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Full text of "Histoire de la chasse en France depuis les temps les plus reculés jusqu'á la révolution"

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Boston    Public    Library 

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la.^l    stawped    belote. 


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HISTOIRE 


DE 


LA  CHASSE 

EN  FRANCE 

DEPIIS  LES  TEMPS  LES  PLIS  RECULÉS  JUSQU'A  LA  RÉVOLUTIOIV 

PAi; 

Le  baron  DUNOYER  DE  NOIRMONT. 


Et  iiulcs  gens  eu  tout  le  mont 
Si  volontiers  Kacier  ne  vont 
Ne  en  rivière  com  François 
Et  orent  fet  lousjours  ancois. 

{Chronique  de  PiiaiprE  Mouske. 


TOME  TROISIÈME 

liOUTETERlE.  —  FAUCOIVMERIE. 
CHAIS^iE    A    TIB.    —    CHASSES    DIVERSES 


PARIS 

IMPRIiMERIE  ET  LIBRAIRIE  DE  M"»'  V'  BOUCHARD-HUZARD, 

RT'E  DE  l'Éperon,  5. 


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HISTOIRE 


DE 


LA    CHASSE 

EN  FRANCE. 


HISTOIRE 


DE 


LA  CHASSE 

EN  FRANCE 

DEPIIS  LES  TEMPS  LES  PLIS  RECULÉS  JUSQU'A  LA  RÉVflLUTION 

PAR 

Le  baron  DUNOYER  DE  NOIRMONT. 


El  iiules  gens  en  tout  le  mont 
Si  vulonliers  Kacier  ne  vont 
Ne  en  rivière  corn  François 
El  orenl  fel  luusjours  ançois. 

(Chronique  de  Philippe  Mouske. 


ÏOME  TROISIÈME 

I.01  VKT1.R1E    —  FALCO^VKERIK. 
€HA»»S£  A  TIR.  —  CHAiitfiiEJJi  RITFRiSiRi^. 


PARIS 

IMPRIMERIE  ET  LIBRAIRIE  DE  M"-  V«  BOUCHARD-HUZARU, 

liUE   DE    I,"Kr>EROX,    5. 


1868 


LIVRE  VI. 


LA    LOUVETKRIK. 


De  toutes  nos  grandes  chasses,  celle  du  loup  est  la 
seule  qui  ait  un  caractère  d'utilité  publique. 

C'est  grâce  à  cette  circonstance  qu'elle  possède  des 
lois,  des  règlements,  des  usages  spéciaux.  Tandis  que 
l'ancienne  législation  sur  la  chasse,  ou  plutôt  contre 
la  chasse,  semble  n'avoir  d'autre  but  que  de  proté- 
ger le  gibier,  celle  qui  régit  la  chasse  du  loup  im- 
pose comme  un  devoir  la  destruction  de  cette  bête 
malfaisante,  et  crée,  pour  le  poursuivre  et  l'extermi- 
ner, un  corps  de  fonctionnaires  investi  de  privi- 
lèges dont  quelques-uns  ont  subsisté  jusqu'à  pré- 
sent. 

Ces  considérations  nous  ont  paru  de  nature  à  mé- 
riter pour  la  louveterie  une  place  à  part  dans  cet  ou- 
vrage. 

III.  1 


Sous  ce  nom,  nous  comprenons  loul  ce  qui  con- 
cerne la  deslruclion  des  loups  :  institutions  et  mé- 
thodes de  chasse. 


CHAPITRE  PREMIER. 

Histoire,  lois  et  règlements. 


Si,  de  nos  jours,  quelques-uns  de  nos  déparle- 
ments sont  encore  infestés  par  les  loups,  on  peut 
imaginer  facilement  quelles  étaient  les  dévastations 
commises  par  ces  bêtes  féroces,  lorsqu'une  grande 
partie  du  territoire  était  couverte  de  forêts,  et  que 
les  populations  clair-semées  ne  possédaient  pas,  pour 
se  défendre,  les  armes  à  feu  dont  chaque  paysan  est 
actuellement  pourvu. 

Les  terribles  ravages  que  ces  cruels  animaux  exer- 
çaient alors  prenaient  souvent  les  proportions  d'une 
calamité  publique. 

C'était  surtout  après  les  longues  guerres  civiles  et 
étrangères,  les  épidémies  et  les  disettes,  qu'on  voyait 
les  loups,  accoutumés  à  la  chair  humaine,  porter  la 
terreur  parmi  les  populations  et  compléter  l'œuvre 
désastreuse  du  fer,  de  la  peste  et  de  la  famine. 


_  4  — 

images  C'est  ainsi  qu'au  x*"  siècle,  peudanl  et  après  les  iii- 
''"'""'"  cursions  des  Normands,  la  France  fut  horriblement 
dévastée  par  les  loups  (1).  De  même,  pendant  ces 
affreuses  guerres  du  xv*^  siècle,  oi^i  l'on  voyait  les  Ar- 
magnacs, les  Bourguignons  et  les  Anglais  lutter  à  qui 
laisserait  en  France  le  plus  de  sang  et  de  ruines,  les 
loups  étaient  devenus  si  hardis,  qu'ils  pénétraient 
jusque  dans  les  villes,  dévoraient  les  femmes  et  les 
enfants,  déterraient  les  morts  dans  les  cimetières  et 
enlevaient  en  saillant  les  jambons  qu'on  pendait  aux 
portes  des  maisons  (2). 

Quelques  années  plus  tard,  ce  fut  bien  pis,  les 
loups  s'étaient  tellement  habitués  au  carnage  que, 
pendant  la  dernière  semaine  de  septembre  1439,  ils 
étranglèrent  et  mangèrent  quatorze  personnes,  que 
fjrants,  que  petits,  entre  Montmartre  et  la  porte  Saint- 
Antoine,  dans  les  vignes  et  dans  les  marais,  «  et  s'ils 
trouvoient  un  troupeau  de  bestes,  ils  assailloient  le 
berger  et  laissoient  les  bestes.  »  Un  de  ces  loups, 
plus  hardi  et  plus  féroce  que  les  autres ,  était 
connu  sous  le  nom  de  Courtault,  parce  qu'il  avait 
perdu  sa  queue  à  la  bataille.  On  parlait  de  lui 
comme  on  fait  du  larron  de  bois  ou  d'un  cruel  capi- 
taine, et  l'on  disait  aux  gens  qui  sortaient  de  la  ville  : 
«  Gardez-vous  de  Courtault.  »  Ce  loup  terrible  et  or- 


(1)  Fœdè  vexalam,  Aixncil.  S.  Berlin,  ap.  Ducange,  v°  Luparii.  Vers 
la  même  époque,  les  Sarrasins  cantonnés  en  Provence  avaient  si  cruel- 
lement ravagé  le  pays,  que  le  séjour  de  l'homme,  dit  une  vieille 
charte,  était  devenu  le  repaire  des  bêtes  féroces.  (Rcinaud,  fnvasions 
des  Sarrasins  en  France.) 

(2)  Journal  d'un  bourgeois  de  Paris.  Anm'o  \'i2\. 


rible  fut  pourchassé  à  outrance  et  tué  enfin  la  vigile 
de  saint  Martin.  Il  fut  mis  dans  une  brouette,  la 
gueule  béante,  et  promené  dans  tout  Paris,  et  lais- 
soient  les  (jcns  toutes  choses  à  faire,  fust  boire,  fust 
manger,  pour  aller  voir  Courtault.  Ceux  qui  l'avaient 
tué  firent  plus  de  10  francs  de  cueillette  (1). 

En  H40,  l'Orléanais  fut  en  proie  aux  fureurs  des 
loups  qui  dévorèrent  des  enfants  et  des  adultes  aux 
portes  de  sa  capitale  (2). 

A  la  fin  de  ce  malheureux  xv*'  siècle  (1482)  re- 
g'iioient  au  pays  Messin  plusieurs  loups  dévorans  et 
dangereux.  Le  plus  féroce  de  tous,  qui  avait  tué  à 
lui  seul,  disait-on,  trente  à  quarante  personnes,  fut 
inutilement  poursuivi  par  des  levées  en  masse  de 
paysans  armés  de  faulz,  massues,  picques ,  espieux,  ar- 
holestres,  collevrines  et  aultres  bastons.  Personne  n'o- 
sait plus  aller  aux  champs  sans  armes,  «  et  par  cry 
publicque  fait  en  Mets  le  dairien  (dernier)  jour  de 
juillet,  fut  huchié  que  quiconque  le  polroit  panre 
(prendre),  la  cité  lui  donroit  cent  solz,  et  en  plu- 
sieurs villaiges  promirent  de  donner  l'ung  vingt  sols, 
aultres  trente  solz,  et  autres  quarante  solz.  »  Malgré 
i'appàt  de  ces  récompenses,  le  loup  échappait  tou- 
jours. 

Il  fut  enfin  mis  à  mort  par  un  audacieux  compa- 
gnon, nommé  Pierson  de  Bar.  Ce  brave  chasseur, 


(1)  Il  s'agit  ici  do  iVancs  d'or.  —  Journal  d'un  bourgeois  de  Paris. 
Année  1439. 

('2)  Lottin,  Recherches  sur  Orléans,  c'dé  da.ïiiiVoYtu'icnh'  intitulé  :  Les 
loups  dans  ta  Beauce,  par  A.  Lecocq,  Chartres,  I8G0. 


ayant  fait  traîner  une  charogne  près  de  l'abbaye  Saint- 
Symphorien,  en  un  lieu  que  le  loup  fréquentait,  s'y 
embusqua  dans  un  pressoir  à  vin  et  blessa  la  bêle 
endiablée  d'un  trait  d'arbalète  au  côté,  mais  il  ne  put 
l'achever  d'un  épieii  de  braconnier  qu'il  portait,  qu'a- 
près une  terrible  lutte  corps  à  corps.  Outre  la  ré- 
compense promise,  et  beaucoup  de  sommes  et  den- 
rées recueillies  dans  les  villages,  l'intrépide  Pierson 
fut  fait  et  ordonné  soldair  à  cheval  aux  gages  de  la 
ville  de  Metz  «  oi^i  il  passa  sa  vie  honnesteraent  et 
luy  fut  mué  son  surnom,  et  fut  appelé  Pierson  le 
loup  (1).  » 

En  1502,  sous  le  règne  de  Louis  XIT,  le  pays 
ayant  été  ravagé,  non  par  la  guerre,  mais  par  une 
épidémie  qui  sévissait  surtout  dans  les  campagnes 
du  Bourbonnais,  de  la  Saintonge,  de  l'Anjou,  de  la 
Touraine  et  de  l'Orléanais,  les  pauvres  gens  qui  s'en- 
fuyaient dans  les  bois,  éperdus  de  terreur,  pour 
échapper  à  la  contagion,  y  mouraient  de  faim  ou 
étaient  dévorés  par  les  loups  qui  se  multiplièrent  tel- 
lement que  le  Roi  et  les  seigneurs,  chacun  dans  ses 
domaines,  durent  ordonner  de  grandes  chasses  pour 
exterminer  ces  bêtes  féroces  (2). 

La  deuxième  année  du  règne  de  Henri  II  (1548), 
année  de  guerre  et  de  rébellion,  «  un  loup  cer- 
vier  (3)   et  autres  bestes  cruelles  sortirent  de  la  fo- 


(1)  Voir  un  extrait  de  la   clironiijue  de  Pliiliii]ie  de  Vigneiilles  dans 
le  Journal  des  Chasseurs,  8=  année. 

(2)  Hisl.  du  AVI'  S.,  par  le  biblioi)hile  Jaeob. 

(3)  Ce  mol  de   Ivup  ccrvier,   synonyme  de  lynx,  est  souvent   em- 


rest  d'Orléans,  lesquelles  se  répandirent  par  le  pays 
de  France,  de  sorte  que,  pour  les  exterminer,  les 
paysans  se  mirent  en  armes  (1).  » 

Pendant  les  guerres  de  religion,  les  loups  se  ré- 
pandirent de  tous  côtés,  et  dans  les  montagnes  du  Gé- 
vaudan,  province  fatalement  destinée  à  leur  servir 
de  proie,  ils  devinrent  si  nombreux  qu'ils  forcèrent, 
dit-on,  une  armée  royale  à  quitter  ses  cantonne- 
ments (^).  En  1585,  «  la  Reyne  vint  à  Chartres,  le 
8  septembre,  passer  la  feste  de  la  Nativité;  elle  y  fit 
une  neuvaine  à  laquelle  le  peuple  joignit  ses  dévo- 
lions, à  cause  de  la  cherté  du  bled  et  de  la  course 
de  quantité  de  bestes  féroces  qui  venoient  jusque 
dans  la  ville  dévorer  toutes  sortes  de  personnes  (3).  » 

Le  12  août  1595,  un  loup,  ayant  traversé  la  Seine 
à  la  nage,  vint  dévorer  un  enfant  sur  la  place  de 
Grève,  «  chose  prodigieuse  et  de  mauvais  présage,  » 
dit  Pierre  de  l'Estoile  en  son  journal. 

En  1597 ,  Monseigneur  Guillaume  Le  Blanc , 
évêque  de  Grasse  et  de  Vence,  se  crut  obligé  d'a- 
dresser un  mandement  à  ses  ouailles  touchant  l'af- 
fliction qu'ils  enduroient  des  loups  en  leurs  per- 
sonnes (4) . 


ployé  par  les  anciens  auteurs  pour  désigner  un  loup  ordinaire,  re- 
marquable par  sa  taille  et  sa  férocité. 

(1)  Les  loups  dans  la  Beauce. 

(2)  Thrésor    dliisloires    admirables    et     mémorables     de    nostre 
temps,  t^lc,  mises  en  lumière  par  S.  Goulart,  Genève,  1620. 

(3)  Pintard,  Hisl.  chron.  de  Chavires.  —  Les  loups  dans  la  Beauce. 
(4"!  Imprimé  à  Tournon  en  1598. 


—  8  — 

Ce  fui  surtout  la  Bretagne  qui  eut  à  souffrir  des 
loups  pendant  cette  désastreuse  période. 

Après  les  guerres  de  la  Ligue,  qui  y  avaient  été 
plus  atroces  que  partout  ailleurs,  les  loups,  s'étant 
habitués  à  se  gorger  de  chair  humaine,  trouvèrent 
cette  curée  si  appétissante,  que  pendant  sept  ou  huit 
ans  ils  attaquèrent  les  hommes,  même  armés,  péné- 
trèrent dans  les  villes ,  y  enlevèrent  les  femmes  et 
les  enfants.  «  xVux  jours  de  marché,  les  venderesses 
et  regrattières ,  qui  se  levoient  matin  pour  prendre 
leurs  places,  les  ont  souvent  rencontrés,  et  ils  em- 
portoient  la  plupart  des  chiens  qu'ils  trouvoient 
dans  la  rue.  » 

C'était  par  les  chiens  qu'ils  avaient  commencé 
leurs  attaques  dans  les  villages,  «  comme  si  par  leur 
instinct  naturel  ils  eussent  projeté  qu'ayant  tué 
les  gardes  ils  auroient  bon  marché  des  choses  gar- 
dées. » 

Lorsqu'il  y  avait  en  un  village  quelque  mauvais 
chien  et  de  défense,  ils  savaient  fort  bien  envoyer  un 
des  leurs  qui  le  provoquait  au  combat  et  l'attirait 
vers  l'embuscade  oii  se  tenaient  ses  compagnons. 
On  remarqua  aussi  qu'ils  sautaient  à  la  gorge  de 
leurs  victimes  humaines  pour  les  empêcher  de  crier, 
et  qu'ils  savaient  les  dépouiller  de  leurs  habits  pour 
les  dévorer.  «  Telles  ruses  mirent  dans  l'esprit  du 
simple  peuple  une  opinion  que  ce  n'estoienl  point 
loups  naturels,  mais  que  c'estoient  des  soldais  desjà 
Irespassés  qui  esloienl  ressuscites  par  la  permission 
de  Dieu  pour  afiliger  les  vivants  et  les  morts,  et 
communément  parmi  le  peuple  les  appcloient-ils  en 


Jour  breton  :  lut-bleiz,  c'est-à-dire  gens-loups  (l).  » 
En  1598,  année  où  fut  conclue  la  paix  de  Yervins, 
«  la  guerre  estant  finie  entre  les  hommes,  com- 
mença celle  des  loups  contre  eux,  après  lesquels  ils 
s'acharnèrent  si  fort  par  une  juste  fureur  et  ven- 
geance de  Dieu,  qu'ils  lessoient  ordinairement  les 
bestes  pour  se  ruer  sur  les  hommes,  et,  contre  leur 
naturel,  abandonnoient  les  moutons  pour  se  ruer 
sur  le  berger  et  le  manger  et  estrangler  au  milieu  de 
son  troupeau,  comme  il  advint  au  berger  de  la  ferme 
de  l'abbaye  de  Clairvaux,  près  la  ville  de  Bar-sur- 
Aulbe  (2).  »  Le  même  loup  tua  le  lendemain  une  fille 
de  seize  ans  qui  gardait  des  dindons,  sans  toucher 
aucun  de  ses  oiseaux.  Autour  de  Paris,  dansl'Ile-de- 
France,  en  Normandie  et  surtout  en  Brie,  Cham- 
pagne et  Bassigny,  on  n'entendait  plus  parler  que 
d'hommes,  femmes  et  enfants  que  les  loups  venaient 
attaquer  jusque  dans  leurs  maisons.  A  Bar-sur-Aube, 
un  soldat,  grand  et  robuste,  revenu  récemment  de 
la  guerre,  quoique  porteur  de  ses  armes,  fut  dévoré 
avec  son  père  dans  leur  vigne  oi^i  l'on  ne  trouva  le 
lendemain  que  leurs  ossements.  «  Prodiges  espou- 
vantables ,  dit  Lestoile ,  et  qui  advertissent  les 
hommes  de  s'amander  et  de  retournera  Dieu  (3).  » 


(\)  Hislnire  de  ta  Ligue  en  CornouaUle,  par  le  chanoino  Moreaii 
Kdit.  de  Mesmeu.  —  Tud-bleiz  est  le  nom  bas-breton  dcsloups-garous 
qu'on  nomme  aussi  bkiz  r/arv  ou  loups  cruels,  d'où  le  nom  de  bisrla- 
varel  que  leur  donne  Marie  de  France. 

C2)  Journal  inédil  de  Pirrrr  de  ri'sloile  0598-100'^)  publié  par 
M.  Halphen,  Paris,  18G?. 

(3)  Journal  de  J'KstoUe. 


—  10  — 

Le  8  février  1(300,  le  Roi  se  vit  obligé  de  per- 
mellre  aux  fermiers  et  receveurs  de  l'abbaye  de 
Saiat-Avyd-Iez-Chasleauduii,  «  de  lirer  de  l'harque- 
buze  aux  loups,  regnards,  bléreaux,  oiseaux  de  ri- 
vière et  autre  gibier  non  défendu,  et  ce nonob- 
stant les  deffences  sur  ce  faietes  (l). 

A  la  suite  de  ces  mêmes  guerres  de  la  Ligue,  la 
province  d'Artois,  alors  sous  la  domination  des  Es- 
pagnols, fut  également  infestée  par  les  loups,  qui 
dévoraient  tous  les  jours  hommes ,  femmes  et  en- 
fants (2). 

Après  la  mort  de  Louis  XIII,  qui  prenait  grande 
attention  à  faire  délruire  les  animaux  nuisibles,  on 
vit  reparaître  des  loups  en  telle  quantité,  que  dans  la 
seule  province  du  Gâtinais  ils  tuèrent  plus  de  trois 
cents  personnes  de  tout  sexe  et  de  tout  âge  (3). 

Les  loups  tiennent  aussi  une  place  parmi  les  fléaux 
que  décliainèrent  sur  la  Lorraine  les  longues  et  san- 
glantes guerres  de  son  duc  Charles  IV  contre  les  ar- 


(1)  Brevet  de  Henri  IV,  reproduit  en  fac-similé  dans  l'ouvrage  de 
M.  Lococq  {Les  loups  dans  la  Beauce).  —  L'article  VI'  de  l'ordonnance 
de  1000  sur  la  chasse  porte  «  que  depuis  les  guerres  dernières  lé 
nombre  des  loups  est  tellement  cru  et  augmenté  en  ce  royaume  qu'il 
apjiorte  beaucoup  de  perte  et  dommage  à  nos  pauvres  sujets.  » 

(2)  La  noble  el  furieuse  chasse  du  lou/j,  cuniposée  par  Robert  Monlhois, 
Arltiisieit,  Ath.  1G4'2.  Cet  ouvrage  rarissime  a  été  réiiniuimé  en  1863 
par  M"""  V*-'  Bouchard-IIuzard. 

(3)  Salnove.  —  Cet  auteur  raconte  qu'aune  époque  qu'il  ne  précise 
pas,  mais  qui  doit  être  la  lin  du  règni;  de  Louis  XIII  ou  le  commence- 
ment du  règne  suivant,  il  vit  un  jour  14  loups  sortir  en  deux  bandes 
d'un  bnissiiii  voisin  di'  I);iiigu  (Vi-xin  normiiriil)  où  il  chassait  avec  des 
lévricis. 


—  li- 
mées de  Louis  XIII  el  de  Louis  XIV.  Plusieurs  vil- 
lages restèrent  tellement  déserts,  que  les  loups  s'éta- 
blirent  dans  les  maisons.  Non-seulement  ils  dé- 
terraient les  cadavres,  mais  ils  pénétraient  dans  les 
chaumières  restées  habitées  et  enlevaient  les  femmes 
et  les  enfants  (1).  Lorsque  le  duc  fut  rentré  dans  ses 
Etats  (1661),  il  fit  donner  la  chasse  à  ces  animaux 
féroces  avec  une  telle  activité,  qu'en  un  hiver  on  tua 
jusqu'à  315  loups  dans  un  rayon  de  3  lieues  au- 
tour de  Nancy  (2). 

Au  commencement  de  l'année  1651,  pendant  les 
guerres  de  la  Fronde,  des  bandes  de  loups  venaient 
jusqu'à  Étampes,  où  des  femmes  malades  et  des 
enfants  furent  dévorés  (3). 

Une  fille  de  quinze  ans  fut  terrassée  et  esgorgée 
aux  portes  de  Chartres  par  un  loup  qui  lui  mangea 
la  joue  à  quatre  heures  après  midi,  en  juin  1653  (4). 

On  lit  dans  une  lettre  adressée  par  le  marquis  de 
Seignelay  à  l'intendant  de  Creil  :  «  le  Roy  a  esté  ad- 
verty  que  cesle  beste  qui  mange  les  enfans  a  encore 
paru  à  Pontgouin  (5).  Sur  quoy  S.  M.  m'ordonne  de 
faire  assembler  les  habitants  de  quatre  ou  cinq  pa- 
roisses des  environs  pour  tascher  de  la  tuer  (6).  » 


(1)  Histoire  de  la  réunion  de  la  Lorraine  à  la  Franee,  par  M.  le 
comte  d'Haussonville,  t.  I. 
(1)  Mémoires  du  marquis  de  Beauvau.  (".oloj,'rie,  1G91). 

(3)  Mémoires  de  Dubuisson  Aubenay. 

(4)  Les  loups  dans  la  Beauce.  —  Extrait  du  registre  des  décès  de  la 
paroisse  de  Saint-Chéron-lés-Chartres. 

(5)  Village  de  la  Beauce. 

(6)  Depping.  Correspond,  adminisl.  sous  Luin's  .\IV,  ciU''  par  M.  Le- 


Peul-èlre  ce  loup  de  Ponlgouin  était-il  le  môme 
(juc  celui  qui  dévora  entièrement,  sauf  la  tête,  une 
petite  fille  de  trois  ans  à  Boulonville  en  octobre  1691 , 
ou  que  la  heste  vulgairement  appelée  la  beste  de  Bailleatt 
l'Evesque  qui  étjorfjea  ;\  Saint-Maurice-les-Chartres,  le 
18  mars  lli93,  la  femme  Lubine  Lementier  (1). 

Un  ordre  adressé  à  Phelipeaux,  le  1"  décembre 
1692,  lui  enjoint  de  faire  faire  une  battue  aux  envi- 
rons de  Montlhéry  pour  luer  des  loups  qui  mangent 
des  enfants  (2). 

Vers  la  même  époque,  on  prit  vivante  une  bête 
féroce  d'une  forme  extraordinaire  «  qui  devoroit  dans 
le  Gastinois  autant  de  femmes  et  d'enfans  qu'elle  en 
pouvoit  rencontrer.  »  Ceux  qui  s'en  étaient  emparés 
obtinrent  un  brevet  autorisant  à  la  faire  voir  en  pu- 
blic (3). 

En  juillet  1697,  après  la  paix  de  Ryswick,  les  mi- 
lices de  l'Orléanais  étant  rentrées  dans  leurs  foyers, 
les  magistrats  en  profilèrent  pour  faire  des  battues 
générales  contre  les  loups  qui  en  plein  jour  venaient 
attaquer  des  femmes  et  des  enfants  aux  portes  d'Or- 
léans. Plus  de  200  loups  furent  détruits  dans  ces 
battues  (4). 


cocq.  Cette  lettre  est  datée  du  '.)  noveiubiv  169-2.  11  y  a  là  une   erreur 
manifeste,  Seignelay  étant  mort  le  3  novembre  1690.  (Dangeau.) 

(1)  Les  loups  dans  lu  Braurv.  Extraits  des  registres  de  décès. 

(2)  Les  loups  dans  la  Dcauce. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Ibidem.  Il  y  avait  eu,  dès  l'année  précédente,  de  grands  ravages 
lie  loups  dans  le  Morvan.  (Deseriplion.  f/éoffraphirjue   de    l'éleclion  de 

Vezehn/  arec  un  dénonibreinrni.  des  peuples,  etc.,  lait  au  mois  de  jan- 
\irr  Ki'.lli,  cili''  dans  la  /raiirs'n  dr   \'aut>int.) 


—   13  — 

Eli  1698,  M.  (le  Miromesnil,  iiUcndaiU  du  Maine, 
adressa  au  ministère  un  rapport  sur  les  ravages  faits 
par  les  loups  dans  sa  province  (1). 

Le  maire  et  les  éclievins  d'Orléans  furent  encore 
obligés,  en  1700,  de  faire  faire  une  battue  dans  la  forêt 
pour  donner  la  chasse  à  des  loups  qui  dévoraient  les 
hommes  (2). 

En  1712,  au  plus  fort  de  la  guerre  de  la  Succession 
d'Espagne,  un  nouveau  débordement  de  loups  fit  de 
grands  ravages  dans  l'Orléanais.  L'équipage  de  la 
Louvelerie  y  fut  envoyé  et  les  peuples  furent  autori- 
sés à  prendre  les  armes  et  à  faire  de  grandes  bat- 
tues (3). 

Il  est  à  remarquer  que  cette  invasion  de  loups  sui- 
vit de  près  la  mort  du  grand  Dauphin  (li  avril  1711) 
qui  avait  purgé  les  forets  de  ces  bétes  féroces  dans 
un  rayon  assez  étendu  autour  de  Paris. 

Pendant  les  premières  années  du  règne  de 
Louis  XV,  la  Beauce  (4),  le  Vendomois  et  la  Cham- 
pagne furent  encore  cruellement  ravagés.  Le  grand 
Louvetier  et  la  Louvelerie  Royale  durent,  en  1740, 


(1)  La  Jeunesse  de  Vauban. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Saint-Simon,  t.  X.  —  Dangeau,  t.  XIV.  —  Le  l^'aoùt  de  la  même 
année,  M.  de  Banville  ,  intondant  de  la  généralité  d'Orléans,  ordonna 
que  les  gens  de  la  campagne,  à  l'issue  de  la  messe,  s'assemblassent  en 
grand  nombre  avec  fusils  et  autres  armes  faisant  grand  bruit  pour 
aller  tuer  les  loups  ou  du  moins  les  éloigner  de  habitations.  {Les  loups 
dans  la  Beauce.) 

(4)  En  1738,  1739  et  1740,  cette  malheureuse  province  fut  en  proie  à 
des  bandes  de  loups.  L'un  d'eux,  d'une  taille  énorme,  tua  plusieurs 
personnes  dans  la  paroisse  de  Gasville,  pi'ès  Chartres.  {Iltidem.) 


—   14  — 

venir  à  Chartres  pour  exécuter,  dans  les  environs,  des 
ballues  qui  furent  couronnées  de  succès  (1). 

Après  les  campagnes  de  Flandre  (1741-1747),  des 
hommes  furent  assaillis  jusqu'aux  portes  de  Metz  (^. 

Vers  la  même  époque  se  montrèrent  encore  le 
grand  loup  du  Soissonnais  et  le  loup  monstrueux  des 
environs  de  Versailles,  qui  tous  deux  furent  pris  par 
l'équipage  de  la  Louveterie  Royale  (•]).  En  1750  et 
1753,  la  Lorraine  fut  encore  infestée  par  des  loups 
enragés. 

Ce  fut  à  partir  de  l'année  1763  (4),  lorsque  la  paix 
de  Paris  eut  mis  fin  à  la  guerre  de  Sept  ans,  que  la 
France  fut  le  plus  horriblement  dévastée  par  ces 
bêtes  féroces.  Le  Lyonnais  et  les  environs  de  Meung- 
sur- Loire  furent  d'abord  le  théâtre  de  leurs  dépréda- 
tions. Puis,  au  mois  de  juin  1764,  on  vit  apparaître 
cette  terrible  bête  du  Gévaiidan  qui,  par  l'effroi  qu'elle 
répandit  dans  trois  provinces  et  les  efforts  inouïs 
qu'il  fallut  faire  pour  sa  destruction,  absorba  pen- 
dant plus  d'un  an  l'attention  de  la  France  entière  (5). 


(1)  Ibidem.  Lépinois,  Hisloire  de  Chartres,  t.  II. 

(2)  De  Lisle  de  Moncel.  —  Mélhodcs  et  projets  pour  parvenir  à  la 
destruetion  des  loups.  Paris,  17()8. 

(3)  Le  grandloup  de  Versailles  fut  tué  par  le  chevalier  Antoine.  Le 
Roi  Ut  peindre  sa  prise  par  Oudry  et  donna  à  M.  Antoine  une  copie  de 
ce  talileau.  L'original  est  aujourd'hui  au  musée  du  Louvre,  et  la  repro- 
duction à  Fontainebleau.  Un  de  ces  tableaux  fut  exposé  en  174C. 

(4)  M.  Lavallée  {Citasse  à  courre,  ch.  vu)  remarque  avec  beaucoup 
de  raison  que  ce  débordement  de  loups  se  trouva  suivre  immédiate- 
ment la  fameuse  épizootie  qui  fit  périr  plus  de  la  moitié  des  meutes 
qu(î  l'on  entretenait  eu  France. 

(5)  Voir  Magné  de  Marolles,  De  Lisle  de  Moncel,  et  pour  do  plus 
amples  détails,  le  consciencieux  travail  de  M.  H.  Révoil,  publié  dans 


—   15  — 

Ce  loup  anthropophage,  que  sa  (aille  exlraordi- 
naire  et  sa  férocité  tirent  prendre  pendant  longtemps 
pour  un  animal  d'une  espèce  inconnue,  ou  pour  une 
hyène  échappée  d'une  ménagerie  (1),  fut  signalé  pour 
la  première  fois  dans  les  bois  de  Mercoire,  près  de 
la  petite  ville  de  Langogne,  en  Gévaudan.  Pendant 
près  de  dix-huit  mois,  il  répandit  une  terreur  inouïe 
dans  cette  province,  en  Bourgogne  et  en  Auvergne, 
dévorant  de  toutes  parts  des  femmes  et  les  enfants. 
Toute  la  population  des  campagnes,  guidée  par  les 
gentilshommes  du  pays  et  soutenue  par  un  détache- 
ment de  dragons,  se  mit,  sans  succès,  à  la  poursuite 
de  la  bête.  En  vain  l'évêque  de  Mende  ordonna  des 
prières  publi(iues  et  fit  exposer  le  saint  sacrement 
dans  sa  cathédrale,  comme  au  temps  des  plus  grandes 
calamités,  en  vain  les  Etals  de  Languedoc  votèrent 
au    vainqueur    du    monstre    une    récompense    de 


le  Journal  des  chasseurs,  4' année,  d'après  les  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque impériale.  Voir  aussi  un  article  de  M.  Mary  Lalun  dans  les 
Mœurs  et  coutumes  de  la  vieille  Finance. 

(1)  La  bète  du  Gévaudan  était  positivement  un  grand  loup,  comme 
nous  le  verrons  constaté  par  le  témoignage  exprès  du  chevalier  Antoine, 
excellent  juge  en  pareille  matière.  L'hyène  rayée ,  la  seule  espèce 
d'hyène  qui  eût  encore  été  amenée  vivante  en  Europe,  est  trop  lâche 
pour  oser  jamais  attaquer  l'homme.  (Voir  la  Chasse  au  lion,  par  Jules 
Gérard  et  tous  les  naturalistes  modernes.)  Le  Mercure  de  janvier  1765, 
sans  se  prononcer  sur  la  nature  de  la  bête,  en  donne  une  description 
passablement  fantastique.  «  Il  est  beaucoup  plus  haut  qu'un  loup,  il  est 
bas  du  devant  et  ses  pattes  sont  armées  de  griiïes.  Il  a  le  poil  rougeàtre, 
la  tête  fort  grosse,  longue,  finissant  en  museau  de  lévrier  ;  les  oreilles 
petites,  droites  comme  des  cornes  ;  le  poitrail  large  et  un  peu  gris,  le 
dos  rayé  de  noir,  et  une  gueule  énorme,  armée  de  dents  si  tranchantes, 
qu'il  a  séparé  plusieurs  tètes  du  corps  comme  pourrait  le  faire  un 
rasoir.  » 


—    IG  — 

2,i00  livres  à  laquell(3  It;  Roi  proiuil  d'ajouler 
(),000  livres  sur  sa  cassette.  La  culture  des  terres  fut 
abandonnée,  les  paysans  ne  se  hasardaient  plus  à 
sortir  qu'en  troupe  et  armés  ;  les  foires  et  les  marchés 
étaient  déserts,  et  les  troupeaux,  qu'on  n'osait  plus 
mener  au  pâturage,  mouraient  de  faim  dans  les  étables. 

Un  fameux  louvelier  de  Normandie,  M.  d'Enneval, 
envoyé  sur  les  lieux  pour  avoir  raison  de  ce  fléau, 
échoua  complètement,  après  avoir  blessé  l'amour- 
propre  des  chasseurs  du  pays,  qui  l'accusèrent  d'avoir 
proposé  des  moyens  ridicules  et  d'avoir  manqué  de 
fermeté  un  jour  qu'il  s'était  trouvé  en  présence  de  la 
bete(l). 

Après  plus  de  cinquante  battues  générales,  aux- 
quelles avaient  pris  part  les  habitants  de  vingt,  de 
quarante  et  môme  de  cent  paroisses,  les  malheureux 
ne  savaient  plus  à  quel  saint  se  vouer,  beaucoup 
d'entre  eux  croyaient  la  bête  invulnérable  et  n'étaient 
pas  éloignés  de  la  prendre  pour  un  diable  incarné. 

Le  roi  prit  alors  le  parti  de  confier  la  mission  de 
détruire  la  bête  du  Gévaudan  à  un  des  meilleurs  offi- 
ciers de  sa  vénerie,  M.  Antoine,  chevalier  de  Saint- 
Louis,  porte-arquebuse  de  S.  M.  et  lieutenant  de  ses 


(1)  S'il  fallait  en  croire  une  lettre  écrite  par  l'abbé  de  Vienne,  con- 
seiller honoraire  de  Grand-Chambre,  et  chanoine  comte  de  Brionde, 
M.  d'Enneval  aurait  proposé  «  d'attacher,  entre  deux  piliers  fort  courts, 
de  gros  moutons  coiffés  en  femmes  ,  dressés  sur  leurs  pattes  de  der- 
rière, 1)  supposant  que  la  bête,  particulièrement  acharnée  contre  le 
sexe  féminin,  viendrait  se  jeter  sur  ces  montons  déguisés  et  se  laisserait 
tirer  à  bout  portant  par  des  chasseurs  embusqués.  (Mary-Lafon). 

Il  est  invraisemblable  qu'un  louvrtier  aussi  expérimenté  ait  pro- 
posé des  moyens  de  ce  genre. 


—  17  — 

oliasses.  Cet  intrépide  louvelier,  fort  de  l'expérience 
déplus  de  cinquante  années,  partit  le  8  juin  17Gr> 
avec  l'équipage  de  la  Louveterie,  assisté  d'un  déta- 
chement de  gardes  choisis  parnai  ceux  des  capitai- 
neries de  Saint -Germain  et  Versailles.  Les  ducs 
d'Orléans  et  de  Penthièvre,  ainsi  que  le  prince  de 
Conti,  joignirent  à  l'expédition  quelques-uns  de  leurs 
meilleurs  gardes-chasse. 

Pendant  deux  mois,  la  bête  sut  encore  se  soustraire 
aux  expéditions  combinées  par  l'intrépide  vétéran. 
On  tua  plusieurs  loups  qui  avaient  très-probablement 
pris  part  aux  méfaits  attribués  par  l'opinion  à  un  seul 
animal  (1),  mais  le  plus  redouté  échappait  toujours. 

Enfin,  le  20  septembre,  le  chevalier  Antoine,  averti 
que  la  bête  avait  été  vue  dans  les  bois  de  l'ahbaye 
royale  de  Chazes,  y  envoya  des  valets  de  limier  et  les 
chiens  de  la  Louveterie  royale  pour  la  détourner. 
Une  battue  fut  aussitôt  commandée,  les  gardes  du 
Roi  et  quarante  tireurs  de  Langeac  fouillèrent  le  bois, 
et  M.  Antoine  se  porta  dans  un  défilé.  «  Tout  à  coup 
il  vit  venir  à  lui,  dans  un  sentier,  le  grand  loup  qui 
lui  présentoit  le  côté  droit  et  tournoit  la  tête  pour  le 
regarder;  sur-le-champ  il  lui  tira  par  derrière  un 
coup  de  tromblon  qui  étoit  chargé  de  cinq  dés  de 
poudre,  de  trente-cinq  postes  à  loup  et  d'une  balle 


(1)  C'est  ainsi  que  s'expliquerait  une  tradition  fort  accréditée  dans  le 
Vexinqui  veut  que  la  bête  du  Gévaudan  ait  été  tuée  par  un  sieur  Hé- 
risson, garde  de  la  forêt  de  Lyons,  oîi  ses  descendants  exercent  encore 
les  mêmes  fonctions,  et  qui  aurait  fait  partie  de  l'expédition  du  che- 
valier Antoine. 

III.  2 


—   18  — 

de  calibre.  Ce  coup  jeta  par  terre  celte  béte  furieuse, 
lui  creva  l'œil  et  les  postes  la  frappèrent  au  côté  droit 
et  à  l'épaule.  Cependant  la  bête  se  releva,  courut  sur 
lui  en  tournant,  et  M.  Antoine,  qui  n'avoit  pas  eu  le 
temps  de  recharger  son  arme,  appela  du  secours.  Un 
nommé  Rainhard,  garde  de  Monseigneur  le  duc  d'Or- 
léans, arriva  à  temps,  il  lira  sa  carabine  sur  cette 
bête  et  la  frappa  par  derrière.  Elle  fit  alors  vingt  pas 
dans  la  plaine  et  tomba  morte.  » 

«  On  a  reconnu  que  c'éloit  un  loup.  11  avoit 
32  pouces  de  hauteur  après  sa  mort,  5  pieds 
7  pouces  1/2  delongueur  et  3  pieds  de  circonférence; 
il  pesoit  150  livres  (1).  » 

Le  formidable  animal,  reconnu  pour  la  bête  du 
Gévaudan  par  tous  ceux  qui  le  virent,  fut  empaillé  et 
embaumé  à  Clermonl,  puis  porté  à  Paris  par  M.  Antoine 
de  Beauterne,  lils  du  brave  porte-arquebuse,  qui  eut 
l'honneur  de  le  présenter  au  Roi. 

Ce  monstre  avait  tué  83  personnes.  Il  en  avait 
blessé  25  ou  30.  L'ensemble  des  sommes  payées  pour 
arriver  à  sa  destruction  s'éleva  à  29,614  livres  (2). 

A  peine  était-on  débarrassé  de  la  bête  du  Gévau- 
dan,  que  d'autres  loups  dangereux  reparurent  dans 
le  Soissonnais  (3),  et  dans  les  environs  de  Sainte- 
Menehould  et  de  Sainl-Mihiel;  plusieurs  personnes 


(t)  Lettre  de  M.  de  Boiilainvillicrs  au  Roi,  citée  par  M.  Révoil. 

(2)  Un  manuscrit  in-folio,  conservé  à  la  Bibliothèque',  contient  tons 
les  comptes  de  dépense. 

(3)  Entre  autres,  un  loup  cnra^^é  qui  fit  périr,  ù  lui  seul,  près  de 
soixante  personnes.  (Do  Lisle  de  ISIoncel.) 


—   19  — 

furent  dévorées,   et  d'autres  infortunés,  blessés  par 
(les  loups  enragés,  périrent  des  suites  de  leurs  mor- 
sures (1).  L'Alsace  et  la  Lorraine  eurent  surtout  à 
souffrir  les  ravages  de  bandes  nombreuses  de  loups, 
supposés  de  race  étrangère,  qui  s'étaient  jetés  sur 
nos  frontières  à  la  suite  des  armées  belligérantes.  Un 
loup  furieux  vint  porter  l'effroi  jusqu'aux  portes  de 
Verdun  et  fut  tué  sur  les  glacis  de  cette  ville  par 
M.  de  Lisle  de  Moncel,  assisté  des  officiers  du  régi- 
ment de  Navarre  (2).  Cet  habile  louvetier  présenta 
alors  au  Roi  un  mémoire  touchant  la  destruction  des 
loups,  et  fut  chargé  de  faire  l'expérience  des  moyens 
qu'il  proposait  (3).  Il  lui  fallut  plusieurs  années  de 
chasses  continuelles  pour  débarrasser  le  pays  de  ces 
hôtes  malfaisants.  Au  commencement  de  l'hiver  de 
1766  ils  pénétrèrent  jusque  dans  les  faubourgs  d'É- 
pernay;  l'année  suivante,  ils  ravagèrent  les  environs 
de  Toul  et  de  Commercy. 

Les  autres  provinces  ne  furent  pas  à  l'abri  des  ra- 
vages des  loups  à  la  même  époque.  Dans  le  pays 
d'Aunis,  dix  ou  douze  personnes  périrent  de  la  rage 


(1)  Un  chirurgien  des  environs  de  Sainte-Menehould  qui  accourait  à 
cheval  au  secours  des  victimes  fut  démonté  et  blessé  dangereusement 
par  un  de  ces  terribles  animaux.  (De  Lisle  de  Moncel.) 

(2)  Ce  loup  ayant  paru  à  7  heures  du  matin  fut  tué  à  10  ;  dans  cet 
intervalle,  il  avait  donné  la  mort  à  cinq  on  six  personnes  et  en  avait» 
blessé  une  douzaine. 

(3)  Ce  mémoire,  revu  et  augmenté  par  l'auteur,  fut  imprimé  en  1768. 
{Mémoire  sur  Vulililé  et  la  manière  de  détruire  les  loups  dans  Ir 
royaume.)  Une  seconde  édition  parut  en  1770.  De  Moncel  publia  en- 
suite :  Méthodes  et  projets  pour  parvenir  à  la  dest)-vrfinn  des  loups. 
Paris,  1768,  et  Résultats  des  expérienees,  etc.,  1771. 


après  avoir  été  mordues  par  un  loup  aux  portes  de  la 
Rochelle  ;  les  femmes  de  la  campagne  n'osaient  plus 
aller  au  marché  ni  travailler  dans  les  champs  (1). 

En  1767  un  loup  énorme,  digne  successeur  de  la 
bi'te  duGévaudan,  jeta  la  terreur  dans  les  montagnes 
de  l'Auvergne.  Il  fut  tué  par  un  nommé  Chastel  dans 
une  chasse  dirigée  par  le  marquis  d'Apchier  (2). 

Le  bas  Poitou  fut  encore  dévasté  en  1771  par  un 
loup  d'une  force  et  d'une  audace  peu  communes  que 
M.  Boutellier  de  Beauregard,  fameux  louvetier  du 
pays,  prit  avec  la  meute  du  marquis  de  la  Rocheja- 
quelein  (3).  L'équipage  de  M.  de  la  Rochefoucauld 
détruisit  de  son  côté  dans  la  Saintonge  un  loup  des 
plus  monstrueux  qui  dévorait  les  bergers  (4).  Un 
autre  loup,  dont  la  taille  ne  le  cédait  presque  en  rien 
à  celle  de  la  bête  du  Gévaudan,  fut  tué  en  1788  dans 
le  voisinage  d'Angoulême  (5). 
insiituiion         Dès  Ics  premicTs  temps  de  la  monarchie,  des  me- 


des 


louveliers.     surcs  avaicnt  été  prises  pour  prévenir  et  réprimer  la 


(1)  Dp  Lisie  de  Moncel. 

(■2)  Ce  loup  était  d'une  grandeur  extraordinaire.  Sa  tête  avait  11  p. 
(0,30)  de  longueur.  Le  poil  de  son  col  était  d'un  gris  roussûtre  rayé  de 
noir,  il  avait  sur  le  poitrail  une  grande  marque  blanche  en  forme  de 
cœur.  (Voir  le  procès-verbal  de  sa  destruction  dans  de  Lisle  de  Mon- 
cel.) 

(3)  De  Lisle  de  Moncel,  Rcsiillals  (les  expériences,  etc. 

(4)  Le  diocèse  de  Cliàlons-sur-Marne  lut  aussi  infesté  do  loups  en 

1773. 

(5)  Il  avait  plus  de  3  pieds  (1  m.)  de  haut,  sa  longueur  était  de  5  p. 
1  p.  (1  m.  65),  et  il  pesait  151  livres  (75  k.  50).  Les  dents  étaient  énormes 
et  son  poil  avait  une  couleur  brune  plus  foncée  que  ne  l'ont  ordinai- 
rement les  animaux  de  cette  espèce.  (Sonnini ,  note"_de  rarticle  loup 
dans  BuITon,  édit.  de  l'an  Yin.) 


—  21   — 

fureur  des  loups.  Les  lois  germaniques  accordaient 
des  récompenses  à  ceux  qui  réussissaient  à  détruire 
quelques-unes  de  ces  bêtes  féroces  (1).  Charlemagne 
ordonna  à  ses  comtes  d'établir  cbacun  dans  son 
gouvernement  deux  louvetiers  {luparii)  (2)  pour  leur 
faire  la  guerre. 

Le  fameux  capitulaire  De  Villis  enjoint  aux  officiers 
chargés  de  surveiller  l'administration  des  fermes 
royales  de  tenir  leur  maître  au  courant  des  destructions 
de  loups  qui  auront  été  faites,  de  lui  envoyer  les  four- 
rures des  loups  tués,  d'avoir  soin,  au  mois  de  mai,  de 
faire  poursuivre  les  louveteaux  et  de  les  prendre  soit 
avec  des  poudres  empoisonnées  et  des  crochets,  soit 
avec  des  chiens  et  des  fosses. 

Les  premiers  Capétiens  avaient  des  louvetiers  atta- 
chés à  leur  maison,  et  payaient  des  primes  pour 
chaque  tête  de  loup  (3).  Nos  rois  instituèrent  plus 
lard  des  chasse-leus  ou  louvetiers  royaux  dans  les  prin- 
cipales forêts  de  leur  domaine  (4). 

Les  pays  habituellement  infestés  par  les  loups  fu- 


(1)  Loi  des  Biirgondes,  dite  loi  GombeUc,  tit.  XLVI. 

(2)  Ducange,  v°  Luparii. 

(3)  Voir  les  comptes  de  Philippe-Auguste  (1202)  dansBrussel  {Usage 
(les  fiefs)  et  ceux  des  baillis  de  France  pour  les  années  1305  et  1306, 
cités  par  Ducange  (v  Luparii).  Le  Journal  du  Trésor  de  l'année  1297 
constate  une  dépense  de  GO  sols  pour  12  louveteaux  pris.  Celui  de  1312 
contient  l'article  suivant  :  «  Peirus  le  Mengnicier  pro  4  lupellis  caplis 
per  eum  in  forestd  Halalw  el  reddilis  vivis  in  caméra  dcnarioruxi 
lune  ibidem^  XX  sol.  » 

(4)  Dans  une  charte  originale  de  Nicolas  de  Choiseul  (1331),  cegen- 
tUhomme  est  qualillé  de  Vhaceleu  noslre  Sire  le  Rog  en  sa  forest  de 
Bréval.  (Ducange,  /(/'/  *'//).) 


^9  


reiit  soumis  à  une  sorte  de  taille  dont  le  produit  était 
affecté  aux  dépenses  nécessitées  par  la  chasse  de  ces 
animaux  (1). 

Charles  V  exonéra,  en  1377,  de  cet  impôt  les  habi- 
tants de  Fontenay-sous-Bois.  Un  arrêt  de  1559  oblige 
ceux  de  Villenauxe  à  payer  l'ancienne  taxe  de  '2  de- 
niers parisis  pour  chaque  loup  et  de  4  deniers  pour 
la  louve. 

Dans  quelques  localités,  les  paysans  étaient  soumis 
à  l'obligation  de  chasser  eux-mêmes  les  animaux  nui- 
sibles par  corvée.  Charles  V,  par  un  édit  daté  du  ma- 
noir de  Plaisance,  exonéra  les  habitants  de  Nogenl- 
sur-Marne  de  la  charge  de  poursuivre  les  loups, 
sangliers  et  autres  bêles  nuisibles  dans  la  forêt  de 
Bondy  (2). 

Au  xvr  siècle,  des  sergents  loiivetiers  étaient  char- 
gés de  la  destruction  des  loups. 

François  I"  créa  des  charges  de  lieutenants  de  lou- 
velerie  dans  chaque  province,  les  officiers  étaient 
soumis  à  l'autorité  du  Louvetier  royal,  devenu  grand 
Louvetier  de  France  (3). 


(l)  Un  l'iïa  (lu  mois  d'avi'il  1  iOO  (avant  Pàquos')  lait  déronse  aux 
gardes  forestiers  d'exiger  aucune  redevance  des  habitants  d'Evreux, 
sous  prétexte  de  les  défendre  contre  les  louiis.  (Les  loups  dans  la 
llraitrr.) 

("2)  Moyennant  une  redevance  d(!  3  ciiarretées  de  foin  i>our  le  service 
du  Roi  à  Vincennes.  {Nolirc  hisl.  sur  So(irnl-sur-Murnr,  \)\\v  le  M'- de 
Ferreuse.  Paris,  1854.) 

(3)  Les  lieutenanls  de  Louvclerie  avaient  le  dioit  de  faire  parler  Us 
routeurs  de  Sa  Mujislv,  de  chasser  de  louiez  manièi-es  les  animaux 
nuisibles  tant  dedans '[uc  dehors  les  forêts,  ]>uis  el  luiissons  do  Sa  Ma- 
jesléfiue  de  icux  des  princes,  seigneurs,  genlil^holnnlc^,  ecclè&iasliques, 


—  23  — 

Une  ordonnance  de  janvier  1583  enjoint  de  plus 
aux  grands  maîtres  des  eaux  et  forêts,  à  leurs  lieute- 
nants, aux  maîtres  particuliers  et  autres  officiers,  de 
faire  assembler  trois  fois  l'an,  à  raison  d'un  homme 
par  feu,  des  gens  de  leur  ressort  avec  armes  et  chiens 
pour  chasser  les  loups.  L'article  27  de  l'ordonnance 
de  mai  1597  reprend  les  sergents  louvetiers  de  leur 
négligence  et  leur  ordonne  de  faire,  de  trois  mois  en 
trois  mois,  devant  les  maîtres  particuliers  et  gruyers, 
le  rapport  des  prises  qu'ils  auront  faites,  à  peine  de 
privation  des  droits  et  privilèges  de  leur  office,  et  de 
cet  office  lui-même  en  cas  de  récidive. 

Ces  dispositions  sont  confirmées  et  étendues  par 
les  ordonnances  de  1600  et  1601.  Le  rapport  doit 
être  fait  de  quinzaine  en  quinzaine.  Ces  ordonnances 
admonestent,  en  outre,  tousseigneurs,  hauts  justiciers  et 
seigneurs  de  fiefs,  défaire  assembler,  de  trois  mois  en 
trois  mois  et  plus  souvent  encore  selon  le  besoin 
qu'il  en  sera,  aux  temps  et  jours  plus  propres  et  com- 
modes, leurs  paysans  et  rentiers  et  chasser  avec  chiens, 
arquebuses  et  autres  armes  aux  loups,  renards,  hé- 
douaux  (blaireaux),  loutres  et  autres  bêtes  nuisibles  (1). 

Ces  huées  se  faisaient  par  ordre  du  juge,  sur  réqui- 


conimunes  et  autres  ses  sujets,  de  rassembler  à  cet  eCfet  un  homme 
par  feu  de  chaque  paroisse  de  sou  déparlement ,  et  de  lever  par  leu, 
2  lieues  à  la  ronde  de  l'endroit  où  la  prise  aurait  été  faite,  une  somme 
de  2  deniers  parisis  par  loup  et  louveteau  et  4  deniers  par  louve  et 
louvette  (  10  à  20  centimes,  monnaie  actuelle). 

(1)  L'ord.  de  1607,  qui  défend  le  port  des  armes  à  feu,  exempte  de 
cette  défense  les  ofliciers  de  la  louveterii;. 


silion  du  procureur  fisnal,  qui  indiijuail  un  jour  ordi- 
nairement férié,  après  le  service  divin. 

Le  procureur  fiscal  ou  autre  officier  de  justice  de- 
vait assister  à  la  chasse  qui  était  commandée  par  le 
seigneur  de  la  paroisse  ou  par  un  gentilhomme  du 
pays.  Au  rendez-vous,  le  garde  de  la  terre  faisait 
l'appel  et  pointait  les  absents.  Le  commandant  faisait 
placer  les  tireurs  et  les  traqueurs,  et  donnait  le  signal 
de  l'attaque  en  tirant  un  coup  de  fusil  ou  de  pistolet. 
Après  la  chasse  on  faisait  un  contre-appel,  et  les  ab- 
sents étaient  condamnés  à  une  amende  (1). 

Il  paraît  que  les  lieutenants  de  louveterie  et  même 
des  particuliers  prenant  indûment  ce  titre  abusèrent 
des  mesures  prescrites  par  les  ordonnances  en  obli- 
geant les  laboureurs  à  quitter  leurs  travaux  pour 
chasser  les  loups,  exigeant  de  groi^ses  amendes  de 
ceux  qui  manquaient  à  l'appel  et  imposant  aux  com- 
munes des  sommes  considérables  comme  primes  pour 
des  loups  tués.  Ils  se  permettaient  même  d'établir 
sous  eux  des  paysans  qu'ils  autorisaient  à  porter  des 
fusils  et  à  chasser  au  préjudice  des  ordonnances.  Par 


'I)  Dans  l'Artois  et  la  Flandre  française,  où  l'ancienne  législation  des 
Pays-Bas  était  restée  en  vigueur,  la  chasse  du  loup  et  du  renard  était 
|)crmise,  tant  en  hiver  sur  la  neige  (ju'en  toute  autre  saison,  en  vertu 
d'un  placard  de  1C13.  Ces  chasses  devaient  être  dresstk'S  en  présence 
ou  par  consentement  des'commis  ayant  de  ce  la  charge  ordinaire,  ou 
des  vassaux  qui  ont  privilège  et  pouvoir  de  chasser  avec  meutes  de 
chiens,  trompe  et  bonne  troupe  de  gens  pour  faire  la  huée.  «  A  laquelle 
lin,  les  commis  ou  ayant  de  ce  (charge  feront  annuellement  le  tour  «lu 
loup,  (■liasriiii  rn  ki  province,  et  seront  Icmu'r-  hs  (•ommunautés  et 
villages  liMir  roin'iiir  li's  d(''pi>ns  i|o  bniiciu'  .  ri  nnu  plus.  •>  (Merlin,  v" 
(■liasse.) 


illustres. 


—  25  — 

deux  arrêts  du  conseil  d'État  en  date  du  3  juin  1671 
et  du  16  janvier  1677,  il  fut  fait  défense  à  tous  lieute- 
nants de  louveterie  et  autres  se  disant  officiers  d'icelle 
de  faire  aucune  publication  de  chasse  aux  loups  sans 
le  consentement  de  deux  gentilshommes  de  leur 
département,  nommés  par  les  commissaires  départis 
dans  leur  province.  Les  loups  tués  seront  représentés 
aux  dits  gentilshommes  qui  délivreront  des  certificats, 
sur  lesquels  les  commissaires  feront  la  taxe  des  frais 
faits  pour  la  prise  des  loups  (l).  Cette  taxe  sera  im- 
posée sur  les  villages  des  environs  à  raison  de  2  sols 
par  paroisse  (2). 

La  vieille  France  a  donné  le  jour  à  une  foule  de    Louveuers 
louvetiers  illustres,  dont  nous  avons  déjà  eu  l'occa- 
sion de  nommer  quelques-uns. 

Les  noms  des  grands  destructeurs  de  loups  de 
l'époque  féodale  ne  sont  point  parvenus  jusqu'à 
nous  (3).  Le  plus  ancien  des  héros  de  la  louveterie 
qui  ait  su  échapper  à  l'oubli,  grâce  aux  soins  qu'il  a 
pris  de  transmettre  lui-même  ses  titres  à  la  postérité, 
est  Jean  de  Clamorgan,  auteur  du  premier  traité  spé- 
cial sur  la  chasse  du  loup. 

Ce  brave  gentilhomme,  dans  les  intervalles  de  ses 
campagnes  de  mer,  fit  aux  loups,  pendant  cinquante 


(1)  Code  des  ckasscs,  t.  II.  Ces  abus  avaient  lieu  surtout  en  Picardie 
et  en  Champagne. 

(2)  Environ  25  centimes. 

(;?)  On  peut  seulement  présumer  que  les  louvetiers  royaux  et  grands 
louvetiers  de  France  furent  (;hoisis  dans  l'origine  parmi  les  plus  émi- 
nents  des  chasseurs  de  loup<. 


—  26  — 

ans,  une  guerre  acharnée.  Il  enseigna  le  premier  l'arl 
(le  former  les  limiers  pour  détourner  le  loup,  et  sut 
dresser  des  chiens  courants  excellents  pour  cette 
chasse.  Son  équipage,  très-modeste  comme  propor- 
tions, détruisait  plus  de  loups  que  tous  les  autres  (1). 

Claude  de  l'Isle,  seigneur  d'Andresy,  de  Puiseux, 
de  Boisemonl  et  de  Courdemanche  (2),  est  un  des 
premiers  qui  eurent  après  Clamorgan  un  bon  équi- 
page de  loup  (3).  Cet  équipage,  qui  consistait  originai- 
rement en  une  petite  meute  de  chiens  courants  avec 
(juelques  laisses  de  lévriers,  devint  à  la  fin  du 
xvf  siècle  le  noyau  de  celui  de  la  grande  louveterie. 

Ce  fut  dans  un  esprit  d'humanité  que  Louis  Gruau, 
curé  de  Sauges,  publia  la  Nouvelle  invention  de  chasse 
pour  prendre  et  ostcr  les  loups  de  France  (1G13).  11  y 
mit  lui-même  la  main  et  se  vante,  avec  ses  pièges  et 
engins  divers,  d'en  avoir  détruit  67  dans  sa  paroisse 
pendant  un  temps  assez  court. 

C'est  à  Louis  XIII  enfant  que  Gruau  dédie  son 
ouvrage.  Arrivé  à  l'âge  d'homme,  ce  Roi  devint  un 
louvelier  aussi  habile  que  zélé,  et  détruisit  des 
quantités  considérables  de  loups  (4),  en  les  prenant, 
soit  avec  des  chiens  courants  et  des  lévriers,  soit  dans 
les  panneaux  et  dans  les  toiles. 


(1)  Voir  la  Chasse  du  loup  de  Clamorgan. 

(2)  Ou  Courdimanche  ;    toutes  ces  localités  sont  situées  dans  le. 
Vexin  français,  aux  environs  de  Poissy  et  do  Pontoisc. 

(3)  GalTet  de  la  BrllFardière  le  qualifie  même  mal  à  jiropos  d'inirn- 
ii'Ui'di'  celle  espèce  île  citasse. 

(i)  Salnovc  dil  i\ur  ce  i/raiid  lloii  cxci-llail  h  l>ii'n  choisii'  l'accourrc 
el  y  |ilacrr  lo  l(''vriri>  |i(_iur  |)ri'iidri'  Ir  luni'. 


—  27  — 

Nous  pouvons  revendiquer  comme  noire  le  l'a- 
meux  destrucieur  de  loups  Robert  Monlhois,  puisque 
l'Artois,  son  pays  natal,  venait  d'être  conquis  par  les 
armées  françaises  lorsque  son  livre  parut  à  Alh  (1). 

Ce  vaillant  louvelier, vieux  capitaine  des  bandes 
espagnoles,  chassa  pendant  quarante  ans,  et  prit 
quelquefois  plus  de  60  loups  dans  une  année,  et 
jusqu'à  4  ou  5  en  un  jour.  «  Je  ne  cognois  personne 
vivante  qui  ail  fait  mourir  plus  de  loups  que  moi,  » 
dit-il  avec  un  juste  orgueil  à  la  fin  de  son  ou- 
vrage ('2j. 

QuoiqueSaint-Simon  ait  essayé  de  jeter  des  doutes  sur 
la  sincérité  delà  passion  qu'éprouvait  pour  la  chasse  du 
loup  le  Dauphin,  fils  de  Louis  XIV,  ce  prince  a  prouvé 
par  ses  actes  qu'il  était  bien  réellement  un  des  plus 
grands  louvetiers  qui  aient  jamais  existé.  Sans  préju- 
dice des  autres  chasses,  il  chassait  le  loup  constam- 
ment, soit  avec  ce  brillant  équipage  qui  n'eut  jamais 
son  égal,  soit  avec  ceux  du  Roi,  du  duc  de  Vendôme 
ou  du  comte  de  Toulouse.  Sans  se  laisser  rebuter  par 
l'insuccès,  trop  fréquent,  de  ces  chasses  ingrates,  par 
l'intempérie  des  saisons  ni  par  les  fatigues  excessives 
auxquelles  il  s'exposait  continuellement.  Monseigneur 
courait  sans  cesse  de  Versailles  à  Marcoussy,  à  Fon- 
tainebleau, à  Rambouillet,  à  Anet,  crevant  ses  che- 
vaux, rompant  ses  chiens  à  la  nuit  noire,  rentrant  à 


(I)  1642. 

('2)  RobiM't  Monlhois  chassait  les  loiiitssoit  à  course  do  lévriers,  soil. 
^m  baltiic  ou  au  curuaj^e  avec  l'anjucliuse,  soil  avc'c  des  panneaux  el 
des  iiiéges. 


—  28  — 
1 1  lieiiros  du  soir  .après  des  retraites  de  10  lieues, 
recru,  mouillé,  mourant  de  faim  ou  allant  à  l'aven- 
ture chercher  un  gîte,  château  ou  chaumière  (1). 

Il  courut  le  loup  quatre-vingt-seize  fois  dans  une 
année  (1G86)  (2).  Six  ans  après  les  débuts  de  sa  louve- 
terie,  il  avait  presque  détruit  l'espèce  dans  les  environs 
de  Paris  (3). 

Nous  avons  vu  Monseigneur  arrêté  par  son  père 
dans  les  tentatives  par  trop  rudes  qu'il  faisait  pour 
aguerrir  à  ses  chasses  de  loup  son  fils  aîné,  le  duc 
de  Bourgogne  ;  il  ne  paraît  pas  que  ce  jeune  prince 
y  ait  pris  un  goût  très-passionné  ;  il  n'en  fut  pas  de 
même  de  son  frère,  le  duc  de  Berry,  chasseur  enragé, 
comme  nous  avons  déjà  eu  occasion  de  le  constater  (4). 
Après  avoir  fait,  un  jeudi  de  l'année  1707,  une  chute 
terrible  qui  lui  fit  rendre  du  sang  en  abondance,  il 
voulut,  à  toute  force,  aller  le  samedi  suivant  à  la 
chasse  au  loup  (5).  Le  lundi  il  se  trouva  fort  mal  et 
ne  put  retourner  à  la  chasse,  et  le  vendredi  suivant  il 
était  mort  (6). 


(1)  Sur  la  composition  de  ré([uipag'c  de  loup  de  Monseigneur  et  ses 
chasses  les  plus  renian]uables,  voir  les  notes  A  et  B  à  la  fin  de  ce 
volume. 

(2)  En  septembre  1G8G,  étant  à  Anet,  chez  le  duc  de  Vendôme,  il 
courut  le  loup  six  fois  en  huit  jours. 

(3)  Mercure  de  janvier  IG88. 

(4)  En  1713,  le  duc  de  Berry  alla  chasser  le  lou])  avec  les  chiens  de 
M.  de  Maillebois  et  le  tua.  (Dangeau,  t.  XIV.) 

(5)  Correspondance  inédUe  de  la  princesse  Palatine.  Un  paysan  le 
voyant  passer  dit  qu'il  fallait  que  les  princes  eussent  les  os  plus  durs 
que  les  autres,  car  il  l'avait  vu  le, jeudi  précédent  recevoir  un  coup  dont 
Irois  paysans  seraient  crevés. 

((\)  Ihidrm. 


—  29  — 

Pendant  que  Monseigneur  eliassail  en  grand  appa- 
reil les  loups  des  forets  royales,  un  pauvre  gentil- 
homme de  province,  nommé  Saint-Victor,  en  détrui- 
sait autant  que  lui  avec  un  très-modeste  équipage  qui 
ne  payait  pas  de  mine.  «Les  chevaux  paroissoientdes 
rosses,  mais  de  grand  prix  pour  la  course  ;  ils  n'avoient 
pas  2  onces  de  graisse;  les  chiens  de  même,  et  lui  (1).» 

Saint-Victor  chassait  le  loup  par  dévotion.  Jusqu'à 
l'âge  de  84  ans,  ce  type  curieux  du  louvetier  modèle 
courut  le  pays  avec  sa  meute  et  ses  gens,  sans  avoir 
d'autre  asyle  que  son  équipage  et  les  lieux  qu'il  louoit 
pour  s'y  étahlir.  «  Il  vivoit  là  comme  dans  un  camp, 
avec  ses  domestiques.  Ouand  il  lui  restoit  du  revenu 
à  la  fin  de  l'année,  il  le  partageoit  avec  eux.  Il  a  été 
cent  fois  en  Angleterre,  tant  pour  voir  ses  amis  ou 
acheter  des  chevaux  et  des  chiens.  » 

Saint-Victor,  lorsque  sa  vue  fut  devenue  trop  mau- 
vaise pour  lui  permettre  de  chasser  encore  (2),  vendit 
son  équipage  au  comte  de  Toulouse.  Après  la  mort 
de  ce  prince  (3),  il  fut  dispersé. 

Le  chevalier  Antoine,  qui  eut  la  gloire  de  triompher 
de  la  bête  de  Gévaudan,  comptait  cinquante  ans  de 


(1)  Mémoires  du  marquis  d'Argenson  ,  t.  I.  <i  J'ay  ouï  dire  à  M.  le 
Dauphin  que,  la  première  fois  qu'il  chassa  le  loup  avec  lui,  il  lui  sembla 
qu'il  n'avançoit  pas.  Il  falloit  passer  un  vallon  et  une  cùte.  Il  le  perdit 
de  vue,  et  étant  au  bas  de  la  colline,  il  aperçut  en  haut  Saint-Yictor 
quiavoit  si  bien  joint  le  loup  qu'il  le  fouettoit  avec  son  fouet.  » 

(2)  Il  mourut  en  décembre  1737,  à  l'âge  de  97  ans.  (Mémoires  du  duc 
de  Luynes.) 

(3)  Le  comte  de  Toulouse  mourut  la  même  année  et  le  même  mois 
que  Saint-Victor. 


—  30  — 

service  clans  les  équipages  de  chasse  du  Roi  lorsqu'il 
remporta  cette  dernière  victoire.  Pendant  ce  demi- 
siècle,  il  avait  fait  une  guerre  incessante  aux  loups, 
soit  au  moyen  de  battues  qu'il  savait  diriger  mieux 
que  personne,  soit  avec  le  secours  de  chiens  de  force 
excellents,  lévriers  d'Irlande  et  matins  des  Abbruzzes  (1) . 
Ces  fameux  chiens  prirent  le  grand  loup  du  Soisson- 
nais  et  le  loup  monstrueux  des  environs  de  Versailles, 
dont  Oudry  nous  a  conservé  la  figure. 

Quoiqu'il  ait  échoué  dans  sa  campagne  contre  la 
bête  de  Gévaudan,  le  marquis  d'Enneval  fut  un  des 
meilleurs  chasseurs  de  loup  de  l'ancienne  France.  Ce 
gentilhomme  normand,  grand  ami  de  Leverrier  de  la 
Conterie,  extermina,  au  dire  de  celui-ci,  une  bande  de 
loups  noirs  qui  ravageaient  sa  province,  et  une  autre 
troupe  de  ces  animaux  qui  attaquait  les  enfants  et 
dévorait  les  femmes  grosses  (2).  Il  détruisit  dans  sa  vie 
plus  de  1,000  loups  (3).  Sur  l'invitation  de  Louis  XV, 
il  prit  une  part  active  à  la  chasse  du  grand  loup  du 
Soissonnais,  auquel,  suivant  une  tradition,  il  aurait 
donné  le  coup  mortel  (4). 

Leverrier  de  la  Conterie,  lui-même  chasseur  de 
loups  émérite,  cite  dans  son  ouvrage,  comme  louve- 
tiers  de  renom,  MM.  d'Oilliamson  et  Le  Provost,  enne- 


mi) Voir  ci-dessus.  —  Lettre  ccrile  à  Fréron. 

(2)  Leverrier  de  la  Conterie,  édit.  de  1763.  —  De  Lisle  de  Moncel 
{Méthode  cl  projets,  etc.) 

(3)  M.  d'Enneval  était  mort  en  1778. 

(4)  Leverrier  de  la  Conterie.   —  Mary  Lalbn.  Coiihimrs  de  la  vieille 
France. 


—  31  — 

mn  dêcidéa  dca  loups,  el  M.  Didier,  très-hdhile  cluisafiir, 
commandant  la  loiiveterie  du  Roi. 

D'autres  veneurs  de  Normandie,  également  amis  et 
contemporains  de  M.  de  la  Conlerie,  sont  restés  cé- 
lèbres dans  les  traditions  locales  comme  grands  tueurs 
de  loups,  MM.  de  Saint-Denys,  de  Roncherolles  et  de 
Saint-Sauveur,  entre  autres  (1). 

«  Condamné  par  les  deux  plus  célèbres  médecins 
de  l'Europe,  en  1748,  à  mourir  d'obstructions  in- 
vétérées ou  à  faire  un  exercice  de  cheval  suivi , 
dit  le  chevalier  de  Lisle  de  Moncel,  je  résolus  de  le 
diriger,  du  moins,  vers  un  but  utile,  et  c'est  l'époque 
de  la  guerre  très-vive  que  je  déclarai  aux  botes  vo- 
races  dont  il  est  question  dans  mon  ouvrage.  » 

Peu  d'années  après,  le  brave  chevalier  et  son  frère, 
compagnon  assidu  de  ses  chasses ,  avaient  attaché 
130  têtes  de  loups  au-dessus  du  portail  de  leur  ma- 
noir. 

Chargé,  par  le  gouvernement,  de  pourchasser  les 
loups  qui  avaient  envahi  les  trois  évêchés,  M.  de  Mon- 
cel leur  fit  une  si  rude  guerre  avec  le  fusil,  les  fosses, 
les  pièges  et  le  poison,  que,  pendant  les  quatre  mois 
de  l'hiver  de  1765-1 766,  il  détruisit  36  loups  et  louves. 


(1)  Le  comte  de  Roncherolles,  gentilhomme  de  la  maison  de  Pont- 
Saint-Pierre,  des  environs  de  Vise,  habitait  le  Mesnil-Benoît.  Ce  ve- 
neur, dont  nous  avons  raconté  précédemment  une  magnilique  chasse  de 
sanglier  faite  en  1748,  disait  à  l'âge  de  80  ans  :  «  Deux  grands  sujets 
de  consolation  viennent  adoucir  mes  derniers  jours,  je  n'ai  pas  à  me 
reprocher  d'avoir  jamais  sali  ma  caral^ine  sur  un  fauve  et  j'ai  pu  en- 
core dernièrement  chasser  et  tuer  un  vieux  loup.  {Les  dèrhdls  de  la 
chasse  du  /o;/;;,  par  M.  E.  Lemasson.  Journal  des  chasseurs,  8' année.) 


—  32  — 
Jl  en  fit  périr  24,  dont  7  louves  l'hiver  suivant,  et 
réussit  à  en  débarrasser  le  pays,  après  plusieurs  sai- 
sons de  chasses  conduites  avec  autant  d'habileté  que 
de  persévérance. 

Guy  Victor,  comte  de  Vigny,  aïeul  du  poêle,  fut  un 
des  louvetiers  illustres  de  ce  pays  de  Beauce  qui  fut 
si  souvent  désolé  par  les  loups.  «  Les  chasses  au  loup 
de  mon  grand-père  et  de  mes  oncles,  les  meutes  nom- 
breuses qu'ils  faisaient  partir  du  Tronchet  et  de  la 
Gravelle  pour  dépeupler  la  Beauce  de  ses  loups. . .  ;  tout 
était  présent  à  l'esprit  de  mon  père,  et  l'est  encore  au 
mien.  »  (1), 

Le  Poitou  et  la  Saintonge  peuvent  rivaliser  avec  la 
Normandie  pour  le  nombre  de  louvetiers  illustres 
auxquels  ces  provinces  ont  donné  le  jour.  Il  suffira  de 
nommer  les  La  Rochefoucauld,  les  LaRochejaquelein, 
les  Bouleiller  de  Beau  regard,  les  Larye,  les  Boiscou- 
teau  (2). 

Cette  race  vaillante  et  énergique  des  louvetiers  de 
l'Ouest  a  fourni  à  l'insurrection  royaliste  ses  plus  hé- 
roïques combattants. 

MM.  de  la  Rochejaquelein  étaient  fils  de  louvetiers 
et  grands  chasseurs  eux-mêmes  (3).  Charette  fut  aussi 


(1)  Journal  d'Alfred  de  Vigny. 

(2)  En  1780,  M.  de  Boiscouteau  attaqua  dans  la  forêt  do  Quatrevaux, 
près  Angoulème,  un  loup  qui  le  mena  jusqu'à  Bordeaux.  De  Moncel 
cite,  sans  le  nommer,  un  gentilhomme  d'Aunis  qui,  en  176G, délivra 
cette  province  de  plus  de  20  loups  redoutables  en  moins  de  trois  mois. 

(31  En  1772,  des  louveteaux  issus  d'un  grand  loup  qui  les  avait  ha- 
bitués à  la  chair  humaine,  ayant  fait  des  dégâts  aux  environs  de  Châ- 
tillon-sur-Loire, madame  la  marquise  de  la  Roch(\jaf|ue]ein,  en  l'absence 
de  son  mari,  en  prit  doux  et  tua  le  troisième. 


—  33  — 

un  tueur  de  loups;  le  comte  et  le  vicomte  d'Oilliam- 
son  (1)  jouèrent  un  rôle  assez  important  dans  la 
chouannerie  normande.  Au  nombre  des  officiers  de 
Stofflet  figure  le  chevalier  de  Céris,  dont  !a  famille  a 
donné  son  nom  à  une  excellente  race  de  chiens  de 
loups,  encore  renommée  sur  les  confins  du  Poitou  et 
de  la  Saintonge. 

La  chasse  du  loup  donna  à  la  cause  royale  non- 
seulement  des  chefs,  mais  des  soldats  habitués  au  ma- 
niement des  armes  et  excellents  tireurs  :  «  Quand  on 
chassait  le  loup,  le  curé  avertissait  les  paysans  au 
prône.  Chacun  prenait  son  fusil  et  se  rendait  avec  joie 
au  lieu  assigné;  les  chasseurs  postaient  les  tireurs,  qui 
se  conformaient  strictement  à  tout  ce  qu'on  leur  or- 
donnait; dans  la  suite  on  les  menait  au  combat  de  la 
même  manière  et  avec  la  même  docilité  (2).  » 

Le  marquis  du  Hallays,  commandant  de  la  vénerie 
du  comte  d'Artois,  lorsqu'il  termina  après  soixante  ans 
de  chasse  sa  glorieuse  carrière  de  veneur,  pouvait  se 
vanter  à  bon  droit  d'avoir  abattu  1,266  loups  dans  les 
forêts  de  la  Beauce  et  de  la  Normandie  (3). 

Le  baron  d'Haneucourt,  qui  mourut  en  1841,  âgé 
de  80  ans,  après  avoir  été  commandant  de  la  vénerie 


ri)  Le  comte  d'Oilliamson,  maréchal  de  camp  en  1788,  mort  très-âgé 
en  1830,  était  sans  doute  le  veneur  fameux  dont  parle  Leverrier  de  la 
Gonterie. 

(2)  Mémoires  de  Madame  la  marquise  de  la  Rochejaquelein. 

(3)  Blaze,  Chien  courant,  t.  IL  —Lapeiile  Vénerie,  par  M.  A.  d'Hou- 
detot.  —  Le  Couteulx,  Chasse  dit  loup.  —  Arrêté  pendant  la  terreur, 
le  marquis  du  Hallays  fut  mis  en  liberté  sur  les  instances  unanimes 
des  habitants  de  son  département  qui  réclamaient  son  secours  contre 
les  loups,  devenus  très-nuisihles  dejuns  sa  captivité. 

ni,  3 


sous  l'empire  et  la  restauration,  avait  été  aussi,  dans 
sa  jeunesse,  un  grand  chasseur  de  loups.  Il  était  arrivé 
à  forcer  des  grands  loups  par  un  système  très-ingé- 
nieux, qui  consistait  à  les  pourchasser  à  outrance 
avec  le  tiers  de  sa  meute.  Le  reste  suivait  de  loin 
dans  des  chariots  bien  attelés.  Le  soir  venu,  on  brisait 
le  loup,  pour  l'attaquer  le  lendemain  matin  avec  le 
second  tiers,  arrivé  en  voiture,  et  les  chiens  fatigués 
suivaient  à  leur  tour  la  chasse  en  poste.  Le  troisième 
tiers  de  la  meute  chassait  le  troisième  jour,  et,  si  le 
loup  était  assez  vigoureux  pour  durer  jusqu'au  qua- 
trième, on  lui  donnait  la  première  meute  d'attaque 
qui  s'était  reposée  pendant  deux  jours  dans  les 
fourgons  (1). 
Langage  La  louvclcrie  avaitsa  langue  à  part.  Les  termes  pour 
loup  sont  différents  de  ceux  dont  on  se  sert  pour  cerf, 
lièvre  ou  chevreuil,  dit  Salnove,  et  ont  de  la  conson- 
îiance  avec  le  sanglier  et  le  renard.  «  Quand  on  en 
revoit,  on  doit  dire  :  voicy  la  trace  ou  piste  du  loup,  et 
les  os  qui  sortent  de  son  pied  se  doivent  appeler 
ongles,  et  la  fiente  les  laissées,  et,  lorsqu'il  marche  au 
pas  et  d'asseurance,  alleures,  et,  quand  il  court,  fuittes 

du  loup ,  ce  qui  se  fait  par   l'efïort  qu'il  fait  en 

courant,  et  lorsqu'il  a  gratté,  cela  s'appelle  galies  ou 

déchausscures »  Le  lieu  où  il  se  couche  le  jour  se 

nomme  liteau,  celui  où  il  se  met  sur  le  ventre  pendant 


(1)  Yoir  la  Chasse  à  courir,  par  M.  J.  Lavallre.  L'uutciir  qui  nous 
donne  ce  curieux  détail  dit  que  M.  d'Hancucourt  était  associé,  pour 
ces  chasses,  avec  M.  d'Ivry,  et  que  leur  nioute  était  d'un  jteu  plus  do 
GO  chiens.  Il  nn  précise  pas  l'époque  où  elles  avaient  lieu. 


et  littérature. 


—  35  — 
la  cliassn  llatrure.  Quand  on  le  voil  par  corps,  il  faut 
crier  vellcloo  ou  vloo,  et  veky  aller  quand  on  revoit  du 
pied.  Pour  exciler  son  limier,  le  veneur  doit  lui 
dire  :  «  Après,  l'ami,  à  route,  à  li,  hou,  hou, 
harlou  (1)  !  » 

Quand  le  loup  était  donné  aux  chiens,  on  criait  : 
«s'en  va,  s'en  va,  chiens,  harlou,  harlou,  outre 
vault  (2)  !  » 

Indépendamment  des  nombreux  auteurs  qui  ont 
parlé  de  la  chasse  du  loup  en  même  temps  que  des 
autres  chasses,  les  traités  spéciaux  sur  cette  matière 
forment  une  branche  importante  de  notre  littérature 
cynégétique. 

Les  principaux  ouvrages  sur  la  louvelerie  sont  ceux, 
déjà  cités,  de  Clamorgan,  de  Louis  Gruau,  de  Robert 
Monthois,  de  Lisle  de  Moncel,  auxquels  il  faut  joindre 
le  poëme  latin  de  Jacques  Savary  (3)  et  la  Chasse  au 
loup,  de  Habert,  en  vers  français  (1624)  (4). 


(1)  Ou  hare  loup. 

(2)  Ces  cris  s'étaient  changés  en  :  ça  va,  harlou  l  la  ha  ha!  du  temps 
de  Leverrier  de  la  Gonterie. 

(3)  Venalionis  lupinœ  leges. 

(4)  Réimprimé  par  M""=  V^  Bouchard-Huzard  en  18G6. 


CHAPITRE  II. 

Des  diverses  manières  de  chasser  le  loup. 


Dans  son  poëme  sur  la  chasse  du  loup,  Jacques 
Savary  dit  avec  beaucoup  de  raison  que  tous  les 
moyens  sont  bons  pour  détruire  cette  bête  féroce  : 
«  Ici,  nous  n'interdisons  point  l'usage  des  lévriers, 
les  filets  nous  plaisent,  nous  employons  avec  joie  les 
armes  de  jet,  les  épieux,  les  pièges  de  toute  sorte,  les 
fosses,  le  poison,  les  huées  d'un  peuple  assemblé. 
Cependant,  s'il  vous   convient  d'avoir  recours  aux 

nobles  préceptes  de  l'art  de  Diane,  vous  y  trouverez 
à  la  fois  utilité  et  plaisir.  » 

Dans  les  lettres  de  provision  que  le  grand  louvetier 
conférait  à  ses  lieutenants,  il  leur  était  permis  et  même 
enjoint  «  de  chasser  aux  loups,  louveteaux,  louves  et 
louveltes  à  cors,  cris,  filets  et  autres  engins  propres 
et  convenables,  môme  avec  force  de  chiens  et  toutes 
sortes  d'armes,  bâtons  et  pièges.  » 


—  37  — 

Les  moyens  de  destruction  employés  contre  les 
loups  peuvent  se  diviser  en  trois  catégories  princi- 
pales :  chasses  à  force,  chasses  h  tir,  chasses  avec 
pièges  et  engins  de  toute  espèce. 

Très-souvent  on  combinait  ensemble  ces  différents 
moyens  pour  en  finir  plus  promptement  avec  les 
bêtes  féroces.  Ainsi  Claude  Gauchet  raconte  des  huées 
aux  loups,  oii  l'on  voit  coopérer  les  traqueurs,  les 
chiens  courants,  les  lévriers  et  chiens  de  force,  les 
panderets  ou  panneaux.  Les  filets  et  les  toiles  figurent 
presque  toujours  comme  moyens  auxiliaires  dans  les 
chasses  de  loup  avec  chiens  courants  et  lévriers 
jusqii'au  xvn'  siècle. 

§    1.    DE    LA   CHASSE   DU   LOUP    A   FORCE. 

La  chasse  du  loup  avec  des  lévriers  d'attache  fut  à   chasse  ave: 
peu  près  la  seule   usitée  jusqu'au  xvf  siècle,  pour 
prendre  les  vieux  loups  et  les  grands  louvarts,  et  ne 
fut  jamais  abandonnée  jusqu'à  la  révolution  (i). 

Cette  chasse  ne  pouvait  réussir  que  dans  des  bois 
de  médiocre  étendue,  ou  dans  des  queues  de  forêt;  le 
loup,  attiré  avec  une  traînée  dans  quelque  buisson 
propice,  était  détourné  avec  le  limier  ou  simplement 
reconnu  à  l'œil.  Le  rapport  fait,  on  postait  les  lévriers, 


les  lévriers 


(1)  Voir  Gaston  Pliœbus  qui  ne  connaît  pas  d'autre  manière  de 
chasser  le  loup;  Clamorgan;  Robert  Monthois,  qui  devait  ses  plus  beaux 
succès  à  cette  méthode  de  chasse  ;  Salnove  ;  G.  de  la  BrifFardière;  Le- 
verrier  de  la  Ganterie.  Léopold,  duc  de  Lorraine  (mort  en  1720),  dé- 
truisit beaucoup  de  loups  avec  de  grands  lévriers  dans  les  plaines  en- 
tremêlées de  petits  bois  de?  environs  de  Nancy.  (De  Moncel.) 


—  38  — 

divisés  en  laisses  d'eslric,  de  flanc  et  de  télé,  dans  une 
accourre  disposée  comme  pour  la  chasse  du  san- 
glier (1).  Dans  les  directions  opposées  se  mettaient  en 
ligne  les  défenses,  gens  chargés  de  faire  grand  bruit 
pour  empêcher  le  loup  de  se  dérober  (2). 

L'animal,  mis  sur  pied  à  trait  de  limier  ou  à  la  bil- 
lebaude,  après  avoir  essayé  inutilement  de  fuir  du 
côté  des  défenses,  se  lançait  dans  l'accourre  oii  il 
était  arrêté  par  les  lévriers.  Si  c'était  un  grand  loup, 
capable  de  maltraiter  les  chiens,  les  valets  lui  faisaient 
mordre  un  bâton,  et  un  veneur  accourant  le  perçait 
de  l'épieu,  de  l'épée  ou  du  couteau  de  chasse.  Cette 
besogne  était  confiée  à  un  chasseur  expérimenté  qui 
savait  manier  habilement  son  arme  et  ne  courait 
point  risque  de  blesser  les  chiens.  L'épée  devait  être 
tenue  à  deux  mains,  dont  l'une  conduisait  la  lame 
bien  posément  au  défaut  de  l'épaule. 

Des  mâtins  et  des  mcstifs  étaient  quelquefois  asso- 
ciés aux  lévriers,  comme  laisses  de  tête  (3). 


(1)  Dans  les  chasses  royales,  on  tenait  à  raccourre  8  laisses  de  3  lé- 
vriers chacune  :  2  laisses  d'estric,  4  de  liane  et  2  de  tète  (Salnove). 

«  Les  seigneurs  qui  veuUent  prendre  le  plaisir  de  telle  chasse  et  y 
mettre  les  frais  doivent  tenir  cincq  "ou  sejit  laisses  de  lévriers,  deux 
ou  trois  chiens  d'attache,  et  les  autres  plus  légers.  »  (Robert  Monthois.) 
Leverrier  de  la  Gonterie  se  contente  de  10  lévriers,  savoir  2  laisses 
d'estric,  2  de  flanc  et  une  seulement  de  tète.  Les  laisses  ne  sont  qwv 
de  2  chiens. 

(2)  Souvent  on  tendait  de  plus  des  panneaux  ou  des  toiles  dans  les 
directions  ([u'on  voulait  empêcher  le  loup  de  prendre.  (Cl.  Gauchet- 
Salnove.) 

(3)  Glande  (.iaucliet,  La  rliassc  du  loup  aux  lécriers.  De  Lisle  de 
Moncel  connaissait  un  gentilliomme  du  Verdunois  (\m  avait  pris  nom- 
liri'  de  loups  avr  trois  'M'aiids  chifus,  dont  un  lévrii'i' bàluni.  LorS(pii' 


—  39  — 

Les  louvetiers  du  moyen  âge  et  du  xvi^  siècle  ne  se 
hasardaient  pas  volontiers  à  chasser  avec  les  chiens 
courants  seuls  les  vieux  loups,  ou  même  les  grands 
louvarts.  Lorsqu'ils  lançaient  avec  leurs  meutes  quel- 
qu'un de  ces  animaux  infatigables,  ils  avaient  tou- 
jours sous  la  main  quelques  laisses  de  lévriers;  ils 
n'attaquaient  d'ailleurs  jamais  que  dans  des  buissons 
de  peu  d'étendue,  isolés  de  toutes  parts,  et  qu'ils  en- 
touraient de  gens  de  pied  et  de  cheval  pour  empê- 
cher le  loup  de  prendre  un  parti. 

Telle  était  la  méthode  de  Jean  de  Clamorgan,  qui  se 
vantait  pourtant  d'avoir  la  meilleure  meute  pour  loup 
de  France.  Malgré  ces  précautions,  il  avoue  lui-même 
avoir  souvent  manqué  des  loups  par  faute  de  jou7\  et 
ceux  qu'il  avait  pris  avaient  duré  huit  ou  dix  heures. 

Quand  un  prince  ou  un  grand  seigneur  voulait 
forcer  un  loup,  on  environnait  le  buisson  oh  il  était 
détourné  de  laisses  de  lévriers  qui  le  rembarraient 
dans  le  bois,  ou,  si  le  buisson  était  trop  étendu,  de  toiles 
ou  de  halliers  à  mailles  carrées. 

C'est  ainsi  que  chassaient  encore  Henri  IV  et 
Louis  XIII;  le  grand  Dauphin  paraît  être  le  premier 
qui  ait  chassé  des  grands  loups  à  force  de  chiens  et 
sans  lévriers  ;  malgré  les  moyens  imposants  dont  il 
disposait,  ses  équipages  eurent  à  enregistrer  moins  de 
s-uccès  que  de  défaites  (l). 


Chasse  avec 
les  cliieiis 
courants. 


Chasse 

des  grands 

loups. 


k'.  loup  vidait  l'enceinte,  le  lévrier  lancé  à  sa  poursuite  le  harcelait, 
retardait  sa  course  et  donnait  aux  autres  chiens  le  temps  de  le  joindre 
*'i  de  le  terrasser. 

(1)  «  Les  jeunes  loups  se  peuvent  forcer,  mais  non  les  vieux,  parce 
quêtant  qu'un  vieil  loup  rencontrera  de  l'eau,  il  courra  trois  jours  et 


—  iO  — 

Quelques  princes  suivirent  l'exemple  de  iMonsei- 
gneur,  mais  les  simples  gentilshommes  n'étaient  géné- 
ralement ni  assez  riches  ni  assez  fous,  comme  le  dit 
Leverrier  de  la  Conterie,  pour  entreprendre  ces 
chasses  dispendieuses,  pénibles  et,  le  plus  souvent, 
infructueuses  (1). 

Lorsqu'on  voulait  chasser  un  grand  loup,  plusieurs 
valets  de  limiers  étaient  dépêchés  dès  la  veille  pour 
détourner  l'animal,  besogne  difficile  et  fatigante,  à 
cause  des  habitudes  vagabondes  et  irrégulières  de 
l'animal  et  des  trajets  immenses  qu'il  parcourt  en  peu 
de  temps. 

Le  rapport  se  faisait  en  termes  encore  moins  affir- 
matifs  que  pour  les  autres  animaux,  et  on  disposait 
les  relais  suivant  les  passages  et  refuites,  à  2  lieues  au 
moins  de  la  brisée  (2). 

Les  veneurs  faisaient  ensuite  un  ample  déjeuner, 


trois  uuiLs  et  par  conséquent  non  l'orçable.  »  Telle  est  l'opinion  de  Sé- 
lincourt,  qui  lit  plus  tard  partie  de  la  maison  de  Monseigneur,  mais 
dont  l'ouvrage  paraît  avoir  été  composé  avant  les  grandes  chasses  de 
ce  prince.  (Le  Parfait  chasseur  porte  la  date  de  1683,  l'équipage  de 
Monseigneur  fut  mis  sur  i)ied  eu  1G8'2,  mais  le  livre  a  été  évidemment 
rédigé  sur  des  notes  antérieures.) 

(1)  «  Forcer  un  vieux  loup  n'est  pas  chose  impossible,  mais  fort  rare 
et  très-dillicile,  »  dit  encore  cet  excellent  auteur.  «  L'ancienne  louve- 
terie  du  Boi,  quoique  bien  montée  en  hommes,  en  chevaux  et  en  chiens, 
prenoit  rarement  de  vieux  loups.  Moi-mènif  ,  j'ui  abandonné  de  ces 
animaux  à  plus  de  20  lieues  de  l'attaque,  et  ipioiipie  chassant  avec  un 
bon  équipage,  je  n'en  ai  jamais  pris  ([ue  deux  vieux;  encore  y  en 
avoit-il  un  qui  s'étoit  rempli  de  chair  d'âne,  nourriture  qu'il  ne  peut 
digérer,  non  plus  que  celle  d'oie,  qui,  dit-on,  l'incommode  également.  » 
{Obscrvuiions  de  Guuf'ficr  sur  les  mni/ciis  de  délniirr  les  loups,  Feuille 
du  cullivatcur,  2  juin  179'2.) 

(2)  Lorsqu'on  savait  d'avance  où  se  tenait  le  iouji,  on  Taisait  iiartii- 
dès  la  veille  les  relais  les  plus  éloignés  de  chiens  el  de  chevaux. 


—  41   — 

car  ils  avaient  devant  eux  la  perspective  consolante 
de  ne  pouvoir  prendre  un  second  repas  dans  la 
journée,  puis  on  allait  frapper  à  la  brisée  avec  la 
meule,  composée  au  moins  de  30  chiens,  les  plus 
ardents  et  les  plus  vigoureux  de  l'éqnipage.  Les 
piqueurs  entraient  au  fort  avec  eux  pour  les  appuyer. 

Dès  que  le  loup  était  lancé,  les  veneurs  suivaient 
les  chiens  le  plus  près  et  le  plus  constamment  pos- 
sible en  sonnant  et  en  criant. 

Quelquefois  un  loup  se  fait  relancer  de  temps  en 
temps,  au  grand  plaisir  des  chiens,  d'autres  se  for- 
longent,  suivant  les  routes  sans  se  presser,  souvent  au 
milieu  des  chiens  et  s'arretant  çà  et  là  pour  boire  (1). 
Cette  course  continue  d'ordinaire  indéfiniment,  jus- 
qu'à ce  que  la  fatigue  ou  la  nuit  obligent  chiens, 
chevaux  et  veneurs  de  lâcher  prise. 

Quand,  par  un  heureux  et  rare  concours  de  circon- 
stances favorables,  le  grand  loup  vient  à  se  laisser 
forcer  (2),  il  s'acculera  dans  un  terrier  de  blaireau  ou 
sous  une  roche  pour  défendre  bravement  sa  vie  contre 
les  chiens. 

Les  chasseurs  doivent  alors  venir  à  l'aide  de  ceux-ci 
en  enfonçant  un  gros  bâton  pointu  dans  la  gorge  de 


(1)  «  J'en  ai  chassé  un  à  tonte  jambe,  pendant  8  heures  et  demie,  qui 
n'en  paroissoit  pas  plus  las,  heureusement  la  nuit  survint,  ce  qui  nous 
obligea  de  rompre;  sans  cela,  je  crois  que  nous  serions  encore  après.  » 
(L.  de  la  Conterie.) 

(2)  M.  J.  Lavallée  raconte,  d'après  M.  Amédée  de  Maistre,  que  la 
meute  du  comte  de  Nanteuil  força  un  jour  un  vieux  loup  dans  la  forêt 
d'Armainvilliers;  lorsqu'il  fut  pris  après  une  chasse  assez  longue,  mais 
qui  tourna  beaucoup,  on  reconnut  qu'il  avait  perdu  anciennement  une 
patte  dans  un  piège,  {la  chasse  à  courre.) 


i.9 


la  bôle  furieuse  ou  en  la  perçant  avec  le  couteau  de 
chasse  (1). 
Chasse  des  Lq  chassB  des  jeunes  louvarts  et  des  louveteaux  (2), 
TuVaris/  depuis  le  mois  d'août  jusqu'à  la  fin  de  novembre,  est 
aussi  facile  et  aussi  agréable  que  celle  des  grands  loups 
est  dure  et  rebutante.  «  Qui  veut  prendre  leup  à  force 
de  chiens,  dit  le  Roy  Modus ,  si  ne  chace  mie  vieil 
leup,  mais  chace  jeune  leup  né  de  l'année,  car  le 
vieil  leup  ne  double  point  les  chiens...  et  les  chiens 
le  doubtent,  et  le  jeune  leup  s'efforce  a  fuir  comme 
il  puet  et  se  lasse  et  travaille  et  n'a  si  grande  puissance 
comme  a  le  vieil  leup  (3).  » 

Pour  forcer  louveteaux  et  jeuneslouvarts,  on  dispose 
sa  meule  et  ses  relais  comme  pour  la  chasse  du  cerf; 
on  attaque  ensuite  un  de  ces  jeunes  animaux  avec  les 
chiens  de  récri.  Le  louveteau  ne  perce  point  et  se  fait 
battre  comme  un  renard,  aussi  les  piqueurs  ne  doivent 
pas  appuyer  leurs  chiens  de  trop  près,  de  peur  de 
leur  faire  outre-passer  les  voies. 

Après  la  mort  du  loup,  qu'il  fût  jeune  ou  vieux, 
on  en  faisait  curée  aux  chiens;  comme  ceux-ci  ont 
une  répugnance  extrême  pour  la  chair  de  leur  impla- 


(1)  Les  choses  se  passent  encore  comme  du  temps  de  La  Conlerie, 
lorsqu'on  a  le  courage  d'attaquer  un  grand  loup.  Il  est  seulement  ibrt 
rare  qu'on  n'essaye  pas  de  le  raccourcir  avec  un  coup  de  l'usil. 

(2)  u  Les  petits  loups  au  lait  et  jusqu'à  l'âge  de  5  ou  G  mois  sont 
(lits  louveteaux,  ensuite  louvarts,  et  ils  portent  ce  dernier  nom  jusqu'à 
ce  qu'ils  aient  un  an  accompli.  »  (Leverrier  de  la  Gonterie.)  C'est  en 
avril  et  mai  que  naissent  les  louveteaux. 

Ci)  Le  Roii  Modus,  tout  en  prétendant  enseignera  incndrc  les  jeunes 
luups  sans  lévriers  ne  filé,  découplé  encore  deux  ou  trois  lévriers  à 
l'hallali  pour  dépêcher  la  bêle. 


—  iS  — 

cable  ennemi  (senlimenl  qui  n'a  rien  de  réciproque)  (1  ), 
on  était  obligé,  après  avoir  écorcbé  le  loup,  de  le  vi- 
der, de  le  mettre  en  quartiers,  de  faire  rôtir  ces 
quartiers  au  four  et  d'en  faire  une  mouée  avec  du 
pain,  du  fromage  et  du  lait. 

Ce  mélange,  arrosé  d'eau  bouillante,  était  jeté  sur  une 
toile  étendue  à  terre,  et  on  lâchait  les  chiens  sur  la  curée 
au  bruit  des  fanfares  comme  dans  les  autres  chasses  (2). 

Les  dedans  du  loup,  recouverts  de  la  peau,  étaient  Eriuipagcs 
ensuite  présentés  aux  chiens  au  bout  d'une  fourche  "  ""''' 
et  jetés  à  la  meute. 

Les  honneurs  du  pied  avaient  été  rendus  préalable- 
blement  à  qui  de  droit,  suivant  le  cérémonial  ordi- 
naire (3). 

Les  simples  gentilshommes  qui  chassaient  les  lou- 
veteaux avec  chiens  courants  seuls  et  les  grands  loups 
avec  meute  et  lévriers  pouvaient  se  contenter  de  25  ou 
30  chiens  couranis,  avec  7  ou  8  laisses  de  lévriers  et 
quelques  bons  doguins  (i).  Mais,  pour  forcer  le  loup 


(1)  Voir,  dans  la  Chasse  du  loup,  par  M.  le  comte  Le  Couteulx,  des 
anecdoctes  curieuses  sur  quelques-uns  de  ses  chiens  qu'il  avait  habitués 
à  faire  curée  d'un  loup  comme  d'im  cerf. 

(2)  La  chasse  du.  lotip,  par  Habert  (1624). 

La  faudra  retirer  lorscjne  cuitte  elle  semble 
Prendre  pain  de  froment,  laict  et  fourmage  ensemble 
Les  mesler  et  brouiller,  et  dans  la  peau  du  loup 
Envelopper  le  tout,  puis  sonner  de  maint  coup 
Le  forhu  près  la  peau  de  cette  fière  beste 
Sur  laquelle  aurez  mis  son  effroyable  teste. 

(3)  Leverrier  de  la  Conlerie. 

Dans  la  Louveterie  royale,  des  bâtons  étaient  distribués  aux  veneurs 
au  commencement  de  la  chasse.  Ils  étaient  pelés  toute  l'année,  sauf  la 
lioignéc 

(4)  G.  de  la  Briffardière.  —  5  laisses  de  lévriers  suflisaient,  suivant  L. 
de  la  Conter ie. 


—  44  — 

adulte  sans  lévriers ,  il  fallait  im  train  de  prince, 
1 00  chiens,  deux  excellents  piqueurs  payés  au  doubley 
2  valets  de  limier,  A  valets  de  chiens  à  cheval,  25  ou 
30  bons  coureurs.  Aussi  des  particuliers  fort  opu- 
lents pouvaient -ils  seuls  supporter  les  frais  de  ces 
grands  et  coûteux  équipages  (1). 

Les  Rois  de  France  avaient,  dès  les  premiers  temps 
de  la  monarchie,  des  louviers  ou  louvetiers,  qui  devin- 
rent grands  louvetiers  et  grands  officiers  de  la  cou- 
ronne au  xv^siècle  (2);  mais,  jusqu'au  règne  de  Henri  IV, 
il  n'existe  point  de  trace  d'un  équipage  spécial  de 
loup  attaché  à  leur  maison.  Le  Béarnais,  passionné 
pour  la  chasse  du  loup  comme  pour  toutes  les  chasses 
rudes  et  difficiles,  ayant  eu  occasion  de  chasser  avec 
la  meute  de  M.  d'Andresy,  y  prit  tant  de  plaisir,  qu'il 
voulut  avoir  à  son  service  l'équipage  et  son  maître. 
Dans  la  suite,  ce  Roi  créa  plusieurs  officiers  pour  le 
service  de  sa  louveterie  et  mit  cet  équipage  à  peu  près 
sur  le  pied  où  il  était  encore  au  xvni*'  siècle  (3). 

Sous  Louis  XIII,  grand  chasseur  de  loups,  et  pen- 
dant une  partie  du  règne  de  Louis  XV,  l'équipage  de 
la  louveterie  prit  momentanément  des  proportions 
beaucoup  plus  considérables  (4).  Nous  nous  bornerons 


(1)  A  moins  (le  yupjiléer  à  la  richesse  par  le  Kèle  et  l'abnégation  d'un 
saint  Victor. 

(2)  Voir  la  note  A,  1. 1". 

(3)  G.  de  la  Briffardière. — D'Andresy  devint  grand  lonvctier  en  tGOl. 
—  Voir  anx  Pièces  justificatives  du  t.  1"  l'état  de  la  grande  louveterie 
en  159G. 

(4)  Voir  les  comptes  de  Louis  Xlll,  Pièces  Justificatives,  t.  I"  et 
VElal  de  la  France  de  1736.  Suivant  ce  dernier  ouvrage,  Louis  XV  avait 
alors  un  lieutenant  général  de  la  louveterie,  10  i)iqueurs.  10  valets  de 
limier,  8  valets  de  chiens  courants,  4  sergents  lévriers. 


—  45  — 
à  donner  l'élat  de  cel  équipage  sous  Louis  XIV,  qui 
peut  être  considéré  comme  son  état  normal  ; 

Le  grand  loiivelier  de  France ,  commandant  en 
chef  l'équipage, 

2  lieutenants  (1), 

i  sous-lieutenant, 

4  valets  de  limiers, 

2  valets  de  chiens  courants, 

2  garçons  servant  auxdits  chiens  courants, 

2  gardes  de  lévriers, 

2  garçons  servant  auxdits  lévriers, 

2  gardes  des  dogues, 

2  garçons  servant  auxdits  dogues, 

1  maître  conducteur  du  charroy  et  son  valet, 

20  chiens  courants, 
i  laisses  de  grands  lévriers, 
4  laisses  de  grands  dogues. 

Une  charrette  à  4  chevaux  pour  porteries  panneaux, 
les  Jacques  des  grands  lévriers  et  les  collerons  des 
dogues  (2). 

Outre  les  4  laisses  de  lévriers  (de  trois  chiens  cha- 
cune), qui  étaient  dans  la  dépendance  et  nomination  du 
grand  louvetier,  4  autres  laisses  de  grands  lévriers  et 
4  valets  chargés  de  les  mener  étaient  encore  attachés 


(1)  En  1698  il  y  avait  un  lieutenant  général  de  la  louveterie  et  un 
lieutenant.  —  Le  lieutenant  général  reparaît  en  173G.  {Elals  de  la 
France.) 

(1)  Comptes  de  la  vénerie  de  Louis  XIV,  Pièces  justificatives,  (.  P"'.— 
Elal  de  la  France,  1698.  —  En  1736,  VElal  de  la  France  mentionne  de 
plus  un  pourvoyeur  de  l'écurie  des  chevaux  pour  le  loup,  un  boulanger, 
un  maréchal,  un  sellier. 


—  46  — 
à  cet  équipage  sons  l'obéissance  du  grand  loiivetier  el 
de  ses  lieutenants  pour  te  temps  de  leur  service,  mais 
nommés  par  les  gentilshommes  de  la  chambre  du  Roi  ; 
c'est  ce  qu'on  appelait  les  lévriers  de  la  chambre  (1). 

En  1762  la  grande  louveterie  fut  supprimée,  faute 
de  fonds  (2). 

Elle  ne  tarda  pas  à  être  rétablie  :  nous  la  retrouvons, 
en  1776  et  1777,  sur  le  même  pied  que  du  temps  de 
Louis  XIV  (3) .  Durant  cette  année  l'équipage  prit  32  ani- 
maux, dont  19  louveteaux,  et  13  loups  en  19  chasses. 
Il  y  eut  41  chasses  manquées  (4). 

L'équipage  de  la  grande  louveterie  fut  compris 
dans  les  réformes  économiques  de  l'année  1787,  mal- 
gré les  services  qu'il  rendait  à  l'agriculture. 

Nous  avons  déjà  eu  mainte  occasion  de  citer  l'équi- 
page du  grand  Dauphin ,  le  plus  somptueux  el  le 
meilleur  qui  ait  jamais  existé.  On  appelait  cette  meute 
incomparable  les  chiens  de  Monseigneur,  quoique  ce  fût 
une  meute  du  Roi  et  quil  la  payât  (5).  11  faut  ajouter  que 
les  1500  livres  d'appointements  que  recevait  chacun 


(1)  Salnovc. 

(2)  Coviple  de  la  Trésorerie  fjénérole  de  la  Vénerie ,  i)our  1762-G3. 
Cité  par  M.  le  comte  do  Quinsonas.  Histoire  de  Marguerite  d'Aulriehe. 

(3)  Aimanach  de  Versailles,  1776.  —  Comptes  do  Louis  XVI,  1777- 
1778.  —  L'almanacli  nomme,  ai)rès  le  grand  louvetier  et  son  lieutenant, 
un  commandant  delà  louveterie,  M.  Didier,  dont  La  Conteric  parle  avec 
éloge. 

(4)  Comptes  de  Louis X\'l,  Pièces  justilicatives,  1. 1". — Ces  il  chasses 
manquées  sont  probablement  des  chasses  de  grands  loups.  Nous  avons 
déjà  vu  que  la  louveterie  royale  en  prenait  très-rarement. 

(5)  Dangeau.  —  La  louveterie  de  Monseigneur  restait  sous  le  com- 
mandement supérieur  du  marquis  d'Heudicourt,  grand  louvetier  de 
France,  ([ui  paraît  s'être  fait  représenter  le  plus  souvent  par  Jean  de  la 
Rue,  S'  do  IJernapré,   son  lieutenant  gi''néral ,  excellent  chasseur  de 


—  47  — 
des  A  lioiilonants  ordinaires  étaient  payées  sur  la  cas- 
sette de  Monseigneur  par  les  mains  du  premier  valet 
de  chambre  (1). 

Ce  fameux  équipage  n'eut  jamais  son  égal  pour  la 
composition  du  personnel,  la  magnificence  des  cos- 
tumes, le  nombre  et  la  qualité  des  chiens  et  des  che- 
vaux (2). 

Il  ne  cessa  pas  un  instant  de  chasser  pendant  la 
vie  de  son  auguste  maître.  Le  grand  Dauphin  assista 
pour  la  dernière  fois  aux  prouesses  de  sa  meute  chérie 
le  1 6  janvier  1 71 1  ;  il  mourut  le  1  i  avril  suivant ,  et, 
.dès  le  24  du  même  mois,  la  louveterie  fut  remise  dans 
l'ancien  état,  au  grand  détriment  du  grand  louvetier, 
M.  le  marquis  d'Heudicourt  (3). 

Laissant  de  côté  les  lévriers  et  les  panneaux  (4),  le 


loups.  C'est  probablement  ce  qui  a  fait  croire  à  M.  le  comte  Le  Couteulx 
que  M.  de  Bernapré  avait  été  à  la  tête  de  l'équipage  du  grand  Dauphin. 
(.Vénerie  française  et  chasse  du  loup.) 

(1)  Etais  de  la  France,  de  1G82  à  1711. 

(2)  Voir  la  note  A  à  la  fin  de  ce  volume.  On  lit  dans  \q  Mercure  de 
janvier  1G88  ; 

«  En  France,  on  ne  voit  que  des  loups  pour  tous  animau.N:  féroces  : 
Il  n'y  en  a  plus  guère  présentement  aux  environs  de  Paris  ;  Monsei- 
gneur le  Dauphin  les  en  a  purgés.  Lâchasse  continue  toujours  à  faire 
un  de  ses  plaisirs.  Il  a  quatrevingts  coureurs  qui  sont  les  plus  parfaits 
do  l'Europe  et  peut-être  du  monde.  Il  n'y  a  point  d'exemple  que  jamais 
aucun  prince  en  ait  eu  tant  ni  de  si  beaux.  Vous  trouverez  ce  nombre 
fort  grand  lorsque  vous  ferez  réflexion  que  je  ne  parle  que  des  seuls 
coureurs.  Il  fait  connoître  la  parfaite  intelligence  de  M.  du  Mont,  écuyer 
ordinaire  de  Monseigneur  le  Dauphin  ,  dans  la  charge  qu'il  exerce  et 
les  grands  soins  qu'il  prend  pour  répondre  à  ses  désirs.  » 

(3)  Dangeau,  t.  XII. 

(41  II  n'est  pas  bien  sur  qu'il  ait  absolument  renoncé  aux  lévriers. 
Dans  un  tableau  de  Desportes  dont  nous  parlerons  plus  loin,  ungraml 
lévrier  blanc  et  fauve  ligure  au  milieu  des  chiens  courants,  prêta  coif- 
fer le  loup  aux  abois. 


grand  Dauphin  chassait  le  loup  franchement  à  courre. 
Il  prenait  des  louvarts  l'hiver  et  se  hasardait,  tout  en 
été  et  en  automne,  à  courre  des  grands  loups. 

Dangeau,  menm  et  gentilhomme  d'honneur  de  M.  le 
Dauphin,  qui  a  enregistré  ces  chasses  avec  la  plus 
grande  exactitude,  constate  que  l'équipage  chassait 
au  moins  une  fois  par  semaine  (il  fit  02  chasses,  pré- 
sence de  Monseigneur,  pendant:  l'année  1685).  En  bon 
courtisan,  Dangeau  se  tait  habituellement  sur  le  ré- 
sultat des  chasses  ;  comme  il  ne  manque  pas  de  signa- 
ler les  prises  de  grands  loups  comme  des  victoires 
mémorables,  on  peut  en  conclure  que  la  meute,  toute 
vaillante  qu'elle  était,  ne  triomphait  que  bien  rare- 
ment de  ces  infatigables  animaux  (I). 

