulaient.  Le  roi  répond  :  c  Nous  les  avons  éclaircis  en 

>  celte  manière.  C'est  assavoir  que  la  Royal  Majesté  est  cnten- 

>  due,  es  cas  qui  de  droit,  ou  de  ancienne  coutume,  puent  et 
t  doient  appartenir  à  souverain  Prince  et  à  nul  autre.  «  Ord., 
I,  606. 

130  —  page  156  —  Philippe  le  Long  révoque  toute  donation 
depuis  saint  Louis.,, 

Le  roi  révoque  spécialement  les  dons  faits  à  Guillaume 
Flotte,  Nogaret,  Plasian  et  quelques  antres.  Ord.,  I,  667 


APPSNDICB.  389 

131  —  pige  156  —  Il  auraU  VQUlu  étaHit^  VuniformiU  des 
me$ure$  et  de$  m(mnam, .  • 

«  Le  roi  avait  commencé  à  régler  qu'on  ne  se  servirail  dans 
son  royaume  que  d'une  mesure  unifarme  pour  le  vin,  le  blé  el 
toutes  marchandises;  mais  prévenu  par  une  maladie,  il  ne  put 
accomplir  l'œuvre  qu'il  avait  commencée.  Ledit  roi  proposa 
aussi  que,  dans  tout  le  royaume,  toutes  les  monnaies  fussent 
réduites  à  une  seule;  et  comme  l'eiécution  d'un  si  grand  pro- 
jet exigeait  de  grands  frais,  séduit,  dit-on,  par  de  faux  conseils, 
il  avait  résolu  d'extorquer  de  tous  ses  sujets  la  cinquième  par- 
aie  de  leur  bien.  11  envoya  donc  pour  cette  affaire  des  députés 
en  différents  pays;  mais  les  prélats  et  les  grands,  qui  avaient 
depuis  longtemps  le  droit  de /aire  différentes  monnaies,  selon 
les  diversités  des  lieux  et  l'exigence  des  hommes,  ainsi  que  les 
communautés  des  bonnes  villes  du  royaume,  n*ayant  pas  con- 
senti à  ce  projet,  les  députés  revinrent  vers  leur  maUre  sans 
avoir  réussi  dans  leur  négociation.  »  ConU  G.  de  Nang.,  79. 

13Î  —  page  157  et  suiv.  —  îl  fait  quelques  efforts  pour  régu- 
la  viser  la  comptabilité,., 

Ord„I,713-4.  629,  659. 

Parmi  les  règlements  de  finance^  etc..  Ord.,  I,  p.  660  (27). 

Le  Parlement  se  constitue,  etc..  Ord.,  1,  728-731  —  Ord., 
1,70S. 

133 —  page  158  —  La  méridienne  du  roi.., 

V.  au  l«r  vol.  de  cette  histoire,  p.  207  et  suiv.,  la  concession 
de  Clovis  à  saint  Rémi.  -*  Voy.  aussi  la  Légende  dorée,  c.  ii2. 
—  Origines  du  droit,  p.  79-80  :  c  En  l'an  676«  Dagobert  ayant 
donné  à  saint  Florent  la  ville  où  il  demeurait  et  ses  dépen- 
dances, le  saint  vint  prier  le  roi  de  lui  faire  savoir  combien  il 
avait  en  long  et  en  large.  •  Tout  ce  que  tu  auras  chevauché  sur 
ton  petit  âne  pendant  qui  je  me  baignerai  et  que  je  mettrai 
mes  habits,  tu  l'auras  en  propre.  >  Or  saint  Florent  savait  fort 
bien  le  temps  que  le  roi  passait  au  bain  :  aussi  il  monta  en 
toute  hâte  sur  son  àne  et  trotta  par  monts  et  par  vaux  mieux  et 
plus  rapidement  que  ne  l'aurait  fait  à  cheval  le  meilleur  ca- 
▼alier,  et  il  se  trouva  encore  à  Theure  indiquée  chez  le  roi.  » 
Orimm.  87. 


[. 


990  APPIKDICE. 

13^  -''pa^  i^3  «^  FkUippfi  h  Long  pari»  de  cm'UMU  ikmU 
féodaux  y  elc... 
Ord.,  I,  p.  661  (;^9). 
U  r$command$(  aux  ffcetwir^t  elo. ..  OnL  S,  713  <9). 


135  -r  page  199  ^^  L0  roi  ehânkê  4  metUn»  unêbarrUrt  à  ra 
UbiralUé..» 

«  QoA  poiur  l68  «ions  (raCragens  qui  ost  asté^Aih  ça  en  ar- 
rière»»  par  dos  prédécesseuESs  M  domaine  dou  royaume  sont 
noall  apelitté.l^ous  qui  àémtuB  noolt  faeîMraissement  et  le 
bon  estai  de  notre  'Royaume,  el  de  nos.  a^giex»  nous  eoteh- 
dons  dores  en  avant  gardef  de  '4el8  dans,  aa  pins  que  noas 
ponrrûns  boaemenl,  ot  défondoasqaennl  a*  nous  ose  Caife 
anppUcalUm  de  faire  dons  à-  héritage,  set  oe^a'esieo  la  pré- 
sence de  noire^  grand  conseiL  »  Ord.,  1, 670  (d)« 

136  —  page'160' wL«f  pcwaMireftaâB... 

«  Cum  solis  pera  ctbaculo  sine  pecunia,  dimissis  in  campis 
'porcis  et  pecortbus.-post  ipsos  qu^si  pecora  cônfluebaoï.  • 
Cont.  G.  de  Nangis,  p.  77.  —  c  Projectis  ïnnumcrabilibus  lignis 
et  lapidibus,  propriis  projectis  pnerîs,  se  virilltcr  el  inhuma- 
niter  defensabant...  Videntes  antcm  dicli  judsei  quod  cvadere 
noii  valebant...  loeavertxnt  nnum  de  suis...  nt  eos  gladio  jugu- 
laret.  •  Ibidem.  —  c  Illic  viginli,  illic  trîginla  sccondum  pins 
et  minus  suspendens  in  palibalis^t  i^rborihos,  »  Ibid. 

137  page  161  —  Les  Juift,  etc..., 

Voyez  lé  Mémoire  de  M,  dcu^QAt^iSarJea:  juifs  d'Occid>yM»et 
la  grande  histoire  de  Jozt. 


'  138  7- page  162.-- L«  '>vuU  s'ixriinadj^uê.feêiuifê 
oïït  empoisonné  Us  foniaineSf  Qla.*.   • 

•  Fiebant  de  saQguiQe.bumano.  oi  .urina. 4Jk  Mribiui  iierbia... 
ponebatur  eliam  Gorpus«€brisiie  cl.cufa^aseBJlo«nia,disaiiaU, 
nsque  ad  pulvercm  terûbantur»  qu»*missa  in.aaaoaIia4nin<alK 
quo  pondcroso...  in  puleis^^  iactabauiij^r.  >  Coat  &•  d«  Nang.» 
ann.  1321,  p.  78.— «  bivenlum  est  i».panaoicapui  oolubri,  pe» 
dèsbufonisct  capilli  quasi  mullieris,  infecti  quodaai .  Mf  tt0<» 


AfPBMDIGE. 

«igerrlmo...  quod  tolmn  in  igoem  oapiosnni..:  projentum, 
modo  combur!  potiih,  babSto  imtnifcsto  expérimente  et  hoe  ! 
dem  esse  yeoennm  fortîssimum.  »  Ibidem. 

Les priitcipauT  lépreux  tinrent  qnatrê  eoncUes,  etc.. 

c  Saadente  disbolo  per  miimteitnni  lude&eram...  m 
tiani  omnes  morerentar,  vel  oimies  unifonniter  keprosi 
rentnr,  et  sic,   enm  omnes  essent  tmifermes,  tHiltv»  ab 
despieeretur.  i  ibidem.  —  Voyez  swt  les  lépreux  les  INctii 
naires  de  Bonebel  et  Brien  et  sortent  le  Dictieirnaire  de 
fmr  Delamarfc,  I;  page  609.  Voyez  aussi  les  Ώm  du  POriewumi^ 
IV.  ^.  LXXVI,  etc. 

139  ~  page  163  —  Les  rituels  pour  ta  séquestration  desB^ 
preux  différaient  peu  de  l'office  de9  morts ...  '     ' 

c  Leprosum  aqua  benedicta  respersnm  dncat  ad  ecctesiam 
crnce  précédente...  cantando  Libéra  me  Domine...  In 
ante  altare  pannus.  iiiger.  Prcsbyler  cnm  palla  tcrram  si 
qnemlibet  pedum  ejns  perducît  dicendo  :  Sis  mortntrsmmi^ 
▼LTens  iternm  Deo.  >  Rituel  du  Berri,  Màrtène,  11^  p^.  lOliL 
Plusieurs  rituels  défendirent  plus  tard  ces  lugubres  cérénUa^ 
monies,  celui  d'Angers,  de  Reims   fbid.,  p.  f005,  lt)06. 


140  —  page  165  ^  Quant  aux  juifs,  on  les  br^la  sans 
iinetion, . . 

«  Judaei...  aine  diferentia  combusti.,.,Facta  quadam  foi 
per  maxima,  igpe  copioso  in'eam  injecte,  oclies  viginti 
pramlscui  sont  combusti  -,  unde  et  muUi  illorum  et  illarum  ca»» 
tantes  quasiqueii^v^Uti  ad^nuptias^  in  fQvean\saliebant.*>  OnsL, 
0.  deN.angis,  P..Ï8. 

Mainte  99Uioe  y  fit,  jei^  son.enfcknt»,^*  Hé  ad  baptismum  ra- 
p^rentnr,.»  Ibid. 

Quarante  juifs  s'aecordirent  à  se  faire  tuer  par  un  deJemtB- 
vieiVards., 

«  Unius  antiqui...  sanctior  et  melior  videbatur  ;  unde  et  ob* 
«JQS  bonltatem  et  antiquHatem  pater  Yocabatnr  »  Ibid.^  p.  79. 
*»«  Cum  funis  esset  bretior...  dimîUens  se  deorsum  eadere». 
tibtam  sîbi  fregît,  auri  et  argenti  prie  maxime  ponrlere  graY&^ 
las.  Ibidem.  ^     * 


392  AniNDICB. 

141  —  page  166  —  L*Anglelerre  se  trouvant  dèiarmie  portée 
dUrordes,  U  roi  de  France  s'empara  de  VAgènois... 

Voyez  le  DifTércnd  entre  la  France  et  rAngleterre  soaa 
Charles  le  Bel,  par  M.  de  Bréqnigny.  La  querelle  qui  d'abord 
n'avait  pour  objet  que  la  possession  d'une  petite  forteresse, 
prit  en  peu  de  temps  le  caractère  le  plus  grave  par  la  Cai blesse 
d'Edouard  et  l'audace  de  ses  officiers.  Tandis  qu'Edouard  ex- 
cuse ses  lenteurs  à  venir  rendre  hommage,  et  prie  le  roi  de 
France  d'arrêter  les  entreprises  des  Français  sur  ses  domaines, 
les  officiers  anglais  en  Guyenne  ruinent  la  forteresse  disputée» 
et  rançonnent  le  grand  maître  des  arbalétriers  de  France*  qui 
avait  voulu  en  tirer  satisfaction.  Edouard  se  hâta  de  désavouer 
ces  actes  auprès  de  Charles,  et  en  môme  temps  il  donnait 
ordre  à  toutes  personnes  de  prêter  assistance  à  Raoul  Basset, 
auteur  de  Tinsulte  faite  au  Roi  de  France.  Mais  il  recula  bien- 
tôt devant  cette  guerre  et  destitua  Raoul  Basset  ;  ses  officiers 
laissés  sans  secours  durent  donner  satisfaction  à  Charles  le  Bel, 
qui  ne  s'arrêta  pas  en  si  beau  chemin  :  les  ambassadeurs  d'E- 
douard lui  écrivaient  qu'on  disait  tout  haut  à  la  cour  de  France  : 
<  Qu'on  ne  voulait  mie  être  servi  seulement  de  parchemin  et 
de  parole  comme  on  Tavait  été.  >  Edouard,  qui  d'abord  avait 
eu  recours  au  pape  et  fait  quelques  préparatifs,  s'alarma  de  cet 
orage  qui  pouvait  troubler  ses  plaisirs.  11  donna  pleins  pouvoirs 
pour  tout  terminer,  et  envoya  à  Charles  un  Français  nommé 
Sully  avec  son  plénipotentiaire.  Le  roi  écouta  le  Français, 
chassa  l'Anglais  et  fit  entrer  ses  troupes  en  Guyenne.  Agen, 
après  avoir  inutilement  attendu  le  secours  du  comte  de  Keot, 
ouvrit  ses  portes.  De  nouveaux  ambassadeurs  vinrent  d'Angle- 
terre; ils  eurent  pour  toute  réponse  qu'il  fallait  c  qu'on  souf- 
frit sans  obstacle  que  le  roi  de  France  mit  en  ses  mains  le  reste 
de  la  Gascogne,  et  qu'Edouard  se  rendit  auprès  de  lui.  Alors  s'il 
lui  demandait  droit,  il  lui  ferait  bon  et  hâtif;  s'il  lui  requérait 
grâce,  il  ferait  ce  que  bon  lui  semblerait. 

143  —  page  166  —  Charles  U  Bel  défendit  de  prendre  U  parti 
de  la  reine  Isabeau,  etc.  . 

c...  Dont  plusieurs  chevaliers  en  furent  moult  courroucés... 
et  dirent  que  or  et  argent  y  étoient  cfforciement  accourus 


APPENDICE.  393 

d'Angleterre.  Vtroîssart,  éd.  Daeier,  I,  M,  —  c  Si  entendit-îl  se- 
crètement que  Charles  le  Bel  étoit  en  volonté  de  faire  prendre 
sa  sœur,  son  fils,  le  comte  de  Kent  et  messîre  Roger  de  Morti- 
mer,  et  de  eux  remettre  es  mains  du  roi  d'Angleterre  et  dndit 
Spenser  ;  et  ainsi  le  vint-il  dire  de  nuit  à  la  reine  d'Angleterre 
et  l'avisa  du  péril  où  elle  étoit.  >  Froissart,  I,  29. 

• 
• 

143  —  page  169  ^  Edouard  croyait  au  moins  vivre^  etc..» 
•  Ut  innotuit  viri  dejectio,  plena  dolore  (ut  foris  apparaît], 
fere  mente  alîenata  fuit...  Misit  indumenta  delicata  et  H  lieras 
blandicntes.  Eodem  tempore  assignata  fuit  dos  regins  talis  et 
laou,  quod  rcgi  filio  regni  pars  tertia  vix  remansit.  a  Wals, 
p.  126-127.  —  <  Ipso  prostrato  et  sub  ostio  ponderoso  detenio 
ne  surgeret,  dum  lortores  imponercnt  cornu,  et  per  foramen 
iaimiUerentignitum  vern  in  viseera.sua.  »  Ibid. 

« 

i44  —  page  i7i  —  Livre  des  secrets  des  fidèles  de  la  eroix^  par 
U  Vénitien Sanuto..» 

c  Au  nom  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  Amen.  En  l'an  1321, 
j'ai  été  introduit  auprès  de  notre  seigneur  le  Pape  et  lui  ai 
présenté  deux  livres  sur  le  recouvrement  de  la  Terre  Sain te«  et 
le  salut  des  Mêles;  l'un  était  couvert  en  rouge,  l'autre  pn 
jaune.  En  même  temps  j'ai  mis  sous  ses  yeux  quatre  cartes 
géographiques.  Tune  de  la  mer  Méditerranée,  l'autre  de  la 
terre  et  de  la  mer,  la  troisième  de  la  Terre  Sainte,  la  quatrième 
de  l'Egypte.  •  A  la  suite  de  Bon  gars,  Gesta  Dei  per  Francos. 

S*tl  partage  son  livre  en  trois  parties  en  l'honneur  de  la 
Sainte-Trinité,  la  raison  qu'il  en  donne  c'est  qu'il  y  a  trois 
choses  principales  pour  le  rétablissement  de  la  santé  du  corps, 
le  sirop  préparatoire,  la  médecine  et  le  bon  régime  :  c  Partitur 
autem  totale  opns  ad  honorem  Sanctie  Triniiatis  in  très  libres. 
TIam  sicnt  infirmanti  corpori...  tria  impertiri  curamus  :  primo 
syrapum  ad  praeviam  dispositionem...  secundo  eongruam  me- 
dieinam  que  morbum  expellat...  tertio -ad  eonservandam  sani* 
latem  debîtuni  vitae  regimen...  Sic  conformiter  coniinet  liber 
primus  dispositionem  quasi  syrupum,  etc.  Sccreta  fideliuro 
cmcis,  etc.,  p.  9. 


B94  AFBglKDICK. 

145  -^  |»«ge  i7i  ^  lit  |n*a|KM0  contre  (^  $<mda»  dÉç^fU  m 

•  Dix  faUres  suffiront.  11  fire  avec  aoe  prévoyance  toute  mo* 
derne  c^•qtt'il  fani  d'hommes,  d'argieul,  devivrea.  La  flotte  doit 
être  armie  à  Veaise.  «  Les  marins  de  Venise,  dit-iU  sauront 
seuls  se  conduire  sur  les  filages  basses  d'Egypte  qui  ressem- 
blent à  leurs  lagunes  c  (p.  35-36).  Il  n'ose  pas  demander  que 
l'amiral  soit  un  Vénitien,  il  se  cqntente  de  dire  qu'il  doit  être 
ami  des  Vé&Hiens',  pour  agir  de  concert  arec  eux  (p;  6S).  >  Il 
faut,  dit- il  nettement,  o«  que: l'accès  de  l'âgypte  soii  ai>soln- 
ment  interdit,  ou  qu'il  soit-élargi  et  fiusiliul  de  telle  aorte  que 
chacun  puisse  aller;  reveniri  commencer  pat  lea  terres  du  soi- 
dan,  en 'toute  liberté,  eiqtt*en  ce  dernier  cas,  obq  ne  parle  plus 
de  recouvrer  ta  Terre  Sainte.^»  •*-  «  Maia^  dira-t-on,  û  le  seu- 
daa  détournait  le  Nil  de  la  Méditerranée  dans  la  M^Eonget  U 
chose  est  impoaetble  ;  et ^i  elie^arvait  lieu,  i'tgypteaeeail  lanéeit- 
tie,  ellq  deviendrait  déserte...  Le  soudan  réduit,  les  forteresses 
de  l'Egypte  maritime  deviendront  un  sûr  asile  pour  les  nations 
chrétiennes  comme  fe  furent  pour  lés  Vénitiens  les-  Ia|>nnes  de 
l'Adriatique  qui.  dans  les  tçmpêtes  de^  invasions  gauloises, 
africaines^  bmbardes  et  dans  celle 'd'Attila,  sont  restées  invio- 
lées. •  (Pari.  3,  cb.  1.)  Ceé  derniers  mots  fontaflusion^^aux 
crtiîn tes  récentes  que  les  invasions  deâ  Motigols^avait^nt  inspi- 
rées ft  toute  la  Chrétienté. 
• 

r^.  146 -«-npage  174 -f^  1^4)601*^4 .^ia  roi  ija^^kterre  acearda 
au»  ètr^kitgêi't .. 

.  La rolrdéoiare.qu'Ulear  accQrde,à  jamaia*  en^aonnom  et  an 
A^m  4e  s^4U4eea$ej^i:s«  !<>  4^  pouvoir  ;venir  enaûraié  aou%  la 
pn>teciion,Foyale/libres  de  diveis.  droi^  qu'il  spécifie  :  Ik  mm- 
ragi%  jjaiOa^/lp^Mi^io^i^eri  et  quieli;  ^^d'y  vendre  en  gros 
^  qui.  iisf  voudront;  kes  merceries  e^  épices  peuveoi  même  éire 
vendueaen  détî^Ipar  les  éti^^ngers;  i^  d'emporter  et  exporter, 
eni^yant'le^  droits,  touie.. chose,  e^ptéles  .vin5,..qu'oo  ne 
peui^porter,  sans  licence  spéciale  du  roi;  49  leurs  marchan- 
dises n:aaroat àcraindre  nidroil de  prise  ni  saisie;  $<>  on  lear 
rendra  bonQo^JQSiice  ;  car  si  i^n  juge  leur  fait  tort,  il  sera  puni 
même  apr^s  que  les  marchands  auront  été  indemnisés;  &>  en 


toate  cause  où  ils  seront  intéressée,  le  Jary  sera  edmposé  poai 
une  moitié,  de  leurs  compatriotes  ;  7^  dans  tout  le  royaume  il 
n'y  aura  qu'un  poids  et  une  mesure  ;  dans  chaque  ville  ou  lieu 
de  foire,  il  y  aura  un  poids  royal»  la  balance  sera  l)ien  vide,  et 
celai  qui  pèse  n'y  portera  pa»  lea  maips  :  8^  à  Londres,  il  y  aura 
nn  juge  desdits  .marebanda*  pour  leur  rendre  jaatice  som- 
maire ;  9o  pour.4oi(8  ces  4roila<iA6.paieM)»^ileax;  aoua  de  plus 
qu'autrefois  sur  ebaqu^  lonMau-  qu'ila  arnèBerout  ;t  quarante 
deniers*  dé  plus  par  sac  de  laine/ etc.<<etc/;  iO^mals  une  fois 
ces  droits  payés,  ils  pourront  aller  et  tommercer  librement  par 
tout  le  royaume. 


'  I 


147  —  176  -^  Ceféir'ticfmrà  ÏTl  qui  sur  la  Table  ronde  a 
juré  le  héron  de  conquérir  la  France,,, 

Par  devant  la  roïne,  Robert  s*agenoirilla,- 

Et  dist  que  le  haîron  par  temps  départira. 

Mes  que  cboa  f it'voQ^^ui  la  caar  U  din^  * 

«^  baisai,  dit  la.nâoe,  or  ne  me  parlés,  jà; 

«  Dame  ne  peni  vouor,  puis  qu'elle  seign^or  a,  " 

«  Car  8>lle  veue  riens,  son  mari  pooira. 

•  Qutfbicn  puel  rapeller  chou  qu'elle  vouera; 

' V  Et  iriAinti  Mit  tl  eorps'tfue'jaesi'piÀmra,  -  > 

-    «^'f^evmirtTide  «Mb  dHers-aifts  ••MlMii^'to^fli.'ara.  • 

^-  fil  dIst  ietroy  r  i^¥oe*,'Wraoit  t'aqiriMera. 

<•  « «««ÉH^w^flaer  a  pciMB^'Bieaaars^'ea  peetra; 

•«•  «iVeois  kardéMHoa*  «ft>DieM/tvoM*aiéi>ffa.  • 
4«  Aionar^tUtlaiatiloa»  je  aai  bioD,  que  pischa', 
-•.  Qaajf^iafcosaard'ento^  qna  mon  corps  senti  là, 

•  Eoflost  vttL  ji  laire^»  qu'en  mon  corps  se  tourna. 
.«  Et  je  voue,  et^prometh  a  Dieu,  qui  me  crda, 

•  Qoi  nasqùi  de  la  Vierge,  qoe  seè  corps  nVïipîra, 
4  ^  qtii'dloVnil  eu  crois;  6n  Iv crucifia, 

•  Que  jk*H  fmls  de «of ,  d^moar  corps 'tt%tera, 
ti  9i'ai*en*-arêa'aiaBé«èapa3è|i#vdelà, 
••'^•r  avaMàierito  ffuiqtte-«o.€OTfa<vDué  a; 

•  Et  s'il  en  voelh  isir,  quant  baaiHitafn>B«aera, 
«  Duo  grand  contel  d*achier  11  miens  corps  s'ocliira  : 

•  Serai  m'asme  perdue,  et  li  frais  périra.  • 
Et  quand  H  ro1s  Tentent,  ttoiilt  forment  fcn  pensa; 
Et  dist  :  «  CcrUinement  ifots  pltn  fla^o«ere<  • 


396  âppbndicb. 

Li  bairoQS  fa  partis,  U  rolne  en  mengoa. 

Adooc,  quant  cbe  fa  fait,  li  roit  8*apareilla, 

Et  fit  garnir  les  nés,  la  roîne  i  entra. 

Et  maint  franc  cboTalier  areeques  lai  mena. 

De  illoc  en  Anvers,  li  rois  ne  s'arrêta. 

Quant  ontre  sont  yenn,  la  dame  délirra; 

D'an  beaa  fils  gracieax  U  dame  a'aooaka» 

Lyon  d^ÂfWên  ot  non,  qnant.on  le  baptisa. 

Ensi  le  fraaqœ  Dame  le  sien  ven  aoqnitU; 

Ainaqae  soient  tout  fait,  main  preadomme  en  mom» 

Et  maint  bon  eberalier  dolent  s'en  clamera. 

Et  mainte  preode  femme  ponr  lasse  s'en  tenra. 

Adone  parti  U  eonrs  des  Englès  par  delà. 

Cki  jintnt  kut  tsiu  du  Aotron. 

Ce  petit  poëme  se  trouve  à  la  fin  du  1. 1  de  Froissart,  éd. 
Dacier-Buchoo,  p.  U0« 

148  —  page  179  —  Bataille  âê  Cassel,. 

€  Oncques  en  l'est  du  roy  ne  feit  on  guet  ;  et  les  grands  sei- 
gneurs alèrent  d'une  tente  en  l'autre,  pour  eux  déduire,  en 
leurs  belles  robes.  Or  vous  dirons  des  Flamans,  qui  sur  le  mont 
étoient.,.  Si  feirent  trois  grosses  batailles  les  Flamans;  et 
veindrent  avalant  le  mont,  au  grand  pas,  devers  Tost  du  roy  : 
et  passèrent  tout  outre,  sans  cry  ne  noise  :  et  fut  à  l'heore  de 
vespres  sonnans...  fit  les  Flamans  ne  s'atargèrent  mie,  ains 
veindrent  le  grand  pas,  pour  surprendre  le  roy  en  sa  tente. 
«  Froissart,  1,  c.  lxix,  p.  1Î3.  ^  V.  aussi  Gont.  G.  de  Nangis, 
p.  90.  Oudegherst,  c.  cliv,  f.  289.  —  Je  regrette  de  n'avoir  pas 
eu  entre  les  mains  l'important  ouvrage  de  M.  Warnkœnig,  lors- 
que j'ai  imprimé  le  récit  de  la  bataille  de  Courtrai  :  Histoire  de 
la  Flandre  et  de  ses  institutions  civiles  et  politiques,  jusqu'à 
l'année  1305,  par  M.  Warnkœnig,  trad.  de  l'allemand,  par 
M.  Ghueldorf.  1835.  Voyez  particulièrement  aux  pages  ^, 
308,  du  premier  volume,  quelques  oireonslauces  intéressantes 
qui  complètent  mon  réeit. 

149  page  180  —  Les  quatre  tours  de  Vineennes  par  leurs  jimas-  ' 
ievis,  vomissaient  aux  quatre  oenl»... 


APPENDICE.  397 

Les  ch&leaux,  comme  les  églises  du  moyen  ftge,  comme  les 
cités  antiques,  sont,  je  crois,  généralement,  orientés.  Voyez 
mon  Histoire  romaine,  et  ma  Symbolique  du  droit. 

150  —  page  181  ^  Roberi  se  plaignait  d'avoir  été  supplanté 
dans  la  possession  de  r Artois  par  Mahaut,  etc.. 

Un  arrêt  de  la  cour  de  France,  prononcé  en  plein  parlement, 
déboutait  pour  toujours  Robert  et  ses  successeurs  de  leurs  pré- 
tentions, et  ordonnait  «  Que  ledit  Robert  amast  ladite  comtesse 
comme  sa  cbière  tante,  et  ladite  comtesse  ledit  Robert  comme 
son  bon  nepveu.  > 

151  page  181  —  Personne  n'eut  plus  de  part  que  Rt^fert  à  e$ 
qu'un  fils  de  Charles  de  Valois  parvint  au  trône... 

L'ancienne  chronique  de.  Flandre  allait  même  jusqu'à  lui  en 
donner  tout  l'honneur  :  c  Et  n'estoient  mie  les  barons  d'accord 
de  faire  le  roy,  mais  toutefois  par  le  pourchas  de  messire  Ro* 
bert  d'Artois  fut  tant  la  chose  démenée,  que  messire  Philippe... 
fat  élu  à  roy  de  France.  >  Cbroo..  ch.  lxyii,  p.  131,  Mém.  Ac 
Insc.  X,  593. 

152  —  page  182  —  L«  roi  réservait  à  Robert  le  droit  de  pro* 
poser  set  raisons,., 

€  Sur  ce  qu'il  lui  a  esté  donné  à  entendre,  que  au  traiité  de 
mariage  de  Philippe  d'Artois  avec  Blanche  de  Bretagne...  du- 
quel traicté  furent  faites  deux  paires  de  lettres  rattifiiées  par 
Philippe  le  Bel...  et  furent  enregistrées  en  nostreCour  es  re- 
gistre, lesquelles  lettres,  depuis  le  deceds  dudit  comte,  ont  esié 
fortraites  par  notre  chière  cousine  Mabault  d'Artois.  >  1329. 
Chron.  de  Flandre,  p.  601. 

153  —  page  182  et  suiv. — ...  La  maîtresse  de  Vévêque,  une  cer- 
faine  dame  Divion... 

«  Qusdam  mulier  nobilis  et  formosa,  quae  fuerat  M.  Theodc- 
rici  concubina.  >  Gest.  cpisc,  Leod.,  p.  408. 

La  Divion  prétendit  que  Jeanne  de  Valois  la  menaçait  de  la  faire 
hrûier ... 

Elle  l'en  menaçait  môme  au  nom  du  Roi.  t  J'ai  voulu  vous 


398  AP^SSQICS,. 

< 

exenser»  disaît-clle,  ea  luy  représontant  qae.vous  n'aviez  nalla 
desdiiea  lettre^  et  il  m'a  répondu  qu'il  vou$  feroil  ardoirse 
You»  ne  l'en  bailler  •  Ibid.,  600. 
*  ...  BUi  y  plaqua d€  vieux  sceatix,  etc. 

La  DiTion  ajrati  été  envoyée  tout  exprès  eajirtois  pour  se 
procurer  le  sceau  du  comte  Elle  parvîal  apcès  quelque  recher- 
che à  eu  trouver  un  entre  les  mains  d'Ourson  le  Borgne  dit  le 
beau  Pariais.  U  en  voulait  trois  cents  livres.  Comme  elle  ne  les 
avait  pas» .elle  offrit  d'abord  en  gage  un  cheval  noir  sur  lequel 
son  mari  avait  |oûlé  à  Ârras.  Ourson  refusa  ;  alors»  autorisée 
de  son  mari,  elle  déposa  des  joyaux,  sa/voir  deux  couronnes» 
trois  chapeaux,  deux  affiches,  deux  anneaux,  le  tout  d'or  et 
prisé  sept  cent  vingt-quatre  livres  parisis.  »  Ibid  »  609-610.  — 
1  Ensuite  elle  prit  un  scel  à  une  lettre  qui  estoit  scellée  dudit 
évéque  Thierry,  et  par  barat  engigneur.  Testa  de  cette  lettre 
TÎeille  et  la  plaça  à  la  nouvelle.  Et  a  ce  faire  furent  présens 
Jeanne  et  Marie,  meschines  (servantes)  de  ladite  Divion^  laquelle 
Harie  tenoit  la  chandelle,  et  Jehanne  li  aidoit.  ■  Ibid  ,  598.  Dé- 
position de  Martin  de  Nuesport.  La  Divion  déclara  qu'elle 
assista  seule  avec  la  dame  de  Beaumont  et  Jeanne  à  Tapplica- 
tion  des  sceaux  c  et  n'y  avoit  à  faire  que  elles  trois  tant  seule- 
ment. >  Ibid.,  p.  611.  ^  Déplus  c  pour  ce  que  le  Roy  Philippe 
avoit  accoustumé  de  faire  ses  lettres  en  latin,  »  on  aTaît  de- 
mandé à  un  chapelain  Thibaulx,de  Veaux,  de  donner  en  cette 
langue  le  commencement  et  la  fin  d'une  lettre  de  confirmation 
qui  devait,  disait-on,  servir  au  mariage  de  .Jean  d.' Artois  avec 
la  demoiselle  de  Leuze.  Ibid.,  612. 

A  cette  époque  de  caUigraphie,  etc.*. 

La  Divion  semble  pourtant  jittacher  grande  importiance  à  son 
œuvre  ;  elle  faisait  passer  les  pièces,  à  mesure  qu'elle  les  fa- 
briquait, à  Robert  d'Artois,  c  Disant  teles  paroles.  Sire  vées  ci 
copie  des  lettres  que  nous  avons,  gardez  si  elle  est  bonne  ;  et  il 
respondoit  :  Si  je  l'avoie  de  celle  forme,  il  me  suffîroit.  a  Elle 
Touiut  même  les  soumettre  dabotd  à  des  experts.  Mém.  Ac., 
!•  ib. 

Robert  produisait  einquante^nq  témoifu... 
Archives,  Sent.  hist.  /.,  439,  no  2.  —  Ils  avaient  eu  soin  de 
ménager  à  ces  témoignages  un  commencement  de  preuve  par 


APPBmtGB.  399 

écrit,  dans  la  fausse  lettre  de  Tévèqse  d'Arras  :  «  Dc:iqi|<>ilcs 
lettres  jon^en  ay  une,  et  les  antoes  eu  Uraietié  du .  mariage, ma^ 
dame  la  Royne  Jehaniie  furontpai*  tm  de  iio»?gea<ida  sûigneurs 
gettésa«ifea«.o  >  lbidi>  p.  ft97.  * 

1/  sonêiwtmtU  te  r(mi(m,.eic. .. 

c...  Et  Jura- au  Rey,  mains  levées  vem  les  saints^tque  un  < 
homme  vestude  noir  aussi  oomme  rarcbcfesquede  Roven,  il. 
avoit  baillé  lesdites  lettres  de  confirmation.  «  Cet  bomraen  \éiw 
de  noirétail  son  confesseur;  Robert  les  lui  avait  données^  puis 
les  avait  reçues  de  ses  mains;  moyennant  quoi  il  jurait  en*' 
toute  sûreté  de  conscience.  Ibid.,  p.  610. 

La  Divto»  amma  tout  ûimi  qnu  Us.tàmoins., . 

Jacques  Rondelle  convint  qu'on  lui  avait  dit»  que  s'il  dépo^ 
sait  c  ce  luy  vaudroit  un  voyage  à  Saint^lacques  en^fiallicè.» 
Gérard  de  Juvigny,  «  qu'il  avdil  rendu  fatfx  témoignage  ft  la 
rcqucste  dudit  Monsieur^obcrt,  qui  venoil  chies  luy  si  se»*./ 
vent,  qu'il  en  estoitteut  ennuyé...  ^  Ibid.,  599i<  ^ 

Déposition  de  la  Divion  :  c  ...  Item  elle  confesse  que-Prot' 
sondit  clere«  de  son'- commandements  eserfpt  toutes  lesdites- 
fausses  lettres  de  sa  maîo^  ei  eseript  celle  ou  pent  le  scel-de  la- 
diic  feu  comtesse  une  penne  d^airain,  pour  sa  main  desgui- 
zicr...  Item  elle  dit  que  mons,  Robert  assez  tost  après  en  en* 
-voya  ledit  Prot  elle  ne  scet  où,  en  quel  lieu,  ne  en  quel  part» 
que  elle  avoit  dit  à  mous.  Robert,  Sire,  je  ne  say  que  nonsi  fa- 
ciens  de  eest  derc,  je  me  doubt  trop  de  sa  contenance,  ear  il 
est  si  paoureus  que  c'est  merveille  et  que  àchaenBefiChose  que*: 
il  oyoit  la  nuit,.  .îL  dit  :  -Ay  ma  damotaelle*  AyichaaneiiAyUe* 
banne,  les  sergents  me  .viennent  querre,  en  soyoeffrabntret  dt« 
saut  :  Je  en  ay  4ro^  grand  paoar.  Et  à  moy  messie  aâàdit  plu- 
sieurs fois»  toutde  jours;. de  lagrant  paour  quil  en  aveit;qiie 
se  il  est  pris  et  miv  en  «prison ^i il  dira  tout  sans  riens  espari^ierk 
Et  dit  que  ledit  nlonSi  Robert  li  respondoit,  Noua  nous  enohe* 
virons  bien  Mertitle  'ne'seet,  eu  rh  est^  fors  que  elle  croit «ique-; 
il  est  en  ancmis  des  tiébergement»  des  tepsaefe  andit  mona^ 
Robert.  •  Àriskwif^  Secimm  Mii.  T.  44(^  no  H.'  hem  elle  ditrqne 
par  trop  de  fois  la  dite  dameiMarie  sagenouilla  devant  elle,  en 
li  priant,  en  plorantet  adjointes  moins,  par  telx  moarPonr 
if  damoiselley  laites  tant  que  Moaaeigneuff  aie  ces  letlret 


400  APPENDICE. 

que  VOUS  savez,  qui  li  ont  méiicr  pour  son  droit  don  eomté 
d'Artoys,  et  je  say  bien  que  vous  le  ferez  bien  se  il  vous  plaist, 
car  ce  soit  grand  meschief  s'il  estoit  déshérité  par  deffaut  de 
lettres,  il  ne  H  faut  que  trop  peu  de  lettre.  Le  roy  a  dit  à  Ma- 
dame que  sil  li  en  puet  monstrer  lelre,  ja  si  petite  ne  fei,  que 
li  délivrera  Ja  conté,  et  pour  Dieu  pensez  en  et  en  mettez  Mon- 
seigneur et  Madame  hors  de  la  mesaise  ou  il  en  sont.  Car  ii 
sont  en  si  grant  tristesse  quil  n'en  pueent  boire,  mengier,  dor- 
mir ne  reposer  nuit  ne  jour.  >  Archiva,  Section  hist.  J.  440, 
n^ll. 

154  —  page  184  —  B(>bert  avait  envoyé  des  auastim  pomr  tutr 
le  duc  de  Bourgogne... 

c  Les  assassins  vinrent  jusqu'à  Reims,  ou  ils  cnidoient  tron- 
,ver  le  comte  de  Bar  a  une  feste  qu'il  y  devoit  lenir  pour 
dames  ;  >  mais  on  était  sur  leurs  traces,  ils  durent  revenir  ;  ce 
coyp  manqué,  Robert  d'Artois  se  décida  à  venir  lui-même  en 
France.  Il  y  passa  quinze  jours,  et  revint  convaincu  par  les  in- 
sinuations de  sa  femme  que  tout  Paris  serait  pour  lui,  s'il  tuait 
le  roi.  Mém.  de  l'Acad.,  x,  p«  6i5-6. 

155  —  page  184  —  Robert  essayait  d'envoûter  la  reine  et  son 
fils... 

a  Entre  la  Saint-Remy  et  la  Toussaint  de  la  mémp  année  1333, 
frère  Henry  fut  mandé  par  Robert,  qui,  après  beaucoup  de  ca- 
resses, débuta  par  luy  faire  derechef  une  fausse  confidence,  et 
luy  dit  que  ses  amis  luy  avoient  envoyé  de  France  un  volt  ou 
voust,  que  la  Reine  avoit  fait  contre  luy.  Frère  Henry  lui  de- 
manda <  que  est  ce  que  voust?  C'est  une  image  de  cire,  ré- 
pondit Robert,  que  l'en*  fait  pour  baptiser,  pour  grever  ceux 
que  l'on  welt  grever.  L'en  ne  les  appelle  pas  en  ces  pays  voulz, 
répliqua  le  moine,  l'en  les  appelle  manies.  >  Robert  ne  soutint 
pas  longtemps  cette  imposture  :  il  avoua  à  frère  Henry  que  ce 
qu'il  vcnoitde  luy  dire  de  la  Reine  n'esloit  pas  vray,  mais  qu'il 
avoit  un  secret  important  h  luy  communiquer  ;  qu'il  ne  le  lui 
diroit  qu'après  qu'il  auroit  juré  qu'il  Icprenoit  sous  le  soeau  de 
de  la  confession.  Le  moine  jura,  c  la  main  mise  au  piz.  •  Alors 
Robert  ouvrit  un  polit  ecrln  et  en  tira  t  une  image  de  cire  en- 


APPENDICE.  404 

velopëe  en  un  qucf rc^hicf  crespé«  laquelle  image  estoit  à  la 
semblancc  d'une  figure  d'un  jueune  homme,  et  csloil  bien  de 
la  longueur  d'un  pied  et  demi,  ce  li  semble,  et  si  le  vit  bien 
elerement  par  le  quevrc^chief  qui  e$ioit  mouU  déliez,  et  avoit 
entour  le  chicf  semblancc  de  cheveux  aussi  comme  un  jeune 
homme  qui  porte  chief.  >  Le  moine  voulut  y  toucher.  «  N'y  tou- 
chiez, frère  Henry,  luy  dit  Robert,  il  est  tout  fait,  iccstuy  c&t 
tout  baptisiez,  l'en  le  m'a  envoyé  de  France  tout  fait  et  tout 
baptisé;  il  n'y  faut  rien  à  cestuy,  et  est  fait  contre  Jehan  de 
France  en  son  nom,  et  pouj-  le  grever  :  Ce  vous  dis-je  bien  en 
confession,  mais  je  en  vouldroye  avoir  un  autre  que  je  voul- 
droye  que  il  fut  baptisié.  Et  pour  qui  est-ce»  dit  frère  Henry. 
C'est  contre  une  deablesse,  dit  Robert,  c'est  contre  la  Royne, 
non  pas  Roy  ne,  c'est  une  dyablesse;  ja  tant  comme  elle  vive, 
elle  ne  fera  bien  ne  ne  fera  que  moy  grever,  ne  ja  que  elle  vive 
je  n'auray  ma  paix,  mais  se  elle  estoit  morte  et  son  fîls  mort, 
je  auroie  ma  paix  tantos  au  Roy,  quar  de  luy  fcrois-jc  tout  ce 
qu'il  me  plairoit,  je  ne  m'en  double  mie,  si  vous  prie  que  vous  me 
le  baptisiez,  quar  il  est  tout  fait,  il  n'y  faut  que  le  baplesmc,  je 
ay  tout  prcst  les  parrains  et  les  maraincs  et  quant  que  il  y  a 
mcsticr,  fors  de  baptisemcnt...  Il  n\  faull  à  faire  fors  aussi 
comme  à  un  enfant  baptiser,  et  dire  les  noms  qui  y  appar- 
tiennent, s  Le  moine  refusa  son  ministère  pour  de  pareilles 
opérations,  remontra  c  que  c'éloit  mal  fait  d'y  avoir  créance, 
que  cela  ne  convenoit  point  à  si  hault  homme  comme  il  estoit, 
vous  le  voulez  faire  sur  le  Roy  et  sur  la  Royne  qui  sont  les 
pcrsennes  du  monde  qui  plus  vous  peuvent  ramener  à  hon- 
neur. B  Monsieur  Robert  répondit .  c  Je  amcroie  mieux  estran- 
gler  le  dyable  que  le  dyable  m'estranglast   »  Ibitl,  p.  627. 

156  —  page  185  —  BenoU  XII  ovova  en  jiienraiit  aux  (im- 
biMStadain  impériaux,  etc. 

«  In  aurem  nuntiis,  quasi  fleus  conquerebatur,  quod  ad 
principem  esset  inclinatus.  et  quod  rex  Francis  sibi  scripserit 
ccrtis  litteris,  si  Bavarum  sine  ejus  voluntate  absolveret,  pejora 
sibi  fierenty  quam  papse  Bonifacio  a  suis  praedecessoribus  cs- 
acnt  facta.  >  Albcrlus  Argent.,  p.  127. 

ut.  20 


■»  V  ^^  » 

qne  yots  savez,  qui  U  ont  méiicr  pow  |: 
d-Artoys.  el  je  say  bien  qne  vons  le  fere|  9-      ^ 


.j),j  APPBSDKE. 

onr  r 

car  ce  soit  grand  mcschief  sM  esloil  |  é  ^      ^ 
lettres,  il  ne  li  faut  qne  trop  peu  d^  f  |  ^     ' 
dame  que  sil  U  en  puel  monslrcr  ^^^.  <h  o  ^ 
li  délivrera  la  coulé,  et  pour  Di^»  1 1.  ^  |   # 
seigneur  el  Madame  hors  de'^  ^^  \%^^% 
sont  en  si  granl  tristesse  quiV^^  i  %^,  ^  V  ^  t 
mir  ne  reposer  nuit  ne  \^>  |  |  |  f  .  ^  ?-  | 

154 -page  18V-;^,  |n  1'^  I  ^  ^^ 
20  duc  de  Bourflfojme.^  ^  ^  ^  ?  1 1-  ^ 

«  Les  assassins  'I  ^  i  $  1  v-  '^ 
ver  le  comte  dr|  ^  ^  |,  ^ 

dames;  t  mais;;|5  *  -»«  **" 

coyp  manqué   C  |  -''  -  Voyci  Rymet. 

France.  W^'i-/  *'">  *^<^' 

sinuations  : 

le  roi.  Mé  '  tiWt^  huissaienl  h  comte  pnrcB  qa'il 

,  au  partage  de  leur  commerce.,. 

195  ô.  Joannis  Angeliaci  et  Kupell®  dédit  u\  IW 

/M*.,.  .equenlare  porlum  Flandrcnsem  apudSlusamtd 

«  uascumque  mercaturas  consliluenlesque  stabilem  âbi 

fi*  vinorum  suorum  in  oppido  Dummensi  ..  eaque  in  mer- 

T      ara  omne  monopolium  prohibens.  >  Meyer,  p.  i3o. 

159—  page  iBl—ArtevMe  organisa  um  rigoureuse  turannie... 

c  El  avoil  adonc  à  Gand  un  homme  qui  avoil  été  brasseur  de 
miel  ;  celui  éloit  entré  en  si  grande  fortune  et  en  si  grande 
grftee  à  tous  les  FlanMods,  que  e'éioit  tout  fati  et  bienfait 
quand  il  vouloit  deviser  et  commaader  f>:urtoui  Fluidre,  de 
l'un  des  côtés  jusques  à  l'autre  ;  et  n'y  avoil  aucun,  comme 
grand  qu'il  fut,  qui  de  rien,  osât  trépasser  son  commandcmoBl, 
ni  contredire.  Il  avoil  toujours  après  lui  allant  aval  (en  bas)  U 
ville  de  Gand  soixante  ou  quatre-vingts  \arlels  armés,  entre 
lesquels  il  y  en  a\X)it  deux  ou  Iroîs  qui  savoicnl  aucuns  de  ses 
secret;  el  quand  il  encontroit  un  homme  qu'il  heoit  (baîssnt) 


^^^. 


<-» 


APPENDICE.  403 

npçon,  il  étoit  tantôt  tué  ;  ear  il  avoît 


^     ^i.  varlctset  dit  :•#  Srtôt  que  j'^eanlre- 


<i2.     ^  ^ais  nn  tel  signe,  si  le  tues  sam  4é- 


^1r. 


<;;^^  '^  ^'  comme  haut  qu'il  aoit,  sans  ai- 

;•  <!,  ^  ^oil  souvent  ;  et  en4it  en  <*?tle 

%,  1^  "^  ^  tuer  :  par  quoi  il  éloliei 

^   -^  '  ^  *^^^  ^r  contre  chose  qu'il  vou- 

^  '  '^  'V^  'edire.  Et  tantM  ^ue  ces 

%  \  %  "^^J^^      ^  o  hôtel .  ehâeum  aliôit 

2^  %  ^     <j;  -î^  ♦'^  ^  '  revcDoftBBl  devant 

;'  ^^^'>^f^^  %J^^  '^  jusque»  aétmc 

\  •'>  %  *%^  -*  **Wo  P«WBi 

'  '^^  *^.  **  -a  souper.  Ct  aacli^z 

^  ^^  ,  avo«C  chacm  îour  quatre 

^  ^lOfMur  les  frais  et  pour  sfcs 

.  payer  4e  semaine  en  sennaine.  \\ 
Ai%  les  villes  de  Flandre  et  les  chalelleries 
./fés  àtae  gi^es,  pettr  Caire  tons  ses  Aomnpan- 
^pier  s'il  avoit  nuU^  part  personne  qui  fût  cet>alld  à 
qui  dm  oo  îftfotmAA  aoeun  centre  ses  voleoté».  Et  fitôt 
.  i4  ee  sawt  a«cmii  en  une  vilte,  U  ae  cesaoit  iamaâA  tent  ^u'ril 
faut  banoi  ou  fait  Uur  saas  déport  (délai)  ;  îa^il  (celui^si)  pe 
s'en  pot  i^der   Bt  meaMBcnt  touf  Km  plus  puis$ania  de 
Hanéra,  dievaliers»  éeuyers  «L  les  boni^ois  des  honiiieft  villes 
qa^n pensait  qui  fussent  lavoraides  wx  eemie  de  Flandre  en  au- 
cune aMoièee^sl  ita  baaniaeoii de f^atiilre  et levoii  la  rooiiiCdc 
leurs  rev«aue%  et  iassaaii  l'antre  moilié  pour  le  diNiairo  et  }e 
gouvernement  de  leur»  fcmnies  el  de  iMKa  eofAnts.  «  Frtip- 
sart,  t.  U  e-  LXT»  F»  ^- 
■  jÉrteeffit  Uiêiaà  ^'ea  temtk  ia  rpy  d'^ng/etarre  4  «aRiy.  »^. . 
Sauvage,  p.  143*.  •€  Ojas  tedevis  ^neôpol  austères  f^icre  J(i- 
cob  Artevelda,  et  Sigerus  Curtracensis  equcs  Flandrus  nobilis  - 
aîaïaai.  Sed  banc  J4|d4»vipu...  jussu  Philippi  régis,  Brugi«  de- 
eoUavit.  t  Meyer,  p.  138,  comp.  Froissa  t,  p.  187. 


160  ^  page  19 1  ---  ITifeiianf  /Ir  Wrt  iMnë  hw  paroiMei  «•/# 
drculttire  au  forple. .. 
Armer,  t.  !▼,  p.  B0&.   De  même  anratit  la  campagne  qiii  ae 


40i  APPENDICE. 

termina  par  la  bataille  de  Crécy,  il  écrivit  aux  dcax  chefs  des 
Domioicains  et  des  Augustins,  prédicateurs  populaires  :  i  Rcx 
dileclo  sibi  in  Cbristo...  ad  informandum  intelligcalias  et  ani* 
roandum  nostrorum  corda  fidelium...  specialiler  vos  quibus 
expedire  viderelis  clero  et  populo  velitis  patenter  exponere  ..  » 
Rymer,  Acta  public,  V,  496. 

161  ~  page  194  —  L«  Flamands  idlinnipilUr  Arques  à  dUè 
de  Saint^Omsr,.. 

c  Robert  d'Artois  les  conduisait  :  Par  un^  mercredi  malin  il 
manda  tous  les  chèvetaines  de  son  ost,  et  leur  dit  :  Seigneurs, 
j*ay  ouy  nouvelles  que  m'en  voise  vers  la  ville  de  Saint-Omer, 
et  que  tantost  me  sera  rendue.  Lesquels  sans  délay  se  cou- 
rurent armer,  et  disoîent  l'un  à  l'antre  :  Or  tost,  compain  : 
Nous  bevrons  encore  en  huy  de  ees  bons  vins  de  Saint-Omer.  » 
Chronique  publiée  par  Sauvage,  p.  106. 

16t  —  page  195  —  Heureusement  pour  Edouard^  Us  Brtia§m 
prit  feu,,. 

Le  comte  de  M ontfort  étant  venu  lui  faire  hommage,  c  Quand 
le  roi  anglois  eut  oui  ces  paroles,  il  y  entendit  volontiera,  car 
il  regarda  et  imagina  que  la  guerre  du  Roy  de  France  en  serait 
embellie,  et  qu'il  ne  pouvoit  avoir  une  plus  belle  entrée  au 
royaume,  ne  plus  profitable,  que  par  Bretagne;  et  tant  qu'il 
avoit  guerroyé  par  les  Allemands  et  .les  Flamands  et  les  Bra- 
bançons, il  n 'avoit  fait  fors  que  frayé  et  dépendu  grandement 
et  grossement  ;  et  l'avoient  mené  et  démené  les  seigneurs  de 
l'Empire  qui  avoient  pris  son  or  et  son  argent,  ainsi  que  l'a- 
voient voulu,  et  rien  n'avoient  fait.  »  Froissart,  ann.  1341»  il, 
p.  20.  Los  lettres  par  lesquelles  Louis  de  Bavière  révoque  le 
titre  de  vicaire  de  l'Empire  sont  du  25  juin  1341. 

163  —  page  199  —  Monfort  avait  pour  lui  les  Bretaiu  6f«- 
tonnants...  , 

Froissart,  t.  I,  c.  314.  <  Si  chevaucha  le  connestable  pre- 
mièrement Brctigne  bretonnant,  pourtant  qu'il  la  sentoil  tous- 
jours  plus  incline  au  duc  Jehan  de  Monfort,  que  Bretagne  gal- 
lot.  >  —  «  La  dame  de  Montfort  tenoit  plusieurs  /orteresses  en 


APPENDICE.  405 

Bretagne  brclonnant.  t  — Le  comte  de  Montfort  fut  enterré  à 
Quimpcrcorontin  Sauvage,  p.  175. 


164  —  page  199—  Vadver$airê  tU  Montfori,  Charles  de  Bioif, 
n'était  pas  moins  qu'un  saint.  . 

Procès-verbal  et  informations  sur  la  vie  et  les  miracles  de 
Charles  duc  de  "Bretagne  ,  de  la  maison  de  France,  etc.  Ms.  de 
la  Bihl,  du  Roi,  î  vol/in-foL  tio  5381.  D.  Morice,  Preuves,  t.  Il, 
p.  1,  en  a  donné  l'extrait,  d'après  un  autre  manuscrit.  ^  24^ 
témoin.  Yves  le  Clerc,  t.  I,  p.  147  :  >  Non.mutabat  cilicem 
saum,  dum  fnisset  tanto  plénum  pediculis,  quod  mirum  erat, 
et  quaudo  cubicularius  \olebat  amovere  pedicdios  a  diclo  ci- 
lice,  ipse  dominus  Carolus  dicebat  :  ■  Dimiltatis,  nolo  quod 
aliquem  pediculum  amovcatis,  >  c  et  dicebat  quod  sibi  malum 
non  faclebant^el  quod,  quando  ipsum  pungebant,  recordaba- 
lur  de  Deo  •... 

Quand  il  priait  Dieu,  il  se  baltdit  furieusement  la  poitrine,.. 

t  In  tantum  quod  adstaniibus  vidcbatur  quod  a  sensu  alie* 
nains  erat,  et  color  vultus  ipsius  mutabatur  de  nalurali  colore 
in  viridem.  »  17»  témoin,  Pagan  de  Quélen,  t.  I,  p.  87. 

165  —  page  200--  Montfort  se  rendit^  et  contre  la  capitulation 
fut  enfermé  à  la  tour  du  Louvre.., 

La  chronique  en  vers  de  Guillaume  de  Saint-André,  conseil- 
ler, ambassadeur  et  secrétaire  du  duc  Jean  lY,  notaire  apos- 
tolique et  impérial,  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  duplicité  dont 
on  usa  envers  lui.  Boujoux,  111,  p.  178. 

166  —  page  202  —  Les  fabricants  soutenus  par  ArtevelJe, 
écrasèrent  les  owsriei^s... 

4  Malus  dies  lune  (Den  quaden  macndahj  ..  Pugnabant  lex- 
lores  contra  fullones  aeparvum  quœstum.  Dux  tcxtorum  Gerar- 
dQS  erat,  quibus  et  Artevelda  accessit.  »  Meyef,  p.  146.  »  Les- 
quels ayant  occis  plus  de  quinze  cents  foulions,  chassèrent  les 
antres  dudict  mesiier  hors  de  la  ville,  et  réduisirent  ledict 
mestier  de  foulions  à  nrant,  comme  il  est  cncoircs  pour  le 
jonrd'bni.  •  Oudcgb.  f.  Ï7Î. 


406 .  APPBimiCB. 

167  —  page  2d3  «-  Arteveldê  fut  tui... 

c  Quand  il  eut  fait  son  tour,  il  revint  à  Gand  et  entra  en  la 
ville,  ainsi  comme  à  l'heore  de  midi.  Ceux  de  la  ville  qui  bien 
sa  voient  sa  revenue,  étoient  ^semblés  sur  la  rue  par  où  il  de- 
voit  chevaucher  en  son  hôtel.  Sitôt  qu'ils  le  virent,  ils  odtai- 
mencèrent  à  murmurer  et  à  bouter  trois  tètes  en  un  chaperoa, 
et  dirent  :  c  Voici  celui  qui  est  trop  grand  maître  et  qui  veut 
ordonner  de  la  comté  de  Flaadn  à  sa  volonté;  ce  ne  fait  mie  à 
souffrir.  »...  Ainsi  que  iacques  d'Àrlevelle  cbevauchoit  par  la 
rue.  il  se  aperçut  tantôt  qu'il  y  avoit  aucune  chose  de  nouvel 
contre  lui,  car  ceux  4ui  se  souloient  incliner  et  ôter  leurs 
ehaperons  ooatre  lui»  lui  tournoient  l'épaule,  et  rentroienten 
lours  maisons.  Si  se  commença  à  douter;  et  sitôt  qu'il  fut  des- 
cendu en  spn  hôtel,  il  fit  fermer  et  barrer  portes  et  huis  et  fe- 
nêtres. A  peine  eurent  ses  varlets  ce  fait,  quand  la  rue  où  il 
demeuroii.  fut  toute  couverte,  devant  et  derrière,  de  gens, 
spécialement  de  menues  de  métier.  Là  fut  son  hôtel  environné 
et  assailli  devant  et  derrière,  et  rompu  par  force.  Bien  est  voir 
(vrai)  que  ceux  de  dedans  se  défendirent  moult  longuement 
et  en  altcrrèreni  et  blessèrent  plusieurs  ;  mais  finalement  ils 
ne  purent  durer,  car  ils  étoieut  assaillis  si  roide  que  presque 
les  trois  quarts  de  la  ville  étoient  à  cet  assaut.  Quand  Jacques 
d'Artevelle  vil  TefForl,  et  comment  il  étoil  oppressé,  il  vint  à  une 
fenêtre  sur  la  rue,  se  commença  à  humilier  et  dire,  par  trop 
beau  langage  et  à  un  chef  :  «  Bonnes  gens,  que  vous  faus?  Que 
vous  meut  ?  Pourquoi  êtcs-vous  si  troublés  sur  moi  ?  En  quelle 
manière  vous  puis-je  avoir  courroucé?  Dite&-le  moi,  et  je  la- 
menderai  pleinement  à  votre  volonté.  >  Donc  répondirent-îls, 
à  une  voix,  ceux  qui  ouï  l'avoienl  :   c  Nous  voulons  avoir 
compte  du  grand  trésor  de  Flandre  que  vous  avez  dévoyé  sans 
titre  de  raison.  •  Donc,  répondit  Artevelle  moult  doucement: 
a  Certes,  seigneurs,  au  trésor  de  Flandre  ne  pria-je  onoques 
denier.  Or  vous  retraiez  bellement  en  vos  maisoftS,  je  voas  ea 
prie,  et  revenez  demain  au  matin   ei  je  serai  si  pourvu  de  voaa 
faire  et  rendre  bon  compte  que  par  raison  il  \^oaa  devra 
sufiire.  »  Donc  répondirent-ils,  d'une  voix  :  «  Nennin,  nennia, 
nous  le  voulons  tantôt  avoir;  vous  ne  nous  échapperez  miia 
ainsi  :  nous  savons  de  vérité  que  voas  l'avez  vidé  de  piéça,  et 


APP8N0ICB.  407 

«nvoyé  en  Ai»gleterre,  sans  noire  sçn,  pour  bquelle  canse  il 
TOns  faot  mourir.  »  Quand  Àrtovclle  onil  ce  mot,  il  joignit  sea 
mains  et  eommança  pleurer  moult  teodoemeni,  et  dit  :  c  Sei- 
gneurs, tel  que  je  suis  vous  m'avez  fait,  et  me  jurâtes  jadis  que 
contre  tous  hommes  vous  me  défendriea  tt  gardorioa;  et  main* 
tenant  vous  me  voulez  occire  et  sans  raison.  Faire  le  pouvez»  si 
vous  voulez,  car  je  ne  sais  que  un  seul  homme  centre  vous  tous» 
à  point  de  défense.  Avisez  pour  Dieu,  et  retournez  an  temps 
passé.  Si  considérez  les  gr&ces  et  les  grands  courtoisies  que 
jadis  vous  a  faites.  Votis  me  voulez  rendre  petit  guerredon 
(récompense)  des  grands  hiens  que  au  temps  passé  je  vous  ai 
faits.  Ne  savez*vou8  comment  toute  marchandise  étoit  périe  en 
ce  pays?  je  la  voua  reconvrai.  Ko  aprèsi  je  vous  ai  gouvernés 
en  si  grande  paix,  que  vous  avez  eu,  du  temiK  de  mon  gouver- 
nement, toutes  choses  à  volonté,  blé$>  laines,  avoir,  et  toutes 
marchandises,  dont  vous  êtes  recouvrés  et  en  bon  point.  • 
Adonc  commenceront  eux  à  crier  tous  à  une  voix  :  «  Descendez, 
et  ne  nous  sermonez  plus  de  si  haut;  car  nous  voulons  avoir 
compte  et  raison  iani6t  du  grand  trésor  de  Flandre  que  voua 
avez  gouverné  trop  longuement,  sans  rendre  compte;  ce  qui 
n'appartient  mte  à  nul  officier  qu'il  reçoive  les  biens  d'un  sei- 
gneur et  d'un  pays,  sans  rendre  compte.  •  Quand  ArteveUe  vit 
.qne  point  ne  se  reCroidiroieni  ni  refroneroient,  il  recloui 
(referma)  la  fenêtre,  et  s'avisa  qu'il  videroit  |»ar  derrière,  et 
s'en  irait  en  une  église  qui  joignoit  près  de  son  bétel  éloit  jit 
rompu  et  effondré  par  derrière,  ety  a«oit  plus  de  quatre  cents 
personnes  qui  tous  tiroient  à  l'avoir.  Finalement  il  lui  pris 
entre  eux  et  là  occis  sans  merci,  et  lui  donna  le  coup  de  la 
mort  un  tellier  (tisserand)  qui  s'appeloit  Thomas  Denis.  Ainsi 
fioa  Artcvcllc,  qui  en  son  temps  fut  si  grand  maître  en  Flandre: 
poures  (pauvres)  gens  i'amontèrent  (relevèrent)  premièrement, 
et  méchants  gens  le  tuèrent  en  la  parûn.  •  Froissart,  U,  S54*9. 

168  —  page  203  —  Si  l'on  en  croyait  l'invraisemblable  récit 
de  Froiêêartf  etc.,, 

•  Si  singlèrent  ce  premier  jour  à  l'ordonnance  de  ttev,  du 
vent,  et  des  mariniers,  et  eureilt  assez  bon  exploit  pour  aller 
Tcrs  Gascogne  on  le  roi  tendoit  aller.  Au  tiers  jour...  îe  vent  lea 


7 

j 

I 


406 .  kfwaoÊa. 

< 

167  —  page  "2«»  —  Àrtcnldê  f%t  tui..^      g 

c  Quand  il  eut  fait  son  lour,  il  ret*;  | 
ville,  ainsi  comme  à  l*heure  de  mi(V  ^  ^ 
sa  voient  sa  revenue,  étoient  ^se^'  f  ^  1- 
voit  chevaucher  en  son  hôtel.y  i  î  ^% 


<  h 
•^ 


mencèrent  à  murmurer  et  à  I  ^  ^>  .    . 

et  dirent  :  t  Voici  celui  qa^j/fs  >  T  %%       * 

ordonner  de  lu  comté  de  '^jl  '^t  i  i  ^ 

souffrir.  »•..  Ainsi  que  ;^  i  ^i 

rue.  il  se  aperçut  tar /|  /  -•^«- 

contre  lui,  car  ceu  *  i  ^ 

chaperons  ooaire  i  /  ^  '  .,.  :,:  "''^^":*''  ^°"»  «« 

laurs  maisons.  SV  '  .ntu^r,  AT  ?  ^'""'°^^^ - 

ceodtt  en  son  h^  ^^lentureux  de  toutes  choses,  les 

nèlrcs  A  neir  richesses .  riches  bourgeois ,  chevanx. 

demeuroit  -outeis,  et  les  plus  beaux  bœufs  du  inonde 

spéciale»;  .;^",  P*y^-;  ^:"'^-'  "•  P-  ^^^-  -•  ^^^^i^rem 

elassaill'         '*  ^  ''^       ®  P"^  ®^'  "^^"^  ®^  riches  jovaux. 

(vrw^  r       trouvèrent  si  grand  foison ,  que  garçons  n'avoienl  cnrc 

et  en    ^^''*  ^^^^^^^  ^®  ^'*^'**  *  Ibidem.  -  t  El  furent  les  Angloisde 

oe  r    f'^^^^^  ^*®"  seigneurs  trois  jours  et  envoyèrent  par  barges 

le    A^'  '^'"'^  ^"^"*  ^™P*'  joyaux,  vaisselle  d'or  et  d'argent  cl  lou- 

^     jff  autres  richesses  dont  ils  avoient  grandfoison  jusques  à  Icw 

^sse  navie;  et  eurent  avis  par  grand^deliberation  que  leur 

„avîe  à  (avec)  tout  le  conquetet  leurs  prisonniers  ilsenvcproienl 

«rrière  en  Angleterre.  •  Ibid.,  320.  -  «  El  lrouva.t^)n  en  ladite 

ville  de  Saint-Lo  manants  huit  ou  neuf  mille  que  bourgeois, que 

gens  de  métier...  on  ne  peut  croire  a  la  grand'foison  de  draps 

qu'ils  y  trouvèrent.  >  Ibid..  p.  31 1 .— bouviers  adonc  cloil  «ne 

des  villes  de  Normandie  ou  Ton  faisoil  la  plus  grande  plenlé  de 

draperie  etetoit  grosse.riche  et  marchande  mais  point  fermée... 

et  fut  robée  et  pillée,  sans  déport  c^  conquirent  les  Anglois  très 

grand  avoir,  i  ibid.,  p.  523. 

170  -  page  m  -  Pour  animer  set  gène,  Edouard  dkœmt 
à  Caen  un  acte,  etr.,. 

iaST'  '"•  ^^  '•  P-  ^®-  ~  '**  ^"^^^^-^^  PW^-n»  de  fournir 
4O0O  hommes  d  armes,  £0.000  de  pied  dont  5000  arbalétriers 


0. 


APPENDICE.  409 

<^  excepté  1000  hommes  d'armes  que  le 

'ait  choisir  ailleurs,  mais  qui  seraient 

Vohligeaient  à  entreteair  ces  iron- 

""  semaines.  Si  l'Angleterre  est con- 

%  x)nne  appartiendra  dès  lors  au 

W%»  ^^^^  ^^'  Anglais  nohies  et  ro- 

«V  '^?*«^^5{i.     *^^  églises,  barons,  nobles, et 

'^/.'%^       ^^    "*  -«ppartenant  au  pape,  à 


V.  '»t*^      '^  ^*  seront  point  com- 

v/fîi^  -ary  rapporte  cet  actç  en 

"^^  -«it-il,  à  Caen,  1346.  —  Ce  lan- 

.ddcde  la  conquête,  s'accordent  mal 
.a  Edouard  trouva  le  pays. 

page  206  et  suiv.  —  Bataille  de  Crècy... 
il  n'est  nul  homme  qui  pot  accorder  la  vérité,  spécialement 
de  la  partie  des  François,  tant  y  eut  pauvre  arroy  et  ordonnance 
en  leors  conrois  (dispositions),  et  ce  que  j'en  sais,  je  l'ai  su  le 
plus...  par  le  gens  messire  Jean  de  Uainaut,  qui  fut  toujours  de 
lei  le  roi  de  France.  »  Froissart,  111,  357. 

Ln  gens  du  roi  de  Bohême  lièrent  leurs  chevaux  au  sien^  etc... 

FnHSS.  1,  e.  ccluxtui,  p  363.  U  y  a  là  un  vieil  usage  barbare. 
Voyez  la  Germania  de  Tacite,  et  les  récits  de  la  bataille  de  Las 
navas  de  Tolosa. 

Le  ehaenp  de  bataiUe  de  Crècy,,. 

Froissart,  e.  ccxciu,  p.  373. —  Ibid.,  H,  p.  375-380  :  ■  Si  en 
eut  morts  sur  les  champs,  que  par  haies,  que  par  buissons, 
ainsi  qn'ils  foyoient,  plus  de  sept  mille  ..  Ainsi  chevauchèrent 
ceUe  matinée  les  Anglois  qoerants  aveniures  et  rencontrèrent 
plusieurs  François  qui  s'étoient  fourvoyés  le  samedi,  et  met- 
toient  tout  à  l'épéc,  et  me  fut  dit  que  des  communautés  et  des 
gcos  de  pied  des  cités  et  des  bonnes  villes  de  France  il  y  cu 
eat  mort  ce  dimanche  au  malin,  phis  quatre  fois  que  le  samedi 
que  la  grosso  bataille  fut...  Les  deux  chevaliers  messire  Regoault 
de  Cobham  et  messire  Richard  de  Stanfort  dirent  que  onze  chefs 
de  princes  étoienlr  demeurés  sur  la  place,  quatre-vingts  banne- 
rcts,  douze  cents  chevaliers  d'un  écu,  et  environ  30,000  hommes 
d'autre»  gens.  » 


41 0  APPENDICE 

172  —  page  209  —  Les  villes  maritimei  é^ Angleterre  dtm»èrrmi 
un9  flotte  à  Edouard.., 

Quelques  villes  de  rintérîeur  contribuèrent  aussi,  mais  dans 
une  proportion  bien  différente.  La  puissante  ville  d'York  donna 
un  vaisseau  et  neuf  bommes.  Andersen^  I,  322. 

173  —  page  209  —  Autour  de  Calais,  Édawtrd  bâtit  vnevWe.., 
c  Et  fit  bàlir  entre  la  ville  et  la  rivière  et  le  pont  de  Hieulai 

boiels  et  maisons  et  couvrir  lesdites  maisons  qui  etoieut  assises 
et  ordonnées  par  rues  bien  ei  facilement  d^estratn  (paille)  et  de 
genêts,  ainsi  comme  s'il  dut  là  demeurer  dix  ou  douze  ans,  car 
telle  étoit  son  intention  qu'il  ne,s*en  partiroit  par  biver  ni  par 
été,  tant  qu'il  l'eut  conquise.  »  Froiss.,  p.  38S. 

Cinq  cents  personnes  moururent  de  misère  et  de  froid,  entre  la 
ville  et  le  camp..., 

Knyghton,  De  event.  Angl.,  L  IV.  Froiasart  dit  au  coatzaire 
que  noD*8eulement  il  ie&  laissa  passer  parmi  son  ost,  mais  en* 
core  qu'il  les  ût  dîner  copiousemeat.  Il»  p>  387. 


174  —  page  210  —  Les  ^ens  de  Tournai  emportèrent 
une  tour... 

«  Si  s'avancèrent  ceux  de  Totirnay,  qai  bien  étaient 
cents  et  allèrent  de  grande  voloaié  celle  part.  Geax  de  dedans 
la  tour  en  navrèrent  aucuns.  Quand  les  compagnonsde  Toumay 
Virent  ce,  ils  furent  tous  courroucés,  et  se  mirent  de  grande  vo- 
lonté à  assaillir  oes  An  g.  aïs.  La  eut  dur  assavt  et  grand,  ci  moalt 
de  ceux  de  Tournay  blessés,  mais  ils  ûreni  tant  que  par  force  et 
grand  apperiise  de  corps,  ils  conquirent  celle  tour«  De  quoi  lea 
Français  tinrent  ce  fait  à  grand  proaaeases.  «Froisa.,  U,  p.  449. 

175  —  page  211  —  Les  Anglais  heAssaient  morteUeêienî  Ife  Ca- 

laisiens,  comfne  marins,  comme  corsaires. . . 

Villani,  qui  devait  être  trèshbien  instruH  des  affaires  de  Prince 
par  les  marcbands  florentins  et  lombards,  dit  expresaément 
qu'Edouard  était  résolu  à  faire  pendre  ceux  de  Calais  càmmepireh 
tes,  parce  qu'Qs  avaient  causé  beauea^ip  de  dcmmmges  mtx  Anglais 
sur  mer.  Villani ,  1.  12,  c.  93.  —  M  Dacier  a  comparé  les  récits 
divers  des  historiens  (Froissa  rt,  111,466-7).  Voyez  aussi  une  dîa- 


APPBNDICB.  4H 

scrlation  de  11.  Bolard,coaroanéeparla  Sociale  des  antiquaires 
de  la  Moriaie.  -^  Aueao  critique,  que  jo  sache,  n'a  senti  toute 
la  portée  du  passage  de  Villa dî. 

176  —  page  Hit  —  Cette  grande  œUon  te  fU  lam  em^Umeni... 
Cest  peut-être  pour  cela  qic  les  historiens  eontempocains  ne 

désignent  point  Eostache  de  Saint* Pierre  elsos  compagnons, 
lorsqu'ils  font  mention  de  cette  circonstance  :  «  Bargcnses  pro- 
cedebant  cum  simili  formai  hahenles  fnnes  singnli  iu  manibus 
suis,  in  signum  quod  reil  oos  hkqooo  lospenderet  velsalvaret  ad 
voluntatem  suam.  »  Knyghton.  Le  récit  de  Thomas  de  la  Moor 
s'accorde  avec  cet  hislorien.  Villani  dit  qu'ils  sortirent  nus  en 
chemises,  et  Robert  d'Avesbory  qa'Êdouard  se  contenta  de  rete- 
nir prisonniers  les  plus  considérables.  Tontes  ces  données  réu- 
nies forment  les  élémenls  du  dramatique  récit  de  Froissart. 

177  —  page  tlî,  noie  t  — Piuêieurs  Calainem  se  Ummirmit 
attx  Anylait^  enti'eemtm  Eusîathe  de  SQifU'Pi$rre*.<, 

Par  des  lettres  du  B  octobre  1347,  deux  mois  après  la  reddition 
de  Calais,  fidouard  donneà  Bastache  une  pension  considérable  en 
attendant  qu'il  ait  pourvu  plus  amplement  à  sa  fortune.  JUes  mo- 
tifs de  cette  grftee  sont  tes  services  qu'il  devait  rendre  soit  en 
maintenant  le  bon  ordre  dans  Calais,  soit  en  veillant  à  la  garde , 
de  celte  place.  D'antres  lettres  du  même  jour  lui  accordent  la 
plupart  des  maisons  et  emplacements  qu  il  avoit  possédés  dans 
cette  ville  et  en  ajoutent  quelques  autre».  V.  Frois.,  11,  o.  473. 

178  —  page  2i3  —  ...  qf**il  chasêdt  U  renard.,. 

Ce  caractère  du  fox-huter  anglais  n'est  pas  moderne.  Voy.  an 
l.  IV,  l'entrée  d'Henri  V  à  Paris. 

179  -  page  214  -^  Ce$  décimes  arrachés  au  clergé,  les  nobles  eu 
avaient  bonne  part,  , 

«  mis  autem  diebus  (1346)  levabat  domiuusrei  décimas  eccle- 
siarum  de  voluntate  domini  pape...  et  sic  infinité  pccuniœ  per 
diverses  cautclaslevabantar,  scd  rcvcra  quanto  plures  nummi  in 
Francia  per  taies  extorquebantur,  tanto  magis  Oominus  Rcx  de- 
paupeiabalur ;  pecunie  miliiibus  multis  et  nobilibus,ut  patrtana 


412  APPENDICE. 

et  regnum  juvarent  et  defensarent,  contribuebanta^,  sed  omnla 
ad  usas  inutiles  ludoruin.ad  taxilloset  indeeeotcs  jocos.contuina- 
ciler  exponebantur.  •  Conlin.  G.  de  Ijiangis,  p.  106. 

180  —  page  216  —  Narbonne  avait  diminué^  çlc.^ 
Narbonne  demande  qu'on  lui  allège  les  contributions  de 

guerre  :  •  L'inondatioita  de  l'Aude  nous  a  extrémemeat  incom- 
modes,  et  le  nombre  de  feux  est  diminué  de  cinq  cents  depuis 
quatre  à  cinq  ans;  plusieurs  habitants  sont  réduits  à  la  mendi- 
citét  ele.  >  D.  Vaissette»  Hist.  de  Lang.,  IV,  231. 

181  —  page  tl7  —  La  pest$  noire  fut  terrible  à  Pari».. 
Contin.  G.  de  Nangis,  p.  110,  et  i«  tradueleur  contemporaim  de 

la  petite  chronique  de  Saint-Denùf  nu.  Coaelin^  n.  liC^iM.  Big. 
—  c  Ad  sepeliendos  mortuos  vix  sufficere  poterant.  Pairem 
filius,  et  filius  patrem  in  grabato  relinquebat.  t  Coniim.  Cam, 
de  S.  Victore^  m«.  Bibl,  Reg,,  n.  818,  petit  tfi-4<*. 

Elle  tua  dans  Strasbourg  16,000  hommes  qui  se  crurent  dam- 
nés .  . 

Voyez,  entre  autres  ouvrages,  la  thèse  remarquable  de 
M   Schmidt  de  Strasbourg,  sur  les  mystiques  du  xiv«  siècle. 

132  —  page  218  —  Les  ftagetlants  chantant  des  eantiquês  qu*on 
n*avait  jamais  entendus, . . 

«  Novitcr  adînventas.  >  Contin.  G.  de  Nangis,  III.  —  M.  Ma- 
lurc,  bibliothécaire  de  Poitiers,  a  publié  un  cantique  fort 
remarquable  que  les  frères  delà  Croix  avaient  coutume  de  chan- 
ter dans  leurs  cérémonies  : 

Or  ayant,  entra  nous  tous  frèrei 
Battons  no^  charognes  bien  fort 
En  remembrant  la  grant  misôre 
De  Diea  et  sa  piteuse  mort. 
Qui  fut  pris  en  la  gent  amdre 
Et  yendus  et  trali  à  tort. 
Et  battu  sa  ehar  Tierge  et  dire... 
An  nom  de  ce,  battons  plus  fort,  etc. 

183  —  page  221  —  Les  jouissances  égoïstes  qui  suivent  les  gran» 
des  calamités  .. 


APPENDICE.  443 

Thucydide  nons  a  retracé  le  même  effet  dans  la  description 
de  la  peste  de  l'Attiquo.  Il  exprime  aussi  un  remarquable  pro- 
grès du  scepticisme,  lorsqu'il  rappelle  la  fausse  interprétation 
donnée  aux  paroles  de  Toracle  (Xifù;,  faim,  pour  Xciubç,  peste). 
«  Ceux  qui  restaient,  hommes  et  femmes,  se  marièrent  en  foule.  »,t 
c  ...  Sed  quod  supra  modum  admirationem  facît,  est  quod 
dicti  puerî  nati  post  tempùs  illud  mortalitatis  supradictœ,  et 
deinceps  dnm  ad  selatem  dentium  devenerunt,  non  nisi  viginti 
dentés  yel  viginti  duos  in  ore  communiter  habuerunt,  cum 
ante  dicta  tempera  homines  de  commiini  cursu  triginta  duos 
dentés  et  supra  simul  ih  mandibulis  habuissent  >  Contin. 

G.  de  Nangis,  p.  110. 

■ 

181  —  page  t23  ^  Modes  nouvelles  en  France  et  en  Angk~ 
terre... 

Cfaaucer,  198.  Gaguin,  apud  Spond.  488.  Lingard,  ann.  1390« 
t.  IV,  p.  106-7  de  latrad. 

Robes  courtes,  etc . . . 

«  Ad  fugiendum  coram  inimicis  magis  apti.  «  C.  G.  de  Nangis, 
p.  105. 

185  ^  page  225  —  Laure  est  épouse,  elle  est  mèrsy  elle  vieillit, 
toujours  adorer.., 

€  Non  tam  corpus  amasse  quam  animam...  Quo  illa  magis  în 
aelate  progressa  est...  oo  ilrmîor  in  opiniope  permanst;  et  si 
enim  visibiliter  in  vere  flos  tractu  temporis  languesceret,  nnimi 
deeus  augebatur...  »  Pétrar.,  p.  356.  Il  semble  qu'il  ait  reconnu 
plus  tard  la  vanité  de  ses  amours  :  c  Quotiens  tu^ipse...  in  hac 
civilalc  (quœ  malorum  tuorum  omnium  non  dicam  causa,  sed 
officina  est),  postquam  tibi  convaluisse  vldebaris...  pcr  vicQs 
notes  incedens  ac  sola  loconim  facie  admouilus  vetcrum  vani- 
tatum,  ad  nullius  occursum, stupuisti,  suspirasti,  subslilisli, 
denique  vix  lacrymas  tenuisti,  et  mox  semisaucius  fugicns  di« 
xisti  tccum-:  Agnosco  in  his  locis  adhuc  latere  nescio  cj^uas  an- 
tiqui  hostis  insidias;  reliquiœ  niorlis  bic  habitant...  ■  De  Cent, 
mundi,  p.  360,  cd.  Basile»,  15Si.  ^  Voyez  aussi,  entre  autres 
ouvrages  relatifs  à  Pétrarque,  les  Mémoires  de  l'ahbé  de  Sadcs, 
l'ouvrage  récent,  intitulé,  Vîaggi  di  Pctrarcha,  l'article  de  la 
Diographie  universelle,  par  M.  Fotsset,  etc. 


4U  IPPJENIUCB. 

» 

A  la  nouvelle  de  $a  morf,  Pétrarque  içrinil  ceJUe  nele  tOMokante 
sur  son  Virgile.,. 

c  Lattre,  illustre  pur  ses  propres  vertus,  et  longtemps  célé- 
brée par.  mes  vers,  parut^  pour  la  pfemièro  fois  à  mes  yeux, 
au  premier  temp  '  de  mon  adolescence»  Tan  1327,  le  6  du  mois 

.  d'avril,  à  la  première  heure  du  jour  (six  heures  du  malin),  dans 
l'église  de  Sainte-Claire  d'Avignon»  et. dans  U  mène  ville,  an 
même  mois  d'avril,  le  mémo  jour  6,  et  à  la  même  heure,  l'ao 
1348^  cette  lun^ièro  fut  eiilcyée  ^n  monde,  lorsque  j'étais  à 
Vérone,  héJas'  ignorant  mon  trisle  sort.  La  malheureuse  noo- 
velle  m'en  fut  apportée  par  une  lettre  de  mon  ami  Louis  :  elk 
me  trouva  à  Parme,  la  môme  année,  le  19  mai,  au  matia.  Ce 
corps  si  chaste  et  si  beau  fut  déposé  dans  l'église  des  Frères- 

.  Mineur»,  le  soir  do  jour  même  de  aa  moit.  So»  4ne,  je  n'eo 
doute  pas,  est  retournée  au  ciel,  d'où  elle  était  venue.  Pocr 
conserver  la  mémoire  douloureuse  4e  ceUc  perte»  j'^p<«aTe  qq 
certain  plaisir  mêlé  d'amertume  à  écrira  ceci;  d  je  ('écria  pré- 
férablement  sur  ce  livre,  qui  revient  sçuy^  ^  mes  yeux,  aio 

,  qu'il  n'y  ait  plus  rien  qui  me  plai^  d/ms  ceUe  vie«  et  \m^  mon 
lien  le  plus  fort  étant  rompu,  je  sois  averti,  par  la  vue  fré- 
quente de  ces  paroles,  et  par  la  juste  appréciation  d'une  \ie 

•  fugitive,  qo'i)  est  temps  de  sortir  de  Bàbylone  ;  ce  qiit,  a^c  le 
secours  de  la  grâce  divine,  me  deviendra  facile  par  la  eoolett- 
ptation  nftle  et  cowragenae  des  BOflns  soperfiss,  dei  vaines  es- 
pérances ot  des  é%yéncincDts  ioatteDdus  q^ti  m'ont  i^té  pea- 
dant  le  teaaps  que  j'ai  passé  sur  )a  terre.  •  IVad.  4e  X.  FoissK. 
Biogr.  iiniv.,  IXXl,  p.  467. 

186^^  page  225—  Le  poêle  avait  vu  pirir  toutes  ses  espérances. . . 

c  Que  faisons-nous  maintenant,  mon  frërç^  Tiou3  avons  icot 
éprou'  é,  et  nulle  part  n'est  1^  repos'  Quand  vlendra-t-il  ?  où  le 
chercher?  Le  temps  nous  fuit,  pour  ainsi  dire  entre  les  doigts, 
nos  vieilles  csjjc^rance^  dorment  dans  la  tombe  de  nos  amis. 
L'an  13i8  nous  a  isplés,  appauvris,. non  point  4e, ces  richesses 
que  les  mers  des  Indes,  ou  de  Carpathie  peuvent  renouveler  .... 
Il  n'est  qu'une  seule  consolation;  nous  suivrons  ceux  qui  nous 
ont  devancés  ..  Le  désespoir  me  rend  plus  calme.  Que  pour- 
rait craindre  celui  qui  tant  de  fois  a  lalté  contre  la  mort: 

•    Una  saluftTioM«au^mrsper<ar.»5al«l<4a. 


APPENDICE.  41  ^ 

Tq  me  Terras  de  jour  en  jour  agir  filits  d'Aae,  parler  avec  pi«fr 
d'âme;  et  si  quelque  dîf  dc  sojet  s'offre  à  ma  plume*  ma  plume 
sera  plas  ferte.  >  Peirareb.,  Kpni.  fam.  Pref.,  p  570. 

{37  .  page  226  ^  Lorsqu'à  se  rendit  à  Napkt,  la  nim  Jeanne 
avait  succédé  à  Robert,  etc. 

«  Ita  me  Regin»  Junioris  nnvique  Regfs  adolescentia,  ita  lapc 
Régine  alterioaœlas  et  propositnm;  ita  me  tandem  territant  au- 
licofum  iogenia  equosduos  multonim  custodis  lu porum  cré- 
dites tideo,  regnnmqiie  sine  rege...  •  p. ^9.  c  Neapolim  veni, 
Reghiasadii  et  regînamm  consiHo  interfot.  Froh  ^udor!  qaale 
monstrnm.  Auferat  ab  lialico  cœlo  Deos  genus  hoc  pestis...  • 
Ibid  ,  p.  640-1.  -^  «  Kocturnum  ilar  hic  non  secua  atqua  inlcr 
dcDsissîmas  silvas,  aneeps  ac  periculis  plcnam^  obaideniîbas 
Tîas  nebilifoos  adelesoentalis  armatis...  Quid  miri  est ..  cam 
lace  média,  inspectai! tibns  regiboa  ac  populo,  infamis  i&e  gla- 
dîaiorins  ludva  in  orbe  itala.  calebretsrt  plttsqnam  barbariea 
ferîtate  ..  >  Ibid.,  p.  64S^6. 

188  —  page  n%  —  Il  terif^ité  Rietixi  une  hitr$  9ri$t$  al  in- 
quiète. . . 

<  Gare,  obsecro,  speciôsissimmn  famé  ta»  frontem,  propriis 
nanibas  deformare.  NalH  fas  homioum  est  nisi  tibi  uni  rerum 
tiiamm  fnndamenta  eonvellere,  tu  potes  evcrtcre  qui  fa ndasti... 
ttondus  ergo  le  videbit  dc  foonorum  duce  satellitem  reprobo- 
mm...  Examina  tecam,  net  te  fallas,  qui  sis,  qui  fueris,  unde, 
quo  Toneris...  quam  personam  indoeris,  quod  nomen  assump- 
seris,  quam  spem  tnî  feceris,  quîd  professas  fueris,  tidabis  le 
non  Dominpm  Rcfpttblieae,  sed  ministnim.  »  Ibid.,  ^.  677 •^. 

189  ^  page  tS8  —  Le  roi  Jean  créa  l'ordre  de  VÊiaik... 

c  En  ce  temps  ordonna  le  roi  Jean  une  belle  compagnie  sur 
la  manière  de  la  Table  ronde,  de  laquelle  dévoient  être  trois 
cents  chevaliers  des  plus  suffisans  et  eut  en  conventVe  roi  Jean 
aux  compagnons  de  faire  une  belle  maison  et  grande  à  son 
eoflt  de  les  Saint-Denis,  là  ot  Ions  les  eompagnoiis  daveicni 
repairerà  tOQies  les  fctes  solemnelles  de  Tan...  et  leur  eonvc- 
Boii  Jurer  qao  jnmafs  ils  ne  fuiroicnt  en  bataille  pins  Iota  de 


416  APPENDICE. 

quatre  arpents,  aîoçois  mourroient  on  se  rendroient  pris...  Si 
fut  la  maison  presque  faite  et  encore  est  elle  assez  près  de  Saint- 
Denis;  et  si-  il  avenoit  que  aucuns  des  compagnons  de  r&loile 
en  vieillesse  eussent  mestier  de  être  aidés  et  que  iU  fussent 
affotblis  de  corps  et  amoindris  de  chevance,  on  lui  devoit  faire 
ses  frais  en  la  maisoli  bien  et  honorablement  pour  lui  et  pour 
deux  varlets,  si  en  la  maison  vouloit  demeurer.  *  Froiss.  III. 
53^58. 

190  ^  page  229  —  Altération  dei  monnaies  par  le  roi  Jean,,,. 

Leblanc,  4'raité  des  monnaies,  ibid.,  p.  261.  Jean  avait  d'a- 
bord cherché  à  tenir  secrètes  ces  honteuses  falsifications;  il 
nandaît  aux  officiers  des  monnaies  :  «  Sur  le  serment  que  vovs 
avez  au  Roy,  tenez  cette  chose  secretle  le  mieux  que  vous  pour- 
rez... que  par  vous  ne  aucuns  d'eux  les  changeurs  ne  autres  ne 
puissent  savoir  ne  sentir  aucune  chose;  car  si  par  vous  estsça 
en  serez  punis  par  telle  manière,  que  tous  autres  y  auront 
exemplb.  »  (24  mars  1350)  ...c  Si  aucuq  demande  à  combien  les 
blancs  sont  "ûe  loy,  feignez  qu'ils  sont  à  six  deniers.  »  Il  leur 
enjoignait  de  les  frapper  bien  exactement  aux  anciens  coins  : 
c  Afin  que  les  marchands  ne  puissent  apercevoir  rabaissement 
à  peine  d*estre  déclarés  traîtres.  >  Philippe  de  Valois  avait  osé 
aussi  autrefois  de  ces  précautions,  mais  à  la  longue  .il  avait  été 
plus  hardi  et  avait  proclamé  comme  un  droit  ce  qu'il  cachait 
d'abord  comme  une  fraude.  Jean  ne  pouvait  être  moins  hardi 
que  son  père,  c  Jasoit,  >  dit-il,  c  ce  que  à  nous  seul,  et  pour  le 
tout  de  nostre  droit  royal,  partout  nostre  royaume  apparliègne 
de  faire  teles  monnoycs  comme  il  nous  plaît,  et  de  leur  don- 
ner cour^.  •  Ord.  III,  p.  556.  Et  comme  si  ce  n'était  pas  le  peu- 
ple qui  en  souffrait,  il  donnait  cette  ressource  pour  un  revenu 
privé  qu'il  faisait  servir  aux  dépenses  publiques  c  desquelles 
sans  le  trop  grand  grief  du  peuple  dudit  Royaume  nous  ne 
pourrions  bonnement  fmer,  si  n'estoit  pas  le  domaine  et  reve- 
nue du  proufiit  et  émolument  des  monnoycs.  Préf.,  Ord.  IIL 

191  —  page  231  et  suiv.  —  Jean  demandant  aux  ÉtaU  son  droU 
de  joyeux  avénementy  te  montra  faeite  à  letive  réclamations^  cic... 

Ord.  H,  p.  39a,  15»  et  447-8.  -  Ord.  Il,  p.  408, 27^  -  Oni. 


APPENDICE.  417 

II,  p.  344.  —  Ord.  II,  p.  a50.  -  Ibid.,  p.  422,  432,  434.  «  Let- 
tres par  lesquelles  le  Roi  dcffend  que  ses  gens  n'emportent  les 
matelats  et  les  coussins  des  maisons  de  Paris  où  il  ira  loger.  » 
Autre  ordon.,  435-7.  ~  Ord.  111,  p.  26-29.  —  Ord.  lU,  p.  22  et 
seq.  Froiss.^  111,  c.  340,  p.  450. 

192  —  page  233  —  Les  Anglais  coururent  le  Languedoc,  eic». 
c  Sachez  que  ce  pays  de  Carcassonnois  et  de  Narbonuois  et 

de  Toulousain,  où  les  Anglois  furent  on  cette  saison,  étoit  en 
devant  un  des  gras  pays  du  inonde,  bonnes  gens  et  simples 
gens  qni  ne  savoient  que  c'étoit  de  guerre,  car  oncques nefu- 
rent  guerroyés,  ni  n'avoient  été  en  devant  ainçois  que  1c  prince 
de  Galles  y  convcrsast.  •  Froissart,  III,  104.—  <  'Ni  les  Anglois 
ne  faisoient  compte  de  peines  (velours)  fors  de  vaî^fScUe  d*ap« 
gent  ou  de  bons  florins.  >  Ibid.,  p.  103.  iix  addit.  «  Si  fut 
tellement  pararse  (brûlée)  et  détruite  des  Anglois  que  otcques 
n'y  demeura  de  ville  pour  héberger  un  cl>eval,  ni  à  peine  ^- 
voient  les  héritiers,  ni  les  manants  de  la  ville  rasseaer  (assigner) 
ni  dire  de  voir  (vrai  :  f  Ci  sits  mon  héritage.  —  Ainsi  fut-elle 
menée.  >  Ibid  ,  p.  120. 

193  —  page  235  —  BatailU  de  Poitiers,.. 

c  Sitôt  que  ces  gens  d'armes  furent  là  embattus,  archers 
eommencèrent  à  traire  à  exploit,  et  à  mettre  main  en  œuvre  & 
deux  côtés  de  la  haye,  et  à  verser  chevaux  et  à  enfiler  tout  de- 
dans de  ces  longues  sajètes  barbues.  Ces  chevaux  qui  traits 
esloient  et  qui  les  fers  de  ces  longues  sajètes  scntoicnt,  se  ressoi- 
gnoient,  et  ne  vouloient  avant  aller,  et  se  tourooient  l'un  de 
travers,  l'autre  de  costé,  ou  ils  chcoient  et  trébnchoient  dessous 
leurs  maîtres.  >  Froiss.,  c.  ccclvi,  p.  202-206.  ~  Les  archers 
d'Angleterre  portèrent  très-grand  avantage  à  leurs  gens,  et  trop 
ébahirent  les  François,  car  ils  traioicntsi  omniement  et  si  épaisse- 
nient,qae  les  François  ne  savoient  de  quel  cosié  entendre  qu'ils 
ne  fussent  atteints  du  trait.  •  Ibid.,  c.  ccclvh,  p.  204.  —  Dit 
messire  Jean  Cbandosau  prince:  c  Sire,  sire, chevauchez  avant, 
la  journée  est  vostie.  Dieu  sera  huy  en  vostre  main  ;  adressons- 
nous  devers  vo-stre  adversaire  le  roi  de  France;  car  cette  part 
gU  tout  le  &orl  de  la  besogne.  Dion  sçais  que  p.;r  vaillance,  il 
111.  27 


413  AP.^X^fDlCB* 

ne  fuira  point;  si  vous  <lcmciircra,  s'ilplaltà  Dieu  cl  à  sai«i 
George.  .  >  Ces  paroles  é?ertttferent  si  le  prince,  qu'il  dil  toat 
en  haut  :  •  Jean,  allons,  allons,  vous  ne  me  verres  mais  hny 
retourner,  mais  toujours  chevaucher  avant.  •  Adoncquesi,  dit  à 
sa  bannière  :  «  Chevauchez  avant,  banmère,  au  nom  de  Dieu  el 
4e  saint  Georges.  >  Ibid.,  c.  ccglvui,  p.  205. 

Trois  fUs  du  rovs$  retirèrent  par  Vordrtdeienr  pèr9^i^ 
Je  suis  ici  le  cottiiAualeur  de  QuiUaiime  de  Kaogis  de  préfet 
ren«e  à  Ff  oissart.  Voyez  l'importanle  ietlredu<«omle  d'Armm- 
gnac,  publiée  par.  M.  Lacabane,  dan»  son  exceUtat*  ariUa 
Charles^,  Diclionnaire  de  la  Conversation. 
Jeai  domta wrdre aux eieue  de metire pMà  ierrê..^ 
Froissart  a'y  voit  que  le  côté  chevaleresque  :  c  EA  ne  monlm 
pa»  semblant  de  fuir  ui  de  reculer  qoiiad  il  dit  àses  hooMMs  :* 
c  A  pied!  à  pied!  «  Et  fit  deacendce  tous  ceux  qui  à  dicval  es- 
toiûttt,  ei  il  mesme  oe  mil  à. pied  devant  itous'iesistens,  «oe 
haobe  de  guerre  en  ses  mûns^  et  fit  passer  avant  tesibanatères 
au  nom  de  Dieu  ei  devint  Deays.  y  Uiid*,  c*  eocas,  p.  âiL 

194 «-page  237  —  VineoUnte  courtoisie  des  AngtaïK,, 
t  Si  éloit  le  roi  de  France  monté  sur  un  grand  blanc  cour» 
•sier,  très-bien  arréé  et  appareillé  de  lout  poi«i,  et  le  prince  de 
Galles  sur  un^  petite  baquenée  uoîm  de  iès^  hiL  Aiasi<  fut-ii 
convoyé  tout  le  longde.la  eité  de  Londree*;.  >  Froias^^'C 
xcGLXxv,  p.  ,367^8  *-*  «-  Un  peu  ipuèt  lut  le  >roi  'de4hrftooe« 
traaalaAé  de  l'hôtel. de  Savoie  et  remk'att  chasiel:  de  Winisor-, 
et  tous  ces  hoatels«i  gens.  Si  alloit.voler,>  chasser; tdéèulneel 
prendre  tous  aes-  esbattwnent»  environ  .Windsor,.  Ainsi  tpiik  lui 
plaisoît.  ft  Ibid.,  p.  i69i 

195'-^  pag«»i38  '^-  Mai^e$ifmiifiePa/h..; 

«  Sur  la  rive  gauche,-  ies  progrès-  de  'ia  poptrhtfon  n'ayant 
^u^po  éid  sensibles,  il  n'y  ont  qu'à  réparer  ies  murailteâ  et  A  les 
retuler-de  deux. ou  trot» cents  pas.  Mafs-sur  la  rive' droite,  où 
les  Parisiens  se  portaient  de  préféi'enee,  Marcel  dut  ordonner 
qu'on  eonstrmi«lt  une  muraiHe  flanquée  de  tours.  Cette  muraille, 
partant  de  la  jfK)rle  Barbette,  sur  le  quai  des  Ormes,  passait  par 
i' Arsenal»  les  rues  Saint-Anloine,  du  Tempie,  5aint  Martin» 


ÀPFENOICB.  449 

Saint-Denis,  Hontinsrtee.  des  Fosséfi-Montmtrtre,  la  plaoe^  des 
Victoires,  l'Hôtel  de  Toulouse>(la  Banque  actaoUe),le  iardin  du 
Palais-Royal,  la  rue  Richelieu,  et  arrivait  à  la  porte  Sfiint* 
Honoré  par  la  rue  de  ce  nom,  et  jusqu'au  bord  de  la  Seiqe^  Sur 
les  #eux  rives  du  fleuve,  des  bastilles  furent  con^ruitea  pour  * 
protéger  les  portes»  et  l'on,  fortifia  d'un  .fossé  i'ile  Saint-'Loaisv 
qu'on  appelait  en  ce  tempfr-U  l'Ile  NotrenDame,  afin  qu'elle  pàt, 
dansle  besoÎAf^devonip  ua(lieii.de  xelugeiponr  ie».habiJbants  de. .. 

Paris. 

«  Ces  tra\'aux,  poussés  avee  une* activité  extrême,  se-eonU-. 
nuèrent  durant  quatre  années»  et  co6tèrenl  cent  qttfdre-viagt^. 
deax  mille  cinq   cent  vingt  livres  pariais,  qui  font  huit. cent 
mille  livres  de  notre  monnaie,  somme  énorme  pour  ce  tempsr   - 
là.  Tout  l'honneuren' revient  à  Ëtienae  Xaveel;  à  ^e  épeqvo 
où  Paris  était  si  aouveat  menaeé,  pefsofln«w>«yaEt  iui,. n 'avait ■ 
pensé  qu'il  fût  nécessaire  de  le  mettre  en  étsA  «le^défianse.^    ■ 
Pemns,  Etienne  llareel,.page  80  (.1860). 

196  -^  page  240  —  Paris^  enlre  le  Louore  et  U  Temple... 

Le  parloir  aux  bourgeois^  siège  des  délibérations  des  écbevins,  . 
était  situé  aux  environs  du  Cbàtelet.  Marcel  acheta  aux  frais  de 
la  municipalilé,  en  1357,  suf  la  place  de  Grève^  Tbôtel  au  Dau- 
phin ou  la  maison  aux-  pHiers.  L'Hôtel-derYiUe.  actuel  ne  fut  , 
commencé  qaen  i525.^>.. 

197  —  page  244  ■—  Paris  voyait  arriver  par  totUes  ses  portes 
lu  patfsans  avec  leurs  fainilles,  etc.. . 

<  Duce  Normandiae,  qui  rcgnum  jure  baereditario...  defcn'dci^e 
et  regcre  tenebatur,  nulla  remédia  apponeute,  magna  [ars 
populi  rusticani ..  ad  civitatem  Parisiënsem...  cum  uxoribus  et 
îiberis  ..  accurrere...  Nec  parcebatur  in  hoc  Rellgiosis  quibus- 
cumque.  Propter  quod  monachi  et  moniales  ..  sorores  de' 
Poissiaco,  de  Longoeampo,  etc.  *  Gontin.  G.  de  l^angis,  p  li<h  ' 

ij%  —  pageMi*^  4l€éêrî  Eê  eo^:.. 

M.  Perrons  s'est  attaché  à  réfuter  lesiealomma  foi  ma/Ldbmtii  • 
curei  ce  caractère^  p.  8» 4  83,>£ii6nne  Murcel  (i86Q|w  Voir  aussi 
sur  Lc£oq,..la  judiéieme-appcéaistàoii^iaren' faiijM.'illQAis 


i20  APPENDICE. 

199  —  page  245  et  saiv.  —  La  remontranee  des  états... 

Ms  de  la  Bibliothèque  royale^  fonds  Dttptcy,  no  646,  \et  Brienne, 
no  376. 

kss  èt€Us  exigeaient  que  le  dauphin  gouieemât  avet  l'assisimue 
de  trente^six  élus,,. 

Un  document  publié  par  M.  Douet  d'Arcq  en  donne  la  liste, 
lorsqu'une  nouvelle  victoire  de  la  bourgeoisie  modifia  la  conn* 
position  de  ce  conseil.  Le  clergé  obtint  d'y  être  représenté  par 
Onze  prélats,  les  nobles  par  six  des  leurs,  le  tiers  par  dix-sept 
bourgeois.  Bibliolhèque  de  TËcole  de  Chartes,  t.  II,  p.  360  et 
suiv.  V.  Perrens,  page  60,  Ëiiennc  Marcel  (1860). 

D'autres  élus  envoyés  dans  les  provinces  pouvaieiU  punir  sasts 
forme  de  procès, 

t  Sans  figure  de  jugement.  »  Commission  des  trois  élus  des 
Ëtats  pour  les  diocèses  de  Clermont  et  de  Saint-Flour.  3  mars 
1356  (1357).  Ordonn.  IV,  181. 

L'aide  «  ne  serait  levée  que  par  de  bonnes  gens,  ordonnés  par 
les  États  >... 

c  Lesquels  jureront  aux  saints  évangiles  de  Dieu,  qu'ils  ne 
donneront  ni  distribueront  ledit  argent  à  notre  seigneur  le  Roy/ 
ni  à  nous,  ni  à  d'autres,  si  ce  n'est  aux  gens  d'armes...  Et  si 
aucun  de  nos  officiers  vouloit  le  prendre^  nous  voulons  que  les* 
dits  receveurs  puissent  leur  résister,  et  s'ils  ne  sont  pas  assez 
forts  qu'ils  appellent  leurs  voisins  des  bonnes  villes  (art.  2). 
Le  duc  de  Bourgogne,  le  comte  de  Flandre  et  autres  nobles  on 
députés  des  villes,  qui  ne  sont  pas  venus  aux  Ëtats,  sont  requis 
d'y  venir  à  la  Quasimodo,  avec  intimation  que  s'ils  ne  viennent, 
ils  seront  tenus  à  ce  qu'auront  ordonné  ceux  qui  y  viendront 
(art.  5).  »Ordon.,  III,  126-7. 

Le  droit  de  prise  cesse.,. 

Seulement,  dans  les  voyages  du  roi,  de  la  reine  et  du  dau« 
phin,  leurs  maîtres  d'bôlel  pourront,  hors  des  villes,  faire 
prendre  par  les  gens  de  la  justice  du  lieu,  des  tables,  des 
coussins,  de  la  paille,  et  des  voitures,  le  tout  en  payant,  et  seu- 
lement  pour  un  jour.  >  Ibidem. 
On  défend  aux  magistrats  de  faire  le  commerce,,. 
Défense  aux  conseillers  et  officiers  de  faire  marchandise. 
I  Les  denrées  sont  aucunes  foiz  par  leurs  mauvaistiez  grande- 


APPENDICE.  421 

ment  cnetaéries;  et  qui  pis  est,  pour  leur  gautesse,  il  est  peu  de 
personnes  qui  osent  mettre  aux  denrées  que  euh  ou  leurs  fac- 
teurs pour  eux  bent  avoir  ou  acheter...  »  Art.  3f .  Ibidem. 

Le  grand  Cinueil,  le  Parlemèni,  ta  chambré  des  Comptés,  dot- 
vent  t^asiembter  au  éoléit  levàni,,. 

Ceci  n'est  pas  dans  Vordonnance,  mais  dans  la  Remontrance 
d^à  oîlëe.  On  y  dit  aussi  c  que  ceux  qui  voulbient  gouverner 
n'étant  que  deux  ou  trois,  les  choses  souffroient  de  longs  dé- 
lais ;  que  ceux  qui  poursuivoient  la  court,  chevaliers,  écuyers  et 
bourgeois,  étoient  si  dommages  par  ces  délais,  qu'ils  vendoient 
leurs  chevaux,  et  partoient  sans  réponse,  mal  contens,  etc.  > 
Msdeïa  Bihl.  royale,  f^mdi  Dupuy^,  n»  616,  et  Briénne,  n»  276. 

^200  —  page  247  —  La  royauté  ne  vivait  que  d^ahus... 
H.  Perrens  dit  très-bien,  page  11  :  «  11  n'est  point  vrai  de 
dire  que,  pour  faire  contre-poids  à  la  noblesse,  le  pouvoir  royal 
fit  alliance  ayec  les  classes  populaires  :  il  se  servait  tantôt  de 
l'une,  tantôt  des  autres,  et,  à  la  faveur  de  leurs  discordes, 
poussait  chaque  jour  plus  loin  ses  empiétements  et  ses  progrès. 
Si  la  nation  s'est  affranchie  à  la  longue,  ce  n'est  point  par  son 
concours,  mais  malgré  les  obstacles  qu'il  mettait  sur  sa  route. 
L'histoire  de  nos  rois  n'est,  le  plus  souvent,  qu'une  longue 
suite  de  conjurations  qu'ils  croyaient  légitimes,  puisqu'ils  se 
regardaient  comme  investis  d'un  droit  supérieur  pour  comman- 
der aux  autres  hommes.  Que  fût- il  arrivé,  si  les  successeurs  de 
Hugues  Capet,  si  les  Valois  et  les  Bourbons  eussent  fait  le  per- 
sonnage populaire  qu'on  a  cru  voir  dans  leur  histoire?  Selon 
toute  apparence,  la  Révolution  française  en  eAt  été  avancée 
de  quelques  siècles,  et  elle  n'eût  coûté  ni  tant  de  sang  ni  tant 
de  ruines.  > 

201  ^  page  248  —  Dant  cette  dissolution  du  royaume,  la 
commune  restaii  viioante, . . 

«  Etienne  Marcel  donnait  tous  ses  soins  à  l'organisation  des 
milices  bourgeoises»  qui  existaient  depuis  longtemps,  mais  qui 
manquaient  de  discipline.  II  donna  à  chaque  quartier  un  chef 
militaire  qui,  sous  le  nom  de  quartinier,  commandait  aux  ein- 
quantainiers,  lesquels  commandaient  à  cinquante  hommes,  el 


\   4*22  AFPSNDKE. 

aux  (lu«i niera  qui  ea  commandai eni  dix.  Ainsi, iea  ordres  du 
.  .  prévdi  '  des  marcliandà;  communiqués  diractomcnt  aox  qo&rle- 
nier&««rôttienil  par  ceux-oit  aux  ûaquanlainiers  et  par  les^  cin- 
quankainicrs  aux  dizainifirs,  qui  pouvaient,  en  peu  de  temps, 
réunir  leurs  hommes  et  se  teoir  prêts  à  ioui  évéuemcnU  La 
cbarge  de  quarlinier  avait  pris  par  là  nue  grande  importance  ; 
Maroel  la  relera  encore  ou  la  rendant  élective—  • 

Marcel  entrait  en  même  lerapa  dans  les-  moiodroa  détails  de 
l'admiaistratioa- municipale.  11  e^joiot.aux. Parisiens,  par  une 
0TdoniiaDCO,«  de  mainUsnirlapropseii  dans  le»  rues,  chacun 
devant  sa  maison,  et-  de*  no  point  laisser  iaurs-  pourceattXren 
liberXé,  s'ils  ne  les  voulaient  voici  tuer- par  dos  sergcnU.  » 

Ces  règlements  de  police  étaient  d'autant  plus  nécessaires 
qu'à  cette  époque  la  population  de  Paris.s'était  accrue  d'an 
grand  nombre-  d'habitants  des  campagn^Si  qui  venaient  j 
chercher  un  abri.  V.  p«  315. 

Marcel  ne  ferma  jamais  les  portes  à  ces  malheureux,  et  pré- 
serva Parii  jusqu'au  dernier  moment  de  la  famine  et  de  la  peste. 
(Perrcns,  Etienne  Marcel,  p.  139»  IBQOJ 

202  —  page  249  —  Le  roi  dé  Navarre  revint  à  Parh.,. 

c  Et  mesmcmcnt  le  duc  de  Normandie  le  festa  grandemeut. 
Mais  faire  le  convonoit,  car  le  prévost  des  marchands  et  ceux 
de  son  accord  le.  cnnortèrent  à  ce  faire.  *  Froissart,  III,  p.  290. 

203  —  page  250  -—  A  Rouen ^  iî  Kt  descendre  du  gibet  le  corps 
de  ses  amis,  etc. 

«  Le  corps  du  comlè'd'HarcoDrl  avait  déjà  été  enlevé  depuis 
longtemps.  Les  trois  autres  corps  furcnl  ensevelis  par  trois 
rendus  (frères  convers)  de  la  Madeleine  de  Rouen.  Chacun  de 
ces  corps  fut  ensuite  mis  dans  un  coftrc,  et  il  y  eut  un  qua- 
trième coffre  vide  en  représentation  du  comte  d'Harcourl.  Ce 
dernier  coffre  fut  mis  dans  un  char  à  dames.  »  Secousse, 
p.  165.  —  «  Campanis  pulsatis...  sermone  per  ipsum  regom 
prius  facto,  ubr  asbtrmpsît  thcma  islud  :  Innocentes  et  Tccli 
adhœserunt  mih!  (Ps.  xxiv,  2f ).  »  Cent.  G.  de  Nangis! 

'  204-^  pagu  250  —  Le  dauphin  fitehaHiauBti  à  Paris,  etc.. 
.Ledadphin  voulait,  disait*  il,  vivre  et  mourir  avec  eux,  ks- 


AmifDids.  423 

g^nd&rfnes  qu'il  réunissait  étaient  pour  défendre  Icr  rêyaume 
contre  les  ennemis  qni  le  ravageaient  impunément  par  la  faute- 
de  ceux  qni  s'étaient  emparés  dn  gon^emement  ;  il  aurait  déjà 
ebassé  ces  ennemis  s'il  avait  eu*  Cadminislralion  de  la  finance, 
•mais  il  n'avait  pas  touché  un  dénier  ni  •  une  maille  de  tout 
l'argent  levé  par  les  ttata.  «^  Marcel  ^  «averti  de  i>ffet  firoduit 
parce  discours,  fit  à  son  lonr  assembler  le  peuple  à  Saint- 
Jacques  de  rUépital.  Le  duc  y  vint»  maîs<  ne'put*  se  faire  en- 
tendre. ConsaCi  partisan' du  -pré'tôl',  parla  contr»  k»  jofficieri;  il 
7  avait  tant  de  mauvaises' herbes*  disait^  il,  qnelea  bonnes  ne 
pouvaient  fructifier.  L'avocat  Jean  deSninl  Onde,  un  des  géné- 
raux des  aides,  déclara  qu'une  partie  de  l'argent  avait  été  mal 
employée,  et  que  plusieurs  chevaliers,  qu'il  nomma,  avaient 
reçu,  par  ordre  dn  duo  de  Normandie,  40,000  ou  50,000  mou- 
tons d'or  «  Si  comme  les  rooles  le  notoient.  >  Se^usse,«iiiât. 
de  Charles  le  MaiivaiSt  170, 

205  —  page  252  —  Four  encourager  U$  bourgeois  par  la  vue  d9 
leur  nombre^  Qiz... 

t  Dans  la  première  semaine  de  janvier,  ceux  de  Paris  or  don- 
nèrent  que  ils  auroieot  tous  chapperons  my  partis  de  drap 
rouge  et  pers.  >  Jf«.  c  Outre  ces  chaperons,  les  partisans  du 
prévôt  portèrent  encore  des  fcrmeilles  d'argent  mi-partiz  d'esr 
mail  vermeil  et  asoré,  au  dessous  avoit  escript  à  èonne  /in,  en 
signe  d'alience  de  vivre  et  roorir  avec  ledit  prévôt  contre 
toutes  personnes.  •  Lettres  d'abolition  du  10  août  f3o8» 
Secousse,,  ibid.,  p.  163. 

206  -  page  m  — *  A  Pûri$  In-'Vwn»  if^iMNwml  mr«f:  et 
ther$.„ 

c  Admiraniibua'de  hoc  et  dotentibos  prspositoineraatoenmi 
et  civibus,  quod  perregentem  et  nobiles  qui  eirca  eum  erant 
non  remediabatur,  ipsum  pluries  adierunt  oxorantes...  Qui 
optiDie  eia  feeere  promittebat,  sed...  Qninimo  mugia  gaudcrc  d& 
malis  insurgentibus  in  populis  et  afilictionibus,  et  lune  et 
poatea  Mobiles  videbantur.  >  Coot»  G»  de  Nangis,  p«  116. 

tO?  ^  pa§e  254  L$  meurtre dêi  conseillers  du  dauj^tin  aeait 
été  probablement  imposé  au  prévôt  par  Charles  le  -Alauvais,, 


)•• 


i24  APPENDICE. 

M.  Perrcns  objecte  que  le  roi  de  Navarre  n'était  pas  à  Paris, 
«  il  ne  savait  qu'à  moitié  ce  qui  s'y  passait,  au  lieu  qne  Harcel 
et  les  autres  cbeCs  de  la  bourgeoisie,  voyant  de  leurs  yeux  Ica 
deux  maréchaux  à  Tœuvre,  et  leur  opposition  constante  k 
Tautorité  des  États,  avaient  de  plus  pressantes  raisons  de  jse 
venger.  >  Perrons,  Etienne  Marcel,  page  188,  note,  1860.  —  Ce 
qui  est  certain,  c'est  que  la  mort  des  maréchaux  fui  résolue 
dans  l'assemblée  des  métiers  à  Saint-Ëloi,  et  qu'on  ne  voiilat 
point  surseoir  à  Texécution.  — -  «  Quod  uttnam  nunquam  ad 
effectum  finaliter  devenisset.  Et  fuit  isiud  prout  iste  praeposîlus 
cum  suis  me  et  muUis  audientibus  confessus  est.  •  Conl.  G.  de 
Nangis,  p.  Ii6. 

208  —  page  254  —  Plusieurs  des  commissaires  des  Étais  me 
voulurent  plus  gouverner.., 

c  Or  vous  dis  que  les  nobles  du  royaume  de  France,  et  les 
prélats  de  la  sainte  Eglise  se  commencèrent  à  tanner  de  Tem- 
prise  et  ordonnance  des  trois  états.  Si  en  laissoienl  le  prévost 
des  marchands  convenir  et  aucuns  des  bourgeois  de  Paris.  » 
Froiss.,  III,  ch  ccclxxxii,  p.  287.  Conf.  Matt.  Villani,  1.  VIII, 
c.  xxxTiii,  492. 

209  —  page  254  —  Paris  se  cliargeait  de  gouverner  la  France. 
La  France  ne  le  voulut  pas, . . 

<  Rien  ne  peut  donner  l'idée  de  l'esprit  d'opposition  qui 
régnait  dans  les  provinces  :  les  habitants  relevaient  avec 
aigreur  des  détails  sans  importance,  par  exemple,  le  traitement 
que  recevaient  les  députés  chargés  de  lever  le  subside...  On 
accusait  Harcel  et  les  siens  de  ne  se  servir  de  leur  pouvoir  que 
pour  piller  le  royaume  et  amasser  des  richesses  immenses,  i 
Pcrrens,  Etienne  Marcel,  page  141.  1860. 

210  —  page  255  —  Le  dauphin  à  Compiégne  aux  États  de  Ver^ 
mandois.., 

9  Ut  illos  principales  çccidi  faceret,  vel  si  non  posseL.. 
expugnarct  viriliter  civitatem  et  tam  diu  dictam  urbem  Pari- 
siensem...  per  impedimentum  suorum  vietualium  moles tarel.  ■ 
Contin.  G.  de  Nangi-»,  p.  117.  '^ 


APPENDICE.  425 

tlt  —  page  2SS  —  Marcel  envoya  en  Avignon  huer  des  hri* 
gands,.» 

Jean  Donati  partit  1c  8  mai  1358  pour  Avignon,  portant  à 
Pierre  Maloisel  2,000  florins  d'or  au  Mouton,  de  la  part  de 
Marcel,  qui  l'avait  chargé  de  lever  des  brigande,  et  pour  y 
acheter  des  armes.  — Marcel  avait  aussi  dans  Paris,  dit  Frois- 
sart,  un  grand  nombre  de  gens  d'armes  et  soudoyers  Navurrois 
et  Anglois,  archers  et  autres  compagnons.  Secousse,  p.  224-5. 
V.  aussi  Perrens,  Etienne  Marcel,  p.  229. 1860  :  c  II  envoyait 
de  tontes  parts  pour  enrôler  des  hommes  aguerris  et  pour 
acheter  des  armes.  Mais  presque  partout  il  était  victime  des 
malversations,  de  ses  agents  et  de  la  mauvaise  foi  des  merce- 
naires... Marcel  y  vit,  non  sans  raison,  combien  il  lui  serait 
difficile  de  se  faire  une  armée,  et  par  suite,  de  quelle  impor- 
tance il  était  de  gagner  définitivement  le  roi  de  Navarre^  qui 
en  avait  une<  » 

212  —  page  256  —  Dans  cette  guerre  chevaleresque,  etc.. 

c  Les  chevaliers  et  les  écuyers  rançonnoient-ils  assez  cour- 
toisement, à  mise  d'argent,  ou  à  coursiers- ou  à  roncins;  ou  d'un 
pauvre  gentilhomme  qui  n'avoit  de  quoi  rien  payer,  le  pre- 
noient  bien  le  service  un  quartier  d'an,  ou  deux  ou  trois.  > 
Froissart  111,  333. 

213  .  page  259  —  Le  long  de  la  Somme^  on  comptait  trente 
de  ces  souterrains.,. 

Ces  souterrains  paraissent  avoir  été  creusés  dès  l'époque  des 
invasions  normandes.  Ils  furent  probablement  agrandis  d'âge 
en  âge.  Une  partie  du  lerriloire  de  Santerre,  qui  à  elle  scule^ 
possédait  trois  de  ces  souterrains,  était  appelée  Tcrritorium 
sanctœ  liberationis.  Mém.  de  l'abbé  Lebœuf,  dans  les  Mém.  de 
l'Acad.  des  inscr.»  xxvii,  179. 


214  -—  page  259,  note  S  —  Famine  de  1358... 

Les  ecclésiastiques  eux-mêmes  souffrirent  beaucoup  :  «  MuUi 
abbates  et  monachi  depauperati  et  etiam  abbatiss»  varia  et 
aliéna  loca  per  Parisios  et  alibi,  divitiis  diminutis,  quœrere 
cogebantur.  Tune  enim  qui  oHm  cum  magna  equorum  scutife* 


436  APPSNDIGE. 

rormm  caterva  vin  fuerant  ineedere,  nnnc  pedàtand*  antco 
famulo  et  monacho  cum  victu  sobrio  poterant  contentari.  t 
Coatin.  G.  de  Naugis,  II,  i22i  ^  La  misère  et  le»  kisoltes  des 
geas  de  guerre  iiwpirèrent  souvent  aux  eccléaiaatiques  un 
courage  extraordinaire.  Nous,  voyoas  dans  une  occasioa  le 
Ghanoine  de  Rohesart  abattre  trois  Nayarrais  de  son  premier 
eoup  de  lance.  Ensuite  il  fit  merveille  d.e  sa  hache.  L'é%^ue 
de  Noyon  faisait  aussi. aine  rude  goeria  à  -ces  brigaods.  Frois- 
sart,  11^  353.  Secousse,  L  340-1. 

'   215  —  page  260  —  On  appelait  par  dèrmon  le  paytan  Jaeqn^ 
'  Bonhomme..,^ 

'  Gontiû.  G.  dé  Nangis.  Les  autres^lytifologîes  sont  ridîctries. 
Voyez  Baluze,  Pap.  Aven.,  1,  333,  etc. 

216  —  page  260  —  Qui  aurait  craint  de  maltraiter  Jacques 
Bonliamme  ?... 

■  Quand  ou  était  dans  les  bons  jours,  que  Ton  ne  voulait  pas 
tuer  ou  qu*on  ne  le  voulait  que  par  hasard  et  par  accident,  il 
y  avait  une  facétie  qui  se  reproduisait  souvent  et  qui  était 
devenue  traditionnelle.  On  enfermait  le  mari  dans  la  huche  oà 

^  Ton  pétrit  le  pain,  etjetant  la  femme  dessus  comme  sur  un  lit, 
on  la  violait.  S'il  y  avait  là  quelque  enfant  dont  les  cris  imj>or- 
tunaient,  au  moyen  d'un  lien  très-court  on  attachait  ^  cet 
enfant  un  chat  retenu  par  un  de  ses  membres. Voyez-vous  d  ici 
la  figure  de  Jacques  Bonhomme  sortant  de  sa  huche,  blémisssot 
encore  de  rage  sous  cette  couche  de  farine  qui  le  rend  grotosqae 
et  lui  ôte  jusqu'à  la  dignité  de  son  désespoir  ;  le  voyez-vous 
retrouvant  sa  femme  et  sa  fille  souillées,  son  enfant  ensao- 

,-  glanté,  dévisagé,  tué  quelquefois  par  le  chat  en   fureur?  > 
Bonnemère,  Histoire  des  Paysans.  iVofe  de  1860. 

217  —  page. 260  -^^LeeJeKfuês.  ptyirent  àiewfê  uigmeur»  un 
arrUrè  de  fdusieum  sëaifis. . . 

«  Ouerentes  niebUes  et  :  eorum  raanerîa^  cum  uxoribus  et 
iiberis  exsiirpare...  Doninas  DolHlessttae  vili  libidine  opprime- 
.  bant.  •  ConL  G.  de  Nangis,  I19« 


SfS^pageMO^  Lff/ASfttff  «ll<Miil«w«'i«ii«optl«ttie,  etc. 

«  Cb»qiie  vHlago  ▼ottUîlaToir  ion  chef,  et  au  Kea^  de  le 
prendre :p«raii  les  plus'  feranés,'  eeB  p&ysafis,  qui  pdihaifli^ent 
dans  rbîsloire  oumb»  des  bêles  feiirea,  s^adressaknrde  pi^- 
fenee  au  plii8"boiiimi>le^'aii  pias.  «oaâdérable  -  et  souvent  au 
plus  modéré.  JHns-  la  •Valata.iOti  -trouve  asinombre  de  estf  ohefs 
I>enisol  Rabours,  capkamede  Frasnoy;rLaflU>eit  de^  SsutaiMi^ 
laine,  frère  de' Pierre»  deiDèmaaiUev  qui'  élaît  président  au 
Fariement.et  oiMrseyier  idu  duai^e  ^Nomandie ;  Jean  iiiilot 
d^BslMeguy,  «  hoimne  de  bonnefane  et  renommée,  »  disant 
les  leltf  es  de  rémi^onilean  'lleraiBfet,«ttré  de  GéKdoait; 
Coiartv  le  meanierj  gsositoargaais  île  la  ootité  dadeamost  ; 
la  dame  dsi  Batencourlv  ille  idtti:8sifBieur -de!  Saint4lailiis  le 
G«nllart#  ^i^ervenSfiÊliennc  Mareel,  page -245,  d'après  leiTmor 
4sa 


'  1W9  -*-'p»ge't6i  —  Le$  noMes  se  mirent  àtner  etbrûl&iôut 
dan  fin  campagnes... 

Cbatcaubfiaîid;  Études  hîst.;  édif.MSSf ,  t:  IV,  p/170  :  ■«  Wtjus 
avons  encore  les  eomplaimes  latines  que  fon  cbantaifstfrhs 
maHiear$  de-  ces  temps,  et  ce  couplet  : 

•  >  Jasfats  Boabomme,  : 
Gtues*  csaMSrieRÉ  d'armes  vt  |»iëlMs, 
De  piller  et  manger  le  Bonhomme» 
Qui  de  iQDgtemps  Jacques  Bon  hon\me 
Se  nomme.  » 

.Ca-eoriplet  aetpilibîen  anefen?-  -»  fimr  «ler  oompfamtes 
laliiias,^03rea  Ménk^caHaclioit  Pétkot,  t.  V,  p  481. 

'  fÊê -^  paga  264--^* MafiMi'oeail'IfiâMt  d  loiiisntr  Us  Jacques... 
«Si  Marcel  éléii**trop  politique  pour  ne  pas  profiter  d'une 
élferston-  si  oppairtuaei  il  irà  pouvait  ni  la  prétoir/pirfsqu'elle 
ne  fut 4  pas  caneeHée,  nf  la  provoquer,  puisque,  malgré  l'àl- 
liaacade  qaeiqaes*  bonnes  viHes,  il^  n'exerçait'  dlrecteriiént 
-ananne  action  hors'dSS  Parl$.  TÔus'Bês  actes  sont  d'uir  homme 
que  les  événements  ont  surpris  et  qui  ne  songe  quTaprè»  coup 
à  eiL  tirer. parti,  c  Biaisa  aaoaisçafair,  éorirait-il  le  14  jatllel 


4S8  APPENDICE. 

(4358),  que  les  dites  ehoses  furent  en  Beaavoisis  commeneées 
et  faictes  sans  nostre  scen  et  volenté.  ■  On  objecte  qa*il  mTait 
intérêt  à  nier  la  part  qu'il  venait  de  prendre  à  la  Jacquerie; 
mais  il  ne  la  nie  que  pour  les  premiers  jours.  >  Perrens,  page 
239. —  t...  Et  mieuls  ameriens  estre  mort  que  avoir  appitKé 
les  fais  par  la  manière  qu'ils  furent  commencié  par  aucons  des 
gens  du  plat  paiis  de  Beanvoisis^  mais  envoiasmes  bien  trois 
cens  combatans  de  nos  gens  et  lettres  de  eredanee  pour  euls 
faire  désister  de  grans  mauls  qu'il  fisisoient,  et  pour  ce  qu'il 
ne  voudrenl  désister  des  choses  qu'il  fatsoient,  ne  encUner  à 
nostre  requeste,  nos  gens  se  départirent  d'euls  et  de  noetre 
commandement  firent  crier  bien  en  soixante  villes  sur  paine 
de  perdre  la  teste  que  nuls  ne  tuast  femmes,  ne  enTans  de 
gentil  homme,  ne  gentil  femme  se  il  n'esloit  ennemi  de  la 
bonne  ville  de  Paris,  ne  ne  robast,  pillast,  ardeist,  ne  nbalist 
maisons  qu'il  eussent,  et  au  temps  de  lors  avoit  en  la  ville  de 
Paris  plus  de  mille  que  gentils  hommes  que  gentils  femmes  et 
y  estoit  ma  dame  de  Flandres,  ma  dame  la  royne  Jehanne  et 
ma  dame  d'Orliens,  et  à  tous  on  ne  fit  que  bien  et  honneur  et 
encoresen  y  a  mil  qui  y  sont  venus  à  seurté,  ne  à  bons  gentils 
hommes,  ne  à  bonnei  gentils  femmes  qui  nul  mal  n'ont  lait  au 
peuple,  ne  ne  veulent  faire,  nous  ne  voulons  nul  mal...  > 
Lettre  d'Etienne  Marcel  aux  bonnes  villes  de  France  et  de 
Flandre  (publiée  par  M.  Kervyn  de  Lettenhove.  dans  les  Bullet. 
de  TAcad.  roy.  de  Belg.,  t.  XX,  no  9. 

n  avait  profité  du  soulèvemetU  pour  déiruir$  pluiieurs  farta- 
Têtsêê  autour  de  Paris.,. 

c  Quand  Marcel  vit  les  efforts  intelligents  de  Guillaume  Galle 
pour  former  un  faisceau  de  tant  de  bandes  dispersées,  il  com- 
prit le  parti  qu'on  pouvait  tirer  de  cette  nouvelle  force  en  la 
réglant.  C'est  pourquoi,  sur  divers  points,  il  indiqua  aux 
Jacques  les  chefs  qu'ils  devaient  choisir,  tandis  qo'aillevrs  il 
communiquait  avec  ceux  qu'ils  avaient  élus  d'eux-mêmes...  il 
leur  recommandait  de  raser  tous  les  cbÀteaux  qui  pouvaient 
nuire  aux  Parisiens*  S'il  redoutait  les  ravages  et  les  meurtres 
inutiles,  il  acceptait  le  but  df  cette  guerre,  qui  devaii  être 
l'abaissement  de  la  noblesse. 

c  Mais  bientôt  il  put  se  convaincre  qu'il  ne  suffisais  pas  de 


APPENDICE.  429 

diriger  de  loin,  par  ses  conseils,  des  alliés  indociles,  et  qu'il 
fallait  tout  ensemble  leur  envoyer  des  honimes  d'armes  et  des 
chefs  qni  leur  donnassent  l'exemple.  11  organisa  une  double 
expédition  de  Parisiens  et  de  mercenaires  à  leur  solde.  L'une, 
sous  les  ordres  de  l'épicier  Pierre  Gilles  et  de  l'orfèvre  Pierre 
Desbarres,  devait  attaquer  les  chfttcaux,  principalement  au  sud 
de  Paris...  L'autre,  dirigée  par  Jean  Vaillant,  prévôt  des  mon- 
naies, devait  se  joindre  à  Guillaume  Galle...  • 

La  bourgeoisie  parisienne,  en  prenant  part  à  la  Jacquerie, 
communique  sa  modération  aux  chefs  et  aux  paysans.  «  C'est 
un  fait  certain  que,  partout  où  elle  parut,  la  vie  même  de  ses 
plus  cruels  ennemis  fut  respectée  :  il  n'y  a  rien  à  sa  charge 
dans  le  volumineux  recueil  du  Trésor  des  Chartes,  ni  dans  les 
chroniqueurs,  si  ce  n'est  la  ruine  de  quelques  châteaux  qui  la 
menaçaient  incessamment. , On  y  voit  même  que  les  colonnes 
bourgeoises  parcouraient  le  pays  en  annonçant,  au  nom  du 
prévôt  des  marchands,  qu'il  était  défendu,  sous  peine  de  mort, 
de  tuer  les  femmes  ou  les  enfants  des  gentilshommes  ;  elles 
offraient  en  outre  un  asile  aux  familles  de  leurs  ennemis, 
lorsque  ces  familles  ne  portaient  pas  un. nom  trop  notoirement 
odieux  aux  Parisiens.  >  Perrens,  Et.  Marcel,  p.  231,  254.  1860. 

221 — page  262 — «  Les  nobUs  lurent  îantde  mal  au  pay«,etc...> 
Marcel  trace  le  tableau  de  cette  effroyable  réaction  dans  la 
lettre  qu'il  écrit,  le  il  juillet  1358,  c  aux  bonnes  villes  de 
France  et  de  Flandre  :  >  «  ...Nous  pensons  que  vous  avez  bien 
oy  parler  comment  très-grant  multitude  de  nobles,  tant  de 
vostre  paiis  de  Flandres,  d'Artois,  de  Boulonois,  de  Guinois^  de 
Ponthieu,  de  Haynault,  de  Gorbioisr  de  Beauvoisis  et  de  Ver- 
roendois,  comme  de  plusieurs  autres  lieux  par  manière  univer- 
sele  de  nobles  universaument  contre  non  nobles,  sens  faire 
distinction  quelconques  de  coulpables  on  non  coulpables,  de 
bons  ou  de  mauvais,  sont  venuz  en  armes  par  manière  d'osti- 
lité,  de  murdre  et  de  roberie,  de  ça  l'yaue  de  la  Somme  et 
ftussi  deçà  l'yaue  d'Oise,  et  combien  que  à  plusieurs  d'euls 
rien  ne  leur  ait  esté  roeffait,  toutevoies  il  ont  ars  les  villes»  tué 
les  bonnes  gens  des  paiis,  sens  pité  et  miséricorde  quelcon- 
ques, robe  et  pillié  tout  quanques  il  ont  trouvé,  femmes,  en- 


430  APPENDICE. 

faus,  prestresv  religieux,  mis  à  orueoses  gehines  pomr  saTOir 
l'avoir  des  gens  et  ycels  prendra  et  rober.,  et  plusieurs  d'icevU  > 
fait  morir  es  gebines...  les  pucelle&  corrompues  et  les-fcB&mes 
violées  en  présence  de  leurs■^Iaa£i&#.et.b^ie£nlentrifaii  plosde 
manls  plus  crueliaent  «t  pius^.  inhmrtiittRBiejit  i|ue  ancgne»  ne 
firent  les  Wandres,  ne  Sarrazins...  et  encore  .ès^dttsjnaois  {»ep- 
sévèrent  de.  jour  en  jour,  et  tous  .marchaos  qu'ils  trearveni 
mettent  à  mort  en  raençonneni  et  ostant  .leurs  marcha  mil  sqe»  -^ 
tout  homme  non  noble  de  bonnes  villes  oa4e  plat  4)aii&  ai  les 
laboureurs  tous  mcltent.à  mort  et  rx)beni  et  iiérobent.««  ELtûen . 
savons  que  monseigneur  le  duc  (le  régent)»  nous,  uoz  bieas  -et 
de  tout  le  plat  paiis  a  mis  en  hab.andoA  aus  nobles  et  de  ce 
qu'il  ont  fait  et  feront  &ur  oqiis«  les  a.  advoez»  ne.n'ont.aaircs 
gaiges  de  li  que  ce  que  il  peuvent,  rober^  et  .combien  que-iidil 
noble,  depuis  la  .prise  du  roy  noaire  sir«».ne  se  soiem.  .vola 
armer  contre  Jes  ennemis  du  royapme^  .si.^conune.chaacoaa  . 
veu  et.scou»  ne. aussi  aïonseigneuf  ie,duc,(>touievoie%ooiare 
nous  1  se  sont  armé  et  .conjtre  le .  coounun,  et.  pour  La  .irèsFsgraiil 
hayne.quiils  ont  À  nous,  et  à  tout  le  commua.et  Jes  grfint  |ûUes 
et  roberies.que  il  font^ur  le  peuple,  il  en  vient  grant  et  si 
grnnt  quantité  que  c'est  merveille.  >  Lettre.  dËiienAe  Marcel 
aux  bonnes  villri*  de  France  et  de  Flandre  (publiée  par 
H.  Kervyn  de  Letlenhove).  —  V.  aussi  Perrons,  p.  263  et  iOi 
et  seq. 

Le  régent,  qui  n'eut  pas  un  mot  de.  blâme  pouries  gentils- 
hommes qui  s'étaient  rendus. coupables  de. ces  meurtscs  eiàe-.- 
ces  spoliations,  nous-  apprend  luirméme  qu'au    moia  d'aoAt 
(1358)  les  nobles  continuaient  c  de»  piller»  de  voier,  de  violer 
dans,  les  environs  de. Aeima  [et. aiUeurs),  malgrf  les  délienaes 
par  lui  faites.  »  Les .  babitattts  de  diverses  villes,  entre  aolres 
Saint-Thierry,  Talmersy,  le  .Grand  etJe  PetitpKouillQn^.Yillen- 
Saiote-Anne^.Chanay*  Cb&lon-sarryedUi,  et  Villara^Fraoqiieax 
voulurent  s'opposer  k  ces.  indignas  .traitements^  les- noèleaea 
tuèrent  plus.de  clnquanie.  Cependant. le  priftvôt  forain  de  Laon 
accuse^lcs  hourgepisd'avnir.. attaqua  ^  gentiUhiM»ines^«uiscp* 
vice  du  régent  et  les  vevt  condamaerià  liamettde,*c.et.qne  pia-t 
est  les di^  nobles . accompaigc^ez.de . plusiaurs autres  se^soieBt . 
depuis  cffoi*cic«  et  s'efforcent  ancare<4lc.joyc.en.joyurdech<^ 


APP£^'DlCl•  424 

vaBchîer  et  chefaucbeal  coaUoQeUcmeot  èa  dites  villes  de 

mettre   à  mort  et  peurs  gcnz  et  chevaux  de  harnais  cl.autres* 

à  rançonner  villes  et  genz,  pour  lesquelles  choses  il  a  convenu 

tous  les  dix  habitanz  deedites ailles  aler  demourer  hovs  d*icelles 

sanz  que  aucun  y  soit  demeuré,  mais  sont  les  maisons  démon- 

rées  vaipoes  el  lesi^tOAs-qui  sont  ou  pais  perisseiH  ma  champs 

et  aussi   les  autres  héritages  demeurent  ga9(ey,ittCttHfve»«t 

inul'les,  dont  très^frant  domage  et  iaconveniena se  pourroiettl-  * 

cnssir,  car  le  pais  en  pourroit  estre  desers»  les  TiHe«  despen- 

p\iees  et  la  bonoe'^ille  de  Remz  perie  laquelle  des  villes  du 

plat  pais  se  gouverne  par  yccllc.  »  Lettres  de  Rémiastoo  pour  . 

les  babicans  de  SainwThierry,  eto.  kTvHoràet  Chmttt,  Reg.  86, 

fo  130).  V.  Perrons;' p.  365,  ^  p.  367  :'  t  Le  régent  avoue,  dans 

les  lettres  de  rémission,  quelles  nobles  incendiaient  et  détrui*^ 

saieat  les  villes  qui  n'avaient  pris  aucune  pari  à  h  Jacquerie; 

par«xeni|^,  daos  la  seule  pré\ôié  de  Vitry,  Heislemarroîs, 

Sirapoy,  Vitry^  BofQioouTt  et  Dully  »  Lettres  de  ftétnrission  * 

ponr  les*  habilatits>  de'  Heisfemarrois,  etc.  (Trésor  des  ChdHen^ 

heg*  8l,/'o  i2tV.' — «Les  ineendies  qu'ils  allumèrcntydit  le 

eonliaoateiir  de  fla&gis,  font  encore  verser  des  larmes.  » 

«  Lire  Perreas;  chap.  x,  sur  cette  réaction  nobiliaire  :  «  Les 
cruautés  des  n<d)Us  et  -de  leurs  hommes  d'armes  surpassèrent 
ccHes  des  paysans  parle  nombre  et  la  durée.  »  Froissart  parle 
décent  mille  hommes  qui* auraient  pris  part  à  la  Jacquerie, 
taudis  que  le  eoatinuateur  de  Nangîs  dit  six  mille  seulement. 
—  La  Jacquerie  avait  commencé  le  21  mai  1358^  iet  non  en 
novembre  13o7,  comme  le  dit  Froissart.  Le  9  juin,  jour  du  dé- 
part de  l'expédition  contre  Meaux,  elle  était  déjà  terminée  :  elle 
a\ait  donc,  en  réalité,  duré  moins  de  trois  semaines.  Les  re- 
pr(^sailles  des  nobles  étaieni  déjà  commencées  le  9  juin,  et  au 
mois  d'août,  quand  le  régent  renlra  dans  Paris,  elles  duraient 
encore  :  elles  avaient  eu  pour  théàlrc  à  peu  près  tout  le  pays 
de  langue  d'oïl.  »  —Pages  210,  iTl,  Etienne  Marcel.  1860. 

fil  —  page  265. ^  Qombii  de  la  porU  SamÂ^Hoiiorè,.. 

^.  dans  Terrens  la  discussion  de  ce  faites!  llaK6irentfa«n 
ville  avant  ou  après  le  combat  de  la  porte  Saint  Honoré.  «  H  est 
probable  que  si  Marcel  éuit  rentré  avant  le  cooUial»  il  n'eo 


433  APPENDIGB. 

eut  la  nouvelle  que  lorsque  la  lutte  était  terminée.  ■  Page  303, 
note.  1860. 

223  — page  267—  Les  meurtrière  de  Marcel  s'en  aUèremi 
éveillant  le  peuple^  etc. 

€  Ceux  qui  le  matin  avaient  pris  les  armes  pour  «  vivre  et 
mourir  avec  les  chefs  du  peuple,  •  déclaraient,  le  soir,  ne  s'être 
armés  que  pour  ouvrir  les  portes  de  Paris  au  régent.  Su  an 
instant,  tous  les  chaperons  rouges  et  pers  (bleu  foncé)  avaient 
disparu»  et  chacun  donnait  des  marques  bruyantes  d'une  joie 
qui  n'était  pas  dans  les  cœurs.  » 

Parmi  ceux  qui  donnèrent  l'exemple  de  la  résistance  aax 
vainqueurs,  il  faut  nommer  surtout  Nicolas  de  la  Courtneave. 
«  Garde  de  la  Monnaie  à  Rouen,  il  avait  été  nommé  par  Marcel 
aux  mêmes  fonctions  à  la  Monnaie  de  Paris.  Il  resta  à  son 

« 

poste,  et  il  sut  empêcher  qu'aucun  des  ouvriers  soumis  à  ses 
ordres  ne  se  prononç&t  pour  Maillard  et  le  régent.  Le  lendemain 
de  la  mort  du  prévôt,  Jean  le  Flament,  maître  de  la  Monnaie  da 
roi,  s'étant  présenté  à  l'iiôtel  des  Mosnaies  pour  en  prendre 
possession  et  s'en  faire  remettre  les  clefs,  Nicolas  de  la  Court- 
neuve  refusa  d'obéir,  attendu,  dit-il,  qu'on  ne  savait  pas  en- 
core qui  élait  le  seigneur.  ...Lorsque  enfin  il  se  fut  assuré 
qu'il  n'y  avait  plus  d'espérance,  plutét  que  de  remettre  les  cTefsà 
un  ofiicier  du  régent,  il  les  donna  à  Pierre  le  maréchal,  que 
Marcel  avait  nommé  maître  particulier  des  monnaies.  >  Perrcns» 
£t.  Marcel,  p.  319.  1860. 

22i  —  page  267  —  Le  parti  de  Marcel  survécut  à  son  chef,.. 

t  Les  forces  de  cetle  opposition  étaient  sans  doute  considé- 
rables, quoique  les  auteurs  n'en  parlent  point,  puisque,  avant 
de  rentrer  dans  Paris,  le  régent  crut  qu'il  était  nécessaire  de 
nommer  une  commission  chargée  d'admettre  les  turbulents  à 
composition  moyennant  fînance.  >  Perrens,  p.  320,  d'après  Tri* 
sordes  Chartes,  reg,  86,  p.  431. 

Une  conspiration  pour  venger  Marcel. . . 

Trésor  des  Chartes,  reg.  90,  p.  382.  Secousse.  —  V.  dans 
Perrens  le  complot  et  la  mort  héroïque  de  Martin  Pisdoé, 
t  changeur  fort  riche  et  fort  estimé.  >  Décembre  1359,  chap.ir, 
pages  3i6  et  suiv.  (1860.) 


APPENDICE.  433 

)25  —  page  267  —  Le  dauphin  fit  rendre  à  la  veuve  de  Jftir- 

cel,  etc... 

«  Marguerite  des  Essarts»  veuve  d'Etienne  Marcel,  ne  vonlnt 
point  se  remarier.  Ce  fut  en  souvenir  d«8  services  rendus  par 
son  père,  Pierre  des  Essarta,  à  Philippe  de  Valois*  que  le  régent 
lui  fit  restituer  tous  ses  biens  meubles  et  accorder  pour  elle  et 
ses  six  enfants  en  bas  âge  une  rente  annuelle  de  soixante  livres 
pari  sis,  faible  compensation  de  la  perte  des  trois  mille  écus  d'or 
qu'elle  avait  apportés  en  dot,  et  de  tous  les  biens  de  Marcel.  » 
Pcrrens,  chap.  xiv,  page  339.  (Trèeor  de$  Chariee^  Reg.  90, 
fo  49.)  1860. 

226  —  page  267  —  Marcel  tue  les  èlnts  en  Us  faisant  comme  il 
les  veut... 

Ce  fui  un  des  principaux  griefs  contre  Marcel  qu'il  ait  peu  à 
peu  laissé  convertie  le  conseil  en  une  réunion  secrète  de  ses 
seuls  amis  qu'il  présidait  lui-môme  et  qui  s*im  posait  aux  Pari* 
siens  comme  la  seule  autorité.  A  cela  l'on  répond  qu'il  était 
naturel  que  le  prévôt  s'appuy&t  sur  ses  amis  et  ne  mit  pas  ses 
adversaires  dans  le  secret  de  ses  desseins.  Ces  conciliabules 
secrets  n'en  excitèrent  pus  moins  les  accusations  les  plus  pas- 
sionnées, et  quand  plus  tard  le  dauphin  accorda  des  lettres  de 
rémission  &  la  ville  de  Paris,  il  eut  soin  d'en  excepter  les  mem- 
bres du  conseil  secret,  comme  coupables  de  haute  trahison. 
(Y.  Perrcns,  Etienne  Marcel^  p.  1)2.)  (1860.) 

227  —  page  272  ^  Il  y  eut  des  eonfieeations  et  des  supplices 
anUre  le  parti  de  Marcel... 

•  Le  régent  ne  se  contenta  pas  de  dépouiller  ceux  dont  il 
épargnait  la  vie  :  il  prenait  les  biens  de  ceux-là  mêmes  que  la 
hache  avait  frappés,  en  sorte  que  personne,  en  mourant,  ne 
pouvait  se  flatter  d'avoir  épuiâé  la  vengeance  royale... —Ses 
rigueurs  ne  frappaient  pas  seulement  les  citoyens  qui  étaient 
suspects  d'avoir  pris  une  part  active  à  la  révolution  populaire  ; 
la  vengeance  royale  s'acharnait  jusque  sur  les  boulangers  qui 
avaient  fourni  du  pain,  fût-ce  par  contrainte,  i  la  faction  vain- 
cue. Les  personnes  qu'on  arrêtait  pour  les  mettre  à  mort  étaient 
soumises  à  des  tortures  affreuses,  et  on  leur  arrachait  ainsi  tous 
nu  2d 


tô4  APPSNXHCE. 

]ed  »feax  qu'on  votiiaii,  même  les  moi  os  véritables.  >  Perreas, 
Etienne  Marcel,  c.  xiv,  1860. 

ttg>^  page  ÎTS  ->  Dèêreùe  et  P«rit  9»  1359#..  . 

c  Vn<i«  arboce»  per  Uinera  eV  yiacaft  iacidebanlur,  el  annu- 
Its  Hgnomm,  qui  tnlo  pr«  daoèus  solidis  dabalur,  dudc  pro 
onittsfloreDi  prelio  Yenditur.  »  Contin.  G.  de  Nangis»  p.  121. 
-**  t  Qaafta  anteoi  boni  Yini.»,  xigintiqujalaorsolidi.  »  Ibid., 
p*.  115,  oonf.  12». 

• 

229  —  page  273  —  Les  gens  de  Tonraine^  etc.,  achclaient  aux 
Anglais  des  ^aufs-conduits. . . 

<  Nullns  salvus»  nisi  ab  ois  salvum  conductum  litteralorie 
obtinebat  >  Cent.  G.  de  Nangis,  p.  122.  c  .. .  Se  cis  Iributarios 
rec^diderunl.  t  lbid.>P*  125^ 

230  —  page  276  —  Le  roi  d'Angleterre  n'osa  attaquer  Paris.., 
c  Angllci...  accesserunt  ...  Nobiles  qui  in  urbc  tune  crant, 

oum   domino  régente  in  bona  copia,  armisprolccii  se  extra 
moros  posuerunt,  non  multum  eloogantes  a  forialiiiis  et  for- 
salis...  Non  fuit  tune  prseliatum.  »  Ibid. 
Près  de  Chartres,  les  Anglais  éprouvèrent  un  terrible  orage.., 

<  Blaxima  pars  bigarum  etcurruum  in  viis  et  itîneribus  imbre 
nimio  madentibus  remansit,  equis  deficientibus.  >  Ibid. 

231  —  page  278  —  La  RocheUe,  d^ autant  pltts  française... 

c  Et  disoient  bien  les  plus  notables  de  la  ville  :  <  Nous  aoae» 
rons  les  Ânglois  des  lèvres,  mais  les  cmers  ne  s'en  nH>uvroDt 
jà.  >  Froiss.,  ch.  ccGcxn,  p.  229-230.  -*  Les  regrets  des  gens 
de  Cahors  ne  sont  pas  moÎM  foiicba»t»:  tResponderont  flendo 
et  lamentanda  ...  qiiod  fpsi  iion'ftdai4tl«b|iiktdoraiBum  regem 
Anglise,  imo  domitnn  «ester,  mx  FhiAcili,  î)mo$  dcrtbioqaebfti 
tanquam  orphanos.  •  Note  commun rqnée  par  M.  Lacabane» 
d'après  les  Archives  de  Cahort,  et  le-  fiwwcAi  kt  BU4.  roffale^ 

232  ~~  page  27^  -^Lsroi  Jean  vtwdibêtk  chmrH  avn  «m^... 
Mat.  YiUani,  XIV,  617.  -**.«  Le  roi  ée  FctAce,  q«i  ac  Yeoit  e& 

danger,  pour  avoir  k'argefti  plus  ajpftareilU  s'y  a4corda  légèi 
ment.  »  Froiss.  IV,  ch.  ccgcxux>  p.  79. 


APPENDICE.  485 

Î33  —  page  Î8Î  -^  L^s  croisés  se  joignaimt  plutôt  aux  Com- 
pagnies.., 

•  Plusieurs  sVd  allé "cnl  celle  pari,  chevaliers,  écuyers  et 
autres,  qui  cuidoicnl  av(ir  grands  bienfaits  du  pape  avecques 
les  pardons  dessutdit,  mais  on  ne  leur  vouloit  rien  donner,  si 
s'en  partoient...  et  se  meltoienl  en  la  mauvaise  compagnie  qui 
toudis  croissoit  de  jour  en  jour.  >  Froiss.,  ch.  cccclxix,  p.  142. 

234  —  page  ?82  —  La  sneeession  du  due  de  Bourgoguty  etc. 
Le  roi  de  Navarre  descendait  d'une  sœur  aînée,  mais  à  un 

degré  inférieur.  Jean  allégua  ;  •  Que  la  loi  écrite  si  dit  que 
outre  les  fils  des  frères,  nul  lieu  n'a  représentation,  mais  l'em- 
porte le  plus  prochain  du  sang  et  du  côté.  »  Secousse,  Preuves 
de  l'Hist.  de  Cb.  le  M.,  t.  II,  p.  201. 

235  —  page  283  —  Le  roi  d'Angleterre  alléguait  son  âge  pour 
ne  pas  prendre  la  croix. .. 

«  Oil,  dit  le  roi  d'Angleterre,  je  ae  leur  débattrois  jamais,  si 
autres  besognes  ne  me  sourdent,  et  à  mon  royaume  dont  je  ne 
nie  donne  garde.  —  Onques  le  poî  ne  pul  antre  chose  impetrer 
fors  tant  que  toujours  il  fut  liement  et  honorablement  traité  en 
dîners  et  en  grands  soupers,  t  Froiss.,  ch.  ccctxxviii,  p.  1C7. 

Î36  —  page  286  —  On  célébrait  fe  combat  def  Trente,  où  les 
Bretons  av  lient  vaincu  les  Anglais.,» 

On  a  élevé  un  monument  sur  la  lande  de  Mi-Voie,  près  Ploer- 
mel,  pour  perpétuer  le  souvenir  de  cet  événement.  Voy.  le 
poème  publié  par  M.  de  FréminvilJe,  en  18i9,  et  par  Crapelel, 
en  1827.  Voy.  aussi  M.  de  Roujoux,  Hist.  de  Bretagne,  III,  38l! 
—  La  douleur  de  Beaumanoir,  lorsqu'il  rencontra  les  paysans 
bictons  traînés  en  esclavage  par  les  Anglais,  est  exprimée  avec 
une  toachanat  naîlveié  : 


Il  vit  peiner  cbétifs,  dont  il  eut  granrrpitié. 
L'an  estoit  en  an  ceps  et  11  aolTe  ferré. . . . 
Comme  vaches  et  bœafs  que  l'on  mène  ao  marché. 
Qaand  Deanmanoir  hs  rit,  du  cœar  a  êoupirét 


iJ*^  APPENDICE. 

Beaumanoir,  s'en  plaignant  à  l'Anglais  Bemborough,  en  reçoit 
la  réponse  suivante  : 

Bianmaner,  taisiex-vous;  de  ce  n'est  plus  parlée 
Montfort  si  sera  duc  de  la  noble  duché. 
De  Nante  à  Pontorson,  et  même  à  Saint^tfahé, 
Édonard  s^ra  roy  de  France  eoaronné. 

Et  Beaumanoir,  selon  le  poêle,  lui  répondit  humblement  : 

Songiez  un  aatre  songe,  cestuy  est  mal  songié; 
Car  jamais  par  tel  voie  n'en  aorci  demi  pié. 

Au  commencement  de  la  bataille,  l'Anglais  crie  à  Beauma- 
noir • 

Rendr-toi  lot,  Beaumanoir,  je  ne  t'occiray  mie; 

Mais  je  fdray  de  toi  biau  présent  à  ma  mie- 

Car  je  lui  ai  promis,  et  ne  veux  mentir  mie. 

Que  ce  soir  le  mettrai  dans  sa  chambre  joMe  (honnête). 

Kl  Beaumanoir  répond  :  Je  te  lesnrcnvie! 

.  .  De  sueur  et  de  sang  la  terre  rosoya. 

Beaumanoir,  demandant  &  boire,  reçoit  de  Geoflfroy  Dubois  la 
fameuse  réponse  : 

Bois  ton  sang,  Beaumanoir,  la  soif  se  passera! 

L'histoire,  dit  le  poêle,  en  fut  écrite»  et  peinte  en  tappichife: 

Par  trctous  les  éiats  qui  son^de  ci  la  mer; 
Et  s*en  est  esbattu  maint  gentil  chevalier, 
Et  mainte  noble  dame  à  la  bouche  jolie. 
Or  priez,  et  Jésus,  et  Michel,  et  Marie, 
Que  Dieu  leur  soit  eo  aiie  et  dites-en,  Amen. 

237  —  page  286  —  Bertrand  Dugueselin  . . 

Duguesclin  est  nommé  dans  les  actes  Glecqnin,  Gléaqnin, 
Glayaquin,  Glesquin,  tieyquin,  Claikin,  etc.  Ceci  le  désignerait 
pour  vrai  Breton  de  race.  11  se  croyait  lui  même  descendu  d'un 
roi  maure,  Hakim,  retiré  en  Bretagne,  qui,  chassé  du  pays  par 
Charlemagne,  aurait  laissé  dans  la  tour  de  Glay  son  fils,  que 
Charles  fit  baptiser.  Le  connétable  voulait,  après  la  guerre  de 


APPENDICE.  437 

Castille,  passer  en  Afrique  ^t  conquérir  Bougie.  (Voyez  le  man, 
de  h  BibL  du  roi  :  Conquête  de  la  firet.  Armorique,  faite  par  le 
preux  Charlemagne  sur  un  g  payen  nommé  Aquin,  qui  l'atoîst 
usurpé,  etc.,  no  35,  356  du  P.  Lelong.) 

Sa  vie  a  éU  éhanièe  dans  une  eorte  d^épopée  ekevaleresque.,. 

