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HISTOIRE
DE
LA CHASSE
EN FRANCE
DEPIIS LES TEMPS LES PLIS RECULÉS JUSQU'A LA RÉVOLUTIOIV
PAi;
Le baron DUNOYER DE NOIRMONT.
Et iiulcs gens eu tout le mont
Si volontiers Kacier ne vont
Ne en rivière com François
Et orent fet lousjours ancois.
{Chronique de PiiaiprE Mouske.
TOME TROISIÈME
liOUTETERlE. — FAUCOIVMERIE.
CHAIS^iE A TIB. — CHASSES DIVERSES
PARIS
IMPRIiMERIE ET LIBRAIRIE DE M"»' V' BOUCHARD-HUZARD,
RT'E DE l'Éperon, 5.
'«
HISTOIRE
DE
LA CHASSE
EN FRANCE.
HISTOIRE
DE
LA CHASSE
EN FRANCE
DEPIIS LES TEMPS LES PLIS RECULÉS JUSQU'A LA RÉVflLUTION
PAR
Le baron DUNOYER DE NOIRMONT.
El iiules gens en tout le mont
Si vulonliers Kacier ne vont
Ne en rivière corn François
El orenl fel luusjours ançois.
(Chronique de Philippe Mouske.
ÏOME TROISIÈME
I.01 VKT1.R1E — FALCO^VKERIK.
€HA»»S£ A TIR. — CHAiitfiiEJJi RITFRiSiRi^.
PARIS
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE DE M"- V« BOUCHARD-HUZARU,
liUE DE I,"Kr>EROX, 5.
1868
LIVRE VI.
LA LOUVETKRIK.
De toutes nos grandes chasses, celle du loup est la
seule qui ait un caractère d'utilité publique.
C'est grâce à cette circonstance qu'elle possède des
lois, des règlements, des usages spéciaux. Tandis que
l'ancienne législation sur la chasse, ou plutôt contre
la chasse, semble n'avoir d'autre but que de proté-
ger le gibier, celle qui régit la chasse du loup im-
pose comme un devoir la destruction de cette bête
malfaisante, et crée, pour le poursuivre et l'extermi-
ner, un corps de fonctionnaires investi de privi-
lèges dont quelques-uns ont subsisté jusqu'à pré-
sent.
Ces considérations nous ont paru de nature à mé-
riter pour la louveterie une place à part dans cet ou-
vrage.
III. 1
Sous ce nom, nous comprenons loul ce qui con-
cerne la deslruclion des loups : institutions et mé-
thodes de chasse.
CHAPITRE PREMIER.
Histoire, lois et règlements.
Si, de nos jours, quelques-uns de nos déparle-
ments sont encore infestés par les loups, on peut
imaginer facilement quelles étaient les dévastations
commises par ces bêtes féroces, lorsqu'une grande
partie du territoire était couverte de forêts, et que
les populations clair-semées ne possédaient pas, pour
se défendre, les armes à feu dont chaque paysan est
actuellement pourvu.
Les terribles ravages que ces cruels animaux exer-
çaient alors prenaient souvent les proportions d'une
calamité publique.
C'était surtout après les longues guerres civiles et
étrangères, les épidémies et les disettes, qu'on voyait
les loups, accoutumés à la chair humaine, porter la
terreur parmi les populations et compléter l'œuvre
désastreuse du fer, de la peste et de la famine.
_ 4 —
images C'est ainsi qu'au x*" siècle, peudanl et après les iii-
''"'""'" cursions des Normands, la France fut horriblement
dévastée par les loups (1). De même, pendant ces
affreuses guerres du xv*^ siècle, oi^i l'on voyait les Ar-
magnacs, les Bourguignons et les Anglais lutter à qui
laisserait en France le plus de sang et de ruines, les
loups étaient devenus si hardis, qu'ils pénétraient
jusque dans les villes, dévoraient les femmes et les
enfants, déterraient les morts dans les cimetières et
enlevaient en saillant les jambons qu'on pendait aux
portes des maisons (2).
Quelques années plus tard, ce fut bien pis, les
loups s'étaient tellement habitués au carnage que,
pendant la dernière semaine de septembre 1439, ils
étranglèrent et mangèrent quatorze personnes, que
fjrants, que petits, entre Montmartre et la porte Saint-
Antoine, dans les vignes et dans les marais, « et s'ils
trouvoient un troupeau de bestes, ils assailloient le
berger et laissoient les bestes. » Un de ces loups,
plus hardi et plus féroce que les autres , était
connu sous le nom de Courtault, parce qu'il avait
perdu sa queue à la bataille. On parlait de lui
comme on fait du larron de bois ou d'un cruel capi-
taine, et l'on disait aux gens qui sortaient de la ville :
« Gardez-vous de Courtault. » Ce loup terrible et or-
(1) Fœdè vexalam, Aixncil. S. Berlin, ap. Ducange, v° Luparii. Vers
la même époque, les Sarrasins cantonnés en Provence avaient si cruel-
lement ravagé le pays, que le séjour de l'homme, dit une vieille
charte, était devenu le repaire des bêtes féroces. (Rcinaud, fnvasions
des Sarrasins en France.)
(2) Journal d'un bourgeois de Paris. Anm'o \'i2\.
rible fut pourchassé à outrance et tué enfin la vigile
de saint Martin. Il fut mis dans une brouette, la
gueule béante, et promené dans tout Paris, et lais-
soient les (jcns toutes choses à faire, fust boire, fust
manger, pour aller voir Courtault. Ceux qui l'avaient
tué firent plus de 10 francs de cueillette (1).
En H40, l'Orléanais fut en proie aux fureurs des
loups qui dévorèrent des enfants et des adultes aux
portes de sa capitale (2).
A la fin de ce malheureux xv*' siècle (1482) re-
g'iioient au pays Messin plusieurs loups dévorans et
dangereux. Le plus féroce de tous, qui avait tué à
lui seul, disait-on, trente à quarante personnes, fut
inutilement poursuivi par des levées en masse de
paysans armés de faulz, massues, picques , espieux, ar-
holestres, collevrines et aultres bastons. Personne n'o-
sait plus aller aux champs sans armes, « et par cry
publicque fait en Mets le dairien (dernier) jour de
juillet, fut huchié que quiconque le polroit panre
(prendre), la cité lui donroit cent solz, et en plu-
sieurs villaiges promirent de donner l'ung vingt sols,
aultres trente solz, et autres quarante solz. » Malgré
i'appàt de ces récompenses, le loup échappait tou-
jours.
Il fut enfin mis à mort par un audacieux compa-
gnon, nommé Pierson de Bar. Ce brave chasseur,
(1) Il s'agit ici do iVancs d'or. — Journal d'un bourgeois de Paris.
Année 1439.
('2) Lottin, Recherches sur Orléans, c'dé da.ïiiiVoYtu'icnh' intitulé : Les
loups dans ta Beauce, par A. Lecocq, Chartres, I8G0.
ayant fait traîner une charogne près de l'abbaye Saint-
Symphorien, en un lieu que le loup fréquentait, s'y
embusqua dans un pressoir à vin et blessa la bêle
endiablée d'un trait d'arbalète au côté, mais il ne put
l'achever d'un épieii de braconnier qu'il portait, qu'a-
près une terrible lutte corps à corps. Outre la ré-
compense promise, et beaucoup de sommes et den-
rées recueillies dans les villages, l'intrépide Pierson
fut fait et ordonné soldair à cheval aux gages de la
ville de Metz « oi^i il passa sa vie honnesteraent et
luy fut mué son surnom, et fut appelé Pierson le
loup (1). »
En 1502, sous le règne de Louis XIT, le pays
ayant été ravagé, non par la guerre, mais par une
épidémie qui sévissait surtout dans les campagnes
du Bourbonnais, de la Saintonge, de l'Anjou, de la
Touraine et de l'Orléanais, les pauvres gens qui s'en-
fuyaient dans les bois, éperdus de terreur, pour
échapper à la contagion, y mouraient de faim ou
étaient dévorés par les loups qui se multiplièrent tel-
lement que le Roi et les seigneurs, chacun dans ses
domaines, durent ordonner de grandes chasses pour
exterminer ces bêtes féroces (2).
La deuxième année du règne de Henri II (1548),
année de guerre et de rébellion, « un loup cer-
vier (3) et autres bestes cruelles sortirent de la fo-
(1) Voir un extrait de la clironiijue de Pliiliii]ie de Vigneiilles dans
le Journal des Chasseurs, 8= année.
(2) Hisl. du AVI' S., par le biblioi)hile Jaeob.
(3) Ce mol de Ivup ccrvier, synonyme de lynx, est souvent em-
rest d'Orléans, lesquelles se répandirent par le pays
de France, de sorte que, pour les exterminer, les
paysans se mirent en armes (1). »
Pendant les guerres de religion, les loups se ré-
pandirent de tous côtés, et dans les montagnes du Gé-
vaudan, province fatalement destinée à leur servir
de proie, ils devinrent si nombreux qu'ils forcèrent,
dit-on, une armée royale à quitter ses cantonne-
ments (^). En 1585, « la Reyne vint à Chartres, le
8 septembre, passer la feste de la Nativité; elle y fit
une neuvaine à laquelle le peuple joignit ses dévo-
lions, à cause de la cherté du bled et de la course
de quantité de bestes féroces qui venoient jusque
dans la ville dévorer toutes sortes de personnes (3). »
Le 12 août 1595, un loup, ayant traversé la Seine
à la nage, vint dévorer un enfant sur la place de
Grève, « chose prodigieuse et de mauvais présage, »
dit Pierre de l'Estoile en son journal.
En 1597 , Monseigneur Guillaume Le Blanc ,
évêque de Grasse et de Vence, se crut obligé d'a-
dresser un mandement à ses ouailles touchant l'af-
fliction qu'ils enduroient des loups en leurs per-
sonnes (4) .
ployé par les anciens auteurs pour désigner un loup ordinaire, re-
marquable par sa taille et sa férocité.
(1) Les loups dans la Beauce.
(2) Thrésor dliisloires admirables et mémorables de nostre
temps, t^lc, mises en lumière par S. Goulart, Genève, 1620.
(3) Pintard, Hisl. chron. de Chavires. — Les loups dans la Beauce.
(4"! Imprimé à Tournon en 1598.
— 8 —
Ce fui surtout la Bretagne qui eut à souffrir des
loups pendant cette désastreuse période.
Après les guerres de la Ligue, qui y avaient été
plus atroces que partout ailleurs, les loups, s'étant
habitués à se gorger de chair humaine, trouvèrent
cette curée si appétissante, que pendant sept ou huit
ans ils attaquèrent les hommes, même armés, péné-
trèrent dans les villes , y enlevèrent les femmes et
les enfants. « xVux jours de marché, les venderesses
et regrattières , qui se levoient matin pour prendre
leurs places, les ont souvent rencontrés, et ils em-
portoient la plupart des chiens qu'ils trouvoient
dans la rue. »
C'était par les chiens qu'ils avaient commencé
leurs attaques dans les villages, « comme si par leur
instinct naturel ils eussent projeté qu'ayant tué
les gardes ils auroient bon marché des choses gar-
dées. »
Lorsqu'il y avait en un village quelque mauvais
chien et de défense, ils savaient fort bien envoyer un
des leurs qui le provoquait au combat et l'attirait
vers l'embuscade oii se tenaient ses compagnons.
On remarqua aussi qu'ils sautaient à la gorge de
leurs victimes humaines pour les empêcher de crier,
et qu'ils savaient les dépouiller de leurs habits pour
les dévorer. « Telles ruses mirent dans l'esprit du
simple peuple une opinion que ce n'estoienl point
loups naturels, mais que c'estoient des soldais desjà
Irespassés qui esloienl ressuscites par la permission
de Dieu pour afiliger les vivants et les morts, et
communément parmi le peuple les appcloient-ils en
Jour breton : lut-bleiz, c'est-à-dire gens-loups (l). »
En 1598, année où fut conclue la paix de Yervins,
« la guerre estant finie entre les hommes, com-
mença celle des loups contre eux, après lesquels ils
s'acharnèrent si fort par une juste fureur et ven-
geance de Dieu, qu'ils lessoient ordinairement les
bestes pour se ruer sur les hommes, et, contre leur
naturel, abandonnoient les moutons pour se ruer
sur le berger et le manger et estrangler au milieu de
son troupeau, comme il advint au berger de la ferme
de l'abbaye de Clairvaux, près la ville de Bar-sur-
Aulbe (2). » Le même loup tua le lendemain une fille
de seize ans qui gardait des dindons, sans toucher
aucun de ses oiseaux. Autour de Paris, dansl'Ile-de-
France, en Normandie et surtout en Brie, Cham-
pagne et Bassigny, on n'entendait plus parler que
d'hommes, femmes et enfants que les loups venaient
attaquer jusque dans leurs maisons. A Bar-sur-Aube,
un soldat, grand et robuste, revenu récemment de
la guerre, quoique porteur de ses armes, fut dévoré
avec son père dans leur vigne oi^i l'on ne trouva le
lendemain que leurs ossements. « Prodiges espou-
vantables , dit Lestoile , et qui advertissent les
hommes de s'amander et de retournera Dieu (3). »
(\) Hislnire de ta Ligue en CornouaUle, par le chanoino Moreaii
Kdit. de Mesmeu. — Tud-bleiz est le nom bas-breton dcsloups-garous
qu'on nomme aussi bkiz r/arv ou loups cruels, d'où le nom de bisrla-
varel que leur donne Marie de France.
C2) Journal inédil de Pirrrr de ri'sloile 0598-100'^) publié par
M. Halphen, Paris, 18G?.
(3) Journal de J'KstoUe.
— 10 —
Le 8 février 1(300, le Roi se vit obligé de per-
mellre aux fermiers et receveurs de l'abbaye de
Saiat-Avyd-Iez-Chasleauduii, « de lirer de l'harque-
buze aux loups, regnards, bléreaux, oiseaux de ri-
vière et autre gibier non défendu, et ce nonob-
stant les deffences sur ce faietes (l).
A la suite de ces mêmes guerres de la Ligue, la
province d'Artois, alors sous la domination des Es-
pagnols, fut également infestée par les loups, qui
dévoraient tous les jours hommes , femmes et en-
fants (2).
Après la mort de Louis XIII, qui prenait grande
attention à faire délruire les animaux nuisibles, on
vit reparaître des loups en telle quantité, que dans la
seule province du Gâtinais ils tuèrent plus de trois
cents personnes de tout sexe et de tout âge (3).
Les loups tiennent aussi une place parmi les fléaux
que décliainèrent sur la Lorraine les longues et san-
glantes guerres de son duc Charles IV contre les ar-
(1) Brevet de Henri IV, reproduit en fac-similé dans l'ouvrage de
M. Lococq {Les loups dans la Beauce). — L'article VI' de l'ordonnance
de 1000 sur la chasse porte « que depuis les guerres dernières lé
nombre des loups est tellement cru et augmenté en ce royaume qu'il
apjiorte beaucoup de perte et dommage à nos pauvres sujets. »
(2) La noble el furieuse chasse du lou/j, cuniposée par Robert Monlhois,
Arltiisieit, Ath. 1G4'2. Cet ouvrage rarissime a été réiiniuimé en 1863
par M""" V*-' Bouchard-IIuzard.
(3) Salnove. — Cet auteur raconte qu'aune époque qu'il ne précise
pas, mais qui doit être la lin du règni; de Louis XIII ou le commence-
ment du règne suivant, il vit un jour 14 loups sortir en deux bandes
d'un bnissiiii voisin di' I);iiigu (Vi-xin normiiriil) où il chassait avec des
lévricis.
— li-
mées de Louis XIII el de Louis XIV. Plusieurs vil-
lages restèrent tellement déserts, que les loups s'éta-
blirent dans les maisons. Non-seulement ils dé-
terraient les cadavres, mais ils pénétraient dans les
chaumières restées habitées et enlevaient les femmes
et les enfants (1). Lorsque le duc fut rentré dans ses
Etats (1661), il fit donner la chasse à ces animaux
féroces avec une telle activité, qu'en un hiver on tua
jusqu'à 315 loups dans un rayon de 3 lieues au-
tour de Nancy (2).
Au commencement de l'année 1651, pendant les
guerres de la Fronde, des bandes de loups venaient
jusqu'à Étampes, où des femmes malades et des
enfants furent dévorés (3).
Une fille de quinze ans fut terrassée et esgorgée
aux portes de Chartres par un loup qui lui mangea
la joue à quatre heures après midi, en juin 1653 (4).
On lit dans une lettre adressée par le marquis de
Seignelay à l'intendant de Creil : « le Roy a esté ad-
verty que cesle beste qui mange les enfans a encore
paru à Pontgouin (5). Sur quoy S. M. m'ordonne de
faire assembler les habitants de quatre ou cinq pa-
roisses des environs pour tascher de la tuer (6). »
(1) Histoire de la réunion de la Lorraine à la Franee, par M. le
comte d'Haussonville, t. I.
(1) Mémoires du marquis de Beauvau. (".oloj,'rie, 1G91).
(3) Mémoires de Dubuisson Aubenay.
(4) Les loups dans la Beauce. — Extrait du registre des décès de la
paroisse de Saint-Chéron-lés-Chartres.
(5) Village de la Beauce.
(6) Depping. Correspond, adminisl. sous Luin's .\IV, ciU'' par M. Le-
Peul-èlre ce loup de Ponlgouin était-il le môme
(juc celui qui dévora entièrement, sauf la tête, une
petite fille de trois ans à Boulonville en octobre 1691 ,
ou que la heste vulgairement appelée la beste de Bailleatt
l'Evesque qui étjorfjea ;\ Saint-Maurice-les-Chartres, le
18 mars lli93, la femme Lubine Lementier (1).
Un ordre adressé à Phelipeaux, le 1" décembre
1692, lui enjoint de faire faire une battue aux envi-
rons de Montlhéry pour luer des loups qui mangent
des enfants (2).
Vers la même époque, on prit vivante une bête
féroce d'une forme extraordinaire « qui devoroit dans
le Gastinois autant de femmes et d'enfans qu'elle en
pouvoit rencontrer. » Ceux qui s'en étaient emparés
obtinrent un brevet autorisant à la faire voir en pu-
blic (3).
En juillet 1697, après la paix de Ryswick, les mi-
lices de l'Orléanais étant rentrées dans leurs foyers,
les magistrats en profilèrent pour faire des battues
générales contre les loups qui en plein jour venaient
attaquer des femmes et des enfants aux portes d'Or-
léans. Plus de 200 loups furent détruits dans ces
battues (4).
cocq. Cette lettre est datée du '.) noveiubiv 169-2. 11 y a là une erreur
manifeste, Seignelay étant mort le 3 novembre 1690. (Dangeau.)
(1) Les loups dans lu Braurv. Extraits des registres de décès.
(2) Les loups dans la Dcauce.
(3) Ibidem.
(4) Ibidem. Il y avait eu, dès l'année précédente, de grands ravages
lie loups dans le Morvan. (Deseriplion. f/éoffraphirjue de l'éleclion de
Vezehn/ arec un dénonibreinrni. des peuples, etc., lait au mois de jan-
\irr Ki'.lli, cili'' dans la /raiirs'n dr \'aut>int.)
— 13 —
Eli 1698, M. (le Miromesnil, iiUcndaiU du Maine,
adressa au ministère un rapport sur les ravages faits
par les loups dans sa province (1).
Le maire et les éclievins d'Orléans furent encore
obligés, en 1700, de faire faire une battue dans la forêt
pour donner la chasse à des loups qui dévoraient les
hommes (2).
En 1712, au plus fort de la guerre de la Succession
d'Espagne, un nouveau débordement de loups fit de
grands ravages dans l'Orléanais. L'équipage de la
Louvelerie y fut envoyé et les peuples furent autori-
sés à prendre les armes et à faire de grandes bat-
tues (3).
Il est à remarquer que cette invasion de loups sui-
vit de près la mort du grand Dauphin (li avril 1711)
qui avait purgé les forets de ces bétes féroces dans
un rayon assez étendu autour de Paris.
Pendant les premières années du règne de
Louis XV, la Beauce (4), le Vendomois et la Cham-
pagne furent encore cruellement ravagés. Le grand
Louvetier et la Louvelerie Royale durent, en 1740,
(1) La Jeunesse de Vauban.
(2) Ibidem.
(3) Saint-Simon, t. X. — Dangeau, t. XIV. — Le l^'aoùt de la même
année, M. de Banville , intondant de la généralité d'Orléans, ordonna
que les gens de la campagne, à l'issue de la messe, s'assemblassent en
grand nombre avec fusils et autres armes faisant grand bruit pour
aller tuer les loups ou du moins les éloigner de habitations. {Les loups
dans la Beauce.)
(4) En 1738, 1739 et 1740, cette malheureuse province fut en proie à
des bandes de loups. L'un d'eux, d'une taille énorme, tua plusieurs
personnes dans la paroisse de Gasville, pi'ès Chartres. {Iltidem.)
— 14 —
venir à Chartres pour exécuter, dans les environs, des
ballues qui furent couronnées de succès (1).
Après les campagnes de Flandre (1741-1747), des
hommes furent assaillis jusqu'aux portes de Metz (^.
Vers la même époque se montrèrent encore le
grand loup du Soissonnais et le loup monstrueux des
environs de Versailles, qui tous deux furent pris par
l'équipage de la Louveterie Royale (•]). En 1750 et
1753, la Lorraine fut encore infestée par des loups
enragés.
Ce fut à partir de l'année 1763 (4), lorsque la paix
de Paris eut mis fin à la guerre de Sept ans, que la
France fut le plus horriblement dévastée par ces
bêtes féroces. Le Lyonnais et les environs de Meung-
sur- Loire furent d'abord le théâtre de leurs dépréda-
tions. Puis, au mois de juin 1764, on vit apparaître
cette terrible bête du Gévaiidan qui, par l'effroi qu'elle
répandit dans trois provinces et les efforts inouïs
qu'il fallut faire pour sa destruction, absorba pen-
dant plus d'un an l'attention de la France entière (5).
(1) Ibidem. Lépinois, Hisloire de Chartres, t. II.
(2) De Lisle de Moncel. — Mélhodcs et projets pour parvenir à la
destruetion des loups. Paris, 17()8.
(3) Le grandloup de Versailles fut tué par le chevalier Antoine. Le
Roi Ut peindre sa prise par Oudry et donna à M. Antoine une copie de
ce talileau. L'original est aujourd'hui au musée du Louvre, et la repro-
duction à Fontainebleau. Un de ces tableaux fut exposé en 174C.
(4) M. Lavallée {Citasse à courre, ch. vu) remarque avec beaucoup
de raison que ce débordement de loups se trouva suivre immédiate-
ment la fameuse épizootie qui fit périr plus de la moitié des meutes
qu(î l'on entretenait eu France.
(5) Voir Magné de Marolles, De Lisle de Moncel, et pour do plus
amples détails, le consciencieux travail de M. H. Révoil, publié dans
— 15 —
Ce loup anthropophage, que sa (aille exlraordi-
naire et sa férocité tirent prendre pendant longtemps
pour un animal d'une espèce inconnue, ou pour une
hyène échappée d'une ménagerie (1), fut signalé pour
la première fois dans les bois de Mercoire, près de
la petite ville de Langogne, en Gévaudan. Pendant
près de dix-huit mois, il répandit une terreur inouïe
dans cette province, en Bourgogne et en Auvergne,
dévorant de toutes parts des femmes et les enfants.
Toute la population des campagnes, guidée par les
gentilshommes du pays et soutenue par un détache-
ment de dragons, se mit, sans succès, à la poursuite
de la bête. En vain l'évêque de Mende ordonna des
prières publi(iues et fit exposer le saint sacrement
dans sa cathédrale, comme au temps des plus grandes
calamités, en vain les Etals de Languedoc votèrent
au vainqueur du monstre une récompense de
le Journal des chasseurs, 4' année, d'après les manuscrits de la Biblio-
thèque impériale. Voir aussi un article de M. Mary Lalun dans les
Mœurs et coutumes de la vieille Finance.
(1) La bète du Gévaudan était positivement un grand loup, comme
nous le verrons constaté par le témoignage exprès du chevalier Antoine,
excellent juge en pareille matière. L'hyène rayée , la seule espèce
d'hyène qui eût encore été amenée vivante en Europe, est trop lâche
pour oser jamais attaquer l'homme. (Voir la Chasse au lion, par Jules
Gérard et tous les naturalistes modernes.) Le Mercure de janvier 1765,
sans se prononcer sur la nature de la bête, en donne une description
passablement fantastique. « Il est beaucoup plus haut qu'un loup, il est
bas du devant et ses pattes sont armées de griiïes. Il a le poil rougeàtre,
la tête fort grosse, longue, finissant en museau de lévrier ; les oreilles
petites, droites comme des cornes ; le poitrail large et un peu gris, le
dos rayé de noir, et une gueule énorme, armée de dents si tranchantes,
qu'il a séparé plusieurs tètes du corps comme pourrait le faire un
rasoir. »
— IG —
2,i00 livres à laquell(3 It; Roi proiuil d'ajouler
(),000 livres sur sa cassette. La culture des terres fut
abandonnée, les paysans ne se hasardaient plus à
sortir qu'en troupe et armés ; les foires et les marchés
étaient déserts, et les troupeaux, qu'on n'osait plus
mener au pâturage, mouraient de faim dans les étables.
Un fameux louvelier de Normandie, M. d'Enneval,
envoyé sur les lieux pour avoir raison de ce fléau,
échoua complètement, après avoir blessé l'amour-
propre des chasseurs du pays, qui l'accusèrent d'avoir
proposé des moyens ridicules et d'avoir manqué de
fermeté un jour qu'il s'était trouvé en présence de la
bete(l).
Après plus de cinquante battues générales, aux-
quelles avaient pris part les habitants de vingt, de
quarante et môme de cent paroisses, les malheureux
ne savaient plus à quel saint se vouer, beaucoup
d'entre eux croyaient la bête invulnérable et n'étaient
pas éloignés de la prendre pour un diable incarné.
Le roi prit alors le parti de confier la mission de
détruire la bête du Gévaudan à un des meilleurs offi-
ciers de sa vénerie, M. Antoine, chevalier de Saint-
Louis, porte-arquebuse de S. M. et lieutenant de ses
(1) S'il fallait en croire une lettre écrite par l'abbé de Vienne, con-
seiller honoraire de Grand-Chambre, et chanoine comte de Brionde,
M. d'Enneval aurait proposé « d'attacher, entre deux piliers fort courts,
de gros moutons coiffés en femmes , dressés sur leurs pattes de der-
rière, 1) supposant que la bête, particulièrement acharnée contre le
sexe féminin, viendrait se jeter sur ces montons déguisés et se laisserait
tirer à bout portant par des chasseurs embusqués. (Mary-Lafon).
Il est invraisemblable qu'un louvrtier aussi expérimenté ait pro-
posé des moyens de ce genre.
— 17 —
oliasses. Cet intrépide louvelier, fort de l'expérience
déplus de cinquante années, partit le 8 juin 17Gr>
avec l'équipage de la Louveterie, assisté d'un déta-
chement de gardes choisis parnai ceux des capitai-
neries de Saint -Germain et Versailles. Les ducs
d'Orléans et de Penthièvre, ainsi que le prince de
Conti, joignirent à l'expédition quelques-uns de leurs
meilleurs gardes-chasse.
Pendant deux mois, la bête sut encore se soustraire
aux expéditions combinées par l'intrépide vétéran.
On tua plusieurs loups qui avaient très-probablement
pris part aux méfaits attribués par l'opinion à un seul
animal (1), mais le plus redouté échappait toujours.
Enfin, le 20 septembre, le chevalier Antoine, averti
que la bête avait été vue dans les bois de l'ahbaye
royale de Chazes, y envoya des valets de limier et les
chiens de la Louveterie royale pour la détourner.
Une battue fut aussitôt commandée, les gardes du
Roi et quarante tireurs de Langeac fouillèrent le bois,
et M. Antoine se porta dans un défilé. « Tout à coup
il vit venir à lui, dans un sentier, le grand loup qui
lui présentoit le côté droit et tournoit la tête pour le
regarder; sur-le-champ il lui tira par derrière un
coup de tromblon qui étoit chargé de cinq dés de
poudre, de trente-cinq postes à loup et d'une balle
(1) C'est ainsi que s'expliquerait une tradition fort accréditée dans le
Vexinqui veut que la bête du Gévaudan ait été tuée par un sieur Hé-
risson, garde de la forêt de Lyons, oîi ses descendants exercent encore
les mêmes fonctions, et qui aurait fait partie de l'expédition du che-
valier Antoine.
III. 2
— 18 —
de calibre. Ce coup jeta par terre celte béte furieuse,
lui creva l'œil et les postes la frappèrent au côté droit
et à l'épaule. Cependant la bête se releva, courut sur
lui en tournant, et M. Antoine, qui n'avoit pas eu le
temps de recharger son arme, appela du secours. Un
nommé Rainhard, garde de Monseigneur le duc d'Or-
léans, arriva à temps, il lira sa carabine sur cette
bête et la frappa par derrière. Elle fit alors vingt pas
dans la plaine et tomba morte. »
« On a reconnu que c'éloit un loup. 11 avoit
32 pouces de hauteur après sa mort, 5 pieds
7 pouces 1/2 delongueur et 3 pieds de circonférence;
il pesoit 150 livres (1). »
Le formidable animal, reconnu pour la bête du
Gévaudan par tous ceux qui le virent, fut empaillé et
embaumé à Clermonl, puis porté à Paris par M. Antoine
de Beauterne, lils du brave porte-arquebuse, qui eut
l'honneur de le présenter au Roi.
Ce monstre avait tué 83 personnes. Il en avait
blessé 25 ou 30. L'ensemble des sommes payées pour
arriver à sa destruction s'éleva à 29,614 livres (2).
A peine était-on débarrassé de la bête du Gévau-
dan, que d'autres loups dangereux reparurent dans
le Soissonnais (3), et dans les environs de Sainte-
Menehould et de Sainl-Mihiel; plusieurs personnes
(t) Lettre de M. de Boiilainvillicrs au Roi, citée par M. Révoil.
(2) Un manuscrit in-folio, conservé à la Bibliothèque', contient tons
les comptes de dépense.
(3) Entre autres, un loup cnra^^é qui fit périr, ù lui seul, près de
soixante personnes. (Do Lisle de ISIoncel.)
— 19 —
furent dévorées, et d'autres infortunés, blessés par
(les loups enragés, périrent des suites de leurs mor-
sures (1). L'Alsace et la Lorraine eurent surtout à
souffrir les ravages de bandes nombreuses de loups,
supposés de race étrangère, qui s'étaient jetés sur
nos frontières à la suite des armées belligérantes. Un
loup furieux vint porter l'effroi jusqu'aux portes de
Verdun et fut tué sur les glacis de cette ville par
M. de Lisle de Moncel, assisté des officiers du régi-
ment de Navarre (2). Cet habile louvetier présenta
alors au Roi un mémoire touchant la destruction des
loups, et fut chargé de faire l'expérience des moyens
qu'il proposait (3). Il lui fallut plusieurs années de
chasses continuelles pour débarrasser le pays de ces
hôtes malfaisants. Au commencement de l'hiver de
1766 ils pénétrèrent jusque dans les faubourgs d'É-
pernay; l'année suivante, ils ravagèrent les environs
de Toul et de Commercy.
Les autres provinces ne furent pas à l'abri des ra-
vages des loups à la même époque. Dans le pays
d'Aunis, dix ou douze personnes périrent de la rage
(1) Un chirurgien des environs de Sainte-Menehould qui accourait à
cheval au secours des victimes fut démonté et blessé dangereusement
par un de ces terribles animaux. (De Lisle de Moncel.)
(2) Ce loup ayant paru à 7 heures du matin fut tué à 10 ; dans cet
intervalle, il avait donné la mort à cinq on six personnes et en avait»
blessé une douzaine.
(3) Ce mémoire, revu et augmenté par l'auteur, fut imprimé en 1768.
{Mémoire sur Vulililé et la manière de détruire les loups dans Ir
royaume.) Une seconde édition parut en 1770. De Moncel publia en-
suite : Méthodes et projets pour parvenir à la dest)-vrfinn des loups.
Paris, 1768, et Résultats des expérienees, etc., 1771.
après avoir été mordues par un loup aux portes de la
Rochelle ; les femmes de la campagne n'osaient plus
aller au marché ni travailler dans les champs (1).
En 1767 un loup énorme, digne successeur de la
bi'te duGévaudan, jeta la terreur dans les montagnes
de l'Auvergne. Il fut tué par un nommé Chastel dans
une chasse dirigée par le marquis d'Apchier (2).
Le bas Poitou fut encore dévasté en 1771 par un
loup d'une force et d'une audace peu communes que
M. Boutellier de Beauregard, fameux louvetier du
pays, prit avec la meute du marquis de la Rocheja-
quelein (3). L'équipage de M. de la Rochefoucauld
détruisit de son côté dans la Saintonge un loup des
plus monstrueux qui dévorait les bergers (4). Un
autre loup, dont la taille ne le cédait presque en rien
à celle de la bête du Gévaudan, fut tué en 1788 dans
le voisinage d'Angoulême (5).
insiituiion Dès Ics premicTs temps de la monarchie, des me-
des
louveliers. surcs avaicnt été prises pour prévenir et réprimer la
(1) Dp Lisie de Moncel.
(■2) Ce loup était d'une grandeur extraordinaire. Sa tête avait 11 p.
(0,30) de longueur. Le poil de son col était d'un gris roussûtre rayé de
noir, il avait sur le poitrail une grande marque blanche en forme de
cœur. (Voir le procès-verbal de sa destruction dans de Lisle de Mon-
cel.)
(3) De Lisle de Moncel, Rcsiillals (les expériences, etc.
(4) Le diocèse de Cliàlons-sur-Marne lut aussi infesté do loups en
1773.
(5) Il avait plus de 3 pieds (1 m.) de haut, sa longueur était de 5 p.
1 p. (1 m. 65), et il pesait 151 livres (75 k. 50). Les dents étaient énormes
et son poil avait une couleur brune plus foncée que ne l'ont ordinai-
rement les animaux de cette espèce. (Sonnini , note"_de rarticle loup
dans BuITon, édit. de l'an Yin.)
— 21 —
fureur des loups. Les lois germaniques accordaient
des récompenses à ceux qui réussissaient à détruire
quelques-unes de ces bêtes féroces (1). Charlemagne
ordonna à ses comtes d'établir cbacun dans son
gouvernement deux louvetiers {luparii) (2) pour leur
faire la guerre.
Le fameux capitulaire De Villis enjoint aux officiers
chargés de surveiller l'administration des fermes
royales de tenir leur maître au courant des destructions
de loups qui auront été faites, de lui envoyer les four-
rures des loups tués, d'avoir soin, au mois de mai, de
faire poursuivre les louveteaux et de les prendre soit
avec des poudres empoisonnées et des crochets, soit
avec des chiens et des fosses.
Les premiers Capétiens avaient des louvetiers atta-
chés à leur maison, et payaient des primes pour
chaque tête de loup (3). Nos rois instituèrent plus
lard des chasse-leus ou louvetiers royaux dans les prin-
cipales forêts de leur domaine (4).
Les pays habituellement infestés par les loups fu-
(1) Loi des Biirgondes, dite loi GombeUc, tit. XLVI.
(2) Ducange, v° Luparii.
(3) Voir les comptes de Philippe-Auguste (1202) dansBrussel {Usage
(les fiefs) et ceux des baillis de France pour les années 1305 et 1306,
cités par Ducange (v Luparii). Le Journal du Trésor de l'année 1297
constate une dépense de GO sols pour 12 louveteaux pris. Celui de 1312
contient l'article suivant : « Peirus le Mengnicier pro 4 lupellis caplis
per eum in forestd Halalw el reddilis vivis in caméra dcnarioruxi
lune ibidem^ XX sol. »
(4) Dans une charte originale de Nicolas de Choiseul (1331), cegen-
tUhomme est qualillé de Vhaceleu noslre Sire le Rog en sa forest de
Bréval. (Ducange, /(/'/ *'//).)
^9
reiit soumis à une sorte de taille dont le produit était
affecté aux dépenses nécessitées par la chasse de ces
animaux (1).
Charles V exonéra, en 1377, de cet impôt les habi-
tants de Fontenay-sous-Bois. Un arrêt de 1559 oblige
ceux de Villenauxe à payer l'ancienne taxe de '2 de-
niers parisis pour chaque loup et de 4 deniers pour
la louve.
Dans quelques localités, les paysans étaient soumis
à l'obligation de chasser eux-mêmes les animaux nui-
sibles par corvée. Charles V, par un édit daté du ma-
noir de Plaisance, exonéra les habitants de Nogenl-
sur-Marne de la charge de poursuivre les loups,
sangliers et autres bêles nuisibles dans la forêt de
Bondy (2).
Au xvr siècle, des sergents loiivetiers étaient char-
gés de la destruction des loups.
François I" créa des charges de lieutenants de lou-
velerie dans chaque province, les officiers étaient
soumis à l'autorité du Louvetier royal, devenu grand
Louvetier de France (3).
(l) Un l'iïa (lu mois d'avi'il 1 iOO (avant Pàquos') lait déronse aux
gardes forestiers d'exiger aucune redevance des habitants d'Evreux,
sous prétexte de les défendre contre les louiis. (Les loups dans la
llraitrr.)
("2) Moyennant une redevance d(! 3 ciiarretées de foin i>our le service
du Roi à Vincennes. {Nolirc hisl. sur So(irnl-sur-Murnr, \)\\v le M'- de
Ferreuse. Paris, 1854.)
(3) Les lieutenanls de Louvclerie avaient le dioit de faire parler Us
routeurs de Sa Mujislv, de chasser de louiez manièi-es les animaux
nuisibles tant dedans '[uc dehors les forêts, ]>uis el luiissons do Sa Ma-
jesléfiue de icux des princes, seigneurs, genlil^holnnlc^, ecclè&iasliques,
— 23 —
Une ordonnance de janvier 1583 enjoint de plus
aux grands maîtres des eaux et forêts, à leurs lieute-
nants, aux maîtres particuliers et autres officiers, de
faire assembler trois fois l'an, à raison d'un homme
par feu, des gens de leur ressort avec armes et chiens
pour chasser les loups. L'article 27 de l'ordonnance
de mai 1597 reprend les sergents louvetiers de leur
négligence et leur ordonne de faire, de trois mois en
trois mois, devant les maîtres particuliers et gruyers,
le rapport des prises qu'ils auront faites, à peine de
privation des droits et privilèges de leur office, et de
cet office lui-même en cas de récidive.
Ces dispositions sont confirmées et étendues par
les ordonnances de 1600 et 1601. Le rapport doit
être fait de quinzaine en quinzaine. Ces ordonnances
admonestent, en outre, tousseigneurs, hauts justiciers et
seigneurs de fiefs, défaire assembler, de trois mois en
trois mois et plus souvent encore selon le besoin
qu'il en sera, aux temps et jours plus propres et com-
modes, leurs paysans et rentiers et chasser avec chiens,
arquebuses et autres armes aux loups, renards, hé-
douaux (blaireaux), loutres et autres bêtes nuisibles (1).
Ces huées se faisaient par ordre du juge, sur réqui-
conimunes et autres ses sujets, de rassembler à cet eCfet un homme
par feu de chaque paroisse de sou déparlement , et de lever par leu,
2 lieues à la ronde de l'endroit où la prise aurait été faite, une somme
de 2 deniers parisis par loup et louveteau et 4 deniers par louve et
louvette ( 10 à 20 centimes, monnaie actuelle).
(1) L'ord. de 1607, qui défend le port des armes à feu, exempte de
cette défense les ofliciers de la louveterii;.
silion du procureur fisnal, qui indiijuail un jour ordi-
nairement férié, après le service divin.
Le procureur fiscal ou autre officier de justice de-
vait assister à la chasse qui était commandée par le
seigneur de la paroisse ou par un gentilhomme du
pays. Au rendez-vous, le garde de la terre faisait
l'appel et pointait les absents. Le commandant faisait
placer les tireurs et les traqueurs, et donnait le signal
de l'attaque en tirant un coup de fusil ou de pistolet.
Après la chasse on faisait un contre-appel, et les ab-
sents étaient condamnés à une amende (1).
Il paraît que les lieutenants de louveterie et même
des particuliers prenant indûment ce titre abusèrent
des mesures prescrites par les ordonnances en obli-
geant les laboureurs à quitter leurs travaux pour
chasser les loups, exigeant de groi^ses amendes de
ceux qui manquaient à l'appel et imposant aux com-
munes des sommes considérables comme primes pour
des loups tués. Ils se permettaient même d'établir
sous eux des paysans qu'ils autorisaient à porter des
fusils et à chasser au préjudice des ordonnances. Par
'I) Dans l'Artois et la Flandre française, où l'ancienne législation des
Pays-Bas était restée en vigueur, la chasse du loup et du renard était
|)crmise, tant en hiver sur la neige (ju'en toute autre saison, en vertu
d'un placard de 1C13. Ces chasses devaient être dresstk'S en présence
ou par consentement des'commis ayant de ce la charge ordinaire, ou
des vassaux qui ont privilège et pouvoir de chasser avec meutes de
chiens, trompe et bonne troupe de gens pour faire la huée. « A laquelle
lin, les commis ou ayant de ce (charge feront annuellement le tour «lu
loup, (■liasriiii rn ki province, et seront Icmu'r- hs (•ommunautés et
villages liMir roin'iiir li's d(''pi>ns i|o bniiciu' . ri nnu plus. •> (Merlin, v"
(■liasse.)
illustres.
— 25 —
deux arrêts du conseil d'État en date du 3 juin 1671
et du 16 janvier 1677, il fut fait défense à tous lieute-
nants de louveterie et autres se disant officiers d'icelle
de faire aucune publication de chasse aux loups sans
le consentement de deux gentilshommes de leur
département, nommés par les commissaires départis
dans leur province. Les loups tués seront représentés
aux dits gentilshommes qui délivreront des certificats,
sur lesquels les commissaires feront la taxe des frais
faits pour la prise des loups (l). Cette taxe sera im-
posée sur les villages des environs à raison de 2 sols
par paroisse (2).
La vieille France a donné le jour à une foule de Louveuers
louvetiers illustres, dont nous avons déjà eu l'occa-
sion de nommer quelques-uns.
Les noms des grands destructeurs de loups de
l'époque féodale ne sont point parvenus jusqu'à
nous (3). Le plus ancien des héros de la louveterie
qui ait su échapper à l'oubli, grâce aux soins qu'il a
pris de transmettre lui-même ses titres à la postérité,
est Jean de Clamorgan, auteur du premier traité spé-
cial sur la chasse du loup.
Ce brave gentilhomme, dans les intervalles de ses
campagnes de mer, fit aux loups, pendant cinquante
(1) Code des ckasscs, t. II. Ces abus avaient lieu surtout en Picardie
et en Champagne.
(2) Environ 25 centimes.
(;?) On peut seulement présumer que les louvetiers royaux et grands
louvetiers de France furent (;hoisis dans l'origine parmi les plus émi-
nents des chasseurs de loup<.
— 26 —
ans, une guerre acharnée. Il enseigna le premier l'arl
(le former les limiers pour détourner le loup, et sut
dresser des chiens courants excellents pour cette
chasse. Son équipage, très-modeste comme propor-
tions, détruisait plus de loups que tous les autres (1).
Claude de l'Isle, seigneur d'Andresy, de Puiseux,
de Boisemonl et de Courdemanche (2), est un des
premiers qui eurent après Clamorgan un bon équi-
page de loup (3). Cet équipage, qui consistait originai-
rement en une petite meute de chiens courants avec
(juelques laisses de lévriers, devint à la fin du
xvf siècle le noyau de celui de la grande louveterie.
Ce fut dans un esprit d'humanité que Louis Gruau,
curé de Sauges, publia la Nouvelle invention de chasse
pour prendre et ostcr les loups de France (1G13). 11 y
mit lui-même la main et se vante, avec ses pièges et
engins divers, d'en avoir détruit 67 dans sa paroisse
pendant un temps assez court.
C'est à Louis XIII enfant que Gruau dédie son
ouvrage. Arrivé à l'âge d'homme, ce Roi devint un
louvelier aussi habile que zélé, et détruisit des
quantités considérables de loups (4), en les prenant,
soit avec des chiens courants et des lévriers, soit dans
les panneaux et dans les toiles.
(1) Voir la Chasse du loup de Clamorgan.
(2) Ou Courdimanche ; toutes ces localités sont situées dans le.
Vexin français, aux environs de Poissy et do Pontoisc.
(3) GalTet de la BrllFardière le qualifie même mal à jiropos d'inirn-
ii'Ui'di' celle espèce île citasse.
(i) Salnovc dil i\ur ce i/raiid lloii cxci-llail h l>ii'n choisii' l'accourrc
el y |ilacrr lo l(''vriri> |i(_iur |)ri'iidri' Ir luni'.
— 27 —
Nous pouvons revendiquer comme noire le l'a-
meux destrucieur de loups Robert Monlhois, puisque
l'Artois, son pays natal, venait d'être conquis par les
armées françaises lorsque son livre parut à Alh (1).
Ce vaillant louvelier, vieux capitaine des bandes
espagnoles, chassa pendant quarante ans, et prit
quelquefois plus de 60 loups dans une année, et
jusqu'à 4 ou 5 en un jour. « Je ne cognois personne
vivante qui ail fait mourir plus de loups que moi, »
dit-il avec un juste orgueil à la fin de son ou-
vrage ('2j.
QuoiqueSaint-Simon ait essayé de jeter des doutes sur
la sincérité delà passion qu'éprouvait pour la chasse du
loup le Dauphin, fils de Louis XIV, ce prince a prouvé
par ses actes qu'il était bien réellement un des plus
grands louvetiers qui aient jamais existé. Sans préju-
dice des autres chasses, il chassait le loup constam-
ment, soit avec ce brillant équipage qui n'eut jamais
son égal, soit avec ceux du Roi, du duc de Vendôme
ou du comte de Toulouse. Sans se laisser rebuter par
l'insuccès, trop fréquent, de ces chasses ingrates, par
l'intempérie des saisons ni par les fatigues excessives
auxquelles il s'exposait continuellement. Monseigneur
courait sans cesse de Versailles à Marcoussy, à Fon-
tainebleau, à Rambouillet, à Anet, crevant ses che-
vaux, rompant ses chiens à la nuit noire, rentrant à
(I) 1642.
('2) RobiM't Monlhois chassait les loiiitssoit à course do lévriers, soil.
^m baltiic ou au curuaj^e avec l'anjucliuse, soil avc'c des panneaux el
des iiiéges.
— 28 —
1 1 lieiiros du soir .après des retraites de 10 lieues,
recru, mouillé, mourant de faim ou allant à l'aven-
ture chercher un gîte, château ou chaumière (1).
Il courut le loup quatre-vingt-seize fois dans une
année (1G86) (2). Six ans après les débuts de sa louve-
terie, il avait presque détruit l'espèce dans les environs
de Paris (3).
Nous avons vu Monseigneur arrêté par son père
dans les tentatives par trop rudes qu'il faisait pour
aguerrir à ses chasses de loup son fils aîné, le duc
de Bourgogne ; il ne paraît pas que ce jeune prince
y ait pris un goût très-passionné ; il n'en fut pas de
même de son frère, le duc de Berry, chasseur enragé,
comme nous avons déjà eu occasion de le constater (4).
Après avoir fait, un jeudi de l'année 1707, une chute
terrible qui lui fit rendre du sang en abondance, il
voulut, à toute force, aller le samedi suivant à la
chasse au loup (5). Le lundi il se trouva fort mal et
ne put retourner à la chasse, et le vendredi suivant il
était mort (6).
(1) Sur la composition de ré([uipag'c de loup de Monseigneur et ses
chasses les plus renian]uables, voir les notes A et B à la fin de ce
volume.
(2) En septembre 1G8G, étant à Anet, chez le duc de Vendôme, il
courut le loup six fois en huit jours.
(3) Mercure de janvier IG88.
(4) En 1713, le duc de Berry alla chasser le lou]) avec les chiens de
M. de Maillebois et le tua. (Dangeau, t. XIV.)
(5) Correspondance inédUe de la princesse Palatine. Un paysan le
voyant passer dit qu'il fallait que les princes eussent les os plus durs
que les autres, car il l'avait vu le, jeudi précédent recevoir un coup dont
Irois paysans seraient crevés.
((\) Ihidrm.
— 29 —
Pendant que Monseigneur eliassail en grand appa-
reil les loups des forets royales, un pauvre gentil-
homme de province, nommé Saint-Victor, en détrui-
sait autant que lui avec un très-modeste équipage qui
ne payait pas de mine. «Les chevaux paroissoientdes
rosses, mais de grand prix pour la course ; ils n'avoient
pas 2 onces de graisse; les chiens de même, et lui (1).»
Saint-Victor chassait le loup par dévotion. Jusqu'à
l'âge de 84 ans, ce type curieux du louvetier modèle
courut le pays avec sa meute et ses gens, sans avoir
d'autre asyle que son équipage et les lieux qu'il louoit
pour s'y étahlir. « Il vivoit là comme dans un camp,
avec ses domestiques. Ouand il lui restoit du revenu
à la fin de l'année, il le partageoit avec eux. Il a été
cent fois en Angleterre, tant pour voir ses amis ou
acheter des chevaux et des chiens. »
Saint-Victor, lorsque sa vue fut devenue trop mau-
vaise pour lui permettre de chasser encore (2), vendit
son équipage au comte de Toulouse. Après la mort
de ce prince (3), il fut dispersé.
Le chevalier Antoine, qui eut la gloire de triompher
de la bête de Gévaudan, comptait cinquante ans de
(1) Mémoires du marquis d'Argenson , t. I. <i J'ay ouï dire à M. le
Dauphin que, la première fois qu'il chassa le loup avec lui, il lui sembla
qu'il n'avançoit pas. Il falloit passer un vallon et une cùte. Il le perdit
de vue, et étant au bas de la colline, il aperçut en haut Saint-Yictor
quiavoit si bien joint le loup qu'il le fouettoit avec son fouet. »
(2) Il mourut en décembre 1737, à l'âge de 97 ans. (Mémoires du duc
de Luynes.)
(3) Le comte de Toulouse mourut la même année et le même mois
que Saint-Victor.
— 30 —
service clans les équipages de chasse du Roi lorsqu'il
remporta cette dernière victoire. Pendant ce demi-
siècle, il avait fait une guerre incessante aux loups,
soit au moyen de battues qu'il savait diriger mieux
que personne, soit avec le secours de chiens de force
excellents, lévriers d'Irlande et matins des Abbruzzes (1) .
Ces fameux chiens prirent le grand loup du Soisson-
nais et le loup monstrueux des environs de Versailles,
dont Oudry nous a conservé la figure.
Quoiqu'il ait échoué dans sa campagne contre la
bête de Gévaudan, le marquis d'Enneval fut un des
meilleurs chasseurs de loup de l'ancienne France. Ce
gentilhomme normand, grand ami de Leverrier de la
Conterie, extermina, au dire de celui-ci, une bande de
loups noirs qui ravageaient sa province, et une autre
troupe de ces animaux qui attaquait les enfants et
dévorait les femmes grosses (2). Il détruisit dans sa vie
plus de 1,000 loups (3). Sur l'invitation de Louis XV,
il prit une part active à la chasse du grand loup du
Soissonnais, auquel, suivant une tradition, il aurait
donné le coup mortel (4).
Leverrier de la Conterie, lui-même chasseur de
loups émérite, cite dans son ouvrage, comme louve-
tiers de renom, MM. d'Oilliamson et Le Provost, enne-
mi) Voir ci-dessus. — Lettre ccrile à Fréron.
(2) Leverrier de la Conterie, édit. de 1763. — De Lisle de Moncel
{Méthode cl projets, etc.)
(3) M. d'Enneval était mort en 1778.
(4) Leverrier de la Conterie. — Mary Lalbn. Coiihimrs de la vieille
France.
— 31 —
mn dêcidéa dca loups, el M. Didier, très-hdhile cluisafiir,
commandant la loiiveterie du Roi.
D'autres veneurs de Normandie, également amis et
contemporains de M. de la Conlerie, sont restés cé-
lèbres dans les traditions locales comme grands tueurs
de loups, MM. de Saint-Denys, de Roncherolles et de
Saint-Sauveur, entre autres (1).
« Condamné par les deux plus célèbres médecins
de l'Europe, en 1748, à mourir d'obstructions in-
vétérées ou à faire un exercice de cheval suivi ,
dit le chevalier de Lisle de Moncel, je résolus de le
diriger, du moins, vers un but utile, et c'est l'époque
de la guerre très-vive que je déclarai aux botes vo-
races dont il est question dans mon ouvrage. »
Peu d'années après, le brave chevalier et son frère,
compagnon assidu de ses chasses , avaient attaché
130 têtes de loups au-dessus du portail de leur ma-
noir.
Chargé, par le gouvernement, de pourchasser les
loups qui avaient envahi les trois évêchés, M. de Mon-
cel leur fit une si rude guerre avec le fusil, les fosses,
les pièges et le poison, que, pendant les quatre mois
de l'hiver de 1765-1 766, il détruisit 36 loups et louves.
(1) Le comte de Roncherolles, gentilhomme de la maison de Pont-
Saint-Pierre, des environs de Vise, habitait le Mesnil-Benoît. Ce ve-
neur, dont nous avons raconté précédemment une magnilique chasse de
sanglier faite en 1748, disait à l'âge de 80 ans : « Deux grands sujets
de consolation viennent adoucir mes derniers jours, je n'ai pas à me
reprocher d'avoir jamais sali ma caral^ine sur un fauve et j'ai pu en-
core dernièrement chasser et tuer un vieux loup. {Les dèrhdls de la
chasse du /o;/;;, par M. E. Lemasson. Journal des chasseurs, 8' année.)
— 32 —
Jl en fit périr 24, dont 7 louves l'hiver suivant, et
réussit à en débarrasser le pays, après plusieurs sai-
sons de chasses conduites avec autant d'habileté que
de persévérance.
Guy Victor, comte de Vigny, aïeul du poêle, fut un
des louvetiers illustres de ce pays de Beauce qui fut
si souvent désolé par les loups. « Les chasses au loup
de mon grand-père et de mes oncles, les meutes nom-
breuses qu'ils faisaient partir du Tronchet et de la
Gravelle pour dépeupler la Beauce de ses loups. . . ; tout
était présent à l'esprit de mon père, et l'est encore au
mien. » (1),
Le Poitou et la Saintonge peuvent rivaliser avec la
Normandie pour le nombre de louvetiers illustres
auxquels ces provinces ont donné le jour. Il suffira de
nommer les La Rochefoucauld, les LaRochejaquelein,
les Bouleiller de Beau regard, les Larye, les Boiscou-
teau (2).
Cette race vaillante et énergique des louvetiers de
l'Ouest a fourni à l'insurrection royaliste ses plus hé-
roïques combattants.
MM. de la Rochejaquelein étaient fils de louvetiers
et grands chasseurs eux-mêmes (3). Charette fut aussi
(1) Journal d'Alfred de Vigny.
(2) En 1780, M. de Boiscouteau attaqua dans la forêt do Quatrevaux,
près Angoulème, un loup qui le mena jusqu'à Bordeaux. De Moncel
cite, sans le nommer, un gentilhomme d'Aunis qui, en 176G, délivra
cette province de plus de 20 loups redoutables en moins de trois mois.
(31 En 1772, des louveteaux issus d'un grand loup qui les avait ha-
bitués à la chair humaine, ayant fait des dégâts aux environs de Châ-
tillon-sur-Loire, madame la marquise de la Roch(\jaf|ue]ein, en l'absence
de son mari, en prit doux et tua le troisième.
— 33 —
un tueur de loups; le comte et le vicomte d'Oilliam-
son (1) jouèrent un rôle assez important dans la
chouannerie normande. Au nombre des officiers de
Stofflet figure le chevalier de Céris, dont !a famille a
donné son nom à une excellente race de chiens de
loups, encore renommée sur les confins du Poitou et
de la Saintonge.
La chasse du loup donna à la cause royale non-
seulement des chefs, mais des soldats habitués au ma-
niement des armes et excellents tireurs : « Quand on
chassait le loup, le curé avertissait les paysans au
prône. Chacun prenait son fusil et se rendait avec joie
au lieu assigné; les chasseurs postaient les tireurs, qui
se conformaient strictement à tout ce qu'on leur or-
donnait; dans la suite on les menait au combat de la
même manière et avec la même docilité (2). »
Le marquis du Hallays, commandant de la vénerie
du comte d'Artois, lorsqu'il termina après soixante ans
de chasse sa glorieuse carrière de veneur, pouvait se
vanter à bon droit d'avoir abattu 1,266 loups dans les
forêts de la Beauce et de la Normandie (3).
Le baron d'Haneucourt, qui mourut en 1841, âgé
de 80 ans, après avoir été commandant de la vénerie
ri) Le comte d'Oilliamson, maréchal de camp en 1788, mort très-âgé
en 1830, était sans doute le veneur fameux dont parle Leverrier de la
Gonterie.
(2) Mémoires de Madame la marquise de la Rochejaquelein.
(3) Blaze, Chien courant, t. IL —Lapeiile Vénerie, par M. A. d'Hou-
detot. — Le Couteulx, Chasse dit loup. — Arrêté pendant la terreur,
le marquis du Hallays fut mis en liberté sur les instances unanimes
des habitants de son département qui réclamaient son secours contre
les loups, devenus très-nuisihles dejuns sa captivité.
ni, 3
sous l'empire et la restauration, avait été aussi, dans
sa jeunesse, un grand chasseur de loups. Il était arrivé
à forcer des grands loups par un système très-ingé-
nieux, qui consistait à les pourchasser à outrance
avec le tiers de sa meute. Le reste suivait de loin
dans des chariots bien attelés. Le soir venu, on brisait
le loup, pour l'attaquer le lendemain matin avec le
second tiers, arrivé en voiture, et les chiens fatigués
suivaient à leur tour la chasse en poste. Le troisième
tiers de la meute chassait le troisième jour, et, si le
loup était assez vigoureux pour durer jusqu'au qua-
trième, on lui donnait la première meute d'attaque
qui s'était reposée pendant deux jours dans les
fourgons (1).
Langage La louvclcrie avaitsa langue à part. Les termes pour
loup sont différents de ceux dont on se sert pour cerf,
lièvre ou chevreuil, dit Salnove, et ont de la conson-
îiance avec le sanglier et le renard. « Quand on en
revoit, on doit dire : voicy la trace ou piste du loup, et
les os qui sortent de son pied se doivent appeler
ongles, et la fiente les laissées, et, lorsqu'il marche au
pas et d'asseurance, alleures, et, quand il court, fuittes
du loup , ce qui se fait par l'efïort qu'il fait en
courant, et lorsqu'il a gratté, cela s'appelle galies ou
déchausscures » Le lieu où il se couche le jour se
nomme liteau, celui où il se met sur le ventre pendant
(1) Yoir la Chasse à courir, par M. J. Lavallre. L'uutciir qui nous
donne ce curieux détail dit que M. d'Hancucourt était associé, pour
ces chasses, avec M. d'Ivry, et que leur nioute était d'un jteu plus do
GO chiens. Il nn précise pas l'époque où elles avaient lieu.
et littérature.
— 35 —
la cliassn llatrure. Quand on le voil par corps, il faut
crier vellcloo ou vloo, et veky aller quand on revoit du
pied. Pour exciler son limier, le veneur doit lui
dire : « Après, l'ami, à route, à li, hou, hou,
harlou (1) ! »
Quand le loup était donné aux chiens, on criait :
«s'en va, s'en va, chiens, harlou, harlou, outre
vault (2) ! »
Indépendamment des nombreux auteurs qui ont
parlé de la chasse du loup en même temps que des
autres chasses, les traités spéciaux sur cette matière
forment une branche importante de notre littérature
cynégétique.
Les principaux ouvrages sur la louvelerie sont ceux,
déjà cités, de Clamorgan, de Louis Gruau, de Robert
Monthois, de Lisle de Moncel, auxquels il faut joindre
le poëme latin de Jacques Savary (3) et la Chasse au
loup, de Habert, en vers français (1624) (4).
(1) Ou hare loup.
(2) Ces cris s'étaient changés en : ça va, harlou l la ha ha! du temps
de Leverrier de la Gonterie.
(3) Venalionis lupinœ leges.
(4) Réimprimé par M""= V^ Bouchard-Huzard en 18G6.
CHAPITRE II.
Des diverses manières de chasser le loup.
Dans son poëme sur la chasse du loup, Jacques
Savary dit avec beaucoup de raison que tous les
moyens sont bons pour détruire cette bête féroce :
« Ici, nous n'interdisons point l'usage des lévriers,
les filets nous plaisent, nous employons avec joie les
armes de jet, les épieux, les pièges de toute sorte, les
fosses, le poison, les huées d'un peuple assemblé.
Cependant, s'il vous convient d'avoir recours aux
nobles préceptes de l'art de Diane, vous y trouverez
à la fois utilité et plaisir. »
Dans les lettres de provision que le grand louvetier
conférait à ses lieutenants, il leur était permis et même
enjoint « de chasser aux loups, louveteaux, louves et
louveltes à cors, cris, filets et autres engins propres
et convenables, môme avec force de chiens et toutes
sortes d'armes, bâtons et pièges. »
— 37 —
Les moyens de destruction employés contre les
loups peuvent se diviser en trois catégories princi-
pales : chasses à force, chasses h tir, chasses avec
pièges et engins de toute espèce.
Très-souvent on combinait ensemble ces différents
moyens pour en finir plus promptement avec les
bêtes féroces. Ainsi Claude Gauchet raconte des huées
aux loups, oii l'on voit coopérer les traqueurs, les
chiens courants, les lévriers et chiens de force, les
panderets ou panneaux. Les filets et les toiles figurent
presque toujours comme moyens auxiliaires dans les
chasses de loup avec chiens courants et lévriers
jusqii'au xvn' siècle.
§ 1. DE LA CHASSE DU LOUP A FORCE.
La chasse du loup avec des lévriers d'attache fut à chasse ave:
peu près la seule usitée jusqu'au xvf siècle, pour
prendre les vieux loups et les grands louvarts, et ne
fut jamais abandonnée jusqu'à la révolution (i).
Cette chasse ne pouvait réussir que dans des bois
de médiocre étendue, ou dans des queues de forêt; le
loup, attiré avec une traînée dans quelque buisson
propice, était détourné avec le limier ou simplement
reconnu à l'œil. Le rapport fait, on postait les lévriers,
les lévriers
(1) Voir Gaston Pliœbus qui ne connaît pas d'autre manière de
chasser le loup; Clamorgan; Robert Monthois, qui devait ses plus beaux
succès à cette méthode de chasse ; Salnove ; G. de la BrifFardière; Le-
verrier de la Ganterie. Léopold, duc de Lorraine (mort en 1720), dé-
truisit beaucoup de loups avec de grands lévriers dans les plaines en-
tremêlées de petits bois de? environs de Nancy. (De Moncel.)
— 38 —
divisés en laisses d'eslric, de flanc et de télé, dans une
accourre disposée comme pour la chasse du san-
glier (1). Dans les directions opposées se mettaient en
ligne les défenses, gens chargés de faire grand bruit
pour empêcher le loup de se dérober (2).
L'animal, mis sur pied à trait de limier ou à la bil-
lebaude, après avoir essayé inutilement de fuir du
côté des défenses, se lançait dans l'accourre oii il
était arrêté par les lévriers. Si c'était un grand loup,
capable de maltraiter les chiens, les valets lui faisaient
mordre un bâton, et un veneur accourant le perçait
de l'épieu, de l'épée ou du couteau de chasse. Cette
besogne était confiée à un chasseur expérimenté qui
savait manier habilement son arme et ne courait
point risque de blesser les chiens. L'épée devait être
tenue à deux mains, dont l'une conduisait la lame
bien posément au défaut de l'épaule.
Des mâtins et des mcstifs étaient quelquefois asso-
ciés aux lévriers, comme laisses de tête (3).
(1) Dans les chasses royales, on tenait à raccourre 8 laisses de 3 lé-
vriers chacune : 2 laisses d'estric, 4 de liane et 2 de tète (Salnove).
« Les seigneurs qui veuUent prendre le plaisir de telle chasse et y
mettre les frais doivent tenir cincq "ou sejit laisses de lévriers, deux
ou trois chiens d'attache, et les autres plus légers. » (Robert Monthois.)
Leverrier de la Gonterie se contente de 10 lévriers, savoir 2 laisses
d'estric, 2 de flanc et une seulement de tète. Les laisses ne sont qwv
de 2 chiens.
(2) Souvent on tendait de plus des panneaux ou des toiles dans les
directions ([u'on voulait empêcher le loup de prendre. (Cl. Gauchet-
Salnove.)
(3) Glande (.iaucliet, La rliassc du loup aux lécriers. De Lisle de
Moncel connaissait un gentilliomme du Verdunois (\m avait pris nom-
liri' de loups avr trois 'M'aiids chifus, dont un lévrii'i' bàluni. LorS(pii'
— 39 —
Les louvetiers du moyen âge et du xvi^ siècle ne se
hasardaient pas volontiers à chasser avec les chiens
courants seuls les vieux loups, ou même les grands
louvarts. Lorsqu'ils lançaient avec leurs meutes quel-
qu'un de ces animaux infatigables, ils avaient tou-
jours sous la main quelques laisses de lévriers; ils
n'attaquaient d'ailleurs jamais que dans des buissons
de peu d'étendue, isolés de toutes parts, et qu'ils en-
touraient de gens de pied et de cheval pour empê-
cher le loup de prendre un parti.
Telle était la méthode de Jean de Clamorgan, qui se
vantait pourtant d'avoir la meilleure meute pour loup
de France. Malgré ces précautions, il avoue lui-même
avoir souvent manqué des loups par faute de jou7\ et
ceux qu'il avait pris avaient duré huit ou dix heures.
Quand un prince ou un grand seigneur voulait
forcer un loup, on environnait le buisson oh il était
détourné de laisses de lévriers qui le rembarraient
dans le bois, ou, si le buisson était trop étendu, de toiles
ou de halliers à mailles carrées.
C'est ainsi que chassaient encore Henri IV et
Louis XIII; le grand Dauphin paraît être le premier
qui ait chassé des grands loups à force de chiens et
sans lévriers ; malgré les moyens imposants dont il
disposait, ses équipages eurent à enregistrer moins de
s-uccès que de défaites (l).
Chasse avec
les cliieiis
courants.
Chasse
des grands
loups.
k'. loup vidait l'enceinte, le lévrier lancé à sa poursuite le harcelait,
retardait sa course et donnait aux autres chiens le temps de le joindre
*'i de le terrasser.
(1) « Les jeunes loups se peuvent forcer, mais non les vieux, parce
quêtant qu'un vieil loup rencontrera de l'eau, il courra trois jours et
— iO —
Quelques princes suivirent l'exemple de iMonsei-
gneur, mais les simples gentilshommes n'étaient géné-
ralement ni assez riches ni assez fous, comme le dit
Leverrier de la Conterie, pour entreprendre ces
chasses dispendieuses, pénibles et, le plus souvent,
infructueuses (1).
Lorsqu'on voulait chasser un grand loup, plusieurs
valets de limiers étaient dépêchés dès la veille pour
détourner l'animal, besogne difficile et fatigante, à
cause des habitudes vagabondes et irrégulières de
l'animal et des trajets immenses qu'il parcourt en peu
de temps.
Le rapport se faisait en termes encore moins affir-
matifs que pour les autres animaux, et on disposait
les relais suivant les passages et refuites, à 2 lieues au
moins de la brisée (2).
Les veneurs faisaient ensuite un ample déjeuner,
trois uuiLs et par conséquent non l'orçable. » Telle est l'opinion de Sé-
lincourt, qui lit plus tard partie de la maison de Monseigneur, mais
dont l'ouvrage paraît avoir été composé avant les grandes chasses de
ce prince. (Le Parfait chasseur porte la date de 1683, l'équipage de
Monseigneur fut mis sur i)ied eu 1G8'2, mais le livre a été évidemment
rédigé sur des notes antérieures.)
(1) « Forcer un vieux loup n'est pas chose impossible, mais fort rare
et très-dillicile, » dit encore cet excellent auteur. « L'ancienne louve-
terie du Boi, quoique bien montée en hommes, en chevaux et en chiens,
prenoit rarement de vieux loups. Moi-mènif , j'ui abandonné de ces
animaux à plus de 20 lieues de l'attaque, et ipioiipie chassant avec un
bon équipage, je n'en ai jamais pris ([ue deux vieux; encore y en
avoit-il un qui s'étoit rempli de chair d'âne, nourriture qu'il ne peut
digérer, non plus que celle d'oie, qui, dit-on, l'incommode également. »
{Obscrvuiions de Guuf'ficr sur les mni/ciis de délniirr les loups, Feuille
du cullivatcur, 2 juin 179'2.)
(2) Lorsqu'on savait d'avance où se tenait le iouji, on Taisait iiartii-
dès la veille les relais les plus éloignés de chiens el de chevaux.
— 41 —
car ils avaient devant eux la perspective consolante
de ne pouvoir prendre un second repas dans la
journée, puis on allait frapper à la brisée avec la
meule, composée au moins de 30 chiens, les plus
ardents et les plus vigoureux de l'éqnipage. Les
piqueurs entraient au fort avec eux pour les appuyer.
Dès que le loup était lancé, les veneurs suivaient
les chiens le plus près et le plus constamment pos-
sible en sonnant et en criant.
Quelquefois un loup se fait relancer de temps en
temps, au grand plaisir des chiens, d'autres se for-
longent, suivant les routes sans se presser, souvent au
milieu des chiens et s'arretant çà et là pour boire (1).
Cette course continue d'ordinaire indéfiniment, jus-
qu'à ce que la fatigue ou la nuit obligent chiens,
chevaux et veneurs de lâcher prise.
Quand, par un heureux et rare concours de circon-
stances favorables, le grand loup vient à se laisser
forcer (2), il s'acculera dans un terrier de blaireau ou
sous une roche pour défendre bravement sa vie contre
les chiens.
Les chasseurs doivent alors venir à l'aide de ceux-ci
en enfonçant un gros bâton pointu dans la gorge de
(1) « J'en ai chassé un à tonte jambe, pendant 8 heures et demie, qui
n'en paroissoit pas plus las, heureusement la nuit survint, ce qui nous
obligea de rompre; sans cela, je crois que nous serions encore après. »
(L. de la Conterie.)
(2) M. J. Lavallée raconte, d'après M. Amédée de Maistre, que la
meute du comte de Nanteuil força un jour un vieux loup dans la forêt
d'Armainvilliers; lorsqu'il fut pris après une chasse assez longue, mais
qui tourna beaucoup, on reconnut qu'il avait perdu anciennement une
patte dans un piège, {la chasse à courre.)
i.9
la bôle furieuse ou en la perçant avec le couteau de
chasse (1).
Chasse des Lq chassB des jeunes louvarts et des louveteaux (2),
TuVaris/ depuis le mois d'août jusqu'à la fin de novembre, est
aussi facile et aussi agréable que celle des grands loups
est dure et rebutante. « Qui veut prendre leup à force
de chiens, dit le Roy Modus , si ne chace mie vieil
leup, mais chace jeune leup né de l'année, car le
vieil leup ne double point les chiens... et les chiens
le doubtent, et le jeune leup s'efforce a fuir comme
il puet et se lasse et travaille et n'a si grande puissance
comme a le vieil leup (3). »
Pour forcer louveteaux et jeuneslouvarts, on dispose
sa meule et ses relais comme pour la chasse du cerf;
on attaque ensuite un de ces jeunes animaux avec les
chiens de récri. Le louveteau ne perce point et se fait
battre comme un renard, aussi les piqueurs ne doivent
pas appuyer leurs chiens de trop près, de peur de
leur faire outre-passer les voies.
Après la mort du loup, qu'il fût jeune ou vieux,
on en faisait curée aux chiens; comme ceux-ci ont
une répugnance extrême pour la chair de leur impla-
(1) Les choses se passent encore comme du temps de La Conlerie,
lorsqu'on a le courage d'attaquer un grand loup. Il est seulement ibrt
rare qu'on n'essaye pas de le raccourcir avec un coup de l'usil.
(2) u Les petits loups au lait et jusqu'à l'âge de 5 ou G mois sont
(lits louveteaux, ensuite louvarts, et ils portent ce dernier nom jusqu'à
ce qu'ils aient un an accompli. » (Leverrier de la Gonterie.) C'est en
avril et mai que naissent les louveteaux.
Ci) Le Roii Modus, tout en prétendant enseignera incndrc les jeunes
luups sans lévriers ne filé, découplé encore deux ou trois lévriers à
l'hallali pour dépêcher la bêle.
— iS —
cable ennemi (senlimenl qui n'a rien de réciproque) (1 ),
on était obligé, après avoir écorcbé le loup, de le vi-
der, de le mettre en quartiers, de faire rôtir ces
quartiers au four et d'en faire une mouée avec du
pain, du fromage et du lait.
Ce mélange, arrosé d'eau bouillante, était jeté sur une
toile étendue à terre, et on lâchait les chiens sur la curée
au bruit des fanfares comme dans les autres chasses (2).
Les dedans du loup, recouverts de la peau, étaient Eriuipagcs
ensuite présentés aux chiens au bout d'une fourche " ""'''
et jetés à la meute.
Les honneurs du pied avaient été rendus préalable-
blement à qui de droit, suivant le cérémonial ordi-
naire (3).
Les simples gentilshommes qui chassaient les lou-
veteaux avec chiens courants seuls et les grands loups
avec meute et lévriers pouvaient se contenter de 25 ou
30 chiens couranis, avec 7 ou 8 laisses de lévriers et
quelques bons doguins (i). Mais, pour forcer le loup
(1) Voir, dans la Chasse du loup, par M. le comte Le Couteulx, des
anecdoctes curieuses sur quelques-uns de ses chiens qu'il avait habitués
à faire curée d'un loup comme d'im cerf.
(2) La chasse du. lotip, par Habert (1624).
La faudra retirer lorscjne cuitte elle semble
Prendre pain de froment, laict et fourmage ensemble
Les mesler et brouiller, et dans la peau du loup
Envelopper le tout, puis sonner de maint coup
Le forhu près la peau de cette fière beste
Sur laquelle aurez mis son effroyable teste.
(3) Leverrier de la Conlerie.
Dans la Louveterie royale, des bâtons étaient distribués aux veneurs
au commencement de la chasse. Ils étaient pelés toute l'année, sauf la
lioignéc
(4) G. de la Briffardière. — 5 laisses de lévriers suflisaient, suivant L.
de la Conter ie.
— 44 —
adulte sans lévriers , il fallait im train de prince,
1 00 chiens, deux excellents piqueurs payés au doubley
2 valets de limier, A valets de chiens à cheval, 25 ou
30 bons coureurs. Aussi des particuliers fort opu-
lents pouvaient -ils seuls supporter les frais de ces
grands et coûteux équipages (1).
Les Rois de France avaient, dès les premiers temps
de la monarchie, des louviers ou louvetiers, qui devin-
rent grands louvetiers et grands officiers de la cou-
ronne au xv^siècle (2); mais, jusqu'au règne de Henri IV,
il n'existe point de trace d'un équipage spécial de
loup attaché à leur maison. Le Béarnais, passionné
pour la chasse du loup comme pour toutes les chasses
rudes et difficiles, ayant eu occasion de chasser avec
la meute de M. d'Andresy, y prit tant de plaisir, qu'il
voulut avoir à son service l'équipage et son maître.
Dans la suite, ce Roi créa plusieurs officiers pour le
service de sa louveterie et mit cet équipage à peu près
sur le pied où il était encore au xvni*' siècle (3).
Sous Louis XIII, grand chasseur de loups, et pen-
dant une partie du règne de Louis XV, l'équipage de
la louveterie prit momentanément des proportions
beaucoup plus considérables (4). Nous nous bornerons
(1) A moins (le yupjiléer à la richesse par le Kèle et l'abnégation d'un
saint Victor.
(2) Voir la note A, 1. 1".
(3) G. de la Briffardière. — D'Andresy devint grand lonvctier en tGOl.
— Voir anx Pièces justificatives du t. 1" l'état de la grande louveterie
en 159G.
(4) Voir les comptes de Louis Xlll, Pièces Justificatives, t. I" et
VElal de la France de 1736. Suivant ce dernier ouvrage, Louis XV avait
alors un lieutenant général de la louveterie, 10 i)iqueurs. 10 valets de
limier, 8 valets de chiens courants, 4 sergents lévriers.
— 45 —
à donner l'élat de cel équipage sous Louis XIV, qui
peut être considéré comme son état normal ;
Le grand loiivelier de France , commandant en
chef l'équipage,
2 lieutenants (1),
i sous-lieutenant,
4 valets de limiers,
2 valets de chiens courants,
2 garçons servant auxdits chiens courants,
2 gardes de lévriers,
2 garçons servant auxdits lévriers,
2 gardes des dogues,
2 garçons servant auxdits dogues,
1 maître conducteur du charroy et son valet,
20 chiens courants,
i laisses de grands lévriers,
4 laisses de grands dogues.
Une charrette à 4 chevaux pour porteries panneaux,
les Jacques des grands lévriers et les collerons des
dogues (2).
Outre les 4 laisses de lévriers (de trois chiens cha-
cune), qui étaient dans la dépendance et nomination du
grand louvetier, 4 autres laisses de grands lévriers et
4 valets chargés de les mener étaient encore attachés
(1) En 1698 il y avait un lieutenant général de la louveterie et un
lieutenant. — Le lieutenant général reparaît en 173G. {Elals de la
France.)
(1) Comptes de la vénerie de Louis XIV, Pièces justificatives, (. P"'.—
Elal de la France, 1698. — En 1736, VElal de la France mentionne de
plus un pourvoyeur de l'écurie des chevaux pour le loup, un boulanger,
un maréchal, un sellier.
— 46 —
à cet équipage sons l'obéissance du grand loiivetier el
de ses lieutenants pour te temps de leur service, mais
nommés par les gentilshommes de la chambre du Roi ;
c'est ce qu'on appelait les lévriers de la chambre (1).
En 1762 la grande louveterie fut supprimée, faute
de fonds (2).
Elle ne tarda pas à être rétablie : nous la retrouvons,
en 1776 et 1777, sur le même pied que du temps de
Louis XIV (3) . Durant cette année l'équipage prit 32 ani-
maux, dont 19 louveteaux, et 13 loups en 19 chasses.
Il y eut 41 chasses manquées (4).
L'équipage de la grande louveterie fut compris
dans les réformes économiques de l'année 1787, mal-
gré les services qu'il rendait à l'agriculture.
Nous avons déjà eu mainte occasion de citer l'équi-
page du grand Dauphin , le plus somptueux el le
meilleur qui ait jamais existé. On appelait cette meute
incomparable les chiens de Monseigneur, quoique ce fût
une meute du Roi et quil la payât (5). 11 faut ajouter que
les 1500 livres d'appointements que recevait chacun
(1) Salnovc.
(2) Coviple de la Trésorerie fjénérole de la Vénerie , i)our 1762-G3.
Cité par M. le comte do Quinsonas. Histoire de Marguerite d'Aulriehe.
(3) Aimanach de Versailles, 1776. — Comptes do Louis XVI, 1777-
1778. — L'almanacli nomme, ai)rès le grand louvetier et son lieutenant,
un commandant delà louveterie, M. Didier, dont La Conteric parle avec
éloge.
(4) Comptes de Louis X\'l, Pièces justilicatives, 1. 1". — Ces il chasses
manquées sont probablement des chasses de grands loups. Nous avons
déjà vu que la louveterie royale en prenait très-rarement.
(5) Dangeau. — La louveterie de Monseigneur restait sous le com-
mandement supérieur du marquis d'Heudicourt, grand louvetier de
France, ([ui paraît s'être fait représenter le plus souvent par Jean de la
Rue, S' do IJernapré, son lieutenant gi''néral , excellent chasseur de
— 47 —
des A lioiilonants ordinaires étaient payées sur la cas-
sette de Monseigneur par les mains du premier valet
de chambre (1).
Ce fameux équipage n'eut jamais son égal pour la
composition du personnel, la magnificence des cos-
tumes, le nombre et la qualité des chiens et des che-
vaux (2).
Il ne cessa pas un instant de chasser pendant la
vie de son auguste maître. Le grand Dauphin assista
pour la dernière fois aux prouesses de sa meute chérie
le 1 6 janvier 1 71 1 ; il mourut le 1 i avril suivant , et,
.dès le 24 du même mois, la louveterie fut remise dans
l'ancien état, au grand détriment du grand louvetier,
M. le marquis d'Heudicourt (3).
Laissant de côté les lévriers et les panneaux (4), le
loups. C'est probablement ce qui a fait croire à M. le comte Le Couteulx
que M. de Bernapré avait été à la tête de l'équipage du grand Dauphin.
(.Vénerie française et chasse du loup.)
(1) Etais de la France, de 1G82 à 1711.
(2) Voir la note A à la fin de ce volume. On lit dans \q Mercure de
janvier 1G88 ;
« En France, on ne voit que des loups pour tous animau.N: féroces :
Il n'y en a plus guère présentement aux environs de Paris ; Monsei-
gneur le Dauphin les en a purgés. Lâchasse continue toujours à faire
un de ses plaisirs. Il a quatrevingts coureurs qui sont les plus parfaits
do l'Europe et peut-être du monde. Il n'y a point d'exemple que jamais
aucun prince en ait eu tant ni de si beaux. Vous trouverez ce nombre
fort grand lorsque vous ferez réflexion que je ne parle que des seuls
coureurs. Il fait connoître la parfaite intelligence de M. du Mont, écuyer
ordinaire de Monseigneur le Dauphin , dans la charge qu'il exerce et
les grands soins qu'il prend pour répondre à ses désirs. »
(3) Dangeau, t. XII.
(41 II n'est pas bien sur qu'il ait absolument renoncé aux lévriers.
Dans un tableau de Desportes dont nous parlerons plus loin, ungraml
lévrier blanc et fauve ligure au milieu des chiens courants, prêta coif-
fer le loup aux abois.
grand Dauphin chassait le loup franchement à courre.
Il prenait des louvarts l'hiver et se hasardait, tout en
été et en automne, à courre des grands loups.
Dangeau, menm et gentilhomme d'honneur de M. le
Dauphin, qui a enregistré ces chasses avec la plus
grande exactitude, constate que l'équipage chassait
au moins une fois par semaine (il fit 02 chasses, pré-
sence de Monseigneur, pendant: l'année 1685). En bon
courtisan, Dangeau se tait habituellement sur le ré-
sultat des chasses ; comme il ne manque pas de signa-
ler les prises de grands loups comme des victoires
mémorables, on peut en conclure que la meute, toute
vaillante qu'elle était, ne triomphait que bien rare-
ment de ces infatigables animaux (I).