En  revanche,  on  trouve,  à  chaque  page  du  journal 
de  Dangeau,  le  récit  de  chasses  singulièrement  longues 
et  pénibles,  qui  prouvent  en  faveur  du  zèle  et  du  fond 
de  l'équipage  aussi  bien  que  de  la  ténacité  du  maître  (2). 

Ces  chasses  mémorables  avaient  lieu  parfois  dans 
des  bois  enclos  de  murs,  comme  les  parcs  de  Versailles 
et  de  Chantilly,  le  bois  de  Boulogne  et  la  forêt  de 
Marly,  plus  souvent  dans  les  forêts  de  Fontainebleau  , 
Sénart,  Saint-Léger,  Monlfort,  Bondy,  Champagne,  et 
dans  les  bois  de  Yilleneuve-Saint-Georges,  Montmo- 
rency, Valéry,  Marcoussy,  Sainte-Geneviève,  Laulhie, 
Séquigny  (3). 

Le  duc  de  Vendôme  avait  une  meute  excellente 


(1)  Voir  la  note  B. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Dangeau. 


—  49  — 

pour  loup,  avec  laquelle  Monseigneur  chassait  assez 
souvent  dans  les  environs  d'Anet  (1). 

Les  ducs  d'Orléans,  Gaston,  frère  de  Louis  XIII,  et 
Philippe,  frère  de  Louis  XIV,  eurent  aussi  des  véne- 
ries pour  loup  très-considérables,  dont  ils  ne  pa- 
raissent pas  avoir  fait  grand  usage  (2). 

Avec  quels  chiens  chassaient  ces  fameux  équipages  ? 
11  y  a  disette  de  renseignements  à  cet  égard. 

Les  anciens  théreuticographes  citent,  comme  excel- 
lents pour  chasser  loup,  les  chiens  noirs  de  Saint-Hu- 
bert et  les  chiens  fauves  de  Bretagne.  Gafïet  de  la 
BrifTardière  dit  qu'il  faut  que  les  chiens  de  loup  soient 
de  bonne  taille,  de  poil  gris  et  marqués  de  rouge  aux 
yeux  et  aux  joues,  ce  qui  semble  indiquer  des  chiens 
normands,  descendants  plus  ou  moins  directs  des 
chiens  gris  de  saint  Louis. 

Leverrier  de  la  Conterie  veut  que  le  limier  destiné 
à  cette  chasse  soit  de  vraie  bonne  race  pour  loup;  «  qu'il 
soit  de  poil  noir,  gris  ou  rouge,  qu'il  soit  bien  tra- 
versé, qu'il  ail  la  tête  carrée,  l'œil  gros  et  plein  de  feu, 
qu'il  soit  naturellement  ardent  et  pillard.  »  C'est  en- 
core ici  un  norrnand  de  la  race  noire,  grise  *ou  fauve. 

On  ne  sait  rien  de  positif  sur  l'origine  des  chiens 
qui  composaient  la  meute  de  la  grande  louveterie.  Il 
est  probable  que  la  race  venue  originairement  des 
chiens  de  M.  d'Andresy  se  propageait  dans  l'équipage 


(1)  11  la  fit  même  venir  à  son  château  de  Meudon.  {fbid.,  t.  VII.) 
Voir  la  note  B. 

(2)  Voir  les  notes  G  et  F,  t.  I-^'. 

m.  •  4 


—  50  — 
même  à  l'aide  de  quelques  remontes  de  chiens  nor- 
mands et  gascons  (l). 

Quant  à  la  meule  du  grand  Dauphin,  on  n'a  presque 
aucun  renseignement  sur  son  origine.  A  en  juger  par 
le  beau  tableau  de  Desportes,  qui  représente  une  de 
ses  chasses  de  loup,  le  sang  normand  paraît  avoir 
dominé  dans  ce  magnifique  équipage (2). 

En  somme,  presque  toutes  nos  vieilles  races  fran- 
çaises, gascons,  sainlongeois,  poitevins  (3),  ven- 
déens, normands,  étaient  sans  rivales  pour  chasser 
loup,  surtout  les  races  à  poil  dur.  Les  chiens  anglais, 
au  contraire,  étaient  réputés  capables  de  chasser  toutes 
sortes  de  bestes,  horsmis  le  loup  [A]. 

Ceux-ci  eurent  cependant  des  partisans  dès  le  règne 
de  Louis  XIV.  M.  de  Saint-Victor  allait  lui-même  en 
Angleterre  choisir  des  chiens  pour  remonter  la  meule. 

Cette  question  de  l'aptitude  des  chiens  anglais  à 
chasser  le  loup,  qui  naguère  a  passionné  si  vivement 


(1)  M.  d'Andresy  chassait  sur  les  confins  de  la  Normandie,  et 
ilenri  IV  a  dû  faire  venir  des  chiens  de  loup  de  son  pays  natal. 

(2)  Ce  tableau  est  conservé  au  musée  du  Louvre  sous  le  n°  164.  Il  est 
daté  de  1702.  Les  chiens  courants  qui  y  figiy'ent  sont  tricolores  ou 
manlelés  de  fauve  roux  et  d'une  construction  robuste  et  massive. 

(3)  Les  chiens  de  Lai'ye  jouissaient,  pour  la  chasse  du  loup,  d'une 
réputation  méritée.  «  Parmi  les  prouesses  de  ces  chiens,  en  voici  une 
bien  connue  et  bien  authentique.  En  1780  et  tant,  M.  de  Loi-y  lance 
un  loup  à  la  forêt  des  Coutumes  avec  10  chiens;  le  loup  débuche,  son 
piqueur  et  lui  perdent  la  chasse  :  ils  la  cherchent  vainement  tout  le 
jour,  et  le  lendemain,  en  revenant  à  cette  même  forêt  des  Coutumes, 
près  de  Bellac,  pour  quêter  leurs  chiens,  ils  les  retrouvent  tous  seize 
<[ui  chassaient  vaillamment  leur  loup  de  la  veille.  Ils  l'avaieul  mené 
et  avaient  été  vus  à  la  forêt  de  la  Braconne,  près  d'Anpoidême,  ii 
15  lieues  de  là.  »  {.louninl  ilrs  (iuissruis,  \UV  année.) 

(4)  Salnove. 


—  51   — 

nos  veneurs  i\  l'occasion  du  déplacement  en  Poitou 
de  Sa  Grâce  le  duc  de  Beaufort,  avait  déjà  plus 
d'une  fois  préoccupé  nos  ancêtres  et  donné  lieu  à 
des  expériences  dont  le  résultat  n'avait  pas  été  très- 
décisif. 

On  trouve  dans  le  livre  de  Lisle  de  Moncel  qu'un 
gentilhomme  anglais,  établi  en  France  vers  1750,  réus- 
sissait assez  bien  à  forcer  le  grand  loup.  Le  comte  de 
Charolais  eut  la  curiosité  de  le  voir  à  l'œuvre  :  «  Dès 
que  le  loup  fut  lancé,  le  gentilhomme  anglais  piqua 
avec  tant  de  vitesse  que  le  prince  parut  avoir  quelque 
regret  de  s'être  engagé  à  le  suivre.  Ce  vigoureux  chas- 
seur avoit  des  chevaux  d'une  haleine  unique:  il  fen- 
doit  l'air  sans  dire  un  mot,  et  la  bride  entre  ses  dents  ; 
jamais  chasse  ne  fut  ni  si  silencieuse  ni  si  vive;  enfin, 
après  avoir  fait  un  chemin  étonnant,  le  loup  forcé 
fit  tête  aux  chiens.  » 

L'intrépide  insulaire  proposa  alors  au  comte  de  Cha- 
rolais de  rétablir  la  chasse  en  envoyant  chercher  un 
seau  d'eau  pour  faire  boire  le  loup  et  en  faisant  repo- 
ser et  rafraîchir  les  chiens  pendant  une  demi-heure 
dans  une  ferme  voisine.  Le  prince  ne  se  sentit  nulle- 
ment disposé  à  recommencer  l'épreuve,  tant  la  chasse 
lui  avait  paru  fatigante  et  triste.  En  conséquence,  on 
cassa  la  tête  au  loup,  et  tout  fut  dit  (1). 

Sur  la  fm  de  sa  vie,  le  marquis  d'Argenson  avait 


(1)  Cette  chasse,  éminemment  britannique,  où  le  loup  donné  aux 
chiens  dans  des  circonstances  évidemment  très-favorables  est  étouffé 
de  vitesse,  ne  prouve  pas  grand'chose  en  faveur  de  la  meute,  malgré 
son  succès. 


_  .H5  — 


formé  le  projet  de  faire  venir  à  son  château  des  Ormes, 
prèsChàlelleraultJe  ducdeGrafton  avec  lequel  il  était 
lié.  Le  duc  devait  amener  ses  chevaux  et  sa  meute  de 
foxhounds  pourchasser  le  loup.  La  mort  du  comte  mit 
tout  à  néant  (1). 

Les  vieux  veneurs  de  Normandie  ont  gardé  le  sou- 
venir d'une  autre  expérience  dont  le  résultat  fut  loin 
d'être  favorable  aux  chiens  britanniques,  et  dont  un 
des  acteurs  existait  encore  il  y  a  une  trentaine  d'an- 
nées (2). 

Quelque  lempsavantla  révolution,  un  gentlemanqui 
étailvenu  chasser  en  basse  Normandie  offrit  au  fameux 
louvetier  Saint-Sauveur  de  parier  avec  lui  qu'il  pren- 
drait un  vieux  loup  en  six  heures  avec  ses  trente  chiens 
anglais  et  son  himter.  M.  de  Saint-Sauveur  accepta, 
en  mettant  pour  enjeu  sa  meute  çl  son  meilleur 
cheval  contre  l'équipage  de  l'Anglais.  Le  sport- 
sman  manqua  son  loup  et  se  noya  en  traversant  une 
rivière.  M.  de  Saint-Sauveur  attaqua  le  même  loup  le 
lendemain  et  le  prit  (3j. 


(1)  Voyage  d'ArUiur  Youny, 

(2)  Cette  anecdote  est  tirée  d'une  note  fort  intéressante  de  M.  Le- 
masson  qui  m'a  été  communiquée  par  M.  le  comte  Le  Gouteulx.  M,  Le- 
masson  tenait  les  faits  du  piqueur  Paul  Piel  qui  y  avait  assisté  avec 
M.  de  Saint-Sauveur,  son  maître.  Cet  excellent  piqueur  mourut  très- 
âgé  à  Saint-James  (Manche). 

(3)  S'il  fallait  en  croire  une  tradition  très-répandue  en  Normandie, 
ce  serait  à  la  suite  de  ce  pari  que  M.  de  Saint-Sauveur  aurait  fait 
pendre  la  meute  anglaise  aux  arbres  de  son  avenue.  Piel  n'ayant  point 
parlé  à  M.  Lemasson  de  cette  circonstance  extraordinaire,  l'authenti- 
cité en  est  fort  douteuse. 


—  1)3  — 

^    2.    CHASSES  DU  LOUP  A   TIH. 

Le  loup  était  chassé  à  tir,  soit  à  l'affût,  soit  en  bat-      iautùi 
lue,  soit  avec  les  chiens  courants,  soit  en  routaiUant. 

Tant  qu'on  n'eut  comme  armes  de  jet  que  des  arcs 
et  des  arbalètes  ou  des  armes  à  feu  très-imparfaites, 
on  ne  pouvait  tirer  le  loup  avec  ces  instruments  diffi- 
ciles à  manier  qu'en  l'attirant  à  l'aide  d'une  traînée 
et  d'un  carnage  auprès  de  quelque  poste  d'affût  bien 
dissimulé,  d'où  le  tireur  embusqué  lui  envoyait  de 
pied  ferme  son  trait  ou  sa  balle  (1).  Clamorgan  re- 
commande cette  méthode  pour  blesser  d'un  ciseau 
d'arbalète  (2)  un  loup  qu'on  veut  faire  prendre  et 
fouler  par  ses  jeunes  chiens.  Robert  Mouthois  eut  sou- 
vent recours  à  ce  moyen  (3),  qui  continua  d'être  en 
usage  après  l'invention  du  fusil  à  pierre.  Tous  les  trai- 
tés du  xvnf  siècle  indiquent  cette  manière  de  tueries 
loups.  Ils  insistent,  avec  raison,  sur  les  précautions  à 
prendre  en  faisant  la  traînée  pour  que  le  loup  dont 
l'odorat  est  extrêmement  subtil  ne  puisse  s'apercevoir 


(1)  Il  arrivait  très-rarement  qu'on  rencontrât  par  hasard  un  loup 
dans  des  conditions  qui  permissent  de  le  tirer  avec  l'arquebuse  sans 
l'avoir  affûté,  comme  Claude  Gauchet  qui  se  vante  d'avoir  un  jour  tué 
deux  loups,  comme  ils  venaient  de  porter  bas  un  chevreuil  et  en  fai- 
saient curée. 

(2)  Le  ciseau,  trait  d'arbalète  dont  le  fer  était  tranchant  et  coupé 
carrément. 

(3)  Monthois  appelle  arquebuse  l'arme  dont  il  se  servait  ;  comme 
les  armes  à  silex  étaient  inventées  de  son  temps  et  qu'on  les  nommait 
souvent  arquebuses  à  fusil,  on  ne  sait  pas  s'il  tirait  avec  une  arme  à 
rouet  ou  à  pierre;  il  dit  seulement  que  l'arquebuse  ne  doit  pas  avoir 
plus  de  4  pieds  de  long  «  afin  que  le  bout  d'i<"cllp  ne  sorte  rpie  peu 
liors  de  la  ironnière  (meurtrière).  » 


(|ue  la  main  de  rii(3nime  y  est  pour  quelque  chose  (1). 
Le  tireumionlail  sur  un  arbre,  se  cachait  dans  quelque 
masure  propice,  se  construisait  une  hutte  de  bran- 
chages, ou  se  creusait  un  trou  masqué  par  une  petite 
tente  de  toile  noire.  L'affût  était  nécessairement  placé 
sous  le  vent  du  carnage,  on  chargeait  le  fusil  h  postes 
ou  h  balles  franches;  ces  dernières  étaient  d'un  tir 
beaucoup  plus  sûr,  surtout  quand  elles  étaient  faites 
d'un  mélange  égal  de  plomb  et  d'étain  (2),  on  devait  se 
servir  d'un  fusil  double,  dont  on  lirait  les  deux  coups 
ensemble. 
Le.  baiiue».  Dès  quc  Ics  armes  à  feu  furent  assez  perfectionnées 
pour  qu'il  fût  possible  de  tirer  un  animal  courant 
avec  quelque  chance  de  succès,  on  en  fit  usage  pour 
chasser  le  loup  en  battue  ou  au  triquetrac,  comme  on 
disait  autrefois. 

Ces  sortes  de  battues  sont  un  des  moyens  de  des- 
truction recommandés  aux  officiers  de  la  louveterie 
par  les  ordonnances  de  1600  et  de  1601,  et  furent  en 
effet  ordinairement  exécutées  par  eux,  avec  plus  ou 
moins  de  succès,  jusqu'à  la  révolution. 

Robert  Monihois  donne  les  instructions  nécessaires 
pour  prendre  le  loup  mns  chiens  et  le  faire  marcher  au 
triquetrac  droit  aux  harquehmiers. 


(1)  LevriTitT  (Ir  la  Contcric.  —  De  Lisk'  île  Moncel.  —  Magné  de 
Marolles.  —  Qnel<iues  chasseurs  savaient  attirer  le  louii  en  conti'olai- 
sant  son  liurlemimt  dans  un  sabot.  D'autres  faisaient  traînée  pour  la 
louve  avec  le  corps  d'un  de  ses  louveteaux.  {Uirl.  d'ftisl.  /;«/.,  v"  Lotip.) 

(2)  De  Lislo  de  Moncel.  —Cet  habile  louveiiei- dit  avoir  tué  avec  son 
frère  18  à  20  loups  en  deu.x  hivers,  d'un  iiirùt  praliiiué  dans  une  tour 
du  ehàtenu  de  Coureelies  en  Arfronne. 


Le  directeur  de  la  chasse  placera  les  lireurs  sans 
bruit  et  à  bon  venl,  à  :200  pieds  l'un  de  l'aulre, 
chacun  près  d'un  gros  arbre,  où  le  plus  certain  est, 
encore  de  se  brancher  (1). 

Il  leur  fera  charger  leurs  arquebtises  (2)  de  postes 
ou  de  balles  rondes  pour  servir  de  pillules  au  solitaire 
quand  il  paroîtra. 

Puis,  il  fera  entrer  ses  traqueurs  dans  l'enceinte  où 
ils  s'avanceront,  menant  grand  bruit  par  cris  et  huées, 
frappant  des  cailloux  l'un  contre  l'autre,  voire  même 
donnant  l'auhade  à  messer  loup  avec  des  tambours  et 
deux  ou  trois  mousquetades,  ce  qui  le  décidera  à  dé- 
bucher sur  la  ligne  des  tireurs. 

De  Moncel  compte  les  battues  au  nombre  des 
moyens  qui  lui  ont  été  le  plus  utiles  pour  détruire  les 
loups;  il  décrit  la  manière  dont  procédaient  de  son 
temps  les  officiers  de  louveterie  et  en  fait  voir  les  in- 
convénients. 

Pour  ces  battues  officielles  le  lieutenant  de  louve- 
terie mettait  en  réquisition,  dans  une  communauté  de 
200  feux,  moitié  ou  tiers  des  hommes  valides,  et  la 
totalité  dans  celles  de  100  feux. 

De  simples  gardes  étaient  le  plus  souvent  chargés 
de  guider  cette  multitude  indocile  et  bruyante,  qu'ils 
abandonnaient  parfois  au  milieu  d'un  trac  pour  courir 
se  poster  avec  les  tireurs.  Ceux-ci  étaient  des  gens 
auxquels  les  maires  et  syndics  avaient   confié   des 


(1)  Les  loups  auront  éU>  préalableinent  ilétournés. 

(2)  Même  remarque  qui'  pn'céfleramenf  au  suj^t  «les  arm':'  = 


—  dG  — 

armes  pour  celte  occasion  seulement;  ils  étaient 
presque  toujours  mal  choisis,  maladroits  ou  impru- 
dents, et  se  faisaient  rarement  scrupule  de  proGler  de 
leur  position  pour  brûler  sur  le  gibier  défendu  les 
munitions  qui  leur  avaient  été  confiées. 

Il  en  résultait  beaucoup  de  bruit,  des  accidents  fré- 
quents, et  fort  peu  de  loups  mis  à  bas. 

De  Moncel  avait  organisé  ses  battues  d'ue  façon 
beaucoup  plus  efficace  dans  la  province  où  il  avait 
été  chargé  de  détruire  les  loups. 

Parmi  les  paysans  sujels  aux  corvées,  il  choisissait 
36  particuliers  exemptés  de  toute  autre  prestation,  à  la 
charge  de  fournir  douze  journées  de  trac  au  louve- 
tier.  De  Moncel  prenait  parmi  eux  16  fusiliers,  qu'il 
exerçait  lui-même  avec  le  plus  grand  soin  au  ma- 
niement de  leurs  armes.  Les  autres  devenaient  briga- 
diers et  maîtres  traqueurs,  chargés  de  conduire  les 
bandes  de  villageois  requis  pour  faire  les  huées.  Ils 
devaient  empêcher  les  traqueurs  de  faire  du  bruit 
avant  le  signal,  jes  rangeaient  en  ligne  et  les  faisaient 
marcher  en  bon  ordre,  lorsque  le  signal  avait  été 
donné  par  des  coups  de  pistolet,  en  réglant  leurs 
mouvements  sur  le  son  des  cornets. 

Les  maîtres  tireurs,  dirigés  par  un  brigadier  et 
3  chefs  d'escouade  ou  posteurs,  et  renforcés  par  les 
gardes  et  les  chasseurs  de  bonne  volonté  des  envi- 
rons, avaient  bordé  exactement  l'enceinte  à  bon  vent  ; 
les  loups  et  autres  betes  nuisibles,  poussés  en  avant 
par  les  traqueurs  et  par  des  chiens  dressés,  vidaient 
précipitamment  l'enceinte  et  venaient  essuyer  le  feu 
des  tireurs.  Ce  feu  était  quehiuefois  très-vif,  M.  de 


—  57  — 

Moncel  rapporte  que,  dans  une  battue  qu'il  fil  le 
A  novembre  1776,  en  présence  de  plusieurs  personnes 
de  considération,  quatorze  coups  de  fusil  furent  tirés 
dans  une  seule  enceinte,  et  que  trois  loups  avaient 
été  tirés  dans  la  précédente  (1). 

Goury  de  Charapgrand  et  Magné  de  Marolles  parlent 
de  l'organisation  des  battues  ou  trictracs  à  peu  près 
dans  le  même  sens,  mais  beaucoup  plus  brièvement. 
Il  ne  paraît  pas  qu'on  ait  essayé  de  tirer  le  loup  cha.se  à  tu 
devant  les  chiens  courants  avant  l'invention  des  armes  Courants"' 
à  silex.  L'allure  du  compère,  sans  être  d'une  vitesse 
désordonnée,  est  en  effet  assez  vive  pour  laisser  peu 
de  chances  de  succès  aux  arquebuses  incommodes  qui 
ont  précédé  le  fusil. 

La  manière  de  procéder,  considérée  comme  la  meil- 
leure, consistait  à  détourner  le  loup,  à  placer  bon 
nombre  de  tireurs  à  bon  vent,  et  à  découpler  sur  la 
voie  6  chiens  courants,  appuyés  par  un  valet  de 
limier.  Il  était  bon  d'avoir  quelques  tireurs  à  cheval 
pour  prendre  les  grands  devants  à  toute  bride,  si  le 
loup  échappait  au  feu  de  l'infanterie  et  le  croiser  à  la 
re fuite  (2). 

Pour  routailler  un  loup  avec  le  limier,  ce  qui  était  chasse  du  loup 
encore  la  méthode  la  plus  sûre,  on  postait  les  tireurs    rouiauiani. 


(1)  De  Lisle  de  Moncel  propose  de  former  des  compagnies  de  chas- 
seurs louvetiers  dans  les  provinces  les  plus  exposées.  Ces  compagnies, 
outre  les  services  qu'elles  rendraient  en  temps  de  paix,  pourraient  en- 
core être  très-utiles  à  la  guerre,  pour  fournir  des  éclaireurs  et  des  ti- 
railleurs excellents. 

(2)  Leverrier  de  la  Conterie. 


à  la  sonnette. 


—  38  — 
loul  autour  de  l'enceinte  où  il  avait  été  détourné,  cl 
un  chasseur  entrait  seul  sous  bois,  avec  un  limier 
qu'il  tenait  à  la  hotte.  Le  loup,  n'entendant  der- 
rière lui  qu'un  chien  qui  donne  très-peu  de  voix, 
s  en  moque  et  n'en  va  pas  plus  vile,  il  se  fait  relancer 
de  temps  en  temps  et  finit  par  sortir  de  l'enceinte  sans 
se  presser.  S'il  est  manqué,  les  chasseurs  peuvent 
prendre  les  devants  du  fort  où  il  rentre  et  recom- 
mencer l'opération  (1). 
chasseduioup  Dcsgravicrs  indique  une  manière  assez  curieuse  de 
routailler  le  loup  en  temps  de  neige,  sans  l'assistance 
d'un  limier. 

Lorsqu'on  a  détourné  la  bête  avec  ou  sans  chiens, 
ce  qui  nest  pas  bien  malin  quand  le  grand  licre  des  ânes 
est  ouvert,  on  poste  les  tireurs  comme  à  l'ordinaire, -et 
on  établit  des  défenses  à  mauvais  vent  pour  empêcher 
le  loup  de  se  dérober.  Tout  étant  bien  disposé,  un 
chasseur  portant  une  sonnette,  dont  il  a  eu  soin  d'ar- 
rêter le  battant  pour  ne  se  faire  entendre  qu'en 
temps  opportun  entre  sous  bois,  frappe  aux  brisées 
et  démêle  les  voies  du  loup  sans  dire  mot.  Arrivé  au 
liteau,  il  dégage  le  battant  de  la  sonnette,  et  annonce 
en  l'agitant  que  la  bête  est  sur  pied.  Puis,  il  suit  ses 
voies  à  l'œil,  pas  à  pas,  sonnant  de  temps  à  autre  pour 
indiquer  la  direction  que  prend  son  loup.  Celui-ci, 
éventant  les  tireurs  et  les  défenses,  ruse  et  se  fait 
battre  longtemps  avant  de  se  décider  «i  débucher. 


(I)  Levcrrioi'  <\r  1m  (lontiMMo,     -  Ma'gm''  de  MaroUrs. 


—  59  — 

Enfin,  fatigué  du  bruit  de  la  sonnette,  il  prend  son 
parti  et  franchit  la  ligne  des  tireurs. 

S'il  y  a  plusieurs  loups  dans  le  bois,  le  premier 
étant  mort,  on  se  transporte  à  une  autre  brisée  et  on 
recommence  la  manœuvre. 

Cette  chasse  amusante  et  destructive  se  faisait  en- 
core en  Bourgogne,  il  y  a  quelques  années. 

§  3.    CHASSE  DU  LOUP  AVEC  TOUTES  SORTES   d'eNGINS  ET    DE  PIEGES. 

L'instinct  rusé  et  défiant  des  loups  et  la  vigueur  de 
leurs  jarrets  rendaient  très-incertain  le  succès  des 
chasses  à  force  et  à  tir,  surtout  avant  le  perfection- 
nement des  armes  à  feu ,  aussi  n'est-il  point  d'in- 
vention à  laquelle  on  n'ait  eu  recours  pour  se  débar- 
rasser plus  sûrement  de  ces  bêtes  malfaisantes. 

Les  rets  ou  panneaux  furent  un  des  engins  les  plus  Les  panneaux. 
usités  jusqu'à  la  fin  du  xvi^  siècle,  on  s'en  est  même 
servi  accidentellement  jusqu'à  nos  jours  (1). 

Les  panneaux  dont  on  taisait  usage  pour  prendre 
les  loups  étaient  des  filets  tissus  de  forte  ficelle,  de  7  à 
8  pieds  de  haut  et  de  4  à  500  de  longueur.  On  les  ten- 
dait à  l'aide  de  câbles  ou  maîtres.  Le  ^naître  inférieur 
était  fixé  solidement  contre  terre  avec  des  crochets. 
Celui  d'en  haut  était  porté  sur  des  fourches  de  bois, 
de  telle  façon  que  fourches  et  panneaux  tombaient 


(I)  Le  Ruy  Modus  enseigne  à  prendre  les  loup^  au  buissuiuier,  c'est-à- 
dire  dans  une  enceinte  de  panneaux  nii  les  carnassiers  ont  été  attirés 
en  faisant  traînée  d'une  fharofrne. 


—  60  — 

sur  l'animal  el  l'enveloppaient  lorsqu'il  venait  donner 
dans  le  filet. 

C'était  avec  ces  panneaux  (dits  pans  de  rets  au 
XVI*  siècle)  qu'on  prenait  les  loups  dans  les  grandes 
huées  que  faisaient  les  officiers  de  la  Louveterie,  avant 
qu'on  possédât  des  armes  à  feu  assez  maniables  pour 
les  tirer  au  passage. 

Pour  ces  huées  officielles  on  tendait  les  pans  de 
rets  sous  le  vent  de  l'enceinte  où  les  loups  avaient  été 
détournés. 

Puis,  à  quelque  jour  de  petite  [este,  non  pas  au  di- 
manche, qiiil  faut  garder  selon  le  commandemeiit  de  Dieu, 
les  Louvetiers  ou  les  Seigneurs  du  pays  rassemblaient 
tout  le  peuple  du  canton,  divisé  par  paroisses,  et 
conduit  par  ses  maires  et  syndics.  Après  les  avoir  mis 
en  bonne  ordonnance,  on  donnait  le  signal  en  tirant 
une  boîte  d'artillerie  ou  une  grosse  arquebuse,  et  tous 
ces  pitaux,  armés  de  fourches,  d'épieux,  de  méchants 
hâtons  à  feu  et  de  rouillardes,  menant  avec  eux  leurs 
mâtins  cazaniers,  entraient  sous  bois,  faisantgrand  bruit 
de  trompes,  cornets  et  tahourins,  et  criant  de  toutes 
leurs  forces.  Les  loups,  épouvantés  fuyaient  devant 
eux  et  allaient  se  jeter  dans  les  panneaux.  Aussitôt 
qu'ils  y  étaient  enveloppés,  les  hommes  préposés  à  la 
garde  des  rets,  qui  se  tenaient  cachés  dans  des  buttes 
de  feuillage  ou  de  toile  teinte,  se  jetaient  sur  eux  et 
les  assommaient  (1). 


(1)  Claude  Gauchel.  —  Clamorgan.  —  G.  de  Chainiigraiid.  —  C'est  à 
peu  jirès  ce  que  Gat^ton  IMiœbus  appelle  chasser  les  loups  à  la  croupie. 
liarcc  que  les  gardes  di's  rds  s(>    tenaient  accroupis.  La   chasse  à  la 


—  61   — 

Lorsqu'on  faisait  la  huée  dans  un  bois  bordant  la 
plaine,  ou  isolé  de  toutes  parts,  on  laissait  libre  un 
côté  de  l'enceinte  et  on  y  embusquait  des  laisses  de 
lévriers,  de  mestifs  et  de  dogues  pour  coiffer  ceux  des 
loups  qui  prenaient  parti  dans  cette  direction.  Une 
vingtaine  de  chiens  courants  étaient  découplés  dans 
l'enceinte  pour  hâter  leur  fuite  (1). 

Les  toiles  étaient  quelquefois  employées  concur-  Lestones 
remment  avec  les  panneaux  pour  former  l'enceinte. 
Claude  Gauchet,  dans  son  poëmedu  Plaisir  des  Champs, 
nous  donne  la  description  d'une  chasse  de  ce  genre 
où  l'un  des  côtés  de  l'enceinte  est  fermé  par  une  ri- 
vière. 


Je  prends  de  paysants  deux  douzaines  ou  trois 

Pour  mettre  au  lieu  de  chiens  dedans  l'enclos  des  toilles 

Armez  tant  seulement  de  chaudrons  et  de  poisles 

De  tabours,  de  bassins,  afin  d'espouvanter 

Les  loups,  pour  dedans  l'eau  les  contraindre  saulter. 


Il  leur  adjoint  quelques  lévriers  bien  mordants;  les 
loups,  poussés  parles  traqueurs  et  les  chiens,  se  pren- 
nent dans  les  panneaux  ou  se  jettent  à  la  nage.  Les 
chasseurs,  qui  les  attendaient  dans  des  bateaux,  les 
assomment  à  coups  de  gaffe  ou  les  noient. 

On  formait  l'enceinte  avec  des  toiles  seulement, 
quand  on  voulait  faire  combattre  les  loups  avec  des 


croupie  est  seulement  faite  sur  une  plus  petite  échelle.  Cette  chasse  des 
loups  dans  les  panneaux   se  trouve  aussi  représentée  dans  l'œuvre 
de  Ridinger. 
(1)  Claude  Gauchet. 


—  62  — 
lévriers  comme  dans  un  amphithéâtre,  ou  les  tirer  à 
coup  sûr  (l). 
Les  iassi(^res.       Lcs  lassièrcs  étaient  une  autre  sorte  de  rets  en  forme 
de  poche  ou  bourse,  semblable  (  sauf  la  grandeur  et 
la  force)  à  celles  avec  lesquelles  on  prend  les  lapins. 

Pour  les  tendre  on  choisissait  une  haie  convena- 
blement située  près  du  buisson  où  l'on  avait  connais- 
sance des  loups,  ou  bien  on  en  construisait  une  exprès. 
Les  lassières  étaient  placées  dans  des  ouvertures  pra- 
tiquées de  distance  en  distance.  On  attirait  fréquem- 
ment lesloupsavec  une  traînée,  et  le  bois  était  entouré 
de  défenses  de  toutes  parts,  excepté  le  côté  des  lassières. 

Tout  étant  préparé,  on  faisait  fouler  l'enceinte  par 
des  traqueurs  armés  de  clochettes  et  de  clairons,  et 
par  des  chiens  courants.  Les  loups,  effrayés  de  tout  ce 
bruit,  se  jetaient  dans  les  lassières. 

Ce  mode  de  destruction  était  encore  pratiqué  à  la 

fin  du  wni^  siècle  (2). 

Les  lacs.         Du  tcmps  dc  Gastou  Phœbus,  des  lacs  ou  collets 

remplaçaient  parfois  les  lassières  dans  les  ouvertures 

de  la  haie  (3)  ;  on  prenait  aussi  les  loups  aux  hausse- 


(1)  Dangeau  parle  d'une  de  ces  chasses  de  loups  dans  les  toiles  avec 
des  lévriers  (t.  III).  Quelque  temps  après  la  mort  du  maréchal  de  Saxe, 
on  tua  dans  les  toiles  plusieurs  loups  qui  avaient  pénétré  dans  le  parc 
(le  Ghambord.  (De  Lisle  de  Moncel.)  Du  temps  de  M.  de  Moncel,  un 
prince  allemand  faisait  aux  loups  une  chasse  bizarre  où  l'enceinte  était 
formée  de  cordes  auxquelles  étaient  suspendus  des  mannequins  mo- 
biles. 

(2)  G.  Phœbus.  —  Clamorgan.  —  G.  do  Cham]igrand.  —  L.  de  la 
Conterie. 

(3)  «  Et  puct  tendre  es  pertuis  s'il  veult  las  commun  à  un  moistre 
ou  las  à  deux  meislres  ou  las  de  la  lune  ou  polit  las  d(>  povres  gens, 
ou  cheveslre,  ou  las  croisié.  «  (G.  Phœbus.) 


—  63  — 
pieds;  c  élaionldes  nœuds  coulants  altachés  à  un  brin 
de  taillis  qu'on  courbait  avec  force  jusqu'à   terre  et 
qui  se  redressait  quand  la  patte  du  loup  était  engagée 
dans  les  lacs  (1). 

Dès  les  temps  les  plus  reculés  on  s'est  servi,  pour  Lésasses. 
prendre  les  loups,  de  fosses  ou  louvières  (1).  Il  en  est 
parlé  dans  la  loi  des  Francs  Ripuaires,  dans  les  Capi- 
tulaires  de  Charlemagne,  dans  Gaston  Phœbus,  aussi 
bien  que  dans  Clamorgan  ,  dansGoury  de  Chanipgrand 
et  dans  de  Lisle  de  Moncel  (2). 

Ce  dernier,  qui  faisait  grand  usage  de  fosses,  leur 
donnait  13  à  14  pieds  de  profondeur  (3),  et  la  forme 
d'un  cône  tronqué,  ayant  au  fond  12  pieds  de  dia- 
mètre (i),  et  une  ouverture  de  6  à  7  (5),  le  tout  bien 
maçonné.  Une  poutrelle  scellée  dans  le  mur  s'avançait 
au-dessus  de  la  fosse.  Elle  était  terminée  par  un  pla- 
teau sur  lequel  on  attachait  un  canard  vivant.  Dans 
l'épaisseur  du  plateau  étaient  pratiqués  des  trous,  oii 
l'on  faisait  entrer  des  baguettes  sèches  et  cassantes  dont' 
l'extrémilé  allait  s'appuyer  sur  le  mur  de  la  fosse,  de 
façon  à  figurer  les  rayons  d'une  roue.  Le  tout  était 
recouvert  de  paille.  Le  loup,  attiré  par  des  traînées  et 
par  un  appât  composé,  s'avançait  pour  saisir  le  canard 


(1)  Les  hausse-pieds  sont  encore  décrits  dans  Y  Encyclopédie  (Dic- 
iionnaire  de  toutes  les  espèces  de  chasses)  et  dans  le  Dictionnaire 
d'histoire  naturelle,  publié  chez  Déterville  en  l'an  XI. 

(Vj  V.  Ducange,  v°  Luperia.  Le  Louvre  primitif  (en  latin  du  temps 
Lu,para)  doit  peut-être  son  nom  à  une  de  ces  louvières. 

(3)  4™ ,22  à  4"', 54. 

(4)  S^/Jl. 

(5)  1",95  à  2^27. 


JÊl^ 


—  64  — 
et  tombait  dans  la  fosse  en  brisant  par  son  poids  les 
baguettes  qui  la  couvraient. 

Cette  méthode  servait  principalement  à  l'habile 
louvetier  pour  se  procurer  des  loups  vivants,  qu'il 
employait  à  dresser  ses  limiers  et  ses  chiens  courants, 
après  avoir  cousu  la  gueule  de  la  bete  féroce.  Il  la 
retirait  de  la  fosse  avec  un  nœud  coulant  passé  à  sa 
patte. 

D'autres  fois  on  mettait  au- dessus  de  lalouvière  une 
planche  formant  bascule  avec  l'appât  à  l'extrémité,  ou 
on  la  recouvrait  d'une  trappe  en  bois  ou  en  clayon- 
nage,  et  on  attirait  le  loup  soit  en  attachant  à  la  trappe 
un  appât  vivant,  soit  en  faisant  traînée  d'une  cha- 
rogne qu'on  faisait  passer  sur  la  trappe  et  qu'on  sus- 
pendait à  un  arbre  voisin  (1). 
La  galerie.  I.c  piégc  appelé  la  gaUrie  était  une  fosse  perfec- 
tionnée. On  la  faisait  carrée,  avec  une  trappe  à  deux 
vantaux  garnis  de  conlre-poids.  Autour  de  cette  fosse 
étaient  plantés  en  terre  deux  rangs  de  forts  piquets 
établis  obliquement  de  manière  à  se  joindre  par  le 
haut  et  à  figurer  la  charpente  d'un  toit.  Une  perche, 
liée  fortement  avec  des  barres,  représentait  le  faîte  de 
cette  charpente,  et  le  tout  formait  une  espèce  de  ga- 
lerie entourant  la  fosse  de  tous  côtés.  On  y  enfermait 
un  chien  qui  attirait  le  loup  par  ses  hurlements.  Le 
brigand  arrivait,  tournait  autour  de  la  galerie  sans 
trouver  d'entrée   pour  saisir  sa  proie,  finissait  par 


(1)  CUimorgan.  — Encyclopédie.  —  Les  nisrs  innoccnlrs  de  la  chasse 
cf  (le  ta  pêche,  ])a.r  F.  F.  R.D.G.  dil  le  Solitaire  iurenlif.  Paris,  IGGO. 


—  65  — 
sauter  par-dessus  el  tombait  dans  la  fosse,  où  il  se 
trouvait  enfermé  par  le  jeu  de  bascule  des  trappes.  On 
pouvait  prendre  plusieurs  loups  dans  la  même  nuit 
avec  celte  machine  qui  n'offrait  pas  les  mêmes  dangers 
qu'une  fosse  ordinaire  pour  les  hommes  et  les  ani- 
maux domestiques  (1). 

Pour  prendre  les  loups  vifs,  Gaston  Phœbus  en-  Les  parcs. 
seigne  encore  à  faire  un  parc,  consistant  en  deux  en- 
ceintes circulaires  et  concentriques  de  claies  fortes  et 
épaisses.  L'enceinte  intérieure  renferme  un  chevrel  ou 
aignel  tout  vif  pour  attirer  le  loup.  L'autre  enceinte 
enveloppe  la  première  et  forme  à  l'entour  un  corridor, 
trop  étroit  pour  que  la  bête  féroce  puisse  s'y  retourner. 
A  l'entrée  est  une  porte  qui  vient  baitre  contre  l'en- 
ceinte intérieure.  Quand  le  loup,  amené  avec  une 
traînée,  s'est  engagé  dans  le  corridor  par  cette  porte 
laissée  ouverte,  il  fait  le  tour  jusqu'à  ce  qu'il  arrive  à 
\d  porte  qui  bat,  il  la  boute  des  deux  pieds  el  de  la  tête, 
si  la  reclot  arrière,  car  il  y  a  un  cliquet  qui  se  ferme, 
«  et  ainsi  ne  puet-il  saillir,  mes  toujours  ira  autour, 
car  le  parc  est  bien  haut.  » 

De  ce  passage  de  Gaston  Phœbus,  il  résulte  évi- 
demment que  l'idée  de  ce  piège  ne  saurait  être  attri- 
buée avec  vraisemblance  aux  bergers  de  la  Camargue, 
comme  le  prétend  un  auteur,  pas  plus  qu'au  soi- 
disant  inventeur  qui  l'offrit  comme  sienne  en  177;]  à 


(1)  Diclionnairc  dlnsloUr  nalvrcUe  de  l'an  XI,  art.  Loup,  pai'  Sun- 
nini. 

iii.  5 


—  6G  — 

i'évéque  de  Châlons  dont  le  diocèse  était  alors  ravagé 
par  les  loups  (1). 

Sonnini  dit  que  le  double  parc  était  souvent  mis  en 
usage  de  son  temps  dans  plusieurs  cantons  de  la 
Suisse,  et  que  lui-même  l'a  vu  employer  avec  succès 
dans  quelques  parties  de  la  Lorraine  (2). 

Une  autre  espèce  de  parc  est  représentée  dans  les 
planches  de  rE^icydopédie.  Il  est  clos  de  fortes  palis- 
sades, sauf  un  côté  où  le  terrain  environnant  est  beau- 
coup plus  élevé  que  le  fond  du  parc  et  où  Ton  pratique 
une  entrée  coupée  à  pic.  Le  loup  saute  dans  le  parc 
pour  dévorer  un  appât  qu'on  y  a  déposé  et  ne  peut 
plus  en  sortir. 

Gaston  Phœbus  combinait  encore  un  parc  ou  palis 
avec  un  piège  qu'il  appelle  tables. 

lps  tables.  Cc  piégc  était  en  bois  et  consistait  en  deux  tables, 
bordées  de  dents  de  fer,  qui  se  fermaient  au  moyen 
d'un  ressort;  on  les  tendait  à  plat  sur  le  sol,  à  l'entrée 
d'un  palis  qui  renfermait  une  charogne  dont  on  avait 
fait  traînée.  Le  loup,  attiré  par  celte  traîuée,  voulait 
pénétrer  dans  le  palis,  marchait  sur  la  détente  et  se 
trouvait  pris  par  le  pied  (3). 

Lachnmiire.       La  cliambre  ou  cage  était  un  piège  du  même  genre. 


(1)  Biblinllii-que  ftisloriqite  cl  criliqur.  Cet  invenlcur  .avait  nom  Lau- 
rent Imbert,  horloger,  à  Gronoblo. 

(2)  Dicl.  d'hisl.  nat.  de  l'an  XI.  Dans  le  piège  décrit  par  Sonnini 
sous  le  nom  de  double  enceinte  la  porte  est  faite  do  façon  à  se  rouvrir 
après  le  passage  du  inuji  d'^  manière  à  laisser  l'entrée  libre  à  d'autres 
loups. 

(3)  «  Aucune  fois,  ([uant  il  voit  gent,  ou  le  Jour  le  prent,  il  tire  si 
fort  que  lu  pié  li  demuèi'e  et  il  s'en  va  sans  jiié.  »  (Gaston  Phœbus.) 


—  07  — 

Elle  était  faite  de  forts  barreaux  de  bois  plantés  en 
terre  et  réunis  par  des  traverses.  On  y  renfermait  une 
proie  à  laquelle  était  attachée  une  corde  faisant  jouer 
une  porte  battante.  Le  loup,  en  saisissant  l'appât, 
tirait  la  corde  et  s'enfermait  lui-même  (1). 

Sur  le  passage  d'un  loup  dont  on  avait  connaissance  Le  fus» 
on  installait  un  ou  plusieurs  fusils  posés  sur  des 
fourchettes,  le  canon  braqué  à  hauteur  de  l'animal  (2). 
Quand  celui-ci  venait  pour  passer,  il  mettait  le  pied 
sur  une  marchelte  qui  répondait  à  la  détente  de 
l'arme  ou  des  armes  au  moyen  d'un  contre-poids  (3). 

Aux  pièges  à  tables,   décrits  par  Phœbus,  succé-  P'^-ses  jivers. 
dèrent  des  pièges  de  diverses  façons  qu'on  trouvera 
longuement  et  fastidieusement  décrits  dans  les  auteurs 
spéciaux  (4),  traquenards,  pièges  de  fer,  hameçons  à 
ressorts  (5). 

Le  point  difficile  pour  en  tirer  parti  était  toujours 
de  vaincre  l'excessive  défiance  du  loup  en  dissimulant 
soigneusement  l'embûche  et  en  évitant  à  tout  prix  de 
toucher  le  piège  avec  la  main  nue,  de  peur  que  l'ani- 
mal ne  reconnût  le  sentiment  de  l'homme. 

L'odeur  du  fer,  celle  de  la  corde  de  chanvre,  de- 


(1)  Dicl.  d'Iiisl.  na(. 

(2)  Avant  l'invention  des  armes  à  feu,  un  épieu  rais  en  mouvement 
par  une  pièce  de  bois  élastique  fortement  courbée  et  formant  ressort 
servait  au  même  usage.  Voir  Phœbus,  ch.  Lxni. 

(3)  Dicl.  d'hisl.  nat.  —  Encyclopédie. 

(4)  Voir  les  Ruses  innocentes  du  Solitaire  inventif.  —  Les  amuse- 
ments de  la  campagne,  par  le  S''  Liger.  —  Les  diverses  éditions  de  l;i 
Maison  rustique.  —  U Encyclopédie.  —  Le  Dicl.  d'hist.  nat.,  etc. 

(5)  Ces  hameçons,  suspendus  à  des  arbres  et  amorcés  d'un  lambeau 
de  charogne,  saisissaient  par  la  gueule  les  loups  qui  sautaient  après. 


—  G8  — 
valent  aussi  être  neutralisées  par  divers  moyens  ingé- 
nieux. 

Le  poison  était  un  moyen  de  destruction  fort  en 
usage.  De  Moncel  donne  les  détails  les  plus  circon- 
stanciés sur  la  manière  de  le  composer  et  de  le  faire 
avaler  aux  loups,  mais  cet  assassinat,  quoique  fort 
licite  dans  son  but,  ne  peut  mériter  l'honneur  d'être 
compté  pour  une  chasse. 

Il  en  est  de  même  des  aiguilles  auxquelles  Gaston 
Phœbus  a  consacré  un  court  chapitre  et  dont  parle 
encore  Sonnini  (1). 

Outre  les  traînées  de  charogne,  on  se  servait,  pour 
attirer  les  loups,  de  diverses  compositions  peu  ragoû- 
tantes, dont  les  piégeurs  ont  toujours  fait  grand  mys- 
tère, mais  dont  on  ne  trouve  pas  moins  les  recettes 
dans  tous  les  traités. 


(1)  «  Ci  devise  comment  on  puet  prendre  les  Ions  aux  aiguilles.  » 
Ces  aiguilles,  pointues  des  deux  bouts,  sont  attachées  en  croix  avec 
un  crin  de  cheval.  En  les  forçant  peu  à  peu,  on  les  replie  l'une  sur 
l'autre  de  manière  à  pouvoir  les  faire  entrer  dans  une  pièce  de  chair. 
Le  loup,  qui  mange  gloulonnemenl  comme  l'a  dit  La  Fontaine,  avale, 
sans  le  mâcher,  le  morceau  si  gracieusement  assaisonné.  Dès  qu'il 
était  digéré,  les  aiguilles  se  redressaient,  reprenaient  leur  forme  de 
croix  et  perçaient  les  intestins  de  la  bête  vorace.  On  peut  se  servir,  au 
lieu  d'aiguilles,  d'hameçons  de  pèches  à  deux  pointes.  (Gaston  Phœbus. 
—  Dicl.  cVhisl.  nal.) 


LIVRE  VII. 


LA    FAUCONNERIE. 


CHAPITRE  PREMIER. 

Origines  et  histoire. 


§   1.  PREMIERS   TEMPS   DE   LA  FAUCONNERIE. 

La  chasse  au  vol,  que  nous  appelons  ordinairement 
fauconnerie  (1),  n'a  pas  été  connue  des  peuples  civi- 
lisés de  l'antiquité.  Les  Grecs  eurent  seulement 
quelques  notions  d'oiseaux  de  proie  dressés  à  la  chasse 
par  des  nations  barbares  et  éloignées. 

Clésias,  médecin  et  historien  grec,  contemporain 
de  Xénophon,  avait  oui  dire  à  la  cour  du  Roi  de 
Perse,  où  il  avait  vécu  assez  longtemps,  que  certaines 


(1)  Au  moyen  âge,  on  disait  volerie.  Le  mol  de  fauconnerie  désignait 
spécialement  la  chasse  qiii  se  faisait  avec  des  oiseaux  de  haut  vol. 


—  70  — 

peuplades  à  demi  fabuleuses  de  l'Inde  se  servaient, 
ï)our chasser  le  renard  elle  lièvre,  d'aigles,  de  milans, 
de  corbeaux  et  de  corneilles  (1). 

Arislote  rapporte  que  des  oiseleurs  thraces  des 
environs  d'AmphipoIis  avaient  formé  une  association 
avec  les  éperviers.  Ces  hommes  battaient  les  buissons 
et  les  roseaux  pour  faire  partir  les  oisillons,  tandis 
que  les  éperviers,  planant  au-dessus,  efîrayaient 
ceux-ci  et  les  forçaient  de  se  jeter  dans  les  filets  (2). 

Ce  fait,  qui  est  reproduit  par  Pline  et  par  Élien  (3), 
paraît  avoir  beaucoup  étonné  les  anciens.  Il  ne  s'agit 
pas,  en  réalité,  d'une  chasse  au  vol  dans  laquelle  des 
oiseaux  de  proie  dressés  saisissent  le  gibier  pour  le 
livrer  au  chasseur.  L'épervier  ne  servait  ici  que 
d'épouvantail  pour  contraindre  les  oiseaux  à  raser  la 
terre  et  à  donner  dans  les  filets  de  l'oiseleur  (4). 


(l)  Pline  parle  ilïin  certain  Craterus,  dit  Monoceros,  qui  vivait  de 
son  temps  en  Asie  Mineure  et  qui  chassait  à  l'aide  de  corbeaux  qu'il 
portait  sur  ses  épaules  et  sur  le  cimier  de  son  casque.  {Ilisl.  nat., 
lib.  X,  cai).  GO.) 

('2)  IJisl.  aniin.,  lib.  X. 

(3)  Oppien  fait  allusion  à  la  chasse  décrite  par  Aristote,  lorsqu'il 
parle  des  plaisirs  de  l'oiseleur  que  son  faucon  rapide,  associé  de  ses 
travaux,  suit  à  travers  les  forets  de  chênes.  (Uynef/.,  lib.  I.)  C'est  en- 
core cette  espèce  de  chasse  qu'a  en  vue  Martial  dans  ce  distique  où 
il    l'iiit   ])arler  un  éper^lcr  (accipilrr)  : 

Prcedo  fui  vulucrum,  famulus  nunc  aucupis,  idem 
Decipil,  et  captas  non  sibi,  mœrct  aves. 

(4)  En  Allemagne,  au  siècle  dernier,  on  su  servait  d'un  autour  pour 
obliger  le?  perdrix  à  se  jeter  dans  la  tonnelle  ou  à  rester  rasées  sous 
la  tirasse  (voir  les  gravures  de  Ridinger).  Celte  chasse  était  encore 
usitée  en  Pologne  il  y  a  ffelques  années.  {Journal  tien  rhasseurs,  1844.) 


—  71  — 

La  vérilable  chasse  au  vol  est  mentionnée  pour  la 
première  fois  au  iv''  siècle  de  notre  ère  par  Julius 
Firmicus  Maternus(l).  Nous  avons  cité  déjà  les  pas- 
sages de  Sidoine  Apollinaire  où  plusieurs  nobles  gallo- 
romains,  ses  contemporains,  sont  loués  de  leur  habi- 
leté dans  l'art  de  dresser  des  oiseaux  de  proie. 

De  qui  les  Gaulois  tenaient-ils  leurs  connaissances 
en  matière  de  fauconnerie  ?  Sans  aucun  doute  des 
Germains  qui  avaient  commencé  depuis  longtemps  à 
envahir  les  Gaules.  Mais  d'où  venait  aux  Germains 
eux-mêmes  cet  art  ingénieux  qui  a  fait  pendant  tant 
de  siècles  les  délices  de  l'Europe  entière?  Le  champ 
des  conjectures  reste  ouvert.  Peut-être  leurs  aïeux  en 
avaient-ils  reçu  les  premières  notions  des  habitants 
de  l'Inde,  à  cette  époque  antérieure  à  l'histoire  où  ils 
habitaient  encore  les  hauts  plateaux  de  l'Asie  cen- 
trale (2). 

Toujours  est-il  que  les  Francs,  les  Burgondes  et  les 
Visigolhs,  qui  se  partagèrent  la  Gaule,  étaient  aussi 
épris  de  la  chasse  au  vol  que  des  autres  chasses. 

Sous  le  règne  de  Chilpéric  1",  soû  fils,  le  jeune 
Mérovée,  se  voyant  menacé  par  la  terrible  Frédégonde, 


(1)  Voir  le  Trailé  de  fauconnerie  de  H.  Schlegel  el  A.  H.  Verster 
(le  Wulverhorst,  Leyde  et  Dusseldorf,  1844-1853. 

(2)  La  fauconnerie  était  en  usage  chez  les  Perses  et  les  Arméniens 
dès  le  iv"=  siècle.  En  345,  Ghosroès,  fils  de  Tiridate,  Roi  d'Arménie, 
vivait  retii'é  dans  un  château  bâti  au  milieu  des  bois  où  il  jiassait  son 
temps  à  chasser,  tantôt  avec  des  chiens,  tantôt  avec  des  oiseaux.  (Gib- 
bon. Décadence  de  V Empire  romuiji,  t.  IV.)  —  S'il  faut  en  croire  le.•^ 
livres  japonais,  Wen-Wang,  Roi  d'une  jiarlie  de  la  Chine,  qui  régna 
de  l'an  G89  à  l'an  675  avant  l'ère  chrétienne,  se  livrait  à  l'exercice  dts 
la  fauconnerie.  (Schlegel.) 


—  72  — 
s'était  réfugié  dans  l'église  de  Saint-Martin-de -Tours. 
Gonlran  Boson,  chargé  de  le  faire  sortir  par  ruse  de 
cet  asilo  inviolable,  ne  trouva  rien  de  mieux  que  de 
lui  proposer  une  chasse  à  l'oiseau.  «  Que  faisons- 
nous  ici,  lui  dit-il,  à  croupir  dans  l'oisiveté  et  la 
paresse  ?  faisons  venir  nos  chevaux,  prenons  nos 
autours  et  nos  chiens ,  et  allons-nous-en  à  la 
chasse  (1).  » 

Les  lois  des  Francs  et  des  autres  peuples  de  race 
germanique,  qui  nous  ont  déjà  fourni  de  si  utiles  ren- 
seignements sur  leurs  chasses  et  leurs  meutes,  nous 
donnent  sur  leur  fauconnerie  des  détails  non  moins 
étendus. 

Le  vol  d'un  autour  [acceptor]  est  puni,  par  la  loi 
salique,  d'une  amende  de  3  sols,  s'il  a  été  pris  dans 
un  arbre  (2),  de  15  sols  s'il  était  sur  sa  perche,  de 
40  sols  s'il  était  enfermé  sous  clef. 

L'amende  était  la  même  pour  le  vol  d'un  épervier 
[sparvarins). 

Le  vol  d'un  autour  qui  chassait  l'oie  sauvage  don- 
nait lieu  chez  les  Alamans  à  une  amende  de  3  sols. 
Elle  était  du  double  si  l'oiseau  mordait  la  grue  (3). 

Chez  les  Bavarois,  quiconque  était  convaincu 
d'avoir  volé  un  autour  ou  un  épervier  devait  en  payer 
neuf  fois  la  valeur. 


(1)  Grép.  de  Tours,  li\.  V. 

(2)  Dans  l'aire,  suivant  (inchiui's  l'iiniincnlalcius,  niai>  |iiuLùl.  lorsqu'il 
se  branchuil  pour  guetlei-  Ir  liibier,  sui\anl  la  couluun'  îles  autours. 

(3)  Si  grxu'iii  inardet. 


—  73  — 

Si  quelqu'un  tuait  un  autour  dressé  au  vol  de  la 
grue  [cranoliari]  (1),  il  payait  G  sols  d'amende  et  res- 
tituait au  propriétaire  lésé  un  oiseau  semblable,  en 
prêtant  serment  que  cet  autour  était  aussi  bien  dressé 
que  l'autour  mort. 

Si  l'oiseau  tué  volait  l'oie  sauvage  {ganshapuch  en 
langue  germanique)  (2),  l'amende  était  de  3  sols; 

S'il  volait  le  canard  (anothapuch)  (3),  d'un  sol  seu- 
lement. 

La  loi  des  Burgondes,  dite  loi  Gombette,  pour  punir 
le  vol  d'un  autour,  menaçait  le  coupable  d'un  supplice 
aussi  bizarre  que  cruel,  qui  rappelle  l'histoire  du  juif 
Shylock. 

«  Si  quelqu'un  s'est  permis  de  voler  l'aulour  d'au- 
trui,  que  cet  autour  lui-même  mange  6  onces  de  chair 
sur  sa  poitrine,  ou,  s'il  ne  veut  pas,  qu'il  soit  forcé  de 
payer  6  sols  à  celui  ù  qui  appartient  l'autour,  plus 
2  sols  à  litre  d'amende.  » 

Il  résulte  de  ces  textes  que  les  Germains  se 
servaient  surtout  d'oiseaux  de  bas  vol,  autours  et 
éperviers  (4);  toutefois,  dès  le  commencement  du 
vin*'  siècle,  ils  savaient  dresser  les  oiseaux  de  haut  vol. 


(1)  Crane-harrier  en  anglais  signilierait  un  oiseau  c[ui  poursuit  les 
grues,  comme  hen-harrier,  nom  donné  à  la  soubuse,  veut  dire  persé- 
cuteur de  poules. 

(2)  En  allemand  moderne  Gatis-liabiclil-,  autour  à  oies. 

(3)  AU.  Enl-hahichi,  autour  à  canards. 

1,4)  La  loi  des  Francs  ripuaires,  l'aisaut  l'évaluation  des  objets  mobi- 
liers considérés  comme  les  plus  précieux  et  susceptibles  d'être  ollerts 
comme  Wrreijild  ou  coin]icnsatiou,  estime  un  autour  non  dressé  3  sols-, 
un  oiseau  rjniijev  ayant  pris  \)Yo\^'{coinmorsHin  f/ruariaiii),  (J  sols;  nu 
aulour  inné  {inulHitiiii),  \l  sols. 


—  75  — 

HilcJebert,  roi  saxon  de  Kent,  écrivait  en  715  à 
saint  Boniface,  évoque  de  Mayence  :  «  Il  est  une 
cliose  que  je  désire  obtenir  par  vous,  ce  sont  deux 
faucons  qui  aient  l'art  et  le  courage  de  saisir  et  lier 
volontairement  les  grues,  et  les  ayant  liées,  de  les 
porter  par  terre,  car  on  trouve  très-peu  d'oiseaux 
de  proie  de  ce  genre  dans  nos  contrées,  c'est-à-dire 
dans  le  pays  de  Kent  (1).  » 

Le  saint  évoque  accomplit  le  vœu  du  chef  anglo- 
saxon  :  «  Nous  t'avons  adressé,  lui  répond-il,  un  au- 
tour et  deux  faucons  (2).  » 

On  a  pu  lire  plus  haut  que  les  Rois  et  Empereurs 
carlovingiens  étaient  grands  amateurs  de  faucon- 
nerie. 

Lors  du  siège  de  Paris  par  les  Normands  (887),  on 
vil  un  exemple  touchant  de  l'affection  que  les  guer- 
riers français  portaient  à  leurs  oiseaux  de  chasse. 
Douze  braves,  qui  avaient  défendu  avec  acharnement 
la  tète  du  grand  pont,  se  voyant  coupés  et  près  de 
succomber  au  nombre,  voulurent,  avant  de  mourir, 
détacher  les  longes  de  leurs  autours  et  leur  rendre  la 
liberté  (3). 


(I)  Baroniiis,  cité  parDiicange,  v"  Falco  ot  Cranoliori. 

('2)  Ibid.  —  Alfred  le  Grand,  Roi  des  Anglo-Saxoiis  (871-900),  coiniiosa 
un  traité  sur  la  manière  de  dresser  les  autoui's.  (Sharon  Turiu'r,  IJisl. 
(if  ihe  Anglo-Sax.,i.  II.) 

(3)  Parme  sur  le  siège  de  Paris,  ])nv  Ahbon,  cité  par  les  IF.  Lalle- 
mand,  Mhl.  Thereid.  En  936,  Eudes  le  fauconnier  rebâtit  l'église  de 
Saint-Méderic.  On  y  retrouva  iui  .wr  siècle  son  corps,  <loiil  les  jambes 
'Haient  couvertes  de  bottines  en  cuir  doré. 


—  75  — 

§  2.   ÉPOQUE    FÉODALE. 

Les  Gaulois  et  les  Francs  transmirent  à  leurs  des- 
cendants leur  penchant  pour  la  fauconnerie. 

Pendant  l'époque  féodale,  la  chasse  au  vol  est  con- 
sidérée comme  égalant  la  vénerie  en  gentillesse  et  en 
importance.  Quelques  fauconniers  amoureux  de  leur 
art  osèrent  même  réclamer  pour  lui  la  première 
place  (l).  Ce  débat  entre  fauconniers  et  veneurs  se 
poursuit,  sans  être  jamais  entièrement  vidé,  dans  tous 
les  ouvrages  théreutiques  du  moyen  âge,  notamment 
dans  le  Roij  Mochis,  Gace  de  hi  Buigne  et  Guillaume 
Tardif,  sans  compter  le  poète  Guillaume  Crétin,  qui 
a  pris  la  peine  de  publier  en  son  nom  le  débat  de  deux 
dames  sur  le  passetemps  de  la  chasse  aux  chiens  et  aux 
oiseaux,  copie  presque  littérale  du  poème  intercalé 
dans  le  Roy  Modus  (2). 

Au  xvi'' siècle,  on  voit  du  Fouilloux  déclarer  pé- 
remptoirement : 

Que,  n'en  desplaise  aux  l'aucouniers  véreurs 
Leur  estât  n'est  comparable  aux  veneurs, 

Ce  qui  n'empêche  pas  les  fauconniers  du  siècle 
suivant  de  réclamer  encore  la  prééminence  (3). 


(I)  L'Empereur  Frédéric  II  consacre  le  premier  chapitre  de  son 
traité  de  fauconnerie  à  prouver  que  l'art  de  chasser  à  l'oiseau  est  plus 
noble  que  les  autres  chasses.  —  Ses  principales  raisons  sont  que  celte 
chasse  est  la  moins  vulgaire,  la  plus  dilTicile,  la  plus  savante,  et  que 
le  l'auconnier,  en  étudiant  son  art,  ]>énètrc  i)lus  [irofondément  dans  les 
secrets  de  la  nature  que  tout  autre  chasseur. 

(Q)  Paris,  lô26  et  1528.  —  L'auteur  a  nie!'me  laissé  h^  soin  dr  pin- 
noncer  l'arrêt  au  comte  de'Tancarvilli'.  moil  depuis  )>lus  d'un  siècle 

(3)  Voir,  entre  autres,  d'Arcussia. 


—  76  — 
Le  faucon,  doiil  une  variélé  porUiit  spécialemeiU  le 
nom  de  (jentil,  élail  considéré  comme  nn  oiseau  es- 
sentiellement noble  (1).   Il  en  était  de  même  de  tous 
les  oiseaux  de  voierie. 

L'esprevii.'r,  le  gcnlil  riuilcou 
Sont  de  si  très-noble  nature 
Que  de  vlllcnic  n'ont  cure  (2). 

En  certaines  provinces  la  possession  de  ces  vola- 
tiles aristocraticjues  n'était  permise  qu'aux  gentils- 
hommes (3).  Richard,  roi  d'Angleterre  et  duc  de  Nor- 
mandie, faillit  se  faire  indignement  bàtonner,  tout 
Cœur  de  Lion  qu'il  était,  pour  avoir  voulu  appliquer 
en  Sicile  cette  doctrine  exclusive  (4). 

On  prêtait  serment  sur  son  oiseau  :  «  Si  je  ments, 
puissé-je  ne  jamais  porter  l'épervier  à  la  chasse,  qu'au 


(1)  ...  Tiifj  fulco  comimalinen 
Lur  Senhor  rcndon  plusvalot 
Tiig  falco  son  d'aUal  naiura 
Que  lur  Senhor  per  els  meilliira. 

(Poëi)ie  (les  oisecnix,  de  Deudes  de  Prades.) 

(2)  Gace  de  la  Buigne.  —  Tel  n'était  pas  l'avis  du  troubadour  Ber- 
trand de  Born,  guerroyeur  forcené,  qui  donne  aux  barons  amateui's  do 
fauconnerie  la  qualilication  de  dresseurs  de  buses  {buzaeadur)  et  leur 
ri'proche  de  ne  savoir  i)arler  que  de  fauconnerie  et  d'autours. 

Et  Jamais  d'armes  ni  d'amours. 

(3)  Les  bourgeois  des  bonnes  villes  avaient  en  général  le  droit  de 
chasser  avec  les  oiseaux  de  bas  vol. 

(4)  Comme  il  se  promenait  aux  environs  de  Messine  ,  il  entendit  le 
cri  d'un  épcrvier  sortir  de  la  maison  d'un  iiaysan.  Richard,  oid)liant 
qu'en  Sicile  il  n'en  était  i)as  tout  à  l'ait  comme  dans  sou  propre 
royaume,  entra  dans  la  maison,  jirit  l'oiseau  et  voulut  l'emiJorter.  Mais 
le  iiaysan  résista,  appela  ses  voisins  à  l'aiile,  et  le  Cœur  di;  Lion  fut 
ol)ligé  de  prendre  la  fuite,  poursuivi  par  cette  canaille  à  coups  de  bâ- 
ton et  de  pierres.  (Aug.  Thieri'j ,  Hisl.  delà  contj.  d'Anfjl.,  t.  IV.) 


premier  vol  je  perde  rnon  oiseau,  que  des  faucons 
sauvages  l'enlèvent  et  le  plument  à  mes  yeux  (l)!  » 

Porter  l'oiseau  sur  le  poing  était  considéré  comme 
lin  signe  de  noblesse,  aussi  chevaliers  et  dames  châ- 
telaines ne  le  quittaient  guère.  Certains  seigneurs  te- 
naient pour  un  de  leurs  plus  honorables  privilèges  le 
droit  héréditaire  de  porter  à  l'église  un  oiseau  de 
chasse  (2). 

Les  bourgeois  en  agissaient  de  môme  pour  les  oi- 
seaux qu'ils  avaient  le  droit  d'entretenir;  ils  les  por- 
taient aux  plaids,  et  entre  les  gens  aux  églises,  et  es 
autres  assemblées  (8). 

Dans  toute  hôtellerie  bien  tenue,  comme  dans  la 
salle  de  tout  gentilhomme,  on  voyait  près  de  la 
grande  cheminée  de  grosses  perches  où  l'on  faisait 
reposer  et  réchauffer  faucons  et  autours  au  retour  de 
la  chasse  (4). 

Le  faucon,  l'autour  et  l'épervier  étaient  souvent 
offerts  en  signe  d'hommage  à  un  seigneur  suzerain  (5) 
ou  môme  à  une  église.  La  terre  de  Maintenon  devait 


(1)  Millot,  Ilist.  des  Troubadours,  t.  I. 

(2)  Les  seigneurs  de  Chastellux  et  de  la  Ferté  Cliauderon  entraient 
dans  le  chœur  des  églises  cathédrales  d'Auxerre  et  de  Nevers,  en  sur- 
plis, armés  et  éperonnés,  avec  un  oiseau  sur  le  poing.  Ce  droit  de 
porter  l'oiseau  au  chœur  leur  était  commun  avec  les  trésoriers  de  ces 
églises.  Le  seigneur  de  Sassy,  prèsAnet,  pouvait  faire  porter  et  mettre 
son  oiseau  de  chasse  pendant  l'oflice  sur  le  coin  du  grand  autel  de 
l'église  de  Notre-Dame  d'Evreux. — Du  Gange,  v"  Acccplor.—  Ménagier 
de  Paris,  t.  IL  Note.  —  Collection  Leber,  t.  IX. 

(3)  Ménagier  de  Ports,  t.  IL  —  Ce  port  continuel  de  l'oiseau  était 
de  plus  un  moyen  de  l'apprivoiser. 

(4)  Gace  de  la  Buigue.  —  Gontes  d'Eutrapcl. 

(5)  Voir  plus  haut. 


—  78  — 
le  jour  de  l' Assomption,  à  l'église  de  Notre-Dame -de- 
Charlres,  un  épervier  armé  et  prenant  proie  (I). 

Par  contre,  l'abbé  de  Saint-Tibère  (ou  Thibery) 
était  tenu  d'offrir  au  Roi  un  sacre  sor  ou  50  sols  tour- 
nois (2). 

Certains  seigneurs  faisaient  payer  à  leurs  vassaux 
une  redevance  pour  l'entretien  de  leurs  faucons. 
C'est  ce  qu'on  appelait  le  droit  de  fauconnafjc  (3). 

Les  plus  grands  égards  étaient  dus  aux  oiseaux 
gentils.  Il  fallait  non-seulement  qu'un  bon  fauconnier 
fût  soigneux,  doux  et  propre,  mais  encore  qu'il  ne 
fût  ni  luxurieux  ni  ivrogne,  et  qu'il  ne  mangeât  ni 
ail  ni  oignons  (4). 

Nous  avons  déjà  fait  voir  le  faucon  allante  la  guerre 
ou  partant  pour  la  terre  sainte  sur  le  poing  de  son 
noble  maître. 
Philippe-  Lorsque  Philippe-Auguste  débarqua  devant  Saint- 
Jean-d'Acre,  «  il  avait  avec  lui  un  faucon  d'une  gros- 
seur extraordinaire,  de  couleur  blanche  et  d'une  es- 
pèce rare  (5).  Le  Roi  l'aimait  beaucoup;  le  faucon 
aimait  également  le  Roi.  Cet  oiseau  vola  sur  les  murs 
d'Acre  et  fut  pris  par  les  Sarrasins  qui  vinrent  l'of- 
frir au  sultan.  Les  Francs,  pour  le  ravoir,  proposèrent 
1,000  écus  d'or;  ils  ne  l'obtinrent  pas  (6).  » 


(1)  Le  vérilable  fauconnier,  i)ar  M"  C.  de  Morais,  etc.  Paris,  1083. 

(2)  Ducange,  v"  Suunis.  —  (lliartc  de  l'an  1273. 

(3)  Voir  Ducango,  v  Falconafjium. 

(4)  Deudcs  de  Prades.  —  Frédéric  II.  —  D'Arcussia. 

(5)  Probablement  un  gerfaut  lilanc,  oiseau  inconnu  des  Orientaux  à 
à  celte  époque. 

(6)  Vie  de  Nourcddin  e[  de  Salah-Eddin.  —  Michaud,  Histoire  des 
Croisades,  t.  "VII. 


Auguste. 


ûrieiilaiix. 


—  79  — 

Un  peu  plus  tard,  un  parlemenlnire  envoyé  par  r.iciiani 
Richard  Cœur  de  Lion  ù  Saladin  pour  lui  offrir  des  ^"•"^^'"■''^"• 
présents,  dit  à  Malek-Adhel,  frère  du  sultan,  que  les 
faucons  et  autres  oiseaux  de  chasse  apportés  par  le  Roi 
d'Angleterre  avaient  souffert  du  voyage  et  mouraient 
de  besoin.  «  Te  plairait-il,  ajoutait  l'envoyé,  de  nous 
donner  quelques  poules  pour  les  nourrir?  dès  qu'ils 
seront  rétablis,  nous  en  ferons  hommage  au  sul- 
tan. » 

«  Dis  plutôt,  repartit  3Ialek-Âdhel,  que  ton  maître 
est  malade  et  qu'il  a  besoin  de  volailles  pour  se  re- 
faire. Au  reste,  qu'à  cela  ne  tienne,  il  en  aura  tant 
qu'il  voudra  (1).  » 

Ces  princes  musulmans,  adversaires  si  courtois  de  Fauconniers 
nos  croisés,  étaient  eux-mêmes  de  grands  amateurs 
de  volerie,  et  avaient  à  leur  service  de  très  habiles 
fauconniers.  L'Empereur  Frédéric  II,  dans  son  traité, 
avoue  devoir  aux  fauconniers  arabes  une  partie  no- 
table de  ses  connaissances,  et  leur  attribue  de  nom- 
breux f  erfeclionnements  adoptés  à  l'époque  des  croi- 
sades par  les  Européens.  Les  chrétiens  de  Palestine 
avaient  également  profité  de  leurs  leçons;  la  cour  des 
Rois  de  Chypre  de  la  maison  de  Lusignan  et  celle  des 
princes  d'Antioche  paraissent  surtout  avoir  été  des 
pépinières  de  fauconniers  excellents.  Les  écrits  de 
plusieurs  de  ces  fauconniers  orientaux,  musulmans 
et  chrétiens,  firent  autorité  pendant  le  moyen  âge  et 


{\)Exlraili>  ihs  hislorlens  arabes  mr  les  Croisades,  par  M.  Reinaud. 


—  80  — 
furent  souvent  cités  et  consultés  par  les  auteurs  de 
l'Occident  (1). 

Comme  son  aïeul  Philippe-Auguste,  saint  Louis 
aimait  la  fauconnerie.  Ce  n'est  pas  une  raison  pour 
attribuer  à  ce  sage  Roi,  comme  l'a  fait  Sainte-Palaye, 
l'historiette  absurde  racontée  dans  un  roman  de  fau- 
connerie du  xn*"  siècle. 

D'après  ce  roman,  un  Roi  nommé  Louis  étant  allé 
à  la  chasse  au  vol,  un  de  ses  faucons  attaqua  un  aigle 
égaré  et  le  tua.  Les  fauconniers  s'émerveillaient  du 
courage  de  l'oiseau,  mais  leur  maître,  sans  leur 
répondre,  ordonna  qu'on  le  mît  à  mort  pour  avoir 
osé  entreprendre  sur  son  Roi  (2). 

Tous  les  descendants  de  Philippe-Auguste  et  de 
saint  Louis  furent,   comme  eux,  fauconniers  aussi 
bien  que  veneurs. 
Kobprt,  Robert  d'Anjou,  Roi  de  Naples  et  comte  de  Pro- 

vence, petit-neveu  du  saint  Roi  (1309-1312),  importa 
dans  son  comté  les  vols  du  héron  et  de  l'outarde.  Il 
chassait  celle-ci  dans  la  Crau  d'Arles,  faisant  5if/^ourir 
ses  faucons  par  des  lévriers,  dressés  à  tuer  des 
paons  (3).  Le  canton  qu'il  avait  fait  réserver  pour  y 
prendre  le  plaisir  de  la  chasse  au  vol,  près  d'Arles, 
s'appelait  encore  de  son  nom  au  xvn^  siècle.  D'Arcussia, 
qui  rapporte  ce  fait,  dit  que  Louis  de  Tarente,  mari 


{\)  Voir  Francières  el  Tardif. 

('2)  D'Arcussia  ot  le  P.  Renù-Binct  attribuent  une  anecdote  sem- 
lilahle  à  Maliomet  II  avec  beaucoup  plus  do  vraisemblance. 

(3)  Pour  dresser  les  chiens  et  les  faucons  à  attaquer  les  gros  oi- 
seaux comme  l'outarde,  la  grue,  etc.,  on  leur  faisait  tuer  des  dindes 


P.ui  de  Naiile.';, 


—  81   — 

(le  Jeanne  P%  petite -fille  et  héritière  de  Robert,  se 
trouvant  en  Provence,  voulut  aussi  donner  son  nom 
à  un  ruisseau  sur  les  bords  duquel  il  chassait  les 
hérons.  De  là  le  nom  de  Louynes  ou  Luynes  (1). 

Gace  de  la  Buigne  nous  a  laissé  le  récit  d'une  chasse 
au  vol  de  Charles  V  ;  on  y  voit  ce  Roi  assistant,  après 
son  dîner,  à  l'essai  de  deux  oiseaux  nommés  taharotes 
(ou  tagarots]  qui  lui  avaient  été  offerts  par  le  conné- 
table Bertrand  Duguesclin,  et  qui  venaient  de  Barbarie 
outre-mer.  Les  fauconniers  du  Roi  leur  firent  voler 
une  grue,  qu'ils  portèrent  bas  admirablement  et  qui 
fut  tuée  par  deux  lévriers,  découplés  pour  avoir  en 
aide  aux  faucons.  Le  comte  de  Tancarville,  qui  était 
présent,  fut  tellement  ravi  de  ce  vol  merveilleux, 
qu'il  n'aurait  pas  voulu  donner  ce  déduit  pour  mille 
petits  florins  (^]. 

Le  fameux  rêve  de  Charles  VI,  auquel  il  a  déjà  été 
fait  allusion,  donne  sujet  à   Froissart  de  tracer  le 


au  xvii'^  siècle.  Au  xv,  avant  l'importation  du  dindon,  les  grands  sei- 
gneurs se  servaient  de  paons. 

(1)  «  La  quantité  des  hairons  estoit  pour  lors  telle  en  ce  ruisseau 
et  prairies  d'autour  qu'on  en  trouvoit  abondamment  Ils  faisoient  leurs 
petits  sur  les  grands  ormes  que  le  lieu  produit  naturellement  et  les 
hairons  s'y  plaisent  si  bien  encores  aujourd'huy,  qu'il  s'en  voit  tous- 
jours  quelqu'un,  en  sorte  que  sans  les  arquebusiers  qui  les  espouvan- 
tent,  on  y  en  verroit  quantité.  »  (D'Arcussia.) 

(2)  Sainte-Palaye  juge  à  propos  d'en  conclure  que  cet  illustre  chas- 
seur réunissait  le  titre  de  grand  veneur  à  celui  de  grand  l'auconnier. 
Il  n'en  est  rien.  Les  charges  de  grand  veneur  et  de  grand  fauconnier 
n'existaient  pas  encore.  Le  maisire  veneur  du  Roy,  sous  Charles  V, 
était  Jean  de  Thubeauville,  qui  fut  remplacé  en  1377  par  Philippe  de 
Courguilleroy,  et  la  charge  de  maisire  fauconnier  fut  occupée  pendant 
son  règne  par  Eustache  de  Chisy,  Nicolas  Thomas  et  Enguerrand 
d'Argies.  Selon  Gace  de  la  Buigne,  les  fauconniers  de  Charles  \' 
avaient  bien  trente  "pièces  d'oiseaux. 

II.  6 


—  82  — 

labloau  d'une  chasse  au  vol  avec  cel  art  inimilable  et 
celle  vivacilé  de  couleurs  qui  n'appartiennent  qu'à 
lui. 

Le  jeune  Roi  Charles  YI,  séjournant  en  la  ville  de 
Senlis,  rêva  une  belle  nuit  qu'il  était  auprès  d'Arras, 
et  que  le  comte  de  Flandre  lui  venait  asseoir  sur  le 
poing  un  faucon  pèlerin  moult  gent  et  moull  bel,  qu'il 
lui  donnait  en  bonne  élrenne. 

Le  Roi,  tout  joyeux  de  ce  présent,  proposait  à  son 
connétable,  messire  Olivier  de  Clisson,  d'aller  éj)rou- 
t^er  ce  gentil  faucon. 

«  Adonc  montoienl-ils  à  cheval  eux  deux  seule- 
ment, et  venoient  aux  champs,  et  prenoit  ce  faucon 
de  la  main  du  Roy  le  connestable,  et  trouvoient  moult 
bien  à  voler  et  grand  foison  de  hérons.  Adonc  disoit 
le  Roy  :  Connestable,  jetez  l'oisel,  si  verrons  comment 
'  il  chassera  et  volera.  El  le  connestable  le  jetoit,  et  cil 
faucon  monloit  si  haut  qu'à  peine  le  pouvoient-iis 
choisir  en  l'air,  et  prenoit  son  chemin  sur  Flandre... 
et  chevauchoient,  c'esloit  avis  au  Roy,  au  férir  des 
espérons,  parmi  un  grand  marais,  et  trouvoient  un 
bois  durement  fort,  et  dru  d'espines  et  de  ronces  et  de 
mauvais  bois  à  chevaucher.  Là  disoit  le  Roy  :  à  pied, 
à  pied,  nous  ne  pouvons  passer  ce  bois.  A  donc  des- 
cendoient-ils  et  se  meltoientà  pied,  et  venoient  leurs 
varlets  qui  prenoient  leurs  chevaux,  et  le  Roy  et  le 
connestable  entroient  en  ce  bois  à  grand  peine,  et 
tant  alloient  que  ils  venoient  en  une  trop  ample  lande, 
et  la  véoient  le  faucon  qui  chassoit  hérons  et  abattoit 
vi  se  combattoit  à  eux  et  eux  à  luy.  Et  sembloil  au  Roy 
(jue  son  faucon  y  faisoit  foison  d'appertises  et  chas- 


_  83  — 

soit  oiseaux  devant  luy  tant  qu'ils  en  perdoient  la  vue. 
Adonc  estoit  le  Roy  trop  courroucé  de  ce  qu'il  ne 
pouYoit  suivir  son  oiseau,  et  disoit  au  connestable  : 
Je  perdrai  mon  faucon  dont  je  aurai  grand  ennui,  ni 
n'ai  loirre  (leurre)  ni  ordonnance  de  quoi  je  le  puisse 
réclamer.  » 

C'est  alors  que  paraissait  ce  fameux  cerf  portant 
douze  ailes,  qui  venait  offrir  ses  services  au  Roi  et 
l'emportait  par-dessus  les  grands  bois  et  les  grands 
arbres,  à  la  suite  du  faucon  qui  continuait  d'abattre 
hérons  à  grand  planté  (foison). 

Quand  il  eut  assez  volé  au  gré  du  Roi,  Charles  VI  le 
rédama.  L'oiseau,  comme  bien  duit,  vint  s'asseoir  sur 
le  poing  du  Roi  qui  le  reprit  par  les  ongles  et  le  mit  à 
son  devoir.  Puis,  le  cerf,  abaissant  son  vol,  revint  dé- 
poser le  Roi  en  la  propre  lande  où  il  l'avait  enchargé  (1). 

Le  comte  de  Flandre ,  qui  figure  dans  ce  rêve 
bizarre,  était  Louis  de  Mâle,  qui,  au  dire  de  Gace  de 
la  Buigne,  savait  des  oiseaux  autant  qu'homme  qui  soit 
à  Bruges  ou  à  Rome. 

Charles  VI  se  disposait  alors  à  marcher  à  son  se- 
cours contre  les  Gantois  révoltés.  Plus  de  trente  ans 
auparavant,  ce  même  comte  était  tenu  en  prison  cour- 
toise par  ses  sujets  qui  voulaient  lui  faire  épouser 
contre  son  gré  une  princesse  d'Angleterre.  Louis  de 
Mâle  avait  obtenu  permission  d'aller  en  rivière  (2), 
bien  et  dûment  accompagné.  Pendant  la  semaine  qui 


(1)  Froissart,  liv.  II,  ch.  clxiv. 

(2)  Voler  les  oiseaux  d'eau. 


—  84  — 

précédait  le  jour  fixé  pour  son  mariage,  élant  à  la 
chasse  comme  à  son  ordinaire,  il  jeta  un  faucon  après 
le  héron,  et  son  fauconnier  eu  fit  autant;  «  si  se  mi- 
rent ces  deux  faucons  en  chasse  et  le  comte  après, 
ainsi  que  pour  les  loirrer  (leurrer),  en  disant  :  h'oie, 
hoie  (1)!  »  et  quand  il  fut  un  petit  éloigné,  il  piqua 
des  deux  et  s'en  alla  toujours  avant,  sans  retourner, 
de  façon  que  ses  gardes  le  perdirent,  et  qu'il  s'en  vint 
chercher  refuge  sur  les  terres  de  France  (2). 
Ducs  Pour  la  chasse  au  vol  comme  pour  la  vénerie,  le 

d'Orléans.  ^^^  Louis  d'Orléans  rivalisait  de  son  mieux  avec  son 
frère  Charles  VI.  Il  achetait  de  toutes  parts  et  à  haut 
prix  de  beaux  oiseaux  de  chasse  qu'on  armait  riche- 
ment (3). 

Les  deux  frères  allaient  chasser  au  vol,  vêtus  de 
robes  pareilles,  sur  chacune  desquelles  tintait  une 
douzaine  de  clochettes,  suspendues  à  des  rubans  d'or 
de  Chypre  (4). 

Charles  d'Orléans,  l'aimable  poêle,  a  laissé  dans  ses 
œuvres  la  trace  de  sa  prédilection  pour  la  fauconnerie. 
On  y  trouve  un  rondel  assez  ingénieusement  composé 
des  termes  techniques  de  l'art. 

Mon  cueur  ])lus  no  volera  (5) 
Il  est  encapuchonné  (G) 


(1)  Cri  pour  rappeler  le  laucon.  Au  xvi''  siècle,  ce  cri  n'était  plus  en 
usage  que  pour  le  vol  de  la  pie.  Les  Arabes  se  servent  encore  du  cri 
(le  ouye!  pour  rappeler  leurs  oiseaux. 

(2)  Froissart,  liv.  I,  ch.  nccxii. 

(3)  Louis  et  Charles,  ducs  d'Orléans. 

(4)  Ducs  de  Bourgoçine,  t.  III.  (Comptes  de  Rlois.) 

(5)  Ne  chassera  an  vol. 

(6)  Comme  un  faucon  au  repos. 


—  85  — 

Nonchaloir  l'a  ordonné, 
Qui  jà  pieça  le  m'osta. 

Confort  depuis  ne  luy  a 
Cure  ne  a  lirer  donné  (1). 
Mon  cueur  plus  ne  volera,  etc. 

Se  sa  gorge  geltera  (2), 
Je  ne  sçay,  car  gouverné 
Ne  l'ay,  mais  abandonné  ; 
Soit  com  advenir  pourra. 
Mon  cueur  plus  ne  volera 


Malgré  la  prédilection  avouée  de  Louis  XI  pour  la     lo"'*  >^i. 
vénerie,  c'était  merveilleuse  chose  que  la  dépense  qu'il 
faisait  pour  ses  chasses  au  vol  (3). 

Les  magnificences  de  la  cour  de  Bourgogne  en  fait       ducs 

^  t    \  I  -w  ^^  Bourgogne. 

de  lauconnerie  ont  déjà  passe  sous  nos  yeux.  Les 
Pays-Bas,  que  gouvernaient  les  princes  bourguignons, 
étaient  peut-être  le  pays  de  l'Europe  où  se  trouvaient 
alors  les  meilleurs  fiiuconniers.  Les  oiseaux  qu'on  y 
dressait  formèrent  jusqu'au  xvn*  siècle  un  objet  de 
commerce  important  (A). 

«  Il  sera  facile  de  juger  en  quelle  estime  le  Roy  cimiies  vm. 


(1)  Cure,  pilule  de  plumes,  d'éloupes  ou  de  poils,  qu'on  donne  aux 
oiseaux  pour  faciliter  leur  digestion;  —  donner  à  tirer,  permettre  au 
faucon  de  prendre  quelques  beccades  au  tiroir,  aileron  de  volaille  pré- 
paré, qui  sert  à  rappeler  l'oiseau. 

(2)  Jcler  sa  gorge.  —  Les  oiseaux ,  lorsqu'ils  ont  dévoré  une  proie, 
rendent  en  pelote  les  plumes,  poils  et  peaux  qu'ils  ont  avalés. 

(3)  Saint-Gelais.  —  Voir  aussi  les  Comptes  déjà  cités,  note  B,  1. 1"''. 
—Entre  autres  articles,  on  y  trouve  9  douzaines  de  sonnettes  pour  les 
oiseaux  de  la  chambre,  du  prix  de  60  sols  tournois,  et  G  douzaines  d'an" 
nelets  de  laiton  doré  de  lin  or  pour  mettre  aux  longes  des  oiseaux. 

(4)  Galesloot.. 


—  8G  — 

Charles  huicliesme  avoit  la  volerie,  quand  on  lira 
qu'il  acheta  un  faucon  huict  cents  escus  (1).  » 

Le  détail  de  ses  équipages  de  fauconnerie  fera  voir 
à  quel  degré  de  splendeur  ils  étaient  déjà  parvenus 
et  combien  nos  Rois  étaient  loin  des  deux  fauconniers 
modestement  entretenus  par  saint  Louis. 

Le  grand  fauconnier,  messire  Olivier  Sallart  (2), 
recevait  1500  1. 1.  (3),  tant  pour  ses  gages  «  que  pour  le 
vivre,  sallaire  et  enlretenement  de  3fauIconniers,  or- 
donnez à  faire  3  volz,  c'est  à  assavoir  ung  vol  pour  hay- 
ron,  ung  autre  pour  rivière  et  ung  autre  pour  pie.  » 

'2,000  livres  étaient  payées  à  messire  Anlhoine  de 
Ville,  chevalier,  seigneur  de  Dompjulien  (4),  tant 
pour  ses  gages  que  pour  '2  fauconniers  que  le  Roi  lui 
avait  bailliez  pour  être  avec  lui  et  faire  4  vols,  de  faux 
perdrieux  (busards),  vanneaux  et  corneilles. 

Le  vol  pour  champs  était  sous  la  charge  de  messire 
Jacques  Odarl,  sieur  de  Cursay,  qui  touchait  égale- 
ment 2,000  livres  tournois. 

Sous  ses  ordres  servaient  Jacques  Ysoré  de  Pleu- 
marlin,  écuyer,  avec  2  autres  fauconniers  à  240  1.  t. 
de  gages,  et  un  quatrième  fauconnier  à  120  livres. 

D'autres  fauconniers  étaient  ordonnés  pour  les 
émerillons  et  éperviers  du  Roi. 


(1)  Dignilez  et  offices  (tu  roijaiuiic  de  France. 

(2)  Olivier  Sallart  avait  été  maître  de  la  fauconnerie  du  comte  <!<• 
Charolais  ;  il  suivit  en  France  lors  de  son  avènement  Louis  XI,  qui 
le  nomma  son  grand  lauconnier. 

(■3)  La  livre  tournois  re]irésentuit  aloi's  l'iiviron  31  IV.  de  notre  mon- 
naie. 
(4)  Le  même  qui  csealada  le  Munl-Jnaccessihle. 


87  — 


Loys  Odarl,  fils  du  sieur  de  Cursay,  recevait  300  1.  t. 
pour  ses  gages  et  rentreteneraeul  des  émerillons. 
Les  2  espréveteux  avaient  l'un  240  et  l'autre  120  livres 


dégages  (l) 


Comme  nous  avons  déjà  eu  occasion  de  le  dire,  la      Dame? 


volerie  était  la  chasse  favorite  des  nobles  dames  (2). 
Les  bourgeoises  elles-mêmes  prenaient  part  aux 
chasses  que  leurs  maris  faisaient  avec  les  oiseaux  de 
j9omg.  Le  bourgeois  inconnu,  auteur  du  Ménagier  de 
Paris,  consacre  une  partie  assez  considérable  de  son 
livre  à  donner  des  leçons  d' espréveterie  à  sa  modeste 
compagne. 

On  lit,  dans  la  chronique  du  comte  Pero  Nino,  qu'au 
château  de  Girefontaine,  après  dormir,  on  montait  à 
cheval,  et  les  pages  portaient  des  faucons  vers  les  en- 
droits où  Ton  avait  d'avance  reconnu  des  hérons. 
«  Madame  (3)  prenait  un  faucon  gentil  sur  son  poing, 
les  pages  faisaient  lever  le  héron,  et  elle  lançait  son 
faucon  si  adroitement  qu'on  ne  saurait  mieux.  Là, 
enfin,  une  belle  chasse  et  grande  liesse  :  chiens  de 
nager,  tambours  de  battre,  leurres  de  sauter  en  l'air, 
et  damoiselles  et  gentilshommes  s'ébattaient  si  joyeu- 
sement le  long  de  cette  eau  qu'on  ne  le  saurait  con- 
ter (4).  » 

Yalentine  de  Milan,  duchesse  d'Orléans,  avait  pour 
son  service   particulier   deux  fauconniers,  dont  l'un 


(1)  Comptes  de  la  vénerie  et  fauconnerie  de  Cliarles  VIII  (1485-1480) 
publiés  par  M.  le  comte  de  Quinsonas,  Ilisl.  de  Marguerite  d'Aul riche. 

(2)  Voir  ci-dessus,  liv.  I"',  ch.  m. 

(3)  La  dame  de  Trie,  femme  de  l'amiral  de  ce  nom. 

(4)  Traduction  de  M.  Mérimée.  {Dicl  du  mobilier  Aii  M.  VioUet  Leduc.) 


fauconnières. 


—  88  — 
recevait  9  livres  de  gdges  pour  deux  mois  et  demi  (1). 

Par  une  quittance  du  16  août  1400,  Anthoinin  de 
Savaterel,  escuier  pannetier  de  Madame  la  duchesse 
d'Orléans,  confesse  avoir  reçu  32  sols  tournois  pour 
six  tourels  d'argent  doré,  76  sols  pour  six  longes  de 
soie  de  plusieurs  sortes  à  gros  boulons  et  franges  de 
soie  à  l'usage  des  éperviers  de  ladite  dame  (2). 

Marie  de  Clèves,  femme  de  Charles,  duc  d'Orléans, 
aimait  aussi  la  fauconnerie.  En  novembre  1459,  deux 
fauconniers,  passant  chemin,  reçurent  deux  écus  d'or 
pour  avoir  fait  voler  leurs  oiseaux  devant  le  duc  et  la 
duchesse  (3). 

Dans  le  roman  de  Jehan  de  Saintré,  la  dame  des 
Belles-Cousines,  accompagnée  de  sept  à  huit  dames  ou 
damoiselles  atournées ,  appelle  ses  chiens  pour  gi- 
hoyer,  son  esprevier  sur  le  poing  et  sur  sa  grosse  ha- 
quenée. 

Ce  fut  dans  une  chasse  au  vol  que  Marie  de  Bour- 
gogne, archiduchesse  d'Autriche,  se  blessa  mortelle- 
ment. Dans  les  premiers  jours  de  février  1482,  elle 
était  sortie  avec  sa  suite  pour  voler  le  héron  dans  les 
environs  de  Bruges.  En  suivant  ses  oiseaux,  le  hobin 
qu'elle  montait  voulut  franchir  un  arbre  abattu;  les 
sangles  se  rompirent,  la  selle  tourna,  et  l'infortunée 
princesse  reçut,  en  tombant,  une  atteinte  dont  elle 
mourut  le  27  mars  suivant  (4). 


(I)  Ducs  de  BourffCHfHc,  l.  III.  —  Gon)ples  de  Blois. 
(■2)  Ducs  de  li.,  t.  111.  —  Collection  de  M.  le  Ijaroii  l'icliou 
(:5)  Ihirsdr  B.,  I.  III.  .  • 

C'i)  Buranle,  l.  XII.  —  Commines. 


fauconnerie. 


—  89  — 

Marguerite  d'Aulriche,  duchesse  de  Savoie,  fdle  de 
Marie  de  Bourgogne,  avait  un  fauconnier  aux  gages 
de  30  écus  (1). 

Plusieurs  traités  de  fauconnerie  furent  écrits  en    Traités  .te 
France  pendant  la  période  que  nous  venons  de  par- 
courir. 

Les  plus  anciens  de  ces  ouvrages  ne  font  guère  que 
copier  une  épître  apocryphe  adressée  à  un  Ptolémée 
quelconque  par  Aquila,  Symmachus  et  Théodolion,  et 
composée  en  réahté  par  quelque  auteur  grec  ou  ita- 
lien, antérieur  au  xui''  siècle.  Le  texte  primitif  de 
cette  épître  est  perdu,  il  n'en  a  été  conservé  qu'une 
très-ancienne  traduction  en  langue  catalane  et  un 
fragment  latin,  inséré  dans  un  traité  anonyme  De  na- 
turârerum{'ï].  Albert  le  Grand,  évêque  de  Ratisbonne, 
qui  écrivait,  au  milieu  du  xiii"  siècle,  un  commentaire 
sur  l'histoire  des  animaux  où  il  consacre  plusieurs 
chapitres  aux  oiseaux  de  proie,  cite  celte  prétendue 
épître  à  Ptolémée  parmi  ses  autorités  (3). 

Dans  son  Spéculum  ma  jus,  Vincent  de  Beauvais, 
contemporain  d'Albert,  sinon  plus  ancien,  fait  plus 
que  citer  la  lettre  de  Symmachus,  il  la  reproduit 
presque  textuellement  (4).  Ainsi  f;Ait  le  célèbre  gram- 
mairien florentin  Brunetlo  Latini,  qui  composa,  à 
Paris,  vers  la  fin  du  xui"  siècle,  son  traité  encyclopé- 


(1)  Hisl.  (le  Margucrilc  d'Autriche. 
('2)  Voir  VHiéracosophioh  do  Rigault. 

(3)  Opus de animalUms,  impiiraé  à  Rome  en  1478. 

(4)  Vincenlii  Bellovacensis  speridiiDi  (/tuidruplex ,  écrit  dan»  la  pre- 
mière moitié  du  xiii*  siècle.  —  Imprimé  en  I  i7.3  et  l4T(i  à  Strashoiu';:, 
et  en  1474  à  Augsijourg. 


—  90  — 
diquo  ou    Trésor,   rédigé    en   langue  françone ,  ou 
Lloinans  sclonc  le  parler  de  France,  pour  ce  que  la  par- 
leure  est  plus  délitable  et  plus  commune  à  tous  lan- 
ga(jes[[). 

On  trouve  des  Iraces  manifestes  de  l'œuvre  du 
faux  Symmachus  dans  !e  poëme  de  Deudes  dePrades, 
probablement  antérieur  à  Vincent  de  Beauvais  et 
Brunetlo  Latini,  et  notre  plus  ancien  traité  de  faucon- 
nerie en  langue  vulgaire. 

Ce  poëme,  intitulé  le  Roman  des  oiseaux  chasseurs 
[auzels  cassadors),  fut  composé  par  le  troubadour 
Deudes  de  Prades,  en  vers  provençaux,  à  la  fin  du 
xn^  siècle  ou  au  commencement  du  xin'  (2). 

Il  a  précédé  de  quelques  années  le  fomeux  traité  De 
arte  venandi  cum  avibus,  qui  fut  l'œuvre  de  l'Empe- 
reur Frédéric  II  (mort  en  l'250),  et  que  termina  après 
sa  mort  le  Roi  iManfred,  son  fils  (3), 

Le  livre  du  Roij  Modus,  le  poëme  de  Gace  de  la 


(1)  Le  texte  français  n'a  jamais  été  imprimé  en  entier.  Les  fragments 
relatifs  à  la  fauconnerie  ont  été  publiés  par  le  comte  A.  Mortara  à  la 
suite  de  ses  Scritiure  anliclie  Toscane  di  Falconeria.  Prato,  1851. 

(2)  Raynouard,  Choix  des  Poésies  origitlales  des  Troubadours.  — 
"Voir  aussi  un  article  intéressant  de  M.  G.  Azaïs,  dans  le  Journal  des 
CItasseurs,  8^  année. 

(3)  Ce  livre  fait  le  plus  grand  honneur  à  son  auteur,  non-seulement 
comme  fauconnier,  mais  comme  anatomiste  et  comme  naturaliste  d'un 
(>sprit  très-élevé.  Aux  détails  techniques,  Frédéric  II  joint  des  obser- 
vations exactes  et  profondes  sur  les  mœurs  de  tous  les  oiseaux.  Mal- 
heureusement cet  ouvrage  précieux  est  écrit  dans  un  latin  barhai'c  qui 
n'est  souvent  que  du  français  ou  du  provençal  latinisé.  Par  exem])le, 
on  trouve  des  chapitres  intitulés  :  De  .Vanieribus  volaluinii.  de  cilia- 
fione  sive  hluilione  {bluire.  éblouir)  avium,  etc.  Le  traité  de  Frédéric  II 
a  été  imprimé  sur  des  copies  très-mutilées  en  15G0  ,  1578,  lôOfi  et  en 
1788-80  avec  les  annotations  dr  J.  G.  Schneider. 


—  91   — 

Bu  igné  et  le  Rustican  du  labour  des  champs  que  Char- 
les V  fit  traduire  du  latin  de  Pierre  de  Crescens  en 
1373,  accordent  une  place  importante  à  l'art  de  la 
fauconnerie  (1). 

Jehan  de  Francières  (ou  Franchières),  chevalier  de 
Rhodes,  commandeur  de  Choisy  et*  grand  prieur 
d'Aquitaine,  qui  vivait  sous  le  règne  de  Louis  XI, 
composa  un  traité  de  fauconnerie  qui  a  joui  longtemps 
d'une  juste  réputation  (2). 

Le  bon  chevalier  confesse  ingénument  l'avoir  tiré 
en  grande  partie  du  livre  de  trois  maistres  anciens  : 
Malopin,  fauconnier  du  Roi  de  Chypre,  Michelin,  fau- 
connier du  prince  d'xinlioche,  et  Aymé  Cassian,  Grec 
de  l'île  de  Rhodes  que  Francières  dit  avoir  connu  per- 
sonnellement (3). 

Le  Livre  de  l'Art  de  faulconnerie  et  des  chiens  de 
chasse  fut  écrit  par  Guillaume  Tardif,  lecteur  de 
Charles  VIII,  pour  récréer  Sa  Royale  Majesté  entre  ses 
grandes  alfaires.  Conformément  à  la  mode  du  temps, 
il  prétend  l'avoir  traîislaté  du  livre  latin  d'un  Roij 
Danchus  ou  Daucus,  qui  premier  trouva  et  escripvit  l'art 
de  faulconnerie,  et  de  ceux  des  fauconniers  orientaux 
Moamus,  Guillinus  et  Guicennast  ('»)• 


(1)  Pierre  Crescenzi,  docteur  bolonais,  avait  composé  ce  traité  sur 
l'invitation  de  Charles  II,  Roi  de  Sicile  (mort  en  1309). 

(2)  Les  frères  Lallemand  en  citent  une  édition  de  Paris,  Pierre  Ser- 
gent, gothique,  qu'ils  croient  (à  tort)  remonter  à  l'an  1511.  La  faucon- 
nerie de  Francières  fut  ensuite  imprimée  avec  celle  de  Tardif  en  15G7, 
puisa  la  suite  de  plusieurs  éditions  de  du  Fouilloux. 

(3)  Le  dernier  prince  latin  d'Antioche,  Bohémond  VII,  mourut  en 
1287. — La  maison  de  Lusignan  régna  sur  l'ii(!  de  (liiypre  de  1 19"2  à  1489. 

(4)  La  première  édition  de  La  faurnnnn-ic  de  Cuillaume  Tardif  lui 
imprimée  en  1492  par  Anlhoinc  A'érard. 


—  92  — 
On  Irouve  ordinairement,  ù  la  suite  des  ouvrages  de 
Franc-ières  et  de  Tardif,  la  vollerie  de  Messire  Arthe- 
louche  d'Alufjona,  chambellan  du  Roy  de  Sicile.  On  ne 
possède  aucun  renseignement  sur  ce  maître  faucon- 
nier, ni  sur  le  Roi  de  Sicile  auquel  il  était  attaché. 
On  peut  seulem'ent  conjecturer  que  celui-ci  était  un 
des  princes  français  de  la  maison  d'Anjou  qui  ont 
porté  ce  titre  jusqu'à  la  fin  du  xv*^  siècle;  peut- 
être  le  bon  Uoi  René,  grand  amateur  de  fauconnerie, 
ou  son  fils,  Jean  d'Anjou  (mort  en  1470). 

§   3.    DU   XVl^  AU  XVIIP    SIÈCLE. 

Le  xvi^  siècle  et  le  commencement  du  siècle  sui- 
vant ont  été  l'apogée  de  la  fauconnerie.  La  décadence, 
commencée  sous  Louis  XIV,  était  déjà  presque  accom- 
plie lorsque  la  révolution  vint  lui  donner  le  coup  de 
grâce. 
Louis XII.  S'il  faut  en  croire  la  relation  de  l'ambassadeur  vé- 
nitien Trévisan  (1501),  Louis  XII,  tout  ardent  veneur 
qu'il  était,  laissait  paraître  une  certaine  prédilection 
pour  la  fauconnerie.  «  Son  plus  grand  plaisir,  dit  ce 
diplomate,  est  la  chasse  à  l'oiseau.  De  septembre  à 
avril  il  chasse  ainsi  (l).  » 

Sainl-Gelais,  qui  écrivit  l'histoire  du  règne  de  ce 
prince,  y  reproche  aux  gentilshommes  de  son  temps 
de  faire  au  delà  de  leurs  forces  pour  suivre  l'exemple 
du  Roi  et  la  mode  delà  cour.  Avec  1,000  livres  de 


(I)  Di|iloiiuUiL  NùiuUcuno. 


—  93  — 

rente  et  moins,  ils  voulaient  avoir  vol  pour  milan,  vol 
pour  héron  et  tonte  autre  volerie,  tandis  que  de  telles 
(jens  devraient  se  contenter  d'avoir  des  oiseaux  pour 
rivière  et  pour  les  champs  (1). 

Sous  le  règne  deLouisXII  et  sous  le  règne  suivant, 
les  dames  s'adonnèrent  plus  que  jaAiais  à  la  chasse 
au  vol.  Rabelais  peint  les  sœurs  de  la  libre  et  joyeuse 
abbaye  de  Thélème,  ce  brillant  phalanstère  du  xvi"  siè- 
cle, courant  à  la  chasse  au  vol  sur  belles  haquenées 
et  palefrois  gorriers,  et  «  portant  chascune  sur  le 
poing  mignonnement  engântelé  ung  espervier,  ung 
laneret  ou  ung  esmerillon.  » 

A  la  même  époque,  l'habitude  de  porter  des  oi- 
seaux de  chasse  sur  le  poing  en  tous  lieux  et  enioutes 
circonstances  était  encore  si  répandue,  que  le  séné- 
chal de  Rennes,  seul  juge,  tenait  ses  plaids  botté  et 
éperonné,  la  perche  joignant  sa  chaire  (chaise)  pour  y 
attacher  son  espervier  (2j. 

François  I",  qui  préférait  ouvertement  la  vénerie  à  François  i^ 
la  chasse  au  vol,  n'en  faisait  pas  moins  des  dépenses 
énormes  pour  sa  fauconnerie,  qui  était  des  plus  ma- 
gniflques.  Son  grand  fauconnier,  René  de  Cossé,  avait 
d'estat  (c'est-à-dire  d'appointements  fixes)  la  somme 
de  4,000  florins. 

En  dehors  de  cet  estât,  la  dépense  de  la  fauconnerie 
s'élevait  encore  à  36,000  francs  (3). 


(1)  Sainte-Palaye. 

(2)  Contes  d'Eutrapel. 

(3)  Si  ces  francs  sont  des  livres  tournois,  cette  somme  équivaudrait 


—  94  — 

Cinquante  gentilshommes  qui  servaient  sous  ses 
ordres  recevaient  chacun  5  à  GOO  francs,  et  cinquante 
fauconniers-aides  200  (1). 

Le  Roi  possédait  300  oiseaux  dont  plusieurs  avaient 
été  payés  un  prix  fort  élevé  (2). 

Un  de  ces  faucons,  lancé  un  jour  contre  des  grues 
dans  une  chasse  à  Villers-Cotterets,  s'élant  élevé  extrê- 
mement haut,  fut  emporté  par  le  vent,  s'égara  et  fut 
trouvé  le  lendemain  sur  les  créneaux  de  la  tour  de 
Londres;  le  Roi  d'Angleterre,  Henri  VIII,  à  qui  le  fu- 
gitif fut  présenté,  reconnut  les  armes  de  France  sur 
ses  vervelles  et  le  renvoya  t\  François  I"  en  lui  man- 
dant que  c'était  le  présage  d'une  heureuse  alliance  et 
un  gage  de  constanle  amitié  (3). 

Les  courtisans  qui  entouraient  le  Roi  tenaient  à 
honneur  d'imiter  ses  profusions  pour  la  fauconnerie 
comme  pour  le  reste,  et  cela  avec  d'autant  moins  de 
scrupules  que  la  générosité  du  maître  ne  leur  faisait 
jamais  défaut.  Le  seigneur  de  Vivonne  reprocha  un 
jour  à  François  1"  les  richesses  qu'il  avait  prodiguées 
à  ses  favoris,  au  préjudice  de  sa  fidèle  noblesse  : 
«  A  quel  propos,  disait  ce  vieux  serviteur,  Rrion  a-t-il 


à  425,000  fr.  environ.  Si  c'étaient  des  francs  d'or,  on  aurait  celle  du 
1,039,680  fr.,  ce  qui  serait  exorbitant. 

(1)  Mémoires  de  Fleuranges. 

(2)  Voir  les  Comptes  de  François  V'\  Pièces  justilicalivos,  t.  I. 

(3)  Do  Thou,  Hieracosojihion,  lih.  II.  —  Pareille  chose  arriva  sous 
Henri  II  à  un  sacrel  de  sa  fauconnerie,  qui,  chassant  à  Fontainebleau, 
s'écarta  en  poursuivant  une  canei)etière  vers  10  heures  du  matin,  et 
fut  repris  le  lendemain  à  4  heures  1/2  du  soir  dans  l'ilc  de  Malte,  ainsi 
que  le  grand  maître  l'écrivit  au  Roi  en  lui  renvoyant  l'oiseau.  (D'Ar- 
cussia.) 


—  95  — 
lanl  d(3  bienfails  de  vous,  que  de  sa  seule  faueonnerio 
ii  a  soixante  chevaux  dans  son  écurif;,  lui  qui  n'est 
que  gentilhomme  comme  un  autre,  et  encore  cadet 
de  sa  maison,  que  j'ai  vu  qui  n'avoit  pour  tout  son 
train  que  six  ou  sept  chevaux  (1)  ?  » 

Le  premier  duc  de  Guise,  Claude  de  Lorraine,  paraît     Les  ducs 

'  '  de  Guise. 

avoir  possédé  à  un  haut  degré  la  confiance  de 
François  l"ence  qui  concernait  l'achat  et  l'éducation 
des  oiseaux  chasseurs.  On  trouve,  dans  les  comptes  du 
Roi,  à  la  date  du  7  janvier  1538,  450  livres  payées 
«  à  Claude  de  Grandval,  piqueur  en  la  fauconnerye, 
pour  ung voyage  partant  de  Paris...;  allant  devers  mon- 
seigneur de  Guyse,  estant  à  Dijon,  luy  porter  huict 
sacres  et  deux  sacretz  que  le  Roy  lui  envoyé  pour  les 
faire  duyre,  dresser  et  rendre  prêts  à  voiler,  affin  de 
en  donner  par  après  le  passetemps  audit  seigneur  (2).  » 

Et  dans  ceux  du  duc,  en  1541,  achat  de  84  sacres 
tant  pour  les  plaisirs  du  Roi  que  pour  donner  en  pré- 
sent à  différents  princes  et  seigneurs  (3). 

Le  fils  de  Claude,  le  grand  duc  de  Guise,  François 
surnommé  le  Balafré,  possédait  des  vols  excellents  de 
faucons  estourdisseurs  et  hagards ,  et  était  estimé 
lliomme  en  France  le  plus  fort  pour  héron.  Les  oiseaux 
qu'on  dénichait  dans  les  montagnes  de  la  Grande- 
Chartreuse  lui  étaient  exclusivement  réservés  (4). 


(1)  Sainte-Palaye,  d'après  Brantôme. 

(2)  Arch.  cur.  de  l'hisl.  de  France. 

(3)  Hisl.  des  ducs  de  Guise,  t.  I. 

(4)  Ibidem. 


Le  comte 
ileTemle. 


Le  grand 
prieur. 


Les 
Montmorency. 