Cils  qui  le  mist  en  rime  fast  Goveliert 

Et  pour  l'amonr  du  prince  qui  de  Dieu  soil  tauTé» 

Afin  qu'on  n'eust  pas  les  bons  fais  oubliés 

Du  vaillant  eonnestable  qui  tant  fut  rodoubtex. 

En  a  fait  les  beaux  vers  noblement  ordenei. 

ifi.  de  la  Bibl  royale,  n*  7224. 

H.  Macé,  professeur  d'histoire,  a  donné  une  notice  intéres- 
sante sur  cet  important  manuscrit  dans  l'Annuaire  de  Dinan, 
1835. 

Le  potne  avoue  quil  était  laid.,. 

Mais  l'enfant  dont  jo  dis  et  dont  je  voi^  parlant, 
Je  croi«  qu'il  not  si  lait  de  fiesnea  à  Disnant, 
Camus  esloit  et  noir,  malotru  et  massant  (?). 
Li  père  et  la  mère  si  le  héoient  tant. . . 

Ifi.  de  la  BiM.  royale,  n*  7224. 

Voyez  aussi  la  chronique  en  prose,  réimprimée  par  M.  Fran- 
cisque Michel. 

238  *  page  288  —  BalaiUe  de  Cocherel. . . 

c  Si  ordonnons  que  nous  mettions  à  cheval  trente  des  nôtres...; 
et  de  fait  ils  prendront  ledit  captai  et  trousseront  el  l'empor- 
teront entre  eux.  ■  Froiss.,  IV,  ch.  ccgclxxiviii,  p.  201. 

«  Si  y  furent  grand  temps  sur  un  état  que  de  crier  Notre- 
Bame-Auxerre,  et  de  faire  pour  ce  jour  leur  souverain  le  comte 
d'Auxerre...  Si  y  fut  avisé  et  regardé  pour  meilleur  chevalier  do 
la  place  et  qui  plus  s'étoit  combattu  de  la  main...  messire  Ber- 
trand Duguesclin.  Si  fut  ordonné  de  commun  accord  que  on 
crieroit  Notre-Dame  Guesclin.  >  Ibid.,  p.  202-3. 


tSS  APPENDICE. 

• 

Chmie*  V  donna  à  Ikiguesclin  poun  récompense  le  comté  de  Lob- 
guevUle^,, 

Les  lettres  de  donation  sont  du  27  mai  1364.  Duchàtelci, 
Hist.  de  Duguesclin,  p.  297.  —  En  1365,  le  roi  reprit  ce  comté, 
en  payant  une  partie  de  la  rançon  de  Duguesclin.  Archives,  i. 
SSL 

En  même  temps,  il  faisait  couper  la  tête  au  sire  de  Saquen- 
ville,  etc.. 

t  Si  furent  pris  &  mercy  tous  1*8  soudoyers  étrangers;  mais 
aucuns  pillards  de  la  nation  de  France,  q«i  là  «*éloieiit  hautes, 
furent  tous  morts.  »  Proiss.,  IV,  eh.  occcioviii,  p.  830. 

239  —  page  23S  — >  Le  prince  de  Galles  envoya  à  Monifort  le 
hraioe  Chandos,  elc. 

«  Chandos...  pria  plusieurs  chevaliers  et  écuyersdc  la  duché 
d'Aquitaine;  mais  trop  petit  en  y  allèrent  avec  lui,  si  ils  n'éloi^  ot 
ÂDglois.  >  Froiss.,  IV,  ch.  di,  p.  241. 

240  —  page  288  —  Beaucoup  de  Bretons  se  joignirent  à  Charles 
de  Blois., . 

c  Le  vicomte  de  Rohan,  le  sire  de  Léo»,  le  aire  deKargonle 
(Kergorlay),  le  sire  de  Loheac...  et  moult  d'autres  que  je  ne 
puis  mie  tous  nommer.  »  Ihid.,  ch.  du,  p,  242. 

241  ^-  page  289  —  Les  Bretons  voulaient  en  finir  jpar  la  mort 
de  Cun  ou  île  l'autre.., 

«  Que  si  on  venoit  au-dessus  de  la  bataille  que  messire  Cbar« 
les  de  Blois  fut  trouvé  en  la  place,  on  ne  le  devoit  point  pren- 
dre &  nulle  rançon,  mais  occire.  El  ainsi  en  cas  semblable,  les 
François  et  les  Bretons  en  avoient  ordonné  de  messire  Jean  di 
MoDifort;  car  en  ce  Jour  ils  vouloien lavoir  fin  de  la  bataille  et 
de  guerre.  >  Ibid  ,  ch.  dx,  p.  26i. 

242  —  pagei90,  note  1  ^€EtVappelU't'OnSamt-Charles*... 
Urbain  V,  bon  François^  ordonna,  il  est  vrai,  une  enquête 

pour  la  canonisaiion  de  Charles  de  Blois,  nais  il  mourut  avant 
qu'elle  fût  faite,  et  son  successeur  Grégoire  II,  souskquel^Ue 


-eailiea,  B*en  fit  aacan  fisage,  pour  ne  pss  offenser  te- duc  de 
Bretagne.  Hisl.  de  Brct.,  p.  336 (note  de  M.  Dftcter  sur  Froissard). 

243  —  page  Î9Î  —  Don  Pèdre  le  Crud  ne  se  fiait  t^tfcmx  juifs 
et  aux  Sarrasins,..  "' 

En  135?,  voulant  faire  la  gcrerre  aii  roi  d'Aragmi.  *  Ewrîb 
el  rey  D.  Pedro  a  regard  al  rey  Mahomad  de  Grtînâda,  qiie  Te 
ayuda  se  con  algunas  galeas.  »  Avala,  c.  xi. 

244  —  page  292  —  Expédition  contre  Pèdre  le  Cruàh.,       -    " 
On  a  sur  Texpédilion  d'Espagne  un  chant  languedocien  :  A 

Dona  Clamenca.  Cançon  dilta  la  bèrtat,'  fattat  sur  là  gnerra 
d'Espania,  falta  pel  generoso  Gucscliû  assislat  des  nobles 
inoundis  de  Tholosa.  1367.  Don  Tttorice,  ï,  p.  Î6,  et  Froits./lV, 
p.  286. 

245  —  page  293,  noie  2  —  Charles  V  prêta  à  Virgesrlin  fà^- 
gent  de  sa  rançon.,» 

f  A  lous  ceuls  qui  ces  présentes  lettres  verront,  Bertran  du 
Guesclin,  chevalier,  conte  de  Longueville,  chambellan  du  roy 
de  France,  mon  très-redoubté  et  souvcraio.  seigneur,  salut. 
Savoir  faisons  que  parmi  certaine  somme  de  deniers  que  ledit 
roy  mon  souverain  seigneur  nous  a  pieça  fait  bailler  en  presi, 
tant  pour  mettre  hors  de  son  royaume  les  compaignes  qui  esloîei^t 
es  parties  de  Bretaigne^  de  Normandie  et  de  Chartain  et  aillieurs 
es  basses  marches^  comme  pour  nous  aidier  à  paier  partie  de 
notre  raençon  â  noble  homme  messire  Jahan  de  Champdos^  vicomte 
de  Saint-Sauveur  et  connestable  d'AcquUtainc,  duquel  nous 
sommes  prisonnier.  Nous  avons  promis  et  promettons  audit 
roy  mon  souverain  seigneur  pas  nos  foy  et  serment  mettre  et 
emmener  hors  de  son  royaume  lesdictes  compaigttes  à  nostfe  pou- 
voir le  plus  hastivement  que  nous  pourrons,  sans  fraude  ou 
mal  engin,  el  aussi  sans  les  souffrir*  ne  souffrir  demeurer  ne 
faire  arrcst  en  aucune  partie  dudit  royaume,  se  n*est  eii  faisant 
leur  chemin,  et  ^aas  c6  €(tM  nous  >om  les  dictes  «osnp'dgnes  de* 
mandions  oupuisstdis  demander  audit  rey  mon  souverain  sei- 
gneur ne  à  ses  subgiez  (TU  bonnes  Tilles,  finance  ou  autre  aide 
qaelcoirques,  eto.  >  <ldfi5,  22  seul.)  Archives,  J.  481. 


440  APPBNDICB. 

246  —  page  294  -^  Tout  ce  qu'il  y  avait  éTaviniuriert  angUa» 
dans  Varmie  d$  Don  Enriquê,  etc. . . 

c  Si  prirent  congé  au  roi  Henry...  au  pins  eonrtoisement 
sans  eux  découvrir,  ni  l'intention  du  prince.  Le  roi  Henry  qui 
étoit  large,  courtois  et  honorable,  leur  donna  moult  douce- 
ment de  beaux  dons,  et  les  remercia  grandement  de  leur  ser- 
vice, cl  leur  départit  au  partir  de  ses  biens,  tant  que  tous  s'en 
con tentèrent.  Si  vidèrent  d'Espagne.  >  Froiss.,  eh.  nxxir, 
p.  326.  Duguesclin  avait  été  créé  duc  de  la  Molina.  D.  Moricc, 
I,  p.  1628. 

247  —  page  294  —  Liroide  Navarre  craignait  tellement  de 
te  compromettre  pour  lee  une  ou  le$  autret,  etc.. 

«  Et  supposoient  les  aucuns  que  tout  par  cautèle  s*étoit  fait 
prendre...  pourtant  que  il  ne  savoit  encore  comment  la  besogne 
se  porteroit  du  roi  Henry  et  du  roi  Don  Piètre.  »  Froissart, 
ch.  Dxxxix,  p.  369. 

248  —  page  296  —  Lee  vainqueurs  étaient  réduits  au  cm- 
gutéme^etc... 

Knyglhon,  col.  2629;  et  Froiss.,  ch.  dlxu,  p.  429.  «  Ils  por- 
toient  &  grand  meschcf  la  chaleur  et  l'air  d'Espagne,  et  môme- 
ment  le  prince  étoit  tout  pesant  et  maladieux.  >  Walsingham 
ajoute  qu'on  disait  alors  que  le  prince  avait  été  empoisonné. 
Wals.,  p.  117. 

Le  prince  de  GaUee  ne  pouvant  les  satisfaire.  Us  pillaient  rAqui' 
taine... 

t  Si  leur  fît  dire  le  prince  et  prier  qu'ils  voulussent  issir  de 
son  pays  et  aller  ailleurs  pour  chasser  et  vivre...  Ils  entrèrent 
en  France,  qu'ils  appeloient  leur  chambre.  >  Froiss  ,  ch.  dlxit, 
p.  439. 

249  —  page  297  —  c  ...  et  si  ce  n'était  auez,  il  n'y  a  femme 
en  France  sachant  filer.,. 

N'a  filairesse  en  Franee,  qui  tache  fli  filer. 
Qui  ne  gaignut  ainçoia  ma  finance  à  filer. 
Qu'elles  ne  me  volissent  hors  de  vos  las  geler. 

Ms.  de  la  Bibl.  royale.  %•  72U,  folio  86. 


APPKNDICB.  441 

550  —  page  297  —  Ld  prince  de  Galles  avait  demandé  mille 
lancée  au  eire  éTAîbret,  etc..» 

c  II  s'y  prêta  fort  mal  :  <  Messire  le  prince  do  Galles  se  truffe 
c  de  moi.  t  Adonc  demanda  tantôt  un  clerc.  11  vint.  Quand  il 
fat  venu,  il  lui  dit,  et  lo  clerc  écrivit  :  c  Cher  sire,  plaise  vous 
«  savoir  que  je  ne  saurois  sevrer  les  uns  des  autres...  et  si  au- 
c  cuns  iront,  tout  iront,  ce  sçais-je.  Dieu  vous  ait  en  sa  sainte 
c  garde.  »  Froiss.,  ch.  dxxxi,  p.  350-1. 

• 

551  ~  page  S97  -—  Il  mit  eur  lee  terrée  des  Gaeeone  un  fouage 
de  dix  sols  par  feu,.. 

Et  non  d'un  franc,  comme  le  dit  Froissart.  Lettres  du  Prince 
de  Galles,  26  janvier  1368.  Note  communiquée  par  M.  Lacabane. 
Ms.  de  la  Bibl.  royale. 

S8«  —  page  301  —  Tàut  maladif  qu'U  était,  Charîee  V  faisait 
eomlinuellement  de  dévotes proceseions.,. 

c  Tout  déchaux  et  nuds  pieds,  et  madame  la  reine  aussi...  et 
faisoit  ledit  roi  de  France  par  tout  son  royaume  être  son  peuple, 
par  contrainte  des  prélats  et  des  gens  d'église  en  celte  afflic- 
tion. »  Froiss.,  ch.  dlxxxtii,  p.  87. 

253  —  page  301  —  Toutes  les  villes  qui  se  rendaient  à  Chav" 
les  K,  etc.. 

Ordonn.  V,  p.  291,  324, 333,  338.  Sism.  IX,  p.  145. 
—  Sur  l'histoire  des  communes,  voyez  particulièrement  le 
einquième  volume  du  cours  de  M.  Guizot, 

254  —  page  303  —  Il  fallut  que  le  duc  de  Bourbon^  etc.. 

c  Puisque  combattre  ne  voulez...  dedans  trois  jours,  sire  duc 
de  Bourbon^  à  heure  de  tierce  ou  de  midi,  vous  verrez  votre 
dame  de  mère  mettre  à  cheval  et  mener  en  voie  :  si  avisez  sur 
ce,  et  la  rescouez  (délivrez)  si  vous  voulez.  •  Froiss.,  ch.  dcxx, 
p.  173.  c ...  Mais  oncques  ne  s'en  murent  ni  bougèrent.  »  Ibid., 
cb«  DGxxi,  p.  175. 

255  —  page  306  ^  La  Bretagne  était  contre  les  Anglais... 

«  Tous  les  barons,  chevaliers  et  écuyers  de  Bretagne,  étoient 


4#2  AFKNDtGS. 

4rès-b(nis  FfftDÇois  :  «  Cher  sire,  aveienUîh  dît  à  leur  ^e,  âiôl 

>  que  nous  pourrons  apercevoir  que  vous  vous  ferei  partie 

>  pour  le  roi  d* Angleterre  contre  le  roi  ëe  Prmee...  nous  tous 
«  refinqoerons  tous,  ^i  metirons  bers  àt  BrMagae*  »  f  roiss., 
Vf,  ch.  wSLntt,  p  47-t8. 

«^  ^  page  a06  «-  LaitocUle  HÉûmm  éCAtfrte  F, «où 

avec  6onnes  ré$erve$,.. 

<  ...Etauroienten  leurs  villes  €0ins  pour  forger  florins  et  mon* 
Boie  bUmtiM'eitioipe»^  teilé  ferme  elailoi  eottine  ont  ctu  de 
Paris   >  Froiss.,  VI,  ch.  dclxx,  p.  15. 

^7  —  page  307  ^  Le  due  4ê  LaneÊisirê  iraoersala  France,  etc^. 

t  Vix  quadraginta  caballos  vives*  secuni  duceos^  >  Wak, 
p.  529.—  c  Milites  famosos  et  nobiles,  delicatos  quoildain  el  divi- 
lea^..  ostiatini  metiëioaiMlOi  fMaam  petere,  nec  erat  qai  eis 
^aret.  »  Wals.,  p.  187.      . 

158  —  pMige  300  —  Alice  Pemts...     . 

c  Milites  parliamentales  graviter  conquesti  ^ant  de  quadaa 
Alicia  Pères  appellata,  lemioa  procacissima*  c  Waisângham, 
p.  189.  —  «  Illa  nunc  juxta  justiliarios  régis  residen do,  Laocm 
fero  ecdesiastico  juxta  doetores  se  collocand<^.  |jro  defeasione 
eausarnm  snadere  ac  etiam  contra  postulare  minime  ver<eba- 
tur.  >  Wals.,  p,  189.  — «  <  Invereejmda  pelien  detraxit  annalos 
a  smiadigititet  reoessik  »  Ibid. 

259  —  page  311  ^  Le  roi  de  Navarre  traite  avec  lee  An- 
glaie,  etc.. 

Secousse,  Hist.  de  Charles  le  Mauvais,  t.  1,2*  partie,  p.  173. 
—  Lebràsseur,  HisU  du  comte  d'Évreux,  p.  93.  —  Voyez  les 
pièces  originales  du  procès.  Archiies  du  royaume.i .  618. 

260  —  page  3l2  —  Charles  T  ne  put  être  forcé  ni  àamAaitn 
ni  A  rendre,  ,* 

c  Le  roi  de  France  rossoignoit  (craignait)  Bi  les lomnes  pé- 
rilleuses que  nullement  il  ne  vouloit  que  ses  gens  s'aventons- 
sent  par  bataille  sî  H  n^avoft  contre  six  les  cinq.  >  Froiss., 
VH,  !1*. 


ÀPPENDICI.  443 

26i  —  page  913  -^  La  viuUUwiê  de  $€9  c9n$lrmtM%s*^ 
€  Comment  le  roy  Charles  eblott  df  oit  arHsie  et  api^ris  es 
seienees  et  des  beamks  maçonDaf es  qv'ii  fiai  faire  :  -^  Fonda 
t'église  deSaiotrAnthoéne  dedans  l^ris.  L'église  <Saiftt*Paiil  ôal 
amender  «t  aeroÂtre,  et  maintes  aiUres  églises  et  ahapelles 
fonds,  amenda  et  enil  les  édifices  et  tfenies.  Aeemt  son  h^eft 
de  Saint'Panl;  le  chastel  du  Louvre  à  Paris  fit  édifiée  de  neuf; 
la  Bastille  Sainl-Anthoine,  combien  que  fmison  y  ait  ouvré,  el 
sus  plusieurs  des  portes  de  Paris,  isii  édifice  foit  et  bol*  Iteoi 
les  murs  veufs  et  belles,  grosses  et  bauHes  «tours  qui  «aiour 
Paris  sont.  OréooM  à  faire  le  Pont-J<ieul.  Édâliaaesoilé;  PMr 
sance  la  uDbie  maison;  répara  l'ostel  de  Saiat-Ooyn,  HoiJ^tfiC 
Tédifier  le  chastel  de  Saint-Germaitt«en-Laye  ;  Creol,  Montavgis; 
le  chastel  de  lekin  et  mains  attires  notables  édifices.  »  Cbr«st« 
de  PîSan  VI,  25.  .   . 

■ 

iGf  —  page  313  —  Il  avait  cotutruit  le  vaste  hâtet  Saint-Paut., 
Le  séjour  de  l'h^^tel  Saint-Paul  était,  disail-il,  favorable  à  sa 
santé.  Dans  ce  labyrinthe  de  chambres  qai  composaient  les  ap»- 
partements  du  roi,  on  comptait  :  la  chambre  où  giit  le  roi,  la 
grand' chambre  de  retrait^  la  chambre  de  l'estude.  De  plus,  il  } 
avait  un  jardin,  un  parc,  une  chambre  des  bains,  une  des  étu- 
ves,  une  ou  deux  autres  qu'on  appelait  chauffê^daus^  un  jetk  de 
paume,  des  lices,  une  volière,  une  cbamiMre  pour  les  teiurte- 
relles,  des  ménsgeries  pour  les  sangliers,  pour  lesgraftids  lions 
et  les  petits,  une  chambre  de  conseil,  etc.  Charles  V  atait  ren^ 
fermé  dans  son  b6tei  Ssini-Paul  plusieurs  amtres  MUels,  comms 
ceux  des  abbés  de  Saiii4-*Maur  etde  Puteymuce  (petlffiiu;  dans 
les  environs  se  tenaient  des  scribes  qui  faisaient  le  métier  d'é^ 
crire  des  pétitions  :  par  une  autre  corruption  «a  Tappolt 
Polit-Musc).  Les  appartements  du  duc  d'Orléans  n'étaient  guère 
moins  vastes  que  ceux  du  roi  ;  puis  venaient  dans  de  sembla- 
bles proportions  ceux  du  duc  de  Bourgne,  de  Mari^>  d'Isabelle, 
de  Catherine  de  France»  des  ducs  et  duchesses  do  Valois  et  do 
Bourbon»  des  princes  et  princesses  du  saog  et  do  qoaalsté  d'au* 
très  seigneurs  et  gens  do  cour.  Le  duc  dOrléana  avait  un  oabi-> 
net  qui  lui  servait  simplement  &  dire  ses  heures  et  qu'on  sf^pe* 
lait  retrait  où  dit  êeêheureê  Monsieur  Louis  de  France^  De  mémo 


4U  AFPENDICI. 

quand  on  descendail  dans  les  cours,  on  trouvait  la  marescbans- 
sée,  la  conciergerie,  la  fourille,  la  lingerie,  la  pellelerie,  la 
bouteillerie,  la  saucisserie,  le  garde-manger,  la  maison  dn  four, 
la  fauconnerie,  la  lavanderie,  la  fruiterie,  réchançoonerie,  la 
panneterie,  répicerle,  la  tapisserie,  la  charbonnerie,  le  liea  oà 
l'on  faisait  Thypocras,  la  pâtisserie,  le  bûcher,  la  taillerie,  la 
cave  aux  vins  des  maisons  du  roi,  les  cuisines,  les  jeux  de  paume, 
les  celliers,  les  poulaillers,  etc.  Les  chambres  étaient  lam- 
brissées du  bois  le  plus  rare;  jusque  dans  les  chapelles  il  y 
avait  des  cheminées  et  des  poêles  qu'on  appelait  ehauffe-'doux. 
Les  cheminées  étaient  ornées  de  statues  colossales,  selon  Ta- 
sagedu  temps;  c  celle  de  la  chambre  du  roi  avait  de  grands 
chevaux  de  pierre  ;  une  autre  était  chargée  de  douze  grosses 
bétes  et  de  treize  grands  prophèies.  >  Féliblen,  I,  p.  654-5. 
'  Le  iir$  d$  La  Rivière  en  faisait  les  honneurs.,. 

«  Pour  maintenir  sa  court  en  honneur,  le  roy  avoit  avec  loy 
barons  de  son  sang  et  autres  chevaliers  duîs  et  apris  en  toutes 
honneurs...  ainsi  mcssire  Burel  de  la  Rivière,  beau  chevalier, 
et  qui  certes  très-gracieusement,  largement  et  joyeusement 
savoit  accueillir  ceux  que  le  roy  vouloil  festoyer  et  honorer.  » 
Christ,  de  Pisan,  VI,  63. 

263  —  page  314  —  Les  astrologues  de  Charles  F... 

•  Les  grands  princes  séculiers^  (dit  un  conlemporaio  de 
Charles  Y)  n'oseroient  rien  faire  de  nouvel  sans  son  comman- 
dement* et  sans  sa  saincte  élection  (de  l'aslrologie)  ;  ils  n'ose- 
roient chasteaux  fonder,  ne  églises  édifier,  ne  guerre  commen- 
cer, ne  entrer  en  bataille,  ne  vestir  robe  nouvelle,  ne  donner 
joyau,  ne  entreprendre  un  grand  voyage,  ne  partir  de  Tostel 
sans  son  commandement.  »  Christ,  de  Pis.,  p.  208. 

264  —  page  314  — *  CaraeUre  de  Charles  V . . 

Il  ne  biftmait  pas  toute  dissimulation  :  •  Dissimuler,  disoyent 
aucuns,  est  un  rain  (une  branche)  de  trahison.  Certes,  ce  dîst 
le  roy  adont,  les  circonstances  font  les  choses  bonnes  ou  maul- 
vaises;  car  en  tel  manière  peut  estre  dissimulé,  que  c'est  verts 
et  en  telle  manière  vice;  sçavoir  :  dissimuler  contre  la  fureur 
des  gens  pervers,  quant  ce  est  bcsoing  est  grant  sens  ;  maïs 


APKNDICI.  445 

dfssimvler  et  faindre  son  courage  en  attendant  opportoni  é  de 
grever  aucun,  se  peut  appeler  vice.  >  Christine,  VI,  p.  53. 

265  -*  page  316  -*  PuUianee  det  Juifs,,, 

Ord.  III,  p.  35!  et  47i.  Conf.  à  IV,  p.  532  (4  février  1364).  -* 
Ord.  III,  p.  478,  art  26.  •*  Ils  ne  devaient  pas  prêter  snr  gages 
suspects;  mais  ils  s'étaient  ménagé  une  justification  facile. 
Article  20  des  privilèges  des  juifs  :  c  De  crainte  qu'on  ne  mette 
dans  leurs  maisons  des  choses  que  Ton  diroit  ensuite  volées, 
nous  voulons  qu'ils  ne  puissent  être  repris  pour  nulle  chose 
trouvée  chez  eux,  sauf  en  un  coffre  dont  ils  porteroientles  clefs.» 
Ord.  III.  p.  478. 

Quoique  Charles  V  eût  essayé  d'introduire  un  peu  d'ordre 
dans  la  comptabilité,  il  n'y  pouvait  voir  clair.  L'usage  des 
chiffres  romains,  maintenu  presque  jusqu'à  nous  par  la  cham- 
bre des  Comptes,  suffisait  pour  rendre  les  calculs  impossibles. 

^^  "  P^gc  317  —  Une  soljnneUe  plaidoirie  par-devant  le 
roi't  etc.. 

Pierre  Cugoières  demandait  entre  autres  choses  que  le  vassal 
félon  fût  puni  parle  seigneur  et  non  par  l'église,  sauf  la  péni- 
tence qui  viendrait  après;  qu'un  seigneur  ne  fût  pasexcom- 
ninnié  pour  les  fautes  des  siens;  que  le  juge  ecclésiastique  ne 
forçât  pas  le  vassal  d'autrui  par  excommunication  à  plaider  de- 
vant lui,  que  l'église  ne  donnât  pas  asilo  à  ceux  qui  échap- 
paient des  prisons  du  roi  ;  d'autre  part  que  les  terres  acquises 
par  le  clerc  payassent  les  taxes  et  retournassent  à  sa  famille, 
au  lieu  de  rester  en  main  morte,  que  le  clerc  qui  trafiquait  ou 
prétait  fût  sujet  à  la  taille,  qu'un  roturier  ne  donnât  moitié  de 
sa  terre  à  son  fils  clerc,  s'il  avait  deux  enfants,  etc. 

Ltf  nom  de  Favoeat  du  roi  resta  le  synonyme  d^un  mauvais  er- 
goteur,., 

•  Abiitque  in  proverbium,  ut  quem  sciolum  et-argutulum  et 
deformem  videmus,  M.  Petrum  de  Cuneriis,  vel  corrupte, 
M.  Pierre  du  Coignet  vocitemus.  >  Bulœus,  IV,  222.*Libertés  de 
l'église  gall.  Traités.  Lettres  de  Brunet,  p.  4.  —  ■  SImulacrum 
cjus,  simum  et  déforme...  quod  scholastici  pnetereuntes  stylis 
suis  scriploriis  pugnisque  confodere  etcontundere  solebanl.  t 
Bulœus,  IV,  322. 


149  AFPBfIDiCS. 

t%l  —  page  319  -*-  M»  XXU  dédarA  tgrauimnîqu^tti  kamt 
de  la  simonie,  U  se  réeérvaU... 

Balus.  Pap.  Aven,  I,  p.  722.  «  Omnia  bénéficia  ecclesiastifa 
quae  fuerunt,  et  quocumqiie  nmnine  censeantar  et  nbicnmque 
^  vacare  eontigerit.  > 

268  —  page  320 sole  9  -<*  L^kteir»  d^  M  papeese  Jeanne.., 
On  l'a  rejetée  à  Van  848,  et  efté  en  prenne  Mamoas  Festus  et 

Sigebert  de  GembltHirs  ;  mai»  en  n'en  trouve  pas  un  mol  dans 
les  ancien  mannsefits  de  ces  antesrs.  Plus  tard  seolemcDi  on 
it)sëradans'  le  ftexie  ce  qu'on  ayait  d'abonjp  écrit  à  la  marge. 
Balœas,  IV,  240. 

269  —  page  320  *  Suinte  BriyiUe  fait  dire  par  Jésus  na  pope 
d^  Avignon,., 

t  Tu  pej«r  Lwrfffero . . .  tn  injnstîor  Pilato ...  lu  immîtior  Jndi, 
qui  jfne  solum  vendidiL;  tu  aulcm  non  solum  me  veodis,  sed  et 
animas  electorum  meorum   >  S.   Brigittœ  Revelationes,  1.1, 

C.  XLI. 

270  —  page  322  —  On  considéra  tous  les  malheurs  qui  suivirgnt 
comme  une  pt^nition  du  ciel.. 

On  cliantait  à  cette  époque  le  cantiq^ae  suivant  : 

Plange  regni  re^publica. 
Tua  gens,  ut  sehismatica, 
DesoTatur. 
Kma  pArs  «Jm  est  iniqfaa, 
El  akera  sopblAiioai 
RttpBistiir;  «ta. 

Bibt,  duroi^eod,  7«t9.  CoU.  dm  Mém.  r,  181. 

.  221  ^  pftffo  âe4i  -^  Bm>slt9s  du  ÏAmguedoo. . . 
HialL  du.  Lao^itedoe,  1.  XXlUi],  ch.  ici,  p.  36$,  -*  ch.  kt 

]K3âB,.-^«db  3att,.p*  369;. 


272  -m  pflgcr  8i7  -^  Màoahse  de  lagreta^Hê:.. 
GbrotHi^e  en  «aosAto  13 'ni  à  i^^t,  par maUoe  Gvilt.  de  Siiaw 
André,  licencié  en  décret,  scolustique  de  Dol,  notaire 


liqve  él  ispéml,  vnibm9dà%m^  conseiller  eiseeréUiire  du  duc 


1^6  Fiaoecéa  «Ataieiit  twtMnéi» 
Si  leurs  air«  (ont  efltaioés; 
Avoitnt  beaucoup  de  perleiie9| 
Et  de  noavelles  broderies. 
Ils  estoient  frisques  et  mignotz, 
Çbantoieni  6orame  des  sy  reuotz  ; 
fln  salles  d'herbettes  jonchées, 
DftBsofeD^  portoient  barbes  fonrebées, 
...  Les  nmi%  nsMÊo^iÀéni  ani  jeuoâi; 
Et  tou  praooieot  tetriUe  oom« 
Po«f  faife  paout  aux  Bfelqnt * 

» 

273  —  page  328  ^  Mûri  d»  J)u:fm$GUn. .. 

Al  dauice  France  amie,  JQ  ialairay  briefjueiu! 
Orreille  Dieu  de  gloire^  par  soq  comiQ^nJeoiQDi, 
Qae  si  bon  conestable  aiez  prochainemeot 
De  coi  TOUS  vaillies  mieux  en  honour  ptainement! 

Poème  de  DugueicHn,  mt.  de  la  Bihl.  royaU,  n*  7224,  143  verso. 

■ 
¥.  Teicelleol  art.  Charles  V  de  U.  Lacabane  (Dict.  de  la  eon- 

Tcrsation). 

274  -^  pafe  ^i  -^  Ia  FratH»  atUigiiMii  4an«  Ft'QÛsart  la 
ptrfecûoik  de  Uk  prote  norraiwe . . . 

Sans  parler  de  tant  de  beanx  récits»  je  ne  crois  pas  qtt'ii  y  ail 
rien  daos  noire  langue  de  plus  exquis  que  le  cbafMlre  :  «  Opm- 
ment  le  rovËdovard  dit  à  U  comtesse  de  Salisbury  qu'il  oon- 
vcBoil  qu'il  fa  si  aimé  d'ellci  douielle  fui  fortement  ébahie.  > 

Quoique  Froissart  ait  séjourné  si  longtemps  en  Angleterre,  je 
n'y  trouve  qu'un  moi.  qui  semble  emprunté  à  la  langue  de  ce 
paya  :  c  Le  roi  de  Fraœe  pour  oe  jour  éioil  jeune,  et  volontiers 
iraviUint  (voyageait»  traveUùdj.*  T.  IX,  p.  475,  année  1388. 

DoÊtâ  «on  v&yage  aux  P^rènm^  ^minaeni  le  joyêUx  jn-étrt,  moie 
m$  ^yairt  lâvrigrê  en  lea^,,, 

%  Cooeidérai  en  moiHfnéme  que  nuUe  eapérance  n'étnit  que 
•ncnfts  lihsd'arttes  se  fissent  es  psrUes  de  Pieardie  et  de 


448  APPBia>ici. 

Flandre,  puisque  paix  y  étoit,  et  point  ne  vonlois  être  oiseux; 
ctr  je  savois  bien  que  an  temps  à  venir  et  quand  je  serai  aiort, 
sera  cette  hante  et  noble  histoire  en  grand  cours,  et  y  prendront 
tous  nobles  et  caillants  homjnes  plaisance  et  exemple  de  bien 
firire  ;  et  enlrenientes  que  j'avois.  Dieu  merci,  sens,  mémoire  et 
bonne  souvenance  de  toutes  les  choses  passées,  engin  clair  et 
aigu  pour  concevoir  tous  les  faits  dont  je  pourroîs  être  infonné 
touchants  à  vf^  principale  matière,  ftge»  corps  et  membres  pour 
souffrir  peine,  me  avisai  que  je  ne  voulois  me  séjourner  de  non 
poursuivre  ma  matière;  et  pour  savoir  la  vérilô  des  lointaines 
besognes  sans  ce  que  j'envoyasse  ancniie  autre  personne  en 
lieu  de  moi,  pris  voie  et  achoison  (occasion)  raisonnable  d'aller 
devers  haut  prince  et  redouté  seigneur  messire  Gaston  comte 
de  Foix  et  de  Berne...  Et  tant  travaillai  et  chevauchai  en  qué- 
rant  de  tous  côtés  nouvelles,  que  par  la  grâce  de  Dieu,  sans 
péril  et  sans  dommage,  je  vins  en  son  chftiel  à  Ortais...  en  l'an 
de  grâce  1388.  Lequel....  quand  je  lui  demandois  aucnne  chose, 
il  me  ie  disoit  moult  volontiers;  et  me  disoit  bien  qucFliis- 
toire  que  je  avois  fait  et  poursuivois  seroit  au  temps  à  venir 
plus  recommandée  que  mille  autres.  «  Froiss&rt,  IX,  218-2201 

• 

275  —  page  331  —  ^Le  vrai  régime  det  bergers  et  bergères  par 
Jehan  de  Brie*,., 

Jehan  raconte  d'abord  comme  quoi  :  t  A  l'âge  où  les  enfants 
commencent  à  muer  leurs  premières  dents  et  où  ils  ont  encore 
leur  folle  plume,  et  ne  sont  prenables  d'aucune  loi,  >  il  fut 
chargé  de  garder  les  oies,  puis  les  pourceaux;  comment  en- 
suite, •  accroissant  son  estât  d'estre  promeu  aux  honneors  ter- 
riens, 1  il  eut  la  garde  des  chevaux  et  des  vaches.  Maïs  il  y  fat 
blessé,  et  revint  dire  que  jamais  il  ne  garderoitde  vaches  :  c  D 
lors,  lui  fust  baillée  lag.rde  de  quatre-vingts  agneaux  débon- 
naires et  innocents...,  et  il  fut  comme  leur  tuteur  et  curateur, 
car  ils  étoicnt  soubs  àg^  et  mineurs  d'ans.  >  11  ne  se  conduisit 
pas  comme  certains  pasteurs  temporels  ou  spirituels...,  etc  En* 
suile  t  ledit  Jehan  de  Brie,  sans  simonie,  fui  establi  et  institué 
à  porter  les  clefs  des  vivres....  de  l'hdtel  do  Messy,  appartenant 
à  l'un  des  conseillers  du  roy  nostre  seigneur  lès  enqnestcs  de 
son  parlement  à  Paris...  Quand  ledict  de  Brie  eut  été  licencié 


APPENDICE»  449 

et  maifltre  en  ceste  science  de  bergerie,  et  qu'il  estoît  digne  de 
lire  en  la  rue  ta  Feurre  (la  rue  du  Fouarre,  où  étaient  les  écolet) 
auprès  la  crèche  aulx  veaux^  ou  aoubz  Vombre  d'ung  ormel 
ou  tilleul,  derrière  les  lirebis,  lors  vint  demourer  au  Palais- 
Royal,  en  l'hosiel  de  Heisire  Àmoul  dd  Grantpont,  trésorier  de 
la  Sainte-Cbapelle  royale  à  Paris...  —  Premièrement,  les  ai- 
gniaux  qui  sont  jeunes  et  tendres  doivent  ester  traitez  amyable- 
ment  et  sans  violence,  et  ne  les  doit-on  pas  férir  ne  chastier 
de  verges,  de  bastons,  etc.  »  —  Lorsque  l'on  coupe  lésagneaux: 
c  Doft  lors  le  berger  estre  sans  péché,  et  est  bon  de  soi  confes- 
ser, etc.,  etc.»— Ce  charmant  petit. livre  n'a  pas  été  réimprimé, 
que  je  sache,  depuis  le  xti«  siècle.  J'en  connaia  deux  éditions, 
toutes  deux  de  Paris;  l'une  porte  la  date  de  1542  (Bibl.  de  l'Ar- 
senal)^ l'autre  n'a  pas  d'indication  d'année  (Bibl.  royale, 
S.  880). 

Le  passage  suivant  a  bien  l'air  d'être  écrit  par  un  homme  de 
robe  :  t  Us  estoient  (les  agneaux)  sous  ftge  et  mineurs  d'ans; 
et  pour  ce  que  ledit  Jehan  n'est  pas  noble^  et  que  il  ne  lui  ap- 
partenoit  pas  de  lignage,  il  n'en  put  avoir  le  6at/,  mais  il  en  eut 
la  garde^  gouvernement  et  administration,  quant  à  la  nour- 
rilure.  > 

276  —  page  333  —  L'épopée  des  faite  et  geetee  de  Duguesclin... 

....  Le  prévost  d'Avignon 
Vint  droit  à  Villenove,  où  la  chevalerie 
De  Beriran  et  des  siens  estoit  adonc  logte. 
I  la  dit  à  Bertran  que  point  ne  le  detric  : 
Sire,  l'avoir  est  prest,  je  vous  aeertefie, 
Et  la  solution  séelëe  et  fournie, 
Corne  Jhesu  donna  le  fils  sainte  Marie 
A  llarie-llagdalaine  qui  fat  Jhesu  amie. 
Et  Bertran  11  a  dii  :  Beau  sire,  je  vous  prie» 
Dont  vint  ycils  avoirs,  ne  me  le  celés  mie? 
^      La  pris  li  Aposteles  en  sa  thresorerie? 
Nanil,  Sire,  dit-il,  mais  la  debte  est  paie 
Du  eommun  d'Avignon,  a  chascnn  sa  partie. 
Dit  Bertran  Du  Guesclin  :  Prévost,  je  vous  afie, 
Jà  n'en  arons  deniers  en  jour  de  notre  vie. 
Se  ce  n'est  de  l'avoir  venant  de  la  dergie, 
m.  » 


ifiO  APFBNMGB. 

£t  TotoM  qae  toH  cU  q«i  la  tiiilB  ontpaiée. 
Aient  tout  lor  argeBt,  sans  prendre  une  maillie. 
Sire,  dit  li  préros»  Dieu  tous  doiot  bonne  viet 
La  pour  gent  arez  Ibrhdèat  ësclëeslle  (r^teis). 
Amis,  ne  dit  Bertran»  in  pipe  me  dita, 
Qne  ees  grens  trésors  eoH  <A¥m%  ^  êéfsilMi^ 
€eoli  ^ai  4oiit  paie»  il  lor  son  Mtaiet^ 
St  dittes  qne  ]aainlf  &'«b  lott  nul  ret^oL 
4kr»  en  le  MToie^  Jà  ae-vonann  donhlM^ 
Et  je  teie  «nltiemer  .ptswi^t  bien  ata^ 
le eeroie  ainçoia  par  deç\  relournez... 

■ai  Vu§wmlmi  im^  ir la  JNU«  irt^ah^^n*  79Êk  fiÊMIk 


VW   M    tOMB    ftoh 


TABLE  DES  MATIÈRES 


UVftE  V 


CBAnfM  1«.  Tipt^u  iieitiênne$ 


IS70.iS83.  Phuippi  li  Hardi 9 

Charles  d'Anjou  chef  de  la  malaon  de  Pranaa« .  «  « .  S 

Efforts  des  papes  pour  seooëer  U  fmgfvm^ké , .  7 

Jean  de  Procida « . .  4 . .  «^ . .  iS 

11  passe  jd'Espagtte  m  ttcUe  et  ft  CoaiUsiitiiiofik»* .  19 

IttS.  llaasaece  des  Français  «i|'8kiUo«<x 13 

D.  PadvOi  toi  d'Jitfagon ,  4cS0«rt  les  SieUieoe tt 

tlSS.  Mon  de  Cbarles  d'Anjou ..,«,.., 18 

Philippe  le  Hardi  meurt  en  Espagne 19 

1S99.  La  Sicile  reste  au  roi  Fréd4riCj  Napies  aux  descen- 

daou  de  Charles  d'Anjou 19 

CiupiTst  II.  PhUippe  U  Bel.  ^  Boniface  VIII ,  1285-4304.  20 

1283.  PaiLippB  LB  Bel 20 

Administration 21 

128S.1291 .  Parlement 22 


452  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Centralisation  monarchique.  Légistes ^ 

Fiscalité «4 

1293-1300.  L'argent  et  la  ruse 25 

Philippe  appelé  par  les  Flamands 29 

Le  comte  de  Flandre  et  sa  fille  retenus  à  Paris. . .  32 

Expulsion  des  Juifs,  altération  des  monnaies;  mal- 

té^e 33 

1295-1304.  Démêlés  entre  Boni  face  VIII  et  Philippe  le  Bel.  ;i5 

1300.  Le  Jubilé 37 

Le  pape  favorise  les  ennemis  de  la  France;  repré- 
sailles de  Philippe 42 

Rupture  au  sujet  du  Languedoc 43 

1301 .  Philippe  fait  enlever  l'évéque  de  Pamiers ii 

1302.  Bulle  supposée;  brûlée  à  Paris 47 

Philippe  appuyé  par  les  Ëtats  généraux 48 

Révolte  des  Flamands 82 

Défaite  de  Gourtrai .' 51 

1302.  Suite  de  la  lutte  contre  le  pape 56 

Nogaret  à  Anagni 60 

Retour  du  pape  à  Rome;  sa  mort 64 

BenoU  XI  meurt  subitement 66 

1304.  Victoires  de  Ziriksée  et  de  Mons-en-Puelle 67 

Misère  du  peuple * •  68 

Cn  ApiTBE  IlL  L'or,  —  Le  fisc.  —  Ln  TempltBn 69 

L'or ea 

Le  fisc 70 

L'alchimie 71 

La  sorcellerie 72 

Le  juif 73 

1305.  Bertrand  de  Gott  (Clément  V) 75 


TABLE  DES  MATIÈRES.  453 

1306.  Poursuites  contre  Boniface  Vill \  79 

Le  Temple ....  80 

Puissance,  privilèges  du  Temple 81 

Cérémonies 83 

Accusations  dirigées  contre  cet  ordre 84 

Richesse  des  Templiers 86 

Us  font  la  guerre  aux  chrétiens. 89 

Griefs  de  la  maisoi^  de  France 89 

Philippe  le  Bel  ruiné  attaque  les  Templiers 91 

Les  moines  et  les  nobles  les  abandonnent 92 

Ils  refusent  de  se  réunir  aux  hospitaliers 93 

Les  chefs  de  Tordre  nrrétés  à  Paris. 94 

1307.  instruction  du  procès 95 

CBiPiTBE  IV.  SuiU.  —  Dettructùm  de  Vordrê  du  Temple. 

1307-1314 96 

4307.  Opposition  du  pape 96 

L'instruction  continue 97 

1307.  Aveux  obtenus  par  les  tortures.  •  • 98 

1308.  Adhésion  des  États  du«royaume  aux  poursuites...  98 

Difficultés  suscitées  par  le  pape.. 99 

Le  pape  se  réfugie  à  Avignon • 100 

Concessions  mutuelles 101 

1309.  Commission  pontificale.  Faiblesse  du  grand-maUre.  i(A 

1310.  Poursuites  contre  la  mémoire  de  Boniface lOt 

Défense  des  Templiers  entravée 103 

Protestation  des  Templiers 104 

intérêt  qu'ils  excitent 119 

Consultation  du  pape  en  leur  faveur 1 12 

Concile  provincial  tenu  4  Paris • 113 

Supplice  de  cinquante-quatre  Templiers M5 


454  TABLB  DBS  ITÀTliftSS. 

1311 .  L'ordre  aupprimé  par  toute  It  tliftfltettlé ilf 

Compromis  entre  le  pape  et  le- roi iââ 

1312.  Concile  de  Vienne iâ2 

Condamnation  des   mystiques  btfgliaffds,  francis- 
cains  ..« * 123 

Abolition  du  Tem  pie. ......  ^ »... 126 

Fin  du  procès  de  Bonifa^VlIL,*^ ,*..  127 

4314.  Exécution  dçs  chefs 4^  l'«r4»c, •,.•.. 129 

Causes  d^  la  cfanU  du  T«iD^>l»«.f  .•••«».•••»•«..  130 

m 

CUAPiTSB  V.  Stt/ftf  (fu  f^gnxdé  Philippe  le  Bel,  —  Ses  trais 

fiit.  —  Proeèi.  —  InkUutwns.  131l-i.'«8 13^ 

Le  diable 134 

Procèe  atroces • »•  •  • .' 13$ 

Itl4.  Mort  de  Philippe  le  Bei.*V 13» 

Activité,  éducation  de  Philippe  le  Bel 139 

U  ménage  TUniversilé.  •  «  i .  • . .  ^ .  • 110 

Institutions- «f^^w^ 141 

Ordonnances  contradictoires 112 

Hyp<Scri4ie  de  ce  gmiTernement 115 

Attaque»  contre  la  uo^lesse 146 

Confédération'  de  la  «oblesse  du  aord  et  de  f  est. .  147 

«^  Louis  X',  réaction  féodale «.....: 148 

Lutte  des  barons  et  des  légistes. . . .  r. . .*. 150 

1315.  Lois  nouvelles  sur  les  mcnnatcs 153 

Ordonnance  pour  t'affmntffalssement  des  serfs 153 

1316.  Philippe  li  Lom.-. 154 

Application  ée  la  loi  Salique r 155 

Les  Tilles  sont  armées '. ' • .  •  •  156 

Tentative  -pour  la*  réforme  des  poids  et  des  mé- 

.   sures. ..».'.,.. ^ ••..,•..>• ,•».....  156* 


TiBLB  DBS  HATIÈIIIS.  4S5 

Règlements  de  ^nance^ 157 

i316-13S2.  Le  parlement  se  constitne 158 

La  niyavté-fte  constitue. 159 

idSO.  Pastewreavs • 160 

Le»  J  «  i  fs  et  les  léprem. ....» 161 

l9S2-13ftS.  Cbam.»  IV,  iv  Bu 165 

Edouard  II,  roi  d'Angleterrtft.  ittnjreiaé  PM  sa 

femme,  Isabelle  de  FraDce,f  ».•.-•••» 163 

i3î8.  Mort  de  Charles  IV 169 


JJVBJÎ  Yl 

Chamim  lir.  L'Anpktur».  ^  PhiHpp$  de  FiOaw.  I3|8- 

12&9 : 170 

13S8.  Avènement  de  PmirppB  db  Valois.  . .  ^ ^ . .  470 

L'Angleterre  sous  Edouard  lU .................. .  171 

Flandre,  Angleterre;  esprit  commercial. ^ ^ « . ^* . • .  171 

Routes  du  commerce  depuis  les  croi^deç. . . t. .. . •  171 

Commerce  de  l'Angleterre ,«.,, ^..  172 

Caractère  guerrier  et  mercantile  du  nv*  aièçl^. ». .  176 

Caractère  opposé  de  la  fr^i^ç^.^,,.,^...f^.,»»^,.  177 

.Premières  années  du  règne  die.  Phiuim  Vt. .  r 178 

tecm  4e  Ftodre.  Batailla  d^  Cdssdl f  180 

m9^  Ppoeès  de  Robert  d'Artois 181 

1132.  Bokefi  a'MfnU  ca  FisMlra,  puia  am  Aoglaterre. . .  183 

1333.  Poursuites  contre  sa  faroilie 184 

1336.  Oril0BUMpM8  sur  les  inpdl»  et  sur  )^  aaraban- 

diacs\. 184 

Rapports  de  Pliilippe  VI  avee  le  pape 185 

Meeontentemetit'gdndral. 186 


456  TABLE  DBS  MAT1BRB6. 

<     Edouard  111  relève  son  autorité 186 

Guerre  indirecte  entre  la  France  et  l'Angleterre. . .  186 

Ëmigration  des  ouvriers  flamands  en  Angleterre. .  186 

1337.  Révolte  des  Gantais*  Jac^^uemart  ArUveide 187 

Ordonnances  et  préparatifs  d'Ëdouyd  III 187 

Armée  féodale  et  mercenaire  de  Philippe  YI.  • . . . .  188 

1338.  Les  Anglais  en  Flandre 190 

Edouard  111,  vicaire  impérial 19S 

1339.  Les  Anglais  en  France 191 

Edouard  111  roi  de  France 196 

1340.  BaUille  de  l'Écluse 198 

La  guerre  de  Flandre  sans  résultats 199 

1341 .  Guerre  de  Bretagne.  Blois  et  Montfort 200 

1342.  Philippe  VI  soutient  Charles  de  Blois;  Edouard  ill 

soutient  Jean  de  MontfOrt 201 

1345.  Edouard  111  perd  à  la  fois  Montfort  et  Artcvelde. . .  20i 

1346.  Edouard  III  attaque  la  Normandie 203 

Lés  Anglais  brillent  Saint-Germain,  Saint-Gioud, 

Boulogne 204 

Philippe  VI  les  poursuit 205 

Bataille  de  Crécy 206 

Siège  de  Calais » 209 

Persistance  d'Edouard  III  ;  ses  snccès  en  Ecosse  et 

en  Bretagne 210 

Tentatives  de  Philippe  -pour  faire  lever  le  siège  de 

Calais 21 1 

1347.  Prise  de  Calais  :  dévouement  de  six  bourgeois.. . .  212 
Calais  peuplé  d'Anglais 213 

Les  mercenaires,  les  Jantassins  remplacent  les 

troupes  féodales ill 

Humiliation  du  pape,  de  rcmperoor,  du  roi,  de  la 

noblesse 215 


TABLE  DBS  MATlfcRBS.  457 

AbattemenI  moral;  alterne  de  la  fin  du  monde; 

mortalité 216 

1348.  La  PisU  noire 217 

Mysticisme  de  TAllemagne  ;  flagellants. 218 

Boccace;  prologue  dn  Déeaméron 219 

Suites  delaPeste 220 

1349-13o0.  Le  roi  se  remarie;  il  acquiert  Montpellier  et 

le  Danphiné ...  222 

Noces  et  fêtes 222 

■ 

1390.  Mort  de  Philippe  VI 223 

CHAmaB  11.  Jean.  <-  BataiUi  de  PoUiên.  i350-13W 224 

• 

Lanre,  Pétrarque 225 

Le  xiT«  siècle  s'obstine  dans  sa  fidélilé  au  passé.. .  .  227 

1350.  Avènement  de  Jkaii 228* 

Création  de  Tordre  de  l'Ëtoile 228 

Charles  d'Espagne,  Charles  de  NaVarre 229 

1350  1359.  Rapides  variations  des  monnaies. .....  ^ 229 

Etats  généraui,  sous  Philippe  de  Valois,  sous  Jean.  230 

1355.  Gabelle  votée  par  les  Ëuts.  RésisUnce  de  la  Nôr- 

mandic  et  du  comte  d'Harcourt 231 

Le  comte  d*Harcourl  décapité 213 

1356.  Le  prince  de  Galles  ravage  le  midi 184 

Eatoille  de  Poitiers 235 

Le  roi  prisonnier 235 


Chapitbe  111.  Suite.  Étale  géniraur.  ~  Parie.  —  Jacque* 

rie.  1356-1364 \     233 


1356.  Le  dauphin  Charles.  Le  prévôt  des  marchands, 

Etienne  Marcel 238 

Paris 238 


iS8  TABUi  913  lUTltaSS. 

1357.  âtaUgéaéruix.. ...,, .,.  îiî 

États  provinciaiiit. .  •. ....,,.••..• ii3 

Robert  le  CoqaL  Etienne  Marcel. ...••.  ÎI4 

Désastres  de  ta  VVtnee. 248 

Charles  le  Manvais  à  Paris. Si9 

i358.  Nouveaux  Ëlàts;  lé  dauphin  régent  du  royaume.. .  250 

RévoUe  de  Paris '. , 251 

Meurtre  des  maréchaux  de  Champagne;  et  de  Nor- 
mandie   25Î 

Règne  de  Marcel 25^ 

La  Champagne,  le  Vermandois  pour  le  dauphin. . .  2^ 

Étatsdela  Langue  d'oil a Conpiègne 265 

Souffrances  du  paysan 256 

Jacquerie 257 

'    Gharlea  le  Mauvais,  capitaine  de  Paris. 265 

Marcel  s'appuie*  sur  Charles*  le  ffaavais  et  essaye 

de  lui  livrer  Paris» «/..  265 

.  Marcel  assassiné* ..»••••« 266 

l9fS9.  Le  dauphin  rentre  &  Pbt^ 267 

*  Hégociatioiis  avec  les  Anglais. «... 268 

'  Leurs  propositions  rejetée)  par  Tes  Ëtats M 

Edouard  III  en  France 269 

Les  Anglais  anx  portes  de  Paris 271 

1360.  Traité  de  Brelîgny.. 271 

Désolation  des  provinces  cédées. 27S 

Rançon  du  fbi 27S 

Le  roi  en  liberté;  ses  premières  ordonnances. ....  279 

*  Ordonnance  en  faveur  des  Juifs. ,  • . .' 280 

1360-1363.  Misère,  ravage,  mortalité 281 

Les  Tard-ivents. *. .  « .> .  : . . ..; ». ^•.» .»  •  • /. .  Va 

'  13C2.  Jeanréunit  au  donraine  la  Bourgogne  et  la  Cham- 

-      •     pagnew«««««««w...* «..•..^.••••'. .  282 


XUU  Mt  IttTiiitt.  tS9 

i363.  U  ▼»  pvécbf r  lâr cf0f 8i4e  #«k  Ang iMrf». Î83 

1364.  Mdrt  do  roi  Jefto- à  Londrti... ..-.s . .^ .*  284 

CHAPmi  IV.  Ckarhi  Y.  (304^1380.  ^  J^^iiMon  é^  A^r 

glaii ^. 285 

«  •  •  • 

1964.  Chailes  V,  im  Saob.k* ••«..*.'.. t 285 

L'ABgla»,  le  Navarrais^  l6»  CMit]ifigaiGi^ 286 

•  Beii  fêtkâ  Du  ftfead  lu.......; «' «  ^ .  287 

BaUill^deCoclwMl. .,:.;; «.  M7 

IM5 .  Bataine  iT Aitty;  n«tt  dé  C)iarli«  de  BtoU. ......  2W 

Ordon ii»n oea de  Cli arlea. V*..j.4 ««...  290 

Guerre  de  don  Eari^aeîdeTtaittlaaiar»  caQtmivn 

fréredoD  Bèdre  le^Crvel ..•••..  29i 

1966.  Dngneadin  à  la  tète  des  Coftipagnlea. . .  ..#;.....  293 

Le  pape  rançonnié  à  Avignen 291 

Don  Pèdré  quitte  l'Espagne;  M  rétabli  par  les 

Anglais .1 • 294 

1367.  Bataille  de  Najara;  Dugneaclin  prisonnier 295 

Les  Compagnies,  mal  payées,  ise  jettent  sor  la 

France .' 295 

Dvguesdin  recouvre  ht  liberté. 296 

1368.  Le  midi  mécontent  des  Anglais 297 

1369 .  Défections 298 

Le  prince  de  Galles  cité  devant  lâ*co'ar  des  Pairs. .  299* 

Charles  recônvré  son  influence 300 

Dugueselin  replace  don  Enrique  sur  le  trône  de  ' 
Castille  ;  don  Pèdre  vuincu  à  la  bataille  M  len- 

liel. 300 

Chailas  V  eonâsqne  TAquitaine .< .  • 301 

1370.' Les  Angîalè  (rave'rècAt'Ià  Prantfe;  mort  de  Jean 

"  Cfaairdos.. '.'.•*...;•..; »..-... SOI 


460  TABLE  DBS  MATIBRBS. 

Charles  V  se  eoncilie  le  roi  de  Navarre  et  le  roi 

.     dÉcosse 301 

Le  prince  de  Galles  prend  Limoges  d'assaut 305 

Dngnesclin  coiAiétable 305 

Le  duc  de  Bretagne  prend  parti  pour  les  Anglais;  il 

est  chassé  par  les  Bretons 306 

1370-1373.  Le  roi  de  Castille  envoie  une  flotte  à  Charles?. 

Prise  de  La  Rochelle 306 

Les  Anglais  battus  partout 307 

Le  duc  de  Laocastre  traverse  de  nouveau  la  France.  307 

1374.  Les  Gascons  se  livrent  à  la  France « «.  306 

1376.  L'Angleterre  veut  la  paix  ;  Le  b<m  parfmiuiU 309 

Mort  du  prince  de  Galles 309 

1377.  Mort  d'Edouard  111;  Alice  Ferrera 309 

Charles  V  marie  son  frère,  le  duc  de  Boargogne,  & 

l'bériUère  de  Flandre 3il 

1378.  Le  roi  de  Navarre  traite  avec  les  Aijglais;  Charles  V 

le  prévient 312 

La  France  relevée  dans  l'opinion  de  l'Europe 31i 

Monuments  de  Charles  V.  Bastille.  H6tel  Saint- 
Paul *. 313 

Vie  privée  de  Charles  V...n 313 

Astrologues 311 

Sagesse  de  Charles  V  ;  sa  prévoyance^ 31? 

Mauvais  état  des  finances  du  roi;  puissance  des 

Juifs ^ 315 

Richesse,  juridiction  du  clergé 316 

Régales,  annales,  réserves 316 

Corruption  de  l'Eglise 317 

Grand  schisme.  Urbain  VI,  Clément  Vil 317 

Charles  V  ne.  peut  faire  reconnaître  son  pape  dans 

la  chrétienté 317 

1379.  Révoltes  du  Languedoc 314 


TABLE  DBS  MATIÈRES.  464 

Révoltes  de  la  Flaodre  (Voyez  le  t.  IV) 325 

Révoltes  de  la  Bretagne. \ 326 

1380.  Mort  de  Daguesclln 328 

Mort  de  Charles  V 328 

Son  gouvernement 329 

Caractère  prosaïque  dn  xir«  siècle 330 

Froissart.  Jehan  U  (on  hwqw^  etc 331 

Situation  difficile  et  contradictoire  où  se  trouve  la 
chrétienté.  Folie  de  Charles  VI  et  de  la  plupart 

des  princes  de  cette  époque \  333 

Appenihcb ik 335 


rm  DB  LA  TABLE  DU  TOHB  TBOISltHI. 


Imprifflerie  L.  Tofnoo  et  C*.  à  Samt-G«nnaia« 


HISTOIRE 


DE   FRANCE 


IV 


J      ■ 


OfPBIlfERIB  EUaÈMB  BEUTTB  ^T  C*,  4  SAINT- ^BBlIAIll 


HISTOIRE 


DE  FRANCE 


PAR 


J.    MICHELET 


NOUVELLE    ÉDITION,    REVUE    ET    AUGMENTÉE 


TOME  QUATRIÈME 


PARIS 

A.    LACROIX    ET    C«,    ÉDITEURS 

13,  PAUBOURO   irONTMARTRE,  13 

1874 

TtfM  draitt  ût  indiictloB  «1  éê  rcprodiiailoa  réacrvéï. 


PRÉFACE  DE  1840 


Ce  volume  et  le  suivant  ont  pour  sujet  commun  la 
grande  crise  du  xv'siëclei  les  deux  phases  de  celte  crise 
où  la  France  sembla  s'abîmer.  Celui-ci  racontera  lamort, 
le  suivant  la  résurrection. 

La  première  des  deux  périodes  dure  près  d'un  demi- 
siècle;  elle  part  du  schisme  pontifical,  et  traverse  le 
schisme  politique  d'Oriéans  et  de  Bourgogne,  de  Valois 
et  de  Lancastre. 

Notre  faible  unité  nationale  du  xrv«  siècle  était  toute 
dans  la  royauté;  au  xv*,  la  royauté  môme  se  divisant»  il 
faut  bien  que  le  peuple  essaye  d'y  suppléer.  Le  peuple 
des  villes  y  échoue  en  1413,  et  de  cette  tentative  il  ne 
reste  qu'un  code,  le  premier  code  administratif  qu'ait 
eu  la  France.  Le  peuple  des  campagnes  fera  par  inspi- 
ration ce  que  la  sagesse  des  villes  n'a  pu  faire  ;  il  rélèvera 
la  royauté,  rétablira  l'unité,  et  de  cette  épreuve  où  le 
pays  faillit  périr,  sortirai  confuse  encore,  mais  vivace  et 
forte,  ridée  môme  de  la  patrie. 

Avant  d'en  venir  là,  il  faut  que  ce  pays  descende  dans 


j 


VI  PRÉFACE  DE  1840 

la  ruine,  dans  la  mort,  à  une  profondeur  dont  rien  peut- 
être,  ni  avant  ni  après,  n*a  donné  l'idée.  Celui  qui  par 
Tétude  a  traversé  les  siècles  pour  se  replacer  dans  les 
misères  de  celte  époque  funèbre,  qui,  pour  mieux  les 
comprendre,  a  voulu  y  vivre  et  en  prendre  sa  pari,  ne 
pourra  encore  qu'à  grand'peine  en  faire  entrevoir  l'hor- 
reur. 

L'histoire  est  grave  ici  par  le  sujet;  elle  ne  l'est  pas 
moins  par  le  caractère  tout  nouveau  d'autorité  qu'elle 
tire  des  monuments  de  l'époque.  Pour  la  première  fois 
peut-être  elle  marche  sur  un  terrain  ferme.  La  chro- 
nique, jusque-là  enfantine  et  conteuse,  commence  à 
déposer  avec  le  sérieux  d'un  témoin.  Mais  à  côté  de  ce 
témoignage  nous  en  trouvons  un  autre  plus  sûr.  Les 
grandes  collections  d'actes  publics,  imprimés  ou  ma- 
nuscrits,  deviennent  plus  complètes  et  plus  instructives. 
Elles  forment  dans  leur  suite,  désormais  peu  interrom- 
pue, d'authentiques  annales,  au  moyen  desquelles  nous 
pouvons  dater,  suppléer,  souvent  démentir,  les  on  4U 
des  chroniqueurs.  Sans  accorder  aux  actes  une  conflance 
illimitée,  sans  oublier  que  les  actes  les  plus  graves,  les 
lois  même,  restent  souvent  sur  le  papier  et  sans  appli- 
cation, on  ne  peut  nier  que  ces  témoignages  oiliciels  et 
nationaux  n'aient  généralement  une  autorité  supérieure 
aux  témoignages  individuels. 

Les  ordonnances  de  nos  rois,  le  Trésor  des  Chartes, 
les  Registres  du  Parlement,  les  actes  des  Conciles;  telles 


PRiFAGB  DB  1840  VU 

ont  été  nos  sources  pour  les  faits  les  plus  importants. 
Joignez-y,  quant  à  TAnglelerre,  le  Recueil  de  Rymer  et 
celui  des  Statuts  du  royaume.  Ces  collections  nous  ont 
donné,  particulièrement  vers  lafm  du  volume,  l'histoire 
tout  entière  d'importantes  périodes  sur  lesquelles  la 
chronique  se  taisait. 

L'étude  de  ces  documents  de  plus  en  plus  nombreux, 
l'interprétation,  le  centrale  des  chroniques  par  les  actes, 
des  actes  par  les  chroniques»  tout  cela  exige  des  travaux 
préalables,  des  tâtonnements,  des  discussions  critiques 
dont  nous  épargnons  à  nos  lecteurs  le  laborieux  spec- 
tacle. Une  histoire  étant  une  œuvre  d'art  autant  que  de 
science,  elle  doit  paraître  dégagée  des  machines  et  des 
échafaudages  qui  en  ont  préparé  la  construction.  Nous 
n'en  parlerions  même  pas,  si  nous  ne  croyions  devoir  ex« 
pliquer  et  la  lenteur  avec  laquelle  se  succèdent  les  vo- 
lumes de  cet  ouvrage  et  le  développement  qu'il  a 
pris.  Il  ne  pouvait  rester  dans  les  formes  d'un  abrégé, 
Sans  laisser  dans  Tobscurité  beaucoup  de  choses  essen- 
tielles, et  sans  exclure  les  éléments  nouveaux  auxquels 
riiistoire  des  temps  modernes  doit  ce  qu'elle  a  de  fécon- 
dité et  de  certitude. 

8  février  1840. 


HISTOIRE 


DE    FRANCE 


LIVRE  VII 


CHAPITRE    PREMIER 

Jeunesse  de  Charles  YI.  1380-13d3. 

Si  le  grave  abbé  Suger  et  son  dévot  roi  Louis  VU 
s'étaient  éveillés,  du  fond  de  leurs  caveaux,  au  bruit  des 
étranges  fêtes  que  Charles  VI  donna  dans  Tabbaye  de 
Saint-Denis,  s'ils  étaient  revenus  un  moment  pour  voir  la 
nouvelle  France,  certes,  ils  auraient  été  éblouis,  mais  aussi 
surpris  cruellement;  ils  se  seraient  signés  de  la  tête  aux 
pieds  et  bien  volontiers  recouchés  dans  leur  linceul. 

Et  en  effet,  que  pouvaient-ils  comprendre  à  ce  spectacle? 
En  vain  ces  hommes  des  temps  féodaux,  studieux  contem* 
plateurs  des  signes  héraldiques,  auraient  parcouru  des 
yeux  la  prodigieuse  bigarrure  dc^  écussons  appendus  aux 
murailles  ;  en  vain  ils  auraient  cherché  les  familles  des 
barons  de  la  croisade  qui  suivirent  Godefroi  ou  Louis  le 
nr.  1 


3  JEUNESSE  DE  CHARLES  YI. 

Jeune;  la  plupart  étaient  éteintes.  Qu'étaient  devenus  les 
irrands  (ieJs  souverains  des  ducs  de  Normandie,  rois  d'An- 
gleterre, des  comtes  d'Anjou,  rois  de  Jérusalem,  dt^s 
comtes  de  Toulouse  et  de  Poitiers?  On  en  aurait  trouve 
les  armes  à  grand'peine,  rétrécies  qu'elles  étaient  ou 
effacées  par  les  fleurs  de  lis  dans  les  quarante-six  écussons 
royaux.  En  récompense,  un  peuple  de  noblesse  avait 
surgi  avec  un  chaos  de  douteux  blasons.  Simples  autrefois 
comme  emblèmes  des  fiefs,  mais  devenus  alors  les  insignes 
des  familles,  ces  blasons  allaient  s'embrouillant  de 
mariages,  d'héritages,  de  généalogies  vraies  ou  fausses. 
Les  animaux  héraldiques  s'étaient  prêtés  aux  plus  étranges 
accouplements.  L'ensemble  présentait  une  bizarre  masca- 
rade. Les  devises,  pauvre  invention  moderne  i,  essayaient 
d'expliquer  ces  noblesses  d'hier. 

Tels  blasons,  telles  personnes.  Nos  morts  du  xu«  siècle 
n'auraient  pas  vu  sans  humiliation,  que  dis -je!  sans 
horreur,  leurs  successeurs  du  xlv*.  Grand  eût  été  leur 
scandale,  quand  la  salle  se  serait  remplie  des  mons- 
trueux costunies  de  ce  temps,  des  immorales  et  fantastiques 
parures  qu'on  ne  craignait  pas  de  porter.  D'abord  des 
hommes- femmes,  gracieusement  attifés,  et  traînant  molle- 
ment des  robes  de  douze  aunes;  d'autres  se  dessinant 
dans  leurs  jaquettes  de  Bohème  avec  des  chausses  col- 
lantes» mais  leurs  manches  flottaient  jusqu'à  terre.  Ici,  des 
hommes-bctes  brodés  de  toute  espèce  d'animaux  ;  là,  des 
hommes-musique,  historiés  de  notes  ^  qu  on  chantait 
devant  ou  derrière,  tandis  que  d'autres  s'afiichaient  d  un 
grimoire  de  lettres  et  de  caractères  qui  sans  doute  ne 
disaient  rien  de  bon. 

Cette  foule  tourbillonnait  dans  une  espèce  d'église; 
rinuuense  salle  de  bois  qu'on  avait  construite  en  avait 

>  Moderne,   c'esl-à-dire   renouvelde  alors  rdcemment.   Les  «leieDs 
avaient  eu  auèsi  des  devises.  App.,  1. 
«  App.,  2. 


JEUNESSE  DE  CHARLES  YI.  3 

Taspect.  Les  arts  de  Dieu  étaient  descendus  complaisam- 
ment  aux  plaisirs  de  Thomme.  Le$  ornements  les  plus 
mondains  avaient  pris  les  formes  sacrées.  Les  sièges  des 
belles  dames  semblaient  de  petites  cathédrales  d'ébène, 
des  châsses  d*or.  Les  voiles  précieux  que  Ton  n'eût  jadis 
tirés  du  trésor  de  la  cathédrale  que  pour  parer  le  chef  de 
Notre-Dame  au  jour  de  l'Assomption  voltigeaient  sur  de 
jolies  têtes  mondaines  ;  Dieu,  la  Vierge  et  les  Saints  avaient 
Tair  d'avoir  été  mis  à  contribution  pour  la  fête.  Mais  le 
Diable  fournissait  davantage.  Les  formes  sataniques,  bes- 
tialeSj  qui  grimacent  aux  gargouilles  des  églises,  des  créa- 
tures vivantes  n'hésitaient  pas  à  s'en  affubler.  Les  femmes 
portaient  des  cornes  à  la  tête,  les  hommes  aux  pieds  ;  leurs 
becs  de  souliers  se  tordaient  en  cornes,  en  griffes,  en 
queues  de  scorpion.  Elles  surtout,  elles  faisaient  trembler; 
le  sein  nu,  la  tête  haute,  elles  promenaient  par-dessus  la 
tête  des  hommes  leur  gigantesque  hennin,  échafaudé  de 
cornes  ;  il  leur  fallait  se  tourner  et  se  baisser  aux  portes. 
A  les  voir  ainsi  belles,  souriantes,  grasses  ^;  dans  la  sécu- 
rité du  péché,  on  doutait  si  c'étaient  des  femmes;  on 
croyait  reconnaître,  dans  sa  beauté  terrible,  la  Béte  décrite 
et  prédite;  on  se  souvenait  que  le  Diable  était  peint  fré- 
quemment comme  une  belle  femme  cornue  *...  Costunn^s 
échangés  entre  hommes  et  femmes,  livrée  du  Diable  portée 
par  des  chrétiens,  parements  d'autels  sur  l'épaule  des 


•  L*obësité  est  un  caractère  des  figures  de  cette  sensuelle  ëpoqne. 
Voir  les  sUtnes  de  Sainl-Denis;  celles  du  xiv*  iiècle  sont  visiblement 
des  portraits.  Voir  surtout  la  statue  du  duc  de  Berri,  dans  la  chapelle 
souterraine  de  Bourges,  avec  Vignoble  chien  gras  qui  est  à  ses  pieds. 

'  «  Les  dames  et  demoiselles  menoient  grands  et  eicessifs  estais,  et 
cornes  menreillenses,  hautes  et  large»;  et  avoient  de  chacun  cosië,  an 
lieu  de  bourlées,  deux  grandes  oreilles  si  larges  que  quand  elles  vou- 
loient  passer  l'huis  d'une  chambre,  il  falloit  qu'elles  se  tourna^^si'nt  de 
cô:é  et  baissassent.  •  Jurénal  des  Ursins.  —  •  Quid  de  comibus  et  caudis 
loquar?...  Adde  quod  in  effigie cornulœ  fosiiiina  Diabolus  plerumque 
pingitur.  •  Clemengis. 


4  JEUNESSE  DE  CHARLES  TI. 

ribauds,  tout  cela  faisait  une  splendide  et  royale  figure  de 
sabbat. 

Un  seul  costume  eût  trouvé  grâce.  Quelques-uns,  de 
discret  maintien,  de  douce  et  matoise  figure,  portaient 
humblement  la  robe  royale,  l'ample  robe  rouge  fourrée 
d'hermine.  Quels  étaient  ces  rois?  D'honnêtes  boui^eois 
de  la  cité,  domiciliés  dans  la  rue  de  la  Calandre,  ou  dans 
la  cour  de  la  Sainte-Chapelle.  Scribes  d'abord  du  royal 
parlement  des  barons,  puis  siégeant  près  d'eux  comme 
juges,  puis  juges  des  barons  eux-mêmes,  au  nom  du  roi 
et  sous  sa  robe.  Le  roi,  laissant  cette  lourde  robe  pour  un 
habit  plus  leste.  Ta  jetée  sur  leui*s  bonnes  grosses  épaules. 
Yoiià  deux  déguisements  :  le  roi  prend  l'habit  du  peuple, 
le  peuple  prend  l'habit  du  roi.  Charles  YI  n'aura  pas  de 
plus  grand  plaisir  que  de  se  perdre  dans  la  foule,  et  de 
recevoir  les  coups  des  sergents  ^.  Il  peut  courir  les  rues, 
danser,  jouter  dans  sa  courte  jaquette  ;  les  bourgeois  juge- 
ront et  régneront  pour  lui. 

Cette  Babel  des  costumes  et  des  blasons  exprimait  trop 
faiblement  encore  l'embrouillement  des  idées.  L'ordre 
politique  naissait  ;  le  désordre  intellectuel  semblait  com- 
mencer. La  paix  publique  s'était  établie  ;  la  guerre  morale 
se  déclarait.  On  eût  dit  que  du  sérieux  monde  féodal  et 
pontifical  s'était,  un  matin,  déchaînée  la  fantaisie.  Cette 
nouvelle  reine  du  temps  se  dédommageait  après  sa  longue 
pénitence.  C'était  comme  un  écolier  échappé  qui  fait  du 
pis  qu'il  peut.  Le  moyen  âge,  son  digne  père,  qui  si  long- 
temps l'avait  contenue,  elle  le  respectait  fort;  mais,  sous 
prétexte  d'honneur,  elle  l'habillait  de  si  bonne  sorte,  que 
le  pauvre  vieillard  ne  se  reconnaissait  plus. 

On  ne  sait  pas  communément  que  le  moyen  âge  s'est, 
de  son  vivant,  oublié  lui-même. 

Déjà  le  dur  Speculalor  Durandus,  ce  gardien  inflexible 

1  Voir  plas  bas  l'entrée  de  la  reine  habeau. 


JEUNESSE  DE  CHARLES  VI.  5 

du  symbolisme  antique,    déclare  avec  douleur  que  le 
prêtre  môme  ne  sait  plus  le  sens  des  choses  saintes  ^. 

Le  conseiller  de  saint  Louis,  Pierre  de  Fontaines,  se 
croit  obligé  d'écrire  le  droit  de  son  temps.  «  Car,  dit-il, 
les  anciennes  coutumes  que  les  prud'hommes  tcnoierjt, 
soQt  tantôt  mises  à  rien...  En  sorte  que  le  pays  est  à  peu 
près  sans  coutume  K  » 

Les  chevaliers,  qui  se  piquaient  tant  de  fidélité,  étaient- 
ils  restés  fidèles  aux  rites  de  la  chevalerie?  Nous  lisons  que, 
lorsque  Charles  YI  arma  chevaliers  ses  jeunes  cousins 
d'Anjou,  et  qu'il  voulut  suivre  de  point  en  point  l'ancien 
cérémonial,  beaucoup  de  gens  «  trouvèrent  la  chose 
étrange  et  extraordinaire  3.  » 

Ainsi,  avant  i  400,  les  grandes  pensées  du  moyen  âge, 
ses  institutions  les  plus  chères,  vont  s'altérant  pour  les 
signes,  ou  s'obscurcissant  pour  le  sens.  Nous  connaissons 
aujourd'hui  ce  que  nous  fûmes  au  xuie  siècle  mieux  que 
nous  ne  le  savions  au  xve.  11  en  est  advenu  comme 
d*un  homme  qui  a  perdu  de  vue  sa  famille,  ses  parents, 
ses  jeunes  années,  et  qui,  plus  tard,  se  recueillant,  s'étonne 
d'avoir  délaissé  ces  vieux  souvenirs. 

Quelqu'un  offrant  un  jour  une  mnémonique  au  grand 
Thémistocle,  il  répondit  ce  mot  amer  :  «  Donne-moi  plu- 
tôt un  art  d'oublier.  »  Notre  France  n'a  pas  besoin  d'un 
tel  art;  elle  n'oublie  que  trop  vite  ! 

Qu'un  tel  homme  ait  dit  ce  mot  sérieusement,  je  ne  le 
croirai  jamais.  Si  Thémistocle  eût  vraiment  pensé  ainsi,  s'il 
eût  dédaigné  le  passé,  il  n'eût  pas  mérité  le  solennel  éloge 
que  fait  de  lui  Thucydide  :  a  L'homme  qui  sut  voir  le  pré- 
sent et  prévoir  l'avenir.  » 

Quiconque  néglige,  oublie,  méprise,  il  en  sera  puni  par 
l'esprit  de  confusion.  Loin  d'entrevoir  l'avenir,  il  ne  com- 
prendra rien  au  présent  :  il  n'y  verra  qu'un  fait  sans 

•  ilpp.,  3,  —  «  App.,  i.  —  *  App,,  5. 


6  JEUNESSE  DE  CHARUtS  TI. 

cause.  Un  fait,  et  rien  qui  le  fasse  i  Quelle  diose  plus 
propre  à  troubler  le  sens?...  Le  fait  lui  apparaîtra  sans 
|raisàn,  ni  droit  d'exister.  L'ignorance  du  fait,  folisciims- 
sement  du  droit,  sont  le  fléau  du  xiv«  et  du  xt*  siède. 

Les  chroniqueurs  ne  pouvant  expliquer  ces  choses,  y 
voient  la  peine  du  schisme.  Ils  ont  raison  en  un  sens.  Mais 
le  schisme  pontifical  était  lui-même  un  inckkait  di» 
schisme  universel  qui  travaillait  les  esprits. 

La  discorde  intellectuelle  et  morde  se  tradaisaît  co 
guerres  civiles.  Guerre  dans  TEmpire,  entre  Wencesias  et 
Robert  ;  en  Italie,  entre  Duras  et  Anjou  ;  en  Portugal,  pour 
et  contre  les  enfants  d'Inès  ;  en  Aragon,  entre  Pierre  YI  et 
son  fils  ;  tandis  qu'en  France  se  prépareirt  les  guerres 
d'Orléans  et  de  Bourgogne,  en  Angleterre  celles  d'York  et 
de  Lancastre. 

Discorde  dans  chaque  état,  discorde  dans  fsbaqoe 
famille.  «  Deux  hommes  se  levant  d'un  même  Ut,  disait  à 
peine  un  mot,  qu'ils  s'enfuient  Fun  de  l'autre  ;  l'un  crie 
York,  l'autre  Lancastre;  et,  pour  adieu,  ils  croisent  leurs 
épées  *.  » 

Voilà  les  parents,  les  frères.  Hais  qui  eût  peAétré  plus 
avant  encore,  ([ui  eût  ouvert  un  cœur  d'homme,  il  y 
aurait  trouvé  toute  une  guerre  civile,  une  mêlée  acharnée 
d'idées,  de  sentiments  en  discorde. 

Si  la  sagesse  consiste  à  se  connaître  soi-même  et  à  se 
pacifier,  nulle  époque  ne  tut  plus  naturellement  â>lle. 
L'homme,  portant  en  lui  cette  furieuse  guerre,  fu\*ait  de 
l'idée  dans  la  passion,  du  trouble  dans  le  trouble.  P^a  à 
peu,  esprit  et  sens,  âme  et  corps,  tout  se  détraquant,  il  n'y 
avait  bientôt  plus  dans  la  machine  humaine  ime  pièce  qui 
tint.  Comment,  d'ignorance  en  erreur,  d'idées  fausses  en 
passions  mauvaises,  d'ivresse  en  frénésie,  l'homme  poti-il 
sa  nature  d'homme?  Nous  ferons  ce  cruel  récit.  L'histoire 

*  Micbacl  DraytOD*s  The  miseries  of  Qucea  M&rgarel. 


JEUNESSE  DE  CHARLES  YI.  7 

individuelle  explique  Thistoire  générale.  La  folie  du  roi 
n'était  pas  celle  du  roi  seul  :  le  royaume  en  avait  sa  part 
Reprenons  Charles  YI  à  son  enfance,  à  son  avènement. 

^\ .  Le  petit  roi  de  douze  ans,  déjà  fol  de  chasse  et  de  guerre^ 
courait  un  jour  le  cerf  dans  la  forêt  de  Senlis.  Nos  forêts 
étaient  alors  bien  autrement  vastes  et  profondes,  et  la 
dépopulation  des  quarante  dernières  années  les  avait 
encore  épaissies.  Charles  YI  fit  dans  cette  chasse  une 
merveilleuse  rencontre  :  il  vit  un  cerf  qui  portait,  non  la 
croix,  comme  le  cerf  de  saint  Hubert,  mais  un  beau  coK 
lier  de  cuivre  doré,  où  on  lisait  ces  mots  latins  :  a  César  hoc 
niihi  donavil  (César  me  Ta  donnée).  »  Que  ce  cerf  eût  vécu 
si  longtemps,  c'était,  tout  le  monde  en  convenait,  chose 
prodigieuse  et  de  grand  présage.  Mais  comment  fallait-il 
l'entendre?  Ëtaitce  un  signe  de  Dieu  qui  promettait  des 
victoires  au  règne  de  son  élu?  ou  bien,  une  de  ces  visions 
diaboliques  par  où  '  le  Tentateur  prend  possession  des 
siens,  et  les  pousse  au  hasard  à  travers  les  précipices 
jusqu'à  ce  qu'ils  se  rompent  le  col? 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  faible  imagination  de  l'enfant  royaî» 
déjà  gâtée  par  les  romans  de  chevalerie,  fut  frappée  de 
cette  aventure  :  il  vit  encore  le  cerf  en  songe  avant  sa  vic-^ 
toire  de  Boosebeke.  Dès  lors,  il  plaça  sous  son  écusson  le 
cerf  merveilleux,  et  donna  pour  support  aux  armes  de 
France  la  malencontreuse  figure  du  cornu  et  fugitif 
animal. 

C'était  chose  peu  rassurante  de  voir  un  grand  royaume 
remis,  comme  un  jouet,  au  caprice  d'un  enfant.  On  sal- 
tendait  à  quelque  chose  d'étrange;  des  signes  merveilleux 
apparaissaient. 

Ces  signes,  qui  menaçaient-ils?  le  royaume,  ou  les  en- 
nemis du  royaume?  On  pouvait  encore  en  douter.  Jamais 

«  RdigicQx  de  Saint-Denn, 


8  JEUNESSE  DE  CflARLES  VI. 

plus  faible  roi;  mais  jamais  la  France  n'avait  été  si  forte. 
Pendant  tout  le  xui^,  tout  le  xiv^  siècle,  à  travers  les  suc- 
cès et  les  désastres,  elle  avait  constamment  gagné.  Poussée 
fatalement  dans  la  grandeur,  elle  croissait  victorieuse; 
vaincue,  elle  croissait  encore.  Après  la  défaite  de  Courtrai, 
elle  gagna  la  Champagne  et  la  Navarre  ^  ;  après  la  défaite 
de  Crécy,  le  Dauphiné  et  Montpellier;  après  celle  de  Poi- 
tiers ,  la  Guienne ,  les  deux  Bourgognes ,  la  Flandre. 
Étrange  puissance,  qui  réussissait  toujours  malgré  ses  fau- 
tes, par  ses  fautes. 

Non-seulementleroyaumes'étendait,  maisleroi  étaitplus 
roi.  Les  seigneurs  lui  avaient  remis  leur  épée  de  justice  ' 
et  de  bataille;  ils  n'attendaient  qu'un  signe  de  lui  pour 
monter  à  cheval  et  le  suivre  n'importe  où.  On  commen- 
çait à  entrevoir  la  grande  chose  des  temps  modernes,  un 
empire  mû  comme  un  seul  homme. 

Cette  force  énorme,  où  allait-elle  se  tourner?  Qui  allait- 
elle  écraser?  Elle  flottait  incertaine  dans  une  jeune  main, 
gauche  et  violente,  qui  ne  savait  pas  même  ce  qu'elle  tenait. 

Quelque  part  que  le  coup  tombât,  il  n'y  avait  dans  toute 
la  chrétienté  rien,  ce  semble,  qui  pût  résister. 

L'Italie,  sous  ses  belles  formes,  était  déjà  faible  et  ma- 
lade. Ici  les  tyrans,  successeurs  des  Gibelins  ;  là  les  villes 
guelfes,  autres  tyrans,  qui  avaient  absorbé  toute  vie.  Naples 
était  ce  qu'elle  est,  mêlée  d'éléments  divers,  une  grosse 
tt^te  sans  corps.  Sous  le  prétexte  du  vieux  crime  de  la 
reine  Jeanne,  les  uns  appelaient  les  princes  hongrois  de  b 
première  maison  d'Anjou,  sortie  du  frère  de  saint  Louis  ; 
les  autres  réclamaient  le  secours  de  la  seconde  maison 
d'Anjou,  c'est-à-dire  de  l'aîné  des  oncles  de  Charles  YI. 

L'Allemagne  ne  valait  pas  mieux.  Elle  se  dégageait  à 
grand'peine  de  son  ancien  état  de  hiérarchie  féodale,  sans 

*  Par  la  mort  de  la  reine  Jeanne,  femme  de  Philippe  le  Bel. 

*  Pour  les  appels,  aans  parler  de  linfluaQce  indirecte  des  joges 
royaux. 


JEUNESSE  DE  CHARLES  Yl.  9 

attendre  encore  son  nouvel  état  de  fédération.  Elle  tour- 
nait.» cette  grande  Allemagne ,  vacillante  et  lourdement 
ivre,  comme  son  empereur  Wenceslas.  La  France  n'avait, 
ce  semble,  qu'à  lui  prendre  ce  qu'elle  voulait.  Aussi  le  duc 
de  Bourgogne,  le  plus  jeune  des  oncles  et  le  plus  capable, 
poussait  le  roi  de  ce  côté.  Par  mariage,  par  achat,  par 
guerre,  on  pouvait  enlever  à  TEmpire  ce  qui  y  tenait  le 
moins,  à  savoir,  les  Pays-Bas. 

Par  delà  les  Pays-Bas,  le  duc  de  Bourgogne  montrait 
TAngleterre.  Le  moment  était  bon.  Cette  orgueilleuse  An- 
gleterre avait  alors  une  terrible  fièvre.  Le  roi,  les  barons, 
et  leur  homme  Wicleff,  avaient  lâché  le  peuple  contre 
l'Église.  Mais  le  dogue,  une  fois  lancé,  se  retournait  contre 
les  barons.  Dans  ce  péril,  tout  ce  qui  avait  autorité  ou  pro- 
priété, roi,  évéques,  barons,  se  serrèrent  et  firent  corps. 
Le  roi,  jeune  et  impétueux,  frappa  le  peuple,  raffermit  les 
grands,  puis  s'en  repentit,  recula.  La  France  pouvait  pro- 
fiter de  ce  faux  mouvement,  et  porter  un  coup. 

Cette  France,  si  forte,  n'avait  d'empêchement  qu'en 
elle-même.  Les  oncles  la  tiraient  en  sens  inverse,  au  midi, 
au  nord.  11  s'agissait  de  savoir  d'abord  qui  gouvernerait  le 
petit  Charles  YI.  Ces  princes,  qui,  pendant  Fagonie  de 
leur  frère  ^,  étaient  venus  avec  deux  armées  se  disputa*  la 
régence,  consentirent  pourtant  à  plaider  leur  droit  au  par- 
lement *.  Le  duc  d'Anjou,  comme  aîné,  fut  régent.  Mais  on 
produisit  une  ordonnance  du  feu  roi,  qui  réservait  la  garde 
de  son  fils  au  duc  de  Bourgogne  et  au  duc  de  Bourbon,  son 


t  Pendant  que  son  frère  expirait,  le  duc  d'Anjou  8*était  tenu  caclié 
dans  une  ebambre  yoUine;  pois,  il  ayait  fait  main  basse  sur  tous  les 
meubles,  tonte  la  yaisselle,  tons  les  joyaux.  —  On  disait  que  le  feu  roi 
ayait  lait  sceller  des  barres  d'or  et  d'argent  dans  les  murs  du  ch&teau  de 
llelan,  et  que  les  maçons  employés  à  ce  trayail  avaient  ensuite  disparu. 
Vd  trésorier  avait  juré  de  garder  le  secret.  Lie  duc  d'Anjou,  n'en  pouvant 
rien  tirer,  fit  venir  le  bourreau.  •  Coupe  la  tête  à  cet  homme,  •  lui  dil-il. 
Le  trésorier  indiqua  la  place. 

*  Religieiu  de  Saint-Denis. 


40  JEUNESSE  DE  CHARLES  H. 

oncle  maternel.  Charles  Yl  devait  être  iuunédkteiiient 
couronné  ^. 

Une  autre  difficulté,  c'est  que,  si  le  pa^  s'était  un  peu 
refait  vers  la  fin  du  r^e  de  Ghaiies  V,  il  n* y  avait  pas  plus 
d'ordre  ni  d'habileté  en  finanoes;  le  peu  d'argent  qu'on  levait, 
mettait  le  peuple  au  désespoir,  et  le  roi  n'en  prolUait  pas. 

On  se  plai§ait  à  croire  que  le  feu  roi  avait  un  nyameoi 
aboli  les  nouveaux  impôts  pour  le  remède  de  aoB  âme.  On 
crut  ensuite  qu'ils  seraient  remis  par  le  nouveau  roi,  comme 
joyeuse  étrenae  du  sacre.  Mais  les  oncles  menèrent  \em 
pupille  droit  à  Reims,  sans  loi  faire  traverser  les  viUes,  de 
cramte  qu'il  n'entendit  les  plaintes.  On  lui  fil  même,  au 
retour,  éviter  Saint-Denis,  où  Tabbé  et  les  religieux  l'atten- 
daient en  grande  pompe;  on  Tempôcha  de  faire  ses 
dévotions  au  patron  de  la  France,  oomme  faisaient  toujoars 
les  nouveaux  rois. 

La  royale  entrée  fut  belle  ;  des  fontaines  jetaient  dn  lait, 
du  vin  et  de  Teau  de  rose.  Et  ii  n'y  avait  pas  de  pain  dans 
Paris.  Le  peuple  perdit  patience.  Déjà,  tout  ant^nr,  les 
villes  et  les  campagnes  étaient  en  fea.  Le  piévôt  orut  gagner 
du  temps,  en  convoquant  les  notables  au  Parioir  aux  bour- 
geois; mais  il  en  vint  bien  d'autres;  um  tanneur  demanda 
si  lion,  croyait  les  amuseï*  ainsi.  Us  mènerait,  bon  gré  mal 
gré,  le  prévôt  au  palais.  (^  duc  d'Anjou  et  le  cbukeelier 
montèrent  tout  tremblants  sur  la  Table  de  marbre,  et 
promirent  l'abolition  des  impôts  établis  depuis  Philippe  de 
Valois,  depuis  Philippe  le  Bel.  La  populace  courut  de  là 
aux  juifs,  aux  receveurs,  pilla,  tua 3. 


1  Les  trois  oncles  de  Charles  VI  étalent  lout  aaui  ambitieiiz  at 
que  les  oncles  de  Aichard  II.  Il  leur  C»llait  Misei  des  ccMuvnaea.  £i 
France  môme,  le  trône  pouvait  yaquer.  Les  jtnua  «nIaaAa  dm  aaUdif 
Charles  V  pouvaient  suivre  leor  père.  La  devise  du  d«e  de  Barci,  ktlk 
qu'on  la  lisait  dans  sa  belle  chapelle  de  Bour^ea,  ândiqaait  tma  tes 
vagues  espérances  :  «  Oureine«  le  temps  veaial  •  Afp,^  6w 

*  Maints  débiteurs  profitèrent  du  tumulte  pour  faire  tiÛBWtrthm  kuf 
créanciers  les  titres  de  leurs  obligations.  (lieUigieux*) 


IBtJNSSSB  STB  CHARLES  TI.  44 

Le  moyen  d'ooouper  ces  bëtes  furieuses,  c'était  de  leur 
jeter  un  homme.  Les  princes  cluHsirent  un  de  leurs  ennemis 
personnels,  un  des  conseillers  du  feu  r6i,  le  vieil  Àubriot, 
préT^  de  Paris.  Us  avaient  d'ailleurs  leurs  raisons; 
Aubriot  avait  prêté  de  l'argent  à  plus  d'un  grand  seigneur,, 
qui  se  trouvait  quitte,  s'il  était  pendu.  Ce  .prévôt  était  un 
rode  justicier,  un  de  ces  hommes  que  la  populace  aime  et 
hait,  parce  que,  tout  en  malmenant  le  peuple,  ils  sont 
peuple  eux-mêmes.  U  avait  fait  faire  d'inmienses  travaux 
dans  Paris,  le  quai  du  Louvre,  le  mur  Saint- Antoine,  le  pont 
Saint-Michel,  les  premiers  égouts,  tout  oela  par  corvée, 
en  ramassant  les  gens  qui  traînent  dans  les  rues.  Ji  ne 
traitait  pas  l'Eglise  ni  rUniversité  plus  doucement;  il 
s'obstinait  à  ignorer  leurs  privilèges.  11  avait  fait  tout  exprès 
«a  Chàtelet  deux  cachots  pour  les  écoliers  et  les  clercs^. 
IL  haïssait  nommément  l'Université  c  comme  mère  des 
prêtres.  »  U  disait  souvent  à  Charles  V  que  les  rois  étaient 
des  sots  d'avoir  si  bien  rente  les  gens  d'Église.  Jamais  il  ne 
eonminniait.  Kailleur,  blasphémateur,  fort  débauché, 
malgré  ses  soixante  ans,  il  était  bien  avec  les  juifs,  mieux 
avec  les  juives  ;  îl  leur  rendait  leurs  enfants,  qu'on  enlevait 
pour  les  baptiser.  Ce  fiit  ce  qui  le  perdit.  L'Université 
l'accusa  devant  Févéque.  Un  siècle  plus  tôt,  il  eût  été 
brûlé.  U  en  fut-^quitte  pour  l'amende  honorable  et  la  pénw 
teace  perpétuelle^  qui  ne  dura  guère. 

.  Abolir  les  impôts  établis  depuis  Pldlippe  le  Bel,  c'eût  été 
supprimer  le  gouvernement  Par  deux  fois,  le  duc  d'Anjou 
essaya  de  les  rétablir  (octobre  4384,  mars  4382).  A  la 
seconde  tentative,  il  prit  de  grandes  précautions.  Il  fit 
mettre  les  recettes  à  l'encan^mais  à  huis  clos  dans  l'enceinte 
du  Chàidet.  U  y  avait  des  gens  assez  hardis  pour  acheter, 
personne  qui  osât  orier  le  rétablissement  des  impôts. 

«  «  Tcterrimos  carceres  composuerat,  uni  Clauttri   BruneUi,  alteri 
Vicè  Straminum  adapians  aomiaa.  »  Heligieux. 


\2  lETSESSE  VfE  CHABLIS  YI. 

Pourtant,  à  force  d'argent,  on  trouva  on  homme  déterminéy 
qui  vînt  à  cheval  dans  la  halle,  et  cria  d'abord,  pour 
amasser  la  foule  :  «  Argenterie  da  roi  volée!  Récompense 
à  qui  la  rendra  !  »  Puis  quand  tout  le  monde  écouta^  il 
piqua  des  deux,  en  criant  que  le  lendemain  oo  aurait  à 
payer  l'impôt. 

Le  lendemain,  un  des  collecteurs  se  hasarda  à  demander 
un  sol  à  une  femme  qui  vendait  du  cresson  *;  il  fîit  as- 
sommé. L'alarme  fut  si  terrible,  que  Tévêque,  les  princi- 
paux bourgeois,  le  prévôt  même  qui  devait  mettre  Tordre, 
se  sauvèrent  de  Paris.  Les  furieux  couraient  toute  la  ville 
avec  des  maillets  tout  neufs  qu'ils  avaient  pris  à  l'arsenal 
Ils  les  essayèrent  sur  la  tète  des  collecteurs.  L'un  deox 
s'était  réfugié  à  Saint-Jacques,  et  tenait  la  Vierge  «n- 
brassée  ;  il  fut  égorgé  sur  l'autel  (4«'  mars  4382).  Us  pil- 
lèrent les  maisons  des  morts;  puis  sous  prétexte  qu'il  y 
avait  des  collecteurs  ou  des  juifs  dans  Saint-Germain-des- 
Prés,  ils  forcèrent  et  pillèrent  la  riche  abbaye.  Ces  gens, 
qui  violaient  les  monastères  et  les  églises,  respectèrent  le 
palais  du  roi. 

Ayant  forcé  le  Chàtelet,  ils  y  trouvèrent  Aubriot,  le  dé- 
livrèrent, et  le  prirent  pour  capitaine.  Hais  l'ancien  prévôt 
était  trop  avisé  pour  rester  avec  eux.  La  nuit  se  passa  à 
boire,  et  le  matin  ils  trouvèrent  que  leur  capitaine  s'était 
sauvé.  Le  seul  homme  qui  leur  tint  tète  et  gagna  quelque 
chose  sur  eux,  c'était  le  vieux  Jean  Desmarets,  avocat  gé- 
néral. Ce  bonhomme,  qu'on  aimait  beaucoup  dans  la  ville, 
empêcha  bien  d'autres  excès.  Sans  lui,  ils  auraient  détruit 
le  pont  de  Charenton. 

Rouen  s'était  soulevé  avant  Paris,  et  se  soumit  avant. 
Paris  commença  à  s'alarmer.  L'Université,  le  boa  vieux 
Desmarets,  intercédèrent  pour  la  ville.  Ils  obtinrent  une 
amnistie  pour  tous,  sauf  quelques-uns  des  plus  notés,  qae 

'  Rollgienx  de  Saint-Denis. 


JEUNESSE  DE  CHARLES  YI.  43 

l'on  fit  tout  doucement  jeter,  la  nuit,  à  la  rivière.  Cepen- 
dant,  il  n'y  avait  pas  moyen  de  parler  d'impôt  aux  Pari- 
siens. Les  princes  assemblèrent  à  Compiègne  les  députés 
de  plusieurs  autres  villes  de  France  (mi-avriM38â).  Ces 
députés  demandèrent  à  consulter  leurs  villes,  et  les  villes 
ne  voulurent  rien  entendre  A.  Il  fallut  que  les  princes  cé- 
dassent. Ils  vendirent  aux  Parisiens  la  paix  pour  cent 
mille  francs. 

Ce  qui  brusqua  Tarrangement,  c'est  que  le  régent  était 
forcé  de  partir;  il  ne  pouvait  plus  différer  son  expédition 
d'Italie.  La  reine  Jeanne  de  Naples,  menacée  par  son  cou- 
sin Charles  de  Duras,  avait  adopté  Louis  d^Anjou,  et  l'ap- 
pelait depuis  deux  ans*.  Mais,  tant  qu'il  avait  eu  quelque 
chose  à  prendre  dans  le  royaume,  il  n'avait  pu  se  décider 
à  se  mettre  en  route.  Il  avait  employé  ces  deux  ans  à  piller 
la  France  et  l'Église  de  France.  Le  pape  d'Avignon,  espé- 
rant qu'il  le  déferait  de  son  adversaire  de  Rome,  lui  avait 
livré  non-seulement  tout  ce  que  le  Saint-Siège  pouvait 
recevoir,  mais  tout  ce  qu'il  pourrait  emprunter,  engageant, 
de  plus,  en  garantie  de  ces  emprunts,  toutes  les  terres  de 
l'Église^.  Pour  lever  cet  argent,  le  duc  d'Anjou  avait  mis 
partout  chez  les  gens  d'église  dés  sergents  royaux,  des 
gamisaires,  des  mangeurs^  comme  on  disait.  Ils  en  étaient 
réduits  à  vendre  les  livres  de  leurs  églises,  les  ornements, 
les  calices,  jusqu'aux  tuiles  de  leurs  toits. 

Le  duc  d'Anjou  partit  enfin,  tout  chargé  d'argent  et  de 
jnalédictions  (fin  avril  4382).  Il  partit  lorsqu'il  n'était  plus 
temps  *de  secourir  la  reine  Jeanne.  La  malheureuse,  fas- 
cinée par  la  terreur,  affaissée  par  l'âge  ou  par  le  souvenir 
i\<i  son  crime,  avait  attendu  son  ennemi.  Elle  était  déjà 
prisonnière,  lorsqu'elle  eut  la  douleur  de  voir  enfin  devant 


*  •  Quiboi^dain  ex  potentioribns  arbiboft. .  Potins  mon  optamus  quam 
lovfntur.  •  licligieux. 


14  JEU.NESSS  DI  CHARLES  TI. 

• 

Naples  la  flotte  protençale,  qui  Teût  sauvée  qoekpies  Jours 
plus  tôt.  La  flotte  parut  dans  les  premiers  joufs  de  maL  Le 
42,  Jeanne  fut  étoufiëe  sous  un  maldasw 

Louis  d'AnjoUy  qui  se  souciait  peu  de  venger  sa  mère 
adoptive,  avait  envie  de  rester  en  Provence,  et  de  recueillir 
ainsi  le  plus  liquide  de  la  succession  ;  le  pape  le  poussa  en 
Italie.  Il  semblait,  en  effet,  honteux  de  ne  rien  faire  avec 
une  telle  armée,  une  telle  masse  d'argent.  Tout  œla 
ne  servait  à  rien.  Louis  d*Ànjou  n'eut  pas  même  la  conso- 
lation de  voir  son  ennemi.  Chartes  de  Duras  s'enferma 
dans  les  places,  et  laissa  faire  le  climat»  la  famine,  la  haine 
du  peuple.  Louis  d'Anjou  le  défia  par  dix  foîs«  Au  boot  de 
quelques  mois,  l'armée,  l'argent,,  tout  était  perdu.  Les 
nobles  coursiers  de  bataille  étaient  morts  de  Mm  ;  les  plus 
iers  chevaliers  étaient  montés  sur  dfes  ânes.  Le  duc  avait 
vendu  toute  sa  vaisselle,  tous  ses  joyaux,  jusqu'à  sa  cou- 
ronne. U  n'avait  sur  sa  cuirasse  qu'une  méchante  toile 
peinte.  U  mourut  de  la  fièvre,  à  Bari.  Les  autres  revinrent 
comme  ils  purent,  en  mendiant,  ou  ne  revinrent  pas  (t  3^}. 

Des  trois  oncles  de  Charles  YI,  l'ainé^  le  duc  d'Anjou, 
alla  ainsi  se  perdre  à  la  recherche  d'une  royauté  d'Italie. 
Le  second,  le  duc  de  Berri,  s'en  était  fait  une  en  France, 
gouvernant  d'une  manière  absolue  le  Languedoc  et  la 
GuiOnne,  et  ne  se  môlant  pas  du  reste.  Le  troisième,  le  duc 
de  Bourgogne,  débarrassé  des  deux  autres,  put  faire  ce 
qu'il  voulait  du  roi  et  du  royaume.  La  Flandre  était  son 
héritage,  celui  de  sa  femme;  il  mena  le  roi  en  Flandre, 
pour  y  terminer  une  rév(dution  qui  mettait  ses  espérances 
en  danger. 

Il  y  avait  alors  une  grande  émotion  dans  toute  la  chré- 
tienté. Il  semblait  cpi'une  guerre'  universelle  commençât, 
des  petits  contre  les  grands.  En  Languedoc,  les  paysans, 
furieux  de  misère  faisaient  main  basse  sur  les  nobles 
et  sur  les  prêtres,  tuant  sans  pitié  tous  ceux  qui 
n'avaient  pas  les  mains  dures  et  calleuses,  comme  eux; 


JEUNESSE  DB  CQARLBS  ?I.  45 

leur  ehef  s'appeiftk  Pierre  de  la  Bruyère*,  Les  chaperons 
Uancs  de  Flandre  suivaient  un  bourgeds  de  Gand  ;  les 
ciompi  de  Florenee,  un  cardeur  de  laine  ;  les  compagnons 
de  Ronen  avaient  tait  roi,  bon  gré  mal  gré,  un  drapier, 
«  rai  gros  homme,  pauvre  d'esprit*.  »  En  Angleterre,  un 
couvreur  menait  le  peuple  à  Londresr,  eC  dictait  au  roi  l'af- 
franchissement général  des  serfe. 

L'effroi  était  grand.  Les  gentilshommes,  attaqués  par- 
tout en  même  temps,  ne  savaient  à  qui  entendre.  «  L'on 
craignoit,  dit  Froissart,  que  toufe  gentillesse  ne  pértt.  » 
Dans  tout  cela,  pourtant,  il  n'y  avait  nul  concert,  nul  en- 
semble. Quoique  les  maillotins  de  Paris  eussent  essayé  de 
correspondre  avec  les  blancs  chaperons  de  Flandre  3;  tous 
ces  mouvements,  analogues  en  apporence,  [HDcédaient  de 
causes  au  fond  si  différentes,  qu'ils  ne  pouvaient  s^^accorder» 
et  devaient  être  tous  comprimés  isolément. 

En  Flandre,  par  exemple,  la  domination  d'un  comte 
français,  ses  exaetions,  ses  violences,  avaient  décidé  la 
crise;  mais  il  y  avait  un  mal  plus  grave  encore,  plus  pro- 
fond, b  rivalité  des  villes  de  Gand  et  de  Bruges^,  leur 
tyrannie  sur  les  petites  villes  et  sur  les  eampagnes.  La 
guerre  avait  commencé  par  l'imprudence  du  comte,  qui, 
pour  faire  de  l'argent,  vendit  à  ceux  de  Bruges  le  droit  de 
faire  passer  la  Lys  dans  leur  canal,  au  piéjudîce  de  Gand. 
Cette  grosse  ville  de  Bruges^  alors  le  premier  comptoir  de 
la  chrétienté,  avait  étendu  autour  d'elle  un  monopole  im- 
pitoyable. Elle  empêchait  les  ports  d'avoir  des  entrepôts, 

*  Ils  tuèrent  ainsi  un  écuyer  écossais,  aprè»  ravoir  coaronné  de  fer 
rougd,  et  un  religieux  de  la  Trinité,  qu'ils  traversèreni  de  part  en  part 
d*nne  broche  de  fer.  Le  lendemain,  ayant  pris  un  prêtre  qui  allait  à  la 
coor  de  Borne,  iis  lui  coupèrent  le  bout  des  doigts,  lui  enlevèrent  la  peau 
de  sa  tonsure  et  le  biîUèreat. 

*  App.,  9. 

*  On  trouve,  dit-on,  an  pillage  de  Courtrai  des  lettres  de  bourgeois 
de  Paris  qui  établissaient  leurs  intelligences  avec  les  Flamands.  V.  aussi 
App,,  18.  —  App,,  iO. 


46  JEUNBSSI  DE  CHARLES  TL 

les  campagnes  de  fabriquer^;  elle  avait  établi  sa  domination 
sur  vingt-quatre  villes  voisines.  Elle  ne  put  prévaloir  sur 
Gand.  Celle-ci,  bien  mieux  située^  au  rayonnement  des 
fleuves  et  des  canaux,  était  d'ailleurs  plus  peuplée,  et  d'un 
peuple  violent,  prompt  à  tirer  le  couteau.  Les  Gantais 
tombèrent  surceux  de  Bruges,  qui  détournèrent  leur  fleuve, 
tuèrent  le  baUli  du  comte,  brûlèrent  son  château.  Tpres, 
Courtrai  se  laissèrent  entraîner  par  eux.  Liège,  Bruxelles, 
la  Hollande  môme,  les  encourageaient,  et  regrettaient 
d'être  si  loin  >.  Liège  leur  envoya  six  cents  diarrettes  de 
farine. 

Gand  ne  manqua  pas  d'habiles  meneurs.  Plus  on  en 
tuait,  plus  il  s'en  trouvait.  Le  premier,  Jean  Hyoens,  qui 
dirigea  le  mouvement,  fut  empoisonné  ;  le  second,  déca|Mté 
en  trahison.  Pierre  Dubois,  un  domestique  d'Hyoens,  suc- 
céda ;  et  voyant  les  affaires  aller  maï,  il  décida  les  Gantais, 
pour  agir  avec  plus  d'unité,  à  faire  un  tyran^.  Ce  fut  Phi- 
lippe Artewelde,  fils  du  fameux  Jacquemart,  sinon  aussi 
habile,  du  moins  aussi  hardi  que  son  père.  Assiégé,  sans 
secours,  sans  vivres,  il  prend  ce  qui  restait,  cinq  charrettes 
de  p^n,  deux  de  vin;  avec  cinq  mille  Gantais,  il  marche 
droit  à  Bruges,  où  était  le  comte.  Les  Brugeois,  qui  se 
voyaient  quarante  mille,  sortent  fièrement,  et  se  sauvent 
aux  premiers  coups.  Les  Gantais  entrent  dans  la  ville  avec 
les  fuyards,  pillent,  tuent,' surtout  les  gens  des  gros  mé- 
tiers^. Le  comte  échappa  en  se  cachant  dans  le  lit  d^une 
vieille  femme.  (3  mai  4382.) 

Le  duc  de  Bourgogne,  gendre  et  héritier  du  comte  de 
Flandre,  n'eut  pas  de  peine  à  faire  crojre  au  jeune  roi  que 
la  noblesse  était  déshonorée,  si  on  laissait  l'avantage  à  de 
tels  ribauds.  Ils  avaient  d'ailleurs  couru  le  pays  de  Tour- 
nai, qui  était  terre  de  France.  Une  guerre  en  Flandre,  dans 
ce  riche  pays,  était  une  fête  pour  les  gens  de  guerre;  il 

»  App,,  12.  —  «  App.,  i3.  —  »  App,,  14.  — *  ilpp.,  15. 


JEDNBSSB  DE  CHARLES  VI.  47 

vînt  à  l'année  tout  un  peuple  de  Bourguignons,  de  Nor- 
mands, de  Bretons*.  Ypres  eut  peur;  la  peur  gagna,  les 
villes  se  livrèrent.  Les  pillards  n'eurent  qu'à  prendre; 
draps,  toiles,  coutils,  vaisselle  plate,  ils  vendaient,  embal- 
laient, expédiaient  chez  eux. 

Les  Gantais,  ne  pouvant  compter  sur  personne^,  réduits 
à  leurs  milices,  n'ayant  presque  point  de  gentilshommes 
avec  eux,  partant;  point  de  cavalerie,  se  tinrent,  à  leur  or- 
dinaire, en  un  gros  bataillon.  Leur  position  était  bonne 
(Roosebeke  près  Courtrai),  mais  la  saison  devenait  dure 
(27  novembre  4382).  Us  avaient  hâte  de  retrouver  leurs 
poêles.  D'ailleurs,  les  défections  commençaient;  le  sire  de 
Herzele,  un  de  leurs  chefs,  les  avait  quittés.  Us  forcèrent 
Arteweide  de  les  mjner  au  combat. 

Pour  être  sûr$  de  charger  avec  ensemble,  et  de  ne  pas 
être  séparés  par  la  gendarmerie,  ils  s'étaient  liés  les  uns  aux 
autres.  La  masse  avançait  en  silence ,  toute  hérissée 
d'épieux,  qu'ils  poussaient  vigoureusement  de  l'épaule  et 
de  la  poitrine.  Plus  ils  avançaient^  plus  ils  s'enfonçaient 
entre  les  lances  des  gens  d'armes,  qui  les  débordaient  de 
droite  et  de  gauche.  Peu  à  peu,  ceux-ci  se  rapprochèrent. 
Les  lances  étant  plus  longues  que  les  épieux,  les  Flamands 
étaient  atteints  sans  pouvoir  atteindre.  Le  premier  rang  re- 
cula sur  le  second;  le  bataillon  alla  se  serrant;  une  lente 
et  terrible  pression  s'opéra  sur  la  masse;  cette  force  énorme 
se  refoula  cruellement  contre  elle-même.  Le  sang  ne  coulait 
qu'aux  extrémités  ;  le  centre  étouffait.  Ce  n'était  point  le 
tumulte  ordinaire  d'une  bataille,  mais  les  cris  inarticulés 

'  Le  Religieux  de  SainuDenû  prétend  que  ceUe  armée  montait  k  pins 
de  eent  mille  hommes.  Ce  fut  un  seul  fournisseur,  un  bourgeois  de  Paris, 
Nicolas  Bouiard,  qui  se  chargea  d'approvisionner  pour  quatre  mois  le 
marché  qui  se  tenait  au  eamp. 

*  Les  Gantais  avaient  demandé  du  secours  aux  Anglais,  mais«  de 
crainte  qu'on  ne  Toulût  leur  faire  payer  ce  secours,  ils  réclamèrent  les 
sommes  que  la  Flandre  avait  autrefois  prêtées  à  Edouard  UL  Ils  n'eurent 
ni  secours  ni  argent.  App.,  10. 

IT.  % 


48  JEUNESSB  DE  CHARLES  YI. 

de  gens  qui  perdaient  haleine,  les  sourds  gémissements,  le 
Tàle  des  poitrines  qui  craquaient  ^. 

'  Les  oncles  du  roi,  qui  Fav-aient  tenu  hors  de  Taction  et 
à  cheval,  l'amenèrent  ensuite  sur  la  place,  et  lui  montrèrent 
tout.  Ce  champ  était  hideux  à  Toir;  c'était  un  entassement 
de  plusieurs  milliers  d'hommes  étouffés.  Itsiui  dirent  que 
c'était  lui  qui  avait  gagné  la  bataille,  puisqu'il  en  avait 
donné  l'ordre  et  le  signal.  On  avait  remarqué  d'ailleurs 
qu'au  moment  où  le  roi  fit  déployer  Toriflamme,  le  soleû 
se  leva,  après  cinq  jours  d'obscurité  et  de  brouillard. 

Contempler  ce  terrible  spectacle,  croire  que  c'était  lui 
qui  avait  fait  tout  cela,  éprouver,  parmi  les  répugnances 
de  la  nature,  la  joie  contre  nature  de  cet  immense 
meurtre,  c'était  de  quoi  troubler  profondément  un  jeune 
esprit.  Le  duc  de  Bourgogne  put  bientôt  s'en  apercevoir, 
a  son  propre  dommage.  Lorsqu'il  ramena  à  Courtraî  son 
jeune  roi,  le  cœur  ivre  de  sang,  quelqu'un  ayant  eu  l'im- 
prudence de  lui  parler  des  cinq  cents  éperons  français 
qu'on  y  gardait  depuis  la  défaite  de  Philippe  le  Bel,  il 
ordonna  qu'on  mit  la  ville  à  sac  et  qu'dn  la  brûlât. 

Le  roi,  ainsi  animé,  voulait  pousser  la  guerre,  aller 
jusqu'à  Gand,  lassiéger ;  mais  la  ville  était  en  défense.  Le 
mois  de  décembre  était  venu  ;  il  pleuvait  toujours.  Les 
princes  aimèrent  mieux  faire  la  guerre  aux  Parisiens 
souifiis  qu'aux  Flamands  armés.  Paris  était  ému  encore, 
mais  disposé  à  obéir.  L'avocat  général  Desmarets  avait  ea 
l'adresse  de  tout  contenir,  donnant  de  bonnes  paro!e<, 
promettant  plus  qu'il 'ne  pouvait,  trahissant 'vertueusement 
les  deux  partis,  comme  font  les  modérés.  Lorsque  le  roi 
arriva,  les  bourgeois,  pour  le  mieux  'fôter,  crurent  faire 
une  belle  chose  en  se  mettant  en  'bataille.  Peut-être  aussi 
espéraient-ils,  en  montrant  ainsi  leur  nombre,  obtenir  de 
mcilieures  conditions.  Ils  s'étalèrent  devant  Montmartre  en 

*  App.t  17, 


JEUNESSE  DE  CHARLES  VI.  19 

longues  files  ;  il  y  avait  un  corps  d'arbalétriers,  un  corps 
armé  de  boucliers  et  d*épées,  un  atitre  armé  de  maillets; 
ces  maillotins,  à  eux  seuls,  étaient  vingt  mille  hommes  ^. 

Ce  spectacle  ne  fit  pas  l'impression  qu'ifs  espéraient.  La 
noblesse,  qui  menait  le  roi,  revenait  bouffie  de  sa  victoire 
de  Roosebeke.  Les  gens  d'armes  commencèrent  parrjdter 
bas  les  barrières;  puis  on  arracha  les  partes  même  de 
leurs  gonds  ;  on  les  renversa  sur  la  chaussée  du  roi  ;  les 
jirinces,  toute  cette  noblesse,  eurent  la  satisfaction  de 
marcher  sur  les  portes  de  Paris  •.  Ils  continuèrent  en 
vainqueurs  jusqu'à  Notre-Dame.  Le  jeune  roi,  bien  dressé 
à  faire  son  personnage,  chevauchait  la  lance  sur  la  cuisse» 
ne  disant  rien,  ne  saluant  personne,  majestueux  et  teiv- 
rible. 

Le  soldat  logea  militairement,  chez  le  bourgeois.  On 
cria  que  tous  eussent  à  porter  leurs  armes  au  "Palais  ou  au 
Louvre.  Ils  en  portèrent  tant,  dans  leur  peur,  qu'il  s'en 
trouvait,  disait-on,  de  quoi  armer  huit  cent  mille  hommes^ 
La  ville  désarmée,  on  résolut  de  la  serrer  entre  deux  forts; 
on  acheva  la  Bastille  Saint- Antoine,  et  l'on  bâtit  au  Louvre 
une  grosse  tour  qui  plongeait  dans  l'eau;  on  croyait  qu'une 
fois  pris  dans  cet  étau,  Paris  ne  pourrait  plus  bouger. 

Alors  commencèrent  les  exécutions.  On  mit  à  mort  les 
plus  notés,  les  violents  *;  puis  d*honnêtes  gens  qui  les 
avaient  contenus,  et  qui  avaient  rendu  les  plus  grands 
services,  comme  le  pauvre  Desmarets  ^.  On  ne  lui  par- 

*  App.,  18.— *«  ...Qnasi  teoninam  oivium  saperbiam CQneakafinL*.* 
■Béligidiix  de  Saint^Deois. 

'  ibidem.  Cette  exagération  proaye  Bellement  l'idée  qii*on  se  formait 
déjà  de  la  population  de  celte  grande  ville. 

*  Le  lundi  qui  sairit  kt'rentrtfa  da  roi,  on  exéenla  on  orfèvre  et  an 
mairvband  de  drap,  plusieurs  autres  dans  la  quinzaine  suivante,  parmi 
Jesqaels  Nicolas  le  Flamand,  un  des  amis  d*Elienne  Marcel,  qui  avait 
assisté  nu  menrtre  de  Robert  de  Clermom. 

*  On  préieod  qu'à  sa  mort  il  refusa  de  dire  merci  an  roi,  et  dit  aen- 
lement  merci  à  Dieu.  Il  était  l'auteur  d'un  recueil  de  Décisions  notoires, 
établies  par  enqtmtapar  tourba,  de  1300  à  1387. 


20  JEUNESSE  DE  CHARLES  YI. 

donna  pas  de  s*étre  mis  entre  le  roi  et  la  ville.  Après  quel- 
ques jours,  d'exécutions  et  de  terreur,  on  arrangea  une 
scène  de   clémence.  L'Université,    la    vieille    duchesse 
d'Orléans,  avaient  déjà  demandé  grâce  ;  mais  le  duc  de 
Berri  avait  répondu  que  tous  les  bourgeois  méritaient  la 
mort.  £nfin,  on  dressa,  au  plus  haut  des  degrés  du  Palais^ 
une  tente  magnifique,  où  le  jeune  roi  siégea  avec  ses 
oncles  et  les  hauts  barons.  La  foule  suppliante  remplissait 
la  cour.  Le  chancelier  énuméra  tous  les  crimes  des  Pari- 
siens depuis  le  roi- Jean,  maudit  leur  trahison,  et  demanda 
quels  supplices  ils  n'avaient  pas  mérités.  Les  malheureux 
voyaient  déjà  la  foudre  tomber,  et  baissaient  les  épaules  ; 
ce  n'était  que  cris,  des  femmes  surtout  qui  avaient  leurs 
maris  en  prison  :  elles  pleuraient  let  sanglotaient.  Les 
oncles  du  roi,  son  frère,  furent  touchés  ;  ils  se  jetèrent  à 
ses  pieds,  comme  il  était  convenu,  et  demandèrent  que  la 
peine  de  mort  fut  commuée  en  amende. 
'  L'effet  était  produit;  la  peur  ouvrit  les  bourses.  Tout  ce 
qui  avait  eu  charge,  tout  ce  qui  était  riche  ou  aisé,  fat 
mandé,  taxé  à  de  grosses  sommes,  à  trois  mille,  à  six 
mille,  à  huit  mille  francs.  Plusieurs  payèrent  plus  qu'ils 
n'avaient.  Lorsqu'on  crut  ne  pouvoir  plus  rien   tirer,  on 
publia  à  son  de  trompe  que  désormais  on  aurait  à  payer  les 
anciens  impôts,  encore  augmentés  ;  on  mit  une  sui-chai^ 
de  douze  deniers  sur  toute  marchandise  vendue.  La  ville 
ne  pouvait  rien  dire  ;  il  n'y  avait  plus  de  ville,  plus  de 
prévôt,  plus  d'échevins,  plus  de  commune  de  Paris  ^.  Les 
chaînes  des  rues  furent  portées  à  Vincennes.  Les  portes 
restèrent  ouvertes  de  nuit  et  de  jour. 

On  traita  à  peu  près  de  même  Rouen  *,  Reims,  Châlons, 
Troyes,  Orléans  et  Sens  ;  elles  furent  aussi  rançonnées.  La 
meilleure  partie  de  cet  argent,  si  rudement  extorqué,  alla 
finalement  se  perdre  dans  les  poches  de  quelques  sei- 

•  App,,  19,  —  *  App,t  20. 


JEUNESSE  DE  CHARLES  VI.  SI 

liseurs,  n  n*en  resta  pas  grand'chose  ^.  Ce  qui  resta,  ce 
fut  l'outrecuidance  de  cette  noblesse,  qui  croyait  avoir 
vaincu  la  Flandre  et  la  France;  ce  fut  Tinfatuation  du 
jeune  rot,  désormais  tout  prêt  à  toutes  sottises,  la  tète  à 
jamais  brouillée  par  ses  triomphes  de  Paris  et  de  Roose- 
beke,  et  lancé  à  pleine  course  dans  le  grand  chemin  de  la 
folie. 

*  «  Nec  inde  regale  srariam  ditatum  est.  »  Religienx. 


CHAPITRE  II 


Jeunesse  de  Charles  VI.  1384-1391. 


La  Flandre,  qu'on  disait  vaincue,  domptée,  l'était  si  peu, 
qu'il  y  fallut  encore  deux  campagnes,  et  pour  finir  par 
accorder  aux  Flamands  tout  ce  qu'on  'leur  avait  refusé 
d'abord. 

Cette  pauvre  Flandre  était  pillée  à  la  fois  par  les  Fran- 
çais, ses  ennemis,  et  par  les  Anglais,  ses  amis.  Ceux-ci, 
irrités  du  succès  des  Français  à  Roosebeke,  préparèrent 
une  croisade  contre  eux  comme  schismatiques  et  partisans 
du  pape  d'Avignon.  Cette  croisade,  dirigée,  disaitH>n, 
contre  la  Ficardie,  tomba  sur  la  Flandre.  Les  Flamands 
eurent  beau  représenter  au  chef  de  la  croisade,  àl'évéque 
de  Norwick,  qulls  étaient  amis  des  Anglais,  point  schis- 
matiques, mais,  comme, eux,  partisans  du  pape  de  Rome  ; 
révéque,  qui,  sous  ce  titre  épiscopai,  n'était  qu'un  rude 
homme  d'armes  et  grand  pillard,  s'obstina  à  croire  que  h 
Flandre  était  conquise  par  les  Français  et  devenue  toute 
française.  Il  prit  d'assaut  Gravelines,  une»  ville  amie,  sans 
défense,  qui  ne  s'attendait  à  rien.  Cassel,  pillée  par  les 
Anglais,  fut  ensuite  brûlée  par  les  Français.  Bergues  eut 
beau  ouvrir  ses  portes  au  roi  de  France;  le  jeune  roi,  qui 
n'avait  pas  encore  pris  de  ville,  s'obstina  à  donner  l'assaut; 
il  escalada  les  murs  dégarnis,  força  les  portes  ouvertes. 

Le  comte  de  Flandre  insistait  pour  qu'oa  agit  sérieuse- 


<t^.  NES6S  DB  ilBABIiES  VI,  23 


P    ^  'a  guerre.  Mai&iout  le  inonda  était: 

'%    ^  4tre  l)ien  appauvri  ;  ii  n'y  avait 

"^o^  ^y    ^'  ^»t'  Ce  quîil  fallait  prendre^ 

•    ''V,.  '^ti.    ^  ^e  ville  de  Gands  à  quoi, 

>    <>*  ^/  *  C  "^^®'  P^sonoe  ne  s'en 

^•i\,  ^x  '^^^  /;  ^  'isolait  d'être  tenu  si. 

V. ''',   V.  ./        •  ^,  ^cr  tous  ses  hivers 

/   '■>   V  .'*;           ^    V.  .,                                ires  du  duo  de 

'ù'.  "^  ^          -•     ';  ^.                                        Tient  oelui-ci 

'':^''  âgnandé'i. 

.iut  homme  de 

^ai  est  peu  croyable,. 

.«V  le  duc  de  Bourgogne,. 

ce  gendre  ne  fut  pas  difûcila 

|iaix;  il  n'avait  contre  les  Flamands 

ae;  l'esèenliel  pour  lui  était  d'hériter.  Il 

^ut  ce  qu'ils  voi^lurent,  jura  toutes  les  chartes 

donnèrent  à  jurer.  U  le»  dispenw  môme  de 

i  à  genoux,  cérémonial  qui  pourtant  était  d'usage  du 

.a^ial  au  seigneur,  et.  qui  n'avait  rien  d'hunoiliant  dans  let 

id^  féodales»  (18  décembre  1384.) 

Le  duc  de  Bourgogne  était  la  seule  tête  politique  de  cette 
féoiille.  U  s'affermit  dans  les  Pays-Bas  par  un  double 
mariage  de  ses  enfants  avec  ceux  de  la  maison  de  Bavière, 
laquelle,  possédant  à  la  fois  le  llainaut^  la  Hollande  et  la 
Zélande,  entourait  ainsi  la  Flandre  au  nord  et  au.midi.  U 
eut  encore  l'adresse  de  marier  le  jeune  roi,  et  de  le  marier 
dans  cette  même  maison  de  Bavière.  On  proposait  les 
filles  des  ducs  de  Bavière,  de  Lorraine  et  d'Autriche.  Un 
peintre  fut  envoyé  pour  faire  le  portrait  des  trois  pi  in- 
ceftsoa.  La  Bavaroise  ne  manqua  pas  d'être  la  plus  belle, 
comme  il  convenait  aux  intérêts  du  duc  de  Bourgogne.  On 

M/>p.,  21. 


2i  jfenXESSE  Dl  CHARLES  ▼!. 

la  fit  venir  en  grande  pompe  à  Amiens^.  Le  mariage  devut 
se  faire  à  Arras.  Mais  le  roi  déclara  qu'il  voulait  avoir  tout 
de  suite  sa  petite  femme  ;  il  fallut  la  lui  donner.  Celaient 
pourtant  deux  enfants  ;  il  avait  seize  ansi  elle  quatorze. 

Voilà  le  duc  dé  Bourgogne  bien  fort,  un  pied  en  France, 
un  pied  dans  TEmpire.  Il  voulait  faire  une  plus  grande 
chose,  chose  immense,  et  pourtant  alors  faisable  :  la  con- 
quête de  TAngleterre.  Les  Anglais  désolaient  tout  le  midi 
de  la  France;  ils  envahissaient  la  Castille,  notre  alliée.  An 
lieu  de  traîner  cette  guerre  interminable  sur  le  continent, 
il  valait  mieux  aller  les  trouver  dans  leur  tle,  faire  la 
guerre  chez  euxatà  leurs  dépens.  Ils  avaient  entre  eux 
"une  autre  guerre  qui  les  occupait,  guerre  sourde,  silen- 
cieuse et  terrible.  Ils  étaient  si  enragés  de  haines,  si  achar- 
nés à  se  mordre,  qu'on  pouvait  les  battre  *et  les  tuer  avant 
qu'ils  s*en  aperçussent.  "   * 

L'effort  fût  grand,  digne  du  l^ut.  On  rassembla  tout  ce 
qu'on  put  acheter,  louer  de  vaisseaux,  depuis  la  Prusse 
jusqu'à  la  Castille.  On  parvint  à  en  réunir  jusqu'à  treize 
cent  quatre-vingt-sept*.  Vaisseaux  de  transport  plus  que 
de  guerre  ;  tout  le  monde  voulait  s'embarquer.  Il  semblait 
qu'on  préparât  une  émigration  générale  de  la  noblesse 
française.  Les  seigneurs  ne  craignaient  pas  de  se  ruiner, 
sûrs  d'en  trouver  dix  fois  plus  de  l'autre  c^té  du  détroit. 
Ils  tenaient  à  passer  galamment  ;  ils  paraient  leurs  vais- 
seaux comme  des  maîtresses.  Ils  faisaient  argenter  les 
mâts,  dorer  les  proues;  d'immenses  pavillons  de  soie, 
flottant  dans  tout  l'orgueil  héraldique,  déployaient  au  vent 
les  lions,  les  dragons,  les  licornes,  pour  faire  peur  aux 
léopards. 

La  merveille  de  l'expédition,  c'était  une  ville  de  bots 
qu'on  apportait  toute  charpentée  des  forêts  de  la  Bretagne, 

>  «  La  jeune  dame,  en  estant  debout,  se  tenoit  coie  et  ne  mouToit  ni 
cil  ni  bonche;  et  aussi  à  ce  jonr  ne  saroit  point  de  françois.  •  Froissart 

*  App,,  as. 


nUNESSB  DE  CHARLES  tl.  '   25 

et  qui  faisait  la  charge  de  soixante-douze  vaisseaux.  Elle 
devait  se  remonter  au  moment  du  débarquement,  et 
s'étendre,  pour  loger  l'armée,  sur  trois  mille  oas  de  dia- 
mètre ^.  Quel  que  fût  révénement  des  batailles,  elle  assu- 
rait aux  Français  le  plus  sûr  résultat  du  débarquement; 
elle  leur  donnait  une  place  en  Angleterre,  pour  recueillir 
les  mécontents,  une  sorte  de  Calais  britannique. 

Tout  cela  était  assez  raisonnable.  Mais  le  duc  de  Bour-* 
gogne  n'était  pas  roi  de  France.  Le  projet  avait  le  tort  de 
lui  étns  trop  utile  ;  le  maître  de  la  Flandre  eût  pf  ofité  plus 
que  personne  du  succès  de  l'invasion  d'Angleterre.  On 
obéit  donc  lentement  et  de  mauvaise  grâce;  La  ville  de 
bois  se  fit  attendre,  et  n'arriva  qu'à  moitié  brisée  par  la 
tempête.  Le  duc  de  Berri  amusa  le  roi,  le  plus  longtemps 
qu'il  put,  en  mariant  son  fils  avec  la  petite  sœur  du  roi, 
ftgée  de  neuf  ans.  Charles  VI  partit  seulement  le  5  août,  et 
on  lui  fit  encore  visiter  lentement  les  places  de  la  Picardie, 
de  manière  qu'il  n'arriva  à  Arras  qu'à  la  mi-septembre. 
Le  temps  était  beau,  on  pouvait  passer.  Mais  les  Anglais 
négociaient.  Le  duc  de  Berri  n'arrivait  pas  ;  il  n'était  aucu« 
nement  pressé.  Lettres,  messages.  Tien  ne  pouvait  lui  faire 
hâter  sa  marche.  Il  arriva  lorsque  la  saison  rendait  le 
passage  à  peu  près  impossible  '.  Le  mois  de  décembre  était 
venu,  les  mauvais  temps,  les  longues  nuits.  L'Océan  garda 
encore  cette  fois  son  île,  comme  il  a  fait  contre  Philippe  II, 
contre  Bonaparte  '. 

Notre  meilleure  arme  contre  .la  Grande-Bretagne,  c'est 
la  Bretagne.  Nos  marins  bretons  sont  les  vrais  adversaires 
des  leurs;  aussi  fermes,  moins  sages  peut-être,  mais  répa- 
rant cela  par  l'élan  dans  le  moment  critique.  Le  conné- 


*  KnyghtoD.  —  Walsinghara.  —  •  App.,  S3. 

'  ...  And  Océan, 'mid  hia  uproar  wild» 

Speaks  safety  to  his  island  child. 

•  L*Océan  qui  la  garde,  en  son  rauqae  murmure,  dit  amour  et  salut 
à  son  lie,  à  son  enfant  I  •  Coleridge. 


26  JffJNiBfiS^  DE  GHARIJiS  YL 

table  de  Clisson,  homnie  du  roi  et  chef  des  résistances 
bretonnes  contre  le  duc  de  Bretagne,  reprit  Texpédition/ 
et  en  fit  l'affaire  de  sa  province.  Glisson.  visait  baut;  il 
venait  de  racheter  aux  Anglais  le  jaune  comte  de  Btois, 
prétendant  au  dudié  de  Bretagne;  il  lui  donna  sa  fille,  et 
il  l'aurait  fait  duc.  Le  duc  régnant,  Jean  de  Montfort,  prit 
Clisson  en  trahison;  mais  ses>  barons  rempèchèrant  de 
le  tuer  ^.  Ge  petit  événement  fit  encore  manquer  la  grande 
expédition  d'Angleterre.  ' 

Les  Anglais,  réveillés  toutefois  et  bien  avertis^  prirent 
des  mesures.  Ils  désarmèrent  leur  roi,  qui  leur  était  sus- 
pect. Leur  nouveau  gouvernement  nous  chercha  de  Tocca- 
pation  en  Allemagne.  Il  y  avait  forée  petits  princas  néees* 
siteux  qu'on  pouvait  acheter  à  bon  marché.  Le  duo  de 
Gueldre,  qui  avait  plus  d'un  différend  avec  les  maisons  de 
Bourgogne  et  de  Blois,  se  vendit  aux  Anglais  pour  une 
pension  de  vingt-quatre  mille  francs;  il  .leur  fit  hommage; 
et,  d'autant  plus  hardi  qu'il  avait  moins  à  peidre  ^,  il 
défia  majestueusement  le  roi  de  France. 

Le  duo  de  Bourgogne,  fut  charmé,  pour  l'extension  de 
son  influence,  de  faire  sentir  dans  les  Pays-Bas  et  si  loin 
vers  le  nord  ce  que  pesait  le  gnuid  royaume.  Il  fit  faire 
contre  cet  imperceptible  duc  de  Gueldre  presque  autant 
d'efforts  qu'il  en  aurait  follu  pour  conquérir  l'Angleterre. 
On  rassembla  quinze  mille  hommes  d'armes,  quatre-vingt 
mille  fantassins  ^.  La  difficulté  n'éteit  pas  de  lever  des 

t  Le  siro  de  Laval  dil  an  du&de  Breta^^ne  :  •  11  n'y  auroil  en  Bretagne 
chevalier  ni  écuyer,  cité,  chasiel  ni  bonne  ville»  ni  homme  nul,  qui  ne 
TOUS  haït  à  mort,  et  ne  mit  peine  à  tous  déshériter.  Mi  i»  ni  d'AlIgk terre 
ni  Bon  conaeil  ne  vont  ea  sanroienl .  nul  gré.  Yms  vmJck  voBe  igtréte 
pour  la  vie  d'un  homme?  »  Froissart. 

*  Et  plus  à  gagner  :  •  Plus  est  riche  et  puissant  le  duc  de  Bourgogne, 
tant  y  vaut  la  guerre  mieulx...  Pour  une  hoffe  que  je  recevrai,  j'en  doo- 
nerai  six.  »  Froissart. 

*  On  renvoya,  il  est  vrai,  le  plus  grand  nombre  comme  impropM  au 
service.  Le  même  Nicolas  Boulard,  dont  nous  avons  parlé,  pouivut  aux 
approvisioQocmcnts.  App„  24. 


JEU!fB66B  DE  CHAHU»  VU  27 

hommes>  mais  de  les  faire  arriver  jusque*-là.  Le  duc  de 
Bourgogne,  pour  qui  on  faisait  la.guerre,  ne  voulut  pas  que 
cette  grande  et  dévorante  armée  passât  par  son  richa 
Brafcant,.  dont  il  allait:  hériter;  Il  fallut  tourner  par  les 
déserts  de  la  Champagne,  s'enfoncer  dans  les  Ârdonnes, 
par  les  basses^  humides  et*  boueuses  forêts,  en  suivant, 
comme  on  pouvait,  les  sentiers  des  chasseurs.  Deux  mille 
cinq  cents  hommes  armés  de  haches- allaient  devant  pour 
frayer  la  route,  jetaient  des  ponts,  comblaient  les  marais. 
La  pluie  tombait  ;  le  pays  était  triste  et  monotone.  On  ne* 
trouvait  rien  à  prendre,  personne,  paa  même  d'ennemis. 
D'ennui  et  de  lassitude,  on  finit  par  écouter  les  princes  qui 
intercédaient,  l'archevêque  de  Cologne,  Tévêque  de  Liège, 
la  duc  de  Juliers.  Charles  YI  fut  touché  surtout  des  prières 
d'une  grande  dame  du  pays,  qui  se  disait  éprise  d'amour 
pour  l'invincible  roi  de  France  K  Sous  ce  doux  patronage, 
le  duc  de  Gueldre  fut  reçu  à  s'excuser;  il  parla  à  genoux, 
et  affirma  que  les  défis  n'avaient  pas  été  écrits  par  lui,  que 
c'étaient  ses  clercs  qui  lui  avaient  joué  ce  tour  (1388). 

Le  résultat  était  grand  pour  le  duo  de  Bourgogne,  petit, 
pour  le  roi.  Deux  mots  d'excuses  pour  payer  tant  de  peines 
et  de  dépenses,  c'était  peu.  Au  reste,  les  autres  expédi-  ' 
ttons  n'avaient  pas  mieux  tourné.  La  France  avait  envahi 
ritalie,  menacé  d'Angleterre,  touché  l'Allemagne.  Elle 
avait  fait  de  grands  mouvements,  elle  avait  fatigué  et  sué, 
et  il  ne  lui  en  restait  rien.  Elle  n'était  pas  heureuse  ;  rien 
ne  venait  à  bien.  Le  roi,  gâté  de  bonne  heure  par  la 
bataille  de  Hoosebekc,  avait'  cru  tout  facile,  et  il  ne  ren- 
contrait que  des  obstacles  ^.  A  qui  pouvait^il  s'en  prendre, 

*  App.,  25. 

*  Une  expédilion  sollicitée  par  les  Génois,  et*  commandée  par  le  doc 
de  Bourbon,  allaéohoaer  en  Afrique  (A390).  Le  comte  d'Armagnac,  ra« 
massant  tous  les  soldats  qui  pillaient  la  Franco,  passa  les  Alpi's,  attaqua 
les  Visconti  et  se  fit  prendre  (1391).  Le  roi  lui-même  projciail  un»  croi- 
sade d'Iiaiie;  il  aurait  établi  le  jeune  Louis  d'Anjou  à  Naples,  ol  terminé 
le  sclii«me  par  la  prise  de  Rome. 


S8  JEUNB6SB  DE  CHARLES   VI. 

suion  à  ceux  qui  Tavaient  jeté  dans  les  guerres?  A 
oncles,  qui  i'avaien^  toujours  conseillé  à  son  dam  et  à  leur 
profit. 

Les  pacifiques  conseillers  de  Charles  Y  prévalurent  à 
leur  tour,  le  sire  de  la  Rivière,  Tévéquede  Laon,  Montaigu, 
et  CUsson.  Charles  YI,  tout  enfant  qu'il  était,  avait  tou- 
jours aimé  ces  honunes.  Il  avait  obtenu  de  bonne  heure 
que  Clîsson  fût  connétable.  Il  avait  sauvé  la  vie  au  doux  et 
aimable  sire  de  la  Rivière,  que  ses  oncles  voulaient  perdre. 
La  Rivière 'était  l'ami  et  le  serviteur  personnel  de  Char- 
les Y  ;  il  a  été  enterré  à  Saint-Denis»  aux  pieds  de  sou 
maître. 

Le  roi  avait  atteint  vmgt  et  un  ans.  Mais  les  oncles 
avaient  le  pouvoir  en  main  :  il  fallait  de  l'adresse  pour  le 
leur  ôler.  L'affaire  fut  bien  menée  t.  Au  retour  de  leur 
triste  expédition  de  Gueldre,  un  grand  conseil  fut  as- 
semblé à  Reims,  dans  la  salle  de  l'archevêché.  Le  roi 
demanda  les  moyens  de  rendre  au  peuple  un  peu  de  repos, 
et  ordonna  aux  assistants  de  donner  leur  avis.  Alors 
révéque  de  Laon  se  leva,  énumèra  doctement  toutes  les 
qualités  du  roi,  corporelles  et  spirituelles,  la  dignité  de  sa 
personne,  sa  prudence  et  sa  circonspection*;  il  déclara 
qu'il  ne  lui  manquait  rien  pour  régner  par  lui-même.  Les 
oncles  n'osant  dire  le  contraire,  Charles  YI  répondit  qu'il 
goûtait  ravis  du  prélat;  il  remercia  ses  oncles  de  leurs 
bons  services,  et  leur  ordonna  de  se  rendre  chez  eux,  Tua 
en  Languedoc,  l'autre  en  Bourgogne.  Il  né  garda  que  le 
duc  de  Bourbon,  son  oncle  maternel,  qui  était  en  effet  le 
meilleur  des  trois. 

L'évoque  de  Laon  mourut  empoisonné.  Mais  il  avait 
rendu  un  double  service  au  royaume.  Les  oncles,  renvoyés 
chez  eux,  s'occupèrent  un  peu  de  leurs  provinces,  les  pur- 


*  Le  Rciisieuz. 


JEUNBSSB  DE  CHARLES  YI.  29 

gèrent  des  brigands  qui  lés  dévastaient.  Les  nouveaux 
conseillers  du  roi,  ces  petites  gens,  ces  marmoitsets^ 
comme  on  les  appelait,  rendirent  à  la  ville  de  Paris  ses 
échevins  et  son  prévôt  des  marchands.  Ils  conclurent  une 
trêve  avec  l'Angleterre,  favorisèrent  l'Université  contre  le 
pape,  et  cherchèrent  les  moyens  d'éteindre  le  schisme.  Ils 
auraient  aussi  voulu  réformer  les  finances.  Ils  allégèrent 
d*abord  les  impôts,  mais  furent  bientôt  obligés  de  les  réta- 
blir. 

Le  gouvernement  était  plus  sage,  mais  le  roi  était  plus 
fol.  A  défaut  de  batailles,  il  lui  fallait  des  fêtes.  Il  avait  eu 
le  malheur  de  commencer  son  règne  par  un  de  ces  heu- 
reixx  hasards  qui  tournent  les  plus  sages  têtes  ;  il  avait  à 
quatorze  ans  gagné  une  grande  bataille  ;  il  s'était  vu  salué 
vainqueur  sur  un  champ  couvert  de  vingt-six  mille  morts. 
Chaque  année  il  avait  eu  les  espérances  delà  guerre;  à 
chaque  printemps  sa  bannière  s'était  déployée  pour  les 
belles  aventures.  Et  c'était  à  vingt  ans,  lorsque  le  jeune 
homme  avait  atteint  sa  force,  lorsqu'il  était  reconnu  pour 
un  cavalier  accompli  dans  tout  exercice  de  guerre,  qu'on 
le  condamnait  au  repos  I  Un  gouvernement  de  marmousets 
lui  défendait  les  hautes  espérances,  les  vastes  pensées... 
Combien  fallait-il  de  tournois  pour  le  dédommager  des 
combats  réels,  combien  de  fêtes,  de  bals,  de  vives,  et 
rapides  amours,  pour  lui  faire  oublier  la  vie  dramatique 
de  la  guerre,  ses  joies,  ses  hasards  ! 

Il  se  jeta  en  furieux  dans  les  fêtes,  fit  rude  guerre  aux 
finances,  prodiguant  en  jeune  homme,  donnant  en  roi.  Son 
bon  coeur  était  une  calamité  publique.  La  chambre  des 
comptes,  ne  sachant  comment  résister,  notait  tristement 
chaque  don  du  roi  de  ces  mots  :  «  Nimis  habuit,  »  ou 
«  Recuperetur.  »  Les  sages  conseillers  de  la  chambre 
avaient  encore  imaginé  d'employer  ce  qui  pouvait  rester, 
après  toute  dépense,  à  faire  un  beau  cerf  d'or,  dans  Tes- 
poir  que  cette  figure  aimée  du  roi  serait  mieux  respectée. 


30  JIUNBSSB  DB. CHARLES  VI. 

Mais  le  cevf  fuyait,  fondait  toujours.;  on  ne  put  même 
jamais  Tachever  ^. 

•D'abord,  les  fils  du  «duc  d'Anjou  devant  partir  pour 
revendiquer  la  malheureuse  royauté  de  Napies,  le  roi 
voulut  auparavant  leur  conférer  l'ordre  de  chevalerie.  La 
fôte  se  fit  à  Saint-Denis,  avec  une  magnificence  et  un  con- 
cours de  monde  incroyables.  Toute  la  noblesse  de  France, 
d'Angleterre,  d'Allemagne,  était  invitée.  U  fallut  que  la 
silencieuse  et  vénérable  abbaye,  l'église  des  tombeaiu^ 
^'ouvrît  à  ces  pompes  mondaines,  que  les  cloîtres  reten- 
tissent sous  les  éperons  dorés,  que  les  pauvres  moines 
jiccueillissent  les  belles  dames.  £IIes  longèrent  dansTabbaye 
môme  K  Le  .récit  du  moine  chroniqueur  en  est  encore 
tout  ému. 

Aucune  salle  n'était  assez  vaste  pour  le  banquet  royale 
on  en  fit  une  dans  la  grande  cour.  Elle  avait  la  forme  d'une 
église  3,  et  n'avait  pas  moins  de  trente-deux  toises  de'long. 
L'intérieur  était  tendu  d'une  toile  immense,  rayée  de  blanc 
et  de  vert.  Au  bout  s'élevait  un  lajc-ge  et  haut  pavillon  de 
tapisseries  précieuses,  bizarrement  historiées  ;  on  eût  dit 
l'autel  de  cette  église,  mais  c'était  le  trône. 

Hors  des  murs  de  l'abbaye^  on  aplanit,  on  ferma  de 
barrières  des  lices  longues  de  cent  vingt  pas.  Sur  un  cùlé 
s'élevaient  des  galeries  et  des  tours,  oii  devaient  siéger  les 
damés,  pour  juger  des  coups. 

Il  y  eut  trois  jours  de  fêtes,  d'abord  les  messes,  les  céré- 
monies de  l'ÉgUse,  puis  les  banquets  et  les  joutes,  puis  le 
bal  de  nuit  ;  un  dernier  bal  enfin,  mais  celui-ci  masqué, 
pour  dispenser  de  rougir.  La  présence  du  roi,  la  sainteté 
du  lieu,  n'imposèrent  en  rien.  La  foule  s'était  enivrée 
d'une  attente  de  trois  jours.  Ce  fut  un  véritable  Pervigi-- 
lium  ye)i$ris;  on  était  aux  premiers  jours  du  mois  de  moi, 

*  «  T(on  nisi  osqne  ad  coTli  gammitatem  peregerant;  «  Beligiens. 

*  t  Ad  teo^li  aimiiitttdioem.  »  Heligifioz. 


XinNIKSI  M  CHARLS8  VI.        '  3t 

«  Mainte  demotoelle  s'oublia,  plasteurs  maris  pâtirent...  » 
Serait-ce  par  hasard  dans  cette  funeste  nuit  que  le  jeune 
duc  d'Orléans,. frèreduroi,  aurait  plu,  pour  son  malheur, 
à  là  femme  de  son  cousin  Jean  Sans-iPeur,  eomme  il  eut 
ensuite  l'imprudence  de  s*en  vanter  ^? 

'Cette  bacchanaletprès  des  tombeaux  eut  un  bizarre  len- 
demain. Ce  ne  fut  pas  assez  que  les  morts  eussent  été 
trottbiés'par  lebruil  de  la  fête,  on  ne  les  tint  pas  quittes.  Il 
felhit  qu'ils  «jouassent  aussi  leur  rôle.  Pour  aviver  le  plaisir 
par  le  contraste,  ou  tromper  les  langueurs  qui  suivent^  le . 
roi  -se  fit  donner  le  spectacle  d'une  pompe  funèbre.  Le 
héros  de  Charles  \'I  ^,  eelni  dont  les  exploits  avaient 
amosé  ^son  enfance,  Duguesclin,  mort  depuis  dix  ans,  eut 
le  triste  honneur  d'amuser  de  ses  .iunérailles  la  folle  et 
luxurieuse  cour. 

lies  fêtes  appellent  les  fêtes;  le  roi  voulut  que  la  reine 
Isabeau,  qui,  depuis  quatre  ans,  était  entrée  cent  fois  dans 
Paris,  y  flt^sa  première  miirie.  Après  la  noble  fête  féodale, 
le  popiJlfrire  devait  avoir  «la  sienne,  celle-ci  gaie,  bruyante, 
«vec  les  accidents  «vulgaires  et  risibies,  le  vertige  étourdis- 
sant des  grandes  foules.  Les  bourgeois  étaient  générale- 
ment vêtus  de  vert,  les  gens  de^princes  Tétaient  en  rose. 
On  ne  voyait  aux  fenêtres  quebolles  filles  vêtues  d  ecarlate 
«vec  des  ceintures  d'or.  Le. lait  et  le  vin  coulaient  dos  fon- 
taines; des  musiciens  jouaient  à  chaque  porte  que  passait 
la  reine.  Aux  carrefours,  des  'enfants  représentaient  de 
pieux  mystères.  La  reine  suivit  la  rue  Saint-Denis.  Deux 
anges  descendirent  par  une  corde,  Imposèrent  sur  la  tête 
une  couronne  d'or  en  chantant  : 

Dame  floclote-entie  flenm  de.Ui» 
Ëtet-Toospaf  da  paradis? 

Lorsqu'elle  fut  arrivée  au  pont  Notre-Dame,  on  vit  avec 

«  App.,  Î8.  —  «  App„  «9. 


32  JEUNESSE  DE  CHÀBUSS  YI. 

étonnement  un  homme  descendre,  deux  flambeaux  à  ia 
main,  par  une  corde  tendue  des  tours  de  la  cathédrale. 

Le  roi  avait  pris  tout  comme  un  autre  sa  part  de  la  fête; 
il  s*était  mêlé  à  la  foule  des  bourgeois,  pour  voir  aussi 
passer  sa  belle  jeune  Allemande.  Il  reçut  même  des  ser- 
gents «  plus  d'un  horion  »  pour  avoir  approché  trop  près; 
le  soir,  il  s'en  vanta  aux  dames  ^.  Le  prince  débonnaire, 
sachant  aussi  qu'il  y  avait  à  la  fête  beaucoup  d'étrangers 
qui  regrettaient  de  n'avoir  jamais  vu  jouter  le  roi,  se  mêla 
aux  joutes  pour  leur  faire  plaisir. 

Bientôt  après,  le  jeune  frère  du  roi,,  le  duc  d'Orléans, 
épousa  la  fille  de  Yisconti,  le  riche  duc  de  Milan  I.  Char- 
les YI  voulut  que  la  fête  se  fit  à  Melun.  Il  y  reçut  magnifi- 
quement la  charmante  Valentina,  qui  devait  exercer  un  si 
doux  et  si  durable  ascendant  sur  ce  faible  esprit. 

La  ville  de  Paris  avait  cru  que  Ventrée  de  la  reine  lui 
vaudrait  une  diminution  d'impôt.  Ce  fut  tout  le  contraire. 
Il  fallut,  pour  payer  la  fête,  hausser  la  gabelle,  et,  de  plus, 
l'on  décria  les  pièces  de  douze  et  de  quatre  deniers,  avec 
défense  de  les  passer,  sous  peine  de  la  hart.  C'était  la 
monnaie  du  petit  peuple,  des  pauvres.  Pendant  quinze 
jours  ces  gens  furent  au  désespoir,  ne  pouvant,  avec  cette 
nionnaie,  acheter  de  quoi  manger  K 

Cependant  le  roi  s'ennuyait;  il  s'avisa  d'un  voyage.  II 
n'avait  pas  fait  son  tour  du  royaume,  sa  royale  chevauchée. 
Il  ne  connaissait  pas  encore  ses  provinces  du  Midi.  Il  en 
avait  reçu  de  tristes  nouvelles.  Un  pieux  moine  de  Saint- 
Bernard  était  venu  du  fond  du  Languedoc  lui  dénoncer  le 
mauvais  gouvernement  de  son  oncle  de  Berri.  Le  moioe 

*  •  En  eut  le  roy  plusieurs  coups  et  horions  sar  les  espanles  bien  assez. 
Et  au  soir,  en  la  présence  des  dames  et  damoiselles»  fut  la  chose  sçua 
et  récitée,  et  le  roy  mesme  se  farçoit  des  horions  qu'il  avoit  reçus.  • 
Grandes  chroniques  de  Saint-Denis. 

*  Ce  mariage  eut  de  grandes «iconsëquences  qu'on  verra  plus  tard.  £Uo 
apporta  Asti  en  dot,  arec  450,000  florins.  AràUvet. 

'  Le  Religieux. 


JEUNESSE  DE  CHARLES  VI.  33 

avait  surmonté  tous  les  obstacles,  forcé  les  portes,  et,  en 
présence  même  de  Toncle  du  roi,  il  avait  parlé  avec  une 
hardiesse  toute  chrétienne.  Le  roi,  qui  avait  bon  cœur, 
l'écouta  patiemment,  le  prit  sous  sa  sauvegarde,  et  promit 
d'aller  lui-même  voir  ce  malheureux  pays.  Il  voulait, 
d'ailleurs,  passer  à  Avignon,  et  s'entendre  avec  le  pape  sur 
les  moyens  d'éteindre  le  schisme. 

Après  avoir,  selon  Tusage  de  nos  rois  en  pareille  circons- 
tance, fait  ses  dévotions  à  l'abbaye  de  Saint-Denis,  il  prit 
sa  route  par  Nevers,  et  y  fut  reçu  avec  la  prodigue  magni* 
licence  de  la  maison  de  Bourgogne.  Mais  il  ne  permit  pas 
à  ses  oncles  de  le  suivre  ^;  il  ne  voulait  pas  qu'ils  fermas- 
sent ses  oreilles  aux  plaintes  des  peuples.  Peut-être  aussi 
se  sentait' il  moins  libre,  en  leur  présence,  de  se  livrera 
ses  fantaisies  de  jeune  homme.  Pour  la  même  raison,  il 
n'emmena  point  la  reine;  il  voulait  jouir  sans  contrainte, 
goûter  royalement  tout  ce  que  la  France  avait  de  plaisirs. 

Il  s'arrêta  d'abord  à  Lyon,  dans  cette  grande  et  aimable 
ville,  demi -italienne.  11  fut  reçu  sous  un  dais  de  drap 
d'or,  par  quatre  jeunes  belles  demoiselles,  qui  le  menèrent 
à  Tarchevêché.  Ce  ne  fut,  pendant  quatre  jours,  que  jeux, 
bals  et  galanteries. 

Mais  nulle  part  le  roi  ne  passa  le  temps  plus  agréable- 
ment qu'à  Avignon,  chez  le  pape.  Personne  n'était  plus 
consommé  que  ces  prêtres  dans  tous  les  arts  du  plaisir. 
Nulle  part  la  vie  n'était  plus  facile,  nulle  part  les  esprits 
plus  libres.  L'eussent-ils  été  moins,  ils  se  trouvaient  à  la 
sjurce  même  des  indulgences;  le  pardon  était  tout  près 
du  péché.  Le  roi,  au  départ,  laissa  de  riches  souvenirs  aux 
belles  dames  d'Avignon,  «  qui  s'en  louèrent  toutes  a.  » 

'  App„  30. 

*  •  Quoiqu'ils  fussent  logés  de  les  le  pape  et  les  cardinaux,  si  ne  se 
pouTOient-ils  tenir...  que  toute  nuit  ils  ne  fussent  en  danses,  en  earoles 
et  en  esbattements  arec  les  dames  et  damoiselles  d'Avignon;  et  leur 
adminisiroit  leurs  reriaux  (fêtes)  le  comte  de  Genève,  lequel  étoit  frère 
dapape.  •  Froiisart. 