En revanche, on trouve, à chaque page du journal
de Dangeau, le récit de chasses singulièrement longues
et pénibles, qui prouvent en faveur du zèle et du fond
de l'équipage aussi bien que de la ténacité du maître (2).
Ces chasses mémorables avaient lieu parfois dans
des bois enclos de murs, comme les parcs de Versailles
et de Chantilly, le bois de Boulogne et la forêt de
Marly, plus souvent dans les forêts de Fontainebleau ,
Sénart, Saint-Léger, Monlfort, Bondy, Champagne, et
dans les bois de Yilleneuve-Saint-Georges, Montmo-
rency, Valéry, Marcoussy, Sainte-Geneviève, Laulhie,
Séquigny (3).
Le duc de Vendôme avait une meute excellente
(1) Voir la note B.
(2) Ibidem.
(3) Dangeau.
— 49 —
pour loup, avec laquelle Monseigneur chassait assez
souvent dans les environs d'Anet (1).
Les ducs d'Orléans, Gaston, frère de Louis XIII, et
Philippe, frère de Louis XIV, eurent aussi des véne-
ries pour loup très-considérables, dont ils ne pa-
raissent pas avoir fait grand usage (2).
Avec quels chiens chassaient ces fameux équipages ?
11 y a disette de renseignements à cet égard.
Les anciens théreuticographes citent, comme excel-
lents pour chasser loup, les chiens noirs de Saint-Hu-
bert et les chiens fauves de Bretagne. Gafïet de la
BrifTardière dit qu'il faut que les chiens de loup soient
de bonne taille, de poil gris et marqués de rouge aux
yeux et aux joues, ce qui semble indiquer des chiens
normands, descendants plus ou moins directs des
chiens gris de saint Louis.
Leverrier de la Conterie veut que le limier destiné
à cette chasse soit de vraie bonne race pour loup; « qu'il
soit de poil noir, gris ou rouge, qu'il soit bien tra-
versé, qu'il ail la tête carrée, l'œil gros et plein de feu,
qu'il soit naturellement ardent et pillard. » C'est en-
core ici un norrnand de la race noire, grise *ou fauve.
On ne sait rien de positif sur l'origine des chiens
qui composaient la meute de la grande louveterie. Il
est probable que la race venue originairement des
chiens de M. d'Andresy se propageait dans l'équipage
(1) 11 la fit même venir à son château de Meudon. {fbid., t. VII.)
Voir la note B.
(2) Voir les notes G et F, t. I-^'.
m. • 4
— 50 —
même à l'aide de quelques remontes de chiens nor-
mands et gascons (l).
Quant à la meule du grand Dauphin, on n'a presque
aucun renseignement sur son origine. A en juger par
le beau tableau de Desportes, qui représente une de
ses chasses de loup, le sang normand paraît avoir
dominé dans ce magnifique équipage (2).
En somme, presque toutes nos vieilles races fran-
çaises, gascons, sainlongeois, poitevins (3), ven-
déens, normands, étaient sans rivales pour chasser
loup, surtout les races à poil dur. Les chiens anglais,
au contraire, étaient réputés capables de chasser toutes
sortes de bestes, horsmis le loup [A].
Ceux-ci eurent cependant des partisans dès le règne
de Louis XIV. M. de Saint-Victor allait lui-même en
Angleterre choisir des chiens pour remonter la meule.
Cette question de l'aptitude des chiens anglais à
chasser le loup, qui naguère a passionné si vivement
(1) M. d'Andresy chassait sur les confins de la Normandie, et
ilenri IV a dû faire venir des chiens de loup de son pays natal.
(2) Ce tableau est conservé au musée du Louvre sous le n° 164. Il est
daté de 1702. Les chiens courants qui y figiy'ent sont tricolores ou
manlelés de fauve roux et d'une construction robuste et massive.
(3) Les chiens de Lai'ye jouissaient, pour la chasse du loup, d'une
réputation méritée. « Parmi les prouesses de ces chiens, en voici une
bien connue et bien authentique. En 1780 et tant, M. de Loi-y lance
un loup à la forêt des Coutumes avec 10 chiens; le loup débuche, son
piqueur et lui perdent la chasse : ils la cherchent vainement tout le
jour, et le lendemain, en revenant à cette même forêt des Coutumes,
près de Bellac, pour quêter leurs chiens, ils les retrouvent tous seize
<[ui chassaient vaillamment leur loup de la veille. Ils l'avaieul mené
et avaient été vus à la forêt de la Braconne, près d'Anpoidême, ii
15 lieues de là. » {.louninl ilrs (iuissruis, \UV année.)
(4) Salnove.
— 51 —
nos veneurs i\ l'occasion du déplacement en Poitou
de Sa Grâce le duc de Beaufort, avait déjà plus
d'une fois préoccupé nos ancêtres et donné lieu à
des expériences dont le résultat n'avait pas été très-
décisif.
On trouve dans le livre de Lisle de Moncel qu'un
gentilhomme anglais, établi en France vers 1750, réus-
sissait assez bien à forcer le grand loup. Le comte de
Charolais eut la curiosité de le voir à l'œuvre : « Dès
que le loup fut lancé, le gentilhomme anglais piqua
avec tant de vitesse que le prince parut avoir quelque
regret de s'être engagé à le suivre. Ce vigoureux chas-
seur avoit des chevaux d'une haleine unique: il fen-
doit l'air sans dire un mot, et la bride entre ses dents ;
jamais chasse ne fut ni si silencieuse ni si vive; enfin,
après avoir fait un chemin étonnant, le loup forcé
fit tête aux chiens. »
L'intrépide insulaire proposa alors au comte de Cha-
rolais de rétablir la chasse en envoyant chercher un
seau d'eau pour faire boire le loup et en faisant repo-
ser et rafraîchir les chiens pendant une demi-heure
dans une ferme voisine. Le prince ne se sentit nulle-
ment disposé à recommencer l'épreuve, tant la chasse
lui avait paru fatigante et triste. En conséquence, on
cassa la tête au loup, et tout fut dit (1).
Sur la fm de sa vie, le marquis d'Argenson avait
(1) Cette chasse, éminemment britannique, où le loup donné aux
chiens dans des circonstances évidemment très-favorables est étouffé
de vitesse, ne prouve pas grand'chose en faveur de la meute, malgré
son succès.
_ .H5 —
formé le projet de faire venir à son château des Ormes,
prèsChàlelleraultJe ducdeGrafton avec lequel il était
lié. Le duc devait amener ses chevaux et sa meute de
foxhounds pourchasser le loup. La mort du comte mit
tout à néant (1).
Les vieux veneurs de Normandie ont gardé le sou-
venir d'une autre expérience dont le résultat fut loin
d'être favorable aux chiens britanniques, et dont un
des acteurs existait encore il y a une trentaine d'an-
nées (2).
Quelque lempsavantla révolution, un gentlemanqui
étailvenu chasser en basse Normandie offrit au fameux
louvetier Saint-Sauveur de parier avec lui qu'il pren-
drait un vieux loup en six heures avec ses trente chiens
anglais et son himter. M. de Saint-Sauveur accepta,
en mettant pour enjeu sa meute çl son meilleur
cheval contre l'équipage de l'Anglais. Le sport-
sman manqua son loup et se noya en traversant une
rivière. M. de Saint-Sauveur attaqua le même loup le
lendemain et le prit (3j.
(1) Voyage d'ArUiur Youny,
(2) Cette anecdote est tirée d'une note fort intéressante de M. Le-
masson qui m'a été communiquée par M. le comte Le Gouteulx. M, Le-
masson tenait les faits du piqueur Paul Piel qui y avait assisté avec
M. de Saint-Sauveur, son maître. Cet excellent piqueur mourut très-
âgé à Saint-James (Manche).
(3) S'il fallait en croire une tradition très-répandue en Normandie,
ce serait à la suite de ce pari que M. de Saint-Sauveur aurait fait
pendre la meute anglaise aux arbres de son avenue. Piel n'ayant point
parlé à M. Lemasson de cette circonstance extraordinaire, l'authenti-
cité en est fort douteuse.
— 1)3 —
^ 2. CHASSES DU LOUP A TIH.
Le loup était chassé à tir, soit à l'affût, soit en bat- iautùi
lue, soit avec les chiens courants, soit en routaiUant.
Tant qu'on n'eut comme armes de jet que des arcs
et des arbalètes ou des armes à feu très-imparfaites,
on ne pouvait tirer le loup avec ces instruments diffi-
ciles à manier qu'en l'attirant à l'aide d'une traînée
et d'un carnage auprès de quelque poste d'affût bien
dissimulé, d'où le tireur embusqué lui envoyait de
pied ferme son trait ou sa balle (1). Clamorgan re-
commande cette méthode pour blesser d'un ciseau
d'arbalète (2) un loup qu'on veut faire prendre et
fouler par ses jeunes chiens. Robert Mouthois eut sou-
vent recours à ce moyen (3), qui continua d'être en
usage après l'invention du fusil à pierre. Tous les trai-
tés du xvnf siècle indiquent cette manière de tueries
loups. Ils insistent, avec raison, sur les précautions à
prendre en faisant la traînée pour que le loup dont
l'odorat est extrêmement subtil ne puisse s'apercevoir
(1) Il arrivait très-rarement qu'on rencontrât par hasard un loup
dans des conditions qui permissent de le tirer avec l'arquebuse sans
l'avoir affûté, comme Claude Gauchet qui se vante d'avoir un jour tué
deux loups, comme ils venaient de porter bas un chevreuil et en fai-
saient curée.
(2) Le ciseau, trait d'arbalète dont le fer était tranchant et coupé
carrément.
(3) Monthois appelle arquebuse l'arme dont il se servait ; comme
les armes à silex étaient inventées de son temps et qu'on les nommait
souvent arquebuses à fusil, on ne sait pas s'il tirait avec une arme à
rouet ou à pierre; il dit seulement que l'arquebuse ne doit pas avoir
plus de 4 pieds de long « afin que le bout d'i<"cllp ne sorte rpie peu
liors de la ironnière (meurtrière). »
(|ue la main de rii(3nime y est pour quelque chose (1).
Le tireumionlail sur un arbre, se cachait dans quelque
masure propice, se construisait une hutte de bran-
chages, ou se creusait un trou masqué par une petite
tente de toile noire. L'affût était nécessairement placé
sous le vent du carnage, on chargeait le fusil h postes
ou h balles franches; ces dernières étaient d'un tir
beaucoup plus sûr, surtout quand elles étaient faites
d'un mélange égal de plomb et d'étain (2), on devait se
servir d'un fusil double, dont on lirait les deux coups
ensemble.
Le. baiiue». Dès quc Ics armes à feu furent assez perfectionnées
pour qu'il fût possible de tirer un animal courant
avec quelque chance de succès, on en fit usage pour
chasser le loup en battue ou au triquetrac, comme on
disait autrefois.
Ces sortes de battues sont un des moyens de des-
truction recommandés aux officiers de la louveterie
par les ordonnances de 1600 et de 1601, et furent en
effet ordinairement exécutées par eux, avec plus ou
moins de succès, jusqu'à la révolution.
Robert Monihois donne les instructions nécessaires
pour prendre le loup mns chiens et le faire marcher au
triquetrac droit aux harquehmiers.
(1) LevriTitT (Ir la Contcric. — De Lisk' île Moncel. — Magné de
Marolles. — Qnel<iues chasseurs savaient attirer le louii en conti'olai-
sant son liurlemimt dans un sabot. D'autres faisaient traînée pour la
louve avec le corps d'un de ses louveteaux. {Uirl. d'ftisl. /;«/., v" Lotip.)
(2) De Lislo de Moncel. —Cet habile louveiiei- dit avoir tué avec son
frère 18 à 20 loups en deu.x hivers, d'un iiirùt praliiiué dans une tour
du ehàtenu de Coureelies en Arfronne.
Le directeur de la chasse placera les lireurs sans
bruit et à bon venl, à :200 pieds l'un de l'aulre,
chacun près d'un gros arbre, où le plus certain est,
encore de se brancher (1).
Il leur fera charger leurs arquebtises (2) de postes
ou de balles rondes pour servir de pillules au solitaire
quand il paroîtra.
Puis, il fera entrer ses traqueurs dans l'enceinte où
ils s'avanceront, menant grand bruit par cris et huées,
frappant des cailloux l'un contre l'autre, voire même
donnant l'auhade à messer loup avec des tambours et
deux ou trois mousquetades, ce qui le décidera à dé-
bucher sur la ligne des tireurs.
De Moncel compte les battues au nombre des
moyens qui lui ont été le plus utiles pour détruire les
loups; il décrit la manière dont procédaient de son
temps les officiers de louveterie et en fait voir les in-
convénients.
Pour ces battues officielles le lieutenant de louve-
terie mettait en réquisition, dans une communauté de
200 feux, moitié ou tiers des hommes valides, et la
totalité dans celles de 100 feux.
De simples gardes étaient le plus souvent chargés
de guider cette multitude indocile et bruyante, qu'ils
abandonnaient parfois au milieu d'un trac pour courir
se poster avec les tireurs. Ceux-ci étaient des gens
auxquels les maires et syndics avaient confié des
(1) Les loups auront éU> préalableinent ilétournés.
(2) Même remarque qui' pn'céfleramenf au suj^t «les arm':' =
— dG —
armes pour celte occasion seulement; ils étaient
presque toujours mal choisis, maladroits ou impru-
dents, et se faisaient rarement scrupule de proGler de
leur position pour brûler sur le gibier défendu les
munitions qui leur avaient été confiées.
Il en résultait beaucoup de bruit, des accidents fré-
quents, et fort peu de loups mis à bas.
De Moncel avait organisé ses battues d'ue façon
beaucoup plus efficace dans la province où il avait
été chargé de détruire les loups.
Parmi les paysans sujels aux corvées, il choisissait
36 particuliers exemptés de toute autre prestation, à la
charge de fournir douze journées de trac au louve-
tier. De Moncel prenait parmi eux 16 fusiliers, qu'il
exerçait lui-même avec le plus grand soin au ma-
niement de leurs armes. Les autres devenaient briga-
diers et maîtres traqueurs, chargés de conduire les
bandes de villageois requis pour faire les huées. Ils
devaient empêcher les traqueurs de faire du bruit
avant le signal, jes rangeaient en ligne et les faisaient
marcher en bon ordre, lorsque le signal avait été
donné par des coups de pistolet, en réglant leurs
mouvements sur le son des cornets.
Les maîtres tireurs, dirigés par un brigadier et
3 chefs d'escouade ou posteurs, et renforcés par les
gardes et les chasseurs de bonne volonté des envi-
rons, avaient bordé exactement l'enceinte à bon vent ;
les loups et autres betes nuisibles, poussés en avant
par les traqueurs et par des chiens dressés, vidaient
précipitamment l'enceinte et venaient essuyer le feu
des tireurs. Ce feu était quehiuefois très-vif, M. de
— 57 —
Moncel rapporte que, dans une battue qu'il fil le
A novembre 1776, en présence de plusieurs personnes
de considération, quatorze coups de fusil furent tirés
dans une seule enceinte, et que trois loups avaient
été tirés dans la précédente (1).
Goury de Charapgrand et Magné de Marolles parlent
de l'organisation des battues ou trictracs à peu près
dans le même sens, mais beaucoup plus brièvement.
Il ne paraît pas qu'on ait essayé de tirer le loup cha.se à tu
devant les chiens courants avant l'invention des armes Courants"'
à silex. L'allure du compère, sans être d'une vitesse
désordonnée, est en effet assez vive pour laisser peu
de chances de succès aux arquebuses incommodes qui
ont précédé le fusil.
La manière de procéder, considérée comme la meil-
leure, consistait à détourner le loup, à placer bon
nombre de tireurs à bon vent, et à découpler sur la
voie 6 chiens courants, appuyés par un valet de
limier. Il était bon d'avoir quelques tireurs à cheval
pour prendre les grands devants à toute bride, si le
loup échappait au feu de l'infanterie et le croiser à la
re fuite (2).
Pour routailler un loup avec le limier, ce qui était chasse du loup
encore la méthode la plus sûre, on postait les tireurs rouiauiani.
(1) De Lisle de Moncel propose de former des compagnies de chas-
seurs louvetiers dans les provinces les plus exposées. Ces compagnies,
outre les services qu'elles rendraient en temps de paix, pourraient en-
core être très-utiles à la guerre, pour fournir des éclaireurs et des ti-
railleurs excellents.
(2) Leverrier de la Conterie.
à la sonnette.
— 38 —
loul autour de l'enceinte où il avait été détourné, cl
un chasseur entrait seul sous bois, avec un limier
qu'il tenait à la hotte. Le loup, n'entendant der-
rière lui qu'un chien qui donne très-peu de voix,
s en moque et n'en va pas plus vile, il se fait relancer
de temps en temps et finit par sortir de l'enceinte sans
se presser. S'il est manqué, les chasseurs peuvent
prendre les devants du fort où il rentre et recom-
mencer l'opération (1).
chasseduioup Dcsgravicrs indique une manière assez curieuse de
routailler le loup en temps de neige, sans l'assistance
d'un limier.
Lorsqu'on a détourné la bête avec ou sans chiens,
ce qui nest pas bien malin quand le grand licre des ânes
est ouvert, on poste les tireurs comme à l'ordinaire, -et
on établit des défenses à mauvais vent pour empêcher
le loup de se dérober. Tout étant bien disposé, un
chasseur portant une sonnette, dont il a eu soin d'ar-
rêter le battant pour ne se faire entendre qu'en
temps opportun entre sous bois, frappe aux brisées
et démêle les voies du loup sans dire mot. Arrivé au
liteau, il dégage le battant de la sonnette, et annonce
en l'agitant que la bête est sur pied. Puis, il suit ses
voies à l'œil, pas à pas, sonnant de temps à autre pour
indiquer la direction que prend son loup. Celui-ci,
éventant les tireurs et les défenses, ruse et se fait
battre longtemps avant de se décider «i débucher.
(I) Levcrrioi' <\r 1m (lontiMMo, - Ma'gm'' de MaroUrs.
— 59 —
Enfin, fatigué du bruit de la sonnette, il prend son
parti et franchit la ligne des tireurs.
S'il y a plusieurs loups dans le bois, le premier
étant mort, on se transporte à une autre brisée et on
recommence la manœuvre.
Cette chasse amusante et destructive se faisait en-
core en Bourgogne, il y a quelques années.
§ 3. CHASSE DU LOUP AVEC TOUTES SORTES d'eNGINS ET DE PIEGES.
L'instinct rusé et défiant des loups et la vigueur de
leurs jarrets rendaient très-incertain le succès des
chasses à force et à tir, surtout avant le perfection-
nement des armes à feu , aussi n'est-il point d'in-
vention à laquelle on n'ait eu recours pour se débar-
rasser plus sûrement de ces bêtes malfaisantes.
Les rets ou panneaux furent un des engins les plus Les panneaux.
usités jusqu'à la fin du xvi^ siècle, on s'en est même
servi accidentellement jusqu'à nos jours (1).
Les panneaux dont on taisait usage pour prendre
les loups étaient des filets tissus de forte ficelle, de 7 à
8 pieds de haut et de 4 à 500 de longueur. On les ten-
dait à l'aide de câbles ou maîtres. Le ^naître inférieur
était fixé solidement contre terre avec des crochets.
Celui d'en haut était porté sur des fourches de bois,
de telle façon que fourches et panneaux tombaient
(I) Le Ruy Modus enseigne à prendre les loup^ au buissuiuier, c'est-à-
dire dans une enceinte de panneaux nii les carnassiers ont été attirés
en faisant traînée d'une fharofrne.
— 60 —
sur l'animal el l'enveloppaient lorsqu'il venait donner
dans le filet.
C'était avec ces panneaux (dits pans de rets au
XVI* siècle) qu'on prenait les loups dans les grandes
huées que faisaient les officiers de la Louveterie, avant
qu'on possédât des armes à feu assez maniables pour
les tirer au passage.
Pour ces huées officielles on tendait les pans de
rets sous le vent de l'enceinte où les loups avaient été
détournés.
Puis, à quelque jour de petite [este, non pas au di-
manche, qiiil faut garder selon le commandemeiit de Dieu,
les Louvetiers ou les Seigneurs du pays rassemblaient
tout le peuple du canton, divisé par paroisses, et
conduit par ses maires et syndics. Après les avoir mis
en bonne ordonnance, on donnait le signal en tirant
une boîte d'artillerie ou une grosse arquebuse, et tous
ces pitaux, armés de fourches, d'épieux, de méchants
hâtons à feu et de rouillardes, menant avec eux leurs
mâtins cazaniers, entraient sous bois, faisantgrand bruit
de trompes, cornets et tahourins, et criant de toutes
leurs forces. Les loups, épouvantés fuyaient devant
eux et allaient se jeter dans les panneaux. Aussitôt
qu'ils y étaient enveloppés, les hommes préposés à la
garde des rets, qui se tenaient cachés dans des buttes
de feuillage ou de toile teinte, se jetaient sur eux et
les assommaient (1).
(1) Claude Gauchel. — Clamorgan. — G. de Chainiigraiid. — C'est à
peu jirès ce que Gat^ton IMiœbus appelle chasser les loups à la croupie.
liarcc que les gardes di's rds s(> tenaient accroupis. La chasse à la
— 61 —
Lorsqu'on faisait la huée dans un bois bordant la
plaine, ou isolé de toutes parts, on laissait libre un
côté de l'enceinte et on y embusquait des laisses de
lévriers, de mestifs et de dogues pour coiffer ceux des
loups qui prenaient parti dans cette direction. Une
vingtaine de chiens courants étaient découplés dans
l'enceinte pour hâter leur fuite (1).
Les toiles étaient quelquefois employées concur- Lestones
remment avec les panneaux pour former l'enceinte.
Claude Gauchet, dans son poëmedu Plaisir des Champs,
nous donne la description d'une chasse de ce genre
où l'un des côtés de l'enceinte est fermé par une ri-
vière.
Je prends de paysants deux douzaines ou trois
Pour mettre au lieu de chiens dedans l'enclos des toilles
Armez tant seulement de chaudrons et de poisles
De tabours, de bassins, afin d'espouvanter
Les loups, pour dedans l'eau les contraindre saulter.
Il leur adjoint quelques lévriers bien mordants; les
loups, poussés parles traqueurs et les chiens, se pren-
nent dans les panneaux ou se jettent à la nage. Les
chasseurs, qui les attendaient dans des bateaux, les
assomment à coups de gaffe ou les noient.
On formait l'enceinte avec des toiles seulement,
quand on voulait faire combattre les loups avec des
croupie est seulement faite sur une plus petite échelle. Cette chasse des
loups dans les panneaux se trouve aussi représentée dans l'œuvre
de Ridinger.
(1) Claude Gauchet.
— 62 —
lévriers comme dans un amphithéâtre, ou les tirer à
coup sûr (l).
Les iassi(^res. Lcs lassièrcs étaient une autre sorte de rets en forme
de poche ou bourse, semblable ( sauf la grandeur et
la force) à celles avec lesquelles on prend les lapins.
Pour les tendre on choisissait une haie convena-
blement située près du buisson où l'on avait connais-
sance des loups, ou bien on en construisait une exprès.
Les lassières étaient placées dans des ouvertures pra-
tiquées de distance en distance. On attirait fréquem-
ment lesloupsavec une traînée, et le bois était entouré
de défenses de toutes parts, excepté le côté des lassières.
Tout étant préparé, on faisait fouler l'enceinte par
des traqueurs armés de clochettes et de clairons, et
par des chiens courants. Les loups, effrayés de tout ce
bruit, se jetaient dans les lassières.
Ce mode de destruction était encore pratiqué à la
fin du wni^ siècle (2).
Les lacs. Du tcmps dc Gastou Phœbus, des lacs ou collets
remplaçaient parfois les lassières dans les ouvertures
de la haie (3) ; on prenait aussi les loups aux hausse-
(1) Dangeau parle d'une de ces chasses de loups dans les toiles avec
des lévriers (t. III). Quelque temps après la mort du maréchal de Saxe,
on tua dans les toiles plusieurs loups qui avaient pénétré dans le parc
(le Ghambord. (De Lisle de Moncel.) Du temps de M. de Moncel, un
prince allemand faisait aux loups une chasse bizarre où l'enceinte était
formée de cordes auxquelles étaient suspendus des mannequins mo-
biles.
(2) G. Phœbus. — Clamorgan. — G. do Cham]igrand. — L. de la
Conterie.
(3) « Et puct tendre es pertuis s'il veult las commun à un moistre
ou las à deux meislres ou las de la lune ou polit las d(> povres gens,
ou cheveslre, ou las croisié. « (G. Phœbus.)
— 63 —
pieds; c élaionldes nœuds coulants altachés à un brin
de taillis qu'on courbait avec force jusqu'à terre et
qui se redressait quand la patte du loup était engagée
dans les lacs (1).
Dès les temps les plus reculés on s'est servi, pour Lésasses.
prendre les loups, de fosses ou louvières (1). Il en est
parlé dans la loi des Francs Ripuaires, dans les Capi-
tulaires de Charlemagne, dans Gaston Phœbus, aussi
bien que dans Clamorgan , dansGoury de Chanipgrand
et dans de Lisle de Moncel (2).
Ce dernier, qui faisait grand usage de fosses, leur
donnait 13 à 14 pieds de profondeur (3), et la forme
d'un cône tronqué, ayant au fond 12 pieds de dia-
mètre (i), et une ouverture de 6 à 7 (5), le tout bien
maçonné. Une poutrelle scellée dans le mur s'avançait
au-dessus de la fosse. Elle était terminée par un pla-
teau sur lequel on attachait un canard vivant. Dans
l'épaisseur du plateau étaient pratiqués des trous, oii
l'on faisait entrer des baguettes sèches et cassantes dont'
l'extrémilé allait s'appuyer sur le mur de la fosse, de
façon à figurer les rayons d'une roue. Le tout était
recouvert de paille. Le loup, attiré par des traînées et
par un appât composé, s'avançait pour saisir le canard
(1) Les hausse-pieds sont encore décrits dans Y Encyclopédie (Dic-
iionnaire de toutes les espèces de chasses) et dans le Dictionnaire
d'histoire naturelle, publié chez Déterville en l'an XI.
(Vj V. Ducange, v° Luperia. Le Louvre primitif (en latin du temps
Lu,para) doit peut-être son nom à une de ces louvières.
(3) 4™ ,22 à 4"', 54.
(4) S^/Jl.
(5) 1",95 à 2^27.
JÊl^
— 64 —
et tombait dans la fosse en brisant par son poids les
baguettes qui la couvraient.
Cette méthode servait principalement à l'habile
louvetier pour se procurer des loups vivants, qu'il
employait à dresser ses limiers et ses chiens courants,
après avoir cousu la gueule de la bete féroce. Il la
retirait de la fosse avec un nœud coulant passé à sa
patte.
D'autres fois on mettait au- dessus de lalouvière une
planche formant bascule avec l'appât à l'extrémité, ou
on la recouvrait d'une trappe en bois ou en clayon-
nage, et on attirait le loup soit en attachant à la trappe
un appât vivant, soit en faisant traînée d'une cha-
rogne qu'on faisait passer sur la trappe et qu'on sus-
pendait à un arbre voisin (1).
La galerie. I.c piégc appelé la gaUrie était une fosse perfec-
tionnée. On la faisait carrée, avec une trappe à deux
vantaux garnis de conlre-poids. Autour de cette fosse
étaient plantés en terre deux rangs de forts piquets
établis obliquement de manière à se joindre par le
haut et à figurer la charpente d'un toit. Une perche,
liée fortement avec des barres, représentait le faîte de
cette charpente, et le tout formait une espèce de ga-
lerie entourant la fosse de tous côtés. On y enfermait
un chien qui attirait le loup par ses hurlements. Le
brigand arrivait, tournait autour de la galerie sans
trouver d'entrée pour saisir sa proie, finissait par
(1) CUimorgan. — Encyclopédie. — Les nisrs innoccnlrs de la chasse
cf (le ta pêche, ])a.r F. F. R.D.G. dil le Solitaire iurenlif. Paris, IGGO.
— 65 —
sauter par-dessus el tombait dans la fosse, où il se
trouvait enfermé par le jeu de bascule des trappes. On
pouvait prendre plusieurs loups dans la même nuit
avec celte machine qui n'offrait pas les mêmes dangers
qu'une fosse ordinaire pour les hommes et les ani-
maux domestiques (1).
Pour prendre les loups vifs, Gaston Phœbus en- Les parcs.
seigne encore à faire un parc, consistant en deux en-
ceintes circulaires et concentriques de claies fortes et
épaisses. L'enceinte intérieure renferme un chevrel ou
aignel tout vif pour attirer le loup. L'autre enceinte
enveloppe la première et forme à l'entour un corridor,
trop étroit pour que la bête féroce puisse s'y retourner.
A l'entrée est une porte qui vient baitre contre l'en-
ceinte intérieure. Quand le loup, amené avec une
traînée, s'est engagé dans le corridor par cette porte
laissée ouverte, il fait le tour jusqu'à ce qu'il arrive à
\d porte qui bat, il la boute des deux pieds el de la tête,
si la reclot arrière, car il y a un cliquet qui se ferme,
« et ainsi ne puet-il saillir, mes toujours ira autour,
car le parc est bien haut. »
De ce passage de Gaston Phœbus, il résulte évi-
demment que l'idée de ce piège ne saurait être attri-
buée avec vraisemblance aux bergers de la Camargue,
comme le prétend un auteur, pas plus qu'au soi-
disant inventeur qui l'offrit comme sienne en 177;] à
(1) Diclionnairc dlnsloUr nalvrcUe de l'an XI, art. Loup, pai' Sun-
nini.
iii. 5
— 6G —
i'évéque de Châlons dont le diocèse était alors ravagé
par les loups (1).
Sonnini dit que le double parc était souvent mis en
usage de son temps dans plusieurs cantons de la
Suisse, et que lui-même l'a vu employer avec succès
dans quelques parties de la Lorraine (2).
Une autre espèce de parc est représentée dans les
planches de rE^icydopédie. Il est clos de fortes palis-
sades, sauf un côté où le terrain environnant est beau-
coup plus élevé que le fond du parc et où Ton pratique
une entrée coupée à pic. Le loup saute dans le parc
pour dévorer un appât qu'on y a déposé et ne peut
plus en sortir.
Gaston Phœbus combinait encore un parc ou palis
avec un piège qu'il appelle tables.
lps tables. Cc piégc était en bois et consistait en deux tables,
bordées de dents de fer, qui se fermaient au moyen
d'un ressort; on les tendait à plat sur le sol, à l'entrée
d'un palis qui renfermait une charogne dont on avait
fait traînée. Le loup, attiré par celte traîuée, voulait
pénétrer dans le palis, marchait sur la détente et se
trouvait pris par le pied (3).
Lachnmiire. La cliambre ou cage était un piège du même genre.
(1) Biblinllii-que ftisloriqite cl criliqur. Cet invenlcur .avait nom Lau-
rent Imbert, horloger, à Gronoblo.
(2) Dicl. d'hisl. nat. de l'an XI. Dans le piège décrit par Sonnini
sous le nom de double enceinte la porte est faite do façon à se rouvrir
après le passage du inuji d'^ manière à laisser l'entrée libre à d'autres
loups.
(3) « Aucune fois, ([uant il voit gent, ou le Jour le prent, il tire si
fort que lu pié li demuèi'e et il s'en va sans jiié. » (Gaston Phœbus.)
— 07 —
Elle était faite de forts barreaux de bois plantés en
terre et réunis par des traverses. On y renfermait une
proie à laquelle était attachée une corde faisant jouer
une porte battante. Le loup, en saisissant l'appât,
tirait la corde et s'enfermait lui-même (1).
Sur le passage d'un loup dont on avait connaissance Le fus»
on installait un ou plusieurs fusils posés sur des
fourchettes, le canon braqué à hauteur de l'animal (2).
Quand celui-ci venait pour passer, il mettait le pied
sur une marchelte qui répondait à la détente de
l'arme ou des armes au moyen d'un contre-poids (3).
Aux pièges à tables, décrits par Phœbus, succé- P'^-ses jivers.
dèrent des pièges de diverses façons qu'on trouvera
longuement et fastidieusement décrits dans les auteurs
spéciaux (4), traquenards, pièges de fer, hameçons à
ressorts (5).
Le point difficile pour en tirer parti était toujours
de vaincre l'excessive défiance du loup en dissimulant
soigneusement l'embûche et en évitant à tout prix de
toucher le piège avec la main nue, de peur que l'ani-
mal ne reconnût le sentiment de l'homme.
L'odeur du fer, celle de la corde de chanvre, de-
(1) Dicl. d'Iiisl. na(.
(2) Avant l'invention des armes à feu, un épieu rais en mouvement
par une pièce de bois élastique fortement courbée et formant ressort
servait au même usage. Voir Phœbus, ch. Lxni.
(3) Dicl. d'hisl. nat. — Encyclopédie.
(4) Voir les Ruses innocentes du Solitaire inventif. — Les amuse-
ments de la campagne, par le S'' Liger. — Les diverses éditions de l;i
Maison rustique. — U Encyclopédie. — Le Dicl. d'hist. nat., etc.
(5) Ces hameçons, suspendus à des arbres et amorcés d'un lambeau
de charogne, saisissaient par la gueule les loups qui sautaient après.
— G8 —
valent aussi être neutralisées par divers moyens ingé-
nieux.
Le poison était un moyen de destruction fort en
usage. De Moncel donne les détails les plus circon-
stanciés sur la manière de le composer et de le faire
avaler aux loups, mais cet assassinat, quoique fort
licite dans son but, ne peut mériter l'honneur d'être
compté pour une chasse.
Il en est de même des aiguilles auxquelles Gaston
Phœbus a consacré un court chapitre et dont parle
encore Sonnini (1).
Outre les traînées de charogne, on se servait, pour
attirer les loups, de diverses compositions peu ragoû-
tantes, dont les piégeurs ont toujours fait grand mys-
tère, mais dont on ne trouve pas moins les recettes
dans tous les traités.
(1) « Ci devise comment on puet prendre les Ions aux aiguilles. »
Ces aiguilles, pointues des deux bouts, sont attachées en croix avec
un crin de cheval. En les forçant peu à peu, on les replie l'une sur
l'autre de manière à pouvoir les faire entrer dans une pièce de chair.
Le loup, qui mange gloulonnemenl comme l'a dit La Fontaine, avale,
sans le mâcher, le morceau si gracieusement assaisonné. Dès qu'il
était digéré, les aiguilles se redressaient, reprenaient leur forme de
croix et perçaient les intestins de la bête vorace. On peut se servir, au
lieu d'aiguilles, d'hameçons de pèches à deux pointes. (Gaston Phœbus.
— Dicl. cVhisl. nal.)
LIVRE VII.
LA FAUCONNERIE.
CHAPITRE PREMIER.
Origines et histoire.
§ 1. PREMIERS TEMPS DE LA FAUCONNERIE.
La chasse au vol, que nous appelons ordinairement
fauconnerie (1), n'a pas été connue des peuples civi-
lisés de l'antiquité. Les Grecs eurent seulement
quelques notions d'oiseaux de proie dressés à la chasse
par des nations barbares et éloignées.
Clésias, médecin et historien grec, contemporain
de Xénophon, avait oui dire à la cour du Roi de
Perse, où il avait vécu assez longtemps, que certaines
(1) Au moyen âge, on disait volerie. Le mol de fauconnerie désignait
spécialement la chasse qiii se faisait avec des oiseaux de haut vol.
— 70 —
peuplades à demi fabuleuses de l'Inde se servaient,
ï)our chasser le renard elle lièvre, d'aigles, de milans,
de corbeaux et de corneilles (1).
Arislote rapporte que des oiseleurs thraces des
environs d'AmphipoIis avaient formé une association
avec les éperviers. Ces hommes battaient les buissons
et les roseaux pour faire partir les oisillons, tandis
que les éperviers, planant au-dessus, efîrayaient
ceux-ci et les forçaient de se jeter dans les filets (2).
Ce fait, qui est reproduit par Pline et par Élien (3),
paraît avoir beaucoup étonné les anciens. Il ne s'agit
pas, en réalité, d'une chasse au vol dans laquelle des
oiseaux de proie dressés saisissent le gibier pour le
livrer au chasseur. L'épervier ne servait ici que
d'épouvantail pour contraindre les oiseaux à raser la
terre et à donner dans les filets de l'oiseleur (4).
(l) Pline parle ilïin certain Craterus, dit Monoceros, qui vivait de
son temps en Asie Mineure et qui chassait à l'aide de corbeaux qu'il
portait sur ses épaules et sur le cimier de son casque. {Ilisl. nat.,
lib. X, cai). GO.)
('2) IJisl. aniin., lib. X.
(3) Oppien fait allusion à la chasse décrite par Aristote, lorsqu'il
parle des plaisirs de l'oiseleur que son faucon rapide, associé de ses
travaux, suit à travers les forets de chênes. (Uynef/., lib. I.) C'est en-
core cette espèce de chasse qu'a en vue Martial dans ce distique où
il l'iiit ])arler un éper^lcr (accipilrr) :
Prcedo fui vulucrum, famulus nunc aucupis, idem
Decipil, et captas non sibi, mœrct aves.
(4) En Allemagne, au siècle dernier, on su servait d'un autour pour
obliger le? perdrix à se jeter dans la tonnelle ou à rester rasées sous
la tirasse (voir les gravures de Ridinger). Celte chasse était encore
usitée en Pologne il y a ffelques années. {Journal tien rhasseurs, 1844.)
— 71 —
La vérilable chasse au vol est mentionnée pour la
première fois au iv'' siècle de notre ère par Julius
Firmicus Maternus(l). Nous avons cité déjà les pas-
sages de Sidoine Apollinaire où plusieurs nobles gallo-
romains, ses contemporains, sont loués de leur habi-
leté dans l'art de dresser des oiseaux de proie.
De qui les Gaulois tenaient-ils leurs connaissances
en matière de fauconnerie ? Sans aucun doute des
Germains qui avaient commencé depuis longtemps à
envahir les Gaules. Mais d'où venait aux Germains
eux-mêmes cet art ingénieux qui a fait pendant tant
de siècles les délices de l'Europe entière? Le champ
des conjectures reste ouvert. Peut-être leurs aïeux en
avaient-ils reçu les premières notions des habitants
de l'Inde, à cette époque antérieure à l'histoire où ils
habitaient encore les hauts plateaux de l'Asie cen-
trale (2).
Toujours est-il que les Francs, les Burgondes et les
Visigolhs, qui se partagèrent la Gaule, étaient aussi
épris de la chasse au vol que des autres chasses.
Sous le règne de Chilpéric 1", soû fils, le jeune
Mérovée, se voyant menacé par la terrible Frédégonde,
(1) Voir le Trailé de fauconnerie de H. Schlegel el A. H. Verster
(le Wulverhorst, Leyde et Dusseldorf, 1844-1853.
(2) La fauconnerie était en usage chez les Perses et les Arméniens
dès le iv"= siècle. En 345, Ghosroès, fils de Tiridate, Roi d'Arménie,
vivait retii'é dans un château bâti au milieu des bois où il jiassait son
temps à chasser, tantôt avec des chiens, tantôt avec des oiseaux. (Gib-
bon. Décadence de V Empire romuiji, t. IV.) — S'il faut en croire le.•^
livres japonais, Wen-Wang, Roi d'une jiarlie de la Chine, qui régna
de l'an G89 à l'an 675 avant l'ère chrétienne, se livrait à l'exercice dts
la fauconnerie. (Schlegel.)
— 72 —
s'était réfugié dans l'église de Saint-Martin-de -Tours.
Gonlran Boson, chargé de le faire sortir par ruse de
cet asilo inviolable, ne trouva rien de mieux que de
lui proposer une chasse à l'oiseau. « Que faisons-
nous ici, lui dit-il, à croupir dans l'oisiveté et la
paresse ? faisons venir nos chevaux, prenons nos
autours et nos chiens , et allons-nous-en à la
chasse (1). »
Les lois des Francs et des autres peuples de race
germanique, qui nous ont déjà fourni de si utiles ren-
seignements sur leurs chasses et leurs meutes, nous
donnent sur leur fauconnerie des détails non moins
étendus.
Le vol d'un autour [acceptor] est puni, par la loi
salique, d'une amende de 3 sols, s'il a été pris dans
un arbre (2), de 15 sols s'il était sur sa perche, de
40 sols s'il était enfermé sous clef.
L'amende était la même pour le vol d'un épervier
[sparvarins).
Le vol d'un autour qui chassait l'oie sauvage don-
nait lieu chez les Alamans à une amende de 3 sols.
Elle était du double si l'oiseau mordait la grue (3).
Chez les Bavarois, quiconque était convaincu
d'avoir volé un autour ou un épervier devait en payer
neuf fois la valeur.
(1) Grép. de Tours, li\. V.
(2) Dans l'aire, suivant (inchiui's l'iiniincnlalcius, niai> |iiuLùl. lorsqu'il
se branchuil pour guetlei- Ir liibier, sui\anl la couluun' îles autours.
(3) Si grxu'iii inardet.
— 73 —
Si quelqu'un tuait un autour dressé au vol de la
grue [cranoliari] (1), il payait G sols d'amende et res-
tituait au propriétaire lésé un oiseau semblable, en
prêtant serment que cet autour était aussi bien dressé
que l'autour mort.
Si l'oiseau tué volait l'oie sauvage {ganshapuch en
langue germanique) (2), l'amende était de 3 sols;
S'il volait le canard (anothapuch) (3), d'un sol seu-
lement.
La loi des Burgondes, dite loi Gombette, pour punir
le vol d'un autour, menaçait le coupable d'un supplice
aussi bizarre que cruel, qui rappelle l'histoire du juif
Shylock.
« Si quelqu'un s'est permis de voler l'aulour d'au-
trui, que cet autour lui-même mange 6 onces de chair
sur sa poitrine, ou, s'il ne veut pas, qu'il soit forcé de
payer 6 sols à celui ù qui appartient l'autour, plus
2 sols à litre d'amende. »
Il résulte de ces textes que les Germains se
servaient surtout d'oiseaux de bas vol, autours et
éperviers (4); toutefois, dès le commencement du
vin*' siècle, ils savaient dresser les oiseaux de haut vol.
(1) Crane-harrier en anglais signilierait un oiseau c[ui poursuit les
grues, comme hen-harrier, nom donné à la soubuse, veut dire persé-
cuteur de poules.
(2) En allemand moderne Gatis-liabiclil-, autour à oies.
(3) AU. Enl-hahichi, autour à canards.
1,4) La loi des Francs ripuaires, l'aisaut l'évaluation des objets mobi-
liers considérés comme les plus précieux et susceptibles d'être ollerts
comme Wrreijild ou coin]icnsatiou, estime un autour non dressé 3 sols-,
un oiseau rjniijev ayant pris \)Yo\^'{coinmorsHin f/ruariaiii), (J sols; nu
aulour inné {inulHitiiii), \l sols.
— 75 —
HilcJebert, roi saxon de Kent, écrivait en 715 à
saint Boniface, évoque de Mayence : « Il est une
cliose que je désire obtenir par vous, ce sont deux
faucons qui aient l'art et le courage de saisir et lier
volontairement les grues, et les ayant liées, de les
porter par terre, car on trouve très-peu d'oiseaux
de proie de ce genre dans nos contrées, c'est-à-dire
dans le pays de Kent (1). »
Le saint évoque accomplit le vœu du chef anglo-
saxon : « Nous t'avons adressé, lui répond-il, un au-
tour et deux faucons (2). »
On a pu lire plus haut que les Rois et Empereurs
carlovingiens étaient grands amateurs de faucon-
nerie.
Lors du siège de Paris par les Normands (887), on
vil un exemple touchant de l'affection que les guer-
riers français portaient à leurs oiseaux de chasse.
Douze braves, qui avaient défendu avec acharnement
la tète du grand pont, se voyant coupés et près de
succomber au nombre, voulurent, avant de mourir,
détacher les longes de leurs autours et leur rendre la
liberté (3).
(I) Baroniiis, cité parDiicange, v" Falco ot Cranoliori.
('2) Ibid. — Alfred le Grand, Roi des Anglo-Saxoiis (871-900), coiniiosa
un traité sur la manière de dresser les autoui's. (Sharon Turiu'r, IJisl.
(if ihe Anglo-Sax.,i. II.)
(3) Parme sur le siège de Paris, ])nv Ahbon, cité par les IF. Lalle-
mand, Mhl. Thereid. En 936, Eudes le fauconnier rebâtit l'église de
Saint-Méderic. On y retrouva iui .wr siècle son corps, <loiil les jambes
'Haient couvertes de bottines en cuir doré.
— 75 —
§ 2. ÉPOQUE FÉODALE.
Les Gaulois et les Francs transmirent à leurs des-
cendants leur penchant pour la fauconnerie.
Pendant l'époque féodale, la chasse au vol est con-
sidérée comme égalant la vénerie en gentillesse et en
importance. Quelques fauconniers amoureux de leur
art osèrent même réclamer pour lui la première
place (l). Ce débat entre fauconniers et veneurs se
poursuit, sans être jamais entièrement vidé, dans tous
les ouvrages théreutiques du moyen âge, notamment
dans le Roij Mochis, Gace de hi Buigne et Guillaume
Tardif, sans compter le poète Guillaume Crétin, qui
a pris la peine de publier en son nom le débat de deux
dames sur le passetemps de la chasse aux chiens et aux
oiseaux, copie presque littérale du poème intercalé
dans le Roy Modus (2).
Au xvi'' siècle, on voit du Fouilloux déclarer pé-
remptoirement :
Que, n'en desplaise aux l'aucouniers véreurs
Leur estât n'est comparable aux veneurs,
Ce qui n'empêche pas les fauconniers du siècle
suivant de réclamer encore la prééminence (3).
(I) L'Empereur Frédéric II consacre le premier chapitre de son
traité de fauconnerie à prouver que l'art de chasser à l'oiseau est plus
noble que les autres chasses. — Ses principales raisons sont que celte
chasse est la moins vulgaire, la plus dilTicile, la plus savante, et que
le l'auconnier, en étudiant son art, ]>énètrc i)lus [irofondément dans les
secrets de la nature que tout autre chasseur.
(Q) Paris, lô26 et 1528. — L'auteur a nie!'me laissé h^ soin dr pin-
noncer l'arrêt au comte de'Tancarvilli'. moil depuis )>lus d'un siècle
(3) Voir, entre autres, d'Arcussia.
— 76 —
Le faucon, doiil une variélé porUiit spécialemeiU le
nom de (jentil, élail considéré comme nn oiseau es-
sentiellement noble (1). Il en était de même de tous
les oiseaux de voierie.
L'esprevii.'r, le gcnlil riuilcou
Sont de si très-noble nature
Que de vlllcnic n'ont cure (2).
En certaines provinces la possession de ces vola-
tiles aristocraticjues n'était permise qu'aux gentils-
hommes (3). Richard, roi d'Angleterre et duc de Nor-
mandie, faillit se faire indignement bàtonner, tout
Cœur de Lion qu'il était, pour avoir voulu appliquer
en Sicile cette doctrine exclusive (4).
On prêtait serment sur son oiseau : « Si je ments,
puissé-je ne jamais porter l'épervier à la chasse, qu'au
(1) ... Tiifj fulco comimalinen
Lur Senhor rcndon plusvalot
Tiig falco son d'aUal naiura
Que lur Senhor per els meilliira.
(Poëi)ie (les oisecnix, de Deudes de Prades.)
(2) Gace de la Buigne. — Tel n'était pas l'avis du troubadour Ber-
trand de Born, guerroyeur forcené, qui donne aux barons amateui's do
fauconnerie la qualilication de dresseurs de buses {buzaeadur) et leur
ri'proche de ne savoir i)arler que de fauconnerie et d'autours.
Et Jamais d'armes ni d'amours.
(3) Les bourgeois des bonnes villes avaient en général le droit de
chasser avec les oiseaux de bas vol.
(4) Comme il se promenait aux environs de Messine , il entendit le
cri d'un épcrvier sortir de la maison d'un iiaysan. Richard, oid)liant
qu'en Sicile il n'en était i)as tout à l'ait comme dans sou propre
royaume, entra dans la maison, jirit l'oiseau et voulut l'emiJorter. Mais
le iiaysan résista, appela ses voisins à l'aiile, et le Cœur di; Lion fut
ol)ligé de prendre la fuite, poursuivi par cette canaille à coups de bâ-
ton et de pierres. (Aug. Thieri'j , Hisl. delà contj. d'Anfjl., t. IV.)
premier vol je perde rnon oiseau, que des faucons
sauvages l'enlèvent et le plument à mes yeux (l)! »
Porter l'oiseau sur le poing était considéré comme
lin signe de noblesse, aussi chevaliers et dames châ-
telaines ne le quittaient guère. Certains seigneurs te-
naient pour un de leurs plus honorables privilèges le
droit héréditaire de porter à l'église un oiseau de
chasse (2).
Les bourgeois en agissaient de môme pour les oi-
seaux qu'ils avaient le droit d'entretenir; ils les por-
taient aux plaids, et entre les gens aux églises, et es
autres assemblées (8).
Dans toute hôtellerie bien tenue, comme dans la
salle de tout gentilhomme, on voyait près de la
grande cheminée de grosses perches où l'on faisait
reposer et réchauffer faucons et autours au retour de
la chasse (4).
Le faucon, l'autour et l'épervier étaient souvent
offerts en signe d'hommage à un seigneur suzerain (5)
ou môme à une église. La terre de Maintenon devait
(1) Millot, Ilist. des Troubadours, t. I.
(2) Les seigneurs de Chastellux et de la Ferté Cliauderon entraient
dans le chœur des églises cathédrales d'Auxerre et de Nevers, en sur-
plis, armés et éperonnés, avec un oiseau sur le poing. Ce droit de
porter l'oiseau au chœur leur était commun avec les trésoriers de ces
églises. Le seigneur de Sassy, prèsAnet, pouvait faire porter et mettre
son oiseau de chasse pendant l'oflice sur le coin du grand autel de
l'église de Notre-Dame d'Evreux. — Du Gange, v" Acccplor.— Ménagier
de Paris, t. IL Note. — Collection Leber, t. IX.
(3) Ménagier de Ports, t. IL — Ce port continuel de l'oiseau était
de plus un moyen de l'apprivoiser.
(4) Gace de la Buigue. — Gontes d'Eutrapcl.
(5) Voir plus haut.
— 78 —
le jour de l' Assomption, à l'église de Notre-Dame -de-
Charlres, un épervier armé et prenant proie (I).
Par contre, l'abbé de Saint-Tibère (ou Thibery)
était tenu d'offrir au Roi un sacre sor ou 50 sols tour-
nois (2).
Certains seigneurs faisaient payer à leurs vassaux
une redevance pour l'entretien de leurs faucons.
C'est ce qu'on appelait le droit de fauconnafjc (3).
Les plus grands égards étaient dus aux oiseaux
gentils. Il fallait non-seulement qu'un bon fauconnier
fût soigneux, doux et propre, mais encore qu'il ne
fût ni luxurieux ni ivrogne, et qu'il ne mangeât ni
ail ni oignons (4).
Nous avons déjà fait voir le faucon allante la guerre
ou partant pour la terre sainte sur le poing de son
noble maître.
Philippe- Lorsque Philippe-Auguste débarqua devant Saint-
Jean-d'Acre, « il avait avec lui un faucon d'une gros-
seur extraordinaire, de couleur blanche et d'une es-
pèce rare (5). Le Roi l'aimait beaucoup; le faucon
aimait également le Roi. Cet oiseau vola sur les murs
d'Acre et fut pris par les Sarrasins qui vinrent l'of-
frir au sultan. Les Francs, pour le ravoir, proposèrent
1,000 écus d'or; ils ne l'obtinrent pas (6). »
(1) Le vérilable fauconnier, i)ar M" C. de Morais, etc. Paris, 1083.
(2) Ducange, v" Suunis. — (lliartc de l'an 1273.
(3) Voir Ducango, v Falconafjium.
(4) Deudcs de Prades. — Frédéric II. — D'Arcussia.
(5) Probablement un gerfaut lilanc, oiseau inconnu des Orientaux à
à celte époque.
(6) Vie de Nourcddin e[ de Salah-Eddin. — Michaud, Histoire des
Croisades, t. "VII.
Auguste.
ûrieiilaiix.
— 79 —
Un peu plus tard, un parlemenlnire envoyé par r.iciiani
Richard Cœur de Lion ù Saladin pour lui offrir des ^"•"^^'"■''^"•
présents, dit à Malek-Adhel, frère du sultan, que les
faucons et autres oiseaux de chasse apportés par le Roi
d'Angleterre avaient souffert du voyage et mouraient
de besoin. « Te plairait-il, ajoutait l'envoyé, de nous
donner quelques poules pour les nourrir? dès qu'ils
seront rétablis, nous en ferons hommage au sul-
tan. »
« Dis plutôt, repartit 3Ialek-Âdhel, que ton maître
est malade et qu'il a besoin de volailles pour se re-
faire. Au reste, qu'à cela ne tienne, il en aura tant
qu'il voudra (1). »
Ces princes musulmans, adversaires si courtois de Fauconniers
nos croisés, étaient eux-mêmes de grands amateurs
de volerie, et avaient à leur service de très habiles
fauconniers. L'Empereur Frédéric II, dans son traité,
avoue devoir aux fauconniers arabes une partie no-
table de ses connaissances, et leur attribue de nom-
breux f erfeclionnements adoptés à l'époque des croi-
sades par les Européens. Les chrétiens de Palestine
avaient également profité de leurs leçons; la cour des
Rois de Chypre de la maison de Lusignan et celle des
princes d'Antioche paraissent surtout avoir été des
pépinières de fauconniers excellents. Les écrits de
plusieurs de ces fauconniers orientaux, musulmans
et chrétiens, firent autorité pendant le moyen âge et
{\)Exlraili> ihs hislorlens arabes mr les Croisades, par M. Reinaud.
— 80 —
furent souvent cités et consultés par les auteurs de
l'Occident (1).
Comme son aïeul Philippe-Auguste, saint Louis
aimait la fauconnerie. Ce n'est pas une raison pour
attribuer à ce sage Roi, comme l'a fait Sainte-Palaye,
l'historiette absurde racontée dans un roman de fau-
connerie du xn*" siècle.
D'après ce roman, un Roi nommé Louis étant allé
à la chasse au vol, un de ses faucons attaqua un aigle
égaré et le tua. Les fauconniers s'émerveillaient du
courage de l'oiseau, mais leur maître, sans leur
répondre, ordonna qu'on le mît à mort pour avoir
osé entreprendre sur son Roi (2).
Tous les descendants de Philippe-Auguste et de
saint Louis furent, comme eux, fauconniers aussi
bien que veneurs.
Kobprt, Robert d'Anjou, Roi de Naples et comte de Pro-
vence, petit-neveu du saint Roi (1309-1312), importa
dans son comté les vols du héron et de l'outarde. Il
chassait celle-ci dans la Crau d'Arles, faisant 5if/^ourir
ses faucons par des lévriers, dressés à tuer des
paons (3). Le canton qu'il avait fait réserver pour y
prendre le plaisir de la chasse au vol, près d'Arles,
s'appelait encore de son nom au xvn^ siècle. D'Arcussia,
qui rapporte ce fait, dit que Louis de Tarente, mari
{\) Voir Francières el Tardif.
('2) D'Arcussia ot le P. Renù-Binct attribuent une anecdote sem-
lilahle à Maliomet II avec beaucoup plus do vraisemblance.
(3) Pour dresser les chiens et les faucons à attaquer les gros oi-
seaux comme l'outarde, la grue, etc., on leur faisait tuer des dindes
P.ui de Naiile.';,
— 81 —
(le Jeanne P% petite -fille et héritière de Robert, se
trouvant en Provence, voulut aussi donner son nom
à un ruisseau sur les bords duquel il chassait les
hérons. De là le nom de Louynes ou Luynes (1).
Gace de la Buigne nous a laissé le récit d'une chasse
au vol de Charles V ; on y voit ce Roi assistant, après
son dîner, à l'essai de deux oiseaux nommés taharotes
(ou tagarots] qui lui avaient été offerts par le conné-
table Bertrand Duguesclin, et qui venaient de Barbarie
outre-mer. Les fauconniers du Roi leur firent voler
une grue, qu'ils portèrent bas admirablement et qui
fut tuée par deux lévriers, découplés pour avoir en
aide aux faucons. Le comte de Tancarville, qui était
présent, fut tellement ravi de ce vol merveilleux,
qu'il n'aurait pas voulu donner ce déduit pour mille
petits florins (^].
Le fameux rêve de Charles VI, auquel il a déjà été
fait allusion, donne sujet à Froissart de tracer le
au xvii'^ siècle. Au xv, avant l'importation du dindon, les grands sei-
gneurs se servaient de paons.
(1) « La quantité des hairons estoit pour lors telle en ce ruisseau
et prairies d'autour qu'on en trouvoit abondamment Ils faisoient leurs
petits sur les grands ormes que le lieu produit naturellement et les
hairons s'y plaisent si bien encores aujourd'huy, qu'il s'en voit tous-
jours quelqu'un, en sorte que sans les arquebusiers qui les espouvan-
tent, on y en verroit quantité. » (D'Arcussia.)
(2) Sainte-Palaye juge à propos d'en conclure que cet illustre chas-
seur réunissait le titre de grand veneur à celui de grand l'auconnier.
Il n'en est rien. Les charges de grand veneur et de grand fauconnier
n'existaient pas encore. Le maisire veneur du Roy, sous Charles V,
était Jean de Thubeauville, qui fut remplacé en 1377 par Philippe de
Courguilleroy, et la charge de maisire fauconnier fut occupée pendant
son règne par Eustache de Chisy, Nicolas Thomas et Enguerrand
d'Argies. Selon Gace de la Buigne, les fauconniers de Charles \'
avaient bien trente "pièces d'oiseaux.
II. 6
— 82 —
labloau d'une chasse au vol avec cel art inimilable et
celle vivacilé de couleurs qui n'appartiennent qu'à
lui.
Le jeune Roi Charles YI, séjournant en la ville de
Senlis, rêva une belle nuit qu'il était auprès d'Arras,
et que le comte de Flandre lui venait asseoir sur le
poing un faucon pèlerin moult gent et moull bel, qu'il
lui donnait en bonne élrenne.
Le Roi, tout joyeux de ce présent, proposait à son
connétable, messire Olivier de Clisson, d'aller éj)rou-
t^er ce gentil faucon.
« Adonc montoienl-ils à cheval eux deux seule-
ment, et venoient aux champs, et prenoit ce faucon
de la main du Roy le connestable, et trouvoient moult
bien à voler et grand foison de hérons. Adonc disoit
le Roy : Connestable, jetez l'oisel, si verrons comment
' il chassera et volera. El le connestable le jetoit, et cil
faucon monloit si haut qu'à peine le pouvoient-iis
choisir en l'air, et prenoit son chemin sur Flandre...
et chevauchoient, c'esloit avis au Roy, au férir des
espérons, parmi un grand marais, et trouvoient un
bois durement fort, et dru d'espines et de ronces et de
mauvais bois à chevaucher. Là disoit le Roy : à pied,
à pied, nous ne pouvons passer ce bois. A donc des-
cendoient-ils et se meltoientà pied, et venoient leurs
varlets qui prenoient leurs chevaux, et le Roy et le
connestable entroient en ce bois à grand peine, et
tant alloient que ils venoient en une trop ample lande,
et la véoient le faucon qui chassoit hérons et abattoit
vi se combattoit à eux et eux à luy. Et sembloil au Roy
(jue son faucon y faisoit foison d'appertises et chas-
_ 83 —
soit oiseaux devant luy tant qu'ils en perdoient la vue.
Adonc estoit le Roy trop courroucé de ce qu'il ne
pouYoit suivir son oiseau, et disoit au connestable :
Je perdrai mon faucon dont je aurai grand ennui, ni
n'ai loirre (leurre) ni ordonnance de quoi je le puisse
réclamer. »
C'est alors que paraissait ce fameux cerf portant
douze ailes, qui venait offrir ses services au Roi et
l'emportait par-dessus les grands bois et les grands
arbres, à la suite du faucon qui continuait d'abattre
hérons à grand planté (foison).
Quand il eut assez volé au gré du Roi, Charles VI le
rédama. L'oiseau, comme bien duit, vint s'asseoir sur
le poing du Roi qui le reprit par les ongles et le mit à
son devoir. Puis, le cerf, abaissant son vol, revint dé-
poser le Roi en la propre lande où il l'avait enchargé (1).
Le comte de Flandre , qui figure dans ce rêve
bizarre, était Louis de Mâle, qui, au dire de Gace de
la Buigne, savait des oiseaux autant qu'homme qui soit
à Bruges ou à Rome.
Charles VI se disposait alors à marcher à son se-
cours contre les Gantois révoltés. Plus de trente ans
auparavant, ce même comte était tenu en prison cour-
toise par ses sujets qui voulaient lui faire épouser
contre son gré une princesse d'Angleterre. Louis de
Mâle avait obtenu permission d'aller en rivière (2),
bien et dûment accompagné. Pendant la semaine qui
(1) Froissart, liv. II, ch. clxiv.
(2) Voler les oiseaux d'eau.
— 84 —
précédait le jour fixé pour son mariage, élant à la
chasse comme à son ordinaire, il jeta un faucon après
le héron, et son fauconnier eu fit autant; « si se mi-
rent ces deux faucons en chasse et le comte après,
ainsi que pour les loirrer (leurrer), en disant : h'oie,
hoie (1)! » et quand il fut un petit éloigné, il piqua
des deux et s'en alla toujours avant, sans retourner,
de façon que ses gardes le perdirent, et qu'il s'en vint
chercher refuge sur les terres de France (2).
Ducs Pour la chasse au vol comme pour la vénerie, le
d'Orléans. ^^^ Louis d'Orléans rivalisait de son mieux avec son
frère Charles VI. Il achetait de toutes parts et à haut
prix de beaux oiseaux de chasse qu'on armait riche-
ment (3).
Les deux frères allaient chasser au vol, vêtus de
robes pareilles, sur chacune desquelles tintait une
douzaine de clochettes, suspendues à des rubans d'or
de Chypre (4).
Charles d'Orléans, l'aimable poêle, a laissé dans ses
œuvres la trace de sa prédilection pour la fauconnerie.
On y trouve un rondel assez ingénieusement composé
des termes techniques de l'art.
Mon cueur ])lus no volera (5)
Il est encapuchonné (G)
(1) Cri pour rappeler le laucon. Au xvi'' siècle, ce cri n'était plus en
usage que pour le vol de la pie. Les Arabes se servent encore du cri
(le ouye! pour rappeler leurs oiseaux.
(2) Froissart, liv. I, ch. nccxii.
(3) Louis et Charles, ducs d'Orléans.
(4) Ducs de Bourgoçine, t. III. (Comptes de Rlois.)
(5) Ne chassera an vol.
(6) Comme un faucon au repos.
— 85 —
Nonchaloir l'a ordonné,
Qui jà pieça le m'osta.
Confort depuis ne luy a
Cure ne a lirer donné (1).
Mon cueur plus ne volera, etc.
Se sa gorge geltera (2),
Je ne sçay, car gouverné
Ne l'ay, mais abandonné ;
Soit com advenir pourra.
Mon cueur plus ne volera
Malgré la prédilection avouée de Louis XI pour la lo"'* >^i.
vénerie, c'était merveilleuse chose que la dépense qu'il
faisait pour ses chasses au vol (3).
Les magnificences de la cour de Bourgogne en fait ducs
^ t \ I -w ^^ Bourgogne.
de lauconnerie ont déjà passe sous nos yeux. Les
Pays-Bas, que gouvernaient les princes bourguignons,
étaient peut-être le pays de l'Europe où se trouvaient
alors les meilleurs fiiuconniers. Les oiseaux qu'on y
dressait formèrent jusqu'au xvn* siècle un objet de
commerce important (A).
« Il sera facile de juger en quelle estime le Roy cimiies vm.
(1) Cure, pilule de plumes, d'éloupes ou de poils, qu'on donne aux
oiseaux pour faciliter leur digestion; — donner à tirer, permettre au
faucon de prendre quelques beccades au tiroir, aileron de volaille pré-
paré, qui sert à rappeler l'oiseau.
(2) Jcler sa gorge. — Les oiseaux , lorsqu'ils ont dévoré une proie,
rendent en pelote les plumes, poils et peaux qu'ils ont avalés.
(3) Saint-Gelais. — Voir aussi les Comptes déjà cités, note B, 1. 1"''.
—Entre autres articles, on y trouve 9 douzaines de sonnettes pour les
oiseaux de la chambre, du prix de 60 sols tournois, et G douzaines d'an"
nelets de laiton doré de lin or pour mettre aux longes des oiseaux.
(4) Galesloot..
— 8G —
Charles huicliesme avoit la volerie, quand on lira
qu'il acheta un faucon huict cents escus (1). »
Le détail de ses équipages de fauconnerie fera voir
à quel degré de splendeur ils étaient déjà parvenus
et combien nos Rois étaient loin des deux fauconniers
modestement entretenus par saint Louis.
Le grand fauconnier, messire Olivier Sallart (2),
recevait 1500 1. 1. (3), tant pour ses gages « que pour le
vivre, sallaire et enlretenement de 3fauIconniers, or-
donnez à faire 3 volz, c'est à assavoir ung vol pour hay-
ron, ung autre pour rivière et ung autre pour pie. »
'2,000 livres étaient payées à messire Anlhoine de
Ville, chevalier, seigneur de Dompjulien (4), tant
pour ses gages que pour '2 fauconniers que le Roi lui
avait bailliez pour être avec lui et faire 4 vols, de faux
perdrieux (busards), vanneaux et corneilles.
Le vol pour champs était sous la charge de messire
Jacques Odarl, sieur de Cursay, qui touchait égale-
ment 2,000 livres tournois.
Sous ses ordres servaient Jacques Ysoré de Pleu-
marlin, écuyer, avec 2 autres fauconniers à 240 1. t.
de gages, et un quatrième fauconnier à 120 livres.
D'autres fauconniers étaient ordonnés pour les
émerillons et éperviers du Roi.
(1) Dignilez et offices (tu roijaiuiic de France.
(2) Olivier Sallart avait été maître de la fauconnerie du comte <!<•
Charolais ; il suivit en France lors de son avènement Louis XI, qui
le nomma son grand lauconnier.
(■3) La livre tournois re]irésentuit aloi's l'iiviron 31 IV. de notre mon-
naie.
(4) Le même qui csealada le Munl-Jnaccessihle.
87 —
Loys Odarl, fils du sieur de Cursay, recevait 300 1. t.
pour ses gages et rentreteneraeul des émerillons.
Les 2 espréveteux avaient l'un 240 et l'autre 120 livres
dégages (l)
Comme nous avons déjà eu occasion de le dire, la Dame?
volerie était la chasse favorite des nobles dames (2).
Les bourgeoises elles-mêmes prenaient part aux
chasses que leurs maris faisaient avec les oiseaux de
j9omg. Le bourgeois inconnu, auteur du Ménagier de
Paris, consacre une partie assez considérable de son
livre à donner des leçons d' espréveterie à sa modeste
compagne.
On lit, dans la chronique du comte Pero Nino, qu'au
château de Girefontaine, après dormir, on montait à
cheval, et les pages portaient des faucons vers les en-
droits où Ton avait d'avance reconnu des hérons.
« Madame (3) prenait un faucon gentil sur son poing,
les pages faisaient lever le héron, et elle lançait son
faucon si adroitement qu'on ne saurait mieux. Là,
enfin, une belle chasse et grande liesse : chiens de
nager, tambours de battre, leurres de sauter en l'air,
et damoiselles et gentilshommes s'ébattaient si joyeu-
sement le long de cette eau qu'on ne le saurait con-
ter (4). »
Yalentine de Milan, duchesse d'Orléans, avait pour
son service particulier deux fauconniers, dont l'un
(1) Comptes de la vénerie et fauconnerie de Cliarles VIII (1485-1480)
publiés par M. le comte de Quinsonas, Ilisl. de Marguerite d'Aul riche.
(2) Voir ci-dessus, liv. I"', ch. m.
(3) La dame de Trie, femme de l'amiral de ce nom.
(4) Traduction de M. Mérimée. {Dicl du mobilier Aii M. VioUet Leduc.)
fauconnières.
— 88 —
recevait 9 livres de gdges pour deux mois et demi (1).
Par une quittance du 16 août 1400, Anthoinin de
Savaterel, escuier pannetier de Madame la duchesse
d'Orléans, confesse avoir reçu 32 sols tournois pour
six tourels d'argent doré, 76 sols pour six longes de
soie de plusieurs sortes à gros boulons et franges de
soie à l'usage des éperviers de ladite dame (2).
Marie de Clèves, femme de Charles, duc d'Orléans,
aimait aussi la fauconnerie. En novembre 1459, deux
fauconniers, passant chemin, reçurent deux écus d'or
pour avoir fait voler leurs oiseaux devant le duc et la
duchesse (3).
Dans le roman de Jehan de Saintré, la dame des
Belles-Cousines, accompagnée de sept à huit dames ou
damoiselles atournées , appelle ses chiens pour gi-
hoyer, son esprevier sur le poing et sur sa grosse ha-
quenée.
Ce fut dans une chasse au vol que Marie de Bour-
gogne, archiduchesse d'Autriche, se blessa mortelle-
ment. Dans les premiers jours de février 1482, elle
était sortie avec sa suite pour voler le héron dans les
environs de Bruges. En suivant ses oiseaux, le hobin
qu'elle montait voulut franchir un arbre abattu; les
sangles se rompirent, la selle tourna, et l'infortunée
princesse reçut, en tombant, une atteinte dont elle
mourut le 27 mars suivant (4).
(I) Ducs de BourffCHfHc, l. III. — Gon)ples de Blois.
(■2) Ducs de li., t. 111. — Collection de M. le Ijaroii l'icliou
(:5) Ihirsdr B., I. III. . •
C'i) Buranle, l. XII. — Commines.
fauconnerie.
— 89 —
Marguerite d'Aulriche, duchesse de Savoie, fdle de
Marie de Bourgogne, avait un fauconnier aux gages
de 30 écus (1).
Plusieurs traités de fauconnerie furent écrits en Traités .te
France pendant la période que nous venons de par-
courir.
Les plus anciens de ces ouvrages ne font guère que
copier une épître apocryphe adressée à un Ptolémée
quelconque par Aquila, Symmachus et Théodolion, et
composée en réahté par quelque auteur grec ou ita-
lien, antérieur au xui'' siècle. Le texte primitif de
cette épître est perdu, il n'en a été conservé qu'une
très-ancienne traduction en langue catalane et un
fragment latin, inséré dans un traité anonyme De na-
turârerum{'ï]. Albert le Grand, évêque de Ratisbonne,
qui écrivait, au milieu du xiii" siècle, un commentaire
sur l'histoire des animaux où il consacre plusieurs
chapitres aux oiseaux de proie, cite celte prétendue
épître à Ptolémée parmi ses autorités (3).
Dans son Spéculum ma jus, Vincent de Beauvais,
contemporain d'Albert, sinon plus ancien, fait plus
que citer la lettre de Symmachus, il la reproduit
presque textuellement (4). Ainsi f;Ait le célèbre gram-
mairien florentin Brunetlo Latini, qui composa, à
Paris, vers la fin du xui" siècle, son traité encyclopé-
(1) Hisl. (le Margucrilc d'Autriche.
('2) Voir VHiéracosophioh do Rigault.
(3) Opus de animalUms, impiiraé à Rome en 1478.
(4) Vincenlii Bellovacensis speridiiDi (/tuidruplex , écrit dan» la pre-
mière moitié du xiii* siècle. — Imprimé en I i7.3 et l4T(i à Strashoiu';:,
et en 1474 à Augsijourg.
— 90 —
diquo ou Trésor, rédigé en langue françone , ou
Lloinans sclonc le parler de France, pour ce que la par-
leure est plus délitable et plus commune à tous lan-
ga(jes[[).
On trouve des Iraces manifestes de l'œuvre du
faux Symmachus dans !e poëme de Deudes dePrades,
probablement antérieur à Vincent de Beauvais et
Brunetlo Latini, et notre plus ancien traité de faucon-
nerie en langue vulgaire.
Ce poëme, intitulé le Roman des oiseaux chasseurs
[auzels cassadors), fut composé par le troubadour
Deudes de Prades, en vers provençaux, à la fin du
xn^ siècle ou au commencement du xin' (2).
Il a précédé de quelques années le fomeux traité De
arte venandi cum avibus, qui fut l'œuvre de l'Empe-
reur Frédéric II (mort en l'250), et que termina après
sa mort le Roi iManfred, son fils (3),
Le livre du Roij Modus, le poëme de Gace de la
(1) Le texte français n'a jamais été imprimé en entier. Les fragments
relatifs à la fauconnerie ont été publiés par le comte A. Mortara à la
suite de ses Scritiure anliclie Toscane di Falconeria. Prato, 1851.
(2) Raynouard, Choix des Poésies origitlales des Troubadours. —
"Voir aussi un article intéressant de M. G. Azaïs, dans le Journal des
CItasseurs, 8^ année.
(3) Ce livre fait le plus grand honneur à son auteur, non-seulement
comme fauconnier, mais comme anatomiste et comme naturaliste d'un
(>sprit très-élevé. Aux détails techniques, Frédéric II joint des obser-
vations exactes et profondes sur les mœurs de tous les oiseaux. Mal-
heureusement cet ouvrage précieux est écrit dans un latin barhai'c qui
n'est souvent que du français ou du provençal latinisé. Par exem])le,
on trouve des chapitres intitulés : De .Vanieribus volaluinii. de cilia-
fione sive hluilione {bluire. éblouir) avium, etc. Le traité de Frédéric II
a été imprimé sur des copies très-mutilées en 15G0 , 1578, lôOfi et en
1788-80 avec les annotations dr J. G. Schneider.
— 91 —
Bu igné et le Rustican du labour des champs que Char-
les V fit traduire du latin de Pierre de Crescens en
1373, accordent une place importante à l'art de la
fauconnerie (1).
Jehan de Francières (ou Franchières), chevalier de
Rhodes, commandeur de Choisy et* grand prieur
d'Aquitaine, qui vivait sous le règne de Louis XI,
composa un traité de fauconnerie qui a joui longtemps
d'une juste réputation (2).
Le bon chevalier confesse ingénument l'avoir tiré
en grande partie du livre de trois maistres anciens :
Malopin, fauconnier du Roi de Chypre, Michelin, fau-
connier du prince d'xinlioche, et Aymé Cassian, Grec
de l'île de Rhodes que Francières dit avoir connu per-
sonnellement (3).
Le Livre de l'Art de faulconnerie et des chiens de
chasse fut écrit par Guillaume Tardif, lecteur de
Charles VIII, pour récréer Sa Royale Majesté entre ses
grandes alfaires. Conformément à la mode du temps,
il prétend l'avoir traîislaté du livre latin d'un Roij
Danchus ou Daucus, qui premier trouva et escripvit l'art
de faulconnerie, et de ceux des fauconniers orientaux
Moamus, Guillinus et Guicennast ('»)•
(1) Pierre Crescenzi, docteur bolonais, avait composé ce traité sur
l'invitation de Charles II, Roi de Sicile (mort en 1309).
(2) Les frères Lallemand en citent une édition de Paris, Pierre Ser-
gent, gothique, qu'ils croient (à tort) remonter à l'an 1511. La faucon-
nerie de Francières fut ensuite imprimée avec celle de Tardif en 15G7,
puisa la suite de plusieurs éditions de du Fouilloux.
(3) Le dernier prince latin d'Antioche, Bohémond VII, mourut en
1287. — La maison de Lusignan régna sur l'ii(! de (liiypre de 1 19"2 à 1489.
(4) La première édition de La faurnnnn-ic de Cuillaume Tardif lui
imprimée en 1492 par Anlhoinc A'érard.
— 92 —
On Irouve ordinairement, ù la suite des ouvrages de
Franc-ières et de Tardif, la vollerie de Messire Arthe-
louche d'Alufjona, chambellan du Roy de Sicile. On ne
possède aucun renseignement sur ce maître faucon-
nier, ni sur le Roi de Sicile auquel il était attaché.
On peut seulem'ent conjecturer que celui-ci était un
des princes français de la maison d'Anjou qui ont
porté ce titre jusqu'à la fin du xv*^ siècle; peut-
être le bon Uoi René, grand amateur de fauconnerie,
ou son fils, Jean d'Anjou (mort en 1470).
§ 3. DU XVl^ AU XVIIP SIÈCLE.
Le xvi^ siècle et le commencement du siècle sui-
vant ont été l'apogée de la fauconnerie. La décadence,
commencée sous Louis XIV, était déjà presque accom-
plie lorsque la révolution vint lui donner le coup de
grâce.
Louis XII. S'il faut en croire la relation de l'ambassadeur vé-
nitien Trévisan (1501), Louis XII, tout ardent veneur
qu'il était, laissait paraître une certaine prédilection
pour la fauconnerie. « Son plus grand plaisir, dit ce
diplomate, est la chasse à l'oiseau. De septembre à
avril il chasse ainsi (l). »
Sainl-Gelais, qui écrivit l'histoire du règne de ce
prince, y reproche aux gentilshommes de son temps
de faire au delà de leurs forces pour suivre l'exemple
du Roi et la mode delà cour. Avec 1,000 livres de
(I) Di|iloiiuUiL NùiuUcuno.
— 93 —
rente et moins, ils voulaient avoir vol pour milan, vol
pour héron et tonte autre volerie, tandis que de telles
(jens devraient se contenter d'avoir des oiseaux pour
rivière et pour les champs (1).
Sous le règne deLouisXII et sous le règne suivant,
les dames s'adonnèrent plus que jaAiais à la chasse
au vol. Rabelais peint les sœurs de la libre et joyeuse
abbaye de Thélème, ce brillant phalanstère du xvi" siè-
cle, courant à la chasse au vol sur belles haquenées
et palefrois gorriers, et « portant chascune sur le
poing mignonnement engântelé ung espervier, ung
laneret ou ung esmerillon. »
A la même époque, l'habitude de porter des oi-
seaux de chasse sur le poing en tous lieux et enioutes
circonstances était encore si répandue, que le séné-
chal de Rennes, seul juge, tenait ses plaids botté et
éperonné, la perche joignant sa chaire (chaise) pour y
attacher son espervier (2j.
François I", qui préférait ouvertement la vénerie à François i^
la chasse au vol, n'en faisait pas moins des dépenses
énormes pour sa fauconnerie, qui était des plus ma-
gniflques. Son grand fauconnier, René de Cossé, avait
d'estat (c'est-à-dire d'appointements fixes) la somme
de 4,000 florins.
En dehors de cet estât, la dépense de la fauconnerie
s'élevait encore à 36,000 francs (3).
(1) Sainte-Palaye.
(2) Contes d'Eutrapel.
(3) Si ces francs sont des livres tournois, cette somme équivaudrait
— 94 —
Cinquante gentilshommes qui servaient sous ses
ordres recevaient chacun 5 à GOO francs, et cinquante
fauconniers-aides 200 (1).
Le Roi possédait 300 oiseaux dont plusieurs avaient
été payés un prix fort élevé (2).
Un de ces faucons, lancé un jour contre des grues
dans une chasse à Villers-Cotterets, s'élant élevé extrê-
mement haut, fut emporté par le vent, s'égara et fut
trouvé le lendemain sur les créneaux de la tour de
Londres; le Roi d'Angleterre, Henri VIII, à qui le fu-
gitif fut présenté, reconnut les armes de France sur
ses vervelles et le renvoya t\ François I" en lui man-
dant que c'était le présage d'une heureuse alliance et
un gage de constanle amitié (3).
Les courtisans qui entouraient le Roi tenaient à
honneur d'imiter ses profusions pour la fauconnerie
comme pour le reste, et cela avec d'autant moins de
scrupules que la générosité du maître ne leur faisait
jamais défaut. Le seigneur de Vivonne reprocha un
jour à François 1" les richesses qu'il avait prodiguées
à ses favoris, au préjudice de sa fidèle noblesse :
« A quel propos, disait ce vieux serviteur, Rrion a-t-il
à 425,000 fr. environ. Si c'étaient des francs d'or, on aurait celle du
1,039,680 fr., ce qui serait exorbitant.
(1) Mémoires de Fleuranges.
(2) Voir les Comptes de François V'\ Pièces justilicalivos, t. I.
(3) Do Thou, Hieracosojihion, lih. II. — Pareille chose arriva sous
Henri II à un sacrel de sa fauconnerie, qui, chassant à Fontainebleau,
s'écarta en poursuivant une canei)etière vers 10 heures du matin, et
fut repris le lendemain à 4 heures 1/2 du soir dans l'ilc de Malte, ainsi
que le grand maître l'écrivit au Roi en lui renvoyant l'oiseau. (D'Ar-
cussia.)
— 95 —
lanl d(3 bienfails de vous, que de sa seule faueonnerio
ii a soixante chevaux dans son écurif;, lui qui n'est
que gentilhomme comme un autre, et encore cadet
de sa maison, que j'ai vu qui n'avoit pour tout son
train que six ou sept chevaux (1) ? »
Le premier duc de Guise, Claude de Lorraine, paraît Les ducs
' ' de Guise.
avoir possédé à un haut degré la confiance de
François l"ence qui concernait l'achat et l'éducation
des oiseaux chasseurs. On trouve, dans les comptes du
Roi, à la date du 7 janvier 1538, 450 livres payées
« à Claude de Grandval, piqueur en la fauconnerye,
pour ung voyage partant de Paris...; allant devers mon-
seigneur de Guyse, estant à Dijon, luy porter huict
sacres et deux sacretz que le Roy lui envoyé pour les
faire duyre, dresser et rendre prêts à voiler, affin de
en donner par après le passetemps audit seigneur (2). »
Et dans ceux du duc, en 1541, achat de 84 sacres
tant pour les plaisirs du Roi que pour donner en pré-
sent à différents princes et seigneurs (3).
Le fils de Claude, le grand duc de Guise, François
surnommé le Balafré, possédait des vols excellents de
faucons estourdisseurs et hagards , et était estimé
lliomme en France le plus fort pour héron. Les oiseaux
qu'on dénichait dans les montagnes de la Grande-
Chartreuse lui étaient exclusivement réservés (4).
(1) Sainte-Palaye, d'après Brantôme.
(2) Arch. cur. de l'hisl. de France.
(3) Hisl. des ducs de Guise, t. I.
(4) Ibidem.
Le comte
ileTemle.
Le grand
prieur.
Les
Montmorency.