—  96  — 

Sous  Charles  IX,  Claude  de  Savoie,  comte  de  Tende, 
gouverneur  de  Provence  (l),  passait  pour  un  des  pre- 
miers fauconniers  de  l'Europe,  tant  pour  tenir  un  bel 
équipage  que  pour  être  entendu  à  toutes  sortes  d'oyseatix. 
Il  n'épargnait  rien  pour  en  recouvrer  de  toutes  parts; 
les  faucons  lui  plaisoient  fort,  il  leur  faisait  voler  la 
corneille,  le  courlis  el  les  oiseaux  de  rivière.  Il  tenait 
aussi  des  sacres  et  des  laniers  pour  les  champs,  il  avait 
même  des  vols  pour  le  milan  et  le  héron,  quoique  ce 
dernier  oiseau  fût  déjà  rare  en  Provence.  Il  entretenait 
de  plus  des  tendeurs  deducsuïsses,  qui  prenaient  dans 
la  Crau  d'Arles  des  oiseaux  excellents  (2). 

A  ce  seigneur  succéda,  comme  gouverneur  de  Pro- 
vence, Henri  d'Angoulême,  grand  prieur  de  France, 
«  qui  s'exerçoit  à  la  fauconnerie  en  si  bel  ordre  que 
depuis  ou  n'a  veu  pour  les  champs  aux  perdrix  un 
plus  bel  attirail  que  le  sien  (3).  » 

La  maison  de  Montmorency,  cette  souche  de  ve- 
neurs fameux,  ne  fut  pas  moins  fertile  en  fauconniers. 

Le  maréchal  François  de  Montmorency,  mort  en 
1579  [i],  fils  aîné  du  connétable  Anne,  ayant  été 
envoyé  en  ambassade  vers  la  reine  Elisabeth  d'An- 
gleterre en   1559,   fit  son  entrée   à  Londres,    ac- 


(1)  Mort  en  156G. 

(2)  D'Arcussia.  —  Les  tendeurs  de  duc  étaient  des  oiseleurs  qui  opé- 
raient à  l'aide  du  duc,  grand  oiseau  nocturne. 

(3)  D'Arcussia. 

(4)  Gommer  de  Lusancy  l'appelloâcnv  el  consevvalcur  dea  aiilour 
siers  el  fauconniers. 


—  97  — 

compagne  de  hiiicl  vingts  genlilslioiiimes  des  premières 
maisons  du  royaume,  portant  chacun  un  oiseau  sur 
le  poing  (1). 

Le  connétable  Henri  de  Montmorency,  le  compère 
de  Henri  IV,  aimait  si  fort  la  fauconnerie,  que,  sur 
ses  vieux  jours,  quand  la  goutte  l'empêchait  démon- 
ter à  cheval,  il  allait  en  litière  voir  voler  ses  oiseaux. 
Claude  Gauche!  a  chanté  ses  chasses  en  rivière,  au 
milan,  au  héron,  à  la  pie,  et  célébré  les  talents  de 
son  fauconnier  La  Cave,  ainsi  que  les  mérites  de  ses 
faucons  Hazard,  le  Haglay  et  Gaiidelu.  II  peint  de  vives 
couleurs  le  départ  de  la  troupe  brillante  qui  escortait 
à  la  chasse  le  vieux  guerrier  podagre  : 

Ja  montez  à  cheval  je  voy  tes  fanlconniors 
Portants  dessus  le  poing  faulcons,  sacres,  laniers, 
Sur  les  braves  courtaults  la  rouge  compagnie 
De  tes  pages  tous  prestz  à  la  porte  est  sortie, 
Tout  le  monde  t'attend,  et  de  tous  les  costez 
Tes  gentilshommes  sont  sur  leurs  chevaux  montez; 
Ta  lictière  est  en  bas,  et  t'attend,  apprestée 
Dessus  deux  fortz  muletz,  au  bas  de  la  montée  (2). 

Henri  IV,  que  nous  avons  vu  dans  sa  jeunesse 
tromper  les  ennuis  de  la  captivité  en  imlant  des  cailles 
dans  sa  chambre,  à  la  Bastille  (3),  n'oubliait  pas  la 


(1)  Advenlures  de  Fœncste.  —  Morais.  —  Ce  dernier  attribue  l'anec- 
dote au  connétable  Anne,  envoyé  en  Angleterre  par  François  !•".  Mais 
on  ne  trouve  pas  trace  de  cette  ambassade. 

(2)  Le  Plaisir  des  champs. 

(3)  Un  jour  qu'il  se  livrait  à  ce  passe-temps,  la  Reine  Catherine,  ayant 
rencontré  son  écuyer  d'Aubigné ,  lui  demanda  ce  que  faisait  son 
maître.  «  Madame,  répondit  le  malicieux  écuyer,  il  est  à  la  volerie.  » 
On  crut  qu'il  était  hors  de  sa  prison,  et  la  Reine,  en  grand  émoi,  envoya 
aussitôt  s'assurer  de  sa  présence.  {Histoire  universelle .) 

III.  7 


—  98  — 
fauconnerie  dans  sa  correspondance  avec  le  conné- 
lable  :  «  Mon  compère,  lui  écrivail-il,  aussi  tost  que 
Le  Brun,  mon  fauconnier,  a  esté  de  retour  avec  les 
oiseaux  que  je  lui  avois  envoyé  me  quérir,  je  me  suis 
souvenu  de  vous,  et  vous  en  ay  mis  à  part  deux  des 
plus  beaux,  qui  sont  un  tiercelet  el  un  faucon  (1).  » 

En  1G06,  le  Roi  témoignait  par  écrit  sa  reconnais- 
sance à  l'archiduc  Albert,  pour  le  don  de  deux 
gerfauts,  un  tiercelet  et  un  faucon,  qui  se  trou- 
vèrent très-bons  et  lui  donnèrent  beaucoup  de  plai- 
sir (2). 

Il  affectionnait  particulièrement  le  vol  pour  champs, 
aux  résultats  matériels  duquel  il  n'était  nullement 
insensible. 

Sully  raconte  qu'un  beau  matin  Henri  IV  s'était 
levé  dès  l'aurore  pour  aller  voler  des  perdreaux  dans 
la  varenne  du  Louvre,  «  a,yec  dessein  de  revenir  d'assez 
bonne  heure  pour  les  venir  manger  à  son  disner, 
disant  ne  les  trouver  jamais  si  bons  ny  si  tendres  que 
quand  ils  estoient  pris  à  l'oyseau  et  surtout  lorsque 
luy  mesme  les  leur  pouvoit  arracher  de  sa  main.  » 

Toutes  choses  lui  ayant  succédé  à  souhait,  il  revint 
lorsqu'il  vit  que  le  chaud  commençait  à  piquer,  et 
rentrant  au  Louvre  chargé  de  gibier,  qu'il  avait  pris 
en  compagnie  de  Roquelaure,  de  Termes,  de  Fronte- 
nac et  de  Harambure,  son  fjraRcl  giboyeur,  il  en  fit  la 
distribution,  réservant  pour  sa  bouche  et  celle  de  la 


(l)Valori. 

('2)  Li'llrcs  Diissivrs,  t.  Vl. 


—  99  — 

Reine  huit  beaux  perdreaux  qu'il  fit  vistement  cou- 
cher à  la  broche.  «  Je  veux,  disait  le  Roi,  que  l'on 
réserve  pour  moi  de  ceux  qui  ont  esté  un  peu  pincez 
de  l'oyseau,  car  il  y  en  a  trois  bien  gros  que  je  leur 
ay  osiez  et  ausquels  ils  n'avoient  encores  guères 
touché  (1).  » 

Dès  que  la  fin  des  guerres  civiles  et  le  rétablisse- 
ment de  l'ordre  permirent  à  la  noblesse  de  s'occuper 
de  ses  affaires  et  de  ses  plaisirs  champêtres,  on  vit 
refleurir  dans  tous  les  châteaux  et  jusque  dans  les 
gentilhommières  des  derniers  hobereaux,  la  noble 
chasse  dont  le  Roi  Henri  se  déclarait  si  ouvertement 
le  protecteur.  Chacun,  suivant  ses  moyens,  se  piqua 
d'imiter  le  monarque.  Dans  son  Théâtre  d'agrkuU  chasses  au  voi 
ture  (2),  Olivier  de  Serres,  décrivant  les  honnestes  ^tZwTomlL 
exercices  du  gentilhomme  campagnard,  n'oublie  pas  la 
fauconnerie,  observant  seulement  qu'il  doit  laisser  la 
haute  volerie  pour  les  plus  grands  et  se  contenter  du 
bas  voler  des  champs.  «  Le  simple  gentilhomme,  continue 
le  seigneur  de  Pradel,  se  dressera  attirail  requis  à  ce 
bel  exercice,  surpassant  d'autant  plus  celuy  de  la  vé- 
nerie, qu'il  a  de  différence  entre  les  choses  de  la  terre 
à  celles  de  l'air.  Il  tendra  son  esprit  à  la  conservation 
de  ses  oyseaux,  sans  rapporter  du  tout  à  son  faucon- 
nier, en  telle  curiosité  imitant  des  princes  et  grands 
seigneurs  qui  ne  s'importunent  du   bruit  de  leurs 


(1)  OEconomies  royales,  l.  VI. 

(2)  Théâtre  d'ufjrkuliure  et  mesnagp  des  champs,   par   Olivier  de 
Serres,  seigneur  de  Pradel,  1004. 


sous 
Henri  IV. 


—  100  — 

oyseanx,  les  faisant  (oiicher  dans  leurs  chambres  (1).  » 
Ne  tenir  quun  oys^cau,  ccH  nen  avoir  point,  pour  lea 
inconvénients  qui  survienncnl  journellement;  avoir 
beaucoup  d'oiseaux,  c'est  tomber  dans  Fautre  extré- 
mité. 

Le  nombre  pourra  en  ôtre  restreint  à  deux,  dont 
l'entretien  n'est  pas  beaucoup  plus  dispendieux  que 
celui  d'un  seul,  puisqu'il  iaut  toujours  un  homme 
pour  en  prendre  soin.  Il  convient  avoir  aussi  comme 
suite  de  cet  attirail  cinq  ou  six  couples  de  chiens  épa- 
gneuls  et  une  laisse  de  bons  lévriers.  «  Cet  équipage 
est  raisonnable  pour  le  gentil- homme  qui  ne  veut 
faire  grande  despence,  moyennant  lequel  recevra 
contentement  et  de  la  commodité  avec  pour  la  cuisine, 
estant  en  pays  de  gibier,  deschargeant  d'autant  les 
frais  de  la  fauconnerie.  »  Quant  au  choix  des  oiseaux 
et  des  chiens,  à  leur  éducation,  à  leur  hygiène,  Olivier 
de  Serres  en  réfère  modestement  aux  livres  escrits  sur 
telle  matière-,  et  particulièrement  au  beau  et  excellent 
livre  du  seigneur  d'Esparron,  gentilhomme  provençal. 
Louis  Mil.  Un  bel  esprit  s'avisa  un  jour  de  trouver  qu'avec 
les  lettres  formant  les  mots  de  Louys  treiziesme,  Roy 
de  France  et  de  JSavarre,  on  pouvait  composer  ceux 
de  Roy  très-rare,  estimé  Dieu  de  la  fauconnerie  {'!). 

Celle  anagramme,  toute  puérile  qu'elle  était,  dut 
faire  un  plaisir  infini  au  fils  de  Henri  IV,  dont  le 
règne  peut  être  considéré  comme  f  époque  oii  l'art  de 


(1)  Licv  Indclicsmc  du  Tlirnlrc  (rduriculliirc.  d\u\'    vu. 

(2)  D'Arcussia. 


—  101  — 
la  lauconnerie  alleignit  le  degré  le  plus  élevé  de  per- 
fectionnement.  «  Je   puis  dire,  écrivait  d'Arcussia, 
que  jamais  ou  ne  vola  si  bien  en  France  qu'on  fait 
aujourd'hui.  » 

Louis  XIII,  en  effet,  exerçait  la  fauconnerie  si  avan- 
tageusement, que  jamais  aucun  Roi  n'en  a  pu  appro- 
cher (1). 

Non  content  des  divers  vols  que  ses  prédécesseurs 
avaient  entretenus  et  qu'il  mit  lui-même  sur  un  pied 
de  magnificence  inconnu  jusque-là,  il  inventa  des 
vols  nouveaux,  comme  ceux  de  la  huppe,  de  la  pie- 
grièche  et  de  la  grive  avec  les  émerillons,  du  geai,  du 
pinson  et  autres  oisillons  avec  l'épervier,  du  moineau 
et  du  roitelet  avec  des  pies-grièches,  de  la  chauve- 
souris  avec  des  crécerelles,  et  autres  petites  voleries  (2). 

«  Jamais  Roy  n'eut  tant  et  de  si  bons  oyseaux.  »  On 
lui  en  apportait  de  toutes  parts  :  gerfauts  blancs  et 
gris  que  les  Hollandais  tiraient  pour  lui  du  fond  du 
Nord,  laniers,  alfanets  de  Tunis,  sacres  et  sncrels, 
fournis  par  les  marchands  grecs,  laniers  de  Russie, 
faucons  de  toutes  sortes,  alethes  des  Indes,  émeril- 
lons, autours,  hobereaux,  éperviers,  crécerelles,  pies- 
grièches  et  falqucts. 

Avec  ces  oiseaux,  le  Roi  prenait  tout  ce  qui  vole  sur 
la  surface  de  la  terre  et  des  eaux,  depuis  le  héron  et 
l'aigle  pécheur  jusqu'au  rossignol  et  au  burichon  ou 


(l)  Séliiicourl. 
(,2)  Voir  plus  bas. 


—  102  — 
roilelet  (1).  Les  rares  espèces  qui  échappaient  aux 
serres  des  oiseaux  de  la  fauconnerie  royale  ne  de- 
vaient ce  privilège  qu'à  leur  absence  des  cantons 
où  chassait  Louis  XIII  ou  au  mépris  qu'on  faisait 
d'elles. 

Le  grand  fauconnier  de  France  commandait  en 
chef  à  tous  les  vols. 

Le  baron  de  la  Chàtaigneraye,  qui  possédait  cette 
charge  en  1G15  et  qui  l'avait  payée  50,000  écus,  avait 
jusqu'à  sept  vingts  pièces  d'oiseaux  sous  ses  ordres. 

Les  vols  de  la  grande  fauconnerie  étaient  au  nom- 
bre de  six  (2)  : 

Vol  pour  milan,  avec  10  hommes  entretenus  (3) 
outre  le  chef  du  vol- 
Vol  du  héron,  12  oiseaux  entretenus  (4),  4  lévriers 
et  15  hommes. 

Vol  de  corneille,  24  pièces  d'oiseaux  et  16  hommes. 

Vol  des  champs,  6  hommes  avec  10  oiseaux  et 
18  espaigneux. 

Vol  pour  pie  (5j. 

Vol  pour  rivière,  6  hommes  et  8  oiseaux. 


(1)  D'Arciissia.  —  Voir  plus  loin  rénumératioii  des  vols  que  taisait  l;i 
l'auconnerie  l'oyale. 

(2)  D'Arcussia,  Estai  de  la  faucon uerie  du  Roy  on  IG15.  —  Voir 
aussi  aux  Pièces  juslificatives,  t.  T"=',  les  Comptes  de  la  fauconnerie  pour 
l'année  1634,  qui  donnent  quelques  chiffres  différents,  iti'obahlement 
par  suite  de  modifications. 

(3)  «  Le  sieur  de  Luynes  a  la  charge  du  vol  jiour  niilkin,  duqui'l  le 
sieur  de  Cadenet  son  frère  est  aydc.  »  (D'Arcussia.) 

(4)  «  Bien  ([u'à  présent  il  y  en  ait  i)lus.  »  (Ibid.) 

(5)  D'Arcussia  ni  les  comi)tcs  ne  donnent  l'effectif  de  ce  vol. 


—  io;}  — 

«  Il  faut  noter  que  de  cbaque  volerie  il  y  a  double 
vol.  » 

Le  Maître  de  la  garde-robe  avait  sous  ses  ordres  un 
vol  pour  héron  et  un  vol  pour  corneille,  avec  16  hom- 
mes et  18  oiseaux  (1). 

Il  y  avait  à  la  Chambre  du  Roi,  sous  la  charge  du 
premier  gentilhomme  : 

Un  vol  pour  les  champs,  avec  A  oiseaux,  18  épa- 
gneuls  et  3  hommes. 

Un  vol  pour  pie,  de  4  hommes  et  autant  d'oi- 
seaux, 

Et  un  vol  pour  rivière. 

Enfln,  sous  le  nom  d'oiseaux  du  Cabinet  du  Roi^ 
existait  un  «quipage  complètement  à  part,  dont  M.  de 
Luynes  était  capitaine;  cet  équipage  consistait  en  un 
vol  pour  corneille  avec  1  chef,  1  aide,  15  hommes  et 
16  oiseaux,  et  le  fameux  vol  des  émerillons  (1  chef, 
1  aide,  1  piqueur  et  8  oiseaux). 

Ce  vol  d'émerillons  était  particulier  au  Cabinet  du 
Roi.  Louis  XIII  y  prenait  un  plaisir  singulier  et  s'en 
servait  pour  toutes  sortes  de  chasses  inusitées  et  bi- 
zarres. 

Tous  les  jours  Louis  XIII  se  levait  de  grand  matin, 
et,  après  avoir  déjeuné,  montait  à  son  cabinet  des 
oiseaux.  Il  chassait  au  vol  au  moins  cinq  fois  la  se- 
maine, et  plus  souvent  quand  ses  affaires  et  ses  autres 
chasses  lui  en  laissaient  le  loisir. 


(I)  Lus  vols  de  la  û-anlo-rol'o  i'ureni  siipiirimés  sous  le  marquis  de 
Rambouillet,  vers  16'25. 


—  101  — 

Les  jours  de  chasse  au  vol,  le  Hoi  prenait  son  car- 
rosse à  dix  heures  et  s'en  allait  du  côté  de  Vincennes, 
de  Saint-Cloud  ou  de  Saint-Denis,  «  eslans  les  issues 
de  Paris  extrêmement  belles  et  propres  aux  vols  aux- 
quels le  Roy  se  plaist  le  plus.  » 

«  En  ceste  suite  de  chasse,  ajoute  d'Arcussia,  il  fait 
beau  voir  tous  les  chefs  des  vols,  suivis  de  cent  ou  six- 
vingts  fauconniers  jiortanl  les  oyseaux,  tous  vestus  des 
livrées  de  Sa  Majesté,  puis  quatre  autres  portant 
les  ducs  pour  attirer  le  milan,  les  corneilles,  la 
buse,  la  crécerelle,  le  corbeau,  le  faux-perdrieu  et 
autres  oyseaux  qui  viennent  au  duc  pour  le  buf- 
feter.  » 

A  une  demi-lieue  des  faubourgs,  les  porte-ducs  cô- 
toyaient deux  à  deux  les  ailes  du  chemin  et  faisaient 
voler  leurs  ducs  pour  attirer  les  oiseaux;  aussitôt 
qu'on  voyait  apparaître  ceux-ci,  on  criait  :  Milan! 
corneille  !  et  ainsi  des  autres.  Le  lloi  montait  à  clie- 
val  et  demandait  un  oiseau  de  chasse,  ou  bien  le 
grand  fauconnier  lui  présentait  celui  qu'il  jugeait  le 
plus  propre  à  voler,  et  chacun  s'arrêtait  pour  ne  pas 
gêner  Sa  Majesté  (1). 

Lorsque  Olivier  de  Serres  recommandait  si  chaude- 
ment aux  gentilshommes  de  province  le  livre  du  sei- 
gneur d'Esparron,  Charles  d'Arcussia  de  Câpre,  s  i- 
gneur  d'Esparron,  de  Palliéres  et  du  Revest  en 
Provence,  venait  de  mettre  en  lumière  à  Aix  la  pre- 
mière édition  de  sa  fauconnerie  (1598).  Dans  les  édi- 


(I)  D'Arcussia. 


—  lOo  — 
lions  suivantes,  augmentées  de  plusieurs  traités  iné- 
dits et  publiés  successivement  pendant  le  règne  de 
Louis  Xlfl,  il  trace  un  tableau  des  chasses  au  vol 
qui  se  faisaient  en  Provence,  tout  à  fait  analogue  à 
celui  que  nous  venons  d'emprunter  à  Olivier  de 
Serres.  Le  goût  des  gentilshommes  campagnards  pour 
la  fauconnerie  n'avait  pu,  en  effet,  que  s'accroître  à 
l'exemple  du  nouveau  monarque. 

Ceux  même  qui  n'avaient   pas  un  penchant  bien  chasses  au  voi 
prononcé  pour  ce  déduit  se  croyaient  obligés  d'avoir  gcuiiishommes 
des  oiseaux   pour  faire   leur  cour  ou  pour  entretenir    louTxiu 
noblesse.  Malgré  les  plaintes  de  mainte  châtelaine  éco- 
nome, il  était  considéré  comme  malséant  de  vendre 
ses  faucons,  et  l'amour  de  la  chasse   au   vol  excitait 
entre  voisins  de  fréquentes  querelles  (1). 

Sous  Louis  XIII,  tout  gentilhomme  qui  se  respecte 
doit  avoir  au  moins  un  fauconnier  à  cheval  avec  trois 
ou  quatre  bons  oiseaux  cl  six  couples  de  chiens  pour 
les  servir  (2). 

S'il  demeure  dans  un  pays  couvert,  il  lui  faut  des 
autours  et,  des  tiercelets  d'autour  pour  voler  la  per- 
drix ou  le  faisan  dans  les  bois,  les  haies  et  les  brous- 
sailles, et,  pour  les  servir,  des  barbets  qui  rapportent 
bien  et  des  épagneuls  pesants  qui  percent  hardiment 
dans  les  buissons. 

En  pays  ouvert,  où  il  y  a  de  belles  remises,  il 
aura  cinq  ou  six  pièces  d'oiseaux  (ou  plus,  s'il  en  a 
le  moyeu),  faucons  et  tiercelets  de  faucons,  laniers  et 


(1)  D'Arcussia. 
C^)  Ibidem. 


—  106  — 
laiicrcls,  cl,  s'il  se  poul,  des  sacrels,  avec  six  ou  huit 
épagneiils  (I). 

S'il  est  en  pays  de  gros  villages,  dans  la  plaine  et 
dans  les  bois,  il  ne  lui  faut  que  des  oiseaux  de  poing. 
Un  habile  chasseur  pourra  même  se  conteater  de  trois 
ou  quatre  éperviers,  qu'il  fera  voler  l'un  après 
l'autre,  pour  leur  donner  le  temps  de  reprendre  ha- 
leine (2). 

Tel  fut  l'état  de  la  fauconnerie  en  province,  pen- 
dant le  règne  du  dieu  de  la  fauconnerie  et  la  première 
moitié  de  celui  de  son  successeur. 
Louis  XIV.  Sous  Louis  XIV,  les  vols  de  la  grande  fauconnerie, 
du  cabinet  et  de  la  chambre  furent  à  peu  près  main- 
teniis  tels  qu'ils  avaient  existé  sous  le  règne  précé- 
dent (3). 

Cependant,  ce  Roi  fut  loin  d'avoir  pour  la  chasse  au 
vol  la  même  passion  que  son  père,  11  chassait  quel- 
quefois en  voiture,  avec  les  dames;  les  anciens  us  et 
coutumes  de  la  fauconnerie  étaient  religieusement 
observés,  mais  la  décadence  commençait  ;  Louis  XIV 


(1)  (I  Lesquels  (sacrets)  il  pourra  trouver  facilement,  soit  par  le 
moyen  des  fauconniers  flamans  qui  en  apportent  tous  les  ans ,  tant 
de  niais  que  de  hagars,  et  s'il  a  la  moindre  connoissance  aux  officiers 
qui  ont  les  vols  des  oyseaux  pour  pie  et  pour  corneille,  au  printemps 
que  les  vols  se  rompent,  il  eu  aura  a  foison.  »  (Sélincourt.) 

(2)  Ibidem. 

(3)  Voir  les  Elals  delà  /''/'(//uv  et  les  Pièces  justilicativcs,  t.  !•'.  Cou- 
forrarment  à  un  règlement  renouvelé  le  25  avril  \WS,  \e  Capitaine  gé- 
néral des  fauconneries  du  cabinet  du  lîoij  fut  déclaré  entièrement  in- 
iléi)endant  d!i  grand  fauconnier.  Il  nommait  à  toutes  les  charges  de 
fauconnerie  (lu  Cabinet,  et  recevait  les  ordres  immédiats  de  Sa  Majesté 
à  qui  il  avait  l'honneur,  à  la  chasse,  de  présenter  les  létes,  même  en 
l)résence  du  grand  fauconiiiei'.  {Ltat  de  la  France,  1698.) 


—  107  — 
sur  ses  vieux  jours  laissait  voir  que  ces  chasses 
ne  l'amusaient  guère.  Dès  l'année  1G85,  il  faisait 
casser  ses  milaniéres  et  ses  héronnières  (1)  parce  que 
depuis  six  ans  il  n'avait  volé  ni  milan  ni  héron,  et 
que  l'entretien  lui  coûtait  10,000  francs  par  an  (2). 
Le  10  avril  1714,  le  Roi,  empêché  par  le  vilain  temps, 
contremanda  toute  la  fauconnerie,  et  la  renvoya  jus- 
qu'à l'année  suivante,  qu'il  n'était  pas  destiné  à  voir 
jusqu'à  la  fin  (3). 

Les  premières  chasses  du  jeune  Louis  XV  furent  Louis  xv. 
des  chasses  au  vol.  Cet  ardent  veneur  ne  conserva  pas 
néanmoins  un  goût  hien  vif  pour  cet  exercice  [i], 
quoique  sa  fauconnerie  n'ait  pas  eu  à  subir  de  grandes 
réductions  pendant  la  première  moitié  de  son 
règne  (5).  On  continua  de  recevoir  avec  le  cérémonial 
d'usage  les  présents  de  gerfauts  et  de  faucons  envoyés 
par  le  Roi  de  Danemark  (6),  le  duc  de  Courlande  et 
l'ordre  de  Malte;  les  officiers  de  la  fauconnerie  figu- 
rèrent avec  leurs  habits  d'uniforme  dans  les  cortèges 
et  les  entrées  solennelles  (7),  mais  la  chasse  au  vol 


(1)  Voir  plus  îoiu. 

(2)  Dangeau. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Le  petit  livre  des  C liasses  du  Roy,  ])ar  le  S'  Mouret,  nous  lait  voir 
(jue  Louis  XV  ne  chassa  que  trois  fois  au  vol  pendant  l'année  17'25. 
Voir  les  Mélanges  de  la  Sociélé  des  bibliophiles.  1867. 

(5)  Voir  les  Etals  de  la  France  et  les  Pièces  justificatives,  t.  L 

(6)  Il  résulte  d'une  lettre  adressée  au  gouvernement  danois  par  M.  de 
Forget,  capitaine  du  vol  du  Cabinet,  que  la  haute  volerie  ayant  été 
supprimée  en  1787,  on  cessa  «l'envoyer  du  Danemark  des  faucons  d'Is- 
lande au  Roi.  (Archives  de  la  chambre  des  comptes  de  Copenhague, 
citées  par  Schlegel.) 

(7)  Barbier,  passim. 


l'auconiiei  le 
en  province 

sous 
Louis  XV. 


—   108  — 

passait  de  mode  de  plus  on  plus.  Le  perfeclioiinemcut 
des  armes  à  feu,  le  prix  toujours  croissant  des  oi- 
seaux de  chasse  et  leur  rareté,  la  difficulté  de  trouver 
de  bons  fauconniers  qui  en  était  la  conséquence, 
amenèrent  en  peu  d'années  l'abandon  presque  com- 
plet d'un  déduit  qui  avait  fait  les  délices  de  nos  aïeux 
pendant  quatorze  siècles  (1). 

Un  livre  fort  curieux,  conservé  par  la  Société  des 
antiquaires  de  l'Ouest  (2),  nous  donne  une  idée  assez 
nette  de  ce  qu'était  la  chasse  au  vol  en  province  au 
milieu  du  xvni''  siècle. 

L'auteur,  gentilhomme  poitevin,  se  plaint  de  voir 
déjà  l'art  qu'il  aime  négligé  et  dédaigné.  Quelque 
temps  avant  l'époque  où  il  écrit,  les  oiseaux  de  chasse 
étaient  bien  plus  en  usage,  et  il  n'y  avait  guère  de  gen- 
tilhomme qui  n'eût  au  moins  un  oiseau  de  poing, 
tandis  que  depuis  quelques  années  il  n'y  en  a  pas  un 
contre  vingt  qu'il  ij  avait  autrefois. 

En  Poitou,  on  ne  voulait  point  alors  des  oiseaux  pris 
dans  la  province,  sous  prétexte  qu'on  ne  pouvait  plus 
les  faire  voler  après  le  mois  de  septembre.  On  fai- 
sait venir  des  autours  et  tiercelets  de  Suisse,    de 


(1)  Le  S'  Le  Roy,  lieutenant  des  chasses,  auteur  de  l'art,  fauconne- 
rie dans  l'Encyclopédie,  y  dit  que  de  son  temps  les  vols  du  héron  et 
du  milan  ne  se  pratiquaient  plus  guère  et  que  la  fauconnerie  en  France 
n'était  pas  d'un  usage  si  journalier  qu'en  Allemagne. 

(2)  Le  fauconnier  parfuil,  ou  l'aii  de  bien  exercer  la  fauconnerie, 
l)ar  M.  (le  Boissoudan  cl  pour  son  usage  au  vol  des  champs.  1743. 
Voir  un  bon  extrait  de  ce  traité  dans  la  Notice  sur  du  Fouilloiw,  par 
M.  de  P'**.  Le  fauconnier  parfait  a  été  depuis  imjjrimé  à  la  suite  de 
l'édiliou  de  du  Fouilloux,  donnée  à  Niort  en  18C5  li  ]uir  la  Société  des 
hibliojihili's  iVançais  dans  ses  Mélanges,  en  1867. 


—  109  — 

Franchc-Comtii  el  des  Ardenncs.  M.  de  Boissoiidan 
soulienl  que  ceux  du  pays  sont  aussi  bons  que  d'autres 
et  que,  tant  qu'il  en  trouvera,  il  ne  se  mettra  ja- 
mais en  peine  d'en  chercher  ailleurs.  «  ,1e  suis  bien 
sûr,  ajoule-t-il,  que  pour  \2  escus  j'auray  au  moins 
trois  ayres  d'autour  qui  me  donneront  quelquefois 
dix  oyseaux,  tant  tiercelets  que  formez,  et  en  les 
choisissant  bien,  j'en  trouverai  deux  ou  trois 
bons  (1).  » 

La  dernière  fauconnerie  particulière  dont  il  soit 
resté  trace  en  France  est  celle  qu'entretenait,  posté- 
rieurement à  1750,  le  chevalier  d'Aydie  (2). 

Louis  XVI  n'aimait  pas  la  chasse  au  vol.  Il  ne 
chassa  qu'une  fois  à  l'oiseau  pendant  l'année 
1775  (3). 

Les  équipages  de  fauconnerie,  notablement  réduits 
dès  1776  (\),  furent  entièrement  supprimés  en 
1787. 

Le  fauconnier  hollandais  Van  den  Heuvell,  qui 
avait  servi  dans  la  fauconnerie  de  Louis  XVI  de  1785 
à  1792,  afflrma  aux  auteurs  du  traité  de  fauconne- 
rie publié  à  Leyde  en  1844-1853  que,  durant  cette 
période,  les  vols  du  héron,  du  milan,  du  lièvre,  et  en 
général  la  haute  volerie,  étaient  tombés  en  désuétude, 


(,1)  On  a  récemment  dcsairù  dans  la  forêt  de  Lyons  (Eure)  dos  au- 
tours qui  ont  été  trouves  tort  bons  et  envoyés  à  des  amateurs  anglais. 

(2)  Voir  ses  lettres  que  doit  publier  prochainement  la  Société  des 
bibliophiles  français. 

(3)  Voir  la  note  G.,  t.  P'. 

(4)  Voir  aux  Pièces  justificatives,  t.  P',  l'étal  encore  assez  considé- 
rable de  la  grande  fauconnerie  en  1778. 


—  110  — 
el  qu'on  ne  volait  plus  que  la  perdrix,  la  corneille  et 
la  pie(l).  Après  1787,  il  ne  subsista  plus  que  quelques 
vols  du  cabinet.  Les  fauconniers  qui  avaient  ces 
vols  en  charge  parurent  pour  la  dernière  fois  avec 
leurs  oiseaux  sur  le  poing,  dans  la  grande  procession 
de  l'ouverture  des  états  généraux  à  Versailles ,  le 
4  mai  1789. 

Depuis  la  révolution,  la  fauconnerie  n'a  jamais  pu 
reprendre  racine  en  France,  malgré  quelques  essais 
tentés  à  diverses  époques  (2).' 

Elle  a  disparu  actuellement  de  presque  toute  l'Eu- 
rope, même  de  la  Hollande,  oii  elle  a  eu  une  période 
de  renaissance  assez  brillante  il  y  a  peu  d'années  (3). 


(1)  Sclilcgol.  —  Voir  la  note  ù  la  fin  de  ce  volume,  extraite  de  1'^/- 
manachcle  Versailles  de  1785.  On  y  trouveraque  les  principaux  vols  de  la 
grande  fauconnerie  subsistaient  encore  nominalement,  mais  le  fait 
qu'un  M.  Ciauclierel  se  trouve  à  la  fois  commander  les  vols  pour  les 
champs,  pour  lùvière,  pour  pie  et  pour  lièvre  suffit  pour  montrer  com- 
bien les  fauconniers  habiles  étaient  devenus  rares. 

(2)  En  1808,  le  Roi  de  Hollande  Louis  Bonaparte  avait  remonté  au 
château  du  Loo  la  fauconnerie  abandonnée  depuis  le  départ  du  sta- 
thouder  Guillaume  V  en  1795.  Lors  de  l'abdication  du  Roi  en  1810  et 
de  l'annexion  du  royaume  de  Hollande  à  l'Empire  français,  Nai)oléon 
fit  venir  les  fauconniers  du  Loo  Daams  et  Daankers  à  Versailles,  avec 
quatre  aides-fauconniers  ;  i's  eurent  peu  de  succès,  l'Empereur  n'as- 
sista que  trois  fois  aux  vols  de  son  équipage,  qui  fut  supprimé  définiti- 
vement en  1813.  Vou*  Schlegel  et  le  curieux  et  intéressant  article  de 
M.  Pierre  Pichot  sur  la  Fauconnerie  en  Angleterre  el  en  France  à 
noire  époque,  dans  la  Revue  britannique  du  mois  d'octobre  1865. 

(3)  De  I8'i0  à  1852.  — Sur  la  fauconnerie  du  Loo,  voir  le  bel  ouvrage 
de  MM.  H.  Schlegel  et  A.  Werster  de  Wulferhorst,  Leyde,  1847,  l'ar- 
ticle de  M.  P.  Pichot  et  celui  que  M.  de  Rodenburgh  a  publié  dans  le 
Journal  des  cliasseiirs,  en  1855. 

Depuis  quelques  années  on  a  essayé,  non  sans  succès,  de  ranimer  en 
Angleterre  le  goût  de  la  chasse  au  vol  (|ui  ne  s'y  étaitjamais  entière- 
ment éteint.  (Voir  l'article  précité  de  la  lirvue  britannique,  le  Traité 
de  fauconnerie,  publié  en  185'J  par  M.  G.  E.  Frceman  et  le  caj).  Salvin 


fauconnerie 
rlu  xw'  au 
xviiF  siècle. 


C'élaild'un  Français,  M.  le  corn  le  d'OfTémorit,  qu'é- 
lait  venue  la  première  idée  de  celte  reslauralion  de  la 
fauconnerie  en  Hollande  (1). 

Pour  apprécier  aujourd'hui  les  plaisirs  de  celte 
chasse  entraînante,  il  faut  aller  soit  en  Orient  (^),  soit 
dans  notre  Algérie,  où  elle  n'a  pas  cessé  d'elre  en 
grand  honneur  (3),  à  moins  que  nous  ne  soyons  assez 
lieureux  pour  voir  réussir  en  France  l'entreprise,  si 
digne  d'intérêt,  de  MM.  le  vicomte  de  Grandmaison, 
Verlé  et  Pierre  Pichot  (4). 

Le  xvf  siècle  n'est  pas  riche  en  Iraités  de  faucon-     Traiu-sde 

^-^  p   •  i  >  r  •  •  I  faiiconnerib 

nerie.  On  ne  lait  guère  que  réimprimer  les  ouvrages  du  xvr  au 
des  siècles  précédents.  Cependant,  Guillaume  Bouchet 
a  compilé,  sans  y  mettre  son  nom,  un  recueil  inséré 
dans  plusieurs  éditions  de  du  Fouilloux,  a  la  suite  de 
ceux  de  Francières  et  de  Tardif  qui  lui  en  ont  fourni 
les  éléments  (5). 


et  celui  de  MM.  Salvin  et  Brodrick  {Fulconry  oflhc  Brilish  islcs,  Lon- 
do?i,  1855  ) 

(1)  En  1838  M.  d'OlTéraont  fit  venir  à  son  château  d'Offémont,  près 
Gompiègno,  un  des  fauconniers  du  Ilmvkinçj  club  de  Didlington  pour 
voler  la  corneille  avec  2  l'aucons  et  la  perdrix  avec  7.  L'année  sui- 
vante (mai  et  juin  1839),  il  s'associa  avec  le  duc  de  Leeds  et  d'autres 
amateurs  anglais  pour  aller  voler  le  héron  en  Hollande  avec  21  oiseaux. 
Pendant  cette  campagne,  ils  prirent  104  hérons.  Ce  fut  leur  exemple 
qui  amena  l'organisation  de  la  société  du  Loo.  (Note  de  la  Chace  dou 
serf,  publiée  par  M.  le  baron  .T.  Pichon.  —  Ucvue  hrilannique,  art. 
précité.) 

(2)  "Voir  les  récits  de  tous  les  voyageurs  en  Perse,  dans  les  Indes  et 
en  Tartarie.  Nous  avons  vu  précédemment  que  la  chasse  au  vol  est 
pratiquée  en  Chine  et  au  Japon  de  temps  immémorial. 

(3)  Voir  les  Chevaux  du  Sahara,  par  M.  le  général  Daumas,  un  ar- 
ticle du  même  auteur,  inséré  dans  le  Bidlelin  de  la  Socirlé  d'acclima- 
lalion  (1855)  et  les  Chasses  de  VAlqérie,  par  J.  Gérard. 

(i)  Revue  britannique. 

(5)  Éditions  de  1585,  lGOI-2,  1G13,  1024,  1G28. 


—  112  — 

De  Thou,  se  jouant  des  difficultés  du  mètre  et  du 
langage,  a  clianté  en  beaux  vers  latins  «  les  armées 
aériennes,  les  guerres  des  oiseaux  de  proie,  leurs 
combats  qui  font  l'amusement  des  héros,  les  soins 
qu'exigent  leur  éducation  et  leur  entretien  (1).  » 

Dans  les  Plaisirs  des  champs,  Claude  Gauchet  ra- 
conte quelques  belles  chasses  au  vol  avec  cette  vérité 
et  cette  couleur  naïve  et  gaie  qui  lui  sont  habituelles. 

Le  livre  de  Pierre  de  Gommer,  seigneur  de  Lusancy, 
enseigne  le  louable  exercice  et  agréable  art  de  l'autour- 
serie  (2).  Il  est  doublement  recommandable  parce 
qu'il  est  le  seul  traité  composé  exclusivement  sur  ce 
sujet,  et  par  son  style  d'une  bonne  et  franche  allure. 

La  passion  de  Louis  XIII  pour  la  fauconnerie  ré- 
veilla le  zèle  des  écrivains  de  son  temps.  Nous  voyons 
paraître  sous  son  règne,  d'abord  la  fauconnerie  de 
François  de  Saint-Aulaire,  sieur  de  la  Renodie  en 
Périgord  (3),  livre  estimé  des  fauconniers,  parce  qu'il 
fut  publié  sous  les  auspices  de  M^f  de  Luynes,  à  qui 
il  est  dédié,  et  des  bibliophiles  à  cause  de  sa  rareté. 

Puis  le  Miroir  de  fauconnerie,  de  Pierre  Harmont, 
dit  Mercure,  fauconnier  de  la  chambre  du  Roi  pen- 


(1)  Los  deux  premiers  chants  du  poëme  de  Rr  accipUrariâ  ont  été 
imprimés  à  Bordeaux  en  1582.  —  Le  poëme  entier  fut  publié  à  Paris 
en  1584,  —  ))uis  dans  les  I)elici,r  Poclanun  yallontm  et  dans  VHie- 
rucosopliion  de  N.  Rigault  (Paris,  IGI'2). 

(2)  L'ciutourscrle  de  Pierre  de  Gommer,  S''  de  Lusaiiey,  assista  de 
François  de  Gommer,  5'  du  Breuil,  son  frère.  Chaalons,  15'J4.  Ce  livre 
était  très-rare  dès  le  tcmiis  des  frères  Lallcmant. 

(3)  Paris,  1G19.  —  Saint-Aulairc  avait  épousé  l'iiéritière  du  fameux 
La  Renaudie  (ou  La  Renodie). 


—   113  — 
(iant  4.")  ans,  égalcnient  dédié  à  M^^  le  duc  de  Luyiies, 
grand  fauconnier  (1). 

Quoiqu'une  partie  de  la  fauconnerie  de  d'Arcussia 
ait  été  publiée  sous  Henri  iV,  ce  fauconnier  éminent 
peut  et  doit  être  rangé  parmi  les  auteurs  du  règne 
suivant  pendant  lequel  il  a  écrit  une  portion  considé-" 
rable  et  non  la  moins  curieuse  de  ses  œuvres. 

Elles  comprennent  :  1"  La  fauconnerie,  en  cinq 
parties  : 

1^  La  fauconnerie  du  Roy  comme  elle  estoit  en  1615; 

.']"  La  conférence  des  fauconniers  ; 

4°  Les  discours  de  la  chasse,  ou  Conmj  pour  rassemblée 
des  fauconniers^  terminé  par  les  dernières  résolutions 
des  fauconniers,  avec  un  récit  de  l'histoire  de  la  Reine 
Jeanne  [de  Naples); 

5°  Les  lettres  de  Philoiérax  à  Philo falco  [t]. 

Quoiqu'un  peu  confus,  ce  livre  est  le  plus  com- 
plet et  surtout  le  plus  amusant  que  nous  possédions 
sur  la  fauconnerie.  On  y  trouve  mêlés  aux  détails 
techniques  et  aux  préceptes  de  l'art  des  réflexions 
philosophiques  et  morales,  des  anecdotes,  des  disser- 
tations sur  l'histoire  naturelle,  des  récits  de  chasse. 
Le  tout  est  plein  de  cette  verve  gauloise  et  de  celte 
bonhomie  qu'on  trouve  fréquemment  dans  les  écrits 
de  nos  anciens  veneurs,  mais  qui  font  presque  entiè- 


(1)  Paris,  1620,  —  réimprimé  en  1635  et  1640. 

(2)  Les  premières  éditions  de  la  Fauconnerie  sont  de  1598,  1G04  et 
1608.  Les  œuvres  complètns  ont  ensuite  paru  en  1G15,  1621,  1027  et 
1644. 

lu.  8 


—  114  — 
rciiieiil  détaul  dans  ceux  dos  lauconniers,  gens  dog- 
matiques el  enclins  à  la  pédanterie. 

Le  véritable  fauconnier  de  RI.  de  Morais,  cy-devant 
chef  du  héron  de  la  grande  fauconnerie  (1683),  possède  au 
moins  dans  sa  sécheresse  le  mérite  de  la  brièveté;  il 
est  de  plus  écrit  par  un  homme  qui  connaissait  son 
sujet  par  expérience  personnelle,  et  a  tiré  ce  qu'il 
dit  de  son  propre  fonds.  Il  n'en  est  pas  de  même  de 
Louis  Liger,  qui,  dans  ses  Amusements  de  la  campagne 
comme  dans  son  Nouveau  Théâtre  d'agriculture  (1),  ne 
fait  que  copier  d'Arcussia  el  Morais. 

Sélincourt  a  consacré  quelques  pages  de  son  Par- 
fait Chasseur  à  la  fauconnerie  telle  que  la  peuvent 
pratiquer  les  simples  gentilshommes,  et  il  en  a  parlé, 
comme  toujours,  en  homme  d'expérience  et  de  sens. 
Les  traités  de  Gafï'et  de  la  Briffardière  et  de  Goury  de 
Clianipgrand,  publiés  à  une  époque  où  la  chasse  au 
vol  tombait  en  désuétude,  sont,  en  ce  qui  l'a  concerne, 
l'œuvre  de  gens  qui  la  connaissent  plus  par  leurs  lec- 
tures que  par  la  pratique.  Il  en  est  de  même,  à  plus 
forte  raison,  de  Desgraviers,  dont  le  livre  n'a  été  ter- 
miné qu'après  la  révolution,  mais  qui  ne  se  croit 
cependant  pas  dispensé  de  dire  quelques  mois  sur  la 
chasse  au  vol. 

Nous  avons  déjà  cité  le  Fauconnier  parfait,  de 
M.  de  Boissoudan,  ouvrage  curieux,  (jui,  après  être 
resté  longtemps  manuscrit,  a  été  imprimé  récemment 
ù  la  suite  de  la  Vénerie  de  du  Fouilloux  (édition  de 


(I)  Paris,  172-2  ut  1723. 


—  1 1  ;j  — 

Niort)  Pt  dans  les  Mélanges  de  la  Société  des  Biblio- 
philes. 

Le  dernier  travail  sérieux  sur  la  fauconnerie  est  le 
morceau  très-bien  fait  qu'a  inséré  dans  V Encijclopé- 
die  M.  Leroy,  lieutenant  des  chasses  de  Sa  Majesté. 
La  partie  qui  concerne  l'éducation  des  oiseaux  est  un 
modèle  de  clarté  dont  Buffon  (qui  cite,  du  reste,  son 
auteur)  et  bon  nombre  d'écrivains  modernes  (qui  ne 
le  citent  guère)  ont  su  faire  leur  profit.  Ces  der- 
niers ont  continué  de  traiter  de  la  fauconnerie  comme 
si  elle  n'avait  jamais  cessé  d'exister  en  France;  mais, 
à  l'exception  de  quelques  travaux  récents  fort  dignes 
d'estime  (1),  ils  ne  contiennent  rien  qui  mérile  d'être 
signalé. 


(1)  Notamment  l'ouvrage  de  M.  le  D'' Chenu,  résumé  des  anciens  au- 
teurs français  et  des  traités  importants  publiés  en  Hollande  et  en  An- 
gleterre. 


CHAPITHE  H. 
Des  oiseaux  employés  à  la  chasse  au  vol. 


Sauf  quelques  cas  exceptionnels  qui  seront  men- 
tionnés ultérieurement,  tous  les  oiseaux  qu'on  dres- 
sait pour  la  chasse  appartiennent  à  l'ordre  desrapaces 
et  au  genre  des  faucons. 

On  leur  donnait  exclusivement  le  nom  d'oiseaux 
nobles.  Tous  ceux  qu'il  était  impossible  ou  même  très- 
difficile  d'afl'aiter  étaient  qualifiés  d'ignobles.  L'aigle 
lui-même,  le  roi  des  oiseaux,  le  glorieux  symbole  des 
légions  romaines  et  de  nos  régiments,  était  considéré 
comme  ignoble  à  ce  point  de  vue. 

Dès  une  époque  très-ancienne ,  on  trouve  les 
oiseaux  nobles  divisés  en  deux  grandes  catégories  :  les 
oiseaux  de  haut  vol  ou  de  leurre,  les  oiseaux  de  bas  vol 
ou  de  poing. 

Les  noms  d'oiseaux  de  leurre  et  de /;oî/?f/ dérivaient 


—  117  — 

de  la  manière  dont  ils  étaient  dressés  à  revenir  à 
l'appel  du  chasseur  (1). 

Ceux  d'oiseaux  de  haut  et  de  bas  vol  venaient  de  la 
forme  différente  de  leurs  ailes  et  de  l'usage  qu'ils  en 
faisaient. 

Cette  dernière  distinction  répond  parfaitement  à 
celle  que,  d'après  les  mêmes  considérations,  les  natu- 
ralistes modernes  établissent  entre  les  oiseaux  de 
proie  rameurs  et  voiliers  [2) . 

Les  rameurs,  oiseaux  de  leurre  ou  de  haut  vol  ont 
l'aile  allongée,  pointue,  vigoureuse  ;  la  seconde  penne 
est  la  plus  longue  de  toutes.  Leurs  serres  ou  mains 
sont  plus  longues,  plus  déliées,  leurs  ongles  plus  forts, 
plus  arqués,  plus  acérés  que  les  mêmes  organes  chez 
\qs  voiliers. 

Par  suite  de  leur  conformation,  ils  volent  de  préfé- 
rence contre  le  vent,  et  s'élèvent  ainsi  à  des  hauteurs 
considérables  presque  sans  travail.  Pour  atteindre  sa 
proie,  qui  fuit  d'ordinaire  à  imu-vent,  le  rameur  com- 
mence par  monter  verticalement  jusqu'à  ce  qu'il  soit 
parvenu  à  un  niveau  supérieur  au  fugitif.  Arrivé  à  ce 
point,  il  tourne  queue  et  fond  sur  son  gibier,  vent 
arrière,  avec  une  vitesse  foudroyante;  c'est  ce  qu'on 
appelle  la  descente  du  faucon  (3). 


(1)  Les  premiers  revenaient  vers  le  leurre  que  le  fauconnier  agitait 
au  bout  d'une  longe.  Les  autres  retournaient  se  poser  sur  le  poing 
ganté  du  chasseur. 

(2)  Cette  distinction  est  due  à  Huber,  qui  l'a  faite  pour  la  première 
fois  dans  un  livre  intitulé  :  Observalions  sur  le  vol  des  oiseaux  de 
proie.  Genève,  1784. 

(3)  "  Le  faucon  vole  en  rouanl  et  regardant  en  bas,  puis  descend  sur 


—   118  — 

L'oiseau  rameur  saisit  et  porte  bas  la  proie  qui  est 
plus  légère  que  vite  ;  il  frappe  de  la  poitrine  ou  des 
serres  celle  qui  a  plus  de  vitesse  que  de  légèreté,  ou 
qui  a  trop  de  force  pour  être  liée.  Le  coup  est  porté 
avec  tant  de  vigueur  et  de  sûreté,  que  l'oiseau  tombe 
souvent  roide  mort,  comme  atteint  d'une  balle. 

L'aile  des  voiliers,  oiseaux  de poiîigei  de  basse  volerie  est 
plus  large  et  plus  courte  que  celle  des  rameurs.  Les 
pennes  en  sont  moins  roides,  plus  aiguës  et  échancrées. 
C'est  la  (jualrième  de  ces  pennes  qui  est  la  plus 
longue. 

Cette  conformation,  moins  avantageuse,  ne  permet 
aux  voiliers  de  voler  avec  rapidité  que  vent  arrière  et 
la  lete  basse.  Ils  ne  s'élèvent  que  pour  découvrir  leur 
proie  en  planant. 

A  la  chasse,  on  les  faisait  voler  de  poing  en  fort,  à 
la  source,  ou  à  lèvc-cul  (1),  ce  qui  veut  dire  que,  s'é- 
lançant  avec  force  du  poing  au  moment  où  le  gibier 
se  levait,  ils  V empiétaient  iwimy  qu'il  eut  le  temps  de  se 
mettre  en  aile. 

Si  l'oiseau  de  poing  manquait  son  coup,  au  lieu  de 
poursuivre  sa  proie  a  tire-d'aile,  il  accompagnait  le 
chasseur  en  volant  au-dessus  de  sa  tête  pour  fondre 
sur  le  gibier  au  moment  où  on  le  relevait,  ou  allait  se 
brancher  sur  un  arbre  voisin  de  la  remise. 

Le  voilier  ne  frappe  que  rarement  sa  proie;  il  la 


la  proye  comme  uuc  bU^'clLc,  les  ailes  cluses,  ilroit  à  loyseau  pour  le 
desrompre  à  l'ongle  derrière.  »  {Merveilles  de  la  nalare.) 

(l)  On  disait  encore  volei'  à  la  tnise,  /)  l((  enneerlc.  et  jikis  iuicien- 
neraent  au  couluii,  \uir  h'  Mrnagii  r. 


saisit  dans  ses  serres  et  la  comprime  jusqu'à  ce  que 
mort  s'ensuive. 

Les  anciens  auteurs  ont  multiplié  outre  mesure  les 
espèces  d'oiseaux  de  proie  propres  à  la  chasse  ;  il  a 
été  reconnu  par  les  naturalistes  modernes  qu'un 
grand  nombre  de  ces  prétendues  espèces  n'étaient 
que  de  simples  variétés,  ou  même  n'avaient  d'autres 
caractères  distinctifs  que  des  différences  provenant  de 
l'âge,  du  sexe  et  des  conditions  dans  lesquelles  a  vécu 
l'oiseau  (1). 

En  conséquence,   les  espèces  ordinairement  em- 


(I)  Voici  l'énumération  des  oiseaux  employés  au  xiv«  siècle  que  ilonne 
Gace  de  la  Buigne  : 

Tu  auras  faulcons  et  laniers 

Nyés  (niais),  ramaiges,  sors,  muers, 

Des  gerfaulx  des  blancs  et  des  bis. 

Et  des  faulcons  pris  de  pays , 

Aussy  de  sacres  et  de  sacrez 

Et  de  ces  bons  grans  tartelez  ; 

De  pèlerins  à  peu  charnue 

Qui  si  bien  séent  sur  main  nue.... 

Quant  viendra  le  temps  de  gibier 

Chascun  en  ta  route  espervier 

Aura,  qui  le  sçaura  porter... 

Esmérillons  et  aubereaux, 

Mouschetz  pour  tes  enfans  nouveaulx 

AfOn  que  le  mestier  appi'eignent 

Et  qu'aux  peschez  pas  ne  se  tiengncnl. 

De  carotes  de  Barbarie 

Qui  des  grues  prendre  ont  mestrie. 

De  bons  autours  te  faut  avoir... 

Et  si  y  a  de  millions 

De  turques  et  d'alérions, 

Tuniciens  de  Barbarie 

Qui  reffont  haute  volerie. 

Sur  i^cs  ilillV'rente>  espèces  et  variétés,  voir  plus  loin. 


--  120  — 

ployées  à  la  volerie  peuvent  se  réduire  aux  suivantes  : 

j"  Le  Faucon  proprement  dit,  ou  faucon  pèlerin  (1) 
des  naturalistes  modernes  [Falco  pcregrinus); 

2°  Le  Gerfaut  (F.  Gyrfalco); 

3°  Le  Sacre  (F.  Sacer); 

4**  Le  Lanier(F.  lanarius); 

•V  L'Èmerillon  (F.  /Esalon); 

6°  Le  Hobereau  (F.  Subhuteo)  ; 

7°  L'Autour  [F .^  Palumhariiis]  ; 

8"  L'Epervier  (F.  Nisus). 

Les  six  premiers  sont  oiseaux  rameurs,  de  haut  vol 
et  de  leurre;  l'autour  et  l'épervier  sont  voiliers, 
oiseaux  de  bas  vol  et  de  poing  (2). 

Avant  de  procéder  à  la  description  succincte  de 
chacune  de  ces  espèces,  il  convient  de  faire  observer 
que,  dans  toutes,  le  mâle  est  nommé  tiercelet,  comme 
étant  d'un  tiers  plus  petit  que  la  femelle.  Tous  ces 
oiseaux  prennent,  en  outre,  diverses  dénominations 
suivant  leur  âge  et  les  conditions  où  ils  vivaient  lors- 
qu'ils ont  été  réduits  en  captivité. 

On  les  nomme  niais  (3)  lorsqu'ils  ont  été  pris  dans 
leur  nid  ou  aire; 

Ramages  ou  brancliiers,  quand  ils  commencent  à 
voleter  de  branche  en  branche; 


(1)  En  style  du  fauconnerie,  un  faucon  n'élait  dit  iJÙleiiu  (juc  lors- 
<^|u'il  avait  été  pris  passa rjer. 

(2)  Sur  la  distinction  de  ces  espèces  et  leurs  caractères,  consultez 
les  ouvrages  deSchlcgel,  de  Brodrick  et  de  Frecman,  ainsi  que  la  Fmi- 
ronncrie  ancirniir  ri  moderne  de  MM.  Chenu  el  dos  Murs.  Paris, 
J86'2. 

(3)  En  latin  du  moyen  àpi'  :  .\'i(lasii,  de  nirlus,  nui. 


—  121   — 

Antanaires  [[)  lorsqu'ils  sont  âgés  d'un  an  et  sur  le 
point  de  subir  leur  première  mue,  ce  qui  a  lieu  en 
janvier,  février  ou  mars  ; 

Mués  lorsqu'ils  ont  fait  cette  première  mue  en  cap- 
tivité, mués  des  bois  ou  des  champs  quand  elle  a  eu  lieu 
en  liberté. 

Les  oiseaux  pris  adultes  et  revêtus  de  leur  livrée 
définitive  étaient  aussi  appelés  oiseaux  hagards  ou  de 
repaire. 

Enfin  on  nommait  passagers  les  oiseaux  pris  pen- 
dant leurs  migrations  annuelles,  et  oiseaux  pris  de 
pays  ceux  qui  étaient  indigènes. 

Nous  dirons,  plus  tard^  un  mol  des  oiseaux  qu'on 
ne  dressait  qu'accidentellement. 

§    l*^    ESPÈCES   DRESSÉES    HABITUELLEMENT    A    LA   CHASSE. 

1"  Le  faucon  ijroprement  dit. 

La  première  place  appartient  de  droit  au  vaillant 
oiseau  qui  a  donné  son  nom  à  la  fauconnerie. 

Son  plumage,  qui  varie  extrêmement  suivant  l'âge, 
le  sexe,  la  saison  de  l'année  et  le  climat,  lui  a  valu  une 
quantité  de  noms  divers,  sans  compter  les  épithètes 
génériques  qu'il  partage  avec  les  autres  oiseaux  de 
chasse. 

On  le  qualifiait  de  sors  (2)  pendant  sa  première 


(\j  De  l'an  précédent,  Aiilaii, 

Mais  où  sont  les  neiges  d'Antan  ? 
(Villon.) 

Çl)  Roux  en  vieux   français.  —  Un  clieval  sors  est  un  cheval  alezan 
{soiTel  en  anglais).  Le  hareng  sors  ou  saur  a  pris  une  teinte  rougeàlre. 


122  

année,  cl e//t'/<i<7  lorsqu'il  avait  été  pris  entre  le  15  juin 
et  le  15  septembre,  de  madré  (1)  lorsqu'il  avait  deux 
ou  plusieurs  mues. 

Un  faucon  était  dit  pèlerin  lorsqu'il  était  pris  au 
passage  en  novembre  ou  en  décembre. 

Le  faucon  montain  ou  montagnard  (2)  venait  des 
Alpes,  des  Pyrénées  ou  autre  chaîne  de  montagnes 
de  notre  territoire. 

Le  faucon  de  Barbarie  ou  barharin  venait  des  côtes 
d'Afrique,  comme  le  tartaret  qui  y  était  pris  passager, 
mais  qu'on  croyait  venir  de  Tarlarie  ;  le  turquet  était 
un  oiseau  de  Turquie.  On  donnait  aussi  à  ceux  qui 
venaient  de  ce  pays  les  noms  de  sahins  et  de  bala- 
rins  (3). 

i.e  vol  auquel  on  l'employait  de  préférence  faisait 
donner  à  un  faucon  la  ({ualiGcation  de  champélre,  de 
vivier  eux,  de  gruyer  et  de  héronnicr. 

Le  faucon  n'est  pas  très-rare  en  France.  11  en  passe 
tous  les  ans,  pendant  l'automne,  dans  les  environs 
de  Lille.  Autrefois,  les  fauconniers  du  Roi  venaient 
tendre  des  filets  pour  prendre  ceux  qui  passaient  au 
mont  d'Airènes,  près  de  Falaise  (4). 

Des  faucons  nichaient  et  nichent  encore  dans  toutes 


(1)  Moucheté. 

(2)  Ou  mo)ilunier. 

(3)  Le  sahin  était  le  môme  oiseau  (jue  le  lorlarel,  stolon  d'Arcussia. 
—  Le  baUd-in,  petit  faucon  noir,  pourrait  bien  être  celui  (|ue  les  lau- 
conniers  algériens  nomment  bahari  (marin)  et  dont  ils  disent  :  «  C'est 
un  nègre,  il  ne  vaut  pas  grand'chose.  »  (Généi'al  Daunias.) 

(i)  Cette  hauteur  tire  iieiit-èliv  son  nom  îles  arait/iics  ou  iilels  dont 
se  servaient  ces  fauconniers. 


—   123  — 
nos  grandes  tnonl;ignes  et  dans  les  falaises  escarpées 
des  cotes  de  Normandie. 

Anciennement,  on  en  apportait  aussi  du  Levant, 
d'Afrique,  de  Corse,  de  Sardaigne  (l),  d'Allemagne  et 
du  Nord.  Les  faucons  niais  qu'on  tirait  d'Espagne 
étaient  incomparables,  dit  Sélincourt,  surtout  ceux 
qui  venaient  de  la  montagne  Rouge. 

Le  faucon  sor  ou  sors  a  les  plumes  de  son  manteau 
brunes,  bordées  de  roux.  Le  dessous  de  son  corps, 
d'un  blanc  roussàtre,est  tacheté  longitudinalement. 

L'oiseau  mué  ou  hagard,  s'il  est  tiercelet,  a  les  parties 
supérieures  d'un  gris  ardoisé,  la  poitrine  blanche, 
marquée  de  petites  stries  longitudinales,  le  ventre  et  la 
culotte  rayés  en  travers  de  noir  sur  cendré.  La  femelle 
conserve  toujours  des  teintes  plus  roussàlres. 

Sors  eihagards  ont  les  mains  d'un  jaune  verdàlre,  et 
une  large  tache  noire  en  forme  de  moustache  au  coin 
du  bec. 

Le  faucon  femelle  a  environ  0'",4G  de  longueur. 
Le  tiercelel  ne  mesure  que  0"',38  [2]. 

Le  faucon  de  Barbarie  serait  d'après  quelques 
auteurs  une  variété  permanente.  Il  est  décrit  par 
Sonnini  comme  plus  petit  que  le  faucon  commun, 
cendré  en  dessus,  et  d'un  blanc  jaunâtre  en  dessous. 


(1)  «  Les  faucons  de  Sardaigne  sont  trop  petits  et  de  rousse  pliune, 
mais  les  plus  hardis  du  monde  et  pfennenl  le  chi/nc,  la  r/rttc  cl  le  luù- 
ron.  »  {Le  Roy  Modus.) 

{1)  "Voir  BuiTon.  —Chenu.  —  Encyclopédie,  art.  Faucoinicric,  rédigé 
par  M.  Leroy,  lieutenant  des  chasses.  —  Freeman.  On  trouvera  aux 
notes  la  devise  du  bel  faucon,  parGace  d^  la  Buigne.  que  sa  longueur 
nous  empêche  de  placer  ici. 


—   124  — 

avec  des  l;iches  oblongues  et  noirâtres  sur  le  ventre  et 
la  culotte.  C'est  probablement  l'oiseau  que  les  fau- 
conniers algériens  nomment  berana  (1). 

2°  Le  gerfiuit. 

Il  existe  trois  variétés  constantes  et  bien  distinctes 
de  gerfauts  (2),  toutes  trois  originaires  des  pays  sep- 
tentrionaux, et  que  plusieurs  ornithologistes  consi- 
dèrent comme  trois  espèces  (3). 

Le  gerfaut  blf me  ou  de  Groenland  [falco  candicans]  est 
le  plus  rare  et  le  plus  estimé  de  tous.  Son  plumage,  lors 
qu'il  est  adulte,  est  d'une  blancheur  éclatante,  avec  des 
taches  brunes  en  forme  de  cœurs  ou  de  bandes  trans- 
versales interrompues  sur  les  parties  supérieures.  Les 
jeunes  sont  tantôt  blancs,  marqués  de  grandes  taches 
oblongues,  tantôt  brunâtres  en  dessus  et  tachetés 
sous  le  ventre.  Les  mains  et  la  cire  (4),  bleuâtres 
dans  le  jeune  âge,  deviennent,  plus  tard,  d'un 
jaune   livide. 

La  taille  de  la  femelle  adulte  atteinte)'", 51),  celle  du 
tiercelet  ne  dépasse  point  0"\53  (5). 


(l)  Buffon,  ;u't.  Faucon,  noie.  —  Gén(''riil  D.aunitis. 
("2)  Le  nom  de  (jcrfaul,  on  latin  moderne  [ji/rfalco,  vient  du  mot  alle- 
mand composé  Geyer-falk,  laiieon-vautour. 

(3)  Chenu.  —  Brodrick.  —  Sehlegel.  —  Freeman. 

D'autres  n'y  voient  que  des  modilications  d'âge  ou  de  coudilion. 

(4)  Peau  (jui  couvre  la  hase  du  hoc. 

(5)  Tous  les  oiseaux  de  proie  nohles  jiris  eu  Islande  étaient  réser- 
vés au  Roi  de  Danemark  qui  entretenait  dans  l'ile  un  certain  nombre 
de  fauconniers  pour  les  prendre.  La  capture,  l'entretien  et  l'envoi  de 
ces  oiseaux  étaient  soumis  aux  règlements  les  plus  minutieux.  Le  Roi 
de  Danemark  en  faisait  des   présents  aux  L-ouverains,  surtout  au  Roi 


—  125  — 

Ce  bel  oiseau  naît  en  droenland,  en  Sibérie,  dans 
le  Caucase.  Use  monire,  pendant  les  hivers  rigoureux, 
en  Islande  et  plus  rarement  en  Suède  et  en  Nor- 
wége. 

C'était  le  plus  haut  prisé  de  tous  les  oiseaux  de 
chasse.  On  ne  le  voyait  guère  que  sur  le  poing  des 
fauconniers  royaux  (1).  L'envoi  de  quelques  gerfauts 
blancs  était  considéré  comme  un  présent  digne  des 
plus  grands  monarques  (2). 

Le  gerfatit  dislande  (F.  ïslandicm),  à  peu  près  de 
même  taille  que  le  précédent,  en  diffère  par  la  teinte 
constamment  brune  de  son  pennage  dans  les  parties 
supérieures  du  corps,  avec  des  taches  et  des  raies 
transversales  blanches.  Les  mains  et  la  cire,  après 
avoir  élé  bleues,  deviennent  d'un  beau  jaune  quand 
l'oiseau  est  adulte  (3). 

Ce  gerfaut  ne  fait  son  aire  qu'en  Islande.  Il  est  pas- 
sager en  Prusse  et  dans  le  nord  de  l'Allemagne,  où 
l'on  prenait  autrefois  ceux  qu'on  dressait  pour  la  fau- 
connerie. 

Entièrement  brun  par-dessus,  blanc  en  dessous, 
avec  des  teintes  roussâtre,s  et  des  taches  noires  trans- 
versales, le  gerfaut  proprement  dit,  ou  gerfaut  de  Nor~ 


de  France  et  à  l'Empereur.  Il  en  envoyait  aussi  parfois  à  divers  princes 
allemands  et  aux  princes  de  Conti.  (Voir  Schlegel.) 

(1)  Belon. 

(2)  Voir  plus  haut.  —  Pierre  de  Lusignan,  Roi  de  Chypre,  étant  venu 
à  Vienne  en  13G4,  le  duc  et  la  duchesse  d'Autriche  lui  ofTrirent  des 
présents  qui  valaient  plus  de  10,000  écus.  Le  Roi,  grand  amateur  de 
fauconnerie  comme  tous  les  Chypriotes,  ne  voulut  garder  qu'un  très- 
beau  gerfaut  blanc.  (BufTon,  art.  Gerfaut,  note.) 

(3)  Chenu.  —  Schlegel.  —  Freeman.  — Brodrick. 


—  I2()  — 
wége{F.  (fjrfalco),  est  un    peu  moins  grand  que  les 
autres  gerfauts  (0'",50  ;\  0'",55).  Ses  mains  sont  d'un 
jaune  verdàlre  (1). 

Le  gerfaut  de  INorwége  était  très-recherché  des 
fauconniers,  parce  qu'il  était  encore  plus  courageux 
et  en  même  temps  plus  docile  que  les  autres.  Il  ha- 
bite les  hautes  montagnes  de  la  Norwége  et  de  la 
Suède.  On  le  voit  passer  en  Allemagne,  en  Hollande 
et  quelquefois  en  France. 

Les  gerfauts  en  général  étaient  placés  avant  tous 
les  autres  oiseaux  dans  l'estime  des  chasseurs;  les  Rois 
se  plaisaient  à  les  faire  manger  à  leur  table,  à  les  ca- 
resser de  la  main,  à  apaiser  d'une  voix  flatteuse  leur 
humeur  indocile  (2).  On  les  payait  des  prix  excessi- 
vement élevés. 

Belon  dit  que  le  gerfaut  est  communément  vendu 
25  écus ,  et  que  l'on  trouve  avoir  eu  bon  marché 
quand  vOn  Ta  bon  pour  20  (3).  On  voit,  dans  les 
comptes  de  François  V\  que  sa  fauconnerie  ache- 
tait des  gerfauts  à  raison  de  18  écus  d'or  soleil 
pièce  (4).  En  1684,  la  fauconnerie  de  Louis  XIV 
acheta  huit  gerfauts  pour  720  livres  (5). 

Ces  oiseaux  méritaient  le  cas  qu'on  en  faisait  par 
leur  vigueur  et  leur  courage.  Ils  ne  refusaient  d'atta- 
quer aucun  animal,  quelles  que  fussent  sa  grosseur  et 


(l)  Clicnu.  —  Schlegel.  —  Froonian.  —  Brodrick. 
{1)  De  Thon. 

(3)  L'écu  d'or  au  soleil  valut,  sous  François  I'',  dp  iO  à  'i5  sols  tour- 
nois ('23  fr.  GGà  2G  lY.  GO  c,  valeur  relative). 

(4)  Voir  les  Pièces  justilicatives,  t.  I". 

[ô)  Ihidrni.  —  7'20  livres  valaient  alors  environ  !,2'JG1V. 


S(i  foret;.  L'nigle  pécheur,  !n  buse,  le  iriilan,  l'uiilarde, 
le  cygne,  la  grue,  le  héron,  la  cigogne  succombaient 
(levant  eux.  «  Nous  trouvons  par  escrit  en  quelques 
livres  de  fauconnerie  que  le  gerfaut  s'est  auzé 
hazardcr  contre  un  vray  aigle,  et  en  avoir  esté  le 
inaistre  (1).  » 

En  revanche,  leur  éducation  était  difficile  et  exi- 
geait des  soins  tout  particuliers  à  cause  de  leur  carac- 
tère hagard  et  bizarre.  «  Le  gerfaut  veut  avoir  main 
douce  et  maîlre  débonnaire  qui  le  traite  amiablement, 
(lisaient  les  fauconniers,  sinon  il  ne  saduira  jamais 
bien  (2).  » 

3"  Le  sacre. 

A  l'époque  du  déclin  de  la  fauconnerie,  le  sacre 
était  devenu  si  rare,  que  plusieurs  naturalistes  ont  nié 
son  existence  comme  espèce  distincte  et  n'ont  vu  en 
lui  qu'une  variété  du  faucon  commun  ou  du  ger- 
faut!::}). 

Depuis,  il  a  été  retrouvé  en  Orient  et  en  Afrique, 
oii  on  le  dresse  encore  pour  la  chasse  (4),  et  l'on  a  re- 


(1)  Belon. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Les  fauconniers  italiens  croyaient  le  sacre  issu  d'un  croisement 
entre  le  faucon  gentil  et  le  lanier.  {Ruiniondi,  délie  Caccie.  —  Scril- 
lui'e,  etc.)  Buffon  n'admettait  le  sacre  comme  espèce  rjue  sur  la  foi  de 
Belon. 

(4)  Il  y  a  peu  d'années,  deux  neveu.x  du  schah  de  Perse,  retirés  à 
Damas,  volaient  la  perdrix  avec  des  oiseaux  nommés  s«/i;r,  venant  de  la 
Tartarie  et  du  Turkestan.  Ces  oiseaux  étaient  dressés  à  voler  de  j^oiny 
en  l'orl  comme  les  anciens  oiseaux  de  bas  vol,  (Voir  une  note  très- 
curieuse  du  Ménagler  de  Paris,  t.  T,  Introd.)  —  J'ai  vu  et  dessiné 
en  18G1,    au  Jardin   d'acclimatation,   un   oiseau  de  proie,  dressé  à  la 


—  128  — 

connu  rexaclilude  de  la  description  qu'en  donnent 
Belon  et  nos  vieux  fauconniers. 

«  Le  sacre  est  de  plus  laidpennage  que  nul  des  oy- 
seaux  de  fouconnerie,  car  il  est  de  la  couleur  comme 
entre  roux  et  enfumé,  semblable  à  un  milan.  Il  est 
court  empiété,  ayant  les  jambes  et  les  doigts  bleus  (1), 
ressemblant  en  ce  quelque  chose  au  lanier.  Il  seroit 
quasi  pareil  au  faucon  en  grandeur,  n'estoit  qu'il 
est  compassé  plus  rond  (2).  » 

Le  sacre  naît  en  Russie,  en  Tartarie,  en  Hongrie, 
en  Turcomanie.  On  le  prenait  passager  dans  les  îles 
de  l'Archipel,  en  Sardaigne,  en  Afrique,  où  les  fau- 
conniers arabes  le  connaissent  encore  sous  le  nom  de 
térakel(3),  et  même  de  temps  en  temps  en  Provence, 
dans  la  Crau  d'Arles  (4). 

Les  anciens  fauconniers  faisaient  beaucoup  d'état 
du  sacre,  parce  qu'il  était  de  grande  force  et  bon  à 
toute  volerie  (5). 


chasse,  qui  avait  été  rapporté  de  Perse  et  qui  avait  tous  les  caractères 
attribués  au  sacre  par  nos  anciens  auteurs. 

(1)  Les  mains  du  sacre  deviennent  livides  avec  l'âge. 

(2)  D'après  le  D''  Chenu,  la  taille  du  sacre  serait  intermédiaire  entre 
celle  du  gerfaut  et  celle  du  faucon  pèlerin. 

(3)  Cxénéral  Damnas. 

(4)  D'Arcussia. 

(5)  Albert  le  Grand  identifie  le  sacre  avec  un  oiseau  de  proie  appelé 
^rdon  dont  nos  plus  anciens  auteurs  font  un  éloge  des  plus  pompeux, 
emprunté  à  l'épitre  du  faux  Symmachus.  «  La  septième  lignée  de  fau- 
cons, dit  Brunetto  Latini,  est  brecion,  que  li  pluissors  apelent  rodion 
{lierodion)  ;  c'est  li  rois  et  11  sires  de  tos  oisiaus,  car  il  n'est  nul  qui 
ose  voler  devant  lui  ains  cliiet  tout  estordis  en  tel  manière  que  on  le 
put't  prendre  come  se  il  fut  mort,  neis  l'aigle  mcisme  por  la  paor  de 
lui  n'ose  aparoire  là  où  il  est.  »  Deudes  de  Prades  dit  la  même  chose. 
Le    faux  Symmachus    ajoute    que  le  breton  est   très-délicat    sur  su 


—  129  — 

On  pouvait,  on  effet,  lui  faire  chasser  à  volonté  les 
oiseaux  de  haut  vol,  comme  le  milan,  la  buse  et  le 
héron;  ceux  de  forte  taille,  comme  l'oie  sauvage, 
l'outarde  et  Volive  ou  canepetière,  le  faire  voler  pour 
champs,  et  prendre  avec  lui  le  faisan  et  le  lièvre. 

Selon  d'Arcussia,  quoique  bons  compagnons,  les 
sacres  sont  délicats,  meurent  souvent  dans  la  mue 
parce  qu'ils  se  chargent  de  trop  de  graisse  et  ne  valent 
rien  si  le  froid  ne  les  touche.  Ils  sont,  de  plus,  si 
aspres,  qu'ils  ne  durent  guère  (1). 

Les  fauconniers,  d'accord  sur  les  qualités  du  sacre, 
une  fois  qu'il  était  dressé  (2),  ne  l'étaient  nullement 
sur  la  facilité  plus  ou  moins  grande  de  son  éduca- 
tion. L'un  dit  qu'il  est  difficile  à  traiter,  l'autre  que 
c'est  le  plus  laborieux,  le  plus  paisible  et  le  plus  trai- 
table  des  oiseaux  de  proie;  un  troisième,  qu'il  est  gros- 
sier d'entendement,  mais  qu'il  se  façonne  (3).  Il  faut,  je 
crois,  s'en  tenir  à  l'opinion  d'Arcussia,  qui  dit  que 
«  la  nature  du  sacre  est  d'eslre  opiniastre  et  de  deux 
coeurs  pour  quelque  temps,  mais  auec  la  patience,  il 


nourriture,  qu'il  mange  presque  autant  qu'un  aigle  et  qu'il  est  nommé 
en  grec  aérophilon  ou  aérion.  Le  herodius  ou  herodion,  dit  vulgaire- 
ment giffard,  serait  de  la  même  espèce.  Ces  descriptions  assez  con- 
fuses paraissent  s'appliquer  plutôt  à  une  espèce  d'aigle  (alérion)  qu'à 
notre  sacre,  quoique  Frédéric  II,  contrairement  àtousle.s  moderues, 
dise  qu'il  niche  en  Bretagne. 

(1)  Cet  oiseau  est  dit  sacre,  selon  d'Arcussia,  pour  ne  devoir  esire 
louché  de  toute  sorte  de  gens.  Son  nom  viendrait  alors  du  mot  latin 
sacer.  D'autres  le  font  dériver  do  la  langue  arabe  ,  dans  laquelle  ces 
faucons  sont  nommés  sakr. 

(2)  Voir  de  Thou,  et  tous  les  anciens  fauconniers. 

(3)  P.  R.  F.  Fiincl.—  Goury  de  Chauipgrand.  —  Dict.  de  Trécinix. 

III.  9 


—   130  — 

se  rend  gracieux,  encor  ialoux  de  son  maislre,  bien 
qu'il  le  mesconnoisl  s'il  change  d'habit.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  payait  fort  cher  les  sacres  et 
sacrets  qu'apportaient  en  France  les  Grecs  et  les  Véni- 
tiens. La  fauconnerie  de  François  F',  qui  en  achetait 
beaucoup,  payait  ordinairement  14  à  15  écus  d'or 
soleil  les  sacres  et  A  écus  les  sacrets  (1). 

•'i"  Le  lanier. 

L'espèce  du  lanier,  comme  celle  du  sacre,  avec  la- 
quelle elle  a  de  grands  rapports,  a  été  perdue  de  vue 
par  les  naturalistes  dès  le  siècle  dernier,  et  le  fait  est 
d'autant  plus  extraordinaire  que  tous  les  anciens  fau- 
conniers le  disent  indigène  et  très-commun  en  France, 
où  il  nichait  dans  les  forets  et  les  rochers  (2).  Le  na- 
turaliste AIdrovande  lui  donne  même  le  nom  spéci- 
fique de  lanier  des  Français  [laniarius  Gallorum).  On 
ignore  complètement  comment  cet  oiseau  a  pu  dispa- 
raître entièrement  de  nos  contrées  et  pourquoi  on 
ne  le  trouve  plus  qu'en  Dalmatie,  en  Grèce  et  en 
Hongrie,  oii  il  est  fort  rare  (3). 


(1)  Voir  loft  Pièces  justificatives. 

(Q)  Bclon.  —  De  Thou.  —  Ce  dernier  dit  que  le  lanier  est  indigène 
[perna)  et  qu'on  l'appelle  cuisinier. 

(3)  Schlegel  croit  que  le  lanier  n'a  jamais  été  commun  chez  nous. 
D'après  lui,  les  premiers  auteurs  qui  ont  écrit  en  France  sur  la  faucon- 
nerie ont  traduit  des  Byzantins  ou  des  Orientaux  ce  qu'ils  ont  dit  du 
laitier,  sans  prendre  soin  de  modifier  les  textes  à  leur  point  de  vue,  de 
telle  sorte  que,  lorsque  ces  derniers  disaient  le  lanier  indigène  dans 
leui'  pays,  les  Français  se  sont  trouvés  dire  à  leur  insu  qu'il  était  in- 
digène en  France.  L'erreur  se  serait  ensuite  propagée  de  siècle  en 
siècle.  Go  raisonnement  est  peu  probalilc  lorsqu'il  s'agit  de  gens  comme 
Bclon  et  de  Thou.  Reste  à  expliquer  la  (lis]iarition  du  lanii>r. 


—  131  — 

C'est  d'après  des  oiseaux  provenant  de  ces  pays 
que  l'espèce  a  été  reconnue  et  décrite  par  les  ornitho- 
logistes modernes  (1). 

Le  lanier  a  le  doset  les  ailes  de  la  même  couleur 
que  le  faucon  pèlerin.  Le  dessus  de  sa  tête  et  sa 
nuque  sont  d'un  roux  vif;  le  dessous  du  corps  est  blanc 
avec  des  taches  noires  longitudinales.  Ses  pieds  sont 
courts,  épais  et  bleuâtres  dans  sa  jeunesse  ;  ils  de- 
viennent jaunes  après  la  première  mue  (2). 

La  taille  du  lanier  est  moindre  que  celle  du  fau- 
con commun  (0'",37  à  0°,39).  Le  mâle,  un  peu  plus 
petit  que  la  femelle,  se  nommait  un  laneret. 

On  trouve  quelquefois  des  laniers  tout  blancs.  Ils 
étaient  jadis  fort  recherchés  des  fauconniers;  on  les 
considérait  comme  plus  vigoureux  et  plus  dociles  que 
les  autres.  De  Thou  suppose  que  ces  laniers  blancs 
naissaient  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées  (3). 

Outre  les  laniers  pris  niais  en  France,  on  en  tirait 
d'Allemagne,  de  Sicile  et  de  la  Cran  de  Vérone.  D'Ar- 
cussia  nous  dit  encore  que  les  oiseleurs  du  comte 
de  Tende  en  prenaient  de  passagers  dans  la  Crau 
d'Arles. 

Le  lanier  était  assez  en  vogue  auprès  des  faucon- 
niers à  cause  de  sa  docilité  et  de  sa  douceur;  cepen- 
dant ils  lui  reprochaient  de  manquer  souvent  de  cou- 
rage, de  n'être  pas  de  grande  entreprise  et  de  voler  de 


(1)  Schlegel.  — Brodrick.  —  Chenu.  —  Au  x\"=  siècle,  le  dur  d'Orléans 
faisait  dénicher  d,es  laniers  dans  sa  forêt  de  Boulogne. 

(2)  De  Thou.  —  Belon.  —  Brodri(;k.  —  Chenu. 

(3)  IJieracosopIt.,  lil>.  I. 


—   \'S-1  — 

faim  eX de  nécessité  plulôl  que  mû  d'une  ardeur  plus 
noble  (1).  On  accusait  aussi  les  laniers  d'être  peu  fi- 
dèles à  leur  maître,  surtout  les  passagers. 

Comme,  après  tout,  c'étaient  des  oiseaux  qu'on  se 
procurait  facilement  et  sans  trop  de  frais,  qu'ils 
étaient  infatigables,  duraient  fort  longtemps  (2)  et  de- 
venaient d'autant  meilleurs  qu'ils  chassaient  davan- 
tage, les  simples  gentilshommes  en  faisaient  grand 
usage  (3). 

L'alfanet,  autrement  dit  faucon  tunisien  ou  puni- 
c/ew(4),étaitune  variété  du  lanierqui  venait  de  Grèce, 
de  Candie,  d'Egypte  et  de  Barbarie  (5);  on  en  prenait 
aussi  quelques-uns  dans  la  Crau  d'Arles,  aux  environs 
de  Marseille,  de  Fréjus,  d'Antibes  et  de  Nice,  dans 
les  îles  d'Hyères  et  dans  les  rochers  de  la  Ligu- 
rie  (6). 


(1)  Le  mot  de  lanicr  est  employé  comme  injure  dans  les  Romans  du 
xii"'  et  du  xiu"  siècle. 

Or  dira  l'en  que  est  mauvais  et  laniers. 

{Garin  le  Loherain.) 

Le  faucon  ianier  était  parfois  appelé  faucon  vilain  [Mesnagier). 
(2;  «  On  en  aura  pour  toute  sa  vie,  dit  Sélincourt,  car  ils  durent 
trente  années.  » 

(3)  Sélincourt. 

(4)  U'Arcussia,  qui  écrit  alpha)iel,ù\li\\i"\\  avait  été  ainsi  nommé  par 
les  Grecs,  parce  qu'il  était  le  premier  des  faucons  comme  l'alpha  est 
la  première  des  lettres.  —  Le  mot  parait  plutôt  d'origine  arabe.  Les  Es- 
pagnols l'écrivent  alfaneque. 

(5)  D'Arcussia  prétend  que  les  alfanets  venaient  du  côté  de  l'E- 
gypte et  non  de  la  Barbarie  occidentale.  Cependant  les  Espagnols  ti- 
raient les  leurs  de  la  province  d'Oran.  (Espinar.)  Lors  d'un  essai 
malencontreux  de  fauconnerie  arabe ,  tenté  à  l'hippodrome  de  Paris, 
il  y  a  quelques  années,  les  fauconniers  avaient  apporté  des  oiseaux  à 
pennage  blond  et  à  tète  rousse  qui  devaient  être  des  alfanets. 

(G)  De  Tliou.  —  D'Arcussiii. 


—  133  — 

L'altaiiel  était  un  peu  plus  petit  que  le  laiiier  (1), 
et  son  plumage  était  plus  molei  plus  blond;  il  avait  le 
corps  arrondi,  la  tête  grosse  et  les  jambes  longues. 
Les  Italiens  s'en  servaient  au  lieu  et  place  du  lanier, 
et  les  Africains  en  faisaient  grand  usage  (2). 

D'Arcussia  dit  que  l'alfanet  est  le  plus  beau  et  gra- 
cieux des  oiseaux  servant  à  la  fauconnerie.  Il  excelle 
surtout  à  chasser  la  perdrix  et  le  lièvre  (3). 

Pierre  Harmont,  dit  Mercure,  fauconnier  de  la 
chambre  du  Roi  Louis  XIII,  est  loin  de  partager  l'en- 
thousiasme de  d'Arcussia  à  l'endroit  des  alfanets  : 
«  Ils  sont,  dit-il,  de  la  taille  d'un  laneret,  sans  cou- 
rage et  mois  au  vent.  Leur  volerie  est  pour  les 
champs;  ils  ne  font  que  papillonner...  Le  feu  Roy 
(Henri  lY)  les  ayant  recogneus  en  donna  deux  à  feu 
Monseigneur  le  Connestable,  qui  les  garda  trois  ans 
en  leur  beauté  sans  qu'ils  prissent  une  seule  perdrix. 
Depuis,  on  n'en  a  pas  fait  d'estat  en  France,  et  les 
marchands  n'en  apportent  plus  (-4).  » 

5"  L'émerillon. 

Cet  oiseau  est  le  plus  petit  de  tous  ceux  qu'on  dresse 
à  la  chasse;   sa  taille   ne  dépasse   pas  celle  d'une 


(1)  La  femelle  était  de  la  taille  du  laneret.   Le  tiercelet  d'alfanet 
était  méprisé  et  on  ne  le  dressait  point. 

(2)  Ces  derniers  volaient  la  gazelle  avec  ces  oiseaux,  au  dire  d'Ar- 
cussia. 

(3)  n  en  possédait  lui-même  un  exellanl  pour  les  penlris  dont  il  n 
donné  un  portrait  assez  grossièrement  gravé. 

(4)  Miroir  de  fauconnerie.  Paris,  16'20  pt  1624. 


—  134  — 

moyenne  grive  (0'",26  à  0"',3l)  (1).  Le  liercelet  jeune 
el  la  femelle  adulte  ont  le  dessus  du  corps  brun, 
varié  de  roussàtre,  et  le  dessous  d'un  blanc  fauve,  ta- 
cheté de  brun.  Les  mains  sont  jaunes.  Le  vieux  màle 
est  d'un  cendré  bleuâtre  sur  le  dos  el  les  ailes  (î). 

L'émerillon  n'était  jamais  pris  niais  (3),  mais  les 
passagers  ne  sont  pas  Irès-rares  en  France.  On  en 
prend  encore  aujourd'hui  au  filet  dans  les  environs  de 
Lille  (4). 

Aussi  docile  que  courageux,  l'émerillon  était  fort 
considéré  des  fauconniers ,  malgré  sa  petitesse. 
Quoique  oiseau  de  haut  vol,  il  n'était  pas  besoin  de  le 
chaperonner,  el  on  le  dressait  le  plus  souvent  à  reve- 
nir sur  le  poing,  quoiqu'on  le  pût  aussi  aduire  au 
leurre. 

Non-seulement  l'émerillon  pouvait  être  dressé  à 
voler  les  alouetles  et  les  petits  oiseaux,  mais  son  cou- 
rage est  tel,  qu'il  prenait  des  oiseaux  plus  gros  que 
lui,  comme  des  pigeons,  qu'on  avait  soin  seulement 
de  ciller,  et  des  perdreaux  que  ce  vaillant  petit  faucon 
avait  même  l'énergie  de  transporter  dans  ses  serres. 


(1)  Brlon  (ht  (lu'il  i.'st  seul  entre  tous  les  autres  oi/seaux  de  proye  qui 
n'a  distinction  de  son  niaste  à  la  femelle.  Cette  assertion,  conlirmée 
liar  Sonnini,  est  formellement  contredite  par  MM.  Chenu  et  des  Murs, 
suivant  lesquels  la  femelle  adulte  est  beaucoup  plus  forte  que  le  m<\le. 
Boissoudan  nous  apprend  que  l'émerillon  miÀle  se  nommait  maslot. 

(2)  «  Il  représente  si  naïfvement  le  faucon  qu'il  ne  semble  en  différer 
sinon  en  grandcnii-,  cai-  il  a  mesmes  gestes,  mesm(^  iilumage  et  est  de 
mesmes  mœurs,  et.  en  son  endroit,  a  mesme  courage.  »  (Belon.) 

(3)  D'Arcussia  croyait,  sans  oseï-  l'affirmer  d'une  manière  bi(>n  po- 
sitive, avoir  déniché  des  émerillons  dans  des  rochei-s  en  Provence. 

(4)  Chenu.  —  Les  émerillons  nirluMit  d:iii-  le  noi-il  Au  continent  nn- 
ropéen  el  des  lies  lîritnnniques. 


—  135  — 

En  liberté,  il  attaque  la  pie,  le  geai  et  le  chou- 
cas. Son  vol  est  si  rapide  et  son  coup  d'œil  si  sûr,  que 
le  plus  souvent  il  tue  sa  proie  d'un  seul  coup,  au  mi- 
lieu des  airs,  en  la  frappant  de  l'estomac  sur  la  partie 
postérieure  de  la  tête. 

6°  Le  hobereau. 

A  peine  plus  grand  que  l'émerillon  (0"',30  à  0'%32), 
le  hobereau,  quoique  volant  encore  plus  facilement 
et  s'élevant  plus  haut,  quoique  si  courageux  qu'on 
l'avait  surnommé  le  hardi,  ne  venait  qu'après  lui 
dans  l'estime  des  fauconniers,  parce  qu'il  était  consi- 
déré comme  le  plus  volo?itaire  et  le  plus  libertin  des 
oiseaux  chasseurs  (1). 

Le  tiercelet  adulte  a  le  manteau  gris  ardoise  foncé, 
la  gorge  et  la  poitrine  blanches^le  ventre  et  les  cuisses 
d'un  roux  vif,  ces  dernières  parties  et  la  poitrine 
marquées  en  long  de  taches  brunes.  Belon  le  compare 
à  un  sacre,  sauf  la  grandeur. 

Les  femelles  et  les  jeunes  ont  des  teintes  plus 
brunes  et  plus  ternes. 

Le  hobereau  est  commun  en  France;  les  gentils- 
hommes campagnards,  auxquels  il  a  donné  son  nom, 
s'en  procuraient  facilement  et  en  faisaient  grand  usage 


(l)  Chenu.  —  D'Arcussia.  —  Gace  de   la  Buigne  raconte  qu'à  l'âge 
de  neuf  ans  il  faisait  déjà  voler  des  hobereaux  : 

«  Et  aussi  que  Déduict  d'oyseaulx 
Qui  iaisoit  porter  haubereaux 
Et  le  menoit  parmi  les  champs 
Qu'il  n'avoit  encoires  que  neuf  ans.  » 


—   13G  — 

pour  chasser  les  jeuues  perdreaux,  les  cailles  et  les 
alouettes. 

«  Ces  oyseaux  font  bien,  dit  d'Arcussia,  quand  ils 
sont  accoustumez  de  voler  avec  des  esmérillons  ou 
avec  des  faucons,  eslans  fort  légers  et  de  bonne  aile, 
soit  niais,  passagers  ou  sors.  Pou  ries  muez  des  champs, 
ils  sont  du  tout  infidelles  et  vont  tousjours  aux  mou- 
cherons. » 

7"  L'aiitoiif. 

Comme  le  faucon,  l'autour  était  qualifié  de  sors  et 
de  gentil;  on  l'appelait  autour  foitrcheret  lorsqu'il  était 
de  moyenne  taille,  et  la  femelle  recevait  quelquefois  le 
nom  d'autour  formé. 

La  taille  de  l'autour  surpasse  celle  de  tous  les  autres 
oiseaux  de  chasse.  Elle  est  même  un  peu  supérieure  à 
celle  du  gerfaut  (1).  L'aulour  femelle  est  aussi  gros 
qu'un  fort  chapon;  ses  jambes  sont  longues,  robustes 
et  de  couleur  jaune. 

Pendant  la  première  année  de  leur  vie  ,  les  deux 
sexes  ont  le  dessus  du  corps  brun  et  le  dessous  d'un 
blanc  jaunâtre,  avec  des  taches  longitudinales  brunes. 
Après  la  mue,  les  parties  supérieures  deviennent  d'un 
brun  cendré;  les  parties  inférieures  sont  blanches, 
marquées  de  raies  transversales  brunâtres. 

Il  se  trouve  parfois,  surtout  en  Orient,  des  autours 


;i;    In   l.-lillP  .lu  niillo  rst  ilr   ()'',:v2,   rf.|l.>  ,|r  la   r.'iiirllr,  lie  o-.(.o. 


—  137  — 

dont  le  plumage  est  d'une  entière  blancheur.  Ces  oi- 
seaux étaient  assez  rares  pour  qu'on  les  estimât  dignes 
d'être  offerts  à  un  souverain.  André  Paléologue,  Des- 
pote de  Morée ,  présenta  à  Tours  un  de  ces  autours 
blancs  au  Roi  Charles  VIII  (1).  Louis  XIII  possédait 
un  autour  blanc  comme  une  colombe,  passager  et  chape- 
ronnier,  auquel  il  tenait  extrêmement  (2). 

L'autour  n'est  pas  rare  en  France  dans  les  grandes 
forêts,  surtout  dans  celles  oii  dominent  les  essences 
résineuses;  aussi  le  trouvait-on  surtout  en  Franche- 
Comté,  en  Bugey  et  en  Dauphiné.  Il  y  en  avait  aussi 
en  Bourgogne,  en  Poitou  et  même  dans  les  environs 
de  Paris.  Il  fait  son  aire  sur  les  arbres  les  plus  éle- 
vés (3). 

Outre  ceux  qu'on  prenait  niais  dans  notre  pays,  les 
autoursiers  en  tiraient  d'Arménie,  de  Perse,  de  Grèce, 
de  Sardaigne,  surtout  de  l)alm,atie  et  d'Allemagne. 
Ceux  d'Afrique  et  de  Calabre  étaient  moins  esti- 
més (4). 

L'autour,  oiseau  bo7i  ménager,  d'un  naturel  docile, 
qu'on  pouvait  se  procurer  aisément  et  entretenir 
presque  sans  frais,  était  le  favori  des  gentilshommes 
de  campagne,  qui  s'en  servaient  pour  toute  espèce  de 
basse  volerie,  principalement  pour  chasser  la  perdrix, 
le  lièvre  et  le  lapin  (5). 


(Ij  Soiinini  duus  Bulfoii,  art.  Autour,  noie. 
('2)  D'Arcussia. 

(3)  Bufrori. 

(4)  Belon.  -  De  Thon. 

(5)  Conles  d'Etilropel.  —D'Arcussia.  —  Boissomlan.  —  «  Li  graignnr 


—  138  — 

«  L'aulour  de  son  naturel  est  rusé  ;  c'est  un  oi- 
seau qui  convient  aux  personnes  qui  aiment  à  voir  le 
crochet  de  leur  cuisine  garni  de  gibier,  parce  qu'il  est 
meilleur  chasseur  qu'aucun  aulre  oiseau  pour  le  pro- 
fil, mais  non  pas  pour  le  plaisir  (i).  » 

On  appelait  les  autours  cuisiniers ,  soit  à  cause,  de 
leurs  qualités  utiles  comme  pourvoyeurs,  soit  parce 
qu'on  les  tenait  ordinairement  à  la  cuisine  pour  les 
faire  au  bruit  du  monde  et  des  chiens  (2). 

Boissoudan  parle  d'un  oiseau  nommé  fourcherel, 
qui  n'est  ni  tiercelet  ni  autour,  ni  mâle  ni  femelle  (3], 
et  qui  a  les  pieds  couleur  de  fer.  «  C'est  un  fort  bon 
oiseau,  étant  bien  conduit,  »  dit-il. 

8°  L'épervier. 

Le  plumage  de  l'épervier  offre  beaucoup  d'analogie 
avec  celui  de  l'autour.  Mais  la  taille  de  ces  oiseaux  est 
fort  différente.  La  femelle  de  l'épervier  ne  mesure 
pas  plus  de  0",37.  Le  tiercelet  est  de  0™,05  plus  petit. 
Ce  tiercelet,  de  nom  propre  françoys,  était  jadis  appelé 
mouchet  (4). 

Les  vieux   mouchets  deviennent  d'une  jolie  teinte 


(plus  grand,  grandior)  ostor  est  si  hardis  que  pornul  oisel  ne  s'alen- 
tist,  neis  li  aigle  ne  li  fait  nul  paor.  (Brunetto  Latini.) 

(1)  Les  amusemenls  de  la  campaç/ne,  parle  S'Liger. 

(2)  Ibidem.  —  d'Arcussia. 

(3)  Il  veut  probablement  exprimer  jiar  celte  phrase  bizarre  que  le 
fourchcret  n'a  ni  la  taille  de  l'autour  ni  celle  du  tiercelet.  Selon  l'En- 
cycIoiu''dif',  le  fourcherel  ou  demi-aulnuv  est  un  oiseau  femolle  d(^ 
moyenne  taille,  maigre  et  pou  chasseur. 

{'i)  On  dit  aujourd'hui  émmicliet. 


—  139  — 
bleuâtre  en  dessus  et  les  taches  des  parties  inférieures 
sont  de  couleur  de  rouille. 

Il  existe  des  éperviers  tout  blancs,  mais  ils  sont  fort 
rares. 

Les  éperviers  sont  encore  très-répandus  dans  toute 
la  France,  où  ils  font  beaucoup  de  dégâts  parmi  les 
perdreaux,  les  cailles  et  les  pigeons.  Ils  nichent  fré- 
quemment dans  nos  forêts ,  quoiqu'un  certain 
nombre  d'entre  eux  émigré  pendant  l'hiver. 

La  plupart  des  éperviers  qu'on  dressait  pour  la 
chasse  étaient  pris  niais  ou  passagers  dans  notre  pays. 
Il  en  venait  toutefois  de  fort  bons  de  Lombardie,  de 
Sardaigne,  de  Corse  et  d'Afrique.  Ceux  d'Allemagne 
passaient  aussi  pour  excellents  (1). 

L'épervier,  facile  à  trouver,  courageux  et  de  bon 
travail,  était  un  des  oiseaux  chasseurs  qui  rendaient  le 
plus  de  services.  Il  volait  surtout  pour  les  champs  et 
prenait  même  des  levrauts  et  des  lapins. 

On  nommait  épervier  royal  l'oiseau  pris  au  nid  et 
façonné  royalement  pour  le  plaisir  de  la  volerie  et  pour 
giboyer  (2). 

Un  tel  épervier  était  un  présent  fort  envié.  Dans  la 
chanson  des  Saxons,  poëme  du  xm"  siècle,  la  Reine 
Sibille  donne  son  épervier  à  Bérart  de  Montdidier  : 
«  Prenez-le,  »  dit-elle, 

Qant  de  la  quinte  mue  le  traist  no  vêlement, 
Jais  ne  caille  ne  pie  vers  lui  ne  se  desfant. 


(1)  Belon.  —  De  Thou,  —  rl'ArciiPsia. 

(2)  Père  R.  F,  Binot. 


—  liO  — 

Tant  li  sache  guerpii'  ne  sormontcr  le  vent 

Et  qant  plus  le  sormonte,  de  plus  haut  le  descent. 

Et  qant  il  tient  sa  proie,  vers  le  poing  se  desçant. 

Malgré  le  naturel  fier  et  capricieux  de  l'épervier,  on 
arrivai!,  avec  des  soins  assidus,  à  obtenir  de  lui  une 
soumission  complète. 

Gace  de  la  Buigne  en  raconte  un  curieux  exemple 
sur  la  foi  de  messire  Pierre  d'Orgemont,  depuis  chan- 
celier de  France,  qui  en  attestait  la  vérité,  comme  té- 
moin oculaire,  par  les  saints  de  Rome. 

Un  chevalier  du  Berry,  grand  amateur  à'espréve- 
terie,  à  la  fin  de  la  saison  du  gibier,  avait  mis  en  li- 
berté un  de  ses  oiseaux,  qu'il  ne  voulait  pas  muer, 
après  l'avoir  désarmé  de  ses  gets  et  de  ses  clochettes. 
L'épervier  continuait  à  vivre  dans  son  pourpris;  en- 
trant par  une  haute  fenêtre  dans  la  grande  salle,  il 
allait  se  percher  sur  le  trait. 

Et  layens  faisoit  son  séjour 
Souvent  et  de  nuit  et  de  jour. 

La  dame  cbâlelaine  avait  de  son  côté  un  estoumel 

Qui  parloit  si  Lien  et  si  bel 
Que  très-grant  merveille  avoient 
Ceux  qui  si  bien  parler  l'oyoient. 

Un  jour,  Vestournel  s'échappe  de  sa  cage,  l'éper- 
vier l'aperçoit,  fond  sur  lui,  V empiète  et  l'emporte 
amont.  La  dame  se  désolait,  lorsque  le  chevalier,  ac- 
courant à  ses  plaintes,  prend  un  gant,  tend  le  poing 
et  réclame  l'épervier.  Aussitôt  l'oiseau  obéissant  lui 
apporte  Vestournel.  Le  chevalier 

Qui  savoit  d'oyseaux  le  meslicr 
CourloihPmenl  le  descherna 
Et  du  itié  tout  sain  lui  osta. 


_   141   — 

puis  il  rendit  son  favori  à  la  dame  ravie,  sans  autre 
mal  qu'une  frayeur  qui  le  priva  pendant  un  mois  de 
la  parole. 

Les  anciens  fauconniers  croyaient  qu'il  existait  des 
hybrides  nés  du  croisement  des  espèces  que  nous  ve- 
nons de  décrire,  comme  du  sacret  avec  le  lanier  et 
l'alfanet,  du  tiercelet  de  faucon  avec  le  lanier,  du  la- 
neretavec  le  faucon  (1). 

Outre  les  huit  espèces  d'oiseaux  chasseurs  dont  il 
vient  d'être  parlé,  on  trouve,  dans  les  anciens  auteurs, 
mention  d'oiseaux  de  fauconnerie  dont  les  caractères 
n'ont  pu  être  bien  déterminés,  comme  les  tagarots  et 
les  alèthes. 

Le  tagarot,  fort  estimé  au  xiv*  et  au  xv"  siècle,  sous  Leiagamt. 
les  noms  plus  ou  moins  défigurés  de  chaJiarote,  de 
harrotte  et  même  de  carote,  venait  de  Barbarie  et  du 
midi  de  l'Espagne  (2).  Malgré  la  petitesse  de  sa 
taille  (3),  le  tagarot  attaquait  le  héron,  la  grue  et  même 
l'outarde  ,  s'il  faut  en  croire  le  Mesnagier  de  Paris  et 
Gace  de  la  Buigne. 

Les  fauconniers  ne  sont  pas  d'accord  sur  les  carac- 
tères physiques  du  tagarot  (4).  D'Arcussia  dit  qu'il  a  la 


(1)  Voir  Albert.  Mar/n.  de  AnimuUbus.  —  D'Arcussia.  —  Saint-Au- 
laire.  —  Boissoudan. 

(2)  Gace  de  la  Buigne.  —  Mesnagier  de  Paris.  —  Espinar.  —  D'Ar- 
cussia. 

(3")  Le  Mesnagier  et  d'Arcussia  le  comparent  à  un  tiercelet  de  faucon. 
Ce  dernier  ajoute  qu'il  est  un  peu  plus  grand,  mais  moins  robuste,  et 
que  aucuns  l'ont  pris  à  tort  pour  un  falquei.  Dans  le  midi  de  la  France 
le  mot  tagarot  sert  à  désigner  le  hobereau. 

(4)  Gace  de  la  Buigne,  qui  en  a  parlé  le  premier,  dit  que  les  deux 


—  142  — 

lèle  grosse,  les  raaiusbleues  ouvertes,  coûiine  un  laiiier, 
et  le  vol  extrêmement  long  à  proportion  de  son  corps. 

Selon  Saint-Aulaire,  qui  le  confond  avec  le  tartarot 
ou  faucon  passager  d'Afrique  ,  le  taguarot  est  un  oi- 
seau rare,  qui  retire  au  faucon,  de  corsage  moindre 
que  le  lanier,  fort  brun  ,  ce  brun  par  Je  devant  entre- 
meslé  de  quelque  rousseur  fort  vive  et  comme  flamme  de 
feu.  Le  tour  dy  bec,  les  jambes  et  les  mains  sont 
jaunes  (1). 

D'Arcussia  dit  qu'on  recouvre  bien  rarement  des  la- 
garots  en  France,  qu'ils  craignent  le  vent  à  cause  de 
la  longueur  de  leurs  ailes  et  qu'il  ne  leur  a  jamais  vu 
faire  chose  qui  méritât  d'être  récitée. 
L'aièihe.  A  la  fin  du  xv!*"  siècle,  on  apporta  des  Indes  occi- 
dentales un  oiseau  qu'on  nommait  alais  ,  akps  ou 
alèthe.  Les  premiers  parurent  en  Espagne,  oh  on  les 
vendait  3  ou  400  écus  pièce,  sans  être  dressés,  à  l'ar- 
rivée des  galions.  Quelques  princes  italiens  en  possé- 


chaliorles  que  le  connétable  du  Guesclin  avait  offerts  à  Charles  Y  pre- 
naient les  grues  si  trl-s-hipn,  ce  lui  dit-on,  qu'il  n'eji  fault  rien. 

Ils  sont  petitz  à  merveilles 
Ainsi  comme  deux  cuurcer elles. 
Beau  iiied,  beau  becq  bien  amassez 
Bien  taillez  et  bien  coulorés. 

Le  mot  courcerclles,  bien  lisible  dans  le  mss.  n"  7097,  Bibl.  imp. 
peut  signifier  tuurlerelles  ou  crécerelles. 

(1)  Le  tagarot  est  apjielé  saffir  par  Arthelouche  de  Alagona.  «  11  se 
cognoist,  dit  cet  auteur,  à  ce  qu'il  a  les  couteaux  plus  longs  que  la 
queue  et  a  les  signes  scmblans  au  pèlerin,  sinon  qu'il  est  plus  petit.  » 
Ce  faucon  a  été  reconnu  il  y  a  quelques  années  et  décrit  par  le  pro- 
fesseur Gêné  de  Turin  {Mcin.  dell'  Academia  di  Torino,  1840),  sous  le 
nom  do  Falcn  Eleonorcr.  Il  niche  en  Sardaigne.  (Schlegel.) 


—  143  — 

(lèrenl  eiisuile.  Mario  de  Médicis  auKJiia  avec  elle  le 
premier  alèlhe  qu'on  ait  vu  en  France  (1). 

Ces  oisenux  étaient  de  la  taille  d'un  tiercelet  de  fau- 
con, leur  pennage  était  tout  d'une  pièce,  de  couleur 
d'ardoise  sur  le  dos,  avec  le  devant  couleur  de  zinzolin 
(violet  rougeâlre)  ou  d'orangé  pâle,  tirant  sur  le  perro- 
quet. Ils  avaient  un  croissant  de  couleur  brune  au  bas 
du  ventre  (2). 

Les  alèthes  volaient  la  perdrix.  C'étaient  des  oiseaux 
de  courage,  les  plus  excellents  en  leur  qualité  et  les  plus 
nobles  de  tous  les  oiseaux  de  fauconnerie.  On  les  jetait 
du  poing,  ils  volaient  bas  et  roide,  avec  une  telle- 
vitesse  ,  qu'on  ne  les  voyait  point  remuer  les 
mahules  (3). 

Il  n'en  est  plus  question  après  le  règne  de 
Louis  Xm  [A]. 

§  2,   ESPÈCES  DRESSÉES  ACCIDENTELLEMENT. 

Les  anciens  fauconniers  se  servirent  accidentelle- 
ment de  diverses  espèces  d'oiseaux  de  proie  ignobles, 
aigles,  busards,  crécerelles,  falquets,  et  même  d'es- 


([)  Barrant,  ambassadeur  en  Espagne,  envoya  au  Roi  un  autre  alè- 
the  qui  devint  encore  meilleur.  —  Mercure.  —  D'Arcussia. 

(2)  Mercure.  —  D'Arcussia.  —  Selon  Schlegel,  1  alèthe  serait  un  au- 
tour des  Açores, 

(3)  Le  haut  des  ailes.  —  Ibid.,  ibicl. 

(4)  Aldrovande  décrit  un  faucon  rouge  des  Indes  orienlcdes  qui  avait 
été  envoyé  au  grand-duc  Ferdinand  de  Toscane.  Sa  description  se 
rapprochant  assez  de  celle  de  l'alèthe,  il  est  possible  qu'il  y  ait  eu 
confusion  quant  ù  la  provenance  de  l'oiseau.  Voir  BulTon.  art.  du 
Faucon. 


—   144  — 

pèces  étrangères  à  l'ordre  des  rapaces,  comme  le 
grand  corbeau,  la  pie  et  la  pie-griècbe  (1). 

A  l'exception  de  l'aigle,  qui  mérite  qu'on  entre 
dans  quelques  détails  à  son  sujet,  nous  n'aurons  pas 
grand'chose  à  dire  de  tous  ces  oiseaux. 

Belon  rapporte,  en  parlant  des  busards  ou  fau-per- 
drieux,  qu'on  n'a  guère  accoutumé  de  les  nourrir  pour 
prendre  des  oiseaux  sauvages,  parce  qu'ils  sont  moins 
gentils  que  les  autres  et  ne  volent  pas  trop  bàtivement. 
«  Si  est  ce  que  nous  en  avons  veu  jà  leurrez  pour  la 
perdris,  pour  la  caille  et  pour  le  connin.  » 

La  crécerelle ,  quoique  assez  susceptible  d'éduca- 
tion et  pouvant  chasser  l'alouette,  le  merle  et  la  bé- 
cassine, n'a  figuré  dans  la  fauconnerie  royale  que 
pour  voler  la  chauve-souris  (2). 

Le  falquet  est  une  sorte  de  hobereau  (3)  fort  rare  en 
France,  qui  a  le  pennage  gris  violant  et  dune  pièce, 
la  taille  fort  approchante  de  celle  du  coucou,  les  ongles 
blancs  et  les  mains  rouges.  Des  tendeurs  aux  émeril- 
lons  apportèrent  un  jour  un  de  ces  oiseaux  à 
Louis  XIIL  Personne  à  la  cour  ne  sut  ce  que  c'était. 
Le  Koi  y  mit  son  affection  et  le  voulut  faire  dresser, 
mais  la  première  fois  qu'il  le  fit  voler,  \e  falquet  s'en- 
fuit et  ne  reparut  plus  (4). 