IT.  9 


34  JEUNESSE  DE  CHARLES  YI. 

Il  partit  grand  ami  du  pape,  et  tout  gagné  à  son  parti. 
Clément  YII  avait  donné  au  jeune  duc  d'Ânjoa  le  litre  de 
roi  de  Napjes,  et  au  roi  lui-même  la  disposition  de  sept 
cent  cinquante  bénéfices,  celle,  entre  autres,  de  Tarche- 
véché  de  Reims.  Hais  Télu  du  roi,  qui  était  on  fan^iui 
adversaire  du  pape  et  des  dominicains,  mourut  bientôt 
empoisonné  ^ 

Arrivé  en  Languedoc,  Je  roi  n'entendit  que  plaintes  et 
que  cris.  Le  duc  de  Berri  avait  réduit  le  pays  à  un  tel 
désespoir,  que  déjà  plus  de  quarante  mille  hommes 
s'étaient  enfuis  en  Aragon.  Ce  prince,  bon  et  doux  dans 
son  Berri,  livrait  le  Languedoc  à  ses  agents  comoie  une 
ferme  à  exploiter.  Avide  et  prodigue,  il  se  faisait  béuîr  des 
uns,  détester  des  autres.  Il  était  homme  à  donner  deux 
cent  mille  francs  à  son  bouffon.  Il  est  vrai  qu'en  récom- 
pense il  donnait  aussi  aux  clercs  et  construisait  des  églises. 
Il  bâtissait  ces  tourelles  aériennes,  faisait  tailler  à  grands 
frais  ces  dentelles  de  pierre  que  nous  admirons  et  que  le 
peuple .  maudissait.  Précieux  manuscrits,  riches  minia- 
tures, sceaux  admirables,  rien  ne  lui  coûtait.  En  dernier 
lieu,  à  soixante  ans,  il  venait  d'épouser  une  petite  fille  de 
douze  ans,  la  nièce  du  comte  de  Foix.  Combien  de  fêles  et 
de  dépenses  fallait -il  au  sexagénaire  pour  se  faire  par- 
donner son  âge  par  cette  enfant? 

Le  roi,  retenu  douze  jours  entiers  à  Montpellier  par  l^ 
vives  et  «  f risques  »  demoiselles  du  pays^,  vint  ensuite 
assister,  à  Toulouse,  à  l'exécution  de  Bétisac,  trésorier  de 
son  oncle.  Cet  homme  avouait  tous  ses  crimes,  mais  il 
ajoutait  qu'il  n'avait  rien  fait  que  par  ordre  de  monseigneur 
de  Berri.  Ne  sachant  comment  le  tirer  de  cette  puissante 
protection,  on  lui  persuada  qu'il  n'avait  d'autre  ressource 

i  Selon  le  béfiëdictia  de  Siiat-Denis,  oa  soupçonaa  géDécaleiBent 
les  domiuiâains. 

-  «  El  leur  doDDoit  analj  d'or  et  fermaillcts  (agrafes)  à  chasôuie...  • 
Froissaria 


JEUNESSE  DE  CHARLES  VI.  35 

que  de*  se»  dire  hérétique,  qu'alors  on  renverrait  au  pape» 
qu'il  serait  sauvé.  Il  crut  ce  conseil,  se  déclara  hérétique,  et 
fiit  brûlé  vif.  L'exécution  eut  lieu  sous  les  fenêtres  du  roi, 
aux  acclamations  du  peuple.  Le  roi  donna  cette  satisfaction 
aux  plaintes  du  Languedoc. 

Pour  faire  encore  diose  agréable  à  la  bonne  ville  de 
Toulouse,  Charles  VI  accorda  aux  abbayes  des  filles  de  joie, 
que  ces  fiUes  ne  fussentplusobligéesde  porter  un  costume^ 
mais  que  désormais  elles  s'habillassent  à  leur  fantaisie.  11 
voulait  qu'elles  prissent  part  à  la  joie  de  sa  royale  entrée. 

Il  revint  droit  à  Paris,  soûl  de  plaisirs,  las  de  fêtes;  il 
évita  au  retour  celles  qu'on  lui  préparait.  11  gagea  avec  son 
frère  que,  tous  deux  partant  à  franc  étrier,  il  arriverait 
avant  lui.  11  n'y  avait  plus  de  repos  pour  lui  que  dans 
rétonrdissement.  A  vingt-deux  ans,  il  était  fini  ;  il  avait 
usé  deux  vies,  une  de  guerre,  une  de  plaisirs.  La  tête  était 
morte,  le  cœur  vide  ;  les  sens  commençaientà  défaillir.  Quel 
remède  à  cet  état  desolant?L'agitation,  le  vertige  d'une 
course  furieuse.  «  Les  mort&  vont  vite.  » 

La  vie  est  un  combat,  sans  doute,  mais  il  ne  faut  pas 
s'en  plaindre;  c'est  un  malheur  quand  le  combat  finit.  La 
guerre  intérieure  de  Fllomo  duplex  est  justement  ce  qui 
nous  soutient.  Contemplons-la,  cette  guerre,  non  plus  dans 
le  roi,  mais  dans  le  royaume,  dans  le  Paris  d'alors,  qui  la 
représentait  si  bien. 

Le  Paris  de  Charles  VI,  c'est  surtout  le  Paris  du  Nord,  ce 
grand  et  profond  Paris  de  la  plaine,  étendant  ses  rues  obs- 
cures du  royal  hôtel  Saint-Paul  à  l'hôtel  de  Bourgogne,  aux 
halles.  Au  cœur  de  ce  Paris,  vers  la  Grève,  s'élevaient  deux 
églises,  deux  idées,  Saint-Jacques  et  Saint-Jean. 

Saint 'Jacques  de  la  Boucherie  était  la  paroisse  des  bou- 
chers et  des  lombards,  de  l'argent  et  de  la  viande.  Digne- 
ment enceinte  d'écorcheries,  de  tanneries  et  de  mauvais 

*  •«•  Sauf  une  jarretière  d'autre  eoolcar  an  bras...(  Ordoonances») 


3  G  JEUNESSE  DB  CHARLES  Tf. 

lieux,  la  sale  et  riche  paroisse  s'étendait  de  la  rue  Trousse- 
vache  au  quai  des  Peaux  ou  Pelletier.  A  l'ombre  de  Téglisé 
des  bouchers,  sous  la  protection  de  ses  confréries,  dans 
une  chétive  échoppe,  écrivaient,  intriguaient,  amassaient 
Flaiïiel  et  sa  vieille  Pernelle,  gens  avisés,  qui  passaient  pour 
alchimistes,  et  qui  de  cette  boue  infecte  surent  en  effet 
tirer  de  l'or*. 

Contre  la  matérialité  de  Saint-Jacques,  s'élevait,  à  deux 
pas,  la  spiritualité  de  Saint-Jean.  Deux  événements  tra- 
giques avaient  fait  de  cette  chapelle  une  grande  église,  une 
grande  paroisse  :  le  miracle  de  la  rue  des  Billettes,  où 
a  Dieu  fut  boulu  par  un  juif;  »  puis,  la  ruine  du  Temple,  qur 
étendit  la  paroisse  de  Saint-Jean  sur  ce  vaste  et  silencîeoi 
quartier.  Son  curé  était  le  grand  docteur  du  temps,  Jean 
Gerson,  cet  homme  de  combat  et  de  contradiction.  Mys- 
tique, ennemi  des  mystiques,  mais  plus  ennemi  encore 
dus  hommes  de  matière  et  de  brutalité,  pauvre  et  impuis- 
sant curé  de  Saint-Jean,  entre  les  folies  de  Saint-Paul  et 
les  violences  de  Saint-Jacques,  il  censura  les  princes,  il 
attaqua  les  bouchers;  il  écrivit  contre  les  dangereuses 
sciences  de  la  matière,  qui  sourdement  minaient  le  chris- 
tianisme, contre  Tastrologie,  contre  Talchimie. 


1  Saint-Jacques  était  le  Saint-Denis,  le  Wisiniinster  des  eonfréries; 
l*ambiiion  des  bouchers,  des  armuriers,  était  d'y  être  enterré.  1^  premia 
bienfaiteur  de  cette  église  fat  une  teiniuriôre.  Les  boacheri(  l'cnrichirefit 
Ces  hommes  rudes  aimaient  leur  église.  Nous  voyons  par  les  chafles  qu: 
le  boucher  Alain  y  acheta  une  lucarne  pour  voir  la  messe  de  chez  loi; 
le  boucher  Haussecul  acquit  à  grand  prix  une  clef  de  Tég lise.  Cetie 
église  éiaii  fort  indépendante,  entre  Notre-Dame  et  Saint-Martin,  qui  se 
la  disputaient.  C'était  un. redoutable  asile  que  Ton  n'eût  pas  violé  impe- 
ncment.  Voilà  pourquoi  le  rusé  Flamel,  écrivain  non  jure',  non  autorisé 
de  l'Université,  s'établit  à  l'ombre  de  Saint- Jacques.  Il  pul  y  être  pro- 
tégii  par  le  curé  du  temps,  homme  Considérable,  greffier  da  parlement, 
qui  avait  cette  cure,  sans  môme  être  prêtre  (voir  les  lettres  de  ClëmeB- 
gis).  Fiiimel  se  tint  là  trente  ans  dans  une  échoppe  de  cinq  pieds  sur 
trois;  et  il  s'y  aida  si  bien  de  travail,  de  saroir-faire,  d'industrie  scoter- 
raine^  qu'à  sa  mort  il  fallut,  pour  contenir  les  titres  de  ses  bleD&j  lA 
coffre  plus  grand  que  l'échoppe.  i)|ip.,31. 


JEUNESSE  DE  CïïXRLES  YI.  C7 

Sa  tâche  était  dilKicile;  la  partie  était  forte.  La  nature,  ot 
les  sciences  de  la  nature,  comprimées  par  l'esprit  chré- 
tien, allaient  avoir  leur  renaissance. 

Cette  dangereuse  puissance,  longtemps  captive  dans  les 
creusets  et  les  matrices  des  disciples  d'Averroès,  trans- 
formée par  Arnauld  de  Villeneuve  et  quasi  spiritualisée  ^, 
se  contint  encore  au  xnP  siècle  ;  au  xv»,  elle  flamba... 

Combien,  en  présence  de  cette  éblouissante  apparition,  la 
vieille  éristique  p<Mit?  Celle-ci  avait  tout  occupé  en  Thomme; 
puis,  tout  laissé  vide.  Dans  Fentr'acte  de  la  vie  spirituelle, 
l'éternelle  nature  reparaît,  toujours  jeune  et  charmante. 
Elle  s'empare  de  l'homme  défaillant,  et  Tattire  contre  son 
sein. 

Elle  revient  après  le  christianisme,  malgré  lui,  elle  re- 
vient comme  péché.  Le  charme  n'en  est  que  plus  irritant 
pour  l'homme,  le  désir  plus  âpre.  N'étant  pas  encore  com- 
prise, n'étant  pas  science,  mais  magie,  elle  exerce  sur 
l'homme  une  fascination  meurtrière.  Le  fini  va  se  perdre 
dans  le  charme  infiniment  varié  de  la  nature.  Lui,  il  donne, 
donne  sans  compter.  Elle,  belle,  immuable,  elle  reçoit  ton* 
jours  et  sourit. 

Il  faut  donc  que  tout  y  passe.  L'alchimiste  vieillissant  à 
la  recherche  de  l'or,  maigre  et  p&le  sur  son  creuset,  souf- 
flera jusqu'à  la  fin.  II  brûlera  ses  meubles,  ses  livres  ;  il 
brûlerait  ses  enfants...  D'autres  poursuivront  la  nature 
dans  ses  formes  les  plus  séduisantes  ;  ils  languiront  à  la  re- 
cherche de  la  beauté.  ^lats  la  beauté  fuit  comme  l'or  ; 
chacune  de  ses  gracieuses  apparitions  échappe  à  l'homme, 
vaine  et  vide,  et  toute  vainc  qu'elle  est,  elle  n'emporte  pas 
moins  les  riches  dons  de  son  être...  Ainsi  triomphe  de  l'être 
éphémère  l'insatiable,  l'infatigable  nature.  Elle  absorbe  sa 
vie,  sa  force;  elle  le  reprend  en  elle,  lui  et  son  désir,  et  ré- 
sout l'amour  et  l'amant  dans  l'éternelle  chimie. 

t  App,,  3i« 


38  JEUNESSE  DE  CHARLES  YI. 

Que  si  la  vie  ne  manque  point»  mais  que  seulement 
Tàme  défaille,  alors  c'est  bien  pis.  L'homme  n'a  plus  de  li 
vie  que  la  conscience  de  sa  mort.  Ayant  éteint  son  dieu  in- 
térieur, il  se  sent  délaissé  de  Dieu,  et  cooune  excepté  seul 
de  Tunivei^selle  providence. 

Seul...  Mais  au  moyen  âge  on  n'était  pas  longtemps 
seuL  Le  Diable  vient  vite,  dans  ces  moments,  à  la  place  de 
Dieu.  L'àme  gisante  est  pour  lui  on  jouet  qu'il  tourne  et 
pelote...  Et  cette'pauvre  toie  est  si  malade,  qu'dOie  veut 
rester  malade,  creusant  son  mal  et  fouillant  les  mauvaises 
jouissances  :  MtUa  mentis  çaudia.  Leurrée  de  croyances 
folles,  amusée  de  lueurs  sombres,  menée  de  côté  et  d'autre 
par  la  vaine  curiosité,  elle  cherche  à  tâtons  dans  la  nuit; 
elle  a  peur  et  elle  cherche... 

Ce  sont  d'étranges  époques.  On  nie,  on  croit  tout.  Une 
fiévreuse  atmosphère  de  superstition  sceptique  enveloppe  ks 
villes  sombres.  L'ombre  augmente  dans  leurs  rues  étroiles; 
leur  brouillard  va  s*épaississant.aux  fumées  d'alchimie  et 
de  sabbat.  Les  croisées  obliques  ont  des  regards  loudies. 
La  boue  noire  des  carrefours  grouille  en  mauvaises  pa» 
rôles.  Les  portes  sont  fermées  tout  le  jour  ;  mais  dles  sa- 
vent bien  s'ouvrir  le  soir,  pour  recevoir  l'homme  du  nul, 
le  juif,  le  sorcier,  l'assassin. 

On  s'attend  alors  à  quelque  chose.  A  quoi?  On  l'ignore. 

Hais  la  nature  avertit  ;  les  éléments  semblent  changés.  Le 

i  bruit  courut  un  moment,  sous  Charles  Yl,  qu'on  avait  em- 

ipoisonné   les  rivières  ^    Dans   tous  les  esprits,  flottait 

d'avance  une  vague  pensée  de  crime. 

«  App„  33. 


CHAPITRE  III 


Folie  de  Ghariei  YL   iaM-â4Û0 


Cette  braUle  histoire  qui  va  présenter  tant  de  crimes 
hardis,  de  crimes  orgueilleux  qui  cherchent  le  jour,  elle 
commence  par  un  vilain  crime  de  nuit,  un  guet-apens.  Ce 
fut  un  attMitat  de  la  féodalité  mourante  contre  le  droit 
féodal,  commis  en  trahison  par  un  arrière-vassal  sur  un 
officier  de  son  suzerain,  dans  la  résidence  du  suzerain 
même;  et  par-dessus,  ce  fut  un  sacrilège,  l'assassin  ayant 
pris  pour  faire  son  coup  le  jour  du  Sâint^Sacrement. 

Les  Marmousets,  les  petits  devenus  maîtres  des  grands, 
étaient  mortellement  hais;  Clisson,  de  plus,  était  crainte 
En  France,  il  était  connétabla,  Tépée  du  roi  contre  les 
seigneurs  ;  en  Bretagne,  il  était  au  contraire  le  chef  des 
seigneurs  contre  le  duc.  Lié  étroitement  aux  maisons  de 
Penthièvre  et  d'Anjou,  il  n'attendait  qu'une  occasion  pour 
chasser  le  duc  de  Bretagne  et  le  renvoyer  chez  ses  amis, 
les  Anglais.  Le  duc,  qui  le  savait  à  merveille,  qui  vivait  en 
crainte  continuelle  de  Clisson,  et  ne  rêvait  que  du  terrible 
borgne^  ne  pouvait  se  consoler  d'avoir  eu  son  ennemi 
entre  les  mains,  de  l'avoir  tenu  et  de  n'avoir  pas  eu  le  cou- 
rage de  le  tuer.  Or  il  y  avait  un  homme  qui  avait  intérêt  à 
tuer  Clisson,  qui  avait  tout  à  craindre  du  connétable  et  de 
la  maison  d'Anjou.  C'était  un  seigneur  angevin,  Pierre  de 

*  Il  «T»U  perds  un  ml  à  la  bataille  d'Aaray,  en  1361. 


40  KOLIE  DB  CHARLES  VI. 

Craon,  qui,  ayant  volé  le  trésor  du  duc  d* Anjou,  son  maître, 
dans  l'expédition  de  Naples,  fut  cause  qu'il  périt  sans  se> 
course  La  veuve  ne  perdait  pas  de  vue  cet  homme,  et 
Clissoii,  allié  de  la  maison  d'Anjou,  ne  rencontrait  pas  le 
voleur  sans  le  traiter  comme  il  le  méritait. 

Les  deux  peurs,  les  deux  haines .  s'entendirent.  Craon 
promit  au  duc  de  Bretagne  de  le  défaire  de  Clisson.  Jl  re- 
vint secrètement  à  Paris,  rentra  de  nuit  dans  la  ville  ;  les 
portes  étaient  toujours  ouvertes  depuis  la  punition  des 
Maillotins.  Il  remplit  de  coupe-jarrets  son  hôtel  du  Marché- 
Saint-Jean.  Là,  portes  et  croisées  fermées,  ils  attendirent 
plusieurs  jours.  Enfin,  le  43  juin,  jour  de  la  fête  du  Saint- 
Sacrement,  un  grand  gala  ayant  eu  lieu  à  Thôtel  Saint- 
Paul,  joutes,  souper  et  danses  après  minuit,  le  connétable 
revenait  presque  seul  à  son  hôtel  de  la  rue  de  Paradis.  Ce 
vaste  et  silencieux  Marais,  assez  désert  même  aujourd'hui, 
rétait  bien  plus  alors;  ce  n'étaient  que  grands  hôteb, 
jardins  et  couvents.  Craon  se  tînt  à  cheval  avec  quarante 
bandits  au  coin  de  la  rue  Sainte-Catherine  ;  Clisson  arrive, 
ils  éteignent  les  torches,  fondent  sur  lui.  Le  connétable 
crut  d*abord  que  c'était  un  jeu.  du  jeune  frère  du  roi.  Mais 
Crnon  vQulut,  en  le  tuant^  lui  donner,  l'amertume  de  savoir 
par  qui  il  mourait.  «  Je  suis  votre  ennemi,  lui  dit-il,  je 
suis  Pierre  de  Craon.  »  Le  connétable,  qui  n'avait  qu'un 
petit  coutelas,  para  du  mieux  qu'il  put.  Enfin,  atteint  à  la 
tétc,  il  tomba;  fort  heureusement,  il  ouvrit  en  tombant  une 
porte  entre-bâillée,  celle  d'un  boulanger,  qui  chauffait  son 
four  à  cette  heure  avancée  de  la  nuit.  La  tête  et  moitié  du 
corps  se  trouvèrent  dans  la  boutique  ;  pour  l'achever,  il 
eût  fallu  entrer.  Mais  les  quarante  braves  n'osèrent  des- 
cendre de  cheval  ;  ils  aimèrent  mieux  croire  qu'il  en  avait 

ûssez,  et  se  sauvèrent  m  galop  par  la  porte  Saint-Antoine. 

• 

1  Le  dac  do  Berri  lai  dit  an  joar  :  t  Méchant  traître,  c'est  toi  qoî  as 
cause  la  mort  de  notre  frère.  ■  El  il  donna  ordre  de  l'arrdler.  mais  per- 
sonne a*obéit.  (Religieax.) 


FOLIE  DE  CHARLES  VI.  41 

Le  roi,  qui  se  couchait,  fut  averti  un  moment  après.  Il 
ne  prit  pas  le  temps  de  s'habiller  ;  il  vint  sans  attendre  sa 
suite,  en  chemise,  dans  un  manteau.  Il  trouva  le  connétable 
déjà  revenu  à  lui,  et  lui  promit  de  le  venger,  jurant  que 
jamais  chose  ne  serait  payée  plus  cher  que  celle-là. 

Cependant  le  meurtrier  s'était  blotti  dans  son  château 
de  Sablé  au  Maine,  puis  dans  quelque  coin  de  la  Bretagne. 
Les  oncles  du  roi,  qui  étaient  ravis  de  l'événement,  et  qui 
d'avance  en  avaient  su  quelque  chose,  disaient,  pour 
amuser  le  roi  et  gagner  du  temps,  que  Craon  était  en 
Espagne.  Mais  le  roi  ne  s'y  trompait  pas.  C'était  le  duc  de 
Bretagne  qu'il  voulait  punir.  Il  était  loin,  ce  duc  ;  il  fallait 
l'atteindre  chez  lui,  dans  son  pauvre  et  rude  pays,  à  travers 
les  forêts  du  Mans,  de  Vitré,  de  Rennes.  Il  fallait  que  les 
oncles  du  roi  lui  amenassent  leurs  vassaux,  c'est-à-dire 
qu'ils  se  prétassent  à  punir  le  crime  de  leurs  amis,  le  leur 
peut-être  ^  Le  roi,  ne  sachant  comment  venir  à  bout  de 
leur  répugnance  et  de  leurs  lenteurs,  alla  jusqu'à  rendre 
au  duc  de  Berri  le  Languedoc  qu'il  lui  avait  si  justement 
retiré^. 

Il  était  languissant,  malade  d'impatience.  Il  avait  eu 
une  fièvre  chaude  peu  de  temps  auparavant,  et  n'était  pas 
trop  remis.  Il  y  avait  en  lui  quelque  chose  d'égaré  et 
comme  d'étrange.  Ses  oncles  auraient  voulu  qu'il  se  soi- 
gnât, qu'il  se  tint  tranquille,  qu'il  s'abstint  surtout  de  venir 
au  conseil;  mais  ils  ne  gagnaient  rien  sur  lui.  II  monta  à 
cheval  malgré  eux,  et  les  mena  jusqu'au  Mans.  Là,  ils 
parvinrent  encore  à  le  retenir  trois  semaines.  Enfm,  se 
croyant  mieux,  il  n'écouta  plus  rien,  et  fit  déployer  soa 
étendard. 


*  Il9  ne  tardèrent  pas  à  obtenir  la  grAce  de  Craon  (13  mars  1395). 

*  Nons  suiroDS  pu  à  pas  leReHgieu  do  Saint-Denis.  Ce  grave  his- 
torien mérite  ici  d'antant  pins  d'attention,  qu'il  était  lui-mCme  à  l'armée 
et  témoin  oculaire  des  érénements. 


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'S 


40  KOLIE  DB  CHARLES  VI. 

Craon,  qui,  ayant  volé  le  trésor  du  duc  d*Aq^    "^^ 
dans  rexpédition  de  Naples,  fut  cause  qL  '^.      ^ 
cours*.  La  veuve  ne  perdait  pas  de  j   *^^^    """^ 
Clissoii,  allié  de  la  maison  d'Anjou, ,  ^  ^.  ^     ^» 
voleur  sans  le  traiter  comme  il  le  nr  %  %r  "^  Ci^  ^   ^* 

Les  deux  peurs,  les  deux  baij^^  <^  %  "'^ '^<. 
promit  au  duc  de  Bretagne  de|  %  <^  ^^^   ^-     * 
vint  secrètement  à  Paris,  renf  ^  ^  '^   '^-a  '^.\  ^^^ 
portes  étaient  toujours  ouv  ?»  ^  ^*  ^  >ri    ^^ .   -'i 
Maillotins.  Il  remplit  de  cor  %  4i^,^%  ?;    ''^ 
Saint- Jean.  Là,  portes  et  a  ?   %  ^  T,.    V/* 
plusieurs  jours.  Enfin,  I  '/o,  ^^%  %  ^  ^\  ^* 
Sacrement,  un  grand  i^%^,%  ^^  <   '^^-    % . 
Paul,  joutes,  souper  ^j  '%  «  \  ^^^  '^^^V^^  ^^ 
revenait  presque  se'^'f^^  ^  V  '^/V 
vaste  et  silencieux  ;^  ^  (^  ^.  çy  ''^ 
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jardins  etcouv  4M  ^ 


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par  qui  *^*^'  le  Languedoc,  le 

^  .    o:  <^®  nouveau  duc  d'Orléans, 

suis  ti' 

.-  *ice  qui  n'avait  que  trop  d'esprt 

J\ .  jiiait  tout  le  monde  ;  il  venait  de  mettre 

.d  lis  la  belle  couleuvre  de  Milan  *...  Donc, 

j^  .i  de  sur.  Des  gens  qui  n'avaient  pas  craîDl 

.r  son  connétable  à  sa  porte,  ne  se  feraient  pas 

jL  scrupule  de  mettre  la  main  sur  lui.  II  était  seulpanoi 

.s  traîtres...  Qu'avait-il  fait  pourtant,  pour  être  aîDsi 

haï  de  tous,  lui  qui  ne  haïssait  personne,  qui  plutôt  aimiit 


«  n  Tenait  d'^p<mser  It  fille  du  due  de  M ihui,  qui  «rait  qbc  eoskmt 
dans  ses  armes. 


W^m  I»  CHASUft  Tl.  43 


^Q 


%ii  Tovla  pouvoir  ûûre  quelque  chose 
^    "^  peuple  ;  tout  au  moins  il  avait  boa 

<:    "V  aavaieat  bien. 

^  ^^^  ^<*>  la  forêt,  usk  homme  de  mau- 

^^.  ^y.  "^A    ^^  Tjj^m  qu'une  méchante  cotte 

la  bride  du  cheval  du  roi, 

He,  noble  roi^  ne  passe 

^r  la  bride,  mais  on  le 


t  pour  entrer  dans 

aplomb.  Tout  le 

ortait  la  lance 

'nbant,  alla 

'il  ce  bruit 


/^./\%'  *^  l'épée,  et, 

'''-    ^>  "^  ^  aux  traîtres  I  ils 


'<;  ^<.  ^  «  épée  nue  sur  le  duc 

^  ^  ^  roi  eut  le  temps  de  tuer 

^  utTarréler^.  Il  fallut  qu'il  se 

^is  chevaliers  vint  le  saisir  par 

^la,  on  le  descendit  de  cheval,  on  le 

.  par  terre.  Les  yeux  lui  roulaient  étran- 

«a  tête,  11  ne  reconnaissait  personne  et  ne 

.  Ses  oncles,  son  frère,  étaient  autour  de  iuL 

monde  pouvait  approcher  et  le  voir.  Les  ambassa- 

^1%  d'Angleterre "^  vinrent  comme  les  autres,  ce  qu'on 

tfouva  généralement  fort  mauvais.  Le  duc  de  Bourgogne, 

Wrtout,  s'emporta  contre  le  chambellan  La  Rivière,  qui 

avait  laissé  voir  le  roi  en  cet  état  aux  ennemis  de  la  France. 

Lorsqu'il  revint  un  peu  à  lui,  et  qu'il  sut  ce  qu'il  avait 

^^1  il  en  eut  horreur,  demanda  pardon  et  se  confessa.  Les 

oncles  s'étaient  emparés  de  tout,  et  avaient  mis  en  prison 

*-a  Rivière  et  les  autres  conseillers  du  roi  ;  Clisson  avait 

*  ^PP .  35. 


44  POLIB  DB  CHARLES  TI. 

seul  échappé.  Toutefois  le  roi  défendit  qu'on  leur  fît  mal, 
et  leur  fit  môme  rendre  leurs  biens  *. 

Les  médecins  ne  manquèrent  point  au  royal  malale, 
mais  ils  ne  firent  pas  grand'chose.  Cétait  déjà,  comme, 
aujourd'hui,  la  médecine  matérialiste,  qui  soigne  le  corps 
sans  se  soucier  de  Tâme,  qui  veut  guérir  le  mal  physique 
sans  rechercher  le  mal  moral,  lequel  pourtant  est  ordinai- 
rement la  cause  première  de  l'autre.  Le  moyen  âge  faisait 
tout  le  contraire;  il  ne  connaissait  pas  toujours  les  remèdes 
matériels  ;  mais  il  savait  à  merveille  calmer,  charmer  le 
malade,  le  préparer  à  se  laisser  guérir.  La  médecine  se 
faisait  chrétiennement,  au  bénitier  même  des  églises.  Sou- 
vent on  commençait  par  confesser  te  patient,  et  l'on  con« 
naissait  ainsi  sa  vie,  ses  habitudes.  On  lui  donnait  ensuite 
la  communion,  ce  qui  aidait  à  rétablir  l'harmonie  des 
esprits  troublés.  Quand  le  malade  avait  mis  bas  la  passion, 
l'habitude  mauvaise,  dépouillé  le  vieil  homme,  alors  on 
cherchait  quelque  remède.  C'était  ordinairement  quelque 
absurdQ  recette  ;  mais  sur  un  homme  si  bien  prép^, 
tout  réussissait.  Au  xiv«  siècle,  on  ne  connaissait  déjà 
plus  ces  ménagements  préalables  ;  on  s'adressait  directe- 
ment, brutalement  au  corps  ;  on  le  tourmentait.  Le  roi  se 
lassa  bientôt  du  traitement,  et  dans  un  moment  de  raison 
il  chassa  ses  médecins. 

Les  gens  de  la  cour  l'engageaient  à  ne  chercher  d'aube 
remède  que  les  amusements,  les  fêtes,  à  guérir  la  folie  par 
la  folie.  Une  belle  occasion  se  présenta  :  la  reine  mariait 
une  de  ses  dames  allemandes,  déjà  veuve.  Les  noces  de 
veuves  étaient,  des  charivaris,  des  fêtes  folles,  où  l'on 
disait  et  faisait  tout.  Afin  d'en  faire,  s'il  se  pouvait,  da- 
vantage, le  roi  et  cinq  chevaliers  se  déguisèrent  en  satyres. 
Celui  qui  mettait  en  train  ces  farces  obscènes  était  un 


I  On  était  loin  de  s'attendre  à  an  traitement  si  humain.  Les  Parisiens 
allaient  toas  les  joars  à  la  Grère,  dans  l'espoir  de  les  yoir  pendre. 


FOLIE  pS  CHARLES  YL  43 

certain  Hugues  de  Guisay,  ua  mauvais  homme,  de  ces  gens 
qui  deviennent  quelque  chose  en  amusant  les  grands  et 
marchant  sur  les  petits.  Il  fit  coudre  ces  satyres  dans  une 
toile  enduite  de  poix-résine,  sur  quoi  fut  collée  une  toison 
d'étoupes  qui  les  faisait  paraître  velus  comme  des  boucs. 
Pendant  que  le  roi,  sous  ce  déguisement,  lutine  sa  jeune 
tante,  la  toute  jeune  épouse  du  vieux  duc  de  Berri,  le  duc 
d'Orléans,  son  frère,  qui  avait  passé  la  soirée  ailleurs, 
rentre  avec  le  comte  de  Bar  ;  ces  malheureux  étourdis 
imaginent,  pour  faire  peur  aux  dames,  de  mettre  le  feu 
aux  étoupes.  Ces  étoupes  tenaient  à  la  poix-résine  ;  à  l'in- 
stant les  satyres  flambèrent.  La  toile  était  cousue  ;  rien  ne 
pouvait  les  sauver.  Ce  fut  chose  horrible  de  voir  courir 
dans  la  salle  ces  flammes  vivantes,  hurlantes...  Heureuse- 
ment, la  jeune  duchesse  de  Berri  retint  le  roi^  Tempécha 
de  bouger,  le.  couvrit  de  sa  robe,  de  sorte  qu'aucune  étin- 
celle ne  tombât  sur  lui.  Les  autres  brûlèrent  une  demi- 
heure,  et  mirent  trois  jours  à  mourir^ 

Les  princes  avaient  tout  à  craindre,  si  le  roi  n'eût 
échappé  ;  le  peuple  les  aurait  mis  en  pièces.  Quand  le 
bruit  de  cette  aventure  se  répandit  dans  la  ville,  ce  fut  un 
mouvement  général  d'indignation  et  de  pitié.  Que  l'on 
abandonnât  le  roi  à  ces  honteuses  folies,  qu'il  eût  risqué, 
innocent  et  simple  qu'il  était,  d'être  enveloppé  dans  ce 
terrible  châtiment  de  Dieu,  Thonnéte  bourgeoisie  de  Paris 
frémissait  d'y  penser.  Ils  se  portèrent  plus  de  cinq  cents  ù 
rhôtel  Saint  Paul.  On  ne  put  les  calmer  qu'en  leur  mon- 
trant leur  roi  sous  son  dais  royal,  où  il  les  remercia  et  leur 
dit  de  bonnes  paroles. 

Une  telle  secousse  ne  pouvait  manquer  d'amener  une 

I  L'inrenteor  de  la  mascarade  fat  un  des  brûlés,  à  la  grande  joie  da 
peuple,  n  avait  toujours  traita  les  pauvres  gens  avec  la  plus  cruelle 
insoli^nce.  Il  les  battait  comme  des  chiens,  les  forçait  d'aboyer,  les  fou« 
lait  aux  pieds  avec  ses  éperons.  Quand  son  corps  passa  dans  Paris, 
plusieurs  crièrent  après  lui  son  mot  ordinaire:  «  Aboie,  chien t  • 
(Religieux.) 


46  rOLTE  DS  CHARLES  TI. 

rechute.  Celle  ci  fut  Tîotente.  Il  soutenait  qH*il  n'était 
point  marié,  qu*il  n'avait  pas  d'enfant.  Un  antre  trah  de  sa 
folie,  et  ce  n'était  pas  le  pins  fol,  c'était  de  ne  vonloir  plus 
être  Ini-même,  point  Charles,  point  roi.  S'il  voyait  des  lis 
sur  les  vitraux  ou  sur  les  murs,  il  s'en  moquait,  dansait 
devant,  les  brisait,  les  effaçait.  «  Je  m'appelle  Georges, 
disait-il;  mes  armes  sont  un  lion  percé  d'une  épée*. 

Les  femmes  seules  avaient  encore  puissance  sur  lui,  sauf 
la  reine,  qu'il  ne  pouvait  plus  souffrir.  Une  femme  Tarait 
sauvé  du  feu.  Mais  celle  qui  avait  sur  lui  le  plus  d'empire, 
c'était  sa  belle-sœur,  Yalentina,  la  duchesse  d'Orléans.  B 
la  reconnaissait  fort  bien,  et  l'appelait  :  «  Chère  sœur.  ■ 
II  fallait  qu'il  la  vtt  tous  les  jours  ;  ii  ne  pouvait  durer  sans 
elle  ;  si  elle  ne  venait,  il  Tallait  chercher.  Cette  jeune  femme, 
déjà  délaissée  de  son  mari,  avait  pour  le  pauvre  fol  un 
.singulier  attrait;  ils  étaient  tous  deux  malheureux.  Elle 
'Soule  savait  se  faire  écouter  de  lui;  il  Itd  obéissait,  ce  fof, 
elle  était  devenue  sa  raison. 

Personne,  que  je  sache,  n'a  bien  expliqué  encore  ce 
phénomène  de  l'infatuation,  cette  fascination  étrange  qui 
tient  de  l'amour  et  n'est  pas  l'amour.  Ce  ne  sont  pas  seule- 
ment les  personnes  qui  l'exercent  7  les  lieux  ont  aussi  cette 
influence;  témoin  le  lac  dont  Charlemagne  ne  pouvait, 
dit-on,  détacher  ses  yeux*.  Si  la  nature,  si  les  forêts 
muettes,  les  froides  eaux,  nous  captivent  et  nous  fascinent, 
que  sera-ce  donc  de  la  femme?  Quel  pouvoir  n'exercera-t- 
elle  pas  sur  Fâme  souffrante  qui  viendra  chercher  près 
d'elle  le  charme  des  entretiens  solitaires  et  de  voluptueuses 
compassions? 

Douce,  mais  dangereuse  médecine,  qui  calme  et  qui 
trouble.  Le  peuple,  qui  juge  grossièrement,  et  qui  juge 

*  On  fat  oblige  de  marer  tontes  les  entï^es  de  YMleà  8atnt-Pol. 
App.t  36. 

*  On  eTpItqvaît  aTissi  par  an  talisman  rinfluettci  de  Diane  de  Poitiers 
sur  Henri  II.  (Gttii)er(.) 


FOLIE  DB  CHARLXS  Vf.  47 

bien,  sentait  qne  ce  remède  était  un  mal  encore.  Elle  a, 
disaient-ils,  cette  Visconti,  venue  du  pays  des  poisons,  des 
maléfices,  elle  a  ensorcelé  le  roi...  Et  il  pouvait  bien  y 
avoir,  en  eifet,  quelque  enchantement  dans  les  paroles  de 
l'Italienne,  un  subtil  poison  dans  le  regard  de  la  femme  du 
Midi. 

Un  meilleur  remède  aux  troubles  d*esprit,  un  moyen 
plus  sage  d'harmoniser  nos  puissances  morales,  c'est  de 
recourir  à  la  paix  suprême,  de  se  réfugier  en  Dieu.  Le  roi 
se  voua  à  saint  Denis,  et  lui  offrit  une  grosse  châsse  û*or. 
Il  se  fit  mener  en  Bretagne,  au  mélancolique  pèlerinage 
du  Mont'Saint-Mîchel,  m  periculo  maris;  plus  tard,  aux 
aflhreuses  montagnes  volcaniques  du  Puy  en  Vélay.  On  lui 
fit  faire  aussi  de  sévères  ordonnances  coptre  les  blasphé* 
mateurs,  contre  les  juifs.  Cette  fois,  du  moins,  les  jui^ 
furent  mieux  traités;  le  roi,  en  les  chassant,  leur  permit 
d'emporter  leurs  biens.  Une  autre  ordonnance  accordait 
un  confesseur  aux  condamnés,  de  manière  qu'en  tuant  le 
corps  on  sauvât  du  moins  Tâme.  Tout  jeu  fut  défendu,  sauf 
l'utile  exercice  de  l'arbalète.  Une  fille  du  roi  fut  oilerte  à 
la  Vierge,  et  faite  religieuse  en  naissant;  on  espérait  que 
l'innocente  créature  expierait  les  péchés  de  son  père  et  lui 
obtiendrait  guérison. 

De  toutes  les  bonnes  œuvres  royales,  la  plus  royale  c'est 
la  paix  ;  ainsi  en  jugeait  saint  Louis  ^.  Les  rois  ne  sont  ici- 
bas  que  pour  garder  la  paix  de  Dieu.  On  croyait  générale- 
ment que  la  maison  de  France  était  frappée  pour  avoir  mis 
la  guene  ei  le  schisme  dans  le  monde  chrétien.  Donc,  la 


«  Voir  tes  belles  paroles»  à  ce  mjel,  dins  son  insiractioD  à  son  IjIs  : 
•  Cliier  6U,  je  t'enseigne  que  les  guerres  et  les  contens  qui  seront  en  ta 
terre,  ou  entre  tes  homes,  que  tu  metes  peine  de  Tapaiser  à  ton  pooToir; 
car  c'est  une  chose  qui  moult  plest  à  Notro-Seigneur  :  etmessire  Saint- 
fiJartin  nous  a  donné  moult  grant  exemple,  car  il  ala  pour  mètre  çès 
mtfe  Ife  clers  qui  estoient  en  sa  arehevécbé,  av  tens  qu'il  saToii  par 
Noiic  Seigneur  que  il  devoit  mourir;  et  11  sembla  que  il  metoit  bone  fia 
en  sa  vie  en  ce  fere.  ■ 


48  FOUE  DE  CHARLES  VI. 

paix  était  le  remède;  paix  de  rËgli3e  entre  Rome  et 
Avignon,  par  la  cession  des  deux  papes;  "paix  de  la  chré- 
tienté entre  la  France  et  l'Angleterre,  par  un  bon  traité 
entre  les  deux  rois,  par  une  belle  croisade  contre  le  Turc, 
c'était  le  vœu  de  tout  le  monde  ;  c'étaient  ce  que  disaient 
tout  haut  les  sermons  des  prédicateurs,  les  harangues  de 
r Université;  tout  bas  les  pleurs  et  les  prières  de  tant  de 
misérables,  la  prière  commune  des  familles,  celle  que  les 
mères  enseignaient  le  soir  aux  petits  enfants. 

Il  faut  voir  avec  quelle  vivacité  Jean  Gerson  célèbre  ce 
beau  don  de  la  paix,  dans  un  de  ces  moments  d'espoir  où 
l'on  crut  à  la  cession  des  deux  papes.  Ce  sermon  est  plutôt 
un  hymne  ;  l'ardent  prédicateur  devient  poète  et  rime  sans 
le  vouloir;  nul  doute  que  ces  rimes  n'aient  été  redites  et 
chantées  par  la  foule  émue  qui  les  entendait  : 

•  Allons,  allons,  sans  attarder, 

•  Allons  de  paix  le  droit  senUer.... 
«  GrAces  à  Diea,  honneur  et  gloire, 

•  Quand  il  nous  a  donné  yictoire. 

«  Élevons  nos  cœurs,  ô  dévot  peuple  chrétien  I  mettons 
«  hors  toute  autre  cure,  donnons  cette  heure  à  considérer 
«  le  beau  don  de  paix  qui  approche.  Que  de  fois,  par 
«  grands  désirs,  depuis  près  de  trente  ans,  avons*noas 
a  demandé  la  paix,  soupiré  la  paix!  Veniatpax^,  » 

Les  rois  se  réconcilièrent  plus  aisément  que  les  papes. 
Les  Anglais  ne  voulaient  point  la  paix';  mais  leur  jroiU 
voulut  ;  il  signa  du  moins  une  trêve  de  vingt-huit  ans. 
Richard  II,  haï  des  siens,  avait  besoin  de  l'amitié  de  la 
France.  Il  épousa  une  fille  du  roi  3,  avec  une  dot  énonnd 
de  huit  cents  écus^.  Mais  il  rendait  Brest  et  Cherbourg. 

Cet  heureux  traité  permit  à  la  noblesse  de  France,  ca 

*  AppyZ7.^*App.^  ae. 

*  La  jeune  Isabelle  avait  sept  ans.  Eichard  asaon  qu'il  «Q  était  épa 
sur  la  Yue  do  son  portrait*  * 

«  App.,  39. 


FOLIB  DE  CHARLES  VI.  49 

qu'elle  souhaitait  depuis  si  longtemps,  de  faire  encore  une 
croisade.  La  guerre  contre  les  infidèles,  c'était  la  paix  entre 
les  chrétiens.  II  n'y  avait  plus  si  loin  à  chercher  la  croisade; 
elle  venait  nous  chercher.  Les  Turcs  avançaient;  ils  enve- 
loppaient Constantinople,  serraient  la  Hongrie.  Ce  rapide 
conquérant,  Bajazet  VÉclair  (Hilderim),  avait,  disait-on, 
jugé  de  faire  manger  l'avoine  à  son  cheval  sur  l'autel  de 
Saint-Pierre  de  ftome.  Une  nombreuse  noblesse  partit,  le 
connétable,  quatre  princes  du  sang,  plusieurs  hommes  d^ 
grande  réputation,  l'amiral  de  Vienne,  les  sires  de  Couci, 
de  Boucicaut.  L'ambitieux  duc  de  Bourgogne  obtint  que  . 
son  fils,  le  duc  de  Nevers,  un  jeune  homme  de  vingt-deux 
ans,  fût  le  chef  de  ces  vieux  et  expérimentés  capitaines^. 
Une  foule  déjeunes  seigneurs  qui  faisaient  leurs  premières 
armes  déployèrent  un  luxe  insensé.  Les  bannières,  les  gui- 
dons, les  housses,  étaient  chargés  d'or  et  d'argent  ;  les 
tentes  étaient  de  satin  vert.  La  vaisselle  d'argent  suivait  sur 
des  chariots;  des  bateaux  de  vins  exquis  descendaient  le 
Danube.  Le  camp  de  ces  croisés  fourmillait  de  femmes  et 
de  filles. 

Que  devenait,  pendant  ce  temps,  l'affaire  du  schisme? 
Beprenons  d'un  peu  plus  haut. 

Longtemps  les  princes  avaient  exploité  à  leur  profit  la 
division  de  l'ËgKse,  le  duc  d'Anjou  d'abord,  puis  le  duc 
de  Berri.  Les  papes  d'Avignon,  sérviles  créatures  de  ces 
princes,  ne  donnaient  de  bénéfices  qu'à  ceux  qu'ils  leur 
désignaient.  Les  prêtres  erraient,  mouraient  de  faim.  Les 
suppôts  de  l'Université,  les  plus  savants  élèves  qu*elle  for- 
mait, les  plus  éloquents  docteurs,  restaient  oubliés  à 
Paris,  languissants  dans  quelque  grenier  ^.  j 

A  la  longue  pourtant,  quand  l'Église  fut  presque  ruinée, 
et  que  les  abus  devinrent  moins  lucratifs,  alors,  enfin,  les 


I  App,,  40. 

*  Nous  analyserons  plus  tard  to  terrible  pamphlet  de  Oémengifl. 

ir.  4 


I^iaces  oommencèrent  à  écouter  las  plaintes  de  rilnher- 
aibé.  Cette  compagnie,  enhardie  par  rabaissement  des 
papes»  prit  en  main  Tautorité  ;  elle  déclara  qu'elle  avait  de 
droit  divin  la  charge  non-^ulement  d'^oseigner,  mais  de 
corriger  et  de  censurer,  de  censurer  et  doctrinalîter  etjudù 
cUUiUr,  pour  parler  le  langage  du  temps.  Elle  appela  tous  ses 
membres  à  donner  avis  sur  la  grande  question  de  Tunioa 
de  r£glise.  Tou&  votèrent,  du  plus  grand  au  plus  petit.  Uo 
troBc  était  ouvert  aux  Mathurins.  Le  moindre  des  pauvra 
maîtres  de  Sorbonne,^  le  plus  crasseux  des  cappets  de 
Montaigu,  y  jeta  son  vote.  On  en  compta  dix  mille;  mais 
kta  dix  mille  votes  se  réduisirent  à  trois  avis  :  compromis 
entre  les  deux  papes,  cession  de  Tun  et  de  Tautre,  concile 
général  pour  juger  Taffaire.  La  voie  de  cession  sembla  la 
plus  sûre.  On  la  croyait  d'autant  plus  facile^  que  Clé- 
ment VII  venait  de  mourir.  Le  roi  écrivit  aux  cardinaux  de 
surseoir  à  rélcction.  Ils  gardèrent  ses  lettres  cachetées,  et 
se  bâtèrent  d'élire.  Le  nouvel  élu,^  Pierre  de  Luoa, 
Benoît  Xllly  avait  promis,  il  est  vrai,  de  tout  faire  pour 
Tunion  de  l'Église,  et  de  céder,  s'il  le  fallait  ^ 

Pour  obtenir  do  lui  qu*il  tint  parole,  on  lui  envoya  la 
plus  solennelle  ambassade  qu'aucun  pape  eut  jamais  reçue. 
Les  ducs  de  Berri,  de  Bourgogne  et  d'Orléans  vinrent  le 
ti'ouver  à  Avignon,  avec  un  docteur  envoyé  par  TUniver- 
sité  de  Paris.  Celui  -  ci  harangua  le  pape  avec  la  plus 
grande  hardiesse.  Il  avait  pris  ce  texte  :  «  Illuminez^  grand 
a  Dieu,  ceux  qui  devraient  nous  conduire,  et  qui  sont 
a  eux-mêmes  dans  les  ténèbres  et  dans  l'ombre  de  h 
«  mort.  »  Le  pape  parla  à  merveille;  il  répondit  avec 
beaucoup  de  présence  d  esprit  et  d'éloquence,  protestant 
qu  il  ne  désirait  rien  plus  que  l'union.  C'était  un  habile 
homme,  mais  un  Aragonais,  une  tête  dui^e,  pleine  d^obs- 
tination  et  d'astuce.  Il  se  joua  des  princes,  lassa  leur  pa- 


FOLIE  DE  CHARLES  VI.  54 

tience,  les  excédant  de  doctes  harangues,  de  discours,  de 
réponses  et  de  répliques,  lorsqu'il  ne  fallait,  comme  on  le 
lui  dit,  qu'un  tout  petit  mot  :  Cession  ^  Puis,  quand  il  les 
vit  languissants,  découragés,  malades  d'ennui,  il  s'en  dé- 
barrassa par  un  coup  hardi.  Les  princes  ne  demeuraient 
pas  dans  la  ville  d'Avignon,  mais  de  l'autre  côté,  à  Ville- 
neuve, et  tous  les  jours  ils  passaient  le  pont  du  Rhône, 
pour  conférer  avec  le  pape.  Un  matin,  ce  pont  se  trouva 
brûlé,  on  ne  passait  qu'en  barque  avec  danger  et  lenteur. 
Le  pape  assura  qu'il  allait  rétablir  le  pont^.  Mais  les  princes 
perdirent  patience,  et  laissèrent  l'Aragonais  maitre  du 
champ  de  bataille.  La  paix  de  TÊglise  fut  ajournée  pour 
longtemps. 

Les  affaires  de  Turquie,  d*Angleterre,  ne  tournèrent 
pas  mieux. 

Le  25  décembre  1396,  pendant  la  nuit  de  Noël,  au  milieu 
des  réjouissances  de  cette  grande  fête,  tous  les  princes 
étant  chez  le  roi,  un  cavalier  entra  à  l'hôtel  Saint-Paul, 
tout  botté  et  eu  éperons.  Use  jeta  à  genoux  devant  le  roi, 
et  dit  qu'il  venait  de  la  part  du  duc  de  Nevers,  prisonnier 
des  Turcs.  L'armée  tout  entière  avait  péri.  De  tant  de  mil- 
liers, d  hommes,  il  restait  vingt -huit  hommes,  les  plus 
grands  seigneurs,  que  les  Turcs  avaient  réservés  pour  les 
mettre  à  rançon. 

Il  n'y  avait  pjis  lieu  de  s'en  étonner  ;  la  folle  présomption 
des  croisés  ne  pouvait  qu'amener  un  tel  désastre.  Ils 
n'avaient  pas  même  voulu  croire  que  les  Turcs  pussent  les 
attendre.  Bajazet  était  à  six  lieues,  que  le  maréchal  Bouci- 
j  caut  faisait  couper  les  oreilles  aux  insolents  qui  préten- 
daient que  cette  canaille  infidèle  osait  venir  à  sa  ren- 
contre 3. 

Le  roi  de  Hongrie,  qui  avait  appris  à  ses  dépens  ce  genre 
de  guerre,  pria  du  moins  les  croisés  de  laisser  ses  Hou- 

•  LeReligienx.  —  «Id. 

*  Le  Ueligieax. 


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I     .t  n  CIMMU»  VI. 


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beu 
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tina 


FOLIE  DE  CHARLES  VI.  53 

de  fer,  une  cotte  d'armes  cle  laine  à  la  turque,  un  tambour, 
et  des  arcs  dont  les  cordes  étaient  tissues  avec  des  en- 
trailles humaines  i.  Pour  que  rien  ne  manquât  à  Toutrage, 
îl  fit  venir  ses  prisonniers  au  départ,  et,  s'adressant  au 
comte  de  Nevers,  il  lui  dit  ces  rudes  paroles*  :  «  Jean,  je 
sais  que  tu  es  un  grand  seigneur  en  ton  pays,  et  fils  d'un 
grand  seigneur.  Tu  es  jeune,  tu  as  long  avenir.  11  se  peut 
que  tu  sois  confus  et  chagrin  d&  ce  qui  t'est  advenu  lors  de 
ta  première  chevalerie,  et  que,  pour  réparer  ton  honneur, 
tu  rassembles  contre  moi  une  puissante  armée.  Je  pour- 
rais, avant  de  te  délivrer,  te  faire  jurer,  sur  ta  foi  et  ta  loi, 
que  tu  n'armeras  contre  moi,  ni  toi  ni  tes  gens.  Mais,  non, 
je  ne  ferai  faire  ce  serment  ni  à  eux  ni  à  toi.  Quand  tu 
seras  de  retour  là-bas,  arme-toi,  si  cçla  te  fait  plaisir,  et 
viens  m'attaquer.  Et  ce  que  je  te  dis,  je  le  dis  pour  tous  les 
chrétiens  que  tu  voudrais  amener.  Je  suis  ne  pour  guer- 
royer toujours,  toujours  conquérir.  » 

La  honte  était  grande  pour  le  royaume,  le  deuil  uni- 
versel. Il  y  avait  peu  de  nobles  familles  qui  n'eussent  perdu 
juelqu'un.  On  n'entendait  aux  églises  que  des  messes  des 
aorls.  On  ne  voyait  que  gens  en  noir. 
A  peine  on  quittait  ce  deuil,  que  le  roi  et  le  royaume  en 
urent  un  autre  à  porter.  Le  gendre  de  Charles  VI,  le  roi 
Angleterre,  Richard  II,  fut,   au  grand  étonnement  de 
.ut  le  monde,  renversé  en  quelques  jours  par  son  cousin 
•ilingbroke,  fils  du  duc  de  Lancastre.  Richard  était  ami 
•'  la  France.  Sa  terrible  catastrophe  et  l'usurpation  dos 
incastre  nous  préparaient  Henri  V  et  la  bataille  d'Azin- 

>urt. 

Nous  parlerons  ailleurs,  et  tout   au  long,  de  cette 

ubitieuse  maison  de  Lancastre,  des  sourdes  menées  par 

quelles,  ayant  manqué   le  trône  de  Castille,  elle  se 

« 

*  App.,  43. 

^  •  L'Amorath  parla  aa  comte  de  Ncven  par  la  boached'un  latinior 

:  Irjnsportoit  la  parole.  •  Froissart. 


54  FOLIE  DE  CHARLES  VI. 

prépara  celui  d'Angleterre.  Un  mot  seulement  de  la  catas- 
trophe. 

Quelque  violent  et  aveugle  que  fût  Richard,  sa  mort  fat 
pleurée.  C'était  le  fils  du  Prince  Noir  ;  il  était  né  en  Guienne, 
sur  terre  conquise,  dans  Tinsolence  des  victoires  de  Créci 
et  de  Poitiers;  il  avait  le  courage  de  son  père,  il  le  prouva 
dans  la  grande  révolte  de  1380,  où  il  comprima  le  peuple, 
qui  voulait  faire  main  basse  sur  l'aristocratie.   Il  était 
difficile  qu'il  se  laissât  faire  la  loi  par  ceux  qu'il  avait 
sauvés,  par  les  barons  et  les  évéques,  par  ses  oncles,  qui  les 
^citaient  sous  main.  Il  entra  contre  eux  tous  dans  une 
lutte  à  mort  ;  provoqué  par  le  parlement  impitoyable,  qui 
lui  tua  ses  favoris,  il  fut  à  son  tour  sans  pitié:  il  fît  tuer 
son  oncle  Glocester,  et  chassa  le  fils  de  son  autre  oncle 
Lancastre.  C'était  jouer  quitte  ou  double.  Hais  sa  violence 
sembla  justifiée  par  la  l&cheté  publique.  Il  trouva  un 
empressement  extraordinaire  dans  les  amis  à  trahir  leurs 
amis  ;  il  y  eut  foule  pour  dénoncer,  pour  jurer  et  parjurer; 
chacun  tâchait  de  se  laver  avec  le  sang  d'un  autrei. 
Richard  en  eut  mal  au  cœur,  et  un  tel  mépris  des  hommes, 
qu'il  crut  ne  pouvoir  jamais  trop  fouler  cette  boue.  Il  osa 
déclarer  dix-sept  comtés  coupables  de  trahison  et  acquis  à 
la  couronne,  condamnant  tout  un  peuple  en  masse  pour  le 
rançonner  en  détail,  escomptant  le  pardon,  revendant  aux 
gens  leurs  propres  biens,  brocantant  l'iniquité.  Cet  acte, 
audacieusement  fou,  par  delà  toutes  les  folies  de  Charles  YI, 


*  Shakespeare  n'exagèfo  rien  dans  la  scène  où  le  père  conrt  dén«iieer 
son  fils  à  Tusurpaieor  qu'il  vient  lui-même  de  combattre.  Cette  scènes 
d'un  comique  iàorriblc,  n'exprime  qae  trop  fidèlement  la  mobile  foyoïilé 
de  ce  temps  si  prompt  à  se  passionner  pour  les  forts.  Pent-^tre  aussi 
faut-il  y  reconnaître  la  facilité  qu'on  acquérait,  parmi  tant  de  aermems 
y  divers,  de  se  mentir  à  soi-même  et  de  tourner  son  hypocrisie  en  un  fana* 
tisme  farouche.  Dans  tout  ceci  Shakespeare  est  aussi  grand  historien  que 
Tacite.  Mais  lorsque  Froissart  montre  le  chien  même  do  roi  Richard 
qui  laisse  jon  maître  et  vient  faire  fèie  an  yainqueur,  il  n'est  pas  moiiit 
tragique  que  Shakespeare. 


perdit  Rich(u*d  II.  Les  Anglais  lui  léchaient  les  mains, 
tant  qu'il  se  contentait  de  verser  du  sang.  Dès  qu'il  toucha 
à  leurs  biens,  à  leur  arche  sacro-sainte,  la  propriété,  ils 
appelèrent  le  fils  de  Lancastre^. 

Celui-ci  était  encouragé  tantôt  par  Orléans,  tantôt  par 
Bourgogne,  qui,  sans  doute,  souhaitait,  comme  précédent, 
le  triomphe  des  branches  cadettes.  Il  passa  en  Angleterre, 
protestant  hypocritement  qu'il  ne  demandait  autre  chose 
que  rhéritage  de  son  père.  Mais  quand  même  il  eût  voulu 
s'en  tenir  là,  il  ne  Taurait  pu.  Tout  le  monde  vint  se 
joindre  à  lui,  comme  ils  ont  fait  tant  de  fois^,  et  pour  York, 
et  pour  Warwick,  et  pour  Edouard  lY,  "et  pour  Guillaume. 
Richard  se  trouva  seul;  tous  le  quittèrent,  môme  son 
chien  3.  Le  comte  de  Northumberland  Tamusa  par  des 
serments.  Je  baisa  et  le  livra.  Conduit  à  son  rival  sur  uù 
vieux  cheval  étique,  abreuvé  d'outrages,  mais  ferme,  il 
accepta  avec  dignité  le  jugement  de  Dieu,  il  abdiqua^. 
Lancastre  fut  obligé  par  les  siens  de  régner,  obligé,  pour 
leur  sûreté,  de  leur  laisser  tuer  Richard ^^ 

Le  gendre  du  roi  avait  péri,  et  avec  lui  l'alliance  anglaise 
et  la  sécurité  de  la  France.  La  croisade  avait  manqué,  les 
Turcs  pouvaient  avancer.  La  chrétienté  semblait  irrémé- 
diablement divisée,  le  schisme  incurable.  Ainsi  la  paix, 
espérée  un  instant,  s'éloignait  de  plus  en  plus.  Elle  ne 
pouvait  revenir  dans  les  affaires,  n'étant  pas  dans  les 
esprits;  jamais  ils  ne  furent  moins  pacifiés,  plus  discor- 
dants d'orgueil,  de  passions  violentes  et  de  haines. 


<  L'ÉglisA  «Qt  an  fond  la  part  principale  dans  cette  révolation.  La 
maison  de  Lancaiitre,  qui  avait  d'abord  soutenu  W^iclefT  et  les  Lollarda, 
se  concilia  ensuite  les  évoques  et  réussit  par  eux.  Tnrner  seul  a  bien 
compris  ceci. 

*  •  Leur  ooustnme  d^Angleterre  est  que»  quand  ils  sont  an-dessna  d^ 
la  bataille,  iJa  ne  tuent  riens,  et  par  spécial  du  peuple,  car  ils  connoisseot 
que  chacun  quiert  leur  complaire,  parce  qu*il8  sont  les  plus  forts.  » 
Communes. 

*  App.,  4i.  —  *  App.,  46.  —  »  App.,  46. 


56  FOLIB  DB  CHARLES  YI. 

On  avait  beau  prier  Dieu  pour  la  paix  et  pour  la  santé 
du  roi  ;  ces  prières,  parmi  les  injures  et  les  malédictions, 
ne  pouvaient  se  faire  entendre.  Tout  en  s*adre$sant  à  Dieu, 
on  essayait  aussi  du  Diable.  On  faisait  des  o£frandes  à  l'un, 
pour  l'autre  des  conjurations.  On  implorait  à  la  fois  le  del 
et  Tenfer. 

On  avait  fait  venir  du  Languedoc  un  homme  fort  extraor- 
dinaire qui  veillait,  jeûnait  comme  un  saint,  non  pour  se 
sanctifier,  mais  afin  d'acquérir  influence  sur  les  éléments 
et  de  faire  des  astres  ce  qu'il  voulait.  Sa  science  était  dans 
un  livre  merveilleux  qui  s'appelait  Smagorad,  et  dont 
Toriginal  avait  été  donné  à  Adam^  Notre  premier  père, 
disait-il,  ayant  pleuré  cent  ans  son  fils  Âbel,  Dieu  lui 
envoya  ce  livre  par  un  ange  pour  le  consoler,  le  relever  de 
sa  chute,  pour  donner  à  Thomme  régénéré  puissance  sur 
les  étoiles. 

Le  livre  ne  réussissant  pas  pour  Charles  Yi  aussi  bi^ 
que  pour  Adam,  on  eut  recours  à  deux  Gascons  ermites  de 
Saint- Augustin.  On  les  établit  à  la  Bastille  près  de  l'hôtel 
Saint-Paul.  On  leur  fournit  tout  ce  qu'ils  deniiandaient, 
entre  autres  choses  des  perles  en  poudre,  dont  ils  firent 
un  breuvage  pour  le  roi.  Ce  breuvage,  et  les  paroles 
tnagiques  dont  ils  le  fortifiaient^  ne  produisirent  aucun 
l)ien  durable  ;  les  deux  moines,  pour  s'excuser,  accusèrent 
le  barbier  du  roi  et  le  concierge  du  duc  d'Orléans  de 
troubler  leurs  opérations  par  de  mauvais  sortilèges.  Ce 
barbier  avait  été  vu,  disait-on,  rôdant  autour  d'un  gibet, 
pour  y  prendre  les  ingrédients  de  ses  maléfices.  Toutefois 
Jes  moines  ne  purent  rien  prouver  ;  on  les  sacrifia  au  duc 
•d'Orléans,  au  clergé.  Us  avaient  fait  grand  scandale.  Tout 
le  monde  venait  les  consulter  à  la  Bastille,  leur  demander 
des  remèdes  pour  les  maladies,  des  philtres  d  amour.  Ils 
furent  dégradés  en  Grève  par  l'évoque  de  Paris,  puis 

«  App.,  47. 


FOLtB  DB  CHARLIS  VI.  S7 

promenés  par  la  ville,  décapités,  mis  en  quartiers,  et  les 
quartiers  attachés  aux  portes  de  Paris. 

L'effet  de  ces  mauvais  remèdes  fut  d'aggraver  le  mal.  Le 
pauvre  prince,  après  une  lueur  de  raison,  sentit  l'approche 
de  la  frénésie;  il  dit  lui-même  qu'il  fallait  se  bâter. de  lui 
ôter  son  couteau  <.  Il  souffrait  de  grandes  douleurs,  et 
disait,  les  larmes  aux  yeux,  qu'il  aimerait  mieux  mourir. 
Tout  le  monde  pleurait  aussi,  quand  on  l'entendait  dire, 
comme  il  fit  au  milieu  de  toute  sa  maison  :  «  S'il  est  ici 
parmi  vous,  celui  qui  me  fait  souffrir,  je  le  conjure,  au 
nom  de  Notre-Seigneur,  de  ne  pas  me  tourmenter  davan- 
tage, de  faire  que  je  ne  languisse  plus;  qu'il  m'achève 
plutôt,  et  que  je  meure.  » 

Hélas  I  disaient  les  bonnes  gens,  comment  un  roi  si 
débonnaire^  est-il  ainsi  frappé  de  J)ieu  et  livré  aux  mau- 
vais esprits?  Il  n'a  pourtant  jamais  fait'  de  mal.  il  n'était 
pas  fier;  il  saluait  tout  le  monde,  les  petits  comme  les 
grands^.  On  pouvait  lui  dire  tout  ce  qu'on  voulait.  II  ne 
rebutait  personne;  dans  les  tournois,  il  joutait  avec  le 
premier  venu.  11  s'habillait  simplement,  non  comme  un 
roi,  mais  comme  un  homme.  Il  était  paillard,  il  est  vrai  ; 
il  aimait  les  femmes,  les  filles.  Après  tout,  on  ne  pouvait 
dire  qu'il  eût  jamais  fait  de  peine  aux  familles  honnêtes. 
La  reine  ne  voulant  plus  coucher  avec  lui,  on  lui  mettait 
dans  son  Ut  une  petite  fille^,  mais  c'était  en  la  payant  bien, 
et  jamais  il  ne  lui  fit  mal  dans  ses  plus  mauvais  moments. 

Ahl  s'il  avait  eu  sa  tête,  la  ville  et  le  royaume  s'en 
seraient  bien  mieux  trouvés.  Chaque  fois  qu'il  revenait  à 
lui,  il  tâchait  de  faire  un  peu  de  bien,  de  remédier  à  quel- 
que mal.  11  avait  essayé  de  mettre  de  l'ordre  dans  les 
finances,  de  révoquer  les  dons  qu'on  lui  surprenait  dans 
ses  absences  d'esprit.  Comment  n'aurait-il  pas  eu  bon 


«  App.,  48.  —  •  App,,  49.  —  *  App.  60. 
♦  App,,  5i. 


138  POLfS  DE  GHARLIS  YI. 

cœur  pour  les  chrétiens,  lui  qui  avait  ménagé  les  juifs 
même,  en  les  renvoyant  T..» 

En  quelque  état  qu'il  fiit,  il  voyait  toujours  avec  plssir 
ses  braves  bourgeois,  a  Je  n'ai,  disait-il,  confiance  qu'es 
mon  prévôt  des  marchands,  Juvénal,  et  mes  bourgeois  de 
Paris.  >  Quand  d'autres  gens  venaient  le  voir,  il  regardait 
d'un  air  effaré  ;  mais  quand  c'était  le  prévôt,  il  lui  parlait; 
il  disait  :  «  Juvénal,  ne  perdons  pas  notre  temps,  tâsm 
de  bonne  besogne.  « 

Nous  avons  remarqué  au  coanencement  de  cette  his- 
toire, en  parlant  des  rois  fainéants ^  combien  le  peuple  était 
naturellement  porté  à  respecter  ces  muettes  et  innocentes 
figures,  qui  passaient  deux  fois  par  an  devant  lui  sur  leur 
char  attelé  de  bœufs.  Les  musulmans  regardent  les  idiots 
comme  marqués  du  sceau  de  Dieu,  et  souvent  eonuue 
personnes  saintes.  Dans  certains  cantons  de  la  Savoie,  c'est 
un  touchant  préjugé  que  le  crétin  porte  bonheur  à  sa 
famille.  La  brute  qui  ne  suit  que  l'instinct,  en  qui  la  raison 
individuelle  est  nulle,  semble,  par  cela  même,  rester  plss 
près  de  la  raison  divine.  Elle  est  tout  au  moins  innoooite. 

Rien  d'étonnant,  si  le  peuple,  au  mihea  de  tous  ces 
princes  orgueilleux,  violents  et  sanguinaires,  prenait  pour 
objet  de  prédilection  cette  pauvre  créature,  comme  H 
humiliée  sous  la  main  de  Dieu.  Dieu  pouvait  par  lui^  aussi 
bien  que  par  un  plus  sage,  guérir  les  maux  du  royaorne. 
U  n'avait  pas  fait  grand'chose;  mais  visiblement  il  aimait 
le  peuple.  Il  aimait  1  mot  immense.  Le  peuple  le  lui  rendit 
bien...  Il  lui  resta  toujours  fidèle.  Dans  quelque  abaisse- 
ment qu'il  fût,  il  s'obstina  à  espérer  en  lui;  il  ne  voulait 
être  sauvé  que  par  lui.  Rien  de  plus  touchant,  et  en  même 
temps  de  plus  hardi,  que  les  paroles  par  lesquelles  le  grand 
prédicateur  populaire,  Jean  Gerson,  bravant  à  la  fois  les 
ambitions  rivales  des  princes  qui  attendaient  la  succfôsioa 
du  malade,  s'adresse  à  lui,  et  lui  dit  :  Rex^  in  sempiumwn 
vtve!....  0  mon  roi,  vivez  toujours I... 


FOLB  ni  OUBLIS  TL  5l9 

Cet  ttlidienieDt  nniTeisd  da  peaple  pour  Qnurles  VI 
parut  dans  un  de  ces  malheureux  essais  que  Ton  fit  pour  le 
guérir.  Deux  sorciers  oflQrirent  an  bailli  de  Dijon  de 
découTrîr  d'où  venait  sa  maladie.  Au  fond  d'une  forêt 
ToisÎDe,  ils  âevèreat  ua  grand  cercle  de  lier  sur  douze 
colonnes  de  fer;  douze  chaînes  de  fer  étaient  k Tentour. 
Mais  il  fallait  trouver  douze  hommes,  prêtres,  nobles  et 
bourgeois,  qui  voulussent  entrer  dans  ce  cercle  formidable 
et  se  laisser  lier  de  ces  chaînes.  On  en  trouva  onze  sans 
peine,  et  le  bailli  fit  le  douzième,  qui  se  dévouèrent  ainsi» 
an  risque  d'être  peut-être  emportés  corps  et  àme  par  le 
Diables 

Le  peuple  de  Paris  voulait  toujours  voir  son  roi.  Quand 
il  n'était  pas  trop  fol,  et  qu'on  ne  craignait  pas  qu'il  fit 
rien  d'inconvenant,  on  Is  menait  aux  églises.  Ou  bien 
encore,  abattu  et  languissant,  il  allait  aux  représentations 
des  Mystères  que  les  Confrères  de  la  Passion  jouaient  alors 
rue  Saint-Denisv  Ces  Mystères,  moitié  pieux,  moitié  bur- 
lesques, étaient  considérés  comme  des  actes  de  foi.  Ceux 
qui  n'y  auraient  pas  trouvé  d'amusement  n'y  eussent  pas 
moins  assisté,  pour  leur  édification.  Dans  plusieurs  églises, 
on  avançait  l'heure  des  vêpres,  pour  qu'on  pût  aller  aux 
Mystères. 

Mais  on  n'osait  pas  toujours  faire  sortir  le  roi.  Alors 
dans  son  retrait  de  l'hêtel  Saint- Paul,  ou  dans  la  librairie 
do  Louvre,  amassée  par  Charles  V,  on  lui  mettait  dans  les 
mains  des  figures  pour  l'amuser.  Immobiles  dans  les  livres 
écrits,  ces  figures  prirent  mouvement,  et  devinrent  des 
cartes '.  Le  roi  jouant  aux  cartes,  tout  le  monde  voulut  y 
jouer.  Elles  étaient  peintes  d'abord  ;  mais  cela  étant  trop 
cbetj  on  s'avisa  de  les  imprimer'.  Ce  qu'on  aimait  dans  ce 

t  Le  fi«lisieas. 

*  Les  cartes  étaient  conimes  avant  Charles  YI,  mais  peu  en  nsage. 
App.,  52. 

*  App„  63. 


GO  FOLIE  DB  CHARLES  VI. 

jeu,  c'est  qu'il  empêchait  dépenser,  qu'il  donnait  Toubli. 
Qui  eût  dit  qu'il  en  sortirait  l'instrument  qui  multiplie  la 
pensée  et  qui  l'éternisé,  que  de  ce  jeu  des  fols  sortirait  le 
tout-puissant  véhicule  de  la  sagesse? 

Quelque  recette  de  distraction  qu'il  y  eût  au  fond  de  ce 
jeu,  ces  rois,  ces  dames,  ces  valets  dans  leur  bal  perpétuel, 
dans  leurs  indifférentes  et  rapides  évolutions,  devaient 
quelquefois  faire  songer.  À  force  de  les  regarder,  le  pauvre 
fol  solitaire  pouvait  y  placer  ses  rêves;  le  fol?  pourquoi  pas 
le  sage?...  N'y  avaitril  pas  dans  ces  cartes  de  naïves  images 
du  temps?  N'était-ce  pas  un  beau  coup  de  cartes,  et  des 
plus  soudains,  de  voir  Bajazet  V Éclair,  vainqueur  à  Ntco- 
polis,  quasi  maître  de  Constantinople,  entrer  dans  une 
cage  de  fer?  N'en  était-ce  pas  un  de  voir  le  gendre  du  roi 
de  France,  le  magnifique  Richard  11,  supplanté  en  quelques 
jours  par  l'exilé  Bolingbroke  ?  Ce  roi,  en  qui  tout  à  l'heure 
il  y  avait  dix  millions  d'hommes,  le  voilà  qui  est  moins 
qu'un  homme,  un  homme  en  peinture,  un  roi  de  carreau... 

Dans  une  des  farces  de  la  bazoche,  que  les  petits  clercs 
du  palais  jouaient  sur  la  royale  Table  de  marbre,  figu- 
raient comme  personnages  les  temps  d'un  verbe  latin  : 
a  Regno,  regnavi,  regnabo.  »  Pédantesque  comédie,  mab 
dont  il  était  difficile  de  méconnaître  le  sens. 

Dans  l'ordonnance  par  laquelle  Charles  VI  autorise  ceux 
qui  jouaient  les  Mystères  de  la  Passion,  il  les  appelle  «  ses 
aimés  et  chers  confrères  ^  »  Quoi  de  plus  juste,  en  effet? 
Triste  acteur  lui-même,  pauvre  jongleur  du  grand  Mystère 
historique,  il  allait  voir  ses  confrères,  saints,  anges  et 
diables,  bouffonner  tristement  la  Passion.  11  n'était  pas 
'  seulement  spectateur,  il  était  spectacle.  Le  peuple  venait 
voir  en  lui  la  Passion  de  la  royauté.  Roi  et  peuple,  ils  se 
contemplaient,  et  avaient  pitié  l'un  de  l'autre.  Le  roi  y 
voyait  le  peuple  misérable,  déguenillé,  mendiant.  Le  peuple 

*  App.,  54. 


FOLIE  DE  CHARLES  VI.  61 

4 

■ 

y  voyait  le  roi  plus  pauvre  encore  sur  le  trône,  pauvre 
d'esprit,  pauvre  d'amis,  délaissé  de  sa  famille,  de  sa 
femme,  veuf  de  lui-même  et  se  survivant,  riant  triste- 
ment du  rire  des  fols,  vieil  enfant  sans  père  ni  mère  pour 
en  avoir  soin. 

La  dérision  n'eût  pas  été  suffisante,  la  tragédie  'eût  été 
moins  comique,  s'il  eût  cessé  de  régner.  Le  merveilleux, 
le  bizarre,  c'est  qu'il  régnait  par  moments.  Toute  négligée 
et  sale  qu'était  sa  personne,  sa  main  signait  eneore,  et 
semblait  toute-puissante.  Les  plus  graves  personnages,  les 
plus  sages  tètes  du  conseil,  venaient  entre  deux  accès 
profiter  d'un  moment  lucide,  épier  les  faibles  lueurs  d'une 
intelligence  obscurcie,  provoquer  les  douteux  oracles  qui 
tombaient  de  cette  bouche  imbécile. 

C'était  toujours  le  roi  de  France,  le  premier  roi  chré- 
tien, la  tète  de  la  chrétienté.  Les  principaux  Ëtats  d'Italie, 
Milan,  Florence,  Gênes,  se  disaient  ses  clients.  Gênes  ne 
crut  pouvoir  échapper  à  Visconti  qu'en  se  donnant  à 
Charles  VI.  Ainsi  la  fortune  moqueuse  s'amusait  à  charger 
d*un  nouveau  poids  cette  faible  main  qui  ne  pouvait  rien 
porter. 

Ce  fut  un  curieux  spectacle  de  voir  l'empereur  Wen- 
ceslas,  amené  en  France  par  les  affaires  de  l'Ëglise,  con- 
férer avec  Charles  VI  (4398).  L'un  était  fol,  l'autre  prcsquo 
toujours  ivre.  H  fallait  prendre  l'empereur  à  jeun;  mais 
pour  le  roi  ce  n'était  pas  toujours  le  moment  lucide. 

Charles  VI  ayant  eu  pourtant  trois  jours  de  bon,  on  en 
profita  pour  lui  faire  signer  une  ordonnance  qui,  selon  le 
vœu  de  l'Université,  suspendait  l'autorité  de  Benoit  XllI 
dans  le  royaume  de  France.  Le  maréchal  Boucicaut  fut 
envoyé  à  Avignon  pour  le  contraindre  par  corps.  Le  vieux 
pontife  se  défendit  dans  le  château  d'Avignon,  en  vrai 
capitaine  (1 398-1 399).  N'ayant  plus  de  bois  pour  sa  cuisine^ 
il  brûla  une  à  une  les  poutres  de  son  palais.  Les  Français 
avaient  honte  eux-mêmes  de  cette  guerre  ridicule.  Les 


62  iOUIl  M  CHiiBLlS  Vi. 

partisans  de  Tauli»  pape  ne  lui  étaiaU  pas  pins  sonaû 
Les  Romains  étaient  en  acmea  contre  fionifiu^e,.  comme  les 
Français  contre  Benoli. 

Voilà  donc  la  papauté,  l'eBipire,.  la  royauté  aux  prises  â 
s'injuriant;  l'empereur  ivre,  le  roi  idiot,  prenant  le  pott- 
Toir  spirituel,  suspendant  la  pape,  tandis  que  le  pape  sai- 
sit les  armes  temporelles  et  endosse  la  cuirasse.  Les  dieux 
humains  délirent^  défendent  qut'on  leur  obéisse,  et  se 
proclament  fols.... 

Gela  était  certain,  réel,  maie  aucunement  vraisemblable, 
contraire  à  toute  raiscA,  propre  à  faire  croire  de  préfé- 
rence les  mensonges  les  plus  hasardés.  Nulle  comédie,  oui 
Mystère  ne  devait  dès  lors  choquer  les  esprits.  Le  plus  M 
n'était  pas  celui  qui  oubliait  des  réalités  absurdes  pour  des 
fictions  raisonnables^  Ces  Mystères  aidaient  d'ailleurs  à 
rillusion  par  leur  prodigieuse  durée;  quelqaes-uns  se 
divisaient  en  quarante  jours.  Une  représentation  si  longue 
devenait  pour  le  spectateur  assidu  une  vie  artificielle  qui 
faisait  oublier  l'autre,  ou  pouvait  lui  faire  douter  souvent 
de  quel  côté  était  le  rêve  ^  ' 

1  •  Si  noiM  rêvions  tontes  les  naito  la  même  ehose,  elle  nous  affectproit 
peul-ôire  autant  que  les  objets  que  nous  Toyon&  tous  les  jours  Et  i  ao 
artisan  éloit  sûr  de  rêver  toutes  les  nuits  douze  heures  durant  qu'il  est 
roi.  je  erois  qu'il  seioit  preflfne  aussi  henraiK  qu'on  mi  qoL  léfWÀi 
toutes  1m  naita  donis  heures  duraat  qu'il  est  artisaii.  •  Pascal» 


LIVRE  VIII 


CHAPITRE    PREMIER 


Le  doc  d'Orléans»  la  dac  de  Bourgogne.  —  Meartre  da  duc  d'Orlëaaa. 

1400-1407. 


Il  y  a  dans  la  personne  humaine  deux  personnes,  deux 
ennemis  qui  guerroient  à  nos  dépens,  jusqu'à  ce  que  la 
mort  y  mette  ordre.  Ces  deux  ennemis,  l'orgueil  et  le 
désir,  nous  les  avons  vus  aux  prises  dans  cette  pauvre  àme 
de  roi.  L'un  a  prévalu  d*abord,  puis  l'autre  ;  puis,  dans  ce 
long  combat,  cette  âme  s'est  éclipsée^  et  il  n'y  a  plus  eu  où 
combattre.  La  guerre  fmie  dans  le  roi,  elle  éclate  dans  le 
royaume;  les  deux  principes  vont  agir  en  deux  hommes  et 
deux  factions,  jusqu'à  ce  que  cette  guerre  ait  produit  son 
acte  frénétique  :  le  meurtre  :  jusqu'à  ce  que,  les  deux 
*  hommes  ayant  été  tués  Tun  par  l'autre,  les  deux  factions, 
pour  se  tuer,  s'accordent  à  tuer  la  France. 

Cela  dît,  au  fond  tout  est  dit.  Si  pourtant  on  veut  savoir 
le  nom  des  deux  hommes,  nommons  l'homme  du  plaisir, 
le  duc  d'Orléans,  frère  du  roi  ;  l'homme  de  l'orgueil,  du 
brutal  et  sanguinaire  orgueil,  Jean  Sans-Peur,  duc  de 
Bourgogne. 

Les  deux  hommes  et  les  deux  partis  doivent  se  choquer 
dans  Paris.  Deux  partis,  deux  paroisses  ;  nous  les  avons 


64  LE  DUC  D'ORLÉANS,   LE  DUC  DE  BOURGOGNE. 

nommées  déjà,  celle  de  la  cour,  celle  des  bouchers,  la  folie 
de  Saint-Paul,  la  brutalité  de  Saint^Jacques.  La  scène  de 
rhistoire  dit  d'avance  l'histoire  même. 

Louis  d'Orléans,  ce  jeune  homme  qui  mourut  si  jeune, 
qui  fut  tant  aimé  et  regretté  toujours,  qu'avait-il  fait  pour 
mériter  de  tels  regrets?  Il  fut  pleuré  des  femmes,  et  c est 
tout  simple,  il  était  beau,  avenant,  gracieux  ^  ;  mais  noa 
moins  regretté  de  TÊglise,  pleuré  des  saints...  C'était  pour- 
tant un  grand  pécheur.  II  avait,  dans  ses  emportements  de 
jeunesse,  terriblement  vexé  le  peuple  ;  il  fut  maudit  du 
peuple,  pleuré  du  peujrfe...  Vivant,  il  coûta  bien  des 
larmes  ;  mais  combien  plus,  morti 

Si  vous  eussiez  demandé  à  la  France  si  ce  jeune  homme 
était  bien  digne  de  tant  d'amour,  elle  eût  répondu  :  Je 
l'aimais^.  Ce  n'est  pas  seulement  pour  le  bien  qu'on  aime; 
qui  aime,  nime  tout,  les  défauts  aussi.  Celui-ci  plut 
comme  il  était,  mêlé  de  bien  et  de  mal.  La  France  n'oublia 
jamais  qu'en  ses  défauts  même,  elle  avait  vu  poindre 
l'aimable  et  brillant  esprit,  l'esprit  léger,  peu  sévère,  mais 
gracieux  et  doux,  delà  Renaissance;  tel  il  se  continua 
dans  son  iils,  Charles  d'Orléans^  l'exilé,  le  poète  ^  dans 
son  bâtard  Dunois,  dans  son  petit-fils,  le  bon  et  clément 
Louis  XU. 

Cet  esprit,  louez-le,  blàmez-le,  ce  n'est  pas  celui  d'un 
temps,  d'un  âge,  c'est  celui  de  la  France  même.  Pour  U 
première  fois,  au  sortir  du  roide  et  gothique  moyen  âge, 
elle  se  vit  ce  qu'elle  est,  mobilité,  élégance  légère,  fan- 
taisie gracieuse.  Elle  se  vit,  elle  s'adora.  Celui-ei  fut  le 
dernier  enfant,  le  plus  jeune  et  le  plus  cher,  celui  à  qui 
tout  est  permis,  celui  qui  peut  gâter,  briser;  la  mère 

I  App.,  55. 

*  «  Si  on  me  presse  de  dire  pourqnoy  je  Taymois»  je  sens  que  cela  ne 
se  f  eut  exprimer  qu'en  respondant:  Parceque  c'estoit  luy,  parceqoe 
c'estoit  moy.  •  Montaigne. 

'  Louis  d'Orléans  était  poëte  aussi,  s'il  est  vrai  qn'il  !iTait  cdlébrd  dam 
de*  vers  les  secrètes  beautés  de  la  duchesse  ûb  Bourgogne.  (Baraate.) 


MSURTRE  DU  DUC  D*ORLKANS.  65 

gronde,  mais  elle  sourît...  Elle  aimait  cette  jolie  tête  qui 
tournait  celle  des  femmes;  elle  aimait  cet  esprit  hardi 
qui  déconcertait  les  docteurs  :  c'était  plaisir  de  voir  les 
vieilles  barbes  de  T Université,  au  milieu  de  leurs  lourdes 
harangues,  se  troubler  à  ses  vives  saillies  et  balbutier  ^  11 
ii*en  était  pas  moins  bon  pour  les  doctes,  les  clercs  et  les 
prêtres,  pour  les  pauvres,  aumônier  et  charitable.  L'Église 
était  faible  pour  cet  aimable  prince  ;  elle  lui  passait  bien 
des  choses  ;  il  n'y  avait  pas  moyen  d'être  sévère  avec  cet 
enfant  gâte  de  la  nature  et  de  la  grâce. 

De  qui  Louis  tenait-il  ces  dons  qu'il  apporta  en  naissant? 
De  qui,  sinon  d'une  femme  ?  De  sa  charmante  mère  appa- 
remment, dont  son  mari  même,  le  sage  et  froid  Charles  V, 
ne  pouvait  s'empêcher  de  dire  :  a  C'est  le  soleil  du 
royaume.  »  Une  femme  mit  la  grâce  en  lui,  et  les  femmes 
la  cultivèrent...  Et  que  serions-nous  sans  elles?  Elles  nous 
donnent  la  vie  (et  cela,  c'est  peu),  mais  aussi  la  vie  de 
Tàme.  Que  de  choses,  nous  apprenons  près  d'elles  comme 
fils,  comme  amants  ou  amis...  C'est  par  elles,  pour  elles, 
que  l'esprit  français  est  devenu  le  plus  brillant,  et,  ce  qui 
vaut  mieux,  le  plus  sensé  de  l'Europe.  Ce  peuple  n'étudiait 
volontiers  que  dans  les  conversations  des  femmes;  en  cau- 
sant avec  ces  aimables  docteurs  qui  ne  savaient  rien,  il  a 
tout  appris  ». 

Nous  n'avons  pas  la  galerie  oii  le  jeune  Louis  eut  la 
dangereuse  fatuité  de  faire  peindre  ses  maltresses.  Nous 
connaissons  assez  mal  les  femmes  de  ce  temps-là.  J'en  vois 
trois  pourtant  qui  do  près  ou  de  loin  tinrent  au  duc 
d'Orléans.  Toutes  trois,  de  père  ou  de  mère,  étaient 
Italiennes.  De  l'Italie,  partait  déjà  le  premier  souffle  de  la 
Renaissance;  le  nord,  réchaulFé  de  ce  vent  parfumé  du 


1  il  pp.,  50. 

«  L'eiiucation  d'un  jeune  cheval ier,  par  les  femmes,  eat  rinvariaLle 
sujet  des  romans  on  bUloircs  romanesques  du  xv*  siOcle.  A]^]^,,  57. 

IT.  6 


08  LB  DUC  D'ORIIARS,  VË  DUC  D8  BODRGOGNB. 

sad,  crut  sentir,  comme  dit  le  poète,  «  une  odev  de 
paradis^.  • 

De  ces  ItaKennes,  l'une  fut  la  femme  du  duc  d'Orléans, 
Yalentina  Yisconti,  sa  femme,  sa  triste  veuve,  el  elle 
mourut  de  sa  mort.  L'autre,  Isabeau  de  Bavière  (Visconi 
du  côté  maternel)  fut  sa  belle-sœur,  son  amie,  pent^re 
davantage.  La  troisième,  dans  un  .rang  bien  modeste,  h 
chaste,  la  savante  Christine  \  n'eut  avec  lui  d'autre  rap- 
port que  les  encouragements  qu'il  donna  à  son  aimaUe 
génie  3. 

L'Italie,  la  renaissance,  l'art,  l'irruption  de  la  fantaisie, 
il  y  avait  dans  tout  cela  de  quoi  séduire  et  de  quoi  blesser. 
Ce  jour  du  xvi«  siècle,  qui  éclatait  brusquement  dès  la  fin 
du  XIV»,  dut  effaroucher  les  ténèbres.  L'art  n'était-il  pas 
une  coupable  contrefaçon  de  la  nature?  Celle  ci  n'a-t-elle 
pas  assez  de  danger,  assez  de  séduction,  sans  qu'une  dia» 
boli que  adresse  la  reproduise  encore  pour  la  perdition  des 
âmes?  Cette  perfide  Italie,  la  terre  des  poisons  et  des 
maléfices,  n'est-ce  pas  aussi  le  pays  de  ces  mirades  du 
Diable? 

C'étaient  là  les  propos  du  peuple,  ce  qu'il  disait  tout 
haut.  Joignez-y  le  silence  haineux  des  scolastîques,  qui 
voyaient  bien  que  peu  à  peu  il  leur  fallait  céder  la  place. 
Derrière,  appuyaient  la  foule  des  esprits  secs  et  étroits, 
qui  demandent  toujours  :  A  quoi  bon?...  A  quoi  bon  un 
tableau  du  Giotto,  une  miniature  du  beau  Froissart,  une 
ballade  de  Christine? 

I  Qaan  la  doss  aora  Tenta 

Dcves  vostre  pats, 

M'es  veiaire  que  senta 

Odor  de  Paradis. 
«  Quand  le  doux  zéphyr  soufflo  de  votre  pays,  6  ma  Dame,  3  me 
semble  que  je  sens  une  odeur  de  Paradis.  •  Bernard  de  Yenudour. 

*  Christine  do  Pisan  semble  avoir  commencé  la  suite  des  femmes  àe 
lettres^  pauvres  et  laborieuses,  qui  ont  nourri  leur  faaiille  do  produit 
de  leur  plume.  Âpp.,  58. 

*  App,,  59. 


MBaRTRB  DU  DOC  d'ORLÉANS.  67 

De  tels  esprits  sont  toujours  un  grand  peuple.  Mais  alors 
ils  avaient  pour  eux  un  grave  et  puissant  auxiliaire,  lâ  pau- 
vreté publique,  qui  ne  voyait  dans  les  dépenses  d'art  et  de 
luxe  qu'une  coupable  prodigalité. 

A  ces  mécontentements,  à  ces  malveillances,  à  ces 
haines  publiques  ou  secrètes,  il  fallait  un  envieux  pour 
chef.  La  nature  semblait  avoir  fait  le  duc  de  Bourgogne 
Jean  sans  Peur  toul  exprès  pour  haïr  le  duc  d'Orléans.  Il 
avait  peu  d'avantages  physiques,  peu  d'apparence,  peu  de 
taille,  peu  de  facilité  ^.  Son  silence  habituel  couvrait  un 
caractère  violent.  Héritier  d'une  grande  puissance,  il  tenta 
de  grandes  choses  et  échoua  d'autant  plus  tristement.  Sa 
captivité  de  Nicopolis  coûta  gros  au  royaume.  Nourri 
d'amertume  et  d'envie,  il  souffrait  cruellement  de  voir  en 
face  cette  heureuse  et  brillante  figure  qui  devait  toujours 
réclipser.  Avant  que  leur  rivalité  éclatât,  avant  que  de 
secrets  outrages  eussent  engendré  en  eux  de  nouvelles 
haines,  il  semblait  être  déjà  le  Caïn  prédestiné  de  cet  Abél. 

L'équité  nous  oblige  de  faire  remarquer  avant  tout  que 
Iliistoire  de  ce  temps  n*a  guère  été  écrite  que  par  les 
ennemis  du  duc  d'Orléans.  Cela  doit  nous  mettre  en 
défiance.  Ceux  qui  le  tuèrent  en  sa  personne,  ont  dû  faire 
ce  qu'il  fallait  pour  le  tuer  aussi  dans  l'histoire. 

Monstrelct  est  sujet  et  serviteur  de  la  maison  de  Bour- 
gogne s.  Le  Bourgeois  de  Paris  est  un  Bourguignon 
furieux.  Paris  était  généralement  hostile  au  duc  d'Or* 
léans,  et  cela  pour  un  motif  facile  à  comprendre  :  le 
duc  d'Orléans  demandait  sans  cesse  de  l'argent;  le  duc 
de  Bourgogne  défendait  de  payer. 

Cette  rancune  de  Pai^s  n'a  pas  été  sans  influence  sur  le 

*  Le  Religieux  de  SftÎDt-Denis  ajoate  toutefois  que,  quoiqu'il  parlât 
peu,  il  avait  de  l'eiprit;  ses  yeux  (étaient  intelli (cents.  Il  en  existe  on 
portrait  fort  ancien  au  musée  de  Versailles  et  au  château  d  Eu.  11  est  en 
prii^res,  déjà  vieux,  les  chairs  molle-  I  air  bona^v  et  vulgaire.  Christine 
rappelle  en  140i  :  •  Prince  de  toute  boni/,  dalvable,  juste,  saige,  beaigoe^ 
doula  et  de  toute  bonne  meurs.  •  ^  *  ^PP-t  OU. 


68  LB  DUC  D'ORliANS,  LB  DUC  DE  BOURGOGNE. 

plus  impartial  des  historiens  de  ce  temps,  sur  le  Religieux 
de  Saint-Denis.  11  n*a  pu  se  défendre  de  reproduire  la 
clameur  de  cette  grande  a  ille  voisine.  Le  moine  a  pu  céder 
aussi  à  celle  du  clergé,  que  le  duc  d'Orléans  essayait  indi- 
rectement de  soumettre  à  Timpôt  *. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  duc  d'Orléans,  ne  possédant 
rien,  ou  presque'  rien,  hors  du  royaume,  tirait  toutes  ses 
ressources  de  la  France,  de  Paris  surtout.  Le  duc  de  Bour- 
gogne au  contraire  était,  tout  à  la  fois,  uti  prince  français 
et  étranger  ;  il  avait  des  possessions  et  dans  le  royaume 
et  dans  l'Empire;  il  recevait  beaucoup  d'argent  de  la 
Flandre,  et  demandait  plutôt  des  gens  d'armes  à  la  Bour- 
gogne «. 

Remontons  à  la  fondation  de  cette'maison  de  Bourgogne. 
Nos  rois  ayant  presque  détruit  le  seul  pouvoir  militaire  qui 
se  trouvât  en  France,  la  féodalité,  essayèrent,  au  xme  et 
au  xv«  siècles,  d'une  féodalité  artificielle,  ils  placèrent  les 
grands  'iiefs  dans  la  main  des  princes  leurs  parents. 
Charles  Y  fit  im  grand  établissement  féodal.  Tandis  que 
son  frère  aîné,  gouverneur  du  Languedoc,  regardait  vers 
la  Provence  et  l'Italie,  il  donna  la  Bourgogne  en  apanage  à 
son  plus  jeune  frère,  de  manière  à  agir  vers  l'Empire  et 
les  Pays-Bas.  Il  fit  pour  ce  dernier  l'immense  sacrifice  de 
rendre  aux  Flamands  Lille  et  Douai,  la  Flandre  française  ', 
la  barrière  du  royaume  au  nord,  pour  que  ce  frère  épousât 
leur  future  souveraine,  l'héritière  des  comtés  de  Flandre, 
d'Artois,  de  Réthel,  de  Nevers  et  de  la  Franche-Comté.  II 
espérait  que  dans  cette  alliance  la  France  absorberait  la 
Flandre,  que  les  peuples  étant  réunis  sous  une  même 
domination,  les  intérêts  se  confondraient  peu  à  peu.  H 
n'en  fut  pas  ainsi.  La  distinction  resta  profonde,  les 
mœurs  difféi^entes,  la  barrière  des  langues  iramuabUî  ;  la 

^  V.  1402.  et  les  projets  du  parti  d'OrWans,  141 1. 

*  Aq  témoignage  de  Charles  le  Téméraire.  (Gachard.) 

•  App.,  01. 


MEURTRE  DU  DUC  d'ORLÂANS.  69 

langue  française  et  wallonne  ne  gagna  pas  un  pouce  de 
terrain  sur  le  flamand  ^.  La  riche  Flandre  ne  devint  pas 
un  accessoire  de  la  pauvre  Bourgogne  s.  Ce  fut  tout  le 
contraire  :  l'intérêt  flamand  emporta  la  balance.  Quel 
intérêt?  un  intérêt  hostile  à  la  France,  l'alliance  commer- 
ciale de  FAngleterre,  commerciale  d*abord,  puis  politique. 
Nous  avons  dit  ailleurs  comment  la  Flandre  et  l'Angle- 
terre  étaient  liées  depuis  longtemps.  S'il  y  avait  mariage 
politique  entre  les  princes  de  la  France  et  de  la  Flandre, 
il  y  avait  toujours  eu  mariage  commercial  entre  les  peuples 
de  la  Flandre  et  de  l'Angleterre.  Edouard  III  ne  put  faire 
son  fils  comte  de  Flandre  ;  Charles  Y  fut  plus  heureux 
pour  son  frère.  Mais  ce  frère,  tout  Français  qu'il  était,  ne 
86  lit  accepter  des  Flamands  qu'en  se  résignant  aux  rela- 
tions indispensables  de  la  Flandre  et  de  l'Angleterre.  Ces 
^relations  faisaient  la  richesse  du  pays,  celle  du  prince. 
Toutefois,  les  Anglais  qui  depuis  Edouard  III  avaient  attiré 
beaucoup  de  drapiers  de  la  Flandre  ',  n'avaient  plus  tant 
de  ménagements  à  garder  avec  les  Flamands  ;  ils  pillaient 
souvent  leurs  marchands,  et  secondaient  les  bannis  de 
Flandre  dans  leurs  pirateries.  Le  fameux  Pierre  Dubois,  l'un 
des  chefs  de  la  révolution  do  Flandre  en  4  382,  se  fit  pirate, 
et  fut  la  terreur  du  détroit.  En  4387,  il  enleva  la  flotte 
flamande,  qui  chaque  année  allait  à  la  Rochelle  acheter 
nos  vins  du  Midi  K  La  Flandre  et  le  comte  de  Flandre 
étaient  ruinés  par  ces  pirateries,  si  ce  comte  ne  devenait 
ou  le  mattre,  ou  l'allié  de  l'Angleterre.  Ayant  essayé  en 
vain  de  s'en  rendre  mattre  (4386),  il  fallait  qu'il  en  fût 
l'allié,  qu'il  y  fit,  s'il  pouvait,  un  roi  qui  garantit  cette 
alliance.  Il  y  parvint  en  4399,  contre  l'intérêt  de  la  France. 

t  App.,  62. 

*  •  Mon  pays  de  Bourgoigne  n*a  point  d'argent;  il  sent  la  France.  • 
Mot  de  Charles  le  Téméraire.  (Gachard.) 

*  V.  9U  tome  111,  livre  Vi,  cbap.  i**,  les  étranges  promesses  par  les- 
quelles les  Anglais  s'efforçaient  de  les  attirer. 

4  App.,  63. 


TO  LE  DDG  D*ORLBANSt   LE  DUC  M  BOURGOGNE. 

Cette  puissance  de  Bourgogne,  ainsi  partagée  entie  Tin- 
térôt  français  et  étranger,  n'allait  pas  moins  s'étendant  et 
s^agrandissant.  Philippe  le  Hardi  compléta  ses  Booi^pognes 
en  achetant  le  Charolais  (1390),  ses  Pays-Bas,  ea  fiiisant 
épouser  à  son  fils  Théritière  de  Hainaut  et  de  Hollande 
(1 385).  Le  souverain  de  la  Flandre,  jusque-là  serré  entre  la 
Hollande  et  le  Hainaut,  allait  saisir  ainsi  deux  grands 
postes,  par  la  Hollande  des  ports  sur  l'Océan,  e'ét^t  comme 
des  fenêtres  ouvertes  sur  l'Angleterre  ;  par  le  Hainaut  des 
places  fortes,  Mons  et  Yalenciennes,  les  portes  de  la 
France. 

Voilà  une  grande  et  formidable  puissance,  formidable 
par  son  étendue  et  par  la  richesse  de  ses  possessions,  mais 
bien  plus  encore  par  sa  position,  par  ses  relations,  tou- 
chant à  tout,  ayant  prise  sur  tout.  U  n'y  avait  rien  en 
France  à  opposer  à  une  telle  force.  La  maison  d'Anjou 
avait  fondu  en  quelque  sorte,  dans  ses  vaines  tentatives 
sur  ritalie.  Le  duc  de  Berri,  lors  même  qu'il  était  gouver- 
neur du  Languedoc,  n'y  était  paâ  sérieusement  établi;  il 
n'était  que  le  roi  de  Bourges.  Le  duc  d'Orléans,  frère  du 
roi,  s'était  fait  donner  successivement  l'apanage  d'Orléans, 
puis  une  bonne  part  du  Périgord  et  de  l'Angoumois,  pois 
les  comtés  de  Valois,  Bloiset  Beaumont,  puis  encore  celai 
de  Dreux.  U  avait,  par  sa  femme,  une  position  dans  les 
Alpes,  Asti.  C'étaient  certes  de  grands  établissements, 
mais  dispersés;  ce  n'était  pas  une  grande  puissance.  Tout 
cela  ne  faisait  point  masse  en  présence  de  cette  masse 
énorme  et  toujours  grossissante  des  possessions  du  duc  de 
Bourgogne. 

Philippe  le  Hardi  avait  eu,  à  son  grand  profit,  la  part 
principale  à  l'administration  du  royaume  sous  la  minorité 
de  Charles  VL  et  bien  au  delà,  jusqu'à  ce  qu'il  eut  vingt  et 
un  ans.  Il  l'avait  perdue  quelque  temps,  pendant  le  gou- 
vernement des  Marmousets,  la  Rivière,  Clisson,  Montaigu. 
La  folie  de  Charles  VI  fut  comme  une  nouvelle  minorité; 


MEURTRE  DU  DUC  D^ORLÉANS.  71 

eependant  il  devenait  impossible  de  ne  pas  donner  part» 
dans  le  gouvernement,  au  duc  d'Orléans,  frère  du  roi,  qui 
en  4101  avait  trjente  ans.  Ce  prince,  héritier  probable  du 
Toi  malade  et  de  ses  enfants  maladifs,  avait  apparemment 
autant  d'intérêt  au  bien  du  royaume  que  le  duc  de  Bour- 
gogne, qui,  s*étendant  toujours  vers  TEmpire  et  les  Pays- 
Bas,  devenait  de  plus  en  plus  un  prince  étrange.  Tou- 
tefois, les  légèretés  du  duc  d'Orléans,  ses  passions,  ses 
imprudences,  lui  faisaient  tort  ;  la  vivacité  même  de  son 
esprit,  ses  qualités  brillantes,  mettaient  en  défiance.  Son 
oncle,  déjà  &gé,  solide  sans  éclat  (comme  il  faut  pour 
fonder),  rassurait  davantage.  D'ailleurs,  il  était  riche  hors 
du  royaume;  on  pensait  que  le  maître  de  la  riche  Flandre 
prendrait  moins  d'argent  en  France. 

Ce  fut  un  moment  décisif,  entre  Tonele  et  le  neveu,  que 
celui  de  la  révolution  d'Angleterre,  en  4399.  Tous  deux 
avaient  caressé  le  dangereux  Lancastre,  pendant  son  séjour 
au  château  de  Bicètre.  Le  duc  d'Orléans  en  fit  son  frère 
d*armes,  et  se  crut  sûr  de  lui.  Mais  Lancastre,  avec  beau- 
coup de  sens,  préféra  l'alliance  du  duc  de  Bourgogne» 
comte  de  Flandre.  Celui-ci  montra  dans  cette  circonstance 
une  extrême  prudence.  II  en  avait  besoin.  Richard  avait 
épousé  sa  petite-nièce,  il^était  gendre  du  roi  de  France,  et 
notre  allié.  Le  duc  de  Bourgoj^ne  se  serait  perdu  dans  le 
royaume;  s'il  avait  ostensiblement  concouru  à  une  révolu- 
tion qui  nous  était  si  préjudiciable.  Il  ne  laissa  pas  passer 
Lancastre  par  ses  États  ;  il  donna  même  ordre  de  Farrêter 
à  Boulogne,  où  il  ne  devait  point  aller.  Lancastre  fit  le  tour 
par  la  Bretagne,  dont  le  duc  était  ami  et  allie  du  duc  de 
Bourgogne;  ils  lui  donnèrent  pour  Vaccompagnèr  quel- 
ques gens  d'armes,  et  leur  homme,  Pierre  de  Craon*,  l'as- 
sassin de  Clisson,  l'ennemi  mortel   du  duc  d'Orléans. 

*  L*  misère  força  peut-être  Craon  à  cet  acte  monstrueux  d'ingratilode. 
I]  avait  dû  la  grÂcc  do  5on  premier  crime  aux  pridres  de  la  jeune  IsabeUe 
de  France^  é|MNU6  de  llicliard  II.  V.  Ajtp,,  34» 


72  LE   DLC   d'oRLEANS,    LE  DL'C  DE   BOLRGOGNB. 

C'étaient  de  faibles  moyens,  mais  ce  qu'ils  y  joignirent 
d'argent,  on  ne  peut  le  deviner.  Or,  c'était  surtout  d'argent 
que  Lancastre  avait  besoin  ;  les  hommes  ne  manquaient 
pas  en  Angleterre  pour  en  recevoir. 

Ce  ne  fut  pas  tout.  Le  duc  de  Bretagne  étant  mort  peu 
après,  sa  veuve,  qui  avait  vu  Lancastre  à  son  passage,  dé- 
clara qu'elle  voulait  l'épouser.  Cette  veuve  était  la  fille  du 
terrible  ennemi  de  nos  rois,  de  Charles  le  Mauvais.  Rien 
n'était  plus  dangereux  que  ce  mariage.  Le  duc  de  Bour- 
gogne en  détourna  la  veuve,  comme  il  devait  ;  mais  il  eut 
le  bonheur  de  ne  pas  être  écouté;  le  mariage  se  fit  au 
grand  profit  du  duc  de  Bourgogne,  qui,  malgré  le  duc 
d'Orléans,  malgré  le  vieux  Clissoii,  vint  prendre  la  garde 
du  jeune  duc  de  Bretagne  et  de  la  Bretagne,  et  bâtit  à 
Nantes  même  sa  tour  d«  Bourgogne^. 

Ainsi  se  formait  autour  du  royaume  un  vaste  cercle 
d'alliances  suspectes.  Le  maître  de  la  Franche-Comté,  de 
la  Bourgogne  et  des  Pays-Bas,  se  trouvait  aussi  maître  de 
la  Bretagne,  ami  du  nouveau  roi  d'Angleterre  et  du  roi  de 
Navarre.  La  maison  de  Lancastre  s'était  alliée,  en  CasUUe, 
à  la  maison  bâtarde  de  Transtamare,  comme  celle  de 
Bourgogne  s'unit  plus  tard  à  la  maison  non  moins  bâtarde 
de  Portugal.  Bourgogne,  Bretagne,  Navarre,  Lancastre, 
toutes  les  branches  cadettes,  se  trouvaient  ainsi  Ijées  entre 
elles,  et  avec  les  branches  bâtardes  de  Portugal  et  de 

Castille. 

Contre  cette  conjuration  de  la  politique,  le  duc  d'Orléans 
se  porta  pour  champion  du  vieux  droit.  Il  prit  cette  cause 
en  main  dans  toute  la  chrétienté,  se  déclarant  pour  Wen- 
ceslas  contre  Robert,  pour  le  pape  contre  l'Université, 

*  De  plus,  il  emmena  arec  loi  le  duc  et  ses  deux  frères.— Lorsque  le 
jeune  duc  de  Bretagne  retourna  cbei  lui,  on  lui  donna^  noo-seiilemeat  le 
comté  d'Évreux,  mais  la  ville  royale  de  Saint-Malo,  Too  des  plus  pré- 
cieux fleurons  de  la  couronne  de  France.  11  n*en  resta  pas  moins  à 
moitié  Anglais;  son  frère  Ariliar  tenait  le  comté  de  Richeoioot  du  lot 
d'Angleterre. 


MEURTRE  DU  DUC  D*ORLKANS.  73 

pour  la  jeune  veuve  de  Richard  contre  Henri  IV.  Après 
avoir  provoqué  un  duel  de  sept  Français  contre  sept  An- 
glais, il  jeta  le  gant  à  son  ancien  frère  d'armes,  pour 
venger  la  mort  de  Richard  II  ^  Il  lui  reprochait  de  plus 
d'avoir  manqué,  dans  la  personne  de  la  veuve,  Isabelle  de 
France,  à  tout  ce  qu'un  homme  noble  devait  «  aux  damea 
veuves  et  pucelles^.  »  Il  lui  demandait  un  rendez -vous  aux 
frontières,  où  ils  pourraient  combattre  chacun  à  la  tête  de 
cent  chevaliers. 

Lancastre  répondit,  avec  la  morgue  anglaise,  qu'il  n^avait 
vu  nulle  part  que  ses  prédécesseurs  eussent  été  ainsi  défiés  , 
par  gens  de  moindre  état  ;  ajoutant,  dans  le  langage  hypo- 
crite du  parti  ecclésiastique  qui  l'avait  mis  sur  le  trône, 
que  ce  qu'un  prince  fait,  «  U  le  doit  faire  à  l'honneur  de 
Dieu,  et  comme  profit  de  toute  chrétienté  ou  de  son 
royaume,  et  non  pas  pour  vaine  gloire  ni  pour  nulle  con- 
voitise temporelle  3.  » 

Henri  IV  avait  de  bonnes  raisons  pour  refuser  le  combat; 
il  avait  bien  autre  chose  à  faire  chez  lui;  il  ne  voyait  qu'ea- 
nemis  autour  de  lui  ;  ce  trône  tout  nouveau  branlait.  Le 
duc  de  Bourgogne  lui  rendit  le  service  de  faire  continuer 
la  trêve  avec  la  France. 

Ces  afifaires  d'Angleterre  et  de  Bretagne  sont  déjà  une 
guerre  indirecte  entre  les  ducs  d'Orléans  et  de  Bourgogne. 
La  guerre  va  devenir  directe,  acharnée.  Le  neveu  essaye 
d'attaquer  l'oncle  dans  les  Pays-Bas  ;  l'oncle  attaque  et 
ruine  le  neveu  en  France,  à  Paris. 

Le  duc  d'Orléans,  battu  par  son  habile  rival  dans  l'affaire 
de  Bretagne,  fit  une  chose  grave  contre  lui  ;  si  grave,  que 
la  maison  de  Bourgogne  dut  vouloir  dès  lors  sa  ruine.  II  se 
lit  un  établissement  au  milieu  des  possessions  de  cotte 

;     «  il|>p.,  64.  —  *  Monstrelet. 

/  *  Idem.  —  Quant  à  Isabelle  de  France,  il  r(5criminait  d'une  maniôro 
toute  satirique  :  •  Plût  à  Dieu  que  vous  n'eussiez  fait  rigueur,  cruauté 
ni  vilenie  enveri  nulle  linmc  ni  dainoisello.  non  plus  qu'avons  fait  enven 
elle;  nous  crojfons  que  vous  en  vaudriez  mieux.  • 


74  LE  D(JC  D*OItL£ÀNS^  LE  DUC  J)£  BOURGOGMX. 

maison,  parmi  les  petits  Ëtats  qu'elle  avait  ou  qu'elle  con- 
voitait; il  acheta  le  Luxembourg,  se  logeant  comme  une 
épine  au  cœur  du  Bourguignon,  entre  lui  et  l'Empire,  à 
la  porte  de  Liège,  de  manière  à  donner  courage  aux  petits 
princes  du  pays,  par  exemple  au  duc  de  Gueidre.  Le  duc 
d'Orléans  paya  ce  duc  pour  faire  ce  qu'il  avait  toujoun 
'  fait,  pour  piller  les  Pays-Bas. 

Louis  d'Orléans  ayant  engagé  ce  condottiere  au  serrice 
du  roi,  il  l'amène  à  Paris  avec  ses  bandes  ;  et,  d'autre  part, 
il  fait  venir  des  Gallois  des  garnisons  de  Guyenne.  Le  duc 
de  Bourgogne  y  accourt  ;  l'évéque  de  Liège  lui  amène  da 
renfort;  une  Ibule  d'aventuriers  du  Hainaut,  de  Brabant, 
de  TÀllemagne  arrivent  à  la  file.  Le  duc  d'Orléans  de  son 
côté  se  fortifie  des  Bretons  de  Oisson,  d'Écossais,  de  Nor- 
mands. Paris  se  mourait  de  peur.  Mais  il  n'y  eut  rien 
encore;  les  deux  rivaux  se  mesurèrent,  se  virent  en  force, 
et  se  laissèrent  réconcilier. 

Le  duc  de  Bourgogne  n'avait  pas  besoin  d^une  bataille 
pour  perdre  son  neveu  ;  il  n'y  avait  qu'à  le  laisser  faire  :  il 
avait  pris  un  râle  impopulaire  qui  le  menait  à  sa  ruine.  Le 
duc  d'Orléans  voulait  la  guerre,  demandait  de  l'argent  au 
peuple,  au  clergé  même.  Le  duc  de  Bourgogne  voulait  la 
paix  (le  commerce  flamand  y  avait  intérêt);  ric^ie  d'ailleurs, 
il  se  popularisait  ici  par  un  moyen  facile,  il  défendait  de 
payer  les  taxes.  Si  l'on  en  croyait  une  tradition  consenée 
par  Meyer,  historien  flamand,  ordinairement  très-partial 
pour  la  maison  de  Bourgogne,  les  princes  de  cette  maison, 
ulcérés  par  les  tentatives  galantes  du  duc  d'Orléans  sur  la 
femme  du  jeune  duc  de  Bourgogne,  auraient  organisé 
contre  leur  ennemi  un  vaste  système  d'attaques  souter- 
raines, le  représentant  partout  au  peuple  comme  l'unique 
auteur  des  taxes  sous  le  poids  desquelles  il  gémissait,  le 
désignant  à  la  haine  publique,  préparant  longuement, 
patiemment  l'assassinat  par  la  calomnie'. 

1  iij^f,  66i 


MKUBTRK  m  DUC  d'OBLÉANS.  75 

B  n'y  aurait  eu  pour  le  duc  d'Orléans  qu'un  moyen  de 
sortir  de  cette  impopularité,  une  guerre  glorieuse  contre 
l'Anglais.  Hais  pour  cela,  il  fallait  de  l'argent»  l'Église  en 
avait.  Le  duc  d'Orléans  fit  ordonner  un  emprunt  général, 
dont  les  gens  d'Église  ne  seraient  point  exempts.  Mais  le 
duc  de  Bourgogne  se  mit  du  côté  du  clergé,  et  l'encou- 
ragea à  refuser  l'emprunt  Une  ordonnance  de  taxe  géné- 
rale fut  de  même  inutile.  Le  duc  de  Bourgogne  déclara 
que  l'ordonnance  mentait,  en  se  disant  consentU  par  les 
princeê,  que  ni  lui,  ni  le  duc  de  Berri  n'y  avaient  consenti; 
que  si  les  coffres  du  roi  étaient  vides,  ce  n'était  pas  du 
sang^des  peuples  qu'il  fallait  les  remplir;  qu'il  fallait  faire 
regorger  les  sangsues  ;  que  pour  lui,  il  voulait  bien  qu'on 
sût  que  s'il  eût  autorisé  cette  nouvelle  exaction,  il  aurait 
emboursé  deux  cent  mille  écus  pour  sa  part. 

Qu'on  juge  si  de  telles  paroles  étaient  bien  reçues  du 
peuple.  Le  duc  de  Bourgogne  eut  tout  le  monde  pour  lui. 
On  l'appela,  on  le  mit  à  l'œuvre,  et  alors  il  ne  fut  pas  mé- 
diocrement embarrassé.  Après  avoir  tant  déclamé  contre 
1  js  taxes,  il  n'en  pouvait  guère  lever  lui-même.  Il  lui  fallut 
avoir  recours  à  un  étrange  expédient.  Il  envoya  dans  toutes 
les  villes  du  royaume  des  commissaires  du  parlement  pour 
examiner  les  contrats  entre  particuliers  et  frapper 
d'amendes  arbitraires  ceux  qu'ils  trouveraient  usuraires 
ou  frauduleux  ^  Tous  ceux  a.  qui  auraient  vendu  trop  cher 
de  moitié,  »  devaient  être  punis.  Cette  absurde  et  împra- 
tiquable  inquisition  ne  produisit  pas  grand'chose. 

Le  duc  d'Orléans  reprit  son  influence,  il  s'était  étroite- 
tement  lié  avec  le  pape  Benoît  Xllf  ;  ce  pape  ayant  enfin 
échappé  aux  troupes  qui  l'assiégeaient  dans  Avignon»  le 
duc  surprit  au  roi  une  ordonnance  qui  restituait  au  pape 
l'obcdience  du  royaume;  l'Université  en  rugit.  D'autre 
part,  le  duc  s'étant  lié  étroitement  avec  sa  belle-sœur  Isa- 

<i(f>p.,  66. 


76  LE  DUC  D'ORLÉANS,    LE  DUC  DE  BOURGOGNE. 

beau,  la  fît  entrer  dans  le  conseil,  et  s'y  trouva  prépondé- 
rant. Il  parut  ainsi  maître  et  de  TÉglise  et  de  l*Ètat,  c'est- 
à-dire  que  dès  lors  tout  ce  qui  se  fit  d'impopulaire,  retomba 
sur  lui. 

Quoi  qu'il  en  soît,  on  ne  peut  nier  que  le  parti  d'Orléans 
ne  fût  le  seul  qui  agit  pour  la  France  et  contre  F  Anglais, 
qui  sentît  qu'on  devait  profiter  de  l'agitation  de  ce  pays», 
qui  tentât  des  expéditions.  Je  vois  en  1 403  les  Bretons  de 
ce  parti  mettre  une  flotte  en  mer  et  battre  les  Anglaise 
Plus  tard  des  secours  sont  envoyés  aux  chefs  gallois,  a?ec 
lesquels  le  roi  fait  alliance  3.  Je  vois  l'homme  du  duc  d*Or- 
léans,  le  connétable  d'Albret,  faire  une  guerre  heureuse 
en  Guienne^.  On  envoie  en  Castille  pour  demander  les 
secours  d'une  flotte  contre  les  Anglais.  Une  transaction 
utile  leur  ferme  la  Normandie;  on  tire  Cheri>oui^  et 
Ëvreux  des  mains  suspectes  du  roi  de  Navarre,  en  le  dé- 
dommageant ailleurs. 

En  1404,  tout  le  royaume  souffrant  des  courses  des  An- 
glais, un  grand  armement  fut  ordonné,  une  lourde  taxe. 
Tout  l'argent  fut  placé  dans  une  tour  du  palais,  pour  n'en 
sortir  que  du  consentement  des  princes.  Le  duc  d'Orléans 
n'attendît  pas  ce  consentement  ;  il  vint  la  nuit  forcer  la  tour 
et  en  tira  l'argent^.  C'était  un  acte  violent,  injustifiable, 
une  sorte  de  vol.  Toutefois,  quand  on  songe  que  le  duc  de 
Bourgogne  venait  d'abandonner  le  comte  de  Saint-Pol  aux 
vengeances  de  l'Anglais  <',  quand  on  songe  que  le  duc  de 
Berri  avait  fait  manquer  l'invasion  de  1386,  et  qu'il  em- 
pêcha encore  le  roi  de  combattre  en  1415,  on.  comprend 

*  C'était  le  temps  de  la  révolte  des  Percy. 

*  C'étaient  les  Bretons  de  Clisson,  conduits  par  Goillaume  Docfaâtel. 

*  Rymer. 

*  Le  comte  de  Clermont,  très-jeane  encore,  était  le  chef  nominal  do 
cette  armée. 

^  Le  Religieux  dit  qu'il  s'était  muni  d'un  ordre  du  roi. 

*  Le  comte  de  Saint-Po!  avait  pris  les  armes  pour  les  intérêts  de  si 
fille,  beile-fille  du  duc  de  L'ourgogne. 


MEURTRE  DU  DUC  D'ORLÉâNS.  77 

que  jamais  ces  princes  n'auraient  employé  cet  argent 
contre  les  ennemis  du  royaume. 

L'armement  se  fit  à  Brest,  une  flotte  fut  préparée.  Elle 
devait  (^tre  conduite  dans  le  pays  de  Galles,  par  le  comte 
de  La  Marche,  prince  de  la  maison  de  Bourbon,  qui  était 
agréable  aux  deux  partis.  Mais  ce  prince  fit  ce  que  le  duc 
de  Berri  avait  fait  autrefois.  Il  s'obstina  à  nebouger  de 
Paris.;  il  y  resta  d'août  en  novembre  pour  les  fêtes  d'un 
double  mariage  entre  les  princes  de  la  maison  de  Bour- 
gogne et  les  enfants  du  roi.  On  allégua  que  le  vent  était 
contraire.  Et  en  effet,  on  voit  bien  qu'il  soufflait  d'Angle- 
terre ;  les  Anglais  étaient  instruits  de  tout  par  des  traîtres; 
ils  avaient  ici  des  agents  à  qui  ils  payaient  pension  ;  ils  pen- 
sionnaient entre  autres  le  capitaine  de  Paris  ^  Le  nouveau 
duc  de  Bourgogne,  Jean  sans  Peur^  avait  d'ailleurs  intérêt 
à  ne  pas  commencer  par  déplaire  aux  Flamands  en  leur 
fermant  l'Angleterre.  Il  conclut  au  contraire  une  trêve 
marchande  avec  les  Anglais', 

L'habile  et  heureux  fondateur  de  la  maison  de  Bourgogne 
était  mort  au  milieu  de  la  crise  (1404),  au  moment  où  il 
venait  encore  de  mettre  un  de  ses  fils  en  possession  du 
Brabant.  Il  avait  recueilli  tous  les  fruits  de  sa  politique 
égoïste  '  ;  il  s'était  constamment  servi  des  ressources  de  la 
France,  de  ses  armées,  de  son  argent,  et  avec  cela,  il 
mourut  populaire,  laissant  à  son  fils  Jean  sans  Peur,  un 
grand  parti  dans  le  royaume. 

Philippe  le  Hardi  était,  dans  son  intérieur,  un  homme 
rangé  et  régulier;  il  n'eut  d'autre  femme  que  sa  femme, 
la  riche  et  puissante  héritière  des  Flandres  et  de  tant  de 
provinces,  et  qui  lui  aidait  à  les  maintenir.  Il  fut  toujours 
bien  avec  le  clergé  ;  il  le  défendait  volontiers  au  conseil  du 
roi  ;  du  reste,  donnant  peu  aux  églises. 

On  ne  lui  reproche  aucun  acte  violent.  Eut-îl  connaîs- 

*  App.,  67.  —  »  App,,  68.  —  »  App.,  69. 


78  U  DUC  D^ORLÉil^,  LB  DCC  DS  BOURGOGHE. 

sance  de  l'assassinat  de  Clisson  et  de  rempoisonnement 
de  révoque  de  Laon?  La  chose  est  possible ,  mais  encore 
.  moins  prouvée. 

Ce  politique  mettait  dans  toute  chose  tm  feste  royal, 
qu'on  pouvait  prendre  pour  de  la  prodigalité,  et  qui  sans 
doute  était  un  moyen.  Le  culte  était  célébré  dans  sa  mai- 
son avec  plus  de  pompe  que  chez  aucun  roi  ;  la  musique 
surtout  nombreuse,  excellente.  Dans  les  occasions  publi- 
ques, dans  les  fêtes,  il  tenait  à  éblouir,  et  jetait  Targent 
Lorsqu'il  alla  recevoir,  à  Lélinghcn,  Isabelle  de  France, 
veuve  de  Richard  II,  qu'Henri  lY  renvoyait,  il  déploya  on 
luxe  incroyable,  inconvenant  dans  une  si  triste  circons- 
tance, mais  il  voulait  sans  doute  imposer  à  ses  amis  les 
Anglais.  Au  reste,  il  ne  lui  en  coûta  rien,  il  profita  de 
cette  dépense  pour  se  donner,  au  nom  du  roi  de  France, 
une  énorme  pension  de  trente-six  mille  livies.  11  en  fut  de 
même  au  mariage  de  son  second  fils;  il  donna  à  tons  les 
seigneurs  des  Pays-Bas  qui  y  assistaient,  des  robes  de  ve- 
lours vert  et  de  satin  blanc,  et  leur  distribua  pour  dix  mille 
écus  de  pierreries  ;  il  avait  pourvu  d'avance  à  ces  dépenses 
en  se  faisant  assigner,  sur  le  trésor  de  France,  une  somme 
de  cent  quarante  mille  francs. 

La  rançon  de  son  fils,  loin  de  lui  coûter,  fut  pour  lui 
une  occasion  de  lever  des  sommes  énormes.  Indépendam- 
ment de  tout  ce  qu'il  tira  de  la  Bourgogne,  de  la  Flan- 
dre, etc.,  il  s'assigna,  au  nom  du  roi,  quatre- vingt  mille 
livres.  Nous  voyons  le  même  fils,  à  peine  de  retour,  tirer 
encore.  Tannée  suivante,  douze  mille  livres  de  (3iar- 
les  YI  ^  Cette  maison  si  riche  ne  méprisait  pas  les  plus 
petits  gains. 

Le  duc  de  Bourgogne  n'aimait  pas  à  payer.  Ses  tréso- 
riers n'acquittaient  rien,  pas  même  les  dépenses  journa- 
lières de  sa  maison  ^.  Quoiqu'il  laissât  à  sa  mort  une 

*  D.  Plancher.  —  '  Le  Religieux. 


HBDRTRB  DU  DUC  d'ORLÉANS.  79 

masse  énorme,  ixiestimable,  de  meubles,  de  joyaux,  d'ob- 
jets précieux,  il  y  avait  lieu  de  craindre  qu'ils  ne  suffissent 
point  à  payer  tant  de  créanciers.  Plutôt  que  de  toucher 
aux  immeubles,  la  veuve  se  décida  à  renoncer  à  la  succes- 
sion des  biens  mobiliers. 

Ce  n'était  pas  chose  simple,  au  moyen  ftge,  que  cession 
et  renonciation.  Le  débiteur  insolvable  faisait  triste  figure  ; 
il  devait  se  dégrader  lui-même  de  chevalerie  en  s'ôtant  le 
ceinturon.  Dans  certaines  villes,  il  fallait  que,  par-devant 
le  juge  et  sous  les  huées  de  la  foule,  a  il  frappât  du  cul  sur 
la  pierre  t.  »  La  cession  du  débiteur  était  honteuse.  La  re- 
nonciation de  la  veuve  étftit  odieuse  et  cruelle.  Elle  venait 
déposer  les  clefs  sur  le  corps  du  défunt,  comme  pour  lui 
dire  qu'elle  lui  rendait  sa  maison,  renonçant  à  la  commu* 
nauté,  et  n'ayant  plus  rien  à  voir  avec  lui;  elle  reniait  son 
mariage  ^.  U  n'y  avait  guère  de  pauvre  femme  qui  se  déci- 
dât à  boire  une  telle  honte,  à  briser  ainsi  son  cœur...  Elles 
donnaient  plutôt  leur  dernière  chemise. 

La  duchesse  de  Bourgogne  ne  recula  pas.  Cette  femme 
d'une  audace  virile  accomplit  bravement  la  cérémonie  '. 
Elle  descendait,  comme  Charles  le  Mauvais,  de  cette  vio- 
lente Espagnole  Jeanne  de  Navarre,  et  de  Philippe  le  Bel  ^. 
La  petite*fille  de  Jeanne,  Marguerite,  avait  fondé  avec 
non  moins  de  violence  la  maison  de  Bourgogne.  On  dit 
que,  voyant  son  fils  le  comte  de  Flandre  hésiter  à  accep- 
ter pour  gendre  Philippe  le  Hardi,  elle  lui  montra  sa  ma- 

«  App.,  70. 

'  La  renonciation  de  la  renrt  n*eti  pas  m  effet  aaiia  analogie  avec  le 
reniemeut  da  mariage,  par  lequel  la  lui  de  Castille  permeUait  à  la 
femme  noble,  qoi  avait  épousé  mi  roturier,  de  reprendre  sa  noblesse  à 
la  mortd'j  son  mari.  Il  fallait  qu'elle  allât  à  l'église  avec  une  hallebarde 
sur  lYpanle;  là,  elle  touchait  de  la  pointe  la  fo:^se  da  défunt  et  elle  loi 
dÎMil  :  •  Vilain,  garde  tavilainic,  que  jp  puisse  reprendre  ma  noblesse.  • 
Noi*  communiquée  par  M.  Uossew  Saint-llilaire.  App.,  71, 

'  •  Et  <le  ce  demanda  instrument  à  un  noUlre  public,  qui  esloit  là 
prêsfnl.  •  Monslrdet.  App.,  7î. 

«  V.  tome  m. 


80  LE  DUC  D*ORLéANS,   LE  DUC  DE  BOURGOGNE. 

nielle,  et  lui  dit  que,  s'il  ne  consentait,  elle  trancherait  le 
sein  qui  l'avait  nourri.  Ce  mariage,  comme  nous  l'avons 
TU,  mit  tout  un  empire  dans  les  mains  de  la  maison  de 
Bourgogne,  la  seconde  Marguerite,  petite-fille  de  Tautre, 
femme  de  Philippe  le  Hardi,  digne  mère  de  Jean  sans 
Peur,  aima  mieux  faire  cette  banqueroute  solennelle,  que 
de  diminuer  d'un  pouce  de  terre  les  possessions  de  sa 
maison.  Elle  connaissait  son  temps,  cet  âge  de  fer  et  de 
plomb.  Ses  fils  n'y  perdirent  rien^  ils  n'en  furent  ni  moins 
honorés  ni  moins  populaires.  Une  telle  audace  fit  peur;  on 
sut  ce  qu'on  avait  à  craindre  de  ces  princes. 

La  mort  de  Philippe  le  Hardi  semblait  laisser  le  dur: 
d'Orléans  maître  du  conseil.  H  en  profita  pour  se  faire 
donner  des  places  qui  couvraient  Paris  au  nord^  Giucy, 
Ham,  Soissons.  Avec  la  Fère,  Châlons,  Château-Thierry, 
Orléans  et  Dreux,  il  possédait  ainsi  une  ceinture  de  places 
autour  de  Paris.  Le  duc  de  Bourgogne  avait  pris,  il  est 
vrai,  au  midi,  le  poste  important  d'Étampes*. 

Le  duc  d'Orléans  obtint  de  son  pape  une  défense  an 
nouveau  duc  de  Bourgogne  de  se  mêler  des  afiaires  da 
royaume  '.  Pour  que  cette  défense  signifiât  quelque  chose, 
il  fallait  être  le  plus  fort.  11  ne  put  empêcher  Jean  sans 
Peur  d'entrer  au  conseil,  et  non-seulement  lui,  maïs  trois 
autres  qui  n'étaient  qu'un  avec  lui,  ses  frères,  les  ducs  de 
Lîmbourg  et  de  Nevers,  et  son  cousin  le  duc  de  Bretagne. 
Jean  sans  Peur,  suivant  la  politique  de  son  père,  com- 
mença par  se  déclarer  contre  la  taille  que  faisait  ordonner 
le  duo  d'Orléans  pour  la  continuation  de  la  guerre,  décla- 
rant qu'il  empêcherait  ses  sujets  de  la  payer.  Paris,  encou* 
ragé,  n'avait  pas  envie  de  payer  non  plus.  En  vain,  les 
crieurs  qui  proclamaient  la  taxe  annonçaient  en  même 
temps  que  celle  de  l'année  dernière  avait  été  bien  employée, 


^  n  se  Uclait  fait  céd«r  en  iiOO  parle dac  de  Berri. 

•  Mcyer. 


moRTKS  DU  DUC  d'orléàns.  84 

qa*on  avait  repris  plusieurs  places  du  LimousiB.  Le  peôple 
de  Paris  ne  se  souciait  du  Limousin  ni  du  royaume  ;  il  ne 
paya  point.  Les  prisons  se  remplirent,  les  places  se  cou- 
unirent  de  meubles  à  Tencan.  L'exaspération  était  telle,- 
ipi'il  fallut  défendre,  à  son  de  trompe,  de  porter  ni  épée 
ni  couteau  ^. 

Tout  porte  à  croire  que  les  impôts  n'étaient  pas  exces- 
sifs, quoi. qu'en  «disent  les  contemporains.  La  France  était 
redevenue  riche  par  la  paix  ;  la  main-d'œuvre  était  à  haut 
prix  dans  les  villes.  Le  fisc  levait  plus  facilement  six  francs 
par  feu,  qu'il  n'aurait  levé  un  franc  cinquante  ans  aupara- 
vant *.  Mais  cet  argent  était  levé  avec  une  violence,  une 
précipitation,  une  inégalité  capricieuse,  plus  funeste  que 
l'impôt  même. 

Que  le  peuplQ^ùt  ou  n'eût  pas  d'argent,  il  n*en  voulait 
pas  donner.  On  lui  disait  que  la  reine  faisait  passer  en  Alle- 
magne tout  ce  que  le  duc  d'Orléans  ne  gaspillait  pas.  On 
avait,  disait-on,  arrêté  à  Metz  six  charges  d'or  que  la 
Bavaroise  envoyait  chez  elle  3.  Les  esprits  les  plus  sages 
'accueillaient  ces  bruits;  le  grave  historien  du  temps 
croit  que  la  taxe*  précédente  avait  fourni  la  somme  mon- 
strueuse de  huit  cent  mille  écus  .d'or  ^,  et  que  le  duc  et  la 
reine  avaient  tout  mangé.  Pour  juger  ces  assertions,  pour 
apprécier  l'ignorance  et  la  malveillance  avec  lesquelles  on 
raisonnait  des  ressources  du  royaume,  il  faut  voir  le  beau 
plan  que  le  parti  du  duc  de  Bourgogne  proposait  pour  la 
réforme  des  finances,  a  II  y  a,  disait-on,  dix-sept  cent  mille 
villes,  bourgs  et  villages  ;  ôtons-en  sept  cent  mille  qui  sont 
ruinés;  qu'on  impose  les  autres  à  vingt  écus  seulement  par 
an,  cela  fera  vingt  millions  d'écus;  en  payant  bien  les 
troupes,  la  maison  du  roi,  les  collecteurs  et  receveurs,  en 
réser\'ant  même  quelque  chose  pour  réparer  les  forteres- 
ses, il  restera  trois  millions  dans  les  coffres  du  roi.  »  Ce 

«  Le  Religieux —  *  Àpp»,  73.  —  *  App.,  74.  —  *  App.,  75. 

IT.  G 


82  LE  DUC  D'ORli^NS,   LE  DUC  VE  BOURGOGNE. 

calcul  de  dix-sept  cent  mille  clochers  est  jostemenl  ceU 
sur  lequel  s^appuie  le  facétieux  recteur  de  la  satire  Mé- 
nippée. 

Rien  ne  servit  mieux  le  parti  bourguignon  que  le  ser- 
mon d'un  moine  augustin  contre  la  reine  et  le  duc  La 
reine  pourtant  était  présente  i.  Le  saint  homme  ne  paria 
qu*avec  plus  de  violence,  et  probablement  sans  bien  savoir 
qui  il  servait  par  cette  violence.  Il  n'y  a  pas  de  naeilleur 
instrument  pour  les  factions  que  ces  fanatiques  qui  frap- 
pent en  conscience.  Dans  sa  harangue,  il  attaquait  péte- 
m'éte  les  prodigalités  de  la  cour,  les  abus,  les  nouTeaulés 
en  général,  la  danse,  les  modes,  les  franges,  les  grandes 
manches  *.  Il  dit,  en  face  de  la  reine,  que  sa  cour  était  le 
domicile  de  dame  Vénus,  etc.  3. 

On  en  parla  au  roi,  qui,  loin  de  se  Àcher,  voulut  aussi 
l'entendre.  Devant  le  roi,  il  en  dit  encore  plus  :  Que  les 
tailles  n'avaient  servi  à  rien;  que  le  roi  lui-même  était 
vêtu  du  sang  et  des  larmes  du  peuple;  que  le  duc  (il  ne  le 
désignait  pas  autrement)  était  maudit,  et  que,  sans  doute, 
Dieu  ferait  passer  le  royaume  dans  une  main  étran- 
gère *. 

Le  duc  d'Orléans,  si  violemment  attaqué,  n'essayait 
point  de  regagner  les  esprits.  On  l'accusait  de  prodigalité; 
il  n'en  fut  que  plus  prodigue;  il  y  avait  trop  peu  d'argent 
pour  la  guerre,  il  y  en  avait  assez  pour  les  fêtes,  les  amu- 
sements. Ëloigné  si  longtemps  du  gouvernement  par  ses 
oncles,  sous  prétexte  de  jeunesse,  il  restait  jeune  en  effet; 
il  avait  passé  la  trentaine,  et  n'en  était  que  plus  ardent 


^  Le  Religieux. 

*  •  Loricatis,  fimbriatlg  et  manieatis  yestibos.  •  Religieax. 

*  «  Domina  Venus.  »  Religieux.  —  Cet  Âugostia,  qui  prêcha  contre 
le  due  d'Orléans,  lui  avait  dédié  un  livre,  qat  peal-étre  n'aTait  pas  été 
assez  payé. 

*  •  Te  induere  de  subsianlia,  lacrimis  et  gemitibos  misemmae  p!< 
Religieux. 


IIBURTOB  DU  MJC  D'oBLÉANS.  83 

dans  ses  folles  passioas.  A  cet  âge  d'action,  Thomme  que 
les  circonstances  empêchent  d*agir,  se  retourne  avec  vio- 
lence vers  la  jeunesse  qui  s'en  va,  vers  les  caprices  d'un 
autre  âge  ;  mais  il  y  porte  une  fantaisie  tout  autrement 
difficile,  insatiable;  tout  y  passe,  rien  n'y  suffit;  le  plaisir 
d*aBord,  mais  c'est  bientôt  fini  ;  p«iis,  dans  le  plaisir,  l'aigre 
saveur  du  péché  secret;  puis  le  secret  dédaigné,  les  jouis- 
sances insolentes  du  bruit,  du  scandale. 

La  petite  reine  de  Charles  VI  n'était  pas  ce  qu'il  lui 
fallait  ;  il  n'aimait  que  les  grandes  dames,  c'est-à-dire  les 
aventures,  les  enlèvements,  les  folles  tragédies  de  l'amour. 
Il  prit  ainsi  chez  lui  la  dame  de  Ganny,  et  il  la  garda,  au 
TU  et  su  de  tout  le  monde,  jusqu'à  ce  qu'il  en  eut  un  fils. 
Ce  fut  le  fameux  Dunois. 

Fut-i]  l'amant  des  deux  Bavaroises,  de  Marguerite,  femme 
de  Jean  sans  Peur,  et  de  la  reine  kabeau,  propre  femme 
de  son  frère?  la  chose  n'est  pas  improbable.  Ce  qui  est  sûr, 
c  est  qu'il  semblait  fort  uni  avec  Isabeau  au  conseil  et  dans 
les  afi'aires  ;  une  si  étroite  alliance  d'un  jeune  homme  trop 
galant,  avec  une  jeune  femme  qqi  se  trouvait  comme 
veuve  du  vivant  de  son  mari,  n'était  rien  moins  qu'édi- 
fiante. 

Maître  de  la  reine,  il  semblait  vouloir  l'être  du  royaume. 
Il  profita  d  une  recliute  de  son  frère  pour  se  faire  donner 
par  lui  le  gouvernement  de  la  Normandie.  Cette  province, 
la  plus  riche  de  toutes,  avait  été  convoitée  par  le  feu  duc 
de  Bourgogne.  Le  duc  d'Orléans,  qui  ne  pouvait  plus  tirer 
d'argent  de  Paris,  eût  trouvé  là  d'autres  ressources.  C'était 
aussi  des  ports  de  Normandie  qu'il  eût  pu  le  mieux  diriger» 
contre  l'Angleterre,  les  capitaines  de  son  parti.  L'expédi- 
tion du  comte  de  la  Marche,  préparée  à  Brest,  n'avait 
abouti  à  rien  ;  elle  eût  peut-être  réussi  en  partant  d'fion- 
fleur  ou  de  Dieppe.  Les  Normands,  sans  doute  encouragés 
sous  main  par  le  parti  de  Bourgogne,  reçurent  fort  mal 
leur  nouveau  gouverneur  ;  il  essaya  en  vain  de  désarmer 


84  LE  DUC  D'ORLÉANS,  LE  DUC  DE  BOURGOGNE. 

Rouen  *.  Il  y  avait  une  grande  imprudence  à  irriter  ainsi 
cette  puissante  commune.  Les  capitaines  des  villes  et  for- 
teresses gardèrent  leurs  places,  contre  lui,  jusqu'à  nouvel 
ordre  du  roi. 

Cette  tentative  du  duc  d'Orléans  sur  la  Normandie  excita 
de  grandes  défiances  contré  lui  dans  l'esprit  de  Charles  VI, 
lorsqu'il  eut  une  lueur  de  bon  sens.  On  s'adressa  aussi  à 
son  orgueil.  On  lui  apprit  dans  quel  honteux  abaradon  sa 
femme  et  son  frère  le  laissaient*  ;  on  lui  dit  que  ses  servi- 
teurs n'étaient  plus  payés,  que  ses  enfants  étaient  négligés, 
qu'il  n'y  avait  plus  moyen  de  faire  face  aux  dépenses  de  sa 
maison.  Il  demanda  au  dauphin  ce  qui  en  était,  l'enfant 
dit  oui,  et  que  depuis  trois  mois  la  reine  le  caressait  et  le 
baisait  pour  qu*il  ne  dit  rien'. 


>  Ceux  de  Rouen  répondirent  avec  dérision  :  •  Nous  porterons  dos 
armes  an  château,  c*estrà*dire  que  nous  irons  armés,  armés  aussi  nous 
reviendrons.  » 

*  <  C'estoit  grande  pillé  de  la  maladie  du  roy,  laquelle  loy  lenoit  lon- 
guement. Et  quand  il  mangeoit,  c'estoit  bien  g-outement  et  louvisse- 
ment.  Et' ne  le  pouToit-on  faire  despoûiller,  et  estoit  tout  plein  de  pooi, 
vermine  et  ordure.  Et  avoîi  un  petit  lopin  de  fer,  lequel  il  mit  secretu- 
ment  au  plus  près  de  sa  chair.  De  laquelle  chose  on  ne  sçaroit  rien,  et 
luy  avoit  tout  pourry  la  pauvre  chair,  et  n'y  avoit  personne  qui  oiast 
approcher  de  luy  pour  y  remédier.  Toutefois  11  avoit  un  physicien  qai 
dit,  qu'il  estoit  nécessité  d'y  remédier,  ou  qu'il  estoit  en  d?nger,  et  que 
de  la  garison  do  la  maladie  il  n'y  avoit  remède,  comme  il  luy  sembloit. 
Et  ad  visa  qu'on  ordonnaàt  quelque  dix  on  doute  compagnons  des- 
guisez,  qui  fussent  noircis,  et  aucunement  garnis  dessous^  pour  doou 
qu'il  ne  les  biessast.  Et  ainsi  fut  fait«  et  entrèrent  les  compagnons,  qui 
estoient  bien  terribles  à  voir,  en  sa  chambre.  Quand  il  les  vid,  il  fut 
bien  esbahi,  et  vinrent  de  faict  à  luy  :  et  avoit-on  fait  faire  tous  habil- 
lements nouveaux,  chemise,  gippoo,  robbe,  chausses,  boites,  qu*aa 
porloit.  lis  le  prirent,  luy  cependant  dicoit  plusieurs  paroles,  pua  le 
dépouillèrent,  et  luy  vestirent  lesdites  choses  qu'ils  avoient  apportées. 
Ces  toit  grande  pitié  de  le  voir^  car  son  corps  estoit  tout  mangé  de  poux 
et  d'ordurd.  Et  si  trouvèrent  ladite  pièce  de  fer  :  toutes  les  fuis  qu  on 
le  vouloit  nettoyer,  falloit  que  ce  fust  par  ladite  manière.  >  Javénal  des 
(Jrsins. 

'  11  témoigna  beaucoup  de  reaonnaissance  à  une  dame  qui  avait  soia 
du  dauphin  et  suppléait  à  la  négligence  de  sa  mère.  11  lui  donna  le 
gobelet  d'or  dans  lequel  il  venait  de  boire.  (Religieux.) 


MEURTRE  DD  DUC  D*ORL£ANS.  85 

On  obtint  ainsi  de  Charles  VI  qu'il  appel&t  le  duc  de 
Bourgogne;  celui-ci,  sous  prétexte  de  faire  hommage  de  la 
Flandre,  vint  avec  un  cortège  qui  était  plutôt  une  armée. 
Il  amenait  avec  lui  la  foule  de  ses  vassaux  et  six  mille 
hommes  d'armes.  La  reine  et  le  duc  d'Orléans  se  sauvèrent 
à  Melun.  Les  enfants  de  France  devaient  les  suivre  le 
lendemain  ;  mais  le  duc  de  Bourgogne  arriva  à  temps  pour 
les  arrêter  4. 

Il  avait  besoin  du  jeune  dauphin'.  En  l'absence  du  roi, 
il  lui  fit  présider  un  conseil,  composé  des  princes,  des 
conseillers  ordinaires,  où,  de  plus,  on  avait  appelé,  chose 
nouvelle,  le  recteur  et  force  docteurs  de  l'Université^.  Là, 
maître  Jean  de  Nyelle,  un  docteur  de  l'Artois,  serviteur  du 
duc  de  Bourgogne,  prononça  une  longue  harangue  sur  les 
abus  dont  son  maître  demandait  la  réforme.  Il  termina  en 
accusant  le  duc  d'Orléans  de  négliger  la  guerre  des  Anglais, 
montrant  comment  cette  guerre  était  juste,  prétendant 
qu'avec  les  subsides  annuels,  les  tailles  générales,  et  l'em- 
prunt fait  récemment  aux  riches  et  aux  prélats,  on  pouvait 
bien  la  soutenir. 

On  ne  peut  que  s'étonner  d'un  tel  discours,  lorsqu'on 
voit,  qu'alors  même,  le  duc  de  Bourgogne,  comme  comte 
de  Flandre,  venait  de  traiter  avec  les  Anglais,  et  que  de 
plus,  il  avait  donné  l'exemple  de  ne  rien  payer  pour  la 
guerre.  Le  parti  d'Orléans,  à  ce  moment  même,  reprenait 
dix-huit  petites  places,  puis  soixante  dans  la  Guienne.  Le 
comte  d'Armagnac  leur  offrait  la  bataille  sous  les  murs  de 
Bordeaux^.  Le  sire  de  Savoisy  fit  une  course  heureuse 
contre  les  Anglais.  Des  secours  furent  envoyés  aux  Gallois. 
Les  chefs  de  ces  expéditions,  Albret,  Armagnac,  Savoisy, 
Ri^ux,  Duchàtel,  étaient  tous  du  parti  d'Orléans. 

L'exaspération  de  Paris  contre  les  taxes,  la  jalousie  des 

*  n  logea  avec  le  dauphin,  pour  dtro  plag  tûr.  de  loi* 

*  Le  Religieai.  —  4  App.,  77. 


96  LE  DUC  D'ORLÉAMS,   LI  SUC  NI  BOURGOGNE. 

princes  eontre  le  duc  d'Orléans,  rendirent  tin  moment 
Jean  sans  Peur  maître  de  tout.  Le  roi  de  Navarre,  le  roi 
de  Sicile,  le  duc  de  Benri,  déclarèrent  que  tout  ce  que  le 
duc  de  Biiurgogne  avait  fait  était  bien  fiiit.  Le  dergé  et 
l'Université  prêchèrent  en  ce  s^eis.  Puis,  les  princes  avè- 
rent un  à  un  à  Melun  prier  le  duc  d'Orléans  de  ne  plus 
assembler  de  troupes,  et  de  laisser  la  reine  revenir  daas  sa 
bonne  ville.  Le  vieux  duc  de  Berri  s'emporta  jusqu^à  dire 
à  son  neveu,  qu'il  n'y  avait  aucun  des  princes  qui  ne  le 
tint  pour  ennemi  public  ;  à  quoi  le  duc  d'Orléans  répliqua 
seulement  :  a  Qui  a  bon  droit,  le  garde*  ! 

Il  répondit  aussi  à  l'ambassade  de  TUniversîté,  au  rec- 
teur, aux  docteurs,  qui  venaient  le  sermonner  sur  les  iâests 
de  la  paix.  Il  les  harangua  à  son  tour  en  langue  vulgaire, 
mais  dans  leur  style,  opposant  syllogisme  à  syllc^ifflie, 
citation  à  citation.  Il  concluait  par  les  paroles  suivantes, 
auxquelles  il  n'y  avait,  ce  semble,  rien  à  répondre  : 
c  l'Université  ne  sait  pas  que  le  roi  étant  malade  et  le 
dauphin  mineur,  c'est  au  frère  du  roi  qu'il  appartient 
de  gouverner  le  royaume.  Et  comment  le  saurait-elle? 
L'Université  n'est  pas  française;  c'est  un  mélange  d'hom- 
mes de. toute  nati<Hi^;  ces  étrangers  n'ont  rien  à  voir  dans 
nos  afiaires...  Docteurs,  retournez  à  vos  écoles.  Chacun 
son  métier.  Vous  n'appelleriez  pas  apparemment  des  gens 
d'armes  à  opiner  sur  la  foi^.  >  Et  il  ajouta  d'un  ton  plus 
léger  :  a  Qui  vous  a  chargé  de  négocier  la  paix  eatre 
moi  et  mon  cousin  de  Bourgogne?  U  n'y  a  entre  nous  ni 
haine  ni  discorde^  » 


ft  •  Sar  les  pcnnoaeetnx  de  leurs  lances  les  Don^^nignofie  portoteat  : 
ieh  hoMd,  je  tiens,  à  i*eiicoQtre  des  Orléanois  qui  «voient  :  je 
Monstrelet.  —  *  Bulœus. 

*  •  In  casa  fidei  ad  consilinm  milites  non  erocaretis.  •  Religiei 

*  Monâtrelet  prétend  que  le  duc  d'Orléans  avait  pris  l'Unirersilé  pour 
juge  et  arbitre.  —  Ce  qui  est  plus  sûr,  c'est  qa*il  s'adressa  an  Parie- 
ment  :  •  Si  reqaeroit  la  cour  qu'elle  ne  souffrist  iedia  dauphin  estre 
transporté...  •  Arehivet,  Reg.  du  Parkm,  Cons.,  YOl.  XII,  f. 


MEURTRE  DU  DUC  D*OR(JaNS.  87 

Le  duc  de  Bourgogne  comptait  sur  Paris.  U  avait  achevé 
de  gagner  les  Parisiens  par  la  bonne  discipline  de  ses 
troupes  qui  ne  prenaient  rien  sans  payer.  Les  bourgeois  , 
avaient  été  autorisés  à  se  mettre  en  défense,  k  refaire  les 
chaînes  de  fer  qui  barraient  les  rues  ;  on  en  forgea  plus  de 
six  cents  en  huit  jours.  Hais  quand  il  voulut  mener  plus 
loin  les  Parisiens,  et  les  décider  ai  le  suivre  contre  le  duc 
d'Orléans,  ils  refusèrent  nettement.  Ce  refus  rendit  la 
réconciliation  plus  facile.  Les  princes  consentirent  à  Un 
rapprochement.  Xes  deux  partis  avaient  à  craindre  la 
disette.  Le  duc  d'Orléans  rentra  dans  Paris,  toucha  dans 
la  main  au  duc  de  Bourgogne  i,  et  consentit  aux  réformes 
qu'il  avait  proposées.  Quelques  suppressions  d*officiers, 
quelques  réductions  de  gages,  ce  fut  toute  la  réforme. 
Mais  la  discorde  restait  la  même  entre  les  princes.  Le  duc 
d^Orléans,  doux  et  insinuant,  avait  trouvé  moyen  de  rega- 
gner son  oncle  de  Berri,  et  presque  tout  le  conseil;  il 
reprenait  peu  à  peu  le  pouvoir.  On  essaya  bientôt  d'un 
nouvel  accord  aussi  inutile  que  le  premier. 

D  n'y  avait  qu'une  chance  de  paix;  c'était  le  cas  où  les 
Anglais,  par  leurs  pirateries,  par  leurs  ravages  autour  de 
Calais,  décideraient  le  duc  de  Bourgogne,  comte  de  Flan- 
dre, à  agir  sérieusement  contre  eux,  et  à  s'arranger  avec 
le  duc  d'Orléans.  On  put  croire  un  moment  que  les  ennemis 
de  la  France  lui  rendraient  ce  service.  En  \  405,  les  Anglais 
Toyant  que  Philippe  le  Hardi  était  mort,  crurent  avoir 
meilleur  marché  de  la  veuve  et  du  jeune  duc  ;  ils  tentèrent 
de  s'emparer  du  port  de  l'Écluse.  Et  ceci  ne  fut  pas  une 
tentative  individuelle,  un  coup  de  piraterie,  mais  bien  une 
6xpédition  autorisée,  par  une  flotte  royale,  et  sous  la  con  - 
duite  du  duc  de  Clarence,  le  propre  fils  d'Henri  iV.  C'était 
justement  le  moment  ou  le  nouveau  comte  de  Flandre 


1  Si  Ton  en  croyait  la  chronique  suivie  par  M.  de  Barante,  ils  auraient 
couché  dans  la  même  lit. 


88  LE  DUC  D'ORLÉàNS,  LE  DUC  DE   BOURGOGNE. 

venait  de   renouveler   les  trêves  marchandes  avec  les 
Anglaise 

Voilà  les  princes  d*acCord  pour  agir  contre  l'ennemi. 
Le  duc  de  Bourgogne  se  charge  d'assiéger  Calais,  tandis 
que  le  duc  d'Orléans  fera  la  guerre  en  Guienne.  Calais  et 
Bordeaux  étaient  bien  les  deux  points  à  attaquer,  mais  ce 
n'était  pas  trop  des  forces  réunies  du  royaume  pour  une 
seule  des  deux  entreprises  ;  les  tenter  toutes  deux  à  la  fois, 
c'était  tout  manquer. 

Calais  ne  pouvait  guère  se  prendre  que  l'hiver  et  par  mi 
coup  de  main  ;  c'est  ce  que  vit  plus  tard  le  grand  Guise^. 
Le  duc  de  Bourgogne  avertit  longuement  l'ennemi,  par 
d'interminables  préparatifs  ;  il  rassembla  dt;s  troupes  con- 
sidérables, des  munitions  infinies,  douze  cents  canons', 
petits  il  est  vrai.  Il  prit  le  temps  de  bâtir  une  ville  de  bois 
pour  enfermer  la  ville.  Pendant  qu'il  travaille  et  charpente, 
les  Anglais  ravitaillent  la  place,  l'arment,  la  rendent  im- 
prenable. 

Le  duc  d'Orléans  ne  réussit  pas  mieux.  Il  commença  la 
campagne  trop  tard,  comme  à  l'ordinaire,  se  mettant  en 
route  lorsqu'il  eût  fallu  revenir.  On  lui  disait  bien  pourtant 
qu'il  ne  trouverait  plus  rien  dans  la  campagne,  ni  vivres 
ni  fourrages,  que  l'hiver  approchait;  il  répondait  avec 
légèreté  que  la  gloire  en  serait  plus  grande  d*avoir  à 
vaincre  l'Anglais  et  l'hiver. 

Les  Gascons  qui  l'avaient  appelé,  se  ravisèrent  et  ne 
l'aidèrent  point  ^.  N'ayant  qu'une  petite  armée  de  cinq 
mille  hommes,  il  ne  pouvait  se  hasarder  d'attaquer  Bor- 
deaux ;  il  aurait  voulu  du  moins  en  saisir  les  approches; 
il  tâta  Blaye,  puis  Bourg.  Le  siège  traîna  dans  la  mauvaise 
saison  ;  les  vivres  manquèrent,  une  flotte  qui  en  apportait 


•  App.,  78. 

*  L'hiver,  an  contraire,  découragea  le  duc  de  Bourgogoe.  (Juyénal  des 
Ursins.) 

Mpp.,7».  ^*  App,,  90. 


UJiURTRK  DO  DUC   D*ORLÉANS.  89 

de  la  Rochelle  fut  prise  en  mer  par  les  Anglais.  Les  troupes 
affamées  se  débandèrent.  Le  duc  d'Orléans  s'obstinait  à  ce 
malheureux  siège,  sans  espoir,  mais  s'étourdissigit,  jouant 
la  solde  des  troupes,  n'osant  revenir. 

II  savait  bien  ce  qui  l'attendait  à  Paris.  Le  duc  de  Bour- 
gogne y  était  déjà,  il  ameutait  le  peuple  contre  lui,  le 
désignait  comme  l'ami  des  Anglais,  l'accusait  d'avoir  dé- 
tourné pour  sa  belle  expédition  de  Guienne  l'argent  avec 
lequel  on  eût  pris  Calais^  Paris  était  fort  ému,  l'Université, 
le  clergé  même.  Le  duc  d'Orléans  avait  récemment  irrité 
l'évéque  et  l'église  de  Paris;  à  son  départ  pour  Guienne, 
il  avait  été  à  Saint-Denis  baiser  les  os  du  patron  de  la 
France;  ceux  de  Paris  qui  prétendaient  avoir  les  vraies 
reliques  du  saint,  ne  pardonnèrent  pas^au  duc  de  décider 
ainsi  contre  eux. 