— 96 —
Sous Charles IX, Claude de Savoie, comte de Tende,
gouverneur de Provence (l), passait pour un des pre-
miers fauconniers de l'Europe, tant pour tenir un bel
équipage que pour être entendu à toutes sortes d'oyseatix.
Il n'épargnait rien pour en recouvrer de toutes parts;
les faucons lui plaisoient fort, il leur faisait voler la
corneille, le courlis el les oiseaux de rivière. Il tenait
aussi des sacres et des laniers pour les champs, il avait
même des vols pour le milan et le héron, quoique ce
dernier oiseau fût déjà rare en Provence. Il entretenait
de plus des tendeurs deducsuïsses, qui prenaient dans
la Crau d'Arles des oiseaux excellents (2).
A ce seigneur succéda, comme gouverneur de Pro-
vence, Henri d'Angoulême, grand prieur de France,
« qui s'exerçoit à la fauconnerie en si bel ordre que
depuis ou n'a veu pour les champs aux perdrix un
plus bel attirail que le sien (3). »
La maison de Montmorency, cette souche de ve-
neurs fameux, ne fut pas moins fertile en fauconniers.
Le maréchal François de Montmorency, mort en
1579 [i], fils aîné du connétable Anne, ayant été
envoyé en ambassade vers la reine Elisabeth d'An-
gleterre en 1559, fit son entrée à Londres, ac-
(1) Mort en 156G.
(2) D'Arcussia. — Les tendeurs de duc étaient des oiseleurs qui opé-
raient à l'aide du duc, grand oiseau nocturne.
(3) D'Arcussia.
(4) Gommer de Lusancy l'appelloâcnv el consevvalcur dea aiilour
siers el fauconniers.
— 97 —
compagne de hiiicl vingts genlilslioiiimes des premières
maisons du royaume, portant chacun un oiseau sur
le poing (1).
Le connétable Henri de Montmorency, le compère
de Henri IV, aimait si fort la fauconnerie, que, sur
ses vieux jours, quand la goutte l'empêchait démon-
ter à cheval, il allait en litière voir voler ses oiseaux.
Claude Gauche! a chanté ses chasses en rivière, au
milan, au héron, à la pie, et célébré les talents de
son fauconnier La Cave, ainsi que les mérites de ses
faucons Hazard, le Haglay et Gaiidelu. II peint de vives
couleurs le départ de la troupe brillante qui escortait
à la chasse le vieux guerrier podagre :
Ja montez à cheval je voy tes fanlconniors
Portants dessus le poing faulcons, sacres, laniers,
Sur les braves courtaults la rouge compagnie
De tes pages tous prestz à la porte est sortie,
Tout le monde t'attend, et de tous les costez
Tes gentilshommes sont sur leurs chevaux montez;
Ta lictière est en bas, et t'attend, apprestée
Dessus deux fortz muletz, au bas de la montée (2).
Henri IV, que nous avons vu dans sa jeunesse
tromper les ennuis de la captivité en imlant des cailles
dans sa chambre, à la Bastille (3), n'oubliait pas la
(1) Advenlures de Fœncste. — Morais. — Ce dernier attribue l'anec-
dote au connétable Anne, envoyé en Angleterre par François !•". Mais
on ne trouve pas trace de cette ambassade.
(2) Le Plaisir des champs.
(3) Un jour qu'il se livrait à ce passe-temps, la Reine Catherine, ayant
rencontré son écuyer d'Aubigné , lui demanda ce que faisait son
maître. « Madame, répondit le malicieux écuyer, il est à la volerie. »
On crut qu'il était hors de sa prison, et la Reine, en grand émoi, envoya
aussitôt s'assurer de sa présence. {Histoire universelle .)
III. 7
— 98 —
fauconnerie dans sa correspondance avec le conné-
lable : « Mon compère, lui écrivail-il, aussi tost que
Le Brun, mon fauconnier, a esté de retour avec les
oiseaux que je lui avois envoyé me quérir, je me suis
souvenu de vous, et vous en ay mis à part deux des
plus beaux, qui sont un tiercelet el un faucon (1). »
En 1G06, le Roi témoignait par écrit sa reconnais-
sance à l'archiduc Albert, pour le don de deux
gerfauts, un tiercelet et un faucon, qui se trou-
vèrent très-bons et lui donnèrent beaucoup de plai-
sir (2).
Il affectionnait particulièrement le vol pour champs,
aux résultats matériels duquel il n'était nullement
insensible.
Sully raconte qu'un beau matin Henri IV s'était
levé dès l'aurore pour aller voler des perdreaux dans
la varenne du Louvre, « a,yec dessein de revenir d'assez
bonne heure pour les venir manger à son disner,
disant ne les trouver jamais si bons ny si tendres que
quand ils estoient pris à l'oyseau et surtout lorsque
luy mesme les leur pouvoit arracher de sa main. »
Toutes choses lui ayant succédé à souhait, il revint
lorsqu'il vit que le chaud commençait à piquer, et
rentrant au Louvre chargé de gibier, qu'il avait pris
en compagnie de Roquelaure, de Termes, de Fronte-
nac et de Harambure, son fjraRcl giboyeur, il en fit la
distribution, réservant pour sa bouche et celle de la
(l)Valori.
('2) Li'llrcs Diissivrs, t. Vl.
— 99 —
Reine huit beaux perdreaux qu'il fit vistement cou-
cher à la broche. « Je veux, disait le Roi, que l'on
réserve pour moi de ceux qui ont esté un peu pincez
de l'oyseau, car il y en a trois bien gros que je leur
ay osiez et ausquels ils n'avoient encores guères
touché (1). »
Dès que la fin des guerres civiles et le rétablisse-
ment de l'ordre permirent à la noblesse de s'occuper
de ses affaires et de ses plaisirs champêtres, on vit
refleurir dans tous les châteaux et jusque dans les
gentilhommières des derniers hobereaux, la noble
chasse dont le Roi Henri se déclarait si ouvertement
le protecteur. Chacun, suivant ses moyens, se piqua
d'imiter le monarque. Dans son Théâtre d'agrkuU chasses au voi
ture (2), Olivier de Serres, décrivant les honnestes ^tZwTomlL
exercices du gentilhomme campagnard, n'oublie pas la
fauconnerie, observant seulement qu'il doit laisser la
haute volerie pour les plus grands et se contenter du
bas voler des champs. « Le simple gentilhomme, continue
le seigneur de Pradel, se dressera attirail requis à ce
bel exercice, surpassant d'autant plus celuy de la vé-
nerie, qu'il a de différence entre les choses de la terre
à celles de l'air. Il tendra son esprit à la conservation
de ses oyseaux, sans rapporter du tout à son faucon-
nier, en telle curiosité imitant des princes et grands
seigneurs qui ne s'importunent du bruit de leurs
(1) OEconomies royales, l. VI.
(2) Théâtre d'ufjrkuliure et mesnagp des champs, par Olivier de
Serres, seigneur de Pradel, 1004.
sous
Henri IV.
— 100 —
oyseanx, les faisant (oiicher dans leurs chambres (1). »
Ne tenir quun oys^cau, ccH nen avoir point, pour lea
inconvénients qui survienncnl journellement; avoir
beaucoup d'oiseaux, c'est tomber dans Fautre extré-
mité.
Le nombre pourra en ôtre restreint à deux, dont
l'entretien n'est pas beaucoup plus dispendieux que
celui d'un seul, puisqu'il iaut toujours un homme
pour en prendre soin. Il convient avoir aussi comme
suite de cet attirail cinq ou six couples de chiens épa-
gneuls et une laisse de bons lévriers. « Cet équipage
est raisonnable pour le gentil- homme qui ne veut
faire grande despence, moyennant lequel recevra
contentement et de la commodité avec pour la cuisine,
estant en pays de gibier, deschargeant d'autant les
frais de la fauconnerie. » Quant au choix des oiseaux
et des chiens, à leur éducation, à leur hygiène, Olivier
de Serres en réfère modestement aux livres escrits sur
telle matière-, et particulièrement au beau et excellent
livre du seigneur d'Esparron, gentilhomme provençal.
Louis Mil. Un bel esprit s'avisa un jour de trouver qu'avec
les lettres formant les mots de Louys treiziesme, Roy
de France et de JSavarre, on pouvait composer ceux
de Roy très-rare, estimé Dieu de la fauconnerie {'!).
Celle anagramme, toute puérile qu'elle était, dut
faire un plaisir infini au fils de Henri IV, dont le
règne peut être considéré comme f époque oii l'art de
(1) Licv Indclicsmc du Tlirnlrc (rduriculliirc. d\u\' vu.
(2) D'Arcussia.
— 101 —
la lauconnerie alleignit le degré le plus élevé de per-
fectionnement. « Je puis dire, écrivait d'Arcussia,
que jamais ou ne vola si bien en France qu'on fait
aujourd'hui. »
Louis XIII, en effet, exerçait la fauconnerie si avan-
tageusement, que jamais aucun Roi n'en a pu appro-
cher (1).
Non content des divers vols que ses prédécesseurs
avaient entretenus et qu'il mit lui-même sur un pied
de magnificence inconnu jusque-là, il inventa des
vols nouveaux, comme ceux de la huppe, de la pie-
grièche et de la grive avec les émerillons, du geai, du
pinson et autres oisillons avec l'épervier, du moineau
et du roitelet avec des pies-grièches, de la chauve-
souris avec des crécerelles, et autres petites voleries (2).
« Jamais Roy n'eut tant et de si bons oyseaux. » On
lui en apportait de toutes parts : gerfauts blancs et
gris que les Hollandais tiraient pour lui du fond du
Nord, laniers, alfanets de Tunis, sacres et sncrels,
fournis par les marchands grecs, laniers de Russie,
faucons de toutes sortes, alethes des Indes, émeril-
lons, autours, hobereaux, éperviers, crécerelles, pies-
grièches et falqucts.
Avec ces oiseaux, le Roi prenait tout ce qui vole sur
la surface de la terre et des eaux, depuis le héron et
l'aigle pécheur jusqu'au rossignol et au burichon ou
(l) Séliiicourl.
(,2) Voir plus bas.
— 102 —
roilelet (1). Les rares espèces qui échappaient aux
serres des oiseaux de la fauconnerie royale ne de-
vaient ce privilège qu'à leur absence des cantons
où chassait Louis XIII ou au mépris qu'on faisait
d'elles.
Le grand fauconnier de France commandait en
chef à tous les vols.
Le baron de la Chàtaigneraye, qui possédait cette
charge en 1G15 et qui l'avait payée 50,000 écus, avait
jusqu'à sept vingts pièces d'oiseaux sous ses ordres.
Les vols de la grande fauconnerie étaient au nom-
bre de six (2) :
Vol pour milan, avec 10 hommes entretenus (3)
outre le chef du vol-
Vol du héron, 12 oiseaux entretenus (4), 4 lévriers
et 15 hommes.
Vol de corneille, 24 pièces d'oiseaux et 16 hommes.
Vol des champs, 6 hommes avec 10 oiseaux et
18 espaigneux.
Vol pour pie (5j.
Vol pour rivière, 6 hommes et 8 oiseaux.
(1) D'Arciissia. — Voir plus loin rénumératioii des vols que taisait l;i
l'auconnerie l'oyale.
(2) D'Arcussia, Estai de la faucon uerie du Roy on IG15. — Voir
aussi aux Pièces juslificatives, t. T"=', les Comptes de la fauconnerie pour
l'année 1634, qui donnent quelques chiffres différents, iti'obahlement
par suite de modifications.
(3) « Le sieur de Luynes a la charge du vol jiour niilkin, duqui'l le
sieur de Cadenet son frère est aydc. » (D'Arcussia.)
(4) « Bien ([u'à présent il y en ait i)lus. » (Ibid.)
(5) D'Arcussia ni les comi)tcs ne donnent l'effectif de ce vol.
— io;} —
« Il faut noter que de cbaque volerie il y a double
vol. »
Le Maître de la garde-robe avait sous ses ordres un
vol pour héron et un vol pour corneille, avec 16 hom-
mes et 18 oiseaux (1).
Il y avait à la Chambre du Roi, sous la charge du
premier gentilhomme :
Un vol pour les champs, avec A oiseaux, 18 épa-
gneuls et 3 hommes.
Un vol pour pie, de 4 hommes et autant d'oi-
seaux,
Et un vol pour rivière.
Enfln, sous le nom d'oiseaux du Cabinet du Roi^
existait un «quipage complètement à part, dont M. de
Luynes était capitaine; cet équipage consistait en un
vol pour corneille avec 1 chef, 1 aide, 15 hommes et
16 oiseaux, et le fameux vol des émerillons (1 chef,
1 aide, 1 piqueur et 8 oiseaux).
Ce vol d'émerillons était particulier au Cabinet du
Roi. Louis XIII y prenait un plaisir singulier et s'en
servait pour toutes sortes de chasses inusitées et bi-
zarres.
Tous les jours Louis XIII se levait de grand matin,
et, après avoir déjeuné, montait à son cabinet des
oiseaux. Il chassait au vol au moins cinq fois la se-
maine, et plus souvent quand ses affaires et ses autres
chasses lui en laissaient le loisir.
(I) Lus vols de la û-anlo-rol'o i'ureni siipiirimés sous le marquis de
Rambouillet, vers 16'25.
— 101 —
Les jours de chasse au vol, le Hoi prenait son car-
rosse à dix heures et s'en allait du côté de Vincennes,
de Saint-Cloud ou de Saint-Denis, « eslans les issues
de Paris extrêmement belles et propres aux vols aux-
quels le Roy se plaist le plus. »
« En ceste suite de chasse, ajoute d'Arcussia, il fait
beau voir tous les chefs des vols, suivis de cent ou six-
vingts fauconniers jiortanl les oyseaux, tous vestus des
livrées de Sa Majesté, puis quatre autres portant
les ducs pour attirer le milan, les corneilles, la
buse, la crécerelle, le corbeau, le faux-perdrieu et
autres oyseaux qui viennent au duc pour le buf-
feter. »
A une demi-lieue des faubourgs, les porte-ducs cô-
toyaient deux à deux les ailes du chemin et faisaient
voler leurs ducs pour attirer les oiseaux; aussitôt
qu'on voyait apparaître ceux-ci, on criait : Milan!
corneille ! et ainsi des autres. Le lloi montait à clie-
val et demandait un oiseau de chasse, ou bien le
grand fauconnier lui présentait celui qu'il jugeait le
plus propre à voler, et chacun s'arrêtait pour ne pas
gêner Sa Majesté (1).
Lorsque Olivier de Serres recommandait si chaude-
ment aux gentilshommes de province le livre du sei-
gneur d'Esparron, Charles d'Arcussia de Câpre, s i-
gneur d'Esparron, de Palliéres et du Revest en
Provence, venait de mettre en lumière à Aix la pre-
mière édition de sa fauconnerie (1598). Dans les édi-
(I) D'Arcussia.
— lOo —
lions suivantes, augmentées de plusieurs traités iné-
dits et publiés successivement pendant le règne de
Louis Xlfl, il trace un tableau des chasses au vol
qui se faisaient en Provence, tout à fait analogue à
celui que nous venons d'emprunter à Olivier de
Serres. Le goût des gentilshommes campagnards pour
la fauconnerie n'avait pu, en effet, que s'accroître à
l'exemple du nouveau monarque.
Ceux même qui n'avaient pas un penchant bien chasses au voi
prononcé pour ce déduit se croyaient obligés d'avoir gcuiiishommes
des oiseaux pour faire leur cour ou pour entretenir louTxiu
noblesse. Malgré les plaintes de mainte châtelaine éco-
nome, il était considéré comme malséant de vendre
ses faucons, et l'amour de la chasse au vol excitait
entre voisins de fréquentes querelles (1).
Sous Louis XIII, tout gentilhomme qui se respecte
doit avoir au moins un fauconnier à cheval avec trois
ou quatre bons oiseaux cl six couples de chiens pour
les servir (2).
S'il demeure dans un pays couvert, il lui faut des
autours et, des tiercelets d'autour pour voler la per-
drix ou le faisan dans les bois, les haies et les brous-
sailles, et, pour les servir, des barbets qui rapportent
bien et des épagneuls pesants qui percent hardiment
dans les buissons.
En pays ouvert, où il y a de belles remises, il
aura cinq ou six pièces d'oiseaux (ou plus, s'il en a
le moyeu), faucons et tiercelets de faucons, laniers et
(1) D'Arcussia.
C^) Ibidem.
— 106 —
laiicrcls, cl, s'il se poul, des sacrels, avec six ou huit
épagneiils (I).
S'il est en pays de gros villages, dans la plaine et
dans les bois, il ne lui faut que des oiseaux de poing.
Un habile chasseur pourra même se conteater de trois
ou quatre éperviers, qu'il fera voler l'un après
l'autre, pour leur donner le temps de reprendre ha-
leine (2).
Tel fut l'état de la fauconnerie en province, pen-
dant le règne du dieu de la fauconnerie et la première
moitié de celui de son successeur.
Louis XIV. Sous Louis XIV, les vols de la grande fauconnerie,
du cabinet et de la chambre furent à peu près main-
teniis tels qu'ils avaient existé sous le règne précé-
dent (3).
Cependant, ce Roi fut loin d'avoir pour la chasse au
vol la même passion que son père, 11 chassait quel-
quefois en voiture, avec les dames; les anciens us et
coutumes de la fauconnerie étaient religieusement
observés, mais la décadence commençait ; Louis XIV
(1) (I Lesquels (sacrets) il pourra trouver facilement, soit par le
moyen des fauconniers flamans qui en apportent tous les ans , tant
de niais que de hagars, et s'il a la moindre connoissance aux officiers
qui ont les vols des oyseaux pour pie et pour corneille, au printemps
que les vols se rompent, il eu aura a foison. » (Sélincourt.)
(2) Ibidem.
(3) Voir les Elals delà /''/'(//uv et les Pièces justilicativcs, t. !•'. Cou-
forrarment à un règlement renouvelé le 25 avril \WS, \e Capitaine gé-
néral des fauconneries du cabinet du lîoij fut déclaré entièrement in-
iléi)endant d!i grand fauconnier. Il nommait à toutes les charges de
fauconnerie (lu Cabinet, et recevait les ordres immédiats de Sa Majesté
à qui il avait l'honneur, à la chasse, de présenter les létes, même en
l)résence du grand fauconiiiei'. {Ltat de la France, 1698.)
— 107 —
sur ses vieux jours laissait voir que ces chasses
ne l'amusaient guère. Dès l'année 1G85, il faisait
casser ses milaniéres et ses héronnières (1) parce que
depuis six ans il n'avait volé ni milan ni héron, et
que l'entretien lui coûtait 10,000 francs par an (2).
Le 10 avril 1714, le Roi, empêché par le vilain temps,
contremanda toute la fauconnerie, et la renvoya jus-
qu'à l'année suivante, qu'il n'était pas destiné à voir
jusqu'à la fin (3).
Les premières chasses du jeune Louis XV furent Louis xv.
des chasses au vol. Cet ardent veneur ne conserva pas
néanmoins un goût hien vif pour cet exercice [i],
quoique sa fauconnerie n'ait pas eu à subir de grandes
réductions pendant la première moitié de son
règne (5). On continua de recevoir avec le cérémonial
d'usage les présents de gerfauts et de faucons envoyés
par le Roi de Danemark (6), le duc de Courlande et
l'ordre de Malte; les officiers de la fauconnerie figu-
rèrent avec leurs habits d'uniforme dans les cortèges
et les entrées solennelles (7), mais la chasse au vol
(1) Voir plus îoiu.
(2) Dangeau.
(3) Ibidem.
(4) Le petit livre des C liasses du Roy, ])ar le S' Mouret, nous lait voir
(jue Louis XV ne chassa que trois fois au vol pendant l'année 17'25.
Voir les Mélanges de la Sociélé des bibliophiles. 1867.
(5) Voir les Etals de la France et les Pièces justificatives, t. L
(6) Il résulte d'une lettre adressée au gouvernement danois par M. de
Forget, capitaine du vol du Cabinet, que la haute volerie ayant été
supprimée en 1787, on cessa «l'envoyer du Danemark des faucons d'Is-
lande au Roi. (Archives de la chambre des comptes de Copenhague,
citées par Schlegel.)
(7) Barbier, passim.
l'auconiiei le
en province
sous
Louis XV.
— 108 —
passait de mode de plus on plus. Le perfeclioiinemcut
des armes à feu, le prix toujours croissant des oi-
seaux de chasse et leur rareté, la difficulté de trouver
de bons fauconniers qui en était la conséquence,
amenèrent en peu d'années l'abandon presque com-
plet d'un déduit qui avait fait les délices de nos aïeux
pendant quatorze siècles (1).
Un livre fort curieux, conservé par la Société des
antiquaires de l'Ouest (2), nous donne une idée assez
nette de ce qu'était la chasse au vol en province au
milieu du xvni'' siècle.
L'auteur, gentilhomme poitevin, se plaint de voir
déjà l'art qu'il aime négligé et dédaigné. Quelque
temps avant l'époque où il écrit, les oiseaux de chasse
étaient bien plus en usage, et il n'y avait guère de gen-
tilhomme qui n'eût au moins un oiseau de poing,
tandis que depuis quelques années il n'y en a pas un
contre vingt qu'il ij avait autrefois.
En Poitou, on ne voulait point alors des oiseaux pris
dans la province, sous prétexte qu'on ne pouvait plus
les faire voler après le mois de septembre. On fai-
sait venir des autours et tiercelets de Suisse, de
(1) Le S' Le Roy, lieutenant des chasses, auteur de l'art, fauconne-
rie dans l'Encyclopédie, y dit que de son temps les vols du héron et
du milan ne se pratiquaient plus guère et que la fauconnerie en France
n'était pas d'un usage si journalier qu'en Allemagne.
(2) Le fauconnier parfuil, ou l'aii de bien exercer la fauconnerie,
l)ar M. (le Boissoudan cl pour son usage au vol des champs. 1743.
Voir un bon extrait de ce traité dans la Notice sur du Fouilloiw, par
M. de P'**. Le fauconnier parfait a été depuis imjjrimé à la suite de
l'édiliou de du Fouilloux, donnée à Niort en 18C5 li ]uir la Société des
hibliojihili's iVançais dans ses Mélanges, en 1867.
— 109 —
Franchc-Comtii el des Ardenncs. M. de Boissoiidan
soulienl que ceux du pays sont aussi bons que d'autres
et que, tant qu'il en trouvera, il ne se mettra ja-
mais en peine d'en chercher ailleurs. « ,1e suis bien
sûr, ajoule-t-il, que pour \2 escus j'auray au moins
trois ayres d'autour qui me donneront quelquefois
dix oyseaux, tant tiercelets que formez, et en les
choisissant bien, j'en trouverai deux ou trois
bons (1). »
La dernière fauconnerie particulière dont il soit
resté trace en France est celle qu'entretenait, posté-
rieurement à 1750, le chevalier d'Aydie (2).
Louis XVI n'aimait pas la chasse au vol. Il ne
chassa qu'une fois à l'oiseau pendant l'année
1775 (3).
Les équipages de fauconnerie, notablement réduits
dès 1776 (\), furent entièrement supprimés en
1787.
Le fauconnier hollandais Van den Heuvell, qui
avait servi dans la fauconnerie de Louis XVI de 1785
à 1792, afflrma aux auteurs du traité de fauconne-
rie publié à Leyde en 1844-1853 que, durant cette
période, les vols du héron, du milan, du lièvre, et en
général la haute volerie, étaient tombés en désuétude,
(,1) On a récemment dcsairù dans la forêt de Lyons (Eure) dos au-
tours qui ont été trouves tort bons et envoyés à des amateurs anglais.
(2) Voir ses lettres que doit publier prochainement la Société des
bibliophiles français.
(3) Voir la note G., t. P'.
(4) Voir aux Pièces justificatives, t. P', l'étal encore assez considé-
rable de la grande fauconnerie en 1778.
— 110 —
el qu'on ne volait plus que la perdrix, la corneille et
la pie(l). Après 1787, il ne subsista plus que quelques
vols du cabinet. Les fauconniers qui avaient ces
vols en charge parurent pour la dernière fois avec
leurs oiseaux sur le poing, dans la grande procession
de l'ouverture des états généraux à Versailles , le
4 mai 1789.
Depuis la révolution, la fauconnerie n'a jamais pu
reprendre racine en France, malgré quelques essais
tentés à diverses époques (2).'
Elle a disparu actuellement de presque toute l'Eu-
rope, même de la Hollande, oii elle a eu une période
de renaissance assez brillante il y a peu d'années (3).
(1) Sclilcgol. — Voir la note ù la fin de ce volume, extraite de 1'^/-
manachcle Versailles de 1785. On y trouveraque les principaux vols de la
grande fauconnerie subsistaient encore nominalement, mais le fait
qu'un M. Ciauclierel se trouve à la fois commander les vols pour les
champs, pour lùvière, pour pie et pour lièvre suffit pour montrer com-
bien les fauconniers habiles étaient devenus rares.
(2) En 1808, le Roi de Hollande Louis Bonaparte avait remonté au
château du Loo la fauconnerie abandonnée depuis le départ du sta-
thouder Guillaume V en 1795. Lors de l'abdication du Roi en 1810 et
de l'annexion du royaume de Hollande à l'Empire français, Nai)oléon
fit venir les fauconniers du Loo Daams et Daankers à Versailles, avec
quatre aides-fauconniers ; i's eurent peu de succès, l'Empereur n'as-
sista que trois fois aux vols de son équipage, qui fut supprimé définiti-
vement en 1813. Vou* Schlegel et le curieux et intéressant article de
M. Pierre Pichot sur la Fauconnerie en Angleterre el en France à
noire époque, dans la Revue britannique du mois d'octobre 1865.
(3) De I8'i0 à 1852. — Sur la fauconnerie du Loo, voir le bel ouvrage
de MM. H. Schlegel et A. Werster de Wulferhorst, Leyde, 1847, l'ar-
ticle de M. P. Pichot et celui que M. de Rodenburgh a publié dans le
Journal des cliasseiirs, en 1855.
Depuis quelques années on a essayé, non sans succès, de ranimer en
Angleterre le goût de la chasse au vol (|ui ne s'y étaitjamais entière-
ment éteint. (Voir l'article précité de la lirvue britannique, le Traité
de fauconnerie, publié en 185'J par M. G. E. Frceman et le caj). Salvin
fauconnerie
rlu xw' au
xviiF siècle.
C'élaild'un Français, M. le corn le d'OfTémorit, qu'é-
lait venue la première idée de celte reslauralion de la
fauconnerie en Hollande (1).
Pour apprécier aujourd'hui les plaisirs de celte
chasse entraînante, il faut aller soit en Orient (^), soit
dans notre Algérie, où elle n'a pas cessé d'elre en
grand honneur (3), à moins que nous ne soyons assez
lieureux pour voir réussir en France l'entreprise, si
digne d'intérêt, de MM. le vicomte de Grandmaison,
Verlé et Pierre Pichot (4).
Le xvf siècle n'est pas riche en Iraités de faucon- Traiu-sde
^-^ p • i > r • • I faiiconnerib
nerie. On ne lait guère que réimprimer les ouvrages du xvr au
des siècles précédents. Cependant, Guillaume Bouchet
a compilé, sans y mettre son nom, un recueil inséré
dans plusieurs éditions de du Fouilloux, a la suite de
ceux de Francières et de Tardif qui lui en ont fourni
les éléments (5).
et celui de MM. Salvin et Brodrick {Fulconry oflhc Brilish islcs, Lon-
do?i, 1855 )
(1) En 1838 M. d'OlTéraont fit venir à son château d'Offémont, près
Gompiègno, un des fauconniers du Ilmvkinçj club de Didlington pour
voler la corneille avec 2 l'aucons et la perdrix avec 7. L'année sui-
vante (mai et juin 1839), il s'associa avec le duc de Leeds et d'autres
amateurs anglais pour aller voler le héron en Hollande avec 21 oiseaux.
Pendant cette campagne, ils prirent 104 hérons. Ce fut leur exemple
qui amena l'organisation de la société du Loo. (Note de la Chace dou
serf, publiée par M. le baron .T. Pichon. — Ucvue hrilannique, art.
précité.)
(2) "Voir les récits de tous les voyageurs en Perse, dans les Indes et
en Tartarie. Nous avons vu précédemment que la chasse au vol est
pratiquée en Chine et au Japon de temps immémorial.
(3) Voir les Chevaux du Sahara, par M. le général Daumas, un ar-
ticle du même auteur, inséré dans le Bidlelin de la Socirlé d'acclima-
lalion (1855) et les Chasses de VAlqérie, par J. Gérard.
(i) Revue britannique.
(5) Éditions de 1585, lGOI-2, 1G13, 1024, 1G28.
— 112 —
De Thou, se jouant des difficultés du mètre et du
langage, a clianté en beaux vers latins « les armées
aériennes, les guerres des oiseaux de proie, leurs
combats qui font l'amusement des héros, les soins
qu'exigent leur éducation et leur entretien (1). »
Dans les Plaisirs des champs, Claude Gauchet ra-
conte quelques belles chasses au vol avec cette vérité
et cette couleur naïve et gaie qui lui sont habituelles.
Le livre de Pierre de Gommer, seigneur de Lusancy,
enseigne le louable exercice et agréable art de l'autour-
serie (2). Il est doublement recommandable parce
qu'il est le seul traité composé exclusivement sur ce
sujet, et par son style d'une bonne et franche allure.
La passion de Louis XIII pour la fauconnerie ré-
veilla le zèle des écrivains de son temps. Nous voyons
paraître sous son règne, d'abord la fauconnerie de
François de Saint-Aulaire, sieur de la Renodie en
Périgord (3), livre estimé des fauconniers, parce qu'il
fut publié sous les auspices de M^f de Luynes, à qui
il est dédié, et des bibliophiles à cause de sa rareté.
Puis le Miroir de fauconnerie, de Pierre Harmont,
dit Mercure, fauconnier de la chambre du Roi pen-
(1) Los deux premiers chants du poëme de Rr accipUrariâ ont été
imprimés à Bordeaux en 1582. — Le poëme entier fut publié à Paris
en 1584, — ))uis dans les I)elici,r Poclanun yallontm et dans VHie-
rucosopliion de N. Rigault (Paris, IGI'2).
(2) L'ciutourscrle de Pierre de Gommer, S'' de Lusaiiey, assista de
François de Gommer, 5' du Breuil, son frère. Chaalons, 15'J4. Ce livre
était très-rare dès le tcmiis des frères Lallcmant.
(3) Paris, 1G19. — Saint-Aulairc avait épousé l'iiéritière du fameux
La Renaudie (ou La Renodie).
— 113 —
(iant 4.") ans, égalcnient dédié à M^^ le duc de Luyiies,
grand fauconnier (1).
Quoiqu'une partie de la fauconnerie de d'Arcussia
ait été publiée sous Henri iV, ce fauconnier éminent
peut et doit être rangé parmi les auteurs du règne
suivant pendant lequel il a écrit une portion considé-"
rable et non la moins curieuse de ses œuvres.
Elles comprennent : 1" La fauconnerie, en cinq
parties :
1^ La fauconnerie du Roy comme elle estoit en 1615;
.']" La conférence des fauconniers ;
4° Les discours de la chasse, ou Conmj pour rassemblée
des fauconniers^ terminé par les dernières résolutions
des fauconniers, avec un récit de l'histoire de la Reine
Jeanne [de Naples);
5° Les lettres de Philoiérax à Philo falco [t].
Quoiqu'un peu confus, ce livre est le plus com-
plet et surtout le plus amusant que nous possédions
sur la fauconnerie. On y trouve mêlés aux détails
techniques et aux préceptes de l'art des réflexions
philosophiques et morales, des anecdotes, des disser-
tations sur l'histoire naturelle, des récits de chasse.
Le tout est plein de cette verve gauloise et de celte
bonhomie qu'on trouve fréquemment dans les écrits
de nos anciens veneurs, mais qui font presque entiè-
(1) Paris, 1620, — réimprimé en 1635 et 1640.
(2) Les premières éditions de la Fauconnerie sont de 1598, 1G04 et
1608. Les œuvres complètns ont ensuite paru en 1G15, 1621, 1027 et
1644.
lu. 8
— 114 —
rciiieiil détaul dans ceux dos lauconniers, gens dog-
matiques el enclins à la pédanterie.
Le véritable fauconnier de RI. de Morais, cy-devant
chef du héron de la grande fauconnerie (1683), possède au
moins dans sa sécheresse le mérite de la brièveté; il
est de plus écrit par un homme qui connaissait son
sujet par expérience personnelle, et a tiré ce qu'il
dit de son propre fonds. Il n'en est pas de même de
Louis Liger, qui, dans ses Amusements de la campagne
comme dans son Nouveau Théâtre d'agriculture (1), ne
fait que copier d'Arcussia el Morais.
Sélincourt a consacré quelques pages de son Par-
fait Chasseur à la fauconnerie telle que la peuvent
pratiquer les simples gentilshommes, et il en a parlé,
comme toujours, en homme d'expérience et de sens.
Les traités de Gafï'et de la Briffardière et de Goury de
Clianipgrand, publiés à une époque où la chasse au
vol tombait en désuétude, sont, en ce qui l'a concerne,
l'œuvre de gens qui la connaissent plus par leurs lec-
tures que par la pratique. Il en est de même, à plus
forte raison, de Desgraviers, dont le livre n'a été ter-
miné qu'après la révolution, mais qui ne se croit
cependant pas dispensé de dire quelques mois sur la
chasse au vol.
Nous avons déjà cité le Fauconnier parfait, de
M. de Boissoudan, ouvrage curieux, (jui, après être
resté longtemps manuscrit, a été imprimé récemment
ù la suite de la Vénerie de du Fouilloux (édition de
(I) Paris, 172-2 ut 1723.
— 1 1 ;j —
Niort) Pt dans les Mélanges de la Société des Biblio-
philes.
Le dernier travail sérieux sur la fauconnerie est le
morceau très-bien fait qu'a inséré dans V Encijclopé-
die M. Leroy, lieutenant des chasses de Sa Majesté.
La partie qui concerne l'éducation des oiseaux est un
modèle de clarté dont Buffon (qui cite, du reste, son
auteur) et bon nombre d'écrivains modernes (qui ne
le citent guère) ont su faire leur profit. Ces der-
niers ont continué de traiter de la fauconnerie comme
si elle n'avait jamais cessé d'exister en France; mais,
à l'exception de quelques travaux récents fort dignes
d'estime (1), ils ne contiennent rien qui mérile d'être
signalé.
(1) Notamment l'ouvrage de M. le D'' Chenu, résumé des anciens au-
teurs français et des traités importants publiés en Hollande et en An-
gleterre.
CHAPITHE H.
Des oiseaux employés à la chasse au vol.
Sauf quelques cas exceptionnels qui seront men-
tionnés ultérieurement, tous les oiseaux qu'on dres-
sait pour la chasse appartiennent à l'ordre desrapaces
et au genre des faucons.
On leur donnait exclusivement le nom d'oiseaux
nobles. Tous ceux qu'il était impossible ou même très-
difficile d'afl'aiter étaient qualifiés d'ignobles. L'aigle
lui-même, le roi des oiseaux, le glorieux symbole des
légions romaines et de nos régiments, était considéré
comme ignoble à ce point de vue.
Dès une époque très-ancienne , on trouve les
oiseaux nobles divisés en deux grandes catégories : les
oiseaux de haut vol ou de leurre, les oiseaux de bas vol
ou de poing.
Les noms d'oiseaux de leurre et de /;oî/?f/ dérivaient
— 117 —
de la manière dont ils étaient dressés à revenir à
l'appel du chasseur (1).
Ceux d'oiseaux de haut et de bas vol venaient de la
forme différente de leurs ailes et de l'usage qu'ils en
faisaient.
Cette dernière distinction répond parfaitement à
celle que, d'après les mêmes considérations, les natu-
ralistes modernes établissent entre les oiseaux de
proie rameurs et voiliers [2) .
Les rameurs, oiseaux de leurre ou de haut vol ont
l'aile allongée, pointue, vigoureuse ; la seconde penne
est la plus longue de toutes. Leurs serres ou mains
sont plus longues, plus déliées, leurs ongles plus forts,
plus arqués, plus acérés que les mêmes organes chez
\qs voiliers.
Par suite de leur conformation, ils volent de préfé-
rence contre le vent, et s'élèvent ainsi à des hauteurs
considérables presque sans travail. Pour atteindre sa
proie, qui fuit d'ordinaire à imu-vent, le rameur com-
mence par monter verticalement jusqu'à ce qu'il soit
parvenu à un niveau supérieur au fugitif. Arrivé à ce
point, il tourne queue et fond sur son gibier, vent
arrière, avec une vitesse foudroyante; c'est ce qu'on
appelle la descente du faucon (3).
(1) Les premiers revenaient vers le leurre que le fauconnier agitait
au bout d'une longe. Les autres retournaient se poser sur le poing
ganté du chasseur.
(2) Cette distinction est due à Huber, qui l'a faite pour la première
fois dans un livre intitulé : Observalions sur le vol des oiseaux de
proie. Genève, 1784.
(3) " Le faucon vole en rouanl et regardant en bas, puis descend sur
— 118 —
L'oiseau rameur saisit et porte bas la proie qui est
plus légère que vite ; il frappe de la poitrine ou des
serres celle qui a plus de vitesse que de légèreté, ou
qui a trop de force pour être liée. Le coup est porté
avec tant de vigueur et de sûreté, que l'oiseau tombe
souvent roide mort, comme atteint d'une balle.
L'aile des voiliers, oiseaux de poiîigei de basse volerie est
plus large et plus courte que celle des rameurs. Les
pennes en sont moins roides, plus aiguës et échancrées.
C'est la (jualrième de ces pennes qui est la plus
longue.
Cette conformation, moins avantageuse, ne permet
aux voiliers de voler avec rapidité que vent arrière et
la lete basse. Ils ne s'élèvent que pour découvrir leur
proie en planant.
A la chasse, on les faisait voler de poing en fort, à
la source, ou à lèvc-cul (1), ce qui veut dire que, s'é-
lançant avec force du poing au moment où le gibier
se levait, ils V empiétaient iwimy qu'il eut le temps de se
mettre en aile.
Si l'oiseau de poing manquait son coup, au lieu de
poursuivre sa proie a tire-d'aile, il accompagnait le
chasseur en volant au-dessus de sa tête pour fondre
sur le gibier au moment où on le relevait, ou allait se
brancher sur un arbre voisin de la remise.
Le voilier ne frappe que rarement sa proie; il la
la proye comme uuc bU^'clLc, les ailes cluses, ilroit à loyseau pour le
desrompre à l'ongle derrière. » {Merveilles de la nalare.)
(l) On disait encore volei' à la tnise, /) l(( enneerlc. et jikis iuicien-
neraent au couluii, \uir h' Mrnagii r.
saisit dans ses serres et la comprime jusqu'à ce que
mort s'ensuive.
Les anciens auteurs ont multiplié outre mesure les
espèces d'oiseaux de proie propres à la chasse ; il a
été reconnu par les naturalistes modernes qu'un
grand nombre de ces prétendues espèces n'étaient
que de simples variétés, ou même n'avaient d'autres
caractères distinctifs que des différences provenant de
l'âge, du sexe et des conditions dans lesquelles a vécu
l'oiseau (1).
En conséquence, les espèces ordinairement em-
(I) Voici l'énumération des oiseaux employés au xiv« siècle que ilonne
Gace de la Buigne :
Tu auras faulcons et laniers
Nyés (niais), ramaiges, sors, muers,
Des gerfaulx des blancs et des bis.
Et des faulcons pris de pays ,
Aussy de sacres et de sacrez
Et de ces bons grans tartelez ;
De pèlerins à peu charnue
Qui si bien séent sur main nue....
Quant viendra le temps de gibier
Chascun en ta route espervier
Aura, qui le sçaura porter...
Esmérillons et aubereaux,
Mouschetz pour tes enfans nouveaulx
AfOn que le mestier appi'eignent
Et qu'aux peschez pas ne se tiengncnl.
De carotes de Barbarie
Qui des grues prendre ont mestrie.
De bons autours te faut avoir...
Et si y a de millions
De turques et d'alérions,
Tuniciens de Barbarie
Qui reffont haute volerie.
Sur i^cs ilillV'rente> espèces et variétés, voir plus loin.
-- 120 —
ployées à la volerie peuvent se réduire aux suivantes :
j" Le Faucon proprement dit, ou faucon pèlerin (1)
des naturalistes modernes [Falco pcregrinus);
2° Le Gerfaut (F. Gyrfalco);
3° Le Sacre (F. Sacer);
4** Le Lanier(F. lanarius);
•V L'Èmerillon (F. /Esalon);
6° Le Hobereau (F. Subhuteo) ;
7° L'Autour [F .^ Palumhariiis] ;
8" L'Epervier (F. Nisus).
Les six premiers sont oiseaux rameurs, de haut vol
et de leurre; l'autour et l'épervier sont voiliers,
oiseaux de bas vol et de poing (2).
Avant de procéder à la description succincte de
chacune de ces espèces, il convient de faire observer
que, dans toutes, le mâle est nommé tiercelet, comme
étant d'un tiers plus petit que la femelle. Tous ces
oiseaux prennent, en outre, diverses dénominations
suivant leur âge et les conditions où ils vivaient lors-
qu'ils ont été réduits en captivité.
On les nomme niais (3) lorsqu'ils ont été pris dans
leur nid ou aire;
Ramages ou brancliiers, quand ils commencent à
voleter de branche en branche;
(1) En style du fauconnerie, un faucon n'élait dit iJÙleiiu (juc lors-
<^|u'il avait été pris passa rjer.
(2) Sur la distinction de ces espèces et leurs caractères, consultez
les ouvrages deSchlcgel, de Brodrick et de Frecman, ainsi que la Fmi-
ronncrie ancirniir ri moderne de MM. Chenu el dos Murs. Paris,
J86'2.
(3) En latin du moyen àpi' : .\'i(lasii, de nirlus, nui.
— 121 —
Antanaires [[) lorsqu'ils sont âgés d'un an et sur le
point de subir leur première mue, ce qui a lieu en
janvier, février ou mars ;
Mués lorsqu'ils ont fait cette première mue en cap-
tivité, mués des bois ou des champs quand elle a eu lieu
en liberté.
Les oiseaux pris adultes et revêtus de leur livrée
définitive étaient aussi appelés oiseaux hagards ou de
repaire.
Enfin on nommait passagers les oiseaux pris pen-
dant leurs migrations annuelles, et oiseaux pris de
pays ceux qui étaient indigènes.
Nous dirons, plus tard^ un mol des oiseaux qu'on
ne dressait qu'accidentellement.
§ l*^ ESPÈCES DRESSÉES HABITUELLEMENT A LA CHASSE.
1" Le faucon ijroprement dit.
La première place appartient de droit au vaillant
oiseau qui a donné son nom à la fauconnerie.
Son plumage, qui varie extrêmement suivant l'âge,
le sexe, la saison de l'année et le climat, lui a valu une
quantité de noms divers, sans compter les épithètes
génériques qu'il partage avec les autres oiseaux de
chasse.
On le qualifiait de sors (2) pendant sa première
(\j De l'an précédent, Aiilaii,
Mais où sont les neiges d'Antan ?
(Villon.)
Çl) Roux en vieux français. — Un clieval sors est un cheval alezan
{soiTel en anglais). Le hareng sors ou saur a pris une teinte rougeàlre.
122
année, cl e//t'/<i<7 lorsqu'il avait été pris entre le 15 juin
et le 15 septembre, de madré (1) lorsqu'il avait deux
ou plusieurs mues.
Un faucon était dit pèlerin lorsqu'il était pris au
passage en novembre ou en décembre.
Le faucon montain ou montagnard (2) venait des
Alpes, des Pyrénées ou autre chaîne de montagnes
de notre territoire.
Le faucon de Barbarie ou barharin venait des côtes
d'Afrique, comme le tartaret qui y était pris passager,
mais qu'on croyait venir de Tarlarie ; le turquet était
un oiseau de Turquie. On donnait aussi à ceux qui
venaient de ce pays les noms de sahins et de bala-
rins (3).
i.e vol auquel on l'employait de préférence faisait
donner à un faucon la ({ualiGcation de champélre, de
vivier eux, de gruyer et de héronnicr.
Le faucon n'est pas très-rare en France. 11 en passe
tous les ans, pendant l'automne, dans les environs
de Lille. Autrefois, les fauconniers du Roi venaient
tendre des filets pour prendre ceux qui passaient au
mont d'Airènes, près de Falaise (4).
Des faucons nichaient et nichent encore dans toutes
(1) Moucheté.
(2) Ou mo)ilunier.
(3) Le sahin était le môme oiseau (jue le lorlarel, stolon d'Arcussia.
— Le baUd-in, petit faucon noir, pourrait bien être celui (|ue les lau-
conniers algériens nomment bahari (marin) et dont ils disent : « C'est
un nègre, il ne vaut pas grand'chose. » (Généi'al Daunias.)
(i) Cette hauteur tire iieiit-èliv son nom îles arait/iics ou iilels dont
se servaient ces fauconniers.
— 123 —
nos grandes tnonl;ignes et dans les falaises escarpées
des cotes de Normandie.
Anciennement, on en apportait aussi du Levant,
d'Afrique, de Corse, de Sardaigne (l), d'Allemagne et
du Nord. Les faucons niais qu'on tirait d'Espagne
étaient incomparables, dit Sélincourt, surtout ceux
qui venaient de la montagne Rouge.
Le faucon sor ou sors a les plumes de son manteau
brunes, bordées de roux. Le dessous de son corps,
d'un blanc roussàtre,est tacheté longitudinalement.
L'oiseau mué ou hagard, s'il est tiercelet, a les parties
supérieures d'un gris ardoisé, la poitrine blanche,
marquée de petites stries longitudinales, le ventre et la
culotte rayés en travers de noir sur cendré. La femelle
conserve toujours des teintes plus roussàlres.
Sors eihagards ont les mains d'un jaune verdàlre, et
une large tache noire en forme de moustache au coin
du bec.
Le faucon femelle a environ 0'",4G de longueur.
Le tiercelel ne mesure que 0"',38 [2].
Le faucon de Barbarie serait d'après quelques
auteurs une variété permanente. Il est décrit par
Sonnini comme plus petit que le faucon commun,
cendré en dessus, et d'un blanc jaunâtre en dessous.
(1) « Les faucons de Sardaigne sont trop petits et de rousse pliune,
mais les plus hardis du monde et pfennenl le chi/nc, la r/rttc cl le luù-
ron. » {Le Roy Modus.)
{1) "Voir BuiTon. —Chenu. — Encyclopédie, art. Faucoinicric, rédigé
par M. Leroy, lieutenant des chasses. — Freeman. On trouvera aux
notes la devise du bel faucon, parGace d^ la Buigne. que sa longueur
nous empêche de placer ici.
— 124 —
avec des l;iches oblongues et noirâtres sur le ventre et
la culotte. C'est probablement l'oiseau que les fau-
conniers algériens nomment berana (1).
2° Le gerfiuit.
Il existe trois variétés constantes et bien distinctes
de gerfauts (2), toutes trois originaires des pays sep-
tentrionaux, et que plusieurs ornithologistes consi-
dèrent comme trois espèces (3).
Le gerfaut blf me ou de Groenland [falco candicans] est
le plus rare et le plus estimé de tous. Son plumage, lors
qu'il est adulte, est d'une blancheur éclatante, avec des
taches brunes en forme de cœurs ou de bandes trans-
versales interrompues sur les parties supérieures. Les
jeunes sont tantôt blancs, marqués de grandes taches
oblongues, tantôt brunâtres en dessus et tachetés
sous le ventre. Les mains et la cire (4), bleuâtres
dans le jeune âge, deviennent, plus tard, d'un
jaune livide.
La taille de la femelle adulte atteinte)'", 51), celle du
tiercelet ne dépasse point 0"\53 (5).
(l) Buffon, ;u't. Faucon, noie. — Gén(''riil D.aunitis.
("2) Le nom de (jcrfaul, on latin moderne [ji/rfalco, vient du mot alle-
mand composé Geyer-falk, laiieon-vautour.
(3) Chenu. — Brodrick. — Sehlegel. — Freeman.
D'autres n'y voient que des modilications d'âge ou de coudilion.
(4) Peau (jui couvre la hase du hoc.
(5) Tous les oiseaux de proie nohles jiris eu Islande étaient réser-
vés au Roi de Danemark qui entretenait dans l'ile un certain nombre
de fauconniers pour les prendre. La capture, l'entretien et l'envoi de
ces oiseaux étaient soumis aux règlements les plus minutieux. Le Roi
de Danemark en faisait des présents aux L-ouverains, surtout au Roi
— 125 —
Ce bel oiseau naît en droenland, en Sibérie, dans
le Caucase. Use monire, pendant les hivers rigoureux,
en Islande et plus rarement en Suède et en Nor-
wége.
C'était le plus haut prisé de tous les oiseaux de
chasse. On ne le voyait guère que sur le poing des
fauconniers royaux (1). L'envoi de quelques gerfauts
blancs était considéré comme un présent digne des
plus grands monarques (2).
Le gerfatit dislande (F. ïslandicm), à peu près de
même taille que le précédent, en diffère par la teinte
constamment brune de son pennage dans les parties
supérieures du corps, avec des taches et des raies
transversales blanches. Les mains et la cire, après
avoir élé bleues, deviennent d'un beau jaune quand
l'oiseau est adulte (3).
Ce gerfaut ne fait son aire qu'en Islande. Il est pas-
sager en Prusse et dans le nord de l'Allemagne, où
l'on prenait autrefois ceux qu'on dressait pour la fau-
connerie.
Entièrement brun par-dessus, blanc en dessous,
avec des teintes roussâtre,s et des taches noires trans-
versales, le gerfaut proprement dit, ou gerfaut de Nor~
de France et à l'Empereur. Il en envoyait aussi parfois à divers princes
allemands et aux princes de Conti. (Voir Schlegel.)
(1) Belon.
(2) Voir plus haut. — Pierre de Lusignan, Roi de Chypre, étant venu
à Vienne en 13G4, le duc et la duchesse d'Autriche lui ofTrirent des
présents qui valaient plus de 10,000 écus. Le Roi, grand amateur de
fauconnerie comme tous les Chypriotes, ne voulut garder qu'un très-
beau gerfaut blanc. (BufTon, art. Gerfaut, note.)
(3) Chenu. — Schlegel. — Freeman. — Brodrick.
— I2() —
wége{F. (fjrfalco), est un peu moins grand que les
autres gerfauts (0'",50 ;\ 0'",55). Ses mains sont d'un
jaune verdàlre (1).
Le gerfaut de INorwége était très-recherché des
fauconniers, parce qu'il était encore plus courageux
et en même temps plus docile que les autres. Il ha-
bite les hautes montagnes de la Norwége et de la
Suède. On le voit passer en Allemagne, en Hollande
et quelquefois en France.
Les gerfauts en général étaient placés avant tous
les autres oiseaux dans l'estime des chasseurs; les Rois
se plaisaient à les faire manger à leur table, à les ca-
resser de la main, à apaiser d'une voix flatteuse leur
humeur indocile (2). On les payait des prix excessi-
vement élevés.
Belon dit que le gerfaut est communément vendu
25 écus , et que l'on trouve avoir eu bon marché
quand vOn Ta bon pour 20 (3). On voit, dans les
comptes de François V\ que sa fauconnerie ache-
tait des gerfauts à raison de 18 écus d'or soleil
pièce (4). En 1684, la fauconnerie de Louis XIV
acheta huit gerfauts pour 720 livres (5).
Ces oiseaux méritaient le cas qu'on en faisait par
leur vigueur et leur courage. Ils ne refusaient d'atta-
quer aucun animal, quelles que fussent sa grosseur et
(l) Clicnu. — Schlegel. — Froonian. — Brodrick.
{1) De Thon.
(3) L'écu d'or au soleil valut, sous François I'', dp iO à 'i5 sols tour-
nois ('23 fr. GGà 2G lY. GO c, valeur relative).
(4) Voir les Pièces justilicatives, t. I".
[ô) Ihidrni. — 7'20 livres valaient alors environ !,2'JG1V.
S(i foret;. L'nigle pécheur, !n buse, le iriilan, l'uiilarde,
le cygne, la grue, le héron, la cigogne succombaient
(levant eux. « Nous trouvons par escrit en quelques
livres de fauconnerie que le gerfaut s'est auzé
hazardcr contre un vray aigle, et en avoir esté le
inaistre (1). »
En revanche, leur éducation était difficile et exi-
geait des soins tout particuliers à cause de leur carac-
tère hagard et bizarre. « Le gerfaut veut avoir main
douce et maîlre débonnaire qui le traite amiablement,
(lisaient les fauconniers, sinon il ne saduira jamais
bien (2). »
3" Le sacre.
A l'époque du déclin de la fauconnerie, le sacre
était devenu si rare, que plusieurs naturalistes ont nié
son existence comme espèce distincte et n'ont vu en
lui qu'une variété du faucon commun ou du ger-
faut!::}).
Depuis, il a été retrouvé en Orient et en Afrique,
oii on le dresse encore pour la chasse (4), et l'on a re-
(1) Belon.
(2) Ibidem.
(3) Les fauconniers italiens croyaient le sacre issu d'un croisement
entre le faucon gentil et le lanier. {Ruiniondi, délie Caccie. — Scril-
lui'e, etc.) Buffon n'admettait le sacre comme espèce rjue sur la foi de
Belon.
(4) Il y a peu d'années, deux neveu.x du schah de Perse, retirés à
Damas, volaient la perdrix avec des oiseaux nommés s«/i;r, venant de la
Tartarie et du Turkestan. Ces oiseaux étaient dressés à voler de j^oiny
en l'orl comme les anciens oiseaux de bas vol, (Voir une note très-
curieuse du Ménagler de Paris, t. T, Introd.) — J'ai vu et dessiné
en 18G1, au Jardin d'acclimatation, un oiseau de proie, dressé à la
— 128 —
connu rexaclilude de la description qu'en donnent
Belon et nos vieux fauconniers.
« Le sacre est de plus laidpennage que nul des oy-
seaux de fouconnerie, car il est de la couleur comme
entre roux et enfumé, semblable à un milan. Il est
court empiété, ayant les jambes et les doigts bleus (1),
ressemblant en ce quelque chose au lanier. Il seroit
quasi pareil au faucon en grandeur, n'estoit qu'il
est compassé plus rond (2). »
Le sacre naît en Russie, en Tartarie, en Hongrie,
en Turcomanie. On le prenait passager dans les îles
de l'Archipel, en Sardaigne, en Afrique, où les fau-
conniers arabes le connaissent encore sous le nom de
térakel(3), et même de temps en temps en Provence,
dans la Crau d'Arles (4).
Les anciens fauconniers faisaient beaucoup d'état
du sacre, parce qu'il était de grande force et bon à
toute volerie (5).
chasse, qui avait été rapporté de Perse et qui avait tous les caractères
attribués au sacre par nos anciens auteurs.
(1) Les mains du sacre deviennent livides avec l'âge.
(2) D'après le D'' Chenu, la taille du sacre serait intermédiaire entre
celle du gerfaut et celle du faucon pèlerin.
(3) Cxénéral Damnas.
(4) D'Arcussia.
(5) Albert le Grand identifie le sacre avec un oiseau de proie appelé
^rdon dont nos plus anciens auteurs font un éloge des plus pompeux,
emprunté à l'épitre du faux Symmachus. « La septième lignée de fau-
cons, dit Brunetto Latini, est brecion, que li pluissors apelent rodion
{lierodion) ; c'est li rois et 11 sires de tos oisiaus, car il n'est nul qui
ose voler devant lui ains cliiet tout estordis en tel manière que on le
put't prendre come se il fut mort, neis l'aigle mcisme por la paor de
lui n'ose aparoire là où il est. » Deudes de Prades dit la même chose.
Le faux Symmachus ajoute que le breton est très-délicat sur su
— 129 —
On pouvait, on effet, lui faire chasser à volonté les
oiseaux de haut vol, comme le milan, la buse et le
héron; ceux de forte taille, comme l'oie sauvage,
l'outarde et Volive ou canepetière, le faire voler pour
champs, et prendre avec lui le faisan et le lièvre.
Selon d'Arcussia, quoique bons compagnons, les
sacres sont délicats, meurent souvent dans la mue
parce qu'ils se chargent de trop de graisse et ne valent
rien si le froid ne les touche. Ils sont, de plus, si
aspres, qu'ils ne durent guère (1).
Les fauconniers, d'accord sur les qualités du sacre,
une fois qu'il était dressé (2), ne l'étaient nullement
sur la facilité plus ou moins grande de son éduca-
tion. L'un dit qu'il est difficile à traiter, l'autre que
c'est le plus laborieux, le plus paisible et le plus trai-
table des oiseaux de proie; un troisième, qu'il est gros-
sier d'entendement, mais qu'il se façonne (3). Il faut, je
crois, s'en tenir à l'opinion d'Arcussia, qui dit que
« la nature du sacre est d'eslre opiniastre et de deux
coeurs pour quelque temps, mais auec la patience, il
nourriture, qu'il mange presque autant qu'un aigle et qu'il est nommé
en grec aérophilon ou aérion. Le herodius ou herodion, dit vulgaire-
ment giffard, serait de la même espèce. Ces descriptions assez con-
fuses paraissent s'appliquer plutôt à une espèce d'aigle (alérion) qu'à
notre sacre, quoique Frédéric II, contrairement àtousle.s moderues,
dise qu'il niche en Bretagne.
(1) Cet oiseau est dit sacre, selon d'Arcussia, pour ne devoir esire
louché de toute sorte de gens. Son nom viendrait alors du mot latin
sacer. D'autres le font dériver do la langue arabe , dans laquelle ces
faucons sont nommés sakr.
(2) Voir de Thou, et tous les anciens fauconniers.
(3) P. R. F. Fiincl.— Goury de Chauipgrand. — Dict. de Trécinix.
III. 9
— 130 —
se rend gracieux, encor ialoux de son maislre, bien
qu'il le mesconnoisl s'il change d'habit. »
Quoi qu'il en soit, on payait fort cher les sacres et
sacrets qu'apportaient en France les Grecs et les Véni-
tiens. La fauconnerie de François F', qui en achetait
beaucoup, payait ordinairement 14 à 15 écus d'or
soleil les sacres et A écus les sacrets (1).
•'i" Le lanier.
L'espèce du lanier, comme celle du sacre, avec la-
quelle elle a de grands rapports, a été perdue de vue
par les naturalistes dès le siècle dernier, et le fait est
d'autant plus extraordinaire que tous les anciens fau-
conniers le disent indigène et très-commun en France,
où il nichait dans les forets et les rochers (2). Le na-
turaliste AIdrovande lui donne même le nom spéci-
fique de lanier des Français [laniarius Gallorum). On
ignore complètement comment cet oiseau a pu dispa-
raître entièrement de nos contrées et pourquoi on
ne le trouve plus qu'en Dalmatie, en Grèce et en
Hongrie, oii il est fort rare (3).
(1) Voir loft Pièces justificatives.
(Q) Bclon. — De Thou. — Ce dernier dit que le lanier est indigène
[perna) et qu'on l'appelle cuisinier.
(3) Schlegel croit que le lanier n'a jamais été commun chez nous.
D'après lui, les premiers auteurs qui ont écrit en France sur la faucon-
nerie ont traduit des Byzantins ou des Orientaux ce qu'ils ont dit du
laitier, sans prendre soin de modifier les textes à leur point de vue, de
telle sorte que, lorsque ces derniers disaient le lanier indigène dans
leui' pays, les Français se sont trouvés dire à leur insu qu'il était in-
digène en France. L'erreur se serait ensuite propagée de siècle en
siècle. Go raisonnement est peu probalilc lorsqu'il s'agit de gens comme
Bclon et de Thou. Reste à expliquer la (lis]iarition du lanii>r.
— 131 —
C'est d'après des oiseaux provenant de ces pays
que l'espèce a été reconnue et décrite par les ornitho-
logistes modernes (1).
Le lanier a le doset les ailes de la même couleur
que le faucon pèlerin. Le dessus de sa tête et sa
nuque sont d'un roux vif; le dessous du corps est blanc
avec des taches noires longitudinales. Ses pieds sont
courts, épais et bleuâtres dans sa jeunesse ; ils de-
viennent jaunes après la première mue (2).
La taille du lanier est moindre que celle du fau-
con commun (0'",37 à 0°,39). Le mâle, un peu plus
petit que la femelle, se nommait un laneret.
On trouve quelquefois des laniers tout blancs. Ils
étaient jadis fort recherchés des fauconniers; on les
considérait comme plus vigoureux et plus dociles que
les autres. De Thou suppose que ces laniers blancs
naissaient dans les Alpes et les Pyrénées (3).
Outre les laniers pris niais en France, on en tirait
d'Allemagne, de Sicile et de la Cran de Vérone. D'Ar-
cussia nous dit encore que les oiseleurs du comte
de Tende en prenaient de passagers dans la Crau
d'Arles.
Le lanier était assez en vogue auprès des faucon-
niers à cause de sa docilité et de sa douceur; cepen-
dant ils lui reprochaient de manquer souvent de cou-
rage, de n'être pas de grande entreprise et de voler de
(1) Schlegel. — Brodrick. — Chenu. — Au x\"= siècle, le dur d'Orléans
faisait dénicher d,es laniers dans sa forêt de Boulogne.
(2) De Thou. — Belon. — Brodri(;k. — Chenu.
(3) IJieracosopIt., lil>. I.
— \'S-1 —
faim eX de nécessité plulôl que mû d'une ardeur plus
noble (1). On accusait aussi les laniers d'être peu fi-
dèles à leur maître, surtout les passagers.
Comme, après tout, c'étaient des oiseaux qu'on se
procurait facilement et sans trop de frais, qu'ils
étaient infatigables, duraient fort longtemps (2) et de-
venaient d'autant meilleurs qu'ils chassaient davan-
tage, les simples gentilshommes en faisaient grand
usage (3).
L'alfanet, autrement dit faucon tunisien ou puni-
c/ew(4),étaitune variété du lanierqui venait de Grèce,
de Candie, d'Egypte et de Barbarie (5); on en prenait
aussi quelques-uns dans la Crau d'Arles, aux environs
de Marseille, de Fréjus, d'Antibes et de Nice, dans
les îles d'Hyères et dans les rochers de la Ligu-
rie (6).
(1) Le mot de lanicr est employé comme injure dans les Romans du
xii"' et du xiu" siècle.
Or dira l'en que est mauvais et laniers.
{Garin le Loherain.)
Le faucon ianier était parfois appelé faucon vilain [Mesnagier).
(2; « On en aura pour toute sa vie, dit Sélincourt, car ils durent
trente années. »
(3) Sélincourt.
(4) U'Arcussia, qui écrit alpha)iel,ù\li\\i"\\ avait été ainsi nommé par
les Grecs, parce qu'il était le premier des faucons comme l'alpha est
la première des lettres. — Le mot parait plutôt d'origine arabe. Les Es-
pagnols l'écrivent alfaneque.
(5) D'Arcussia prétend que les alfanets venaient du côté de l'E-
gypte et non de la Barbarie occidentale. Cependant les Espagnols ti-
raient les leurs de la province d'Oran. (Espinar.) Lors d'un essai
malencontreux de fauconnerie arabe , tenté à l'hippodrome de Paris,
il y a quelques années, les fauconniers avaient apporté des oiseaux à
pennage blond et à tète rousse qui devaient être des alfanets.
(G) De Tliou. — D'Arcussiii.
— 133 —
L'altaiiel était un peu plus petit que le laiiier (1),
et son plumage était plus molei plus blond; il avait le
corps arrondi, la tête grosse et les jambes longues.
Les Italiens s'en servaient au lieu et place du lanier,
et les Africains en faisaient grand usage (2).
D'Arcussia dit que l'alfanet est le plus beau et gra-
cieux des oiseaux servant à la fauconnerie. Il excelle
surtout à chasser la perdrix et le lièvre (3).
Pierre Harmont, dit Mercure, fauconnier de la
chambre du Roi Louis XIII, est loin de partager l'en-
thousiasme de d'Arcussia à l'endroit des alfanets :
« Ils sont, dit-il, de la taille d'un laneret, sans cou-
rage et mois au vent. Leur volerie est pour les
champs; ils ne font que papillonner... Le feu Roy
(Henri lY) les ayant recogneus en donna deux à feu
Monseigneur le Connestable, qui les garda trois ans
en leur beauté sans qu'ils prissent une seule perdrix.
Depuis, on n'en a pas fait d'estat en France, et les
marchands n'en apportent plus (-4). »
5" L'émerillon.
Cet oiseau est le plus petit de tous ceux qu'on dresse
à la chasse; sa taille ne dépasse pas celle d'une
(1) La femelle était de la taille du laneret. Le tiercelet d'alfanet
était méprisé et on ne le dressait point.
(2) Ces derniers volaient la gazelle avec ces oiseaux, au dire d'Ar-
cussia.
(3) n en possédait lui-même un exellanl pour les penlris dont il n
donné un portrait assez grossièrement gravé.
(4) Miroir de fauconnerie. Paris, 16'20 pt 1624.
— 134 —
moyenne grive (0'",26 à 0"',3l) (1). Le liercelet jeune
el la femelle adulte ont le dessus du corps brun,
varié de roussàtre, et le dessous d'un blanc fauve, ta-
cheté de brun. Les mains sont jaunes. Le vieux màle
est d'un cendré bleuâtre sur le dos el les ailes (î).
L'émerillon n'était jamais pris niais (3), mais les
passagers ne sont pas Irès-rares en France. On en
prend encore aujourd'hui au filet dans les environs de
Lille (4).
Aussi docile que courageux, l'émerillon était fort
considéré des fauconniers , malgré sa petitesse.
Quoique oiseau de haut vol, il n'était pas besoin de le
chaperonner, el on le dressait le plus souvent à reve-
nir sur le poing, quoiqu'on le pût aussi aduire au
leurre.
Non-seulement l'émerillon pouvait être dressé à
voler les alouetles et les petits oiseaux, mais son cou-
rage est tel, qu'il prenait des oiseaux plus gros que
lui, comme des pigeons, qu'on avait soin seulement
de ciller, et des perdreaux que ce vaillant petit faucon
avait même l'énergie de transporter dans ses serres.
(1) Brlon (ht (lu'il i.'st seul entre tous les autres oi/seaux de proye qui
n'a distinction de son niaste à la femelle. Cette assertion, conlirmée
liar Sonnini, est formellement contredite par MM. Chenu et des Murs,
suivant lesquels la femelle adulte est beaucoup plus forte que le m<\le.
Boissoudan nous apprend que l'émerillon miÀle se nommait maslot.
(2) « Il représente si naïfvement le faucon qu'il ne semble en différer
sinon en grandcnii-, cai- il a mesmes gestes, mesm(^ iilumage et est de
mesmes mœurs, et. en son endroit, a mesme courage. » (Belon.)
(3) D'Arcussia croyait, sans oseï- l'affirmer d'une manière bi(>n po-
sitive, avoir déniché des émerillons dans des rochei-s en Provence.
(4) Chenu. — Les émerillons nirluMit d:iii- le noi-il Au continent nn-
ropéen el des lies lîritnnniques.
— 135 —
En liberté, il attaque la pie, le geai et le chou-
cas. Son vol est si rapide et son coup d'œil si sûr, que
le plus souvent il tue sa proie d'un seul coup, au mi-
lieu des airs, en la frappant de l'estomac sur la partie
postérieure de la tête.
6° Le hobereau.
A peine plus grand que l'émerillon (0"',30 à 0'%32),
le hobereau, quoique volant encore plus facilement
et s'élevant plus haut, quoique si courageux qu'on
l'avait surnommé le hardi, ne venait qu'après lui
dans l'estime des fauconniers, parce qu'il était consi-
déré comme le plus volo?itaire et le plus libertin des
oiseaux chasseurs (1).
Le tiercelet adulte a le manteau gris ardoise foncé,
la gorge et la poitrine blanches^le ventre et les cuisses
d'un roux vif, ces dernières parties et la poitrine
marquées en long de taches brunes. Belon le compare
à un sacre, sauf la grandeur.
Les femelles et les jeunes ont des teintes plus
brunes et plus ternes.
Le hobereau est commun en France; les gentils-
hommes campagnards, auxquels il a donné son nom,
s'en procuraient facilement et en faisaient grand usage
(l) Chenu. — D'Arcussia. — Gace de la Buigne raconte qu'à l'âge
de neuf ans il faisait déjà voler des hobereaux :
« Et aussi que Déduict d'oyseaulx
Qui iaisoit porter haubereaux
Et le menoit parmi les champs
Qu'il n'avoit encoires que neuf ans. »
— 13G —
pour chasser les jeuues perdreaux, les cailles et les
alouettes.
« Ces oyseaux font bien, dit d'Arcussia, quand ils
sont accoustumez de voler avec des esmérillons ou
avec des faucons, eslans fort légers et de bonne aile,
soit niais, passagers ou sors. Pou ries muez des champs,
ils sont du tout infidelles et vont tousjours aux mou-
cherons. »
7" L'aiitoiif.
Comme le faucon, l'autour était qualifié de sors et
de gentil; on l'appelait autour foitrcheret lorsqu'il était
de moyenne taille, et la femelle recevait quelquefois le
nom d'autour formé.
La taille de l'autour surpasse celle de tous les autres
oiseaux de chasse. Elle est même un peu supérieure à
celle du gerfaut (1). L'aulour femelle est aussi gros
qu'un fort chapon; ses jambes sont longues, robustes
et de couleur jaune.
Pendant la première année de leur vie , les deux
sexes ont le dessus du corps brun et le dessous d'un
blanc jaunâtre, avec des taches longitudinales brunes.
Après la mue, les parties supérieures deviennent d'un
brun cendré; les parties inférieures sont blanches,
marquées de raies transversales brunâtres.
Il se trouve parfois, surtout en Orient, des autours
;i; In l.-lillP .lu niillo rst ilr ()'',:v2, rf.|l.> ,|r la r.'iiirllr, lie o-.(.o.
— 137 —
dont le plumage est d'une entière blancheur. Ces oi-
seaux étaient assez rares pour qu'on les estimât dignes
d'être offerts à un souverain. André Paléologue, Des-
pote de Morée , présenta à Tours un de ces autours
blancs au Roi Charles VIII (1). Louis XIII possédait
un autour blanc comme une colombe, passager et chape-
ronnier, auquel il tenait extrêmement (2).
L'autour n'est pas rare en France dans les grandes
forêts, surtout dans celles oii dominent les essences
résineuses; aussi le trouvait-on surtout en Franche-
Comté, en Bugey et en Dauphiné. Il y en avait aussi
en Bourgogne, en Poitou et même dans les environs
de Paris. Il fait son aire sur les arbres les plus éle-
vés (3).
Outre ceux qu'on prenait niais dans notre pays, les
autoursiers en tiraient d'Arménie, de Perse, de Grèce,
de Sardaigne, surtout de l)alm,atie et d'Allemagne.
Ceux d'Afrique et de Calabre étaient moins esti-
més (4).
L'autour, oiseau bo7i ménager, d'un naturel docile,
qu'on pouvait se procurer aisément et entretenir
presque sans frais, était le favori des gentilshommes
de campagne, qui s'en servaient pour toute espèce de
basse volerie, principalement pour chasser la perdrix,
le lièvre et le lapin (5).
(Ij Soiinini duus Bulfoii, art. Autour, noie.
('2) D'Arcussia.
(3) Bufrori.
(4) Belon. - De Thon.
(5) Conles d'Etilropel. —D'Arcussia. — Boissomlan. — « Li graignnr
— 138 —
« L'aulour de son naturel est rusé ; c'est un oi-
seau qui convient aux personnes qui aiment à voir le
crochet de leur cuisine garni de gibier, parce qu'il est
meilleur chasseur qu'aucun aulre oiseau pour le pro-
fil, mais non pas pour le plaisir (i). »
On appelait les autours cuisiniers , soit à cause, de
leurs qualités utiles comme pourvoyeurs, soit parce
qu'on les tenait ordinairement à la cuisine pour les
faire au bruit du monde et des chiens (2).
Boissoudan parle d'un oiseau nommé fourcherel,
qui n'est ni tiercelet ni autour, ni mâle ni femelle (3],
et qui a les pieds couleur de fer. « C'est un fort bon
oiseau, étant bien conduit, » dit-il.
8° L'épervier.
Le plumage de l'épervier offre beaucoup d'analogie
avec celui de l'autour. Mais la taille de ces oiseaux est
fort différente. La femelle de l'épervier ne mesure
pas plus de 0",37. Le tiercelet est de 0™,05 plus petit.
Ce tiercelet, de nom propre françoys, était jadis appelé
mouchet (4).
Les vieux mouchets deviennent d'une jolie teinte
(plus grand, grandior) ostor est si hardis que pornul oisel ne s'alen-
tist, neis li aigle ne li fait nul paor. (Brunetto Latini.)
(1) Les amusemenls de la campaç/ne, parle S'Liger.
(2) Ibidem. — d'Arcussia.
(3) Il veut probablement exprimer jiar celte phrase bizarre que le
fourchcret n'a ni la taille de l'autour ni celle du tiercelet. Selon l'En-
cycIoiu''dif', le fourcherel ou demi-aulnuv est un oiseau femolle d(^
moyenne taille, maigre et pou chasseur.
{'i) On dit aujourd'hui émmicliet.
— 139 —
bleuâtre en dessus et les taches des parties inférieures
sont de couleur de rouille.
Il existe des éperviers tout blancs, mais ils sont fort
rares.
Les éperviers sont encore très-répandus dans toute
la France, où ils font beaucoup de dégâts parmi les
perdreaux, les cailles et les pigeons. Ils nichent fré-
quemment dans nos forêts , quoiqu'un certain
nombre d'entre eux émigré pendant l'hiver.
La plupart des éperviers qu'on dressait pour la
chasse étaient pris niais ou passagers dans notre pays.
Il en venait toutefois de fort bons de Lombardie, de
Sardaigne, de Corse et d'Afrique. Ceux d'Allemagne
passaient aussi pour excellents (1).
L'épervier, facile à trouver, courageux et de bon
travail, était un des oiseaux chasseurs qui rendaient le
plus de services. Il volait surtout pour les champs et
prenait même des levrauts et des lapins.
On nommait épervier royal l'oiseau pris au nid et
façonné royalement pour le plaisir de la volerie et pour
giboyer (2).
Un tel épervier était un présent fort envié. Dans la
chanson des Saxons, poëme du xm" siècle, la Reine
Sibille donne son épervier à Bérart de Montdidier :
« Prenez-le, » dit-elle,
Qant de la quinte mue le traist no vêlement,
Jais ne caille ne pie vers lui ne se desfant.
(1) Belon. — De Thou, — rl'ArciiPsia.
(2) Père R. F, Binot.
— liO —
Tant li sache guerpii' ne sormontcr le vent
Et qant plus le sormonte, de plus haut le descent.
Et qant il tient sa proie, vers le poing se desçant.
Malgré le naturel fier et capricieux de l'épervier, on
arrivai!, avec des soins assidus, à obtenir de lui une
soumission complète.
Gace de la Buigne en raconte un curieux exemple
sur la foi de messire Pierre d'Orgemont, depuis chan-
celier de France, qui en attestait la vérité, comme té-
moin oculaire, par les saints de Rome.
Un chevalier du Berry, grand amateur à'espréve-
terie, à la fin de la saison du gibier, avait mis en li-
berté un de ses oiseaux, qu'il ne voulait pas muer,
après l'avoir désarmé de ses gets et de ses clochettes.
L'épervier continuait à vivre dans son pourpris; en-
trant par une haute fenêtre dans la grande salle, il
allait se percher sur le trait.
Et layens faisoit son séjour
Souvent et de nuit et de jour.
La dame cbâlelaine avait de son côté un estoumel
Qui parloit si Lien et si bel
Que très-grant merveille avoient
Ceux qui si bien parler l'oyoient.
Un jour, Vestournel s'échappe de sa cage, l'éper-
vier l'aperçoit, fond sur lui, V empiète et l'emporte
amont. La dame se désolait, lorsque le chevalier, ac-
courant à ses plaintes, prend un gant, tend le poing
et réclame l'épervier. Aussitôt l'oiseau obéissant lui
apporte Vestournel. Le chevalier
Qui savoit d'oyseaux le meslicr
CourloihPmenl le descherna
Et du itié tout sain lui osta.
_ 141 —
puis il rendit son favori à la dame ravie, sans autre
mal qu'une frayeur qui le priva pendant un mois de
la parole.
Les anciens fauconniers croyaient qu'il existait des
hybrides nés du croisement des espèces que nous ve-
nons de décrire, comme du sacret avec le lanier et
l'alfanet, du tiercelet de faucon avec le lanier, du la-
neretavec le faucon (1).
Outre les huit espèces d'oiseaux chasseurs dont il
vient d'être parlé, on trouve, dans les anciens auteurs,
mention d'oiseaux de fauconnerie dont les caractères
n'ont pu être bien déterminés, comme les tagarots et
les alèthes.
Le tagarot, fort estimé au xiv* et au xv" siècle, sous Leiagamt.
les noms plus ou moins défigurés de chaJiarote, de
harrotte et même de carote, venait de Barbarie et du
midi de l'Espagne (2). Malgré la petitesse de sa
taille (3), le tagarot attaquait le héron, la grue et même
l'outarde , s'il faut en croire le Mesnagier de Paris et
Gace de la Buigne.
Les fauconniers ne sont pas d'accord sur les carac-
tères physiques du tagarot (4). D'Arcussia dit qu'il a la
(1) Voir Albert. Mar/n. de AnimuUbus. — D'Arcussia. — Saint-Au-
laire. — Boissoudan.
(2) Gace de la Buigne. — Mesnagier de Paris. — Espinar. — D'Ar-
cussia.
(3") Le Mesnagier et d'Arcussia le comparent à un tiercelet de faucon.
Ce dernier ajoute qu'il est un peu plus grand, mais moins robuste, et
que aucuns l'ont pris à tort pour un falquei. Dans le midi de la France
le mot tagarot sert à désigner le hobereau.
(4) Gace de la Buigne, qui en a parlé le premier, dit que les deux
— 142 —
lèle grosse, les raaiusbleues ouvertes, coûiine un laiiier,
et le vol extrêmement long à proportion de son corps.
Selon Saint-Aulaire, qui le confond avec le tartarot
ou faucon passager d'Afrique , le taguarot est un oi-
seau rare, qui retire au faucon, de corsage moindre
que le lanier, fort brun , ce brun par Je devant entre-
meslé de quelque rousseur fort vive et comme flamme de
feu. Le tour dy bec, les jambes et les mains sont
jaunes (1).
D'Arcussia dit qu'on recouvre bien rarement des la-
garots en France, qu'ils craignent le vent à cause de
la longueur de leurs ailes et qu'il ne leur a jamais vu
faire chose qui méritât d'être récitée.
L'aièihe. A la fin du xv!*" siècle, on apporta des Indes occi-
dentales un oiseau qu'on nommait alais , akps ou
alèthe. Les premiers parurent en Espagne, oh on les
vendait 3 ou 400 écus pièce, sans être dressés, à l'ar-
rivée des galions. Quelques princes italiens en possé-
chaliorles que le connétable du Guesclin avait offerts à Charles Y pre-
naient les grues si trl-s-hipn, ce lui dit-on, qu'il n'eji fault rien.
Ils sont petitz à merveilles
Ainsi comme deux cuurcer elles.
Beau iiied, beau becq bien amassez
Bien taillez et bien coulorés.
Le mot courcerclles, bien lisible dans le mss. n" 7097, Bibl. imp.
peut signifier tuurlerelles ou crécerelles.
(1) Le tagarot est apjielé saffir par Arthelouche de Alagona. « 11 se
cognoist, dit cet auteur, à ce qu'il a les couteaux plus longs que la
queue et a les signes scmblans au pèlerin, sinon qu'il est plus petit. »
Ce faucon a été reconnu il y a quelques années et décrit par le pro-
fesseur Gêné de Turin {Mcin. dell' Academia di Torino, 1840), sous le
nom do Falcn Eleonorcr. Il niche en Sardaigne. (Schlegel.)
— 143 —
(lèrenl eiisuile. Mario de Médicis auKJiia avec elle le
premier alèlhe qu'on ait vu en France (1).
Ces oisenux étaient de la taille d'un tiercelet de fau-
con, leur pennage était tout d'une pièce, de couleur
d'ardoise sur le dos, avec le devant couleur de zinzolin
(violet rougeâlre) ou d'orangé pâle, tirant sur le perro-
quet. Ils avaient un croissant de couleur brune au bas
du ventre (2).
Les alèthes volaient la perdrix. C'étaient des oiseaux
de courage, les plus excellents en leur qualité et les plus
nobles de tous les oiseaux de fauconnerie. On les jetait
du poing, ils volaient bas et roide, avec une telle-
vitesse , qu'on ne les voyait point remuer les
mahules (3).
Il n'en est plus question après le règne de
Louis Xm [A].
§ 2, ESPÈCES DRESSÉES ACCIDENTELLEMENT.
Les anciens fauconniers se servirent accidentelle-
ment de diverses espèces d'oiseaux de proie ignobles,
aigles, busards, crécerelles, falquets, et même d'es-
([) Barrant, ambassadeur en Espagne, envoya au Roi un autre alè-
the qui devint encore meilleur. — Mercure. — D'Arcussia.
(2) Mercure. — D'Arcussia. — Selon Schlegel, 1 alèthe serait un au-
tour des Açores,
(3) Le haut des ailes. — Ibid., ibicl.
(4) Aldrovande décrit un faucon rouge des Indes orienlcdes qui avait
été envoyé au grand-duc Ferdinand de Toscane. Sa description se
rapprochant assez de celle de l'alèthe, il est possible qu'il y ait eu
confusion quant ù la provenance de l'oiseau. Voir BulTon. art. du
Faucon.
— 144 —
pèces étrangères à l'ordre des rapaces, comme le
grand corbeau, la pie et la pie-griècbe (1).
A l'exception de l'aigle, qui mérite qu'on entre
dans quelques détails à son sujet, nous n'aurons pas
grand'chose à dire de tous ces oiseaux.
Belon rapporte, en parlant des busards ou fau-per-
drieux, qu'on n'a guère accoutumé de les nourrir pour
prendre des oiseaux sauvages, parce qu'ils sont moins
gentils que les autres et ne volent pas trop bàtivement.
« Si est ce que nous en avons veu jà leurrez pour la
perdris, pour la caille et pour le connin. »
La crécerelle , quoique assez susceptible d'éduca-
tion et pouvant chasser l'alouette, le merle et la bé-
cassine, n'a figuré dans la fauconnerie royale que
pour voler la chauve-souris (2).