Le  Roi  Louis  XII  avait  un  corbeau  dressé  à  voler  la 


(l)Bufron. 

(2)  D'Arcussia.  —  Buffon.  —  Chenu. 

(3)  Hobereau  kuber,  falco  vesperlimis  dos  naturalisleb. 

(4)  D'AiTiissia. 


perdrix  (1).  Il  est  parlé,  dans  \ Ornithologie  d'Aldro- 
vande,  de  plusieurs  corbeaux  qui  prenaient  des  per- 
drix, des  faisans  et  même  des  corbeaux  sauvages  ; 
seulement,  pour  attaquer  les  oiseaux  de  leur  espèce, 
ils  avaient  besoin  d'être  soutenus  et  comme  forcés  par 
la  présence  et  les  cris  du  fauconnier  (2).  Jean  de  Kay 
dit  avoir  vu  en  1548,  à  Lubeck,  deux  corbeaux 
blancs  dressés  pour  la  chasse  (3). 

Au  dire  du  naturaliste  anglais  Turnerus,  François  1" 
avait  coutume  de  chasser  avec  une  pie-grièche  dres- 
sée, qui  parlait  et  revenait  sur  le  poing  (4). 

Les  pies-grièches,  que  dressait  si  bien  M.  de  Luynes, 
ont  joué  un  rôle  assez  important  dans  l'histoire  de  la 
jeunesse  de  Louis  XIIL  Le  Roi  volait  avec  ces  petits 
oiseaux  carnassiers  les  moineaux,  rouges-gorges,  roi- 
telets et  autres  menus  volatiles  dans  les  charmilles, 
les  buis  et  les  cyprès  du  jardin  des  Tuileries  (5). 

Les  fauconniers  européens  ne  renoncèrent  à  se 
servir  d'aigles  qu'après  de  nombreuses  expériences, 
dont  quelques-unes  n'avaient  pas  été  sans  succès. 

Dans  un  traité  conclu  avec  Charles  d'Anjou,  frère  Aigies dressé» 


(1)  Scalif/eri  in  Caydanum  exercUatio.  —  BufTon. 

(2)  Lib.  XII.  —  Buffon. 

(3)  «  Les  Turcs  de  moindre  qualité  tiennent  pour  la  chasse  des  cor- 
neilles grises  et  noires,  qu'ils  peignent  de  diverses  couleurs,  qu'ils 
portent  sur  le  poing  de  la  main  droite  et  qu'ils  réclament  en  criant 
houh,  houb,  par  diverses  fois,  jusqu'à  ce  qu'elles  reviennent  sur  le 
poing.  »  (Voyages  du  S'"  de  Villamont.  Arras,  1598.)—  Buffon. 

(4)  Avium  prœcipuarum,  etc.,  brevis  et  saccincla  histon'a.  Cologne, 
1564.  — Buffon.  — Ce  talent  de  paroles  porterait  à  croire  qu'il  ne  s'agit 
pas  d'une  vraie  pie-grièche,  mais  d'une  pie  ordinaire. 

(5)  D'Arcussia. 

III.  10 


—   146  — 

de  saint  Louis,  les  bourgeois  de  la  riche  et  orgueil- 
leuse commune  de  îlarseille  se  réservèrent  le  droit 
d'avoir  des  aigles  dressés,  comme  leurs  ancêtres  (1). 

Le  chroniqueur  Mathieu  Paris,  qui  vivait  à  peu 
près  à  la  même  époque  (2),  parle  d'un  aigle  de  mer 
qu'un  jeune  homme,  attaché  à  la  maison  de  l'évêque 
de  Londres,  avait  dressé  à  voler  la  sarcelle  (3). 

Le  livre  de  Pierre  de  Crescens  parle  longuement  de 
la  manière  de  chasser  avec  l'aigle.  Le  poids  de  l'oi- 
seau le  rend  très-faligant  à  porter  sur  le  poing,  et 
l'on  doit  le  mettre  à  mont  aussitôt  qu'on  le  peut  (4). 

Le  Menagier  de  Paris  fait  mention  d'aigles  afl'aités 
pour  voler  le  chevret  sauvage,  le  lièvre  et  l'outarde, 
mais  que  on  ait  un  lévrier  dressé  à  lui  venir  en 
aide  (5). 

Guillaume  Tardif,  qui  copie  volontiers  les  faucon- 
niers orientaux,  Belon  qui  copie  Tardif  et  Guillaume 
Bouchet  qui  a  bien  l'air  de  les  copier  tous  les  deux, 
sont  d'accord  pour  affirmer  que  l'aigle  mérite  d'être 
dressé  et,  si  elle  n'était  si  lourde  à  porter  sur  le  poing 
et  si  difficile  à  apprivoiser  du  sauvage ,  on  en  verrait 


(1)  Legrand  d'Aussy,  t.  I"'. 

(2)  Il  mourut  en  1259. 

(3)  Grande  chro7iique  de  Mathieu  Paris,  traduite  en  français  par 
M.  Huillard-Bréholles,  t.  II.  —  Cet  aigle,  qui  abandonne  sa  proie  ailée 
pour  fondre  sur  des  poissons,  était  certainement  un  pygargue. 

(4)  Le  livre  des  prouffits  champeslres  et  rurauLv.  La  première  édition 
française  de  ce  traité  composé  au  xui^  siècle  et  translaté  au  xiV  est 
(le  1486. 

(5)  M.  le  baron  J.  Pichon,  dans  une  excellente  note  du  Mesnagier, 
suppose  que  l'auteur,  comme  plus  tard  G.  Tardif,  ne  fait  que  repro- 
duire if"!  des  détails  donnés  par  de?  fauconniers  orientaux  et  peu  ap- 
plicables à  l'Europe. 


—  147  — 
nourrir  aux  fauconniers  des  princes  plus  qu'on  ne 
fait.  L'aigle  est  si  audacieuse  et  si  puissante,  que,  si  elle 
se  courrouçait  contre  son  fauconnier,  elle  pourrait  le 
blesser  dangereusement  au  visage;  aussi,  pour  l'avoir 
bonne  la  faut-il  prendre  au  nid,  l'apprivoiser  avec 
soin  et  l'accoutumer  avec  les  chiens  courants.  Pour 
chasser  avec  l'aigle  dressé,  on  le  mettait  à  mont,  il 
suivait  les  chiens  en  volant,  et,  lorsque  ceux-ci  avaient 
levé  un  lièvre,  un  renard  ou  un  chevreuil,  l'aigle  fai- 
sait sa  descente  sur  lui  pour  l'arrêter.  On  va  jusqu'à 
prétendre  qu'un  aigle  a  pu  arrêter  un  loup  et  le 
prendre  avec  l'aide  des  chiens  (1). 

De  Thou,  qui  a  traduit  ces  mêmes  détails  en  beaux 
vers  latins,  ajoute  que  de  son  temps  on  avait  renoncé 
dans  nos  climats  à  se  servir  d'aigles  dressés  pour  la 
chasse,  à  cause  de  leur  pesanteur  et  de  leur  férocité. 
Mais  le  Grand-Turc  chassait  encore  quelquefois  avec 
des  aigles,  dont  chacun  était  porté  sur  un  brancard 
par  deux  fauconniers  (2). 

D'Arcussia  raconte  la  mésaventure  d'un  gentil- 
homme provençal  qui  s'était  donné  beaucoup  de 
peines  pour  affaiter  un  aigle,  et  qui  ne  recueillit  que 
des  railleries  quand  il  voulut  en  faire  hommage  à 
Henri  IV. 


(1)  Tardif.  —  Belon.  —  Recueil  de  tous  les  oiseaux  de  proie  qui  ser- 
vent à  la  volerie  et  à  la  fauconnerie  (par  Guillaume  Bouchet).  1567. 
—  On  dressait  aussi  un  petit  aigle  qui  volait  la  grue  et  le  canard. 

(2)  Toutes  les  chasses  avec  l'aigle  ont  surtout  eu  l'Orient  et  l'Afrique 
pour  théâtre.  Les  fauconniers  musulmans  volaient  avec  des  aigles  di- 
vers quadrupèdes  de  grande  taille.  Ces  chasses  se  font  encore  chez  les 
Kirghiz  et  les  Tartares  de  la  Boukharie.  Voir  les  Voyages  de  Marco 
Polo,  de  Léon  l'Africain  etdePallas. 


—   1 18  — 

A  quelles  espèces  appartenaient  les  aigles  employés 
à  la  chasse  par  les  fauconniers  européens?  Guillaume 
Bouchet  nous  répondra  que  de  son  temps  on  ne  con- 
naissait pour  la  fauconnerie  que  l'aigle  fauve,  qui  est 
l'aigle  royal  (1),  et  le  noir  (2). 

Tardif  et  de  Thou  y  joignent  l'aigle  roux,  marqué 
de  blanc  sur  la  tête  et  le  col,  qui  doit  être  un  py- 
gargue  (3)  ou  aigle  de  mer,  oiseau  que  nous  venons 
de  voir  dressé  à  voler  les  oiseaux  de  rivière  dès  le 
xn*'  siècle. 

Le  premier  parle  aussi  d'une  distinction  établie  par 
les  Orientaux  entre  l'aigle  zumach,  qui  prend  le  lièvre, 
le  renard,  la  gazelle,  et  le  zemiech,  qui  prend  la  grue 
et  oiseaux  plus  moindres. 

Outre  ce  qu'ils  ont  dit  sur  les  vols  de  l'aigle,  les  an- 
ciens auteurs  ont  nommé  parmi  les  oiseaux  chasseurs 
Valérion  et  le  milion. 

L'alérion  est  souvent  cité  dans  les  poésies  des  xii* 
etxni''  siècles  pour  sa  force  et  sa  vélocité  (4).  Jean  de 
Salisbury  (mort  évoque  de  Canterbury  en  1180)  dit 
que  l'aigle  est  le  roi  de  tous  les  oiseaux,  à  l'exception 


(1)  AquHa  Cliri/saëlos. 
{'!)  AquUafresca. 
(^3)  Aquila  irijcjargiis. 

{'\)  V  Si  liniit  li  coiis  (coup)  cemme  .ilerioii. 

{Li  coronpincnl  Looys.) 

Tout  ainssin  le  rodoulilent  com  Jjostn  le  lion 
Et  com  font  li  oisel  le  fort  alerion. 

{Ciirart  de  llassiUun.) 

Voir  Cai'pentier,  Ginss.,  \"  Akirio,  et  le  Dicl.  <lc  la  lunf/ur  française 
de  M.  I.iltrt'-,  v"  Alerion. 


—  149  — 
de  l'alérion,  qui  est  peut-être  la  plus  puissante  espèce 
d'aigle  (1).  Guillaume  de  Machaut  a  composé,  au 
xiv''  siècle,  un  poëme  intitulé  le  Dit  de  Valerion,  oii  il 
célèbre  les  mérites  d'un  de  ces  oiseaux,  appartenant 
A  un  Roi  de  France,  qu'il  ne  nomme  pas  (2),  et  excel- 
lent jmur  rivière.  Cet  alérion  était  évalué  au  prix  ex- 
travagant de  500  écus  (3).  Gace  de  la  Buigne,  à  peu 
près  contemporain  de  Machaut,  nomme,  en  passant, 
l'alérion  comme  un  oiseau  de  chasse  estimé  et  fort 
rare  deçà  la  mer  (4). 

Gace  met  les  milions  à  côté  de  l'alérion,  et  dit,  de 
même  quih  ne  sont  pas  communément  devers  les  parties 
tf'occiV/m^  et  qu'ils  viennent  d'oulre-mer.  Il  ajoute  que: 

Les  milions  prennent  les  grues 

Et  oës  grosses  et  menues. 

De  plumaige  à  l'aigle  ressemblent 

Mais  plus  gens  et  plus  petiz  semblent  (5). 

Par  son  testament  (1406),  le  connétable  Olivier  de 


(1)  Ibidem.  —  L'«/t7"ton  paraît  avoir  été  le  même  oiseau  que  ïaefion 
dtes  Grecs,  dont  le  faux  Symmachus  loue  la  force  et  le  courage. 

(2)  Probablement  Charles  "V,  fort  amateur  de  fauconnerie  et  curiou.\ 
d'oiseaux  exotiques. 

(3)  Il  est  impossible,  même  approximativement,  de  donner  l'équi- 
valent de  cette  somme  en  monnaie  actuelle,  la  valeur  des  écus  ayant 
sans  cesse  varié  pendant  le  xiv  siècle  ;  mais  elle  ne  pouvait  être  qu'é- 
norme, l'éeu  d'or  ayant  été  au  moins  la  65^  partie  d'un  marc  d'or  pen.- 
dant  cette  période. 

(4)  En  ta  cour  les  faces  porter 
Car  pou  en  a  deçà  la  mer. 

(5)  Néantmoins,  dit  encore  le  même  auteur  : 

. .  .N'en  déplaise  au  riiilion 
11  n'est  vol  ne  mes  df^  faulcon. 


—  150  ~ 
Clisson  lègue  ;»  son  gendre  Alain,  vicomte  de  Rohan, 
son  milion  et  le  cheval  monté  par  le  fauconnier  qui 
régit  ledit  milion  (1). 

S'il  faut  en  croire  Guillaume  Tardif,  l'oiseau  appelé 
en  langue  latine  milion,  en  langue  arabique  ziimmach, 
en  syriaque  meapcm,  en  grecque  philadelphe,  est  un 
aigle  ayant  blancheur  sur  la  teste  ou  sur  son  dos. 

Dans  un  traité  de  fauconnerie,  composé  en  langue 
toscane  au  xiv^  siècle  (2),  il  est  parlé  de  certains  fau- 
cons appelés  meleoni  qui  sont  de  grande  taille;  ils  ont 
les  plumes  de  la  poitrine  rouges,  à  la  façon  des  au- 
tours, et  les  pieds  velus.  Ces  wïeleo?ii  sont  de  beaucoup 
de  hardiesse  et  combattent  les  grands  oiseaux. 

Du  témoignage  formel  de  Gace  de  la  Buigne  et  de 
Tardif,  du  nom  de  zummach  et  des  tarses  em plumés 
(lu  milion,  on  peut  conclure  que  c'était  certainement 
un  aigle,  plus  petit  et  plus  docile,  mais  aussi  coura- 
geux que  l'aigle  royal.  Quanta  l'espèce,  il  est  fort  dif- 
licile  de  la  déterminer.  Il  faut  croire  que  c'est  une  de 
celles  qui  habitent  le  continent  asiatique  et  qui  sont 
encore  mal  connues. 

Un  auteur  anglais  du  xvu^  siècle  a  classé  les  oi- 
seaux chasseurs,  par  ordre  de  mérite,  de  la  manière 
suivante  : 


f\)  Stmm  inilionrm.  vulr/urUer  son  milion....  (Ducaiig..  v  Milio.} 
On  a  confondu  à  tort  lo  milion  et  le  milan.  Dans  la  fable  de  La  Fon- 
I  line  intitulée  :  Le  fiai,  le  )nila.n  et  te  chasseur,  co  mitan  qui  saisit  si 
lirutalement  le  nez  des  gens,  et  dont  Vo/failaf/e  est  donné  comme  le 
non  plus  ulln'i  cl    lu  fauconnerie,  pourrait  bien  élre  un  iiiilion. 

''1)  Serittiire  nntirhe  Toscane  rli  l-'niconerifi. 


—  151   — 

L'aigle,  le  vaulour  (1)  et  rémerilloii,  pour  un  Em- 
pereur; 

Le  gerfaut  et  son  tiercelet,  pour  un  Roi; 

Le  faucon  gentil  et  le  tiercelet  gentil,  pour  un 
prince; 

Le  faucon  de  roche,  pour  un  duc; 

Le  faucon  pèlerin,  pour  un  comte; 

Le  bâtard,  pour  un  baron  ; 

Le  sacre  et  le  sacret,  pour  un  chevalier; 

Le  lanier  et  le  laneret,  pour  un  écuyer; 

L'émerillon,  pour  une  dame  ; 

Le  hobereau,  pour  un  jouvenceau  ; 

L'autour,  pour  un  fermier  (xjeoman)  (2)  ; 

Son  tiercelet,  pour  un  pauvre  homme; 

L'épervier,  pour  un  prêtre; 

Le  mouchet  [musket] ,  pour  un  donneur  d'eau  bé- 
nite; 

La  crécerelle,  pour  un  va.\ei(knave]  (3). 


(1)  VuHure.  —  On  entend  apparemment  par  ce  mot  quelque  espèce 
d'aigle,  car  jamais  aucun  véritable  vautour  n'a  pu  être  dressé  pour  la 
chasse. 

(2)  L'yeoman  était  plutôt  un  petit  propriétaire  rural,  non  noble. 

(3)  Besi's  Irealise  on  Hawkinq.,\^Vi. 


CHAPITRE  III. 


Capture,  armement,  éducation  et  hygiène  des 
oiseaux  chasseurs. 


•  Il  existait  trois  manières  diflerenles  de  se  procurer 
des  oiseaux  de  chasse. 

On  les  achetait  tout  élevés  ;  on  les  dénichait  jeunes 
dans  l'aire,  ou  on  les  prenait  adultes  au  passage. 

Dans  le  premier  cas ,  il  suffisait  de  s'adresser  aux 
marchands  ou  catjiers.  Comme  nous  avons  eu  déjà  oc- 
casion de  le  dire,  ce  commerce  était  considérable,  on 
apportait  en  France  des  oiseaux  de  toutes  prove- 
nances, de  Flandre,  d'Allemagne,  de  Russie,  de 
Suisse,  de  NorAvége,  d'Italie,  de  Sicile,  de  Corse,  de 
Sardaigne,  des  Baléares,  d'Espagne,  de  Turquie,  de 
l'Archipel,  d'Alexandrie,  de  Barbarie  et  même  des 
Indes  (1). 


(I)  Brlon.  —  D'Airu^sia. 


—  153  — 
Les  oiseaux  d'oric;inc  urienlale  étuienl  apportés  par     Mirtiiainis 

o  _  ;  d'oiseaux. 

des  marchands  grecs  et  vénitiens  ;  les  Hollandais  , 
les  Flamands  et  les  Allemands  avaient  le  monopole 
du  commerce  des  oiseaux  venant  du  Nord(I). 

Ces  derniers  parcouraient  d'abord  les  cours  d'Alle- 
magne, puis  se  rendaient  à  Bruges,  et  de  là  à  Paris. 
De  Paris,  ils  retournaient  ensuite  dans  le  Brabant, 
allaient  du  Brabant  en  Angleterre,  et  d'Angleterre  en  ' 
Espagne  (2). 

Les  Flamands  jouissaient  d'une  haute  réputation 
pour  l'éducation  qu'ils  donnaient  aux  oiseaux  chas- 
seurs. Ils  excellaient  aussi  à  les  prendre  passagers  (3). 
On  prétend  que,  du  temps  de  Louis  XIII,  des  sei- 
gneurs français  envoyaient  leurs  fauconniers  dans  les 
Pays-Bas  pour  y  apprendre  leur  art  (4). 

Pour  se  procurer  des  oiseaux  niais,  les  anciens  fau-  oiseaux  niais. 
conniers  avaient  grand  soin  de  rechercher  les  aires  et 
de  les  surveiller  en  attendant  le  moment  d'enlever  les 
jeunes  oiseaux.  Ces  aires  furent  de  tout  temps  l'objet 
d'une  jalouse  sollicitude.  Les  anciennes  lois  germa- 
niques défendent  d'enlever  les  aires  dans  une  forêt  à 
moins  d'être  du  nombre  de  ceux  qui  en  avaient  la 


(1)  Voir  les  Comptes  do  François  I"'. 

(2)  Pedro  Lopez  de  Ayala,  cité  par  M.  le  baron  J.  Piclion  dans  une 
note  du  Mesnagier  (xiv«  siècle). 

(3)  Adolphe  Yan  der  Aa,  grand  fauconnier  des  Pays-Bas,  l'ut  envoyé 
])lusieurs  fois  à  François  !'='■  par  la  Reine  Marie  de  Hongrie,  pour  lui 
]»résenter  au  nom  de  son  frère  Charles  V  des  faucons  de  grand  prix, 
dressés  dans  ses  provinces.  (Galesloot.) 

Ci)  Ibid.  D'Arcussia  conteste  le  mérite  des  fiiiironniers  flamands  aux- 
(pii'ls  il  prt-fère  les  Frrincais. 


—  154  — 

jouissance  en  commun  (l).  D'après  une  autre  loi,  le 
maître  d'une  forêt  avait  le  droit  de  reprendre  à  celui 
qui  les  avait  dénichés  les  oiseaux  de  proie  nés  dans 
la  forêt.  Si  ce  propriétaire  était  le  Roi,  le  dénicheur 
payait  2  sols  d'amende  (2). 

Pendant  l'âge  féodal,  on  attachait  aux  aires  d'oi- 
seaux de  proie  plus  de  prix  que  jamais. 

D'anciens  règlements  défendent  de  dénicher  les  oi- 
seaux de  chasse  dans  les  domaines  royaux  et  dans 
ceux  des  seigneurs  hauts-justiciers  sans  la  permission 
des  gens  du  Roi  ou  des  barons.  Un  seigneur,  en  ven- 
dant une  forêt  ou  en  concédant  le  droit  d'y  chasser, 
se  réservait  souvent  les  aires  des  oiseaux  nobles.  On 
interdisait  aux  usagers  d'un  bois  l'entrée  du  canton  où 
se  trouvaient  les  aires  (3). 

En  1484,  le  duc  Charles  d'Orléans  fit  donner  aux 
sergens  de  la  forêt  de  Roulogne  la  somme  de  18  livres 
17  sols  tournois  (4),  pour  leurs  despens  et  paines  d'a- 
voir gardé  nuit  et  jour  les  lasniers  jeunes  estans  en  la- 
dicte  forest.  Les  monleux  qui  avaient  déniché  les  oi- 
seaux reçurent,  en  outre,  11  sols  tournois  (5). 

La  grande  ordonnance  de  1669  défend  encore  à 


(1)  Gommarcham.  (Loi  des  Bavarois.) 

(2)  Capil.  de  Baluze. 

(3)  Code  des  chasses.  —  Ducange,  v"  Aira. 

(4)  La  livre  tournois  pouvait  équivaloir  alors  à  M   francs  de  notrp 
monnaie,  et  le  sol  à  1  fr.  55  c. 

(5)  Louis  el  Clwrifs.  durs  d'Orlcaiis.  —  Ces  firinces  avaient  dt^  plu- 
à  Concy  : 

Haultes  forests  et  estancs  de  plaisance 
Aires  frnis''aul.r.  pars  de  belle  ordcnance. 

(Lnslaclip  Deschamps.) 


—  155  — 

toutes  personnes  de  prendre,  dans  les  forêts  du  Roi, 
aucune  aire  d'oiseaux  è  peine  de  100  livres  d'amende 
pour  la  première  fois,  du  double  pour  la  seconde,  du 
fouet  et  du  bannissement  à  6  lieues  pour  la  troisième 
fois.  Les  sergents  à  garde  des  forêts  où  se  trouvent  les 
aires  sont  chargés  de  leur  conservation  et  en  demeu- 
reront responsables. 

Au  commencement  du  xvni^  siècle  fut  créée,  en  fa- 
veur de  M.  Jean-Claude  Forget,  déjà  capitaine  géné- 
ral des  fauconneries  du  Cabinet  du  Roi,  la  charge  de 
capitaine  des  aires  deRourgogne  et  de  Rresse.  Cet  of- 
fice, dont  les  gages  et  appointements  s'élevaient  à 
1,000  livres,  relevait  du  Roi  seul  ;  le  titulaire  avait 
pour  mission  la  haute  surveillance  des  aires  d'oiseaux 
de  proie  qui  se  trouvaient  dans  les  provinces  dont  il 
avait  charge  et  dont  il  devait  faire  apporter  les  jeunes 
oiseaux  au  Cabinet  de  Sa  Majesté  (1). 

Lorsque  fut  instituée  celte  charge,  indépendante  du 
grand  fauconnier  de  France,  il  existait  depuis  des 
siècles  parmi  celles  auxquelles  pourvoyait  ce  haut 
dignitaire,  des  charges  de  gardes  des  aires  dans  les  fo- 
rêts de  Compiègne  ,  de  Laigue ,  du  val  Drogon  et 
grand  Trempo,  de  Lyons,  d'Andaine,  de  Perseigne, 
Descouves  et  autres  (2). 

Le  grand  fauconnier  commettait  aussi  des  oise- 
leurs de  son  choix  pour  tendre  et  prendre  les  oiseaux 
passagers  en  tous  lieux,  plaines  et  buissons  des  do- 


(Vj  El  ois  (le  la  Fraiirp. 
(-2)  Ibidem. 


—  15G  — 
iimines  de  Sa  Majeslc.  Il  était  défendu  de  tendre  à  ces 
oiseaux  sans  le  congé  du  grand  fauconnier  ou  des  gens 
à  ce  commis. 

Les  fauconniers  et  les  gardes  prenaient  grand  soin 
de  reconnaître  les  lieux  où  les  oiseaux  de  proie  fai- 
saient leur  aire  au  commencement  du  printemps;  ils 
y  montaient  de  temps  en  temps  avec  des  lirefonds  et 
autres  inventions  pour  examiner  l'état  des  petits  ;  en- 
fin, lorsque  ceux-ci  étaient  couverts  de  duvet  blanc 
et  que  les  grosses  plumes  commençaient  à  leur  pous- 
ser, ils  les  enlevaient  de  l'aire,  malgré  la  résistance 
désespérée  des  pairons  (t),  et  les  emportaient  dans  des 
paniers  (2).  On  faisait  beaucoup  moins  de  cas  des 
jeunes  oiseaux  branchiers,  c'est-à-dire  ayant  déjà  quitté 
l'aire,  mais  encore  incapables  de  s'envoler  et  de  pour- 
voir à  leur  nourriture  (3). 

Aussitôt  que  les  oiseaux  niais  étaient  pris,  on  les 
emportait  à  la  fauconnerie  et  on  leur  attachait  des 
sonnettes  aux  pattes. 

Quelquefois  on  les  élevait  au  taquet,  c'est-à-dire 
qu'on  les  laissait  en  pleine  liberté,  en  les  accoutu- 
mant, quand  l'heure  de  paître  était  arrivée,  à  revenir 
au  bruit  qu'on  faisait  en  frappant  sur  une  planche  (4). 


(1)  Parents,  en  style  de  fauconnerie. 

(2)  Soi  incourt. 

(3)  Gommer  de  Luzancy  recoinmande  cependant  d'aller  (luérir  des 
autours  branchez  à  la  mi-juillet.  «  Il  est  très-nécessaire  que  le  gen- 
tilhomme qui  ayme  les  oyseau.x  y  envoyé  (sans  le  sceu  de  la  femme  > 
s'il  y  en  a  une,  qui  ne  desgaigne  pas  volontiers,  comme  la  pluspart  en 
sont  logées  là)  deux  garsons  garnis  «le  )>on  argent,  forts,  roides,  et 
entendus  au  mestior. 

(■'i)  Sôlincourt. 


•     -   157  - 

Souvent  les  jeunes  oiseaux  étaient  logés  dans  un 
tonneau  défoncé  d'un  bout,  ou  dans  une  hutte  de 
paille  placée  sur  un  mur  ou  sur  un  arbre  peu  élevé. 

Dans  les  grandes  fauconneries,  on  les  déposait  dans 
un  cabinet  à  fenêtres  grillées. 

Dans  tous  les  cas,  on  les  nourrissait  abondamment 
de  viande  de  mouton,  de  volaille,  de  chiens  et  de 
chats  nouvellement  nés,  etc. 

Au  bout  de  trois  semaines  environ,  les  niais  com- 
mencent à  monter  à  Fessor  et  à  se  jouer  entre  eux. 
Ceux  qu'on  a  élevés  en  liberté  essayent  de  poursuivre 
les  hirondelles  et  les  chauves-souris.  C'est  le  moment 
de  les  prendre  pour  commencer  leur  éducation,  ce 
qui  se  fait  avec  un  filet  ou  un  piège  qui  ne  puisse  les 
blesser. 

Les  oiseaux   adultes   sont   pris  le  plus    souvent      oiseaux 
passagers  à  l'aide  de  diverses  sortes  de  rets  et  de 
pièges  (1). 

Le  plus  usité  est  le  filet  à  alouette.  L'oiseleur  tend 
son  filet  et  se  tient  caché  dans  une  cabane  de  feuil- 
lages, d'oii  il  peut  faire  voltiger  un  pigeon  vivanl,  at- 
taché au  bout  d'une  ficelle.  Une  pie-grièche,  retenue 
près  du  filet  au  moyen  d'un  pefit  corselet,  indique  par 
ses  mouvements  l'espèce  des  oiseaux  de  proie  qui 
passent  en  l'air.  Si  c'est  un  oiseau  lourd  et  peu  dan- 


(1)  Albert  le  Grand  donne  des  détails  fort  curieux  sur  les  diverses 
manières  employées  de  son  temps  pour  prendre  les  faucons  passagers. 
Il  les  tenait  d'un  vieux  fauconnier,  qui  vivait  depuis  longues  années 
sur  les  sommets  les  i)lus  escarpés  des  Alpes  pour  se  livrer  à  cette  in- 
dustrie. (De  aniinaiibiis,  lih.  XXTIl,  rnp.  8.) 


passagers. 


—  158  — 

gereux,  la  pie-grièche  n'en  lient  compte;  mais  l'appa- 
rition d'un  oiseau  noble  lui  cause  une  telle  frayeur, 
qu'elle  se  précipite  vers  la  loge  pour  s'y  cacher. 

Dès  que  l'oiseleur  a  connaissance  d'une  proie  digne 
de  lui  par  l'agitation  de  sa  pie-grièche,  il  lance  son 
pigeon,  puis  le  retire  à  lui  avec  la  ficelle.  L'oiseau 
chasseur  fond  sur  le  pigeon  et  s'abat  au  milieu  du 
filet,  dont  l'oiseleur  foit  aussitôt  jouer  les  panneaux. 
Parfois  un  vieux  faucon  de  chasse,  hors  de  service, 
sert  à  attirer  ses  congénères.  On  l'attache  au  bout 
d'une  gaule  pliante,  fichée  en  terre,  et  l'oiseleur,  du 
fond  de  sa  cachette,  courbe  vers  le  sol  à  l'aide  d'une 
filière,  l'extrémité  de  celle  gaule.  Le  faucon  sauvage 
croit  voir  un  oiseau  de  son  espèce  s'abatlant  sur  une 
proie,  fait  sa  descente  sur  lui  pour  le  détrousser  et  se 
jette  dans  le  piège. 

On  prenait  encore  les  oiseaux  chasseurs  avec  des 
filets  nommés  araignées ,  suspendus  à  des  arbres  de 
façon  à  former  une  espèce  de  chambre  ouverte  d'un 
côté,  ou  salon.  En  face  de  l'entrée  du  salon,  deux 
billots  étaient  placés  à  100  pas  de  dislance  l'un  de 
l'autre;  entre  ces  billots,  une  corde  était  tendue  à  la- 
quelle on  attachait  un  duc.  Cet  oiseau  nocturne  était 
dressé  à  voler  d'un  billot  sur  l'autre.  Le  chasseur  se 
tenait  caché  dans  une  hutte  voisine  du  salon. 

Quand  passait  un  oiseau  de  proie,  le  duc  le  signalait 
en  baissant  la  tête  et  en  tournant  le  globe  de  l'œil  vers 
le  ciel  et  venait  se  poser  sur  le  billot  le  plus  voisin  du 
salon.  Le  rapace,  emporté  par  la  haine  que  tous  les 
oiseaux  portent  à  leur  ennemi  nocturne,  se  précipitait 
vers  le  duc  et  se  jellait  dans  les  filets,  qui  étaient  ar- 


—  159  — 

rangés  de  manière  à  tomber  au  moindre  clioc  el  à  en- 
velopper l'imprudent. 

Cette  méthode  était  surtout  en  usage  dans  le  nord 
de  l'Europe. 

On  s'emparait  aussi  des  faucons  passagers  au  moyen 
d'un  pigeon  vivant  attaché  au  bout  d'une  ficelle  en- 
gluée ou  avec  une  peau  de  lièvre  engluée ,  qu'on 
traînait  dans  une  raie  de  champ  bordée  de  gluaux 
des  deux  côtés. 

Enfin  on  lâchait  des  faucons  dressés  auxquels 
étaient  attachées  des  pelotes  de  laine  recouvertes  de 
plumes,  grosses  comme  des  perdreaux  et  garnies  de 
nœuds  coulants  en  crin  de  cheval.  Le  passager, 
croyant  voir  les  oiseaux  privés  charrier  une  proie,  al- 
lait à  eux  pour  la  leur  arracher,  s'empêtrait  dans  les 
lacs  et  tombait  à  terre  (1). 

Aussitôt  que  le  passager  était  captif,  on  l'envelop- 
pait d'un  linge  nommé  chemise-,  on  émoussait  ses 
serres  et  on  lui  couvrait  la  tête,  puis  on  l'emportait 
à  la  fauconnerie  pour  procéder  à  son  armement  et 
commencer  son  affaitage. 

L'armement  d'un  oiseau  de  chasse  se  compose  des    Arm.ment 
sonnettes,  du  chaperon  et  des  jets  avec  leurs  ver- 
velles. 

Les  sonnettes  ou  grelots,  dont  l'oiseau  niais  a  été 
armé  dès  le  moment  où  il  est  entré  dans  la  faucon- 
nerie, étaient  en  métal  doré  ou  argenté,  très-légères 


(I)  Sur  les  diverses  manières  de  prendre  les  oiseaux  de  proie,  voir 
Sèlincourl.  —  '[îEncijrlopédip.  —  Clienu.  —  Srhletrel. 


—   IGO  — 

et  Irès-sonorcs.  Les  plus  estimées  se  ftibriquaieiit  à 
Milan  (1). 

Quelquefois  on  n'attachait  qu'une  sonnette  à  la 
main  gauche  de  l'oiseau  ou  aux  pennes  de  sa  queue  (2). 
Ce  système  n'était  guère  usité  en  France,  où  l'on  met- 
tait d'ordinaire  une  sonnette  à  chaque  main.  Ces  son- 
nettes étaient  fixées  aux  tarses  avec  de  petits  liens  de 
cuir  placés  au-dessus  des  jets. 

Les  jets  sont  des  courroies  d'environ  4  pouces 
(O^jlOS)  de  longueur,  en  peau  de  chien,  de  cerf,  de 
chèvre  ou  de  chien  de  mer,  qui  sont  passées  aux 
jambes  de  l'oiseau  avec  un  nœud  coulant.  A  l'extré- 
mité opposée  des  jels  sont  fixés  deux  anneaux  plats  de 
métal,  nommés  vervelles,  sur  lesquels  sont  gravés  le 
nom  ou  les  armes  du  maître  (3).  La  longe,  qui  servait 
à  retenir  le  faucon  captif  sur  sa  perche,  était  passée 
dans  ces  vervelles  (4). 


(1)  Septembre  1398,  100  sols  parisis  pour  50  paires  de  sonnettes  de 
la  façon  de  Milan,  pour  csperviers.  (Comptes  du  duc  d'Orléans.) 

Sonnettes  dorées  pour  les  oiseaux  de  mon  dict  seigneur  à  3  sols, 
2  sols  et  12  deniers  la  pièce.  (Ibid.) 

Pour  9  douzaines  de  sonnettes  pour  les  oiseaux  de  la  chambre,  GO  sols 
tournois.  (Comptes  de  Louis  XL) 

(2)  Frédéric  IL  —  Les  Hollandais  et  les  Anglais  ont  conservé  l'habi- 
tude de  n'attacher  qu'une  sonnette  à  la  patte  ou  ù  la  queue  de  leurs 
oiseaux.  (Voir  Schlegel  et  Freeman.) 

(3)  Du  temps  de  l'Empereur  Frédéric  II,  on  se  servait  en  guise  de 
vervelles  de  mailles  de  haubert.  —  Pour  avoir  fait  tailler  et  graver  les 
armes  de  Monseigneur  et  son  mot  sur  ycelles  vervelles,  4  fr.  1/2. 
(Comptes  des  ducs  de  Bourgogne.) 

Au  XIV*  siècle  les  vervelles  des  oiseaux  du  Roi  étaient  émaillées  aux 
armes  de  France.  (Laborde,  Glossaire.) 

Sous  Louis  XV,  elles  portaient  gravée  celte  inscrii)lion  :  «  Je  suis  au 
Roi.  »  {Encyclopédie,  planches.) 

(4)  11  n'y  avait  souvent  qu'une  vervelle,  on  les  deux  Jets  venaient  se 
réunir. 


—  161   — 

Souvent,  pour  empêcher  les  jels  el  la  longe  de  s'en- 
rouler, on  interposait  entre  eux  nn  touret,  composé 
de  deux  anneaux  de  métal,-  tournant  l'un  sur  l'autre. 
Les  vervelles  entraient  dans  un  de  ces  anneaux  et  la 
longe  passait  dans  l'autre  (1). 

Avant  les  croisades,  le  chaperon  était  inconnu  des 
fauconniers  européens;  ils  en  empruntèrent  l'usage 
aux  Sarrasins.  Au  lieu  de  chaperonner  l'oiseau,  pour 
commencer  son  éducation  on  le  cillait,  c'est-à-dire 
qu'on  passait  un  fil  dans  chacune  de  ses  paupières 
inférieures  et  qu'on  réunissait  les  deux  bouts  du  fil 
au-dessus  de  la  tête  ;  de  cette  façon,  l'oiseau  ne  pou- 
vait plus  voir  qu'en  haut  et  en  avant.  Ce  procédé 
était  encore  employé  au  xvni*  siècle  pour  des  oiseaux 
très-sauvages  et  difficiles  à  afîaiter  (2). 

Les  premiers  chaperons,  semblables  à  ceux  des  fau- 
conniers orientaux,  étaient  de  cuir  et  se  terminaient  en 
pointe  vers  l'occiput;  à  cette  pointe  se  rattachait  une 
courroie  qui  descendait  le  long  du  dos  de  l'oiseau  jus- 
qu'à l'extrémité  des  pennes  de  la  queue  et  servait  à 
mettre  et  à  retirer  le  chaperon  (3). 

Cette  courroie  fut  remplacée  plus  tard  par  ce  qu'on 
appelait  la  cornette  ou  le  tiroir.  C'était  une  aigrette  en 


(1)  Le  touret  est  décrit  par  Frédéric  II  sous  le  nom  de  lornetum. 

(2)  Frédéric  II,  dans  son  latin  baroque,  se  sert,  pour  exprimer  cette 
opération,  du  mot  de  bluirc,  évidemment  dérivé  du  français  éblouir, 

(3)  Frédéric  II.  —  Les  Allemands  se  servaient  encore  de  ces  cha- 
perons à  queue  au  commencement  du  xvr  siècle,  (Voir  les  gravures 
du  Weiss  Kunig.) 

III.  \\ 


—  102  — 

cuir,  ornée  de  plumes,  qui  surniDnlail  le  cliaperun  et 
servait  aux  mêmes  usages  (1). 

Toutes  les  pièces  de  l'armement  du  faucon  étaient 
souvent  ornementées  avec  un  luxe  extravagant.  Les 
chaperons,  les  jets,  les  longes  étaient  brodés  d'or  et 
de  perles  (2).  Les  cornettes  des  oiseaux  du  Roi  étaient 
empanachées  de  plumes  d'oiseau  de  paradis  (3);  les 
lourets  d'or,  garnis  de  pierreries.  Les  sonnettes  et  les 
vervelles  d'argent  doré  n'étaient  point  chose  rare  chez 
les  princes  et  les  grands  seigneurs  du  moyen  âge  (4). 
Perles ,  pierres  fines  et  broderies  d'or  et  d'argent  bril- 
laient sur  les  gants  à  fcmconner  et  sur  les  gibecières  ;  il 
n'était  pas  jusqu'aux  escUssoucres  à  jetter  eau  (5)  et 
aux  fers  servant  à  cautériser  les  oiseaux  malades,  qui 
ne  fussent  en  argent  ou  en  vermeil  dans  les  faucon- 
neries de  nos  Rois  et  des  ducs  de  Rourgogne  et  d'Or- 
léans (0). 


(1)  «  La  cornelte  au  chaperon  est  bonne  pour  un  petit  oysoau  qui  no 
peut  soustenir  la  main  pesante  d'un  lourd  fauconnier,  mais  c'est  chose 
ridicule  entre  gens  de  mestier.  »  (D'Arcussia.) 

(2)  Comptes  des  ducs  de  Bourgogne  et  d'Orléans. 

(3)  Ce  luxe  existait  encore  au  xvni*  siècle.  Voir  r^ncî/c/o/>6V/îe. — Dans 
des  comi)tcs  royaux  du  xiv=  siècle ,  on  trouve  des  perles  de  compte 
(|ue  Madame  la  Rnyne  a  fait  employer  à  de  f/ros  boulons  de  perles,  of- 
ferts au  Roi  et  au  duc  de  Bourgogne,  pour  garnir  et  eslojfer  les  qiez 
de  leurs  l'aurons. 

(/i)  Li  esperviers  avoit  un  giés 

Riches  et  biaus  à  desmesures... 
Si  vous  di  bien  que  li  tores  (touret) 
Tlstoit  clcrs  et  luisans  et  nés  (net). 
D'un  l'ubin  rouge,  che  m'est  vis  (v/sîm?). 
{Roman  de  la  Violet  le). 

(5)  Seringues  servant  à  esclisser  de  l'eau  au  risaçie  de  l'oiseau  pour 
tempérer  sa  foiique.  (Père  R.  F.  Binet.) 

(6)  «  A  Jehan  l'essayeur,  orfèvre  de  mon  dicl  seigneur  (le  duc  d'Or- 


—  ig;5  — 

Le  faucon  armé  était  installé  sur  sa  perche  ou  bloc. 
Celte  perche  ,  posée  transversalement  sur  deux  sup- 
ports, était  élevée  de  -4  pieds  (l^V^O)  au-dessus  du  sol, 
éloignée  de  la  muraille  de  2  pieds  (0°',65)  et  de  gros- 
seur convenable  pour  remplir  les  mains  de  l'oi- 
seau (1).  Elle  était  recouverte  de  drap  (2)  et  quelque- 
fois de  peau  de  lièvre  (3).  Au-dessous,  pendait  une 
toile  de  2  pieds  de  large,  qui  empêchait  l'oiseau  de 
rouler  sa  longe  autour  de  la  perche  et  de  se  blesser 
en  y  restant  suspendu.  Cette  toile,  quelquefois  ornée 
des  armoiries  du  propriétaire ,  était  plus  souvent  en 
drap  noir  uni  (4). 

L'outillement  personnel  du  fauconnier  comprenait 
le  gant,  le  leurre,  la  fauconnière  et  divers  menus  usten- 
siles qu'il  portait  dans  une  trousse  (5). 

Le  gant  qui  préservait  la  main  et  l'avant-bras  (6) 
de  l'atteinte  des  serres  était  de  peau  de  chamois  ou 


léans),  pour  un  fer  d'argent  par  lui  fait,  pour  donner  le  feu  aux  faucons 
de  ma  dicte  dame,  8  s.  G  deniers.  »  (Comptes  de  Blois.) 

Ung  gant  de  velours  vermeil  à  faulconner,  doublé  de  cuir  blanc  et 
au  bout  un  bouton  de  perles  et  une  houppe  de  soye.  (Comptes  de 
Bourgogne.) 

(1)  Encyclopédie,  planches. 

(2)  «  Jehan  de  Millan,  pour  drap  acheté  pour  percher  les  faucons 
de  Monseigneur  Philippe,  17  den.  »  {Comptes  de  Vargenlcrie.) 

(3)  On  mettait  une  peau  de  lièvre  sur  le  bloc  des  émerillons,  crainte 
que  le  froid  ne  leur  endommageât  les  mains  pendant  l'hiver. 

(4)  Comptes  de  Bourgogne.  —  Une  toile  armoriée  figure  dans  un  ta- 
bleau de  Bonifazio  (mort  en  155.3)  dont  la  copie  est  au  palais  des 
beaux-arts. 

(5)  Les  fauconniers  joyeux 

Portent  dessus  le  poing  les  gerfaux  furieux 
Et  les  sacres  hardis,  icy  la  faulconière, 
Et  là  le  leurre  pend,  la  baguette  derrière. 
(Claude  Gauchet.) 
(0)  C'était  oi'dinairi'ment  la  main  droite.  Frédéric  II  dit  qu'on  peut 


—   I6'i  - 

de  cuir  de  cerf  mol  ni  pasteux  (1).  Une  bruchelle,  sus- 
pendiije  au  gant  avec  un  cordon,  servait  au  faucon- 
nier à  manier  et  à  rcsplanier  son  oiseau  (2). 

Le  leîirre  était  un  morceau  de  cuir  rouge  figurant 
grossièrement  un  oiseau  ;  il  était  garni ,  des  deux 
côtés,  d'ailes  de  pigeon.  De  petites  courroies,  qui  y 
étaient  cousues,  servaient,  en  cas  de  besoin,  à  attacher 
sur  le  leurre  des  raorccaux  de  viande  pour  paître  le 
faucon  (3). 

Ordinairement,^]e  leurre  était  suspendu  à  une  laisse, 
avec  un  crochet  de  corne.  Cependant  d'Arcussia  dit 
qu'il  est  mieux  de  le  porter  dans  la  gibecière  ou  à  l'ar- 
çon de  la  selle  (4). 

Cette  gibecière,  dite  aussi  fauconnière,  était  un  sac 
de  treillis,  à  deux  poches,  dont  un  côté  était  à  cou- 
vercle et  l'autre  en  forme  de  bourse.  Il  servait  à  por- 
ter les  menus  ustensiles  du  fauconnier,  des  morceaux 
de  viande  pour  paître  les  oiseaux,  et  même  des  oi- 


porter  l'oiseau  indiiréremment  sur  un  poing  ou  sur  l'autre.  Dans  les 
comptes  de  Vhostd  de  Charles  VI  on  trouve  23  gans  seneslres  délivrés 
à  Tassin  de  Gaucourt,  premier  fauconnier  du  Roy.  (Monteil,  t.  H, 
notes.) 

(1)  6  paires  de  gans  de  chamois  pour  servir  pour  ledit  seigneur  (le 
Roi  Jean),  à  porter  son  esprevier  au  pris  de '23  sols  la  jiaire.  {Comptes 
de  Varfienierie.) 

Gans  de  cuir  de  cerf  pour  autours  au  jiris  de  'i  sols.  —  ((<oniptes  de 
Bourgogne.) 

(2)  Le  Roy  Modus. 

(3)  12  loin'S  à  5  sols  la  pièce.  (Comptes  de  Bourgogne.) 
Ceu.x  de  la  fauconnerie  royale  étaient  fleurdelisés. 

(4)  D'Arcussia.  —  Dictionnaire  de  Trévoux.  —  Pour  porter  les  fau- 
cons, les  fauconniers  se  servaient  encore  d'une  cage  ou  brancard, 
qu'ils  suspendaient  à  leurs  épaules  avec  des  bretelles  de  cuir. 


—  165  — 
seaux  vivants  qui  servaient  à  leur  éducation;  la  fau- 
connière  était  plus  ou  moins  ornée  (1). 

Revenons  à  réducalion  de  nos  oiseaux.  Une  fois  Anaitage. 
armé,  il  s'agit  d'introduire  le  captif,  c'est-à-dire  de 
commencer  sérieusement  son  affaitage.  Un  passager 
récalcitrant  devait  d'abord  être  soumis  au  joug  par  la 
fatigue.  Le  fauconnier  prenait  l'oiseau  sur  le  poing  et 
le  portait  nuit  et  jour,  sans  lui  donner  un  instant  de 
repos  ni  de  sommeil,  le  maniant  et  le  caressant  con- 
tinuellement soit  avec  une  baguette,  soit  avec  une  aile 
de  pigeon,  dite  frist-frast.  Quand  il  était  lui-même 
fatigué,  un  aide  venait  prendre  l'oiseau  sans  lui  don- 
ner de  relâche.  Celle  première  épreuve  durait  ordi- 
nairement trois  jours  et  trois  nuits. 

Quand  l'oiseau  opposait  trop  de  résistance,  on  lui 
lançait  des  jets  d'eau  froide  avec  l'éclissoire,  on  lui 
plongeait  la  tête  dans  un  bassin  ;  on  était  même  quel- 
quefois obligé  de  lui  baisser  le  corps,  c'est-à-dire  de  le 
faire  maigrir  en  diminuant  sa  nourriture  et  en  lui 
donnant  des  viandes  laxalives. 

Lorsque  l'oiseau  donnait  des  signes  de  docilité  et  se 
laissait  couvrir  et  découvrir  la  tête  sans  résistance,  on 
lui  permettait  de  passer  la  nuit  en  repos,  on  lui  don- 
nait sur  le  poing  de  menus  morceaux  de  viande,  dont 
on  augmentait  peu  à  peu  la  quantité,  puis  on  le  paissait 


(1)  "  Pour  drux  gibessières  de  toile  vermeille,  garnies  l'une  de  fers 
de  laiton  doré,  estoffée  d'or  de  Chippre  et  de  soie  de  plusieurs  cou- 
leurs et  l'autre  de  fers  blancs  et  estoffée  de  fil  d'argent  blanc  et  de 
soie  comme  dessus...  pour  servir  à  porter  après  ledit  seigneur  (le  Roi) 
en  caste  saison  de  gibier.  »  (Comptes  de  l'iiygenle rie.)— ^Vrédénc  II  dit 
que  de  son  temps  la  gibecière  se  nommait  carniT  (j-ofiirriu). 


—   166  — 

avec  du  vif,  et,  pour  augmenter  son  appétit,  on  lui 
faisait  avaler  des  cures  ou  petites  pelotes  de  filasse  qui 
faisaient  l'effet  d'un  purgatif. 

Pendant  le  jour,  l'oiseau  était  chaperonné  et  remis 
sur  le  poing,  et  on  le  jardinait,  c'est-à-dire  qu'on  le 
posait  sur  une  motte  de  gazon  dans  la  cour  de  la  fau- 
connerie. Ensuite  on  le  déchaperonnait  et,  en  lui 
montrant  son  pat,  on  l'accoutumait  à  sauter  sur  le 
poing. 

Lorsque  le  faucon  était  suffisamment  assuré  à  cet 
exercice,  on  faccoutumait  à  connaître  le  leurre,  sur 
lequel  on  lui  faisait  prendre  son  pàl,  en  ayant  soin  de 
faire  entendre  un  cri  particulier,  qui  devait  servir 
plus  tard  à  le  rédamer. 

Quand  l'élève  commençait  à  s'habituer  au  leurre,  on 
lui  continuait  ses  leçons  en  rase  campagne,  en  le  tenant 
attaché  avec  une  jQlière  de  20  toises  (40  mètres)  de 
long.  On  lui  présentait  le  leurre  en  le  réclamant  d'a- 
bord à  une  courte  distance,  puis  de  plus  en  plus  loin. 
Toutes  les  fois  que  l'élève  venait  au  leurre,  on  lui 
donnait  un  peu  de  viande  dont  on  lui  laissait  prendre 
bonne  gorge  pour  l'affriander. 

L'oiseau  étant  bien  duit  an  leurre,  on  lui  donnait 
l'escap,  ce  qui  consistait  à  lui  faire  prendre  des  oiseaux 
vivants,  soit  attachés  au  leurre,  soit  volant  au  bout 
d'une  filière,  soit  enfin  en  liberté. 

L'éducation  des  oiseaux  chasseurs  était  complète 
lorsqu'on  leur  avait  fait  voir  et  voler  le  gibier  à  la 
j)0ursuite  duquel  ils  étaient  destinés. 

A  ceux  (jui  devaient  voler  le  héron,  la  grur  ou 
autres  volatiles  de  grande  taille,  ou  faisait  tuer  une 


—  167  — 
dinde  grise  (1),  allachéc  à  un  piquet.  Pour  la  corneille, 
on  donnait  aux  oiseaux  une  poule  noire  ;   pour  le 
milan,  une  poule  rousse,  etc. 

Pour  dresser  les  oiseaux  à  voler  le  lièvre ,  un  pou- 
let vivant  était  enfermé  dans  la  peau  d'un  de  ces  ani- 
maux et  traîné  au  bout  d'une  fdière,  d'abord  par  un 
valet  à  pied,  puis  par  un  homme  à  cheval.  Le  faucon 
fondait  sur  le  faux  lièvre,  et  on  le  laissait  déchirer  le 
poulet  caché  sous  la  peau. 

Après  quelques  jours  de  ces  exercices  préparatoires, 
on  donnait  aux  faucons  la  corneille,  le  milan  ou  le 
héron,  attachés  au  piquet,  les  ongles  émoussés  et  le 
bec  enfermé  dans  une  sorte  d'étui. 

On  passait  ensuite  au  vol  des  mômes  oiseaux  et  du 
lièvre  d'cftcap,  à  la  filière  d'abord,  puis  en  liberté. 

L'affaitage  était  alors  terminé  et  l'on  pouvait  faire 
voler  les  oiseaux  pour  bon. 

Tels  étaient  les  principes  généraux  de  l'éducation 
des  oiseaux  chasseurs.  Dans  l'application,  il  y  avait 
une  foule  de  détails  particuliers  h  chaque  espèce,  sui- 
vant sa  docilité,  l'âge  de  l'oiseau  et  les  conditions  dans 
lesquelles  il  avait  été  pris.  Ainsi  les  gerfauts,  surtout 
les  tiercelets  hagards,  étaient  ceux  dont  l'affaitage  pré- 
sentait le  plus  de  difficulté;  les  oiseaux  pris  passagers 
étaient  naturellement  plus  fiers  et  plus  intraitables 
que  les  branchiers,  et  ceux-ci  que  les  niais. 

L'éducation  des  oiseaux  de  bas  vol  présentait  avec 


(I)  Avant  l'imporlation  des  Llindoii.-,  on  employait  )irobabkinent  um 
paonne  comme  pour  les  chiens.  Voir  d'Areussin. 


—  168  — 

celle  des  oiseaux  de  leurre  quelques  différences  que 
nous  avons  déjà  indiquées  ;  on  ne  les  chaperonnait 
pas,  on  les  dressait  à  revenir  sur  le  poing,  etc.  De 
plus,  comme  l'autour  et  l'épervier  étaient  le  plus  sou- 
vent c\  l'usage  de  simples  gentilshommes  peu  riches, 
leur  affaitage  se  passait  dans  la  cuisine  du  manoir 
plus  fréquemment  que  dans  un  local  à  part. 

La  manière  de  leurrer  et  de  réclamer  les  oiseaux 
constituait  une  partie  assez  importante  de  l'art.  Il  y 
avait  une  façon  particulière  de  huer  et  de  siffler  pour 
faire  revenir  chaque  oiseau,  et  un  cri  différent  pour 
annoncer  le  départ  de  chaque  espèce  de  gibier. 

En  général ,  nos  fauconniers  étaient  ciccusés  d'être 
beaucoup  trop  bruyants  et  de  criailler  jusqu'à  sesgor- 
ger(ï). 

On    réclamait  quelquefois    les    oiseaux  avec   un 
cornet.  Philippe  le  Bon  rappelait  ses  éperviers  avec 
un  pelit  cornet  d'ivoire  garni  d'or  fin  [2). 
Numsdes         Lcs  oîscaux  (\c  chasse  avaicut  leurs  noms  comme 

oiseaux  He        JCS  cllieUS. 

Nous  avons  déjà  donné,  d'après  Claude  Gauchel, 
ceux  des  meilleurs  fiiucons  du  connétable  de  31ont- 
morency.  D'Arcussia  a  pris  soin  de  transmettre  à  la 
postérité  le  nom  de  ses  faucons  Borrasque  et  le  Corse 
et  du  sacre  le  Glorieux.  Eu  suivant  les  chasses  du  Uoi, 
il  avait  vu  les  gerfauts  la  Perle  [qui  estoit  blanc  comme 
un  cygne,  horsmis  lesaisles),  le  (knlilhomme  et  le  Pin- 


(I)  llluslrtilions  sur  ('lutlcuiiihilr 

('?)   (".(impies  ilf  Hoilf^^ii^Hlr. 


chac-se. 


—  169  — 

son  voler  le  héron,  et  les  émerillons  appelés  la  Damoij' 
selle,  le  Moyneau  elle  Fousque,  poursuivre  lecochevis. 

Dans  les  fauconneries  bien  tenues ,  le  nom  de 
chaque  oiseau  était  inscrit  sur  son  bloc ,  comme  on 
inscrit  le  nom  des  chevaux  au-dessus  du  râtelier  dans 
les  grandes  écuries. 

La  chasse  au  vol  avait  son  langage  à  part,  comme  Langa^je 
la  vénerie,  et  les  termes  dont  on  se  servait  dans  l'au-  fauconnerie. 
lourserie  n'étaient  pas  les  mêmes  que  ceux  de  la  fau- 
connerie proprement  dite.  Il  fallait  se  garder  de  les 
confondre,  et  le  fauconnier  qui  se  serait  permis  d'ap- 
pliquer à  ses  nobles  oiseaux  des  termes  d'autourserie 
aurait  fort  risqué  de  se  voir  bafoué,  comme  ayant  pris 
ses  mois  à  la  cuisine  (1).  On  jetait  un  faucon,  mais  on 
lâchait  un  autour.  Le  faucon  liait  sa  proie,  tandis  que 
l'autour  Vempiétait.  Ou  disait  la  main  des  oiseaux  de 
leurre,  le  pied  des  oiseaux  de  poing,  etc.  (2). 

Le  langage  de  la  fauconnerie  a  fourni  à  la  langue 
vulgaire  quelques  locutions  proverbiales  et  métapho- 
riques, comme  désiller  les  yeux,  rendre  gorge,  dé- 
bonnaire (de  bonne  aire  ,  bien  né) ,  leurre,  leurrer, 
niais,  hagard,  madré,  prendre  l'essor,  faire  des  gorges 
chaudes,  etc. 

Une  partie  notable  des  anciens  traités  de  faucon-    ii.Yt;iène  des 
nerie  est  consacrée  à  l'exposition  de  recettes  plus  ou 
moins  baroques  pour  guérir  les  maladies  des  oiseaux, 
et  à  des  dissertations  sans  fin  sur  leur  nourriture  et  le 


(1)  D'Arcussia. 

(2)  Voir  irArcussia  i:l  le  P.  René  François  Binet. 


—   170  — 

régime  qu'on  doit  leur  faire  observer.  Nous  nous  gar- 
derons bien  de  suivre  nos  vieux  fauconniers  dans 
cette  voie,  nous  bornant  à  faire  remarquer  qu'ils 
étaient  complètement  de  l'école  de  M.  Purgon  et  dro- 
guaient impitoyablement  les  malheureux  volatiles  à 
tout  propos  et  même  sans  au  Ire  dessein  que  d'aug- 
menter leur  appétit  et  leur  ardeur.  On  leur  faisait 
avaler  des  cures  et  des  cailloux,  on  les  poivrait,  on  as- 
saisonnait leur  pàt  de  manne,  d'aloès,  de  clous  de 
girofle;  on  les  bourrait  de  pilules  dliiéra,  de  musc,  de 
myrrhe,  de  safran,  de  pilules  blanches,  de  pilules 
douces;  on  les  lavait  avec  de  l'eau  poivrée  ou  de  l'in- 
fusion de  tabac. 

Les  plus  grands  soins  hygiéniques  étaient  donnés 
aux  oiseaux  en  bonne  santé;  en  hiver,  on  les  tenait, 
le  jour  dehors  et  la  nuit  dans  des  chambres  chauf- 
fées. Le  soir,  ils  étaient  déchaperonnés  et  attachés  sur 
la  perche. 

L'été ,  on  \gs  jardhiait  dans  des  préaux  gazonnés  et 
on  les  baignait  au  moins  tous  les  huit  jours. 

Quand  un  oiseau  avait  eu  quelques  pennes  rom- 
pues, les  fauconniers  étaient  fort  habiles  à  lui  en 
ajuster  (ou  enter)  de  nouvelles.  Ils  se  servaient,  pour 
celte  opération  délicate,  de  pennes  provenant  d'indi- 
vidus morts  de  la  même  espèce  (1).  On  les  taillait  en 
biseau  et  on  les  faisait  entrer  dans  la  penne  rompue, 
où  on  les  fixait  au  moyen  d'une  aiguille  plate,  trempée 


(1)  (4)iR'liiucs  ciirifUj'  ciiiiiloyaient  et'  iirocrdé  iioiir  cuIlm'  à  Ifuis 
oiseaux  dos  ])onncs  appartenant  à  (los(>spècf's  (lilféimtt'S  (>t  civ(>r  ainsi 
(1ns  hiparmros  rpii  Icnr  jiaraissaioni  iTiin  flT'i.'l  orijiinai  et  agréable. 


(les 
iiuconnicrs. 


—  171   — 

préalablement  dans  du  vinaigre  ou  du  jus  de  citron, 
ce  qui,  en  oxydant  l'aiguille,  augmentait  la  solidité  de 
l'opération. 

Les  fauconniers  partageaient  avec  les  veneurs  les 
idées  superstitieuses  attachées  à  la  rencontre  d'un  supersuuons 
moine  ou  d'une  fille.  Dans  le  poème  de  Gace  de  la    , 
Buigne,  un  fauconnier  interpelle  fort  irrévérencieuse- 
ment un  moine  qu'il  a  rencontré  en  partant  pour  la 
chasse  : 

Dan  (iluin,  seigneur)  moyne,  Dieu  vous  puisse  huy  nu 
Car  mesliuy  bon  déduit  n'arons 

Depuis  qu'encontré  vous  avons 

De  ribaude,  c'est  très-bonne  encontre, 
Et  qui  preudhomme  encontrera 
Sçachez  jà  bon  déduit  n'aura. 

Ils  avaient  Lien  d'autres  superstitions.  Deudes  de 
Prades,  sur  la  foi  du  preux  ei  puissant  Koi  d'Angleterre. 
Henri  II,  nous  enseigne  que,  lorsqu'on  voit  paraître 
la  première  penne  de  l'oiseau,  il  faut  dire  :  «  Beau 
seigneur  Dieu,  fais  ce  miracle,  tiens  tes  oiseaux  sous 
tes  pieds  :  volatUia,  Domine,  sub  pedibus  luis,  » 

Pour  garantir  vos  faucons  des  attaques  de  l'aigle,  il 
faut  dire  toutes  les  fois  qu'on  va  à  la  chasse  :  «  Le 
lion  de  la  tribu  de  Juda  a  vaincu  ;  vicit  ko  de  tribu 
Juda,  radix  David,  alléluia.  » 

Ces  attaques  des  aigles  préoccupaient  terriblement 
les  fauconniers  provençaux.  D'Arcussia  donne  aussi 
des  prières  latines  pour  adjurer  les  aigles  quand  ils 
paraissent  en  l'air,  et  bénir  de  l'eau  qui  préservera 
les  faucons  de  leur  fureur  (l). 


(\)  b'Ilrrs  (h:  Philuirriix  a  Plitlo/din. 


—  172  — 

Il  raconte  qu'un  de  ses  faucons  fut  tourmenté  pen- 
dant la  nuit  par  des  esprits  malins,  et  qu'il  parvint  à 
l'en  délivrer  en  ayant  recours  aux  prières  et  aux  bé- 
nédictions de  l'Église  (l). 

Cependant,  le  môme  d'Arcussia  se  moque  des  fau- 
conniers qui  n'osaient  pas  aller  à  la  chasse  le  vendredi 
et  se  faisaient  scrupule  de  paître  leurs  oiseaux  de  la 
cinquième,  de  la  septième  et  de  la  neuvième  perdrix. 
«  Ce  sont,  dit-il,  opinions  folles.  » 


(1)  Lettres  de  PliUoiérax  à  Philofcilco. 


CHAPITRE   IV. 
Vols  divers  de  la  fauconnerie  et  de  l'autourserie 


Les  diverses  chasses  ou  vols  pour  lesquels  on  dres- 
sait des  oiseaux  de  proie  se  divisaient,  comme  nous 
avons  déjà  eu  l'occasion  de  le  faire  remarquer,  eu 
deux  classes  bien  distinctes ,  les  hauts  vols  ou  vols  de 
la  fauconnerie,  et  les  bas  vols  ou  vols  de  l'autourse- 
rie (1). 

Les  premiers  étaient  considérés  comme  beaucoup 
plus  nobles  et  plus  intéressants  que  les  autres,  et  les 
fciuconniers  affectaient  pour  les  autoursiers  le  plus  pro- 
fond mépris.  Le  nom  de  ces  derniers  était  même  de- 


(1)  Quelques  anciens  auteurs  divisent  la  chasse  au  vol  en  haule  vo- 
lerie,  c'est-à-dire  la  chasse  du  milan  et  du  héron,  et  basse  volerie  qui 
comprend  les  chasses  qu'on  fait  au  lièvre,  aux  perdrix,  aux  canards 
et  à  tout  autre  gibier,  soit  avec  les  oiseaux  de  haut  vol,  soit  avec  coux 
de  bas  vol.  (Schlegel.) 


—  174  — 
venu  uno  injure  parmi  leurs  orgueilleux  rivaux.  0"tind 
on  veut  se  moquer  d'un  fauconnier,  selon  Gace  de  la 
Buigne  on  dit  :  «  Esgard!  quel  aulrucier  (1)  !  » 

Les  infortunés  auloursiers  répondaient  en  vain 
que  les  autours  étaient  beaucoup  estimés  partout,  que 
les  chasseurs  des  provinces  les  réputaient  de  très-bons 
oiseaux,  ayant  obtenu  par  leurs  services  le  nom  ho- 
norable de  preneurs,  que  même  des  princes  en  fai- 
saient cas.  Ils  n'étaient  guère  écoutés,  aussi  cher- 
chaient-ils à  se  venger  en  jouant  aux  fauconniers  les 
plus  méchants  tours  (2). 

On  trouve,  dans  d'Arcussia,  le  récit  assez  comique 
d'une  querelle  entre  fauconnier  et  autoursier. 

Un  seigneur  de  son  voisinage  avail  un  glorieux  fau- 
connier, qui  croyait  que,  s'il  eut  traité  un  autour,  il 
eût  dérogé  à  sa  réputation  (erreur  commune  parmi  les 
valets  de  chasse  aujourd'hui,  dit  d'Arcussia).  Cet  ar- 
rogant porteur  d'oiseaux  accablait  de  ses  mépris  un 
autoursier  qui  servait  un  gentilhomme,  proche  parent 
de  son  maître  et  grand  amateur  de  basse  volerie.  Ces 
deux  hommes  se  défièrent  à  qui  ferait  mieux  faire  à 
ses  oiseaux,  et  dressèrent  leurs  batteries  en  consé- 
quence. 

Le  fauconnier  accoutuma  deux  faucons  niais  à  frap- 


(1)  Voir  la  note  D  à  la  lin  de  ce  volume. 

(2)  Gommer  de  Lnsancy  ajoute  à  ces  arguments  en  laveur  de  l'au- 
tourserie  l'observation  suivante  :  «  Chacun  conuoist  que  l'autoursicr 
peut  entrer  dedans  la  maison  du  Roy  pour  reprendre  son  oyseau,  s'il 
y  est  chu  sur  son  gibier  ou  autrement,  comme  aupsi  de  volei-  les  per- 
drix par  tout  pays,  sans  contredit.  » 


—  175  — 

per  en  passant  un  leurre  couleur  de  chair,    (ju'il 
raettait  sur  sa  tête  et  auquel  il  attachait  leur  pût. 

L'autoursier  avait  apprêté  un  gros  autour  pillard , 
qui.  lorsqu'il  avait  empiété  un  perdreau,  sautait  au 
nez  de  celui  qui  voulait  le  prendre. 

Au  jour  dit,  chacun  monte  à  cheval  pour  voir  l'é- 
preuve,. Le  fauconnier  et  l'autoursier  chevauchaient 
au  premier  rang,  vêtus  de  balandrans  (1)  de  semblable 
couleur.  Au  partir  du  logis,  le  fauconnier  quitte  son 
balandran,  sous  prétexte  de  la  chaleur.  L'autoursier, 
homme  âgé  et  chauve,  continue  son  chemin,  vêtu  de 
son  balandran,  la  tête  nue,  suivant  sa  coutume,  et  son 
chapeau  pendant  à  un  cordon  sur  le  dos.  On  crie  : 
«  Guairo  (2)!  »  L'autoursier,  qui  devait  voler  le  pre- 
mier, ouvre  la  main  et  lâche  son  oiseau.  Le  faucon- 
nier ayant  aussitôt  pris  les  devants,  comme  les  glo- 
rieux font  toujours ,   l'autoursier  dit  à  son   maître  : 
«  iMonsieur,  si  vous  piquez,  vous  aurez  du  plaisir, 
car  mon  autour   va  empoigner  le  nez  du   faucon- 
nier. »  Le  seigneur,  voulant  empêcher  l'exécution  de 
cette  mauvaise  plaisanterie,  part  à  toute  bride;  «  mais 
il  ne  sceul  arriver  si  tost  qu'il  ne  trouvast  que  l'au- 
tour qui  avoit  empiété  le  perdreau   ne  l'eust  desjà 
quitté  pour  s'accrocher  au  nez  du  fauconnier,  lequel, 
bien  qu'il  criast  à  l'aide  ,  l'autoursier   ne  se  hastoit 
point  trop  de  secourir.  » 

Le  fauconnier,  débarrassé  des  ongles  tout  d'acier  du 


(1)  Grosses  casaques. 

{1)  Cri  pour  annoncer  le  départ  des  perdrix. 


—   176  — 

maudit  animal  et  afleclant  de  rire  da  tour,  demande 
à  son  maître  la  permission  de  deslonger  ses  faucons 
et  de  les  mettre  à  mont.  Or  les  oiseaux  étant  en  aile 
aperçoivent  le  balandran  de  l'autoursier,  semblable  à 
celui  que  porte  ordinairement  leur  fauconnier,  et  sa 
tête  pelée,  dont  la  couleur  rappelle  celle  du  leurre 
auquel  ils  sont  accoutumés.  Aussitôt,  les  voilà  qui 
fondent  sur  le  pauvre  diable,  tantôt  Vun,  tantôt  Vautre, 
bourrant,  frappant,  choquant,  huffetant  à  qui  mieux 
mieux,  et  donnant  tant  de  coups  sur  cette  tête  chauve, 
que  le  malheureux  autoursier  est  contraint  de  se  jeter 
à  terre  et  de  se  réfugier  sous  le  ventre  de  son  cheval, 
ce  qui  ne  l'eût  pas  sauvé  s'il  n'eût  été  secouru,  tant 
les  faucons  étaient  acharnés.  Il  fallut  que  le  faucon- 
nier vînt  reprendre  ses  faucons  avec  son  fameux  leurre. 

Pour  cela,  leur  querelle  ne  fut  pas  terminée,  car 
l'autoursier  disait  :  «  Mon  oiseau  seul  a  pris  le  fau- 
connier et  le  mangeait  tout  vif  si  l'on  ne  fût  venu  à 
son  aide.  »  L'autre  ripostait  :  «  Mes  faucons,  sans  le 
secours,  l'eussent  assommé.  » 

Il  en  fut  de  même  partout  et  toujours;  la  question 
ne  fut  jamais  jugée  sans  appel  entre  fauconniers  et 
autoursiers ,  pas  plus  qu'entre  fauconniers  et  ve- 
neurs. 

§    1.    VOLS    PK   LA   FAUCONNERIE. 

On  trouve,  dans  le  Roman  des  Oiseaux  de  Gace  de  la 
Buigne ,  l'énumération  des  différents  vols  auxquels 
s'adonnaient  les  fauconniers  du  xiv^  siècle ,  et  des  oi- 
seaux qui  y  étaient  affectés. 


—  177  -- 

On  volait  avec  les  faucons  (1)  :  hérons  ,  grues,  an- 
nettes  (canettes),  moretons,  outardes,  canards,  faisans, 
perdrix,  bihoreaux,  busards,  oies  sauvages. 

Les  turques,  les  alérions, 
Sont  vistes  comme  esmérillons 
Et  prennent  faisans  et  perdris, 
Et  moult  d'aultres  oyseaux  petis. 

Les  émerillons  et  les  hobes  ou  hobereaux  volaient 
principalement  l'alouette  et  quelquefois  le  perdreau 
et  le  pigeon  (2). 

Près  de  trois  siècles  après  Gace  de  la  Buigne,  d'Ar- 
cussia  nous  donne  une  liste  complète  des  vols  très- 
variés    que    pratiquait  la   fauconnerie    royale   sous 

Louis  xm. 

Le  vol  du  milan  ,  de  l'aigle  pêcheur  ou  balbu- 
sard  (3),  de  la  buse  et  autres  oiseaux  du  même  genre, 
se  faisait  avec  des  gerfauts,  tiercelets  de  gerfauts  et 
sacres. 

Le  vol  du  héron  avec  des  gerfauts,  tiercelets  de  ger- 
faut, sacres,  sacrets  et  faucons. 

On  prenait,  avec  des  faucons,  le  fau-perdrieu ,  le 
Jean-le-Blanc,  l'oiseau  Saint-Martin  (soubuse  bleuâtre). 


(1)  Pris  ici  pour  tous  les  oiseaux  de  haut  vol  et  de  i'orte  taille. 

(2)  Alb.  Magmis.  — Mesnctfjier  de  Paris.  —  Guillaume,  fauconnier 
du  Roi  Roger  de  Sicile,  auteur  souvent  cité  par  Frédéric  II  et  Albert 
le  Grand,  prétendait  avoir  pris  des  grues  avec  des  émerillons.  D'Ar- 
cussia  dit  de  même  que  les  Turcs  volaient  la  grue  avec  30  ou  40  éme- 
rillons. 

(3)  D'Arcussia  aflirme  que  les  oiseaux  du  Roi  jiouvaient  mettre  bas 
le  grand  aigle  noir  à  force  de  cori^s.  Gace  de  la  Buigne  raconte  l'his- 
toire d'un  faucon  qui,  donnant  lâchasse  à  une  orfraie  ou  grand  aigle 
de  mer,  la  buffela  si  bien,  qu'il  lui  lit  lâcher  un  gros  lirochet  qu'elle 
emportait  dans  ses  serres. 

m.  12 


—  178  — 

le  chat-huant,  la  canepetière,  le  courlis,  le  choucas,  le 
hobereau,  le  corbeau,  la  corneille,  l'épervier  et  le  ca- 
nard. 

Le  fjabereau  (1),  la  poule  d'eau,  la  pie,  la  chouelle, 
l'hirondelle  de  mer,  la  crécerelle  et  le  vanneau  «étaient 
volés  par  des  tiercelets  de  faucons,  ainsi  que  le  cou- 
con  et  le  sabat  (2); 

Le  butor  par  des  sacrets; 

La  perdrix  par  des  laniers,  des  sacres,  des  sacrets, 
des  faucons  et  tiercelets  de  faucon  et  des  alèlhes; 

La  caille,  l'étourncau,  la  huppe,  la  pie-grièche,  le 
merle,  l'alonelte  légère,  le  cochevis,  la  grive  et  le  roi- 
telet par  des  émerillons; 

Le  pigeon  cillé  par  des  émerillons  et  des  tiercelets 
de  faucon. 

La  chauve-souris  se  chassait  avec  des  tiercelets  de 
faucon  niais  et  des  crécerelles. 

Plusieurs  de  ces  vols  étaient  de  l'invention  du  Roi  (3), 
et  ne  furent  jamais  en  usage  hors  de  sa  fauconnerie. 
Quelques  autres  chasses,  qui  se  faisaient  avec  les  oi- 
seaux de  haut  vol,  ne  sont  pas  mentionnées  parce 
que  la  fauconnerie  royale  n'avait  pas  occasion  de  s'y 
livrer  ou  les  avait  en  dédain. 


(1)  Probahlomenl  une  ospèce  de  plongeon,  dit  en  pi'ovençal  Gabrimi 
ou  Gabriau. 

(2)  Inconnu.  —  Pour  voler  la  pie,  on  associait  quelquefois  des  oi- 
seaux de  haut  vol,  comme  des  tiercelets  de  faucon,  avec  des  éperviers, 
oiseaux  de  basse  volerie.  (D'Arcussia.) 

(3)  Il  en  était  ainsi  du  vol  des  oisillons  avec  les  pies-grièches  que 
l'absence  de  tout  renseignement  nous  empêche  de  classer  dans  la  hante 
ou  dans  la  basse  volerie. 


—   179  — 

Les  vols  de  l'outarde,  du  cygne  cornant  (ou  sau- 
vage) (1),  de  la  grue  et  de  l'oie  sauvage,  qui  se  fai- 
saient avec  les  oiseaux  les  plus  vigoureux,  comme  ger- 
fauts (2),  sacres  et  faucoDs  pèlerins,  le  vol  du  faisan 
avec  le  sacre  (3);  ceux  de  la  bécasse,  du  geai,  du  6e- 
chebois  (pivert)  avec  deux  tiercelets  de  faucon  (4)  ;  les 
vols  du  perdreau,  de  la  caille  et  de  l'alouette  avec  le 
hobereau  ne  figuraient  pas  parmi  les  vols  de  la  grande 
fauconnerie,  non  plus  que  parmi  ceux  de  la  Chambre 
et  du  Cabinet. 

De  toutes  ces  chasses,  il  n'en  était  qu'un  certain 
nombre  qui  fussent  réellement  en  usage. 

C'étaient  le  vol  du  héron,  le  vol  pour  champs,  le 
vol  pour  rivière,  le  vol  de  la  corneille,  celui  de  la  pie, 
les  vols  qui  se  faisaient  avec  les  émerillons. 

Le  vol  du  héron  était  le  plus  beau  de  tous,  il  tenait   voiduiu. 
dans  la  fauconnerie  la  place  éminenie  qu'occupe  dans 
la  vénerie  la  chasse  du  cerf. 

Tous  les  auteurs  ont  célébré  à  l'envi  ce  vol  royal. 
De  Thou  l'a  chanté  en  beaux  vers  latins;  Claude  Gau- 
chet  en  vers  français  moins  pompeux. 

11  y  avait  deux  manières  d'attaquer  le  héron.  Lors- 


(1)  Gace  de  la  Buigne  dit  que  les  paysans  font  bien  plus  de  cas 
d'un  lièvre  que  du  meilleur  faucon  qui  aurait  pris  des  cygnes  cor- 
nnns  près  de  Paris.  (Vraisemblablemenl  sur  l'étang  d'Enghien.) 

(2)  Gomme  un  gerfaut  qui  de  roideur  se  laisse 
Galer  à  ba?.,  ouvrant  la  nue  espaisse 

Dessus  un  cygne  amusé  sur  lo  bord.  (Ronsard.) 

(3)  Bel  on. 

(4)  D'Arcussia. 


Vul  (lu  milan. 


—  180  — 
qu'on  le  surprenait  à  terre,  on  lirait  quelques  coups 
d'arme  à  feu  pour  le  faire  monter,  et  on  lui  donnait 
en  queue  un  oiseau  nommé  haussepied,  qui  le  forçait 
de  s'élever  à  une  grande  hauteur  ;  lorsqu'il  y  était 
parvenu,  on  jetait  deux  autres  oiseaux,  le  teneur,  qui 
poursuivait  le  héron,  et  le  tombisseur,  chargé  de  le 
lier.  Si  ce  dernier  manquait  son  atteinte,  les  deux 
autres  donnaient  tour  à  tour,  jusqu'à  ce  que  le  mal- 
heureux échassier,  ne  pouvant  plus  résister,  se  laissât 
choir,  les  ailes  ouvertes,  les  pieds  devant  et  le  col  en 
haut.  Comme  le  héron  ne  frappait  dangereusement 
avec  son  bec  que  lorsqu'il  était  à  terre,  on  le  faisait 
saisir  par  des  lévriers  à  gros  poil ,  dressés  à  le  tuer  et 
à  le  rapporter  au  fauconnier.  Le  premier  héron  pris, 
on  en  faisait  plaisir  aux  oiseaux  (1). 

Cependant  les  fauconniers  tenaient  un  second  vol 
tout  prêt  pour  attaquer  les  hérons  qui,  aux  cris  de  leur 
compagnon,  se  mettaient  à  la  branloire  et  venaient 
tourner  autour  de  la  victime  et  des  chasseurs. 

L'autre  manière  était  de  voler  le  héron  au  passage. 
On  se  postait  à  bon  vent  sur  le  chemin  qu'il  suivait 
d'habitude  au  retour  de  la  pêche,  et  on  lui  jetait  de 
même  trois  oiseaux  vigoureux. 

Le  milan  était  très-rare  partout  ailleurs  que  dans 
quelques  capitaineries  oii  l'on  avait  construit  des  mi- 
lanières  pour  favoriser  la  propagation  de  l'espèce  ; 
aussi  sa  chasse  était-elle  éminemment  royale;  les 
meilleurs  oiseaux  de  fauconnerie  étaient  mis  en  ré- 


(I)  D'Ai'cnssia.  —  /v'/rt/.v  dr  la  France  d  tous  les  autoiii-s. 


—  181   — 

quisition  pour  ce  vol,  qui  présentail  un  vif  inlérêt,  à 
cause  (le  l'agilité  extraordinaire  du  milan,  admira- 
blement organisé  pour  se  jouer  des  poursuites  de  ses 
ennemis  dans  les  hautes  régions  de  l'atmosphère. 

Le  milan  noir  était  encore  plus  rare  que  le  milan 
roux  ou  milan  royal.  Un  antique  usage,  qui  se  perpé- 
tua jusqu'à  la  suppression  des  équipages  de  faucon- 
nerie, voulait  que,  chaque  année,  le  premier  milan 
noir  que  le  chef  du  vol  pour  milan  prenait  en  pré- 
sence du  Roi  lui  donnât  le  droit  de  réclamer  le  cheval 
que  montait  Sa  Majesté,  sa  robe  de  chambre  et  ses 
mules  :  le  tout  rachetable  pour  la  somme  de 
100  écus  (1). 

Pour  attirer  les  milans,  on  exposait  en  rase  cam- 
pagne un  grand-duc ,  auquel  on  avait  attaché  une 
queue  de  renard,  pour  rendre  sa  figure  plus  extraordi- 
naire. L'énorme  oiseau  de  nuit,  ainsi  affublé,  volait 
à  fleur  de  terre,  se  posant  çà  et  là.  Le  milan,  l'aper- 
cevant de  loin,  s'approchait  de  lui  soit  pour  le  com- 
battre, soit,  coranie  dit  BufTon,  pour  l'admirer,  et 
restait  assez  absorbé  dans  sa  contemplation  pour 
qu'on  put  lui  jeter  à  portée  les  oiseaux  de  haut  vol  : 
gerfauts,  sacres  ou  faucons,  destinés  à  le  prendre. 

D'Arcussia  raconte,  d'une  façon  vive  et  pittoresque, 
une  chasse  au  milan  à  laquelle  il  avait  assisté  le  jour 
de  la  Sainte-Catherine,  en  présence  du  Roi  Louis  XIIL 

Le  milan,  attaqué  par  quatre  gerfauts,  s'éleva  si 
haut,  que  ceux  des  spectateurs  qui  n'avaient  pas  la  vue 


(1)  Diingeau,  l.  U  et  VI,  ^  iilal.s  'Ir  la  l-'rancr. 


~  18^  — 
bonne  élaient  bien  en  yeine  et  n  avaient  point  de  part 
(tu  plaisir.  Un  gerfaut,  nommé  V Ostarde  ,  oiseau  fort 
(laillard,  donne  le  premier  au  milan;  les  autres  fondent 
tour  à  tour  sur  lui,  le  frappant  alternativement,  comme 
les  forgerons  sur  T enclume ,  avec  un  grand  singlement 
d'ailes. 

Le  pauvre  milan,  ainsi  bufjeté ,  ne  savait  comment 
se  défendre;  il  s'efforçait  d'esquiver  les  attaques  re- 
doublées de  ses  ennemis,  pliant  les  ailes,  tantôt  d'un 
côté,  tantôt  de  l'autre;  essayant  parfois  de  jouer  des 
griffes,  et  poussant  des  cris  de  détresse.  Enfin,  un 
des  gerfauts  le  lie,  les  autres  en  font  autant  et  les 
cinq  oiseaux  viennent  à  bas  tous  ensemble. 

Le  Roi,  M.  de  Luynes,  chef  du  vol,  et  tous  les  fau- 
conniers accourent  pour  empêcher  le  milan  de  bles- 
ser les  oiseaux  du  bec  ou  des  griffes  (jiiil  a  veni- 
meuses; on  lui  rompt  les  jambes,  on  lui  arrache  la 
tète,  et  l'on  paît  les  gerlauls  d'une  poule  de  môme 
plumage,  étant  la  chair  du  milan  puante  et  malsaine 
aux  oiseaux. 

Louis  XIII  était  si  henin,  dit  le  même  auteur,  qu'il 
sauvait  fréquemment  la  vie  aux  milans  pris  par  ses 
oiseaux  et  les  lâchait  par  les  fenêtres  du  Louvre  après 
leur  avoir  fait  couper  les  deux  couvertes  de  la  queue. 
«  Acledignedeluy!  »  s'écrie  pompeusementd'Arcussia. 
\oi  |.n„r  Le  vol  des  perdrix  en  plaine  ou  vol  pour  champs  était 
la  chasse  favorite  des  gentilshommes  particuliers,  qui  y 
trouvaient  à  la  fois  plaisir  et  proiil,  car  wic  perdrix  ne 
rient  jamais  mal  ()  propos  à  la  ctdsine  (1).   Ce  vol  avait 

(\)  D  Arru-M;i. 


rli,im)is. 


—  18:5  — 
de  plus  l'avaulage  de  durer  neuf  mois  de  l'année. 

Pour  voler  la  perdrix,  il  fallait  de  très-bons  oiseaux, 
allaités  avec  un  soin  tout  particulier.  Les  plus  propres 
à  ce  vol  étaient  les  sacrels,  les  laniers  passagers  et  les 
faucons  niais,  surtout  ceux  qu'on  lirait  d'Espagne  (1). 

Le  vol  pour  champs  avec  les  oiseaux  de  leurre  se 
faisait  de  deux  manières.  On  mettait  à  mont  ces  oi- 
seaux, qui  tournaient  et  soutenaient  au-dessus  des 
chasseurs  et  des  chiens.  On  les  menait  ainsi  quelque- 
fois jusqu'à  près  de  demi-lieue,  tenant  toujours  sur 
ailes.  Lorsque  les  chiens  faisaient  bourrir  les  perdrix 
on  criait  :  Guéraux  (2)!  et  les  oiseaux,  faisant  leur 
descente,  les  frappaient  avec  tant  de  roideur  que  sou- 
vent elles  étaient  mortes  avant  de  toucher  terre. 

D'autres  fois  on  chassait  avec  des  oiseaux  blo- 
queurs{S),  qu'on  déchaperonnait  aussitôt  que  les  per- 
drix parlaient.  Ces  oiseaux  poussaient  les  perdrix  à 
tire-d'aile  jusqu'au  fort;  là,  ils  se  branchaient  ou  pre- 
naient  la  hauteur  d'une  maison  pour  marquer  la  re- 
mise, et  le  fauconnier  allait  avec  ses  chiens  les  servir 
en  faisant  repartir  les  perdrix  (4). 

Les  oiseaux  qui  servaient  au  î;oI  «owr  mière,  ou     voi  po«r 
vol  des  oiseaux  aquatiques,  étaient  des  faucons  sors 


(1)  Sélincourt.  —  Morais.  —  Dans  la  fauconnerie  royale  on  se  servait, 
de  faucons,  tiercelets  de  faucons,  sacres,  sacrets,  laniers,  lanerets, 
ulets,  émerillons  et  marais.  {Maslols,  émerillons  mâles).  —  Elals  de  la 
France. 

(2)  Ou  Guairo.  —  En  beaucoup  de  lieux  on  crie  encore  guéraux  i)0ur 
signaler  les  perdrix  en  battue. 

(3)  Un  oiseau  bloque  lorsqu'il  arrête  une  perdrix,  se  tenant  en  l'air 
sans  remuer  les  ailes.  (Goury  de  Chnnipgrand.) 

(4)  Elals  (le  la  Fraiicr. 


—  184  — 

OU  hagards;  le  gerfaut  volait  aussi  pour  rivière,  mais 
il  n  était  pas  si  agréable  comme  sont  les  faucons  (1). 

Pour  qu'il  fut  possible  de  voler  les  oiseaux  aqua- 
tiques, il  fallait  les  surprendre  sur  des  mares,  des  fos- 
sés, des  cours  d'eau  élroits  et  encaissés.  Les  canards 
sauvages  et  autres  palmipèdes  ne  quittant  guère  les 
grandes  eaux  avant  le  mois  de  février,  la  chasse  en 
rivière  commençait  à  celte  époque  et  se  terminait  en 
avril  ou  en  mai  pour  le  commun  des  mortels. 

Mais  les  grands  seigneurs ,  lorsqu'ils  voulaient 
prendre  le  plaisir  de  celle  volerie,  avaient  soin  de 
faire  tirer  des  coups  de  feu  le  malin^  sur  les  grands 
étangs,  ce  qui  renvoyait  le  gibier  sur  les  ruisseaux  et 
les  mares  (2). 

Un  cavalier  bien  monté  allait  d'abord  reconnaître 
de  loin  sur  quels  points  se  trouvait  le  gibier.  Confor- 
mément à  son  rapport,  on  se  dirigeait  vers  l'endroit 
désigné,  on  mettait  les  oiseaux  à  mont,  puis  on  fai- 
sait partir  les  canards;  au  moment  où  ils  prenaient 
leur  vol,  on  criait  :  i/à ,  hà!  ou  bien  encore  hoîc, 
hou!  à  la  mode  flamande.  Les  faucons  fondaient  aus- 
sitôt sur  leur  proie  et  l'assommaient;  si  elle  leur  échap- 
pait, on  la  remettait  sur  une  autre  mare. 

Souvent  les  palmipèdes,  terrifiés  par  l'apparition 
(le  Tennemi  qui  planait  au-dessus  d'eux ,  refusaient 
(le  s'envoler,  malgré  les  cris  des  fauconniers  et  les 


(I)  Miroir  lie  /iiin-nniirric. 

i^ "2)  Ainsi    r.'iisjiil    il'   (•nnii(''l;iiil('   ilc    MnnlmoiiMuy      -    \o\v   (Uaiulo 
i;Mn(li('l. 


de  la  Cûriieille- 


—  185  — 

poursuites   des  barbets ,   on   déchargeait  alors  une 
arme  à  feu  pour  les  décider  à  partir  (1). 

Avant  l'invention  des  armes  à  feu  et  jusqu'au 
XVI*  siècle  on  se  servit  de  tambours  dans  le  môme 
but  (2). 

On  volait  la  corneille  avec  deux  faucons  et  un  tier-  voi 
celet  de  gerfaut  ou  avec  trois  faucons;  pour  attirer  en 
plaine  les  oiseaux  qu'on  voulait  chasser  on  leur  mon- 
trait un  duc  et,  dès  qu'on  les  voyait  approcher  pour 
l'attaquer,  on  criait  :  Corneille  en  beau!  La  corneille, 
apercevant  les  faucons,  faisait  de  son  mieux  pour  re- 
gagner le  couvert;  si  elle  y  parvenait,  les  fauconniers 
lui  faisaient  quitter  son  fort  en  battant  les  arbres  et 
les  buissons  et  en  criant  :  Haie,  haie  (3)! 

Ce  vol  était  le  plus  aisé  de  tous  et  convenait  d'au- 
tant mieux  à  un  simple  gentilhomme  que  les  oiseaux 
qui  prenaient  la  corneille  n'en  étaient  pas  moins  bons 
pour  les  autres  vols  (i). 


(1)  Claude  Gauchet. 

Ci)  C'étaient  surtout  les  autoursiers  qui  se  servaient  de  labours;  ce- 
pendant on  voit,  dans  le  passage  cité  précédemment  de  Pero  Nunez , 
des  tambours  jouant  leur  rôle  pendant  une  chasse  au  héron  avec  les 
faucons  gentils.  Matthieu  Paris,  àproposdupygargue  dressé  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  dit  qu'une  sarcelle  s'envola  au  bruit  de  cet 
instrument  qui  est  appelé  Ihabur  par  les  chasseurs  en  rivière  {ripato- 
ribus).  Le  traducteur  a  rendu  ce  dernier  mot  assez  singulièrement  par 
moissonneurs.  (Chr.  de  Matth.  Paris,  t.  IL)  Dans  une  miniature  d'un 
des  plus  anciens  manuscrits  du  Eoy  Modus  un  fauconnier  volant  un 
héron  a  le  labour  à  l'arçon  de  sa  selle. 

(.3)  Les  oiseaux  de  Louis  XIII  prenaient  quelquefois  le  grand  corbeau, 
ce  qui  était  considéré  romme  chose  merveilleuse.  (D'Arcussia.) 

(4)  D'Arcussia.  —  Morais.  —  Étais  di;  la  France. 


—  'I8(;  — 

Les  corneilles  cntinuiitelées  de  gris  étaient  les  plus 
propres  à  voler,  avec  les  plus  petites  qu'on  nomme 
choqucttes  (choucas) ,  mais  il  faut  se  garder  des  cor- 
neilles à  bec  rouge  (I). 
Yuidciapie.  Tfois  tiercclcts  de  faucon  étaient  l'équipage  requis 
pour  voler  la  pie,  que  les  fauconniers  poursuivaient 
d'arbre  en  arbre  et  de  buisson  en  buisson  à  grands 
coups  de  gaule  et  de  pierres  pour  la  forcer  à  prendre 
son  vol.  La  maligne  bêle  metlait  souvent  tant  d'obsti- 
nation à  ne  point  partir,  qu'il  fallait  faire  grimper  un 
aide-fauconnier  dans  les  arbres  pour  l'en  faire  vui- 
der  (2). 

«  Toutes  les  fois  qu'elle  part  ou  vuide,  on  crie  : 
Houija,  houya  (3).  *» 

Fouquet  de  la  Varenne,  qui,  après  avoir  été  fouille- 
au-pot  chez  la  duchesse  de  Bar ,  avait  gagné  des 
sommes  considérables  à  servir  les  amours  de  Henri  IV, 
s'était  retiré  sur  ses  vieux  jours  dans  ses  terres.  Il 
s'amusait  une  fois  à  voler  la  pie.  L'oiseau  rusé  s'était 
relaissé  dans  un  arbre,  et  les  fauconniers  frappaient 
autour  avec  leurs  bâtons  pour  la  faire  vuider,  lorsque 
dame  Margot  s'avisa  d'articuler  fort  nettement  une 
injure  grossière,  qui  alla  droit  au  cœur  de  l'ancien 


(1)  Voir  d'Arcussia,   (jui  n'explique  pas   i)ouniuoi  un  iio  devait  pas 
voler  les  corneilles  à  bec  rouge  (ou  co)'ctciiis). 

(2)  Cl.  Gauchel.  —  Pornte  de   la  fauconnerie   dans  d'Arcussia.  — 
Etais  de  la  France. 

(.'î)  Kidh  (If  la  France.  — 

Puis,  nu  pai'lir  di-  l'.'n'lno,  linya,   lioya  si>  crie. 
(CI.  Cuinrhct.) 


—  187  — 

Mercure  de  Henri  IV  (I).  «  Le  bonliomme  la  Va- 
renne,  »  dit  Sainl-Simon ,  «  en  fut  atterré  comme  du 
renouvellement  de  la  parole  de  l'âne  de  Balaam.  Il  ne 
douta  point  du  miracle,  et  que  l'oiseau  ne  lui  repro- 
chât ses  crimes.  Il  tourna  bride  sur-le-champ,  le  fris- 
son le  prit  en  arrivant  chés  lui  et  en  trois  jours  il  en 
mourut  sans  que  jamais  on  put  lui  persuader  que 
c'éloit  quelque  pie  apprivoisée  qui  avoit  appris  à  par- 
ler et  qui  s'étoit  envolée  de  chés  son  maistre  (2).  » 

On  se  servait  des  émerillons  pour  voler  les  jeunes     vois  avec 

1  1        <  I  <  •  l/.  IVmeri'ilon, 

perdreaux  ,  pendant  que  les  autres  oiseaux  légers 
étaient  en  mue.  On  s'en  servait  aussi  pour  voler  le 
merle,  le  burisson  (burichon,  roitelet),  le  rouge-gorge, 
le  cochevis,  l'alouette  légère,  le  cul-blanc  et  le  pigeon 
cillé. 

Les  émerillons  qui  prenaient  ralouelle  légère 
étaient  considérés  comme  exlraordinairement  bons  (3). 
Cet  oiseau  ,  se  sauvant  ordinairement  par /irtwi,  atti- 
rail jusque  dans  les  nues  les  deux  émerillons  qu'on 
lui  jetait.  Ces  courageux  petits  faucons,  gagnant  le 
dessus ,  forçaient  la  pauvre  alouette  de  se  ravaler 
pour  se  rendre  en  quelque  buisson,  où  on  la  pre- 
nait à  la  main,  quand  les  émerillons  lui  laissaient 
le  temps  d'y  arriver,  ce  qui  était  rare. 


(1":  Il  eut  l'emploi,  qui  certes  n'est  pas  uiiure 

Et  qu'à  la  cour,  où  tout  se  peint  en  beau 
Nous  appelons  être  l'ami  du  prince, 
Mais  qu'à  la  ville  et  surtout  en  province 

Les  gens  grossieis  onl  nommé  maq 

(Voltaire.) 

(2)  Mémoires,  I.  X.    -  Addiliens  ;i  DangtMu,  t.  XV. 

(3)  n'Arcussin. 


—   188  — 

Celte  cliasse  passait  pour  !a  plus  agréable  de  celles 
qu'on  foisailavec  les  émerillons,  parce  que  dans  au- 
cune ils  ne  marquoicnt  plus  leur  feu  et  leur  cou- 
rage (1). 

Le  vol  du  perdreau  avec  les  émerillons  se  faisait  do 
poing  en  fort  (quoiqu'ils  fussent  essentiellement  oiseaux 
de  haut  vol) ,  c'est-à-dire  qu'on  ne  jetait  les  oiseaux 
chasseurs  qu'après  le  départ  des  perdreaux  devant  les 
chiens.  L'émerillon  volait  en  ce  cas  comme  le  faucon 
hloqueur,  avec  cette  seule  différence  qu'on  le  pouvait 
porter  découvert  et  sans  chaperon. 

Lorsqu'on  volait  le  merle  ou  les  autres  oisillons,  on 
portait  des  épieux  pour  faire  sortir  le  gibier  des  haies 
oi!i  il  cherchait  un  refuge  {!). 

Le  pigeon  cillé  était  lancé  avec  la  main  le  plus  haut 
possible,  puis,  lorsqu'il  était  à  hauteur  convenable, 
les  fauconniers  lui  jetaient  les  émerillons  qui  le  ga- 
gnaient de  vitesse  et  le  buffetaient  jusqu'à  ce  qu'ils 
l'eussent  lié  et  attiré  à  bas;  ce  combat  durait  parfois 
longtemps  (3). 

«  Le  vol  pour  émerillons,  »  dit  VÈtat  de  la  France, 
«  est  particulier  au  Cabinet  du  Roy,  n'étant  dans  au- 
cune autre  Fauconerie  Roïale  que  dans  celle  du  Ca- 
binet. »  C'était  Louis  XIII  qui  avait  introduit  dans  sa 
maison  ce   vol  pour  lequel  il  était   très-passionné. 


(1)  Etals  (le  la  Fraiicf. 

(2)  llmlrm. 

(3)  ll>i<ln>i. 


—  189  — 

§   2.    VOLS    DE    l'AUTOURSERIE. 

Le  domaine  de  l'autourserie  était  beaucoup  plus 
étendu  au  moyen  âge  qu'il  ne  le  fut  pendant  les 
siècles  suivants.  Gace  de  la  Buigne,  après  avoir  énu- 
méré  les  vols  qu'on  doit  exclusivement  réserver  aux 
faucons,  permet  aux  austrueiers, 

De  prendre  biitours  et  badians  (1) 

Poches  (spatules)  aguettos  (aigrettes)  haïrons  blancs, 

Moyennes  de  mer  (2),  plusieurs  oyseaux, 

Cormarens,  cornilles  (3),  corbeaux, 

Cines  (cygnes)  bistardes  (outardes)  et  aussi  grues 

Et  oyes  grosses  et  menues 

Gentes  (4),  perdris,  faisans  (5),  cailleux, 

Que  trouveront  en  plusieurs  lieux.... 

Plus  tard,  quoiqu'on  chassât  encore  quelquefois 
avec  l'autour  les  canards  et  le  faisan,  le  rôle  principal 
de  ce  grand  oiseau  de  poing  fut  de  voler  pour 
champs  (0),  ce  dont  il  s'acquittait  du  reste  à  la  satis- 


(1)  Inconnu.  —  Peut-être  faut-il  lire  gabian,  nom  de  la  mouette  en 
Provence. 

(2)  On  appelle  peliles  de  mer  les  bécasseaux  et  maubèches  sur  les 
côtes  de  Normandie. 

(3)  D'Arcussia  dit  que,  si  un  autour  ou  un  tiercelet  était  accoutumé 
au  vol  de  la  corneille,  il  y  ferait  rage. 

(4)  Espèce  d'oies  sauvages,  en  allemand  Gœme. 

(5)  On  volait  le  faisan  dans  de  jeunes  tailles  oîi  se  trouvaient  quel- 
ques grands  arbres.  Si  l'autour  manquait  d'empiéter  son  gibier  au  cul- 
levé,  il  se  branchait  pour  le  guetter  près  de  la  remise.  Au  xvii°  siècle, 
cette  chasse  se  faisait  surtout  en  Italie.  Les  Turcs  la  pratiquaient  en 
Asie  Mineure  à  la  fin  du  siècle  dernier.  Voir,  sur  le  vol  du  faisan,  Al- 
drovande.— Le  caccie  di  Eugenio  Raimondi.  (Brescia,  1G21).— Bloome. 
—  Sélincourt.  —  BulTon,  art.  Faisan. 

(6)  «  On  ne  s'en  sert  guère  qu'aux  perdrix  en  attendant  que  les  au- 
tres oiseaux  soient  sortis  de  la  mue.  »  (Morais.) 


—   190  — 

lïiclion  des  gens  qui  aimaient  à  voir  le  crochet  de  leur 
cuisine  garni  de  gibier  ei  i\m  cra'i^ndiiQni  la  fatigue  ou 
la  dépense.  En  effet,  il  n'y  avait  pas  d'oiseau  qui  fit 
prendre  plus  de  perdrix  ;  les  maîtres  pouvaient  suivre 
les  chasses  sur  le  traquenard  ou  la  mule  (1)  et  faire 
donner  du  secours  à  leurs  oiseaux  par  des  valets  de 
pied.  Les  fauconniers  ajoutaient  dédaigneusement  à 
ces  motifs  de  préférence  (jue  l'autourserie  convenait 
surtout  aux  ignorants,  car,  avec  yeu  de  science,  ils  fe- 
ront voler  ces  oiseatiXj,  d'autant  plus  que  cette  volerie  ne 
consiste  toute  qu'en  ruse  [î). 

Pour  bien  réussir  à  prendre  des  perdrix  avec  l'au- 
tour, il  fallait  éviter  que  le  gibier  partît  de  trop  loin, 
et  dans  une  direction  défavorable. 

A  cet  ellét,  les  chasseurs  à  pied  et  à  cheval  s'avan- 
voi  çaient  en  ligne ,  précédés  de  leurs  chiens  ;  deux  au- 
tours ou  tiercelets  étaient  portés  par  des  autoursiers, 
qui  marchaient  aux  extrémités  de  la  hgne.  Lorsque 
les  perdrix  s'envolaient,  l'autour  fonçait  sur  elles  en 
ligne  directe  [à  la  source,  à  Ihe-cul  ou  à  la  couverte); 
s'il  ne  parvenait  pas  à  en  empiéter  une  ,  il  suivait  la 
chasse  d'amont  ou  se  branchait  sur  quelque  arbre  du 
voisinage,  pour  fondre  sur  les  perdrix  quand  on  les 
faisait  repartir  de  la  remise.  En  manœuvrant  bien. 


pour   champs 
avec  l'autour. 


(1)  Même  en  chaise,  siiivant  Liycr  {A)>iiiscinenls  de  la  coiiipagne). 

(2)  Voir  Gommer  de  Lnsancy.  —  D'Arcussia.  —  Liger.  —  Goury  de 
Cyiampgranrl.  —  D'Arcussia  dit.  qu'on  pourrait  fort  l)ien  chasser  le  héron 
avec  des  autours.  Il  ajoute  que  plusieurs  seigneurs  en  font  l'exercice  et 
le  [iratiquent  tous  les  jours. 


—  191  — 
les  auloursiers  se  renvoyaient,  les  perdrix  de  l'un  à 
l'autre  et  en  prenaient  grande  quantité. 

La  chasse  des  oiseaux  de  rivière  avec  l'autour,  qui       vui 

,  ,  PI  PO'""  rivière, 

se  pratiquait  encore  de  temps  a  antre  au  xvii*'  et  au  avec lauionr. 
xvni'  siècle,  ne  pouvait  réussir  que  dans  des  circon- 
stances toutes  particulières,  tl  fallait  pouvoir  appro- 
cher celte  sauvagine  rusée  et  défiante  d'assez  près 
pour  que  l'autour  put  l'empiéter  au  lève-cul.  Or 
cela  n'était  possible  que  lorsque  le  gibier  se  tenait  sur 
des  eaux  très-encaissées  ou  bordées  de  grands  joncs 
et  de  sautées  épaisses.  Lorsqu'on  s'était  assuré  de 
pouvoir  surpendre  les  canards  en  lieu  propice,  on  ga- 
gnait les  devants,  le  long  du  fossé  ou  du  ruisseau, 
l'autour  sur  le  poing. 

Arrivé  en  face  des  canards,  l'autoursier  s'avançait 
brusquement  au  bord  de  l'eau ,  les  canards  s'enle- 
vaient, l'autoursier  lâchait  son  oiseau  qui  en  empié- 
tait un  à  la  source  (1). 

Si,  au  moment  oii  on  lâchait  l'autour,  les  canards, 
au  lieu  de  s'élever,  se  rabattaient  sur  l'eau  et  plon- 
geaient, il  arrivait  quelquefois  que  l'oiseau  chasseur, 
emporté  par  sa  fougue,  s'approchait  trop  de  la  surface 
liquide,  mouillait  ses  ailes  et  courait  risque  de  se 
noyer  (2). 

C'était  surtout  à  ces  chasses  en  rivière  avec  l'autour 
que  les  tambours  faisaient  rage.  Dans  le  poëme  de 
Gace  delà  Buigne,  comme  dans  celui  de  de  Thou,  il  est 


(t)  D'Arcuf^sia.  —  Goury  de  Chanippraml. 
a)  De  Thon. 


—  192  — 
parlé  de  ces  instruQierils  bruyants  avec  lesquels  les 
autoursiers  forçaient  les  palmipèdes  effrayés  à  sortir 
de  leurs  roseaux  (l).  Dans  les  gravures  de  Philippe 
Galle  d'après  Stradan,  les  chasseurs  en  rivière  ont 
non-seulement  des  tambours,  mais  des  timbales  et  des 
trompettes. 
Vols  avec  Lcs  épcrvicrs  chassaient  comme  les  autours,  pro- 
esîreTterie"  portlon  gardée,  et  jouissaient  même  de  plus  de  consi- 
dération auprès  des  délicats  en  matière  de  volerie. 

Les  vols  de  V espréveterie  étaient  très-variés  au  moyen 
âge  (2).  En  été,  on  faisait  voler  par  l'épervier  la  per- 
drix, la  caille  et  l'alouette;  en  automne  et  en  hiver,  les 
faisandeaux  (3),  les  râles  des  champs,  les  râles  noirs 
ou  râles  d'eau,  les  bécasses,  les  sarcelles,  les  van- 
neaux, les  grives,  les  merles,  les  pies,  les  geais,  les 
choucas  (4). 
Vol  rour  Séhncourt  dit  que  ceux  qui  ont  l'adresse  de  se  bien 
champs  avec    ggj-yir  (jgg  épcrvicrs  en  tirent  plus  de  service  que  des 

répervier.  •  »  -i 

Perdreaux,    autours.  Avcc  dcux  OU  trois  éperviers  qui  volent  l'un 
après  l'autre  pour  leur  donner  haleine,  on  prend  plus 


(1)  «  Past  de  Béry,  pour  deux  labours  achetez  de  li  pour  Mons''  Phi- 
lipjie,  ])our  chacer  les  oiseaux  de  rivière,  12  s.  »  (Notes  et  clociiments 
relatifs  à  Jean,  Roi  de  France.  —  Comptes  de  Denys  de  Collors.)  Reste 
à  savoir  s'il  s'agit  d'autourserie  ou  de  fauconnerie.  —  Les  Persans  et  les 
Indous,  lorsqu'ils  chassent  au  vol,  portent  pour  le  mémo  usage  de  pe- 
tites timbales  d'argent  suspendues  à  la  selle. 

(2)  Sur  l'espreveterie,  \o\r  surtout  \e  Mesnagier  de  Paris,  t.  IL 

(3)  Du  temps  de  d'Arcussia,  ce  vol,  (jui  est  mentionné  dans  Gace  de 
la  Buigne,  n'avait  plus  lieu  qu'en  Italie,  où  les  éperviers  étaient  très- 
bons  et  en  très-grand  honneur. 

(4)  R.Modus.  —  MesnuQicr.  —  Belon.  —  D'Arcussia. 

Le  Mesnagier  range  Yonslarde  parmi  les  oiseaux  qu'on  vo!(^  avec  l'é- 
pervier. 11  y  a  évidemment  contusion  avec  l'autour. 


—  'Io:j  — 

de  perdreaux  qu'aucuns  avant  la  Sainl-Remi  (1),  et, 
quand  ils  sont  grands ,  ils  continuent  ù  en  prendre 
jusqu'à  la  Toussaint  (2). 

En  Provence,  lors  du  passage  des  cailles,  on  en      ciius 
prenait  des  quantités  énormes  avec  l'épervier. 

Dans  les  environs  de  Toulon ,  un  homme  à  pied, 
une  gaule  à  la  main  et  sans  chien ,  prenait  avec  son 
oiseau  jusqu'à  six  douzaines  de  cailles  en  un  jour. 

Le  passage  durait  pendant  les  mois  de  septembre  et 
d'octobre.  Cette  saison  passée,  les  Provençaux  met- 
taient leurs  éperviers  dans  une  chambre  et  les  gar- 
daient jusqu'à  l'été  suivant.  Au  mois  de  juillet,  ils 
s'en  servaient  pour  voler  les  perdreaux ,  à  quoi  ils 
étoient  merveilleusement  bons  (3). 

Le  vol  de  l'alouette  était  un  des  grands  plaisirs  de  v.i 
la  noblesse  campagnarde  (4).  Elle  se  faisait  au  chault 
temps.  «  Les  grands  seigneurs  s'ébatent  lors  au  plus 
gay  gibier  de  l'année.  »  Le  fabliau  du  chevalier  à  la 
robe  vermeille  nous  montre  un  de  ces  nobles  espréve- 
teurs  vêtu  d'une  robe  d'escarlate  novele,  fourrée  d'her- 


(  1)  Jour  où  tous  perdreaux  sont  perdrix. 

(2)  «  Et  en  vole  on  aux  perLriseaulx  aux  aloes  et  aux  cailles  et  est 
un  fléduict  trop  plaisant  pour  ce  qu'on  vole  souvent,  comme  pour  les 
beaux  vols  que  ung  esprevier  fait,  et  aussi  pour  la  compagnie  avec 
qui  on  est.  Car  moult  de  gens,  hommes  et  femmes,  se  puent  (peuvent) 
déduire  et  voler  de  l'esprevier,  et  faire  ung  grant  renc  à  travers  les 
champs  et  voler  chascun  endroict  soy,  et  là  voit  on  qui  mieulx  vole.  » 
{LeRoy  Modui.) 

(3)  D'Arcussia. 