Peu  à  peu,  Paris  devenait  unanime  contre  le  duc  d'Or- 
léans. Les  gens  de  TUnivei^sité  de  Paris  couvaient  contre 
lui  une  haine  profonde,  haine  de  docteurs,  haine  de  prê- 
tres. D'abord,  irétait  l'ami  du  pape  leur  ennemi,  il  faisait 
donner  les  bénéfices  à  d'autres  qu'aux  universitaires,  il  les 
affamait.  Autre  crime  :  à  l'Université  de  Paris,  il  opposait 
les  universités  d'Orléans,  d'Angers,  de  Montpellier  et  de 
Toulouse,  toutes  favorables  au  pape  d'Avignon  <.  Il  sou- 
tenait, comme  on  l'a  vu,  que  l'Université  de  Paris  n'était 
pas  française,  que,  composée  en  grande  partie  d'étrangers, 
elle  ne  pouvait  s'immiscer  dans  les  affaires  du  royaume. 
C'étaient  là  de  terribles  griefs  auprès  de  nos  docteurs. 
Peut-être  cependant  lui  auraient-ils  à  la  rigueur  pardonné 
tout  cela  ;  mais,  ce  qui  était  bien  autrement  grave  pour  des 
lettrés,  décidément  irrémissible  et  inexpiable,  il  se  mo- 
quait d'eux. 

Déjà  surannée,  pour  là  science  et  l'enseignement,  l'tni- 
versité  de  Paris  avait  atteint  l'dpogée  de  sa  puissance.  Elle 

'     «  App.,  81. 
*  Bttlœos. 


90  LE  DUC  D'ORLÉANS,   LI  DUC  DE   BOURGOGIOL 

était  devenue,  pour  ainsi  dire,  Tautorité.  Depuis  plus  d*ua 
siècle,  cette  vieïle  ainée  des  rois  avait  parlé  haut  dans  la 
maison  de  son  père,  fille  équivoque*  en  soutane  de  prêtre, 
et  comme  les  vieilles  filles,  aigre  et  colérique.  Le  roi  aussi 
ravaii  gâtée,  ayant  besoin  d'elle  contre  les  templiers, 
contre  les  papes.  Dans  le  grand  schisme,  elle  se  chargea  de 
choisir  pour  la  chrétienté,  et  choisit  Clément  YTI;  puis  dk 
humilia  son  pape. 

C'était  pour  le  roi  un  instrument  peu  sûr,  et  qui  souvent 
le  blessait  lui-même.  Au  moindre  mécontentement  l'Uni* 
versité  venait  lui  déclarer  que  la  Fille  des  rois,  lésée  dans 
ses  privilèges,  ;irfiit,  brebis  errante',  chercher  un  autre 
asile.  Elle  fermait  ces  classes,  les  écoliers  sç  dispersaient, 
au  grand  dommage  de  Paris.  Alors  on  se  hâtait  de  courir 
après  eux,  definir^la^^ce^^fo,  de  rappeler  la  gens  logaUtéoi 
mont  Aven  tin. 

L'Université  ne  s'en  tint  pas  à  ces  moyens  négatife. 
Bientôt,  associée  au  petit  peuple,  elle  donna  ses  ordr^  à 
rhCtel  Saint-Paul,  et  traita  le  roi  presque  aussi  mal  qu'elle 
avait  traité  le  pape.  Dans  cette  éclipse  misérable  de  la 
papauté,  de  TEmpire;  de  la  royauté,  l'Université  de  Paris 
trônait,  férule  en  main,  et  se  croyait  reine  du  monde. 

Et  il  y  avait  bien  quelque  raison  dans  cette  absurdité. 
Avant  l'imprimerie,  avant  la  domination  de  la  presse,  sous 
laquelle  nous  vivons,  toute  publicité  était  dans  Tensrigne- 
ment  oral,  que  dispensaient  les  universités  ;  or  la  première 
et  la  plus  influente  de  toutes  était  celle  de  Paris. 

Puissance  immense,  à  peu  près  sans  contrôle.  Et  dans 
quelles  mains  se  trouvait-elle?  Aux  mains  d'un  peuple  de 
docteurs,  aigris  par  la  misère,  en  qui  d'ailleurs  la  haine,  i 
l'envie,  les  mauvaises  passions,  avaient  été  soigneusem^l 
cultivées  par  une  éducation  de  polémique  et  de  dispute. 

*  On  a  débatta  pendant  cincf  cents  ans  cette  question  insofaibb  ti 

rUniversité  était  nn  corps  ecclésiastique  oa  laïque. 
>  •  Qaaai  oyem  erraboadam.  •  Religieux. 


MEURTRE  DU  DUC  D'ORLÉANS.  91 

Ces  gens  arrivaient  à  la  puissance,  ils  devaient  montrer 
hîeDtôl  combieo  l'éristiqne  sèdie  et  dureit  la  fibre  morale^ 
comment,  portée  du  raisonnement  dans  la  réalité,  elle  ' 
«sonlioiie  d'abstraire,  abstrait  la  vie  et  raisonne  le  meurtre, 
comme  tout  autre  négation. 

De  bcNftoe  beure,  T  Université  avait  commencé  la  guerre 
contre  le  duc  d'Orléans.  Dès  UOâ,  elle  déclara  les  ennemis 
de  la  aoualaraction  d'obédience,  les  amis  du  pape,  pécheurs 
d  fauteurs  du  schisme.  Le  prince,  si  clairement  désigné, 
demanda  réparation;  mais  le  môme  soir,  l'un  des  plus 
célèbres  docteurs  et  prédicateurs,  Courtecuisse,  renouvela 
l'invective. 

Deux  ans  après,  l'Université  saisit  une  occasion  de 
frapper  un  des  principaux  serviteurs  du  duc  d'Orléans  et 
de  la  reine,  le  sirô  de  Savoisy.  Ce  seigneur,  qui  avait  fait 
des  expéditions  heureuses  contre  les  Anglais,  avait  autour 
de  lui  une  maison  toute  militaire,  des  serviteurs  insolents, 
des  pages  fort  mal  Asciplinés  ;  un  de  ceux-ci  donna  des 
éperons  à  son  cheval  tout  au  travers  d'une  procession  de 
rUniversité;  les  écoliers  le  souffletèrent,  les  gens  de  Savoisy 
prirent  parti,  poursuivirent  les  écoliers  qui  se  jetèrent  dans 
Sainte-Catherine  ;  des  portes,  ils  tirèrent  au  hasard  dans 
l'église,  au  grand  effroi  du  prêtre  qui  disait  la  messe  en  ce 
moment.  Plusieurs  écoliers  furent  blessés.  Savoisy  eut 
beau  demander  pardon  à  l'Université,  et  offrir  de  livrer  les 
coupables  ^  U  fallut  qu'il  perpétuât  le  souvenir  de  son  hu- 
miliation, en  fondant  une  chapelle  de  cent  livres  de  rentes; 
que  son  propre  hôtel,  l'un  des  plus  beaux  alors,  fût  démoli 
de  fond  en  comble.  Les  peintures  admirables  dopt  il  était 
décoré,  ne  purent  toucher  les  scolastiques^.  La  démolition 


*  Il  déclara  méma  qa*il  était  prêt  à  pend»  le  coupable  de  sa  propm 
maîD.  (Religieux.) 

*  Le  roi  no  pat  sauver  qutine  galerie  peinte  à  fresque,  qui  était  bâtie 
ÊOt  lee  oHurs  de  la  viiie,  et  on  loi  en  fit  payer  la  valeur. 


92  LE  DUC  d'ORLÉANS,   le  duc  de  BOURGOGHiS. 

se  fit  à  grand  bruit,  au  son  des  trompettes  qui  proclamaient 
la  victoire  de  l'Université  ^ 

Elle  avait  suspendu  ses  leçons,  et  défendu  les  prédica- 
tions, jusqu'à  ce  qu'elle  eût  obtenu  cette  réparation, 
éclatante.  Elle  usa  du  même  moyen,  lorsque  Benoit  XIII 
s'étant  échappé  d'Avignon,  le  duc  d'Orléans  fit  révoquer 
par  le  roi  la  soustraction  d'obédience,  et  que  le  pape 
ordonna  la  levée  d'une  décime  sur  le  clergé,  dont  le  duc 
aurait  profité  sans  doute.  Un  concile  assemblé  à  Paris 
n'osait  rien  décider.  L'Université,  par  l'organe  d'un  de  ses 
docteurs,  Jean  Petit,  éclata  avec  violence  contre  le  pape, 
contre  les  fauteurs  du  pape»  contre  l'Université  de  Tou- 
louse qui  le  soutenait  ;  celle  de  Paris  exigea  du  roi  un 
ordre  au  parlement  de  faire  brûler  la  lettre  qu'avaient 
écrite  ceux  de  Toulouse  à  cette  occasion.  La  terreur  était 
si  grande,  que  le  même  Savoisy,  récemment  maltraité  par 
l'Université,  se  chargea  de  porter  au  parlement  l'ordre  du 
roi.  Cet  homme,  intrépide  devant  les  Anglais,  rampait 
devant  la  puissance  populaire,  dont  il  avait  vu  de  si  près 
la  force  et  la  rage. 

On  peut  juger  de  l'insolence  des  écoliers  après  de  telles 
victoires,  ils  se  croyaient  décidément  les  ,maitres  sur  le 
pavé  de  Paris.  Deux  d  entre  eux,  un  Breton,  et  un  Nor- 
mand, firent  je  ne  sais  quel  vol.  Le  prévôt,  messire  de 
Tignonville,  ami  du  duc  d*Orléans,  jugeant  bien  que,  s'il 
les  renvoyait  à  leurs  juges  ecclésiastiques,  ils  se  trouve- 
raient les  plus  innocentes  personnes  du  monde,  les  traita 
comme  déchus  du  privilège  de  cléricature,  les  mit  à  la 
torture,  les  fit  avouer,  puis  les  envoya  au  gibet.  Là-dessus, 
grande  clameur  de  l'Université  et  des  clercs  en  général. 

Les  princes  ne  pouvant  abandonner  le  prévôt,  répon- 
daient aux  universitaires  qu'ils  pouvaient  aller  dépendre 
et  inhumer  les  corps,  et  qu'il  n'en  fût  plus  parlé.  Sfais  ce 
n'était  pas  leur  compte  ;  ils  voulaient  que  le  prévôt  fondât 

>  •  Gumliluis  et  ioslrumonùs  musicii.  »  Religieux. 


MEURTRE  DC  DUC  D^.ORLÉANS.  93 

deux  chapelles,  qu'il  fût  déclaré  inhabile  à  tout  emploi, 
qu'il  allât  dépendre  lui-même  les  deux  clercs,  et  les  inhumât 
de  ses  mains,  après  les  avoir  baisés,  ces  cadavres  déjà 
pourris  et  infects,  à  la  bouche  ^ 

Tout  le  clergé  soutint  F  Université.  Non -seulement  les 
classes  furent  fermées,  mais  les  prédications  suspendues, 
et  cela,  dans  le*  saint  temps  de  Noël,  pendant  tout  TA  vent, 
tout  le  carême,  à  la  fête  même  de  Pâques.  Déjà,  Tannée 
précédente,  les  prédications  et  renseignement  avaient  été 
suspendus  aux  mêmes  époques,  pour  ne  pas  payer  la 
décime.  Ainsi  le  clergé  se  vengeait  avhi  dépens  des  âmes 
qui  lui  étaient  confiées^  il  refusait  au  peuple  le  pain  de  la 
parole,  dans  le  temps  des  plus  saintes  fêtes,  parmi  les 
misères  de  Fhiver,  lorsque  les  âmes  ont  tant  besoin  d'être 
soutenues.  La  foule  allait  aux  églises,  et  n'y  trouvait  plus 
de  consolation  K  L'hiver,  le  printemps,  passèrent  ainsi 
silencieux  et  funèbres. 

Le  duc  d'Orléans  avait  beaucoup  à  craindre  ;  le  peuple 
s'en  prenait  de  tout  à  lui.  Son  parti  s'affaiblissait.  11  reçut 
un  nouveau  coup  par  la  mort  de  son  ami  Clisson.  Tant 
qu'il  vivait,  tout  vieux  qu'il  était,  Clisson  faisait  peur  au 
duc  de  Bretagne. 

Quelque  temps  auparavant,  le  duc  et  la  reine  se  promc  • 
nant  ensemble  du  côté  de  Saint  Germain,  un  effroyable 
orage  fondit  sur  eux  ;  le  duc  se  réfugia  dans  la  litière  de  la 
reine;  mais  les  chevaux  effrayés  faillirent  les  jeter  dans  la 
rivière.  La  reine  eut  peur,  le  djuc  fut  touché  ;  il  déclara 
vouloir  payer  ses  ^créanciers,  ne  sachant  pas  sans  doute 
lui-même  combien  il  était  endetté.  Mais  il  en  vint  plus  de 
huit  cents  ;  les  gens  du  duc  ne  payèrent  rien,  et  les  ren- 
voyèrent. 

t  •  Post  oris  osculum.  >  Religieux. 

*  En  rt'compense,  les  méQcHriers  semblent  s'être  multipliés.  Leur  cor- 
poration  <J(>Tient  imporUnle.  Elle  fait  confirmer  ses  statuts.  Portef, 
Fontaui:u,  2i  avril  14u7. 


94  LE  DUC  D*ORLÉAXS,   L¥  DUC  DB  BOtlRGOGNB. 

Dans  ce  triste  hiver  de  \  407  le  duc  et  la  reine  crurent 
ramener  les  esprits  en  ordonnant  au  nom  du  roi,  la  so^ 
pension  du  droit  de  prUe,  celui  de  tous  les  abus  qui  faisait 
le  plus  crier.  Les  maîtres  d'hôtel  du  roi,  des  princes,  des 
grands,  prenaient  sur  les  marchés,  dans  les  maisons, 
tout  ce  qui  pouvait  servir  à  la  table  de  leurs  maîtres, 
ce  qui  les  tentait  .eux-mêmes,  ce  qu'ils  pouvaient  em- 
porter ;  meublés,  linge,  tout  leur  était  bon.  Les  gens  du 
duc  et  de  la  reine  avaient  rudement  pillé;  ils  eurent  beaa 
suspendre  Texercice  de  ce  droit  odieux  ^  ;  le  peuple  leur 
en  voulait  trop,  il  ne  leur  en  sut  aucun  gré. 

Tout  tournait  contre  eux.  La  reine,  depuis  longtemps 
éloignée  de  son  mari,  n'en  était  pas  moins  enceinte  ;  elle 
attendait,  souhaitait  un  enfant.  Elle  accoucha  en  effet  d*un 
fils,  mais  qui  mourut  en  naissant.  11  fut  pleuré  de  sa  mère, 
plus  qu'on  ne  pleure  un  enfant  de  cet  âge  quand  on  en  a 
déjà  plusieurs  autres;  pleuré  comme  un  gage  d'amour. 

Le  duc  d'Orléans,  lui-même,  était  malade,  il  se  tenait  à 
son  château  de  Beauté.  Ce  replis  onduleuxde  la  Marne  et 
ses  lies  boisées  ^,  qui  d'un  côté  regardent  l'aimable  coteau 
de  Nogent,  de  l'autre,  l'ombre  monacale  de  Saint-Maur  >, 
a  toujours  eu  un  inexplicable  attrait  de  grâce  mélanoo- 
Kquc.  Dans  ces  4les,  sur  la  belle  et  dangereuse  rivière, 
s'éleva  jadis  une  villa  mérovingienne,  un  palais  de  Frédé- 
gonde^  ;  là,  plus  tard,  fut  la  chère  retraite  oii  Charles  Vil 
crut  vainement  metti'e  en  sûreté  son  trésor,  la  bonne  et 


*  Ils  le  SQf pendirent  poar  quatre  ans.  7  septemlire  1407. 
'  Marne  l'^nceint 

Et  belle  tour  qui  garde  les  dëlroii. 
Où  l'en  te  puei  relraire  d  tauveii; 
Pour  tons  ces  poins  11  donlz  prince  coorloif 
J  Donna  ce  nom  à  ee  lien  de  Beauté. 

Ettstaehe  DescbaAps. 

*  Saint-Manr  était  alors  une  grande  abbaye  fortifiée. 

*  C'est  de  la  Marne  qu'on  pâcheur  retira  le  corps  dn  jenne  fils  da 
Chilpéric,  noyé  par  sa  marâtre. 


MEL'RTRE  DU  DUC  D'ORLLANS.  Ô5 

belle  Agnès  i.  Ce  château  d'Agnès  Sorel  était  celui  même 
de  Louis  d'Orléans  ;  il  s'y  tenait  malade  au  mois  de  no- 
vembre U07;  c'était  la  fin  de  l'automne,  les  premiers 
froids,  les  feuilles  tombaient. 

Chaque  vie  a  son  automne,  sa  saison  jaunissante,  où 
toute  bbose  se  fane  et  pâlit  ;  plût  au  ciel  que  ce  fût  la 
malurité  ;  mais  ordinairement  c'est  plus  tôt,  bien  avant 
rage  mûr,  C*est  ce  point,  souvent  peu  avancé  de  l'âge,  où 
rhomme  voit  les  obstacles  se  multiplier  tout  autcfur,  où 
les  efforts  deviennent  inutiles,  où  s'abrège  l'espoir,  où,  le 
jour  diminuant,  grandissent  peu  à  peu  les  ombres  de 
l'avenir...  On  entrevoit  alors,  pour  la  première  fois,  que 
la  mort  est  un  remède,  qu'elle  vient  au  secours  des  desti- 
nées qui  ont  peine  à  s'accomplir. 

Louis  d*Orléans  avait  trente-six  ans;  mais  déjà,  depuis 
plusieurs  années,  parmi  ses  passions  même,  et  ses  folles 
amours,  il  avait  eu  des  moments  sérieux  '.  Il  avait  fait, 
écrit  de  sa  main,  un  testament  fort  chrétien,  fort  pieux, 
plein  de  charité  et  de  pénitence.  Il  y  ordonnait  d'abord  le 
payement  de  ses  créanciers,  puis  des  legs  aux  églises,  aux 
collèges,  aux  hôpitaux,  d'abondantes  aumônes.  Il  y  recom- 
mandait ses  enfants  à  son  ennemi  même,  au  duc  de  Bour- 
gogne; il  éprouvait  le  besoin  d'expier;  il  demandait  è 
être  porté  au  tombeau,  sur  une  claie  couverte  de  cen- 
dres K 

Au  temps  où  nous  sommes  pan^enus,  il  ii'cut  un  pres- 
sentiment que  trop  vrai  de  sa   fin  prochaine.  Il  allait 

*  £lte  moanit  jeune,  et  l'on  crut  qu'elle  était  empoisonnée.  Ce  châtetu 
d'Agnès  dans  ane  Ile  lait  penser  an  la^yrintha  delà  belle  Rosainonde. 
Y.  la  jolie  ballade. 

*  •  Ad  ma  lia  yitia  prffceps  fuit,  qnse  taœen  boirait  cnm  ad  virilem 
nutrm  pervenisset.  •  Religieoi. 

*  Son  testament  fut  trouvé  écrit  tout  entier  de  sa  main,  quatre  ans 
avant  sa  mort.  La  bonté  de  son  âme  confiante  et  sans  fiel,  se  manifes- 
tait dans  la  recommandation  qu'il  faisait  do  ses  enfants  aux  soins  de  son 
oncle  le  duc  Philippe,  tandis  qu'ils  étaient  déjà  ati  plus  fort  de  leurs 
querelles.  App.,  Si. 


96  LE  DUC  D'ORLÉANS,   LE  DUC  DE   BOURGOGNE. 

souvent  aux  Célestins;  il  aimait  ce  couvent;  dans  son 
enfance,  sa  bonne  dame  de  gouvernante  l'y  menait  tout 
petit  entendre  les  offices.  Plus  tard,  il  y  visitait  fréquem- 
ment le  sage  Philippe  de  Maizières,  vieux  conseiller  de 
Charles  V,  qui  s*y  était  retiré  *.  Il  séjournait  même  quel- 
quefois au  couvent,  vivant  avec  les  moines,  comme  eux, 
et  prenant  part  aux  offices  de  jour  et  de  nuit.  Une  nuit 
donc  qu'il  allait  aux  matines,  et  qu'il  traversait  le  dortoir, 
il  vit,  ou  crut  voir,  la  Mort  *.  Cette  vision  fut  confirmée  par 
une  autre  ;  il  se  croyait  devant  Dieu  et  prêt  à  subir  son 
jugement.  C*était  un  signe  solennel,  qu'au  lieu  même  oii 
avait  commencé  son  enfance,  il  fût  ainsi  averti  de  sa  fin. 
Le  prieur  du  couvent  auquel  il  se  confia^  crut  aussi  qu'en 
effet  il  lui  fallait  songer  à  son  âme,  et  se  préparer  à  bien 
mourir. 

Ce  ne  fut  pas  une  apparition  moins  sinistre  qu'il  eut 
bientôt  au  château  de  Beauté.  Il  y  reçut  une  étrange 
visite,  celle  de  Jean  sans  Peur.  Il  devait  peu  s'y  attendre, 
un  nouveau  motif  avait  encore  aigri  leur  haine.  Les 
Liégeois  ayant  chassé  leur  évoque,  jeune  homme  de  vingt 
ans,  qui  voulait  être  évéque  sans  se  faire  prêtre  ^y  ils  en 
avaient  élu  un  autre,  avec  l'appui  du  duc  d^Orléans  et  du 
pape  d'Avignon.  L'évêque  chassé  était  justement  le  beau- 
frère  du  duc  de  Bourgogne.  Si  le  duc  d'Orléans,  maître 
du  Luxembourg,  étendait  encore  son  influence  sur  Liège, 
son  rival  allait  avoir  une  guerre  permanente  chez  lui,  en 
Brabant,  en  Flandre  ;  la  f  rance  lui  échappait.  Ce  danger 
devait  porter  son  exaspération  au  comble  *. 

1  Jean  Petit  prétend  qu'ils  conspiraient  ensemble,  (llonstrelet.) 

*  Telle  était  la  tradition  du  couvent.  Les  moines  avaient  fait  peindre 

celte  vision  dans  leur  chapelle  à  côté  de  Tantel  ;  on  y  voyait  la  Mort 

tenant  une  faux  à  la  main,  et  montrant  au  duc  d'Orléans  cette  légende  : 

<  Juvenes  ac  senes  rapio.  •  Millin. 

'  App.,  83. 
.    ■*  Dans  Tattenle  d'une  guerre  prochaine,  il  s'était  assuré  de  rallianee 

du  duc  de  Lorraine  (6  ayrii  i407),  et  il  avait  pris  à  son  service  le  ma- 


MXURTRB  ^DO  DUC  D*ORLÉANS.  .    97 

Dès  longtemps,  il  avait  annoncé  des  résolutions  vio- 
lentes. En  4  405,  lorsque  les  deux  rivaux  étaient  en  pré- 
sence, sous  les  murs  de  Paris,  Louis  d'Orléans  ayant  pris 
pour  emblème  un  bâton  noueux,  Jean  sans  Peur  prît  pour 
le  sien  un  rabot.  Comment  le  bâton  devait-il  être  raboté  ^? 
on  pouvait  tout  craindre. 

Le  duc  de  Barri,  plein  d'inquiétude,  crut  gagner  beau- 
coup sur  son  neveu,  en  le  décidant  à  aller  voir  le  malade. 
Soit  pour  tromper  son  oncle,  soit  par  un  sentiment  de 
haineuse  curiosité,  il  se  contraignit  jusque-là.  Le  duc 
d'Orléans  allait  mieux  ;  le  vieil  oncle  prit  ses  deux  neveux, 
les  mena  entendre  la  messe,  et  les  fit  communier  de  la 
même  hostie;  il  leur  donna  un  grand  repas  de  réconcilia- 
tion, et  il  fallut  qu'ils  s'embrassassent.  Louis  d'Orléans  le 
fit  de  bon  cœur,  tout  porte  à,  le  croire;  la  veille,  il  s'était 
confessé  et  avait  témoigné  amendement  et  repentance.  Il 
invita  son  cousin  à  diner  avec  lui  le  dimanche  suivant;  il 
•ne  savait  point  qu'il  n'y  aurait  pas  de  dimanche  pour  lui. 

On  voit  encore  aujourd'hui,  au  coin  de  la  Vieille  rue  du 
Temple  et  de  la  rue  des  Francs-Bourgeois,  une  tourelle 
du  XV®  siècle,  légère,  élégante,  et  qui  contraste  fort  avec 
la  laide  maison,  qui  de  côté  et  d'autre  s'y  est  gauchement 
accrochée.  Cette  tourelle  fermait,  de  ce  côté,  le  grand 
enclos  de  l'hôtel  Barbette,  occupé  en  4407  par  la  reine 
Isabeau,  en  4  550  par  Diane  de  Poitiers. 

L'hôtel  Barbette  placé  hors  de  l'enceinte  de  Philippe 
Auguste^  entre  les  deux  juridictions  de  la  ville  et  du 
Temple,  libre  également  de  l'une  et  de  l'autre,  avait  été 

réchal  de  Boacicavit.  Boacieaat  promet  de  le  servir  envers  et  eonin  UnUp 
sauf  le  roi  et  ses  enfants,  «  en  mémoire  de  ce  que  le  duc  de  Bourgogne 
lui  a  sauvé  lavip,  estant  pris  des  Turcs.  •  Fonds  Baluze,  18  juillet  1407. 
1  On  disait  après  la  mort  dn  doc  d'Orl<<ans  :  «  Bacnlum  nodosoAi  fac« 
t«m  esse  planum.  •  Meyer.  —  Devises  :  Mgr  d'Orléans,  Ve  iuii  fnaret" 
ekal  d$  grant  renommée,  H  en  appert  hien,  fay  forge  levée,  Mgr  do 
Bourgogne,  Je  tuie  eharboHnier  d^ètrange  eontrie.  J'ay  auez  eAar6oii.. 
pour  faire  fumée,  Mss.  tk>lbert,  Regiua. 

iT.  7 


98    ,         LE  DUC  |>ORIJ(ANS,   U  DUC  DB  BOURGOGNE. 

longtemps  sou8trait«  par  sa^ position»  aux  gènes  de  la  ville, 
couvre-feu,  fermeture  des  portes,  etc.  Enfermé  pkis  tard 
dans  renceinte  de  Charles  V^  il  n*en  était  pas  moins, 
dans  ce  quartier  peu  fréquenté,  hors  de  la  surreillance 
des  honnêtes  et  médisants  bourgeois  de  Paris*. 

Cet  hôtel,  bâti  par  le  financier  Etienne  Barbette,  maître 
de  la  monnaie  sous  Philippe  le  Bel,  lut  piUé  dans  la  grande 
sédition,  où  le  peuple  enragé  poursuivît  le  roi  jusqu'au 
Temple  (i^6).  Le  même  h6tel,  qaatre-vingt&ana  après, 
appartenait  à  un  autre  parvenu^  au  grand  maître  Hontaigu^ 
l'un  des  Marmousets  qui  gouvernaient  le  royaume.  Ik  y 
firent  eoueher  Charles  VI,  la  veille  de  son  dépari  pour  la 
Bretagne,  lorsque,  malgré  ses  onele»,  ils  parvinrent  à  le 
tirer  de  Paris  pour  lui  faire  poursuivre  la  vengeance  de 
l'assassinat  de  Ciisson.  Montaigu,  amiy  eonmie  Cliseon,  du 
éuC'd'Orléane,  fit  sa  cour  à  la  reine,  en  lui  cédant  cette 
maison  commode  ;  elle  n'aimait  pas  l'hôtel  Saint-Paul,  où 
vivait  son  mari;  ce  mari  la  gênait  €|uand  il  était  fou,  bien 
plus  encore  quand  il  ne  Tétait  pas. 

Ëile  avait  embelli  à  plaisir  ce  séjour  de  prédilection, 
lavait  agrandi,  étendu  jusqu'à  la  rue  de  la  Perle.  Les  jar« 
dtns  étaient  d'autant  mieux  fermés  et  solitaires,  que  le  kmg 
de  la  Vieille  rue  du  Temple,  ils  se  trouvaient  masqués  d'une 
lii;iie  de  maisons  qui  regardaient  ta  rue,  et  ne  voyaient 
rien  derrière,  tout  au  plus  le  mur  du  mystérieux  hôtel. 

La  reine  y  accoucha  le  iO  novembre.  Les  deux  prinees 

communièrent  ensemble  le  20  ;  k  2i^  ils  mangèrent  cbet 

le  duc  de  Berri,  s'embrassèrenil  et  se  jarèrest  une  amitié 

;de  frères.  Cependant,  depuis  le  47,  le  duc  de  Bourgogne 

avait  tout  préparé  pour  tuer  ce  frère;,  il  lui  avait  dressé 

4" 

,  t  Les  maisons  placées  ainsi  n'avaioM  pas  bon  renom»  0»  1«  toH  par 
les  plaintes  que  faUaient  les  clunoim»  de  Sai»t-&léry  eoMre  ks  VMtf 
vais  lieux  qui  se  trouvaient  le  long  da  la  vieille  eaceiAte  de  Philippe» 
Aucu«^te.  Ils  obiinrcnt  une  ordomtaiioe  d'Heari  Yl>  loi  de  Fraace  0I 

d'An^lelerre,  pour  en  purger  ce  ^uwfciir. 


MEURTRE  DU  DUC  D  ORLEANS.  99 

embuscade  près  de  l'hôtel  Barbette,  les  assassins  atten-' 
daient. 

Dès  la  Saint-Jean,  c'est-à-dire  depuis  plus  de  quatre 
mois,  Jean  sans  Peur  cherchait  une  maison  pour  ce  guet-* 
apens.  Un  clerc  de  l'Université,  qui  était  son  homme,  avait 
chargé  un  couraU'er  public  de  maisons,  de  lui  en  louer  une^ 
oii  il  voulait,  disait-il,  mettre  du  vin,  du  blé  et  autres 
denrées  que  les  écoliers  et  les  clercs  recevaient  de  leur 
pays,  et  qu'ils  avaient  le  privilège  universitaire  de  vendre 
sans  droit.  Le  courtier  lui  trouva  et  lui  fit  livrer,  le  47  no- 
vembre, Ifl  maison  de  Timage  Notre-Dame,  Vieille  rue  du 
Temple,  en  face  l'hôtel  de  Rieux  et  de  la  Bretonnerie.  Le 
duc  de  Bourgogne  y  fit  entrer  de  nuit  des  gens  à  lui,  entre 
autres,  un  ennemi  mortel  du  duc  d'Orléans,  un  Normand, 
Raoul  d'Auquetonville,  ancien  général  des  finances,  que  le 
duc  avait  chassé  pour  malversation.  Raoul  répondait  de 
tuer  ;  un  valet  de  chambre  du' roi  promit,  pour  argent,  do 
livrer  et  de  trahir. 

Le  lendemain  du  repas  de  réconciliation,  le  mercredi 
23  novembre  1407,  Louis  d'Orléans  avait  été,  comme  à 
l'ordinaire,  chez  la  reine  ;  il  y  avait  soupe,  et  gaiement, 
pour  essayer  de  consoler  la  pauvre  mère^  Le  valet  de 
chambre  du  roi  arrive  en  l|âte,  et  dit  que  le  roi  demande 
son  frère,  qu'il  veut  lui  parler '.  Le  duc,  qui  avait  dans 
Paris  six  cents  chevaliers  ou  écuyers,  n'avait  pourtant  pas 
amené  grand  monde  avec  lui,  aimant  mieux  sans  doute 
faire  à  petit  bruit  ces  visites  dont  on  ne  médisait  que  trop. 
Il  laissa  môme  à  l'hôtel  Barbette  une  partie  de  ceux  qui 
l'avaient  suivi,  comptant  peut-être  y  retourner  quand  il 
serait  quitte  du  roi.  Il  n'était  que  huit  heures;  c'était  de 
bonne  heure  pour  les  gens  de  la  cour,  mais  tard  pour  ce 
quartier  retiré,  en  novembre  surtout.  H  n'avait  avec  lui  que? 
deux  écuyers  montés  sur  un  même  cheval,  un  page  et 

f  «  Dolorem...  stadoit  mitigare...  cœna  jocunda  pcracta«  •  Religieux. 
*  Monslrelet. 


100  LE  DUC  D'ORLÉANS,   LE  DUC  DE  BOURGOGNE. 

quelques  valets  pour  éclairer.  Il  s'en  allait,  vêtu  d*une 
simple  robe  de  damas  noir,  par  la  Vieille  rue  du  Temple, 
en  arrière  de  ses  g^ns,  chantant  à  demi-voix,  et  jouant 
avec  son  gant,  comme  un  homme  qui  veut  être  gai.  Nous 
savons  ces  détails  par  deux  témoins  oculaires  :  un  valet  de 
l'hôtel  de  Rieux,  et  une  pauvre  femme  qui  logeait  daDs 
une  chambre  dépendante  du  même  hôtel.  Jaquette,  femme 
de  Jacques  Griffart,  cordonnier,  déposa  qu'étant  à  sa  fenêtre 
haute  sur  la  rue,  pour  voir  si  son  mari  ne  revenait  pas,  et 
y  prenant  un  lange  qui  séchait,  elle  vit  passer  un  seigneur 
à  cheval,  et  un  moment  après,  comme  elle  couchait  son 
enfant,  elle  entendit  crier  :  a  A  mort  !  à  moil  !  b  Elle 
courut  à  la  fenêtre,  son  enfant  dans  les  bras,  et  elle  vit  le 
même  seigneur  à  genoux,  dans  la  rue,  sans  chaperon: 
autour  de  lui,  sept  ou  huit  hommes,  le  visage  masqué,  qui 
frappaient  dessus,  de  haches  et  d'épées;  lui,  il  mettait  son 
bras  devant,  en  disant  quelques  mots,  comme  :  «  Qu'est 
ceci  ?  D*oii  vient  ceci?  »  Il  tomba,  mais  ils  ne  continuaient 
pas  moins  à  frapper  d'estoc  et  de  taille.'  La  femme,  qui 
voyait  tout,  criait  au  meurtre  tant  qu'elle  pouvait.  Un 
homme  qui  l'aperçut  à  Ja  fenêtre,  lui  dit  :  «  Taisez-vous, 
mauvaise  femme.  »  Alors,  à  la  lueur  des  torches,  elle  vît 
sortir  de  la  maison  de  l'image  Notre-Dame,  un  grand 
homme,  avec  un  chaperon  rouge  descendant  sur  les  yeux; 
il  dit  aux  autres  :  a  Éteignez  tout,  allons-nous-en,  il  est 
bien  mort!  »  Quelqu'un  lui  donna  encore  un  coup  de 
massue,  mais  il  ne  remuait  plus.  Près  de  lui  gisait  un  jeune 
homme,  qui,  tout  mourant  qu'il  était,  se  souleva  en  criant: 
a  Ahl  monseigneur  mon  maître  i.  »  C'était  le  page  qui  ne 
l'avait  pas  quitté,  et  s'était  jeté  au-devant  des  coups.  Ce 
page  était  Allemand;  il  avait  peut-être  été  donné  à  Louis 
d'Orléans  par  Isabeau  de  Bavière. 
Depuis  l'assassinat  manqué  de  Clisson,  on  savait  qu  il 

«  App,,  84. 


MEURTRE  DU  DUC  d'ORLÉANS.  401 

ne  fallait  pas  croire  à  la  légère  qu'un  homme  était  tué  ; 
aussi,  selon  un  autre  récit,  le  grand  homme  au  chaperon 
rouge  vint,  avec  un  falot  de  paille,  regarder  à  terre  si  la 
besognç  avait  été  faite  consciencieusement  ^  Il  n*y  avait 
rien  à  dire  ;  le  mort  était  taillé  en  pièces,  le  bras  droit  était 
tranché  à  deux  places,  au  coude,  au  poignet;  le  poing 
gauche  était  détaché,  jeté  au  loin  par  la  violence  du  coup  ; 
la  tête  était  ouverte  de  l'œil  à  l'oreille,  d  une  oreille  à 
l'autre  ;  le  crâne  était  ouvert,  la  cervelle  épandue  sur  le 
pavé*. 

Ces  pauvres  restes  furent  portés  le  lendemain  matin, 
parmi  la  consternation  et  la  terreur  générale  3,  à  Téglise 
voisine  des  Blancs-Manteaux.  Ce  fut  au  jour  seulement 
qu'on  ramassa,  dans  la  boue,  la  main  mutilée  et  la  cervelle. 
Les  princes  vinrent  lui  donner  l'eau  bénite.  Le  vendredi,  il 
fut  enseveli  à  l'église  des  Célestins,  dans  la  chapelle  qu'il 
avait  bâtie  lui-même  ^.  Les  coins  du  drap  mortuaire 
étaient  portés  par  son  oncle,  le  vieux  duc  de  Berri,  par  ses 
cousins,  le  roi  de  Sicile,  le  duc  de  Bourgogne  et  le  duc  de 
Bourbon;  puis,  venaient  les  seigneurs,  les  chevaliers,  une 
foule  innombrable  de  peuple.  Tout  le  monde  pleurait,  les 
ennemis  comme  les  amis  ^.  Il  n'y  a4)lus  d'ennemis  alors; 
chacun,  dans  ces  moments,  devient  partial  pour  le  mort. 
Quoi!  si  jeune,  si  vivant  naguère,  et  déjà  passé!  Beauté, 
grâce  chevaleresque,  lumière  de  science,  parole  vive  et 
douce;  hier  tout  cela,  aujourd'hui  plus  rien  6... 

Rien?...  davantage  peut-être.  Celui  qui  semblait  hier 
un  simple  individu,  on  voit  qu'il  avait  en  lui  plus  d'une 


*  •  Lesquelles  playes  estuient  telles  el  si  énormes  que  le  lest  estoit 
fendu»  et  que  toute  la  ceryelle  en  sailloit...  Item  qite  son  bras  destre 
estoit  rompu  tant  que  le  maistre  os  sailloit  dehors  au  droit  du  coude...  • 
laformation  du  sire  de  Tignouvi'Je,  prévôt  de  Paris. 

»  App.,  86.  —  *  App.,  87. 

»  iffyp.,  88.  —  •  App,,  80. 


408     LE  DUC  D  ORLÉANS,  LE  DUC  DE  BOURGOGNE. 

existence,  que  c'était  en  effet  un  être  multiple,  infiniment 
varié  M...  Admirable  vertu  de  la  uiortl  Seule  elle  révèle 
la  vie.  L'homme  vivant  n'est  vu  de  chacun  que  par  un 
côté,  selon  qu'il  le  sert  ou  le  gène.  Meurt-il,  on  le  voit 
alors  sôus  mille  aspects  nouveaux,  on  distingue  tous  les 
liens  divers  par  lesquels  il  tenait  au  monde.  Ainsi,  quand 
vous  arrachez  le  lierre  du  chône  qui  le  soutenait,  vous 
apercevez  dessous  d'innombrables  fils  vivaces,  que  jamais 
vous  ne  pourrez  déprendre  de  l'écorce  où  ils  ont  vécu;  ils 
resteront  brisés,  mais  ils  resteront  •. 

Chaque  homme  est  une  humanité,  une  histoire  univer- 
selle... Et  pourtant  cet  être,  en  qui  tenait  une  généralité 
infinie,  c'était  en  môme  temps  un  individu  spécial,  une 
personne,  un  être  unicjue,  irréparable,  que  rien  ne  rem- 
placera. Rien  de  tel  avant,  rien  après  ;  Dieu  ne  recommen- 
cera point.  11  en  viendra  d'autres,  sans  doute  ;  le  monde, 
qui  ne  se  lasse  pas,  amènera  à  la  vie  d'autres  personnes, 
meilleures  peut-être,  mais  semblables,  jamais,  jamais... 

Celui-ci  sans  doute  eut  ses  vices  ;  mais  c'est  en  partie 
pour  cela  que  nous  le  pleurons;  il  n'en  appartint  que 
davantage  à  la  pauvre  humanité  ;  il  nous  ressembla  d'au- 
tant plus  ;  c'était  lui,  et  c'était  nous.  Nous  nous  pleurons 
en  lui  nous-mêmes,  et  le  mal  profond  de  notre  nature. 

On  dit  que  la  mort  embellit  ceux  qu'elle  frappe,  et 
exagère  leurs  vertus;  mais  c'est  bien  plutôt  en  général  la 
vie  qui  leur  faisait  tort.  La  mort,  ce  pieux  et  irréprochable 
témoin,  nous  apprend,  selon  la  vérité,  selon  la  charité, 
qu'en  chaque  homme,  il  y  a  ordinairement  plus  de  bien 
que  de  mal.  On  connaissait  les  prodigalités  du  duc 
d'Orléans,  on  connut  ses  aumônes.  On  avait  parlé  de  ses 

1  Henri  II  s'écria  /m  voyant  le  corps  do  doc  de  Guise  :  «  !f  oo  Dieo* 
-qii*il  est  grand!  Il  paroU  encore  plus  grand  mort  que  yivaot.  •  il  dUaii 
mieux  qu'il  ne  croyait;  cela  est  vrai  dans  un  bien  autre  sens. 

*  Je  faisais  l'autre  jour  celte  observation  dans  la  forêt  de  Saint-Ger- 
main (12  septembre  1639). 


HEORTHB  VC  PDG  D*0RL]^AN6.  403 

falaateries;  on  ne  savait  pas  assez  que  celte  heureuse 
nature  avait  toujours  conservé,  au  milieu  inénie  des  vaines /^ 
8HIOWS,  i  amour  divin  et  Télan  vers  Dieu.  On  trouva  auxl 
Célestins  la  cellule  où  ii  aimait  à  se  retirer!.  Lorsqu'on, 
ouvrit  son  iestament,  on  vit  qu'au  pUns  fort  de  «es  que-  i 
relies,  eetle  ftme  sans  ^el  était  ttoujours  •Gonfianle,  ahnante  ^ 
pour  «es  plus  grands  ennemis.  | 

Tout  oeki  demande  gràee...  £hl  qui  ne  paidonnerait, 
quand  oet  4iomme,  dépouiUé  de  tous  les  biens  de  la  vie, 
redevenu  nu  et  pauvre,  est  apporté  dans  1  église,  et  attend 
<on  jugemeot?  Tous  prient  pour  lui,  tous  Texcusent^  expU« 
quant  «es  fautes  par  les  leurs,  et  «e  «condamnant  euit- 
méme^...  (Pardorniee-lui,  Seigneur,  frappez -4)ous  plutôt. 

Personne  n'aivait  plus  à  «e  plaindra  du  duc  d'Orléans 
que  sa  femme  Valentine  ;  elle  l'avait  toujours  aimé,  et 
toujours  il  en  aima  d'autres.  'Elle  ne  Texeusa  pas  moins 
autant  qu'il  était  en  «lie  ;  die  prit  comme  «ien  avec  elle  le 
bâtard  de  son  mari,  et  Téleva  parmi  ses  enfants.  Elle 
raimait  autant  «qu'eux,  davantage.  Souvent,  lui  voyant 
tant  d'esprit  et  d'ardeur,  rjtalienne  le  serrait,  lui  disait  : 
«  Ah  I  tu  m'as  été  dérobé  i  <}'est  toi  qui  vengeras  ton 
père*.  »  • 

La  justice  ne  vint  jamais  pour  la  veuve,  elle  n'eut  pas 
cette  consolation.  Elle  n'eut  pas  celle  d'élever  au  mort 
rhumble  tombe  «  de  trois  doigts  au-dessus  de  terre  « 
qu'il  demandait  dans  son  testament  ^;  elle  ne  put  même 
lui  mettre  sous  la  tête  «  la  rafle  pierre,  la  roehe  »  qu'il 
voulait  pour  oreiller.  Louis  d'Orléans,  proscrit  dans  la 
mort,  attendit  eent  ans  un  tombeau. 

Aux  premiers  âges  chrétiens,  dans  les  temps  de  vive 
fbi,  les  douleurs  liaient  patientes  ;  la  mort  semblait  un 

<  App.,  00. 

*  •  Qu'il  lui  aroit  été  emblë,  et  qu'il  n*y  avoit  à  peine  des  enfants  qui 
fiist  si  bien  taillé  de  veoger  la  mort  de  son  père  ^a*il  eeioit.  •  Juvénal. 
»i4pp.,91. 


» 


I 


404        LE  DUC  d'orléàns,  le  duc  de  bourgogne. 

court  divorce  ;  elle  séparait,  mais  pour  réunir.  Un  signe 
de  cette  ioi  dans  l'âme,  dans  la  réunion  des  âmes,  c'est 
que,  jusqu'au  xu*  siècle,  le  corps,  la  dépouille  mortelle, 
semble  avoir  moins  d'importance  ;  elle  ne  demande  pas 
encore  de  magnifiques  tombeaux  ;  cachée  dans  un  coin  de 
l'église,  une  simple  dalle  la  couvre  ;  c*est  assez  pour  la 
désigner  au  jour  de  la  résurrection  :  «  Hinc  surrectura^.» 

Au  temps  dont  nous  écrivons  l'histoire,  il  y  avait  déjà  un 
changement,  peu  avoué,  d*autant  plus  profond.  Même 
dévotion  extérieure,  mais  La  foi  était  moins  vive;  au  plus 
profond  des  cœurs,  à  leur  insu,  l'espoir  faiblissait.  La 
douleur  ne  se  laissait  plus  aisément  charmer  aux  pro- 
messes de  l'avenir;  aux  pieuses  consolations,  elle  opposait 
le  mot  de  Yalentine  :  c  Rien  ne  m'est  plus,*  plus  ne  m'est 
rien  *.  » 

S'il  lui  restait  quelque  chose,  c'était  de  parer  la  triste 
dépouille,  de  glorifier  les  restes,  de  faire  de  la  tombe  une 
chapelle,  une  église,  dont  ce  mort  serait  le  dieu. 

Vains  amusements  de  la  douleur,  qui  ne  l'arrêtent  pas 
longtemps.  Quelque  profond  que  soit  le  sépulcre,  elle  n'en 
ressent  pas  moins  à  travers  les  puissantes  attractions  de 
la  moH  ;  elle  les  suit...  La  veuve  du  duc  d'Orléans  vécut 
ce  que  dura  sa  robe  de  deuil. 

C'est  que  les  mots  de  l'union  :  Vovs  devenez  même  chair, 
ils  ne  sont  pas  un  vain  son  ;  ils  durent  pour  celui  qui  survit. 
Qu'ils  aient  donc  leur  effet  suprême!...  Jusque-là,  il  va 
chaque  jour  heurter  cette  tombe  à  l'aveugle,  l'interroger, 
lui  demander  compte...  Elle  ne  sait  que  répondre  ;  il  aurait 
beau  la  briser,  qu'elle  n'en  dirait  pas  davantage...  En 
vain,  s'obstinant  à  douter,  s'irritant,  niant  la  moit,  il 
arrache  l'odieuse  pierre  ;  en  vain,  parmi  les  défaillances  de 


^  La  dgvise  de  Valenliae  se  lisait  dans  9a  chapelle  aux  CordeUers  de 

Blois. 


MEURTRE  DU  DUC  d'ORLÉANS.  405 

la  douleur  et  de  la  nature,  il  ose  soulever  le  linceul,  et 
montrant  à  la  lumière  ce  qu'elle  ne  voudrait  pas  voir,  il 
dispute  aux  vers  le  Je  ne  sais  quoi,  informe  et  terrible,  qui 
fut  pourtant  Inès  de  Castro  ^. 

<  •  Le  roi  se  rendit  à  l'église  de  Santa-GIara,  où  il  fit  exhumer  le 
corps  de  la  femme  qu'il  chérissait.  Il  ordonna  que  son  Inès  fût  revêtue 
des  ornements  royaux,  et  qu'on  la  plaçât  sur  un  trône  où  ses  sujets 
Tinrent  baiser  les  ossements  qui  avaient  été  une  si  belle  main.  •  Faria 
y  Souza.  App,,  93. 


CHAPITRE  II 


Lutte  des  deux  partis.  — >  Cabochiens.  —  Essais  de  râforae  dans  rËtat 

et  dans  TËglise. 


L'étranger  qui  visite  la  silencieuse  Vérone  et  les  tom- 
beaux des  La  Scala,  découvre  dans  un  coin  une  lourde 
tombe  sans  nom  i.  C'est,  selon  toute  apparence,  la  tombe 
de  ïassassiné  >.  A  côté,  s'élève  un  somptueux  monument  à 
triple  étage  de  statues,  et  par-dessus  ce  monument,  sur 
la  tête  des  saints  et  des  prophètes,  plane  un  cavalier  de 
marbre.  C'est  la  statue  de  l'assassin.  Can  Signore  de  La 
Scala  tua  son  frère  dans  la  rue  en  plein  jour,  il  lui  succéda. 
Cela  ne  produisit,  ce  semble,  ni  étonnement,  ni  trouble  K 
Le  meurtrier  régna  doucement  pendant  seize  années  ;  et 
alors,  sentant  sa  fin  venir,  il  donna  ordre  à  ses  affaires,  fit 
encore  étrangler  un  de  ses  frères  qu'il  tenait  prisonnier, 
et  laissa  la  seigneurie  de  Vérone  à  son  bâtard,  comme 
tout  bon  père  de  famille  laisse  son  bien  à  son  fils. 

Les  choses  ne  se  passèrent  pas  ainsi  en  France  à  la  mort 
du  duc  d'Orléans.  La  France  n'en  prit  pas  si  aisément  son 
parti.  S'il  n'eut  pas  un  tombeau  de  pierre*,  il  en  eut  un 
dans  les  cœurs.  Tout  le  pays  sentit  le  coup,  et  en  fut  pro- 
fondément remué,  et  l'État,  et  la  famille,  et  chaque  homme 


«  App,,  94.  —  •  App.,  95.  —  »  App.,  96. 
*  Ce  tombeau  ne  fut  élevé  que  par  Louis  XII. 


ESSAIS  DB  RÉFORME  DANS  L'ÉTAT  ET  DANS  L'ÉGLISE.    t07 

jusqu'aux  entrailles.  Une  dispute,  une  guerre  de  trente 
années  commença;  il  en  coûta  la  vie  à  des  millions 
d'hommes.  Cela  est  triste,  mais  il  n*en  faut  pas  moins 
féliciter  la  France  et  la  nature  humaine. 

«  Ce  n'était  pourtant  que  la  mort  d'un  homme,  »  dit 
froidement  le  chroniqueur  de  la  maison  de  Bourgogne*. 
Mais  la  mort  d'un  homme  est  un  événement  immense, 
lorsqu'elle  arrive  par  un  crime  ;  c'est  un  fait  terrible  sur 
lequel  les  sociétés  ne  doivent  se  résigner  jamais. 

Cette  mort  engendra  la  guerre,  et  la  guerre  entre  les 
esprits.  Toutes  les  questions  politiques,  morales,  reli* 
gieuses,  s'agitèrent  à  cette  occasion^.  La  grande  polémique 
des  temps  modernes,  elle  a  commencé  pour  la  France,  par 
le  sentiment  du  droit,  par  l'émotion  de  'la  nature,  par  la 
douce  et  sainte  pitié. 

Où  se  livra  d'abord  ce  grand  combat?  Là  même  d'où 
partit  le  crime,  au  cœur  du  meurtrier.  Le  lendemain  au 
matin,  lorsque  tous  les  parents  du  mort  allèrent  aux  Blancs- 
Manteaux  visiter  le  corps,  et  lui  donner  l'eau  bénite,  le  duc 
de  Bourgogne  qualifia  lui-même  l'acte  selon  la  vérité  : 
c  Jamais  plus  méchant  et  plus  traître  meurtre  n'a  été 
commis  en  ce  royaume.  »  Le  vendredi  au  convoi,  il  tenait 
un  des  coins  du  drap  mortuaire,  et  pleurait  comme  les 
autres. 

Plus  que  tous  les  autres  sans  doute,  et  non  moins  sincè- 
rement. Il  n'y  avait  pas  là  d'hypocrisie.  La  nature  humaine 
est  ainsi  faite.  Nul  doute  que  le  meurtrier  n'eût  voulu  alors 
ressusciter  le  mort  au  prix  de  sa  vie.  Mais  cela  n'était  pas 
en  lui.  Il  fallait  qu'il  traînât  à  jamais  ce  fardeau,  qu'à 
jamais  il  portât  ce  pesant  drap  mortuaire. 

Lorsqu'il  fut  constant  que  les  assassins  avaient  fui  vers 
la  rue  Mauconseil,  où  était  l'hôtel  du  duc  de  Bourgogne, 


•  «  ...  Pour  la  mort  d*an  seul  homme...  •  MonstreleL 
»  Atp„  97. 


408      LUTTB  DES  DSUX  PARnS.  —  CAB0CHIBN5. 

lorsque  le  prévôt  de  Paris  déclara  qu'il  se  faisait  fort  de 
trouver  les  coupables,  si  on  lui  permettait  de  fouiller  les 
hôtels  des  princes,  le  duc  de  Bourgogne  se  troubla;  il 
tira  à  part  le  duc  de  Berri  et  le  roi  de  Sicile^  et  leur  dit 
tout  pâle  :  «  C'est  moi;  le  diable  m'a  tenté ^.  »  Ils  reca- 
lèrent; le  duc  de  Berri  fondit  en  larmes,  et  ne  dit  qu'une 
parole  :  «  J'ai  perdu  mes  deux  neveux.  » 

Le  duc  de  Bourgogne  s'en  alla  accablé,  humilié,  et  Thu- 
miliation  le  changea.  L'orgueil  tua  le  remords.  U  se  souvint 
qu'il  était  puissant,  qu'il  n'y  avait  pas  de  juge  pour  lui. 
Il  s'endurcit,  et  puisque  enfin  le  coup  était  fait,  le  mal 
irréparable,  il  résolut  de  revendiquer  son  crime  comme 
vertu,  d'en  faire,  s'il  pouvait,  un  acte  héroïque.  Il  osa  venir 
au  conseil.  U  en  trouva  la  porte  fermée;  le  duc  de  Berri  l'y 
retint,  en  lui  disant  doucement  qu'on  ne  l'y  verrait  pas 
avec  plaisir.  A  quoi  le  coupable  répondit,  avec  le  masque 
d'airain  qu'il  s'était  décidé  à  prendre  :  «  Je  m'en  passerai 
volontiers,  monsieur  ;  qu'on  n'accuse  personne  de  la  mort 
du  duc  d'Orléans;  ce  qui  s'est  fait,  c'est  moi  qui  l'ai  fait 
faire.  » 

Avec  ce  beau  semblant  d'audace,  le  duc  de  Boai^ogne 
n'était  pas  rassuré.  11  retourna  à  son  hôtel,  monta  à  cheval 
et  galopa  sans  s'arrêter  jusqu'en  Flandre.  Dès  qu'on  sut 
qu'il  fuyait,  on  le  poui-suivit;  cent  vingt  chevaliers  du  duc 
d'Orléans  coururent  après  lui.  Mais  il  n'y  avait  pas  moyen 
de  l'atteindre:  à  une  heure  il  était  déjà  à  Bapaume.  U 
ordonna,  en  mémoire  de  ce  péril,  que  dorénavant  les 
cloches  sonnassent  à  cette  heure-là.  Cela  s'appela  longtemps 
Tangelus  du  duc  de  Bourgogne. 

11  avait  échappé  à  ses  ennemis,  non  à  lui-même.  A  peine 
arrivé  à  Lille,  il  convoqua  ses  barons,  ses  prêtres.  Ils  lui 
prouvèrent  invinciblement  qu'il  n'avait  fait  que  son  devoir, 
qu'il  avait  sauvé  le  roi  et  le  royaume.  Il  reprit  'courage, 

*  App.,  98. 


*A^  *  «.    ....    *.  .  »M    .  *J. 


ESSAIS  DE  REFORME  BANS  L  ETAT  ET  DANS  L  EGLISE.    409 

rassembla  les  états  de  Flandre,  d'Artois,  ceux  de  Lille  et  de 
Douai,  et  leur  en  fit  répéter  autant  ^  Il  le  fit  dire,  prêcher, 
écrire,  et  ces  écrits  furent  répandus  partout,  tant  il  sentait 
le  besoin  de  mettre  son  crime  en  commun  avec  ses  sujets, 
de  se  faire  donner  par  eux  l'approbation  qu'il  ne  pouvait 
plus  se  donner  lui-même,  d'étouffer  sous  la  voix  du 
peuple  la  voix  de  son  cœur. 

Entre  autres  bruits  qu'il  fit  répandre,  on  dit  partout  que 
le  duc  d'Orléans  depuis  longtemps  lui  dressait  des  embû- 
ches, qu'il  n'avait  fait  que  le  prévenir*.  Il  fit  croire  cette 
grossière  invention  aux  braves  Flamands  ;  sans  doute  il  eût 
voulu  y  croire  aussi. 

Cependant  l'émotion  du  tragique  événement  ne  s'affai- 
blissait pas  dans  Paris.  Ceux  même  qui  regardaient  le  duc 
d'Orléans  comme  l'auteur  de  tant  d'impôts,  et  qui  peut- 
être  s'étaient  réjouis  tout  bas  de  sa  mort,  ne  purent  voir, 
sans  être  touchés,  sa  veuve  et  ses  enfants  qui  vinrent  lui 
demander  justice.  La  pauvre  veuve,  madame  Valentine, 
amenait  avec  elle  son  second  fils,  sa  fille  et  madame 
Isabeau  de  France,  fiancéQ  au  jeune  duc  d'Orléans,  et  déjà 
veuve  elle-même,  à  quinze^ns,  d'un  autre  assassiné,  du 
roi  d'Angleterre,  Richard  IJi.  Le  roi  de  Sicile,  le  duc  de 
Bcrri,  le  duc  de  Bourbon,  le  comte  de  Clermont,  le  conné- 
table, allèrent  au-devant.  La  litière  était  couverte  de  drap 
noir  et  traînée  par  quatre  chevaux  blancs.  La  duchesse 
était  en  grand  deuil,  ainsi  que  ses  enfants  et  sa  suite  ;  ce 
triste  cortège  entra  à  Paris  le  40  décembre,  par  le  plus 
triste  et  plus  rude  hiver  qu'on  eût  vu  depuis  plusieurs 
siècles  ^. 

Descendue  à  l'hôtel  Saint-Paul,  elle  se  jeta  à  genoux  en 
pleurant  devant  le  roi,  qui  pleurait  aussi.  Deux  jours  après 
elle  revint  par-devant  le  roi  et  son  conseil,  portant  plainte 
et  demandant  justice.  Le  discours  des  avocats  qui  parlèrent 

«  App.,  99.  —  *  App.,  iOO.  —  '  App.,  iOl. 


4  1 0  LITTB  DSS  DEUX  PARTIS.  —  CADOCfilENS. 

pour  elle,  celui  des  prédicateurs  qui  firent  Téloge  funèbre 
du  duc  d'Orléans,  la  Jettre  que  son  fils  répandit  quelques 
années  après,  sont  pleins  de  choses  touchantes  et  d'une 
naïveté  douloureuse. 

«  Yox  sangoinis  fratrii  (ni  clamât  ad  mt  de  terra. 

€  Tu  peux,  ô  roi»  dire  à  la  partie  adverse  cette  parolr^ 
qu*a  dite  le  Seigneur  à  Caïn,  après  qu'il  eut  tué  son  frère... 
Certes  oui,  la  terre  crie  et  le  sang  réclame;  car  il  ne  serait 
pas  un  homme  naturel,  ni  d'un  sang  pur,  celui  qui  n'aurait 
pas  compassion  d'une  mort  si  cruelle. 

a  Et  toi,  6  roi  Charles  de  bonne  mémoire,  si  tu  vivais 
maintenant,  que  dirais-tu?  quelques  larmes  pourraient 
t  apaiser?  qui  t'empêcherait  de  faire  justice  d'une  telle 
mort?  Hélas  1  tu  as  tant  aimé,  honoré  et  élevé  avec  tant  de 
soin  Tarbrc  où  est  né  le  fruit  dont  ton  fils  a  reçu  la  mort! 
Hélas  !  roi  Charles  !  tu  pourrais  bien  dire  comme  Jacob  : 
Fera  pessima  (Uvoravit  fiiium  meurh^  une  béte  très-mauvaise 
a  dévoré  mon  fils. 

a  Hélas!  il  n'y  a  si  pauvre  homme,  ou  de  si  bas  état  en 
ce  monde,  dont  le  père  ou  le  frère  ait  été  tué  si  traîtreuse- 
ment, que  ses  parents  et  ses  amis  ne  s'engagent  à  pour- 
suivre l'homicide  jusqu'à  la  mort.  Qu'est-ce  donc  quand 
le  malfaiteur  persévère  et  s'obstine  dans  sa  volonté  crimi- 
nelle?... Pleurez,  princes  et  nobles,  car  le  chemin  est 
ouvert  pour  vous  faire  mourir  en  trahison  et  à  i'improvisttî; 
pleurez,  hommes,  femmes,  vieillaixis  et  jeunes  gens;  k 
douceur  de  la  paix  et  de  la  tranquillité  vous  est  6tée, 
puisque  le  chemin  vous  est  montré  pour  occire  et  porter 
le  glaive  contre  les  princes,  et  qu'ainsi  vous  voilà  en  guerre, 
en  misère,  en  voie  de  destruction.  » 

La  prophétie  ne  s'accomplit  que  trop.  Celui  contre  lequel 
on  venait  d'accueillir  cette  plainte,  celui  qu'on  jugeait 
digne  de  toute  peine,  d'amende  honorable,  de  prison,  il 


ESSAIS  THE  RéPORVE  I>A!f9  l'ÉTAT  ET  DANS  L*ÉGLISE.    441 

n'y  eut  pas  besoïn  de  le  poof  Siiftre  :  il  revînt  de  lui-même, 
mais  en  maître;  Ton  n'avait  que  des  plaidoiries  à  lur 
opposer.  1}  revint,  malgré  les  plus  expresses  défenses, 
entouré  d'homnres  d'armes,  et  fH  mettre  sur  la  porte  de 
son  hôteï  deux  fers  de  lance,  Fun  affilé,  Fautre  émoussé*, 
pour  dire  qu'il  était  prêt  à  !a  guerre  et  à  la  paix,  qu'if 
combattrait  aux  armes  courtoises,  ou,«i  Fon  aimait  mieux, 
à  mort.  Les  princes  avaient  été  Jusqu'à  Amiens  pour  Fefn-^ 
pécher  de  venir.  Il  leur  donna  des  fêtes,  leur  fit  entendre 
d'excellente  musique,  et  continua  sa  roirte  jusqu'à  Saint- 
Denis,  où  il  fit  ses  dévotions.  Là,  nouvelle  défense  des 
princes^.  Hais  il  n'entra  pas  moins  à  Paris.  Il  se  trouva  des 
gens  pour  crier  :  «  Noél  au  bon  duc'  I  »  Le  peuple  croyafit 
qu'il  allait  supprimer  les  taxes.  Les  princes  Faccueiltirent. 
La  reine,  chose  odiease,  se  contraignit  au  point  de  lui  faire 
bonne  mine. 

Tout  semblait  rassurant  ;  et  pourtant,  en  entrailt  dans  la 
ville  oii  l'acte  avait  été  commis,  il  ne  pouvait  s'empêcher 
de  trembler.  II  alla  droit  à  son  hôtel,  fit  camper  toutes  ses 
troupes  autour.  Mais  son  hôtel  ne  lui  semblait  pas  sûr.  II 
fallut,  pour  calmer  son  imagination,  que  dans  son  hôtel 
même,  on  lui  bâtît  une  chambre  tout  en  pierres  de  taille, 
et  forte  comme  une  tour*.  Pendant  que  ses  maçons  travail- 
laient à  défendre  le  corps,  ses  théologiens  faisaient  ce 
qu'ils  pouvaient  pour  cuirasser  Fàme.  Déjà  il  a^'ait  les 
certificats  de  ses  docteurs  de  Flandre;  mais  il  voulait  celui 
de  FUniversité,  une  bonne  justification  solennelle  en  pré- 
sence du  roi,  des  princes,  du  peuple,  qui  approuveraient, 
au  moins  par  leur  silence.  Il  fellait  que  le  monde  entier 
suât  à  laver  o^tte  tache. 

«  App.,  iOÎ.  —  «  App„  103. 

>  C'est  da  moins  ce  que  rapporte  le  chroniqueur  bourguignon  r 
«  Mesmement  les'  petîts  enfants  en  plusieurs  carrefours  à  haute  roix 
crioicnt  Noël.  »  Monslrelct. 

*  •  Fist  faire*.,  à  puissance  d'ouvriers,  une  forte  chambre  de  pierre, 
bien  taillée,  en  manière  d'une  tour.  *  Monstrel«t. 


412      LUTTE  DES  DEUX  PARTIS.  —  CABOCBUCÏS. 

Le  duc  de  Bourgogne  ne  pouvait  manquer  de  défenseui^ 
parmi  les  gens  de  l'Université.  Son  père  et  lui  avaient 
toujours  été  liés  avec  ce  corps  par  la  haine  commune  du 
duc  d'Orléans  et  de  son  pape  Benoit  XIII.  Us  avaient 
protégé  les  principaux  docteurs.  Philippe  le  Dardi  avait 
donné  un  bénéfice  au  célèbre  Jean  Gersoni;  son  succes- 
seur pensionnait  le  cordelier  Jean  Petit,  tous  deux  grands 
adversaires  du  pape. 

Toutefois,  pour  soutenir  cette  thèse  que  le  partisan  du 
pape  avait  été  bien  et  justement  tué,  il  fallait  trouver  un 
aveugle  et  violent  logicien,  capable  de  suivre  intrépidement 
le  raisonnement  contre  la  raison,  l'esprit  de  corps  et  de 
parti  contre  l'humanité  et  la  nature. 

Cette  logique  n'était  pas  celle  des  grands  docteurs  de' 
l'Université,  Gerson,  d'Ailly,Clémengis.  Us  restèrent  plutôt 
dans  l'inconséquence  ;  dans  leur  plus  grande  passion,  ils 
ne  furent'jamais  aveuglés.  D'Ailly  èt.Clémengis  écrivirent 
contre  le  pape  ;  puis,  quand  ils  craignirent  d'avoir  ébranlé 
l'Ëglise  môme,  ils  se  rallièrent  à  la  papauté.  Gerson  at- 
taqua le  duc  d'Orléans  pour  ses  exactions;  puis  il  pleura 
l'aimable  prince,  il  fit  son  oraison  funèbre. 

Au-dessous  de  ces  illustres  docteurs,  en  qui  le  bon  sens 
et  le  bon  cœur  firent  toujours  équilibre  à  la  dialectique,  se 
trouvaient  les  vrais  scolastiques,  les  subtils,  les  violents, 
qui  paraissaient  les  forts,  les  grands  hommes  du  temps  qui 
n'ont  pas  été  ceux  de  l'avenir.  Ceux-ci  étaient  générale- 
ment plus  jeunes  que  Gerson,  qui  lui-même  était  disciple 
de  Pierre  d'Ailly  et  de  Clémengis.  Ces  violents  étaient  donc 
la  troisième  génération  dans  cette  longue  polémique, 
d'autant  plus  violents  qu'ils  y  venaient  tard.  Ainsi  la 
Constituante  fut  dépassée  par  la  jeune  Législative,  celle-ci 
par  la  très-jeune  Convention. 

Ces  hommes  n'étaient  pas  des  misérables,  des  hommes 

t  Uo  canooicat  de  BrOges,  auquel  Gerson  renonça  de  bonne  heve» 


ESSAIS  BB  RÊFORU£  DANS  L'ÉTAT  ET  DANS  L ÉGLISE.    443 

mercenaires,  comme  on  Ta  dit,  mais  généralement  de 
jeunes  docteurs,  estimés  pour  la  sévérité  de  leurs  mœurs, 
pour  la  subtilité  de  leur  esprit,  pour  leur  faconde.  Les  uns 
étaient  des  moines  comme  le  cordelier  Jean  Petit,  comme 
le  carme  Pavilly,  Torateur  des  bouchers,  le  harangueur 
de  la  Terreur  de  4413.  Les  autres  furent  les  meneurs  des 
conciles,  et  marquèrent  comme  prélats  \  tels  furent,  au 
concile  de  Ck)n$tance,  Courcelles  et  Pierre  Cauchon,  qui 
déposèrent  le  pape  Jean  XXIII  et  jugèrent  la  Pucelle. 

L'apologiste  du  duc  de  Bourgogne,  Jean  Petit,  était  un 
Normand,  animé  d'un  âpre  esprit  normand,  un  moine 
mendiant,  de  la  pauvre  et  sale  famille  de  saint  François. 
Ces  cordeliers,  d'autant  plus  hardis  qu'ils  n'avaient  que 
leur  corde  et  leurs  sandales,  se  jetaient  volontiers  en  avant. 
A.U  xiv«  siècle,  ils  avaient  été  pour  la  plupart  visionnaires, 
Kiystiques,  malades  et  fols  de  l'amour  de  Dieu  ;  ils  étaient 
alors  ennemis  de  l'Université.  Mais,  à  mesure  que  le  mysti- 
cisme fit  place  à  la  grande  polémique  du  schisme,  ils 
furent  du  parti  de  l'Université,  et  au  delà.  Le  cordelier 
Jean  Petit  n'avait  pas  le  moyen  d'étudier;  il  fut  soutenu 
par  le  duc  de  Bourgogne,  qui  l'aida  à  prendre  ses  grades 
et  lui  fit  une  pension  K  A  peine  docteur,  il  se  fit  remarquer 
par  sa  violence.  L'Université  l'envoya  parmi  ceux  de  ses 
membres  qu'elle  députait  aux  deux  papes.  Lorsque  l'as- 
semblée du  clergé  de  France,  en  4  406,  flottait  et  n'osait  se 
déclarer  entre  l'Université  de  Paris  qui  attaquait  le  pape 
Benoit,  et  celle  de  Toulouse  qui  le  défendait,  Jean  Petit 
prêcha  avec  la  fureur  burlesque  d'un  prédicateur  de  carre- 
four, a  contre  les  farces  et  tours  de  passe-passe  de  Piecre 
de  la  Lune,  dit  Benoit.  »  11  demanda  et  obtint  que  le  par- 
lement fit  brûler  la  lettre  de  l'Université  de  Toulouse. 
C'est  alors  que  le  parti  de  Benoit  et  du  duc  d'Orléans  fut 
jugé  vaincu,  que  les  gens  avisés  le  quittèrent',  que  ses 

'  ^PP'f  iW.  —  •  Par  exetrplc  Savoisy, 

IV.  .  8 


4U  LUTTB  BES  DEUX  PARTIS.  —  CABOCBIIIIS. 

ennemis  s'enhardirent,  et  que,  la  suspension  des  prêtes* 
lions  ayant  suffisamment  irrité  le  peuple,  en  enit  poufoir 
enfin  tuer  celui  qu'on  désignait  depuis  longtemps  à  h 
haine  comme  Tauteur  des  taxes  et  le  complice  du  scMsne. 

L'Université  avait  récemment  arraché  au  roî  l'oitbe  ds 
contraindre  par  corps  le  pape  qui  refusait  de  céder.  Ce 
pape  avait  été  jugé  schismatique,  et  ses  partisans  schisoia^ 
tiques.  Par  deux  fois  on  essaya  d'exécuter  cette  oontnmile 
par  l'épée.  La  mort  d'un  prince  qui  soutenait  le  pspe  sesH 
felait  aux  universitaires  un  résultat  naturel  de  oette  oon- 
.damnation  du  pape  ;  c'était  aussi  une  contrainte  par  omfs. 

Je  n'ai  pas  le  courage  de  reproduire  la  longue  harangue 
par  laquelle  Jean  Petit  entreprit  de  justifier  le  meurtre.  D 
faut  dire  pourtant  que,  si  ce  discours  parut  odieux  à 
beaucoup  de  gens,  personne  ne  le  trouva  ridicule.  H  est 
Avisé  et  subdivisé  selon  la  méthode  scotastique,  la  seule 
que  l'on  suivit  alors. 

Il  prit  pour  texte  ces  paroles  de  T  Apôtre  :  c  La  convoi- 
tise est  la  racine  de  tous  maux.  »  Il  déduisait  de  là  docte- 
ment une  majeure  en  quatre  parties,  que  la  mineure  devait 
appliquer.  La  mineure  avait  quatre  parties  de  même  pour 
établir  que  le  duc  d'Orléans  tombant  dans  les  quatre 
genres  de  convoitise,  concupiscence,  etc.,  s'était  rendu 
coupable  de  lèse-majesté  en  quatre  degrés.  Il  établissait, 
par  le  témoignage  des  philosophes,  des  Pères  de  l'Église 
et  de  la  sainte  Écriture,  qu'il  était  non-seulement jpennis, 
mais  honorable  et  méritoire  de  tuer  un  tyran.  A  cela  il 
apportait  douze  raisons  en  l'honneur  des  douze  apdtr», 
appuyées  de  nombreux  exemples  bibliques. 

Cet  épouvantable  fatras  n'a  pas  moins  de  quatre-vingt- 
trois  pages  dans  Monstrelet.  Le  copier,  ce  'serait  à  en 
vomir.  11  faut  résumer.  Tout  peut  se  réduire  à  trois  points  : 

4.  Le  duc  de  Bourgogne  a  tué  pour  Dieu  <.  Ainsi 
C 

1  •  Les  Idgistes  disent  que  toute  occision  d*honiine,  juste  oa  injuste» 


ESSAIS  DS  RÉSORUE  DANS  l'eTAT  ET  DANS  L'ÉGUSB.    445 

Judith,  etc.  Le  duc  d'Orléans  n'était  pas  seulement  Ten- 
nemî  du  peuple  de  Dieu,  .comme  Holopherne.  U'  était 
l'ennemi  de  Dieu,  l'ami  du  Diable  ;  il  était  sorcier i.  La  dia- 
blesse Vénus  lui  avait  donné  un  talisman  pour  se  foire 
aimer,  etc. 

'9.  Le  duc  de  Bourgogne  a  tué  pour  le  roi.,  U  a,  comme 
bon  v^ssal^  sauvé  son  suzerain  des  entreprises  d'un  vassal 
félon. 

3.  Il  a  tué  pour  la  chose  publique^  et  comme  bon  citoyen. 
Le  duc  d*Orléans  était  un  tyran.  Le  tyran  doit  être  tué,  etc.  K 

Mais  11  faut  lire  roriginal.'Il  faut  voir  dans  sa  laideur  ce 
monstrueux  accouplement  des  droits  et  des  systèmes  con- 
traires. Le  cruel  raisonneur  prend  indifféremment,  et 
partout,  tout  ce  qui  peut,  tant  bien  cpie  mal,  fonder  le 
droit  de  tuer  ;  tradition  biblique,  classique,  féodale,  tout 
lui  est  bon,  pourvu  qu'on  tue^ 

Le  discours  de  Jean  Petit  ne  mériterait  guère  d'attention, 
si  c'était  l'œuvre  individilëlle  du  pédant,  l'indigeste  avorton 
éclos  du  cerveau  d'un  cuistre.  Mais  non  ;  il  ne  fout  «pas 
oublier  que  Jean  Petit  était  un  docteur  très-important, 
très-autorisé.  Cette  monstrueuse  laideur  de  confusion  et 
d'incohérence,  ce  mélange  sauvage  de  tant  de  choses  mal 
comprises,  c'est  du  siècle,  et  non  de  l'homme.  J'y  vois  la 
grimaçante  figure  du  moyen  âge  caduque,  le  masque 
demi-homme,  demi-béte  de  la  scolastique  agonisante. 

L'histoire,  au  reste,  ne  présente  guère  d'objet  plus  cho- 
quant. On  rirait  de  ce  pêle-mêle  d'équivoques,  de  malen- 
tendus, d'histoires  travesties,  de  raisonnements  cornus, 
où  Tabsurde  s'appuie  magistralement  sur  le  faux.  On 


est  homicide.  Maif  les  théologiens  disent  qu'il  y  a  deux  manières  d'ho- 
micides, ete.  » 

«  App.,  100. 

•  •  Celai  qai  Toceit  par  bonite  iubtiHté  et  eauielte  en  Vèpiant,  pour 
sanver  la  rie  de  son  roi...  il  ne  fait  pas  tiffat,.,  »  •»  Ceci  Tait  penser  aux 
Proviacialef. 


H  6  LUTTB  DES  DEUX  PARTIS.   —  CABiJCHIEKS. 

rirait  ;  mais  on  frémit.  Les  syllogismes  ridicules  ont  pour 
majeure  Tassassinat,  et  la  conclusion  y  ramène.  L'hisUHre 
devient  ce  qu'elle  peut.  La  fausse  science,  comme  un 
tyran,  la  violente  et  la  maltraite.  Elle  tronque  et  taille  les 
faits,  comme  elle  ferait  des  hommes.  Elle  tue  l'empereur 
Julien  avec  la  lance  des  croisades  ;  elle  égorge  César  avec 
le  couteau  biblique,  en  sorte  que  le  tout  a  l'air  d'un  mas- 
sacre indistinct  d'hommes  et  de  doctrines,  d'idées  et  de 
faits. 

Quand  il  y  aurait  eu  le  moindre  bon  sens  dans  ce  traité 
de  l'assassinat,  quand  les  crimes  du  duc  d'Orléans  eussent 
été  prouvés  et  qu'il  eût  mérité  la  mort,  cela  ne  justifiait 
pas  encore  la  trahison  du  duc  de  Bourgogne.  Quoi  !  pour 
des  fautes  si  anciennes,  après  une  réconciliation  solennelle, 
après  avoir  mangé  ensemble  et  communié  de  la  même 
hostie!...  Et  l'avoir  tué  dé  nuit,  en  guet-apens,  désarmé, 
était-ce  d'un  chevalier  ?  Un  chevalier  devait  l'attaquer  à 
armes  égales,  le  tuer  en  champ  clos.  Un  prince,  un  grand 
souverain,  devait  faire  la  guerre  avec  une  armée,  vaincre 
son  ennemi  en  bataille  ;  les  batailles  sont  les  duels  des 
rois. 

Au  reste  la  harangue  de  Jean  Petit  était  moins  une 
apologie  du  duc  de  Bourgogne  qu'un  réquisitoire  contre  le 
duc  d'Orléans.  C'était  un  outrage  après  la  mort,  coftime  si 
le  meurtrier  revenait  sur  cet  homme  gisant  à  terre,  ayant 
peur  qu'il  ne  revécût,  et  tftchant  de  le  tuer  une  seconde 
fois. 

Le  meurtrier  n'avait  pas  besoin  d'apologie.  Pendant  que 
son  docteur  pérorait,  il  avait  en  poche  de  bonnes  lettres 
de  rémission  qui  le  rendaient  blanc  comme  neige.  Dans 
ces  lettres,  le  roi  déclare  que  le  duc  lui  a  exposé  comment 
pour  son  bien  et  celui  du  royaume  «  il  a  fail  mettre  Tiors 
de  ce  inonde  »  son  frère  le  duc  d'Orléans  ;  mais  il  a  appris 
que  le  roi,  «  sur  le  rapport  d'aulcuns  ses  malveillans...  en 
a  pris  desplaisance...  Savoir  faisons  que  nous  avons  osté 


£SSÀIS  DB  RÉFORHB  DANS  L'ÉTâT  ET  DANS  L'ÉGLISE.    147 

et  osions  toute  desplaisance  que  nous  pourrions  avoir  eue 
envers  lui...,  etc.  ^  » 

Les  gens  de  rUmversité  ayant  si  bien  soutenu  le  duc  de 
Bourgogne,  il  était  bien  juste  qu'il  les  soutint  à  son  tour. 
D*abord  il  termina  à  leur  avantage  Taffaire  qui  depuis  un 
an  tenait  en  guerre  les  deux  juridictions,  civile  et  ecclé- 
siastique. La  première  eut  tort.  L'Université,  le  clergé, 
allèrent  dépendre  les  deux  écoliers  voleurs  dont  les  sque- 
lettes branlaient  encore  àMontfaucon.  Tout  un  peuple  de 
prêtres,  de  moines,  de  clercs  et  d'écoliers,  animés  d'une 
joie  frénétique,  les  mena  à  travers  Paris  jusqu'au  parvis 
de  Notre-Dame,  où  ils  furent  remis  à  la  justice  ecclésias- 
tique, et  déposés  aux  pieds  de  i'évéque  '.  Le  prévôt 
demanda  pardon  aux  recteurs,  docteurs  et  régents  *.  Ce 
triomphe  des  deux  cadavres,  qui  était  l'enterrement  de  la 
justice  royale,  eut  lieu  au  soleil  de  mai,  attristé  par  la  lueur 
des  torches  que  portait  tout  ce  monde  noir. 

Le  44  mai,  la  veille  même  de  la  grande  victoire  de  l'Uni- 
Yersité,  deux  messagers  du  pape  Benoit  Xlll  avaient  eu  la 
hardiesse  de  venir  braver  dans  Paris  cette  colérique  puis- 
sance. Us  avaient  apporté  des  bulles  menaçantes  où  l'en- 
nemi, qu'on  croyait  à  terre,  semblait  plus  vivant  que 
jamais  K  C'était  un  gentilhomme  aragonais  (comme  son 
maître  Benoit  XIII)  qui  avait  hasardé  ce  coup. 

Une  députation  de  l'Université  vint  à  grand  bruit 
demander  justice.  Une  grande  assemblée  se  fit  à  Saint- 

<  Cartons  de  FontanUu,  tinnèe  1407. 

«  App.,  i07. 

*  •  llesseignenn,  leur  dii-il,  se  raillant  de  leur  puissance  et  de  leur 
obstination,  outre  le  pardon  que  vous  m*accordex,  je  tous  ai  grande 
obligation  ;  car  lorsque  vous  m'avez  attaqué,  je  me  tins  pour  assuré  d'élro 
mis  hors  de  mon  élat  ;  mais  je  craignais  qu'il  ne  vous  vint  en  idée 
#!e  conclure  aussi  à  ce  que  je  fusse  marié,  et  je  suis  bien  certain  que  si 
une  fois  vous  eussiez  mis  cette  conclu.-ion  en  avant,  il  m'aurait  fallu,, 
oon  grë,  mal  grë,  me  marier.  Par  votre  grâce,  vous  avez  bien  voulu 
m'exempter  de  celte  rigueur,  ce  dont  je  vous  remercie  très-humblement.  • 
Chronique  n*  10897.  —  «  App.,  108. 


448         Lirm  ns  deux  PAims.  —  câbochibns. 

Paul  en  présence  da  roi,  du  duc  de  Bourgogne  et  des 
princes.  Un  violent  sermon  y  fut  prononcé  par  Courte- 
cuisse,  qui  faisait  le  pendant  du  discours  de  Jean  Petit. 
C'était  la  condamnation  du  pape,  comme  l'autre  était  h 
condamnation  du  prince,  partisan  du  pape. 

Le  texte  était  :  «  Que  la  douleur  en  soit  pour  lui  ;  tombe 
sur  lui  son  iniquité  !  »  Si  le  pape  eût  été  là,  il  n'y  eût  guère 
eu. plus  de  sûreté  pour  lui  que  pour  le  duc  d'Orléans.  Le 
pape  n'y  étant  pas,  on  ne  frappa  que  ses  bulles.  Le  chan- 
celier les  condamna  au  nom  de  l'assemblée,  les  secrétaires 
royaux  y  enfoncèrent  le  canif,  et  les  jetèrent  au  recteur  qui 
les  mit  en  menus  morceaux. 

Ce  n'était  pas  assez  de  poignarder  un  parchemin.  On 
envoya  ordte  à  Boucicaut  d'arrêter  le  pape  ;  et  en  atten- 
dant, on  prit,  comme  suspects  d'aimer  le  pape,  l'abbé  de 
Saint-Denis  et  le  doyen  de  Saint-Germain-l'Auxerrois. 
Saint-Denis  étant,  comme  on  l'a  vu,  fort  mal  avec  l'église 
de  Paris,  Tarrestation  de  l'abbé  était  populaire.  Mais  le 
doyen  de  Saint-Germain-rAuxerrois  était  membre  du 
Parlement.  Il  y  avait  imprudence  à  Tarrôter;  le  Parlement 
en  garda  rancune.  Le%  prisonniers,  ayant  tout  à  craindre 
dans  ce  moment  de  violence,  essayèrent  d'apaiser  rUniver- 
site  en  se  réclamant  d'elle,  et  demandant  l'adjonction  de 
quelques-uns  de  ses  docteurs  à  la  commission  qui  devait 
les  juger,  ils  eurent  lieu  de  s'en  repentir.  Ces  scolastiqaes, 
étrangers -aux  lois,  aux  hommes  et  aux  affaires,  ne  purent 
jamais  s'accorder  avec  les  juges  ^  lis  montrèrent  autant 
de  gaucherie  que  de  violence,  firent  arrêter  au  hasard 
nombre  de  gens.  Les  prisonniers  avaient  beau  invoqua*  le 
Parlement,  Tévêque  de  Paris  ;  les  princes  même  intercé- 
daient. Ces  implacables  pédants  ne  voulaient  point  làoher 
prise. 

Le  dimanche  S5  mai,  un  professeur  de  l'Université, 

•  App.,  m. 


ESSAIS  DS  RÉFORME  D.VNS  L*£TÀT  ET  DANS  LÉGLISH.    449 

Pierre  aux  Bœufs  (cordelier,  comme  Jean  Petit),  lut  devant 
la  peuple  les  lettres  royaux  qui  déclaraient<[ue  dorénavant 
on  n'obéirait  ni  à  Tun  ni  à  Tautre  pape.  Cela  s'appela  l'acte 
de  Neutralité.  A^ucune  salle,  aucune  place  n'aurait  contenu 
la  foule.  La  lecture  se  fit  à  la  culture  de  Saint  Martin-des-: 
Champs.  Cette  ordonnance  n'est  point  dans  le  style  ordi- 
naire des  lois.  C'est  visiblement  un  factum  de  l'Université, 
violent»  acre,  et  qui  n'est  pas  sans  éloquence.:  «  Qu  ils 
tombent,  qu'ils  périssent,  j^utOrt  que  l'unité  de  V£glise. 
Qu'on  n'entende  plus  la  voix  de  la  marâtre  :  Coupes 
r enfant^  et  quU  ne  spU  ni  à  mot,  ni  à  elle;  mais  1{^  voix  de 
la  bonne  mère  :  Z>onnez-{e-/uipiu/d^  tout  entier...  » 

On  ne  s'en  tint  pas  à  des  paroles.  Un  concile  assemblé 
dans  la  Sainte-Chapelle  détermina  comment  l'Ëglise  se 
gouvernerait  dans  la  vacance  du  Saint-Siège.  Benoit.ne 
put  être  atteint;  il  se  sauva  à  Perpignan,  entre  le  royaume 
d'Aragon,  son  pays,  où  il  était  soutenu,  et  la  France,  où  il 
guerroyait  contre  le  concile  à  force  de  bulles.  Mais  ses 
deux  messagers  furent  pris,  et  traînés  par  les  rues  dans  un 
étrange  accoutrement;  ils  étaient  coiffés  de  tiares  de  papier» 
vêtus  de  dalmatiques  noires  aux  armes  de  Pierre  de  Luna» 
et  de  plus  chargés  d'écritôaux  qui  les  qualifiaient  traîtres  et 
messagers  d'un  traître.  Ainsi  équipés,  ils  furent  mis  dans 
un  tombereau  de  boueurs,  piluriés  dans  la  cour  du  Palais, 
parmi  les  huées  du  peuple,  qui  s'habituait  à  mépriser  les 
insignes  du  pontificat ^  Le  dimanche  suivant,  uiéme  scène 
au  parvis  Notre-Dame  :  un  moine  trinitaire,  régent  de 
théologie,  invectiva  contre  eux  et  contre  le  pape,  avec  une 
violence  furieuse  et  des  farces  de  bateleur,  le  tout  dans  une 

.  langue  si  fangeuse,  que  bonne  part  de  cette  boue  retomb  ait 

/sur  l'Université^. 

Le  pape  de  Rome,  le  pape  d'Avignon,  étaient  tous  les 

*  Le  Religieux.  ^App.,  110. 

'  •   Quod  anum  sordiJid.-imœ  omasariœ  osculari  mallet  quam   os 
Pctri.  •  Religieux. 


420      LUTTE  DES  DEOX  PARTIS.  —  CABOCHIENS. 

deux  en  fuite  ;  leurs  cardinaux  avaient  déserté.  La  reine 
s'enfuit  aussi,  emmenant  de  Paris  le  dauphin,  gendre  du 
duc  de  Bourgogne.  Les  ducs  d'Anjou  (roi  de  Sicile),  de 
Bcrri  et  de  Bretagne  ne  tardèrent  pas  à  les  suivre.  Le  duc 
de  Bourgogne  allait  se  trouver  seul  de  tous  les  princes  à 
Paris,  ayant  toutefois  dans  les  mains  le  roi,  le  concile, 
rUniversi té.  Lâcher  le  roi  et  Paris,  c'était  risquer  beaucoup. 
Cependant  il  ne  pouvait  plus  remettre  son  retour  aux  Pays- 
Bas.  Pendant  qu'il  faisait  ici  la  guerre  au  pape  et  écoutait 
les  prolixes  harangues  des  docteurs,  le  parti  de  Benoit  et 
d'Orléans  se  fortifiait  à  Liège.  Le  jeune  évéque  de  Liège, 
son  cousin  Jean  de  Bavière,  ne  pouvait  plus  résister*.  Les 
Liégeois  étaient  menés  par  un  homme  de  tête  et  de  main, 
le  sire  de  Perweiss,  père  de  l'autre  prétendant  à  l'évèché  de 
Liège  ;  il  appelait  les  Allemands  ;  il  faisait  venir  des  archers 
anglais.  Le  Brabant  était  en  péril.  Que  serait-il  advenu  si 
la  Flandre  avait  pris  parti  pour  Liège,  si  les  gens  de  Gand 
s'étaient  souvenus  que  les  Liégeois  leur  avaient  envoyé  des 
vivres  avant  la  bataille  de  Roosebeke? 

Je  parlerai  plus  tard  de  ce  curieux  peuple  de  Liège,  de 
cette  extrême  pointe  de  la  race  et  de  la  langue  wallonne  au 
sein  des  populations  germaniques,  petite  France  belge  qui 
est  restée,  sous  tant  de  rapports^  si  semblable  à  la  vieille 
France,  tandis  que  la  ndtre  changeait.  Mais  tout  cela  ne 
peut  se  dire  en  passant. 

Les  Liégeois  étaient  quarante  mille  intrépides  fantassins. 
Mais  le  duc  avait  contre  eux  toute  la  chevalerie  de  Picardie 
et  des  Pays-Bas,  qui  regardait  avec  raison  cette  guerre 
comme  l'affaire  commune  de  la  noblesse.  La  noblesse  était 
d'accord.  Les  villes,  Liège,  Gand  et  Paris,  ne  s'entendaient 
pas.  Gand  et  Paris  ne  suivaient  pas  le  même  pape  que  les 
Liégeois.  Le  duc  de  Bourgogne,  qui  soulevait  les  communes 
en  France,  écrasa  en  Belgique  celle  de  Liège. 


ESSAIS  DE   RÉFORME  DANS  l'ÉTAT  ET  DANS  L.*£GLISE.     421 

Les  Liégeois  étaient  une  population  d'armuriers  et  de 
charbonniers,  brutale  et  indomptable,  que  leurs  chefs  ne 
pouvaient  mener.  Dès  que  les  bannières  féodales  apparu- 
rent dans  la  plaine  deHasbain,  le  proverbe  se  vérifia  : 


Qai  passe  dans  le  Hasbain 
A  bataiUe  le  lendemain. 


Us  se  postèrent  quarante  mille  dons  une  enceinte  fermée 
de  chariots  et  de  canons,  et  attendirent  fièrement.  Le  duc 
de  Bourgogne,  qui  savait  qu'il  allait  leur  venir  encore -dix 
mille  hommes  de  troupes  et  des  archers  d'Angleterre,  se 
hasarda  d'attaquer.  Les  Liégeois  avaient  un  peu  de  cava- 
lerie, quelques^chevaliers;  mais  ils  s'en  défiaient  trop;  ils 
les  empêchèrent  de  bouger.  Ceux  de  Bourgogne  ne  pouvant 
les  forcer  par  devant,  les  tournèrent  ;  une  terreur  panique 
les  prit  ;  plusieurs  miUiers  de  Liégeois  se  rendirent  pri- 
sonniers. Le  duc  de  Bourgogne,  presque  vainqueur,  voit 
apparaître  alors  les  dix  mille  paresseux  de  Tongres,  qui 
venaient  enfin  combattre,  il  craignit  qu'ils  ne  lui  arrachas- 
sent la  victoire,  et  ordonna  le  massacre  des  prisonniers. 
Ce  fut  une  immense  boucherie  ;  toute  cette  chevalerie, 
cruelle  par  peur,  s'acharna  sur  la  multitude  qui  avait  posé 
les  armes.  Le  duc  de  Bourgogne  prétend,  dans  une  lettre  < , 
qu'il  resta  vingt^quatre  mille  hommes  sur  le  carreau  :  il 
avait  perdu  seulement  de  soixante  à  quatre-vingts  cheva- 
liers ou  écuyei*s,  sans  compter  les  soldats  apparemment. 
Néanmoins,  cette  disproportion  fait  sentir  assez  combien, 
dans  la  nouveauté  et  l'imperfection  des  armes  à  feu,  les 
moyens  offensifs  étaient  faibles  contre  ces  maisons  de  fer 
dont  les  chevaliers  s'affublaient. 

Je  me  défie  un  peu  de  ce  nombre  de  vingt-quatre  mille 
hommes;  c'est  juste  celui  de  la  bataille  de  Roosebeke,  que 
gagna  Philippe  le  Hardi.  Le  fils  ne  voulut  pas  sans  doute 


422    ,  LCTTE  DES  BEUX  PARTIS.  —  CABOCHIENS. 

avoir  tué  moins  que  le  père.  Quoi  qu*il  en  soit,  le  récit 
des  cruautés  épouvantables  du  parti  de  Bourgogne,  qui,  ! 
dans  le  Hasbain  seul,  avait  brûlé,  disait-on,  quatre  cents 
églises  paroissiales,  souvent  même  avec  les  paroissiens,  la 
vengeance  de  Tévéque  de  Liège,  Jean  sans  Pitié,  ses 
noyades  dans  la  Meuse,  tout  cela,  chose  triste  à  dire,  mais 
qui  peint  le  siècle,  frappa  les  iinaginations  et  releva  le  duc 
de  Bourgogne.  Cette  bataille  fut  prise  pour  le  jugement  de 
Dieu.  On  savait  qu'il  avait  d'ailleurs  payé  de  sa  personnel 
Le  peuple,  comme  les  fenomes,  aime  les  forts  :  Ferrum  est 
qnod  amarU.  On  donna  au  duc  de  Bourgogne  le  snmam  de 
Jean  sans  Peur  :  sans  peur  des  hommes  et  sans  peur  de 

Dieu*. 

La  reine  et  les  princes  étaient  revenas  à  Paris  dans 
l'absence  du  duc  de  Bourgogne^,  et  procédaient  contre  loi. 
Un  éloquent  prédicateur,  Cérisy ,  prononçait  une  touchanU> 
apologie  de  Louis  d'Orléans,  qui  a  effacé  à  jamais  le  dis- 
cours de  Jean  Petit.  L'avocat  de  la  veuve  et  des  orphelins 
concluait  à  ce  que  le  duc  de  Bourgogne  fit  amende  hono- 
rable, demandât  pardon  et  baisât  la  terre,'et  qu'après  avoir 
fait  diverses  fondations  expiatoires,  il  allât  pendant  vin^ 
ans  outi*c-mer  pour  pleurer  son  crime.  Cela  se  disait  It' 
41  septembre;  le  23,  il  gagnait  la  bataille  d'Hasbain;  !«' 
24  novembre,  il  arrivait  à  Paris.  La  foule  alla  voir  avec  res- 
pect l'homme  qui  venait  de  tuer  vingt^inq  mille  hommes; 
il  s'en  trouva  pour  crier  Noéll 

La  reine  et  les  princes  avaient  enlevé  le  roi  à  Chartres; 
ils  pouvaient  en  son  nom  agir  contre  le  duc.  Cela  le  décida 
à  un  accommodement^.  La  chose  fut  négociée  par  le  grand 

j       >  App.,  113. 

*  11  eût  pa  être  nommé,  tout  aussi  bien  que  son  coasia  I^évôqve,  Jean 
$anê  Pitié,  Monslrelet  dit  lai-mème  :  •  Quand  il  fat  demandé,  après  Ii 
déconfiture,  si  on  cesseroit  de  plus  occire  iceux  liégeois,  U  fit  réponso 
qu'ils  mourroient  tous  ensemble,  et  que,pas  ne  vonloit  qu'oD  les  prenst 
à  rançon  ni  mislà  finance.  »  ^  >  ^PP*.  114. 

^  A  la  rentrée  du  Parlement,  le  vieux  chancelier  tra^a  un  Uhleaii 


BSSA»  DB  BÉrORlU  OàlfS  l'ÊTAT  ET  DANS  L'ÉGLISE.    123 

maître  Montaigu»  serviteur  de  la  reine  et  de  la  maison 
d'Orléans,  principal  eonaeiller  de  ce  parti,  qui  avait  été 
envoyé  au  duc  de  Bourgogne,  qui  en  avait  n4)porté' une 
grande  peur,  et  qui  ne  sentait  pas  sa  tête  bien  ferme  sur 
aes  épaules.  U  arrangea  avec  la  crédulité  de  la  peur  ce 
triste  traité  qui  déshonorait  les  deux  partis.  Le  principal 
artiide  était  que  le  second  fils  du  mort*  épouserait  une  lille 
du  meurtrier,  avec  une  dot  de  cent  cinquante  mille  francs 
d'or.  Gomme  dot,  c'était  beaucoup*  mais  comme  prix  du 
^.sang,  combien  peu  1 

Ce  fut  une  laide  scène,  laide  encore  .eomme  profanation 
d'une  des  plus  saintes  églises  de  France.  Notre-Dame  de 
ChartreSf  ses  innombrables  statues  de  saints  et  de  docteurs, 
furent  condamnées  à  être  témoins  de  la  fausse  paix  et  des 
parjures.  On  dressa,  non  pas  au  parvis  ou*  se  faisaient  les 
amendes  honorables,,  mais  a  l'entrée  du  chceur,  un  grand 
échafaud.  Le  roi,  la  neine,  les  princes,  y  siégeaient. 
L'avocat  du  duc  de  Bourgogne  demanda  au  roi  au  nom  du 
duc  qu*il  lui  plût  «  de  ne  conserver  dans  le- cœur  ni  colère, 
ni  indignation  à  cause  du  fait  qu'il  a  commis  et  fait  .faire 
sur  la  personne  de  monseigneur  d'Orléans,  pour  le  bien 
du  royaume  et  de  vous.  » 

Puis  les  enfants  d'Orléans  entrèrent;  le  roi  leur  fit  part 
du  pardon  qu'il  avait  accordé,  et  les  requit  de  l'avoir  pour 
agréable.  L'avocat  de  Bourgogne  paria  en  ces  termes  :  ' 
«  Monseigneur  d'Orléans  et  messeigneurs  ses  frères,  voici, 
monseigneur  de  Bourgogne,  qui  vous  supplie  de  bannir  de^ 
vos  cœurs  toute  haine  et  toute  vengeance,. et  d'être  bons* 
amis  avec  lui.  »  Le  duc  ajouta  de  sa  propre  bouche  :  «  Mes 
chers  cousins,  je  vous  en  prie.  » 

Les  jeunes  princes  pleuraient.  Selon  le  cérémonial  con- 
venu, la  reine,  le  dauphin  et  les  seigneurs  du  sang  royal 


toachant  de  U  désolation  da  royaume.  Archives,  Regittrê  du  Parlement, 
Conteil  XUl,  folio  49. 


1^4      LDTTB  DES  DEUX  PARTIS.  ^  GABOCHIENS. 

s'approchèrent  d'eux,  et  intercédèrent  pour  le  dac  de 
Bourgogne;  ensuite,  le  roi,  du  haut  de  son  trtee,  leur 
adressa  ces  mots  :  «  Mon  très-cher  fils  et  mon  très-cher 
neveu,  consentez  à  ce  que  nous  avons  fait,  et  pardonnez.  • 
Le  duc  d'Orléans  et  son  frère  répétèrent  alors,  l'un  ajwès 
l'autre,  les  paroles  prescrites. 

Montaigu,  qui  avait  dressé  d'avance  ce  traité,  par  lequel 
les  enfants  reconnaissaient  que  leur  père  était  tué  pour  le 
bien  du  royaume,  avait  au  fond  trahi  son  ancien  maître, 
le  duc  d'Orléans,  pour  le  duc  de  Bourgogne.  Cdui-d 
néanmoins  lui  en  voulut  mortdlement.  Il  n'avait  pas 
probablement  deviné  d'avance  l'humiliante  attitude  qu'il 
lui  faudrait  prendre  dans  cette  cérémonie,  et  ce  qu'il  lui 
en  coûterait  pour  dire  aux  enfants  :  Pardonnez. 

Tout  le  monde  savait  à  quoi  s'en  tenir  sur  la  valeur  d'une 
telle  paix.  Lé  greffier  du  Parlement,  en  l'inscrivant  sur 
son  registre,  ajoute  ces  mots  à  la  marge  :  «  Pax,  pax, 
inquit  Propheta,  et  non  est  pax.  i 

Les  réconciliés  revinrent  à  Paris,  plus  ennemis  que 
jamais,  mais  d'accord  pour  sacrifier  le  trop  conciliant 
Montaigu.  Ce  pauvre  diable  n'avait  après  tout  péché  que 
par  peur.  Mais  il  avait  encore  un  autre  crime  ;  il  était  trop 
riche.  On  se  demandait  comment  ce  fils  d'un  notaire  de 
Paris,  médiocrement  lettré,  de  pauvre  mine,  petite  taille, 
barbe  claire,  la  langue  épaisse <,  comment  il  s'y  était  pris 
pour  gouverner  la  France  depuis  si  longtemps.  11  fallait 
bien,  avec  tout  cela,  qu'il  fût  pourtant  un  habile  homme 
pour  que  la  reine,  le  duc  d'Orléans,  les  ducs  de  Berri  et 
de  Bourbon,  eussent  tous  besoin  de  lui  et  l'appelassent 
leur  ami. 

L'habileté  qui  lui  manqua,  ce  fut  de  se  faire  petit.  Sans 
parler  de  ses  grandes  terres,  il  avait  bâti  à  Marcoussis  un 
délicieux  château.  A  Paris,  le  peuple  montrait  avec  envie 

t  Le  Religieiu. 


ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  L'ÉTAT  ET  DANS  l'ÉGLÎSB.    425 

son  splebdide  hôtel.  Les  plus  grands  seigneurs  avaient 
recherché  ses  filles.  Récemment  encore,  il  avait  marié  son 
fils  avec  la  fille  du  connétable  d'Àlbret,  cousin  du  roi.  Il  fit 
encore  son  frère  évéque  de  Paris,  et  à  cette  occasion  il  euC 
l'imprudence  de  traiter  les  princes,  d'étaler  une  incroyable 
quantité  de  vaisselle  d'or  et  d'argent.  Les  convives  ouvri- 
rent de  grands  yeux;  leur  cupidité  attisa  leur  haine.  Ils 
trouvèrent  fort  mauvais  que  Montaigu  eût  tant  de  vaisselle 
d'or,  lorsque  celle  du  roi  était  en  gage. 

Pour  un  homme  nouveau,  Montaigu  semblait  bien  assis 
Dès  le  temps  du  gouvernement  des  Marmousets,  il  s'était 
acquis  beaucoup  de  gens;  il  était  bien  apparenté,  bien 
allié.  Frère  de  l'archevêque  de  Sens,  il  venait  de  prendre 
une  forte  position  populaire  dans  Paris  en  y  faisant  son 
frère  évéque.  Aussi  les  princes  menèrent  l'afiaire  à  petit 
bruit.  Ils  s'assemblèrent  secrètement  à  Saint-Victor,  déli- 
bérèrent sous  le  sceau  du  serment  ;  ils  conspirèrent,  trois 
ou  quatre  princes  du  sang  et  les  plus  grands  seigneurs  de 
France,  contre  le  fils  du  notaire.  On  avertit  Montaigu  ; 
mais  il  s  obstina  S  ne  rien  craindre.  N'avait-il  pas  pour 
lui  le  roi,  le  bon  duc  de  Berri,  la  reine  surtout,  en 
mémoire  du  duc  d'Orléans?  La  reine  s'employa,  il  est 
vrai,  un  peu  en  sa  faveur.  Mais  il  ne  fallut  pas>  grande 
violence  pour  lui  forcer  la  mam  ;  on  lui  promit  que  les 
grands  biens  de  Montaigu  seraient  donnés  au  dauphin^ 
Après  tout,  elle  était  absente,  à  Melun  ;  ce  triste  spectacle 
de  la  mort  d'un  vieux  serviteur  ne  devait  pas  afiliger  ses 
yeux. 

Il  y  eut  à  la  mort  de  Montaigu  une  chose  qu'on  ne  voit 
guère  à  la  chute  des  favoris  :  le  peuple  se  souleva  s.  Mon- 
taigu, il  est  vrai,  intéressait  les  trois  puissances  de  la  ville  : 
il  était  frère  de  l'évéque;  il  réclamait  le  privilège  de  cléri- 

1  Bibliothèque  royale,  nm.,  Dupuy,   vol  Iki.   Fonlanieu  107-103, 
ann.  1409. 
*  LeReiigieox. 


426  LLTTE  DES  DEUX  PABTIâ.   —  CABOGHIENS. 

cature,  celui  da  clergé  et  de  TUniversîté:  enfin,  il  en 
appelait  au  Parlement.  Rien  ne  lui  servit.  La  ville  était 
pleine  des  gentilshommes  du  duc  de  Boui^ogne.  Le  nouveau 
prévôt  de  Paris,  Pierre  Desessarts,  monta  à  cheval,  courut 
les  rues  avec  une  forte  troupe,  criant  qu'il  tenait  les 

j  traîtres  qui  étaient  cause  de  la  maladie  du  roi,  quTl  en 
rendrait  bon  compte,  que  les  bonnes  gens  n'avaient  qu'à 

*  retourner  à  leurs  affaires  et  à  leurs  métiers  ^. 

Montaigu  nia  tout  d'abord  ;  mais  il  était  entre  les  griffiss 
d'une  commission  ;  on  lui  fit  tout  avouer  par  la  torture. 
Le  47  octobre,  sans  perdre  de  temps,  moins  d'an  mois 
après  sa  belle  fête,  il  fut  tratné  aux  halles.  On  ne  lut  pas 
même  Farrèt.  Brisé  qu'il  était  par  la  torture,  les  mains 
disloquées,  le  ventre  rompu,  il  baisait  la  croix  de  toutstm 
cœur,  affirmant  jusqu'au  bout  qu'il  n'était  pas  coupable, 
non  plus  que  le  duc  d'Oriéans,  que  seulement  il  ne  pouvait 
nier  qu'ils  n'eussent  mal  usé  des  deniers  du  Toi  et  trop 
dépensé^.  L'assistance  pleurait  ;  %eux  môme  que  les  princes 
avaient  envoyés  pour  s'assurer  du  supplice  revinrent  tout 

en  larmes. 

Cette  mort  avait  touché  tout  le  monde,  mais  efiErajé 
encore  plus.  Quel  en  fut  le  résultat?  Celui  qu'on  devait 
attendre  de  la  lÀcheté  du  temps.  Tous  voulurent  être  du 
côté  d'un  homme  qui  frappait  si  fort;  la  mort  du  duc  d'Or- 
léans, celle  de  Montaigu,  le  massacm  de  Liège,  c'étaient 
trois  grands  coups.  Le  roi  de  Navarre  était  déjà  allié  du 
duc  de  Bourgogne^,  dont  il  avait  besoin  contre  le  comle 
d'Armagnac.  Le  duc  d'Anjou  le  fut  pour  de  l'argent;  il  en 
reçut,  comme  dot  d'une  fille  ^de  Bourgogne,  pour  aller 
perdre  encore  cet  argent  en  Italie.  La  reine  fut  aussi 

1  Le  ReligienT.  —  •  App.,  H5. 

*  Le  dac  de  Bourgogne  déploie  dans  cette  année  1409  une  remeninable 
activité.  Il  cherche  des  alliances  an  midi  et  an  nord.  Voy.  les  traités 
arec  le  roi  de  Navarre,  le  comte  de  Foix,  le  dac  de  Bavière  et  ÉdooarJ 
de  Bar,  titff.,  Baluze,  9&84, 2. 


ISSAIS  DE  RÉFORME  DANS  l'ÉTAT  ET  DANS  L'ÉGLISE.'  427 

gagnée  par  un  mariage  ;  le  duc  de  Bourgogne  alla  la  voir 
à  Melun  et  promit  de  faire  épouser  au  frère  d'Isabeau 
(Louis  de  Bavière)  la  fille  de  son  ami,  le  roi  de  Navarre,  if 
était  d'ailleurs  arrangé  que  le  jeune  dauphin  présiderait 
désormais  le  conseil  ;  la  grosse  Isabeau  '  crut  sottement 
qu'elle  'gouvernerait  son  fils,  et  par  son  fils  le  royaume. 
Elle  revint  à  Paris,  c'est-à-dire  qu'elle  se  remit  entre  les 
mains  du  duc  de,  Bourgogne. 

Ainsi,  les  choses  tournaient  à  souhait  pour  lui  et  pour 
son  parti.  L'Université,  toute-puissante  au  concile  de  Pise, 
venait  de  mettre  à  profit  la  déposition  des  deux  papes, 
pour  faire  donner  la  papauté  à  l'un  de  ses  anciens  profes- 
seurs, qui  apparemment  n'aurait  rien  à  refuser  à  l'Uni- 
versité et  au  duc  de  Bourgogne. 

Que  manquait-il  à  celui-ci,  sinon*  de  se  réhabiliter,  s'il 
pouvait,  de  faire  oublier?  Il  y  avait  deux  moyens,  réformer 
rËtat  et  chasser  l'Anglais.  Il  entreprit  de  nouveau  d'as- 

■  _ 

siéger  Calais  :  cette  fois,  le  duc  d'Orléans  n'était  plus  là 
pour  faire  manquer  l'entreprise.  Il  s'y  prit  comme  la  pre- 
mière fois;  il  fit^'bâtir  une  ville  de  bois  autour  de  la  ville; 
il  entassa  dans  l'abbaye  de  Saint-Omer  force  machines 
et  quantité  d'artillerie.  Mais  les  Anglais,  pour  la  somme 
de  dix  mille  nobles  à  la  rose,  trouvèrent  un  charpentier 
qui  y  jeta  le  feu  grégeois  et  brûla  en  un  moment  tout  co 
qu*on  avait  longuement  préparé. 

La  réforme  n'alla  guère  mieux  que  la  guerre.  Le  duc  de 
Bourgogne  l'avait  commencée  à  sa  manière,  rudement. 
Il  avait  rendu  à  Paris  ses  privilèges,  en  y  mettant  un 
prévôt  à  lui,  le  violent  Desessarts.  Il  avait  convoqué  une 
assemblée  générale  de  la  noblesse,  sous  la  présidence  du 
dauphin,  s'emparant  du  dauphin  même  et  mettant  de  côté 
le  vieux  duc  de  Berri. 

Cependant  il  prenait  les  finances  en  main,  destituant  au 

f 
<  •  Mole  carDÎft  gravata  nimlam.  •  Religieux. 


128  LUTTE  DES  DEUX  PARTIS.   —  CABOCHIENS. 

nom  du  roi  et  des  princes  tous  les  trésoriers,  et  mettant  à 
leur  place  des  bourgeois  de  Paris,  des  gens  riches,  timides 
êi  dépendants.  Tous  les  receveurs  devaient  rendre  compte 
à  un  haut  conseil  qu'il  dominait  par  le  comte  de  Saint-Pol. 
Ce  conseil  fit  une  chose  inouïe,  il  interdit  la  Chambre  des 
comptes,  fit  arrêter  plusieurs  de  ses  membres  ^,  et  néan- 
moins il  se  servit  de  ses  registres,  relevant  sur  les  marges 
les  Nimis  habuit  ou  Recuperetur  dont  cette  sage  et  honnête 
compagnie  marquait  les  payements  excessifs.  On  voulait 
s'autoriser  de  ces  notes  pour  tirer  de  l'argent  de  ceux  qui 
avaient  reçu,  ou  même  de  leurs  héritiers. 

Cela  était  inquiétant  pour  beaucoup  de  monde,  suspect 
pour  tous,  d'autant  plus  que  dans  toutes  ces  mesures  on 
voyait  derrière  le  duc  de  Bourgogne,  un  homme  emporté, 
passionné  et  brouillon,  le  nouveau  prévôt  de  Paris,  Deses- 
sarts,  homme  de  peu,  qui  ^  hâtait  de  faire  sa  maio, 
d'enrichir  les  siens,  comme  avait  fait  Hontaigu;  il  l'avait 
mené  au  gibet,  et  il  y  courait  lui-même. 

Tel  était  Paris  ;  hors  de  Paris,  se  formait  un  grand 
orage.  Le  duc  d'Orléans  n'était  qu'un  enfant,  un  nom  ; 
mais  autour  de  ce  nom  se  serraient  naturellement  tous 
ceux  qui  haïssaient  le  duc  ^e  Bourgogne  et  le  roi  de 
Navarre.  D'abord  le  comte  d'Armagnac,  ennemi  du  second 
par  voisinage,  du  premier  pour  avoir  dès  longtemps  été 
forcé  de  céder  le  Charolais  ;  puis  le  duc  de  Bretagne,  les 
comtes  de  Clermont  et  d'Alençon;  enfin,  les  ducs  de  Berri 
et  de  Bourbon,  qui,  se  voyant  comptés  pour  rien  par  le  duc 
de  Bourgogne,  passèrent  de  l'autre  côté.  Ces  princes  s'alliè- 
rent a  pour  la  réforme  de  l'État  et  contre  les  ennemis  du 
royaume.  » 

C'était  aussi  contre  les  ennemis  du  royaume  que  le  duc 
de  Bourgogne  levait  des  troupes  et  demandait  de  l'argent. 
Il  fit  venir  à  Paris  les  principaux  bourgeois  des  villes  de 

«  App.,  116. 


SSSÀIS  DE  RÉFOR&IB  DANS  l'ÉTAT  ET  DANS  l'ÉGLISE.    \29 

France  pour  obtenir,  non  une  taxe,  mais  un  prêt;  les 
Anglais,  disait-il,  menaçaient  de  débarquer.  Les  bourgeois, 

t'sans  délibérer,  répondirent  nettement  que  leurs  villes 
étaient  déjà  trop  chargées,  que  le  duc  de  Bourgogne  n'avait 
qu'à  faire  usage  des  trois  cent  mille  écus  d'or  qui,  disait- 
on,  avaient  été  recouvrés.  Mais  cet  argent  s'était  écoulé 
sans  qu'on  %ût  comment  ^ 

Paris  ne  montrait  pas  plus  de  zèle  que  les  autres  villes  ; 
le  duc  avait  voulu  lui  rendre  ses  armes  et  ses  divisions 
militaires  de  centeniers,  soixanteniers,  cinquanteniers,  etc. 
Les  Parisiens  le  remercièrent,  et  n'en  voulurent  pas,  ne  se 
souciant  pas  de  devenir  les  soldats  du  duc  de  Bourgogne. 
11  n'avait  pu  non  plus  faire  un  capitaine  de  Paris;  la  ville 
prétendit  qu'ayant  eu  un  prince  du  sang  pour  capitaine  (le 
duc  de  Berri),  elle  ne  pouvait  accepter  un  capitaine  de 
moindre  rang. 

Le  duc  de  Bourgogne,  ayant  contre  lui  les  princes,  sans 
avoir  pour  lUi  les  villes,  fut  obligé  de  recourir  à  ses  res- 
sources personnelles.  Il  appela  ses  vassaux.  Une  nuée  de 
Brabançons  vint  s'abattre  sur  la  France  du  nord,  sur  Paris, 
pillant,  ravageant.  Paris,  devenu  sensible  au  mal  général 
par  ses  propres  souffrances,  demanda  la  paix  à  grands  cris. 
Son  organe  ordinaire,  l'Univerçité,  avec  cet  aplomb  propre 
aux  gens  qui  ne  connaissent  ni  les  hommes,  ni  les  choses, 
trouvait  un  moyen  fort  simple  de  tout  arranger,  c'était 
d'exclure  du  gouvernement  les  deux  chefs  de  partis,  les 
ducs  de  Berri  et  de  Bourgogne,  de  les  renvoyer  dans  leurs 
terres,  et  de  prendre  dans  les  trois  États  des  gens  de  bien 
et  d'expérience,  qui  gouverneraient  à  merveille.  Le  duc  de 
Bourgogne  et  le  roi  de  Navarre  accueillirent  d'autant 
mieux  la  chose,  qu'elle  était  impraticable.  Ils  firent  parade 
de  désintéressenxent;  ils  étaient  prêts,  disaient-ik,  soit 
à   servir  TËtat  gratuitement,  en  sacrifiant  même  leurs 

t  App.,  117. 

IV.  0 


430      LOTTE  DIS  DEUX  PARTIS.  —  GABOCHIEKS. 

biens,  ou  encore  à  se  retirer,  si  c'était  l'utilité  du  royaume. 

L'Université  n'eut  pas  à  aller  loin  pour  trouver  le  duc  de 
Berri.  U  était  déjà  avec  ses  troupes  à  Bicétre.  Il  avait 
répondu  à  une  première  ambassade,  qui  lui  demandait  la 
paix  au  nom  du  roi,  que  justement  il  venait  pour  s  en- 
tendre avec  le  roi.  11  reçut  parfaitement  les  députés  de 
r  Université,  goûta  leur  conseil,  répondants  gaiement  : 
«  S'il  faut  pour  gouverner  des  gens  pris  dans  les  trois 
États,  j'en  suis  et  je  retiens  place  dans  les  rangs  de  la 
noblesse.  » 

L'hiver  et  la  faim  forcèrent  pourtant  les  princes  à 
accepter  Texpédient  que  proposait  l'Université.  U  donnait 
satisfaction  à  leur  gloriole.  Le  due  de  Bourgogne  consen- 
tait à  s'éloigner  en  même  temps  qu'eux.  Le  conseil 
devait  être  composé  de  gens  qui  jureraient  de  n'appar- 
tenir ni  à  l'un  ni  à  l'autre.  Le  dauphin  était  remis  à  deui 
seigneurs  nommés,  l'un  par  le  duc  de  Berri,  l'autre  par 
le    duc  de  Bourgogne.  (Paix  de  Bicétre,  4  nov.  4410.] 

Au  fond,  celui-ci  restait  maître.  U  avait  l'air  de  quitter 
Paris,  mais  il  le  gardait.  Son  prévôt,  Desessarts,  qui  devait 
sortir  de  charge,  y  fut  maintenu.  Le  dauphin  n'eut  guère 
autour  de  lui  que  de  zélés  Bourguignons.  Son  chancelier 
était  Jean  de  Nyelle,  sujet  et  serviteur  du  duc  de  Bour^ 
gogne;  ses  conseillers,  le  sire  de  Heilly,  autre  vassal  du 
même  prince,  le  sire  de  Savoisy,  qui  avait  embrassé 
récemment  son  parti,  Antoine  de  Craon,  de  la  famille  de 
l'assassin  de  Clisson,  le  sire  de  Courcelles,  pairent  sans 
doute  du  célèbre  docteur  qui  fut  l'un  des  juges  de  là 
Pucelle,  etc. 

Le  duc  de  Bourgogne  s'était  retiré  conformément  au 
traité.  U  n'armait  pas,  et  ses  adversaires  armaient.  Lrs 
torts  paraissaient  être  du  côté  des  amis  du  duc  d'Orléans. 
Le  conseil  du  dauphin,  pour  mieux  faire  croire  à  son 
impartialité,  s'adjoignit  le  Parlement,  quelques  évéques, 
quelques  docteurs  de  l'Université,  plusieurs  notables  bour- 


ESSAIS  DE.BÉFORME  DANS  l'ÉTAT  ET  DANS  L'ÉGLISE.    131 

geois,  et,  au  nom  de  cette  assemblée,  if  défendit  aux  ducs 
d'Orléans  et  de  Bourgogne  d'entrer  dans  Paris. 

La  défense  était  dérisoire;  ce  dernier  était  en  réalité  si 
bien  présent  dans  Paris,  qu'à  ce  moment  même  il  décidait 
la  ville  alarmée  à  prendre  pour  capitaine  un  homme  à  lui, 
le  comte  de  Saint-Pol. 

U  s'agissait  de  mettre  Paris  en  défense.  On  proposa  une 
taxe  générale  dont  personne  ne  serait  exempt,  ni  le  clergé, 
ni  l'Université.  Mais  leur  zèle  n'alla  pas  jusque-là  pour  le 
parti  de  Bourgogne;  à  ce  mot  d'argent,  ils  se  soulevèrent. 
Le  chancelier  de  Notre-Dame,  parlant  au  nom  des  deux 
corps,  déclara  qu'ils  ne  pouvaient  donner  ni  prêter  ;  qu'ils 
avaient  bien  de  la  peine  à  vivre;  qu'on  savait  bien  que  si 
les  finances  du  roi  n'étaient  dilapidées,  il  entrerait  tous  les 
mois  deux  cent  mille  écus  d'or  dans  ses  coffres  ;  que  les 
biens  de  FËglise^  amortis  depuis  longtemps,  n'avaient  rien 
à  voir  avec  les  taxes.  Enfin  il  s'emporta  jusqu'à  dire  que, 
lorsqu'un  prince  opprimait  ses  sujets  par  d'injustes  exac- 
tions, c'était,  d'après  les  anciennes  histoires,  un  cas  légi- 
time de  le  déposer  ^. 

Cette  hardiesse  extraordinaire  de  langage  indiquait  assez 
que  le  clergé  etTUniyersité  ne  seraient  point  pour  le  parti 
bourguignon  un  instrument  docile.  Le  nouveau  capitaine  de 
Paris  chercha  ses  alliés  plus  bas;  il  s'adressa  aux  bouchers. 
Ce  fut  un  curieux  spectacle  de  voir  le  comte  de  Saint-Pol, 
de  la  maison  de  Luxembourg,*  cousin  des  Empereurs  et  du 
chevaleresque  Jean  de  Bohème,  partager  sa  charge  de 
capitaine  de  Paris  avec  les  Legoix  <  et  autres  bouchers  ;  de 
le  voir  armer  ces  gens,  marcher  dans  Paris  de  front  avec 
cette  milice  royale,  les  charger  de  faire  les  affaires  de  la 
ville,  et  de  poursuivre  les  Orléanais.  D  risquait  gros  en 

«  App.,  |18. 

*  Pea  après,  nom  Toyons  le  dac  ne  Boargogne  assister  anx  obsèques 
da  boucher  Legoix  :  •  Et  iui  flt-on  moult  honorables  obsèques,  aatani 
que  si  c^eust  été  an  grand  comte.  •  Juvénal. 


132      LUTTB  DES  DEUX  PARTIS.  —  CABOCHIENS. 

s'alliant  ainsi.  Il  croyait  tenir  les  bouchers  ;  n'étaient-ce 
pas  eux  qui  allaient  bientôt  le  tenir  lui-môme?  Le  comte 
de  Saint-Pol  et  son  maître  le  duc  de  Bourgogne  mettaient 
là  en  mouvement  une  formidable  machine  ;  mais,  le  doigt 
pris  dans  les  roues,  ils  pouvaient  fort  bien,  doigt,  tète  et 

..  corps,  y  passer  tout  entiers. 

;  Je  ne  sais  au  reste  s'il  y  avait  moyen  d'agir  autrement. 
Tout  esprit  de  faction  à  part,  Paris,  au  milieu  des  bandes 
qui  venaient  batailler  autour,  avait  grand  besoin  de  se 
garder  lui-même.  Or,  depuis  la  punition  des  Maillotins  et 
le  désarmement,  les  seuls  des  habitants  qui  eussent  le  fer 
en  main  et  l'assurance  que  donne  le  maniement  du  fer, 
c'étaient  les  bouchers.  Les  autres,  comme  on  l'a  vu, 
avaient  refusé  de  reprendre  leurs  centenîers,  de  crainte 
de  porter  les  armes.  Les  gentilshommes  du  comte  de  Saiat- 
Pol  n'auraient  pas  suiB,  ils  auraient  même  été  bientôt 
suspects,  si  on  ne  les  eût  vus  toujours  à  côté  d'une  milice, 
brutale,  il  est  vrai,  violente,  mais  après  tout,  parisienne  et 
intéressée  à  défendre  Paris  du  pillage.  Quelque  peur  qnoD 
eût  des  bouchers,  on  avait  bien  autrement  peur  des 
innombrables  pillards  qui  venaient  jusqu'aux  portes  ob- 
server, tàter  la  ville,  et  qui  auraient  fort  bien  pu,  si  elle 
n'eut  pris  garde  à  elle,  l'enlever^par  un  coup  de  main  '. 

C'était  une  terrible  chose,  pour  la  gent  innocente  et 
pacilique  des  bourgeois,  de  voir  du  haut  de  leurs  clochers 
le  double  flot  des  populations  du  Midi  et  du  Nord  qui 
battait  leurs  nmrs.  On  eût  dit  que  les  provinces  extrêmes 
du  royaume,  longtemps  sacrifiées  au  centre,  venaient 
prendre  leur  revanche.  La  Flandre  se  souvenait  de  sâ 
défaite  de  Roosebeke.  Le  Languedoc  n'avait  pas  oubUé  les 
guerres  des  Albigeois,  encore  moins  les  exactions  récentes 
des  ducs  -d'Anjou  et  de  Berri.  Ce  que  le  centre  avait  gagné 


1  Dins  une  de  ces  alarmes,  on  fit  Iog';r  le  roi  aa  Palais  avec  une  forte 
troupe  de  gens  d'armes,  au  grand  effroi  du  greiQer.  App,  li9« 


ESSAIS  DE  REFORME  DANS  l'ÉTAT  ET  DANS  l'ÉGLISE.    133 

par  l'attraction  monarchique,  il  le  rendit  avec  usure.  Le 
Nord,  le  Midi,  TOuest,  envoyèrent  ici  tout  ce  qu^ils  avaient 
de  bandits. 

D*abord  pour  défendre  Paris  contre  les  gens  du  Midi 
qu'amenait  le  duc  d'Orléans,  arrivèrent  les  Brabançons 
mercenaires  du  duc  de  Bourgogne.  Pour  mieux  le  dé- 
fendre, ils  ravagèrent  tous  les  environs,  pillèrent  Saint- 
Denis.  Autres  défenseurs,  les  gens  des  communes  de 
Flandre  ;  ceux*ci,  gens  intelligents  qui  savaient  le  prix 
des  choses,  pillaient  méthodiquement,  avec  ordre,  à  fond, 
de  manière  à  faire  place  nette  ;  puis  ils  emballaient  pro- 
prement. De  guerre,  il  ne  fallait  pas  leur  en  parler;  ce 
n'était  pas  pour  cela  qu'ils  étaient  venus.  Leur  comte  avait 
beau  les  prier,  chapeau  bas,  de  se  battre  un  peu,  ils  n'en 
tenaient  compte.  Quand  ils  avaient  rempli  leurs  char- 
rettes i,  les  seigneurs  de  Gand  et  de  Bruges  reprenaient, 
quoi  qu'on  put  leur  dire,  le  chemin  de  leur  pays. 

Mais  la  grande  foule  des  pillards  venait  des  provinces 
nécessiteuses  de  l'Ouest  et  du  Midi.  La  campagne,  à  la 
voir  au  loin,  était  toute  noire  de  ces  bandes  fourmillantes; 
gueux  ou  soldats,  on  n'eût  pu  le  dire;  qui  à  pied,  qui  à 
cheval,  à  àne;  bétes  et  gens  maigres  et  avides,  à  faire 
frémir,  comme  les  sept  vaches  dévorantes  du  songe  de 
Pharaon. 

Démêlons  cette  cohue.  D'abord  il  y  avait  force  Bretons. 
Les  familles  étaient  d'ftutant  plus  nombreuses,  en  Bre- 
tagne, qu'elles  étaient  plus  pauvres.  C'était  une  idée  bre- 


*  Deux  mille  charrettes,  selon  Meyer;  dooze  mille,  selon  Monstrelet.-» 
«  Lear  requist  bien  insummenl  qu'ils  le  voulsisscnt  servir  encore  huit 
jours...  Commencèrent  à  crier  à  hauUe  voix:  Wapf  wnp!  (qui  est  à 
dire  en  francois  :  A  l'arme!  à  l'arme!)...  boutèrent  le  feu  par  ions  leurs 
logis,  en  criant  de  rechef  tons  ensemble  :  Gau  !  gauf  se  départirent  et 
prirent  leur  chemin  yers  leurs  pays...  Le  duc  de  Bourgogne...  le  chape- 
ron 6té  hors  de  la  tète  devant  eux,  leur  pria  à  mains  jointcà  Ircs-hum- 
blcment.,.  eux  disant  et  appelant  frères,  compains  et  amis...  »  Mons- 
uelet. 


434      LDTTB  DES  DECX  PARTIS.  —  CABOCHIEXS. 

tonne  d'avoir  le  plus  d'enfants  possible,  c'est-à-dire  plus 
de  soldats  qui  allassent  gagner  au  loin  et  qui  rappor- 
tassent ^.  Dans  les  vraies  usances  bretonnes,  la  maison 
paternelle,  le  foyer  restait  au  plus  jeune  *;  les  aînés 
étaient  mis  dehors  ;  ils  se  jetaient  dans  une  barque,  ou  sui 
un  mauvais  petit  cheval,  et  tant  les  portait  la  barque  o^ 
l'indestructible  béte,  qu'ils  revenaient  au  manoir  rëfaits 
vêtus  et  passablement  garnis. 

En  Gascongne,  un  droit  différent  produisait  les  mêmes 
effets.  L'alné  restait  fièrement  au  castel,  sur  sa  roche,  sans 
vassal  que  lui-même,  et  se  servant  par  simplicité.  Les 
cadets  s'en  allaient  gaiement  devant  eux,  tant  que  la  terre 
s'étendait,  bons  piétons,  comme  on  sait,  allant  à  pied  par 
goût,  tant  qu'ils  ne  trouvaient  pas  un  cheval,  riches  d'une 
épée  de  famille,  d'un  nom  sonore  et  d'une  cape  percée  ; 
du  reste  nobles  comme  le  roi,  c'est-à-dire  comme  lui  sans 
fief  3,  et  n'en  levant  pas  moins  quint  et  requint  sur  la  terre, 
péage  sur  le  passant. 

Ce  vieux  portrait  du  Gascon,  pour  être  vieux,  n'est  pas 
moins  ressemblant,  et  je  crois  que,  mutatismutandis^  il  en 
reste  quelque  chose.  Tels  les  peint  la  chronique  dès  le 
temps  du  bon  roi  Robert  ^  ;  tels  au  temps  des  Planta- 
genets  ^  ;  tels  sous  Bernard  d'Armagnac,  et  enfin  sous 
Henri  IV.  L'excellent  baron  de  Feneste  ^  n'exprime  pas 
seulement  l'invasion  des  intrigants  du  Midi  sous  le  Béar- 
nais ;  plus  sérieux  en  apparence,  moins  amusant,  moins 
gfxsconnantf  ce  baron  subsiste.  Alors,  aujourd'hui  et  tou- 
jours, ces  gens    ont   exploité   de  préférence  un  fonds 


*  Quelquefois  cinquante  enfants,  de  dix  femmes  différentes...  (Gaii- 
laame  de  Poitiers.) 

«  App.,  120. 

*  Le  roi  n'en  est  pas  moins  le  grand  fieffeux;  il  n'a  rien  et  il  a  Umt. 
A  Voir  au  tome  II,  ceux  qui  vinrent  avec  la  reine  Constance. 

^  V.  loines  II  et  UI.   Sous  la  plupart  de  ces  princes,  anx  xu*  et 
xiu*  siècles,  les  Poitevins  et  les  Gascons  gourernôrent  TAngletem. 

*  Âveolurcs  du  baron  do  Fcneslc  (par  d'Aubigné),  1620. 


ESSAIS  Dl  RÉFORME  DANS  l'ÉTAT  BT  DANS  L*ÉGLISE.    135 

excellent,  la  simplicité  et  la  pesanteur  des  hommes  du 
Nord.  Aussi  émigraient-ils  volontiers.  Ce  n*était  pas  pour 
bâtir,  comme  les  Limousins,  ni  pour  porter  et  vendre, 
comme  les  gens  d'Auvergne.  Les  Gascons  no  vendaient 
qu'eux-mêmes.  Comme  soldats,  comme  domestiques  dos 
princes,  ils  servaient  pour  devenir  maîtres.  Ne  leur  parlez 
pas  d'être  ouvriers  ou  marchands;  ministres  ou  rois,  à  la 
bonne  heure!  Il  leur  faut,  non  pas  ce  que  demandait 
Sancho,  une  toute  petiit  île^  mais  bien  un  royaume,  un 
royaume  de  Naplcs,  de  Portugal,  s'il  se  pouvait  ;  de  Suède 
au  moins  ^,  ils  s'en  contenteront,  hommes  honnêtes  et 
modérés.  Tout  le  monde  ne  peut  pas,  comme  le  meunier 
du  moulin  de  Barbaste  ',  gagner  Paris  pour  une  messe. 

Quoique  au  fond  le  caractère  ait  peu  changé,  nous  ne 
devons  pas  nous  figurer  les  méridionaux  d'alors,  comme 
nous  les  voyons  et  les  comprenons  aujourd'hui.  Tout 
autres  ils  apparurent  à  nos  gens  du  xv«  siècle,  lorsque  les 
oppositions  provinciales  étaient  si  rudement  contrastées, 
et  encore  exagérées  par  l'ignorance  mutuelle.  Ce  Midi  fit 
horreur  au  Nord.  La  brutalité  provençale,  capricieuse  et 
violente;  l'âpreté  gasconne,  sans  pitié,  sans  cœur,  faisant 
le  mal  pour  en  rire  ;  les  durs  et  intraitables  montagnards 
du  Rouergue  et  des  Cévennes,  les  sauvages  Bretons  aux 
cheveux  pendants,  tout  cela  dans  la  saleté  primitive, 
baragouinant,  maugréant  dans  vingt  langues,  que  ceux  du 
nord  croyaient  espagnoles  ou  mauresques.  Pour  mettre  la 
confusion  au  comble,  il  y  avait  parmi  le  tout  des  bandes 
de  soldats  all^nands,  d'autres  de  lombards.  Cette  diversité 
de  langues  était  une  terrible  barrière  entre  les  hommes, 
une  des  causes  pour  lesquelles  ils  se  haïssaient  sans  savoir 
pourquoi.  Elle  rendait  la  guerre  plus  cruelle  qu'on  ne  peut 
se  le  figurer.  Nul  moyen  de  s'entendre,  de  se  rapprocher. 

'  L'affaire  de  Portugal,  pour  être  moins  éelairtie,  n'en  est  pas  moins 
probable. 
*  C'est  le  Eobriqaet  d'amitié  que  les  Gascons  donnaient  à  lear  Henri. 


136  LUTTE  DBS  DEUX  PARTIS.   —  CABOCfilENS. 

Le  vaincu  qui  ne*  peut  parler  se  trouve  sans  ressource^  le 
prisonnier  sans  moyen  d'adoucir  son  maître.  L*homme  à 
terre  voudrait  en  vain  s'adresser  à  celui  qui  va  Tégorger  ; 
Tun  dit  grâce,  Tautre  répond  mort. 

Indépendamment  de  ces  antipathies  de  langage  et  de 
race,  dans  une  même  race,  dans  une  même  langue,  les 
provinces  se  haïssaient.  Les  Flamands,  même  de  langue 
wallonne,  détestaient  les  chaudes  têtes  picardes  i.  Les 
Picards  méprisaient  les  habitudes  régulières  des  Normands, 
qui  leur  paraissaient  serviles  ^.  Voilà  pour  la  langue  d'oil. 
Dans  la  langue  d'oc,  les  gens  du  Poitou  et  de  la  Saintonge, 
haïs  au  Nord  comnie  méridionaux,  n'en  ont  pas  moins  fait 
des  satires  contre  les  gens  du  Midi,  surtout  contre  les 
Gascons  5. 

Au  bout  de  cette  échelle  de  haines,  par  delà  Bordeaux 
et  Toulouse,  se  trouve,  au  pied  des  Pyrénées,  hors  des 
routes  et  des  rivières  navigables,  un  petit  pays  dont  le 
nom  a  résumé  toutes  les  haines  kIu  Midi  et  du  Nord.  Ce 
nom  tragique  est  celui  d'Armagnac. 

Rude  pays,  vineux,  il  est  vrai,  mais  sous  les  grêles  de 
la  montagne,  souvent  fertile,  souvent  frappé.  Ces  gens 
d'Armagnac  et  de  Fézenzac,  moins  pauvres  que  ceux  des 
Landes,  furent  pourtant  encore  plus  inquiets.  De  bonne 
heure,  leurs  comtes  déclarent  qu'ils  ne  veulent  dépendre 
que  de  Sainte-Marie  d'Auch,  et  ensuite  ils  battent  et  pillent 
l'archevêque  d'Auch  pendant  près  de  deux  siècles.  Persé- 
cuteurs assidus  des  églises,  excommuniés  de  génération 
en  génération,  ils  vécurent,  la  plupart,  en  vrais  fils  du 
diable. 

«  Monstrelet. 

*  Je  lis  dans  nne  lettre  de  grâce  qae  des  Picards  entendant  parler 
d'une  somme  de  800  livres,  que  le  capitaine  de  Gisors  exigeait  des  Nor- 
mands, disaient  :  «  Se  c'estoit  en  Picardie,  Ton  abateroit  les  maisons  de 
ceniz  qui  se  acorderoient  de  les  paier.  «  Archivet,  Trètor  des  Chartrett 
Registres  148,  Si4;  ann,  1395. 

'  D'Aubignë,  l'autear  du  Baron  de  F«neste>  était  né  en  Saintonge, 
établi  en  Poitou. 


ESSAIS  DE  REFORME  DANS  L  ÉTAT  ET  DANS  l'ÉGLISE.  137 

Lorsque  le  terrible  Simon  de  Montfort  tomba  sur  le  Midi, 
comme  le  jugement  de  Dieu,  ils  s*amendèrent^  lui  firent 
hommage,  puis  au  comte  de  Poitiers.  Saint  Louis  leur 
donna  plus  d'une  sévère  leçon.  L*un  d'eux  fut  mis,  pour 
réfléchir  deux  ans,  dans  le  château  de  Péronne.  Us  finirent 
par  comprendre  qu*ils  gagneraient  plus  à  servir  le  roi  de 
France;  la  succession  de  Rhodez,  si  éloigné  de  l'Arma- 
gnac, les  engagea  d^ailleurs  dans  les  intérêts  du  royaume. 

Les  Armagnacs  devinrent  alors,  avec  les  Albret,  les 
capitaines  du  Midi  pour  le  roi  de  France.  Battants,  battus, 
toujours  en  armes,  ils  menèrent  partout  les  Gascons, 
jusqu'en  Italie.  Ils  formèrent  une  leste  etinfatigable  infan- 
terie, la  première  qu  ait  eue  la  France.  Ils  poussaient  la 
guerre  avec  une  violence  inconnue  jusque-là,  forçant  tout 
le  monde  à  prendre  la  croix  blanche,  coupant  le  pied,  le 
poing,  à  qui  refusait  de  les  suivre  *. 

Nos  rois  les  comblèrent.  Ils  les  étouffèrent  dans  For.  Ils 
les  firent  généraux,  connétables.  C'était  méconnaître  leur 
talent;  ces  chasseurs  des  Pyrénées  et  des  Landes,  ces 
lestes  piétons  du  Midi,  valaient  mieux  pour  la  petite 
guerre  que  pour  commander  de  grandes  armées.  Les 
comtes  d'Armagnac  furent  faits  deux  fois  prisonniers  en 
Lombardie.  Le  connétable  d' Albret  conduisait  malheureu- 
sement Tarmée  d'Azincourt. 

C'était  trop  faire  pour  eux,  et  Ton  fit  encore  davantage. 
Nos  rois  crurent  s'attacher  ces  Armagnacs  en  les  mariant 
à  des  princesses  du  sang.  Voilà  ces  rudes  capitaines  gas- 
cons qui  se  décrassent,  prennent  figure  d'homme  et  devien* 
nent  des  princes.  On  leur  donne  en  mariage  une  petite-fille 
de  saint  Louis.  Qui  ne  les  croirait  satisfaits?  Chose  étrange 
et  qui  les  peint  bien  :  à  peine  eurent-ils  cet  excès  d'honneur 
de  s'allier  à  la  maison  royale,  qu'ils  prétendirent  valoir 
mieux  qu'elle,  et  se  fabriquèrent  tout  doucement  une 

m 


138      LUTTE  DES  DEUX  PARTIS.  —  CABOCHIENS. 

généalogie  qui  les  rattachait  aux  anciens  ducs  d'Aquitaine, 
légitimes  souverains  du  Midi,  d'autre  part  aux  Mérovin- 
giens, premiers  conquérants  de  la  France.  Les  Capétiens 
étaient  des  usurpateurs  qui  détenaient  le  patrimoine  de  la 
maison  d'Armagnac. 

Tout  Français  et  princes,  qu'ils  étaient  devenus,  le  na- 
turel diabolique  reparaissait  à  tout  moment.  L'an  d'eux 
épouse  sa  belle-sœur  (pour  garder  la  dot)  ;  un  aatre  sa 
propre  sœur,  avec  une  fausse  dispense.  Bernard  YII,  comte 
d'Armagnac,  qui  fut  presque  roi  et  finit  si  mal,  avait  com- 
mencé par  dépouiller  son  parent,  le  vicomte  de  Fézenza- 
guet,  le  jetant  avec  ses  fils,  les  yeux  crevés,  dans  une  ci- 
terne. Ce  même  Bernard,  se  déclarant  ensuite  seniteur 
du  duc  d'Orléans,  fit  bonne  guerre  aux  Anglais,  leur  re- 
prit soixante  petites  places.  Au  fond,  il  ne  travaillait  que 
pour  lui-môme  :  quand  le  duc  d'Orléans  vint  en  Guienne, 
il  ne  le  seconda  pas.  Mais,  dès  que  le  prince  fut  mort,  le 
comte  d'Armagnac  se  porta  pour  son  ami,  pour  son  ven- 
geur ;  il  saisit  hardiment  ce  grand  rôle,  mena  tout  le  Midi 
au  ravage  du  Nord,  fit  épouser  sa  fille  au  jeune  duc  d'Or- 
léans, lui  donnant  en  dot  ses  bandes  pillardes  et  la  malé- 
diction de  la  France. 

'  Ce  qui  rendit  ces  Armagnacs  exécrables,  ce  fut,  cuire 
leur  férocité,  la  légèreté  impie  avec  laquelle  ils  traitaient 
les  prêtres,  les  églises,  la  religion.  On  aurait  dit  une  ven- 
geance d'Albigeois,  ou  l'avant-goût  des  guerres  protes- 
tantes. On  l'eût  cru,  et  l'on  se  fût  trompé.  C'était  légèreté 
gasconne  S  ou  brutalité  soldatesque.  Probablement  aussi, 
dans  leur  étrange  christianisme ,  ils  pensaient  que  c'était 
bien  fait  de  piller  les  saints  de  la  langue  d'oil,  qu'à  coup 
sûr  ceux  de  la  langue  d'oc  ne  leur  en  sauraient  pas  mau- 
vais gré.  Ils  emportaient  les  reliquaires  sans  se  soucier  des 
reliques;  ils  faisaient  du  calice  un  gobelet  Jetaient  les  hos- 

• 

>  App,,  123. 


ESSAIS  DB  RÉFORME  DANS  L'ÊTAt  ET  DANS  L'ÉGUSE.    \  39 

fies.  Us  remplaçaient  volontiers  leurs  pourpoints  percés 
par  des  ornements  d'église  ;  d'une  chape  ils  se  taillaient 
une  cotte  d'amies,  d'un  coxporal  un  bonnet. 

Arrivés  devant  Paris,  ils  avaient  pris  Saint-Denis  pour 
centre,  ils  logèrent  dans  la  petite  ville  et  dans  la  riche 
abbaye.  La  tentation  était  grande.  Les  religieux,  de  peur 
d'accidents,  avaient  fait  enfouir  le  trésor  du  bienheureux; 
mais  ils  n'avaient  pas  songé  à  prendre  la  même  précaution 
pour  la  vaisselle  d'or  et  d'argent  que  la  reine  leur  avait 
confiée.  Un  matin,  après  la  messe,  le  comte  d'Axmagnac 
réunit  au  réfectoire  l'abbé  et  les  religieux  ;  il  leur  expose 
que  les  princes  n'ont  pris  les  armes  que  pour  délivrer  le 
roi  et  rétablir  la  justice  dans  le  royaume,  que  tout  le  monde 
doit  aider  à  une  si  louable  entreprise.  «  Nous  attendons 
de  l'argent,  dit-il,  mais  il  n'arrive  pas;  la  reine  ne  sera  pas 
fâchée,  j  en  suis  sûr,  de  nous  prêter  la  vaisselle  pour  payer 
nos  troupes;  messieurs  les  princes  vous  en  donneront 
bonne  décharge,  scellée  de  leur  sceau.  »  Cela  dit,  sans  s'ar- 
rêter aux  représentations  des  religieux,  il  se  fait  ouvrir  la 
porte  du  Trésor,  entre,  le  marteau  à  la  main»  et  force  les 
cofires.  Encore  né  craignit-il  pas  de  dire  que  si  cela  ne 
suffisait  pas,  il  faudrait  bien  aussi  que  le  trésor  du  saint 
contribuât.  Les  moines  se  le  tinrent  pour  dit,  et  firent 
sortir  de  l'abbaye  ceux  des  leurs  qui  connaissaient  la  ca- 
chette t. 

Des  gens  qui  prenaient  de  telles  libertés  avec  les  saints 
ne  pouvaient  pas  être  fort  dévots  à  l'autre  religion  de  la 
France,  la  royauté*  Ce  roi  fou  que  les  gens  du  Nord,  que 
Paris,  au  milieu  de  ses  plus  grandes  violences,  ne  voyaient 
qu'avec  amour,  ceux  du  Midi  n'y  trouvaient  rien  que  de 
risible.  Quand  ils  prenaient  un  paysan,  et  que,  pour 
s'amuser,  ils  lui  coupaient  les  oreilles  ou  le  nez  :  «  Va, 
disaient-ils;  va  maintenant  te  montrer  à  ton  idiot  de  roi*.» 

*  App.,  123. 

*  •  Ite  ad  regem  vestnim  insannm,  innlilem  et  captivum.  *  Reiigieiix. 


140      LUTTB  DBS  DEUX  PARTIS.  —  CABOCDIKNS. 

Ces  dérisions,  ces  impiétés,  ces  cruautés  atroces,  ren- 
dirent service  au  duc  de  Bourgogne.  Les  villes  affamées  par 
les  pillards  tournèrent  contre  le  duc  d'Orléans.  Les  paysans, 
désespérés,  prirent  la  croix  de  Bourgogne,  et  tombèrent 
souvent  sur  les  soldats  isolés.  Avec  tout  cela,  il  n'y  avait 
guère  en  France  d'autre  force  militaire  que  les  Armagnacs. 
Le  duc  de  Bourgogne,  ne  pouvant  leur  faire  lâcher  Paris, 
qu'ils  serraient  de  tous  côtés,  eut  recours  à  la  dernière,  à 
la  plus  dangereuse  ressource  :  il  appela  les  Anglais  <. 

Les  choses  en  étaient  venues  à  ce  point,  que  les  Anglais 
étaient  moins  odieux  aux  Français  du  Nord  que  les  Fran- 
çais du  Midi.  Le  duc  de  Bourgogne  conclut  d'abord  une 
trêve  marchande  avec  les  Anglais,  dans  l'intérêt  delà 
Flandre  ;  puis  il  leur  demanda  des  troupes,  offrant  de 
donner  une  de  ses  filles  en  mariage  au  fils  atné  d'Henri  IV 
{\^^  septembre  14H).  Quelles  furent  les  conditions,  quelle 
part  da  la  France  leur  promit-il?  Bien  ne  l'indique.  Le 
parti  d'Orléans  publia  qu'il  faisait  hommage  de  la  Flandre 
à  l'Anglais,  et  s'engageait  à  lui  faire  rendre  la  Guienneet 
la  Normandie. 

L'arrivée  des  troupes  anglaises  fit  refluer  les  Armagnacs 
de  Paris  à  la  Loire,  jusqu'à  Bourges,  jusqu'à  Poitiers.  Ils 
perdirent  môme  Poitiers;  mais  les  princes  tinrent  dans 
Bourges,  où  le  duc  de  Bourgogne  vint  les  assiéger  avec  les 
Anglais,  avec  le  roi,  qu'il  traînait  partout.  Néanmoins,  le 
siège  fut  long.  Le  manque  de  vivres ,  les  exhalaisons  des 
marais,  des  champs  pleins  de  cadavres,  la  peste  enfin, 
qui/ du  camp,  se  répandit  dans  le  royaume,  déci- 
dèrent les  deux  partis  à  une  vaine  et  fausse  paix,  qui  fut 


i  Selon  le  Religieux  de  Saint-Denis,  qui  prit  des  informations  à  ce 
sujet,  le  duc  d'Orléans  pria  le  roi  d* Angleterre,  au  nom  de  la  parenté 
qui  les  unissait»  de  ne  pas  envoyer  de  troupes  à  son  adversaire. 
Henri  IV  répondit  qu'il  avait  craint  de  soulever  les  Anglais  (alliés  des 
Flaraands)^  et  qu'il  avait  accepté  les  offres  du  duc  de  Bourgogne. 

*  Uymer. 


ESSAIS  m  RiFORMB  DANS  L'ÉTAT  ET  DANS  L'ÉGLISE.    U1 

%  peine  une  trêve  (traité  de  Bourges,  ^5  juillet  U12).  Le 
duc  de  Bourgogne  promettait  ce  qu'il  ne  pouvait  tenir, 
d'obliger  les  siens  à  rendre  aux  princes  leurs  biens  confis- 
qués. Tout  ce  que  le  duc  d'Orléans  y  gagna,  ce  fut  de  faire 
quelque  réparation  à  la  mémoire  de  Montaîgu  ;  le  prévôt 
de  Paris  alla  détacher  son  corps  du  gibet  de  Montfaucon  et 
le  fit  enterrer  honorablement. 

Cependant  les  Orléanais,  voyant  que  leur  adversaire  ne 
les  avait  chassés  que  par  le  secours  de  l'Anglais,  essayaient 
de  le  détacher  à  tout  prix  du  Bourguignon.  Celui-ci,  au 
contraire,  était  déjà  las  de  ses  alliés,  et  il  avait  envoyé  des 
troupes  pour  les  combattre  en  Guienne.  Le  comte  d'Ar- 
magnac prit  à  l'instant  la -croix  rouge,  et  se  fit  Anglais, 
confirmant  ainsi  les  accusations  du  duc  de  Bourgogne.  Il 
avait  fait  publier  à  grand  bruit  dans  Paris  qu'on  avait  saisi 
sur  un  moine  les  papiers  des  princes  et  les  propositions 
qu'ils  faisaient  aux  ennemis.  Ils  avaient  fait  serment,  disait- 
on,  de  tuer  le  roi,  de  brûler  Paris,  de  partager  la  France. 
Cette  bizarre  invention  du  parti  de  Bourgogne  produisit  le 
plus  grand  effet  à  Paris*.  Les  gens  de  l'Université,  les 
bourgeois,  tout  le  peuple,  les  femmes  et  les  enfants,  pro- 
nonçaient mille  imprécations  contre  ceux  qui  livraient 
ainsi  le  roi  et  le  royaume.  Le  pauvre  roi  pleurait,  et  de- 
mandait ce  qu'il  fallait  faire. 

Le  traité  réel  était  assez  odieux  sans  y  ajouter  ces  fablos  : 
les  princes  faisaient  hommage  à  l'Anglais,  s'engageaient  à 
lui  faire  recouvrer  ses  droits,  et  lui  remettaient  vingt  places 
dans  le  Midi.  Pour  tant  d'avantages,  il  ne  laissait  aux  ducs 
de  Berri  et  d'Orléans,  le  Poitou,  l'Angoumois  et  le  Péri- 
gord,  que  leur  vie  durant.  Le  seul  comte  d'Armagnac  con- 
servait tous  ses  fiefs  à  perpétuité.  Le  traité  visiblement  était 
son  ouvrage*  (48  mai  U12). 

Ainsi,  des  princes  sans  cœur  jouaient  tour  à  tour  à  ce  jeu 

*  App,,  i%ï.  ^  *  Rymer. 


442      LOTIS  DBB  DEUX  FABTIS.  -*  CABOGBIE!». 

funeste,  d'appeler  rennemi  du  royaume.  La  chose  était 
pourtant  sérieuse*  Us  8*en  seraient  aperçus  bientôt,  si  la 
mort  d'Henri  lY  n'eût  donné  un  répit  à  la  France*  Trahie 
par  les  deux  partis,  n'ayant  rien  à  attendre  que  d'elle,  elle 
va  essayer  dans  ceiintervaile  de  faiie  ses  affaires  ella-mâme. 
En  est-elle  déjà  capable?  on  peut  en  douter. 

Pans  cette  période  de  cinq  imnées,  entre  on  crime  et 
un  crime,  le  meurtre  du  duc  d'Orléans  et  le  traité  avec 
l'Anglais,  les  partis  ont  prouvé  leur  impuissance  pour  la 
paix  et  pour  la  guerre;  trois  traités  n'ont  servi  qu*à  eni^e- 
nimer  les  haines. 

Est-ce  à  dire  pourtant  que  ces  tristes  années  aient  été 
perdues,  que  le  temps  ait  coulé  en  vain?...  Non,  il  n'y  a 
point  d'années  perdues  ;  le  temps  a  porté  son  fruit.  D'aboïd, 
les  deux  moitiés  de  la  France  se  sont  rapprochées,  il  est 
vrai,  pour  se  haïr;  le  Midi  est  venu  visiter  le  Nord,  comme 
au  temps  des  Albigeois  le  Nord  visita  le  Midi.  Ces  rappro- 
chements, même  hostiles,  étaient  pourtant  nécessaires; 
il  fallait  que  la  France,  pour  devenir  une  plus  tard,  se 
connût  d'abord,  qu'elle  se  vit,  comme  elle  était,  diverse 
encore  et  hétérogène. 

Ainsi  se  prépare  de  loin  l'unité  de  la  nation.  Déjà  le 
sentiment  national  est  éveillé  par  les  fréquents  appds  à 
l'opinion  publique,  que  Cotnt  les  partis  dans  cette  courte 
période.  Ces  manifestes  continuels  pour  ou  contre  le  doc 
de  Bourgogne  ^,  ces  prédications  politiques  dans  Tintérêt 
des  factions,  ces  représentations  théâtrales  où  la  foule  est 
admise  comme  témoin  des  grands  actes  poUtiques,  l'écha- 
faud  de  Chartres,  le  sermon  de  la  NeutraUté,  tout  cela, 
c'est  déjà  implicitement  un  appel  au  peuple. 

Dans  les  pédantesques  harangues,  du  temps,  parmi  los 
violences,  les  mensonges,  parmi  le  sang  et  la  boue,  iJ  y  a 

•  App.,  125. 


ESSAIS  DE  REFORME  DANS  l'ÉTAT  £T  DANS  l'ÉGLISE.    U3 

pourtant  une  chose  qui  fait  la  force  du  parti  de  Bourgogne, 
si  souillé  et  si  coupable,  à  savoir  :  l'aveu  solennel  de  la 
responsabilité  des  puissants,  des  princes  et  des  rois.  L'Uni- 
*  versité  professe  cette  doctrine  alors  inouïe,  qu'un  roi  qui 
accable  ses  sujets  d'exactions  injustes  peut  et  doit  être 
déposé.  Cette  parole  est  réprouvée;  mais  ne  croyez  pas 
qu'elle  tombe.  Des  pensées  inconnues  fermentent.  C'est  vers 
cette  époque,  ce  semble,  qu'au  front  même  de  la  cathédrale 
de  Chartres,  témoin  de  l'humiliation  des  princes,  im 
sculpte  une  figure  nouvelle,  celle  de  la  Liberté*;  liberté 
morale,  sans  doute,  mais  l'idée  de  la.  libellé  politique  s'y 
mêle  et  s'y  ajoute  peu  à  peu. 

