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Full text of "Histoire de la chimie"

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I 


HISTOIRE 

DE  LA  CHIMIE 


TOME  II 


Typographie  Firmiii  D'xêM.  —  Hesnil  (Eure). 


t    '        \ 


HISTOIRE 


DK 


LA  CHIMIE 


PAR 


1 


FERDINAND  HOEFËR 


DEUXIÈME   ébmON^    REVUE   ET   AUGMENTÉE 


TOME  SECOND 


.  •  •  ^  *  ■»  • 


PARIS 

LIBRAIRIE  DE  FiRMIN  DIDOT  FRÈRES,  FILS  ET  C 

IMPRIMEURS  nE  L*1N8TITUT,    RUE  JACOB,    56 

,869 


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^      •    . 


HISTOIRE 

DE  LÀ  CHIMIE 


TOME  II 


7'^    '■  p<  -r*  ■ 


i  , 

I    . 


-# . 


HISTOIBE  DE  LÀ  CHIKIE. 

Au  moyen  âge,  Tesprit  spéculatif  l'emportait  sur  l'esprit  d'ob- 
servation. Il  en  résulta  de  graves  conflits,  essentiellement  nui- 
Bibles  au  progrès.  Dans  notre  époque,  au  contraire,  il  est  à  crain- 
dre que  la  balance  ne  penche  trop  du  côté  de  la  matière.  Les 
erreurs  qui  pourraient  en  résulter  seraient  également  funestes. 


TROISIÈME  EPOQUE.  1 


SECTION  PREMIÈRE. 


§1. 

Aperça  général  da]  seizième  ■lècle. 

Les  guerres  de  religion  sont  le  centre  aatour  duquel  gravite 
toute  l'histoire  du  seizième  siècle. 

L'Église  avait  depuis  longtemps  reconnu  la  nécessité  d'une 
réforme^  et  le  concile  de  Constance  Tavait  lui-même  proclamée 
solennellement  ;  mais  cette  réforme  ne  devait  porter  que  sur  la 
discipline.  Plus  hardis,  Luther  et  Calvin  portèrent  la  main  sur  le 
dogme  ;  profitant  de  quelques  fautes  commises  par  des  subal- 
ternes, ils  en  accusèrent  toute  la  papauté.  Au  lieu  de  travailler, 
selon  l'esprit  de  l'Évangile,  à  la  fraternité  des  hommes*,  its  allu- 
mèrent le  feu  de  la  discorde  et  sapèrent  les  fondements  de  l'u- 
nité chrétienne. 

Luther  et  ses  disciples  auraient,  comme  tant  d'autres,  échoué 
dans  leur  entreprise,  si  des  princes  puissants  ne  s'en  étaient 
pas  constitués  les  champions.  Dès  lors  la  lutte,  qui  n'avait  encore 
éclaté  qu'en  paroles,  se  traduisit  en  actes  sanglants.  Deux  partis 
se  trouvaient  en  présence  :  les  catholiques  et  les  protestants. 
Les  ducs  et  électeurs  de  Saxe,  de  Brandebourg,  du  Palatinat, 
prennent  la  défense  du  protestantisme,  moins  par  conviction  que 
parce  que  le  clergé  catholique  était  riche ,  beaucoup  trop  riche, 
et  qu'il  y  avait  là  un  opulent  héritage  à  recueillir.  C'est  ainsi 
que  tôt  ou  tard  les  hommes  sont  punis  par  où  ils  ont  péché.  Tout 
se  liquide  ou  s'expie. 

Entre  les  mains  des  princes,  la  religion  ne  fut  presque  jamais, 
chose  triste  à  confesser,  qu'un  instrument  de  politique  ou  de  do- 
mination. François  P%  le  protecteur  et  le  restaurateur  des  arts  et 
des  lettres,  encourageait  secrètement  les  protestants  d'Allé^ 

tItSt.   t>Ë  LA  CHIMIC.  «»  T.  If.  i 


2  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

magne 9  faisait  des  Turcs  ses  alliés,  pendant  qu'il  faisait,  en 
France,  brûler  les  huguenots.  Henri  II,  Catherine  de  Médicis, 
Henri  m,  exclusivement  guidés  par  des  vues  politiques,  in- 
clinaient ostensiblement  tantôt  du  côté  des  catholiques,  tantôt 
du  côté  des  sectateurs  de  Calvin.  Henri  IV  rentra  dans  le  giron 
de  l'Église,  estimant  que  Paris  vaut  bien  une  messe.  La  conduite 
des  princes  allemands ,  et  particulièrement  celle  de  Maurice  de 
Saxe  à  Tégard  de  l'empereur  Charles-Quint,  montre  que  la  reli- 
gion n'était  pas  non  plus  pour  eux  une  affaire  de  conscience. 
Henri  VIE,  roi  d'Angleterre,  en  dépit  de  son  titre  de  défenseur 
de  la  foi,  décerné  par  le  pape,  fut  Ini-môme,  pour  des  motifs 
honteux,  l'auteur  d'un  schisme  nouveau ,  et  sema  les  dissensions 
civiles  et  religieuses  qui  firent  de  la  Grande-Bretagne  le  théâtre 
de  scènes  sanglantes. 

Pendant  que  la  France,  l'Allemagne,  l'Angleterre,  s'entre-dé- 
chiraicnt  au  nom  d'une  religion  dont  le  premier  précepte  est 
l'amour  du  prochain,  l'Espagne  marchait  rapidement  dans  la 
voie  de  la  décadence.  Le  despotisme  du  sombre  et  fanatique 
Philippe  U  provoqua  le  soulèvement  des  Pays-Bas.  L'indépen- 
dance proclamée  par .  les  Provinces-Unies,  que  le  successeur  de 
Philippe  II  Jfut  forcé  à  reconnaître,  por^a  le  coup  de  grâce  à  la 
monarchie  espagnole,  qui  perdait  au  dehors  souascendant  moral, 
tandis  qu'au  dedan$  l'iaquisitioa  fomentait  la  hjaine  des  ci- 
toyens. La  résistance  opiniâtre  que  les  Hollandais  opposèrent 
aux  volontés  d'un  roi  de  droit  divin  établissait  un  précédei^t  qui 
ne  devait  pas  être  perdu.        .     , 

Le  charme  qui  jusqu'alors  avait  fasciné  les  peuples  assujettis 
était  rompu.  L'union  de  l'autei  et  de  la  royauté,  qui  avait  été 
considérée  comme  une  arche  d'alliance,  tomba  tout  à  coup  d.âns 
le  domaine  cle  la  discussion  publique.  Un  obscur  moine  luttant 
corps  à  corps  avec  la  papauté,  et  des  marchands  roturiers  chas- 
sant de  leur  pay^  un  monarque  de  droit  divin  dans  les  États  du^ 
quel  le  soleil  ne  se  couchait  jamais,  c'était  là  vm  spectacle  qui 
donnait  à  réfléchir  au  monde.  Dès  ce  moment  le  moyen  âge 
était  fini,  une  nouvelle  ère  avait  commencé.. 

Le  droit  du  libre  examen  et  la  liberté  de  conscience  ouvraient 
un.  champ  illimité  à  la  raispn  et  à  l'expérience.  Les.  sciences  ne 
tardèrent  pas  à  profiter  de  l'évolution  qui  venait  de  s'opérer  dans 
la  pensée  de  l'homme. 

Les  philosophes  cessèrent  de  jurer  par  Aristote.  P.  la  Ramée, 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  3 

Montaigne,  J.  Bruno.  J.  Cardan,  Télésio,  le  précurseur  de  Bacon, 
minèrent  par  diverses  voies  l'échafaudage  de  l'autorité  tradi- 
tionnelle. Paracelse  tonne,  dans  le  rude  langage  d'un  réforma- 
teur, contre  les  hippocratistes  et  les  galénistes  ;  Bernard  Palissy 
déclare ,  avec  la  franchise  d'un  puritain ,  qu'il  faut  avoir  perdu 
l'esprit  pour  ne  pas  mettre  le  livre  de  la  nature  au-dessus  des 
livres  des  anciens.  Ropernik,  appliquant  le  droit  du  Ittire  examen 
à  l'étude  des  astres,  soutient,  contrairement  aux  principes  de 
la  science  régnante ,  que  la  terre  tourne  avec  toutes  les  planètes 
autour  du  soleil.  Enfin  le  chancelier  Bacon,  saisissant^  avec  l'es- 
prit du  vrai  philosophe ,  toute  l'importance  de  la  révolution  qui 
venait  d'éclater  dans  toutes  les  directions  de  l'esprit  humain, 
essaya  de  reconstruire,  à  l'aide  de  la  méthode  expérimentale;, 
tout  l'édifice  des  connaissances  humaines. 


§2. 
MoaTement  général  cle  la  BcleBee  aa  seizième  Biècle. 

L'idée  d'opposer  l'usage  de  la  raison  à  l'autorité  tradition- 
nelle, l'expérience  à  la  spéculation,  s'était  déjà,  à  diverses  re- 
prises, manifestée  dans  les  siècles  précédents;  mais  à  chaque 
manifestation  elle  avait  été  tout  aussitôt  réprimée.  Maintenant 
son  règne  élait  venu. 

A  la  tête  du  mouvement,  qui  devait  imprimer  une  direction 
nouvelle  à  la  science  chimique,  se  placent  Paracelse,  Georges 
Agricola  et  Bernard  Palissy. 

Paracelse,  violent  et  emporté,  est  le  chef  de  l'école  chémia- 
trique,  dont  le  mérite  principal  est  d'avoir  détourné  les  méde- 
cins de  la  route  battue  des  anciens ,  et  de  leur  avoir  fait  com- 
prendre la  nécessité  de  l'élude  de  la  chimie  des  êtres  vivants ,  et 
de  la  chimie  appliquée  à  la  médecine  (chémiatrie). 

Georges  Agricola,  plus  modeste ,  et  surtout  plus  familiarisé 
avec  l'antiquité  que. Paracelse  ,  fonda,  avec  des  éléments  épars, 
tout  le  système  de  la  métallurgie ,  partie  fondamentale  de  la  chi- 
mie. C'est  le  chef  de  la  chimie  métallurgique. 

Bernard  Palissy,  tenant  tout  à  la  fois  de  Paracelse  par  sa  fran- 
chise et  sa  persévérance ,  et  d'Agricola  par  la  solidité  de  son 

savoir,  est  le  réprésentant  de  la  chimie  technique^  de  la  science 

I. 


4  UISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

appliquée  à  Tagri culture,  aux  arts  du  potier,  du  vitrier,  de  Té- 
mailleur,  etc. 

Ualchimie,  dont  Tautorité  allait  en  déclinant,  devait  elle- 
même  éprouver  Tinfluence  de  la  révolution  générale  qui  s'était 
opérée  dans  Tordre  intellectuel. 

La  chémiatriey  la  métallurgie^  la  chimie  technique  et  V alchimie 
sont  autant  de  cadres  qui  résument  parfaitement  le  mouvement 
de  la  science  au  seizième  siècle ,  cadres  que  nous  allons  essayer 
de  remplir. 


TROISIÈME  EPOQUE. 


I. 

CHÉMIATRIE. 


§3 

ParacelBe. 


Il  serait  difficile  de  réunir  les  écrits  de  Paracelse  en  un  corps 
de  doctrines.  Des  idées  sans  suite,  des  phrases  souvent  incohé- 
rentes, défient  l'attention  du  lecteur  le  plus  exercé. 

Figurez-vous  un  homme  qui,  dans  certains  moments,  fait 
preuve  d'une  sagacité  rare,  et  qui,  dans  d'autres,  radote  le  plus 
pitoyablement  du  monde;  un  homme  qui  anathématise  l'esprit 
de  système,  en  proclamant  la  nécessité  de  la  méthode  expéri- 
mentale, et  qui,  un  instant  après ,  semble  causer  avec  des  dé- 
mons et  croire  à  leur  toute-puissance  ;  enfin ,  vous  diriez  un 
homme  qui,  â  jeun  le  matin  et  ivre  le  soir,  enregistrerait  exac- 
tement tout  ce  qui  lui  passerait  par  la  tête.  Tel  est  Paracelse , 
qui  s'appelait  lui-même  Aurelius  Philippus  Theophrastm  Para- 
celstis  Bombastus  ab  Hohenheim. 

Mais  peut-être  a-t-on  étiqueté  du  nom  d'un  même  personnage 
des  écrits  émanant  de  sources  très-différentes.  C'est  là  uue  con- 
jecture que  nous  livrons  aux  recherches  des  érudits. 

Quoi  qu'il  en  soit,  personne  ne  songe  à  contester  l'influence 
Aq  Paracelse  (nom  latinisé  de  Hohenheim)  sur  son  siècle.  Celte 
influence  a  été  immense.  Pourquoi?  comment?  Est-ce  parce 
qu'il  amalgamait  la  médecine  et  la  chimie  avec  les  doctrines  de 
la  kabbale  ?  Mais  d'autres,  plus  savants  que  lui,  l'avaient  déjà 
fait.  Est-ce  parce  qu'il  était  en  quelque  sorte  le  représentant  des 
alchimistes?  Mais  c'est  au  moyen  âge,  et  non  pas  au  seizième 
siècle ,  qu'il  faudrait  chercher  ce  représentant  ;  car  à  partir  de 
répoque  de  Paracelse  l'alchimie  allait  en  s'éclipsant,  et  la  vraie 


G  HISTOIRE  B£  LA   CHIMIE. 

chimie  commençait  à  paraître.  Ce  serait  donc,une  action  rétro- 
grade au  lieu  de  progressive  qu'il  aurait  exercée.  D'ailleurs  les 
véritables  alchimistes  du  seizième  siècle  ne  reconnaissent  en 
aucune  manière  Paracelse  pour  leur  chef;  ils  n'en  parlent  môme 
pas  :  c'est  comme  s'il  n'avait  jaùiais  existé  pour  eux. 

Essayons  de  mettre  en  lumière  le  secret  de  l'influence  que  cet 
homme  exerça  sur  son  siècle. 

Et  d'abord  rappelons  une  fois  pour  toutes  que  c'est  aux  mé- 
decins et  non  pas  aux  alchimistes  que  Paracelse  s'adressait 
presque  exclusivement.  Quant  à  ses  écrits  sur  l'alchimie,  ils  ne 
renferment  presque  rien  qui  n'ait  été  dit  et  mille  fois  répété  par 
les  théosophes  alexandrins,  parles  Arabes^  par  Albert  le  Grand, 
R.  Bacon,  R.  Lulle,  etc. 

Or,  en  s'adressant  aux  médecins,  il  leur  dit,  sur  le  rude  ton 
d'un  réformateur  : 

«Vous  qui,  après  avoir  étudié  Hippocrate,  Galien,  Avicènne, 
croyez  tout  savoir,  vous  ne  savez  encore  rien  ;  vous  voulez  pres- 
crire des  médicaments,  et  vous  ignorez  l'art  de  les  préparer  !  La 
chimie  nous  donne  la  solution  de  tous  les  problèmes  de  la  phy- 
siologie, de  la  pathologie  et  de  la  thérapeutique  ;  en  dehors  de 
la  chimie,  vous  tâtonnerez  dans  les  ténèbres.  » 

Voilà  le  thème  de  Paracelse;  c'est  là  son  idée  fixe.  Comme 
professeur  et  comme  écrivain,  il  y  revient  sans  cesse  et  avec  la 
même  insistance.  Ses  théories  peuvent  varier,  ses  observations 
se  contredire;  une  seule  pensée  ne  varie  point,  la  guerre  à  ou- 
trance déclarée  à  ces  «  docteurs  en  gants  blancs,  qui  Craignent  de 
se  salir  les  doigts  dans  un  laboratoire  de  chimie  ». 

En  s'attaquant  aux  dogmatistes,*  Paracelse  sentait  qu'il  s'était 
attaqué  aux  plus  rétifs  des  mortels.  Aussi  se  montre-t-il  violent, 
passionné,  excessif  dans  ses  paroles;  il  frappe  d'estoc  et  de 
taille  ceux  qui  dédaignent  la  chimie  et  les  médicaments  qu'elle 
fournit. 

«  Vous,  médecins,  dit-il ,  de  Paris ,  de  Montpellier,  d'Italie , 
Grecs,  Sar mates,  Arabes,  Israélites,  vous  devriez  tous  me  suivre 
comme  votre  chef;  ce  n'est  pas  à  moi  de  vous  suivre  :  si  vous  ne 
vous  ralliez  pas  franchement  sous  ma  bannière,  vous  ne  serez  pas 
même  dignes  qu'unchien  lève  contre  vous  sa  patte  de  derrière  (1). 

(1)  Il  y  a  dans  le  texte  original  une  expression  beaucoup  plus  énergique  :  An 
den  nicht  4w  ffunde  seiçen  werden^ 


TROISIÈME  EPOQUE.  7 

Je^erai  le  chef  d'une  nouvelle  monarchie.  Que.  pensez-vous  de 
Gacophraste?  Il  vous  faudra  avaler  cette  m....  (i).  » 

Après  s'être  ainsi  proclamé  chef  d'une  nouvelle  école,  l'au- 
teur continue  en  ces  termes  : 

«  Que  faites-vous  donc,  physiciens  et  docteurs  ?  Vous  ne  voyez 
donc  pas  clair?  Avez-vous  des  escarboucles  à  la  place  des  yeux? 
Votre  prince  Galien  est  dans  l'enfer  ;  et  si  vous  saviez  ce  qu'il  m'a 
écrit  de  ce  lieu,  vous  feriez  le  signe  de  la  croix  avec  une  queue 
de  renard.  Votre  Avicenne  est  à  l'entrée  du  purgatoire;  j'ai  dis- 
cuté avec  lui  sur  l'or  potable^  sur  la  teinture  des  physiciens,  sur 
la  quintessence,  sur  la  pierre  philosophale,  sur. la  thériaque.  0 
hypocrites,  qui  ne  voulez  pas  écouter  la  voix  d'un  médecin  ins- 
truit dans  les  œuvres  de  Dieu  !  Après  ma  mort,  mes  disciples  dé- 
couvriront vos  impostures,  ils  feront  connaître  vos  sales  drogues, 
avec  lesquelles  vous  avez  empoisonné  les  princes  et  les  seigneurs 
de  la  chrétienté  (â).  » 

—  a  Parlez-moi  plutôt  des  médecins  spagiriques  (chimistes). 
Ceux-là  du  moins  ne  sont  pas  paresseux  comme  les  autres  ;  ils  ne 
sont  pas  hahillés  en  beau  velours,  en  soie  ou  en  taffetas  ;  ils  ne 
portent  pas  de  bagues  d'or  aux  doigts,  ni  de  gants  blancs.  Les 
médecins  spagiriques  attendent  avec  patience ,  jour  et  nuit,  le 
résultat  de  leurs  travaux.  Ils  ne  fréquentent  pas  les  lieux  publics  ; 
ils  passent  leur  temps  dans  le  laboratoire.  Ils  portent  des  culottes 
de  peau,  avec  un  tablier  de  peau  pour  s'essuyer  les  mains.  Us 
sont  noirs  et  enfumés  comme  des  forgerons  et  des  charbon- 
niers. Us  parlent  peu  et  ne  vantent  pas  leurs  médicaments,  sa- 
chant bien  que  c'est  à  l'œuvre  qu'on  reconnaît  l'ouvrier.  Us  tra- 
vaillent sans  cesse  dans  le  feu,  pour  apprendre  les  différents 
degrés  de  l'art  alchimique  (3).  » 

Telles  sont  les  pensées  fondamentales  qui  animent  Paracêlse  : 
il  les  a  manifestées  dans  plus  de  cent  endroits  de  ses  ouvages, 
et  toujours  avec  la  même  énergie.  Il  avait  entrepris  une  véri- 
table croisade  contre  les  médecins  hippocratistes  et  galénistes. 

Ne  reprochez  pas  à  Paracêlse  la  violence  et  l'incongruité  de 
son  langage  :  vous  lui  ôteriez  son  caractère  distinctif.  Il  y  avait 


(1)  Diesen  Dreck  must  ihressen, 

(2)  Œuvres  de  Paracêlse,  édit.  (fuser,  t.  vi,  p.  399. 

(3)  Ibid.,  t.  VI,  p. '323. 


8  HISTOIRE  DE  LA  CHIBUE 

alors  des*bommes  bien  plus  savants  que  lui,  mais  ils  n'avaient 
pas  la  même  hardiesse. 

Avec  la  modestie  on  peut  se  concilier  l'estime  de  quelques 
hommes,  mais  on  nje  remue  jamais  les  masses.  Voyez  tous  ces 
réformateurs  :  leur  savoir  est  en  général  peu  profond,  mais  ils 
ont  une  éloquence  naturelle ,  mordante ,  incisive ,  qui  harcèle 
l'adversaire  et  le  défie  au  combat  avec  une  audace  sans  pareille. 
Il  leur  faut  à  tout  prix  des  antagonistes  ;  s'ils  n'en  avaient  pas, 
ils  s'en  créeraient  d'imaginaires. 

Luther,  contemporain  de  Paracelse ,  était  bien  moins  savant 
que  son  modeste  ami  Mélanchthon  ;  mais  il  avait  l'audace  d'un 
réformateur.  C'est  Luther  qui  a  comparé  la  parole  à  un  glaive, 
et  la  science  à  un  fourreau.  Il.laissa  à  son  ami  le  fourreau  ;  et 
on  sait  comment  il  s'est  servi  du  glaive. 

Après  avoir  montré  quel  genre  d'influence  Paracelse  exerça 
sur  son  siècle,  jetons  un  coup  d'œil  sur  sa  vie  et  ses  écrits. 

Paracelse  naquit  en  1493  à  Einsiedlen,  dans  le  canton  de 
Schwytz  (i).  Son  père,  Guillaume  Bombast  de  Hohenheim,  qui 
avait  successivement  exercé  la  médecine  à  Einsiedlen  et  àVilIach 
en  Garinthie,  fut  son  premier  maître,  ainsi  qu'il  nous  l'apprend 
lui-même  (2).  G'est  de  lui  qu'il  reçut  les  premières  notions  de 
médecine,  d'alchimie  et  d'astrologie.  Paracelse  cite  aussi  comme 
ses  maîtres  l'abbé  Tritheim  de  Sponheim,  l'évêque  Scheyt  de 
Stettgach,  et  Erlach  de  Laventall.  Gomme  les  étudiants  d'alors, 
il  mena  une  vie  vagabonde,  alla  d'une  école  à  l'autre  ;  et  quand 
il  manquait  d'argent,  ce  qui  lui  arrivait  souvent,  il  se  mettait  à 
dire  la  bonne  aventure,  il  se  faisait  chiromancien  et  nécroman- 
cien. Il  parcourut  ainsi,  dit-on,  le  Portugal.  l'Espagne,  laFrance, 
l'Italie,  l'Allemagne,  visita  les  mines  de  la  Saxe,  du  Tyrol,  de 
la  Suède,  et  poussa  ses  pérégrinations ,  comme  il  l'insinue  lui- 
même,  jusqu'en  Egypte  et  en  Tartarie.  On  raconte  même  qu'il 
accompagna  le  fils  du  khan  des  Tartares  à  Constantinople,  pour 
apprendre  le  secret  de  la  teinture  de  Trismégiste  d'un  Grec  qui 

(1)  On  n^est  pas  d'accord  sur  Pannée  de  la  naissance  de  Paracelse.  Selon  quel- 
ques auteurs,  il  naquit  en  1443.  Yoy.  Melcb.  Adam,  Vitx  Germanorum  medico- 
rum  qui  sœculo  superiori  claruerunt ;  Heidelb.,  1620,  in-8**. 

(2)  Testamentum  Paracelsi,  etc.;  Chronka  des  Landes  Kàrnthen,  p.  248. 
D'après  la  C/ironigtie  (  inédite  )  de  Saint-Gall,  de  Jean  Kessler,  le  père  de  Para- 

'"4)  aurait  porté  le  nom  de  Hœhener,  et  aurait  été  originaire  de  Gais  (canton 
Dzell  ). 


TROISIEME  ÉPOQUE.  9 

habitait  cette  capitale.  Cependant,  à  juger  par  les  écrits  qu'il  nous 
alaissés,  on  serait  tenté  de  croire  qu'il  n'a  jamais  quitté  i'Alienaa- 
gne;  car  il  se  montre  très-ignorant  en  géographie,  et  il  ne  con- 
naît ni  les  langues  ni  les  mœurs  des  pays  qu'il  prétend  avoir  vus. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'il  s'est  livré  pendant  quelque 
temps,  dans  les  mines  (lu  Tyrol ,  de  la  Bohême  et  de  la  Carin- 
thie,  à  des  travaux  métallurgiques,  sous  la  direction  d'un  Fugger. 

Paracelse  se  vante  de  n'avoir  pas  ouvert  un  seul  livre  dans 
l'espace  de  dix  ans,  et  que  toute  sa  bibliothèque  se  composait 
de  dix  feuillets.  Ses  contemporains  lui  reprochaient  de  ne  pas 
même  savoir  le  latin,  alors  la  langue  favorite  des  savants. 
Aussi  soutenaient-ils  que  le  titre  de  docteur  y  que  s'attribuait  Pa- 
racelse, était  usurpé;  car  personne  ne  pouvait  obtenir  ce  grade 
sans  savoir  au  moins  le  latin.  L'inventaire  dressé  après  sa  mort 
constate  qu'il  laissa,  pour  tout  trésor  littéraire  et  scientifique,  la 
Bible,  la  Concordance  de  la  Bible,  le  Nouveau  Testament,  les 
Commentaires  de  saint  Jérôme  sur  les  Évangiles,  un  volume  de 
médecine,  et  sept  manuscrits. 

Paracelse  avait  commencé  sa  réputation  dès  l'âge  de  trente 
ans,  à  l'occasion  de  quelques  cures  heureuses.  Il  était  par- 
venu à  guérir  quelques  cas  de  cancer,  d'hydropisie ,  de  po- 
dagre, etc.,  réputés  incurables,  et  il  assure  lui-même  avoir  ré- 
tabli la  santé  à  dix-huit  princes,  qui  auraient  péri  entre  les  mains 
des  «médecins  galénistes  ». 

Le  sénat  de  Bàle  l'appela,  en  1526,  à  remplir  une  chaire  nou- 
vellement créée  de  chirurgie  et  de  physique  (1),  et  non  pas  de 
chimie,  comme  on  l'a  dit.  Paracelse  faisait  ses  cours  en  alle- 
mand, au  grand  scandale  des  autres  professeurs,  qui  tous  fai- 
saient les  leurs  en  latin.  A  la  première  leçon,  il  fit  apporter,  au 
milieu  de  la  salle ,  les  œuvres  d'Hippocrate,  de  Galien  et  d'Avi- 
ceane,  en  fit  un  bûcher  et  y  mit  le  feu,  en  disant  que  son  cha- 
peau, sa  barbe  et  ses  souliers  en  savaient  plus  que  tous  les  mé- 
decins de  l'antiquité  réunis. 

Les  démêlés  qu'il  eut  avec  quelques  citoyens  influents  de  la 
ville  de  Bâle  le  forcèrent  à  quitter  sa  chaire  au  bout  d'un  an. 
On  raconte^  à  cette  occasion,  qu'un  chanoine^  Kornel  deLichten- 
fels,  lui  avait  promis  deux  cents  florins  de  récompense  s'il  par- 
venait à  le  guérir  de  la  goutte,  contre  laquelle  tous  les  remèdes 

(1)  p.  Ramaft,  orat,  de  BasiUa,  p.  170. 


10       •  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

• 

avaient  échoué.  Trois  pilules  d'opium  enlevèrent  aussitôt  la  dou- 
leur du  mal,  et  Paracelse  réclama  la  récompense  promise.  Le 
chanoine,  jugeant  d'après  la  quantité  plutôt  que  d'après  la  qua- 
lité du  remède,  trouva  que  200  florins  étaient  trop  d'argent  pour 
trois  petites  pilules,  et  refusa  de  payer.  Le  docteur  eut  recours 
aux  tribunaux,  qui  réduisirent  la  somipe  à  six  florins;  ayant 
ainsi  perdu  soii  procès,  il  lança  des  invectives  contre  les  magis- 
trats. Sur  l'avis  de  quelques  amis,  il  s'enfuit  clandestinement  de 
Bâle,  pour  se  soustraire  au  châtiment  qui  l'y  attendait. 

A  partir  de  ce  moment  Paracelse  mena  une  vie  très-aventu- 
reuse. On  le  trouve  en  Alsace  en  1528,  à  Nuremberg  en  1529,  à 
Saint-Gall  en  1531,  à  Pfeffersbad  en  1535,  à  Augsbourgen  1536. 
11  parcourut  ensuite  la  Moravie,  l'Autriche,  la  Hongrie  ;  il  dédia, 
en  1537,  à  Villach  sa  Chronique  à  l'archevêque  de  Garinthie. 

En  1540  on  le  trouve  à  Mindelheim,  et  l'année  suivante  à  Salz- 
bourg.  C'est  là  qu'il  mourut,  le  24  septembre  1541,  à  l'âge  de 
quarante-huit  ans,  dans  l'hôpital  de  Saint-Ëtienne. 

Professeur  ambulant,  il  ne  montait  jamais  en  chaire  sans  être 
à  moitié  ivre,  s'il  faut  en  croire  le  témoignage  d'Oporin,  et  pas- 
sait des  nuits  entières  dans  des  cabarets,  en  compagnie  avec  des 
paysans  et  des  charretiers. 

Ces  reproches  d'ivrognerie  et  d'inconduite,  que  quelques  bio- 
graphes ontinjustement  admis  comme  fondés,  ne  reposent  que  sur 
des  documents  très-suspects  d'injustice,  tels  que  la  Disputaiio  de 
mededna  nova  Paracelsi  deLieber  (Bâle  1572) ,  ennemi  déclaré  de 
Paracelse,  et  la  Viia  Oporini,  Oporin  fut  longtemps  secrétaire  de 
Paracelse;  il  avait  quitté  son  patron  par  ressentiment,  en  l'accu- 
sant de  lui  avoir  caché  des  secrets  qu'il  aurait  dû  lui  révéler  (1). 

Paracelse  ne  laissa  pas  d'enfants.  Suivant  Thomas  Éraste  {Ik 
Paracelsi  vita  et,  moribus),  qui  n'est  pas  son  panégyriste,  il  avait 
été  châtré  par  un.militaire,  pendant  qu'il  gardait  les  oies  en  Ga- 
rinthie. 

Écrits  de  Paracelse. 

le  est  le  chef  des  médecins-chimistes  du  xvi*  siècle, 
ras  complètes  n'ont  été  publiées  qu'après  sa  mort.  Ce 

ir  plus  de  détails ,  B.  Lessing ,  Leben  Paracelsus ,  Berlin ,  1839, 
iVûrdigung  des  Theophrastus  von  Hohenheim  ;Gœiiittg\ie,  1842, 
I  Sur  la  vie  et  les  écrits  de  Paracelse. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  Il 

fut  à  l^instigation  de  rarchevéque  de  Cologne  que  Jean  Huser  se 
mit  à  recueillir,  à  grands  frais ,  les  manuscrits  de  Paracelse , 
dispersés  dans  tous  les  pays  de  l'Europe ,  et  les  fît  imprimer 
sous  le  patronage  du  prince-électeur.  Ces  écrits  sont  loin  de 
former  un  corps  de  doctrine.  C'est  une  réunion  de  traités  de 
médecine  et  d'alchimie ,  dont  le  texte  est  souvent  incomplet  et 
tronqué.  Beaucoup  de  ces  traités  sont  supposés,  surtout  ceux 
qui  sont  écrits  en  latin  ;  car  Paracelse  a  composé  tous  ses  ou- 
vrages en  allemand ,  dialecte  suisse  dur  et  désagréable ,  mêlé 
d'idiotismes  difficiles  à  comprendre.  On  doit  aussi  se  tenir  en 
garde  contre  les  interpolations  nombreuses  dont  ils  portent  des 
traces  évidentes. 

Valentin  de  Retiis  n'estime  pas  à  moins  de  trois  cent  soixante- 
quatre  le  nombre  des  écrits  de  Paracelse,  dont  plusieurs  ont  été 
traduits  dans  les  principales  langues  de  l'Europe.  Michel  Toxites 
de  Haguenau,  et  Gerhard  Dom,  se  sont  surtout  attachés  à  popu- 
lariser les  écrits  de  leur  maître.  Le  premier  a  publié  un  Ono- 
masticum  medicum  verhorum  Paracelsi,  Strasb.^  1754,  ê«-8°;  et  le 
dernier,  un  Diciionarium  Theophrasti  ParacelsU  On  lui  doit  aussi 
une  traduction  latine  de  divers  traités  de  Paracelse  (1). 

Il  serait  inutile  d'énumérer  ici  tous  les  ouvrages  de  Paracelse 
sur  la  chimie  et  la  médecine.  Ceux  qui  en  voudraient  connaître 
les  titres  n'auront  qu'à  consulter  l'édition  allemande  de  Huser, 
ou  l'édition  latine  dePitiscus  des  Œuvres  de  Paracelse,  à  la  table 
des  matières  (2). 

La  première  édition,  qui  est  la  plus  complète,  a  pour  titre  : 

Bmher  und  Schriften  des  edlen,  hochgelehrten,  und  bewehrten 
philosophi  mediciy  Philippi  Theophrasti  Bombast  von  Hohenheim 
Paracelsi  genannt  ;  jetzt  aufs  neu  aus  den  Originalien  und  Théo- 
phrasti  eigener  Handschrift,  soviel  dieselben  zubekommen  gewesen, 
au/s  trefflichst  undfleisigstanTag  gegeben,  durch  Joannem  Huse- 
RUM  Brisgoium.  (Écrits  du  noble  et  savant  philosophe  médecin 
Philippe  Théophraste  Bombast  de  Hohenheim,  dit  Paracelse  , 
publiés  d'après  les  manuscrits  originaux,  etc.,  par  Jean  Hu- 
ser, etc.)  —  Bâle,  d589,  dix  volumes  in-4°. 

C'est  cette  édition,  d'ailleurs  assez  rare ,  que  nous  avons  sous 


(1)  Opéra  nonnulla  ex  germ,  in  lat,  tramlat,  ;  Bâle,  8,  1570. 

(2)  On  troave  dans  Fr.  Gmelin  (  Gesckichie  der  Chemie ,  t.  i,  p.  240  )  le  cata- 
logue de  ces  traités ,  avec  la  date  de  leur  publication. 


12  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

les  yeux.  L'édition  latine,  qui  n'est  qu'une  traduction  de  l'édition 
originale  allemande,  est,  au  contraire ,  assez  commune;  mais 
elle  est  beaucoup  moins  estimée  ;  elle  a  pour  titre  :  AureHtPhi- 
lippi  Theophr.  Paracelsi  Bombast  ah  Hohenheim,  medici  et  philo- 
sophi  celeberrinU,  chemicorumqueprincipis^  opéra  omnia  ;  Genevœ, 
1658,  2  vol.  in-fol. 

Un  mérite  que  môme  ses  plus  violents  détracteurs  ne  sauraient 
contester  à  Paracelse,  c'est  cette  grande  indépendance  d'esprit 
dont  il  fait  preuve  dans  ses  écrits.  L'autorité  du  passé  ne  l'en- 
chaîne  point;  il  dit  franchement  sa  manière  de  penser  et  devoir. 

Voici  une  analyse  succincte  de  la  partie  chimique  de  ses  ou- 
vrages. 

Air. 

Les  idées  que  Paracelse  a  émises  sur  l'air  ne  diffèrent  pas 
beaucoup  de  celles  des  philosophes  anciens. 

«  S'il  n'y  avait  pas  d'air,  dit-il ,  tous  les  êtres  vivants  mour- 
raient asphyxiés  (1). 

«Si  le  bois  brûle^  c'est  l'air  qui  en  est  la  cause.  S'il  n'y  avait 
pas  d'air,  le  bois  et  le  feu  ne  brûleraient  pas  (2).  » 

Paracelse  n'ignorait  point  quel'étain  augmente  de  poids  quand, 
on  le  calcine,  et  que  cette  augmentation  est  due  à  une  portion 
de  l'air  qui  s'est  fixé  sur  le  métal  (3). 

L'effervescence  qui  se  manifeste  lorsqu'on  met  de  l'eau  et  de 
l'huile  de  vitriol  (acide  sulfurique)  en  contact  avec  un  métal,  tel 
que  le  fer,  n'avait  pas  échappé  à  cet  esprit  observateur.  Il  savait 
que  dans  cette  opération  il  se  dégage  un  air  «  pareil  à  un  vent  » 
{Luft  erhebl  sich  und  bricht  herfûr  gleich  voie  eln  Wind) ,  et  que 
cet  air  se  sépare  de  l'eau  dont  il  est  un  élément  (4). 

Comme  tant  d'autres,  Paracelse  avait  entrevu  la  vérité,  sans 
s'y  arrêter.  Cet  air,  qui  se  dégage  dans  les  conditions  indiquées^ 
est  en  effet  un  élément  de  l'eau  décomposée  :  c'est  le  gaz  hy- 
drogène. Mais  le  moment  de  sa  découverte  n'était  pas  venu. 
Plus  de  deux  siècles  devaient  se  passer  encore. 

(1)  Schriften  Paracelsi,  edit.  Huser,  1. 1,  p.  14. 

(2)  Ibid.,  t.  lY,  p.  151  :  So  der  Luft  nit  weri,  sie  (  ffolz  und  Fewer)brûn' 

s  16  :  Undist  zu  merken  dass  der  aer  im  stanno  das  coT' 
rehidox,,  p.  12.  x 


TROISIÈME  EPOQUE.  13 

Pâracelse  revient  souvent  sur  la  question  de  l'air,  comme  s'il 
en  sentait  toute  Timportance.  «  L'homme  meurt,  dit-il,  comme 
le  feu  quand  il  est  privé  d'air  (1).  » 

Métaux. 

L'auteur  établit  que  les  métaux  se  composent  de  trois  élé- 
ments, savoir  :  Vesprit,  Vâme  et  le  corps;  en  d'autres  termes^  le 
mercure,  le  soufre  et  le  sel  (2). 

La  rouille  est  selon  lui  la  mort  du  métal.  «  Le  safran  de 
Mars  (peroxyde  de  fer)  est,  dit-il,  du  fer  mort;  le  vert-de-gris  est 
du  cuivre  mort;  le  mercure  rouge  et  calciné  est  du  mercure 
mort,  etc.  (3).  »  Il  ajoute  que  le  cuivre  calciné  (oxydé  )  dans  un 
four  est  noir,  et  qu'étant  exposé  à  l'air,  il  reprend  sa  couleur 
verte  ordinaire  (4). 

Nous'savons  aujourd'hui  que  l'oxyde  de  cuivre  parfaitement 
sec  (anhydre)  est  en  effet  noir,  tandis  que  l'oxyde  contenant  de 
l'eau  (hydraté)  est  de  couleur  verte. 

«  Les  métaux  morts,  les  chatix  des  métaux  (  c'est  ainsi  qu'on 
appelait  les  oxydes  )  peuvent  être  revivifiés  ou  réduits  à  l'élat 
.  de  métaux  par  la  suie  (charbon).  »  —  Pâracelse  se  sert  ici,  n'ou- 
blions pas  de  le  noter,  le  premier  du  mot  réduire  {reduziren)^ 
qui  est  aujourd'hui  le  terme  généralement  adopté. 

Mercure.  —  Précipité  rouge  (peroxyde  de  mçrcure).  —  Pour 
le  préparer,  l'auteur  dissout  le  mercure  dans  de  l'eau  régale,  et 
calcine  le  précipité  «jusqu'à  ce  qu'il  se  manifeste  avec  sa  belle 
couleur  rouge  (5).'» 
C'était  là^  avec  de  légères  modifications,  leprocédéde6eber(6). 
(c  Le  précipité  rouge  est,  ajoute  Pâracelse^  un  spécifique  contre 
la  maladie  vénérienne  {morbus  gallicus).  »  —  On  voit  que  l'em- 
ploi du  mercure  pour  combattre  la  syphilis  remonte  d'une  ma« 
nière  certaine  au  moins  à  la  première  moitié  du  seizième  siècle. 
Cinabre.  —  Le  mode  de  préparation  indiqué  par  l'auteur 
consiste  à  faire  tomber  du  mercure  en  pluie  fine  (  pressé  à  tra- 

(1)  Schriften  Paracelsi,  t.  ix,  pag.  398. 

(2)  Ibid.,  t.  VI,  p.  265. 

(3)  Ibid.,  p.  284. 

(4)  Ibid.,  p.  286. 

(5)  Bis  dirder  PrxcipUàt  an  derschœnen  rothen  Farbe  gefallt,  Ibid.,  p.  28. 

(6)  Voy.  plus  haut,  t.  i,  p.  340  de  cet  ouvrage. 


14  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

vers  une  peau)  sur  du  soufre  en  poudre ,  et  à  soumettre  le  mé- 
lange à  la  sublimation  dans  une  cucurbite  surmontée  d'un  alu- 
del  :  le  cinabre  se  sublime  et  s'attacbe  aux  parois  de  l'aludel, 
sous  la  forme  d'une  pierre  sanguine  {wie  ein  Blutstein)  (1).  —  Ce 
procédé  était  déjà  aus5i  connu. 

Sublimé  blanc.  —  L'auteur  le  préparait  en  chauffant  un  mélange 
de  vitriol,  de  sel  et  de  mercure.  «  Ce  sublimé  est,  ajoute-t-il, 
blanc  comme  de  la  neige ,  et  présente  l'aspect  d'un  cristal  (2).  » 

Le  produit  ainsi  obtenu  était  évidemment  un  chlorure  de 
mercure,  qui  pouvait  être  tantôt  le  proto-chlorure  (calomélas), 
tantôt  le  perchlorure  (sublimé  corrosif) ,  suivant  les  proportions 
des  matières  employées. 

Zinc.  —  C'est  Paracelse  qui  le  premier  a  fait  mention  de  ce 
métal  sous  le  nom  qu'il  porte  encore  aujourd'hui.  Mais'  il  n'en 
donne  aucun  détail  suffisant  pour  le  faire  distinguer  des  autres 
métaux. 

a  On  trouve ,  dit-il ,  en  Carinthie  le  zinc  {dos  Zincken)^  qui  est 
un  singulier  métal,  plus  étrange  que  les  autres  métaux  (3).  » 

Dans  un  autre  passage,  il  le  compare  au  mercure  et  au  bismuth 
(Wismuth)  (4). 

Bien  qu'il  sût  que  le  laiton  se  fait  avec  du  u  cuivre  et  de  la 
cadmie  » ,  il  paraissait  ignorer  que  le  zinc  se  retire  de  la  cadmie 
ou  de  la  calamine ,  et  que  ce  métal  s'allie  directement  avec  le 
cuivre  pour  former  le  laiton. 

Cuivre.  —  a  On  fait,  dit  l'auteur,  avec  le  cuivre  cémenté,  et 
avec  la  tutie  ou  la  cadmie,  un  beau  laiton  rouge  (Messing]y  qui  res- 
semble à  l'or  (5).  » 

Un  peu  plus  loin,  il  décrit  nettement  le  départ  de  l'argent  et 
de  l'or  au  moyen  de  l'eau-forte. 

«Pour  séparer,  dit-il,  les  métaux  à  l'aide  de  l'eau  forte  ou 
d'autres  eaux  corrosives  semblables  [andere  dergleichen  corrosif 
vische  Wasser)y  vous  procéderez  de  la  manière  suivante  :  Com- 
mencez par  réduire  l'alliage  en  petites  parcelles ,  introduisez-le 

(1)  Œuvres  de  Paracelse,  édit.  Huser,  t.  Ti,pag.  288. 

(2)  Yoy.  plus  haut,  t.  i,  p.  339.  —  Rappelous  ici  que  l'acide  sulfurique  ou  vi- 
triol (sulfate  de  fer),  réagissant  sur  le  sel  marin  (chlorure  de  sodium),  donne  àt 
Pacide  chlorhydrique,  qui  attaque  le  mercure  et  le  transforme  en  chlorure. 

tXi  Œuvres  de  Paracelse,  éd.  Huser,  t.  ii,  p.  121. 
l.y  t.  vui,  p.  359. 
>  t.  VI,  p.  303. 


TROISIÈME  EPOQUE.  J5 

eûsuite.dans  une  cornue,  et  versez-y  de  l'eau- forte  ordinaire  en 
quaptité  suffisante.  Laissez  digérer  jusqu'à  ce  que  le  tout  se  ré- 
solve en  une  eau  limpide.  Si  c'est  un  alliage  d'or  et  d'argent 
qu'on  à  aîùsi  traité,  l'argent  seul  se  dissoudra,  et  l'or  se  déposera 
semblable  à  du  gravier  noir  (gleich  einem  schwarsen  Sand).  C'est 
ainsi  que  les  deux  métaux:,  l'or  et  l'argent,  se  trouvent  séparés 
Fdn  dé  l'autre.  Voulez-vous  retirer  l'argent  de  la  liqueur  sans 
ivôir  reciours  à  la  distillation?  Plongez  .dans  la  liqueur  une  lame 
de  cuivre  :  l'argent  se  déposera  comme  du  sable  au  fond  du  vase, 
pendant  que  la  lame  de  cuivre  sera  attaquée  et  corrodée  (i).  » 

Tel  est  l'exposé  d'un  procédé  d'où  devait  un  jour  sortir  la 
galvanoplastie. 

Cobalt.  —  n  n'est  pas  certain  que'Paracelse  ait  compris  sous 
ce  nom  ce  que  nous  entendons  aujourd'hui  par  cobalt.  Il  dit  ce- 
pendant que  c'est  un  métal  qui  a  la  couleur  du  fer,  qu'il  est  sans 
éclat,  et  qu'il  ne  se  laisse  guère  travailler  (2). 

Arsenic.  —  La  plupart  des  alchimistes  connaissaient  l'arsenic, 
mais  aucun  d'eux  n'en  avait  indiqué  d'nne  manière  précise  les 
propriétés  toxiques. 

a  L'arsenic ,  dit  Paracelse,  tire  toutes  ses  propriétés  de  sa  na- 
ture vénéneuse.  C'est  un  poison  qui  surpasse  en  énergie  tous  les 
autres  poisons  (3).  )> 

À  juger  par  les  passages  qui  traitent  de  l'arsenic,  l'auteur  ne 
connaissait  guère  que  le  sulfure  et  l'acide  arsénieux.  La  décou- 
verte de  l'arsenic  métallique  était  réservée  à  d'autres. 

Paracelse  croit  à  la  possibilité  dé  la  transmutation  des  mé- 
taux. Il  admet  que  les  metauxpeuvent.se  transformer  en  pierres 
au  sein  de  la  terre.  «  Non-seulement  ils  s'y  moisissent  (schim" 
meln)  et  s'y  rouillent ,  dit-il,  mais  ils  se  changent,  à  la  longue, 
en  véritables  pierres.  C'est  ainsi  que  l'on  trouve  beaucoup  de 
monnaies  païennes  qui,  de  métalliques  qu'elles  étaient,  sont  de- 
venues pierreuses  (4).  » 

Il  pense  que  les  minéraux  se  développent  comme  les  plantes, 
et  en  cela  il  partage  les  idées  de  beaucoup  d'alchimistes.  Voici 

(1)  Soll  du  in  solche  Solution  ein  Kupfer  Lameln  werfen ,  aUbald  wird 
iieh  das  Silber  im  Wasser  senken ,  fallen  oder  niederschlagen ,  und  die 
Kupfer  Lameln  anheben  zu  verzehren.  ' 

(2) Œuvres  de  Paracelse,  édit.  Hiiser,  t.  viti,  p.  359. 

(3)Ibid.,  t.  vn,  p.  204. 
W4)  Ibid.,  t.  VI,  p.  392. 


16  HISTOIRE  D£  LA  CHIMIE. 

comment  il  s'exprime  à  cet  égard  :  Soumis  à  l'influence  des 
astres  et  du  sol,  l'arbre  développe  d'abord  des  boutons,  puis 
des  bourgeons,  puis  des  fleurs ,  et  enfin  des  fruits.  Il  en  est  de 
même  des  minéraux.  Que  l'alchimiste  songe  bien  à  tout  cela  ; 
car  c'est  là  qu'il  trouvera  le  trésor  des  trésors  (1).  » 

«  L'alchimiste,  dit-il  ailleurs,  opère  comme  le  boulanger  qui 
change  la  farine  et  la  pâte  en  pain.  La  nature  fournit  la  matière 
brute,  l'étofte  première.;  c'est  à  l'alchfmisfe  de  la  façonner 
comme  il  l'entend  (2).  » 

Ceci  est  sage  et  raisonnable.  Mais  les  alchimistes  né  s'en  sont 
pas  toujours  tenus  là. 

Dans  d'autres  passages,  Paracelse  admet  toutes  les  traditions 
de  la  magie^  de  la  kabbale  et  de  l'astrologie  ;  en  les  transportant 
dans  la  médecine  et  la  chimie,  il  en  exagère  la  valeur.  La  magie 
était^  selon  lui,  le  point  culminant  de  toutes  les  sciences.  Il  con- 
çut la  pensée  de  créer,  au  moyen  de  la  magie  combinée  avec 
l'alchimie,  des  êtres  animés ,  des  homuncules  {homunculi).  — 
Paracelse  se  faisait  ici  une  singulière  idée  de  la  puissance  hu- 
maine (3). 

«  La  mesure  de  notre  sagesse ,  dans  ce  monde,  est,  dit-il,  de 
vivre  comme  les  anges  dans  le  ciel  ;  car  nous  sommes  des  anges* 
Or  il  s'agit  de  savoir  ce  que  peuvent  les  anges.  Us  peuvent  tout; 
car  c'est  en  eux  qu'habite  toute  la  sagesse  de  Dieu ,  toute  la 
science  de  Dieu.  Les  anges  possèdent  donc  toutes  les  connais- 
sances de  Dieu.  Ils  sont  purs  et  innocents  dans  le  ciel  comme  sur 
la  terre;  ils  ne  dorment  jamais,  ils  n'ont  donc  pas  besoin  d'être 
réveillés.  L'homme  dort  parce  qu'il  est  corporel.  Aussi  faut-il 
l'exciter  et  le  réveiller  pour  la  science  des  anges,  c'est-à-dire 
pour  la  science  et  la  sagesse  de  Dieu.  Les  sciences  de  Dieu  sont  : 
la  médecine,  la  géomancie,  l'astronomie,  la  pyromancie,  la  chi- 
romancie, la  magie,  la  malédiction ,  la  bénédiction^  la  nécro- 
mancie ,  l'alcbimre ,  la  transmutation ,  la  réduction,  la  fixation  et 
la  teinture.  Toutes  ces  sciences  se  trouvent  dans  la  nature.  Les 
anges  sont  des  médecins.  Ils  peuvent  voler^  marcher  sur  les 
eaux ,  traverser  les  mers ,  se  rendre  invisibles ,  guérir  toutes  les 

(1)  Œuvres  de  Paracelse,  t.  vi,  p.  397. 
(2)Ibid.,  t.  i,p.5l. 