{!i)  «  Dieux,  comme  c'est  beau  déduit,  c'est  plaisant  déduit  que  de 
veoir  prendre  luie  aloo  à  l'estourso  (à  la  source)  à  bon  esprevier!  » 
{Le  Boy  Modvs) 

III.  13 


de  l'aloiieUe. 


—  194  — 
mine.  (I),  ses  éperons  d'or  aux  talons,  mais  n'ayant 
point  de  chausses  à  cause  de  la  chaleur  (2). 

II  prist  son  csprevier  mué 

Que  il  méisine  ot  (eut)  mué 

Et  maine  deux  chienès  (3)  petiz 

Qui  estoient  trestoz  fetiz 

Por  fère  aus  clians  saillir  l'aloo  (4). 

Une  chasse  à  l'alouette  avec  l'épervier  a  fourni  à 
l'auteur  du  Roman  de  la  Violette  un  de  ses  plus  in- 
génieux épisodes  (5). 

Les  éperviers  étaient  parfois  assez  bien  duits  pour 
rapporter  sur  le  poing  du  chasseur  l'alouette  qu'il 
venait  de  prendre.  Ces  éperviers  étaient  appelés  éper- 
viers aux  dames,  parce  qu'on  les  offrait  de  préférence 


(I)  La  passion  pour  les  fourrures  était  telle,  qu'il  fallait  en  porter 
même  par  les  plus  grandes  chaleurs. 

(1)  Les  chausses  d'alors  étaient  une  sorte  de  longs  bas  qui  montaient 
Jusqu'à  mi-cuisse  et  s'attachaient  au  braj/rr  ou  caleçon.  " 

(3)  Chiennets,  petits  chiens. 

(-'i)  Propres  à  faire  partir  l'alouette. 

(5)  Gérard  de  Nevers  sort  de  Cologne  pour  (luire  son  épervier  à  vo- 
ler l'alouette.  Il  entend  un  de  ces  oiseaux  qui  aJoil  moull  cler  chan- 
lant  cl  l'aperçoit  planant  en  l'air,  les  ailes  étendues,  puis  se  posant. 

A  l'esprevicr  ses  loingnes  (longes)  o&te 

A  garder  les  baille  à  son  oste, 

Et  l'esprevier  qui  vit  de  loing 

L'aloëte,  desour  son  poing 

Se  couche  et  a  laské  (lâché)  ses  giés, 

Moltfut  biaus  à  véoir  cis  giés  (jet). 

Gérard  pique  des  deux,  et  après  avoir  laissé  l'oiseau  s'csplumcr  un 
peu  et  se  repaître  de  la  cervelle,  il  descend  et  lui  prend  sa  jjroie.  En 
ùtant  l'alouette  à  son  épervier,  le  comte  de  Nevers  aperçoit  un  anneau 
autour  de  son  col,  il  reconnaît  celui  de  de  sa  mie  Euriaut  qu'il  a 
abandonnée,  et  part  aussitôt  pour  se  mettre  à  sa  recherche. 


—  195  — 

aux  belles  chasseresses,  qui  étaient  généralemenl  très- 
assidues  au  vol  de  l'alouette  (1). 

A  l'exception  de  la  petite  chasse  des  pies,  des  geais, 
des  merles  et  des  grives  dans  les  haies,  qui  se  faisait 
encore  au  xvif  siècle  comme  au  temps  du  Mesnagier 
de  Paris,  les  vols  pour  champs  restèrent  seuls  en  usage 
chez  les  gentilshommes  jusqu'à  la  fm  de  Vespréve- 
terie  ("2). 

Quoiqu'on  fît  un  cas  médiocre  de  la  basse  volerie 
dans  la  fauconnerie  royale,  on  y  volait  cependant  les 
perdrix  avec  l'autour,  et,  avec  l'épervier,  la  caille,  le 
geai,  le  hèchebois,  le  merle,  le  peschevéron  ou  martin- 
pêcheur  et  diverses  sortes  d'oisillons  (3). 

§  3.  VOL  d'animaux  quadrupèdes. 

Il  nous  reste  à  parler  d'une  chasse  qui  se  faisait 
avec  des  oiseaux  de  proie  dressés  et  qui  néanmoins, 
par  sa  nature  n'est  pas  susceptible  d'être  classée  dans 
la  haute  pas  plus  que  dans  la  basse  volerie,  puisqu'il 
s'agit  de  prendre  un  animal  qui  ne  vole  pas,  un  qua- 
drupède. 

Nos  anciens  auteurs  ont  parlé  de  chasses  merveil- 
leuses au  blaireau,  au  renard,  au  chcvrel  sauvage,  qui 
se  faisaient  avec  des  aigles  dressés.  Le  chevreuil  aurait 
aussi  été  chassé  avec  le  sacre  et  l'autour  (4). 


(1)  Le  RoyModus. 

(2)  Mesnagier.  —  D'Arcussia. 

(3)  D'Arcussia.  —  Èlals  de  la  France. 

(4)  Alb.  Magn.  —  P.  de  Crescens.  —  Mesnagier.  —  G.  Tardif.  —  De 
Thon.  —  En  Orient,  les  aigles  dressé?  prenaient  le  sanglier,  l'onagre, 


—  lor;  — 

On  disait  que  ces  oiseaux  cliasseurs  harcelaient  le 
<;hevreuil,  s'efforçaient  de  lui  crever  les  yeux  et  le 
battant  des  ailes  du  bec  et  des  serres,  retardaient 
assez  sa  course  pour  mettre  les  chiens  lancés  à  sa 
poursuite  à  même  de  le  saisir  (l). 

Malgré  le  témoignage  de  ces  auteurs,"  il  est  fort 
douteux  qu'on  ait  volé  en  Europe  le  blaireau,  le  re- 
nard et  même  le  chevreuil.  Ce  qu'ils  disent  en  par- 
lant de  ce  dernier  quadrupède  doit  avoir  été  emprunté 
aux  récits  que  font  de  la  chasse  à  la  gazelle  les  fau- 
conniers orientaux  (2).  On  sait  que  nos  anciens  fau- 
conniers ont  puisé  très-abondamment  à  cette  source, 
sans  y  apporter  toujours  tout  le  discernement  dési- 
rable (3). 

De  toutes  les  chasses  de  quadrupèdes  faites  avec 
l'oiseau  de  proie,  il  n'y  a  guère  que  celles  du  lièvre 
et  du  lapin  qui  aient  été  véritablement  usitées  en 
France. 

On  prenait  le  lièvre  avec  le  gerfaut,  le  sacre,  le  la- 
nier,  le  faucon  ou  l'alfanet  (4). 

L'autour  chassait  aussi  le  lièvre  (5). 

Le  vol  pour  lièvre  était  en  usage  dans  la  fauconne- 


le  cheval  sauvage,  le  loup,  le  daim  et  la  gazelle.  —  Voir  Marco  Polo, 
—  De  Thou,  —  PiiUas,  —  Buffon. 

(1)  P.  de  Crescens.  —  G.  Tardif. 

(2)  D'Arcussia  avait  connaissance  de  cette  chasse  qui  se  fait  encore 
en  Orient  et  en  Afrique. 

(3)  C'est  l'opinion  de  M.  le  baron  J.  Pichon  dans  une  notre  très-ju- 
dicieuse de  son  Mesnogirr  de  Paris,  t.  II. 

(4)  D'Arcussia. 
(ô)  Ibidoii. 


—  197  — 

rie  royale  sous  Louis  XIII  et  Louis  XIV.  Il  se  faisait 
ordinairement  avec  un  gerfaut  et  un  méchant  lévrier 
sans  beaucoup  de  force,  pour  secourir  quelquefois 
l'oiseau  (1). 

Le  lapin  était  aussi  chassé  avec  l'autour.  Pour  que 
l'oiseau  de  poing  eut  le  temps  de  l'empiéter,  il  fallait 
le  lancer  loin  du  terrier ,  dans  un  terrain  décou- 
vert (2). 

Selon  le  Mesnagler  de  Paris,  l'épervier  volait  lape- 
riaulx  et  levrata  (3). 

§   4.   CHIENS   ET   CHEVAUX   EMPLOYÉS    DANS   LES   CHASSES   AU   VOL. 

Il  nous  reste  à  parler  des  chiens  et  des  chevaux 
dont  on  se  servait  pour  chasser  au  vol. 

Les  chiens  étaient  de  deux  sortes ,  les  chiens  cVoi-      chiens 

|.  ^.  iM-  1       p    •       •  1  1  servant  à  la 

sel  qui  quêtaient  le  gibier  et  le  laisaient  lever,  et  les  chasse  au  voi. 
lévriers  qui  venaient  en  aide  au  faucon,  lorsqu'il  avait 
lié  et  porté  bas  un  oiseau  de  forte  taille  et  capable  de 
résistance  (4). 

Ces  lévriers  étaient  ordinairement  à  gros  poil  et  on 


(1)  États  de  lu  France. 

(î)  El  se  connins  veulent  manger 

Si  les  quièrent  loing  du  terrier. 

(Gace  de  la  Buigue.) 

(3)  M.  baron  J.  Pichon  met  en  doute  que  l'épervier  ait  eu  la  force 
de  prendre  des  levrauts  et  des  lapereaux.  Il  croit  qu'il  y  a  confusion 
avec  l'autour,  cependant  on  voit  tous  les  joure  les  jeunes  le\rauts.  at- 
taqués dans  les  champs  par  des  oiseaux  moins  forts  et  moins  hardis 
que  l'épervier  femelle.  Les  pies  et  les  corbeaux  ne  se  gênent  guère 
pour  attaquer  un  levraut  ou  même  un  grand  lièvre  blessé. 

(4)  Gace  de  la  Buigne.  —  Gaston  Pluebus.  —  De  Tliou.  —  Claude 
Gauclief.  —  D'Arcussia. 


—  198  — 

les  dressait  à  aller  à  l'eau  et  à  rapporter  les  oiseaux 
qui  y  tombaient,  frappés  par  le  faucon  (1). 

Les  chiens  d'oisel  étaient  des  épagneuls,  des  épa- 
gneuls  d'eau ,  des  griffons ,  des  barbets  et  des 
braques  (2). 

Pour  le  vol  des  champs,  les  épagneuls  étaient  pré- 
férés aux  braques,  qui  se  permettaient  trop  souvent 
de  détrousser  l'oiseau  à  leur  proflt  et  de  dévorer  la 
perdrix  (3).  Les  épagneuls  noirs  étaient  fort  estimés. 
Néanmoins,  M.  de  Morais  conseille  de  préférer 'les 
épagneuls  blancs  et  orangés  parce  qu'ils  se  voient  de 
plus  loin.  Il  ne  les  faut  ni  grands  ni  petits,  ajoute- 
t-il  (4). 

Ces  chiens  étaient  dressés  à  quêter  et  à  marquer  le 
gibier  plutôt  qu'à  l'arrêter  très-ferme.  Lorsqu'on  vo- 
lait aux  champs  avec  des  oiseaux  de  leurre,  on  faisait 
battre  la  plaine  par  un  grand  nombre  de  chiens, 
quatre  à  six  couples  chez  les  simples  particuliers; 
chez  le  Roi,  le  vol  pour  champs  du  Cabinet  avait, 
pour  son  service  seul,  dix-huit  épagneuls  entretenus. 

Le  vol  pour  champs  avec  les  oiseaux  de  poing  exi- 
geait un  moins  grand  attirail  de  chiens.  «  Nul  ne  peut 
exploicler  d'esparvier  sans  chien  bonnement,  »  dit 
Gace  de  la  Buigne:  il  faut  donc  à  l'espréveteur 


(1)  D'Arcussia.  —  Eluls  de  la  Fraurc. 

(2)  De  Thou.  —  D'Arcussia. 

(3)  Olivier  de  Serres  préfère  également  les  éi)agnculs  aux  braques 
«  pour  ce  ([uestant  mieux  vestus,  ils  ne  crainilront  ni  le  froid  ni  les 
'•siiines.  » 

( '0  De  nioj/riinr  Inilb .  dit  Olivier  de  Sciti>. 


—  199  — 

Quatre  l'iMcns  cl  biou  douljLans 
D'Espaigne  et  bien  relomnans 
Qu'ils  soient  à  eommandemcnl. 

Le  Mesnagier  estime  qu'il  suffit  de  trois  espaitjnob 
bien  dressés,  qui  quêtent  deux  ou  trois  toises  devant 
l'épervier. 

Pour  voler  en  rivière,  les  meilleurs  chiens  étaient 
les  barbets,  plus  dociles  et  moins  pillards  que  les  grif- 
fons. Les  épagneuls  d'eau  anglais  et  flamands  étaient 
également  fort  bons  (1),  et  rapportaient  aussi  bien  que 
leurs  descendants  plus  ou  moins  directs,  les  retrievers 
de  l'Angleterre  moderne. 

Ilparaîtque  quelques  fauconniers  avaient  l'habitude 
d'emmener  des  chiens  d'Artois  ou  bassets.  D'Arcussia 
les  blâme  et  dit  que  ces  chiens  ne  font  que  clahaiider 
et  appeler  en  [aux. 

Quant  aux  chevaux,  les  chasses  de  haute  volerie     cuevaux 
demandaient  des  chevaux  aussi  vites  et  aussi  vigou-  cSeau^ûi, 
peux  que  les  chasses  à  courre  les  plus  vives. 

On  choisissait  ces  chevaux  plus  petits  que  grands, 
ayant  la  jambe  large  et  le  pied  bon,  peu  d'épaules, 
l'encolure  longue  et  la  tête  petite.  On  ne  les  voulait  ni 
trop  ardents  ni  trop  sensibles  à  l'éperon. 

Au  xvn*"  siècle,  les  chevaux  anglais  de  petite  taille 
étaient  considérés  comme  les  meilleurs  chevaux  de 
maître,  mais  chaque  chasseur  devait  en  avoir  au  moins 
trois  à  son  rang  (2). 

Les  autoursiers  pouvaient  se  contenter  d'un  rous- 


(1)  De  Thou.  -  DArcussia. 

(2)  Morais. 


—  200  — 
siii  bon  troUeur,  d'un  bidet  d'allure  ou  même  d'une 
bonne  mule.  La  chasse  avec  l'épeivier,  plus  animée, 
exigeait  deux  chevaux  (1). 


(I)  Gace  de  la  Buigne  veut  que  l'espréveteur  soit  monté  stis  vnc/ 
i/ros  roussi n,  bas,  bien  Iroctani,  et  bon  et  fin. 

Mais  si  no  veult  faire  défaull 
Pour  l'esparvier  deux  luy  en  Cault. 


LIVRE  viir. 


LA    riIASSE    A    Tin, 


L'hisloire  de  !a  chasse  à  tir  se  trouve  naturellement 
divisée  en  deux  grandes  périodes  essentiellement  dis- 
tinctes, l'une  antérieure,  l'autre  postérieure  à  l'inven- 
tion des  armes  à  feu. 

11  y  a  de  plus  une  période  intermédiaire  assez 
longue,  durant  laquelle  les  anciennes  armes  de  jet  et 
les  armes  à  feu  furent  employées  simullanément. 


CHAPITKK  PREMŒU. 

Chasses  avec  les  anciennes  armes  de  jet. 


§  1.  l'arc  et  les  flèches. 

Les  plus  anciennes  armes  de  chasse  sont  le  javelul 
et  l'arc.  Nous  ne  parlerons  pas  du  premier  qui  n'a  ja- 
mais été  d'un  usage  habituel  dans  notre  pays  depuis 
les  Gaulois  (1). 

Quant  à  l'arc,  il  remonte,  comme  arme  de  guerre 

et  de  chasse ,  aux  premiers  âges  de  l'humanité. 

Chasses         Les  Gaulols,  qui  dédaignèrent  longtemps  de  s'en 

servir  à  la  guerre,  en  faisaient  un  emploi  continuel  à 

la  chasse.  Ils  empoisonnaient  leurs  flèches ,  soit  avec 


(I)  Au  (lire  de  Strabon,  les  Gaulois  se  servaient  d'un  trait  en  bois, 
semblable  à  ceux  des  vélites  romains  {Orosphos).  Ils  le  lanraient  à  la 
main,  sans  amenlum  ou  courroie  de  jet,  à  de  plus  grandes  dislances 
([ue  la  portée  d'une  flèche.  Celle  arme  était  surtout  en  usage  jiour  la 
(•liasse  des  oiseaux  (liv.  IV).  Quelle  que  lut  l'adresse  des  chasseurs 
gaulois,  il  est  évid(>nt  (pi'ils  ne  ])0uvai(Mit  alleindre  avec  cette  armi" 
qui'  d<'s  oiseaux  de  forti'  taillf  l'I  jtosés. 


avec  l'arc  chez 
les  Gauluis. 


—  203  — 

(le  l'ellébore,  soit  avec  une  plante  nommée  en  langue 
celtique  limeum  (1).  Lorsque  la  bête  était  abattue,  ils 
cernaient  la  plaie  et  enlevaient  la  chair  qu'avait  tou- 
chée le  poison.  Moyennant  cette  précaution,  la  venai- 
son pouvait  être  mangée  sans  aucun  danger,  on  la 
considérait  même  comme  plus  délicate  (î). 

Les  Francs  et  les   autres  Germains   s'adonnaient      cunki 
comme  les  Gaulois  à  la  chasse  avec  l'arc,  ainsi  qu'en     cianues 
témoignent  leurs  codes.  Les  chefs  barbares  se  piquaient     '^''""""'' 
d'y  exceller  et  se  plaisaient  à  montrer  leur  adresse  à 
tirer  à  cheval ,  se  faisant  indiquer  par  leurs  compa- 
gnons de  chasse  un  but  que  leurs  flèches  manquaient 
rarement  (3). 

Les  Rois  et  les  Empereurs  de  la  race  carlovingienne,        ^-^''^ 

cailovingieiis. 

notamment  Charlemagne  (4)  et  Louis  le  Débonnaire, 
chassaient  également  avec  l'arc  et  les  flèches  (5). 

rr  1      i       •    -v  11  'I  in\  Cliasses  à  l'aie 

Sous  la  troisième  race,  la  chasse  a  berser  (o),  comme  sous  ia3' race. 


(1)  On  croit  que  c'était  une  espèce  de  renoncule  sauvage  {ranuncu- 
liis  lliora)  dont  les  habitants  des  Alpes  utilisaient  de  même  les  vertus 
toxiques  au  moyen  âge.  (Voir  la  Mesnagier  de  Paris,  t.  II,  p.  257,  note.) 
Au  XVI'  siècle,  les  Espagnols  empoisonnaient  leurs  traits  d'arbalète 
avec  le  suc  de  l'ellébore  blanc  {veralrum  album)  qu'ils  appelaient  par 
ce  motï{  yerva  da  balleslero.  (Espinar.  —  Magné  de  Marolles.) 

(2)  Pline,  liv.  XXV  et  XXVII. —  Strabon  dit  que  Yarhre  dont  le  sur 
cmijoisonnait  les  flèches  des  Gaulois  portait  des  fruits  en  forme  de 
chai)iteau  corinthien. 

(3)  Voir  le  passage  cité  plus  haut  de  Sidoine  Apollinaire  sur  Tliéo- 
doric,  Roi  des  Visigoths  do  Toulouse. 

(4)  Il  existe  des  vers  latins  d'Alcuin  où  sont  célébrées  les  chasses 
de  Charlemagne  et  les  grandes  tueries  de  bêtes  noires  et  de  cerfs  qu'il 
faisait  avec  ses  flèches. 

(5)  Ducange,  v"  Forcsla. 

(G)  Sur  ce  mot,  dérivé  du  liuhisqui'  Ilirsr/i.  r-n  alli'mand  modi'rni" 
Pirschcn,  voir  Ducangi',  v   lUrsarr. 


Itucs  lie 
Noiiiiaiiilie. 


—  204  — 

on  disait  alors,  ne  fut  pas  moins  en  vogue  parmi  les 
princes  et  les  seigneurs  français. 

Fulbert  de  Chartres  (mort  en  J029)  parle  d'une 
chasse  à  l'arc  que  le  Roi  Robert  doit  venir  faire,  à 
l'époque  du  rut  des  cerfs,  dans  une  de  ses  forêts  (1). 

I.es  dames  nobles  elles-mêmes  se  livraient  parfois 
à  cet  exercice,  témoin  une  charte  de  l'an  1240  par 
laquelle  la  comtesse  Aanor  de  Saint- Valéry  est  auto- 
risée par  son  époux,  Henri  de  Sully,  à  tirer  de  l'arc 
{arcuare)  et  à  en  faire  tirer  dans  les  forêts  de  leurs 
domaines  {È). 

Les  ducs  de  Normandie  et  la  noblesse  de  leurs  états 
paraissent  surtout  avoir  eu  une  prédilection  marquée 
pour  ce  genre  de  déduit. 

Les  traditions  normandes  nous  font  voir  Ri- 
chard I"  (3)  chassant  à  berser  dans  la  forêt  de  Lyons. 
C'est  à  la  fin  d'août,  il  envoie  ses  forestiers  viser  cni  il 
pourvoit  grand  cerf  trouver,  puis  il  fait  porter  arcs  et 
sagettes  et  conduire  ses  brachels  et  ses  limiers  par 
une  route  détournée,  de  crainte  que  les  animaux  les 
voient  venir  (4). 


(1)  In  Silvcnii  Icf/iiiiit.  —  Ducange,  v"  liuf/ilus.  —  Peut-èlrc  Saint- 
Germain-en-Lay  e . 

(2)  Ducange,  v°  Arcuare.  —  Charla  Henricide  Soliaco.  — Aanor  de 
Saint-Valery,  comtesse  de  Dreux,  avait  i^'pousé  en  secondes  noces 
Henri,  sirode  Sully.  (P.  Anselme,  t.  I.) 

C.i)  Eu  liois  sont  coiulemout  è  berser  è  veuer. 

(/?.  (Ir  non.) 

Hichaiil  1",  dit  Sons  Prttr.  Ik'tds  de  luainli'  iégi.'udr  raidasliciiu', 
imuii'Mt  ru  '.•',)(). 

('i^  Itdincii  (le  Hall.  •',(•  riiriMil  irs  Noniiaiids  qm  iiu|i()rlt''r<'nl  rii 
Angli'ti'i'rc  l'usage  de   lare   long  qui  douua  [ilu^  lard    ua  avaidagv  .^i 


—  205  — 

De  mtime,  le  scnjent  envoyé  par  la  garnison  nor- 
mande du  Mans  pour  demander  secours  au  Koi  Guil- 
laume le  Roux  le  trouve  prêt  à  aller  berser  en  bois 
avec  ses  brachets. 

i\ous  avons  raconté  précédemment  de  quelle  façon 
ce  même  Guillaume  péril  dans  hNove  Forest  en  ber- 
sant  cerfs  et  biches. 

«  Je  ne  sais,  »  dit  le  chroniqueur  Robert  Wace, 
«  qui  traist  (tira),  ni  qui  lésa  (blessa),  ni  qui  férit 
(frappa),  ni  qui  bersa,  mais  on  dit  que  ce  fut  Tirel  qui 
occit  le  Roi  (l).  » 

Henri,  frère  puîné  du  Roi,  était  aussi  à  cette  chasse 
fatale;  mais,  en  tendant  son  arc,  un  brin  de  la  corde 
se  rompit,  il  fallut  entrer  dans  llukel  d'un  vilain 

Pour  corde  ou  pour  fil  pourchasser 
Et  sa  corde  apareiller  (2). 

Circonstance  qui  parut  suspecte  à  plusieurs. 

Ce  prince  Henri,  qui  devint  Roi  d'Angleterre  après 
le  Roi  Roux,  aimait  à  berser  presque  autant  que  lui  (3). 

Le  roman  de  Tristan,  écrit  sous  son  règne  en  dia- 
lecte anglo-normand,  ne  manque  pas  de  s'étendre  sur 
l'adresse  incomparable  de  son  héros  à  s'aider  de 
l'arc  (4). 

Marie  de  France,  qui,  malgré  son  surnom,  paraît 


désastreux  à  leurs  armées  sur  les  nôtres.  (Voir  Aug.  Thierry,  Hisloire 
de  la  conquête  de  VAnçilelerre.) 
(!)  Roman  de  Rou. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Ibidem. 

(4)  En  Tristan  out  molt  l>uen  archier 
Molt  PO  sout  l)ien  do  l'arc  aidier. 


—  206  — 

aussi  avoir  écrit  à  la  cour  des  Rois  anglo-normands, 
met  également  l'arc  aux  mains  du  damoisel  Gugemer, 
lorsqu'il  blesse  la  biche  fée,  toute  blanche,  qui  avait 
sur  la  tête  des  perches  de  cerf  (1). 

Au  xiv*"  siècle,  le  Normand  Godefroy  d'Harcourt 
est  blessé  accidentellement  d'un  coup  de  flèche  h  la 
chasse  (2). 

L'arc  paraît  avoir  été  assez  en  vogue  dans  le  nord 
de  la  France  à  cette  époque.  Le  Roy  Modus  s'étend 
complaisamment  sur  la  science  (Varcherie ,  dont  il 
donne  minutieusement  les  préceptes. 

Gaston  Phœbus,  au  contraire,  tout  en  consacrant  à 
cette  chasse  quelques  chapitres  curieux,  se  hâte  de 
renvoyer  pour  plus  amples  détails  aux  Anglais,  dont 
c'est,  dit-ii,  le  droit  mestier. 

Au  siècle  suivant,  et  même  au  xvi%  le  tir  avec  l'are 
long  entrait  encore  dans  l'éducation  des  Princes.  Charles 
le  Téméraire,  le  sire  de  la  Trémoille,  Maximilien  d'Au- 
triche ,  le  connétable  de  Bourbon,  Henri  II  se  pi- 
quaient d'y  exceller  (3). 


(I)  Dans  cotte  chassn  merveilleuse,  les  veneurs  ù  cheval  et  les  ber- 
niers  a'nroiilcni  à  la  bète,  découplent  les  brachets  et  suivent,  l'arc  en 
main  : 

Li  veneor  curent  devant 

Li  damoisiaus  s'en  va  criant 

Son  arc  li  portcit  un  valiez 

Sun  hansart  et  sun  berserez, 

Traire  vossist,  se  mes  (moyen)  éust 

Ains  que  d'ieuc  se  rt>méust  (que  de  là  se  retirât). 

('2)  Gaston  Phœbus. 
\^^)  Voir  jdus  haut. 


—  207  — 

On  ne  sait  pas  précisément  à  quelle  époque  l'are  et 
les  flèches  furent  complètement  abandonnés  en  France 
pour  la  chasse.  Ces  armes  sont  encore  comprises 
parmi  celles  qu'il  est  défendu  aux  voisins  des  forets 
royales  de  garder  en  leurs  maisons  par  les  ordon- 
nances de  1515  et  1548  (1). 

Le  Roy  Modus  et  Gaston  Phœbus  sont  entrés  dans 
les  détails  les  plus  circonstanciés  sur  la  fabrication 
des  arcs  et  des  flèches  destinés  à  la  chasse  et  sur  la 
manière  d'en  faire  usage. 

L'arc  de  chasse,  ordinairement  moins  long  que 
l'arc  de  guerre  (2),  avait  20  à  22  poignées  d'une  osclie 
(coche),  ok  la  corde  se  met  jusqu'à  l'autre  (3).  Il  était 
fait  de  bois  d'if  bien  assaisonné,  ou,  à  défaut  d'if,  de 
buis,  de  cormier  ou  d'aubom^  (cytise);  la  corde  était 
de  soie. 

La  flèche  de  chasse,  ou  sagette  berserette,  avait  8  à 
10  poignées  de  long,  de  la  coche  aux  barbes  du 
fer  (à). 

Ces  flèches,  en  bois  soigneusement  préparé,  bien 
sec  et  bien  léger,  étaient  toujours  empennées  (5)  et 


(1)  Voir  le  Code  des  chasses.  Selon  Micli.  Ang.  Blondus(Z)p  Canihus 
rlvenatione,  Rome,  1544),  l'arc  n'était  plus  usité  de  son  temps  cn'italie. 
Les  Anglais  sont  restés  attachés  longtemps  après  tous  les  autres  peu- 
ples à  cette  arme  nationale,  pour  la  chasse  comme  pour  la  guerre. 
Dans  une  lettre  du  21  août  1610,  Gilbert,  comte  de  Shrewsbury,  ra- 
conte qu'il  a  tué  trois  cerfs  avec  son  arc  à  Hatfield.  {lUusli^ated  London 
news,  20  janvier  1855.)  En  1624,  Abbot,  évèque  de  Canterbury,  blessa 
mortellement  un  garde  d'un  coup  de  flèche  en  tirant  un  daim. 

(2)  L'arc  de  guerre  anglais  avait  6  p.  4  pouces  (anglais)  (l  m.  90  c). 

(3)  En  comptant  la  poignée  à  O^.OO,  l-^jSOà  l'»,98. 

(4)  «  Flesches  à  berser  bestes.  »  Comptes  des  ducs  de  Botirr/ogne. 

(5)  Quelquefois  de  plumes  de  paon.  (Comptes  de  l'évéque  de  Win- 
chester sous  le  règne  de  Henri  V,  dans  Ilewitt,  aiieienl  arms,  t.  11.) 


Des  diffL'renles 

niiHhoiles 

de  chasser  avec 

l'are. 


—  -208  — 

garnies  d'une  coche  de  corne  ou  d'os,  dans  laquelle 
entrait  la  corde  de  l'arc. 

Le  fer,  à  douille,  aflectait  diverses  formes  : 

Le  plus  souvent  il  était  en  forme  de  V,  barbelé, 
long  de  5  doigts,  large  de  4  à  l'endroit  des  barbeaux, 
bien  affilé  et  bien  tranchant  (1). 

Hardouin  de  Fontaines-Guérin  se  plaint  que  les 
braconniers  de  son  temps  détruisaient  beaucoup  de 
cerfs  avec  ces  sagettes  à  large  fer. 

Pour  tirer  des  animaux  de  petite  taille  comme  le 
lièvre,  ou  des  oiseaux,  on  se  servait  de  bougons  ou 
boîijons,  flèches  terminées,  au  lieu  de  fer,  par  une 
tête  obtuse  en  plomb  [2). 

i\îagné  de  Marolles,  dans  son  excellent  chapitre  sur 
l'arc,  fait  remarquer  très-judicieusement  que  jamais 
les  chasseurs  de  l'antiquité,  non  plus  que  ceux  du 
moyen  âge  n'ont  pu  tirer  au  vol  avec  des  flèches, 
malgré  les  anecdotes  racontées  à  ce  sujet  par  les 
poètes,  les  historiens  et  les  voyageurs  (3). 


(1) 


El  ij  sectes  empénées 
Barbelées  ot  l'en  menées. 


(Roman  de  Tristan). 


En  Angleterre  il  était  défendu  aux  voisins  des  forêts  d'avoir  des 
ilèches  à  fer  barbelé,  on  ne  leur  permettait  que  des  inlles,  ou  flèches 
non  barbelées,  «  arcs  et  setes  (sagettes)  hors  de  forostes,  et  dedenz  fo- 
restes,  arcs  et  piles.  »  (Ilewitl,  I.) 

(2)  Voir  Carpentier,  glossaire,  v"  Holzonits.  —  Tous  les  détails  qui 
précèdent  sont  tirés  de  Gaston  Phœbus  et  du  Roy  Modtis.  —  «  Le 
féagc  de  ïîossart  en  Anjou  estoit  tenu  du  duc  au  devoir  d'un  boiison 
empenné  d'une  plume  d'aigle,  ferré  et  coché  d'argent  aux  deux  bouts, 
à  muance  de  seigneur.  »  (Carpentier,  tibi  suprà.) 

(3)  Y  compris  ce  (jne  disent  des  sauvages  quelques  voyageuis  mo- 
dernes. 


—  209  — 

En  admoltaiit  la  réalilé  de  quelques-uns  de  ces 
hauts  faits  à\ir chérie ,  qui  sont  toujours  présentés 
comme  dignes  de  l'admiration  des  siècles  présents  et 
futurs,  il  faut  y  voir  des  coups  de  hasard  merveilleux 
et  tout  à  fait  exceptionnels  (1),  et  reconnaître  qu'on 
n'a  jamais  pu  tirer  les  oiseaux,  et  même  les  petits 
quadrupèdes  avec  quelques  chances  de  succès,  que 
lorsqu'ils  étaient  immobiles. 

Quant  aux  grands  animaux,  on  s'efforçait  autant 
que  possible  de  les  surprendre  arrêtés  ou  allant  d'as- 
surance (2);  cependant  on  les  tirait  quelquefois  cou- 
rant devant  les  chiens,  comme  nous  allons  le  voir,  en 
ayant  soin  de  viser  fort  en  avant  de  la  bête. 

On  chassait  avec  l'arc  le  cerf,  le  daim,  le  chevreuil,      ciuisscs 
le  sanglier  et  le  lièvre.  ""^^^"'"'^ 

o  aniniaiix. 

Pour  herser  les  grands  animaux,  il  fallait  avant  tout 
les  faire  passer  à  portée  ou  les  approcher  à  bonne 
distance. 

On  faisait  passer  le  gibier  avec  des  chiens  ou  des     Avec  des 

1  cliicns 

traqueurs.  ,„„„„i,  ,„ 

Dans  les  deux  cas,  les  archers  étaient  placés  en  Jes'f»'i"e<;rs. 
ligne,  à  un  jet  de  pierre  l'un  de  l'autre,  ou  plus  près  si 
le  pays  était  très- couvert,  chacun  adossé  à  un  arbre  (3). 
Ils  devaient  être  vêtus  de  vert  et  munis  d'une  lime 


(1)  C'est  ainsi  qu'il  faut  prendre  les  coups  d'adresse  de  l'abbé  Guido 
cités  plus  haut,  et  ceux  de  Maximilien  d'Autriche  qui  se  vantait  de 
tuer  des  oiseaux  au  vol  avec  ses  flèches  en  tirant  h  cheval  et  d'atteindre 
des  canards  au  moment  oi\  ils  s'enlevaient  {iin  Auffliegen),  ce  qui  est 
moins  invraisemblable. 

(2)  Le  Roman  de  la  Rose  compare  Cupidon  au  Vênièrc  qui  alleiul. 
—  Que  la  besle  en  bel  Icu  se  mele  —  por  lessier  aler  la  sajelc. 

(3)  De  là  le  mot  d'alfùt  ou  plutôt  à  fusl,  contre  le  bois. 

III.  14 


—  210  — 

pour  affiler  les  flèches,  et  d'une  corde  de  rechange 
en  leur  bourse,  la  main  droite  couverte  d'un  gant  et  le 
bras  gauche  armé  d'un  bracer  pour  le  garantir  du 
frottement  de  la  corde  (1).  Chaque  tireur  devait,  en 
outre,  avoir  sur  lui  un  briquet,  une  pierre  à  feu,  une 
hache,  un  pain  troussé  derrière  et  un  barillet  de  vin. 
«  Car  on  ne  scet  les  aventures  qui  aviennent  en 
chasse.  » 

On  postait  ensuite  des  défenses  autour  du  bois,  et 
l'on  découplait  les  chiens  ou  bien  les  traqueurs  se 
mettaient  en  marche  (2). 

Dès  que  la  chasse  était  commencée,  les  tireurs  de- 
vaient encocher  leurs  sagelles,  et  de  manière  à  n'avoir 
plus  qu'à  entoiser  l'arc  (3)  en  écartant  les  deux  bras, 
et  amener  la  sagette  presque  à  l'oreille  droite  quand 
la  bête  apparaissait. 

Si  celle-ci  venait  droit  au  chasseur,  il  la  laissait 
approcher  le  plus  possible  et  la  tirait  à  la  poitrine, 
visage  à  visage.  En  attendant  qu'elle  passât  à  côlé  de 
lui,  le  tireur  s'exposait  à  ce  qu'elle  prît  sa  droite,  ce 
qui  lui  rendait  fort  difficile  de  bien  ajuster. 

Si  la  bête  venait  par  la  gauche,  il  fallait  la  tirer  en 
flanc,  mais  en  ajustant  devant  elle.  Tirer  droit  à  droit 
sur  la  ligne  était  dangereux  pour  les  voisins.  «  Car 


(1)  Ce  bracer  ou  brassard  était  fait  de  cuir  d'Espagne  tourné  en 
dehors  du  côté  le  plus  lisse.  {Le  Roy  Modm.) 

(2)  Le  Roy  Modus  ajoute  qu'on  faisait  des  haies  qui  ne  laissaient 
passage  aux  bêtes  qu'aux  endroits  où  étaient  embusqués  les  archers. 
Il  Ainsi  comme  on  faict  les  bayes  du  laz.  » 

(3)  C'est-à-dire  faire  plier  l'arc  en  attirant  à  eux  la  llèche  cncochée, 
(le  fafon  h  n'iivoir  iiluf  qu';"i  irinh(>r  la  corde 


on  faut  (  manque  )  moult  de  fois  à  férir  la  beste , 
ou  se  elle  est  férue,  la  sayelte  passe  tout  outre, 
et  ainsi  pourroit  tuer  ou  blesser  un  de  ses  compai- 
gnons  qui  seroit  au  ranc.  »  C'était  de  cette  façon  que 
messire  Godefroy  de  Harcourt  fut  afolé  de  l'un  des 
bras  (1). 

Lorsque  l'archer  a  atteint  sa  bête,  il  doit  huer  un 
long  mot,  ou  siffler  pour  avoir  les  chiens  de  sang, 
braquets  ou  limiers,  tenus  en  réserve  à  l'autre  bout  de 
l'enceinte  (2),  et  se  mettre  à  la  poursuite  de  l'animal. 
S'il  retrouve  sa  flèche,  il  verra,  d'après  la  manière 
dont  elle  est  ensanglantée,  à  quel  endroit  elle  a  frappé, 
et  si  l'animal  est  atteint  mortellement  (3). 

«  C'est  beau  déduit  et  très-belle  chasse,  dit  Gaston 
Phœbus,  quand  on  ha  bon  limier  et  bon  chien  pour 
le  sang...  et  aussi  est  belle  chose  le  trère  et  le  suyvir 
du  limier  et  le  chassier.  El  au  vespre,  après  souper  y 
sera  le  débat  grant,  et  en  la  fin  de  vin  en  fera  la 
pais  (4).  » 

On  pouvait  aussi  traire  aux  bêtes  rousses  et  noires    c,ia?sc  à  la 
à  la  revenue  de  leurs  vianders  ou  mangeures,  en  allant 
se  poster  deux  heures  avant  le  jour  entre  les  lieux  où 
elles  vont  se  repaître  et  leur  fort  (5). 


(1)  G.  Phœbus. 

(2)  Le  limier  faisait  son  office  tenu  à  la  botte,  et  les  Irraquris  en 
liberté. 

(3)  Les  choses  se  passent  exactement  de  même  dans  les  chasses  au 
cerf  qui  se  font  en  Allemagne  avec  la  carabine.  Même  emploi  du  chien 
de  sang  {schweisshimd);  mêmes  pronostics  tirés  de  la  couleur  du  sang. 
Voir  les  ouvrages  de  MM.  Hartig  et  Bechstein,  analysés  dans  le  Jour- 
nal des  chasseurs^  5«  année. 

(4)  Ghap.  LxxI^ 

(5)  Ibid.,  ch.  Lxxix. 


revenue 
lin  vianilcr. 


212  — 


Cliasàe 
(lu   sanglier 

,111  siiiiil. 


Chasses  en 
s'approcliant 
des  animaux. 


Chasse 
à  l'aguet. 


Les  sangliers  étaient  encore  tirés  au  soiiil  (1).  Lors- 
qu'on  avait  reconnu  une  mare  oîi  ces  animaux  s'adon- 
naient, ou  construisait  sur  quatre  fourclies  de  2  pieds 
de  haut,  ou  sur  une  souche  de  même  hauteur,  un  petit 
échafaudage  sur  lequel  s'installait  l'archer  deux  heures 
avant  le  jour,  par  un  beau  clair  de  lune.  «  Tiens  fer- 
mement, dit  le  Roy  Modus,  que  se  les  besles  noires 
sont  près  de  toy,  soit  aval  le  vent,  ou  contre  le  vent, 
jà  n'aront  le  vent  de  toy,  puisque  tu  seras  deux  pieds 
de  haut  sur  terre.  »  Phœbus  dit  de  même  qu'un  san- 
glier ni  autre  bete  n'a  mie  le  vent  de  hault,  fors  que 
de  bas. 

Outre  ces  chasses  dans  lesquelles  les  animaux  avan- 
çaient sur  les  tireurs,  on  connaissait  plusieurs  mé- 
thodes pour  les  approcher  à  portée  de  flèche. 

La  chasse  à  Faguet  consistait  à  s'en  aller  sous  bois 
à  l'aventure,  à  pied,  sans  autre  chien  qu'un  brachet 
mené  en  laisse  à  quelque  distance,  arc  en  main,  les 
sayettes  au  côté.  Quand  il  apercevait  de  loin  les  bêtes, 
l'archer  prenait  le  vent  et  s'efforçait  de  les  approcher 
en  se  glissant  sur  ses  genoux  d'arbre  en  arbre,  ou 
même  en  ramp.uit  (2),  le  visage  caché  par  un  feuillet 
vert  qu'il  tenait  dans  sa  bouche. 

Dans  le  poëme  anglo-normand  de  Tristan  de  Léo- 
nois,  c'est  de  cette  manière,  droit  devant  lui  et  au  cul 


(I)  G.  Pliœbiis,  r,h.  i.xxvhk  —  Lr  Uny  Modus.  —  Go  dernier  écrit 
srnif/. 

12)  IL  Modus.  —  Piiœbiis.  —  G'est  encore  ainsi  que  procèdent  les  chas- 
hours  écossais  pour  tirer  le  cerf  à  la  caral)ine  dans  les  Highlands  {Decr- 
slalhiixj). 


—  213  — 
levé,  comme  nous  dirions  aujourd'hui,  que  chasse  le 
héros,  qui  était  archer  aussi  adroit  qu'habile  veneur. 

Or  voit  (va)  Tristan  en  bois  berser 
Afaitiez  (équipé)  fu ,  à  un  dain  trait 
Li  sans  en  chiet  (tombe)  li  brachet  brait 
Li  dains  navrez  (blessé)  s'enfuit  le  saut 
Husdent  (1)  li  bauz  en  crie  en  haut 
Li  bois  du  cri  au  chien  résone. 

On  s'y  prenait  de  même  pour  tirer  à  cheval,  sous 
les  hautes  futaies;  le  chasseur  décrivait  autour  des 
bêtes  une  spirale  qui  le  rapprochait  peu  à  peu  sans 
les  effaroucher.  Arrivé  à  portée,  il  arrêtait  son  cheval 
et  lirait  derrière  lui  en  s'appuyant  sur  son  élrier 
gauche. 

Outre  ces  moyens  fort  simples,  diverses  ruses  ingé-    r.uscs  pour 

^  approcher  les 

nieuses  furent  mises  en  usage  pour  arriver  près  des     animaux. 
animaux  sans  les  effrayer. 

Les  Francs  savaient  dresser  des  cerfs  qu'ils  faisaient  ceifs  dresses. 
marcher  devant  eux,  et  qui  servaient  à  masquer  leur 
approche  comme  les  chevaux  et  les  bœufs  enchevêtrés 
dont  on  se  servit  plus  tard  en  France  et  en  Espagne. 
Ils  employaient  ces  animaux  non-seulement  pour  ap- 
procher les  bêtes  rouges,  mais  encore  pour  tirer  les 
bêtes  noires  (sangliers,  ours,  bisons,  etc.)  (2). 


(1)  Nom  du  brachet. 

(2)  Chateaubriand,  dans  ses  Eludes  kisloriques,  suppose  que  ces  cerfs 
dressés  servaient  à  embaucher  les  cerfs  sauvages.  De  ce  qu'on  les 
employait  pour  tirer  les  bêtes  noires,  il  résulte  évidemment  qu'ils  ne 
jiouvaient  avoir  d'autre  usage  que  celui  que  nous  indiquons.  Une  ma- 
nière analogue  de  chasser  le  renne  sauvage  se  retrouve  chez  les  Sa- 
raoyèdes.  Le  chasseur,  affublé  d'une  peau  de  renne,  marche  courbé  au 
miheu  de  cinq  ou  six  rennes  dressés  et  s'approche  ainsi  du  troupeau. 
(Tooke,  nisl.  cir  l'Enipirr  dr  Bussir,  t.  lY.) 


—  214  — 

La  loi  salique  porte  que  si  quelqu'un  lue  un  cerf 
domestique  ayant  une  marque  (  ou  une  clochette, 
signuin],  et  que  son  propriétaire  puisse  prouver  par 
témoins  qu'il  l'a  mené  à  la  chasse  et  a  tué  avec  deux 
ou  trois  bêtes,  le  délinquant  devra  payer  30  sols. 

Si  le  cerf  n'a  pas  encore  été  à  la  chasse,  l'amende 
n'est  que  de  15  sols. 

La  loi  des  Ripuaires  contient  des  dispositions  ana- 
logues, seulement  les  amendes  sont  plus  fortes  (1) 
(45  sols  et  30  sols).  Dans  cette  loi  il  est  question  de 
biches  dressées  et  non  dressées. 
Classe  au  rut.  Pendant  le  rut,  les  cerfs  rendaient  à  leur  maître 
un  autre  genre  de  service.  Il  mettait  à  profit  l'ardeur 
batailleuse  qui  anime  ces  bêtes,  et  leur  bramement 
attirait  sous  les  flèches  du  chasseur  des  rivaux  aveuglés 
par  la  jalousie  (2). 

L'instinct  querelleur  des  cerfs  en  rut  continua  d'être 
mis  à  proût  par  les  chasseurs  après  qu'on  eut  perdu 
l'habitude  et  l'art  de  dresser  ces  animaux. 

Les  premiers  Capétiens  allaient  tirer  des  cerfs  dans 
les  forêts  de  leur  domaine  pendant  la  saison  du  rut, 
et  le  Roy  Modus  enseigne  à  ses  disciples  l'art  de  traire 
les  cerfs  à  aguet  après  la  mi-août,  quand  ils  musent  et 
(luièrent  les  biches  et  hurlent  tellement  les  uns  aux  autres 
<iuils  sont  ouys  de  bien  loing. 

L'archer  profitait  de  leurs  combats  pour  se  glisser 


(1)  Dans  lu  loi  de?  Alamans,  elles  sont,  aii  contraire,  plus  faibles. 

(2)  Loi  (les  Alamans.  —  Les  Indiens  du  Far-Wcsl  savent  encore  ex- 
l'ioiter  celte  fureur  belli(|ueuse  des  cerfs  jiour  les  attirer  en  leur  mon- 
trant une  tète  au-dessus  d'un  buisson  et  en  imitant  le  cri  du  cerf  en  rut 
avec  un  appeau.  Voir  Mayne  Reid,  llir  l}unl''r>:  frasi. 


—  215  — 
jusqu'auprès  d'eux,  et  parvenait  quelquefois  à  les  ap- 
procher assez  pour  les  frapper  d'une  lance.  On  se 
servait  pour  tirer  à  cette  chasse  d'un  arc  faible  et 
court,  plus  commode  pour  entoiser. 

Cette  chasse  au  rut  n'était  pas  sans  danger,  la  fureur 
des  combattants  se  tournait  quelquefois  contre  l'in- 
discret qui  se  permettait  d'intervenir  dans  leurs  que- 
relles. Louis,  Empereur  d'Italie,  fut  blessé  griève- 
ment en  864  par  un  cerf  en  rut  qu'il  se  préparait  à 
tirer. 

Les  chasseurs  du  moyen  âge  savaient  bien  d'autres  citasse  en  se 

,  1  1  .  TT  couvrant  d'un 

ruses  pour  approcher  les  grands  animaux.  Une  ma-  ci,evaimoui^. 
nière  bien  seure  et  de  povre  gent  consistait  à  envoyer 
en  forêt  un  homme  à  cheval  et  un  archer  à  pied,  qui 
se  tenait  couvert  par  le  cheval.  Arrivé  à  belle  portée, 
l'archer  s'arrêtait,  pendant  que  le  cavalier  poursuivait 
son  mouvement  en  tournant,  ce  qui  attirait  l'attention 
des  bêtes,  et  permettait  au  tireur  de  bien  aviser  son 
coup  et  férir  à  son  aise  (l). 

La  chasse  au  tour  se  faisait  de  la  même  manière,  chasse  amour. 
mais  avec  deux  cavaliers  vêtus  de  vert  et  coiffés  d'un 
chapelet  de  bois  (guirlande  de  feuillage),  et  plusieurs 
archers  également  vêtus  de  vert,  portant  des  arcs 
peints  de  la  même  couleur.  Les  deux  chevaux  mar- 
chaient à  la  file,  le  museau  du  second  sur  la  queue 
de  l'autre,  et  s'en  allaient  sous  le  vent  des  bêtes,  ac- 
compagnés des  archers,  qui  se  cachaient  derrière  eux 
et  se  postaient  contre  des  arbres  de  distance  en  dis- 


(I)  <î.  Phœbus,  ch.  lxxiv, 


Chasse 

iliiS  lié  les 
iiiiires 


—  216  — 
lance.  Les  deux  cavaliers  continuaient  à  environner 
les  bêtes  en  chantant  ou  flajolant  (sifflant),  et  les  ame- 
naient petit  à  petit  vers  les  archers,  comme  un  per- 
drisseur  mène  les  perdrix  à  la  tonnelle  (1). 

On  mettait  aussi  les  bêtes  au  tour  avec  une  charrette 
bien  enfailloUe  de  branches  vertes,  dont  les  roues 
étaient  ajustées  de  façon  à  faire  grand  bruit  pour 
amuser  les  bêtes.  L'archer  ou  les  archers,  vêtus  de 
vert  et  ceints  par  les  côtés  et  sur  la  tête  de  feuillages, 
marchaient  derrière  la  charrette  ou  montaient  dedans; 
le  cheval  était  également  couvert  de  feuilles,  ainsi 
que  le  conducteur  qui  le  menait  en  postillon  (2). 

On  approchait  encore  les  bêtes  en  se  couvrant  d'une 
toile  tendue  à  bastons,  sur  laquelle  était  peinte  une 
biche,  souvenir  lointain  des  cerfs  dressés  de  l'époque 
mérovingienne,  ou  affectant  la  forme  et  la  couleur 
d'un  bœuf  (3).  L'archer  faisait  porter  celte  machine 
devant  lui,  ou  quelquefois  la  portait  lui-même. 

Arrivé  à  portée,  on  fichait  en  terre  le  bois  qui  sou- 
tenait la  toile,  l'archer  tendait  son  arc  et  tirait  par- 
dessus (i). 

Pour  traire  aux  bêles  noires  dans  la  saison  des 
glands  el  des  faînes,  deux  ou  trois  archers  les  rou- 
taillaient  avec  un  aboyeur,  le  meilleur  trouvéour  de 
leurs  chiens,  à  peu  près  comme  le  font  encore  les 


(I)  G.  Pliœbus,  ch.  i.xxii. 

C^)  Cr.  Pliœl)us,  fil.  i.xxiii. 

(3)  liOS  Kabylos  du  njerrljcra  se  .-orvciit,  ]Kiur  aii]irnc-ht'r  li-  nicnii 
f:ibier,  d'unn  mafliino  du  moine  p'^in',  surmoulrij  d  uni' l("'le  de  chacal, 
qu'ils  noiuiiunt  izor  {1rs  Krixnics  du  ItjcnIJrrd,  l'ai  ('-."Devaux). 

{h)  (t.  Phn'lius,  ch.  ixxvi.  —Le  fini/  Modxts. 


(lu  lièvre. 


—  217  — 

Allemands  (avec  la  carabine  au  lieu  de  l'arc,  bien  en- 
tendu). Il  arrivait  souvent  que  le  sanglier,  tiré  pen- 
dant qu'il  tenait  au  ferme,  ne  restait  pas  sur  la  place; 
on  découplait  alors  un  autre  des  brachets  que  les 
chasseurs  avaient  fait  mener  en  laisse,  et  on  se  met- 
tait à  la  poursuite  du  sanglier  pour  le  tirer  dès  qu'il 
recommençait  à  charger  les  chiens.  Ce  manège  durait 
fort  souvent  jusqu'à  la  nuit,  et  obligeait  les  chasseurs 
à  coucher  en  foret.  C'était  surtout  pour  ces  occasions 
qu'il  était  important  d'avoir  avec  soi  le  pain,  le  ba- 
rillet de  vin  et  les  outils  nécessaires  pour  faire  du 
feu  (1). 

Les  archers  ne  tiraient  le  lièvre  qu'en  fourme.  La  chasse 
meilleure  saison  était  le  mois  d'avril,  quand  les  blés 
commencent  à  être  assez  hauts  pour  cacher  l'animal 
aux  longues  oreilles.  Le  chasseur  parcourait  la  plaine 
à  cheval,  accompagné  d'un  valet  à  pied,  qui  tenait  un 
ou  deux  lévriers  en  laisse.  Dès  qu'il  découvrait  un 
lièvre  au  gîte,  il  faisait  approcher  ses  lévriers  et  s'a- 
vançait lui-même,  entoisant  son  arc  sans  arrêter  sa 
monture.  Le  lièvre,  voyant  les  lévriers,  se  rasait  et 
attendait  le  trait  d'aussi  près  qu'on  voulait. 

L'archer  pouvait,  s'il  le  préférait,  tirer  à  pied  en 
se  tenant  près  de  son  cheval,  ou  même  sans  cheval. 
L'arc  dont  il  se  servait  n'avait  besoin  d'être  ni  long  ni 
fort,  et  là  sagette  la  plus  usitée  était  un  bougon  ou 
flèche  à  grosse  tête  (2). 


(1)  G.  Pliœbus,  ch.  i.xxvii. 

Ci)  Miniature  d'imms?.  do  G.  Phœbus,  Bilil.  iin]!.,  n'  1091 


\ 


—  218  — 

C'était  aussi  avec  le  bougon  et  l'arc  que  les  dames 
du  xv"  siècle  tiraient  des  merles  dans  les  haies,  tandis 
que  leur  épervier,  perché  au-dessus,  les  tenait  fascinés 
et  immobiles  de  frayeur  (1). 

Nous  n'avons  pas  pu  trouver,  dans  les  anciens  Ihé- 
reuticographes,  d'autre  chasse  faite  aux  oiseaux  avec 
l'arc  ;  seulement,  dans  la  Maison  rustique  de  Charles 
Estienne  et  J.  Liébaut  (1570),  il  est  parlé  assez  vague- 
ment de  grands  oiseaux  tirés  sur  maisons,  arbres, 
buttes,  avec  l'arc  ou  l'arbalète. 

§  2.   CHASSES  AVEC   i/aRBALÈTE. 

Chacun  sait  que  l'arbalète  se  compose  d'un  arc  en 
acier,  en  corne  ou  en  bois,  et  d'un  fut  nommé  ar- 
brier,  sur  lequel  cet  arc  est  fixé  transversalement  et 
qui  reçoit  le  trait.  La  corde  de  l'arc  bandé  est  retenue 
par  une  pièce  particulière  en  os  ou  en  meule  de  cerf, 
nommée  la  noix,  faite  en  forme  de  disque  et  présen- 
tant deux  entailles,  dont  l'une  reçoit  la  corde,  et 
l'autre  sert  d'arrêt  à  la  détente.  Cette  détente  ou  clef, 
pressée  par  la  main  droite  du  tireur,  rend  la  liberté  à 
noix  et  fait  ainsi  partir  le  trait. 

Des  divers  systèmes  qui  ont  été  successivement  in- 
ventés pour  tendre  les  arbalètes  de  guerre,  deux  seu- 
lement étaient  applicables  à  la  chasse,  ]e  pied-de-chèvre 
ou  pied-de-biclie,  et  le  cric  ou  guindas  (2). 


(I)  Mcsnagler  de  Paris,  t.  II. 

{1)  Voirie  livrot  du  Muséo  (riu'lillcric,  \)i\v  le  Uo.ulonanl-colonel  Pon- 
guilly  Lharidou.  —  Au  xiv'siècki  ou  Unidait  l'arltalèle  do  chasse  avec 
le  hdudre  ou  haudrc.  (Voir  plus  bas.) 


—  219  — 

Le  pied-de-clièvre,  dil  aussi  cranequin  ou  signoUe  (1), 
était  un  levier  articulé,  dont  le  petit  bras  portait  deux 
fourches  à  crochets.  L'une  s'arc-boutait  contre  des 
tourillons  fixés  dans  l'arbrier,  l'autre  saisissait  la  corde 
de  l'arc  et  l'engageait  dans  le  cran  de  la  noix  lorsqu'on 
ramenait  en  arrière  le  grand  bras  du  levier  (2). 

L'arbalète,  qui  se  tendait  avec  cet  appareil,  et  qui 
en  avait  pris  le  nom  de  cranequin  ou  crennequin  , 
pouvait  se  manier  facilement  à  pied  et  à  cheval. 
C'était  celle  que  portaient  les  arbalétriers  montés, 
dits  crennequiniers  (3). 

Le  cric  ou  guindaz  était  une  manivelle  dont  le 
levier  faisait  tourner  un  pignon.  Les  dents  de  ce  pi- 
gnon menaient  une  crémaillère  dont  les  crochets  sai- 
sissaient la  corde  et  la  plaçaient  sur  la  noix. 

Cet  appareil  (A)  tendait  des  arbalètes  beaucoup  plus 
fortes  que  le  cranequin.  C'est  avec  celte  arme  que 
Maximilien  d'Autriche  tirait  les  chamois  et  les  cerfs. 
Il  chassait  quelquefois  ces  derniers  c\  cheval  ;  il  faillit 
un  jour  se  tuer  pour  avoir  porté  son  arbalète  toute 
bandée,  avec  le  trait  sur  la  corde,  en  courant  à  cheval 
sous  bois  (5). 

La  bonne  arbalète  de  chasse  est  ainsi  décrite  par 


(1)  Cranequin  vient  du  mot  flamand  hraneldn,  diminutif  de  krane, 
grue,  comme  signolle  est  dérivé  de  ciconella,  diminutif  de  ciconia. 

(2)  Livret  du  Musée  d'artillerie. 

(3)  Voir  un  passage  curieux  des  Mémoires  de  Comincs,   édit.   de 
M'^"''  Dupont. 

(4)  Une  fois  l'arbalète  bandée,  on  attachait  le  cric  à  la  ceinture  avec 
un  crochet. 

(5)  Thew'vdannrh. 


—  220  — 

Espinar.  «  Elle  doit  être  douce  à  la  joue  du  lireur, 
{sabrosa ,  mol  à  mol  savoureuse],  douce  aussi  à  la 
délenle  el  point  sujette  à  partir  d'elle-même  étant 
bandée.  Elle  doit  porter  juste,  et  c'est  sa  qualité  la 
plus  essentielle.  L'arc  doit  être  bien  ajusté  à  l'arbrier, 
de  façon  que  ses  deux  bras  soient  d'égale  longueur 
el  bien  horizontaux.  Les  deux  extrémités  du  tourillon 
où  s'appuient  les  branches  du  bandage  ou  pied-de- 
chèvre  seront  aussi  parfaitement  de  niveau  ,  de 
même  que  le  cran  de  la  noix  (1).  » 

Les  arbalètes  de  chasse  lançaient  des  traits  de  di- 
verses sortes,  empennés,  les  uns  de  plumes,  les  autres 
de  cuir  ou  de  corne  très-mince.  Ces  traits  étaient  ar- 
més de  fers  très-variés  et  recevaient  divers  noms, 
suivant  leur  forme  et  leur  dimension  (2). 

Ainsi  il  y  avait  les  quarreaux  à  fer  quadrangulaire 
et  épais  ;  les  passadoux,  plus  forts  que  les  quarreaux; 
\esvlreto)is  ou  vires,  ainsi  nommés  parce  que  leurs 
pennes  avaient  une  légère  inclinaison  sur  l'axe  du 
trait  ,  ce  qui  les  faisait  virer  en  l'air;  les  raillons 
ou  cizeaulx  h  fer  plat,  tranchant  et  coupé  carré- 
ment (3). 

Les  matras  (4)  étaient  terminés  par  un  disque  cir- 
culaire, portant  un  fdet  saillant  suivant  un  des  dia- 


(1)  Magné  de  Marollcs. 

("2)  Selon  Espinar,  les  quarreaux  {Ja>-as)  scrvaieul  pour  tirer  la  jrrossi^ 
bêle  et  portaient  à  150  jia?. 

',3)  Le  mot  (le  rrt(7/H^(  p^i'"''''''  venir  de  l'rillr  i\\\\  si|jiiilie  soc  ilr  charrnr 
dans  les  patois  du  Midi. 

(^i)  i<  Mafi'Ias',  ciui  sont  grosse  l'ili'iir,  ..  dh  \c  Mcanar/irr  ilr  Paria. 


_  -y-yi  — 


mètres.  Ils  servaient  à  iissommer  les  petits  animaux 
sans  gâter  leur  plumage  ou  leur  fourrure  (1). 

On  tirait  aussi  les  grands  animaux  avec  des  sagettes 
doubles  fordices,  c'est-à-dire  de  grosses  flèches  termi- 
nées par  un  fer  en  croissant,  avec  un  tranchant  in- 
térieur. 

Maximilien  lirait  les  cerfs  et  les  chamois  avec  cette 
sorte  de  traits,  et  Shakspeare  (  qui  passe  pour  avoir 
été  braconnier  dans  sa  jeunesse),  dans  la  pièce  inti- 
tulée «  As  you  like  il,  »  déplore  en  vers  gracieux  le 
sort  des  pauvres  fols  mouchetés  (les  daims),  habitants 
naturels  de  la  cité  du  désert,  dont  les  hanches  arron- 
dies sont  ensanglantées  au  sein  de  leur  propre  do- 
maine par  des  flèches  à  tête  fourchue  (  (orkeà  heads). 

Il  y  avait  encore  de  petits  dards  nommés  gimbclettes 
ou  tarières  (2),  dont  les  caractères  distinctifs  ne  sont 
pas  connus,  et  des  traits  armés  d'un  fer  barbelé  en 
forme  de  V  se  trouvent  représentés  dans  les  vignettes 
d'un  beau  manuscrit  de  Gaston  Phœbus  dont  nous 
allons  avoir  occasion  de  reparler. 

Nous  avons  décrit  l'arbalète  ,  les  appareils  qui 
servaient  pour  la  tendre,  et  les  traits  qu'elle  lançait 
tels  que  ces  divers  objets  existaient  au  xv*"  et  au 
xvf  siècle.  Cette  arme  n'était  arrivée  à  ce  degré  de 
perfection  qu'après  de  longs  tâtonnements. 

En  effet,  l'arbalète,  comme  arme  de  guerre,  re- 


(1)  Les  Lapons,  les  Finnois  et  les  Sibériens  se  servent  encore  d'une 
espèce  de  matras  pour  chasser  avec  l'arhalète  les  hermines  et  autres 
petits  animaux  à  fourrure. 

C2)  Borel. 


s)9-)    


monle  jusqu'au  Bas-Empire.  Oubliée  en  Orient,  elle 
resta  en  usage  parmi  les  Occidentaux  jusqu'aux  croi- 
sades, et  les  Grecs  la  virent  avec  étonnement  aux  mains 
des  fantassins  de  Bohémond  et  de  Godefroy.  C'était 
alors  une  arme  d'une  construction  grossière  et  fort 
incommode  ;  n'ayant  pas  d'engin  pour  la  tendre, 
l'arbalétrier  était  obligé  de  se  coucher  sur  le  dos, 
d'appuyer  ses  deux  pieds  sur  l'arc,  et  de  tirer  la  corde 
à  lui  avec  les  deux  mains  (1). 

L'arbalète  reçut,  peu  d'années  après,  des  modifica- 
tions qui  la  rendirent  si  meurtrière,  qu'en  1139  le 
concile  de  Latran  crut  devoir  en  défendre  l'emploi 
dans  les  guerres  entre  chrétiens.  Cette  prohibition  ne 
fut  observée  que  pendant  quelques  années,  et  vers  la 
fin  du  xn^  siècle  Richard  Cœur  de  Lion  en  avait 
rendu  l'usage  à  son  infanterie.  Lui-môme  fut  tué  d'un 
trait  d'arbalète  en  1199,  ce  qui  fut  regardé  comme 
une  punition  du  ciel. 

On  ne  trouve  pas  trace  de  l'arbalète  comme  arme 
de  chasse  avant  le  xif  siècle,  c'est-à-dire  avant  les 
perfectionnements  qui  rendirent  possible  de  s'en  ser- 
vir avec  quelque  facilité  pour  berser  les  bêtes  (2). 

Il  semble,  chose  assez  bizarre,  que  l'époque  où 
l'arbalète  a  été  le  plus  souvent  employée  à  la  chasse 
est  celle  de  l'invention  des  premières  armes  à  feu 


(1)  Voir  un  passage  très-curieux  d'Anne  Comnène  dans  la  Biblio- 
thèque (les  croisades,  et  dans  la  France  au  temps  ilcs  croisades,  t.  II. 
—  Celte  arbalète  primitive  était  à  tube. 

(2)  Le  premier  texte  où  il  soit  question  de  l'arbalète  à  ce  point  de 
vue  est  un  règlement  do  l'Empereur  Frédéric  Barborousse  (mort  en 
1190)  Radovic,  de  Gestis  Friderici  I,  cité  par  Ducange,  v"  Bersa. 


—  223  — 

portatives,  probablement  parce  qu'elle  reçut  alors  de 
nouveaux  perfectionnements  qui  la  rendirent  encore 
plus  maniable  et  d'une  exécution  plus  facile  et  plus 
prompte. 

Le  Roi  René  était  grand  amateur  d'arbalètes  ;  dans 
nne  lettre  adressée  au  sire  du  Plesseys,  il  mande  à  ce 
seigneur  que  le  sachant  très-bon  arbalestrier,  et  en 
revange  de  deux  belles  arbalètes  d'acier  qu'il  en  a  re- 
çues, il  l'advise  que  toute  sa  vie,  il  y  a  lui-même  pris 
grand  plaisir.  Il  ajoute  que  pour  lui  faire  voir  com- 
ment il  est  artillé,  il  lui  envoie  une  de  ses  arbalètes 
faite  de  la  main  d'un  Sarrasin  à  Barcelone,  lequel  n'a 
jamais  voulu  apprendre  aux  chrétiens  à  en  faire  de 
pareille,  «  Et  pour  ce  qu'elle  est  d'estrange  façon  et 
qu'elle  tire  plus  loing  selon  la  petitesse  de  quoy  elle 
est  que  nulle  autre  arbaleste  de  son  grant  que  je 
veisse  oncques,  je  la  vous  envoie,  en  vous  priant  que 
la  tenez  bien  chière  et  ne  la  veuilliez  donner  à  per- 
sonne que  vive,  car  vous  n'en  trouveriez  point  de 
telle,  ne  jamais  jour  de  ma  vie  n'en  vis  de  si  belle  fa- 
çon (1).  » 

Maximilien  d'Autriche  aimait  beaucoup  la  chasse  à 
l'arbalète  ;  il  s'est  plu  à  conserver  à  la  postérité  la  mé- 
moire de  ses  exploits  en  ce  genre  dans  le  texte  et  les 
planches  du  Tlieuerdamick  et  du  Weiss  Kunig. 

Un  document  de  1480  nous  apprend  qu'un  cer- 
tain chevalier  «  estoit  ung  destructeur  de  garennes 


(1)  OEuvrcs  du  Hoi  Ucné,  par  M.  lo  conitt'  de  Qiiatrebarbes,  t.  I. 


—  i24  — 

fl  liayronnièrcs  du  pays,  et  n'esloit  gibier  qu'il  ne 
gaslastà  l'arbalesle  (1).  » 

Les  placards  flamands  de  1514  sur  la  chasse  dé- 
fendent de  se  servir  du  cranequin  (2). 

Les  comptes  de  dépense  de  François  I"  font  men- 
tion de  huit  arbalèstres  garnies  et  montées  de  leurs  ban- 
daiges,  et  chevrettes  (pieds-de-chèvre),  marquées  de 
J'euillaiges  anticques,  achetées  de  Robert  Dumesnil , 
dict  le  Normand,  maître  arbalestrier,  demeurant  à  Paris, 
au  prix  de  205  livres  tournois  (3). 

Dès  qu'il  s'inventait  quelque  nouveau  modèle  d'ar- 
balète, il  en  était  fait  hommage  au  duc  François  de 
Guise,  grand  veneur  (4). 

Lesordonnancessur  la  chasse  de  1548,  1552,  1578, 
1596,  IGOO  et  1601  défendent  encore  de  posséder 
des  arbalètes  à  proximité  des  forêts  royales. 

Nos  Rois,  jusqu'à  Louis  XIII,  eurent  des  porte- 
arbalètes  attachés  à  leur  personne.  Le  dernier  de  ces 
offlciers  fut  un  sieur  d'Esplan  qui,  grâce  à  sa  charge, 
devint  en  faveur  et  reçut  de  ce  Roi  le  marquisat  de 
Grimault,  en  Provence  (5). 

Sélincourt  parle  d'arbalètes  employées  de  son  temps 
dans  les  chasses  au  feu.  Peut-être  s'agil-il  d'arbalètes  à' 
jalet,  dont  il  nous  reste  à  parler. 
Arbalète  à        Outrc  Ics  arbalètcs  qui  lançaient  des  traits,  on  se 

jalel. 


(1)  Lettre  do  rémission  citée  par  Carpontier,  r/Ioss.  v"  Hairo. 

(2)  Merlin. 

(3)  Voir  les  Pièces  juslilicatives,  t.  !'■'. 
{'i)  llisl.  des  ducs  de  Guise,  t.  I. 

(5)  Tallemant  des  Réaux,  t.  1. 


—  225  — 
servait  beaucoup,  pour  la  chasse  des  petits  auimaux, 
d'une  arbalète  légère,  dite  à  jalet  (1),  qui  lançait  des 
balles  de  plomb  ou  de  terre  cuite,  et  se  tendait  à  la 
main. 

L'arbrier  était  cintré,  et  la  corde  à  double  brin 
était  munie,  à  son  centre,  d'une  petite  bourse  ou  fronde 
qui  recevait  le  projectile.  Ces  arbalètes  avaient  toutes 
un  fronteau  et  un  point  de  mire. 

Certaines  arbalètes  à  jalet,  usitées  surtout  en  Italie, 
étaient  munies  d'un  tube  ou  canon.  On  les  nommait 
en  français  boucon ,  et  en  italien  arco  bugio  (arc  troué 
ou  percé)  (2). 

Les  chasses  à  l'arbalète  ne  paraissent  pas  avoir  chasses 
été  jamais  très  en  faveur  en  France.  Le  Roij  Modus 
n'en  dit  pas  un  mot.  Gaston  Phœbus,  dans  les  cha- 
pitres où  il  annonce  vouloir  deviser  comment  on  peut 
traire  aux  hèies  kV  arcbaleste  ou  à  Y  arc  de  main  se  borne 
à  dire  que  ceux  qui  chassent  au  tour  peuvent  porter 
la  première  de  ces  armes  au  lieu  de  l'arc  long,  et  que 
leurs  arbalètes  doivent  être  peintes  en  vert.  A  la  vérité, 
dans  le  beau  manuscrit  de  Phœbus,  conservé  à  la  bi- 
bliothèque impériale  et  exécuté  au  commencement  du 
xv^  siècle  (3),  on  voit  l'arbalète  figurer  avec  l'arc  dans 
les  mains  des  tireurs,  en  tête  des  chapitres  Lxxn 
(comment  on  pnet  mètre  les  bestes  au  tour  pour  trère)  ; 


(1)  Du  mot  galet  ou  jalet  signifiant  un  caillou  rond  ou  une  bille.  Au 
XIV*  on  se  servait,  en  Angleterre,  pour  le  combat,  de  balles  de  terre 
cuite,  lancées  avec  l'arbalète.  (Hewitt,  t.  II.) 

(2)  Quelques  étymologistes  en  font  dériver  le  mot  arquehitse. 

(3)  Bibl.  imp.,  n"  7097. 

III.  15 


—  ^2âU  — 

i,xxiii  (  comment  ou  puet  mètre  la  charrette  )  ;  lxxv 
[comment  on  jniet  aller  h  forestz  pour  trère  aux  bestes); 
Lxxvi  [comment  on  puet  porter  la  toile];  lxxvii  (ci 
devise  que  on  puet  trère  aux  bestes  noires  )  ;  lxxviii 
[comment  on  puet  trère  au  sueill]  ;  lxxix  (  comment  on 
puet  trère  aux  bestes  à  la  revenue  de  leurs  vianders 
ou  menjures),  et  lxxx  [comment  on  puet  trère  aux 
lièvres)  (1). 

Les  chasseurs  tirent  les  grands  animaux  avec  des 
flèches  à  large  fer  harbelé.  Ils  portent  à  la  ceinture  un 
baudre  ou  baudré,  crochet  de  métal  suspendu  à  une 
courroie  qui  leur  sert  à  tendre  leur  arbalète,  et  une 
trousse  ou  carcas  couvert  de  peau  de  blaireau,  où 
leurs  traits  sont  placés  la  pointe  en  haut. 
r.usespoin-  Ou  j  voit  aussi  un  arbalétrier  se  cachant  pour  ap- 
approcherLs    pj-QQ^gj.  \q  gibier  daus  uuc  charrette  entourée  de 

animaux,        i  o 

feuillage,  et  un  autre  qui  se  couvre  d'un  cheval  arti- 
ficiel, auquel  on  substituait  souvent,  en  Espagne,  un 
bœuf  véritable,  enchevêtré  et  entravé,  derrière  lequel 
se  glissait  le  tireur  (2),  qui  lançait  son  trait  par-des- 
sous le  ventre  ou  l'encolure.  Les  Espagnols  nom- 
maient ce  bœuf  dressé  et  enchevêtré,  buey  de  cabes- 
trillo. 

Ces  ruses   employées   pour    approcher  le  gibier 
étaient  d'autant  plus  nécessaires  dans  la  chasse  à  l'ar- 


(1)  Yoir,  au  g  1,  le  détail  de  ces  diverses  chasses.  Avec  l'arbalète 
comme  avec  l'arc  ,  on  se  servait  d'un  bougon  pour  tirer  le  lièvre.  — 
Dans  un  manusorit  historié  de  Phœbus,  faisant  partie  de  la  biblio- 
thèque de  Monseigneur  le  duc  d'Aumalc,  on  trouve  des  arbalètes  em- 
ployées aux  mêmes  chasses  et  à  quelques  autres. 

(■2)  Magné  de  MaroUes. 


—  227  — 

balète,  qu'avec  celte  arme,  plus  encore  qu'avec  l'arc 
long,  il  était  impossible  de  tirer  les  bêtes  autrement 
que  posées  (1). 

Le  Mesnaqier  de  Paris  enseigne  à  sa  femme  à  tirer  (^-l'-'sse'ipspirs 

"  "  el  conii'ille-;. 

les  pies,  cornillas  et  choes  (2),  avec  des  matelas  (matras) 
et  de  faibles  arbalètes  lorsqu'ils  sont  posés  dans  les 
branches  des  arbres.  Pour  les  tirer  sur  leurs  nids,  il 
faut  traire  de  plus  forts  hastons  pour  abattre  nid  et 
tout  (3). 

Au  milieu  du  xvi^  siècle,  on  faisait  usage  de  l'ar-    chasse ^les 
balète  pour  tirer  les  ramiers,  soit  au  charivari,  soit  à 
la  muette. 

Ces  deux  chasses  se  faisaient  la  nuit  après  avoir 
observé  sur  quels  arbres  les  bandes  des  ramiers 
allaient  se  jucher  au  déclin  du  jour  ;  on  allumait  sous 
ces  arbres  de  grands  feux  de  paille. 

Pour  chasser  au  charivari,  on  apportait  force  poésies  ^"'''^rivari. 
et  autres  métaux  et  bassins  à  faire  grand  bruit.  «  Car 
les  ramiers  s'espoventent  si  fort  de  cela  qu'ils  ont  peur 
et  n'osent  partir,  par  quoy  les  arbalestriers  qui  sont 
au-dessous  leur  tirent  et  en  tuent  quelques-uns  (4).  » 

L'autre  chasse  nocturne  se  faisait  au  contraire 
dans  le  plus  profond  silence,  et  les  arbalétriers  ti- 
raient à  la  lueur  des  feux  les  ramiers  endormis  sur 
les  branches. 


(1)  Magné  de  Marolles. 

(2)  Chouettes,  pris  ici  pour  choucas. 

(3)  T.  n. 

(4)  Beloii. 


Chasse  (les 

ramiers 
à  la  niuclte. 


chien  d'airèt. 


—  2i8  — 

Cette  chasse  à  la  muette  était  fort  usitée  en  Dauphiné 
du  temps  de  Bruyérin-Cliampier  (1530-1560)  (1). 

Les  arbalétriers  espagnols  tiraient  encore  les  pa- 
lomes,  en  les  faisant  venir  au  moyen  d'appelants  sur 
des  arbres  voisins  d'une  cabane  où  le  tireur  se  tenait 
embusqué.  «  Il  y  a  des  jours,  dit  Espinar,  où  un 
homme  seul  tue  de  cette  manière  40  à  50  pièces  de 
palombes  avec  l'arbalète  (2).  » 

Comme  les  chasseurs  des  Pyrénées  françaises  em- 
ployaient la  même  méthode  au  xvni"  siècle  pour  tirer 
les  palojïies  avec  le  fusil,  il  est  vraisemblable  qu'an- 
ciennement ils  faisaient  cette  chasse  avec  l'arbalète 
comme  leurs  voisins  espagnols  (3). 
Chasses  au  On  tirait  aussi  à  l'arbalète  le  lièvre,  la  perdrix  et  la 
bécasse  sous  l'arrêt  d'un  chien  très-ferme  (4). 

Pour  tuer  de  grands  oiseaux  sur  maisons,  arbres  et 
buttes,  les  arbalétriers  se  servaient  de  ces  fortes  sagettes 
à  fer  bien  aigu  et  forchées  en  la  partie  de  devant,  dont 
nous  avons  parlé.  Ces  traits  tranchent  l'aile  ou  le  col 
qu'ils  atteignent,  tandis  que  la  flèche  ordinaire  pour- 
rait blesser  l'oiseau  sans  lui  ôter  le  pouvoir  de  s'en- 
voler et  d'aller  mourir  au  loin  (5). 


(1)  Voir  son  livre  de  Re  cibarid,  écrit  en  1530,  imi>rimé  en  1560.  — 
En  Espagne,  on  faisait  cette  même  chasse  avec  l'arbalète,  a  la  lueur 
d'une  simple  lanterne.  (Espinar.) 

(2)  Magné  de  Marolles. 

(3)  Ibidem. 

(4')  Voir  les  passages  de  Quiqucran  de  Beaujeu  et  d'Espinar,  cités 
précédemment.  Dans  les  tapisseries  du  château  d'Haroué  qui  sont  du 
temps  de  Charles  YHI  ou  de  Louis  XII,  un  arbalétrier  tire  des  oiseau.\ 
d'eau  arrêtés  par  son  chien.  {Tapisseries  Irisloriques  de  Jubinal.) 

(5)  Maison  rtisliqne,  lôlJG. 


—  229  — 

Les  loups,  attirés  par  une  traînée  auprès  d'une  chasse 
embuscade ,  étaient  tirés  avec  un  cizeau  d'arba-  "  ""''' 
lète  (1). 

Un  apatz  composé  de  saindoux,  de  cantharides,  de      chasse 
satyriou  et  d'assa  fœtida,  renfermé  dans  un  sachet  et     arappâi. 
traîné  par  les  bois,  puis  enterré  à  belle  portée  d'un 
affût,  servait  aux  paysans  du  temps  de  Henri  III  à 
attirer  sous  les  coups  de  leur  arbalète  les  renards, 
ennemis  de  leur  basse-cour. 


Si  le  renard  y  passe 

Et  vienne  à  deffouir  le  sachet  enterré 

Là  Thienot  est  caché,  qui  d'un  garrot  ferré 

Poussé  d'un  arc  d'acier,  tout  oultre  le  transperce  (2). 

On  voit,  par  ces  exemples,  que  l'usage  de  l'arbalète 
à  traits  se  perpétua  jusqu'à  la  fin  du  xvi^  siècle  en 
France.  En  Angleterre  et  en  Espagne,  on  n'abandonna 
guère  celte  arme  qu'une  cinquantaine  d'années  plus 
tard  (3). 

Quant  à  l'arbalète  à  jalet,  il  n'en  est  pas  question    cha?sesavec 

•'  ri  l'arlialèle 

avant  le  milieu  du  xvi^  siècle.  Cette  arme,  à  cause  de      ajaici. 
sa  dimension  et  de  la  nature  de  ses  projectiles,  ne 
pouvait  abattre  que  les  menus  oiseaux  el  les  plus  petits 
quadrupèdes  (4).  Les  gravures  de  Philippe  Galle,  exé- 


(1)  Clamorgan. 

(2)  Claude  Gauchet.  —  Raimondi,  théreuticographo  italien  qui  pu- 
blia en  1621  son  livre  délie  Caccie,  enseigne  la  manière  de  faire  venir 
les  renards  pour  les  prendre  au  piège  ou  les  tuer  le  soir  avec  l'arba- 
lète. 

(3)  Voir  Espinar,  les  planches  du  Sijslùnie  d'équilaliu)i  de  Ncwcastle 
(1657)  et  Magné  de  MaroUes. 

(4)  Dans  les  chasses  de  Stradan,  on  voit  une  arbalète  à  jalet  employé  - 


—  230  — 

culées  vers  1584  sur  les  dessins  de  Stradan,  font  voir 
cette  arbalète  dirigée  contre  des  lapins,  contre  des 
perdrix,  que  le  tireur  approche  à  l'aide  de  la  vache 
artificielle  (1)  et  contre  des  oisillons  dans  une  chasse 
nocturne  ù  la  fouée,  sur  des  arbres  voisins  d'une 
vigne. 

Claude  Gauchet  décrit  la  chasse  du  merle  et  du 
raauvis  avec  l'arbalète  à  jalet.  L'oiseau,  poursuivi 
par  un  épervier,  se  réfugiait  dans  une  haie  ou  dans 
un  buisson. 

Lors,  dit  le  bon  aumônier  : 

Avec  l'arbalestre  à  la  main  je  m'approche, 

Je  bande,  et  le  boulet  dans  la  fronde  j 'encoche 
Et  l'œillet  dans  la  noix,  puis  par  le  trou  je  voy 
Et  le  merle  et  le  poinct;  alors  m'arrestant  coy 
Je  desserre  la  clef.  La  serre  se  desbande 
Et  l'arc  qui  se  rejette  avecque  force  grande 
Envoyé  en  l'air  le  plomb,  qui  vers  l'oiseau  dressé 
L'atteinct  et  l'abat  mort,  d'oultre  en  oultre  percé. 

D'Arcussia  dit  qu'en  certains  pays  les  espréveteiirs 
chassent  de  cette  manière  pendant  l'hiver,  non-seule- 
ment les  grives  et  les  merles,  mais  encore  la  pie  et  le 

Cette  petite  chasse  se  faisait  encore  au  xvni'  siècle 
avec  les  émerillons  de  la  fauconnerie  royale. 


il  tirer  le  chat  sauvage.  C'est  probaiilemcnt  une  fantaisie  du  dessina- 
teur qui  s'en  permettait  souvent.  Il  est  en  effet  invraisemblable  (ju'on 
1  misse  tuer  avec  cette  arme  une  bête  aussi  dure  que  le  chat. 

(1)  Cette  vache  est  ici  un  manne(piin  couvert  de  toile  dans  lecpicl 
marche  un  homme  courbé. 

{1)  Olivier  de  Serres,  contempoi'ain  de  d'Arcussia,  dans  son  Thédlrr 
rl'nf/ncuUure ,  dont  la  première  édition  est  tU'  HHHi.  l'Mrlo  de  «'liasses 
aux  lajtins  dans  les  garennes  avec  Vnrv  df/rlrl. 


—  2;m  — 

Enfin,  jusque  dans  la  seconde  moilié  du  règne  de 
Louis  XY,  les  braconniers  tiraient  les  faisans  branchés 
avec  des  arbalètes  faites  exprès  qui  chassent  le  plomb 
presque  aussi  vivement  que  le  fusil  (1). 

Les  chasses  avec  l'arbalète  à  jalet  étaient  fort  goû- 
tées par  les  dames.  «  Catherine  de  Médicis,  dit  Bran- 
tôme, aimoit  fort  à  tirer  de  l'arbaleste  à  jalet  et  en 
tiroit  fort  bien,  et  toujours  quand  elle  s'alloit  pro- 
mener faisoit  porter  son  arbaleste,  et  quand  elle  voyoit 
quelque  beau  coup,  elle  tiroit  (1).  » 

La  Reine  Elisabeth  d'Angleterre  prenait  aussi  plaisir 
à  montrer  son  adresse  en  tirant  cette  arme,  notam- 
ment dans  le  parc  de  Cowdray,  oii  elle  engagea  un 
match  avec  sa  dame  d'honneur,  qui  eut  la  complai- 
sante discrétion  de  se  laisser  battre  dans  la  propor- 
tion de  3  à  1  (3). 

L'arbalète  à  jalet  disparaît  à  peu  près  en  même 
temps  que  la  grande  arbalète,  peut-être  un  peu  plus 
tôt.  Toutes  deux  furent  reléguées  dans  l'ombre  et 
dans  l'oubli  par  les  perfectionnements  introduits  dans 
la  confection  des  armes  à  feu. 


(1)  Labruyerre. 

(2)  Dames  illustres.  —  L'arbalète  à  jalet  de  Catherine  est  conservée 
au  Musée  des  souverains. 

(3)  Skelton,  t.  II.  —  Cet  archéologue  avance  à  ce  propos  qu'en  An- 
gleterre on  tirait  les  bêtes  fauves  (deer)  avec  l'arbalète  à  jalet,  ce  qui 
n'est  guère  vraisemblable. 


CHAPITRE  II. 

Chasses  avec  les  armes  à  feu 


a  main. 


§   1.    PREMIÈRES   ARMES   A    FEU    PORTATIVES.  —  ARQUEBUSES.    — 
COULEUVRINE. 

couicuvriues  L'époque  de  l'inveiition  des  premières  armes  à  feu 
portatives  peut  être  fixée  aux  dernières  années  du 
XIV®  siècle,  ou  au  commencement  du  suivant  (1).  Ces 
armes  portaient  le  nom  de  canons,  bombardes  et  cou^ 
leuvrines  à  main.  C'étaient  des  tubes  en  bronze  ou  en 
fer  forgé,  liés  à  un  fût  de  bois  au  moyen  de  cercles 
de  métal  ou  de  cordes.  On  y  mettait  le  feu  avec  une 
mèche  tenue  à  la  main. 

A  la  fin  du  xv''  siècle,  on  ajouta  à  ces  couleuvrines 
h  main  le  bassinet  destiné  à  contenir  la  poudre  d'a- 


(I)  "Voir  les  Etudes  sur  rai'lillcrir,  ])ur  l'Empi-nHir  Napoléon  Ul.  — 
Le  Catalofjur  du  Musrr  d'tfiiillrrir,  i>ni-  Ii'  i-nminiindanl.  Penfiuilly 
IJmridon    —  Ilcwill. 


—  2:^3  — 
morce ,  puis  le  serpenliii  sur  le(|uul  on  ajustait  la 
mèche,  el  qui,  au  moyen  d'une  détente,  s'abaissait  sur 
le  bassinet. 

Cette  nouvelle  arme  à  feu  prit  le  nom  (ïcscopelte  et    Arquebuse 

à  mèche. 

de  hacquehute  ou  arquebuse  (1).  On  conUnua  cepen- 
dant durant  quelque  temps  à  lui  donner  celui  de  cou- 
leuvrine  à  main. 

C'est  ainsi  qu'on  doit  expliquer  les  textes  où  il  est 
question  de  chasses  faites  avec  la  couleuvrine,  car  il 
paraît  matériellement  impossible  qu'on  ait  jamais  pu 
chasser  avec  cet  engin  par  trop  primitif. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  le  poëme  de  Theuerdannck, 
on  voit  Maximilien  d'Autriche  s'amuser  h  tirer  des 
oiseaux  aquatiques  avec  l'arquebuse  [  pirschbûchse  ) 
d'un  bateau  sur  lequel  il  descend  de  Gueldres  en  Hol- 
lande. L'imprudent  Maximilien  faillit  faire  périr  sa 
barque  en  approchant  sa  mèche  allumée  d'un  baril 
de  poudre  (2). 

Le  cardinal  Adrien  de  Saint-Chrysogone,  dans  un 
poëme  sur  la  chasse,  imprimé  en  1505,  décrit  en  un 
latin  fort  élégant  une  arme  à  canon  de  cuivre , 
inventée  par  un  Sicambre  nommé  Libs.  Lorsqu'on 
mettait  le  feu  par  une  étroite  ouverture  à  cet  engin 
horrifique,  merveilleux,  menaçant,  la  balle  de  plomb 


(1)  De  l'italien  arcu  biujio  (arc  troué)  .suivant  les  uns;  ilo  l'allemanil 
hakcn-l'iichse,  arme  à  l'eu  à  croc,  suivant  les  autres. 

(î)  Cette  aventure  doit  remonter  à  l'époque  de  la  prise  de  posses- 
sion des  Pays-Bas  par  Maximilien,  c'est-à-dire  aux  dernières  années 
du  xV  siècle. 


à  rouet. 


—  234  — 
nrdenl  qu'il  renfermait  allait'frapper  le  gibier  avec 
rimpétuosilé  de  la  foudre  (1). 

Un  placard  flamand  de  1514  défend  de  tirer  besles 
rouges  et  noires,  liècres,  connins,  perdrix,  jikaisants, 
hairons,  butoirs  et  aultres  volailles  et  sauvagines,  avec 
la  couleuvrine. 

L'ordonnance  de  1515,  interdit  de  posséder  près 
des  forêts  royales  écfiopctes  et  haquehutes. 
Aniiiehuse  C'est  vers  ce  temps  que  les  archéologues  allemands 
placent  l'invention  des  platines  à  rouet  (2).  La  pre- 
mière mention  que  nous  en  trouvons  dans  notre  his- 
toire ne  remonte  qu'à  1514  (3). 

Dans  les  arquebuses  à  rouet  le  feu  est  donné  par 
une  pierre  de  mine  (  pyrite),  maintenue  avec  force  sur 
une  rondelle  d'acier  à  laquelle  un  mécanisme  parti- 
culier imprime  un  mouvement  de  rotation  très-accé- 
léré. Par  son  frottement,  celte  rondelle  ou  rouet, 
cannelée  sur  la  tranche,  fait  jaillir  de  la  pierre  une 
quantité  d'étincelles  qui  mettent  le  feu  à  l'amorce. 

Quoique  présentant  quelques  avantages  sur  l'ar- 
quebuse à  mèche,  l'arme  à  rouet  ne  fit  pas  abandon- 
ner celle-ci.  Toutes  deux   continuèrent  d'être  em- 


(ij  Ici,  c'est  un  porc-épic  : 

«  Hisirix  conlinuo  forala  fumai.  » 

{lladriani  rarcUnalis  S.  Chri/sogoni  ad  Ascanium  cordinah'in  S. 
Vili  vicc'caiicellariwn  Venalin).  —  Cet  opuscule  a  été  réimprimé  eu 
1582  par  S.  Feyerabend,  en  tète  du  recueil  intitulé  :  Venalusci  Aucit- 
piHin  iconihiis  arlificiosiss.  ad  luvum  exjiressa,  lig.  de  Jost  Amman. 
—  La  première  édition  est  de  Venise,  Aide,  1505. 

(2)  En  1512,  ;i  Nuremln^rf,',  ;>('lon  HeliViei'  :  Cosiuiiir^  du  uxii/i'h  dijr 
r  II  rélien,  l.  111. 

(3)  Mrm.  <\v  .lu  Hellax. 


—  235  — 

ployées  simullcmémenl  pour  la  guerre  comme  pour  lu 
chasse  (I). 

Les  armes  à  feu  ,  quel  que  fût  le  système  de  leur 
construction,  ne  jouirent  pas  d'abord  d'une  grande 
faveur  près  des  princes  ni  près  des  gentilshommes 
français,  et  longtemps  l'usage  en  fut  abandonné  aux 
paysans  et  aux  mercenaires  qui  chassaient  pour  le 
profit. 

En  pays  étranger,  surtout  en  Italie,  l'arquebuse 
jouissait  de  plus  de  considération.  L'illustre  artiste 
Benvenuto  Cellini  était  grand  amateur  d'armes  à  Renvemuo 
feu.  Dans  ses  curieux  mémoires,  le  Florentin  vantard 
se  complaît  presque  autant  au  récit  de  ses  exploits  de 
chasseur  qu'à  celui  des  coups  partis  de  sa  main  qui , 
s'il  faut  l'en  croire,  auraient  atteint  le  connétable  de 
Bourbon  et  le  prince  d'Orange  (2). 

Le  souverain  aux  généraux  duquel  Cellini  faisait 
une  si  rude  guerre,  Charles-Quint,  fut  aussi  un  adroit 
tireur  d'arquebuse.  Au  couvent  de  Groenendal,  dans 


(1)  Dans  les  chasses  de  Stradan,  on  voit  partout  figurer  l'arque- 
buse à  mèche  ,  probablement  préférée  par  les  Flamands.  Dans  les 
gravures  de  Jost  Amman  (1582),  il  n'y  a  que  des  arquebuses  à  rouet, 
invention  allemande,  en  vogue  alors  parmi  les  populations  germa- 
niques. 

(2)  Le  premier  tué,  le  second  blessé  pendant  le  siège  de  Rome  (1527). 
—  Benvenuto  raconte  que,  pendant  son  séjour  à  Rome,  il  s'amusait  à 
tirer  à  balle  franche  les  ramiers  qui  hantaient  les  ruines.  «  J'avais, 
dit-il,  moi-même  arrangé  mon  arquebuse,  elle  était  nette  comme  un 
miroir  dedans  et  dehors.  De  plus,  je  faisais  moi-même  de  la  poudre  à 
tirer,  très-fine,  pour  la  fabrication  de  laquelle  j'avais  des  secrets  que 
personne  n'avait  découverts....  »  (Liv.  I,ch.  v.)  11  prétend,  en  outre,  avoii' 
su  fabriquer  de  la  poudre  muette  avec  laquelle  il  chassait  aux  paons 
dans  le  parc  du  duc  de  Ferrare  (L.  III,  cli.  lu.)  Voir  aussi  sii  chasse 
aux  canards  dans  les  environs  do  Rome.  (Li\ .  il,  cU.  xii.) 


de  Stroz/i. 


—  230  — 

la  Ibrel  de  Soignes,  il  aballit  un  jour  d'un  coup  d'ar- 
quebuse chargée  à  balle  un  héron  posé  à  une  dis- 
lance considérable  sur  le  bord  de  l'étang  du  prieuré. 
Les  religieux  célébrèrent  cet  exploit  en  vers  latins  et 
firent  ériger  au  milieu  de  Télang,  à  l'endroit  où  le 
héron  était  tombé,  une  petite  colonne  surmontée  d'un 
héron  de  bronze  (1). 

Un  compatriote  de  Benvenuto  Cellini ,  le  colonel- 
phiiipi-e  général  Philippe  de  Strozzi ,  qui  introduisit  dans 
l'armée  française  l'usage  des  mousquets  (2),  et  plu- 
sieurs autres  améliorations  notables,  avait,  comme  lui, 
la  passion  des  armes  à  feu  pour  la  chasse  ainsi  que 
pour  la  guerre. 

«  Si  tost  qu'il  commença  à  avoir  la  force  de  manier 
une  arquebouse,  il  en  fait  faire  une  d'une  longueur  de 
canon  non  encore  veûe  pourgiboyer,  à  quoy  il  estoit 
sy  ardent  qu'il  passoit  quelquefois  dès  le  grand  matin 
les  plus  longs  jours  d'esté  entiers  par  les  bois  à  tirer 
aux  besles  et  aux  oyseaux 

«  L'hyver,  et  lorsque  la  terre  estoit  plus  couverte 
de  neiges,  ne  bougeoit  le  long  des  eslangs,  rivières  ou 


(1)  Galesloot,  d'a]irès  la  Chorogmpliia  sacra  BrahanlUc.  Bruxelles, 
IG59. 

("2)  Arquebuses  à  mèche  de  i'orl  calibre,  ([ui  se  tiraient  sur  une  lour. 
chette.  Strozzi  s'occupa  aussi  très-activement  de  remplacer,  par  des 
canons  de  Milan,  les  canons  de  Pignerol,  en  usage  jusciuc-là.  —  «  Luy 
mesmeau  siège  de  la  Rochelle  (1573)  l'aisoit  lousjours  porter  un  mous- 
(juet  à  un  page  ou  à  un  laquais,   et  quand  il  voyoit  un  beau  coup  ù 

l'aire,  il  tiroit Je  vis  et  plusieurs  avec  moy  ledit  M.  de  Slrozzetuer 

un  cheval  de  cin;[  cents  pas  avec  son  mousquet,  et  le  maistre  se  sauva.  » 
lirantômc  ,  Discours  sur  1rs  courvnncis  ilr  l'in/antrrir  de  Fronce, 
art.  XI. 


—  237  — 
ruisseaux,  et  souvent  lapy  conlre  un  saule  ou  petit 
buisson  (se  Iraisnant  mesmes  au  besoin),  pour  cou- 
vert et  sans  bruit  n'efîaroucher  le  gibier,  ains  ainsy  tant 
patienter  qu'il  le  veist  arrangé  à  son  avantage,  affin  de 
faire  un  bon  coup,  ou ,  si  les  estangs  estoient  gelez, 
il  alloit  aux  marels  ou  lieuK  marécageux,  es  quels  en- 
droits oïl  l'eau  ne  geloit,  (sortant  de  quelque  source 
vifve),  toutes  sortes  d'oiseaux  de  rivière  des  environs 
s'assembloient  en  troupes,  commodité  qui  récompen- 
soit  la  patience,  la  peine  et  l'aspreté  du  froid  (I).  » 

L'exemple  de  Strozzi  et  les  perfectionnements  in- 
troduits par  lui  dans  l'arquebuserie  contribuèrent 
beaucoup  à  rendre  plus  général  en  France  le  goût  de 
la  chasse  à  tir.  La  grande  arquebuse  à  giboyer  de  ciiaries  ix. 
Charles  IX  est  restée  fatalement  célèbre  dans  la  tra- 
dition. Henri  IV  aimait  à  chasser  les  canards  avec  Henri  iv. 
V arquebuse  et  le  barbet  (2). 

Un  des  plus  vaillants  compagnons  de  guerre  du  Leiwonde 
Roi  Henri ,  le  baron  de  Chantai,  aïeul  de  madame  de  uié^danTùne 
Sévigné,  périt  misérablement  en  1601  d'un  accident     ''""''^ 

l'arqueliuse. 

survenu  dans  une  partie  de  chasse  à  tir.  lievenu 
malade  en  son  château  de  Bourbilly,  il  se  laissa  en- 
traîner à  une  chasse  à  l'arquebuse  par  un  de  ses  pa- 
rents et  amis,  M.  d'Anlezy  de  Chazelle.  Fatigué  de  la 


(1)  Fi>,  morl  et  loinhcau  du  haut  et  puissant  seigneur  Philippe  de 
Strozzi.  Paris,  1608.  Nous  avons  cru  devoir  donner  ce  passage  en  en- 
tier, parce  que  c'est  le  plus  ancien  document  écrit  en  français  que 
nous  ayons  sur  les  chasses  à  l'arquebuse. 

(2)  On  voit,  dans  les  gravures  de  Jost  Amman,  qu'à  cette  époque  les 
gentilshommes  allaient  chasser  au  marais  en  bas  de  soie  et  hauts-de- 
chausso  tailladés,  ce  qui  devait  èlro  médiocrement  commode. 


—  238  — 

chaleur,  et  d'ailleurs  médiocrement  amateur  de  cet 
exercice,  il  se  coucha  à  l'ombre  d'un  buisson.  M.  de 
Chazelle,  trompé  par  la  couleur  de  l'habit  du  baron, 
qui  était  venlre-de-biche,  lui  tira  un  coup  d'arque- 
buse dans  la  cuisse,  et  le  mit  au  tombeau  après  neuf 
jours  de  souffrances  (1). 
Louis XIII.  Louis  XIII  forgeait  des  canons  d'arquebuse.  Des 
malveillants  osèrent  prétendre  qu'il  ne  devait  son  sur- 
nom de  Juste  qu'à  son  adresse  au  tir  de  cette  arme, 
adresse  qui  paraît  toutefois  s'être  plutôt  signalée  en 
tirant  à  la  cible  qu'à  la  chasse  (2). 

Pendant  les  deux  premiers  tiers  du  xvi®  siècle  les 
arquebuses  à  mèche  et  mcme  à  rouet  étaient  de  trop 
peu  d'exécution  à  la  chasse  pour  que  les  lois  et  rè- 
glements sur  la  matière  aient  jugé  à  propos  de  leur 
accorder  grande  attention. 

Mais  le  menu  plomb  ou  dragée,  ayant  été  inventé 
vers  1580  (3),  et  rendant  l'efî'et  des  armes  à  feu  infi- 
niment plus  meurtrier,  la  législation  devint  très-sévère 
pour  les  chasseurs   à  l'arquebuse.  Henri  IV  voulut 


(1)  Nnlicc  sur  1rs  ancrlrcs  dr  M>ne  de.  Scvignc,  \)nv  Gault  de  Saint- 
Germain. 

(2)  Sauf  celle  des  oisillons  qu'il  tirait  probablement  posés.  Dans  la 
Liidflvicolropliie  ou  Journal  de  toiites  les  aelions  cl  la  santé  de  Louis, 
Dauphin  de  France,  qui  fiU  ensuite  Louis  XIII ,  par  son  médecin  Ilé- 
rouart  (mss.  de  la  bibl.  imp.,  cité  par  M.  de  la  Saussaye,  CluUeau  de 
Chamhord),  on  lit  que,  lors  de  sa  seconde  visite  à  ce  domaine,  en  1610  : 
«  le  Roy  s'en  va  tirer  de  la  hacquebusc,  tiie  plus  de  vingt  moineaux.  » 
—  Un  vitrail  conservé  à  Troyes  et  provenant,  à  ce  qu'on  croit,  de 
l'hôtel  de  l'Arquebuse  de  cette  ville,  représente  Louis  XIII  tirant  de 
l'arquebuse  à  rouet,  avec  cette  tlevise  portée  par  un  ange  :  Rien  dr 
plus  beau.  (Willemin,  Monumenls  français  inédits,  t.  11.) 

(i)  Claude  Gaucliet,  —  Magné  de  MaroUos. 


—  239  — 

même  interdire  l'usage  de  celte  arme  absolument  et 
en  tous  lieux  (1),  mais  il  fut  obligé,  après  moins  d'une 
année,  de  lever  cette  prohibition  (2). 

On  continua  de  se  servir  d'arquebuses  à  mèche  et 
surtout  à  rouet,  longtemps  après  l'invention  des  pla- 
tines à  silex.  La  grande  ordonnance  des  eaux  et  fo- 
rêts (1669)  défend  encore  aux  garde- plaines  des 
capitaineries  de  porter  des  arquebuses  à  rouet.  Il 
existe  au  musée  d'artillerie  et  dans  les  collections 
particulières,  des  carabines  de  précision  à  rouet,  de 
l'espèce  dite  arquebuse  butière,  ou  rainoise  (3),  qui 
portent  des  dates  de  la  fin  du  xvn*  et  môme  des  pre- 
mières années  du  xvni"  siècle.  Il  faut  observer  que 
ces  armes  sont  toutes  ou  presque  toutes  de  fabrication 
allemande,  et  qu'en  Allemagne  on  a  longtemps  con- 
servé une  prédilection  marquée  pour  les  platines  à 
rouet,  qu'on  nommait  platines  allemandes  (A).  On  voit, 
dans  l'œuvre  de  Ridinger,  que  vers  1750  on  se  ser- 
vait encore  d'arquebuses  à  rouet  dans  ce  pays,  pour 


(1)  Ord.  de  déclaration  du  14  août  1G03. 

(2)  Voir  le  livre  II  de  cet  ouvrage. 

(3)  Parce  que  ces  arquebuses  servaient  surtout  à  tirer  an  but  et  que 
le  canon  était  sillonné  de  rainures. 

(4)  Dans  le  Traité  du  chevalier  de  Fleming  (1719)  à  côté  du  fusil 
(Fliinde),  on  trouve  décrits  et  représentés  l'arquebuse  à  dragée  {Schroi- 
hiichse),  le  mousqueton  à  sanglier  {Sau-slUlz)  et  la  carabine  {Pirsch- 
hilchse)  avec  des  platines  à  rouet.  Fleming  déclare  hautement  sa  pré- 
férence pour  les  armes  à  platine  allemande.  Quoique  d'une  exécution 
un  peu  plus  compliquée,  ces  armes  avec  leurs  crosses  coupées  à  l'alle- 
mande sont  plus  commodes  à  mettre  en  joue  ;  elles  ne  peuvent  partir 
sans  que  la  pierre  ait  été  abattue  sur  le  rouet.  En  mettant  un  morceau 
de  drap  entre  le  rouet  et  la  pierre  on  tient  poudre,  pierre  et  rouet  secs, 
et  l'on  peut  tirer  en  retirant  le  drap. 


—  240  — 

tirer  à  coup  posé  les  coqs  de  bruyère,  les  oiseaux 
d'eau  et  le  gibier  de  montagne.  De  nos  jours  quelques 
pauvres  paysans  du  Tyrol  et  des  montagnes  de  la 
Bavière  emploient  ces  armes  surannées  pour  la  chasse 
du  chamois  et  le  lir  à  la  cible  (I). 

La  forme  des  arquebuses  à  mèche  et  à  rouet  varia 
beaucoup  pendant  le  xvi*  siècle.  Les  plus  anciennes 
étaient  montées  avec  des  crosses  fort  longues  et  fort 
grossières  qu'on  appuyait  non  contre  l'épaule,  mais 
par-dessus  l'épaule. 

Dans  les  planches  de  Slradan,  qui  sont  cependant 
de  la  fin  de  ce  siècle,  on  voit  encore  des  chasseurs 
tenant  l'arquebuse  à  mèche  dans  cette  singulière  po- 
sition (2). 

On  appuya  ensuite  l'arquebuse  contre  l'épaule; 
puis,  du  temps  de  Strozzi,  la  longue  crosse  ayant  été 
remplacée  par  une  courte  et  gentille,  on  trouva  plus 
commode  de  coucher  contre  l'estomac.  Brantôme  dit 
que  cette  nouvelle  manière  de  tirer  fut  trouvée  par 


(1)  lllusirirle  Zeilung.  — Une  arquebuse  à  rouet  allemande  du  Musée 
d'artillerie  (n"  M.  304  du  livret)  porte  la  date  de  1745.  Magné  de  Ma- 
rolles  dit  que  de  son  temps  (1788)  on  fait  encore,  pour  la  chasse,  des 
armes  à  roxiet  en  Allemagne.  Les  Italiens  paraissent  avoir  conservé 
l'arquebuse  à  mèche  pour  la  chasse  jusqu'au  milieu  du  xvii«  siècle.  — 
(Marollcs.) 

(2)  On  s'explique  difficilement  cette  attitude  qui  n'est  peut-être 
qu'un  caprice  du  dessinateur,  d'autant  plus  que  quelques  planches 
présentent  des  poses  physiquement  impossibles,  notamment  des  ar- 
quebuses qui  partent  sans  que  la  main  du  tireur  soit  à  la  détente  et 
sans  que  le  serpentin  soit  abaissé  sur  le  bassinet  ou  même  garni  de  sa 
mèche  allumée.  Cependant  les  Chinois  mettent  encore  en  joue  par- 
dessus l'épaule  leurs  grossières  arquebuses.  (Voir  un  dessin  cliinoiï; 
reproduit  par  i'///!(5/;Y(//o«  du  17  septembre  1853.) 


—  m  — 

un  honneste  gentil  homme,  qu'il  ne  veut  point  nommer 
de  peur  de  se  glorifier,  et  qui  n'est  autre  que  lui- 
même  (1). 

Avant  la  réforme  de  Strozzi,  les  arquebuses  de 
guerre  n'avaient  que  des  canons  fort  longs  et  menus, 
fabriqués  à  Pignerol.  Strozzi  y  substitua  des  canons 
de  Milan,  de  fort  calibre.  Mais  les  canons  de  Pignerol 
continuèrent  d'être  recherchés  par  les  chasseurs,  à 
cause  de  leurs  bontez  (2). 

Les  arquebuses  à  rouet  étaient  presque  toutes  fa- 
briquées en  Allemagne. 

On  commença  de  fort  bonne  heure  à  rayer  le  canon 
des  armes  à  feu  dont  on  se  servait  pour  tirer  la  grosse 
bête.  Selon  quelques  auteurs  allemands,  cette  inven- 
tion remonterait  jusqu'au  xv*"  siècle.  L'invention  des 
raies  en  spirales  est  attribuée  à  Auguste  Kotter,  de 
Nuremberg  (1500  à  1520)  (3). 

Pendant  la  plus  grande  partie  du  xvi^  siècle,  il  fut 
impossible  de  se  servir  de  l'arquebuse  pour  tirer  les 
oiseaux  au  vol  et  les  quadrupèdes  aux  grandes  al- 
lures, non-seulement  à  cause  de  la  pesanteur  et  de 
l'imperfection  de  l'arme,  mais  encore  parce  qu'on  ne 


(1)  Vie  de  M.  de  Strozzi.  —  En  Espagne  on  se  servit  pendant  quel- 
que temps,  pour  la  chasse,  de  gros  mousquets  qu'on  appuyait  sur  une 
fourchette  ou  sur  l'épaule  d'un  valet.  (Juan  Mateos,  Orifjcn  y  dignidad 
de  la  Gaza,  1G34.) 

(2)  On  fabriquait  aussi  des  canons  d'arquelnise  à  Metz  et  à  Abbe- 
ville  (ibid.).  Selon  Fleming,  les  canons  d'arquebuse  doivent  être  forgés 
en  novembre,  sous  le  signe  du  Sagittaire,  et  on  doit  coller  sous  le  bois 
de  l'arme,  en  la  montant,  un  petit  morceau  primi  menslrui. 

(3)  Catalogue  du  musée  d'artillerie. 

III.  16 


Moyens 


—  242  — 

savait  la  charger  qu'à  balle  franche  ou  à  plusieurs 
balles  (1). 

A  partir  de  l'invention  du  menu  plomb,  que  nous 
supposons,  avec  Magné  de  Marolles,  dater  à  peu  près 
de  1580,  il  devint  possible  de  tirer  quelquefois  au  vol, 
quoique  difficilement  et  incommodément  (2).  En  efTet, 
il  fallait  que  le  canon  de  l'arme  restât  à  peu  près  pa- 
rallèle à  l'horizon  ;  autrement  la  poudre  du  bassinet, 
qu'il  était  indispensable  de  découvrir  avant  de  tirer, 
risquait  fort  de  tomber  dans  l'œil  du  tireur. 
La  nécessité  de  surprendre  le  gibier  posé  rendait 
employés lûur  presQue  aussl  indispensable  aux  arquebusiers  qu'aux 

surprendre      '-  ^  '  ^  * 

le  giiner.  archcrs  l'emploi  de  ces  ruses  dont  nous  avons  déjà 
parlé  à  propos  des  chasses  avec  l'arc  et  l'arbalète,  et 
qui  furent  toutes  adoptées  et  perfectionnées  par  les 
arquebusiers  du  xvf  siècle. 

La  toile  qui  ressemble  à  un  hœuf  de  Gaston  Phœbus 
avait  été  remplacée  par  une  machine  ou  mannequin 
en  osier,  ayant  au  col  une  clochette  de  vache  et  re- 
couverte d'une  toile  traînante  (3).  Un  homme  mar- 
chait le  dos  courbé  dans  cette  machine,  et  le  tireur 
s'avançait  derrière. 

La  vache  artificielle  pouvait  être  remplacée  par  un 
bœuf  enchevêtré  ou  par  un  cheval  entravé  de  façon 
à  ne  pouvoir  marcher  que  lentement,  et  ayant  la  tête 


(1)  Magné  de  Marolles. 