Le  duc  de  Bourgogne  était  bien  indigne  d'être  le  repré- 
sentant du  principe  moderne.  Ce  principe  ne  se  démêle  en 
lui  qu'à  travers  la  double  laideur  du  crime  et  des  contra- 
dictions. Le  meurtrier  vient  pavler  d'ordre,  de  réforme  et 
de  bien  public  ;  il  vient  attester  les  lois,  lui  qui  a  tué  la  loi; 
nous  allons  pourtant  voir  paraître,  sôus  les  auspices  de  cet 
odieux  parti,  la  grande  ordonnance  du  xv«  siècle. 

Autre  bizarrerie.  Ce  prince  féodal,  qui  vient,  à  la  tête 
d'une  noblesse  acharnée,  d'exterminer  la  commune  de 
Liège,  il  puise  dans  cette  victoire  même  la  force  qui  relève 
la  commune  de  Paris  ;  là-bas  prince  des  barons,  ici  prince 
des  bouchers. 

Ces  contradictions  font,  nous  l'avons  dit,  la  laideur  du 
siècle,  celle  surtout  du  parti  bourguignon.  Le  chef,  au 
reste,  parut  comprendre  que,  quoi  qu'il  eût  fait,  il  n'avait 
rien  fait  lui-même,  qu'il  ne  pouvait  pas  grand'chose. 
Lorsque  l'Université  proposa  de  tirer  des  trois  États  des 
gens  sages  et  non  suspects  pour  aider  au  gouvernement,  il 
prononça  cette  grande  parole  :  «  Qu'en  effet,  il  ne  se  sentait 
pas  capable  de  gouverner  si  grand  royaume  que  le  royaume 
de  France^. 

lilfp^ltt.— I  «Iad%niu&sexfiHU»vitrefiiBtiieUBlirffniuteiat 

regaum  Francio).  • 


^ 
V 


CHAPITRE  III 


Essais  de  réforme  dans  l'État  et  dans  l'Église.  —  Gabochiens  de  Paris; 
grande  ordonnance.  —  Ck>nciles  de  Pise  et  de  Constance.  i409-i4iS. 


Le  gouvernement  d'un  seul'  étant  avoué  impossible,  il 
fallut  bien  essayer  du  gouvernement  de  plusieurs.  Le  parti 
de  Bourgogne,  dans  sa  détresse,  convoqua,  au  nom  du  roi, 
une  grande  assemblée  des  députés  des  villes,  des  prélats, 
chapitres,  etc.  (30  janvier  4413.)  Cette  assemblée  de  nota- 
bles est  qualifiée  par  quelques-uns  du  nom  d*États-Géné' 
raux.  Us  furent  si  peu  généraux  qu*il  n'y  vînt  presque 
personne,  sauf  les  envoyés  de  quelques  villes  du  centre. 
Dans  ce  moment  de  crise,  entre  la  guerre  civile  et  la  guerre 
étrangère,  que  l'on  voyait  imminente,  la  France  se  chercha, 
et  elle  ne  put  se  trouver. 

C'était,  il  est  vrai,  Thiver;  les  chemins  impraticables, 
pleins  de  bandits  ;  la  moitié  du  royaume  étrangère  ou  hos- 
tile à  l'autre.  H  vint  peu  de  gens,  et  ce  peu  ne  savait  qoe 
dire.  Il  n'y  avait  point  de  traditions,  de  précédents,  pour 
une  telle  assemblée;  un  demi-siècle  s'était  écoulé  depuis 
les  derniers  Ëtats.  Les  gens  de  Reims,  de  Rouen,  de  Sens 
et  de  Bourges  parlèrent  seuls,  ou  plutôt  prêchèrent  sur  un 
texte  de  l'Écriture,  prouvant  doctement  les  avantages  de 
la  paix,  mais  avec  non  moins  de  force  l'impossibilité  de 
payer  pour  finir  la  guerre  ;  ils  concluaient  qu'il  fallait  avant 
tout  recouvrer  les  deniers  mal  perçus  ou  détournés.  Maître 


CONCILE  DE  PISE.  44Ç 

Benoit  Genti^n,  célèbre  docteur  et  moine  de  Saint-Denis, 
parla  au  nom  de  Paris  et  de  TUniversité.  Il  demanda  des 
réforores,  indiqua  des  abus,  déclama  contre  l'ambition  et 
la  convoitise,  toutefois  en  termes  généraux  et  sans  nommer 
personne.  Il  déplut  à  tout  le  monde. 

Dans  la  réalité,  les  maux  étaient  trop  grands  pour  s'en 
tenir  à.  une  médecine  expectante.  Les  généralités  vagues 
n'avançaient  à  rien.  L'assemblée  fut  congédiée;  Paris  prit 
la  parole,  au  défaut  de  la  France,  Paris,  et  la  voix  de  Paris, 
son  Université. 

L'Université,  nous  l'avons  vu/ avait  plus  de  zèle  que  de 
capacité  pour  s'acquitter  d'une  telle  tâche.  Elle  avait  grand 
besoin  d'être  dirigée.  Or,  il  n'y'avait  qu'une  classe  qui  pût 
le  faire,  qui  eût  connaissance  des  lois,  des  faits,  et  quelque 
esprit  pratique  *:  c'étaient  les  membres  des  hautes  cours, 
du  Parlement  ^  de  la  Chambre  des  comptes  et  de  la  Cour 
des  aides.  Je  ne  vois  pas  que  l'Université  se  soit  adressée 
aux  deux  derniers  corps;  leur  extrême  timidité  lui  était 
sans  doute  trop  bien  connue  ;  mais  elle  demanda  l'appui 
du  Parlement,  l'engageant  à  se  joindre  à  elle  pour  de- 
mander les  réformes  nécessaires. 

Le  Parlement  n'aimait  pasl'Université,  qui  dès  longtemps 
l'avait  fait  déclarer  imcompétent  dans  les  causes  qui  la  re- 
gardaient ;  la  victoire  récente  deïa  juridiction  ecclésiastique 
(i  408)  n'était  pas  propre  à  les  réconcilier.  Celte  puissance 
tumultueuse,  qui  peu  à  peu  devenait  l'alliée  de  la  popu- 
lace, était  antipathique  à  la  gravité  des  parlementaires, 
autant  qu'à  leurs  habitudes  de  respect  pour  l'autorité 
rojale.  Us  répondirent  à  l'Université  de  la  manière  sui- 
vante :  a  II  ne  convient  pas  à  une  cour  établie  pour  rendre 
la  justice  au  nom  du  roi  de  se  rendre  partie  plaignante 
pour  la  demander.  Au  surplus,  le  Parlement  est  toujours 

1  C'était  ropioion  de  Ciémengis.  Il  implore  dans  ses  lettres  Tinterven* 
tion  du  Parlement  comme  l'unique  remède  aux  maux  présenta  et  futuM 
du  royaume,  ilpp.,  127. 

I?,  40 


146   ESSAIS  DE  REFORME  DANS  L'ÉTAT  ET  DANS  l'ÉGUSB. 

prCl,  toutes  et  quantes  fois  il  plaira  au  roi  de  choisir  quel* 
jqaes-uns  de  ses  membres  pour  s'occuper  des  affaires  du 
xroyaiime.  L'Université  et  le  corps  de  la  ville  sauront  bien 
ne  faire  nulle  chose  qui  ne  soit  à  faire.  » 
I     Ce  refus  du  Parlement  de  prendre  part  à  la  révohition 
devait  la  rendre  violente  et  impuissante.  Paris  et  l'Univer- 
sité pouvaient  dès  lors  faire  ce  qu'ils  voulaient,  obtenir  des 
réformes,  de  belles  ordonnances;  il  n'y  avait  personne 
pour  les  exécuter.  Il  faut  aux  lois  des  hommes  pour  qu'elles 
soient  vivante^,    efficaces.  Le  temps,  les  habitudes,  les 
mœurs,  peuvent  seuls  faire  ces  hommes. 

Je  dirai  ailleurs  tout  au  long  ce  que  je  pense  du  Parle- 
ment,  comme  cour  de  justice.  Ce  n'est  pas  en  passant  qu'on 
peut  qualifier  ce  long  travail  de  la  transformation  du  droit, 
cette  œuvre  d'interprétation,  de  ruse  et  d*équivoque  *.  Qu'A 
me  suffise  ici  de  regarder  le  Parlement  du  point  de  vue 
extérieur,  et  d'expliquer  pourquoi  un  corps  qui  pouvait 
agir  si  utilement  refusa  son  concours. 

Le  Parlement  n'avait  pas  besoin  de  prendre  le  pouvoir 
des  mains  de  l'Université  et  du  peuple  de  Paris  ;  le  pouvoir 
lui  venait  invinciblement  par  la  force  des  choses.  Il  craignit 
avec  raison  de  compromettre,  par  une  intervention  directe 
dans  les  affaires,  TinQuence  indirecte,  mais  toute-puissante, 
qu'il  acquérait  chaque  jour.  Il  n'avait  garde  d'ébranler 
l'autorité  royale,  lorsque  cette  autorité  devenait  peu  à  peu 
la  sienne. 

La  juridiction  du  Parlement  de  Paris  avait  toujours  gagné 
dans  le  cours  du  xiv®  siècle.  Ceux  qui  avaient  le  plus  ré- 
clamé contre  elle  finissaient  par  regarder  comme  un  pri- 
vilège d'être  jugé  par  le  Parlement.  Les  églises  et  les 
chapitres  réclamaient  souvent  cette  faveur. 

Suprême  cour  du  roi,  le  Parlement  voyait,  non-seule- 
ment les  baillis  du  roi  et  ses  juges  d'épée,  mais  les  barons, 

*  App.,  128. 


CONCILE  BE  PISK.  ^   147 

les  plus  grands  seigneurs  féodaux,  attendre  à  la  grand'salle 
et  soUietter  humblement.  Récemment  il  avait  porté  une 
sentence  de  mort  et  de  confiscation  contre  lé  comte  de 
Périgord^.  Il  recevait  appel  contre  les  princes,  contre  le 
duc  de  Bretagne,  contre  le  duc  d'Anjou  frère  du  roi  (1328» 
4371).  Bien  plus,  le  roi,  en  plusieurs  cas,  lui  avait  subor- 
donné son  autorité  même,  lui  défendant  d'obéir  aux  lettres 
royaux,  déchirant  en  quelque  sorte  que  la  sagesse  du  Par- 
lement était  moins  faillible,  plus  sûre,  plus  constante,  plu& 
royale  q«e  celle  du  roi^. 

€  Le  Parlement,  dit-il  encore  dans  ses  ordonnances,  est 
le  miroir  de  justice.  Le  Ghàtelet  et  tous  les  tribunaux 
doivent  suivre  le  style  du  Parlement.  » 

AdmiraUe  ascendant  de  la  raison  et  de  la  sagesse  I  Dans 
la  défiance  universelle  où  Ton  était  de  tout  le  reste,  cette 
cour  de  justice  fut  obligée  d'accepter  toute  sorte  de  pou* 
voirs  administratifs,  de  police,  d'ordre  communal,  etc. 
Paris  se  reposa  sur  le  Parlement  du  soin  de  sa  subsistance; 
le  pain,  l'arrivage  de  la  marée,  une  foule  d'autres  détails, 
la  surveillance  des  monnayeurs,  des  barbiers  ou  chirur- 
giens, celle  du  pavé  de  la  ville,  ressortiront  à  lui.  Le  roi 
lui  donna  à  régler  sa  maison '. 

Les  seules  puissances  qui  résistassent  à  cette  attraction,, 
c^étaient,  outre  F  Université  S  les  grandes  cours  fiscales,  la 
Chambre  des  comptes,  la  Cour  des  aides  ^.  Encore  voyons- 
nous,  dans  une  grande  occasion,  qu'il  est  ordonné  aux  ré- 
formateurs des  aides  et  finances  de  consulter  le  Parlement^. 
On  croit  devoir  expliquer  que  si  les  mallres  des  comptes 
sont  juges  sans  appel,  c'est  c  qu'il  y  aurait  inconvénient  à 
transporter  les  registres,  pour  les  mettre  sous  les  yeux  du 
Parlement  7.  » 

*  App.,  129.  — *  V.  Ordonnances,  poiitm,  particnlièrement  aux  an* 
nées  13i4,  4359,  1389, 1400.  —  >  Ord.,  ann.  1358,  1369,  1372,  13t^2. 
—  *  Ord.,  ann.  1306. 

»  Ord.,  ann.  1375.  -  •  Ord.,  aan.  1374.  ~  ^  Ord.,  aon.  iiOS. 


448    E33AIS  DE  RÉFORME  DANS  C'ÉTÀT  ET  DANS  l'ÉGLISE. 

li  fut  réglé  en  1388  et  i400,  ordonné  de  nouveau  en 
4413,  que  le  Parlement  se  recruterait  lui-môme  par  voie 
d'élection*.  Dès  lors  il  forma  un  corps,  et  devint  de  plus  en 
plus  homogène.  Les  charges  ne  sortirent  plus  des  mêmes 
familles.  Transmises  par  mariage,  par  vente  même,  elles 
ne  passèrent  guère  qu'à  des  sujets  capables  et  dignes.  Il  y 
eut  des  familles  parlementaires,  des  mœurs  parlementaires. 
Cette  image  de  sainteté  laïque  que  la  France  avait  vue  une 
fois,  en  un  homme,  en  un  roi,  elle  l'eut  immuable  dans  ce 
roi  judiciaire,  sans  caprice,  sans  passion,  sauf  Fintérêt  de 
la  royauté.  La  stabilité  de  Tordre  judiciaire  se  trouve  ainsi 
fondée,  au  moment  oii  Tordre  politique  va  subir  les  plus 
rapides  variations.  Quoi  qu'il  advienne,  la  France  aura  un 
dépôt  de  bonnes  traditions  et  de  sagesse  ;  dans  les  moments 
extrêmes  où  la  royauté,  la  noblesse,  tous  ces  vieux  appuis 
lui  manqueront,  où  elle  sera  au  point  de  s'oublier  elle- 
même,  elle  se  reconnaîtra  au  sanctuaire  de  la  justice 
civile. 

Le  Parlement  n'a  donc  pas  tort  de  se  refuser  à  sortir  de 
cette  immobilité  si  utile  à  la  France.  Il  regardera  passer  la 
révolution,  il  lui  survivra,  pour  en  reprendre  et  en  appli- 
quer à  petit  bruit  les  résultats  les  plus  utiles. 

Le  Parlement  se  récusant,  l'Université  n'en  alla  pas 
moins  son  chemin.  Cette  bizarre  puissance,  théologique, 
démocratique  et  révolutionnaire,  n'était  guère  propre  à 
réformer  le  royaume.  D'abord,  elle  avait  en  elle  trop  peu 
d'unité,  d'harmonie,  pour  en  donner  à  l'État.  Elle  ne  savait 
pas  même  si  elle  était  un  corps  ecclésiastique  ou  laïque, 
quoiqu'elle  réclamât  les  privilèges  des  clercs.  La  faculté 
de  théologie,  dans  la  morgue  de  son  orthodoxie,  dans  Tor- 
gueil  de  sa  victoire  sur  les  chefe  de  TÉglise,  était  Église 
pourtant.  £lle  semblait  diriger,  mais  au  fond  elle  était 


t  On  ajoute  qu'on  élira  aussi  des  nobles,  ce  qui  proiTC  qu'ordiuaîre- 
ment  la  chose  n'arrivait  guère.  Ord.,  ann.  i407-8. 


CONCILB  DE  PISE.  149 

menée,  violentée  par  la  nombreuse  et  tumultueuse  faculté 
des  Arts  (c'est-à-dire  de  logique)*.  Celle-ci,  peu  d'accord 
avec  Tautre,  ne  Tétait  pas  davantage  avec  elle«méme  ;  elle 
S6  divisait  en  quatre  nations,  et,  dans  ce  qu'on  appelait  une 
nation,  il  y  avait  bien  des  nations  diverses,  Danois,  Irlan- 
dais, Écossais,  Lombards,  etc. 

Une  révolution  avait  eu  lieu  dans  l'Université  au 
xivesiècle.  Pour  régulariser  les  études  et  les  mœurs,  on  avait 
peu  à  peu,  par  des  fondations  de  bourses  et  autres  moyens, 
cloîtré  les  écoliers  dans  ce  qu'on  appelait  des  collèges.  La 
plupart  des  collèges  semblaient  être  au  fond  la  propriété 
des  boursiers,  qui  nommaient  au  scrutin  les  principaux,  les 
maîtres.  Rien  n'était  plus  démocratique^. 

Ces  petites  républiques  cloîtrées  de  jeunes  gens  pauvres 
étaient,  comme  on  peut  croire,  animées  de  l'esprit  le  plus 
inquiet,  surtout  à  l'époque  du  schisme,  où  les  princes 
disposaient  de  tout  dans  l'Église,  et  fermaient  aux  univer- 
sitaires l'accès  des  bénéfices.  Dans  ces  tristes  demeures, 
sous  l'influence  de  la  sèche  et  stérile  éducation  du  temps, 
languissaient  sans  espoir  de  vieux  écoliers.  Il  y  avait  là  de 
bizarres  existences,  des  gens  qui,  sans  famille,  sans  amis, 
sans  connaissance  du  monde,  avaient  passé  toute  une  vie 
dans  les  greniers  du  pays  latin,  étudiant,  faute  d'huile,  au 
clair  de  la  lune,  vivant  d'arguments  ou  de  jeûnes,  ne  des- 
cendant des  sublimes  misères  de  la  Montagne,  de  la  goût* 
tière  de  Standonc^,  de  la  lucarne  d'où  fut  jeté  Ramus,  que 


<  Les  règlemenls  de  ces  deux  facnltés  se  modifièrent  en  sens  inverse. 
La  faculté  de  théologie  prolongea  ses  cours;  elle  exigea  six  ans  d'étude 
au  lien  de  cinq  avant  le  baccalauréat.  La  faculté  des  arts  réduisit  ses 
cours  de  six  ans  à  cinq,  pois  à  tro^  et  demi,  et  enfin,  en  1600,  à  deux. 
La  scolasiique  perdait  paa  à  peu  son  importance.  (Balsas.) 

*  App-,  130. 

*  Fils  d'un  cordonnier  de  Malines^  il  vint  à  Paris  comme  domestique 
ou  marmiton,  selon  l'histoire  manuscrite  de  Sàinte-Geneviôfe  :  le  jour 
il  était  à  sa  cuisine,  la  nuit  il  se  retirait  au  clocher  de  l'église,  et  y  étu- 
diait i^u  clair  de  lune.  11  entra  au  collège  de  Montaigu,  releva  ce  collège 


^ 


150    ESSAIS  DE  RÉFORME  DAKS  L'ÊTàT  ET  DANS  L'ÉGLISE. 

pour  disputer  à  mort  dans  la  boue  de  la  rue  du  Fouarre  ou 
4le  la  place  Maubert. 

Les  moines  Mendiants,  nouveaux  membres  de  TCniver- 
sité,  avaieitf ,  outre  Taigreur  de  la  scolastique,  celle  de  la 
pauvreté  ;  ils  étaient  souvent  haineux  et  envieux  pardessus 
toute  créature  ;  misérables,  et  faisant  de  leur  misère  un 
système,  ils  ne  demandaient  pas  mieux  que  de  Tinfliger 
aux  autres.  On  a  dit  (et  je  crois  qu'il  en  était  ainsi  pour 
beaucoup  d*entre  eux)  qu'ils  ne  comprenaient  le  christia- 
nisme que  comme  religion  de  la  mort  et  de  la. douleur. 
Mortifiés  et  mortifiants,  ils  se  tuaient  d'abstinences  et  de 
violences,  et  ils  étaient  prêts  à  traiter  le  prochain  comme 
eux-mêmes.  C'est  parmi  eux  que  le  duc  de  Bourgogne 
trouva  sans  peine  des  gens  pour  louer  le  meurtre. 

Le  mépris  que  les  autres  ordres  avaient  pour  les  Mai- 
diants  était  propre  à  irriter  cette  disposition  farouche.  Or, 
parmi  les  Mendiants,  il  y  avait  un  ordre  moins  important, 
moins  nombreux  que  les  Dominicains  et  les  Franciscains, 
mais  plus  bigarre,  phis  excentrique,  et  dont  les  autres 
Mendiants  se  moquaient  eux-mêmes.  Cet  ordre,  celui  des 
Carmes,  ne  se  contentait  pas  d*une^  origine  chrétienne  ;  ib 
voulaient,  comme  les  Templiers,  remonter  plus  haut  que 
le  christianisme  ^  Ermites  du  mont  Carmel,  descendants 
d'Élie,  ils  se  piquaient  d'imiter  Taustérité  des  prophètes 
hébraïques,  de  ces  terribles  mangeurs  de  sauterelles  qui, 
dans  le  désert,  luttaient  contre  l'esprit  de  Dieu^. 

Un  carme,  Eustache  de  Pavilly,  se  chargea  de  lire  la 
remontrance  de  l'Université  au  roi.  Cet  Élie  de  la  place 
Maubert  parla  presque  aussi  durement  que  celui  du  Carmel. 

«Ion  miaé,  et  en  fat  comme  le  second  fondatevr.  U  n'en  est  pis  moins 
célèbre  poar  la  Tioleace  arec  laquelle  il- prêcha  contre  le  dirorce  do 
Louis  XII. 

<  App.,  131. 

*  La  régie  des  Carines  était  très-propre  à  développer  l'eialtation  :  de 
longs  jeènes,  de  longs  silences,  les  jours  et  les  ouile  paisés  dans  une 
cellule. 


CO>XILE  DE  PISE.  151 

On  ne  pouvait  du  moins  reprocher  à  cette  remontrance 
d'être  générale  et  vague.  Rien  n'était  plus  net^  Le  carme 
n'accusait  pas  seulement  les  abus,  il  dénonçait  les  hommes  ;■ 
il  les  nommait  hardiment  par  leurs  noms,  en  tête  le  prévôt 
' .  Desessarts,  jusque-là  Fhomme  des  Bourguignons,  celui 
qui  avait  arrêté  Montaigu.  Mais  alors  on  n'était  plus  sûr  de 
lui  et  il  venait  de  se  brouiller  avec  l'Université*. 

Le  duc  de  Bourgogne  accueillit  la  remontrance.  Menacé 
par  les  princes,  et  voyant  le  dauphin,  son  gendre,  s'éloigner 
de  lui,  il  résolut  de  s'appuyer  sur  FUniversité  et  sur  Paris. 
n  força  le  conseil  à  destituer  les  financiers,  comme  l'Uni- 
versité le  demandait.  Desessarts  se  sauva,  déclarant  qu'en 
effet  il  lui  manquait  deux  millions,  mais  qu'il  en  avait  les 
reçus  du  duc  de  Bourgogne. 

Celui-ci  se  trouvait  fort  intéressé  à  tenir  loin  un  tel 
accusateur.  Un  mois  après,  il  apprend  qu'il  est  revenu» 
qu'il  a  forcé  le  pont  de  Charenton,  et  qu'il  occupe  la 
Bastille  au  nom  du  dauphin.  Les  conseillers  du  dauphin 
s'étaient  imaginé  que,  la  Bastille  prise,  Paris  tournerait 
pour  lui  contre  le  duc  de  Bourgogne.  Il  en  fut  tout  autre- 
ment. Le  poste  de  Charenton,  qui  assurait  les  arrivages  de 
la  haute  Seine  et  les  approvisionnements  de  la  ville,  était 
la  chose  du  monde  qui  intéressait  le  plus  les  Parisiens. 
L'attaque  de  ce  poste  fit  croire  que  Desessarts  voulait 
affamer  Paris.  Un  immense  flot  de  peuple  vint  heurter  à 
rhôtel  de  ville,  réclamant  l'étendard  de  la  commune,  pour 
aller  attaquer  la  Bastille.  Le  premier  jour,  on  parvint  à  les 
renvoyer  3.  Le  second,  ils  prirent  l'étendard  et  assiégèrent 
Ta  forteresse.  Us  auraient  eu  peine  à  la  forcer.  Mais  le  duc 

«  App.f  t3J. 

*  DeMoarts  et  son  frère  recevaient  on  prenaient  beaucoup  cPargent. 
Mais  l'Université  avait  contre  le  prévôt  un  sujet  particulier  de  haiue.  Il 
avait  pris  parti  contre  les  écoliers  dans  leur  querelle  avec  un  sergent  du 
prévdt  qui  était  en  même  temps  aubergiàte,  et  qui,  en  dërtston  des  éco- 
liers, avait  traîné  un  âne  mort  à  la  porte  du  collège  d'HarcourL 

*  Ils  respectèrent  la  courageuse  résistance  du  clerc  de  i'bûtel  de  ville» 


452    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  l'ÉTAT  ET  DANS  L'ÉGLISB. 

(le  Bourgogne  aida  :  il  décicfa  Desessarts  effrayé  de  sortir, 
lui  répondant  de  la  vie^  Il  lui  fit  une  croix  sur  le  dos  de  sa 
main,  et  jura  dessus.  Le  duc  croyait  mener  le  peuple;  il 
vit  bientôt  qu'il  le  suivait. 

Ceux  qui  venaient  de  planter  rêtendard  de  la  commune 
contre  une  forteresse  royale  n*étaient  pourtant  pas,  autant 
qu'on  pourrait  croire,  des  ennemis  de  Tordre.  Us  ne  mirent 
pas  la  main  sur  Desessarts,  ne  lui  firent  aucun  mal;  ils 
voulaient  qu'on  lui  fit  son  procès.  Ils  le  menèrent  au 
château  du  Louvre,  et  lui  donnèrent  une  garde  demi- 
bourgeoise  et  demi-royale. 

Ces  hommes,  modérés  dans  la  violence  même,  n'étaient 
pas  des  gens  de  la  bonne  bourgeoisie  de  Paris,  de  celle 
qui  fournissait  les  échevins,  les  cinquanteniers.  Cette 
bourgeoisie  avait  parlé  par  l'organe  de  Benoît  Gentieii, 
parlé  modérément,  vaguement;  elle  était  incapable  d'agir. 
Les  cinquanteniers  avaient  fait  ce  qu'ils  avaient  pu  pour 
empêcher  qu'on  ne  marchât  sur  la  Bastille.  Il  y  avait  des 
gens  plus  forts  qu'eux,  et  que  la  foule  suivait  plus  volon- 
tiers, gens  riches,  mais  qui,  par  leur  position,  leur  métier 
et  leurs  habitudes,  se  rapprochaient  du  petit  peuple  : 
c'étaient  les  maîtres  bouchers,  maîtres  héréditaires  des 
étaux  de  la  grande  boucherie  et  de  la  bouche)  ie  Sainte- 
Geneviève^.  Ces  étaux  passaient,  comme  des  fiefs,  d'hoir 
en  hoir,  et  toujours  aux  mâles.  Les  mêmes  familles  les  ont 
possédés  pendant  plusieurs  siècles.  Ainsi  les  Saint- Yon  et  les  , 
Thibert,  déjàimportants  sous  Charles  V  (1376),  subsistaient  ' 
encore  au  dernier  siècle  3.  Ce  qui,  malgré  leur  richesse, 
leur  conservait  les  habitudes  énergiques  du  métier,  c^est 
qu'il  leur  était  enjoint  d'exercereux-mémes,  de  sorte  que, 
tout  riches  qu'ils  pouvaient  être,  ces  seigneurs  bouchers 

*  Le  duc  lui  dit  :  •  Mon  ami,  ne  te  soucie;  car  je  te  jare  que  ta 
n'auras  autre  garde  que  de  mon  propre  corps.  Et  lai  fit  la  croix  sur  le 
dos  de  la  main«  et  l'emmena.  »  Juvcnal.  ' 

*App.,  133.  ^^App.,  134. 


CONCILE  DE   PISE.  453 

restaient  de  vrais  bouchers,  tuant,  saignant  et  détaillant  la 
viande. 

C'étaient  du  reste  des  gens  rangés,  réguliers,  et  souvent 
dévots.  Ceux  de  la  grande  boucherie  étaient  fort  afifec- 
tionnés  à  la  paroisse,  Saint- Jacques- la-Boucherie.  Nous 
voyons,  dans  les  actes  de  Saint-Jacques,  le  boucher  Alain^ 
y  acheter  une  lucarne  pour  voir  la  messe  de  chez  lui  *,  et 
le  boucher  Haussecul  une  clef  de  TégUse  pour  y  faire  à 
toute  heure  ses  dévotions. 

Dans  cette  classe  honnête,  mais  grossière  et  violente,  les 
plus  violents  étaient  les  bouchers  de  la  boucherie  Sainte* 
Geneviève,  les  Legoix  surtout.  Ceux-ci,  anciens  vassaux 
de  l'abbaye,  vivaient  assez  mal  avec  elle.  lis  s'obstinaient» 
malgré  l'abbé,  à  vendre  de  la  viande  les  jours  maigres,  et 
de  plus,  à  fondre  leur  suif  chez  eux,  au  risque  de  brûler 
le  quartier.  Établis  au  milieu  des  écoles  et  des  disputes, 
ils  participaient  à  l'exaltation  des  écoliers.  La  boucherie 
Sainte-Geneviève  était  justement  près  de  la  Croix  des 
Carmes,  et,  par  conséquent,  à  la  porte  du  couvent  des 
Carmes  ;  les  Legoix  étaient  ainsi  voisins,  amis  sans  doute 
de  ce  violent  moine  Eustache  de  Pavilly,  le  harangueur  de 
l'Université. 

La  force  des  maîtres  bouchers,  c'était  une  armée  de 
garçons,  de  valets,  tueurs,  assommeurs,  écorcheurs,  dont 
ils  disposaient.  II  y  avait  parmi  ces  garçons,  des  hommes 
remarquables  par  leur  audace  brutale,  deux  surtout, 
l'écorcheur  Caboche,  et  le  fils  d'une  tripière.  C'étaient  des 
gens  terribles  dans  une  émeute  ;  mais  leurs  maîtres,  qui 
les  lançaient,  croyaient  toujours  pouvoir  les  rappeler. 

Il  était  curieux  de  voir  comment  les  maîtres  bouchers, 
ayant  un  moment  Paris  entre  les  mains,  J^aris,  le  roi,  la 
reine  et  le  dauphin,  comment  ils  useraient  de  ce  grand 
pouvoir.  Ces  gens,  honnêtes  au  fond,  religieux  et  loyaux» 


45i    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  L  ÉTAT  ET  DANS  L  EGLISE. 

regardaient  tous  les  maux  du  royaume  comme  la  suite  dn 
mal  du  roi,  et  ce  mal  lui-même  comme  une  punition  de 
Dieu.  Dieu  ayait  frappé  pour  leurs  péchés  le  roi  et  le  duc, 
d'Orléans  son  frère.  Restait  le  jeune  dauphin;  ils  mettaient' 
en  lui  leur  espoir  ;  toute  leur  crainte  était  que  le  châtiment 
ne  s'étendît  à  celui-ci,  qu'il  ne  ressemblât  à  son  père*.  Ce 
prince,  tout  jeune  qu'il  était,  leur  donnait  sous  ce  rapport 
beaucoup  d^inquiétude.  Il  était  dépensier,  n'aimait  que  les 
beaux  habits  ;  ses  habitudes  étaient  toutes  contraires  à 
celles  des  bourgeois  rangés.  Ces  gens,  qui  se  couchaient 
de  bonne  heure,  entendaient  toute  la  nuit  la  musique  du 
dauphin  ;  il  lui  fallait  des  orgues,  des  enfants  de  choeur, 
pour  ses  fêtes  mondaines.  Tout  le  monde  en  était  scan- 
dalisé. 

Ils  avisèrent,  dans  leur  sagesse,  qu'ils  devaient,  pour 
réformer  le  royaume,  réformer  d'abord  l'héritier  du 
royaume,  éloigner  de  lui  ceux  qui  le  perdaient,  veiller  à  sa 
santé  corporelle  et  spirituelle. 

Pendant  que  Dcsessarts  était  encore  dans  la  Bastille 
s'excusant  sur  les  ordres  du  dauphin,  nos  bouchers  se  ren- 
daient à  Saint-Paul,  ayant  à  leur  tête  un  vieux  chirurgien. 
Jean  de  Troyes,  homme  d'une  figure  respectable  et  qui 
parlait  à  merveille.  Le  dauphin,  tout  tremblant,  se  mit  à  sa 
fenêtre,  par  le  conseil  du  duc  de  Bourgogne,  et  le  chirur- 
gien parla  ainsi  :  «  Monseigneur,  vous  voyez  vos  très- 
humbles  sujets,  les  bourgeois  de  Paris,  en  armes  devant 
vous.  Ils  veulent  seulement  vous  montrer  par  là  quils  ne 
craindraient  pas  d'exposer  leur  vie  pour  votre  sem'ce, 
comme  ils  l'ont  déjà  su  faire;  tout  leur  déplaisir  est  que 
votre  royale  jeunesse  ne  brille  pas  à  Tégal  de  vos  ancétn^ 
et  que  vous  soyez  détourné  de  suivre  leurs  traces  par  les 
traîtres  qui  vous  obsèdent  et  vous  gouvernent.  Chacun  sait 
qu'ils  prennent  à  tâche  de  corrompre  vos  bonnes  mœurs, 

•  App.,  136. 


CONCILE  DE  PISE.  455 

et  de  vous  jeter  dans  le  dérèglement.  Nous  n'ignorons  pas 
que  notre  bonne  reine,  votre  mère,  en  est  fort  mal  con- 
tente; les  princes  de  votre  sang  eux-mêmes  craignent  que 
lorsque  vous  serez  en  âge  de  régner,  votre  mauvaise 
éducation  ne  vous  en  rende  incapable.  La  juste  aversion 
que  nous  avons  contre  des  hommes  si  dignes  de  châtiment 
nous  a  fait  solliciter  assez  souvent  qu'on  les  ôtât  de  votre 
service.  Nous  sommes  résolus  de  titrer  aujourd'hui  ven- 
geance de  leur  trahison,  et  nous  vous  dcmandons.de  les 
mettre  entre  nos  mains.  9 

Les  cris  de  la  foule  témoignèrent  que  le  vieux  chirurgien 
avait  parlé  selon  ses  sentiments.  Le  dauphin,  avec  assez 
de  fermeté,  répondit  :  «  Messieurs  les  bons  bourgeois,  je 
vous  supplie  dé  retourner  à  vos  métiers,  et  de  ne  point 
montrer  ccCte  furieuse  animosité  contre  des  serviteurs  qui 
me  sont  attachés.  » 

c  Si  vous  connaissez  des  traîtres,  dit  le  chancelier  du 
dauphin,  croyant  les  intimider,  on  les  punira,  nommez-les. 

«  —  Vous,  d*abord,  »  lui  crièrent-ils.  Et  ils  lui  remirent 
une  liste  de  cinquante  seigneurs  ou  gentilshommes,  en  tcte 
de  laquelle  se  trouvait  son  nom.  Il  fut  forcé  de  la  lire  tout 
haut,  et  plus  d'une  fois. 

Le  dauphin,  tremblant,  pleurant,  rouge  de  colère,  mais 
voyant  bien  pourtant  qu'il  n'y  avait  pas  moyen  de  résister, 
prit  une  croix  d'or  que  portait  sa  femme,  et  lit  jurer  au  duc 
de  Bourgogne  qu'il  n'arriverait  aucun  mal  à  ceux  que  le 
peuple  allait  saisir.  Il  jura,  comme  pour  Desessarts,  ce 
qu'il  ne  pouvait  tenir.  \ 

Cependant  ils  enfonçaient  les  portes,  et  se  mettaient  à 
fouiller  l'hôtel  du  roi  pour  y  chercher  les  traîtres.  Us 
saisirent  le  duc  de  Bar,  cousin  du  roi,  puis  le  chancelier 
du  dauphin,  le  sire  de  la  Rivière,  son  chambellan,  son 
écuyer  tranchant,  ses  valets  de  chambre  et  quelques 
autres.  Ils  en  airachèrent  un  brutalement  à  la  dauphine, 
fille  du  duc  de  Bourgogne,  qui  voulait  le  sauver.  Tous  les 


156    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  L'ÉTAT  ET  DANS  L'ÉGLISE. 

t 

prisonniers,  mis  à  cheval,  furent  menés  à  l'hôtel  du  duc 
de  Bourgogne,  puis  à  la  tour  du  Louvre. 

Tous  n*arrivèrent  pas  jusqu'au  Louvre.  Us  égorgèreol 
ou  jetèrent  à  la  Seine  ceux  qu'ils  croyaient  coupables  des 
dérèglements  du  dauphin  ou  de  ses  folles  dépenses,  on 
riche  tapissier,  un  pauvre  diable  de  musicien  appelé 
Courtebotte.  Ils  rencontrèrent  aussi  un  habile  mécanicien 
ou  ingénieur,  qui  avait  Jàïdé  le  duc  de  Berri  à  défendre 
Bourges;  quelqu'un  s'étant  avisé  de  dire  crue  cet  homme  se 
vantait  de  pouvoir  mettre  le  feu  à  la  ville,  sans  qu'on  pût 
l'éteindre,  il  fut  tué  à  l'instant. 

Les  bouchers  croyaient  avoir  fait  une  chose  méritoire  et 
comptaient  bien  être  remerciés;  ils  vinrent  le  lendemain 
à  l'hôtel  de  ville.  Là,  les  gros  bourgeois,  échevins  et  autres, 
repassaient  en  frémissant  les  événements  de  la  veille, 
l'hôtel  royal  forcé,  l'enlèvement  des  serviteurs  du  roi,  le 
sang  versé.  Ils  craignaient  que  le  duc  d'Orléans  ei  les 
princes  ne  vinssent,  en  punition,  anéantir  la  ville  de  Paris. 
Ils  avaient  peur  des  princes;  mais,  d'autre  part,  ils  avaient 
peur  des  bouchers  ;  ils  n'osaient  les  désavouer.  Us  envoyè- 
rent aux  princes  quelques-uns  des'leurs  avec  des  docteurs 
de  l'Université,  pour  leur  faire  entendre,  s'ils  pouvaient, 
que  tout  s'était  fait  par  bonne  intention  et  sans  quon 
voulût  leur  déplaire. 

Cependant  les  bouchers,  persévérant  dans  leur  projet  de 
réformer  les  mœurs  du  dauphin,  ne  cessaient  de  revenir 
à  Saint-Paul,  ou  d'y  envoyer  des  docteurs  de  leur  parti. 
C'était  un  spectacle  terrible  et  comique  que  ce  peuple, 
naïvement  moral  et  religieux  dans  sa  férocité,  qui  ne 
songeait  ni  à  détruire  le  pouvoir  royal,  ni  à  le  transporter 
aune  autre  maison,  pas  môme  à  une  autre  branche,  mais 
qui  voulait  seulement  amender  la  royauté,  qui  venait  lui 
tâter  le  pouls,  la  médeciner  gravement.  L'hygiène  appli- 
quée à  la  politique^  n'avait  rien  d'absurde,  lorsque  TÈtat 

I  App:,  137. 


CONaLE  DE  PISE.  157 

se  trouvant  encore  renfermé  dans  la  personne  du  roi, 
languissait  de  ses  infirmités,  était  fol  de  sa  folie. 

Le  carme  Eustache  Pavilly  s'était  particulièrement  chargé 
d*administrer  au  jeune  prince  cette  médecine  morale,  n'y 
épargnant  nul  Remède  héroïque.  11  lui^disait  en  face,  par 
exemple  :  «  Âh  I  Monseigneur,  que  vous  êtes  changé  !  tant 
que  vous  vous  êtes  laissé  éduquer  et  conduire  au  bon  gou- 
vernement de  votre  respectable  mère,  vous  donniez  tout 
l'espoir  qu'on  peut  concevoir  d'un  jeune  homme  bien  né. 
Tout  le  monde  bénissait  Dieu  d'avoir  donné  au  roi  un 
successeur  si  docile  aux  bons  enseignements.  Mais,  une 
fois  échappé  aux  directions  maternelles,  vous  n'avez  que 
trop  ouvert  l'oreille  à  des  gens  qui  vous  ont  rendu  indcvot 
envers  Dieu,  paresseux  et  lent  à  expédier  les  affaires.  Ils 
vous  ont  appris,  chose  odieuse  et  insupportable  aux  bons 
sujets  du  roi,  à  faire  de  la  nuit  le  jour,  à  passer  le  temps  en 
mangeries,  en  vilainçs  danses  et  autres  choses  peu  conve- 
nables à  la  majesté  royale.  » 

Pavilly  l'admonestait  ainsi,  tantôt  en  présence  de  la 
reine,  tantôt  devant  les  princes.  Une  fois,  il  lui  fit  entendre 
tout  un  traité  complet  de  la  conduite  des  princes  ^  exami- 
nant dans  le  plus  grand  détail  toutes  les  vertus  qui  peuvent 
rendre  digne  du  trône,  et  rappelant  tous  les  exemples  des 
vertus  et  des  vices  que  l'histoire,  surtout  l'histoire  de 
France,  pouvait  présenter.  Les  derniers  exemples  étaient 
ceux  du  roi  encore  vivant  et  de  son  frère,  celui  du  dauphin 
même,  qui,  s'il  ne  s'amendait,  obligerait  de  transférer  son 
droit  d'ainesse  à  son  jeune  frère,  ainsi  que  la  reine  l'en 
avait  menacé. 

11  conclut  en  demandant  qu'on?choisît  des  commissaires 
pour  informer  contre  les  dissipateurs  des  deniers  publies, 
d'autres  pour  faire  le  procès  des  traîtres  emprisonnés, 
enfin,  des  capitaines  contre  le  conte  d'Armagnac.  «  Ce 

^  •  Ex  quibus  posset  componi  tractatas  val  Je  mngnus.  •  Religieux. 


V 


158   ESSAIS  DE  RfiFORMS  DANS  L  ETAT  ET  DANS  L  EGLISE. 

peuple,  ajoutait-il,  est  là  pour  m'avouer  detoutcda;je 
viens  d'exposer  ses  humbles  demandes,  b 

Le  dauphin  répondait  doucement;  mais  il  n'y  pouvait 
plus  tenir.  Il  aurait  voulu  s*échapper.  Le  comte  de  Vertus, 
frère  du  duc  d'Orléans,  s'était  enfui  sous  on  déguisement. 
,  Le  dauphin  eut  l'imprudence  d'écrire  aux  princes  devenir 
le  délivrer.  Les  bouchers,  qai  s'en  doutaient,  prirent  leurs 
mesures  pour  que  leur  royal  pupiDe  ne  pût  échapper  à 
leur  surveillance;  ils  mirent  bonne  garde  aux  portes  de  la 
ville,  et  s'assurèrent  de  l'hôtel  Saint-PauH,  dont  ils  consti- 
tuèrent gardien  et  concierge  le  sage  chirurgien  Jean  de 
Troyes.  Et  cependant  ils  faisaient  jour  et  nuit  des  rondes 
autour  a  pour  la  sûreté  du  roi  et  de  monseigneur  le  due 
de  Guienne.  »  C'est  ainsi  qu'on  nommait  le  dauphin. 

Garder  son  roi  et  héritier  du  royaume,  les  tenir  en 
geôle,  c'était  une  situation  nouvelle,  étrange,  et  qui  devait 
étonner  les  bouchers  eux-mômes.  Mais  quand  ils  se  seraient 
repentis,  ils  n'étaient  plus  maîtres.  Leurs  valets,  qulls 
avaient  menés  d'abord,  les  menaient  maintenant  à  leur 
tour.  Les  héros  du  parti  étaient  les  écorcheurs,  le  fils  de 
la  tripière,  Caboche  et  Denisot.  Ils  avaient  pour  capitaine 
un  chevalier  bourguignon,  Hélion  de  Jacquevtlle,  aussi 
brutal  qu'eux.  La  garde  des  deux  postes  de  conGance,  d'où 
dépendaient  les  vivres,  Charenton  et  Saint-Clond,  les 
écorcheurs  se  l'étaient  réservée  à  eux-mêmes.  Apparem- 
ment les  maîtres  bouchers  n'étaient  plus  jugés  assez  sûrs. 

Le  duc  de  Bourgogne  n'en  était  pas  sans  doute  à  regretter 
ce  qu'il  avait  fait.  Les  Parisiens  gardant  le  dauphin,  les 
Gantais  voulurent  garder  le  fils  du  duc  de  Bourgogne'.  Ds 
vinrent  le  demander  à  Paris.  Les  Parisiens  avaient  pris  le 
blanc  chaperon  de  Gand  ;  les  Gantais  le  reprirent  de  leur 
main.  Le  duc  de  Bourgogne  fut  obligé  d'envoyer  son  fils 

*  •  Gardèrent  carieusement  les  portes...,  et  disoient  aocans  d'eux 
qu'on  lo  faisoit  pour  sa  correction,  car  il  estoit  de  jeune  âge.  •  MonsUelet. 

*  App.,  133. 


CONCILE  DE  PISE.  459 

aux  Gantais,  de  leur  donner  ce  précieux  otage.  Il  subit  le 
chaperon. 

Un  jour  que  le  roi  mieux  portant  allait  en  grande 
pompe  remercier  Dieu  à  Notre-Dame,  avec  ses  princes  et 
sa  noblesse,  le  vieux  Jean  de  Troyes  se  trouve  sur  son  pas- 
sage avec  le  corps  de  ville  ;  il  supplie  le  roi  de  prendre  le 
chaperon,  en  signe  de  Taffection  cordiale  qu'il  a  pour  sa 
ville  de  Paris.  Le  roi  Faccepte  bonnement.  Dès  lors  il  fallut 
bien  que  tout  le  monde  le  portât^,  le  recteur,  les  gens  du 
Parlement.  Malheur  à  ceux  qui  l'auraient  porté  de  travers*. 

Le  chaperon  fut  envoyé  aux  autres  villes,  et  presque 
toutes  le  prirent.  Néanmoins  aucune  n'entra  sérieusement 
dans  le  mouvement  de  Paris.  Les  cabochiens,  ne  trouvant 
aucune  résistance,  mais  n'étant  aidés  de  personne,  furent 
obligés  de  recourir  à  des  moyens  expéditifs  pour  faire  de 
l'argent.  Ils  demandèrent  au  dauphin  l'autorisation  de 
prendre  soixante  bourgeois,  gens  riches,  modérés  et  sus- 
pects. Us  les  rançonnèrent. 

On  avait  commencé  par  emprisonner  les  courtisans,  les 
seigneurs.  Déjà  on  en  venait  aux  bourgeois.  On  ne  pouvait 
deviner  où  s'arrêteraient  les  violences.  Les  petites  gens 
prenaient  peu  à  peu  goût  au  désordre  ;  ils  ne  voulaient  plus 
rien  faire  que  courir  les  rues  avec  le  chaperon  blanc  ;  ne 
gagnant  plus,  il  fallait  bien  qu'ils  prissent.  Le  pillage  pou- 
vait commencer  d'un  moment  à  l'autre. 

Les  gens  de  l'Université,  qui  avaient  mis  tout  en  mou- 
vement sans  savoir  ce  qu'ils  faisaient,  n'étaient  pas  les 
moins  effrayés.  Ils  avaient  crû  accomplir  la  réforme  en 
compagnie  du  duc  de  Bourgogne,  du  corps  de  ville  et  des 


1  •  Et  en  prinrent  hommes  d'ëglises,  femmes  d'bonnenr,  marchaDdet 
qui  à  toot  Tendoient  les  denrées.  •  Journal  d'un  bourgeois  de  Paris. 

*  Le  danpbin  ayant  fait  Tespiéglerie  de  tirer  en  bas  une  corne  de 
son  chaperon  de  maniôre  à  ce  qu'elle  iignràt  une  bande  (signe  des  Arma- 
gnacs), les  bouchers  faillirtnt  éclater-:  •  Regardex,  disaient-ils,  ce  bon 
enfant  de  dauphin,  il  en  fera  tant  qu'il  nous  mettra  en  colère.  >  Jurénal. 


>.'^.«  ..  ^...^  .  >JU 


460  ESSAIS  DE  REFORME  DANS  L  ETAT  ET  DANS  L  EGLISE. 

bourgeois  les  plus  honorables.  Et  voilà  qu'il  ne  leur  restait 
que  les  bouchers,  les  valets  de  boucherie,  les  écorcheurs* 
Ils  frémissaient  de  se  rencontrer  dans  les  rues  avec  ces 
nouveaux  frères  et  amis,  qu'ils  voyaient  pour  la  première 
fois,  sales,  sanglants,  manches  retroussées,  menaçant  tout 
le  monde,  hurlant  le  meurtre. 

I  L'alliance  monstrueuse  des  docteurs  et  des  assommeurs 
ne  pouvait  durer.  Les  universitaires  se  réunirent  au  couvent 
des  Carmes  de  la  place  Maubert,  dans  la  cellule  même 
d'Eustache  Pavilly*.  Us  étaient  singulièrement  abattus,  et 
ne  savaient  quel  parti  prendre.  Ces  pauvres  docteurs,  ne 
trouvant  dans  leur  science  aucune  lumière  qui  pût  les 
guider,  se  décidèrent  humblement  à  consulter  les  simples 
d*esprit.  Ils  s*enquirent  des  personnes  dévotes  et  contem- 
platives, des  religieux,  des  saintes  femmes  qui  avaient  des 
visions.  Pavilly,  plein  de  confiance,  s'offrit  d'aller  les  con- 
sulter. Mais  les  visions  de  ces  femmes  n'avaient  rien  de 
rassurant.  L'une  avait  vu  trois  soleils  dans  le  ciel.  Une 
autre  voyait  sur  Paris  flotter  des  nuées  sombres,  tandis 
qu'il  faisait  beau^  au  midi,  vers  les  marches  de  Berri  et 
d'Orléans.  «  Moi,  disait  la  troisième,  j'ai  vu  le  roi  d'Angle- 
terre en  grand  orgueil  au  haut  des  tours  de  Notre-Dame  ; 
il  excommuniait  notre  sire  le  roi  de  France;  et  le  roi,  en- 
touré de  g*ens  en  noir,  était  assis  humblement  sur  une 
pierre  dans  le  parvis*.  » 

La  terreur  de  ces  visions  ébranla  les  plus  intrépides.  Us 
voulurent  consulter  un  honnête  homme  du  parti  opposé, 
le  modéré  des  modérés,  Juyénal  des  Ursins.  Ils  le  firent 
venir  ;  mais  ils  n'en  purent  tirer  rien  de  praticable.  Il  ne 
voyait  rien  à  faire,  sinon  prier  les  princes  de  se  réconcilier 
et  de  rompre  les  négociations  qu'ils  avaient  entamées  avec 

1  App.,  139. 

*  Quelques-uns  disaient  qu'il  fallait  s'attendre  à  tons  les  maui,  depuis 
la  roal'Hliciion  prononcée  par  Boniface,  et  depuis  renoorelée  par 
BenoU  Xlll. 


œNCILB  D&  PISE.  '  461 

l'Anglais  ^  C'était  simplement  se  soumettre  et  renoncer 
aux  réformes.  Cependant  l'abattemeat  était  tel,  le  désir  de 
la  paix  si  fort,  que  cet  avis  entraînait  tout  le  monde.  Le 
seul  Pavilly  s'obstina;  il  soutint  que  tout  ce  qui  s*était  fait 
était  bien  fait,  et  qu'il  fallait  aller  jusqu'au  bout^. 

Ces  divisions,  dont  les  princes  étaient  instruits,  les  en- 
couragèrent sans  doute  à  différer  la  publication  delà  grande 
ordonnance  de  réforme  que  l'Université  avait  d'abord  si 
vivement  sollicitée.  Alors,  sans  plus  s'inquiéter  des  doc- 
teurs qui  l'abandonnaient,  le  moine  entraînant  après  lui  le 
prévôt  des  marchands,  les  échevins,  une  foule  de  petit 
peuple,  et  bon  nombre  de  bourgeois  intimidés,  s'en  alla 
hardiment  prêcher  le  roi  à  Saint- Paul ^  (22  mai)  :  «  Il  y 
a  encore,  dit-il,  de  mauvaises  herbes  au  jardin  du  roi  et  de 
la  reine  ;  il  faut  sarcler  et  nettoyer  ;  la  bonne  ville  de 
Paris,  comme  un  sage  jardinier,  doit  ôter  ces  herbes  fu- 
nestes, qui  étoufferaient  les  lis  ^...  »  Quand  il  eut  fini  cette 
sinistre  harangue,  et  accepté  la  collation  qu'on  offrit,  selon 
l'usage,  au  prédicateur,  le  chancelier  lui  demanda  au  nom 
de  qui  il  parlait.  Le  carme  se  tourna  vers  le  prévôt  et  les 
échevins,  qui  l'avouèrent  de  ce.  qu'il  avait  dit.  Mais  le 
chancelier  objectant  que  cette  députation  était  peu  nom- 
breuse pour  représenter  la  ville  de  Paris,  ils  appelèrent 
quelques  bourgeois  des  plus  considérables  qui  étaient  dans 
la  cour  ;  ceux-ci  montrèrent,  à  contre-cœur,  et  se  mettant 
à  genoux  devant  le  roi,  protestèrent  de  leur  bonne  inten- 


*  II  sarait  que  les  princos  faisaient  veoir  le  duc  de  Clarence,  et  la 
dac  de  Bonrgogne,  le  comte  d'Arundel. 

«  App.,  140. 

^  •  Et  dans  les  trois  tours  dudii  bostel  mirent  et  ordonnèrent  leurs 
gcDS  d*ariniB.-<.  •  Munsirelcl.  —  •  ...  Ont  esté  à  Saint-Pol...,  et  après  une 
collation  faite  par  M.  Eusiace  de  Pavilly.  maistre  on  théologie,  de  l'ordre 
de  N.  D.  des  Carmes,  tendant  à  fln  d'hoster  les  bons  des  mauvais. . .  » 
Archives,  Hegisiret  dt  Parlement,  Conteti, 

*  •  Trés-inauvaises  herbes  et  périlleuses,  cV:»t  à  savoir  quelques  ser« 
Tuteurs  et  servintcs,  qu'il  falloit  sarcler  et  oster.  •  Juvênal.  Aftp,,  lii, 

IT.  ii 


4  62    ESSAIS  DB  RÉPOEOIS  DJ»8  VtTAT  ST  DANS  L'ÉGLISB. 

tion.  Cependant,  la  fouie  augmentait;  toutes  sortes  de 
entraient  sans  qu'on  ôs&t  leur  interdire  la  porte,  rhôlel 
s'emplissait.  Le  duc  de  Bourgogne  luî-méme  oommençait 
à  avoir  p^r  de  ses  amis  ;  pour  les  décider  à  s*en  aller,  il 
s'avisa  de  leur  dire  que  le  roi  était  à  peine  rétabli,  que  œ 
tumulte  allait  hit  Caire  mal,  Im  causer  unerec&ule.  Mâs 
ils  criaient  de  plus  belle  qu'ils  étaieiit  venus  juntemant  poor 
le  bien  du  roi. 

Alors  le  ehircrrgien  Jean  de  Tfioyas  exhiba  une  asndie 
liste  de  tndtres.  Bn  tftte,  se  trouvait  le  propae  ftèee  de  la 
reine,  Louis  de  Baiviàve.  Le  due  de  Bonqgogne  eut  beau 
prier,  la  reine  venar  des  termes^ ;  Louia  de  Bavière,  «pu 
allait  se  marier,  demandait  au  moins  huit  jours,  pronettaitf 
de  se  constituer  ptisonnier  la  semuine  d'aptes,  ils  famt 
inflexibles.  Pour  abrtger,  le  eapîtaÎDe  de  la  milice,  1k- 
queville,  monta  avec  ses  gens,  et  brntadeawnt,  aans  égasi 
pour  la  reine,  pewr  le  roi  ni  le  daii|dMi,  pénétrant  par- 
tout, brisant  ftn  pertes^  il  mit  la  main  aor  œiix  qne  le 
peuple  demandait.  PouroomUe  de  violence,  ils  emmeacicnt 
treize  dames  de  la  naine  et  de  la  dauphine^*.  Il  ne  bllaît 
pas  parler  à  ces  gens  de  respect  pour  1^  damea^  ni  de  che- 
valerie. Parmi  les  prhonniers  qu'ils  emnieBèrent,  se  trou- 
vait un  Bourguignon,  un  des  leurs,  que  hmijoKis  aupa- 
ravant ils  avaient  doimé  pour  duinceUer  au;  AMipt^yn  La 
défiance  croissait  d'heuae  en  heure. 

Cependant  le  dus  de  Bervi  et  d'antres  pmrgBilj  despri- 
•sonniers  envoyèrent  demander  à  l'Université  si  elle  avouait 
ce  qui  s'était  fait.  Celle-ci,  consultée  en  masse  et  comme 
corps,  se  rassura  un  peu  par  sa  multitude,  et  doAoa  du 
j  noins  une  réponse  équivoque.  «  Que  de  ce  elle  voulait  en 
rien  s'entremettre  ni  empêcher.  »  Dans  le  conseil  du  roi, 
les  universitaires  allèrent  plus  loin,  et  déclarèrent  qu'il;^ 

f  Le  dauphin  •  s'abstint  de  f^WKMr,  ea  fftfH  pit,  aa 
hrmos.  »  Monstretot. 
>  •  £i.  ce  faii  le  r*i  8*mi  alla  dkMr*  •  tfMMtralflC 


CONCILE  LE  PISE.  463 

n'étaient  pour  rien  dans  Tenlèvement  des  seigneurs,  et  que 
la  chose  ne  leur  plaisait  pas. 

Le  désaveu  timide  de  lUnîversité  ne  rassurait  pas  les 
princes.  Cette  fois,  ils  craignaient  pour  eux-mêmes;  le 
coup  avait  frappé  si  près  d'eux,  qu'ils  firent  sigiier  au  roi 
une  ordonnance  où  il  approuvait  ce  qui  s'était  fait.  Le  len* 
demain  (25  mai  44(3),  Ait  hie  solennellement  la  grande 
ordonnance  de  réforme. 

Cette  ordonnance,  si  violemment  arrachée,  ne  porte  pas, 
alitant  qu'onpourraitcroire,  le  caractère  du  moment;  c'est 
une  sage  et  impartiale  fusion  des  meilleures  ordonnances 
du  xiv«  siècle.  On  peut  l'appeler  le  code  admmiitrcuif  de  la 
vieille  France,  comme  l'ordonnance  de  4357  avait  été  sa 
charte  législaiwe  et  politique. 

On  peut  s'étonner  de  voir  cette  ordonnance  8  peine  men- 
tionnée dans  les  historiens.  Elle  n'a  pourtant  pas  moins  de 
soixante-dix  pages  in-folio  ^  Sauf  quelques  articles  trop 
minutieux  et  d'une  rédaction  enftintine*,  ou  bien  encore 
dirigés  hostilement  contre  certains  individus,  on  ne  peut 
qu'admirer  l'esprit  qui  y  règne,  esprit  très-spécial,  très- 
pratique  :  sans  spécialité,  point  de  réforme  réelle.  Celle-ci 
part  de  bien  bas,  mais  elle  va  haut,  et  pénètre  partout.  Elle 
réduit  les  gages  de  la  lingère,  de  la  poissonnière  du  roi  ; 
mais  elle  règle  lies  droits  des  grands  corps  de  l'Ëtat,  et  tout 
le  jeu  de  la  machine  administrative,  judiciaire  et  financière. 

La  forme  est  curieuse,  je  voudrais  pouvoir  la  conserver; 
mais  alors,  cette  ordonnance  seule  occuperait  le  reste  du 
volume,  et  encore  l'ensemble  resterait  coniVis.  Il  m'est  im^ 
possible  de  résumer  ce  code  en  quelques  lignes,  sans  em- 
prunter notre  langage  moderne,  plus  précis  et  plus 
formulé. 

Tout  ce  détail  immense  semble  dominé  par  deux  idées  : 


I  Ordonnances,  t.  X,  p.  7i-134. 
«  App,,  i4i. 


164    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  l'ÉTAT  ET  DANS  l'ÉGLISB. 

la  centralisation  de  Tordre  financier,  de  l'ordre  judiciaire. 
Dans  le  premier,  tout  aboutit  à  la  Chambre  des  comptes; 
dans  le  second,  tout  au  Parlement. 

Les  chef!ides  administrations  llnancières  (domaine,  aide, 
trésor  des  guerres)  sont  réduits  à  un  petit  nombre;  mesure 
économique,  qui  contribue  à  assurer  la  responsabilité.  La 
Chambre  des  comptes  examine  les  résultats  de  leur  admi- 
nistration ;  elle  juge  en  cas  de  doute,  mais  sur  pièces  et 
sans  plaidoiries. 

Tous  les  vassaux  du  roi  sont  tenus  de  faire  dresser  les 
aveux  et  dénombrements  des  fiefs  qu'ils  tiennent  de  lui, 
et  de  les  envoyer  à  la  Chambre  des  tomptes^.  Ce  tribunal 
de  finance  se  trouve  ainsi  le  surveillant»  l'agent  indirect  de 
la  centralisation  politique. 

L'élection  est  le  principe  de  l'ordre  judiciaire  ;  les  charges 
ne  s'achètent  plus.  Les  lieutenants  des  sénéchaux  et  pré- 
vôts sont  élus  par  les  conseillers,  les  avocats  et  autres 
saiges. 

Pour  nommer  un  prévôt,  le  bailli  demande  aux  a  advo- 
cats,  procureurs,  gens  de  pratique  et  d'autre  estât  »  la 
désignation  de  trois  ou  quatre  personnes  capables.  Le 
chancelier  et  une  commission  du  Parlement,  «  appelez 
avec  eux  des  gens  de  notre  grand  conseil  et  des  gens  de 
nos  comptes,  »  choisissent  entre  les  candidats. 

Aux  offices  notables,  c'est  directement  le  Parlement  qui 
nomme,  en  présence  du  chancelier  et  de  quelques  mem- 
bres du  grand  conseil. 

Le  Parlement  élit  ses  membres^  en  présence  du  chancelier 
et  de  quelques  membres  du  grand  conseil.  Ce  corps  se 
recrute  désormais  lui-même  ;  l'indépendance  de  la  magis- 
trature est  ainsi  fondée. 

Deux  juridictions  oppressives  sont  limitées,  restreintes. 
L'hôtel  du  roi  n'enlèvera  plus  les  plaideurs  à  leurs  tribu- 

«  Ord.,p.  109. 


CONXILE  DE  PISE.  165 

naux  naturels,  ne  les  ruinera  plus  préalablement  en  les 
forçant  de  venir  des  provinces  éloignées  implorer  à  Paris 
une  justice  tardive.  La  charge  du  grand  maître  des  eaux  et 
forets  est  supprimée.  Ce  grand  maître,  ordinairement  Tun 
des  hauts  seigneurs  du  royaume,  n'avait  que  trop  de 
facilités  pour  tyranniser  les  campagnes.  11  y  aura  six 
maîtres,  et  Ton  pourra  appeler  de  leurs  tribunaux  au*  par- 
lement. Les  nuages  des  bonnes  gens  seront  respectés.  Les 
louvetiers  n'empêcheront  plus  le  paysan  de  tuer  les  loups. 
Il  pourra  détruire  les  nouvelles  garennes  que  les  seigneurs 
on^  faites,  «  en  dépeuplant  le  voisin  des  hommes  et  habi- 
tants, et  le  peuplant  de  bétes  sauvages  ^.  » 

Dans  la  lecture  de  ce  grand  acte,  une  chose  inspire 
Tâdmiriition  et  le  respect,  c'est  une  impartialité  qui  ne  se 
dément  nulle  part.  Quels  en  ont  été  les  véritables  rédac- 
teurs? De  quel  ordre  de  l'Ëtat  est-elle  plus  particulière- 
ment émanée?  On  ne  saurait  le  dire. 

L'Université  elle-même,  à  qui  elle  est  principalement 
attribuée  dans  le  préambule  s,  ne  pouvait  avoir  cet  esprit 
d'application,  cette  sagesse  pratique.  La  remontrance  de 
l'Université,  telle  qu'on  la  lit  dans  Monstrelet,  n'est  guère 
qu'une  violente  accusation  de  tel  abus,  de  tel  fonction- 
naire. 

Les  parlementaires,  auxquels  l'ordonnance  accorde  tant 
de  pouvoir,  ne  semblent  pourtant  pas  avoir  dominé  dans  la 
rédaction.  On  leur  reproche  l'ignorance  de  quelques^ns 
d'entre  eux,  leur  facilité  à  recevoir  des  présents;  on 
leur  défend  d'être  plusieurs  membres  du  Parlement  d'une 
même  famille. 

Les  avocats,  notaires,  greffiers,  sont  tancés  pour  Tesp  rit 


I  Ord.,  p.  163. 

*  •  Eussions  requis  les  Prëlat«,  auerariers,  Ecuyer.4,  Bourgeois  de  nos 
•eitfit  et  bonnes  villes,  et  mesniement  nostre  très  ciiiére  et  très  amce  fille 
rUnirereité  de  Paris...  que  nous  baillassent  leur  bon  aris...  >  Ord., 
p.  71. 


ï 


166  ESSAIS  DE  REFORME  DANS  L  ETAT  ET  DANS  L'ÉGLISS. 

fiscal,  pour  la  paperasserie  ruineuse  qui  déjà  dévorait  les 
plaideurs. 

Les  gens  des  comptes  sont  traités  avec  défiance.  Us  ne 
doivent  rien  décider  isolément,  mais  par  délibération 
commune  «  et  en  plein  bureau,  s 

Les  prévôts  et  sénéchaux  doivent  être  nés  dans  une  autre 
province  que  dans  celle  où  ils  jugent*  Us  ne  peuvent  y  rien 
acquérir,  ni  s'y  marier,  ni  y  marier  leurs  filles.  Quand  ils 
vont  quitter  la  province,  ils  doivent  y  rester  quarante  jours 
pour  répondre  de  ce  qu'ils  ont  fait. 

Los  gens  d'Église  n'inspirent  pas  plus  de  confiance  au 
rédacteur  de  Tordonnance.  Il  ne  veut  pas  que  des  prêtres 
puissent  être  avocats.  Il  accuse  les  présidents  clercs  du 
Parlement  de  négligence  ou  de  connivence.  Je  ne  reconnais 
pas  ici  la  main  ecclésiastique. 

Cette  ordonnance  n*émane  pas  non  plus  exclusivement 
de  Fesprit  bourgeois  et  communal.  Elle  protège  les  habi- 
tants des  campagnes.  Elle  leur  accorde  le  droit  de  chasse 
dans  les  garennes  que  les  seigneurs  ont  faites  sans  droit. 
Elle  leur  permet  de  prendre  les  armes  pour  seconder  les 
sénéchaux  et  courir  sus  aux  pillards  *. 

De  tout  ceci,  nous  pouvons  conclure  qu'une  réforme 
aussi  impartiale  de  tous  les  ordres  de  TÉtat,  ne  s'est  faite 
sous  Tinfiuence  exclusive  d'aucun  d'eux,  mais  que  tous  y 
ont  pris  part. 

Les  violents  ont  exigé  et  quelquefois  dicté  ;  les  modérés 
ont  écrit  ;  ils  ont  transformé  les  violences  passagères  en 
réformes  sages  et  durables.  Les  docteurs,  Pavilly,  Gentien, 
Courtecuisse;  les  légistes,  Henri  de  Marie,  Arnaud  de 
Corbie,  Juvénul  des  Ursins,  tous  vraisemblablement 
auront  été  consultés.  Toutes  les  ordonnances  antérieures 
sont  venues  se  fondre  ici.  C'est  la  sagesse  de  la  France 

d'alors,  son  grand  monument,  qu'on  a  pu  condamner  un 

■ 

*  Ord.,  p.  137. 


CONCILB  DX  PISB.  467 

moment  avec  la  révolution  qui  l'avait  élevé,  mais  qui  n'en 
est  pas  moins  resté  comme  un  fonds  où  la  législation 
venait  puiser,  comme  un  point  de  départ  pour  les  amélio- 
rations nouvelles. 

Quelque  sévères  que  nous  puissions  être,  nous  autres 
modernes,  pour  ces  essais  gothiques,  convenons  pourtant 
qu'on  y  voit  poindre  les  vrais  principes  de  l'organisme, 
administratif,  principes  qui  ne  sont  autres  que  ceux  de' 
tout  organisme,  centralisation  de  l'ensemble,  subordination 
mutuelle  des  parties.  La  séparati<m  des  pouvoirs  adminis-^ 
tratif  et  judiciaire,  des  pouvoirs  judiciaire  et  municipal, 
quoique  impossible  encore,  n'en  est  pas  moins  indiquée 
dans  quelques  articles. 

La  eonCusion  des  pouvoirs  judiciaire  et  mffîtaîre,  oe 
fléau  des  sociétés  barbares,  y  subsiste  en  droit  dans  les 
nénéchaux  et  les  baiUis.  En  fait,  ces  juges  d'épée  ne  sont 
plus  d^  les  vrais  juges  ;  ils  «Mit  la  représentation  et  les 
bénéfices  de  la  justice  plus  qu'ils  n'en  ont  le  pouvoir 
même.  Les  vrais  juges  sont  leurs  lieutenants,  et  ceux-ci 
sont  élus  parles  avocats  et  les  conseillers,  «pur  les  sages  ^ 
cooune  dit  l'ordonnanee. 

Elle  accorde  beaucoup  à  ces  sagu^  aux  gens  de  loi, 
beaucoup  trop,  ce  semble.  Les  compagnies  se  recrutant 
elles-mêmes  se  recruteront  probablement  en  Camille  ;  les 
juges  s'associeront,  malgré  toutes  les  précautions  de  la  loi, 
leurs  fils,  leurs  neveux,  leurs  gendres.  Les  élections  cou- 
vriront des  arrangements  d'intérêt  ou  de  parenté.  Une 
charge  sera  souvent  une  dot  ;  étrange  appsn  d'une  jeune 
^  épousée,  le  droit  de  feiire  rompre  et  pendre...  Ces  gens  se 
V  respecteront,  je  le  crois,  en  proportion  môme  des  droits 
immenses  qui  sont  en  leurs  mains.  Le  pouvoir  judiciaire, 
transmis  comme  propriété,  n'en  sera  que  plus  fixe,  plus 
digne  peut-être.  Ne  sera-t-il  pas  trop  fixe?  Ces  familles, 
ne  se  mariant  guère  qu'entre  elles,  ne  vont-elles  pas  cons- 
tituer une  sorte  de  féodalité  judiciaire  ?  immense  inconvé- 


168    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  L'ÉTAT  £T  DANS  l'ÉGLISB. 

nient...  Mais  alors  c'était  un  avantage.  Cette  féodalité  était 
nécessaire   contre   la   féodalité  militaire,  qu'il  s'agissait 
d'annuler.  La  noblesse  avdt  la  force  de  cohésion  et  de 
\  parenté;  il  fallait  qu'il  y  eût  aussi  parenté  dans  la  judica- 
jture  ;  à  ces  époques,  matérielles  encore,  il  n*y  a  d'associa- 
[lion  solide  que  par  la  chair  et  le  sang. 
)    Deux  choses   manquaient  pour  que  la  belle  réforme 
îadministrativeet  judiciaire  de  1413  fût  viable^:  d*abord 
d'être  appuyée  sur  une  réforme  législative  et  politique: 
celle-ci  avait  été  essayée  isolément  en  1357.  Hais  ce  qui 
manquait  surtout,  c'étaient  des  hommes,  et  les^mœurs  qui 
font  les  hommes  :  sans  les  mœurs,  que  peuvent  les  lois?... 
Ces  mœurs  ne  pouvaient  se  former  qu'à  la  longue,  et 
d'abord  dans  certaines  familles,  dont  l'exemple  pût  donner 
à  la  nation  ce  qu'elle  a  le  moins,  il  faut  le  dire,  ce  qu'elle 
acquiert  lentement,  le  sérieux,  l'esprit  de  suite,  le  respect 
des  précédents.  Tout  cela  se  trouva  dans  les  familles  par- 
lementaires. 

Cette  ordonnance  des  ordonnances  fut  déclarée  solen- 
nellement par  le  roi  obligatoire^  inviolable.  Les  princes  et 
les  prélats  qui  étaient  à  ses  côtés,  en  levèrent  la  maio. 
L'aumônier  du  roi,  mattre  Jean  Courtecuisse ,  célèbre 
docteur  de  l'Université,  prêcha  ensuite  à  Saint-Paul  sur 
rexcellencii  de  l'ordonnance.  Dans  son  discours,  généra- 
lement faible  et  traînant,  il  y  a  néanmoins  une  figure 
-pathétique  ;  il  y  représente  l'Université  comme  un  pauvre 
Affamé  qui  a  faim  et  soif  des  lois  ^. 

Il  s'agissait  d'appliquer  ce  grand  code.  Là  devait  appa- 
raître la  terrible  disproportion  entre  les  lois  et  les  hommes. 


>  La  seule  garantie  qfv'on  lai  donne,  c'est  la  publicité,  rinsuffisaote 
publicité  de  ee  tempe.  £lle  doit  être  lue  et  affichée  une  fois  au  siège  de 
chaque  sénéchaussée  et  bailliage,  le  premier  jour  des  assises.  Ord., 
p.  113. 

*  ilpp.,  143. 


CONCILE  DE  PISE.  1  G9 

Les  modérés,  les  capables  se  tenant  à  Técart,  restaient 
pour  commencer  l'application  *de  ces  belles  lois,  les  gens 
les  moins  propres  à  mettre  en  mouvement  une  telle 
machine,  les  scolastiques  et  les  bouchers,  ceux-ci  trop 
grossiers,  ceux-là  trop  subtils,  trop  étrangers  aux  réa- 
lités. 

Quelle  qu'ait  été  leur  gaucherie  brutale  dans  un  métier 
si  nouveau  pour  eux,  l'histoire  doit  dire  qu'ils  ne  se  mon- 
trèrent pas  aussi  indignes  du  pouvofr  qu'on  l'eût  attendu.  . 
Ces  gens  de  la  commune  de  Paris,  délaissés  du  royaume, 
essayèrent  tout  à  la  fois  de  le  réformer  et  de  le  défendre. 
Ils  envoyèrent  leur  prévôt  contre  les  Anglais,  en  môm( 
temps  que  leur  capitaine  Jacqueville  allait  bravement  à  la 
rencontre  des  princes  ^.  Dans  Paris  même,  ils  commencè- 
rent un  grand  monument  d'utilité  publique,  qui  complé- 
tait la  triple  unité  de  cette  ville  ;  je  parle  du  pont  Notre- 
Dame,  grand  ouvrage,  fondé  héroïquement  dans  des 
circonstances  si  difficiles  et  avec  si  peu  de  ressources  *. 

Le  fait  est  que  ce  gouvernement  ne  fut  soutenu  de  per- 
sonne. Les  Anglais  étaient  à  Dieppe,  si  près  de  Paris  ; 
personne  ne  voulut  donner  d'argent.  Gerson  refusa  de 
payer  et  laissa  plutôt  piller  sa  maison.  L'avocat  général, 
Juvéïial,  refusa  aussi,  aimant  mieux  être  emprisonné. 

En  donnant  ainsi  Texémple  d'annuler  par  une  résistance 
d'inertie  ce  gouvernement  irrégulier,  les  modérés  n'en 
prirent  pas  moins  une  responsabilité  bien  grave.  Us  aban- 
donnaient tout  à  la  fois  et  la  défense  du  pays  et  la  belle  . 
rt'forme  qu'on  avait  obtenue  avec  tant  de  peine.  Ce  n'est 
pas  la  seule  fois  que  les  honnêtes  gens  ont  ainsi  trahi  ; 
l'intérêt  public,  et  puni  la  liberté  du  crime  de  son  .parti. 

*  Jasqa*à  Monteretn...  •  ili  ne  rencontrèrent  pas  Tun  Tautre.  • 
Uonstrelet.  —  *  App„  I4i. 

>  Cependant  le  nouveau  gouvernement  avait  essay<^  de  s'assurer^  do 
rUniversité  en  enjoignant  au  prévôt  de  Parié  et  aux  autres  justiciers  do 
faire  jouir  i'Universilé  des  avantages  que  le  pape  Jean  XXIli  lui  avait 
accordât  dans  la  répartition  des  bénéfices.  Ord.,  p.  lo5,  6  juillet  1413. 


470    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  L'ETAT  ET  DAXS   l'ÈGLISK. 

Les  cabochiens  ne  purent  faire  contribuer  ni  TËgUse,  ni  le 
Parlen^nt.  Ayant  saisi  l'argent  de  la  fuire  du  Landit,  qui 
appartenait  aux  moines  de  Saint-Denis,  ils  virent  s*élever 
une  clameur  générale.  Leurs  amis,  les  uDÂversitaîres, 
refusèrent  de  les  aider,  et  les  obligèrent  de  rapporter 
l'argent  qu'ils  avaient  levé  sur  quelques  suppôts  de  TUni- 
versité. 

Se  voyant  ainsi  entravés  de  toute  part  et  ne  trouvant  que 
des  obstacles,  les  cabochiens  entrèrent  en  fureur.  Us  pour- 
suivirent Gerson,  qui  fut  obligé  de  se  cacher  dans  1^ 
voûtes  de  Notre-Dame.  Le  jugement  des  prisonniers  fut 
hâté  ;  la  commission  eut  peur,  et  signa  des  condamnations. 
D'abord  on  ût  mourir  d^  gens  qui  l'avaient  mérité,  par 
exemple  iin  homme  qui  avait  livré  à  l'ennemL,  à  la  mort, 
quatre  cents  bourgeois  de  Paris.  Puis»  on  traîna  à  la  Grèv£ 
le  prévôt  Desessarts  qui  avait  trahi  les  deux  partis  tour  à 
tour.  Les  bouchers  hâtèrent  sa  mort,  justement  parce 
qu'ils  estimaient  sa  bravoure  et  sa  cruauté  '.  (i^r  juillet) 

Les  juges  allant  encore  trop  lentement,  les  assassinats 
abrégèrent.  Jacqueville  alla  insulter  dans  sa  prison  le  sire 
de  La  Rivière,  et  celui-ci  Tayant  démenti,  ce  digne  capi- 
taine des  bouchers  assomma  le  prisonnier  désarmé.  La 
Rivière  n'en  fut  pas  moins  porté  le  lenden[iain  à  la  Grève  ; 
l'on  décapita  péle-méle  les  vivants  et  le  mort  K 

Si  la  prison  même  n'était  plus  une  sauvegarde,  Thôtei 
du  roi  risquait  fort  de  n'en  plus  ôtiïe  une.  Un  soir  que 
Jacqueville  et  ses  bouchers  faisaient  leur  rondfi,  ils  enten- 
dirent, vers  onze  heures,  un  ^rand  bruit  de  fête  chez  le 
dauphin.  Ce  jeune  homme  dansait,  pendant  qu'on  tuait  ses 


I  •  Depuis  qu'il  fast  mis  sur  la  claye  jusgnes  &  sa  mort,  il  ne  faisoit 

toujours  que  rire.  »  Journal  du  Bourgeois. 

'  Les  cabochiens  s'inquiétèrent  pourtant  Je  rcffet  qae  produisait  ctilù 
barbarie.  Ils  envoyèrent  dans  les  villes  une  sorte  d'apologie;  ils  y  di- 
8:ii(.nt  :  i  que  chacurie  inTormation  de  ceux  qui  avoienl  été  décïkles, 
coatcnoit  soixante  feuilles  de  papier.  >  Mouslrelet. 


COliCIUS  DS  PI6K.  471 

aiBM.  Les  baudbers  raimtèrenl»  et  lui  firent  den^aiider  par 
JBcqHeviUe  $*'û  était  décent  à  ua  fils  de  Fraooe  de  danser 
aiasi  à  une  beure  indue  ^.  Le  sire  da  la  TrémouiUe  répliqua, 
JaequeviUe  lui  reprocha  d'étdPe  l'auteur  de  ces  désordres. 
La  palîeoee  maiiqcka  audanidûn;  U  s'élança  sur  Jaoque-  ( 
/ilie,  et  lui  porta  teois  coups  de  poignard  qu'ajrréta«sa  cotte  I 
de  mailles.  La  Trémouille  eût  été  massacvé^  si  le  duc  da 
Bourgogne  n'eâft  prié  pour  luL  (40  juillet.) 

Cette  vioiatiûn  ia  Tfaôtel  du  rot  détaehabien  des  gens  de 
ce  parti  qfà  se  neq^ctail  rien.  La  religion  de  la  royauté 
était  encore  entière,  et  le  fut  longten^'.  Les  bons  bour-- 
gaois' assurèrent  le  dauphin  de  leur  douleur  et  de  leur 
dérooement  Les  boucliers  avaient  lassé  tout  le  monde. 
Les  artisans  même,  les  derniers  du  peuple,  commençaient 
à  en  sfToir  aases;  phis  de  cooimenee»  plus  d'ouvrage  ;  ils 
étaient  sans  cesse  appelés  >  faire  le  guet,  excédés  de 
gardes,  de  rondes  et  de  veilles. 

Les  princes,  cfut  n'ignoraient  pas  Tétat  de  Paris,  appro* 
ehaiant  toujours,  en  offrant  la  paÎK^.  Tout  le  monde  la 
désirait,  mais  on  avait  peur.  Le  dauphin  fit  part  des  pro- 
positions aux  grands  corps,  au  Parlement,  à  TUniversité. 
U  fut  décidé,  maigre  les  boochers,  qu'il  y  aurait  conférence 
avec  les  princes.  L'éloquence  de  Caboche,  qui  pérora  dans 
un  brillant  costume  de  chevalier,  ne  persuada  personne  ; 
ses  tiienaces  eurent  peu  d'effet. 

Personne  dans  la  bourgeoisie  n'agit  plus  habilement 
contre  les  bouchers  que  l'avocat  général  Javénai.  Cet  bon-» 
néte  homme  poursuivait  alors,  sans  souci  des  réformes, 
sans  intelligence  de  l'avenir^,  un  seul  but  :  la  tin  des 


*  •  Entre  onze  et  douze  heures  du  soir.  >  /nvénal. 

*  App.,  145. 

'  te  BoargeoU  de  Paris  est  l'écho  fidète  des  hrnits  absurdes  qu'on 
faisait  circuler  :  •  Uais  bien  scay  que  ils  demandoienl  toujours...  U 
desirociion  de  la  home  ville  de  Paris. 

*  App.,  146. 


172  ESSAIS  DE  RiFORip  DANS  L*ÉTAT  ET  DANS  l'ÉGLISI. 

désordres  et  la  sécurité  de  Paris.  Cette  pensée  ne  lui  laissait 
ni  'repos  ni  sommeil.  Une  nuit,  s*étant  endormi  vers  le 
matin,  il  lui  sembla  qu'une  voix  lui  disait  :  Surgite  cùm 
^ederetis^  qui  manducatis  panem  doloris.  Sa  femme,  qiû 
était  une  bonne  et  dévoté  dame,  lorsqu'il  s*éveilla,  lai  dit  : 
«  Mon  ami,  j'ai  entendu  ce  matin  qu'on  vous  disait,  ou  que 
vous  prononciez  en  rêvant  des  paroles  que  j'ai  souvent  lues 
dans  mes  Heures,  «  et  elle  les  lui  répéta.  Le  bon  Juvénal 
lui  répondit  :  «  Ma  mie,  nous  avons  onze  enfants,  et  par 
conséquent  grand  sujet  de  prier  Dieu  de  nous  accorder  la 
paix  ;  ayons  espoir  en  lui,  il  nous  aidera.  » 

La  ruine  des  bouchers  fut  décidée  par  une  chose,  petite, 
et  pourtant  de  grand  effet.  Il  fut  convenu,  malgré  eux,  que 
les  propositions  des  princes  seraient-  lues  d'abord,  non 
dans  l'assemblée  générale,  mais  dans  chaque  quartier 
(21  juillet).  La  faible  minorité,  qui  tyrannisait  Pans, 
pouvait  effrayer  encore,  quand  elle  était  réunie;  divisée, 
elle  devenait  impuissante,  presque  imperceptible.  Ce  point 
fut  emporté  contre  les  bouchers  par  l'énergie  d'un  quar- 
tenier  du  cimetière  Saint- Jean,  le  charpentier  Guillaume 
Cirasse,  qui  osa  bien  dire  en  face  aux  Legoix  :  c  Noos 
verrons  s'il  y  a  à  Paris  autant  de  frappeurs  de  cognée  que 
d'assommeurs  de  boeufs.  > 

Les  bouchers  n'obtinrent  pas  même  que  la  paix  accordée 
aux  princes  le  fût  sous  forme  d'amnistie.  Quoi  qu'ils  pus- 
sent dire,  on  criait  :  «  La  paixl  »  Ce  parti  vint  6nir  à  la 
Grève  même.  Dans  une  assemblée  qui  s'y  tint,  une  voix 
cria  :  «  Que  ceux  qui  veulent  la  paix  passent  à  droite  !  »  D 
ne  resta'  presque  personne* à  gauche.  Ils  n'eurent  d*autre 
ressource,  eux  et  le  duc  de  Bourgogne,  que  de  se  joindre 
au  cortège  du  dauphin  qui  allait  au  Louvre  délivrer  les 
prisonniers.  (3  août.) 

La  réaction  alla  si  vite  qu'en  sortant  de  la  prison  du 
Louvre,  le  duc  de  Bar  en  fut  nommé  capitaine;  et  l'autre 
fort  de  Paris,  la  Bastille,,  fut  confié  à  un  autre  prisonnier, 


CONCILE  DE  PISE.  17$ 

au  duc  de  Bavière.  Deux  des  échevins  furent  changés;  le 
charpentier  fut  échevin  à  la  place  de  Jean  de  Troyes^. 

Peu  après,  un  des  lie  Troyes  et  deux  bouchers,  coupables 
des  premiers  meurtres,  furent  condamnés  et  mis  à  mort. 
Plusieurs  s'enfuirent,  et  la  populace  se  mit  à  piller  leurs 
maisons.  On  faisait  courir  le  bruit  qu'on  avait  trouvé  une 
liste  de  quatorze  cents  personnes,  dont  les  noms  étaient 
marqués  d'un  T,  d'un  B  ou  d'un  H  (tué,  banni  ou  ran- 
çonné). 

Le  duc  de  Bourgogne  n'essaya  pas  de  résister  au  mou- 
vement. Il  laissa  arrêter  deux'  de  ses  chevaliers  dans  son 
hôtel  même,  et  partit  sans  rien  dire  aux  siens,  qu'il  laissai  t 
en  grand  danger.  11  voulait  emmener  le  roi.  Mais  Juvénal 
et  une  troupe  de  bourgeois  les  rejoignirent  à  Vincennes,  et 
il  leur  laissa  reprendre  ce  précieux  otage  ^.  (23  août.) 

Dans  l'arrangement  avec  les  princes,  il  était  convenu 
qu'ils  n'entreraient  pas  dans  Paris.  Mais  toute  condition 
fut  oubliée,  à  commencer  par  celie^i.  Le  dauphin  et  le 
duc  d'Orléans  parurent  ensemble,  vêtus  des  mêmes  cou- 
leurs, portant  une  huque  italienne  en  drap  violet  avec  une 
croix  d'argent.  C'était,  et  ce  n'était  pas  deuil  ;  le  chaperon 
était  rouge  et  noir;  pour  devise  :  «  Le  droit  chemm.  ^  Cf^ 
qui  était  plus  hostile  encore  pour  les  Bou^guigno^s.  c'était 
la  blanche  écharpe  d'Armagnac.  Tout  le  monde  la  prit  ;  on 
la  mit  même  aux  images  des  saints.  Lorsque  les  petits 
enfants,  moins  oublieux,  moins  enfants  que  ce  peuple, 
chantaient  les  chansons  bourguignonnes,  ils  étaient  sûrs 
d'être  battus  3. 

>  App.,  147. 

>  Juvénal  donne  encore  ici  le  beau  rôlo  à  son  père.  ■  Le  duc  de  Bour- 
gojrne  dit  au  roy  :  Que  s'il  luy  pUiM>it  aller  esbaltre  jusques  vers  le  boii 
de  Vincennes,  qu'il  y  faisoit  beau,  et  en  fut  le  roy  content.  Mais  Jarënat 
alla  aussitôt  avec  deux  cents  chevaux  vers  le  bois,  et  dit  au  roy  :  Sire, 
venez-vous-en  en  vostre  bonne  ville  de  Paris,  le  temps  est  bien  chaud 
pour  vous  tenir  sur  les  champs.  Dont  le  roy  fut  trds  content,  et  se  mit  à 
retourner.  » 

*  •  Mesmes  les  petits  enfans  qui   lianloient  aae  cbarnon...,  oà  oa 


47i    ESSAIS  DE  RÉFORME  IMiNS  L  KTIT  ET  DANS  L  EGLISE. 

L'ordonnance  de  réforme,  si  solemielieinent  proclamée, 
fut  non  moins  soleoneHement  anaulée  par  le  roi  dans  ua 
lit  de  justice  (5  sept.).  Le  sage  hiâtoxien  du  ienps^  affligé 
de  cette  versatilité,  osa  demander  à  qoelqnes-naa  du  Con- 
seil comment,  après  avoir  vanté  cas  ordonnances  comme 
éminemment  salutatrest,  Us  eonsentamt  à  leur  abrogation. 
Ils  répondirent  naïvement  :  «  Now  voidona  ce  que  veulent 
les  princes.  »  A  qui  donc  vous  ooaq>arerai-je»  dit  le  moine, 
sinon  à  ces  coqs  de  clocher  qui  tournent  à  tous  les  vents'  ?  ■ 

On  renvoya  à  Jean  sans  Peur  sa  iUe,  que  devait  épouser 
le  fils  du  duc  d'Anjou.  L'Université  «mdmnaa  lea  dineoms 
de  Jean  P^ât.  Une  onlonoancodéoinsa  le  éac  de  Bourgogne 
rebelle  (4  0  février)  ;  on  convoqua  eontre  loi  le  ban  et 
l'arrière-ban.  Il  ne  s'agissait  de  rien  moins  que  de  canfis* 
quer  sesttata. 

Il  crut  pouvoir  prénrasir  ses  ennemis.  Les  cnbochîans 
exilés  lui  persmdi^nt  qu'il  toi  suffirait  de  paraître  devant 
Paris  avec  ses  troupes  pour  y  étio  mfu.  Le  dauphin,  déjà 
las  des  remontrances  de  sa  mère  et  do  oriies  des  pnneea, 
appelait  en  effet  le  BooErguignos.  11  vinfaaiper  entn 
Montmartre  et  Ghaiilot  ;  le  comte  d^Annagnae,  qui  avait 
onze  mille  chevaux  dans  Paris,  tiat  feimo,.  et  rieo  m 
bougea. 

Le  dnc  de  Bourgogne  se  retirajirt,  les  princes  entropment 
de  le  poursuivTOy  d'eaéeuter  la  confiscation.  Mais  les  el- 
froyaUes  bairlMiries  des  Armagnaes  à  Saisaona'  avertirent 
trop  bien  Arras  de  ce  ça'elle  »vait  à  craindre.  Ib  échouè- 
rent devant  cette  ville,  comme  le  duc  de  Bourgogne  avait 
échoué  devant  Paris*. 

dlioit  :  Buo  àê  BaiÊrgoffnê^  Mu  Ê$  VÊmaka  «a  job/..*  >  Jovnial  4a 

bOÙTfgÊùiê, 

*  «  Gsilis  «iBipmiliMD  aoolMiafBai,  à  «aet»  veaii»  volvaMltiL  • 

Religievx. 

*  Ce  qui  foroa  le  due  de  Benfgosae  à  ttaîtac».  een  qa»  lei  Flemradi 
rabandonnaieot.  Les  députes  de  Gand  dirent  aa  roi,  qu'ils  sa 
4e  laeger  le éUKà  son  devoir» 


\ 


f 


Voilà  les  deux  partis  convaincus  de  nouveau  d'impuis- 
sance, lis  font  encore  un  traité.  Le  dnc  de  Bourgogne  est 
quitte  pour  an  peu  de  honte,  mais  ii  ne  perd  rien  ;  il  offkie 
au  r(M,  pour  la  forme,  les  clefs  d'Arras'*.  n  est  défendu  de 
porter  désormais  la  bande  d'Armagnac  et  la  croix  de 
Bourgogne.  (4  sept,  f  4U.) 

La  réaction  ne  fut  point  arrêtée  par  cette  paix.  Les  mo- 
dérés, qui  avaient  si  imprudemment  abandonné  la  réforme, 
eurent  sujet  de  s'en  repentir.  Les  princes  traitèrent  Paris  en 
ville  conquise.  Les  tailles  devinrent  énormes,  et  FargenC 
était  gaspillé,  donné,  jeté.  Juvénal,  alors  chancelier,  ayant 
refusé  de  signer  je  ne  sais  quelle  folie  de  prince,  on  lui 
retira  les  sceaux.  Toute  modération  déplut.  La  violence 
gagna  les  meilleures  têtes.  Au  service  ftmèbre  qui  fut 
célébré  pour  le  duc  d^O^Iéans,  Gerson  prêcha  devant  le  roi 
et  les  princes;  il  attaqua  le  duc  de  Bourgogne,  avec  qui 
Ton  venait  de  fkire  la  paix,  et  déclama  contre  le  gouverne- 
ment populaire  (5  janvier  4415). 

«  Tout  le  mal  est  venu,  dH  Gerson,  de  ce  que  le  roi 
et  la  bonne  bourgeoisie  ont  été  en  servitude  par  Toutra.- 
geusc  entreprise  de  gens  de  petit  état...  Dieu  Ta  permis 
afin  que  nous  connussions  la  différence  qui  est  entre  la 
domination  royale  et  celle  d'aucuns  populaires;  car  la 
royale  a  communément  et  doit  avoir  douceur';  celle  du 
vilain  est  domination  tyrannique,  et  qui  se  détruit  elle- 
même.  Aussi  Aristote  enseignoit-il  à  Alexandre  :  «  N'élève 
pas  ceux  que  la  nature  fait  pour  obéir,  v  —  Le  prédicateur 
Ciroit  reconnaître  les  divers  ordres  de  l'État  dans  les  métaux 
divers  dont  se  composait  la  statue  de  Nabuchodonosor  : 
c  L'état  de  bourgeoisie,  des  marchands  et  laboureurs,  est 
figuré  par  les  jambes  qui  sont  de  fer  et  partie  de  terre, 
pour  leur  labeur  et  humilité  à  servir  et  obéir...;  en  leur 


I  Le  roi  désirait  fort  traiter.  Juvdnal  donne  U-dettos  une  jolie  scène 
d*iatériear.  —  il|^.«  148. 


n6    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  l'ÉTAT  ET  DANS  L'ÉGLISE. 

état  doit  être  le  fer  de  labeur  et  la  terre  d'humilité  *.  > 
Le  même  homme  qui  condamnait  le  gouvernement  po- 
pulaire dans  rÉtat,  le  demandait  dans  l'Église.  Donnons- 
nous  ce  curieux  spectacle.  Il  peut  sembler  humiliant  pour 
Tesprit  humain  ;  il  ne  Test  pas  pour  Gerson  même.  Dans 
chaque  siècle,  c'est  le  plus  grand  homme  qui  a  mission 
d'exprimer  les  contradictions,  apparentes  ou  réelles,  de 
notre  nature;  pendant  ce  temps-là,  les  médiocres,  les 
esprits  bornés  qui  ne  voient  qu'un  côté  des  choses,  s'y 
établissent  fièrement,  s'enferment  dans  un  coin,  et  là 
triomphent  de  dire.». 

Dès  qu'il  s'agit  de  l'Église,  Gerson  est  républicain,  par- 
tisan du  gouvernement  de  tous.  Il  définit  le  concile  :  «  Une 
réunion  de  toute  l'Église  catholique,  comprenant  tout 
ordre  hiérarchique,  sans  exclure  aucun  fidèle  qui  voudra 
se  faire  entendre.  »  Il  ajoute,  il  est  vrai,  que  cette  assem- 
blée doit  être  convoquée  «par  une  autorité  légitime;  » 
mais  cette  autorité  n'est  pas  supérieure  à  celle  du  concile, 
puisque  le  concile  a  droit  de  la  déposer.  Gerson  ne  s'en 
tint  pas  à  la  théorie  du  républicanisme  ecclésiastique  ;  il 
fit  donner  suffrage  aux  simples  prêtres  dans  le  concile  Je 
Constance,  et  coopéra  puissamment  à  déposer  Jean  XXII 2. 
Reprenons  d'un  peu  plus  haut.  Avant  que  les  griefs  de 
l'État  fussent  signalés  par  la  remontrance  de  l'Université 
et  la  grande  ordonnance  de  1 413,  ceux  de  l'Église  l'avaient 
été  par  un  violent  jpamphlet  universitaire,  qui  eut  un  bien 
autre  retentissement.  La  remontrance,  l'ordonnance,  ces 
actes  mort-nés  furent  à  peine  connus  hors  de  Paris.  MaLs 
le  terrible  petit  livre  de  Clémengis  :  Sur  la  Corruption  de 
i^ÉglisCy  éclata  dans  toute  la  chrétienté.  Peut-être  n'est  ce 
pas  exagérer  que  d'en  comparer  l'effet  à  celui  de  la  Capli- 
vUé  de  Babylone^  écrite  un  siècle  après  par  Luther. 


•  Jean  Gerson. 
»  App.,  M. 


coxciLS  DE  nsE.  477 

De  tout  temps,  on  avait  fait  des  satires  c  nt  e  le  i  cns 
d'Église.  L'une  des  premières,  et  certainement  l'une  des 
plus  piquantes,  se  trouve  dans  un  des  capitulaires  de  Char- 
îemagne.  Ces  attaques,  généralement,  avaient  été  indi- 
rectes, timides,  le  plus  souvent  sous  forme  allégorique. 
L'organe  de  la  satire^  c'était  le  renard,  la  bêle  plus  sage 
que  rbomme;  c'était  le  bouffon,  le  fol  plus  sage  que  les 
sages:  ou  bien  enfin  le  diable,  c'est-à-dire  la  malignité 
clairvoyante.  Ces  trois  formes  où  U  satire,  pour  se  faire 
pardonner,  s'exprime  par  les  organes  les  plus  récusables, 
comprennent  toutes  les  attaques  indirectes  du  moyen  âge. 
Quant  aux  attaques  directes,  elles  n'avaient  guère  été 
hasardées  jusqu  au  xui®  siècle  que  par  les  hérétiques 
déclarés,  Albigeois,  Vaudois,  etc.  Au  xiy«  siècle,  les 
laïques,  Dante,  Pétrarque,  Chaucer,  tancèrent  contre 
Rome,  contre  Avignon,  des  traits  pénétrants.  Mais  enfin, 
c'étaient  des  laïques  ;  l'Église  leur  contestait  le  droit  de  la 
juger.  Ici,  vers  1400,  ce  sont  les  Universités,  ce  sont  les 
plus  gi*ands  docteurs,  c*est  l'Église,  dans  ce  qu'elle  a  de 
plus  autorisé,  qui  censure,  qui  frappe  l'Église.  Ce  sont  les 
papes  eux-mêmes  qui  se  jettent  au  visage  les  plus  tristes 
accusations. 

Ce  dialogue,  qui  se  prolongea  entre  Avignon  et  Rome 
pendant  tout  le  temps  du  schisme,  n'en  apprit  que  trop  . 
sur  toutes  les  deux.  La  fiscalité  surtout  des  deux  sièges, 
qui  vendaient  les  bénéfices  longtemps  avant  qu'ils  ne 
vaquassent,  cotte  vénalité  famélique  est  caractérisée  par 
des  mots  terribles  :  «  N'a  t-on  pas  vu,  disent  les  uns,  les 
courtiers  du  pape  *de  Rome  courir  toute  l'Italie,  pour 
s'informer  s'il  n'y  avait  pas  quelque  bénéficier  malade, 
puis  bien  vite  dire  à  Rome  qu'il  était  mort*?  N'a-t-on  pas 
vu  ce  pape,  ce  marchand  de  mauvaise  foi,  vendre  à  plu- 


'  •  El  si  aliqaos  invenerunt  a?grotante5,  lune  currebanl  ad  curiam 
li'iinanam,  et  moriem  tn!ium  intimabnnr.  •  Thcodor.  &  Niom.  de  Schism. 

IV.  12 


478   ESSAIS  DE  REFORME  DANS  LETAT  ET  DANS  L'ÉGLISB. 

sieurs  le  même  bénéfice,  et  la  marchandise  déjà  livrée,  U 
proclamer  encore  et  la  revendre  au  second,  au  troisième, 
au  quatrième  acheteur?  »  —  a  Et  vous,  répondaient  les 
autres,  vous  qui  réclamez  pour  le  pape  la  succession  des 
prêtres,  ne  venez -vous  pas  au  chevet  de  l'agonisant  rafler 
toute  sa  dépouille?  Un  prêtre  déjà  inhumé  a  été  tiré  du 
sépulcre,  et  le  cadavre  déterré  pour  le  mettre  à  nu^.  > 

Ces  furieuses  invectives  furent  ramassées,  comme  en 
une  masse,  dans  le  pamphlet  de  Clémengis,  et  cette  masse 
lancée,  de  façon  à  écraser  l'Ëglise.  Le  pamphlet  n'était  pas 
seulement  dirigé  contre  la  tête,  tous  les  membres  étaient 
frappés.  Pape,  cardinaux,  évêques,  chanoines,  moines^ 
tous  avaient  leur  part,  jusqu'au  dernier  Mendiant.  Certain 
nement  Clémengis  fit  bien  plus  qu'il  ne  voulait.  Si  l'Église 
était  vraiment  telle,  il  n'y  avait  pas  à  la  réformer  ;  il  fallait 
prendre  ce  corps  pourri  et  le  jeter  tout  entier  au  feu. 

D'abord  l'effroyable  cumul,  jusqu'à  réunir  en  une  main 
quatre  cents,  cinq  cents  bénéfices ,  l'insouciance  des  pas- 
teurs qui  souvent  n'ont  jamais  vu  leur  église  ;  Tignorance 
insolente  des  gros  bonnets,  qui  rougissent  de  prêcher; 
l'arbitraire  tyrannique  de  leur  juridiction,  au  point  que  tout 
le  monde  fuit  maintenant  le  jugement  de  TËglise  ;  la  con- 
fession vénale,  l'absolution  mercenaire  :  «  Quç  si,  dit-il, 
on  leur  rappelle  le  précepte  de  l'Évangile  :  Donnez  graïuUe- 
ment,  ainsi  que  vous  avez  reçu,  ils  répondent  sans  sour- 
ciller :  «  Nous  n*avons  pas  reçu  gratis  ;  nous  avons  acheté^ 
nous  pouvons  revendre^.  » 

Dans  l'ardeur  de  l'invective,  ce  violent  prêtre  aborde 
hardiment  mille  choses  que  les  laïques  auraient  craiot 
d'expliquer  :  l'étrange  vie  des  chanoines,  leurs  quasi- 
mariages,  leurs  orgies  parmi  les  cartes  et  les  pots,  la  pros- 
titution des  religieuses,  la  corruption  hypocrite  des  Men- 

i  t  Ut  inhamatos  eralso  monTUDento  atque  corrupto  corpore  sois 
spoliis  effossus  prlvaretur.  *  AppeUatio  Univers.  Paris,  à  D.  BenedicKk 

*  Clemeogis. 


CONQUE  DK  PISBtf  179 

diaiits  qui  se  vantent  de  faire  la  besogne  de  tous  les  autres, 
de  porter  seuls  le  poids  de  l'ÉgUse,  tandis  qu'ils  vont  de 
maison  en  maison  boire  avec  les  femmes  :  «  Les  femmes 
sont  celles  des  autres,  mais  les  enfants  sont  bien  d'eux  ^  » 

En  repassant  froidement  ces  virulentes  accusations  on 
remarque  qu'il  y  a  dans  le  factun  ecclésiastique  de  l'Uni-» 
versitéy  comme  dans  son  factum  politique  de  4443,  plus 
d'un  grief  mal  fondé.  Jl  était  injuste  de  reprocher  d'une 
manière  absolue  au  roi,  au  pape,  «ox  grands  dignitaires 
de  rËglise,  Taugmentation  de»  dépenses.  Cette  augmenta- 
tion ne  tenait  pas  seulement  à  la  prodigalité,  au  gaspillage, 
au  mauvais  mode  de  perception,  mais  bien  aussi  à  Vamlis-' 
semtni  progressif  du  prix  de  ï argent^  ce  grand  phénomène 
économique  que  le  moyen. âge  n'a  pas  compris;  de  plus,  à 
la  multiplicité  croissante  des  besoins  de  la  civilisation,  au  dé- 
veloppement de  l'administration,  au  progrès  des  arts^etc.^. 
La  dépense  av^it  augmenté,  et  quoique  la  production  eût 
augmenté  aussi,  celle-ci  ne  croissait  pas  dans  une  propor- 
tion assez  rapide  pour  suffire  à  l'autre.  La  richesse  crois- 
sait lentement,  et  elle  était  mai  répartie.  L'équilibre  de  la 
production,  et  de  la  consommation  avait  peine  à  s'établir. 

Ca  autre  grief  de  CiéniengiSi  et  le  plus  grand  sans  doute 
aux  yeux  des  universitaires,  c'est  que  les  bénéfices  étaient 
donnés  le  plus  souvent  à- des  gens  fort  peu  théologiens, 
aux  créatures  des  princes,  du  pape,  aux  légistes  surtout. 
Les  princi^s,  les  papes,  n'avaient  pas  tout  le  tort.  Ce  n'était 
pas  leur  faute  si  les  laïques  partageaient  alors  avec  l'Église 
ce  qui  avait  fait  le  titre  et  le  droit  de  celle-ci  au  moyen 
âge,  Vesprity  le  pouvoir  spirituel.  Le  clergé  seul  était  riche, 
les  récompenses  ne  pouvaient  guère  se  prendre  que  sur  les 
biens  du  clergé. 

Clémengis  lui-môme  fournit  une  bonne  réponse  à  ses 


*  «  Cmn  non  sui»  oxoribos,  licet  s^pe  cam  sois  parvulis.  >  Clémengis. 

*  App„  iSU. 


180    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  L  ÉTAT  ET  DANS  L*ÉGL1SI. 

accusations.  Quand  on  parcourt  le  volumineux  recueil  de 
ses  lettres,  on  est  étonné  de  trouver  dans  la  correspondance 
d'un  homme  si  important,  de  l'homme  d'affaires  de  l'Uni- 
versité, si  peu  de  choses  positives.  Ce  n'est  que  vide,  que 
généralités  vagues.  Nulle  condamnation  plus  décisive  de 
l'éducation  scolastique. 

Les  contemporains  n'avaient  garde  de  s'avouer  cette 
pauvreté  intellectuelle,  ce  dessèchement  de  l'esprit.  Us  se 
félicitaient  de  l'état  florissant  de  la  philosophie  et  de  la 
littérature.  N'avaient -ils  pas  de  grands  hommes,  tout 
comme  les  âges  antérieurs?  Clémengis  était  un  grand 
homme,  d'Ailly  était  un  grand  homme ^,  et  bien  d'autres 
encore,  qui  dorment  dans  les  bibliotlièques,  et  méritent 
d'y  dormir. 

L'esprit  humain  se  mourait  d'ennui.  C'était  là  son  mal. 
Cet  ennui  était  une  cause  indirecte,  il  est  vrai,  mais  réelle 
de  la  corruption  de  l'Église.  Les  prêtres  excédés  de  sco- 
lastique, de  formes  vides,  de  mots  où  il  n'y  avait  rien  pour 
l'àme,  ils  la  donnaient  au  corps,  cette  âme  dont  ils  ne 
savaient  que  faire.  L'Église  périssait  par  deux  causes  en 
apparence  contraires,  et  dont  pourtant  l'une  expliquait 
l'autre  :  subtilité,  stérilité  dans  les  idées,  matérialité  gros- 
sière dans  les  mœurs. 

Tout  le  monde  parlait  de  réforme.  Il  fallait,  disait-on, 
réformer  le  pape,  réformer  l'Église;  il  fallait  que  l'Église, 
siégeant  en  concile,  ressaisit  ses  justes  droits.  Mais  trans- 

¥ 

porter  la  réforme  du  pape  au  concile,  ce  n'était  guère 
avancer.  De  tels  maux  sont  au  fond  des  âmes  :  m  In  culpa 
est  animus.  »  Un  changement  de  formé  dans  le  gouver- 
nement ecclésiastique,  une  réforme  négative  ne  pouvait 
changer  les  choses;  il  eût  fallu  l'introduction  d'un  élé* 
ment  positif,  un  nouveau  principe  vital,  une  étincelle, 
une  idée. 

f  App.,  151. 


€ONCILE  DE  PISE.  181 

>l  crut  tout  faire,  en  condamnant  par 
"^pes  qui  refusaient  de  céder,  en  les 
\xi\.  pape  un  frère  mineur,  un  an- 
'sité  de  Paris.  Ce  professeur,  qui 
brouilla  bien  vite  avec  l'Uni- 
on en  eut  trois  ;  ce  fut  tout, 
liront  avec  amusement  le 
^toe  les  deux  papes  ré- 
du  monde  chrétien 
patriarches,  environ 
quatre  générauiP 
ents  chapitres, 
t  les  ambas* 
église  by- 
.0.  Elle  n'en 
"1:^,  X  ^  «etieux  récit  des 

'^/   '  les  deux  papes  élu- 

osion  qu'on  leur  deman- 

.  entendaient  au  fond  à  mer- 

dxaltation,  avaient  juré  de  céder. 

.lit,  disaient-ils,  céder  qu'ensemble, 

.lient  :  il  fallait  une  entrevue.  Poussés  Tun 

^.ar  leurs  cardinaux,  ils  trouvaient  chaque  jour 

ties  difficultés.  Les  routes  de  terre  n'étaient  pas 

',  il  leur  &Uait  des  saufs-conduits  des  princes.  Les  saufs- 

«induits  arrivaient-ils?  ils  ne  s'y  fiaient  pas.  Il  leur  fallait 

une  escorte,  des  soldats  à  eux.  D'ailleurs,  ils  n'ftvaient  pas 

d'argent  pour  se  mettre  en  route  ;  ils  en  empruntaient  à 

leurs  cardinaux.  Puis,  ils  voulaient  aller  par  mer  :  il  leur 

fallait  des  vaisseaux.  Les  vaisseaux  prêts,  c'était  autre  chose. 

On  parvint  un  moment  à  les  approcher  un  peu  Tun  de 

l^autre.  Mais  il  n'y  eut  pas  moyen  de  leur  faire  faire  le  der- 

«  iipp..  IB2. 

*  Us  Universitds  de  Bologne,  d'Angers,  d'Orléans,  de  Toulouse  même. 
Avaient  fini  par  se  réunir  contre  les  papes  à  celle  de  Paris. 


1 


48i    ESSAIS  DE  RÉFORMI  llà!lS  LÉTAT  KT  DX5S  LÉGUSL 

nier  pas.  L'un  voulait  que  l'entrevue  eut  lieu  dans  wl  port, 
au  rivage  même  ;  l'autre  avait  horreur  de  la  mer.  C< 
comme  deux  animaux  d'élément  différent,  qui  ne 
se  rencontrer*. 

Benoit  XIU,  Tàragonais,  finit  par  jeter  le  masqwe,  et  dit 
qu'il  croirait  pécher  mortellement,  s'il  acceptait  la  vote  de 
cession*.  Et  peut-être  était*il  sincère.  C^ier,  c'était 
naître  comme  supérieure  l'autorité  qui  imposait  la 
c'était  subordonner  la  papauté  au  concile,  ctiaiiyr  le 
gouvernement  de  l'Église,  de  monarchie  en  répabliqae. 
Ëtait-ce  bien  au  milieu  d'un  ébranlement  universel  dn 
monde  qu'il  pouvait  toucher  à  l'unité  qui,  si  longtemps, 
avait  fait  la  force  du  grand  édifice  spirituel,  la  clef  de  la 
voûte?  Au  moment  ou  la  critique  touchait  à  la  légende 
législative  de  la  papauté,  lorsque  Valla  élevait  les  premiers 
doutes  sur  l'authenticité  des  décrétâtes  3,  pouvait-on  de- 
mander au  pape  d'aider  à  son  abaissement,  de  se  tuer  de 
ses  propres  mains? 

11  faut  le  dire.  Ce  n'était  pas  une  question  de  forme, 
mais  bien  de  fond  et  de  vie.  Monarchie  ou  république, 
rÊglise  eût  été  également  malade.  Le  concile  avait-il  en  \m 
la  vie  morale  qui  manquait  au  pape?  les  réformateurs 
valaient-ils  mieux  que  le  réformé?  le  chrf  était  gâté,  mais 
les  membres  étaient*ils  sains?  Non,  il  y  avait,  dans  les  uns 
et  dans  les  autres,  beaucoup  de  corruption  ;  tout  ce  cfui 
constituait  le  pouvoir  spirituel  tendait  à  se  matérialiser,  à 
n'être  plus  spirituel.  Et  cela  venait  principalement,  nous 
l'avons  dit,  de  l'absence  des  idées,  du  vide  iiiunense  qui  se 
ti'ouvait  dans  les  esprits . 

C'en  était  fait  de  la  scolasti^ue.  Baimond  LuUe  l'avait 


«  App.,  i53. 

*  Loriqu'ou  lai  apprit  que  la  France  ayail  déclaré  sa  touttraction. 
d'obnlienee,  il  dit  avec  beaucoup  de  dignité  :  •  Qu'importe?  Sftiai Pierre 
u'avaii  pas  ce  royauou  daas  soû  ubcdit^uoe.  » 

3  Ajp  ,  loi. 


CONCILB  DE  PISE.  183 

w 

feimée  par  sa  machine  à  penser;  puis  Ockam  en  refusant 
la  réalité  aux  universaux,  en  replaçant  la  question  au  point 
où  Tavait  laissée  Âbaiiard. 

Raimond  Lulle  pleura  aux  pieds  de  son  Arbor^^  qui 
finissait  la  scolastiqne.  Pétrarque  pleura  la  poésie.  Les 
grands  mystiques  d*aIors  avaient  de  même  le  sentiment  de 
la  fin.  Le  xiv«  siècle  voit  passer  ces  derniers  génies;  cha- 
cun d'eux  se  tait,  s'en  va,  éteignant  sa  lumière  :  il  se  fait 
d'épaisses  ténèbres. 

Il  ne  faut  pas  s'étonner  si  Tesprit  humain  s'effraye  et 
s'attriste.  L'Église  ne  le  console  pas.  Cette  grande  épouse 
du  moyen  âge  avait  promis  de  ne  pas  vieillir,  d'être  tou- 
jours belle  et  féconde,  de  renouveler^  toujours,  de  sorte 
qu'elle  occupât  sans  cesse  Tinquiète  pensée  de  l'homme, 
l'inépuisable  activité  de  son  cœur.  Cependant  elle  avait 
passé  de  la  jeune  vitalité  populaire  aux  abstractions  de 
l'école,  à  saint  Thomas 3.  Dans  sa  tendance  vers  l'abstrait 
et  le  pur,  la  religion  spiritualiste  refusait  peu  à  peu  tout 
autre  aliment  que  la  logique.  Noble  régime,  mais  sobre,  et 
qui  finit  par  se  composer  de  négations.  Aussi  elle  allait 
maigrissant;  maigreur  au  xiv^  siècle,  consomption  au  xv% 
effrayante  figure  de  dépérissement  et  de  phthisie,  comme 
vous  la  voyez,  à  la  face  creuse,  aux  mains  transparentes 
du  Christ  uiaudissant  d'Orcagna. 

Telles  étaient  les  misères  de  cet  âge,  ses  contradictions. 
Réduit  au  formalisme  vide,  il  y  plaçait  ses  espérances. 
Gerson  croyait  tout  guérir  en  ramenant  TÊglise  aux  formes 
républicaines,  au  moment  même  où  il  se  déclarait  contre 

•  App.,  !55.  —  *  App.,  166. 

*  Saint  Thomas,  comme  Albert  le  Grand,  fait  profe<ision  de  partir 
toujours  d'un  iexl<»,  de  commenter,  rien  de  plus.  Que  sera-ce  s'il  est 
d(*monirô  qu'ils  n'ont  pas  eu  de  tex»e  sérieux,  qu'ils  ont  marché  cons- 
tamment fur  le  chemin  peu  roVuia,  perti  te,  des  traductions  les  plus 
infidèles,  ci  cela  sans  s'a perr*» voir  que  tel  prt'leiidu  pa«M?e  d'Aristote, 
fiar  exemple,  estaoïiaristotôliquc.  V.  itcnaiisance,  IntroJuction  (1860). 


184    ESSAIS  DE  RÉFORME  DANS  l'kTAT  ET  DANS  L*ÉGLISE. 

la'  liberté  dans  TÊtat.  L'expérience  du  concile  de  Pise 
n'avait  rien  appris.  On  allait  assembler  un  autre  concile  k 
Constance,  y  chercher  la  quadrature  du  cercle  religieux 
et  politique  :  lier  les  mains  au  chef  que  Ton  recoonait  in- 
faillible, le  proclamer  supérieur,  en  se  réservant  de  le  juger 
au  besoin. 

Ce  tribunal  suprême  des  questions  religieuses  devait 
aussi  décider  une  grande  question  de  droit.  Le  parti  d'Or- 
léans, celui  de  Gerson,  voulait  y  faire  condamner  la  mé- 
moire de  Jean  Petit,  son  apologie  du  duc  de  Bourgogne,  et 
proclamer  ce  principe  qu'aucun  intérêt,  aucune  nécessité 
politique  n*est  au-dessus  de  l'humanité.  C'eût  été  une 
grande  chose,  si,  dans  l'obscurcissement  des  idées,  on  fût 
revenu  aux  sentiments  de  la  nature. 

La  France  semblait  tout  entière  à  ces  éternels  problèmes; 
on  eût  dit  qu'elle  oubliait  le  temps,  la  réalité,  sa  réforme, 
son  ennemi.  Au  moment  où  l'Anglais  allait  fondre  sur  elle, 
étrange  préoccupation^  un  grand  politique  d'alors  pense 
que  si  le  royaume  doit  craindre,  c'est  du  côté  de  l'Aile- 
magfie  et  du  duc  de  Lorraine  *.  Lorsqu'on  vint  avertir  Jean 
sans  Peur  que  les  Anglais,  débarqués  depuis  près  de  deux 
mois,  étaient  sur  le  point  de  livrer  à  l'armée  royale  une 
grande  et  décisive  bataille,  les  messagers  le  trouvèrent 
dans  ses  forêts  de  Bourgogne'.  Sous  prétexte  de  la  chasse, 
il  s'était  rapproché  de  Constance,  rêvant  toujours  à  Jean 
Petit  et  à  son  vieux  crime,  inquiet  du  jugement  que  le 
concile  allait  rendre,  et,  en  attendant,  vivant  sous  la  tente 
au  milieu  des  bois,  et  prêtant  l'oreille  aux  voix  des  cerfs 
qui  bramaient  la  nuit  3. 

»  App.,  157. 

*  I*cut-Oire  y  avait-il  moins  d'insouciance  que  de  connivenofr.  Oa 
jugera. 

^  «  Le  duc  de  Bourgogne,  qui  longtemps  n'avoit  demooré  ni  sêjoomé 
en  son  pays  de  Buurgo.:ne,  et  qui  vouJoit  bien  avoir  ses  plaisirs  el 
souibs,  se  ad  visa  que  pour  mieux  avoir  son  ddduit  de  la  citasse  des 
cerf-,  (.'lies  011} r  bruire  par  nuit,  ii  se  logeroit  dedans  la  foresi  d'Ar- 
gilly,  qui  est  grande  el  ice.  •  Lcfebvre  de  Suint-Ucmy. 


LIVRE  IX 


CHAPITRE   PREMIER 


L'Angteteire  :  l'ÉUt,  l'Enlisé.  —  Asineonrt.  1415. 


Pour  comprendre  le  terrible  événement  que  nous  devons 
raconter,  —  la  captivité,  non  du  roi,  mais  du  royaume 
même,  la  France  prisonnière,  —  il  y  a  un  fait  essentiel 
qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  : 

En  France,  les  deux  autorités,  l'Église  et  TËtat,  étaient 
divisées  entre  elles,  et  chacune  d'elles  en  soi  ; 

En  Angleterre,  l'État  et  l'Église  établie^  étaient  parvenus, 
•sous  la  maison  de  Lancastre,  à  la  plus  complète  union. 

Edouard  III  avait  eu  TÉglise  contre  lui,  et  malgré  ses 
victoires,  il  avait  échoué.  Henri  V  eut  l'Église  pour  lui,  et 
il  réussit,  il  devint  roi  de  France  ^ 

Cette  cause  n'est  pas  la  seule,  mais  c'est  la  principale, 
et  la  moins  remarquée. 

L'Église,  étant  le  plus  grand  propriétaire  de  TAngleterre, 
y  avait  aussi  la  plus  grande  influence.  Au  moment  oîi  la 
propriété  et  la  royauté  se  trouvèrent  d'accord,  celle-ci 

<  Du  moins  roi  de  la  France  do  Nord.  Il  n*eut  pas  le  titre  de  roi,  étant 
mort  avant  Charles  VJ,  mais  il  le  laissa  à  sod  fils. 


\  86  L'ANGLETERRE  :    L'ÊTAT,   L  ÉGLISE. 

acquit  une  force  irrésistible  ;  elle  ne  vainquit  pas  seule- 
ment, elle  conquit. 

L'Église  avait  besoin  de  la  royauté.  Ses  prodigieuses 
richesses  la  mettaient  en  péril.  Elle  avait  absorbé  la  meil- 
leure partie  des  terres  ;  sans  parler  d'une  foule  de  pro- 
priétés et  de  revenus  divers,  des  fondations  pieuses,  des 
dîmes,  etc.,  sur  les  einqucMB-tfois  mille Reh  de  chevaliers 
qui  existaient  en  Angleterre,  elle  en  possédait  vingt-huil 
mille  4.  Cette  grande  propriété  était  sans  cesse  altaqufée  au 
Parlement,  et  elle  n'y  était  pas  représentée,  défendue  en 
proportion  de  son  importance  ;  les  membres  du  clergé  d\ 
étaient  plus  appelés  que  :  ad  canuntiendum  K 

La  royauté,  de  son  côté,  ne  pouvait  se  passer  de  Tappui 
du  grand  proprétaire  du  royaume,  je  veux  dire,  du  clergé. 
Elle  avait  besoin  éé  soa  influeaee,  encore  plus  que  de 
son  argent.  C'est  ce  que  ne  sentirent  ni  Edouard  I«'  ni 
Edouard  III,  qui  toujours  le  vexèrent  pour  de  petites 
questions  de  subsides.  C'est  ce  que  sentit  admiraMement 
la  maison  de  Lancastre,  qui,  à  son  ayén^niant»  dédaia 
qu'elle  ne  demandait  à  rÉglise  «  que  ses  prières  3.  ^ 

L'on  comprend  combien  la  roycnUé  et  la  propriété  ecclé- 
siastique avaient  besoin  de  s'entendre,  si  Ton  se  rappelle 
que  l'édifice  tout  artificiel  de  l'Angleterre  au  moyen  âge  a 
porté  sur  deux  fictions  :  un  roi  infaillible  et  inviolable  ^, 


I  App.,  158. 

*  Ils  finirent  par  n'y  pin  allflr.  (HalUiii.) 

»  Turner.  —  Wilkins. 

4  Les  Anglais  ont  porté  dans  le  droit  politique  oe  ge'nie  de  fiction  qoe 
les  Romains  n'avaient  montré  que  dans  le  droit  civil.  &I.  Allen,  dans  soo 
livre  sur  la  Prérogative  royale,  a  résumé  les  prodigieux  tours  de  foroe 
au  moyen  desquels  se  jouait  cette  bizarre  comédie,  chacun  faisant  sem- 
blant de  confondre  le  roi  et  la  royauté.  Thomme  faillible  et  l'idée  in- 
faillible. De  temps  en  temps  la  patience  échappait,  la  coafusîoii  eesuit 
et  rabstraction  se  faisait  d'une  manière  sanglante;  si  la  roi  ne  périssait 
(comme  Edouard  H,  Richard  II,  Henri  Vl  et  Charles  1"),  il  était  ren- 
versé, ou  tout  au  moins  humilié,  réduit  à  l'impuissance  (Henri  II,  Jean, 
Henri  III,  Jacques  II). 


AZINCODRT.  487 

que  Ton  jugeait  pourtant  de  deux  règnes  en  deux  règnes  ; 
d'autre  part,  une  Église  non  inoins  invioUble,  qui,  au 
fond,  n'étant  qa*un  grand  établissement  aristocratique  et 
territorial  sous  prétexte  de  religion,  se  voyait  toujours  à  la 
veille  d'ètTQ  dépouillée,  ruinée. 

La  maison  cadette  de  Lancastre  unit  pour  la  première 
fois  les  deux  intérêts  en  péril  ;  elle  associa  le  roi  et  1  Église. 
Ce  fut  sa  légitimité,  le  secret  de  son  prodigieux  succès.  U 
fai4  indiquer,  rapidement  du  moins,  la  longue,  oblique  et 
souterraine  route  par  oii  elle  chemina.    ^ 

Le  cadet  hait  Tainé,  c'est  la  règle  ^,  mais  nulle  part  plus 
respectueusement  qu'en  Angleterre,  plus  sournoisement^. 
Aiiiourd'hui  il  va  chercher  fortune,  le  monde  lui  est 
ouvert,  rindustrie,  k  mer,  les  Indes  ;  au  moyen  ^e,  il 
restait  souvent,  rampait  devant  Tainé,  conspirait  3. 

Les  ûls  cadets  d'Edouard  UI,  Clarence,  Lancastre,  York, 
Glocester,  titrés  de  noms  sonores  et  vides,  avaient  vu  avec 
désespoir  l'aîné,  l'héritier,  régner  déjà,  du  vivant  de  leur 
père,  comme  duc  d'Aquitaine.  Il  fallait  que  ces  cadets 
périssent,  ou  régnassent  aussi.  Clarence  alla  aux  aventures 
en  Italie,  et  il  y  mourut.  Glocester  troubla  rAn|,^leterre, 
jusqu'à  ce  que  son  neveu  le  Ht  étrangler.  Lancastre  se  lit 
appeler  roi  de  Castilie,  envahit  r£spagne  et  échoua  ;  puis 
la  France,  et  il  échoua  encore  ^.  Alors  il  se  retourna  du 
coté  de  lAngleterre. 

*  Bi»n  entenin,  là  où  il  y  a  priyflégc  pour  t'alné. 

«  Ceci  est  moins  vrai  depuis  que  l'Anglcferw  a  créé  un*  iainen*) 
|»ropricl4ii}iobi/i^e,.qui  se  parLigo  mtIoo  l'é(|uiui.  L»  propriété  terril'^ 
riaû  reste  assujettie  aux  loi»  du  moyen  Age.  —  Au  reste,  le  droit  «l'aî- 
iie-se  e>tdaus  les  mceurs,  dans  les  idées  mOine  du  peuple.  J  ai  liu*  a  re 
•ojet  UM anecdote  uès-Cttrïeu'te  (l.  I.  à  U  lin  du  livre  preiwier).  —  iJ»* 
que  le  père  s'enrichit,  sa  première  pensée  est  :  F«ir«  un  a'tut.  A  «luoi 
réplique  tout  bas  la  peasée  du  cadet  :  Être  indepemiaHi,  avuir  une  l|w<»- 
nèm  iufj^tauce  (lo  bc  independent,  to  liave  a  ci>nipoienci -^  Ce»  deux 
uiois  }»oni  le  dialogue  tacite  de  la  famille  an^'laise.  iipp.»  159. 

»  Happrorlier  1  bistoîre des  trois  Gk^esier,  du  frère  dtt  l*iioc«  >oir, 
du  frère  d'Henri  V  et  du  frère  d'Edouard  i  V. 

«  tn  1373. 


188  l'àMGLETERRE  :  L'ÉTâT,  l'égusk. 

Le  moment  était  favorable  pour  lui.  Le  mécontentement 
était  au  comble.  Depuis  les  victoires  de  Crécy  et  de  Poitiers, 
FAngleterre  s'était  méconnue;  ce  peuple  laborieux,  dis- 
trait une  fois  de  sa  tâche  naturelle,  Taccumulation  de  la 
richesse  et  le  progrès  des  garanties,  était  sorti  de  son 
caractère  ;  il  ne  rêvait  que  conquêtes,  tributs  de  l'étranger, 
exemption  d'iriipôts.  Le  riche  fonds  de  mauvaise  humeur 
dont  la  nature  les  a  doués,  fermentait  à  merveille.  Us  s'en 
prenaient  au  roi,  aux  grands,  à  tous  ceux  qui  faisaient  la 
guerre  en  France;  c'étaient  des  traîtres,  des  lâches.  Les 
cockneys  de  Londres,  dans  leur  arrière-boutique,  trou- 
vaient foi*t  mal  qu'on  ne  leur  gagnât  pas  tous  les  jours  des 
batailles  de  Poitiers.  «  0  richesse,  richesse,  dit  une  ballade 
anglaise,  réveille- toi  donc,  reviens  dans  ce  pays  *I  »  Cette 
tendre  invocation  à  l'argent  était  le  cri  national. 

La  France  ne  rapportant  plus  rien,  il  fallut  bien  que, 
dans  leur  idée  fixe  de  ne  rien  payer,  ils  regardassent  où 
ils  prendraient.  Tous  les  yeux  se  tournèrent  vers  l*Sglise. 
Mais  l'Église  aussi  avait  son  principe  immuable,  le  pre- 
mier article  de  son  credo  :  De  ne  rien  donner.  A  toute 
denfande,  elle  répondait  froidement  :  «  L'Ëglise  est  trop 
pauvre..  » 

Cçtte  pauvre  Église  ne  donnant  rien,  on  songeait  à  lui 
enlever  tout.  L'homme  du  rt)i,  Wicleff^,  y  poussait;  les 
lollards  aussi,  par  en  bas,  obscurément  et  dans  le  peuple. 
Lancastre  en  fit  d'abord  autant  ;  c'était  alors  le  grand 
chemin  de  la  popularité. 

J'ai  dit  ailleurs  comment  les  choses  tournèrent,  comment 

1  •  Awake,  wealth,  and  walk  in  this  région  t.. .  •  Toraer.  —  La  foi 
des  Anglais  dans  la  tonte-pnissance  de  l'argrnl  est  naïvement  exprimée 
dans  les  dernières  paroles  dn  cardinal  Winchester,  il  dûait  en  mouraBt  : 
•  Comment  est-il  donc  possible  que  je  meure,  étant  si  riche?  Qooil 
Targent  ne  peut  donc  rien  à  cela?  •  Ibidem. 

*  Lewis.  Richard  II  prit  Wicleff  ponr  son  chapelain.  V.  dans  Walsin- 
gham  la  grande  scène  où  Wicleff  est  soutenu  par  les  princas  et  les  grands 
contre  TéTèque  et  le  peuple  de  Londres. 


AZINCOI'RT.  180 

eo  grand  mouvement  entraînant  le  peuple,  et  jusqu'aux 
serfs,  toute  propriété  se  trouva  en  péril,  non  plus  seule- 
ment la  propriété  ecclésiastique;  comment  le  jeune 
Richard  11  dispersa  les  serfs,  en  leur  promettant  qu'ils 
seraient  affranchis.  Lorsque  ceux-ci  furent  désarmés,  et 
qu'on  les  pendait  par  centaines,  le  roi  déclara  pourtant 
que  si  les  prélats,  les  lords  et  les  communes  confirmaient 
l'affranchissement,  il  le  sanctionnerait.  A  quoi  ils  répondi- 
rent unanimement  :  «  Plutôt  mourir  tous  en  un  jour  ^  » 
Richard  n'insista  pas;  mais  Faudacieuse  et  révolution* 
naire  parole  qui  lui  était  échappée,  ne  fut  jamais  oubliée 
des  propriétaires,  des  maîtres  de  serfs,  barons,  évéques, 
abbés.  Dès  ce  jour,  Richard  dut  périr.  Dès  lors  aussi, 
Lancastré'  dut  être  le  candidat  de  l'aristocratie  et  de 
l'Église. 

11  semble  qu'il  ait  préparé  patiemment  son  succès.  Des 
bruits  furent  semés,  qui  le  désignaient.  Une  fois,  c'était  un 
prisonnier  français  qui  aurait  dit  :  «  Ah  !  si  vous  aviez 
pour  roi  le  duc  de  Lancastre,  les  Français  n  oseraient  plus 
infester  vos  côtes.  »  On  faisait  circuler  d'abbaye  eu  abbaye, 
et  partout  au  moyen  des  frères,  une  chronique  qui  attri- 
buait au  duc  je  ne  sais  quel  droit  de  succession  à  la  cou- 
ronne, du  chef  d'un  fils  d'Edouard  I^*".  Un  carme  accusa 
hardiment  le  duc  de  Lancastre  de  conspirer  la  mort  de 
Richard;  Lancastre  nia,  obtint  que  son  accusateur  serait 
provisoirement  remis  à  la  garde  de  lord  llollanJ,  et,  la 
veille  du  jour  où  l'imputation  devait  être  examinée,  le 
carme  fut  trouvé  mort. 

Richard  travailla  lui-même  pour  Lancastre.  Il  s'entoura 
de  petites  gens,  il  fatigua  les  propriétaires  d'emprunts,  de 
vexations;  enfin,  il  commit  le  grand  crime  qui  a  perdu 
tant  de  rois  d'Angleterre  *,  il  se  maria  en  France.  II  n'y 
avait  qu'on  point  difficile  pour  Lancastre  et  son  fils  Derby, 
c'était  de  se  décider  entre  les  deux  grands  pai-tis,  entre 

«  Toroer.  -  *  Henri  11,  Edouard  11,  Richard  H,  Ilcori  YI,  Charles  !«'. 


190  l'angleterrs  :  l'état,  l'Aglisb. 

rÉgli^  établie  et  les  novateurs.  Richard  rendit  à  Derby  le 
service  de  l'exiler  ;  c'était  le  dispenser  de  choisir.  De  loin, 
il  devint  la  pensée  de  tous  ;  chacun  le  déâra«  le  croyant 
pour  soi. 

La  chose  mûre,  Tarchevéque  de  Cantoriiéry  alla  cher* 
cher  Derby  en  France  ^.  Celui-ci  débarqua,  déclarant 
humblement  qu'il  ne  réclamait  rien  que  le  bien  de  son 
père.  On  a  vu  comment  il  se  trouva  forcé  de  régner.  Alors 
il  prît  son  parti  nettement.  Au  grand  étonnement  des  nova- 
teurs, parmi  lesquels  il  avait  été  élevé  à  Oxford,  Henri  IT 
se  déclara  le  champion  de  l'Église  établie  :  a  Mes  prédé- 
cesseurs, dit-il  aux  prélats,  vous  appelaient  pour  vous 
demander  de  Targent.  Moi,  je  viens  vous  .voir  pour  réda- 
mer vos  prières.  Je  maintiendrai  les  libertés  de  l'ËgUse; 
je  détruirai,  selon  mon  pouvoir,  les  hérésies  et  les  héré* 
tiques*.  » 

Il  y  eut  un  compromis  amical  entre  le  roi  et  l'Église. 
Elle  le  sacra,  l'oignit.  Lui,  il  lui  livra  ses  ennemis.  Les 
adversaires  des  prêtres  furent  livrés  aux  prêtres,  pour  être 
ju^fés;  brûlés'.  Tout  le  monde  y  trouvait  son  compte.  Les 
biens  des  lollards  étaient  confisqués  ;  un  tiers  revenait  an 
juge  ecclésiastique,  un  tiers  au  roi.  Le  dernier  tiers  était 
donné  mix  communes  où  Ton  trouverait  des  hérétiques; 
c'était  un  moyen  ingénieux  de  prévenir  leur  résistance, 
de  les  allécher  à  la  délation^. 


*  11  avait  été  banni  par  Richard  n  et  ton  temporel  eonfisqoé. 

*  Henri  IV,  intimement  uni  aux  évéques  d'Anf  leterre,  conmeiifa  son 
règne  par  leur  donner  des  armes  contre  les  trois  genres  d'ennemis  qu'ils 
avaient  à  craindre  :  i"  contre  le  pape,  contre  Tinyasion  du  dergé  ètmm' 
gn-;  2"  contre  les  moinet  (hes  moines  achetaient  des  bulles  du  pape  pour 
se  dispenser  de  payer  la  dime  aux  évéques);  3*  oonlre  les  hèréU^ua^ 
Statules  of  the  realm.) 

'  Les  diocésains  peuvent  faire  arrêter  ceux  qui  prêchent  ou  emeignenî 
sant  leur  autorisation  et  las  faire  brûUr,  en  lieu  apparent  et  élevé  : 
•  In  eminenii  loco  comburi  faciant.  »  —.  i  And  thepi  before  the  people 
in  an  hii;h  place  do  to  be  burnt,  »  Ibidem. 

«  Turner.  En  1430,  il  n*ea  était  plos  ainsi;  tout  rertnait  an  rai. 


AZI!«COUfiT.  494 

Les  prélats,  les  barons,  n'aTaient  mis  leur  homme  sttr  le 
trône,  que  pour  régner  eux-mêmes.  Cette  royauté  qu*ils 
lui  avaient  donnée  en  gros,  ils  la  lui  reprirent  en  détail. 
Non  contents  de  faire  les  lois,  ils  s'emparèrent  indirecte- 
ment de  l'administration.  Us  finirent  par  nommer  au  roi 
une  sorte  de  conseil  de  tutelle,  dans  lequel  il  ne  pouvait 
pîen  faire*.  Il  regretta  alors  d'avoir  livré  les  lollards  ;  il 
essaya  de  soustraire  aux  prêtres  le  jugement  des  gens  de 
ee  parti.  Il  songeait,  comme  Richard  11,  à  chercher  un 
appui  chez  l'étranger;  il  voulait  marier  son  fils  en  France. 

Mais  son  fils  même  n'était  pas  sûr.  On  a  remarqué,  non 
sans  apparence  de  raison,  qu'en  Angleterre  les  atnés 
aiment  moins  leurs  pères  ^;  avant  d'être  fils,  ils  sont  héri- 
tiers. Le  fils  de  Lancastre  était  d'autant  plus  impatient  de 
porter  la  couronne  à  son  tour,  qu'il  avait,  par  une  vic- 
toire, ra&rmi  cette  eouvonnè  sur  la  tète  de  son  père.  Lui 
aussi,  il  traitait  avec  les  Français',  mais  à  part  et  pour  son 
compte. 

Ce  jeune  ^  Henri  plaisait  au  peuple.  C'était  une  svelte  et 
élégante  figure,  comme  on  les  trouve  volontiers  dans  les 
nobles  familles  anglaises.  C'était  un  infatigable  foc^huntery 
si  leste  qu'il  pouvait,  disait-on,  ehasser  le  daim  à  pied.  Il 


*  Ces  conditions  étaient  pins  hnmiliantes  qu'aucune  de  celles  qui 
avaieni  été  imposées  à  Kichafd  II.  Il  devait  prendre  seiie  conseillers,  m 
laisser  guider  «niqoeoieni  par  leurs  aris,  etc. 

*  •  L^  droit  de  primogéniture  met  de  Ja  rudesse  dans  les  rapports  du 
pore  au  fils  atné.  Celui-ci  s'habitue  &  se  considéra  oomme  indépendant; 
ee  qu'il  reçoit  de  tes  parents  est  à  set  yeux  une  dette  plus  qu'un  bien* 
fait.  La  mor:  d'un  père,  celle  d'un  frère  atné,  dont  on  attend  l'héritage, 
sont  sur  la  scène  anglaise  l'objet  do  plaisanteries  qne  l'on  applaudit  et 
qui  chei  90US  révolteraient  le  public,  t  M"*  de  Staël.  —  Je  ne  puis 
m'empécher  de  rapprocher  de  ceci  le  mot  de  l'historien  romain  dans  son 
tableau  des  proscriptions  :  t  II  y  eut  beaucoup  de  fidélité  daa%  las 
épouses,  assex  dans  les  affranchis,  qaelque  peu  chez  les  esclaves,  aucune 
dam  les  fils;  tant,  l'espoir  une  fois  conçu,  ii  est  difficile  dlattendiel  • 
Velleius  Paterculuj. 

■  Le  fil-4  négociait  arec  le  parti  de  Bourgogne,  tandis  que  le  père  sa 
rapprochait  du  parti  d'Orléans. 


192  l'Angleterre:  létat,  l église. 

avait  fait  longtemps  les  petites  et  rudes  guerres  des  Gallfê, 
la  chasse  aux  hommes. 

Il  se  lia  aux  mécontents,  se  faufila  parmi  les  loliards, 
courant  leurs,  réunions  nocturnes,  dans  les  champs  S  dans 
les  hôtelleries.  Il  se  fit  Tami  de  leur  chef,  du  brave  et  dan- 
gereux Oldcastle,  celui  même  que  Shakespeare^  ennemi 
des  sectaires  de  tout  âge^,  a  malicieusement  transformé 
dans  l'ignoble  Falstaff.  Le  père  n'ignorait  rien.  Mais,  en- 
fermer son  fils,  c'eût  été  se  déclarer  contre  les  loilanL^, 
dont  il  voulait  justement  se  rapprocher  à  cette  époque. 
Cependant,  le  roi,  malade,  lépreux,  chaque  jour  plus 
solitaire  et  plus  irritable,  pouvait  être  jeté  par  ses  craintes 
dans  quel(|ue  ré$oIutioi\  violente.  Son  fils  cherchait  à  le 
rassurer  par  une  affectation  de  vices  et  de  désordres,.par 
des  folies  de  jeunesse,  adroitement  calculées.  On  dit 
qu'un  jour  il  se  présenta  devant  son  père  couvert  d'un 
habit  de  satin,  tout  percé  d'œillets,  où  les  aiguilles  tenaient 
encore  par  leur  fil;  il  s'agenouilla  devant  lui,  lui  présenta 
un  poignard  pour  qu'il  l'en  perçât,  s*il  pouvait  avoir 
quelque  défiance  d'un  jeune  fol,  si  ridiculement  habillé. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  histoire,  le  roi  ne  put  s'em- 
pêcher de  faire  comme  s'il  se  fiait  à  lui.  Pour  lui  diMiner 
patience,  il  consentît  à  ce  qu'il  entrât  au  conseil.  Mais  ce 
n'était  pa§  encore  assez.  Le  jour  de  sa  mort,  comme  il 
ouvrait  les  yeux  après  une  courte  léthargie,  il  vit  l'héritier 
qui  mettait  la  main  sur  la  couronne,  posée  (selon  l'usage) 
sur  un  coussin  près  du  lit  du  roi.  II  l'arrêta,  avec  cette 
froide  et  triste  parole  :  «  Beau  fils,  quel  droit  y  avez-vous? 
Votre  a  père  n'y  eut  pas  droits.  » 

^  c'était  comme  nos  écoles  hui%ionnière4  da  xvi*  siècle. 

*  Il  e^t  dit  toutefois  dans  Henri  IV  que  Falâiaff  parlait  :  Contre  1a 
prostituée  de  Babylone.  App.,  100. 

*  Le  roi  loi  demanda  pourquoi  il  emportait  sa  couronne,  et  le  prince 
lui  dit  :  •  Monseigneur,  voici  en  présence  ceux  qui  m*avoient  donné  à 
eniendrc  et  afiirmc  que  vous  estiez  trépassé;  et  pour  ce  que  je  suis  votre 
fUsahié.,.*  Monstrclet. 


AZmCOURT.  193 

i 

Dans  les  derniers  temps  qui  précédèrent  son  avènement, 
Henri  Y  avait  tenu  une  conduite  double,  qui  donnait  de 
l'espoir  aux  deux  partis.  D'un  côté,  il  resta  étroitement  lié 
avec  Oidcastle^,  avec  les  lollards.  De  Tautre,  il  se  déclara 
Tami  de  TËglise  établie,  et  c'est  sans  doute  comme  tel  qu'il 
finit  par  présider  le  conseil.  A  peine  roi,  il  cessa  de  ménager 
les  lollards  ;  il  irompit  avec  ses  amis.  Il  devint  l'homme  de 
r£glîse,  le  prince  selon  le  cœur  de  Dieu  ;  il  prit  la  gravité 
ecclésiastique,  «  au  point,  dit  le  moine  historien,  qu'il  eût 
servi  d'exemple  aux  prêtres  mêmes*.  » 

D'abord,  il  accorda  des  lois  terribles  aux  seigneurs 
laïques  et  ecclésiastiques,  ordonnant  aux  justices  de  paix 
de  poursuivre  les  serviteurs  et  gens  de  travail,  qui  fuyaient 
de  comté  en  comté  3.  Une  inquisition  régulière  fut  orga- 
nisée contre  l'hérésie.  Le  chancelier,  le  trésorier,  les  ju- 
ges, etc. ,  devaient^ en  entrant  en  charge,  jurer  de  faire  toute 
diligence  pour  rechercher  et  détruire  les  hérétiques.  En 
même  temps  le  primat  d'Angleterre  enjoignait  aux  évéques 
et  archidiacres,  de  s'enquérir  au  moins  deux  fois  par  an 
des  personnes  suspectes  d'hérésie,  d'exiger  dans  chaque 
commune  que  trois  hommes  respectables  déclarassent 
sous  serment  s'ils  connaissaient  des  hérétiques,  des  gens 
qui  différassent  des  autres  dans  leur  vie  et  habitudes,  des 
gens  qui  tolérassent  ou  reçussent  les  suspects,  des  gens  qui 
possédassent  des  livres  dangereux  en  langue  anglaise^  etc. 
Le  roi,  s'associant  aux  sévérités  de  l'Église,  abandonna 
lui-même  son  vieil  ami  Oldcastle  à  l'archevêque  de  Can- 
torbéry*.  Des  processions  eurent  lieu  par  ordre  du  roi, 
pour  chanter  les  litanies,  avant  les  exécutions. 

*  Tellement  que  l'archevôque  de  Canlurbéry  hésitait  à  Tattaqner,  le 
croyait t  encore  ami  du  roi.  (Walsingh^im.) 

*  •  liepente  matatus  est  in  virum  alteram...,  cnjns  mores  et  gestus 
Omni  condiiioni,  tam  religiosorum  quam  laicorum,  in  exempla  fuere.  • 
WaUiiigham. 

'  Siatulcs  of  (hc  realm. 

*  L'ex  1111  jn  d'OlUcaâile  par  rarchev^quB  est  très- curieux  dans  l'his* 

IV.  43 


iU  L'ANGLETERRE  :   L  ÉIÀT,   L  ÉGLISE. 

L*£gUse  frappait,  et  elle  tremblaU.  Les  lollards  avaient 
affiché  qu'ils  étaieat  cent  mille  en  armes.  Us  devaient  se 
réunir  au  champ  de  SaintGiUea,  le  lendemain  de  TËpi- 
phanie.  Le  roi  y  alla  de  nuii,  et  les  attendit  avec  des 
troupes  ;  mais  ils  n'acceptèrent  pas  la  bataille. 

Ce  champion  de  TÉglise  n'avait  pas  seulement  contre  lui 
les  ennemis  de  l'Ëglise;  il  avait  les  siens  encore,  comme 
Laneastre,  comme  usurpateur.  Les  uns  s'obstinaient  à 
croire  que  ftichard  U  n'était  pas  mort.  Les  autres  disaient 
que  rhéritier  légitime  était  le  comte  de  Harch;  et  ils 
disaient  vrai.  Scrop  lui-même,  le  principal  conseiller 
d'Henri,  le  confident,  ïhomme  du  aewr^  conspira  avec 
deux  autres  en  £»veur  du  comte  de  March. 

A  cette  fermentation  intérieure,  il  n'y  avait  qu'un 
remède,  la  guerre.  Le  4.6  avril  1415,  Henri  avait  annoncé 
■au  Parlemeat  qa'il  ferait  une  descente  en  France.  Le  i9, 
il  ordonna  à  tous  les  seigneurs,  de  se  tenir  prêts.  Le  28  mai, 
prétendant  une  invasion  imminente  des  Français,  il  écrivit 
à.  l'archevêque  de  Cantorbéry  et  aux  autres  prélats»  d^ orga- 
niser les  gens  d*Église  pour  la  défense  du  royaume^.  Trois 
semaines  après,  il  ordonna  aux  chevaliers  et  écuyers  de 
passer  en  revue  Les  honunes  capables  de  porter  les  armes, 
de  les  diviser  par  compagnies.  L'afiaire  de  Scrop  le  retar- 
dait, mais  il  complétait  ses  préparatifs^.  Il  animait  le 
peuple  contre  les  Français,  en  faisant  courir  le  bruit  que 
c'étaient  eux  qui  payaient  des  traîtres,  qui  avaient  gagne 
Scrop,  pour  déchirer,  ruiner  le  pays^. 

Henri,  envoya  en  France  deux  ambassades  coup  sur  coup, 
disant  qu'il  était  roi  de  France,  mais  qu'il  voulait  bien 
attendre  la  mort  du  roi,  et  en  attendant  épouser  sa  fille, 

toire  du  moine  Walsingham  ;  il  est  impossible  de  toer  arec  plus  de  s^o- 
sibiliid;  le  jage  s'aUeodrit*  il  pleure;  oo  le  plaiodrait  volootie»  plus 
que  U  victime.  A^.,  161. 
»  i4pp.,  162.  ^*App.,  163. 

3  Walsingham  y  croit.  Mais  Turner  voit  irès-bieo  que  ce  n'êtât  qu  uo 
faux  brnit. 


AZINCOURT.  495 

avec  toutes  les  provinces  cédées  par  le  traité  de  Bretigny  ; 
c'était  une  terrible  dot;  mais  il  lui  fallait  encore  la  Nor- 
mandie, e*est-à-dire  le  moyen  de  prendre  le  reste.  Une 
grande  ambassade  ^  vint  en  réponse  lui  offrir,  au  lieu  de  la 
Normandie,  le  Limousin,  en  portant  la  dot  de  la  princesse 
jusqu'à  850,000  écus  d'or.  Alors  le  roi  d'Angleterre  de- 
manda que  cette  somme  fût  payée  comptant.  Cette  vaine 
Dégociation  dura  trois  mois  (13  avril -â8  juillet),  autant 
que  les  préparatifs  d*Henri.  Tout  étant  prêt,  il  fit  donner 
des  présents  considérables  aux  ambassadeurs  et  les  ren- 
voya, leur  disant  qu*il  allait  les  suivre. 

Tout  le  monde  en  Angleterre  avait  besoin  de  la  guerre. 
Le  roi  en  avait  besoin.  La  branche  aînée  avait  eu  ses 
batailles  de  Crécy  et  de  Poitiers.  La  cadette  ne  pouvait  se 
I^itimer  que  par  une  bataille. 

L'Église  en  avait  besoin,  d'abord  pour  détacher  des  loi- 
lards  une  foule  de  gens  misérables  qui  n'étaient  loUards 
que  faute  d'être  soldats*  Ensuite,  tandis  qu'on  pillerait  la 
France,  on  ne  songerait  pas  à  piller  TËglise  ;  la  terrible 
question  de  sécularisation  serait  ajournée. 

Quoi  de  plus  digne  aussi  de  la  respectable  Église  d'An- 
gleterre et  qui  pût  lui  faire  plus  d'honneur,  que  de  réformer 
cette  France  schismatique,  de  la  châtier  fraternellement, 
de  lui  faire  sentir  la  verge  de  Dieu?  Ce  jeune  roi  si  dévoué, 
si  pieux,  ce  David  de  l'Église  établie,  était  visiblement 
l'instrument  prédestiné  d'une  si  belle  justice. 

Tout  était  difficile  avant  cette  résolution  ;  tout  devint 
facile.  Henri,  sûr  de  sa  force,  essaya  de  calmer  les  haines 
en  faisant  réparation  au  passé.  Il  enterra  honorablement 
Richard  II.  Les  partis  se  turent.  Le  parlement  unanime 
vota  pour  l'expédition  une  somme  inouïe.  Le  roi  réunit 
six  mille  homntes  d'armes,  vingt-quatre  mille  archers,  la 

•  Jamais  le  roi  de  France  n'arjil  envoyd  à  celui  d'Angleterre  niK* 
amlM9»ade  an<fii  8olcDn<»lle;  il  y  avail  dotne  ambas^adt^urs,  et  ïewr 
saite  se  composait  de  cinq  centqaaire-viogi-douie  personnea.  (Rymar.) 


496  l'angletfrre  :  létat,  l'églisb. 

plus  forte  armée  que  les  Anglais  eussent  eue  depuis  plus 
de  cinquante  ans*. 

Cette  armée,  au  lieu  de  s'amuser  autour  de  Calais, 
aborda  directement  à  Harfleur,  à  l'entrée  de  la  Seine.  Le 
point  était  bien  choisi.  Harfleur,  devenu  ville  anglaise,  eût 
été  bien  autre  chose  que  Calais.  Il  eût  tenu  la  Seine 
ouverte;  les  Anglais  pouvaient  dès  lors  entrer,  sortir. 
pénétrer  jusqu'à  Rouen  et  prendre  la  Normandie,  jusqu  a 
Paris,  prendre  la  France,  peut-être. 

L'expédition  avait  été  bien  conçue,  très-bien  préparée. 
Le  roi  s'était  assuré  de  la  neutralité  de  Jean  sans  Peur;  il 
avait  loué  ou  acheté  huit  cents  embarcations  en  Zélande  et 
en  Hollande,  pays  soumis  à  l'influence  du  duc  de  Bour- 
gogne, et  qui  d'ailleurs  ont  toujours  prêté  volontiers  des 
vaisseaux  à  qui  payait  bien*.  Il  emporta  beaucoup  de 
vivres,  dans  la  supposition  que  le  pays  n'en  fournirait  pas. 

D'autre  part,  l'Église  d'Angleterre,  de  concert  avec  les 
communes,  n'oublia  rien  pour  sanctifier  l'entreprise: 
jeûnes,  prières,  processions,  pèlerinages '.  Au  moment 
môme  de  l'embarquement  on  brûla  encore  un  hérétique. 
Le  roi  prit  part  à  tout  dévotement.  Il  emniena  boti  nombre 
de  prêtres,  particulièrement  l'évoque  de  Norwîch,  qui  lui 
fut  donné  pour  principal  conseiller. 

Le  passage  ne  fut  pas  disputé,  la  France  n'avait  pas  un 
vaisseau  *  ;  la  descente  ne  le  fut  pas  non  plus,  les  popula- 
tions de  la  côte  n'étaient  pas  en  état  de  combattre  cette 


1  Caire  les  canonjiiers,  oayriersi  etc.  Quinze  cents  bâtiments  de  truiâ- 
port.  App.,  164. 

*  Sous  Charles  VT>  sous  Louis  XI TT,  etc. 

*  Les  scrupules  d'Henri  allèrent  jusqu'à  refuser  le  service  d'on  feot- 
leman  qui  lui  amenait  vingt  hommes^  mais  qui  ayait  été  moine»  et  n'était 
rentré  dans  la  vie  séculière  qu'au  moyen  d'une  âitpenge  dM  pape.  Ces 
dispenses  étaient  le  sujet  d'une  guerre  continuelle  entre  Rome  et  l'église 
d'Angleterre. 

^  Le  roi  n'en  avait  pas;  mais  plusieurs  villes,  telles  qoeU  RoclMlie, 
Dieppe,  etc. ,  en  avaient  un  assez  grand  nomUre, 


AZl^'couRT.  1 97 

grande  armée.  Mais  elles  se  montrèrent  très -hostiles;  le 
duc  de  Normandie,  c'est  le  premier  titre  que  prit  Henri  V, 
fut  mal  reçu  dans  son  duché,  les  villes,  les  châteaux  se 
gardèrent;  les  Anglais  n'osaient  s'écarter,  ils  n'étaient 
maîtres  que  de  la  plage  malsaine  que  couvrait  leur  camp. 

N'oublions  pas  que  notre  malheureux  pays  n'avait  phis 
de  gouvernement.  Les  deux  partis  ayant  reflué  au  nord,  au 
midi,  le  centre  était  vide;  Paris  était  las,  comme  après  les 
grands  efforts,  le  roi  fol,  le  dauphin  malade,  le  duc  de 
Berri  presque  octogénaire.  Cependant  ils  envoyèrent  le 
maréchal  de  Boucicaut  à  Rouen,  puis  ils  y  amenèrent  le 
roi,  pour  réunir  la  noblesse  de  l'Ile-de-France,  de  la  Nor- 
mandie et  de  la  Picardie.  Les  gentilshommes  de  cette 
dernière  province  reçurent  ordre  contraire  du  duc  de 
Bourgogne^;  les  uns  obéirent  au  roi,  les  autres  au  duc; 
quelques-uns  se  joignirent  même  aux  Anglais. 

HarQeur  fut  vaillamment  défendu,  opiniâtrement  attaqué. 
Une  brave  noblesse  s'y  était  jetée.  Le  siège  tratna;  les 
Anglais  souflfrirent  infiniment  sur  cette  côte  humide.  Leurs 
vivres  s'étaient  gâtés.  On  était  en  septembre,  au  temps  des 
fruits;  ils  se  jetèrent  dessus  avidement.  La  dyssenterie  se 
mit  dans  l'armée  et  emporta  les  hommes  par  milliers, 
non -seulement  les  soldats,  mais  les  nobles,  écuyers, 
chevaliers,  les  plus  grands  seigneurs,  l'évéque  même  de 
Norwich.  Le  jour  de  la  mort  de  ce  prélat,  l'armée  anglaise, 
par  respect,  interrompit  les  travaux  du  siège. 