(3)  Voy.  le  Précis  de  V Histoire  de  la  Chimie  (p.  xxiij),  qui  précède  nos  Ê\k^ 
nts  de  Chimie  minérale;  Paris ,  1841,  in-S". 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  17 

maladies,  ensorceler,  etc.  Si  les  anges  ont  toutes  ces  facultés,  il  est 
nécessaire  que  ces  facultés  existent  également  dans  les  plantes, 
dans  les  semences,  dans  les  racines,  dans  les  pierres,  dans  les 
graines.  C'est  donc  là  qu'il  faudra  les  chercher.  Les  anges  les  pos- 
sèdent renfermées  en  eux-mêmes.  L'homme  ne  les  rencontre  que 
hors  de  lui,  dans  la  nature  :  c'est  là  qu'il  doit  se  les  approprier.  » 

Ces  idées ,  très-habilement  exposées ,  trouvèrent  des  partisans 
nombreux.  Pour  beaucoup  de  ses  contemporains  Paracelse  était 
un  véritable  thaumaturge. 

Ses  idées  cosmologiques  ne  sont  pas  moins  curieuses.  L'au- 
teur compare  le  globe  terrestre,  enveloppé  de  l'air,  au  jaune 
d'œuf  nageant  au  milieu  du  blanc  (1).  11  le  compare  encore 
à  une  graine  de  melon  plongée  dans  un  liquide  mucilagineux. 

Chimie  organique,  —  Les  applications  de  la  chimie  à  la  phy- 
siologie, à  la  pathologie  et  à  la  thérapeutique,  voilà  le  véritable 
terrain  de  Paracelse.  Ses  idées  sur  la  vie  et  la  composition 
matérielle  de  l'homme  sont  fort  remarquables;  elles  eurent 
beaucoup  de  retentissement. 

a  La  vie  est,  dit-il,  un  esprit  qui  dévore  le  corps.  Toute  trans- 
mutation se  fait  par  l'intermédiaire  de  la  vie.  La  digestion  n'est 
antre  chose  qu'une  dissolution  des  aliments  {Essen  istnichts 
anders  als  eine  AufkBsung). 

«  L'homme  est  une  vapeur  condensée  ;  il  retournera  en  vapeur 
d'où  il  est  sorti  (2).  n 

La  putréfaction  est  une  transmutation.  «  Elle  consume,  dit- 
il,  les  corps  et  les  change  en  substances  nouvelles  ;  elle  produit 
des  fruits  nouveaux.  Tout  ce  qui  est  vivant  meurt ,  et  tout  ce 
qui  meurt  renaît.  x> 

On  ignore  ce  que  Paracelse  a  voulu  dire  par  Alchahesty  qui  est 
évidemment  le  mot  allemand  a%e^^  (tout  esprit).  A  coup  sûr,  ce 
n'est  pas  le  gaz  acide  carbonique,  comme  on  l'a  pensé.  C'était, 
comme  l'auteur  nous  l'apprend  lui-même,  un  liquide  (liquor  al^ 
chahest)  doué  d'un  grand  pouvoir  dissolvant,  préconisé  contre  les 
maladies  du  foie  (3).  —Serait-ce  l'eau  régale? 

Les  éléments  du  corps  humain  sont,  suivant  Paracelse,  le 

(1)  Wie  der  Vitellus  ovi  in  seinem  Clar,  also  schwebt  die  Erde  in  dieser 
£tt/Mbid.,  t.  Vin,  p.  61.  —  On  voit,  d'après  cette  comparaison,  que  Paracelse  ad- 
Biettait  rcxistence  d'un  fluide  matériel,  occupant  les  espaces  interplanétaires. 

(2)  Œuvres  de  Paracelse,  éd.  Huser,  t.  VIII,  pag.  45. 
(3)lbld.,t.  ni,  p.  7. 

H18T.  DE  Li  CHIMIE.  ^  T.   II.  2 


ff 


11 


18  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

soufre,  le  sel  et  le  mercure.  Les  propriétés  de  ces  éléments 
se  manifestent  dans  diverses  parties  de  l'économie  ;  le  soufre 
est  rouge  dans  le  sang,  le  sel  est  vert  dans  la  bile ,  et  le  mercpre 
pesant  dans  les  chairs.  Il  y  a  un  sel  sidéral  (produit  par  l'influence 
des  astres),  qui  n'est  accessible  qu'aux  sens  les  plus  exercés, 
et  qui  forme  le  résidu  de  l'incinération;  il  y  a  aussi  un  soufre 
sidéral^  base  de  l'accroissement  et  de  la  combustion  des  corps; 
enfin  il  y  a  un  mercure  sidéral,  fondement  des  liquides  et  des 
parties  volatiles.  Les  fonctions  organiques  de  la  vie  sont  les  mou- 
vements de  la  volonté  d'un  Arché^  que  le  chimiste  devrait  prendre 
pour  modèle  dans  toutes  ses  opérations.  Cet  Arche  opère  la  di- 
gestion ,  il  sépare  les  matières  destinées  à  être  rejetées,  et  assi- 
mile celles  qui  doivent  se  transformer  en  sang,  en  muscles,  etc. 
11  réside  non-seulement  dans  l'estomac,  mais  dans  toutes  les 
parties  du  corps,  dont  chacune  est  comparable  à  un  estomac. 

La  pathologie  chimique  de  Paracelse,  où  l'astrologie  occupé 
une  large  place,  relève  des  mêmes  doctrines.  Ainsi,  les  maladies, 
surtout  épidémiques,  sont,  au  dire  de  l'auteur,  engendrées  par  des 
astres  dont  l'influence  infecte  ou  empoisonne  l'air.  L'arsenic  agit 
sur  le  sang ,  le  mercure  sur  la  tète,  et  le  sel  sur  les  os  et  les 
vaisseaux.  Les  fièvres,  putrides  doivent  leur  origine  à  des  sub- 
stances excrémentitielles  qui,  au  lieu  d'être  éliminées,  sont 
retenues  dans  l'économie.  Le  nez  sécrète  le  soufre,  les  pores  sé- 
crètent le  mercure ,  et  les  oreilles  l'arsenic. 

Toute  la  chémiatrie  ou  thérapeutique  chimique  de  ï^aracelse 
se  réduit  à  la  proposition  suivante  :  V homme  est  un  composé  chi- 
mique ;  les  maladies  ont  pour  cause  une  altération  quelconque  de 
ce  composé;  il  faut  donc  des  médicaments  chimiques  pour  combattre 
les  maladies,  —  Cette  proposition  était,  pour  Paracelse  et  ses 
disciples,  un  véritable  axiome. 

Les  substances ,  qu'il  supposait  jouer  un  rôle  important  dans  ; 
l'économie  animale ,  sont  aussi  celles  qui  sont  le  plus  souvent  em- 
ployées par  lui  comme  médicaments.  I^e  mercure,  le  soufre,  l'an- 
timoine, l'arsenic ,  occupent  ici  le  premier  rang.  Viennent  ensuite 
l'opium,  la  teinture  d'aloès  {élixir  de  propriété),  l'esprit  de  vi- 
triol, la  rouille  de  fer,  le  vitriol  et  l'alun  :  ils  étaient  administrés 
à  de  très-hautes  doses  (i).  Extraire  des  végétaux  et  des  miné- 

(l)L'aliin  et  le  vitriol,  qui  avaient  été  jusqu'alors  souvent  confondus  Tun  avec 
Tautre,  sont  fort  bien  distingués  par  Paracelse  :  il  démontre  anajyliquennent  que 


TROISIÈME  ÉrOQUE.  19 

raux,  à  l'aide  de  la  chimie,  les  parties  les  plus  actives,  et  bannir 
de  la  matière  médicale  ces  mélanges  informes  de  drogues  di- 
verses, ces  tisanes  d'herbes  et  de  bois  qui  encombraient  les 
pharmacopées  anciennes ,  faire  sentir  aux  médecins  la  néces- 
sité d'étudier  la  chimie,  tel  était  Iç  principal  but  des  travaux 
de  Paracelse  et  de  ses  disciples. 

§4. 

Disciples  de  Paraeelse. 

Un  homme  comme  Paracelse  devait  passionner  les  esprits 
dans  deux  sens  opposés.  Et,  en  effet,  il  eut  à  la  fois  des  amis 
enthousiastes  et  des  ennemis  implacables. 

Parmi  ses  amis  et  disciples,  on  remarque,  en  première  ligne, 
Léonard  Thurneisser. 

Ce  personnage,  assez  peu  connu,  mérite  que  nous  nous  y 
arrêtions  un  instant.  ^ 

Thurneisser  naquit  à  Bâle  en  1530.  Son  père,  qui  était  or- 
fèvre, le  mit  chez  un  médecin  pour  lui  faire  apprendre  à  con- 
naître les  plantes.  A  l'âge  de  dix-sept  ans,  il  épousa  une 
veuve  qui,  par  ses  goûts  de  dépense ,  lui  fit  contracter  des 
dettes.  Pour  se  tirer  d'embarras,  il  eut  recours  à  des  moyens 
illicites  :  il  vendit  un  jour  à  un  juif,  pour  de  l'or  pur,  un  lingot  de 
plomb  doré.  Pour  prévenir  le  scandale  d'un  procès,  il  dut  sa- 
crifier le  peu  de  patrimoine  qui  lui  restait.  Réduit  à  la  mendicité 
et  abreuvé  de  chagrins  par  Tinconduite  de  sa  femme,  il  quitta 
Bâle ,  et  vint,  à  l'âge  de  dix-huit  ans,  chercher  fortune  d'abord 
en  Angleterre ,  puis  en  France.  Déçu  dans  son  espérance ,  il 
s'engagea,  en  1552,  dans  les  troupes  du  margrave  Albrecht  de 
Brandebourg,  et  prit  part  à  la  bataille  de  Sieversbausen  où  il 
devint  prisonnier.  Après  avoir  recouvré  sa  liberté,  il  renonça  au 
service  militaire  et  se  mit  à  travailler  dans  les  principales  mines 
de  l'Allemagne  et  du  Tyrol.  En  1555,  nous  le  retrouvons  à  Cons- 
tance employé  chez  un  orfévrç  dont  il  épousa  la  fille,  après 
avoir  divorcé  avec  sa  première  femme.  Trois  ans  plus  tard,  il 
s'établit  à  Tarenz,  village  de  la  vallée  de  l'Inn,  où  il  fit  élever 

Valun  contient  un  corps  terreux  {alumine)^  tandis  que  le  vitriol  (sulfate)  ren- 
ferme unmétal  (fer  ou  cuivre). 

2. 


20  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

des  forges  et  des  fonderies  qui  .acquirent  bientôt  une  grande  ré- 
putation. Cardan  et  Paul  Verger,  évoque  d'Istrie,  allèrent  les  vi- 
siter. Le  nom  de  Thurneisser  parvint  aux  oreilles  de  Tempereur 
Ferdinand,  qui  lui  accorda,  comme  une  faveur  particulière,  de  dis- 
séquer une  femme  vivante  :  elle  avait  été  condamnée  à  mourir 
par  l'ouverture  de  toutes  ses  veines. 

En  1560,  nous  voyons  Thurneisser  voyager  en  Ecosse  et  aux 
îles  Orcâdes,  en  Espagne  et  en  Portugal,  par  ordre  de  l'archiduc 
Ferdinand,  qui  aimait  à  protéger  les  arts  et  les  sciences.  Du 
Portugal  il  passa,  dit-on,  en  Afrique,  parcourut  les  côtes  de  la 
Barbarie,  visita  TÉlhiopie,  l'Egypte,  l'Arabie,  la  Syrie,  la  terre 
sainte  et  effectua  son  retour  par  l'île  de  Crète,  la  Grèce  et  l'Italie. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  voyages,  qui  ne  paraissent  pas  tous  au- 
thentiques, nous  retrouvons  Thurneisser,  dès  le  mois  d'août 
1565,  en  Tyrol,  occupé  à  rétablir  ses  affaires  délabrées.  Dès 
1570,  il  adopta  décidément  la  méthode  de  Paracelse  en  alliant 
la  médecine  avec  la  chimie.  Prétendant  avoir  découvert   un 
réactif  propre  à  déceler  les  changements  que  subit  le  sang  dans 
différentes  espèces  de  maladies  et  à  servir  de  guide  dans  les  di- 
vers modes  de  traitements  à  suivre,  il  fut  appelé  à  Munster  pour 
y  organiser  une  pharmacie  chimico-iatrique  et  un  laboratoire 
modèle.  En  août  de  la  même  année  nous  trouvons  Thurneis- 
ser au  service  de  l'évêque  de  Munster,  qui  accompagna  jusqu'à 
Nimèguela  princesse  Elisabeth,  fille  de  l'empereur  Maximilienll, 
et  fiancée  de  Charles  IX,  roi  de  France.  L'année  suivante,  Thur- 
neisser devint  premier  médecin  de  Jean-George,  électeur  de 
Brandebourg.  Cette  position  ne  fît  qu'entretenir  sa  vanité  :  il  ne  se 
montrait  en  public  que  vêtu  de  magnifiques  habits  de  velours  et 
la  poitrine  ornée  de  longues  chaînes  d'or.  Il  se  faisait  passer 
pour  un  astrologue  et  était  en  •  correspondance  avec  Nostrada- 
mus.  Les  richesses  qu'il  amassa  en  peu  de  temps  furent  attribuées 
par  la  plupart  à  la  pierre  philosophale  qu'on  lui  supposait  avoir 
trouvée.  Elles  provenaient  en  réalité  de  la  vente  de  ses  almanachs 
prophétiques,  de  quelques  procédés  chimiques,  de  ses  nianus- 
crits,  deses  talismans,  et  surtout  d'un  certain  nombre  de  cures 
heureuses,  obtenues  par  l'inspection  des  urines. 

Thurneisser  paraissait  à  l'apogée  de  sa  fortune,  lorsqu'il  fut 
tout  à  coup  atteint  du  mal  du  pays,  assez  commun  chez  les 
Suisses.  Vainement  l'électeur  cherchait-il  à  le  retenir  à  sa 
cour.  Thurneisser  quitta  Berlin  en  1581,  revint  à  Bâle,  et  y  per- 


TROISIÈBtE  EPOQUE,  21 

dit  tout  son  avoir  à  la  suite  d'un  procès.  Poursuivi  par  ses 
créanciers  et  accusé  de  sorcellerie,  il  s'enfuit  en  Italie,  habita 
Rome,  revint,  au  bout  de  quelque  temps,  en  Allemagne,  et  alla 
mourir,  en  1596,  dans  un  couvent,  à  Cologne.  Il  avait  demandé 
dans  son  testament  &  être  enterré  à  côté  d'Albert  le  Grand  (1). 

On  a  lieu  de  s'étonner  qu'une  vie  si  agitée  ait  permis  à 
Thumeisser  de  publier  un  aussi  grand  nombre  d'ouvrages,  sans 
compter  les  écrits  qui  sont  encore  inédits. 

Parmi  ses  ouvrages  parus,  nous  citerons ,  dans  l'ordre  chrono- 
logique de  leur  publication  :  Archidoxa  ;  Munster^  1569,  in-4**; 
^  édit.,  1575.  Ce  livre,  écrit  en  allemand  (dialecte  suisse),  traite 
principalement  d'astrologie,  de  médecine  et  d'alchimie.  On  y 
trouve,  entre  autres,  la  description  d'un  procédé  pour  convertir 
le  fer  en  acier  à  l'aide  de  la  corne,  de  la  suie  et  de  l'urine,  et 
le  mgyen  de  faire  avec  l'étain  le  verre  rubis,  et  avec  l'argent  la 
couleur  d'outre-mer.  — ÏIpoxatTélXYi^tç,  sive  Prxoccupatio  (en alle- 
mand); Francf.  sur  l'Oder;  1571;  c'est  un  système  médical, 
fondé  sur  l'examen  des  urines.  —  Pison  (en allemand);  Francf. 
sur  l'Oder,  1572  :  il  a  pour  objet  les  eaux  minérales.  —  Ono- 
masticon  polyglossoUy  tnulta  pro  medicis  et  chymicis  corUinens; 
Berlin,  1574,  in-4".  —  Quinta  essenlia  ;  Leipzig,  1574  (  en  alle- 
mand); c'est  un  traité  de  médecine  et  d'alchinlie.  — Hutoriasivp, 
Descriptto  plantarum  omnium,  tam  domesticarum  quant  exotica- 
mm  ,  etc.;  Berlin,  J575,  in-fol.  — nx^So  xal  *Ep[xr,v6ia;  Berlin, 
1583,  in-fol.  Cet  ouvrage ,  écrit  en  allemand,  peut  servir  de  com- 
mentaire aux  œuvres  de  Paracelse.  —  Magna  alchymia;  Berlin, 
1583, in-fol.  On  y  apprend,  entre  autres,  qu'un  habitant  du  Tyrol, 
Hans vonder  Zeyt,  fabriquait,  dès  l'année  834,  le  sel  ammoniac 
qu'on  faisait  venir  de  l'Orient.  —  Reise  tmd  Kriegs-Apotheken; 
'  Leipzig,  1602;  recueil  posthume  de  médicaments  (magistères, 
élixirs,  arcanes,  etc.  ).  — Parmi  les  ouvrages,  restés  manuscrits, 
OQ  remarque  un  Discours,  en  20  livres  y  sur  le  movule  et  ses  mystères 
étemels. 

OswALD  Croll  était  au  moins  aussi  attaché  aux  idées  de  Para- 
celse que  L.  Thurneisser.  Habile  dans  la  préparation  des  médi- 


(1)  Nous  a?ons  extrait  ces  détails  d'un  ouvrage  allemand,  assez  rare,  de 
MfpJisen,  Supplément  à  V histoire  des  sciences  dans  la  marche  de  Brande- 
bourg (Berlin  et  Leipzig,  1783,  in-4^),  p.  55  et  suiv. 


22  HISTOIRE  DE  LA   GfllldIE. 

cameats,  il  suivait  trop  aveuglément  les  préceptes  du  maître.  11 
connaissait  Tor  fulminant,  le  sulfate  de  potasse  (  tartarus  vitrio» 
latus),  et  le  chlorure  d'argent  {luna  cornea),  obtenu  en  précipitant 
une  dissolution  d'argent  par  du  sel  marin  (i). 

Parmi  les  autres  disciples  que  Paracelse  comptait  en  Alle- 
magne, nous  citerons  : 

G.  DoRN  (2),  A.  Ellingeb,  professeur  de  la  Faculté  de  médecine 
de  Leipzig  et  d'Iéna  (3);  G,  FEmiO  {Phœdro)  de  Rhodach  (4),  B. 
Carrichter  de  Beckingen,  médecin  de  Tempereur  Maximi- 
lien  n  (5)  ;  F.  Raïgus  (6),  Ad.  de  Badenstein,  Michel  Toxitbs. 

Ces  disciples  zélés  ne  reculèrent  devant  aucun  sacrifiée  pour 
répandre  les  doctrines  et  les  livres  de  leur  maître. 

En  Danemark  vivait,  à  la  fin  du  seizième  siècle,  un  des  secta- 
teurs les  plus  ardents  dçs  doctrines  de  Paracelse;  il  se  nommait 
Pierre  Séverin.  Grand  partisan  des  médicaments  chimiques,  il 
contribua  par  son  autorité  à  populariser  Tusage  de  Pantimoine 
dans  le  traitement  des  maladies  internes.  Voici,  en  deux  mots,  la 
théorie  de  Séverin. 

a  De  même,  dit-il,  que  l'antimoine  purifie  l'or  et  enlève  aux 
minerais  leurs  impuretés,  de  même  aussi  il  ôteau  corps  malade  les 
immondices  qui  entravent  le  jeu  des  fonctions  naturelles  de  l'é- 
conomie (7).  )) 

Cette  théorie  fut  une  pomme  de  discorde,  jetée  au  milieu 
de  la  tourbe  des  médecins.  Elle  découlait  d'un  principe,  déjà 
établi  par  Paracelse,  à  savoir  que  le  mercure,  le  soufre.  Pan- 

(1)  Basilica  chymica,  etc.  ;  Francof.,  1608,  in-4°.  —  Cet  ouvrage  eut  de  nom- 
breuses éditions.  U  a  été  traduit  en  français ,  en  anglais  et  en  allemand  :  La 
Royale  ckémie  de  Crollius,  trad.  par  Marcel  de  Bollene ,  Rouen ,  1638  ;  Crollius 
royal  Chymistry^  Lonâon,  1670,  in-fol. 

(2)  Claviitotius  philosophiœ  chymisHcœ,  etc.;  Lyon,  Iô67,in*l2.  •—  Chy* 
misHcum  artificium  nat$w^  theoricum  et  pracHcum,  etc.;  Francf.,  1568, 
in-8® —  Philosàphiit  chemiea,  elc;  Francf.,  1569,  in-S"*.  —  Lapis  metaphysi- 
eus  Bâle,in-8%  1569. 

(3)  Reise-apotheke  (Pharmacie  de  voyage);  Zerbst,  1602,  in-8°.  —  Extrac- 
tion der  spiritualischen  Krdfte  aus  Kràutern  (  Extraclion  des  forces  spiri- 

1^.  .  tueuses  des  plantes)  ;  Wittenberg,  1609,  in-4''. 

(4)  Praxis  tnedico^hemica  ;  Francf.,  1611,  în-S*. 

(5)  Practica;  Strasb.,  1579,  in-8^.  —  Harmoney,  Sympathey  und  Antipathey 
der  iCrâu/er  ;.Nii|remb.,  I68e,  in-8\ 

(6)  Txact.  de  Pôda§À inadica-kiroica ;  Francf.,  1589,  in-s*. 

<7)  Idea  medicinaè  ^pMIof^phicse  fundamenta  continens  totius  medicinae  Paracel- 
sicse^  etc.  ;  BAIe,  1 57 1 ,  in  4^ . 


TROISIÈME  £POQU£.  23 

timoine,  le  sel,  les  esprits  minéraux,  sont,  non-seulement  les 
éléments  du  corps  humain,  mais  encore  les  causés  de  tous  les  phé- 
nomènes qui  s'y  produisent. 

Ce  n'était  pas  la  première  fois  que  le  corps  de  l'homme 
était  assimilé  à  un  laboratoire  de  chimie ,  dont  la  porte  devait 
être,  plus  d'une  fois^  fermée  par  autorité  de  justice.  La  môme  as- 
similation s'est  produite  de  nos  jours. 

Dans  les  Pays-Bas,  la  médecine  chimique  de  Paracelse  et  de 
Séverin  trouva  un  très-actif  défenseur  dans  Joh.  Michelitjs  d'An- 
vers :  il  alla  en  répandre  les  doctrines  en  Angleterre,  où  Pavaient 
déjà  précédé  J.  Hbster  (1)  et  Thomas  Muffetius  (Moufet).  Ce 
dernier  fit  l'apologie  des  médicaments  chimiques  dans  un  ouvrage 
qui  a  pour  titre  :  De  jureetprœstantia  medicamentorum  dialogus 
apologeticw  (2).  C'est  une  barbare  et  fastidieuse  imitation  des 
Colloguia  d'Érasme. 

En  France^  on  ne  fit  pas  un  accueil  aussi  favorable  aux  théories 
médico-chimiques  de  Paracelse  et  de  Séverin.  Jacques  Grevin 
de  Glermont,  médecin  de  la  duchesse  de  Savoie,  est  un  de  ceux 
qui  s'élevèrent  avec  le  plus  d'ardeur  contre  l'usage  pernicieux  de 
l'antimoine  (3).  Enfin,  les  discussions  pour  et  contre  les  prépara- 
tions stibiées  provoquèrent  unarrêt  du  parlement,  rendu  en  1566, 
qui  défendait  à  tous  les  médecins  de  Paris  de  prescrire  ce  médi- 
cament, sous  peine  de  perdre  le  droit  d'exercer  leur  état  (4). 

Ant.  Fenot  s'opposa,  par  d'excellentes  raisons,  à  l'abus  des 
préparations  d'or  (5). 

Cependant  quelques  médicaments  chimiques  trouvèrent  de 
nombreux  apologistes.  Nous  citerons ,  entre  autres,  J.  Gohory, 
plus  connu  sous  le  nom  de  Léo.  SuAvius;  Guill.  Arago  de  Tou- 
louse, qui  préconisait  les  vertus  des  préparations  mercurielles  (6)  ; 
AuBRY  (  Alberius)  (7),  et  Roch  de  Baillif. 


(1)  Compendium  secretorum  rationalium;  Lond.,  1582,  in-8**.  —  Pearle  of 
praetice ,  or  pearle  for  physic  and  chirurgerie  ;  Lond.,  1592,  in- 8*. 

(2)  Accedunt  etiam  epistolx  quxdam  médicinales;  Francf.,  1584,  in-12. 

(3)  Discours  sur  les  facultés  de  Vantimoine^  contre  Louis  de  Launay  ;  Pa. 
ris,  1567,  in- 8*. 

(4)  P.  Masson,  Éloges ,  t.  ii.  Éloge  de  Simon  Piètre. 

(5)  Alexipharmacum  ad  virulentiam  Joh,  Quercetanif  etc.  ;  BAIe,  1570,  in  8®. 

(6)  De  natura  et  virihus  hydrargyri  epistola  ad  Paulum  Jovium;  Bâie, 
1710,  in-8°. 

(7)  Deconcordia  medicorum  disputatio  exoterica  :  Berne,  1585,  in-8''. 


24  HISTOIRE  DE   LA  CHIMIE. 

Roch  le  Baillif,  de  Falaise,  en  Normandie,  était  médecin  de 
Henri  IV.  Il  dit,  dans  son  Demosterion,  qu'il  tenait  cachés  entre 
deux  murailles  plus  de  trois  cents  volumes  contenant  des  observa- 
tions à  l'appui  des  préceptes  de  Paracelse.  Le  Demosterion  (Ren- 
nes, 1578,  in-4°)  contient  :  i*"  Aphorismes  extraits  en  partie  des 
sentences  de  Paracelse,  et  en  partie  d'expérience  et  raison  ;  2*  Briève 
division  de  magie,  ou  Traité  des  conjurations;  y  Petit  dictionnaire 
d^  alchimie;  4"*  Chiromancie;  5^  De  V  antiquité  et  singularités  de 
Bretagne  armorique. 

La  médecine  chimique  eut  aussi  ses  martyrs.  G.  Bernard  Pe- 
NOT,  de  Sainte-Marie,  en  Guienne,  avait  employé  toute  sa  for- 
tune, qui  était  considérable,  à  répandre  les  idées  de  Paracelse, 
et  à  chercher  lui-même  une  panacée.  Il  fut  réduit,  par  son  obs- 
tination, à  la  dernière  misère,  et  mourut,  rongé  de  vermine^  dans 
un  hôpital  de  l'étranger,  à  Yverdun  en  Suisse.  Nous  avons  de  lui 
quelques  traités  d'un  médiocre  intérêt  (1). 

Joseph  DuGHESNE,  plus  connu  sous  le  nom  latinisé  de  Querge- 
TANus,  natif  d'Armagnac  en  Gascogne,  n'eut  pas  le  même  sort  que 
son  compatriote  Penot.  Les  médicaments  chimiques  devinrent 
pour  lui  une  mine  d'or.  Il  séjourna  longtemps  en  Allemagne  ;  et, 
après  son  retour,  il  fut  attaché ,  comme  médecin ,  à  la  cour 
de  Henri  lY.  Son  orgueil  lui  attira  beaucoup  d'ennemis. 

Ses  ouvrages  sont  assez  nombreux,  et  la  plupart  ne  manquent 
pas  d*intérêt.  Partisan  des  médicaments  énergiques ,  qu'il  re- 
tirait ,  par  voie  chimique ,  des  végétaux  ou  des  minéraux.  Du- 
chesne  (Quercetan)  en  décrit  exactement  la  préparation  et  l'ac- 
tion. Dans  son  traité  De  ortu  et  causis  metallorum,  etc.  (2),  il  parle 
longuement  du  laudanum,  nom  qu'il  fait  dériver  de  laudando  (re- 
mède à  louer).  U  le  préparait  en  faisant  infuser  de  l'opium  dans 
du  vin^  avec  de  l'ambre,  de  l'huile  de  cannelle,  des  clous  de  girofle 
et  des  noix  de  muscade. 

II  donnait  également  le  nom  de  laudanum  ou  de  népenthès  à 

(1)  Ces  traités  ont  pour  titre  :  Libellw  de  denario  medico,eUi,  ;  Berne,  1608, 
in-8^  —  Quœstiones  et  responsiones  philosophicap ,  dans  le  Theat,  chern,,  t.  II. 
—  Regulx  sive  canones  philosophici,  Ibiii.  —  Exiractio  mercurii  ex  auro, 
Ibid.  —  Dialogus  de  arte  chemica,  Ibid,  —  Abditorum  chymicorum  tractatus 
rani;  Francf.,  1595,  iu-8°.  — Apologia  contra  los.  Michelium,  etc.;  Çrancf., 
1606,  in  8^ 

(2)  Ad  Jacobi  Auberti  Vendonis  brevis  responsio  ;  Lyon>  1575,  in-s.  Dans  le 
TheaU\  chem.f  t.  u. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  25 

des  préparations  médicinales  dans  lesquelles  n'entrait  point  d'o* 
pium.  Tel  est  le  népenthès  avec  lequel  il  assure  avoir  obtenu  des 
guérisons  extraordinaires  :  c'était  un  mélange  d'extraits  de  racines 
d'angélique,  de  torm'entille ,  de  zédoaire ,  de  clous  de  girofle ,  de 
fleurs  de  pivoine,  et  de  gui  de  chêne  (1). 

Déjà  du  temps  de  Henri  IV,  les  médecins  français  discutaient 
pour  et  contre  l'emploi  du  mercure  dans  le  traitement  de  la  sy- 
philis. Duchesne  se  déclara  ouvertement  en  faveur  du  mercure  : 
il  le  croyait  souverain  dans  les  cas  de  maladie  rebelles  et  invé- 
térés (2). 

Duchesne  fait,  un  des  premiers,  mention  ûu  gluten^  qu'il  prépa* 
rait,  ainsi  qu'on  le  fait  encore  aujourd'hui,  en  malaxant  de  la  pâte 
de  farine  non  fermentée  sous  un  filet  d'eau;  il  soutient  même 
que  cette  substance  glutineuse,  tensice  {substantia  tenax,  cerea^ 
prarsus  glulinosa)^  se  détruit  en  partie  par  la  fermentation  (3). 

Un  des  passages  les  plus  remarquables  de  son  traité  de  Ma-- 
tière  médicale  est  celui  qui  a  pour  objet  la  composition  du  nitre. 
((  Le  nitre  contient,  dit-il,  un  esprit  qui  est  de  la  nature  de  l'air, 
et  qui,  loin  d'entretenir  la  flamme,  l'éteint  plutôt  (4).  i> 

Quelque  brève  que  soit  cette  indication,  il  est  impossible  de 
ne  pas  y  reconnaître  Yazote^  ce  gaz  irrespirable  qui  entre  dans  la 
composition  de  l'acide  nitrique  et  de  l'air.  Mais,  comme  Du- 
chesne ne  paraît  avoir  donné  aucune  suite  à  cette  idée,  il  est 
impossible  de  réclamer  pour  lui  la  découverte  de  l'azote.  C'est 
ainsi  que  l'oxygène,  l'hydrogène,  l'acide  carbonique,  et  beau- 
coup d'autres  substances,  avaient  été  entrevus,  dans  l'antiquité 
et  au  moyen  âge,  par  des  observateurs  différents.  Mais,  aucun 
d'eux  n'ayant  présenté  ces  corps  à  l'état  isolé^  on  ne  saurait  leur 
en  attribuer  la  découverte. 

Le  plus  fécond  et  le  plus  sage  des  élèves  de  l'école  de  Para- 
celse  fut  André  Libavius;  il  mérite  une  mention  spéciale. 

(1)  Comxltum  pro  nobili  virgine,  In  Jos.  Qnercel.,  Liber  de  priscorum  phi- 
ksophorum  verx  medicinœ  materia;  Genève,  1609,  in-i2, p.  431. 

(2)  Statno  liiijus  luis  prsesertim  inveteratae  unicum  et  venim  et  solum  alexi- 
pliarmacum  esse  mercuriom.  ConsiL  de  lue  venerea;  Genève,  1609,  in-12, 
pag.369. 

(3)  De  dogmaticorum  légitima  et  restitiita  medicamentorum  prœparatione , 
Kb.  I,  c.  6. 

(4)  In  sale  petrae  spiritns  -^  qui  est  de  natnra  aêris,  et  qui  tamen  flammam 
concipere  haud  possit ,  sed  hnic  poilus  conlrarius.  De  priscorum  philosoph. 
iMdicinx  màteria  t  lib.  i,  c.  3. 


SS6  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Né  à  Halle,  vers  1560 ,  Libavius  exerça  Tétat  de  médecin^  d'a- 
bord à  Rolenbourg ,  puis  à  Gobourg.  On  prétend  que  la  fable 
d'Ëson  rajeuni  lui  suggéra  l'idée  de  la  transfusion  du  sang  comme 
un  moyen  curatif.  En  d606,  il  devint  directeur  du  gymnase  (col- 
lège) de  Gobourg ,  et  conserva  celte  place  jusqu'à  sa  mort ,  ar- 
rivée en  1616. 

Libavius  se  distingua  de  la  plupart  des  paracelsistes  par  son 
langage  modéré  et  son  esprit  d'indépendance.  Loin  de  jurer  par 
les  paroles  du  maître,  il  s'attache  à  le  réfuter  quand  il  le  croit 
dans  l'erreur.  Brisant  les  entraves  de  l'autorité ,  il  interrogea 
lui-même  l'expérience,  et,  en  enrichissant  le  domaine  des  faits, 
il  contribua  puissamment  au  progrès  de  la  science.  Il  s'écarte  ra* 
rement  des  règles  de  l'urbanité,,  lorsqu'il  répond  aux  diatribes 
des  médecins  galénistes.  Défendant  avec  vigueur  la  thérapeutique 
chimique  et  môme  l'alchimie  contre  les  attaques  d'Éraste ,  de 
Guibert,  de  Riolan  et  de  l'école  de  Paris,  il  ne  s'exagère  pour- 
tant jamais  l'importance  de  la  cause  qu'il  soutient  (1).  Les 
théosophes  ambulants,  les  vendeurs  de  panacées  et  de  remèdes 
secrets  étaient  loin  d'être  dans  ses  bonnes  grâces.  G.  Anwald, 
J.  Gramann ,  Michelius ,  GroU,  etc.,  étaient  livrés,  par  lui»^, 
mépris  universel  (2),  ce  qui  ne  l'empêchait  pas  de  croire  à 
l'efficacité  de  l'or  potable,  et  à  la  transmutation  des  métaux. 

Les  écrits  de  Libavius  sont  très-nombreux  ;  ce  sont,  pour  la  plu- 
part, des  compilations  d'auteurs  anciens  et  contemporains  (3).  Ce- 
pendant il  ne  s'est  pas  toujours  borné  au  rôle  de  simple  compiia- 

(1)  Defensio  et  dpclaratio  alchymiœ  transmutatori»  Nie,  Guiberto  opposita  ;  Ur^ 
seil.,  1604,  iD-8<*.  —  Âlchymia  triumpbans  de  iiiiqua  collegii  Galenici  spurh  censura 
et  /.  Miolani  monograpliia  Tunditus  e^ersa;  Francf.,  1607,  in-S'*.  —  Examen 
censurae  scholae  Parisiensis  contra  aldiymiam,  1601,  1604,  in*8°.  —  Commenta- 
rionim  alcliymise  pars  i.  Praemissa  est  defensio  alcliimiae  et  refutatio  objectionum 
ex  censura  scholae  Parisiensis;  Prancf.,  1606,  in- fol. 

(2)  Panacœa  Anwaldina  victa  et  prostrala,  etc.;  Francf.,  1596,  in-4".  —  Anti- 
germania  seconda  supplemento  absurditatum,  etc.,  a  J.  Gramanno  effusarum  op- 
posita ;  Francof.,  1595,  in-8°.  —  Notus  de  medicina  veterum  tractatus  ;  pars  i, 
dogmata  ,  etc.,  adversus  J.  Michelii  conatum  discutiuntur  ;  ibid,  1599,  in-S**.  — - 
Examen  philosopbiœ  magicae  Croilii,  etc.;  ibid.,  1615,  in-fol. 

(3)  Opéra  medico-chymica ;  Francf.,  1606,  2  vol.  in-fol. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  27 

leur  :  on  y  trouve  aussi  beaucoup  d'observations  originales.  Son 
principal  ouvrage  a  pour  titre  :  Alchymia  recognita,  emendaia  et 
aucta ,  tum  dogmatibus  et  expérimeniis  nonnulliSy  fum  commenta- 
rio  medico-physicO'Chymico  ;  Francf.,  1597 ,  in-4*. 

Libavius  a  donné  son  nom  à  un  sel  d'étain  (bicblorure),  ap- 
pelé liqueur  ou  esprit  fumant  de  Libavius.  Est-ce  lui  qui  Ta  dé- 
couvert? C'est  douteux;  car  il  en  dit  à  peine  quelques  mots, 
et  il  n'en  parle  que  comme  d'une  chose,  dont  l'invention  ne  lui 
appartient  nullement. 

Il  prépar  ait  son  sel  par  un  procédé  analogue  à  celui  qu'on 
emploie  encore  aujourd'hui,  en  soumettant  à  la  distillation 
une  partie  d'étain  et  quatre  parties  de  sublimé  corrosif  (bicblo- 
rure de  mercure  ).  Au  lieu  de  l'étain  pur,  il  se  servait  ordi- 
nairement d'un  amalgame  d'étain  (1).  Le  produit  ainsi  obtenu, 
et  qui  bout  à  120"*  du  thermomètre  centigrade ,  en  répandant 
d'épaisses  vapeurs  blanches,  suffocantes  et  très-denses,  était 
appelé  par  Libavius  lui-même  liqueur  ou  esprit  de  sublimé  mer' 
curiel  {liquor  seu  spiritus  argenti  vivi  sublimati)  (2). 

Depuis  les  travaux  de  Basile  Valentin,  les  préparations  anti- 
moniales étaient  devenues,  pour  ainsi  dire,  un  objet  de  mode. 
Il  serait  donc  surprenant  que  nos  médecins-chimistes  n'eussent 
pas  connu  Vémétique.  Comme  ils  parlent  souvent  des  fleurs  d'an- 
timoine (oxyde),  et  de  la  crème  de  tartre  (bitartra te  de  po- 
tasse), ils  devaient  avoir  plus  d'une  fois  essayé  de  combiner  en- 
semble ces  deux  substances.  Et ,  en  effet ,  Libavius  décrit,  à  di- 
verses reprises,  un  composé  de  tartre  et  d'antimoine  calciné  (3). 
Il  décrit  aussi  très-bien  le  verre  d'antimoine,  qu'il  préparait  en 
faisant  fondre  la  chaux  d'antimoine  (oxyde)  avec  du  nitre  et  de  la 
limaille  de  fer  (4).  Enfin  il  résume  l'action  des  préparations  an- 
timoniales par  ces  trois  mots  :  Vàmere,  cacare,  sudare. 

V arsenic  blanc  {arsenicum  album  sublimatum)  était  préconisé 
par  les  paracelsistes  dans  le  traitement  externe  de^  ulcères  can- 

(1)  Syntùgma  Arcanor,  chymicor.,  lib.  m,  cap.  14.  —  Alchymia  pharmaceu- 
iica,  cap.  xxti. 

(2)  Pour  mieax  comprendre  \è  langage  de  Libavius,  il  importe  de  se  rappeler 
que  le  sublimé  corrosir,  étant  distillé  avec  Tétain ,  cède  à  ce  dernier  son  esprit , 
c^est-à-dire son  clilore  (qui  n'était  pas  encore  découvert],  et  le  transforme  en  bi- 
cblorure d'étain.  Le  mercure  est  en  même  temps  réduit  à  Tétat  métallique. 

(3)  Alchym.,  lib.  ii,  tract,  ii,  c.  26. 

(4)  Alchymia  pharmaceutica,  c.  xvii. 


28  HISTOIRE  .DE  LA  CHIMIE. 

céreux.  Ce  même  remède  servait  aussi  à  faire,  avec  du  lait  et  de 
la  farine,  des  pastilles  pour  tuer  les  rats  (1). 

De  tout  temps  on  a  essayé  les  poisons  et  leurs  antidotes  sur  des 
animaux,  avant  d'en  faire  Texpérience  sur  l'homme.  C-est  ici  que 
Libavius  fait  une  remarque ,  qui  témoigne  d'un  esprit  aussi  ob- 
servateur que  sagace. 

«  Les  expériences  qui  sont,  dit-il,  faites  sur  des  chiens,  des 
chats ,  des  cochons,  etc.,  ne  nous  inspirent  pas  beaucoup  de  con- 
fiance. Les  animaux  sont  autrement  affectés  que  les  hommes,  et, 
même  chez  les  hommes ,  il  n'y  a  p^as  deux  tempéraments  qui  se 
ressemblent  ;  il  est  donc  impossible  que  ces  expériences  donnent 
des  résultats  absolus  et  applicables  à  tous  les  cas  (2).  » 

Libavius  a  donné  fe  nom  d'esprit  acide  de  soufre  {spiHtus  sut- 
fur.'s  acidvs)  à  une  solution  aqueuse  de  gaz  acide  sulfureux, 
obtenue  en  brûlant  du  soufre,  et  faisant  arriver  le  produit  gazeux 
dans  un  récipient  plein  d'eau  (3).  Celte  solution  se  convertit  peu  à 
peu,  au  contact  de  Tair,  en  acide  sulfurîque.  11  a^'ait  déjà  reconnu 
l'identité  de  cet  acide  sulfurîque  avec  celui  qu'on  obtient  par  la 
distillation  du  vitriol ,  ou  avec  celui  qui  est  préparé  en  traitant 
le  soufre  par  l'eau-forte. 

Au  chapitre  des  verres  colorés  par  les  chaux  métalliques  et 
des  pierres  précieuses  naturelles,  Libavius  nous  apprend  que  le 
verre  rouge  hyacinthe  est  fait  avec  un  mélange  de  fer  et  d'or  (4). 
C'est  donc  à  tort  qu'on  rapporte  cette  découverte  à  une  époque 
beaucoup  plus  récente. 

Le  traité  de  dociraasie  {Arsprobatorla  seu  docimaslica)  est  un 
extrait  des  œuvres  d'Agricola,  de  Fuchset  d'Erker;  il  se  distin- 
gue par  une  grande  clarté.  Le  chapitre  qui  traite  des  fondants 
(flux)  est  un  des  plus  remarquables.  L'auteur  insiste  sur  la  né- 
cessité de  varier,  suivant  la  différence  des  métaux,  les  propor- 
tions de  nitre ,  de  tartre,  de  borax  et  de  sel  commun,  qui  entrent 
dans  la  composition  des  fondants  (5). 

(1)  Adhiltetiir  ad  nccandos  mures,  sive  qiiis  pastillos  cuin  lacté  et  faiina  facere 
Telit.  Synlagm,  Arcan,  chymic.,\\h,  yu,  c.  26.  Francf.,  1611,  in-fol. 

(2)  Canes,  fêles,  sues,  gallos  aliasqne  hestias  in  experimentnm  prodiicere  pa- 
riiin  fecit  ad  securitatem.  Aliter  islae  stinl  afleclaB  ac  homines,  etc.  Àlchymia 
pharmaceut.y  rap.  xiv. 

(3)-  Syntagma  Arcan.  chim.t  lib.  viii,e.  19. 

(4)  Alchym.t  lib.  ii,  tract,  i,  c.  34.  Hyacintlms de  utraqiie  martis  etterrea  (mîx- 
tura)  solis. 

(5)  Ars  probat.,  pars  i,  c.  xii. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  29 

La  chimie  organique,  indiquant  la  préparation  d'un  grand  nom- 
bre de  médicaments ,  est  peut-être  la  partie  la  plus  intéressante 
des  œuvres  de  Libavius.  On  y  trouve,  entre  autres,  la  description 
d'un  produit  connu  aujourd'hui  sous  le  nom  d'acide  camphori" 
que;  il  était  préparé  en  traitant  le  camphre  par  l'eau-forte  (acide 
nitrique).  Ce  produit,  dissous  dans  de  l'alcool  rectifié,  s'appelait 
oleum  camphorad  (1) . 

La  préparation  du  sucre  candi  (sucre  en  cristaux  hydratés)  y 
est  également  très-clairement  décrite  (2). 

Libavius  connaissait  aussi  très-bien  le  moyen  d'extraire  l'alcool 
de  la  bière  et  des  moûts  fermentes.  11  indique  même  le  moyen 
d'obtenir  de  l'esprit-de-vin  à  l'aide  des  grains ,  des  fruits  sucrés 
ou  amylacés,  des  glands,  des  châtaignes,  etc.  :  il  faisait 
fermenter  ces  fruits  pendant  un  certain  temps,  avant  de  les  sou- 
mettre à  la  distillation  (3). 

A  propos  de  l'analyse  du  vin,  il  désigne  clairement  l'eau,  l'al- 
cool ,  le  tartre  et  la  matière  colorante ,  comme  les  principes 
constitutifs  du  jus  fermenté  des  raisins  (4). 

La  question  des  eaux  minérales,  en  tant  qu'elle  se  rattache  à 
la  chimie ,  n'avait  été  jusqu'alors  étudiée  que  très-superficielle- 
ment. Libavius  y  consacra  un  ouvrage  spécial ,  De  judicio  aqua- 
mm  mineralmm  (5),  où  il  recommande,  comme  un  bon  procédé 
d'analyse,  d'évaporer  les  eaux,  de  peser  le  résidu  salin,  et  de 
comparer  son  poids  avec  celui  de  la  liqueur  employée.  Il  indique 
en  même  temps  un  moyen  aussi  simple  qu'ingénieux  pour  recon- 
naître si  une  eau  est  minérale^  c'est-à-dire  si  elle  est  chargée  de 
sels  métalliques  alcalins  et  terreux.  Ce  moyen  consiste  à  tremper 
dans  l'eau  un  drap  blanc  d'un  poids  connu ,  et  h  le  faire  en- 
suite sécher  au  soleil.  Après  sa  dessiccation  complète,  on  pèse  le 
drap  de  nouveau  ;  s'il  augmente  de  poids  et  qu'il  présente  des 
taches,  on  en  conclut  que  l'eau  est  chargée  de  substances  fixes 

(1)  Alchym.y  tract,  ii,  cap.  xxiv. 

(2)  Alchym.f  tract,  ii,  e.  xxxviii.  Saceliari  libras  vigtnti  tiisas  solve  aqna  q. 
8.  in  caldario.  Sine  parum  ebiillire  ;  —  riinde  in  labrum  fignlinum  qnadratum 
intus  vilratum  et  di?ersis  tabulatis  divtinctuin  ;  —  foris  istis  impone  bacîHos 
abiegnoH  vel  pincos  a  se  très  digitos  distantes  :  saccharwn  affusum  accrescit 
more  cristallu 

(3)  Alchym.^  lib.  ii,  tract,  ii,  cap.  xxvi.  Spiritiis  vini  ft^ri  pi^tost  ex'granis, 
Jbaccis ,  glande  fagina  •  etc. 

(4)  Tractât,  chymicus  de  igné  naturx,  cap.  xlyiii. 

(5)  Opéra  j  vol.  11,  in-fol.  ;  Francof.,  1606. 


30  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

minérales.  Dans  cette  opération ,  il  faut ,  ainsi  que  le  remarque 
judicieusement  l'auteur,  éviter  avec  soin  l'accès  de  tout  courant 
d'air  qui  pourrait  emporter  quelques  parcelles  de  ces  substan- 
ces (1). 

Quant  aux  ouvrages  plus  spéciaux  de  Libavius,  nous  nous  bor- 
nerons \  en  indiquer  les  titres  ;  tels  sont  :  Neo-Paracelsica,  in  qui- 
bus  vêtus  medicinadefenditur^  etc.  Francf.,  1594,  in-8®  ;  —  Remm 
chitnicarum  epistolica  forma  ad  philosophas  et  medicosscriptarum  ; 
ibid.,  1595-1599;  3  vol.  in-8**.  —  Alchimia  edispersis  passim  opti- 
morum  auctorum,veterumetrecentiorum,  exemplisy  etc.  collecta; 
ibid.,  1595,  in-fol.;  — Commentationum  metallicarum  libri  FV  de 
naiura  meiallorum,  etc.,  ibid.  ;  1597,  in-i**.  — Praxis  alchemix; 
ibid. .  1605  et  1607  ;  —  Commentarioram  alchimiœ  Partes  II;  ibid. , 
1606,  in-fol.  ;  —  Defensio  alchimix  transmutatorix ;  ibid..  1615, 
in-8*;  —  Examen  philosophiœ  quœ  veteri  abrogando  opponitur; 
ibid.,  1615,  in-fol.  (2). 

§6. 

AdTersaireii  des  doctriites  de  Paraeelse. 

Il  était  plus  facile  d'attaquer  que  de  défendre  les  idées  de  Pa- 
racelse.  Malgré  cette  facilité ,  les  adversaires  de  la  médecine  ia- 
trocbimique  furent  coQQparativement  peu  nombreux.  Quelques- 
uns  ,  comme  Oporin  et  Vetter,  s'attaquèrent ,  à  défaut  d'autres 
arguments,  à  la  vie  privée  de  Paracelse,  en  le  dépeignant 
comme  un  bomme  crapuleux  et  ivrogne. 

Tbomas  Éraste  (  Lieber  ),  Suisse  de  nation  et  professeur  de 
médecine  à  Bâle ,  fut  un  des  ennemis  les  plus  acharnés  de  son 
célèbre  compatriote.  Malheureusement  les  raisons  dont  il  se  sert 
pour  combattre  les  idées  de  Paracelse,  au  lieu  d'être  déduites  de 


(1)  Aliud  est  experimeotum  per  panDum.  Certi  ponderis  pannum  muDdum  io 
aquam  ÎDJicimas ,  donec  probe  ait  madefactus.  Hune  suspendimos  ut  per  se  exsic- 
cetur.  In  sicco  contemplamur,  num  quid  maculatum  traxerit;  exploramus  Hem 
an  non  ponderosior  evaserit ,  etc.  —  Z>e  judido  aquarum  minerais.  Pars  ii, 
cap.  IV. 