Le falquet est une sorte de hobereau (3) fort rare en
France, qui a le pennage gris violant et dune pièce,
la taille fort approchante de celle du coucou, les ongles
blancs et les mains rouges. Des tendeurs aux émeril-
lons apportèrent un jour un de ces oiseaux à
Louis XIIL Personne à la cour ne sut ce que c'était.
Le Koi y mit son affection et le voulut faire dresser,
mais la première fois qu'il le fit voler, \e falquet s'en-
fuit et ne reparut plus (4).
Le Roi Louis XII avait un corbeau dressé à voler la
(l)Bufron.
(2) D'Arcussia. — Buffon. — Chenu.
(3) Hobereau kuber, falco vesperlimis dos naturalisleb.
(4) D'AiTiissia.
perdrix (1). Il est parlé, dans \ Ornithologie d'Aldro-
vande, de plusieurs corbeaux qui prenaient des per-
drix, des faisans et même des corbeaux sauvages ;
seulement, pour attaquer les oiseaux de leur espèce,
ils avaient besoin d'être soutenus et comme forcés par
la présence et les cris du fauconnier (2). Jean de Kay
dit avoir vu en 1548, à Lubeck, deux corbeaux
blancs dressés pour la chasse (3).
Au dire du naturaliste anglais Turnerus, François 1"
avait coutume de chasser avec une pie-grièche dres-
sée, qui parlait et revenait sur le poing (4).
Les pies-grièches, que dressait si bien M. de Luynes,
ont joué un rôle assez important dans l'histoire de la
jeunesse de Louis XIIL Le Roi volait avec ces petits
oiseaux carnassiers les moineaux, rouges-gorges, roi-
telets et autres menus volatiles dans les charmilles,
les buis et les cyprès du jardin des Tuileries (5).
Les fauconniers européens ne renoncèrent à se
servir d'aigles qu'après de nombreuses expériences,
dont quelques-unes n'avaient pas été sans succès.
Dans un traité conclu avec Charles d'Anjou, frère Aigies dressé»
(1) Scalif/eri in Caydanum exercUatio. — BufTon.
(2) Lib. XII. — Buffon.
(3) « Les Turcs de moindre qualité tiennent pour la chasse des cor-
neilles grises et noires, qu'ils peignent de diverses couleurs, qu'ils
portent sur le poing de la main droite et qu'ils réclament en criant
houh, houb, par diverses fois, jusqu'à ce qu'elles reviennent sur le
poing. » (Voyages du S'" de Villamont. Arras, 1598.)— Buffon.
(4) Avium prœcipuarum, etc., brevis et saccincla histon'a. Cologne,
1564. — Buffon. — Ce talent de paroles porterait à croire qu'il ne s'agit
pas d'une vraie pie-grièche, mais d'une pie ordinaire.
(5) D'Arcussia.
III. 10
— 146 —
de saint Louis, les bourgeois de la riche et orgueil-
leuse commune de îlarseille se réservèrent le droit
d'avoir des aigles dressés, comme leurs ancêtres (1).
Le chroniqueur Mathieu Paris, qui vivait à peu
près à la même époque (2), parle d'un aigle de mer
qu'un jeune homme, attaché à la maison de l'évêque
de Londres, avait dressé à voler la sarcelle (3).
Le livre de Pierre de Crescens parle longuement de
la manière de chasser avec l'aigle. Le poids de l'oi-
seau le rend très-faligant à porter sur le poing, et
l'on doit le mettre à mont aussitôt qu'on le peut (4).
Le Menagier de Paris fait mention d'aigles afl'aités
pour voler le chevret sauvage, le lièvre et l'outarde,
mais que on ait un lévrier dressé à lui venir en
aide (5).
Guillaume Tardif, qui copie volontiers les faucon-
niers orientaux, Belon qui copie Tardif et Guillaume
Bouchet qui a bien l'air de les copier tous les deux,
sont d'accord pour affirmer que l'aigle mérite d'être
dressé et, si elle n'était si lourde à porter sur le poing
et si difficile à apprivoiser du sauvage , on en verrait
(1) Legrand d'Aussy, t. I"'.
(2) Il mourut en 1259.
(3) Grande chro7iique de Mathieu Paris, traduite en français par
M. Huillard-Bréholles, t. II. — Cet aigle, qui abandonne sa proie ailée
pour fondre sur des poissons, était certainement un pygargue.
(4) Le livre des prouffits champeslres et rurauLv. La première édition
française de ce traité composé au xui^ siècle et translaté au xiV est
(le 1486.
(5) M. le baron J. Pichon, dans une excellente note du Mesnagier,
suppose que l'auteur, comme plus tard G. Tardif, ne fait que repro-
duire if"! des détails donnés par de? fauconniers orientaux et peu ap-
plicables à l'Europe.
— 147 —
nourrir aux fauconniers des princes plus qu'on ne
fait. L'aigle est si audacieuse et si puissante, que, si elle
se courrouçait contre son fauconnier, elle pourrait le
blesser dangereusement au visage; aussi, pour l'avoir
bonne la faut-il prendre au nid, l'apprivoiser avec
soin et l'accoutumer avec les chiens courants. Pour
chasser avec l'aigle dressé, on le mettait à mont, il
suivait les chiens en volant, et, lorsque ceux-ci avaient
levé un lièvre, un renard ou un chevreuil, l'aigle fai-
sait sa descente sur lui pour l'arrêter. On va jusqu'à
prétendre qu'un aigle a pu arrêter un loup et le
prendre avec l'aide des chiens (1).
De Thou, qui a traduit ces mêmes détails en beaux
vers latins, ajoute que de son temps on avait renoncé
dans nos climats à se servir d'aigles dressés pour la
chasse, à cause de leur pesanteur et de leur férocité.
Mais le Grand-Turc chassait encore quelquefois avec
des aigles, dont chacun était porté sur un brancard
par deux fauconniers (2).
D'Arcussia raconte la mésaventure d'un gentil-
homme provençal qui s'était donné beaucoup de
peines pour affaiter un aigle, et qui ne recueillit que
des railleries quand il voulut en faire hommage à
Henri IV.
(1) Tardif. — Belon. — Recueil de tous les oiseaux de proie qui ser-
vent à la volerie et à la fauconnerie (par Guillaume Bouchet). 1567.
— On dressait aussi un petit aigle qui volait la grue et le canard.
(2) Toutes les chasses avec l'aigle ont surtout eu l'Orient et l'Afrique
pour théâtre. Les fauconniers musulmans volaient avec des aigles di-
vers quadrupèdes de grande taille. Ces chasses se font encore chez les
Kirghiz et les Tartares de la Boukharie. Voir les Voyages de Marco
Polo, de Léon l'Africain etdePallas.
— 1 18 —
A quelles espèces appartenaient les aigles employés
à la chasse par les fauconniers européens? Guillaume
Bouchet nous répondra que de son temps on ne con-
naissait pour la fauconnerie que l'aigle fauve, qui est
l'aigle royal (1), et le noir (2).
Tardif et de Thou y joignent l'aigle roux, marqué
de blanc sur la tête et le col, qui doit être un py-
gargue (3) ou aigle de mer, oiseau que nous venons
de voir dressé à voler les oiseaux de rivière dès le
xn*' siècle.
Le premier parle aussi d'une distinction établie par
les Orientaux entre l'aigle zumach, qui prend le lièvre,
le renard, la gazelle, et le zemiech, qui prend la grue
et oiseaux plus moindres.
Outre ce qu'ils ont dit sur les vols de l'aigle, les an-
ciens auteurs ont nommé parmi les oiseaux chasseurs
Valérion et le milion.
L'alérion est souvent cité dans les poésies des xii*
etxni'' siècles pour sa force et sa vélocité (4). Jean de
Salisbury (mort évoque de Canterbury en 1180) dit
que l'aigle est le roi de tous les oiseaux, à l'exception
(1) AquHa Cliri/saëlos.
{'!) AquUafresca.
(^3) Aquila irijcjargiis.
{'\) V Si liniit li coiis (coup) cemme .ilerioii.
{Li coronpincnl Looys.)
Tout ainssin le rodoulilent com Jjostn le lion
Et com font li oisel le fort alerion.
{Ciirart de llassiUun.)
Voir Cai'pentier, Ginss., \" Akirio, et le Dicl. <lc la lunf/ur française
de M. I.iltrt'-, v" Alerion.
— 149 —
de l'alérion, qui est peut-être la plus puissante espèce
d'aigle (1). Guillaume de Machaut a composé, au
xiv'' siècle, un poëme intitulé le Dit de Valerion, oii il
célèbre les mérites d'un de ces oiseaux, appartenant
A un Roi de France, qu'il ne nomme pas (2), et excel-
lent jmur rivière. Cet alérion était évalué au prix ex-
travagant de 500 écus (3). Gace de la Buigne, à peu
près contemporain de Machaut, nomme, en passant,
l'alérion comme un oiseau de chasse estimé et fort
rare deçà la mer (4).
Gace met les milions à côté de l'alérion, et dit, de
même quih ne sont pas communément devers les parties
tf'occiV/m^ et qu'ils viennent d'oulre-mer. Il ajoute que:
Les milions prennent les grues
Et oës grosses et menues.
De plumaige à l'aigle ressemblent
Mais plus gens et plus petiz semblent (5).
Par son testament (1406), le connétable Olivier de
(1) Ibidem. — L'«/t7"ton paraît avoir été le même oiseau que ïaefion
dtes Grecs, dont le faux Symmachus loue la force et le courage.
(2) Probablement Charles "V, fort amateur de fauconnerie et curiou.\
d'oiseaux exotiques.
(3) Il est impossible, même approximativement, de donner l'équi-
valent de cette somme en monnaie actuelle, la valeur des écus ayant
sans cesse varié pendant le xiv siècle ; mais elle ne pouvait être qu'é-
norme, l'éeu d'or ayant été au moins la 65^ partie d'un marc d'or pen.-
dant cette période.
(4) En ta cour les faces porter
Car pou en a deçà la mer.
(5) Néantmoins, dit encore le même auteur :
. . .N'en déplaise au riiilion
11 n'est vol ne mes df^ faulcon.
— 150 ~
Clisson lègue ;» son gendre Alain, vicomte de Rohan,
son milion et le cheval monté par le fauconnier qui
régit ledit milion (1).
S'il faut en croire Guillaume Tardif, l'oiseau appelé
en langue latine milion, en langue arabique ziimmach,
en syriaque meapcm, en grecque philadelphe, est un
aigle ayant blancheur sur la teste ou sur son dos.
Dans un traité de fauconnerie, composé en langue
toscane au xiv^ siècle (2), il est parlé de certains fau-
cons appelés meleoni qui sont de grande taille; ils ont
les plumes de la poitrine rouges, à la façon des au-
tours, et les pieds velus. Ces wïeleo?ii sont de beaucoup
de hardiesse et combattent les grands oiseaux.
Du témoignage formel de Gace de la Buigne et de
Tardif, du nom de zummach et des tarses em plumés
(lu milion, on peut conclure que c'était certainement
un aigle, plus petit et plus docile, mais aussi coura-
geux que l'aigle royal. Quanta l'espèce, il est fort dif-
licile de la déterminer. Il faut croire que c'est une de
celles qui habitent le continent asiatique et qui sont
encore mal connues.
Un auteur anglais du xvu^ siècle a classé les oi-
seaux chasseurs, par ordre de mérite, de la manière
suivante :
f\) Stmm inilionrm. vulr/urUer son milion.... (Ducaiig.. v Milio.}
On a confondu à tort lo milion et le milan. Dans la fable de La Fon-
I line intitulée : Le fiai, le )nila.n et te chasseur, co mitan qui saisit si
lirutalement le nez des gens, et dont Vo/failaf/e est donné comme le
non plus ulln'i cl lu fauconnerie, pourrait bien élre un iiiilion.
''1) Serittiire nntirhe Toscane rli l-'niconerifi.
— 151 —
L'aigle, le vaulour (1) et rémerilloii, pour un Em-
pereur;
Le gerfaut et son tiercelet, pour un Roi;
Le faucon gentil et le tiercelet gentil, pour un
prince;
Le faucon de roche, pour un duc;
Le faucon pèlerin, pour un comte;
Le bâtard, pour un baron ;
Le sacre et le sacret, pour un chevalier;
Le lanier et le laneret, pour un écuyer;
L'émerillon, pour une dame ;
Le hobereau, pour un jouvenceau ;
L'autour, pour un fermier (xjeoman) (2) ;
Son tiercelet, pour un pauvre homme;
L'épervier, pour un prêtre;
Le mouchet [musket] , pour un donneur d'eau bé-
nite;
La crécerelle, pour un va.\ei(knave] (3).
(1) VuHure. — On entend apparemment par ce mot quelque espèce
d'aigle, car jamais aucun véritable vautour n'a pu être dressé pour la
chasse.
(2) L'yeoman était plutôt un petit propriétaire rural, non noble.
(3) Besi's Irealise on Hawkinq.,\^Vi.
CHAPITRE III.
Capture, armement, éducation et hygiène des
oiseaux chasseurs.
• Il existait trois manières diflerenles de se procurer
des oiseaux de chasse.
On les achetait tout élevés ; on les dénichait jeunes
dans l'aire, ou on les prenait adultes au passage.
Dans le premier cas , il suffisait de s'adresser aux
marchands ou catjiers. Comme nous avons eu déjà oc-
casion de le dire, ce commerce était considérable, on
apportait en France des oiseaux de toutes prove-
nances, de Flandre, d'Allemagne, de Russie, de
Suisse, de NorAvége, d'Italie, de Sicile, de Corse, de
Sardaigne, des Baléares, d'Espagne, de Turquie, de
l'Archipel, d'Alexandrie, de Barbarie et même des
Indes (1).
(I) Brlon. — D'Airu^sia.
— 153 —
Les oiseaux d'oric;inc urienlale étuienl apportés par Mirtiiainis
o _ ; d'oiseaux.
des marchands grecs et vénitiens ; les Hollandais ,
les Flamands et les Allemands avaient le monopole
du commerce des oiseaux venant du Nord(I).
Ces derniers parcouraient d'abord les cours d'Alle-
magne, puis se rendaient à Bruges, et de là à Paris.
De Paris, ils retournaient ensuite dans le Brabant,
allaient du Brabant en Angleterre, et d'Angleterre en '
Espagne (2).
Les Flamands jouissaient d'une haute réputation
pour l'éducation qu'ils donnaient aux oiseaux chas-
seurs. Ils excellaient aussi à les prendre passagers (3).
On prétend que, du temps de Louis XIII, des sei-
gneurs français envoyaient leurs fauconniers dans les
Pays-Bas pour y apprendre leur art (4).
Pour se procurer des oiseaux niais, les anciens fau- oiseaux niais.
conniers avaient grand soin de rechercher les aires et
de les surveiller en attendant le moment d'enlever les
jeunes oiseaux. Ces aires furent de tout temps l'objet
d'une jalouse sollicitude. Les anciennes lois germa-
niques défendent d'enlever les aires dans une forêt à
moins d'être du nombre de ceux qui en avaient la
(1) Voir les Comptes do François I"'.
(2) Pedro Lopez de Ayala, cité par M. le baron J. Piclion dans une
note du Mesnagier (xiv« siècle).
(3) Adolphe Yan der Aa, grand fauconnier des Pays-Bas, l'ut envoyé
])lusieurs fois à François !'='■ par la Reine Marie de Hongrie, pour lui
]»résenter au nom de son frère Charles V des faucons de grand prix,
dressés dans ses provinces. (Galesloot.)
Ci) Ibid. D'Arcussia conteste le mérite des fiiiironniers flamands aux-
(pii'ls il prt-fère les Frrincais.
— 154 —
jouissance en commun (l). D'après une autre loi, le
maître d'une forêt avait le droit de reprendre à celui
qui les avait dénichés les oiseaux de proie nés dans
la forêt. Si ce propriétaire était le Roi, le dénicheur
payait 2 sols d'amende (2).
Pendant l'âge féodal, on attachait aux aires d'oi-
seaux de proie plus de prix que jamais.
D'anciens règlements défendent de dénicher les oi-
seaux de chasse dans les domaines royaux et dans
ceux des seigneurs hauts-justiciers sans la permission
des gens du Roi ou des barons. Un seigneur, en ven-
dant une forêt ou en concédant le droit d'y chasser,
se réservait souvent les aires des oiseaux nobles. On
interdisait aux usagers d'un bois l'entrée du canton où
se trouvaient les aires (3).
En 1484, le duc Charles d'Orléans fit donner aux
sergens de la forêt de Roulogne la somme de 18 livres
17 sols tournois (4), pour leurs despens et paines d'a-
voir gardé nuit et jour les lasniers jeunes estans en la-
dicte forest. Les monleux qui avaient déniché les oi-
seaux reçurent, en outre, 11 sols tournois (5).
La grande ordonnance de 1669 défend encore à
(1) Gommarcham. (Loi des Bavarois.)
(2) Capil. de Baluze.
(3) Code des chasses. — Ducange, v" Aira.
(4) La livre tournois pouvait équivaloir alors à M francs de notrp
monnaie, et le sol à 1 fr. 55 c.
(5) Louis el Clwrifs. durs d'Orlcaiis. — Ces firinces avaient dt^ plu-
à Concy :
Haultes forests et estancs de plaisance
Aires frnis''aul.r. pars de belle ordcnance.
(Lnslaclip Deschamps.)
— 155 —
toutes personnes de prendre, dans les forêts du Roi,
aucune aire d'oiseaux è peine de 100 livres d'amende
pour la première fois, du double pour la seconde, du
fouet et du bannissement à 6 lieues pour la troisième
fois. Les sergents à garde des forêts où se trouvent les
aires sont chargés de leur conservation et en demeu-
reront responsables.
Au commencement du xvni^ siècle fut créée, en fa-
veur de M. Jean-Claude Forget, déjà capitaine géné-
ral des fauconneries du Cabinet du Roi, la charge de
capitaine des aires deRourgogne et de Rresse. Cet of-
fice, dont les gages et appointements s'élevaient à
1,000 livres, relevait du Roi seul ; le titulaire avait
pour mission la haute surveillance des aires d'oiseaux
de proie qui se trouvaient dans les provinces dont il
avait charge et dont il devait faire apporter les jeunes
oiseaux au Cabinet de Sa Majesté (1).
Lorsque fut instituée celte charge, indépendante du
grand fauconnier de France, il existait depuis des
siècles parmi celles auxquelles pourvoyait ce haut
dignitaire, des charges de gardes des aires dans les fo-
rêts de Compiègne , de Laigue , du val Drogon et
grand Trempo, de Lyons, d'Andaine, de Perseigne,
Descouves et autres (2).
Le grand fauconnier commettait aussi des oise-
leurs de son choix pour tendre et prendre les oiseaux
passagers en tous lieux, plaines et buissons des do-
(Vj El ois (le la Fraiirp.
(-2) Ibidem.
— 15G —
iimines de Sa Majeslc. Il était défendu de tendre à ces
oiseaux sans le congé du grand fauconnier ou des gens
à ce commis.
Les fauconniers et les gardes prenaient grand soin
de reconnaître les lieux où les oiseaux de proie fai-
saient leur aire au commencement du printemps; ils
y montaient de temps en temps avec des lirefonds et
autres inventions pour examiner l'état des petits ; en-
fin, lorsque ceux-ci étaient couverts de duvet blanc
et que les grosses plumes commençaient à leur pous-
ser, ils les enlevaient de l'aire, malgré la résistance
désespérée des pairons (t), et les emportaient dans des
paniers (2). On faisait beaucoup moins de cas des
jeunes oiseaux branchiers, c'est-à-dire ayant déjà quitté
l'aire, mais encore incapables de s'envoler et de pour-
voir à leur nourriture (3).
Aussitôt que les oiseaux niais étaient pris, on les
emportait à la fauconnerie et on leur attachait des
sonnettes aux pattes.
Quelquefois on les élevait au taquet, c'est-à-dire
qu'on les laissait en pleine liberté, en les accoutu-
mant, quand l'heure de paître était arrivée, à revenir
au bruit qu'on faisait en frappant sur une planche (4).
(1) Parents, en style de fauconnerie.
(2) Soi incourt.
(3) Gommer de Luzancy recoinmande cependant d'aller (luérir des
autours branchez à la mi-juillet. « Il est très-nécessaire que le gen-
tilhomme qui ayme les oyseau.x y envoyé (sans le sceu de la femme >
s'il y en a une, qui ne desgaigne pas volontiers, comme la pluspart en
sont logées là) deux garsons garnis «le )>on argent, forts, roides, et
entendus au mestior.
(■'i) Sôlincourt.
• - 157 -
Souvent les jeunes oiseaux étaient logés dans un
tonneau défoncé d'un bout, ou dans une hutte de
paille placée sur un mur ou sur un arbre peu élevé.
Dans les grandes fauconneries, on les déposait dans
un cabinet à fenêtres grillées.
Dans tous les cas, on les nourrissait abondamment
de viande de mouton, de volaille, de chiens et de
chats nouvellement nés, etc.
Au bout de trois semaines environ, les niais com-
mencent à monter à Fessor et à se jouer entre eux.
Ceux qu'on a élevés en liberté essayent de poursuivre
les hirondelles et les chauves-souris. C'est le moment
de les prendre pour commencer leur éducation, ce
qui se fait avec un filet ou un piège qui ne puisse les
blesser.
Les oiseaux adultes sont pris le plus souvent oiseaux
passagers à l'aide de diverses sortes de rets et de
pièges (1).
Le plus usité est le filet à alouette. L'oiseleur tend
son filet et se tient caché dans une cabane de feuil-
lages, d'oii il peut faire voltiger un pigeon vivanl, at-
taché au bout d'une ficelle. Une pie-grièche, retenue
près du filet au moyen d'un pefit corselet, indique par
ses mouvements l'espèce des oiseaux de proie qui
passent en l'air. Si c'est un oiseau lourd et peu dan-
(1) Albert le Grand donne des détails fort curieux sur les diverses
manières employées de son temps pour prendre les faucons passagers.
Il les tenait d'un vieux fauconnier, qui vivait depuis longues années
sur les sommets les i)lus escarpés des Alpes pour se livrer à cette in-
dustrie. (De aniinaiibiis, lih. XXTIl, rnp. 8.)
passagers.
— 158 —
gereux, la pie-grièche n'en lient compte; mais l'appa-
rition d'un oiseau noble lui cause une telle frayeur,
qu'elle se précipite vers la loge pour s'y cacher.
Dès que l'oiseleur a connaissance d'une proie digne
de lui par l'agitation de sa pie-grièche, il lance son
pigeon, puis le retire à lui avec la ficelle. L'oiseau
chasseur fond sur le pigeon et s'abat au milieu du
filet, dont l'oiseleur foit aussitôt jouer les panneaux.
Parfois un vieux faucon de chasse, hors de service,
sert à attirer ses congénères. On l'attache au bout
d'une gaule pliante, fichée en terre, et l'oiseleur, du
fond de sa cachette, courbe vers le sol à l'aide d'une
filière, l'extrémité de celle gaule. Le faucon sauvage
croit voir un oiseau de son espèce s'abatlant sur une
proie, fait sa descente sur lui pour le détrousser et se
jette dans le piège.
On prenait encore les oiseaux chasseurs avec des
filets nommés araignées , suspendus à des arbres de
façon à former une espèce de chambre ouverte d'un
côté, ou salon. En face de l'entrée du salon, deux
billots étaient placés à 100 pas de dislance l'un de
l'autre; entre ces billots, une corde était tendue à la-
quelle on attachait un duc. Cet oiseau nocturne était
dressé à voler d'un billot sur l'autre. Le chasseur se
tenait caché dans une hutte voisine du salon.
Quand passait un oiseau de proie, le duc le signalait
en baissant la tête et en tournant le globe de l'œil vers
le ciel et venait se poser sur le billot le plus voisin du
salon. Le rapace, emporté par la haine que tous les
oiseaux portent à leur ennemi nocturne, se précipitait
vers le duc et se jellait dans les filets, qui étaient ar-
— 159 —
rangés de manière à tomber au moindre clioc el à en-
velopper l'imprudent.
Cette méthode était surtout en usage dans le nord
de l'Europe.
On s'emparait aussi des faucons passagers au moyen
d'un pigeon vivant attaché au bout d'une ficelle en-
gluée ou avec une peau de lièvre engluée , qu'on
traînait dans une raie de champ bordée de gluaux
des deux côtés.
Enfin on lâchait des faucons dressés auxquels
étaient attachées des pelotes de laine recouvertes de
plumes, grosses comme des perdreaux et garnies de
nœuds coulants en crin de cheval. Le passager,
croyant voir les oiseaux privés charrier une proie, al-
lait à eux pour la leur arracher, s'empêtrait dans les
lacs et tombait à terre (1).
Aussitôt que le passager était captif, on l'envelop-
pait d'un linge nommé chemise-, on émoussait ses
serres et on lui couvrait la tête, puis on l'emportait
à la fauconnerie pour procéder à son armement et
commencer son affaitage.
L'armement d'un oiseau de chasse se compose des Arm.ment
sonnettes, du chaperon et des jets avec leurs ver-
velles.
Les sonnettes ou grelots, dont l'oiseau niais a été
armé dès le moment où il est entré dans la faucon-
nerie, étaient en métal doré ou argenté, très-légères
(I) Sur les diverses manières de prendre les oiseaux de proie, voir
Sèlincourl. — '[îEncijrlopédip. — Clienu. — Srhletrel.
— IGO —
et Irès-sonorcs. Les plus estimées se ftibriquaieiit à
Milan (1).
Quelquefois on n'attachait qu'une sonnette à la
main gauche de l'oiseau ou aux pennes de sa queue (2).
Ce système n'était guère usité en France, où l'on met-
tait d'ordinaire une sonnette à chaque main. Ces son-
nettes étaient fixées aux tarses avec de petits liens de
cuir placés au-dessus des jets.
Les jets sont des courroies d'environ 4 pouces
(O^jlOS) de longueur, en peau de chien, de cerf, de
chèvre ou de chien de mer, qui sont passées aux
jambes de l'oiseau avec un nœud coulant. A l'extré-
mité opposée des jels sont fixés deux anneaux plats de
métal, nommés vervelles, sur lesquels sont gravés le
nom ou les armes du maître (3). La longe, qui servait
à retenir le faucon captif sur sa perche, était passée
dans ces vervelles (4).
(1) Septembre 1398, 100 sols parisis pour 50 paires de sonnettes de
la façon de Milan, pour csperviers. (Comptes du duc d'Orléans.)
Sonnettes dorées pour les oiseaux de mon dict seigneur à 3 sols,
2 sols et 12 deniers la pièce. (Ibid.)
Pour 9 douzaines de sonnettes pour les oiseaux de la chambre, GO sols
tournois. (Comptes de Louis XL)
(2) Frédéric IL — Les Hollandais et les Anglais ont conservé l'habi-
tude de n'attacher qu'une sonnette à la patte ou ù la queue de leurs
oiseaux. (Voir Schlegel et Freeman.)
(3) Du temps de l'Empereur Frédéric II, on se servait en guise de
vervelles de mailles de haubert. — Pour avoir fait tailler et graver les
armes de Monseigneur et son mot sur ycelles vervelles, 4 fr. 1/2.
(Comptes des ducs de Bourgogne.)
Au XIV* siècle les vervelles des oiseaux du Roi étaient émaillées aux
armes de France. (Laborde, Glossaire.)
Sous Louis XV, elles portaient gravée celte inscrii)lion : « Je suis au
Roi. » {Encyclopédie, planches.)
(4) 11 n'y avait souvent qu'une vervelle, on les deux Jets venaient se
réunir.
— 161 —
Souvent, pour empêcher les jels el la longe de s'en-
rouler, on interposait entre eux nn touret, composé
de deux anneaux de métal,- tournant l'un sur l'autre.
Les vervelles entraient dans un de ces anneaux et la
longe passait dans l'autre (1).
Avant les croisades, le chaperon était inconnu des
fauconniers européens; ils en empruntèrent l'usage
aux Sarrasins. Au lieu de chaperonner l'oiseau, pour
commencer son éducation on le cillait, c'est-à-dire
qu'on passait un fil dans chacune de ses paupières
inférieures et qu'on réunissait les deux bouts du fil
au-dessus de la tête ; de cette façon, l'oiseau ne pou-
vait plus voir qu'en haut et en avant. Ce procédé
était encore employé au xvni* siècle pour des oiseaux
très-sauvages et difficiles à afîaiter (2).
Les premiers chaperons, semblables à ceux des fau-
conniers orientaux, étaient de cuir et se terminaient en
pointe vers l'occiput; à cette pointe se rattachait une
courroie qui descendait le long du dos de l'oiseau jus-
qu'à l'extrémité des pennes de la queue et servait à
mettre et à retirer le chaperon (3).
Cette courroie fut remplacée plus tard par ce qu'on
appelait la cornette ou le tiroir. C'était une aigrette en
(1) Le touret est décrit par Frédéric II sous le nom de lornetum.
(2) Frédéric II, dans son latin baroque, se sert, pour exprimer cette
opération, du mot de bluirc, évidemment dérivé du français éblouir,
(3) Frédéric II. — Les Allemands se servaient encore de ces cha-
perons à queue au commencement du xvr siècle, (Voir les gravures
du Weiss Kunig.)
III. \\
— 102 —
cuir, ornée de plumes, qui surniDnlail le cliaperun et
servait aux mêmes usages (1).
Toutes les pièces de l'armement du faucon étaient
souvent ornementées avec un luxe extravagant. Les
chaperons, les jets, les longes étaient brodés d'or et
de perles (2). Les cornettes des oiseaux du Roi étaient
empanachées de plumes d'oiseau de paradis (3); les
lourets d'or, garnis de pierreries. Les sonnettes et les
vervelles d'argent doré n'étaient point chose rare chez
les princes et les grands seigneurs du moyen âge (4).
Perles , pierres fines et broderies d'or et d'argent bril-
laient sur les gants à fcmconner et sur les gibecières ; il
n'était pas jusqu'aux escUssoucres à jetter eau (5) et
aux fers servant à cautériser les oiseaux malades, qui
ne fussent en argent ou en vermeil dans les faucon-
neries de nos Rois et des ducs de Rourgogne et d'Or-
léans (0).
(1) « La cornelte au chaperon est bonne pour un petit oysoau qui no
peut soustenir la main pesante d'un lourd fauconnier, mais c'est chose
ridicule entre gens de mestier. » (D'Arcussia.)
(2) Comptes des ducs de Bourgogne et d'Orléans.
(3) Ce luxe existait encore au xvni* siècle. Voir r^ncî/c/o/>6V/îe. — Dans
des comi)tcs royaux du xiv= siècle , on trouve des perles de compte
(|ue Madame la Rnyne a fait employer à de f/ros boulons de perles, of-
ferts au Roi et au duc de Bourgogne, pour garnir et eslojfer les qiez
de leurs l'aurons.
(/i) Li esperviers avoit un giés
Riches et biaus à desmesures...
Si vous di bien que li tores (touret)
Tlstoit clcrs et luisans et nés (net).
D'un l'ubin rouge, che m'est vis (v/sîm?).
{Roman de la Violet le).
(5) Seringues servant à esclisser de l'eau au risaçie de l'oiseau pour
tempérer sa foiique. (Père R. F. Binet.)
(6) « A Jehan l'essayeur, orfèvre de mon dicl seigneur (le duc d'Or-
— ig;5 —
Le faucon armé était installé sur sa perche ou bloc.
Celte perche , posée transversalement sur deux sup-
ports, était élevée de -4 pieds (l^V^O) au-dessus du sol,
éloignée de la muraille de 2 pieds (0°',65) et de gros-
seur convenable pour remplir les mains de l'oi-
seau (1). Elle était recouverte de drap (2) et quelque-
fois de peau de lièvre (3). Au-dessous, pendait une
toile de 2 pieds de large, qui empêchait l'oiseau de
rouler sa longe autour de la perche et de se blesser
en y restant suspendu. Cette toile, quelquefois ornée
des armoiries du propriétaire , était plus souvent en
drap noir uni (4).
L'outillement personnel du fauconnier comprenait
le gant, le leurre, la fauconnière et divers menus usten-
siles qu'il portait dans une trousse (5).
Le gant qui préservait la main et l'avant-bras (6)
de l'atteinte des serres était de peau de chamois ou
léans), pour un fer d'argent par lui fait, pour donner le feu aux faucons
de ma dicte dame, 8 s. G deniers. » (Comptes de Blois.)
Ung gant de velours vermeil à faulconner, doublé de cuir blanc et
au bout un bouton de perles et une houppe de soye. (Comptes de
Bourgogne.)
(1) Encyclopédie, planches.
(2) « Jehan de Millan, pour drap acheté pour percher les faucons
de Monseigneur Philippe, 17 den. » {Comptes de Vargenlcrie.)
(3) On mettait une peau de lièvre sur le bloc des émerillons, crainte
que le froid ne leur endommageât les mains pendant l'hiver.
(4) Comptes de Bourgogne. — Une toile armoriée figure dans un ta-
bleau de Bonifazio (mort en 155.3) dont la copie est au palais des
beaux-arts.
(5) Les fauconniers joyeux
Portent dessus le poing les gerfaux furieux
Et les sacres hardis, icy la faulconière,
Et là le leurre pend, la baguette derrière.
(Claude Gauchet.)
(0) C'était oi'dinairi'ment la main droite. Frédéric II dit qu'on peut
— I6'i -
de cuir de cerf mol ni pasteux (1). Une bruchelle, sus-
pendiije au gant avec un cordon, servait au faucon-
nier à manier et à rcsplanier son oiseau (2).
Le leîirre était un morceau de cuir rouge figurant
grossièrement un oiseau ; il était garni , des deux
côtés, d'ailes de pigeon. De petites courroies, qui y
étaient cousues, servaient, en cas de besoin, à attacher
sur le leurre des raorccaux de viande pour paître le
faucon (3).
Ordinairement,^]e leurre était suspendu à une laisse,
avec un crochet de corne. Cependant d'Arcussia dit
qu'il est mieux de le porter dans la gibecière ou à l'ar-
çon de la selle (4).
Cette gibecière, dite aussi fauconnière, était un sac
de treillis, à deux poches, dont un côté était à cou-
vercle et l'autre en forme de bourse. Il servait à por-
ter les menus ustensiles du fauconnier, des morceaux
de viande pour paître les oiseaux, et même des oi-
porter l'oiseau indiiréremment sur un poing ou sur l'autre. Dans les
comptes de Vhostd de Charles VI on trouve 23 gans seneslres délivrés
à Tassin de Gaucourt, premier fauconnier du Roy. (Monteil, t. H,
notes.)
(1) 6 paires de gans de chamois pour servir pour ledit seigneur (le
Roi Jean), à porter son esprevier au pris de '23 sols la jiaire. {Comptes
de Varfienierie.)
Gans de cuir de cerf pour autours au jiris de 'i sols. — ((<oniptes de
Bourgogne.)
(2) Le Roy Modus.
(3) 12 loin'S à 5 sols la pièce. (Comptes de Bourgogne.)
Ceu.x de la fauconnerie royale étaient fleurdelisés.
(4) D'Arcussia. — Dictionnaire de Trévoux. — Pour porter les fau-
cons, les fauconniers se servaient encore d'une cage ou brancard,
qu'ils suspendaient à leurs épaules avec des bretelles de cuir.
— 165 —
seaux vivants qui servaient à leur éducation; la fau-
connière était plus ou moins ornée (1).
Revenons à réducalion de nos oiseaux. Une fois Anaitage.
armé, il s'agit d'introduire le captif, c'est-à-dire de
commencer sérieusement son affaitage. Un passager
récalcitrant devait d'abord être soumis au joug par la
fatigue. Le fauconnier prenait l'oiseau sur le poing et
le portait nuit et jour, sans lui donner un instant de
repos ni de sommeil, le maniant et le caressant con-
tinuellement soit avec une baguette, soit avec une aile
de pigeon, dite frist-frast. Quand il était lui-même
fatigué, un aide venait prendre l'oiseau sans lui don-
ner de relâche. Celle première épreuve durait ordi-
nairement trois jours et trois nuits.
Quand l'oiseau opposait trop de résistance, on lui
lançait des jets d'eau froide avec l'éclissoire, on lui
plongeait la tête dans un bassin ; on était même quel-
quefois obligé de lui baisser le corps, c'est-à-dire de le
faire maigrir en diminuant sa nourriture et en lui
donnant des viandes laxalives.
Lorsque l'oiseau donnait des signes de docilité et se
laissait couvrir et découvrir la tête sans résistance, on
lui permettait de passer la nuit en repos, on lui don-
nait sur le poing de menus morceaux de viande, dont
on augmentait peu à peu la quantité, puis on le paissait
(1) " Pour drux gibessières de toile vermeille, garnies l'une de fers
de laiton doré, estoffée d'or de Chippre et de soie de plusieurs cou-
leurs et l'autre de fers blancs et estoffée de fil d'argent blanc et de
soie comme dessus... pour servir à porter après ledit seigneur (le Roi)
en caste saison de gibier. » (Comptes de l'iiygenle rie.)— ^Vrédénc II dit
que de son temps la gibecière se nommait carniT (j-ofiirriu).
— 166 —
avec du vif, et, pour augmenter son appétit, on lui
faisait avaler des cures ou petites pelotes de filasse qui
faisaient l'effet d'un purgatif.
Pendant le jour, l'oiseau était chaperonné et remis
sur le poing, et on le jardinait, c'est-à-dire qu'on le
posait sur une motte de gazon dans la cour de la fau-
connerie. Ensuite on le déchaperonnait et, en lui
montrant son pat, on l'accoutumait à sauter sur le
poing.
Lorsque le faucon était suffisamment assuré à cet
exercice, on faccoutumait à connaître le leurre, sur
lequel on lui faisait prendre son pàl, en ayant soin de
faire entendre un cri particulier, qui devait servir
plus tard à le rédamer.
Quand l'élève commençait à s'habituer au leurre, on
lui continuait ses leçons en rase campagne, en le tenant
attaché avec une jQlière de 20 toises (40 mètres) de
long. On lui présentait le leurre en le réclamant d'a-
bord à une courte distance, puis de plus en plus loin.
Toutes les fois que l'élève venait au leurre, on lui
donnait un peu de viande dont on lui laissait prendre
bonne gorge pour l'affriander.
L'oiseau étant bien duit an leurre, on lui donnait
l'escap, ce qui consistait à lui faire prendre des oiseaux
vivants, soit attachés au leurre, soit volant au bout
d'une filière, soit enfin en liberté.
L'éducation des oiseaux chasseurs était complète
lorsqu'on leur avait fait voir et voler le gibier à la
j)0ursuite duquel ils étaient destinés.
A ceux (jui devaient voler le héron, la grur ou
autres volatiles de grande taille, ou faisait tuer une
— 167 —
dinde grise (1), allachéc à un piquet. Pour la corneille,
on donnait aux oiseaux une poule noire ; pour le
milan, une poule rousse, etc.
Pour dresser les oiseaux à voler le lièvre , un pou-
let vivant était enfermé dans la peau d'un de ces ani-
maux et traîné au bout d'une fdière, d'abord par un
valet à pied, puis par un homme à cheval. Le faucon
fondait sur le faux lièvre, et on le laissait déchirer le
poulet caché sous la peau.
Après quelques jours de ces exercices préparatoires,
on donnait aux faucons la corneille, le milan ou le
héron, attachés au piquet, les ongles émoussés et le
bec enfermé dans une sorte d'étui.
On passait ensuite au vol des mômes oiseaux et du
lièvre d'cftcap, à la filière d'abord, puis en liberté.
L'affaitage était alors terminé et l'on pouvait faire
voler les oiseaux pour bon.
Tels étaient les principes généraux de l'éducation
des oiseaux chasseurs. Dans l'application, il y avait
une foule de détails particuliers h chaque espèce, sui-
vant sa docilité, l'âge de l'oiseau et les conditions dans
lesquelles il avait été pris. Ainsi les gerfauts, surtout
les tiercelets hagards, étaient ceux dont l'affaitage pré-
sentait le plus de difficulté; les oiseaux pris passagers
étaient naturellement plus fiers et plus intraitables
que les branchiers, et ceux-ci que les niais.
L'éducation des oiseaux de bas vol présentait avec
(I) Avant l'imporlation des Llindoii.-, on employait )irobabkinent um
paonne comme pour les chiens. Voir d'Areussin.
— 168 —
celle des oiseaux de leurre quelques différences que
nous avons déjà indiquées ; on ne les chaperonnait
pas, on les dressait à revenir sur le poing, etc. De
plus, comme l'autour et l'épervier étaient le plus sou-
vent c\ l'usage de simples gentilshommes peu riches,
leur affaitage se passait dans la cuisine du manoir
plus fréquemment que dans un local à part.
La manière de leurrer et de réclamer les oiseaux
constituait une partie assez importante de l'art. Il y
avait une façon particulière de huer et de siffler pour
faire revenir chaque oiseau, et un cri différent pour
annoncer le départ de chaque espèce de gibier.
En général , nos fauconniers étaient ciccusés d'être
beaucoup trop bruyants et de criailler jusqu'à sesgor-
ger(ï).
On réclamait quelquefois les oiseaux avec un
cornet. Philippe le Bon rappelait ses éperviers avec
un pelit cornet d'ivoire garni d'or fin [2).
Numsdes Lcs oîscaux (\c chasse avaicut leurs noms comme
oiseaux He JCS cllieUS.
Nous avons déjà donné, d'après Claude Gauchel,
ceux des meilleurs fiiucons du connétable de 31ont-
morency. D'Arcussia a pris soin de transmettre à la
postérité le nom de ses faucons Borrasque et le Corse
et du sacre le Glorieux. Eu suivant les chasses du Uoi,
il avait vu les gerfauts la Perle [qui estoit blanc comme
un cygne, horsmis lesaisles), le (knlilhomme et le Pin-
(I) llluslrtilions sur ('lutlcuiiihilr
('?) (".(impies ilf Hoilf^^ii^Hlr.
chac-se.
— 169 —
son voler le héron, et les émerillons appelés la Damoij'
selle, le Moyneau elle Fousque, poursuivre lecochevis.
Dans les fauconneries bien tenues , le nom de
chaque oiseau était inscrit sur son bloc , comme on
inscrit le nom des chevaux au-dessus du râtelier dans
les grandes écuries.
La chasse au vol avait son langage à part, comme Langa^je
la vénerie, et les termes dont on se servait dans l'au- fauconnerie.
lourserie n'étaient pas les mêmes que ceux de la fau-
connerie proprement dite. Il fallait se garder de les
confondre, et le fauconnier qui se serait permis d'ap-
pliquer à ses nobles oiseaux des termes d'autourserie
aurait fort risqué de se voir bafoué, comme ayant pris
ses mois à la cuisine (1). On jetait un faucon, mais on
lâchait un autour. Le faucon liait sa proie, tandis que
l'autour Vempiétait. Ou disait la main des oiseaux de
leurre, le pied des oiseaux de poing, etc. (2).
Le langage de la fauconnerie a fourni à la langue
vulgaire quelques locutions proverbiales et métapho-
riques, comme désiller les yeux, rendre gorge, dé-
bonnaire (de bonne aire , bien né) , leurre, leurrer,
niais, hagard, madré, prendre l'essor, faire des gorges
chaudes, etc.
Une partie notable des anciens traités de faucon- ii.Yt;iène des
nerie est consacrée à l'exposition de recettes plus ou
moins baroques pour guérir les maladies des oiseaux,
et à des dissertations sans fin sur leur nourriture et le
(1) D'Arcussia.
(2) Voir irArcussia i:l le P. René François Binet.
— 170 —
régime qu'on doit leur faire observer. Nous nous gar-
derons bien de suivre nos vieux fauconniers dans
cette voie, nous bornant à faire remarquer qu'ils
étaient complètement de l'école de M. Purgon et dro-
guaient impitoyablement les malheureux volatiles à
tout propos et même sans au Ire dessein que d'aug-
menter leur appétit et leur ardeur. On leur faisait
avaler des cures et des cailloux, on les poivrait, on as-
saisonnait leur pàt de manne, d'aloès, de clous de
girofle; on les bourrait de pilules dliiéra, de musc, de
myrrhe, de safran, de pilules blanches, de pilules
douces; on les lavait avec de l'eau poivrée ou de l'in-
fusion de tabac.
Les plus grands soins hygiéniques étaient donnés
aux oiseaux en bonne santé; en hiver, on les tenait,
le jour dehors et la nuit dans des chambres chauf-
fées. Le soir, ils étaient déchaperonnés et attachés sur
la perche.
L'été , on \gs jardhiait dans des préaux gazonnés et
on les baignait au moins tous les huit jours.
Quand un oiseau avait eu quelques pennes rom-
pues, les fauconniers étaient fort habiles à lui en
ajuster (ou enter) de nouvelles. Ils se servaient, pour
celte opération délicate, de pennes provenant d'indi-
vidus morts de la même espèce (1). On les taillait en
biseau et on les faisait entrer dans la penne rompue,
où on les fixait au moyen d'une aiguille plate, trempée
(1) (4)iR'liiucs ciirifUj' ciiiiiloyaient et' iirocrdé iioiir cuIlm' à Ifuis
oiseaux dos ])onncs appartenant à (los(>spècf's (lilféimtt'S (>t civ(>r ainsi
(1ns hiparmros rpii Icnr jiaraissaioni iTiin flT'i.'l orijiinai et agréable.
(les
iiuconnicrs.
— 171 —
préalablement dans du vinaigre ou du jus de citron,
ce qui, en oxydant l'aiguille, augmentait la solidité de
l'opération.
Les fauconniers partageaient avec les veneurs les
idées superstitieuses attachées à la rencontre d'un supersuuons
moine ou d'une fille. Dans le poème de Gace de la ,
Buigne, un fauconnier interpelle fort irrévérencieuse-
ment un moine qu'il a rencontré en partant pour la
chasse :
Dan (iluin, seigneur) moyne, Dieu vous puisse huy nu
Car mesliuy bon déduit n'arons
Depuis qu'encontré vous avons
De ribaude, c'est très-bonne encontre,
Et qui preudhomme encontrera
Sçachez jà bon déduit n'aura.
Ils avaient Lien d'autres superstitions. Deudes de
Prades, sur la foi du preux ei puissant Koi d'Angleterre.
Henri II, nous enseigne que, lorsqu'on voit paraître
la première penne de l'oiseau, il faut dire : « Beau
seigneur Dieu, fais ce miracle, tiens tes oiseaux sous
tes pieds : volatUia, Domine, sub pedibus luis, »
Pour garantir vos faucons des attaques de l'aigle, il
faut dire toutes les fois qu'on va à la chasse : « Le
lion de la tribu de Juda a vaincu ; vicit ko de tribu
Juda, radix David, alléluia. »
Ces attaques des aigles préoccupaient terriblement
les fauconniers provençaux. D'Arcussia donne aussi
des prières latines pour adjurer les aigles quand ils
paraissent en l'air, et bénir de l'eau qui préservera
les faucons de leur fureur (l).
(\) b'Ilrrs (h: Philuirriix a Plitlo/din.
— 172 —
Il raconte qu'un de ses faucons fut tourmenté pen-
dant la nuit par des esprits malins, et qu'il parvint à
l'en délivrer en ayant recours aux prières et aux bé-
nédictions de l'Église (l).
Cependant, le môme d'Arcussia se moque des fau-
conniers qui n'osaient pas aller à la chasse le vendredi
et se faisaient scrupule de paître leurs oiseaux de la
cinquième, de la septième et de la neuvième perdrix.
« Ce sont, dit-il, opinions folles. »
(1) Lettres de PliUoiérax à Philofcilco.
CHAPITRE IV.
Vols divers de la fauconnerie et de l'autourserie
Les diverses chasses ou vols pour lesquels on dres-
sait des oiseaux de proie se divisaient, comme nous
avons déjà eu l'occasion de le faire remarquer, eu
deux classes bien distinctes , les hauts vols ou vols de
la fauconnerie, et les bas vols ou vols de l'autourse-
rie (1).
Les premiers étaient considérés comme beaucoup
plus nobles et plus intéressants que les autres, et les
fciuconniers affectaient pour les autoursiers le plus pro-
fond mépris. Le nom de ces derniers était même de-
(1) Quelques anciens auteurs divisent la chasse au vol en haule vo-
lerie, c'est-à-dire la chasse du milan et du héron, et basse volerie qui
comprend les chasses qu'on fait au lièvre, aux perdrix, aux canards
et à tout autre gibier, soit avec les oiseaux de haut vol, soit avec coux
de bas vol. (Schlegel.)
— 174 —
venu uno injure parmi leurs orgueilleux rivaux. 0"tind
on veut se moquer d'un fauconnier, selon Gace de la
Buigne on dit : « Esgard! quel aulrucier (1) ! »
Les infortunés auloursiers répondaient en vain
que les autours étaient beaucoup estimés partout, que
les chasseurs des provinces les réputaient de très-bons
oiseaux, ayant obtenu par leurs services le nom ho-
norable de preneurs, que même des princes en fai-
saient cas. Ils n'étaient guère écoutés, aussi cher-
chaient-ils à se venger en jouant aux fauconniers les
plus méchants tours (2).
On trouve, dans d'Arcussia, le récit assez comique
d'une querelle entre fauconnier et autoursier.
Un seigneur de son voisinage avail un glorieux fau-
connier, qui croyait que, s'il eut traité un autour, il
eût dérogé à sa réputation (erreur commune parmi les
valets de chasse aujourd'hui, dit d'Arcussia). Cet ar-
rogant porteur d'oiseaux accablait de ses mépris un
autoursier qui servait un gentilhomme, proche parent
de son maître et grand amateur de basse volerie. Ces
deux hommes se défièrent à qui ferait mieux faire à
ses oiseaux, et dressèrent leurs batteries en consé-
quence.
Le fauconnier accoutuma deux faucons niais à frap-
(1) Voir la note D à la lin de ce volume.
(2) Gommer de Lnsancy ajoute à ces arguments en laveur de l'au-
tourserie l'observation suivante : « Chacun conuoist que l'autoursicr
peut entrer dedans la maison du Roy pour reprendre son oyseau, s'il
y est chu sur son gibier ou autrement, comme aupsi de volei- les per-
drix par tout pays, sans contredit. »
— 175 —
per en passant un leurre couleur de chair, (ju'il
raettait sur sa tête et auquel il attachait leur pût.
L'autoursier avait apprêté un gros autour pillard ,
qui. lorsqu'il avait empiété un perdreau, sautait au
nez de celui qui voulait le prendre.
Au jour dit, chacun monte à cheval pour voir l'é-
preuve,. Le fauconnier et l'autoursier chevauchaient
au premier rang, vêtus de balandrans (1) de semblable
couleur. Au partir du logis, le fauconnier quitte son
balandran, sous prétexte de la chaleur. L'autoursier,
homme âgé et chauve, continue son chemin, vêtu de
son balandran, la tête nue, suivant sa coutume, et son
chapeau pendant à un cordon sur le dos. On crie :
« Guairo (2)! » L'autoursier, qui devait voler le pre-
mier, ouvre la main et lâche son oiseau. Le faucon-
nier ayant aussitôt pris les devants, comme les glo-
rieux font toujours , l'autoursier dit à son maître :
« iMonsieur, si vous piquez, vous aurez du plaisir,
car mon autour va empoigner le nez du faucon-
nier. » Le seigneur, voulant empêcher l'exécution de
cette mauvaise plaisanterie, part à toute bride; « mais
il ne sceul arriver si tost qu'il ne trouvast que l'au-
tour qui avoit empiété le perdreau ne l'eust desjà
quitté pour s'accrocher au nez du fauconnier, lequel,
bien qu'il criast à l'aide , l'autoursier ne se hastoit
point trop de secourir. »
Le fauconnier, débarrassé des ongles tout d'acier du
(1) Grosses casaques.
{1) Cri pour annoncer le départ des perdrix.
— 176 —
maudit animal et afleclant de rire da tour, demande
à son maître la permission de deslonger ses faucons
et de les mettre à mont. Or les oiseaux étant en aile
aperçoivent le balandran de l'autoursier, semblable à
celui que porte ordinairement leur fauconnier, et sa
tête pelée, dont la couleur rappelle celle du leurre
auquel ils sont accoutumés. Aussitôt, les voilà qui
fondent sur le pauvre diable, tantôt Vun, tantôt Vautre,
bourrant, frappant, choquant, huffetant à qui mieux
mieux, et donnant tant de coups sur cette tête chauve,
que le malheureux autoursier est contraint de se jeter
à terre et de se réfugier sous le ventre de son cheval,
ce qui ne l'eût pas sauvé s'il n'eût été secouru, tant
les faucons étaient acharnés. Il fallut que le faucon-
nier vînt reprendre ses faucons avec son fameux leurre.
Pour cela, leur querelle ne fut pas terminée, car
l'autoursier disait : « Mon oiseau seul a pris le fau-
connier et le mangeait tout vif si l'on ne fût venu à
son aide. » L'autre ripostait : « Mes faucons, sans le
secours, l'eussent assommé. »
Il en fut de même partout et toujours; la question
ne fut jamais jugée sans appel entre fauconniers et
autoursiers , pas plus qu'entre fauconniers et ve-
neurs.
§ 1. VOLS PK LA FAUCONNERIE.
On trouve, dans le Roman des Oiseaux de Gace de la
Buigne , l'énumération des différents vols auxquels
s'adonnaient les fauconniers du xiv^ siècle , et des oi-
seaux qui y étaient affectés.
— 177 --
On volait avec les faucons (1) : hérons , grues, an-
nettes (canettes), moretons, outardes, canards, faisans,
perdrix, bihoreaux, busards, oies sauvages.
Les turques, les alérions,
Sont vistes comme esmérillons
Et prennent faisans et perdris,
Et moult d'aultres oyseaux petis.
Les émerillons et les hobes ou hobereaux volaient
principalement l'alouette et quelquefois le perdreau
et le pigeon (2).
Près de trois siècles après Gace de la Buigne, d'Ar-
cussia nous donne une liste complète des vols très-
variés que pratiquait la fauconnerie royale sous
Louis xm.
Le vol du milan , de l'aigle pêcheur ou balbu-
sard (3), de la buse et autres oiseaux du même genre,
se faisait avec des gerfauts, tiercelets de gerfauts et
sacres.
Le vol du héron avec des gerfauts, tiercelets de ger-
faut, sacres, sacrets et faucons.
On prenait, avec des faucons, le fau-perdrieu , le
Jean-le-Blanc, l'oiseau Saint-Martin (soubuse bleuâtre).
(1) Pris ici pour tous les oiseaux de haut vol et de i'orte taille.
(2) Alb. Magmis. — Mesnctfjier de Paris. — Guillaume, fauconnier
du Roi Roger de Sicile, auteur souvent cité par Frédéric II et Albert
le Grand, prétendait avoir pris des grues avec des émerillons. D'Ar-
cussia dit de même que les Turcs volaient la grue avec 30 ou 40 éme-
rillons.
(3) D'Arcussia aflirme que les oiseaux du Roi jiouvaient mettre bas
le grand aigle noir à force de cori^s. Gace de la Buigne raconte l'his-
toire d'un faucon qui, donnant lâchasse à une orfraie ou grand aigle
de mer, la buffela si bien, qu'il lui lit lâcher un gros lirochet qu'elle
emportait dans ses serres.
m. 12
— 178 —
le chat-huant, la canepetière, le courlis, le choucas, le
hobereau, le corbeau, la corneille, l'épervier et le ca-
nard.
Le fjabereau (1), la poule d'eau, la pie, la chouelle,
l'hirondelle de mer, la crécerelle et le vanneau «étaient
volés par des tiercelets de faucons, ainsi que le cou-
con et le sabat (2);
Le butor par des sacrets;
La perdrix par des laniers, des sacres, des sacrets,
des faucons et tiercelets de faucon et des alèlhes;
La caille, l'étourncau, la huppe, la pie-grièche, le
merle, l'alonelte légère, le cochevis, la grive et le roi-
telet par des émerillons;
Le pigeon cillé par des émerillons et des tiercelets
de faucon.
La chauve-souris se chassait avec des tiercelets de
faucon niais et des crécerelles.
Plusieurs de ces vols étaient de l'invention du Roi (3),
et ne furent jamais en usage hors de sa fauconnerie.
Quelques autres chasses, qui se faisaient avec les oi-
seaux de haut vol, ne sont pas mentionnées parce
que la fauconnerie royale n'avait pas occasion de s'y
livrer ou les avait en dédain.
(1) Probahlomenl une ospèce de plongeon, dit en pi'ovençal Gabrimi
ou Gabriau.
(2) Inconnu. — Pour voler la pie, on associait quelquefois des oi-
seaux de haut vol, comme des tiercelets de faucon, avec des éperviers,
oiseaux de basse volerie. (D'Arcussia.)
(3) Il en était ainsi du vol des oisillons avec les pies-grièches que
l'absence de tout renseignement nous empêche de classer dans la hante
ou dans la basse volerie.
— 179 —
Les vols de l'outarde, du cygne cornant (ou sau-
vage) (1), de la grue et de l'oie sauvage, qui se fai-
saient avec les oiseaux les plus vigoureux, comme ger-
fauts (2), sacres et faucoDs pèlerins, le vol du faisan
avec le sacre (3); ceux de la bécasse, du geai, du 6e-
chebois (pivert) avec deux tiercelets de faucon (4) ; les
vols du perdreau, de la caille et de l'alouette avec le
hobereau ne figuraient pas parmi les vols de la grande
fauconnerie, non plus que parmi ceux de la Chambre
et du Cabinet.
De toutes ces chasses, il n'en était qu'un certain
nombre qui fussent réellement en usage.
C'étaient le vol du héron, le vol pour champs, le
vol pour rivière, le vol de la corneille, celui de la pie,
les vols qui se faisaient avec les émerillons.
Le vol du héron était le plus beau de tous, il tenait voiduiu.
dans la fauconnerie la place éminenie qu'occupe dans
la vénerie la chasse du cerf.
Tous les auteurs ont célébré à l'envi ce vol royal.
De Thou l'a chanté en beaux vers latins; Claude Gau-
chet en vers français moins pompeux.
11 y avait deux manières d'attaquer le héron. Lors-
(1) Gace de la Buigne dit que les paysans font bien plus de cas
d'un lièvre que du meilleur faucon qui aurait pris des cygnes cor-
nnns près de Paris. (Vraisemblablemenl sur l'étang d'Enghien.)
(2) Gomme un gerfaut qui de roideur se laisse
Galer à ba?., ouvrant la nue espaisse
Dessus un cygne amusé sur lo bord. (Ronsard.)
(3) Bel on.
(4) D'Arcussia.
Vul (lu milan.
— 180 —
qu'on le surprenait à terre, on lirait quelques coups
d'arme à feu pour le faire monter, et on lui donnait
en queue un oiseau nommé haussepied, qui le forçait
de s'élever à une grande hauteur ; lorsqu'il y était
parvenu, on jetait deux autres oiseaux, le teneur, qui
poursuivait le héron, et le tombisseur, chargé de le
lier. Si ce dernier manquait son atteinte, les deux
autres donnaient tour à tour, jusqu'à ce que le mal-
heureux échassier, ne pouvant plus résister, se laissât
choir, les ailes ouvertes, les pieds devant et le col en
haut. Comme le héron ne frappait dangereusement
avec son bec que lorsqu'il était à terre, on le faisait
saisir par des lévriers à gros poil , dressés à le tuer et
à le rapporter au fauconnier. Le premier héron pris,
on en faisait plaisir aux oiseaux (1).
Cependant les fauconniers tenaient un second vol
tout prêt pour attaquer les hérons qui, aux cris de leur
compagnon, se mettaient à la branloire et venaient
tourner autour de la victime et des chasseurs.
L'autre manière était de voler le héron au passage.
On se postait à bon vent sur le chemin qu'il suivait
d'habitude au retour de la pêche, et on lui jetait de
même trois oiseaux vigoureux.
Le milan était très-rare partout ailleurs que dans
quelques capitaineries oii l'on avait construit des mi-
lanières pour favoriser la propagation de l'espèce ;
aussi sa chasse était-elle éminemment royale; les
meilleurs oiseaux de fauconnerie étaient mis en ré-
(I) D'Ai'cnssia. — /v'/rt/.v dr la France d tous les autoiii-s.
— 181 —
quisition pour ce vol, qui présentail un vif inlérêt, à
cause (le l'agilité extraordinaire du milan, admira-
blement organisé pour se jouer des poursuites de ses
ennemis dans les hautes régions de l'atmosphère.
Le milan noir était encore plus rare que le milan
roux ou milan royal. Un antique usage, qui se perpé-
tua jusqu'à la suppression des équipages de faucon-
nerie, voulait que, chaque année, le premier milan
noir que le chef du vol pour milan prenait en pré-
sence du Roi lui donnât le droit de réclamer le cheval
que montait Sa Majesté, sa robe de chambre et ses
mules : le tout rachetable pour la somme de
100 écus (1).
Pour attirer les milans, on exposait en rase cam-
pagne un grand-duc , auquel on avait attaché une
queue de renard, pour rendre sa figure plus extraordi-
naire. L'énorme oiseau de nuit, ainsi affublé, volait
à fleur de terre, se posant çà et là. Le milan, l'aper-
cevant de loin, s'approchait de lui soit pour le com-
battre, soit, coranie dit BufTon, pour l'admirer, et
restait assez absorbé dans sa contemplation pour
qu'on put lui jeter à portée les oiseaux de haut vol :
gerfauts, sacres ou faucons, destinés à le prendre.
D'Arcussia raconte, d'une façon vive et pittoresque,
une chasse au milan à laquelle il avait assisté le jour
de la Sainte-Catherine, en présence du Roi Louis XIIL
Le milan, attaqué par quatre gerfauts, s'éleva si
haut, que ceux des spectateurs qui n'avaient pas la vue
(1) Diingeau, l. U et VI, ^ iilal.s 'Ir la l-'rancr.
~ 18^ —
bonne élaient bien en yeine et n avaient point de part
(tu plaisir. Un gerfaut, nommé V Ostarde , oiseau fort
(laillard, donne le premier au milan; les autres fondent
tour à tour sur lui, le frappant alternativement, comme
les forgerons sur T enclume , avec un grand singlement
d'ailes.
Le pauvre milan, ainsi bufjeté , ne savait comment
se défendre; il s'efforçait d'esquiver les attaques re-
doublées de ses ennemis, pliant les ailes, tantôt d'un
côté, tantôt de l'autre; essayant parfois de jouer des
griffes, et poussant des cris de détresse. Enfin, un
des gerfauts le lie, les autres en font autant et les
cinq oiseaux viennent à bas tous ensemble.
Le Roi, M. de Luynes, chef du vol, et tous les fau-
conniers accourent pour empêcher le milan de bles-
ser les oiseaux du bec ou des griffes (jiiil a veni-
meuses; on lui rompt les jambes, on lui arrache la
tète, et l'on paît les gerlauls d'une poule de môme
plumage, étant la chair du milan puante et malsaine
aux oiseaux.
Louis XIII était si henin, dit le même auteur, qu'il
sauvait fréquemment la vie aux milans pris par ses
oiseaux et les lâchait par les fenêtres du Louvre après
leur avoir fait couper les deux couvertes de la queue.
« Acledignedeluy! » s'écrie pompeusementd'Arcussia.
\oi |.n„r Le vol des perdrix en plaine ou vol pour champs était
la chasse favorite des gentilshommes particuliers, qui y
trouvaient à la fois plaisir et proiil, car wic perdrix ne
rient jamais mal () propos à la ctdsine (1). Ce vol avait
(\) D Arru-M;i.
rli,im)is.
— 18:5 —
de plus l'avaulage de durer neuf mois de l'année.
Pour voler la perdrix, il fallait de très-bons oiseaux,
allaités avec un soin tout particulier. Les plus propres
à ce vol étaient les sacrels, les laniers passagers et les
faucons niais, surtout ceux qu'on lirait d'Espagne (1).
Le vol pour champs avec les oiseaux de leurre se
faisait de deux manières. On mettait à mont ces oi-
seaux, qui tournaient et soutenaient au-dessus des
chasseurs et des chiens. On les menait ainsi quelque-
fois jusqu'à près de demi-lieue, tenant toujours sur
ailes. Lorsque les chiens faisaient bourrir les perdrix
on criait : Guéraux (2)! et les oiseaux, faisant leur
descente, les frappaient avec tant de roideur que sou-
vent elles étaient mortes avant de toucher terre.
D'autres fois on chassait avec des oiseaux blo-
queurs{S), qu'on déchaperonnait aussitôt que les per-
drix parlaient. Ces oiseaux poussaient les perdrix à
tire-d'aile jusqu'au fort; là, ils se branchaient ou pre-
naient la hauteur d'une maison pour marquer la re-
mise, et le fauconnier allait avec ses chiens les servir
en faisant repartir les perdrix (4).
Les oiseaux qui servaient au î;oI «owr mière, ou voi po«r
vol des oiseaux aquatiques, étaient des faucons sors
(1) Sélincourt. — Morais. — Dans la fauconnerie royale on se servait,
de faucons, tiercelets de faucons, sacres, sacrets, laniers, lanerets,
ulets, émerillons et marais. {Maslols, émerillons mâles). — Elals de la
France.
(2) Ou Guairo. — En beaucoup de lieux on crie encore guéraux i)0ur
signaler les perdrix en battue.
(3) Un oiseau bloque lorsqu'il arrête une perdrix, se tenant en l'air
sans remuer les ailes. (Goury de Chnnipgrand.)
(4) Elals (le la Fraiicr.
— 184 —
OU hagards; le gerfaut volait aussi pour rivière, mais
il n était pas si agréable comme sont les faucons (1).
Pour qu'il fut possible de voler les oiseaux aqua-
tiques, il fallait les surprendre sur des mares, des fos-
sés, des cours d'eau élroits et encaissés. Les canards
sauvages et autres palmipèdes ne quittant guère les
grandes eaux avant le mois de février, la chasse en
rivière commençait à celte époque et se terminait en
avril ou en mai pour le commun des mortels.
Mais les grands seigneurs , lorsqu'ils voulaient
prendre le plaisir de celle volerie, avaient soin de
faire tirer des coups de feu le malin^ sur les grands
étangs, ce qui renvoyait le gibier sur les ruisseaux et
les mares (2).
Un cavalier bien monté allait d'abord reconnaître
de loin sur quels points se trouvait le gibier. Confor-
mément à son rapport, on se dirigeait vers l'endroit
désigné, on mettait les oiseaux à mont, puis on fai-
sait partir les canards; au moment où ils prenaient
leur vol, on criait : i/à , hà! ou bien encore hoîc,
hou! à la mode flamande. Les faucons fondaient aus-
sitôt sur leur proie et l'assommaient; si elle leur échap-
pait, on la remettait sur une autre mare.
Souvent les palmipèdes, terrifiés par l'apparition
(le Tennemi qui planait au-dessus d'eux , refusaient
(le s'envoler, malgré les cris des fauconniers et les
(I) Miroir lie /iiin-nniirric.
i^ "2) Ainsi r.'iisjiil il' (•nnii(''l;iiil(' ilc MnnlmoiiMuy - \o\v (Uaiulo
i;Mn(li('l.
de la Cûriieille-
— 185 —
poursuites des barbets , on déchargeait alors une
arme à feu pour les décider à partir (1).
Avant l'invention des armes à feu et jusqu'au
XVI* siècle on se servit de tambours dans le môme
but (2).
On volait la corneille avec deux faucons et un tier- voi
celet de gerfaut ou avec trois faucons; pour attirer en
plaine les oiseaux qu'on voulait chasser on leur mon-
trait un duc et, dès qu'on les voyait approcher pour
l'attaquer, on criait : Corneille en beau! La corneille,
apercevant les faucons, faisait de son mieux pour re-
gagner le couvert; si elle y parvenait, les fauconniers
lui faisaient quitter son fort en battant les arbres et
les buissons et en criant : Haie, haie (3)!
Ce vol était le plus aisé de tous et convenait d'au-
tant mieux à un simple gentilhomme que les oiseaux
qui prenaient la corneille n'en étaient pas moins bons
pour les autres vols (i).
(1) Claude Gauchet.
Ci) C'étaient surtout les autoursiers qui se servaient de labours; ce-
pendant on voit, dans le passage cité précédemment de Pero Nunez ,
des tambours jouant leur rôle pendant une chasse au héron avec les
faucons gentils. Matthieu Paris, àproposdupygargue dressé dont nous
avons parlé plus haut, dit qu'une sarcelle s'envola au bruit de cet
instrument qui est appelé Ihabur par les chasseurs en rivière {ripato-
ribus). Le traducteur a rendu ce dernier mot assez singulièrement par
moissonneurs. (Chr. de Matth. Paris, t. IL) Dans une miniature d'un
des plus anciens manuscrits du Eoy Modus un fauconnier volant un
héron a le labour à l'arçon de sa selle.
(.3) Les oiseaux de Louis XIII prenaient quelquefois le grand corbeau,
ce qui était considéré romme chose merveilleuse. (D'Arcussia.)
(4) D'Arcussia. — Morais. — Étais di; la France.
— 'I8(; —
Les corneilles cntinuiitelées de gris étaient les plus
propres à voler, avec les plus petites qu'on nomme
choqucttes (choucas) , mais il faut se garder des cor-
neilles à bec rouge (I).
Yuidciapie. Tfois tiercclcts de faucon étaient l'équipage requis
pour voler la pie, que les fauconniers poursuivaient
d'arbre en arbre et de buisson en buisson à grands
coups de gaule et de pierres pour la forcer à prendre
son vol. La maligne bêle metlait souvent tant d'obsti-
nation à ne point partir, qu'il fallait faire grimper un
aide-fauconnier dans les arbres pour l'en faire vui-
der (2).
« Toutes les fois qu'elle part ou vuide, on crie :
Houija, houya (3). *»
Fouquet de la Varenne, qui, après avoir été fouille-
au-pot chez la duchesse de Bar , avait gagné des
sommes considérables à servir les amours de Henri IV,
s'était retiré sur ses vieux jours dans ses terres. Il
s'amusait une fois à voler la pie. L'oiseau rusé s'était
relaissé dans un arbre, et les fauconniers frappaient
autour avec leurs bâtons pour la faire vuider, lorsque
dame Margot s'avisa d'articuler fort nettement une
injure grossière, qui alla droit au cœur de l'ancien
(1) Voir d'Arcussia, (jui n'explique pas i)ouniuoi un iio devait pas
voler les corneilles à bec rouge (ou co)'ctciiis).
(2) Cl. Gauchel. — Pornte de la fauconnerie dans d'Arcussia. —
Etais de la France.
(.'î) Kidh (If la France. —
Puis, nu pai'lir di- l'.'n'lno, linya, lioya si> crie.
(CI. Cuinrhct.)
— 187 —
Mercure de Henri IV (I). « Le bonliomme la Va-
renne, » dit Sainl-Simon , « en fut atterré comme du
renouvellement de la parole de l'âne de Balaam. Il ne
douta point du miracle, et que l'oiseau ne lui repro-
chât ses crimes. Il tourna bride sur-le-champ, le fris-
son le prit en arrivant chés lui et en trois jours il en
mourut sans que jamais on put lui persuader que
c'éloit quelque pie apprivoisée qui avoit appris à par-
ler et qui s'étoit envolée de chés son maistre (2). »
On se servait des émerillons pour voler les jeunes vois avec
1 1 < I < • l/. IVmeri'ilon,
perdreaux , pendant que les autres oiseaux légers
étaient en mue. On s'en servait aussi pour voler le
merle, le burisson (burichon, roitelet), le rouge-gorge,
le cochevis, l'alouette légère, le cul-blanc et le pigeon
cillé.
Les émerillons qui prenaient ralouelle légère
étaient considérés comme exlraordinairement bons (3).
Cet oiseau , se sauvant ordinairement par /irtwi, atti-
rail jusque dans les nues les deux émerillons qu'on
lui jetait. Ces courageux petits faucons, gagnant le
dessus , forçaient la pauvre alouette de se ravaler
pour se rendre en quelque buisson, où on la pre-
nait à la main, quand les émerillons lui laissaient
le temps d'y arriver, ce qui était rare.
(1": Il eut l'emploi, qui certes n'est pas uiiure
Et qu'à la cour, où tout se peint en beau
Nous appelons être l'ami du prince,
Mais qu'à la ville et surtout en province
Les gens grossieis onl nommé maq
(Voltaire.)
(2) Mémoires, I. X. - Addiliens ;i DangtMu, t. XV.
(3) n'Arcussin.
— 188 —
Celte cliasse passait pour !a plus agréable de celles
qu'on foisailavec les émerillons, parce que dans au-
cune ils ne marquoicnt plus leur feu et leur cou-
rage (1).
Le vol du perdreau avec les émerillons se faisait do
poing en fort (quoiqu'ils fussent essentiellement oiseaux
de haut vol) , c'est-à-dire qu'on ne jetait les oiseaux
chasseurs qu'après le départ des perdreaux devant les
chiens. L'émerillon volait en ce cas comme le faucon
hloqueur, avec cette seule différence qu'on le pouvait
porter découvert et sans chaperon.
Lorsqu'on volait le merle ou les autres oisillons, on
portait des épieux pour faire sortir le gibier des haies
oi!i il cherchait un refuge {!).
Le pigeon cillé était lancé avec la main le plus haut
possible, puis, lorsqu'il était à hauteur convenable,
les fauconniers lui jetaient les émerillons qui le ga-
gnaient de vitesse et le buffetaient jusqu'à ce qu'ils
l'eussent lié et attiré à bas; ce combat durait parfois
longtemps (3).
« Le vol pour émerillons, » dit VÈtat de la France,
« est particulier au Cabinet du Roy, n'étant dans au-
cune autre Fauconerie Roïale que dans celle du Ca-
binet. » C'était Louis XIII qui avait introduit dans sa
maison ce vol pour lequel il était très-passionné.
(1) Etals (le la Fraiicf.
(2) llmlrm.
(3) ll>i<ln>i.
— 189 —
§ 2. VOLS DE l'AUTOURSERIE.
Le domaine de l'autourserie était beaucoup plus
étendu au moyen âge qu'il ne le fut pendant les
siècles suivants. Gace de la Buigne, après avoir énu-
méré les vols qu'on doit exclusivement réserver aux
faucons, permet aux austrueiers,
De prendre biitours et badians (1)
Poches (spatules) aguettos (aigrettes) haïrons blancs,
Moyennes de mer (2), plusieurs oyseaux,
Cormarens, cornilles (3), corbeaux,
Cines (cygnes) bistardes (outardes) et aussi grues
Et oyes grosses et menues
Gentes (4), perdris, faisans (5), cailleux,
Que trouveront en plusieurs lieux....
Plus tard, quoiqu'on chassât encore quelquefois
avec l'autour les canards et le faisan, le rôle principal
de ce grand oiseau de poing fut de voler pour
champs (0), ce dont il s'acquittait du reste à la satis-
(1) Inconnu. — Peut-être faut-il lire gabian, nom de la mouette en
Provence.
(2) On appelle peliles de mer les bécasseaux et maubèches sur les
côtes de Normandie.
(3) D'Arcussia dit que, si un autour ou un tiercelet était accoutumé
au vol de la corneille, il y ferait rage.
(4) Espèce d'oies sauvages, en allemand Gœme.
(5) On volait le faisan dans de jeunes tailles oîi se trouvaient quel-
ques grands arbres. Si l'autour manquait d'empiéter son gibier au cul-
levé, il se branchait pour le guetter près de la remise. Au xvii° siècle,
cette chasse se faisait surtout en Italie. Les Turcs la pratiquaient en
Asie Mineure à la fin du siècle dernier. Voir, sur le vol du faisan, Al-
drovande.— Le caccie di Eugenio Raimondi. (Brescia, 1G21).— Bloome.
— Sélincourt. — BulTon, art. Faisan.
(6) « On ne s'en sert guère qu'aux perdrix en attendant que les au-
tres oiseaux soient sortis de la mue. » (Morais.)
— 190 —
lïiclion des gens qui aimaient à voir le crochet de leur
cuisine garni de gibier ei i\m cra'i^ndiiQni la fatigue ou
la dépense. En effet, il n'y avait pas d'oiseau qui fit
prendre plus de perdrix ; les maîtres pouvaient suivre
les chasses sur le traquenard ou la mule (1) et faire
donner du secours à leurs oiseaux par des valets de
pied. Les fauconniers ajoutaient dédaigneusement à
ces motifs de préférence (jue l'autourserie convenait
surtout aux ignorants, car, avec yeu de science, ils fe-
ront voler ces oiseatiXj, d'autant plus que cette volerie ne
consiste toute qu'en ruse [î).
Pour bien réussir à prendre des perdrix avec l'au-
tour, il fallait éviter que le gibier partît de trop loin,
et dans une direction défavorable.
A cet ellét, les chasseurs à pied et à cheval s'avan-
voi çaient en ligne , précédés de leurs chiens ; deux au-
tours ou tiercelets étaient portés par des autoursiers,
qui marchaient aux extrémités de la hgne. Lorsque
les perdrix s'envolaient, l'autour fonçait sur elles en
ligne directe [à la source, à Ihe-cul ou à la couverte);
s'il ne parvenait pas à en empiéter une , il suivait la
chasse d'amont ou se branchait sur quelque arbre du
voisinage, pour fondre sur les perdrix quand on les
faisait repartir de la remise. En manœuvrant bien.
pour champs
avec l'autour.
(1) Même en chaise, siiivant Liycr {A)>iiiscinenls de la coiiipagne).
(2) Voir Gommer de Lnsancy. — D'Arcussia. — Liger. — Goury de
Cyiampgranrl. — D'Arcussia dit. qu'on pourrait fort l)ien chasser le héron
avec des autours. Il ajoute que plusieurs seigneurs en font l'exercice et
le [iratiquent tous les jours.
— 191 —
les auloursiers se renvoyaient, les perdrix de l'un à
l'autre et en prenaient grande quantité.
La chasse des oiseaux de rivière avec l'autour, qui vui
, , PI PO'"" rivière,
se pratiquait encore de temps a antre au xvii*' et au avec lauionr.
xvni' siècle, ne pouvait réussir que dans des circon-
stances toutes particulières, tl fallait pouvoir appro-
cher celte sauvagine rusée et défiante d'assez près
pour que l'autour put l'empiéter au lève-cul. Or
cela n'était possible que lorsque le gibier se tenait sur
des eaux très-encaissées ou bordées de grands joncs
et de sautées épaisses. Lorsqu'on s'était assuré de
pouvoir surpendre les canards en lieu propice, on ga-
gnait les devants, le long du fossé ou du ruisseau,
l'autour sur le poing.
Arrivé en face des canards, l'autoursier s'avançait
brusquement au bord de l'eau , les canards s'enle-
vaient, l'autoursier lâchait son oiseau qui en empié-
tait un à la source (1).
Si, au moment oii on lâchait l'autour, les canards,
au lieu de s'élever, se rabattaient sur l'eau et plon-
geaient, il arrivait quelquefois que l'oiseau chasseur,
emporté par sa fougue, s'approchait trop de la surface
liquide, mouillait ses ailes et courait risque de se
noyer (2).
C'était surtout à ces chasses en rivière avec l'autour
que les tambours faisaient rage. Dans le poëme de
Gace delà Buigne, comme dans celui de de Thou, il est
(t) D'Arcuf^sia. — Goury de Chanippraml.
a) De Thon.
— 192 —
parlé de ces instruQierils bruyants avec lesquels les
autoursiers forçaient les palmipèdes effrayés à sortir
de leurs roseaux (l). Dans les gravures de Philippe
Galle d'après Stradan, les chasseurs en rivière ont
non-seulement des tambours, mais des timbales et des
trompettes.
Vols avec Lcs épcrvicrs chassaient comme les autours, pro-
esîreTterie" portlon gardée, et jouissaient même de plus de consi-
dération auprès des délicats en matière de volerie.
Les vols de V espréveterie étaient très-variés au moyen
âge (2). En été, on faisait voler par l'épervier la per-
drix, la caille et l'alouette; en automne et en hiver, les
faisandeaux (3), les râles des champs, les râles noirs
ou râles d'eau, les bécasses, les sarcelles, les van-
neaux, les grives, les merles, les pies, les geais, les
choucas (4).
Vol rour Séhncourt dit que ceux qui ont l'adresse de se bien
champs avec ggj-yir (jgg épcrvicrs en tirent plus de service que des
répervier. • » -i
Perdreaux, autours. Avcc dcux OU trois éperviers qui volent l'un
après l'autre pour leur donner haleine, on prend plus
(1) « Past de Béry, pour deux labours achetez de li pour Mons'' Phi-
lipjie, ])our chacer les oiseaux de rivière, 12 s. » (Notes et clociiments
relatifs à Jean, Roi de France. — Comptes de Denys de Collors.) Reste
à savoir s'il s'agit d'autourserie ou de fauconnerie. — Les Persans et les
Indous, lorsqu'ils chassent au vol, portent pour le mémo usage de pe-
tites timbales d'argent suspendues à la selle.
(2) Sur l'espreveterie, \o\r surtout \e Mesnagier de Paris, t. IL
(3) Du temps de d'Arcussia, ce vol, (jui est mentionné dans Gace de
la Buigne, n'avait plus lieu qu'en Italie, où les éperviers étaient très-
bons et en très-grand honneur.
(4) R.Modus. — MesnuQicr. — Belon. — D'Arcussia.
Le Mesnagier range Yonslarde parmi les oiseaux qu'on vo!(^ avec l'é-
pervier. 11 y a évidemment contusion avec l'autour.
— 'Io:j —
de perdreaux qu'aucuns avant la Sainl-Remi (1), et,
quand ils sont grands , ils continuent ù en prendre
jusqu'à la Toussaint (2).
En Provence, lors du passage des cailles, on en ciius
prenait des quantités énormes avec l'épervier.
Dans les environs de Toulon , un homme à pied,
une gaule à la main et sans chien , prenait avec son
oiseau jusqu'à six douzaines de cailles en un jour.
Le passage durait pendant les mois de septembre et
d'octobre. Cette saison passée, les Provençaux met-
taient leurs éperviers dans une chambre et les gar-
daient jusqu'à l'été suivant. Au mois de juillet, ils
s'en servaient pour voler les perdreaux , à quoi ils
étoient merveilleusement bons (3).
Le vol de l'alouette était un des grands plaisirs de v.i
la noblesse campagnarde (4). Elle se faisait au chault
temps. « Les grands seigneurs s'ébatent lors au plus
gay gibier de l'année. » Le fabliau du chevalier à la
robe vermeille nous montre un de ces nobles espréve-
teurs vêtu d'une robe d'escarlate novele, fourrée d'her-
( 1) Jour où tous perdreaux sont perdrix.