(2)  Les  passages  de  Claude  Gaucbet  cités  par  Magné  de  Marolles 
prouvent  surabondamment  que,  même  après  l'invention  du  menu 
l)lomb,  on  ne  tirait  presque  jamais  ([u'à  coup  posé. 

(3)  On  voit,  dès  le  xv"  siècle,  une  machine  analogue,  figurant  un  che- 
val, servir  à  caclici-  un  arbalétrier.  (Miniatures  du  l]ecni  Phœbus.) 


—  243  — 

attachée  entre  les  jambes  pour  avoir  l'air  de  pâturer  (  I  ). 
Les  Allemands  se  servaient  encore,. au  xvni"  siècle, 
d'un  cheval  équipé  de  cette  manière  pour  tirer  des 
oiseaux  d'eau  avec  l'arquebuse  à  rouet  (2). 

La  charrette  et  la  hutte  ambulante  étaient  réunies 
de  manière  à  ne  former  qu'un  seul  engin,  ayant  la 
forme  d'unecabanedefeuillage  portée  sur  desroues  (3). 

Les  arquebusiers  cherchaient  aussi  à  joindre  leur 
gibier  en  se  traînant  à  terre  et  en  se  cachant  derrière 
les  mouvements  de  terrain,  les  arbres  et  les  buissons, 
ou  l'attendaient  au  guet  et  à  l'affût  ;  enfin  le  chien  cou- 
chant leur  rendait  les  mêmes  services  qu'aux  arbalé- 
triers (4). 

Avant  les  rigoureuses  défenses  faites  par  Fran- 
çois I"  de  tuer  les  bêles  rousses  (5),  les  grands  animaux 
comme  cerfs,  chevreuils,  sangliers,  étaient  fréquem- 


(1)  C'est  le  Slalking  horse  de  Shakspeare,  qui  a  fort  bien  pu  servir 
aux  arbalétriers  avant  l'arquebuse,  comme  il  a  servi  depuis  pour  tirer 
au  fusil.  Dans  sa  pièce  intitulée  As  you  like  it,  le  grand  William  dit 
d'un  fol  de  cour  qu'il  se  sert  de  sa  folie  comme  d'un  slalking  korse, 
sous  le  couvert  duquel  il  lire  son  espril. 

(2)  V.  Ridinger. 

(3)  Chasses  de  Stradan.  —  Cette  machine  est  employée  comme  la 
vache  artificielle  pour  approcher  des  cerfs  à  portée  d'arquebuse.  — 
En  Espagne  on  tirait  les  grues  et  autres  oiseaux  de  passage  dans  les 
plaines  découvertes  au  moyen  d'un  petit  chariot  à  deux  roues  sur  le- 
quel un  mousquet  de  gros  calibre  était  lixé  par  un  i?ivot. 

(4)  Voir  le  livre  VI. 

(5)  Voir  le  livre  II. 

J'apperçoy  d'un  grand  cerf  la  teste  nompareille 

Qui  marchant  d'asseurance  à  son  chemin  brouttoit 

Selon  son  appétit,  le  bourgeon  qu'il  trouvoit. 

Je  l'approche  assez  presls,  mais  voyant  que  la  beste 

N'avoit  à  ses  costez  aucune  biche  preste, 

Je  passe  mon  chemin,  n'ayant  point  le  désir 


—  244  — 
ment  lires  à  l'nflul;  Yarquebusier  blessier,  ainsi  nommé 
parce  que  la  bete  restait  rarement  sur  le  coup,  em- 
menait avec  lui  un  chien  de  sang  qui  suivait  l'animal 
par  les  rongeurs  (l). 

Médiocrement  préoccupé,  à  ce  qu'il  semble,  des 
ordonnances  récemment  fulminées  par  Henri  IV 
contre  les  armes  à  feu  et  les  chiens  couchants,  Olivier 
de  Serres,  dans  son  Théâtre  d'agriculture,  conseille  au 
simple  gentilhomme  d'aller  durant  l'automne,  llujver 
et  le  printemps,  l'arquebuse  au  poing,  avecle  chien  cou- 
chant fait  au  poil  et  à  la  plume,  arrester  et  pendre  per- 
drix et  levraud.  «  Le  gentilhomme  chassera  aussi  au 
canard,  à  l'arquebuze,  en  se  pourmenanl  le  long  des 
eaux  durant  les  gelées  et  grandes  froidures  (2).  » 

Celte  chasse  aux  canards  avec  l'arquebuse,  aimée 
de  Slrozzi  et  de  Henri  IV,  est  une  des  plus  ancienne- 
ment pratiqLiées.  Nous  venons  de  voir  Maximilien 
d'Autriche  s'y  adonner  dès  la  fin  du  xv'  siècle  (3). 

Dans  les  tapisseries  conservées  au  château  d'Haroué, 
qui,  d'après  les  costumes  des  personnages,  sont  de  la 
même  époque,  un  chasseur  lire  des  oiseaux  de  ri- 
vière avec  une  arquebuse  à  serpentin  (A). 


De  tirer  sur  cela  qui  donne  aux  Roys  plaisir 
Estimant  un  tel  faict  acte  de  villenie. 

(Claude  Gauchet.) 

Il  semblerait,  d'après  ce  passage,  que  les  défenses  n'étaient  observées 
à  la  rigueur  que  pour  les  cerfs  portant  tète. 

(1)  D'Arcussia. 

(2)  Livre  YIII,  chap.  vu.  De  la  chasse  el  antres  lionnesles  exercices 
du  gentil-homme. 

(3)  Voir  ci-dessus,  p.  233. 

(4)  Tapisseries  hislnri(/ues,  publiées  jijir  M.  A.  Jubinai. 


—  245  — 

Une  gravure  de  Jean  de  Tournes,  éditée  en  1556, 
représente  un  arquebusier,  le  flasque  sur  les  reins  et 
le  pidverin  au  col,  envoyant  son  barbet  à  la  poursuite 
d'un  canard  démonté  (1). 

La  chasse  aux  canards  avec  l'arquebuse  se  trouve 
aussi  figurée  dans  les  œuvres  gravées  de  Jost  Amman 
et  de  Stradan. 

g  2.   FUSILS. 

Dans  les  dernières  années  du  xvi®  siècle  ou  au  fushs 
commencement  du  suivant,  fut  inventé  un  nouveau 
système  pour  donner  le  feu  aux  armes  de  guerre  et 
de  chasse  (2).  La  pierre  à  feu  (ici  c'est  un  silex)  est 
tenue  dans  les  mâchoires  d'un  chien,  qui  par  l'effet 
d'un  ressort  assez  semblable  à  celui  des  platines  mo- 
dernes, mais  le  plus  souvent  extérieur  comme  dans 
beaucoup  d'armes  à  rouet,  s'abat  sur  une  pièce  d'acier 
cannelée,  placée  au  delà  du  bassinet  et  fait  jaillir 
l'étincelle  qui  enflamme  l'amorce.  A  la  différence  des 
fusils  à  pierre,  celte  pièce  d'acier  ne  couvrait  pas  le 
bassinet  (3). 


(1)  Reproduite  dans  le  recueil  intitulé  llie  varieiies  of  dogs  as  (hri/ 
are  fourni  in  old  sculptures,  plclures,  etc.,  by  Ph.  C.  Berjeau.  Londoit, 
1863. 

(2)  Le  plus  ancien  document  connu  juscju'à  présent  où  il  soit  ques- 
tion de  ces  armes,  dite?,  Snaphans,  est  anglais  et  de  l'année  1588.  Voir 
Hewitt,  t.  III.  —  Los  pistolets  à  facile  dont  parle  Pietro  délia  Valle, 
dans  ses  voyages  sous  l'année  1617,  che  non  s'ha  cla  perder  tempo  a  lirar 
su  la  ruola  (pistolets  à  fusil  avec  lesquels  on  n'a  pas  à  perdre  son 
temps  à  remonter  le  rouet),  étaient  probablement  de  cette  espèce. 

(3)  Voir  les  deux  platines  de  grandeur  naturelle  gravées  dans  l'ou- 
vrago  de  Skeltun,  t.  II,  et  Ilewitt,  t.  HT. 


—  246  — 

La  nouvelle  platine  fut  probablement  inventée  en 
Espagne  ou  dans  les  Pays-Bas  espagnols. 

On  lui  donna  en  France  (nous  le  supposons  du 
moins)  le  nom  de  platine  de  Miquelet,  de  celui  des 
partisans  espagnols  qui  s'en  servirent  les  premiers. 
En  Angleterre  et  en  Hollande,  elle  reçut  le  nom  de 
Snaphans  (écrit  en  vieux  anglais  Snaphaiince),  qui  était 
aussi  le  nom  d'un  corps  de  partisans  assez  med  famés, 
les  chenapans  (1). 

Commode  pour  la  guerre  en  ce  qu'elle  était  d'une 
exécution  plus  prompte  et  plus  facile  que  le  rouet,  la 
platine  snaphans  n'avait  pas  un  très-grand  avantage 
à  la  chasse,  puisque  le  perfectionnement  qu'elle  in- 
troduisait ne  faisait  pas  disparaître  le  plus  grand  in- 
convénient des  arquebuses  à  mèche  et  à  rouet,  l'im- 
possibilité de  tirer  haut  sans  risquer  de  faire  tomber 
la  poudre  de  l'amorce. 

Ces  fusils,  fort  en  vogue  parmi  les  chasseurs  es- 
pagnols ,  comme  on  peut  le  voir  dans  les  ta- 
bleaux de  Vélasquez  (2),  ne  paraissent  pas  avoir  été 
très-usités  en  France.  Rien  n'est  plus  difflcile,  du 


(1)  En  général,  on  dérive  le  nom  de  l'arme  S»apha)is  de  ces  chena- 
pans (en  allemand  Srhnapphahne,  en  hollandais  Snaphaans,  ce  qui 
peut  signilier  voleurs  de  coqs,  maraudeurs).  Cependant  Scimapphalm 
peut  aussi  être  dérivé  des  deux  mots  allemands  Srhnappcii,  l'aire  partir, 
débander  un  ressort,  et  IJnlin  le  chien  d'une  arme  à  feu.  (lomme  la 
<lilTérence  entre  le  Snaphans  et  l'arquebuse  à  rouet  tient  précisément 
h  ce  ([ue  le  chien  se  débande  au  moyen  d'un  ressort,  il  est  plus  pro- 
bable que  ce  détail  de  construction  a  donné  son  nom  à  l'arme  et  que 
celle-ci  l'a  communiqué  aux  chenapans  qui  s'en  servaient. 

('2)  Notamment  dans  le  portrait  de  l'Infant  ilon  Ballhazar  (gravé  dans 
VHisloire  des  pruilns  de  Ch.  Blanc)  et  celui  il»'  IMiilippi-  IV,  exposé 
dans  ii's  galeries  du  I^ouvre  (non  catalogué). 


à  couvre-feu. 


—  247  — 

reste,  que  de  disliiigiier  ce  qui  s'applique  à  ce  fusil 
primitif  d'avec  ce  qui  concerne  le  fusil  à  silex  et  ("i 
couvre-feu  (1),  ces  deux  armes  n'ayant  jamais  eu  qu'un 
seul  nom  dans  notre  langue,  celui  de  fusil  ou  arque- 
buse à  fusil,  dérivé  de  la  manière  dont  le  feu  était 
produit  par  le  choc  d'une  pierre  contre  une  espèce 
de  fusil  ou  briquet  (2). 

Le  fusil  à  couvre-feu,  dont  on  s'est  servi  jusqu'aux      fusHs 
premières  années  du  présent  siècle,  fut  inventé  en 
France  de  1620  à  1630  (3). 

La  date  de  l'invention  est  à  peu  près  impossible  à 
préciser,  parlesraisons que nousvenonsde déduire. 

Le  chevalier  de  Fleming,  dans  son  Traité  de  chasse 
imprimé  en  1719  (4),  nous  accorde  l'honneur  de  ce 
perfectionnement,  tout  en  discutant  patriotiquement 
son  mérite,  qui  lui  paraît  en  certains  cas  inférieur  à 
celui  de  la  platine  à  rouet  ou  -platine  allemande  (5). 
«  Ces  armes,  dit-il,  sont  parfaitement  appropriées  à 
l'usage  d'un  tireur  allemand,  mais  je  laisse  aux  Fran- 
çais leurs  platines  à  pierre  comme  arme  prompte  à 


(1)  On  ignore,  par  exemple,  à  quelle  espèce  d'arme  il  faut  rapporter 
les  longues  harquebuses  à  fusil  dont  il  est  parlé  dans  une  Relation  du 
siège  de  la  Rochelle,  publiée  en  1G28,  non  plus  que  les  beaux  fusils 
conservés  en  1617  dans  le  Cabinet  du  Roi,  selon  les  Mémoires  du  mar- 
quis de  Montpouillan.  On  peut  cependant  conjecturer  que  ces  derniers 
étaient  des  Snaplians. 

(2)  Jusqu'au  xvii"  siècle  on  a  désigné  sous  le  nom  de  fusil  le  petit 
instrument  de  fer  qui  sert  à  battre  la  pierre  à  feu. 

(3)  Skelton,  t.  IL  —  En  Angleterre  on  continua  jusqu'en  1645  au 
moins,  à  se  servir  de  Snaplians  pour  la  guerre.  Voir  Hewitt,  t.  111. 

(4)  Der  vollkommene  deulsrhe  Juger.  Leipzig,  1719. 

(5)  Voir  ci-dessus,  p.  "239. 


—  248  — 

exécuter  pour  les  soldats,  les  gens  de  guerre  et  les 
voyageurs.  » 

Le  fusil  à  couvre-feu  n'en  fit  pas  moins  son  chemin 
dans  toute  l'Europe,  et  son  adoption  est  le  véritable 
point  de  départ  de  la  chasse  à  tir  telle  que  nous  la 
comprenons  et  la  pratiquons  aujourd'hui,  c'est-à-dire 
en  abattant  les  oiseaux  dans  leur  vol  le  plus  rapide  et 
les  quadrupèdes  lancés  à  toute  course  (I).  «  Quoique 
parfois  nuisible  par  la  grande  destruction  du  gibier, 
cette  chasse,  dit  Fleming,  est  par  elle-même  une  belle 
et  noble  science  dans  laquelle  les  Français  ont  la  gloire 
d'exceller,  et  qui,  avant  cela  (avant  l'invention  des 
fusils  à  couvre-feu),  était  absolument  inconnue  dans 
ce  pays-ci  (2).  » 
Fusils  Le  dernier  perfectionnement  de  l'arme  de  chasse, 

pendant  la  période  qui  nous  occupe,  fut  l'invention 
du  fusil  à  deux  coups. 

Ces  fusils  datent  des  dernières  années  du  règne  de 
Louis  XIV.  Suivant  une  tradition  assez  accréditée,  le 
premier  fusil  double  à  canons  parallèles  fut  fabriqué 
pour  ce  Roi  (3).  Magné  de  MaroUes  dit  que  l'habile 
arquebusier  Jean  Leclerc  fit  le  premier  à  Paris,  vers 
1738,  des  fusils  doubles  à  canons  soudés,  mais  que 


(1)  D'Arcussia,  dans  sou  Convy  puur  l'usscuiblcc  des  l(niconnii'rs,\m- 
bliéen  1827,  partage,  à  son  point  do  vue  exclusif,  l'o]iiuiou  délavorablo 
de  Fleming  sur  .le  //'/•  en  volant. 

(2)  Der  vollkommme  Deutsche  Jâger,  I,  V»  ikhI. 

(3)  Vénerie  française,  par  le  comte  Le  Couleulx.  11  existe  dans  les 
musées  des  armes  du  xvr  siècle  à  deux  ou  trois  canons  superposés  et 
tournants.  —  En  1701,  le  chevalier  de  Callières,  gouverneur  du  Canada, 
lit  présent  à  un  eheriroquois  d'un  fusil  à  deux  coups.  {Histoire  de  l'A- 
ntcriqur  scpleiilrioliale.  jiar  le  8'' de  Bacquevillo  de  la  Potherie.) 


double; 


—  249  — 

l'invention,  plus  ancienne  de  quelques  années,  venait 
de  Saint-Elienne.  «  Quant  aux  canons  assemblés  pa- 
rallèlement avec  des  tenons  et  des  vis,  ils  datent  de 
beaucoup  plus  loin  qu'on  ne  le  croit  communément,  » 
dit  le  même  auteur  qui  avait  vu  au  garde-meuble  de 
la  couronne  deux  anciens  fusils  de  cette  espèce,  l'un 
à  rouet,  paraissant  avoir  été  fabriqué  vers  1600,  l'autre 
ayant  des  platines  à  peu  près  construites  comme  celles 
il  aujourd'hui,  mais  ne  paraissant  guère  moins  ancien 
(probablement  un  snaphans). 
Au  xvni'  siècle,  les  meilleurs  fusils  de  chasse  étaient    r"abrication 

des  fusils 

fabriqués  à  Saint-Etienne,  à  Charleville,  à  Paris  et  à  dédiasse 
Pontarlier  (1).  Les  canons  de  Paris  étaient  déjà  pré-  xvme siècle. 
férés  à  tous  les  autres  canons  français  (2),  Ils  rivali- 
saient avec  les  canons  d'Espagne,  excessivement  re- 
nommés alors,  et  fabriqués  avec  de  vieux  fers  de  mule 
choisis,  dont  on  forgeait  cinq  ou  six  pièces,  soudées 
ensuite  l'une  au  bout  de  l'autre. 

Les  canons  français  étaient  à  rubans,  filés  ou  tor- 
dus (3).  On  croyait  volontiers  à  cette  époque  que  la 
portée  des  fusils  était  en  raison  directe  de  la  longueur 
des  canons.  Cette  idée  commençait  à  être  fortement 


Canons 
fraudais. 


(1)  11  y  avait  aussi  des  manufactures  d'armes  à  feu  à  Maubeugeetà 
Tuile,  mais  elles  ne  travaillaient  presque  pas  pour  les  chasseurs. 

(2)  Magné  de  Marelles  donne  la  liste  et  les  marques  des  maîtres  ca- 
nonniers  de  Paris.  Les  plus  renommés  étaient  de  la  nombreuse  fa- 
mille des  Leclerc.  11  y  a  une  trentaine  d'années,  on  recherchait  encore 
les  canons  de  fusil  poinçonnés  de  la  marque  de  Nicolas  Leclerc,  une 
fleur  de  lis  entre  les  lettres  L.  C. 

(3)  Voir  dans  Magné  de  MaroUes  les  procédés  de  ces  diverses  fabri- 
cations, qui  ne  différaient  pas  de  ceux  employés  actuellement,  autant 
que  je  puis  en  juger. 


Canons 
esiiagiiols 


Chasses  à  lir 

de 
Louis  XIV. 


—  250  — 
comballLie  du  temps  de  Magné  de  Marolles,  et  les  fusils 
de  chasse  avaient  été  réduits  de  45  pouces  de  canon 
{1",21)  à  30  ou  32  pouces  (O-^.Sl  ou  0",86). 

Les  canons  espagnols,  fabriqués  dans  l'origine  à 
40  pouces,  furent  aussi  raccourcis  à  33  et  3-4  pouces 
(0'",89  et  O^jOl).  Ces  canons  étaient  à  huit  pans  sur  les 
deux  cinquièmes  de  leur  longueur;  h  10  pouces 
(0'°,27)  de  la  culasse  se  posait  une  mire  ou  visière 
d'argent,  et,  à  l'extrémité  du  canon  qui  se  terminait 
un  peu  en  trompe,  le  guidon  (1). 

Les  montures  de  fusil  se  firent  d'abord  en  poirier, 
cerisier  et  merisier.  Ces  bois  furent  remplacés,  au 
x\nf  siècle,  par  l'érable,  et  surtout  par  le  noyer.  Les 
baguettes  étaient  en  baleine  ou  en  bois  de  micocoulier 
dit  Perpignan  (2). 

Les  grandes  chasses  à  tir,  royales  et  princières,  ne 
remontent  pas  plus  haut  chez  nous  que  le  règne  de 
Louis  XIV,  époque  où  le  fusil  à  couvre-feu  et  le  tir  en 
volant  devinrent  en  même  temps  d'un  usage  ha- 
bituel. 

L'histoire  et  la  chronique,  qui  n'ont  mis  en  oubli 
aucun  des  exploits  de  Louis  XIII  comme  veneur  et 
comme  fauconnier,  ne  disent  pas  un  mot  de  ses  suc- 
cès comme  chasseur  à  tir  (3). 


(1)  Magné  do  Marollci^. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Voir  précédeiumont.  —  Louis  XUl  i)ossédait  cependaiU  des  l'iisils 
à  couvre-feu.  Une  très-belle  arme  de  ce  genre,  portant  les  écussons  de 
France  ot  de  Navarre  o(  lui  ay.nil  prohablonient  ap]>artenu,  est  con- 


—  251  — 

Son  fils,  au  contraire,  eivail  un  goût  tout  particulier 
pour  la  chasse  à  tir,  et  se  piquait  avec  raison  d'y  ex- 
celler (1).  En  1657,  pendant  que  la  cour  habitait  le 
château  de  Vincennes,  le  Roi,  alors  âgé  de  dix-neuf 
ans,  s'exerçait  à  la  chasse  avec  une  telle  affection,  qu'il 
y  allait  à  pied  avec  son  fusil  comme  un  simple  gentil- 
homme de  campagne. 

Un  jour,  le  cardinal  Mazarin  voulut  gager  avec  lui 
qu'en  cinq  heures  de  temps  il  ne  tuerait  pas  100  la- 
pins; le  jeune  Roi,  ayant  accepté  le  pari,  se  donna 
tant  d'exercice,  qu'il  parvint  à  en  tuer  112  dans  le 
délai  prescrit  (2).  Les  courtisans  et  le  sévère  Saint- 
Simon  lui-même  admiraient  son  adresse  et  sa  bonne 
grâce  à  tirer.  Daugeau,  qui  enregistre  jour  par  jour 
les  faits  et  gestes  du  grand  Roi,  le  fait  voir  allant  au 
moins  une  ou  deux  fois  la  semaine  tirer  dans  ses 
parcs  ou  dans  ses  capitaineries,  notamment  dans  les 
plaines  de  Saint-Denis,  de  Longboyau  et  de  Créteil. 
Il  tirait  assez  souvent  à  cheval,  et  y  demeurait  jusqu'à 
quatre  heures  de  suite,  bravant  le  froid  et  le  vent.  Il 
chassait  aussi  quelquefois  en  voiture  (3). 


servée  dans  la  collection  d'armes  de  l'Empereur  de  Russie,  à  Tsarskoé- 
Selo.  Voir  l'ouvrage  publié  par  Rockstuhl  et  Asselineau,  t.  II.  — 
Lorsque  Louis  XllI  fit  àCliambord,  en  1616,  ce  grand  carnage  de  moi- 
neaux dont  parle  le  médecin  Herouart,  il  se  servit  sans  doute  d'une 
arme  à  rouet. 

(1)  Voir  plus  haut,  liv.  L 

('2)  Journal  d'un  voyage  à  Paris  en  1657-1658,  publié  par  M.  Faugère. 
—  On  voit  dans  le  même  ouvrage  que  les  arquebusiers  d'jyobeville  con- 
tinuaient de  fabriquer  des  armes  à  feu  renommées. 

(3)  Voir  Dangeau,  passiin,  et  la  note  F. 


Chasses  à  tir 

(les  P.ois 

et  [irinces 

penJaiil 

le  wn"  el  le 

xvm'  siècle. 


Cérémonial 

des 
chasses  à  tir. 


—  252  — 

Nous  ne  voulons  pas  répéter  ici  les  détails  donnés 
précédemment  (1)  sur  le  goût  Irès-vif  que  montrèrent 
pour  la  chasse  au  fusil  Louis  XIV,  Louis  XV  et  les 
princes  de  leur  maison,  et  sur  leurs  exploits  de  ti- 
reurs (2). 

Pour  épargner  des  redites  à  nos  lecteurs,  nous  nous 
bornerons  à  dire  qu'exercés  dès  l'adolescence,  et  par- 
fois dès  l'enfance,  au  maniement  de  l'arme  à  feu, 
ayant  à  leur  disposition  les  tirés  des  capitaineries  où 
s'accumulait  un  gibier  innombrable,  ils  furent  tous 
des  tireurs  de  premier  ordre,  et  nous  passerons  à  la 
description  du  cérémonial  observé  dans  ces  chasses, 
011  ils  immolaient  de  si  prodigieuses  hécatombes,  cé- 
rémonial observé  rigoureusement  et  sans  grandes  mo- 
difications pendant  le  règne  du  grand  Roi  et  celui  de 
son  successeur. 

Sous  Louis  XIV  et  sous  Louis  XV,  lorsque  le  Roi 
allait  tirer,  six  pages  de  la  petite  écurie  et  le  porte-ar- 
quebuse avaient  l'honneur  de  porter  les  fusils  de  Sa 
Majesté.  Le  gibier  tué  par  le  Roi  était  ramassé  par  le 
plus  ancien  page,  et  apporté  par  lui  dans  le  carnier  (3) 
jusqu'au  cabinet  de  Sa  Majesté,  qui  ne  manquait  pas 
d'en  donner  quelques  pièces  à  ce  page  et  à  ses  cama- 


(1)  Voir  le  livre  I",  oh.  iv. 

(2)  Sur  les  chasses  à  tir  de  Louis  XIV,  de  ses  lils  et  petits-lils.  Voir 
les  notes  F,  G,  H  à  la  lin  de  ce  volume. 

Sur  celles  (le  Louis  XV  et  de  Louis  XVI,  les  noies  I  et  K,  ibid. 
Chasses  des  princes  de  Condé  à  Chantilly,  Pièces  juslilicatives,  ibid. 

(3)  On  apiielait  carnio-  deux  poclws  à,  ianlique  en  mçmicrc  d'escar- 
celles, plus  lai'ges  du  bas  et  tenant  ensemble.  Le  dessous  était  en  cuir 
et  le  dessus  à  jour,  i^our  donner  do  l'air  au  gibier.  Sous  Louis  XV,  ce 


—  233  — 

rades  (1).  Lu  chien  couchant  du  Roi  clail  porté  en 
trousse  sur  le  cheval  d'un  autre  page. 

Louis  XIV  s'étarit  quelquefois  trouvé  incommodé 
à  la  chasse  par  la  foule  des  tireurs  qu'il  avait  invités 
à  y  prendre  part,  ainsi  que  par  celle  des  curieux  qu'on 
laissait  approcher  de  sa  personne,  avait  pris  la  réso- 
lution de  restreindre  très-sévèrement  le  nombre  de 
ses  invitations.  M.  de  Nangis  ayant  cru  lui  faire  sa 
cour  en  lui  demandant  de  le  suivre  à  la  chasse  à  tir, 
le  Roi  lui  dit  qu'il  était  bien  jeune  (il  n'avait  alors  que 
vingt-cinq  ans),  puis  qu'il  lui  en  savait  bon  gré,  parce 
que  ce  n'était  pas  une  chose  amusante.  Il  finit  par  lui 
accorder  cette  permission  à  deux  conditions  :  la  pre- 
mière qu'il  n'en  parlerait  point,  la  seconde  qu'il  en 
userait  modérément.  Quelques  jours  après,  Nangis, 
prévenu  indirectement  par  Bontemps,  va  rejoindre 
à  cheval  la  chasse  du  Roi.  Le  duc  de  Rerry,  croyant 
à  une  élourderie  de  sa  part,  court  à  lui  et  l'engage  à 
retourner.  Nangis,  sans  rien  avouer,  continue  son 
chemin,  donnant  de  mauvaises  raisons  au  duc  et  à 
M.  le  Premier,  et  vient  se  placer  derrière  tout  le 
monde. 

Le  Roi,  s'étant  retourné,  l'aperçut  :  «  Que  dites- 
vous  de  ma  chienne,  lui  dit-il,  trouvez-vous  qu'elle 
chasse  bien  ?  »  Ce  fut  un  coup  de  théâtre  (2). 

Louis  XV  était  aussi  jaloux  que  son  aïeul  de  ses 


carnier  fut  remplacé  par  des  paniers  portés  sur  un  mulet  qui  reçurent 
le  même  nom. 

(1)  Étais  de  la  France,  1698. 

(,2)  Mémoires  de  Luynes.  —  Mémoires  de  Besenval. 


—  254  — 

chasses  à  lir.  Il  interdisait  parfois,  aux  princes  de  sa 
maison  qui  l'accompagnaient,  de  porter  un  fusil  et 
de  tirer,  comme  il  le  fit  un  jour  pour  le  prince  de 
Conti,  accusé  d'avoir  été  chasser  avant  le  Roi,  dans 
la  plaine  de  Gennevilliers,  réservée  aux  plaisirs  de  Sa 
Majesté,  et  d'y  avoir  tué,  avec  ceux  qui  l'accompa- 
gnaient, 800  pièces  (1). 

M.  le  Duc,  qui,  ce  môme  jour,  avait  tué  80  pièces 
sur  l'invitation  formelle  du  Roi ,  avait  assisté  plusieurs 
fois  à  ces  chasses  avec  Louis  XV  et  son  prédécesseur 
sans  y  tirer,  car,  dit  le  duc  de  Luynes,  «  il  n'y  a  ni 
droit  ni  même  usage,  pour  les  princes  du  sang,  pour 
tirer  avec  le  Roi  (2).  » 

Quelquefois,  pendant  ses  chasses  à  tir,  Louis  XV 
permettait  à  MM.  de  Courtenvaux  et  de  Soubise  de 
tirer  avec  des  pistolets,  et,  après  s'être  amusé  quelque 
temps  de  leur  adresse,  il  leur  faisait  donner  un  de  ses 
fusils  (3). 

Louis  XVI  fut  un  grand  amateur  de  chasse  à  tir, 
comme  l'avaient  été  le  Dauphin  son  père  et  son 
aïeul  Louis  XV,  et  comme  en  témoigne  son  journal 
autographe,  conservé  aux  archives  de  l'Empire  (A). 
Chasses  Arthur  Young,  dans  la  relation  des  voyages  qu'il 
de  Lbllcourt,  fit  cu  Fraucc,  pendant  les  années  1787,  1788,  1789, 
raconte  les  chasses  à  tir  auxquelles  il  prit  part  chez 
le  duc  de  la  Rochefoucauld-Liancourt. 


(1)  Mémoires  du  duc  de  Luynes. 

(2)  IMdevi. 

(3)  Jbidcm. 

(4)  Voir  la  note  G,  t.  1. 


--  255  — 

Pour  le  cerf{\),  les  chasseurs  furmaienl  autour  du 
bois  une  ligne  qu'ils  allaient  toujours  resserrant,  et 
il  était  rare  que  plus  d'une  personne  put  tirer.  «  C'est 
plus  ennuyeux  qu'on  ne  saurait  aisément  se  l'ima- 
giner :  comme  la  pêche  à  la  ligne,  une  attente  inces- 
sante et  un  désappointement  perpétuel. 

«  La  chasse  aux  perdrix  et  aux  lièvres  est  presque 
aussi  différente  de  ce  qui  se  pratique  en  Angleterre. 
Nous  nous  y  livrions  dans  la  belle  vallée  de  Catenoy, 
à  5  ou  6  milles  de  Liancourt. 

«  On  se  mettait  en  file,  à  30  yards  environ  l'un  de 
l'autre ,  ayant  chacun  derrière  soi  un  domestique 
avec  un  fusil  chargé  tout  prêt,  pour  quand  on  aurait 
fait  feu;  de  cette  façon  nous  parcourions  la  vallée  en 
travers,  forçant  le  gibier  h  se  lever  devant  nous.  Quatre 
ou  cinq  couples  de  lièvres  et  une  vingtaine  de  couples 
de  perdrix  formaient  les  trophées  de  la  journée  (2).  » 

On  voit  que  les  chasses  à  tir  du  duc  de  Liancourt 
étaient  fort  loin  des  grandes  tueries  qui  se  faisaient 
chezles  princes  du  sang  royal ,  et  même  chez  quelques 
hauts  et  puissants  seigneurs,  comme  l'était  ce  cardinal 
de  Rohan ,  dont  le  marquis  de  Valfons  a  décrit  les 
magnifiques  battues  avec  une  verve  si  gauloise,  dans 
un  chapitre  de  ses  Souvenirs,  cité  précédemment  (3). 

Cette  manière  de  chasser  le  chevreuil  en  battue  et    Auciennes 
le  gibier  de  plaine  en  front  de  bandière  est  tout  à 


méthodes  de 
chasse  au  fusiï. 


(1)  On  ne  chassait  pas  le  cerf  à  tir.  Young  se  sert  probablement  du 
mot  deer  qui  s'applique  à  tous  les  grands  fauves  et  qui  très-vraisembla- 
blement veut  dire  ici  chevreîdl  {Boe-deer). 

(2)  Voyages  en  France,  t.  I. 

(3)  Voir  au  livre  I,  ch.  iv. 


—  256  — 
fait  conforme  à  ce  qui  se  pratique  aujourd'hui.  En 
effet,  dès  l'invention  du  fusil  à  couvre-feu,  et  celle 
du  tir  des  oiseaux  envolant  qui  en  fut  la  conséquence, 
on  adopta  pour  la  chasse  à  peu  près  les  méthodes 
d'opérer  que  nous  suivons  encore  à  présent.  Le  plus 
ancien  traité  connu  de  chasse  au  fusil ,  la  Caccia  coïï 
ftrco&Mf/<o(l  )  du  capitaine  Yita  Bonfadini  (Milan,  1647), 
enseigne  déjà  les  mêmes  façons  de  procéder.  D'Ar- 
cussia,  dans  un  de  ses  ouvrages  publié  en  1527  (2), 
énumérant  les  chasses  auxquelles  peuvent  s'amuser 
les  gentilshommes  campagnards,  pendant  que  leurs 
oiseaux  sont  en  mue,  cite  la  chasse  à  l'arquebuse  (3), 
avec  le  chien  couchant,  «  à  tirer  aux  oyseaux  de  ri- 
vière, puis  au  ramier,  au  biset ,  aux  palombes,  aux 
pérengues  (variété  du  biset),  aux  cailles,  aux  tourte- 
relles, aux  tourdes  (grives),  soit  à  l'appeau,  soit  à  la 
cabane.  On  peut  encore  tirer  en  l'air,  mais  telle  chasse 
est  pernicieuse,  et  si  Sa  Majesté  ne  la  fait  prohiber 
bien  estroilement,  dans  peu  de  jours  elle  ne  trou- 
vera de  quoy  voler  (4).  » 

Sélincourt,  sous  l'empire  des  mêmes  idées,  dit 
qu'il  ne  veut  pas  parler  de  la  chasse  à  l'arquebuse, 
par  deux  raisons,  premièrement  «  parce  que  For- 


Ci)  Arcobufjio  ii  facile,  aniuebiise  à  fusil. 

(2)  Discours  de  chasse  où  sonl  représentez  les  vols  faits  en  une  as- 
semblée de  fauconniers,  ou  Convypour  l'assemblée  des  fauconniers. 

(3)  La  date  et  surtout  ce  ijui  est  dit  à  la  lin  do  ce  passage  sur  le  tir  en 
ro/r  nous  autorisent  à  affirmer  qu'il  s'agit  d'une  arquebuse  à  fusil.  Le 
mot  d'arqiiebuse  jiour  désigner  une  arme  à  feu  quelconque  est  encore 
emjjloyé  par  Sélincourt  dans  son  livre  publié  en  1683. 

(4)  D'Arcussia  ajoute  (|ue  cette  chasse  a  été  jirise  en  passion  par  les 
artisans,  ([ui  abandonnent  leur  métier  par  bandes  pour  s'y  exercer. 


'9l\ 


donnance  des  lois  la  défend  aux  ignobles,  el  qu'il  n'y 
a  rien  de  plus  défendu  en  France  que  le  port  des 
armes,  et  si  cette  défense  étoit  étroitement  observée 
partout,  comme  elle  l'est  dans  les  plaisirs  des  Rois 
et  des  princes,  l'abondance  de  toutes  sortes  de  gibier 
se  manifesteroit  partout  comme  en  Allemagne,  au 
lieu  que  la  stérilité  s'y  rencontre  »  et  secondement  : 
«  parce  que  les  bourgeois  el  paisans,  auxquels  il  est 
défendu  de  chasser  et  de  porter  des  armes,  se  ren- 
droient  plus  hardis  à  contrevenir  aux  défenses  qui 
leur  en  sont  faites,  si  l'on  meltoit  en  évidence  toutes 
les  chasses  qui  se  peuvent  exécuter  par  elle.  Il  vaut 
donc  mieux  s'en  taire  que  d'en  parler,  ce  qui  ne 
serviroit  que  de  véhicule  pour  porter  les  esprits  à 
ce  qu'ils  n'aiment  que  trop.  » 

Le  premier  auteur  français  qui  ait  traité  ex  professa 
de  la  chasse  au  fusil  est  Goury  de  Cbampgrand 
(1769)  (1);  ce  qu'il  en  dit  est  fort  succinct  et  ne  pré- 
sente rien  qui  diffère  essentiellement  de  nos  chasses 
modernes.  Voici  cependant  quelques  remarques  sur 
les  chasses  en  front  de  bandière  qui  présentent  un 
certain  intérêt. 

«  Nos  pères,  »  dit-il,  «  alloient  à  la  chasse  en  plaine, 
avec  un  ou  deux  gardes  et  un  laquais  ou  deux,  pour 
mener  un  cheval,  en  cas  qu'ils  fussent  fatigués,  et 
pour  porter  le  gibier  :  mais  aujourd'hui  on  mène 
cinq  ou  six  valets  pour  porter  les  fusils  et  les  charger  ; 


(1)  A  la  suite  des  Ruses  innocentes  du  Solitaire  inventifs  édition  de 
1688,  on  trouve  un  opuscule  de  quelques  pages  sur  la  chasse  au  fusil 
qui  ne  contient  rien  de  bien  particulier. 

III.  17 


—  258  — 

et  les  trois  quarts  de  ces  grivois-là  en  ont  encore 
d'autres,  que  l'on  nomme  des  guénards,  pour  les  ser- 
vir. Cette  petite  armée,  qui  se  met  en  front  de  ban- 
dière,  fait  partir  devant  elle  tout  le  gibier,  et  prive 
le  maître  du  plaisir  de  le  chercher  et  de  voir  tra- 
vailler son  chien.  Je  ne  prétends  pas  réformer  per- 
sonne, et  j'imagine  que  ceux  qui  chassent  ainsi  y 
trouvent  apparemment  leur  plaisir.  » 
ciiasscs         Magné  de  Marolles  publiait  moins  de  20  ans  après 

au  fusil  à  la  fin  °  '  ' 

<i«  (1788)  son  excellent  livre  de  la  chasse  au  fusil,  qui 
est  resté  jusqu'à  nos  jours  le  travail  le  plus  complet 
sur  la  malière.  11  y  décrit  dans  le  plus  grand  détail 
toutes  les  chasses  à  tir  qui  se  faisaient  en  France  à 
la  fin  du  xvni"  siècle,  et  l'on  peut  aisément  se  con- 
vaincre qu'elles  différaient  fort  peu  de  celles  qui  se 
font  au  XIX*. 

Suivant  les  traces  de  cet  exact  et  judicieux  auteur, 
nous  allons  donner  l'analyse  très-sommaire  de  son 
ouvrage,  en  nous  conformant  à  la  classification  qu'il 
a  adoptée,  quoiqu'elle  présente  quelques  légères 
différences  avec  celle  que  nous  avons  suivie  en  dé- 
crivant les  animaux  chassés  eîi  France  (1). 

Nous  insisterons  seulement  sur  celles  des  chasses 
indiquées  par  lui  qui  diffèrent  notablement  des  chasses 
de  nos  jours. 

La  première  section  de  l'ouvrage  (2)  contient  des 


(1)  Livre  III  de  cet  ouvrage. 

(2)  C'est-à-dire  de  la  seconde  partie,  la  première  étant  consacrée  à 
des  recherches  sur  les  anciennes  armes  de  jet,  sur  la  fabrication  des 
i'usils,  I  te. 


—  259  — 
instructions  préliminaires  sur  la  chasse  au  fusil  en    lusirucuons 

,,1,  i  -xii  1  !•  préliminaires- 

général  et  sur  la  manière  de  dresser  les  chiens  cou- 
chants, plus  l'exposé  de  quelques  ruses  dont  on  peut 
se  servir  à  la  chasse,  principalement  pour  surprendre 
certains  oiseaux  qui  se  laissent  difficilement  appro- 
cher. 

Ces  instructions  préliminaires  ne  contiennent  rien 
de  bien  différent  de  ce  qui  se  pratique  actuellement; 
quant  aux  ruses  de  chasse,  dont  l'emploi  devenait  de 
jour  en  jour  moins  fréquent  à  mesure  que  les  armes 
à  feu  se  perfectionnaient,  c'étaient  toujours  à  peu 
près  les  mômes  que  du  temps  des  arquebuses  à  rouet 
et  à  mèche  :  la  vache  arlificielle,  le  cheval  entravé,  la 
charrette  et  la  hutte  ambulante. 

Magné  de  Marolles  passe  ensuite  à  la  chasse  au 
fusil  des  quadrupèdes. 

Le  cerf  et  le  daim ,  bétes  réservées  aux  plaisirs  des  classe  i  ur 
Rois  et  des  princes,  ne  sont  même  pas  mentionnés  f,wa.irupèdps. 
dans  le  Traité  de  la  chasse  au  fusil  :  le  cerf,  parce  qu'il 
est  sous  la  sauvegarde  de  r ordonnance  des  chasses;  le 
daim,  parce  qu'il  ne  se  trouve  guère  en  France  que  dans 
les  forêts  des  maisons  royales  (1). 

Magné  de  Marolles  aurait  pu  ajouter  que  ceux 
mêmes  qui  avaient  le  droit  de  tuer  ces  nobles  animaux 
auraient,  en  général,  rougi  d'y  employer  l'arme  à 
feu ,  comme  d'un  crime  de  lèse-vénerie. 

Le  Roi  et  les  princes  tiraient  quelquefois  des  cerfs 
dans  les  toiles;  mais  cette  chasse,  si  aimée  des  souve- 


(1)  Magné  de  Marolles.  —  Avanl-propos. 


Cerf  et  daim. 


—  260  — 

rains  allemands,  ne  fut  jamais  en  vogue  à  la  cour  de 
France. 

Dans  le  journal  des  chasses  du  prince  deCondé  (1), 
on  trouve  plusieurs  mentions  de  daims  tués  au  fusil, 
notamment  par  le  duc  de  Bourbon  (2),  qui  prit  plaisir 
à  ce  genre  de  chasse.  On  monta  pour  lui  en  1776 
un  petit  équipage  de  bassets  et  de  briquets  avec 
lesquels  il  allait  souvent  tirer  des  daims  dans  les 
parcs  dépendants  de  Chantilly  et  dans  les  bois  voi- 
sins (3). 

On  faisait  aussi  au  fusil  des  destructions  de  biches 
quand  les  forêts  étaient  trop  peuplées  en  fauve,  et  le 
duc  de  Bourbon  y  prenait  part  avec  son  petit  équi- 
page [i). 

En  dehors  de  ces  chasses  princières,  restent  à  la 
merci  des  simples  chasseurs  au  fusil,  le  sanglier,  le 
chevreuil,  le  lièvre,  le  lapin,  le  renard,  le  blaireau 
et  la  loutre  (5). 
sansiier.  Qu  chassait  le  sanglier  soit  en  le  routaillant  avec 
ou  sans  sonnette,  comme  nous  avons  dit  ci-dessus 
qu'on  faisait  pour  le  loup,  soit  avec  des  chiens  cou- 


(1)  Journal  des  chasses  de  S.  A.  S.  Monseigneur  le  prince  de  Coudé 
à  Chaniillii  et  uidres  lieux  circonvoisins,  etc.,  depuis  l'année  1748 
jusque  et  y  compris  l'année  1778.  —  Voir  les  Pièces  justificatives  à  la 
lin  de  ce  volume. 

(2)  Louis-Henri-Joseph,  duc  de  Boui'bon,  le  dernier  des  Gondés.  Né 
en  175G,  mort  en  1830. 

(3)  Voir  le  Journal  précité. 

(4)  Ibidem. 

(5)  Magné  deMarolles  parle,  en  outre,  du  loup,  du  lynx  et  du  castor, 
dont  la  chasse  a  été  décrite  précédemment  (liv.  III  et  VI),  ainsi  que 
celle  des  musléliens  (martre,  fouine,  putois,  belette),  du  chat  sauvage 
et  de  l'écureuil.  La  chasse  des  animaux  de  montagne,  ours,  chamois, 
bouquetins,  marmottes,  formera  le  sujet  d'un  paragraphe  spécial. 


—  m  — 
rants  ou  des  malins;  on  tirait  encore  les  sangliers  à 
l'affût  et  au  souil  (1);  enfin  les  princes  et  les  grands 
seigneurs  en  faisaient  des  tueries  énormes  dans  les 
toiles. 

Le  chevreuil  était  chassé  avec  3  ou  4  chiens  cou-  chevmui 
rants;  on  le  routaillait  comme  le  sanglier,  on  l'affûtait 
pendant  les  chaleurs  de  l'été,  en  le  guettant  au  bord 
des  mares  et  des  ruisseaux  où  il  venait  s'abreuver; 
enfin  les  braconniers  de  quelques  provinces,  notam- 
ment les  bûcherons  et  les  charbonniers  des  forets  de 
la  Bourgogne,  savaient  attirer  la  chevrette  en  imitant 
le  cri  de  ses  petits. 

Les  chasseurs  du  xvni^  siècle  tiraient  comme  nous      Lièvre. 
le  lièvre,  soit  en  plaine  au  cul  levé,  ou  à  l'arrêt  du 
chien  couchant,  soit  au  bois,  avec  des  bassets  ou  autres 
chiens  courants. 

A  celte  époque,  où  la  chasse  n'était  pas  défendue 
en  temps  de  neige,  on  prenait  grand  plaisir  à  suivre 
en  plaine  les  traces  d'un  lièvre  jusqu'à  son  gîte,  pour 
le  tirer  à  la  partie. 

Kn  avril  et  mai,  pour  ne  pas  endommager  les  ré- 
coltes ni  troubler  la  ponte  des  perdrix,  on  chassait 
les  lièvres  à  la  raie,  dans  les  blés  verts. 

Celte  chasse,  impossible  avec  nos  lois  actuelles,  se 
faisait  le  matin  et  le  soir.  Deux  chasseurs  longeaient 
une  pièce  de  blé,  chacun  par  une  extrémité,  allant 
doucement,  du  même  pas,  et  regardant  attentivement 
les  raies  ou  sillons  du  champ.  Celui  qui  découvrait 


(I)  Les  Corées  roulaillaienl  les  sangliers  de  nuit,  avec  un  chien  d'es- 
pèce particulière  tenu  au  trait,  commi'  un  limier. 


—  262  — 

un  lièvre  cherchait  à  l'approcher  pour  le  tirer.  Si  le 
lièvre  prenait  la  fuite,  le  chasseur  faisait  un  signe 
à  son  compagnon,  qui  guettait  l'animal  au  bout  de  la 
raie. 

L'affût  après  le  coucher  du  soleil,  chasse  également 
prohibée  à  présent  et  pratiquée  seulement  par  des 
braconniers  de  bas  étage,  était  considéré  du  temps  de 
Magné  de  MaroUes  comme  un  moyen  commode  de 
tuer  des  lièvres  sans  se  fatiguer,  surtout  pendant  la 
saison  du  bonquinage. 
Lapin.  La  chasse  des  lapins  aux  bassets,  à  l'affût ,  à  la  sur- 

prise n'a  rien  qui  mérite  de  fixer  notre  attention  (1). 

Mais  Magné  de  MaroUes  décrit,  d'après  Espinar, 
une  chasse  assez  curieuse  qui  se  faisait  avec  un  ap- 
peau, au  son  duquel  les  lapins  accouraient  en  foule, 
même  du  fond  de  leurs  terriers.  Cette  chasse,  que  les 
Espagnols  appelaient ijip^^r  les  lapins  (chillar  los  conejos], 
était  usitée  en  Provence  dès  le  temps  de  d'Arcussia. 
Il  parle  de  la  chasse  des  lapins  avec  ïappeau  que  nous 
appelons  chifflet.  «  Cette  chasse  est  peu  connue  en 
France,  dit  l'auteur  de  la  Chasse  au  fusil  ;  je  sais  ce- 


(1)  La  chasse  des  lapins  à  l'affût  est  décrite  d'une  façon  charmante 
par  La  Fontaine  dans  sa  fable  si  connue,  dédiée  à  M.  le  duc  de  la 
Rochefoucauld.  (Liv.  X,  fable  xv.) 

«  A  l'heure  de  l'affût,  soit  lorsque  la  lumière 

Précipite  ses  traits  dans  l'humide  séjour. 

Soit  lorsque  le  soleil  rentre  dans  sa  carrière 

Et  que,  n'étant  plus  nuit,  il  n'est  pas  encor  jour, 

Au  bord  de  quel([ue  bois  sur  un  arbre  je  grimpe 

Et  nouveau  Jupiter,  du  haut  do  cet  Olympe, 

•le  foudroie  à  discrétion 

Un  ln]iin  qui  n'y  ponsoit  fruèri'... 

Elr.,   rie.  ,. 


—  263  — 
pendant  qu'elle  est  pratiquée  en  Provence  par  quel- 
ques chasseurs,  qui  se  servent,  pour  piper,  d'une  patte 
de  crabe,  espèce  d'écrevisse  de  mer,  et  ce  qu'il  y  a 
de  particulier,  c'est  que  là  on  lui  donne  le  nom  de 
chillci\  qui  n'est  autre  chose  que  le  verbe  espagnol 
chillar  francisé.  » 

Le  renard  était  chassé  aux  bassets  (1)  et  àTaffùt,  avec  lî'ii'aid- 
ou  sans  une  traînée  de  carnage  ou  un  appât.  Magné 
de  Marolles  donne  diverses  recettes  pour  composer 
l'appât  qu'on  traînait  comme  la  charogne  ou  dont  on 
enduisait  la  semelle  de  ses  souliers  ;  on  se  servait  aussi, 
pour  l'attirer,  d'une  poule  vivante  (2). 

«  On  ne  peut  guère   tuer  de  blaireaux  au   fusil     niaireau. 
qu'en  les  guettant  à  la  sortie  du  terrier  par  le  clair  de 
lune  depuis  la  fin  du  jour  jusque  vers  minuit.  » 

Cette  chasse  nocturne  n'est  plus  praticable  sous 
l'empire  de  la  loi  qui  nous  régit  depuis  1844. 

Nous  avons  décrit  précédemment  la  chasse  de  la      Loutre. 
loutre  à  courre.  Pour  la  tirer,  on  s'y  prend  exacte- 
ment de  la  même  manière;  seulement  les  chasseurs, 
postés  aux  passages,  sont  armés  de  fusils  au  lieu  de 
fourches  fières.  On  tirait  aussi  la  loutre  à  l'affût. 


(1)  Le  chevalier  de  Laujon,  secrétaire  des  commandements  du  duc 
de  Bourbon,  qui  aimait  lâchasse  aux  bassets,  a  introduit  dans  sa  pièce 
de  VAmow^eux  de  quinze  ans  la  description  assez  animée  d'une  chasse 
au  renard.  Voir  la  note  L. 

(2)  La  composition  pour  frotter  la  semelle  des  souliers  était  com- 
posée de  vieux  oing,  de  galbanum  et  de  hannetons  piles,  le  tout  cuit 
ensemble.  Un  autre  appât  peu  connu  et  d'un  succès  encore  plus 
assuré  consistait  en  petits  morceaux  de  pain  qu'on  faisait  frire  avec 
de  la  graisse  d'oie  et  un  peu  de  camphre  en  poudre. 


—  264  — 
Chasse  Magné  de  Marolles  passe  ensuite  ù  la  chasse  des  oi- 

'^''ûeZTr  seaux  de  terre.  Il  comprend  sous  ce  titre  générique 
tous  ceux  qu'on  lire  en  plaine,  au  bois  ou  dans  les 
montagnes,  y  compris  les  corvidés ,  les  oiseaux  de 
proie,  les  oisillons  et  diverses  espèces  qui  n'ont  ja- 
mais été  considérées  comme  gibier. 

Nous  allons,  comme  précédemment,  le  suivre  dans 
cette  nouvelle  partie  de  sa  carrière. 

Nous  renvoyons  seulement  à  un  paragraphe  spé- 
cial placé  à  la  fin  de  notre  travail  sur  la  chasse  à  tir, 
ce  qui  a  rapport  aux  oiseaux  des  montagnes,  comme 
nous  l'avons  déjà  fait  pour  les  quadrupèdes. 
Penirix.  En  prcmlèrc  ligne  des  oiseaux  de  terre  viennent 
les  perdrix.  Leur  chasse  ne  présente  rien  qui  diffère 
d'une  manière  notable  de  ce  que  nous  pratiquons 
journellement. 

Il  n'y  a  que  la  chasse  à  la  chanterelle  et  celle  que 
leur  faisaient  la  nuit,  en  temps  de  neige,  des  tireurs 
accompagnés  d'un  chien  d'arrêt  et  vêtus  d'une  cher 
mise  par-dessus  leurs  habits,  qui  soient  interdites  par 
les  lois  actuelles. 
Caille.  Lorsque  arrivait  le  temps  du  passage  des  cailles 

pour  retourner  en  Afrique,  c'est-à-dire  du  15  août 
aux  premiers  jours  d'octobre,  il  se  faisait  aux  envi- 
rons de  Marseille ,  dans  cette  zone  couverte  de  bas- 
tides qu'on  appelle  le  Taradou,  une  chasse  très- 
agréable,  pour  laquelle  on  se  servait  d'appeaux  vivants. 
C'étaient  de  jeunes  mâles  de  l'année,  pris  au  filet, 
élevés  dans  des  chambres  ou  en  volière  et  aveuglés 
au  printemps.  Ces  appelants,  placés  dans  des  cages 
qu'on  suspend  à  des  pieux  au  n)ilieu  des  vignes,  chan- 


—  265  — 
tent  dès  l'aube  du  jour  et  attirent  autour  de  leur  cage 
toutes  les  cailles  qui  passent  ou  se  trouvent  répan- 
dues aux  environs.  Deux  heures  après  soleil  levé, 
quand  la  rosée  est  essuyée,  le  chasseur  se  rend  sur 
les  lieux  sans  chiens  et  bat  les  vignes,  doucement  et 
à  petit  bruit.  Cette  première  battue  faite,  il  prend  son 
chien  pour  faire  lever  celles  qui  ne  sont  pas  parties. 
Un  seul  tireur  peut  tuer  50  ou  60  cailles  dans  une 
matinée. 

Nous  ignorons  si  celte  chasse  se  fait  encore  aux  en- 
virons de  Marseille. 

La  chasse  du  râle  de  genels  était,  comme  elle  est 
encore,  la  même  que  celle  de  la  caille.  Seulement  cet 
oiseau  n'est  pas  assez  commun  pour  qu'on  lui  ait  ja- 
mais appliqué  le  système  d'appelants  que  vient  de 
décrire  Magné  de  Marolles. 

L'alouette  se  chassait  au  miroir  et  au  cul  levé,  lors- 
qu'il y  avait  un  peu  de  neige  sur  la  terre. 

La  chasse  à  tir  du  faisan  n'offrait  aucune  particu- 
larité digne  de  remarque,  non  plus  que  celle  de  la 
bécasse. 

L'outarde,  en  sa  qualité  d'oiseau  très-défiant  et  se 
tenant  d'habitude  dans  de  grandes  plaines  décou- 
vertes, obligeait  le  chasseur  à  recourir  aux  ruses  ex- 
pliquées précédemment,  vache  artificielle,  charrette, 
hutte  ambulante.  La  canepetière  était  aussi  fort  diffi- 
cile à  approcher,  mais  on  ne  voit  pas  qu'il  fut  indis- 
pensable, pour  la  tirer,  d'avoir  recours  à  ces  moyens 
extraordinaires.  Il  en  élait  de  même  du  courlis  de 
terre.  Quant  à  la  grandoule  ou  ganga,  on  ne  pouvait 
la  tirer  qu'au  moment  où  elle  venait  boire,   soir  et 


de  genêts. 


Aluuelle. 


Faisan. 


bécasse. 

Grande 

et 

pclile  outarde. 


r.uurlis 

lit'  lerre. 

Giaiidûulc. 


Vanneaux, 
pluviers, 
gu'r^'uards. 


Ramiers, 
hisets- 


Grue, 
ciirogne. 


Tourterelles. 


Grives. 


Merles. 


Étourneaux 


—  2GC  — 

malin.  Les  chasseurs  de  la  Crau  creusaient  des  rigoles 
et  des  abreuvoirs  artificiels  auprès  desquels  ils  con- 
straisaient  leurs  huttes  d'affût.  Ceux  du  Plan  de  Diou 
approchaient  les  grandoidcs  au  moyen  d'une  charrette 
dans  laquelle  ils  se  plaçaient. 

Les  vanneaux ,  pluviers  et  guignards ,  oiseaux 
craintifs  et  défiants,  étaient  tirés  à  peu  près  de  la 
même  manière;  on  se  cachait  dans  une  hutte  auprès 
d'une  saignée  ou  rigole  pratiquée  exprès,  et  on  les 
attirait  a  l'aide  d'un  appeau. 

La  hutte  et  les  appeaux  étaient  aussi  les  moyens  em- 
ployés pour  tirer  les  ramiers  et. bisets,  lors  de  leur 
passage  dans  nos  provinces  méridionales. 

La  grue  et  la  cigogne  ne  se  chassent  guère  que  par 
hasard  (1). 

Les  tourterelles  étaient  tirées  à  la  partie  dans  les 
blés  ou  branchées  dans  les  arbres  (2). 

On  tirait  les  grives  à  Varbret.  Celte  chasse,  dite 
aussi  chasse  au  poste,  est  encore  le  divertissement  fa- 
vori des  Provençaux. 

Faute  de  grives,  on  tue  les  merles  à  la  partie,  en 
battant  les  haies. 

L'élourneau,  malgré  sa  réputation  d'étourderie,  se 
laisse  approcher  difficilement.  Comme  il  ne  mérite 
pas  qu'on  se  donne  beaucoup  de  peine  pour  le 
joindre,  on  ne  le  lue  que  par  hasard. 


(1)  En  Espagne,  on  se  servait,  contre  les  grues,  d'un  gros  monstinet  h 
pivot  ])orté  sur  un  chariot  ou  cacliô  dans  une  hutte. 

(2)  En  (^alabre  on  les  cliassait  dans  les  i>lantalions  d'oliviers,   avec 
un  cal)riolet  ou  chaise  roulante. 


—  267  — 

Parmi  les  chasses  qui  se  faisaient  aux  oisillons  avec     oisiuons 
le  fusil,  il  n'en  est  que  deux  qui  méritent  quelque 
attention,  la  chasse  au  miroir  et  celle  au  poste. 

La  chasse  des  alouettes  au  miroir  avec  le  fusil  est      ci.asse 

1  /       •  1  1  ir  1       HT  n  des  alouelt 

décrite  assez  longuement  dans  31agne  de  MaroUes.     au  miroir 
Elle  se  faisait  exactement  de  la  même  manière  qu'au- 
jourd'hui, de  sorte  qu'il  est  inutile  de  nous  y  arrêter 
davantage. 

Le  marquis  de  Bologne,  cet  illustre  chasseur,  dont 
M.  le  marquis  de  Fondras  a  raconté  naguère  les  ex- 
ploits, avait  un  goût  tout  particulier  pour  la  chasse  au 
miroir.  «  C'était  dans  une  grande  plaine  caillouteuse, 
située  entre  les  bois  de  sa  terre  d'Ecot  et  le  village  de 
Cousigny,  qu'il  la  faisait  habituellement,  et  l'on  m'a 
souvent  montré  une  ancienne  carrière  abandonnée 
dont  il  se  servait  pour  s'abriter  jusqu'aux  coudes,  lui, 
son  fidèle  baron  (1]  et  le  petit  drôle  qui  lui  tirait  la 
ficelle,  lorsqu'il  se  divertissait  à  l'une  de  ces  chasses 
innocentes,  pour  se  reposer  des  grandes  émotions  de 
ses  hécatombes  de  sangliers  (2).  » 

La  chasse  au  poste  ou  à  l'arbret  était  déjà  en      chasse 
grande  vogue  aux  environs  de  ]\larseille  du  temps  de 
Magné  de  Marolles.  Celte   chasse  se  faisait  exacte- 
ment à  la  fin  du  siècle  dernier  comme  aujourd'hui  (3), 


(1)  C'était  le  surnom  de  la  dame  de  compagnie  du  marquis. 

(2)  Voir  une  note  du  marquis  de  Fondras  dans  le  Traité  complet  de 
la  chasse  des  alouettes  au,  miroir  avec  le  fusil,  par  le  commandant 
Garnier.  Cette  note  donne,  en  outre,  la  description  des  doux  miroirs, 
l'un  en  rbène,  l'autre  peint  en  vert  dont  se  servait  le  marquis  et  qui 
ont  été  longtemps  conservés  au  château  d'Ecot. 

(3)  "Voir  les  auteurs  modernes  qui  ont  traité  de  l'oisellerie.  —  Buffon 
dit  aussi  quelques  mots  d'^  la  chasse  au  i>oste. 


au  poste. 


Oiseaux 
divers. 


Corviik's. 


Oiseaux  lie 
proie  diurnes. 


—  2C8  — 
ce  qui  nous  dispense  de  suivre  Marolles  dans  tous 
ses  développements.  Il  nous  suffira  de  dire  qu'elle 
avait  pour  objets  principaux  les  grives,  les  ortolans  et 
les  becfigues,  et  qu'au  dire  des  Marseillais  il  n'exis- 
tait pas  moins  de  -4,000  postes  dans  le  Taradou,  qui 
forme  un  pourtour  d'environ  15  lieues  (1). 

Le  coucou,  la  huppe,  le  loriot,  le  torcol,  l'engoule- 
vent ou  crapaud  volant,  le  guêpier,  que  Magné  de 
Marolles  a  jugé  à  propos  de  mettre  au  nombre  des 
oiseaux  qu'on  chasse  à  tir,  ne  sont  tués  que  par  ha- 
sard, lorsque  leur  malheureux  destin  les  met  sur  la 
route  d'un  débutant  ou  d'un  chasseur  qui  rentre  le 
carnier  vide. 

Les  corvidés,  tels  que  le  corbeau,  la  corneille,  la 
pie,  le  geai,  le  rollier,  le  casse-noix  n'étaient  pas  au- 
trefois plus  qu'ils  ne  sont  aujourd'hui  l'objet  de 
chasses  régulières.  Nous  avons  parlé  ci-dessus  des 
tueries  de  cornilleaux  qui  se  faisaient  dans  les  futaies 
voisines  de  certains  châteaux  et  des  destructions  de 
toutes  ces  bêtes  malfaisantes,  opérées  aux  alentours 
des  faisanderies,  à  l'aide  d'un  duc  ou  autre  oiseau 
nocturne. 

Les  rapaces  diurnes,  aigles,  vautours  (2),  milans, 
buses,  oiseaux  saint-martin,  faucons,  éperviers,  au- 


(1)  Magné  de  Marolles. 

(2)  Les  Rois  d'Espagne  prenaient  un  tel  plaisir  à  tirer  des  vautours, 
à  l'appât  d'une  charogne,  que  Philippe  III  lit  construire  pour  cet  objet, 
dans  le  parc  du  Pardo,  une  galerie  souterraine,  voûtée  on  briques,  de 
500  pas  de  long,  qui  lui  servait  à  se  rendre  à  couvert  just^u'au  pavillon 
d'allïit  d'oi^i  il  tirait  les  vautours.  Tout  cet  appareil  se  nommait  en  es- 
]iii}/nol  liw'lvri'a,  du  mot  hitilre  (vautoui'). 


—  269  — 
tours,  laniers,  hobereaux,  crécerelles,  émerillons, 
pies-grièches,  étaient  mis  à  mort  sans  autre  forme  de 
procès ,  et  sans  aucun  égard  pour  les  services  qu'ils 
avaient  pu  rendre  dans  des  temps  plus  heureux 
comme  oiseaux  de  fauconnerie. 

Avec  moins  de  scrupule  encore  on  gratifiait  d'un 
coup  de  fusil  les  oiseaux  de  proie  nocturnes,  grands, 
moyens  et  petits  ducs,  chats-huanis ,  hiboux  et 
chouettes.  «  Le  moyen  d'en  tuer  fréquemment,  dit 
Magné  de  Marolles,  est  de  ne  jamais  passer  un  arbre 
creux  sans  frapper  sur  le  tronc  avec  la  crosse  du  fusil 
ou  une  pierre...;  à  ce  bruit  l'oiseau  ne  manque  pas 
de  partir,  et  on  le  tire  en  volant  (1).  » 

Après  les  oiseaux  de  terre,  Magné  de  Marolles 
passe  aux  oiseaux  aquatiques,  comprenant  les  échas- 
siers  grands  et  petits  et  autres  oiseaux  de  rivage 
ainsi  que  les  palmipèdes. 

Lâchasse  du  chevalier,  du  cul-blanc,  de  l'alouette 
de  mer  ne  présente  rien  de  particulier;  on  les  tire 
devant  soi,  à  la  partie,  quand  on  les  rencontre;  de 
même  pour  celle  des  râles  et  des  poules  d'eau.  La 
bécassine  mérite  un  peu  plus  d'attention  à  cause  de 
la  délicatesse  de  sa  chair  et  de  la  difficulté  de  son 
tir;  mais  la  chasse  qu'on  lui  faisait  au  xviif  siècle  ne 
diffère  en  rien  de  celle  qu'on  lui  fait  actuellement. 

Sur  les  côtes  de  l'Océan,  les  chasseurs,  pour  tirer 


Oiseaux 
(le  nuit. 


Oiseaux 
aquatiques. 


Oiseaux 

de  rivage  ; 

cli^valier, 

cul-blanc, 

alouette 

de  mer, 

RMes, 

poule  d'eau, 

bécassine. 


Courlis, 
barges,  etc. 


(1)  On  peut  demander  à  quoi  bon  s'acharner  sur  ces  malheureux 
volatiles  qui  rendent  plus  de  services  en  détruisant  la  vermine  qu'ils 
ne  font  de  tort  au  mbier. 


moueltes, 

)iirondelles 

de  mer. 


—  270  — 

les  oiseaux  de  rivage  tels  que  le  courlis,  la  barge,  le 
grand  pluvier,  l'avocelte,  l'échasse,  la  pie  de  mer,  le 
combaltanl,  creusent  des  trous  à  proximité  des  prai- 
ries et  marais  d'eau  douce,  oii  ils  viennent  tous  les 
soirs  prendre  gîte  pour  la  nuit.  Pour  mieux  les  attirer, 
ces  chasseurs  arrangent,  au  bord  de  l'eau,  des  figures 
de  volatiles  nommées  formes,  faites  avec  des  peaux 
d'oiseaux  bourrées.  Le  matin ,  quand  les  oiseaux  re- 
gagnent la  mer,  on  les  guette  sur  le  rivage  dans  des 
huttes  de  pierre ,  recouvertes  de  terre  ou  de  varech. 
On  chasse  de  même  les  canards  de  diverses  espèces, 
comme  nous  le  verrons  bientôt  en  son  lieu. 
Goélands.  «  Lcs  goclauds,  Ics  mouettes  et  les  hirondelles  de 
mer  sont  des  oiseaux  si  peu  intéressants  pour  les 
chasseurs,  dit  Magné  de  Marolles,  que  j'aurois  omis 
d'en  faire  mention,  si  ce  n'étoit  seulement  pour  en 
donner  connoissance  à  ceux  qui  ne  sont  pas  à  portée 
des  côtes  de  la  mer.  » 
Héron,  butor,  Lc  hérou,  Ic  bulor,  la  spatule,  le  cormoran,  l'al- 
cormolan,  ^J^^  ^^  ^^  mcrlc  d'cau  sont  encore  des  oiseaux  qu'on 
alcyon,      jjg  tj^e  que  par  hasard,  et  sans  aucune  circonstance 

merle  d'eau,         _  /  ' 

digne  d'intérêt. 
Plongeons.  La  chassc  des  plongeons,  du  grèbe,  du  harle  et  de  la 
grèbe  harie,  fouiq^g  n'en  mérite  pas  beaucoup  davantage.  Cepen- 
dant Magné  de  Marolles  donne  sur  celle  de  ce  dernier 
oiseau  à  la  rébalade  des  détails  que  nous  avons  analysés 
précédemment  (1).  Il  ajoute  qu'on  emploie  un  autre 


(1)  Livre  III,  1'  poction,  cli.  ii.  —  Cette  chasse  se  fait  encore  de  la 
même  manière,  dans  li's  nKMnes  localités.  Voir  le  Journal  tics  clios- 
scws. 


—  271  — 
moyen  pour  chasser  les  foulques  sur  les  étangs  de 
Marignane,  d'Istre  et  de  Berre.  Un  homme  seul,  em- 
barqué avec  une  grosse  canardière  dans  un  très-petit 
esquif  appelé  rièguechin  (noye-chien),  le  dirige  pen- 
dant la  nuit  au  clair  de  lune,  vers  les  bandes  de  foul- 
ques qu'il  découvre  sur  ces  grands  étangs  ;  arrivé  à 
portée,  il  en  tue  ou  en  blesse  souvent  une  quantité 
considérable  en  tirant  sur  la  troupe  qui  se  pelotonne 
en  apercevant  le  bateau.  Ces  chasseurs  savent  aussi 
attirer  les  foulques  avec  une  espèce  d'appeau. 

La  rébalade  se  fait  également  sur  l'étang  d'Es- 
camandre  près  de  Saint -Gilles,  où  se  réunissent 
parfois  pour  celte  chasse  jusqu'à  100  et  150  ba- 
teaux (1). 

La  chasse  du  cygne,  de  l'oie  sauvage,  du  pélican  et 
du  flamant  n'ofî're  rien  de  particulier ,  sinon  qu'il 
faut  user  de  beaucoup  de  ruse  pour  les  approcher  (2). 

Celle  du  canard  sauvage  proprement  dit  et  des 
autres  oiseaux  aquatiques  appartenant  au  genre  ca- 
nard constitue  la  véritable  chasse  au  marais,  si  at- 
trayante par  l'abondance  et  la  variété  de  ses  résultats, 


Cygne, 

oie  sauvage, 

pélican, 

flamant. 

Canards. 


(1)  Les  Toscans  font  sur  le  lac  de  Bientina,  à  4  ou  5  lieues  de  Pise, 
une  chasse  tout  à  fait  analogue,  qu'ils  appellent  tefa. 

(2)  «  11  n'y  a  rien  de  si  méfiant  que  ces  oiseaux,  dit  Goury  de  Champ- 
grand,  parlant  plus  spécialement  des  oies  sauvages.  Voici  quelques- 
uns  des  stratagèmes  qu'on  emploie  pour  les  approcher.  On  suit  une 
charrette,  ou  bien  l'on  monte  dedans  ;  celui  qui  la  conduit  crie  d'une 
voix  haute  après  ses  chevaux,  et  ces  oiseaux  qui  sont  accoutumés  à 
voir  passer  des  paysans  avec  leurs  charrettes,  ne  s'en  épouvantent 
point.  On  les  approche  aussi  en  suivant  un  laboureur  qui  mène  sa 
charrue  -.  l'on  peut  encore  prendre  un  jupon  de  femme  ou  mettre  sur 
son  dos  une  botte  de  paille  et  marcher  en  contrefaisant  rivrosne.  » 


—  272  — 
mais  en  môme  temps  si  pénible  et  si  difûcile.  A 
l'exception  des  halbrans  qui  ont  conservé  la  simpli- 
cité du  premier  âge,  tous  ces  palmipèdes  sont  singu- 
lièrement défiants,  et  le  chasseur  a  besoin  de  toutes 
ses  ruses  pour  les  approcher  à  portée  de  fusil.  Il  faut 
les  affûter  soit  au  bord  des  étangs  oîi  ils  viennent 
passer  la  nuit,  soit  pendant  les  gelées,  près  des  fon- 
taines et  des  eaux  non  glacées. 

La  hutte  ûxe  et  le  gabion,  avec  des  appelants  et  des 
figures  de  canards  dites  étalons  et  moquettes,  la  hutte 
ambulante,  le  cheval  entravé  (1),  les  bateaux  étroits 
et  légers,  dits  fourquettes,  oii  le  tireur  est  masqué  par 
un  fagot  de  menu  bois  fixé  en  travers  sur  l'avant,  sont 
mis  en  réquisition  par  les  chasseurs,  qui  se  servent  de 
fusils  fabriqués  à  Saint-Etienne  ou  à  Pontarlier,  de 
trois  dimensions  différentes.  Il  y  a  la  grosse  canardière, 
de  6à  7  pieds  (l^.OiàS'",^?)  de  canon,  qui  se  charge 
avec  une  once  (.30^6)  de  poudre  et  du  plomb  à  pro- 
portion; la  moyenne  un  peu  moindre,  et  le  grand  fusil 
qui  sert  pour  tirer  au  vol,  tandis  que  les  canardières 
restent  à  poste  fixe  dans  la  hutte  ou  le  bateau. 

Labruyerre,  dans  les  Ruses  du  braconnage  mises  à 
découvert,  décrit  une  chasse  nocturne  fort  usitée  de 
son  temps  sur  la  Saône.  Plusieurs  chasseurs  se  met- 
taient dans  un  bateau  bien  couvert  de  roseaux,  à 


(1)  Tantôt  le  chasseur  à  pied  se  cachait  derrière  le  cheval  et  tirait 
par-dessous  le  col  ou  par-dessous  le  ventre,  tantôt  il  montait  dessus, 
le  plus  courbé  possililo  et  tirait  ]iar-dossus  la  lètc.  (Magné  de  Ma- 
relles.) 


—  273  — 
l'avant  duquel  était  fixée  horizontalement  une  longue 
perche,  dont  l'extrémité  portait  une  terrine  remplie 
de  suif  avec  trois  mèches.  On  laissait  aller  l'embarca- 
tion  au  fil  de  l'eau,  en  la  gouvernant  seulement  avec 
un  croc,  pour  éviter  le  bruit  des  avirons.  Les  canards, 
attirés  par  la  lumière,  se  rapprochaient  de  la  barque 
et  les  chasseurs  les  liraient  à  leur  aise  à  la  clarté  du 
luminaire  (1). 

Le  même  auteur  décrit  une  autre  chasse  nocturne, 
dite  au  réverbère^  où  les  chasseurs  suivaient  à  pied  les 
bords  d'une  rivière,  précédés  par  un  homme  qui 
portait  à  sou  col  un  chaudron  de  cuivre  bien  écuré, 
contenant  une  terrine  garnie  de  suif  et  de  mèches 
allumées.  Labruyerre  avait  assisté  à  cette  chasse  en 
Dauphiné,  sur  les  bords  de  la  Durance,  et  y  avait 
exercé  les  fonctions  de  porte-réverbère.  Il  affirme 
avoir  vu  tuer  quinze  canards  en  une  nuit. 

Sur  les  bords  de  la  mer,  ou  tirait  surtout  les  pal- 
mipèdes soir  et  matin,  lorsqu'ils  quittaient  les  eaux 
salées  pour  les  eaux  douces  et  réci  proquement,  comme 
nous  l'avons  dit  à  propos  des  courlis,  des  barges  et 
autres  oiseaux  de  rivage  (2). 


(1)  Magné  do  MaroUes  dit  que  cette  chasse  était  inconnue  sur  la 
Saône.  On  peut  voir  une  chasse  semblable  décrite  dans  le  Huniers' 
feasl  du  capitaine  Meyne  Reid. 

(2)  Cette  chasse  à  la  passée  est  encore  d'un  fréquent  usage  sur  les 
côtes  de  l'Océan  et  de  la  Manche.  —  La  chasse  dite  ait  badinage  n'est 
mentionnée  dans  aucun  de  nos  anciens  auteurs.  Il  est  cependant 
presque  certain  qu'elle  était  connue  et  pratiquée  au  siècle  dernier.  Le 
principal  agent  de  cette  chasse,  le  petit  chien  roux  à  figure  de  renard, 
qui  attire  vers  le  chasseur  les  canards  sauvages ,  était  dès  lors  em- 
ployé pour  prendre  ces  oiseaux  aux  filets  comme  nous  le  verrons  plus 
loin. 

m.  18 


—  274  — 

Certaines  espèces,  comme  le  cravanl,  la  bernache 
et  le  milouin,  ne  quittent  jamais  la  mer  et  ne  hantent 
pas  le  rivage  ni  les  eaux  douces.  Pour  les  tuer,  on  est 
obligé  d'aller  à  leur  poursuite  soit  à  marée  basse 
avec  de  petits  bateaux  qu'on  pousse  sur  la  vase,  soit 
en  haute  mer  avec  ces  mêmes  bateaux.  On  ne  peut 
arriver  à  les  tirer  qu'au  vol  el  pendant  la  nuit,  ce 
qui  réussit  malgré  l'obscurité,  parce  qu'ils  volent  par 
grandes  bandes.  Par  des  vents  du  large  très-violents, 
ces  oiseaux  marins  se  rapprochent  de  la  côte  et  on 
les  surprend  sur  l'eau  en  se  glissant  à  marée  basse 
derrière  les  rochers. 

§  3.   CHASSES  A   TIR   DANS   LES  MONTAGNES. 

Nous  croyons  devoir  consacrer  un  paragraphe  spé- 
cial aux  chasses  à  tir  qui  se  font  dans  les  montagnes. 
Elles  ont  lieu  en  effet  par  suite  de  la  nature  des 
lieux  dans  des  conditions  toutes  particulières,  et  ces 
conditions,  communes  à  toutes  les  chasses  de  mon- 
tagnes, sont  différentes  généralement  de  celles  dans 
lesquelles  se  font  les  chasses  du  plat  pays. 

Outre  le  lynx,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  les  ani- 
maux qui  ne  sont  chassés  qu'en  montagne  sont  l'ours, 
le  bouquetin,  le  chamois,  la  marmotte  et  le  lièvre 
blanc  parmi  les  quadrupèdes;  parmi  les  oiseaux,  les 
tétras,  le  lagopède  et  la  bartavelle,  auxquels  on  peut 
ajouter  la  gelinotte,  quoiqu'on  la  trouve  aussi  dans 
des  forêts  qui  ne  sont  que  médiocrement  montueuses. 

Depuis  le  xvi^  siècle,  les  ours  des  Pyrénées,  comme 

r.linsse  à  lir  ^ 

.le  Tours,    ccux  dcs  Alpcs,  ne  sont  plus  tombes  que  sous  les  coups 


—  275  — 

des  hardis  paysans  auxquels  la  noblesse  du  pays  aban- 
donnait volontiers  le  monopole  de  cette  chasse,  tou- 
jours pénible  et  parfois  dangereuse  (1).  Elle  se  faisait 
comme  elle  se  fait  encore  aujourd'hui,  soit  à  l'affût, 
soit  en  battue,  avec  de  nombreux  traqueurs  qui, 
poussant  de  grands  cris  et  tirant  des  coups  de  fusil  et 
de  pistolet,  poussaient  l'ours  vers  des  tireurs  embus- 
qués (2).  Quelquefois  on  se  servait,  dans  ces  battues, 
de  gros  mâtins  accoutumés  à  cette  chasse.  Ces  chiens 
étaient  aussi  employés  par  les  montagnards  pour 
chasser  l'ours  d'une  façon  assez  régulière.  Les  chas- 
seurs qui  avaient  commencé  par  reconnaître  aux 
traces  fraîches  de  l'animal  les  endroits  où  il  se  tenait 
d'habitude  s'y  rendaient  avec  les  mâtins.  Les  chiens, 
après  avoir  goûté  la  voie,  lançaient  la  bête  que  les  ti- 
reurs attendaient  aux  postes  par  lesquels  on  supposait 
qu'il  ferait  sa  retraite.  «  L'ours  tient  rarement  devant 
les  chiens,  dit  Magné  de  Marolles  parlant  de  cette 
chasse,  mais  il  est  paresseux  à  se  lever  et  donne  quel- 
quefois le  temps  au  plus  courageux  de  lui  sauter  sur 
le  corps;  mais  il  s'en  est  bientôt  débarrassé  et  ses 
aggresseurs  s'en  trouvent  mal  pour  l'ordinaire.  » 

Enfin  on  chassait  encore  l'ours  en  suivant  sa  trace 
sur  la  neige,  mais  cette  chasse  ne  pouvait  se  faire 


(1)  Nous  voyons  dans  Gessner  qu'au  xvr  siècle  les  Suisses  chas- 
saient l'ours  avec  l'arc  et  l'arbalète,  et  quelquelbis  avec  des  traits  em- 
poisonnés. 

(2)  «  On  fait,  chaque  année,  des  battues  (aux  ours,  dans  les  Pyrénées), 
plusieurs  paroisses  associant  leurs  efforts.  Une  ligne  de  chasseurs  res- 
serre peu  à  peu  le  bois  où  se  trouve  l'ours,  cit.  »  {Voyarjes  d'Arthur 
Young,  1. 1.) 


—  276  — 

qu'en  automne,  lors  des  premières  neiges,  l'ours  se 
recelant  au  commencement  de  décembre  pour  une 
grande  partie  de  l'hiver  (1). 

Toutes  ces  chasses,  sans  être  entièrement  dépour- 
vues de  danger,  étaient  moins  périlleuses  qu'on  ne  le 
croit  communément.  L'ours,  même  blessé,  se  jette  ra- 
rement sur  l'homme,  à  moins  qu'il  ne  soit  serré  de 
trop  près  (2). 

Un  homme  agile  peut  encore  esquiver  assez  facile- 
ment ses  retours  offensifs  ;  mais,  s'il  se  laisse  joindre, 
l'ours  se  dresse  sur  ses  pieds  de  derrière,  le  saisit  avec 
les  pattes  de  devant  et  l'étouffé  dans  ses  bras,  s'il  n'est 
secouru  à  temps  (3). 

Magné  de  Marolles  nous  a  conservé  le  souvenir  de 
quelques-uns  des  plus  terribles  épisodes  de  chasse 
aux  ours  arrivés  de  son  temps,  ainsi  que  le  nom  des 
intrépides  montagnards  qui  y  signalaient  leur  courage 
au  péril  de  leur  vie. 

Parmi  ces  vaillants  champions,  figure  en  première 
ligne  Pascallet,  de  Montauban  près  Luchon,  qui  com- 


(1)  Magné  de  Marolles. 

(2)  «  Ils  ont  merveilleusement  fors  hras  de  quoy  ils  estrainhent  au- 
cune fois  un  homme  ou  un  chien  si  fort  qu'ils  l'afolcnt  ou  tuent.  Des 
ongles  ne  font  pas  mal  pour  quoi  nulle  beste  en  puisse  mourir,  mes 
ils  tirent  et  moynent  (  mènent)  à  leur  bouche  et  à  leurs  dens  et  cela 
sont  leurs  meilleures  armes.  »  (Gaston  Phœbus.) 

(3)  Voyc'.  dans  Magné  de  Marolles  le  récit  de  quelques  incidents  de 
ce  genre;  entre  autres,  celui  d'une  chasse  où  six  hommes  furent  blessés 
plus  ou  moins  grièvement  (dans  la  vallée  de  Barétons,  près  Oioron). 
Un  de  ces  malheureux,  terrassé  ])ar  l'ours,  se  ])laignait  surtout  de  l'o- 
ileur  infecte  qui  s'exhalait  de  la  gueule  de  l'animal  et  qui  avait  failli 
l'étouffer. 


—  277  — 
battit  seul  une  troupe  de  cinq  ours,  en  abattit  deux 
du  premier  coup  et  blessa  mortellement  un  troisième. 
Puis  viennent  Joseph  Naudy,  dit  le  bavard,  de  la  val- 
lée de  Vic-Dessos  (Ariége)  qui,  poursuivant  un  ours 
pour  lui  faire  quitter  un  mouton,  en  fut  repoussé  à 
coups  de  pierres,  et  Pierre  Champeu,  dit  le  bandit  (1), 
tous  montagnards  des  Pyrénées. 

Nous  n'avons  aucun  renseignement  précis  sur  les  chasses  à  ui 
chasses  que  faisaient,  aux  chamois  et  aux  bouquetins    bouriueuns 
avec  l'arc  et  l'arbalète,  les  griffons  des  Alpes  autori-    '^'''*™'"'- 
ses  par  leurs  Dauphins  à  chasser  ces  animaux  (2)  et 
les  montagnards  des  Pyrénées  qui  se  fournissaient  à 
leurs  dépens  de  vêtements  et  de  chaussures  (3). 

Tout  ce  que  nous  savons  sur  ce  sujet,  c'est  que, 
dans  les  montagnes  du  Tyrol  et  de  la  Styrie,  l'archi- 
duc Maximilien  d'Autriche  et  ses  hardis  compagnons, 
les  pieds  garnis  de  crampons  de  fer,  allaient  pour- 
suivre le  chamois  jusqu'au  sommet  des  roches  les  plus 
cruelles  (4),  pour  leur  lancer  avec  l'arbalète  à  cric 
des  traits  dont  le  fer  avait  la  forme  d'un  croissant  (5). 

Dès  la  fin  du  xv^  siècle,  les  paysans  styriens  tiraient 


(1)  Pierre  Champeu  était  de  Luzenac,  près  d'Ax  (Ariége).  —  A  ces 
illustres  tueurs  d'ours,  célébrés  par  Magné  de  MaroUes,  il  faut  joindre 
le  Paveur  de  Cesse.,  qui  chassait  vers  le  milieu  du  xvui'=  siècle  avec  le 
baron  du  Glat  et  tua  33  ours  dans  les  montagnes  du  diocèse  d'Alet. 

(2)  Voir  i)lus  haut. 

(3)  Voir  Gaston  Phœbus.  —  Le  comte  do  Foix  ne  parle  que  des 
grandes  chasses  qu'on  faisait  aux  houes  avec  chiens  courants,  tra- 
queurs  et  panneaux. 

(4)  Weiss  Kunicj. 

[h)  Voir  le  Weiss  KunUj  et  le  Theuenlanck,  textes  et  figures.  —  On 
se  servait  quelquefois  de  chiens.  Maximilien  se  vante  d'avoir  ei\  sa 
vie  tué  GOO  chamois,  bien  comjités. 


—  278  — 

les  bouquetins  avec  l'arquebuse,  et  en  avaient  promp- 
tement  détruit  un  très-grand  nombre. 

Les  montagnards  de  nos  Alpes  et  de  nos  Pyrénées 
en  firent  probablement  autant  quelques  années  plus 
tard,  et  n'employèrent  plus  contre  les  chamois  et  les 
bouquetins  que  l'arquebuse  à  mèche  ou  à  rouet  à  la- 
quelle succédèrent  le  fusil  et  la  carabine  rayée  à  silex. 

Avec  les  premières  arquebuses,  difficiles  à  manier 
et  ne  pouvant  tirer  qu'à  coup  posé,  le  chasseur  devait 
aller  se  poster  pour  attendre  son  gibier  à  l'affût  dans 
quelque  passage  favori,  ou  près  d'une  de  ces  roches 
salées  que  chamois  et  bouquetins  viennent  lécher  avec 
beaucoup  d'avidité.  Une  fois  pourvu  d'armes  moins 
imparfaites,  le  montagnard,  sans  abandonner  pour 
cela  la  pratique  de  l'affût,  put  se  mettre  à  la  pour- 
suite de  sa  proie  ou  la  tirer  en  battue. 

Du  temps  de  Séiincourt,  les  chamois  et  staimboucqs 
étaient  souvent  chassés  au  trictrac.  Après  les  avoir 
détournés  avec  le  limier,  on  postait  des  arquebu- 
siers (1)  aux  passages  les  plus  favorables.  Les  plus  lé- 
gers des  chasseurs,  accompagnés  do  chiens,  gravis- 
saient les  sommets  de  la  montagne  et  poussaient  de- 
vant eux  les  animaux  effrayés  en  faisant  grand  bruit. 
Dès  qu'on  les  voyait  prendre  la  direction  des  postes 
où  se  tenaient  les  tireurs,  les  Iraqueurs  criaient  à 
pleine  voix  :  «  garde  lou  pas  »  et  les  arquebusiers 


(t)  On  funromliul,  sous  ce  nom  les  tireurs  aiiuè.--  iluriiueliuses  à  rouet 
et  ceux  (jui  nvaicul  des  l'usils  nu  des  earaliiues. 


—  279  — 

ajustaient  de  leur  mieux  pour  abattre  les  fugitifs  au 
passage  (1). 

Cette  chasse  se  pratiquait  encore  au  xvni'  siècle; 
seulement  les  fusils  et  les  carabines  à  silex  avaient 
définitivement  remplacé  l'arquebuse,  et  l'on  ne  se  ser- 
vait plus  guère  de  chiens,  qui  dispersaient  trop  vite 
les  animaux  et  les  éloignaient  tout  de  suite  jusqu'à 
4  ou  5  lieues  (2). 

D'ordinaire  le  chasseur  montagnard,  parti  seul, 
avant  le  jour,  pour  se  trouver  à  l'aurore  dans  le  can- 
ton fréquenté  par  son  gibier,  cherchait  d'abord  à  le 
découvrir  au  loin  à  l'œil  nu  ou  avec  une  lunette  d'ap- 
proche (3).  Les  animaux  une  fois  aperçus,  il  fallait 
arriver  à  portée  en  se  coulant  à  bon  vent  et  sans  bruit 
derrière  des  rochers  ou  le  long  de  quelque  ravin, 
quelquefois  en  rampant  à  plat  ventre.  Une  fois  à  dis- 
tance convenable,  le  tireur,  caché  derrière  quelque 
grosse  pierre,  ôtant  son  chapeau  et  ne  sortant  que  la 
tête  et  le  bras,  ajustait  de  son  mieux  en  appuyant 
son  arme  sur  le  roc.  Cette  arme,  entretenue  avec  le 
plus  grand  soin,  était  ordinairement  une  carabine 
rayée  parmi  les  montagnards  des  Alpes;  ceux  des  Py- 
rénées se  contentaient  d'un  fusil  ordinaire  (4). 


(1)  Sélincourt. 

(2)  Magné  de  MaroUcs. 

(3)  Magné  de  MaroUcs  conteste  l'emploi  habituel  de  la  lunette,  af- 
firmé par  M.  de  Saussure  et  M.  Perroud,  entrepreneur  des  mines  de 
cristal  des  Alpes,  dans  une  note  curieuse  adressée  à  Buffon.  La  lu- 
nette d'approche  est  encore  très-usitée  parmi  les  chasseurs  suisses, 
surtout  dans  le  canton  des  Grisons.  (VoirTschudi.) 

(4)  PeiToud  el  Saussure  sont  d'accord  sur  l'usagf  de  la    carabine 


—  280  — 

Plusieurs  voyageurs  ont  raconté  les  dangers  et  les 
souffrances  des  chasseurs  de  chamois,  et  la  passion 
irrésistible  qui  s'emparait  d'eux  et  les  forçait,  en  dé- 
pit de  tous  les  conseils  et  de  leurs  propres  pressenti- 
ments, de  retourner  à  la  montagne  pour  y  laisser  la 
vie  ou  tout  au  moins  l'usage  de  leurs  membres  (1).  Ces 
mœurs  régnent  encore  de  nos  jours  parmi  les  monta- 
gnards, et  M.  de  Tschudi  en  rapporte  de  curieux 
exemples  dans  son  intéressant  ouvrage  sûr  les  Alpes. 
Chasse  à  ur       La  chassc  à  tir  de  la  marmotte,  qui  se  fait  en  la 
"'TiT"^^"  guettant  au  bord  de  son  terrier,  ne  vaut  pas  la  peine 
icvro  blanc,    de  s'cu  occupcr. 

Celle  du  lièvre  blanc  offre  plus  d'intérêt.  En  temps 
de  neige,  le  chasseur  suit  ses  traces  pour  le  sur- 
prendre et  le  tirer  au  gîte.  Si  le  blanchon  échappe  au 
premier  feu,  il  ne  s'éloigne  guère.  La  détonation  du 
fusil,  si  effrayante  pour  le  lièvre  de  plaines,  n'in- 
quiète que  médiocrement  le  montagnard,  accoutumé 
qu'il  est  aux  craquements  des  glaciers  et  aux  bruits 
formidables  des  régions  alpestres.  Ceux  qui  sont  gîtes 
aux  environs  ne  se  dérangent  pas,  et  le  chasseur  peut 
en  tuer  trois  ou  quatre  au  gîte  dans  la  même 
journée  (2). 

On  chasse  aussi  le  lièvre  des  Alpes  aux  chiens  cou- 


rayée.  Magné  de  MaroUes,  qui  avait  surtout  été  en  relation  avec  les 
(îliasseursdcs  Pyrénées,  prétend  ([ue  cette  arme  n'a  été  employée  qu'ac- 
cidentellement. Les  Savoisieus  et  les  Suisses  se  servent  encore  beau- 
roup  d(!  carabines  rayées,  quelquefois  avec  deux  platines  et  un  seul 
'■anon  (Tschudi.) 

(1)  Saussure. 

C^)  Tschudi. 


des  léUas. 


—  281   — 

ranls,  mais  il  faut  des  chiens  dressés  tout  exprès. 

Le  lièvre  se  fait  longtemps  battre  avant  de  prendre 
un  parti.  Il  gagne  alors  les  sommets  les  plus  abrupts, 
où  il  devient  presque  impossible  au  chasseur  de  le 
poursuivre.  Il  faut  donc  le  tirer  au  départ,  qui  a  sou- 
vent lieu  sous  le  nez  des  chiens.  Serré  de  près,  il  va 
quelquefois  se  réfugier  dans  les  terriers  des  mar- 
mottes (1). 

La  saison  la  plus  favorable  pour  tirer  les  grands    chasse  à  ur 
tétras  est  depuis  la  mi-avril  jusqu'aux  premiers  jours 
de  j  uin ,  c'est-à-dire  pendant  la  saison  de  leurs  amours. 

Comme  le  dit  Magné  de  MaroUes,  les  chasseurs 
vont  coucher  dans  les  bois  de  sapins  et  de  hêtres 
situés  à  mi-côte  deux  heures  avant  la  nuit.  Puis  on 
se  met  aux  aguets  pour  écouter  les  coqs  appeler  leurs 
femelles. 

Dès  qu'on  entend  un  tétras  chanter  sur  un  arbre, 
on  cherche  à  s'en  approcher;  quand  son  chant  cesse, 
il  faut  s'arrêter,  dans  quelque  position  qu'on  se  trouve. 
Ce  chant  dure  assez  longtemps,  et  recommence  par 
intervalles;  tant  qu'il  dure,  le  coq,  l'œil  en  feu,  la 
queue  en  roue  et  les  ailes  pendantes,  se  trémousse 
sur  une  branche  sans  s'apercevoir  de  ce  qui  se  passe 
autour  de  lui,  et  le  chasseur  peut  arriver  à  portée  et 
l'ajuster  à  son  aise  (2).  Hors  ces  moments  d'extase 


(1)  Tschudi.  —  Journal  des  chasseurs,  2<"  semestre  1858.  —  Les  détails 
que  nous  venons  de  donner  sont  tirés  d'auteurs  modernes,  mais  il  est 
plus  que  probable  que  les  anciens  chasseurs  ne  procédaient  pas  au- 
ti-ement. 

(2)  Voir  aussi  BufTon.  —  Cette  chasse  se  prati([ue  encore  en  Alle- 
magne. —  Dans  ce  pays,  au  xvni«  siècle ,  l'arme  employée  était  une 
arquebuse  à  rouet.  (Voir  fiidinger.) 


—  282  — 

amoureuse,  les  télras  sont  très-difficiles  à  joindre.  La 
même  chasse  se  fait  encore  le  matin,  dans  l'intervalle 
du  point  du  jour  au  lever  du  soleil. 

Dans  le  comté  de  Foix,  aux  environs  de  la  ville 
d'Ax,  on  chassait  autrefois  les  tétras  pendant  la  nuit, 
à  la  lueur  du  feu.  Cette  chasse  avait  lieu  en  automne 
et  au  commencement  de  l'hiver,  tant  que  la  neige 
n'était  pas  trop  épaisse.  Les  chasseurs,  après  avoir 
reconnu,  une  heure  avant  la  nuit,  les  arbres  où  les 
coqs  de  bruyère  allaient  se  brancher,  se  mettaient  en 
marche  quelques  heures  plus  tard  vers  ces  arbres, 
précédés  d'un  homme  qui  portait  sur  sa  tête  un  bassin 
plat  (ou  lumenié)  (1)  ;  des  brandons  de  pin,  détachés 
d'une  vieille  souche  bien  résineuse,  brûlaient  dans  ce 
bassin. 

Les  chasseurs,  apercevant  à  la  lueur  du  feu  les 
tétras  perchés  sur  les  arbres,  les  abattaient  à  coups 
de  fusil  (2). 

On  pouvait  aussi  chasser  les  jeunes  coqs  ou  caque- 
tons avec  le  chien  d'arrêt,  pendant  les  mois  de  sep- 
tembre et  d'octobre  (3). 

On  chassait  le  petit  tétras,  comme  le  grand,  pen- 
dant la  saison  des  amours.  On  le  chassait  aussi  dans 
la  neige,  oii  ces  oiseaux  se  creusent  des  trous  pour 
atteindre  leur  nourriture.  Les  chasseurs  bouchaient 


(1)  Ce  bassin  était  quelquefois  en  Icr-blanc  ;  plus  souvent,  c'était 
une  tranche  de  bois  enlevée  du  tronc  d'un  arbre. 

(2)  Magné  de  MaroUcs.  —  Le  duc  de  Weymar  chasse  encore  les 
Auerhahnc  d'une  i'açon  analogue  ;  le  i)orlcur  de  bassin  est  remplacé 
par  des  soldats  armés  de  llambeaux. 

(3)  Magné  de  Marollci. 


_  283  — 

l'ouverture  de  ces  trous,  et  frappaient  fortement  avec 
leurs  pieds  sur  la  surface  glacée  de  la  neige.  Les  tétras 
se  frayaient  un  passage  d'un  autre  côté,  et  partaient 
sous  les  pieds  du  tireur  (1). 

On  chasse  les  lagopèdes  ou  perdrix  blanches  prin- 
cipalement de  la  mi^aoùt  à  la  fin  de  novembre,  et 
surtout  pendant  les  mois  de  septembre  et  d'octobre. 
Cette  chasse  se  fait  au  chien  couchant  ou  au  cul  levé, 
et  ne  présente  rien  de  particulier  (2).  Il  en  est  de 
même  de  la  chasse  à  la  bartavelle.  La  plus  grande 
difficulté  de  ces  chasses  est  dans  la  nature  du  terrain, 
qui  rend  très-difficile  de  les  tirer  et  plus  difficile 
encore  d'aller  les  relever  à  la  remise  (3). 

Pour  tirer  la  gelinotte,  on  l'appelle  au  temps  de  la 
pariade  avec  une  espèce  de  sifflet.  Ce  sifflet,  qui  imite 
le  cri  de  la  femelle,  est  fait  avec  un  os  d'autour  ou  de 
hibou,  ou  encore  avec  un  tuyau  de  plume  à  écrire. 
On  se  sert  du  même  sifflet  en  automne  pour  attirer 
les  jeunes,  en  imitant  le  cri  de  rappel  de  la  mère. 
Quand  un  chasseur  réussit  à  découvrir  des  gelinottes 
perchées  dans  un  arbre  (ce  qui  n'est  pas  facile),  il 
peut  les  tuer  toutes  successivement.  A  chaque  coup, 
les  survivantes  ne  font  que  se  raser  sur  les  branches 
et  rentrer  dans  leur  plume,  et  le  chasseur  a  tout  le 
temps  de  recharger  son  fusil  (4), 


Cliassc  à  lit- 
du  lagopède 

et  de  la 
barlavclle. 


Chasse  à  lir 
de  la 

Ki'linoUe. 


(1)  Magnû  de  MaroUes. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Ibidem. 


LIVRE  IX. 


CHASSE   AVEC   TOUTES   SORTES   D  ENGINS   ET   DE   PIEGES. 


Nous  voici  parvenu  à  la  partie  la  plus  ingrate  de 
notre  tâche  :  l'histoire  des  chasses  qui  se  faisaient  à 
l'aide  de  toutes  sortes  d'engins.  Nous  demanderions 
grâce  pour  nous  et  nos  lecteurs,  si  l'antiquité  de  cette 
manière  de  chasser  et  l'importance  qu'elle  a  eue  dans 
les  temps  anciens  ne  nous  obligeaient  à  en  tracer  au 
moins  une  esquisse  sommaire  ;  mais  nous  ferons  nos 
réserves  comme  Gaston  Phœbus,  au  moment  où  il  se 
prépare  à  décrire  les  moyens  de  prendre  les  bêtes 
sauvages  par  mestrie  et  par  enginhs.  «  De  ce,  parleray 
je  mal  voulentiers,  quar  je  ne  devroye  enseinher  à 
prendre  les  bestes,  ce  nest  pas  par  noblesse  et  gentil- 
lesse, et  pour  avoir  biauls  déduis,  afin  qu'il  y  heust 
plus  de  bestes  et  que  on  ne  les  tuast  pas  faussement, 
mes  en  trouvast  l'en  tousjours  à  chassier.  Mes  par  deux 
raisons  le  me  convient  à  dire;  l'une,  je  feroye  trop 


—  286  — 
grant  péchié  se  je  povoye  fère  les  gens  sauvier  et  aler 
en  paradis  et  je  les  fesoye  aler  en  enfer;  et  aussi  se  je 
fesoye  les  gens  mourir  et  les  peusse  fère  vivre  longue- 
ment; et  aussi  si  je  fesoye  les  gens  estre  tristes  et 
mornes  et  pensifs  et  je  les  peusse  fère  vivre  liement; 
et  comme  j'ay  dit  au  commencement  de  mon  livre  que 
bons  veneurs  vivent  longuement  et  joyeusement,  et 
quand  ils  meurent,  ilz  vont  en  paradis,  je  veuil  en- 
seigner à  tout  homme  d'estre  veneur  ou  en  une  ma- 
nière ou  en  autre » 

Le  comte  de  Foix  ajoute  quelques  lignes  plus  loin 
en  devisant  à  faire  Jiayes  pour  toutes  bestes  :  «  Et  est 
droitement  déduict  d'omme  gras  ou  d'omme  vieill,  ou 
qui  ne  vueit  travailler,  et  est  belle  chasse  pour  eulz, 
mes  non  pas  pour  homme  qui  vuelt  chassier  par 
mestrise  et  par  droicte  vénerie  (1).  » 

Nous  ne  parlerons  avec  quelque  détail  que  des 
procédés  usités  jusqu'au  xvn'  siècle  inclusivement. 
Ceux  qui  sont  décrits  par  les  auteurs  du  siècle  suivant, 
étant  encore  pour  la  plupart  employés  aujourd'hui 
d'une  manière  plus  ou  moins  licite,  sont  en  quelque 
sorte  en  dehors  du  cadre  de  cet  ouvrage,  et  ne  seront 
indiqués  que  très-succinctement.  Les  lecteurs,  curieux 
d'en  savoir  davantage  sur  ce  sujet,  pourront  avoir 
recours  aux  ouvrages  spéciaux  ou  aux  traités  de  chasse 
qui  se  sont  étendus  sur  la  matière. 


(1)  «  cil.  Lx.  Ci  devise  à  faire  hayes  pour  toutes  bestes.  »  Ces  haies 
sont  de  celles  qui  servent  d'accessoire  à  des  collets  ou  à  des  lassièros, 
et  sont,  par  conséiiucnt,  comprises  dans  la  catégorie  des  pièges  et  en- 
gins. 


—  287  — 

Les  chasses  aux  filels  et  engins  divers  eurent  une 
grande  importance  pendant  les  premiers  siècles  de  la 
monarchie  française,  comme  elles  l'avaient  eue  pen- 
dant l'antiquité. 

Comme  on  a  pu  le  voir  dans  les  pièces  justificatives 
du  précédent  volume,  les  premiers  Rois  Capétiens 
comptaient  parmi  leurs  officiers  domestiques  des  oise- 
leurs et  perdriseurs.  Dans  l'ordonnance  de  l'hôtel  du 
Roi  saint  Louis,  faite  en  1261,  on  voit  que  l'oiseleur 
avait  12  deniers  par  jour,  et  que  lui  et  son  valet  man- 
geaient à  la  cour  quand  ils  étaient  de  service.  Il  rece- 
vait, de  plus,  40  sols  par  an  pour  rohe,  fdés  et  roscux 
(réseaux)  (1). 

Uoisseleires  de  Philippe  le  Bel  avait  également 
12  deniers  de  gages,  plus  GO  sols  pour  robe  et  pour 
roitz,  et  bouche  à  cour  (2). 

Louis  XI,  comme  nous  l'avons  indiqué,  partageait 
l'aversion  du  comte  de  Foix  pour  la  chasse  aux  pièges; 
en  1463,  il  fit  enlever  et  brûler  tous  les  rets,  fdels  et 
engins  qui  appartenoient  à  la  chasse  (3). 

Toutes  les  ordonnances  sur  le  fait  des  chasses,  pro- 
mulguées au  xvf  et  au  xvif  siècle,  en  interdisant 
l'emploi  d'un  grand  nombre  d'engins  destructeurs  du 
gibier,  nous  donnent  l'énumération  des  principaux 


(1)  Tome  I'"',  Pièces  justificatives,  p.  388. 

(2)  Ordenance  de  l'Oslel  le  Roy  Philippe...  Tome  I",  Pièces  justifica- 
tives, p.  387. 

(3)  Voir  les  livres  I  et  II.  —  Cette  aversion  ne  l'empêchait  pas  de  se 
servir,  pour  son^ropre  compte,  de  ces  engins  détestés.  On  voit  dans  ses 
comptes  qu'il  s'amusait  à  prendre  des  corneilles  et  des  choettes  avec 
des  raiz  de  corde.  (Voir  la  note  B,  t.  P'.) 


—  288  — 

pièges  usités  à  celte  époque.  Ce  sont  notamment  les 
lacs,  tirasses,  tonnelles,  traîneaux,  bricoles  de  corde 
et  de  fil  d'archal,  pièces  de  pans  de  rets,  colliers,  hal- 
liers  de  fil  ou  de  soie  (1). 

Il  paraît  que  les  défenses  rigoureuses  de  l'ordon- 
nance de  1601  ne  furent  pas  longtemps  observées, 
car  dans  les  éditions  du  Théâtre  d'agriculture  d'Olivier 
de  Serres,  qui  sont  postérieures  à  cette  ordonnance, 
le  docte  agronome  a  conservé  certains  passages  qu'il 
avait  pu  écrire  légalement  en  1600,  et  par  lesquels  il 
recommande  au  gentilhomme  campagnard  de  prendre 
bêtes  à  quatre  pieds,  de  jour  et  de  nuit,  selon  les 
saisons,  avec  pièges,  agrafes,  fosses,  trapes,  rets,  dents, 
amorces,  etc.;  «  aussi  oiseaux,  gros  et  menus,  à  l'a- 
morce, à  la  pipée,  à  la  passée,  au  tumbereau,  à  la 
tonnelle,  au  feu,  à  la  glu,  à  la  chouette,  au  duc,  à 
l'appeau,  au  rejetlail,  etc.  (2).  » 

«  Encores  que  la  chasse  aux  oysiilons  avec  la 
chouëte  ou  au  duc  semble  n'appartenir  qu'aux  enfans, 
si  est  elle  tant  plaisante  et  agréable  que  souvent  les 
grands  sont  incitez  de  s'y  exercer,  tout  honneste  passe- 
temps  estant  recevable  aux  champs.  » 

Où  les  canards  et  autres  oiseaux  de  rivière  abon- 
dent, on  les  prendra  avec  des  appelants  et  un  chien 


(1)  Voir  principalement  les  ordonnances  de  IGOl  et  1669. 

(2)  Le  gentilhomme  pourra  commettre  à  ses  gens ,  comme  trop  pé- 
nibles et  fastidieuses,  les  chasses  des  perdrix  au  feu  durant  la  nuit^ 
à  la  tonnelle  le  jour,  «  des  bécasses,  alouettes  et  autres  oyseaux  qu'on 
attend  longtemps  es  passages,  et  jour  et  nuict,  m(;soies  en  mauvais 
temps,  comme  en  hyver,  durant  les  grandes  glaces  et  neiges  pour  les 
attraper  avec  lilets.  »  {^Théâtre  d'agriculture,  livre  huicliesmc.) 


—  289  — 

bien  dressé  qui  les  amèneront  à  portée  de  la  rets  sail- 
lante,  ou  bien  on  leur  tendra  des  hameçons  (1). 

Dans  un  excellent  chapitre  dont  nous  allons  donner 
l'analyse,  Sélincourt  a  résumé  toutes  les  chasses  au 
filet  que  peut  faire  un  gentilhomme  «  qui  a  un  beau 
pays  pour  chasser  et  qui  veut  accommoder  sa  terre 
en  sorte  qu'il  n'y  manque  rien  pour  faire  bonne  chère 
à  ses  amis.  » 

Ce  gentilhomme  doit  être  garni  de  panneaux,  d'ai- 
liers (halliers)  aux  lapins,  aux  cailles  et  aux  perdrix^ 
de  passées,  de  chausses,  de  rets  pour  prendre  les 
alouettes  au  miroir  et  pour  traîner  la  nuit,  et  de  tout 
ce  qu'il  faut  pour  chasser  les  perdrix  à  la  chanterelle, 
à  la  tonnelle,  à  l'anxorce  et  à  la  fouée. 

S'il  est  en  pays  de  marais,  il  lui  faut  des  rets  à 
bécassines,  et  en  pays  de  bois,  des  rets  à  bécasses  pour 
tendre  à  la  passée. 

Lorsqu'il  y  a  des  faisans,  des  perdrix  rouges,  des 
coqs  de  bruyère  et  des  gelinottes,  on  se  sert  de  grands 
filets,  îin  peu  plus  larges  que  panneaux,  qu'on  tend  sur 
le  soir  dans  les  montagnes  et  les  coteaux  boisés. 

En  pays  de  petits  oiseaux,  il  s'en  prend  des  milliers 
le  long  des  bois,  des  haies  et  des  vignes,  au  moment 
des  passages,  avec  des  araignes  et  des  lacs  de  crin,  à 
la  pipée,  aux  brillons,  ou  à  la  glu. 

S'il  est  sur  un  grand  passage  d'oiseaux  de  rivière, 
le  seigneur  construira  une  canardière,  et  établira  des 


(1)  T/iédIre  d'arirkullurc,  livre  huicticsme. 

III.  49 


lie  chasse  aux 

|iii''ges. 


—  290  — 

mares,  oii  il  prendra  ces  oiseaux  avec  des  appelants 
et  la  rets  saillante. 

Suivent  deux  autres  chapitres  sur  les  chasses  qui 
se  font  la  nuit  aux  perdrix  et  aUou'éttes^  aux  plouviers^ 
aux  vanneaux,  aux  oyes  sauvages,  aux  outardes,  aux 
lapins  es  garennes  et  aux  lièvres,  et  sur  la  chasse  aux 
amorces  pour  les  perdrix. 
Traités  Le  Roîj  Moclus  et  Gaston  Phœbus,  malgré  le  juste 

mépris  que  professe  ce  dernier  pour  les  enginJis,  nous 
donnent  de  précieux  renseignements  sur  diverses 
chasses  aux  filets  et  aux  pièges,  fort  en  usage  au 
xiv'  siècle. 

Parmi  les  traités  spéciaux  sur  la  chasse  aux  pièges 
et  engins,  nous  citerons  comme  les  principaux  l'ou- 
vrage du  frère  Fortin,  religieux  de  Grammont,  dit  le 
Solitaire  inventif  [i)-,  les  Amusements  de  la  campagne, 
ou  Nouvelles  Ruses  innocentes  qui  enseignent  la  manière 
de  prendre  aux  pièges  tontes  sortes  d'oiseaux,  par  le 
sieur  Liger  (2)  ;  le  Traité  de  la  pipée,  chasse  amusante 
et  divertissante,  trcs-convenahlc  aux  dames  (3);  les  Amu- 
sements innocents,  contenant  le  Traité  des  oiseaux  de  vo- 
lière ou  le  Parfait  Oiseleur  (4);  enfin  V Aviceptologie 
françoise  ou  traité  de  toutes  les  ruses  dont  on  peut 
se  servir  pour  prendre  les  oiseaux  qui  se  trouvent  en 
France  (5). 