Harfleur  n'était  pas  secouru.  Un  convoi  de  poudre 
envoyé  de  Rouen  fut  pris  en  chemin.  Une  autre  tentative 
ne  fut  pas  plus  heureuse;  des  seigneurs  avaient  réuni 
jusqu'à  six  mille  hommes  pour  surprendre  le  cainp  an- 

*  Le  senritenr  des  dacs  de  Bourgogne,  qui  depuis  fut  leur  héraut 
d^armes,  sous  le  nom  de  Toison  d'or,  avoue  ceci  expressément  :  •  Y 
allèrent  à  puissance  de  gens,  jd  toit  (quoique)  U  due  de  Bourgogne 
mandât  par  ses  lettres  patentes,  que  ils  ne  bougeattent,  et  que  ne  ser- 
Tissant  ni  partissent  de  leurs  hostels,  jusques  à  tant  qu'il  leur  ûil  sça- 
▼oir.  >  Lefebvre  de  Saint- lieroy. 


198  X  ANGLETERRE:    L  ÉTAT,    L  ÉGLISE. 

glais  ;  leur  impétuosité  fit  tout  manquer,  ils  se  découvrirent 
avant  le  moment  favorable. 

Cependant  ceux  qui  défendaient  Harfleur,  n'en  pouvaient 
plus  de  fatigue.  Les  Anglais  ayant  ouvert  une  large  brèche, 
les  assiégés  avaient  élevé  des  palissades  derrière.  On  leur 
brûla  cet  immense  ouvrage,  qui  fut  trois  jours  à  se  con- 
sumer. L'Anglais  employait  un  moyen  infaillible  de  les 
mettre  à  bout  ;  c'était  de  tirer  jour  et  nuit  ;  ils  ne  dormaient 
plus. 

Ne  voyant  venir  aucun  secours,  ils  finirent  par  demander 
deux  jours  pour  savoir  si  Ton  viendrait  à  leur  aide.  «  Ce 
n'est  pas  assez  de  deux  jours,  dit  l'Anglais;  vous  en  aurez 
quatre.  »  Il  prit  des  otages,  pour  être  sûr  qu'ils  tiendraient 
leur  parole.  Il  ûi  bien,  car  le  secours  n'étant  pas  venu  au 
jour  dit,  la  garnison  eût  voulu  se  battre  encore.  Quelques- 
uns  même,  plutôt  que  se  rendre,  se  réfugièrent  dans  les 
tours  de  la  côte,  et  là  ils  tinrent  dix  jours  de  plus. 

Le  siège  avait  duré  un  mois.  Mais  ce  mois  avait  été  plus 
meurtrier  que  toute  Tannée  qu'Edouard  III  resta  campé 
devant  Calais.  Les  gens  d'Harfleur  avaient,  comme  ceux  de 
Calais,  tout  à  craindre  des  vainqueurs.  Un  prêtre  anglab 
qui  suivait  l'expédition  nous  apprend,  avec  une  satisfac- 
tion visible,  par  quels  délais  on  prolongea  l'inquiétude  et 
l'humiliation  de  ces  braves  gens  :  «  On  les  amena  dans 
une  tente,  et  ils  se  mirent  à  genoux,  mais  ils  ne  virent  pas 
le  roi  ;  puis  dans  une  tente  oii  ils  s'agenouillèrent  long* 
temps,  mais  il  ne  virent  pas  le  roi.  En  troisième  lieu,  on 
les  introduisit  dans  une  tente  intérieure,  et  le  roi  ne  se 
montra  pas  encore.  Enfin,  on  les  conduisit  au  lieu  où  le 
roi  siégeait.  Là  ils  fuirent  longtemps  à  genoux,  et  notre  rot 
ne  leur  accorda  pas  un  regard,  sinon  lorsqu'ils  eurent  été 
très'longtetnps  agenouillés.  Alors  le  roi  les  regarda,  et  fit 
signe  au  comte  de  Dorset  de  recevoir  les  clefs  de  la  ville. 
Les  Français  furent  relevés  et  rassurés  *.  • 

*  App,,  i65. 


AZINCOURT.  499 

Le  n>i  cTAngleteire,  avec  ses  ea^Htaines,  son  clergé,  son 
armée,  fit  son  entrée  dni»  la  viUe.  A  la  poite,  il  descendit 
de  cheval  et  se  fit  âter  sa  chatissore  ;  il  alla,  pieds  nus,  à 
réglise  paroissiale  «  regrftcîer  son  Créateur  de  sa  bonne 
lortmie.  »  La  viUe  n'en  fiit  pas  mieux  traitée;  une  bonne 
partie  des  bourgeois  furent  mis  à  rançon,  toutconmnc  les 
gens  de  guerre;  tous  les  habitants  furent  chassés  de  la 
ville,  les  feaunesiséine  et  les  enfents;  on  leur  laissait  cinq 
sols  et  leurs  jupes  ^ 

Les  vaiaqueurs,  au  boat  de  cette  guerre  de  cinq  scnMtnes, 
éiûeat  d^à  Uea  découragés.  Des  trente  mille  hommes  qui 
étaient  partis,  il  en  restait  vingt  mille;  et  il  en  («liât  ren- 
voyer encore  cinq  raille,  qui  étaient  blessés,  malodes  oo 
tuop  fatifttés.  jyÛs,  quoique  la  prise  d'Barfleur  fût  un 
grand  et  important  résultat,  le  roi,  qui  l'avait  acheté  parla 
perte  de  tant  de  aoidats,  de  tant  de  personnages  éminents, 
ne  pouvait  se  présenter  devant  le  pays  en  deuil,  s'il  ne 
relevait  les  esprits  par  quelque  chose  de  chevaleresque  et 
de  hardi.  D'abord  il  défia  le  dauphin  à  combattre  corps  à 
eorps.  Puis,  pour  constater  que  la  France  n'osait  com- 
battre, il  déclara  que  d'Harfleur  il  irait,  à  travers  champs, 
jusqu'à  la  ville  de  Calais'. 

La  chose  était  hardie,  elle  n'était  pas  téméraire.  On  con- 
naissait  les  divisions  de  la  noblesse  française,  les  défiances 
qui  rempéchaient  de  se  réunir  en  armes.  Si  elle  n'était  pas 
venue  à  temps,  pendant  tout  un  grand  mois,  pour  défendre 
le  poste  qui  couvrait  la  Seine  et  tout  le  royaume,  il  y  avait 
à  parier  qu'elle  laisserait  bien  aux  Anglais  les  huit  jours 
qu'il  leur  fiallait  pour  arriver  à  Calais  selon  le  calcul 
d'Uenri.  • 

11  lui  restait  deux  mille  hommes  d'armes,  treize  mille 
archers,  une  armée  leste,  robuste;  c'étaient  ceux  qui 
avaient  résisté.  Il  leur  fit  prendre  des  vivres  pour  huit 

•  App.,  t66.  —  >  App.,  IS7. 


SOO  l'angletrbiu;  :  l'état,  l'église. 

jours.  D'ailleurs,  une  fois  sorti  de  Normandie,  il  y  avait  à 
parier  que  les  capitaines  du  duc  de  Bourgogne  en  Picardie, 
en  Artois,  aideraient  à  nourrir  cet)e  armée,  ce  qui  arriva. 
C'était  le  mois  d'octobre,  les  vendanges  se  faisaient;  le  vin 
ne  manquerait  pas  ;  avec  du  vin,  le  soldat  anglais  pouvait 
aller  au  bout  du  monde. 

L'essentiel  était  de  ne  pas  soulever  les  populations  sur 
sa  route,  de  ne  pas  armer  les  paysans  par  des  désordres. 
Le  roi  fit  exécuter  à  la  lettre  les  belles  ordonnances  de 
Richard  II  sur  la  discipline^  :  Défense  du  viol  et  du  pillage 
d'église,  sous  peine  de  la  potence;  défense  de  crier  haooc 
(pille  I),  sous  peine  d'avoir  la  tête  coupée  ;  même  peine 
contre  celui  qui  vole  un  marchand  ou  vivandier  ;  obéir  an 
capitaine,  loger  au  logis  marqué,  sous  peine  d'être  empri- 
sonné et  de  perdre  son  cheval,  etc. 

L'armée  anglaise  partit  d'Harfleur  le  8  octobre.  Elle  tra- 
versa le  pays  de  Caux.  Tout  était  hostile.  Arques  tira  sur 
les  Anglais;  mais  quand  ils  eurent  fait  la  menace  de 
brûler  tout  le  voisinage,  la  ville  fournit  la  seule  chose 
qu'on  lui  demandait,  du  pain  et  du  vin.  Eu  fit  une  furieuse 
sortie;  même  menace,  même  concession  ;  du  pain,  du  vin, 
rien  de  plus. . 

Sortis  enfin  de  la  Normandie,  les  Anglais  arrivèrent  le 
J  3  à  Abbevilie,  comptant  passer  la  Somme  à  la  Blanche- 
Tache,  au  lieu  même  où  Edouard  III  avait  forcé  le  passage 
avant  la  bataille  de  Crécy.  Henri  V  apprit  que  le  gué  était 
gardé.  Des  bruits  terribles  circulaient  sur  la  prodigieuse 
armée  que  les  Français  rassemblaient;  le  défi  chevale- 
resque du  roi  d'Angleterre  avait  provoqué  la  furie  fran- 
çaise^ ;  le  duc  de  Lorraine,  à  ItH  seul,  amenait,  disait-on, 

t 

«  Règlement  de  1386.  V.  Sir  Nicolas. 

^  La  noblesse  élait  animée  par  la  honte  d'avoir  loissé  prendre  Har- 
Heiir.  Le  Religieux  exprime  ici  avec  une  cxtrôme  amertume  le  senlîroent 
nalional  :  •  La  nob'essc,  dil-il.  en  fui  moquée,  sifilée,  cbansonnre,  tout 
le  juui'  chez  les  nalions  étrangères.  Avoir  sans  résistance  laissé  le 


AZtrCCOURT.  20 1 

« 

cinquante  mille  hommes*.  Le  fait  est  que,  quelque  dili- 
gence que  mtt  la  noblesse,  celle  surtout  du  parti  d'Orléans, 
à  se  rassembler,  elle  était  loin  de  l'être  encore.  On  crut 
^tile  de  tromper  Henri  Y,  de  lui  persuader  que  le  passage 
était  impossible/ Les  Français  ne  craignaient  rien  tant  que 
de  le  voir  échapper  impunément.  Un  Gascon,  qui  apparte- 
nait au  connétable  d'Albret,  fut  pris,  peut-être  se  fit 
prendre;  mené  au  roi  d'Angleterre,  il  affirma  que  le 
passage  était  gardé  et  infranchissable,  a  S'il  n'en  est  ainsi, 
dit'il,  coupez -moi  la  tête.  »  On  croit  lire  la  scène  où  le 
Gascon  Montluc  entraîna  le  roi  et  le  conseil,  et  le  décida  à 
permettre  la  bataille  de  Cérisoles. 

Retourner  à  travers  les  populations  hostiles  de  la  Nor- 
mandie, c'était  une  honte,  un  danger;  forcer  le  passage 
du  gué  était  difficile,  mais  peut-être  encore  possible. 
Lefebvre  de  Saint-Remy  dit  lui-même  que  les  Français 
étaient  loin  d'être  prêts.  Le  troisième  parti,  c'était  de 
s'engager  dans  Içs  terres,  en  remontant  la  Somme  jusqu'à 
ce  qu'on  trouvât  un  passage.  Ce  parti  eût  été  le  plus 
hasardeux  des  trois,  si  les  .Anglais  n'eussent  eu  intelli- 
gence dans  le  pays.  Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que 
dépuis  4  406,  la  Picardie  était  sous  l'influence  du  duc  de 
Rourgogne;  qu'il  y  avait  nombre  de  vassaux,  que  les 
capitaines  des  villes  devaient  craindre  de  lui  déplaire,  et 
qu'il  venait  de  leur  défendre  d'armer  contre  les  Anglais. 
Ceux-ci,  venus  sur  les  vaisseaux  de  Hollande  et  deZélande, 
avaient  dans  leurs  rangs  des  gens  du  Hainault  ;  des  Picards 
s'y  joignirent,  et  peut-être  les  guidèrent  *. 

L'armée,  peu  instruite  des  facilités  qu'elle  trouverait 
dans  cette  entreprise  si  téméraire  en  apparence,  s'éloigna 
de  la  mer  avec  inquiétude.  Les  Anglais  étaient  partis  le 

9  d'Harfleur;  le  13,  ils  commencèrent  à  remonter  la 

« 

royaume  perdre  son  meilleur  et  son  plus  utile  port,  aroir  laissé  prendre 
honteusement  ceux  qui  s'étaient  si  bien  défendus!  • 
t  A^.,  108. .  •  Afp.^  109. 


202  L'ANGLETERRE  :   L'ÉTAT,   l'ÉGLISE. 

Somme.  Le  14,  ils  envoyèrent  un  détachemeiU  pour  essayer 
le  passage  de  Pont-de-Remy  ;  mais  ce  détachement  fut 
repoussé;  le  15,  ils  trouvèrent  que  le  passage  de  Pont- 
Audemer  était  gardé  aussL  Huit  jour^  étaient  écoulés 
au  17,  depuis  le  départ  d^Harfleur,  mai£  au  lieu  d'être  à 
Calais,  ils  se  trouvaient  près  d'Amiens.  Les  plus  fermes 
commençaient  à  porter  la  tète  basse  ;  Us  se  recomman- 
daient de  tout  leur  cœur  à  Saint-Georges  et  à  la  sainle 
Yierge.  Après  tout,  les  vivres  ne  manquaient  pas.  Ils  trou- 
vaient à  chaque  station  du  pain  et  du  vin;  à  Boves,  qui 
était  au  duc  do  Bourgogne,  le  vin  les  attondaît,  en  telle 
quantité,  que  le  roi  craignit  qu'ils  ne  s'enivrassent. 

Près  de  Nesles,  les  paysans  refusèrent  les  vivres  et  s'en- 
fuirent. La  Providence  secourut  encore  les  Anglais.  Un 
homme  du  pays  vint  dire  *  qu'en  traversant  un  marais,  ils 
trouveraient  un  gué  dans  la  rivière.  C'était  un  passage 
long,  dangereux,  auquel  on  ne  passait  guère.  Le  roi  avait 
ordonné  au  capitaine  de  Saint-Quentin  de  détruire  le  gué, 
et  même  d'y  planter  des  pieux,  mais  il  n'en  avait  rien  fait. 

Les  Anglais  ne  perdirent  pas  un  moment.  Pour  faciliter 
le  passage,  ils  abattirent  les  maisons  voisines,  jetèrent  sur 
l'eau  des  portes,  des  fenêtres,  des  échelles,  tout  ce  qu'ils 
trouvaient.  Il  leur  fallut  tout  un  Jour  ;  les  Français  avaient 
une  belle  occasion  de  les  attaquer  dans  ce  long  passage. 

Ce  fut  seulement  le  lendemain,  dimanche  20  octobre, 
que  le  roi  d'Angleterre  reçut  enfin  le  défi  du  duc  d'Orléans, 
du  duc  de  Bourbon  et  du  connétable  d'Albret.  Ces  princ4?s 
n'avaient  pas  perdu  de  temps,  mais  ils  avaient  trouvé  tous 
les  obstacles  que  pouvait  rencontrer  un  parti  qui  se  por- 
tait seul  pour  défenseur  du  royaume.  En  un  mois,  ils 
avaient  entraîné  jusqu'à  Abbeville  toute  la  noblesse  du 
midi,  du  centre.  Ils  avaient  forcé  l'indécision  du  cun>eil 
royal  et  les  peurs  du  duc  ^e  Berri.  Ce  vieux  duc  voulait 

«  Apv.,  170. 


AZmCOURT.  203 

d'abord  que  les  partis  d'Orléans  et  de  Bourgogne  envoyas^ 
sent  chacun  cinq  cents  lances  seulement  ^;  mais  ceux 
d'Orléans  vinrent  tous.  JEnsuite  se  souvenant  de  PoitierS; 
oit  il  s  était  sauvé  jadis,  il  voulait  qu'on  évitât  la  bataille, 
que  du  moins  le  roi  et  le  dauphin  se  gardassent  bien  d'y 
aller.  11  obtint  ce  dernier  point;  mais  la  bataille  fut  décidée. 
Sur  trente-cinq  conseillers,  il  s'en  trouva  cinq  contre, 
trente  pour.  C'était  au  fond  le  sentiment  national;  il 
fallait,  dut- on  être  battu,  faire  preuve  de  cœur,  ne  pas 
laisser  1  Anglais  s'en  aller  rire  à  nos  dépens  après  cette 
longue  promenade.  Nombre  de  gentilshommes  des  Pays- 
Bas  voulurent  nous  servir  de  seconds  dans  ce  grand  duel. 
Ceux  du  Uainault,  du  Brabant,  de  Zélande,  de  Hollande 
même  si  éloignés,  et  que  la  chose  ne  touchait  en  rien, 
vinrent  oorabatlre  dans  nos  rangs,  malgré  la  duc  de  Bout* 
«ogne. 

D'Abbevilie,  l'armée  des  princes  avait  de  son  c6té 
remonté  la  Somme  jusqu'à  Péronne,  pour  disputer  le 
}ias8age.  Sachant  qu'Henri  était  passé,  ils  lui  envoyèrent 
demander,  sdon  les  us  de  la  chevalerie,  jour  et  lieu  pour 
la  bataille,  et  quelle  route  il  voulait  tenir.  L'Anglais  ré- 
pondit, avec  une  simplicité  digne,  qu'il  allait  droit  à 
Calais,  qu'il  n'entrait  dans  aucune  ville,  qu'ainsi  on  le 
trouverait  toujours  en  plein  champ,  à  la  grâce  de  Dieu,  k 
quoi  11  ajouta  :  «  Nous  engageons  nos  ennemis  à  ne  pas 
nous  fermer  la  route  et  à  éviter  TeSusion  du  sang  chré- 
tien. » 

De  l'autre  côté  de  la  Somme,  les  Anglais  se  virent  vrai- 
ment en  pays  ennemi.  Le  pain  manqua  ;  ils  ne  mangèrent 
pendant  huit  jours  que  de  la  viande,  des  œufs,  du  beurre, 
enfin  ce  qu'ils  purent  trouver.  Les  princes  avaient  dévasté 
la  campagne,  rompu  les  routes  L'armée  anglaise  fut 
obUgée,  pour  les  logements,  de  se  diviser  entre  plusieurs 

*  App.,  171. 


$04  L  ANGLETERRB  :   L'BTAT,   L  ÉGLISE. 

villages.  C'était  encore  une  occasion  pour  les  Français;  ils 
n*en  profitèrent  pas.  Préoccupés  uniquement  de  faire  une 
belle  bataille,  ils  laissaient  Tennemi  venir  tout  à  son  aise. 
Ils  s'assemblaient  plus  loin,  près  du  ch&teau  d'Azîncourt, 
dans  un  lieu  où  la  route  de  Calais  se  resserrant  entre  Âzin- 
court  et  Tramecourt,  le  roi  serait  obligé,  pour  passer,  de 
livrer  bataille. 

Le  jeudi  24  octobre,  les  Anglais  ayant  passé  Blangy  ^ 
apprirent  que  les  Français  étaient  tout  près  et  crurent 
qu'ils  allaient  attaquer.  Les  gens  d'armes  descendirent  de 
cheval,  et  tous,  se  mettant  à  genoux,  levant  les  mains  an 
ciel,  prièrent  Dieu  de  les  prendre  en  sa  garde.  Cependant 
il  n'y  eut  rien  encore  ;  le  connétable  n'était  pas  arrivé  à 
l'armée  française.  Les  Anglais  allèrent  loger  à  Maisoncelle 
se  rapprochant  d'Azincourt.  Henri  Y  se  débarrassa  de  ses 
prisonniers.  «  Si  vos  maîtres  survivent,  dît-il,  vous  vous 
représenterez  à  Calais.  > 

Enfin  ils  découvrirent  Timmeiise  armée  française,  ses 
feux,  ses  bannières.  11  y  avait,  au  jugement  du  témoin  oca- 
laire,  quatorze  mille  hommes  d'armes,  en  tout  peut-^ie 
cinquante  mille  hommes  ;  trois  fois  plus  que  n'en  comp- 
taient les  Anglais*.  Ceux-ci  avaient  enze  ou  douze  mille 
hommes,  de  quinze  mille  qu'ils  avaient  emmenés  d'Har* 
fleur  ;  dix  mille  au  moms,  sur  ce  nombre,  étaient  des  ar- 
chers. 

Le  premier  qui  vint  avertir  le  roi,  le  Gallois ^  David 
Gam,  comme  on  lui  demandait  ce  que  les  Français  pou- 
vaient avoir  d'hommes,  répondit  avec  le  ton  léger  et  van- 
tard des  Gallois  :  «  Assez  pour  être  tués,  assez  pour  être 


*  «  Gomme  il  fat  dit  an  roy  d'Angleterre  gue  il  aroit  passe  son  lo^s, 
il  s'arrêta  et  dit  :  •  Jà  Dieu  ne  plaise,  entenda  que  j*ai  U  cotle  d'armes 
•  reslue,  que  je  dois  retourner  arriére.  >  fit  passa  outre.  •  Lefebvre. 

*  App.,  iir 

'  Henri  avait  des  Gallois  et  des  Portugais.  On  a  tii  déjà  qu'il  ATait 
des  gens  duUaioauU. 


AZIKCODRT.  205 

pris,  assez  pour  fuir  I.  »  Un  Anglais,  sir  Walter  Hunger- 
fard,  ne  put  s'empêcher  d'observer  qu'il  n'eût  pas  été  inu- 
tile de  faire  venir  dix  mille  bons  archers  de  plus  ;  il  y  en 
avait  tant  en  Angleterre  qui  n'auraient  pas  mieux  demandé. 
Mais  le  roi  dit  sévèrement  :  «  Par  le  nom  de  Nôtre-Seigneur, 
je  ne  voudrais  pas  un  homme  de  plus.  Le  nombre  que 
nous  avons,  c'est  je  nombre  qu'il  a  voulu;  ces  gens  placent 
leur  confiance  dans  leur  multitude,  et  moi  dans  Celui  qui 
fit  vaincre  si  souvent  Judas  Machabée.  » 

Les  Anglais,  ayant  encore  une  nuit  à  eux,  l'employèrent 
utilement  à  se  préparer,  à  soigner  l'âme  et  le  corps,  autant 
qu'il  se  pouvait.  D'abord  ils  roulèrent  les  bannières,  de 
peur  de  la  pluie,  mirent  bas  et  plièrent  les  belles  cottes 
d'armes  qu'ils  avaient  endossées  pour  combattre.  Puis» 
afin  de  passer  confortablement  cette  froide  nuit  d'octobre, 
ils  ouvrirent  leurs  malles  et  mirent  sous  eux  de  la  paille 
qu'ils  envoyaient  chercher  aux  villages  voisins.  Les  hommes 
d'armes  remettaient  des  aiguillettes  à  leurs  armures,  les 
archers  des  cordes  neuves  aux  arcs.  Ils  avaient  depuis 
plusieurs  jours  taillé,  aiguisé  les  pieux  qu'ils  plantaient 
ordinairement  devant  eux  pour  arrêter  la  gendarmerie. 
Tout  en  préparant  la  victoire,  ces  braves  gens  songeaient 
au  salut;  ils  se  mettaient  en  règle  du  côté  de  Dieu  et  de  la 
conscience.  Us  se  confessaient  à  la  hâte,  ceux  du  moins 
que  les  prêtres  pouvaient  expédier.  Tout  cela  se  faisait 
sans  bruit,  tout  bas.  Le  roi  avait  ordonné  le  silence,  sous 
peine,  pour  les  gentlemen,  de  perdre  leur  cheval,  et  pour 
les  autres  l'oreille  droite. 

Du  côté  des  Français,  c'était  autre  chose.  On  s'occupait 
à  faire  des  chevaliers.  Partout  de  grands  feux  qui  mon- 
traient tout  à  l'ennemi;  un  bruit  confus  de  gens  qui 
criaient,  s'appelaient,  un  vacarme  de  valets  et  de  pages. 
Beaucoup  de  gentilshommes  passèrent  la  nuit  dans  leurs 

•.Powel.  —  Turner. 


SOS  L*ÂNGLETERn  :  l'état,  l*sgusk. 

lourdes  armures,  à  cheval,  sans  doute  pour  ne  pas  les 
dans  la  boue;  boue  profonde,  pluie  froide;  ils  étaient 
morfondus.  Encore,  s*îl  y  avait  en  de  la  musique ^..  Les 
chevaux  m^*mes  étaient  tristes;  pas  un  ne  hennissait...  Ace 
fâcheux  augure,  joignez  les  souvenirs;  ÂzinGoort  n*est  pas 
loin  de  Crécy. 

Le  matin  du  2h  octobre  H45,  Jour  de  saint  CréfMftet 
saint  Crépinien,  le  roi  d'Angleterre  entendit,  selon  sa  cou- 
tume^ trois  messes^,  tout  armé,  tète  nue.  Puis  il  se  fit 
mettre  en  tète  un  magnifique  bassinet  où  se  trouvait  une 
couronne  d*or,  cerclée,  fermée,  impériale.  Il  moBla  on 
petit  cheval  gris,  sans  éperons,  ftt  avancer  son  armée  sur 
un  champ  de  jeunes  blés  irerts,  où  le  terrain  était  moins 
défoncé  par  la  pluie,  toute  Tarmée  en  on  corps,  au  centre 
les  quelques  lances  quHl  avait,  flanquées  de  masses  d'ar* 
chers;  puis  il  alla  tout  le  long  au  pas,  disant  quelques 
paroles  brèves  :  «  Vous  avez  bonne  cause,  je  ne  suis  venu 
que  pour  demander  mon  droit...  Souvenez-vous  que  vous 
êtes  de  la  vieille  Angleterre  ;  que  vos  parents,  vos  temmei 
et  vos  enfants  vous  attendent  là-bas  ;  il  faut  avoir  on  beau 
retour.  Les  rois  d'Angteterre  ont  toujours  fait  de  belle  be* 
sogne  en  France...  Gardez  Thonnear  de  la  Couronne; 
gardez-vous  vous-mêmes.  Les  Français  dnent  qu*ils  feroot 
couper  trois  doigts  de  la  main  à  tous  les  arebers.  » 

Le  terrain  était  en  Si  mauvais  état  que  personne  ne  se 
souciait  d'attaquer.  Le  roi  d'Angleterre  fit  parier  aox 
Français.  Il  offrait  de  renoncer  au  titre  de  roi  de  France 
et  de  rendre  Harfleur,  pourvu  qu'on  loi  donnât  la  Graenae, 
on  peu  arrondie,  le  Ponthieu,  une  fille  du  roi  et  hait  e^it 
mille  écus.  Ce  parlementage  entre  les  deux  armées  ne  di* 
mihua  pas,  comme  on  eût  pu  le  croire,  la  fermeté  anglaise; 
pendant  ce  temps,  les  archers  assuraient  leurs  pieox. 

*  Lefebvre  de  Saint- Remy. 

*  •  Car  il  avoit  cousiume  d'en  oyr  chaseun  jonr^  trois  l'ane  apfès 
l'antre.  •  Jehan  de  Yaurin,  îm,  • 


AZINCOURT.  207 

Les  deux  armées  faisaient  un  étrange  contraste.  Du 
côté  des  Français,  trois  escadrons  énormes,  comme  trois 
forêts  de  lances,  qui,  dans  cette  plaine  étroite,  se  succé- 
daient à  la  file  et  s'étirafent  en  profondeur;  au  front*  le 
connétable,  les  princes,  les  ducs  d'Orléans,  de  Bar  et 
d^Alençon,  les  comtes  de  Nevers,  d'Eu,  de  Rîchemont,  de 
Vendôme,  une  foule  de  seigneurs,  une  iris  éblouissante 
d*armures  èmaillées,  d*écussons,  de  bannières,  les  chevaux 
bizarrement  déguisés  dans  Tacier  et  dans  l'or.  Les  Fran- 
çais avaient  aussi  des  archers,  des  gens  des  communes*; 
mais  où  les  mettre?  Les  places  étaient  comptées,  personne 
ii*eùt  donné  la  sienne^;  ces  gens  auraient  feit  tache  en  si 
noble  assemblée.  Il  y  avait  des  canons,  mais  il  ne  parait 
pas  qu'on  s'en  soit  servi  ;  probablement  il  n'y  eut  pas  non 
plus  de  place  pour  eux. 

L'armée  anglaise  n'était  pas  belle.  Les  archers  n'avaient 
pas  d  armure,  souvent  pas  de  souliers;  ils  étaient  pauvre- 
ment coiffés  de  cuir  bouilli,  d'osier  même  avec  une  croi- 
sure  de  fer  ;  les  cognées  et  les  haches,  pendues  à  leur  cein- 
ture, leur  donnaient  un  air  de  charpentiers.  Plusieurs  de 
ces  bons  ouvriers  avaient  baissé  leurs  chausses,  pour  être 
à  Taise  et  bien  travailler,  pour  bander  l'arc  d'abord  3,  puis 


*  Quatre  mille  archers,  sans  compter  de  oombrenses  milices.  Les  Pari- 
sieni  avaient  ofTert  six  mille  hommes  aniKÎs;  on  n'en  voulut  pis.  Cn 
chevalier  dit  à  cette  oeeasion  ;  «  Qu'aTom-nons  besoin  de  ces  ouvriers? 
nous  sommes  déjà  Urpis  fois  pi  as  nombreux  que  les  Anglais.  •  Le  Reli- 
gieux remarque  qu'on  fit  la  môme  faute  à  Courlrai,  à  Poitiers  et  à  Nico- 
polii,  et  il  ajoute  des  réflexions  hardies  pour  le  temps. 

*  Tous,  dit  le  Relifieui^  Toulaient  être  à  ravant-garde  :  •  Gom  sia» 
gnli  anii-guardiam  poseerent  conducendanu..  essetque  inde  exorta  rer- 
hfilit  eonirovertia,  tandem  tamcn  unanlmiter  (proh  dolort)  concluscrunt 
ut  omnes  in  prima  fiante  loearentnr;  •  —  C'est  ainsi  que  Je  grand- 
père  de  Mirabeau  nous  apprend  qu'au  pont  de  Cassano  les  officiers 
furent  au  moment  de  tirer  répée  las  uns  contre  les  autres,  tous  voulant 
être  les  premiers  au  combat.  (Mémoires  de  Mirabeau.) 

'  Les  aichers  anglais  poussaient  l'arc  avec  le  bras  gauche,  ceux  de 
France  liraient  la  cor  Je  avec  le  bras  droit;  chez  cc'UX-ci  c'était  le  bras 
gauche,  chez  ceux-là  le  bras  droit  qui  restait  immobile.  M.  Gilpin  ailri- 


208  L'ANGLETERRE  :   L'ÉTAT,   l'ÉGLISE. 

pour  manier  la  hache,  quand  ils  pourraient  sortir  de  leur 
enceinte  de  pieux,  et  charpenter  ces  masses  immobiles. 

Un  fait  bizarre,  incroyable,  et  pourtant  certain,  c'est 
qu  en  effet  l'armée  française  ne  put  bouger,  dî  pour  com- 
battre, ni  pour  fuir.  L'arrière-garde  seule  échappa. 

Au  moment  décisif,  lorsque  le  \\e\xx  Thomas  de  Her- 
pinghem,  ayant  rangé  l'armée  anglaise,  jeta  son  bâton  en 
Fair  en  disant  :  «Now  strike  M  »,  lorsque  lès  Anglais  eurent 
répondu  par  un  formidable  cri  de  dix  mille  hommes, 
Tarmée  fançaise  resta  immobile,  à  leur  grand  étoimement 
Chevaux  et  chevaliers,  tous  parurent  enchantés,  ou  morts 
dans  leurs  armures.  Dans  la  réalité,  c'est  que  ces  grands 
chevaux  de  combat,  sous  la  charge  de  leur  pesant  cavalier, 
de  leur  vaste  caparaçon  de  fer,  s'étaient  profondément  en- 
foncés des  quatre  pieds  dans  les  terres  fortes  ;  ils  y  étaient 
parfaitement  établis,  et  ils  ne  s*en  dépêtrèrent  que  pour 
avancer  quelque  peu  au  pas. 

Tel  est  Taveu  des  historiens  du  parti  anglais,  aveu  mo- 
deste qui  fait  honneur  à  leur  probité. 

Lefebvre,  Jean  de  Vaurin  et  Walsingham*  disent  expres- 
sément que  le  champ  n'était  qu'une  boue  visqueuse.  «  La 
place  estoit  molle  et  effondrée  des  chevaux,  en  telle  ma- 
nière que  à  grant  peine  se  pouvoient  ravoir  hors  de  la 
terre,  tant  elle  estoit  molle.  » 

«  D'autre  part,  dit  'encore  Lefebvre,  les  Franchois 
estoient/  si  chargés  de  harnois  qu'ils  ne  pouvoient  aller 
avant.  Premièrement,  estoient  chargés  de  cottes  d'acier, 
longues,  passants  les  genoux  et  moult  pesantes,  et  pardes- 
sous  harnois  de  jambes,  et  pardessus  blancs  harnois,  et  do 
plus  bachinets  de  caruail...  Us  estoient  si  pressés  Tun  de 


bue  h  cette  diiïércnce  de  procéda  celle  d'eipressîon  dans  les  deos 
langues:  tirer  de  Tare,  en  français;  bander  l'are,  en  anglais. 

'  •  Maintenant,  frappe  t  •  Monstrelet. 

'  Les  fantassins  mùme  avaient  peine  à  marcher  :  •  Propter  soli  mol* 
liliem...  percampum  lutosum.  •  Walsingtiam. 


AZINCOURT.  209 

Tautre,  qu*ils  ne  pouvoieni  lever  leurs  bras  pour  férir  les 
ennemis,  sinon  aucuns  qui  estoient  au  front.  » 

Un  autre  historien  du  parti  anglais  nous  apprend  que 
les  Français  étaient  rangés  sur  une  profondeur  de  trente- 
deux  hommes,  tandis  que  les  Anglais  n'avaient  que  quatre 
rangs  ^  Cette  profondeur  énorme  des  Français  ne  leur 
servait  à  rien;  leurs  trente-deux  rangs  étaient  tous»  ou 
presqu^lpus,  de  cavaliers;  la  plupart,  loin  de  pouvoir 
agir,  ne  voyaient  même  pas  l'action;  les  Anglais  agirent 
tous.  Des  cinquante  mille  Français,  deux  ou  trois  mille 
seulement  purent  combattre  les  ouze  mille  Anglais,  ou  du 
moins  l'auraient  pu,  si  leurs  chevaux  s'étaient  tirés  de  la 
boue. 

Les  archers  anglais,  pour  réveiller  ces  inertes  masses, 
leur  dardèrent,  avec  une  extrême  roideur,  dix  mille  traits 
aa  visage.  Les  cavaliers  de  fer  baissèrent  la  tête,  autrement 
les  traits  auraient  pénétré  par  les  visières  des  casques. 
Alors  les  deux  ailes,  de  Tramecourt,  d'Azincourt,  s  ébran- 
lèrent lourdement  à  grand  renfort  d'éperons,  deux  esca- 
drons français;  ils  étaient  conduits  par  deux  excellents 
hommes  d'armes,  messire  Clignet  de  Brabant,  et  messire 
Guillaume  de  Saveuse.  Le  premier  escadron,  venant  de 
Tramecourt,  fut  inopinément  criblé  en  flanc  par  un  corps 
d'archers  cachés  dans  le  bois^;  ni  l'un  ni  l'autre  escadron 
n'arriva. 

De  douze  cents  hommes  qui  exécutaient  cette  charge,  il 
n'y  en  avait  plus  cent  vingt,  quand  ils  vinrent  heurter  aux 
pieux  des  Anglais.  La  plupart  avaient  chu  en  route, 
h3mmes  et  chevaux,  en  pleine  boue.  £t  plût  au  ciel  que 
tous  eussent  tombé;  mais  les  autres,  dont  les  chevaux 
étaient  blessés,  ne  purent  plus  gouverner  ces  bêtes  fu- 

*  Titus  Livias. 

*  llonsirelet.  Qijelqaes-nns  disaient  aussi  que  le  roi  d'Angleterre  aviii 
enToyé  des  archers  derrière  l'armée  française;  mais  les  iciuoiiis  ocu- 
laires affirment  le  contraire. 

IV.  .    Il 


210  l'anglkterrb  r  l'état,  L'Écr-isB, 

rieuses,  qui  revinrent  se  ruer  sur  les  rangs  français.  L'aTsnt- 
garde,  bien  kin  de  pouvoir  s'ouvrir  pour  les  laisser  passer, 
était,  comme  on  Ta  vu,  serrée  à  ne  pas  se  mouvoir.  On 
peut  juger  des  accidents  terribles  qui  eurent  lieu  dans  celte 
masse  compacte,  les  chevaux  s'effrayant,  reculant,  s'étouf- 
fant,  jetant  leurs  cavaliers,  ou  les  froissant  dans  leurs  ar- 
mures entre  le  fer  et  le  fer. 

Alors  survinrent  les  Anglais.  Laissant  leur  enceinte  de 
pieux,  jetant  arcs  et  flèches,  ils  vinrent  fort  à  leur  aise, 
avec  les  haches,  les  cognées,  les  lourdes  épées  et  les  mas- 
sues plombées  ^  démolir  cette  montagne  d'hommes  et  de 
chevaux  confondus.  Avec  le  temps,  ils  vinrent  à  bout  de 
nettoyer  l'avant-garde,  et  entrèrent,  leur  roi  en  tète,  dans 
la  seconde  bataille. 

C'est  peut-être  à  ce  moment  que  dix-huit  gentHhommes 
français  seraient  venus  fondre  sur  le  roi  d'Angleterre.  Bs 
avaient  fait  vœu,  dit-on,  de  mourir  ou  de  lui  abattre  sa 
couronne  -,  un  d'eux  en  détacha  un  fleuron  ;  tous  y  péri- 
rent. Cet  on  dit  ne  sufllt  pas  aux  historiens;  ils  l'omeHt 
encore,  ils  en  font  une  scène  homérique  où  le  roi 'combat 
sur  le  corps  de  son  frère  blessé,  comme  Achille  sur  celui 
de  Patrocle.  Puis,  c'est  le  duc  d*Alençon,  commandafit  ée 
Varmée  française,  qui  tue  le  duc  d'York  et  fend  la  couronne 
du  roi.  Bientôt  entouré,  il  se  rend  ;  Henri  lui  tend  la  main  ; 
mais  déjà  i!  était  tué  *. 

Ce  qui  est  plus  certain,  c'est  qu'à  te  second  moment  de 
la  bataille,  le  duc  de  Brabant  arrivait  en  hâte.  C'était  le 
propre  frère  du  duc  de  Bourgogne;  il  semble  être  venu  là 
pour  laver  l'honneur  de  la  famille.  H  arrivait  bien  tard, 
mais  encore  à  temps  pour  mourir.  Le  brave  prince  avait 
laissé  tous  les  siens  derrière  hii,  il  n'avait  pas  même  vètn 
sa  cotte  d'armes;  au  défaut,  il  prit  sa  bannière,  il  y  fit  un 


I  App„  173. 
*  App.,  174. 


AZfNCODRT.  i4  \ 

troa,  y  passa  la  tète,  et  se  jeta  à  travers  les  Anglais,  qui  k 
tuèrent  au  moment  même. 

Restait  I^arrière-garde,  qai  ne  tarda  pas  à  se  dissiper. 
Une  foule  de  cavaliers  français,  démontés,  mais  relevés 
par  les  valets,  s  étaient  tirés  de  la  bataille  et  rendus  aux 
Anglais.  En  ce  moment,  on  vint  dire  au  roi  qu'un  corps 
français  pille  ses  bagages,  et  d'autre  part  il  voit  dans 
Tarrière^garde  des  Bretons  on  Gascons  qui  faisaient  mine 
de  revenir  sur  hii.  Il  eut  un  moment  de  crainte,  surtout 
voyant  les  siens  embarrassés  de  tant  de  prisonniers;  il 
ordonna  à  l'instant  que  chaque  honune  eut  à  tuer  le  sien. 
Pas  un  n'obéissait  ;  ces  soldats  sans  chausses  ni  souliers, 
qui  se  voyaient  en  main  les  plus  grands  seigneurs  de  France 
et  croyaient  avoir  fait  fortune,  on  leur  ordonnait  de  se 
ruiner...  Alors  le  roi  désigna  deux  cents  hommes  pour 
servir  de  bourreaux.  €e  fut,  dit  riiistorien,  un  spectacle 
effroyable,  de  voir  ces  pauvres  gens  désarmés  à  qui  on 
venait  de  donner  parole,  et  qui,  de  sang-froid  furent 
égorgés,  décapités,  taillés  en  pièces!...  L'alarme  n'était 
rien.  C'étaient  des  pillards  du  voisinage,  des  gens  d'Azin- 
court,  qui,  malgré  le  duc  de  Bourgogne  leur  maître,  avaient 
profité  de  l'occasion:  il  les  en  punit  sévèrement^  quoiqu'ils 
eussent  tiré  du  butin  une  riche  épée  pour  son  iils. 

La  bataille  finie,  les  archers  se  hâtèrent  de  dépouillev  les 
Bkerts,  taudis  qu'ils  étaient  encore  tièdes.  Beaucoup  furent 
tirés  vivants  de  dessous  les  cadavres,  entre  autres  le  duc 
d'Orléans.  Le  lendemain,  au  départ,  le  vainqueur  prit  ou 
tua  ce  qui  pouvait  rester  en  vie*. 

«  C'était  pitoyable  chose  à  voir,  la  grant  iKiblesse  qui  là 
avoit  été  occise,  lesquels  étaient  desjà  tout  nuds  comme 
c<*ux  qui  naissent  de  niens.  »  Un  prêtre  anglais  n'eu  fut 
pas  moins  touché.  «  Si  cette  vue,  dit-il,  excitait  compassion 

«  C'ait  jD^temeDt  d«  rhistoriao  iioiirgiiifnaB  que  dmm  lenoM  oc  dé- 
tail. Munstrniçt. 
•  App.,  1/5. 


21  2  L  ANGLETERRE  :   L  ETAT,    L  EGLISE. 

et  componction  en  nous  qui  étions  étrangers  et  passant 
*  par  le  pays,  quel  deuil  était-ce  donc  pour  les  natifs  habi- 
tants! Ah  !  puisse  la  nation  française  venir  à  paix  et  union 
avec  Tanglaise,  et  s*éloigner  de  ses  iniquités  et  de  ses 
mauvaises  voies!  »  Puis  la  dureté  prévaut  sur  la  compas- 
sion, et  il  ajoute  :  «  En  attendant,  que  leur  faute  retombe 
sur  leur  tête*.  » 

Les  Anglais  avaient  perdu  seize  cents  hommes,  les  Fran- 
çais dix  mille,  presque  tous  gentilshommes,  cent  vingt 
seigneurs  ayant  bannières.  La  liste  occupe  six  grandes 
pages  dans  Monstrelet.  D*abord  sept  princes  (Brabant, 
Nevers,  Albret*,  Alençon,  les  trois  de  Bar),  puis  des 
seigneurs  sans  nombre,  Dampierre,  Yaudemont,  Marie, 
Boussy,  Salm,  Dammartin.,  etc.,les  baillis  du  Vermandois, 
de  Màcon,  de  Sens,  de  Senlis,  de  Caen,  de  Meaux,  un  brave 
archevêque,  celui  de  Sens,  Montaigu,  qui  se  battit  comme 
un  lion. 

Le  fils  du  duc  de  Bourgogne  fit  à  tous  les  morts  qui 
restaient  nus  sur  le  champ  de  bataille  la  charité  d*une 
fosse.  On  mesura  vingt-cinq  verges  carrées  de  terre,  et 
•ians  cette  fosse  énorme  Ton  descendit  tous  ceux  qui 
yr:Àvaient  pas  été  enlevés;  de  compte  fait,  cinq  mille  huit 
i^nts  hommes.  La  terre  fut  bénie,  et  autour  on  planta  une 
forta  haie  d'épines,  de  crainte  des  loups^. 

Il  n'y  eut  que  quinze  cents  prisonniers,  les  vainqueurs 
ayant  tué,  comme  on  a  dit,  ce  qui  remuait  encore.  Os 
prisonniers  n'étaient  rien  moins  que  les  ducs  d'Orléans  et 
de  Bourbon,  le  comte  d'Eu,  le  comte  de  Vendôme,  le 
comte  de  Bichemont,  le  maréchal  de  Boucicaut,  messire 
Jacques  d'Harcourt,  messire  Jean  de  Craon,  etc.  Ce  fut 
toute  une  colonie  française  transportée  en  Angleterre. 

I  «  Let  his  grief  be  lurned  npon  hishead.  t  (Sfs.,  Sir  Nicolas.) 
*  Le  connétable  fat  très-heureax  en  cela;  sa  mort  répondit  à  oeui  qui 
l'accnsaientde  trahir,  App,,  170. 
»  App,,  177. 


AZINCOUBT.  SI  3 

Après  la  bataille  de  la  Meloria,  perdue  par  les  Pisans,  on 
disait:  «  Voulez-vous  voir  Pise,  allez  à  Gènes.  »  On  eût  pu 
dire  après  Azincourt  :  «  Voulez-vous  voir  la  France,  allez 
à  Londres.  » 

Ces  prisonniers  étaient  entre  les  mains  des  soldats.  Le 
roi  fit  une  bonne  affaire;  il  les  acheta  à  bas  prix,  et  en 
tira  d'énormes  rançons^  En  attendant,  ils  furent  tenus  de 
très-près.  Henri  ne  se  piqua  point  d'imiter  la  courtoisie 
du  Prince  Noir. 

La  veuve  d'Henri  IV,  veuve  en  premières  noces  du  duc 
de  Bretagne,  eut  le  malheur  de  revoir  à  Londres  son  fils 
Arthur  prisonnier.  Dans  cette  triste  entrevue,  elle  avait 
mis  à  sa  place  une  dame  qu'Arthur  prit  pour  sa  mère.  Le 
cdsur  maternel  en  fut  brisé.  «  Malheureux  enfant,  dit-elle, 
ne  me  reconnais-tu  donc  pas?  »  On  les  sépara.  Le  roi  ne 
permit  pas  de  communication  entre  la  mère  et  le  fîls^. 

Le  plus  dur  pour  les  prisonniers,  ce  fut  de  subir  les 
sermons  de  ce  roi  des  prêtres  3,  d'endurer  ses  moralités, 
ses  humilités.  Immédiatement  après  la  bataille,  parmi  les 
cadavres  et  les  blessés,  il  fit  venir  Monljoie  le  héraut  de 
France,  et  dit  :  «  Ce  n'est  pas  nous  qui  avons  fait  cette 
occîsion^  c'est  Dieu,  pour  les  péchés  des  Français.  »  Puis 
il  demanda  gravement  à  qui  la  victoire  devait  être  attribuée, 
au  roi  de  France  ou  à,  lui?  «  A  vous,  monseigneur,  » 
répondit  le  héraut  de  France*. 

Prenant  ensuite  son  chemin  vers  Calais,  il  ordonna  dans 
une  halte  qu'on  envoyât  du  pain  et  du  vin  au  duc  d'Or- 
léans, et,  comme  on  vint  lui  dire  que  le  prisonnier  ne 
prenait  rien,  il  y  alla,  et  lui  dit  :  «  Beau  cousin,  comment 
vous  va  ?  —  Bien,  monseigneur.  —  D'oii  vient  que  vous  ne 
voulez  ni  boire  ni  manger?  —  Il  est  vrai,  je  jeûne.  —  Beau 

1  Le  Religieux. 

*  Mémoire  d'Artos  III. 

*  •  Princeps  presbytcroniin.  t  Walsiogham. 

*  Moostrelet. 


S)  4  L  ANGLETERRE:   L  ETAT,   L  ÉGLISE. 

eousin,  ne  prenez  souci  ;  je  sais  bien  que  si  Dieu  Bà*a  fait 
la  grâce  de  gagner  la  bataille  sur  les  Français^  ce  n'est  pas 
que  j'en  sois  digne  ;  mais  c'est,  je  le  croîs  fermement,  qu'il 
a  voulu  les  puoir.  Au  fait,  il  n*y  a  pas  à  s'en  étonner,  si  ce 
qu'on' m'en  raconte  est  vrai  ;  on  dit  que  jamais  il  ne  s'est 
vu  tant  de  désordre,  de  voluptés,  de  péchés  et  de  mauvais 
vices,  qu'on  en  voit  aujourd'hui  en  France.  C'est  pitié  de 
l'ouïr,  et  horreur  pour  les  écoutants.  Si  Dieu  en  est  cour- 
roucé, ce  n'est  pas  merveille*.  » 

£lait-ii  donc  bien  sûr  que  l'Angleterre  fût  chargée  de 
punir  la  France?  La  France  était-elle  si  complètement 
abandonnée  de  Dieu,  qu'il  lui  fallût  cette  discipline  anglaise 
et  ces  charitables  enseignements  ? 

Un  témoin  oculaire  dit  qu'un  moment  avant  la  bataille 
il  vit,  des  rangs  anglais,  un  touchant  spectacle  dans  l'autre 
armée.  Les  Français  de  tous  les  partis  se  jetèrent  dans  les 
bras  les  uns  des  autres  et  se  pardohnèrent  ;  ils  rompirent 
le  pain  ensemble.  De  ce  moment,  ajoute-t-il,  la  haine  se 
changea  en  amour  ^. 

Je  ne  vois  point  que  les  Anglais  se  soient  réconciliés  ^. 
Ils  se  confessèrent;  chacun  se  mît  en  règle,  sans  s'inquié- 
ter des  autres. 

Cette  armée  anglaise  semble  avoir  été  une  honnête 
armée,  rangée,  régulière.  Ni  jeu,  ni  filles,  ni  jurements. 
On  voit  à  peine  vraiment  do  quoi  ils  se  confessaient. 

Lesquels  moururent  en  meilleur  état?  Desquels  aurions- 
nous  voulu  être?...  Le  fils  du  duc  de  fiourgogne,  Philippe 
le  Bon,  que  son  père  empêcha  d'aMer  joindre  les  Français, 
disait  encore  quarante  ans  après  :  «  Je  ne  me  console  point 
de  n'avoir  pas  été  à  Azincourt,  pour  vivre  ou  mourir  ^.  » 

'  Lefebvre  de  Sakil-Remy.  —  *  Lefebvre. 

'  Et  pourtant  il  s'en  fallait  bien  qu'ils  fussent  de  même  parti,  il  y 
avait  ceitiinement  des  partisane  do  Mortimeret  des  j^artittas (la  Lan- 
castre,  des  iollards  et  des  orthodoxes. 

*  •  Et  ce...  j'ai  ouï  dire  an  comie  de  Gltaroloid,  depai«  %ue  ii  atvoii 
atteint  i'dge  de  soixante-sept  ans.  »  Lefebvre  de  Saint- liemy. 


AZINCOCRT.  2 1 5 

L'excellence  du  caractère  français,  qui  parut  si  bien  à 
celte  triste  bataille,  est  noblement  avouée  par  T Anglais 
Walsînghani  dans  une  autre  circonstance  :  «  Lorsque  le 
duc  de  Lancastre  envahit  la  Castille,  et  que  ses  soldats 
mouraient  de  faim,  ils  demandèrent  un  sauf-conduit»  et 
passèrent  dans  le  camp  des  Castillans,  oii  il  y  avait  beau- 
coup de  Français  auxiliaires.  Ceux-ci  furent  touchés  de  la 
misère  des  Anglais;  ils  les  traitèrent  avec  humanité  et  ils 
les  nourrirent  t.  »  Il  n'y  a  rien  à  ajouter  à  un  tel  fait. 

J'y  ajouterais  pourtant  volontiers  des  vers  charmants, 
pleins  de  bonté  et  de  douceur  d'âme  s,  que  le  duc  d'Or- 
léans, prisonnier  vingt-cinq  ans  en  Angleterre,  adresse 
en  partant  à  une  famille  anglaiie  qui  l'avait  gardé  '.  Sa 
captivité  dura  presque  autant  que  sa  vie.  Tant  que  les  An-- 
glais  purent  croire  qu'il  avait  chance  d'arriver  au  trâoe* 
ils  ne  voulurent  jamais  lui  permettre  de  se  racheter.  Placé 
d  abord  dans  le  château  de  Windsor  avec  ses  compagnons, 
il  en  fut  bientôt  séparé  pour  être  renfermé  dans  la  prison 
de  Pomfret;  sombre  et  sinistre  prison,  qui  n'avait  pas 
coutume  de  rendre  ceux  qu^elle  recevait  ;  témoin  Richard  II. 

11  y  passa  de  longues  années,  traité  honorablement  \ 
sévèrement,  sans  compagnie,  sans  distraction  ;  tout  au  plus 
la  chasse  au  faucon  ***,  chasse  de  dames,  qui  se  faisait  ordi- 
nairement à  pied,  et  presque  sans  changer  de  place.  C'était 
tin  triste  amusement  dans  ce  pays  d'ennui  et  de  brouil- 
lard, où  il  ne  faut  pas  moins  que  toutes  les  agitations  do 
la  vie  sociale  et  les  plus  violents  exercices,  pour  faire  ou- 
blier la  monotonie  d'un  sol  sans  accident,  d'un  climat  sans 
saison,  d'un  ciel  sans  soleil. 

Mais  les  AngMs  eurent  beau  faire,  il  y  eut  toujours  un 

«  App.,  178.  —  *  App.,  179. 

*  Mon  trés-bon  hôte  et  ma  très-donlce  hôtesse. 

♦  App.,  180. 

^  11  Y  avaitfl'aatres  poi*:es  parmi  les  prisonniers  d'Azincoart,  entra 
autres  te  maréchal  Boucicaut. 


216  L'ANGLETERRE  :    l'ÉTAT,   l'ÊGLISE. 

rtiyon  du  soleil  de  France  dans  celte  tour  de  Pomfret,  Les 
chansons  les  plus  françaises  que  nous  ayons  y  furent 
écrites  par  Charles  d'Orléans.  Notre  Béranger  du  xv«  siè- 
cle ',  tenu  si  longtemps  en  cage,  n'en  chanta  que  mieux. 

C'est  un  Béranger  un  peu  faible,  peut-être;  toujours 
bienveillant,  aimable,  gracieux;  une  douce  gaieté  qui  oe 
passe  jamais  le  sourire  ;  et  ce  sourire  est  près  des  larmes*. 
On  dirait  que  c*est  pour  cela  que  ces  pièces  sont  si  petites; 
souvent  il  s'arrête  à  temps,  sentant  les  larmes  venir... 
Viennent-elles,  elles  ne  durent  guère,  pas  plus  qu'une 
ondée  d'avril. 

Le  plus  souvent  c'est,  en  effet,  un  chant  d'avril  et  d'a- 
louette 3.  La  voix  n'est  ni  foite,  ni  soutenue,  ni  profondé- 
ment  passionnée  ^.  C'est  l'alouette,  rien  de  plus  ^.  Ce  n'est 
pas  le  rossignol. 

Telle  fut  en  général  notre  primitive  et  naturelle  Franœ, 
un  peu  légère  peut-être  pour  le  sérieux  d'aujourd'hui. 
Telle  elle  fut  en  poésie  comoie  elle  est  en  vins,  en  femmes. 
Ceux  de  nos  vins  que  le  monde  aime  et  recherche  comme 
français,  ne  sont,  il  est  vrai,  qu'un  souffle,  mais  c'est  un 


«  App.,  181. 
>  App.,  182. 
*  César,  qui  était  poCte  aussi,  et  qni  avait  tant  d'esprit,  appela  s» 

légion  gauloise  Valouet^e  (alauda),  la  chauteuse... 
4  II  y  a  pourlant  un  vif  mouvement  de  passion  dans  les  vers  suivants: 

Dieu!  qa'il  la  (ail  bon  regarder, 
La  Bnicieuse.  bonne  cl  belle  I 


Qai  se  pourroit  d'elle  bsser? 
Tous  jours  sa  beauic  renouvelle. 
Dien!  qu'il  la  Tjit  bon  reejrJeri 
La  gracieuse,  bonne  cl  belle  1 
Par  deçà,  ni  delà  la  mer. 
Ne  scays  dame  ni  demoyscUe 
Qui  soit  eu  tout  bicu  parCiit  lelle. 
C'est  un  songe  que  d*y  penser! 
Dicul  qu'il  U  Ta  l  bon  regarder. 

•'•..rlui  d  Orléans.  App.,  183. 
»  App.,  184, 


*  Peu  m'importe  de  sayoir  l'auleur  des  ren  de  Clotilde  Sanrille;  il 
me  suffit  de  savoir  qae  Lamartine,  très-jeune,  les  avait  retenus  par 
CŒor.  l'ersonoe  n'ignore  maintenant  que  le  second  volume  est  l'ouvrage 
de  ringéoieux  Nodier. 

^  Perlin  s'en  plaignait  déjà  au  xvi*  siècle  :  •  Il  me  desp'ait  que  ces 
viUins  estans  en  leur  pays  nous  crachent  à  la  face,  el  eulx  e^tans  à  la 
France,  on  les  honore  et  révère,  comme  peiis  dieux  •  (ISkM). 


i 


AZINCOURT.  217 

souffle  d'esprit.  La  beauté  française,  non  plus,  nVst  pas 
facile  à  bien  saisir;  ce  n'est  ni  le  beau  sang  anglais,  ni  la 
régularité  italienne  ;  quoi  donc  ?  le  mouvement,  la  grâce, 
le  je  ne  sais  quoi,  tous  les  jolis  riens. 

Autre  temps,  autre  poésie.  N'importe  ;  celle-là  subsiste  ; 
rien,  en  ce  genre,  ne  l'a  surpassée.  Naguère  encore,  lors- 
que ces  chants  étaient  oubliés  eux-mêmes,  il  a  suffi,  pour 
nous  ravir,  d'une  faible  imitation,  d'un  infidèle  et  lointain  l 

écho  *.  _  5 

Quelque  blasés  que  vous  soyez  par  tant  de  livres  et 
d'événements,  quelque  préoccupés  des  profondes  littéra- 
tures des  nations  étrangères,  de  leur  puissante  musique^ 
gardez.  Français  d'aujourd'hui,  gardez  toujours  bon  sou- 
venir à  ces  aimables  poésies,  à  ces  doux  chants  de  vos 
pères  dans  lesquels  ils  ont  exprimé  leurs  joies,  leurs 
amours,  à  ces  chants  qui  touchèrent  le  cœur  de  vos  qières 
et  dont  vous-mêmes  êtes  nés... 


Je  me  suis  écarté,  ce  semble  ;  mais  je  devais  ceci  au  { 

poète,  au  prisonnier.  Je  devais,  après  cet  immense  mal-  j 

heur,  dire  aussi  que  les  vaincus  étaient  moins  dignes  de  i 

mépris  que  les   vainqueurs  ne   l'ont  cru...    Peut-être  j 

encore,  au  milieu  de  cette  docile  imitation  des  mœurs  et  I 

II 

des  idées  anglaises  qui  gagne  chaque  jour  ',  peut-être  est-  | 

ce  chose  utile  de  réclamer  en  faveur  de  la  vieille  France,  i 
qui  s'en  est  allée...  Où  est-elle,  cette  France  du  moyen  âge 
et  de  la  renaissance  de  Charles  d'Orléans,  de  Froissart?... 


248  LANGLET£RRS:    L  ÉTAT,    L  ÉGLISE. 

Villon  se  le  demandait  déjà  en  vers  \Aus  mélttOûikiiMs 
qu'on  n*eût  attendu  d'un  si  joyeux  e&faut  de  Paris  : 


Dites-moi  ea  qnel^fiap 
Est  Flora,  la  belle  Romaine? 
Oa  est  ht  très-shge  Hélols?... 
La  reîDe  Blandia,  tatunt  »  Ht, 
Qai  chantoit  à  voix  de.Strèae? 
...  Et  Jeanne,  la  bonne  Lorraine 
Qa'A»glais  brAlèreiit  à  Rovea  ? 


Où  sont-ils,  Vierge  sonTerainet 
-  •  Mais  où  £ont  les  neiges  d'antanf  • 


CHAPITRE  II 


! 
! 

! 


llôit  dtt  Gonnétabte  d'Armagnac,  mort  da  dac  do  Bourgogne. 

Henri  Y.  1416-1422.  j| 


Deux  hommes  n'avaient  pas  été  à  la  bataille  d'Azincourt, 
les  chefs  des  deux  partis,  le  duc  de  Bourgogne,  la  comte 
d'Armagnac.  Tous  deux  s'étaient  réservés.  ! 

Le  roi  d'Angleterre  leur  rendit  service  ;  il  tua  non-seu-  ] 

lement  leurs  ennemis,  mais  aussi  leurs  amis,  leurs  rivaux  ^ 

dans  chaque  faction.  Désormais  la  place  était  nette,  la  \ 

partie  entre  eux  seuls  ;  les  deux  corbeaux  vinrent  s'abattre  j 

sur  le  champ  de  bataille  et  jouir  des  morts.  ' 

11  s'agissait  de  savoir  qui  aurait  Paris.  Le  duc  de  Bour- 
gogne, qui  gardait,  depuis  le  mois  de  juillet,  une  armée 
de  Bourguignons^  de  Lorrains  et  de  Savoyards,  prit  seule-  j 

ment  dix  chevaux,  et  galopa  droit  à  Paris.  Il  n'arriva  pour-  • 

tant  pas  à  temps  ;  ta  place  était  prise.  j 

Armagnac  était  dans  la  ville  avec  six  mille  Gascpns.  li 
tenait  dans  ses  mains,  avec  Paris,  le  roi  et  le  dauphin.  Il 
prit  répée  de  connétable. 

Le'  duc  de  Bourgogne  resta  à  Lagny,  fîiisant  tous  les 
jours  dire  à  ses  partisans  qu'il  allait  venir,  leur  assurant 
que  c'était  lui  qui  avait  défendu  les  passages  de  la  Somme 
contre  .les  Anglais,  espérant  que  Paris  finirait  par  se  décla- 
ler.  Il  resta  ainsi  deux  mois  et  demi  à  Lagny.  Les  Parisiens 
iinireni  par  l'appeler  «  Jean  da  Lagny  qui  n'a  hùte.  »  Il 
emporta  ce  sobriquet. 


220  Honr  du  connétable  d'armacnac. 

Armagnac  resta  maître  de  Paris,  et  d'autant  plus  maître, 
que  tous  ceux  qui  Ty  avaient  appelé  moururent  en  quelques 
mois,  le  duc  de  Berri,  le  roi  de  Sicile,  le  dauphin  i.  Le  se- 
cond fils  du  roi  devenait  dauphin,  et  le  duc  de  Bourgogne, 
près  (le  qui  il  avait  été  élevé,  croyait  gouverner  en  son 
nom.  Mais  ce  second  dauphin  mourut,  et  un  troisième 
encore  vingt-cinq  jours  après.  Le  quatrième  dauphin 
vécut;  il  était  ce  qu  il  fallait  au  connétable;  il  était  enfant. 

Arm^agnac,  si  bien  servi  par  la  mort,  se  trouva  roi  un 
moment.  Le  royaume  en  péril  avait  besoin  d'un  homme. 
Armagnac  était  un  méchant  homme  et  capable  de  tout, 
mais  enfm  c'était,  on  ne  peut  le  nier,  un  homme  de  tète 
et  de  main  *. 

Les  Anglais  faisaient  des  triomphes,  des  processions, 
chantaient  des  Te  Deum  •;  ils  parlaient  d'aller  au  printemps 
prendre  possession  de  leur  ville  de  Paris.  Et  tout  à  coup 
ils  apprennent  qu'Harfleur  est  assiégé.  Après  cette  terrible 
bataille,  qui  avait  mis  si  bas  les  courages.  Armagnac  eut 
Taudace  d'entreprendre  ce  grand  siège. 

D'abord  il  crut  surprendre  la  place.  II  quitta  Paris  dont 
il  était  si  peu  sûr;  c'était  risquer  Paris  pour  Harfleur.  Hy 
alla  de. sa  personne  avec  une  troupe  de  gentilshommes;  ils 
lâchèrent  pied,  et  il  les  fit  pendre  comme  vilains. 

Harfleur  ne  pouvait  être  attaqué  avec  avantage  que  par 
mer;  il  fallait  des  vaisseaux.  Armagnac  s'adressa  au\ 
Génois;  ceux-ci,  qui  venaient  de  chasser  les  Français  de 
Gênes,  n'acceptèrent  pas  moins  l'argent  de  France,  et 
fournirent  toute  une  flotte,  neuf  grandes  galères,  des.car- 
raquos  pour  les  machines  de  siège,  trois  cents  embarca- 
tions de  toute  grandeur,  cinq  mille  archers  génois  ou  c^- 


i  App.,  185. 

*  Le  Religieux  de  Saint-Denis  est  dès  ce  moment  toat  Annsfoic; 
c'est  un  grand  témoignage  en  farear  de  ce  parti,  qui  était  eo  eff^  ceiti 
de  la  défense  nationale. 

*  Et  des  balladis.   App.,  186. 


HENRI  y.  224 

talans.  Ces  Génois  se  battirent  bravement  avec  leurs  galères 
de  la  Méditerranée  contre  les  gros  vaisseaux  de  TOcéan. 
Une  première  flotte  qu*envoyèrent  les  Anglais  fut  repousséo. 

Avec  quel  argent  Armagnac  soutenait-il  cette  énorme 
dépense?  La  plus  grande  partie  du  royaume  ne  lui 
payait  rien.  Il  n'avait  guère  que  Paris,  et  ses  propres 
fiefs  du  Languedoc  et  de  Gascogne.  Il  suça  et  pressura 
Paris. 

Le  Bourguignon  y  était  très-fort  ;  une  grande  conspira- 
tion se  fit  pour  l'y  introduire.  Le  chef  était  un  chanoine 
boiteux,  frère  du  dernier  évéque  ^.  Armagnac  découvrit 
tout.  Le  chanoine,  en  manteau  violet,  fut  promené  dans 
un  tombereau,  puis  muré,  au  pain  et  à  l'eau.  On  publia 
que  les  condamnés  avaient  voulu  tuer  le  roi  et  le  dauphin. 
Il  y  eut  nombre  d'exécutions,  de  noyades.  Armagnac,  qui 
savait  quelle  confiance  il  pouvait  mettre  dans  le  peuplc^e 
Paris,  organisa  une  police  rapide,  terrible,  à  Titalienne;  il 
faisait  aussi,  disait-on,  la  guerre  à  la  lombarde.  Défense 
de  se  baigner  à  la  Seine,  pour  qu'on  n'allât  pas  compter 
les  noyés  ;  on  sait  qu'il  était  défendu  à  Venise  de  nager 
dans  le  canal  Orfano. 

Le  Parlement  fut  purgé,  le  Chàtelet,  l'Cniversité,  trois 
ou  quatre  cents  bourgeois  mis  hors  de  Paris,  et  tous  envoyés 
du  côté  d'Orléans.  La  reine,  qui  négociait  sous  main  avec 
le  Bourguignon,  fut  transportée  prisonnière  à  Tours,  et 
l'un  de  ses  amants  jeté  à  la  rivière  ^. 

Armagnac  6ta  aux  bourgeois  les  chaînes  des  mes,  il  les 


*  A  en  eruire  l'historien  même  da  parti  bourguignon,  le  chanoine  ei 
les  autres  conjurés  voulaient  massacrer  les  princes  :  •  Le  jour  de 
Pasques,  apréis  dyner.   •  Monstrelet. 

*  •  MessireLoys  Bourdon  allant  de  Paris  au  bois  (de  Vinccnnes)... 
en  passant  assez  prësduKoy,  lui  fistla  révérence,  et  pa«sa  ouire  as.«ez 
2egiérement...  (on  l'arrùia).  ht  après,  par  le  poromandement  du  Uoy, 
fut  qucslioiiiiê,  puis  fut  mis  en  un  sacq  de  cuir  cl  geclé  ou  Saint';  sur 
lequel  sacq  avoit  cscript  :  Laiiuz  paner  la  justice  du  lioy,  •  Lefcbvre 
de  Saint-Uemy. 


222  MORT  DU  CONNiTABLS  d'aRMAGNAC. 

désarma.  Il  supprima  la  grande  boucherie,  en  fît  cputre, 
pour  quatre  quartiers;  plus  del)ouchers  héréditaÎTes;  tout 
homme  capabfe  put  s'élever  au  rang  de  boucher. 

Pour  n'avoir  plus  leurs  «mes,  les  bourgeois  n'étsient 
pas  quittes  de  la  guerre  ^.  On  les  obligeait  de  se  cotiser  de 
manière  qu'à  trois  ils  fournissent  un  homme  d'armes. 
Eux-mêmes,  on  les  envoyait  travaSler  aux  fortifieatioDS, 
curer  les  fossés,  chacun  tous  les  cinq  jours. 

Ordre  à  toute  maison  de  s'approvisionner  de  Ué;  pour 
attirer  les  vivres,  Armagnac  supprima  l'cjctroî.  En  récom- 
pense ,  les  autres  taxes  furent  payées  deux  fois  dans 
Tannée.  Les  bourgeois  furent  obligés  d'acheter  tout  le  sei 
des  greniers  publics  à  prix  forcé  et  comptant,  sinon  des 
garnisaires.  Paris  succombait  à  payer  seul  les  dépense^du 
roi  et  du  royaume. 

La  position  du  duc  de  Bourgogne  était  plus  facile  à 
coup  sûr  que  celle  du  connétable.  Il  envoyait  dtos  les 
grandes  villes  des  gens  qui,  au  nom  du  roi  et  du  dauphin, 
défendaient  de  payer  Timpôt.  Abbeville,  Amiens,  Auxerre» 
reçurent  cette  défense  avec  reconnaissanoe  et  s'y  oonfor- 
mèrent  avec  empressement.  Armagnac  craignait  que 
Rouen  n'en  fit  autant,  et  voulait  y  envoya  des  troupes; 
mais,  plutôt  que  de  recevoir  les  Gascons,  Rouen  tua  S4>a 
baîUi  et  ferma  ses  portes  2. 

Le  duc  de  Bourgogne  \int  tàter  Paris,  qui  n'aurait  pas 
mieux  demandé  que  d  être  quitte  du  connétable.  Mais 
celui-ci  tint  bon.  Le  due  de  Bourgogne  ne  pouvant  eatrer, 
augmenta  du  moins  la  fermentation  par  La  rareté  des 
vivres;  il  ne  laissait  plus  rien  veoii*  ni  de  Rouen  ni  de  la 
Beauce.  Les  chanoines  même,  dit  l'historien,  furent  obiigés 

*  «  Et  poar  loger  les  gens  des  eapitatnes  Arinagntes  ftirent  les  fo^i^ 
gens  boutés  hors  de  leurs  maisons,  et'  à  grant  prière  et  à  grant  petc« 
avoient-ils  le  couvert  di*  leur  ostel,  et  cette  laronaille  coaehoieot  tsi 
leurs  ijets.  •  Journal  du  Bourgaoîs. 

•  App.f  187. 


HENR!  Y.  225 

de  mettre  bas  leur  cuisine.  Le  roî,  re\'enant  h  !uî,  et  appre- 
nant que  vc'étaient  les  Bourguignons  qui  rendaient  ses . 
repas  si  maigres,  disait  au  connétable  :  «  Que  ne  chassez- 
vous  ces  gens-là  !  » 

Le  duc  de  Bourgogne,  ne»  pouvant  blesser  directement 
son  ennemi,  lui  porta  indirectement  un  grand  coup.  Il 
enleva  la  reine  de  Tours  ;  elle  déclara  qu'elle  était  régente 
et  qu'elle  défendait  de  payer  les  taxes.  Cette  défense  cir^ 
cula  non-seulement  dans  le  Nord,  mais  dans  le  Midi,  en 
Languedoc.  Cela  devait  tuer  Armagnac  ;  il  ne  lui  restait 
que  Paris,  Paris  ruiné,  affamé,  furieux. 

Le  roi  d'Angleterre  n'avait  pas  à  se  presser;  les  Français 
faisaient  sa  besogne  ;  ils  suffisaient  bien  à  ruiner  la  France. 
Fier  de  la  neutralité,  de  l'amitié  secrète  des  ducs  de  Bour- 
gogne et  de  Bretagne,  négociant  toujours  avec  les  Arma- 
gnacs, il  eut  !e  bon  esprit  d'attendre  et  de  ne  pas  venir  à 
Paris.  11  fil  sagement,  pofhiqnemenl,  la  conquête  de  la 
Normandie,  de  la  basse  Normandie  d'abord,  puis  de  la 
haute,  Caen  en  4  417,  Rouen  en  1418. 

Armagnac  ne  pouvait  s^opposer  à  rien.  Il  avait  assez  de 
peine  à  contenir  Paris  ;  le  duc  de  Bourgogne  campait  à 
Montrouge.  Henri  V  put  sans  inquiétude  faire  le  siège  de 
cette  importante  ville  de  Caen.  C'était  dès  lors  un  grand 
marché,  un  grand  centre  d'agriculture.  Une  telle  ville  eût 
résisté,  si  elle  eût  eu  le  moindre  secours.  Aussi,  tout  en 
l'attaquant,  il  envoyait  proposer  la  paix  à  Paris.  I!  parlait 
de  paix  et  faisait  la  guerre.  Au  milieu  de  cette  négociation, 
on  apprit  qu'il  était  maître  de  Caen,  qu  il  en  avait  chassé 
toute  la  population,  hommes,  fenmies  et  enfants,  en  tout 
vingt-cinq  mille  ftmes,  que  cette  capitale  de  la  basse  Nor- 
mandie était  devenue  une  ville  anglaise,  aussi  bien  qu'Har- 
fleur  et  Calais. 

La  Normandie  de\'aH  nourrir  les  Anglais  pendant  cette 
lente  conquête.  Aussi  Henri  V,  avec  une  remarquable 
sagesse,  y  assura  autant  qu'il  put  l'ordre,  la  continuolioa 


224  MORT  DU  CONNÉTABLE  D* ARMAGNAC. 

du  travail  de  l'agriculture.  Il  fit  respecter  les  femmes,  les 
églises,  les  prêtres,  les  faux  prêtres  môme  (il  y  avait  une 
foule  de  paysans  qui  se  tonsuraient)  ^.  Tout  ce  qui  se  sou- 
mettait était  protégé;  t:)ut  ce  qui  résistait  était  puni.  Aux 
prises  de  ville,  il  n'y  avait  point  de  violence;  mais  le  roi 
exceptait  ordinairement  de  la  capitulation  quelques-uns 
des  assiégés  à  qui  il  faisait  couper  la  tête,  comme  ayant 
résisté  à  leur  souverain  légitime,  roi  de  France  et  duc  de 
Normandie  *. 

Le  roi  d'Angleterre  faisait  si  paisiblement  cetta  prome- 
nade militaire,  qu'il  ne  craignit  pas  départager  son  armée 
en  quatre  corps,  pour  mener  plusieurs  sièges  à  la  fois. 
Que  pouvait-il  craindre,  en  effet,  lorsque  le  seul  prince 
français  qui  fût  puissant,  le  duc  de  Bourgogne,  était  son 
ami? 

L'unique  affaire  de  celui-ci  était  la  perte  du  connétable 
d'Armagnac.  Elle  ne  pouvait  manquer  d'arriver;  il  avait 
mangé  ses  dernières  ressources  ;  il  en  était  à  fondre  les 
châsses  des  saints  3.  Ses  Gascons,  n'étant  plus  payés,  dis- 
paraissaient peu  à  peu  ;  il  n'en  avait  plus  que  trois  mille. 
U  fallait  qu'il  employât  les  bourgeois  à  faire  le  guet,  ces 
bourgeois  qui  le  détestaient  pour  tant  de  causes,  comme 
gascon,  comme  brigand,  comme  schismatique  ^.  Le  Bour- 
geois de  Paris  dit  expressément  qu'il  croit  que  cet  «  Arma- 
gnac est  un  diable  en  fourrure  d'homme.  » 

Le  duc  de  Bourgogne  offrait  la  paix.  Les  Parisiens  cru- 
rent un  moment  l'avoir.  Le  roi,  le  dauphin  consentaient. 

»  Walsingham.  —  «  App.,  188. 

*  Il  le  fit  avec  ménagemcnl,  déclarant  que  c'était  an  emprunt,  et 
assignant  an  rcTcnu  pour  remplacer  les  châsses.  Néanmoins  les  moioej 
de  Saint-Denis  lui  déclarèrent  que  ce  serait  dam  leurs  chroniquit  une 
tacite  pour  ce  régne  :  •  Opprobrium  sempiternum...  à  redigeretor  m 
chronicis...  •  Le  Religieux. 

*  Armagnac  persévérait  dans  son  attachement  au  vieux  papo  do  due 
d'Orlé;ins,  au  pape  des  Pyrénées,  à  l'Âragonais  Pedro  de  Luoa 
(DenoU  Xlli),  condamné  par  les  conciles  de  Pise  et  de  Conslinee. 
App.,  189. 


nBNW  r.  255 

Le  peuple  criait  déjà  Noël  ^  Le  connétable  8éuls*yo|Jposa; 
il  sentait  bien  qu'il  n'y  avait  pas  de  paix  pour  lui,  que  ee 
serait  seulement  remettre  le  roi  entre  les  mains  du  duc  de 
Bourgogne.  Cette  joie  trompée  jeta  le  peuple  dans  une 
rage  muette. 

Un  certain  Perrinet  Leclerc  *,  n^archand  de  fer  an 
Petit  Pont,  qui  avait  été  maltraité  par  les  Armagnacs,  s'as- 
socia quelques  mauvais  sujets,  et  prenant  les  clefs  sous  le' 
chevet  de  son  père  qui  gardait  la  porte  Saint^Germain,  il 
ouvrit  aux  Bourguignons,  Le  sire  de  llie*-Adam  entra  avec 
huit  cents  chevaliers  ;  quatre  cents  bourgeois  s'y  joignirent. 
Us  s'emparèrent  du  roi  et  de  la  ville.  Les  gens  du  daufrtiin 
le  sauvèrent  dans  la  Bastille.  De  là,  leurs  capitaines,  le 
Gascon  Barbasan,  et  les  Bretons  Rieux  et  Tann^uy  Du- 
chàtel  osèrent,  quelques  jours  après,  rentrer  dans  Paris, 
pour  reprendre  le  roi;  mais  l^  roi  était  bien  gardé  au 
Louvre;  rUe-Àdam  les  combattit  dans  les  rues,  le  peuple 
se  mit  contre  eux,  et  les  écrasa  dés  fenêtres. 

Le  connétable  d'Armagnac  qui  s'était  caché  chez  un 
maçon,  fut  livré  et  emprisonné  avec  les  principaux  de  son 
parti.  Alors  rentrèrent  dans  la  ville  les  ennemis  des  Arma- 
gnacs, et  avec  eux  une  foule  de  pillards.  Tous  ceux  qu'on 
disait  Armagnacs  furent  rançonnés  de  maison  en  maison. 
Les  grands  seigneurs  bourguignons  s'y  opposèrent  d'au- 
tant moins,  qu'eux-mêmes  prenaient  tant  qu'ils  pouvaient. 

Ces  revenants  étaient  justement  les  bouchers,  les  pro- 
scrits, les  gens  ruinés,  ceux  dont  les  femmes  avaient  été 
menées  à  Orléans  (fort  mal  menées)  par  les  sergents  d'Ar- 
magnac. Us  arrivaient  furieux,  maigres,  pâles  de  famine 
Dieu  sait  en  quel  état  ils  retrouvaient  leurs  maisons. 

*  Depuis  loDgtemps,  c'était  Tanique  yosn  du  people  :  «  Vivat,  rifaii 
^aidomiiwri  poicrit!  dum  pax...  •  Le  Religieux.  Peiidaot  le  a  aftsacm 
da  1418»  OD  criait  de  même  :  •  Fiat  pas  !  • 

*  •  Jeunes  compagnons  du  moyen  e&lai  ei  de  lèg're  voionlc,  qui  au« 
Uefois  avoieoi  éic  punis  pour  leurs  dêmdritcs.  »  Aiontirelet. 

IT.  i5 


29^  MORT  DU  GONN^AWB  D'ARMAGNAC. 

On  disait  à  cbaqiie  instant  q«e  les  Aru^agoacs  reairaienl 
dans  li^  vJÂle  pour  délivrer  les  le^rs.  il  n'y  avait  pas  de 
mât  qu'on  ne  fut  éveillé  en  suosaut  par  le  tocsio.  A  ces 
cont^nuelies  alarnes  joignez  la  rareté  des  vivres;  ils  ne 
venaient  qu'à  grand'peine.  Les  Anglais  tenaient  la  Seine; 
lia  ^ssi^eWent  le  Bont-de-l*  Arche. 

La  nuit  du  dimanche  42  juin,  un  Lambert,  potier  d'é- 
tain«  commença  à  pousser  le  peuple  au  .massacre  des  pri- 
soniwBi^  C'était,  disait -il,  le  seul  moyen  d'en  finir;  autre- 
ment, pott^  de  l'argent^  ik  trouveraient  moyen  d'échapper  t. 
Ces  furieux  coururent  d'abord  aux  prisons  de  l'hôtel  de 
vîlie.  Les  seigneurs  bourguignons,  nie-Adam,  Luxem- 
bourg et  Foss^us^t  vinrent  essayer  de  les  arrêter;  mais, 
quand  ils  se  viro^t  jm  millier  de  gentilshommea  devant 
une  masse  4^  quarante  mille  hoinmes  armés,,  ils  ne  surent 
dine  aulre  obaae».siAoa  :  %  £nfants,  vous  faites  bien.  9  La 
tour  du  f  alais  fut  {broéa,  la  prison  Saint-Êloi,  le  grand 
Châtelet,  où  les  prisonniers  essayèrent  de  se  défendre, 
puis  Sau^t*llar^B,  Saintt-Magloire  et  le  Temple.  Au  petit 
Châtelet,  ils  firent  l'appel  des  prisonniers;  k  mesure  qu'ils 
passaient  le  guichet,  on  les  égorgeait» 

Ce  massacre. oe  peutsecompArar  aux  2  eiSseptembre. 
Ce  ne  fut, pas  ufi^<6xé€)Ution  par  des  bouchers  à  tant  par 
jo«ur.  Ce  fut  un  vf  at  massacre  populaire,  exécuté  par  une 
populiK^e  en  furie.  Ils  tuaient  tout,  au  hasard,  même  les 
pi'jfiQnniîers  pour  dettes.  Deux  présidents  du  Parlement, 
d'auâires  magistrats  périrent,  des  évéques  même*  Cepen- 
daut,  k  SaintrËloift  trouvant  l'abbé  de  SaintnDenis  qui 
disait  la  messe  aux  prisonniers  et  tenait  l'hostie,  ils  le  me- 
uacèrQulifi  brandiront  i^r  ^  la  couteau;  mais,  comme  il 
ne  lâcha  point  le  corps  du  Christ,  ils  n'osèrent  pas  le  tuer. 

Seize  .cents  personnes  périrent  du  dimanche  matin  au 
hiiidi  matin'.  Tout nefut pas  aux  prisons;  on  tua  auasi 

«4t»,  iÈlk^^App.,  10L 


•*.- 


UNiii  ▼.  227 

dans  les  rues:  si  Ton  voyait  passer  son  ennemi,  on  n'atait 
qu'à  crier  à  rArmagnac,  il  était  mort.  Une  femme  grosse 
fut  éventrée;  elle  resta  nue  dans  la  rue»  et  comme,  on 
Toyaît  l'enfant  remuer^  la  canaille  disait  autour  :  «  Vois 
donc,  ce  petit  cbien  remue  encore.  »  Mais  personne  n'osa 
le  prendre.  Les  prêtres  du  parti  bourguignon  ne  baptisaient 
pas  les  petits  Armagnacs,  afin  qu'ils  fussent  damnés. 

Les  enfants  des  rues  jouaient  avec  les  cadavres.  Le  corps 
du  eonnéfaUe  et  d'autres  restèrent  trois  jours  dans  le 
palais,  àlariaéedes  passants.  Ils. s'étaient  avisés  de  lui 
lever  dans  le  dos  une  bande  de  peau,  afin  que  lui  aussi  it 
portât  sa  bande  blanche  d'Armagnac.  La  puanteur  força 
enfin  de  jeter  tous  lès  débris  dan^  des  tombereaux,  puia 
sans  prêtres  ni  prières,  dans  une  fosse  ouverte  au  Marché^ 
auK-Pouroéaux  ^. 

Les  gens  du  Bourguignon,  effrayés  eux-mêmes,  le  près* 
salent  fort  de  venir  à  Paris.  11  y  fit  en  effet  son  entrée  avec 
la  reine.  Ce  Ait  une  grasde  joie  pour  le  peuple  ;  ils  criaient 
de  toutes  leurs  forces  :  «  Vive  ie  roil  vive  la  reine  I  vive  le 
duc  !  vive  la  paix  l  » 

La  paix  ne  vint  pas,  les  vivres  non  plus.  Les  Anglais 
tenaient  la  rivière  par  en  bas,  par  en  haut  les  Armagnacs 
étaient  roitftres  deMelun.  Une  sorte  d'épidémie  commença 
dans  Paris  et  les  campagnes  voisines,  qui  emporta  cin- 
quante mille  hommea*  Us  se  laissaient  mourir;  rabatte- 
ment était  extrême,  après  la  fureur.  Les  meurtriers  surtout 
ne  résistèrent  pas  :  ils  repoussaient  les  consolations,  les 
sacrements;  sept  ou  huit  cents  moururent  à  l'Uùtel-Dieu, 
désespérés.  On  en  vit  un  courir  dans  les  rues  en  criant  : 
«  Je  9uia  damné  I  »  Et  il  se  jeta  dans  un  puits  la  tête  la  pre- 
mière. 

D'autres  pepsèrent  tout  au  contraire  que,  si  les  choses 
allaient  si  mal,  c'est  qu'on  n'avait  pas  assez  tué.  11  se 

*  •  En  nne  fosse  nommée  la  Loaviérc...  •  Lefebvre  de  Saint-Remy. 


228  MORT  DU  CONNéTÀBLE  d'aRMAGNAC. 

trouva,  non-seulerpent  parmi  les  bouchers,  mais  daos 
ri'niversîté  même,  des  gens  qui  criaient  en  chaire  qu'il 
n'y  avait  pas  de  justice  à  attendre  des  princes,  qu'ils 
allaient  mettre  les  prisonniers  à  rançon  et  les  relâcher 
ai^^'ris  et  plus  méchants  encore.  Le  24  août,  par  une  extrême 
chaleur,  un  formidable  rassemblement  s'ébranle  vers  les 
prisons,  une  foule  à  pied,  en  tête  la  mort  même  àche?alS 
le  bourreau  de  Paris,  Capeluche.  Cette  masse  va  fondre 
au  grand  Chàtelct  ;  les  prisonniers  se  défendent,  du  con- 
sentement des  geôliers.  Mais  les  assassins  entrent  par  le 
toit  ;  tout  est  tué,  prisonniers  et  geôliers.  Même  scène  au 
petit  Chàtelet  ^.  Puis  les  voilà  devant  la  Bastille.  Le  duc  de 
Bourgogne  y  vient,  sans  troupes,  voulant  rester  à  tout  pnx 
le  favori  de  la  populace;  il  les  prie  honnêtement  de  se 
retirer,  leur  dit  de  bonnes  paroles;  Mais  rien  n*opérait.  Il 
avait  beau  montrer  de  la  confiance,  de  la  bonhomie,  se 
faire  petit,  jusqu'à  toucher  dans  la  main  au  chef  (le  chef, 
c'était  le  bourreau).  Il  en  fut  pour  cette  honte.  Tout  ce 
qu'il  obtint,  ce  fut  une  promesse  de  mener  les  prisonniers 
au  Ch^telet;  alors  il  les  livra.  Arrivés  au  Chàtelet,  les  pri- 
sonniers y  trouvèrent  d'autres  gens  du  peuple  qui  n'avaient 
rien  promis  et  qui  les  massacrèrent. 

Le  duc  de  Bourgogne  avait  joué  là  un  triste  rôle.  Il  fut 
enragé  de  s'être  ainsi  avili.  11  engagea  les  massacreurs  à 
aller  assiéger  les  Armagnacs  à  Montlhéry  pour  rouvrir  la 
route  aux  blés  de  la  Beauce.  Puis  il  fit  fermer  la  porte 
derrière  eux,  et  couper  la  tête  à  Capeluche.  En  oiéme 
temps,  pour  consoler  le  parti,  il  fait  décapiter  quelques 
magistrats  armagnacs. 

Ce  Capeluche,  qui  paya  si  cher  Thonneur  d'avoir  touché 
la  main  d'un  prince  du  sang,  était  un  homme  original 
dans  son  métier,  point  furietix,  et  qui  se  piquait  de  tuer 


*  «  Solus  eqaester...  •  Religieux, 

«  App,,  192. 


par  principe  et  avec  intelligence.  11  tira  un  bourgeois  du 
jmassucre  au  péril  de  sa  vie  ^  Quand  il  lui  fallut  franchir  le 
pas  à  son  tour,  il  montra  à  son  valet  comment  il  devait  s'y 
prendre  2, 

Le  duc  de  Bourgogne,  en  devenant  maître  de  Paris, 
avait  succédé  à  tous  les  embarras  du  connétable  d'Arma- 
gnac. Il  lui  fallait  à  son  tour  gouverner  la  grande  ville,  la 
nourrir,  l'approvisionner;  cela  ne  pouvait  se  faire  qu'en 
tenant  les  Armagnacs  et  les  Anglais  à  distance,  c'est-à-dire 
en  faisant  la  guerre,  en  rétablissant  les  taxes  qu'il  venait 
de  supprimer,  en  perdant  sa  popularité. 

Le  rôle  équivoque  qu'il  avait  joué  si  longtemps,  accu- 
sant les  autres  de  trahison,  tandis  qu'il  trahissait,  ce  rùle 
devait  finir.  Les  Anglais  remontant  la  Seine,  menaçant 
Paris,  il  fallait  lâcher  Paris,  ou  les  combattre.  Mais  avec 
son  éternelle  tergiversation  et  sa  duplicité,  il  avait  énervé 
son  propre  parti  ;  il  ne  pouvait  plus  rien  ni  pour  la  paix,  ni 
pour  la  guerre.  Juste  jugement  de  Dieu;  son  succès  l'avait 
perdu;  il  était  entré,  tête  baissée,  dans  une  longue  et 
sombre  impas^,  où  il  n'y  avait  plus  moyen  d'avancer  ni 
de  reculer. 

Le  peuple  de  Rouen,  de  Paris,  qui  l'avait  appelé,  était 
Bourguignon  sans  doute  et  «nnemi  des  Armagnacs,  mais 
encore  plus  des  Anglais.  Il  s'étonnait,  dans  sa  simplicité, 
de  voir  que  ce  bon  duc  ne  fit  rien  contre  l'ennemi  du 
royaume.  Ses  plus  chauds  partisans  commençaient  à  dire 
«  qu'il  était  en  toutes  ses  besognes  le  plus  long  homme 
qu'on  pût  trouver  3.  »  Cependant  que  pouvait-il  faire? 
appeler  les  Flamands;  un  traité  tout  récent  avec  l'Anglais 
ne  le  lui  permettait  pas^.  Les  Bourguignons?  ils  avaient 
assez  à  faire  de  se  garder  contre  les  Armagnacs.  Ceux-ci 
tenaient  tout  le  centre.  Sens,  Moret,  Crécy,  Compiègne, 
Montihéry,  un  cercle  de  villes  autour  de  Paris,  Meaux  et 

*  Le  ReligieaT.  —  *  Joarnal  du  Bourgeois. 
'  Joarual  do  Bourgeois.  —  *  App.,  193. 


S30  MORT  DU  CONNÉTABLB  d'ARMAGNAC. 

Melun,  c'est-à-dire  la  Marne  et  la  haute  Seine.  Tout  ee 
dont  il  put  disposer,  sans  dégarnir  Parts,  il  l'envoya  à 
Eouen  ;  c'était  quatre  mille  cavaliers. 

On  pouvait  prévoir  de  longue  date  que  Rouen  aersîl 
investi.  Henri  V  s'en  était  approché  avec  une  extrême 
lenteur.  Non  content  d'avoir  derrière  lui  deux  grandes 
colonies  anglaises,  Harfleur  et  Gaen,  il  avait  oomplélé  b 
conquête  de  la  basse  Normandie  par  la  prise  de  Falaise^ 
de  Vire,  deSaint-Lo,  de  Coutance  et  d'Évreux.  11  tenak 
la  Seifie,  non-seulement  par  Harfleur,  mais  par  le 
Pont-de-r Arche.  Il  avait  déjà  rétabli  un  peu  Tordra, 
rassuré  les  gens  d'Église^  invité  les  absents  à  revenir,  leur 
promettant  appui,  et  déclarant  qu'autrement  il  disposerait 
de  leurs  terres  ou  de  leurs  bénéfices.  Il  rouvrit  l'échiquier 
et  les  autres  tribunaux,  et  leur  donna  pour  président  su-^ . 
prôme  son  grand  trésorier  de  Normandie.  U  rédaisit 
presque  à  rien  l'impôt  du  sel,  «  en  rhonneur  de  la  aainle 
Vierge  *.  » 

Peu  de  rois  avaient  été  plus  heureux  à  la  guerre,  mafe  la 
guerre  était  son  moindre  moyen.  Henri  V  était,  ses  actes 
en  témoignent,  un  esprit  politique,  un  homme  d*ordre, 
d'administration,  et  en  même  temps  de  diplomalie.  Il 
avançait  lentement,  parlementant  toujours,  exploitant 
toutes  les  peurs,  tous  les  intérêts,  profitant  à  merveille  de 
la  dissolution  profonde  du  pays  auquel  il  avait  affaire, 
fascinant  de  sa  ruse,  de  sa  force,  de  son  invincible  fortune, 
des  esprits  vacillants  qui  n'avaient  plus  rien  où  se  prendre, 
ni  principe  ni  espoir;  personne  en  ce  malheureux  pays  ne 
se  fuiit  plus  à  personne,  tous  se  méprisaient  eux  -mêmes. 

Il  négociait  infaligiiblement,  toujours,  avec  tous  ;  avec 
SCS  prisonniers  dahord,  c'était  le  plus  facile.  Les  tenant 
«ous  la  main,  iristeiuent,  durement,  il  eut  bon  luarcliéde 
leur  fermeté. 

*  Rymer. 


n'eut  au  odHimeneement  qu'un  sefv^ 
trar  fnnotn^.  I>ii  teste  hono^bleAient,  bon  Ht,  sans  doute 
fcoone  tiM»;  noM»s  le  besoin  d'aelMié  ii*a»  était  que  plus 
gniMl;  U^  se  moMmieiil  dTeiiiivt/  Chaque  fois^  que  le  ro! 
d'Angleterre  revenait  dans-sottHé,  il  fiiisaU  yiiske  €  k  bgb 
etmskm  df^tléfins  «t  de^BborboH?  *■  il  leur  pa^lsif  amiea- 
lenielitf  oonfldenCîeitenieM.  Une  totB  II  lëurdîsaft:  «  Je 
T»i9  rentier  e» campagne  ;  et  peut*  oéCte  fois,  je  n'y  épzt^ 
gne.nan;  je  ni*y  Mtnonm^rai'  toujours;  les  Français'  en 
feraoc  lesi  fhiîs.  »  Upe<  autre  foie,  prenant  vn  air  triarfe': 
€  Je  m^ea  vais  bientôt  à' ftirîsi..  Pest' dommage,  e'est*  un 
bfsve  peuple.  Mais  qoe  faîi*e?  le  oeura^e  nepent  rieB>  s'il 
y  a  Avisions  » 

Ces  coniMenceB  amicales  étaient  fiîtea  pour  désespérer 
l»  prisonniers.  Ce  n'étaient  pas  de»  Régulus.  Ils  obtinrent 
<f  enve^  en  leur  nom  le  dve  de  Bourbon  peur  décider  le^ 
DO»  et  Franee  à  faire  la  paix  an  plus  vite,  en  passant  paf 
iDiitaa  les  oooditions  d*H«nri;  qu'autreaieDil  Us  se  feraient 
Anglais  et  Ini  vendraient  hommage  ponr  tontes  leurs* 
tieries  K  « 

Celait  un  terrible  dissolvant,  une  puissante  contagion 
de  déconragement^  que  ees-  prisonniers  d'AzhioouK  qui 
Tenaient  préeber  la  soumission  à  tont  prix.  Cèle  aidait  aux 
négociations  qu'Henri  menait  de  front  avec  tous  les  princes 
de  France.  Dès  louvccture  de  la  campagne,  an  mois  de 
mats  1448^  il  renouvela  lea  trêves  avec  la  Flandre  et  le> 
duc  de  Bourgogne,  En  juillet,  il  en  signa  une  pour  la^ 
Guyenne  ;  le  4  aoôt,  il  prorogea  la  trêve  avec  le  duc  de 
Bretagne.  H*  accnetllah  avee  la  même  complaisance  les 
solliettations  de  la  reine  de.  Sicile^  comtesse  d^Anîou  et  du 
Maine.  Ce  roi  paetHqne  n'avait  rien  pins  àf  eosur  qne  d'évi- 
ter Teffusion  du  sang  chrétien.  Tout  en  accordant  des 

*  «  Ut  eommiiniter  dicitar,  dirist  virtas  elle  diNMor.  •  neKgieox. 
>  Rymer,  Î7janyierl4l7. 


fS^  MORT  DU  C0fClfÉT4BU  D*AR1IAGNAC. 

trêves  particulières,  il  écoutait  les  propositions  eonlinvelles 
de  paix  générajk»  que  les  deux  partis  lui  faisaient  ;  il  prê- 
tait impartialemeqit  une  oreille  au  dauphin,  Fautre  au  duc 
de  Bourgogne^mais  il  s'en  était  pas  tellement  préoccopé 
qu'il  ne  mit  la  noainsur  Bouen. 

Dès  la  jQn  de  juin ,  il  avait  &it  battre  la  campagne,  de 
sorte  que  les  moissons  ne  puisent  arriver  à  Rouen  et  que 
la  ville  ne  fut  point  approvisionnée.  Il  avait  importé  poar 
cela  huit  mille  Irlandais,  presque  nus,  des  sauvages,  <[m 
n'étaient  ni  armés  ni  montés,  mais  qui,  allant  partoat  i 
pied»  sur  de  petits  chevaux  de  montagne,  sur  des  vaches, 
mangeaient  ou  prenaient  tout.  Ils  enlevaient  les  petits  en- 
fants pour  qu'on  les  rachetât.  Le  paysan  était  déseq)éré^ 

Quinze  mille  hommes  de  milice  dans  Rouen,  (paire 
çiille  cavaliers,  en  tout  peut^tre  soixante  mille  âmes, 
c'était  tout  un  peuple  à  nourrir.  Henri,  sachant  bien  qu'il 
n'avait  rien  à  craindre  ni  des  Armagnacs  dispersés,  ai  du 
duc  de  Bourgogne,  qui  venait-  de  lui  demander  eacore 
une  trêve  pour  la  Flandre,  ne  craignit  pas  de  diviser  son 
armée  en  huit  ou  neuf  corps,  de  jnanière  à  embrasser  U 
vaste  enceinte  de  Rouen.  Ces  corps  commaniquaieot  par 
«des  tranchées  qui  les  abritaient  du  boulet;  vers  la  cam* 
pagne,  ils  étaient  défendus  d'une,  surprise  par  des  fossés 
profonds  revêtus  d'épines.  Toute  l'Angleterre  y  était,  les 
frères  du  roi,  Glocester.  Clarence,  son  connétable,  son 
connétable  Cornwall,  son  amiral  Dorset,  son  grand  néço- 
vciateur  Warwick,  chacun  à  une  porte. 

Il  s'attendait  à  une  résistance  opiniâtre  ;  son  attente  fut 
-surpassée.  Un  vigoureux  levain  caboohien  fermentait  à 
Rouen.  Le  chef  des  arbalétriers,  Alain  Blanchard  ^,  et  les 
autres  chefs  rouennais  semblent  avoir  été  liés  avec  le  carme 


<  «  Un  de  leur  pied  chaussé  et  l'autre  nud,  sans  avoir  braie«...  pr^ 
noient  petits  enfant?  en  berceau...  montûient  sur  vaches,  pDrtaat  ieidiU 
peiils  enfant^..,  •  Moiistrel<^ 

•ilpp.,  195. 


I 

i 


PavUly,  Forateur  de  Paris  en  Ui3.  Le  PaviUy  de  Rfnicii 
était  le  chanoine  Dèlivet,  Ces  hommes  défendirent  Ruuon 
pondant  sept  mois,  tinrentsept  moisen  échec  celte  granrlo 
armée  anglaise.  Le  peuple  et  le  clergé  rivalisèrent  d'ar- 
deur ;  les  prêtres  excommuniaient,  le  peuple  combattait  ; 
il  ne  se  contentait  pas  de  garder  ses  murailles  ;  il  allait 
chercher  les  Anglais,  il  sortait  en  masse,  <>  et  non  par  une 
porte,  ni  par  deux,  ni  par  trois,  mais  à  la  fois  pnr  toutes 
les  portés  i.  » 

La  résistance  de  Rouen  eût  été  peut-être  plus  longue 
encore,  si  pendant  qu'elle  combattait,  elle  n'eût  eu  unr 
révolution  dans  ses  murs.  La  ville  était  pleine  de  nobtos  et 
croyait  être  trahie  par  eux.  Déjà  en  1415,  les  voyant  faire 
si  peu  de  résistance  aux  Anglais  descendus  en  Normandie, 
le  peuple  s'était  soulevé  et  avait  tué  le  bailli  armagnac. 
Les  nobles  bourguignons  n'inspirèrent  pas  plus  de  con- 
fiance V  Le  peuple  crut  toujours  qu'ils  le  trahissaient. 
Dans  une  sortie,  les  gens  de  Rouen  attaquant  les  retran- 
chements des  Anglais,  apprennent  que  le  pont  sur  lequel 
ils  doivent  repasser  vient  d'être  scié  en  dessuus.  Ils  nreu- 
sérent  leur  capitaine.  le  sire  de  Bouieiller.  Celui-ci  ne 
justifia  que  trop  ces  accusations  après  la  reddition  de  la 
ville  ;  il  se  fit  anglais  et  reçut  des  tïcfs  de  son  nouveau 
maître. 

Les  gens  de  Rouen  ne  tardèrent  pas  à  souffrir  cruelle- 
ment de  la  famine.  Ils  parvinrent  à  faire  passer  un  dç 
leurs  prêtres  jusqu'à  Paris.  Ce  prêtre  fut  aitieiié  devant  tç 
.  roi  par  le  carme  Pavîlly,  qui  parla  pour  lui  ;  puis  l'homme 
dp  Rouen  prononça  ces  paroles  solennelles  :  ■  Tri's-exceV 
lent  prince  et  seigneur,  il  m'est  enjoint  <1e  i^ar  les  hubt- 
tants  de  la  ville  de  Rouen  de  crier  contre  vous,  et  aussi 
contre  vous,  sire  de  Bourgogne,  qui  avez  \f  nnuMTiieinent 
durai  et  de  son  royaume,  le  grand  Anio,  liijLiL'Uigiiirie 


23ti  MORT  OU  CONNÉTàBUS  d'aRHAG^AG. 

l'oppression  qu'Us  ODt  des  Anglais  ;  ils  vous  m^ndwit  et 
font  savoir  par  nioi»  que  si^  par  faute  de  votre  secours,  il 
convient  qu'ils  soient  suj[ets  au  roi  d'Angleterre,  vous 
n'aurez  en  tout  le  monde  pires  enneniis  qu'eux,  et  s'ils 
peuvent,  ils  détruiront  vous  et  votre  génération  ^.  > 

Le  duc  de  Bourgogne  promit  qu'il  enverrait  (lu  secours* 
Le  secours  ne  fut  autre  chose  qu'une  ambassadei.  Les  An- 
glais la  reçurent,  comme  à  Tordinaire,  volontiers;  cela 
servait  toujours  à  énerver  et  à  endormir.  Ambassade  du 
duc  de  Bourgogne  au  Pont-de-l' Arche,  ambassaiie  du 
dauphin  à  Alençon. 

Outre  les  cessions  immenses  du  traité  de  Brétigny,  le 
duc  de  Bourgogne  offrait  la  Normandie  ;  le  dauphia  pro- 
posait» noa  la  Normandie,,  mais  la  Flandre  et  rArtois, 
c'est-à-dire  les  meilleures  provinces  du  duc  de  Bourgogne. 

Le  clerc  anglais  Morgan,  chargé  de  prolonger  <|uelques 
jours  ces  négociations,  dit  enfin  aux  gens  du  dauphin  : 
«  Pourquoi  négocier?  Nous  avons  défi  lettres  de  votre 
maître  au  duc  de  Bourgogne»  par  lesquelles  il  lui  propose 
de  s'unir  à  lui  contre  nous.  »  Les  Anglais  amusèrent  de 
même  le  duc  de  Bourgogne  et  finirent  par  dire  :  c  Le  roi 
est  fol,  le  dauphin  mineur,  et  le  duc  de  Bourgogne  n  a  pas 
qualité  pour  rien  céder  en  France  \  • 

Ces  comédies  diplomatiques  n'arrêtaient  pas  la  tragédie 
de  Rouen.  Le  roi  d'Angleterre,  croyant  faire  peur  aux  ba- 
bitantSi,  avait  dressé  des  gibets  autour  de  la  ville,  et  il  y 
faisait  pendre  des  prisonniers.  D'autre  part  il  barra  la 
Seine  avec  un  pont  de  bois,  des  chaînes  et  des  navires,  de 
sorte  que  rien  ne  put  passer.  Les  Rouennais  de  bonne 
heure  semblaient  réduits  aux  dernières  extrémités,  et  ils 
résistèrent  six  mois  encore  ;  ce  fut  un  miracle.  Us  avaient 
mangé  les  chevaux,  les  chiens  et  le&  chats  3.  Ceux  qui  pou- 

1  Iftnstreiot. 

*  V.  le  journal  des  négociations  dans  Rymer,  noT.  14t8. 

>  La  chronique  anglaise  donne  an  étrange  tarif  des  aaioaax  d^oû- 


HBNfU  V. 

vftMDt  eaeore  Uiovver  quelque  aUment;,  tmt  fùi4l  im* 
saoade,  ils  se  gfirdaieot  bi&a  de  le  montrer;  les  affamés  le 
aéraient  jetés  dessus.  La  plus  horrible  nécessité,  c'est  qu'il 
fallut  faire  sortir  4e  la  ville  tout  ce  qui  ne .  pouvait  pas 
eombattre»  douxe  mille  vieillardSj  femmes  et  enfanta.  Il 
fallut  que  le  fils  mît  son  vieux  père  à  la  porte,  le  mari  aa 
femme  ;  ce  fut  là  «a  déehirement.  Cette  fonle  déplorable 
vint  se  présenter  anx  retranchementa  anglaîa  ;  ils  y  fureint 
reçus  à  la  pointe  ^  Tépée^  ftepoussés  également  de  leun 
amis  et  de  leurs  ennemis»  ils  restèrent  entre  le  camp  et  la 
ville,  dans  le  fossé,  sans  autre  aliment  que  Therbe  qu'ils 
arradiaiant.  Us  y  passèrent  Thiver  sous  le  ciel .  Des  femaea, 
béiaa!  y  aooouohèrent...  ;  et  alors  les  gens  de  Bouen,  vou-» 
lant  que  TenfaiU  lât  du  moins  baptisé,  le  montaient  par 
une  corde;  puis  on  le  redescendait,  pour  qa*il  allét  mou- 
rir avec  sa  mère  ^.  On  ne  dit  pas  que  les  Anglais  aient  eu 
œtte  charité  ;  et  pourtant  leur  camp  était  plein  de  prêtres, 
d'évéqnes;  il  y  avait  entre  autres  la  piimat  d'Angleterre, 
archevêque  de  Cantorbéry. 

Au  grand  jour  de  Noél,  lorsque  tout  le  m<HMle  chrétien 
dans  la  joie,  célèbre  par  de  douces  réunions  de  famille  la 
naissance  du  petit  Jésus,  les  Anglais  se  firent  scrupule  de 


tanii  dont  les  gens  de  Rouen  se  nourrirent;  peot-élre  ce  tarif  n'est  qu'une 
dérision  féroce  de  la  misèse  des  assiégés  :  On  vendait  un  rat  40  penoe 
(environ  40  fraoca,  moonsie  acliMliB|,  et  un  chat,  a  nobles  (00  franc»), 
une  souris  se  veotlail  6  pence  (environ  6  fraoqi),  etc.  Afp.,  IdS. 

1  Mon»trelet.  —  La  maison,  dit  le  chroniqueur  anglais,  clait  pour  eux 
une  grande  source  de  misère;  H  ne  faisait  que  pleuvoir.  Les  fossés  pré» 
iCBtûent  plus  d'un  speoutcle  laaientaiiile;  on  y  sçyan  dea  enfanta  de 
deux  à  trois  ans  oblig(^  de  neodier  leur  pain,  parce  que  leun  père  ei 
mère  (étaient  morts.  L'eau  s(<]ournanl  sur  le  sol  qu'ils  étaient  roniraints 
d'habiier,  et,  gisant  çè  et  là,  ils  ponsaaieiit  des  cris,  inplorant  un  pea 
de  nourriture.  Plusieurs  avaient  les  membres  flfchis  par  la  faibles-se,  et 
étaient  maigres  GOOQiBe  une  brancbe  desséchée;  les  femmes  tenaient 
leurs  nourri)<sons  dans  leurs  bras,  sans  avoir  rien  pour  le^  rcchauflcr; 
des  enfants  tétaient  encore  le  sein  de  leur  môre  étendue  sans  vie.  Ob 
trouvait  dix  à  douze  morts  [our  un  vivant. 


93S  iToirr  du  comrÉTABLK  d'armagnac. 

fme  bombance  ^  sans  jeter  des  miettes  à  ces  affinmés. 
Deux  prêtres  anglais  descendirent  parmi  les  spectres  du 
fossé  et  leur  apportèrent  du  pain.  Le  roi  fit  dire  aussi  anx 
habitants  qu'il  voulait  bien  leur  donner  des  vivres  pour  le 
saint  jour  deNoél;  mais  nos  Français  *ne  voulurent  rien 
recevoir  de  l'ennemi. 

Cependant  le  duc  de  Bourgogne  commençait  à  se  mettre 
en  mouvement.  Et  d'abord,  il  alla  de  Paris  à  Saint-Denis. 
Là,  il  fit  prendre  au  roi  solennellement  l'oriflamme  ;  cmelle 
dérision  )  ce  fut  pour  rester  à  Pontoise,  longtemps  à  Pon* 
toise,  longtemps  à  Beauvais.  Il  y  reçut  encore  un  homme 
de  Rouen  qui  s'était  dévoué  pour  risquer  le  passage;  c'était 
le  dernier  messager,  la  vtoix  d'une  ville  expirante  ;  ii  dit 
sîmpleiQent  que  dans  Rouen  et  la  banliaie,  il  était  mort 
cinquante  mille  hommes  de  faim.  Le  duc  de  Bourgogne  fîit 
touché,  il  promit  secours,  puis  débarrassé  du  messager,  et 
comptant  bien  sans  doute  ne  plus  entendre  parler  de  Rouen; 
il  tourna  le  dos  à  la  Normandie  et  mena  le  roi  à  Provins. 

Il  fallut  donc  se  rendre.  Mais  le  rold'Àngleterrey  croyant 
utile  de  faire  un  exemple  pour  une  si  longue  résistance, 
voulait  les  avoir  à  merci.  Les  Rouennais,  qui  savaient  ce 
que  c'était  que  la  merci  d'Henri  V,  prirent  la  résolution 
de  miner  un  mur,  et  de  sortir  par  là  la  nuit  les  armes  à  la 
main,  à  la  grâce  de  Dieu.  Le  roi  et  les  éyéques  réfléchi- 
rent, et  l'archevêque  de  Cantorbéry  vint  lui-même  offirtr 
une  capitulation  H  «La  vie  sauve,  cinq  hommes  exc^ités^; 
ceux  des  cinq  qui  étaient  riches  ou  gens  d'église  se  tirè- 
rent d'affaire  ;  Alain  Blanchart  paya  pour  tous  ;  il  fallait 
à  l'Anglais  une  exécution^  pour  constater  que  la  réststance 
avait  été  rébellion  au  roi  légitime.  2o  Pour  la  même  raison, 
H^nri  assura  à  la  ville  tous  les  privilèges  que  les  rois  de 

*  Le  camp  anglais  regorgeait  de  Tlrres;  les  habitants  de  Londres 
ayarent  enyoyë  à  eux  seuls  un  TaT^an  chargé  de  vin  et  de  ceiroîse. 
(Chéraet.) 

*  App.,  190. 


HENRI  T.  S32 

France,  se&  ancêtres,  lui  avaient  accordés,  avaru  Vmurpa" 
tio»  de  Philippe  de  Yalois,  S»  Mais  elle  dut  payer  une  teir- 
rîble  amende,  trois  cent  mille  écus  d*or,  moitié  en  janvier 
.(on  était  déjà  au  19  janvier*),  moitié  en  février.  Tirai*  cela 
d'une  ville  dépeuplée,  ruinée  s,  ce  n'était  pas  chose  facile. 
U  y  avait  à  parier  que  ces  débiteurs  insolvables  feraient 
plutôt  cession  de  biens,  qu'ils  se  sauveraient  tous  de  la 
ville,  et  que  le  créancier  se  trouverait  n'avoir  pour  gage 
que  des  maisons  croulantes.  —  On  y  pourvut;  la  ville  fut 
contrainte  par  corps  ;  tous  les  habitants  consignés  jusqu'à 
parfait  payement.  Des  gardes  étaient  mis  aux  portes;  pour 
sortir,  il  fallait  montrer  un  billet  qu'on  achetait  fort  cher  K 
Ces  billets  parurent  une  si  heureuse  invention  de  police  et 
d'un  si  bon  rapport,  que  désormais  on  en  exigea  partout. 
La  Normandie  entière  devint  une  geôle  anglaise.  Ce  gou- 
vernement sage  et  dur  ajouta  à  ces  rigueui;;»  un  bienfait, 
qui  parut  une  rigueur  encore  :  l'unité  de  poids,  de  mesures 
et  d'aunage,  poids  de  Troyes,  mesure  de  Rouen  et  d'Arqués, 
aunage  de  Paris  ^. 

Le  roi  d'Angleterre,  occupé  d'organiser  le  pays  conquis, 
accorda  une  trêve  aux  deux  partis  français,  aux  Bourgui- 
gnons et  aux  Armagnacs.  U  avait  besoin  de  refaire  un^ eu 
son  armée.  Il  lui  fallait  surtout  ramasser  de  l'argent  et 
s'acquitter  envers  les  évéques  qui  lui  en  avaient  prêté  pour 
cette  longue  expédition.  L'£glise  lui  faisait  la  banque, 
mais  en  prenant  ses  sûretés  ;  tantôt  les  évéques  se  faisaient 
assigner  par  lui  le  produit  d'un  impôt  ';  tantôt  ils  lui  prê- 
taient sur  gage,  sur  ses  joyaux  ^,  sur  sa  couronne,  par 


>  Afp,,  ÎÛO. 

J  L'entrée  magnifique  du  vainqaeur,  au  milieu  de  ses  ruiqes,  fit  un 
contraste  cruel.  L'honnête  et  humain  M.  Turner  en  est  lui-même  blessé. 

*  MoDstrelet.  —  *  Rymer. 

*  Par  exemple,  en  lilS*  il  engage  à  l'archevêque  de  Canlorbéry  et 
aux  évéques  de  Winchester,  etc.,  la  perception  de  droits  féodaux. 
(V.^lud  loin,  page  S61  et  App.,  2!9. 

*  Par  exemple,  le  2V  juillet  1415,  K*  22  juin  1417.  (Rymer.) 


i38  MORT  DU  CONNÈTABLV  D*ÀRM AGNAC. 

exemple.  Toilà  sam  doute  pourquoi  ils  suiirâient  le  eamp 
en  grand  nombre  (.  A  chaque  conquête,  ils  pouvaient 
récupérer  leurs  arances,  occupant  les  bénéfices  racants, 
les  administrant,  en  percevant  les  firuits.  Si  les  absents 
s^bstinaîcnt  à  ne  pas  revenir,  le  roi  disposait  de  leurs 
bénéfices,  de  leurs  héritages,  en  faveur  de  ceux  qui  le 
suivaient.  La  terre  ne  manquait  pas.  Beaucoup  de  gens 
aimaient  mieux  tout  perdre  que  de  revenir.  Le  pays  de 
Caux  était  désert  ;  il  se  peuplait  de  loups  ;  le  roi  y  créa  un 
louvetier. 

Ce  grand  succès  àe  la  prise  de  Rouen  exalta  rorgneil 
d'Henri  V  et  obscurcît  un  moment  cet  excellent  esprft  ; 
telle  est  la  faiblesse  de  notre  nature.  Il  se  crut  si  sûr  de 
réussir,  qu'il  fit  tout  ce  qu'il  fallait  pour  échouer. 

Chose  étrange,  et  pourtant  certaine,  ce  conquérant  de 
la  France  n'avait  encore  qu'une  province,  et  déjà  la  France 
ne  lui  suffisait  plus,  fl  commençait  à  se  mêler  des  affaires 
d'Allemagne.  Il  y  voulait  marier  son  frère  Bedford  *  ;  la 
désorganisation  de  l'Empire  l'encourageait  sans  doute  ;  un 
frère  du  roi  d'Angleterre,  c'était  bien  assez  pour  faire  un 
Empereur  ;  témoin  le  frère  d^Henri  111,  Richard  de  Cor- 
nonailles.  Déjà  Henri  V  marchandait  l'hommage  des  arcbe^ 
véque»  et  autres  princes  du  Rhin. 

Autre  foKe,  et  plus  folle.  11  voulait  faire  adopter  son 
jeune  frère,  Glocester,  à  la  reine  de  Naplcs,  et  provisoire- 
ment se  faire  donner  le  port  de  Brindes  et  le  duché  de 
Calabre  ^.  Brindes  était  un  lieu  d'embarquement  pour 
Jérusalem  ;  ritalie  était  pour  Hoiri  le  chemin  de  la  terre 
sainte;  déjà  ses  envoyés  prenaient  des  informations  en 
Syrie.  En  attendant,  ce  projet  lui  faisait  un  ennemi  mortel 
du  roi'  d'Aragon,  Alfonse  le.  Magnanime»  prélendaDi*  à 
l'adoption  de  Naples;  il  mettait  d'aecord  contre  lui  les 


I  •  Proïf  itonim,  umper  sibiagristenHum,  consilîo...  •  Religieux.* 
*  App,,  aOl,  -»ilpp.,  20«. 


HSNRt  T.  339 

Axagonais^  et  les  Castillans,  deux  puissances  maritimf^. 
Dès  lors  la  Guyenne*,  rAnglelerre  môme,  étaient  en  péril. 
Naguère  les  Castillans,  conduits  par  un  Normand,  amiral 
de  Castllle,  avaient  gagné  sur  les  Anglais  une  p;randc 
bataille  navale  ^.  Leurs  vaisseaux  devaient  sans  difRculté, 
ou  ravager  les  côtes  d'Angleterre,  ou  tout  au  moms  aller 
en  Ecosse,  chercher  les  Écossais  et  lés  amener  ûommc 
auxiliaires  au  dauphin . 

Henri  V  voyait  sî  peu  son  danger  du  cAté  du  dauphin, 
de  rÊcosse  et  deTEspagne,  qull  ne  craignit  pas  de  mécon- 
tenter le  duc  de  Bourgogne.  Celui-ci,  misérablement 
dépendant  des  Anglais  pour  les  trêves  de  Flandre,  avait 
essayé  d&  fléchir  Henri.  Il  lui  demanda  une  entrevue,  et 
lui  proposa  d'épouser  une  fille  de  Charles  Y!,  avec  ht 
Guyenne  et  la  Normandie  ;  mais  il  voulait  encore  la  Bre^ 
tagne  comme  dépendance  de  la  Normandie,  et  de  plus  le 
Haine,  TAnjou  et  la  Touraîne.  Le  duc  de  Bourgogne  n*a\^it 
pas  craint  d^amener  à  cette  triste  négociation  la  jeune 
princesse,  comme  pour  voir  sî  elle  plairait.  Elle  plilt; 
mais  TAnglais  n'en  fut  pas  moins  dur,  moins  insolent;  cet 
homme,  «qui  ordinairement  parlait  .peu  et  avec  mesure, 
s'oublia  jusqu'à  dire  :  «  Beau  cousin,  saches  que  nous 
aurons  la  fille  de  votre  roi,  et  le  rrste,  ou  que  nous  vous 
mettrons,  lu!  et  vous,  hors  de  ce  royaume  ^.  » 

Le  roi  d'Angleterre  ne  voulait  pas  traiter  sérieusement; 
et  le  duc  de  Bourgogne  avait  près  de  lui  des  gens  qui  le 
suppliaient  de  traiter  avec  eux,  les  gens  du  dauphin,  deux 
braves  qui  commandaient  ses  troupes,  Barbazan  et  Tan- 
negui  Duchàtel.  Il  était  bien  temps  que  la  France  se  récon-» 


*  Lfs  Anglais  •'étaient  fort  maladroitement  mités  des  affaires  inté- 
rieares  de  l'AracoD,  dés  i4i3.  (Ferreras.) 

>  App.,  Î03. 

*  Le  Nurmand  Robert  de  Bramement,  amiral  de  Castllle.  (Le  Rcli- 
fiem.)  ifpp.,  aoi. 

*  Jilonstreleu 


iiO  MORT  DU  GONNiTABLK  D'aIUUGIÎAC. 

cîliàt,  si  près  de  sa  perte.  Le  Parlement  de  Paris  et  celui 
de  Poitiers  y  travaillaient  également  ;  la  reine  aussi,  et 
plus  efficacement,  car  elle  employait  près  du  duc  de  Bour- 
gogne une  belle  femme,  pleine  d'esprit  et  de  grâce,  qui 
parla,  pleura  S  .et  trouva  moyen  de  toucher  cette  àme 
endurcie. 

Le  11  juillet,  on  vit  au  ponceau  de  Pouilly  ce  spectacle 
singulier  :  le  duc  de  Bourgogne  au  milieu  des  anciens 
serviteurs  du  duc  d'Orlëans,  parmi  les  frères  et  les  parents 
des  prisonniers  d'Azincourt  et  des  égorgés  de  Paris.  Il 
voulut  lui-même  s*agenouiller  devant  le  dauphin.  Un 
traité  d'amitié,  de  secours  mutuel,  fut  signé,  subi  par  les 
uns  et  les  autres.  Il  fallait  voir  aux  preuves  ce  que  devien- 
drait cette  anâitié  entre  gens  qui  avaient  de  si  bonnes 
raisons  de  se  haïr. 

Les  Anglais  n'étaient  pas  sans  inquiétude  *.  Sept  jours 
après  ce  traité,  le  18  juillet,  Henri  V  dépécha  de  nouveaux 
négociateurs  pour  renouer  l'affaire  du  mariage.  Ce  qui  est 
plus  étrange,  ce  qui  étonnera  ceux  qui  ne  savent  pas  com- 
bien les  Anglais  sortent  aisément  de  leur  caractère  quand 
leur  intérêt  l'exige,  c'est  qu'il  devint  tout  à  coup  empressé 
et  galant;  il  envoya  k  la  princesse  un  présent  considérable 
de  joyaux  ^.  Il  est  vrai  que  les  gens  du  dauphin  arrêtèrent 
ces  joyaux  en  route;  ils  crurent  pouvoir  porter  au  frère  ce 
qu'on  destinait  à  la  sœur. 

Le  roi  d'Angleterre  eut  bientôt  lieu  de  se  rassurer.  Le 
duc  de  Bourgogne,  quoi  qu'il  fit,  ne  pouvait  sortir  de  la 
situation  équivoque  oii  le  plaçait  l'intérêt  de  la  Flandre. 
Son  traité  avec  le  dauphin  ne  rompit  pas  les  négociations 

'  Le  bon  Religieux  de  Saint-Denis  l'appelle  :  «  La  respectable  et  pra- 
dente  dame  de  Giac...  •  Ce  qui  est  sûr,  c'est  qu'elle  était  fort  habile. 
Son  mari«  le  sire  de  Giac,  ne  davinant  pas  pourquoi  il  réussissait  dans 
tout,  croyait  le  devoir  au  Diabk*,  à  qui  il  ayait  voué  une  de  ses  mains. 

«  App.,  205. 

'  Le  Religieux  croit,  sans  doute  d'après  un  bruit  populaire^  qu'il  y  en 
avait  pour  cent  mille  écus! 


HEKm  V.  24t 

qu'il  avait  engagées  depuis  le  mois  de  juin  pour  continuer 
les  trêves  entre  la  Flandre  et  l'Angleti;rro  Le  28  juillet,  à 
Londres,  le  duc  de  Bedford  proclame  le  renouvelleuient 
des  trêves.  Le  29,  près  de  Paris,  les  Bourguignons  en  gar- 
nison à  Pontoise  se  laissèrent  surprendre  par  les  Anglais  ; 
les  habitants  fugitifs  arrivèrent  à  Paris,  et  y  jetèrent  une 
extrême  consternation.  £llc  augmenta  lorsque,  le  30,  le 
duc  de  Bourgogne,  emmenant  précipitamment  le  roi  de 
Paris  à  Troyes,  passa  sous  les  murs  de  Paris  sans  y  entrer, 
sans  pourvoir  à  la  défense  des  Parisiens  éperdus,  autre- 
ment qu'en  nommant  capitaine  de  la  ville  son  neveu, 
enfant  de  quinze  ans  ^. 

D'après  tout  cela,  les  gens  du  dauphin  crurent,  à  tort 
ou  à  droit,  qu'il  s'entendait  avec  les  Anglais.  Ils  savaient 
que  les  Parisiens  étaient  fort  irrités  de  l'abandon  où  les 
laissait  leur  bon  duc,  sur  lequel  ils  avaient  tant  compté.  Ils 
crurent  que  le  duc  de  Bourgogne  était  un  homme  ruiné, 
perdu.  Etalor3,  la  vieille  haine  se  réveilla  d'autant  plus 
forte  qu'enfin  la  vengeance  parut  possible  après  tant 
d'années. 

Ajoutez  que  le  parti  du  dauphin  était  alors  dans  la  joie 
d'une  victoire  navale  des  Castillans  sur  les  Anglais  ;  ils 
savaient  que  les  armées  réunies  de  Castille  et  d'Aragon 
allaient  assiéger  Bayonne,  qu'enfin  les  flottes  espagnoles 
devaient  amener  au  dauphin  des  auxiliaires  écossais.  Ils 
croyaient  que  le  roi  d'Angleterre,  attaqué  ainsi  de  plu- 
sieurs côtés,  ne  saurait  où  courir. 

Le  dauphin,  enfant  de  seize  ans,  était  fort  mal  entouré. 
Ses  principaux  conseillers  étaient  son  chancelier  Maçon, 

*  I  e  mi'contentemeni  extrême  de  Paris  se  fait  sentir  jusque  dans  les 
p&iesel  tiiniiles  notes  du  gn-flierdu  Parlement  :  •  Ce  jo<>r  (9  août),  les 
Anglois  vittr»*ni  courir  devant  les  portes  de  Paris.  .  It  lors,  y  avoit  à 
Pans  petite  garnison  de  gens  d'armes,  pour  rabsrnce  du  Hoy,  de  la 
Royne,  de  Mess,  le  Dauphin,  le  due  de  tiourgoingue  et  des  autres  sei- 
gneurs «Je  ¥rûUct\  gnijust^ufS  cy  uut  fnit  petite  rvusU  uce  nui  dits  Anylois 
ei  à  leurs  cnln-pti&cs...  •  ArclùViS,  itej  sircs  du  Pa:Lment. 

ir.  it 


242         UORT  DU  CONNÉTABLE  d' ARMAGNAC. 

et  Louvet^  président  de  Provence,  deux  légistes,  de  ces 
g^»ns  qui  avaient  toujours  pour  justifier  chaque  crime  royal 
une  sentence  de  lèse-majesté.  Il  avait  aussi  pour  conseil- 
lers des  hommrs  d'armes,  de  braves  brigands  armagnacs, 
gascons  et  bretons,  habitués  depuis  dix  ans  à  une  petite 
guerre  de  surprises,  de  coups  fourrés,  qui  ressemblaient 
foit  aux  assassinats. 

Les  serviteurs  du  duc  lui  disaient  presque  tous  qu'il  pé- 
rirait dans  Tentrevue  que  le  dauphin  lui  demandait.  Les 
gens  du  dauphin  s'étaient  chargés  de  construire  sur  le 
pont  de  Montereau  la  galerie  où  elle  devait  avoir  liea, 
une  longue  et  tortueuse  galerie  de  bois  ;  point  de  barrière 
au  milieu,  contre  l'usage  qu'on  observait  toujours  dans œt 
âge  défiant.  Malgré  tout  cela,  il  s'obstina  d'y  aller;  la 
dame  de  Giac,  qui  ne  le  quittait  point,  le  voulut  ainsi  ^ 

Le  duc  tardant  à  venir,  Tannegui  Duchàtel  aHa  1< 
chercher.  Le  duc  n'hésita  plus  ;  il  lui  frappa  sur  Tépanle, 
en  disant  :  «  Voici  en  qui  je  me  fie.  »  Duchàtel  lui 
fit  hâter  le  pas;  le  dauphin,  disait-il,  attendait;  de  cette 
manière  il  le  sépara  de  ses  hommes,  de  sorte  qu'il  entra 
seul  dans  la  galerie  avec  le  sire  de  Navailles,  frère  du  np- 
tal  de  Buch,  qui  servait  les  Anglais  et  venait  de  prendre 
Pontoise.  Tous  deux  y  furent  égorgés  (40  septembre  Ul 91 

L'altercation  qui  eut  lieu  est  diversement  rapnorît'e. 
S  'Ion  l'historien  ordinairement  le  mieux  informé,  Ifôg^^ns 
du  dauphin  lui  auraient  dit  durenient  :  *  Approchez  donc 
enfin,  monseigneur,  vous  avez  bien  tardé-!  »  A  quoi  il 
aurait  répondu  que  «  c'était  le  dauphin  qui  tardait  à  agir, 
que  sa  lenteur  et  sa  négligence  avaient  fait  bien  du  mal  dans 


1  Le  irahit-el'e?  tout  le  monde  le  crut,  quand  après  l'évënemeot  onli 
vil  re!*ler  du  vMé  du  dauphin.  Pourtant  elle  avjiit  penlu,  f»ar  la  mi'" 
de  Jean  sans  Peur,  l'ospoir  d'une  grande  foi  lune.  Innocente  oufonp^t''"'' 
qu'aurait-»'ile  éiti  chercher  en  Bourgogne?  la  haine  de  la  veuYé,  ^^''^^ 
puissante  sous  son  fils? 

•  «  Tardaviiiis...  lardavistis...  •  Religieux. 


HfNUl  V.  3i3 

le  rnyaamc.  »  Selon  un  autre  récit,  il  aurait  dit  qu'on  nd 
pouvait  traiter  qu'en  présence  du  roi,  que  le  dauphin 
devait  y  venir;  le  sire  de  Navaiiles,  mettant  la. main  sur 
son  épée,  de  l'autre  saisissant  le  bras  du  jeune  prince, 
aurait  crié,  avec  la  violence  méridionale  de  la  maison  de 
Foix  :  «  Que  vous  le  veuillez  ou  non,  vous  y  viendrez,  mon- 
seigneur. »'  Ce  récjj,  qui  est  celui  des  dauphinois,  n'en  est 
pas  moins  assez  croyable  ;  ils  avouent,  comme  on  voit,  que 
leur  plus  grande  crainte  était  que  le  dauphin  ne  leur 
échappât,  qu'il  ne  revint  près  de  son  père  et  du  duc  de 
Bourgogne. 

Tannegui  Duchàtel  assura  toujours  qu'il  n'avait  pas 
frappé  le  duc.  D'autres  s'en  vantèrent  L'un  d'eux.  Le  Bou- 
teillir,  disait  :  «  J'ai*  dit  au  duc  de  Bourgogne  :  Tu  as 
coupé  le  poing  au  duc  d  Orléans,  mon  maître,  je  vais  te 
couper  le  tien.  » 

Quelque  peu  regrettable  que  fût  le  duc  de  Bourgogne, 
sa  mort  fit  un  mal  immrnse  au  dauphin  i.  »  Jean  sans 
Peur  était  tombé  bien  bas,  lui  et  son  parti.  Il  n'y  avait 
bientôt  plus  de  Bourguignons.  Rouen  ne  pouvait  jamais 
oublier  qu'il  l'avait  laissé  sans  secours.  Paris,  qui  lui  était 
si  dévoué,  s'en  voyait  de  uième  abandonné  au  moment  du 
péril.  Tout  le  monde  C(mnnenvait  à  le  mépriser,  à  le  hair. 
Tous,  dès  qu'il  fut  tué,  se  retrouvèrent  Bourguiguuns. 

La  lassitude  était  extrême,  les  soullVances  inexprima- 
bles ;  on  fut  trop  heureux  de  trouver  un  prétexte  pour 
céder.  Chacun  s'exagéra  à  lui-même  sa  pitié  et  son  inili- 
gnation.  La  honte  d'appeler  l'étranger  se  couvrit  d'un  beau 
semblant  de  veiigeaiict».  Au  fond,  P«u'is  céda,  parce  qu'il 
mourait  de  Llm.  La  reine  céda,  parce  qu'après  tout««  si 


*  «  Le  s«M,;n(>ar  de  Barboziii  pnr  ptasi^nrs  fois  rppro.*ha  à  ronx  qui 
avoit^Dt  rua<'liiit(i  le  ras  d>>.sus  «lit.  dis.iiii  qu'ils  a>oichl  il  iruii  Uur 
niiiîre  de  clu'vari.:e  et  d'himii.  iir,  o'  iju-  m  t'ux  Noirlrnii  avoir  {'{<•  iii'»rt 
qn.'  d'avoir  »3îe  :i  i«.L'lle journi--,  cointjMn  qu  ij  en  fût  iui  oclmiI.  •  >Jo!n- 
trdel.  i4/'p.,  im. 


241  MORT  DU  CONNÉTABLE  d'aïÎM;.G>\VC. 

son  fils  n'était  roi,  sa  fille  au  moins  serait  reine.  Le  fils  du 
duc  de  Bourgogne,  Philippe  le  Bon,  était  le  seul  sincère  ; 
il  avait  son  père  à  venger.  Mais  sans  doute  aussi,  il  croyait 
y  trouver  son  compte  ;  la  branche  de  Bourgogne  grandis* 
sait  en  ruinant  la  branche  aînée,  en  mettant  sur  le  trône 
un  .étranger  qui  n'aurait  jamais  qu'un  pied  de  ce  côté  du 
détroit,  et  qui,  s'il  était  sage,  gouvernerait  la  France  par 
le  duc  de  Bourgogne. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  Paris  ait  appelé  facilement  l'é- 
tranger. Il  avait'  été  amené  à  cette  dure  extrémité  par  des 
souffrances  dont  rien  peut-être,  sauf  le  siège  de  1590,  n'a 
donné  l'idée  depuis.  Si  l'on  veut  voir  comment  les  lon- 
gues misères  abaissent  et  matérialisent  l'esprit,  il  faut  lire 
la  chronique  d'un  Bourguignon  de  Paris  qui  écrivait  jour 
par  jour.  Ce  désolant  petit  livre  fait  sentir  à  la  lecture 
quelque  chose  des  misères  et  de  la  brutalité  du  temps. 
Quand  on  vient  de  lire  le  placide  et  judicieux  Religieux  de 
Saint-Denis,  et  que  de  là  on  passe  au  journal  de  ce  fu- 
rieux Bourguignon,  il  semble  qu'on  change,  non  d'au- 
teur seulement,  mais  de  siècle;  c'est  comme  un  âge  bar- 
bare qui  commence.  L'instinct  brutal  des  besoins  physi- 
ques y  domine  tout  ;  partout  un  accent  de  misère,  une 
âpre  voix  de  famine.  L'auteur  n'est  préoccupé  que  du  prix 
des  vivres,  de  la  difficulté  des  arrivages  ;  les  blés  sont 
chers,  les  légumes  ne  viennent  plus,  les  fruits  sont  hors 
de  prix,  la  vendange  est  mauvaise,  l'ennemi  récolte  pour 
nous.  En  deux  mots,  c'est  là  le  livre  :  a  J'ai  faim  ;  j'ai 
froid,  9  ce  cri  déchirant  que  l'auteur  entendait  sans  cesse 
dans  les  longues  nuits  d'hiver. 

Paris  laissa  donc  faire  les  Bourguignons,  qui  avaient 
encore  toute  autorité  dans  la  ville.  Le  jeune  Saint  Pol, 
neveu  du  duc  de  Bourgogne  et  capitaine  de  Paris,  fut 
envoyé  en  novembre  au  roi  d'Angleterre  avec  maître  Eus- 
tache  Atry,  a  au  nom  de  la  cité,  du  clergé  et  de  la  com- 
mune. »  11  les  reçut  à  merveille,  déclarant  qu'U  ne  voulait 


HSXRI  Y.  iitb 

que  la  possession  indépendante  de  ce  qu'il  avait  conquis 
et  la  main  de  la  princesse  Catherine,  li  disait  gracieuse- 
ment :  c  Ne  suis-je  pas  moi-môme  du  sang  de  France  ?  Si 
je  deviens  gendre  du  roi,  je  le  défendrai  contre  tout 
homme  qui  puisse  vivre  et  mourir  <.  » 

11  eut  plus  qu'il  ne  demandait.  Ses  ambassadeurs,  en- 
couragés par  les  dispositions  du  nouveau  c^c  de  Bour- 
gogne, réclamèrent  le  droit  de  leur  maître  à  la  couronne 
de  France,  et  le  duc  reconnut  ce  droit  (2  décembre  4419)» 
Le  roi  d'Angleterre  avait  mis  trois  ans  à  conquérir  la  Nor- 
mandie ;  la  mort  de  Jean  sans  Peur  sembla  lui  donner  la 
France  en  un  jour. 

Le  traité  conclu  à  Troyes  au  nom  de  Charles  YI  assurait 
au  roi  d'Angleterre  la  main  de  la  fille  du  roi  de  France,  et  la 
survivance  du  royaume  :  «  Est  accordé  que  tantôt  après  nosire 
trépas^  la  couronne  et  royaume  de  France  demeureront  et 
seront  perpétuellement  à  nostredit  fils  le  roy  Henry  et  à  ses 
hoirs...  La  faculté  et  V exercice  de  gouverner  et  ordonner  la 
chose  publique  dudit  royaume,  seront  et  demeureront, 
notre  vie  durant,  à  nostre  dit  fils  le  roi  Henri,  avec  le  con- 
seil des  nobles  et  sages  dudit  royaume...  Durant  nostre  vie, 
les  lettres  concernées  en  justice  devront  être  écrites  et 
procéder  sous  nostre  nom  et  scel  ;  toutefois,  pour  ce 
qu'aucuns  cas  singuliers  pourraient  advenir...,  il  sera  loi- 
sible à  nostre  fils...  écrire  ses  lettres  à  nos  sujets,  par 
lesquels  il  mandera,  défendra  et  commandera,  de  par 
nous  et  de  par  lui,  comme  régent..,  » 

Après  ceci,  Tarticle  suivant  n'était-il  pas  dérisoire? 
«  Toutes  conquestos  qui  se  feront  par  nostre  dit  fils  le  roi 
Henri  sur  les  désobéissants,  seront  et  se  feront  à  notre 
profit.  » 

Ce  traité  monstrueux  finissait  dignement  par  ces  lignes, 
où  le  roi  proclamait  le  déshonneur  de  sa  famille,  oii  le 

<  Le  lieligieux. 


2i6  MORT  DU  CONNÉTABLE  d'aRMàGXAC. 

père  proscrivait  son  fils  :  a  Considéré  les  horribles  et 
énormes  crimes  et  délits  perpétrés  audit  royaume  de 
France  par  Charles,  soi-disant  dauphin  de  Viennois,  il  est 
accordé  que  nous,  notre  dit  fils  le  roi,  et  aussi  notre  très- 
cher  fils  Philippe,  duc  de  Bourgogne,  ne  iraiierons  aucune- 
ment de  paix  ni  de  concorde  avec  que  ledit  Charles,  ni  truke- 
rons  ou  ferons  traiter,  sinon  du  consentement  et  du  conseil 
de  tous  et  chacun  de  nous  trois,  et  des  trois  états  des  deux 
rovnumes  dessusdits  ^.  » 

Ce  mot  honteux,  soi^isant  dauphin^  fut  payé  comptant 
à  la  mère.  Isabeau  se  fit  assigner  immédiatemeut  deux  mille 
francs  par  mois,  à  prendre  sur  la  monnaie  de  Troyes^.  A 
ce  prix,  elle  rcnia  son  fils  et  livra  sa  fille.  L'Anglais  pre- 
nait tout  à  la  fois  au  roi  de  France  son  royaume  et  son 
enfant.  La  pau\Te  demoiselle  était  obligée  d'épouser  un 
maître  ;  elle  lui  apportait  en  dot  la  ruine  de  son  frère. 
Elle  devait  recevoir  un  ennemi  dans  son  lit,  lui  enfanter 
des  iils  maudits  de  la  France. 

•  Il  eut  si  peu  d  égard  pour  elle,  que  le  matin  même  de  la 
nuit  des  noces,  il  partit  pour  le  siège  de  Sens  ^.  Cet  impla- 
cable chasseur  d'hommes  court  ensuite  à  Montereau.  £t 
ne  pouvant  réduire  le  château,  il  fait  pendre  les  prison- 
niers au  bord  des  fossés*.  C'était  pourtant  le  premier  niuis 
de  son  mariage,  le  moment  où  il  n'y  a  point  de  cœur  qui 
n'aime  et  ne  pardonne;  sa  jimne  Française  était  enceinte; 
il  n'en  traitait  pas  mieux  les  Français. 

^  V.  cet  acte  en  trois  langue»,  latine,  française  et  anglaise,  dans  Rymcr, 
21  mai  1420. 
«  KyriKT,  9  juin  1420. 

*  Comcni'  on  allait  :aire  des  joutes  pour  le  mariajîe  :  •  Il  dit,  oïtnt 
tous,  de  son  niouveinml  :  Je  prie  à  M.  le  Hoy  de  qui  j'ai  espou^e  la  liiie 
cl  à  luus  MS  s.Mvilturs,  et  à  mes  serviteurs  j»-  conimahd.'  que  «leuiaiu  au 
matin  nous  ï^non.s'  tous  prAis  ^'oiir  aller  ineltrc  lo  sirge  dfvaui  la  ciLi 
de  Sens,  et  la  pourra  rhasrun  jou>(er.  •  Journal  du  iiourg<*oi>. 

*  t  Au'juel  litu  le  roi  d'An;{i»'lerre  fil  dre>s:;r  i  ii  g  bn,  uù  le>  denses- 
dits  pris.iijiicis  luiviil  tous  pi'UiJus,  voy.Hit  ceux  du  cUaslel.  ■  Mons^ 
irclfi 


HENRI  V.  247 

Avec  toute  cette  impétuosité,  il  fallut  bien  qu'il  patientât 
devant  Melun  ;  le  brave  Bai  bazan  Vy  arrêta  plusieurs  nioîs. 
Le  roi  d'Angleterre,  employa  tous  les  moyens,  amena  au 
siège  Charles  V 1  et  les  deux  reines,  se  présentant  comme 
gendre  du  roi  de  Franc,  parlant  au  nom  de  son  beau- 
père,  se  servant  de  sa  femme,  comme  d'amorce  et  de 
piège.  Toutes  ces  habiletés  ne  réussirent  pas.  Les  assiégés 
résistèrent  vaillamment  ;  il  y  eut  des  combats  acharnés 
autour'  des  murs  et  sous  les  murs,  dans  les  mines  et  contre- 
mines,  et  Henri  lui-même  ne  s'y  épargna  pas.  Cependant 
les  vivres  manquant,  il  fallut  se  rendre.  L'Anglais,  selon 
son  usage,  excepta  de  la  capitulation  et  fit  tuer  plusieurs 
bourgeois,  tout  ce  qu'il  y  avait  d'Ëcossais  dans  la  place,  et 
jusqu'à  deux  moines. 

Pendant  le  siège  de  Melun,  il  s'était  fait  livrer  Paris  par 
les  Bourguignons,  les  quatre  forts,  Vincennes,  la  Bastille, 
Ift  Louvre  et  la  tour  de  Nesle.  Il  fit  son  entrée  en  décembre. 
Il  chevauchait  entre  le  roi  de  France  et  le  duc  de  Bour- 
gogne. Celui-ci  était  vctu  de  deuil  «,  en  signe  de  douleur 
et  de  vengeance  ;  par  pudeur  aussi  peut  être,  pour  s'excu- 
ser du  triste  personnage  qu'il  faisait  en  amenant  Trlran^er. 
Le  roi  d'Angleterre  était  suivi  de  ses  frères,  les  duc;  de 
Clarence  et  de  B^dford,  du  duc  d'Kxcter,  du  comte  de 
Waruick  et  de  tous  ses  lords.  Derrière  lui.  on  portait, 
entre  autres  bannières,  sa  bannière  pcrsunnelUî,  la  lance 
à  queue  dp  renard-  ;  c'était  api;areuinient  un  si^i;ne  qu'il 
r.vait  pris  jadis,  en  bon  fox  hunier,  dans  sa  vive  jeunesse  ; 
Iiomme  fait,  roi  et  victorieux,  il  gardait  avec  une  insolente 
simplicité  le  signe  du  cliasseur  dans  cette  grande  chasse 
d(»  France. 

Le  roi  d'Angleterre  fut  bien  reçu  à  Paris''.  Ce  peuple 
sans  caur  (la  nusère  l'avait  fait  tel)  accueillit  l'étranger, 


i  Mons'n  Ici. 


2iS  MORT  DU  CONNETABLE  d'aRMAGNàC. 

comme  il  eût  accueilli  la  paix  elle-même.  Les  gens  d'Église 
vinrent  en  procession  au-devant  des  deux  rois  leur  faire 
baiser  les  reliques.  On  les  mena  à  Notre-Dame,  où  ils 
firent  leurs  prières  au  grand  autel.  De  là  le  roi  de  France 
alla  loger  à  sa  maison  de  Saint-Pol  ;  le  vrai  roi,  le  rûi 
d'Angleterre,  s'établit  dans  la  bonne  forteresse  du  Louvre 
(déc.  U20). 

Il  prit  possession,  comme  régent  de  France,  en  assem- 
blant les  Ëtats  le  6  décembre  1420  et  leur  faisant  sanc- 
tionner le  traité  de  Troyes  *. 

Pour  que  le  gendre  fût  sûr  d'hériter,  il  fallait  que  le  fils 
fût  proscrit.  Le  duc  de  Bourgogne  et  sa  mère  vinrent  par- 
devant  le  roi  de  France,  siégeant  comme  juge  à  l'hôtel 
Saint-Pol,  faire  «  grand'plainte  et  clameur  de  la  piteuse 
mort  de  feu  le  duc  Jean  de  Bourgogne.  «  Le  roi  d'Angle- 
terre était  {(ssis  sur  le  même  banc  que  le  roi  de  France. 
Messire  Nicolas  Raulin  demanda,  au  nom  du  duc  de  Bour- 
gogne et  de  sa  mère^  que  Charles,  soi-disant  dauphin, 
Tannegui  Duchàtel  et  tous  les  assassins  du  duc  de  Bour- 
gogne fussent  menés  dans  un  tombereau,  la  torche  au 
poing,  par  les  carrefours,  pour  faire  amende  honorable. 
L'avocat  du  roi  prit  les  mêmes  conclusions.  L'Université 
appuya  2.  Le  roi  autorisa  la  poursuite,  et  Charles  ayant  été 
crié  et  cité  à  la-  Table  de  marbre,  pour  comparaître  sous 
trois  jours  devant  le  Parlement,  fut,  par  défaut,  condamné 
au  bannissement  et  débouté  de  tout  droit  à  la  couronne  de 
France  (3  janvier  1421)  3. 

1  \.e  Parlement  d'Angleterre  en  fit  autant  le  2i  mai  1421.  (Hymcr.) 
«  Monstrelei.  —  =»  App.,  20a. 


CHAPITRE  III 


Suite  dD  précédent.  — >  Concile  de  Constance»  1414-1418. 

Mort  4e  Charles  VI  et  d'Henri  V,  1421. 

Deux  rois  de  France,  Charles  VU  et  Henri  VI. 


Dans  les  années  M2i  et  1422,  TAnglais  résida  souvent 
au  Louvre,  exerçant  les  pouvoirs  de  la  royauté,  faisant  jus- 
tice et  grâce,  dictant  des  ordonnances,  nommant  des  offi- 
ciers royaux.  A  Noél,  à  la  Pentecôte,  il  tint  cour  plénière 
et  table  royale  avec  la  jeune  reine.  Le  peuple  de  Paris  alla 
voir  Leurs  Majestés  siégeant  couronne  en  tète,  et  autour, 
dans  un  bel  ordre,  les  évéques,  les  princes,  les  barons  et 
chevaliers  anglais.  La  foule  affamée  vint  repaître  ses  yeux 
du  somptueux  banquet,  du  riche  service  ;  puis  elle  s'en  alla 
à  jeun,  sans  que  les  maîtres  d'hôtel  eussent  rien  offert  à 
personne.  Ce  n'était  pas  comme  cela  sous  nos  rois,  disaient- 
ils  en  s'en  allant  ;  à  de  pareilles  fêtes,  il  y  avait  table  ou- 
verte ;  s'asseyait  qui  voulait  ;  les  serviteurs  servaient  lar- 
gement, et  des  mets,  des  vins  du  roi  même.  Mais  alors,  le 
roi  et  la  reine  étaient  à  Saint-Pol,  négligés  et  oubliés. 

Les  plus  mécontents  ne  pouvaient  nier  après  tout  que 
cet  Anglais  ne  fût  une  noble  figure  de  roi  et  vraiment 
royale.  Il  avait  la  mine  haute,  l'air  froidement  orgueilleux, 
mais  il  se  contraignait  assez  pour  parler  honnêtement  à 
chacun,  selon  sa  condition,  surtout  aux  gens  d'Église.  On 
remarquait  à  sa  louange  qu'il  n'affirmait  jamais  avec  ser- 
ment; il  disait  seulement  ;  «  Lnpossible.  »  Ou  bien  : 


2:30  CONCILE  DE  CONSTANXE. 

a  Cela  sera*.  »  En  général,  il  parlait  peu.  Ses  réponses 
étaient  brèves,  «  et  tranchaient  comme  rasoir*.  » 

U  était  surtout  beau  à  voir,  quand  on  lui  apportait  de 
mauvaises  nouvelles  ;  il  ne  sourcillait  pas,  c  était  la  plus 
superbe  égalité  d*àme.  La  violence  du  caractère,  la  passion 
intéiieure,  ordinairement  contenue,  perçait  plutôt  dans  les 
succès;  l'homme  parut  à  Âzîncourt...  Mais  au  temps  où 
nous  sommes  il  était  bien  plus  haut  ^encore,  si  haut,  qu'il 
n'y  a  guère  de  tête  d'homme  qui  n'y  eût  tourné  :  roi  d'An- 
gleterre et  déjà  de  France,  traînant  après  lui  son  allié  et 
serviteur  le  (tnc  de  Bourgogne,  ses  prisonniers  le  roi  d  £- 
coss(\  le  duc  de  Bourbon,  le  frère  du  duc  de  Bretagn.*, 
enfin  les  ambassadeurs  de  tous  les  princes  chrétiens.  Ceux 
du  Rhin  particulièrement  lui  faisaient  la  cour;  ils  ten- 
daient la  main  à  l'argent  anglais.  Les  archevêques  de 
Mayoncc  et  de  Trêves  lui  avaient  rendu  hommage,  et  étaient 
devenus  ses  vasuiux^.  Le  palatin  et  autres  piinccs  d'Em- 
pire, avec  toute  leur  fierté  allemande,  sollicitaient  son  ar- 
bitrage, et  n'êtiiient  pas  loinde  reconnaître  sa  juridiction. 
Cette  couronne  impériale  qu'il  avait  prise  hardiment  à 
Azincourt,  elle  semblait  devenue  sur  sa  léte  la  vraie  cou- 
ronne du  saint  Eiiijiire,  cellt*  de  la  chrétienté. 

l'ne  trlh^  puis.-anee  pt^sa,  (^onime  on  peut  croire,  au  con- 
cile de  (loiistaiice.  Celte  petite  Angleterre  s'y  fît  recon- 
naître d'abord  pour  un  quart  du  monde,  pour  une  des  quativ 
nations  du  concile.  Le  roi  d«»s  Romains,  Sigismond,  «étroi- 
tement lié  avec  les  Anglais,  croyait  les  men(*r  et  fut  in«':ii* 
par  eux.  Le  pa[)e  prisonnier,  conlié  d'abord  à  la  garde  (ie 
Sigismond,  le  fut  ensuite  à  celle  d'un  évè(|ue  anglais  ; 
Henri  V,  (jui  avait  déjà  tant  de  prinees  français  et  éco.ssals 
dans  S(»s  prisois,  se  lit  encore  reinellre  ce  précieux  gage 
de  la  paix  de  l'È^^lise. 

*  •  Impossi!»le  '•si;  v«'l  :  Sic  fieri  oporl»*bil.  •  TV-'li^ieiix. 

*  Ciiroiiii|iiti  Ue  George  Lha^lullaïU.  App,t  210. 
»  Âp})-.,  ail. 


DEUX  ROIS  DE   FHANCE,  CHARLES  VU   ET   HÎ'XRI   VI.      2ol 

Pour  faire  coruprendre  lo  rôle  que  TAngleterre  et  la 
France  jouèrent  dans  ce  concile,  nous  devons  reiiioutcr 
plus  haut.  Quelque  triste  que  sojit  alors  l'état  de  l'Église,  il 
faut  que  nous  en  pai'lioas  et  que  nous  laissions  un  nio- 
jinent  ce  Paris  d'Henri  V.  Notre  histoire  est  d'ailleurs  à 
Constance  autant  qu'à  Paris. 

Si  jamais  concile  général  fut  œcuménique,  ce  fut  celui 
de  Constance.  On  put  croire  un  moment  que  ce  ne  serait 
pas'une  n^présnitation  du  monde,  mais  que  le  monde  y 
venait  en  personne,  le  monde  ecclésiastique  et  laïque  *.  Le 
concile  semblait  bien  répondre  à  cette  large  définition  que 
Cierson  donnait  d'un  concile  :  «  Une  assemblée...  qui  n'ex- 
clue aucun  fidèle.  »  Mais  il  s'en  fallait  de  beaucoup  que 
tous  fussent  des  lidèles  ;  cette  foule  représentait  si  bien  le 
monde,  qu'elle  en  contenait  toutes  les  misères  morales, 
tous  les  scandales.  Les  Pères  du  concile  qui  devait  réi'or- 
mer  la  chrétienté  ne  pouvaient  pas  même  réformer 
le  peuple  de  toute  sorte  qui  venait  à  leur  suite;  il  It-ur 
fallut  siéger  comme  au  milieu  d'une  foire,  parmi  les  caba- 
rets et  les  mauvais  lieux. 

Les  p()liti(iues  doutaient  fort  de  l'ulllilé  du  concile  -.  Mais 
le  grand  homme  de  l'É^^lise,  Jean  Gerson,  s'obstinait  à  y 
croire,  il  conser\ait,  par  delà  tous  les  autres,  l'e^pjir  (^t  la 
f  »i.  Malailu  du  mal  de  TK^^lise-^  il  ne  jiouvait  s'y  rési-uier. 
><>n  iUiiilie,  Pierre  d  Ailly,  s'était  reposé  dans  le  cardinalat. 
S  -n  amis,  Clémengis,  qui  avait  tant  éciitconlr(;.  la  Baby  - 
\niut  papahî,  alla  la  voir  et  s'y  trouva  si  bien,  qu'il  devint 
h*  siiuetaire,  l'ami  des  papes. 

(i<M\v»n  voulait  siMitu^ement  la  réf»)rme,  il  la  voula't 
î'vec  pabbion,  et  quoi  qu'il  eu  coûtât.  Pour  Cila,  il  fallait 


'   On  dit  qu'il  y  vint  cent  ririfinnnfr»  mille  piT'.onn-'^,  que  loa  cl.ovaux 
t  ■•)  (•riiiceH  <  i  prélats  élaicut  uu  noiubrc  de  (reulc  mille. 
«  Afij».,  212. 
^  *  •Il  il  c:o  utlver2>ie  vuleluJiuii»  Qie«e.  •  Geraun.  K|ii:>lu!a  de  lUfann. 