(2) « Et en vole on aux perLriseaulx aux aloes et aux cailles et est
un fléduict trop plaisant pour ce qu'on vole souvent, comme pour les
beaux vols que ung esprevier fait, et aussi pour la compagnie avec
qui on est. Car moult de gens, hommes et femmes, se puent (peuvent)
déduire et voler de l'esprevier, et faire ung grant renc à travers les
champs et voler chascun endroict soy, et là voit on qui mieulx vole. »
{LeRoy Modui.)
(3) D'Arcussia.
{!i) « Dieux, comme c'est beau déduit, c'est plaisant déduit que de
veoir prendre luie aloo à l'estourso (à la source) à bon esprevier! »
{Le Boy Modvs)
III. 13
de l'aloiieUe.
— 194 —
mine. (I), ses éperons d'or aux talons, mais n'ayant
point de chausses à cause de la chaleur (2).
II prist son csprevier mué
Que il méisine ot (eut) mué
Et maine deux chienès (3) petiz
Qui estoient trestoz fetiz
Por fère aus clians saillir l'aloo (4).
Une chasse à l'alouette avec l'épervier a fourni à
l'auteur du Roman de la Violette un de ses plus in-
génieux épisodes (5).
Les éperviers étaient parfois assez bien duits pour
rapporter sur le poing du chasseur l'alouette qu'il
venait de prendre. Ces éperviers étaient appelés éper-
viers aux dames, parce qu'on les offrait de préférence
(I) La passion pour les fourrures était telle, qu'il fallait en porter
même par les plus grandes chaleurs.
(1) Les chausses d'alors étaient une sorte de longs bas qui montaient
Jusqu'à mi-cuisse et s'attachaient au braj/rr ou caleçon. "
(3) Chiennets, petits chiens.
(-'i) Propres à faire partir l'alouette.
(5) Gérard de Nevers sort de Cologne pour (luire son épervier à vo-
ler l'alouette. Il entend un de ces oiseaux qui aJoil moull cler chan-
lant cl l'aperçoit planant en l'air, les ailes étendues, puis se posant.
A l'esprevicr ses loingnes (longes) o&te
A garder les baille à son oste,
Et l'esprevier qui vit de loing
L'aloëte, desour son poing
Se couche et a laské (lâché) ses giés,
Moltfut biaus à véoir cis giés (jet).
Gérard pique des deux, et après avoir laissé l'oiseau s'csplumcr un
peu et se repaître de la cervelle, il descend et lui prend sa jjroie. En
ùtant l'alouette à son épervier, le comte de Nevers aperçoit un anneau
autour de son col, il reconnaît celui de de sa mie Euriaut qu'il a
abandonnée, et part aussitôt pour se mettre à sa recherche.
— 195 —
aux belles chasseresses, qui étaient généralemenl très-
assidues au vol de l'alouette (1).
A l'exception de la petite chasse des pies, des geais,
des merles et des grives dans les haies, qui se faisait
encore au xvif siècle comme au temps du Mesnagier
de Paris, les vols pour champs restèrent seuls en usage
chez les gentilshommes jusqu'à la fm de Vespréve-
terie ("2).
Quoiqu'on fît un cas médiocre de la basse volerie
dans la fauconnerie royale, on y volait cependant les
perdrix avec l'autour, et, avec l'épervier, la caille, le
geai, le hèchebois, le merle, le peschevéron ou martin-
pêcheur et diverses sortes d'oisillons (3).
§ 3. VOL d'animaux quadrupèdes.
Il nous reste à parler d'une chasse qui se faisait
avec des oiseaux de proie dressés et qui néanmoins,
par sa nature n'est pas susceptible d'être classée dans
la haute pas plus que dans la basse volerie, puisqu'il
s'agit de prendre un animal qui ne vole pas, un qua-
drupède.
Nos anciens auteurs ont parlé de chasses merveil-
leuses au blaireau, au renard, au chcvrel sauvage, qui
se faisaient avec des aigles dressés. Le chevreuil aurait
aussi été chassé avec le sacre et l'autour (4).
(1) Le RoyModus.
(2) Mesnagier. — D'Arcussia.
(3) D'Arcussia. — Èlals de la France.
(4) Alb. Magn. — P. de Crescens. — Mesnagier. — G. Tardif. — De
Thon. — En Orient, les aigles dressé? prenaient le sanglier, l'onagre,
— lor; —
On disait que ces oiseaux cliasseurs harcelaient le
<;hevreuil, s'efforçaient de lui crever les yeux et le
battant des ailes du bec et des serres, retardaient
assez sa course pour mettre les chiens lancés à sa
poursuite à même de le saisir (l).
Malgré le témoignage de ces auteurs," il est fort
douteux qu'on ait volé en Europe le blaireau, le re-
nard et même le chevreuil. Ce qu'ils disent en par-
lant de ce dernier quadrupède doit avoir été emprunté
aux récits que font de la chasse à la gazelle les fau-
conniers orientaux (2). On sait que nos anciens fau-
conniers ont puisé très-abondamment à cette source,
sans y apporter toujours tout le discernement dési-
rable (3).
De toutes les chasses de quadrupèdes faites avec
l'oiseau de proie, il n'y a guère que celles du lièvre
et du lapin qui aient été véritablement usitées en
France.
On prenait le lièvre avec le gerfaut, le sacre, le la-
nier, le faucon ou l'alfanet (4).
L'autour chassait aussi le lièvre (5).
Le vol pour lièvre était en usage dans la fauconne-
le cheval sauvage, le loup, le daim et la gazelle. — Voir Marco Polo,
— De Thou, — PiiUas, — Buffon.
(1) P. de Crescens. — G. Tardif.
(2) D'Arcussia avait connaissance de cette chasse qui se fait encore
en Orient et en Afrique.
(3) C'est l'opinion de M. le baron J. Pichon dans une notre très-ju-
dicieuse de son Mesnogirr de Paris, t. II.
(4) D'Arcussia.
(ô) Ibidoii.
— 197 —
rie royale sous Louis XIII et Louis XIV. Il se faisait
ordinairement avec un gerfaut et un méchant lévrier
sans beaucoup de force, pour secourir quelquefois
l'oiseau (1).
Le lapin était aussi chassé avec l'autour. Pour que
l'oiseau de poing eut le temps de l'empiéter, il fallait
le lancer loin du terrier , dans un terrain décou-
vert (2).
Selon le Mesnagler de Paris, l'épervier volait lape-
riaulx et levrata (3).
§ 4. CHIENS ET CHEVAUX EMPLOYÉS DANS LES CHASSES AU VOL.
Il nous reste à parler des chiens et des chevaux
dont on se servait pour chasser au vol.
Les chiens étaient de deux sortes , les chiens cVoi- chiens
|. ^. iM- 1 p • • 1 1 servant à la
sel qui quêtaient le gibier et le laisaient lever, et les chasse au voi.
lévriers qui venaient en aide au faucon, lorsqu'il avait
lié et porté bas un oiseau de forte taille et capable de
résistance (4).
Ces lévriers étaient ordinairement à gros poil et on
(1) États de lu France.
(î) El se connins veulent manger
Si les quièrent loing du terrier.
(Gace de la Buigue.)
(3) M. baron J. Pichon met en doute que l'épervier ait eu la force
de prendre des levrauts et des lapereaux. Il croit qu'il y a confusion
avec l'autour, cependant on voit tous les joure les jeunes le\rauts. at-
taqués dans les champs par des oiseaux moins forts et moins hardis
que l'épervier femelle. Les pies et les corbeaux ne se gênent guère
pour attaquer un levraut ou même un grand lièvre blessé.
(4) Gace de la Buigne. — Gaston Pluebus. — De Tliou. — Claude
Gauclief. — D'Arcussia.
— 198 —
les dressait à aller à l'eau et à rapporter les oiseaux
qui y tombaient, frappés par le faucon (1).
Les chiens d'oisel étaient des épagneuls, des épa-
gneuls d'eau , des griffons , des barbets et des
braques (2).
Pour le vol des champs, les épagneuls étaient pré-
férés aux braques, qui se permettaient trop souvent
de détrousser l'oiseau à leur proflt et de dévorer la
perdrix (3). Les épagneuls noirs étaient fort estimés.
Néanmoins, M. de Morais conseille de préférer 'les
épagneuls blancs et orangés parce qu'ils se voient de
plus loin. Il ne les faut ni grands ni petits, ajoute-
t-il (4).
Ces chiens étaient dressés à quêter et à marquer le
gibier plutôt qu'à l'arrêter très-ferme. Lorsqu'on vo-
lait aux champs avec des oiseaux de leurre, on faisait
battre la plaine par un grand nombre de chiens,
quatre à six couples chez les simples particuliers;
chez le Roi, le vol pour champs du Cabinet avait,
pour son service seul, dix-huit épagneuls entretenus.
Le vol pour champs avec les oiseaux de poing exi-
geait un moins grand attirail de chiens. « Nul ne peut
exploicler d'esparvier sans chien bonnement, » dit
Gace de la Buigne: il faut donc à l'espréveteur
(1) D'Arcussia. — Eluls de la Fraurc.
(2) De Thou. — D'Arcussia.
(3) Olivier de Serres préfère également les éi)agnculs aux braques
« pour ce ([uestant mieux vestus, ils ne crainilront ni le froid ni les
'•siiines. »
( '0 De nioj/riinr Inilb . dit Olivier de Sciti>.
— 199 —
Quatre l'iMcns cl biou douljLans
D'Espaigne et bien relomnans
Qu'ils soient à eommandemcnl.
Le Mesnagier estime qu'il suffit de trois espaitjnob
bien dressés, qui quêtent deux ou trois toises devant
l'épervier.
Pour voler en rivière, les meilleurs chiens étaient
les barbets, plus dociles et moins pillards que les grif-
fons. Les épagneuls d'eau anglais et flamands étaient
également fort bons (1), et rapportaient aussi bien que
leurs descendants plus ou moins directs, les retrievers
de l'Angleterre moderne.
Ilparaîtque quelques fauconniers avaient l'habitude
d'emmener des chiens d'Artois ou bassets. D'Arcussia
les blâme et dit que ces chiens ne font que clahaiider
et appeler en [aux.
Quant aux chevaux, les chasses de haute volerie cuevaux
demandaient des chevaux aussi vites et aussi vigou- cSeau^ûi,
peux que les chasses à courre les plus vives.
On choisissait ces chevaux plus petits que grands,
ayant la jambe large et le pied bon, peu d'épaules,
l'encolure longue et la tête petite. On ne les voulait ni
trop ardents ni trop sensibles à l'éperon.
Au xvn*" siècle, les chevaux anglais de petite taille
étaient considérés comme les meilleurs chevaux de
maître, mais chaque chasseur devait en avoir au moins
trois à son rang (2).
Les autoursiers pouvaient se contenter d'un rous-
(1) De Thou. - DArcussia.
(2) Morais.
— 200 —
siii bon troUeur, d'un bidet d'allure ou même d'une
bonne mule. La chasse avec l'épeivier, plus animée,
exigeait deux chevaux (1).
(I) Gace de la Buigne veut que l'espréveteur soit monté stis vnc/
i/ros roussi n, bas, bien Iroctani, et bon et fin.
Mais si no veult faire défaull
Pour l'esparvier deux luy en Cault.
LIVRE viir.
LA riIASSE A Tin,
L'hisloire de !a chasse à tir se trouve naturellement
divisée en deux grandes périodes essentiellement dis-
tinctes, l'une antérieure, l'autre postérieure à l'inven-
tion des armes à feu.
11 y a de plus une période intermédiaire assez
longue, durant laquelle les anciennes armes de jet et
les armes à feu furent employées simullanément.
CHAPITKK PREMŒU.
Chasses avec les anciennes armes de jet.
§ 1. l'arc et les flèches.
Les plus anciennes armes de chasse sont le javelul
et l'arc. Nous ne parlerons pas du premier qui n'a ja-
mais été d'un usage habituel dans notre pays depuis
les Gaulois (1).
Quant à l'arc, il remonte, comme arme de guerre
et de chasse , aux premiers âges de l'humanité.
Chasses Les Gaulols, qui dédaignèrent longtemps de s'en
servir à la guerre, en faisaient un emploi continuel à
la chasse. Ils empoisonnaient leurs flèches , soit avec
(I) Au (lire de Strabon, les Gaulois se servaient d'un trait en bois,
semblable à ceux des vélites romains {Orosphos). Ils le lanraient à la
main, sans amenlum ou courroie de jet, à de plus grandes dislances
([ue la portée d'une flèche. Celle arme était surtout en usage jiour la
(•liasse des oiseaux (liv. IV). Quelle que lut l'adresse des chasseurs
gaulois, il est évid(>nt (pi'ils ne ])0uvai(Mit alleindre avec cette armi"
qui' d<'s oiseaux de forti' taillf l'I jtosés.
avec l'arc chez
les Gauluis.
— 203 —
(le l'ellébore, soit avec une plante nommée en langue
celtique limeum (1). Lorsque la bête était abattue, ils
cernaient la plaie et enlevaient la chair qu'avait tou-
chée le poison. Moyennant cette précaution, la venai-
son pouvait être mangée sans aucun danger, on la
considérait même comme plus délicate (î).
Les Francs et les autres Germains s'adonnaient cunki
comme les Gaulois à la chasse avec l'arc, ainsi qu'en cianues
témoignent leurs codes. Les chefs barbares se piquaient '^''""""''
d'y exceller et se plaisaient à montrer leur adresse à
tirer à cheval , se faisant indiquer par leurs compa-
gnons de chasse un but que leurs flèches manquaient
rarement (3).
Les Rois et les Empereurs de la race carlovingienne, ^-^''^
cailovingieiis.
notamment Charlemagne (4) et Louis le Débonnaire,
chassaient également avec l'arc et les flèches (5).
rr 1 i • -v 11 'I in\ Cliasses à l'aie
Sous la troisième race, la chasse a berser (o), comme sous ia3' race.
(1) On croit que c'était une espèce de renoncule sauvage {ranuncu-
liis lliora) dont les habitants des Alpes utilisaient de même les vertus
toxiques au moyen âge. (Voir la Mesnagier de Paris, t. II, p. 257, note.)
Au XVI' siècle, les Espagnols empoisonnaient leurs traits d'arbalète
avec le suc de l'ellébore blanc {veralrum album) qu'ils appelaient par
ce motï{ yerva da balleslero. (Espinar. — Magné de Marolles.)
(2) Pline, liv. XXV et XXVII. — Strabon dit que Yarhre dont le sur
cmijoisonnait les flèches des Gaulois portait des fruits en forme de
chai)iteau corinthien.
(3) Voir le passage cité plus haut de Sidoine Apollinaire sur Tliéo-
doric, Roi des Visigoths do Toulouse.
(4) Il existe des vers latins d'Alcuin où sont célébrées les chasses
de Charlemagne et les grandes tueries de bêtes noires et de cerfs qu'il
faisait avec ses flèches.
(5) Ducange, v" Forcsla.
(G) Sur ce mot, dérivé du liuhisqui' Ilirsr/i. r-n alli'mand modi'rni"
Pirschcn, voir Ducangi', v lUrsarr.
Itucs lie
Noiiiiaiiilie.
— 204 —
on disait alors, ne fut pas moins en vogue parmi les
princes et les seigneurs français.
Fulbert de Chartres (mort en J029) parle d'une
chasse à l'arc que le Roi Robert doit venir faire, à
l'époque du rut des cerfs, dans une de ses forêts (1).
I.es dames nobles elles-mêmes se livraient parfois
à cet exercice, témoin une charte de l'an 1240 par
laquelle la comtesse Aanor de Saint- Valéry est auto-
risée par son époux, Henri de Sully, à tirer de l'arc
{arcuare) et à en faire tirer dans les forêts de leurs
domaines {È).
Les ducs de Normandie et la noblesse de leurs états
paraissent surtout avoir eu une prédilection marquée
pour ce genre de déduit.
Les traditions normandes nous font voir Ri-
chard I" (3) chassant à berser dans la forêt de Lyons.
C'est à la fin d'août, il envoie ses forestiers viser cni il
pourvoit grand cerf trouver, puis il fait porter arcs et
sagettes et conduire ses brachels et ses limiers par
une route détournée, de crainte que les animaux les
voient venir (4).
(1) In Silvcnii Icf/iiiiit. — Ducange, v" liuf/ilus. — Peut-èlrc Saint-
Germain-en-Lay e .
(2) Ducange, v° Arcuare. — Charla Henricide Soliaco. — Aanor de
Saint-Valery, comtesse de Dreux, avait i^'pousé en secondes noces
Henri, sirode Sully. (P. Anselme, t. I.)
C.i) Eu liois sont coiulemout è berser è veuer.
(/?. (Ir non.)
Hichaiil 1", dit Sons Prttr. Ik'tds de luainli' iégi.'udr raidasliciiu',
imuii'Mt ru '.•',)().
('i^ Itdincii (le Hall. •',(• riiriMil irs Noniiaiids qm iiu|i()rlt''r<'nl rii
Angli'ti'i'rc l'usage de lare long qui douua [ilu^ lard ua avaidagv .^i
— 205 —
De mtime, le scnjent envoyé par la garnison nor-
mande du Mans pour demander secours au Koi Guil-
laume le Roux le trouve prêt à aller berser en bois
avec ses brachets.
i\ous avons raconté précédemment de quelle façon
ce même Guillaume péril dans hNove Forest en ber-
sant cerfs et biches.
« Je ne sais, » dit le chroniqueur Robert Wace,
« qui traist (tira), ni qui lésa (blessa), ni qui férit
(frappa), ni qui bersa, mais on dit que ce fut Tirel qui
occit le Roi (l). »
Henri, frère puîné du Roi, était aussi à cette chasse
fatale; mais, en tendant son arc, un brin de la corde
se rompit, il fallut entrer dans llukel d'un vilain
Pour corde ou pour fil pourchasser
Et sa corde apareiller (2).
Circonstance qui parut suspecte à plusieurs.
Ce prince Henri, qui devint Roi d'Angleterre après
le Roi Roux, aimait à berser presque autant que lui (3).
Le roman de Tristan, écrit sous son règne en dia-
lecte anglo-normand, ne manque pas de s'étendre sur
l'adresse incomparable de son héros à s'aider de
l'arc (4).
Marie de France, qui, malgré son surnom, paraît
désastreux à leurs armées sur les nôtres. (Voir Aug. Thierry, Hisloire
de la conquête de VAnçilelerre.)
(!) Roman de Rou.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem.
(4) En Tristan out molt l>uen archier
Molt PO sout l)ien do l'arc aidier.
— 206 —
aussi avoir écrit à la cour des Rois anglo-normands,
met également l'arc aux mains du damoisel Gugemer,
lorsqu'il blesse la biche fée, toute blanche, qui avait
sur la tête des perches de cerf (1).
Au xiv*" siècle, le Normand Godefroy d'Harcourt
est blessé accidentellement d'un coup de flèche h la
chasse (2).
L'arc paraît avoir été assez en vogue dans le nord
de la France à cette époque. Le Roy Modus s'étend
complaisamment sur la science (Varcherie , dont il
donne minutieusement les préceptes.
Gaston Phœbus, au contraire, tout en consacrant à
cette chasse quelques chapitres curieux, se hâte de
renvoyer pour plus amples détails aux Anglais, dont
c'est, dit-ii, le droit mestier.
Au siècle suivant, et même au xvi% le tir avec l'are
long entrait encore dans l'éducation des Princes. Charles
le Téméraire, le sire de la Trémoille, Maximilien d'Au-
triche , le connétable de Bourbon, Henri II se pi-
quaient d'y exceller (3).
(I) Dans cotte chassn merveilleuse, les veneurs ù cheval et les ber-
niers a'nroiilcni à la bète, découplent les brachets et suivent, l'arc en
main :
Li veneor curent devant
Li damoisiaus s'en va criant
Son arc li portcit un valiez
Sun hansart et sun berserez,
Traire vossist, se mes (moyen) éust
Ains que d'ieuc se rt>méust (que de là se retirât).
('2) Gaston Phœbus.
\^^) Voir jdus haut.
— 207 —
On ne sait pas précisément à quelle époque l'are et
les flèches furent complètement abandonnés en France
pour la chasse. Ces armes sont encore comprises
parmi celles qu'il est défendu aux voisins des forets
royales de garder en leurs maisons par les ordon-
nances de 1515 et 1548 (1).
Le Roy Modus et Gaston Phœbus sont entrés dans
les détails les plus circonstanciés sur la fabrication
des arcs et des flèches destinés à la chasse et sur la
manière d'en faire usage.
L'arc de chasse, ordinairement moins long que
l'arc de guerre (2), avait 20 à 22 poignées d'une osclie
(coche), ok la corde se met jusqu'à l'autre (3). Il était
fait de bois d'if bien assaisonné, ou, à défaut d'if, de
buis, de cormier ou d'aubom^ (cytise); la corde était
de soie.
La flèche de chasse, ou sagette berserette, avait 8 à
10 poignées de long, de la coche aux barbes du
fer (à).
Ces flèches, en bois soigneusement préparé, bien
sec et bien léger, étaient toujours empennées (5) et
(1) Voir le Code des chasses. Selon Micli. Ang. Blondus(Z)p Canihus
rlvenatione, Rome, 1544), l'arc n'était plus usité de son temps cn'italie.
Les Anglais sont restés attachés longtemps après tous les autres peu-
ples à cette arme nationale, pour la chasse comme pour la guerre.
Dans une lettre du 21 août 1610, Gilbert, comte de Shrewsbury, ra-
conte qu'il a tué trois cerfs avec son arc à Hatfield. {lUusli^ated London
news, 20 janvier 1855.) En 1624, Abbot, évèque de Canterbury, blessa
mortellement un garde d'un coup de flèche en tirant un daim.
(2) L'arc de guerre anglais avait 6 p. 4 pouces (anglais) (l m. 90 c).
(3) En comptant la poignée à O^.OO, l-^jSOà l'»,98.
(4) « Flesches à berser bestes. » Comptes des ducs de Botirr/ogne.
(5) Quelquefois de plumes de paon. (Comptes de l'évéque de Win-
chester sous le règne de Henri V, dans Ilewitt, aiieienl arms, t. 11.)
Des diffL'renles
niiHhoiles
de chasser avec
l'are.
— -208 —
garnies d'une coche de corne ou d'os, dans laquelle
entrait la corde de l'arc.
Le fer, à douille, aflectait diverses formes :
Le plus souvent il était en forme de V, barbelé,
long de 5 doigts, large de 4 à l'endroit des barbeaux,
bien affilé et bien tranchant (1).
Hardouin de Fontaines-Guérin se plaint que les
braconniers de son temps détruisaient beaucoup de
cerfs avec ces sagettes à large fer.
Pour tirer des animaux de petite taille comme le
lièvre, ou des oiseaux, on se servait de bougons ou
boîijons, flèches terminées, au lieu de fer, par une
tête obtuse en plomb [2).
i\îagné de Marolles, dans son excellent chapitre sur
l'arc, fait remarquer très-judicieusement que jamais
les chasseurs de l'antiquité, non plus que ceux du
moyen âge n'ont pu tirer au vol avec des flèches,
malgré les anecdotes racontées à ce sujet par les
poètes, les historiens et les voyageurs (3).
(1)
El ij sectes empénées
Barbelées ot l'en menées.
(Roman de Tristan).
En Angleterre il était défendu aux voisins des forêts d'avoir des
ilèches à fer barbelé, on ne leur permettait que des inlles, ou flèches
non barbelées, « arcs et setes (sagettes) hors de forostes, et dedenz fo-
restes, arcs et piles. » (Ilewitl, I.)
(2) Voir Carpentier, glossaire, v" Holzonits. — Tous les détails qui
précèdent sont tirés de Gaston Phœbus et du Roy Modtis. — « Le
féagc de ïîossart en Anjou estoit tenu du duc au devoir d'un boiison
empenné d'une plume d'aigle, ferré et coché d'argent aux deux bouts,
à muance de seigneur. » (Carpentier, tibi suprà.)
(3) Y compris ce (jne disent des sauvages quelques voyageuis mo-
dernes.
— 209 —
En admoltaiit la réalilé de quelques-uns de ces
hauts faits à\ir chérie , qui sont toujours présentés
comme dignes de l'admiration des siècles présents et
futurs, il faut y voir des coups de hasard merveilleux
et tout à fait exceptionnels (1), et reconnaître qu'on
n'a jamais pu tirer les oiseaux, et même les petits
quadrupèdes avec quelques chances de succès, que
lorsqu'ils étaient immobiles.
Quant aux grands animaux, on s'efforçait autant
que possible de les surprendre arrêtés ou allant d'as-
surance (2); cependant on les tirait quelquefois cou-
rant devant les chiens, comme nous allons le voir, en
ayant soin de viser fort en avant de la bête.
On chassait avec l'arc le cerf, le daim, le chevreuil, ciuisscs
le sanglier et le lièvre. ""^^^"'"'^
o aniniaiix.
Pour herser les grands animaux, il fallait avant tout
les faire passer à portée ou les approcher à bonne
distance.
On faisait passer le gibier avec des chiens ou des Avec des
1 cliicns
traqueurs. ,„„„„i, ,„
Dans les deux cas, les archers étaient placés en Jes'f»'i"e<;rs.
ligne, à un jet de pierre l'un de l'autre, ou plus près si
le pays était très- couvert, chacun adossé à un arbre (3).
Ils devaient être vêtus de vert et munis d'une lime
(1) C'est ainsi qu'il faut prendre les coups d'adresse de l'abbé Guido
cités plus haut, et ceux de Maximilien d'Autriche qui se vantait de
tuer des oiseaux au vol avec ses flèches en tirant h cheval et d'atteindre
des canards au moment oi\ ils s'enlevaient {iin Auffliegen), ce qui est
moins invraisemblable.
(2) Le Roman de la Rose compare Cupidon au Vênièrc qui alleiul.
— Que la besle en bel Icu se mele — por lessier aler la sajelc.
(3) De là le mot d'alfùt ou plutôt à fusl, contre le bois.
III. 14
— 210 —
pour affiler les flèches, et d'une corde de rechange
en leur bourse, la main droite couverte d'un gant et le
bras gauche armé d'un bracer pour le garantir du
frottement de la corde (1). Chaque tireur devait, en
outre, avoir sur lui un briquet, une pierre à feu, une
hache, un pain troussé derrière et un barillet de vin.
« Car on ne scet les aventures qui aviennent en
chasse. »
On postait ensuite des défenses autour du bois, et
l'on découplait les chiens ou bien les traqueurs se
mettaient en marche (2).
Dès que la chasse était commencée, les tireurs de-
vaient encocher leurs sagelles, et de manière à n'avoir
plus qu'à entoiser l'arc (3) en écartant les deux bras,
et amener la sagette presque à l'oreille droite quand
la bête apparaissait.
Si celle-ci venait droit au chasseur, il la laissait
approcher le plus possible et la tirait à la poitrine,
visage à visage. En attendant qu'elle passât à côlé de
lui, le tireur s'exposait à ce qu'elle prît sa droite, ce
qui lui rendait fort difficile de bien ajuster.
Si la bête venait par la gauche, il fallait la tirer en
flanc, mais en ajustant devant elle. Tirer droit à droit
sur la ligne était dangereux pour les voisins. « Car
(1) Ce bracer ou brassard était fait de cuir d'Espagne tourné en
dehors du côté le plus lisse. {Le Roy Modm.)
(2) Le Roy Modus ajoute qu'on faisait des haies qui ne laissaient
passage aux bêtes qu'aux endroits où étaient embusqués les archers.
Il Ainsi comme on faict les bayes du laz. »
(3) C'est-à-dire faire plier l'arc en attirant à eux la llèche cncochée,
(le fafon h n'iivoir iiluf qu';"i irinh(>r la corde
on faut ( manque ) moult de fois à férir la beste ,
ou se elle est férue, la sayelte passe tout outre,
et ainsi pourroit tuer ou blesser un de ses compai-
gnons qui seroit au ranc. » C'était de cette façon que
messire Godefroy de Harcourt fut afolé de l'un des
bras (1).
Lorsque l'archer a atteint sa bête, il doit huer un
long mot, ou siffler pour avoir les chiens de sang,
braquets ou limiers, tenus en réserve à l'autre bout de
l'enceinte (2), et se mettre à la poursuite de l'animal.
S'il retrouve sa flèche, il verra, d'après la manière
dont elle est ensanglantée, à quel endroit elle a frappé,
et si l'animal est atteint mortellement (3).
« C'est beau déduit et très-belle chasse, dit Gaston
Phœbus, quand on ha bon limier et bon chien pour
le sang... et aussi est belle chose le trère et le suyvir
du limier et le chassier. El au vespre, après souper y
sera le débat grant, et en la fin de vin en fera la
pais (4). »
On pouvait aussi traire aux bêtes rousses et noires c,ia?sc à la
à la revenue de leurs vianders ou mangeures, en allant
se poster deux heures avant le jour entre les lieux où
elles vont se repaître et leur fort (5).
(1) G. Phœbus.
(2) Le limier faisait son office tenu à la botte, et les Irraquris en
liberté.
(3) Les choses se passent exactement de même dans les chasses au
cerf qui se font en Allemagne avec la carabine. Même emploi du chien
de sang {schweisshimd); mêmes pronostics tirés de la couleur du sang.
Voir les ouvrages de MM. Hartig et Bechstein, analysés dans le Jour-
nal des chasseurs^ 5« année.
(4) Ghap. LxxI^
(5) Ibid., ch. Lxxix.
revenue
lin vianilcr.
212 —
Cliasàe
(lu sanglier
,111 siiiiil.
Chasses en
s'approcliant
des animaux.
Chasse
à l'aguet.
Les sangliers étaient encore tirés au soiiil (1). Lors-
qu'on avait reconnu une mare oîi ces animaux s'adon-
naient, ou construisait sur quatre fourclies de 2 pieds
de haut, ou sur une souche de même hauteur, un petit
échafaudage sur lequel s'installait l'archer deux heures
avant le jour, par un beau clair de lune. « Tiens fer-
mement, dit le Roy Modus, que se les besles noires
sont près de toy, soit aval le vent, ou contre le vent,
jà n'aront le vent de toy, puisque tu seras deux pieds
de haut sur terre. » Phœbus dit de même qu'un san-
glier ni autre bete n'a mie le vent de hault, fors que
de bas.
Outre ces chasses dans lesquelles les animaux avan-
çaient sur les tireurs, on connaissait plusieurs mé-
thodes pour les approcher à portée de flèche.
La chasse à Faguet consistait à s'en aller sous bois
à l'aventure, à pied, sans autre chien qu'un brachet
mené en laisse à quelque distance, arc en main, les
sayettes au côté. Quand il apercevait de loin les bêtes,
l'archer prenait le vent et s'efforçait de les approcher
en se glissant sur ses genoux d'arbre en arbre, ou
même en ramp.uit (2), le visage caché par un feuillet
vert qu'il tenait dans sa bouche.
Dans le poëme anglo-normand de Tristan de Léo-
nois, c'est de cette manière, droit devant lui et au cul
(I) G. Pliœbiis, r,h. i.xxvhk — Lr Uny Modus. — Go dernier écrit
srnif/.
12) IL Modus. — Piiœbiis. — G'est encore ainsi que procèdent les chas-
hours écossais pour tirer le cerf à la caral)ine dans les Highlands {Decr-
slalhiixj).
— 213 —
levé, comme nous dirions aujourd'hui, que chasse le
héros, qui était archer aussi adroit qu'habile veneur.
Or voit (va) Tristan en bois berser
Afaitiez (équipé) fu , à un dain trait
Li sans en chiet (tombe) li brachet brait
Li dains navrez (blessé) s'enfuit le saut
Husdent (1) li bauz en crie en haut
Li bois du cri au chien résone.
On s'y prenait de même pour tirer à cheval, sous
les hautes futaies; le chasseur décrivait autour des
bêtes une spirale qui le rapprochait peu à peu sans
les effaroucher. Arrivé à portée, il arrêtait son cheval
et lirait derrière lui en s'appuyant sur son élrier
gauche.
Outre ces moyens fort simples, diverses ruses ingé- r.uscs pour
^ approcher les
nieuses furent mises en usage pour arriver près des animaux.
animaux sans les effrayer.
Les Francs savaient dresser des cerfs qu'ils faisaient ceifs dresses.
marcher devant eux, et qui servaient à masquer leur
approche comme les chevaux et les bœufs enchevêtrés
dont on se servit plus tard en France et en Espagne.
Ils employaient ces animaux non-seulement pour ap-
procher les bêtes rouges, mais encore pour tirer les
bêtes noires (sangliers, ours, bisons, etc.) (2).
(1) Nom du brachet.
(2) Chateaubriand, dans ses Eludes kisloriques, suppose que ces cerfs
dressés servaient à embaucher les cerfs sauvages. De ce qu'on les
employait pour tirer les bêtes noires, il résulte évidemment qu'ils ne
jiouvaient avoir d'autre usage que celui que nous indiquons. Une ma-
nière analogue de chasser le renne sauvage se retrouve chez les Sa-
raoyèdes. Le chasseur, affublé d'une peau de renne, marche courbé au
miheu de cinq ou six rennes dressés et s'approche ainsi du troupeau.
(Tooke, nisl. cir l'Enipirr dr Bussir, t. lY.)
— 214 —
La loi salique porte que si quelqu'un lue un cerf
domestique ayant une marque ( ou une clochette,
signuin], et que son propriétaire puisse prouver par
témoins qu'il l'a mené à la chasse et a tué avec deux
ou trois bêtes, le délinquant devra payer 30 sols.
Si le cerf n'a pas encore été à la chasse, l'amende
n'est que de 15 sols.
La loi des Ripuaires contient des dispositions ana-
logues, seulement les amendes sont plus fortes (1)
(45 sols et 30 sols). Dans cette loi il est question de
biches dressées et non dressées.
Classe au rut. Pendant le rut, les cerfs rendaient à leur maître
un autre genre de service. Il mettait à profit l'ardeur
batailleuse qui anime ces bêtes, et leur bramement
attirait sous les flèches du chasseur des rivaux aveuglés
par la jalousie (2).
L'instinct querelleur des cerfs en rut continua d'être
mis à proût par les chasseurs après qu'on eut perdu
l'habitude et l'art de dresser ces animaux.
Les premiers Capétiens allaient tirer des cerfs dans
les forêts de leur domaine pendant la saison du rut,
et le Roy Modus enseigne à ses disciples l'art de traire
les cerfs à aguet après la mi-août, quand ils musent et
(luièrent les biches et hurlent tellement les uns aux autres
<iuils sont ouys de bien loing.
L'archer profitait de leurs combats pour se glisser
(1) Dans lu loi de? Alamans, elles sont, aii contraire, plus faibles.
(2) Loi (les Alamans. — Les Indiens du Far-Wcsl savent encore ex-
l'ioiter celte fureur belli(|ueuse des cerfs jiour les attirer en leur mon-
trant une tète au-dessus d'un buisson et en imitant le cri du cerf en rut
avec un appeau. Voir Mayne Reid, llir l}unl''r>: frasi.
— 215 —
jusqu'auprès d'eux, et parvenait quelquefois à les ap-
procher assez pour les frapper d'une lance. On se
servait pour tirer à cette chasse d'un arc faible et
court, plus commode pour entoiser.
Cette chasse au rut n'était pas sans danger, la fureur
des combattants se tournait quelquefois contre l'in-
discret qui se permettait d'intervenir dans leurs que-
relles. Louis, Empereur d'Italie, fut blessé griève-
ment en 864 par un cerf en rut qu'il se préparait à
tirer.
Les chasseurs du moyen âge savaient bien d'autres citasse en se
, 1 1 . TT couvrant d'un
ruses pour approcher les grands animaux. Une ma- ci,evaimoui^.
nière bien seure et de povre gent consistait à envoyer
en forêt un homme à cheval et un archer à pied, qui
se tenait couvert par le cheval. Arrivé à belle portée,
l'archer s'arrêtait, pendant que le cavalier poursuivait
son mouvement en tournant, ce qui attirait l'attention
des bêtes, et permettait au tireur de bien aviser son
coup et férir à son aise (l).
La chasse au tour se faisait de la même manière, chasse amour.
mais avec deux cavaliers vêtus de vert et coiffés d'un
chapelet de bois (guirlande de feuillage), et plusieurs
archers également vêtus de vert, portant des arcs
peints de la même couleur. Les deux chevaux mar-
chaient à la file, le museau du second sur la queue
de l'autre, et s'en allaient sous le vent des bêtes, ac-
compagnés des archers, qui se cachaient derrière eux
et se postaient contre des arbres de distance en dis-
(I) <î. Phœbus, ch. lxxiv,
Chasse
iliiS lié les
iiiiires
— 216 —
lance. Les deux cavaliers continuaient à environner
les bêtes en chantant ou flajolant (sifflant), et les ame-
naient petit à petit vers les archers, comme un per-
drisseur mène les perdrix à la tonnelle (1).
On mettait aussi les bêtes au tour avec une charrette
bien enfailloUe de branches vertes, dont les roues
étaient ajustées de façon à faire grand bruit pour
amuser les bêtes. L'archer ou les archers, vêtus de
vert et ceints par les côtés et sur la tête de feuillages,
marchaient derrière la charrette ou montaient dedans;
le cheval était également couvert de feuilles, ainsi
que le conducteur qui le menait en postillon (2).
On approchait encore les bêtes en se couvrant d'une
toile tendue à bastons, sur laquelle était peinte une
biche, souvenir lointain des cerfs dressés de l'époque
mérovingienne, ou affectant la forme et la couleur
d'un bœuf (3). L'archer faisait porter celte machine
devant lui, ou quelquefois la portait lui-même.
Arrivé à portée, on fichait en terre le bois qui sou-
tenait la toile, l'archer tendait son arc et tirait par-
dessus (i).
Pour traire aux bêles noires dans la saison des
glands el des faînes, deux ou trois archers les rou-
taillaient avec un aboyeur, le meilleur trouvéour de
leurs chiens, à peu près comme le font encore les
(I) G. Pliœbus, ch. i.xxii.
C^) Cr. Pliœl)us, fil. i.xxiii.
(3) liOS Kabylos du njerrljcra se .-orvciit, ]Kiur aii]irnc-ht'r li- nicnii
f:ibier, d'unn mafliino du moine p'^in', surmoulrij d uni' l("'le de chacal,
qu'ils noiuiiunt izor {1rs Krixnics du ItjcnIJrrd, l'ai ('-."Devaux).
{h) (t. Phn'lius, ch. ixxvi. —Le fini/ Modxts.
(lu lièvre.
— 217 —
Allemands (avec la carabine au lieu de l'arc, bien en-
tendu). Il arrivait souvent que le sanglier, tiré pen-
dant qu'il tenait au ferme, ne restait pas sur la place;
on découplait alors un autre des brachets que les
chasseurs avaient fait mener en laisse, et on se met-
tait à la poursuite du sanglier pour le tirer dès qu'il
recommençait à charger les chiens. Ce manège durait
fort souvent jusqu'à la nuit, et obligeait les chasseurs
à coucher en foret. C'était surtout pour ces occasions
qu'il était important d'avoir avec soi le pain, le ba-
rillet de vin et les outils nécessaires pour faire du
feu (1).
Les archers ne tiraient le lièvre qu'en fourme. La chasse
meilleure saison était le mois d'avril, quand les blés
commencent à être assez hauts pour cacher l'animal
aux longues oreilles. Le chasseur parcourait la plaine
à cheval, accompagné d'un valet à pied, qui tenait un
ou deux lévriers en laisse. Dès qu'il découvrait un
lièvre au gîte, il faisait approcher ses lévriers et s'a-
vançait lui-même, entoisant son arc sans arrêter sa
monture. Le lièvre, voyant les lévriers, se rasait et
attendait le trait d'aussi près qu'on voulait.
L'archer pouvait, s'il le préférait, tirer à pied en
se tenant près de son cheval, ou même sans cheval.
L'arc dont il se servait n'avait besoin d'être ni long ni
fort, et là sagette la plus usitée était un bougon ou
flèche à grosse tête (2).
(1) G. Pliœbus, ch. i.xxvii.
Ci) Miniature d'imms?. do G. Phœbus, Bilil. iin]!., n' 1091
\
— 218 —
C'était aussi avec le bougon et l'arc que les dames
du xv" siècle tiraient des merles dans les haies, tandis
que leur épervier, perché au-dessus, les tenait fascinés
et immobiles de frayeur (1).
Nous n'avons pas pu trouver, dans les anciens Ihé-
reuticographes, d'autre chasse faite aux oiseaux avec
l'arc ; seulement, dans la Maison rustique de Charles
Estienne et J. Liébaut (1570), il est parlé assez vague-
ment de grands oiseaux tirés sur maisons, arbres,
buttes, avec l'arc ou l'arbalète.
§ 2. CHASSES AVEC i/aRBALÈTE.
Chacun sait que l'arbalète se compose d'un arc en
acier, en corne ou en bois, et d'un fut nommé ar-
brier, sur lequel cet arc est fixé transversalement et
qui reçoit le trait. La corde de l'arc bandé est retenue
par une pièce particulière en os ou en meule de cerf,
nommée la noix, faite en forme de disque et présen-
tant deux entailles, dont l'une reçoit la corde, et
l'autre sert d'arrêt à la détente. Cette détente ou clef,
pressée par la main droite du tireur, rend la liberté à
noix et fait ainsi partir le trait.
Des divers systèmes qui ont été successivement in-
ventés pour tendre les arbalètes de guerre, deux seu-
lement étaient applicables à la chasse, ]e pied-de-chèvre
ou pied-de-biclie, et le cric ou guindas (2).
(I) Mcsnagler de Paris, t. II.
{1) Voirie livrot du Muséo (riu'lillcric, \)i\v le Uo.ulonanl-colonel Pon-
guilly Lharidou. — Au xiv'siècki ou Unidait l'arltalèle do chasse avec
le hdudre ou haudrc. (Voir plus bas.)
— 219 —
Le pied-de-clièvre, dil aussi cranequin ou signoUe (1),
était un levier articulé, dont le petit bras portait deux
fourches à crochets. L'une s'arc-boutait contre des
tourillons fixés dans l'arbrier, l'autre saisissait la corde
de l'arc et l'engageait dans le cran de la noix lorsqu'on
ramenait en arrière le grand bras du levier (2).
L'arbalète, qui se tendait avec cet appareil, et qui
en avait pris le nom de cranequin ou crennequin ,
pouvait se manier facilement à pied et à cheval.
C'était celle que portaient les arbalétriers montés,
dits crennequiniers (3).
Le cric ou guindaz était une manivelle dont le
levier faisait tourner un pignon. Les dents de ce pi-
gnon menaient une crémaillère dont les crochets sai-
sissaient la corde et la plaçaient sur la noix.
Cet appareil (A) tendait des arbalètes beaucoup plus
fortes que le cranequin. C'est avec celte arme que
Maximilien d'Autriche tirait les chamois et les cerfs.
Il chassait quelquefois ces derniers c\ cheval ; il faillit
un jour se tuer pour avoir porté son arbalète toute
bandée, avec le trait sur la corde, en courant à cheval
sous bois (5).
La bonne arbalète de chasse est ainsi décrite par
(1) Cranequin vient du mot flamand hraneldn, diminutif de krane,
grue, comme signolle est dérivé de ciconella, diminutif de ciconia.
(2) Livret du Musée d'artillerie.
(3) Voir un passage curieux des Mémoires de Comincs, édit. de
M'^"'' Dupont.
(4) Une fois l'arbalète bandée, on attachait le cric à la ceinture avec
un crochet.
(5) Thew'vdannrh.
— 220 —
Espinar. « Elle doit être douce à la joue du lireur,
{sabrosa , mol à mol savoureuse], douce aussi à la
délenle el point sujette à partir d'elle-même étant
bandée. Elle doit porter juste, et c'est sa qualité la
plus essentielle. L'arc doit être bien ajusté à l'arbrier,
de façon que ses deux bras soient d'égale longueur
el bien horizontaux. Les deux extrémités du tourillon
où s'appuient les branches du bandage ou pied-de-
chèvre seront aussi parfaitement de niveau , de
même que le cran de la noix (1). »
Les arbalètes de chasse lançaient des traits de di-
verses sortes, empennés, les uns de plumes, les autres
de cuir ou de corne très-mince. Ces traits étaient ar-
més de fers très-variés et recevaient divers noms,
suivant leur forme et leur dimension (2).
Ainsi il y avait les quarreaux à fer quadrangulaire
et épais ; les passadoux, plus forts que les quarreaux;
\esvlreto)is ou vires, ainsi nommés parce que leurs
pennes avaient une légère inclinaison sur l'axe du
trait , ce qui les faisait virer en l'air; les raillons
ou cizeaulx h fer plat, tranchant et coupé carré-
ment (3).
Les matras (4) étaient terminés par un disque cir-
culaire, portant un fdet saillant suivant un des dia-
(1) Magné de Marollcs.
("2) Selon Espinar, les quarreaux {Ja>-as) scrvaieul pour tirer la jrrossi^
bêle et portaient à 150 jia?.
',3) Le mot (le rrt(7/H^( p^i'"'''''' venir de l'rillr i\\\\ si|jiiilie soc ilr charrnr
dans les patois du Midi.
(^i) i< Mafi'Ias', ciui sont grosse l'ili'iir, .. dh \c Mcanar/irr ilr Paria.
_ -y-yi —
mètres. Ils servaient à iissommer les petits animaux
sans gâter leur plumage ou leur fourrure (1).
On tirait aussi les grands animaux avec des sagettes
doubles fordices, c'est-à-dire de grosses flèches termi-
nées par un fer en croissant, avec un tranchant in-
térieur.
Maximilien lirait les cerfs et les chamois avec cette
sorte de traits, et Shakspeare ( qui passe pour avoir
été braconnier dans sa jeunesse), dans la pièce inti-
tulée « As you like il, » déplore en vers gracieux le
sort des pauvres fols mouchetés (les daims), habitants
naturels de la cité du désert, dont les hanches arron-
dies sont ensanglantées au sein de leur propre do-
maine par des flèches à tête fourchue ( (orkeà heads).
Il y avait encore de petits dards nommés gimbclettes
ou tarières (2), dont les caractères distinctifs ne sont
pas connus, et des traits armés d'un fer barbelé en
forme de V se trouvent représentés dans les vignettes
d'un beau manuscrit de Gaston Phœbus dont nous
allons avoir occasion de reparler.
Nous avons décrit l'arbalète , les appareils qui
servaient pour la tendre, et les traits qu'elle lançait
tels que ces divers objets existaient au xv*" et au
xvf siècle. Cette arme n'était arrivée à ce degré de
perfection qu'après de longs tâtonnements.
En effet, l'arbalète, comme arme de guerre, re-
(1) Les Lapons, les Finnois et les Sibériens se servent encore d'une
espèce de matras pour chasser avec l'arhalète les hermines et autres
petits animaux à fourrure.
C2) Borel.
s)9-)
monle jusqu'au Bas-Empire. Oubliée en Orient, elle
resta en usage parmi les Occidentaux jusqu'aux croi-
sades, et les Grecs la virent avec étonnement aux mains
des fantassins de Bohémond et de Godefroy. C'était
alors une arme d'une construction grossière et fort
incommode ; n'ayant pas d'engin pour la tendre,
l'arbalétrier était obligé de se coucher sur le dos,
d'appuyer ses deux pieds sur l'arc, et de tirer la corde
à lui avec les deux mains (1).
L'arbalète reçut, peu d'années après, des modifica-
tions qui la rendirent si meurtrière, qu'en 1139 le
concile de Latran crut devoir en défendre l'emploi
dans les guerres entre chrétiens. Cette prohibition ne
fut observée que pendant quelques années, et vers la
fin du xn^ siècle Richard Cœur de Lion en avait
rendu l'usage à son infanterie. Lui-môme fut tué d'un
trait d'arbalète en 1199, ce qui fut regardé comme
une punition du ciel.
On ne trouve pas trace de l'arbalète comme arme
de chasse avant le xif siècle, c'est-à-dire avant les
perfectionnements qui rendirent possible de s'en ser-
vir avec quelque facilité pour berser les bêtes (2).
Il semble, chose assez bizarre, que l'époque où
l'arbalète a été le plus souvent employée à la chasse
est celle de l'invention des premières armes à feu
(1) Voir un passage très-curieux d'Anne Comnène dans la Biblio-
thèque (les croisades, et dans la France au temps ilcs croisades, t. II.
— Celte arbalète primitive était à tube.
(2) Le premier texte où il soit question de l'arbalète à ce point de
vue est un règlement do l'Empereur Frédéric Barborousse (mort en
1190) Radovic, de Gestis Friderici I, cité par Ducange, v" Bersa.
— 223 —
portatives, probablement parce qu'elle reçut alors de
nouveaux perfectionnements qui la rendirent encore
plus maniable et d'une exécution plus facile et plus
prompte.
Le Roi René était grand amateur d'arbalètes ; dans
nne lettre adressée au sire du Plesseys, il mande à ce
seigneur que le sachant très-bon arbalestrier, et en
revange de deux belles arbalètes d'acier qu'il en a re-
çues, il l'advise que toute sa vie, il y a lui-même pris
grand plaisir. Il ajoute que pour lui faire voir com-
ment il est artillé, il lui envoie une de ses arbalètes
faite de la main d'un Sarrasin à Barcelone, lequel n'a
jamais voulu apprendre aux chrétiens à en faire de
pareille, « Et pour ce qu'elle est d'estrange façon et
qu'elle tire plus loing selon la petitesse de quoy elle
est que nulle autre arbaleste de son grant que je
veisse oncques, je la vous envoie, en vous priant que
la tenez bien chière et ne la veuilliez donner à per-
sonne que vive, car vous n'en trouveriez point de
telle, ne jamais jour de ma vie n'en vis de si belle fa-
çon (1). »
Maximilien d'Autriche aimait beaucoup la chasse à
l'arbalète ; il s'est plu à conserver à la postérité la mé-
moire de ses exploits en ce genre dans le texte et les
planches du Tlieuerdamick et du Weiss Kunig.
Un document de 1480 nous apprend qu'un cer-
tain chevalier « estoit ung destructeur de garennes
(1) OEuvrcs du Hoi Ucné, par M. lo conitt' de Qiiatrebarbes, t. I.
— i24 —
fl liayronnièrcs du pays, et n'esloit gibier qu'il ne
gaslastà l'arbalesle (1). »
Les placards flamands de 1514 sur la chasse dé-
fendent de se servir du cranequin (2).
Les comptes de dépense de François I" font men-
tion de huit arbalèstres garnies et montées de leurs ban-
daiges, et chevrettes (pieds-de-chèvre), marquées de
J'euillaiges anticques, achetées de Robert Dumesnil ,
dict le Normand, maître arbalestrier, demeurant à Paris,
au prix de 205 livres tournois (3).
Dès qu'il s'inventait quelque nouveau modèle d'ar-
balète, il en était fait hommage au duc François de
Guise, grand veneur (4).
Lesordonnancessur la chasse de 1548, 1552, 1578,
1596, IGOO et 1601 défendent encore de posséder
des arbalètes à proximité des forêts royales.
Nos Rois, jusqu'à Louis XIII, eurent des porte-
arbalètes attachés à leur personne. Le dernier de ces
offlciers fut un sieur d'Esplan qui, grâce à sa charge,
devint en faveur et reçut de ce Roi le marquisat de
Grimault, en Provence (5).
Sélincourt parle d'arbalètes employées de son temps
dans les chasses au feu. Peut-être s'agil-il d'arbalètes à'
jalet, dont il nous reste à parler.
Arbalète à Outrc Ics arbalètcs qui lançaient des traits, on se
jalel.
(1) Lettre do rémission citée par Carpontier, r/Ioss. v" Hairo.
(2) Merlin.
(3) Voir les Pièces juslilicatives, t. !'■'.
{'i) llisl. des ducs de Guise, t. I.
(5) Tallemant des Réaux, t. 1.
— 225 —
servait beaucoup, pour la chasse des petits auimaux,
d'une arbalète légère, dite à jalet (1), qui lançait des
balles de plomb ou de terre cuite, et se tendait à la
main.
L'arbrier était cintré, et la corde à double brin
était munie, à son centre, d'une petite bourse ou fronde
qui recevait le projectile. Ces arbalètes avaient toutes
un fronteau et un point de mire.
Certaines arbalètes à jalet, usitées surtout en Italie,
étaient munies d'un tube ou canon. On les nommait
en français boucon , et en italien arco bugio (arc troué
ou percé) (2).
Les chasses à l'arbalète ne paraissent pas avoir chasses
été jamais très en faveur en France. Le Roij Modus
n'en dit pas un mot. Gaston Phœbus, dans les cha-
pitres où il annonce vouloir deviser comment on peut
traire aux hèies kV arcbaleste ou à Y arc de main se borne
à dire que ceux qui chassent au tour peuvent porter
la première de ces armes au lieu de l'arc long, et que
leurs arbalètes doivent être peintes en vert. A la vérité,
dans le beau manuscrit de Phœbus, conservé à la bi-
bliothèque impériale et exécuté au commencement du
xv^ siècle (3), on voit l'arbalète figurer avec l'arc dans
les mains des tireurs, en tête des chapitres Lxxn
(comment on pnet mètre les bestes au tour pour trère) ;
(1) Du mot galet ou jalet signifiant un caillou rond ou une bille. Au
XIV* on se servait, en Angleterre, pour le combat, de balles de terre
cuite, lancées avec l'arbalète. (Hewitt, t. II.)
(2) Quelques étymologistes en font dériver le mot arquehitse.
(3) Bibl. imp., n" 7097.
III. 15
— ^2âU —
i,xxiii ( comment ou puet mètre la charrette ) ; lxxv
[comment on jniet aller h forestz pour trère aux bestes);
Lxxvi [comment on puet porter la toile]; lxxvii (ci
devise que on puet trère aux bestes noires ) ; lxxviii
[comment on puet trère au sueill] ; lxxix ( comment on
puet trère aux bestes à la revenue de leurs vianders
ou menjures), et lxxx [comment on puet trère aux
lièvres) (1).
Les chasseurs tirent les grands animaux avec des
flèches à large fer harbelé. Ils portent à la ceinture un
baudre ou baudré, crochet de métal suspendu à une
courroie qui leur sert à tendre leur arbalète, et une
trousse ou carcas couvert de peau de blaireau, où
leurs traits sont placés la pointe en haut.
r.usespoin- Ou j voit aussi un arbalétrier se cachant pour ap-
approcherLs pj-QQ^gj. \q gibier daus uuc charrette entourée de
animaux, i o
feuillage, et un autre qui se couvre d'un cheval arti-
ficiel, auquel on substituait souvent, en Espagne, un
bœuf véritable, enchevêtré et entravé, derrière lequel
se glissait le tireur (2), qui lançait son trait par-des-
sous le ventre ou l'encolure. Les Espagnols nom-
maient ce bœuf dressé et enchevêtré, buey de cabes-
trillo.
Ces ruses employées pour approcher le gibier
étaient d'autant plus nécessaires dans la chasse à l'ar-
(1) Yoir, au g 1, le détail de ces diverses chasses. Avec l'arbalète
comme avec l'arc , on se servait d'un bougon pour tirer le lièvre. —
Dans un manusorit historié de Phœbus, faisant partie de la biblio-
thèque de Monseigneur le duc d'Aumalc, on trouve des arbalètes em-
ployées aux mêmes chasses et à quelques autres.
(■2) Magné de MaroUes.
— 227 —
balète, qu'avec celte arme, plus encore qu'avec l'arc
long, il était impossible de tirer les bêtes autrement
que posées (1).
Le Mesnaqier de Paris enseigne à sa femme à tirer (^-l'-'sse'ipspirs
" " el conii'ille-;.
les pies, cornillas et choes (2), avec des matelas (matras)
et de faibles arbalètes lorsqu'ils sont posés dans les
branches des arbres. Pour les tirer sur leurs nids, il
faut traire de plus forts hastons pour abattre nid et
tout (3).
Au milieu du xvi^ siècle, on faisait usage de l'ar- chasse ^les
balète pour tirer les ramiers, soit au charivari, soit à
la muette.
Ces deux chasses se faisaient la nuit après avoir
observé sur quels arbres les bandes des ramiers
allaient se jucher au déclin du jour ; on allumait sous
ces arbres de grands feux de paille.
Pour chasser au charivari, on apportait force poésies ^"'''^rivari.
et autres métaux et bassins à faire grand bruit. « Car
les ramiers s'espoventent si fort de cela qu'ils ont peur
et n'osent partir, par quoy les arbalestriers qui sont
au-dessous leur tirent et en tuent quelques-uns (4). »
L'autre chasse nocturne se faisait au contraire
dans le plus profond silence, et les arbalétriers ti-
raient à la lueur des feux les ramiers endormis sur
les branches.
(1) Magné de Marolles.
(2) Chouettes, pris ici pour choucas.
(3) T. n.
(4) Beloii.
Chasse (les
ramiers
à la niuclte.
chien d'airèt.
— 2i8 —
Cette chasse à la muette était fort usitée en Dauphiné
du temps de Bruyérin-Cliampier (1530-1560) (1).
Les arbalétriers espagnols tiraient encore les pa-
lomes, en les faisant venir au moyen d'appelants sur
des arbres voisins d'une cabane où le tireur se tenait
embusqué. « Il y a des jours, dit Espinar, où un
homme seul tue de cette manière 40 à 50 pièces de
palombes avec l'arbalète (2). »
Comme les chasseurs des Pyrénées françaises em-
ployaient la même méthode au xvni" siècle pour tirer
les palojïies avec le fusil, il est vraisemblable qu'an-
ciennement ils faisaient cette chasse avec l'arbalète
comme leurs voisins espagnols (3).
Chasses au On tirait aussi à l'arbalète le lièvre, la perdrix et la
bécasse sous l'arrêt d'un chien très-ferme (4).
Pour tuer de grands oiseaux sur maisons, arbres et
buttes, les arbalétriers se servaient de ces fortes sagettes
à fer bien aigu et forchées en la partie de devant, dont
nous avons parlé. Ces traits tranchent l'aile ou le col
qu'ils atteignent, tandis que la flèche ordinaire pour-
rait blesser l'oiseau sans lui ôter le pouvoir de s'en-
voler et d'aller mourir au loin (5).
(1) Voir son livre de Re cibarid, écrit en 1530, imi>rimé en 1560. —
En Espagne, on faisait cette même chasse avec l'arbalète, a la lueur
d'une simple lanterne. (Espinar.)
(2) Magné de Marolles.
(3) Ibidem.
(4') Voir les passages de Quiqucran de Beaujeu et d'Espinar, cités
précédemment. Dans les tapisseries du château d'Haroué qui sont du
temps de Charles YHI ou de Louis XII, un arbalétrier tire des oiseau.\
d'eau arrêtés par son chien. {Tapisseries Irisloriques de Jubinal.)
(5) Maison rtisliqne, lôlJG.
— 229 —
Les loups, attirés par une traînée auprès d'une chasse
embuscade , étaient tirés avec un cizeau d'arba- " ""'''
lète (1).
Un apatz composé de saindoux, de cantharides, de chasse
satyriou et d'assa fœtida, renfermé dans un sachet et arappâi.
traîné par les bois, puis enterré à belle portée d'un
affût, servait aux paysans du temps de Henri III à
attirer sous les coups de leur arbalète les renards,
ennemis de leur basse-cour.
Si le renard y passe
Et vienne à deffouir le sachet enterré
Là Thienot est caché, qui d'un garrot ferré
Poussé d'un arc d'acier, tout oultre le transperce (2).
On voit, par ces exemples, que l'usage de l'arbalète
à traits se perpétua jusqu'à la fin du xvi^ siècle en
France. En Angleterre et en Espagne, on n'abandonna
guère celte arme qu'une cinquantaine d'années plus
tard (3).
Quant à l'arbalète à jalet, il n'en est pas question cha?sesavec
•' ri l'arlialèle
avant le milieu du xvi^ siècle. Cette arme, à cause de ajaici.
sa dimension et de la nature de ses projectiles, ne
pouvait abattre que les menus oiseaux el les plus petits
quadrupèdes (4). Les gravures de Philippe Galle, exé-
(1) Clamorgan.
(2) Claude Gauchet. — Raimondi, théreuticographo italien qui pu-
blia en 1621 son livre délie Caccie, enseigne la manière de faire venir
les renards pour les prendre au piège ou les tuer le soir avec l'arba-
lète.
(3) Voir Espinar, les planches du Sijslùnie d'équilaliu)i de Ncwcastle
(1657) et Magné de MaroUes.
(4) Dans les chasses de Stradan, on voit une arbalète à jalet employé -
— 230 —
culées vers 1584 sur les dessins de Stradan, font voir
cette arbalète dirigée contre des lapins, contre des
perdrix, que le tireur approche à l'aide de la vache
artificielle (1) et contre des oisillons dans une chasse
nocturne ù la fouée, sur des arbres voisins d'une
vigne.
Claude Gauchet décrit la chasse du merle et du
raauvis avec l'arbalète à jalet. L'oiseau, poursuivi
par un épervier, se réfugiait dans une haie ou dans
un buisson.
Lors, dit le bon aumônier :
Avec l'arbalestre à la main je m'approche,
Je bande, et le boulet dans la fronde j 'encoche
Et l'œillet dans la noix, puis par le trou je voy
Et le merle et le poinct; alors m'arrestant coy
Je desserre la clef. La serre se desbande
Et l'arc qui se rejette avecque force grande
Envoyé en l'air le plomb, qui vers l'oiseau dressé
L'atteinct et l'abat mort, d'oultre en oultre percé.
D'Arcussia dit qu'en certains pays les espréveteiirs
chassent de cette manière pendant l'hiver, non-seule-
ment les grives et les merles, mais encore la pie et le
Cette petite chasse se faisait encore au xvni' siècle
avec les émerillons de la fauconnerie royale.
il tirer le chat sauvage. C'est probaiilemcnt une fantaisie du dessina-
teur qui s'en permettait souvent. Il est en effet invraisemblable (ju'on
1 misse tuer avec cette arme une bête aussi dure que le chat.
(1) Cette vache est ici un manne(piin couvert de toile dans lecpicl
marche un homme courbé.
{1) Olivier de Serres, contempoi'ain de d'Arcussia, dans son Thédlrr
rl'nf/ncuUure , dont la première édition est tU' HHHi. l'Mrlo de «'liasses
aux lajtins dans les garennes avec Vnrv df/rlrl.
— 2;m —
Enfin, jusque dans la seconde moilié du règne de
Louis XY, les braconniers tiraient les faisans branchés
avec des arbalètes faites exprès qui chassent le plomb
presque aussi vivement que le fusil (1).
Les chasses avec l'arbalète à jalet étaient fort goû-
tées par les dames. « Catherine de Médicis, dit Bran-
tôme, aimoit fort à tirer de l'arbaleste à jalet et en
tiroit fort bien, et toujours quand elle s'alloit pro-
mener faisoit porter son arbaleste, et quand elle voyoit
quelque beau coup, elle tiroit (1). »
La Reine Elisabeth d'Angleterre prenait aussi plaisir
à montrer son adresse en tirant cette arme, notam-
ment dans le parc de Cowdray, oii elle engagea un
match avec sa dame d'honneur, qui eut la complai-
sante discrétion de se laisser battre dans la propor-
tion de 3 à 1 (3).
L'arbalète à jalet disparaît à peu près en même
temps que la grande arbalète, peut-être un peu plus
tôt. Toutes deux furent reléguées dans l'ombre et
dans l'oubli par les perfectionnements introduits dans
la confection des armes à feu.
(1) Labruyerre.
(2) Dames illustres. — L'arbalète à jalet de Catherine est conservée
au Musée des souverains.
(3) Skelton, t. II. — Cet archéologue avance à ce propos qu'en An-
gleterre on tirait les bêtes fauves (deer) avec l'arbalète à jalet, ce qui
n'est guère vraisemblable.
CHAPITRE II.
Chasses avec les armes à feu
a main.
§ 1. PREMIÈRES ARMES A FEU PORTATIVES. — ARQUEBUSES. —
COULEUVRINE.
couicuvriues L'époque de l'inveiition des premières armes à feu
portatives peut être fixée aux dernières années du
XIV® siècle, ou au commencement du suivant (1). Ces
armes portaient le nom de canons, bombardes et cou^
leuvrines à main. C'étaient des tubes en bronze ou en
fer forgé, liés à un fût de bois au moyen de cercles
de métal ou de cordes. On y mettait le feu avec une
mèche tenue à la main.
A la fin du xv'' siècle, on ajouta à ces couleuvrines
h main le bassinet destiné à contenir la poudre d'a-
(I) "Voir les Etudes sur rai'lillcrir, ])ur l'Empi-nHir Napoléon Ul. —
Le Catalofjur du Musrr d'tfiiillrrir, i>ni- Ii' i-nminiindanl. Penfiuilly
IJmridon — Ilcwill.
— 2:^3 —
morce , puis le serpenliii sur le(|uul on ajustait la
mèche, el qui, au moyen d'une détente, s'abaissait sur
le bassinet.
Cette nouvelle arme à feu prit le nom (ïcscopelte et Arquebuse
à mèche.
de hacquehute ou arquebuse (1). On conUnua cepen-
dant durant quelque temps à lui donner celui de cou-
leuvrine à main.
C'est ainsi qu'on doit expliquer les textes où il est
question de chasses faites avec la couleuvrine, car il
paraît matériellement impossible qu'on ait jamais pu
chasser avec cet engin par trop primitif.
Quoi qu'il en soit, dans le poëme de Theuerdannck,
on voit Maximilien d'Autriche s'amuser h tirer des
oiseaux aquatiques avec l'arquebuse [ pirschbûchse )
d'un bateau sur lequel il descend de Gueldres en Hol-
lande. L'imprudent Maximilien faillit faire périr sa
barque en approchant sa mèche allumée d'un baril
de poudre (2).
Le cardinal Adrien de Saint-Chrysogone, dans un
poëme sur la chasse, imprimé en 1505, décrit en un
latin fort élégant une arme à canon de cuivre ,
inventée par un Sicambre nommé Libs. Lorsqu'on
mettait le feu par une étroite ouverture à cet engin
horrifique, merveilleux, menaçant, la balle de plomb
(1) De l'italien arcu biujio (arc troué) .suivant les uns; ilo l'allemanil
hakcn-l'iichse, arme à l'eu à croc, suivant les autres.
(î) Cette aventure doit remonter à l'époque de la prise de posses-
sion des Pays-Bas par Maximilien, c'est-à-dire aux dernières années
du xV siècle.
à rouet.
— 234 —
nrdenl qu'il renfermait allait'frapper le gibier avec
rimpétuosilé de la foudre (1).
Un placard flamand de 1514 défend de tirer besles
rouges et noires, liècres, connins, perdrix, jikaisants,
hairons, butoirs et aultres volailles et sauvagines, avec
la couleuvrine.
L'ordonnance de 1515, interdit de posséder près
des forêts royales écfiopctes et haquehutes.
Aniiiehuse C'est vers ce temps que les archéologues allemands
placent l'invention des platines à rouet (2). La pre-
mière mention que nous en trouvons dans notre his-
toire ne remonte qu'à 1514 (3).
Dans les arquebuses à rouet le feu est donné par
une pierre de mine ( pyrite), maintenue avec force sur
une rondelle d'acier à laquelle un mécanisme parti-
culier imprime un mouvement de rotation très-accé-
léré. Par son frottement, celte rondelle ou rouet,
cannelée sur la tranche, fait jaillir de la pierre une
quantité d'étincelles qui mettent le feu à l'amorce.
Quoique présentant quelques avantages sur l'ar-
quebuse à mèche, l'arme à rouet ne fit pas abandon-
ner celle-ci. Toutes deux continuèrent d'être em-
(ij Ici, c'est un porc-épic :
« Hisirix conlinuo forala fumai. »
{lladriani rarcUnalis S. Chri/sogoni ad Ascanium cordinah'in S.
Vili vicc'caiicellariwn Venalin). — Cet opuscule a été réimprimé eu
1582 par S. Feyerabend, en tète du recueil intitulé : Venalusci Aucit-
piHin iconihiis arlificiosiss. ad luvum exjiressa, lig. de Jost Amman.
— La première édition est de Venise, Aide, 1505.
(2) En 1512, ;i Nuremln^rf,', ;>('lon HeliViei' : Cosiuiiir^ du uxii/i'h dijr
r II rélien, l. 111.
(3) Mrm. <\v .lu Hellax.
— 235 —
ployées simullcmémenl pour la guerre comme pour lu
chasse (I).
Les armes à feu , quel que fût le système de leur
construction, ne jouirent pas d'abord d'une grande
faveur près des princes ni près des gentilshommes
français, et longtemps l'usage en fut abandonné aux
paysans et aux mercenaires qui chassaient pour le
profit.
En pays étranger, surtout en Italie, l'arquebuse
jouissait de plus de considération. L'illustre artiste
Benvenuto Cellini était grand amateur d'armes à Renvemuo
feu. Dans ses curieux mémoires, le Florentin vantard
se complaît presque autant au récit de ses exploits de
chasseur qu'à celui des coups partis de sa main qui ,
s'il faut l'en croire, auraient atteint le connétable de
Bourbon et le prince d'Orange (2).
Le souverain aux généraux duquel Cellini faisait
une si rude guerre, Charles-Quint, fut aussi un adroit
tireur d'arquebuse. Au couvent de Groenendal, dans
(1) Dans les chasses de Stradan, on voit partout figurer l'arque-
buse à mèche , probablement préférée par les Flamands. Dans les
gravures de Jost Amman (1582), il n'y a que des arquebuses à rouet,
invention allemande, en vogue alors parmi les populations germa-
niques.
(2) Le premier tué, le second blessé pendant le siège de Rome (1527).
— Benvenuto raconte que, pendant son séjour à Rome, il s'amusait à
tirer à balle franche les ramiers qui hantaient les ruines. « J'avais,
dit-il, moi-même arrangé mon arquebuse, elle était nette comme un
miroir dedans et dehors. De plus, je faisais moi-même de la poudre à
tirer, très-fine, pour la fabrication de laquelle j'avais des secrets que
personne n'avait découverts.... » (Liv. I,ch. v.) 11 prétend, en outre, avoii'
su fabriquer de la poudre muette avec laquelle il chassait aux paons
dans le parc du duc de Ferrare (L. III, cli. lu.) Voir aussi sii chasse
aux canards dans les environs do Rome. (Li\ . il, cU. xii.)
de Stroz/i.
— 230 —
la Ibrel de Soignes, il aballit un jour d'un coup d'ar-
quebuse chargée à balle un héron posé à une dis-
lance considérable sur le bord de l'étang du prieuré.
Les religieux célébrèrent cet exploit en vers latins et
firent ériger au milieu de Télang, à l'endroit où le
héron était tombé, une petite colonne surmontée d'un
héron de bronze (1).
Un compatriote de Benvenuto Cellini , le colonel-
phiiipi-e général Philippe de Strozzi , qui introduisit dans
l'armée française l'usage des mousquets (2), et plu-
sieurs autres améliorations notables, avait, comme lui,
la passion des armes à feu pour la chasse ainsi que
pour la guerre.
« Si tost qu'il commença à avoir la force de manier
une arquebouse, il en fait faire une d'une longueur de
canon non encore veûe pourgiboyer, à quoy il estoit
sy ardent qu'il passoit quelquefois dès le grand matin
les plus longs jours d'esté entiers par les bois à tirer
aux besles et aux oyseaux
« L'hyver, et lorsque la terre estoit plus couverte
de neiges, ne bougeoit le long des eslangs, rivières ou
(1) Galesloot, d'a]irès la Chorogmpliia sacra BrahanlUc. Bruxelles,
IG59.
("2) Arquebuses à mèche de i'orl calibre, ([ui se tiraient sur une lour.
chette. Strozzi s'occupa aussi très-activement de remplacer, par des
canons de Milan, les canons de Pignerol, en usage jusciuc-là. — « Luy
mesmeau siège de la Rochelle (1573) l'aisoit lousjours porter un mous-
(juet à un page ou à un laquais, et quand il voyoit un beau coup ù
l'aire, il tiroit Je vis et plusieurs avec moy ledit M. de Slrozzetuer
un cheval de cin;[ cents pas avec son mousquet, et le maistre se sauva. »
lirantômc , Discours sur 1rs courvnncis ilr l'in/antrrir de Fronce,
art. XI.
— 237 —
ruisseaux, et souvent lapy conlre un saule ou petit
buisson (se Iraisnant mesmes au besoin), pour cou-
vert et sans bruit n'efîaroucher le gibier, ains ainsy tant
patienter qu'il le veist arrangé à son avantage, affin de
faire un bon coup, ou , si les estangs estoient gelez,
il alloit aux marels ou lieuK marécageux, es quels en-
droits oïl l'eau ne geloit, (sortant de quelque source
vifve), toutes sortes d'oiseaux de rivière des environs
s'assembloient en troupes, commodité qui récompen-
soit la patience, la peine et l'aspreté du froid (I). »
L'exemple de Strozzi et les perfectionnements in-
troduits par lui dans l'arquebuserie contribuèrent
beaucoup à rendre plus général en France le goût de
la chasse à tir. La grande arquebuse à giboyer de ciiaries ix.
Charles IX est restée fatalement célèbre dans la tra-
dition. Henri IV aimait à chasser les canards avec Henri iv.
V arquebuse et le barbet (2).
Un des plus vaillants compagnons de guerre du Leiwonde
Roi Henri , le baron de Chantai, aïeul de madame de uié^danTùne
Sévigné, périt misérablement en 1601 d'un accident ''""''^
l'arqueliuse.
survenu dans une partie de chasse à tir. lievenu
malade en son château de Bourbilly, il se laissa en-
traîner à une chasse à l'arquebuse par un de ses pa-
rents et amis, M. d'Anlezy de Chazelle. Fatigué de la
(1) Fi>, morl et loinhcau du haut et puissant seigneur Philippe de
Strozzi. Paris, 1608. Nous avons cru devoir donner ce passage en en-
tier, parce que c'est le plus ancien document écrit en français que
nous ayons sur les chasses à l'arquebuse.
(2) On voit, dans les gravures de Jost Amman, qu'à cette époque les
gentilshommes allaient chasser au marais en bas de soie et hauts-de-
chausso tailladés, ce qui devait èlro médiocrement commode.
— 238 —
chaleur, et d'ailleurs médiocrement amateur de cet
exercice, il se coucha à l'ombre d'un buisson. M. de
Chazelle, trompé par la couleur de l'habit du baron,
qui était venlre-de-biche, lui tira un coup d'arque-
buse dans la cuisse, et le mit au tombeau après neuf
jours de souffrances (1).
Louis XIII. Louis XIII forgeait des canons d'arquebuse. Des
malveillants osèrent prétendre qu'il ne devait son sur-
nom de Juste qu'à son adresse au tir de cette arme,
adresse qui paraît toutefois s'être plutôt signalée en
tirant à la cible qu'à la chasse (2).
Pendant les deux premiers tiers du xvi® siècle les
arquebuses à mèche et mcme à rouet étaient de trop
peu d'exécution à la chasse pour que les lois et rè-
glements sur la matière aient jugé à propos de leur
accorder grande attention.
Mais le menu plomb ou dragée, ayant été inventé
vers 1580 (3), et rendant l'efî'et des armes à feu infi-
niment plus meurtrier, la législation devint très-sévère
pour les chasseurs à l'arquebuse. Henri IV voulut
(1) Nnlicc sur 1rs ancrlrcs dr M>ne de. Scvignc, \)nv Gault de Saint-
Germain.
(2) Sauf celle des oisillons qu'il tirait probablement posés. Dans la
Liidflvicolropliie ou Journal de toiites les aelions cl la santé de Louis,
Dauphin de France, qui fiU ensuite Louis XIII , par son médecin Ilé-
rouart (mss. de la bibl. imp., cité par M. de la Saussaye, CluUeau de
Chamhord), on lit que, lors de sa seconde visite à ce domaine, en 1610 :
« le Roy s'en va tirer de la hacquebusc, tiie plus de vingt moineaux. »
— Un vitrail conservé à Troyes et provenant, à ce qu'on croit, de
l'hôtel de l'Arquebuse de cette ville, représente Louis XIII tirant de
l'arquebuse à rouet, avec cette tlevise portée par un ange : Rien dr
plus beau. (Willemin, Monumenls français inédits, t. 11.)
(i) Claude Gaucliet, — Magné de MaroUos.
— 239 —
même interdire l'usage de celte arme absolument et
en tous lieux (1), mais il fut obligé, après moins d'une
année, de lever cette prohibition (2).
On continua de se servir d'arquebuses à mèche et
surtout à rouet, longtemps après l'invention des pla-
tines à silex. La grande ordonnance des eaux et fo-
rêts (1669) défend encore aux garde- plaines des
capitaineries de porter des arquebuses à rouet. Il
existe au musée d'artillerie et dans les collections
particulières, des carabines de précision à rouet, de
l'espèce dite arquebuse butière, ou rainoise (3), qui
portent des dates de la fin du xvn* et môme des pre-
mières années du xvni" siècle. Il faut observer que
ces armes sont toutes ou presque toutes de fabrication
allemande, et qu'en Allemagne on a longtemps con-
servé une prédilection marquée pour les platines à
rouet, qu'on nommait platines allemandes (A). On voit,
dans l'œuvre de Ridinger, que vers 1750 on se ser-
vait encore d'arquebuses à rouet dans ce pays, pour
(1) Ord. de déclaration du 14 août 1G03.
(2) Voir le livre II de cet ouvrage.
(3) Parce que ces arquebuses servaient surtout à tirer an but et que
le canon était sillonné de rainures.
(4) Dans le Traité du chevalier de Fleming (1719) à côté du fusil
(Fliinde), on trouve décrits et représentés l'arquebuse à dragée {Schroi-
hiichse), le mousqueton à sanglier {Sau-slUlz) et la carabine {Pirsch-
hilchse) avec des platines à rouet. Fleming déclare hautement sa pré-
férence pour les armes à platine allemande. Quoique d'une exécution
un peu plus compliquée, ces armes avec leurs crosses coupées à l'alle-
mande sont plus commodes à mettre en joue ; elles ne peuvent partir
sans que la pierre ait été abattue sur le rouet. En mettant un morceau
de drap entre le rouet et la pierre on tient poudre, pierre et rouet secs,
et l'on peut tirer en retirant le drap.
— 240 —
tirer à coup posé les coqs de bruyère, les oiseaux
d'eau et le gibier de montagne. De nos jours quelques
pauvres paysans du Tyrol et des montagnes de la
Bavière emploient ces armes surannées pour la chasse
du chamois et le lir à la cible (I).
La forme des arquebuses à mèche et à rouet varia
beaucoup pendant le xvi* siècle. Les plus anciennes
étaient montées avec des crosses fort longues et fort
grossières qu'on appuyait non contre l'épaule, mais
par-dessus l'épaule.
Dans les planches de Slradan, qui sont cependant
de la fin de ce siècle, on voit encore des chasseurs
tenant l'arquebuse à mèche dans cette singulière po-
sition (2).
On appuya ensuite l'arquebuse contre l'épaule;
puis, du temps de Strozzi, la longue crosse ayant été
remplacée par une courte et gentille, on trouva plus
commode de coucher contre l'estomac. Brantôme dit
que cette nouvelle manière de tirer fut trouvée par
(1) lllusirirle Zeilung. — Une arquebuse à rouet allemande du Musée
d'artillerie (n" M. 304 du livret) porte la date de 1745. Magné de Ma-
rolles dit que de son temps (1788) on fait encore, pour la chasse, des
armes à roxiet en Allemagne. Les Italiens paraissent avoir conservé
l'arquebuse à mèche pour la chasse jusqu'au milieu du xvii« siècle. —
(Marollcs.)
(2) On s'explique difficilement cette attitude qui n'est peut-être
qu'un caprice du dessinateur, d'autant plus que quelques planches
présentent des poses physiquement impossibles, notamment des ar-
quebuses qui partent sans que la main du tireur soit à la détente et
sans que le serpentin soit abaissé sur le bassinet ou même garni de sa
mèche allumée. Cependant les Chinois mettent encore en joue par-
dessus l'épaule leurs grossières arquebuses. (Voir un dessin cliinoiï;
reproduit par i'///!(5/;Y(//o« du 17 septembre 1853.)
— m —
un honneste gentil homme, qu'il ne veut point nommer
de peur de se glorifier, et qui n'est autre que lui-
même (1).
Avant la réforme de Strozzi, les arquebuses de
guerre n'avaient que des canons fort longs et menus,
fabriqués à Pignerol. Strozzi y substitua des canons
de Milan, de fort calibre. Mais les canons de Pignerol
continuèrent d'être recherchés par les chasseurs, à
cause de leurs bontez (2).
Les arquebuses à rouet étaient presque toutes fa-
briquées en Allemagne.
On commença de fort bonne heure à rayer le canon
des armes à feu dont on se servait pour tirer la grosse
bête. Selon quelques auteurs allemands, cette inven-
tion remonterait jusqu'au xv*" siècle. L'invention des
raies en spirales est attribuée à Auguste Kotter, de
Nuremberg (1500 à 1520) (3).
Pendant la plus grande partie du xvi^ siècle, il fut
impossible de se servir de l'arquebuse pour tirer les
oiseaux au vol et les quadrupèdes aux grandes al-
lures, non-seulement à cause de la pesanteur et de
l'imperfection de l'arme, mais encore parce qu'on ne
(1) Vie de M. de Strozzi. — En Espagne on se servit pendant quel-
que temps, pour la chasse, de gros mousquets qu'on appuyait sur une
fourchette ou sur l'épaule d'un valet. (Juan Mateos, Orifjcn y dignidad
de la Gaza, 1G34.)
(2) On fabriquait aussi des canons d'arquelnise à Metz et à Abbe-
ville (ibid.). Selon Fleming, les canons d'arquebuse doivent être forgés
en novembre, sous le signe du Sagittaire, et on doit coller sous le bois
de l'arme, en la montant, un petit morceau primi menslrui.
(3) Catalogue du musée d'artillerie.
III. 16
Moyens
— 242 —
savait la charger qu'à balle franche ou à plusieurs
balles (1).
A partir de l'invention du menu plomb, que nous
supposons, avec Magné de Marolles, dater à peu près
de 1580, il devint possible de tirer quelquefois au vol,
quoique difficilement et incommodément (2). En efTet,
il fallait que le canon de l'arme restât à peu près pa-
rallèle à l'horizon ; autrement la poudre du bassinet,
qu'il était indispensable de découvrir avant de tirer,
risquait fort de tomber dans l'œil du tireur.
La nécessité de surprendre le gibier posé rendait
employés lûur presQue aussl indispensable aux arquebusiers qu'aux
surprendre '- ^ ' ^ *
le giiner. archcrs l'emploi de ces ruses dont nous avons déjà
parlé à propos des chasses avec l'arc et l'arbalète, et
qui furent toutes adoptées et perfectionnées par les
arquebusiers du xvf siècle.