(2)  Pour  compléter  cette  liste,  yoy.  Rotermund,  Supplément  k  Joecher,  Ge- 
lehrten-Lexicon;  Freher,  Theatrum  truditorum;  la  Biographie  générale^  article 
Libavius, 


TROISIEME  ÉPOQUE.  31 

Texpérience,  sont  le  plus  souvent  empruntées  aux  arguties  de  la 
philosophie  scolastique.  Il  relève  quelquefois  avec  trop  d'aigreur 
les  nombreuses  contradictions  qui  se  rencontrent  dans  les  écrits 
de  Paracelse  et  de  ses  disciples.  Il  nie  Texistence  de  la  pierre  philo- 
sophale  (1),  et  combat  victorieusement  la  théorie,  d'après  laquelle 
les  corps  vivants  ont  pour  éléments  le  mercure ,  le  soufre  et  le 
sel.  Il  reproche  à  Paracelse  beaucoup  de  mauvaise  foi,  et  rap- 
port^ que  tous  les  malades  que  ce  médecin  avait  traités  pendant 
son  séjour  à  Bàle  sont  morts  dans  Tannée.  U  raconte  à  ce  sujet 
l'histoire  d'un  gentilhomme  de  Bohême  et  d'une  femme  qui , 
après  avoir  fait  usage  des  médicaments  chimiques,  moururent 
en  peu  de  temps,  par  suite  d'attaques  d'épilepsie  réitérées.  Il  re- 
proche aussi  à  Paracelse  d'avoir  décrit  comme  incurables  des 
maladies  qui  ne  Tétaient  pas  ;  et  il  cite ,  comme  exemples ,  la 
goutte ,  la  phthisie  pulmonaire  et  Tépilepsie  (2). 

Un  adversaire  non  moins  redoutable  fut  Bern.  Dessenius.  Il 
consacra  un  volume  à  la  défense  de  la  médecine  ancienne  contre 
les  paracelsistes  (3). 

Pour  ne  pas  trop  allonger  la  liste  des  adversaires  de  Paracelse, 
nous  nous  bornerons  à  citer  :  BauNO  Seddel  (4)»  Soner  (5),  Stu- 
PANUS  (6),  Grato  de  Kraftheim  ,  Cour.  Gesner  (7),  H.  Conring  , 
Gratini  (8). 

Les  doctrines  médicales  de  Paracelse  étaient  vivement  atta-* 
quées  en  France  par  Duret  (9),  J.  Aubert  de  Vendôme  (iO),  Germ. 
CouRTiN  (11),  Antoine  Penot  (12)  (  qu'il  ne  faut  j^as  confondre  avec 


(1)  Explieatio  quœsHonis  fanu)S3B  illitts^  Mtrvm  ix  metàUis  ignobilUnu  aU" 
mm  vettan  et  naiurale  arte  cx>r{flari  pos«i/  ;BAIe,  1572,  iB-4^ 

(2)  Disputationes  <1e  mediciDan«¥aTbeophra8tiParacel6i;  B&le,in-4^ 

(3)  Defensio  medicinae  veteris  ac  rationalis  advenus  Georg.  Phaedronem  et 
sectam  Paracelsi,  etc.  ;  Cologne,  1573,  in-4**. 

(4)  Liber  morborum  incorabilioni  causas  euiii  brevitate  eipKcaos;  Francf.» 
1593,  in.8^    '        '  ,  ' 

(5)  Oratio  de  Theophrasto  Paracelso  ejosque  pernîciosa  roedicina  ;  Nuremb.» 
1610,  in-4®.  . 

(6)  Prœdpua  pseudochymise  capita  ex  Paracelso  ;  Bftie ,  1622,  iB-4^ 

(7)  Gesneriaose  epistolœ  éd.,  Wolffios  ;  Zuricb ,  1 577 ,  in- 8"* . 

(8)  Solus  phllosophos ,  sive  noTae  médicinse  ac  chemise  compeodiosa  refiitatio. 

(9)  De  ahhritidis  vera  esseritfia  adrersus  Paracelsistas  ;  Lyon,  1575,  m-fP, 

(10)  Demetalloram  ortu  et  caasis  contra  chemistas  explieatio  ;  Lyon,  1575,  in-4°. 
(U)  Disp.  ad  versus  Paraceis.  de  tribus  prlncipiis,  etc.;  Paris,  1579,  in*4*. 

(12)  Âlexiphamiacum,  etc.  ;  Bâie,  1576,  fn-8^ 


32  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Bernard  Penot),  J.  Riolan  (1),  Du  Gault  (2),  J.  Dovynbt  (3)  e 

GeOI^.  fiERTIN  (4). 

§7. 

lËtat  de  la   pharmacie.  -~  nédeclns  écleetiq«es« 

Les  établissements  pharmaceutiques,  autrefois  en  nombre  très- 
limité,  se  multiplièrent  rapidement  en  France,  en  Allemagne  et 
en  Italie.  En  1538,  les  médecins  d'Augsbourg  rédigèrent  une  es- 
pèce  de  codex  dont  les  prescriptions  furent  généralement  adop- 
tées (5).  En  France,  les  rois  Louis  XII  en  i5i4,  François P'  en 
1516  et  1520,  Charles  IX  en  1571,  Henri  III  en  1583,  et  Henri  IV 
en  1594,  octroyèrent  des  statuts  qui  devaient  réglementer  Texer- 
cice  de  la  pharmacie  (6).  La  Russie  reçut  les  premiers  établisse* 
ments  pharmaceutiques  vers  la  lin  du  xvi®  siècle. 

La  pharmacie ,  en  général ,  se  réduisait  alors  à  la  préparation 
des  médicaments  officinaux  qui  n'exigent  pas  de  profondes  con- 
naissances chimiques.  Les  médicaments  magistraux  devaient  être 
préparés,  du  moins  en  Italie,  et  notamment  à  Florence  et  à  Fer- 
rare,  en  présence  même  des  médecins  qui  les  avaient  prescrits, 
afin  de  prévenir  toute  fraude  et  sophistication  (7). 

On  conçoit  aisément  que  les  médicaments,  dont  la  préparation 
présuppose  la  connaissance  de  la  chimie ,  devaient  rester  long- 
temps exclus  de  Tofficine  du  pharmacien.  Aussi  Paracelse  et  ses 
partisans  eurent-ils  à  lutter,  non-seulement  contre  cet  esprit  de 
routine  des  médecins,  qui  s'oppose  à  toute  innovation,  mais  en- 
core contre  l'inertie  des  apothicaires ,  qui  ne  se  souciaient  guère 
d'apprendre  la  préparation  de  remèdes  nouveaux. 

(l)Comparatio  veteris  medicioae  cum  nova.  Paris,  1605, 12;Padoue,  1591,  in-4^. 
-^  Ad  Libavii  maniam  responsio  pro  censura  scholae  ParisinaB  adversus  alchy- 
miam;  Paris,  1606,  in-S**. 

(2)  Palinodie  chimique, où  les  erreurs  de  cet  art  sont  réfutées; Paris,  1588,  in-8*. 

(3)  Apologia  adversus  multorum,  prœserUm  Tlieoph.  Paraceisi,  cainmuias  de 
anteeedeuli  artliritidis  causa,  etc.;  Paris,  1582,  in-8**. 

(4)  Medicilia  libris  XX  absoluta,  etc.;  Bâie,  1587,  in-fol. 

(5)  Conclusiones  et  propositiones  universam  medicinam  per  gênera  complec- 
tenles;  Augsb.,  1558,  in-4*'. 

(6)  Joubert,  Dictionnaire  des  arts  et  métiers ,  t.  I,  p.  105. 

(7)  Lisetli  Benanci,  Declaratio  fraudum  et  errorum  ajmd  pharmacopoBos 
commissorum.  Acced.  ejusd.  argumenti  dialogusJ,  A,  Lodetti ;  tb53,  in8^ 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  33 

Les  principaux  médecins  et  chirurgiens  dont  l'autorité  était 
suivie  dans  presque  toutes  les  pharmacopées  de  ce  temps  se 
nommaient  :  J.  Fernel  (1),  professeur  à  TËcole  de  médecine  de 
Paris  ;  J.  Dubois  (Sylvius)  (2),  G.  Rondelet  (3),  doyen  de  la  Fa- 
culté de  Montpellier,  B.  Dessenius  (4),  J.  Besson  (5),  A.  Foes  de 
Metz  (6),  L.  Joubert,  médecin  de  Charles  IX  (7),  N.  Hovel  (8), 
Ptraux  (9),  A.  PiJiÉ  (10),  J.  ScHYRON  (ii),  chancelier  de  la  Fa- 
culté de  Montpellier,  B.  Bauderon  (12),  A.  Constantin  (13),  Fr. 
Ranchin  (14),  N.-A.  Frambesarius  (15),  M.  Dusseau  (16),  A.  Da- 
RiOT  (17),  Th.  DE  Pleigny  (18),  V.  Trincavella,  professeur  à  Pa- 
doue  (19),  J.-B.  MoNTAN  (20),  H.  Calestani  (21),  F.  Rota  de  Bo- 

(1)  Uni?er8a  roedicina.  —  Viia  Fernelii,  dans  Tédit.  de  G.  Plaotin. 

(2)  Voyez  Moreao ,  VUa  Sylvii,  dans  son  édit.  des  Œuvres  de  Dubois. 

(3)  Methodus  de  loateria  médicinal!  et  compositione  medicamentorum  ;  Padoue, 
1556$  in-S*'. 

—  Liber  de  ponderibus,  justa  qualitate  et  proportione  médicament.;  Padoue, 
1555,  in-8**. 

—  Formula  aliquot  remediornm;  Anvers,  1576,  in-fol.  —  Dispensalorlum ; 
Cologne ,  1565,  in-i2. 

—  Pharmacopoearum  officina  correctior;  Loud.,  1605,  in-fol. 

(4)  De  compositione  medicamentorum;  Francf.,  1555,  in-rol. 

(5)  De  absoluta  rattone  extraliendi  aquas  et  oiea  ex  medicamentis  simplici- 
bus;  Zurich,  1559. 

(6)  Pharmacopœa;  Bâle,  1561,  in-8*^. 

(7)  Voy.  Teissier,  Éloges  des  hommes  savants ,  t.  m. 

(8)  Pliarmaceulices  libri  ii  ;  Paris,  1571,  in^S**.  —  Traité  de  la  tliériaque  ;  Parift, 
1573,  in-8°. 

(9)  Traité  de  la  pharmacie  moderne  ;  Paris,  1571,  in-8^. 

(10)  Œuvres  ;  Paris,  1575,  in-fol.  La  meilleure  édit.  est  de  M.  Malgaigne  (Paris, 
1840). 

(11)  Medendi  methodus.  Accedittractatus  medicamentorum  simplicium  ;  Monlp., 
1609,  in- 12. 

(12)  Paraphrase  snr  la  pharmacopée;  Lyon,  1588.  (Imprimé  avec  L.  Catalan, 
sar  les  eaux  distillées;  Lyon,  1614,  in-12.) 

(13)  Bref  traité  delà  pharmacie  provinciale;  Lyon,  1597,  in•8^ 

(14)  Œuvres  pharmaceutiques,  éd.  par  Catalan;  Lyon,  1628,  in-8^. 

(15)  Ordonnances  sur  les  préparations  des  médicaments  tant  simples  que  com- 
posés, nouvellement  réformées;  Paris,  1613,  in-4*'. 

(16)  Eochiridion ,  on  Manuel  des  royropoles  ;  Lyon,  1561,  in-4^ 

(17)  De  medicamentorum  praeparatione  ;  Lugd.,  1582,  in-8**. 

(18)  Deusu  pharmaceuticesinconsarcinandis  medicamentis  ;  Anvers,  1539,  in-8^ 

(19)  De  medicae  artis  usu  apud  Venetos;  Bâle,  1570,  in-S**.  —  De  compositione  et 
tiSQ  medicamentorum;  Venise,  1571,  in-4^. 

(20)  Ëxplanatio  eorum  quae  pertinent  ad  tertiam  [larlcm  de  componendis  me- 
dicamentis ;  Venise,  1553,  in-8^. 

(21)  Délie  osservazioni ,  etc.  ;  Venise  ,  156?,  in-4^. 

HlffT.   DE  LA  CHIMIE.   —  T.    II.  3 


34  HISTOIRE  DE  LA    CHIMIE. 

logne  (1),  Gasaiis  de  Brescia(2),  J.  Delphin  (3),  J.  StLyius  de 
Lille  en  Flandre  (4),  H.  Gapo  di  Vàccà  (CAPiVACcros),  pifcifesàeur 
à  Padoue  (5),  G.  FALLOPEde  Modène,  le  célèbre  ahàlomiste  {ê); 
Fr.  Alexandre  de  Vercblli  (7),  P.  Bargaru€ci  (8),  A.  Baggi,  noé- 
decin  de  Sixte-Quint  (9),  H.  Mèrcurialis  de  Forii  (10),  M.  de  Od- 
Dis  (11),  A.  CÉSALPiN  professeur  à  Pise  (12),  J.  Bàlcianellus  (13), 
Guill.  Seraphini  (14),  F.  Costa  (15),  A.  Anguisola  (16),  P*  Ma- 
SBLLi  de  Bergame  (17),  N.  Stèlliola  (18)^  B*  Tdrrisani  (19),  Va- 
1er.  CoRDUS  (20),  Corn.  Petîli  (21),  M.  BrIassavola  de  Ferrâre {22)v 
Angel.  Blondus  (23),  Nie.  Massa,*  médecin  de  Venise  (24),^téôh 


(1)  De  introdocendis  Grœcorain  medicaniînibus,  etc.;  Bologne,  4ib9/inrh[j / 

(2)  ExpUditio  medicaiDeatoriiffi gimpltcium;Pédoiie,  t&53,.ia^ 
(3).£xplaiiatiom6aient«rtisinedioiiiaKslibriiitt$yeDi^^  - 

(4)  Tabuiae  pharmacorum  ;  Anvers^  1568,  in-8**. 

(5)  DecompositionemediGaineDloruin;  Fraocr.,  1607,  i|i-.t2M  ,;•.  . 

(6)  De  composilione  medicamentoram  et  de  cauteriis;  Venise,  1570,'|a';4(^.,-.    ^ 

(7)  Apollo  omnium  pomposjtçr^imet  $implicium,e^;.Y^ni3ej|,iâ|^  . 

(8)  Fabrica  deïli  speziaJi  XII  dislinzioni  ;  Venise ,  1566,  in-4^1.  .^    ,  -.  ■  ; 

(9)  Tabula  de  theriaca,  quge  ad  institiita.veteruqn,  fîalepi  alqiîçÀpdroîi^a^l  in- 
yenta  est;  Rome,  1582^  in-8^.  ..  ;     ..        V 

(10)  Tract,  de  composilione  medicamentorom,  etc.  ;  Venise,  1590,  |n-4^. 

(11)  Methodus  exactissima  de  componendis  medicamentis,  etc.;.  Padoiiè,^  1^83, 
in.4».  '  ■"  •    "••;-   •''■ 

(12)  Quaestionum  medic.  lib.  ii.  —  De  focultatibus  medicamijentoraib,  libJ  2; 
Venise ,  1593,  in-4^ 

(13)  Discorso  coilitra  l'abnso  dell'  antimonîoprépàrato,  d'argénto  ^fvo  snbiirffato 
e  del  precipitato  in  medicina  soluliva  ordinato;  Vérone ,  1603,  in-4''.    - 

(14)  Die  composilione  medioamentomm,  etc.; Turin,  1594,  inU**.  '■  ^  . 

(15)  Discorso  sopra  le  eompositioni  degli  antidoti  6  medicamenli ,  etc.;  Mantoue, 
1586, 10-4*». 

(16)  Compendium  simpUcium  et  compositorum  médicament..;:^  Plai8ftiiceL,vl586, 
in.4^  !•      •,',.■:.. 

(17)  Pbarmacopœa  Bergamensis;  Bergame,  1580,  in-4''.         .       .      <  .    ;  ,^ .  v 

(18)  Theriaca  et  Milhrid., etc.;  Naplesj  1577,  iiM**.     >      .,  :  .  ;  :    a- 
(l9)MeditationesiQtheriacnm,  etc.  ;  Venise,  157Ç,  in-4**., 

(20)  Dispensatorium  pharmacorum* omnium  ;  Nuremb.,  1535,  in-S**.       ; . 

(21)  Adnotatiunculae  aliquot  in  iv  lib.  Dioscoridis  ;  expérimenta  et  antidota^^yan- 
Ira  varios  morbos  ;  Anvers,  1533,  in-S**. 

(22)  Examen  omnium  syrupbrum  quorum  publicus  iisus  est  ;  Venise,  1545,  ih-8*^. 

—  Examen  omnium  pilularum  quarum  âpud  pharniacopolas  ùsus  ëst;lfo1e, 
1543,  in-4°.  *    ;   ; 

—  Examen  omnium  etectuarioram ,  pulverom,  etc.  ;  Venise,  1548,  in-8^. 

-.  Examen  omnium  looch  ,  tincturarum,  decoctionum ,  etc.  ;  accedît  de  m(>rbo 
gallico  tractatus;  Venise,  1553,  in- 8°.  ;  ..         :.  j      : 

—  De  medicamentis  tam  simplicibus  quam  compositis,  elc.  ;  Zurich,  1555, 1ii-8°. 

(23)  De  medicamentis  quse  apnd  pharmacopolas  reperiuntur;  Rome^  1544,  iIl•8^ 

(24)  Epistolœ médicinales  et  piiysiologicœ ;  Venise,  ! 558,  irt-4°.  ■.■■'■. .: 


TROISIEME  EPOQUE.  ^ 

FucHS,  pHofess0iirà  Tubingue  1(1),  A.  Bakland  de  Natnur^S), 
J.  Agricola  A^^MornuB  (3),  J.  Bé^UMH  (DRYJkNDÊii)^  professeur  à 
Marbourg  (4),  G.  Hérna^.  Ryw  (5);  R.'Fughs  de  Lknbourg,  «ba- 
noine  de  Liège  (6)^  J.  RûFFWEi^  J(TR(KiHONBus),  médecin  tyro-- 
lien  (7),  J.  Bretschneider   (PLÔKOTOMbs)  (8),  J.  PONTANUS^CpPO- 

fesseur  à  Rœnîgsherg  (9),  GJ  STORkiAiKES  (10),  G;PiOTtm^s^  de 
Viilîngen  (11),  And.  Butler  (42),  J.  DBÙkï»iÀv«lé  (i3j  ■  J.  WiHïdH! 
d'Arnstadt  (14),  Theod.  TabbrnïeMontantjs  (15)  ^-  Théodore  Uir-' 
STEiN  (16),  G.  Masbach  (17),  NucK  (18),  C.  Baiïhin,  professeur  à 

Bâle  (J9),  Ph.  ScHBRB  d^Aihdorf  (fiO)v  Ti-D6ftMïtEa  (21),  Seb. 

•  ...        '  ^  .  •_.•••■. 

(1)  Decompoaendorum  miscendorpinque  medicamentorum  rationa;  BAièt  i5k% 

(21  £pî8tola,9iedi'ç»  deaqua^um  éîMillatamim  faoalUtitos  ;  AnTecg^  tSSe,  in-S^ 

(3)  Medicinae  herbariœ  libri  ii;  Nuremb.,  1534,  io*S^>  •-«.Scb<dia  iii/])Iicolaili|ii 
Alexandrin,  de  Compositione  roedicamentor.  ;  Ingolsladt,  1541,  iD-4°. 

(4)  Der  ganzen  Arzney  geméiner  tnnhalt  (compénâhâtn  'tté  ibéd^lùe); 
FraiMïr.,  1^42,  ia-fol.v  >    ;     >.        :•' 

{h)  Confeetbuchund  Bamapoiheh^^{cr^^\jnL^^^^ 

(6)  Pharmacorum  omnium  quae  in  commoni  siint  practicajBlium  usu  Tabulœ; 
Paria',  1569f,  111-12.       .;...».;, 

—Historia  omnium aqtmrum  quaincomm'unitiodtepracticantiumsimt  osa, etc.; 

Paris,  l54f2,in.8^  '  '  ;'/;•; 

(7)  PbarmacoIiterioD ,  .8i?è  medicameiita  composita  secondam  ordinem  effec- 
laùm  alpliabeticum;Ingolst.,  1542,  in-l2. 

(8)  Pharmacopcea  in  compendium  redacta;  Anvers,  1560;  in'a^.—  De  distilla' 
tioniboa  chemicis  epist.  ;  Frand .^sar-l'Oder,  1553,  io<^8°.  i 

(9)  Methodus  componendi  theriacum  et  prœparandi  ambram  factiUam  ;  Leipzig, 
1604,in-4°. 

(io)  Dîspensatoiium  utilisslmonim  lioc'tfempbre  medicaibent.  disciplinam  conti- 
nen8;i614,  in-4°. 

(il)  Medicinae  tam  simplices  quam  compositœ  ad  p«ne  omne^  corporis  faumani 
affectas,  ex  Hippocrate,  Galeoa^  Avicemia,  ^Egineta  ordine  alpliabelico conscri- 
Ptae;Bàle,  1560,  in-8^  v.   ».    ^.-uf 

(12)DetlieriacaetmilhridatioGrœcoFVim^  1549,  in-8%  |      «. 

(13)  Theriaca^et  mithridatium,  duo  antiqùissima  Graecor'um  anlidota,  etc.; 
Francf.,  1552,  in-S**.  . . 

(14)  Metbodus  tam  simplicium  quam  cpmposiforum  médfcamëhlprum  quse  apud 
rccentiores  sunt  inusu;.Leipz.,  1596,  iil-8°.  .......     ,    ,   .  i. 

(1 5)  Arzney 6mcA(  livre  de  médecitoe);  Fi-ancf.,' 1577,  in-foi;'  ' 

(16)  De  pharmacandi  comprobata  ratione ,  etc.  ;  B&le,  1571,  in-8^ 

(17)  Ck>llectanea  practica  et  pfiarmaceutica  ;  Ulmf,  lèr76,  in-4^. 

(18)  Pliarmacopoea;  Amsterd.,  1580,  in  8**. 

(19)  De  reinediorum  formulfs  Graécis ,  Arabibus ,  Latinis  usitatis ,  letc.;  libri  due  ; 
Fraiicf.,  1619,  in-8^  -     c- 

—  De  compositione  medicamentomm,  etc.  ;  Offenbach.,  1610,  in•8^'   > 

(20)  Sylva  medicamentorum  compositorum  quee  uéus  quotidianua  exigll;  Leipz., 

1617,  in.8*». 

(21)  Dispeni»at6rium  ad  omnia  propemodmn  corporis  Iramani  patliemata.;  Ham-r 

bourg,  180^,  in-S**. 

3. 


/' 


36  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Bloss,  professeur  à  Tubingue  (i),  J.  Sporisgh  (2),  J.  Hasler  de 
Berne  (3),  L.  Ferez  de  Tolède  (4),  G.  Henisch  (5),  F.  Vallès, 
médecin  de  Philippe  II,  roi  d'Espagne  (6),  M.  Servet  (7),  L.  Col- 
labo de  Valence  en  Espagne  (8),  Ferd.  de  Sepulveda  de  Ségo- 
vie  (9),'Amatus  Lusitanus  (Roderic  de  Castello-Albo)  (10). 

Tous  ces  médecins,  dont  il  serait  facile  de  grossir  la  liste  d'a- 
près les  catalogues  donnés  par  Gmelin  et  Sprengel,  étaient  res- 
tés fidèles  aux  anciennes  traditions  des  écoles  d'Hippocrate,  de 
Galien  et  des  Arabes.  Ils  ne  s'étaient  ouvertement  déclarés  ni 
pour  ni  contre  les  médicaments  chimiques  de  Basile  Valentin, 
de  Paracelse  et  de  leurs  disciples.  Ils  se  renfermaient  à  cet  égard 
dans  un  silence  que  chacun  pouvait  interpréter  à  sa  manière  : 
c'étaient,  en  un  mot,  des  médecins  à  la  fois  savants  et  prudents. 
Us  comptaient  sur  l'avenir. 

Il  existe  une  maladie  dont  le  traitement  produisit  une  véritable 
révolution  en  pharmacologie,  et  qui  contribua,  plus  que  tous 
les  écrits  de  Paracelse  et  de  son  école,  à  répandre  l'usage  des 
médicaments  chimiques,  et  en  particulier  de  ceux  qui  sont  em- 
pruntés au  règne  minéral.  Cette  maladie  était  déjà  si  commune 
au  xvi^  siècle  (on  n'a  qu'à  lire  Rabelais,  Fracastor,  etc.)>  qu'on 
est  porté  à  révoquer  en  doute  son  origine  moderne  :  c'est  avoir 
nommé  la  syphilis. 

On  s'est  demandé  avec  quelque  surprise  pourquoi,  dans  le 
choix  des  reynèdes  nombreux  dont  dispose  la  thérapeutique,  on 
est  tombé  dès  l'origine  sur  la  substance  qui  est  encore  au- 

(1)  De  medicinœ  parle  pharmaceutica;  Tubing.,  1606,  iD-4^. 

(2)  Tract,  duo  de  ratione  ioveDÎendi  composita  medicamenta ,  etc.;  Jeoa, 
1607,  in-8°. 

(3)  De  logistica  medica,  sive  de  medicamentorum  simpliciapi  et  com|)osito- 
nim,  etc.;  1578,  in-4'*. 

(4)  Theriacac  historia;  Tolède,  1575.  —  De  medicamentoiruiii  simplicium  et 
compositorum  hodiernoaevo,  etc.;  Tolède,  1599. 

(5)  Enchiridion  medicum  medicamentorum  tam  simplicium  quam  composito- 
rum; Bâie,  1573,  iD•8^ 

(6)  Tratado  de  las  aquas  dislilladas ,  pesos  e  medidas,  de  que  los  boticarios  de* 
ben  usar;  Madrid,  1592,  in-8^ 

(7)  Syruporum  universa  ratio  ad  Galeni  censiiram  diligcnter  exposila;  Paris, 
1537,  in-8°. 

(8)  Pharmacorum  omnium  quae  in  usu  sunt  apud  nostros  pharmacopceos  enu* 
meralio  ;  Valence ,  1561,  in-8^ 

(9)  Manipnlus  medicinarum,  in  quo  continentur  omnes  medicin%  tam  simptices 
quam  compositae;  Ségovie,  1550,  in-fol. 

(10)  Cnralioni  medicinaîi  ;  Venise,  1557,  in*8". 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  37 

joupd'hui  par  la  majorité  des  médecins  regardée  comme  le 
spécifique  des  maladies  vénériennes,  le  mercure.  Il  esl  cepen- 
dant facile  de  s'expliquer  ce  choix,  lorsqu'on  songe  au  rôle  im- 
portant que  jouait  le  mercure  dans  les  théories  et  les  opérations 
des  alchimistes,  qui  tous  se  disaient  en  possession  de  quelque 
secret  pour  guérir  toutes  les  maladies.  Il  est  même  à  remarquer 
que  presque  toutes  leurs  panacées  étaient  des  composés  de  mer* 
cure  ou  d'or. 

Les  praticiens  ne  tardèrent  pas  à  constater  l'efficacité  des  pré- 
parations mercurielles  dans  les  affections  syphilitiques ,  et  dès 
lors  ces  remèdes  prirent  décidément  rang  dans  les  pharmaco- 
pées. Le  mercure  était  d'abord  administré  à  l'état  métallique, 
soit  en  fumigation ,  soit  incorporé  dans  un  onguent  ou  dans  un 
emplâtre,  d'après  les  méthodes  de  J.  de  Vigo  (1),  de  Guido 
GuDDi  (2),  de  J.-B.  Berengar  (3),  de  Mathiol,  etc.  (4)  ;  mais  on 
ne  tarda  pas  à  l'employer  à  l'état  de  combinaison.  Le  précipité 
rouge  (peroxyde  de  mercure),  obtenu  soit  en  chauffant  le  métal 
en  contact  avec  l'acide  nitrique^  soit  en  le  calcinant  longtemps  à 
l'air,  était  le  plus  ordinairement  mis  en  usage,  comme  dans  les 
pilules  si  renommées  dont  on  attribuait  l'invention  au  fameux 
pirate  Barberôusse  {pilules  de  Barberousse).  Quercetan  (Du- 
chesne)  (5)'et  Paracelse  préconisaient  |dans    le  traitement  des 
affections  syphilitiques,  outre  le  précipité  rouge,  le  sous-sulfate 
jaune  de  mercure  {turbith  minéral)  et  le  sublimé  corrosif.  L'u- 
sage de  ces  moyens  finit  môme  par  être  adopté  par  les  adver- 
saires les  plus  violents  de  Paracelse,  par  Thomas  Éraste,  Grato 
de  Kraftheim  (6),  J.  Lange  (7),  P.  Uffenbach  (8),  J.  Oberndor- 
fer  (9),  Zach.  Brendel  (10),  et  par  beaucoup  d'autres  médecins 
célèbres  de  leur  temps. 

• 

(1)  Practic.  copios.  ;  Lugd.,  1519,  in-4^. 

(2)  Opéra  omnia,  t.  ii,  p.  328  (edit.  Francof.,  1626,  in  fol.). 
(3]Voy.  Fallope,  Demorbo  gallicOf  c.76;  et  Massa,  Ep%st,\t, 
(4)  De  morbo  gallico  ;  Yeoise,  1535. 

(5}  De  priscorum  pbilosopli.  ver»  medicinae  materia  (consilia  de  lue  venerea)  ; 
Gerras.,  1603,  8. 

(6)  Commeotar.  demorbo  gallico,  etc.  ;  1594,  io-S®. 

(7]Epi8t.  med.;  Hanovre,  1605,  in-8^ 

(8)  Principiorum  chymicorum  examen,  etc.  ;  BÂie,  1606,  in-S**. 

(9)Âpologîa  chymico-medica  adversus  illiberales  M.  Rulandi  calumnias;  Am- 
berg,  1610,  in-4°. 

(10)  Cbymia  in  artis  formam  reducta,  melhodus  addiscendi  encheireses,  cor- 
rectio  medicamentorum  plurimonim,  disquisitio  de  aaro  potabili  ;  Jena,  1630,  in-S**. 


38  HISTOIRE  DE  Ik   CHIMIE. 


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La  fnéiai(uf^ié  ûi  des  progrès  très-rapides  au  x^vi^sièpl^.  L'ex- 
ploitation aclivë.  dés.  noloàbreu^è's.  naines  d'Altçinaipie^ei  îâ  'dé- 
côuverie  rfé  l'kqiétiqué'y'cbntrib^         puî^sairim'eht .  \ 


I 


G.  Àgri.çola  naquit  en  149^^  non  P^;^  Glaucha,  comme  on  Ta 
dit,  mais  S  Ciiemnitz,  eu  Saxe,  d'pù  il  fut  surnommé  Kempnicius. 
Son.veritaDle  nom  paraît  avoir  ete  Landmann  (en  latin  Agriçola)  ; 
car  les  sav£^nts>.aya,ient  àlor§,  paqr  le  rappeler,  la  coutume  pé- 
danTesqu©  ^^ft  Ij^aâîii^^ë'lèups  mpxi  en^  latin  bu  en,  grec.  C'est 
ainsi  ({xxq  Schwarzerde  ([terre'  noire)  s'appelait  Mélanchthon; 
Havsschein  (lueur  de  la  maison)^  Œcolampadius ;  Holzmann 
(homme  de  bois),  Xylander:'Bock  (hQtxc).  tragus:  Wolfeane 
( marche  de  loug  ),  lup^^a^r  etc.    ^         „ .    ,.  ,    ,,  ..1   ,.     , 

Agriçola  s'était,  ainsi  qu'il  nousr.  l'apprend  tlui^mème,  livré 
pendant  sa  jeUnesserà  1 -étude  «de 'la 'médecine,  en  fréquentant 
les  Facultés  les  plus  célèbres  d'Allemagne  et  d'Italie.  Il  avait  sé- 
journé  deux  ans  dans  là  ville  dé  J^nisfj,  q^i,£^}pai|^a}pEs  le  com- 
merce le  plus  pptnsidérable  des  princjpau2(. produits  chimiques. 

De  retour  danf^  son  pàysy  il  se  mit,  avec  toute  son  ardeur  pour 
les  sciences,  à  étudier  la  métallurgie.  Il  visita  les  montagnes^  de 
la  Bohême ,  et  vint  s'établi r,  pour  quelque  temps,  à  Joachiinsthal, 


;>>       1     >      Il 


TROISIEME  EPOQUE.  39 

oùil  gagina  sa  vie  en  exerçant  la  médecine  (i).  Tous  ses  mo- 
ments de  loisir  étaient  consacrés  à  ses  occupations  favorites,  à 
4'art  métallurgique  et  à  la  lecture  des  classiques,  particulière- 
ment de  Pline,  de  Dioscoride,  de  Galien,  de  Strabon. 

C.  Agricola  ne  fut  point  alchimiste,  comme  nous  le  verrons 
plus^bas,  et  il  mérita,  par  son-savoir  et  sa  modestie,  l'estime  de 
son  siècle.  Aussi  entretenait<41  des  relations  d'ai;nitié  avec 
Ëra$me,  George^  Fabricius^  Wolfgang  Meurer,  Yalérius  Cordus, 
Jean  Dryander  et  G>  Canmierstadt.  .Ce  dernier .  sollicita  pour 
Âgriçola,  dont  la  fortune  était  très- modique,  une  pension  an- 
mi^Ue.  Maurice  de  Saxe  s'empressa  de  la  lui  accorder. 

Aig?i^<>la  iqelina  d'abord,  vers  les  dpçtrine3  de  Luther.  Mais, 
voyant  les  exjcès  qu'entraînait  la  r  réforme,  il  témoigna,  par  la 
suite,  de  l'indifférence,  sinon  de  l'aversion,  pour  la  cause  du 
protestantisme,  et  mourut,  en  1555,  dans  la  communion  de 
relise  cathqlique^. 


.1 


Ce  qui  frappe  danç  la.  lecture  de  ces  ouvrages,  indépendam- 
ment de  leur  intérêt  scientifique,  c'est  la  pureté  et  l'élégance  du 
langage.  Digne  émule  d'Érasme,  l'auteur  évite  avec  soin  l'emploi 
des  termes  latino-barbares,  dont  les  alchimistes  étaient  si  pro- 
digues (2). 

les  écrits  d'A^ricola,  et  en  particulier  le  traité  De  re  metal- 
/tca,  ont  eu,  un  assez  grand  nombre  d'éditions  (Bàle,  1546, 
ia-foL  ;  1556,  1558,  1561,  1571  ).  Ils  furent  traduits  du  latin  en 
ajlçmand  (Bâle,  1621,  in-fol.  ),  sous  le  titre  de  Bergwersks- 
kch,  etc.  j 

L'édition  la  plus  complète  des  œuvres  authentiques  d'Agricola 
panit  à  Bâïç  en  1657,  in-fol. 

L'ouvrage  le  plus  important  de  G.  Agricola  traite  de  la  métal- 
lurgie  (3).  Il  pçissa  longtemps  pour  une  autorité  considérable 

(i), Yqy.  Ja  préface  qui  précède  Je  fraité  De  veferibus  et  novis  mctaHis, 

(2)  Agricola  est,  sous  ce  rapport,  au  moins  aussi  scrupuleux  qu^Érasme.  Ainsi, 
par  exemple,  à  la  place  du  mot  episcopus,  il  emploie  celui  de  pontifex.  Mais, 
cpi^o^  ce  derpier  /ioi|p  pei|t  s'appliquer  à  pl^us  d'un. ordre  .hiérarchique,  il  ajoute  : 
ve^  fAt  ipse  gr^ce  sevocat  iniaïLQiiCiÇ,    ... 

(3)  Georgii  Àghjcolœ.  Kempnicii  medici  ac  philosophi  clarissimi  De  re  metallica 
Ubri  XII;  quihus  officia,  instrumental  machinae ,  ac  omnia  deniqiie   ad  me- 


40  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE, 

en  cette  matière,  et  il  le  méritait,  à  tous  égards^  ainsi  que  nous 
allons  le  montrer. 

L'ouvrage  De  re  metallica  parut,  pour  la  première  fois,  imprimé 
en  latin,  à  Bâie,  en  1546. 

Il  est  divisé  en  XII  livres. 

Dans  le  livre  7,  Tauteur  commence  par  énumérer  les  diverses 
sciences  que  doit  posséder  le  métallurgiste.  Outre  la  physique 
et  la  chimie,  il  doit,  disait-il,  connaître  la  philosophie,  afin  de 
savoir  apprécier  Torigine  et  la  nature  de  tous  les  produits  sou- 
terrains ;  la  médecine,  afin  de  pouvoir  soigner  les  ouvriers,  pré- 
venir les  dangers  de  l'asphyxie,  et  guérir  ceux  qui  sont  atteints 
de  quelque  maladie  métallique  ;  Tastronomie,  pour  savoir  Tin- 
fluencedes  astres  sur  l'étendue  des  filons;  enfin,  la  mécanique, 
l'arithmétique  et  la  jurisprudence. 

Abordant  la  question  de  savoir  s'il  y  a  plus  de  profit  à  cultiver 
la  terre  qu'à  exploiter  les  mines,  il  n'hésite  pas  à  répondre  que 
si  le  sol  est  fertile,  et  que  les  métallurgistes  soient  des  ignorants, 
il  faudra  donner  la  préférence  à  l'agriculture. 

Enfin,  il  passe  en  revue,  avec  un  rare  bon  sens,  tous  les  in- 
convénients et  les  avantages  que  peut  offrir  la  pratique  de  la  mé- 
tallurgie. 

Le  livre  II  contient  des  instructions  pratiques,  adressées  aux 
entrepreneurs.  Il  faut,  remarque  l'auteur,  beaucoup  de  patience 
et  souvent  de  grandes  dépenses ,  avant  de  rencontrer  un  filon 
assez  riche  pour  dédommager  de  toutes  les  peines,  en  rapportant 
de  larges  bénéfices.  C'est  pourquoi,  ajoute-t-il,  il  n'y  a  guère  que 
les  gouvernements  ou  les  sociétés  d'industriels ,  réunissant  en 
commun  de  grands  capitaux,  qui  puissent  se  livrer  avantageuse- 
ment à  ces  sortes  d'entreprises. 

Avant  d'ordonner  des  fouilles,  il  est  nécessaire  d'examiner  la 
nature  du  terrain,  les  propriétés  de  l'eau,  de  l'air,  les  contrées 
du  voisinage,  etc.  Il  faut  qu'il  y  ait  de  vastes  forêts  aux  envi- 
rons, afin  de  fournir  les  matériaux  nécessaires  au  chauffage  du 
minerai  et  à  la  construction  des  machines. 

Parmi  les  moyens  indiqués  par  l'auteur  pour  arriver  à  la  dé- 


Atia,  DOD  modo  luculentissime  describuntur,  sed  et  per  effigies, 
las,  adjiinctis  latinis  germanicisque  appellationibus,  Ha  ob  oculos 
;  Bftie,  1557,  in-fol.  —  C'est  cette  éditien  que  nous  avons  sous  les 


TROISIÈME  EPOQUE.  '  41 

couverte  des  filons  métalliques,  il  s'en  trouve  un  qui  mérite  de 
fixer  notre  attention.  H  est  emprunté  à  la  physiologie,  végétale. 
Agricola  observe  que,  lorsque  les  herbes  sont  chétives,  pauvres 
en  sucs,  et  que  les  rameaux  et  les  feuilles  des  arbres  revêtent 
une  teinte  terne,  sale,  noirâtre,  au  lieu  d'être  d'un  beau  vert  lui- 
sant, c'est  un  signe  que  le  sol  est  riche  en  minerai  dans  lequel 
le  soufre  domine  ;  il  ajoute  que  certains  champignons  et  quel- 
ques espèces  d'herbes  particulières  peuvent  également  déceler  la 
présenc^e  d'un  filon. 

Affrontant  les  préjugés  de  son  temps,*  il  taxe  d'imposture  tous 
ceux  qui  emploient,  pour  la  recherche  des  métaux,  la  baguette 
de  coudrier  fourchue^  tournant  entre  le  pouce  et  l'index.  «  Ce  pro- 
cédé, s'écrie-t-il,  rappelle  la  baguette  de  Gircé,  qui  changea  les 
compagnons  d'Ulysse  en  pourceaux . 

Le  livre  ///est  consacré  à  la  description  des  différentes  formes 
et  directions  que  les  filons  peuvent  afTecter  dans  le  sein  de  la 
terre. 

Le  livre  IV  traite  des  instruments  et  des  mesures  propres  à 
constater  l'épaisseur  et  la  longueur  des  filons.  Celui  qui  avait 
découvert  une  mine  était  obligé  d'en  prévenir  le  maître  (  magister 
meiallorum  ).  Après  quelqiies  solennités  d'usage,  la  tête  du  filon 
était  donnée  à  celui  qui  avait  découvert  la  mine  ;  le  reste  reve- 
nait au  souverain,  à  son  épouse,  au  grand  écuyer,  à  l'échanson 
et  au  grand  chambellan.  Tout  cela  fut  modifié  plus  tard,  et  le 
souverain  se  contenta  de  prélever  un  dixième  sur  le  produit  brut. 
Les  lois  disciplinaires,  qui  régissaient  les  ouvriers,  étaient  très- 
sévères;  mais  il  n'y  avait  aucun  règlement  d'hygiène  pour  mé- 
nager la  santé  de  ces  malheureux.  La  journée  était  divisée  en 
trois  parties,  appelées  travaux.  Chaque  travail  était  de  sept  heu- 
res; les  trois  heuresqui  restaient  pour  remplir  la  journée  de  vingt- 
quatre  heures  étaient  le  temps  de  la  récréation.  Pour  empêcher 
qu'accablés  de  fatigue,  les  ouvriers  ne  se  livrassent  au  sommeil, 
on  les  forçait  à  chanter. 

Le  livre  V  expose  les  détails  des  travaux  qu'exigent  les  fouilles 
et  la  nature  du  terrain. 

Le  livre  VI  est  consacré  à  la  description  des  instruments  et  des 
machines  employés  dans  les  fouilles. 

Le /ivrcy//traite  de  l'analyse  des  minerais,  ou  de  l'appréciation 
de  leur  richesse  métallique.  Dans  ce  but,  l'essayeur  fait  d'abord 
fondre  le  minerai  en  le  chauffant  avec  du  charbon  dans  un  four- 


42  HISTOIILE  ï)£   LA  tSHIMIE. 

Beau  de  briques;  Après  cela,  il  le  chauffe  daiiB  un  çreusel  de 
cendres  avec  du  plomb  (cotip^/Za/ton).  11  faut  que  le  plomb  dont 
il  se  sert  soit  exempt  d'argent,  comme  Test  celui  de  Villabh» 
'   Ici  Agricola  entre  dans'  les  détails^.de  la  coupellatioo»  Mais 
il  paraît  ignorer  éé  qu'eli  avait  déjà  dit  Gebel?  (1),  : 

Il  iùdique  aussi  l'emploi'  de  Peau-foi^te  :  pour  ^pajf er  -  l'argent 
de  l'or.     -  .■■•>.'■  .      ;        •     . 

Dans  le  livre  F///il  ^parié  des  divers  traitements  qu'on  fait 
subir  aux  minerais  retirés  des  entrailles  du.  sol.<  «On  tes  liîoie 
d'ab<n*d,  dit-il,  avec  des  marteaux;  on  les.grilte  ensuite^  afin  d'en 
expulser  le  soufre  qui  se  trouve  si  souvent  dansjes  veipe^fuétal- 
liques-t  sul^:s'àspiius'  in  vent»,  meiaiUeis  inesit}.»  <^  Est  effet,  la 
plupart  dès  inines  dé  plomb»  de  cuivre,  de  fer,  etc/^.  sont  des 
sulfures  de  ces  métaux.  . 

Voici  cornaient  Tauteur  décrit  le  procédé  de  grillage  alors  usité  : 
«  On  eonstràit  une  espèce  de  fossé  carré,  oti  l'oa  metdest^ûches 
les  unes  sur  les  autres  en  forme  croisée,  jusqu'à  la  hauteur  d'une  à 
deux  coudées.  On  place  sur  ce  bois  les  morceaisix  de  minerai 
broyés,  en  commençant  parles  plus  gros.  Qn.reççuvre.  le  tout 
de  poussière  de  charbon  et  de  sable  mouillés,  .de  manière  à  don- 
ner au  bûcher  l'aspect  d'une  meule  dé  chjarbonnier.  Enfin  on  y 
met  le  feu.  Ce  grillage  s'effectue  en. plein  air.  Cependant,  lorsque 
la  mine  est  très-riche,en  soufre,  on  la  chauffe  ;sur  une  large  lame 
de  fer  percée  d'une  m.ultitude  d'orifices,  par  lesquels  li^.soufre 
s'écoule. pour  se  figer  dans  des  pot§  pleins  d'eau  ,plaçés,  au-des- 
sous... 

«  Lorsque  le  minerai  contient  de  l'or  et  de  l'argent,  continue 
l'auteur,  on  le  pile,  et  on  le  fait  moudre  dans  des  moulins  ;  en- 
suite on  le  lave  à  grandes  eau:i;  sur  un  plan  incliné  ;  enfin  on  le 
mêle,  avec  du  mercure.  11  se  produit  un  amalgame  qui,  étant  for- 
tement comprimé  dans  une  peau  ou  dan$  un  lipge,  laisse  passer 
Je  mercure  sous  forme  d'une  pluie  fine,  et  l'on,  reste.  ]V(ais  il  y 
adhère  un  peu  d'argent.  » 

Ce  procédé  était  déjà,  iconaudans  l'antiquité,  ainsi  que  nous 
l'avons  fait  voir  (2). 

Le  livre  IX  traite  de  la  combuslicin  des  minerais  dans  Içs  four- 
neaux. Ce  sont  des  fourneaux  carrés,  dans  desquels  on  brûle  le 

(1)  Yoyeï  plui  haot,  U  (,  p.  336.. 
}    (2)Ibid.,t.  I,  p.l4X  • 


.     TKOiSIÉME  rEPOQirS.    r  43 

niiaerai  mélangé  avec  de  la  poussière  de  charbon  et  de  la  terre 
glaise  (argile).  Si  la  mine  est  riches  on  perce,  déjà  au  bout  de 
quatre  heures,  la  partie  inférieure  du  fourneau  avec  de  grands 
ringacds  de  fer  ;  le  métal  fondu  (plomb,  étain,  etc.)  sort  par  cette 
trouée,  etjooulede  là  dans  une  rigole. de  sable,  où  il  se  solidifie 
par  le  refroidis^ment.  Les  impuretés  (scories,. laitiers,  etc.)  dont 
il  est  recouvert  sont  enlevées  avec  des  instruments  de  fer.  Si  la 
mîne<  est  pauvre,  on. ne  pratique  la  percée  qu'après  une  combus- 
tion qui  aura  duré  au  m^ins  huit  heures.  :  K. 

Dans  le  livre  X  il  est  question  de  Taffinage.  des  métaux,  parti- 
culièrement de  celui  de  Tor  et  de  Targent. 

Le  moyen  le  plus  simple  pour  séparer  l'argent  de  Tor,  moyen 

dont  la  connaissance  commençait  à  devenir  a^sez  générale  dès 

le  çominencement  du  seizième  siècle ,,  consistait  dans  l'emploi 

de  l'acide  nitrique,  appelé  par  Agricola  a^zia  va/^n^  (eau-forte). 

S'était  préparé  en  soumettant  à  la  distillation  un  mélange  de 

nitrç^  de  sulfate  de  fer  {atran^entum  sutorium)  et    d'argile,  dont 

les.  proportions  variaient.  Bncb^iuffant  de  Teapi  forte  en  contact 

avec  un  alliage  d'or  et  d'argi^nt ,  on  dissout  l'argent  tandis  que 

l'or  reste  intact.-  Celui-ci  se  ramasse  au  fond,  de  la  liqueur  sous 

forme  de  poudre. 

Quelquefois  on  employait  dans  le  même  but,  comme  nous 
l'apprend  Agricola ,  le,  vitriol  vert  (sulfate  de  fer),  ou  plutôt, 
l'huile  de  vitriol  (acide  sulfurique).  Ce  dernier  moyen  est,  comme 
Ta  démontré  l'expérience  des  modernes,  préférable  au  premier, 
qui  est  incomplet  en  ce  qu'il  n'enlève  pas  à  un  alliage  d'argent 
toutes  les  traces  d'or. 

Oq  se  servait  encore  d'autres  moyens  (soufre,  antomoine,  etc.) 
pour  obtenir  le  départ  de  l'or  et  de  l'argent. 

Dans  lé  livre  XI,  l'auteur  expose  le  meilleur  procédé  par  voie 
sèche  pour  séparer  l'argent  d'autres  métaux  ,  tels  que  le  cuivre, 
le  plomb,  etc.  Ce  procédé  était  la  coupellation,  dont  nous  avons 
eu  bien  souvent  occasion  de  parler. 

te  livre  Xfl  et  dernier  est  étrainger  à  l'art  métallique  propre- 
ment dit.  Il  est  consacré  à  la  description  de  divers  sels,  obtenus 
parl'évaporation  des  eaux  dé  la  mer,  des  fontaines,  etc.  L'auteur 
les  appelle  des  siics  concrètes  {succi  concreti). 

Les  vitriols  (sulfates)  de  fer  et  de  cuivre  étaient  préparés , 
comme  ils  Tétaient  déj^  c^ez  les  anciens  (1),  en  exposant  le  py- 

(1]  Voyez  plus  haut,  1. 1,  p.  130. 


44  HISTOIRE  DE  LA  GHIBaS. 

rîtes  (sulfures  naturels)  à  raction  combinée  de  Pair  et  de  Teau  [i). 

Enfin,  l'auteur  termine  le  traité  De  re  metallica  par  la  fabrica- 
tion du  verre.  Il  vante  surtout  les  belles  verreries  de  Venise. 
«C'est  dans  cette  ville  que  l'on  fabrique  en  verre,  dit-il,  des 
choses  incroyables^  comme  des  balances,  des  assiettes,  des  mi- 
roirs, des  oiseaux,  des  arbres.  J'ai  eu  occasion,  ajoute-t-il,  d'ad- 
mirer tout  cela  pendant  un  séjour  de  deux  ans  à  Venise.  » 

Le  traité  De  re  metallica^  dont  nous  venons  de  donner  une 
analyse  succincte,  est  précédé  d'une  épître  dédicatoire  adressée 
à  Maurice  de  Saxe ,  qui  joua  un  si  grand  rôle  dans  l'histoire  de 
Charles-Quint. 