252  CONCILE  DE  CONSTANCE. 

trois  choses  :  \^  rétablir  Tunité  du  pontificat,  couper  les 
trois  têtes  de  la  papauté  ;  2o  fixer  et  coasa<u*er  le  dogme  ; 
Wicieff,  déterré  et  brûlé  à  Londres*,  semblait  reparaître  à 
Prague  dansla  personne  de  Jean  Huss;  3^  il  fallait  raffer- 
mir cnlin  le  droit  royal,  condamner  la  doctrine  meurtrière 
du  franciscain  Jean  Petit. 

Ce  qui  rendait  la  position  de  Gerson  difficile,  ce  qui  ra- 
nimait d'un  zèle  implacable  contre  ses  adversaires,  c'est 
qu  il  avait  partagé,  ou  semblait  partager  encore  plusieurs 
de  leurs  opinions.  Lui  aussi,  à  une  autre  époque,  il  avait 
dit  comme  Jean  Petit  cette  parole  homicide  :  «  Nulle  vic- 
time plus  agréable  à  Dieu  qu'un  tyran  ^.  »  Dans  sa  doc- 
trine sur  la  hiérarchie  et  la  juridiction  de  TÉglise,  il  avait 
bien  aussi  quelque  rapport  avec  les  novateurs.  Jean  Huss 
soutenait,  comme  Wicleff,  qu'il  est  permis  à  tout  prêtre, 
de  prêcher  sans  Tautorisation  de  Févêque  ni  du  pape:  Et 
Gerson,  à  Constance  même,  fit  donner  aux  prêtres  et 
même  aux  docteurs  laïques  le  droit  de  voter  avec  les  évo- 
ques et  de  juger  le  pape.  Il  reprochait  à  Jean  Huss  de  rea- 
.dre  rinférieur  indépendant  de  l'autorité,  et  cet  inférieur, 
il  le  constituait  juge  de  Tautorité  même. 

Les  trois  papes  furent  déclarés  déchus.  Jean  XUII  fut 
dégradé,  emprisonné.  Grégoire  XII  abdiqua.  Le  seul  Be- 
noît XllI  (Pierre  de  Luna),  retiré  dans  un  fort  du  royaume 
de  Valence,  abandonné  de  la  France,  de  l'Espagne  même, 
et  n'ayant  plus  dans  son  obédience  que  sa  tour  et  son  ro- 
cher, n'en  brava  pas  moins  le  concile,  jugea  ses  juges,  les 
vît  passer  comme  il  en  avait  vu  tant  d'autres,  et  mourut 
invincible  à  près  de  cent  ans. 

Le  concile  traita  Jean  Huss  conime  un  pape,  c'est-à-dire 
très-mal.  Ce  docteur  était  en  réalité,  depuis  4442,  comme 

*  Cette  scène  atroce  ent  lien  à  Londres  en  1419,  U  même  année  oà 
Jérôme  de  Prague  afficha  la  buile  tar  la  gorge  d'une  fille  publique. 

*  D'après  Sénéque  le  tragique  :  •  Nu  lia  Dec  graiior  victima  quam 
tyrannus.  •  Gerson.  Considcrationes  contra  adalatores. 


DEUX  ROIS  DB  FRANCE,   CHARLES  VII  ET  HENRI  VI.     .253 

le  pape  national  de  la  Bohême.  Soutenu  par  toute  la  noblesse 
du  pays,  directeur  de  la  reine,  poussé  peut-èlre  sous  main 
parle  roi  Wenceslas^,  comme  Wicleff  semble  l'avoir  été  par 
Edouard  Ili  et  Richard  II,  beau-frère  de  Wenceslas,  Jean 
Huss  était  le  héros  du  peuple  beaucoup  plus  qu'un  théolo* 
gien';  il  écrivait  dans  la  langue  du  pays;  il  défendait  la 
nationalité  de  la  Bohême  contre  les  Allemands,  contre  les 
étrangers  en  général;  il  repoussait  les  papes,  comme 
étrangers  surtout.  Du  reste,  il  n'attaquait  pas,  comme  fit 
Luther,  la  papauté  même.  Dès  son  arrivée  à  Constance,  il 
fut  absous  par  Jean  XXIII. 

Jean  Huss  soutenait  les  opinions  de  Wicleff  sur  la  hié- 
rarchie; il  voulait,  comme  lui,  un  clergé  national,  indi- 
gène, élu  sous  l'influence  des  localités.  En  cela  il  plaisait 
aux  seigneurs,  qui,  comme  anciens  fondateurs,  comme 
patrons  et  défenseurs  des  Églises,  pouvaient  tout  dans  les 
élections  locales.  Huss  fut  donc,  comme  Wicleff,  Thomme 
de  la  noblesse.  Les  chevaliers  de  Bohême  écrivirent  trois 
fois  au  concile  pour  le  sauver;  à  sa  mort,  ils  armèrent 
leurs  paysans  et  commencèrent  la  terrible  guerre  des  hus- 
sites. 

Sous  d'autres  rapports,  Huss  était  bien  moins  le  disci- 
ple de  WicleflF  qu'il  ne  se  le  croyait  lui-même.  11  se  rappro- 
chait de  lui  pour  la  Trinité  ;  mais  il  n'attaquait  pas  la  pré- 
sence réelle,  pas  davantage  la  doctrine  du  libre  arbitre. 
Je  ne  vois  pas  du  moins  dans  ses  ouvrages  que,  sur  ces 
questions  essentielles,  il  se  rattache  à  Wicletf,  autant  qu'on 
le  croirait  d'après  les  articles  de  condamnation. 

En  philosophie,  loin  d'être  un  novateur,  Jean  Huss  était 
le  défenseur  des  vieilles  doctrines  de  la  scolastique.  L'U- 
niversité de  Prague,  sous  son  influence,  resta  fidèle  au  réa- 
lisme du  moyen  âge,  tandis  que  celle  de  Paris  sous  d'Ailly, 

<  Wonceslas  le  défendit  contre  les  accuMtions  des  moines  et  des  cler  !» 
V.  »a  riiponse  dans  Pfister,  llist.  d*Aliemagne. 
*  V.  iicnuissance.  Xotcs  de  l'Introduction. 


"2oi  CONCILE   DE   CONSTAXCE. 

Clt'mongis  et  Gerson,  se  jetait  dans  les  nouveautés  hardies 
du  noniinalisnie  trouvées  (ou  reti\)uvées)  par  Occain.  C'eUiit 
le  novateur  relij^neux,  Jean  lluss,  qui  défendait  le  vieux 
credo  philosophique  des  écoles.  Il  le  soutenait  dans  son 
Université  boliémienne,  d'où  il  avait  chassé  les  étran^'ers; 
il  le  soutenait  à  Oxford,  à  Paris  même,  par  son  violent  dis- 
ciple Jérôme  de  Pra^nie.  (lelui  ci  était  venu  braver  dans  sa 
chaire,  dans  son  trône,  la  formidable  Université  de  Paris*» 
dénoncer  les  maîtres  de  Navarre  pour  leur  enseignement 
nominaliste,  les  sif:^naler  comme  des  hérétiques  en  philo- 
sophie, comme  de  p(uniei('ux  adversaires  du  réalisme  de 
saint  Thomas. 

Jusipi  à  quel  point  celte  question  d'école  avait-elle  aiijri 
nos  «gallicans,  les  liieilleurs,  lt*s  plus  saints?...  On  no.v? 
soinh-rctîtte  trisle  question.  l!njx.-méiUiîs  probabltmieiit 
n'auraient  pu  Téclaircir.  Ils  s'expli(iuaient  leur  haine  con- 
tre Jean  iliiss  jjar  sa  participation  aux  hérésies  de  Wideir. 

L(^  concile  s  ouvrit  le  o  novembre  1411;  des  le  27  mai, 
(i^  rson  avait  écrit  à  l'archevéiiue  de  Prague  pour  quH 
livrât  Jean  lluss  au  bras  séculier.  «  Il  faut,  disait-il,  coii- 
j) 'r  Cv);irl  aux  disputes  cpii  coinprometttMit  la  vérité,  il 
faut,  [)ar  une  cruauté  misérici)rdieuse,  employer  le  fer  ft 
le  ft'U  -.  )^  Les  j^aliicans  auraient  bien  vou'lu  que  rarclit- 
vè(|ue  |;àl  ('^oar^rier  au  concihî  cette  terrible  besogne.  Mu'S 
qui  aurait  ose  en  H  )liéim;  mettre  la  main  surThounne  des 
clii'varu'rs  boiiéiuieiis? 

Jean  lluss  était  biavtî  comme  Zwingli;  i^  voulut  voir  eu 
face  Ms  t  lâueuiis:  il  vint  au  ('oncih\  11  croyait  d'ailleurs  à 
la  j)arole  de  Si^^ismond,  dont  il  avait  un  sauf-conduit.  L.i, 
excepté  le  I):ip'N  il  trouva  tjut  le  monde  contre  lui.  Les 
i^'^'•^,  (jui  par  leur  violence  contre  la  papauté,  se  sentaient 
(1,'veiius  fort  suspects  aux  peuples,  avaient  besoin  d'un 
,;>:,•  v.çA-^urcux  Contre  riiére>ie,  pour  prouver  leur  fui.  Les 


DEUX  ROIS  DK'  FRANClE,   CHARLES   VII  ET  DEXUI  VI.      255 

Allrmnnds  trouvaient  fort  bon  qu'on  brûlât  un  Bohé- 
mion;  les  Nominaux  se  résignaient  aisément  à  la  mort 
d*un  Réaliste  *.  Le  roi  des  Romains,  qui  lui  avait  promis 
sûreté  2,  saisît  cette  occasion  de  perdre  un  homme  dont  la 
popularité  pouvait  fortifier  Wenceslas  en  Bohême. 

Ceux  môme  qui  ne  trouvaient  pas  le  Bohémien  héré- 
tique, le  condamnèrent  comme  rebelle;  qu'il  eût  erré  ou 
non,  il  devait,  disaient-ils,  se  rétracter  sur  Tordre  du  con- 
cile 3.  Cette  assemblée,  qui  venait  do  nier  trois  foisTinfail- 
iibilité  du  pape,  réclamait  pour  elle-même  rinfaillibilité, 
la  toute-puissance  sur  la  raison  individuelle.  La  république 
ecclésiastique  se  dtîclarait  aussi  absolue  que  la  monarchie 
pontificale.  Elle  posa  de  même  la^question  entre  l'autorité 
et  la  liberté,  entre  la  majorité  et  la  minorité;  fiiible  mina- 
rilé  sans  doute,  qui,  dans  cette  grande  as^^embléo,  se 
réduisait  à  un  individu;  l'individu  ne  céda  pas,  il  aima 
mieux  périr. 

Il  dut  en  coûter  au  ca»ur  de  Gerson  de  consommer 
ce  sacrifice  à  l'unité  'spirituelle,  cette  immolaticm  d'un 
homme...  L'année  suivante,  il  fallut  en  immoler  un 
autre.  Jérôme  do  Prague  avait  échappé,  mais  quand  il 
api)rit  comment  son  maître  é;ait  mort,  il  rougit  de  vivre 
et  revint  devant  ses  juges.  Le  concile  devait  démentir  son 
premier  arrêt  ou  biûler  encore  celui-ci  *. 

*  Pierre  d'AîtIyaTalt  contribué  pni^'sammpnt  à  lachnte  de  Jean  XX III. 
Il  8»>  montra,  en  coiii|>?iisa(iuii,  d'uiilant  \\\\x->  zelo  coulre  1  liiToliqut^;  il 

rc:iibirrîi.s>a  i^ar  d'cir.i.gjs  suliiiliii.s,  voi'latil  rainmer  à  avoui-r  que 
ce'iii  qui  ne  cruit  pas  aux  universaux,  ne  croit  pas  à  la  Transsub  tan- 
tiaiion. 

'  '  e  sauf-f^onduit  était  daté  du  18  oct.  1114. 

»  J«'ari  Hus.<»  nous  fait  connahn*  lui-iiiôine  le^  efforts  qno  l'on  fil 
n".;)r<';.  do  lui  pour  oblcfiir  le  sa<'riû>'e  ahsolu  ilc  la  raison  huinaino.  (in 
n'y  ('(largna  ni  W%  ar,,;umonts  ni  l'.>s  exemples.  On  lui  citait  entre  autres 
Çk'A»'  i.'tr.i!jgi'  lug.  nio  dune  sainte  fetutne  qui  entra  dans  un  rouv»'nl  de 
Tel. g  "'iis's  NOUS  iiabii  d'bomiiio,  tl  fut,  comme  homm(»,  accu-^ê»»  d'avoir 
rei.duc  l'nrciiilo  une  des  norint'K  :  elle  so  rocgnnnt  coupable^  confessa  le 
fait  et  é!.  va  IVuriiil;  la  vcrité  ne  fut  connue  qu'à  «a  mort, 

*  Le  Togge^  lômoiQ  du  jugement  de  Jérôme,  fut  saisi  de  son  éloquence. 


2:36  CONCILE  DE  CONSTANCE. 

L'un  des  vœux  de  Gerson,  Tune  des  bénédictions  qu'il 
attendait  du  concile,  c'était  qu'il  condamnerait  solennelle- 
ment ce  droit  de  tuer,  prêché  par  Jean  Petit...  Et  pour  en 
venir  là,  il  a  fallu  commencer  par  tuer  deux  hommes!... 
Deux?  Deux  cent  mille  peut-être.  Ce  Huss,  brûlé,  ressus- 
cité dans  Jérôme  et  encore  brûlé,  il  est  si  peu  mort,  que 
maintenant  il  revient  comme  un  grand  peuple,  un  peuple 
atmé,  qui  poursuit  la  controverse  Tépée  à  la  main.  Les 
hussites,  avec  l'épée,  la  lance  et  la  faux,  sous  le  petit  Pro- 
cope,  sous  Ziska,  Tindomptable  borgne,  donnent  lâchasse 
à  la  belle  chevalerie  allemande  :  et  quand  Procope  sera 
tué,  le  tambour  fait  de  sa  peau  mènera  encore  ces  bar- 
bares, et  battra  par  TAllemagne  son  roulement  meur- 
trier. 

Nos  gallicans  avaient  payé  cher  la  réforme  de  Constance, 
et  ils  ne  l'eurent  pas  ^  Elle  fut  habilement  éludée.  Les 
Italiens,  qui  d'abord  avaient  les  trois  autres  nations  contre 
eux,  surent  se  rallier  les  Anglais;  ceux-ci,  qui  avaient 
paru  si  zélés,  qui  avaient  tant  accusé  la  France  de  perpé- 
tuer les  maux  de  TËglise,  s'accordèrent  avec  les  Italiens 
pour  faire  décider,  contre  Tavis  des  Français  et  des  Alle- 
mands, que  le  pape  serait  élu  avant  toute  réforme,  c'est- 
à-dire  qu'il  n'y  aurait  pas  de  réforme  sérieuse.  Ce  poml 
décidé,  les  Allemands  se  rapprochèrent  des  Italiens  et  des 
Anglais,  et  les  trois  nations  firent  ensemble  un  pape  italien. 
Les  Français  restèrent  seuls  et  dupes,  ne  pouvant  manquer 
d'avoir  le  pape  contre  eux,  puisqu'ils  avaient  entravé  son 
élection.  Il  était  beau,  toutefois,  d'être  ainsi  dupes,  pour 
avoir  persévéré  dans  la  réforme  de  TËglise. 

C'était  en  1417  ;  le  connétable  d'Armagnac,  partisan  du 


II  l'appelle  :  Virum  dignum  menions  sempitem».  Cet  homme  si  fier 
et  si  obstiné,  montra  sur  le  hûcber  ane  douceor  héroïque;  voyant  m 
petit  paysan  qui  apportait  du  bois  avec  grand  xèle,  il  s'écria  :  •  0  res* 
pectable  simplicité,  qui  te  trompe  est  mille  fois  coupable!  •  A^.,  215. 
»  App  ,  210. 


DEUX  ROIS  DE  FRÀKCB,  CHARLES  TU  ET  HENRI  VI.   257 

vieux  Benoit  XlJl,  gouvernait  Paris  au  nom  du  roi  et  du 
dauphin.  Il  fit  ordonner  par  le  dauphin,  à  l'Université,  de 
suspendre  son  jugeaient  sur  l'élection  du  nouveau  pape» 
Martin  Y  ;  mais  son  parti  était  tellement  affaibli  dans  Paris 
même,  malgré  les  moyens  de  terreur  dont  il  avait  essayé, 
que  l'Université  osa  passer  outre  et  approuver  rélection« 
Elle  avait  hâte  de  se  rendre  le  pape  favorable;  elle  voyait 
que  le  système  des  libres  élections  ecclésiastiques  qu'elle 
avait  tant  défendu,  ne  profitait  point  aux  universitaires. 
Elle  avait  abaissé  la  papauté,  relevé  le  pouvoirdes  évéques; 
et  ceux-ci,  de  concert  avec  les  seigneurs,  faisaient  élire 
aux  bénéfices  des  gens  incapables,  illettrés,  les  cadets  des 
seigneurs,  leurs  ignares  chapelains,  les  filsde  leurs  paysans, 
qu'ils  tonsuraient  tout  exprès.  Les  papes,  dh  moins,  s'ils 
plaçaient  des  prêtres  peu  édifiants,  choisissaient  parfois 
des  gens  d'esprit.  L'Université  déclara  qu'elle  aimait 
mieux  que  le  pape  donnât  les  bénéfices  ^.  C'était  un  curieux 
spectacle  de  voir  l'Université,  si  longtemps  alliée  aux  évo- 
ques conire  le  pape,  de  la  voir  retourner  à  sa  mère,  la  -pa- 
pauté, et  attester  contre  les  évéques,  contre  les  élections 
locales,  la  puissance  centrale  de  l'Église.  Mais  l'Université 
l'avait  tuée,  cette  puissance  pontificale  ;  elle  n'y  revenait 
qu'en  abdiquant  ses  maximes,  en  se  reniant  et  se  tuant 
elle-même. 

Ce  fut  le  sort  de  Gerson  de  voir  ainsi  la  fin  de  la  papauté 
et  de  l'Université.  Après  le  concile  de  Constance,  il  se  re- 
tira brisé,  non  en  France,  il  n'y  avait  plus  de  France.  H 
chercha  un  asile  dans  les  forêts  profondes  du  Tyrol,  puis 
à  Vienne,  où  il  fut  reçu  par  Frédéric  d'Autriche,  l'ami  du 
pape  que  Gerson  avait  fait  déposer. 

*  Bulactts.  Une  assfmbicc  de  grands  et  de  prélats,  présidée  par  le 
dauphin,  fit  emprisonner  le  recteur  qui  avait  parlé  contre  la  manière  dont 
ils  dirigeaient  les  élections  ecelésîaotiques  et  conféraient  \e%  bénéfices. 
Le  Parlement  ne  soutint  pas  lUniveriité,  qui  fit  drs  excuses.  Ce  fut 
reoierrement  de  l'Université,  comme  puissance  populaios. 

I?.  17 


S58  OMCUJE  US  COHSVÂlICE. 

PIqs  tard,  k  mort  du  ûmc  de  Bourgogne  eiieounigea 
Oersoft  à  revemir,  «Mts  seolemeiit  jusqu'au  bord  de  te 
France,  jiMqo'à  Lyon.  C'était  «ncnrMe  fninçMae,  n«|;aèrc 
d'Empire',  mais  tonjoors  ime  ville  commune  à  toos,  une 
répttblî({iie  marchande  dont  ka  pti?ilégeft  oottviwent  toai 
le  monde,  une  patrie  conmiuiepawEr  le  Suisse,  le  fiwoyard, 
rAliemand.  KltaUen,  aalant  que  pour  le  Français.  Ce  con- 
fluent des  fleuves  et  des  penplas,  -aoos  la  vue  lointaine  des 
Alpes,  cet  «eéan  d'hommes  de  tout  pays,  cette  gcande  et 
profonde  ville. avec  ses  raes  aombn»  et  ses  esealiers  noirs 
qui  ont  Tair  de  grimper  au  cieli  c'était  «ne  retraite  plus 
solitaire  que  los  solitndes  du  TyroU  11  s'yblottltdansiui 
couvent  de  CélasUns  dont  son  firàre  était  prieur;  il  j  expia, 
par  la  docilifé  monastique,  aa  doannation  sur  l'Ëgltse, 
goûtant  le  bonhaur  d'obéir^  la  douceur  de  Jié  plus  vouloir 
de  sentir  qu'on  ne  répond  plus  de  soi.  S'il  reprit  par  in- 
tervalle cette  plume  toute*puissante,  ce  fat  pour  diercher 
le  moyen  de  calmer  la  guerre  qui  le  travaillait  «noore; 
pour  trouver  le  moyen  d'accorder  le  myatickme  et  la  rai- 
son, d'être  seîenfttfiquement  mystique ,  de  délirer  avec 
méthode.  Sans  doute  que  oe  grand  esprit  floit  par  aeniir 
que  cela  encore  étaitvain*  On  dit  qu'en  ses  demièreB  an- 
nées, il  ne  pouvait  plus  voir  que  des  ^nfittls,  comme  il 
arriva  sur  la  fin  à  Rousseau  et  à  Bernardin  de  Satnt-Pierre. 
Il  ne  vécut  plus  qu'avec  les  petits,  les  enseignant  <,  ou 
plut()t  recevant  lui-nnérae  renseignement  de  osa  inno- 
cents ^.  Avec  eux,  il  apprenait  la  siraplirâté,  désapprenait 
la  scolastique.  On  inscrivit  eur  sa  tembe  :  «  Sursum 
corda  ^.  » 

Le  résultat  du  concile  de  Constance  était  un  revers  pour 

i  Lire  son  traité  De  paimlis  ad  ChrtBUm  trttiaiié^ 

*  Il  Goni[mii  sar  iMir  rntsroenioD,  et  les  rëaait  «acofe  la  v«<1le  de  n 

mon,  pour  lesr  reeoonnftader  de  dire  dans'leare  pHèm  :  •  Seigneur. 

«ycz  pitié  de  vsUepaarre  secvitsur'leao  Gcftsa.-*  *  i4)ip*>  '^7. 


DEUX  ROIS  DE  FRANCE,  CHARLES  VU  ET  HENRI  VI.   2o9 

la  France,  une  défaite,  et  plus  grande  qu'on  ne  peut  dire, 
une  bataille  d'Azioeourt.  Af^ès  avoir  eu  si  longtegaps  un 
pape  à  elle,  une  sorte  de  patriarche  français,  par  lequel 
elle  agissait  encore  sur  ses  alliés  d'Ecosse  et  d'Espagne^ 
elle  allait  voir  Tunité  de  r£gHse  rétablie  en  apparence» 
rétablie  contre  elle  au  profit  de  ses  ennemis;  ce  pape 
italien,  citent  du  parti  anglo-allemand,  n'allait-il  pas  en* 
trcr  dahs  les  affaii*es  de  France,  y  dicter  les  ordres  de 
l'étranger? 

L'Angleterre  avait  vaincu  par  la  politique ,  aussi  bien 
que  par  les  armes.  Elle  avait  eu  grande  part  à  Télection  de 
Martin  V  ;  elle  tenait  entre  les  mains  son  prédécesseur^ 
Jean  XXUl,  sous  la  garde  du  cardinal  de  Winchester,  on- 
cle d'Henri  V.  Henri  pouvait  exiger  du  pape  tout  ce  qu'il 
croirait  nécessaire  à  l'accomplissement  de  ses  projets  sur 
la  France,  Naples,  les  Pays  Bas,  l'Allemagne,  la  Terre- 
Sainte. 

Dans  cette  suprême  grandeur  où  l'Angleterre  semblait 
arrivée,  il'  y  avait  bien  pourtant  un  sujet  d'inquiétude. 
Cette  grandeur,  ne  l'oublions  pas,  elle  la  devait  principa- 
lement à  letroite  alliance  de  1  épiscopat et  de  la  royauté 
sous  la  maison  de  Lancastre  :  ces  deux  puissances  s'étaient 
accordées  pour  réformer  l'Église  et  conquérir  la  France 
schismatique.  Or,  au  moment  de  la  réforme,  l'épicopat 
anglais  n'avait  que  trop  lais^  voir  combien  peu  .11  s'en 
souciait  ;  d'antre  part,  la  conquête  de  la  France  à  peine 
commencée,  la  bonne  intelligence  des  deux  alliés,  épisco- 
pat et  royauté,  était  déjà  compromise. 

Depuis  un  siècle,  l'Angleterre  accusait  la  France  de  no 
vouloir  aucune  réforme,  de  perpétuer  le  schisme.  Elle  en 
parlait  à  son  aise,  elle  qui,  par  son  statut  des  Proviseurs, 
avait  de  bonne  heure  annulé  l'influence  papale  dans  les 
élections  ecclésiastiques.  Séparée  du  pape  sous  ce  rapport, 
elle  avait  beau  j/;u  de  reprocher  le  schisme  aux  Français. 
La  France,  soumise  au  pape,  voulait  un  pape  français  ù 


260  CO:<ÎCfLE  DE  CONSTANCE. 

Avignon;  TÂngletcrre,  indépendante  du  pape  dans  la 
question  essentielle,  voulait  un  pape  universel,  et  ellelai- 
mait  mieux  à  Rome  que  partout  ailleurs.  Dès  qu'il  n'y  eut 
plus  de  pape  français,  les  Anglais  ne  s'inquiétèrent  plus  de 
réformer  le  pontificat  ni  l'Église. 

Les  Anglais  avaient  donné  leur  victoire  pour  la  yictoire 
de  Dieu;  leur  roi,  sur  les  premières  monnaies  qu'il  fit 
frapper  en  France,  avait  mis  :  «  Christus  régnât,  Christus 
vincit,  Christus  impcrat.  »  Il  eut  beaucoup  d'égards  et  de 
ménagements  pour  les  prêtres  français;  il  entendait  son 
intérêt;  ces  prêtres,  qui'  étaient  prêtres  bien  plus  que 
Français,  devaient  s'attacher  aisément  à  un  prince  qui 
respectait  leur  robe.  Mais  ce  n'était  pas  l'intérêt  des  lords 
évêques  qui  suivaient  le  roi  comme  conseillers,  comme 
créanciers  ;  ils  devaient  trouver  avantage  à  ce  que  la  fuite 
des  ecclésiastique»  français  laissât  un  grand  nombre  de 
bénéfices  vacants  qu'on  pût  administrer,  ou  même  pren- 
dre, donner  à  d'autres.  C'est  ce  qui  explique  peut-être  la 
dureté  que  ce  conseil  anglais,  presque  tout  ecclésiastique, 
montra  pour  les  pivtres  qu'on  trouvait  <lans  les  places  as- 
siégées. Dans  la  capitulation  de  Rouen,  dressée  et  négo- 
ciée par  l'archevêque  de  Cantorbéry,  le  fameux  chanoine 
de  Livet  fut  excepté  de  l'amnistie;  il  fut  envoyé  en  Angle- 
terre ;  s'il  ne  périt  pas,  c'est  qu'il  était  riche,  et  qa'il  com- 
posa pour  sa  vie.  Les  moines  étaient  traités  plus  durement 
encore  que  les  prêtres.  Lorsque  Melun  se  rendit,  on  en 
trouva  deux  dans  la  garnison,  et  ils  furent  tués.  A  la  prise 
de  Meaux,  trois  religieux  de  Saint-Denis  ne  furent  sauvés 
qu'à  grand'peine  pnr  les  réclamations  de  leur  abbé;  mats 
le  femeux  évêque  (lauchon,  Tftme  damnée  du  cardinal 
Winchester,  les  jtta  dans  d'aflreux  cachots  *. 

Cela  devait  effrayer  les  bénéflciers  absents.  L'évéque  de 
Paris,  Jean  Courtecuisse,  n'osait  revenir  dans  son  évéché; 


DEUX  ROIS  DE  FRANCE,  CaAitLES  VII   ET  HENRI  VI.      â6t 

ces  absences  laissaient  nombre  de  bénéfices  à  la  discrétion 
des  lords  évéques,  bien  des  fruits  à  percevoir.  Le  roi;  qui 
sans  doute  aurait  mieux  aimé  que  les  absents  revinssent  et 
se  ralliassent  à  lui,  ne  se  lassait  pas  de  les  rappeler,  avec 
menaces  de  disposer  de  leurs  bénélices  ;  mais  ils  n'avaient 
garde  de  revenir.  Les  bénéfices  étant*  alors  considérés 
comme  vacants,  les  évéques  en  disposaient  pour  leurs 
créatures  ;  cela  faisait  deux  titulaires  pour  chaque  béné- 
fice. Après  avoir  tant  accusé  la  France  de  perpétuer  le 
schisme  pontifical,  la  conquête  anglaise  créait  peu  à  peu 
un  schisme  dans  le  clergé  français. 

€es  grandes  et  lucratives  affaires  expliquent  seules 
pourquoi,  dans  toutes  les  expéditions  d'Henri  V,  nous 
voyons  les  grands  dignitaires  de  TÉglise  d'Angleterre  ne 
plus  quitter  son  camp,  le  suivre  pas  à  pas.  Us  semblent 
avoir  oublié  leur  troupeau  :  les  âmes  insulaires  deviennent 
ce  qu'elles  peuvent;  les  pasteurs  anglais  sont  trop  préoc-* 
cupés  de  sauver  celles  du  continent.  Nous  ne  voyons  en- 
core au  siège  d'Harfleur  que  l'évéque  de  Norwich  comme 
principal  conseiller  d'Henri.  Mais  après  la  bataille  d'Âzin* 
court»  le  roi,  pressé  de  revenir  en  France,  se  remet  entre 
les  mains  des  évéques  ;  il  charge  les  deux  chefs  de  Fépisco- 
pat,  l'archevêque  de  Cantorbéry  et  le  cardinal  de  Win- 
chester, de  percevoir,  au  nom  de  la  couronne,  les  droits 
féodaux  de  gardes^  mariages  et  forfaitures  pour  notre  pro-* 
cham  passage  de  mer  ^.  il  fallait,  avant  même  de  commen- 
cer une  autre  expédition,  mettre  Uarfleur  en  état  de  dé- 
fense; le  roi,  parfaitement  instruit  des  affaires  de  France, 
ne  doutait  pas  qu'Armagnac  n'essayât  de  lui  arracher  cet 
inappréciable  résultat  de  la  dernière  campagne.  Les 
évéques,  qui  seuls  avaient  de  l'argent  toujours  prêt,  firent 
évidemment  les  avances,  et  se  firent  assigner  en  garantie  le 
produit  de  ces  droits  lucratifs. 

•  App.,  219. 


S6t  •  amau  ns  coxstaiicb. 

Le  cardinal  Winchester,  onde  d'Henri  V,  devint  peu  à 
peu  rhomnie  le  plus  riche  de  l'Angleterre  et  peut-être  da 
monde.  Nous  le  voyons  plus  tard  faire  à  la  Couronne  des 
prêts  tels  qu'aucun  roi  n'eût  pu  les  faire  alors;  des  vingt 
mille,  cinquante  mille  livres  sterling  à  la  fois  ^.  Quelques 
amiées  s^irès  la  m&ri  d'Henri,  il  se  trouva  un  moment  le 
vrai  roi  de  la  France  et  de  l'Angleterre  (4  43(M431).  Henri, 
de  son  vivant  même,  lui  reprocha  publiquement  d'usurper 
les  droits  de  la  royauté  ^  ;  il  croyait  même  que  Winches- 
ter souhaitait  impatiemment  sa  mort,  et  qu'il  eût  voubila 
hâter. 

Use  trompait  peut-être;  mais  ce  qui  est  sûr,  c'est  que 
les  deux  royautés,  la  royauté  militaire  et  la  royauté  épis- 
«opale  et  financière,  avaient  pu  commencer  ensemble  la 
conquête,  mais  qu  elles  n'auraient  pu  posséder  ensemble, 
qu'elles  ne  pouvaient  tarder  à  se  brouiller.  Au  moment  de 
ce  grand  effort  du  siège  de  Rouen,  le  roi,  ayant  besoin 
d'argent,  se  hasarda  à  parler  de  réformer  les  moeurs  éà 
clergé  ^.  Les  évoques  lui  accordèrent  une  aide  pour  la 
guerre,  mais  ce  ne  fut  pas  gratis  ;  ils  se  firent  livrer  en  re* 
tour  plusieurs  hérétiques. 

En  H20,  sous  prétexte  d'invasion  imminente  des  Écos- 
sais, il  obtint  une  demi-décime  du  clergé  du  nord  de 
l*Anglètefre,  et  chargea  rarohevéque  d'Tork  de  lever  cet 
impdt  K  C'était  la  terrible  année  du  traité  de  Ti-oyes,  il 
n'avait  pas  à  espérer  de  rien  tirer  de  la  France,  d'un  pays 
ruiné,  à  qui  cette  année  même  on  prenait  son  dernier 
bien,  l'indépendance  et  la  vie  nationale.  Au  contraire,  il 
essaya  de  rattacher  étrottementhi  Normandie  et  la  Guyenne 
a  rAngicterre,  d'une  part;  en  exemptant  de  certains  droits 
les  ecclésiastiques  normands  ;  de  l'autre,  en  diminuant  les 

1  V.  rdniimëration  détaillée  de  ces  prèls,  dans  Turawr. 
*  Henri  lui  reprochait,  entre  autres  félonies,  de  contreraire  la  mooiuta 
royale.  App.,  220. 
«  ïurner.  —  *  Rymer,  27  octobre  1420. 


DELX  ROIS  DE  FRANCE,   CHARLES  Vtl  ET  HENRI  VI.      26S 

droits  que  payaient  en  Angleterre  les  marchands  de  Tins 
de  Bordeaox  ^. 

Mais  en  1 4^4 ,  il  fallut  de  l'argent  à  tout  prix.  Charles  VII 
occupait  Bfeaux  et  assiégeait  Chartres.  Les  Anglais  avaient 
mis  toute  la  campagne  précédente  à  prendre  MeUin. 
àienri  V  fut  obligé  de  pressurer  les  deux  royaumes,  et 
l'Angleterre,  mécontente  et  grondante,  tout  étonnée  de 
payer,  lorsqu'elle  attendait  des  tributs,  et  la  malheureuse 
France,  un  cadavre,  un  squelette,  dont  on  ne  pouvait 
8ttoer  le  sang,  mais  tout  au  plus  ronger  les  os.  Le  roi  mé^ 
nagea  Torguctl  anglais  en  appelant  Timpi^t  un  emprunt; 
emprunt  volontain,  mais  qui  fut  levé  violemment,  brus- 
quement ;  dans  chaque  comté,  il  avait  désigné  quelques 
personnes  riches  qui  répondaient  et  payaient,  sauf  à  lever 
1  argent  sur  les  autres,  en  s*arrangeant  t;omme  ils  pour^ 
raient  :  les  noms  de  ceux  qui  auraient  refusé  devaient  être 
envoyés  au  m  ^. 

La  Normandie  ftifr  ménagée,  quant  aux  formes,  presque 
autant  que  l'Angleterre.  Le  roi  convoqua  les  trois  États  de 
Normandie  à  Rouen,  pour  leur  exposer  ce  qu'il  voulait  faire 
pour  l'avantage  général.  Ce  qu1l  voulait  d'abord,  c'était 
de  recevoir  du  clergé  une  décime.  Eti  récompense,  il  li- 
mitait le  pouvoir  militaire  des  capitaines  des  villes  3,  ré* 
primait  les  excès  des  soldats.  Le  droit  de  prise  ne  devait 
plus  être  exercé  en  Normandie,  etc. 

L'emprunt  anglais,  la  décime  normande,  ne  suffisaient 
pas  pour  solder  cette  grosse  armée  de  quatre  mille  hom- 
mes d'armes  et  de  plusieurs  milliers  d'archers  qu'il  ame- 
nait d'Angleterre.  Il  fallut  prendre  une  mesure  qui  frappftt 
toute  la  France  anglaise  ;  le  coup  ftit  surtout  terrible  à  Pa- 
ris. Henri  V  lit  faire  une  monnaie  forte,  d'un  titre  double 

1  Rymer,  22  jaiiaarii,  22  mart.  1420. 

•  Rympr,  21  april.  1421. 

'  Un  ehfTaher  est  chargé  de  faire  une  enquête  à  ce  snjet.  (Hymer» 

:>  mai  1421.) 


26i  GONCILB  DE  GONSTANCB. 

OU  triple  de  la  faible  monnaie  qui  courait  ;  il  déclara  qa*il 
n'en  recevrait  plus  d'autre  ;  c'était  doubler  ou  tripler  Tim- 
p6t.  La  chose  fut  plus  funeste  encore  au  peuple  qu*utile  au 
trésor  ;  les  transactions  particulières  furent  étrangement 
troublées  ;  il  fallut  pendant  toute  Tannée  des  règlements 
Yexatoires  pour  interpréter,  modifier  celte  grande  vexa- 
tion *.  .  .  ^ 

La  lourde  et  dévorante  armée  que  ramenait  Benri  ne  lui 
était  que  trop  nécessaire.  Son  frère  Clarence  venait  d'être 
battu  et  tué  avec  deux  ou  trois  mille  Anglais  en  Anjou 
(bataille  de  Baugé^  25  mars  4421).  Dans  le  Nord  même,  le 
comte  d'Harcourt  avait  pris  les  armes  contre  les  Anglais 
et  courait  la  Picardie.  Saintrailles  et  la  Hire  venaient  à 
grandes  journées  lui  donner  la  main.  Tous  les  gentils- 
hommes passaient  peu  à  peu  du  côté  de  Charles  VII  ^,  du 
parti  qui  «faisait  les  expéditions  hardies,  les  courses  aven- 
tureuses. Les  paysans,  il  est  vrai,  souffrant  de  ces  courses 
et  de  ces  pillages,  devaient  à  la.  longne  se  rallier  à  un 
maître  qui  saurait  les  protéger  3. 

La  férocité  des  vieux  pillards  armagnacs  servait 
Henri  V.  Il  fit  une  chose  populaire  en  assiégeant  la  ville 
deMeaux,  dont  le  capitaine,  une  espèce  d*ogre  ^,  le  bâtard 
de  Vaurus,  avait  jeté  dans  les  campagnes  une  indicible  ter- 
reur. Mais  comme  le  bâtard  et  ses  gens  n'attendaient  au- 
cune merci,  ils  se  défendirept  en  désespérés.  Du  haut  des 
murs,  ils  vomissaient  toute  sorte  d'outrages  contre  Henri  Y, 
qui  était  là  en  personne;  ils  y  avaient  fait  monter  un  àne, 
qu'ils  couronnaient  et  btittajent  tour  à  tour  ;  c>était,  dit* 
saientwls,  le  roi  d'Angleterre  qu'ils  avaient  fait  prison- 
nier. Ces  brigands  servirent  admirablement  la  France, 

*  Ordonnances,  X!. 

*  Journal  du  Eiourgeois.  —  Monstrelet. 
»  Jpp..  22i. 

*  Tout  le  monde  a  la  eette  terrible  histoire  populaire  de  la  paorn 
femme  enceinte  qu'un  den  Vaarus  flt  lier  à  un  arbre,  qui  accoucha  la 
jiuit  et  fat  mangée  des  loups.  (Journal  du  Bourgeois.) 


DEUX  ROIS  DE  FRANCS,   CHARLES  VII  ET  HENRI  VI.      365 

dont  pourtant  Us  ne  se  souciaient  guère.  Ils  tinrent  les 
Anglais  devant  Meaux  tout  Thiver,  huit  grands  mois;  la 
belle  armée  se  consuma  parle  froid,  la  misère  et  la  peste. 
Le  siège  ouvrit  le  6  octobre  ;  le  18  décembre,  Henri,  qui 
voyait  déjà  cette  armée  diminuer,  écrivait  en  Allemagne, 
en  Portugal,  pour  en  tirer  au  plus  tôt  des  soldats.  Les  An- 
glais  probablement  lult^oûtaient  plus  cher  que  ces  étran- 
gers. Pour  décider  les  mercenaires  allemands  à  se  louer  à 
lui  plutôt  qu*au  dauphin,  il  leur  faisait  dire  entre  autres 
choses  qu1l  les  payerait  etï  meilleure  monnaie  *. 

11  n'avait  pas  à  compter  sxiv  le  duc  de  Bourgogne.  Il  vînt 
un  moment  au  siège  de  Meaux,  mais  s'éloigna  bientôt  sous 
prétexte  d'aller  en  Bourgogne  pour  obliger  les  villes  de 
son  duché  à  accepter  le  traité  de  Troyes.  Henri  avait  bien 
lieu  de  croire  que  le  duc  lui-même  avait  sous  main  pro- 
voqué cette  résistance  à  un  traité  qui  annulait  les  droits 
éventuels  de  là  maison  de  Bourgogne  à  la  couronne,  aussi 
bien  que  ceux  du  dauphin,  du  duc  d'Orléans  et  de  tous  les 
princes  français.  Et  pourquoi  le  jeune  Philippe  avait-il 
fait  un  tel  sacrifice  à  l'amitié  des  Anglais  ?  Parce  qu'il 
croyait  avoir  besoin  d'eux  pour  venger  son  père  et  battre 
son  ennemi.  Mais  c'étaient  eux,  bien  plutôt,  qui  avaient 
besoin  de  lui.  Le  bonheur  les  avait  quittés.  Pendant  que 
le  duc  de  Clarence  se  faisait  battre  en  Anjou,  le  duc  de 
Bourgogne  avait  eu  en  Picardie  un  brillant  succès  ;  il 
avait  joint  les  Dauphinois,  Saintrailles  et  Gamaches,  avant 
qu'ils  eussent  pu  se  réunir  à  d'Harcourt,  et  les  avait  défaits 
et  pris. 

La  malveillance  réciproque  des  Anghaîs  et  des  Bourgui- 
gnons datait  de  loin.  De  bonçe  heure,  ceux-ci  avaient 
souffert  de  l'insolence  de  leurs  alliés.  Dès  1416,  le  duc  de 
Glocester  se  trouvant  comme  otage  chez  le  duc  de  Bour- 
gogne Jean  sans  Peur,  le  fils  de  celui-ci,  alors  comte  de 

•  Rymer. 


\ 
\ 

\ 


266  .  GONCILB  DB  C0R5TANCB. 

Charolaîs,  vint  faire  visite  à  Glocester;  celui-ci,  qui  par^ 
lait  ea  ce  moment  à  des  Anglais,  ne  se  dérangea  point  à 
Tarrivée  du  prince,  et  lui  dit  simplement  bonjour  sans 
même  se  tourner  vers  lui  ^  Plus  tard,  dans  une  alterca- 
tion entre  le  maréchal  d'Angleterre  Cornwall  et  le  brave 
capitaine  Bourguignon  Hector  de  S^aveuse,  le  général 
anglais,  qui  était  à  la  tête  d^une  fojrte  troupe,  ne  craignit 
pas  de  frapper  le  capitaine  de  son  gantelet.  Une  telle  chose 
laisse  des  haines  profondes»  Les  Bourguignons  ne  les  ca- 
chaient point. 

L'homme  le  plus  compromis  peut-être  du  parti  bour- 
guignon  était  le  sire  de  l'Ile-Adam,  celui  qui  avait  repris 
Paris  et  laissé  faire  les  massacres.  Il  croyait  du  moins 
que  son  maître  le  duc  dé  Bourgogne  en  profiterait,  mais 
celui-ci,  comme  on  Ta  vu,  livra  Paris  à  Henri  Y.  L*IIe- 
Adam  avait  peine  à  cacher  sa  mauvaise  humeur.  Un 
jour,  il  se  présente  au  roi  d'Angleterre  vêtu  d'une  grosse 
cotte  grise.  Le  roi  ne  passa  point  cela  :  «  L'Ile- Adam,  lai 
dit-il,  est-ce  là  la  robe  d'un  maréchal  de  France?  » 
L'autre ,  au  lieu  de  s'excuser,  répliqua  qu'il  l'avait  Eût 
faire  tout  exprès  pour  venir  par  les  bateaux  de  la  Seine. 
Et  il  regardait  le  roi  fixement.  »  Comment  donc,  dit  l'An- 
glais avec  hauteur,  osez  vous  bien  regarder  un  prince  au 
visage,  quand  vous  lui  parlez!  —  Sire,  dit  le  Bourguignon, 
c'est  notre  coutume  à  nous  autres  Français  ;  quand  un 
homme  parle  à  un  autre,  de  quelque  rang  qu'il  soit,  les 
yeux  baissés,  on  dit  qu'il  n'est  pas  prud'homme,  puisqu'il 
nose  regarder  en  face.  —  Ce  n'est  pas  l'usage  d'Angle- 
terre, »  dit  sèchement  le  roi.  Mai^  il  se  tint  pour  averti;  * 
un  homme  qui  pariait  si  ferme,  avait  bien  l'air  de  ne  pas' 
rester  longtemps  du  c6té' anglais .  L'Ile- Adam  avait  piisj 
une  fois  Paris,  peut-être  aurait-il  essayé  de  le  reprendre,i 
en  cas  d'une  rupture  d'Henri  avec  le  duc  de  Bourgogne.! 

1  Monstrelet. 


DBdX  ROIS  DE  FR4NCS,  CHAXIUS  Vil  ET  HENRI  VI.      i&ï 

Peu  après,  sous  ua  prétexte,  le  duc  d'Bxeter,  capitaine  de 
Paris,  mit  la  main  sur  le  Bourguignon  et  le  traîna  à  la 
Bastille.  Le  petit  peuple  s'assembla,  cria  et  fit  mine  de  le 
défendre.  Les  Anglais  firent  une  charge  meurtrière  « 
comme  sur  une  année  ennemie  ^. 

Henri  V  voulait  faire  tuer  rile-Adam,  mais  le  duc  ae 
Bourgogne  intercéda.  Ce  qui  (ut  tué,  et  à  n*en  jamais  re** 
venir,  ce  fut  le  parti  anglais  dans  Paris* 

Le  changement  est  sensible  dans  le  Journal  dut  Bour^ 
gejis.  Le  sentiment  national  se  réveille  en  lui,  il  se  réjouit 
d'une  défaite  des  Anglais^  ;  il  oomaience  à  s*atteûdrir  sur 
le  sort  des  Armagnacs  qui  apurent  sans  confession^. 

Le  roi  d'Angleterre,  prévoyant  sans  doute  une  ropture 
avec  le  duc  de  Bourgogne,  sembla  avoir  voulu  prendre 
des  postes  contre  lui  dans  les  Pays-Bas.  Il  traita  avec  le 
roi  des  Romains  pour  l'acquisition  du  Luxembourg,  puis 
chercha  à  conclure  uœ  étroite  alliaoce  avec  Liège  ^.  On 
se  rappelle  que  c'est  justement  par  la  même  acquisition  et 
la  même  alliance  que  la  maison  d'Orléans  se  fit  une  enne* 
mie  irréconciliable  de  celle  de  Bourgogne* 

Agir  ainsi  contre  un  allié  qui  avait  été  si  utile ,  se  pré- 
parer une  guerre  au  nord  quand  on  ne  pouvait  venir  à 
bout  de  celle  du  midi,  c'était  une  étrange  imprudence. 
Quelles  étaient  donc  les  ressources  du  roi  dMngleierre  ? 

D'après  son  budget,  tel  qu'il  fut  dressé  en  4421  par 
Tarchevôque  de  Cantorbéry,  le  cardinal  Winchester  et 
deux  autres  évéques^  son  revenu  n  était  que  de  cinquante- 
trois  mille  livres  sterling ,  ses  dépenses  courantes  de  cin-* 
quante  mille  (vingt  et  un  mille  seulement  pour  Calais  et  la 

<  App-,  229. 

*  •  Le  peuple  les  aroit  en  trop  mortelle  haine  les  nns  ti  les  aAlres.  • 
Journal  du  Bourgeois. 

«  Fut  faite  g rant  fesle  k  Paris...  •  Mieux  on  dust  avoir  pleuré... 
QduI  dommaige  et  quel  pitié  par  toate  diue^Uenié..*  •  Journal  d« 
Bourgeois. 

'  H}  mer.  17  jul.  1421  ;  6  a'  ùt  U2i, 


268  CONCILE  UK  CONSTANCE. 

marche  voisine').  Il  y  avait  un  excédant  apparent  de  trois 
mille  livres.  Mais,  sur  cette  petite  somme,  il  fallait  qu'il 
pourvût  au.x  dépenses  de  Tartillerie,  des  fortifications  et 
constructions,  des  ambassades,  de  la  garde  des  prison- 
niers, à  celles  de  sa  maison,  etc.,  etc.  Dans  ce  compte,  il 
n*y  avait  rien  *  pour  servir  les  intérêts  des  vieilles  dettes 
d'Harfleur,  de  Calais,  etc.,  qui  allaient  s'accroissant. 

La  situation  d'Henri  Y  devenait  ainsi  fort  triste.  Ce  con- 
quérant, £e  dominateur  de  l'Europe,  allait  se  trouver  peu 
à  peu  sous  la  domination  la  plus  humiliante,  celle  de  ses 
créanciers.  D'une  part,  il  traînait  après  lui  ce  pesant 
conseil  de  lords  évèques,  qui  ne  pouvait  manquer  de 
devenir  chaque  jour  et  plus  nécessaire  et  plus  impérieux; 
d'autre  part,  les  hommes  d'armes,  les  capitaines,  qui  lui 
avaient  engagé,  amené  des  soldats,  devaient  sans  cesse 
réclamer  l'arriéré  ^. 

Henri  V  avait  trouvé  au  fond  de  sa  victoire  la  détresse 
et  la  misère.  L'Angleterre  rencontrait  dans  son  action  sur 
l'Europe,  au  xv«  siècle,  le  môme  obstacle  que  la  France 
avait  trouvé  au  X(v®.  La  France  aussi  avait  alors  étendu 
vigoureusement  les  bras  au  nfiidi  et  au  nord,  vers  l'Italie, 
TEmpIre,  les  Pays-Bas.  La  force  lui  avait  manqué  dans 
ce  grand  effort,  les  bras  lui  étaient  retombés ,  et  elle 
était  restée  dans  cet  état  de  langueur  oii  la  surprit  la 
conquête  anglaise. 

Les  Anglais  s'étaient  figuré,  en  faisant  la  guerre,  que  la 
France  pouvait  la  payer.  Ils  trouvèrent  le  pays  déjà  désolé. 
Depuis  quinze  ans,  les  misères  avaient  crû,  les  ruines 
étaient  ruinées.  Ils  tirèrent  si  peu  des  pays  conquis  que, 
pour  n'y  pas  périr  eux-mêmes ,  il  fallait  qu'ils  appor- 

*  •  Et  nondam  proyisum  est,  etc.  »  Rymer. 

*  Ces  réclamations  farerH  si  vives  à  la  mort  d*Henn  V,  que  le  eonsdl 
de  régence  fat  obligé  de  leur  assigner  en  payement  le  iiert  et  U  tiert  da 
tiers  de  tout  ce  que  le  roi  avait  pu  gagner  personoellement  i  la  guerre, 
bulin,  prisonniers, «te.  (Statutes  of  theAealm.) 


DEUX  ROIS  DE  FRANCE.  CHARLES  VU  ET  HENRI  YI.   369 

fassent.  Où  prendre  donc?  Nous  Tavons  dit,  TÉglise  seule 
alors  était 'riche.  Mais  comment  la  maison  de  Lancastre, 
qui  s*était  élevée  à  l'ombre  de  TËglise,  et  en  lui  livrant  ses 
ennemis,  comment  eût-elle  repris ,  contre  TËglise,  le  rôle 
de  ces  ennemis  même,  celui  des  niveleurs  hérétiques 
qu'elle  avait  livrés  aux  bûchers  ? 

L'Angleterre  avait  reproché  à  Ja  France,  pendant  un 
siècle,  d*exploitqrl'£glise,  de  détourner  les  biens  ecclésias- 
tiques à  des  usages  profanes  ;  elle  s'était  chargée  de  mettre 
fin  à  un  tel  scandale,  TËglise  et  la  royauté  anglaises 
s'étaient  unies  pour  cette  œuvre,  et  elles  avaient  en  eifet 
écrasé  la  France...  Cela  fait,  où  en  étaient  les  vainqueurs? 
au  point  où  ils  avaient  trouvé  les  vaincus,  dans  les  mêmes 
nécessités  dont  ils  leur  avaient  fait  un  crime;  mais  ils 
avaient  de  plus  la  honte  de  la  contradiction.  Si  le  roi  des 
prêtres  ne  touchait  au  bien  des  prêtres,  il  était  perdu. 
Ainsi  commençait  à  apparaître  tel  qu'il  était  enr  réalité, 
faible  et  ruineux,  ce  colossal  édifice  dont  le  pharisaïsme 
anglican  avait  cru  sceller  les  fondements  du  sang  des 
lollards  anglais  et  des  Français  schismatiques. 

Henri  V  ne  voyait  que  trop  clairement  tout  cela  ;  il  n'es- 
pérait plus.  Rouen  lui  avait  coûté  une  année,  Melun  une 
année,  Meaux  une  année.  Pendant  cet  intern^nable  siège 
de  MeauX;  lorsqu'il  voyait  sa  belle  armée  fondre  autour 
de  lui,  on  vint  lui  apprendre  que  la  reine  avait  mis  au 
monde  un  fils  au  château  de  Windsor  :  il  n'en  montra 
aucune  joie,  et,  comparant  sa  destinée  à  celle  de  cet  en- 
fant, il  dit  avec  une  tristesse  prophétique  :  «  Henri  de  Mou* 
mouth  aura  régné  peu  et  conquis  beaucoup;  Henri  de 
Windsor  régnera  longtemps  et  il  perdra  tout.  La  volonté 
de  Dieu  soit  faite  I  » 

On  conte  qu'au  milieu  de  ces  sombres  prévisions,  un 
ermite  vint  le  trouver  et  lui  dit  :  «  Notre-Seigncur,  qui  ne 
veut  pas  votre  perte,  m'a  envoyé  un  saint  homme,  et  voici 
ce  que^e  saint  homme  a  dit  :  «  Dieu  ordonne  que  vous 


970  CONCILE  DK  C0N8TANG8. 

VOUS  désistiez  de  tourmenter  son  chrétieB  peuple  de 
France  ;  sinon,  vous  avez  peu  à  vivre  ^  > 

Henri  V  était  jeune  encore;  mais  il  avait  beaucoup  tta- 
vaille  en  ce  monde,  le  temps  était  venu  du  repos.  U  n*ea 
avait  pas  eu  depuis  sa  naissance.  11  fut  pris  après  sa  cam- 
pagne d'hiver  d'une  vive  irritation  d'entraiUes,  mal  fort 
commun  alors,  et  qu'on  appelait  le  feu  Saint-Antoioe.  La 
dysenterie  le  saisit*.  Cependant  le  duc  de  Bourgogne  lui 
ayaat  demandé  secours  pour  une  bataille  qu'il  allait  livrer, 
H  craignit  que  lefeane  prince  français  ne  vainquit  encore 
une  fois  tout  seul,  et  îl  répandit  :  «  Je  n'enverrai  pas, 
j'irai.  »  U  était  déjà  très'-faible,  et  ae. faisait  porter  en  li- 
tière :  mais  il  ne  put  aller  plus  loin  que  Melun  ;  il  Oailut  le 
rapporter  à  Vtncennes.  Instruit  par  les  mé()ecins  da  aa  lia 
prochaine,  il  recommanda  son  fils  à  aes  frères,  et  leur  dit 
deux  sages  paroles  :  premièrement,  de  ménager  le  duc  de 
Bourgogne  ;  deuxièmement,  si  Ton  traitait,  de  s'arrangea 
toujours  pour  garder  la  Normandie. 

Puis  il  se  fit  lire  les  psaumes-  de  la  pénitence  ;  et  quand 
on  en  vint  aux  paroles  du  Misei'ûre  :  t  Ut  œdifio^iUur  mûri 
Hierusaiem,  >  le  génie  guerrier  du  mourant  se  réveilla 
dans  sa  piété  même  :  c  Ah  1  si  Dieu  m'avait  laissé  vivre 
mon  âge,  dit-il,  et  finir  la  guerre  de  France,  c'est  moi  qui 
aurais  conquis  la  Terre-Sainte^  1  • 

U  semble  qu'à  ce  moment  suprême  il  ait  éprouvé  quel- 
que doute  sur  la  légitimité  de  sa  conquête  de  France, 
quelque  besoin  de  se  rassurer.  On  en  jugerait  volontiers 
ainsi,  d'après  les  paroles  qu'il  ajouta  comme  pour  répon- 
dre à  une  objection  intérieure  :  «  Ce  n'est  pas  l'ambition 
ni  la  vaine  gloire  du  monde  qui  m'ont  fait  combattre.  Ma 
guerre  a  été  approuvée  des  saints  prêtres  et  des  pru- 
d'honmies;  en  la  fatsant,  je  n'ai  point  mis  mon  4me  en 
péril.  Peu  après  il  expira  (34  août  U2â). 

*  Ch<astellain.  »  *  f >e  parti  ennemi  pubKa  qaH  était  mort  mio^ 
des  poux.  — -  •  il|ip.,  sat. 


DEUX  ROIS  DE  FRANCE,   CHARLES  VII  ET  HENRI  VI.      271 

L'Angleterre,  dont  îl  avait  exprimé  l'opinion  en  mou- 
rant, lui  rendit  môme  témoignage.  Son  corps  fut  porté  à 
Westminster,  parpni  un  deuil  incroyable,  non  comme  celui 
d*un  roi,  d*uQ  triomphateur,  mais  comme  les  reliques  d'un 
sainte 

Il  était  mort  le  3\  août  ;  Charles  VI  le  suivit  le  SI  octo- 
bre*. Le  peuple  de  Paris  pleura  son  pauvre  roi  fol,  autant 
que  les  Anglais  leur  victorieux  Henri  V.  «  Tout  le  peuple 
qui  étoit  dans  les  rues  et  aux  fenêtres  pleuroit  et  crîoît, 
comme  si  chacun  eût  vu  mourir  ce  qu'il  aimoit  le  plus. 
Vraiment  leurs  lamentations  étoient  comme  celles  du  pro- 
phète :  Quomodo  sedet  sola  cîvîtas  plena  populo?  » 

«  Le  menu  commun  de  Paris  criait  :  Ah  !  très-cher 
prince,  jamais  nous  n'en  aurons  un  si  bon!  Jamais  nous  ne 
te  verrons.  Maudite  soit  la  mort  !  Nous  n'aurons  jamais 
plus  que  guerre,  puisque  tu  nous  as  laissés.  Tu  vas  en 
repos;  nous  demeurons  en  tribulation  et  douleur*.  » 

Charles  VI  fut  porté  à  Saint-Denis,  a  petitement  accom- 
pagné pour  un  roi  de  France  ;  il  n*avoit  que  son  chambel- 
lan, son  chancelier,  son  confesseur  et  quelques  menus 
officiers.  »  Un  seul  prince  suivait  le  convoi,  et  c'était  le 
duc  de  Bedford.  «  Hélas!  son  fils  et  ses  parens  ne  pou- 
voient  être  à  l'accompagner,  de  quoi  îls  estoicnt  légitime^ 
ment  excusez  *.  »  Cette  belle  famille  était  presque  éteinte  ; 
les  trois  fils  aînés  étaient  morts.  Des  filles,  Talnée  avait 
épousé  l'infortuné  Richard  II,  puis  le  duc  d'Orléans,  pri- 
sonnier toute  sa  vie;  la  seconde,  femme  du  duc  de  Bour- 
gogne, mourut  de  chagrin  ;  la  troisième  avait  été  con- 
trainte d'épouser  l'ennemi  de  fa  France.  Le  seul  qui  restât 
des  fils  de  Charles  VI  était  proscrit,  déshérité. 

*  •  Comaa  s'ils  fuiseot  acertenez  qu'il  fnst  ou  soit  saint  en  paradis.  • 
MoBsIrelet. 

*  «  Après  le  quatrième  oa  cinquième  accès  de  fièvre  quarte.  •  At- 
ehites,  Hegitlret  du  Parlimeni. 

*  Journal  da  Boargeois.  —  4  JaTéoaL 


272  CONCILE  DE  CONSTANCE. 

« 

Lorsque  le  corps  fut  descendu,  les  huissiers  d'armes 
rompirent  leurs  verges  et  les  jetèrent  dans  la  fosse,  et  ils 
renversèrent  leurs  masses.  Alors  Berri,  roi  d'armes  de 
France,  cria  sur  la  fosse  :  t  Dieu  veuille  avoir  pitié  de 
Tàme  de  très-haut  et  très-excellent  prince  Charles,  roi  de 
France,  sixième  du  nom,  notre  naturel  et  souverain  sei- 
gneur. »  Ensuite  il  reprit  :  «  Dieu  accorde  .bonne  vie  à 
Henri  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France  et  d'Angleterre, 
notre  souverain  seigneur  <.  » 

Après  avoir  dit  la  mort  du  roi,  il  faudrait  dire  la  mort 
du  peuple.  De  4418  à  1422,  la  dépopulation  fut  effroyable. 
Dans  ces  années  lugubres,  c'est  comme  un  cercle  meur- 
trier :  la  guerre  mène  à  la  famine,  et  la  famine  à  la  peste; 
celle-ci  ramène  la  famine  à  son  tour.  On  croit  lire  cette 
nuit  de  TExode  oh  Tange  passe  et  repasse,  touchant  chaque 
maison  de  l'épée. 

L'année  des  massacres  de  Paris  (1418),  la  misère, 
Teffroi,  le  désespoir,  amenèrent  une  épidémie  qui  enleva, 
dit-on,  dans  cette  ville*  seule,  quatre-vingt  mille  àmes^. 
«  Vers  la  fin  de  septembre,  dit  le  témoin  oculaire,  dans  sa 
naïveté  terrible,  on  mouroit  tant  et  si  vite,  qu'il  falioit 
faire  dans  les  cimetières  de  grandes  fosses  où  on  les  met- 
tait par  trente  et  quarante,  arrangés  comme  lard,  et  à 
peine  poudrés  de  terre.  On  ne  rencontrait  dans  les  rues 
que  prêtres  qui  portoient  Notre- Seigneui*.  » 


<  Monstrelet. 

*  «  Comme  il  fat  tronvë  par  les  curés  de  paroisses.  •  MoDstrelet  — 
«  Ceax  qui  faisoieol  les  fosses...  affermoieat...  qu'avoient  enterré  plus  ie 
cent  mille  personnes.  •  Journal  du  Bourgeois  de  Paris.  Il  a  dit  on  p«a 
pi  as  haut  que  dans  les  cinq  premières  semaines  il  était  mort  cinquante 
mille  personnes.  A  ces  calculs  fort  suspects  d'exagération,  il  en  ajoate 
un  qui  semble  mériter  plus  de  confiance  :  «  Les  cordnaniers  comptèrent 
le  jour.de  leur  confrérie  les  morts  do  leur  mesUer...  et  irouyèrent  qu'ils 
estoient  trépassés  bien  dix-huit  cents,  tant  maistres  que  yarlets,  en  ces 
deux  mois.  • 


DEUX  ROIS  DE  FRANGE,  CHARLES  VU  ET   HENRI  VI.      273 

En  4  449,  il  n'y  ayait  pas  à  récolter  ;  les  laboureurs  étaient 
morts  ou  en  fuite  :  on  avait  peu  semé,  et  ce  peu  fut  ravagé. 
La  cherté  des  vivres  devint  extrême.  On  espérait  que  les 
Anglais  rétabliraient  un  peu  d'ordre  et  de  sécurité,  et  que 
les  vivres  deviendraient  moins  rares  ;  au  contraire,  il  y  eut 
famine.  <  Quand  venoient  huit  heures,  il  y  avoit  si  grande 
presse  à  la  porte  des  boulangers,  qu'il  faut  l'avoir  vu  pou:* 
le  croire...  Vous  auriez  entendu  dans  tout  Paris  des  lamen- 
tations pitoyables  des  petits  enfants  qui  crioient  :  «  Je 
meurs  de  faim.»  On  voyoit  sur  un  fumier  vingt,  trente  en* 
fiints,  garçons  et  filles,  qui  mourwcnt  de  faim  et  de  froid. 
Et  il  n'y  avoit  pas  de  cœur  Ri  dur,  qui,  les  entendant  crier 
la  nuit  :  «  Je  meurs  de  faim  I  »  n'en  eût  grand  pitié.  Quel- 
ques-uns des  bons  bourgeois  achetèrent  trois  ou  quatre 
maisons  dont  ils  firent  hôpitaux  pour  les  pauvres  en- 
fantsi.  » 

En  1 421 ,  même  famine  et  plus  dure.  Le  tueur  de  chiens 
était  suivi  des  pauvres,  qui,  àitiesure  qu'il  tuait,  dévoraient 
tout,  a  chair  et  trippes^.  »  La  campagne,  dépeuplée,  se- 
peuplait  d'autre  sorte  :  des  bandes  de  loups  couraient  les 
champs,  grattant,  fouillant  les  cadavres  ;  ils  entraient  la 
nuit  dans  Paris,  comme  pour  en  prendre  possession.  La 
ville,  chaque  jour  plus  déserte,  semblait  bientôt  être  à 
eux:  on  dit  qu'il  n*y  avait  pas  moins  de  vingt-quatre 
mille  maisons  abandonnées  3. 

On  ne  pouvait  plus  rester  à  Paris.  L'impôt  était  trop 
écrasant.  Les  mendiants  (autre  impôt)  y  affluaient  de  toute 
part,  et  à  la  fin  il  y  avait  plus  de  mendiants  que  d'autres 
personnes,  on  aimait  mieux  s'en  aller,  laisser  son  bien. 
Les  laboureurs  de  même  quittaient  leurs  champs  et  je- 
taient la  pioche  ;  ils  se  disaient  entre  eux  :  «  Fuyons  aux 
bois  avec  les  bétes  fauves...  adieu  les  femmes  et  les  en* 


*  loornal  du  Bourgeois.  —  *  Idem. 

•  App.,  Î25. 

IT.  ^  18 


871  cirrcfLx  hb  co^rjoa. 

fants...  Faisons  fe  pis  que  nous  poomms.  Refneltx»as- 
nousren  la  main  dir  Diable  ^  » 

Arrivé  là,  on  ne  pleure  phis  ;  les  Hiannes  sont  fiom,  00 
parmi  les  larmes  même  éciatent  de  diaboiiqpBes  joies,  011 
rire  sauvage....  C'est  le  caractère  le  ph»  tragique  àa 
temps,  que,  dans  les  moments  les  ploa  sonilves»  îl  y  ait 
des  alternatives  de  gaieté  frénétique. 

Le  commencement  de  cette  longue  suite  de  maiix^  <  d» 
cette  douloureuse  danse,  »  comme  dit  le  Bourgeois  de 
Paris,  c'est  la  folie  de  Charles  YI,  c'est  le  temps  aussi  de 
cette  trop  fameuse  mascarade  des  satyres^,  des  mjfstèfes 
pieusement  burlesques,  des  farces  de  la  Basoche. 

L'année  de  l'assassinat  du  duc  d'Orléans  a  été  sîgmdée 
par  l'organisation  du  corps  des  ménétriers.  Cette  corpo- 
ration, tout  à  fait  nécessaire  san»  doute  dans  une  si 
époque,  était  devenue  importante  et  respectable.  Les 
de  paix  se  criaient  dans  les  rues  à  grand  renfort  de  violons; 
il  ne  se  passait  guère  six  mols^u'il  n'y  eût  une  paix  criée 
et  chantée  K 

L'ainé  des  fils  de  Charles  YI,  le  premier  dauphin,  était 
un  joueur  infatigable  de  harpe  et  d'épinette.  U  avait  for» 
musiciens,  et  faisait  venir  enc<M*e,  pour  aider,  les  en&ots 
de  chœur  de  Notre-Dame.  U  chantait,  dansait  et  «  balait,  > 

*  Journnl  du  Bourgeois.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir»  faole  d'es- 
pace, suivre,  pour  ces  tristes  années,  le  conseil  que  M.  de  Sismondî 
donne  à  l'historien  arec  un  scniimt-nt  si  profond  de  l'humanité  : 

«  Ne  novs  pressons  pas;  lorsque  le  narrateur  se  presse,  il  dooae  aae 
fausse  idée  de  l'iiistoire...  Ces  années,  si  pauvres  en  vertus  et  eu  grands 
6x<'mples,  étaient  tout  aussi  longues  à  passer  pour  les  malheureux  sujets 
du  royaume,  que  uîllesqui  paraissent  resplendissantes  d'héraôT^me.  Ten* 
du  ut  qu'elles  s'écoulaient,  les  uns  étaient  alïabés  pM*  le»  progrès  de  Ti^; 
les  autres  étaient  remplacés  par  leurs  enfants  :  la  natiun  n'était  di-ji 
pins  la  même...  Le  lecteur  ne  s*aperçoit  jamais  de  ce  progrèj  du  temps, 
s'il  ne  voit  pas aossi  comment  ee  tempsa été  rempli?  la  dorée  se  pro- 
portionne toujours  pour  .lui  an  nombre  des  fafts  qui  lui  sont  présentés, 
et  en  quelque  sorte,  au  nombre  des  pages  qu'il  parcourt,  il  peut  bien 
être  averti  que  des  années  ont  passé  es  siitinee,  jxuis  it  ne  le 

«  iipp.,  2«6. 


DEUX  ROIS  DB  FRANCS,  CHARLES  tll  ET  HENRI  VI.      275 

la  nuit  et  le  jour  t,  et  cela  l'année  des  cabocbiens,  pendant 
qu'on  lut  tuait  ses  amii.  Il  se  tua,  lui  aussi,  à  force  de 
chanter  et  de  danser. 

Cette  apparente  gaieté,  dans  les  moments   les  plu» 
tristes,  n'est  pas  un  trait  particulier  de  notre  histoire.  La 
chronique  portugaise  nous  apprend  que  le  roi  D.  Pedro, 
dans  son  terrible  deuil  d'Inès  qui  lui  dura  jasqu*àla  mort, 
éprouvait  un  besoin  étrange  de  danse  et  de  musique.  U 
n'aimait  plus  que  deux  choses,  les  supplices  et  les  concert». 
Et  ceux-ci,  il  les  lui  Aillait  étourdiûaals,  violente,  des 
instruments  métalliques,  doirt  la  voix  perçante  prit  tyran* 
niquement  le  dessus,  fH  taire  les  voix  dit  dedans  et  remuât 
le  corps,  comme  d'un  mouvement  d'automate.  U  avait 
tout  exprès  pour  cela  de  longues  trompettes  d'argent. 
Quelquefois,  quand  il  ne  dormait  pas,  il  prenait  ses  trom- 
pettes  avec  des  torches,  et  il  s'en  allait  damant  par  les. 
rues  ;  le  peuple  alors  se  levait  aussi,  et  soit  compassion^ 
soit  entraînement  méridional;  ils  se  mettaient  à  danscr- 
tous  ensemble,  peuple  et  roi,  jusqu'à  ce  qu'U  en  eût  assoz, 
et  que  l'aube  le  ramenât  épuisé  à  son  palais^. 

Il  parait  constant  qu'au  xiv«  siècle,  la  danse  devint,  dans* 
beaucoup  de  pays,  involontaire  et  maniaque.  Les  violentes 
processions  des  Flagellants  en  donnèrent  le  premier 
exemple.  Les  grandes  épidémies,  le  terrible  ébranleuicnt 
nerveux  qui  en  restaient  aux  survivants,  tournaient  aisé- 
ment en  danse  de  Saint-Gui  3.  Ces  phénomènes  sont, 
comme  on  sait,  de  nature  contagieuse*  Le  spectacle  des 
convulsions  agissait  d'autant  plus  puissamment  qu'il  n'y 
avait  dans  les  àines  que  convulsions  et  vertige.  Alors  les 
sains  et  les  malades  dansaient  sans  distinction.  On  les 
voyait  dans  les  rues,  dans  les  églises,  se  saisir  violemment 
par  la  main  et  former  des  rondes.  Plus  d'un,  qui  d  abord 

*  C'mi  ee  que  lai  raprccbaient  tant  \e%  brachert. 

*  Chroniques  de  l'£»pagae  et  du  Poriagal.  (Perd.  Oeais.) 


276  COIfCILE  DE  CONSTANCE. 

en  riait  ou  regardait  froidement,  en  venait  aussi  à  n*y 
plus  voir,  la  tête  lui  tournait»  il  tournait  luinnême  et 
dansait  avec  les  autres.  Les  rondes  allaient  se  multipliant, 
s'enlaçant  ;  elles  devenaient  de  plus  en  plus  vastes,  de  plus 
en  plus  aveugles,  rapides,  furieuses  à  briser  tout,  comme 
d'immenses  reptiles  qui,  de  minute  en  minute,  iraient 
grossissant»  se  tordant.  Il  n'y  avait  pas  à  arrêter  le  monstre; 
mais  on  pouvait  couper  les  anneaux  ;  on  brisait  la  cbaioe 
électrique,  en  tombant  des  pieds  et  des  poings  sur  qud- 
ques-uns  des  danseurs.  Cette  rude  dissonance  rompant 
l'harmonie,  ils  se  trouvaient  libres;  autrement,  ils  au- 
raient roulé  jusqu'à  l'épuisement  final  et  dansé  à  mort. 

Ce  phénomène  du  xiv«  siècle  ne  se  représente  pas  au  xt«. 
Mais  nous  y  voyons,  en  Angleterre,  en  France,  en  Alle- 
magne, un  bizarre  divertissement  qui  rappelle  ces  grandes 
danses  populaires  de  malades  et  de  mourants.  Cela  s'appe- 
lait la  danse  des  morts,  ou  danse  macabre  ^  Cette  danse 
plaisait  fort  aux  Anglais  qui  l'introduisirent  chez  nous  ^. 

On  voyait  naguère  à  Bàle  3^  on  voit  encore  à  Lucerne,  à  la 
Chaise-Dieu  en  Auvergne,  une  suite  de  tableaux  qui 
représentent  la  Mort  entrant  en  danse  avec  des' hommes  de 
tout  âge,  de  tout  état,  et  les  entraînant  avec  elle.  Ces  danses 
en  peinture  furent  destinées  à  reproduire  de  véritables 
danses  en  nature  et  en  action  ^.  Elles  durent  certain^nent 
leur  origine  à  quelques-uns  des  mimes  sacrés  qu'on  jouait 

I  C'est-à-dire,  danse  de  cimetîére.  App.,  SfS. 

*  Peut-être  y  introduisirent- ils  nnssi  la  danse  aux  a^rengles,  ei  la 

ournoi  des  aveugles  :  •  On  meist  quatre  aveugles  ton^  armes  en  na 

parc,  chacun  ung  bâton  en  sa  nOain,  et  en  ce  lieu  avoit  un  Tort  ponrrcl 

lequel  Us  dévoient  avoir  s'ils  le  povoient  tuer.  Ainsi  fut  fait,   et  firmi 

celte  bataille  si  estrangc;  car  ils  se  donoèreirt  tant  de  grands  ooops • 

Journal  du  Bourgeois. 

3  Ainsi  qû*au  cimetière  de  Dresde»  à'  Sainte-Marie  de  Laberk.  au 
Temple  neuf  de  Strasbourg,  sous. les  arcades  du  château  de  Bloi$,  etc. 
La  plus  ancienne  pent-étre  de  ces  peintures  était  celle  de  Hiaden  en 
Westphalie;  elle  était  datée  de  1383. 

4  L'an  vivant,  Tart  en  action,  a  partout  prdecîdé  l'art  figuré.  Afp.^ 


DEUX  BOIS  DB  FRANCE,  CHARLES  VU  ET  HENRI  YI.   277 

dans  les  églises,  aux  parvis,  aux  cimetières,  ou  môme  dans 
les  rues  aux  processions  *.  L'effort  des  mauvais  anges  pour 
entraîner  les  ftmes,  tel  qu'on  le  voit  partout  encore  dans 
les  bas-reliefs  des  églises,  en  donna  sans  doute  la  pre- 
mière idée.  Mais,  à  mesure  que  le  sentiment  chrétien  alla 
!s'affaiblissant,  ce  spectacle  cessa  d'être  religieux,  il  ne 
rappela  aucune  pensée  de  jugement,  de  salut,  ni  de  résur- 
rection •,  mais  devint  sèchement  moral,  durement  philo- 
sopliique  et  matérialiste.  Ce  ne  fut  plus  le  Diable,  tils  du 
|5éché,  de  la  volonté  corrompue,  mais  la  Mort,  la  mort 
fatale,  matérielle  et  sous  forme  de  squelette.  Le  squelette 
humain,  dans  ses  formes  anguleuses  et  gauches  au  premier 
coup  d'oeil,  rappelle,  comme  on  sait,  la  vie  de  mille  façons 
ridicules,  mais  TaiTreux  rictus  prend  en  revanche  un  ar 
ironique...  Moins  étrange  encore  par  la  forme  que  par 
la  bizarrerie  des  poses,  c'est  l'homme  et  ce  n'est  pas 
l'homme...  Ou,  si  c'est  lui,  il  semble,  cet.horrible  baladin, 
étaler  avec  un  cynisme  atroce  la  nudité  suprême  qui 
devait  rester  vêtue  de  la  terre. 

Le  spectacle  de  la  danse  des  morts  se  joua  '  à  Paris 
en  1 424  au  cimetière  des  Innocents.  Cette  place  étroite  où 
pendant  tant  de  siècles  l'énorme  ville  a  versé  presque  tous 
ses  habitants,  avait  été  d'abord  tout  à  la  fois  un  cimetière, 
une  voirie,  hantée  la  nuit  des  voleurs,  le  soir  des  folles 
filles  qui  faisaient  leur  métier  sur  les  tombes.  Philippe- 
Auguste  ferma  la  place  de  murs,  et  pour  lâ^purifier,  la 
dédia  à  saint  Innocent,  un  enfant  crucifié  par  les  juifs. 
Au  xiv«  siècle,  les  églises  étant  déjà  bien  pleines,  la  mode 
vint  parmi  les  bon^.  bourgeois  de  se  faire  enterrer  au 
cimetière.  On  y  bâtit  une  église  ;  Flamel  y  contribua,  et 
mit  au  portail  des  signes  bizarres,  inexplicables  qui,  au 
di  re  du  peuple,  recela]^  de  grands  mystères  alchimiques. 


«  Cb.  MagaiB.  —  *  Apf.  130. 
>  App.,  %ii. 


278  CONCILE  DS  CONSTANCE. 

Flainel  aida  encore  à  la  construclion  des  charniers  qu'on 
bâtit  tout  autour.  Sous  les  arcades  de  ces  charniers  étaient 
les  principales  tombes  ;  au-dessus  régnait  un  étage  et  des 
greniers,  oii  Ton  pendait  demi-pourris  les  os  que  Ton 
tirait  des  fosses  i,  car  il  y  avait  peu  de  plac^;  les  morts  ne 
reposaient  guère;  dans  cette  terre  vivante,,  un  cadavre 
devenait  s(}uelette  en  neuf  jours.  Cependant  tel  était  le 
torrent  de  matière  morte  qui  passait  et  repassait,  tel  le 
dépiit  qui.  en  restait,  qu*à  1  époque  oii  le  cimetière  fut 
d'ti  uit,  le  sol  s'était  exhaussé  de  huit  pieds  au-dessus  des 
rues  voisines  -.  De  cette  longue  alluvion  des  siècles  s'était 
formée  une  montagne  de  morts  qui  dominait  les  vivants. 

Tel  fut  le  digne  théâtre  de  la  danse  macabre.  On  la 
commença  en  septembre  1424,  lorsque  les  chaleurs 
avaient  diminué,  et  que  les  premières  pluies  rendaient 
le  lieu  moins  infect.  Les  représentations  durèrent  plu- 
sieurs mois. 

Quelque  dégoût  que  pût  inspirer  et  le  lieu  et  le  spectacle, 
c'était  chose  à  faire  réiléchir  de  voir,  dans  ce  temps  meur- 
Irii'r,  dans  une  ville  si  fréquemment,  si  durement  visitée 
de  la  mort,  cette,  foule  famélique,  maladive,  à.  peine 
vivante,  accepter  joyeusement  la  Mort  même  pour  spec- 
tacle, la  contenq)li'r  insatiablement  dans  ses  moralitt^s 
boiilfiiniu's,  et  s'en  anmser  si  bien  qu'ils  marchaient  sans 
j  épauler  sur  les  os  do,  leurs  pères,  sur  les  fosses  béantes 
qu'ils  allaient  remplir  eux-mêmes. 

Api  es  tout,  pounjuoi  nauraient-ils  pas  ri,  en . attendant  ? 
C'était  la  vraie  tVte  de  l'épocpie,  sa  comédie  naturelle,  la 
danse  dt^s  grands  et  des  j)Ctits.  Sans  parler  de  ces  millions 
d'iionnnes  obscurs  qui  y  avaient  pris  part  en  quelques 
années,   n'était-ce  pas    une  curieuse    ronde  qu'avaient 


*  Le  rez-do-cliau!îsJe  exlérit^ur,  adosse  à  la  galerie  des  tomb»^aux,  cl 
fciiItlKiriaiit  les  ^'.iletas  où  st-chaieiU  les  os,  éiail  occupé  par  des  bouliques 
de  linpri\>,  d.î  marrliandes  de  modes,  d'écrivains^  elc 


s 


A  pp.,  un. 


DEUX  ROIS  DS  jaiXCE,  CHARLES  VU  ET  HENRI  YI.   279 

menée  les  rois  et  les  princes,  Louis  d'Orléans  et  Jean  «ans 
Peuf,  Ueori  V  et  Charles  VI!  Quel  jeu  de  la  mort,  quel 
malicieux  passe^temps  d'avoir  approché  ce  victorieux 
Henri,  à  un  mois  près,  de  la  couronne  de  France  !  Au  bout 
de  toute  une  vie  de  travail,  pour  survivre  à  Charles  VI,  il 
lui  manquait  un  petit  mois  seulement...  Non  I  pas  un  mois, 
pas  un  jour  !  £t  il  ne  mourra  pas  même  en  bataille  ;  il  faut 
qu'il  s'alite  avec  la  dysenterie  et  qu'il  meure  d'héiuor- 
roïdes  *. 

Si  Ton  eût  trouvé  un  peu  .dures  ces  dérisions  de  la  Mort, 
elle  eût  eu  de  quoi  répondre.  Elle  eût  dit  qu'à  bien  regar- 
der, on  verrait  qu'elle  n'avait  guèrç  tué  que  ceux  qui  ne 
vivaiejait  plus,  le  conquérant  était  mort,  du  moment  que 
la  conquête  languit  et  ne  put  plus  avancer  ;  Jean  sans 
Peur,  lorsqu'au  bout  de  ses  tergiversations,  connu  enfin  des 
eiens  mérne^  il  .se  voyait  à  jamais  avili  et  impuissant. 
Partis  et  chefs  de  partis,  tous  avaient  désespéré.  Les 
Armagnacs,  frappés  à  Azincourt,  frappés  au  massacre  de 
Paris,  Tétaient  bien  plus  encore  par  leur  crime  de  Monte- 
reau.  Les  cabochiens  et  les  Bourguignons  avaient  été  obli- 
gés de  s'avouer  qu'ils  étaient  dupes,  que  leur  duc  de  Bour- 
gogne était  l'ami  des  Anglais  ;  ils  s'étaient  vus  forcés,  eux 
qui  s'étaient  crus  la  France,  de  devenir  Anglais  eux- 
mêmes.  Chacun  survivait  ainsi  à  son  principe  et  à  sa  foi  ;  la 
mort  morale,  qui  est  la  vraie,  était  au  fond  de  tous  les 
c<purs.  Pour  4*egarder  la*  danse  des  morts,  il  ne  restait 
que  des  morts. 

Les  Anglais  môme,  les  vainqueurs,  à  leur  spectacle 
favori,  ne  pouvaient  qu'être  mornes  et  sombres.  L'Angle- 
terre, qui  avait  gagné  à  sa  conquête  d'avoir  pour  roi  un 


•  Cette  dérision  de  la  mort  frappa  les  contemporains.  Un  Leniilhommo, 
messire  Sarrazin  d'Arles,  voyant  un  de  ses  gens  qui  revenait  du  convoi 
d'Henri  V,  lui  demanda  si  lu  roi  ■  avoit  point  ses  housseaux  ciiaus>és.  » 
Ah t' monseigneur,  nenni,  par  ma  foi!  —  •  Bel  ami,  dit  l'aulre,  jamais 
ne  me  crois,  s'il  les  a  lais:>cs  c^^Franct!  •  Monsireict. 


280 


CONCILE  DE  CONSTANCE. 


onfant  français  par  sa  mère,  avait  bien  Tair  d*être  morte, 
surtout  s'il  ressemblait*  à  son  grand-père  Charles  YI.  Et 
pourtant  en  France,  cet  enfant  était  Anglais,  c'était 
Henri  VI  de  Lancastre  ;  sa  royauté  était  la  mort  nationale 
de  la  France  même. 

Lorsque,  quelques  années  après,  ce  jeune  roi  anglo- 
français,  ou  plutôt  ni  l'un  ni  l'autre,  fut  amené  dans  Paris 
désert  par  le  cardinal  Winchester,  le  cortège  passa  devant 
rhôtel  Saint-Paul,  où  la  reine  Isabeau,  veuve  de  Charles  Vf, 
était  aux  fenêtres.  On  dit  à  l'enfant  royal  que  c'était  sa 
grand-mère  ;  les  deux  ombres  se  regardèrent  ;  la  paie 
jeune  figure  ôta  son  chaperon  et  salua  ;  la  vieille  reine, 
de  son  côté,  fit  une  humble  révérence,  mais,  sedétoar- 
nant,  elle  se  mit  à  pleurer^. 


<  •  Et  tantost  elle  s'inclina  vers  lui  moult  humblement  et  ae  toama 
d*aiitre  part  plorant.  »  Joornal  du  Bourgeoia. 


APPENDICE 


1  —  page  f  ^  Le  blason,,.  Us  divises,,, 

V.Spener.  —  Origines  du  drcil.  Introd.  p.  xxxix  :  c  Comme 
les  Écossais,  comme  la  plupart  des  populations  celtiques,  nos 
aïeux  aimaient,  au  témoignage  des  anciens,  les  vêlements  ba» 
riolés.  La  diversité  des  blasons  provinciaux  couvrit  la  France 
féodale  commo  d'un  tartan  multicolore.  —  L'Allemagne  et  la 
France  sont  les  deux  grandes  nations  féodales.  Le  blason  y  est 
indigène.  Il  y  devint  un  système,  une  science.  Il  fut  importé  en 
Angleterre,  imité  en  Espaghe  et  en  Italie.  —  L'Allemagne  bar- 
bare et  féodale  aimait  dans  les  armoiries  le  vert,  la  couleur  de 
terre,  d'une  terre  verdoyante.  La  France  féodale,  mais  non 
moins  ecclésiastique,  a  préféré  les  couleurs  du  ciel.  —  Les  cou- 
leurs, les  signes  muets,  précèdent  longtemps  les  devises.  Celles- 
ci  sont  la  révélation  du  mystère  féodal.  Elles  «n  sont  aussi  'la 
décadence.  Toute  religion  s'affaiblit  en  s' expliquant.  Dès  que 
le  blason  devient  parleur,  il  est  moins  écoulé.  —  L'origine  des 
devises,  ce  sont  les  cris  d'armes.  Quelques-uns,  d'une  aimable, 
poésie,  semblent  emporter  les  souviïnirs  de  la  paix  au  sein  des 
batailles.  Lo  sire  de  Prie  criait  :  c  Chants  d'oiseaux!  t  Un  autre  : 
t  Notre-Dame  au  peigne  d'pr  !  •  Ces  cris  de  bataille  font  penser 
au  mot  tout  français  de  Jotnvtlle  ;  «  Noos  en  parleribs  devant 
les  dames.  •  —  Le  blason  plaisait  comme  énigme,  les  devises 
comme  équivoque.  Leur  beauté  principale  r<^sulte  des  sens  mul- 
tiples qu'on  peut  y  trouver.  Celle  du  doc  de  Bourgogne  fait 
penser:  <  J'ai  h&te,  •  hAte  do  ciel  on  du  trône?  Cette  maison 


'282  APPENDICE. 

<le  Bourgogne,  si  grandef  silôt  tombée,  semble  dire  ici  son 
destin.  —  La  devise  des  ducs  de  Bourbon  est  plus  claire*  on 
■mol  sur  une  épée  :  c  Penetrabit.  Elle  entrera.  » 

^  —  page  2  —  Des  hommee-bitet  brodés  de  toute  espèce  d^ani- 
tnaux, 

«  Liiieris  aut  bettns  iitezxas,»  Siedlai  ClcmcTig.  epîstol.  i.  Il, 
p.  149. 

Des  hommes -musique  hiiioriès  de  notes,.. 

Ordonnance  de  Charles,  duc  d'Orléans,  pour  payer  276  livres, 
7  solsi  6  deniers  tournois,  pour  960  perles  destinées  à  orner  une 
robe  :  «  Sur  les  manches  est  escript  de  broderie  tout  au  long  le 
dit  de  la  chanson  Madame,  je  suis  pli  sjoyeulx^  et  nollé  tout  aa 
long  sur  chacune  desdites  deux  manches,  568  perles  pour  ser- 
vira former  les  noUes  de  ladite  chanson,  ou  il  a  142  noltes, 
c'est  assavoir  pour  chacune  nolte  4  perles  en  quarrée,  etc.  »  Ca- 
talogue imprimé  des  titres  de  la  collection  de  M.  de  Courceiles, 
vendue  le  21  mai  1834. 

3  —  page  5  —  Le  prêtre  même  ne  sait  plus  le  sens  des  dums 

:saùUes.., 

«  Proh  4olor!  ipsi  hodle,  ut  plurimum^  dehisqui  usa  quoti- 
•diano  in  eccle»iasticis  cootrectant  rébus  ei  prsferttBt  oâlcîis, 
quid  sigxiiûceat  etquare  insUtola  sint  nu>aicujnapprebendunt. 
adeo  \M  implctutn  esse  ad  liUcr&m  illud  pr^liclicum  vidcalur  : 
Sicut  populus,  sic  sacerdos„  »  Durandi  Ralionale  divinorum  of* 
ficiorum,  folio  1,  1459  in  folio.  Mogunt.  —  Xoules  les  édlLioos 
ultérieures  que  je  connais  porleol  par  erreur  proferunt  pour 
frœferwit.  Le  premier  éditeur,  l'un  des  iAvcatcurs  de  Timpri- 
inerie,  a  seul  compris  que  prœferuut  rappelle  \e  prœkkti^  comme 
contrectaiU  ïe  sarerdoles  da  la  phrase pxécéd^n Le.  Cf.  les  éditions 
de  1476,  1480,1481,  etc.. 

4  ^  p'tige  5  —  i>  £ûnseiUer  de  smU  Louhs^  ^ifirre  4#  Fos- 
taises,  se  croit  obUgè  4'êcrire  le  dr-oit  4k  son  i^m^  .* 

«  Li  anchlencs  coustumes,  ke  li  preiidommes  fioAoieat  tenir 
«t  user,  sont  moult  anoienlies...  Si  ke  h  pais  est  à  bâen  pK-s 
.sans  coustume.  »  De  Tontainoa^ipu  78»  â  la  suite  4u  J.oin\ilie  de 


APPENDICE.  2ë3 

Ducange,  i668,  in4oUo.  —  Brussel  dit  et  montre  très-bien  que 
«  dès  le  milieu  duxiu^  siècle,  on  commençait  à  ignorer  jusqu'à 
la  sigoiGcatioQ  de  quelques-uns  des  principaux  termes  du  droit 
des  fiefs.  >  Brussel,  1,41. — M.  Klimrath  (Revue  de  législation), 
a  prouvé  que  BouteiUer  ue  savait  plus  ce  que  c'était  que  la  sai- 
sine» 

5  •»  page  5  «^  Lorsque  Charlet  VI  arma  chevaliers  ses  jeunes 
cousins  d* Anjou,  etc. 

«  Qood  pcregrinum  vcl  extraneum  valde  fuit.  •  Chronique  du 
Religieux  de  Saint-Denis,  édition  de  MM.  Bollaguet  et  Magin» 
18^,  1. 1,  p.  590.  Edition  correcte,  traduction  élégante.  —  Ce 
grave  historien  est  la  principale  source  pour  le  règne  de  Char- 
les Vt.  Le  Laboureur  en  fait  cet  éloge  :  <  Quand  il  parle  des 
exactions  du  duc  d'Orléans,  on  diroit  qu'il  est  Bourguignon; 
quand  il  donne  le  détail  des  pratiques  et  des  funeste  s  inlcUl- 
genees  du  duc  de  Bourgogne  avec  des  assassins  infimes  et  la 
canaille  de  Paris,  on  croiroit  qu'il  est  Orléanois*  t 

6  —  page  10,  note  3  —  Les  trois  oncles  de  Charles  VI.., 
Voir  dans  les  actes  d'août  et  d'octobre  1374  combien  le  s  gc 

roi  Charles  V,  tant  d'années  avant  sa  mort,  était  préoccupé  de 
ses  (léfiances  à  l'égard  de  ses  frères.  Il  ne  nomme  pas  le  duc  de 
Berri.  Quant  à  son  frère  aîné,  le  duc  d'Anjou,  il  ne  peut  se  dis- 
penser de  lui  laisser  la  régence;  mais  il  place  à  quatorze  ans 
l'époque  de  la  majorilé  des  rois,  il  limite  le  pouroir  du  régent, 
non  seulement  en  réservant  la  tutelle  à  la  rcine-mèrc  et  aux 
ducs  de  Bourgogne  et  de  Bourbon,  mais  encore\n  autorisant 
son  ami  personnel,  le  chambellan  Bureau  de  La  Rivière,  à  ae- 
cumnlcr  jusqu'à  la  majorité  du  jeune  roi  tout  ce  qui  pourra 
s'épargner  sur  le  revenu  des  villes  et  terres  réservé  pour  son 
entretien,  villes  de  Paris,  Melun,  Senlis,  duché  de  Norman- 
die, ete.  Il  appelle  an  conseil  Dugucsclin,Ciisson,Couci,  Savoisi. 
Philippe  de  Maizières,  etc.  Ordonnances,  L  VI,  p.  26  et  49-54» 
août  et  octobre  1374. 

7  ^-  page  13  —  La  reine  Jeanne  de  Napks  aoait  adopté  Louit 
d'Anjou.,. 

Charles  V   avait  d'abord  proposé  au  roi  de  Hongrie  d'unir 


284  AFPENDIOE. 

leurs  enfants  par  un  mariage  (le  second  fils  du  roi  de  France 
aurait  épousé  la  fille  du  roi  de  Hongriey,  et  de  forcer  la  main  à 
la  reine  Jeanne,  pour  qu'elle  leur  assurât  sa  succession.  Voir  les 
instructions  données  par  Charles  V  à  ses  ambassadeurs.  Archives^ 
Trésor  dês  Charte$,  J.  458,  surtout  la  pièce  9. 


8  —  page  13  —  Ltf  pape  d'Avignon  av*iii  hvrè  à  Louis  d^ An- 
jou, etc.. 

Dans  l'incroyable  traité  quMls  firent  ensemble  et  qui  subsiste, 
le  pape  accorde  au  duc  toute  décime  en  France  et  hors  de 
France,  à  Naples,  en  Autriche,  en  Portugal,  en  Ecosse,  avec 
moitié  du  revenu  de  Castille  et  d'Aragon,  de  plus  toutes  dettes 
et  arrérages,  tout  cens  biennal,  toute  dépouille  des  prélats  qui 
mourront,  tout  émolument  de  la  chambre  apostolique;  le  duc 
y  aura  ses  agents.  Lcpape  fera  de  plus  des  emprunts  aux  gens 
d'Église  et  receveurs  de  TËglise.  Il  engagera  pour  garantie 
de  ce  que  le  duc  dépensé,  Avignon,  le  comtat  Venaissin  cl  au- 
tres terres  d'Église.  11  lui  donne  en  fief  Bénévent  et  Ancône.  Et 
comme  le  duc  ne  se  fie  pas  trop  à  sa  parole^  le  pape  jure  le  tout 
sur  la  croix.  —  Voirie  projet  d'un  royaume,  qui  serait  inféodé 
par  le  pape  au  duc  d'Anjou,  les  réclamations  des  cardi- 
naux, etc.   Archives,  Trésor  des  Chartes,  J.  495. 

9  *->  page  m  '^  Les  compagnons  de  Hotten  avaient  fait  roi  un 
drapier,,. 

<  Ducenti  et  eo  amplius  iusolentissimi  viri,  vino  forsitam.  te- 
mulenti,  et  qui  publicis  ofiBcini  mechanicis  inscrviebantarlibus, 
quemdam  burgensem  simplicem.locupletem  tamen,  venditorem 
pannorum,  ob  pinguedinemnimiumCrassum  ideo  vocalum,  an- 
garientes,  ut  ejus  autoritate  uterentur  in  agendis...  r^em  su- 
per se  iilico  statuerunt.  Hune  in  sede,  more  régis,  prteparata 
super  currum  levaverunl,  quem  per  villœ  compita  perducentes, 
et  laudes  régi  as  barbarisantes,  cum  ad  principale  forum  rerum 
venalium  pervenissent,  ut  plebs  maneret  libéra  ab  omni  subsi- 
diorum  jugo  postulant  et  assequuntur...  Sedens  pro  tribunali, 
audire  omnium  oppositiones  coactus  est.  •  Religieux  de  Saint- 
Denis,  t.  1,  p.  130. 


▲PPBNDIQS.  S85 

10  —  page  15  ^  £4t  geiU%l$h0mme$  aitaqués  partout  en  même 
iempi,  etc..  ^ 

c  Encore  se  tenoK  le  roi  de  France  sur  le  mont  de  Ypres,  ' 
qnand  nouvelles  vinrent  que  les  Parisiens  s'ëloient  rebellés  et 
avoient  eu  conseil,  si  comme  on  disoit,  entre  eux  14  et  lors  pour 
aller  abattre  le  beau  cbastel  de  Beauté  qui  sied  au  bois  de  Vin- 
cennes,  et  aussi  le  chasteau  du  Louvre  et  toutes  les  fortes  mai- 
sons  d'environ  Paris#  afin  qu'ils  n'en  pussent  jamais  être  grevés! 
—  (Mais  Nicolas  le  Flamand  leur  dit)  :  Beaux  seigneurs,  abste- 
nez-vous de  ce  faire  tant  que  nous  verrons  comment  l'afiairc  du 
roi  notre  sire  se  portera  en  Flandre  :  si  ceux  de  Gand  viennent 
à  leur  entente,  ainsi  que  on  espère  qu'ils  y  venront,.  adonc 
sera-t-il  heure  du  faire  et  temps  assez. 

<  Or,  regardez  la  grand'diablerie  que  ce  eût  été,  si  le  roi  de 
France  eût  été  déconfit  en  Flandre,  et  la  noble  chevalerie  que 
étoit  avecques  lui  en  ce  voyage.  On  peut  bien  croire  et  imagi- 
ner que  toute  gentillesse  et  noblesse  eût  été  morte  et  perdue  en 
France  et  autant  bien  ens  es  autre  pays  :  ni  la  Jacqperie  ne 
fut  oncques  si  grande  ni  si  horrible  qu'elle  eût  été.  (Àf  pa*  - 
reillement  à  Reims,  à  Ch&lons  en  Champagne,  et  sur  la  rivière 
de  Marne,  les  vilains  se  rebelloient  et  menacoient  jà  les  gen- 
tilshommes et  dames  et  enfants  qui  étoient  demeurés  derrière; 
aussi  bien  à  Orléans,  k  Blois,  k  Houen  en  Normandie,  et  en 
Beauvoisis,  leur  étoit  le  diable  entré  en  la  tête  pour  tout  occire, 
si  Dieu  proprement  n'y  eût  pourvu  de  remède.  >  Froissart, 
Vlli,  319-320. 

<  Tous  prenoient  pied  et  ordonnance  snr  les  Gantois,  et  di- 
soient adonc  les  communautés  par  tout  le  monde,  que  les  Gan* 
tois  étoient  bonnes  gens  et  que  vaillamment  .ils  se  souienoieni 
en  leurs  franchises;  dont  ils  dévoient  de  tomes  gens  être  aimés 
et  honorés.  >  Froissart,  Vlil,  i03. 

«  Les  gentilshommes  du  pays...  avoient  dit  et  disoient  encore 
et  soutenoient  toujours  que  si  le  commvD  de  Flandre  gagnoit 
la  journée  contre  le  roi  de  France,  et  que  les  nobles  du  royaume 
de  France  y  fussent  morts,  l'orgueil  seroit  si  grand  en  toutes 
conimunauiés,  que  tous  gentilshommes  s'en  douleroient,  et  jà 
en  avoit-on  vu  l'apparent  en  Angleterre.  •  Froissart,  YUI, 
3€7-8. 


286  AFfENDIOr. 

il  —  page  ifi'''  La  rivaliiè  de$  vida  cfe  Gcnd  et  iê  Bm^ec... 

«  Quand  les  haines  et  Iribulations  vinrent  premièrement  en 
Flandre,  le  pays  éloit  si  plein  et  si  rempli  de  biens  qae  mer- 
Teilles  seroit  à  raconter  et  à  considérer;  et  tenoient  les  gens 
des  bonnes  vHles  si  grands  états  que  merveilles  seroit  à  regar- 
der, et  devez  savoir  que  toutes  ces  guerres  et  haines  murent 
par  orgueil  et  par  envie  que  les  bonnes  villesde  Flandre  avoient 
Tune  sur  Tautre...  Et  ces  guerres  commencèrent  par  si  petite 
incidence  que,  au  justement  considérer,  si  sens  el  avis  s'en 
fussent  ensoignés  (môles),  il  ne  dut  point  avoir  en  de  guerre; 
et  peuvent  dire  et  pourront  ceux  qui  cette  matière  liront  ou 
lire  feront,  que  ce  fut  œuvre  du  deable;  car  vous  savez  et  avez 
oui  dire  aux  sages  que  le  diable  subtile  et  attire  nuit  et  jour  à 
bouter  guerre  et  haine  là  où  il  voit  paix,  et  court  an  long  de 
petit  en  petit  pour  voir  comment  il  peut  venir  à  ses  ententes.  » 
Froissart,  VU,  2i5-!6. 

it  7"  pagt  16  —  Brmget  empêduiU  ki  porU  iTÀDotr  du  emtrê- 

En  13S8,  le  comte  de  Flandre  c  accorda  à  ceux  de  Bmges  el 
leur  promist  que  jamais  il  ne  mettroit  sus  aucun  eataplede 
biens  ou  marchandises  en  autre  ville  que  audit  Bruges,  mesmes 
qu'il  priveroil  de  leurs  offices  les  baillis  et  eschevins  de  l'caue 
à  l'Esclusc,  toutes  les  fois  qu'ils  seroyeot  trouvez  avoir  fait 
contre  ledict  droict  d'estaple,  et  qu'il  en  apparut  par  cinc esche- 
Tins  de  Bruges.  •  Oudegherst,  folio  273,  éd.  in-4o.  —  «  Puis, 
(ceux  de  Bruges,  Gand,  Ypres  et  Coarlray)  alèrent  à  rEseluse, 
par  acord,  et  y  abêtirent  plusieurs  maisons,  qui  estoient  sus  le 
port,  en  une  rue,  eu  laquelle  on  vendoit  et  acheptoit  marchan- 
dises, sans  égard;  et  disoient  les  Flaraans  de  Bruges  et  autres 
que  c'estoitau  préjudice  des  marchands  et  d'eux,  et  pour  ce  les 
abatirent.  t  Chronique  de  Sauvage,  p«  233. 

...  les  campagmg  d$  fatriquer.,* 

€  Interdictum  petitione  Brugensinm  (1384),  ne  post  faae  Frao- 
eonates  per  pages  sues  lanificium  faciant.  >  Meyer,  p.  201.  — 
Aussi  :  <  Ceux  du  Franc  ont  toujours  esté  de  la  partie  du  comte 
plus  que  tout  le  demeurant  de  Flandre.  •  Froissart,  YII,  439. 


APPENDICB.  a^T 

13   —  page  10  —  Liège,  Bruxelles,  etc.  encourageaient  /es 

«  Coux  de  Brabant,  et  par  spécial  ceux  de  Bruxelles  leur 
étoîcnt  moult  favorables,  et  leur  mandèrent  ceux  de  Liéfjc  pour 
eux  reconforter  en  leur  opinion  :  c  Bonnes  gens  deOand,  noifs 
savons  bien  que  pour  le  présent  vous  avez  moull  affaire  et  éies 
fort  travaillés  de  votre  sei(;neur  le  comte  et  d*  s  genlilshommcs^ 
et  du  demeurant  du  pays,  dont  noua  somnMB  mmilt  covrroucds  ; 
et  saehes  que  si  nous  étions  à  quatre  ou  à  six  lieues  près  mar- 
cbbsnis(Uraltrophes)  è  vous,  nous  tous  ferions  tel  confort  que- 
on  doit  faire  à  ses  frères,  amis  et  voisins,  etc.  *  Froissart,  Vll^ 
490.  Voir  aussi  Meyer. 

Il  —  page  16  -^  Pierre  Dubois  décida  Us  Gantais  à  faire  «m 
tirran  •  • 

Dubois  va  trouver  Philippe  Artewelde  et  lui  dit  :  c  Et  saurex-» 
TOUS  bien  fffire  )e  cruel  et  I^  hantin?  car  un  sire  entre  commui» 
(peuple),  et  par  spécial  à  ce  que  nous  avons  à  faire,  nevavt 
rien  s'il  n'est  crému  et  redouté  et  renomméà  la  fois  de  cruauté; 
ainsi  veulent  Flamandsétre  menés,  ni  on  ne  doit  tenir  entre  eux 
compte  de  vies  d'hommes,  ni  avoir  pitié  non  plus  que  d'aroo* 
deaulx  (hirondelle:))  ou  de  alouettes  qu'on  prend  en  la  saison 
pour  manger.  —  Par  ma  foi.  dit  Philippe,  je  saurai  tout  ce 
faire. —  El  c'est  bien,  dit  Piètre,  et  vous  serez,  comme  je  pense» 
souverain  de  tous  les  autres.  ^  Proissart,  Vif,  479. 

15  —  page  16  —  Les  Gantais  entrent  dans  Bruges.,, 

Ils  rapportèrent  3  Oand,  pour  humilier  Brujrcs,  le  grand  dra« 
gon  de  cuivre  doré  que  Brauilouin  de  Flandre,  empereur  de 
Constant!  nopîe,  avait  pris  à  Si  in  le  Sophie  et  que  les  Brugeois 
avaient  placé  sur  leur  belle  tour  de  la  halle  aux  draps.  —  Cctt* 
tradition  contestée  est  discutée  et  finalement  adoptée  dansl'io* 
téressant  Précis  des  Annales  de  Bruges,  de  M.  Delpierre,  p.  10^ 
1335. 

16  —  page  17.  note  3  —  Les  Gantais  rèrlan/iërent  aux  Anglais 
les  sommes  que  la  Flandre  avait  autrefois  prêtées  à  Edouard  Fff.., 

«  (îuand  les  seigneurs  orcnt  oui  celte  parole  et  requête,  ils 


âSS  À^PEXDICB. 

commencèrent  à  regarder  Tun  l'autre»  et  les  anemis  à  tovrire,.. 
El  lesconsaulx  d'Angleterre  sur  leurs  requêtes  étoient  en  grand 
di£fércnt,  et  tenoient  les  Flamands  à  orgueilleux  et  présnmp- 
cieux,  quand  ils  demandoient  à  ravoir  deux  cent  mille  vieil 
ëcus  de  si  ancienne  date  que  de  quarante  ans.»  Froissart.YUI, 
250- i. 

i7  —  page  i8  —  Bataille  de  Rootebeke»». 

«  Ces  Flairands  qui  descendoient  orgueilleasement  et  de 
grand  volonté,  venoient  roys  et  durs,  et  boutoienl  en  venant 
de  l'épaule  et  de  la  poitrine,  ainsi  comme  sangliers  tout  force- 
nés, et  étoient  si  fort  entrelacés  ensemble  que  on  ne  lespoa- 
voit  ouvrir  et  dérompre...  Là  fut  un  mons  et  un  tas  de  Flamands 
occis  moult  long  et  moult  haut  ;  et  de  si  grand  bataille  et  de  si 
grand'foison  de  gens  morts  comme  il  y  en  ot  là,  on  ne  vit  ooc- 
ques  si  peu  de  sang  issir  qu'il  en  issit,  et  c'étolt  au  moyen  de 
ce  qu'ils  étoient  beaucoup  d'éteints  et  étouffés  dans  la  presse, 
.  car  icenx  ne  jetoient  point  de  sang.  »  Froissart»  VU,  347-^. 
— c  Et  y  heubt  en  Flandre  après  la  bataille  grant  erreur  et  pa- 
gnaisie  en  le  place  où  le  bataille  a  voit  esté,  des  mors  dont  le 
place  duroit  une  grande  lieue...  et  les  mangeoient  les  chiens  et 
maint  grand  oisel  qui  furent  veu  en  icelle  place,  dont  le  peuple 
avoit  grant  merveille.  »  Chronique  inédite,  ms.  801»  D,  de  la  fit- 
bliothèque  de  Bourgogne  (à  Bruxelles),  folio  153.  Cette  chroniqte 
curieuse  n'est  pas  celle  que  Sauvage  a  rajeunie  ;  d'ailleurs  elle 
va  plus  loin. 

i8  — '  page  19  —  Lorequê  le  roi  arriva  à  'Paris^  les  bourgeois 
e' étalèrent  'en  longuee  fUee. .. 

Sur  tout  ceci,  voyez  le  récit  du  Religieux  de  Saint-Denis.  — 
Le  calcul  de  Froissart,  différent  en  apparence^  ne  contredit 
point  celui-ci:  c  Et  osloient  en  la  cité  de  Pans  de  riches  et 
puissants  hommes  armés  de  pied  en  cap  la  somme  de  trente 
mille  hommes,  aussi  bien  arrés  et  appareillés  de  toutes  pièces 
comme  nul  chevalier  pourroit  être;  et  avoient  leurs  varlets  et  ' 
leurs  maisnies  (suite)  armés  à  l'avenant.  Et  avoient  et  portoient 
maillets  de  fer  et  d'acier,  périlleux  basions  pour  effondrer  heaal- 
mes  et  bassinets  ;  et  disoient  en  Paris  quand  ils  se  nombroient 


APPENDICE.  289 

qne  ils  étoient  bien  gens,  et  se  trouvoicnt  par  paroisses  lant 
que  pour  combaitrc  tfc  eux-mêmes  sans  autre  aide  le  plus 
grand  seigneur  du  monde.  >  Froissart,  Vill,  183. 

19  —  page  20  ^  Il  n'y  avait  plus  de  prévdf ,  plus  dé  eommwM 
de  Paris,,, 

«  Siatuentes  ut  officium  prœpositurae  exerccret  qui  regia  auc- 
toritatc  et  non  civium  fungerctur.  —  Confralerni taies  etiam  ad 
devotionem  ecclcsiarum  sânclorum^  et  earum  ditationem  inlro- 
ductas,  in  quibus  cives  consucvcranl  couvcnirc,  ut  simul  gau- 
dculcs  cpularcnlur. ..  ccnsucrunl  etiam  suspendendasnsquc  .''.d 
beneplacitum  rcgiije  majeslalis.  >  Religieux  de  Saint-Denis,  1, 
242.  —  Ordonnance  du  27  janvier  1382,  t.  Yi  du  Recueil  des 
Ord.f  p.  685.  Un  mol  de  cette  ordonnance  fait  entendre  que  les 
Parisiens  avaient  aidé  indirectement  les  Flamands  :  •  lis  ont 
empesché  que  nos  charioz  et  ceux  de  nostre  chier  oncle,  le  due 
de  Bourgogne,  et  plusieurs  autres  choses  fussent  amenez  pa« 
devers  nous...  où  nous  estions.  > 

20  —  page  20  —  On  traita  à  peu  prés  de  même  Rouen,  etc. 

La  ville  de  Rouen  fut  fort  maltraitée,  sa  cloche  lui  fut  enle- 
vée, et  donnée  aux  panctiers  du  roi  ;  c'est  ce  qui  résulte  d'une 
charte  dont  je  dois  la  communication  à  l'amitié  de  M.  Chéruel  : 
«  Comme  par  nos  lettres  patentes  vous  est  apparu  nous  avoir 
donné  à  nos  bien  amés  panetiers  Pierre  Dobuen  et  Guillaume 
Hcroval  une  cloche  qui  soulloil  eslrc  en  la  mairie  de  Rouen, 
nommée  Rebel,  laquelle  fust  confisquée  à  Rouen  quand  la  com- 
motion du  peuple  fusi  dernièrement  en  ladicte  ville.  >  Archives 
de  Rouen,  registre  ms.,  côté  A,  folio  267. 


■.^ 


21  —  page  23  —  Les  Flamands  prétendirent  que  le  duc  de  Berrt 
acait  poignardé  le  comte  de  Flandre... 

Froissart  dit  quil  mourut  de  maladie,  t.  IX,  p.  10,  édit.  Bu- 
chon.  — Le  Religieux  de  Saint-Denis,  ce  grave  et  ^vère  histo- 
rien, qui  ne  déguise  aucun  crime  des  princes  de  ce  temps,  n'ac- 
cuse point  le  duc  de  Berri.  -  Meycr  (lib.  xni,  fol.  200)  ne 
rapjiorle  l'assassinat  que  d'après  une  chronique  flamande  du 
xyo  siècle,  laquelle  se  réfute  clic  même  par  la  cause  qu'elle  as- 
•^-  19 


290  .  appexi>k:e. 

^gne  su  fh\X,  La  due  de  B^ri  nnratt  pris  querelle  «tcc  Iceomte 
de  Flandre  peur  rhommagc  du  comté  de  Boalognc,  hëritige  de 
sa  femme.  Or  lo  duc  de  Berri  o'épousa  l'hérilière  de  Boulogne 
que  cinq  ans  après.  Arl  de  vérifier  les  dates,  Comtes  de  Flandre, 
ana.  4384,  4. 1U«  p.  21. 

M  —  page  H  —  On  ragênnHa  tout  ce  qtCtm  put  utéiteîer,  iauer 

«  Ils  furent  nombres  à  treize  cents  et  quatre-vingt-sept  vais- 
seaux ...  Et  encore  n'y  es  toit  pas  la  navie  du  connétable.!  Frots- 
sart,  t.  X,-  c.  XXIV,  p.  16d.  —  c  Les  pourréances  de  tontes 
parts  arrî  voient  en  Flandre,  et  si  grosses  devins  et  de  chairs  sa- 
lées, de  foin,  d'avoine,  de  tonneaux  de  sel,  d'oignons,  de  ver- 
jus, de  bjscuit,  de  farine,  de  graisses,  de  moyeux  (jaancs) 
d'œufs  battus  en  tonneaux,  et  de  toute  chose  dont  ou  se  poa- 
voit  aviser  ni  pourpefiser,  que  qui  ne  le  vit  adoncques,  il  ne 
le  voudra  ou  pourra  croire.  >  Froissart,  ibid.,  p.  158. 

23  —  page  25  —  Le  due  de  Berri  arriva  lorsque  la  taison  mt- 
dait  le  pastage  à  peu  prèf  ifnposêible. . . 

Lo  duc  de  Berri  répondait  ffoidcmenl  aux  reproches  du  duc 
de  Bourgogne  sur  1  inutilité  de  ces  prodigieuses  dépenses: 
^  Beau-frère,  ti  nous  avons  la  finance  et  nos  gens  l'aient  anssû 
la  greigneur  partie  en  retournera  en  France  ;  toujours  va  et 
vient  finance.  Il  vaut  mieux  cela  aventurer  que  mettre  les  corps 
en  péril  ni  en  doute,  c  Froissart,  t.  X,  p.  271. 

24  —  page  26,  note  3  —  Éoulard  pourvut  aux  ujjprorwioiwf- 
ments.,,, 

Il  envoya  ses  agents  avec  cent  mille  écus  d'or  sur  le  Rhin;  ils 
furent  partout  bien  poçus^  surlo  renom  de  leur  maître^  •  Ob  ma- 
gistri  noliliam.  »  Les  mariniers  du  Ahin  s'employèrent  avec 
be^^coup  de  zèle  ^  faire  doacendre  cas  provisions  jusqu'aux 
P^y«-Bas.  Religieux  de  SaintrDeiiU,  I,  IX,  c.  vu,  p'.  532. 

^  ^  page  27  —  Charlm  VI  fui  touché  êurtout  des  prières  ^un$ 
grande  dame. du  p«y«... 

5  Quod«ccepUbÛius  régi  fuit,  insignis  domina  municipiii*^ 


àppskimcs.  294 

ris,  casto  sTnorf  suecensa,  ad  eum  personalUer  aceessît.t  Religieux 
de  Sainl'Dcnis,  ibidem,  p.  538.  —  V.  Les  traités  originaux  des 
princes  dos  Pays-Bas,  et  leurs  excuses  au  roi.  Archives,  Trésor 
des  €haii€Sf  J.,  52t. 

26  —  page  28  —  L'affaire  fut  bien  menée. 

Elle  étail  préparée  de  longue  date.  On  ne  perdait  pas  une  oc- 
casion d'indisposer  le  roi  contre  ses  oncles:  c  ...  Lear  en  ay 
oy  aucune  foiz  tenir  lenr  consaulz,  et  dire  au  roy  :  Sire,  vous 
Il 'avez  mais  à  languir  que  six  ans,  et  l'autre  foiz  que  cinq  ans, 
et  ainsi  ch^scunc  année,  si  comme  le  temps s'aprocboit...  BÎns- 
truGtion  de  Jean  do  Bcrry,  dans  les  Analcctes,  his.  de  M.  Le 
Glay,  Lille,  1838,  p.  159. 

27  —  pa^e  30  —  Les  belles  dames  logèrent  dans  r abbaye  même 
Je  Saiut'Denis»., 

€  Abbalia  pro  Regina  domlnarumque  insigniconlubcrnîo  rc- 
Icnta  ..  •  Religieux  de  Saint-Denis,  1. 1,  p.  586.  —  «  Quarum  sî 
pulchriludinein. ..  attendisses...  ficlum  dearum...  ritum  dixisses 
rcuovalum.  >  Ibidem,  p.  594. 

2g  —  page  31  —  Serait-ce  dans  cette  funeste  nuit  que  le  jeune 
duc  d'Orléans,  etc.*. 

Celte  tradition  ne  se  trouve  quedansMeyer  et  autres  auteurs 
assez  modernes.  Mais  le  contemporain  y  fait  allusion  :  •  Alias 
ilispliccaciœradicesutique  non  si  cognitas  quod  scriptu  dignns 
rcpuicm.  »  lUUgieux  de  Saint-Denis,  ms.,  388,  vetso.  —  Juvénal 
ccrivant  plus  tard,  est  déj;\  plus  clair  :  a  Et  cstoit  commune 
renommée  que  desdites  joustes  estoient  provenues  des  choses 
doshonuc&tes  en  matière  d'amourettes,  et  dout  depuis  beaucoup 
de  maux  sont  venus,  >  Juvénal  des  Ursins,  p  73,  ddil.  Gode- 
frov. 

» 

29  —  pa^  3!  —  Le  héros  de  Charles  Vï,  Du0ue^d*n,  etc. 

Dans  son  testament  il  lè^ue  une  somme  considérable,  trois 
cents  livres,  pour  que  Ton  fasse  des  prières  pour  l'Ame  de  Du- 
gnesrlin,  mort  douze  ans  auparavant.  TcstamenldcCharWs  VI, 
jacniei  131»3,  Archives,  Trisor  des  Cliartis,}  ,  40i. 


30  —  page  33  —  Charles  VI  ne  permit  pat  à  tes  ondes  de  le 
suivre.,. 

Je  suis  sur  oe  point  le  Religieux  de  Saint-Denis,  p.  618.  Au 
reste,  les  contradictions  des  historiens  sur  ce  voyage  ne  sont 
pas  inconciliables. 

31  —  page  36,  note  —  Flamel... 

D'abord,  sans  autre  binn  que  sa  plume  et  une  belle  main. 
<5pousa  une  vieille  femme  qui  avait  quelque  cbose.  Sous  même 
enseigne,  il   fit  plus  d'un  métier.  Tout  en  copiant  les  beaux 
manuscrits  qu'on  admire  encore,  il  est  probable  que,  dans  ce 
quartier  de  riches  bouchers  ignorants,  de  lombards  et  de  juifs, 
il  fit  et  fit  faire  bien  d'autres  écritures.  Un  curé,  greffier  du  Par- 
lement pouvait  encore  lui  procurer  de  l'ouvrage.  LeprixàeTin- 
struction  commençant  à  être  senti;  lej  seigueurs  à  qui  il  ven- 
dait ces  beaux  manuscrits  lui  donnèrent  à  élever  leurs  enfaDls. 
11  acheta  quelques  maisons  ;  ces  maisons,  d'abord  à  vil  prii. 
^ar  la  fuite  des  juifs  et  par  la  misère  générale  du  temps,  ac- 
•quircnl  peu  à  peu  de  la  valeur.  Flamel  sut  en  tirer  parti.  Ton 
/le  monde  affluait  à  Paris  ;   on  ne  savait  où  loger.  De  ces  mai- 
.  sons^  il  fît  des  hospices,  où  il  recevait  des  locataires  pour  une 
somme  modique.  Ces  petits  gains  qui  lui  venaient  ainsi  depar- 
toutj  firent  dire  qu'il  savait  faire  de  l'or.  Il  laissa  dire,  et  peut- 
être  favorisa  ce  bruit,  pour  mieux  vendre  ses  livres.— Cependant 
<;es  arts  occultes  n'étaient  pas  sans  danger.  De  là  le  soin  ex- 
trême que  mit  Flamel  à  afficher  partout  sa  piété  aux  portes  des 
églises.  Partout  on  le  voyait  en  bas-relief  agenouillé  devant  h 
croix  avec  sa  femme  Pernclle.   Il  trouvait  à  cela  double  avau* 
.  tage.  Il  sanctifiait  sa  fortune  et  il  Taugmenlait  en  donnant  à 
.  son  nom  cette  publicité.  Voir  le  savant  et  ingénieux  abbé  Vl- 
;ilain.  Histoire  de  Saint-Jacqucs-la-Boucherîe,  1758;  et  son  His- 
itoire  de  Nicolas  Flamel,  1761. 

32  —  page  37  —  Amauld  de  Villeneuve... 

Voy.  ses  Œuvres,  Lyon,  1504,  et  sa  Vie  (par  Haitze),  Aix, 
{719. 

33  —  page  38  —  Le  bruit  courut  qu^on  avait  empoisonné  les 
rivières... 


APPENDICE.  293 

Scion  le  chroniqueur  bénédidln,  on  accusa  encore  de  ce 
crime  les  dominicains  :  t  Veneficos  ignorabant ,  siebant  la- 
men  quod  desupi>r  habitum.  longum  et  nigrum,  subtus  vcro  al- 
bum, utreligiosi,  deferebant.  «Religieux  de  Saint-Denis,  1. 1, 
1.  XI,  c.  V.  p.  684. 

J 

34  —  page  41 ,  note  i  ^  Les  oncles  du  roi  ne  tardèrent  pas  à 
obtenir  la  grâce  de  Craon'.., 

Lettres  de  rémission  accordées  à  Pierre  de  Craon  :  t  ...  Il  ait 
esté  par  notre  commandement  et  ordenance  au  saint  Sépulcre, 
et  depuis  par  nostre  permission  et  licence  et  soobs  nostre  sauf  • 
conduit  soit  venu  en  nostre  royaume  et  en  l'abbaye  de  Saint- 
Denis,  où  il  a  cslé  pir  l'espace  de  un  mois  et  demi  ou  envi- 
ron en  espérance  de  ciudicr  trouver  paix  et  accord  avec  ledit 
sire  de  Clîcon...  et  avec  ce  ait  esté  naguèrcs  banni  de  nostre 
royaume  et  entre  autres  choses  condcmpné  envers  notre  irès- 
chere  et  très-améc  tante  la  royne  de  Cécille  pararrostde  nostre 
Parlement,  pour  lesquels  bannissement  et  autres  condemnations 
lui,  sa  femme  et  ses  enfants  sont  du  tout  déserts  d*estat  et  de 
chevance,  mesmemenl  que  de  ses  biens  ne  lui  demeura  autre 
chose...  et  leur  a  convenu...  requcrirleurs  parents  etamis  pour 
vivre...  —  Voulans  en  ce  cas  pitié  et  miséricorde  préférer  à  ri- 
gueur de  justice  et  pour  contemplation  de  nostie  très-chère  el 
très-amée  fille  Ysabrlle  royne  d'Angleterre,  qui  surcecous  a... 
supplié  le  jour  de  ses  fiansailles  et  que  ledit  suppliant  est  de 
nostre  ligciaige.  Nous  par  saine  et  meure  délibération  et  de  nos 
très- chers  et  amés  oncles  ei  frère...  »  Archives,  Trésor  des 
CharUs,  J.,  37. 

35  —  page  43  —  Comme  il  travenait  la  forêt,  un  homme  de 
mauvaise  mine,  etc.. 

<  ...  Quemdam  abjectissiihum  virum  obviam  habuit,  qui  eum 
lermit  vehementer.  Is  nec  minis  nec  terroribus  potuit  cohiberi, 
quin  régi  pcrlranseunti  lerribililerclamando  fere  per  dimidiam 
horam  hœcverbareiteraret  :  Non  progrediarisulterius,  insignis 
rex,  quia  cito  pcrdendus  es.  Cui  cito  assensit  ejus  imaginalio 
jam  turbata...  Hoc  furore  perdurante,  viros  quatuor  occidit» 
eum  quodam  insigni  milite  dicto  de  Polegnac  de  Vasconia,  ex 


S94  APPSKmcE. 

furliyo  Umeo  concabitu  orinado.»  Le UelÎQwux  d$  SattU-Dmis, 
folio  189,  ms,  —  M.  Bella§ucl  ayant  encore  le  manascrit  origi- 
nal ealre  les  mains,  el  a'ayai»i  pas  eneor»  publié  caUe  pvûe, 
Je  me  secs  de  TexeeUenle  copie  d«  BaIttM  (16^9). 

^6  —V  page  46  ^11  soutenait  quil  n'était  point  marié,  qu'il  iV 
vait  pqi  d'enfant,.^ 

«  Non  solum  se  uxoratum  liberosque  genuiase  denegibat,  imo 
suimct  etliluli  regni  Francis  oblilus,se  non  nominari  Carobim, 
nec  déferre  lilia  asserebal;  et  quoliens  arma  sua  vcl  regina; 
exarata  vasisaureis  velalicubi  vidcbat^  ea  iadignaniissimede- 
lebal  I  Le  Religieux  de  Saint-Denis,  nu,,  anno  1393,  folio  ^1. 
-^  (  Arnrta  propria  et  reginae  si  in  vilreis  vcl  parietibus  exaraia 
yéï  depicla  percepissel«  inboneste  ei  dispHcenter  saltando  lise 
delebat,  a&screns  se  Georgium  vocari,  el  ia  armis  leonem  gta- 
dio  transforatum  se  déferre.  > 

37  -^  pega  4S  —  àerson  célébré  la  ptiix,  dans  wn  de  cet  m* 
ments  où  l'on  crul  à  la  cession  des  deuxpapest.. 

Toutefais  Gerson  doute  encore.  Si  la  cession  s*opère,  ce  sen 
Ma  don  de  Dieu,  et  non  une  œuvre  de  Tbomme  ;  il  y  a  trop 
d'exemples  de  la  fragilité  bumaine  :  Ajax,  Catoa,  Médée,  b 
-anges  mémo,  «qui  trébuchèrent  du  ciel»  •  enûn  les  apdlres^ei 
notamment  saint  Pierre,  c  qui  à  la  voix  d'une  fenicletle  reoya 
iJoâtre-Seigneur.  •  Gersou»  édition  de  Du  Pin,  1. 1\\  p.  567. 

39  —  F^g®  ^  -*  ^^<  Anglai$  m  tmiktient  point  la  pair,.* 

Sur  les  négociations  anléiieures,  depuis  1380,  Yoir  enlreai- 
très  pièces  le  Voyage  de  Nicolis  de  Bosc,  évêque  de  Biycux, 
imprimé  dans  le  voyage  litLéraipe  de  ddux  bénédicUns,  partie 
seconde,  p.  307-360. 

39  —  page  4S  ^  Ricliard  H  épousa  um  fille  de  roiy.  aeec  mi 
dot  de  huit  cent  mille  écus,,^ 

Elle  apporta,  en  outre,  un  grand  nombre  d'objets  prt^ûcax. 
V.  deux  déclarations  des  joyaux,  vaisselle  d'or  el  d'argeot, 
robes,  tapisscri  s  et  objets  divers  pour  la  personne  de  midaine 
Lsabcnu,  pour  sa  cbambre,  sa  chapelle  et  son  écurie,  paanete- 


ne,  friiiUriA^  cniaiM.  etc.  Nov.  1396,  23  iiûltet  lUK).  Anhiou, 
TriKtt  ie*  CkarUi,  i..  6i3. 

U)  —  paf[fl  i9  —  Croiiadt  MBlri  Ui  Titra..^ 
Comparer  sur  le  récit  de  celle  croisade  dos  hïslarieDs  natio- 
naui  el  lu  écrivains  hongrois  et  allemaada  cilés  par  Hammer, 
Uisloire  de  l'Empire  OUonen.  Ce  gtaod  oavrage  e  éid  traduit 
MUS  la  direciku  de  r«ui£m,  par  IL  Uellerl,  qui  l'a  earichi  d'un 
«iUs  très-  utile. 

U — pigoSO^ÉiutimdêJ'ierTwéM  Imu.BêmoUXIIL,. 
Consulter  sur  tout  ceci  le  récit  hostile  ni  pape  (pion  trouve 
-  dans  les  acLes  du  concile  de  Pise.  Concilia,  éd.  Labbc  el  Cossart, 
1671,  t.  XI,  pari.  3,  col.  3172,  el  aeq. 

iS  —  page  53  —  Qwaid  U  Suitan  vit  le  cbamp  à»  balaiUt,  el«. , . 

Récit  du  bavarois  Schildberger,  l'un  des  prisonniers,  qui  fui 
épargné,  à  la  prière  du  fils  da  sulKui.  Uamoier,  Histoire  de 
l'Empire  Ottoman ,  trad.  de  H.  Uellert.  1. 1.  p.  33&. 

43  —  page  K3  —  PrètmU  de  Bajaut  s*  roi  d*  Pramtê. . . 

Le  Religieux  de  Sainb-Denis  y  ajanle  :  <  Eqiins  babciis  abeis- 
Hs  imbaB  narcs,  ut  diutiua  ad  curaum  babilis  redderelur.  > 
JUt.,  folio  330. 

4V  —  page  5S  —  Taiw  quUlirent  Rickard,  mémt  ma  chUn... 

<  Leroiltichardavoilunl<5vricrlcquelon  nommait  Uath,  très- 
beau  outre  mesure;  cl  ne  vouloiloeehieneonnoltrc  nul  lionam'i 
fors  le  roi  ;  et  quand  le  roi  devoii  chevaucher,  cil  qui  l'avoii 
en  garde  le  laissoii  alli'r  i  el  co  lévrier  vcnoit  lanlAt  devers  k- 
roi  festoyer  et  lui  mettoit  sm  deux  pieds  sur  les  épaules.  Et 
or  donc  advint  que  le  roi  et  le  comle  Derby  parlant  ensemble 
«n  mi  la  place  de  la  cour  du  dit  chaiel  el  leurs  chevaux  tons 
acllés,  car  tamûi  ils  dévoient  monter,  ce  lévrier  Dornmé  HliDi 
qui  coutumicr  étoil  de  faire  au  roi  ce  ^^ae  dit  e:it,  Iui»»a  le  rul 
«t  s'en  vint  au  duc  de  Lancasiro  et  lui  Gt  toutes  les  coiili:- 
naacos  telles  que  endcvaat  il  faisoil  au  roi,  et  lui  asaist  li'4 
dcuxpiedssurlc  col, elle  coiniiioiiv-igiaudeuium  Àcoojouir.  Uc 


296  APPBNDICB. 

duc  deLancnstre,  qui  point  ne  connaissait  le  lévrier,  demanda 
au  roi  :  «  El  que  veut  ce  lévrier  faire?! *-c  Cousin  ce  dit  le  roi, 
ce  vous  est  un  grand'signiûance  et  à  moi  petite.  >  —  €  Com- 
ment dit  le  duc,  rentendez-vous?  >  —  c  Je  Tenlends,  dit  le 
roi ,  1c  lévrier  vous  festoie  et  recueille  aujourd'hui  comme  roi 
d  Angleterre  que  vous  serez,  et  j'en  serai  déposé  ;  et  le  lévrier 
en  a  connoissance  naturelle  ;  si  le  tenez  de  lez  (  près)  vous,  car 
il  vous  suivra  et  il  m'éloignera.  >  Leduc  de  Lancastre  entendit 
bien  celte  parole  et  conjouil  le  lévrier,  lequel  oncques  depuis 
ne  voulut  suivre  Richard  de  Bordeaux,  mais  le  duc  de  Lancas- 
tre ;  et  ce  virent  et  sçarent  plus  de  trente  mille.  •  Froissait» 
t.  XIV,  c.  Lxxv,  p,  205.     ' 

i5  —  pnge  55  —  Abdicaiitm  de  Richard  IL,. 

Voy.,  au  t.  XIV  du  Froissart  édité  par  M.  Buchon,  le  poSme 
français  sur  la  déposition  de  Richard  II  (p.  322-166),  écrit  par 
un  gentilhomme  frahçais  qui  était  attaché  à  sa  personne.  — 
Voir  aussi  la  publication  de  M.  Thomas  Wright  :  Alltterative 
Poem  on  Ihe  déposition  of  king  Richard  II.— Richardi  Maydis- 
ton  de  Concordia  inter  Ricardum  II  et  civitatem  London,  1838.  ^ 
—  La  lamentation  de  Richard  est  très-louchante  dans  /écm  de 
Vaurin  :  Ha,  Monseigneur  Jean-Baptiste  mon  parrain,  je  l'ai 
tiré. du  gibet,  etc.  Bibl,  royale,  mu,,  6756,  t.  IV,  partie  2.  /b- 
lio  246. 

46  — page  55  —  Laneeutre  fut  obligé  par  U$  $ient  de  Uur  foû- 
ser  tuer  Richard.., 

tSi  fut  dit  au  roi  :  tSire,  tant  que  Richard  de  Bordeaux  vive, 
vous  ni  le  pays  ne  serez  à  sûr  état.  >  Répondit  le  roi  :  c  Je 
crois  que  vous  dites  vérité,  mais  tant  que  à  moi  je  ne  le  ferai 
jà  mourir,  car  je  l'ai  pris  sus.  Si  lui  tiendrai  son  convenant 
(promesse)  tant  que  apparent  me  sera  que  fait  me  aura  trahi- 
son. »  Si  répondirent  ses  chevaliers  :  •  Il  vous  vaudroit  mieux 
mort  qu£  vif  ;  car  tant  que  les  François  le  sauront  en  vie,  ib 
s'efforceront  toujours  de  vous  guerroyer,  et  auront  espoir  de  fe 
retourner  encore  en  son  Etat,  pour  la  c«iuse  de  ce  que  il  a  la 
fille  du  roi  de  Franco.  •  Le  roi  d'Angleterre  ne  répondit  point 
à  ce  propos  et  se  départit  de  là,  et  les  laissa  en  ht  chambre  par» 


IcrensemMe,  et  il  entendit  à  ses  ranconniers,  et  mil  un  faucon 
sur  son  poing,  et  l'oubli k  à  le  palirc.  >  Froissart,  1.  MV,  c, 
Lxiii,  p.  238. 

47  —  page  M  —  Sa  teùnee  ilait  iant  un  litrt  mtntilhux  qui 
m'appttait  Sma}orad... 

Ce  passage  du  Religieux  de  Sainl-Denis  ne  peut  Ironver  son 
explication  que  dans  les  anieurs  qni  ont  traité  de  la  Cabnle. 
Voiries  iravanxdeH.  VraDclt,sî  remarquables  parlaprécifloa 
et  la  netteté. 

48  —  page  57  —  Lt  pauvr»  prinea  intit  rapproche  de  la  frè- 

t  Sequenti  die ,  mente  se  alienarl  sentiens,  jnssit  sibi  cul- 
IcUnm  amoveri  et  avoncnlo  sno  duei  Burgondie  pr»ccpil,  ut 
sicomoes  facerenl  curiales.  Totangustiis  pressns  est  illa  die 
quodseqneDti  luce,  cum  prœralum  ducem  el  anlicos  accersissei. 
cis  lachriniabiliter  fassuaesL,  qood  morlem  avîdios  appetcbal 
quam  taliter  cruciari,  omnesque  circomstantes  movens  êd  la- 
cbriroas,  pluries  fcrtur  diiisse  :  Amore  Jesn  Christi,  si  sinl  ati- 
qui  coQScii  bujus  mal!,  oro  ut  me  non  terqoeant  smplius.  «ed 
cito  diem  ultimnra  faciant  me  siguiTe.' R»ligitua dt  Saint- 
Denii,  m».  Baluzt. 

49  —  page  57  —  Un  rot  *i  d^xMnairt.,. 

Le  Religieux  donne  une  preuve  remarquable  de  la  doueenr 
de  Charles  VI  :<Cuminitincre...  adolescens...  dexlrarinm...  nr- 
gcrel  calcaribus,  ut  eum  ad  superbiam  exciiaret,  recalciirando 
valce  tibiam  cjus  graviter  vuloeraiit  et  inde  cruornuili  lar- 
gissimus,  lade...  circumstanlcs  cum  in  actorem  deltcti  animad- 
vcricre  conarentur,  id  rex  manu  et  verbis  \i.:\  ibiis,  cic.  Ibidem, 
folio  736. 

90  —pages?  —  H  lalwuHout  U  monde,  l.-i  jirfi 
grandi... 

•  Tanta  affabilitalc  prtecminebat,  utelinni  (ruiUi'iii|jlihi)ibuB 
pcnonis  ex  iroproviso  eL  nominalim  salmiunuli  ik'pciiilerei 
affatum,  et  ad  se  iagreUi  voleniibus  \cl  otturruutibus 


S98  APPUiSICE. 

moine  collocvlioitis  aat  ofiferret  ultro  oommereiiim  tai  poslii- 
lanlibos  non  nefsrei..,  Qusmvi»  l^efieficioram.  el  injuriinm 
valde  recolens,  non  tamen  naturaliterneqae  ma^is  deetvsis 
sic  ad  iracundianv  pronus  fuit,  ut  alicui  contumelias  autim- 
properia  pr oferret.  Carnis  lubriea  eaatn  malriiBimii  hoaesii- 
tem  dicitur  laboTftsse,ita  tamen  utnanÎDi  acandalom  fieiet, 
DuUi  vis,  nnlli  enormis  inflif^eretnr  injaria.  FradeceaMnim 
morcm  cUam  non  okservaas»  raro  et  eam  diapIienUa  habito 
regaii,  epMgio  seilieet  ei  taiari  tnaiea  ntabaliar,  ttà  îBdiffe- 
renter,  ul  decuriones  cœteri,  holosericis  indalas,  ei  moc  Bêe- 
mannum  nunc  Alemannnm  se  fingens^  etiam...  post  aactioocm 
auscepiam  hastiladta  ai>oaa  miUiaria  jualassej^aa  execoÉ^t.» 
Ibidem,  folio  141. 

51  ^  paga  57  —  ô»  M  mêtttni  dÊtw  mm  IH  «im  jwf#«  /lAr..* 
«  Filia  cnjusdam  mercaCoria  eqvorem...  qn»  quidem  oomr^y 

tenter  fnii  remunerata,  quia  sibi  ffl«ninl  d«ta  dno  manerii 
pulchra  cum  suis  omnibus  pcrtin«ntns,  silnata  unam  a  Creicil, 
•et  aliad  a  Bagaolet,  et  rpaa  Tulgariter  voeabatur  palam  et  pu- 
bliée Farva  Hegina,  et  secdm  dia  sietit,  saseepitqae  aè  eo  onani 
filiam,  qvam  ipae  re«  matrimon>ialiter  eopalavît  evidam  Dtin- 
<Cttpato  ttarpedeoDe»  eai  dédit  daniniam  de  BefleviHe  io  Pic- 
tavia,  iiliaque  vocabatur  domicella  de  BeHevine.  >  ^  Je  d^ 
retrouve  plus  la  source  d'où  j'ai  tiré  cette  note.  Elle  est  ou  ài 
Religieux  de  Saint-JOenia,  oa  da  wê»,  Dupuy,  Dûtourt^ili- 
nuiire»  mesUz,  coté  4H8. 

52  — page  59,nore — Les  caries  étaient  connues  avant  CharitsTl, 
maië  peu  en  vsage, . . 

On  en  trouve  la  première  menlton  dans  le  Renart  contrefait, 
dont  l'auteur  anonyme  nous  apprend'  qu'il  a  commencé  sod 
poëmc  en  1328  et  l'a  fini  en  1341.  M.  Peignot  a  donné  une  n- 
ricusc  bîQgraphie  de  tous  les  auteurs  qui  ont  traité  ce  sujet. 
Peignot,  Recherches  sar  les  danses  des  morts  ei  sar  Ips  carti  s  i 
jouer.  —  Les  uns  font  les  cartes  d'origine  allemande^  les  autres 
d'origine  espagnole  ou  provençale.  M.  R4mnsat  remarque  que 
nos  plus  anciennes  caries  à  jouer  ressemblent  aux  cartf's  cbi- 
ooises.  Aboi  Rénasal,  Uém,  Acad.,  2«  s«rie,  t.  VH,  p.  418. 


290 

53  —  page  59  —  Le$  caries  étaient  jMMifit  Sabord;  mais  cela 
étant  trop  ^i€r,  on  $*apUa  de  Ut  ttnpriaMT... 

Ea  14S0,  Philippe-Marie  Tiseonli,  duc  de  ViUa,  paya  quiiue 
eeats  pièces  d'or  pour  un  jev  de  cartes  peinteâ,  —  En  iiïi,  les 
earliers  de  Venise  présoBient  reqaéie  peur  se  plaindre  du  tort 
que  leur  font  les  marchands  étvaii^ers  par  les  caiies  qu'ils  tm- 
priiii#iU.  Ibidem,  p.  3i8,  j^. 

54  •*  page  60  —  Chariêê  VI  appêOa  cmuÊ  fm  jmcmiiI  Im  ifyt- 
téres  de  la  Paseion  «  $eê  omet  tt  (^rt  eoufrérot,  » 

Ordonnances,  t.  YIll,  p.  555,  déc.  4409.  -^  Dana  une  lettre 
bien  antérieure,  Charles  VI  assigne  :  «  Quarante  francs  à  certains 
chapelains  et  clercs  de  ta  Sainte-Chapelle  de  nostre  Palais  à 
Faris,  lesquels  joueront  devant  nous  le  jour  de  Pasqnes  nagaires 
passé  lesjenx*(1ela  Résurrection  Nosiro  Seigneur. >5  avril  1390. 
BibUothéquê  royûle,  mtt.y  eabinH  det  tkret, 

55  —  page  64  ^  Louis  d' Orléans,  etc.. 

Voir  le  Religieux  de  Saint»Denis  à  Tannée  1405,  et  le  portrait 
qu'il  fait  du  duc  d'Orléans,  année  1407,  m«.  Baluze^  folio  553. 
—  V.  aussi  les  complaintes  et  autres  pièces  sur  la  mort  do  Louis 
d'Orléans.  Bibt,  ro^ahy  mss.  Colbert  2403,  Regins  96^1-5. 

•  • 

56  —  page  65  —  LesvieiUet  barhts de  V Université  se  troublaient 
à  ses  vires  saillies,.. 

V.  page  109  la  réponse  qu'il  leur  fil  en  1405.  Toutefois  ordi- 
nairement il  leur  parlait  avec  douceurv.'  «  Ipsum  vidi  clegantio- 
rcm  respondendo...  quam  fucranl  proponendo...  milissimc 
alloqui,  et  si  uspiam  errassent,  leniler  admonerc.  »  Religieux  de 
Saint' Denis,  mu»,  553  tsrao. 

•  « 

57  —  page  65,'  note  t  —  L'édiicalioa  d'un  jeune  chevalier  par 
les  fftmnes- . . 

Los  histoires  de  Saintré,  de  Flenrangcs,  de  iacqaes  de  La- 
lai  ng,  ne  sont  guère  autre  chose.  L'homme  y  prend  toujours  le 
petit  rôle;  il  troave  doux  d'y  Caire  l'enfaat.  Tout  au  contraire 
de  la  Nouvelle-Héloise,  dans  les  romans  du  xv«  siècle,  la  femme  , 
€n:>(.'igno,  et  non  l'homme,  ce  qui  est  hien  plus  gracieux.  C'cu 


300  APnsiDiCE. 

ordinairement  nnejennô  dame,  mais  plus  ftg^e  que  {«i, une 
dame  dans  la  seconde  jeunesse,  une  grande  dame  surtout,  d'au 
rang  élevé,  inaccessible,  qui  se  plaît  à  cultiver  le  petit  page,  à 
l'élever  peu  à  peu.  Est*çe  une  mère,  une  sœur,  un  ange  gar- 
dien ?  Un  peu  tout  cela.  Toutefois,  c'est  une  femme...  Oui,  maU 
une  dame  placée  si  haut!  Que  cle  mériie  il  faudrait,  que  d'ef- 
forts^ de  soupirs  pendant  de  longues  années  l...  Les  leçoos 
qu'elle  lui  donne  ne  sont  pas  des  leçons  pour  rire  :  rien  n'e^t 
plus  sérieux,  quelquefois  plus  pédantesque.  La  pédanterie  même. 
*  l'austéiiié  des  conseils,  la  grandeur  des  difficultés,  font  on 
contraste  piquant  et  ajoutent  un  prix  à  l'amour...  Au  but,  tout 
s'évanouit;  en  cela»  comme  toujours,  le  but  n'est  rieo,  la  route 
est  tout.  Ce  qui  rcste^  c'est  un  chevalier  accompli,  le  mériie  et 
la  grftcc  même.  —  Voir  l'histoire  du  Petit  iehan  de  Saiotré, 
3- vol.  in-12,  172^;  lePanégyric  du  chevalier  sans  reproche  (La 
Trémouille),  1527,  etc.,  etc.  (note  de  1840). —  Voir  Renaissanee. 
Notés  de  Tintroduciion  (1855). 

58  —  page  66  ^  Christine  de  Pisan... 

Nous  devons  à  M.  Thomassy  de  pouvoir  apprécier  enfin  ce 
mérite  si  longtemps  méconnu.  Essai  sur  les  écrits  politiques 
de  Christine  de  Pisan,  1838.  M.  de  Sismondi  la  traite  encore 
assez  durement.  Gab:icl  Naudé,  ce  grand  chercheur,  avait  eo 
l'idée  de  tirer  ses  manuscrits  de  la  poussière.  Naudsi  Epistolf, 
épist.  XLIX,  p.  369. 

59  —  page  66  -«  Christine  n'eui  de  rapport  avec  le  duc  <fOr- 
léans,  etc.- 

Elle  dédia  au  duc  d'Orléans  son  Débat  des  deux  amants  et 
d'autres  ouvrages.  Du  reste,  elle  fait  entendre  qu'elle  ne  le  \it 
qu'une  fois,  et  pour  solliciter  sa  protection  :  «  Et  ay-je  veu  Je 
mes  yeulx,  comme  j'eusse  affaire  aucune  requeste  d'ayde  de  sa 
parolle,  à  laquelle,  de  sa  grlice,ne  faillis  mie.  Plus  d'une  heure 
fus  en  sa  présence,  où  je  prenoye  grant  plaisir  de  veoir  sa 
contenance,  et  si  agmodérément  expédier  besongnes,  chascooe 
par  ordre;  et  moi  mesmes,  quant  vint  à  point,  par  luy  fus  ap- 
pclléc,  et  fait  ce  que  requeroye...  •  ^  Elle  dit  encore  du  duc 
d  Orléans  :  •  N'a  cure  d'oyr  dire  déshonneur  des  femmes  d  ao- 


APPEXDICB.  30  f 

tray,  à  l'exemple  du  sage,  (et  dit  de  telles  notables  paroUcs  : 
c  Quand  on  me  dit  mal  d'aucun,  je  considère  se  celluy  qui  le 
dit  a  aucune  particulière  hayne  à  celluy  dont  il  parle)  >,  ne  de 
nelluy  mesdire,  et  ne  croit  mie  de  legier  mal  qu'on  luy  rap- 
porte. >  Christine  de  Pisan,  collection  Petitot,  t.  V,  p.  393. 

60  —  page  67  -<-  Motutrelet  est  sujet  et  serviteur  de  la  maison 
de  Bourgogne.., 

M.  Darcier  n'a  pas  réussi,  dans  la  préface  de  son  Monstrelet, 
à  établir  Timpartialité  de  ce  chroniqueur.  Monstrclct  omet  ou 
abrège  ce  qui  est  défavorable  à  la  maison  de  Bourgogne ,  ou 
favorable  à  l'autre  parli.  Gela  est  d'autant  pins  frappant  qu'il 
est  ordinairement  d'un  bavardage  faligant.  c  Plus  baveux  qu'un 
pot  à  moutarde,  >  dit  Rabelais. 

61  —  page  68  —  Charles  V  re^itaux  Flamands  Lille  et  Douais 
la  Flandre  française.,, 

11  est  curieux  de  voir  comment  Philippe  le  Hardi  eut  l'adresse 
de  se  conserver  cette  importante  possession  que  Charles  V  avait* 
cru,  ce  semble,  ne  céder  que  temporairement^  pour  gagner  les 
Flamands  et  faciliter  le  mariage  de  son  frère.  Celui *ci  obtint, 
sous  la  minorité  de  Charles  VI,  qvon  lui  laisserait  LUle,  etc., 
pour  sa  vie  et  celle  de  son  premier  hoir  mâle.  11  savait  bien 
qn'une  si  longue  possession  finirait  par  devenir  propriété.  V.  les 
Preuves  de  l'Hist.  de  Bourgogne,  de  D.  Plancher,  16  janvier  1386, 
1. 111,  p.  91-94. 

62  —  page  69  —  La  langue  française  et  wallonê  ne  gagna  pas 
nn  pauee  de  terrain  sur  le  flamand,,. 

C'est  ce  qui  résulte  de  l'important  mémoire  de  M.  Raoux;  il 
prouve  par  une  suite  de  témoignages  que  depuis  le  xi*  siècle, 
la  limite  des  deux  langues  est  la  même.  Rien  n'a  changé  dans 
les  villes  mêmes  que  les  Français  ont  gardées  un  siècle  et  demi. 
Mémoires  de  l'Académie  de  Bruxelles,  t.  IV,  p.  442-440. 

63  —  page  69  —  Pierre  Dubois  se  fltpirate^  etc... 

Mcycri  Annales  Flandriae,  folio  208,  et  Altemeyer,  Histoire 
des  relations  commerciales  et  politiques  des  Pays-Bas  avec  le  Nord^ 
d'oitrés  les  documents  inédits;  ms. 


302  ÀPFBFiMa. 

04  —  page  73  —  L$  êw  dTOrlèans  jeta  le  garni  à  Emiri  TV  pour 

vmger  Richard  il,  . 

Lettre  des  ambassadeurs  anglais  contre  le  dnc  d*0rl^ns,ete.  : 
c  Le  roi  d'Angleterre ,  alors  duc,  étant  rerenn  en  Angleterre 
demander  justice,  a  éié  ponrsniYÎ  parle  roi  Ricbard,  lequel  est 
mort  en  celte  poursuite,  ayant  auparavant  résigné  sou  royauote 
audit  duc;  Il  n'est  pas  nouveau  qu'un  roi,  comme  un  pape,  puisse 
résigner  son  État.  »  24  septembre  1404.  Arehivei^  Trésor  dt$ 
Chartes,  1.,  645. 

^  ^  psige  74  -«  Si  r«»  efi  rfyyoii  um$  traditiom  eoHêertéê  par 
Mêyer^  etc.. 

Meyer  ne  nomme  pas  cet  auteur»  qui  nons  apprend  senlemeoi 
dans  le  passage  cité,  qu'il  a  vu  souvent  Charles  VII  et  causé 
familtèrenenL  avec  lai.  Il  préleml  qœ  Jean  sans  Peur  voulait, 
dès  le  vi\ant  de  son  père,  tuer  le  duc  d'Orléans;  que  dès  qu'il 
lui  succéda ,  il  demanda  à  ses  oooaeiUers  quel  était  le  moyen 
d'en  venir  à  bout  avec  moins  de  danger.  N'ayani  pa  chang^er 
sa  résolution,  ils  lui  conseillèrent  d'attendre  qu'il  eâi  perdu 
son  easomi  dans  l'esprit  du  people  :  «  Id  autem  hoc  modo 
efiicere  possct,  si  Parisiis  praBcipue  et  stmslîter  in  aliis  quibas- 
qae  regoi  nobilioribus  civitalibus,  per  l>iennium  vcl  trieanum 
anie  per  impo^ttas  perso naa  abiqne  disseminari  facerct  :  €  Se 
«.maxime  regnicolis  compati  et  oondoicre,  quod  tôt  tributis, 
c  et  variis,  et  mullipWcibu§  vecligalibus  premerenlur.  Scque 
«  tolis  onili  conatibus  ut,  regno  ad  antiquas  suas  libertates 
«  atqAe  immvnitates  restîtulo,  omnibns  hujusmodi  moieslis- 
«  simis  gravissirnisquc  exaclionibus  populos  lev.nrclur;  sed  ne 
c  sui  oplimi  ac  piissimi  voti  et  affectus  quem  ad  regnum  et  re- 
«  gnicolas  gercbnt,  fructum  asscquerelur,  ipsius  Aurolianensis 
t  duels  vires  et  conatus  semper  obslitisse  et  continuo  obstaro, 
€  qui  omnium  hujus  modi  imponendorum  et  in  dies  excres- 
<  ccnlium  novorui»  tribulorum  alque  vectigalium  author  et 
«  defensor  maximus  exisleret  ac  scmper  cxlilisscl.  »  Hoc  igilur 
rumorc  per  oiîines  pcne  civilales  et  provincias  regni  auresmen- 
Icsque  popuîarium  occupanle,  tanla  iuvîdîa  apud  plcbcm  fqu:i? 
hujusmodi  gravaminavedigalium  atquccxaclionum  allius sentit 
alquc  suspiratj  couflata  fuit  adversus  praefatum  Aurcliaucnsium 


APPEimiCE.  399 

dpcem,  tantas  rero  amor,  gratîa  ntqtie  farer  omnhnn  dnci  Bar» 
gundioniim  arcesserant,  nt...  »  Meyer,  tï^Terso. 

66  —  page  75  —  Le  duc  de  Bourgogne  déclara,  elc... 

c  Compaliend» fegQicolit ..  ABiuwpt^quod  ^1...  coMensiaaety 
Iode  Anoentamillia  soatt  anri,  sibi  promiasa,  fMreepisiifll.  •  Bt- 
ligieux  âe  SaivU-Demi,  nu.,  folio  391. 
Uemoya  Amm$  tomH$  ki  villes  dê$  townrniêiairm,  elc..« 
t  Qoi  de  uavrariis  dolo&isquc  contraeiiboa  et  specLaliter  d» 
illis  qui  ultra  inedMlaleni  justi  pretii  aliquid  veadidissent  in* 
qairerefft,  el  ab  eîa  aecandam  démérita,  pecaniaa  extorque* 
rcDt.  •  Ibidem^  folio  394. 

67  ^  page  77  — 1^$  Ànglëi$  fmmênnaimU  h  eapUainê  de 
Parii.,. 

Lefteligîevx  parait  eroire  pourtant  qu'il  était  ianooent;  ie 
Parleaiaat  le  jugea  tel.  11  était  Normand,  et  fortement  soutenv 
par  let  nobles  de  Normandie.  Ibidem^  fêlêo  414.  «  £t  diaeieAi 
les  Angiaia...  <|«'tl  n  y  avoil  cbose  si  aecrete  an  eonaeil  du  ro^ 
que  tantost  après  ils  ne  sccussent.t  in  vénal,  p.  162. 

68  —  page  77  -—  Jêtm  «ma  Pewr  conclut  wie  tréoe  imarrk<mde 
avec  les  Anglais.,» 

En  1403,  le  due  de  Bour{^>^nc  n'osant  négocier  avec  les- 
Anglaia,  laiaia  les  villes  de  Flandre  traiter  avec  enx.  Rymcr, 
cditio  tertta,  t.  IV,  p.  IM.  ^  11  se  lit  ensuite  anloriscr  par  le  roi 
à  eoadnre  une  Iréve  marchande.  Cette  trêve  fut  renouvelée  par 
sa  veuve  et  son  anecesseur,  S9  août  4403, 19  juin  i4Ûi.  Archives, 
Trésor  dês  CkartrUy  J.,  573. 

69  »  page  77  —  L'habile  et  henreux  fondateur  de  la  maison  de- 
Dmirgogne,  etc... 