La toile qui ressemble à un hœuf de Gaston Phœbus
avait été remplacée par une machine ou mannequin
en osier, ayant au col une clochette de vache et re-
couverte d'une toile traînante (3). Un homme mar-
chait le dos courbé dans cette machine, et le tireur
s'avançait derrière.
La vache artificielle pouvait être remplacée par un
bœuf enchevêtré ou par un cheval entravé de façon
à ne pouvoir marcher que lentement, et ayant la tête
(1) Magné de Marolles.
(2) Les passages de Claude Gaucbet cités par Magné de Marolles
prouvent surabondamment que, même après l'invention du menu
l)lomb, on ne tirait presque jamais ([u'à coup posé.
(3) On voit, dès le xv" siècle, une machine analogue, figurant un che-
val, servir à caclici- un arbalétrier. (Miniatures du l]ecni Phœbus.)
— 243 —
attachée entre les jambes pour avoir l'air de pâturer ( I ).
Les Allemands se servaient encore,. au xvni" siècle,
d'un cheval équipé de cette manière pour tirer des
oiseaux d'eau avec l'arquebuse à rouet (2).
La charrette et la hutte ambulante étaient réunies
de manière à ne former qu'un seul engin, ayant la
forme d'unecabanedefeuillage portée sur desroues (3).
Les arquebusiers cherchaient aussi à joindre leur
gibier en se traînant à terre et en se cachant derrière
les mouvements de terrain, les arbres et les buissons,
ou l'attendaient au guet et à l'affût ; enfin le chien cou-
chant leur rendait les mêmes services qu'aux arbalé-
triers (4).
Avant les rigoureuses défenses faites par Fran-
çois I" de tuer les bêles rousses (5), les grands animaux
comme cerfs, chevreuils, sangliers, étaient fréquem-
(1) C'est le Slalking horse de Shakspeare, qui a fort bien pu servir
aux arbalétriers avant l'arquebuse, comme il a servi depuis pour tirer
au fusil. Dans sa pièce intitulée As you like it, le grand William dit
d'un fol de cour qu'il se sert de sa folie comme d'un slalking korse,
sous le couvert duquel il lire son espril.
(2) V. Ridinger.
(3) Chasses de Stradan. — Cette machine est employée comme la
vache artificielle pour approcher des cerfs à portée d'arquebuse. —
En Espagne on tirait les grues et autres oiseaux de passage dans les
plaines découvertes au moyen d'un petit chariot à deux roues sur le-
quel un mousquet de gros calibre était lixé par un i?ivot.
(4) Voir le livre VI.
(5) Voir le livre II.
J'apperçoy d'un grand cerf la teste nompareille
Qui marchant d'asseurance à son chemin brouttoit
Selon son appétit, le bourgeon qu'il trouvoit.
Je l'approche assez presls, mais voyant que la beste
N'avoit à ses costez aucune biche preste,
Je passe mon chemin, n'ayant point le désir
— 244 —
ment lires à l'nflul; Yarquebusier blessier, ainsi nommé
parce que la bete restait rarement sur le coup, em-
menait avec lui un chien de sang qui suivait l'animal
par les rongeurs (l).
Médiocrement préoccupé, à ce qu'il semble, des
ordonnances récemment fulminées par Henri IV
contre les armes à feu et les chiens couchants, Olivier
de Serres, dans son Théâtre d'agriculture, conseille au
simple gentilhomme d'aller durant l'automne, llujver
et le printemps, l'arquebuse au poing, avecle chien cou-
chant fait au poil et à la plume, arrester et pendre per-
drix et levraud. « Le gentilhomme chassera aussi au
canard, à l'arquebuze, en se pourmenanl le long des
eaux durant les gelées et grandes froidures (2). »
Celte chasse aux canards avec l'arquebuse, aimée
de Slrozzi et de Henri IV, est une des plus ancienne-
ment pratiqLiées. Nous venons de voir Maximilien
d'Autriche s'y adonner dès la fin du xv' siècle (3).
Dans les tapisseries conservées au château d'Haroué,
qui, d'après les costumes des personnages, sont de la
même époque, un chasseur lire des oiseaux de ri-
vière avec une arquebuse à serpentin (A).
De tirer sur cela qui donne aux Roys plaisir
Estimant un tel faict acte de villenie.
(Claude Gauchet.)
Il semblerait, d'après ce passage, que les défenses n'étaient observées
à la rigueur que pour les cerfs portant tète.
(1) D'Arcussia.
(2) Livre YIII, chap. vu. De la chasse el antres lionnesles exercices
du gentil-homme.
(3) Voir ci-dessus, p. 233.
(4) Tapisseries hislnri(/ues, publiées jijir M. A. Jubinai.
— 245 —
Une gravure de Jean de Tournes, éditée en 1556,
représente un arquebusier, le flasque sur les reins et
le pidverin au col, envoyant son barbet à la poursuite
d'un canard démonté (1).
La chasse aux canards avec l'arquebuse se trouve
aussi figurée dans les œuvres gravées de Jost Amman
et de Stradan.
g 2. FUSILS.
Dans les dernières années du xvi® siècle ou au fushs
commencement du suivant, fut inventé un nouveau
système pour donner le feu aux armes de guerre et
de chasse (2). La pierre à feu (ici c'est un silex) est
tenue dans les mâchoires d'un chien, qui par l'effet
d'un ressort assez semblable à celui des platines mo-
dernes, mais le plus souvent extérieur comme dans
beaucoup d'armes à rouet, s'abat sur une pièce d'acier
cannelée, placée au delà du bassinet et fait jaillir
l'étincelle qui enflamme l'amorce. A la différence des
fusils à pierre, celte pièce d'acier ne couvrait pas le
bassinet (3).
(1) Reproduite dans le recueil intitulé llie varieiies of dogs as (hri/
are fourni in old sculptures, plclures, etc., by Ph. C. Berjeau. Londoit,
1863.
(2) Le plus ancien document connu juscju'à présent où il soit ques-
tion de ces armes, dite?, Snaphans, est anglais et de l'année 1588. Voir
Hewitt, t. III. — Los pistolets à facile dont parle Pietro délia Valle,
dans ses voyages sous l'année 1617, che non s'ha cla perder tempo a lirar
su la ruola (pistolets à fusil avec lesquels on n'a pas à perdre son
temps à remonter le rouet), étaient probablement de cette espèce.
(3) Voir les deux platines de grandeur naturelle gravées dans l'ou-
vrago de Skeltun, t. II, et Ilewitt, t. HT.
— 246 —
La nouvelle platine fut probablement inventée en
Espagne ou dans les Pays-Bas espagnols.
On lui donna en France (nous le supposons du
moins) le nom de platine de Miquelet, de celui des
partisans espagnols qui s'en servirent les premiers.
En Angleterre et en Hollande, elle reçut le nom de
Snaphans (écrit en vieux anglais Snaphaiince), qui était
aussi le nom d'un corps de partisans assez med famés,
les chenapans (1).
Commode pour la guerre en ce qu'elle était d'une
exécution plus prompte et plus facile que le rouet, la
platine snaphans n'avait pas un très-grand avantage
à la chasse, puisque le perfectionnement qu'elle in-
troduisait ne faisait pas disparaître le plus grand in-
convénient des arquebuses à mèche et à rouet, l'im-
possibilité de tirer haut sans risquer de faire tomber
la poudre de l'amorce.
Ces fusils, fort en vogue parmi les chasseurs es-
pagnols , comme on peut le voir dans les ta-
bleaux de Vélasquez (2), ne paraissent pas avoir été
très-usités en France. Rien n'est plus difflcile, du
(1) En général, on dérive le nom de l'arme S»apha)is de ces chena-
pans (en allemand Srhnapphahne, en hollandais Snaphaans, ce qui
peut signilier voleurs de coqs, maraudeurs). Cependant Scimapphalm
peut aussi être dérivé des deux mots allemands Srhnappcii, l'aire partir,
débander un ressort, et IJnlin le chien d'une arme à feu. (lomme la
<lilTérence entre le Snaphans et l'arquebuse à rouet tient précisément
h ce ([ue le chien se débande au moyen d'un ressort, il est plus pro-
bable que ce détail de construction a donné son nom à l'arme et que
celle-ci l'a communiqué aux chenapans qui s'en servaient.
('2) Notamment dans le portrait de l'Infant ilon Ballhazar (gravé dans
VHisloire des pruilns de Ch. Blanc) et celui il»' IMiilippi- IV, exposé
dans ii's galeries du I^ouvre (non catalogué).
à couvre-feu.
— 247 —
reste, que de disliiigiier ce qui s'applique à ce fusil
primitif d'avec ce qui concerne le fusil à silex et ("i
couvre-feu (1), ces deux armes n'ayant jamais eu qu'un
seul nom dans notre langue, celui de fusil ou arque-
buse à fusil, dérivé de la manière dont le feu était
produit par le choc d'une pierre contre une espèce
de fusil ou briquet (2).
Le fusil à couvre-feu, dont on s'est servi jusqu'aux fusHs
premières années du présent siècle, fut inventé en
France de 1620 à 1630 (3).
La date de l'invention est à peu près impossible à
préciser, parlesraisons que nousvenonsde déduire.
Le chevalier de Fleming, dans son Traité de chasse
imprimé en 1719 (4), nous accorde l'honneur de ce
perfectionnement, tout en discutant patriotiquement
son mérite, qui lui paraît en certains cas inférieur à
celui de la platine à rouet ou -platine allemande (5).
« Ces armes, dit-il, sont parfaitement appropriées à
l'usage d'un tireur allemand, mais je laisse aux Fran-
çais leurs platines à pierre comme arme prompte à
(1) On ignore, par exemple, à quelle espèce d'arme il faut rapporter
les longues harquebuses à fusil dont il est parlé dans une Relation du
siège de la Rochelle, publiée en 1G28, non plus que les beaux fusils
conservés en 1617 dans le Cabinet du Roi, selon les Mémoires du mar-
quis de Montpouillan. On peut cependant conjecturer que ces derniers
étaient des Snaplians.
(2) Jusqu'au xvii" siècle on a désigné sous le nom de fusil le petit
instrument de fer qui sert à battre la pierre à feu.
(3) Skelton, t. IL — En Angleterre on continua jusqu'en 1645 au
moins, à se servir de Snaplians pour la guerre. Voir Hewitt, t. 111.
(4) Der vollkommene deulsrhe Juger. Leipzig, 1719.
(5) Voir ci-dessus, p. "239.
— 248 —
exécuter pour les soldats, les gens de guerre et les
voyageurs. »
Le fusil à couvre-feu n'en fit pas moins son chemin
dans toute l'Europe, et son adoption est le véritable
point de départ de la chasse à tir telle que nous la
comprenons et la pratiquons aujourd'hui, c'est-à-dire
en abattant les oiseaux dans leur vol le plus rapide et
les quadrupèdes lancés à toute course (I). « Quoique
parfois nuisible par la grande destruction du gibier,
cette chasse, dit Fleming, est par elle-même une belle
et noble science dans laquelle les Français ont la gloire
d'exceller, et qui, avant cela (avant l'invention des
fusils à couvre-feu), était absolument inconnue dans
ce pays-ci (2). »
Fusils Le dernier perfectionnement de l'arme de chasse,
pendant la période qui nous occupe, fut l'invention
du fusil à deux coups.
Ces fusils datent des dernières années du règne de
Louis XIV. Suivant une tradition assez accréditée, le
premier fusil double à canons parallèles fut fabriqué
pour ce Roi (3). Magné de MaroUes dit que l'habile
arquebusier Jean Leclerc fit le premier à Paris, vers
1738, des fusils doubles à canons soudés, mais que
(1) D'Arcussia, dans sou Convy puur l'usscuiblcc des l(niconnii'rs,\m-
bliéen 1827, partage, à son point do vue exclusif, l'o]iiuiou délavorablo
de Fleming sur .le //'/• en volant.
(2) Der vollkommme Deutsche Jâger, I, V» ikhI.
(3) Vénerie française, par le comte Le Couleulx. 11 existe dans les
musées des armes du xvr siècle à deux ou trois canons superposés et
tournants. — En 1701, le chevalier de Callières, gouverneur du Canada,
lit présent à un eheriroquois d'un fusil à deux coups. {Histoire de l'A-
ntcriqur scpleiilrioliale. jiar le 8'' de Bacquevillo de la Potherie.)
double;
— 249 —
l'invention, plus ancienne de quelques années, venait
de Saint-Elienne. « Quant aux canons assemblés pa-
rallèlement avec des tenons et des vis, ils datent de
beaucoup plus loin qu'on ne le croit communément, »
dit le même auteur qui avait vu au garde-meuble de
la couronne deux anciens fusils de cette espèce, l'un
à rouet, paraissant avoir été fabriqué vers 1600, l'autre
ayant des platines à peu près construites comme celles
il aujourd'hui, mais ne paraissant guère moins ancien
(probablement un snaphans).
Au xvni' siècle, les meilleurs fusils de chasse étaient r"abrication
des fusils
fabriqués à Saint-Etienne, à Charleville, à Paris et à dédiasse
Pontarlier (1). Les canons de Paris étaient déjà pré- xvme siècle.
férés à tous les autres canons français (2), Ils rivali-
saient avec les canons d'Espagne, excessivement re-
nommés alors, et fabriqués avec de vieux fers de mule
choisis, dont on forgeait cinq ou six pièces, soudées
ensuite l'une au bout de l'autre.
Les canons français étaient à rubans, filés ou tor-
dus (3). On croyait volontiers à cette époque que la
portée des fusils était en raison directe de la longueur
des canons. Cette idée commençait à être fortement
Canons
fraudais.
(1) 11 y avait aussi des manufactures d'armes à feu à Maubeugeetà
Tuile, mais elles ne travaillaient presque pas pour les chasseurs.
(2) Magné de Marelles donne la liste et les marques des maîtres ca-
nonniers de Paris. Les plus renommés étaient de la nombreuse fa-
mille des Leclerc. 11 y a une trentaine d'années, on recherchait encore
les canons de fusil poinçonnés de la marque de Nicolas Leclerc, une
fleur de lis entre les lettres L. C.
(3) Voir dans Magné de MaroUes les procédés de ces diverses fabri-
cations, qui ne différaient pas de ceux employés actuellement, autant
que je puis en juger.
Canons
esiiagiiols
Chasses à lir
de
Louis XIV.
— 250 —
comballLie du temps de Magné de Marolles, et les fusils
de chasse avaient été réduits de 45 pouces de canon
{1",21) à 30 ou 32 pouces (O-^.Sl ou 0",86).
Les canons espagnols, fabriqués dans l'origine à
40 pouces, furent aussi raccourcis à 33 et 3-4 pouces
(0'",89 et O^jOl). Ces canons étaient à huit pans sur les
deux cinquièmes de leur longueur; h 10 pouces
(0'°,27) de la culasse se posait une mire ou visière
d'argent, et, à l'extrémité du canon qui se terminait
un peu en trompe, le guidon (1).
Les montures de fusil se firent d'abord en poirier,
cerisier et merisier. Ces bois furent remplacés, au
x\nf siècle, par l'érable, et surtout par le noyer. Les
baguettes étaient en baleine ou en bois de micocoulier
dit Perpignan (2).
Les grandes chasses à tir, royales et princières, ne
remontent pas plus haut chez nous que le règne de
Louis XIV, époque où le fusil à couvre-feu et le tir en
volant devinrent en même temps d'un usage ha-
bituel.
L'histoire et la chronique, qui n'ont mis en oubli
aucun des exploits de Louis XIII comme veneur et
comme fauconnier, ne disent pas un mot de ses suc-
cès comme chasseur à tir (3).
(1) Magné do Marollci^.
(2) Ibidem.
(3) Voir précédeiumont. — Louis XUl i)ossédait cependaiU des l'iisils
à couvre-feu. Une très-belle arme de ce genre, portant les écussons de
France ot de Navarre o( lui ay.nil prohablonient ap]>artenu, est con-
— 251 —
Son fils, au contraire, eivail un goût tout particulier
pour la chasse à tir, et se piquait avec raison d'y ex-
celler (1). En 1657, pendant que la cour habitait le
château de Vincennes, le Roi, alors âgé de dix-neuf
ans, s'exerçait à la chasse avec une telle affection, qu'il
y allait à pied avec son fusil comme un simple gentil-
homme de campagne.
Un jour, le cardinal Mazarin voulut gager avec lui
qu'en cinq heures de temps il ne tuerait pas 100 la-
pins; le jeune Roi, ayant accepté le pari, se donna
tant d'exercice, qu'il parvint à en tuer 112 dans le
délai prescrit (2). Les courtisans et le sévère Saint-
Simon lui-même admiraient son adresse et sa bonne
grâce à tirer. Daugeau, qui enregistre jour par jour
les faits et gestes du grand Roi, le fait voir allant au
moins une ou deux fois la semaine tirer dans ses
parcs ou dans ses capitaineries, notamment dans les
plaines de Saint-Denis, de Longboyau et de Créteil.
Il tirait assez souvent à cheval, et y demeurait jusqu'à
quatre heures de suite, bravant le froid et le vent. Il
chassait aussi quelquefois en voiture (3).
servée dans la collection d'armes de l'Empereur de Russie, à Tsarskoé-
Selo. Voir l'ouvrage publié par Rockstuhl et Asselineau, t. II. —
Lorsque Louis XllI fit àCliambord, en 1616, ce grand carnage de moi-
neaux dont parle le médecin Herouart, il se servit sans doute d'une
arme à rouet.
(1) Voir plus haut, liv. L
('2) Journal d'un voyage à Paris en 1657-1658, publié par M. Faugère.
— On voit dans le même ouvrage que les arquebusiers d'jyobeville con-
tinuaient de fabriquer des armes à feu renommées.
(3) Voir Dangeau, passiin, et la note F.
Chasses à tir
(les P.ois
et [irinces
penJaiil
le wn" el le
xvm' siècle.
Cérémonial
des
chasses à tir.
— 252 —
Nous ne voulons pas répéter ici les détails donnés
précédemment (1) sur le goût Irès-vif que montrèrent
pour la chasse au fusil Louis XIV, Louis XV et les
princes de leur maison, et sur leurs exploits de ti-
reurs (2).
Pour épargner des redites à nos lecteurs, nous nous
bornerons à dire qu'exercés dès l'adolescence, et par-
fois dès l'enfance, au maniement de l'arme à feu,
ayant à leur disposition les tirés des capitaineries où
s'accumulait un gibier innombrable, ils furent tous
des tireurs de premier ordre, et nous passerons à la
description du cérémonial observé dans ces chasses,
011 ils immolaient de si prodigieuses hécatombes, cé-
rémonial observé rigoureusement et sans grandes mo-
difications pendant le règne du grand Roi et celui de
son successeur.
Sous Louis XIV et sous Louis XV, lorsque le Roi
allait tirer, six pages de la petite écurie et le porte-ar-
quebuse avaient l'honneur de porter les fusils de Sa
Majesté. Le gibier tué par le Roi était ramassé par le
plus ancien page, et apporté par lui dans le carnier (3)
jusqu'au cabinet de Sa Majesté, qui ne manquait pas
d'en donner quelques pièces à ce page et à ses cama-
(1) Voir le livre I", oh. iv.
(2) Sur les chasses à tir de Louis XIV, de ses lils et petits-lils. Voir
les notes F, G, H à la lin de ce volume.
Sur celles (le Louis XV et de Louis XVI, les noies I et K, ibid.
Chasses des princes de Condé à Chantilly, Pièces juslilicatives, ibid.
(3) On apiielait carnio- deux poclws à, ianlique en mçmicrc d'escar-
celles, plus lai'ges du bas et tenant ensemble. Le dessous était en cuir
et le dessus à jour, i^our donner do l'air au gibier. Sous Louis XV, ce
— 233 —
rades (1). Lu chien couchant du Roi clail porté en
trousse sur le cheval d'un autre page.
Louis XIV s'étarit quelquefois trouvé incommodé
à la chasse par la foule des tireurs qu'il avait invités
à y prendre part, ainsi que par celle des curieux qu'on
laissait approcher de sa personne, avait pris la réso-
lution de restreindre très-sévèrement le nombre de
ses invitations. M. de Nangis ayant cru lui faire sa
cour en lui demandant de le suivre à la chasse à tir,
le Roi lui dit qu'il était bien jeune (il n'avait alors que
vingt-cinq ans), puis qu'il lui en savait bon gré, parce
que ce n'était pas une chose amusante. Il finit par lui
accorder cette permission à deux conditions : la pre-
mière qu'il n'en parlerait point, la seconde qu'il en
userait modérément. Quelques jours après, Nangis,
prévenu indirectement par Bontemps, va rejoindre
à cheval la chasse du Roi. Le duc de Rerry, croyant
à une élourderie de sa part, court à lui et l'engage à
retourner. Nangis, sans rien avouer, continue son
chemin, donnant de mauvaises raisons au duc et à
M. le Premier, et vient se placer derrière tout le
monde.
Le Roi, s'étant retourné, l'aperçut : « Que dites-
vous de ma chienne, lui dit-il, trouvez-vous qu'elle
chasse bien ? » Ce fut un coup de théâtre (2).
Louis XV était aussi jaloux que son aïeul de ses
carnier fut remplacé par des paniers portés sur un mulet qui reçurent
le même nom.
(1) Étais de la France, 1698.
(,2) Mémoires de Luynes. — Mémoires de Besenval.
— 254 —
chasses à lir. Il interdisait parfois, aux princes de sa
maison qui l'accompagnaient, de porter un fusil et
de tirer, comme il le fit un jour pour le prince de
Conti, accusé d'avoir été chasser avant le Roi, dans
la plaine de Gennevilliers, réservée aux plaisirs de Sa
Majesté, et d'y avoir tué, avec ceux qui l'accompa-
gnaient, 800 pièces (1).
M. le Duc, qui, ce môme jour, avait tué 80 pièces
sur l'invitation formelle du Roi , avait assisté plusieurs
fois à ces chasses avec Louis XV et son prédécesseur
sans y tirer, car, dit le duc de Luynes, « il n'y a ni
droit ni même usage, pour les princes du sang, pour
tirer avec le Roi (2). »
Quelquefois, pendant ses chasses à tir, Louis XV
permettait à MM. de Courtenvaux et de Soubise de
tirer avec des pistolets, et, après s'être amusé quelque
temps de leur adresse, il leur faisait donner un de ses
fusils (3).
Louis XVI fut un grand amateur de chasse à tir,
comme l'avaient été le Dauphin son père et son
aïeul Louis XV, et comme en témoigne son journal
autographe, conservé aux archives de l'Empire (A).
Chasses Arthur Young, dans la relation des voyages qu'il
de Lbllcourt, fit cu Fraucc, pendant les années 1787, 1788, 1789,
raconte les chasses à tir auxquelles il prit part chez
le duc de la Rochefoucauld-Liancourt.
(1) Mémoires du duc de Luynes.
(2) IMdevi.
(3) Jbidcm.
(4) Voir la note G, t. 1.
-- 255 —
Pour le cerf{\), les chasseurs furmaienl autour du
bois une ligne qu'ils allaient toujours resserrant, et
il était rare que plus d'une personne put tirer. « C'est
plus ennuyeux qu'on ne saurait aisément se l'ima-
giner : comme la pêche à la ligne, une attente inces-
sante et un désappointement perpétuel.
« La chasse aux perdrix et aux lièvres est presque
aussi différente de ce qui se pratique en Angleterre.
Nous nous y livrions dans la belle vallée de Catenoy,
à 5 ou 6 milles de Liancourt.
« On se mettait en file, à 30 yards environ l'un de
l'autre , ayant chacun derrière soi un domestique
avec un fusil chargé tout prêt, pour quand on aurait
fait feu; de cette façon nous parcourions la vallée en
travers, forçant le gibier h se lever devant nous. Quatre
ou cinq couples de lièvres et une vingtaine de couples
de perdrix formaient les trophées de la journée (2). »
On voit que les chasses à tir du duc de Liancourt
étaient fort loin des grandes tueries qui se faisaient
chezles princes du sang royal , et même chez quelques
hauts et puissants seigneurs, comme l'était ce cardinal
de Rohan , dont le marquis de Valfons a décrit les
magnifiques battues avec une verve si gauloise, dans
un chapitre de ses Souvenirs, cité précédemment (3).
Cette manière de chasser le chevreuil en battue et Auciennes
le gibier de plaine en front de bandière est tout à
méthodes de
chasse au fusiï.
(1) On ne chassait pas le cerf à tir. Young se sert probablement du
mot deer qui s'applique à tous les grands fauves et qui très-vraisembla-
blement veut dire ici chevreîdl {Boe-deer).
(2) Voyages en France, t. I.
(3) Voir au livre I, ch. iv.
— 256 —
fait conforme à ce qui se pratique aujourd'hui. En
effet, dès l'invention du fusil à couvre-feu, et celle
du tir des oiseaux envolant qui en fut la conséquence,
on adopta pour la chasse à peu près les méthodes
d'opérer que nous suivons encore à présent. Le plus
ancien traité connu de chasse au fusil , la Caccia coïï
ftrco&Mf/<o(l ) du capitaine Yita Bonfadini (Milan, 1647),
enseigne déjà les mêmes façons de procéder. D'Ar-
cussia, dans un de ses ouvrages publié en 1527 (2),
énumérant les chasses auxquelles peuvent s'amuser
les gentilshommes campagnards, pendant que leurs
oiseaux sont en mue, cite la chasse à l'arquebuse (3),
avec le chien couchant, « à tirer aux oyseaux de ri-
vière, puis au ramier, au biset , aux palombes, aux
pérengues (variété du biset), aux cailles, aux tourte-
relles, aux tourdes (grives), soit à l'appeau, soit à la
cabane. On peut encore tirer en l'air, mais telle chasse
est pernicieuse, et si Sa Majesté ne la fait prohiber
bien estroilement, dans peu de jours elle ne trou-
vera de quoy voler (4). »
Sélincourt, sous l'empire des mêmes idées, dit
qu'il ne veut pas parler de la chasse à l'arquebuse,
par deux raisons, premièrement « parce que For-
Ci) Arcobufjio ii facile, aniuebiise à fusil.
(2) Discours de chasse où sonl représentez les vols faits en une as-
semblée de fauconniers, ou Convypour l'assemblée des fauconniers.
(3) La date et surtout ce ijui est dit à la lin do ce passage sur le tir en
ro/r nous autorisent à affirmer qu'il s'agit d'une arquebuse à fusil. Le
mot d'arqiiebuse jiour désigner une arme à feu quelconque est encore
emjjloyé par Sélincourt dans son livre publié en 1683.
(4) D'Arcussia ajoute (|ue cette chasse a été jirise en passion par les
artisans, ([ui abandonnent leur métier par bandes pour s'y exercer.
'9l\
donnance des lois la défend aux ignobles, el qu'il n'y
a rien de plus défendu en France que le port des
armes, et si cette défense étoit étroitement observée
partout, comme elle l'est dans les plaisirs des Rois
et des princes, l'abondance de toutes sortes de gibier
se manifesteroit partout comme en Allemagne, au
lieu que la stérilité s'y rencontre » et secondement :
« parce que les bourgeois el paisans, auxquels il est
défendu de chasser et de porter des armes, se ren-
droient plus hardis à contrevenir aux défenses qui
leur en sont faites, si l'on meltoit en évidence toutes
les chasses qui se peuvent exécuter par elle. Il vaut
donc mieux s'en taire que d'en parler, ce qui ne
serviroit que de véhicule pour porter les esprits à
ce qu'ils n'aiment que trop. »
Le premier auteur français qui ait traité ex professa
de la chasse au fusil est Goury de Cbampgrand
(1769) (1); ce qu'il en dit est fort succinct et ne pré-
sente rien qui diffère essentiellement de nos chasses
modernes. Voici cependant quelques remarques sur
les chasses en front de bandière qui présentent un
certain intérêt.
« Nos pères, » dit-il, « alloient à la chasse en plaine,
avec un ou deux gardes et un laquais ou deux, pour
mener un cheval, en cas qu'ils fussent fatigués, et
pour porter le gibier : mais aujourd'hui on mène
cinq ou six valets pour porter les fusils et les charger ;
(1) A la suite des Ruses innocentes du Solitaire inventifs édition de
1688, on trouve un opuscule de quelques pages sur la chasse au fusil
qui ne contient rien de bien particulier.
III. 17
— 258 —
et les trois quarts de ces grivois-là en ont encore
d'autres, que l'on nomme des guénards, pour les ser-
vir. Cette petite armée, qui se met en front de ban-
dière, fait partir devant elle tout le gibier, et prive
le maître du plaisir de le chercher et de voir tra-
vailler son chien. Je ne prétends pas réformer per-
sonne, et j'imagine que ceux qui chassent ainsi y
trouvent apparemment leur plaisir. »
ciiasscs Magné de Marolles publiait moins de 20 ans après
au fusil à la fin ° ' '
<i« (1788) son excellent livre de la chasse au fusil, qui
est resté jusqu'à nos jours le travail le plus complet
sur la malière. 11 y décrit dans le plus grand détail
toutes les chasses à tir qui se faisaient en France à
la fin du xvni" siècle, et l'on peut aisément se con-
vaincre qu'elles différaient fort peu de celles qui se
font au XIX*.
Suivant les traces de cet exact et judicieux auteur,
nous allons donner l'analyse très-sommaire de son
ouvrage, en nous conformant à la classification qu'il
a adoptée, quoiqu'elle présente quelques légères
différences avec celle que nous avons suivie en dé-
crivant les animaux chassés eîi France (1).
Nous insisterons seulement sur celles des chasses
indiquées par lui qui diffèrent notablement des chasses
de nos jours.
La première section de l'ouvrage (2) contient des
(1) Livre III de cet ouvrage.
(2) C'est-à-dire de la seconde partie, la première étant consacrée à
des recherches sur les anciennes armes de jet, sur la fabrication des
i'usils, I te.
— 259 —
instructions préliminaires sur la chasse au fusil en lusirucuons
,,1, i -xii 1 !• préliminaires-
général et sur la manière de dresser les chiens cou-
chants, plus l'exposé de quelques ruses dont on peut
se servir à la chasse, principalement pour surprendre
certains oiseaux qui se laissent difficilement appro-
cher.
Ces instructions préliminaires ne contiennent rien
de bien différent de ce qui se pratique actuellement;
quant aux ruses de chasse, dont l'emploi devenait de
jour en jour moins fréquent à mesure que les armes
à feu se perfectionnaient, c'étaient toujours à peu
près les mômes que du temps des arquebuses à rouet
et à mèche : la vache arlificielle, le cheval entravé, la
charrette et la hutte ambulante.
Magné de Marolles passe ensuite à la chasse au
fusil des quadrupèdes.
Le cerf et le daim , bétes réservées aux plaisirs des classe i ur
Rois et des princes, ne sont même pas mentionnés f,wa.irupèdps.
dans le Traité de la chasse au fusil : le cerf, parce qu'il
est sous la sauvegarde de r ordonnance des chasses; le
daim, parce qu'il ne se trouve guère en France que dans
les forêts des maisons royales (1).
Magné de Marolles aurait pu ajouter que ceux
mêmes qui avaient le droit de tuer ces nobles animaux
auraient, en général, rougi d'y employer l'arme à
feu , comme d'un crime de lèse-vénerie.
Le Roi et les princes tiraient quelquefois des cerfs
dans les toiles; mais cette chasse, si aimée des souve-
(1) Magné de Marolles. — Avanl-propos.
Cerf et daim.
— 260 —
rains allemands, ne fut jamais en vogue à la cour de
France.
Dans le journal des chasses du prince deCondé (1),
on trouve plusieurs mentions de daims tués au fusil,
notamment par le duc de Bourbon (2), qui prit plaisir
à ce genre de chasse. On monta pour lui en 1776
un petit équipage de bassets et de briquets avec
lesquels il allait souvent tirer des daims dans les
parcs dépendants de Chantilly et dans les bois voi-
sins (3).
On faisait aussi au fusil des destructions de biches
quand les forêts étaient trop peuplées en fauve, et le
duc de Bourbon y prenait part avec son petit équi-
page [i).
En dehors de ces chasses princières, restent à la
merci des simples chasseurs au fusil, le sanglier, le
chevreuil, le lièvre, le lapin, le renard, le blaireau
et la loutre (5).
sansiier. Qu chassait le sanglier soit en le routaillant avec
ou sans sonnette, comme nous avons dit ci-dessus
qu'on faisait pour le loup, soit avec des chiens cou-
(1) Journal des chasses de S. A. S. Monseigneur le prince de Coudé
à Chaniillii et uidres lieux circonvoisins, etc., depuis l'année 1748
jusque et y compris l'année 1778. — Voir les Pièces justificatives à la
lin de ce volume.
(2) Louis-Henri-Joseph, duc de Boui'bon, le dernier des Gondés. Né
en 175G, mort en 1830.
(3) Voir le Journal précité.
(4) Ibidem.
(5) Magné deMarolles parle, en outre, du loup, du lynx et du castor,
dont la chasse a été décrite précédemment (liv. III et VI), ainsi que
celle des musléliens (martre, fouine, putois, belette), du chat sauvage
et de l'écureuil. La chasse des animaux de montagne, ours, chamois,
bouquetins, marmottes, formera le sujet d'un paragraphe spécial.
— m —
rants ou des malins; on tirait encore les sangliers à
l'affût et au souil (1); enfin les princes et les grands
seigneurs en faisaient des tueries énormes dans les
toiles.
Le chevreuil était chassé avec 3 ou 4 chiens cou- chevmui
rants; on le routaillait comme le sanglier, on l'affûtait
pendant les chaleurs de l'été, en le guettant au bord
des mares et des ruisseaux où il venait s'abreuver;
enfin les braconniers de quelques provinces, notam-
ment les bûcherons et les charbonniers des forets de
la Bourgogne, savaient attirer la chevrette en imitant
le cri de ses petits.
Les chasseurs du xvni^ siècle tiraient comme nous Lièvre.
le lièvre, soit en plaine au cul levé, ou à l'arrêt du
chien couchant, soit au bois, avec des bassets ou autres
chiens courants.
A celte époque, où la chasse n'était pas défendue
en temps de neige, on prenait grand plaisir à suivre
en plaine les traces d'un lièvre jusqu'à son gîte, pour
le tirer à la partie.
Kn avril et mai, pour ne pas endommager les ré-
coltes ni troubler la ponte des perdrix, on chassait
les lièvres à la raie, dans les blés verts.
Celte chasse, impossible avec nos lois actuelles, se
faisait le matin et le soir. Deux chasseurs longeaient
une pièce de blé, chacun par une extrémité, allant
doucement, du même pas, et regardant attentivement
les raies ou sillons du champ. Celui qui découvrait
(I) Les Corées roulaillaienl les sangliers de nuit, avec un chien d'es-
pèce particulière tenu au trait, commi' un limier.
— 262 —
un lièvre cherchait à l'approcher pour le tirer. Si le
lièvre prenait la fuite, le chasseur faisait un signe
à son compagnon, qui guettait l'animal au bout de la
raie.
L'affût après le coucher du soleil, chasse également
prohibée à présent et pratiquée seulement par des
braconniers de bas étage, était considéré du temps de
Magné de MaroUes comme un moyen commode de
tuer des lièvres sans se fatiguer, surtout pendant la
saison du bonquinage.
Lapin. La chasse des lapins aux bassets, à l'affût , à la sur-
prise n'a rien qui mérite de fixer notre attention (1).
Mais Magné de MaroUes décrit, d'après Espinar,
une chasse assez curieuse qui se faisait avec un ap-
peau, au son duquel les lapins accouraient en foule,
même du fond de leurs terriers. Cette chasse, que les
Espagnols appelaient ijip^^r les lapins (chillar los conejos],
était usitée en Provence dès le temps de d'Arcussia.
Il parle de la chasse des lapins avec ïappeau que nous
appelons chifflet. « Cette chasse est peu connue en
France, dit l'auteur de la Chasse au fusil ; je sais ce-
(1) La chasse des lapins à l'affût est décrite d'une façon charmante
par La Fontaine dans sa fable si connue, dédiée à M. le duc de la
Rochefoucauld. (Liv. X, fable xv.)
« A l'heure de l'affût, soit lorsque la lumière
Précipite ses traits dans l'humide séjour.
Soit lorsque le soleil rentre dans sa carrière
Et que, n'étant plus nuit, il n'est pas encor jour,
Au bord de quel([ue bois sur un arbre je grimpe
Et nouveau Jupiter, du haut do cet Olympe,
•le foudroie à discrétion
Un ln]iin qui n'y ponsoit fruèri'...
Elr., rie. ,.
— 263 —
pendant qu'elle est pratiquée en Provence par quel-
ques chasseurs, qui se servent, pour piper, d'une patte
de crabe, espèce d'écrevisse de mer, et ce qu'il y a
de particulier, c'est que là on lui donne le nom de
chillci\ qui n'est autre chose que le verbe espagnol
chillar francisé. »
Le renard était chassé aux bassets (1) et àTaffùt, avec lî'ii'aid-
ou sans une traînée de carnage ou un appât. Magné
de Marolles donne diverses recettes pour composer
l'appât qu'on traînait comme la charogne ou dont on
enduisait la semelle de ses souliers ; on se servait aussi,
pour l'attirer, d'une poule vivante (2).
« On ne peut guère tuer de blaireaux au fusil niaireau.
qu'en les guettant à la sortie du terrier par le clair de
lune depuis la fin du jour jusque vers minuit. »
Cette chasse nocturne n'est plus praticable sous
l'empire de la loi qui nous régit depuis 1844.
Nous avons décrit précédemment la chasse de la Loutre.
loutre à courre. Pour la tirer, on s'y prend exacte-
ment de la même manière; seulement les chasseurs,
postés aux passages, sont armés de fusils au lieu de
fourches fières. On tirait aussi la loutre à l'affût.
(1) Le chevalier de Laujon, secrétaire des commandements du duc
de Bourbon, qui aimait lâchasse aux bassets, a introduit dans sa pièce
de VAmow^eux de quinze ans la description assez animée d'une chasse
au renard. Voir la note L.
(2) La composition pour frotter la semelle des souliers était com-
posée de vieux oing, de galbanum et de hannetons piles, le tout cuit
ensemble. Un autre appât peu connu et d'un succès encore plus
assuré consistait en petits morceaux de pain qu'on faisait frire avec
de la graisse d'oie et un peu de camphre en poudre.
— 264 —
Chasse Magné de Marolles passe ensuite ù la chasse des oi-
'^''ûeZTr seaux de terre. Il comprend sous ce titre générique
tous ceux qu'on lire en plaine, au bois ou dans les
montagnes, y compris les corvidés , les oiseaux de
proie, les oisillons et diverses espèces qui n'ont ja-
mais été considérées comme gibier.
Nous allons, comme précédemment, le suivre dans
cette nouvelle partie de sa carrière.
Nous renvoyons seulement à un paragraphe spé-
cial placé à la fin de notre travail sur la chasse à tir,
ce qui a rapport aux oiseaux des montagnes, comme
nous l'avons déjà fait pour les quadrupèdes.
Penirix. En prcmlèrc ligne des oiseaux de terre viennent
les perdrix. Leur chasse ne présente rien qui diffère
d'une manière notable de ce que nous pratiquons
journellement.
Il n'y a que la chasse à la chanterelle et celle que
leur faisaient la nuit, en temps de neige, des tireurs
accompagnés d'un chien d'arrêt et vêtus d'une cher
mise par-dessus leurs habits, qui soient interdites par
les lois actuelles.
Caille. Lorsque arrivait le temps du passage des cailles
pour retourner en Afrique, c'est-à-dire du 15 août
aux premiers jours d'octobre, il se faisait aux envi-
rons de Marseille , dans cette zone couverte de bas-
tides qu'on appelle le Taradou, une chasse très-
agréable, pour laquelle on se servait d'appeaux vivants.
C'étaient de jeunes mâles de l'année, pris au filet,
élevés dans des chambres ou en volière et aveuglés
au printemps. Ces appelants, placés dans des cages
qu'on suspend à des pieux au n)ilieu des vignes, chan-
— 265 —
tent dès l'aube du jour et attirent autour de leur cage
toutes les cailles qui passent ou se trouvent répan-
dues aux environs. Deux heures après soleil levé,
quand la rosée est essuyée, le chasseur se rend sur
les lieux sans chiens et bat les vignes, doucement et
à petit bruit. Cette première battue faite, il prend son
chien pour faire lever celles qui ne sont pas parties.
Un seul tireur peut tuer 50 ou 60 cailles dans une
matinée.
Nous ignorons si celte chasse se fait encore aux en-
virons de Marseille.
La chasse du râle de genels était, comme elle est
encore, la même que celle de la caille. Seulement cet
oiseau n'est pas assez commun pour qu'on lui ait ja-
mais appliqué le système d'appelants que vient de
décrire Magné de Marolles.
L'alouette se chassait au miroir et au cul levé, lors-
qu'il y avait un peu de neige sur la terre.
La chasse à tir du faisan n'offrait aucune particu-
larité digne de remarque, non plus que celle de la
bécasse.
L'outarde, en sa qualité d'oiseau très-défiant et se
tenant d'habitude dans de grandes plaines décou-
vertes, obligeait le chasseur à recourir aux ruses ex-
pliquées précédemment, vache artificielle, charrette,
hutte ambulante. La canepetière était aussi fort diffi-
cile à approcher, mais on ne voit pas qu'il fut indis-
pensable, pour la tirer, d'avoir recours à ces moyens
extraordinaires. Il en élait de même du courlis de
terre. Quant à la grandoule ou ganga, on ne pouvait
la tirer qu'au moment où elle venait boire, soir et
de genêts.
Aluuelle.
Faisan.
bécasse.
Grande
et
pclile outarde.
r.uurlis
lit' lerre.
Giaiidûulc.
Vanneaux,
pluviers,
gu'r^'uards.
Ramiers,
hisets-
Grue,
ciirogne.
Tourterelles.
Grives.
Merles.
Étourneaux
— 2GC —
malin. Les chasseurs de la Crau creusaient des rigoles
et des abreuvoirs artificiels auprès desquels ils con-
straisaient leurs huttes d'affût. Ceux du Plan de Diou
approchaient les grandoidcs au moyen d'une charrette
dans laquelle ils se plaçaient.
Les vanneaux , pluviers et guignards , oiseaux
craintifs et défiants, étaient tirés à peu près de la
même manière; on se cachait dans une hutte auprès
d'une saignée ou rigole pratiquée exprès, et on les
attirait a l'aide d'un appeau.
La hutte et les appeaux étaient aussi les moyens em-
ployés pour tirer les ramiers et. bisets, lors de leur
passage dans nos provinces méridionales.
La grue et la cigogne ne se chassent guère que par
hasard (1).
Les tourterelles étaient tirées à la partie dans les
blés ou branchées dans les arbres (2).
On tirait les grives à Varbret. Celte chasse, dite
aussi chasse au poste, est encore le divertissement fa-
vori des Provençaux.
Faute de grives, on tue les merles à la partie, en
battant les haies.
L'élourneau, malgré sa réputation d'étourderie, se
laisse approcher difficilement. Comme il ne mérite
pas qu'on se donne beaucoup de peine pour le
joindre, on ne le lue que par hasard.
(1) En Espagne, on se servait, contre les grues, d'un gros monstinet h
pivot ])orté sur un chariot ou cacliô dans une hutte.
(2) En (^alabre on les cliassait dans les i>lantalions d'oliviers, avec
un cal)riolet ou chaise roulante.
— 267 —
Parmi les chasses qui se faisaient aux oisillons avec oisiuons
le fusil, il n'en est que deux qui méritent quelque
attention, la chasse au miroir et celle au poste.
La chasse des alouettes au miroir avec le fusil est ci.asse
1 / • 1 1 ir 1 HT n des alouelt
décrite assez longuement dans 31agne de MaroUes. au miroir
Elle se faisait exactement de la même manière qu'au-
jourd'hui, de sorte qu'il est inutile de nous y arrêter
davantage.
Le marquis de Bologne, cet illustre chasseur, dont
M. le marquis de Fondras a raconté naguère les ex-
ploits, avait un goût tout particulier pour la chasse au
miroir. « C'était dans une grande plaine caillouteuse,
située entre les bois de sa terre d'Ecot et le village de
Cousigny, qu'il la faisait habituellement, et l'on m'a
souvent montré une ancienne carrière abandonnée
dont il se servait pour s'abriter jusqu'aux coudes, lui,
son fidèle baron (1] et le petit drôle qui lui tirait la
ficelle, lorsqu'il se divertissait à l'une de ces chasses
innocentes, pour se reposer des grandes émotions de
ses hécatombes de sangliers (2). »
La chasse au poste ou à l'arbret était déjà en chasse
grande vogue aux environs de ]\larseille du temps de
Magné de Marolles. Celte chasse se faisait exacte-
ment à la fin du siècle dernier comme aujourd'hui (3),
(1) C'était le surnom de la dame de compagnie du marquis.
(2) Voir une note du marquis de Fondras dans le Traité complet de
la chasse des alouettes au, miroir avec le fusil, par le commandant
Garnier. Cette note donne, en outre, la description des doux miroirs,
l'un en rbène, l'autre peint en vert dont se servait le marquis et qui
ont été longtemps conservés au château d'Ecot.
(3) "Voir les auteurs modernes qui ont traité de l'oisellerie. — Buffon
dit aussi quelques mots d'^ la chasse au i>oste.
au poste.
Oiseaux
divers.
Corviik's.
Oiseaux lie
proie diurnes.
— 2C8 —
ce qui nous dispense de suivre Marolles dans tous
ses développements. Il nous suffira de dire qu'elle
avait pour objets principaux les grives, les ortolans et
les becfigues, et qu'au dire des Marseillais il n'exis-
tait pas moins de -4,000 postes dans le Taradou, qui
forme un pourtour d'environ 15 lieues (1).
Le coucou, la huppe, le loriot, le torcol, l'engoule-
vent ou crapaud volant, le guêpier, que Magné de
Marolles a jugé à propos de mettre au nombre des
oiseaux qu'on chasse à tir, ne sont tués que par ha-
sard, lorsque leur malheureux destin les met sur la
route d'un débutant ou d'un chasseur qui rentre le
carnier vide.
Les corvidés, tels que le corbeau, la corneille, la
pie, le geai, le rollier, le casse-noix n'étaient pas au-
trefois plus qu'ils ne sont aujourd'hui l'objet de
chasses régulières. Nous avons parlé ci-dessus des
tueries de cornilleaux qui se faisaient dans les futaies
voisines de certains châteaux et des destructions de
toutes ces bêtes malfaisantes, opérées aux alentours
des faisanderies, à l'aide d'un duc ou autre oiseau
nocturne.
Les rapaces diurnes, aigles, vautours (2), milans,
buses, oiseaux saint-martin, faucons, éperviers, au-
(1) Magné de Marolles.
(2) Les Rois d'Espagne prenaient un tel plaisir à tirer des vautours,
à l'appât d'une charogne, que Philippe III lit construire pour cet objet,
dans le parc du Pardo, une galerie souterraine, voûtée on briques, de
500 pas de long, qui lui servait à se rendre à couvert just^u'au pavillon
d'allïit d'oi^i il tirait les vautours. Tout cet appareil se nommait en es-
]iii}/nol liw'lvri'a, du mot hitilre (vautoui').
— 269 —
tours, laniers, hobereaux, crécerelles, émerillons,
pies-grièches, étaient mis à mort sans autre forme de
procès , et sans aucun égard pour les services qu'ils
avaient pu rendre dans des temps plus heureux
comme oiseaux de fauconnerie.
Avec moins de scrupule encore on gratifiait d'un
coup de fusil les oiseaux de proie nocturnes, grands,
moyens et petits ducs, chats-huanis , hiboux et
chouettes. « Le moyen d'en tuer fréquemment, dit
Magné de Marolles, est de ne jamais passer un arbre
creux sans frapper sur le tronc avec la crosse du fusil
ou une pierre...; à ce bruit l'oiseau ne manque pas
de partir, et on le tire en volant (1). »
Après les oiseaux de terre, Magné de Marolles
passe aux oiseaux aquatiques, comprenant les échas-
siers grands et petits et autres oiseaux de rivage
ainsi que les palmipèdes.
Lâchasse du chevalier, du cul-blanc, de l'alouette
de mer ne présente rien de particulier; on les tire
devant soi, à la partie, quand on les rencontre; de
même pour celle des râles et des poules d'eau. La
bécassine mérite un peu plus d'attention à cause de
la délicatesse de sa chair et de la difficulté de son
tir; mais la chasse qu'on lui faisait au xviif siècle ne
diffère en rien de celle qu'on lui fait actuellement.
Sur les côtes de l'Océan, les chasseurs, pour tirer
Oiseaux
(le nuit.
Oiseaux
aquatiques.
Oiseaux
de rivage ;
cli^valier,
cul-blanc,
alouette
de mer,
RMes,
poule d'eau,
bécassine.
Courlis,
barges, etc.
(1) On peut demander à quoi bon s'acharner sur ces malheureux
volatiles qui rendent plus de services en détruisant la vermine qu'ils
ne font de tort au mbier.
moueltes,
)iirondelles
de mer.
— 270 —
les oiseaux de rivage tels que le courlis, la barge, le
grand pluvier, l'avocelte, l'échasse, la pie de mer, le
combaltanl, creusent des trous à proximité des prai-
ries et marais d'eau douce, oii ils viennent tous les
soirs prendre gîte pour la nuit. Pour mieux les attirer,
ces chasseurs arrangent, au bord de l'eau, des figures
de volatiles nommées formes, faites avec des peaux
d'oiseaux bourrées. Le matin , quand les oiseaux re-
gagnent la mer, on les guette sur le rivage dans des
huttes de pierre , recouvertes de terre ou de varech.
On chasse de même les canards de diverses espèces,
comme nous le verrons bientôt en son lieu.
Goélands. « Lcs goclauds, Ics mouettes et les hirondelles de
mer sont des oiseaux si peu intéressants pour les
chasseurs, dit Magné de Marolles, que j'aurois omis
d'en faire mention, si ce n'étoit seulement pour en
donner connoissance à ceux qui ne sont pas à portée
des côtes de la mer. »
Héron, butor, Lc hérou, Ic bulor, la spatule, le cormoran, l'al-
cormolan, ^J^^ ^^ ^^ mcrlc d'cau sont encore des oiseaux qu'on
alcyon, jjg tj^e que par hasard, et sans aucune circonstance
merle d'eau, _ / '
digne d'intérêt.
Plongeons. La chassc des plongeons, du grèbe, du harle et de la
grèbe harie, fouiq^g n'en mérite pas beaucoup davantage. Cepen-
dant Magné de Marolles donne sur celle de ce dernier
oiseau à la rébalade des détails que nous avons analysés
précédemment (1). Il ajoute qu'on emploie un autre
(1) Livre III, 1' poction, cli. ii. — Cette chasse se fait encore de la
même manière, dans li's nKMnes localités. Voir le Journal tics clios-
scws.
— 271 —
moyen pour chasser les foulques sur les étangs de
Marignane, d'Istre et de Berre. Un homme seul, em-
barqué avec une grosse canardière dans un très-petit
esquif appelé rièguechin (noye-chien), le dirige pen-
dant la nuit au clair de lune, vers les bandes de foul-
ques qu'il découvre sur ces grands étangs ; arrivé à
portée, il en tue ou en blesse souvent une quantité
considérable en tirant sur la troupe qui se pelotonne
en apercevant le bateau. Ces chasseurs savent aussi
attirer les foulques avec une espèce d'appeau.
La rébalade se fait également sur l'étang d'Es-
camandre près de Saint -Gilles, où se réunissent
parfois pour celte chasse jusqu'à 100 et 150 ba-
teaux (1).
La chasse du cygne, de l'oie sauvage, du pélican et
du flamant n'ofî're rien de particulier , sinon qu'il
faut user de beaucoup de ruse pour les approcher (2).
Celle du canard sauvage proprement dit et des
autres oiseaux aquatiques appartenant au genre ca-
nard constitue la véritable chasse au marais, si at-
trayante par l'abondance et la variété de ses résultats,
Cygne,
oie sauvage,
pélican,
flamant.
Canards.
(1) Les Toscans font sur le lac de Bientina, à 4 ou 5 lieues de Pise,
une chasse tout à fait analogue, qu'ils appellent tefa.
(2) « 11 n'y a rien de si méfiant que ces oiseaux, dit Goury de Champ-
grand, parlant plus spécialement des oies sauvages. Voici quelques-
uns des stratagèmes qu'on emploie pour les approcher. On suit une
charrette, ou bien l'on monte dedans ; celui qui la conduit crie d'une
voix haute après ses chevaux, et ces oiseaux qui sont accoutumés à
voir passer des paysans avec leurs charrettes, ne s'en épouvantent
point. On les approche aussi en suivant un laboureur qui mène sa
charrue -. l'on peut encore prendre un jupon de femme ou mettre sur
son dos une botte de paille et marcher en contrefaisant rivrosne. »
— 272 —
mais en môme temps si pénible et si difûcile. A
l'exception des halbrans qui ont conservé la simpli-
cité du premier âge, tous ces palmipèdes sont singu-
lièrement défiants, et le chasseur a besoin de toutes
ses ruses pour les approcher à portée de fusil. Il faut
les affûter soit au bord des étangs oîi ils viennent
passer la nuit, soit pendant les gelées, près des fon-
taines et des eaux non glacées.
La hutte ûxe et le gabion, avec des appelants et des
figures de canards dites étalons et moquettes, la hutte
ambulante, le cheval entravé (1), les bateaux étroits
et légers, dits fourquettes, oii le tireur est masqué par
un fagot de menu bois fixé en travers sur l'avant, sont
mis en réquisition par les chasseurs, qui se servent de
fusils fabriqués à Saint-Etienne ou à Pontarlier, de
trois dimensions différentes. Il y a la grosse canardière,
de 6à 7 pieds (l^.OiàS'",^?) de canon, qui se charge
avec une once (.30^6) de poudre et du plomb à pro-
portion; la moyenne un peu moindre, et le grand fusil
qui sert pour tirer au vol, tandis que les canardières
restent à poste fixe dans la hutte ou le bateau.
Labruyerre, dans les Ruses du braconnage mises à
découvert, décrit une chasse nocturne fort usitée de
son temps sur la Saône. Plusieurs chasseurs se met-
taient dans un bateau bien couvert de roseaux, à
(1) Tantôt le chasseur à pied se cachait derrière le cheval et tirait
par-dessous le col ou par-dessous le ventre, tantôt il montait dessus,
le plus courbé possililo et tirait ]iar-dossus la lètc. (Magné de Ma-
relles.)
— 273 —
l'avant duquel était fixée horizontalement une longue
perche, dont l'extrémité portait une terrine remplie
de suif avec trois mèches. On laissait aller l'embarca-
tion au fil de l'eau, en la gouvernant seulement avec
un croc, pour éviter le bruit des avirons. Les canards,
attirés par la lumière, se rapprochaient de la barque
et les chasseurs les liraient à leur aise à la clarté du
luminaire (1).
Le même auteur décrit une autre chasse nocturne,
dite au réverbère^ où les chasseurs suivaient à pied les
bords d'une rivière, précédés par un homme qui
portait à sou col un chaudron de cuivre bien écuré,
contenant une terrine garnie de suif et de mèches
allumées. Labruyerre avait assisté à cette chasse en
Dauphiné, sur les bords de la Durance, et y avait
exercé les fonctions de porte-réverbère. Il affirme
avoir vu tuer quinze canards en une nuit.
Sur les bords de la mer, ou tirait surtout les pal-
mipèdes soir et matin, lorsqu'ils quittaient les eaux
salées pour les eaux douces et réci proquement, comme
nous l'avons dit à propos des courlis, des barges et
autres oiseaux de rivage (2).
(1) Magné do MaroUes dit que cette chasse était inconnue sur la
Saône. On peut voir une chasse semblable décrite dans le Huniers'
feasl du capitaine Meyne Reid.
(2) Cette chasse à la passée est encore d'un fréquent usage sur les
côtes de l'Océan et de la Manche. — La chasse dite ait badinage n'est
mentionnée dans aucun de nos anciens auteurs. Il est cependant
presque certain qu'elle était connue et pratiquée au siècle dernier. Le
principal agent de cette chasse, le petit chien roux à figure de renard,
qui attire vers le chasseur les canards sauvages , était dès lors em-
ployé pour prendre ces oiseaux aux filets comme nous le verrons plus
loin.
m. 18
— 274 —
Certaines espèces, comme le cravanl, la bernache
et le milouin, ne quittent jamais la mer et ne hantent
pas le rivage ni les eaux douces. Pour les tuer, on est
obligé d'aller à leur poursuite soit à marée basse
avec de petits bateaux qu'on pousse sur la vase, soit
en haute mer avec ces mêmes bateaux. On ne peut
arriver à les tirer qu'au vol el pendant la nuit, ce
qui réussit malgré l'obscurité, parce qu'ils volent par
grandes bandes. Par des vents du large très-violents,
ces oiseaux marins se rapprochent de la côte et on
les surprend sur l'eau en se glissant à marée basse
derrière les rochers.
§ 3. CHASSES A TIR DANS LES MONTAGNES.
Nous croyons devoir consacrer un paragraphe spé-
cial aux chasses à tir qui se font dans les montagnes.
Elles ont lieu en effet par suite de la nature des
lieux dans des conditions toutes particulières, et ces
conditions, communes à toutes les chasses de mon-
tagnes, sont différentes généralement de celles dans
lesquelles se font les chasses du plat pays.
Outre le lynx, dont nous avons déjà parlé, les ani-
maux qui ne sont chassés qu'en montagne sont l'ours,
le bouquetin, le chamois, la marmotte et le lièvre
blanc parmi les quadrupèdes; parmi les oiseaux, les
tétras, le lagopède et la bartavelle, auxquels on peut
ajouter la gelinotte, quoiqu'on la trouve aussi dans
des forêts qui ne sont que médiocrement montueuses.
Depuis le xvi^ siècle, les ours des Pyrénées, comme
r.linsse à lir ^
.le Tours, ccux dcs Alpcs, ne sont plus tombes que sous les coups
— 275 —
des hardis paysans auxquels la noblesse du pays aban-
donnait volontiers le monopole de cette chasse, tou-
jours pénible et parfois dangereuse (1). Elle se faisait
comme elle se fait encore aujourd'hui, soit à l'affût,
soit en battue, avec de nombreux traqueurs qui,
poussant de grands cris et tirant des coups de fusil et
de pistolet, poussaient l'ours vers des tireurs embus-
qués (2). Quelquefois on se servait, dans ces battues,
de gros mâtins accoutumés à cette chasse. Ces chiens
étaient aussi employés par les montagnards pour
chasser l'ours d'une façon assez régulière. Les chas-
seurs qui avaient commencé par reconnaître aux
traces fraîches de l'animal les endroits où il se tenait
d'habitude s'y rendaient avec les mâtins. Les chiens,
après avoir goûté la voie, lançaient la bête que les ti-
reurs attendaient aux postes par lesquels on supposait
qu'il ferait sa retraite. « L'ours tient rarement devant
les chiens, dit Magné de Marolles parlant de cette
chasse, mais il est paresseux à se lever et donne quel-
quefois le temps au plus courageux de lui sauter sur
le corps; mais il s'en est bientôt débarrassé et ses
aggresseurs s'en trouvent mal pour l'ordinaire. »
Enfin on chassait encore l'ours en suivant sa trace
sur la neige, mais cette chasse ne pouvait se faire
(1) Nous voyons dans Gessner qu'au xvr siècle les Suisses chas-
saient l'ours avec l'arc et l'arbalète, et quelquelbis avec des traits em-
poisonnés.
(2) « On fait, chaque année, des battues (aux ours, dans les Pyrénées),
plusieurs paroisses associant leurs efforts. Une ligne de chasseurs res-
serre peu à peu le bois où se trouve l'ours, cit. » {Voyarjes d'Arthur
Young, 1. 1.)
— 276 —
qu'en automne, lors des premières neiges, l'ours se
recelant au commencement de décembre pour une
grande partie de l'hiver (1).
Toutes ces chasses, sans être entièrement dépour-
vues de danger, étaient moins périlleuses qu'on ne le
croit communément. L'ours, même blessé, se jette ra-
rement sur l'homme, à moins qu'il ne soit serré de
trop près (2).
Un homme agile peut encore esquiver assez facile-
ment ses retours offensifs ; mais, s'il se laisse joindre,
l'ours se dresse sur ses pieds de derrière, le saisit avec
les pattes de devant et l'étouffé dans ses bras, s'il n'est
secouru à temps (3).
Magné de Marolles nous a conservé le souvenir de
quelques-uns des plus terribles épisodes de chasse
aux ours arrivés de son temps, ainsi que le nom des
intrépides montagnards qui y signalaient leur courage
au péril de leur vie.
Parmi ces vaillants champions, figure en première
ligne Pascallet, de Montauban près Luchon, qui com-
(1) Magné de Marolles.
(2) « Ils ont merveilleusement fors hras de quoy ils estrainhent au-
cune fois un homme ou un chien si fort qu'ils l'afolcnt ou tuent. Des
ongles ne font pas mal pour quoi nulle beste en puisse mourir, mes
ils tirent et moynent ( mènent) à leur bouche et à leurs dens et cela
sont leurs meilleures armes. » (Gaston Phœbus.)
(3) Voyc'. dans Magné de Marolles le récit de quelques incidents de
ce genre; entre autres, celui d'une chasse où six hommes furent blessés
plus ou moins grièvement (dans la vallée de Barétons, près Oioron).
Un de ces malheureux, terrassé ])ar l'ours, se ])laignait surtout de l'o-
ileur infecte qui s'exhalait de la gueule de l'animal et qui avait failli
l'étouffer.
— 277 —
battit seul une troupe de cinq ours, en abattit deux
du premier coup et blessa mortellement un troisième.
Puis viennent Joseph Naudy, dit le bavard, de la val-
lée de Vic-Dessos (Ariége) qui, poursuivant un ours
pour lui faire quitter un mouton, en fut repoussé à
coups de pierres, et Pierre Champeu, dit le bandit (1),
tous montagnards des Pyrénées.
Nous n'avons aucun renseignement précis sur les chasses à ui
chasses que faisaient, aux chamois et aux bouquetins bouriueuns
avec l'arc et l'arbalète, les griffons des Alpes autori- '^'''*™'"'-
ses par leurs Dauphins à chasser ces animaux (2) et
les montagnards des Pyrénées qui se fournissaient à
leurs dépens de vêtements et de chaussures (3).
Tout ce que nous savons sur ce sujet, c'est que,
dans les montagnes du Tyrol et de la Styrie, l'archi-
duc Maximilien d'Autriche et ses hardis compagnons,
les pieds garnis de crampons de fer, allaient pour-
suivre le chamois jusqu'au sommet des roches les plus
cruelles (4), pour leur lancer avec l'arbalète à cric
des traits dont le fer avait la forme d'un croissant (5).
Dès la fin du xv^ siècle, les paysans styriens tiraient
(1) Pierre Champeu était de Luzenac, près d'Ax (Ariége). — A ces
illustres tueurs d'ours, célébrés par Magné de MaroUes, il faut joindre
le Paveur de Cesse., qui chassait vers le milieu du xvui'= siècle avec le
baron du Glat et tua 33 ours dans les montagnes du diocèse d'Alet.
(2) Voir i)lus haut.
(3) Voir Gaston Phœbus. — Le comte do Foix ne parle que des
grandes chasses qu'on faisait aux houes avec chiens courants, tra-
queurs et panneaux.
(4) Weiss Kunicj.
[h) Voir le Weiss KunUj et le Theuenlanck, textes et figures. — On
se servait quelquefois de chiens. Maximilien se vante d'avoir ei\ sa
vie tué GOO chamois, bien comjités.
— 278 —
les bouquetins avec l'arquebuse, et en avaient promp-
tement détruit un très-grand nombre.
Les montagnards de nos Alpes et de nos Pyrénées
en firent probablement autant quelques années plus
tard, et n'employèrent plus contre les chamois et les
bouquetins que l'arquebuse à mèche ou à rouet à la-
quelle succédèrent le fusil et la carabine rayée à silex.
Avec les premières arquebuses, difficiles à manier
et ne pouvant tirer qu'à coup posé, le chasseur devait
aller se poster pour attendre son gibier à l'affût dans
quelque passage favori, ou près d'une de ces roches
salées que chamois et bouquetins viennent lécher avec
beaucoup d'avidité. Une fois pourvu d'armes moins
imparfaites, le montagnard, sans abandonner pour
cela la pratique de l'affût, put se mettre à la pour-
suite de sa proie ou la tirer en battue.
Du temps de Séiincourt, les chamois et staimboucqs
étaient souvent chassés au trictrac. Après les avoir
détournés avec le limier, on postait des arquebu-
siers (1) aux passages les plus favorables. Les plus lé-
gers des chasseurs, accompagnés do chiens, gravis-
saient les sommets de la montagne et poussaient de-
vant eux les animaux effrayés en faisant grand bruit.
Dès qu'on les voyait prendre la direction des postes
où se tenaient les tireurs, les Iraqueurs criaient à
pleine voix : « garde lou pas » et les arquebusiers
(t) On funromliul, sous ce nom les tireurs aiiuè.-- iluriiueliuses à rouet
et ceux (jui nvaicul des l'usils nu des earaliiues.
— 279 —
ajustaient de leur mieux pour abattre les fugitifs au
passage (1).
Cette chasse se pratiquait encore au xvni' siècle;
seulement les fusils et les carabines à silex avaient
définitivement remplacé l'arquebuse, et l'on ne se ser-
vait plus guère de chiens, qui dispersaient trop vite
les animaux et les éloignaient tout de suite jusqu'à
4 ou 5 lieues (2).
D'ordinaire le chasseur montagnard, parti seul,
avant le jour, pour se trouver à l'aurore dans le can-
ton fréquenté par son gibier, cherchait d'abord à le
découvrir au loin à l'œil nu ou avec une lunette d'ap-
proche (3). Les animaux une fois aperçus, il fallait
arriver à portée en se coulant à bon vent et sans bruit
derrière des rochers ou le long de quelque ravin,
quelquefois en rampant à plat ventre. Une fois à dis-
tance convenable, le tireur, caché derrière quelque
grosse pierre, ôtant son chapeau et ne sortant que la
tête et le bras, ajustait de son mieux en appuyant
son arme sur le roc. Cette arme, entretenue avec le
plus grand soin, était ordinairement une carabine
rayée parmi les montagnards des Alpes; ceux des Py-
rénées se contentaient d'un fusil ordinaire (4).
(1) Sélincourt.
(2) Magné de MaroUcs.
(3) Magné de MaroUcs conteste l'emploi habituel de la lunette, af-
firmé par M. de Saussure et M. Perroud, entrepreneur des mines de
cristal des Alpes, dans une note curieuse adressée à Buffon. La lu-
nette d'approche est encore très-usitée parmi les chasseurs suisses,
surtout dans le canton des Grisons. (VoirTschudi.)
(4) PeiToud el Saussure sont d'accord sur l'usagf de la carabine
— 280 —
Plusieurs voyageurs ont raconté les dangers et les
souffrances des chasseurs de chamois, et la passion
irrésistible qui s'emparait d'eux et les forçait, en dé-
pit de tous les conseils et de leurs propres pressenti-
ments, de retourner à la montagne pour y laisser la
vie ou tout au moins l'usage de leurs membres (1). Ces
mœurs régnent encore de nos jours parmi les monta-
gnards, et M. de Tschudi en rapporte de curieux
exemples dans son intéressant ouvrage sûr les Alpes.
Chasse à ur La chassc à tir de la marmotte, qui se fait en la
"'TiT"^^" guettant au bord de son terrier, ne vaut pas la peine
icvro blanc, de s'cu occupcr.
Celle du lièvre blanc offre plus d'intérêt. En temps
de neige, le chasseur suit ses traces pour le sur-
prendre et le tirer au gîte. Si le blanchon échappe au
premier feu, il ne s'éloigne guère. La détonation du
fusil, si effrayante pour le lièvre de plaines, n'in-
quiète que médiocrement le montagnard, accoutumé
qu'il est aux craquements des glaciers et aux bruits
formidables des régions alpestres. Ceux qui sont gîtes
aux environs ne se dérangent pas, et le chasseur peut
en tuer trois ou quatre au gîte dans la même
journée (2).
On chasse aussi le lièvre des Alpes aux chiens cou-
rayée. Magné de MaroUes, qui avait surtout été en relation avec les
(îliasseursdcs Pyrénées, prétend ([ue cette arme n'a été employée qu'ac-
cidentellement. Les Savoisieus et les Suisses se servent encore beau-
roup d(! carabines rayées, quelquefois avec deux platines et un seul
'■anon (Tschudi.)
(1) Saussure.
C^) Tschudi.
des léUas.
— 281 —
ranls, mais il faut des chiens dressés tout exprès.
Le lièvre se fait longtemps battre avant de prendre
un parti. Il gagne alors les sommets les plus abrupts,
où il devient presque impossible au chasseur de le
poursuivre. Il faut donc le tirer au départ, qui a sou-
vent lieu sous le nez des chiens. Serré de près, il va
quelquefois se réfugier dans les terriers des mar-
mottes (1).
La saison la plus favorable pour tirer les grands chasse à ur
tétras est depuis la mi-avril jusqu'aux premiers jours
de j uin , c'est-à-dire pendant la saison de leurs amours.
Comme le dit Magné de MaroUes, les chasseurs
vont coucher dans les bois de sapins et de hêtres
situés à mi-côte deux heures avant la nuit. Puis on
se met aux aguets pour écouter les coqs appeler leurs
femelles.
Dès qu'on entend un tétras chanter sur un arbre,
on cherche à s'en approcher; quand son chant cesse,
il faut s'arrêter, dans quelque position qu'on se trouve.
Ce chant dure assez longtemps, et recommence par
intervalles; tant qu'il dure, le coq, l'œil en feu, la
queue en roue et les ailes pendantes, se trémousse
sur une branche sans s'apercevoir de ce qui se passe
autour de lui, et le chasseur peut arriver à portée et
l'ajuster à son aise (2). Hors ces moments d'extase
(1) Tschudi. — Journal des chasseurs, 2<" semestre 1858. — Les détails
que nous venons de donner sont tirés d'auteurs modernes, mais il est
plus que probable que les anciens chasseurs ne procédaient pas au-
ti-ement.
(2) Voir aussi BufTon. — Cette chasse se prati([ue encore en Alle-
magne. — Dans ce pays, au xvni« siècle , l'arme employée était une
arquebuse à rouet. (Voir fiidinger.)
— 282 —
amoureuse, les télras sont très-difficiles à joindre. La
même chasse se fait encore le matin, dans l'intervalle
du point du jour au lever du soleil.
Dans le comté de Foix, aux environs de la ville
d'Ax, on chassait autrefois les tétras pendant la nuit,
à la lueur du feu. Cette chasse avait lieu en automne
et au commencement de l'hiver, tant que la neige
n'était pas trop épaisse. Les chasseurs, après avoir
reconnu, une heure avant la nuit, les arbres où les
coqs de bruyère allaient se brancher, se mettaient en
marche quelques heures plus tard vers ces arbres,
précédés d'un homme qui portait sur sa tête un bassin
plat (ou lumenié) (1) ; des brandons de pin, détachés
d'une vieille souche bien résineuse, brûlaient dans ce
bassin.
Les chasseurs, apercevant à la lueur du feu les
tétras perchés sur les arbres, les abattaient à coups
de fusil (2).
On pouvait aussi chasser les jeunes coqs ou caque-
tons avec le chien d'arrêt, pendant les mois de sep-
tembre et d'octobre (3).
On chassait le petit tétras, comme le grand, pen-
dant la saison des amours. On le chassait aussi dans
la neige, oii ces oiseaux se creusent des trous pour
atteindre leur nourriture. Les chasseurs bouchaient
(1) Ce bassin était quelquefois en Icr-blanc ; plus souvent, c'était
une tranche de bois enlevée du tronc d'un arbre.
(2) Magné de MaroUcs. — Le duc de Weymar chasse encore les
Auerhahnc d'une i'açon analogue ; le i)orlcur de bassin est remplacé
par des soldats armés de llambeaux.
(3) Magné de Marollci.
_ 283 —
l'ouverture de ces trous, et frappaient fortement avec
leurs pieds sur la surface glacée de la neige. Les tétras
se frayaient un passage d'un autre côté, et partaient
sous les pieds du tireur (1).
On chasse les lagopèdes ou perdrix blanches prin-
cipalement de la mi^aoùt à la fin de novembre, et
surtout pendant les mois de septembre et d'octobre.
Cette chasse se fait au chien couchant ou au cul levé,
et ne présente rien de particulier (2). Il en est de
même de la chasse à la bartavelle. La plus grande
difficulté de ces chasses est dans la nature du terrain,
qui rend très-difficile de les tirer et plus difficile
encore d'aller les relever à la remise (3).
Pour tirer la gelinotte, on l'appelle au temps de la
pariade avec une espèce de sifflet. Ce sifflet, qui imite
le cri de la femelle, est fait avec un os d'autour ou de
hibou, ou encore avec un tuyau de plume à écrire.
On se sert du même sifflet en automne pour attirer
les jeunes, en imitant le cri de rappel de la mère.
Quand un chasseur réussit à découvrir des gelinottes
perchées dans un arbre (ce qui n'est pas facile), il
peut les tuer toutes successivement. A chaque coup,
les survivantes ne font que se raser sur les branches
et rentrer dans leur plume, et le chasseur a tout le
temps de recharger son fusil (4),
Cliassc à lit-
du lagopède
et de la
barlavclle.
Chasse à lir
de la
Ki'linoUe.
(1) Magnû de MaroUes.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem.
(4) Ibidem.
LIVRE IX.
CHASSE AVEC TOUTES SORTES D ENGINS ET DE PIEGES.
Nous voici parvenu à la partie la plus ingrate de
notre tâche : l'histoire des chasses qui se faisaient à
l'aide de toutes sortes d'engins. Nous demanderions
grâce pour nous et nos lecteurs, si l'antiquité de cette
manière de chasser et l'importance qu'elle a eue dans
les temps anciens ne nous obligeaient à en tracer au
moins une esquisse sommaire ; mais nous ferons nos
réserves comme Gaston Phœbus, au moment où il se
prépare à décrire les moyens de prendre les bêtes
sauvages par mestrie et par enginhs. « De ce, parleray
je mal voulentiers, quar je ne devroye enseinher à
prendre les bestes, ce nest pas par noblesse et gentil-
lesse, et pour avoir biauls déduis, afin qu'il y heust
plus de bestes et que on ne les tuast pas faussement,
mes en trouvast l'en tousjours à chassier. Mes par deux
raisons le me convient à dire; l'une, je feroye trop
— 286 —
grant péchié se je povoye fère les gens sauvier et aler
en paradis et je les fesoye aler en enfer; et aussi se je
fesoye les gens mourir et les peusse fère vivre longue-
ment; et aussi si je fesoye les gens estre tristes et
mornes et pensifs et je les peusse fère vivre liement;
et comme j'ay dit au commencement de mon livre que
bons veneurs vivent longuement et joyeusement, et
quand ils meurent, ilz vont en paradis, je veuil en-
seigner à tout homme d'estre veneur ou en une ma-
nière ou en autre »
Le comte de Foix ajoute quelques lignes plus loin
en devisant à faire Jiayes pour toutes bestes : « Et est
droitement déduict d'omme gras ou d'omme vieill, ou
qui ne vueit travailler, et est belle chasse pour eulz,
mes non pas pour homme qui vuelt chassier par
mestrise et par droicte vénerie (1). »
Nous ne parlerons avec quelque détail que des
procédés usités jusqu'au xvn' siècle inclusivement.
Ceux qui sont décrits par les auteurs du siècle suivant,
étant encore pour la plupart employés aujourd'hui
d'une manière plus ou moins licite, sont en quelque
sorte en dehors du cadre de cet ouvrage, et ne seront
indiqués que très-succinctement. Les lecteurs, curieux
d'en savoir davantage sur ce sujet, pourront avoir
recours aux ouvrages spéciaux ou aux traités de chasse
qui se sont étendus sur la matière.
(1) « cil. Lx. Ci devise à faire hayes pour toutes bestes. » Ces haies
sont de celles qui servent d'accessoire à des collets ou à des lassièros,
et sont, par conséiiucnt, comprises dans la catégorie des pièges et en-
gins.
— 287 —
Les chasses aux filels et engins divers eurent une
grande importance pendant les premiers siècles de la
monarchie française, comme elles l'avaient eue pen-
dant l'antiquité.
Comme on a pu le voir dans les pièces justificatives
du précédent volume, les premiers Rois Capétiens
comptaient parmi leurs officiers domestiques des oise-
leurs et perdriseurs. Dans l'ordonnance de l'hôtel du
Roi saint Louis, faite en 1261, on voit que l'oiseleur
avait 12 deniers par jour, et que lui et son valet man-
geaient à la cour quand ils étaient de service. Il rece-
vait, de plus, 40 sols par an pour rohe, fdés et roscux
(réseaux) (1).
Uoisseleires de Philippe le Bel avait également
12 deniers de gages, plus GO sols pour robe et pour
roitz, et bouche à cour (2).
Louis XI, comme nous l'avons indiqué, partageait
l'aversion du comte de Foix pour la chasse aux pièges;
en 1463, il fit enlever et brûler tous les rets, fdels et
engins qui appartenoient à la chasse (3).
Toutes les ordonnances sur le fait des chasses, pro-
mulguées au xvf et au xvif siècle, en interdisant
l'emploi d'un grand nombre d'engins destructeurs du
gibier, nous donnent l'énumération des principaux
(1) Tome I'"', Pièces justificatives, p. 388.
(2) Ordenance de l'Oslel le Roy Philippe... Tome I", Pièces justifica-
tives, p. 387.
(3) Voir les livres I et II. — Cette aversion ne l'empêchait pas de se
servir, pour son^ropre compte, de ces engins détestés. On voit dans ses
comptes qu'il s'amusait à prendre des corneilles et des choettes avec
des raiz de corde. (Voir la note B, t. P'.)
— 288 —
pièges usités à celte époque. Ce sont notamment les
lacs, tirasses, tonnelles, traîneaux, bricoles de corde
et de fil d'archal, pièces de pans de rets, colliers, hal-
liers de fil ou de soie (1).
Il paraît que les défenses rigoureuses de l'ordon-
nance de 1601 ne furent pas longtemps observées,
car dans les éditions du Théâtre d'agriculture d'Olivier
de Serres, qui sont postérieures à cette ordonnance,
le docte agronome a conservé certains passages qu'il
avait pu écrire légalement en 1600, et par lesquels il
recommande au gentilhomme campagnard de prendre
bêtes à quatre pieds, de jour et de nuit, selon les
saisons, avec pièges, agrafes, fosses, trapes, rets, dents,
amorces, etc.; « aussi oiseaux, gros et menus, à l'a-
morce, à la pipée, à la passée, au tumbereau, à la
tonnelle, au feu, à la glu, à la chouette, au duc, à
l'appeau, au rejetlail, etc. (2). »
« Encores que la chasse aux oysiilons avec la
chouëte ou au duc semble n'appartenir qu'aux enfans,
si est elle tant plaisante et agréable que souvent les
grands sont incitez de s'y exercer, tout honneste passe-
temps estant recevable aux champs. »
Où les canards et autres oiseaux de rivière abon-
dent, on les prendra avec des appelants et un chien
(1) Voir principalement les ordonnances de IGOl et 1669.
(2) Le gentilhomme pourra commettre à ses gens , comme trop pé-
nibles et fastidieuses, les chasses des perdrix au feu durant la nuit^
à la tonnelle le jour, « des bécasses, alouettes et autres oyseaux qu'on
attend longtemps es passages, et jour et nuict, m(;soies en mauvais
temps, comme en hyver, durant les grandes glaces et neiges pour les
attraper avec lilets. » {^Théâtre d'agriculture, livre huicliesmc.)
— 289 —
bien dressé qui les amèneront à portée de la rets sail-
lante, ou bien on leur tendra des hameçons (1).
Dans un excellent chapitre dont nous allons donner
l'analyse, Sélincourt a résumé toutes les chasses au
filet que peut faire un gentilhomme « qui a un beau
pays pour chasser et qui veut accommoder sa terre
en sorte qu'il n'y manque rien pour faire bonne chère
à ses amis. »
Ce gentilhomme doit être garni de panneaux, d'ai-
liers (halliers) aux lapins, aux cailles et aux perdrix^
de passées, de chausses, de rets pour prendre les
alouettes au miroir et pour traîner la nuit, et de tout
ce qu'il faut pour chasser les perdrix à la chanterelle,
à la tonnelle, à l'anxorce et à la fouée.
S'il est en pays de marais, il lui faut des rets à
bécassines, et en pays de bois, des rets à bécasses pour
tendre à la passée.
Lorsqu'il y a des faisans, des perdrix rouges, des
coqs de bruyère et des gelinottes, on se sert de grands
filets, îin peu plus larges que panneaux, qu'on tend sur
le soir dans les montagnes et les coteaux boisés.
En pays de petits oiseaux, il s'en prend des milliers
le long des bois, des haies et des vignes, au moment
des passages, avec des araignes et des lacs de crin, à
la pipée, aux brillons, ou à la glu.
S'il est sur un grand passage d'oiseaux de rivière,
le seigneur construira une canardière, et établira des
(1) T/iédIre d'arirkullurc, livre huicticsme.
III. 49
lie chasse aux
|iii''ges.
— 290 —
mares, oii il prendra ces oiseaux avec des appelants
et la rets saillante.
Suivent deux autres chapitres sur les chasses qui
se font la nuit aux perdrix et aUou'éttes^ aux plouviers^
aux vanneaux, aux oyes sauvages, aux outardes, aux
lapins es garennes et aux lièvres, et sur la chasse aux
amorces pour les perdrix.
Traités Le Roîj Moclus et Gaston Phœbus, malgré le juste
mépris que professe ce dernier pour les enginJis, nous
donnent de précieux renseignements sur diverses
chasses aux filets et aux pièges, fort en usage au
xiv' siècle.
Parmi les traités spéciaux sur la chasse aux pièges
et engins, nous citerons comme les principaux l'ou-
vrage du frère Fortin, religieux de Grammont, dit le
Solitaire inventif [i)-, les Amusements de la campagne,
ou Nouvelles Ruses innocentes qui enseignent la manière
de prendre aux pièges tontes sortes d'oiseaux, par le
sieur Liger (2) ; le Traité de la pipée, chasse amusante
et divertissante, trcs-convenahlc aux dames (3); les Amu-
sements innocents, contenant le Traité des oiseaux de vo-
lière ou le Parfait Oiseleur (4); enfin V Aviceptologie
françoise ou traité de toutes les ruses dont on peut
se servir pour prendre les oiseaux qui se trouvent en
France (5).