De  animantibus  subterraneis  (2). 

On  chercherait  en  vain  dans  le  livre  Sur  les  animaux  souter- 
rains cette  justesse  d'esprit  et  d'observation  dont  l'auteur  a 
fait  preuve  dans  son  De  re  metallica. 

C'est  ainsi  qu'il  croit,  comme  la  plupart  de  ses  contemporains, 
à  l'existence  d'animaux  pyrogènes,  c'est-à-dire  qui  naissent  et 
vivent  dans  le  feu,  et  qui  meurent  dès  qu'on  les  en  retire. 

Il  croit  aussi  à  l'existence  des  démons  dans  les  mines ,  et  les 
divise  même  en  deux  catégories.  Ceux  de  la  première  catégorie, 
d'un  aspect  effrayant ,  sont  hostiles  et  méchants.  II  raconte  à  ce 
sujet  qu'un  de  ces  démons  tua  un  jour,  dans  une  galerie  des 
mines  d'Anneberg  (Saxe),  douze  ouvriers  à  la  fois,  par  la  seule 
puissance  de  son  souffle.  —  On  devine  que  ce  démon  n'était 
probablement  autre  chose  qu'un  gaz  irrespirable,  propre  à  dé- 
terminer une  asphixie  instantanée  (3). 

La  seconde  catégorie  comprend  les  esprits  souterrains  d'un 
bon  naturel,  inoffensifs,  et  d'une  humeur  joviale.  Ceux-là  rient 
avec  les  ouvriers,  et  leur  jouent  quelquefois  de  vrais  tours  de 
gamin. 

Malgré  tous  ces  défauts ,  le  Traité  des  animaux  souterrains  est 
un  ouvrage  remarquable.  Le  zoologiste  y  trouvera  des  observa- 
tions curieuses  sur  les  mœurs  de  certains  animaux. 

(1)  Dans  ces  circonstances,  les  métaux  et  le  soufre  absorbent  l'oxygène  de  Pair 
(absorption  facilitée  par  la  présence  de  Peau),  et  se  chaugent,  les  premiers  en  oxy- 
des, el  le  dernier  en  acide  suifurique. 

(2)  Georgii  Agricole  De  animantibus  subterraneis  liber;  imprimé  dans  i*é- 
dition  de  Bâle  (1657),  à  la  suite  du  traité  De  remetallica^  p.  480. 

(3)  Voyez  plus  haut,  1. 1,  p.  371. 


TROISIEME  EPOQUE.  45 

Ce  traité  fut  écrit,  comme  nous  l'apprend  l'auteur  lui-même, 
dans  la  vingt- huitième  année  du  règne  de  Charles-Quint,  c'est- 
à-dire  dans  Tannée  1547. 

De  ortu  et  causis  8ubierraneomm.(^). 
• 
Ce  traité  De  Porigine  et  des  causes  des  substances  souterraines 
est  divisé  en  cinq  livres;  il  intéresse  plus  particulièrement  This- 
toire  de  la  géologie  et  de  la  physique.  On  y  trouve  beaucoup  de 
faits  curieux. 

Le  mont  Hécla,  volcan  de  l'Islande,  est  aujourd'hui  presque 
éteint ,  tandis  que  du  temps  d^Agricola  il  offrait  fréquemment 
le  spectacle  de  violentes  éruptions.  «  Cette  montagne,  dit  l'au- 
teur^  vomit  à  de  certaines  périodes  d'immenses  rochers  et  du 
soufre;  elle  couvre  de  cendres  tous  les  environs  à  une  grande 
distance  (2).  » 

L'auteur  parle  ensuite  d'une  mine  de  charbon  qui  brûlait,  vers 
le  commencement  du  seizième  siècle ,  dans  le  voisinage  de  Zwi* 
kau  (Saxe),  et  dont  l'incendie  est  aujourd'hui  éteint  (3). 

Dans  le  cinquième  livre,  Agricola  signale  un  fait  déjà  indiqué 
par  Geber  (4),  et  qui  devait  plus  tard  donner  lieu  àl'impor- 
tante  découverte  de  l'oxygène,  a  Le  plomb,  dit  l'auteur,  aug^ 
mente  de  poids  quand  il  est  exposé  à  l'influence  d'un  air  humide. 
Cela  est  tellement  vrai,  que  les  toits  de  plomb  pèsent,  au  bout 
de  quelques  années,  beaucoup  plus  qu'ils  ne  pesaient  à  leur  orn 
gine(5).  » 

Vers  la  fin  du  même  livre,  il  raille  les  alchimistes  qui  admet- 
tent que  les  métaux  se  composent  de  soufre  et  de  mercure ,  et 
qui  prétendent  changer  l'argent  en  or  véritable,  au  moyen  de  la 
poudre  de  projection. 
Ce  livre  a  été  composé  vers  Tannée  1539. 

(1)  Édil.  de  Bàle  (1657),  p.  493. 

(2)  Ibid.,  p.  505  :  Mons  Hecla  ^  statis  temporibus  foras  projicit  ingentia  saxâ, 
Mlfur  efomit,  cineres  longe  circumcirca  spargU. 

(3)  Ibid.,  p.  505. 

(4)  Voy.  plos  haot,  1. 1,  p.  333. 

(5)  Plombeas  certetegulas  multo  graviores,  aliquot  pôst  annis,  Inveniant  il  qui 
i»rlos  pondos  nolarimt,  p.  319. 


46  lilSTOnOS  DE  LA  CHIMIE. 


Dénatura  torum  qnœ  effiuunt  éxùrrêt  (1). 


i> 


Les  trois  premiers  livres  du  traité  De  la  nature  des  choses  gui 
émanent  de  Vivi^t^rieur  de  la  terre  concernent  les^  eaux  de  mer, 
les  eaux  de  fontaine,  les  eaux  minérales,  çtc,  et  leurs  propriétés 
physiques,  Dans  le  quatrième  livre,  il  est  qu^stioades  cavernes 
d'où  s'élèvent  des  airs  délétères»  L'auteur,  .cite  un  grand  nombre 
de  localités  célèbres  par  l'existence  de  ces  cavernes..  Ce  traité, 
dédié  à  Maurice  de  Saxe,  archichancelier  du  Saint-Empire^fut 
imprimé  pour  la  première  fois  en  1546. 

'  Dénatura  fossilium(^). 

....  .  .  «   .      ■   _  _ 

Le  traité  De  la  nature  des  fossiles,  divisé  en  dix  livret,  est  en- 
tièrement consacré  à  Tétude  du  règne  minéral.  11  S'étend  sur  les 
pierres  précieases^^  les  pierres  calcaires ,> argileuses,  silic^us^es, 
les  minerais,  etc.  Nous  allons  en  extraire  quelques  particularités 
concernant  le  soufre  et  le  camphre.         «i         —  .;;•:%! 

Soufre.  —  «Cette  substance  initiérale  se  rencontre,  dit  l'au- 
teur, opyfe^  c'est-à-dire  natif ,^  au;x  environs  du  mont  Héela;  en 
Italie,  dans  le  territoire  de  Naples;  en  Sicile, , dans  les  ijles 
iEgades  (îles  Lîpari)  ;  enPannonie,  etc.  »    .       ,  .  .     , 

Après  avoir  rappelé  l'usage  qu'en  faisaient  les  anciens  (3),  il 
nous  apprend  l'usage,  qu'on  en  lait  aujourd'hui,  a  On  fabriqu^^ 
dit-il,  des  mèches  soufrées  qui,  après  avoir  reçu  Tétincellô  pcOr; 
venant  de  la  friction  du  fer  et  du  caillou,  nous  servent  à  allumer 
les  boîS'Secs  et  les  chandelles  (4)u^^Ces  mèches  soufrées  consisrr 
tent  en  iil  de  lin  et  de  chanvre,  en  bois  minces  enduLlss.de.,^QU* 
fre.  »  —  Ainsi,  la  connaissance  des  allumettes  sêufréessLSiViiQiHm 
trois  siècles  de  date.    •    •  i    ;.  /       .    .. 

«  On  fait  aussi,  continue  Tauteur,  entrer  le  soufre,  —  exécrable 

invention!  —  dans  cette  poudre  qui  latiçe  au  loin' 'des  boulets 

.  > 

(1)  Édit.  de  Bàle,  in-fol.,  ann.  1657,  p.  533.  .   . 

(2)Ibid.,  p.  519. 

(3)  Yoy.  plas  haut,  t.  I,  p.  145. 

(4)  Sulfuratis  ellychniis,  cum  silicis  et  ferri  conflictu  eUciinu&  ignem ,  àri^a 
ligna  et  candelas  accendimus.  -^  Constant  autem  ea  ellychnia  sulforata  Tel  ex  fà- 
niculis  stupeisaut  cannabinis,  vel  ex  lignis  exUibus  sulfure  obductis.  Lib.  in, 
pag.  593. 


•  TROISIEME  EPOQUE..  47 

de  fer^  d'airaio  oa  de  pierre ,  instruments  de  guerre  d'un  genre 
no}Xveaiu{novi  tormeMa  genêpis).  ii  '  ►   . 

OoToit  (}ue  la  poudre  à  canon  était  détestée  presque  dès  sonorir 
gine;Miaîsléi9faoû!imessecondtiisetit  demanière  à  pouvoir  toujours 
s'appliquer  ces  paroles  d'un  ancied  t  mçliora  probo^deterioraseqwor^: 

Camphré.  — ^  Du  temt!>s>d'Agrîcola  on  ignorait  encore.  Forigine 
dû  camphre.  Les  uofs  disaient  qu'il  s'obtient  artificiellement 
au  moyen  du  bitumeou  du  suocin  ;  les  autres  soutenaient,  avec 
raison,  qu'il  provient  naturellement  d'un  arbre.sembldble  à  uh 
peuplier.  ...... 

On  sait  en  effet  que  le  Téritable  camphre  est  fourni  par  une 
espèce  de  laurier,  lauhis  eatnphora^  originaire  du  Japon.  Gomme 
il  est  trës^nflamniable  et  qn'il  brûle  saus  laisser  de  résidu,  il 
faisait  autrefois  partie  des  mélanges  combustibles  brûlant  sur 
l'eau  [ad  compositiones  gux  aecensœ  ardente  in  aquis  solet  addi)* 

L'auteur -parlé  ensuite  fort  au  long  du  succin^  du  bitume,  de 
Tasbeste,  des  houilles^  du  marbre,  etc.' 

Ce  traité  intéresse  au  plus  haut  degré  l'histoire  de  la  minéra- 
logie et  delà  géologie.' il  fbt  imprimé  pour  la  première  fois  en 
1546:^-^  ......  ...■\_  -  .    .  .  , 


I  I 


'     '^     De  veteribus  et  novis  mekUlis  (i).  .-, 

Le  traité  Des  métaux  anciens  et  nouveaux  témoigne  d'une  cpn; 
naîesance  profonde  de  sécri vains  die  Tantiquité  et  de  l'exploita- 
tion des  mines  au  seiziènie  siècle;  U  est  dédié  à  Georges  Coai* 
merstad',  lé  même>qui  >aTalt  obtenu  de.  la  part  de  :  Maurice  de 
Saxe  une  pension  annuelle  pour  Agricola..  •  j- 

L'auteur  nous  fournit  des  détails  curieux  sur  la  richesse  miné- 
rale de  l'Allemagne.  «  L'Aûlriché  oècupe,  dit-il,  le  premier  rang 
parmi  les  contrées  qui  abondent  en  métaux  précieux.  Les  mines 
d'argent  de  la  Bobêoie  sont  connues  fie  tout  lé  mondél  La  âàxe 
occupe  le  second  rang.  La  Misnie  et  TErzgébirge  abondent  en 
mines  d'argent^  de  plomb  et  de  fer.  Les  comtes  de'Mansféld  ont 
léalis^  de  gfiapd^  bénéfices  par  des  travaux  métallurgiques  exé- 
cutés sur  leur  territoire.  Les  comtes  de  Schleuz  se  sont  aussi 
considérablement  enrichis  par  l'exploitation  des  miiies  d'àr^ént 
de  leur  contrée.  Les  barons  de  Pfliig  ne  se  sont  pas  acquis  de 

(l)  Edil.  Basil.,  1657,  p.  667. 


48  UlSTOIR£  DE  «A  CHIMIE. 

moins  grandes  richesses  par  les  mines  de  Schlakenwald ,  des- 
quelles on  a  retiré  de  Tétain.  Les  familles  nobles  des  Storstedel, 
des  Spiegel,  des  Roseberg,  des  Schœnberg,  etc.,  ont  également 
gagné  des  fortunes  immenses,  en  exploitant  avec  intelligence  les 
richesses  métalliques  que  recèle  le  sol. 

((  La  découverte  de  la  plupart  des  mines ,  continue  l'auteur, 
est  due  au  hasard.  Voici  comment  fut  découverte,  d'après  la  lé- 
gende du  pays,  la  célèbre  mine  de  Ramelsberg,  près  de  Goslar  : 
Un  gentilhomme,  dont  le  nom  n'a  pas  été  conservé,  alla  un  jour 
se  promener  à  cheval.  Arrivé  sur  une  montagne ,  il  attache  son 
bidet  à  une  branche  de  chêne.  Cet  animal,  dont  le  nom  a  été 
conservé  (il  s'appelait  Ramel),  avait,  en  frappant  du  pied  le  sol, 
mis  à  nu  une  matière  brillante,  qui  fut  reconnue  pour  être  du 
plomb  contenant  de  Targent.  Ce  fut  là  Torigine  des  mines  de 
Ramelsberg  (montagne  de  Ramel). 

((  Les  mines  de  Freyberg  furent  découvertes  par  des  charre- 
tiers qui  conduisaient  du  sel  de  Halle  en  Bohême^  en  passant 
par  la  Saxe.  Ils  rencontrèrent  sur  leur  route  des  pierres  qui  res- 
semblaient en  tous  points  à  celles  qu'ils  avaient  vues  à  Goslar. 
L'essai  constata  que  ces  pierres  étaient  des  galènes  argentifères 
dont  l'exploitation  active  devait  quelque  temps  après  fortement 
contribuer  non-seulement  à  la  prospérité  de  la  ville  de  Freyberg, 
qui  n'était  auparavant  qu'un  misérable  village^  mais  encore  à 
l'opulence  de  toute  la  contrée  environnante,  d 

Les  mines  d'argent  d'Aberthame,  près  de  Joachimsthal,  dans 
lesquelles  Agricola  avait  engagé  des  fonds,  avaient  été  décqu-> 
vertes  par  un  paysan;  un  arbre  déraciné  par  le  vent  dans  une 
forêt  l'avait  mis  sur  la  voie. 

Bermannus  (1). 

Ce  fut  là,  dans  l'ordre  chronologique,  le  premier  ouvrage  d'A- 
gricola.  Il  est  rédigé  sous  forme  de  dialogue,  et  parut  en  1528. 
Ce  dialogue  attira  l'attention  d'Érasme  :  la  pureté  du  style  rap- 
pelle les  Colloquia  du  célèbre  restaurateur  des  lettres  classiques. 
Le  sujet  de  ce  livre,  qui  traite  principalement  des  mines  d'Alle- 
magne, se  trouve  développé  plus  au  long  dans  les  écrits  d'Agri* 
cola  que  nous  venons  d'analyser. 

(1)  Bermannus  est  le  nom  latinisé  de  Bergmann,  qui  signifie  liomme  démon* 
tagne,  mineur. 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  49 

Dans  nne  lettre  adressée  aux  frères  André  et  Christophe  de 
Kœneritz,  Érasme  fait  le  plus  grand  éloge  du  savoir  et  des  talents 
de  G.  Agrîcola  (1). 

Agricola  était  d'un  esprit  trop  attaché  à  Tobservation  pour 
suivre  les  traces  des  alchimistes  de  son  temps.  La  pierre  philo- 
sophale  fut  pour  lui  le  sujet  de  satires  mordantes.  Il  n'est  donc 
guère  probable  que  le  petit  livre  intitulé  Lapis  philosophorum 
G.  Agricole  Philopistii  Germani  (Colon.,  1531,  in-12)(2),  soit 
de  Georges  Agricola^  le  métallurgiste.  D'ailleurs,  il  n'en  parle  lui- 
même  dans  aucun  de  ses  ouvrages,  et  ne  se  donne  jamais  le 
surnom  de  Philopistius. 

Les  travaux  d'Agricola  furent  suivis,  en  Allemagne,  de  ceux 
d'Engel  (Encelius)  (3),  de  Lazare  Erker(4),  de  Mathesius  (5),  de 
Weiner  (6),  de  Libavius  (7)  et  de  Modestin  Fachs  (8).  Mais  aucun 
n'atteignit  à  la  hauteur  de  celui  qu'ils  avaient  pris  pour  modèle, 
et  ils  n'ajoutèrent  presque  i:ienà  ce  qu'avait  déjà  dit  le  maître. 

L'impulsion  donnée  à  la  science  par  Agricola  produisit  ses 
effets  :  on  vit  de  tout  côté  surgir  des  métallurgistes.  L'Espagne 
et  l'Italie  ne  restèrent  pas  en  arrière  de  ce  mouvement. 

Pendant  qu'Âgricola  cherchait,  par  ses  travaux,  à  populariser 
en  Allemagne  les  études  métallurgiques,  Vantmio  Biringiiccio, 

(I)  Œuvres  d'Agricola ,  p.  679  de  Tédit.  de  B&le  (  de  16!i7}.  Evoivi ,  clarissimi 
juvenes,  Georgii  dialognm  de  metallicis.  Nec  satis  possum  dicere,  majorene  iii 
Totuptale  fecerim  an  Tructu.  Magnopere  delectavit  argumenti  novitas  ;  visiis  siini 
niUii  vailes  illas  et  colles  et  fodinas  et  maciiinas  non  légère,  sed  spectare.  — 
Féliciter  praelusit  Georgius  noster,  uec  ab  illo  ingenio  quicquam  exspectamus  me- 

(Wocre. 
(^)  Histoire  de  la  philosophie  hermétique^  etc.,  t.  m,  p.  82. 
(3)  De  re  metallica,  hoc  est  de  origine,  farietate  et  natura  cx)rporum  métal- 
licorom ,  etc.,  libri  m,  auctore  Christopboro  Encelto  Salveldensi;  Francf.,  1557, 
m-12.  —  Ce  traité  est  précédé  d^me  lettre  de  Mélanchthon,  qui  recommande 
l'ooTrage d*Engel  de  Saalfeld  au  libraire  Egenolplie  de  Francfort. 

(4)  Aula  subterranea,  oder  Beschreibung  aller  fûhrnehmsten  minérale- 
«hên  Er>und  Bergwerks-Arten,  etc.  ;  Prag.,  1574,  in-fol. 
[^)Sarepla,  1578,  in-fol.;  Leipz.  (En  allemand.) 
^1       {^)Geheimes  KunstbUchlein  fur  Schmelser,  etc.,  1574. 

(7)  Arsprobandi  minera/ia, etc., dans  ses  Comment,  metallic, 
(S)  Probier-Bùchlein ,  etc.;  Leipz.,  1595,  in -8°. 

HI8T.  DE  LA  CniXIB.  —  T.   lï.  \ 


50  UISTOIAK  DE  LA  GUlMtE. 

de  Sienne,  s'occupait  du  même  sujet  en  Italie.  L'ouvrage  de  Bi- 
ringucciOy  dont  la  première  édition  parut  à  Venise,  en  1540, 
in-4'',  a  pour  titre  :  De  la  pirotechnia,  lihri  X;  dove  ampiamente 
si  traita  non  solo  di  ogni  sorte  et  diversità  di  minerSy  ma  anchora 
quanto  si  ricerca  intorno  à  la  prattica  di  qmlle  case  di  quel  che  si 
appertiene  a  Varie  de  la  fusions  ouer  gitto  de'  metalli  corne  d^ogni 
altra  cosa  simil  à  questa.  Stampata  in  Venetia  perVenlurino  Rof^ 
flnello,  MDXL.  Il  n'est  pas  moins  remarquable  que  le  livre  d'A- 
gricola  De  re  metallica. 

L'auteur  se  distingue  également  par  une  grande  clarté  dans 
l'exposé  des  faits  et  des  doctrines  :  d'un  esprit  judicieux,  il  appré- 
cie sainement  les  choses,  et  rejette  toute  spéculation  nuageuse 
ou  obscure. 

La  Pyrotechnie^  c'est-à-dire  V art  du  feu  (de  icup  feu,  et  te^vif)  art) 
est  divisée  en  dix  livres.  Le  premier  et  le  deuxième  livre  sont  con- 
sacrés à  la  description  des  métaux,  des  demi-métaux  (arsenic, 
antimoine,  etc.),  de  leurs  minerais,  et  de  quelques  sels  naturels. 

Biringuccio  condamne  la  doctrine  des  alchimistes,  qui  pré- 
tendent transmuter  le  mercure  en  or  ou  en  argent;  il  se  moqu^ 
avec  esprit  des  vertus  de  l'or  potable  et  de  la  pierre  philoso- 
phale. 

Il  admet  que  les  métaux  sont  des  corps  composés;  mais  il  ne 
croit  pas,  comme  les  alchimistes,  qu'ils  soient  composés  de 
soufre  et  de  mercure.  Ainsi,  l'or  serait  une  véritable  combinaison, 
en  proportions  déterminées,  de  certains  éléments  primitif»  (i). 

Les  livres  m  et  iv  traitent  de  l'extraction  et  de  l'affinage  des 
métaux. 

A  propos  de  l'afdnage  de  l'or,  l'auteur  décrit ,  très-exacte- 
ment, le  procédé  dHnquartation,  qui  est  encore  aujourd'hui  em- 
ployé. Il  expose  comment  il  faut  d'abord  coupeller  l'alliage 
d'or,  soumis  à  l'essai,  avec  environ  quatre  parties  d!argent  et  une 
petite  quantité  de  plomb,,  et  comment  il  faut  ensuite  traiter  par 
l'eau-forte  le  bouton  de  retour  contenant  l'argent  d'inquariatipn. 
<(  L'or  se  ramasse ,  dit-il ,  au  fond  du  matras ,  sous  forme  de 
poudre,  et  l'argent,  réduit  en  eau  (dissous),  surnage.  Vous  enlè- 
verez la  liqueur  par  décantation,  et  vous  traiterez  le  résidu  par 
une  nouvelle  quantité  d'eau-forte ,  jusqu'à  ce  que  vous  le  voyiez 

(1)  Lib.  I,  c.  1.  Ye  dico  che  le  sue  original!  et  proprie  materie,  altro  non  sono 
che  subslantie  elemenlali  con  equali  quantità  et  qualità  l'una  Paîtra  proportio* 
Date ,  etc. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  51 

devenir  d'un  jaune  d'or,  de  noir  qu'il  était.  Enfin,  vous  enlè- 
l^verez  de  nouveau  la  liqueur  qui  surnage,  et  vous  laverez  le  ré- 
sidu (or)  avec  de  l'eau  pure.  Des  pesées  exactes  indiqueront  la 
quantité  d'or  contenue  dans  Talliage  (1).  » 

Dans  les  livres  v,  vi^  vu  et  vin,  il'est  question  des  alliages  mé- 
talliques et  de  leurs  nombreux  usages. 

Les  livres  ix  et  x  traitent  de  divers  secrets  ou  procédés  utiles 
dans  les  arts  de  Torfévre,  du  foi^eron,  du  potier,  du  salpétrier,  de 
l'artificier»  etc. 

Le  chapitre  intitulé  Modi  éU  comparre  varie  eomposiiiom  di 
fuochi  quali  il  vulgo  ckiama  fuoehi  lavorati  (2),  n'est,  sauf  quel- 
ques additions  à  la  fin,  qu'un  résumé  du  Livre  des  feux  de  Marcus 
Graecus  (3),  que  l'auteur  appelle  Marcus  GrachWy  et  qu'il  paratt 
faire  vivre  à  l'époque  de  la  république  de  Rome. 

Bîringuccio  n'a  pas  l'érudition  classique  d'Agricola  ;  il  est  peu 
familiarisé  avec  l'antiquité,  Hais  il  a  du  bon  sens^  de  la  sagacité, 
et  s'attache  à  combattre  les  prétentions  des  alchimistes. 

%  iO. 

Son  ouvrage  De  metallicis  le  met  au  nombre  des  principaux 
métallurgistes  de  son  époque. 

Gmelin  4)  range  Gésalpin  parmi  les  adversaires  modérés  de 
Paracelse,  et  ne  cite  de  lui  que  des  ouvrages  de  nïédec\ue{Quœs^ 
tionum  medicarum  lib.  ii  ;  De  facuUatitms  medicamenlorum , 
lib.  n,  Venet.,  1593,  in-4°;  Spéculum  ariis  medicœ,  etc.,  Argent., 
1630,  in-8®).  Cependant  nous  avons  sous  les  yeux  un  ouvrage 
de  Gésalpin  (De  metallicis),  qui  assigne  à  l'auteur  un  certain  rang 
dans  l'histoire  de  la  chimie. 

André  Gésalpin  naquit  à  Arezzo  en  1519. 11  secoua  hardiment 
le  joug  d'Aristote  et  de  la  scolastique.  Son  livre,  intitulé  i^â?£^{0- 
nes  peripatelicœ  (Florence,  1569,  in-4°),  eut  un  succès  extraordi- 
naire, en  divisant  les  savants  en  deux  camps  opposés.  Le  pre- 

(1)  Voy.  le  cb.  2  du  li?.  i?  :  El  modo  di  far  elsaggio  d'una  quantità  éCar- 
9tHto  che  tenga  oro. 

(2)  Lib.  X,  c.  9. 

(3)  Voy.  pitts  luHit,  1. 1,  p.  304. 

(4)  Qeschichte  der  Çhemie^  etc.,  1. 1,  p.  332,  342,  3â3. 


4, 


■«. 


52  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

mier,  il  parla  de  la  circulation  du  saDg  dans  le  livre  cité  (II,  12), 
ainsi  que  dans  ses  Quxsiionea  medicœ  (I,  2).  Gésalpin  fut  profes- 
seur à  l'université  de  Pise,  et  premier  médecin  de  Clément  VIII, 
bien  qu'il  passât  pour  un  mauvais  catholique.  Il  mourut  à 
Rome  en  1603,  âgé  de  quatre-vingt-quatre  ans. 

Le  traité  De  metallicis  est  divisé  en  trois  livres  (1).  Dans  le  pre- 
mier, Tauteur  traite  de  la  matière  et  delà  composition  des  corps 
d'après  les  idées  d'Aristote.  Il  définit  les  métaux  (c  des  vapeurs 
condensées  par  le  froid  (  metalla  sunt  vapores  a  frigore  conge- 
lait), »  Il  distingue  les  minéraux  des  végétaux,  en  ce  que  les 
premiers  ne  se  putréfient  pas,  et  qu'ils  ne  fournissent  aucun  ali- 
ment propre  au  dé veloppenient  des  êtres  animés^;  et,  prévoyant 
l'objection  qu'on  pourrait  lui  faire,  il  soutient  que  aies  coquil- 
lages, que  l'on  trouve  incrustés  dans  la  substance  de  certaines 
pierres,  proviennent  de  ce  que  la  mer  avait  autrefois  couvert  la 
terre,  et  qu'en  se  retirant  peu  à  peu,  elle  avait  laissé  des  traces 
de  son  passage.  » 

Il  est  impossible  de  mieux  expliquer  l'origine  des  fossiles. 

L'explication  que  Césalpin  donné  de  l'origine  des  eaux  therma- 
les, dont  plusieurs  sont  si  chaudes  qu'on  peut  y  faire  cuire  des 
œufs,  est  assez  curieuse.  «Cette. chaleur  est,  dit-il,  produite  par 
les  combinaisons  qui  s'opèrent  au  sein  de  la  terre  »  (2).  On 
sait  en  effet  que  presque  tous  les  corps  émettent  de  la  chaleur  au 
moment  de  leur  combinaison. 

En  parlant  des  sels ,  l'auteur  s'arrête  sur  la  préparation  de 
l'alun  de  Rome,  qui  est  encore  aujourd'hui  recherché  dans  le 
commerce. 

«  On  fabrique,  dit-il,  l'alun  avec  une  pierre  qui  se  rencontre 
près  de  Tolfa,  sur  le  territoire  de  Rome.  Cette  pierre  (schiste 
alumineux)  est  blanche  et  molle,  ou  rougeâtre  et  dure  (conte- 
nant de  l'oxyde  de  fer)  ;  de  là  deux  espèces  d'alun,  le  blanc  et  le 
rougeâtre.  Après  avoir  calciné  cette  pierre  dans  des  fourneaux, 
on  l'arrose  d'eau  pendant  plusieurs  jours,  et  on  la  fait  bouillir 
dans  de  l'eau.  Enfin,  ayant  séparé  les  immondices,  on  concentre 
les  eaux-mères  dans  des  chaudières.  C'est  ainsi  que  se  forment 


(1)  De  metallicis  libri  très  y  Andréa  Cœsalpino  Aretino  ymedico  et  philoBO» 
phOy  auctore;  Nuremberg,  1602,  in-4°. 

{').)  Fonks  calidi  exeuntes  mixtionem  corporum,  qoœ  intra  lerratn  eombuniiitory 
signilicant.  Lib.  i,  c.  7. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  53 

les  cristaux  d'alun  transparents  et  anguleux  (cristaux  octaédri- 
ques)  (1).  » 

Le  second  livre  De  metallicis  traite  des  pierres  calcaires,  des 
marbres,  des  pierres  précieuses,  etc.  Le  phénomène  de  la  cristal- 
lisation attira  particulièrement  l'attention  de  Césalpin.  L'auteur 
signala  l'un  des  premiers,  comme  caractère  distinctif  du  règne 
organique  et  du  règne  minéral,  que  l«s  minéraux  sont  seuls  sus- 
ceptibles de  ces  formes  géométriques,  régulières,  qu'ils  revêtent 
pendant  la  cristallisation. 

«  Lorsqu'on  voit,  dit-t-il,  le  nitre,  l'alun,  le  vitriol,  le 
sucre  blanc,  prendre,  par  la  décoction  dans  l'eau,  des  formes 
anguleuses,  et  devenir  des  hexagones,  des  octogones,  des  tu- 
bes, etc.,  on  se  demande  avec  étonnement  pourquoi  les  mêmes 
corps  cristallisent  toujours  avec  les  mêmes  formes.  » 

On  se  rappelle  que ,  longtemps  après  Césalpin ,  Haûy  établit 
comme  une  loi,  depuis  démentie  par  les  faits,  que  les  substances 
de  compositions  différentes  cristallisent  toujours  sous  des  formes 
difTérentes. 

Le  troisième  livre  est  consacré  à  la  description  des  métaux. 

En  parlant  de  la  trempe  du  fer,  l'auteur  remarque  fort  judi- 
cieusement qu'il  y  a  des  eaux  plus  ou  moins  propres  à  cette 
opération  importante.  <(  On  trempe  aussi  le  fer,  dit-il,  afin  de  le 
durcir,  dans  des  sucs  de  diverses  plantes,  comme  dans  du  suc 
de  radis  mélangé  de  lombrics  terrestres  ;  moyen  déjà  proposé  par 
Albert.  » 

Au  cbapitre  du  plomb ,  Césalpin  indique  un  fait  qui,  joint  à 
d'autres  observations,  devait  conduire  à  la  découverte  de  l'oxy- 
gène. «  La  crasse  (sordes)^  dit-il,  qui  recouvre  le  plomb  exposé 
à  l'air  humide,  provient  d'une  subséance  aérienne  qui  augmente  le 
poids  du  métal  (2).  » 

On  sait  aujourd'hui  que  cette  crasse  qui  recouvre  le  plomb  est 
un  oxyde  de  plomb  (combiné  avec  une  certaine  quantité  d'acide 
carbonique),  et  que  c'est  là  ce  qui  augmente  le  poids  du  métal  ; 
mais  on  efface  de  la  mémoire,  par  une  sorte  d'illusion  optique 
du  temps,  les  siècles  d'efforts  qu'il  a  fallu  pour  arriver  à  ac- 
quérir cette  connaissance. 


(1)  De  metallids  9  \Jb,  i,  cap.  21. 

(2)  Aëra  subslanlia  erficit  veluli  sordeni  circa  plumbum ,  unde  aiigetur  ejus 
snbstantia.  Lib»  m,  c.  47. 


54  HISTOIHE  DE  LA  CHIMIE. 

L'auteur  appelle  le  plomb  «  un  «at;<m  qui  nettoie  l'argent  et  Tor, 
dans  la  coupeîlation  »  (1).- 

L'usage  des  crayong  de  plombagine  remonte  au  moins  au  sei- 
zième siècle.  Gésalpin  en  fait  le  premier  mention  en  termes 
non  équivoques.  La  pierre  molybdoide  (iapis  molybdoïdes)  est, 
dit-il  y  de  couleur  noire ,  et  de  l'aspect  du  plomb  ;  elle  est  un 
peu  grasse  au  toucher,  et  tache  les  doigts.  Les  peintres  se  ser- 
vent de  cette  pierre,  taillée  en  pointe,  pour  tracer  des  aessins  ; 
ils  l'appellent  pierre  de  Flandre,  parce  qu'on  les  apporte  de 
la  Belgique.  On  rapporte  que  cette  pierre  se  trouve  aussi  en 
Allemagne,  etc.  » 

La  pierre  molybdoide  de  Gésalpin  est  évidemment  le  gra- 
phite ,  c'est-à-dire  dû  charbon  dans  un  état  d'agrégation  mo- 
léculaire particulier. 

Vantimoine,  dont  on  se  servait,  avec  le  bismuth,  pour  fondre 
des  caractères  d'imprimerie,  rend  fragiles,  comme  le  fait  très- 
bien  observer  Gésalpin^  les  autres  métaux  avec  lesquels  il  à'allie. 

Dans  le  même  chapitre ,  il  est  question  de  la  préparation  du 
verre  faune  d'antimoine,  obtenu  en  faisant  fondre  ensemble  un  mé- 
lange d'antimoine  calciné,  de  borax  et  de  sel  ammoniac. 

La  mine  dldria  était  activement  exploitée  du  temps  de  Gé- 
salpin. «  La  mine  de  mercure,  dit-il,  qu'on  exploite  à  Idria, 
près  Gœritz,  est  une  pierre  friable,  pesante  comme  du  plomb, 
rouge,  et  contenant  des  gouttelettes  brillantes  de  mercure;  on 
l'appelle  cmaôr^  natif  [cinabrium  nativum),..  On  exploite  ce  mi- 
nerai en  le  chauffant  dans  des  vases  de  terre,  d'où  le  mercure  s'é- 
coule dans  d'autres  vases  enfouis  dans  le  sol .  » 

Les  composés  mercuriels,  alors  les  plus  usités,  étaient  l'oxyde 
rouge,  préparé  avec  l'êau-forte,  et  lé  sublimé  blanc,  poison  très- 
corrosif  {venenum  acerrimum).  L'onguent  mercuriel  et  le  préci- 
pité rouge  étaient  vantés  comme  des  spécifiques  contre  le  mal  vé- 
nérien. A  ce  sujet,  Gésalpin  décrit  parfaitement  la  salivation  et 
les  accidents  occasionnés  par  l'administration,  surtout  externe,  dti 
mercure  (2). 

(1)  Est  enim  veluti  sapo  ad  sordes  abstergendas  auri  et  argent!.  Lib.  in,  7. 

(2)  Sed  miriim,  peritnctis  ex  argento  vivo  cum  axungia,  brachiorum  et  crarom 
articulis ,  confluere  magnam  ?iin  pituitae  ad  os ,  unde  iotum  corpus  expurgetur  îd 
morbo  gallico;  quo  remediodolores  sanantur  diuUirni,  et  .ulcéra  e\siccantur;8ed 
aliquando  lingua  ex  coitfluxu  pituitae  adeo  intumescit,  ut  contiueri  in  ore  ne- 
queat ,  et  processu  temporls  nt  plurimum  incidunt  aegrotantes  in  pravas  distilla- 
iioiMMf  «aalMaUiioQes  f4  pordis  palpili^tiQnas*  Lib.  m,  c.  14. 


TROISIEME   EPOUUE.  55 

Césalpin  fut  un  des  esprits  les  plus  éclairés  de  son  temps. 
Très-versé  dans  les  sciences  de  l'antiquité,  il  cite  souvent  Pline, 
Dioscoride,  Galien,  etc.,  tout  en  appréciant  les  travaux  de  ses 
Contemporains. 

§  li. 

Perez  de  Vai^as   et  Tllla-Féii&a« 

L'Espagne^  malgré  les  mines  du  nouveau  monde  que  Ton  était 
si  avide  d'exploiter,  n'a  produit  que  deux  métallurgistes  mar- 
quants, Ferez  de  Vargas  et  de  Villa-Feina. 

Vargas  vivait  vers  le  milieu  du  seizième  siècle.  Il  était  loin  de 
posséder  le  savoir  et  les  talents  d'Agricola,  qu'il  semblait  avoir 
pris  pour  modèle.  Son  ouvrage  sur  la  métallurgie  parut,  en  espa- 
gnol^ sous  le  titre  De  re  metallica,  en  el  quai  se  tratan  diversos  se- 
eretos  del  conocimiento  de  toda  suerte  de  minérales;  Madrid,  1569, 
in-8^ 

L'auteur  admet  la  plupart  des  doctrines  des  alchimistes ,  au 
lieu  de  les  combattre.  Le  sec  et  l'humide,  le  soufre  et  le  mer- 
cure, sont  regardés  par  lui  comme  les  éléments  des  métaux. 
L'or  passe  à  ses  yeux  pour  le  métal  le  plus  parfait,  parce  que  le 
sec  et  l'humide  s'y  trouvent  dans  une  juste  proportion.  La  fusi- 
bilité, la  malléabilité,  l'éclat,  la  couleur,  toutes  les  propriétés 
des  métaux,  dépendent  de  l'action  du  principe  sec  et  du  principe 
humide.  C'est  là  le.  cadre  étroit  que  l'auteur  franchit  rarement. 

On  trouve  cependant  dans  le  traité  de  Vargas  quelques  obser- 
vations qui  méritent  d'être  signalées. 

Uantimoine  est,  selon  l'auteur,  un  métal  dont  le  développe- 
ment n'est  pas  compleL  «Il  entre,  dit-il,  dans  la  composition  du 
métal  des  cloches  ;  et  ce  procédé  vient  des  Vénitiens,  qui  s'en  ser- 
vent communément  (4).  » 

Varsenic  se  rapproche,  par  sa  nature,  de  l'antimoine.  Les  ou- 
vriers qui  le  retirent  des  mines,  ajoute  Vargas,  ont  soin  de  tenir 
la  bouche  fermée  et  pleine  de  vinaigre  ;  car  la  fumée  d'arsenic  les 
empoisonnerait  (2). 

Nous  avons  dit  plus  haut  (3)  que  le  manganèse  était  déjà  connu 

(1)  Ferez  de  Vargas ,  De  re  fneiallica ,  etc,,  lit),  iv,  4. 

(2)  Ibid.,  IV,  8. 

(3)  Voy.  t.  I,  p,  129  de  («t  guvfaj^e, 


S6  HISTOIRE  DE   LA  CHIMIE. 

des  anciens.  Yargas  nous  donne  sur  cette  substance  quelques  in- 
dications précieuses.  «  Le  manganèse^  dit-il,  qui  est  de  cou- 
leur de  rouille  noire,  ne  se  fond  point  seul;  mais^  étant  mêlé  et 
fondu  avec  les  éléments  du  verre,  il  communique  à  cette  subs- 
tance une  couleur  d'eau  limpide  et  transparente  ;  il  purifie  le 
verre  vert  ou  jaune,  et  le  rend  blanc;  les  verriers  et  potiers  se 
servent  de  ce  demi-métal  avec  profit  (1).  » 

C'est  bien  là  Toxyde  noir  de  manganèse,  qui,  étant  employé 
dans  des  proportions  convenables,  blanchit  le  verre  sali  par 
Toxyde  de  fer.  C'est  cette  propriété  qui  Ta  fait  appeler  savon  des 
verriers. 

Le  huitième  livre  du  Traité  de  métallurgie  contient  la  descrip- 
tion de  quelques  procédés  ou  secrets  à  l'usage  du  forgeron ,  du 
doreur,  etc. 

En  parlant  de  la  trempe  du  fer,  Tauteur  insiste  sur  les  colora- 
tions diverses  de  Vader.  «  L'acier  revêt,  dit-il,  quatre  couleurs, 
lorsqu'on  le  chauffe  et  qu'on  le  trempe.  La  première  est  d'un 
blanc  d'argent,  la  seconde  d'un  jaune  doré,  la  troisième  d'une 
nuance  violette,  et  la  quatrième  d'un  gris  cendré.  » 

Yargas  ne  dit  pas  si  l'acier  est  plus  ou  moins  dur.  suivant  qu'il 
prend  chacune  de  ces  nuances. 

a  C'est  aussi  un  secret,  continue-t-il,  de  savoir  tremper  une 
lime,  afin  qu'elle  soit  très-dure  ;  et  cela  se  fait  avec  des  cornes  de 
cerf  ou  des  ongles  de  bœuf,  avec  du  verre  pilé,  du  sel,  le  tout 
trempé  dans  du  vinaigre  ;  on  en  frotte  la  lime,  on  la  fait  chauf- 
fer, et  puis  on  la  plonge  dans  l'eau  froide  (2).  » 

Yargas  comprend  que  la  fabrication  des  limes  est  une  branche 
importante  d'industrie ,  qui  devait  bientôt  se  perfectionner  de 
plus  en  plus. 

«  Si  le  fer,  continue  le  même  auteur,  est  aigre  et  cassant,  il  faut 
le  fondre  avec  de  la  chaux  vive.  —  On  le  rend  également  doux  en 
l'éteignant  dans  du  suc  d'écorces  de  fèves  ou  de  mauve.  » 

L'auteur  prétend  qu'on  peut  rendre  le  fer  aussi  mou  et  aussi 
malléable  que  le  plomb,  parle  procédé  suivant  :  «  On  frotte  le  fer 
avec  de  l'huile  d'amandes  amères,  on  l'enveloppe  d'un  mélange  de 
cire,  de  benjoin  et  de  soude,  et  on  recouvre  le  tout  d'un  lut  fait 
avec  de  la  fiente  de  cheval  et  du  verre  en  poudre;  on  le  laisse 


(f  )  Ferez  de  Yargas,  De  re  metallica,  Mb.  it,  tO. 
(2)  Ibid.,  Tiii,  4. 


TROISIEME  EPOQUE.  57 

ainsi  sur  les  braises  allumées  pendant  toute  une  nuit*,  jusqu'à 
ce  que  le  feu  s'éteigne  de  lui-môme  et  que  le  fer  se  refroi- 
disse (1).  » 
Ce  procédé  rappelle  le  beau  temps  de  Talchimie. 
Gravure  des  métaux.  —  La  méthode  indiquée  par  Vargas  est 
encore  employée  aujourd'hui.  Elle  consiste  à  recouvrir  le  métal 
(argent,  cuivre,  fer,  etc.)  d'une  couche  de  cire,  de  graisse  ou 
mine  de  cinabre,  et  d'y  écrire  avec  de  l'eau-forte.  Le  métal  est 
attaqué  dans  tous  les  points  où  il  a  subi  le  contact  de  l'acide. 

Parmi  les  différents  moyens  de  dorure  décrits  par  Vargas,  nous 
rappellerons  les  deux  suivants  : 

a  Prenez  de  la  gomme  arabique,  de  la  couperose  (  sulfate  de 
fer),  du  sucre  blanc,  du  safran,  parties  égales;  écrivez  avec  ce 
mélange ,  et  appliquez  une  feuille  d'or  sur  les  caractères  ainsi 
tracés.  L'or  s'y  attachera  fortement,  et  lorsqu'il  sera  sec,  vous  le 
brunirez . 

«Pour  dorer  le  bois  et  le  parchemin  à  peu  de  frais,  broyez  fi- 
nement ensemble  du  cristal  et  de  la  gomme  arabique,  et  rédui- 
sez ce  mélange,  avec  un  peu  d'eau,  à  un  état  demi-liquide,  homo- 
gène. Vous  en  mouillerez  un  pinceau,  et  vous  en  oindrez  le  bois 
ou  le  parchemin.  Cela  fait,  vous  frotterez  l'endroit  où  ce  mélange 
a  été  appliqué  avec  une  pièce  d'or,  et  cet  endroit  sera  doré.  » 

Ces  deux  procédés,  purement  mécaniques,  étaient,  surtout  le 
dernier,  fort  usités,  déjà  avant  le  seizième  siècle,  pour  dorer  sur 
bois  ou  sur  parchemin.  Quant  à  la  dorure  sur  métaux  au  moyen 
d'un  amalgame  (mélange  d'or  et  de  mercure),  elle  était  déjà 
connue  des  anciens,  comme  nous  l'avons  montré  (2). 

Quoique  Espagnol  et  vivant  sous  le  règne  de  Philippe  II,  Perez 
de  Vargas  ne  parle  pas  des  mines,  alors  déjà  exploitées,  du  Nou- 
veau Monde.  Ce  silence  a  de  quoi  nous  surprendre. 

11  serait  inutile  de  pousser  plus  loin  notre  analyse  ;  il  est  facile 
de  s'apercevoir  que  Vargas  copie  quelquefois  textuellement  Agri- 
cola  et  Biringuccio,  sans  les  citer. 

Joh.  Arph.  de  Villa-Feina  est  de  quelques  années  postérieur 
à  Vargas.  Son  ouvrage,  intitulé  Quilatador  de  la  plata,  oro  ype- 
dras,  conforme  a  las  leyes  reaies,  Valladolid,  1572,  in-4%  offre 
moins  d'intérêt  que  le  précédent. 

(I)  De  re  metallica ,  etc.,  viii,  4. 
(2)Voy.  1. 1,  p.  127  de  cet  ouvrage. 


S8  HISTOIRE   DE  LA   CHIMIE. 

§12. 
Mines*  — •  Métallari^e. 

Grâce  aux  progrès  de  la  chimie  métallurgique,  Texploita- 
tion  des  mines  était,  au  seizième  siècle,  dans  Tétat  le  plus  flo- 
rissant. 

En  Allemagne,  la  riche  maison  des  Fugger,  les  Rothschild  du 
temps,  accrut  ses  richesses  par  les  revenus  des  mines  de  Neusol 
en  Hongrie,  de  Carinthie,  de  Falkenstein  ehTyrol,  deCazalla  et 
Guadalcanal  en  Espagne.  Les  barons  de  Fugger  étaient  appelés 
en  conseil  par  les  premiers  souverains  de  l'Europe  ;  plus  d'une 
fois  ils  prêtèrent  des  sommes  considérables  à  l'empereur  Char 
les-Quint,  qui,  malgré  l'or  du  Pérou  et  du  Mexique^  se  trouvait 
souvent  sans  argent. 

Les  ordonnances  et  règlements  nombreux  concernant  les  mi- 
nes, rendus  à  divers  intervalles  (4509,  1540,  4545,  4549,  4520, 
4523,  4536,  4550,  4553,  etc.)  par  les  électeurs  de  Saxe,  les  ducs 
de  Brunswick  et  Lunebourg,  les  ducs  de  Wurtemberg,  les  land- 
graves de  Hesse,  les  archiducs  d'Autriche,  les  comtes  de  Hohen- 
stein,  etc.,  témoignent  de  la  sollicitude  qu'on  avait  alors  pour 
cette  branche  si  importante  de  l'industrie. 

Agricola  et  Mathesius  vantent  les  richesses  de  l'Erzgebirge  et 
de  la  Misnie  ;  le  poète  Siber  chante  la  prospérité  naissante  de 
la  ville  de  Freyberg  (4).  Les  mines  d'argent  de  cette  ville  pro- 
duisaient annuellement  environ  300  à  400,000  fr.  de  notre  mon- 
naie. 

Les  mines  d'Ehrenfriedersdorf,  de  Wôlkenstein,  d'Ebersdorf, 
de  Thum,  de  Tretbach,  de  Hohenstein,  de  Geyer,  de  Troppau, 
d'Altenberg,  de Schneeberg,  de  Marienberg,  etc.,  étaient  dans  qn 
état  non  moins  prospère  (2). 

Les  mines  d'Eisleben,  deMansfeld,  de  Polfeld,  près  de  Sangers- 
hausen  en  Thuringe,  fournissaient  beaucoup  de  cuivre  argentifère 
dont  l'affinage  procurait  de  notables  bénéfices. 

La  cadmie,  qui' s'attache  aux  parois  des  fourneaux  dans  les- 
quelson  chaufTe  des  minerais  zincifères,  avait  été,  ainsi  que  nous 

(1)  Poemata  sacra;  Basil.,  1556,  in-8". 

(2)  Voy.  Mathesius,  —  Agricola ,  —  Meltzer  (  Historia  Schneeberçensis  ),  — 
Mellor  {Thear.  çhem-  Freybergense),  —  Lfmpe  (Hagazin  der  Bergbaukunde), 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  59 

l'avons  VU  plus  haut, ^utilisée  par  les  Grecs  et  les  Romains  (1). 
Mais  au  moyen  âge,  où  la  civilisation  industrielle  était,  sous  beau* 
coup  de  rapports,  fort  en  arrière  de  celle  de  l'antiquité,  on  reje- 
tait comme  inutile  cette  matière ,  qui  s'attache  aux  parois  des 
fourneaux.  Ce  ne  fut  que  vers  le  milieu  du  seizième  siècle  qu'un 
savant  de  Nuremberg,  Erasmns" Ebener,  fit  voir,  comme  une 
chose  nouvelle,  que  la  cadmie  des  fourneaux  est  aussi  bonne  à 
faire  du  laiton  que  la  cadmie^ ou  calamine  naturelle.  En  même 
temps  il  fonda  9  près  de  Goslar,  une  importante  fabrique  de 
laiton  (S);  et  à  la  même  époque  Christophe  Sander  établit, 
dans  le  voisinage  de  Goslar,  une  fabrique  de  vitriol  blanc  (sulfate 
de  zinc }. 