(1)  Les  Rvscs  innocentes,  etc.  Paris,  HIGO. 

(2)  Paris,  1709. 

(3)  Par  Simon.  Paris,  1738. 
Cl)  Par  Buchoz.  Paris,  1774. 

(j)  Par  H"*(Bulliard).  Paris,  1778. 


—  291  — 

On  peut  compter  encore  au  nombre  des  traités 
spéciaux  l'ouvrage  de  Labruyerre ,  quoiqu'il  ait  été 
écrit  dans  le  but  d'empêcher  les  chasses  aux  pièges  et 
non  de  les  enseigner. 

Parmi  les  ouvrages  cynégétiques  postérieurs  au 
xvn""  siècle,  ï Encyclopédie^  dans  son  Dictionnaire  de 
toutes  les  espèces  de  chasses,  donne  des  détails  circon- 
stanciés sur  les  pièges  et  engins.  Gaffet  de  la  Briffar- 
dière  et  Goury  de  Champgrand  parlent  de  quelques- 
uns;  Magné  de  Marolles,  quoiqu'ils  soient  étrangers  à 
son  sujet,  en  décrit  aussi  un  certain  nombre. 


CHAPITRE  PREMIER. 
Chasses  des  quadrupèdes  avec  pièges  et  engins. 


§    1.    FOSSES. 

Les  fosses  sont  un  des  moyens  les  plus  ancienne- 
ment connus  de  capturer  les  animaux.  Il  en  est  parlé 
plusieurs  fois  dans  les  livres  saints. 

«  Celui  qui  fuit  la  voix  de  Yépouvantail  (l)  tombera 
dans  la  fosse,  et  ce  qui  s'échappera  de  la  fosse  sera 
pris  dans  le  lacs,  »  dit  le  prophète  Isaïe. 

«  Il  est  tombé  dans  la  fosse  qu'il  avait  préparée,  » 
lisons-nous  dans  le  Yni*  psaume  de  David. 

Xénophon,  Oppien  et  les  autres  ihéreuticographes 
de  l'antiquité  classique  parlent  également  de  cet  en- 
gin de  chasse. 

Les  Thraces  et  les  Germains  se  servaient  de  fosses 
pour  prendre  le  bison  et  l'urus. 


(1)  Cet  épouv.iiitail  qui  iv  une  voix  doit  être  ici  un   i;i'OU|ic  do  tra- 
queurs. 


—  293  — 

La  loi  des  Ripuaires  parle  de  fosses  et  de  puits 
[fossœ  velpiitei)  creusés  dans  les  forêts  et  des  accidents 
qui  peuvent  en  résulter  (1). 

Les  fosses  de  chasse  sont  aussi  mentionnées  par  les 
Capitulaires  des  Carlovingiens  (2). 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  fosses  à  prendre 
les  loups,  déjà  décrites  au  livre  YI;  des  fosses  à  bas- 
cule, disposées  à  peu  près  de  la  même  manière, 
quoique  dans  des  proportions  moins  grandes,  ser- 
vaient à  prendre  les  renards  (3). 

Le  Roy  Modus  enseigne  à  prendre  les  sangliers  à 
l'amorce,  c'est-à-dire  en  les  attirant  au  moyen  d'un 
appât  vers  une  fosse  recouverte  de  branchages,  et  le 
chapitre  LXP  de  Phœbus  devise  comment  on  peut 
chassier  sengliers  et  aultres  hestes  auxfousses  (4). 

Dans  ces  deux  auteurs,  la  fosse  est  accompagnée 
de  haies  en  forme  d'X  et  de  V,  qui  amènent  la  bête 
jusqu'au  précipice  (5). 

Il  semble,  d'après  une  gravure  de  Ph.  Galle  et  Stra- 
dan,  que  ce  système  était  encore  usité  à  la  fin  du 
XVI®  siècle  pour  prendre  des  sangliers. 


(1)  Ducange,  V"  PecHca. 

(2)  Voir  ci-dessus  au  livre  VI  (fosses  à  prendre  les  loups). 

(3)  Voir  les  Ruses  innocenles,  ï Encyclopédie  et  Ridinger. 

(4)  Les  autres  bêtes  sont  le  cerf,  l'ours  et  le  loup. 

(5)  Divers  peuples  sauvages  se  servent  encore  aujourd'hui  de  haies 
aboutissant  à  une  fosse  oîi  on  traque  les  animau.x  sauvages.  Voir  l'ar- 
ticle de  M.  Lavallée  dans  le  Journal  des  chasseurs  de  1858  et  les  voya- 
geurs cités  au  chapitre  des  Haies,  ci^après. 


Chusso 
A  liuissoniiLT. 


—  294  — 

§   2.    FILETS, 

Les  filets  étaient  l'engin  fondamental  des  chasses 
de  l'antiquité  (1).  Nos  aïeux  en  ont  aussi  fait  grand 
usage  pour  prendre  toute  espèce  de  quadrupèdes. 

Dans  un  bas-relief  gallo-romain  déjà  cité  on  voit 
des  chasseurs  à  pied  et  à  cheval  poussant  dans  les 
panneaux  des  cerfs  et  autres  animaux  (2).  Charle- 
raagne,  ainsi  que  nous  l'avons  raconté  au  premier 
livre  de  cet  ouvrage,  faisait  de  grandes  chasses  aux 
sangliers  avec  des  filets.  Le  Roy  Modus  décrit  avec 
détail  diverses  chasses  de  quadrupèdes  qui  se  prati- 
quaient de  son  temps  à  l'aide  de  cette  sorte  d'engins. 
Il  s'étend  principalement  sur  la  manière  de  prendre 
à  buissonner  sangliers,  cerfs,  biches,  chevreuils,  gou- 
pils et  lièvres. 

Cette  chasse  à  buissonner  consistait  à  tailler  un  buis- 
son ou  petit  bois  et  à  l'enclore  de  haies  avec  las^ 
sières  (3),  et  de  rets  ou  panneaux. 


(I)  Voiries  Cynégétiques  de  Xénophon,  Gratins  et  les  autres  théreu- 
ticographes.  —  On  y  trouve  que  les  anciens  Grecs  et  Romains  se  ser- 
vaient de  trois  sortes  principales  de  filets  :  1°  Aix-Tua,  relia,  panneaux 
formant  des  enceintes. 

-°  'E.vo^ia.-,  plagx,  filets  tendue  on  travers  d'une  route,  d'une  ouver- 
ture ou  d'une  coulée. 

3°  KpKVç,  casses,  filets  en  forme  de  bourse  qui  se  tendaient  entre  deux 
branches  d'arbre  et  qu'on  fermait  à  l'aide  d'un  cordage  appelé 
êx/cTfo/^tof  cpiand  l'animal  s'y  était  engagé.  (Voir  Rich,  Diciionnairc 
de  l'anliquilc  grecque  cl  romaine.) 

il)  Monumenls  des  arls  de  là  France,  par  Alex.  Lenoir. 

(3)  Les  anciens  auteurs  entendent  jiar  les  mots  lues  cl  lassièri-s,  tan- 
tôt des  nœuds  coulants,  tantùl,  cl  le  plus  souvent,  une  espèce  de  filets. 
Au  xvni«  siècle,  la /«.v.Ç(V'?7'  était  un  iili'l  mi  forme  de  bourse  qui  ser- 
vait à  jncndre  les  loups.  [Rnnivlopédie,  h.  v".) 


—  295  — 

On  réservait  seulement  quelques  passages  où  étaient 
titrés  (apostés)  des  lévriers.  Une  troupe  nombreuse  de 
traqueurs  avec  des  meutes  de  chiens  foulaient  ensuite 
l'eaceinte  à  grand  bruit  et  forçaient  les  animaux  à  se 
jeter  dans  les  filets  ou  à  se  faire  prendre  par  les 
lévriers. 

Modus  vante  ces  chasses  qui  se  faisaient  avec  beau- 
coup d'apparat,  surtout  celle  des  sangliers,  qu'il  qua- 
lifie de  dédiiict  royal. 

Le  même  traité  enseigne  l'art  de  prendre  les  che-     aevreuiis 
vreuils  à  l  amorce. 

Pendant  l'hiver,  l'animal  affamé  était  attiré  dans 
un  trébuchet  au  moyen  d'une  gerbe  d'avoine.  En  tirant 
à  lui  cet  appât,  il  dégageait  une  verge  de  coudre, 
bonne  et  forte,  qu'une  corde  maintenait  courbée  et 
qui,  se  détendant  comme  un  ressort,  enveloppait  la 
bête  d'un  filet  le  plus  délijé  que  onpuet,  fors  qu'il  puisse 
tenir  un  chevreuil  (1). 

Les  panneaux  ou  pans  de  rets,  grands  filets  simples  Panneaux. 
ou  contre-maillés,  tendus  verticalement  autour  d'une 
enceinte  (2),  étaient  connus  des  Grecs,  des  Romains 
et  des  Francs,  comme  nous  l'avons  dit  au  commence- 
ment de  ce  paragraphe.  Très-usités  au  xvi^  siècle,  non- 
seulement  contre  les  loups ,  mais  contre  tous  les 
grands  animaux  (3),  et  même  contre  les  blaireaux  et 


(1)  Le  texte  du  Roy  Modus  est  peu  compréhensible  et  la  figure  qui 
l'accompagne  ne  l'est  pas  davantage. 

(2)  Nous  en  avons  parlé  ci-dessus  au  cli.  ii,  g  3  de  \a.  Louvelerie . 

(3)  En  général,  on  préférait  employer  les  toiles  pour  les  chasses  aux 
sangliers,  qui  pouvaient  trop  souvent  passer  à  travers  les  mailles  des 
filets. 


—  296  — 

les  putois.  Des  panneaux  plus  petits,  dits  pans  simples 
ou  conlre-maillés,  servaient  aux  paysans  braconniers 
du  XYif  siècle  à  prendre  les  lièvres  et  les  lapins  avec 
ou  sans  l'aide  d'un  chien  (1). 

Des  filets,  nommés  poches  ou  bourses,  semblables 
à  ceux  mis  en  usage  pour  chasser  au  furet  (2),  pou- 
vaient être  employés  pour  capturer  les  lapins  à  l'en- 
trée du  terrier  comme  à  la  sortie.  On  les  tendait  aux 
gueules  des  terriers,  et  les  lapins,  poursuivis  par  un 
chien,  venaient  s'y  jeter  (3). 

Les  grands  panneaux  sont  encore  employés  de  nos 
jours  pour  prendre  vivantes  les  bêtes  fauves  qu'on 
veut  transporter  d'un  lieu  dans  un  autre. 

§   3.    PIÈGES   ET   ENGINS    DIVERS. 

piétîc  Le  piège  proprement  dit  {pedica  des  Latins,  ^o^o- 

piopremcui    ^^^^^  ^^^  Grecs)  était  un  engin  qui  saisissait  les  ani- 
maux par  le  pied. 

La  ppdica  dentata,  mentionnée  par  Gralius  (4),  et 
décrite  par  Xénophon  et  le  grammairien  Pollux,  ser- 
vait à  prendre  les  cerfs,  les  chevreuils  et  les  sangliers. 
C'était  un  cercle  de  bois  garni  sur  sa  circonférence 


(I)  Voir  les  Muscs  innocenlrs  du  SuHIaira  iiirndi/'. 
Çl)  Voirie  livre  suivant. 

(3)  Les  Uuses  innucenles. 

(4)  Quid  qui  denlalas  ili/jno  vubure  rUtusil 
Vrnalor  pedicus {Ci/iier/cl.) 

ManiliiiP,   poêle    lalin  ,  ronteinpoiain    'h'   (lialiu?,    parle   aus^i   de^ 
pedicT.  (Voir  Viil.) 


—  297  — 

intérieure  de  clous  de  fer  et  de  bois  eu  opposition. 
Dans  ce  cercle  on  disposait  un  nœud  coulant  de  spar- 
terie,  auquel  était  attachée  une  lourde  pièce  de  bois; 
le  tout  était  placé  à  l'orifice  d'une  petite  fosse  égale 
en  rondeur  au  cercle,  et  recouverte  de  feuillages  et  de 
terre.  La  bête,  posant  le  pied  dans  le  cerceau,  se 
blessait  aux  pointes,  et,  retirant  vivement  sa  jambe, 
serrait  le  nœud  coulant  et  emportait  ainsi  la  bûche  qui 
y  était  attachée.  Les  chasseurs,  trouvant  le  piège  dé- 
placé, mettaient  leurs  chiens  sur  la  piste  de  l'animal, 
qui  était  bientôt  pris,  retardé  comme  il  l'était  par 
cette  bûche  pesante  (l). 

Il  n'existe  plus  de  trace  bien  distincte  de  ce  piège 
pendant  le  moyen  âge.  Le  mot  de  pedica  se  trouve 
néanmoins  dans  les  lois  des  Burgondes  et  des  Ri- 
puaires,  sans  qu'on  puisse  savoir  exactement  à  quelle 
espèce  de  piège  il  s'applique  (2). 

La  même  loi  des  Ripuaires  ainsi  que  celle  des  Vi- 
sigoths  parlent  de  balistes  qu'il  est  défendu  de  tendre 
en  certains  endroits  où  elles  pourraient  blesser  les 
passants. 

Il  est  probable  que  celte  sorte  d'engin  était  la  même 
chose  que  le  dardier  décrit  par  Gaston  Phœbns.  Cette 
machine  a  en  effet  une  certaine  analogie  avec  les 
balistes  de  guerre  de  l'antiquité. 

«  C'est,  dit  Phœbus,  une  perche  qui  soit  tendue 
bien  tirant  et  un  fer  d'espieu  bien  taillant  et  bien  agu 


(I)  Rich,  v"  Pedica.  —  Xi'nophoii.  C i/nnjclifjuc 
i'i)  Ducangc.  v  Pedica. 


Iiallslc  , 
dardier. 


—  298  — 

el  bien  liû  à  un  des  bouts  de  la  perche  d'un  coude  de 
Ion  et  demi  pié  de  large  et  une  petite  cordelete  qui 
soit  sur  le  pertuis  où  la  beste  vendra  (viendra)  et  un 
cliquet  tout  ainsi  que  un  ralier  pour  prendre  raz;  et 
quand  la  besle  y  cuydera  entrer,  elle  y  touchera  et  le 
deffichera  et  la  perche  vendra  de  si  très  grand  radour 
qu'il  li  passera  les  costez.  Plus  n'en  vueill  parler  de 
ce,  quar  c'est  vilaine  chasse.  » 

Les  animaux  pour  lesquels  on  tendait  les  dardiers 
étaient  les  ours  et  autres  bêles  voraces,  comme  les 
sangliers,  qui  venaient  la  nuit  manger  des  fruits  ou 
des  blés  dans  les  champs,  et  qu'on  attirait  vers  le 
pertuis  fatal  en  semant  dans  sa  direction  les  aliments 
dont  ils  étaient  friands. 
Ciiige.  Au  xv"  siècle,  on  prenait  des  sangliers  avec  un  cer- 
tain engin  appelle  caigc,  dont  on  ne  connaît  pas  bien 
la  nature  (1).  C'était  probablement  quelque  chose  d'a- 
nalogue aux  cages  à  prendre  les  loups,  que  nous  avons 
décrites  précédemment. 

Dans  le  Roman  du  Renard,  le  héros  à  longue  queue 
est  fréquemment  menacé  de  tomber  dans  divers  pièges 
nommés  ceoignole,  broïon  et  pochon. 

La  description  de  ces  engins  n'est  rien  moins  que 
claire  ;  on  peut  toutefois  conjecturer  que  la  ceoignole  (2) 


Cooigiuil 


(1)  Lettres  de  rémission  de  1474,  citées  par  D.  Carpcntier,  v°  Cagia. 
Le  savant  bénédictin  croit  que  la  cage  était  une  enceinte  de  lilets  ou  de 
toiles. 

(2)  Le  mot  do  ceoignole  ou  soigiiolle  {eieonella,  petite  cigogne,  petite 
grue)  servait,  au  moyen  âge,  à  désigner  diverses  machines  ayant  (jnel- 
(pie  analogie  avec  la  grue  à  eulevrr  les  fardeaux,  |tar  exemple  un  eu- 
gin  à  (endre  le?  arhalèles,  un  appaifil-à  liivi'  jCau  dans  les  puits,  etc. 


_  299  — 
consistait  en  un  Im  de  corde  ou  nœud  coulant,  tenu 
tendu  par  deux  paissons  et  amorcé  d'un  froiïiage  de 
gaain.  En  tirant  l'appât,  on  détendait  la  ceoignole,  et 
l'animal  était  pendu  par  le  col  (1). 

Le  hroïon  était  une  pièce  de  bois  de  chêne  fendue,      i^iuiou. 
que  tenait  ouverte  une  cheville  ou  clef.  Celte  clef  en- 
levée, les  deux  parties  se  resserraient  violemment  et 
prenaient  le  pied  de  la  bête.  Le  pochon  ou  pauçon      pochon 
paraît  avoir  peu  différé  de  la  ceoignole. 

Comme  les  loups  (2),  les  renards  et  laissons  se  pre-    iiaussepieds. 
naient  encore  aux  haussepieds.  Ce  piège  avait  aussi 
beaucoup  d'analogie  avec  la  ceoignole. 

Des  collets  de  corde  ou  de  fil  d'archal  servaient     couets. 
également  à  la  capture  des  lièvres,  des  lapins,  et  même 
des  blaireaux  (3). 

La  série  de  planches  dessinées  et  gravées  par  Ri- 
dinger,  sous  le  litre  de  «  Représentation  d'après  nature 
des  différentes  manières  de  prendre  vivant  ou  mort, 
par  ruse  ou  par  force,  toute  manière  de  gros  et  menu 
gibier  et  de  gibier  à  plume  (4),  »  nous  monlre  une 
grande  variété  d'engins  à  prendre  les  quadrupèdes, 
tels  que  trappes,  assommoirs,  parcs  et  pièges  de  fer. 


(1)  La  pièce  principale  de  ce  piège  rustique  était  probablement  une 
l)ièce  de  bois  élastique,  courbée  à  force  et  faisant  ressort. 

(2)  Voir  plus  haut,  liv.  VI,  ch.  ii,  ?  3. 

(3)  Les  Ruses  innocenles.  —  Le  Solilaire  inventif  ajoute  que,  comme 
les  bedouaus  tranchent,  il  faut  disposer  les  lacs  de  manière  à  les 
étrangler  incontinent. 

(4)  Nach  dev  Natur  rniworfenr  Vorslellangen,  ivie  ailes  lioch  ami 
niedcre  Wild ,  sami  de  m  Fedenvildprœlli  auf  verschidene  Weise  mil 
Vernunfl,  List  und  Gcwall  lebendif/  odcr  tod  nefangen  wird.  —  Aag- 
sparr/.  1750 


—  300  — 
Nous  y  renverrons  d'autant  plus  volontiers  les  curieux 
qu'un  coup  d'œil  jeté  sur  les  planches  de  l'habile 
dessinateur  allemand  leur  en  apprendra  plus  que  de 
longues  et  arides  descriptions. 


CHAPITRE  11. 

Gibier  à  plumes. 


Nous  comprendrons  dans  ce  chapitre  tout  ce  qui 
concerne  la  capture,  avec  pièges  et  engins,  des  oiseaux 
qui  sont  l'objet  ordinaire  des  poursuites  du  chasseur, 
tels  que  faisans,  perdrix,  cailles,  bécasses,  ramiers, 
bécassines,  canards  et  autre  sauvagine,  à  l'exclusion 
des  oisillons. 

§   1.    CHASSE   DU   GIHIER   A   PLUMES   AVEC   FILETS. 

Dans  sa  Somme  rurale,  chapitre  des  bans  et  défenses      chasse 
d'aoust,  Boutillier  nous  apprend  qu'il  était  interdit  au    "'"'  ''*'  "^' 
xv^  siècle  de  tendre  aux  perdrix  devant  le  jour  de  la 
Toussaint.  Cette  interdiction  s'étendait  aux  oiseaux  de 
rivière. 

A  cette  époque,  tout  noble  pouvait  tendre  aux  per- 


—  302  — 

drix,  tandis  que  le  haut  justicier  pouvait  seul  tendre 
aux  grosses  bêtes. 

Les  filets  qu'on  tendait  pour  les  perdrix  étaient  le 
traîneau  (1),  la  pantière,  la  culte,  le  hallier,  la  ton- 
nelle, la  tirasse  ;  renvoyant  aux  ouvrages  techniques 
pour  la  description  détaillée  des  premiers,  qui  sont 
restés  en  usage  jusqu'à  nos  jours  malgré  les  dispo- 
sitions prohibitives  des  lois,  nous  allons  dire  quelques 
mots  sur  la  chasse  des  perdrix  à  la  tonnelle,  à  la  ti- 
rasse, à  la  chanterelle  avec  filets,  à  l'amorce,  au  pa- 
villon, chasses  très-anciennes  et  auxquelles  nos  aïeux 
attachaient  une  certaine  importance;  ces  chasses,  par 
leur  nature  même,  ne  sont  d'ailleurs  pas  à  la  portée 
des  braconniers  de  profession,  et  sont  tombées  en 
désuétude  depuis  longtemps. 
Tonnelle.  La  tonuellc ,  que  Y Aviceptologie  française  signale 
comme  déjà  peu  en  usage  à  la  fin  du  siècle  dernier, 
était  un  filet  à  deux  pans  qu'on  tendait  à  angle  obtus 
de  chaque  côté  d'un  cul-de-sac  fait  en  forme  de  pain 
de  sucre,  et  se  terminant  en  pointe.  Cette  espèce  de 
nasse  était  fixée  sur  des  cerceaux  qui  allaient  en  di- 
minuant vers  l'extrémité. 

L'appareil  une  fois  tendu  dans  une  raie  de  blé,  le 
tooneleur  endossait  une  vache  artificielle  de  toile,  et 
poussait  tout  doucement  les  perdrix  devant  lui  en  imi- 
tant les  allures  d'une  bete  à  cornes  qui  pâture  (2). 


(1)  Ce  lilot  servait  aussi  à  prendre  des  faisandeaux. 

('2)  Le  Hoy  Mothis  appelle  cette  bête  arlilicielle  cheval  à  ])ri-dris: 


—  303  — 
Parfois  on  se  servait,  an  lion  de  la  vache  arlificiclle, 
d'un  véritable  cheval  enchevêtré  (1). 

Olivier  de  Serres  et  Sélincourt,  comme  nous  venons 
de  le  voir,  rangent  la  chasse  à  la  tonnelle  parmi  celles 
qui  doivent  faire  l'amusement  du  gentilhomme  cam- 
pagnard. Olivier  de  Serres  y  ajoute  seulement,  cette 
restriction  qu'il  fera  bien  de  la  laisser  à  ses  gens, 
comme  fatigante  et  exigeant  une  dose  de  patience  peu 
commune  (2). 

La  tirasse  était  un  grand  filet  carré  qu'on  traînait      Tirasse. 
avec  une  corde  bordant  un  des  côtés  (3).  Les  perdrix, 
faisans  ou  cailles,  qu'on  voulait  prendre  avec  ce  filet, 
étaient  d'abord  arrêtés  par  un  chien  très-ferme  (4),  et 
l'on  jetait  le  filet  sur  lui  et  sur  son  gibier. 

Ronsard  chassait  avec  grand  plaisir  à  la  tirasse, 
au  moyen  d'un  chien  excellent  que  lui  avait  donné 
son  ami  Jean  Brinon,  conseiller  au  parlement. 


Mais  sur  tous  les  plaisirs  de  la  chasse  amiable 
Celle  du  chien  couchant  m'est  la  plus  agréable. 


Claude  Gauchet,  chevalet  et  cheval  contrefaict.  G.  Phœbus  parle  du 
perclrisseur  qui  en  «  chantant  et  flajolant  et  prenant  ses  tours  tousjours 
plus  près  de  elles  sans  les  faire  effroy,  moine  les  perdriz  à  la  tonne.  » 

(1)  Voir  la  suite  de  gravures  de  Ridinger  intitulée  Ftirslcnhist  (le 
plaisir  des  princes). 

(2)  Aussi  l'actif  frère  Jehan  des  Entommeures  ne  prenait-il  pas  de 
plaisir  à  la  tonnelle.  Voir  plus  haut.  Liv.  I,  ch.  iv. 

(3)  Cette  corde  était  quelquefois  tenue  par  des  hommes  à  cheval,  et 
un  oiseau  de  proie  dressé  planait  au-dessus  des  perdrix  pour  les  em- 
pêcher de  s'envoler.  (Voir  les  gravures  de  Stradan  et  celles  de  Jost 
Amman.) 

(4)  Voir  Claude  Gauchet. 


Ch.isse 
(les  perdrix 
à  l'amorce. 


—  304  — 

Vous  diriez  à  le  voir  (le  chien)  et  qu'il  est  raisonnable 

El  qu'il  a  jugement,  tant  il  est  admirable 

En  son  mestier  appris,  et  accort  à  flairer 

Los  perdris,  et  les  faire  en  crainte  demeurer 

En  quatre  coups  de  nez  il  évente  une  plaine 

Et  guidé  de  son  flair  à  petits  pas  se  traîne 

Le  front  droit  au  gibier,  puis  la  jambe  élevant 

Et  roidissant  la  queue,  et  s'allongcant  devant, 

Se  tient  ferme  planté,  tant  qu'il  voye  la  place 

Et  le  gibier  motte,  couvert  de  la  tirace  (1). 

La  tirasse,  mentionnée  par  Belon  comme  servant  à 
prendre  les  cailles,  fut  prohibée  par  l'ordonnance  de- 
1600,  mais  le  parlement  de  Toulouse  ne  voulut  en- 
registrer celte  ordonnance  qu'en  conservant  aux  sei- 
gneurs et  à  toutes  personnes  autres  que  les  laboureurs 
le  droit  de  chasser  à  la  tirasse  et  aux  chiens  couchants 
dans  son  ressort. 

Louis  XIV  s'amusait,  de  temps  à  autre,  à  voir 
tirasser  dans  ses  parcs  des  perdrix  et  des  faisans, 
en  présence  des  dames  (2). 

La  chasse  des  perdrix  à  Vamorce  ou  à  l'appât,  à  la- 
quelle Sélincourt  consacre  un  chapitre  spécial,  consis- 
tait à  agrener  pendant  quelque  temps  les  oiseaux  pour 
les  accoutumer  à  venir  tous  les  jours  à  une  même 
place,  011  était  préparé  un  rets  saillant  qu'un  chasseur 
embusqué  dans  une  hutte  faisait  tomber  sur  eux  en 
tirant  une  corde  (3). 

Dans  la  chasse  au  pavillon  dont  parle  le  Roy  Modus, 
au  lieu  de  la  roye  saillante,  les  perdrix  étaient  attirées 


'.1)  Poëincs  de  Ronsard,  liv.  I,  t.  VI  de  l'édition  de  M.  P.  Blanchemain. 

(2)  Dangeau,  t.  \L 

(3j  Voir  le  fioy  Modus.  —  Voir  Séiincoui't  et  VEnci/clopédie. 


—  305  — 

vers  un  pavillon,  «  tout  rond  par-dessus  et  lascliié  de 
fil  qui  ne  soit  mie  trop  délié;  »  le  tout  recouvert  de 
branches  de  genêt.  Les  oiseaux  y  entraient  par  une 
sorte  d'entonnoir  en  filet;  une  fois  entrés,  ils  ne  pou- 
vaient plus  retrouver  le  passage  pour  sortir,  et  res- 
taient pris  (1). 

La  chasse  aux  filets  avec  la  chanterelle  était  connue 
d'Aristote  (2).  Elien,  Solin  et  Pline  en  ont  parlé 
d'après  lui. 

La  chanterelle  était  le  plus  souvent  employée  avec  chmtereiie. 
le  hallier.  Parfois  on  la  remplaçait  par  un  appeau,  et 
la  perdrix  venait  se  prendre  soit  dans  un  hallier,  soit 
dans  un  petit  filet  nommé  pochette  qu'on  tendait  dans 
les  bruyères  ou  dans  les  vignes,  à  l'aide  d'une  hous- 
sine  de  coudrier  (3). 

Claude   Gauchet  a  consacré   quelques  vers  à   la      ci,ass« 
description  d'une  chasse  aux  cailles  avec  appeau  et  avl"^a'i,wu. 
rets  : 

Ore,  avec  le  caillé  (4)  de  la  caille  femelle 
Nous  imitons  la  voix  qui  semble  naturelle 
Au  masle  qui  l'entend,  que  s'il  respond  au  chant 
Et  contrefaict  et  feinct  nous  allons  l'aleichant 


(1)  Le  Roy  Modus.  —  Ce  piège  est  encore  usité  en  Allemagne.  Voir 
l'ouvrage  intitulé  die  lagd  in  Rildern  (La  chasse  eu  images). 

(2)  Aristote  croyait  que  le  chant  du  coq-perdrix  faisait  venir  les 
mâles  qui  voulaient  provoquer  l'appelant  au  combat,  et  que  la  perdrix 
femelle  attirait  ses  rivales  du  même  sexe.  Chez  les  modernes  on  ne 
se  sert  que  de  perdrix  femelles. 

(3)  Aviceplologie .  —  Encyclopédie. 

(4)  Ou  courcaillel,  appeau.  — Dans  le  canton  appelé  le  Taradoit,  aux 
environs  de  Marseille ,  la  chasse  aux  cailles  se  faisait  à  peu  près  de 
la  même  manière,  c'est-à-dire  avec  des  appelants  et  des  filets,  pen- 
dant le  passage  de  retour.  Les  fdets  n'étaient  pas  des  rets  saillants, 
mais  des  espèces  de  pantières  en  soie  verte.  Ils  coûtaient  fort  chei',  et 

iw.  20 


—  30G  — 

Soubs  la  rets  qu'eslenduns  sur  la  verdure  belif 
D'un  bled  ju  grandelet,  alors  de  course  isnelle 
Il  s'en  vient  droicl  dessoubs  et  plein  d'un  chaut  désir 
Il  ccrche,  il  chante,  il  court,  et  goulu  du  plaisir 
A  son  dam,  il  se  met  sous  la  rets  estendue 
Pensant  trouver,  paillard,  sa  femme  prétendue. 
Qui  est  au  guet  se  lève,  allors  espouvanté, 
Voilant,  pauvre  il  se  sent  dans  la  maille  arresté 

Chasse  II  y  avait  plusieurs  manières  de  chasser  les  bécasses 
1  casses.  ^^^  fjlets.  Une  des  plus  usitées  était  la  chasse  à  la 
panlière.  Dans  un  vallon  creux  et  étroit,  arrosé  par 
une  fontaine,  on  tendait  une  pantière  simple  ou  con- 
Ire-maillée  (1)  de  24  à  30  pieds  (7",78  à  O^Ji)  de 
haut,  liée  à  deux  perches  qu'on  attachait  elles-mêmes 
à  des  arbres.  Le  chasseur,  caché  dans  une  hutte  de 
feuillages,  tenait  à  la  main  un  cordeau,  au  moyen 
duquel  il  faisait  tomber  le  filet,  aussitôt  qu'une  bé- 
casse y  avait  donné  (2).  On  les  prenait  également  à  la 
rajle  (3). 

Au  xvf  siècle,  suivant  Belon,  on  prenait  les  bé- 
casses matin  et  soir,  «  à  la  volée,  tant  aux  panneaux 
qu'au  pannelet  et  au  royzelet  (petit  roijs  ou  retz),  et  à 
ce  faire,  on  se  couvre  d'un  cheval  à  perdris  ou  d'un 
foluel  (4).  Car  la  bécasse  est  moult  sotte  beste,  qui  ne 


les  riches  propriétaires  de  bastides  étaient  seuls  en  étal  d'en  faire  les 
frais.  On  jirenait  de  cette  façon  de  1,5U0  à  2,000  oiseaux  iiendant  le 
jiassage.  Voir  Magné  de  Marolles. 

{[)  La  pantière  contre-maillée  était  faite  de  trois  pièces,  deux  mi~ 
niées  et  une  nai)pe.  —  La  chasse  des  bécasses  à  la  pantière  est  repré- 
sentée dans  les  gravures  de  Stradan. 

(2)  Encyclopédie. 

(3)  Sur  cette  chasse  nocturne,  voir  le  chapitre  suivant. 

(4)  Le  cheval  à  perdris  était  un  engin  seml)lable  à  la  vache  artili- 
cielle.  Le  foluel  devait  êlre  ce  que  VEnei/clopédic  ai>|>ell(^  un  leurre, 


—  307  — 
s'espouvanle  aysémenl;  parquoy  l'homme  ainsi  cou- 
vert approclie  d'elle  moult  asseurément,  et  après  que 
l'homme  a  tendu  son  pannelet  ou  son  royzelet,  il  la 
conduit  facilement  jusque  dedens.  » 

La  canepetière  était  également  prise  au  filet,  ainsi       ciia^se 
que  les  pluviers;  ces  derniers  étaient  chassés  sur  une     canepetière 
iifrande  échelle  en  Beauce  et  dans  les  autres  pays  de    ,     f . 

o  r    J  (les  pluviers. 

labourage  où  ces  oiseaux  abondent  en  hiver. 

Les  paysans  se  rendaient  en  bandes  dans  les  localités 
où  des  volées  de  pluviers  leur  étaient  signalées;  l'un 
d'entre  eux  portait  un  filet  nommé  le  harnois  (1)  et  le 
tendait  en  rase  campagne  à  découvert,  caries  pluviers 
ne  s' elfaroiichcnt  pas  pour  peu  de  chose.  Les  autres  for- 
maient un  grand  cercle  et  approchaient  des  pluviers 
en  se  traînant  sur  le  ventre.  Dès  qu'ils  voyaient  le 
harnois  tendu,  ils  se  levaient  de  roideur  pour  faire  la 
huée  et  jetaient  en  l'aire  des  marotes  qu'ils  tenaient  à 
la  main,  effarant  ainsi  les  oiseaux  qui  s'envolaient  en 
rasant  terre  et  donnaient  dans  les  rets  que  l'oiseleur 
faisait  tomber  sur  eux  (2). 


«  espèce  de  bouclier  fait  de  petites  verges,  au  milieu  du([uel  est  un 
morceau  de  drap  rouge.  »  (Art.  Perdrix.)  Les  Romains,  suivant  Némé- 
sianus,  se  servaient  de  même  de  la  peau  d'un  cheval  blanc  pour 
prendre  les  bécasses  : 

FuUus  equi  niveis  silvas  pek  proliniis  allas 
Exuviis,  prxda  csl  facilis  el  ainœna  scolopax. 
Un  cheval  dressé  ou   la  peau  d'un  cheval  était  aussi  employé  par 

eux  pour  prendre  l'outarde  au  filet.  (Voir  Athénée,  cité  par  BulTon, 

art.  Oulardc.) 

(1)  Ce  harnois,  dit  aussi  rets  saillant  ou  nappe,  était  un  filet  composé 
de  deu.s.  pièces  rectangulaires  tendues  sur  des  perches  nommées 
(juèdes.  On  le  rabattait  sur  les  oiseaux  qui  s'engageaient  dans  Vaire 
des  fdels  en  tirant  une  corde.  Voir  les  R^iscs  innoccnles. 

(2)  Belon. 


aux  paloiiiLes, 

bisets 
ellûurten-lles. 


—  308  — 

Chasse  Pour  prendre  les  bécassines,  on  se  servait  du  traî- 

auxLécassincs.  ^^^^  ^^  j.^^  ^^_^^  triangulaire  de  7  à  8  pieds  de  long 

sur  6  de  large  (T",^!  à  2", 59  sur  l",94j,  monté  sur 
une  espèce  de  grande  fourche  qu'on  tenait  par  le 
manche  et  qu'on  portait  horizontalement.  L'oiseleur 
promenait  son  filet  dans  les  prairies  où  il  savait  trou- 
ver des  bécassines;  elles  se  levaient  devant  lui  et  don- 
naient dans  les  mailles.  Un  homme  adroit  et  connais- 
sant bien  les  localités  prenait  jusqu'à  cent  oiseaux 
dans  sa  journée  (1). 
ctese  La  loi  salique  défendait  de  dérober  la  tourterelle 

prise  dans  le  piège  ou  le  filet  d'autrui  (2). 

La  chasse  aux  filets  des  ramiers  ou  palombes  et  des 
bisets  dans  les  vallées  de  la  basse  Navarre,  de  la 
Soûle,  du  Béarn  et  autres  pays  voisins  des  Pyrénées, 
avait  jadis  une  grande  importance,  qu'elle  a  conservée 
en  partie  (3).  Elle  se  faisait  avec  des  appareils  consi- 
dérables dont  la  description  n'occupt;  pas  moins  de 
vingt  pages  dans  le  Traité  de  la  chasse  au  fusil  de 
Magné  de  Marolles.  Nous  allons  en  donner  un  résumé 
aussi  succinct  que  possible. 
oraniies         Hult  à  qualorzc  filets,  hauts  de  9  toises  (I7"',5i)  et 
paiomières.    |^j,gçg  (Je  4  à  5  (7",79  à  9", 74),  sont  hissés  à  l'aide  de 
poulies  attachées  à  de  grands  arbres  dans  une  des 
vallées  servant  de  passage  habituel  aux  bandes  nom- 


Ci)  Labruyerre. 

(2)  Turlurem  de  rete 

(3)  En  1578,  le  vicomte  de  Turenno,  ayant  voulu  rendre  visite  à  Ca- 
therine de  Médicis  en  la  ville  d'Auch,  ne  put  voir  la  Reine-Mère  «  es- 
tant allée  à  une  tente  de  palombes.  »  Méni.  de  Turenne. 


—  ;509  — 

breuses  de  ramiers  et  de  bisels  qui  vont  de  France 
en  Espagne  pendant  les  mois  de  février  et  de  mars. 

Aux  cordes  qui  soutiennent  les  filets  de  chaque 
côté  sont  attachées  des  pierres  qui  les  font  tomber 
plus  rapidement,  quand  l'oiseleur,  caché  derrière  une 
petite  haie  dite  emparence,  lâche  ses  cordes. 

Trente  pas  en  avant  des  filets,  se  place  la  trèpe,  ca- 
bane de  branchages,  juchée  sur  trois  troncs  d'arbres 
en  forme  de  trépied. 

Avant  la  trèpe,  à  droite  et  à  gauche,  des  cabanes 
semblables  sont  établies  sur  des  arbres  ;  on  les 
nomme  battes.  D'autres  huttes,  couvertes  de  fou- 
gère, sont  construites  sur  le  sol  des  coteaux  qui  for- 
ment la  gorge. 

Lorsqu'une  bande  de  palombes  s'y  engage ,  les 
chasseurs,  postés  dans  les  battes,  lancent  en  l'air  des 
matous  ou  raquettes  de  bois  blanchies  à  la  chaux, 
pour  effrayer  les  oiseaux  et  les  empêcher  de  s'é- 
carter à  droite  ou  à  gauche  (1). 

Lorsque  le  vol  est  arrivé  à  la  trèpe ,  l'oiseleur  qui 
y  est  embusqué  jette  à  son  tour  son  matou  et  oblige 
les  ramiers  à  s'abaisser  presque  au  ras  du  sol  et  à  se, 
précipiter  dans  les  filets;  aussitôt  les  hommes  des  em- 
parences  lâchent  les  cordes,  et  les  filets  tombent  sur 
les  oiseaux. 

On  a  vu  prendre  jusqu'à  cent  soixante  palombes 


(1)  On  suppose  que  les  ramiers  prennent  ces  raquettes  pour  des  oi- 
seaux de  proie. 


—  310  — 

d'un  coup  de  filet,  mais  il  est  fort  rare  qu'un  en  cap- 
ture à  la  fois  plus  d'une  centaine  (1). 

On  prenait  presque  toujours  des  bisels  avec  les  pa- 
lombes; mais  il  y  avait,  principalement  dans  les 
basses  vallées,  des  appareils  spéciaux  pour  ces  oiseaux. 
On  les  nommait  pantières;  la  disposition  en  était  à 
peu  près  la  même  que  celle  des  palomières. 

Pour  attirer  les  bisets  dans  les  pantières,  on  se  ser- 
vait souvent  d'appeaux  vivants  (2). 
neis saiiimt.       Ou  cliassait  aussi  les  ramiers  avec  la  rets  saillante. 
Claude  Gauchet  donne  une  description  assez  détaillée 
de  cette  chasse. 

Les  oiseaux  étaient  agrenés  en  temps  de  neige  avec 
des  faînes,  et  prenaient  ainsi  l'habitude  de  fréquenter 
une  place  où  l'oiseleur  venait  tendre  ses  rets.  Puis, 
pour  les  asseurer,  il  allait  chercher  dans  les  bois  l'en- 
droit où  les  ramiers  avaient  passé  la  nuictée,  et  les 
attirait  en  chifflant  vers  le  piège. 

Lorsque  la  grand' troupe  s'est  enfin  abattue  sur  la 
place  où  est  semée  l'amorce,  le  chi/fleur 

Prend  le  cordeau  tendu,  dans  ses  mains  il  le  ]iasse, 
Et  s'estriquant  des  pieds  en  tirant  se  roidit 
La  guille  (3)  se  desbande  et  dedans  Tœr  bondit 
La  corde  en  saute  en  haut,  d'une  secousse  telle 
Qu'en  un  instant  l'oiseau  couvert  de  la  liscolle, 
Pensant  s'ostcr  de  là,  void  en  un  couj)  et  sent 
Sous  la  neige  caché  le  fdet  qui  descend. 

Chasse  Du  temps  du  Roy  Modus  on  prenait  la  nuit  an  feu 

an  fini. 


(I)  Dans   la  iialuinièrc   di'  Liccral/ ,  ou    priMiail   anum'IlcuiL'iit    1    à 
0,000  ramiers  et  ([uelques  liiselt;.  (Ma^ni''  de  Marollos.) 
(-2)  Mngné  de  Mai-oiies. 
(:5)  liuilh:  ou  ijiihlr.  pcrrho  diifilcl. 


—  311  -- 
pertrijc,  bécaches,  ividccoK  (I),  oiseaalx  de  rivière  et  moult 
d'autres.  Pour  faire  celle  l'oiiée,  dit  le  sage  monarque, 
«  ils  sont  trois  gens,  les  uns  portent  le  feu  et  la  cloclie 
les  autres  ij  portent  chacun  ung  réseul  et  celuy  qui 
porte  le  feu  et  la  cloche  est  entre  les  deux  autres  (2).  » 
LesmewIiC  employés  à  cette  chasse  étaient  des  couvcr- 
toirs  à  long  manche  (3). 

La  chasse  des  perdrix  au  feu  avec  filels  était  sur- 
tout pratiquée  en  Allemagne  du  temps  de  Sélin- 
court. 

«  Quand  la  gelée  tient  les  champs  secs,  on  choisit 
un  heu  propre  à  coucher  un  long  filet,  assujetti  et 
tendu  par  des  cordes,  de  manière  qu'il  soit  prompt 
et  preste  à  s'abattre,  à  peu  près  comme  les  nappes  du 
filet  d'alouettes,  mais  sur  un  espace  plus  long;  on  le 
recouvre  de  poussière  ;  puis  on  y  place  quelques  oies 
privées  pour  servir  d'appelants  ;  il  est  essentiel  de  faire 
tous  ces  préparatifs  le  soir,  et  de  ne  pas  s'approcher 
ensuite  du  fdet,  car  si  le  matin  les  oies  voyaient  la 
rosée  ou  le  givre  abattus,  elles  en  prendraient  dé- 
fiance. Elles  viennent  donc  à  la  voix  de  ces  appelants, 
et,  après  de  longs  circuits  et  plusieurs  tours  en  l'air, 
elles  s'abattent.  L'oiseleur,  caché  à  cinquante  pas  dans 


Chasse 

des  oiseaux 
aqualiqucs. 

Chasses 

avec 

appelants. 


(^1)  Le  Roy  Modiis  désignant  d'habitude  notre  bécasse  par  le  mot  de 
wldccoq,  il  est  à  croire  que  ses  hécaclics  sont  des  bécassines.  Yoir  Ma- 
gné de  MaroUes. 

(2)  On  chassait  encore  la  bécasse  de  cette  manière  en  Bretagne,  il  y  a 
quelques  années.  Voir  La  vie  à  la  campagne,  t.  II. 

(3)  La  chasse  des  perdrix  au  feu  avec  un  couvertoir  est  figurée  dans 
les  planches  de  Stradan.  Olivier  de  Serres  parle  aussi  de  celte  chasse. 
Voir  plus  haut. 


—  312  — 

une  fosse,  lire  à  temps  la  corde  du  filet,  et  prend  la 
troupe  entière  ou  en  partie  sous  sa  nappe.  »  C'est  en 
ces  termes  que  Pierre  de  Crescens,  dans  son  livre  des 
Profits  champêtres,  composé  à  la  fin  du  xui^  siècle, 
décrit  la  manière  de  prendre  les  oies  sauvages  avec 
les  rets  saillants  (1). 

Une  épigramme  d'Alciat  nous  fait  voir  qu'au  com- 
mencement du  xvi^  siècle  on  savait  de  même  attirer 
les  canards  sauvages  dans  les  filels,  à  l'aide  d'appe- 
lants (2). 

«  Où  les  canards  et  autres  oyseaux  de  rivière  abon- 
dent, dit  Olivier  de  Serres,  comme  es  grands  estangs 
et  près  des  mers,  là  on  s'exerce  en  grand  volume  en 
telle  espèce  de  chasse,  mesme  en  Holande  en  ceste 
manière.  On  y  employé  un  canari  vif,  attaché  au  bord 
de  l'eau  qui  appelle  les  passagers,  lesquels  tombez 
en  l'eslang,  s'en  vont  treuver  celuy  qui  les  invite  :  et 
à  ce  que  ce  soit  tant  plus  lost  et  en  tant  plus  grande 
troupe,  un  chien  duit  à  tel  service,  nageant  par  l'es^ 
tang,  les  va  ramassant  des  lieux  les  plus  esloignez 
pour  leur  faire  tenir  le  chemin  requis,  où  assemblez, 
se  treuvenl  prins  par  le  moyen  d'un  filé  la  auparavant 


(1)  Opus  ruraliuiii  commodovwn.  Imprimé  à  Augsbourg  on  1471.  — 
Voir  aussi  les  Chasses  de  Stradan. 

{T)  Allilis  allectalor  anas 

Congénères  cernens  volilare  per  aéra  turnuts, 
Garril,  in  iilanim  se  recipilque  f/regem, 
Incaulds  (fnnrr  prœlcusa  in  relia  durai. 

{Epiçiraininula  selecla  eu:  Anlholof/id,  latine  versa.  Bàlo,  1529.)  Si 
relte  ô])igiKn)me  est  réolleniciit  traduite  du  grec,  elle  ferait  remonter 
relto  sorte  de  cette  diassc  à  une  haute  anti<iuité. 


—  313  — 

tendu,  qu'un  homme  caché  auprès  deslend  quand  il 
en  void  le  poinct  (1).  » 

Angelio,  dans  son  poëme  latin  sur  l'oisellerie,  en- 
seigne une  manière  de  prendre  les  canards  aux  filets 
qui,  comme  celle-ci,  n'est  pas  sans  analogie  avec  les 
grandes  canardières  dont  il  sera  parlé  ci-après.  On 
couvre  de  filets  en  forme  de  berceau  une  petite  ri- 
vière ayant  son  embouchure  dans  un  lac  ou  étang. 
On  entoure,  avec  nombre  de  barques,  les  canards  ou 
autres  oiseaux  aquatiques  qui  se  trouvent  sur  l'étang, 
et  on  les  pousse  vers  la  rivière  (2). 

La  chasse  aux  canards  sur  les  étangs  du  Ponthieu, 
qui  est  roijale,  dit  Sélincourt,  se  pratiquait  de  la  ma- 
nière suivante  au  xvu*  siècle  : 

Tous  les  ans,  au  mois  de  juillet,  lorsque  les  oiseaux       cimsse 

.     ,  ^  ,         .  aux  canards 

de  rivière  sont  en  mue  et  ne  peuvent  voler,  on  reunis-  sur  les 
sait  les  paysans  de  plusieurs  villages  assujettis  à  ce  poXieu" 
service  à  titre  de  corvée;  on  les  faisait  dépouiller  et 
entrer  dans  les  roseaux  des  étangs  pour  faire  un  tric- 
trac, tandis  que  les  officiers  de  la  maîtrise  (des  eaux  et 
forêls)  suivaient  les  bords  en  bateaux  pour  les  faire 
marcher  en  bon  ordre.  De  grands  panneaux  étaient 
tendus  d'espace  en  espace  au  travers  de  l'élang.  Les 
traqueurs,  armés  de  longues  gaules,  poussaient  douce- 


(1)  Cette  chasse  aux  lilels,  assez  vagnenjent  décrite  par  l'auleur  tli) 
Théâtre  d'agricuUure,  est  évidemment  la  mènie  que  celle  dont  il  sera 
parlé  un  peu  plus  bas  et  qui  se  faisait  avec  des  canardières  en  Hol- 
lande et  en  Picardie.  L'attirail  de  filets  devait  seulement  avoir  moins 
d'importance  que  dans  cette  dernière. 

(2)  [chneulicon,  sive  de  Aucitpio,  lib,  I.  (Dant  un  lecucil  de  poésies 
ini]iriniées  à  Rome  en  1585.) 


—  314  — 

meiU  les  palmipèdes  jeunes  ou  adultes  vers  les  filets, 
au  bout  desquels  étaient  a[)Ostés  des  guetteurs.  Arrivés 
au  premier  panneau,  les  chasseurs  passaient  outre, 
après  avoir  saisi  tous  les  oiseaux  qui  s'y  étaient  jetés, 
et  la  chasse  continuait  de  même  jusqu'à  l'extrémité 
de  l'étang. 

Dans  ces  trictracs  on  prenait  une  quantité  prodi- 
gieuse d'oiseaux  aquatiques  de  toute  sorte. 
cananiiores.       Ou  capturail  aussi,  pendant  les  passages,  une  mul- 
titude de  palmipèdes  au  moyen  de  canardières. 

Une  des  plus  importantes  était  celle  établie  sur 
l'élang  d'Armainvilliers  en  Brie,  qui  appartenait  vers 
la  fin  du  xvjk"  siècle  au  duc  de  Penlhièvre. 

D'une  anse  ombragée  par  des  bois  et  des  roseaux, 
que  l'eau  formait  sur  un  des  côtés  de  ce  vaste  étang, 
on  avait  dérivé  des  canaux,  nommés  cornes,  qui  péné- 
traient en  se  recourbant  dans  l'intérieur  du  bois,  et 
diminuaient  progressivement  de  largeur  et  de  pro- 
fondeur. 

Ces  canaux  étaient  recouverts  de  filets  en  berceau, 
qui  allaient  aussi  en  se  resserrant  et  s'abaissant,  et 
finissaient  à  la  pointe  du  canal  par  une  nasse  pro- 
fonde et  formant  poche. 

Au  centre  du  bocage  et  des  canaux,  dans  une  petite 
maison,  était  installé  à  poste  fixe  le  canardier,  qui 
nourrissait  une  centaine  de  canards  demi-privés  ou 
traîtres,  vivant  en  liberté  sur  l'étang,  et  accoutumés 
à  venir  prendre  leur  nourriture  dans  les  canaux  à 
heure  fixe,  au  signal  d'un  coup  de  sifflet. 

Au  moment  du  passage,  lorsipie  des  nuées  de 
canards  sauvages,  de  southels,  de  garrots,  de  sar- 


—  315  — 

celles  venaient  s'abattre  sur  l'étang,  le  canardier 
donnait  à  ses  traîtres  le  signal  accoutumé;  ceux-ci 
arrivaient  en  volant  dans  l'anse,  et  entraînaient  avec 
eux  les  oiseaux  sauvages  jusque  dans  les  cornes.  Le 
canardier  les  faisait  avancer  sous  le  berceau  de  Glels 
en  jetant  du  grain  devant  eux.  Puis,  se  montrant 
dans  les  intervalles  ménagés  exprès  entre  des  claies 
disposées  obliquement,  qui  jusqu'alors  l'avaient  caché 
aux  arrivants,  il  effrayait  ceux  qui  étaient  sous  le  ber- 
ceau, et  les  poussait  jusqu'au  fond  du  cul-de-sac,  où 
ils  s'enfonçaient  dans  la  nasse.  On  en  prenait  ainsi 
jusqu'à  une  soixantaine  à  la  fois,  et  des  milliers  dans 
le  cours  d'une  saison  (1). 

Une  chasse  analogue  se  faisait  en  Angleterre,  dans 
les  marais  des  comtés  de  Lincoln  et  de  Norfolk,  ainsi 
qu'en  Hollande,  sur  le  Queller-Duyn,  et,  en  France, 
dans  quelques  cantons  marécageux  du  Laonnais  et  de 
la  Picardie  (2).  Dans  ces  pays,  outre  les  canards  traîtres, 
on  se  servait  de  petits  chiens  roux,  assez  semblables 
de  pelage  à  des  renards. 

Ces  animaux  attirent  les  oiseaux  aquatiques  par  un 
effet  de  l'antipathie  qu'inspire  à  ceux-ci  le  quadru- 
pède malfaisant  dont  ils  ont  I;i  couleur,  connue  on 
voit  les  moulons  s'avancer  sur  un  chien  étranger  et 
les  oisillons  se  rassembler  autour  du  hibou  (3). 


(1)  Lettre  de  M.  Ray,  secrétaire  des  commandements  de  S.  A.  Ms"-  le 
duc  de  Pcnthièvre  à  M.  deBuffon.  —  Hisl.  nul.,  art.  Canard. 

(2)  Encyclopédie,  au  mot  Canardicrc.  —  Mémoire  sur  les  canards 
fonimuniqué  à  Buffou  jiar  M.  nébci't  dnns  Vllisl.  )ial.,  art.  Canard. 

(:?)  C-i'i^  l)otils  chiens  sont  aussi  les  principaux  acteurs  d'une  chassi' 


—  316  — 

Les  appelants  étaient  encore  utilisés  pour  attirer 
les  oiseaux  d'eau  soit  dans  des  halliers  tendus  autour 
d'un  canton  de  joncs,  soit  dans  la  forme  ou  espace 
que  peuvent  recouvrir,  en  se  rabattant,  des  filets  en 
façon  de  nappes,  assujettis  sur  la  vase  à  l'aide  de  deux 
fortes  barres  de  fer.  Ces  filets  sont  manœuvres  avec 
des  cordes  de  détente  que  le  chasseur  tire  d'une  hutte 
où  il  se  tient  caché,  lorsqu'il  a  réuni  au  moyen  de  ses 
traîtres  un  nombre  suffisant  de  palmipèdes  dans  la 
forme.  On  en  prend  souvent  une  douzaine  d'un  coup 
par  ce  moyen. 

§  2.   CHASï>E   DU   GIBIER   A  PLUMES  AVEC   DIVERS  ENGINS. 

ciKtsse  Parmi  les  moyens  que  le  Roy  Modiis  enseigne  à  son 

(lu  faisan  au  .  •  i         i  n    •  -i 

miroir,  appreiiti  pour  prendre  les  faisans,  il  en  est  un  assez 
bizarre  qui  consiste  à  attirer  avec  des  grains  ce  noble 
oiseau  jusqu'auprès  d'une  cage  sous  laquelle  est  un 
grand  miroir.  Il  croit  voir  un  rival,  se  jette  sur  le 
miroir  bien  roidement  et  fait  tomber  la  languette  à 
quoij  la  raige  est  tenue  (I). 

Buffon  dit  de  même,  sur  la  foi  d'Aldrovande,  qu'il 


au  fusil  très-productive,  qu'on  nomme  le  badinage,  et  qui  est  encore 
pratiquée  sur  les  rivières  et  les  étangs  de  la  Franche-Comté.  (  Voir, 
sur  la  chasse  au  badinage  en  Franche-Comté,  deux  articles  intéres- 
sants de  M.  le  comte  de  Reculot,  dans  le  Journal  des  chasseurs,  1836 
et  1837.) 

(l)  On  se  servait  aussi  d'une  esjjèce  de  cage  vulgairement  appelée 
Urbuchet,  mue  ou  tombereau,  pour  prendre  une  comjtagnie  de  perdrix 
appusiées  en  un  lieu.  (Voir  les  Ruses  innocentes,)  hc  lumbcrel  du  Itoy 
Modus  est  un  lilet,  une  espèce  de  rets  saillant. 


—  317  — 

suffît  de  présenter  au  faisan  sa  propre  image,  ou  seu- 
lement un  morceau  d'étoffe  rouge  ,  cousu  sur  une 
toile  blanche,  pour  l'attirer  dans  le  piège. 

On  a  déjà  vu  (livre  II)  comment  le  Roy  Modus  et 
Belon  décrivent  la  chasse  de  la  bécasse  à  la  foUe- 
touère.  On  prenait  aussi  cet  oiseau  au  collel,  au  re- 
jettail  ou  rechargeouer,  «  qui  est  un  archet  auquel  on 
a  tendu  un  lasset  pour  les  prendre  par  le  pied  (1).  » 

Les  bécassines  se  prenaient  également  au  rechar- 
geouer (2). 

On  tendait  des  lacs  ou  collets  (3)  à  toute  espèce  de 
gibier  emplumé,  perdrix  attirées  avec  la  chanterelle, 
faisans,  râles  noirs,  poules  d'eau  (4),  bécasses  (5)  et 
lagopèdes  (6). 


(1)  Belon.  —  Ce  piège  est  Jiguré  dans  les  gravures  de  Ph.  Galle, 
d'après  Stradan. 

(2)  Ibidem.  —  Labruyerre  parle  aussi  de  cet  engin  sous  le  nom  de 
sauterelle^  comme  employé  contre  les  bécassines. 

(3)  Selon  VAviceplologie,  le  lacel  ne  doit  pas  être  confondu  avec  le 
collet,  M  car  dans  celui-ci  la  présence  de  l'oiseleur  devient  inutile,  au 
lieu  qu'elle  est  indispensable  pour  la  chasse  au  lacet.  »  Cependant  ces 
deux  mots  sont  employés  indifféremment  par  la  plupart  des  auteurs  et 
dans  le  langage  usuel. 

Le  lacet  ou  nœud  coulant  est  un  des  premiers  engins  inventés  par 
l'homme  en  tout  pays.  Il  en  est  fait  mention  dans  l'Écriture  sainte;  les 
Grecs  et  les  Romains  s'en  servaient  beaucoup.  Dans  le  XXII"  livre  de 
ÏOdyssée,  Homère  compare  les  esclaves  coupables  pendues  par  Télé- 
maque  à  des  colombes  ou  à  des  grives  qui ,  retournant  à  leur  nid, 
sont  prises  dans  des  lacets  placés  au  milieu  d'un  buisson. 

Selon  Némésianus,  les  Romains  profitaient  des  extases  amoureuses 
du  tétras  pour  lui  passer  un  lacet  au  col.  (Voir  un  fragment  de  VAucii- 
pium  de  cet  auteur  dans  l'ouvrage  de  \'lit.)  Horace,  dans  l'épode  II', 
parle  de  grues  prises  aux  lacets. 

(4)  Belon. 

(5)  On  tendait  les  lacs  pour  la  bécasse  dans  une  passée  ménagée  au 
milieu  d'une  petite  haie.  (Encyctopcdie.) 

(6)  Gessner  dans  Buffon,  art.  Du  Lafjoi^ède. 


—  318  — 

Les  oies  el  les  canards  sauvages  étaient  aussi  saisis 
avec  des  lacets  de  crin,  qu'on  attachait  k  des  piquets 
plantés  dans  l'eau  (1). 
iiame-nns.  «  L'on  prend  aussi  les  canards  au  hameçon  , 
presques  comme  poissons,  c'est  en  enveloppant  les 
hameçons  avec  des  tripailles  et  iceux  attachés  h  terre 
par  des  cordelettes,  les  canards  voyans  de  loin  telle 
viande,  nageans  sur  l'eau,  l'engloutissent  avec  les  ha- 
meçons dont  ils  se  trouvent  pris  par  le  bec  (2).  » 
Pince  La    pince     d'Elvaski  ,     inventée    seulement    au 

xvni*  siècle,  était,  dit  V Aviceptologie ,  «  un  fléau  ter- 
rible pour  les  oiseaux  les  plus  fins  »  et  faisait  une 
grande  destruction  de  palmipèdes  de  toute  sorte  (3). 


(1)  Les  Ruses  innocentes. 

(2)  Olivier  de  Serres.  —  Voir  aussi  les  Boises  innocentes. 

(3)  Voir  la  description  et  la  figure  de  cet  engin  dans  VAviceplologie. 
C'est  un  piège  de  gros  fil  de  fer,  tourné  en  spirale,  el  assez  compliqué. 

Les  gluaux  étaient  rarement  mis  en  usage  contre  le  gibier  à  plumes, 
à  cause  de  la  force  et  de  la  taille  des  oiseau.x.  de  cette  catégorie.  Cepen- 
dant on  voit  dans  les  Ruses  innocentes  qu'on  prenait  quelquefois  des 
canards  sauvages  avec  une  corde  engluée,  tendue  dans  le  marais. 


lîTJv.iski. 


CHAPITRE  m. 


Oisellerie. 


Nous  entendons  par  oisellerie  l'art  do  prendre,  avec 
toutes  sortes  de  pièges  el  d'engins,  les  oiseaux  qui  ne 
sont  pas  considérés  comme  gibier,  soit  à  cause  de  leur 
petitesse,  comme  les  grives,  alouettes  et  bectigues, 
soit  à  cause  de  la  mauvaise  qualité  de  leur  chair, 
comme  les  geais,  pies  et  corbeaux,  bêtes  malfaisantes 
qu'on  ne  pourchasse  que  pour  les  détruire. 

L'oisellerie  mérite  à  peine  le  nom  de  chasse. 
Quoi  qu'en  ait  dit  un  ingénieux  et  spirituel  avocat  de 
la  pipée  (1),  ces  tueries,  lorsqu'elles  ne  peuvent  in- 
voquer pour  excuse  les  dégâts  commis  par  les  vic- 
times, n'ont  généralement  pour  mobile  qu'un  lucre 
peu  recommandable  ou  une  gourmandise  qui  n'est 


(1)  Voir  une  série  d'articles  de  M.   Toussenel  dans  le  recueil  inti- 
tulé Z,«  vie  à  la  campuqnc,  1"=  année. 


—  320  — 

pas  toujours  juslifiéo  (l).  C'est  plus  que  jamais  le  cas 
de  procéder  sommairement  et  de  renvoyer,  pour  les 
détails,  aux  ouvrages  spéciaux,  principalement  au 
Solitaire  inventif  el  à  V Aviceptologie  françoise. 

Au  moyen  âge,  ces  chasses  aux  oisillons  ont  cepen- 
dant été  assez  en  honneur  pour  que  les  Rois  de 
France  aient  eu  des  oiseleurs  et  des  brilleurs  en  titre 
d'office  (2). 

Louis  XIII,  Louis  XIV  et  les  princes  de  sa  maison, 
le  Roi  Stanislas  et  le  comte  d'Eu  s'y  amusèrent  aussi 
quelquefois. 

§    1.    PIPÉE   ET    GLUAL'X. 

On  nomme  pipée  une  sorte  de  chasse  basée  sur  l'an- 
tipathie naturelle  qu'éprouvent  tous  les  oiseaux  qui 
se  perchent,  pour  les  hiboux  el  les  chouettes.  On  en 
profite  pour  les  attirer  dans  les  gluaux,  soit  en  leur 
montrant  l'objet  de  leur  haine,  soit  en  imitant  son 
cri  (3). 


(1)  Le  mérite  culinaire  de  la  grive,  de  l'ortolan,  de  l'alouette  et  du 
becligue  est  incontestable.  La  délicatesse  de  leur  chair  peut,  à  la  ri- 
gueur, faire  oublier  aux  gastronomes  la  gentillesse  du  rouge-gorge  et 
les  chants  mélodieux  du  rossignol  ou  de  la  fauvette  ;  les  gros-becs  et 
les  moineaux  pillards  sont  peu  dignes  de  pitié;  mais  connnent  excuser 
les  hécatombes  de  pinsons,  de  verdiers,  de  mésanges,  de  bergeron- 
nettes, d'hirondelles,  voire  même  de  roitelets  et  d'une  multitude  d'au- 
tres oisillons  qui  rendent  les  plus  grands  services  à  l'agriculture 
en  détruisant  les  insectes  cl  dont  la  plupart  nous  égayent  par  leur 
ramage  '? 

(2)  Voir  aux  Pièces  justificatives,  t.  I'".  —  Sur  la  chasse  aux  oisil- 
lons à  brille)',  voir  plus  bas. 

(3)  Los  oiseaux  qui  se  prennent  à  la  iiipée  sont  :  les  rapaces  diurnes 
et  nocturnes,  les  coi'beaux,  les  ]ùes  et  les  geais,  les  merles,  les  grives, 


—  321  — 

La  première  manière  d'attirer  la  gent  eraplamée 
était  bien  connue  des  Grecs  et  des  Romains  (1). 

C'est  la  seconde  qui  est  la  plus  usitée,  en  France, 
depuis  des  siècles.  A  l'imitation  du  cri  de  la  chouette, 
l'oiseleur  ajoute  celle  du  gazouillement  de  divers  oi- 
seaux, ce  qui  excite  la  curiosité  de  leurs  congénères. 
C'est  ce  qu'on  appelle  frouer. 

Souvent  le  pipeau  et  la  chouette  vivante  sont  em- 
ployés simultanément. 

Le  Roy  Modus  consacre  un  chapitre  à  deviser  com- 
ment on  prend  les  oyseauh  à  la  pipée.  La  saison  de 
piper  au  bois  commence  après  la  Saint-Michel  et  dure 
tant  comme  les  fueilles  sont  aux  arbres.  La  pipée  qu'il 
décrit  se  faisait  au  moyen  d'appeaux  et  d'une  chuette 
ou  ung  autre  huant  mis  sur  un  bâton. 

La  vive  peinture  d'une  pipée  figure  parmi  les  Plai- 
sirs de  l'automne  dans  le  poëme  de  Claude  Gauchet  : 
les  oiseaux,  attirés  par  le  cauteleux  pipeur, 

Dans  les  gluaux  tendus  se  jettent  de  malheur. 
Pris,  ils  tombent  à  bas,  et  du  sault  qu'ils  se  donnent 
Sur  la  terre  estourdis  et  mi-morts  s'abandonnent 
Ores  tombe  une  pie,  or  un  gay  babillard 
Ores  deux,  ores  trois,  etvoid  on  d'autre  part 
Tourner  autour  de  l'arbre  avec  voix  agassante 
La  trouppe  des  corbeaux  sans  cesse  bavolante 
La  grive,  le  maumus  (2),  le  verdier,  le  pinçon 
Approchent,  caquetans,  de  buisson  en  buisson 


les  pinsons,  les  gros-becs,  les  piverts,  les  rouges-gorges,  les  rossignols, 
les  fauvettes,  les  verdiers,  les  bruants,  les  moineaux  et  les  roitelets. 

(1)  «  Les  autres  oiseaux,  pendant  le  jour,  volent  autour  de  la  chouette, 
c'est  pourquoi  on  s'en  sert  pour  prendre  toutes  sortes  d'oisillons.  » 
Aristot.  Hist.  anim.,  lïb.  IX,  cité  par  Buffon,  Des  oiseaux  de  proie  noc- 
turnes. 

(2)  Lisez  mauvis. 

III.  21 


—  322  — 

De  loing  le  merle  vient,  qui  peu  à  peu  s'approche 
Et  trouve,  branchettant,  un  gliion  qui  l'accroche. 

Nous  venons  de  voir  Olivier  de  Serres  recomman- 
der la  pipée  au  gentilhomme  campagnard  (1). 

Sélincourt  donne  aussi  la  description  de  la  pipée. 
De  son  temps,  les  princes  ne  dédaignaient  pas  d'en 
prendre  parfois  le  plaisir. 

On  lit,  dans  les  Mémoires  de  Dangeau,  sous  la  date 
du  13  janvier  1688  :  <i  Le  Roi  partit  d'ici  sur  les  cinq 
heures  et  alla  coucher  à  Marly,  Monseigneur  y  alla 
avec  M"^  la  princesse  de  Conty  et  passa  par  le  parc  où 
ils  avaient  fait  préparer  une  pipée.  Il  faisoit  si  froid 
que  les  dames  ne  sortirent  point  du  carosse.  Il  y  avoit 
avec  la  princesse  de  Conty  M"""  les  marquises  de  Sei- 
gnelay,  d'Urfé,  de  Richelieu  et  de  Dangeau.  » 

Le  comte  d'Eu,  fils  du  duc  du  Maine,  s'amusa  aussi 
sur  ses  vieux  jours  à  cette  petite  chasse,  qui  conve- 
nait à  son  état  d'infirmité.  Dans  l'état  des  chasses  à  tirer 
de  S.  A.,  en  ïannée  1773,  il  est  relaté  que,  le  8  no- 
vembre, il  prit  quatre-vingt-neuf  pièces  à  la  pi- 
pée (2). 
oiuaux.  Les  gluaux  qui  formaient  l'engin  essentiel  de  la 
pipée  servaient  à  beaucoup  d'autres  chasses. 

M.  de  Sonnini,  seigneur  de  Manoncourt  en  Lor- 


(1)  Dans  son  livre  délie  caccie,  Raimondi  nous  apprend  qu'au  com- 
mencement du  xvii°  siècle  on  faisait  en  Italie  une  chasse  aux  oisillons 
semblable  à  la  pipée,  où  l'oiseau  de  nuit  était  remplacé  par  une  belette, 
ennemi  non  moins  détesté  de  la  gent  cmplumée.  Le  caccie  délie  fiere 
annule  e  disarmale.  Brescia,  IG21.) 

(2)  Ms.  de  la  bibliotlié(|ue  de  la  Rcino  Marie-Amélie. 


—  323  — 

raine,  et  l'un  des  principaux  collaborateurs  de  Buf- 
fon ,  chassait  les  alouettes  aux  gluaux  sur  une  très- 
grande  échelle  et  fut  souvent  honoré  de  la  présence 
de  son  souverain,  le  bon  Stanislas.  «  On  commence 
par  préparer  quinze  cents  ou  deux  mille  gluaux,  ces 
gluaux  sont  des  branches  de  saule  bien  droites,  ou  du 
moins  bien  dressées,  aiguisées  et  même  un  peu  brû- 
lées par  l'un  des  bouts.  On  les  enduit  de  glu  par 
l'autre  de  la  longueur  d'un  pied;  on  les  plante  par 
rangs  parallèles  dans  un  terrain  convenable,  qui  est 
ordinairement  une  plaine  en  jachère  et  où  l'on  s'est 
assuré  qu'il  y  a  suffisamment   d'alouettes  pour  in- 
demniser des  frais  qui  ne  laissent  pas  d'être  considé- 
rables. L'intervalle  des  rangs  doit  être  tel  qu'on  puisse 
passer  entre  eux  sans  toucher  aux  gluaux;  l'inter- 
valle des  gluaux  de  chaque  rang  doit  être  d'un  pied, 
et  chaque  gluau  doit  répondre  aux  intervalles  des 
gluaux  des  rangs  joignans.  » 

Sur  les  quatre  ou  cinq  heures  du  soir,  les  chas- 
seurs, nécessairement  nombreux,  manœuvrant  très- 
régulièrement,  formaient  une  battue  en  cercle  et 
poussaient  vers  les  gluaux  les  alouettes  de  la  plaine, 
qui  rasent  la  terre  à  cette  heure.  On  prenait  jusqu'à 
cent  douzaines  d'alouettes  et  plus  dans  une  de  ces 
chasses,  dont  nous  avons  parlé  avec  quelque  détail, 
à  cause  de  leur  importance  et  du  grand  appareil  qu'on 
y  déployait.  Celles  où  l'on  n'en  prenait  que  vingt- 
cinq  douzaines  étaient  considérées  comme  manquées. 
Quelquefois  des  perdrix  et  même  des  chouettes  ve- 
naient se  jeter  dans  les  gluaux,  au  grand  dépit  des 
chasseurs,  parce  que  ces  oiseaux  faisaient  enlever 


—  324  — 

les    alouettes    qui    passaient    alors    au-dessus    des 
gluaux  (1). 

C'était  encore  avec  des  gluaux  qu'on  prenait  les 
oisillons  à  Yabreuvoiry  à  Varhret  (2)  et  à  la  pas- 
sée (3). 

§  2.   CHASSE   DES   OISILLONS  AUX  FILETS. 

Cette  chasse  était  très-connue  et  très-usitée  dans 
l'antiquité.  Horace  parle  de  la  chasse  aux  grives  avec 
le  filet  à  nappes  (4). 

C'était  avec  ce  genre  de  filet,  dit  également  rets 
millant  (5),  qu'on  chassait  les  alouettes  il  y  a  quelques 
années,  avant  que  la  loi  sur  la  chasse  de  1844  fût 
venue  en  interdire  l'usage.  Le  miroir  servait  à  les 
attirer  dans  la  forme  du  filet,  ainsi  que  les  becfigues 
et  les  linottes.  On  les  appelait  parfois  avec  des  mo- 
quettes, oiseaux  vivants  attachés  par  la  patte  à  un 
piquet  (6). 

Ce  même  filet,  amorcé  de  menue  paille  et  garni  de 
moquettes,  prenait,  pendant  les  premières  neiges,  une 


(1)  flisl.  nul.  tle  Bufforijart.  de  l'AloueUe. 

(2)  L'arbret  ne  différait  de  la  pipée  qu'en  ce  que  les  oiseaux 
étaient  attirés  avec  des  appelants  et  non  en  pipant.  La  chasse  à  l'a- 
breuvoir se  faisait  aussi  avec  divers  pièges.  Voir  VAvicejHologie. 

(3)  Voir  le  Moy  Modus. 

(4)  Aul  aniUe  levi  rara  lendit  relia 
Turdis  edacihus  dolos. 

{Epod.  2.) 
Voir  aussi  Rich, 

(5)  Selon  quelques-uns,  le  rets  saillant  ilifférerail  du  filet  à  nappes 
en  ce  qu'il  n'aurait  qu'un  côté. 

(fi)  iJicl.  d'hisl.  nat.,  art.  Alovelle. 


—  325  — 

multitude  de  moineaux,  de  pinsons,  de  verdiers,  de 
chardonnerets  et  de  bouvreuils  (1). 

Les  ortolans  étaient  et  sont  encore  capturés  de  la 
même  manière  dans  nos  provinces  méridionales,  pen- 
dant leurs  passages  de  printemps  et  d'été. 

Les  nappes  et  les  moquettes  étaient  aussi  en  usage 
pour  chasser  les  alouettes  à  la  ridée,  en  les  poussant 
vers  les  rets  au  moyen  de  battues  faites  lentement. 

On  prenait  les  alouettes  au  traîneau,  à  la  tonnelle 
murée  (2)  et  aux  fourchettes  (3).  Les  becfîgues  et  les 
pinsons  étaient  victimes  des  mêmes  engins. 

Avec  Varaigne,  grand  filet  de  soie  ou  de  fil  teint 
en  brun,  on  chassait  dans  les  haies  les  merles,  les  pin- 
sons, les  becfigues  et  les  oisillons  de  toute  espèce 
dans  les  vignes  (4).  Louis  XIII  se  livrait  volontiers  à 
ce  passe-temps  dans  les  charmilles  des  Tuileries  (5). 

La  chasse  au  rafle  ou  à  la  rafle  se  faisait  de  même 
dans  les  haies,  avec  un  filet  contre-maillé  de  ce  nom. 
Mais  on  opérait  pendant  la  nuit  et  avec  une  torche 
enflammée,  dont  la  lueur  attirait  et  fascinait  les  oi- 
sillons (6). 

Le  comte  d'Eu  eut  quelquefois  la  fantaisie  de  chasser 
au  rafle  (7). 


(t)  Ibid.  Art.  de  ces  différents  oiseaux.  —Aviceplologie. 

(2)  C'était  une  tonnelle  ordinaire,  dont  on  fermait  l'ouverture  dès 
que  les  alouettes  y  étaient  entrées.  {Encyclopédie.) 

(3)  Ces  fourchettes  tenaient  soulevé  un  côté  d'un  fdet  sous  lequel  on 
poussait  les  alouettes.  {Ibid.) 

(4)  Aviceplologie.  —  Uicl.  d'hisl.  luil. 

(5)  D'Arcussia.  —  Le  Roi  se  servait  surtout  des  araignes  pour  empê- 
cher les  oisillons  de  se  dérober  aux  poursuites  de  ses  pies-grièches. 

(6)  Ruses  innocenlcs. 

(7)  Ms.  déjà  cité. 


—  326  — 
Le  Roy  Modus  enseigne  encore  à  prendre  les  aloes 
au  feu,  à  la  cloche  et  au  réseul  (1),  et  les  mauvis  à  la 
volée,  quand  ils  reviennent  des  vignes,  avec  une  roys 
faite  comme  pour  la  volée  aux  ividecoqs,  mais  plus 
déliée. 

§  3.    LA    FOUÉE, 

«  La  chasse  des  oyseaux,  dit  Sélincourt,  se  fait  aussi 

le  long  des  hayes  avec  du  feu,  l'hyver L'on  bat 

les  hayes  d'un  côté,  et  de  l'autre  côté  on  rabat  les 
oyseaux  qui  en  sortent  avec  des  ravaux  qui  sont  faits 
de  branches  de  feuillues,  et  à  la  clarté  du  feu  l'on 
les  prend;  cette  chasse  s'appelle  aller  à  la  fouée  (2).  » 

Pour  rabattre  les  oiseaux,  on  se  servait  souvent  de 
palettes  faites  avec  des  branches  de  coudrier,  dont 
les  ramifications  étaient  tressées  en  forme  de  raquette. 
On  peut  voir,  dans  les  chasses  gravées  par  Phihppe 
Galle,  d'après  les  dessins  de  Stradan,  une  fouée  avec 
palettes,  lanterne  et  sonnette.  Dans  cette  planche,  les 
oiseleurs  y  joignent  une  arbalète  à  jalet. 

Une  autre  gravure  de  la  même  suite  nous  fait  voir 
des  oisillons,  attirés  par  la  lueur  d'un  flambeau  dans 
des  gluaux  posés  sur  des  buissons. 

La  darue,  ou  le  boullot,  décrite  par  Claude  Gauchel, 


(I)  Voir  plus  haul. 

Çl)  Cette  chasse  s('  pialiciuc  encore,  malgn''  la  loi  de  1844  qui  pro- 
hibe les  chasses  nocturnes,  dans  quelques-un?  de  nos  départements 
seiilentrionaux.  Elle  y  porte  toujours  le  nom  de  f'uucc,  prononcé 
foudie.  Voir  lo  Journal  'Irs  rhassctirs.  1859. 


—  327  — 

était  une  chasse  du  même  genre.  On  y  faisait  seule- 
ment usage,  au  lieu  de  ravaux  ou  de  palettes,  de  bril- 
loirs  ou  rameaux  touffus  enduits  de  glu.  Trois  oise- 
leurs, armés  de  ces  brilloirs  et  précédés  d'un  porteur 
de  torche,  allaient  pendant  la  nuit  le  long  des  buis- 
sons et  des  haies,  et  arrêtaient  avec  leurs  engins  les 
oisillons  qu'un  autre  chasseur  en  faisait  sortir  avec 
une  gaule  (1). 

Ces  diverses  manières  de  chasser  au  feu  s'appelaient 
briller,  et  on  appelait  les  oiseleurs  nocturnes  brilleurs 
ou  brilleus  (2). 

Le  comte  d'Eu,  qui  paraît,  sur  ses  vieux  jours,  être 
devenu  grand  amateur  de  toutes  ces  petites  chasses, 
allait  parfois  prendre  des  oisillons  au  feu  avec  des 
palettes. 

§  4.   CHASSE   DES   OISILLONS   AVEC   DIVERS   ENGINS. 

Une  des  plus  anciennes  méthodes  de  capturer  les  ciiasse 
oisillons  est  la  chasse  au  brait,  décrite  par  le  Roy 
Modus,  qui  lui  applique  la  dénomination  de  chasse  à 
briller  :  «  A  prendre  les  mauvis  à  briller  a  très  bon 
déduit  et  se  fait  en  vendanges  quant  les  roisins  sont 
meurs.  » 


(1)  Les  plaisirs  de  Vhyver.  Voir  aussi  cette  cliasse  dans  les  Ruses 
innocentes. 

(2)  Le  Roij  Modus  applique  le  mot  de  briller  à  une  autre  espèce  de 
■chasse  dont  nous  allons  parler.  On  ignore  si  les  brilleus  en  titre  d'of- 
fice qui  figurent  dans  les  comptes  de  la  maison  royale  au  commence- 
ment du  xiv=  siècle  étaient  employés  aux  fouées  ou  à  la  chasse  dé- 
crite par  le  Roy  Modus. 


au  brail. 


—  328  — 

Dans  une  grande  loge  en  feuillage  se  tiennent  trois 
compagnons  ou  quatre^  bien  couvers.  Ils  sont,  armés  de 
brillets  ou  brillons  en  chêne  (l)  «  d'ung  quartier  sec, 
sans  neu,  faits  au  rabot  ainsi  comme  une  flesche;  » 
chaque  brillet,  de  A  pieds  de  long,  «  doit  estre 
de  ij  verges,  de  quoy  la  plus  grosse  sera  cavée  tout 
du  long  et  l'autre  entrera  dedans  si  justement  que 
le  pié  du  plus  petit  oysel  du  monde  ne  pourroit  yssir 
et  quant  elles  sont  l'une  dedans  l'autre,  elles  sont 

perciées et  y  est  mise  une  bien  déliée  cordelette 

qui  est  de  chanvre  pignée...  et  quant  on  la  tire,  elle 
faict  clore  le  brillet.  »  Cet  instrument  est  emmanché 
sur  un  bâton  de  même  longueur. 

Les  oiseaux,  attirés  au  moyen  d'un  appeau  et  d'une 
chouette,  viennent  se  percher  sur  les  brillets,  l'oise- 
leur tire  la  cordelette  et  ils  sont  saisis  par  les  pattes. 
«  Et  sachiez  que  c'est  si  bon  déduict  et  si  chault  que 
c'est  merveille  et  qui  est  en  bon  pays  de  mauvis,  on 
y  en  prent  tant  comme  on  veult.  » 

Olivier  de  Serres  décrit  aussi  cette  chasse,  où  l'on 
prenait  non-seulement  des  mauvis ,  mais  toute  espèce 
d'oisillons. 

«  Le  plaisir  y  est  singulier,  »  dit  le  vieil  agronome, 
«  de  voir  un  oyseau  difforme,  perché  parmy  la  ver- 
dure et  les  fleurs,  attirer  à  soy  infinité  doysillons, 
venant  de  toutes  parts  contempler  sa  mine,  sa  conte- 


Ci)  Dans  le  midi  de  la  France  où  ccUo  chasse  se  pralique  encoi'c, 
ces  engrais  sont  nommés  hrczels.  Voir  le  Journal  des  chasseurs,  an- 
née 1855. 


—  329  — 

nance,  sa  laideur,  le  pinceans,  chantans  chacun  son 
ramage  comme  pour  le  braver  et  se  mocquer  de  luy, 
et  au  bout  de  cela  se  sentir  prins  par  les  griffes  avec 
le  brey  (petit  instrument  composé  de  deux  basions  se 
joignant  de  leur  long,  que  l'oyseleur  caché  dans  sa  lo- 
getle  fait  joiier  à  poinct).  » 

Les  chasseurs  étaient  souvent  couverts  de  feuillage, 
ou  portaient  une  hutte  ambulante,  voire  môme  un 
panier  revêtu  de  rameaux  verts  (1). 

Sélincourt  décrit  cette  même  chasse  sans  lui  don- 
ner de  nom  particulier.  VOijselier,  caché  dans  une 
hutte  fixe,  attire  les  volatiles  avec  un  appeau  de  fer- 
blanc  et  des  moquettes.  Les  hrails  sont  placés  au-des- 
sus de  la  cabane;  les  oisillons  viennent  s'y  poser, 
«  à  l'instant  l'oyselier  tire  la  fiselle  et  les  prend  par 
les  pieds  et  en  prend  en  si  grande  quantité  que  l'on 
ne  pourroit  le  croire,  si  cela  n'avoit  été  vu  souvent  à 
Saint-Germain  oîi  le  Roy  en  personne  faisoil  chasser 
ledit  oyselier.  » 

A  cet  engin  destructeur  les  oiseliers  en  ajoutaient 
une  foule  d'autres,  destinés  aux  seuls  oisillons,  comme 
raquettes,  trébuchets,  fossettes,  assommoirs  dits  du 
Mexique,  mésangettes,  etc.  ('2). 

Presque  tous  les  pièges  employés  contre  le  gibier  a 
plume  servaient  aussi  à  l'oisellerie ,  particulièrement 


(1)  Voir  les  gravures  de  Galle  et  SLradan,  et  V Encyclopédie,  v°  Pa- 
nier. C'est  avec  une  espèce  do  hutte  ambulante  en  paille  que  se  fait 
actuellement  la  chasse  au  brézet. 

(2)  Voir  tous  les  traités  d'oisellerie,  notammi-nl  VAviceptolor/ie. 


—  330  — 

Je  rejet  ou  rechargeoir,  les  collets  ou  lacets  (1),  la 
pince  d'Elvaski,  les  hameçons  et  autres. 


(1)  Dans  les  gravures  de  Galle  et  Stradan,  on  voit  une  chasse  aux 
alouettes  où  ces  oiseaux  terrifiés  par  la  présence  d'un  autour  dressé 
sont  pris  au  moyen  de  lacets  attachés  au  bout  d'une  perche.  —  Le 
collet  à  piquet  et  le  collet  pendu  sont  qualifiés  de  fléau  des  merles  et 
des  grives  dans  VAviceptologie.  Le  collet  à  ressort  détruisait  une  quan- 
tité de  pies  et  de  geais.  Les  enfants  des  villages  poussaient  la  rage 
destructive  jusqu'à  tendre  des  lacets  sur  les  nids  pour  prendre  les 
couveuses. 


LIVRE  X. 

CHASSES    AVEC    LE   GUÉPARD    DRESSÉ   ET   AUTRES   CHASSES. 

(chasses   SOUTERRAINES.    CHASSES    DANS    LES  HAIES 

ET   DANS    LES   TOILES.) 


Nous  nous  proposons  de  réunir  sous  ce  titre  la 
description  de  quelques  chasses  qui  n'ont  pu  trouver 
leur  place  dans  aucune  des  divisions  de  cet  ouvrage  et 
qui  méritent  cependant  de  ne  pas  être  passées  sous 
silence.  Telles  sont  la  chasse  avec  le  guépard  dressé, 
les  chasses  qui  se  font  sous  terre,  avec  le  furet  et  les 
chiens  bassets ,  et  les  grandes  chasses  dans  des  en- 
ceintes de  baies  et  de  toiles ,  qui  ne  doivent  pas  être 
confondues  avec  les  chasses  faites  à  l'aide  d'engins  et 
de  pièges,  comme  nous  le  démontrerons  plus  loin. 


CHAPITRE   PREMIER. 
Chasse    avec   le  guépard. 


Le  félin  qu'on  employait  à  la  chasse  en  Italie  et  en 
France  aux  xv*"  et  xvf  siècles  et  qu'on  y  emploie  en- 
core en  Asie  est  le  guépard  (felis  juhata] ,  connu  des 
Arabes  sous  le  nom  de  fadh,  et  des  Indous  sous  celui 
de  tchitah.  C'est  le  léopard  des  anciens  et  des  auteurs 
du  moyen  âge.  Issu,  h  ce  qu'on  croyait,  du  lion  et  de 
la  panthère,  il  devait  sa  fabuleuse  généalogie  et  son 
nom  qui  en  était  la  conséquence  à  une  apparence 
de  crinière  qu'il  porte  sur  le  col.  Le  guépard  diffère 
des  autres  félins  en  ce  que  ses  ongles  ne  sont  pas  ré- 
tractiles,  ce  qui  l'empêche  de  grimper  sur  les  arbres. 
Il  est  aussi  d'un  naturel  plus  docile  et  moins  féroce. 

L'usage  de  dresser  le  guépard  pour  la  chasse  est  très- 
ancien  en  Orient.  Les  Egyptiens  ne  paraissent  pas 
l'avoir  connu,  du  moins  leurs  monuments  n'en  pré- 
sentent aucun  vestige;  ce  qui  est  d'autant  plus  ex- 
traordinaire qu'ils  chassaient  avec  des  lions  apprivoi- 


—  333  — 

ses  et  que  des  chats  domestiques  leur  servaient  de  re- 
lrievers([]. 

Le  guépard  est  figuré  dans  les  bas-reliefs  assyriens 
sans  qu'on  puisse  bien  voir  si  c'est  comme  auxiliaire 
ou  comme  proie  du  chasseur  (2). 

Les  Grecs  semblent  avoir  connu  cette  chasse.  Un 
bas- relief  du  musée  du  Louvre  nous  montre  un  faune 
faisant  jouer  avec  un  lièvre  une  petite  panthère  qui 
pourrait  fort  bien  être  un  guépard. 

Les  Francs  trouvèrent  la  chasse  avec  le  guépard 
pratiquée  en  Syrie  dès  les  premières  croisades. 
Jacques  de  Vitry,  chroniqueur  du  xni^  siècle,  dit  que 
«  les  léopards,  ainsi  nommés  parce  qu'ils  sont  sem- 
blables aux  lions  par  la  léte  et  par  la  forme  de  leurs 
membres,  quoiqu'ils  ne  soient  ni  aussi  grands  ni  aussi 
forts ,  deviennent  tellement  doux  entre  les  mains  de 
l'homme,  qu'ils  le  suivent  A  la  chasse  comme  des 
chiens  (3).  » 

L'Empereur  Frédéric  II,  qui  avait  des  rapports  sui- 
vis avec  l'Orient,  range  au  nombre  des  quadrupèdes 
qui  servent  à  la  chasse  les  léopards  et  les  lynx  (i). 

Vincent  de   Beauvais,   contemporain   de   Frédé- 


(1)  Voir  plus  haut. 

(2)  Illustraled  London  neivs.  10  janvier  1857. 

(3)  Hisl.  des  Croisades,  liv.  I,  trad.  Guizot. 

(4)  Lincos,  lincas.  Un  de  ces  deux  mots  désigne  peut-être  Vonce  ou 
petite  panthère  [fiince  en  vieux  français).  Le  lynx  des  Indes  ou  cara- 
cal  est  parfois  dressé  à  prendre  les  lièvres ,  les  lapins  et  même  les 
grands  oiseaux  qu'il  surprend  et  saisit  avec  une  adresse  singulière. 
(Buffon,  art.  Caracal.)  Il  semble,  d'après  un  vers  allemand  écrit  au  bas 
d'une  planche  de  Ridinger  représentant  des  lynx  d'Europe,  qu'on  a 
autrefois  employé  cet  animal  de  la  même  façon. 


—  334  — 

rie  II  (1),  parle  en  ces  termes  de  la  chasse  avec  le 
léopard  :  «  On  le  dresse  à  chasser  ;  pour  cela ,  on  le 
lâche  après  l'avoir  amené  près  du  gibier.  S'il  n'a  pu  le 
prendre  au  quatrième  ou  cinquième  bond,  il  s'arrête 
furieux,  et  si  le  chasseur  ne  lui  présente  aussitôt  une 
bête  quelconque ,  dont  le  sang  apaise  sa  rage ,  il  se 
jette  sur  lui  ou  sur  tout  autre  assistant  (!2).  » 

Les  Italiens  qui  conservèrent  par  leur  négoce  de 
fréquentes  relations  avec  l'Orient  paraissent  avoir  im- 
porté les  premiers  en  Europe  le  divertissement  de  la 
chasse  au  léopard.  Dans  une  peinture  de  Giotto  (3), 
conservée  à  Florence,  un  léopardier  avec  sa  bête  en 
croupe  figure  parmi  les  suivants  des  Rois  Mages. 

Bernabo  Visconti,  seigneur  de  Milan,  chasseur  for- 
cené (4),  avait  des  léopards  apprivoisés  dans  ses  équi- 
pages (5). 

En  1459,  messire  Adolphe  de  Clèves,  ayant  été  en- 
voyé en  ambassade  par  le  duc  de  Bourgogne  auprès 
de  François  Sforza,  premier  duc  de  Milan  de  cette  dy- 
nastie de  condottieri-princes  qui  remplaça  les  Vis- 
conti, vit  aux  chasses  de  ce  souverain  «  des  lyé- 
pards  (6)  à  cheval  derrière  hommes,  prendre  lièvres  et 
chèvre ulx  (7).  » 


(1)  11  mourut  vers  1264. 

(2)  Spéculum  majus,  XIX  (imprimé  à  Strasbourg  en  1473). 

(3)  Né  vers  126G,  mort  en  133G. 

(4)  Mort  en  1385. 

(5)  Cliron.  du  religieux  de  Sainl-Denys,  traduite  par  M.  Bellaguet, 
t.  III. 

(6)  Le  texte  de  Buchon  porto,  par  erreur,  lévriers. 

(7)  Chron.  deMatliieu  de  Coussy. 


—  335  — 

Louis  XII  ayant  conquis  le  Milanais  sur  Ludovic 
Sforza,  fils  de  François,  emmena  en  France  les  léo- 
pards de  chasse  de  ce  prince.  Une  lettre  de  Jean  Cau- 
lier,  qui  avait  accompagné  en  France  l'évêque  de 
Gurce,  ambassadeur  de  Marguerite  d'Autriche,  ra- 
conte qu'à  Amboise,  en  1510,  «  cet  évêque  fut  mené 
en  son  logis,  où  il  ne  fut  demi  heure,  que  le  Roy 
ne  l'envoyast  quérir  pour  aller  à  la  chace  où  il  fut 
environ  une  heure,  et  n'y  eust  prinse  que  d'ung 
lièvre  que  print  un  léopard.  »  Dans  une  autre 
épître  il  ajoute  :  «  Et  à  l'après  souper,  environ  entre 
quatre  et  cinq,  le  dit  sieur  de  Gurce  et  nous,  alasmes 
avec  le  Roy  chasser  au  parcq,  où  il  fut  tué  un  san- 
glier, et  prins  par  un  léopard  deux  chevreux  en  notre 
présence  et  tout  auprès  de  nous  (1).  » 

Dans  un  livre  publié  en  1514  par  P.  Dinet,  il  est 
parlé  de  ces  léopards  et  de  la  manière  de  les  faire  re- 
venir au  chasseur,  après  qu'ils  ont  fait  une  prise  : 
<i  Et,  de  faict,  la  practique  que  j'ai  veue  de  quelques 
princes  et  seigneurs  qui  s'en  servent  au  lieu  de  lé- 
vriers pour  courre  le  fièvre,  nous  rend  preuve  de  cela, 
veu  que  lorsqu'ils  ont  prins  et  eslranglé  la  beste,  le 
seul  moyen  de  leur  faire  abandonner  qu'ils  ne  la  dé- 
vorent, est  de  leur  monstrer  un  peu  de  sang  qu'un 
homme  qui  a  charge  d'eux  porte  à  cest  effect  dans  une 
boëte  de  fer  blanc  lequel  ils  n'ont  si  tost  apperceu 
qu'ils  sautent  sur  la  croupe  de  son  cheval  et  se  soub- 
meltent  à  laisser  la  proye  (2).  » 


(1)  Cité  par  Sainte-Palaye,  IIP  jiartie,  notes. 

(2)  Cinq  livres  des  Hiéroglyphiques ,  où  sont  contenus  les  pins  rares 


—  336  — 

Vers  le  même  temps,  Dom  Emmanuel,  Roi  de  Por- 
tugal, qui  régna  de  1495  à  1521,  envoya  au  pape 
Léon  X  une  panthère  dressée  à  la  chasse  (1). 

François  V  eut  aussi  ses  léopards  de  chasse  :  «  Je 
tiens  d'un  témoin  oculaire ,  dit  le  naturaliste  Gess- 
ner,  qu'à  la  cour  du  Roi  de  France  on  nourrit  deux 
sortes  de  léopards  :  les  uns  de  la  grosseur  d'un  veau, 
mais  plus  bas  sur  jambes  et  plus  longs,  les  autres  qui 
ont  à  peu  près  la  taille  et  les  proportions  d'un  chien. 
Un  des  plus  petits,  pour  en  donner  le  spectacle  au 
Roi,  est  porté  en  croupe  sur  un  coussin  ou  une  housse 
par  un  bestiaire  ou  veneur  à  cheval  qui  le  tient  au 
moyen  d'une  chaîne.  Dès  qu'on  aperçoit  un  lièvre,  on 
lâche  le  léopard  qui  l'atteint  en  quelques  bonds  pro- 
digieux et  l'étrangle.  Le  chasseur  alors  s'avance  vers 
la  bêle  féroce  à  reculons  et  lui  présentant  entre  les 
jambes  un  morceau  de  viande,  parvient  à  s'en  rendre 
maître.  On  prétend  que  si  cet  homme  avait  le  visage 
tourné  vers  elle  au  moment  oii  il  approche,  elle  l'at- 
taquerait infailliblement.  Quoi  qu'il  en  soit,  du  mo- 
ment où  il  l'a  rattachée,  il  est  sur  de  sa  docilité,  et  à 
peine  est-il  remonté  à  cheval ,  qu'elle  saute  d'elle- 
même  sur  le  coussin  qui  est  derrière  sa  selle  (2).  » 


secrets  de  la  nature  et  propriélez  de  toutes  choses,  par  M.  P.  Dinet, 
Paris,  1514.  Cité  par  Blaze,  le  chasseur  au  chien  courant,  1. 1. 

(1)  IJist.  des  conquêtes  des  Portugais,  \)avlQ  P.  Lafiteau.  Paris,  1733. 
Cité  par  Buffon,  art.  Panthère. 

(2)  G.  Gessner,  Hist.  animal.,  lib.  1.  Zurich,  1551. 

Par  une  quittance  de  1548,  Corneille  Dipard,  gouverneur  du  gi'and 
léopard  du  Roy,  reconnaît  avoir  reçu  85  11.  10  s.  dont  le  Roi  lui  a  fait 
ùonen  faveur  des  services  qu'il  lui/  faicl  en  son  estai  et  pourluy  aider 


—  337  — 

Le  poêle  Jodelle  (l),  dans  son  ode  sur  la  chasse 
dédiée  à  Henri  II,  cite  encore  le  léopard  dressé  : 

Parler  aussi  du  lièvre  on  peut 
Qu'à  force  on  prend  de  telle  sorte 
Rare,  quand  le  léopard  veut 
En  quatre  ou  cinq  sauts  l'emporte  (2). 

Dans  une  des  gravures  exécutées  par  Philippe  Galle 
sur  les  dessins  de  Stradan,  vers  1584,  on  voit  une 
chasse  au  lièvre  avec  le  léopard,  qu'un  cavalier  porte 
en  croupe  sur  un  coussin.  Quoique  les  vers  latins 
écrits  au  bas  de  cette  planche  disent  que  c'est  une 
chasse  de  grands  seigneurs  turcs,  tous  les  personnages 
portent  des  costumes  européens. 

On  lit  dans  une  lettre  de  Henri  IV  au  marquis  de 
Rosny  :  «  J'ay  commandé  à  Zamet  de  vous  parler  d'un 
léopardier  qui  est  venu  avec  ma  femme  de  Florence 
et  qui  s'en  retourne  (3).  » 

Depuis,  on  ne  trouve  plus  de  trace  de  guépards 
dressés  en  France.  Mais  l'Empereur  d'Allemagne 
Léopold  I"  [i]  en  possédait  deux ,  dont  il  portait  lui- 
même  un  à  la  chasse  sur  la  croupe  de  son  cheval. 

De  nos  jours,  la  chasse  avec  le  guépard  est  encore 
fort  en  usage  aux  Indes  orientales,  en  Syrie  et  en  Ara- 
bie (5) ,  quoiqu'on  n'y  puisse  plus  voir  des  équipages 


à  acheler  ung  cheval  pour  servir  à  porter  ledit  léopard.  {Arch.  de 
Joiirsanvaidt,  n"  819.) 

(1)  Né  en  1532,  mort  en  1573. 

(2)  Cité  par  Blaze,  Journal  des  chasseurs,  T^mnée. 
{'i)  Lettres  missives,  t.  V,  année  1601. 

(4)  Mort  en  1705. 

(5)  Voir  le  Magasin  pittoresque,  1839  et,  18'ii.  —  Le  Sporting  maga- 
zine, 1839,  et  le  Journal  des  chasseurs. 

m.  22 


—  338  — 

de  plus  de  mille  guépards,  comme  celui  que  possé- 
dait au  xvi^  siècle  le  Grand  Mogol  Akbar  (1). 

Depuis  longtemps  cette  chasse  est  abandonnée  par 
les  Turcs,  quoique  leurs  sultans  aient  eu  jusqu'au 
xvn"  siècle  des  guépards  dressés  en  grand  nombre, 
avec  une  armée  de  serviteurs  pour  les  faire  chas- 
ser {%. 


(1)  Revue  des  Deux-Moncles,  juillet  1854.  —  Akbar  moiiriU  on  1615. 

(2)  Haramer,  Histoire  de  l'Empire  ottoman. 


CHAPITRE   II. 

Chasses  souterraines. 


§  1,  CHASSE  DES  LAPINS  AVEC  LE  FURET. 

Le  furet  n'est  qu'une  variété  du  putois ,  modifiée 
par  la  domesticité.  11  est  originaire  des  côtes  de  Bar- 
barie, d'où  les  habitants  de  la  Péninsule  ibérique  l'ont 
tiré  dès  la  plus  haute  antiquité  ,  pour  l'employer  à  la 
destruction  des  lapins  dont  ils  étaient  infestés  (1). 

Les  Romains  connaissaient  la  chasse  au  furet. 
«  Les  furets,  »  dit  Pline,  «  donnent  beaucoup  d'agré- 
ment pour  la  chasse  des  lapins;  on  les  lance  dans  les 
terriers  qui  ont  plusieurs  issues,  et  l'on  prend  à  la 
sortie  les  lapins  expulsés  par  le  furet  (2).  i> 

Rien  ne  nous  indique  que  les  Francs  aient  chassé 
au  furet;  leurs  lois,  si  explicites  pour  tout  ce  qui  con- 
cerne la  chasse,  ne  parlent  pas  de  celle-ci. 


(1)  «  Les  Ibères  ont  inventé  plusieurs  moyens  de  faire  lâchasse  aux 
lapins,  et  entre  autres  celui  des  furets,  qu'on  apporte  de  Lybie  et 
qu'on  nourrit  exprès.  Lâchés  dans  les  trous  après  avoir  été  emmu- 
selés,  ils  tirent  dehors  avec  leurs  griffes  les  lapins  qu'ils  rencontrent, 
ou  les  forcent  de  quitter  leurs  terriers,  et  les  chasseurs  prennent  ceux- 
ci  à  la  sortie.  »  (Strabon,  liv.  IH.) 

(2)  Hist.  nul.,  /iZ;.  Vni.  —  C'était  évidemment  avec  des  bourses  qu'on 
prenait  les  lapins. 


—  340  — 

Pendant  l'époque  féodale,  on  fit  au  contraire  grand 
usage  du  furet;  les  lapins  pullulaient  dans  les  ga- 
rennes seigneuriales,  et  leur  chair,  Irès-eslimée, 
jouait  un  rôle  important  dans  l'alimentation.  Les  pre- 
miers Capétiens  avaient  des  fureteurs  en  titre  d'of- 
fice (1),  et  Vincent  de  Beauvais  parle  de  la  chasse  au 
furet  dans  son  Spéculum  majiis  (xin^  siècle)  (2). 

Le  Roy  Modus  ne  fait  que  la  mentionner  dans  son 
livre,  en  indiquant  une  façon  d'enfumer  les  lapins 
dans  leur  terrier  qui  lui  paraît  préférable  «  et  n'est 
fuyron  ny  autre  chose  qui  le  vaille.  » 

Gaston  Phœbus  consacre  un  chapitre  tout  entier  à 
la  manière  dont  on  doit  chassier  et  prendre  les  con- 
nins  (3).  Le  veneur  commencera  par  battre  les  haies 
avec  des  chiens  d'oysel  ou  espainholz  et  de  petits  lé- 
vriers. Si  ces  derniers  saisissent  les  connins  au  départ, 
c'est  bien  fet ;  s'ils  s'échappent,  les  épagneuls  les  font 
entrer  au  terrier.  On  bouchera  une  partie  des  gueules 
et  on  garnira  les  autres  de  bourses,  puis  on  houterale 
fuyron  dans  un  pertuis,  après  avoir  eu  soin  de  le 
museler  poftr  l'empêcher  d'occire  les  connins  de- 
dans (4). 


(1)  Voir  les  Pièces  justilicatives,  t.  I'"''. 

(2)  Voir  les  fragments  publiés  dans  les  notes  de  la  fauconnerie  de 
Frédéric  II. 

Nous  avons  cité  précédemment  l'ordonnance  do  1318  qui  défend  de 
tenir  [lirons  ni  rcsculx  à  moins  d'être  gentilhomme  ou  d'avoir  droit 
de  garenne. 

(3)  Ch.  Li. 

(4)  Faute  de  furet,  on  pourra  enfumer  les  lajiins  avec  de  la  poudre 
d'orpiment,  de  soufre  et  de  myrrhe.  C'est  la  même  recette  que  préco- 
nise le  Roy  Modus. 

«  Gargantua....  marmotant  de  la  bouche  et  dodelinant  de  la  teste, 
alloit  vcoir  prendre  quelques  connils  au  fdletz.  «  (Rabelais.) 


—  341   — 

Claude  Gaucliel  décrit  la  chasse  du  conil  avecques  le 
furet  parmi  les  plaisirs  de  l'hyver. 

On  place  les  bourses  devant  les  gueules,  puis  \efu- 
ron  étant  fort  bien  encamelé  (embâillonné),  on  le  jette 
dans  le  terrier,  sa  sonnette  au  col.  Les  lapins  s'élan- 
cent de  tous  côtés  et  restent  pour  la  plupart  enlacés 
dans  les  bourses. 

Or,  parmi  la  Iroidure 

Que  chacun  de  nous  tous  à  cette  chasse  endure, 
Nous  poursuivons  toujours,  et  sans  nous  soucier 
De  neige  ni  de  froid,  nous  vuydons  le  terrier. 

Olivier  de  Serres  dit  que  le  gentilhomme  doit  chas- 
ser aux  connins  avec  le  furet  et  la  poche,  non  pas  dans 
sa  garenne  close,  «  pour  le  grand  dommage  qu'il  y 
porte,  faisant  pour  longtemps  hayr  aux  connins  les 
terriers  ou  tanières  dans  lesquels  on  l'aura  une  fois 
mis  pour  en  prendre,  »  mais  seulement  es  lieux  vogues 
et  ouverts  (1). 

Sélincourt  ne  dédaigne  pas  non  plus  de  dire  quelques 
mots  sur  la  chasse  aux  lapins  avec  des  furets.  Elle  se 
fait  en  hiver  pendant  les  grandes  neiges,  à  la  fin  du 
printemps,  puis  tout  le  long  de  l'été,  pour  prendre 
des  lapereaux.  Les  garenniers,  pour  empêcher  leurs 
furets  d'étrangler  les  lapereaux  ,  les  ammussent  avant 
de  les  mettre  au  terrier.  Depuis  la  fin  de  mai  jusqu'à 
la  Saint-Rémi,  ils  ont  soin  de  marquer  les  hases  en 
leur  fendant  l'oreille  et  de  les  relâcher  pour  la  propaga- 


(I)  Théâtre  d'af/ricullui 


—  342  — 
tion  de  l'espèce.  Passé  la  Saint-Rémi,  on  tue  tout  (l). 
Louis  XV  enfant  s'amusait  à  chasser  des  lapins  au 
furet  (2). 

§  2.   CHASSE  DU   BLAIREAU   OU  DU   RENARD  ET   AUTRES  BÊTES 
PUANTES. 

Guibert  de  Nogent,  chroniqueur  du  xi'  siècle,  ra- 
conte que  des  nobles  du  Vexin,  ayant  arraché  de  son 
terrier  un  blaireau  peu  agile  à  fuir ,  le  firent  entrer 
dans  un  sac  et  voulurent  emporter  leur  capture,  qui 
leur  parut  excessivement  pesante.  Mais  le  prétendu 
blaireau  était  un  diable,  que  ses  compagnons  vinrent 
délivrer,  en  troupes  si  nombreuses  que  la  forêt  en  parut 
entièrement  obstruée.  Les  malencontreux  chasseurs 
prirent  la  fuite  et  moururent  en  rentrant  chez  eux  (3). 

Au  XIV*  siècle,  on  poursuivait  les  renards  dans  leurs 
retraites  souterraines  avec  de  petits  chiens  taniers  (4), 
ou,  au  besoin,  on  les  y  étouffait  en  estoupant  une  par- 
tie des  pertuis  et  en  brûlant  sous  le  vent  d'une  gueule 
laissée  ouverte  du  soufre  et  de  l'orpiment  (5).  Quel- 
quefois on  plaçait  des  pouches  devant  les  entrées  du 
terrier  et  l'on  forçait  l'animal  à  s'y  jeter  en  l'enfumant 
de  la  même  façon. 

Quant  au  blaireau,  on  procédait  à  l'inverse.  Les 
poches  étaient  tendues  aux  orifices  de  son  manoir 


(1)  Voir  aussi  VEnti/clupcdic,  v"  Lupin. 

(2)  Dangeau,  t.  XVU. 

(3)  Vie  do  Guiboi  de  NogenI,  liv.  111.  coll.  Gui/.ol. 

(4)  Le  Roy  Modus.  —  Gace  de  la  Buigne  les  appelle  terriers. 

l5)  G"e?t  le  proc'^iK''  indiqué  eveliisivi-meiit  p;ii'  Gaflon  Pliœlni?. 


—  343  — 
pendant  qu'il  élail  dehors,  et  c'était  en  battant  le  bois 
et  les  haies  d'alentour  avec  des  chiens  qu'on  forçait 
la   bête  à  s'y  bouter   en  rentrant   dans  son  domi- 
cile (i). 

Selon  du  Fouilloux,  «  la  chasse  du  blaireau  se  pra-      chasse 

du  bliiireau 

tiquait  sous  Charles  IX  avec  un  certain  appareil.  11       selon 
est  vrai  que  la  description  qu  il  en  donne,  peu  edi- 
fiante  sous  le  rapport  de  la  chasse,  a  tous  les  caractères 
d'une  galante  orgie  pastorale.  C'est  un  cadre  cynégé- 
tique, mais  le  tableau  y  manque  (2).  » 

M.  d'Houdetot  me  paraît  avoir  traité  un  peu  sévè- 
rement du  Fouilloux.  Laissant  les  amateurs  de 
joyeusetés  rabelaisiennes  rechercher  s'ils  le  veulent 
dans  le  texte  du  jovial  veneur  les  faits  et  gestes  du 
seigneur  et  de  la  fillette  aagée  de  seize  à  dix-sept  ans, 
«  laquelle  luy  frottera  la  teste  par  les  chemins,  »  nous 
allons  extraire  du  chapitre  lxii'^  de  son  livre  ce  qui 
concerne  directement  l'art  «  d'assiéger  les  gros  tais- 
sons  et  vulpins  en  leur  fort  et  rompre  leurs  chas- 
mates,  plocu,  paraspels  et  les  avoir  par  mine  et  contre- 
mine  jusques  au  centre  de  la  terre,  pour  en  avoir  les 
peaux  à  faire  des  carcans  (3)  pour  les  arbalesiiers  de 
Gascogne.  » 

Le  chasseur  doit  avoir  d'abord  une  demi-douzaine 
de  bons  chiens  de  terre,  portant  chacun  un  collier 
large  de  trois  doigts  et  garni  de  sonnettes.  Quand  il 


(1)  Le  Roy  Modus.  —  Phœbus. 

(2)  La  petite  Vénerie,  par  M.  A.  d'Houeletot. 

(3)  Lisez  carcas  (carquois). 