(1) Les Rvscs innocentes, etc. Paris, HIGO.
(2) Paris, 1709.
(3) Par Simon. Paris, 1738.
Cl) Par Buchoz. Paris, 1774.
(j) Par H"*(Bulliard). Paris, 1778.
— 291 —
On peut compter encore au nombre des traités
spéciaux l'ouvrage de Labruyerre , quoiqu'il ait été
écrit dans le but d'empêcher les chasses aux pièges et
non de les enseigner.
Parmi les ouvrages cynégétiques postérieurs au
xvn"" siècle, ï Encyclopédie^ dans son Dictionnaire de
toutes les espèces de chasses, donne des détails circon-
stanciés sur les pièges et engins. Gaffet de la Briffar-
dière et Goury de Champgrand parlent de quelques-
uns; Magné de Marolles, quoiqu'ils soient étrangers à
son sujet, en décrit aussi un certain nombre.
CHAPITRE PREMIER.
Chasses des quadrupèdes avec pièges et engins.
§ 1. FOSSES.
Les fosses sont un des moyens les plus ancienne-
ment connus de capturer les animaux. Il en est parlé
plusieurs fois dans les livres saints.
« Celui qui fuit la voix de Yépouvantail (l) tombera
dans la fosse, et ce qui s'échappera de la fosse sera
pris dans le lacs, » dit le prophète Isaïe.
« Il est tombé dans la fosse qu'il avait préparée, »
lisons-nous dans le Yni* psaume de David.
Xénophon, Oppien et les autres ihéreuticographes
de l'antiquité classique parlent également de cet en-
gin de chasse.
Les Thraces et les Germains se servaient de fosses
pour prendre le bison et l'urus.
(1) Cet épouv.iiitail qui iv une voix doit être ici un i;i'OU|ic do tra-
queurs.
— 293 —
La loi des Ripuaires parle de fosses et de puits
[fossœ velpiitei) creusés dans les forêts et des accidents
qui peuvent en résulter (1).
Les fosses de chasse sont aussi mentionnées par les
Capitulaires des Carlovingiens (2).
Nous ne reviendrons pas sur les fosses à prendre
les loups, déjà décrites au livre YI; des fosses à bas-
cule, disposées à peu près de la même manière,
quoique dans des proportions moins grandes, ser-
vaient à prendre les renards (3).
Le Roy Modus enseigne à prendre les sangliers à
l'amorce, c'est-à-dire en les attirant au moyen d'un
appât vers une fosse recouverte de branchages, et le
chapitre LXP de Phœbus devise comment on peut
chassier sengliers et aultres hestes auxfousses (4).
Dans ces deux auteurs, la fosse est accompagnée
de haies en forme d'X et de V, qui amènent la bête
jusqu'au précipice (5).
Il semble, d'après une gravure de Ph. Galle et Stra-
dan, que ce système était encore usité à la fin du
XVI® siècle pour prendre des sangliers.
(1) Ducange, V" PecHca.
(2) Voir ci-dessus au livre VI (fosses à prendre les loups).
(3) Voir les Ruses innocenles, ï Encyclopédie et Ridinger.
(4) Les autres bêtes sont le cerf, l'ours et le loup.
(5) Divers peuples sauvages se servent encore aujourd'hui de haies
aboutissant à une fosse oîi on traque les animau.x sauvages. Voir l'ar-
ticle de M. Lavallée dans le Journal des chasseurs de 1858 et les voya-
geurs cités au chapitre des Haies, ci^après.
Chusso
A liuissoniiLT.
— 294 —
§ 2. FILETS,
Les filets étaient l'engin fondamental des chasses
de l'antiquité (1). Nos aïeux en ont aussi fait grand
usage pour prendre toute espèce de quadrupèdes.
Dans un bas-relief gallo-romain déjà cité on voit
des chasseurs à pied et à cheval poussant dans les
panneaux des cerfs et autres animaux (2). Charle-
raagne, ainsi que nous l'avons raconté au premier
livre de cet ouvrage, faisait de grandes chasses aux
sangliers avec des filets. Le Roy Modus décrit avec
détail diverses chasses de quadrupèdes qui se prati-
quaient de son temps à l'aide de cette sorte d'engins.
Il s'étend principalement sur la manière de prendre
à buissonner sangliers, cerfs, biches, chevreuils, gou-
pils et lièvres.
Cette chasse à buissonner consistait à tailler un buis-
son ou petit bois et à l'enclore de haies avec las^
sières (3), et de rets ou panneaux.
(I) Voiries Cynégétiques de Xénophon, Gratins et les autres théreu-
ticographes. — On y trouve que les anciens Grecs et Romains se ser-
vaient de trois sortes principales de filets : 1° Aix-Tua, relia, panneaux
formant des enceintes.
-° 'E.vo^ia.-, plagx, filets tendue on travers d'une route, d'une ouver-
ture ou d'une coulée.
3° KpKVç, casses, filets en forme de bourse qui se tendaient entre deux
branches d'arbre et qu'on fermait à l'aide d'un cordage appelé
êx/cTfo/^tof cpiand l'animal s'y était engagé. (Voir Rich, Diciionnairc
de l'anliquilc grecque cl romaine.)
il) Monumenls des arls de là France, par Alex. Lenoir.
(3) Les anciens auteurs entendent jiar les mots lues cl lassièri-s, tan-
tôt des nœuds coulants, tantùl, cl le plus souvent, une espèce de filets.
Au xvni« siècle, la /«.v.Ç(V'?7' était un iili'l mi forme de bourse qui ser-
vait à jncndre les loups. [Rnnivlopédie, h. v".)
— 295 —
On réservait seulement quelques passages où étaient
titrés (apostés) des lévriers. Une troupe nombreuse de
traqueurs avec des meutes de chiens foulaient ensuite
l'eaceinte à grand bruit et forçaient les animaux à se
jeter dans les filets ou à se faire prendre par les
lévriers.
Modus vante ces chasses qui se faisaient avec beau-
coup d'apparat, surtout celle des sangliers, qu'il qua-
lifie de dédiiict royal.
Le même traité enseigne l'art de prendre les che- aevreuiis
vreuils à l amorce.
Pendant l'hiver, l'animal affamé était attiré dans
un trébuchet au moyen d'une gerbe d'avoine. En tirant
à lui cet appât, il dégageait une verge de coudre,
bonne et forte, qu'une corde maintenait courbée et
qui, se détendant comme un ressort, enveloppait la
bête d'un filet le plus délijé que onpuet, fors qu'il puisse
tenir un chevreuil (1).
Les panneaux ou pans de rets, grands filets simples Panneaux.
ou contre-maillés, tendus verticalement autour d'une
enceinte (2), étaient connus des Grecs, des Romains
et des Francs, comme nous l'avons dit au commence-
ment de ce paragraphe. Très-usités au xvi^ siècle, non-
seulement contre les loups , mais contre tous les
grands animaux (3), et même contre les blaireaux et
(1) Le texte du Roy Modus est peu compréhensible et la figure qui
l'accompagne ne l'est pas davantage.
(2) Nous en avons parlé ci-dessus au cli. ii, g 3 de \a. Louvelerie .
(3) En général, on préférait employer les toiles pour les chasses aux
sangliers, qui pouvaient trop souvent passer à travers les mailles des
filets.
— 296 —
les putois. Des panneaux plus petits, dits pans simples
ou conlre-maillés, servaient aux paysans braconniers
du XYif siècle à prendre les lièvres et les lapins avec
ou sans l'aide d'un chien (1).
Des filets, nommés poches ou bourses, semblables
à ceux mis en usage pour chasser au furet (2), pou-
vaient être employés pour capturer les lapins à l'en-
trée du terrier comme à la sortie. On les tendait aux
gueules des terriers, et les lapins, poursuivis par un
chien, venaient s'y jeter (3).
Les grands panneaux sont encore employés de nos
jours pour prendre vivantes les bêtes fauves qu'on
veut transporter d'un lieu dans un autre.
§ 3. PIÈGES ET ENGINS DIVERS.
piétîc Le piège proprement dit {pedica des Latins, ^o^o-
piopremcui ^^^^^ ^^^ Grecs) était un engin qui saisissait les ani-
maux par le pied.
La ppdica dentata, mentionnée par Gralius (4), et
décrite par Xénophon et le grammairien Pollux, ser-
vait à prendre les cerfs, les chevreuils et les sangliers.
C'était un cercle de bois garni sur sa circonférence
(I) Voir les Muscs innocenlrs du SuHIaira iiirndi/'.
Çl) Voirie livre suivant.
(3) Les Uuses innucenles.
(4) Quid qui denlalas ili/jno vubure rUtusil
Vrnalor pedicus {Ci/iier/cl.)
ManiliiiP, poêle lalin , ronteinpoiain 'h' (lialiu?, parle aus^i de^
pedicT. (Voir Viil.)
— 297 —
intérieure de clous de fer et de bois eu opposition.
Dans ce cercle on disposait un nœud coulant de spar-
terie, auquel était attachée une lourde pièce de bois;
le tout était placé à l'orifice d'une petite fosse égale
en rondeur au cercle, et recouverte de feuillages et de
terre. La bête, posant le pied dans le cerceau, se
blessait aux pointes, et, retirant vivement sa jambe,
serrait le nœud coulant et emportait ainsi la bûche qui
y était attachée. Les chasseurs, trouvant le piège dé-
placé, mettaient leurs chiens sur la piste de l'animal,
qui était bientôt pris, retardé comme il l'était par
cette bûche pesante (l).
Il n'existe plus de trace bien distincte de ce piège
pendant le moyen âge. Le mot de pedica se trouve
néanmoins dans les lois des Burgondes et des Ri-
puaires, sans qu'on puisse savoir exactement à quelle
espèce de piège il s'applique (2).
La même loi des Ripuaires ainsi que celle des Vi-
sigoths parlent de balistes qu'il est défendu de tendre
en certains endroits où elles pourraient blesser les
passants.
Il est probable que celte sorte d'engin était la même
chose que le dardier décrit par Gaston Phœbns. Cette
machine a en effet une certaine analogie avec les
balistes de guerre de l'antiquité.
« C'est, dit Phœbus, une perche qui soit tendue
bien tirant et un fer d'espieu bien taillant et bien agu
(I) Rich, v" Pedica. — Xi'nophoii. C i/nnjclifjuc
i'i) Ducangc. v Pedica.
Iiallslc ,
dardier.
— 298 —
el bien liû à un des bouts de la perche d'un coude de
Ion et demi pié de large et une petite cordelete qui
soit sur le pertuis où la beste vendra (viendra) et un
cliquet tout ainsi que un ralier pour prendre raz; et
quand la besle y cuydera entrer, elle y touchera et le
deffichera et la perche vendra de si très grand radour
qu'il li passera les costez. Plus n'en vueill parler de
ce, quar c'est vilaine chasse. »
Les animaux pour lesquels on tendait les dardiers
étaient les ours et autres bêles voraces, comme les
sangliers, qui venaient la nuit manger des fruits ou
des blés dans les champs, et qu'on attirait vers le
pertuis fatal en semant dans sa direction les aliments
dont ils étaient friands.
Ciiige. Au xv" siècle, on prenait des sangliers avec un cer-
tain engin appelle caigc, dont on ne connaît pas bien
la nature (1). C'était probablement quelque chose d'a-
nalogue aux cages à prendre les loups, que nous avons
décrites précédemment.
Dans le Roman du Renard, le héros à longue queue
est fréquemment menacé de tomber dans divers pièges
nommés ceoignole, broïon et pochon.
La description de ces engins n'est rien moins que
claire ; on peut toutefois conjecturer que la ceoignole (2)
Cooigiuil
(1) Lettres de rémission de 1474, citées par D. Carpcntier, v° Cagia.
Le savant bénédictin croit que la cage était une enceinte de lilets ou de
toiles.
(2) Le mot do ceoignole ou soigiiolle {eieonella, petite cigogne, petite
grue) servait, au moyen âge, à désigner diverses machines ayant (jnel-
(pie analogie avec la grue à eulevrr les fardeaux, |tar exemple un eu-
gin à (endre le? arhalèles, un appaifil-à liivi' jCau dans les puits, etc.
_ 299 —
consistait en un Im de corde ou nœud coulant, tenu
tendu par deux paissons et amorcé d'un froiïiage de
gaain. En tirant l'appât, on détendait la ceoignole, et
l'animal était pendu par le col (1).
Le hroïon était une pièce de bois de chêne fendue, i^iuiou.
que tenait ouverte une cheville ou clef. Celte clef en-
levée, les deux parties se resserraient violemment et
prenaient le pied de la bête. Le pochon ou pauçon pochon
paraît avoir peu différé de la ceoignole.
Comme les loups (2), les renards et laissons se pre- iiaussepieds.
naient encore aux haussepieds. Ce piège avait aussi
beaucoup d'analogie avec la ceoignole.
Des collets de corde ou de fil d'archal servaient couets.
également à la capture des lièvres, des lapins, et même
des blaireaux (3).
La série de planches dessinées et gravées par Ri-
dinger, sous le litre de « Représentation d'après nature
des différentes manières de prendre vivant ou mort,
par ruse ou par force, toute manière de gros et menu
gibier et de gibier à plume (4), » nous monlre une
grande variété d'engins à prendre les quadrupèdes,
tels que trappes, assommoirs, parcs et pièges de fer.
(1) La pièce principale de ce piège rustique était probablement une
l)ièce de bois élastique, courbée à force et faisant ressort.
(2) Voir plus haut, liv. VI, ch. ii, ? 3.
(3) Les Ruses innocenles. — Le Solilaire inventif ajoute que, comme
les bedouaus tranchent, il faut disposer les lacs de manière à les
étrangler incontinent.
(4) Nach dev Natur rniworfenr Vorslellangen, ivie ailes lioch ami
niedcre Wild , sami de m Fedenvildprœlli auf verschidene Weise mil
Vernunfl, List und Gcwall lebendif/ odcr tod nefangen wird. — Aag-
sparr/. 1750
— 300 —
Nous y renverrons d'autant plus volontiers les curieux
qu'un coup d'œil jeté sur les planches de l'habile
dessinateur allemand leur en apprendra plus que de
longues et arides descriptions.
CHAPITRE 11.
Gibier à plumes.
Nous comprendrons dans ce chapitre tout ce qui
concerne la capture, avec pièges et engins, des oiseaux
qui sont l'objet ordinaire des poursuites du chasseur,
tels que faisans, perdrix, cailles, bécasses, ramiers,
bécassines, canards et autre sauvagine, à l'exclusion
des oisillons.
§ 1. CHASSE DU GIHIER A PLUMES AVEC FILETS.
Dans sa Somme rurale, chapitre des bans et défenses chasse
d'aoust, Boutillier nous apprend qu'il était interdit au "'"' ''*' "^'
xv^ siècle de tendre aux perdrix devant le jour de la
Toussaint. Cette interdiction s'étendait aux oiseaux de
rivière.
A cette époque, tout noble pouvait tendre aux per-
— 302 —
drix, tandis que le haut justicier pouvait seul tendre
aux grosses bêtes.
Les filets qu'on tendait pour les perdrix étaient le
traîneau (1), la pantière, la culte, le hallier, la ton-
nelle, la tirasse ; renvoyant aux ouvrages techniques
pour la description détaillée des premiers, qui sont
restés en usage jusqu'à nos jours malgré les dispo-
sitions prohibitives des lois, nous allons dire quelques
mots sur la chasse des perdrix à la tonnelle, à la ti-
rasse, à la chanterelle avec filets, à l'amorce, au pa-
villon, chasses très-anciennes et auxquelles nos aïeux
attachaient une certaine importance; ces chasses, par
leur nature même, ne sont d'ailleurs pas à la portée
des braconniers de profession, et sont tombées en
désuétude depuis longtemps.
Tonnelle. La tonuellc , que Y Aviceptologie française signale
comme déjà peu en usage à la fin du siècle dernier,
était un filet à deux pans qu'on tendait à angle obtus
de chaque côté d'un cul-de-sac fait en forme de pain
de sucre, et se terminant en pointe. Cette espèce de
nasse était fixée sur des cerceaux qui allaient en di-
minuant vers l'extrémité.
L'appareil une fois tendu dans une raie de blé, le
tooneleur endossait une vache artificielle de toile, et
poussait tout doucement les perdrix devant lui en imi-
tant les allures d'une bete à cornes qui pâture (2).
(1) Ce lilot servait aussi à prendre des faisandeaux.
('2) Le Hoy Mothis appelle cette bête arlilicielle cheval à ])ri-dris:
— 303 —
Parfois on se servait, an lion de la vache arlificiclle,
d'un véritable cheval enchevêtré (1).
Olivier de Serres et Sélincourt, comme nous venons
de le voir, rangent la chasse à la tonnelle parmi celles
qui doivent faire l'amusement du gentilhomme cam-
pagnard. Olivier de Serres y ajoute seulement, cette
restriction qu'il fera bien de la laisser à ses gens,
comme fatigante et exigeant une dose de patience peu
commune (2).
La tirasse était un grand filet carré qu'on traînait Tirasse.
avec une corde bordant un des côtés (3). Les perdrix,
faisans ou cailles, qu'on voulait prendre avec ce filet,
étaient d'abord arrêtés par un chien très-ferme (4), et
l'on jetait le filet sur lui et sur son gibier.
Ronsard chassait avec grand plaisir à la tirasse,
au moyen d'un chien excellent que lui avait donné
son ami Jean Brinon, conseiller au parlement.
Mais sur tous les plaisirs de la chasse amiable
Celle du chien couchant m'est la plus agréable.
Claude Gauchet, chevalet et cheval contrefaict. G. Phœbus parle du
perclrisseur qui en « chantant et flajolant et prenant ses tours tousjours
plus près de elles sans les faire effroy, moine les perdriz à la tonne. »
(1) Voir la suite de gravures de Ridinger intitulée Ftirslcnhist (le
plaisir des princes).
(2) Aussi l'actif frère Jehan des Entommeures ne prenait-il pas de
plaisir à la tonnelle. Voir plus haut. Liv. I, ch. iv.
(3) Cette corde était quelquefois tenue par des hommes à cheval, et
un oiseau de proie dressé planait au-dessus des perdrix pour les em-
pêcher de s'envoler. (Voir les gravures de Stradan et celles de Jost
Amman.)
(4) Voir Claude Gauchet.
Ch.isse
(les perdrix
à l'amorce.
— 304 —
Vous diriez à le voir (le chien) et qu'il est raisonnable
El qu'il a jugement, tant il est admirable
En son mestier appris, et accort à flairer
Los perdris, et les faire en crainte demeurer
En quatre coups de nez il évente une plaine
Et guidé de son flair à petits pas se traîne
Le front droit au gibier, puis la jambe élevant
Et roidissant la queue, et s'allongcant devant,
Se tient ferme planté, tant qu'il voye la place
Et le gibier motte, couvert de la tirace (1).
La tirasse, mentionnée par Belon comme servant à
prendre les cailles, fut prohibée par l'ordonnance de-
1600, mais le parlement de Toulouse ne voulut en-
registrer celte ordonnance qu'en conservant aux sei-
gneurs et à toutes personnes autres que les laboureurs
le droit de chasser à la tirasse et aux chiens couchants
dans son ressort.
Louis XIV s'amusait, de temps à autre, à voir
tirasser dans ses parcs des perdrix et des faisans,
en présence des dames (2).
La chasse des perdrix à Vamorce ou à l'appât, à la-
quelle Sélincourt consacre un chapitre spécial, consis-
tait à agrener pendant quelque temps les oiseaux pour
les accoutumer à venir tous les jours à une même
place, 011 était préparé un rets saillant qu'un chasseur
embusqué dans une hutte faisait tomber sur eux en
tirant une corde (3).
Dans la chasse au pavillon dont parle le Roy Modus,
au lieu de la roye saillante, les perdrix étaient attirées
'.1) Poëincs de Ronsard, liv. I, t. VI de l'édition de M. P. Blanchemain.
(2) Dangeau, t. \L
(3j Voir le fioy Modus. — Voir Séiincoui't et VEnci/clopédie.
— 305 —
vers un pavillon, « tout rond par-dessus et lascliié de
fil qui ne soit mie trop délié; » le tout recouvert de
branches de genêt. Les oiseaux y entraient par une
sorte d'entonnoir en filet; une fois entrés, ils ne pou-
vaient plus retrouver le passage pour sortir, et res-
taient pris (1).
La chasse aux filets avec la chanterelle était connue
d'Aristote (2). Elien, Solin et Pline en ont parlé
d'après lui.
La chanterelle était le plus souvent employée avec chmtereiie.
le hallier. Parfois on la remplaçait par un appeau, et
la perdrix venait se prendre soit dans un hallier, soit
dans un petit filet nommé pochette qu'on tendait dans
les bruyères ou dans les vignes, à l'aide d'une hous-
sine de coudrier (3).
Claude Gauchet a consacré quelques vers à la ci,ass«
description d'une chasse aux cailles avec appeau et avl"^a'i,wu.
rets :
Ore, avec le caillé (4) de la caille femelle
Nous imitons la voix qui semble naturelle
Au masle qui l'entend, que s'il respond au chant
Et contrefaict et feinct nous allons l'aleichant
(1) Le Roy Modus. — Ce piège est encore usité en Allemagne. Voir
l'ouvrage intitulé die lagd in Rildern (La chasse eu images).
(2) Aristote croyait que le chant du coq-perdrix faisait venir les
mâles qui voulaient provoquer l'appelant au combat, et que la perdrix
femelle attirait ses rivales du même sexe. Chez les modernes on ne
se sert que de perdrix femelles.
(3) Aviceplologie . — Encyclopédie.
(4) Ou courcaillel, appeau. — Dans le canton appelé le Taradoit, aux
environs de Marseille , la chasse aux cailles se faisait à peu près de
la même manière, c'est-à-dire avec des appelants et des filets, pen-
dant le passage de retour. Les fdets n'étaient pas des rets saillants,
mais des espèces de pantières en soie verte. Ils coûtaient fort chei', et
iw. 20
— 30G —
Soubs la rets qu'eslenduns sur la verdure belif
D'un bled ju grandelet, alors de course isnelle
Il s'en vient droicl dessoubs et plein d'un chaut désir
Il ccrche, il chante, il court, et goulu du plaisir
A son dam, il se met sous la rets estendue
Pensant trouver, paillard, sa femme prétendue.
Qui est au guet se lève, allors espouvanté,
Voilant, pauvre il se sent dans la maille arresté
Chasse II y avait plusieurs manières de chasser les bécasses
1 casses. ^^^ fjlets. Une des plus usitées était la chasse à la
panlière. Dans un vallon creux et étroit, arrosé par
une fontaine, on tendait une pantière simple ou con-
Ire-maillée (1) de 24 à 30 pieds (7",78 à O^Ji) de
haut, liée à deux perches qu'on attachait elles-mêmes
à des arbres. Le chasseur, caché dans une hutte de
feuillages, tenait à la main un cordeau, au moyen
duquel il faisait tomber le filet, aussitôt qu'une bé-
casse y avait donné (2). On les prenait également à la
rajle (3).
Au xvf siècle, suivant Belon, on prenait les bé-
casses matin et soir, « à la volée, tant aux panneaux
qu'au pannelet et au royzelet (petit roijs ou retz), et à
ce faire, on se couvre d'un cheval à perdris ou d'un
foluel (4). Car la bécasse est moult sotte beste, qui ne
les riches propriétaires de bastides étaient seuls en étal d'en faire les
frais. On jirenait de cette façon de 1,5U0 à 2,000 oiseaux iiendant le
jiassage. Voir Magné de Marolles.
{[) La pantière contre-maillée était faite de trois pièces, deux mi~
niées et une nai)pe. — La chasse des bécasses à la pantière est repré-
sentée dans les gravures de Stradan.
(2) Encyclopédie.
(3) Sur cette chasse nocturne, voir le chapitre suivant.
(4) Le cheval à perdris était un engin seml)lable à la vache artili-
cielle. Le foluel devait êlre ce que VEnei/clopédic ai>|>ell(^ un leurre,
— 307 —
s'espouvanle aysémenl; parquoy l'homme ainsi cou-
vert approclie d'elle moult asseurément, et après que
l'homme a tendu son pannelet ou son royzelet, il la
conduit facilement jusque dedens. »
La canepetière était également prise au filet, ainsi ciia^se
que les pluviers; ces derniers étaient chassés sur une canepetière
iifrande échelle en Beauce et dans les autres pays de , f .
o r J (les pluviers.
labourage où ces oiseaux abondent en hiver.
Les paysans se rendaient en bandes dans les localités
où des volées de pluviers leur étaient signalées; l'un
d'entre eux portait un filet nommé le harnois (1) et le
tendait en rase campagne à découvert, caries pluviers
ne s' elfaroiichcnt pas pour peu de chose. Les autres for-
maient un grand cercle et approchaient des pluviers
en se traînant sur le ventre. Dès qu'ils voyaient le
harnois tendu, ils se levaient de roideur pour faire la
huée et jetaient en l'aire des marotes qu'ils tenaient à
la main, effarant ainsi les oiseaux qui s'envolaient en
rasant terre et donnaient dans les rets que l'oiseleur
faisait tomber sur eux (2).
« espèce de bouclier fait de petites verges, au milieu du([uel est un
morceau de drap rouge. » (Art. Perdrix.) Les Romains, suivant Némé-
sianus, se servaient de même de la peau d'un cheval blanc pour
prendre les bécasses :
FuUus equi niveis silvas pek proliniis allas
Exuviis, prxda csl facilis el ainœna scolopax.
Un cheval dressé ou la peau d'un cheval était aussi employé par
eux pour prendre l'outarde au filet. (Voir Athénée, cité par BulTon,
art. Oulardc.)
(1) Ce harnois, dit aussi rets saillant ou nappe, était un filet composé
de deu.s. pièces rectangulaires tendues sur des perches nommées
(juèdes. On le rabattait sur les oiseaux qui s'engageaient dans Vaire
des fdels en tirant une corde. Voir les R^iscs innoccnles.
(2) Belon.
aux paloiiiLes,
bisets
ellûurten-lles.
— 308 —
Chasse Pour prendre les bécassines, on se servait du traî-
auxLécassincs. ^^^^ ^^ j.^^ ^^_^^ triangulaire de 7 à 8 pieds de long
sur 6 de large (T",^! à 2", 59 sur l",94j, monté sur
une espèce de grande fourche qu'on tenait par le
manche et qu'on portait horizontalement. L'oiseleur
promenait son filet dans les prairies où il savait trou-
ver des bécassines; elles se levaient devant lui et don-
naient dans les mailles. Un homme adroit et connais-
sant bien les localités prenait jusqu'à cent oiseaux
dans sa journée (1).
ctese La loi salique défendait de dérober la tourterelle
prise dans le piège ou le filet d'autrui (2).
La chasse aux filets des ramiers ou palombes et des
bisets dans les vallées de la basse Navarre, de la
Soûle, du Béarn et autres pays voisins des Pyrénées,
avait jadis une grande importance, qu'elle a conservée
en partie (3). Elle se faisait avec des appareils consi-
dérables dont la description n'occupt; pas moins de
vingt pages dans le Traité de la chasse au fusil de
Magné de Marolles. Nous allons en donner un résumé
aussi succinct que possible.
oraniies Hult à qualorzc filets, hauts de 9 toises (I7"',5i) et
paiomières. |^j,gçg (Je 4 à 5 (7",79 à 9", 74), sont hissés à l'aide de
poulies attachées à de grands arbres dans une des
vallées servant de passage habituel aux bandes nom-
Ci) Labruyerre.
(2) Turlurem de rete
(3) En 1578, le vicomte de Turenno, ayant voulu rendre visite à Ca-
therine de Médicis en la ville d'Auch, ne put voir la Reine-Mère « es-
tant allée à une tente de palombes. » Méni. de Turenne.
— ;509 —
breuses de ramiers et de bisels qui vont de France
en Espagne pendant les mois de février et de mars.
Aux cordes qui soutiennent les filets de chaque
côté sont attachées des pierres qui les font tomber
plus rapidement, quand l'oiseleur, caché derrière une
petite haie dite emparence, lâche ses cordes.
Trente pas en avant des filets, se place la trèpe, ca-
bane de branchages, juchée sur trois troncs d'arbres
en forme de trépied.
Avant la trèpe, à droite et à gauche, des cabanes
semblables sont établies sur des arbres ; on les
nomme battes. D'autres huttes, couvertes de fou-
gère, sont construites sur le sol des coteaux qui for-
ment la gorge.
Lorsqu'une bande de palombes s'y engage , les
chasseurs, postés dans les battes, lancent en l'air des
matous ou raquettes de bois blanchies à la chaux,
pour effrayer les oiseaux et les empêcher de s'é-
carter à droite ou à gauche (1).
Lorsque le vol est arrivé à la trèpe , l'oiseleur qui
y est embusqué jette à son tour son matou et oblige
les ramiers à s'abaisser presque au ras du sol et à se,
précipiter dans les filets; aussitôt les hommes des em-
parences lâchent les cordes, et les filets tombent sur
les oiseaux.
On a vu prendre jusqu'à cent soixante palombes
(1) On suppose que les ramiers prennent ces raquettes pour des oi-
seaux de proie.
— 310 —
d'un coup de filet, mais il est fort rare qu'un en cap-
ture à la fois plus d'une centaine (1).
On prenait presque toujours des bisels avec les pa-
lombes; mais il y avait, principalement dans les
basses vallées, des appareils spéciaux pour ces oiseaux.
On les nommait pantières; la disposition en était à
peu près la même que celle des palomières.
Pour attirer les bisets dans les pantières, on se ser-
vait souvent d'appeaux vivants (2).
neis saiiimt. Ou cliassait aussi les ramiers avec la rets saillante.
Claude Gauchet donne une description assez détaillée
de cette chasse.
Les oiseaux étaient agrenés en temps de neige avec
des faînes, et prenaient ainsi l'habitude de fréquenter
une place où l'oiseleur venait tendre ses rets. Puis,
pour les asseurer, il allait chercher dans les bois l'en-
droit où les ramiers avaient passé la nuictée, et les
attirait en chifflant vers le piège.
Lorsque la grand' troupe s'est enfin abattue sur la
place où est semée l'amorce, le chi/fleur
Prend le cordeau tendu, dans ses mains il le ]iasse,
Et s'estriquant des pieds en tirant se roidit
La guille (3) se desbande et dedans Tœr bondit
La corde en saute en haut, d'une secousse telle
Qu'en un instant l'oiseau couvert de la liscolle,
Pensant s'ostcr de là, void en un couj) et sent
Sous la neige caché le fdet qui descend.
Chasse Du temps du Roy Modus on prenait la nuit an feu
an fini.
(I) Dans la iialuinièrc di' Liccral/ , ou priMiail anum'IlcuiL'iit 1 à
0,000 ramiers et ([uelques liiselt;. (Ma^ni'' de Marollos.)
(-2) Mngné de Mai-oiies.
(:5) liuilh: ou ijiihlr. pcrrho diifilcl.
— 311 --
pertrijc, bécaches, ividccoK (I), oiseaalx de rivière et moult
d'autres. Pour faire celle l'oiiée, dit le sage monarque,
« ils sont trois gens, les uns portent le feu et la cloclie
les autres ij portent chacun ung réseul et celuy qui
porte le feu et la cloche est entre les deux autres (2). »
LesmewIiC employés à cette chasse étaient des couvcr-
toirs à long manche (3).
La chasse des perdrix au feu avec filels était sur-
tout pratiquée en Allemagne du temps de Sélin-
court.
« Quand la gelée tient les champs secs, on choisit
un heu propre à coucher un long filet, assujetti et
tendu par des cordes, de manière qu'il soit prompt
et preste à s'abattre, à peu près comme les nappes du
filet d'alouettes, mais sur un espace plus long; on le
recouvre de poussière ; puis on y place quelques oies
privées pour servir d'appelants ; il est essentiel de faire
tous ces préparatifs le soir, et de ne pas s'approcher
ensuite du fdet, car si le matin les oies voyaient la
rosée ou le givre abattus, elles en prendraient dé-
fiance. Elles viennent donc à la voix de ces appelants,
et, après de longs circuits et plusieurs tours en l'air,
elles s'abattent. L'oiseleur, caché à cinquante pas dans
Chasse
des oiseaux
aqualiqucs.
Chasses
avec
appelants.
(^1) Le Roy Modiis désignant d'habitude notre bécasse par le mot de
wldccoq, il est à croire que ses hécaclics sont des bécassines. Yoir Ma-
gné de MaroUes.
(2) On chassait encore la bécasse de cette manière en Bretagne, il y a
quelques années. Voir La vie à la campagne, t. II.
(3) La chasse des perdrix au feu avec un couvertoir est figurée dans
les planches de Stradan. Olivier de Serres parle aussi de celte chasse.
Voir plus haut.
— 312 —
une fosse, lire à temps la corde du filet, et prend la
troupe entière ou en partie sous sa nappe. » C'est en
ces termes que Pierre de Crescens, dans son livre des
Profits champêtres, composé à la fin du xui^ siècle,
décrit la manière de prendre les oies sauvages avec
les rets saillants (1).
Une épigramme d'Alciat nous fait voir qu'au com-
mencement du xvi^ siècle on savait de même attirer
les canards sauvages dans les filels, à l'aide d'appe-
lants (2).
« Où les canards et autres oyseaux de rivière abon-
dent, dit Olivier de Serres, comme es grands estangs
et près des mers, là on s'exerce en grand volume en
telle espèce de chasse, mesme en Holande en ceste
manière. On y employé un canari vif, attaché au bord
de l'eau qui appelle les passagers, lesquels tombez
en l'eslang, s'en vont treuver celuy qui les invite : et
à ce que ce soit tant plus lost et en tant plus grande
troupe, un chien duit à tel service, nageant par l'es^
tang, les va ramassant des lieux les plus esloignez
pour leur faire tenir le chemin requis, où assemblez,
se treuvenl prins par le moyen d'un filé la auparavant
(1) Opus ruraliuiii commodovwn. Imprimé à Augsbourg on 1471. —
Voir aussi les Chasses de Stradan.
{T) Allilis allectalor anas
Congénères cernens volilare per aéra turnuts,
Garril, in iilanim se recipilque f/regem,
Incaulds (fnnrr prœlcusa in relia durai.
{Epiçiraininula selecla eu: Anlholof/id, latine versa. Bàlo, 1529.) Si
relte ô])igiKn)me est réolleniciit traduite du grec, elle ferait remonter
relto sorte de cette diassc à une haute anti<iuité.
— 313 —
tendu, qu'un homme caché auprès deslend quand il
en void le poinct (1). »
Angelio, dans son poëme latin sur l'oisellerie, en-
seigne une manière de prendre les canards aux filets
qui, comme celle-ci, n'est pas sans analogie avec les
grandes canardières dont il sera parlé ci-après. On
couvre de filets en forme de berceau une petite ri-
vière ayant son embouchure dans un lac ou étang.
On entoure, avec nombre de barques, les canards ou
autres oiseaux aquatiques qui se trouvent sur l'étang,
et on les pousse vers la rivière (2).
La chasse aux canards sur les étangs du Ponthieu,
qui est roijale, dit Sélincourt, se pratiquait de la ma-
nière suivante au xvu* siècle :
Tous les ans, au mois de juillet, lorsque les oiseaux cimsse
. , ^ , . aux canards
de rivière sont en mue et ne peuvent voler, on reunis- sur les
sait les paysans de plusieurs villages assujettis à ce poXieu"
service à titre de corvée; on les faisait dépouiller et
entrer dans les roseaux des étangs pour faire un tric-
trac, tandis que les officiers de la maîtrise (des eaux et
forêls) suivaient les bords en bateaux pour les faire
marcher en bon ordre. De grands panneaux étaient
tendus d'espace en espace au travers de l'élang. Les
traqueurs, armés de longues gaules, poussaient douce-
(1) Cette chasse aux lilels, assez vagnenjent décrite par l'auleur tli)
Théâtre d'agricuUure, est évidemment la mènie que celle dont il sera
parlé un peu plus bas et qui se faisait avec des canardières en Hol-
lande et en Picardie. L'attirail de filets devait seulement avoir moins
d'importance que dans cette dernière.
(2) [chneulicon, sive de Aucitpio, lib, I. (Dant un lecucil de poésies
ini]iriniées à Rome en 1585.)
— 314 —
meiU les palmipèdes jeunes ou adultes vers les filets,
au bout desquels étaient a[)Ostés des guetteurs. Arrivés
au premier panneau, les chasseurs passaient outre,
après avoir saisi tous les oiseaux qui s'y étaient jetés,
et la chasse continuait de même jusqu'à l'extrémité
de l'étang.
Dans ces trictracs on prenait une quantité prodi-
gieuse d'oiseaux aquatiques de toute sorte.
cananiiores. Ou capturail aussi, pendant les passages, une mul-
titude de palmipèdes au moyen de canardières.
Une des plus importantes était celle établie sur
l'élang d'Armainvilliers en Brie, qui appartenait vers
la fin du xvjk" siècle au duc de Penlhièvre.
D'une anse ombragée par des bois et des roseaux,
que l'eau formait sur un des côtés de ce vaste étang,
on avait dérivé des canaux, nommés cornes, qui péné-
traient en se recourbant dans l'intérieur du bois, et
diminuaient progressivement de largeur et de pro-
fondeur.
Ces canaux étaient recouverts de filets en berceau,
qui allaient aussi en se resserrant et s'abaissant, et
finissaient à la pointe du canal par une nasse pro-
fonde et formant poche.
Au centre du bocage et des canaux, dans une petite
maison, était installé à poste fixe le canardier, qui
nourrissait une centaine de canards demi-privés ou
traîtres, vivant en liberté sur l'étang, et accoutumés
à venir prendre leur nourriture dans les canaux à
heure fixe, au signal d'un coup de sifflet.
Au moment du passage, lorsipie des nuées de
canards sauvages, de southels, de garrots, de sar-
— 315 —
celles venaient s'abattre sur l'étang, le canardier
donnait à ses traîtres le signal accoutumé; ceux-ci
arrivaient en volant dans l'anse, et entraînaient avec
eux les oiseaux sauvages jusque dans les cornes. Le
canardier les faisait avancer sous le berceau de Glels
en jetant du grain devant eux. Puis, se montrant
dans les intervalles ménagés exprès entre des claies
disposées obliquement, qui jusqu'alors l'avaient caché
aux arrivants, il effrayait ceux qui étaient sous le ber-
ceau, et les poussait jusqu'au fond du cul-de-sac, où
ils s'enfonçaient dans la nasse. On en prenait ainsi
jusqu'à une soixantaine à la fois, et des milliers dans
le cours d'une saison (1).
Une chasse analogue se faisait en Angleterre, dans
les marais des comtés de Lincoln et de Norfolk, ainsi
qu'en Hollande, sur le Queller-Duyn, et, en France,
dans quelques cantons marécageux du Laonnais et de
la Picardie (2). Dans ces pays, outre les canards traîtres,
on se servait de petits chiens roux, assez semblables
de pelage à des renards.
Ces animaux attirent les oiseaux aquatiques par un
effet de l'antipathie qu'inspire à ceux-ci le quadru-
pède malfaisant dont ils ont I;i couleur, connue on
voit les moulons s'avancer sur un chien étranger et
les oisillons se rassembler autour du hibou (3).
(1) Lettre de M. Ray, secrétaire des commandements de S. A. Ms"- le
duc de Pcnthièvre à M. deBuffon. — Hisl. nul., art. Canard.
(2) Encyclopédie, au mot Canardicrc. — Mémoire sur les canards
fonimuniqué à Buffou jiar M. nébci't dnns Vllisl. )ial., art. Canard.
(:?) C-i'i^ l)otils chiens sont aussi les principaux acteurs d'une chassi'
— 316 —
Les appelants étaient encore utilisés pour attirer
les oiseaux d'eau soit dans des halliers tendus autour
d'un canton de joncs, soit dans la forme ou espace
que peuvent recouvrir, en se rabattant, des filets en
façon de nappes, assujettis sur la vase à l'aide de deux
fortes barres de fer. Ces filets sont manœuvres avec
des cordes de détente que le chasseur tire d'une hutte
où il se tient caché, lorsqu'il a réuni au moyen de ses
traîtres un nombre suffisant de palmipèdes dans la
forme. On en prend souvent une douzaine d'un coup
par ce moyen.
§ 2. CHASï>E DU GIBIER A PLUMES AVEC DIVERS ENGINS.
ciKtsse Parmi les moyens que le Roy Modiis enseigne à son
(lu faisan au . • i i n • -i
miroir, appreiiti pour prendre les faisans, il en est un assez
bizarre qui consiste à attirer avec des grains ce noble
oiseau jusqu'auprès d'une cage sous laquelle est un
grand miroir. Il croit voir un rival, se jette sur le
miroir bien roidement et fait tomber la languette à
quoij la raige est tenue (I).
Buffon dit de même, sur la foi d'Aldrovande, qu'il
au fusil très-productive, qu'on nomme le badinage, et qui est encore
pratiquée sur les rivières et les étangs de la Franche-Comté. ( Voir,
sur la chasse au badinage en Franche-Comté, deux articles intéres-
sants de M. le comte de Reculot, dans le Journal des chasseurs, 1836
et 1837.)
(l) On se servait aussi d'une esjjèce de cage vulgairement appelée
Urbuchet, mue ou tombereau, pour prendre une comjtagnie de perdrix
appusiées en un lieu. (Voir les Ruses innocentes,) hc lumbcrel du Itoy
Modus est un lilet, une espèce de rets saillant.
— 317 —
suffît de présenter au faisan sa propre image, ou seu-
lement un morceau d'étoffe rouge , cousu sur une
toile blanche, pour l'attirer dans le piège.
On a déjà vu (livre II) comment le Roy Modus et
Belon décrivent la chasse de la bécasse à la foUe-
touère. On prenait aussi cet oiseau au collel, au re-
jettail ou rechargeouer, « qui est un archet auquel on
a tendu un lasset pour les prendre par le pied (1). »
Les bécassines se prenaient également au rechar-
geouer (2).
On tendait des lacs ou collets (3) à toute espèce de
gibier emplumé, perdrix attirées avec la chanterelle,
faisans, râles noirs, poules d'eau (4), bécasses (5) et
lagopèdes (6).
(1) Belon. — Ce piège est Jiguré dans les gravures de Ph. Galle,
d'après Stradan.
(2) Ibidem. — Labruyerre parle aussi de cet engin sous le nom de
sauterelle^ comme employé contre les bécassines.
(3) Selon VAviceplologie, le lacel ne doit pas être confondu avec le
collet, M car dans celui-ci la présence de l'oiseleur devient inutile, au
lieu qu'elle est indispensable pour la chasse au lacet. » Cependant ces
deux mots sont employés indifféremment par la plupart des auteurs et
dans le langage usuel.
Le lacet ou nœud coulant est un des premiers engins inventés par
l'homme en tout pays. Il en est fait mention dans l'Écriture sainte; les
Grecs et les Romains s'en servaient beaucoup. Dans le XXII" livre de
ÏOdyssée, Homère compare les esclaves coupables pendues par Télé-
maque à des colombes ou à des grives qui , retournant à leur nid,
sont prises dans des lacets placés au milieu d'un buisson.
Selon Némésianus, les Romains profitaient des extases amoureuses
du tétras pour lui passer un lacet au col. (Voir un fragment de VAucii-
pium de cet auteur dans l'ouvrage de \'lit.) Horace, dans l'épode II',
parle de grues prises aux lacets.
(4) Belon.
(5) On tendait les lacs pour la bécasse dans une passée ménagée au
milieu d'une petite haie. (Encyctopcdie.)
(6) Gessner dans Buffon, art. Du Lafjoi^ède.
— 318 —
Les oies el les canards sauvages étaient aussi saisis
avec des lacets de crin, qu'on attachait k des piquets
plantés dans l'eau (1).
iiame-nns. « L'on prend aussi les canards au hameçon ,
presques comme poissons, c'est en enveloppant les
hameçons avec des tripailles et iceux attachés h terre
par des cordelettes, les canards voyans de loin telle
viande, nageans sur l'eau, l'engloutissent avec les ha-
meçons dont ils se trouvent pris par le bec (2). »
Pince La pince d'Elvaski , inventée seulement au
xvni* siècle, était, dit V Aviceptologie , « un fléau ter-
rible pour les oiseaux les plus fins » et faisait une
grande destruction de palmipèdes de toute sorte (3).
(1) Les Ruses innocentes.
(2) Olivier de Serres. — Voir aussi les Boises innocentes.
(3) Voir la description et la figure de cet engin dans VAviceplologie.
C'est un piège de gros fil de fer, tourné en spirale, el assez compliqué.
Les gluaux étaient rarement mis en usage contre le gibier à plumes,
à cause de la force et de la taille des oiseau.x. de cette catégorie. Cepen-
dant on voit dans les Ruses innocentes qu'on prenait quelquefois des
canards sauvages avec une corde engluée, tendue dans le marais.
lîTJv.iski.
CHAPITRE m.
Oisellerie.
Nous entendons par oisellerie l'art do prendre, avec
toutes sortes de pièges el d'engins, les oiseaux qui ne
sont pas considérés comme gibier, soit à cause de leur
petitesse, comme les grives, alouettes et bectigues,
soit à cause de la mauvaise qualité de leur chair,
comme les geais, pies et corbeaux, bêtes malfaisantes
qu'on ne pourchasse que pour les détruire.
L'oisellerie mérite à peine le nom de chasse.
Quoi qu'en ait dit un ingénieux et spirituel avocat de
la pipée (1), ces tueries, lorsqu'elles ne peuvent in-
voquer pour excuse les dégâts commis par les vic-
times, n'ont généralement pour mobile qu'un lucre
peu recommandable ou une gourmandise qui n'est
(1) Voir une série d'articles de M. Toussenel dans le recueil inti-
tulé Z,« vie à la campuqnc, 1"= année.
— 320 —
pas toujours juslifiéo (l). C'est plus que jamais le cas
de procéder sommairement et de renvoyer, pour les
détails, aux ouvrages spéciaux, principalement au
Solitaire inventif el à V Aviceptologie françoise.
Au moyen âge, ces chasses aux oisillons ont cepen-
dant été assez en honneur pour que les Rois de
France aient eu des oiseleurs et des brilleurs en titre
d'office (2).
Louis XIII, Louis XIV et les princes de sa maison,
le Roi Stanislas et le comte d'Eu s'y amusèrent aussi
quelquefois.
§ 1. PIPÉE ET GLUAL'X.
On nomme pipée une sorte de chasse basée sur l'an-
tipathie naturelle qu'éprouvent tous les oiseaux qui
se perchent, pour les hiboux el les chouettes. On en
profite pour les attirer dans les gluaux, soit en leur
montrant l'objet de leur haine, soit en imitant son
cri (3).
(1) Le mérite culinaire de la grive, de l'ortolan, de l'alouette et du
becligue est incontestable. La délicatesse de leur chair peut, à la ri-
gueur, faire oublier aux gastronomes la gentillesse du rouge-gorge et
les chants mélodieux du rossignol ou de la fauvette ; les gros-becs et
les moineaux pillards sont peu dignes de pitié; mais connnent excuser
les hécatombes de pinsons, de verdiers, de mésanges, de bergeron-
nettes, d'hirondelles, voire même de roitelets et d'une multitude d'au-
tres oisillons qui rendent les plus grands services à l'agriculture
en détruisant les insectes cl dont la plupart nous égayent par leur
ramage '?
(2) Voir aux Pièces justificatives, t. I'". — Sur la chasse aux oisil-
lons à brille)', voir plus bas.
(3) Los oiseaux qui se prennent à la iiipée sont : les rapaces diurnes
et nocturnes, les coi'beaux, les ]ùes et les geais, les merles, les grives,
— 321 —
La première manière d'attirer la gent eraplamée
était bien connue des Grecs et des Romains (1).
C'est la seconde qui est la plus usitée, en France,
depuis des siècles. A l'imitation du cri de la chouette,
l'oiseleur ajoute celle du gazouillement de divers oi-
seaux, ce qui excite la curiosité de leurs congénères.
C'est ce qu'on appelle frouer.
Souvent le pipeau et la chouette vivante sont em-
ployés simultanément.
Le Roy Modus consacre un chapitre à deviser com-
ment on prend les oyseauh à la pipée. La saison de
piper au bois commence après la Saint-Michel et dure
tant comme les fueilles sont aux arbres. La pipée qu'il
décrit se faisait au moyen d'appeaux et d'une chuette
ou ung autre huant mis sur un bâton.
La vive peinture d'une pipée figure parmi les Plai-
sirs de l'automne dans le poëme de Claude Gauchet :
les oiseaux, attirés par le cauteleux pipeur,
Dans les gluaux tendus se jettent de malheur.
Pris, ils tombent à bas, et du sault qu'ils se donnent
Sur la terre estourdis et mi-morts s'abandonnent
Ores tombe une pie, or un gay babillard
Ores deux, ores trois, etvoid on d'autre part
Tourner autour de l'arbre avec voix agassante
La trouppe des corbeaux sans cesse bavolante
La grive, le maumus (2), le verdier, le pinçon
Approchent, caquetans, de buisson en buisson
les pinsons, les gros-becs, les piverts, les rouges-gorges, les rossignols,
les fauvettes, les verdiers, les bruants, les moineaux et les roitelets.
(1) « Les autres oiseaux, pendant le jour, volent autour de la chouette,
c'est pourquoi on s'en sert pour prendre toutes sortes d'oisillons. »
Aristot. Hist. anim., lïb. IX, cité par Buffon, Des oiseaux de proie noc-
turnes.
(2) Lisez mauvis.
III. 21
— 322 —
De loing le merle vient, qui peu à peu s'approche
Et trouve, branchettant, un gliion qui l'accroche.
Nous venons de voir Olivier de Serres recomman-
der la pipée au gentilhomme campagnard (1).
Sélincourt donne aussi la description de la pipée.
De son temps, les princes ne dédaignaient pas d'en
prendre parfois le plaisir.
On lit, dans les Mémoires de Dangeau, sous la date
du 13 janvier 1688 : <i Le Roi partit d'ici sur les cinq
heures et alla coucher à Marly, Monseigneur y alla
avec M"^ la princesse de Conty et passa par le parc où
ils avaient fait préparer une pipée. Il faisoit si froid
que les dames ne sortirent point du carosse. Il y avoit
avec la princesse de Conty M""" les marquises de Sei-
gnelay, d'Urfé, de Richelieu et de Dangeau. »
Le comte d'Eu, fils du duc du Maine, s'amusa aussi
sur ses vieux jours à cette petite chasse, qui conve-
nait à son état d'infirmité. Dans l'état des chasses à tirer
de S. A., en ïannée 1773, il est relaté que, le 8 no-
vembre, il prit quatre-vingt-neuf pièces à la pi-
pée (2).
oiuaux. Les gluaux qui formaient l'engin essentiel de la
pipée servaient à beaucoup d'autres chasses.
M. de Sonnini, seigneur de Manoncourt en Lor-
(1) Dans son livre délie caccie, Raimondi nous apprend qu'au com-
mencement du xvii° siècle on faisait en Italie une chasse aux oisillons
semblable à la pipée, où l'oiseau de nuit était remplacé par une belette,
ennemi non moins détesté de la gent cmplumée. Le caccie délie fiere
annule e disarmale. Brescia, IG21.)
(2) Ms. de la bibliotlié(|ue de la Rcino Marie-Amélie.
— 323 —
raine, et l'un des principaux collaborateurs de Buf-
fon , chassait les alouettes aux gluaux sur une très-
grande échelle et fut souvent honoré de la présence
de son souverain, le bon Stanislas. « On commence
par préparer quinze cents ou deux mille gluaux, ces
gluaux sont des branches de saule bien droites, ou du
moins bien dressées, aiguisées et même un peu brû-
lées par l'un des bouts. On les enduit de glu par
l'autre de la longueur d'un pied; on les plante par
rangs parallèles dans un terrain convenable, qui est
ordinairement une plaine en jachère et où l'on s'est
assuré qu'il y a suffisamment d'alouettes pour in-
demniser des frais qui ne laissent pas d'être considé-
rables. L'intervalle des rangs doit être tel qu'on puisse
passer entre eux sans toucher aux gluaux; l'inter-
valle des gluaux de chaque rang doit être d'un pied,
et chaque gluau doit répondre aux intervalles des
gluaux des rangs joignans. »
Sur les quatre ou cinq heures du soir, les chas-
seurs, nécessairement nombreux, manœuvrant très-
régulièrement, formaient une battue en cercle et
poussaient vers les gluaux les alouettes de la plaine,
qui rasent la terre à cette heure. On prenait jusqu'à
cent douzaines d'alouettes et plus dans une de ces
chasses, dont nous avons parlé avec quelque détail,
à cause de leur importance et du grand appareil qu'on
y déployait. Celles où l'on n'en prenait que vingt-
cinq douzaines étaient considérées comme manquées.
Quelquefois des perdrix et même des chouettes ve-
naient se jeter dans les gluaux, au grand dépit des
chasseurs, parce que ces oiseaux faisaient enlever
— 324 —
les alouettes qui passaient alors au-dessus des
gluaux (1).
C'était encore avec des gluaux qu'on prenait les
oisillons à Yabreuvoiry à Varhret (2) et à la pas-
sée (3).
§ 2. CHASSE DES OISILLONS AUX FILETS.
Cette chasse était très-connue et très-usitée dans
l'antiquité. Horace parle de la chasse aux grives avec
le filet à nappes (4).
C'était avec ce genre de filet, dit également rets
millant (5), qu'on chassait les alouettes il y a quelques
années, avant que la loi sur la chasse de 1844 fût
venue en interdire l'usage. Le miroir servait à les
attirer dans la forme du filet, ainsi que les becfigues
et les linottes. On les appelait parfois avec des mo-
quettes, oiseaux vivants attachés par la patte à un
piquet (6).
Ce même filet, amorcé de menue paille et garni de
moquettes, prenait, pendant les premières neiges, une
(1) flisl. nul. tle Bufforijart. de l'AloueUe.
(2) L'arbret ne différait de la pipée qu'en ce que les oiseaux
étaient attirés avec des appelants et non en pipant. La chasse à l'a-
breuvoir se faisait aussi avec divers pièges. Voir VAvicejHologie.
(3) Voir le Moy Modus.
(4) Aul aniUe levi rara lendit relia
Turdis edacihus dolos.
{Epod. 2.)
Voir aussi Rich,
(5) Selon quelques-uns, le rets saillant ilifférerail du filet à nappes
en ce qu'il n'aurait qu'un côté.
(fi) iJicl. d'hisl. nat., art. Alovelle.
— 325 —
multitude de moineaux, de pinsons, de verdiers, de
chardonnerets et de bouvreuils (1).
Les ortolans étaient et sont encore capturés de la
même manière dans nos provinces méridionales, pen-
dant leurs passages de printemps et d'été.
Les nappes et les moquettes étaient aussi en usage
pour chasser les alouettes à la ridée, en les poussant
vers les rets au moyen de battues faites lentement.
On prenait les alouettes au traîneau, à la tonnelle
murée (2) et aux fourchettes (3). Les becfîgues et les
pinsons étaient victimes des mêmes engins.
Avec Varaigne, grand filet de soie ou de fil teint
en brun, on chassait dans les haies les merles, les pin-
sons, les becfigues et les oisillons de toute espèce
dans les vignes (4). Louis XIII se livrait volontiers à
ce passe-temps dans les charmilles des Tuileries (5).
La chasse au rafle ou à la rafle se faisait de même
dans les haies, avec un filet contre-maillé de ce nom.
Mais on opérait pendant la nuit et avec une torche
enflammée, dont la lueur attirait et fascinait les oi-
sillons (6).
Le comte d'Eu eut quelquefois la fantaisie de chasser
au rafle (7).
(t) Ibid. Art. de ces différents oiseaux. —Aviceplologie.
(2) C'était une tonnelle ordinaire, dont on fermait l'ouverture dès
que les alouettes y étaient entrées. {Encyclopédie.)
(3) Ces fourchettes tenaient soulevé un côté d'un fdet sous lequel on
poussait les alouettes. {Ibid.)
(4) Aviceplologie. — Uicl. d'hisl. luil.
(5) D'Arcussia. — Le Roi se servait surtout des araignes pour empê-
cher les oisillons de se dérober aux poursuites de ses pies-grièches.
(6) Ruses innocenlcs.
(7) Ms. déjà cité.
— 326 —
Le Roy Modus enseigne encore à prendre les aloes
au feu, à la cloche et au réseul (1), et les mauvis à la
volée, quand ils reviennent des vignes, avec une roys
faite comme pour la volée aux ividecoqs, mais plus
déliée.
§ 3. LA FOUÉE,
« La chasse des oyseaux, dit Sélincourt, se fait aussi
le long des hayes avec du feu, l'hyver L'on bat
les hayes d'un côté, et de l'autre côté on rabat les
oyseaux qui en sortent avec des ravaux qui sont faits
de branches de feuillues, et à la clarté du feu l'on
les prend; cette chasse s'appelle aller à la fouée (2). »
Pour rabattre les oiseaux, on se servait souvent de
palettes faites avec des branches de coudrier, dont
les ramifications étaient tressées en forme de raquette.
On peut voir, dans les chasses gravées par Phihppe
Galle, d'après les dessins de Stradan, une fouée avec
palettes, lanterne et sonnette. Dans cette planche, les
oiseleurs y joignent une arbalète à jalet.
Une autre gravure de la même suite nous fait voir
des oisillons, attirés par la lueur d'un flambeau dans
des gluaux posés sur des buissons.
La darue, ou le boullot, décrite par Claude Gauchel,
(I) Voir plus haul.
Çl) Cette chasse s(' pialiciuc encore, malgn'' la loi de 1844 qui pro-
hibe les chasses nocturnes, dans quelques-un? de nos départements
seiilentrionaux. Elle y porte toujours le nom de f'uucc, prononcé
foudie. Voir lo Journal 'Irs rhassctirs. 1859.
— 327 —
était une chasse du même genre. On y faisait seule-
ment usage, au lieu de ravaux ou de palettes, de bril-
loirs ou rameaux touffus enduits de glu. Trois oise-
leurs, armés de ces brilloirs et précédés d'un porteur
de torche, allaient pendant la nuit le long des buis-
sons et des haies, et arrêtaient avec leurs engins les
oisillons qu'un autre chasseur en faisait sortir avec
une gaule (1).
Ces diverses manières de chasser au feu s'appelaient
briller, et on appelait les oiseleurs nocturnes brilleurs
ou brilleus (2).
Le comte d'Eu, qui paraît, sur ses vieux jours, être
devenu grand amateur de toutes ces petites chasses,
allait parfois prendre des oisillons au feu avec des
palettes.
§ 4. CHASSE DES OISILLONS AVEC DIVERS ENGINS.
Une des plus anciennes méthodes de capturer les ciiasse
oisillons est la chasse au brait, décrite par le Roy
Modus, qui lui applique la dénomination de chasse à
briller : « A prendre les mauvis à briller a très bon
déduit et se fait en vendanges quant les roisins sont
meurs. »
(1) Les plaisirs de Vhyver. Voir aussi cette cliasse dans les Ruses
innocentes.
(2) Le Roij Modus applique le mot de briller à une autre espèce de
■chasse dont nous allons parler. On ignore si les brilleus en titre d'of-
fice qui figurent dans les comptes de la maison royale au commence-
ment du xiv= siècle étaient employés aux fouées ou à la chasse dé-
crite par le Roy Modus.
au brail.
— 328 —
Dans une grande loge en feuillage se tiennent trois
compagnons ou quatre^ bien couvers. Ils sont, armés de
brillets ou brillons en chêne (l) « d'ung quartier sec,
sans neu, faits au rabot ainsi comme une flesche; »
chaque brillet, de A pieds de long, « doit estre
de ij verges, de quoy la plus grosse sera cavée tout
du long et l'autre entrera dedans si justement que
le pié du plus petit oysel du monde ne pourroit yssir
et quant elles sont l'une dedans l'autre, elles sont
perciées et y est mise une bien déliée cordelette
qui est de chanvre pignée... et quant on la tire, elle
faict clore le brillet. » Cet instrument est emmanché
sur un bâton de même longueur.
Les oiseaux, attirés au moyen d'un appeau et d'une
chouette, viennent se percher sur les brillets, l'oise-
leur tire la cordelette et ils sont saisis par les pattes.
« Et sachiez que c'est si bon déduict et si chault que
c'est merveille et qui est en bon pays de mauvis, on
y en prent tant comme on veult. »
Olivier de Serres décrit aussi cette chasse, où l'on
prenait non-seulement des mauvis , mais toute espèce
d'oisillons.
« Le plaisir y est singulier, » dit le vieil agronome,
« de voir un oyseau difforme, perché parmy la ver-
dure et les fleurs, attirer à soy infinité doysillons,
venant de toutes parts contempler sa mine, sa conte-
Ci) Dans le midi de la France où ccUo chasse se pralique encoi'c,
ces engrais sont nommés hrczels. Voir le Journal des chasseurs, an-
née 1855.
— 329 —
nance, sa laideur, le pinceans, chantans chacun son
ramage comme pour le braver et se mocquer de luy,
et au bout de cela se sentir prins par les griffes avec
le brey (petit instrument composé de deux basions se
joignant de leur long, que l'oyseleur caché dans sa lo-
getle fait joiier à poinct). »
Les chasseurs étaient souvent couverts de feuillage,
ou portaient une hutte ambulante, voire môme un
panier revêtu de rameaux verts (1).
Sélincourt décrit cette même chasse sans lui don-
ner de nom particulier. VOijselier, caché dans une
hutte fixe, attire les volatiles avec un appeau de fer-
blanc et des moquettes. Les hrails sont placés au-des-
sus de la cabane; les oisillons viennent s'y poser,
« à l'instant l'oyselier tire la fiselle et les prend par
les pieds et en prend en si grande quantité que l'on
ne pourroit le croire, si cela n'avoit été vu souvent à
Saint-Germain oîi le Roy en personne faisoil chasser
ledit oyselier. »
A cet engin destructeur les oiseliers en ajoutaient
une foule d'autres, destinés aux seuls oisillons, comme
raquettes, trébuchets, fossettes, assommoirs dits du
Mexique, mésangettes, etc. ('2).
Presque tous les pièges employés contre le gibier a
plume servaient aussi à l'oisellerie , particulièrement
(1) Voir les gravures de Galle et SLradan, et V Encyclopédie, v° Pa-
nier. C'est avec une espèce do hutte ambulante en paille que se fait
actuellement la chasse au brézet.
(2) Voir tous les traités d'oisellerie, notammi-nl VAviceptolor/ie.
— 330 —
Je rejet ou rechargeoir, les collets ou lacets (1), la
pince d'Elvaski, les hameçons et autres.
(1) Dans les gravures de Galle et Stradan, on voit une chasse aux
alouettes où ces oiseaux terrifiés par la présence d'un autour dressé
sont pris au moyen de lacets attachés au bout d'une perche. — Le
collet à piquet et le collet pendu sont qualifiés de fléau des merles et
des grives dans VAviceptologie. Le collet à ressort détruisait une quan-
tité de pies et de geais. Les enfants des villages poussaient la rage
destructive jusqu'à tendre des lacets sur les nids pour prendre les
couveuses.
LIVRE X.
CHASSES AVEC LE GUÉPARD DRESSÉ ET AUTRES CHASSES.
(chasses SOUTERRAINES. CHASSES DANS LES HAIES
ET DANS LES TOILES.)
Nous nous proposons de réunir sous ce titre la
description de quelques chasses qui n'ont pu trouver
leur place dans aucune des divisions de cet ouvrage et
qui méritent cependant de ne pas être passées sous
silence. Telles sont la chasse avec le guépard dressé,
les chasses qui se font sous terre, avec le furet et les
chiens bassets , et les grandes chasses dans des en-
ceintes de baies et de toiles , qui ne doivent pas être
confondues avec les chasses faites à l'aide d'engins et
de pièges, comme nous le démontrerons plus loin.
CHAPITRE PREMIER.
Chasse avec le guépard.
Le félin qu'on employait à la chasse en Italie et en
France aux xv*" et xvf siècles et qu'on y emploie en-
core en Asie est le guépard (felis juhata] , connu des
Arabes sous le nom de fadh, et des Indous sous celui
de tchitah. C'est le léopard des anciens et des auteurs
du moyen âge. Issu, h ce qu'on croyait, du lion et de
la panthère, il devait sa fabuleuse généalogie et son
nom qui en était la conséquence à une apparence
de crinière qu'il porte sur le col. Le guépard diffère
des autres félins en ce que ses ongles ne sont pas ré-
tractiles, ce qui l'empêche de grimper sur les arbres.
Il est aussi d'un naturel plus docile et moins féroce.
L'usage de dresser le guépard pour la chasse est très-
ancien en Orient. Les Egyptiens ne paraissent pas
l'avoir connu, du moins leurs monuments n'en pré-
sentent aucun vestige; ce qui est d'autant plus ex-
traordinaire qu'ils chassaient avec des lions apprivoi-
— 333 —
ses et que des chats domestiques leur servaient de re-
lrievers([].
Le guépard est figuré dans les bas-reliefs assyriens
sans qu'on puisse bien voir si c'est comme auxiliaire
ou comme proie du chasseur (2).
Les Grecs semblent avoir connu cette chasse. Un
bas- relief du musée du Louvre nous montre un faune
faisant jouer avec un lièvre une petite panthère qui
pourrait fort bien être un guépard.
Les Francs trouvèrent la chasse avec le guépard
pratiquée en Syrie dès les premières croisades.
Jacques de Vitry, chroniqueur du xni^ siècle, dit que
« les léopards, ainsi nommés parce qu'ils sont sem-
blables aux lions par la léte et par la forme de leurs
membres, quoiqu'ils ne soient ni aussi grands ni aussi
forts , deviennent tellement doux entre les mains de
l'homme, qu'ils le suivent A la chasse comme des
chiens (3). »
L'Empereur Frédéric II, qui avait des rapports sui-
vis avec l'Orient, range au nombre des quadrupèdes
qui servent à la chasse les léopards et les lynx (i).
Vincent de Beauvais, contemporain de Frédé-
(1) Voir plus haut.
(2) Illustraled London neivs. 10 janvier 1857.
(3) Hisl. des Croisades, liv. I, trad. Guizot.
(4) Lincos, lincas. Un de ces deux mots désigne peut-être Vonce ou
petite panthère [fiince en vieux français). Le lynx des Indes ou cara-
cal est parfois dressé à prendre les lièvres , les lapins et même les
grands oiseaux qu'il surprend et saisit avec une adresse singulière.
(Buffon, art. Caracal.) Il semble, d'après un vers allemand écrit au bas
d'une planche de Ridinger représentant des lynx d'Europe, qu'on a
autrefois employé cet animal de la même façon.
— 334 —
rie II (1), parle en ces termes de la chasse avec le
léopard : « On le dresse à chasser ; pour cela , on le
lâche après l'avoir amené près du gibier. S'il n'a pu le
prendre au quatrième ou cinquième bond, il s'arrête
furieux, et si le chasseur ne lui présente aussitôt une
bête quelconque , dont le sang apaise sa rage , il se
jette sur lui ou sur tout autre assistant (!2). »
Les Italiens qui conservèrent par leur négoce de
fréquentes relations avec l'Orient paraissent avoir im-
porté les premiers en Europe le divertissement de la
chasse au léopard. Dans une peinture de Giotto (3),
conservée à Florence, un léopardier avec sa bête en
croupe figure parmi les suivants des Rois Mages.
Bernabo Visconti, seigneur de Milan, chasseur for-
cené (4), avait des léopards apprivoisés dans ses équi-
pages (5).
En 1459, messire Adolphe de Clèves, ayant été en-
voyé en ambassade par le duc de Bourgogne auprès
de François Sforza, premier duc de Milan de cette dy-
nastie de condottieri-princes qui remplaça les Vis-
conti, vit aux chasses de ce souverain « des lyé-
pards (6) à cheval derrière hommes, prendre lièvres et
chèvre ulx (7). »
(1) 11 mourut vers 1264.
(2) Spéculum majus, XIX (imprimé à Strasbourg en 1473).
(3) Né vers 126G, mort en 133G.
(4) Mort en 1385.
(5) Cliron. du religieux de Sainl-Denys, traduite par M. Bellaguet,
t. III.
(6) Le texte de Buchon porto, par erreur, lévriers.
(7) Chron. deMatliieu de Coussy.
— 335 —
Louis XII ayant conquis le Milanais sur Ludovic
Sforza, fils de François, emmena en France les léo-
pards de chasse de ce prince. Une lettre de Jean Cau-
lier, qui avait accompagné en France l'évêque de
Gurce, ambassadeur de Marguerite d'Autriche, ra-
conte qu'à Amboise, en 1510, « cet évêque fut mené
en son logis, où il ne fut demi heure, que le Roy
ne l'envoyast quérir pour aller à la chace où il fut
environ une heure, et n'y eust prinse que d'ung
lièvre que print un léopard. » Dans une autre
épître il ajoute : « Et à l'après souper, environ entre
quatre et cinq, le dit sieur de Gurce et nous, alasmes
avec le Roy chasser au parcq, où il fut tué un san-
glier, et prins par un léopard deux chevreux en notre
présence et tout auprès de nous (1). »
Dans un livre publié en 1514 par P. Dinet, il est
parlé de ces léopards et de la manière de les faire re-
venir au chasseur, après qu'ils ont fait une prise :
<i Et, de faict, la practique que j'ai veue de quelques
princes et seigneurs qui s'en servent au lieu de lé-
vriers pour courre le fièvre, nous rend preuve de cela,
veu que lorsqu'ils ont prins et eslranglé la beste, le
seul moyen de leur faire abandonner qu'ils ne la dé-
vorent, est de leur monstrer un peu de sang qu'un
homme qui a charge d'eux porte à cest effect dans une
boëte de fer blanc lequel ils n'ont si tost apperceu
qu'ils sautent sur la croupe de son cheval et se soub-
meltent à laisser la proye (2). »
(1) Cité par Sainte-Palaye, IIP jiartie, notes.
(2) Cinq livres des Hiéroglyphiques , où sont contenus les pins rares
— 336 —
Vers le même temps, Dom Emmanuel, Roi de Por-
tugal, qui régna de 1495 à 1521, envoya au pape
Léon X une panthère dressée à la chasse (1).
François V eut aussi ses léopards de chasse : « Je
tiens d'un témoin oculaire , dit le naturaliste Gess-
ner, qu'à la cour du Roi de France on nourrit deux
sortes de léopards : les uns de la grosseur d'un veau,
mais plus bas sur jambes et plus longs, les autres qui
ont à peu près la taille et les proportions d'un chien.
Un des plus petits, pour en donner le spectacle au
Roi, est porté en croupe sur un coussin ou une housse
par un bestiaire ou veneur à cheval qui le tient au
moyen d'une chaîne. Dès qu'on aperçoit un lièvre, on
lâche le léopard qui l'atteint en quelques bonds pro-
digieux et l'étrangle. Le chasseur alors s'avance vers
la bêle féroce à reculons et lui présentant entre les
jambes un morceau de viande, parvient à s'en rendre
maître. On prétend que si cet homme avait le visage
tourné vers elle au moment oii il approche, elle l'at-
taquerait infailliblement. Quoi qu'il en soit, du mo-
ment où il l'a rattachée, il est sur de sa docilité, et à
peine est-il remonté à cheval , qu'elle saute d'elle-
même sur le coussin qui est derrière sa selle (2). »
secrets de la nature et propriélez de toutes choses, par M. P. Dinet,
Paris, 1514. Cité par Blaze, le chasseur au chien courant, 1. 1.
(1) IJist. des conquêtes des Portugais, \)avlQ P. Lafiteau. Paris, 1733.
Cité par Buffon, art. Panthère.
(2) G. Gessner, Hist. animal., lib. 1. Zurich, 1551.
Par une quittance de 1548, Corneille Dipard, gouverneur du gi'and
léopard du Roy, reconnaît avoir reçu 85 11. 10 s. dont le Roi lui a fait
ùonen faveur des services qu'il lui/ faicl en son estai et pourluy aider
— 337 —
Le poêle Jodelle (l), dans son ode sur la chasse
dédiée à Henri II, cite encore le léopard dressé :
Parler aussi du lièvre on peut
Qu'à force on prend de telle sorte
Rare, quand le léopard veut
En quatre ou cinq sauts l'emporte (2).
Dans une des gravures exécutées par Philippe Galle
sur les dessins de Stradan, vers 1584, on voit une
chasse au lièvre avec le léopard, qu'un cavalier porte
en croupe sur un coussin. Quoique les vers latins
écrits au bas de cette planche disent que c'est une
chasse de grands seigneurs turcs, tous les personnages
portent des costumes européens.
On lit dans une lettre de Henri IV au marquis de
Rosny : « J'ay commandé à Zamet de vous parler d'un
léopardier qui est venu avec ma femme de Florence
et qui s'en retourne (3). »
Depuis, on ne trouve plus de trace de guépards
dressés en France. Mais l'Empereur d'Allemagne
Léopold I" [i] en possédait deux , dont il portait lui-
même un à la chasse sur la croupe de son cheval.
De nos jours, la chasse avec le guépard est encore
fort en usage aux Indes orientales, en Syrie et en Ara-
bie (5) , quoiqu'on n'y puisse plus voir des équipages
à acheler ung cheval pour servir à porter ledit léopard. {Arch. de
Joiirsanvaidt, n" 819.)
(1) Né en 1532, mort en 1573.
(2) Cité par Blaze, Journal des chasseurs, T^mnée.
{'i) Lettres missives, t. V, année 1601.
(4) Mort en 1705.
(5) Voir le Magasin pittoresque, 1839 et, 18'ii. — Le Sporting maga-
zine, 1839, et le Journal des chasseurs.
m. 22
— 338 —
de plus de mille guépards, comme celui que possé-
dait au xvi^ siècle le Grand Mogol Akbar (1).
Depuis longtemps cette chasse est abandonnée par
les Turcs, quoique leurs sultans aient eu jusqu'au
xvn" siècle des guépards dressés en grand nombre,
avec une armée de serviteurs pour les faire chas-
ser {%.
(1) Revue des Deux-Moncles, juillet 1854. — Akbar moiiriU on 1615.
(2) Haramer, Histoire de l'Empire ottoman.
CHAPITRE II.
Chasses souterraines.
§ 1, CHASSE DES LAPINS AVEC LE FURET.
Le furet n'est qu'une variété du putois , modifiée
par la domesticité. 11 est originaire des côtes de Bar-
barie, d'où les habitants de la Péninsule ibérique l'ont
tiré dès la plus haute antiquité , pour l'employer à la
destruction des lapins dont ils étaient infestés (1).
Les Romains connaissaient la chasse au furet.
« Les furets, » dit Pline, « donnent beaucoup d'agré-
ment pour la chasse des lapins; on les lance dans les
terriers qui ont plusieurs issues, et l'on prend à la
sortie les lapins expulsés par le furet (2). i>
Rien ne nous indique que les Francs aient chassé
au furet; leurs lois, si explicites pour tout ce qui con-
cerne la chasse, ne parlent pas de celle-ci.
(1) « Les Ibères ont inventé plusieurs moyens de faire lâchasse aux
lapins, et entre autres celui des furets, qu'on apporte de Lybie et
qu'on nourrit exprès. Lâchés dans les trous après avoir été emmu-
selés, ils tirent dehors avec leurs griffes les lapins qu'ils rencontrent,
ou les forcent de quitter leurs terriers, et les chasseurs prennent ceux-
ci à la sortie. » (Strabon, liv. IH.)
(2) Hist. nul., /iZ;. Vni. — C'était évidemment avec des bourses qu'on
prenait les lapins.
— 340 —
Pendant l'époque féodale, on fit au contraire grand
usage du furet; les lapins pullulaient dans les ga-
rennes seigneuriales, et leur chair, Irès-eslimée,
jouait un rôle important dans l'alimentation. Les pre-
miers Capétiens avaient des fureteurs en titre d'of-
fice (1), et Vincent de Beauvais parle de la chasse au
furet dans son Spéculum majiis (xin^ siècle) (2).
Le Roy Modus ne fait que la mentionner dans son
livre, en indiquant une façon d'enfumer les lapins
dans leur terrier qui lui paraît préférable « et n'est
fuyron ny autre chose qui le vaille. »
Gaston Phœbus consacre un chapitre tout entier à
la manière dont on doit chassier et prendre les con-
nins (3). Le veneur commencera par battre les haies
avec des chiens d'oysel ou espainholz et de petits lé-
vriers. Si ces derniers saisissent les connins au départ,
c'est bien fet ; s'ils s'échappent, les épagneuls les font
entrer au terrier. On bouchera une partie des gueules
et on garnira les autres de bourses, puis on houterale
fuyron dans un pertuis, après avoir eu soin de le
museler poftr l'empêcher d'occire les connins de-
dans (4).
(1) Voir les Pièces justilicatives, t. I'"''.
(2) Voir les fragments publiés dans les notes de la fauconnerie de
Frédéric II.
Nous avons cité précédemment l'ordonnance do 1318 qui défend de
tenir [lirons ni rcsculx à moins d'être gentilhomme ou d'avoir droit
de garenne.
(3) Ch. Li.
(4) Faute de furet, on pourra enfumer les lajiins avec de la poudre
d'orpiment, de soufre et de myrrhe. C'est la même recette que préco-
nise le Roy Modus.
« Gargantua.... marmotant de la bouche et dodelinant de la teste,
alloit vcoir prendre quelques connils au fdletz. « (Rabelais.)
— 341 —
Claude Gaucliel décrit la chasse du conil avecques le
furet parmi les plaisirs de l'hyver.
On place les bourses devant les gueules, puis \efu-
ron étant fort bien encamelé (embâillonné), on le jette
dans le terrier, sa sonnette au col. Les lapins s'élan-
cent de tous côtés et restent pour la plupart enlacés
dans les bourses.
Or, parmi la Iroidure
Que chacun de nous tous à cette chasse endure,
Nous poursuivons toujours, et sans nous soucier
De neige ni de froid, nous vuydons le terrier.
Olivier de Serres dit que le gentilhomme doit chas-
ser aux connins avec le furet et la poche, non pas dans
sa garenne close, « pour le grand dommage qu'il y
porte, faisant pour longtemps hayr aux connins les
terriers ou tanières dans lesquels on l'aura une fois
mis pour en prendre, » mais seulement es lieux vogues
et ouverts (1).
Sélincourt ne dédaigne pas non plus de dire quelques
mots sur la chasse aux lapins avec des furets. Elle se
fait en hiver pendant les grandes neiges, à la fin du
printemps, puis tout le long de l'été, pour prendre
des lapereaux. Les garenniers, pour empêcher leurs
furets d'étrangler les lapereaux , les ammussent avant
de les mettre au terrier. Depuis la fin de mai jusqu'à
la Saint-Rémi, ils ont soin de marquer les hases en
leur fendant l'oreille et de les relâcher pour la propaga-
(I) Théâtre d'af/ricullui
— 342 —
tion de l'espèce. Passé la Saint-Rémi, on tue tout (l).
Louis XV enfant s'amusait à chasser des lapins au
furet (2).
§ 2. CHASSE DU BLAIREAU OU DU RENARD ET AUTRES BÊTES
PUANTES.
Guibert de Nogent, chroniqueur du xi' siècle, ra-
conte que des nobles du Vexin, ayant arraché de son
terrier un blaireau peu agile à fuir , le firent entrer
dans un sac et voulurent emporter leur capture, qui
leur parut excessivement pesante. Mais le prétendu
blaireau était un diable, que ses compagnons vinrent
délivrer, en troupes si nombreuses que la forêt en parut
entièrement obstruée. Les malencontreux chasseurs
prirent la fuite et moururent en rentrant chez eux (3).
Au XIV* siècle, on poursuivait les renards dans leurs
retraites souterraines avec de petits chiens taniers (4),
ou, au besoin, on les y étouffait en estoupant une par-
tie des pertuis et en brûlant sous le vent d'une gueule
laissée ouverte du soufre et de l'orpiment (5). Quel-
quefois on plaçait des pouches devant les entrées du
terrier et l'on forçait l'animal à s'y jeter en l'enfumant
de la même façon.
Quant au blaireau, on procédait à l'inverse. Les
poches étaient tendues aux orifices de son manoir
(1) Voir aussi VEnti/clupcdic, v" Lupin.
(2) Dangeau, t. XVU.
(3) Vie do Guiboi de NogenI, liv. 111. coll. Gui/.ol.
(4) Le Roy Modus. — Gace de la Buigne les appelle terriers.
l5) G"e?t le proc'^iK'' indiqué eveliisivi-meiit p;ii' Gaflon Pliœlni?.
— 343 —
pendant qu'il élail dehors, et c'était en battant le bois
et les haies d'alentour avec des chiens qu'on forçait
la bête à s'y bouter en rentrant dans son domi-
cile (i).
Selon du Fouilloux, « la chasse du blaireau se pra- chasse
du bliiireau
tiquait sous Charles IX avec un certain appareil. 11 selon
est vrai que la description qu il en donne, peu edi-
fiante sous le rapport de la chasse, a tous les caractères
d'une galante orgie pastorale. C'est un cadre cynégé-
tique, mais le tableau y manque (2). »
M. d'Houdetot me paraît avoir traité un peu sévè-
rement du Fouilloux. Laissant les amateurs de
joyeusetés rabelaisiennes rechercher s'ils le veulent
dans le texte du jovial veneur les faits et gestes du
seigneur et de la fillette aagée de seize à dix-sept ans,
« laquelle luy frottera la teste par les chemins, » nous
allons extraire du chapitre lxii'^ de son livre ce qui
concerne directement l'art « d'assiéger les gros tais-
sons et vulpins en leur fort et rompre leurs chas-
mates, plocu, paraspels et les avoir par mine et contre-
mine jusques au centre de la terre, pour en avoir les
peaux à faire des carcans (3) pour les arbalesiiers de
Gascogne. »
Le chasseur doit avoir d'abord une demi-douzaine
de bons chiens de terre, portant chacun un collier
large de trois doigts et garni de sonnettes. Quand il
(1) Le Roy Modus. — Phœbus.
(2) La petite Vénerie, par M. A. d'Houeletot.
(3) Lisez carcas (carquois).
— 344 —
aura bien dressé el exercé cette petite meute, il se
mettra en campagne avec ses bassets et une demi-
douzaine d'hommes robustes pour piocher la terre.
Le chef de l'expédition pourra monter dans une pe-
tite charrette, qui contiendra avec les outils néces-
saires quelques mantes utiles pour se coucher à
terre, afin d'écouter l'aboi des bassets, ou un matelas
de peau qu'on pourra gonfler avec du vent, plus, en
temps d'hiver, un petit pavillon. Les chevilles et
paux de la charrette seront garnis de flacons et de pro-
visions de bouche de toutes sortes (ou reconnaît à
cette précaution les goûts essentiellement gastrono-
miques du bon du Fouilloux). C'est aussi dans cette
charrette que prend place, avec son seigneur, la fillette
dont il a été question tout à l'heure.