Les  mines  d'argent,  de  cuivre  et  de  plomb  d'Iberg,  d'Ilefeld, 
de  Wildenmann^  de  Zellerfeld,  de  Lauterberg,  de  Rammels- 
berg,  répandaient  Taisance  et  la  prospérité  dans  les  contrées  du 
Harz. 

La  Westphaiie,  la  Hesse,  la  Thuringe,  ne  restèrent  pas  en  re- 
tard de  ce  mouvement.  Les  mines  de  fer  et  de  cuivre  d'Arens* 
berg,  de  Trêves,  de  Bihteiuj  de  Corbach^d'Ilmenau,  de  Saalfeld, 
et  de  beaucoup  d'autres  endroits,  étaient  tout  aussi  activement 
exploitées. 

11  serait  trop  long  d'énumérer  les  différentes  localités  de  la  Bo- 
hême, de  la  Moravie,  de  l'Autriche,  de  la  Bavière,  qui  se  fai- 
saient toutes  également  remarquer  par  leur  industrie  métallur- 
gique (3). 

En  Francêy  les  mines  étaient^  vers  la  même  époque,  dans  un  état 
un  peu  moins  prospère.  La  plupart  des  travaux  métallurgiques 
avaient  été  suspendus  ou  abandonnés  pendant  les  guerres  de  la 
Ligue. 

Le  droit  d'exploitation  était  conféré  par  les  rois  à  des  particu- 
liers qui,  en  retour,  s'engageaient  à  payer  à  la  couronne  une 
certaine  partie  des  revenus.  C'est  ainsi  que  Henri  III  avait  con- 
cédé aux  sieurs  Ëscot  et  Alonge  le  droit  d'exploiter  les  mines  de 
la  Provence^  du  Dauphiné,  de  la  Bourgogne,  du  Beaujolais  et  du 
Maçonnais. 

(1)  Voy.t.  I,  p.  138. 

(2)  GaWor,  ffisL  Nackrichten  von  den  Oher  uïid  Unter-Barzischen  Berg- 
werken.  Bninsw.;  1765,  hi-fôl.  Retlimeier,  Btaunschw.  Liinebtirg,  Chronick, 
Bransw.,  1T22,  in-fpl. 

(3)  Voy.  Gmelin ,  Ge^chichte  der  Chemie^  1. 1,  p.  394. 


60  UlSTOia£  D£  LA  CHIMIE. 

La  Champagne  était  renommée  par  ses  forges  et  ses  fabriques 
d'acier.  En  1524,  on  découvrit,  près  de  Langres,  des  filons  de  mi- 
nerai d'or  et  d'argent. 

L'Alsace  et  la  Lorraine ,  qui  n'appartenaient  pas  encore  à  la 
France,  étaient  depuis  longtemps  célèbres  dans  les  fastes  métal- 
lurgiques par  leurs  mines  d'argent,  de  cuivre  et  de  plomb. 

Les  mines  des  Pyrénées,  et  en  particulier  celles  du  comté  de 
Foix,  continuèrent  à  maintenir  leur  antique  réputation  (1). 

La  ISorwége  et  la  Suède  étaient  déjà  connues  pour  leurs  mines 
de  fer  et  de  cuivre.  Les  forges  d'Osmund ,  de  Rupferdal,  d'Ad- 
vidha  en  Ostgothie,  de  Stahlberg,  étaient  en  pleine  activité. 

En  Angleterre,  la  reine  Elisabeth  favorisa  de  tout  son  pouvoir 
l'industrie  métallurgique.  Elle  fit  venir  de  l'étranger,  et  notam- 
ment de  l'Allemagne,  des  ouvriers  habiles,  pour  les  faire  tra- 
vailler dans  les  mines  d'étain  et  de  cuivre  de  Comouailles  et  de 
Norlhumberland,  et  elle  fonda  deux  sociétés  industrielles  {Sodety 
of  royal  mine,  Society  for  minerais  and  hatlering  works),  dont  le 
comte  Pembroke  fut  nommé  président. 

On  lit  dans  les  relations  de  Marco  Polo,  de  Rubriquez  et 
d'autres  voyageurs,  que  les  pays  de  l'Orient,  la  Turquie,  la  Perse, 
la  Tartarie,  l'Inde,  pouvaient  alors  rivaliser,  parleurs  richesses 
métalliques,  avec  les  pays  de  l'Occident. 

Un  événement  capital  pour  la  métallurgie,  comme  pour  toutes 
les  sciences  en  général ,  fut  la  découverte  de  l'Amérique. 

Pei sonne  n'ignore  l'histoire  de  ces  lointaines  et  périlleuses  na- 
vigations qui  eurent  pour  résultat  de  révéler  l'existence  d'un 
nouvel  hémisphère,  demeuré  inconnu  depuis  la  création  du  monde 
à  l'hémisphère  opposé.  Il  serait  donc  inutile  d'y  insister.  Mais  il 
nous  importe  de  rappeler  tout  ce  qui  se  rattache  au  sujet  qui 
nous  intéresse. 

Dans  les  premières  années  qui  suivirent  la  découverte  de  l'A- 
mérique ,  les  Espagnols  n'étaient  occupés  qu'à  extorquer  des  in- 
digènes tout  l'or  et  l'argent  que  ceux-ci  avaient  amassés.  Cène  fut 
qu'après  avoir  épuisé  ces  faciles  trésors  qu'ils  songèrent  à  ex- 
ploiter les  mines  de  ces  pays  nouveaux.  L'île  que  Christophe  Co- 
lomb avait  le  premier  abordée  fut  aussi  la  première  exploitée. 

(1)  Jean  de  Malus,  Recherches  et  découvertes  des  mines  des  Pyrénées,  faites 
en  1600,  et  rédigées  par  J.  Dupuy;  Bordeaux,  1601,  in- 12.  — Pour  plus  de 
détails  sur  l'état  des  mines  en  France  au  xvi*'  siècle,  consultez  Gobet,  Anciens 
minéralogistes  de  France^  t.  II. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  61 

Rodrigue  d'Alcaçar  obtint ,  en  I5O6,  du  roi  d'Espagne ,  un  privi- 
légequi  lui  concédait  toutes  les  mines  de  Saint-Don) ingue  moyen- 
nant une  redevance  de  un  pour  cerit.  Cet  industriel  gagna ,  en 
très-peu  de  temps ,  une  fortune  immense;  mais  le  gouvernement 
lui  relira  bientôt  son  privilège  (i). 

On  allait  surtout  à  la  recherche  du  sable  d'or,  qui  était  soumis 
à  des  procédés  de  lavage  déjà  connus  des  anciens.  L'or  retiré  des 
mines  deCibaoetdes  lieux  circonvoisins  était  transporté  à  Buena- 
Yentura  et  à  la  Conception^  où  on  le  faisait  fondre  et  affiner. 
Chaque  fonte  qui  se  faisait  dans  la  ville  de  Buena- Ventura  était 
estimée,  selon  Herrera,  à  environ  120, 000 />^i^  (poids),  le /7«.<o  va- 
lant 4  francs  50  centimes  de  notre  monnaie.  Les  fontes  de  la 
ville  de  la  Conception  étaient  de  125  à  130,000  pesi.  On  tirait 
chaque  année  des  mines  de  Saint-Domingue  un  peu  plus  de 
460,000  pgsi  d'or. 

Femand  Cortez  aborda,  en  1519,  au  Mexique  avec  une  poignée 
d'aventuriers.  Les  présents,  envoyés  à  ce  hardi  conquérant  par 
Montezuma,  montrent  que  les 'Mexicains  étaient  loin  d'être  une 
nation  sauvage,  et  que  la  culture  des  arts  ne  leur  était  pas 
étrangère. 

Parmi  ces  présents ,  on  remarquait  des  miroirs  faits  a  d'un 
certain  métal  très-beau ,  qui  reluit  comme  de  l'argent»  (platine?), 
de  forme  arrondie  et  encadrés  d'or;  —  de  petites  pierres  d'or  re- 
présentant des  grenouilles  et  d'autres  animaux;  —  des  médailles 
grandes  et  petites ,  dont  le  travail  et  la  rareté  valaient  plus  que 
l'or  et  l'argent  dont  elles  étaient  faites  ;  —  deux  roues  de  la  di- 
mension d'une  roue  de  carrosse  ordinaire ,  l'une  d'or,  dans  la- 
quelle était  figuré  le  soleil  avec  des  rayons ,  des  feuillages  et  des 
animaux  ;  l'autre  d'argent,  représentant  la  lune  (2);  —  un  casque 
de  lames  d'or,  avec  des  sonnettes  attachées  autour  de  la  cime  du 
casque;  —des  panaches  de  diverses  plumes^  au  bout  desquelles 
pendaient  des  mailles  d'or;  —  des  armures  d'or  et  d'argent,  en- 
jolivées de  plumes  et  fixées  sur  du  cuir  fort  bien  corroyé  ;  —  des 
chasse-mouches  de  plumes  très-riches;  —  des  escarpins  et  des 

(i)  Histoire  générale  des  voyages  et  conquêtes  des  Castillans  dans  les  In^ 
des  occidentales^  par  Ant.  Herrera,  historiographe  de  Sa  Majesté  Cathoiix]ue  (trad* 
de  la  Coste)  ;  Paris,  1660,  in-4°,  1. 1,  pag.  459. 

(2)  L*idée  de  représenter  symboliquement  le  soleil  par  l'or,  et  la  lune  par  l'ar- 
gent ,  n'est  pas  seulement  propre  aux  alchimistes  ;  elle  se  retrouve,  comme  00 
voit,  chez  presque  tooteè  k»  Dations  du  globe^  - 


62  UISTOmS  D£  LA  GUIMIË. 

sandales  de  cuir  cousu  avec  du  fil  d'or;  '—  des  tissus  de  cqtoo 
d'une  finesse  e^^trême,  etc.  (1). 

Uhistoire  de  la  civilisation  industrielle  des  Mexicains  se  re- 
trouve  dans  ces  présents  donnés  àCortez.  . 

La  magnificence  du  temple  de  Mexico  et  le  pabis  de,  Mcmte- 
zuma  témoignent  également  d'une  civilisation  assez  avancée. 

Au  nombre  des  questions  que  Cortez  fit  à  Montezuma  devait 
se  trouver  naturellement  celle  de  savoir  de  quel  endroit  le  roi  tirait 
son  or;  car  c'était  surtout  là  le  but  de  son  entreprise.  Montessumia 
répondit  qu'il  y  avait  de  l'or  dans  trois  endroits;  que  celui  d'6ù 
l'on  en  tirait  le  plus  était  situé  dans  une  province  ap|>elée  Zaca^ 
-  tulOf  au  midi,  à  dix  ou  douze  journées  de  Mexico;  que,  près 
de  là,  il  y  avait  une  autre  province,  nommée  Chiuantklà ,  éga* 
lement  riche  en  or  ;  ei  qu'enfin  il  en  trouverait  cbez  les  Zapo-» 
tecas. 

Montezuma  avait 'donné  de  riches  présents,  afin  de  se  débar- 
rasser de  ses  hôtes  aussi  incommodes  qu'inattendus.  Les  faibles 
princes  du  Bas-Empire  en  avaient  fait  autant  à  l'égard  des  Bul«> 
gares ,  des  Esçlavons  et  des  Huns.  Mais  partout  la  vue  de  l'or  ne 
fait  qu'exciter  davantage  la  cupidité  de  l'homme,  comme  la  Tue 
du  sang,  loin  d'apaiser  le  tigre,  ne  le  rend  que  plus  féroce.  La 
conquête  du  Mexique  se  fit  comme  se  font  toutes  les  conquêtes  : 
les  indigènes ,  mécontents  de  leur  gouvernement,  loin  de  s'unir 
pour  repousser  l'ennemi  commun,  comme  c'était  leur  devoir, 
l'aidèrent  au  contraire  daps  son  entreprise.Des  caciques  insoumis 
saisirent  cette  occasion  pour  rompre  tous  les  liens  de  l'autorité. 

La  conquête  du  Pérou  par  Pizzaro  ressemble  à  celle  du  Mexi- 
que par  Cortez.  Une  poignée  d'hommes  s'empare  d'un  vaste 
pays  bien  peuplé,  et  abondant  eh  produits  de  toutes  espèces. 

Les  voyageurs  d'alors  ne  tarissent  pas  en  descriptions  plus  ou 
moins  exactes  sur  la  magnificence  du  palais  des  lucas,  le  temple 
du  Soleil  resplendissant  d'or  et  d'argent,  et  sur  l'immense  butin 
que  les  Espagnols  retirèrent  du  Pérou. 

L'histoire  des  mines  de  Potosi  présente  un  intérêt  particu- 
lire.  On  raconte  à  ce  sujet  qu'un  Indien  nommé  Gualpa, 
courant  un  jour  dans  les  montagnes  à  la  poursuite  d'un  gibier, 
arracha,  en  voulant  se  soutenir,  un  arbrisseau  dont  les  racines 


(1)  Herrera,  Histoire  générale  des  voyages  ei  conquêtes,  etc.,  p.  491. 


TROISIÈME  EPOQUE.  6«3 

étaient  recouvertes  d'un  minerai  brillant  qui  fut  reconnu  pour  de 
l'argent  (1). 

Après  quelques  contestations  entre  Gualpa ,  un  autre  Indien  et 
un  Espagnol  nommé  Yillaréal,  les  mines  de  Potosi  furent  décla- 
rées ouvertes  le  21  avril  1545. 

La  montagne  de  Potosi  renferme  quatre  veines  :  la  ricca  (  ri- 
che),  la  centenoy  la  mendteta^  et  la  veine  d'étain.  Toutes  ces  veines 
sont  situées  dans  la  partie  orientale  de  la  montagne ,  et  s'éten- 
dent du  nord  au  sud  (2).  «  Cette  montagne,  dit  Ulloa ,  ressemble, 
dans  son  intérieur,  à  une  ruche  à  miel,  moins  sa  régularité^  à 
cause  de  son  grand  nombre  de  percements ,  de  galeries,  de 
fouilles  qu'on  y  remarque.  S'il  était  donc  possible  de  bien  en- 
lever tout  d'un  coup  la  croûte  qui  la  recouvre,  on  y  apercevrait 
un  nombre  infini  de  routes  souterraines  percées  sans  suite  et 
comme  au  hasard ,  selon  la  direction  des  veines  métalliques  (3).  » 

Le  procédé  ordinaire  de  l'extraction  et  de  l'affinage  de  l'argent, 
employé  primitivement,  consistait  à  calciner  le  minerai  dans  de 
petits  fourneaux  construits  sur  les  côtés  des  montagnes ,  exposés 
au  vent  :  ces  fourneaux  s'appelaient  gayras.  Le  minerai  était 
fondu  avec  une  matière  métallique ,  nommée  par  les  Indiens  êo- 
roche,  et  qui,  d'après  ce  qu'en  dit  Acosta,  n'était  autre  cbosequç 
du  plomb.  C'est  donc  la  coupellation  qu'employaient  les  Indiens 
pour  affiner  l'argent. 

Un  quintal  de  minerai  riche  donnait  d'ordinaire  30, 40  et  mèipe 
50  pesi  d'argent.  Le  minerai  pauvre  ne  rendait  environ  que 
6  pesi.  Il  y  avait  à  Potosi  une  grande  quantité  de  ces  minerais 
pauvres,  dont  on  ne  faisait  aucun  cas ^  et  que  l'on  continuait  à 
rejeter  avec  les  scories,  jusqu'au  moment  où  l'on  eut  adopté  le 
procédé  par  amalgamation,  qui  avait  été  employé  au  Mexique  dès 
l'année  1566. 

Acosta  nous  apprend  que ,  pendant  le  gouvernement  de  don 
Francesco  de  Tolède,  il  arriva  au  Pérou  un  honmie  qui  avait  été 
longtemps  au  Mexique^  et  qui  avait  remarqué  qu'on  extrayait 
l'argent  au  moyen  du  mercure  ;  c'était  Pero  Fernandez  de  V^ 

(1)  Histoire  naturelle  et  morale  des  Indes  tant  orientales  qu^occidentales, 
par  Jo&eph  AcosU  (irad.  par  R.  R^gqault);  Paris,  1608,  io-8*^^  lib.  it,  c.  5.    , 

(2)  ibid.,  lib.  lY,  c.  8.       . 

(3)  Mémoires  philosophiques ,  historiques ,  physiques ,  concernant  la  dé* 
couverte  de  V Amérique,  etc.,  par  don  Ulloa,  lieuteoaDt  général  des  armées  na- 
vales de  TEspagne ,  commandant  au  Pérou  >  t.  I,  p.  288  (Paris,  1787,  in-8^). 


61  HISTOIRE  B£  LA   CHIMIE. 

lasco  (1).  Il  s'offrit  à  traiter,  par  le  môme  procédé,  les  mines  de 
Potosi;  ce  qui  eut  lieu  en  1571.  Comme  si  tout  devait  contribuer 
à  la  prospérité  de  ces  mines  et  à  la  réussite  du  nouveau  procédé, 
on  venait  de  découvrir  les  riches  mines  de  cinabre  de  Guancavit- 
lea;  on  pouvait  donc  se  dispenser  de  faire  venir  le  mercure  de 
TEspagne.  Il  se  consommait  annuellement  environ  sept  mille 
quintaux  de  mercure  dans  les  mines  de  Potosi. 

Voici  les  détails  qu'Acosta  nous  donne  sur  ce  procédé  :  on 
pile  le  minerai  de  manière  à  le  réduire  en  une  poudre  très-fine 
que  Ton  jette  dans  dés  espèces  d'auges  de  cuivre.  On  y  ajoute  un 
dixième  de  sel  commun ,  a  afin  que  le  métal  se  débarrasse  de  la 
terre  et  de  ses  ordures;  »  puis  on  y  fait  tomber  une  pluie  de 
mercure,  en  remuant  constamment  le  mélange.  Lorsque  l'argent 
est  bien  imprégné  de  mercure  et  que  l'amalgame  est  bien  formé, 
on  le  fait  chauffer  légèrement  dans  des  fours  à  une  faible  tem- 
pérature; après  cela,  on  met  le  tout  dans  des  vaisseaux  pleins 
d'eau  qui ,  étant  tournés  et  agités  par  des  roues ,  laissent  déposer 
l'amalgame  qui  se  sépare  des  impuretés  ;  on  le  lave  une  seconde 
fois  dans  des  cuves  pleines  d'eau;  enfin  on  le  comprime  dans  un 
linge  ou  dans  une  peau;  lé  mercure  sort  par  les  pores,  et  l'ar- 
gent reste  à  peu  près  pur.  —  Pour  lui  enlever  les  dernières  traces 
de  mercure ,  on  le  faisait  fondre  et  on  le  soumettait  quelquefois 
à  la  coupellation. 

11  n'entre  pas  dans  notre  plan  de  faire  la  statistique  des  ri- 
chesses métallique^  retirées,  pendant  le  xvi® siècle,  des  diverses 
contrées  de  l'Amérique  (2).  Mais  nous  rappellerons  que  ces  mon- 
ceaux d'or  du  Pérou  et  du  Mexique  ont  été  plus  funestes  à  la 
monarchie  espagnole  que  ne  l'auraient  été  la  guerre ,  la  peste  et 
la  famine.  Et  en  voici  les  raisons. 

D'abord,  toute  la  population  des  campagnes  se  précipitait 
dans  les  villes,  et  delà  elle  partait  pour  le  Nouveau  Monde,  non 
pas  certes  pour  y  cultiver  les  arts  ou  y  exercer  des  métiers  utiles, 
mais  pour  suivre  les  penchants  dépravés  de  la  paresse,  de  l'a- 
varice et  de  la  cupidité.  Loin  donc  que  les  richesses,  transportées 
annuellement  de  l'Amérique  en  Europe,  fussent  employées  à  ré- 

(1)  L*auteur  de  ce  procédé ,  déconvert  en  1557^  paraît  avoir  élé  un  mineur  de 
Paciiclia  (Mexique),  nommé  Barlholomé  de  Médina.  Yoy.  Alex,  de  Humboldt, 
sur  V amalgamation  des  minerais  chargent  usitée  au  Mexique  *àans  les  An- 
nales de  Chimie,  vol.  LXXVI,  p.  204-225. 

(2)F.  Gmelin,  Geschichte  dex  ChemiCy  1. 1,  p.  439-472. 


TROISIÈME  EPOQUE.  65 

parer  les  pertes  de  l'agriculture,  elles  ne  firent  qu'en  accélérer 
la  décadence ,  et.  la  plus  grande  misère  ne  tarda  point  à  percer 
à  travers  les  dehors  brillants ,  qui  en  tout  temps  en  imposent 
malheureusement  à  l'immense  majorité  des  hommes.  Les  troupes, 
mal  payées,  se  soulevaient;  les  provinces ,  soumises  à  des  im- 
pôts vexatoires,  arboraient  l'étendard  de  la  révolte  en  proclamant 
l'indépendance.  Le  souverain  lui-même  manquait,  faute  d'argent, 
à  ses  engagements  les  plus  sacrés.  Philippe  lî  refusa  de  payer  les 
intérêts  des  sommes  qu'on  lui  avait  prêtées,  et  ce  fier  monarque, 
dans  les  États  duquel  le  soleil  ne  se  couchait  jamais ,  fit  banque- 
route à  la  face  du  monde. 


§13. 


La  découverte  du  Nouveau -Monde  mit  soudain  en  circulation, 
comme  de  nos  jours  la  découverte  des  mines  aurifères  de  Califor- 
nie et  de  l'Australie ,  une  quantité  prodigieuse  d'or.  Comme  ce 
métal  se  rencontre  presque  toujours  à  l'état  natif,  mais  allié  avec 
de  l'argent  en  proportions  variables ,  il  était  naturel  de  songer  à 
trouver  un  procédé  plus  exact  que  celui  du  cément  royal  (soufre 
et  antimoine  )  pour  séparer  ces  deux  métaux  l'un  de  l'autre. 

Les  alchimistes  connaissaient  depuis  longtemps'la  propriété  qu'a 
Teau-forte  de  dissoudre  l'argent  et  de  laisser  l'or  intact.  Ce  fut 
donc  à  eux  que  les  monnayeurs  empruntèrent  leur  eau  de  départ 
(aquachrysiUca), 

Un  nommé  Cointe  introduisit,  sous  le  règne  de  François  1% 
l'emploi  de  l'eau-forte  dans  la  Monnaie  de  Paris.  Des  auteurs 
presque  contemporains  (  Budé,  Savot,  etc.)  racontent  que  Cointe 
tenait  cette  opération  d'abord  secrète,  et  qu'il  la  croyait  ou  fei- 
gnait de  la  croire  très-dangereuse;  a  car  il  disoitque  la  fumée 
d'icelle  estoit  fort  pernicieuse  à  la  santé;  de  sorte  qu'il  y  faisoil 
travailler  par  un  serviteur,  lui  n'y  prenant  garde  que  de  loin  (1).  » 
Cointe  et  son  fils  gagnèrent  une  fortune  considérable.  Une  or- 
donnance de  François  I^,  datée  de  Blois  le  19  mars  1540,  porte 
(art.  44)  que  «  les  gages  des  essayeurs  de  la  monnaie  seront  aug- 
mentés de  moitié,  pour  raison  de  ce  départ  avec  l'eau-forte  ». 

(I)  Savot,  Traité  de  A/é/a//tir^f e ,  cliap.  vt,  p.  73. 

HIftT.  DE  L\  CniMIR.  —  T.   II.  v  6 


66  HISTOIRE  DE  LA  GUIBUE. 

Quelques  années  plus  tard,  ruàkge'de  Péau-fprte  deviiît  si  com- 
mun que  Ton  s'en  seiraitfi'âddùleusemeht  pôttr/a2)i^f'Ie^'p1èc^^ 
d'argent.  Une  ordonùànce'dé  Chafïés  ÏX,  d6httiSë'eiîfô6ï;'ptt)S- 
'crit  formellement  cette  industrie  coupable,  à  Nous'âéfenilons^  y 
est-il  dit  (  art.  3),  allouer  t&  recevoir  aucune  espëùe  d'ôif'nî  d^ï- 
gent  visiblement  rognée  ;bt(/it?/(^  par  tëàé-ftnie}  ïéisfijaellés  és- 
'pèçés  rognées' pu  lavéék  h6ui^  avôÀs  tdtalëriient  deàtei*iées,  et  se- 
ront mises  au  feu  pour  liillôd(i).V      /    ^     ' 

pnsavaitidéjà  à  cette  époque  ddnà  quelles limités'là  niëtfaode'du 
départ  par  reau-fdrte  étiiit  prtt{dabïë;'Àirt6i;  oti'fa^pioraitp 
si  dans  un  alliage  il  y  a  beaucoup  plui^  d^or  qiië  â'àrjgëllt',  iSààii- 
forte  n'agira  aucunement,  et  qu'il  faut  qu'il  y  ait  au  moins  deux 
tiers  d'argent  pour  un  tiers  d'ôr.  Ùes  proportions  que  l'on  préfé- 
rait, comme  cela  se  pratique  encore  aujourd'hui ,  étaient  de  trois 
parties  d'argent  pour  une  jpaHié  d*dr,  de  manière  que  cette  der- 
nièrepartie  fît  le  raar^  du  total  de  l'alliage,  De  là  les  expressions 
dHnqtiarier  et  d'tn^ar^àf^ôn^).  L'alliage  ëtiait  ènâûitéàitta^é'^r 
l'eau-forte  :  l'or  se  réuùi^sait  au  f(Aid  soiis  fo^&ie'aé  pbpfdrei^et 
l'argent  était  J;)récîpîtè  par  uiië  îJîècé  di^  cûiVrë,  «  quî^^^cëtle 
propriété  partiôulîère  de  tirer  à  sbi'tbùt  l'aii^tit  quî^eâ'bit^dis- 
sous  dans  l'ëaû-forte  ;  s'il  y  a  dti  cuivre  disâoùè'  dans  l'ëaii^-fcirié, 
on  l'en  retire  parle  moyen  du  fer,  de  mémé'qicè' ràirgéàtVéH'rfe- 
tire  par  le  moyen  du  cùlvrè  (3)  )i.  ^         •  '     *  '      '''''-     - 

C'est  cette  substitution  que  les  chîmràtes  méàiilurgtstes^  du 
XVI*  siècle  reprochaient  aux  alchimistes  d'avoir  pris  pour  liué 
véritable  transmutation.  ■  '  ■       ■'  '' 

La  méthode  expérimentale  commençaitdéjàà  porter  sels frnfts. 
En  battant  en  brèche  lek  doctrines  des  anciens,  elle' iehribhissait 
la  science  ae  faits  nouveaux.  '    "       m.  :*  oj-  . 


>:=•■■•  ;    .'• 


,1 


»  :  .  I         '       ,  .  '       .      I        •  \        ■  ■  .  I .  .     .         '  "... 

(1)  Sommaire  des  édits  et  ordonnances  royàulx,  concernant!  fa  cour  dis 
monnayes  et  officiers  particuliers  d*U:elleSféUi.  Maiiudcritii^  Ïi3, 1n-4^  (  jnilii- 
pradence),  delà  Bibliothèque  dé  rArsenal.     '      '  ■        ?:  :'       '.•'.;'. 

(2J  Voiy*  p.  50dB  ce  ToiunWB.  .'      ,; 

(3)  Sâtrot,  Traàtéde  Métallurgie^  <;lj8p.  ti,  p.  74.       ,  ,  -^i 


,:      •/■•  5  .  >    ..    .• 


T^ROISIÉttE  ÉPOiitiÊ;  67 


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CHIMIE  TEGHNIQDE. 


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mard  PaliMj. 

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Bernard  Pajissy  doit' être  considéré  comme  le  représentant 
de  la  chimie  technique  ei  expérimentale  au  xVi®  siècle. 

C'est  un  des  hommes  qui  se  sont  le  plus  attachés  ^  pendant  ce 
grand  siècle,  àproclàimer  la  supériorité  dé rexpëriencé  sur  Tàû- 
torité  des  maiti^es,  et  à  combattre  les  tlïéories  sorties  du  cerveau 
d^^^Mdèoplies;      ;  '      ^  - '  •     -   ^      '  '  "^^      '/        '[ 

On  faîi,  si  je  ne  ihe  trompe,' trop  d'hdnneuraù  chancelier  Bacon, 
en  le  représentant  pour  ainsi  dire  comme  le  créateur  de  la  méthode 
expérimentale  (1).  François  Bacôii  était  encore  enfant  lorsque  Pa- 
lissy  éûséîgnait  déjà  publiquement  qiie  pouf*  atteindre  la  vérité 
il'  e^  nécessaire  de 'consulter  *rexpériérice.'*((' Je  n'ai  point  eu, 
dît-il,  d'autre  livre  qïie  lé  ciel  ef  ta  têrrè,  Tequér est  connu  àè 
tous;  et  est  donné  à  tous  de  côn'noistré  et  lire  ce  béaii  livre.» 

Le  potier  de  tetre  d^Agen  fait  époque  dans  ITiistoîre  de  la  chi- 
mie, coniine  le  chancelier  d'Angleterre  dàùs  l'histoire  de  la  phi- 
losôptiie.  Ces  deux  hommes  se  ressemblent  intellectuelieiùent  par 
là  dil^ectioû  qu'ils  ont  imprimée  àuii  Sciences  d'observation. 
"On  fgiiotfe  Paniiéé^réctsé  dë'ta' naissance  dé  Bertiard  Palissy. 
Suivant  d*Àtlbigné,  il'tiaquît  en  149^,  dans  lé  diocèse  d'Agen!  On 
ne  sait  rieri  dès  ^rè'iniérés  âiiiiées  de  sa  jeunesse,  qu^il  parait 
avoir  consacrées  à  l'étude  du  dessin,  de  la  géôndétriè  pratique  et 
de  l'arpentage. 

C'ôàt  vers  l'année  1544  que  B.  Palissy  s'éprit  d'une  belle  pas- 
sion pour  la  préparation  des  émaux  a*ppliqùés  à  la  poterie.  Il  n'at- 

(1)  Noos  sommes  beureux.de  constater  que  cette  opinion,  qui  à  l'époque  où  nous 
l'avions  émise  (en  1842)  aviit  l'air  d'un  paradoxe,  est  aujqurdliui  partagée  par  des 
liommes  d'une  grande  autorité.  Il  nous  suffira  de  citer,  entre  autres,  M.  le  baron 
Liebig  (7}iscours  prononcé  en  1863  à  T  Académie  des  sciences  de  Munich  ). 


5. 


68  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

teignit  son  but  qu'après  de  longues  années  de  recherches  et  de 
tribulations.  Nous  l'entendrons  plus  loin  raconter  lui-même  les 
principaux  incidents  d'une  vie  si  bien  remplie. 

Dévoué  au  caMnisme ,  qui  commençait  alors  à  se  répandre 
dans  le  midi  et  Touest  de  la  France,  Palissy  fut  impliqué  dans 
les  guerres  civiles  qui  désolaient  la  Saintonge,  sa  contrée  natale. 
L'édit  de  Henri  II  donné  à  Écouen,  au  mois  de  juin  1559,  sema 
l'alarme  parmi  les  calvinistes.  Un  grand  nombre  de  réformés  fu- 
rent condamnés  à  mort  par  des  juges  royaux.  Palissy  obtint  une 
sauvegarde  du  duc  de  Montpensier;  mais,  malgré  cette  sauvegarde 
du  commandant  del'armée  royale,  il  fut  arrêté  et  traîné  en  prison; 
son  atelier,  construit  à  grands  frais,  fut  démoli.  Menacé  de  mort, 
il  ne  fut  sauvé  que  par  la  protection  du  comte  de  la  Rochefou- 
cauld ,  du  sire  de  Pons ,  du  baron  de  Jarnac  et  du  seigneur  de 
Burie.  Tout  le  monde ,  excepté  les  juges  de  Saintes,  s'intéressait 
au  sort  du  malheureux  ouvrier  de  terre ,  inventeur  des  rustiques 
figulineSf  comme  il  aimait  à  s'intituler  lui-même.  De  Saintes  il 
fut  conduit ,  pendant  la  nuit,  dans  les  prisons  de  Bordeaux.  Enfin, 
il  aurait  subi  le  sort  de  tant  d'autres  huguenots,  si  le  grand 
connétable,  duc  de  Montmorency,  n'était  pas  intervenu  en  sa 
faveur  auprès  de  la  reine  mère ,  la  fameuse  Catherine  de  Mé- 
dicis.  Palissy^  mis  en  liberté,  s'attacha,  par  reconnaissance, 
au  service  du  roi,  de  la  reine  mère  et  du  connétable.  Il  fut  em- 
ployé à  embellir  des  chefs-d'œuvre  de  son  art  plusieurs  châteaux 
royaux  et  particulièrement  celui  d'Écouen. 

Rendu  à  ses  travaux,  Palissy  se  livra  avec  ardeur  à  la  chimie  ^ 
à  l'agriculture  et  à  l'histoire  naturelle.  Le  premier,  il  eut  l'idée 
de  former  à  Paris  un  cabinet  de  géologie^  et  de  minéralogie.  II 
y  fit  des  conférences  publiques,  auxquelles*  assistaient  les 
membres  les  plus  savants  de  la  Sorbonne ,  du  parlement  et  de  la 
faculté  de  médecine.  Il  demeurait  aux  Tuileries,  ainsi  qu'il  nous 
l'apprend  lui-même,  et  on  ne  le  connaissait  alors  que  sous  le  nom 
de  Bernard' des  Tuileries. 

En  1572,  Palissy  échappa,  avec  Ambroise  Paré,  aux  massacres 
de  la  Saint-Barthélémy,  soit  qu'il  fût  oublié,  soit  que  Catherine 
de  Médicis  le  protégeât  secrètement. 

Vouvrier  de  terre  fut,  à  sa  dernière  heure,  tel  qu'il  avait  été 
pendant  toute  sa  vie,  d'une  conscience  pure,  d'une  âme  forte  et 
élevée.  On  pouvait  lui  appliquer  ce  vers  d'Horace  :  Justum  et  te- 
nacem  propos iti  virum. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  69 

La  Ligue  allait  recommencer  son  drame  sanglant.  Un  des  prin- 
cipaux ligueurs ,  Matthieu  de  Launay,  demanda ,  en  1589,  le  sup- 
plice du  vieux  Bernard,  qui  était  enfermé  dans  la  Bastille.  Le 
roi  (Henri  m) ,  s'intéressant  au  sort  de  son  vieux  serviteur,  alla 
lui-même  le  trouver  en  prison,  pour  l'engager  à  changer  de 
religion. 

«  Mon  bon  homme ,  lui  dit  le  roi ,  il  y  a  quarante-cinq  ans  que 
vous  estes  au  service  de  la  reine  ma  mère  et  de  moy;  nous  avons 
enduré  que  vous  ayez  vescu  en  vostre  religion  parmi  les  feux  et 
les  massacres  ;  maintenant  je  suis  tellement  contraint  par  ceux 
de  Guise  et  mon  peuple,  qu'il  m'a  fallu,  malgré  moi ,  vous  met- 
tre en  prison.  Vous  serez  bruslé  demain,  si  vous  ne  vous  conver- 
tissez. » 

a  Sire ,  répondit  Bernard ,  vous  m'avez  dit  plusieurs  fois  que 
vous  aviez  pitié  de  moy;  mais  moy  j'ay  pitié  de  vous,  qui  avez 
prononcé  ces  mots  :  Je  stUs  contraint  ;  ce  n'est  pas  parler  en  roy. 
Je  vous  apprendrai  le  langage  royal ,  que  les  guisards,  tout  vostre 
peuple  ny  vous  ne  sauriez  contraindre  un  potier  à  fleschir  les  ge- 
noijff  devant  des  statues  (1).  » 

Le  vieillard  resta  inébranlable,  et  mourut  bientôt  après,  à 
l'âge  de  quatre-vingt-dix  ans. 

OmTr»ipes  de  Bernard  PallMy* 

En  lisant  les  écrits  de  B.  Palissy,  on  sera  plus  que  jamais 
convaincu  que  «le  style  est  de  l'homme».  On  reconnaît,  dans  l'é- 
nergie, dans  la  simplicité  et  la  naïveté  du  langage,  toutes  les 
qualités  qu'on  admirait  dans  l'intrépide  inventeur  des  rustiques 
figulines. 

Tous  les  ouvrages  de  B.  Palissy  sont  écrits  en  français;  car 
l'auteur,  comme^^il  le  dit  lui-même,  ne  savait  ni  le  grec  ni  le  la- 
tin. Leur  publication  comprend  un  intervalle  de  vingt-trois  ans 
(de  1557  à  1580)  (2).  Us  ont  été  réunis  en  un  volume  in-quarto 
par  Faujas  de  Saint-Fond  et  Gobet,  Paris,  1777.  Il  est  à  re- 
gretter que  l'on  n'ait  pas  suivi  dans  cette  édition  Tordre  chro- 
nologique. 

(1)  D*Aubigné,  Hiit,  tiniv.,  part,  m,  an  1$89. 

(2)  Les  éditions  les  plus  anciennes  des  premiers  ouvrages  de  B.  Palissy  sont  de 
1557  et  de  1568.  Il  y  a  aussi  une  édition  de  Tannée  1580. 

—  La  Bibliothèque  impériale  de  Paris  possède  un  manuscrit   intitulé  ExiraicU 
des  discours  de  Bernard  Palissy,  n"  1644  (  fonds  de  Saint-Germain). 


70  HISTOIRE   DE   LA  CHIMIE. 

Ces  écrits  ont  été  composés,  pour  la  plupart,  sous  forme 
de  dialogues.  La  Théorique^  vaine  et  orgueilleuse,  gui  d[qrdiT 
nàire,pûse  les  questions,  est  victorieuseinent.  combattue ^t  sou- 
vent humiliée  par  ifajPrac/t^tie.  Lapremijèrça^pre^que  consom- 
ment tprt»  tandis  que  la  dernière,  comme  on  devait  s'y  .atten-^ 
dre,  a  presque  toujours  raison.  .  ,; 

De  Part  de  terre,  de  son  utilité,  des  émaux,  et  du,  feu  (i\ 

C'est  dans  ce  traité  que  Palîssy  fait  iurtoiit  )^i*éuvé  de' 'fciètte 
force  de  Volonté  et  de  cette  patience  qui  attestent  le  {génie.  Dàhs 
sa  dédicace  au  sire  Antoine  de  Pônâ,  on'reïDarqué  ëes^ttk>lës 
caractéristiques  :  «  Le  nombre  de  meéaUgiû'amcitë'dé 'prendre 
la  hardiesse  de  vous  dire  qu'un  de  ces  jours  je  considéroiis  la 
couleur  de  ma  barbe,  qui  me  causa  penser  au  péti' de  jôui^  qui 
me  restent  pour  finir  ma  cpufse  ;  et  Cela  jn'a  fait  admîl*er  leà'lyis 
et  bleds,  des  cafnpagnes  ^et  plusieurs  espèces  de  plaiités,  îes^ 
quelles  changent  leurs  couleurs  verdes  en  blanches,  lorsqu'elles 
sont  prestes  de  rendre  leurs:  fruits.  Aussi  plusieurs  arbres  se 
hastent  de  fleurir  quand  ils  sentent  cesser  leur  vertu  végétative 
et  naturelle;  une  telle  considération  m'a  Tait  souvenir  qu'ilest 
escritque  Ton  se  donne  garde  d'abuser  des  dons  de  Dieu  etâë 
cacher  le  talent  en  la  terre  :  aussi  est  escrit  que  le  fol  celant  sa 
folie  vaut  mieux  que  le  sâ'gè'ceîant'sbflsçavdîr. 

—  «Les  liures  pernicieux  dç  Raj^njiond  Lulle,  deParaçe(se, 
du  Roman,  de  la  Rosfi  (qui  font,  perdre  le  temps  à  la  jeunesse), 
m'ont  causé  gratter  laterre  l'espace  de  quarante  ans  et  fouiller 
les  entraillés  d'rcelle,  afin  de  cognoistre  les  choses  qu'elle  pro- 
duit dans  soy ;  et,  par  tel  moyen,  j'ay  trouué  grâce  deuant  Di^u^ 
qui  m'a  fait  cognoistre  des  secrets  qui  ont  esté  jusques  à  présent 
incognus  aux  liommes,  voire  aux  plus  docte^,  couime  Ton  pourra 
coghoîstre  par  mes  ëscrîts.ïJë  sçay  bien  qu'aucuns  se  moqueront, 
en  disant  qu'il  est  impossible  qu'un  hpmn^e  destitué  de  (a  }augue 
latine  puisse  avoir  intelligence  des  choses  naturelles  :  et  diront 
que  c'est  à  moy  une  grande  témérité  d'escrire  contre  Topiniori 
de  tant  de  philosophes  fameux  et  anciens,  lesquels  ont  escrit 
des  effects  naturels  et  remply  toute  la  terre  de  sagesse.  Je  sçai 
aussi  qu'autres  jugeront  selon  l'extérieur,  disant  que  ie  ne  suis 
qu'un  pauvre  artisan.— Non  obstant  toutes  ces  considérations, 

(l/ (jytiiw  B.'pàlissy  j  Paris,  1777,  în-4%  p.  5. 


TaOISIÈHE  £POQUE«  71- 

je^^n'aj:  laîsjsé  de  poursuyure  ,mon  entreprisé,  et,  pour  couper 
brochç  h  toutes  calomnies  et  embusches.  j'ay  dressé  un  cabinet 
9,uquel  j'ay  mis  plusieurs  choses,  admirables  et  monstrueuses, 
que  j'ay^  tirées  de  la  motrice  de  la  terre,  lesquelles  rendent  tes- 
ipoigna^e  certain  de  ce  que  je  dis,.  ^.^c^9  ^^.  trpuvera  homme  qui 
ne  sçit  coQtrainct  çonCsffser  ijceux  véritables ,  après  qu'il  aura  veu 
les^  pboses  que  j'ay  préparées  en  mon  cabinet,  pour  rendre  cer- 
taif^s-tpjos  ceux  qui  ne  youdroyent  autrement  lyouster  foy  à  mes 

;^ ,  Vû^çi  pomn^nt,  Palissy  s^ezprime  dans  son  4veriissemen(  au 
lêe(^  .*  a  Le  dçfir  q^ie  j'ay  que  tu  profites  à  la,  lecture  de  ce 
UjDjré.  ip'^  incité  de  t'i^uertir  qu^e  tu  te  donnes  garde  de  enyvrer 
ton  es^it  de  scjiences  eçcrit^  aux  cabinets  par  une  théorique  ima- 
giqatiye, pu  crochetée  de  quelque  liure  escrlt  par  imagination  de 
Gftuf  qui  n'ont  rien  practiqué,  et  te  donnes  garde  de  croire  les 
opi^ns  de  ccjui;  qui  ^seuf,  que  théorique  a  engendré  la  prac- 
tique,..  Si  l'homme  pouuoit  exécuter  ses  imaginations,  je  tien- 
drois  leur  party  et  opinion  ;  mais  tant  s'en  faut.  Si  les  choses 
conçues  aux  esprits  ^  pouuoyent  exécuter,  les  souffleurs  d'al- 
chiinieferoyent  de  belles  choses,  et  ne  s'amuseroyent  à  chercher 
l'espace  de  cinquante  ans,  comme  plusieurs  ont  fait;  si  la^théo- 
rique  figurée  aux  esprits  des  chefs  de  guerre  se  pouuoit  exécu- 
^r^,iU.neper4j?Qye,nt  jamais.bataille,  J'p$e  dire,  à  la  confusion  de 
ceux  qui  tiennent  telle  opinion,  qu'ils  n^  sçagiroyent  faire  un 
soulier,  non  pas. mesme' un  talon  de  chausse,  quand  ils  auroyent 
tjoutes  les  théoriques  du  monde.  » 

...iGe.pjréambule.contenait,  pour  ainsi  dire  en  germe,  la  révoluv 
tion  qui,  devait. bientôt  s'opérer  daps  les  difTérentes  manières  de 
¥oiries  cbose^.  il  {ialUdt  ^^ronter  la  persécution  pour  mettre  l'ex- 
périence au-dessus  de  la  théorie  ;  il  fallait  un  homme  de  la  trempe 
de  Palissy.  pour  rompre  avec  l'autorité  du  mqyenâge  et  inaugu- 
rer l'ère.de,  la  lijberté  d'observation.  ...  • 
•  ï  ,.Lq  vieux  Bernard  des  Tuileries  laisse  ici  loin  derrière  lui  le 
célèbre  chancelier  d'Angleterre. 

Écoutons  Pftlissy  raconter  lu^-m0n;ie  comment  il  s'est  initié  à 
{a..p|ratique,,  quelles  difficultés  il  a  rencontrées  ^  la  lecture  du 
^rand  livr^  de  la  nature.  Ce  récit  perdrait  tout  spn  charme  par 
une  sèche  analyse  :  il  importe  de  le  reproduire  dans  toute  sa 
simplicité. 

«  Sçaches  qu'il  y  a  vingt  et  cinq  ans  passez  qu'il  me  fust  montré 


i 


72  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

une  coupe  de  terre,  tournée  et  esmaillée  d'une  telle  beauté, 
que  deslors  j'entray  en  dispute  avec  ma  propre  pensée,  en  me 
remémorant  plusieurs  propos  qu'aucuns  m'auoient  tenus,  en  se 
mocquant  de  moy,  lorsque  je  peindois  les  images.  —  Sans  auoir 
esgard  que  je  n'auois  nulle  connoissance  de  terres  argileuses,  je 
me  mis  à  chercher  les  esmaux,  comme  un  homme  qui  taste  en 
ténèbres.  Sans  auoir  entendu  de  quelles  manières  se  faisoyent 
lesdits  esmaux,  je  pilois  de  toutes  les  matières  que  je  pouuois 
penser  qui  pourroyent  fair^  quelque  chose;  et  les  ayant  pilées  et 
broyées,  j*achetois  une  quantité  de  pots  de  terre,  et  après  les 
auoir  mis  en  pièces,  je  mettois  des  matières  que  j'auois  broyées 
dessus  icelles,  et  les  ayant  marquées,  je  mettois  en-escrit  à  paii 
les  drogues  que  j'auois  mises  sur  chascunes  d'icelles  pour  mé- 
moire; puis  ayant  fait  un  fourneau  à  ma  fantaisie,  je  mettois  cuire 
lesdites  pièces,  pourvoir  si  mes  drogues  pourroyent  faire  quelque 
couleur  de  blanc;  car  je  ne  cherchois  autre  esmail  que  le  blanc, 
parce  que  j'auois  ouy  dire  que  le  blanc  estoit  le  fondement  de 
tous  les  autres  esmaux. 

a  Or,  parce  que  je  n'auois  jamais  veu  cuire  terre,  ny  ne  sçauois 
à  quel  degré  du  feu  ledit  esn^ail  se  deuoit  fohdre,  il  m'estoit  im- 
possible de  pouuoir  rien  faire  par  ce  moyen,  ores  que  mes  drogues 
eussent  été  bonnes,  parce  qu'aucune  fois  la  chose  auroit  trop 
chauffé  et  autre  fois  trop  peu  ;  et  quand  lesdites  matières  estoient 
trop  peu  cuites  ou  bruslées,  je  ne  pouuois  rien  juger  de  la  cause 
pourquoy  je  ne  faisois  rien  de  bon,  mais  en  donnois  le  blasme 
aux  matières...  Mais  je  commettois  encore  une  faute  plus  lourde 
que  la  susdite  ;  car,  en  mettant  les  pièces  de  mes  espreuves  de- 
dans le  fourneau,  je  les  arrangeois  sans  considération  ;  de  sorte 
que,  les  matières  eussent  esté  les  meilleures  du  monde  et  le  feu 
le  mieux  à  propos,  il  estoit  impossible  de  rien  faire  de  bon.  Or, 
m'estant  ainsi  abuzé  plusieurs  fois  avec  grands  frais  et  labeurs, 
j'estois  tous  les  jours  à  piler  et  broyer  nouuelles  matières  et  cons- 
truire nouveaux  fourneaux,  avec  une  grande  despense  d'argent 
et  consommation  de  bois  et  de  temps. 

0  Quand  j'eus  bastelé  plusieurs  années  ainsi  imprudemment 
avec  tristesse  et  soupirs,  à  cause  que  je  ne  pouvois  parvenir  à 
rien  à  mon  intention,  je  m'auisay,  pour  obvier  à  si  grande  des- 
pense, d'envoyer  les  drogues  que  je  voulois  approuuer  à  quelque 
fourneau  de  potier;  et  ayant  conclud  en  mon  esprit  telle  chose, 
j'achetay  derechef  plusieurs  vaisseaux  de  terre;  et  les  ayant  rom* 


TROISIÈME  £POQU£.  73 

pus  en  pièces,  comme  de  coustume^  j'en  couuray  trois  ou  quatre 
cent  pièces  d'esmail,  et  les  envoyay  en  une  poterie  distante  d'une 
lieue  et  demie  de  ma  demeure,  avec  requeste  enuers  les  potiers 
qu'il  leur  plust  permettre  cuire  lesdites  espreuves  dedans  aucuns 
de  leurs  vaisseaux  ;  ce  qu'ils  faisoyent  volontiers.  Mais  quand  ils 
auoyent  cuit  leur  fournée,  et  qu'ils  venoyentà  tirer  mes  espreuves, 
je  n'en  recevois  que  honte  et  perte,  parce  qu'il  ne  se  troouoit 
rien  de  bon,  à  cause  que  le  feu  desdits  potiers  n'estoit  assez 
chaud. » 

Après  cet  insuccès,  qui  ne  devait  pas  être  le  dernier,  Palissy 
prit  quelque  temps  de  relâche.  Il  fit,  dans  cet  intervalle,  par- 
tie de  la  commission  envoyée  par  le  roi  pour  lever  les  plans  des 
marais  salants  de  la  Saintonge.  A  peine  ce  travail  fut-il  achevé, 
que  Palissy  recommençait  ses  expériences.  Laissons>le  encore  par- 
ler lui-même  : 

«Après  que  je  me  trouvay  muny  d'un  peu  d'argent,  je  reprins 
encores  l'affection  de  poursuyure  à  la  suite  desdits  esmaux;  et 
voyant  que  je  n'auois  pu  rien  faire  dans  mes  fourneaux  ny  à  ceux 
des  potiers  susdits,  je  rompis  environ  trois  douzaines  de  pots  de 
terre  tout  neufs;  et  ayant  broyé  grande  quantité  de  diverses  ma- 
tières, je  couuray  tous  les  lopins  desdits  pots  desdites  drogues 
couchées  avec  le  pinceau.  Ayant  ce  fait,  je  prins  toutes  ces  pièces 
et  les  portay  à  une  verrerie,  afin  de  voir  si  mes  matières  se  pour- 
royent  trouver  bonnes  aux  fours  desdites  verreries.  Or,  d'autant 
que  les  fourneaux  sont  plus  chauds  que  ceux  des  potiers,  ayant 
mis  toutes  mes  espreuves  dans  lesdits  fom^neaux,  le  lendemain 
que  je  les  fis  tirer,  j'apperceus  partie  de  mes  compositions  qui 
auoyent  commencé  à  fondre  :  qui  fut  cause  que  je  fus  encores 
dauantage  encoui;agé  de  chercher  l'esmail  blanc,  pour  lequel 
j'auois  tant  trauaillé.  » 

Mais  notre  patient  émailleur  perdit  encore  plus  de  deux  ans  à 
aller  et  venir  d'une  verrerie  à  l'autre,  sans  obtenir  aucun  résultat 
satisfaisant. 