—  344  — 

aura  bien  dressé  el  exercé  cette  petite  meute,  il  se 
mettra  en  campagne  avec  ses  bassets  et  une  demi- 
douzaine  d'hommes  robustes  pour  piocher  la  terre. 
Le  chef  de  l'expédition  pourra  monter  dans  une  pe- 
tite charrette,  qui  contiendra  avec  les  outils  néces- 
saires quelques  mantes  utiles  pour  se  coucher  à 
terre,  afin  d'écouter  l'aboi  des  bassets,  ou  un  matelas 
de  peau  qu'on  pourra  gonfler  avec  du  vent,  plus,  en 
temps  d'hiver,  un  petit  pavillon.  Les  chevilles  et 
paux  de  la  charrette  seront  garnis  de  flacons  et  de  pro- 
visions de  bouche  de  toutes  sortes  (ou  reconnaît  à 
cette  précaution  les  goûts  essentiellement  gastrono- 
miques du  bon  du  Fouilloux).  C'est  aussi  dans  cette 
charrette  que  prend  place,  avec  son  seigneur,  la  fillette 
dont  il  a  été  question  tout  à  l'heure. 

Les  instruments  destinés  à  fouiller  la  terre  sont  des 
tarières,  des  pietés  larges  et  étroites,  une  bêche  fort 
large,  une  racle  pour  ouvrir  les  gueules  des  terriers, 
des  pelles  de  fer  et  de  bois  (1).  On  emporte  en  outre 
des  tenailles  pour  arracher  les  tessons  ou  les  renards 
de  leurs  jjertuis  efl^ondrés,  des  sacs  pour  y  mettre  les 
animaux  tout  vifs,  une  poêle  ou  autre  vase  pour  don- 
ner à  boire  aux  petits  chiens. 

Les  grands  terriers  qu'habitent  les  blaireaux  et  re- 
nards sont  composés  d'une  multitude  de  chemins 
couverts  et  de  carrefours  qui  forment  un  véritable  la- 
byrinthe. Les  couloirs  qui  débouchent  au  dehors 
aboutissent  d'abord   à   une  espèce   de  place  ovale, 


(I)  Voir  dan?  du  Fouilloiix   la  li^nirp  de  cc>  outils. 


—  345  — 
nommée  maire ,  qui  communique  elle-même  par  un 
boyau  étroit,  dit  fusée,  avec  Yaccul,  qui  est  au  fond  du 
terrier  et  sans  issue. 

On  lâche  les  bassets  aux  gueules  supérieures  ou 
inférieures  du  terrier,  selon  la  nature  du  sol  et  la  dis- 
position du  terrain,  et,  quand  on  entend  les  blaireaux 
ou  renards  tenir  au  ferme  dans  la  maire ,  on  s'efforce 
de  les  faire  déguerpir  en  frappant  avec  la  pioche  ou 
en  enfonçant  une  tarière  ronde.  Une  fois  les  animaux 
poussés  dans  l'accul,  il  faut  percer  au  droit  de  la  voix 
des  bassets  avec  la  tarière  ronde  et  pousser  la  tarière 
plate  dans  le  trou  pour  couper  à  l'assiégé  toute  com- 
munication avec  la  maire.  Puis,  l'ennemi  une  fois 
bloqué  dans  l'accul,  on  pioche  vigoureusement  pour 
le  découvrir,  et,  dès  qu'on  l'aperçoit,  on  le  saisit  avec 
les  tenailles  par  la  mâchoire  inférieure  et  on  l'ar- 
rache de  terre  (1). 

Le  malheureux  animal  est  immédiatement  fourré 
dans  un  sac  et  transporté  au  logis  pour  être  lâché  dans 
une  cour  fermée  et  donner  une  leçon  aux  jeunes 
chiens,  après  avoir  eu  préalablement  la  mâchoire  cas- 
sée. «  Et  à  telle  chasse,  ajoute  du  Fouilloux,  il 
est  requis  d'estre  botté,  car  plusieurs  fois  ils  m'ont 


(1)  «  Il  vous  peut  souvenir,  dit  Eutrapel ,  de  ce  gentil  renard  que 
nous  prîmes  vif  aux  garennes  de  Chàteau-Letard,  auquel,  pour  avoir 
bien  défendu  son  fort,  fut,  aujugementmesme  des  femmes  auxquelles 
il  avoit  mangé  quelques  poules,  donné  la  vie  pour  ce  coup ,  avec  un 
biUet  de  parchemin  attaché  au  cou,  oîi  son  procès  estoit  escrit  et  hi 
cause  de  son  élargissement.  Il  fut  quasi  prest  à  passer  le  pas,  ayani 
attendu  le  canon...,  »  (Contes  et  discours  d' Eutrapel,  1548.) 


Cliasse 
du   blaireau 

selon 
Claude  Gau- 

chet. 


—  346  — 

emporté  le  lopin  do  la  chausse  et  la  chair  qui  était 
dessous  (1).  » 

Claude  Gauchet  a  décrit  la  même  chasse  en  vers  fa- 
ciles et  animés.  Les  choses  se  passent  comme  dans  du 
Fouilloux  :  le  blaireau  ,  retiré  au  fond  de  Vaccul ,  y 
fait  la  plus  belle  résistance,  jusqu'à  ce  que  ce  dernier 
asile  étant  battu  en  brèche, 
les  bassets  se  jettent  snr  lui. 


'assiégé  se  void  et  tous 


Le  bléreau  se  deffend,  et  ne  peut  toutesfois 
Nuyre  aux  chiens  de  dessus,  lesquels  souventes  fois 
L'attachent  par  le  doz,  là  se  void  double  guerre 
L'une  se  fait  dessus,  et  l'autre  dessous  terre 
Et  l'assailly  qui  jà  void  l'ennemy  dedans 
L'abboyer  teste  à  teste  et  luy  monstrer  les  dentz 
Résiste  à  son  pouvoir,  et  de  dent  dangereuse 
Le  poursuyt,  quelquesfois,  dedans  la  mine  creuse. 

* 

Enfin  le  malencontreux  animal ,  malgré  sa  défense 
désespérée,  est  arraché  du  terrier  avec  des  tenailles, 
mis  dans  un  sac  et  emporté  au  manoir.  Là,  après  avoir 
rompu  sa  maschouëre  {orle ,  on  le  livre  aux  jeunes 
bassets  dans  une  cour  fermée  pour  les  exercer  et  les 
acharner.  Mais  : 

Encores  ne  peut  pas  cette  meute  hardie 
A  ce  dur  animal  faire  perdre  la  vie. 

De  sorte  qu'on  est  obligé  de  lui  lâcher  deux  ou  trois 
forts  lévriers 

Qui  de  plus  vive   dent 

Tirent  et  çà  et  là  ses  flancs  de  telle  sorte 
Qu'ils  rendent  à  la  lin  la  i)auvre  beste  morte. 


(1)  C'est  de  la  Vénerie  diu  maître,  combinée  avec  le  chapitre  corres- 
pondant de  la  Vénerie  nonnaiide,  que  nous  ayons  tiré  tous  les  di^tails 
qui  prt'-cèdi'nl. 


—  347  — 

Un  siècle  après  Claude  Gauchel,  Sélincourt  vient  à 
son  tour  nous  parler  avec  quelques  détails  des  chasses 
qui  se  font  en  terre  contre  toutes  les  bêles  puantes, 
que  les  bassets  vont  attaquer  au  fond  des  terriers. 
C'est  ainsi  que  l'on  prend  renards,  chats-harets,/b^«es, 
/icheurs  et  blaireaux.  La  chasse  de  ces  derniers  est  la 
plus  difficile  et  la  plus  pénible,  parce  que  leurs  ter- 
riers sont  très-profonds  et  qu'ils  opposent  aux  chiens 
une  résistance  énergique.  Il  faut  donc  dresser  les 
jeunes  bassets  avec  les  vieux,  plus  hardis  pour  les  at- 
taquer dans  leurs  demeures.  Lorsque  les  bassets  sont 
entrés  au  terrier,  les  blaireaux  se  retirent  précipitam- 
ment dans  les  accnls  où  se  tient  leur  famille  et  s'y 
remparent  contre  les  chiens.  Si  le  jour  finit  avant  qu'on 
soit  arrivé  jusqu'à  eux,  «  il  faut  relayer  d'hommes 
pour  continuer  la  nuit,  nous  les  avons  poussés  trois 
nuits  durant,  et  forcés  jusqu'à  en  prendre  sept  dans 
un  même  terrier,  tant  vieux  que  jeunes.  » 

Les  chasseurs  de  blaireaux  et  de  renards  ne  procé- 
daient pas  autrement  au  siècle  dernier,  ainsi  qu'on 
peut  le  voir  dans  les  ouvrages  de  Goury  de  Champ- 
grand  et  de  Leverrier  de  la  Conterie. 

Parfois  on  étouffait  les  animaux  au  fond  de  leur 
terrier  comme  du  temps  du  Roij  Modus  et  de  Gaston 
Phœbus,  en  brûlant  près  d'une  gueule,  sous  le  vent, 
un  morceau  de  drap  soufré  ou  une  mèche  imbibée 
d'huile  de  soufre  et  roulée  dans  de  la  poudre  d'orpin 
ou  arsenic  jaune  (I). 


Cliasscs 
soulenainei 

selon 
Sélincourt. 


Chasses 
souterraines 

au 
xviiF  siècle. 


(1)  Goury  de  (_'.haiii|igrani_ 


Lovenit'i-  'le  la  (loiitorip. 


CHAPITRE  III. 

Chasses  aux  haies  et  aux  toiles. 


A  la  première  vue ,  il  semblerait  que  ces  chasses 
doivent  être  rangées  parmi  celles  qui  se  font  avec  des 
filets,  pièges  et  autres  engins  et  qui  sont  le  sujet  du 
livre  précédent.  Il  n'en  est  cependant  rien.  Les  en- 
gins ont  été  fort  bien  définis  par  la  jurisprudence  mo- 
derne :  «  les  objets  et  instruments  qui  matériellement 
et  directement  saisissent  ou  tuent  le  gibier  qui  sont  des 
moyens  miiques  ei  principaux...  tels  que  filets,  lacets, 
collets  ou  autres  instruments,  »  sans  y  ajouter  l'em- 
ploi d'aucune  arme  (1).  Or  les  haies  aussi  bien  que 
les  toiles  ne  faisaient  qu'arrêter  la  fuite  du  gibier  et 


(1)  Arrêt  de  Grenoble  du  2  janvier  1845  ,  invoqué  par  M.  E.  ISIoreau 
dans  son  travail  sur  les  Lois  de  chasse  et  les  entjins  prohibés  (Revue 
contemporaine,  30  juin  1865)  à  propos  justement  de  l'emploi  de  ban- 
deroles en  fiapier,  analogues  aux  laps  dont  on  se  servait  jiour  les 
chasses  aux  toiles,  comme  nou>  allons  le  voir. 


—  349  — 
le  livrer  au  chasseur,  qui  devenait  ainsi  le  maitre  de 
le  tuer  avec  des  armes  à  main  ou  de  jet,  de  le  lier  ou 
de  le  faire  porter  bas  par  ses  chiens. 

§  1.   CHASSE  AUX  HAIES. 

La  chasse  aux  haies,  qui  remonte  dans  notre  pays 
à  la  plus  haute  antiquité  et  dont  l'origine  se  perd  dans 
la  nuit  des  temps,  était  complètement  oubliée  lors- 
qu'elle a  été  en  quelque  sorte  découverte  et  ressuscitée 
par  M.  Peigné-Delacourt ,  qui  en  a  fait  l'objet  d'un 
savant  mémoire,  publié  en  1858.  Il  y  reconstruit,  pour 
ainsi  dire ,  cette  chasse  des  âges  primitifs  d'après  les 
traces  que  les  haies  et  les  fossés ,  qui  en  étaient  sou- 
vent l'accessoire ,  ont  laissées  au  fond  de  nos  plus 
vieilles  forêts,  d'après  des  recherches  fort  ingénieuses 
sur  divers  mots  de  notre  vieux  langage  et  sur  un 
grand  nombre  de  noms  de  localité  (1),  enfin  d'après 
l'examen  de  plusieurs  figures  du  blason  (2). 

Il  résulte  de  ces  recherches ,  auxquelles  nous  ajou- 
tons les  nôtres,  que  les  anciens  habitants  de  la  Gaule, 
comme  le  font  encore  divers  peuples  sauvages  (3),  se 


(1)  Aux  noms  cités  par  M.  Peigné-Delacourt,  on  peut  ajouter  ceux 
de  la  haie  de  Routot,  de  la  haie  Aubrée,  de  la  haie  du  Mort  ou  dii 
More,  toutes  situées  dans  des  accids  de  la  forêt  de  Bretonne. 

(2)  L'ouvrage  de  M.  Peigné-Delacourt  a  été  examiné  avec  soin  et 
critiqué  sur  quelques  points  dans  un  excellent  article  du  Journal  des 
chasseurs,  par  M.  J.  Lavallée  (1858). 

(3)  Dans  l'article  précité  ,  M.  Lavallée  cite  les  haies  de  chasse  des 
habitants  de  la  Sibérie  et  des  Cafres,  d'après  les  récits  des  voyageurs 
Hommaire  de  Hell  et  Adulphe  Délegorgue.  Les  Indiens  du  Canada  se 
servaient  de  haies  analogues  au  xvn^  siècle  et  s'en  servent  encore  pour 
\)renûveV orignal  ou  élan.  (Voir  Gharlevoix,  Hisl.  de  la  nouvelle  France, 


—  350  — 

servaient,  pour  prendre  les  animaux  de  leurs  forêts 
sans  limites,  de  haies  vives  qu'ils  formaient  avec  des 
branches  entrelacées  et  greffées  l'une  sur  l'autre. 

Ces  haies  étaient  le  plus  souvent  disposées  en  forme 
de  V  ou  d'X.  Le  gibier,  une  fois  engagé  entre  deux 
haies  et  poussé  par  les  traqueurs  et  les  chiens,  trou- 
vait à  la  pointe  du  V  ou  au  point  d'intersection  del'X 
soit  une  fosse  couverte  de  branchages,  où  il  se  préci- 
pitait, soit  une  enceinte  close  et  gardée,  où  il  était 
tué  à  coups  de  traits,  soit  des  haies  transversales 
garnies  de  nœuds  coulants  ou  de  filels  en  forme  de 
bourse. 

Les  haies  qui  aboutissaient  à  des  fosses  ou  à  des  lacs 
et  filets  devraient  être  rangées,  comme  les  pièges  dont 
elles  sont  l'accessoire,  parmi  les  engins  qui  capturent 
par  eux-mêmes  le  gibier  et  dont  il  a  été  parlé  précé- 
demment. Cependant,  comme  les  anciens  textes  où  il 
est  parlé  de  haies  de  chasse  sont  fort  peu  explicites 
sur  leur  nature ,  nous  allons  être  obligé  de  citer  tous 
ces  textes  sans  pouvoir  garantir  s'ils  s'appliquent  à 
telle  ou  telle  manière  de  chasser  à  la  haie  (1). 
Haies  chez  Lorsque  Jules  César  marcha  avec  son  armée  contre 
les  peuples  qui  habitaient  la  grande  forêt  des  Ar- 
dennes,  il  trouva  ces  barbares  embusqués  derrière 


les  Oaninis. 


t.  V.  —  Le  voyage  du  baron  de  la  llontan  et  le  livre  du  capitaine 
Meyne-Reid  intitulé  The  Huniers  fcasi.  —  Dans  ce  dernier  ouvrage, 
il  est  de  plus  parlé  de  haies  de  sauges  employées  pour  prendre  les 
lièvres  des  prairies.) 

(1)  Le  livre  du  Roy  Modus  et  la  Vénerie  de  Gaston  Phœbus  parlent 
de  haies  de  chasse,  mais  seulement  comme  servant  d'accessoires  à  de 
véritables  pièges,  losse,  lacs,  lilct  ou  dardirr.  Voir  le  livre  précédent. 


—  351  — 

des  haies  vives  formées  de  jeunes  arbres  entaillés  et 
courbés  (1). 

Il  est  permis  de  supposer  que  ces  haies  servaient 
pendant  la  paix  aux  chasses  des  Nerviens  et  autres 
tribus  belges. 

Les  codes  barbares  ne  contiennent  guère  qu'un 
passage  applicable  aux  haies  de  chasse ,  encore  est-il 
douteux  que  le  mot  concisa,  dont  se  sert  la  loi  salique, 
soit  employé  dans  l'intention  de  désigner  cette  sorte 
de  haies  (2). 

Les  textes  concernant  les  haies  de  chasse  sont  plus 
faciles  à  trouver  pendant  l'époque  féodale. 

M.  Pcigné-Delacourt  en  cite  plusieurs,  dont  les  plus       "aies 
anciens  remontent  à  la  fin  du  xif  siècle  ;  ce  sont  des  ,eudant  r.^- 
extraits  du  Doomesday  book  ou  grand    Terrier  de  la  ^'"^"^^  ^""'''''' 
conquête  normande  en  Angleterre  (3).  Un  autre  do- 
cument de  l'an  1202  montre  Simon  le  Besgue  de  Ri- 
bécourt  échangeant  avec  le  seigneur  de  Thorote  une 
rente  de  100  sols  contre  certains  droits  de  mort-bois 
et  la  haie  pour  chasser  dans  la  forêt  de  Laigue  (4). 

A  ces  textes,  ainsi  qu'à  plusieurs  autres  cotés  dans 
le  même  ouvrage,  nous  demandons  la  permission  d'en 
ajouter  quelques-uns  que  nous  avons  recueillis. 


(1)  J.  Ca'saris  Comment.,  lib.  VI.  —  Strabon,  Gcotjr.,  lib.  iv. 

(2)  Voir  Peigné-Delacourt  et  le  Gloss.  de  Ducange,  v"  Concida. 

(3)  Haia  in  quel  capiehnnlur  ferœ....  siliw  in  quel  sunt  IIII  haix 

in  Glouceslerskire....   ibi  hahet  ecclesia   {of  St.    Peler)  venalionem 
imam  per  IIII  haias.  {Doomesday  book,  t.  I.) 

(4)  Cette  haie  à  chasser  comprenait  une  étendue  de  410  arpents, 
comme  on  le  trouve  indiqué  dans  une  requête  adressée  en  l'an  1G09 
au  grand  Maître  des  eaux  et  forêts,  par  Philippe  de  Béthune,  seigneur 
du  Plessis-Brion.  (Peigné-Delacourt.) 


—  352  — 

Dans  le  Glossaire  de  Ducange,  au  mol  Venatio,  on 
trouve  un  passage  extrait  d'une  charte  de  l'année  1025, 
par  laquelle  Olhon,  comte  de  Vermandois,  décharge 
quelques-uns  de  ses  vassaux  des  droits  de  ban  et  de 
recherche  des  larrons,  des  corvées,  des  charrois  et 
des  haies  forestières  à  jirendre  le  gibier ^  en  payant  seu- 
lement un  denier,  un  pain  et  un  septier  d'avoine  (1). 

On  a  pu  voir  plus  haut  comment  le  Roi  anglo-nor- 
mand Jean  sans  Terre  eut  maille  à  partir  avec  Gau- 
tier le  Magnifique,  archevêque  de  Rouen,  pour  prises 
de  bêtes  dans  la  haie  d'Arqués  (2). 

En  1217,  Robert,  archevêque  de  Rouen,  dispensa 
cette  môme  haie  d'Arqués  de  certaines  coutumes  ou 
redevances.  La  haie  est  prise  ici  pour  le  canton  de 
forêt  où  elle  était  établie  (3). 

Des  lettres  patentes  de  Robert,  seigneur  de  Ra- 
zoches,  en  date  de  1247,  contiennent  ce  passage  : 
«  Je  ne  puis  de  ce  bos  arbre  tranchier  fors  que  pour 
faire  haie  à  ma  chacerie  de  bonne  foy  (4).  » 

Par  un  arrêt  du  parlement  de  Paris,  de  1334,  un 
seigneur  est  maintenu  «  en  possession  et  saisine  de 
chasser  et  de  haier  (5).  » 

Dans  les  deux  grands  traités  de  chasse  du  xiv'  siècle. 


(1)  «  ut  bannum  et  lalronem,  corvcias,  carnicarias,  silv.r  Jtajas  ad 
capicndam  venationem  idleriùs  non  pcrsolvanl,  nisi  wium  dcnarhim, 
mmm  panem  et  unum  sextarium  avenx.  »  Ce  droit  de  haie,  qui  con- 
sistait à  faire  travailler  les  vassaux  par  corvée  aux  haies  de  chasse, 
existait  dans  beaucoup  de  seigneuries.  Voir  Ducange,  v"  Haga. 

(2)  Histoire  du  château  d'Arqués. 

(3)  Ducange,  v"  Haia. 

(4)  Ducange,  v  Cacia. 

(5)  Gloss.  Carp.,  v"  Haiare. 


—  333  — 

le  Licre  du  Roy  Modus  el  la  Vénerie  de  Gaslon  Phœ- 
bus,  il  est  parlé  de  haies  de  chasse,  mais  ce  sont  en 
général  des  haies  servant  d'accessoires  à  un  véritable 
piège,  fosse,  lacs  ou  filet.  Cette  sorte  de  haie  resta  en 
usage  longtemps  après  que  toutes  les  autres  haies  de 
chasse  étaient  tombées  en  désuétude.  Leverrier  de  la 
Conterie  (1763)  enseigne  encore  pour  prendre  les 
loups  aux  lassières,  comment  il  faut  «  construire  une 
haie  de  8  ou  9  pieds   de    haut,    si    épaisse  et   si 

bien  liée  qu'un  loup  ne  puisse  passer  au  travers » 

Cette  haie  présente  de  distance  en  distance  des  angles 
formant  autant  de  petites  routes  à  l'extrémité  des- 
quelles sont  tendues  les  lassières  (1). 

Dans  les  comptes  de  Philippe  de  Courguilleroy, 
maistre  veneur  du  Roy  Charles  VI  (1388) ,  on  trouve 
«  VI  serpes  achettées  à  Paris  pour  avoir  fait  les  haies 
pour  chasser  les  pors  pour  le  Roy 12  sols  pari- 
sis  (2).  » 

L'ancienne  coutume  de  la  haute  Bourgogne  définit 
le  mot  hayer  en  ces  termes  :  «  Espèce  de  chasse  pour 
laquelle  on  entoure  de  haies  une  forêt  ou  un  bois 
dans  le  but  de  prendre  des  bêtes  (3).  » 

Un  aveu  du  fief  de  la  Motte-Fouqué  rendu  au  Roi 


(1)  Yoir  le  livre  VI.  —  Les  Allemands  se  sont  servis  jusqu'au 
xyiii»  siècle  de  haies  en  V  conduisant  le  gibier  à  une  enceinte  où  il 
était  tiré.  Y.  Tantzer  (17.34). 

(2)  Pièces  justilicatives,  t.  I".  Les  haies  de  Philii)pe  de  Courguilleroy 
étaient  probablement  de  celles  qui  servaient  à  prendre  les  animaux 
aux  lassières.  —  Voir  Gaston  Phœbus. 

(3)  «  Ho,yer  sprcies  venaUnnis  est,  cuin  quis  ad  feras  capiandas  sil- 
vam  aut  hoscuin  Itays  scpil.  d 

III.  23 


—  354  — 

par  le  comte  Claude  de  Sanzay,  le  7  mars  1580,  contient 
ces  phrases  :  «  Oullre,  j'ay  parc  et  paisnage  et  droit 
de  chasse  es  haye  ou  hayes  que  mes  dilz  hommes  sont 

tenus  faire  garder  avec  aultres  choses  à  chasse et 

aussi  suys  je  tenu  fere  perche  et  demie  des  haies  à 
chasse  es  boys  du  dictlieu  de  la  Ferté  (1)  de  deux  ans 
en  trois  ans,  quand  il  m'est  faict  assavoir  [2).  y> 

Cet  aveu  .est  datée  du  septième  jour  de  mars  de 
l'an  1580.  Il  est  fort  probable  que  cette  mention  des 
haies  de  chasse  n'était  que  la  reproduction  des  aveux 
précédents;  car,  à  l'exception  des  haies  à  lassières  dont 
nous  venons  de  parler  (3),  la  chasse  à  la  haie  était 
certainement  hors  d'usage  à  la  fin  du  xvi'  siècle. 

Dans  les  haies  se  trouvaient  ordinairement  prati- 
qués des  berceaux,  où  les  tireurs  s'embusquaient  pour 
tirer  les  bêtes  (A). 

Ces  berceaux ,  appelés  aussi  ramiers  ou  folies  sont 
mentionnés  dans  plusieurs  titres  anciens.  Nous  nous 
bornerons  à  rappeler  le  passage,  déjà  cité,  d'une  charte 
de  1357,  qui  autorise  les  habitants  delà  commune  de 
Revel  à  chasser  toute  espèce  d'animaux  dans  la  forêt 
de  Vaur  avec  un  ou  plusieurs  ramiers  (5). 

Olivier  de  Serres  invite  encore  à  la  fin  du  xvi*  siècle 


(1)  La  Ferté-Macé. 

(2)  Aveu  de  la  Terre  de  la  Motte-Fouqué ,  imprimé  à  la  suite  dn 
Journal  de  la  comlessc  de  Sanzay,  publié  par  M.  le  comte  de  la  Fer- 
rière-Percy.  Paris,  1859. 

(3)  Et  aussi  des  haies  conduisant  h  une  fosse  qu'on  voit  représentées 
dans  les  gravures  de  Stradan. 

(4)  Le  mot  de  berceau  ou  berseil  vient  de  brrser,  tirer  de  l'arc,  voir 
Ducange,  v"  DersaeX'M.  Peigné-Deinrourt. 

(j)  Ducange,  v"  Ramerium. 


—  355  — 

le  gentilhomme  campagnard  à  élablir  dans  sa  garenne 
des  berceaux  de  feuillage  pour  y  tirer  des  lapins  à 
l'affût  (1). 

§   2.    CHASSE   AUX    TOILES. 

Les  toiles  jouaient,  pour  la  chasse  des  grands  ani- 
maux, le  même  rôle  que  les  haies,  c'est-à-dire  qu'elles 
arrêtaient  la  fuite  des  bêtes  et  les  livraient  aux  coups 
du  chasseur.  Elles  succédèrent  aux  haies  à  une  époque 
qu'il  est  fort  difficile  de  déterminer,  parce  que  l'on 
confond  habituellement  les  toiles  de  chasse  avec  les 
panneaux  et  autres  filets. 

Les  anciens,  qui  faisaient  grand  usage  de  ces  derniers 
engins,  ne  paraissent  pas  avoir  employé  les  toiles  (2). 
Ils  connaissaient  fort  bien  les  laps  (3),  ou  pièces  de 
toile  suspendues  à  des  cordes ,  qu'ils  remplaçaient 
souvent  par  des  plumes  [pinnatum,  formido)  (à). 

En  France ,  nos  plus  anciens  auteurs  cynégétiques 
ne  parlent  pas  de  la  chasse  aux  toiles.  Ni  le  Roy  Mo- 
dus,  ni  Gaston  Phœbus,  qui,  l'un  et  l'autre,  traitent  as- 


(1)  Théâtre  d'agriculture.  Des  berceaux  d'affût  existent  encore  dans 
le  parc  du  château  de  la  Platte ,  près  Wiesbaden,  et  y  servent  à  tirer 
les  chevreuils  et  autres  bêtes  fauves  qui  y  abondent.  Voir  Bubbles  of 
ihe  brunnens  of  Nassau. 

(2)  Les  plaga\  aussi  bien  que  les  relia  et  les  casses,  semblent  avoir 
été  des  fdets  maillés.  (Voir  le  dictionnaire  de  Rich,  h^  v>,  et  Vlitius, 
Venalio  novantir^ua.) 

(3)  Le  nom  de  laps  donné  à  cette  sorte  d'épouvantail  par  le  S'  Tou- 
douze,  dans  son  journal  des  chasses  de  Chantilly,  vient  de  l'allemand 
Lappen  (lambeaux)  ;  les  Allemands  se  servaient  aussi  de  cordes  emplu- 
mées.  (Voir  les  gravures  de  Ridinger.) 

(4)  Voir  Gratius  et  Némésius. 


—  356  — 

sez  longuement  des  chasses  aux  Olels,  ne  citent  les  en- 
ceintes de  toiles.  Nous  n'en  pouvons  trouver  de  men- 
tion bien  cl;>ire  avant  le  xv^  siècle  ,  lorsque  François 
de  la  Boissière  fut  mis  en  possession  de  la  charge  de 
grand  louvetier  de  France,  et  en  même  temps  de  celle 
de  garde  et  tendeur  des  toiles  de  chasse  du  Roy  (14G4)  (1). 
L'usage  de  ces  toiles  fut  probablement  importé  d'Alle- 
magne, oïl  cette  manière  de  chasser  fut  toujours  en 
grand  honneur  (2). 

Quoi  qu'il  en  soit,  Jean  de  Rasset,  écuyer,  avait  le 
litre  de  capitaine  des  toiles  avant  1485;  ce  titre  passe 
alors  à  Pierre  de  Gobache  ,  qui  reçoit  en  cette  qua- 
lité 600  1.  t.  de  gages  (3).  L'équipage  commandé  par 
cet  officier  était  déjà  considérable. 

Le  capitaine  avait  sous  ses  ordres  un  escuyer  des 
toiles,  un  commissaire  et  garde  desdites  toiles  (4),  un 
maître  veneur,  6  veneurs  ordonnés  pour  les  toilles, 
2  valets  de  limier,  un  page  de  chiens ,  un  regnardier, 
un  garde  de  chiens  àregnards,  36  compagnons  ordon- 
nés à  la  garde  cVicelles  toilles  et  à  les  tendre  et  destendre, 
charger  et  descharger ,  24  chiens  courants,  24  chevaux 
et  6  chariots  et  charrettes  pour  mener  les  toilles  de  la 


(1)  Voir  le  P.  Anselme,  Hlsloirr  gcnralogiquc  drs  grands  officiers  de 
ta  maison  de  France. 

(2)  Voir  Fleming  et  autres  auteurs  allemands  et  la  note  M.  Charles- 
Quint  importa  lâchasse  aux  toiles  en  Espagne. 

(3)  Comptes  de  la  vénerie  et  fauconnerie  de  Charles  Mil. 

(4)  En  1483,  il  y  avait  deux  commissaires  des  toiles,  comme  on  le  voit 
dans  les  lettres  patentes  du  Roi,  données  aux  Montilz-les-Tours,  h; 
13'  jour  de  janvier  1483.  (Vieux  style.)  —  Citées  par  M.  le  comte  de 
Quinsonas  Comptes  de  la  vénerie  de  Charles  17//. 


—  357  — 
chasse  après  la  personne  du  Roi,  pour  servir  au  fait  de  la- 
dite chasse,  pour  son  plaisir  et  esbat  (1). 

Louis  XII  faisait  souvent  chasser  aux  toiles  le  jeune 
comte  d'Angouieme,  depuis  François  I",  qui  en  con- 
serva le  goût  après  son  avènement,  comme  Budé  en 
témoigne  de  visu  (2). 

Sous  ce  dernier  Roi,  la  seule  vénerie  des  toiles  coù-  loiies. 
lait  18,000  livres.  «  Le  Roy,  »  ditFleuranges,  «  a  une 
vénerie  qui  s'appelle  la  vénerie  des  toiles,  là  où  sont 
cent  archers  sous  le  capitaine  des  toiles  ,  à  cent  sols 
le  mois,  qui  ne  servent  que  de  dresser  les  toiles  et 
portent  grands  vouges  (3)  à  pied,  et  sont  tenus  lesdicts 
archers  quand  le  Roy  va  à  la  guerre  en  personne  aller 
avecques  luy  pour  tendre  ses  tentes  et  sont  compris 
au  nombre  des  gardes  quand  le  Roy  est  en  camp.  Et 
a  cinquante  chariots,  six  chevaulx  à  chacun  chariot 
qui  ne  servent  que  de  mener  les  toiles  partout  oii  le 
Roy  va,  et  les  planches  pour  les  tentes.  Ce  capitaine  a 
aussi  six  valets  de  limiers  et  douze  veneurs  à  cheval 
et  son  lieutenant.  Est  pour  l'heure  présente  capitaine 
desdictes  toiles  un  gentilhomme  de  Normandie,  qui 
s'appelle  Monsieur  d'Annebaut  (4),   et  a  cinquante 


(1)  Comptes  de  la  vénerie  de  Charles  VIII. 

(2)  Mémoires  de  Fleuranges.  —  Budé,  TraiUé  de  la  vénerie.  —  Qu 
lit  dans  une  lettre  de  François  \"  au  grand  maître  Anne  de  Montmo- 
rency (28  juillet  1528)  :  «  J'ai  été  depuis  votre  partement  à  la  chasse 
aux  toilles  par  deux  ou  trois  fois.  »  {Rivalilé  de  Charles  V  et  de  Fran- 
çois /'■'■,  par  M.  Mignet.) 

(3)  Sorte  d'épieux  ou  de  couteaux  de  brèche,  tranchant  d'un  seul  cûti''. 
'4)  Jean  d'Annebaut,  père  de  l'amiral  Claude. 


—  358  — 

chiens  courans  et  six  valets  de  chiens  pour  les  pen- 
cer  (1).  » 

Les  princes  de  la  maison  de  Guise  avaient,  au 
XVI*  siècle,  un  équipage  de  toiles  pour  chasser  la  bête 
noire,  comme  nous  l'avons  vu  précédemment  (2). 

Henri  II  et  Charles  IX  possédaient  un  attirail  de 
toiles  tout  aussi  considérable  que  celui  de  François  P*", 
et  le  personnel  n'était  guère  moins  nombreux ,  sauf 
les  archers  (3). 

Henri  IV,  qui  aimait  passionnément  la  chasse  des 
sangliers,  remit  sur  pied  les  cent  archers  de  Fran- 
çois P"",  et  donna  des  proportions  imposantes  à  VEstat 
des  toiles  (4)  quoiqu'il  eût  un  vautrait  spécial  et  qu'in- 
dépendamment des  deux  équipages  de  sanglier  qui 
lui  appartenaient,  il  allât  fréquemment  chasser  les 
bêles  noires  dans  les  toiles  avec  le  vautrait  du  comte 
d'Auvergne,  au  grand  déplaisir  de  son  capitaine  des 
toiles,  Nicolas  de  Brichanteau,  marquis  de  Beauvais 
Nangis,  lésé  à  la  fois  dans  son  amour-propre  et  dans 
ses  intérêts  (5). 

En  1610,  Henri  IV  commanda  souvent  à  Beauvais 
Nangis  de  faire  chasser  avec  ses  toiles  le  Dauphin, 
alors  âgé  de  9  ans.  Louis  XIII  conserva  toute  sa  vie 


(1)  Mémoires  de  Fleiiranges. 

(2)  Voir  plus  haut,  liv.  I,  ch.  iv. 

(3)  Voir  les  Pièces  justificatives,  t.  I". 

(4)  La  dépense  en  montait  alors  à  plus  de  30,000  livres.  {Mrinoircs  du 
marquis  de  Ik'auvais-Nanr/is,  publiés  i)ar  la  Société  de  l'histoire  de 
France  en  I8()'2.) 

(ô)  Voiries  McDwires  de  Nicolas  de  Hricluiuteau,  manjuis  de  Beau- 
vais-Nangis,  publiés  par  la  Société  df  l'histoire  de  France  en  1862. 


—  359  — 

le  goût  de  la  chasse  aux  toiles  et  maintint  sou  équi- 
page sur  un  pied  fort  respectable  (1). 

Sous  Louis  XIV,  la  cour  assistait  souvent  à  des 
chasses  dans  les  toiles.  Ces  chasses ,  essentiellement 
d'apparat,  exigeant  un  grand  déploiement  de  monde 
et  de  matériel,  ne  pouvaient  que  flatter  les  goûts  du 
grand  Roi  (2). 

Le  journal  de  Dangeau  constate  que  S.  M.  assistait 
souvent  à  des  chasses  dans  les  toiles.  C'était  proba- 
blement dans  une  de  ces  chasses  que  le  Roi,  s'étant 
mis  dans  le  chariot  avec  M"^  la  Dauphine,  «  tua  fort 
adroitement  un  grand  cerf  qui  étoit  entré  dans  la 
cour  (lisez  l'accourre)  et  qu'on  craignoit  qui  ne  bles- 
sât quelqu'un  (3).  » 

«28  octobre  1686,  à  Fontainebleau.  Le  Roi,  après  son 
dîner,  est  allé  à  la  chasse  du  sanglier  dans  les  toiles. 
Monseigneur  étoit  à  cheval  avec  les  dames  et  M""^  la 
Dauphine  étoit  en  carrosse  avec  le  Roi.  Toutes  les 
dames  se  mirent  dans  les  carrosses  de  M"""  la  Dau- 
phine, c'est-à-dire  celles  qui  ne  montoient  pas  à  che- 
val. On  donna  la  hure  du  sanglier  à  Roussis  qui  l'a- 
voit  tué  et  qui  en  apporta  l'oreille  au  Roi  au  bout  de 
son  sabre,  à  la  manière  de  Perse;  le  sanglier  blessa 
M.  de  Villequier  au  pied  assez  considérablement  et  fit 
tomber  rudement  Sainte -Maure  sans  le  blesser.  » 
(Dangeau,  t.  P^  p.  407.) 


(1)  Voir  les  Pièces  justificatives,  t.  P''. 

(2)  Sur  Vélat  des  toiles  sous  ce  règne.  Voir  les  Éluls  de  la  Franee 
et  les  Pièces  Justificatives. 

(3)  Dangeau,  \.  1.-20  novembre  lG8'i. 


—  360  — 

Le  19  octobre  précédent,  monseigneur  était  allé  le 
matin  aux  toiles,  où  l'on  tua  quatre  gros  sangliers,  qui 
estropièrent  huit  chevaux  (1). 

Il  y  eut,  à  Versailles,  le  15  novembre  1G92,  une 
grande  chasse  aux  sangliers  dans  les  toiles,  où  plus 
de  cent  de  ces  animaux  se  trouvèrent  enfermés  (2). 

Il  paraît  qu'il  en  échappa  bon  nombre  ,  car  on  lit 
dans  le  même  journal  qu'à  Fontainebleau,  le  19  oc- 
tobre 1703,  on  tua  quarante-trois  sangliers  dans  les 
toiles.  «  Jamais,  »  ajoute  Dangeau  ,  «  on  n'en  avoit 
tué  tant  à  la  fois  dans  ces  pays-ci  (3).  » 

Le  scrupuleux  annaliste  décrit  encore,  sous  la  date 
du  30  octobre  1707,  une  chasse  aux  toiles  qui  donne 
l'idée  du  grand  appareil  déployé  dans  ces  chasses  et 
du  spectacle  animé  qu'elles  présentaient  :  les  toiles 
étaient  tendues  dans  les  ventes  de  Bombon  (foret  de 
Fontainebleau).  Il  y  avait  dans  l'enceinte  un  grand 
nombre  de  sangliers  et  d'autres  bêtes  fauves,  savoir 
des  cerfs,  des  biches,  des  chevreuils  et  des  renards. 
Le  Roi  s'y  rendit  avec  la  Reine  et  la  princesse  d'An^ 
gleterre  (femme  et  fille  de  Jacques  II),  Madame  et  la 
duchesse  de  Bourgogne  dans  des  carrosses  et  grand 
nombre  de  seigneurs  à  cheval.  «  Il  y  avoit  plusieurs 
chariots  préparés  dans  l'enceinte  en  manière  de  plate- 
forme, garnis  de  sièges  couverts  de  tapis  pour  les 
dames,  et  des  dards.  Il  y  avoit  aussi  un  grand  nombre 


([}  Daujji'au,  t. 
{•l)  IhiiJ.,  t  IV. 
(3)  ///(>/.,  I.  IX. 


—  361  — 

de  chevaux  de  main,  prêts  pour  les  seigneurs  qui  vou- 
droient  aller  à  coups  d'épée  sur  ces  animaux.  Le  Roi 
d'Angleterre  et  monseigneur  le  duc  de  Berry  en  dar- 
dèrent plusieurs.  On  en  tua  seize  des  plus  considé- 
rables et  quelques  renards.  Celte  chasse  donna  beau- 
coup de  plaisir  à  LL.  MM.  Britanniques,  aussi  bien 
que  le  spectacle  qui  accompagne  toujours  ces  chasses, 
à  cause  de  la  multitude  de  gens  qui  environne  les 
toiles  et  la  grande  quantité  de  peuple  que  la  curiosité 
fait  monter  sur  les  arbres  et  qui  forme  une  tapisserie 
admirable  par  sa  diversité  partout  où  la  vue  peut 
s'étendre  (1).  » 

Louis  XV  ne  semble  pas  avoir  pris  grand  plaisir  à 
ces  sortes  de  chasses,  du  moins  les  mémoires  du 
temps  sont  muets  sur  ce  sujet.  Il  conserva  cependant 
l'équipage  sur  l'ancien  pied  [2). 

Louis  XVI  prenait  part  de  temps  à  autre  à  des 
hourailleries,  ou  chasses  à  tir  dans  les  toiles  (3).  Dans 
son  journal  pour  l'année  1775,  on  trouve  quatre 
hourailleries,  deux  à  Compiègne  et  deux  à  Fontaine- 
bleau. 


(1)  Le  Mercure,  cité  en  note  dans  leyoMr«a/deDangeau,  t.  XL— Les 
jeunes  princes,  petits-fils  de  Louis  XIV,  firent  leurs  débuts  à  une 
chasse  aux  sangliers  dans  les  toiles.  Voir  plus  haut. 

(2)  Voir  les  i7a/5  de  la  France  et  les  Pièces  justificatives,  1. 1". 

(3)  Ce  mot  dérive,  suivant  M.  Lavallée,  de  houra,  à  cause  des  cris 
des  traqueurs.  {Technologie  cijnégélique.)  Selon  d'autres,  il  viendrait 
des  hoitrcts  ou  mauvais  chiens  mâtinés  qu'on  y  employait.  Les  Jiou- 
raillerics  paraissent  avoir  été  des  chasses  aux  sangliers  dans  lesquelles 
ces  animaux  rassemblés  en  grand  nombre,  au  moyen  d'une  enceinte 
de  toiles,  étaient  tués  à  coups  de  fusil.  Dans  les  chasses  ordinaires  di> 
sangliers  avec  Ips  toiles,  c'était  h  coups  do  dards  nu  iIp  massup  qu'on 
les  tuait. 


—  362  — 

L'équipage  des  toiles  fut  supprimé  dès  1787.  Un 

décret  du  10  septembre  1792  mit  à  la  disposition  du 

pouvoir  exécutif  les  toiles  de  chasse  qui  se  trouvaient 

dans  les  établissements  dits  du  vautrait  et  qui  durent 

être  employés  à  fabriquer  des  tentes  pour  les  armées. 

Équipage         Les  princes  de  Condé  avaient  à  Chantilly  un  équi- 

^.rin'ces'^^    p^gG  dc  toilcs  très-complct  avec  laps;  ils  chassaient 

de  Coudé,     non-seulement  les  sangliers,  soit  à  hourailler,  soit  avec 

les  dards  et  les  épieux,  mais  les  cerfs,  les  daims  et  les 

chevreuils  (1). 

Ces  toiles  servaient  aussi  à  restreindre  le  parcours 
des  chasses  à  courre.  Il  y  avait  de  petites  toiles  pour 
faire  des  fermés  de  lapins. 

Toujours  somptueux  et  rafûnés  dans  leurs  chasses, 
les  illustres  maîtres  de  Chantilly  se  plaisaient  de  temps 
à  autre  à  organiser  des  chasses  singulières  dans  les 
toiles,  analogues  à  celles  qui  faisaient  les  délices  des 
Princes  du  Saint-Empire  romain  (2). 

C'est  ainsi  qu'en  septembre  1688 ,  lors  de  ces  fa- 
meuses fêtes  que  Monsieur  le  Prince  offrit  au  grand 
Dauphin,   il  imagina  de  faire  voir  à  son   hôte  une 
chasse  dans  l'eau  à  la  mode  allemande. 
Chasse  Au  moycn  des  toiles,  un  nombre  infini  de  sangliers 

et  de  cerfs  fut  poussé  pêle-mêle  dans  l'étang  de  Co- 
melle  où  les  attendaient  les  princes  avec  les  dames  et 
toute  la  cour,  les  uns  sur  des  embarcations  décorées 
de  feuillages  et  de  tendelets  aux  couleurs  éclatantes, 


dans  l'eau 


(1)  Voir  le  Journal  de  Toiuluazc,  aux  Pièces  justiliealives  à  l;i  li" 
(lu  tome  1""  et  la  note  N. 

(2)  "S'oir  la  note  M. 


—  363  — 
les  autres  sous  des  lentes  dressées  le  long  du  rivage. 
Aussitôt  que  les  animaux  eurent  pris  l'eau,  poursui- 
vis par  les  chiens,  les  chasseurs  qui  montaient  la  flot- 
tille leur  coururent  sus,  qui  avec  des  pieux ,  qui  avec 
des  dards,  plusieurs  avec  des  perches  garnies,  à  l'ex- 
trémité, de  nœuds  coulants.  On  forma  les  bateaux  en 
fer  à  cheval  pour  pousser  ces  bêtes  effarées  du  côté 
où  madame  la  Princesse  se  tenait  sous  une  feuillée 
avec  les  dames  de  sa  suite.  Cinquante  ou  soixante  ani- 
maux, tant  cerfs  et  biches  que  sangliers,  furent  mis  à 
mort.  La  plupart  obtinrent  grâce  de  la  vie  par  l'inter- 
cession des  dames.  On  se  borna  à  passer  des  lacs  dans 
les  bois  des  cerfs  et  à  leur  faire  traîner  les  nacelles 
vers  le  rivage  où  les  blanches  mains  des  belles  chasse- 
resses leur  rendirent  la  liberté  (1). 

Au  xvnf  siècle,  on  se  livrait  aussi  à  Chantilly  au  Lapins  bemds. 
divertissement  de  berner  des  lapins.  Cette  chasse  ridi- 
cule, empruntée  aux  Allemands,  consistait  à  traquer 
les  animaux  dans  une  allée  de  toiles  verticales.  En 
travers  de  cette  galerie,  de  larges  sangles  étaient  éten- 
dues à  terre,  tenues  chacune  par  deux  chasseurs, 
souvent  par  un  chasseur  et  par  une  dame;  au  mo- 
ment où  Jeannot  Lapin  passait  sur  la  sangle,  chacun 
des  deux  tirait  à  soi  vivement  et  la  secousse  envoyait 
pirouetter  dans  les  airs  l'infortuné  quadrupède  (2). 

Voici  comment  on  procédait  à  l'ordinaire  pendant 


(1)  Mercure  galanl,  septembre  1688,  dans  Irs  l'nurs  gulaïUcs,  t.  II. 

(2)  Journal  de  Toudouze.  —  Flemini;'. 


—  3G4  — 

le  XVII''  et  le  xvm*  siècle  pour  faire  une  chasse  aux 
toiles. 

Après  avoir  reconnu  avec  un  limier  ou  autre- 
ment l'enceinte  oii  se  trouvaient  les  animaux,  on  por- 
tail autour  de  cette  enceinte  les  toiles,  les  fourches  et 
les  piquets  servant  à  les  tendre  (1).  Après  les  avoir 
tendues  et  fixées  à  petit  bruit,  on  barrait  l'enceinte  à 
différents  endroits  avec  des  toiles  couchées  à  terre  et 
recouvertes  de  feuilles  mortes.  Puis  on  entrait  avec  les 
traqueurs  (2)  par  une  des  extrémités  de  Tenceinte,  et 
l'on  marchait  en  ligne  jusqu'à  la  première  toile  de 
traverse.  Celle-ci  était  immédiatement  relevée  et  ainsi 
de  suile,  jusqu'à  la  dernière  toile  transversale  qui  ne 
formait  plus  qu'une  enceinte  très-resserrée.  Si  l'on 
voulait  prendre  les  sangliers  vivants,  on  cherchait 
encore  à  raccourcir  cette  dernière  enceinte  et  on  sai- 
sissait par  les  pieds  de  derrière  les  plus  jeunes  ani- 
maux ou  on  les  faisait  coiffer  par  des  mâtins.  Le  plus 
souvent  les  sangliers  renfermés  dans  la  dernière  en- 
ceinte ou  accourre  étaient  tués  àcoupsd'épieu,  d'épée 
ou  de  dards,  ou  assommés  à  coups  de  bâton  avec  ou 
sans  l'assistance  de  chiens  de  force.  Lorsqu'on  vou- 
lait surtout  tuer  des  bêtes  noires  ou  autres,  on  faisait 
une  houraillerie  (ou  un  hourailler)  (3). 

Les  dames  prenaient  le  divertissement  de  ces  chasses 


(1)  Les  piquets  servaient  à  arrêter  les  toiles  par  le  bas  et  les  four- 
clies  à  les  tenir  élevées  verticalement. 

(2)  Selon  GafTet  de  la  Briffardière ,  il  iaut  une  ceiitaiut'  de  paysans 
})our  traquer  et  aider  à  tendre  les  toiles. 

(3)  On  a  encore  lait  des  liournilleries  sous  le  règm-  de  (Iharlcs  \. 
Voir  11'  Jiinr/Ktl  des  riniascs. 


—  365  — 

du  haul  (le  cliariols  (3t  de  tribunes  placés  dans  l'ac- 
courre  et  lançaient  quelquefois  le  dard  de  leurs 
propres  mains. 

Les  bâtons  dont  on  se  servait  très-souvent  sous 
Louis  XIV  étaient  longs  de  5  à  G  pieds  et  pointus  par 
un  bout;  les  chasseurs  frappaient  les  bêtes  noires  au 
boutoir,  qui  est  leur  endroit  sensible.  Les  petits  ani- 
maux étaient  assommés  assez  promptement ,  mais  les 
gros  sangliers  se  défendaient  vigoureusement,  et  il  fal- 
lait les  frapper  à  plusieurs  reprises  et  leur  présenter 
la  pointe  du  bâton  pour  les  repousser.  Quelques 
chasseurs  à  cheval,  bien  montés  et  chaussés  de 
bottes  fortes,  restaient  aussi  dans  l'accourre  pour 
tuer  les  sangliers  à  coups  d'épée  ou  de  couteau  de 
chasse  (l). 

On  se  servait  aussi  des  toiles  soit  pour  faire  des  ga- 
leries à  l'aide  desquelles  on  conduisait  des  cerfs  d'une 
forêt  à  une  autre  (2),  soit  pour  prendre  vivants  des 
cerfs  et  des  biches.  Dans  ce  dernier  cas,  les  animaux 
étaient  traqués  avec  les  toiles  jusqu'à  une  avenue  de 
pieux  enlacés  de  feuillage,  qui  aboutissait  à  une  ca- 
bane ou  un  caisson.  L'animal,  entré  dans  la  cabane, 
y  était  enfermé  à  l'aide  d'une  trappe  et  le  tout  était 
chargé  sur  un  chariot  (3). 

Les  simples  gentilshommes  se  trouvaient  rarement     aux  Jiës 
posséder  un    attirail   aussi    considérable   que   celui      ^■J^^,s 


Cliasse 


senlilshommes. 


(1)  Salnove,  —  Étals  de  la  France.  —  GafTet  de  la  Brlffardière. 

(2)  D'YauviUe.  —  Toiidouze. 

(3)  Gaffel  de  la  Brlffardière. 


—  366  — 

qu'exigeait  la  chasse  aux  toiles.  Il  s'ensuit  qu'ils  ne 
pouvaient  guère  chasser  de  cette  façon  que  lorsque  le 
voisinage  d'une  résidence  royale  ou  princière  et  la 
complaisance  d'un  capitaine  des  chasses  leur  en  four- 
nissaient les  moyens.  C'est  probablement  de  cette 
manière,  c'est-à-dire  avec  des  toiles  empruntées  au 
château  royal  de  Vil lers-Cotterets  que  Claude  Gauchet 
et  ses  amis  purent  faire  les  deux  chasses  aux  toiles 
qu'il  décrit  dans  son  poëme. 

La  première,  qui  se  fait  en  hiver,  est  la  chasse  d'un 
grand  vieil  sanglier. 

Le  solitaire,  enfermé  dans  les  toiles,  est  traqué  par 
une  foule  de  paysans  diversement  armés  et  accompa- 
gnés de  leurs  chiens,  vers  une  accourre  où  sont  tiltrés 
les  chiens  de  force  revêtus  de  leurs  Jacques  et  les 
veneurs  armés  d'épieux.  Après  avoir  fait  grand  car- 
nage des  mastineaux  et  culbuté  les  premiers  chasseurs 
qui  l'abordent,  le  terrible  animal,  coiffé  par  les  chiens, 
est  servi  par  Claude  Gauchet  lui-même  : 

Je  m'approche  du  lieu 

Et  mon  espieu  trenchant  poussant  par  le  milieu 
Je  fais  rougir  ses  flancs  :  le  sang  en  abondance 
Par  boutées  sortant,  affoiblit  sa  puissance 
Si  bien  que  de  ce  coup,  estendu  par  le  bois 
n  rend  aux  ennemis  la  vie  et  les  abois  (1). 

L'autre  chasse  est  qualifiée  de  plaisante  chasse  aux 
loups  par  eau  et  se  fait  en  automne. 
Nous  avons  donné  au  livre  VI  une  analyse  du  récit 


(1)  Livre  IV. 


—  367  — 

de  Claude  Gauchet.  Cette  chasse  plaisante  repro- 
duit sur  une  petite  échelle  les  chasses  à  l'eau  des 
princes  allemands  dont  Monsieur  le  Prince  avait 
offert  une  copie  fidèle  à  Monseigneur  dans  l'étang 
de  Comelle. 


NOTES. 


24 


NOTES. 


NOTE  A. 


Équipage  de  loup  du  graud  Uaupliin.  (Ex  traits  des  Élals  de  la  France 
de  1684,  1687  et  1098.) 


1684. 

Depuis  1682,  Monseigneur  le  Dauphin,  aimant  la  chasse  du 
loup,  entrelient  une  meutte  de  cent  chiens  pour  le  loup,  et 
vingt  chevaux  de  selle,  pour  monter  quatre  lieutenans  ordi- 
naires, deux  piqueurs,  deux  valets  de  limiers  et  autres. 

Lieutenans  ordinaires  : 

M.  de  Fontaine. 

M.  Michel  de  Fours,  sieur  de  Guisigny,  aussi  lieutenant  de 
louveterie  au  bailliage  de  Gisors,  dans  la  forêt  d'Andelis  et 
de 

M.  Bâaillon,  aussi  lieutenant  de  Roy  au  Pont-de-l'Arche  et 
ecuïer  de  l'équipage  de  louveterie,  près  Monseigneur  le  Dau- 
phin. 

M.  Jean  Descara. 

Les  veneurs  ou  piqueurs  sont  • 
Jaque  Sandrier,  dit  la  Montagne  ;  Claude  le  Roux. 


—  372  — 

Deux  valets  de  limiers  :  Pierre  Jean,  dit  Incourt.  Pierre 
Lalleman. 

Lesquels  servent  tous  sous  le  commandement  de  M.  le  mar- 
quis d'Eudicourt,  grand  louvetier  de  France. 

1687. 
Quatre  lieutenans  ordinaires  : 
MM.  Michel  de  Fours,  etc.; 
Jean  Dascara  (sic); 
le  Chevalier  d'Eudicourt  ; 
de  Boisfrant. 
Les  veneurs  ou  piqueurs  sont  : 
N....  la  Violette; 
Jaque  Sandrier,  dit  la  Montagne  ; 
Claude  le  Roux  ; 
N....  l'Emerillon. 

Deux  valets  de  limiers  (comme  en  1684). 

1698  (1). 
Cinq  lieutenans  ordinaires  : 
MM.    le  chevalier  d'Eudicourt  ; 
de  Boisfrant  ; 
de  Villognon; 
Dudeauville; 
de  la  Grandière. 
Un  aumônier  ou  chapelain  de  la  louveterie  de  monseigneur 
le  Dauphin,  M.  Pierre  de  Piscard,  S'  de  Travaille. 

Les  veneurs  ou  piqueurs  sont  : 
Pierre  le  François,  dit  la  Violette; 
Jaque  Sandrier,  dit  la  Montagne  ; 
Claude  le  Roux  ; 
Jaque  Cherron,  dit  l'Emerillon; 
N....  Phelippau. 


(1)  L'écurie  fie  chasse  du  Dauphin  comptait  alors  50  chevaux.  Nous 
avons  vu  qu'il  en  avait  eu  jusqu'à  80  en  1G88. 


—  373  — 

Valets  de  limiers  : 
N....  Dessaux; 
N....  Riblet; 
N....  du  Clos; 
Pierre  Discret  ; 
N....  le  Vatine; 
N....  Launay,  dit  Machocré  ; 
N....  Riblet  le  cadet. 

Valets  de  chiens  : 
N....  Bourguignon  ; 
N....  le  Moine,  dit  Picard  ; 
N....  Roland; 
N....  Cordier; 
N....  Sauvage  ; 
N....  Langlois. 

Un  pourvoyeur  de  l'écurie  des  chevaux  pour  le  loup,  200 
Le  S'  Sarazin. 


NOTE  B. 

Chasses  mémorables  de  Monseigneur,  d'après  Dangeau  et  le  Mercure. 

Le  4  octobre  1684,  monseigneur  prit  un  gros  loup  dans  une 
des  îles  de  la  Loire. 

Le  10  novembre  suivant,  malgré  le  mauvais  temps,  monsei- 
gneur ne  laissa  pas  de  courre  le  loup  et  même  il  en  prit  six  ce 
jour-là. 

Le  17  février  1685,  d  Versailles.  —  Monseigneur  courut  un 
loup  qui  le  mena  par  delà  Marcoussy. 

Le  23  février  suivant.  —  «  Monseigneur  courut  le  loup 
qu'il  prit  vers  Marcoussy.  » 


—  374  — 

Le  21  mars  suivant,  à  Versailles.  — «  Monseigneur  courut 
le  loup,  la  chasse  fut  fort  rude,  il  y  eut  sept  ou  huit  chevaux 
de  crevés  de  la  course.   » 

Le  1 1  avril  suivant.  —  «  La  chasse  mena  monseigneur  à 
10  lieues  de  Versailles  et  il  ne  revint  qu'à  onze  heures  du 
soir.   » 

Le  18  juin. —  «  Monseigneur  alla  courre  le  loup  aux  Vaux  de 
Cernay  et  le  prit  dans  Crouy,  après  avoir  couru  pendant  dix 
heures  par  une  chaleur  horrible.  » 

Le  7  septembre,  monseigneur  allant  à  Chambord,  courut  le 
loup  en  chemin  et  en  prit  deux. 

Le  13  septembre,  à  Chambord.  —  «  Monseigneur  courut  le 
loup  et  n'en  revint  cpi'à  neuf  heures  du  soir  (1).   » 

Le  16  janvier  1686,  à  Versailles.  —  «  Monseigneur  courut  le 
loup  et  fit  rompre  ses  chiens  à  10  grandes  lieues  d'ici.  » 

Le  18  janvier  suivant.  —  «  La  chasse  mena  monseigneur  si 
loin,  qu'à  l'entrée  de  la  nuit,  il  se  trouva  plus  près  d'Anet  que 
de  Versailles.  » 

Le  8  février. — «  Monseigneur  courut  le  loup;  voilà  trois  jours 
de  suite  qu'il  le  court,  et  qu'il  va  à  6  grandes  lieues  d'ici  au 
laissé-courre.   » 

Le  7  mars,  à  Versailles. —  «  Monseigneur  alla  courre  le  loup 
et  revint  fort  tard.  » 

Le  17  avril,  à  Versailles. — «  Monseigneur  alla  courre  le 
loup  qui  le  mena  fort  près  de  Fontainebleau.  » 

Le  24  octobre,  à  Fontainebleau.  -«  Monseigneur  prit  le  plus 
grand  loup  qu'il  eust  pris  de  sa  vie.  » 

Le  27  octobre,  à  Fontainebleau.  — «  Monseigneur  alla  à  la 
billebaude  (luèter  un  loup  dans  la  forêt;  il  en  trouva  un,  fit 
la  plus  belle  chasse  du  monde  et  tua  le  louj).  » 

Le  2  octobre  1687.  La  cour  allant  à  Fontainebleau,  «  Mon- 


(I)  IN'udaiit  itLIl;  iiiiiu''r  l()8ô,  le  i^i'aint  Daiiiiliiii  liUi",'  cliiis>eMli'  loii]i 
avec  son  t''(|niiiaj:i\  sans  coinploi'  pliisii'uis  cliiisi^fs  avec  les  rliieiis 
du  Roi,  (\o  \\.  ,\r  Vi'inlùinc,  otc. 


—  375  — 

seigneur  partit  avant  le  jour  pour  courre  le  loup  en  chemin.  » 

Le  1«''  mars  1688,  à  Versailles,  «  monseigneur  courut  le 
loup  qui  le  mena  fort  loin  d'ici,  il  n'arriva  qu'à  onze  heures  du 
soir.   » 

Le  8  juin  1689,  à  Versailles.  —  «Monseigneur  alla  courre  le 
loup  avec  Madame  dans  la  forêt  de  Livry  et  n'en  revint  qu'à 
dix  heures  du  soir.  » 

Le  1  \  juillet  suivant. — «  Monseigneur  courut  le  loup  dans  la 
forêt  de  Sénart  avec  Madame.  La  chasse  les  mena  près  de 
Fontainebleau,  d'où  Madame  revint  ici  (à  Versailles).  Monsei- 
gneur s'opiniàtra  à  la  chasse,  força  son  loup  à  la  nuit,  et  revint 
coucher  à  Villeneuve-Saint-Georges.  » 

Le  o  mai  1698,  à  Versailles. — «  Monseigneur  courut  le  loup 
et  le  manqua.  Il  a  déjà  couru  ce  loup-là  huit  fois  sans  le  pou- 
voir prendre.  » 

Le  18  octobre  suivant.  —  «  Le  j^oi  d'Angleterre  (Jacques  II) 
courut  le  loup  avec  Monseigneur,  il  en  vit  prendre  un  et  puis 
revint  diner  avec  le  Roi.  Monseigneur  en  vit  prendre  un  se- 
cond, et  au  retour  de  la  chasse  il  mangea  chez  Madame  la 
princesse  de  Gonty.  » 

Le  7  avril  1699.  —  «  Il  y  eut  à  Meudon  une  chasse  de  loup 
fameuse  avec  les  chiens  de  M.  de  Vendôme.  » 

Le  '15  juin  1699,  à  Versailles.  —  «  Monseigneur  courut  le 
loup  et  fit  une  chasse  fort  rude.   » 

Le  22  janvier  1700.  —  «  Monseigneur  courut  le  loup  dans  la 
forêt  de  Marly  et  fit  donner  un  relais  de  la  meute  de  M.  le  comte 
de  Toulouse,  qui  chassèrent  [sic)  fort  bien  avec  ceux  de 
Monseigneur.  » 

Le  18  octobre  1701,  à  Fontainebleau.  —  «  Monseigneur  et 
M.  le  duc  de  Bourgogne  allèrent  à  4  lieues  courre  le  loup  avec 
les  chiens  de  M.  de  Vendôme.  » 

Le  19  et  le  23  février  1704,  à  Versailles.  —  «  Monseigneur 
courut  le  loup  et  la  chasse  le  mena  fort  loin.  » 

Le  21  octobre  1704,  à  Fontainebleau.  —  «  Monseigneur 
courut  le  matin  un  loup  (pii  battit  toute  la  forêt  et  qui  ne  fut 
pris  que  fort  tard.  - 


—  376  — 

15  mai  1710,  à  Marlij.  —  «  Monseigneur  et  monseigneur  le 
duc  ^e  Berry  prirent  un  loup  à  la  porte  de  Pontchartrain  et  fu- 
rent reçus  par  M.  le  chancelier.  » 


NOTE  C. 

La  devise  du  bel  laucon  (extrait  du  Roman  des  déduils  de  Gace  de  la 

Buigne.) 

FAUCONNERIE. 

Le  faucon  est  sor  (1)  et  ramage  (2) 
Sain  et  entier,  de  gros  plumage 
De  large  frege,  bas  assis 
Plus  bel  en  est  à  mon  devis 
Pié  de  butor  a,  ce  me  semble 
Longue  et  bien  coulourée  sangle  (3) 
Et  le  talon  et  le  charnier. 
Le  petit  doit  soit  bien  croisez, 
Les  ongles  noirs  comme  corbeaux. 
De  quoy  il  a  le  pied  plus  beau. 
Jambe  courte  et  un  peu  grossette 
Cuysse  de  faisan  rondelette 
Et  si  a  si  large  lamet  (4) 
Que  pou  y  pert  (5)  ce  qu'il  y  met. 
Gros  bec,  dont  la  cire  (6)  ressemble 
De  couleur  à  la  dicte  Siingle. 


(1)  Sors,  roux,  on  donnait  cette  cpithète  aux  jeunes  faucons,  à  cause 
de  leur  couleur. 

(2)  Ramage,  jeune  faucon  qui  commence  à  se  branchoi'. 

(3)  Gorge. 

(4)  Le  lamel  ou  l'aincl  était  l'orilicc  d'un  jiressoir.  Ge  mot  doit  signifier 
ici  le  gosier  de  l'oiseau  de  i)roie. 

(5)  Paraît. 

(6)  Pi'au  (lui  recouvre  la  l>ase  du  bec. 


—  377  — 

Grands  narines,  hardy  visaige, 
En  manière  d'aigle  sauvaige 
Grosses  espaules  et  long  vol, 
Et  fait  la  bosse  sur  le  col, 
Grosse  plume,  faucon  revers 
N'est  pas  de  plumage  divers 
Car  est  de  blanches  plumes  lées  (1) 
De  vermeil  à  point  colourées 
Et  si  la  nature  party 
Tellement  qu'il  est  bien  party 
Mais  saches  que  petit  s'en  fMult 
Qu'il  ne  soit  si  grand  qu'ung  gerlaiilt 


NOTE  D. 

Diatribe  du  même  contre  les  autoursiers. 


Mais  garde  ne  face  manoir 
En  la  chambre  des  fauconniers 
Les  malgracicux  astruciers. 
Oncques  je  ne  les  peux  aymer 
Et  pour  ce  ung  peu  en  veuil  parler 
Ils  sont  mauldis  en  l'escripture 
Car  de  compaignie  n'ont  cure. 
Mais  tous  seulx  vont  en  leur  deduyt 
Car  ne  veullent  qu'on  leur  enruiyt 
Et  portent  voulentiers  mantel 
Pour  la  couverte  de  l'oysel, 
Affm  qu'ils  puissent  mieux  trahir 
L'oysel  qu'ils  veullent  enhayr 
Et  quant  ils  vont  à  la  rivière 
Cuydes  tu  qu'ils  voysent  derrière 
Les  faulconniers,  mais  tout  devant 
S'en  yront  tousdis  tabourant  (2) 


(1)  Larges. 

(2)  Battant  du  tambour. 


—  :n8  — 

(^ui  Ils  orroit  (entendrait)  battre  et  léiir 

Taboiir,  et  verroit  bondir 

Uyseaulx,  sachez  qu'à  l'envirou 

Rien  "ne  remaint  pour  le  faulcon 

Car  n'y  a  ruyssel  ne  fossé 

Que  tous  ne  soient  tabouré. 

Si  pry  aux  seigneurs  terriens 

Qu'ils  les  lyent  de  deux  liens, 

L'ung-  quant  il  yra  en  rivière 

Que  l'austrucier  voise  derrière 

Et  l'autre  que  les  bisilons  (1) 

Soient  gardez  pour  les  faucons 

Et  que  à  l'autour  plus  nulz  n'en  preignent 

Les  austruciers,  mais  ne  se  faigneut 

De  prendre  butours  et  badians,  etc. 


(Suit  une  liste  d'oiseaux  déjà  citée  dans  le  texte,  page  189.) 

. . .  .Bien  puis  parler  de  l'autrucier 
Quant  chascun  luy  sçait  reprochier 
Et  l'on  voit  ung  mal  taillé 
A  grosse  cheville  de  pié 
Et  longue  jambe  sans  pomel 
Ainsi  faictes  comme  d'ung  tretel 
A  qui  nature  a  trop  haut  mis 
Les  os  des  anches  et  assis 
Les  espauUes  en  trop  haut  limi 
Qui  n'a  pas  le  col  au  meillieu 
Quant  on  se  veult  de  luy  mocquer 
Un  dit  :  esgard,  quel  autrucier  ! 


(I)  Oiseau  inconnu. 


370 


NOTE  E. 

États  (lu  la  grande  fauconnerie  et  de  la  fauconnerie  du  Cabinet  en 
1785.  (Extraits  de  VAlmanacli  de  Versailles  pour  l'année  1783. 

GR.^NDE   FAUCONNERIE. 

Grand  fauconnier  de  France. 
M.  le  comte  de  Vaudreuil. 

Gerdilsliommes. 
M.  Cadot.  M.   Goubladol. 

Premier  vol  pour  mUan. 

M.  Hubert  de  Gorcy,  Capitaine  Chef. 

M.  Cochet  des  Ghanais,  Lieutenant  Aide. 

Un  Maître  Fauconnier^  un  Porte-Duo,  cinq  Piqueurs. 

Second  vol  pour  milan. 

M.  Hubert  de  Gorcy,  Capitaine  Chef. 

M.  de  Meuville,  Lieutenant  Aide. 

Un  Maître  Fauconnier,  un  Porte-Duc,  cinq  Piqueurs. 

Vol  pour  lier 0)1. 

M.  Glerguet  de  Loiset,  Capitaine  Chef. 
M.  de  Beaurepaire,  Lieutenant  Aide. 
Deux  Maîtres  Fauconniers,  huit  Piqueurs. 

Preniie)'  vol  pour  corneille. 

M.  le  comte  de  Vaudreuil,  Capitaine  Chef. 
M.  Honoré  liorely,  Lieutenant  Aide. 
Un  Maître  Fauconnier. 


—  380  — 

Second  vol  pour  cur/ieille. 

M.  de  Maudoux  de  Bois-leRoi,  Capitaine  Chef. 
M.  de  Paul,  Lieutenant  Aide. 
Un  Porte-Duc  et  sept  Piqueurs. 

Vol  pour  les  champs. 

M.   Gaucherel,  Capitaine  Chef.  M.  son  fils  en  S. 
Un  Maître  Fauconnier  et  deux  Piqueurs. 

Vol  pour  rivière. 

M.  Gaucherel,  Capitaine  Chef  M.  son  fils  en  S. 
M.  Ghevillard,  Lieutenant  Aide. 

Vol  pour  pie, 
M.  Gaucherel,  Capitaine  Chef.  M.  son  fils  en  S. 

Vol  pour  lièvre. 

M.  Gaucherel,  Capitaine  Chef  M.  son  fils  en  S. 
M.  Pascaud,  Lieutenant  Aide. 

M.  d'Avrange  de  Noiseville,  Secrétaire  général  de  la  grande 
Fauconnerie. 
M.  de  la  Roque,  Maréchal  des  Logis. 
MM.  Marteau  et  Blondel  de  Jouvencourt,  Fourriers. 

FAOCONNERIE   DU   CABINET   DU   1101. 

M.  le  chevalier  de  Forget,  Capitaine  général. 

Vol  pour  corDcille. 
M.  Paillard  de  Clcrniont,  Lieutenant. 


—  381  — 

Piqueurs.  —  Les  S"^** 

Noël  faisant  le  service  de  Le  Bret. 

Maître  Fauconnier.  De  Mars. 

Borely.  De  Fianquoville. 

Dumont.  Perrot,  faisant  le  service  de 
Jacquemin,  Porte-Duc. 

Vnl  pour  pie. 

M.  le  comte  de  Forget,  Lieutenant. 

M.  Vielbans  de  Varanne,   Maître  Fauconnier. 

Piqueurs.  —  Les  S''* 

Le  Marchand.  Cornœdus. 

De  la  Groue. 

Vol  pour  les  champs. 

M.  le  vicomte  de  Forget,  Lieutenant. 

M.  Louvet,  Maître  Fauconnier. 

Les  S"  Carayon  et  Besongne,  Piqueurs. 

Vol  pour  émerlllons. 

M.  Varnier,  Lieutenant. 

M.  Nauleau,  Maître  Fauconnier. 

Les  S"  Bonneau  et  Drouin,  Piqueurs. 

Vol  pour  lièvre. 

M.  Ghauvelle,  Maître  Fauconnier. 

M.  Isnard,  Secrétaire  de  la  Fauconnerie . 


—  382  — 


NOTE  F. 


Cliasses  à  tir  de  Louis  XIV  et  dos  princes  de  sa  maison,  d'après  le 
Journal  dr-  Dangeau  et  \q  Mvrnirc  galant. 


En  décembre  1684.  —  «  Le  Roi  permet  de  tirer  dans  des 
battues  à  M.  le  Grand,  au  grand  Maître,  à  M.  de  la  Rochefou- 
cauld et  au  chevalier  de  Lorraine.  » 

En  1686.  —  Le  Roi  va  plusieurs  fois  à  la  chasse  en  calèche 
découverte  ou  dans  une  machine  nouvelle  qu'on  lui  a  fait  ac- 
commoder pour  tirer  sans  descendre.  Il  met  parfois  pied  à 
terre  pour  faire  chasser  sa  chienne  et  tirer.  (T.  1".) 

«  Le  26  octobre  1686,  «  Fontainehlem.  —  Le  Roi  a  dîné  à 
son  petit  couvert  après  la  messe  et  puis  est  allé  tirer  et  s'est 
plaint,  même  à  la  chasse,  de  la  foule  des  gens  qui  le  suivent, 
et  les  a  assurés  qu'ils  ne  faisoient  point  du  tout  leur  cour  en 
le  suivant  comme  cela.   » 

Le  30  octobre  1686,  à  Fontainebleau.  «  Le  Roi,  au  sortir  de 
table,  alla  tirer  en  volant;  il  trouva,  en  cherchant  des  perdrix, 
un  gros  sanglier  dans  son  quartier.  11  mit  une  balle  dans  son 
fusil  et  le  tua.   » 

10  mars  1693,  à  Chant illy.  —  «  Sa  Majesté  chassa  depuis 
11  heures  jusqu'à  6  heures  du  soir,  et  au  retour,  en  rentrant 
dans  le  petit  parc,  M.  le  prince  donna  au  Roi  et  à  Monseigneur 
le  plaisir  d'une  battue  dans  un  petit  bois  d'où  il  sortit  plus  de 
2,000  faisans  et  autant  de  perdrix.  »  (Mercure  de  mars  1693.) 

8  avril  1695,  à  Choisy.  —  «  Le  Roi  dîna  de  bonne  heure  et 
alla  tirer  dans  la  plaine,  où  il  demeura  quatre  heures  à  cheval, 
malgré  un  vent  fort  violent  et  froid.  »  (T.  IV,  244.) 

29  mai,  à  Chantilly.  —  «  Le  Roi  alla  le  matin  à  des  battues 
avant  dîner,  et.  en  une  heure  qu'il  fut  dehors,  il  tua  50  lapins. 
L'après-dînée  il  retourna  à  la  chasse  et  tua  beaucoup  de  fai- 
sans. »  (T.  V,  182.) 

En  janvier  1696,  à  Afriidoii.  —  «  Doux  jours  t:onsécutifs,  le 


—  383  — 

Hoi  va  rupiès-diiiée  awc  inonseigncui'  tiier  des  lapins  dans 
les  toiles.  "  (T.  V,  194.) 

29  mai  1696,  à  Versailles.  —  «  Le  Roi  alla  Taprès-dinée 
tirer.  Il  prend  plaisir  à  chasser  avec  quatre  ou  cinq  chiennes 
qui  vont  toutes  ensemble  au  même  arrêt.  Il  y  trouva  une 
quantité  prodigieuse  de  gibier,  en  tua  beaucoup  et  en  donna  à 
ses  grands  officiers.   »  [Ibid.,  194.) 

18  novembre,  à  Versailles.  —  «  Le  Roi  alla  tirer  dans  son 
grand  parc.  Madame  la  duchesse  de  Bourgogne  et  beaucoup  de 
dames  à  cheval  allèrent  le  voir  tirer.  Jamais  on  ne  vit  tant  de 
faisans  en  l'air,  le  Roi  en  tua  beaucoup  et  en  donna  à  toutes 
les  dames.  »  (T.  XII,  p.  10.) 

4  novembre  1712,  à  Marly.  —  «  Le  Roi  se  promena  tout  le 
matin  et  alla  tirer  l'après-dinée  ;  en  deux  heures  de  temps  il 
tua  50  pièces  de  gibier.  »  (T.  XII.) 


NOTE  G. 

Chasses  à  tir  do  Monseigneur. 

6  janvier  1685,  à  Versailles.  —  «  Monseigneur  se  promena 
en  traîneau  le  matin  et  l'après-dinée,  et  alla  tirer  des  canards 
dans  la  ménagerie.  » 

16  août  1685,  à  Versailles.  —  «  Monseigneur  alla  tirer  dans 
la  plaine  Saint-Denys  et  tua  plus  de  cent  pièces  de  gibier.  » 

20  août,  à  Versailles.  —  «  Monseigneur  alla  tirer  dans  la 
plaine  Saint-Denys  avec  quatre  ou  cinq  courtisans  et  rapporta 
de  sa  chasse  cinq  cents  pièces  de  gibier;  il  en  avoit  tué  six 
vingts  pour  sa  part.  » 


—  384  — 

7  (!t  9  mai  1695,  à  Complùgne.  —  •  Monseigneur  va  dans 
la  forêt  tirer  des  marcassins.   » 

29  mai  1695,  à  Chantilly.  —  «  Monseigncin-  alla  tirer  des 
faisans  le  matin  de  son  côté,  et  l'après-dinée  il  tua  des  mar- 
cassins dans  la  forêt.  » 


ÎSOTE  H. 

Chasses  h  tir  des  lils  de  Monseigneur.  \  y-ii\^       ' 

18  novembre  1700,  à  Versailles.  —  «  Le  Roi  d'Espagne 
(Philippe  V,  naguère  duc  d'Anjou)  alla  tirer  des  lapins,  et  au 
retour,  il  en  donna  6  à  l'ambassadeur  qu'il  fit  entrer  seul  dans 
son  cabinet  et  qui  le  remercia  à  genoux.  » 

27  mars  1703.  —  «  Messeigneurs  les  ducs  de  Bourgogne  et 
de  Berry  allèrent  tirer  dans  la  plaine  de  Saint-Denys,  où  ils 
tuèrent  150  lièvres,  et  ils  eurent  la  sagesse  de  ne  point  tirer 
des  perdrix,  parce  qu'elles  sont  à  la  pariade.   »  (T.  XIV,  253.) 

11  août  1703.  —  «  Monseigneur  le  duc  de  Berry  alla  de 
Versailles  à  Livry  en  chassant  et  tua,  lui  seul,  294  pièces.  » 
{T.  VII,  425.) 

28  janvier  1706.  —  «  Messeigneurs  les  ducs  de  Bourgogne 
et  de  Berry  allèrent  tirer  dans  la  plaine  de  Saint-Denys,  et 
Monseigneur  le  duc  de  Berry  tua  60  pièces  de  gibier,  ce  qui 
paroit  incroyable,  même  aux  meilleurs  tireurs  dans  cette 
saison- ci.  »  (T.  X,  19.) 

Le  30  juillet  1706.  —  «  Messeigneurs  les  ducs  de  Bour- 
gogne et  de  Berry  allèrent  tirer  dans  la  plaine  de  Saint-Denys 
où  l'on  tua  500  perdreaux.  Monseigneur  le  duc  de  Berry  en  tua 
pour  sa  part  près  de  330  dont  il  rapporta  bien  240,  et  pourtant 
il   ne  tira  pas  si  bien  (ju'à  son  ordinaire,   car  il  tira  près  do 


—  385  — 

700  coups,  chose  sans  exemple,  et  n'en  fut  pas  du  tout  in- 
commodé.  » 

6  août  1706.  —  «  Messeigneurs  vinrent  tirer  dans  la  plaine 
Saint-Denys.  Ils  ne  commencèrent  leur  chasse  qu'à  midi  et  il 
y  eut  1,600  pièces  de  gibier  tuées;  monseigneur  le  duc  de 
Berry  en  tua,  pour  sa  part,  238.  »  (T.  XI,  173.) 

2  novembre  1706.  —  «  Monseigneur  le  duc  de  Berry  alla 
tirer  avec  ses  pistolets,  et  il  est  si  adroit  qu'il  a  tué  beaucoup 
de  faisans  et  même  quelques-uns  en  volant.  »  (T.  XI,  241 .) 

30  août  1707.  —  «  Monseigneur  le  duc  de  Berry  ayant  tué 
précédemment  36  pièces  en  volant  à  coups  de  pistolet,  en  tua, 
ce  jour-là,  72.  »  (T.  XI.) 


NOTE  I. 

Chasses  à  tir  de  Louis  XV,  d'uprès  Dangeau  et  les  Mémoires  do 
Luynes. 

Le  2  juillet  1720.  —  «  Le  Roi  apprend  à  tirer  depuis  quel- 
ques jours  et  y  pai^oît  déjà  fort  adroit.  »  (Dangeau,  t.  XVII, 
p.  314.) 

21  juillet.  —  «  Le  Roi,  au  bois  de  Boulogne,  tire  15  ou 
16  coups  et  tue  3  lapins  en  courant,  2  tourterelles  sur  les 
arbres  et  5  faisandeaux  à  qui  on  avoit  coupé  les  ailes.  » 
(Ibid.,  324.) 

24  juillet.  —  «  Le  Roi  envoie  à  M.  le  maréchal  de  Villeroy, 
un  oiseau  qu'il  a  tué  à  balle  seule.  »  {Ibidem,  326.) 

6  août  1737.  —  «  Le  Roi  fut  tirer  hier  dans  la  plaine  Saint- 
Denys.  Il  tua  120  pièces  de  gibier  et  il  y  en  eut  en  tout  plus 
de  900  de  tuées,  le  Roi  ayant  permis  à  tous  ceux  qui  avoient 
l'honneur  de  le  suivre  de  tirer. 

III.  25 


—  38G  — 

«  La  même  permission  avait  été  accordée  quelques  jours  au- 
paravant à  ceux  qui  accompagnoient  le  Roi  dans  la  plaine  de 
Grenelle  et  à  Montrouge.  »  {Mém.  de  Luynes.) 

21  août  1737.  —  «  Le  Roi  me  fit  l'honneur  de  me  dire  que, 
quelques  jours  auparavant,  à  une  chasse  dans  le  petit  parc  de 
Rambouillet,  il  avoit  tiré  60  pièces  en  une  demi-heure.  Il  n'a- 
voit  manqué  que  quatre  coups.  » 

5  janvier  1739.  —  «  Chasse  à  tir  dans  le  petit  parc  de  Ver- 
sailles. Sa  Majesté  permet  au  duc  de  Villeroy  et  au  grand  ma- 
réchal des  logis  Ghamillart  de  tirer  avec  des  fusils.  " 

15  août  1748.  —  «  Le  Roi  chasse  à  tir  dans  la  plaine  Saint- 
Denys  et  dans  le  petit  parc  de  la  Meutte  {sic).  En  trois  jours 
on  lue  3,000  pièces,  dont  400  de  la  main  de  Sa  Majesté.   » 

Le  2  septembre.  —  «  Le  Roi  tire  au  petit  parc  (de  Versailles) 
et  tue  288  pièces.   » 

«  Le  19  octobre.  —  «  Le  Roi  dit  que  depuis  le  commence- 
ment des  perdreaux  il  en  a  tué  1,000  ou  1,100  et  en  tout 
3,500  pièces  (1).  » 

«  En  août  1752.  Le  Roi  tue  de  sa  main  400  pièces  entre  le 
Roule  et  Neuilly.  »  (Luynes,  t.  X.) 


NOTE  K. 


Qiml(iuos  chasses  à  tir  de  Louis  XVI,  on  1780.  {Revue  rélrospecHvc . 
V"  série,  t.  V.) 

Le  4  janvier,  tiré  à  Pissaloup,  tue  219  pièces. 


(1)  En  octobre  1751.  «  Le  Roi  a  eu  une  petite  attaque  cl  indisposi- 
tion de  goutte  ou  de  rhumatisme  à  Crécy,  ce  qui  l'cmpéchoit  de  mar- 
cher, mais  l'envie  de  chasser  est  si  forte  que  le  Roi  s'est  fait  mener 
dans  les  champs  dans  son  fauteuil  roulant  et  qu'il  a  tué  200  pièces  de 
gil)ior.  Il  {Jdurnal  de  Barbier,  t.  Y.) 


—  387  — 

Le  14,  tiré  au  Mail,  tué  171  pièces. 
Le  19,  tiré  aux  Lisières,  334  pièces. 
Le  24,  tiré  à  Glievreloup,  21 5  pièces. 
Le  28,  tiré  à  la  plaine  de  Ghambourcy  et  aux  petites  Routes, 
246  pièces. 


NOTE  L. 

La  chasse  au  renard  avec  les  bassets,  dans  l'Amoureux  de  quinze  ans, 
pièce  composée  à  l'occasion  du  mariage  du  duc  de  Bourbon  en  1771, 
par  le  chevalier  de  Laujon,  secrétaire  des  commandements  de  ce 
prince. 

LE   MARQUIS.  —  LINDOR. 

C'est  un  plaisir  en  aimant  cette  chasse 
De  chasser  avec  vos  bassets. 

LE   BARON. 

Ah  quel  plaisir,  ah  l'agréable  chasse 
Les  braves  chiens  que  vos  bassets. 

LINDOR. 

Je  crois,  quelque  chose  qu'on  fasse 
Qu'on  n'en  a  pas  d'aussi  parfaits. 

LE   MARQUIS. 

Tu  crois  quelque  chose  qu'on  fasse 
Qu'on  n'en  a  pas  d'aussi  parfaits? 

LE  BARON. 

Ma  foi,  quelque  chose  qu'on  fasse 
L'on  n'en  a  point  d'aussi  [parfaits  ! 


—  àSa  — 

LINDOR. 

La  bonne  voix  qu'a  Mustaraut  ! 

LE   MARQUIS. 

Et  quelle  quûte  a  Fanfaraut! 

LE   BARON. 
Mais  vous  avez  un  Murmurant  î 

LE    MARQUIS.  —  LINDOR. 

Oh  Murmurant!  oh  Murmuraut! 

LE   BARON. 

Quel  chien  ! 

LE  MARQUIS.  —  LINDOR. 
Bon  chien  ! 

ENSEMBLE. 
Ah  comme  il  chasse  ! 
LE   BARON. 

Avec  lui,  jamais  de  défaut. 
Gardez-le  bien. 

LE   MARQUIS. 

C'est  de  la  race 
Du  vieux  commandeur  d'Egrivaut. 

ENSEMBLE. 

Ah  quel  plaisir,  etc. 

LE   BARON. 

Et  votre  grand  piqucur  normand  ? 

LE   MARQUIS.  —  LINDOIi. 

N'est-il  i)as  vrai  <]u'ii  est  plaisant  ? 


•^  389  — 

LE   BARON. 

Peut-on  ne  pas  rire 
Quand  on  l'entend  dire  : 
Où  qu  ça  va,  mes  valets, 

Où  qu'ça  va 
Et  alîi,  et  alii,  cV'st  là 

Qu'il  a 
Verdondaillé  dans  l'zozerels! 

LE   MARQUIS.  —  LINDOB. 

Oui,  c'est  son  ton,  c'est  sa  manière... 

LE  BARON. 
Quêté  sur  la  taupinière... 

LE   MARQUIS.  —  LINDOR. 

Oui  c'est  son  ton,  c'est  sa  manière... 

LE   BARON. 

Toujours  criant. 

Sifflant,  chantant, 
A  chaque  instant  :  au  coûte,  au  coule 
Et  l'on  est  sûr  dès  qu'on  entend 
Vlau...  qu'un  renard  passe  à  la  route 
Murmurant  l'v  mène  à  l'instant. 


NOTE  M. 

Chasses  aux  toiles  en  Allemagne. 

La  chasse  des  grands  animaux  dans  les  toiles  était  la  chasse 
favorite  des  princes  allemands.  On  lui  donnait  même  le  nom 
de  chasse  allemande  [Deutsche  lugd)  par  excellence.  (Voir  les 
ouvrages  de  Tanzer,  Parson  et  Fleming  déjà  cités.) 


—  390  — 

Outre  les  houraillcmcnts  qui  se  faisaient  à  peu  près  comme 
en  Franco,  une  des  méthorlcs  les  plus  goûtées  consistait  à 
traquer  des  troupeaux  innombrables  d'animaux  de  toute  es- 
pèce dans  une  pièce  d'eau  entourée  de  toiles,  où  ils  étaient 
percés  de  flèches  ou  arquebuses  par  le  prince  et  ses  courtisans, 
montés  sur  des  embarcations  richement  décorées  ou  sur  des 
tribunes. 

On  voit  au  château  de  Moritzburg,  près  Dresde,  une  de  ces 
chasses  peinte  au  xvi*  siècle  par  Lucas  de  Cranach.  Les  chas- 
seurs sont  en  bateau  et  armés  d'arbalètes.  Un  autre  tableau 
du  même  maître,  reproduit  dans  le  bel  ouvrage  de  M.  de 
Hefner  [Costumes  du  moyen  âge  chrélieji),  représente  une 
chasse  dans  l'eau  chez  le  comte  de  Mansfeld,  en  1520.  Les 
chasseurs,  richement  vêtus  et  accompagnés  de  leur  fol,  por- 
tent de  longues  lances  et  sont  dans  une  embarcation  manœu- 
vrée  par  des  dames. 

Au  château  de  Moritzburg,  on  trouve  encore  un  tableau  plus 
moderne,  représentant  une  chasse  sur  l'étang  voisin  de  la  ré- 
sidence. Des  radeaux  flottants  servent  de  refuge  à  des  ours  qui 
y  sont  attaqués  par  des  chiens  de  force,  tandis  que  des  ani- 
maux de  toute  espèce  rougissent  autour  d'eux  les  eaux  de  leur 
sang.  Dans  l'œuvre  de  Ridinger  des  scènes  analogues  sont  re- 
présentées avec  tous  leurs  détails. 

Mais  ces  chasses  aux  toiles  dans  l'eau  ne  suffisaient  pas 
pour  satisfaire  le  goût  de  l'extraordinaire  et  du  luxe  bizarre  qui 
possédait  tous  ces  souverains  allemands.  Les  tableaux  du 
XVIII"  siècle  conservés  au  château  de  Rastadt,  près  Bade,  nous 
initient  à  des  raffinements  dont  l'étrangeté  dépasse  toute 
croyance.  Les  animaux,  poussés  vers  des  bassins  décorés  de 
constructions  somptueuses,  sont  forcés  de  sauter  dans  l'eau  en 
passant  par  des  fenêtres  et  des  arcades  ou  en  traversant  des 
feux  d'artifices;  d'autres  entassés  dans  des  enceintes  sont 
bombardés  à  coups  de  grenades  à  main  par  des  soldats  ou  fu- 
sillés par  les  chasseurs,  lorsqu'ils  cherchent  à  s'enfuir  en  pas- 
sant sur  des  galeries  élevées  ou  des  ponts  suspendus. 

Des  snngli(TS,  saisis  au  passage,  sont  affublés  d'ailes  état- 


—  391  — 

tclés  à  des  chars,  pendant  qu'on  tire  des  chats  vivants  dans 
des  mortiers  pour  célébrer  ces  boucheries  extravagantes , 
dignes  des  Romains  du  Bas-Empire. 


NOTE  N. 

Chasse  aux  llambeaux  dans  les  toiles.  (Chantilly,  1782.) 

Si  l'on  peut  s'en  rapporter  aux  mémoires  de  la  baronne 
d'Oberkirch,  dont  l'authenticité  n'est  pas  hors  de  doute,  il  y 
eut  encore  à  Chantilly  en  1782,  une  chasse  aux  flambeaux 
dans  les  toiles,  à  l'occasion  de  la  visite  du  tsarévitch  Paul 
{sous  le  nom  de  comte  du  Nord]. 

««  Ce  fut  un  coup  d'œil  ravissant.  Toutes  les  dames  étaient  en 
calèche  découverte,  les  princesses  ensemble,  les  cavaliers  ga- 
lopaient aux  portières  ;  on  voyait  des  cerfs  efl'rayés  par  les 
torches,  la  meute  les  suivait  en  aboyant,  c'était  féerique  (1).  » 
(T.  I,  ch.  XIV.) 


(1)  Ce  détail  de  la  meute  qui  chasse  les  cerfs  dans  les  toiles  est  fort 
suspect. 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 


CHASSES  A  TIR  DE  LA  MAISON  DE  CONDE. 

N»  I. 

Récapitulation  générale  du  gibier  tué  des  chasses  de  S.  A.  S.  Mon- 
seigneur le  duc  de  Bourbon^  de  1770  au  l"  janvier  1779.  (Extrait 
du  Joiirnal  de  Toudouze.) 

Lapins,  2,278 

Lièvres,  4,259 

Perdrix  grises,  11,941 

Id,      rouges,  1,048 

Faisans,  8,899 

Cailles,  208 

Rîiles,  22 

Bécasses,  86 

Canards,  102 

Vanneaux,  3 

Grives,  47 

Ramiers,  25 

Courly,  10 

Alouettes,  49 

Becfigues,  7 

Crapaux  volans,  5 

Biches,  57 

Daims,,  123 


—  396  — 

Faons  de  daims,  5 

Chevreuils,  317 

Faons  de  chevreuils,  27 

Sangliers,  6 

Marcassins,  5 

Faons  de  biche,  6 


Total  général,      29,535 


N"  II. 


Récapitulation  générale  de  tout  le  gibier  tué  par  S.  A.  S.  Monsei- 
gneur le  prince  de  Condc  des  chasses  de  Chantilly,  commancée  (sic) 
en  l'année  V7iS  jusqu'au  l^' janvier  1779.  (Extrait  du  même  jour- 
nal.) 

Lapins,  5,392 

Lièvres,  12,201 

Perdrix  grises,  18,334 

Id.    rouges,  3,058 

Faisans,  24,087 

Cailles,  400 

Ralles,  52 

Bécasses,  139 

Bécassines,  16 

Canards,  174 

Oyc  d'Égyple,  1 

Vanneaux,  4 

Grives,  10 

Rammiors,  42 

Courly,  10 

Becfigue,  3 

Biches,  .                                                7 

Faons  de  biche,  9 

Daims,  20 


—  397  — 

Chevrouils,  506 

Faons  do  clKîvreuil,  43 

Sanglier,  1 

Marcassin,  1 

Geais,  2 

Total  général,      65,524 


N°  III. 


Anecdotes  et  faits  remarquables  concernant  les  chasses  à  lir  de 
Chantilly.  [Extraits  du  même  journal.) 

Le  17  août  1769.  Le  Roi  chasse  à  tir  à  Chantilly  et  tue  140  pièces, 
savoir  1  lapin,  4  lièvres,  58  perdrix  grises,  2  rouges,  75  faisans. 

Le  21  septembre  1776.  «  Chasse  à  tir  aux  daims  à  la  Haute-Pom- 
meraye.  Monseigneur  le  duc  tue  2  faons  de  daims  et  un  chevriilard; 
M.  de  Cayla,  1  ramier  ;  M.  de  Conty,  1  lapin  ;  les  gardes,  7  daims, 
2  biches,  1  faon  de  biche  et  1  sanglier.  » 

Le  26  septembre.  «  Chasse  à  tir  au  même  lieu.  Monseigneur  le 
duc  tue  4  daines,  2  chevreuils,  2  faons  et  1  faisan.  M.  de  Conty,  un 
lapin.  Les  gardes,  2  biches  et  8  daims.  » 

Le  l^''  novembre.  «  Monseigneur  le  duc  a  chassé  le  matin  dans  le 
parc  de  Silvie  avec  ses  bricquets,  et  y  a  tué  6  daims  et  1  chevreuil.  » 

Le  9  novembre.  «  Monseigneur  le  duc  a  chassé  le  matin  le  daim 
dans  le  parc  de  Silvie,  avec  son  nouvel  équipage  de  bricquets,  et  y 
a  tué  4  daims  et  1  chevreuil .  » 

Le  14  novembre.  «  Chasse  de  Monseigneur  le  duc  avec  son  équi- 
page de  basset  [sic],  dans  la  plaine  de  Saint-Maximin,  au  chevreuil. 
Il  y  en  a  eu  5  de  tués  et  pris.  » 

Le  17  novembre.  «  Chasse  de  Monseigneur  le  duc  avec  ses  bric- 
quels  à  la  garenne  de  Laversine,  isle  de  Creil  et  Haule-Pommeraye. 
S.  A.  S  tue  6  chevreuils,  2  daims  et  1  faisan.  » 

Le  21  novembre.  «  Chasse  de  S.  A.  au  bois  de  lîouvilliers  avec  ses 
bricquets  et  bassets.  S.  A.  y  a  tué  1  chevreuil  et  1  biche.  Les  gardes, 
2  biches,  » 


—  398  — 

Le  28  novembre.  «  Chasse  du  petit  équipage  de  Monseigneur  le 
duc  dans  les  parcs  du  château.  S.  A.  a  chassé  à  la  côte  Grognon  et  y 
tué  et  pris  3  chevreuils  et  4  faisans.  De  là,  S.  A.  a  chassé  le  daim 
dans  la  foret  de  Chantilly  et  y  a  tué  7  daines.  » 

Le  1*'^  décembre.  «  Monseigneur  le  duc,  avec  ses  bassets,  lue 
3  biches  et  3  daines.  » 


FIN    DU    TOME   TROISIÈME   ET    DERNIER. 


TABLE  DES  MATIERES. 


LIVRE  VI. 

LA    LOUVETERIE. 

CHAPITRE  PREMIER. 

HISTOIRE,  LOIS  ET  RÈGLEMENTS. 

Pages. 

Ravages  des  loups.  —  La  bête  du  Gévaudan.  —  Institution  des 
louvclicrs.  —  Louveticrs  illustres.  —  Langage  et  littérature.  .       3 

CHAPITRE  II. 

DES  DIVERSES   MANIÈRES  DE   CHASSER  LE  LOUP.' 

?  1.  Chasse  du  lowp  à  force.  — Chasse  avec  les  lévriers.  — Chasse 
avec  les  chiens  courants.  —  Chasse  des  grands  loups.  — Chasse 
des  louveteaux  et  louvarts.  —  Équipages  de  loup.  —  Chiens 
de  loup 36 

?  2.  Chasse  du  loup  à  lir.  —  L'affût.  —  Les  battues.  —  Chasse  à 
tir  avec  chiens  courants.  —  Chasse  du  loup  en  routaillant.  — 
Chasse  du  loup  à  la  sonnette 53 


—  400  — 

Pages. 

3.  Chasse  du  Icnip  avec  toutes  sortes  d'engins  et  pièges. 

Les  panneaux.  —  Les  toiles.  —  Les  lassièrcs.  —  Los  lacs.  — 
Les  fosses.  —  La  galerie.  —  Les  parcs.  —  Les  tables.  —  La 
chambre.  —  Le  fusil  braqué.  —  Pièges  divers 59 


LIVRE  VU. 

LA   FAUCONNERIE. 
CHAPITRE  PREMIER. 

ORIGINES  ET  HISTOIRE. 

g  1.  Premiers  temps  de  la  fauconnerie G9 

2  2.  Épofjue  féodale.  —  Philippe-Auguste.  —  Richard  Cœur  de 
lion.  —  Fauconniers  orientaux.  —  Robert,  roi  de  Naples.  — 
Charles  V.  —  Charles  VI.  —  Louis  de  Mâle,  comte  de  Flandre. 

—  Ducs  d'Orléans.  —  Louis  XL  —  Ducs  de  Bourgogne.  — 
Charles  VIII.  —  Dames  fauconnières.  —  Traités  de  fauconnerie.      75 

g  3.  Du  IT/^  au  XVIII'^  siècle.  —  Louis  XII.  —  François  P''.  — 
Les  ducs  de  Guise.  —  Le  comte  de  Tende.  —  Le  grand  Prieur. 

—  Les  Montmorency.  —  Henri  IV.  —  Chasses  au  vol  des  sim- 
ples gentilshommes  sous  Henri  IV.  —  Louis  XIII.  —  Chasses 
au  vol  des  gentilshommes  sous  Louis  XIII.  —  Louis  XIV.  — 
Louis  XV.  —  Fauconnerie  en  province  sous  Louis  XV.  — 
Louis  XVI.  —  Traités  de  fauconnerie  du  xvi'  au  xviii=  siècle.      92 

CHAPITRE  II. 
Des  oiseaux  employés  a  la  chasse  au  vol IIC 

g  l.  Espèces  dressées  hahiluellcmcnt  à  la  chasse: 

1°  Le  faucon  proprement  dit 121 

2»  Le  gerfaut 124 

3°  Le  sacre 127 

4°  Le  lanier 130 

5"  Uèmerillon 133 

G"  Le  Itobereau 135 

7"  L'autour 13G 

8"  L'épervier.  —  Le  tagarot.  —  L'alèlhc 138 

g  2.  Espèces  dressées  accidenletlcrnenl.  —  Busard.  —  Crécerelle. 

—  Falquet 143 

Aigles  dressés.  —  Alériou.  —  Milieu 148 


401 


CHAPITRE  III. 

CAPTURE,     ARMEMENT,    ÉDUCATION    ET    HYGIÈNE    DES    OISEAVX-CHASSEURS. 

Pages. 

Marchands  d'oiseaux.  —  Oiseaux  niais.  —  Aires.  —  Oiseaux  pas- 
sagers. —  Armement  des  oiseaux.  —  Outillement  du  fauconnier. 

—  Affaitagc.  —  Noms  des  oiseaux  de  chasse.  —  Langage  de  la 
l'auconnerie.  —  Hygiène  des  oiseaux.  —  Superstition  des  fau- 
conniers      152 

CHAPITRE  IV. 

"Vols  divers  de  la  fauconnerie  et  de  l'autoukserie 173 

g  1.  Vols  de  la  fauconnerie.  —  Vol  du  héron.  —  Yol  du  milan. 

—  Vol  pour  champ.  —  Vol  pour  rivière.  —  Vol  de  la  corneille. 

—  Vols  avec  l'émerillon 17G 

l  1.  Vols  de  Vautourseric.  —  Vol  pour  champs  avec  l'autour.  — 

Vol  pour  rivière.  —  Vols  avec  l'épervier  ou  esprevelerie.  —  Vols 
pour  champs  avec  l'épervier.  —  Perdreaux.  —  Cailles.  —  Vol  de 

l'alouette 189 

g  3.  Vols  d'animaux  quadrupèdes 195 

g  4.  Chiens  cl    chevaux  employés  dans    les  citasses  au  vol.  —    197 


LIVRE  VIII. 

LA  CHASSE  A  TIR. 

CHAPITRE  PREMIER. 

Chasses  avec  les  anciennes  armes  de  jel. 

g  1.  L'arc  et  les  flijches. — Chasses  avec  l'arc  chez  les  Gaulois, —  chez 
les  Francs  et  autres  Germains.  —  Rois  carlovingiens.  —  Chasses 
à  l'arc  sous  la  troisième  race.  — Ducs  de  Normandie.  —  Chasses 
des  grands  animaux  avec  des  chiens  courants  et  des  traqueurs. 

—  Chasse  à  la  revenue  du  viander.  —  Chasse  du  sanglier  au 
souil.  —  Chasses  en  s' approchant  des  animaux.  —  Chasse  à  l'a- 
guet.  —  Ruses  pour  approcher  les  animaux.  —  Cerfs  dressés. 

—  Chasse  au  rut.  —  Chasse  en  se  couvrant  d'un  cheval  monté. 

—  Chasse  au  tour.  —  Chasse  des  liètes  noires.  —  Chasse  du 
lièvre.  —  Chas'se  des  oiseaux '20'2 

2G 


—  iO->  — 

Pago,. 

é  2.  Chasses  avec  l'arbalète.  —  Crcneiiuin.  —  Traits.  —  Arbalète 
à  jalet.  —  Chasse  des  quadrupèdes.  —Ruses  jjour  approcher  les 
animaux.  —  Gliasse  des  pies  et  corneilles.  —  Chasse  des  ramiers. 

—  Au  charivari.  —  A  la  muette.  —  Chasse  au  chien  d'arrêt.  — 
Chasse  du  louj).  —  Du  renard  à  l'appât.  —  Chasse  avec  l'arba- 
lète à  jalet 218 

CHAPITRE  II. 

CHASSE    AVEC    LES   ARMES    A    EEU. 

'f.  1.  Premières  armes  à  feu  portatives.  —  Ar(ixiel)uses.  —Couleu- 
vrines.  —  Couleuvrincs  à  main.  —Arquebuse  à  mèche.  —  Ar- 
quebuse à  rouet.  —  Benvenuto  Cellini.  —  Charles-Quint.— Phi- 
lippe de  Strozzi.  —  Charles  IX.  —  Henri  IV.  —  Le  baron  de 
Chantai  tué  dans  une  chasse  à  l'arquebuse.  —  Louis  XIII.  — 
Chasses  à  l'arquebuse.  — Moyens  employés  pour  surprendre  le 
gibier 23'2 

ï  2.  Fusils.  —  Fusils  Snaphans.  —  FusHs  à  couvre-feu.  —  Fusils 
doubles.  —  Fabrication  des  fusils  de  chasse  au  xvni<=  siècle.  — 
Canons  français.  —  Canons  espagnols.  —  Chasses  à  tir  de 
Louis  XIV.  —  Chasses  à  tir  des  Rois  et  princes  pendant  le 
XVII"  et  le  XYiii^  siècle.  —  Cérémonial  des  chasses  à  tir.  — 
Chasses  du  duc  de  Liancourt.  —  Anciennes  méthodes  de  chasse 
au  fusil  à  la  lin  du  xviii=  siècle.  —  Instructions  prélimi- 
naires. —  Chasse  à  tir  des  quadrupèdes.  —  Cerf  et  daim.  — 
Sanglier.  —  Chevreuil.  —Lièvre.  —Lapin.  —  Renard. —Blai- 
reau. —  Loutre. 

Chasse  des  oiseaux  de  terre.  —  Perdrix.  —  Caille.  —  Râle  de 
genêts.  —  Alouette.  —  Faisan.  —  Bécasse.  —  Grande  et  petite 
outarde.  —  Courlis  de  terre.  —  Grandoule.  —  Vanneaux.  — 
Pluviers. —  Guignards. —  Ramiers. ^Bisets. —Grue. —  Cigogne, — 
Tourterelles.  —  Grives.  —Merles. —  Étourneaux.  —Oisillons.  — 
Chasse  des  alouettes  au  miroir.  —  Chasse  au  poste.  —  Oiseaux 
divers.  —  Corvidés.  —  Oiseaux  de  ])roie  diurnes.  —  Oiseaux  de 
nuit. 

Oiseaux  aquatiques.  —  Oiseaux  de  rivage.  —  Clievalier.  —  Cul- 
blanc.  —  Alouette  de  mer.  —  Râles.  —  Poule  d'eau.  —  Bécassine. 

—  Courlis.  —  Barges.  -=-  Goélands.  —  Mouettes,  —  Hirondelles 
de  mer.  —  Héron.  —  Butor.  —  Spatule.  —  Cormoran.  —  Al- 
cyon. —  Merle  d'eau.  —  Palmipèdes.  —  Plongeons.  —  Grèbe.  — 
Harle.  —  Foulque.  —  Cygne.  —  Oie  sauvage.  —  Pélican.  —  Fla- 
mant. —  Canards 245 

i  3.  (J  liasses  à  tir  du  listes  minituijnes.  — Chasse  (|(>  l'ours.  -Des 
bouipietins  cl  l'hainois.  —  De  la  marmotte  l't  du  Ijévi'e  blanc  — 
i^es  léUas.  —  Du  lagopède  et  de  la  barlavellf  —  l)i'  la  gelinotte.    27'i 


—  403  — 

LIVRE  IX. 

Chasse  avkc  toutes  sortks  d'engins  et  de  pièges 284 


CHAPITRE  PREMIER. 

i;hasse  des  quadrupèdes  avec  pièges  et  engins. 

g  1.  Fosses 29Î 

?  2.  Filets.  —  Chasse  à  buissonner.  —  Chevreuils  à  l'amorce.  — 

Panneaux 294 

g  3.  Pièges  et  engins  divers.  —  Dardiers.  —  Caige.  —  Ceoignole. 

Broïon.  —  Pochon.  —  Hausse-pieds.  —  Collets 296 

CHAPITRE  II. 

GIBIER    A    PLUMES. 

?  1.  Chasse  du  gibier  à  plumes  avec  filets.  —  Chasse  aux  perdrix. 

—  Tonnelle.  —  Tirasse.  —  Chasse  à  l'amorce.  —  Chanterelle. 

—  Chasse  aux  bécasses.  —  Chasse  de  la  canepetière  et  des  plu- 
viers. —  Bécassines.  —  Palombes,  bisets,  tourterelles.  — 
Grandes  palomières.  —  Rets  saillant.  —  Chasse  au  feu.-  — 
Chasse  des  oiseaux  aquatiques  avec  appelants.  —  Chasse  aux 
canards  sur  les  étangs  du  Ponthieu.  —  Canardières 301 

g  2.  Chasse  du  gibier  à  plumes  avec  divers  engins.  —  Chasse  des 
faisans  au  miroir.  —  Rechargeoir.  —  Collets.  —  Hameçons.  — 
Pince  d'Elvaski "".....     31G 

CHAPITRE  III. 

OISELLERIE. 

?  1.  Pipée  et  gluaux 320 

?.  2.  Chasse  des  oisillons  aux  filets.  —  Rets  saillant.  —  Ridée.— 

Araigne.  —Rafle 324 

■^  3.  La  fouée 326 

'f.  4.  Chasse  des  oisillons  avec  divers  engins.  —  Brail.  —  Pièges 

divers 327 


—  404  —  t 

LIVRE  X. 

CHASSES   AVEC    LE     GUÉPARD     DUESSÉ    KT     AUTRES     CHASSES.      (CHASSES 
SOUTERRAINES,   CHASSES   DANS   LES   HAIES    ET    DANS   LES   TOILES.) 


CHAPITRE  PREMIER. 

Page». 

Chasse  aveu  le  <;l-épard. 331 

CHAPITRE  II. 

chasses  SOVTERRAINES. 

i  I.  Chasse  des  lapins  avec  le  furet 339 

'é  2.  Chasse  du  blaireau  ou  du  renard  et  autres  bêtes  jniantes.— 

—  Chasso  du  blaireau  selon  du  Fouilloux.  —  Selon  (Maude 
Gauchet.  —  Chasses  souterraines  selon  Sélincourt.  —  Au 
.win'  siècle 342 

CHAPITRE   III. 

CHASSES    AT'X    HAIES    ET    AT'X    TOTI.KS. 

f!  1.  Chasse  aux  haies.  —  Chez  les  Gaulois  —  Pendant  l'époque 

féodale 3i'J 

'f.  2.  Chasse  aux  toiles.  —  Équipage  royal  des  toiles.  —  Louis  XII. 

—  François  l".  —  Les  Guise.  —  Henri  II.  —  Charles  IX.  — 
Henri  IV.  —  Louis  XIII.  —  Louis  XIV.  —  Louis  XV.  — 
Louis  XVI.  —  Hourailleries.  —  Équipage  de  toiles  des  princes 
de  Coudé.  —  Chasse  dans  l'eau.  —  Lapins  bernés.  —  Galeries 

de  toiles.  —  Chasses  aux  toiles  des  simples  gentilshommes.  .  .     355 

Notes 3G'J 

Pièces  .iustificatives 393 


FIN   DE    LA   TABLE    DES    MATIERES. 


I'ari.v-liii|>iinieric  lie  iiiaclanic  veuve  UULT.lIARU-llUZAItD,   rue  de  rivi.crnn,  5.  — 186H. 


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Traicté  et  abrégé  de  la  chasse  dv  Lieure  et  dv  Gheureuil,  par 

Mcssire  René  de  Maricoiirt,  publié  pour  la  première  fois  d'après  le 
manuscrit  de  1627.  Petit  in-8,  1858,  armoiries.  7  fr.  50 

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