Les instruments destinés à fouiller la terre sont des
tarières, des pietés larges et étroites, une bêche fort
large, une racle pour ouvrir les gueules des terriers,
des pelles de fer et de bois (1). On emporte en outre
des tenailles pour arracher les tessons ou les renards
de leurs jjertuis efl^ondrés, des sacs pour y mettre les
animaux tout vifs, une poêle ou autre vase pour don-
ner à boire aux petits chiens.
Les grands terriers qu'habitent les blaireaux et re-
nards sont composés d'une multitude de chemins
couverts et de carrefours qui forment un véritable la-
byrinthe. Les couloirs qui débouchent au dehors
aboutissent d'abord à une espèce de place ovale,
(I) Voir dan? du Fouilloiix la li^nirp de cc> outils.
— 345 —
nommée maire , qui communique elle-même par un
boyau étroit, dit fusée, avec Yaccul, qui est au fond du
terrier et sans issue.
On lâche les bassets aux gueules supérieures ou
inférieures du terrier, selon la nature du sol et la dis-
position du terrain, et, quand on entend les blaireaux
ou renards tenir au ferme dans la maire , on s'efforce
de les faire déguerpir en frappant avec la pioche ou
en enfonçant une tarière ronde. Une fois les animaux
poussés dans l'accul, il faut percer au droit de la voix
des bassets avec la tarière ronde et pousser la tarière
plate dans le trou pour couper à l'assiégé toute com-
munication avec la maire. Puis, l'ennemi une fois
bloqué dans l'accul, on pioche vigoureusement pour
le découvrir, et, dès qu'on l'aperçoit, on le saisit avec
les tenailles par la mâchoire inférieure et on l'ar-
rache de terre (1).
Le malheureux animal est immédiatement fourré
dans un sac et transporté au logis pour être lâché dans
une cour fermée et donner une leçon aux jeunes
chiens, après avoir eu préalablement la mâchoire cas-
sée. « Et à telle chasse, ajoute du Fouilloux, il
est requis d'estre botté, car plusieurs fois ils m'ont
(1) « Il vous peut souvenir, dit Eutrapel , de ce gentil renard que
nous prîmes vif aux garennes de Chàteau-Letard, auquel, pour avoir
bien défendu son fort, fut, aujugementmesme des femmes auxquelles
il avoit mangé quelques poules, donné la vie pour ce coup , avec un
biUet de parchemin attaché au cou, oîi son procès estoit escrit et hi
cause de son élargissement. Il fut quasi prest à passer le pas, ayani
attendu le canon..., » (Contes et discours d' Eutrapel, 1548.)
Cliasse
du blaireau
selon
Claude Gau-
chet.
— 346 —
emporté le lopin do la chausse et la chair qui était
dessous (1). »
Claude Gauchet a décrit la même chasse en vers fa-
ciles et animés. Les choses se passent comme dans du
Fouilloux : le blaireau , retiré au fond de Vaccul , y
fait la plus belle résistance, jusqu'à ce que ce dernier
asile étant battu en brèche,
les bassets se jettent snr lui.
'assiégé se void et tous
Le bléreau se deffend, et ne peut toutesfois
Nuyre aux chiens de dessus, lesquels souventes fois
L'attachent par le doz, là se void double guerre
L'une se fait dessus, et l'autre dessous terre
Et l'assailly qui jà void l'ennemy dedans
L'abboyer teste à teste et luy monstrer les dentz
Résiste à son pouvoir, et de dent dangereuse
Le poursuyt, quelquesfois, dedans la mine creuse.
*
Enfin le malencontreux animal , malgré sa défense
désespérée, est arraché du terrier avec des tenailles,
mis dans un sac et emporté au manoir. Là, après avoir
rompu sa maschouëre {orle , on le livre aux jeunes
bassets dans une cour fermée pour les exercer et les
acharner. Mais :
Encores ne peut pas cette meute hardie
A ce dur animal faire perdre la vie.
De sorte qu'on est obligé de lui lâcher deux ou trois
forts lévriers
Qui de plus vive dent
Tirent et çà et là ses flancs de telle sorte
Qu'ils rendent à la lin la i)auvre beste morte.
(1) C'est de la Vénerie diu maître, combinée avec le chapitre corres-
pondant de la Vénerie nonnaiide, que nous ayons tiré tous les di^tails
qui prt'-cèdi'nl.
— 347 —
Un siècle après Claude Gauchel, Sélincourt vient à
son tour nous parler avec quelques détails des chasses
qui se font en terre contre toutes les bêles puantes,
que les bassets vont attaquer au fond des terriers.
C'est ainsi que l'on prend renards, chats-harets,/b^«es,
/icheurs et blaireaux. La chasse de ces derniers est la
plus difficile et la plus pénible, parce que leurs ter-
riers sont très-profonds et qu'ils opposent aux chiens
une résistance énergique. Il faut donc dresser les
jeunes bassets avec les vieux, plus hardis pour les at-
taquer dans leurs demeures. Lorsque les bassets sont
entrés au terrier, les blaireaux se retirent précipitam-
ment dans les accnls où se tient leur famille et s'y
remparent contre les chiens. Si le jour finit avant qu'on
soit arrivé jusqu'à eux, « il faut relayer d'hommes
pour continuer la nuit, nous les avons poussés trois
nuits durant, et forcés jusqu'à en prendre sept dans
un même terrier, tant vieux que jeunes. »
Les chasseurs de blaireaux et de renards ne procé-
daient pas autrement au siècle dernier, ainsi qu'on
peut le voir dans les ouvrages de Goury de Champ-
grand et de Leverrier de la Conterie.
Parfois on étouffait les animaux au fond de leur
terrier comme du temps du Roij Modus et de Gaston
Phœbus, en brûlant près d'une gueule, sous le vent,
un morceau de drap soufré ou une mèche imbibée
d'huile de soufre et roulée dans de la poudre d'orpin
ou arsenic jaune (I).
Cliasscs
soulenainei
selon
Sélincourt.
Chasses
souterraines
au
xviiF siècle.
(1) Goury de (_'.haiii|igrani_
Lovenit'i- 'le la (loiitorip.
CHAPITRE III.
Chasses aux haies et aux toiles.
A la première vue , il semblerait que ces chasses
doivent être rangées parmi celles qui se font avec des
filets, pièges et autres engins et qui sont le sujet du
livre précédent. Il n'en est cependant rien. Les en-
gins ont été fort bien définis par la jurisprudence mo-
derne : « les objets et instruments qui matériellement
et directement saisissent ou tuent le gibier qui sont des
moyens miiques ei principaux... tels que filets, lacets,
collets ou autres instruments, » sans y ajouter l'em-
ploi d'aucune arme (1). Or les haies aussi bien que
les toiles ne faisaient qu'arrêter la fuite du gibier et
(1) Arrêt de Grenoble du 2 janvier 1845 , invoqué par M. E. ISIoreau
dans son travail sur les Lois de chasse et les entjins prohibés (Revue
contemporaine, 30 juin 1865) à propos justement de l'emploi de ban-
deroles en fiapier, analogues aux laps dont on se servait jiour les
chasses aux toiles, comme nou> allons le voir.
— 349 —
le livrer au chasseur, qui devenait ainsi le maitre de
le tuer avec des armes à main ou de jet, de le lier ou
de le faire porter bas par ses chiens.
§ 1. CHASSE AUX HAIES.
La chasse aux haies, qui remonte dans notre pays
à la plus haute antiquité et dont l'origine se perd dans
la nuit des temps, était complètement oubliée lors-
qu'elle a été en quelque sorte découverte et ressuscitée
par M. Peigné-Delacourt , qui en a fait l'objet d'un
savant mémoire, publié en 1858. Il y reconstruit, pour
ainsi dire , cette chasse des âges primitifs d'après les
traces que les haies et les fossés , qui en étaient sou-
vent l'accessoire , ont laissées au fond de nos plus
vieilles forêts, d'après des recherches fort ingénieuses
sur divers mots de notre vieux langage et sur un
grand nombre de noms de localité (1), enfin d'après
l'examen de plusieurs figures du blason (2).
Il résulte de ces recherches , auxquelles nous ajou-
tons les nôtres, que les anciens habitants de la Gaule,
comme le font encore divers peuples sauvages (3), se
(1) Aux noms cités par M. Peigné-Delacourt, on peut ajouter ceux
de la haie de Routot, de la haie Aubrée, de la haie du Mort ou dii
More, toutes situées dans des accids de la forêt de Bretonne.
(2) L'ouvrage de M. Peigné-Delacourt a été examiné avec soin et
critiqué sur quelques points dans un excellent article du Journal des
chasseurs, par M. J. Lavallée (1858).
(3) Dans l'article précité , M. Lavallée cite les haies de chasse des
habitants de la Sibérie et des Cafres, d'après les récits des voyageurs
Hommaire de Hell et Adulphe Délegorgue. Les Indiens du Canada se
servaient de haies analogues au xvn^ siècle et s'en servent encore pour
\)renûveV orignal ou élan. (Voir Gharlevoix, Hisl. de la nouvelle France,
— 350 —
servaient, pour prendre les animaux de leurs forêts
sans limites, de haies vives qu'ils formaient avec des
branches entrelacées et greffées l'une sur l'autre.
Ces haies étaient le plus souvent disposées en forme
de V ou d'X. Le gibier, une fois engagé entre deux
haies et poussé par les traqueurs et les chiens, trou-
vait à la pointe du V ou au point d'intersection del'X
soit une fosse couverte de branchages, où il se préci-
pitait, soit une enceinte close et gardée, où il était
tué à coups de traits, soit des haies transversales
garnies de nœuds coulants ou de filels en forme de
bourse.
Les haies qui aboutissaient à des fosses ou à des lacs
et filets devraient être rangées, comme les pièges dont
elles sont l'accessoire, parmi les engins qui capturent
par eux-mêmes le gibier et dont il a été parlé précé-
demment. Cependant, comme les anciens textes où il
est parlé de haies de chasse sont fort peu explicites
sur leur nature , nous allons être obligé de citer tous
ces textes sans pouvoir garantir s'ils s'appliquent à
telle ou telle manière de chasser à la haie (1).
Haies chez Lorsque Jules César marcha avec son armée contre
les peuples qui habitaient la grande forêt des Ar-
dennes, il trouva ces barbares embusqués derrière
les Oaninis.
t. V. — Le voyage du baron de la llontan et le livre du capitaine
Meyne-Reid intitulé The Huniers fcasi. — Dans ce dernier ouvrage,
il est de plus parlé de haies de sauges employées pour prendre les
lièvres des prairies.)
(1) Le livre du Roy Modus et la Vénerie de Gaston Phœbus parlent
de haies de chasse, mais seulement comme servant d'accessoires à de
véritables pièges, losse, lacs, lilct ou dardirr. Voir le livre précédent.
— 351 —
des haies vives formées de jeunes arbres entaillés et
courbés (1).
Il est permis de supposer que ces haies servaient
pendant la paix aux chasses des Nerviens et autres
tribus belges.
Les codes barbares ne contiennent guère qu'un
passage applicable aux haies de chasse , encore est-il
douteux que le mot concisa, dont se sert la loi salique,
soit employé dans l'intention de désigner cette sorte
de haies (2).
Les textes concernant les haies de chasse sont plus
faciles à trouver pendant l'époque féodale.
M. Pcigné-Delacourt en cite plusieurs, dont les plus "aies
anciens remontent à la fin du xif siècle ; ce sont des ,eudant r.^-
extraits du Doomesday book ou grand Terrier de la ^'"^"^^ ^""''''''
conquête normande en Angleterre (3). Un autre do-
cument de l'an 1202 montre Simon le Besgue de Ri-
bécourt échangeant avec le seigneur de Thorote une
rente de 100 sols contre certains droits de mort-bois
et la haie pour chasser dans la forêt de Laigue (4).
A ces textes, ainsi qu'à plusieurs autres cotés dans
le même ouvrage, nous demandons la permission d'en
ajouter quelques-uns que nous avons recueillis.
(1) J. Ca'saris Comment., lib. VI. — Strabon, Gcotjr., lib. iv.
(2) Voir Peigné-Delacourt et le Gloss. de Ducange, v" Concida.
(3) Haia in quel capiehnnlur ferœ.... siliw in quel sunt IIII haix
in Glouceslerskire.... ibi hahet ecclesia {of St. Peler) venalionem
imam per IIII haias. {Doomesday book, t. I.)
(4) Cette haie à chasser comprenait une étendue de 410 arpents,
comme on le trouve indiqué dans une requête adressée en l'an 1G09
au grand Maître des eaux et forêts, par Philippe de Béthune, seigneur
du Plessis-Brion. (Peigné-Delacourt.)
— 352 —
Dans le Glossaire de Ducange, au mol Venatio, on
trouve un passage extrait d'une charte de l'année 1025,
par laquelle Olhon, comte de Vermandois, décharge
quelques-uns de ses vassaux des droits de ban et de
recherche des larrons, des corvées, des charrois et
des haies forestières à jirendre le gibier ^ en payant seu-
lement un denier, un pain et un septier d'avoine (1).
On a pu voir plus haut comment le Roi anglo-nor-
mand Jean sans Terre eut maille à partir avec Gau-
tier le Magnifique, archevêque de Rouen, pour prises
de bêtes dans la haie d'Arqués (2).
En 1217, Robert, archevêque de Rouen, dispensa
cette môme haie d'Arqués de certaines coutumes ou
redevances. La haie est prise ici pour le canton de
forêt où elle était établie (3).
Des lettres patentes de Robert, seigneur de Ra-
zoches, en date de 1247, contiennent ce passage :
« Je ne puis de ce bos arbre tranchier fors que pour
faire haie à ma chacerie de bonne foy (4). »
Par un arrêt du parlement de Paris, de 1334, un
seigneur est maintenu « en possession et saisine de
chasser et de haier (5). »
Dans les deux grands traités de chasse du xiv' siècle.
(1) « ut bannum et lalronem, corvcias, carnicarias, silv.r Jtajas ad
capicndam venationem idleriùs non pcrsolvanl, nisi wium dcnarhim,
mmm panem et unum sextarium avenx. » Ce droit de haie, qui con-
sistait à faire travailler les vassaux par corvée aux haies de chasse,
existait dans beaucoup de seigneuries. Voir Ducange, v" Haga.
(2) Histoire du château d'Arqués.
(3) Ducange, v" Haia.
(4) Ducange, v Cacia.
(5) Gloss. Carp., v" Haiare.
— 333 —
le Licre du Roy Modus el la Vénerie de Gaslon Phœ-
bus, il est parlé de haies de chasse, mais ce sont en
général des haies servant d'accessoires à un véritable
piège, fosse, lacs ou filet. Cette sorte de haie resta en
usage longtemps après que toutes les autres haies de
chasse étaient tombées en désuétude. Leverrier de la
Conterie (1763) enseigne encore pour prendre les
loups aux lassières, comment il faut « construire une
haie de 8 ou 9 pieds de haut, si épaisse et si
bien liée qu'un loup ne puisse passer au travers »
Cette haie présente de distance en distance des angles
formant autant de petites routes à l'extrémité des-
quelles sont tendues les lassières (1).
Dans les comptes de Philippe de Courguilleroy,
maistre veneur du Roy Charles VI (1388) , on trouve
« VI serpes achettées à Paris pour avoir fait les haies
pour chasser les pors pour le Roy 12 sols pari-
sis (2). »
L'ancienne coutume de la haute Bourgogne définit
le mot hayer en ces termes : « Espèce de chasse pour
laquelle on entoure de haies une forêt ou un bois
dans le but de prendre des bêtes (3). »
Un aveu du fief de la Motte-Fouqué rendu au Roi
(1) Yoir le livre VI. — Les Allemands se sont servis jusqu'au
xyiii» siècle de haies en V conduisant le gibier à une enceinte où il
était tiré. Y. Tantzer (17.34).
(2) Pièces justilicatives, t. I". Les haies de Philii)pe de Courguilleroy
étaient probablement de celles qui servaient à prendre les animaux
aux lassières. — Voir Gaston Phœbus.
(3) « Ho,yer sprcies venaUnnis est, cuin quis ad feras capiandas sil-
vam aut hoscuin Itays scpil. d
III. 23
— 354 —
par le comte Claude de Sanzay, le 7 mars 1580, contient
ces phrases : « Oullre, j'ay parc et paisnage et droit
de chasse es haye ou hayes que mes dilz hommes sont
tenus faire garder avec aultres choses à chasse et
aussi suys je tenu fere perche et demie des haies à
chasse es boys du dictlieu de la Ferté (1) de deux ans
en trois ans, quand il m'est faict assavoir [2). y>
Cet aveu .est datée du septième jour de mars de
l'an 1580. Il est fort probable que cette mention des
haies de chasse n'était que la reproduction des aveux
précédents; car, à l'exception des haies à lassières dont
nous venons de parler (3), la chasse à la haie était
certainement hors d'usage à la fin du xvi' siècle.
Dans les haies se trouvaient ordinairement prati-
qués des berceaux, où les tireurs s'embusquaient pour
tirer les bêtes (A).
Ces berceaux , appelés aussi ramiers ou folies sont
mentionnés dans plusieurs titres anciens. Nous nous
bornerons à rappeler le passage, déjà cité, d'une charte
de 1357, qui autorise les habitants delà commune de
Revel à chasser toute espèce d'animaux dans la forêt
de Vaur avec un ou plusieurs ramiers (5).
Olivier de Serres invite encore à la fin du xvi* siècle
(1) La Ferté-Macé.
(2) Aveu de la Terre de la Motte-Fouqué , imprimé à la suite dn
Journal de la comlessc de Sanzay, publié par M. le comte de la Fer-
rière-Percy. Paris, 1859.
(3) Et aussi des haies conduisant h une fosse qu'on voit représentées
dans les gravures de Stradan.
(4) Le mot de berceau ou berseil vient de brrser, tirer de l'arc, voir
Ducange, v" DersaeX'M. Peigné-Deinrourt.
(j) Ducange, v" Ramerium.
— 355 —
le gentilhomme campagnard à élablir dans sa garenne
des berceaux de feuillage pour y tirer des lapins à
l'affût (1).
§ 2. CHASSE AUX TOILES.
Les toiles jouaient, pour la chasse des grands ani-
maux, le même rôle que les haies, c'est-à-dire qu'elles
arrêtaient la fuite des bêtes et les livraient aux coups
du chasseur. Elles succédèrent aux haies à une époque
qu'il est fort difficile de déterminer, parce que l'on
confond habituellement les toiles de chasse avec les
panneaux et autres filets.
Les anciens, qui faisaient grand usage de ces derniers
engins, ne paraissent pas avoir employé les toiles (2).
Ils connaissaient fort bien les laps (3), ou pièces de
toile suspendues à des cordes , qu'ils remplaçaient
souvent par des plumes [pinnatum, formido) (à).
En France , nos plus anciens auteurs cynégétiques
ne parlent pas de la chasse aux toiles. Ni le Roy Mo-
dus, ni Gaston Phœbus, qui, l'un et l'autre, traitent as-
(1) Théâtre d'agriculture. Des berceaux d'affût existent encore dans
le parc du château de la Platte , près Wiesbaden, et y servent à tirer
les chevreuils et autres bêtes fauves qui y abondent. Voir Bubbles of
ihe brunnens of Nassau.
(2) Les plaga\ aussi bien que les relia et les casses, semblent avoir
été des fdets maillés. (Voir le dictionnaire de Rich, h^ v>, et Vlitius,
Venalio novantir^ua.)
(3) Le nom de laps donné à cette sorte d'épouvantail par le S' Tou-
douze, dans son journal des chasses de Chantilly, vient de l'allemand
Lappen (lambeaux) ; les Allemands se servaient aussi de cordes emplu-
mées. (Voir les gravures de Ridinger.)
(4) Voir Gratius et Némésius.
— 356 —
sez longuement des chasses aux Olels, ne citent les en-
ceintes de toiles. Nous n'en pouvons trouver de men-
tion bien cl;>ire avant le xv^ siècle , lorsque François
de la Boissière fut mis en possession de la charge de
grand louvetier de France, et en même temps de celle
de garde et tendeur des toiles de chasse du Roy (14G4) (1).
L'usage de ces toiles fut probablement importé d'Alle-
magne, oïl cette manière de chasser fut toujours en
grand honneur (2).
Quoi qu'il en soit, Jean de Rasset, écuyer, avait le
litre de capitaine des toiles avant 1485; ce titre passe
alors à Pierre de Gobache , qui reçoit en cette qua-
lité 600 1. t. de gages (3). L'équipage commandé par
cet officier était déjà considérable.
Le capitaine avait sous ses ordres un escuyer des
toiles, un commissaire et garde desdites toiles (4), un
maître veneur, 6 veneurs ordonnés pour les toilles,
2 valets de limier, un page de chiens , un regnardier,
un garde de chiens àregnards, 36 compagnons ordon-
nés à la garde cVicelles toilles et à les tendre et destendre,
charger et descharger , 24 chiens courants, 24 chevaux
et 6 chariots et charrettes pour mener les toilles de la
(1) Voir le P. Anselme, Hlsloirr gcnralogiquc drs grands officiers de
ta maison de France.
(2) Voir Fleming et autres auteurs allemands et la note M. Charles-
Quint importa lâchasse aux toiles en Espagne.
(3) Comptes de la vénerie et fauconnerie de Charles Mil.
(4) En 1483, il y avait deux commissaires des toiles, comme on le voit
dans les lettres patentes du Roi, données aux Montilz-les-Tours, h;
13' jour de janvier 1483. (Vieux style.) — Citées par M. le comte de
Quinsonas Comptes de la vénerie de Charles 17//.
— 357 —
chasse après la personne du Roi, pour servir au fait de la-
dite chasse, pour son plaisir et esbat (1).
Louis XII faisait souvent chasser aux toiles le jeune
comte d'Angouieme, depuis François I", qui en con-
serva le goût après son avènement, comme Budé en
témoigne de visu (2).
Sous ce dernier Roi, la seule vénerie des toiles coù- loiies.
lait 18,000 livres. « Le Roy, » ditFleuranges, « a une
vénerie qui s'appelle la vénerie des toiles, là où sont
cent archers sous le capitaine des toiles , à cent sols
le mois, qui ne servent que de dresser les toiles et
portent grands vouges (3) à pied, et sont tenus lesdicts
archers quand le Roy va à la guerre en personne aller
avecques luy pour tendre ses tentes et sont compris
au nombre des gardes quand le Roy est en camp. Et
a cinquante chariots, six chevaulx à chacun chariot
qui ne servent que de mener les toiles partout oii le
Roy va, et les planches pour les tentes. Ce capitaine a
aussi six valets de limiers et douze veneurs à cheval
et son lieutenant. Est pour l'heure présente capitaine
desdictes toiles un gentilhomme de Normandie, qui
s'appelle Monsieur d'Annebaut (4), et a cinquante
(1) Comptes de la vénerie de Charles VIII.
(2) Mémoires de Fleuranges. — Budé, TraiUé de la vénerie. — Qu
lit dans une lettre de François \" au grand maître Anne de Montmo-
rency (28 juillet 1528) : « J'ai été depuis votre partement à la chasse
aux toilles par deux ou trois fois. » {Rivalilé de Charles V et de Fran-
çois /'■'■, par M. Mignet.)
(3) Sorte d'épieux ou de couteaux de brèche, tranchant d'un seul cûti''.
'4) Jean d'Annebaut, père de l'amiral Claude.
— 358 —
chiens courans et six valets de chiens pour les pen-
cer (1). »
Les princes de la maison de Guise avaient, au
XVI* siècle, un équipage de toiles pour chasser la bête
noire, comme nous l'avons vu précédemment (2).
Henri II et Charles IX possédaient un attirail de
toiles tout aussi considérable que celui de François P*",
et le personnel n'était guère moins nombreux , sauf
les archers (3).
Henri IV, qui aimait passionnément la chasse des
sangliers, remit sur pied les cent archers de Fran-
çois P"", et donna des proportions imposantes à VEstat
des toiles (4) quoiqu'il eût un vautrait spécial et qu'in-
dépendamment des deux équipages de sanglier qui
lui appartenaient, il allât fréquemment chasser les
bêles noires dans les toiles avec le vautrait du comte
d'Auvergne, au grand déplaisir de son capitaine des
toiles, Nicolas de Brichanteau, marquis de Beauvais
Nangis, lésé à la fois dans son amour-propre et dans
ses intérêts (5).
En 1610, Henri IV commanda souvent à Beauvais
Nangis de faire chasser avec ses toiles le Dauphin,
alors âgé de 9 ans. Louis XIII conserva toute sa vie
(1) Mémoires de Fleiiranges.
(2) Voir plus haut, liv. I, ch. iv.
(3) Voir les Pièces justificatives, t. I".
(4) La dépense en montait alors à plus de 30,000 livres. {Mrinoircs du
marquis de Ik'auvais-Nanr/is, publiés i)ar la Société de l'histoire de
France en I8()'2.)
(ô) Voiries McDwires de Nicolas de Hricluiuteau, manjuis de Beau-
vais-Nangis, publiés par la Société df l'histoire de France en 1862.
— 359 —
le goût de la chasse aux toiles et maintint sou équi-
page sur un pied fort respectable (1).
Sous Louis XIV, la cour assistait souvent à des
chasses dans les toiles. Ces chasses , essentiellement
d'apparat, exigeant un grand déploiement de monde
et de matériel, ne pouvaient que flatter les goûts du
grand Roi (2).
Le journal de Dangeau constate que S. M. assistait
souvent à des chasses dans les toiles. C'était proba-
blement dans une de ces chasses que le Roi, s'étant
mis dans le chariot avec M"^ la Dauphine, « tua fort
adroitement un grand cerf qui étoit entré dans la
cour (lisez l'accourre) et qu'on craignoit qui ne bles-
sât quelqu'un (3). »
«28 octobre 1686, à Fontainebleau. Le Roi, après son
dîner, est allé à la chasse du sanglier dans les toiles.
Monseigneur étoit à cheval avec les dames et M""^ la
Dauphine étoit en carrosse avec le Roi. Toutes les
dames se mirent dans les carrosses de M""" la Dau-
phine, c'est-à-dire celles qui ne montoient pas à che-
val. On donna la hure du sanglier à Roussis qui l'a-
voit tué et qui en apporta l'oreille au Roi au bout de
son sabre, à la manière de Perse; le sanglier blessa
M. de Villequier au pied assez considérablement et fit
tomber rudement Sainte -Maure sans le blesser. »
(Dangeau, t. P^ p. 407.)
(1) Voir les Pièces justificatives, t. P''.
(2) Sur Vélat des toiles sous ce règne. Voir les Éluls de la Franee
et les Pièces Justificatives.
(3) Dangeau, \. 1.-20 novembre lG8'i.
— 360 —
Le 19 octobre précédent, monseigneur était allé le
matin aux toiles, où l'on tua quatre gros sangliers, qui
estropièrent huit chevaux (1).
Il y eut, à Versailles, le 15 novembre 1G92, une
grande chasse aux sangliers dans les toiles, où plus
de cent de ces animaux se trouvèrent enfermés (2).
Il paraît qu'il en échappa bon nombre , car on lit
dans le même journal qu'à Fontainebleau, le 19 oc-
tobre 1703, on tua quarante-trois sangliers dans les
toiles. « Jamais, » ajoute Dangeau , « on n'en avoit
tué tant à la fois dans ces pays-ci (3). »
Le scrupuleux annaliste décrit encore, sous la date
du 30 octobre 1707, une chasse aux toiles qui donne
l'idée du grand appareil déployé dans ces chasses et
du spectacle animé qu'elles présentaient : les toiles
étaient tendues dans les ventes de Bombon (foret de
Fontainebleau). Il y avait dans l'enceinte un grand
nombre de sangliers et d'autres bêtes fauves, savoir
des cerfs, des biches, des chevreuils et des renards.
Le Roi s'y rendit avec la Reine et la princesse d'An^
gleterre (femme et fille de Jacques II), Madame et la
duchesse de Bourgogne dans des carrosses et grand
nombre de seigneurs à cheval. « Il y avoit plusieurs
chariots préparés dans l'enceinte en manière de plate-
forme, garnis de sièges couverts de tapis pour les
dames, et des dards. Il y avoit aussi un grand nombre
([} Daujji'au, t.
{•l) IhiiJ., t IV.
(3) ///(>/., I. IX.
— 361 —
de chevaux de main, prêts pour les seigneurs qui vou-
droient aller à coups d'épée sur ces animaux. Le Roi
d'Angleterre et monseigneur le duc de Berry en dar-
dèrent plusieurs. On en tua seize des plus considé-
rables et quelques renards. Celte chasse donna beau-
coup de plaisir à LL. MM. Britanniques, aussi bien
que le spectacle qui accompagne toujours ces chasses,
à cause de la multitude de gens qui environne les
toiles et la grande quantité de peuple que la curiosité
fait monter sur les arbres et qui forme une tapisserie
admirable par sa diversité partout où la vue peut
s'étendre (1). »
Louis XV ne semble pas avoir pris grand plaisir à
ces sortes de chasses, du moins les mémoires du
temps sont muets sur ce sujet. Il conserva cependant
l'équipage sur l'ancien pied [2).
Louis XVI prenait part de temps à autre à des
hourailleries, ou chasses à tir dans les toiles (3). Dans
son journal pour l'année 1775, on trouve quatre
hourailleries, deux à Compiègne et deux à Fontaine-
bleau.
(1) Le Mercure, cité en note dans leyoMr«a/deDangeau, t. XL— Les
jeunes princes, petits-fils de Louis XIV, firent leurs débuts à une
chasse aux sangliers dans les toiles. Voir plus haut.
(2) Voir les i7a/5 de la France et les Pièces justificatives, 1. 1".
(3) Ce mot dérive, suivant M. Lavallée, de houra, à cause des cris
des traqueurs. {Technologie cijnégélique.) Selon d'autres, il viendrait
des hoitrcts ou mauvais chiens mâtinés qu'on y employait. Les Jiou-
raillerics paraissent avoir été des chasses aux sangliers dans lesquelles
ces animaux rassemblés en grand nombre, au moyen d'une enceinte
de toiles, étaient tués à coups de fusil. Dans les chasses ordinaires di>
sangliers avec Ips toiles, c'était h coups do dards nu iIp massup qu'on
les tuait.
— 362 —
L'équipage des toiles fut supprimé dès 1787. Un
décret du 10 septembre 1792 mit à la disposition du
pouvoir exécutif les toiles de chasse qui se trouvaient
dans les établissements dits du vautrait et qui durent
être employés à fabriquer des tentes pour les armées.
Équipage Les princes de Condé avaient à Chantilly un équi-
^.rin'ces'^^ p^gG dc toilcs très-complct avec laps; ils chassaient
de Coudé, non-seulement les sangliers, soit à hourailler, soit avec
les dards et les épieux, mais les cerfs, les daims et les
chevreuils (1).
Ces toiles servaient aussi à restreindre le parcours
des chasses à courre. Il y avait de petites toiles pour
faire des fermés de lapins.
Toujours somptueux et rafûnés dans leurs chasses,
les illustres maîtres de Chantilly se plaisaient de temps
à autre à organiser des chasses singulières dans les
toiles, analogues à celles qui faisaient les délices des
Princes du Saint-Empire romain (2).
C'est ainsi qu'en septembre 1688 , lors de ces fa-
meuses fêtes que Monsieur le Prince offrit au grand
Dauphin, il imagina de faire voir à son hôte une
chasse dans l'eau à la mode allemande.
Chasse Au moycn des toiles, un nombre infini de sangliers
et de cerfs fut poussé pêle-mêle dans l'étang de Co-
melle où les attendaient les princes avec les dames et
toute la cour, les uns sur des embarcations décorées
de feuillages et de tendelets aux couleurs éclatantes,
dans l'eau
(1) Voir le Journal de Toiuluazc, aux Pièces justiliealives à l;i li"
(lu tome 1"" et la note N.
(2) "S'oir la note M.
— 363 —
les autres sous des lentes dressées le long du rivage.
Aussitôt que les animaux eurent pris l'eau, poursui-
vis par les chiens, les chasseurs qui montaient la flot-
tille leur coururent sus, qui avec des pieux , qui avec
des dards, plusieurs avec des perches garnies, à l'ex-
trémité, de nœuds coulants. On forma les bateaux en
fer à cheval pour pousser ces bêtes effarées du côté
où madame la Princesse se tenait sous une feuillée
avec les dames de sa suite. Cinquante ou soixante ani-
maux, tant cerfs et biches que sangliers, furent mis à
mort. La plupart obtinrent grâce de la vie par l'inter-
cession des dames. On se borna à passer des lacs dans
les bois des cerfs et à leur faire traîner les nacelles
vers le rivage où les blanches mains des belles chasse-
resses leur rendirent la liberté (1).
Au xvnf siècle, on se livrait aussi à Chantilly au Lapins bemds.
divertissement de berner des lapins. Cette chasse ridi-
cule, empruntée aux Allemands, consistait à traquer
les animaux dans une allée de toiles verticales. En
travers de cette galerie, de larges sangles étaient éten-
dues à terre, tenues chacune par deux chasseurs,
souvent par un chasseur et par une dame; au mo-
ment où Jeannot Lapin passait sur la sangle, chacun
des deux tirait à soi vivement et la secousse envoyait
pirouetter dans les airs l'infortuné quadrupède (2).
Voici comment on procédait à l'ordinaire pendant
(1) Mercure galanl, septembre 1688, dans Irs l'nurs gulaïUcs, t. II.
(2) Journal de Toudouze. — Flemini;'.
— 3G4 —
le XVII'' et le xvm* siècle pour faire une chasse aux
toiles.
Après avoir reconnu avec un limier ou autre-
ment l'enceinte oii se trouvaient les animaux, on por-
tail autour de cette enceinte les toiles, les fourches et
les piquets servant à les tendre (1). Après les avoir
tendues et fixées à petit bruit, on barrait l'enceinte à
différents endroits avec des toiles couchées à terre et
recouvertes de feuilles mortes. Puis on entrait avec les
traqueurs (2) par une des extrémités de Tenceinte, et
l'on marchait en ligne jusqu'à la première toile de
traverse. Celle-ci était immédiatement relevée et ainsi
de suile, jusqu'à la dernière toile transversale qui ne
formait plus qu'une enceinte très-resserrée. Si l'on
voulait prendre les sangliers vivants, on cherchait
encore à raccourcir cette dernière enceinte et on sai-
sissait par les pieds de derrière les plus jeunes ani-
maux ou on les faisait coiffer par des mâtins. Le plus
souvent les sangliers renfermés dans la dernière en-
ceinte ou accourre étaient tués àcoupsd'épieu, d'épée
ou de dards, ou assommés à coups de bâton avec ou
sans l'assistance de chiens de force. Lorsqu'on vou-
lait surtout tuer des bêtes noires ou autres, on faisait
une houraillerie (ou un hourailler) (3).
Les dames prenaient le divertissement de ces chasses
(1) Les piquets servaient à arrêter les toiles par le bas et les four-
clies à les tenir élevées verticalement.
(2) Selon GafTet de la Briffardière , il iaut une ceiitaiut' de paysans
})our traquer et aider à tendre les toiles.
(3) On a encore lait des liournilleries sous le règm- de (Iharlcs \.
Voir 11' Jiinr/Ktl des riniascs.
— 365 —
du haul (le cliariols (3t de tribunes placés dans l'ac-
courre et lançaient quelquefois le dard de leurs
propres mains.
Les bâtons dont on se servait très-souvent sous
Louis XIV étaient longs de 5 à G pieds et pointus par
un bout; les chasseurs frappaient les bêtes noires au
boutoir, qui est leur endroit sensible. Les petits ani-
maux étaient assommés assez promptement , mais les
gros sangliers se défendaient vigoureusement, et il fal-
lait les frapper à plusieurs reprises et leur présenter
la pointe du bâton pour les repousser. Quelques
chasseurs à cheval, bien montés et chaussés de
bottes fortes, restaient aussi dans l'accourre pour
tuer les sangliers à coups d'épée ou de couteau de
chasse (l).
On se servait aussi des toiles soit pour faire des ga-
leries à l'aide desquelles on conduisait des cerfs d'une
forêt à une autre (2), soit pour prendre vivants des
cerfs et des biches. Dans ce dernier cas, les animaux
étaient traqués avec les toiles jusqu'à une avenue de
pieux enlacés de feuillage, qui aboutissait à une ca-
bane ou un caisson. L'animal, entré dans la cabane,
y était enfermé à l'aide d'une trappe et le tout était
chargé sur un chariot (3).
Les simples gentilshommes se trouvaient rarement aux Jiës
posséder un attirail aussi considérable que celui ^■J^^,s
Cliasse
senlilshommes.
(1) Salnove, — Étals de la France. — GafTet de la Brlffardière.
(2) D'YauviUe. — Toiidouze.
(3) Gaffel de la Brlffardière.
— 366 —
qu'exigeait la chasse aux toiles. Il s'ensuit qu'ils ne
pouvaient guère chasser de cette façon que lorsque le
voisinage d'une résidence royale ou princière et la
complaisance d'un capitaine des chasses leur en four-
nissaient les moyens. C'est probablement de cette
manière, c'est-à-dire avec des toiles empruntées au
château royal de Vil lers-Cotterets que Claude Gauchet
et ses amis purent faire les deux chasses aux toiles
qu'il décrit dans son poëme.
La première, qui se fait en hiver, est la chasse d'un
grand vieil sanglier.
Le solitaire, enfermé dans les toiles, est traqué par
une foule de paysans diversement armés et accompa-
gnés de leurs chiens, vers une accourre où sont tiltrés
les chiens de force revêtus de leurs Jacques et les
veneurs armés d'épieux. Après avoir fait grand car-
nage des mastineaux et culbuté les premiers chasseurs
qui l'abordent, le terrible animal, coiffé par les chiens,
est servi par Claude Gauchet lui-même :
Je m'approche du lieu
Et mon espieu trenchant poussant par le milieu
Je fais rougir ses flancs : le sang en abondance
Par boutées sortant, affoiblit sa puissance
Si bien que de ce coup, estendu par le bois
n rend aux ennemis la vie et les abois (1).
L'autre chasse est qualifiée de plaisante chasse aux
loups par eau et se fait en automne.
Nous avons donné au livre VI une analyse du récit
(1) Livre IV.
— 367 —
de Claude Gauchet. Cette chasse plaisante repro-
duit sur une petite échelle les chasses à l'eau des
princes allemands dont Monsieur le Prince avait
offert une copie fidèle à Monseigneur dans l'étang
de Comelle.
NOTES.
24
NOTES.
NOTE A.
Équipage de loup du graud Uaupliin. (Ex traits des Élals de la France
de 1684, 1687 et 1098.)
1684.
Depuis 1682, Monseigneur le Dauphin, aimant la chasse du
loup, entrelient une meutte de cent chiens pour le loup, et
vingt chevaux de selle, pour monter quatre lieutenans ordi-
naires, deux piqueurs, deux valets de limiers et autres.
Lieutenans ordinaires :
M. de Fontaine.
M. Michel de Fours, sieur de Guisigny, aussi lieutenant de
louveterie au bailliage de Gisors, dans la forêt d'Andelis et
de
M. Bâaillon, aussi lieutenant de Roy au Pont-de-l'Arche et
ecuïer de l'équipage de louveterie, près Monseigneur le Dau-
phin.
M. Jean Descara.
Les veneurs ou piqueurs sont •
Jaque Sandrier, dit la Montagne ; Claude le Roux.
— 372 —
Deux valets de limiers : Pierre Jean, dit Incourt. Pierre
Lalleman.
Lesquels servent tous sous le commandement de M. le mar-
quis d'Eudicourt, grand louvetier de France.
1687.
Quatre lieutenans ordinaires :
MM. Michel de Fours, etc.;
Jean Dascara (sic);
le Chevalier d'Eudicourt ;
de Boisfrant.
Les veneurs ou piqueurs sont :
N.... la Violette;
Jaque Sandrier, dit la Montagne ;
Claude le Roux ;
N.... l'Emerillon.
Deux valets de limiers (comme en 1684).
1698 (1).
Cinq lieutenans ordinaires :
MM. le chevalier d'Eudicourt ;
de Boisfrant ;
de Villognon;
Dudeauville;
de la Grandière.
Un aumônier ou chapelain de la louveterie de monseigneur
le Dauphin, M. Pierre de Piscard, S' de Travaille.
Les veneurs ou piqueurs sont :
Pierre le François, dit la Violette;
Jaque Sandrier, dit la Montagne ;
Claude le Roux ;
Jaque Cherron, dit l'Emerillon;
N.... Phelippau.
(1) L'écurie fie chasse du Dauphin comptait alors 50 chevaux. Nous
avons vu qu'il en avait eu jusqu'à 80 en 1G88.
— 373 —
Valets de limiers :
N.... Dessaux;
N.... Riblet;
N.... du Clos;
Pierre Discret ;
N.... le Vatine;
N.... Launay, dit Machocré ;
N.... Riblet le cadet.
Valets de chiens :
N.... Bourguignon ;
N.... le Moine, dit Picard ;
N.... Roland;
N.... Cordier;
N.... Sauvage ;
N.... Langlois.
Un pourvoyeur de l'écurie des chevaux pour le loup, 200
Le S' Sarazin.
NOTE B.
Chasses mémorables de Monseigneur, d'après Dangeau et le Mercure.
Le 4 octobre 1684, monseigneur prit un gros loup dans une
des îles de la Loire.
Le 10 novembre suivant, malgré le mauvais temps, monsei-
gneur ne laissa pas de courre le loup et même il en prit six ce
jour-là.
Le 17 février 1685, d Versailles. — Monseigneur courut un
loup qui le mena par delà Marcoussy.
Le 23 février suivant. — « Monseigneur courut le loup
qu'il prit vers Marcoussy. »
— 374 —
Le 21 mars suivant, à Versailles. — « Monseigneur courut
le loup, la chasse fut fort rude, il y eut sept ou huit chevaux
de crevés de la course. »
Le 1 1 avril suivant. — « La chasse mena monseigneur à
10 lieues de Versailles et il ne revint qu'à onze heures du
soir. »
Le 18 juin. — « Monseigneur alla courre le loup aux Vaux de
Cernay et le prit dans Crouy, après avoir couru pendant dix
heures par une chaleur horrible. »
Le 7 septembre, monseigneur allant à Chambord, courut le
loup en chemin et en prit deux.
Le 13 septembre, à Chambord. — « Monseigneur courut le
loup et n'en revint cpi'à neuf heures du soir (1). »
Le 16 janvier 1686, à Versailles. — « Monseigneur courut le
loup et fit rompre ses chiens à 10 grandes lieues d'ici. »
Le 18 janvier suivant. — « La chasse mena monseigneur si
loin, qu'à l'entrée de la nuit, il se trouva plus près d'Anet que
de Versailles. »
Le 8 février. — « Monseigneur courut le loup; voilà trois jours
de suite qu'il le court, et qu'il va à 6 grandes lieues d'ici au
laissé-courre. »
Le 7 mars, à Versailles. — « Monseigneur alla courre le loup
et revint fort tard. »
Le 17 avril, à Versailles. — « Monseigneur alla courre le
loup qui le mena fort près de Fontainebleau. »
Le 24 octobre, à Fontainebleau. -« Monseigneur prit le plus
grand loup qu'il eust pris de sa vie. »
Le 27 octobre, à Fontainebleau. — « Monseigneur alla à la
billebaude (luèter un loup dans la forêt; il en trouva un, fit
la plus belle chasse du monde et tua le louj). »
Le 2 octobre 1687. La cour allant à Fontainebleau, « Mon-
(I) IN'udaiit itLIl; iiiiiu''r l()8ô, le i^i'aint Daiiiiliiii liUi",' cliiis>eMli' loii]i
avec son t''(|niiiaj:i\ sans coinploi' pliisii'uis cliiisi^fs avec les rliieiis
du Roi, (\o \\. ,\r Vi'inlùinc, otc.
— 375 —
seigneur partit avant le jour pour courre le loup en chemin. »
Le 1«'' mars 1688, à Versailles, « monseigneur courut le
loup qui le mena fort loin d'ici, il n'arriva qu'à onze heures du
soir. »
Le 8 juin 1689, à Versailles. — «Monseigneur alla courre le
loup avec Madame dans la forêt de Livry et n'en revint qu'à
dix heures du soir. »
Le 1 \ juillet suivant. — « Monseigneur courut le loup dans la
forêt de Sénart avec Madame. La chasse les mena près de
Fontainebleau, d'où Madame revint ici (à Versailles). Monsei-
gneur s'opiniàtra à la chasse, força son loup à la nuit, et revint
coucher à Villeneuve-Saint-Georges. »
Le o mai 1698, à Versailles. — « Monseigneur courut le loup
et le manqua. Il a déjà couru ce loup-là huit fois sans le pou-
voir prendre. »
Le 18 octobre suivant. — « Le j^oi d'Angleterre (Jacques II)
courut le loup avec Monseigneur, il en vit prendre un et puis
revint diner avec le Roi. Monseigneur en vit prendre un se-
cond, et au retour de la chasse il mangea chez Madame la
princesse de Gonty. »
Le 7 avril 1699. — « Il y eut à Meudon une chasse de loup
fameuse avec les chiens de M. de Vendôme. »
Le '15 juin 1699, à Versailles. — « Monseigneur courut le
loup et fit une chasse fort rude. »
Le 22 janvier 1700. — « Monseigneur courut le loup dans la
forêt de Marly et fit donner un relais de la meute de M. le comte
de Toulouse, qui chassèrent [sic) fort bien avec ceux de
Monseigneur. »
Le 18 octobre 1701, à Fontainebleau. — « Monseigneur et
M. le duc de Bourgogne allèrent à 4 lieues courre le loup avec
les chiens de M. de Vendôme. »
Le 19 et le 23 février 1704, à Versailles. — « Monseigneur
courut le loup et la chasse le mena fort loin. »
Le 21 octobre 1704, à Fontainebleau. — « Monseigneur
courut le matin un loup (pii battit toute la forêt et qui ne fut
pris que fort tard. -
— 376 —
15 mai 1710, à Marlij. — « Monseigneur et monseigneur le
duc ^e Berry prirent un loup à la porte de Pontchartrain et fu-
rent reçus par M. le chancelier. »
NOTE C.
La devise du bel laucon (extrait du Roman des déduils de Gace de la
Buigne.)
FAUCONNERIE.
Le faucon est sor (1) et ramage (2)
Sain et entier, de gros plumage
De large frege, bas assis
Plus bel en est à mon devis
Pié de butor a, ce me semble
Longue et bien coulourée sangle (3)
Et le talon et le charnier.
Le petit doit soit bien croisez,
Les ongles noirs comme corbeaux.
De quoy il a le pied plus beau.
Jambe courte et un peu grossette
Cuysse de faisan rondelette
Et si a si large lamet (4)
Que pou y pert (5) ce qu'il y met.
Gros bec, dont la cire (6) ressemble
De couleur à la dicte Siingle.
(1) Sors, roux, on donnait cette cpithète aux jeunes faucons, à cause
de leur couleur.
(2) Ramage, jeune faucon qui commence à se branchoi'.
(3) Gorge.
(4) Le lamel ou l'aincl était l'orilicc d'un jiressoir. Ge mot doit signifier
ici le gosier de l'oiseau de i)roie.
(5) Paraît.
(6) Pi'au (lui recouvre la l>ase du bec.
— 377 —
Grands narines, hardy visaige,
En manière d'aigle sauvaige
Grosses espaules et long vol,
Et fait la bosse sur le col,
Grosse plume, faucon revers
N'est pas de plumage divers
Car est de blanches plumes lées (1)
De vermeil à point colourées
Et si la nature party
Tellement qu'il est bien party
Mais saches que petit s'en fMult
Qu'il ne soit si grand qu'ung gerlaiilt
NOTE D.
Diatribe du même contre les autoursiers.
Mais garde ne face manoir
En la chambre des fauconniers
Les malgracicux astruciers.
Oncques je ne les peux aymer
Et pour ce ung peu en veuil parler
Ils sont mauldis en l'escripture
Car de compaignie n'ont cure.
Mais tous seulx vont en leur deduyt
Car ne veullent qu'on leur enruiyt
Et portent voulentiers mantel
Pour la couverte de l'oysel,
Affm qu'ils puissent mieux trahir
L'oysel qu'ils veullent enhayr
Et quant ils vont à la rivière
Cuydes tu qu'ils voysent derrière
Les faulconniers, mais tout devant
S'en yront tousdis tabourant (2)
(1) Larges.
(2) Battant du tambour.
— :n8 —
(^ui Ils orroit (entendrait) battre et léiir
Taboiir, et verroit bondir
Uyseaulx, sachez qu'à l'envirou
Rien "ne remaint pour le faulcon
Car n'y a ruyssel ne fossé
Que tous ne soient tabouré.
Si pry aux seigneurs terriens
Qu'ils les lyent de deux liens,
L'ung- quant il yra en rivière
Que l'austrucier voise derrière
Et l'autre que les bisilons (1)
Soient gardez pour les faucons
Et que à l'autour plus nulz n'en preignent
Les austruciers, mais ne se faigneut
De prendre butours et badians, etc.
(Suit une liste d'oiseaux déjà citée dans le texte, page 189.)
. . . .Bien puis parler de l'autrucier
Quant chascun luy sçait reprochier
Et l'on voit ung mal taillé
A grosse cheville de pié
Et longue jambe sans pomel
Ainsi faictes comme d'ung tretel
A qui nature a trop haut mis
Les os des anches et assis
Les espauUes en trop haut limi
Qui n'a pas le col au meillieu
Quant on se veult de luy mocquer
Un dit : esgard, quel autrucier !
(I) Oiseau inconnu.
370
NOTE E.
États (lu la grande fauconnerie et de la fauconnerie du Cabinet en
1785. (Extraits de VAlmanacli de Versailles pour l'année 1783.
GR.^NDE FAUCONNERIE.
Grand fauconnier de France.
M. le comte de Vaudreuil.
Gerdilsliommes.
M. Cadot. M. Goubladol.
Premier vol pour mUan.
M. Hubert de Gorcy, Capitaine Chef.
M. Cochet des Ghanais, Lieutenant Aide.
Un Maître Fauconnier^ un Porte-Duo, cinq Piqueurs.
Second vol pour milan.
M. Hubert de Gorcy, Capitaine Chef.
M. de Meuville, Lieutenant Aide.
Un Maître Fauconnier, un Porte-Duc, cinq Piqueurs.
Vol pour lier 0)1.
M. Glerguet de Loiset, Capitaine Chef.
M. de Beaurepaire, Lieutenant Aide.
Deux Maîtres Fauconniers, huit Piqueurs.
Preniie)' vol pour corneille.
M. le comte de Vaudreuil, Capitaine Chef.
M. Honoré liorely, Lieutenant Aide.
Un Maître Fauconnier.
— 380 —
Second vol pour cur/ieille.
M. de Maudoux de Bois-leRoi, Capitaine Chef.
M. de Paul, Lieutenant Aide.
Un Porte-Duc et sept Piqueurs.
Vol pour les champs.
M. Gaucherel, Capitaine Chef. M. son fils en S.
Un Maître Fauconnier et deux Piqueurs.
Vol pour rivière.
M. Gaucherel, Capitaine Chef M. son fils en S.
M. Ghevillard, Lieutenant Aide.
Vol pour pie,
M. Gaucherel, Capitaine Chef. M. son fils en S.
Vol pour lièvre.
M. Gaucherel, Capitaine Chef M. son fils en S.
M. Pascaud, Lieutenant Aide.
M. d'Avrange de Noiseville, Secrétaire général de la grande
Fauconnerie.
M. de la Roque, Maréchal des Logis.
MM. Marteau et Blondel de Jouvencourt, Fourriers.
FAOCONNERIE DU CABINET DU 1101.
M. le chevalier de Forget, Capitaine général.
Vol pour corDcille.
M. Paillard de Clcrniont, Lieutenant.
— 381 —
Piqueurs. — Les S"^**
Noël faisant le service de Le Bret.
Maître Fauconnier. De Mars.
Borely. De Fianquoville.
Dumont. Perrot, faisant le service de
Jacquemin, Porte-Duc.
Vnl pour pie.
M. le comte de Forget, Lieutenant.
M. Vielbans de Varanne, Maître Fauconnier.
Piqueurs. — Les S''*
Le Marchand. Cornœdus.
De la Groue.
Vol pour les champs.
M. le vicomte de Forget, Lieutenant.
M. Louvet, Maître Fauconnier.
Les S" Carayon et Besongne, Piqueurs.
Vol pour émerlllons.
M. Varnier, Lieutenant.
M. Nauleau, Maître Fauconnier.
Les S" Bonneau et Drouin, Piqueurs.
Vol pour lièvre.
M. Ghauvelle, Maître Fauconnier.
M. Isnard, Secrétaire de la Fauconnerie .
— 382 —
NOTE F.
Cliasses à tir de Louis XIV et dos princes de sa maison, d'après le
Journal dr- Dangeau et \q Mvrnirc galant.
En décembre 1684. — « Le Roi permet de tirer dans des
battues à M. le Grand, au grand Maître, à M. de la Rochefou-
cauld et au chevalier de Lorraine. »
En 1686. — Le Roi va plusieurs fois à la chasse en calèche
découverte ou dans une machine nouvelle qu'on lui a fait ac-
commoder pour tirer sans descendre. Il met parfois pied à
terre pour faire chasser sa chienne et tirer. (T. 1".)
« Le 26 octobre 1686, « Fontainehlem. — Le Roi a dîné à
son petit couvert après la messe et puis est allé tirer et s'est
plaint, même à la chasse, de la foule des gens qui le suivent,
et les a assurés qu'ils ne faisoient point du tout leur cour en
le suivant comme cela. »
Le 30 octobre 1686, à Fontainebleau. « Le Roi, au sortir de
table, alla tirer en volant; il trouva, en cherchant des perdrix,
un gros sanglier dans son quartier. 11 mit une balle dans son
fusil et le tua. »
10 mars 1693, à Chant illy. — « Sa Majesté chassa depuis
11 heures jusqu'à 6 heures du soir, et au retour, en rentrant
dans le petit parc, M. le prince donna au Roi et à Monseigneur
le plaisir d'une battue dans un petit bois d'où il sortit plus de
2,000 faisans et autant de perdrix. » (Mercure de mars 1693.)
8 avril 1695, à Choisy. — « Le Roi dîna de bonne heure et
alla tirer dans la plaine, où il demeura quatre heures à cheval,
malgré un vent fort violent et froid. » (T. IV, 244.)
29 mai, à Chantilly. — « Le Roi alla le matin à des battues
avant dîner, et. en une heure qu'il fut dehors, il tua 50 lapins.
L'après-dînée il retourna à la chasse et tua beaucoup de fai-
sans. » (T. V, 182.)
En janvier 1696, à Afriidoii. — « Doux jours t:onsécutifs, le
— 383 —
Hoi va rupiès-diiiée awc inonseigncui' tiier des lapins dans
les toiles. " (T. V, 194.)
29 mai 1696, à Versailles. — « Le Roi alla Taprès-dinée
tirer. Il prend plaisir à chasser avec quatre ou cinq chiennes
qui vont toutes ensemble au même arrêt. Il y trouva une
quantité prodigieuse de gibier, en tua beaucoup et en donna à
ses grands officiers. » [Ibid., 194.)
18 novembre, à Versailles. — « Le Roi alla tirer dans son
grand parc. Madame la duchesse de Bourgogne et beaucoup de
dames à cheval allèrent le voir tirer. Jamais on ne vit tant de
faisans en l'air, le Roi en tua beaucoup et en donna à toutes
les dames. » (T. XII, p. 10.)
4 novembre 1712, à Marly. — « Le Roi se promena tout le
matin et alla tirer l'après-dinée ; en deux heures de temps il
tua 50 pièces de gibier. » (T. XII.)
NOTE G.
Chasses à tir do Monseigneur.
6 janvier 1685, à Versailles. — « Monseigneur se promena
en traîneau le matin et l'après-dinée, et alla tirer des canards
dans la ménagerie. »
16 août 1685, à Versailles. — « Monseigneur alla tirer dans
la plaine Saint-Denys et tua plus de cent pièces de gibier. »
20 août, à Versailles. — « Monseigneur alla tirer dans la
plaine Saint-Denys avec quatre ou cinq courtisans et rapporta
de sa chasse cinq cents pièces de gibier; il en avoit tué six
vingts pour sa part. »
— 384 —
7 (!t 9 mai 1695, à Complùgne. — • Monseigneur va dans
la forêt tirer des marcassins. »
29 mai 1695, à Chantilly. — « Monseigncin- alla tirer des
faisans le matin de son côté, et l'après-dinée il tua des mar-
cassins dans la forêt. »
ÎSOTE H.
Chasses h tir des lils de Monseigneur. \ y-ii\^ '
18 novembre 1700, à Versailles. — « Le Roi d'Espagne
(Philippe V, naguère duc d'Anjou) alla tirer des lapins, et au
retour, il en donna 6 à l'ambassadeur qu'il fit entrer seul dans
son cabinet et qui le remercia à genoux. »
27 mars 1703. — « Messeigneurs les ducs de Bourgogne et
de Berry allèrent tirer dans la plaine de Saint-Denys, où ils
tuèrent 150 lièvres, et ils eurent la sagesse de ne point tirer
des perdrix, parce qu'elles sont à la pariade. » (T. XIV, 253.)
11 août 1703. — « Monseigneur le duc de Berry alla de
Versailles à Livry en chassant et tua, lui seul, 294 pièces. »
{T. VII, 425.)
28 janvier 1706. — « Messeigneurs les ducs de Bourgogne
et de Berry allèrent tirer dans la plaine de Saint-Denys, et
Monseigneur le duc de Berry tua 60 pièces de gibier, ce qui
paroit incroyable, même aux meilleurs tireurs dans cette
saison- ci. » (T. X, 19.)
Le 30 juillet 1706. — « Messeigneurs les ducs de Bour-
gogne et de Berry allèrent tirer dans la plaine de Saint-Denys
où l'on tua 500 perdreaux. Monseigneur le duc de Berry en tua
pour sa part près de 330 dont il rapporta bien 240, et pourtant
il ne tira pas si bien (ju'à son ordinaire, car il tira près do
— 385 —
700 coups, chose sans exemple, et n'en fut pas du tout in-
commodé. »
6 août 1706. — « Messeigneurs vinrent tirer dans la plaine
Saint-Denys. Ils ne commencèrent leur chasse qu'à midi et il
y eut 1,600 pièces de gibier tuées; monseigneur le duc de
Berry en tua, pour sa part, 238. » (T. XI, 173.)
2 novembre 1706. — « Monseigneur le duc de Berry alla
tirer avec ses pistolets, et il est si adroit qu'il a tué beaucoup
de faisans et même quelques-uns en volant. » (T. XI, 241 .)
30 août 1707. — « Monseigneur le duc de Berry ayant tué
précédemment 36 pièces en volant à coups de pistolet, en tua,
ce jour-là, 72. » (T. XI.)
NOTE I.
Chasses à tir de Louis XV, d'uprès Dangeau et les Mémoires do
Luynes.
Le 2 juillet 1720. — « Le Roi apprend à tirer depuis quel-
ques jours et y pai^oît déjà fort adroit. » (Dangeau, t. XVII,
p. 314.)
21 juillet. — « Le Roi, au bois de Boulogne, tire 15 ou
16 coups et tue 3 lapins en courant, 2 tourterelles sur les
arbres et 5 faisandeaux à qui on avoit coupé les ailes. »
(Ibid., 324.)
24 juillet. — « Le Roi envoie à M. le maréchal de Villeroy,
un oiseau qu'il a tué à balle seule. » {Ibidem, 326.)
6 août 1737. — « Le Roi fut tirer hier dans la plaine Saint-
Denys. Il tua 120 pièces de gibier et il y en eut en tout plus
de 900 de tuées, le Roi ayant permis à tous ceux qui avoient
l'honneur de le suivre de tirer.
III. 25
— 38G —
« La même permission avait été accordée quelques jours au-
paravant à ceux qui accompagnoient le Roi dans la plaine de
Grenelle et à Montrouge. » {Mém. de Luynes.)
21 août 1737. — « Le Roi me fit l'honneur de me dire que,
quelques jours auparavant, à une chasse dans le petit parc de
Rambouillet, il avoit tiré 60 pièces en une demi-heure. Il n'a-
voit manqué que quatre coups. »
5 janvier 1739. — « Chasse à tir dans le petit parc de Ver-
sailles. Sa Majesté permet au duc de Villeroy et au grand ma-
réchal des logis Ghamillart de tirer avec des fusils. "
15 août 1748. — « Le Roi chasse à tir dans la plaine Saint-
Denys et dans le petit parc de la Meutte {sic). En trois jours
on lue 3,000 pièces, dont 400 de la main de Sa Majesté. »
Le 2 septembre. — « Le Roi tire au petit parc (de Versailles)
et tue 288 pièces. »
« Le 19 octobre. — « Le Roi dit que depuis le commence-
ment des perdreaux il en a tué 1,000 ou 1,100 et en tout
3,500 pièces (1). »
« En août 1752. Le Roi tue de sa main 400 pièces entre le
Roule et Neuilly. » (Luynes, t. X.)
NOTE K.
Qiml(iuos chasses à tir de Louis XVI, on 1780. {Revue rélrospecHvc .
V" série, t. V.)
Le 4 janvier, tiré à Pissaloup, tue 219 pièces.
(1) En octobre 1751. « Le Roi a eu une petite attaque cl indisposi-
tion de goutte ou de rhumatisme à Crécy, ce qui l'cmpéchoit de mar-
cher, mais l'envie de chasser est si forte que le Roi s'est fait mener
dans les champs dans son fauteuil roulant et qu'il a tué 200 pièces de
gil)ior. Il {Jdurnal de Barbier, t. Y.)
— 387 —
Le 14, tiré au Mail, tué 171 pièces.
Le 19, tiré aux Lisières, 334 pièces.
Le 24, tiré à Glievreloup, 21 5 pièces.
Le 28, tiré à la plaine de Ghambourcy et aux petites Routes,
246 pièces.
NOTE L.
La chasse au renard avec les bassets, dans l'Amoureux de quinze ans,
pièce composée à l'occasion du mariage du duc de Bourbon en 1771,
par le chevalier de Laujon, secrétaire des commandements de ce
prince.
LE MARQUIS. — LINDOR.
C'est un plaisir en aimant cette chasse
De chasser avec vos bassets.
LE BARON.
Ah quel plaisir, ah l'agréable chasse
Les braves chiens que vos bassets.
LINDOR.
Je crois, quelque chose qu'on fasse
Qu'on n'en a pas d'aussi parfaits.
LE MARQUIS.
Tu crois quelque chose qu'on fasse
Qu'on n'en a pas d'aussi parfaits?
LE BARON.
Ma foi, quelque chose qu'on fasse
L'on n'en a point d'aussi [parfaits !
— àSa —
LINDOR.
La bonne voix qu'a Mustaraut !
LE MARQUIS.
Et quelle quûte a Fanfaraut!
LE BARON.
Mais vous avez un Murmurant î
LE MARQUIS. — LINDOR.
Oh Murmurant! oh Murmuraut!
LE BARON.
Quel chien !
LE MARQUIS. — LINDOR.
Bon chien !
ENSEMBLE.
Ah comme il chasse !
LE BARON.
Avec lui, jamais de défaut.
Gardez-le bien.
LE MARQUIS.
C'est de la race
Du vieux commandeur d'Egrivaut.
ENSEMBLE.
Ah quel plaisir, etc.
LE BARON.
Et votre grand piqucur normand ?
LE MARQUIS. — LINDOIi.
N'est-il i)as vrai <]u'ii est plaisant ?
•^ 389 —
LE BARON.
Peut-on ne pas rire
Quand on l'entend dire :
Où qu ça va, mes valets,
Où qu'ça va
Et alîi, et alii, cV'st là
Qu'il a
Verdondaillé dans l'zozerels!
LE MARQUIS. — LINDOB.
Oui, c'est son ton, c'est sa manière...
LE BARON.
Quêté sur la taupinière...
LE MARQUIS. — LINDOR.
Oui c'est son ton, c'est sa manière...
LE BARON.
Toujours criant.
Sifflant, chantant,
A chaque instant : au coûte, au coule
Et l'on est sûr dès qu'on entend
Vlau... qu'un renard passe à la route
Murmurant l'v mène à l'instant.
NOTE M.
Chasses aux toiles en Allemagne.
La chasse des grands animaux dans les toiles était la chasse
favorite des princes allemands. On lui donnait même le nom
de chasse allemande [Deutsche lugd) par excellence. (Voir les
ouvrages de Tanzer, Parson et Fleming déjà cités.)
— 390 —
Outre les houraillcmcnts qui se faisaient à peu près comme
en Franco, une des méthorlcs les plus goûtées consistait à
traquer des troupeaux innombrables d'animaux de toute es-
pèce dans une pièce d'eau entourée de toiles, où ils étaient
percés de flèches ou arquebuses par le prince et ses courtisans,
montés sur des embarcations richement décorées ou sur des
tribunes.
On voit au château de Moritzburg, près Dresde, une de ces
chasses peinte au xvi* siècle par Lucas de Cranach. Les chas-
seurs sont en bateau et armés d'arbalètes. Un autre tableau
du même maître, reproduit dans le bel ouvrage de M. de
Hefner [Costumes du moyen âge chrélieji), représente une
chasse dans l'eau chez le comte de Mansfeld, en 1520. Les
chasseurs, richement vêtus et accompagnés de leur fol, por-
tent de longues lances et sont dans une embarcation manœu-
vrée par des dames.
Au château de Moritzburg, on trouve encore un tableau plus
moderne, représentant une chasse sur l'étang voisin de la ré-
sidence. Des radeaux flottants servent de refuge à des ours qui
y sont attaqués par des chiens de force, tandis que des ani-
maux de toute espèce rougissent autour d'eux les eaux de leur
sang. Dans l'œuvre de Ridinger des scènes analogues sont re-
présentées avec tous leurs détails.
Mais ces chasses aux toiles dans l'eau ne suffisaient pas
pour satisfaire le goût de l'extraordinaire et du luxe bizarre qui
possédait tous ces souverains allemands. Les tableaux du
XVIII" siècle conservés au château de Rastadt, près Bade, nous
initient à des raffinements dont l'étrangeté dépasse toute
croyance. Les animaux, poussés vers des bassins décorés de
constructions somptueuses, sont forcés de sauter dans l'eau en
passant par des fenêtres et des arcades ou en traversant des
feux d'artifices; d'autres entassés dans des enceintes sont
bombardés à coups de grenades à main par des soldats ou fu-
sillés par les chasseurs, lorsqu'ils cherchent à s'enfuir en pas-
sant sur des galeries élevées ou des ponts suspendus.
Des snngli(TS, saisis au passage, sont affublés d'ailes état-
— 391 —
tclés à des chars, pendant qu'on tire des chats vivants dans
des mortiers pour célébrer ces boucheries extravagantes ,
dignes des Romains du Bas-Empire.
NOTE N.
Chasse aux llambeaux dans les toiles. (Chantilly, 1782.)
Si l'on peut s'en rapporter aux mémoires de la baronne
d'Oberkirch, dont l'authenticité n'est pas hors de doute, il y
eut encore à Chantilly en 1782, une chasse aux flambeaux
dans les toiles, à l'occasion de la visite du tsarévitch Paul
{sous le nom de comte du Nord].
«« Ce fut un coup d'œil ravissant. Toutes les dames étaient en
calèche découverte, les princesses ensemble, les cavaliers ga-
lopaient aux portières ; on voyait des cerfs efl'rayés par les
torches, la meute les suivait en aboyant, c'était féerique (1). »
(T. I, ch. XIV.)
(1) Ce détail de la meute qui chasse les cerfs dans les toiles est fort
suspect.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
CHASSES A TIR DE LA MAISON DE CONDE.
N» I.
Récapitulation générale du gibier tué des chasses de S. A. S. Mon-
seigneur le duc de Bourbon^ de 1770 au l" janvier 1779. (Extrait
du Joiirnal de Toudouze.)
Lapins, 2,278
Lièvres, 4,259
Perdrix grises, 11,941
Id, rouges, 1,048
Faisans, 8,899
Cailles, 208
Rîiles, 22
Bécasses, 86
Canards, 102
Vanneaux, 3
Grives, 47
Ramiers, 25
Courly, 10
Alouettes, 49
Becfigues, 7
Crapaux volans, 5
Biches, 57
Daims,, 123
— 396 —
Faons de daims, 5
Chevreuils, 317
Faons de chevreuils, 27
Sangliers, 6
Marcassins, 5
Faons de biche, 6
Total général, 29,535
N" II.
Récapitulation générale de tout le gibier tué par S. A. S. Monsei-
gneur le prince de Condc des chasses de Chantilly, commancée (sic)
en l'année V7iS jusqu'au l^' janvier 1779. (Extrait du même jour-
nal.)
Lapins, 5,392
Lièvres, 12,201
Perdrix grises, 18,334
Id. rouges, 3,058
Faisans, 24,087
Cailles, 400
Ralles, 52
Bécasses, 139
Bécassines, 16
Canards, 174
Oyc d'Égyple, 1
Vanneaux, 4
Grives, 10
Rammiors, 42
Courly, 10
Becfigue, 3
Biches, . 7
Faons de biche, 9
Daims, 20
— 397 —
Chevrouils, 506
Faons do clKîvreuil, 43
Sanglier, 1
Marcassin, 1
Geais, 2
Total général, 65,524
N° III.
Anecdotes et faits remarquables concernant les chasses à lir de
Chantilly. [Extraits du même journal.)
Le 17 août 1769. Le Roi chasse à tir à Chantilly et tue 140 pièces,
savoir 1 lapin, 4 lièvres, 58 perdrix grises, 2 rouges, 75 faisans.
Le 21 septembre 1776. « Chasse à tir aux daims à la Haute-Pom-
meraye. Monseigneur le duc tue 2 faons de daims et un chevriilard;
M. de Cayla, 1 ramier ; M. de Conty, 1 lapin ; les gardes, 7 daims,
2 biches, 1 faon de biche et 1 sanglier. »
Le 26 septembre. « Chasse à tir au même lieu. Monseigneur le
duc tue 4 daines, 2 chevreuils, 2 faons et 1 faisan. M. de Conty, un
lapin. Les gardes, 2 biches et 8 daims. »
Le l^'' novembre. « Monseigneur le duc a chassé le matin dans le
parc de Silvie avec ses bricquets, et y a tué 6 daims et 1 chevreuil. »
Le 9 novembre. « Monseigneur le duc a chassé le matin le daim
dans le parc de Silvie, avec son nouvel équipage de bricquets, et y
a tué 4 daims et 1 chevreuil . »
Le 14 novembre. « Chasse de Monseigneur le duc avec son équi-
page de basset [sic], dans la plaine de Saint-Maximin, au chevreuil.
Il y en a eu 5 de tués et pris. »
Le 17 novembre. « Chasse de Monseigneur le duc avec ses bric-
quels à la garenne de Laversine, isle de Creil et Haule-Pommeraye.
S. A. S tue 6 chevreuils, 2 daims et 1 faisan. »
Le 21 novembre. « Chasse de S. A. au bois de lîouvilliers avec ses
bricquets et bassets. S. A. y a tué 1 chevreuil et 1 biche. Les gardes,
2 biches, »
— 398 —
Le 28 novembre. « Chasse du petit équipage de Monseigneur le
duc dans les parcs du château. S. A. a chassé à la côte Grognon et y
tué et pris 3 chevreuils et 4 faisans. De là, S. A. a chassé le daim
dans la foret de Chantilly et y a tué 7 daines. »
Le 1*'^ décembre. « Monseigneur le duc, avec ses bassets, lue
3 biches et 3 daines. »
FIN DU TOME TROISIÈME ET DERNIER.
TABLE DES MATIERES.
LIVRE VI.
LA LOUVETERIE.
CHAPITRE PREMIER.
HISTOIRE, LOIS ET RÈGLEMENTS.
Pages.
Ravages des loups. — La bête du Gévaudan. — Institution des
louvclicrs. — Louveticrs illustres. — Langage et littérature. . 3
CHAPITRE II.
DES DIVERSES MANIÈRES DE CHASSER LE LOUP.'
? 1. Chasse du lowp à force. — Chasse avec les lévriers. — Chasse
avec les chiens courants. — Chasse des grands loups. — Chasse
des louveteaux et louvarts. — Équipages de loup. — Chiens
de loup 36
? 2. Chasse du loup à lir. — L'affût. — Les battues. — Chasse à
tir avec chiens courants. — Chasse du loup en routaillant. —
Chasse du loup à la sonnette 53
— 400 —
Pages.
3. Chasse du Icnip avec toutes sortes d'engins et pièges.
Les panneaux. — Les toiles. — Les lassièrcs. — Los lacs. —
Les fosses. — La galerie. — Les parcs. — Les tables. — La
chambre. — Le fusil braqué. — Pièges divers 59
LIVRE VU.
LA FAUCONNERIE.
CHAPITRE PREMIER.
ORIGINES ET HISTOIRE.
g 1. Premiers temps de la fauconnerie G9
2 2. Épofjue féodale. — Philippe-Auguste. — Richard Cœur de
lion. — Fauconniers orientaux. — Robert, roi de Naples. —
Charles V. — Charles VI. — Louis de Mâle, comte de Flandre.
— Ducs d'Orléans. — Louis XL — Ducs de Bourgogne. —
Charles VIII. — Dames fauconnières. — Traités de fauconnerie. 75
g 3. Du IT/^ au XVIII'^ siècle. — Louis XII. — François P''. —
Les ducs de Guise. — Le comte de Tende. — Le grand Prieur.
— Les Montmorency. — Henri IV. — Chasses au vol des sim-
ples gentilshommes sous Henri IV. — Louis XIII. — Chasses
au vol des gentilshommes sous Louis XIII. — Louis XIV. —
Louis XV. — Fauconnerie en province sous Louis XV. —
Louis XVI. — Traités de fauconnerie du xvi' au xviii= siècle. 92
CHAPITRE II.
Des oiseaux employés a la chasse au vol IIC
g l. Espèces dressées hahiluellcmcnt à la chasse:
1° Le faucon proprement dit 121
2» Le gerfaut 124
3° Le sacre 127
4° Le lanier 130
5" Uèmerillon 133
G" Le Itobereau 135
7" L'autour 13G
8" L'épervier. — Le tagarot. — L'alèlhc 138
g 2. Espèces dressées accidenletlcrnenl. — Busard. — Crécerelle.
— Falquet 143
Aigles dressés. — Alériou. — Milieu 148
401
CHAPITRE III.
CAPTURE, ARMEMENT, ÉDUCATION ET HYGIÈNE DES OISEAVX-CHASSEURS.
Pages.
Marchands d'oiseaux. — Oiseaux niais. — Aires. — Oiseaux pas-
sagers. — Armement des oiseaux. — Outillement du fauconnier.
— Affaitagc. — Noms des oiseaux de chasse. — Langage de la
l'auconnerie. — Hygiène des oiseaux. — Superstition des fau-
conniers 152
CHAPITRE IV.
"Vols divers de la fauconnerie et de l'autoukserie 173
g 1. Vols de la fauconnerie. — Vol du héron. — Yol du milan.
— Vol pour champ. — Vol pour rivière. — Vol de la corneille.
— Vols avec l'émerillon 17G
l 1. Vols de Vautourseric. — Vol pour champs avec l'autour. —
Vol pour rivière. — Vols avec l'épervier ou esprevelerie. — Vols
pour champs avec l'épervier. — Perdreaux. — Cailles. — Vol de
l'alouette 189
g 3. Vols d'animaux quadrupèdes 195
g 4. Chiens cl chevaux employés dans les citasses au vol. — 197
LIVRE VIII.
LA CHASSE A TIR.
CHAPITRE PREMIER.
Chasses avec les anciennes armes de jel.
g 1. L'arc et les flijches. — Chasses avec l'arc chez les Gaulois, — chez
les Francs et autres Germains. — Rois carlovingiens. — Chasses
à l'arc sous la troisième race. — Ducs de Normandie. — Chasses
des grands animaux avec des chiens courants et des traqueurs.
— Chasse à la revenue du viander. — Chasse du sanglier au
souil. — Chasses en s' approchant des animaux. — Chasse à l'a-
guet. — Ruses pour approcher les animaux. — Cerfs dressés.
— Chasse au rut. — Chasse en se couvrant d'un cheval monté.
— Chasse au tour. — Chasse des liètes noires. — Chasse du
lièvre. — Chas'se des oiseaux '20'2
2G
— iO-> —
Pago,.
é 2. Chasses avec l'arbalète. — Crcneiiuin. — Traits. — Arbalète
à jalet. — Chasse des quadrupèdes. —Ruses jjour approcher les
animaux. — Gliasse des pies et corneilles. — Chasse des ramiers.
— Au charivari. — A la muette. — Chasse au chien d'arrêt. —
Chasse du louj). — Du renard à l'appât. — Chasse avec l'arba-
lète à jalet 218
CHAPITRE II.
CHASSE AVEC LES ARMES A EEU.
'f. 1. Premières armes à feu portatives. — Ar(ixiel)uses. —Couleu-
vrines. — Couleuvrincs à main. —Arquebuse à mèche. — Ar-
quebuse à rouet. — Benvenuto Cellini. — Charles-Quint.— Phi-
lippe de Strozzi. — Charles IX. — Henri IV. — Le baron de
Chantai tué dans une chasse à l'arquebuse. — Louis XIII. —
Chasses à l'arquebuse. — Moyens employés pour surprendre le
gibier 23'2
ï 2. Fusils. — Fusils Snaphans. — FusHs à couvre-feu. — Fusils
doubles. — Fabrication des fusils de chasse au xvni<= siècle. —
Canons français. — Canons espagnols. — Chasses à tir de
Louis XIV. — Chasses à tir des Rois et princes pendant le
XVII" et le XYiii^ siècle. — Cérémonial des chasses à tir. —
Chasses du duc de Liancourt. — Anciennes méthodes de chasse
au fusil à la lin du xviii= siècle. — Instructions prélimi-
naires. — Chasse à tir des quadrupèdes. — Cerf et daim. —
Sanglier. — Chevreuil. —Lièvre. —Lapin. — Renard. —Blai-
reau. — Loutre.
Chasse des oiseaux de terre. — Perdrix. — Caille. — Râle de
genêts. — Alouette. — Faisan. — Bécasse. — Grande et petite
outarde. — Courlis de terre. — Grandoule. — Vanneaux. —
Pluviers. — Guignards. — Ramiers. ^Bisets. —Grue. — Cigogne, —
Tourterelles. — Grives. —Merles. — Étourneaux. —Oisillons. —
Chasse des alouettes au miroir. — Chasse au poste. — Oiseaux
divers. — Corvidés. — Oiseaux de ])roie diurnes. — Oiseaux de
nuit.
Oiseaux aquatiques. — Oiseaux de rivage. — Clievalier. — Cul-
blanc. — Alouette de mer. — Râles. — Poule d'eau. — Bécassine.
— Courlis. — Barges. -=- Goélands. — Mouettes, — Hirondelles
de mer. — Héron. — Butor. — Spatule. — Cormoran. — Al-
cyon. — Merle d'eau. — Palmipèdes. — Plongeons. — Grèbe. —
Harle. — Foulque. — Cygne. — Oie sauvage. — Pélican. — Fla-
mant. — Canards 245
i 3. (J liasses à tir du listes minituijnes. — Chasse (|(> l'ours. -Des
bouipietins cl l'hainois. — De la marmotte l't du Ijévi'e blanc —
i^es léUas. — Du lagopède et de la barlavellf — l)i' la gelinotte. 27'i
— 403 —
LIVRE IX.
Chasse avkc toutes sortks d'engins et de pièges 284
CHAPITRE PREMIER.
i;hasse des quadrupèdes avec pièges et engins.
g 1. Fosses 29Î
? 2. Filets. — Chasse à buissonner. — Chevreuils à l'amorce. —
Panneaux 294
g 3. Pièges et engins divers. — Dardiers. — Caige. — Ceoignole.
Broïon. — Pochon. — Hausse-pieds. — Collets 296
CHAPITRE II.
GIBIER A PLUMES.
? 1. Chasse du gibier à plumes avec filets. — Chasse aux perdrix.
— Tonnelle. — Tirasse. — Chasse à l'amorce. — Chanterelle.
— Chasse aux bécasses. — Chasse de la canepetière et des plu-
viers. — Bécassines. — Palombes, bisets, tourterelles. —
Grandes palomières. — Rets saillant. — Chasse au feu.- —
Chasse des oiseaux aquatiques avec appelants. — Chasse aux
canards sur les étangs du Ponthieu. — Canardières 301
g 2. Chasse du gibier à plumes avec divers engins. — Chasse des
faisans au miroir. — Rechargeoir. — Collets. — Hameçons. —
Pince d'Elvaski ""..... 31G
CHAPITRE III.
OISELLERIE.
? 1. Pipée et gluaux 320
?. 2. Chasse des oisillons aux filets. — Rets saillant. — Ridée.—
Araigne. —Rafle 324
■^ 3. La fouée 326
'f. 4. Chasse des oisillons avec divers engins. — Brail. — Pièges
divers 327
— 404 — t
LIVRE X.
CHASSES AVEC LE GUÉPARD DUESSÉ KT AUTRES CHASSES. (CHASSES
SOUTERRAINES, CHASSES DANS LES HAIES ET DANS LES TOILES.)
CHAPITRE PREMIER.
Page».
Chasse aveu le <;l-épard. 331
CHAPITRE II.
chasses SOVTERRAINES.
i I. Chasse des lapins avec le furet 339
'é 2. Chasse du blaireau ou du renard et autres bêtes jniantes.—
— Chasso du blaireau selon du Fouilloux. — Selon (Maude
Gauchet. — Chasses souterraines selon Sélincourt. — Au
.win' siècle 342
CHAPITRE III.
CHASSES AT'X HAIES ET AT'X TOTI.KS.
f! 1. Chasse aux haies. — Chez les Gaulois — Pendant l'époque
féodale 3i'J
'f. 2. Chasse aux toiles. — Équipage royal des toiles. — Louis XII.
— François l". — Les Guise. — Henri II. — Charles IX. —
Henri IV. — Louis XIII. — Louis XIV. — Louis XV. —
Louis XVI. — Hourailleries. — Équipage de toiles des princes
de Coudé. — Chasse dans l'eau. — Lapins bernés. — Galeries
de toiles. — Chasses aux toiles des simples gentilshommes. . . 355
Notes 3G'J
Pièces .iustificatives 393
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
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