«  Dieu  voulut  qu'ainsi  je  commençois  à  perdre  courage,  et 
que,  pour  le  dernier  coup^  je  m'estois  transporté  à  une  verrerie, 
ayant  avec  moi  un  homme  chargé  de  plus  de  trois  cents  sortes 
d'espreuves ,  il  se  trouva  une  desdites  espreuves  qui  fut  fondue 
dedans,  quatre  heures  après  auoir  esté  mise  au  fourneau,  la- 
quelle espreuve  se  trouva  blanche  et  polie;  de  sorte  qu'elle  me 
cansa  une  joye  telle,  que  je  pensois  estre  deuenu  nouvelle  créa- 


74  HISTOIHB  DE  LA  CHIMIE. 

turçi  et  pensois,desIor$  avoir  une  perfection  entière  4e  l'esmail 
blanc;  mais  je  fus  fort  esloigné  de  nxa  pensée. 

((Je  fus  si  grand  beste  en  ces  jours  là,  que  soudain  que  j'eus 
fait  ledit  blanc,  qoiestoit  singulièren^ent  beau,  je  me  mis  à  faire) 
des  vaisseaux  de  terre,  encore  .que  jamais  je.  n'eu$$e  connu 
terre;  et  ayant  employé  1/espace  de  sept  ou  buitgp&oisit  faire  leS"- 
4its  v^sseau;^,  je  m^e  pilins  à  ériger  un  fQurne^u  semblable  à  ceux 
4es  verjerli^s,  lequel  je  bastis  avec^un  jab^ur  iadiciMe  ;  cs^r  il  JEalloit 
que  je  maçonnasse  tout  seul,  que  je  destrempasse  mon  {^oi^er, 
qae  je  tirasse  Teaupoor  la  destrempe  d!içeluy  :  aussi  me  falloit-il 
nu)y-mesme  aller  quérir  la;  brique. sur  mon  dos,  à  cause  que 
je  n'auois  nul  ,moyen  d'entretenir  un  ^eul  hçmme  pour  D(i'ayder 
en  cette  affaire.  Je  fis  cuire  m^s  vaisseau^ en  première  cuisson; 
mais  quand  ce  fut  à  }a  secpQde  cuisson,  je  receus  des  tristesses 
et  labeurs  tels,  que  nul  homme  ne  voudroit  croire.  Car,  au  lieu 
de  me  reposer  des  labeurs  passez,  il  me  fallut  travailler  l'espace 
de  plus  d'un  mois,  nuit  et  jour,  pour  broyer  les  matières  des- 
quelles j'auois  fait  ce  beau. blanc  au  fourneau  des  verriers;  et 
quand  j'eus  broyé  lesdites  matières,  j'en  couvray  les  vaisseaux 
(jue  i'auois  faits. 

a  Ce  fait,  je  mis  le  feu  dans,  mon  fourneau  par  deux  gueules, 
aii^si  que  j'auois  veu  ^ire  auxditsyer]:;iers;  je. mis  aussi  i^es 
vaisseaux  dans  ledit  fourneau,  pour  cuider  faire  fondre  les  es- 
m^ux  que  j'auois  mis  dessus^  Mais  c'estoit  une  chose  malheureuse 
pour  moy  ;  .car,  combien  que  je  fusse  six  jours  et  six  nuits  devant 
ledit  fourneau  sans  cesser  de  brusier  bois  par  }es  deux  gueules, 
il  ne  fut  possible  de  pouvoir  faire  fondre  ledit  esmail,  et  estois 
comme  un  homme  désespéré;  et  combien  que  je  fusse  tout  es- 
tourdi  du  travail^  je  me  vay  ^adviser  qujç  dan3  mon  esmail  il  y 
auoit  trop  peu  de  matière  qui  deuoit  faire  fondre  les  autres.  Ce 
que  voyant,  je  me  prins  à  piler  et  broyer  de  ladite  matière,  sans 
toutefois  laisser  refroidir  mon  fourneau...  Qua^d  j'eus  ainsi 
composé  mon  esmail ,  je  fus  contraint  d'aller  encores  acheter 
des  pots,  afin  d'esprouver  ledit  esmail,  d'autant  queg'auois> perdu 
tous  les  vaisseaux  que  j'auois  faites.  £t  ayant  couvert  lesdites 
pièces  dudit  esmail,  je  les  mis  dans  le  fourneau,^ continuant  tou- 
jours le  feu  en  sa  grandeur. 

«  Mais,  sur  cela,  il  me  survint  un  autre  malheur,  lequel  me 
donna  grande  fascherie,  qui  est  quç  le  bpis  m'ayant  failli,  je  fus 
contraint  de  brusier  les  estapes  qui  soustenoyent  les  tailles  de 


.TROISIEME  ÉPOQUE.  75 

mon  jardin  ;  lesquelles  estant  brasiées,  je  fus  contraint  de  brasier 
les' tables  et.piancbers  de  la  maison,  afin  de  faire  fondre  la  se-^ 
çqnde  composition,  j'estois  en  une  telle  angoise  que  je  ne  sçauois 
dire;  car  j'éstpis  tout  tari  et  désseiché,  à  cause  du  labeur  «t  de 
la  cb^eur  du  fourneau;  il  y  auoit  i)Ius  d'un  ifnois  que  ma  cbe^ 
mise  n  auoit  seîché  sur  moy;  encores,  pour  me  consoler,  on  se 
mpquoi^  de  nu>y;.et  paôme  ceux  qui  me  deuoient  secourir  al- 
loieiit  crier  par  la  ville  que  je  faisois  brusler  le  plancber,  et^.par 
tel  moyen.  Ton  me  faisoit  perdre  mon  cj['edit  et  m'estimoit-on 
astre  fol.      , 

a  Les  autres  disoient  que  je  chercbois  à  faire  la  fausse  mon- 
noyé,  qi^i  estoit  un.  mal  qi^i  m.e  faisoit  seicber  sur  ^es  pieds,  et 
m'en  allais  par  les  raes  tout  baissé  comme  ya  un  homme  hon- 
teux. J'estois  endetté.en  plusieurs  lieux  et  auois  ordinairement 
deux  enfants  aux  nourrices,  ne  pouuant  payer  leurs  salaires  : 
personne  ne  me  çecou^roit;  mais,  au  contraire,  ils  se  moquoyent 
de  moy  en  dis^pt:  |1  lui  appartient  de  mourir  de  faim,  parce 
qu'il  deslaisse  json  qiestier,. Toutes. ces  nouvelles  venoyent  à  mes 
oreilles  quand  je  passois  par  la, rue; toutes  fois,  il  me  resta  en- 
cores qpelque  esper^Ace  qui  me  soustenoit,  d'autant  que  les 
dernières  espreuves  s'estoyent  assez  bien  portées,  et  deslors  en 
pensois.  sçauoir,  assez  pour  pouvoir,  gaigoer  ma  vie.  » 

Malheureusement  le  pauvre  potier  fut  encore  une  fois  déçu 
dans  son  espérance.  II  mit  le  reste  de  son  bien,  avec  tout  ce  qu'il 
avait  pu  emprunter,  dans  une  fournée  plus  considérable  que  les 
autres;, mais  il  ne  réussit  pas  davantage. 

a  J'avois  emprunté  le  bois  et  les  estoffes,  et  si  ^uoisr  emprunté 
partie  de  ma  n9,urriture  en  faisant  ladite  besogne.  J'auois  tenu 
)Ç^  esperapce  ri^es  créditeurs  qu'ils  seroient  payez  de  l'airgent  qui 
proviendroit  des  pièces  de  ladite  fournée,  qui  fut  cause  que  plu- 
sieurs acqoqrureat  dès  le  matin,  quand  je  commençois  à  desen-* 
fourner.  Donc,  par  ce  moyen  furent  redoublées  mes  tristesses, 
d'autant  qu'en  traitant  ladite  besogpe  je  ne  recevois  que  honte  et 
confusion.  Car  toutes  mes  pièces  estoyent  semées  de  petits  morr 
çeaqx. de. cailloux,  qui  ^stpient  si  bien  attachez  autour  desdits 
vaisseaux,  et  liez  avec  i'esoiail,  que  quand  on  p^ssoit  les  mains 
par  dessus,  lesdits  cailloux  coupoyent  comme  rasoirs;  et  com- 
bien que  la  besogne  fust  par  ce  moyen  perdue,  toutefois  aucuns 
ne  vouloient  acheter  à  vil  prix.  Mais  parce  que  ce  eust  esté  un 
dèscriement  et  rabaissement  de  mon  honneur,  je  mis  en  pièces 


76  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE 

entièrement  le  total  de  ladite  fournée^  et  me  couchay  de  melan- 
cbolie  :  non  sans  cause,  car  je  n'auois  plus  de  moyen  de  subve- 
nir à  ma  famille  ;  je  n'auois  en  ma  maison  que  reproches.  Au 
lieu  de  me  consoler,  Ton  me  donnoit  des  malédictions;  mes 
voisins,  qui  auoient  entendu  cette  affaire,  disoient  que  je  n'es- 
tois  qu'un  fol. 

((  Quadd  j'eus  demeuré  quelque  temps  au  lit,  et  que  j'eus 
considéré  en  moy-mesme  qu'un  homme  qui  seroit  tombé  en  vn 
fossé,  son  debuoir  seroit  de  tascher  à  se  releuer  ;  en  pareil  cas 
je  me  mis  à  faire  quelques  peintures  pour  recouvrer  vn  peu 
d'argent.  » 

Après  avoir  gagné  un  peu  d'argent,  Vouvrier  de  ^^rre  s'empressa 
de  reprendre  ses  travaux.  De  nouveaux  déboires  l'attendaient. 
Mais  aucun  mécompte  ne  put  briser  ce  génie  :  non  f régit j  sed 
erexit  eum. 

a  Bref,  j'ay  ainsi  bastelé  l'espace  de  quinze  ou  seize  ans  :  quand 
j'auois  appris  à  me  donner  garde  d'vn  danger^  il  m'en  survenoit 
vn  autre,  lequel  je  n'eusse  jamais  pensé.  Durant  ces  temps-là  je 
fis  plusieurs  fourneaux,  lesquels  n'engendroient  que  grandes 
pertes  auparavant  que  j'eusse  connoissance  du  moyen  pour  les 
eschauffer  également.  Enfin  je  trouvay  moyen  de  faire  quelques 
vaisseaux  de  divers  esmaux  entremeslez  en  manière  de  jaspe; 
cela  m'a  nourri  quelques  ans.  Mais,  en  me  nourrissant  de  ces 
choses,  je  cherchois  toujours  à  passer  outre  auecques  frais  et 
mises. 

a  Quand  j'eus  inventé  le  moyen  de  faire  des  pièces  rustiques  (i), 
je  fus  en  plus  grande  peine  et  en  plus  d'ennuy  qu'auparavant. 
Car,  ayant  fait  un  certain  nombre  de  bassins  rustiques,  et  les 
ayant  fait  cuire,  mes  esmaux  se  trouvoyent  les  vns  beaux  et  bien 
fonduz,  autres  mal  fonduz,  autres  estoient  brusiez,  à  cause  qu'ils 
estoient  fusibles  à  divers  degrés  ;  le  verd  des  lézards  estoit  bruslé 
premier  que  la  couleur  des  serpens  fust  fondue;  aussi  la  couleur 
des  serpens,  escrevices,  tortues,  cancres,  estoit  fondue  aupara- 
vant que  le  blanc  eust  reçu  aucune  beauté. 

a  Toutes  ces  fautes  m'ont  causé  un  tel  labeur  et  tristesse  d'es- 
prit, qu'auparavant  que  j'aye  eu  rendu  mes  esmaux  fusibles  à  vn 
mesme  degré  de  feu,  j'ay  cuidé  entrer  jusques  à  la  porte  du  se- 

(1)  Palissy  entend  p&r  pièces  rustiques  des  pièces  de  tous  genres,  et  notam- 
ment des  bassins  ornés  de  serpents,  de  lézards,  de  grenouilles,  de  tortues,  etc., 
fabriqués  en  émaux  colorés,  surtout  en  vert  ou  en  jf'a^pe,  comme  il  ledit  lui-même. 


TAOISIÈME  ÉPOQUE.  77 

pulchre.  Aussi  en  me  irauaillant  à  telles  affaires  je  me  suis  trouvé 
l'espace  de  plus  de  dix  ans  si  «fort  escoulé  en  ma  personne,  qu'il 
n'y  auoit  aucune  forme  ni  apparence  de  bosse  aux  bras  ny  aux 
jambes;  ains  estoyent  mes  dites  jambes  toutes  d'une  venue,  de 
sorte  que  les  liens  de  quoy  j'attachois  mes  bas  déchausses  es- 
toient  soudain  que  je  cbeminois  sur  les  talons  avec  le  résidu  de 
mes  chausses.  Je  m'allois  souvent  proumener  dans  la  prairie  de 
Xaintes,  en  considérant  mes  misères  et  ennuys. 

a  J'estois  mesprisé  et  moqué  de  tous...  Toutefois  l'espérance 
que  j'auois  me  faisoit  procéder  en  mon  affaire  si  virilement,  que 
plusieurs  fois^  pour  entretenir  les  personnes  qui  me  venoyent 
voir,  je  faisois  mes  efforts  dé  rire,  combien  que  intérieurement 
je  fusse  bien  triste.  Je  poursuyviz  mon  affairé  de  telle  sorte,  que 
je  recevois  beaucoup  d'argent  d'vne  partie  de  ma  besogne  qui  se 
trouvoit  bien.  Mais  il  me  survint  vne  autre  affliction  conquatenée 
auec  les  susdites,  qui  est  que  la  chaleur^  la  gelée,  les  vents,  pluyes 
et  gouttières,  me  gastoyent  la  plus  grande  part  de  mon  œuvre 
auparavant  qu'elle  fust  cuite  ;  tellement  qu'il  me  fallut  emprun- 
ter charpenterie,  lattes,  tuiles  et  doux,  pour  m'accommoder.  Or 
bien  souvent  n'ayant  point  de  quoi  bastir,  j 'estois  contraint  de  m'ac- 
commoder de  liarres  et  autres  verdures.  Or  ainsi  que  ma  puis- 
sance s'augmentoit,  jedefaisois  ce  que  j'auois  fait,  et  le  bastissois 
un  peu  mieux;  ce  qui  faisoit  qu'aucuns  artisans,  comme  chaus- 
setiers,  cordonniers,  sergens  et  notaires,  vn  tas  de  vieilles,  tous 
ceux-cy  sans  auoir  esgard  que  mon  art  ne  se  pouvoit  exercer  sans 
grand  logis,  disoyent  que  je  ne  faisois  que  faire,  et  me  blas- 
moyent  de  ce  qui  les  deuoit  inciter  à  pitié,  attendu  que  j'estois 
contraint  d'employer  les    Choses  nécessaires  à  ma  nourriture 
pour  ériger  les  commodités  requises  à  mon  art.  Et  qui  pis  est, 
le  motif  des  dites  mocqueries  et  persécutions  sortoit  de  ceux  de 
ma  maison,  lesquels  estoyent  si  esloignez  de  raison,  qu'ils  vou- 
loyent  que  je  fisse  la  besogne  sans  outils,  chose  plus  que  dérai- 
sonnable. Or  d'autant  plus  que  la  chose  estoit  déraisonnable , 
d'autant  plus  l'affliction  m'estoit  extresme. 

«  J'ay  esté  plusieurs  années  que,  n'ayant  rien  de  quoy  faire 
couvrir  mes  fourneaux,  j'estois  toutes  nuits  à  la  mercy  des  pluyes 
et  vents,  sans  auoir  aucun  secours,  ayde  ni  consolation,  sinon 
des  chats  huants  qui  chantoyent  d'un  costé,  et  les  chiens  qui 
hurloyent  de  l'autre  ;  parfois  il  se  levoit  des  vents  et  tempestes 
qui  souflloyent  de  telle  sorte  le  dessus  et  le  dessous  de  mes  four- 


TS  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

neàbx,  que  festois  coûti^iiit  de  quitter  ïà  tdttt,  auec  perte  de  mon 
labeur;  et  mè'  étuis  trouvé  plusîfeùfe  fois  qu'ayàht  tout  quitté, 
û*ayant  rien'dfe  s^eè  sUr  mb^  â  cause  des  pluyes  qiii  èstoyent  tour' 
bées,  je  m'en  àlloîs  coucher  à  la  miiiuît  ou 'aîi  point  dû  Jôttr; 
àccoustré  de  teïlé  sorte 'quVn  homine  qui  seroit  yxste  de  vin; 
d'autant  qu'après  avoir  I6ngueméntti*availlé  je  i^yoîà  mon  labéùi* 
petdu. Or,  en  nïé  retiràitâinsi  souillé  et trènipé,  Je  trdùvôis  eii 
ma  chambre  une  seconde  pérsécuftioh  ^îre  que  là  prétniërë,  q(li 
me  fait  à  présent  estnerveiller  que  je  ne'  sois  bptisumé  dé  tris- 
tesse. "))'■■ 

Ce  tableau  éloqueiit  à  une  hàiite  portée  philosophique.  Ce  û^e^l 
pas  par  les  rêves  de  Tiïiîàgiriatîdn  qu'on  arrive  âfaire  dés  dé- 
couvertes; 6'est  en  pajrant  dé  sapersôrtne,  c'est  ^ar'le  travail 
de  ses  màîn^'et  par  une  Volonté  à  toute  épreuve,  en  ùa  inôt, 
(j'est  par  la  pratique,  quel'on  fait  avancer  les  arts  et  lés  scièiiôès. 
Voilà  ce  que  démontré  lé  tdùïiiiânt  récit  des  trîbulalidns  d'ûii 
grand  ouvrier.    '  -     »    .   >  ..   .: 

C'est  te  PriteftT/ti^^quilàitièpïotès  â7a  ThéùHqûé,éi'^Viài 
bat  âur  tous  les  points.  .  . 

La  Théorique  y  après  aiôir  écouté  àttentiVéùient  la  P¥àctiqùei 
s'écrie:       ■'    ''•"'''  ''  -'^     "■  '    '•./  ■    ^  '    ^   - 

(c  Poùrqdoi  me  cherChes-tU  une  si  fdngue  chanson?  C'est  ptû- 
tost  pour  me  destoùilner  de  mon  intention,  que  non  pas  poût^ 
m'en  approcher;  tu  m'as  bien  fait  cy-dessus  de  beaux  discours! 
touchant  les  fautes  qui  surviennent  en  l'art  de  terre;  mais  Cela 
ne  me  sert  que  d'espbuvantèïnent;  car  des  esmaux  tu  Ùe  m*éfl 
as  encore  rien  dit.»  '  .  .  t    .. 

«  PractiqUe:  Les  esiotiaux  de  quoy  je  fais  ma  besogne  sont' faits 
d'estaing,  de  ploùib,  dé  fer,'  d'âéier,  d'antimoine,  de  sajihre  de 
cuivré,  d''arene  (sahlé),  dé  i^alicdct  (sôUde),  de  Cendre  graVelée 
(potasse),  de  lithargé.  Voilà  lès  propres  tnàtières  déSquëlleâ  Je 
fais  mes  esmaux.  »)  '  -  •         ' 

Aîprrès  cette  réponse  catégorique,  la  Pratiijtie  engagé  lu  Théotié 
à  ne  pas  faire  la  paresseuse^  à  se  remuer  un  peu,  et  à  chercher 
elle-même  les  proporliohs  les  plus  convenables  pour  réussir 
dans  la  fabrication  des  émauk.  '     '' 

Ce  qui  nous  intéresse  dans  l'Art  de  terre ,  c'est  moins  l'inven- 
tion des  émaux  (1),  que  la  méthode  expérimentale^  méthode  alors 

(1)  Les  émaux  étîaient  déjà  connàs  des  anciens.  Voy.  p.  153  et  157,  da  tome  t. 


TRCnSIÈMB  ÉPOQUE.  79 

nouvelle  qae  B.  Palissy  s'efforçait  d'introduire  dans  la  science. 
C'est  à  ce  titre  que  F  Art  de  terre  de  Palrssy  doit  être  placé  à 
côté,  sinon  àù-dessus,'  du  Nomth  (Hgaviùn  du  chancelier  Bacoû. 


•ft 


Des  terres  d'argile  ({). 

L'auteu;r.  s'arrête  d'abord  un  mpipept  sur  l'origin^  du  mot  ai;- 
gile,.^ui,  «  selon  l'opi^ioi). des  Grecs  et  des.Latins  de  la  Soiv 
bonne,  »  signifi/srait  terre  l^aUe  ou  grasse,  Palissy  doute ,  ayçc 
raison,  de  l'exactitude  de  cette  étymolpgie.  En  effet,  or^/fe 
dévive  iéyidemmçpt,  du  grec  argos  (apYos)»  blçmc^  ou  plutôt  d'or- 
gylé  {i^)^)  qui  signifie  matière  blanche. 

Yoici  maintenant  les  différentes  espèces  d'argile,  dont  Palissy 
apprécie  très-bien  l'usage. 

.  «  (Intre  les  terres  argileuses  il  y  a,  dit-il,  si  grande.difï'érence , 
qu'il  e^t.impos$ible  à  nul  homme  de  pouvoir  raconter  la  contra- 
riété gui  est  CMi^celles.  Aucunes  sont  sableuses,  blancbyes,  et  fort 
maigres;  et  pour  ces  causes  leur  faut  un  grand  feu  auparavant 
qu'elles  soyent  cuites  au  debuoir.  Telle  espèce  de  terre  est  fort 
bonne  à  faire  des  creusets,  parce  qu'elle  endure  un  bien  grand 
feu  ;  il  y  en  a  d'autres  espèces  qui,  pour  cause  des  substances 
métalliques  qui  sont  en  elles,  seployentet  liquéfient,  quand  elles 
endurent  grande  chaleur.'  » 

On  sait  que  l'argile  coinmune  est  de  l'alumine ,  substance  ré- 
fractaire  mêlée  à  dés  proportions  variables  de  silice,  de  Carbo- 
nate de  chaùxj  4^oxyae  de  fer,  etc.^  et  que  c'est  la  présence  dp 
l'oxyde  de  fer  qui  communique  à  l'argile  sa  couleur  jaune  ou 
rpuge.  Quant  à  l'espèce  d'argile  «  qui  se  pioye  et  se  liquéfie  à 
une  jgrahde  chàfèur,  »  b^ëtait  un  silicate  alcalin  alummeux  (argi- 
leux), une  espèce  de  terre  à  porcelaine. 

Palissy  n'ignorait  pas  que  toute  argile  contient,  de  l'eau^  et  que 
l'humidité  expulsée  par  lé  féu  â  fait,  en  s'enfuyant,  crever  et  casser 
les  pièces  ou  elle  est  enclose.  »  A  ce  propos  il  raconte  une  sia- 
gulière  histoire. 

«  J'ai  véuV  dit-il,  autrefois  que  auèuns  tailleurs  d'images,'  ins- 
truits en  l'art  de  terré  par  ouyr  dire  seulement,  et  assez  nouveaux 
en  la  cônnoissatice  des  terres ,  qu'après  avoir  fait  quelques 
images  ils  lés  .venoyent  mettre  dedans  les  fourneaux,  pour  les 
cuire  selon  qii'il's  ('entendbyent.'  Mais  quand  îts  commençoyent  à 

(1)  Œuvres  de  Palissy  ;  Pari»,  1777,  in-4%  p.  3S. 


80  HISTOIRE  D£   LA  GUIMIE. 

mettre  le  grand  feu,  c'estoit  une  chose  assez  plaisante  (combien 
qu'il  n'y  eust  pas  à  rîre  pour  tous  )  d'entendre  ces  images  peter 
et  faire  vne  baterie  entre  eux,  comme  un  grand  nombre  dliar- 
quebusades  et  coups  de  canon  ;  et  le  pauvre  maistre  bien  fasché, 
comme  vn  homme  à  qui  on  raviroit  son  bien.  Car,  le  jour  venu 
pour  desenfourner  les  images,  le  four  n'estoit  pas  si  tost  dès- 
couvert,  qu'il  appercevoit  les  vns  la  teste  fendue,  les  autres  les 
bras  rompus  et  les  jambes  cassées;  tellement  que  le  pauvre 
homme  ayant  tiré  ses  images  estoit  bien  empesché  et  auoit 
bien  de  la  peine  à  chercher  les  pièces;  car  les  vnes  estoient 
aussi  petites  que  mouches,  et,  ne  les  pouvant  rassembler,  estoit 
contraint  bien  souvent  faire  des  nez  de  drapeau  ou  autre  ma- 
tière à  ces  dites  images,  o 

Par  une  exception  apparente ,  signalée  par  Palissy,  l'argile  se 
raccomit,  se  resserre  par  l'action  du  feu.  C'est  ce  qui  explique 
pourquoi,  pendant  les  grandes  chaleurs  de  l'été,  le  sol  est  fendillé 
et  quelquefois  largement  eutr'ouvert,  lorsqu'il  est  très-argileux. 

Des  pierres  (1). 

Dans  ce  traité ,  qui  est  du  plus  haut  intérêt  pour  l'histoire 
de  la  minéralogie,  l'auteur  émet  quelques  opinions  en  opposi- 
tion formelle  avec  la  science  de  son  temps. 

Palissy  fit  le  premier  des  expériences  précises  sur  la  crislaU 
lisatiofiy  alors  nommée  congélation.  Partant  de  là,  il  soutient,  avec 
la  conviction  d'un  homme  qui  sent  qu'il  a  pour  lui  la  vérité,  que 
les  sels  et  autres  matières  ne  cristallisent  qu'autant  qu'ils  ont 
été  liquéfiés  ou  dissous  dans  l'eau.  ((  Depuis  quelque  temps,  dit- 
il,  j'ay  connu  que  le  cristal  se  congeloit  dedans  l'eau;  et  ayant 
trouvé  plusieurs -pièces  de  cristal  formées  en  pointes  de  diamant, 
je  me  suis  mis  à  penser  qui  pourroit  estre  la  cause  de  ce  ;  et  es- 
tant en  telle  resuerie,  j'ay  considéré  le  salpestre,  lequel  estant 
dissoult  dedans  l'eau  chaude,  se  congelé  au  milieu  ou  aux  extré- 
mités du  vaisseau  où  elle  aura  bouilli  ;  et  encore  qu'il  soit  couvert 
de  ladite  eau,  il  ne  laisse  à  se  congeler.  Par  tel  moyen  j'ay  con- 
neu  que  l'eau  qui  se  congelé  en  pierres  ou  métaux  n'est  pas  eau 
commune  ;  car  si  c'estoit  eau  commune,  elle  se  congeleroit  éga- 
lement partout,  comme  elle  fait  par  les  gelées.  Ainsi  donc  j'ay 

(1)  Œuvres  de  Palissy,  édit.,  1777;  Paris,  in-4°,  p.  54. 


TROISIÈME  EPOQUE.  81 

conneu  par  la  congelalion  du  salpestre  que  le  cristal  ne  se  con- 
gelé point  sur  la  superficie,  ains  au  milieu  des  eaux  communes  ; 
tellement  que  toutes  pierres  portant  forme  quarrée,  triangulaire 
ou  pentagone,  sont  congelées  dans  Teau.  » 

Yoilà  les  premières  notions  scientifiques  de  cristallographie 
dont  l'histoire  fasse  mention  :  formation  des  cristaux  dans  Teau, 
formes  géométriques  de  ces  cristaux;  —  rien  n'échappe  à  la 
sagacité  de  Palissy. 

A  une  époque  où  l'autorité  des  écoles  ne  cessait  de  faire  la 
guerre  à  la  liberté  de  la  pensée^  la  vérité  et  l'erreur  s'entre-cho- 
quaientà  tout  moment.  Palissy,  tout  en  rejetant  comme  ab- 
surde, la  transmutation  des  métaux  telle  que  l'entendaient  les 
alchimistes ,  admet  néanmoins  la  possibilité  <le  la  transforma- 
tion des  corps  organiques  en  métaux.  Voici  le  passage  où  il  ex- 
prime cette  singulière  idée  :  a  Je  dis  que  l'homme ,  le  bois  et  les 
herbes  peuvent  se  réduire  en  métal  (1).  El  cela  se  peut  faire 
quand  vn  homme  seroit  enterré  en  quelque  lieu  aquatique,  où 
la  terre  seroit  pleine  d'une  semence  de  vitriol  ou  couperose. 
Car  la  dite  semence  n'est  autre  chose  qu'vn  sel  qui  n'est  jamais 
oysif.  Et,  comme  j'ay  desia  dit,  les  sels  ont  quelque  affinité 
ensemble.  Le  sel  du  corps  mort  estant  en  la  terre  fait  attrac- 
tion de  l'autre  sel ,  lequel  sera  d'vn  autre  genre ,  et  les  deux 
sels  ensemble  pourront  endurcir  et  réduire  le  corps  de  l'homme 
en  matières  métalliques,  d'autant  que  la  nature  du  sel  nommé 
couperose  ou  vitriol  ne  peut  faire  autre  chose  que  convertir 
en  airain  les  choses  qu'il  trouve  au  lieu  où  il  fait  sa  demeu- 
rance.  Je  te  donne  ce  trait  pour  vn  point  invariable  et  bien  as- 
suré. » 

On  voit,  par  ce  passage ,  combien  il  est  difficile  de  contenir 
l'esprit  dans  les  limites  de  la  réalité. 

Persuadé  de  l'utilité  de  ses  découvertes  et  de  la  nécessité 
d'en  faire  part  à  ses  contemporains,  Palissy  fit  en  i57.^  un 
cours  public,  qu'il  annonça  par  voie. des  affiches.  «  Je  mis, 
dit-il,  en  mes  affiches,  que  nul  n'y  entreroit  qu'il  ne  baiilast  un 
escu  à  l'entrée  desdites  leçons;  et  cela  faisois-je  en  partie  pour 
voir  si  par  le  moyen  de  mes  auditeurs  je  pourrais  tirer  quelque 
contradiction,  qui  eust  plus  d'assurance  de  vérité  que  non  pas 
les  prennes  que  je  mettois  en  avant ,  sçachant  bien  que  si  je 

(t)  11  aurait  été  dans  le  vrai  s'il  avait  dit  que  ces  corps  peuvent  réduire  la 
rouille  d*un  métal. 

BIST.  DE   LA  CnmiR.    —   T.  II.  0 


82  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

mentois  il  y  en  auroit  de  Grecs  et  Latins  qui  me  résisteroyent 
en  face  et  qui  ne  m'espargneroyent  point,  tant  à  cause  de  Tescu 
que  j'auois  pris  d^  chascun,  que  pour  lé  temps  que  je  les  eusse 
amusez.  » 

Parmi  les  auditeurs  dont  Palissy  donne  la  liste,  on  remarque 
le  célèbre  chirurgien  Ambroise  Paré,  Alexandre  de  Campège, 
médecin  de  Henri  lil,  Jean  du  Chony,  avocat  au*  parlement  de 
Paris,  le  prieur  de  Bertolome,  le  mathématicien  Jean  Viret, .  et 
beaucoup  d'autres  savants  de  Tépoque.  Personne  ne  souleva  d'ob- 
jection sérieuse;  et  les  idées  de  Palissy,  furent  accueillies  avec 
d'unanimes  applaudissements. 

De  làrhame{i]. 

^  A  part  quelques  hypothèses  sur  l'humeur  radicale  et  Veau 
génératrice,  considérée  comùie  cinquième  élément,  ce  traité  est 
rempli  de  faits  originaux. 

La  marne,  substance  argileuse  mêlée  de  sable,  de  sulfate  et 
de  carbonate  de  chaù:è,  était  employée  du  temps  de  Palissy  à 
fum'er  le  sol,  surtout  en  Brte  et  en  Champagne.  Nous  aVonVfait 
voir  que  ce  genre  d'engrais  était  déjà  mis  en  pratique  par  les 
Romaine  (2).  '  ! 

Là  marine  était  aussi  einplôyéé,  ainsi  que  nous  l'apprend  Pa- 
lissy,' comme  une  espède  de  fondant  dans  les  forges  des  Ardennes 
et  de  laCustillé. 

Le  passiage  le  plus  remarquable  du  Traité  de  la  name  est 
celui  où  il  est  question  du  moyen  de  découvrir  la  marne  au  sein 
de  la  terre,  et  de  percer  le  sol  à  l'aide  d*une  sonde.  Le  passage 
que  nous  allons  reproduire  textuellement  est  un  morceau  Jïré- 
cieux  pour  l'histoire  de  la  géologie. . 

A  la  question  de  la  Théorique  :  comment  faut-il  s'y  prendre 
pour  trouver  de  la  marne?  la  Practique  répond  : 

«Je  ne  te  puis  donner- moyen  plus  expédient  que  celuy  que  je 
voudrois  prendre  pour  lïioy.  Si  j'en  voulois  trouver  en  quelque 
province  où  Tinvèntion  ne  fust  encores  connue ,  je  voudrois 
chercher  toutes  les  terrières  desquelles  les  potiers,  briquetîers  et 
tuiliers  se  serveiil  en  leurs  œuvres,  et  de  chacune  terrièrej'en 
voudrois  fumer  une  portion  dé  mon  champ,  pour  voir  si  la  terre 

(1)  Œuvres  de  Palissy,  édit.  1777;  Paris,  m4°,  p.  141.  • 

(2)  Voy.  r.  I,  p.  189  de  cet  ouvrage. 


•  ïîioisiÈBiE  'ÉPÔOtJï:-  '  ÈH 

séroit'âiriéii^tirée;  pùkjé  Vcmdrois  avoir  une  tarière  bien  lon- 
gue, laquelle  tarière  âutoit  àii  bout' de  derrière  une  domlle 
creuse,  en  la(|iieHé  j6  plahfêrôid  un  l)aitôti,  auquel  y  auroit  par 
l'autre  bout  un  mancbeàu  traver^v  en  forme  de  tarière;  et  ce 
fait,  jMrois  par  totiS  lés  fb^z' de  tnofi  héritage, auxquels  je 
planterois  ma  tarière  jusques^ii  la  longueur  de  tout  le  manche, 
et  l'ayant  tirée  horft  du  trouV  j<9  regarderois  dans  \r  concavité 
de  quelle  sorte 4e •  tenrc^  elle  aiïl^ît-appîorté,  et'  l'ayant  neltOyée 
j'osterois  le  premier  matocti^'ét'  en  mettrais  un  beaucoup  plus 
long,  et  remettrois  la  tarière  de<JteilBle'trouquéj'tfu«)is  faît'pre- 
mièrement,' et' pefcei>ois  iaiërré  plus  profond  par  le  moyen  du 
second  manche.  Et  par  tel  tivoyen, 'ayant  plusieurs  manches  de 
diverses  longueurs,  lV)ft  pourroit  si^avoir  quelles  sont  les  terres 
profondes;  et  non-seulement  voudrois-je  fouiller  dedans  les 
fossez  de  mes  héritages,  mais  aussi  par  toutes  les  parties  de  mes 
champs,  jusques  à  ce  que  j'eusse  apporté  au  bout  de  ma  tarière 
quelque  téiçioignage  de  la  dite  marne;  et  ayant  trouvé  quçlque 
apparence^  lors  je  voudrais  faire  ea  iceluy  endroit  une  fpsse'telle 
comme  qui voudrpitjTaire  ^a cuits,  p/        ,--         ...  .-     \ 

Les  pâi^oles  q^e  qous  gênons  .de.  citeri  résument  tout  l'art  du 
sondage.  C'est  doiic  à  Palissy  que  revient  tout  l'honneur  de  l'in-^ 
vention  de  cet  art  utile.  .  t  ,    f 

Continuons.  Mais  si  tu  rencontrois,,  demande  la  Théorique^ 
des  .rocs  durs,  comment^te  preadnoîs-tu  pour  les  percer?  . 
' .  A4i^hïa  Fraçtique  répond  :  «A la  vérité;  cela  serpit /ascheux. 
-r  Toutefois  Ujme:j5emb.Ie  que  wetarUrç  lorcière  les  perceroit 
aisénient;  et  après  ïa  torcière,  on  pourroit  mettre  l'autre  ta- 
rière,  et  par  tel  moyen  on  pourroit  trouver  des  terres  de  marne, 
ioire  des  eaux  pour  faire  puits  ;  lesquelles  bieri  souvent ,  pour-; 
roieni  monter  plus  haut  que  ie  lieu, où  la  pointe  de  la  tarière  les 
aura  trouvées:  et  cela  se  pourra  faire  moyennant  qu'elles  vien- 
neot  dé  plus Jiaiut  que  lefonc^  dutrquque  .^^auras^fflit.  »    . 

De  là  à    la  découverte   des  puits    artésiens'    il   n'y  avait 

gu'unpas. ,.     . ..    ^^  ,  ;  ^    .    .  .: 

. -P^urjCappléter  içs:^te|)léauXe^ce5  ç^  toutes  nquvelles  a^ 
ççixi|me^siè,Qtej|^il  ne^  naanquait  plu9  que  ce  tableau/géologique 
^u.sal;  •   '  '  ' 

^  Jîous^çav.qn?. qu'en  plusieiu*s  lieux.les terres. spptfaftesj|^^^ 
divers  bancs,  et  en  les  fossoyant  on  trouve  quelquefois  un  banc 
déterre,  un  autre  de  sable,  un  autre  de  pierre  et  de  chaui,^èt  un 

0. 


84  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

autre  de  terre  argileuse  ;  et  communément  les  terres  sont  ainsi 
faites  par  bancs  distinguez.  Je  ne  te  donneray  qu'un  exemple  pour 
te  servir  de  tout  ce  que  j'en  sçaurois  jamais  dire  :  Regarde  les 
carrières  des  terres  argileuses  qui  sont  près  de  Paris,  entre  la 
bourgade  d'Auteuil  et  de  Challiot,  et  tu  verras  que  pour  trouver 
la  terre  d'argile,  il  faut  premièrement  oster  une  grande  espes- 
seur  de  terre,  une  autre  espesseur  de  gravier,  et  puis  après  on 
trouve  une  autre  espesseur  de  rocq,  et  au-dessouz  dudit  rocq  l'on 
trouve  une  grande  espesseur  de  terre  d'argile ,  de  laquelle  on  fait 
toute  la  tuile  de  Paris  et  lieux  circonvoisins.  » 

Sondage,  puits  artésien,  stratification  du  sol,  etc.,  en  un  mot, 
les  points  culminants  de  la  géologie  se  trouvent  réunis  dans  l'ou- 
vrage  Sur  la  marne,  et  dans  les  traités  dont  nous  allons  pour- 
suivre l'analyse. 

Des  sels  divers  et  du  sel  commun  (1). 

Il  y  a  des  sels  partout.  Ils  existent,  suivant  l'auteur,  dans  les 
plantes,  dans  les  animaux,  et  même  dans  les  végétaux  ;  ils  sôu^ 
tiennent  la  charpente  solide  des  êtres  vivants;  enfin  il  y  a  au^ 
tant  de  sels  quHI  y  a  «  de  diverses  espèces  de  saveurs  et  de  sen- 
teurs » . 

Aucun  chimiste  n'avait  encore  appliqué  le  nom  de  sel  à  un 
aussi  grand  nombre  de  substances. 

a  La  couperose  est  un  sel,  le  nitre  est  un  sel,  le  vitriol  est  un 
sel,  l'alun  est  sel^  le  borax  est  sel,  le  sucre  est  sel;  le  sublimé, 
le  sel  gemme,  le  tartre,  le  sel  ammoniac,  tout  cela  sont  sels  di- 
vers. )) 

Notons  en  passant  que  toutes  ces  substances ,  sauf  le  sucre , 
sont  encore  aujourd'hui  comprises  dans  la  classe  des  sels. 

En  parlant  des  cendres  des  végétaux,  Palissy  fait  une  obser* 
Vâtion  remarquable,  qui  mériterait  d'être  vérifiée,  à  savoir  que 
l'écorce  est  la  partie  la  plus  riche  en  sels  alcalins,  et  que  le  biois 
en  contient  beaucoup  moins» 

Les  anciens  avaient  dit  que  le  sel  est  l'ennemi  de  la  végéta*- 
tion,  Palissy  s'élève  avec  force  contre  cette  proposition,  et  le 
premier  il  établit ,  par  voie  expérimentale ,  la  véritable  théorie 
des  engrais.  11  démontre  presque  aussi  bien  qu'on  le  ferait  au- 
jourd'hui ,  que  le  fumier  n'active]  la  végétation  qu'à  raison  des 

(1)  Œuvres  de  Palitsy,  etc.,  p.  203. 


TROISI£M£  ÉPOQUE  85 

sels  qu'il  renferme,  et  que,  ces  sefs  étant  enlevés,  le  fumier  ne 
vaut  plus  rien. 

Écoutons  Tauteur  traiter  ce  sujet  important  : 

a  Le  fumier  que  l'on  porte  aux  champs  ne  serviroit  de  rien ,  si 
ce  n'estoit  le  sel  que  les  pailles  et  foins  y  ont  laissé  en  se  pour- 
rissant. Par  quoy  ceux  qui  laissent  leurs  fumiers  à  la  mercy 
des  pluyes  sont  fort  mauvais  mesnagers,  et  n'ont  gueres  de 
philosophie  acquise  ny  naturelle.  Car  les  pluyes  qui  tombent  sur 
les  fumiers,  découlant  en  quelque  vallée,  emmènent  avec  elles  le 
sel  dudit  fumier,  qui  se  sera  dissous  à  l'humidité,  et  par  ce 
moyen,  il  ne  servira  plus  de  rien  estant  porté  aux  champs.  La 
chose  est  assez  aisée  à  croire;  et  si  tu  ne  le  veux  croire,  regarde 
quand  le  laboureur  aura  porté  du  fumier  en  son  champ,  il  le 
mettra  (  en  deschargeant  )  par  petites  piles ,  et  quelques  jours 
après  il  le  viendra  espandre  parmy  le  champ,  et  ne  laissera  rien 
à  l'endroit  des  dites  piles;  et  toutefois  après  qu'un  tel  champ 
sera  semé  de  bled,  tu  trouveras  que  le  blé  sera  plus  beau,  plus 
verd  et  plus  espois  à  l'endroit  où  lesdites  piles  auront  reposé, 
que  non  pas  en  autre  lieu.  Et  cela  advient  parce  que  les  pluyes 
qui  sont  tombées  sur  lesdits  pilots  ont  pris  le  sel  en  passant  au 
travers  et  descendant  en  terre  ;  par  là  tu  peux  connoistre  que  ce 
n'est  pas  le  fumier  qui  est  cause  de  la  génération,  mais  le  sel  que 
les  semences  auoient  pris  en  la  terre. 

«^  «  Si  quelqu'un  sème  un  champ  pour  plusieurs  années  sans 
le  fumer,  les  semences  tireront  le  sel  de  la  terre  pour  leur  ac- 
croissement, et  la  terre,  par  ce  moyen,  se  trouvera  desnuée  de 
sel,  et  ne  pourra  plus  produire.  Parquoy  la  faudra  fumer  ou  la 
laisser  reposer  quelques  années,  afin  qu'elle  reprenne  quelque 
saisi  tu  de  provenant  des  pluyes  ou  nuées.  Car  toutes  terres  sont 
terres;  mais  elles  sont  bien  plus  salées  les  unes  que  les  autres. 
Je  ne  parl^  pas  d'un  sel  commun  seulement,  mais  je  parle  des 
sels  végétatifs. 

il  Aucuns  disent  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  ennemi  des  semences 
que  le  sel;  et  pour  ces  causes,  quand  quelqu'un  a  commis 
quelque  grand  crime,  on  le  condamne  que  sa  maison  soit  rasée 
et  le  sol  labouré  et  semé  de  sel,  afin  qu'il  ne  produise  jamais  se- 
mence. Je  ne  sais  s'il  y  a  quelque  pays  où  le  sel  soit  ennemi  des 
semences;  mais  bien  sçay-je  que  sur  les  bossis  des  marais 
salants  de  Xaintonge,  Ton  y  cueille  du  bled  autant  beau  qu'en 
lieu  où  je  fus  jamais;  et  toutefois  lesdits  bossis  sont  formez  des 


85.  HISTOIRE  D&  X^   CHIMIE. 

•  ■• .  ... 

y^idanges  desdits  marez,  je  dis  des  vuidanges  d.iji,  fond  du  champ, 
des  marez,  lesquelles  yuidanges  et  fanges  sont  aussi  salues  qu^ 
Peau  de  la  mer;  et  toutefois  les.sjeroepçesijr  vieEment  jutant  bien 
qu'çnnullpteirre  que.  j'ay  jamais  vue.  J^e  ntç  ^^Qay  pas  où  c'est 
que  nos  juges  ont  pris  ocpaâioa  4^  faire.serxiçrdu;sel.ea'une 
terre  en  signe  de  malédicljon,.si  ce  n'est  qu'il  y  aitqAieique  con- 
trée où  le  sel  soit  ennemi  des  jsemepces,  ^     ..V  ^ 

Que  die  sagacité ,  que  d'esgnt  dans. jçe^  peu  4ô  paroles  î 

Trois  siècles  nous  séparei\t.dç.B,^  Palissyj.set  J'^pérîenc^  de 
nos  jours  a  parfi^iteinent^cqn^fmé  cçs^  idées;  U  est  (Remontré  que 
c&  sont  les  sels,  et  notamment  les^  sels  amp^nia^^ 
carbonate,  phrosph^le  çhloiiydrate),  fliii  jouent  Iç  principal 
rôle  dans  Tactjion  4es  engrais,.  !j  ;,         .     .      ,        \\    ;»      , 

Les  agriculteurs  pourraient  trouver  4'uti les  leçons,  dans  les 
écrits  de  B.  Palissj;  ils^rapj^endraiênt,  entre  autres,  çomipent  il 
faut  construire  un  réservoir  ^propre  à  conserver  au  ;  fumier:  la 
partiel^uide,'C*est-à*'dire  le  principe  fertilisant  de  Tengrais. 

En  parlant  de  Talun,  railleur  fait  trèshljien  ressorlir  la  pro- 
priété qu'a  ce  sel  .de  fixer  les  .couleurs,  a  Ce  SjçI  \  ^  dit-il ,  est  fort 
utile  aux  teinturiers  ;  ^  vpulajjt  teindre  un  drap  blanc  ea,fouge, 
ils  le  trempent  dans  dç  l'eau  d^'alun.JLe  sel  d'almi  estant  disions 
dans  l'eau/sera  cause  qiMB  le;  <^rap  recevra  l|i.tjeiniujppqj[|e  l'on  Ipi 
aura  préparée,  et  vn  autre  drap  gijii  ne  sera  jppint  trempé  en  l'eau 
d'alun  ne  le  pourra  faire.  )>      ., ...  .    . 

L'espace  nous  planque  pour  reprodu^^'e  ici.la  belle  description 
que  Palissy  donne,  ejQ_  parlan^  dyi  s^  comipui^j  des  marais  sa- 
lants de  la /^aiqtonge,  dont  iLavait  lui-même  tracé  le  plan  par 

ordre  du, gouverneroenL    *  , .,   ,  .  ,   ^ 

•  ...  « 

D€s.€atiûoeffontamès.({), 

Pendant  les  guerres  religieuses  du  seizième  siècjé ,  on  avait 
plus  d'une  fois  répandu  le  bruit,  ainsi  qu'on  l'a  fait  dëruQjS  jours 
lors  de  lîl  première  invasion  dù'cholérai  qde  Ifes  fOôtaines  avaient 
été  empoisolinées;  Ce  ^tii  avait  principalement  donqé  lieu  à  ce 
bruit,  qui  flf  tarit  de  victimes  innocerftes,  cesoiH  les  nombreux 
accidents  d'asphyxie  occasionnés  ^iar  la^présence  diairs  ou  de  gaz 
irrespirablés^quiVâCcdmufënl  au'fond  de  certains  puits:  . 

Palissy  cite  un  accident  de  ce  genre  ':  «  Au  grand  marché  de 

(0  Œuvre*  de  palmy,  etc.,  p.  245. 

••...■•■••  <  . 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  87 

Meaux  en  Brie,  en  la  maison  des  Gillets,  l'on  voulut  curer  un 
puits;  et  pour  ce  faire,  le  premier  qui  y  descendit  mourut  sou- 
dain au  fond  dudit  puits.  Et  fut  envoyé  vn  autre  pour  sçavoir  la 
cause  pourquoy  îcelui  ne  disoit  aucune  chose,  et  mourut  comme 
l'autre.  îl  en  fut  envoyé  encore  vn  qui  descendit  jusques  au  mi- 
lieu; mais  là  estant  se  print  à  crier  pour  se  faire  tirer  diligemment, 
ce  qui  fut  fait  ;  et  estant  dehors  se  trouva  si  malade  qu'il  travailla 
beaucoup  à  sauver  sa  vie.  » 

Ce  genre  de  mort  si  prompt,  et  ne  présentant  sur  le  cadavre 
•aucune  trace  de  lésion,  ne  manquait  pas  de  frapper  de  stupéfac- 
tion les  esprits  crédules  du  moyen  âge.  L'asphyxie  ne  pouvait 
être  que  l'œuvre  du  diable ,  ou  l'effet  d'un  poison  subtil ,  inventé 
par  les  Juifs  ou  les  alchimistes. 

Palissy  explique  fort  bien  l'origine  des  eaux  minérales  par  la 
dissolution  des  sels  minéraux  que  l'on  rencontre  dans  les  en- 
trailles de  la  terre. 

Les  anciens  avaient  déjà  donné  cette  explication  (1). 

Quant  aux  eaux  thermales,  elles  sont,  dit-il,  produites  «par  vn 
feu  qui  est  continuel  sous  la  terre  p. 