V.  Kexeellent  jugement  que  Le  Laboureur  porte  sur  le  carac- 
tère de  Philippe  le  Hardi.  Introd.  à  i'Hist.  do  Cbarles  VI,  p.  96» 

70  —  page  79  —  Ln  cession  de  biens  au  moyen  âge,.. 
Glossaire  de  taurière,  t    I,  p.  Î06.  Michelcl,  Origines  du 

droit,  p.  393  :  t  Se  dcsccindre,  »  c'est  le  signe  de  la  cesbio» 


3di  APPEKDICB. 

d«  biens.  —  fin  certaines  villes  dltalie,  celai  qui  fait  cession 
a  payé  pour  toujours,  c  s'il  frappe  du  cul  sur  la  pierre  en  pré- 
sence du  juge.  Y  • 


>»•• 


Vi  —  page  79  •*->  £«a  rêmoneiatia»  de  la  veuvr, 

Michelet,  Originet^  p.  42  :  c  La  clef  était  un  des  principaux 
symboles  usités  dans  le  mariage...  ^Eu  France:  «  Lorsqu'on 
ostoit  les  clefs  à  sa  femme,  c  étoit  le  signe  du  divorce.  »  Godet. 
—  t  C'est  une  coutume  chez  les  François  que  les  veuves  dé- 
posent leurs  clefs  et  leur  ceinture  sur  le  corps  mort  de  leur 
43pottx,  en  signe  qu'elles  renoncealAla  communauté  des  biens.  » 
Le  Grand  Goutumier. 

73  -*-  page  79  —  La  duAusê  de  Bourgogne  acccmpHl  brate- 
mentla  eèrèmonie,., 

t  Et  là  (à  Arras),  la  duchesse  Marguerite,  sa  femme  (femme 
de  Philippe  le  Hardi),  renonça  à  ses  biens  meubles  parla  doute 
qu'elle  ne  trouvât  trop  grands  dettes,  en  mettant  sur  sa  repré- 
sentation sa  ceinture  avec  sa  bourse  et  les  clefs,  comme  il  est 
de  coutume,  etc.  >  Monstrelet. 

73  —  page  81    -—  La  France  était  redevenite  riche  par  la 

paix.,. 

Gela  ressort  d'une  infinité  de  faits  de  détail.  Un  historien 
dont  l'opinion  est  grave  en  ce  qui  touche  l'économie  politique, 
et  que  d'ailleurs  on  ne  peut  soupçonner  d'oublier  jamais  la 
cause  du  peuple,  M.  de  Sismondi  a  compris  ceci  comme 
cous  :  c  L'agriculture  n'était  point  détruite  en  France, 
quoiqu'il  semblât  qu'on  eût  fait  tout  ce  qu'il  fallait  ponr 
l'anéantir.  Au  contraire,  les  granges  brûlées  par  les  dernières 
expéditions  des  Anglais  avaient  été  rebâties,  les  vignes  avaient 
élé  replantées,  les  champs  se  couvraient  de  moissons.  Les  arts, 
les  manufactures,  n'étaient  point  abandonnés;  au  contraire, 
il  parait  qu'ils  employaient  un  plus  grand  nombre  de  bras  dans 
les  villes,  à  en  juger  par  les  statuts  de  corps  de  métiers  qui 
se  multipliaient  dans  toutes  les  provinces,  et  pour  les- 
quels on  demandait  chaque  année  de  nouvelles  sanctions 
royales.  La  richesse,  si  barbarement  enlevée  à  ceux  qui  l'avaient 


▲PPENBICB.  30S 

produite,  était  bientôt  recréée  par  d'autres;  et  il  faut  bien  que 
ce  fût  avec  plus  d'abondance  encore,  car  le  produit  des  tailles 
et  des  impositions,  loin  de  diminuer,  s'était  considérablement 
^ccm.  Le  roi  levait  plus  facilement  six  francs  par  feu  dans 
jl'année,  qu'il  n'aurait  levé  un  franc  cinquante  ans  auparavant.  » 
"Sismondi,  Histoire  des  Français,  t.  XII,  p.  173. 

74  —  page  81  —  0»  dùatt  au  peuple  que  la  reine  faûaii  passer 
en  AllenutgM,  etc. . . 

c  Cum  regina  ex  illis  sex  equos  oueralos  auro  monetato  in 
Alemaniam  mitteret,  boc  in  pnedam  veoit  Metensium  (de  ceux 
de  Metz)  qui  a  conductoribus  didicerunt  quod  alias  finantiam 
similem  in  Alemaniam  conduxeraot, unde mirati snnt  muiti,  cum 
sic  vellet  depauperare  Franciam  ut  Alemanos  ditaret.  >  Reli- 
gieux de  Saint-Denis,  m«.,  folio  440. 

75  —  page  81  —  Le  grave  historien  du  temps  croit  qus  la  taxe 
précédente^  etc... 

c  Mihi  pluries  de  summa  sciscitanti  responsum  est^  quod 
octies  ad  centum  millia  scuta  auri  venerat,  quam  tamen  pro- 
priis  deputaverunt  usibus.  >  Ibidem,  folio  439. 

76  —  page  85  ^  O/i  obtint  de  Charles  VI  qu'il  appelât  le  duc  de 
Bourgogne^  etc... 

Monstrelet,  t.  I,  p.  163.  Le  greffier  du  Parlement,  contre  son 
ordinaire,  raconte  ce  fait  avec  détail  :  €  Ce  dit  jour,  le  roy 
estant  malade  en  son  bostel  de  SaintrPoI,  à  Paris,  de  la  maladie 
de   l'aliénation  de  son    entendement  (laquelle  a   duré  dès 
Tan  mil  cccuaxx  et  xui,  hors  aucuns  intervalles  de  résipiscence 
telle  quelle),  et  la  royne  et  le  duc  d'Orliens  Loys  frère  du  roy 
estant  à  Mcleun,  où  leu  menoit  le  dauphin  duc  de  Guienne 
aagié  de  IX  ans  environ  et  sa  femme  aagiée  de  X  ans  ou  envi- 
ron, au  mandement  de  la  royne  mère  dudit  dauphin,  Jehan  due. 
de  Dourgoigne  et  contes  de  Flandres,  cousin  germain  du  roy  et 
père  de  la  femme  dudit  dauphin  (qui  venoit  au  roy  comme 
len  disoit  pour  faire  hommage  après  le  décès  de  Philippe  son 
père,  oncle  du  roi,  jadis  de  ses  terres,  et  pour  le  visiter  et  avi- 
ser comme  len  disoit  du  petit  gouvernement  de  ce  royaume) 
If.  V)    • 


3)6 

ftonpeconam  eomme  len  disoti  que  la  royiic  a>Qsl  oiandé  MU 
daaphia  pour  aa  venae,  chevancba  liaaiiveneiit  ci  aavdaioe- 
meat,  à  toal  ta  gent  annôfl  de  Loavrea  ea  Parlais  od  il  arott  feu, 
cil  passant  par  Paris  aaviron  Vil  hanraaao  «Raiin,  et  a  coosoit 
ledit  dauphin  son  gendre  ^oi  avotl  gan  à  Vîll&-Jayv«  à  Geoisy, 
cl  ledit  dauphîn  mterrogné  après  salas  ad  il  ak>il  et  si  \avdrait 
pas  bien  retourner  en  sa  bonne  ville  de  Paris,  a  rcspondu  que 
oy,  comme  Ion  disoit,  le  ramena  enviroa  XII  keiurea  contre  le 
gré  du  marquis  du  Pont  cousin  germain  du  roy  et  dudit  dacet 
contre  le  gré  du  frère  «de  la  rovne  qoi  le  meDoicoi»  aaqacl 
dauphin  nièrent  au-dcvaat  le  roy  de  Nararre  cooslo  gerosaia, 
te  duc  de  Berry  et  le  duc  de  Boarbon,  oncles  du  roy  et  plasicars 
autres  seigneurs  qui  estoient  à  Pa.is,  et  le  meoèrcol  oo  cbas- 
teau  du  Louvre  pour  ôtre  plus  seuremeal;  dont  ae  tiodrcat 
mal  contens  lesdits  duc  d'Orlienset  la  royne,  tclemeni  que  bine 
onde  s'assemblèrent  à  Paris  du  cousté  dudit  duc  de  Bourgogne 
le  duc  de  Lambourt  son  frère  à  grand  nombre  de  gens  d'armes, 
et  ou  plat-paiz  plusieurs  de  plusieurs  paiz  et  à  McLcuo  cl  en 
paiz  environ  du  consté  du  duc  d'Orlicns  plusieurs,  comme  Ion 
disoit.  Quil  en  avendra?  Dieu  y  pourvoi,  car  en  lui  doit  e^e 
espérance  et  sicncj  et  <  non  in  principibus  nec  in  ûliis  bomi- 
num,  in  quibus  non   est  salus.  >  Archives^  Registres  du  ParU- 
ment.  Conseil,  voL  XII,  folio  222, 19  août  1405. 

77  —  page  85  —  Le  parti  d'Orléans  reprenait  dix-^huH  petita 
f lires,  etc.. 

Le  comte  d'Armagnac  prit  d'abord  dix-huit  petites  plices, 
selon  le  lieligieux,  ms.,  469  verso:  t  Bnrdegalenscm  adîit  civi- 
Inlcm,  îp«is  mandans  quod  si  cxire  audcbant...  »  —  Le  conn«5- 
table  d'AIbrel  et  le  comte  d'Armagnac,  e^mployanl  tour  à  lonr 
les  anncs  et  Targcni,  se  firent  rendre  soixante  forts  oa  vill.ig  s 
lorliliés.  Religieux,  471,  verso, 

<     78  --  page  88  —  CéîaU  U  ttunmnt  où  1$  noaaatM  evmu  d 

Flandre^  etc.. 
A     Promesse  de  la  duchesse  de  Bourgogne  et  du  due  iean.  son 
j  fils,  qui  s'engagent  à  suivre  l'iastmction  du  roi  pour  r^Sgier  i.- 

rommercc  des  Flamands  avec  les  Anglais,  19  juin  1401.  Arckiccs, 

Ti(i4tir  des  Oiartûs,  J .  573. 


AFrasmcE.  807 

79  — '^age  88  *^  Le  due  à»  B^utfogm  roMembU  du  mimt- 
tiow$  inlimiiêf  douze  êemis  ranoMi... 

Voyez  le  curieux  travail  4e  M.  Laeabane  sUr  VHiiloirê  de 
VmrtUUriê  au  mofêH  offe  (maouscril  ea  1840). 

80  —  page  88  —  Lês  €a$con$  qui  avaient  appelé  U  due  d^Or^ 
léa$ste  ravisèrent  et  ne  Vaidérênt  point... 

<  Ferefoatur  eapitaneos  ad  custodiam  Aquitaniae  depuiatos 
dominum  duccm  AareliaDensem  antea  sollicilasse,  ul...  aggre* 
diendo  armis  palriam  Durdegalensem...  ^  lier  arripuit,  qnam- 
vis  minime  ignoraret  agililatem  Vaseonum  cl  qnantis  astootis 
Francos  reileratis  vicibus  dcccpcrunt  ab  auliquo.  »  Religieux 
de  Saint-Denis,  nu.,  folio  m,  490. 

81  —  page  89  -*  L«  due  de  Bourgogne  aeeueent  le  di$c  d^Or- 
/éHYU,  etc. 

Monstrelet  dit  que  Ion  avait,  abusé  du  nom  du  roi  pour  dé- 
fendre aux  capitaines  de  la  Picardie  et  du  Boulenois  d'aider 
le  due  de  Bourgogne.  Monstrelet,  I.  1,  p.  193.  ^  Le  duc  ré- 
clama des  dédommagements.  V.  Compte  des  dépensei  faites  p(ir 
le  duc  de  Bourgogne  pour  le  siéye  de  Calais^  extrêmement  impor- 
tant pour  l'histoire  de  l'arlillerie,  et  en  général  du  matériel  de 
la  guerre.  Arckives,  Trésor  des  Ckarles,  J.  922. 

82  —  page  95  — .!<«  testament  du  due  dOrléane.,. 

On  y  voyait  le  goût  et  la  connaissance  familière  des  divines 
Écritures  et  des  choses  saintes.  Durant  sa  vie,  il  avait  été  le 
plus  magnifique  des  princes  dans  ses  dons  aux  églises.  Ses  der- 
nières volontés  étaient  plus  libérales  encore.  Après  le  payement 
lie  ses  dettes  qu'il  recommandait  d'une  façon  expresse,  com- 
Dieoçait  un  merveilleux  détail  de  toutes  les  fondations  qu'il 
ordonnait,  des  prières  et  services  funèbres  qu'il  prescrivait 
pour  ta  mémoire  et  dont  les  cérémonies  étaient  soigneusement 
déterminées.  11  assignait  des  fonds  pour  construire  une  cha- 
pelle dans  chaque  église  dcSaiotc-Croix  d'Orléans,  Kotre-Dame 
de  Chartres,  Saint-£ust«che  et  Saint-Paul  de  Paris.  En  outre, 
comme  il  avait  une  dévotion  particulière  pour  Tordre  des  reli- 
gieux Célcstins,  il  fondait  uno  chapelle  dans^chacuBe  des 


308  APPENDICE. 

églises  qulls  avaient  en  France,  an  nombre  de  treize,  sans 
parier  des  ricliesses  qu'il  lai^ait  à  leur  maison  de  Paris.  Il 
avait' voulu  y  être  inhumé  en  habit  de  l'ordre,  porté  humble- 
ment au  tombeau  sur  une  claie  couverte  de  cendre,  et  que  sa 
statue  de  marbre  le  représentât  aussi  vêtu  de  celte  robe.  Les 
pauvres  et  les  hôpitaux  n'étaient  pas  oubliés  dans  ses  bienfaits; 
et  son  amour  pour  les  Icilres  paraissait  dans  la  fondalion  de 
six  bourses  au  collège  de  l'Ave-Maria.  Uistoire  des  Célesiîos, 
par  le  P.  Beurrier.  M.  de  Barante,  t.  lU,  p.  95, 3*  édition.  Voir 
l'acte  original,  inséré  en  entier  par  Godefroy,  à  la  suite  de  Jn* 
vénal  des  Ursins,  p.  631-6i6. 

83  ^  page  96  —  Les  Liègeoif  ayant  ehassè  leur  évêque,  ete  .. 

c  Urgcbant  ut  aut  sacris  iniiiaretur,  aut  certc  episcopalum 
abdic^ret.  >  Zanfliet  est  ici  d'autant  plus  croyable  que  sa  par- 
tialité pour  Tévéque  est  partout  visible.  Corn.  Zanilict,  Léo- 
diensi  monachi  Cbronicon,  apud  Martene,  Amplissima  Collee- 
tio,  t.  V,  p.  360.  Voir  aussi  Catalogua  episcoporum  Leoden- 
sium,  auclore  Placentio,  aun.  1&03-1408,  et  la  Colleaion  de  Cba- 
pcauvilie. 

Sï  —  page  100  —  Assassinat  du  duc  d'Orléans.., 
Déposition  de  Jacqueltc  Griflart.  Mém.  Acad.,  t.  XXI,  p.  5i6 
et  suiv.  :  «  Elle  s'en  alla  de  sa  dite  fenestre  pour  coucher  son 
enfant,  et  incontinent  après  ouit  crier,  etc...  •  —  L'autre 
témoin  oculaire,  serviteur  d'un  neveu  du  maréchal  de  Rtenx, 
dépose  aussi  :  «  (lue  le  jour  d'hier  au  soir,  environ  huit  heures 
de  nuit...,  estant  à  Thuis  d'une  des  salles...  qui  ont  égari  sur 
la  Vieille  rue  du  Temple...  ouit  et  entendit  qu'en  la  rue  avoit 
grand  cliquetis  comme  d'épées  et  autres  armures...  ei  disotent 
tels  mots  :  <  A  mort,  à  mort!  »  Dont  lors  pour  scavoir  ce  que 
c'estoil,  il  remonta  en  la  dite  chambre  dudit  son  maître,  qui 
est  au-dessus  de  ladite  salle...  et  trouva  que  aux  fenêtres  d'ieelle 
estoit  desja  ledit  son  maître,  le  page,  le  barbier  d'ioelnî  son 
maître,  qui  rcgardoicnt  en  ladite  Vieille  rue  du  Temple,  par 
Tune  desquelles  fenestres  il  qui  parle  regarda  emmi  ladite  me. 
et  veid  à  la  clarté  d'une  torche  qui  étoit  ardente  sur  les  car- 
reaux, que  droit  devant  l'hétel  de  l'Image  de  Notre-Dame, 


APPERDICS.  309 

ëloienl  plusieurs  compaignons  ft  pied,  comme  du  nomlire  de 
douze  à  quatorze,  oui  desqneU  il  ne  connaissoit,  lesquels 
teDoieal  tes  uns  des  espâes  lonies  nues,  lei  aolres  haches,  les 
autres  becs  de  faucon,  et  massues  de  boi&  svaus  piquans  de  fer 
au  bout,  et  desdits  liarnois  fdroient  et  frippoient  sur  aucuns 
qui  esloicat  en  la  compagnie,  disans  tels  mots:  <  A  mort,  ii 
morti  >  El  qu'il  est  vrai  que  lors,  il  qui  parle,  pour  mieux 
voir  qui  esloicnt  iccux  compagnons,  alla  ouvrir  le  gnlchct  de 
la  porte  qui  a  issue  en  ladite  Vieille  rue  du  Temple...  El  ainsi 
qu'il  ouirit  ledit  guicbcl  de  ladite  porte,  on  bouta  un  bec  de 
faucon  entre  ledit  guichet  et  la  porte,  dont  tors  il  qui  parle, 
pour  double  qu'on  ne  lui  Bt  mal  dudil  bec  de  faucon  referma 
ledit  guichet  cl  s'en  retourna  en  la  chambre  dudit  son  maître, 
par  l'une  des  fcocstres  de  laquelle  il  vil  aucuns  compaignons 
qui  éloienl  moniés  sur  chevaux  emmi  la  rue,  et  si  vcid  sortir 
d'icclui  liâlcl,  cinq  ou  six  compagnons  tous  montas  sur  che- 
vaux, qu'incontinent  qu'ils  furent  sonls,  un  homme  de  pied 
près  d'iceux,  fâri  et  frappa  dune  massue  de  bois  pn  homme 
qui  éloit  tout  éiendu  sur  les  carreaux,  et  revêtu  d'une  houppe- 
lande  de  drap  de  damas  noir,  fourriïo  de  marlre)  et  quand  il 
eut  frappi^  ledit  coup,  il  monta  sur  un  cheval  et  se  mit  en  la 
compagnie  des  autres...  El  inceniinent  apri^i  ledit  coup  de 
massue  ainsi  donna,  il  qui  parle  veid  lous  Icsdils  compagnons 
qui  étoient  ft  cheval  eux  en  aller  et  fouir  le  plusiOl  qu'ils  pon- 
voicul  sans  aucune  lumière,  droit  i  l'entrée  de  la  rue  des 
Blancs-Manteaux  tn  laquelle  ils  se  boulèrent,  et  ne  sait  quelle 
part  ils  allèrent.  Incontinent  qu'ils  s'en  furent  alliSs,  lui  estant 
encore  i  ladite  fencsirc,  vil  sortir  par  les  fencsires  d'en  haut 
tiudilbûtcl  de  l'image  Notrc-Dainc,  grande  fumée,  et  si  ouit 
ptusicursdei  voisins  qui  crioient  moult  forl  ;  <  Au  feu,  au 
feu!  •  El  loTS  lui  qui  parle,  ledit  son  maître  et  les  autres  dessus 
nommés,  allèrent  tous  emmi  la  rue.  eux  finns  en  laquelle,  il 
qui  parle  vcid  à  la  clarté  d'une  ou  deux  torches,  ledit  feu  mon- 
seigneur d'Orléans  qui  étoit  tout  dtcndu  mort  sur  les  carreaux, 
le  ventre  contremonl,  et  n'avoit  point  (le  poing  an  Iti^  m-ih,. 
trc...  et  si  veid  qu'environ  lu  long  de  deux  loises  \<n\  ilmlit 
feu  monseigneur  le  duc  d'Orlrans,  éloit  aussi  élCTiiiu  aiir  les 
carreaux  un  compagnon  qui  estoit  à  la  cour  dudil  feu  U.  lo 


X 


310  APPIMMaS. 

duc  d'Orléans,  appelé  ^cob,  qvi  se  oomphûgnoit  monlt  fert« 
comme  s'il  voulait  mourir*  »  Déposition  du  Tarlet  Raoul  Frieur, 
Mém.  Àcad.,  U  XIl,- j».  52». 


«85  —  page  101  ^-  5«ioii  im  oiitrt  réeit,  /«  §r(md  homme  n 
chaperon  rou§e^  ele^. 

«  Cadavef  ignomiatose  traxit  ad  ridaum  foe^idissimum  lutnm, 
ubi,  cum  face  alraminia  ardente,  scelnaadimpletum  yîdit;  mde 
laetu»,  tanqoam  de  re  benegesta,  ad  hospitium  dueis  Bargundî» 
rediit.  •  Religieux  de  Sainl-Denis,  ma.,  folio  553.  > —  T.  dans  les 
Preuves  de  Félibien,  le  rédl  des  Befieiree  du  P^rUmeni,  Ces- 


—  page  101  —  Cêi  pauvret  restes  fitrmt  partie,  petrmi  h 
terreur  gànir0ie..i 

Celle  terreur  ae  paraH  que  trop  dans  le  peu  de  mots  qu'oa 
écrivit  le  lendemain  sur  les  registres  do  Pariement.  Preuves  de 
Félibien,  t.  H ,  p.  5i9.  Les  gens  du  PaViemeM  paraissent 
sentir,  avec  la  sagaciié  de  la  peur,  qu'un  tel  coup  n'a  pu  être 
fait  que  par  un  homme  bien  puissant.  Ils  ne  disent  rien  de 
favorable  au  m or^  :  4  Ce  prince  qui  si  grand  seigneur  estoilet 
si  puissant,  et  à  qui  naturellement,  au  cas  qu'il  e«^t  faiJn  gou- 
verneur en  ce  royaume,  appanenott  le  gowemcni^nt,  en  si 
petit  moment  a  £né  aes  jours  moult  .horribleaient^  Aonfenst- 
ment.  Et  qui  ce  a  faict,  «*  seietur  autem  poatea.  •  —  Plus  tard, 
on  apprend  que  le  meurtrier  est  le  duc  de  Roorgognc,  et  le 
Parlement  fait  écrire  sur  ses  registres  les  lignes  suivantes,  où 
le  biftme  est  partagé  assca  égaleisent  entre  les  denx  |»artis. 
«  XXIU  Dovembris  M  CCCC  VU  iatiitmaaiter  ftiil.  tmcklntus  et 
iaterfcclus  D.  Ludovicns  Francise,  dna  Aufeèianensis  et  frater 
régis,  multum  tututM  et  inag^i  intclleetus,  sed  nmiisin  cama- 
libus  lubricus,  de  nocte  bora  IX  por  ducem  Borgnndiae,  aut 
suo  prœcepto,  ut  confessus  est,  in  vico  prope  pertam  de  Kar- 
hêHe.  Unde  inûnita  roala  proeesscrunt,  qns  dtu  nimis  dara- 
bunt.  »  RegUtree  du  Parlement^  Liber  conediorum^  passage  im* 
primé  dans  les  M41anges  cucieux  de  Labbo,  t.  II,  p.  70i-3. 


AnaHGi.  311 

$7  -  page  iOi-^Ledue  d:Orliani  fnt  «umJt  à  rèQlise  des 
Cèlestifu... 

Les  CélestîDB  avaieol  été  foadës  par  Pierre  de  Morone 
(Célcsiii)  V),  <e  simple  d'eapidiqui  fai  déposé  du  pontificat  par 
DoDiface  Vlll.  En  haine  de  Boiiifaee,  Philippe  le  Bei  honora  les 
Célcslins,  les  ùi  venir  ea  France,  les  établit  dans  la  forêt  de 
Compiègne  (I308)«  Gel  ordre  deviat  trèfl-pop«Uire  en  France. 
Tous  les  hommes  imporlanls  du  temps  de  Charles  V  et  de 
Charles  VI  furent  en  in  lime  reialioa  av«c  eet  ordre.  Montaigu  fit 
beaucoup  de  bien  aux  Célcstins  de  Marcoiiasia.  Arc/iwc», 
L.  1539-1540. 

88  —  page  101  «  Tout  le  monde  pleurait^  let  tmnemk  ûommê 

Monsirelet,  serviiear  de  la  maison  de  Bourgogne,  qui  écrit  à 
Cambrai  (en  la  noble  cité  de  Cambrai,  i.  U  P-  4^)*  et  eert&tne* 
ment  plusieurs  années  après  l'événement,  assure  que  ie  peuple 
se  réjouit  de  cette  mort.  Le  Kcligieux  de  Saînt-Benis,  ordinai- 
rement si  bien  informé,  si  près  des  événements,  et  qui  semble 
les  enregistrer  à  mesure  qu'ils  arrivent*  ne  dit  rien  de  pareil. 
11  assure  que  le  meurtrier  lui-même  parut  affligé  lJfoliQ^Z)\  il 
ne  croit  pas,  il  est  vrai,  à  la  sincérité  de  celte  douleur.  Moi,  j'y 
crois,  cette  contradiction  me  parait  être  dans  la  nature.  L'apo- 
logiste du  duc  d'O'-léans  dît  que  le  duc  de  Bourgogne  pleurait 
et  sangioUtt  :  c  Singultibns  et  lacrymis.  >  Ibidem,  folio  $93. 


89  -^  page  101  —  Hier  tout  cela,  auj^wrd^lmii  jdu$  rien.». 

€  ...  Et  lui  qui  estoit  le  plus  grant  de  ce  royaume,  après  le 
Roy  et  ses  enfans,  est  en  si  petit  de  temps,  si  chétif.  Et  qui 
cecidit,  stabili  non  ercÊt  illê  gradu.  Apio»eo  nuUam  homini  fidu- 
dam,  nisi  in  Deo;  $t  ti  parum  videedur^  illnsceêcat  clarius.,, 
Parcatsibi  Deus,  >  Ardrites.  Registres  du  Fartement,  Plaidoiries^ 
MatinéeSy  VI,  f,  7  verso. 

90  —  page  f03  —  On  trouva  aux  Cêlestins  la  cellule  où  il 
aimait  à  se  retirer... 

Selon  l'apologisle  du  duc  d'Orléans  (Religieux  de  Sainte 
Denis,  ms.,  folio  59i),  il  disait  tous  les  jours  le  bréviaire': 


31?  APPENDICE. 

c  Horas  canonicas  dicebat.  >  — -  tli  avoit,  dit  Sauvai,  sa  cellgle 
dans  le  dorloir  des  Célcstins,  laquelle  y  est  encore  en  son  en- 
tier. Il  jcûnoit,  veilloit  avec  les  religieux,  vcnoil  à  maiines 
comme  eux  durant  l'Avcnt  et  le  Carême.  Ce  prince  leur  a  donné 
la  grande  Bible  en  vélin,  enluminée,  qui  avoit  été  à  son  père 
Charles  V,  et  qu*on  voit  dans  leur  bibliothèque,  signée  de 
Charles  V  et  de  Louis,  duc  d'Orléans.  Il  leur  donna  aussi  ODe 
autre  grande  Bible  en  cinq  volumes  in-folio,  écrite  sur  le  vélin, 
qui  a  toujours  servi  et  sert  encore  pour  lire  an  réfectoire.  > 
Sauvai,  t.  1,  p.  460. 

91  —  page  103  —  Sa  vBUvê  n'eut  pas  la  eontolation  d^Hever  tm 
mort  l'humble  tombé,.. 

c  Considérant  le  mot  du  prophèle':  Ego  sum  vermis  et  non 
homo^  opprobrium  hominum  et  abjectio  plebis;  Je  veux  et  or- 
donne que  la  remembrance  de  mon  visage  et  de  mesmaiassoit 
faite  sur  ma  tombe  en  guise  de  mort,  et  soit  madicte  remem- 
brance vôlue  de  l'habit  dcsdicts  religieux  Célestins,  ayant 
dessous  la  tête  au  lieu  d'oreiller  une  rude  pierre  en  guise  et 
manière  d'une  roche,  et  aux  pieds,  au  lieu  de  lyons ...  une 
autre  rude  roche...  Et  veux...  que  madicte  tombe  ne  soit  que 
-de  trois  doigts  de  haut  sur  terre,  et  soit  faicte  de  marbre  noir 
eslevée  et  d'albâtre  blanc...,  et  que  je  tienne  en  mes  deux 
mains  un  livre  où  soit  cscrit  le  psaume  :  Quicumque  vultsalvas 
csso...  Autour  de  ma  tombe  soient  escrits  le  Pater,  TAvc  elle 
Credo.  «  Testament  de  Louis  d'Orléans,  imprimé  parGodefroy, 
à  la  suite  de  Juvénal  des  Ursins,  p.  633. 

Ct  oist  i.OYS  nue  Dorléans... 
Lequel  sur  tous  ducz  terriens 
Fut  le  plus  noble  en  son  vivant 
Mais  unq  qui  voult  aller  devant 
Par  envye  le  feist  mourir.. . 

» 
Epislaphe  de  feu  Loys,  duc  d'Orléans,  Bibl.  royale^  mes,  Colbert, 
2403;  Regius,  9681,  5. 

D2  —  page  104  -  t  Hinc  surrectura  »... 

Celle  inscription,  la  plus  belle  peu-  être  qu'on  ait  jamais  lue 


soroiiG  tombe  chréiieDoe,  a  été  placée  par  mon  ami,  U.  Fourcy 
(bibliothécaire  de  l'Ëcole  polytechnique),  sur  celle  de  sa  mère. 

93  —  page  iOU,  note  2  —  Iitis  de  Coâtro  .. 

I^pe  parle  seulement  de  la  translatioD  dn  corps  :  <  Como  Toi 
trellada  Dont  Encz,  etc.  >  Collecçao  de  livroi  JDeditoi.  1816, 
I.  IV,  p.  113.  H.  Ferdinand  Denis,  dans  ses  inléressantes 
Chroniques  de  l'Espagne  et  da  Poringal,  t.  I.  p.  157,  cite  le 
texte  principal  (de  Faria  y  Sooza),  qui  appuie  la  tradition.  — 
Un  savant  Portngais,  H.  Corvalho,  assurait  avoir  vn,  il  y  a 
quelques  années,  le  corps  d'Inès  bien  conservé  :  •  Seulement 
la  peau  avait  pris  le  ton  du  vélin  bruni  par  le  temps...  >  (Ibi- 
dem, 1. 1,  p.  163).  M.  Taylor,  en  1835,  n'a  plus  trouvé  que  des 
ossements  dispersés  sur  les  dalles  du  couvent  d'Alcobaça,  et 
il  les  a  pieusement  inhumés.  Voyage  pitt.  en  Espagne  et  en 
Portugal,  I.  XIII.  —  le  trouve  encore  dans  les  Chroniques,  tra- 
duites par  H.  Ferdinand  Denis  (t.  1,  p.  78),  un  fait  curieux  qui 
caractérise,  autant  que  l'histoire  d'Ings,  te  matérialisme  poé- 
tique de  ces  temps,  c'est  l'histoire  du  bon  vassal  qui  ne  veut  ' 
pas  rendre  son  château  au  nouveau  roi  avant  de  s'assurer  de  la 
mort  de  son  maître  Sanche  II.  Il  va  k  Tolède,  où  Sanclie  était 
morteitlé,  enlève  la  pierre,  reconnaît  le  mort,  cL  accomplit 
son  serment  féodal  en  lui  remettant  au  bras  droit  les  clefs  du 
château  qu'il  lui  a  autrefois  conGées. 

94  — page  106  —  La  tondtauxd»  la  Scala... 

<  1d  terra,  e  meie  sepolte,  son  prima  tre  arche  dî  marmo 
Dostrale,  quali  non  si  sa  per  quat  di  questa  casa  servisscro, 
poichè  non  hanoo  iscriiione  alcnna;  ben  anno  l'arme  sopra  i 
copercbî,  e  nel  mezo  di  uno  li  vede  la  tcala  con  aquila  topra, 

E'n  au  la  ical4  porta  il  aanio  ncdio.  • 

Dante,  Parad.,  ivii,  7S.  HaBei,  Verona  illuslrata,  p:irtc  Icrza, 
p.  78,  éd.  in-folio. 

95  —  page  106  — La  tombe  de  l'asiauini... 

Si  ma  mémoire  ne  me  trompe,  il  y  a  prés  de  lï,  dmiï  Vérone, 


à 


3 1 4  JO^PKNDICE. 

plusteura  lieux  dont  les  noms  rappellent  cet  évéocmcnt  :  c  Via 
deirainmazato,  Via  dcllequatro  spade,  VoUo  barharo,  eic  •  - 
Na  conjecture  semble  appuyée  parle  passag[e  suivant  :  «  Scpnl- 
tus...  exigua  cum  pompa  tantum,  cum  cives  vererenlor  dc 
offenderent  fratrem.  •  ToreHy  SartyQS  Veroneiwis  Htsi.  Ven»., 
iib.  secundo;  Th^savr.  AntiqvH.  Itd.  Gntm  M  Bunnanni, 
I.  noni  parte  sepiis»,  eoloun.  71. 

96  —  page  ItMT  —  Can  Signorè  de  la  Seàla  tua  ton  frèn  âMS 
la  ruê  en  plein  jour,,, 

€  Caede  bac  a  civîbus  et  populo  percepta,  quilibet  qnielus 
remansit...  Approbala  fuit  ejus  mens....  Exclamarnnt  oaaes: 
Vivat  Dominus  noster.»  >  Ibidem,  colonn.  70-71. 

97  —  page  107  —  Toutes  les  questions  politiques^  morales,  re- 
ligieuses  s'agitèrent  à  V  occasion  de  la  mort  du  duc  d'Orléans., 

Ces  grandes  questions  semblent  avoir  été  déjà  débaltaes  en 
France,  à  l'occasion  delà  fin  tragique  de  Richard  II.  Voy.  Utin 
M  Charles  VI  aux  Anglais,  2  oct.  1402.  Bibl.  royale,  mss.  Fot- 
tanieu,  i05-6;  Srienne,  vol.  XXXI V^  p.  227. 

98  —  page  108  —  I«  duc  de  Bourgogne  leur  dit  tout  pile... 

«  Se  fecisse  insligante  Diabolo.  >  Religieux^  nu.,  folio S^-- 
Plus  loin,  l'apologiste  du  duc  d'Orléans  rapporte  cette  parole 
comme  avouée  du  duc  de  Bourgogne  lui-même  :  c  Tune  dixit 
quod  Diabôlus  ad  id  ipsum  tenlaverat,  et  nunc  sine  verecundia 
sibimet  contradicendo  diclt  quod  optime  fecit.  •  Ibidem,  w., 
folio  593. 

99  —  page  109  —  Il  ranembla  Us  Étals  de  Flandre^  é^ Ar- 
tois, etc.. 

c  Auxquels  il  fit  remontrer  publiquement  comment  à  Paris 
il  avoit  fait  occire  Louis,  duc  d'Orléans;  et  la  cause  pourquoi  il 
l'avoit  fait,  il  la  fil  lors  divulguer  par  beaux  articles  et  com- 
manda que  la  copie  en  fût  baillée  par  écrit  à  tous  ceux  qui  la 
voudroient  avoir  ;  pour  lequel  fait  il  pria  qu'on  lui  voulsîst 
faire  aide  à  tous  besoins  qui  lui  pourroient  survenir.  A  quoi 
lui   fut  répondu  des  Flamands  que  très-volontiers  aide  Ini 


APPtXMCB.  315 

fcroient.  «  —  Les  Flamands  l«i  éuient  d'autant  pins  favorables 
CQ  ce  moment  qn'ii  venart  de  lenr  obtenir  nae  trêve  de  l'An* 
gleierre.  Mmistrelel,  1. 1,  p.  907,  %ii. 

100  —  page  i09  —  Il  fit  répandre  le  bruit  qu'U  n'avait  fait  qw9 
prévenir  le  duc  d'Orléans. .. 

Le  duc  de  Bourgogne  aurait  pu  soutenir  cette  assertion,  si 
Ton  s'en  rapportait  à  la  mauvai!>e  traduction  que  Le  Laboureur 
a  faite  du  Religieux.  Il  lui  fait  dire  ridiculement  (p.  6:24)  :  «  Ces 
flanièches  de  division  causèrent  un  embrasement  de  haine  et 
-d'inimitié  qu'on  ne  put  esteindre  et  qui  fil  découvrir  beaucoup 
d'apparence  de  eunspirmtioM  sur  la  vie  Vun  do.  l'autre.  >  II  n'y 
a  pas  de  compirations  dans  le  texte  ;  il  dit  :  c  In  necem  muluam 
diu  visi  fuerunt  pu6/(Cf  aspirarc.  >  Fo/to  552.— Cette  récrimina- 
tion atrccc  du  meurtrier  u'cst,  je  crois,  exprimée  nettement  que 
dans  nne  chronique  belge  que  j  ai  déjà  citée.  Elle  suppose,  ce 
qui  met  le  comble  k  l'invraisemblance,  que  le  duc'  d'Orléans 
s'adressa  à  son  ennemi  mortel,  Raoul  d'Auquetonville,  pour  le 
décider  à  tner  le  duc  de  Bourgogne  :  «  Avint  ce  nonobstant^ 
pnr  commune  voix  et  renommée,  si  comme  on  disoit,  que  ledit 
Dorliensavoit  marchandé  on  voloit  marchander  à  Raoulet  d'Ac- 
tonville  de  iuer  le  doc  de  Bourgogne,  lequel  fait  fu  découvert 
par  ledit  Baotilel an  duc  de  Bourgogne.  »  CkroniqUê  au.,  no  801 D 
(U'Mliolkèquê  de  BQtirgogtu^  à  Bru£eUes)t  folio  222. 

101  —  page  109  —  Le  phu triste  et  h  phu  rwde  hiver.,. 

Au  commencement  de  janvier  1408,  il  fait  si  froid  que  le 
Parlement  ne  lient  pas  séance...  «  Il  ne  pouoit  hesoigner  :  le 
grejfhier  mesme,  tomhitn  qn'ii  mit  prins  feu  deiez  hà ,  en  mn^ 
poeletify  pour  garder  (ancre  de  $on  cornet  de  geler ^  lancre  se  geioit 
en  ea  pîume,  de  2  on  3  mos  en  3  mot,  et  tant  que  enregistrer  ne 
pouoit..,  t  Ce  récit  est  qnatrc  fois  plus  long  que  celui  de  la  mort 
du  duc  d'Orléans.  Les  glaçons  empotaient  les  moulins  de 
fonctionner  :  il  y  eut  disette.  Quand  la  gelée  cessa,  les  ponts 
furent  emportés.  Le  greffier  termine  par  ces  mots. ..  t  Et  ce  cas, 
avec  Coccisinn  de  fen  monschjnenr  Loiz  duc  Dorlèans  frère  du  roi 
(de  0^0  scpRA,  WE?rsE  KOTEMBRi),  a  fofé  à  grant  merveiUe  en  ce 
roiiduvie...  »  II  paraît  qu'il  y  eut  vacance  pendant  un  mois» 


316  APPENDICE. 

1er  jour  de  février  :  c  Curia  vaeaU  four  u  qu'il  n*a  <m  patm  k 
rivière  pour  aler  au  Palaiz  pour  la  grani  impétuosité  et  fme 
d'elle,  t  Car  aussy  croit-elle  toujours,  c  Arehivei^  Registres  du 
Parlement,  Conseil,  vol.  XIII, /bho  11  ;  ei  Plaidoiries,  Matinée  \l, 
folio  40. 

102  *-  page  111  —  Le  duc  de  Bourgogne  revint,  etc.. 

t  Et  se  logea  en  l'hostcl  d'un  bourgeois,  nommé  Jacques  de 
Haugarl,  auquel  hôtel  ledit  duc  fit  pendre  par  dessus  Thuîs  par 
dehors  deux  lances,  dont  l'une  si  avoil  fer  de  guerre  et  l'autre 
fcrdcrochot;  pourquoi  fut  dit  de  plusieurs  nobles  estant  à 
icelle  assemblée  que  ledit  duc  les  y  avoil  fait  mettre  en  signi- 
fiance  que  qui  voudroit  avoir  à  lui  paix  ou  guerre, si  le  prensiUi 
Nonstrclet,  1. 1,  p.  234. 


103  —  page  111—  Les  princes  avaient  été  jusqu'à  Amiens  pour 
l'empêcher  de  venir. . , 

A  rapproche  des  troupes  qui  allaient  occuper  Paris,  le  Par- 
lement, avec  sa  prudence  ordinaire,  ne  voulut  point  se  mêler 
des  affaires  de  la  ville  ni  des  précautions  à  prendre  :  c  Et  si  a 
esté  touché  de  requérir  provision  pour  la  ville  de  Paris  où  p)a- 
sieurs  gens  d'armes  doivent  arriver...Surquoy  n'a  pas  été  concla, 
quia  ad  curiam  non  pertineret  multis  obstantibus;  au  moins,  dj 
pourroit  remédier.  «  Archives,  Registres  du  Parlement,  Conseil, 
Xni,  10  février  1407  (1408),  f.  13,  verso. 


104  —  page  113  —  Jean  Petit  fut  soutenu  par  U  duc  de  Bour- 
gogne, . . 

Cette  pension  n'était  pas  gratuite;  Jean  Petit  nous  apprend 
lui<môpie  qu'il  a  fait  serment  au  duc  de  Bourgogne  ;  c  Je  sois 
obligé  à  le  servir  par  serment  à  lui  faict  il  y  a  trois  ans  passés... 
Lui,  regardant  que  j'estois  très-petitement  bénéficié,  m'adonne 
chascun  an  bonne  et  grande  pension  pour  moi  aider  à  tenir 
aux  escoles;  de  laquelle  pension,  j'ai  trouvé  une  grand' partie 
de  mes  dépens  et  trouverai  encore,  s'il  lui  plait  de  sa  gr&ce.  » 
Monslrciet,  1. 1,  p.  245. 


APPENDICX.  317 

106  —  page  115  —.  «  Le  due  d'Orléans  était  sorcier  >•.. 

M.  Buchon  dit  que  le  détail  des  maléfices  du  duc  d'Orléans, 
toujours  omis  dans  les  éditions  antérieures  de  Monstrelet,  ne  se 
trouve  que  dans  le  ms.  8347.  Le  ms.  du  Roi  10319,  ms.  du 
commencement  du  x?e  siècle,  est  précédé  d'une  miniature  en- 
luminée qui  représente  un  loup  cherchant  à  couper  une  cou- 
ronne surmontée  d'une  fleur  de  lis,  tandis  qu'un  lion  1  effraye 
et  le  fait  fuir.  Au  bas,  on  lit  ces  quatre  vers  : 

Par  force  le  leu  rompt  et  tire 
A  ses  dents  et  gris  la  couronne. 
Et  le  lion  par  trôs  grand  ire 
De  sa  pâte  grant  conp  loi  donne. 

'     BnehoD,  édit.  de  Monstrelet,  1. 1,  p.  30S.) 


107  —page  117  —  L'Université,  le  clergé,  allèrent  dépeu-- 

dre,  etc.* 

c  Ce  dit  Jour  ont  esté  despenduz  deux  exécutez  au  gibet,  qui 
se  disoient  clercs  et  escolicrs  de  l'Université  de  Paris,  et  au 
despendre  a  eu,  comme  len  dit,  plus  de  XL  mille  personnes  ai> 
gibet,  et  ont  esté  ramenez  en  deux  sarqueux,  à  grant  compai- 
gnie  et  grans  processions  des  églises,  et  de  l'Université,  sonnans 
toutes  les  cloches  des  églises,  jusques  au  parviz  de  N.  D.,  entre 
X  et  XI  heures,  couverU  de  toile  noire,  et  rendus  à  lévesque  de 
Paris  par  certaine  forme  et  manière,  et  depuiz  portez  ou  menez 
à  Salnt-Maturiu  où  ont  esté  inhumez,  comme  len  dit,  et  ce  fait 
par  ordonnance  royal.  »  iQm^ïiiÙS.  Archives,  Registres  du  Par- 
Ument,  PlaidoirUs,  Matinée  VU  folio  93;  ei  Conseil,  vol.  XIH, 
folio  26* 

108  —  page  117  —  Deux  messagers  de  Benoit  XÏU  avaient 
apporté  des  Mies  menaçantes.,. 

c  A  esté  présentée  au  roy,  dès  lundi,  comme  len  disoit',  une 
bulle  par  laquelle  le  pape  Benedict,  qui  est  lun  des  contendcns 
du  papal,  excommunie  le  roy  et  messires  ses  parents  et  adhé- 
rons. Et  qu'il  en  avendrat  Diex  y  pourvoie!  ■  Archives»  Be- 
gistres  du  Parlement,  Conseil,  Xlll,  folio  27. 


318  APmOMCB. 

109  —  page  lld  —  Ctê  wtoiltfntfr,  àlram§Êri  mue  loà,  aux 
hommes  et  aux  afmrm^  etc..» 

«  Theologi  atqvt  arlisUe^  îo  di8|raUtioiiibat  magis  qian 
processibns  experti...  Unde  inter  eos  alqiie  ia  jure  periiofi  pli- 
riesorta  verbalis  diaeordia.  »  HeU§iiÊUPf  ms.^  foU»  563. 

110  ^  page  119  —  Im  diux  mtmmfmrrém  jMipt  fmmt  tnm 

par  les  rues,  etc., 

c  Au  jour  dui  entre  10  et  11  heures  les  prélas  et  dergiedc 
France  assemblé  au  Palaiz,$ur  le  fait  de  TËglise,  ont  esté  ame- 
nez maistre  Sanceloup,  nci  du  pair  Darragon,  et  un  che\aa- 
cheur  du  pape  Bcnedict  qui  fu  devers  nei  de  Castelle,  en 
2  tumbereaux ,  chascen  deulx  ve&tua  dune -tunique  de  lotlle 
pcinete,  où  csloit  en  briaf  effigîée  la  manière  de  la  présenlaiion 
'desmauvescs  bulles  dont  est  mention  le  21  de  may  cy-dessas, 
et  les  armes  du  dict  Benedict  renversées  et  autres  choses,  et 
mittrez  de  papier  sur  leurs  têtes,  où  avoit  escriptures  da  !ait, 
depuis  le  Louvre  où  cstoienl  prisonniers,  avec  plusieurs  aalres 
de  ce  royaume,  prélas  et  autres  gens  déglise,  qui  avolcnt  fa\o- 
risé  aux  dictes  bulles,  comme  Icn  dit,  jusques  en  la  coarlda 
Palaiz  en  molt  grant  compaiguie  de  gens  à  trompes,  et  là  oot 
esté  eschafaudez  publiquement  et  puiz  remenez  audit  ^joavrc 
par  la  manière  dessus  dicte.»  Archives,  Registres  du  PisrUmat, 
Conseil  XllI,  folio  39,  août  1408. 

111  —  page  120  —  Le  parti  de  Benoit  et  d'Orléans  se  fortifaii 
à  Liège»., 

V.  les  curieux  détails  que  donne  Zanfliet  sur  la  fraetioR  des 
l/nVroiY.  Cornelii  Zanfliet  Leodiensis  monaehi  Chronicon,  ap. 
Nartène  Ampliss.  Coll.,  t.  V,  p.  365,  366.  Le  Religieux  et  Moo- 
slrelct  sont  fort  étendus  et  fort  instructifs.  Placcnlius  (Caia!o« 
gus,  etc.)  est  peu  détaillé. 

1 12  —  page  121  -^.Ls  duc  de  Bourgogne  ordonna  le  massacrs 
des  prisonniers.,. 

«  Y  ont  esté  occis...  de  vîngl-quatre  à  viogt-six  mille  Liégeois, 
comme  on  peut  le  savoir  par  restimalion  de  ceux  qui  oot  >u 
les  noms...  Nou&avons  bien  perdu  de  soixante  à  auaire-viog^^ 


APPENDICE.  319 

chevaliers  ou  cscuycrs.  >  Lcltre  du  duc  de  Bourgogne.  V.  M.  de 
Barantc,  l.  III,  p.  âll-212.  3«  édilîon. 

113  —  page  122  —  On  savait  qu'il  avait  payé  de  sa  personne.,. 
€  Comment  en  décourant  de  lieu  à  autre,  sur  un  petit  chevaU 

exhorta  et  bailla  à  ses  gens  grand  courage,  et  comment  il  se' 
maintint  jusques  en  la  fin,  n'est  besoin  d'en  faire  grand'décla- 
ration...  Oncques  de  son  corps  sang  ne  fut  trait  pour  icclui 
jour,  combien  qu'il  fut  plusieurs  fois  travaillé.  »  IHonstreIct, 
l.  Il,  p.  17. 

114  —  page  1|2  —  La  r^ilte  et  les  princes  étaient  revenus  à 
Paris.,. 

c  Dimanche  26  août  1408...  Entrèrent  à  Paris  et  vtndrcnt  de 
Ucleun  }a  royne  et  le  dauphin  accompuigniés,  environ  quatre; 
heures  après  disner,  des  ducs  de  Borrî,  de  Bretoignc,  de  Bour- 
bon, et  plusieurs  autres  contes  et  seigneurs  et  granl  multitude 
de  gens  darmes  et  alèrcnt  parmi  la  ville  ]oger  au  Louvre.  — 
Mardi  28  août...  Ce  dict  jour  entra  à  Paris  la  duchesse  Dor- 
léans,  mère  du  duc  Dorléans  qui  à  présent  est,  cl  la  royne  d'An- 
gleterre, femme  du  dict  duc,  en  une  litière  couverte  de  noir  à 
quatre  chevaux  couverts  de  draps  noirs,  à  heure  de  vespres, 
accompaignée  de  plusieurs  chariots  noirs  pleins  de  dames  et 
femmes,  et  de  plusieurs  ducs  et  contes  et  gens  darmes.  t  Ar- 
chives, Begisirts  du  Parlement,  CoJiseil.  vol.  XUÏ,  fol.  40-41.  — 
Les  princes  s'accordèrent  pour  déférer,  dans  cet  intervalle,  un 
pouvoir  nominal  à  la  reine  et  au  dauphin  :  t  Ce  V»  jour  (5  sep- 
tembre 1403)  furent  tous  les  seigneurs  de  céans  au  Louvre  en  la 
grant  sale,  où  estoient  en  personne  la  -royne,  le  duc  de 
Guienne,  etc.  (Suit  une  longue  série  de  noms)...  en  la  présence 
desquclz...  fu  publiée  par  la  bouche  de  maistre  Jeh.  JouvcncI, 
advocat  du  roy,  la  puissance  oclroiée  et  commise  par  le  roy  à 
la  royne  et  audit  mons.  de  Guienne  sur  le  gouvernement  du 
royaume,  le  roy  empeschié  ou  absent.  >  Archives,  Ibidem,  Coh" 
seil,  vol,  Xlll,  fol,  42  verso. 

115-^  page  126  —  Brisé  qu'il  était  par  la  torture^  Montaigu 
affirmail,.. 


320  APPENDICE. 

t  Affirmasse  quod  tonnenlorum  violcntia  (  qna  et  mannsdis- 
locatas  et  se  ruptum  circa  pudenda  monstrabat)  illa  confessas 
fuerat,  uec  in  aliquo  culpabilem  dacem  Aareliancnsem  nec  se 
etiam  reddcbat  nisi  in  pecuniarum  regiaram  nimia  consomp- 
tionc.  >  Religieux,  ms.,  folio  633. 

1 16  —  page  128  —  Ce  eonseti  interdit  la  Chamhre  des  eompla... 
c  Et  quia  à  longo  tempore,  D.  Camerœ  compiitoniin  egre 

ferentes  quod  Rex  manu  prodiga  pecunias  muUis  etiam  iodi- 
gnis  consueverat  largiri,  dona  in  scriptis  redigebant,  addenles 
in  margine  Reeuperetur,  Nimithahuit;  statu lam  est  ut  registrnm 
prœsidentibus  traderetur,  qui  quod  nimium  fuerat  ab  ipsis  ant 
eorum  bseredibus  usque  ad  ultimum  quadranlem;  cessante 
omni  appellatione,  extorquèrent.  Omnes  etiam  Dominos  Ca- 
.  meree  computorum  deposuerunt,  uno  duntaxat  exceptoqui  vices 
suppleret  omnium,  donec...  »  Religieux^ me.,  folio  639.  —Voir 
aussi  Ordotinances,  t.  IX,  p.  468  et  seq. 

117  —  page  129  —  Cet  argent  s'était  écoulé  eam  q»on  ni 
comment, . . 

Au  milieu  de  cette  délrcsse,  nous  trouvons,  entre  autres  dé- 
penses, un  mandement  de  Charles  VI  pour  le  payement  de  ses 
veneurs.  L'acte  est  rédigé  dans  des  termes  très-impératifs  et 
très-rigoureux.  A  la  suite  de  la  signature  du  roi  viennent  ces 
mots  :  t  Garde  qu'eu  ce  n'ait  faute.  •  Bibliothèque  royale ^nits-f 
Fontanieu  107-108,  ann.  1410,  9  juillet.  —  <  Pour  une  piirc 
d'heures,  données  par  le  roi  à  la  duchesse  de  Bourgogne,  600 
dcus.  >  ^Ibidem,  109-110, ann.  1413. 

118  —  page  131  —  Le  chancelier  de  Notre-Dame  t^emporia 
jusqu*à  dire,,, 

<  Nec  reges  digne  vocari,  si  exactionibus  injustis  opprimsDl 
populum  suum,  sed  quod  eos  depositione  dignos  possint  raùo- 
nabilitcr  rcputare,  in  annalibus  antiquis  possunt  de  niullis 
légère.  >  Religieux,  ms,,  fol.  675,  verso. 

119  —  page  132  note  «  Dans  une  de  ces  alarmes,  etc.. 

«  Ce  dlct  jour,  pour  ce  que  le  Roy  notre  Sire,  accompaignié 


APPENDICE.  321 

ce  moTt  ae  princes,  barons  et  chevaliers  et  grant  nombre  de 
gens  darmes,  estoit  venu  loger  au  Palaiz,  et  pour  lesgensdarmes 
esloient  pleins  les  hostclz  tant  de  la  Cilé  que  du  cloistrc  de 
Paris,  et  par  tout  ouilre  les  pons  par  devers  la  place  Maabert 
sans  distinction ,  hors  les  seigneurs  de  céans  pour  lesquels  a 
esté  ordené,  comme  a  dit  en  la  chambre  le  prévost  de  Paris,  qui! 
en  leurs  hostclz  len  ne  se  logera  pas^  et  que  en  telz  cas  aven- 
tare  seroit  que  les  chambellans  du  Roy  notre  dit  sire  ne  preis- 
sent  les  lournelles  de  céans,  esquelles  a  procès  sans  nombre  qui 
seroient  en  aventure  dcstre.  embroillez,  fouillez,  et  adircz  rf 
perdus,  qui  seroit  dommage  inestimable  à  tous  de  quelque  esta» 
que  soit  de  ce  royaume  ;  j'ay  fait  murer  l'uiz  de  ma  tournelle^ 
afin  que  len  ne  y  entre,  car:  In  armigero  vix  potest  vigere  rafto.» 
Le  greffier  a  dessiné  un  soldat  sur  la  marge,  archives,  Régis* 
très  du  Parlement^  Conseil,  XUI,  folio  131,  verso^  16  sep^ 
tembrs  1410. 

120  —  page  134  —  Dans  les  vraies  usances  bretonnes^  le  foyer 
restait  au  plus  jeune... 

Origines  du  droit,  page  63  :  Uscment  de  Rohnn  :  c  En  succes- 
sion directe  de  père  et  de  mère^  le  fils  juveigneur  et  dernier 
né  desdits  tenanciers  succède  au  tout  de  ladite  tenue  et  en 
exclut  les  autres,  soient  fils  ou  filles.  ».  —  Art.  22  :  «  Le  fils 
Juveigneur,  auquel  seul  appartient  la  tenue,  cpmme  dit  est, 
doit  loger  ses  frères  et  sœurs  jusqucs  à  ce  qu'ils  soient  mariés  ; 
et  d'autant  qu'ils  seroient  mineurs  d'ans,  doivent  les  frères  et 
soeurs  estres  mariés  et  entretenus  sur  le  bail  et  profit  de  la 
tenue  pendant  leur  minorité;  et  estant  les  frères  et  sœurs 
mariés,  le  juveignieur  peut  les  expulser  tous.» (Coutumier  géné- 
ral.) —  Celle  loi  me  semble  conforme  à  l'esprit  d'un  peuple 
navigateur  et  guerrier  qui  veut  forcer  les  aînés,  déjà  grands  cl 
capables  d'agir,  à  chercher  fortune  au  loin.  — Voir  ibidem  sur 
le  droit  d'aînesse. 

121  —  page  137  —  Les  Armagnacs  poussaient  la  pii^trt  avec 
une  violence  inconnue  jusque-^là,  etc.. 

Vaisiclte,  llist.  du  Languedoc,  t,  IV,  p.  282.  Néanmoins  i!s 
conservaient  toujours  des  liaisons  avec  les  Anglais.  Le  Parlc- 
IV.  Si 


992  APPENDICE. 

ment  leur  fait  un  procès  en  1395,  à  ce  sujet.  Ârdtitfes,  Ee^ 
fret  du  Parlement^  Arrêts^  XI,  ann,  1395. 

122  —  page't38  —  La  légèreté  impie  des  Armagnacs,., 
Cette  légèreté  méridionale  est  sensible  dans  les  prorerbe?, 

particulièrement  d  ns  ceux  des  Béarnais;  plusieurs  sonl  fort 
irrévérencieux  pour  la  noblesse  et  pour  l'Eglise  : 

HftbiHftt  liï  biuloii, 
Qo'AQrA  Tair  du  btpon. 

Habillez  un  bftUm,  il  aora  l'air  d'un  bâton. 

^  Las  aoufcièraftet  kms  knbii^aioii 
AU»  cixras  b»n  miqya  eitpQiia. 

Les  sorcières  et  les  loups-garous  font  manger  des  ehapoos 
aux  curés,  etc.,  etc.  Collection  de  Proverbes  Méantais^  m., m- 
muniquéepar  MM,  Picot  et  Badé,  de  Pau. 

123  —  page  139  •—  Les  Armagnacs  à  Saint^Denis,,, 

Les  Parisiens  croyaient  néanmoins,  et  non  sans  apparcocc, 
que  les  moines  étaient  favorables  au  parti  d'Orléans.  Le  tru.t 
même  courut  à  Paris  que  le  duc  d'Orléans  ^^élaitfdit  couroaofr 
ro.I  de  France  dans  l'abbaye  de  Saint-Denis.  Religieux,  niJ./f.TOl 
verso, 

124  —  page  141  —  Le  duc  de  Bourgogne  avait  fait  puUlkr  î 
grand  bruit  dans  Paris,  etc.. 

€  Indeque  rabics  popularis  sic  exarsit,  ut  omnes  ulrînsquî 
sexus  absque  erubesccntiœ  vélo  ducibus  publiée  mal edicenics, 
orarent  ut  cum  Juda  prodilore  aelcrnam  perciperentporlionem.' 
Reîi§ieuXj  ms,  folio,  734. 

125  —  page  142  —  Les  fréquents  appels  à  l'opinion  publii^i 
^U9  font  ks  partis,,. 

Le  plus  important  pcut-ôtre  de  ces  manifestes  est  celai  (fJ^ 
le  duc  de  Bourgogne  publia  au  nom  du  roi,  le  13  février liiî. 
Il  y  demandait  une  aide  à  la  langue  d'oil  et  à  la  langue  d'oti 


et  es  «OD fiait  la  perœptÂmi  à  ira  bouiçebis  de  Paris.  Pcéak- 
blemeat  il  y  lait  une  longée  histoire  apologétique  des  ûémèiés 
de  la  YDaiaoa  jde  fionrgogae  avec  oalle  d'OrÛana.  Il  y  HMe 
Paris;  il  entre  dans  le  ressentiment  du  peuple  contre  laa  eacès 
des  gens  d'armes  du  parti  d'Orléans.  Il  fait  dire  au  roi  :  c  Nous 
feusmes  deucmcnt  et  souffisamment  ioformés  .qu'ils  tendoient 
à  débouter  du  tout  Nous  et  notre  génération  de  notre  royaume  et 
seigneurie.  >  BibL  royale^  mes.,  Fontanùu^  i09-ii0,  an».  i412> 
idfénrier;  diaprés  un  vidimms  de  la  vicomte. de  itoifati. 

126  —  page  i43  .—  Am  front  de  la  catkàdrale  de  Chmrtret,  «n 
sculpte  la  figure  de  la  Libère.,, 

Voir  le  èurieux  rapport  Ae  H.  ûidron,  daoa  le  Journal  do 
rinslruolion  publique,  1839. 

127  page  145  —  démengie  implore  Vmterveniion  du  Park* 
ment.». 

€  0  Clariaaimi  prœsides  vegiorum  iribunalium,  casterique  ce- 
Jeberrimi  judices,  qui  illam  egregiam  Curiam  illuslralisr  exper- 
giscimini  tandem  aliquando,  et  regni  non  dico  statiim«  ^uia 
non  statt  sed  miserabilem  lapsum  aspicite...  (Le  juge  4oit 
comme  le  médecin)  non  tanium  .morbis  cum  exorli  Xaerint 
subvenire,  sed  praestantiori  etiam  cum  gloria,  salubri  ante  prae- 
servatione,  ne  oriantur  propisccre.  >  Nie.  Clemeng.,  Epistol., 
t.    Il,  p.  284. 

128  —  page  146  —  Ce  long  travail  de  la  transformation  du 
droit, 

n  est  ceriaiu  d'obeerrer  le  oommtBeeinent  de -ce  grand  tra- 
vail dans  les  registres  dits  Olim.  On  y  trouve  déjà  des  déiatis 
curieux  sur  la  procédure.  Deux  employés  des  Asduves, 
MM.  Beasailes  et  Duclos,  en  prépareat  la  publioaliOB  aaaa  èa 
directicm  de  M.  le  comte  Beugnot.*  Voir  anbsidiaîraaneat  les 
notices  de  MM.  &limralh,  Taillandier  et  Bcugnot,  sur  nos  ao- 
ciens  livres  de  droit  et  sur  l'immense  collectioD  des  regisifeaéu 
Parlement.  --  Toutefois  il  ne  faut  pas  oublier  que  ces  regislres, 
màaiQ  Olim ,  que  ces  livres ,  môme  ceux  du  xiuo  sièc'e, 
contiennent  moins  le  droit  du  moyen  âge  que  la  destruction  du 


3S(  àpfsrdicx. 

droii  du  tnoyen  âge,  11  faudrait  remonter  aa  droit  fkàd,  an 
droit  êceléiiastique,  tels  qu'on  les  trouve  dans  les  chartes,  dans 
les  canons,  dans  les  rituels,  dans  les  formules  et  symboles  juri- 
diques. 

129  —  page  147  —  Le  Parlement  avait  porté  une  untena  ai 
mort  et  de  confiscation  contre  le  comte  de  Périgord... 

Il  serait  plus  exact  de  dire  :  Comte  en  Périgord.  II  D'avaii 
guère  que  l^neuvième  partie  du  département  actuel  de  laDor- 
dogne  (mes.  inédits  de  M.  Dessalles  sur  l'histoire  do  Péri- 
gord). D'après  une  chronique  ms,  qu'a  retrouvée  If.  lérilboo, 
la  chute  du  dernier  comte  aurait  été  décidée  par  un  rapt  qu'il 
essaya  de  faire  sur  la  fille  d'un  consul  de  Périgueux,  pendact 
une  procession.  Le  procès  énumère  bien  d'autres  crimes.  Rien 
n'est  plus  curieux  pour  faire  connaître  les  détailsde  celte  inter- 
minable guerre  entre  les  seigneurs  et  les  gens  du  roi.  Le  prin- 
cipal grief  c'est  que,  à  en  croire  l'accusation,  le  comte  disait 
qu'il  voulait  ôtre  roi  et  agissait  comme  tel  :  c  Jactabat  palamel 
publiée  fore  se  REOEif...Acertumque  judicem  pro  appellationi- 
bus  decidendis...  constituerat...  a  quo  non  permitlebat  ad  Nos 
velad...  Curiam  appel  lare.  »  Archives,  Registres  duparUsuat^ 
Arrêts  criminels,  reg,  XI,  ann,  1389-1396. 


130  —  page  149  —  La  plupart  des  collèges,  etc.. 

Du  Boulay  donne  tout  au  4ong  les  constitutions  de  ces  col- 
lèges, t.  IV  et  V. 

131  —  page  150  —  L«t  Carmes  voulaient  remanier^  yai 
que  le  christianisme,,. 

Cette  prétention  produisit  au  xvii«  siècle  une  vive  polémique 
entre  les  Carmes  et  les  Jésuites.  Ceux-ci,  qui  n'aimaient  guère 
plus  la  poésie  du  moyen  âge  que  la  philosophie  moderne,  atta- 
quèrent durement  l'histoire  d'ÉUe  ;  ils  prirent  une  massae  de 
science  et  de  critique  pour  écraser  la  frôle  légende.  Les  Car- 
mes, en  représailles,  firent  proscrire  en  Espagne  les  Acla  des 
Bollandlstes.  Héliot ,  Histoire  des  Ordres  monastiques,  t.  li 
p.  305-310. 


APP£NDICB.  325 

132  —  page  i5i  -^  La  remontrance  de  V Université  au  roi,,, 

■  Le  passage  le  plus  important  est  celui  où  l'on  compare  les 
dépenses  de  la  maison  royale  à  des  époqurs  différentes  ;  c  Ad 
priscorum  regum,  reginarum  ac  liberorum  suorum  conlinuai- 
dnm  statum  magnificum  et  qnotidianas  expansiones  94,000 
fraitcomn  auri  abunde  sufficiebant,  indeqqe  i^reditores  débite 
contentabantur;  quod  utiqne  modo  non  fit,  quamvis  ad  prae- 
dîctos  usus  450,000  annuatim  recipiant.  >  Religieux,  me., 
foin  761. 

133  —  page  152  -«  Les  maîtres  bouchers, , . 

Cette  antique  corporation  ne  fit  pas  inscrire  ses  règicments 
parmi  ceux  des  autres  métiers ,  lorsque  le  prévôt  Etienne  Boi- 
ieau  les  recueillit  sous  saint  Louis.  Sans  doute  les  boucbers 
aimèrent  mieux  s'en  fier  à  la  tradition,  à  la  notoritété  publi- 
que, et  à  la. crainte  qu'ils  inspiraient.  V.  M.  Depping.  Introd. 
aux  Règlements  d'Et.  Boiicau,  p.  LYI;  et  Lamare,  Traité  de  la 
police,  t.  Il,  livre  Y,  tit.  XX. 

134 —page  152  — -  Ces  Hau»  passaient  t  comme  des  fiefs,  d'hoir 
en  hoir,  etc.. 

Félibien ,  t.  11^  p.  753.  Sauvai ,  t.  I,  634,  642.  V.  aussi  les 
Ordonnances,  passim.  L'une  des  plus  curieuses  est  celle  qui 
fixe  la  redevance  de  chaque  nouveau  boucher  envers  le  celle* 
rier  et  le  concierge  i  de  la  Court-le-Roy  >  (du  Parlement). 
Ordonnancea,  t.  Vi,  p.  597,  ann.  1381. 

135  —  page  153.  —  Le  boucher  Alain  y  achète  une  lucarne 
pour  voir  la  meue  de  chez  lui. . . 

•  Une  vue  de  deux  doigts  de  long  sur  deux  de  large.  »  Vi- 
lain, Histoire  de  Saint^acques-la-Boucherie,  p.  54,.ann.  1388  « 
1405. 

136  ^  page  154  —  Leur  crainte  était  que  le  dauphin  ne  res» 
semblât' à  son  père.,. 

•  Si  ab  aliquo  praepotente  (ut  publiée  ferebatur)  inducti  ad 
hoc  fuerint  lune  non  habui  pro  comperto;  eos  tamen  non 
ignoro  ducia    Guyennie  nociurnas  et  indécentes    vigilias, 


3S0  AffWWCK» 

ejus  eomnressBtfones  et  modam  inorâhiataiii-weadiiMlesâs- 
srnre  tulisse,  timentes,  sicai  dicebant,  n»  ioDftmiutcai  pi^ 
terns  similem  '  inrcarroreli  ra  âtâevmv  regain  •  Jtoiifiw»,  Mi, 
fotio  778. 

i37  —  page  f  50  -^  Lltygiine  applîijnèe  ei  f^  jiodii^,  efe... 

V.  le  sermon  de  Gerson  sur  la:  santé  corporelle  et  spirifutllc 
du  roi ,  cl  la  lettre  de  Cidmengrs,  mfîhriée  :  De  polîU»  GaIIh 
canœ  aegriludine^  per  met^phoram  corporis  humani  lfpsi*et 
consumpli.  Nie.  Clemeng.  Epist.,  t.  II,  p.  300.  Ces  comparai- 
sons abondent  encore  av  rm«  sièeie,  el  jtnqae  dam.  ks  pd- 
faces  de 'Corneille. 

138  ^  page  158  — .  Les  ^onienV  «on/imml  g&réêr  k  fkèi 
duc  de  Bourgogne,., 

Ce  fait  ai  important  ne  se  troirye  que  dans^le  Religieux.  Les 
historiens  du  parti  bourgufgiron,  Iffonsirctei,  îfeyer,  B*endis«flt 
rien.  Meyer  passe  sur  tout  cela  comme  sur  des  eharlMni .  —Ce 
fut  Paris  qui  s'entremit  en  celte  affaire  pour  ceux  de  Gand: 
t  Regali  censiiio  (preepo^Mi  nvereaK^rum  et  scabiaeraii^  hri- 
siensium  validie  precibus)  ut  Dominus  Cornes  de  Cbarolob, 
primogenirus  dvcis  Brigua diae*.,  etua  nxore  sua,  ûlia.  Régis,  io 
Flandriam  dueeretar. ..,  GaBdaveiifiiiiiii<bargBaaes  ob«iAMfiaL> 
Religieux,  ms,,  729wr<v. 


139  —  page  160  —  Les  Umverti^edre^sexrèvmweM  m 
dis  Carmes.,, 

Lisez  cette  grandescène  dans  Jarénal  des  deaiiEi,  p^  Salffî- 
Cet  bislorien  médiocre,  qui  sem-ble  ordinarrensnâ  s^ coBleiier 
d'abréger  le  Religieux,  présente 'cepend^Lisl  de  ploa  qneiqocs 
détails  importants  qnll  ayatl  afifiris.de  sod  pftrv, 

140  —  page  161  —  Le  seul  Pavilly  s*obstina,  etc. 
JuTénal  affirme,  atuc  une  légèreté  iiniveHlamlfe,.qM  le  Canne 

tirait  de  Targent  de  tout  cela.  Quelqu'un^  diMl,.  parla  poor 
sauver  Desessarts  qui  était  a«  Cliéialet,  en  grand  ëajifer  :  «  ^'^^ 
le  dit  de  Pavilly  qui  tendoU  fort  cm  profit  de  ses  bùurwe,  el  s'io- 
tércssoit  fort  avec  les  Gois^  Saiati^wia.  et  leoss  aUiez,  vaula^ 


APFSfiHMCB.  327 

moBtrar  qoe  la  pruB  des  personnes  estoit  dament  faUe  et  qu'il 
falloii  ordonner  commissaires  pour  faire  leur  procès*  >  Juvénal 
des  Ursins,  p.  252. 

141  _  page  161  —  c  //  y  a  de  mauvaiêêê'  hên^  cm  jardin  de 
Is  remê  »^..« 

Jean,  de  Troyes  avait  dé}à  employé,  la  mtoe  métaphore  : 
Eradieenlur  hevh»  malas,  ne  impediani  florem  javentuiis  vestrae 
viittttum  frnetoaedorifero»  piodacerei  viMt^ftetM^  «m.  ,  7So't$r*o. 
— Celle  poésie  de:  jardinage  plaisait  fort  au  peuple  desnlles, 
tonjoura  enfenné,  ei  d'autant  pius^  amoowiU)  de  la.  eampagoe 
qu'il  ne  la  voyait  paa.  On  la  reiaoate  partout  dafts  leS' Meister- 
saenger,  dans  Hans  Sach»,  e&e.  IL  est  vrai  qn*eUe  n'y  eai^  pas 
mise  à  l'usage  du  meurtre,  oomme  ici. 

14Η  page  163—  Sauf  quelques  articlet  trop  mhmhetisret 
d'une  rédaction  enfantine,  cic. . . 

V.  rarlicUî  sur  «  Nostre  bonne  couronne  desmembrée,  et  les 
Courons  d'icclle  baillez  en  goige...  «  Ordonnances,  t.  X,  p.  92; 
cl  l'article  sur  les  aides  de  la  guerre,  dont  l'argent  sera  serré  : 
«  En  un  gros  coffre ,  qui  sera  mis  en  la  grosse  tour  de  Nostre 
Palais ,  on  ailleurs  en  lieu  sûr  et  secret,  ouquel  coffre  aura 
trois  clefs...  •  Ibidem,  p.  96, 

li3  —  page  168  —  Jean  Courteeuisse,  célèbre  docteur  de  VUni^ 
versiféf  prêcha  sur  Vexcellence  de  V ordonnance,,. 

Du  Boulay  rapporte  à  tort  ce  sermon  ^l'année  li03.  Cepen- 
dant le  titre  qu'il  lui  donne  lui-môme  devait  rnvcrtir  qu'il 
est  de  1413.  Aura-t-il  craint,  pour  l'honneur  de  rUnivcrsité,' 
d'avouer  les  liaisons  d'un  de  ses  plus  grands  docteurs  avec  lc( 
Cabochiens  ? 

144  ^  page  169  «  Bs  commencèrent  le  pont  Notr&'Dame,.. 

«  Cedii  jour  fnt  nommé  le  pont  de  la  Planche  de  Mibray  le 
Pont  Noitre-Damet  et  le  nomma  le  roi  de  France  •Charles,  et 
frappa  de  la  trie  sur  le  premier  pieu,  et  le  duc  de  Guicnne,  son 
fils,  après,  et  la  duc  de  Bcrr}*,  cl  le  duc  de  Bourgogne,  et  le 


328  APPENDICE. 

sirc  de  la  Trémoaille.  >  Journal  du  bourgeois  de  Paris,  10  mai 
lil3,  éd.  Buchon,  t.  XV.  p.  182. 

145  —  page  171  —  La  religion  de  la  royauté  était  encan  en- 
tière, et  le  fut  longtempe... 

Voyez  si  longtemps  après  l'extrême  timidité  du  chef  de  la 
Fronde.  Il  eut  peur  des  Ëtals*Généraux  (Retz,  livre  il),  peur 
de  l'union  des  villes  (livre  lil)  :  «  J'en  eus  scrupule,  «  dit-il. 
11  eut  peur  encore  de  se  lier  avec  Cromwell.  Mazarin,  toatca 
défendant  Tautorité  royale  qui  était  la  sienne,  avait  appa- 
remment moins  de  scrupule,  s'il  est  vrai  qu'après  la  mort  de 
Charles  I«r,  il  ai^  dit  dans  sa  prononciation  italienne  :  t  Ce  M.  de 
Cromwell  est  né  houroux  (heureux).  » 

• 

146  —  page  171  —  L'avocat  général  Juvénal.,, 

Voyez  au  Musée  de  Versailles  la  longue  et  piteuse  figure  de 
Juvénal ,  et  la  rouge  trogne  de  son  fils  l'archevêque.  Le  père 
n'en  fut  pas  moins  un  excellent  citoyen.  Son  Qls  rapporte  un 
trait  admirable  de  fermeté  à  l'égard  du  duc  de  bourgogne, 
p.  222,  note  2. 

147  —  page  173  —  Le  charpentier  GuUlaume  Ciraue,.. 

V.  les  armoiries  de  Guillaume  .Cirasse,  dans  le  Recueil  des 
armoiries  des  prévois  et  échevins  de  Paris  (  exemplaire  colorié 
à  U  hibl.  du  cabinet  du  Roi,  au  Louvre). 

148  —  page  175,  note  —  Le  roi  désirait  fort  traita,  etc. 
Un  grand  seigneur  vient  trouver  le  roi  au  matin  pour  fanimer 

contre  les  Bourguignons,  t  Le  ro^'  estant  en  son  lict,  ne  dormoit 
pas  et  parloit  en  s'esbatant  avec  un  de  ses  valets  de  chambre, 
en  soy  farsant  et  divertissant.  Et  ledit  seigneur  \int  prendre 
par  dessous  la  couverture  le  roy  tout  doucement  par  le  pied, 
en  disant  :  Monseigneur,  vous  ne  dormez  pas?  Non,  heaa  cou- 
sin, luy  dit  le  roy,  vous  soyez  le  bien  venu,  voulex-vous  rien! 
y  a-l-il  aucune  chose  de  nouveau?  Nenny,  Monseigneur,  luy 
respondit-il,  sinon  que  vos  gens  qui  sont  en  ce  siège,  disent 
que  tel  jour  qu'il  vous  plaira,  verrez  assaillir  la  ville,  où  sont 
vos  ennemis  et  ont  espérance  d'y  entrer.  Lors  le  roy  dit ,  que 


ÀPPBNJICB.  329 

son  cousin  le  duc  de  Bourgogne  vouloît  venir  à  raison ,  et 
mettre  la  ville  en  sa  main ,  sans  assaut,  et  qu'il  falloit  avoir 
paix.  A  quoy  ledit  seigneur  respondit:  Comment,  Monseigneur, 
voulez-vous  avoir  paix  avec  ce  mauvais,  faux,  traistre  et  des- 
loyal,  qui  si  faussement  et  mauvaisement  a  faict  tuer  voslre 
frère?  Lors  le  roy,  aucunement  desplaisant,  luy  dit:  Du  con- 
sentement de  beau  iils  d'Orléans,  tout  lui  a  esté  pardonné. 
Hélas,  Sire,  répliqua  ledit  seigneur,  vous  ne  le  verrez  jamais 
voslre  frère...  Mais  le  roy  lui  respondit  assez  chaudement; 
Beau  cousin,  allez-vous-en;  je  le  verray  au  jour  du  Jugement,  i 
Juvénal,  p.  2-3. 

149  —  page  176  —  Dès  qu'U  s'agit  de  rÉglise,  Gerson  est  ré- 
publicain.., 

V.  les  œuvres  de  Gerson  (éd.  Du  Pin),  surtout  au  tome  lY, 
et  les  travaux  estimables  de  MM.  Faugèrc,  Schmidt  et  Thomassy. 
Je  parlerai  ailleurs  de  ceux  de  MM.  Gence,  Gregori,  Daunou, 
Onésyme  Leroy,  et  en  général  des  écrivains  qui  ont  débattu  la 
question  de  Tlmitatiob. 

150  —  page  179  —  ^augmentation  des  dépenses  tenait  à  ravi* 
lissement  progressif  du  prix  de  V  argent.., 

Clémengis  s'étonne  de  ce  qu'un  monastère  qui  nourrissait 
primitivement  cent  moines  n'en  nourrit  plus  que  dix  (p.  19). 
Qui  ne  sait  combien  en  deux  ou  trois  siècles  changent  et  le 
prix  des  choses  et  le  nombre  de  celles  qu'on  juge  nécessaires? 
Pour  ne  parler  que  d'un  siècle,  quelle  grande  maison  pjDurrait 
être  défrayée  aujourd'hui  d'après  le  calcul  que  madame  de 
Vaintenon  fait  pour  celle  de  son  frère?  Voir,  entre  autres  ou- 
vrages, une  brochure  de  M.  le  comte  d'Hauterive  :  Faits  et 
observations  sur  la  dépense  d'une  des  grandes  administra- 
tions, etc.;  deux  autres  brochures  de  M.  Eckard  :  Dépenses 
effectives  de  Louis  XIV  en  b&timents  au  cours  du  temps  des 
travaux  et  leur  évaluation,  etc.,  etc. 

151  —  page  180  —  CUmengis.,.  d'AiUy. . , 

Je  ne  veux  pas  contester  le  mérite  réel  de  ces  deux  person- 
nages, qui  furent  tout  à  la  fois  d'émincnts  docteurs  et  des 


k.  mmes  d'atctiaai  D'AtUy  fui  l'une.  dtS'^oiiifs  ^g  la^gnnda 
école  gallicane  do  eollô^a  de  Navarre  ;  il  y  forma  Cléracngis  et 
Oerson.  ClémeDgis  ùA  «a  boa  éorivain  polémiqtae,  mordinl, 
amusant^.  sM^  (eomae.  aurait  dit  Satal^mon).  Y.  la  ubleaa 
^«'il  fait  de  la  ser?itiide  et  de  la<  servilitô  da  ^pe  d'Avigooo, 
ûanale  livre  de  (a  Corroption- de  l'Église,  (p  26).  Laconelasioa 
dulivre  est  trèa-éloq^eD&e;  C'est  une.  apostrophe  aa  Christ;  les 
protestaota  peuiieal^y  voir  uae  prophétie  de  la  Eôforme  :  t  Si 
tuam  vioêftia'.labrasGbEi  aanticosiaque  vii^Uis- palmites  soffo- 
'Oantibua  okaept«Ba«  iofraotifea^m;  via.  ad  naturam  redaoere, 
qnismelior  modns  id  agendi,  quam  inutiles  stii^ies  eam steri- 
lem  efficientes  quae  falcibus  emputatœ  pullulant,  radicitns 
evellere,viJioamq^e  ipsam*  aliia aip'icelis  locatam  novismr- 
sum  autifcracibus  et  fructiferis  palmitibus  inserere?...  Hâecnon 
i^si  ejûigua-suot  dolorum  initia  et  suavia  quidam  eorum  q^t:a? 
sopersuatprcBituiMk. Sedtempuserat, ut portum,  ingraente jam 
iempestale,  peteremua«  ooslrsque  in.  bis  periculis  saluti  con* 
fuleremus,  ne  tsmta  procellarum  vis,  qua&  laceram  Peiri  navi- 
culam  validiori  turbinis  impulsu,  quàm  ulla  aJias  tempore 
coneussura  est,  in  mediis  nos  (luctibus,  cum  bis  qui  mérite  naa- 
fpagio  pcrituri  suA,  abaorbeaX.  >  Kic*  Clcmeng.  De  corraplo 
Ecclcsiam  slatu,  t.  T,  p.  28, 

452,  •.  page  18i  — ..»  U.  piquant  réquisitoire  du  concile  contre 
tes  detM  papes  réf^actaires ... 

Conciliufn  Pisanum^ap.  Goucil.  cd.  Labbe  et  Cossart,  1671; 
t,  XI,  pars  II,  R*  3172  et  seq^ 

153  -^  page  i82< — Ces  ennemis  aaharnéi  s'entendent  aa  fonda 
merveille,, m- 

t  Habentes  faoies^diversa8r...,.sed  caudas  habent  ad  inviceoi 
^ligatas,  v  de  vanitate  oonveniant*.  >  Ibidem,  p.- 2183.  — 
« ...  Volcbat  ujAum  pedem:  teueise  in  aqua*  et  aiium  in  terra.  * 
t  Ibidem,  p.  2184.  * 

154  —  page  183  ^  Lorsque  Yalta  éUoaiL  les  premiers  iasUi 
e«r  l'authenticité  des^dèerètales,*, 

Non -seulement  VaUa  »  maia.Gomoii^idaoaaouépUre  De  mo- 


(l?a  ttiii«i!^i  ad  refiBmBOHkë  EcciesMa,  p.  i9k  S«r¥alla,  lire  a» 
article  excellem  de  la  Bii^rpaiphie  usÂv^rseUe  (j^  II.  Vignier),. 
t.'XLVIUp.  3I6-303L  — .c  Bear  papes  oml  pemis  à  BalUrinida 
critiquer,  à  Bdme  aéiner  tes  âtuaaes  déeréittles.  PoBrc|ttoir  na 
les  ont-i!s  pa&  révoquées  ?  Poor  la  mène  raison  que.  les  roia  de 
France-  n'oHt  pas  réveqaié  les  faUes  ppUiiquea  relalives  asx 
douze  piiirs  de  Cfcarfcfmagae,  ni  les  Kmpereaes  celles  qui  ae. 
rallachent  à  l'origine  des  conrs  Welnsques^  eic,  >  Tello  est  U 
réponse  de  Tingénieux  M.  Walter.  Waller,  Lerhbucb  des  Kir* 
chenreebts:^  Bonoy  i83a,  p.  iA4; 

m 

I8i^  —  page:  183  —  Maymowé  ImOb  i^jauvo:  au»  piidt  <U  sm  At'- 
Bor  qwi  finiitaU  la  JsoiastifMtf. .. 

Voir  la  cnriensejpiéfiKe.  ftaymnndi  Lullii  Majoricensis^  iil«- 
minati  palris,  Arbor  scie n lias.  Lugduni,  1636,  in«4<>  p.  2  ei  3. 

156 '-— page  lill%->...  r9mu»ikr^ 

Ce  verbe^  employé  comme  neutre ,  avait  bien  plus  de  grâce. 
ie  ereis  qu'on  y  reTtendea*.  V^  Charles  d'ârléans  (p.  48)  : 
f  Tons  jours  sa  beauté  r$nouaêUê,  •  Et  Èustacba  Deschaoïps 
(p*.  99)  :  «  De  joun  en  joui^votce  beanté  r$noun$Ue,  » 

157  —  page  184  —  Au  montent  où  V Anglais  allait  fondre  sur 
la  FraneSf  etCw. 

«  Licet  quis,  conlemnendum  esse,  quantum  ad  bella  pertî- 
net,  imêm  LoUioringùBt  née  tantis  poUerc  viribus,  ut  domui 
andeat  Franci»  bellûm  inferre,  non  panrus  débet  bostis  viderc 
qnem  Dieus  excitât  et  propter  aliorum  adjuvat  facinora.  >  Nie. 
Clemengis,  U  IL,  p.  3o7.  —  On  voit  de  môme  dans  les  lettres 
de  Maebiavel  qu'à  la  veille  d'être  conquise  par  les  Espagnols, 
l'Italie  ne  craignait  que  les  Vénitiens,  11  écrit  aux  magistrats 
de  Florence  :  «  Vos  Seigneuries  m'ont  toujours  dit  que  la  li- 
berlfi  de  l'Italie  n'avait  à  craindre  que  Venise.  >  Machiavel,  ' 
letire  de  février  oa  mars  1^08. 

158  —  page  186  —  Sur  Us  cinquante-trois  mille  fiefs  en  An* 
gleterre,  f  Église  eupossèdaU  vingt^huit  mille.,, 

.  lurner,  The  Uistery  of  Englaad,  during  ihe  middle  âges  (cd. 


332  APPENDICB. 

1830),  Tol.  ilT,  p.  96.  On  assurait  récemment  que  le  clergé 
anglican  avait  encore  anjonrd'hni  un  revenu  supérieur  à  celui 
de  tout  le  clergé  de  l'Europe.  Ce  qui  Dst  sûr,  c'est  qael'ar- 
chevéque  de  Cantorbéry  a  un  revenu  pnnze  fois  plus  grand 
que  celui  d'un  archevêque  français,  trente  fois  pljis  grand  que 
celui  d'un  cardinal  à  Rome.  Stalislics  of  Ihe  Church  of  Englaad, 
1836,  p.  5.  V.  aussi  trois  lettres  de  Léon  Faucher  (Courrier 
français,  juillet,  août  1836), 

159  —  page  187  —  Le  droit  d'aineesê  en  Angleterre.s. 

Le  12  avril  1836,  M.  Ewart  voulait  présenter  un  bitl  sUtuant 
que,  au  moins  dans  les  successions  ab  intestat,  les  propriétés 
foncières  seraient  partagées  également  entre  les  enfants;  sir 
John  Russcl  a  parlé  contre,  et  la  motion  a  été  rejetée  à  ooe 
forte  majorité. 

iOO  —  page  192  —  Shàkeepeare  ennemi  de$  seeUUrei  de  Umt 

âge,,, 

Shakespeare  a  fait  de  rares  allusions  auT  puritains  naissants, 
toutes  malveillantes.  Voir  entre- autres  celle  qui*  se  trouve 
dans  Twelfth  Night,  act.  III,  scène  lu  —  Quant  à  Falslaff,  j*ao- 
rai  occasion  d'y  revenir. 

161  —  page  194,  note  ^^  Vexamen  d'Oldcastle  par  Vardtevé^ 
de  Cantorbéry,  etc.. 

c  Dominus  Cantuariensis  gratiose  se  obtulit,  et  paratum  fore 
promisit  ad  absolvendum  eum  ;  sçd  ille...  petere  noinit...  Coi 
compalicns  dominus  Cant.  dixit  :  Caveatis...  Unde  dominas 
Gant,  sibi  compatiens...  Gui  archiepiscopusaffabiliteretsuaTi- 
tcr...  Coiisequenter  dominus  Cant.  suavi  et  modesto  modoro- 
gavit...  Quibus  diclis  dominus  Cant.  flebili  vultu  eum  alloque- 
batur..  Ergo,  eum  magna  cordis  amaritudine,  processit  ad 
prolationem  scntentiae.  •  Walsingham^  p.  384.  —  Elmham  cé- 
lèbre en  prose  et  en  vers  les  exécutions  et  les  processions. 
<  Rege  jubente...  Regiamens  gaudet.  »  Turner,  vol.  III,  p,  141 

162  —  page  194  —  Henri  V  écrivit  aux  prélats.,. 

De  arraiaiione  clcri  :  <  Prompti  sint  ad  resistendum  contra 


APPBNDICB.  393 

malitiam  înimicorum  regni,  eciclesiœ,  etc.  >  Rymer,  3«  éd., 
vol.  IV,  pars  I,  p.  123  ;  28  mai  1415. 


163  —  page  19&  —  //  complétait  $e$  préparatifs.., 
Trailé  pour  avoir  des  vaisseaux  de  Hollande,  18  mars  1415. 
Presse  des  navires,  11  avril  ;  dea  armuriers  (operariis  ar- 
cuum,  etc.,  tant  intra  libertates  quam  extra)^  le  20  ;  presse  des 
matelots,  le  3  mai;  recherche  de  charrettes,  le  16;  achat  de 
clous  et  de  fers  de  chevaux,  le  25  ;  achat  de  hœufs  et  vaches,  le 
A  juin;  ordre  pour  cuire  du  pain  et  brasser  de  la  bière,  le  27 
mai;  presse  des  maçons,  charpentiers,  serruriers,  etc.  —  5  juin, 
négociations  avec  le  GaUois  Owen  Glendour;  24  juillet,  testa- 
ment du  roi;  défense  de  la  frontière  d'Ecosse;  négociations 
avec  l'Aragon,  avec  le  duc  de  Bretagne,  avec  le  duc  de  Bour^ 
gogne^  10  août;  Bedford  nommé  gardien  de  rAngleterre, 
11,  août  ;  au  maire  de  Londres,  12,  etc.  Rymer,  t.  lY,  p.  1, 
p.  109-146. 


164  -—  page  196  —  Le  roi  réunit  la  plus  forte  armée,  etc. 

Tels  sont  les  nombres  indiqués  par  Monstrelet,  t,  III,  p.  313. 
Lefebvre  dit  :  huit  cents  bâtiments.  Rien  n'est  plus  incertain 
que  les  calculs  de  ce  temps.  Lefebre  croit  que  le  roi  de  France 
avait  deux  cent  mille  hommes  devant  Arras,  en  4414;  Monstre* 
let  en  donne  cent  cinquante  mille  aux  Français  à  la  bataille 
d'Azincourt.  Je  crois  cependant  qu'il  a  été  mieux  instruit  sur  le 
nombre  réel  de  l'armée  anglaise  à  son  départ. 


165  —  page  198  —  Un  prêtre  anglais  nous  apprend,  etc. .  • 
Ms.  cité  par  Sir  Harris  Nicolas  dans  son  histoire  de  la  bataille 
d'Azincourt  (1832),  p.  129.  Ce  remarquable  opuscule  offre  iMle 
l'impartialité  qu'on  devait  attendre  d'un  Anglais  jndicienx,  qui 
d'ailleurs  n  a  pas  oublié  l'origine  française  de  sa  famille.  Qu'il 
me  soit  permis  de  faire  remarquer  en  passant  que  beaucoup 
d'étrangers  distingués  descendent  de  nos  réfugiés  français  :  sir 
Nicolas,  miss  Martinean»  Savigny,  Anciilon,  Micheiet  de  Ber* 
lin,  etc. 


ni4  iàmraMW. 

4 

166  -^  pftge  1^—  7mc«  2eâ  fca6tfâiif«  êtMmtpmr  furm 
sis  de  la  viUe,., 

Le  chapelain  rapporte  les  lamentations  de  ces  pauvres  gens, 
et  il  ajoute,  avec  une  bien  singulière  j)réoccupation  anglaise, 
qu'après  tout  ils  regrettaient  une  posses^on  &  laqvélle  ë»  n'a- 
vaient pas  droit  :  «  For  tlie  loss  of  thetr  aecuslomed,  tk9u$k 
unlawful,  habitations,  s  Y.  Sir  Nicolas^  p.  914. 

167  —  page  199  —  'Henri  Y  déclara  qme  fHarJUur  \l  nrnt 
jusguà  CalaiSm.. 

Celle  expédition  a  été  racontée  par  trois  témoins  oculaires 
qui  tous  trois  étaient  dans  le  camp  anglais  :  Hardyng,  un  cha- 
pelain d'Henri  Y,  et  Lcfebvre  de  Saint-Kemy«  gentilhomme  pi- 
card, du  parti  bourguignon,  qui  suivit  l'armée  d*Henri.  Il  n'y  a 
qu'un  témoin  de  l'autre  parti,  Jean  de  Yaurin,  qui  n  ajoute 
l^ère  au  ré:it  des  iiutres.  Je  suivrai  volouliers  les  témoignages 
anglais.  L*hfslorien  français  qui  raconte  ce  grand  malheur  na- 
lional  doit  se  tenir  en  garde  contre  spn  émotion,  doit  s'infor- 
mer de  préférence  dans  le  parti  ennemi. 

46^  -^  page  iOâ — J>  duc  de  Lorraiusà  lui  smL  oMoamim' 

Leitre  du  gouverneur  de  Calaia  Bardol/,  au  duc  de  Bcdford  : 
4  Plaise  à  voatre  Seignnrie  savoir,  que  par  les  enlxevenans  di- 
vers et  bonnes  amis,  repairaus  ea  ceste  ville  et  marche,  asoi 
Jtûen  hors  des  parties  de  France,  epmmede  FlaundreSt  me  sait 
dit  et  rapporté  plainement  que  suns  faulle  le  Aoinostre  Sei* 
gnur...  ara  bataille...  au  pluis  tarde,  deins  quinsze  jours...  que 
le  duc  de  Lorenne  ait  assembleie...  bien  einquant  mt/^  hom- 
mes, tft  que,  tiras  qu'ils  soient  tous  «asembléea,  ils  ne  seront 
TOOinsde  osnltsilte^n  pluts*  •  Bj^mer,  t.  lY,  p.i,  p.  àiS,  7  oc- 
4flière44iô. 

t69 —  page  301  —  Des  Ptcarcb  «e  joiynireHi  aseat  Am^aà  it 
pefU-Hre  les  guidèrsttt. . . 

Lorsqu'on  voit  un  de  ces  Picards,  rbkiorien  Lefebtre  Ae 
SaiiU-Rémy,  après  avoir  combatta  pour  ies  Anglais  à  Axin- 
court,  devenir  le  confident  de  la  maison  de  Bourgogne,  le  ser- 


APPBNDÎCE.  835 

vir  dans  les  pdtts  importantes  missions  (L^âbvre,  prdlogne, 
t.  Vfl,  *p.  ÎS8)  et  etffin  vteiHrr  dans  cette  cour  comme  hennit  do 
la  Toison  d'or,  on  est  bien  tenté  de  croire  que  Lefebvre,  quoi-^ 
que  jeune  alors,  lut  l'agent  bôtnpguîgBOn^fèsii'ilaDri  Y,  11  no 
Tint  pas  seulement  pour  .voir  la  "bataille ,  las. détails  màniUieux 
qu'il  donne  (p.  499)  portent  à  tfoire  qu'il  smvit  l'armâe. an- 
glaise, dès  son  -enttréeen  Picardie.  'V.  anr  fl^eCefane  kLinotâoe 
de  mademoiselle  Dupont  (Bulletin  dela'Sooîété'âe  Thiatoirede 
France,  tome  H,  ire  partie).  La  savante  demoiselle  a  refait 
tonte  la  vîe  dt;  Ifefehvre-,  ielle:a  prouva  ^lu'il  a;vaU  générale-- 
ment  copié  Monstrelet;  il  me  parait  toutefois  qu'en  copiani,  jl 
a  quelque  -peu  modifié  le  réeit. des  faîAs  dont  il  avait  été  té- 
moin ^ocnlatre. 

170  —  page  202  —  Un  homme  du  pti^  .vMit^îre«  ete««. 

Les  deux  Bourguignons,  Monstrelet  et  Lefevbre,  ne  disent 
rien  de  ceci.  Ce  «ont  les  Anglais  qui  nous  l'apprei)nent .:  i  But 
êtiddenly,  in  tbe  midst  of  Iheir  despondency,  rons  of  the  viUagen 
oMnmnnioated  to:theking  the invaluab le  information*. •  »  Tur-* 

%t.  U,p.ii23. 


171  —  page  20^  —  te  duc  de  Berri  vauUnt  que  les  partis  d'Or- 
Uans  et  de  Bonrgo^e  envoyassent  êhacun  cinq  eents  lances.^, 

11  avait  d'abord  fait  éerire  en  ce  sens  aux  deux  ducs,  avec 
défense  de  venir  en  personne;  c'est  oc  qulassure  ke  duc  de 
"Bourgogne  dans  la  lettre  an  roi.  Huvénal  des  Ursinav  p.' 299. 

172  —  pageWi  —  BataiUe  d'Avrneoiitrt,,. 

Lcfebvre,t.  Vîîl,  p.  541.  BeUgieux,ms,,'9^  verso.  Jehm  de 
Vaurin.  Chroniques  d'Angleterre^  roi,  F,  perrhe  /,  chap,  9,  /*.  15 
verso;  ms.  delà  Bibliothèque roy aie,  «0  6756.  —  Jean  de  Vaurin 
était  à  la  bataille,  comme  Lefeb^Te,  mais  de  l'autre  celé  :  «  Moy, 
acteur  de  ccsle  œuvre,  en  sçay  la  vérité,  'car  en  «elle  assemblée 
cstoie  du  costé  des  François.  > 

173  —  page  240  —  Alors  survinrent  les  Anglais^  etc.. 

«  Ictus  rciterabont  -mortales,  inusitato  etiam  armnrum 
génère  usi  quisqne  eorum  in  parte  maxima  clavam  plumbeûn 


336  APPENDICE. 

gestabaDt,  qa»  eapiti  alicujas  afflicta  mox  illam  preeipilabai 
Id  terram  moribundum.  •  ReligieiÊX  de  Saint-Denis^wu.,  f,  9S0. 

174  —  page  SiO  —  PuU^  e*ési  U  dmc  ^Aleufon,  etc... 

Cet  embellissement  est  de  la  façon  de  Monstreict,  t  III, 
p.  355.  Il  le  place  hors  du  récit  de  la  bataille,  après  la  longoc 
liste  des  morts.  Lefebvre,  témoin  oculaire,  n'a  pu  se  décider 
ici  à  copier  Monstrelet. 

175  _  page  211—  Lé  lendemain  le  vainquenr  prit  outnAcequi 
jtêuvait  rester  en  vie. . . 

Lefebvre,  t.  VIII,  p.  16-17,  Monstrelet,  t.  III,  p.  347.  Je  ne 
sais  d'après  quel  auteur  M.  de  Barante  a  dit  :  Henri  IV  fit  cesser 
le  carnage  et  relever  les  blessés.  »  Hist.  des  ducs  de  Bourgogne, 
3e  édition.,  t.  IV,  p.  250. 

176  —  page  212  note  2  —  Le  connétable  JfAJbrei... 

Le  Religieux  revient  fréquemment  {fol.  940,  946,  948)  sur 
'  ces  bruits  de  trahison^  qui  probablement  circulaient  surtout  à 
Paris,  sous  rinfluence  secrète  du  parti  bourguignon.  —  Nalle 
part  ces  accusations  ne  sont  exprimées  avec  plus  de  force  que 
dans  le  récit  anonyme  qu'a  -  publié  M.  Tailliar  :  Charles  de 
Labrech,  connétable  de  Franche^  alloit  bien  souvent  boire  et 
mangier  avec  le  roi  en  l'ost  des  Englès...  Li  connétables  se 
ienoit  en  ses  bonnes  villes  et  faisoit  défendre  de  par  le  roi  de 
Franche  que  on  ne  le  combatesit  nient.  >  Cette  dernière  accusa- 
tion, si  manifestement  calomnieuse,  ferait  soupçonner  que 
celte-  pièce  est  un  bulletin  du  duc  de  Bourgogne.  Au  resXa, 
l'auteur  cdnfond  beaucoup  de  choses;  il  croit  que  c'est  Qigoet 
de  Brabant  qui  pilla  le  camp  anglais,  etc.  Dans  la  même  page, 
il  appelle  Henri  V  tantôt  roi  de  France,  tantôt  roi  d'AngieUrre. 
Archivée  du  nord  de  la  France  et  dn  midi  de  la  Belgique  (Valeu- 
eiennee),  1830. 

177  ~  page  212  —  Le  file  du  due  de  Bourgogne  filàtoui  têt 
morts  la  ejiarité  Sune  fosse.,. 

Monstrelet,  t.  III,  p.  358.  Selon  le  récit  anonyme  publié  par 
M.  Tailliar,  on  ne  put  jamais  savoir  le  vrai  nombre  des  morts; 


APPENDICE.  337 

ceux  qui  les  avaient  enfouis  jurèrent  de  ne  point  le  révéler. 
Archives  du  nord  de  la  France  (Valenciennee),  1839. 

•    178  —  page  215  —  Lee  Français  nourrirent  les  Anglais.., 

•  De  suis  victualibus  refecerunt.  >  Walsingbam,  p.  342.— 
Walsingham  ajoute  une  observation  de  la  plus  haute  importance: 
cNempemos  est  utrique  genti.  Angliœ  scilicet  atque  Galliœ, 
licet  sibimet  in  propriis  sint  infesti  regionibus,  in  remolis 
partibus  tanquam  fratres  subvenire,  et  fidem  ad  invicem  invio- 
iabilem  observare.  >  Walsingham,  ibidem.  —  C'est  qu'en  effet» 
ce  sont  des  frères  ennemis^  mais  après  tout  des  friree. 

179—-  page  215  —  ...dês  vers  charmants,  pleins  de  bonté  et  de 
douceur  éP  âme... 

Malgré  cette  douceur  de  caractère,  Charles  d'Orléans  avait  eu 
quelques  pensées  de  vengeance  après  la  mort  de  son  père.  Les 
devisesqu'on  lisaitsursesjoyaux,d'après-un  inventaire  de  1409» 
semblent  y  faire  allusion  :  c  Iiem  une  verge  d'or,  où  il  a 
esQript,  Dieu  le  scet.  —  Item  une  autre  verge  d'or  où  il  est 
escript,  t^  est  loup.  »  Item  une  autre  verge  d'or  plate  en  laquelle 
est  escript,  Souviegne  vous  de,  — *  Item  deux  autres  verges  d'or 
es  quelles  est  escript,  Inverbesserin.  —  Item  un  bracelet  d'ar- 
gent esmaillié  de  vert  et  escript,  Inverbessirin.  Inventoire  des 
joyaulx  d'or  et  d'argent,  que  monseigneur  le  duc  d'Orléans  a 
par-devers  lui,  fait  à  Blois  en  la  présence  de  mondit  seigneur, 
par  monseigneur  de  Gaule  et  par  monseigneur  de  Chaumont, 
le  iii«  jour  de  décembre^  Tan  mil  cccc  et  neuf,  et  escript  par 
moy  Hugues  Perrier,  etc.  >  —  Cette  pièce  curieuse  a  été  trouvée 
dans  les  papiers  des  Célestins  de  Paris.  Archives  du  royaume, 
L.  1539. 


180  —  page  215  ~  Charles  d'Orléans  passa  de  longues  années  à 
Pomfret,  traité  honorablement... 

V.  le  détail  curieux  d'un  achat  de  quatorze  Tts  pour  les  prin- 
cipaux prisonniers  :  oreillers,  traversins,  couvertures,  plume, 
satin,  toile  de  Flandre,  etc.  Rymer,  3«édit.,  t.  IV,  P.  I,  p.  155, 
(mars  1416). 

IV.  22 


338  APPENDICE. 

£81  __  page  216  -  ^otre  Bèrarhjer  du  xyc  siècle... 

Pour  compléter  un  Déranger  de  ce  Icmps-là,  il  faudra! 
joindre  à  Charles  d'Orléans  Euslache  Deschamps.  11  représente 
Réranger  par  d'autres  faces,  par  ses  côlés  palriolique,  sali- 
rique,  sensuel,  etc.  V.  la  pièce  :  Paix  n'aurez  jà,  s'ils  ne  ren- 
dent Calais,  p.  7J.—  U  s-élèvc  quelquefois  très-haut.  Dans  la 
ballade  suivante,  il  semble  comprendre  le  caractère  lilauique 
et  salaniquc  de  la  patrie  de  Dyron  (V.  mon  Introduction  à 
l'histoire  universelle): 

Selon  le  Brut,  de  Tisle  des  Géans, 
Qui  depuis  fut  Albions  appeler, 
Peuple  maudit,  tar  dis  en  Ditu  crcans. 
Sera  l'isle  de  tous  poins  désolée. 
Par  leur  orgueil  vient  la  dure  journée 

Dont  leur  prophète  Merlin 
Pronosiica  leur  doloreuse  fin, 
Quant  il  eseript  Vie  perdrez  et  terre. 
Lors  monstreront  esirangiez  et  voisins  : 
Au  temps  jalis  estait  cy  Angleterre, 

Visaige  d'ange  portez  (ai^gli  angeli),  mais  la  pensée 
De  diable  est  eu  vous  tou  dis  sortissans 

A  Lucifer 

Destruîz  serez;  Grecs  diront  et  Latins  : 
Au  temps  jiitlis  estait  ey  Angleterre. 

18â  —  page  216  —  Lf  sourire  y  est  près  des  larmes,.. 

Fortune,  vuoillicz-moi  laisser,  p.  170  (Poésies  de  Chnilos 
d'Orléans,  éd.  IS03).  —  Puisque  ainsi  est  que  vous  allez  en 
France,  Duc  de  Dourbon,  mon  compagnon  très-cher,  p.  200.— 
F:i  la  forêt  d'ennuyeuse  liislcs.<e,  p.  ^209.  —  En  regardant  \er3 
le  pays  de  Franco,' p.  3:2;J.  —  Ma  irès-doulcc  Yalculinte,  Pojr 
M<.y  fuMes-vous  trop  lût  née,  p.  209. 

C'est  l'inspiration  des  vers  de  Voltaire  : 

Si  vous  voultz  que  j'aime  encore, 
HonJez-moi  l'ùge  des  amours... 

m 

Et  celle  de  Déranger: 

Vous  vieillirez,  ù  ma  belle  maîtresse, 
Vous  vitillirez,  et  je  ne  serai  plus.,. 


APPENDICE.  339 

183  —  pngc  216,  note  —  Il  y  a  pourtant  un  vif  mouvement  de 
passion,  etc.. 

Le  pauvre  prisonnier  eut  encore  un  autre  malheur;  il  fut  tou- 
jours amoureux;  bien  des  vers  furent  adressés  par  lui  à  une 
belle  dame  de  ce  côlô-ci  du  détroit.  Les  Anglaises,  probable- 
ment meilleures  pour  lui  que  les  Anglais,  n'en  ont  pas  gardé 
rancune,  s'il  est  vrai  qu'en  mémoire  de  Charles  d'Orléans  et  de 
sa  mère  Valenline,  elles  ont  pris  pour  fôle  d'amour  la  Saint- 
Valentin.  Y.  Poésies  de  Charles  d'Orléans,  éd.  1803.  (Note  de  la 
p  W.) 

18i  —  page  216  —  Cest  Valouettê,  rien  de  plia... 

Le  temps  a  quitté  son  manteau 
De  yent,  de  froidore  et  do  pluie... 

Idem,  p.  257. 

Ces  jolis  chants  d'alouette  font  penser  à  la  vieille  petite  chan- 
son, incomparable  de  légèreté  et  de  prestesse  : 

J'étais  petite  et  simplette 
Quand  à  i'ccole  on  me  mit 
Et  je  D*y  ai  rien  appris... 
Qu'on  petit  mot  d'amourette... 
Et  toujours  je  le  rediâ. 
Depuis  qu'ay  un  bel  amy. 

185  —  page  220  —  Moururent  en  quelques  wioif...  le  dau- 
phin, etc.. 

fCc  dit  jour  Mons.  Loiz  de  France,  ainsné  filz  du  Roy,  notre 
Sire,  Dauphin  de  Viennoiz  et  duc  de  Guiennc,  moru,  de  laagc 
de  vint  ans  ou  environ,  bel  de  visaige,  suffisamment  grant  et 
gros  de  corps,  pcsans  et  tardif  cl  po  agile,  voluntaire  et  moult 
curieux  à  magnificence  dabiz  et  joiaux  circa  cultum  sui  corporis 
désirans  grandement  grandeur,  oneur  de  par  dehors,  grant 
despensier  à  ornemens  de  sa  chapelle  privée,  à  avoir  ymnges 
grosses  et  grandes  dor  et  dargent,  qui  moult  grant  plaisir  avoit 
à  sons  dorgues,  lesquels  entre  les  autres  oblcctacions  mondai- 
nes hanloit  diligemment,  si  avoit-il  musiciens  de  bouche  ou  de 
voii,  et  pour  ce  avoit  chapelle  de  grant  nombre  de  jeune 


340  APPENDICE. 

gCDt;  ci  si  avoit  bon  entendement,  tant  en  latin  que  en 
françois,  mais  il  cmploiott  po,  car  sa  condicion  estoit  demploier 
la  nnit  à  veiller  et  po  faire,  et  le  jour  à  dormir;  disnoità  111  on 
IV  heures  après  midi,  et  soupoît  à  minuit,  et  aloit  coucher  su 
point  du  jour  et  à  soleil  levant  sonvant,  et  pour  ce  estoit  aTcn- 
ture  qu'il  vesquit  longuement.  >  Archives  du  Royaumij  Begùim 
du  Parlement,  Conseil  XIV,  f.  3è,  verso,  19,  décembre  1415. 

186  —  page  W)  ^  Les  Anglais  tàantaienî  des  Te  Demain 
ballades. 

As  the  King  Uy  maûng  on  his  bed, 
He  thought  himself  npon  a  time, 
Those  trihotes  due  froni  the  French  King, 
That  had  not  been  paid  for  lo  long  a  tim» 

Fal,  lai,  lal,  lai,  laral,  laral,  la. 
He  called  nnto  hii  lovely  page, 
His  lovely  page  away  came  he...,  et«. 

(Ballade  citée  par  Sir  Harris  Nicolas,  Aginflonrt,  p.  7S0 

iB7  —  page  tfï  —  Plutôt  que  de  recevoir  les  Gascons,  Bffsa 
tua  son  bailli,  etc. 

H.  Chéruel  a  trouvé  des  détails  curieux  dans  les  archives  de 
Rouen.  Chéruel,  Histoire  de  Rouen  sous  la  domination  anglaise, 
p.  19.  Rouen,  1840. 

188  —  page  224  —  Le  roi  d'Angleterre  exceptait  de  la  espi/i- 
lation  quelques-uns  des  assiégés,  etc. 

Ut  rel  laesoe  majestatis.  >  Religieux,  ms.^  folio  79.  Ce  point  de 
vue  des  légistes  anglais  qui  suivaient  le  roi  est  mis  dans  son 
vrai  jour  au  siège  de  Meaux.  Ibidem,  folio  176. 

189  —  page  224,  note  2  —  Armagnac  persévérait  dent  m 
attachement  à  Benoit  XIII... 

Y.  la  déclaration  de  la  reine  contre  lui.  Ordonnances,  t.  X, 
p.  436. 

190  —  page  226  —  Un  Lambert  commença  à  pousser  lepevfU 
au  massacre  des  prisonniers.,. 

Le  Bourgeois  devient  poôte  tout  à  coup,  pour  parer  le  mas- 


APPENDICB.  341 

sacre  de  mythologie  et  d'allégories  :  c  Le  dimanche  ensuivant, 
12  jour  de  juing,  environ  onze  heures  de  nuyt,  on  cria  alanno« 
comme  on  faisoit  souvent  alnrme  à  la  porte  Saint-Germain,  les 
antres  crioicnt  à  la  porte  de  Bardellcs.  Lors  s'esmeut  le  peuple 
vers  la  place  Haubert  et  environ,  puis  après  ceulx  de  deçà  les 
pons,  comme  des  halles,  et  de  Grève  et  de  tout  Paris,  et  couru- 
rent vers  les  portes  dessus  dites;  mais  nulle  part  ne  trouvèrent 
nulle  cause  de  crier  alarme.  Lors  se  leva  la  Déesse  de  Discorde, 
qui  estoit  en  la  tour  de  Mauconseil,  et  esveilla  Ire  la  forcenée, 
et  Convoitise,  et  Enragerie  et  Venge*) nce,  et  prindrent  armes 
de  toutes  manières,  et  boutèrent  lors  d'avec  eulx  Raison,  Jus- 
tice, Mémoire  de  Dieu...  Et  n'estoit  homme  nul  qui,  en  celle 
nuyt  ou  jour,  eust  osé  parler  de  Raison  ou  de  Justice,  ne  de- 
mander où  elle  estoit  enfermée.  Car  Ire  les  avoit  mise  en  si 
profonde  fosse,  qu'on  ne  les  pot  oncqucs  trouver  tout  celle 
nuyt,  ne  la  journée  ensuivant.  Si  en  parla  le  Prévost  de  Paris 
au  peuple,  et  le  seigneur  de  l'Isle-Adam,  en  leur  admonestant 
pitié,  justice  et  raison;  mais  Ire  et  Forcennerie  respondirent 
par  la  bouche  du  peuple  :  Malgrebieu,  Sire,  de  vostre  justice, 
de  vostre  pitié  et  de  vostre  raison  :  mauldit  soit  de  Dieu  qui 
aura  la  pitié  de  ces  faulx  traistres  Arminaz  Angloys,  ne  que  de 
chiens;  car  par  eulz  est  le  royaulme  de  France  destruit  et  gasté, 
et  si  l'a  voient  vendu  aux  Angloys.  >  Journal  du  Bourgeois  de 
Paris,  t.  XV,  p.  234. 

i9i  ^  page  226  —  Seize  cents  personnes  périrent,  etc.. 

Monstrelet,  t.  VI,  p.  97.  —  Le  greffier  dit  moins  :  <  Jusques 
au  nombre  de  huit  cens  personnes  et  au-dessus,  comme  on  dit.i 
Archives  f  Registres  du  Parlement  ^  Conseil,  XIV,  f,  139. 

19^  —  page  228  —  Tout  est  tué  au  petit  Châtelet...  . 

€  Tuèrent  bien  trois  cens  prisonniers.  »  Blonstrelet,  t.  IV, 
p.  120.  c  Durant  laquelle  assemblée  et  commocion,  furent  tuez 
et  mis  à  mort  environ  de  quatre-vingt  à  cent  personnes,  entre 
lefquelles  y  ot  trois  ou  quatre  femmes  tuées,  si  comme  on  di- 
se it...ii4rc/i  i!?e*,  Registres  du  Parlement,  Conseil^  XIV,  /b/wl42 
verso,  21  août. 


349  AfFniOMCK. 

199  »  pago  ÎS9 — Un  iraUè  réeeiU  tkote  V Anglais  m  permtkil 
pas  mu  duc  d$  Bourgogne  d'appeler  les  Flamands. . . 

Le  traité  probablement  ne  concernait  que  la  Flandre.  Tout 
le  monde  croyait  que  dans  une  entrevue  avec  ttenh  VàCaUis, 
il  s^étaît  alUé  à  lui.  Il  existe  uli  traité  d'alliance  et  de  ligue,  où 
le  duc  reconnaît  les  droits  d'Henri  à  la  couronne  de  Fraoee, 
mais  cet  acte  ne  présente  ni  date  précise  ni  signature.  U  tsi 
probable  que  ce  n'était  qu'un  projet,  une  offre  de  partager  les 
conquêtes  qui  se  feraient  à  frais  communs.  —  il  est  probable 
que  Jean  sans  Peur  fît  entendre  au  roi  d'Angleterre,  qae,sil 
l'aidait  activement^  c'en  était  fait  du  parti  bourguigoofi  ea 
France,  qu'il  servirait  mieux  les  Anglais  par  sa  neutralité  que 
par  son  concours.  Rymer,  3<>  éd.,  t.  iV»  pars  1»  p.  177-178,  oc* 
tobre  1416. 

194  —  page  Î31  —  Chacun  det  princes  prisonniers  n'eut  qu'u 
serviteur  français... 

Selon  le  Religieux.  Mais  Rymer  indique  uo  plus  grand 
nombre. 

195  —  page  232  —  Alain  Blanchard,,. 

Sur  Alain  Blanchard,  V.  la  notice  publiée  par  M.  Auguste  Le 
Prévôt,  en  i8'!6,  l'Histoire  do  Rouen  sous  les  Anglais,  par 
H.  Chérucl  (1840),  et  l'Histoire  du  privilège  de  Saint -Roniain, 
par  M.  Floquct,  t.  11,  p.  548. 

196  ~  page  233  -^  Le  peuple  de  Rouen  sortait  à  la  fois  fsr 
toutes  les  portes,,, 

M.  Cbérael,  p.  46i,  d'après  la  cbronique  versifiée  d'un  Anglais 
qui  était  au  siôgc.  Archaeologia  Britannica,  t.  XXI,  XXll.  Ce 
curieux  poCmc  a  élé  traduit  par  M.  Potier,  bibliothécaire  de 
Rouen. 

197  —  page  233  —  Bouen  était  pleih  de  nMes  et  croyait  Mrs 
trcdii. 

«  Les  Engloys  descendirent  à  la  Hogue  de  Saint-Yaast,  di- 
monce  l«r  jour  d'aost  1416,  adonc  csloit  le  dalphin  de  Yyaoe  ï 
RoUwn  avec  sa  forchc;  et  de  là  se  partit  à  soy  rctraire  à  Paris, 


APPENDICE.  343 

Cl  laissa  Tninsnd  filz  du  comte  do  Harconri ,  cliapitaine  du 
chaslcl  et  de  la  ville,  et  M.  de  Gamachcs,  bailly  de  la  dicte  ville, 
avcnc  grant  quantité  d'cstrangisrs  qui  gardoieiU  la  ville  et  la 
quidùrent  piller;  mes  Yen  s'en  apcrchut,  et  y  out  sur  ce  pour- 
véanche.  Mais'nonostanl  tout,  fut  levé  en  la  viUc  une  taille  de 
16,000  liv.  et  un  prcsl  de  12,000,  et  tout  poi^  dedens  la  my-aosl 
ensuivant.  Etfucommanchcmenlde  malv4!!se  estrenche;  et  puis 
louz  s'en  alèrent  au  dyablc.  Et  après  culsy  vint  M.  Gui  le  Bou* 
teillcr,  capilainc  de  la  ville,  de  par  le  duc  de  Bourgongnc,  avec 
iiOO  ou  J500  Bourguégnons  et  cstrangi'ers,pour  guarder  la  ville 
contre  les  Engloys;  mais  ils  estoiont  micz  Engloys  que  Fran- 
choiz;  les  quiez  estoient  as  gages  do  la  ville,  et  si  desiruioienl 
la  vitaille  et  la  garnison  de  la  ville.  »  Chronique  ms.  du  temps^ 
communiquée  par  if.  F  loquet. 


198  —  page  235,  note  2  —  Détresse  de  Rouen... 

Archœologia,  t.  XXI,  XXII. —  H.  Chéruel  a  trouvé  un  rensei- 
gnement plus  sérieux  sur  le  prix  des  denrées;  par  délibération 
du  7  octobre  1418,  le  chapitre  fait  fondre  une  châsse  d'argent, 
cl  paey,  entre  autres  dettes,  soixante  livres  tournois  {miWeînincs 
d'aujourd'hui?)  pour  deux  boisseaux  de  blé.  M.  Chéruel,  Rouen 
sous  les  Anglais,  p.  53,  d'après  les  registres  capitulaircs,  con- 
servés aux  Architi>es  départementales  de  la  Seine-Inférieure.  Cet 
excellent  ouvrage  donne  une  foule  de  renseignements  non 
moins  précieux  pour  l'histoire  de  la  r^ormandie  et  de  la  France 
en  général. 


i09  —  page  236  —  Capitulation  de  Rouen,  etc.. 

fl  llcm,  esioil  octroyé  par  ledit  seigneur  Roi,  que  tous  el  cha« 
cun  pourroicnl  s'en  retourner...,  excepté  Luc,  Italien,  Guil- 
laume de  Houdetotf  chevalier  bailly,  Alain  Blauchart^  Jehan 
S^fjneuU,  maire,  maître  Robin,  Delioet,  el  excepté  la  personne 
qui,  de  mauvaises  paroles  et  déshonnéles,  auroit  parlé  antienne* 
ment,  s'il  peul  ôlre  découvert,  sans  fraude  ou  mal  engyn...  > 
Vidimus  de  la  capitulation  de  Rouen,  aux  Archives  de  Rouen  (com- 
tnuniqué  par  A!.  Chéruel).  Rymcr  donne  le  même  acte  en  latio, 
l.  IV,  P.  Il,  p.  82,  13  januar.  U19. 


344  APPENDias. 

200  —  page  237  —  Rouen  dut  payer  trois  eetU  mHk  èeiu 
d*or... 

«  Januarii  instantis,  febrnarii  inslantis.  >  Les  articles  sni* 
vants  prouvent  qu'il  s'agit  bien  de  1418,  et  non  de  1419,  Rynier, 
t.  IV,  P.  U,  p.  gî. 

201  —  page  238  -»  Henri  V  voulait  marier  en  AUenuigne  ton 
frire  Bedford,., 

«  Super  sponsalibus  inter  Bedfordium  et  filiam  iinîcam  Fr. 
burgravii  Nuremburiensis,  fîliam  unicam  ducis  LotorÎDgiae,  aii- 
quam  consanguineam  imperatoris.  >  Rymer,  t.  IV,  P.  II,  p.  100, 
18  mart.  1419. 

202  "  page  238  »  il  voulait  faire  adopter  son  jeune  frère^  Glo- 
cester,  à  lareinede  Napies,  etc.. 

t  Cum  Johanna,  regina  Apuleœ,  de  adoptione  Johannis  ducis 
Bedfordiœ.  Dux  mittat  qutnquaginta  millia  ducatorum,  quons- 
que  forlalitia  civilatis  Brandusii  erint  ei  consignata. . .  Dux  te- 
neatur,  intra  octo  menses,  venire  personaliter  cum  mille  homi* 
nibus  armalis,  2000  sagittariis.  Non  intromittet  se  de  regimine 
regni,  excepto  dueatu  Calabriœ  quem  gubernabitad  beneplacitum 
suum.  >  Ibidem,  p.  98,  12  mart.  1419. 

203  ->  page  239  —  Il  mettait  d^aecord  contre  lui  les  iirnj^* 

nais  et  les  Castillans.,. 

Les  gens  de  Baypnne  écrivent  au  roi  d'Angleterre  qoe  •  ua 
balencr  armé  a  pris  un  clerc  du  roy  de  Gastille,  i  et  qu'on  a 
su  par  lui  que  quarante  vaisseaux  castillans  allaient  chercber 
des  Écossais  en  Ecosse,  les  troupes  du  dauphin  à  Belle  Isle,  et 
amener  toute  cette  armée  devant  Bayonne.  Rymer,  t.  IV,  P.  II, 
p.  128,  22  jul.  1419.  Les  gens  de  Bayonne  écrivent  plus  tard 
que  les  Aragonais  vont  se  joindre  aux  Castillans  pour  assiéger 
leur  ville,  p.  132,  5  septeml)re. 

204  page  239,  note  3  —  Le  Normand  Robert  de  Braque^ 

tnont,., 

9c  reviendrai  sur  cette  famille  Hluslre  et  sur  les  Béthencourt, 
alliés  et  parents  des  Braquemont,  à  qui  ceux-ci  cédèrent  leurs 


APPEinoiCE.  345 

droits  snr  les  Canaries.  V.  Histoire  de  la  conqncste  des  Canaries, 
faite  par  Jean  de  Béthencourt,  escritc  du  temps  môme  par 
P,  Bonlier  et  J.  Leverrier,  prestres,  1630.  Paris,  in-12. 

205  —  page  240  —  Les  Anglais  n*ètaient  pas  sans  inquié^ 
tudes,,, 

«Nous  ne  savons  plus,  écrivait  nn agent  anglais  à  Henri  V,  si 
nous  avons  la  guerre  ou  la  paix;  mais  dans  six  jours...  Tt  is 
not  know  whethir  we  shall  hâve  werre  or  pees...  But  withynne 
six  dayes...  >  Rymer,  ibidem,  p.  126,  14  juil.  1419. 

* 

206  —  page  243  —  La  mort  du  due  de  Bourgogns  fit  un  mal 
immense  au  dauphin.», 

c  Pour  occasion  duquel  fait  plusieurs  grans  inconvénients  et 
domages  irréparables  sont  disposez  davenir  et  plus  grans  que 
paravant,  à  la  honte  des  faiseurs,  au  dommage  du  mond,  Seig. 
Dauphin  principalment,  qui  aitendoit  le  royaume  par  hoirrie 
et  succession  après  le  Roy  notre  souverain  S.  A.  quoy  il  aura 
moins  daide  et  de  faveur  et  plus  dennemis  et  adversaires  que 
par  avant.  >  Archives,  Registres  du  Parlem^nt^  C(mseilf  Z/K, 
folio  193,  septembre  1419. 

207  —  page  247  —  Derrière  Henri  V  on  portait  sa  bannière 
personnelle f  la  lance  à  queue  de  renard.,, 

c  Et  portoit  en  sa  devise  une  queue  de  renard  de  broderie.  * 
Journal  du  Bourgeois  de  Paris,  t.  XV,  p.  275.  A  l'entrée  de 
Rouen,  c'était  une  véritable  queue  de  Renard  :  c  Une  lance  à 
laquelle  d'emprès  le  fer  avoit  attaché  une  queue  de  renarl  en 
manière  de  penoncel,  en  quoi  aucuns  sage  notoienl  moult  de 
choses.  9  Honstrelet,  t.  IV,  p.  140. 

208  —  page  247  —  Le  roi  ât  Angleterre  fut  bien  reçu  à 
Paris,*, 

Le  greffier  même  du  Parlement  partage  l'entraînement  géné- 
ral, &  en  juger  par  ses  mentions  continuelles  de  processions  et 
supplications  pour  le  salut  des  deux  rois  :  Furent  moult  joyeu- 
sement et  honorablement  rcceuz  en  la  ville  de  Paris...  >  Ar^ 
chives,  Registres  du  Parlement,  Conseil,  XIV^  folio  2i4. 


» 
^ 


346  APP£ND1CE* 

209  — p&ge24B  —  Charles  fut  condamné  au  bannissemeni... 

La  sentence  rendue  par  le  roi  de  France,  c  de  l'avis  du  Parle- 
ment, »  est  placée  par  Rymer  an  23  décembre  1420  :  c  Consi-^ 
dérant  que  Charles  soi-disant  dauphin  avoit  conclu  alliance  avec 
le  duc  de  Bourgogne...  déclare  les  coupables  de  celle  mort 
inhabiles  à  toute  dignité,  >  —  V.  Aussi  le  violent  manifeste  de 
Charles  VI  contre  son  fils  :  «  0  Dieu  véritable,  etc.,  »  17  janvier 
1419.  Ord.,  t.  XII,  p.  273,  —  Un  acte  plus  odieux  encore,  c'est 
celui  qui  ordonne  que  les  Parisiens  seront  payés  de  ce  qui 
leur  est  dû  sur  les  biens  des  proscrits,  de  manière  à  associer 
Paris  au  bénéfice  de  la  confiscation,  Ord.,  t.  XII,  p,2Sl.  Cela 
fait  penser  aux  statuts  anglais  qui  donnaient  part  aux  com- 
munes dans  les  biens  des  Lollards. 

210  —  page  230,  note  2  —  Chroniqiu  de  George  Chaslellain..^ 
En  citant  pour  la  première  fois  Chastellain,  je  ne  puis  m'cm- 

pêchcr  de  remercier  M.  Buchon  d'avoir  recherché  avec  tant  de 
sagacité  les  membres  épars  de  cet  éloquent  historien.  Espérons 
qu'on  publiera  bientôt  le  fragment  qui  manquait  encore  et  que 
M.  Lacroix  vient  de  retrouver  à  Florence. 

211  ^  page  250  —  Les  princes  da  Rhin  tendaient  la  main  à 
l'argent  anglais!.. 

Procuration  du  roi  d'Angleterre  au  Palatin  du  Rhin  pour  re- 
cevoir rhcmmage  de  l'électeur  de  Cologne.  Rymer,  t.  IV,  P.  I, 
p.  158159, 4  mai  1416.  —  Autre  au  Palatin  du  Rhin  (pension- 
naire de  l'Angleterre),  pour  qu'il  reçoive  l'hommage  des  élec- 
teurs de  Mayence  et  de  Trêves.  Ibidem,  P.  II,  p,  102«  i  april. 
1419. 

212  —  page  231  — •  Les  politiques  doutaient  fort  de  rutiliié  du 
Concile  de  Constance,., 

Petrus  de  Alliaco,  de  difiicullate  reforma tionis  in  concilio,  ap. 
Von  dcr  Hardt,  Concil.  Constant.,  t.  1,  P.  VI,  p.  246.  SchoMdt, 
Essai  surCerson,  p.  37  (Strasb.,  1839}. 

213  —  page  254  ~  Jérôme  de  Prague  était  venu  braver  rPnt- 
Virsité  de  Paris,.. 


APPENDICE.  347 

• 

Royko,  1  theil,  112.  Jean  Huss  avaii,  dit-on»,  édfiô  TUniver- 
silédc  Paris  :  c  VenLant  omnes  magistri  de  Parisiis!  Ego  volo 
eu  m  ipsls  disputa rc  qui  libros  noslros  cremaverani  in  quib«s> 
boDor  totius  mundi  jacuil  !  >  Concil.  Labbe,  t.  XII,  p.  140. 

214  —  page  254  »  Gerton  avait  écrit  à  l'archtvique  dt  Fra- 
guepour  qu'il  livrât  Jean  Husi  au  bras  iéculier,.. 

c  ...  Securis  bracbii  secularis.».  In  ignem  mittens...  miseri- 
cordi  crudelilate.  Nimis  ailcrcando...  deperdetur  veritas...  Vos 
bracbium  invocarc  viis  omnibus  convenit.  »  Gerson.  £pist.  ad 
arclùepisc.  Prag.,.  27  mai  1414.  Bulaeus,  V.  270. 

215  —  page  236  ^,  Jean  Huss  et  Jérôme  de  Pragus... 

V.  les  détails  du  supplice  de  Jean  Huss  et  de  Jérôme  :  Mon«- 
monta  Hussi,  t.  II,  p.  51o-32i,  532-535. 

216  —  page  2ti6  —  Les  gallicans  n'eurent  pas  la  réforme,., 
Clémengis  leur  avait  écrit  pendant  le  concile  qu'ils  n'arrive- 
raient à  aucun  résultat:  «  Excidit  spes  uniquique  vmquam 
vidcndae  unionis...  Quis  in  re  desperata  suum  libenter  vclit  labo- 
rem  impendere?Ibit  schisma  Latinœ  Ecclesiœ,  cum  schismaie 
GriJBCorum,  in  incuriam  atque  obiivionem.  •  Nie.  Clcmeng. 
Epist.,  t.  II,  p.  312. 

217  —  page  258  —  Jean  Gerson..» 

Sur  le  tombeau  de  Gerson,  et  sur  le  culte  dont  il  était  l'objet 
jusqu'à  ce  que  les  Jésuites  eussent  fait  prévaloir  une  autre  in- 
fluence, voyez  l'Histoire  de  l'église  de  Lyon,  par  Saint-Aubin» 
et  une  lettre  de  M.  Aimé  Guillon,  dans  la  brochure  de  M.  Gencc  : 
Sur  rimilation  polyglotte  de  M.  Montfalcon.  11  n'existe  qu'un 
portrait  de  Gerson,  celui  que  M.  Jarry  de  Mancy  a  donné  dan» 
sa  galerie  des  bommes  utiles,  d'après  uii  manuscrit. 

218  —  page  260  ^^  A  la  prise  de  Meaux,  trois  religieux  de 
Saint' Denis^  eU* 

m 

C  In  horribili  carcere  cum  vils  austeritate  detineri  fecit.  > 
—  Le  Religieux  de  Saint-Denis,  sans  être  arrêté  par  les  préju- 
gés de  sa  robe,  décide  avec  son  bon  sens  ordinaire  que»  quoi- 


318  APPENDICE. 

que  moines,  ils  ont  ût  résister  à  l'ennemi  :  t  Hinns  bene  eon- 
siderans  qus  canunt  jnra,  videlicet  yrm  t!  repelicre  omnibus 
cnjuscumque  status...  licitum  esse,  pngnareqne  pro  patria.  » 
Religieux,  nu.  fol,  176-177. 

219  —  page  261  —  Henri  V  eharge  rtnrehevique  de  CaïUorhèry 
et  le  cardinal  deWinchetter  de  percevoir.,, 

c  Exilas  et  proficns  de  wardis  et  maritagiîs,  ac  etiam  forisCac- 
luras...  Volentes  quodH.  Cantuariensi  archieptscopo.  H.  Win- 
loniensi  cancellario  nostro,  et  T.  Dunolmensi  episcopis,  ac... 
miiiti  nostro  J.  Rothenbale  persolvanlur.  >  Rymer»  t.  IV»  P.  I, 
p.  150,28  nov.  1415. 

//  fallait  mettre  Har fleur  en  ktat  de  dèfenee.,. 

Presse  de  maçons,  tuiliers^  etc.,  pour  aller  fortifier  Harfienr. 
Ibidem.,  p.  152,  16  déc.  1415. 

220  —  page  262  —  Henri  V  reprochait  au  cardinal  de  Win- 
'Ckester  d*u8urpei'  les  droits  de  la  royauté. .. 

V.  les  lettres  de  pardon  qu'il  lui  accorde.  Rymer,  t.  iV,P.II, 
p.  7,  23  juin  1417.  —  Mais,  tout  vainqueur,  tout  populaire 
<|U'était  alors  Henri  V,  il  craignait  ce  dangereux  prêtre.  11  lui 
accorde  une  faveur  le  il  sept,  suivant,  l'appelle  son  oncle,  etc. 

221  —  page  264  — Le^paysatu  souffrant  des  courses  etdespil^ 
lages  du  parti  de  Charles  F//,  etc. 

C'est  ce  que  disent  du  moins  les  bistoriens  du  parti  Bourgui- 
gnon, Honstrelet  et  Pierre  de  Fcnin  :  c  Et  en  y  eut  plusieurs 
qui  commencèrent  à  eux  armer  avec  les  Anglois,  non  pas  gens 
de  grand*autorité...  c  Monstrelet,  t.  IV,  p.  143.  —  Pierre  de 
Fenln  assure  môme  que  :  c  Le  povre  peuple  l'aimoit  sur  tons 
atitres  ;  car  il  estoit  tout  conclu  de  préserver  le  menu  peuple 
contre  les  gentis-hommes.  >  Fenin,  p.  187  (dans  l'excellente 
édition  de  mademoiselle  Dupont;  1837). 

222  —  page  267  —  Les  Anglais  firent  une  ckarge  meurtrière 
sur  le  petit  peuple  de  Paris,., 

Monstrelet,  t.  IV,  p.  277,  309.  Les  Parisiens  finirent  par 
comprendre  ainsi  aue  l'Anglais  c'était  l'ennemi.  Ils  en  étaient 


APPENDICE.  349 

déjà  avertis  par  le  langage.  Les  ambassadeurs  anglais  f  requi- 
rent ledit  président  de  exposer  ieelle  créance,  ponr  ce  que 
chascun  n'euit  seeu  hien  aisément  entendre  leur  françois  lan- 
gage.., *  Archivée,  Regietree  du  Parlement,  ConeeU,  XIY,  foU 
215-216,  mat  1420. 

223  —  page  268  —  Budget  d^Henri  V... 

c  Pro  Calesio  et  marchiis  ejusdero,  XII  H  n^arcas;  pro  cus- 
todia  Angliae,  VllI  H  marcas;  pro  custodia  Hibemtœ  II  Bl  D 
marcas.  >  Rymer,  ibidem,  p.  27,  6  mai  1421. 

224  —  page  270  -^  •  Cest  moi  qui  auraie  conquit  la  Terre^ 
Sainte.  9 

Henri  Y  avait  envoyé  pour  examiner  le  pays  le  chevalier 
Guillebertde  Launey,  dont  nous  avons  le  rappott  :  c  Sur  plu- 
sieurs visitations  de  villes,  pors  et  rivières,  tant  as  par  d'E- 
gypte, come  de  Surie,  Tan  de  grftce  1422,  le  commande- 
ment, etc.  •  Turner,  vol.  II,  477. 

225  —  page  273  —  On  dit  qu'il  n'y  avait  pae  moine  de 
vingt-quatre  mille  maieone  ahandonnèee... 

Nombre  exagéré  évidemment.  Toutefois  il  ne  faut  pas  ou- 
blier  qu'il  y  avait  alors  plus  de  maisons  à  proportion  qu'aujour- 
d'hui, parce  qu'elles  étaient  fort  petites  et  qu'il  n'y  avait  guère 
de  famille  qui  n'eût  la  sienne.  —  Il  résulte  des  détails  qu'on 
.trouve  dans  la  vie  de  Flamel  que  la  dépopulation  avait  com- 
mencé dès  1406.  Vilain,  Hist.  de  Flamel,  p.  355. 
* 

226  —  page  274  —  Une  paix  criée  et  chantée,.. 

C'était  au  reste  un  usage  fort  ancien.  —  t  Et  fut  criée  parmi 
Paris  à  quatre  trompes  et  à  six  ménestriers  (19  sept.  1418) .. 
Et  tous  les  jours  à  Paris,  spécialement  de  nuit,  faisoit-on  très- 
grani  fesle  pour  ladite  paix,  à  ménestriers  et  autrement  (11 
juillet  1419).  »  Journal  du  Bourgeois,  p.  249-260.  —  Il  parait 
qu'on  se  disputait  les  joueurs  de  violon  :  c  Ayant  commencé 
une  fe  t?  ou  noce,  ils  seront  obligés  d'y  rester  jusques  à  ce 
qu'elle  soit  finie.  >  Archives,  Ordinatio  super  offido  de  ion^ 
glcurs,  etc.,  24  april.  1407,  Registre  /.  161,  no  270. 


,  *../*.         J/Ujj 


I 


3 jO  APPENDICE. 

227 page  275  —  Les  grandes  épidémies^  c/c. 

Sur  la  peaie  noire,  sur  les  Flagellants  el  leurs  eau  tiques,  voir 
le  tome  111  de  celle  Hisloirc.  Le  savant  et  éloquent  Lillré  a 
donné,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes  ifévricr  1836,  t.  V  de 
la  IV»?  scorie,  p.  220),  un  article  dune  haute  importance:  Surlcs 
graiulcs  épidémies.  —  M.  Larrey,  qui  a  fait  une  inléressaule 
notice  sur  la  clioréc  ou  danse  de  Saint-Gui,  aurait  dû  peut- 
éire  rappeler  que  celle  maladie  avait  élé  commune  au  iiv^ siè- 
cle. Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  l.  XVI,  p.  424-437. 

228  —  page  276,  note  1  —  La  danse  des  morts  ou  danse  ma- 
cabre... 

Selon  M.  Van  Praet  (Catalogue  des  livres  imprimés  sur  v(51in), 
ce  mot  viendrait  de  l'arabe  Magabir,  Magabarag  (cimeliiVe). 
D'autres  le  tirent  des  mots  anglais  Make,  Break  (faire,  briser), 
unis  ensemble  pour  imiter  le  bruit  du  froissement  et  du  craque- 
ment des  os  On  croyait,  dos  la  fin  du  xv<^  siècle,  que  Macabrt^ 
était  un  nom  d'homme;  c'est  l'opinion  la  moins  probable  de 
toutes. 

220  —  page  270,  note  2  —L'art  vivant^  l'art  en  action,  a  par- 
tout précédé  l'art  figuré... 

C'est  ce  que  Vico,  entre  aulres,  a  très-bien  compris.  Sur  la 
danse,  voir  particulièrement  le  curieux  ouvrage  de  Bonnet, 
Histoire  de  la  danse,  in-12,  Paris  1723.. 

230  —  page  277  —  Mimes  sarrcSy  etc.. 

J'ai  parlé  de  ces  drames  à  la  fin  du  tome  II  de  cette  Tiisloîre. 
Ailleurs  j'ai  rappelé  un  charmant  mime  de  Résurrection  qui  se 
ri^j)rt'  ente  dans  les  processions  de  Messine.  Introduction  à 
lllisloirc  universelle,  p.  187  de  la  seconde  édition,  d'après 
Blunt,  Vestiges  of  ancienl  manncrs  discoverable  in  modem 
llaly  and  Sicily,  p.  lo8. 

231  —  page  277  —  Le  spectacle  de  la  danse  des  morts  se  joua 


à  P(tris,.. 

«  hem,  l'an  iWk  fut  faite  la  Dnnse  Maratreaux  Inno.^cntsPt 
fui  commencée  environ  le  movs  d'aoust  et  achevée  au  karcsme 


IPPENDICE.  351 

suivant.  >  Journal  du  Bourgeois  de  Paris,  p.  352.  c  En  Tau 
1429,  le  cordelier  Richart,  preschant  aux  Innocents,  cstoit 
monté  sur  ung  hault  cschaffaut  qui  estoit  près  de  toise  et'de- 
mie  de  haut,  le  dos  tourné  vers  les  charniers  en-contre  la 
charronnerie^  àVendroit  de  la  danse  macabre,  >  Ibidem,  p.  384. 
—  Je  crois,  avec  Félibien  et  MM.  Dulaure,  de  Barante  et  Lacroix, 
que  c'était  d'abord  un  spectacle,  et  non  simplement  une  pein- 
ture, comme  le  veut  M.  Peignot  :  c'est  le  progrès  naturel, 
comme  je  l'ai  déjà  fait  remarquer  (page  356,  note  2).  Le  spec- 
tacle d'abord,  puis  la  peinture^  puis  les  livres  de  gravures  avec 
explication.  —La  première  édition  connue  de  la  Danse  Ma- 
cabre (1485)  est  en  français,  la  première  édition  latine  (1490)  a 
été  donnée  par  un  Français;  mais  elle  porte  :  Versibus  alema- 
fkicis  descripta.  V.  le  curieux  travail  de  M.  Peignot^  si  intéres- 
sant sous  le  rapport  bibliographique  :  Recherches  sur  les 
danses  des  morts  et  sur  l'origine  des  cartesà  jouer.  Dijon  1826. 

232  —  page  278  —  Le  charnier  des  Innocents,.. 

MAîoire  de  Cadet-de-Vaux,  rapport  de  Thouret,  et  procès- 
verbal  des  exhumations  du  cimetière  des  Innocents,  cités  par 
M.  Héricart  de  Thury,  dans  sa  Description  des  catacombes, 
p.  176-178. 


En  terminant  l'impression  de  ce  volume,  je  dois  remercier 
l:s  personnes  fort  nombreuses  qui  m'ont  fourni  des  indications 
utiles,  particulièrement  mes  amis  ou  élèves  de  l'Ëcole  normale, 
de  l'Ecole  des  Charles  et  des  Archives,  dont  la  plupart,  jeunes 
encore,  occupent  déjà  un  rang  distingué  dans  l'enseignement 
et  dans  la  science  :  MM.  la  Cabane,  Castelnau,  Ch4ruo],  Des- 
salles, Roscnwald,  de  Siadler,  Teulet,  Thomassy^  Yanoski,  etc. 

(note  de  1840). 

« 

m  so  Ton  ooATBitn. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


LIVRE  VU. 

Chapitre  1er.  Jeunesse  de  Charles  VI,  1380-1383 I 

Caractère  général  de  l'époque  :  oubli,  confusion 

d'idées,  vertige;  costumes  biiarres,  etc. .......  i 

État  de  l'Europe 8 

Force  et  faiblesse  de  la  France.  Les  oncles  do 

Charles  VI 9 

1380-1381 .  Régence,  sacre  ;  impôts,  révolte 9 

Procès  du  prévôt  Aubriol ii 

1382.  Nouvelle  révolte,  maillotins 12 

Expédition  du  duc  d'Anjou  en  Italie 13 

Expédition  du  duc  de  Bourgogne  et  du  roi  en 

Flandre 14 

Soulèvements  de  Languedoc,  d'Angleterre,  d'Italie.  14 

Soulèvement  de  Flandre 15 

(27  nov.).  Bataille  de  Rooscbcke 17 

1383.  Punition  de  Paris,  suppression  du  prévôt  des  mar- 

chands, etc 19 

Chapiteb  il  Suite,  1384-1391 22 

1384  (18  déc).  Le  duc  de  Bourgogne  devient  comte  de 

Flandre 23 


IV. 


';a 


354  TàBLB  des  MATIERES. 

1386.  Il  décide  les  expédilions  d'Angleterre 24 

1388.  —  —  deGueldre 26 

1389.  Les  ducs  de  Berri  et  de  Bourgogne  renvoyés.  Gon* 

vernement  des  Marmoutets,  Clisson,    La  Ri- 
vière, elc 28 

1389-1392.  Prodigalités  du  jeune  roi,  fêtes,  voyage  du 

midi 29 

Corruption  du  temps;  scepticisme  et  superstition; 
alchimie 33 

Paris  :  Saint-Jacques-Ia*Boucherie,  Flamel;  Sainl- 
Jean-en-Grëve,  Gerson Si) 


CBAnTBB  111.  Folie  de  Charles  VI,  139M40(> 39 

1392  (13  juin).  Assassinat  de  Clisson 4i) 

(8  août).  Expédition  de  Bretagne,  folie  du  roi....  41 

Tentatives  pour  rétablir  la  paix  de  TËglise 47 

1396.  Trôve  avec  l'Angleterre;  Richard  II,  gendre  de 

Charles  VI 48 

Croisade  contre  les  Turcs,  défaite  de  Nicopolis...  49 

1398.  Richard  II  renversé  par  Henri  de  Lancastre ^^ 

1399-1400.  Rechutes  de  Charles  YI;  cabale,  sorcellerie..  •>(' 

Cartes  à  jouer.  Mystères *)'' 

LIVRE  vm. 

CHAmBB  I©'.  Le  duc  dVrléam,  le  duc  de  Bourgogne.  —  Meurtre 

du  ducd*Orléans,  1400-1407 fi» 

1400*1401.  Louis  d'Orléans,  frère  de  Charles  VI;  esprit 

de  la  Renaissance ^'^ 

Jean-sans-Peur,  fils  du  duc  de  Bourgogne,  Philippe- 

Ic-Hardi ^' 


TABLI  DES  MATIÈRES.  355 

Politique  de  la  maison  de  Bourgogne 68 

L'intérôl  flamand  lie  cette  maison  à  TAngleterre. .  69 

Elle  aide  à  l'élévation  de  Lancastre 71 

Le  duc  d'Orléans  achète  le  Luxembourg 74 

Lutte  du  duc  de  Bourgogne  et  du  duc  d'Orléans. . .  74 

1402.  Le  duc  de  Bourgogne  réclame  en  faveur  du  peuple 

contre  les  impôts 75 

Gouvernement  impopulaire  du  duc  d'Orléans;  il  se 
déclare  pour  le  pape  d'Avignon;  ses  tentatives 
contre  l'Angleterre 75 

i'i04.  Mort  du  duc  de  Bourgogne,  Philippe-le-Uardi  ; 

Jcan-sans-Pcur 77 

Jean -sans -Peur  encourage  le  peuple  à  refuser 
l'impôt 80 

14D5.  Louis  d'Orléans  et  Jean-sans-Peur;  deux  armées 

autour  de  Paris 8â 

1406.  Fausse  paix;  guerre  contre  les  Anglais,  sans  ré- 
sultat       87 

Irritation  de  Paris  et  de  l'Université  coalre  le  duc 
d'Orléans 89 

1407  (23  nov.)-  Jean-sans-Peur  le  fait  assassiner 100 

Chapitbe  II.  Lutte  des  deux  partis.  —  Cabochiens.  —  Essais 

de  réforme  dans  l'État  et  dans  l'Église,  1408-1414.    lOG 

£407.  Fuite  de  Jean-sans-Peur 108 

(10  déc).  La  veuve  de  Louis  d'Orléans  demande 
justice 109 

1108.  Retour  de  Jean  sans- Peur  et  son  apologie,  par  Jean 

Petit,  docteur  de  l'Uiiivcrsilé 111 

Triomphe  de  l'Université  sur  la  juridiction  !  ovale,     f  17 

Elle  prononce  l'cxclusiou  des  deux  papes 119 

(23  sept.).  Victoire  de  Jean-sans-Peur  et  do  Jean- 
sans-Pitié  sur  les  Liégeois m 


356  TABLE   DES  MNTIIinKS. 

1409  (9  mars).  Jcan-sans-Pi^ur  exige  que  les  fils  de  Louis 

d'Orléans  lui  proniellcnl  amitié;  paix  de  Chartres.     123 

Le  iK^gociatcur  de  celle  paix,  ^lonlaigu,  est  mis  à 
mort iZo 

Jcan-sans-Pciir  essaye  de  réformer  l'Éuit 127 

1410  (1"  nov.).  Les  ducs  d'Orléans  cl  de  Bcrri  viennent 

en  armes  jusqu'à  Dicélre;  ils  sont  obligés  de 
traiter  :  paix  de  BiccHrc 430 

La  France  du  sud-ouest  envahit  la  France  du  nord.    133 

Armagnac,  boau-p6rc  du  duc  d'Orléans 138 

1411  (!<?'■  sept.).  Jcan-sans-Pcur  appelle  les  Anglais  contre 

les  Armagnacs  et  assiège  Bourges 1^0 

1412  (18  mai).  Le  parli  d'Orléans  et  Armagnac  appelle  les 

Anglais 14! 

(14  juin.).  Jean-sans-Peur  obli"gé  de  traiter;  paix  de 
Bourges 141 

Impuissance  des  deux  partis 142 

CHAPiTaE  III.  Essais  de  reforme  da7is  lÉlat  et  da7is  VÉglise. 
—  Cabochicns  de  Paris;  grande  ordonnaJice.  — 
Concile  de  Pise,  1409-1414 144 

lilG  (30  janv.).  Le  duc  de  Bourgogne  assemble  les  États 

inutilement ihï 

Le  Parlement  se  récuse 1  ir> 

L'Université  entreprend  la  réforme  de  PËtat. .....  1  iS 

(28  avril).  La  Bastille  assiégée  par  le  peuple ITil 

Puissance  des  bouchers 152 

Ils  veulent  réformer  d'abord  la  famille  royale,  le 
dauphin l.')4 

Il  se  font  livrer  les  courtisans  du  dauphin 15  j 

ïvrannio  des  écorchcurs 15S 

(22  mai).  Nouvel  enlèvement  des  seigneurs  cl  cour- 
tisans.      102 


TàBLB  des  MATIERES.  *i^^ 

m  mai).  Promulgation  de  la  grande  orâwtnance  d« 

^\,  163 

réforme 

Quels  en  onl  été  les  auteurs? •  •  •  •     ^^^ 

(mai-juillet).  Gouvernement  violent  des  cabocUiens, 

emprunt  forcé,  etc *'^ 

(îl  juin.)-  Réaction *'^ 

(5  sept.).  L'ordonnance  annulée 474 

1414  (10  fév'r.).  Le  duc  do  Bourgogne  déclaré  rebelle  ...  174 

(4  sept.).  Siège,  traité  d'Arras;  la  réaction  con- 
vaincue  d'impuissance  à  son  tour 474 

1415  (5  janvO-  Sermon  dp  Gerson  contre  le  gouverne- 

ment populaire *7o 

Affaires  ecclésiastiques;  livre  de  Clémengis  sur  la 

Corruption  de  l'Église 476 

1409.  Inutilité  du  concile  de  Fisc 481 

Pauvreté  intellecluelle  de  l'époque.  / 483 


LIVRE  IX. 

Chivitrb  Iw.  VÂngîeUrre  :  VÉtat,  VÉgliiê.  —  Azincourt, 

1415 485 

Étroite  union  de  la  Royauté  et  de  l'Église  sous  la 

maison  de  Lancastre 186 

L'Église  comme  grand  propriétaire 186 

Élévation  des  Lancastre  :  Henri  IV,  Henri  Y 190 

Persécutions  des  hérétiques 193 

1414-1415.  Danger  du  roi  et  de  l'Église 194 

1415 (16  avril).  Henri  Y  se  prépare  à  envahir  la  France..  194 

(14  août-22  sept.).  Il  débarque  à  Harfleur  ;  Harflcur 

se  rend 196 

Henri  Y  entreprend  d'aller  d'l(ari)eiir  ^  Calais  ....  199 


358  TABLE  DES  MATIÈRES. 

(19  oct.).  Il  parvient  à  passer  la  Somme Î02 

(25  oct.).  Bataille  d'Âzincourt 20\ 

Captivité  de  Charles  d'Orléans  ;  ses  poésies 213 

Cdapitbb  II.  Mort  du  connétable  d'Armagnac,  mort  du  duc 

de  Bourgogne.  —  Henri  K,  1416-1421 219 

Armagnac,  connétable  et  maître  de  Paris  ;  sa  ty- 
rannie   219 

1416.  Il  essaye  de  reprendre  Harflcur 220 

1417.  Le  duc  de  Bourgogne  défend  de  payer  l'impôt 222 

Henri  Y  s'empare  de  Cacn  et  de  la  basse  Nor- 
mandie   22*] 

lUS  (29  mai).  Les  Bourguignons  reprennent  Paris 2âo 

(12  juin).  Massacre  des  Armagnacs 225 

(21  août).  Nouveau  massacre 228 

Duplicité  et  impuissance  du  duc  de  Bourgogne. . .  229 

Négociations  de  Henri  V  avec  les  deux  partis 231 

(fin  juin}.  Il  assiège  Rouen. 232 

Détresse  de  cette  viilc 233 

1419  (19  janv.).  Elle  se  rend 236 

Coopération  des  évoques  anglais  à  la  conquête . . .  237 

Projets  gigantesques  de  Henri  V  sur  l'Italie,  etc. . .  238 

(11  juin.).  Le  duc  de  Bourgogne  traite  avec  le 

dauphin 240 

(10  sept.).  11  est  assassiné  dans  rentrcvue  de  Mon- 

tereau 2'i2 

(2  décemb).  Son  fils  reconnaît  le  droit  de  Henri  Y 

à  la  couronne  de  France 244 

1420  (21  mai).  Traité  de  Troycs;  Henri  héritier  et  régenU  2^5 

(juill.-nov.).  Siège  de  Melun 247 

(déc).  Entrée  de  Henri  V  à  Paris 247 

1421  (3  janv.).  Le  dauphin  est  déclaré  déchu  de  ses  droits 

h  la  couronne 248 


TABLE  DES  MATIÈRES.  359 

CnAPiTKB  III.  Suite  du  précèdent,  —  Concile  de  Constance, 
i414-14i8.  —  Mort  de  Henri  V  et  de  Charle$  VI, 

d422 249 

Henri  V  au  Louvre  ;  sa  suprématie  dans  la  chré- 

licnlé 249 

1414-1418.  Affaires  ecclésiastiques  :  Concile  de  Cons- 

lance 231 

Vues  de  Gerson  et  des  gallicans 2oi 

Jean  Huss  et  Jérôme  de  Prague 252 

1418.  Impuissance  du  Concile  ;  retraite  cl  fin  de  Gerson.  2o6 

Quelle  avait  été  l'influence  de  l'Angleterre  dans  le 

Concile 259 

Position  difficile  de  Henri;  ses  embarras  financiers; 

domination  des  évoques 262 

1421  (23  mars).  Les  Anglais  défaits  en  Anjou 264i 

1421-1422  (6  oct.-lO  mai).  Siège  de  Meaux 264 

Mésintelligence  des  Anglais  et  des  Bourguignons..  265 

1122  (31  août).  Détresse  de  Henri  V,  son  découragement, 

sa  mort 268 

(21  oct.).  Mort  de  Charles  VI;  avènement  de  Char- 
les VU  et  de  Henri  VI 271 

1418-1422.  Dépopulation;  épidémies,  famines;  désespoir.  272 

Gaieté  frénétique 275 

La  danse  des  morts 276 

Appendice 281 

Notes 351 


FIN   DE  lA  TABLE  DU  TOVE  QUATRIÈME. 


Imprimerie  i«:uc<mic  /!eutti61  C*,  ii  Siint-Ccrnuin. 


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