Après  avoir  traité  des  diverses  espèces  d'eaux,  et  des  moyens 
employés  pour  les  faire  monter  dans  des  lieux  élevés,  l'auteur 
donne  son  opinion  sur  l'origine  des  sources  qui  alimentent  les  ri- 
vières et  les  fleuves.  Contrairement  à  ce  que  pensent  presque  tous 
les  philosophes ,  il  ne  croit  pas  «  que  les  sources  de  la  terre 
soient  allaictées  parles  tétines  de  l'Océan.  »  Il  estd'avis  «  qu'elles 
ne  proviennent  que  des  eaux  de  pluye  »> . 

«  La  cause,  ajoute  t-il,  pourquoy  les  eaux  se  trouvent  tant 
es  sources  qu'es  puits  n'est  autre  qu'elles  ont  trouué  vn  fond  de 
pierre  ou  de  terre  argileuse,  laquelle  peut  tenir  l'eau  autant  bien 
comme  la  pierre;  et  si  quelqu'vn  cherche  de  l'eau  dedans  des 
terres  sableuses,  il  n'en  trouuera  jamais ,  si  ce  n'est  qu'il  y  ait 
au-dessous  de  l'eau  quelque  terre  argileuse,  pierre  ou  ardoise,  ou 
minéral,  qui  retiennent  les  eaux  des  pluyes  quand  elles  auront 
passé  au  trauers  des  terres.  Tu  me  pourras  mettre  en  auant  que 
tu  as  veu  plusieurs  sources  sortant  des  terres  sableuses,  voirè 
dedans  les  sables  mesmes.  A  quoy  je  respons,  comme  dessus, 
qu'il  y  a  dessous  quelque  fond  de  pierre,  et  que  si  la  source 
monte  plus  haut  que  les  sables,  elle  vient  aussi  de  plus  haut.  » 

N'est-ce  pas  là  le  fond  de  la  théorie  des  puits  artésiens? 

(1)  Yoy.  plus  haut  1. 1,  p,  185.  . 


88  HISTOIRE  D£  LA  CHIMIE. 

Traité  des  métaux,  et  alchimie  (1). 

Dans  ce  traité  Tauteur  s'élève  contre  les  doctrines  des  alchi- 
mistes, et  s'attache  à  en  démontrer  Tinanité.  C'est  ainsi  qu'il 
dévoile  plusieurs  procédés  de  projection  qui  ne  servaient  qu'à 
faire  des  dupes.  Il  montre  que  Tor  et  l'argent  des  alchimistes 
présentent  bien  l'aspect  de  l'or  et  de  l'argent  véritables;  mais 
qu'il  est  facile  d'en  découvrir  la  fausseté  à  l'aide  de  la  coupel- 
lation.  A  ce  sujet  il  raconte  le  fait  suivant,  qui  s'était  passé  à 
la  cour  de  Catherine  de  Médicis  : 

((  Le  sieur  de  Courlange,  varlet  de  chambre  du  roy,  sçâuoit 
beaucoup  de  telles  finesses,  s'il  en  eust  voulu  user.  Car,  quelque 
jour  venant  à  disputer  de  ces  choses  devant  le  roy  Charles  IX,  il 
se  vanta,  par  manière  de  facétie,  qu'il  lui  apprendroit  à  faire  l'or 
et  l'argent;  pour  laquelle  chose  expérimenter  il  commanda  audit 
de  Courlange  qu'il  eust  à  besogner  promptement,  ce  qui  fut  fait. 
Et  au  jour  de  l'expérience  ledit  de  Courlange  apporta  deux  phioles 
pleines  d'eau  claire  conmie  eau  de  fontaine,  laquelle  estoit  si 
bien  accoustrée,  que,  mettant  une  aiguille  ou  autre  pièce  de  fer 
tremper  dans  l'une  desdites  phioles ,  elle  devenoit  soudain  de 
couleur  d'or;  et  le  fer  estant  trempé  dans  l'autre  phiole,  devenoit 
de  couleur  d'argent.  » 

Ce  M.  de  Courlanges  aurait-il  connu  le  moyen  de  dorer  et  d'ar- 
genter  par  la  voie  humide? 

Mais  continuons  le  récit  :  a  Puis  fut  mis  du  vif-argent  dedans 
lesdites  phioles,  qui  soudain  se  congela,  celuy  de  l'vne  des 
phioles ,  en  couleur  d'or,  et  celuy  de  l'autre  en  couleur  d'argent, 
dont  le  roy  print  les  deux  lingots,  et  s'en  alla  vanter  à  sa  mère 
(Catherine  de  Médicis)  qu'il  auoit  appris  à  faire  de  l'or  et  de  l'ar- 
gent. Et  toutes  fois  c'estoit  une  tromperie,  comme  ledit  de  Cour- 
lange me  l'a  dit  de  sa  propre  bouche.  » 

N'oublions  pas  d'ajouter  que  Palissy  n'avait  point  été  témoin 
oculaire  de  ces  opérations. 

Il  n'y  avait  pas  seulement  des  philosophes  et  des  médecins  qui 
s'occupaient  d'alchimie;  la  plupart  des  princes  s'y  livraient  éga- 
lement avec  beaucoup  d'ardeur. 

«  Laisse-les  faire,  dit  l'auteur  ;  cela  les  garantit  d'vn  plus  grand 
vice  ;  et  puis  ils  ont  du  revenu  pour  approuver  ces  choses.  Quant 

(1)  Œuvres  de  Palissy,  etc.,  p.  315. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  89 

aux  médecins,  en  cherchant  ralchimie,  ils  apprendront  à  con- 
noistre  la  nature,  et  cela  leur  servira  en  leur  art,  et  en  ce  faisant, 
ils  reconnoistront  Timpossibilité  de  la  chose.  » 

Voici  comment  Palissy  se  raille  des  tentatives  des  alchimistes. 

«  Dis  doncques  au  plus  brave  d*iceux  qu'il  pile  vne  noix,  j'en- 
tends la  coquille  et  le  noyau  ;  et  l'ayant  pulvérisée,  qu'il  la  mette 
dans  son  vaisseau  alchimistal.  Et  s'il  fait  rassembler* les  matières 
dVne  noix  ou  d'vne  chastaigne  pilée,  les  remettant  au  mesme 
estât  qu'elles  estoyent  auparavant,  je  diray  lors  qu'ils  pourront 
faire  l'or  et  l'argent.  Voire  mais  je  m'abuse,  car  ores  qu'ils  peus- 
sent  rassembler  et  régénérer  vne  noix  ou  vne  chastaigne,  encores 
ne  seroit-ce  pas  là  multiplier  ny  augmenter  de  cent  parties, 
comnie  ils  disent  que  s'ils  avoyent  trouvé  la  pierre  des  philoso- 
phes, chascun  poids  d'icelle  augmenteroit  de  cent.  Or  je  sçay 
qu'ils  feront  aussi  bien  Tvn  que  l'autre.  » 

Traité  de  l'or  potable  (i). 

L'auteur  de  ce  petit  traité,  que  l'on  croit  n'être  pas  de  Palissy, 
cherche  à  démontrer  que  la  prétendue  panacée  de  l'or  potable  est 
un  médicament  dangereux  plutôt  qu'utile. 

Mais  l'or  potable  n'était,  selon  lui,  que  de  l'or  divisé;  et  dans 
ce  cas  il  devait  être  à  peu  près  inoffensif. 

((  Il  y  a,  dit-il,  vn  nombre  infini  de  médecins  qui  ont  fait 
bouillir  des  pièces  d'or  dedans  des  ventres  de  chapon ,  et  puis 
îaisoyent  boire  le  bouillon  aux  malades.  —  Autres  faisoyent  limer 
lesdites  pièces  d*or,  et  faisoyent  manger  la  limure  aux  malades 
parmi  quelque  viande.  Autres  prenoyent  de  Por  en  feuille  de 
quoy  usent  les  peintres.  Mais  tout  cela  servoit  autant  d'vne  sorte 
que  d'vne  autre.  )> 

Paracelse  est  surtout  sévèrement  jugé  par  l'auteur.  Son  or 
potable  était  selon  lui  toute  autre  chose  que  de  l'or  dissous  ou 
réduit  en  poudre,  et,  à  l'entendre,  Paracelse  et  ses  disciples  se  sont 
fait  une  renommée  par  des  moyens  que  l'honnêteté  réprouve  et 
dont  la  tradition  n'est  malheureusement  pas  perdue.  C'est  à  ce 
sujet  que  l'auteur  raconte  l'histoire  suivante ,  d'un  intérêt  de 
circonstance  : 

«  J'ay  conneu,  en  vne  petite  ville  de  Poitou,  vn  médecin  aussi 
peu  sçavant  qu'il  y  en  eut  en  tout  le  pays,  et  toutes  fois  par  vne 

(1)  Œuvres  de  Palissy ^  p.  363. 


110  HISTOIRE   DE   LA   CHIMIE. 

seule  finesse  il  se  faisoit  q^uasi  adorer.  Il  ^uoit  vne  estude  secrette 
bien  près  de  la  porte  de  sa  maison,  et  par  vn  petit  trou  voyoit 
venir  ceux  qui  luy  apportoyent  des  vrines  ;  et  estant  entrez  en  la 
cour,  sa  femme  bien  instruite  se  vehoit  asseoir  sur  vn  bois  près 
de  Testude  où  il  y  auoit  une  fenestrè  fernaée  de  châssis,  et  inter- 
rogeoit  le  porteur  d'vrines  d^oii  îlestoit,  et  que  son  mari  estoit 
en  la  ville,  naais  qu'il  vîendroit  bien  tost;  et  les  faisant  asseoir 
auprès  d'elle ,  les  interrogeoit  du  jour  que  la  maladie  print  au 
malade,  et  en  quelle  partie  du  corps  estoit  son  mal,  et  consé- 
quemment  de  tous  les  effets  et  signes  de  la  maladie.  Et  pendant 
que  le  mes^ger  respondoit  aux  interrogations,  monsieur  le  mé- 
decin escoutoit  tout,  et  puis  sortoit  par  vne  porte  de  derrière  et 
rentroit  par  la  porte  de  devant ,  par  où  le  messager  le  voyoit  venir. 
Lors  la  dame  lui  disoit  :  Voilà  mon  mari;  parlez  à  lui.  Ledit  por- 
teur n'auoitpas  sitost  présenté  Tvrine,  que  monsieur  le  médecin 
ne  la  regardast  auec  fort  belle  contenance;  et  après  il  faisoit  vn 
discours  de  la  maladie,  suyvant  ce  qu'il  auoit  entendu  du  mes- 
sager par  son  estude.  Et  quand  ledit  messager  estoit  retourné  au 
logis  du  malade ,  il  contoit  comme  par  vn  grand  miracle  le  grand 
sçavoir  de  ce  médecin ,  qui  atioit  conneu  toute  la  maladie  sou- 
dain qu'il  auoit  veu  l'vrine;  et  par  ce  moyen  le  bruit  de  ce  mé- 
decin augmentoit  de  jour  à  autre.  » 

Cette  petite  digression  nous  fait  voir  qu'au  seizième  siècle  on 
en  savait  autant  qu'aujourd'hui  en* fait  de  charlatanerie,  nouvelle 
preuve  que  le  mauvais  côté  de  l'homme  se  développe  bien  plus 
promptement  que  le  bon  côté.  Le  vice  est  plus  ancien  que  la 
vertu. 

Nous  venons  de  faire  connaître  les  ouvrages  de  B.  Palissy,  qui 
ont  un  rapport  plus 'direct  avec  l'histoire  de  la  chimie. 

Nous  ne  ferons  que  mentionner  les  traités  suivants. 

Mithridate  ou  thériaque  (1). 

L'auteur  se  propose  de  démontrer  que  la  multiplicité  des 
drogues  qui  entrent  dans  la  composition  de  l'électuaire  portant 
le  nom  du  fameux  roi  du  Pont  (  Mithridate  )  est  plus  préjudiciable 
qu'utile  à  la  santé, 

.(>)  ŒMrrc5  rfc  Pa//55y,  etc.,  p.  377.  


TROISIÈME  ÉPOQUE.  9i 

Des  glaces  (1). 

L'objet  de  ce  petit  écrit  est  de  prouver  que  la  glace  commence 
toujours  à  se  former  à  la  surface  des  eaux,  contrairement  à 
ropînîon  de  ceux  qui  prétendei^t  que  les  glaçons  commencent 
d'abord  à  se  produire  au*fond  des  eaux,  et  que  de  là  ils  se  portent 
vers  la  surface. 

Déclaration  des  abus  et  ignorance  des  médecins. 

Ce  petit  livre,  qui  parut  pour  la  première  fois  à  Lyon,  en  J5d7, 
sous  le  nom  de  Pierre  Braillier^  est  attribué  par  quelques  criti- 
ques à  B.  Palissy. 

Il  est  dirigé  contre  les  abus  de  Texercice  de  la  médecine,  et 
n'est  pas  sans  intérêt 

Beçepte  véritable  par  laquelle  tous  les  hommes  de  la  France 
pourront  apprendre  à  multiplier  et  augmenter  leurs  thresors  (2). 

Cet  ouvrage  parut,  pour  la  première  fois,  à  la  Rochelle,  en 
1563,  in-4*;  il  renferme  d'excellents  préceptes  sur  Tagriculture. 
La  question  des  engrais  y  est  traitée  on  ne  peut  mieux,  tant  sous 
le  rapport  théorique  que  sous  le  rapport  pratique.  «  C'est,  dit 
l'auteur,  dans  les  productions  du  sol  qu'il  faut  chercher  la  véri- 
table pierre  philosophale  et  le  moyen  de  multiplier  et  d'augmenter 
ses  thresors.  » 

Le  livre  de  la  Recepfe  véritable,  etc.,  est  divisé  en  quatre  cha- 
pitres :  le  1"  est  intitulé  Agriculture  ;  le  2*,  Histoire  naturelle; 
le  3",  Jardin  délectable;  et  le  4®,  la  Ville  fortifiée. 

Tous  ces  sujets  sont  traités  avec  cette  supériorité  d'esprit  et  de 
talent  qui  caractérise  B.  Palissy.  Après  avoir  enseigné  de  joindre 
l'utile  à  l'agréable,  il  se  montre  philosophe  et  moraliste  sévère , 
en  faisant,  moilié  moqueur,  moitié  sérieux,  les  réflexions  sui- 
vantes sur  l'être  le  plus  méchant  de  la  création  : 

«Je voulus,  dit-il ,  savoir  quelles  espèces  de  folies  estoyent  en 
l'homme,  qui  le  rendoyent  ainsi  difforme  et  mal  proportionné. 
Mais  ne  le  pouvant  sauoir  ny  cognoistre  par  l'art  de  géométrie,  je 
ro'advisay  de  l'examiner  par  une  philosophie  alchimistale,  qui 

/l)  Œuvres  de  Palissy^  p.  888. 
(2)lbid.,etc.,  p.  497.. 


/ 


92  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

fut  le  moyen  que  je  viojs  soudain  ériger  plusieurs  fourneaux  pro* 
près  à  celte  affaire  :  les  uns  pour  putréfier,  l'autre  pour  calciner, 
aucuns  autres  pour  examiner,  et  aucuns  pour  sublimer,  et  d'au- 
tres pour  distiller.  Quoy  fait,  je  prins  la  teste  d'un  homme,  et 
ayant  tiré  son  essence  par  calcinations  et  distillations,  sublima* 
tions  et  autres  examens  faits  par  matras ,  cornues  et  bains-maries, 
et  ayant  séparé  toutes  les  parties  terrestres  de  la  matière  exhalative,- 
je  trouvois  que  véritablement  en  l'homme  il  y  auoit  un  nombre 
infini  de  folies,  que  quand  je  les  eu  apperceues,  je  tombay 
quasy  en  arrière  comme  pasmé ,  à  cause  du  grand  nombre  de 
folies  que  j'auois  apperceues  en  ladite  teste.  Lors  me  print  sou- 
dain une  curiosité  et  envie  de  savoir  qui  esloit  de  ces  plus  grandes 
folies  ;  et  ayant  examiné  de  bien  près  mon  affaire,  je  trouuay 
que  V avarice  eXV ambition  avoient  rendu  presque  tous  les  hommes 
fous,  et  leur  auoient  quasi  pourri  toute  la  cervelle.  » 

Le  maitre  touche  du  doigt  la  plaie  de  l'humanité.  C'est  eu 
effet  Vavarice  et  Vambition  qui  font  le  plus  de  mal.  L'histoire, 
tant  publique  que  privée ,  l'atteste. 

Les  œuvres  de  Montaigne  et  de  Rabelais  ont  eu  de  nombreuses 
éditions;  elles  sont  entre  les  mains  de  tout  le  monde.  Pourquoi 
n'en  serait-il  pas  de  même  des  œuvres  de  Bernard  Palis.sy,  un  des 
plus  grands  hommes  dont  la  France  puisse  s'enorgueillir,  comme 
l'avait  déjà  reconnu  Fontenelle  (i)? 

§  14. 

A  peu  près  vers  le  même  temps,  l'Italie  était  illustrée  par  trois 
hommes  de  génie,  chacun  d'un  mérite  différent  :  Léonard  de 
Vinci,  Cardan ,  et  J.-B.  Porta. 

liéonard  de  Vinci  (né  en  1452,  mort  en  1519). 

Grand  dans  les  arts,  grand  dans  les  lettres,  grand  dans  les  scien- 
ces ,  Léonard  de  Vinci  est  le  génie  le  plus  fécond,  le  plus  vaste  qui 
ait  peut-être  jamais  existé.  On  peut  lui  appliquer  ce  qu'un  his- 

(1)  Le  Yœu  que  nous  avions  exprimé  en  1843  (dans  notre  première  édition) 
a  été  depuis  en  partie  rempli.  M.  Cap  a  publié ,  en  1847,  un  choix  des  œu? res 
de  Bernard  Palissy .  Depuis  lors  M.  de  Lamartine ,  Duniesnil  et  d^autres  ont  consacré 
à  cette  b^lle  figure  dMntéressantes  notices.  Mais  ils  ont  oublié  de  mentionner 
celui  qui  avait  avant  eux  essayé  de  mettre  en  relief  le  génie  et  les  travaux  de 
Bernard  Palissy. 


TROISIEME  £P0ÛI}E.  93 

torien  ancien  dit  d'Alcibiade  :  In  eo  natura  guid  efficere  possit 
pidelur  experta. 

«Un  siècle  avant  Galilée  et  Bacon,  dit  M.  Libri  dans  le  beau 
tableau  qu'il  a  tracé  deTillustre  peintre  toscan,  Léonard  a  porté 
le  flambeau  de  la  critique  dans  toutes  les  parties  de  la  science, 
et  il  a  donné  les  préceptes  les  plus  vrais ,  les  plus  justes,  les  plus 
philosophiques,  pour  parvenir  à  reconnaître  les  causes  des  phé- 
nomènes naturels.  Brisant  le  joug  de  Tautorité,  combattant  les 
qualités  occultes ,  il  proclama  l'expérience  comme  le  seul  guide 
sûr,  et  il  ne  s'en  écarta  jamais  (1).  » 

Léonard  de  Vinci  n'avait  publié  aucun  ouvrage  pendant  sa  vie. 
Les  nombreux  manuscrits  qu'il  laissa  après  sa  mort  tombèrent  en 
différentes  mains  ;  ils  furent  dispersés,  et  pour  la  plupart  égarés. 
Dans  la  Notice  de  quelques  articles  appartenant  à  Vhistoire  na- 
turelle et  à  la  chimie ,  tirés  de  V Essai  sur  les  ouvrages  de  Léonard 
de  Vinci,  parVenturi,  on  remarque  le  passage  suivant,  d'un 
intérêt  plus  particulier  pour  l'histoire  de  la  chimie  : 

((  Le  feu  détruit  sans  cesse  l'air  qui  le  nourrit;  il  se  ferait  du 
vide ,  si  d'autre  air  n'accourait  pas  pour  le  remplacer. 

(t  Lorsque  l'air  n'est  pas  dans  un  état  propre  à  recevoir  la 
flamme,  il  n'y  peut  vivre  ni  flamme  ni  aucun  animal  terrestre  ou 
aérien. 

«Il  se  produit  de  la  ftiméeau  centre  de  la  flamme  d'une  bougie, 
parce  que  l'air  qui  entre  dans  la  composition  de  la  flamme  ne  peut 
pas  y  pénétrer  jusqu'au  milieu.  Il  s'arrêteàla  surfacedela  flamme, 
il  se  transformé  en  elle,  et  laisse  un  espace  vide,  qui  est  rempli 
successivement  par  d'autre  air  (2).  » 

Léonard  de  Vinci  n'est  généralement  connu  que  comme  un 
grand  peintre.  Cependant  il  n'était  étranger  à  aucune  branche 
des  connaissances  humaines.  Il  était  en  même  temps  géomètre , 
mécanicien,  physicien,  naturaliste,  anatomiste;  et  ce  qui  plus 
est,  c'est  qu'il  avait  fait  lui-même  d'importantes  découvertes 
dans  toutes  ces  sciences. 

H.'  Libri  a  donné  un  analyse  détaillée  des  travaux  scientifiques 
de  Léonard  de  Vinci,  d'après  les  fragments  qui  en  restent  (3). 


(1)  M.  Libri,  Histoire  des  sciences  mathématiques  en  Italie,  t.  lit,  p.  53. 

{%)  Annales  de  chimie,  t.  xxiv,  p.  150* 

(3)  Bistaire  des  sciences  mathématiques  en  Italie,  t.  m,  p.  27-60. 


94  HISTOIRE   DE   LA   CHIMIE. 

( 

§  13. 
^érôm^  Cardan  (né  à  Pavie,  en  1501  y  mort  en  1576). 

Tout  à  la  fois  mathématicien,  médecin ,  physicien,  philoso- 
phe ,  Cardan  révèle  dans  ses  nombreux  écrits,  qui  ne  forment  pas 
moins  de  10  volumes  in-folio  (Lyon,  edit.  Spon,  1663),  un  es- 
prit pénétrant,  subtil,  et  doué  d'une  profonde  connaissance  d^^ 
anciens.  Mais  on  chercherait  en  vain  dans  ces  idées  éparses  ua 
enchaînement  systématique.  Enseignant  et  combattant  tour  à 
tour  les  doctrines  de  Talchimie  et  de  la  kabbale,  il  inêlejes 
observations  les  plus  exactes  aux  théojries  les  plus  insoutenables  ^ 
les  vues  les  plus  élevées  aux  théories  les  plus  bis^arres. 

Cardan  appartient  beaucoup  moins  à  l'histoire  de  la  chimie 
qu'à  celle  de  la  philosophie.  Nous  n'avons  de  lui  aucun  traité 
chimique  ou  alchimique  spécial.  Mais  on  trouve  des  notions  in- 
téressantes relatives  aux  sciences  physiques  et  mathématiques 
dans  deux  de  ses  ouvrages  les  plus  remarquables,  dont  Tun  est 
intitulé  De  subtilitqle ,  et  l'autre.  De  varielaUrerum. 

Un  des  chapitres  les  plus  curieux  de  ce  dernier  ouvrage  (i)  est 
celui  qui  traite  des  forces  et  des  aliments  du  feu.  L'auteur  divise 
implicitement  les  corps  en  combustibles  et  en  non  combustibles ^ 
et  il  établit,  contrairement  à  l'autorité  de  ses  prédécesseurs,  que 
le/ci*,  principe  destructeur,  n'est  pas  un  élément. 

Dans  ce  même  chapitre,  il  est  question  d'un  gaz  (flatus)  qui 
c(  alimente  la  flamme  et  rallume  les  corps  qui  présentent  un 
point  en  ignition  ».  —  Ce  gaz  ne  peut  être  que  Voxijgène  ou  le 
protoxyde d'azote.  L'auteur  remarque,  en  outre,  que  (cce  même 
corps  existe  dans  le  salpêtre  »  (2). 

Malheureusement  ces  observations  sont  trop  isolées,  et  man- 
quent de  toute  démonstration  expérimentale.  On  peut  donc  apr 
pliquer  à  Cardan  ce  que  nous  avons  eu  si  souvent  occasion  de 

(1)  H.  Cardani,  M^iolanensis,  medici,  De  rerum  varietaie ,  libri  wn;  Basil., 
1657, in-8^ 

(2)  Ibid.f  lib.  X,  c.  49/p.  668.  Cotiligit  lit  jam  quasi  exstincliis  in  flammam 
accensus  eriimpat,  oh  salsedinem  murorum  el  ob  nitriim  quod  iniiris  vetuslis.  ad- 
hœret  et  lignorum  cariem  ;  qnodcunque  enim  flatum  gi^nit  e  pruna ,  flamknam 
excitare  solet.  —  Ibid.,  p.  662  :  Mira  suut  quae  ignis  ostendit.  —  Mam  caodela 
exstinctas  non  perfecte,  imagines  ori  admovens  revivescere,  qui  tibi  sulphur  et  pe- 
troleum  adesse  non  norit,  admirabitur,  etc. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  95 

dire  de  beaucoup  d'autres  philosophes,  qu'il  a  seulement en/r^u 
qaelques-unes  des  découvertes  qui  devaient  changer  la  face  de 
la  science.  Les  faits  que  ces  entrevoyeurs  connaissaient  étaient 
par  rapport  aux  découvertes  réelles  ce  que  les  infinitésimales 
sont  à  leurs  intégrales. 

Le  livre  De  la  variété  des  choses  a  beaucoup  d'analogie  avec  la 
Magie  naturelle  de  Porta  :  le  lecteur  y  trouve  des  détails  non-seu- 
lement propres  à  piquer  la  curiosité,  tnais  qui  peuvent  aussi  rece- 
?oir  d'utiles  applications.  On  y  lit,  entre  autres,  que  c'est  avec  des 
wktances  métalliques  que  l'on  varie  la  couleur  de  la  flamme  ;  que 
roh  peut  faire  une  bougie  merveilleuse  par  sa  couleur,  son  odeur, 
son  mouvement  et  son  bruit  (  candela  colore,  odore,  motu  et  stre- 
pUuadmtabilis),  avec  1  partie  de  nitre,  ^  de  myrrhe ,  d'huile 
commune,  de  suc  d'épurge,  j*q  de  soufre,  ^  de  cire;  et  que  l'on 
peut  faire  marcher  des  œufs  sur  l'eau ,  en  les  remplissant  de 
poudre  à  canon  par  une  petite  ouverture  que  l'on  bouche  avec 
•de  la  cire  (1). 

Le  long  chapitre  5ttr  la  distillation  ne  renferme  rien  de  nou- 
veau. Il  n'en  est  pas  de  même  de  celui  qui  traite  Du  verre.  Il  y 
est  dit  que  le  verre  maintenu  pendant  quelque  temps  dans  son 
état  de  liquéfaction  par  la  chaleur  perd  sa  transparence  et  de- 
vient opaque.  Le  verre  cependant  ne  change  pas  décomposition 
chimique  (2).  C'est  là  un  de  ces  phénomènes  que  les  chimistes 
modernes  croient  expliquer  par  Yisomérie,  —  un  mot  ! 

Cardan  avait  sur  la  nature  de  Tair  des  idées  fort  justes; 
mais  le  mode  d'analyse  qu'il  proposait  ne  porte  que  sur  une  partie 
deèe  milieu  ambiant,  la  vapeur  d'eau.  Il  se  sert,  à  cet  effet ,  de 
boyaux  ou  de  membranes  animales,  et  apprécie,  d'après  leur 
étal  de  contraction  ,  la  sécheresse  ou  l'humidité  de  l'air.  Cette 
observation  devait  conduire  à  l'invention  de  Vhygromètre  (3). 

Les  anciens,  préservaient  Içs  métaux  de  la  rouille  en  les  recou- 
vrant d'une  couche  de  résin^.  Cardan  et  d'autres  physiciens  pro- 
posaient l'huile  au  lieu  de  la  résine.  Il  ajoute  que  lat  rouille  pro- 
vient d'un  a  humide  aqueux  o  {ab  humido  aqueo)  ;  mais  il  ne 


(Il  De  rerum  varistate ,  lib.  \,  c.  49. 
'(îj/iiii.Vfib.iri.c.  i4.  ' 

(3)  L'iiiTenlion  de  riiygroinètre  iJoit  être,  diaprés  M.  Libri,  attribuée  à  Léonard 
^ Vinci.  Voy.  Histoire  des  sciences  mathématiques,  par  M.Libri,  t.  m,  p.  53, 

noie  2, 


96  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

croit  pas  que  le  principe  de  la  rouille  existe  dans   l'air  (1). 

Dans  son  traité  De  la  subtilité  (2),  Cardan  parle  un  peu  de 
tout.  Il  y  est  question  de  physique,  de  mécanique,  de  chimie, 
de  météorologie,  d'astrologie,  de  zoologie,  de  médecine,  de 
sorcellerie,  etc.  Beaucoup  de  matériaux  sont  empruntés  à  Pline, 
qu'il  ne  cite  pas  toujours.  Dans  le  livre  II ,  l'auteur  parle  des 
feux  d'artifice  de  Marcus  Graecus ,  qu'il  appelle  Marcus  Grac- 
chus  (3).  Il  y  donne  pour  la  composition  de  la  poudre  à  canon 
alors  employée  :  3  parties  de  uitre,  â  parties  de  charbon  et 
1  partie  de  soufre.  On  voit  que ,  comparativement  è  la  poudre  à 
canon  de  nos  jours ,  la  proportion  de  nitre  est  beaucoup  trop 
faible. 

Cardan  s'est  imposé  un  silence  absolu  en  ce  qui  concerne  les 
poisons.  «  Un  empoisonneur  est,  dit-il ,  beaucoup  plus  méchant 
qu'un  brigand.  Il  est  d'autant  plus  à  craindre  qu'au  lieu  de  vous 
attaquer  en  face ,  il  vous  dresse  des  pièges  presque  inévitables. 
C'est  pourquoi  je  me  suis  refusé  non-seulement  à  enseigner  ou  < 
expérimenter  de  pareilles  choses  ;  mais  je  n'ai  pas  même  voulu 
les  savoir  (4).  » 

D'autres  étaient  à  cet  égard  beaucoup  moins  scrupuleux ,  té- 
moin J.-B.  Porta. 

§16. 

ilean-Baptiste  Porta  (  né  en  1537  ^  mort  en  1615}  (5). 

Porta  était  un  polyhistor,  dans  toute  l'acception  du  mot  :  les 
mathématiques,  la  physique,  la  chimie,  la  médecine,  l'histoire 
naturelle,  toutes  les  sciences  lui  étaient  familières.  Il  nous  ap- 
prend lui-même  dans  la  préface  de  sa  Magià  naturalis  (6),  ou- 

(1)  De  rerum  varietate,  lib.  iv,  c.  16,  p.  157  :  Nam  et  sub  terra  ubi  aer  non 
est  corrumpuntur  et  mullo  magis  (metalla). 

(2)  H.  Gard.  De  subtilitate^  libri  xxi  ;  Basil.,  15S3,  in^rol. 

(3)  De  subtititatCf  lib.  ii,  p.  36. 

(4)  Est  veneficus  latrone  eo  deterior,  quo  difficilius  est  vitare  clandestinas  insi- 
dias  quam  manifestas.  Quam  ob  rem  non  solum  docere  aut  experiri,  sed  neque 
8cire  talia  noiui. 

(5)  Voy.,  sur  la  ?le  et  les  ouvrages  de  J.-B.  Porta,  M.  Libr'iy  Histoire  des  scien- 
ces mathématiques  en  Italie,  t.  iv,  p.  108-138. 

(6)  Jo.  Baptista  Porta,  Magix  naturalis  libri \\  ;  NapleS,  15S9,  in-folio.  —  La 
première  édition  avait  paru  en  1584. 


TROISIEME   EPOQUE.  97 

vrage  qui  a  été  traduit  dans  toutes  les  langues  de  l'Europe ,  que , 
non  content  d'avoir  étudié  les  anciens,  il  s'était  mis  à  voya- 
ger en  Italie,  en  France,  en  Espagne,  en  Allemagne,  pour  entrer 
en  relation  avec  les  hommes  les  plus  célèbres  de  son  époque,  et 
qu'il  n'épargna  aucune  dépense  pour  se  procurer  les  livres  de 
science  les  plus  rares.  Il  eut  surtout  à  se  louer  de  la  libéralité  du 
cardinal  d'Esté,  qui  prenait  un  vif  intérêt  aux  travaux  de  Porta. 
Ce  même  cardinal  fonda,  dans  sa  maison,  une  société  savante,  à 
laquelle  il  donna  le  nom  d'Académie  des  secrets.  C'est  la  plus  an- 
cienne de  toutes  les  académies  des  sciences. 

Porta  avait  sur  B.  Palissy  l'avantage  d'une  forte  instruction 
classique,  mais  il  lui  était  de  beaucoup  inférieur  pour  la  méthode 
d'observation. 

B.  Palissy  était  tout  entier  à  ses  laborieuses  recherches  ,.lors^ 
que  Porta  avait  déjà  réuni,  théoriquement,  les  éléments  de  l'art 
du  fabricant  de  verres  et  d'émaux  colorés.  C'est  ainsi  qu'il  dit,  dans 
le  chapitre  de  Gemmis  adulterandis  (1),  qu'il  faut  d'abord  faire 
une  pâte  vitreuse  avec  à  peu  près  parties  égalés  de  tartre  calciné 
, (carbonate  de  potasse)  ou  de  soude  (carbonate  de  soude) ,  et  de 
cristal  de  roche  ou  de  pierres  siliceuses  pulvérisées  et  bien 
lavées;  qu'il  faut  chauffer  ce  mélange,  pendant  six  heures, 
daus  des  creusets  d'argile  à  la  température  la  plus  élevée, 
et  qu'il  est  bon  d'ajouter  à  la  masse  vitreuse  une  cer- 
1  taine  quantité  de  céruse,  afin  de  la  rendre  parfaitement 
transparente.  Cela  fait,  il  ne  s'agit  plus  que  de  colorer  cette 
masse  vitreuse,  et  l'on  y  parvient  en  la  faisant  fondre  avec  des 
oxydes  métalliques.  Voulez-vous  imiter  le  saphir?  mettez-y  du 
cuivre  brûlé;  le  manganèse  (oxyde  de  manganèse  )  vous  donnera 
Taméthyste,  etc. 

Après  les  pierres  précieuses ,  l'auteur  arrive  à  parler  des 
émaux,  qui  sont,  ainsi  qu'il  le  remarque  fort  judicieusement, 
colorés  par  les  mêmes  moyens  que  le  verre  ;  seulement  la  pâte  est 
ici  opaque ,  au  lieu  d'être  transparente. 

Poisons.  Les  poisons  composent  presque  toute  la  Magie  na- 
iwelle.  C'est  là  l'étude  favorite  de  Porta  ;  et ,  bien  qu'il  traite 
dans  son  ouvrage  de  beaucoup  d'autres  sujets ,  il  y  revient  sans 
cesse.  Rappelons-nous  combien  c'était  là  une  question  déli- 
cate, et  combien  il  était  alors  dangereux  de  l'aborder.  Aussi  le 

(\)Magia  naturalisa  lib.  vi,  p.  117  (edit.  Neapol.,  1680). 

H18T.  DB  Ll  CHIMIE.  --  T.  U.  7 


98  UISTOIAE  D£  LA  GH1MI£. 

voyons-nous   employer   mille   moyens  détournés  pour  traiter 
l'objet  de  sa  prédilection. 

Ainsi,  dans  le  livre  Sur  Vart  culinaire,  il  trouve  moyen  de 
glisser  une  recette  pour  faire  que  les  convives  ne  puiss&nt  rien 
avaler.  Cette  recette  consistait  à  faire  digérer  dans  du  vin  des 
racines  de  belladone  (1)  pulvérisées,  et  d'en  donner  à  boire  trois 
heures  avant  le  repas.  Le  principe  vénéneux  de  cette  plante,  qui 
trouvait  dans  le  vin  tout  à  la  fois  un  dissolvant  aqueux  et  alcoo- 
lique, devait  en  effet,  comme  beaucoup  d'autres  poisons,  pro- 
duire une  constriction  violente  du  pharynx,  et  empêcher  ainsi 
la  déglutition  ;  mais,  à  haute  dose ,  qe  vin  devait  faire  plus  que 
d'empêcher  «  les  convives  de  ne  rien  avaler  »  ;  il  devait  les  con- 
duire directement  de  la  table  au  tombeau.  Porta  se  garde  bien  de 
dire  ici  le  fond  de  sa  pensée. 

Dans  ce  même  Traité  culinaire (dfe  Re  coq^inaria)\\  s'étend  sin- 
gulièrement sur  l'usage  des  plantes  de  la  famille  dessolanéesQus- 
quiame,  stramoine,  belladone),  de  la  noix  vomique,  de  l'aconit, 
de  la  staphysaigre,  du  bois  gentil,  de  différentes  espèces  d'apo- 
cynées,  etc.  L'auteur  a-t-il  voulu  donner  à  entendre  que  les  cui- 
siniers et  les  empoisonneurs  sont  de  la  même  famille? 

Dans  le  Traité  de  l'oiseleur  {de  Âucupio)  (2),  il  indique  un 
grand  nombre  de  moyens  propres  à  empoisonner  les  animaux. 
Parmi  ces  moyens  il  y  en  avait  un  qui,  à  cause  de  son  action  vio- 
lente, avait  reçu  le  nom  de  «  pwson  de  loup  »  {lupinum  vene- 
num);  c'était  un  mélange  de  feuilles  d'aconit  tue-loup  {Aconi- 
tum  lycoctonum),  d'if,  de  verre  pilé,  de  chaux  vive,  d'arsenic 
jaune,  d'amandes  amères,  et  de  quantité  suffisante  de  miel  pour 
faire  des  pilules  de  la  grosseur  d'une  aveline.  L'auteur  aurait  pu 
ajouter  que  ces  pilules  pouvaient  tuer  des  hommes  aussi  bien  que 
des  loups. 

Enfin,  dans  le  livre  qui  traite  des  «  expériences  de  médecine  » 
{de  medicis  experimentis)^  l'auteur  fait  connaître  le  moyen  d'ad- 
ministrer un  poison  pendant  le  sommeil.  Ce  moyen  consistait  à 
enfermer  dans  une  boîte  de  plomb  bien  close  un  mélange  de  suc 
de  ciguë,  de  semences  écrasées  de  stramoine ,  de  fruits  de  bel- 
ladone et  d*opium  ;  on  devait  laisser  ces  substances  fermenter 


{i)Herha,  belladàna  vocata.  De  re  coqxtinaria.  Magia  uatur.,  lib.  xit. 
(2)  Mag,  naty  lib.  xv,  p;  244  (edit  Neapol.,  1589) 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  99 

pendant  plusieurs  jours  dans  cette  boîte ,  et  ne  l'ouvrir  que  sous 
les  narines  de  la  personne  endormie  (1). 

Après  avoir  exposé  ses  recettes,  l'auteur" semble  établir  trois 
degrés  dans  l'action  des  poisons  narcotiques.  Dans  le  1"  degré, 
il  y  a  narcotisation  proprement  dite;  dans  le  2®  degré,  alié- 
nation temporaire  (2)  ;  dans  le  3®  degré ,  mort. 

C'est  en  dépassant  la  dose  narcotisante  de  ces  substances  que 
l'on  entrait  dans  le  domaine  de  la  magie  naturelle.  Des  mets 
saupoudrés  de  stramoine  ou  de  racine  de  belladone  faisaient  ap- 
paraître les  visions  les  plus  extraordinaires.  Porta  dit  avoir  vu  des 
individus  ainsi  empoisonnés  être  en  proie  à  d'affreuses  hallu- 
cinations :  ils  se  croyaient  tous  métamorphosés  en  animaux;  les 
uns  nageaient  sur  le  sol  comme  des  phoques  ;  les  autres  mar^ 
chaient  comme  des  oies;  d'autres  broutaient  l'herbe,  comme 
des  bœufs ,  etc. 

Qui  ne  se  rappelle  ici  la  fable  de  Circé ,  qui  changea  les  corn* 
pagnons  d'Dlysse  en  pourceaux? 

On  sait  que  ces  sortes  de  charmes  sont,  en  général,  de  courte 
durée  ;  les  facultés,  un  moment  troublées,  ne  tardent  pas  à  ren- 
trer dans  l'ordre. 

Quand  Porta  parlait  de  ces  poisons,  Texpérience  en  avait  été 
déjà  malheureusement  faite  en  Italie.  Qu'on  songe  aux  Borgia  ! 
Combien  d'empoisonnements  sont  restés  inconnus,  parce  que 
ceux  qui  en  étaient  les  auteurs  ou  les  victimes  ne  figurent  pas 
dans  l'histoire! 

La  question  de  rendre  Veau  de  mer  potable  a  de  tout  temps  oc- 
cupé les  philosophes  et  les  chimistes.  «  S'il  est  vrai,  dit  Porta, 
que  les  eaux  douces  des  fleuves  et  des  rivières  sont  alimentées 
par  la  mer,  il  faut  que  la  nature  possède  le  secret  de  rendre  l'eau 
de  mer  potable.  11  faut  donc  observer  la  nature  et  l'imiter.  Or  la 
distillation  nous  en  fournit  le  moyen.  »  A  cet  effet,  il  conseille  de 
construire  un  grand  appareil  distillatoire  avec  diverses  modifica- 
tions^ et  il  ajoute  qu'avec  '3  livres  d'eau  de  mer,  il  est  parvenu  à 
faire  2  livres  d'eau  douce  (3). 
Dans  un  chapitre,  intitulé  Moyen  d'extraire  Veau  de  Vair,  l'au* 


(1)  Mag,  nat.  Demed.  experiinenl.,  lib.  viii,  p.  151. 

(2)Ëaîâem  plaolœqaèesomnum  inducunt,si  paulo  plus  propineutur,  démentant; 

m 

(3)  Mag,  nat.f  Chaos^  lib.  xx. 

7. 


100  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

• 

teur  démontre  parfaitement  que  les  vapeurs  qui  se  déposent,  en 
été  ou  dans  un  appartement  chaud,  sur  les  parois  d'un  verre 
plein  d'eau  fraîche ,  proviennent  de  Pair  qui  en  est  chargé ,  et 
qu'elles  se  condensent  ainsi  par  l'action  du  froid.  Donc,  pour  avoir 
de  l'eau  bien  pure,  il  suffirait,  ajoute-t-il,  de  renaplir  un  grand  bal- 
lon de  verre  d'un  mélange  de  glace  et  de  nitre  brut  (  contenant  du 
sel  marin);  l'eau,  après  s'être  condensée  sur  les  parois  de  ce 
ballon,  s'écoulerait  dans  un  bassin  disposé  à  la  recevoir  '(i). 

Les  parties  du  môme  ouvrage  intitulées  de  Ziferis,  de  Mêlai- 
lorum  transmutationey  de  Referraria,  de  Igné  artificiali,  contien- 
nent peu  de  faits  nouveaux. 

Quant  aux  chapitres  de  Caioptricis  imagirUbuSy  de  Mirabilibus 
magnetiSy  ils  intéressent  plus  particulièrement  l'histoire  de  la 
physique. 

Signalons,  entre  autres,  un  passage  qui,  bien  qu'il-soit  étranger 
à  l'histoire  de  la  chimie,  est  très-propre  à  mettre  en  relief  le  gé- 
nie inventif  du  célèbre  physicien'  de  Naples.  Porta  parle 
d'un  véritable  système  télégraphique.  Il  assure  que ,  pour  trans- 
mettre des  nouvelles  à  de  grandes  distances  dans  très-peu  de 
temps,  il  serait  bon  de  se  servir  de  certains  signes  placés  sur  des 
tours  élevées  ou  sur  des  montagnes,  et  que  ces  signes  habilement 
combinés  pourraient  tenir  lieu  de  toutes  les  lettres  de  l'alpha- 
bet (2). 

Ce  système  télégraphique  ne  fut  pas  mis  en  usage  du  temps 
de  Porta.  Comme  tant  d'autres  idées,  il  passa  inaperçu. 

§  17. 

ttleu  de  cobalt*  - —  Indigo*  —  Cochenille.  —  Ktabli«0en&eiito 
des  Ciobelins  et  du  «lardin  des  Plantes. 

Bien  que  dénuée  de  principes,  la  chimie  (echnique  avait  reçu 
une  forte  impulsion  par  la  divulgation  d'une  multitude  de  faits 
importants  qui  avaient  été  jusqu'alors  considérés  comme  des 

(1)  Mag.  nalur.^  p.  295. 

(2)  Ihïd.,  lib.  XVI,  De  ziferis,  p.  258.  Suivant  Tauteur,  ces  signes  pour- 
raient être  au  nombre  de  quatre  :  le  premier,  montré  une  fois ,  représenterait  la 
lettre  A;  deux  fois,  B;  trois  fois,  C;  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  sept  fois  :  le 
deuxième  signe ,  montré  une  fois ,  correspondrait  à  la  huitième  lettre  de  l*alpba- 
bet  ou  à  H  ;  deux  fois  à  I,  etc.,  et  ainsi  des  autres  signes. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.    .  101 

secrets,  et  comme  tels  soustraits  à  la  connaissance  du  public. 
B.  Palissy,  Cardan,  J.-B.  Porta,  elc,  venaient  de  déchirer  le  voile 
qui  devait  cacher  la  science  au  regard  du  profane.  Ils  furent 
suivis  dans  la  même  voie  par  I^ev.  Lemnius  (1),  Gessner  (2) , 
Th,  Garzont  (3),  Rossello  (4),  Vent.  Rosetti  (5),  Ant.  Mizaud  (6). 
Ce  fut  vers  le  milieu  du  seizième  siècle  qu'un  vitrier  saxon , 
Christophe  Schûrer,  eut  Tidée  de  faire  fondre  avec  du  verre  les 
minerais  de  cobalt  de  Schneeberg,  connus  sous  le  nom  de  Wis- 
muthgraupen  et  rejetés  jusqu'alors  comme  inutiles.  Cet  artisan 
découvrit  ainsi  le  beau  bleu  de  cobalt ,  qu'il  vendait  d'abord 
comme  un  émail  bleu  aux  potiers  do  pays.  Ce  produit  ne  tarda 
pas  à  être  connu  des  marchands  de  Nuremberg,  qui  l'exportè- 
rent en  Hollande,  où  il  se  vendait  de  150  à  180  francs  le 
quintal.  Les  Hollandais  apprirent  ensuite  eux-mêmes  la  fabrica- 
tion de  cette  couleur,  et  l'appliquèrent  heureusement  à  la 
peinture  sur  verre ,  dans  laquelle  ils  excellaient.  Venise  faisait 
aussi  un  grand  commerce  de  bleu  de  cobalt. 

Ventura  Rosetti  avait  rapporté  des  pays  où  il  avait  voyagé,  et 
notamment  de  l'Orient,  de  nombreux  secrets  de  teinture  dont  il 
fitpart  au  public. 

Une  communication  plus  facile  avec  les  Indes  orientales  par  la 
voie  du  cap  de  Bonne-Espérance ,  et  la  découvjerte  de  l'Amérique, 
donnèrent  un  nouvel  essor  à  l'art  du  teinturier.  L'usage  de  la 
cochenille  et  de  Y'indigo  se  répandit  rapidement  en  France,  en  An- 
gleterre, en  Italie  et  même  en  Allemagne,  malgré  les  ridicules 
ordonnances  des  électeurs  et  ducs  de  Saxe,  qui  proscrivaient 
l'indigo  comme  «  une  couleur  mordante  du  diable  »  {fressende 


(1)  De  miraculis  occultis  naturx  ac  variis  rerum  documentis,  lib.  ly, 
Antw.,  1561,  in -8°.  Cet  ouvrage  eut  un  grand  nonobre  d'éditions,  et  fut  traduit 
en  français  et  en  allemand. 

(2)  Kunstkammer  (Chambre  des  arts)  ;  Francf.,  1595,  in-8°. 

{SijPiazza  univea^sale  di  lutte  le  professioni  delmondo;  Venise,  1579, 
in^**.  —Cet  ouvrage  eut  aussi  de  nombreuses  éditions,  et  fut  traduit  en  plusieurs 


{h)  Delta  summa  dei  secreli  tiniversali  in  ogni  materia;  Venise,  1601,  in-12 
(la  première  édition  est  de  1559). 

(5)  Pliclo  {Plieto,  Plelho),  delV arle  de*  tentori,  etc.  ;  Venise,  (548,  in-4°. 
Tredaiten  français;  Paris»  1716. 

(6)  De  arcanis  naturx;  Paris,  1558,  in-33.  D'autres  ouvrages  du  même  au- 
teDr(j|irotfer  de  Vair,  àes Secrets  dujardinage^  des  Secrets  de  la  lune)  trai- 
teot  de  Téconomie  domestique. 


102  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Teufelsfarbe)  (1).  L'indigo  porta  un  rude  coup  à  la  culture  du 
pastel,  qui  faisait  alors  la  principale  richesse  de  la  Thuringe.' 

L'emploi  de  la  cochenille  (2)  ne  remonte  pas  au-delà  du  règne 
de  François  P'.  Gilles  Gobelin  de  Paris  fut  le  premier  à  en  faire 
usage.  Ayant  remarqué  que  les  eaux  de  la  petite  rivière  de  la 
Bièvre  du  faubourg  Saint-Marceau  possèdent  des  prapriétés  par- 
ticulières pour  la  teinture ,  il  s'établit  sur  les  bords  de  cette  ri- 
vière ,  et  fonda  ainsi  un  des  établissements  les  plus  célèbres  de 
l'Europe.  Le  public  railleur  ou  jaloux  appela  d'abord  la  maison 
de  Gilles  la  folk-Gobelin,  s'imaginant  que  l'entreprise  du  pauvre 
teinturier  ne  réussirait  point.  Gobelin  ne^'appliqua,  dans  l'ori- 
gine ,  qu'à  la  teinture  écarlaie  sur  des  étoffes  de  laine.  C.  Dreb- 
BEL,  ou ,  suivant  d'autres ,  le  peintre  flamand  Rloek,  venait  de 
découvrir  l'action  du  sel  d'étain  sur  la  cochenille  (production  de 
la  couleur  écarlate  ).  Mais  les  guerres  de  religion  et  les  troubles 
civils  entravèrent  le  développement  de  cette  industrie  naissante  ; 
et  ce  n'est  guère  que  du  règne  de  Louis  XIV  que  date  la  prospé- 
rité de  rétablissement  des  Gobelins  (3). 

Non  loin  des  Gobelins  s'éleva,  à  la  même  époque,  un  autre 
établissement  cher  aux  sciences,  et  qui  devait  un  jour  donner  au 
monde  Buffon  et  Cuvier. 

Jacques  Gohorry,  prieur  de  Marsilly,  avait  un  jardin  dans  le 
lieu  où  est  actuellement  le  labyrinthe  du  Jardin  du  Roi.  C'est  là 
que  Botal,  Honoré  Châtelain ,  Jean  Chapelier,  allaient  faire  (vers 
1572)  des  conférences,  auxquelles  assistaient  Fernel  et  Ambroise 
Paré.  A  côté  du  jardin  de  Gohorry  était  celui  de  la  Brosse  ,  ma- 
thématicien du  roi ,  «  garni  de  simples  rares  et  exquises.  »  Dans 
un  laboratoire  voisin  de  ce  jardin,  on  se  livrait  aux  opérations 
de  la  chimie.  On  y  répéta  des  expériences  faites  au  retour  des 
voyages* de  Belon,  sur  l'art  défaire  éclore  des  poulets  dans  des 
fourneaux  dont  les  degrés  de  chaleur  étaient  réglés  par  des  re- 
gistres. Duchesne,  Th.  de  Meyerne,  devinrent  les  oracles  de  ces 
assemblées.  Ribit  (de  la  Rivière),  devenu  premier  médecin  de 
Henri  IV,  encouragea  de  tout  son  pouvoir  l'étude  de  la  chimie. 

(1)  Gothaische  Landesordnungen(ordonndLncesôeGo[hdi)f tu,  c.  3,tit.  40. 

(2)  La  cochenille  ne  diffère  du  Kermès,  —  mot  arabe  qui  signifie  ver,  —  que  par 
l'action  des  climats  et  des  différentes  espèces  d'arbres  où  se  tiennent  ces  insectes, 
qui  ont  l'apparence  de  nos  punaises. 

(3)  Francheville,  Dissertation  sur  Vart  de  la  teinture  des  anciens  et  modef' 
nés  (Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin,  1767). 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  J03 

Il  protégea  Béguin,  et  fit  venir  Davisson  en  France  en  1606.  Il  écri- 
vait à  ses  amis  jeunes  et  vieux  pour  les  exciter  à  des  recherches 
et  observations  de  tout  genre  pour  Tavancement  des  sciences. 
Voici  ses  paroles,  elles  devraient  être  inscrites  au  frontispice  du. 
Jardin  des  Plantes  (1)  : 

Emittite  calceos^  montes  accedite;  valles,  solittidines,  littora 
maris  ^  terrœ  profundos  sinus  inquiriie;  animalium  discrimina , 
planiarum  differentias ,  mineralium  ordines,  omnium  proprie- 
UUes  noscendi  modos,  notate;  rusticorum  astronomiam  et  terres- 
trem  philosophiam  diligenter  edisdte;  nec  vos  pudeat  tandem 
carbones  emittere ;  fomaces  construite,  vigilate  et  cogitate  sine 
ixdio  ;  ita  enim  pervenietis  ad  corporum  proprietatem  cognitio- 
nemque,  alias  non  (2). 

§  18. 

Une  des  branches  les  plus  considérables  de  la  chimie  tech- 
nique ,  c'est  rart  du  distillateur.  Cette  branche  était  particulière- 
ment cultivée  au  xvi®  siècle,  en  Europe  comme  en  Asie.  La 
préparation  du  koumys  était  d'origine  ancienne  chez  certains 
peuples  de  race  mongole.  Voici  ce  que  nous  apprend  à  cet  égard 
Alexandre  de  Humboldl  :  «  On  paraît,  dit  Tillustre  savant,  con- 
fondre en  Asie  les  boissons,  alcoolisées  obtenues  .par  Talambic,  et 
celles  qu'on  obtient  par  une  simple  fermentation  vineuse  inter- 
rompue. C'est  ainsi  que  le  mot  koumys,  qui  ne  devrait  être  appli- 
qué qu'au  lait  de  jument  fermenté,  non  distillé ,  est  quelquefois 
aussi  appliqué  au  lait  soumis  à  la  distillation.  Aboul  Ghazi,  décri- 
vant le  grand  festin  donné  en  1251  par  Manggou,  nomme  tout  ex- 
près le  koumT/s,  clair  comme  l'eau-de-vie  de  céréales  et  distillé 
deux  fois. —  J'ai  eu  occasion,  continue  M.  deHumboldt,  à  mon  re- 
tour de  la  mer  Caspienne ,  au  mois  d'octobre  i  829,  d'assister  à  là 
distillation  du  lait  de  jument  dans  la  steppe  des  Kalmouks,  entre  le 
Wolga  et  l'Yayk.  Parmi  ce  groupe  dépeuples  nomades,  la  boisson 

(1)  Gobet  (  Anciens  minéralogistes,  etc.  ),  t.  ii. 

(2)  «  Préparez-vous  à  explorer  les  montagnes  ,.à  vi^ter  les  vallées,  les  déserts, 
es  bords  de  la  mer,  les  entrailles  de  la  terre  ;  notez  les  caractères  des  aninurax  et 
des  plantes ,  les  ordres  des  minéraux  ;  approfondissez  Tagriculture ,  la  philosophie 
naturetle  ;  ne  rougissez  pas  de  manier  le  charbon ,  de  construire  des  fourneaux  ; 
veillez  et  traTaillez  sans  relâche  ;  car  ce  n'est  qu'ainsi  que  vous  arriverez  à  con- 
naître  les  propriétés  des  choses.  » 


104  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

enivrante  qui  a  éprouvé  la  simple  fermentation  vineuse,  après 
avoir  été  fortement  battue,  porte  exclusivement  les  noms  de  kumiz 
on  kaumys^  et  de  tchighan.  Le  koumys  ou  tchighan,  une  fois  passé 
à  l'alambic,  s'appelle  ara^a /l'araka,  distillé  de  nouveau,  donne 
une  liqueur  spiritueuse  encore  plus  forte,  désignée  sous  le  nom 
à^'arza.  Quelques  expériences  chimiques  de  M.  Vogel  ont  prouvé, 
en  confirmant  l'ancien  travail  d'Oseretskovsky,  que  même  le  lait 
de  vache  est  susceptible  de  la  fermentation  vineuse.  Il  reste  un 
travail  important  à  faire  sur  cet  objet,  dont  les  chimistes  d'Eu- 
rope se  sont  encore  peu  occupés ,  niant  même  longtemps  la  pos- 
sibilité de.la  fermentation  spiritueuse  dans  un  liquide  qui  ne  pa- 
rait pas  renfermer  de  principe  sucré.  M.  Persoz,  par  des 
expériences  ingénieuses ,  chimiques  et  optiques  à  la  fois,  a  fait 
voir  comment  l'action  des  acides  sulfurique,  citrique  et  acétique, 
donnent  au  sucre  de  lait  la  propriété  de  fermenter,  et  de  fournir 
de  l'alcool  en  abondance.  On  a  lieu  d'être  surpris  de  la  sagacité 
de  ces  peuples  nomades,  qui,  dans  l'absetice  de  plantes  céréales 
et  bulbeuses,  riches  en  amidon,  ou  de  fruits  à  jus  sucré,  au 
milieu  de  l'aridité  des  steppes  de  l'Asie,  ont  trouvé ,  par  la  dis- 
tillation de  liquides  animaux  sécrétés  par  les  mamelles  des  ju- 
ments ,  de  quoi  satisfaire  leur  passion  pour  les  liqueurs  eni- 
vrantes. Chez  les  Salmouks,  le  lait  fraisé  s'appelle  ussoun  (en 
mongol  su)\\e  lait  de  vache  aigri,  airak;  la  première  eau-de-vie 
obtenue  par  la  distillation  du  lait,  arki;  la  seconde  dang;  la  troi- 
sième, arza  (  en  mongol,  ardjan)\  la  quatrième ,  khortsâ;  la  cin- 
quième, chingtsâ;  la  sixième,  dingtsâ.  Tel  est  le  goût  des  li- 
queurs fortes,  qu'on  soumet  le  lait  jusqu'à  six  distillations  suc- 
cessives. Le  mot  ar/^ï  (corrompu  par  les  Mandchoux  en  arki)aL 
sans  doute  une  même  origine  avec  araky  eau-de-vie  des  Asiatiques 
méridionaux  (1).  » 


(1)  Examen  critique  de  Vhistoire  de  la  géographie  ^  etc.,  t.  ii,  p.  300-312. 
A  la  suite  de  ce  passage  Alex,  de  Humboldt  entre  dans  une  discussion  pleine 
d'intérêt'pour  l'histoire  de  la  distillation ,  en  signalant  le  premier  un  passage  d'A- 
lexandre d'Aphrodisie^  dont  nous  avons  parlé,  tonoe  i,  p.  203.  11  est  bon  de  faire 
remarquer,  en  passant,  que  M.  Ideler  est  dans  Terreur,  quand  il  dit  que  le  passage 
de  la  distillation  de  Teau  de  mer  manque  dans  la  traduction  qu'Alexandre  Picco- 
lomini  a  donnée  en  1548  du  commentaire  d'Alexandre  d'Aphrodisie.  Ce  passage 
s'y  trouve;  mais  la  traduction  latine  n'est  pas  rigoureusement  exacte,  ainsi  que 
nous  avons  eu  Toccasion  de  nous  en  convaincre  en  la  comparant  avec  le  texte 
gréent. I,  p.  219).] 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  105 

Rubens  et  Khunraih  ont  écrit  des  traités  spéciaux  sur  la  distilla- 
tion. 

Jérôme  Rubeus^  de  Ravenne ,  s'est  beaucoup  étendu  sur  l'his- 
toire et  l'importance  de  l'art  distillatoire  (4).  Il  rapporte  que  le 
célèbre  Côme  deMédicis,  les  ducs  de  Ferrare  et  plusieurs  princes 
d'Autriche  s'étaient  occupés  de  la  distillation  des  sucs  d'herbes, 
de  l'eau-de-vie,  des  essences,  etc.  Il  parle  aussi  d'un  produit 
obtenu  en  distillant  un  mélange  de  chaux  et  d'huile  (2). 

Conrad  Âhunraih,  de  Leipzig,  a  consacré  un  ouvrage  fort 
étendu  à  la  distillation  du  vin,  des  eaux -de  mer,  des  urines,  du 
miel,  de  la  cire,  du  sucre,  des  substances  aromatiques,  des  ré- 
sines, et  d'une  foule  d'autres  matières  végétales  ou  minérales  (3). 
Mais  on  y  chercherait  en  vain  des  observations  neuves  et  origi- 
nales. 

On  employait,  selon  les  circonstances,  le  feu  nu ,  ou  des  bains 
d'eau,  de  sable  et  d'huile.  Le  bec  de  l'alambic  et  le  récipient 
étaient  soigneusement  entourés  d'eau  froide,  afin  de  condenser  la 
vapeur  qui  s'élève  de  la  cornue,  à  laquelle  s'appliquait  une  tem- 
pérature graduée.  On  s'ingéniait  surtout  à  faire  parcourir  aux 
vapeurs  le  chemin  le  plus  long^  avant  de  se  condenser  dans  le 
récipient.  Pour  cela ,  on  construisait  des  tubes  recourbés  en 
zigzag  et  on  donnait  aux  appareils  les  formes  les  plus  bizarres. 
La  figure  delà  page  suivante  représente  un  de  ces  appi^reils  (4)  : 

J,  Costœvs  de  Lodi  recommande  de  distiller  les  essences,  pour 
les  obtenir  très* concentrées,  dans  un  bain  de  sable  chauffé  au 
soleil  (6).  Ambroise  Paré  et  B.  Yeitori  avaient  déjà  signalé  l'in- 
convénient des  vases  de  plomb  pour  la  distillation  des  matières 
acides  et  corrosives.  Craio  de  Kraftheim  s'était  élevé  avec  force 
contre  l'emploi  des  vases  de  cuivre.  Il  cite,  à  l'appui  de  ses  re- 


{{)  De  distillatione  liher  t  in  quo  sHllatitiorum  liquorum  qui  admedicinam 
factùnti  methodus  ac  vires  explicantur;  Bâle,  1586,in*i2. 

(2)  lhid.<,  p.  189.  Cape  aequas  partes  calcis  vivœ;  haec  oieo  miscentur  et  vi  ignîs 
stillatitios  émanât  liquor,  quo  lampadem  ardere  perpétue,  si  credere  fsrs  est ,  as- 
serunt. 

(3)  Mtdulladistillatoria  et  medica;  Hambourg,  1605,  ia4^  Il  n*y  a  de  latin 
que  le  titre  ;  le  texte  est  en  allemand. 

(4)  C'est  un  fac-sîmile  d'une  gravure  sur  bois  qui  se  trouve  dans  Libavius, 
Oper,,  vol.  I  ;  Arcan,  chym,,  p.  406. 

(5)  In  Mesues  simplicia  et  composita  et  aulidotarii  novem  posteriores  sectiones 
iânotationes;  'Venise,  1602,  in-fol. 


HISTOIRE   DE   LA   CHIMIE. 


marques ,  des  cas  d'empoisonnement  dus  à  du  vinaigre  ayant  sé- 
journé dans  des  chaudières  de  cuivre. 


André  Bacclo,  médecin  de  Rome ,  a  laissé  un  volume  in-folio 
sur  l'histoire  naturelle  des  vins  (I).  Celait  un  érudit,  plutôt  qu'un 
chimiste.  Après  avoir  passé  en  revue  les  vins  anciens,  il  arrive 
aux  vins  de  France;  il  trouve  que  le  vin  des  environs  de  Paris 
est  très-esquis,  et  qu'il  ne  le  cède  à  aucun  autre  vin  (2).  SiBaccio 
eût  été  seul  de  son  opinion ,  on  pourrait  dire  qu'il  avait  le  sens 
du  goût  perverti,  et  toute  discussion  serait  inutile.  Mais  Tlabe- 

(1)  Andréas  Baccius,  De  nalurali  vinorutn  hitlorla,  de  vinis  Italix  el  de  con- 
viviis  antiqtiorumlibri  tji,  Rome,  I59G,  in-fol. 

(2)  Ibid.,  lib,  vil,  p.  3bS.  Verum  niilljs  secunda  Tinis,  qute  circa  Luteliam,  ubi 
Parrliisii,  liabentiir.  —  Certaine  coteaux  aitués  près  de  Paris,  tels  que  ceux  de 
Cr  Ane  et  de  Périgny  prës  de  Bi-unoy,  produisent  encore  aujourd'bui  des  vins  estimés, 


TROISIÈME  .ÉPOQUE.  107 

lâis,  qui  aimait  pourtant  les  bons  vins ,  pensait  là-dessus  comme 
le  médecin  italien.  De  deux  choses  Tune  :  ou  il  en  est  des  goûts 
comme  des  modes,  qui  n'ont  qu'une  existence  éphémère;  ou  le 
climat  et  le  terroir  sont  changés,  et  par  suite  la  qualité  du  vin. 

On  savait  depuis  longtemps  extraire  Teau-de-vie  du  vin.  Mais  il 
se  passa  un  grand  nombre  d'années  avant  que  l'on  contractât  la 
funeste  habitude  de  s'en  servir  comme  d'une  boisson.  L'eau-de- 
vie  n'était  encore  qu'un  médicament  au  xv*  siècle,  ainsi  que  nous 
l'apprennent  les  documents  de  ce  temps. 

Le  manuscrit  n"^  7478  (du  xv*  siècle)  de  la  Bibliotbèqi^e  impé- 
riale contient  un  chapitre  curieux  ainsi  intitulé  :  «  Cy  après  s*en- 
suyt  les  vertus  et  proprietez  de  Veau-de-vie, 

«  Eau-de-vie  vault  à  toutes  manières  de  douleurs  qui  peuvent 
venir  par  froidure  et  par  trop  grande  abondance  de  fluide. 

c(  Et  la  dite  eau  vault  aux  yeulx  qui  larmoyent  et  pleurent 
souvent,  et  font  grant  douleur  pour  raison  des  larmes.  —  Elle 
vault  aussi  à  toutes  personnes  qui  ont  haleyne  puante  et  corrom- 
pue. —  Elle  vault  contre  hydropisie  qui  procède  et  vient  de 
froide  chose;  contre  maladies  qui  sont  incurables;  contre playes 
qui  sont  pourries  et  infectes;  contre  apostesme  qui  peut  surve- 
nir à  la  main  des  dames  ;  contre  morsures  de  bestes  venimeu- 
ses, etc.  » 

Elle  est  longue,  la  liste  de  toutes  les  maladies  contre  lesquelles 
l'eau-de-vie  était  spréconisée  comme  un  remède  souverain  :  ses 
vertus  devaient  éclipser  celles  de  l'or  potable.  L'esprit  distillé  du 
vin  devait  rajeunir  les  vieillards  et  prolonger  la  vie  ;  d'où  son  nom 
aqua  vitce,  eau-de-vie.  Bref,  cette  liqueur  ne  se  vendait  encore, 
au  XV®  siècle,  que  chez  l'apothicaire;  c'était,  pour  le  répéter,  un 
médicament,  et  non  pas  une  boisson. 

Chacun  désire  vivre  longtemps,  môme  celui  qui  en  a  le  moins 
l'air.  Qu'y  a-t-il  donc  d'étonnant  à  ce  que  les  hommes,  en  enten- 
dant tous  les  médecins  vanter  les  propriétés  merveilleuses  de 
l'eau-de-vie,  soient  peu  à  peu  arrivés  à  en  faire  un  usage  immo- 
déré ?  Et  lorsqu'on  eut  cessé  de  croire  aux  vertus  fantastiques  de 
cette  liqueur,  elle  était  déjà  un  [objet  de  consommation.  De  mé- 
dicament, elle  était  devenue  boisson  ;  au  lieu  de  prolonger  la  vie, 
elle  ne  faisait  que  l'abréger.  Cette  propriété,  ce  n'est  plus 
l'imagination,  mais  l'expérience  qui  nous  l'apprend. 

On  trouve  déjà,  vers  la  fin  du  xvi®  siècle,  l'usage  de  l'eau-de-vie 
répandu  dans  presque  tous  les  pays  de  l'Europe.  Dans  toutes  les 


i08  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

contrées,  comme  le  nord  de  l'Allemagne,  la  Suède,  le  Dane- 
mark, la  Russie,  et  en  général  partout  où  la  vigne  ne  prospère 
point ,  cette  liqueur  était  chère.  Aussi  la  préparation  dé  Teau-de- 
vie  de  grains  produisit-elle  une  véritable  révolution  dans  le  com- 
merce ,  révolution  comparable  à  celle  qu'a  produite ,  de  nos 
jours ,  l'extraction  du  sucre  de  la  betterave.  Mais  la  fabrîca- 
tion  de  Teau-de-vie  de  grains ,  loin  d'être  encouragée  par  les 
gouvernements ,  était  proscrite  par  de  certains  scrupules  reli- 
gieux :  elle  paraissait  une  profanation  de  la  matière  qui  compose 
le  0  pain  quotidien  ».  Ce  fait  est  caractéristique  :  il  fait  ressortir 
l'esprit  dominant  de  l'époque. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  i09 


IV. 


ALCHIMISTES. 


Les  chimistes  expérimentateurs,  qui  formaient  au  moyen  âge 
une  bien  faible  minorité^  vont  bientôt  voir  grossir  leurs  rangs. 
L'alchimie  pâlit  devant  la  lumière  de  la  science,  qui  commence 
à  poindre  à  Thorizon. 

Nous  ne  nous  sommes  pas  proposé  de  faire  ici  Thistoire  de  Pal- 
chimie  proprement  dite.  Cependant ,  comme ,  au  xvi®  siècle ,  les 
alchimistes  sont  encore  assez  nombreux,  et  que  leur  influence  se 
faisait  sentir  sur  la  marche  générale  de  la  science,  nous  nepou« 
vons  nous  dispenser  de  nous  y  arrêter  un  moment. 

Il  n'existe,  au  fond,  que  deux  classes  d'alchimistes  :  les  uns,  à 
l'aide  de  quelques  artifices,  exploitent  la  crédulité  du  public.  Ce 
sont  les  alchimistes  qui  se  disent  en  possession  de  la  pierre  phi- 
losophale,  ou  qui  vendent  de  la  poudre  de  projection  pour  trans* 
former  le  mercure  ou  Tétain  en  plus  que  leur  poids  d'or  ou  d'ar- 
gent. Les  autres ,  ne  jurant  que  sur  la  parole  des  maîtres ,  croient 
sincèrement  à  la  possibilité  de  leur  art.  Ceux-là  sont  au  moins 
honnêtes;  il  ne  serait  pas  impossible  de  s'entendre  avec  eux. 

Malheureusement  il  n'est  pas  toujours  facile  de  distinguer  les 
alchimistes  sincères  des  faux  alchimistes,  et  nous  ne  pouvons  les 
juger  que  sur  les  pièces  qu'ils  nous  fournissent  eux-mêmes. 

La  France,  V Allemagne ,  V Italie  et  V Angleterre  étaient  par- 
courues en  tout  sens  par  des  chercheurs  de  la  pierre  phîlosophale  ; 
leur  vie  aventureuse  est  pleine  d'incidents  plus  ou  moins  drama- 
tiques. Mais  ces  détails  sont  loin  de  porter  toujours  l'empreinte 
de  la  véracité. 

Voici  les  alchimistes  qui  se  sont  fait  connaître  en  France,  soit 
par  l'histoire  de  leurs  aventures,  soit  par  leurs  écrits. 


110  HISTOIRE  DELA  CHIMIE. 


§  19. 


DenU  Zecaire  (  Dionysim  Zaccharias), 

Zecaire  naquit  en  Guyenne  en  1510.  C'est  lui-même  qui  nous 
raconte  très-naïvement  toutes  les  tribulations  de  sa  vie,  dans  son 
Opuscule  de  la  vraye  philosophie  naturelle  des  métaux  (1).    , 

Après  avoir  reçu,  dans  la  maison  paternelle,  quelques  notions 
élémentaires,  il  fut,  à  Tâge  de  vingt  ans ,  envoyé  au  collège  de 
Bordeaux,  où  il  étudia,  pendant  trois  ans,  la  grammaire,  la  rhé- 
torique et  la  philosophie.  C'est  là  qu'il  commença  à  se  livrer 
à  des  travaux  alchimiques,  sous  la  direction  d'un  maître,  adepte 
zélé  de  l'art  hermétique.  De  Bordeaux  il  se  rendit  à  Toulouse, 
sous  prétexte  d'y  faire  son  droit,  mais  en  réalité  pour  continuer 
les  opérations  alchimiques.  Mais  il  ne  fut  guère  plus  heureux 
qu'à  son  début.  Laissons-le  parler  lui-même  ; 

«Presque  tout  estoit  inutile;  si  bien  qu'à  la  fin  de  l'année  mes 
deux  cents  escus  s'en  allèrent  en  fumée,  et  mon  raaistre  mourut 
d'une  flebure  continue,  qui  luyprint  l'esté,  de  force  de  souffler 
et  de  boire  chauld ,  pour  ce  qu'il  ne  partoit  gueres  de  la  cham- 
bre, où  il  ne  faisoit  gueres  moins  de  chauld  que  dedans  l'arsenal 
de  Venise  en  la  fonte  des  artilleries  ;  la  mort  duquel  me  fust 
grandement  ennuyeuse ,  car  mes  proches  parents  refusoyent  me 
bailler  argent  plus  que  ne  m'en  falloit  pour  m'entretenir  aux  es- 
tudes,  et  moy  ne  desirois  autre  chose  que  d'auoir  le  moyen  pour 
continuer;  ce  que  me  contraignist  aller  vers  ma  maison,  pour 
sortir  de  la  charge  de  mes  curateurs ,  afin  d'auoir  le  maniement 
de  tous  mes  bietis  patefnels,  lesquels  j'arrentis  pour  trois  ans  à 
quatre  cents  escus.  )> 

Cet  argent  devait  servir  à  essayer  d'un  procédé  que  lui  avait 
vendu  un  Italien.  Ce  procédé  consistait  à  traiter  de  l'or  et  de  l'ar- 
gent par  l'eau-forte  pendant  deux  mois ,  pour  obtenir  de  la  pou- 
dre de  projection*  Zecaire  perdit,  comme  on  le  pense  bien  ^  son 
temps  et  son  argent  \  et  lllalien  qui  travaillait  avec  lui  trouva  en- 


(i)  Anvers,  1 567,  inl2.  Réimprimé  en  latin  dans  la  BibL  chim*  de  Manget,  t.  li  j 
et  dans  le  Theat,  chim,,  1. 1; 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  111 

core  le  moyen  de  lui  soutirer  une  somme  considérable ,  sous 
prétexte  d'aller  à  Milan,  et  de  s'y  aboucher  avec  Tauteur  même  du 
procédé  qui  n'avait  pas  réussi. 

a  Pour  ainsi  je  fuz  à  Thoulouse  tout  Thyver,  attendant  le  re- 
tour de  l'Italien;  mais  j'y  serois  encores,  si  je  l'eusse  voulu  at- 
tendre, car  je  ne  le  vis  plus.  ^ 

«  Cependant  l'esté  vint,  accompagné  d'une  grande  pestilence, 
qui  nous  fist  abandonner  Thoulouse.  Et,  pour  ne  laisser  les  com- 
paignons  que  je  cognoissois ,  m'en  alloys  à  Cahors  où  je  fus  six 
moys  ;  durant  lesquels  je  n'oubliay  pas  à  continuer  mon  entre- 
prise ,  et  m'accompagnai  d'un  bon  vieil  homme ,  qu'on  appeloit 
communément  le  Philosophe,  auquel  je  monstrois  mes  brouillatz, 
luy  demandant  conseil  et  advis ,  pour  voir  quelles  receptes  luy 
sembleroyent  estre  le  plus  apparentes.  Mais  desdites  receptes  je 
rapportai  tel  et  semblable  proufit  que  des  premières,  de  sorte  que, 
après  la  feste  de  la  Sainct  Jehan ,  je  trouvay  mes  quatre  cens  es- 
eus  augmentez,  et  devenus  à  cent  soixante  et  dix.  Non  que  pour 
cela  je  cessasse  depoursuyvre  tousjours  mon  entreprin«e.  Et, 
pour  mieux  la  pouvoir  continuer,  je  m'accoustay  auec  ung  abbé 
près  de  Thoulouse  qui  disoit  auoir  le  double  d'une  recepte  pour 
faire  nostre  grand  œuvre,  que  ung  sien  amy,  qui  suyvoit  le  cardi- 
nal d'Armagnac,  lui  auoit  envoyée  de  Rome ,  laquelle  il  tenoit 
toute  assurée.  Et  commençasmes  à  dresser  de  nouueaulx  four- 
neaulx,  tous  de  diverse  façon ,  pour  y  travailler.  » 

Cette  fois  il  s'agissait  de  chauffer  pendant  un  an  de  la  limaille 
d'or  avec  de  l'eau-de-vie  rectifiée. 

«  Et  acheptasmes  pour  trente  escus  de  charbon  toutà  ung  coup, 
pour  entretenir  le  feu  au  dessoubz  desdites  cornues  ung  an  en- 
tier. » 

Au  bout  d'un  an,  Zecaire  s'aperçut  que  l'eau*de-vie  n'est  pas  le 
véritable  dissolvant  de  l'or. 

«  Nous  trouvasmes,  dit-il,  tout  l'or  en  poudre  comme  l'y 
auions  mis,  fors  qu'elle  étoit  quelque  peu  plus  déliée;  de  la- 
quelle nous  fismes  projection  sur  de  l'argent  vif  chauffé ,  en  suy-' 
vaut  la  recepte;  mais  ce  fust  en  vain.  Si  nous  fusmes  marriz,  je 
vous  le  laisse  à  penser,  mesmement  monsieur  l'abbé ,  qui  auoit 
desia  publié  à  tous  les  moines  qu'il  ne  restoit  que  à  faire  fondre 
vne  belle  fontaine  de  plomb  qu'ils  auoient  en  leur  cloistre ,  pour 
la  convertir  en  or  incontinent  que  nostre  besogne  acheuée  ;  mais 
ce  fust  pour  vne  autre  fois  qu'il  la  fist  fondre,  pour  auoir  le 


112  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

moyen  de  faire  travailler  en  vain  quelque  Allemand  qui  passa  à 
son  abbaye ,  quand  j'estois  à  Paris.  » 

Zecaire,  emportant  avec  lui  huit  cents  écus,  vint  demeurera 
Paris,  résolu  à  tout  risquer  pour  trouver  la  pierre  philosophale. 

«  Paris  est  la  ville  aujourd'hui  la  plus  fréquentée  de  diuers  ope- 
rateurs en  ceste  science ,  que  autre  qui  soit  en  Europe.  J*y  fuz 
ungmois  durant  presque  incogneudetous.  Mais,  après  que  j'eus 
commencé  à  fréquenter  les  artisans,  comme  orfebvres ,  fondeurs, 
vitriers,  faiseurs  de  fourneaulx  et  divers  autres,  il  ne  fust  pas  vn 
moys  passé  que  je  n'eusse  la  cognoissance  à  plus  de  cent  opera- 
teurs. )> 

Paris,  sous  le  règne  de  François  1",  fourmillait  donc  d'alchi- 
mistes. Zecaire  nous  en  fait  le  portrait  suivant  : 

((  Les  ungs  travailloyent  aux  teintures  des  metaulx  par  pro- 
jection; les aultres par  cimenlation,  les  aultres  par  dissolution, 
les  aultres  par  conjonction  de  l'essence,  les  aultres  par  longues 
décoctions,  les  aultres  travailloient  à  l'extraction  du  mercure  des 
metaulx,  les  aultres  à  la  fixation  d'iceulx.  De  sorte  qu'il  ne  se 
passoit  jour,  mesmement  les  festes  et  dimanches .  que  ne  nous 
assemblissions  ou  au  logis  de  quelqu'ung  (et  fort  souvent  au 
mien),  ou  à  Nostre  Dame  la  Grande ,  qui  est  l'église  la  plus  fré- 
quentée de  Paris,  pour  parlementer  des  besoignes  qui  s'estoyent 
passées  aux  jours  precedens  (1). 

«  Les  ungs  disoyent,  si  nous  auions  le  moyen  pour  y  recom- 
mencer, nous  ferions  quelque  chose  de  bon;  les  aultres,  si  nostre 
vaisseau  eust  tenu,  nous  estions  dedans;  les  aultres,  si  nous  eus- 
sions eu  nostre  vaisseau  de  cuyvre,  bien  rond  et  bien  fermé,  nous 
aurions  fixé  le  mercure  auec  la  lune.  Tellement  qu'il  n'y  en  auoit 
pas  ung  qui  fist  rien  de  bon  et  qui  ne  fust  accompaigné  d'excuse, 
combien  que  pour  cela  je  ne  me  hastasse  gueres  à  leur  présenter 
argent,  sachant  desia  et  cognoissant  très  bien  les  grandes  des* 
pences  que  j'auoys  faict  auparavant  à  crédit  et  sur  l'assurance 
d'aullruy.  » 

Cependant  Zecaire  fît  bientôt  la  connaissance  d'un  Grec  qui 
passait  pour  un  savant  homme ,  et  qui  se  disait  en  possession  d'un 
secret  pour  changer  des  clous  de  cinabre  en  argent. 

«  Et  pour  ce  qu'il  auoit  besoing  d'argent  fin  en  limaille,  nous 
en  acheptasmes  trois  jnarcs,  et  les  fismes  limer;  duquel  il  en  fai- 

(i)  Voy.  plus  haut,  1. 1,  p.  3ô. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  113 

solide  petits  clouz,  auec  vne  pastè  artificielle,  et  les  mesloit 
auec  le  cinabre  pulvérisé,  puis  lesfaisoit  decuyre  dans  ung  vais- 
seau de  terre  bien  couuert,  par  certain  temps.  Et  quand  ils  es- 
toient  bien  secs,  il  les  faisoit  fondre  ou  les  passoit  par  la  coupelle; 
tellement  que  nous  Irouuions  trois  marcs  et  quelque  peu  davan- 
taige  d'argent  fin ,  qu'il  disoit  estre  sorty  du  cinabre ,  et  que  ceulx 
que  nous  y  auions  mis  d'argent  fin  s'en  estoyent  volez  en  fumée.  » 
C'est  tout  le  contraire  qui  devait  être  arrivé  :  le  cinabre,  étant 
volatile ,  «  s'en  était  volé  en  fumée  »  ;  la  même  quantité  d'argent 
qu'on  y  avait  mis  se  retrouvait  au  fond  de  la  cornue. 

On  n'a  donc  pas  beaucoup  de  peine  à  comprendre  la  complainte 
qui  suit  : 

a  Si  c'estoit  proufît ,  Dieu  le  sçait  ;  et  par  moy  aussi  qui  des- 
pendis des  escus  plus  de  trente. 

«  Toutesfois  il  asseuroit  tousiours  qu'il  y  auoit  du  gaing;  de 
sorte  que  auant  le  Noël  suyvant  cela  fust  tant  cogneu  en  Paris , 
qu'il  n'^sloit  fils  de  bonne  mère  s'enlremeslant  de  travailler  en 
la  science,  qui  ne  sçauoit  ou  auoit  entendu  parler  des  clouz  de 
cinabre ,  comme  vn  aultre  temps  après  fust  parlé  des  pommes, 
de  cuyvre,  pour  fixer  là  dedans  le  mercure  auec  la  lune.  » 

Ayant  passé  trois  ans  inutilement  à  Paris ,  et  perdu  s{is  huit 
cents  écus  et  d'autres  sommes  encore  que  son  ami  Tabbé  lui  avait 
envoyées,  Zecaire  retourna  dans  son  pays.  Arrivé  chez  lui,  il 
trouva  une  lettre  du  roi  de  Navarre ,  père  de  Henri  IV,  qui  l'in- 
vitait à  se  rendre  à  Pau,  «  pour  luy  apprendre  les  secrets  que 
j'auois-appris  ;  qu'il  me  feroit  fort  bon  traictement,  et  me  re- 
compenseroit  de  trois  ou  quatre  mil  escus.  Ce  mot  de  quatre  mil 
escus  chastouilla  tellement  les  oreilles  de  l'abbé,  que,  se  faisant 
croire  qu'il  les  auoit  desia  en  sa  bourse,  il  n'eust  jamais  cessé 
que  je  ne  fusse  pârty  pour  aller  à  Pau ,  où  j'arrivay  au  moys  de 
may,  sans  travailler  environ  six  septmaines,  pour  ce  qu'il  fallut 
recouvrer  les  simples  ailleurs.  Mais  quand  j'euz  achevé,  j'en  ré- 
compense que  je  m'attendois.  Car  encore  que  le  roy  eust  bon 
vouloir  de  me  faire  du  bien ,  il  me  renvoya  avec  un  grand  mercys, 
et  que  j'advisasse  s'il  n'y  auoit  rien  en  ses  terres  qui  fust  en  sa 
puissance  de  me  donner,  comme  confiscations  ou  aultres  choses 
semblables;  qu'il  me  le  donneroit  volontiers. 

«  Cette  response  me  fust  tant  ennuyeuse,  que,  sans  m'attendra 
à  ses  belles  promesses  (pour  en  auoir  esté  autrefois  nourry  à  rties 
despences),  je  m'en  retournay  vers  l'abbé.  » 

UIST.    DE    LA   CniMlE.    —  T.   II.  8 


114  HISTOIRE   DE   LA   CHIMIE. 

•  • 

Enfin  un  docteur  théologien  détourna  le  malheureux  alchi- 
miste de  la  voie  qu'il  avait  jusqu'ici  suivie ,  et  lui  conseilla  de 
s'adonner  à  la  lecture  dès  anciens  philosophes.  Sur  ce  conseil, 
Zecaire  prit  ce  qui  lui  restait  d'argent,  et  se  rendit  de  nouveau 
dans  la  capitale. 

«  Par  quoy  je  m'en  allay  à  Paris ,  où  j'arrivay  le  lendemain  de 
la  Toussaincts  en  Tannée  1546,  et  là  j'acheptay  pour  dix  escus  de 
livres  en  la  philosophie ,  tant  des  anciens  que  des  modernes;  vne 
partie  desquels  estoyent  imprimez ,  et  les  aultres  escriptz  de 
main ,  comme  la  Tourbe  des  philosophes  (1),  le  bon  Trevisan  (2), 
/«  Cumplaincte  de  la  nature  (3),  et  aultres  divers  traités  qui 
n'auoient  jamais  esté  imprimez.  Et  m'ayant  loué  vne  petite  cham- 
bre au  fauxbourg  Saint-Marceau ,  fuz  là  ung  an  durant ,  auec  ung 
petit  garson  qui  me  seruoit,  sans  fréquenter  personne ,  estudiant 
jour  et  nuicl  en  ces  auteurs.  » 

Après  de  nouvelles  tribulations,  notre  philosophe  hermétique 
parvint  enfin  à  faire  de  Tor,  ainsi  qu'il  le  raconte  lui-même  : 

«  Il  ne  se  passoit  jour  que  je  ne  regardasse  d'vne  fort  grande 
xliligence  l'apparition  des  trois  couleurs  que  les  philosophes  ont 
escript  debuoir  apparoistre  avant  la  perfection  de  nostre  divine 
<£uvre ,  lesquelles  (grâces  au  Seigneur  Dieu),  je  veis  Pvne  après 
i'aultre;  si  bien  que,  le  propre  jour  de  Pasques  après,  j'en  vis  la 
vraye  et  parfaicte  expérience  sur  l'argent  vif  eschauffé  dedans 
ung  crisol,  lequel  je  convertis  en  fin  or  devant  mes  yeulx,  à  moins 
d'vne  heure,  par  le  moyen  d'vn  peu  de  ceste  divine  pouldre.  Si 
j'en  fuz  aise ,  Dieu  le  sçait.  Si  je  ne  m'en  vantis-je  pas  pour  cela  ; 
mais  après  auoir  rendu  grâces  à  nostre  bon  Dieu ,  qui  m'auoit 
faict  tant  de  faveur  et  grâce  par  son  filz  et  nostre  rédempteur  Jesu 
Christ,  et  Tanoir  prié  qu'il  me  illuminast  par  son  Sainct  Esprit 
pour  en  pouvoir  user  à  son  honneur  et  louainge ,  je  jm'en  allay  le 
lendemain  pour  trouver  l'abbé,  etc.  » 

Zecaire  garda  la  pierre  philosophale  pour  lui.  Il  quitta  la  France, 
<(  afin  de  mener  ung  fort  petit  train  à  l'étranger;  »  ce  qui  ne  plaide 
guère  en  faveur  d'une  transmutation  fructueuse  du  mercure  eh  or. 

Son  séjour  à  l'étranger  eut  une  triste  fin.  Zecaire  fut,  dit-on, 
assassiné  à  Cologne  par  son  compagnon  de  voyage  (4). 

(1)  Voy.  plus  haut  t.  i,  p.  311. 

(2)  Ibi(].,  p.  445. 
<3)  Ibid.,  p.   429. 

(4)  Gmelin,  Geschichte  der  Chemie,  l.  i,  p.  307. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  115 

§20. 
Blaiie  de  Wîgenère* 

Biaise  de  Vigenère,  de  Saint-Pourçain  en  Bourbonnais,  était 
contemporain  de  Zecaire.  Né  en  1522,  il  fut  à  Tâge  de  dix-huit 
ans  nommé  secrétaire  du  chevalier  sans  petir  et  sans  reproche. 
Après  la  mort  de  Bayard,  il  voyagea  en  Allemagne,  assista,  en 
1545,  à  la  diète  de'Worms  ,  devint,  en  1547 ,  secrétaire  du  duc 
de  Nevers,et  accompagna,  Henri  III  en  Pologne.  Il  mourut  à  Pa- 
ris, en  1596.  Son  immense  érudition  et  son  esprit  observateur  le 
distinguent  de  tous  les  alchimistes  de  son  temps.  Possédant  à 
fond  le  grec,  le  latin,  et  initié  aux  langues  orientées,  il  discute  et 
commente  savamment,  dans  son  Traité  du  feu  et  du  sel,  les  tex- 
tes des  philosophes  anciens,  et  surtout  le  Zohar  de  la  Kabbale, 
dont  il  paraissait  avoir  fait  une  étude  approfondie. 

C'est  Biaise  de  Vigenère  qui  a  découvert  Vacide  benzoïque.  Il 
est  même  au  noqobre  de  ceux  qui  ont  entrevu  Voxygène,  comme 
nous  le  montrerons  par  l'analyse  de  son  ouvrage. 

Traicié  du  feu  et  du  sel  (1). 

Après  avoir  expliqué  le  tonnerre  et  les  éclairs  par  une  combus- 
tion du  soufre  et  du  salpêtre,  Fauteur  décrit  la  composition  d*une 
poudre ,  employée  dans  les  feux  d'artifice. 

«  Qui  sçaura,  dit-il,  bastir  vne  poudre  composée  de  certaines 
proportions  de  soufre  et  de  salpêtre,  et,  au  lieu  du  charbon,  de 
l'antimoine,  pourra  parvenir  à  un  feu  artificiel  non  à  dédaigner.  » 

Ce  fut  là,  comme  on  voit ,  la  poudre  à  canon,  dans  laquelle  le 
charbon  était  remplacé  par  un  corps  éminemment  combustible , 
le  sulfure  d'antimoine  naturel. 

Biaise  de  Vigenère  s'était  fait  une  idée  fort  curieuse  du  rapport 
qui  existe  entre  le  soleil  et  la  terre.  «  Rien,  dit-il ,  ae  se  produit, 
en  la  terre ,  qui  n'y  soit  semé  du  ciel.  Le  rapport  permanent  entre 
ees  deux  grands  corps  pourroit  être  figuré  par  une  pyramide 
dont  le  sommet  appuyé  sur  le  soleil,  et  la  base  sur  la  terre.  » 

Suivant  l'auteur,  la  lumière  des  corps  célestes  serait  elle-même 

(1)  Excellent  et  rare  opuscule  du  sieur  Biaise  de  Vigenère ,  Bourbonnois,  trouuë 
parmyses  papiers  après  sondeceds;  Paris,  1608,  in-4^. 

8. 


146  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

produite  par  des  esprits  ou  des  émanations  subtiles  servant  de 
nourriture  au  feu  du  ciel.  A  ce  sujet,  il  raconte  «  comment  il  est 
parvenu  'à  faire  vne  manière  de  soleil  estincellant  à  Tobscurité 
c'estoit  vne  lumière  de  lampe),  si  estincellant  que  toute  vne  grande 
salle  en  pouuoit  eslre  plustost  esblouie  qu'esclairée  ;  car  cela  fai- 
soit  plus  d'effect  que  deux  ou  trois  douzaines  de  gros  flambeaux. 
C'estoit  vne  lampe  de  verre  plongée  dans  vnè  boullp  de  crystallin 
grosse  comme  la  teste,  pleine  de  vinaigre  distillé  trois  ou  quatre 
fois;  car  il  n*y  a  rien  de  plus  transparent  ny  resplendissant.  L'eau 
de  mer  Test  bien  aussi ,  et  plus  que  n'est  l'eau  douce ,  quelque 
part  qu'elle  puisse  estre  ;  c'est  le  sel  détrempé  parmy  qui  luy  donçie 
cette  clarté  lumineuse.  » 

D'après  une  expérience,  rapportée  en  termes  assez  ambigus , 
on  n'est  pas  éloigné  de  croire  qu'il  avait  quelque  connaissance  de 
Voxygène,  Il  assure,  en  effet,  qu'en  introduisant  dans  un  vaisseau 
bien  fermé,  et  dans  lequel  on  a  préparé  certaines  substances,  une 
bougie  allumée,  on  verra  «  w  finis  petits  feux  voltiger  comme  des 
esclairs,  qui  ne  sont  accompagnez  de  tonnerres  et  foudres ,  ny 
d'orage,  n'ayant  qu'une  inflammation  d^air^  par  le  moyen  du  sal- 
pestre  et  du  soufre  qui  se  sont  eslevez  de  la  terre.  » 

Biaise  de  Vigenère  regarde  les  métaux  comme  des  sels  fu- 
sibles. 

Tout  en  raillant  les  opérations  de  la  plupart  des  alchimistes, 
il  ne  nie  pas  cependant  la  possibilité  d'arriver  à  découvrir  la 
pierre  philosophale ,  «  ceste  terre  vierge  que  tant  d'ignorans  ava- 
ricieux  ont  enquise  et  point  obtenue,  parce  qu'ils  n'y  alloient  qu'à 
clos  yeux,  offusquez  d'vne  sor^dide  convoitise  de  gaing  illicite, 
pour  se  rendre  tout  à  coup  plus  riches  qu'vn  aultre  Midas ,  dont 
il  ne  leur  est  enfin  demeuré  que  ses  oreilles  d'asne.  » 

Après  avoir  remarqué  que  les  cendres  de  plomb  fixées  dans  la 
substance  de  la  coupelle  contiennent  encore  de  l'argent,  il  in- 
dique un  moyen  de  découvrir  la  pierre  philosophale,  que  nous 
allons  livrer  aux  méditations  des  alchimistes  de  notre  temps.  Car 
il  y  eut  encore,  qu'on  le  sache  bien,  des  alchimistes  au  dix-neu- 
vième siècle. 

«  Broyez,  dit-il,  les  coupelles  où  ceste  vitrification  (1)  s'est 
comme  empastée,  et  lavez-les  bien  auec  de  l'eau  tiède ,  pour  les 

« 

(i)  Oxyde  de  plomb  qui  s'est  vitrifié  avec  le  carbonate  de  potasse  et  la  silice  des 
cendres  de  la  coupelle. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  117 

dépurer  de  leurs  crasses  et  immondices;  puis  les  mettez  en  vn 
descensoire  à  très-forte  expression  de  feu  de  soufflets ,  auec  d» 
sel  de  tartre  et  sel  nitre;  et  il  descendra  parle  trou  d'embas  vne 
metalline ,  laquelle  recoupellée  auec  nouveau  plomb ,  vous  trou- 
verez beaucoup  plus  de  fin  sans  comparaison  qu'à  la  première  fois, 
et  de  là  en  auant  tousiours  de  plus  en  plus^  en  réitérant  ce  que  des- 
sus. De  manière  que  qui  voudroit  prendre  la  patience  de  decuire 
le  plomb  en  vn  feu  reiglé  et  continuel  qu'il  n'excedast  point  sa 
fusion ,  c'est-à-dire  que  le  plomb  y  demeurast  tousiours  fondu , 
et  non  plus,  y  adioustant  quelque  petite  portion  d'argent  vif  et 
de  sublimé  pour  le  garder  de  se  calciner  et  réduire  en  poudre; 
au  bout  de  quelque  temps  on  trouueroit  que  Flamel  n'a  pas  parlé 
friuolement,  de  dire  que  le  grain  fixe  contenu  en  puissance  au 
plomb,  à  sçavoir  Tor  et  l'argent,  s'y  multiplieroient  et  croistroient 
ainsi  que  le  fruict  fait  sur  l'arbre.  » 

Ce  que  B.  de  Yigenère  appellaitt/n^  moelle  ou  aiguilles  blanches ^ 
c'était  l'acide  benzoïque.  Voici  comment  il  le  retirait  du  benjoin  : 

«  Prenez  du  benjoin  concassé  en  grossière  poudre,  et  le  mettez 
en  vne  cornue  auec  de  fine  eau-de-vie  qui  y  surnage  trois  ou  qua- 
tre doigts;  et  laissez-les  ainsi  par  deux  ou  trois  jours  sur  vn  feu 
modéré  de  cendres,  que  l'eau-de-vie  ne  se  puisse  pas  distiller, 
les  remuant  à  toutes  heures.  Gela  fait,  accomodez  la  cornue  sur 
le  fourneau ,  dans  vne  terrine  pleine  de  sable.  Distillez  à  feu  lent 
l'eau-de-vie,  puis  l'augmentant  par  ses  degrez ,  apparoistront  in- 
finies petites  aiguilles  et  filamens,  telles  qu'es  dissolutions  de 
plomb ,  et  de  l'argent  vif.  —  Ayez  apresté  vn  petit  baston  qui 
ptiisse  entrer  dedans  le  col  de  la  cornue ,  car  ces  aiguilles  s'y 
viendront  réduire  comme  en  vne  moelle;  et  si  vous  ne  les  estiez 
soudain,  le  vaisseau  se  creueroit.  » 

Cette  moelle  blanche  était  l'acide  benzoïque. 

Après  avoir  parlé  de  différentes  espèces  de  feux  d'artifice  et  du 
feu  grégeois,  dont  il  donne  la  composition  (soufre ,  bitume,  poix 
noire,  poix-résine,  térébenthine,  colophane,  sarcocolle,  huile 
de  lin,  de  pétrole,  huile  de  laurier,  salpêtre,  camphre,  graisses), 
l'auteur  cite  une  expérience  qu'il  avait  faite  à  Rome  sur  l'incu- 
bation artificielle  : 

a  En  ces  fourneaux  qu'on  appelle  à  jour,  l'ardeur  du  feu  vient 
tellement  à  se  modérer,  qu'elle  passe  en  vne  chaleur  naturelle , 
vivifiante;  au  lieu  qu'elle  brusloit,  cuisoit,  consumoit.  Et  en  tel 
feu  puis-je  dire  auoir  fait  eçclorre  à  Rome ,  pour  vne  fois,  plus  de 


ii8  HISTOIRE  DE   LA   CHIMIE. 

cent  ou  six  vingts  poullets  :  les  œufs  y  ayant  esté  couvez  et-es*clos 
ainsi  que  sous  vne  geiine.  » 

On  voit,  par  cette  courte  analyse  du  Traicté  du  feu  et  du  sel, 
que  Biaise  de  Vigenère  n'était  pas  un  alchimiste  ordinaire,  et 
qu'il  fait  preuve,  dans  ses  travaux,  d'une  incontestable  sagacité. 
On  y  trouve  des  digressions  nombreuses,  qui  montrent  cjombien 
l'auteur  était  versé  dans*  les  sciences  théologiques  et  mystiques. 
Il  croyait  aussi  à  Tinfluence  des  démons,  «  presque  tous  malins.  » 

§  21. 
Cïaiton  ClaTes^  dit  DULGO. 

Contemporain  de  Biaise  de  Vigenère,  Dulco  était  un  avocat  de 
Nevers,  qui  se  livrait  aux  opérations  de  Talchimie.  Il  fit  un  plai- 
doyer en  règle,  mais  un  peu  obscur,  contre  les  adversaires  du 
grand  œuvre.  Voici  en  quels  termes  il  défend  la  transmutation 
des  métaux  contre  ses  détracteurs  : 

«Toute  cause  efOciente  entraîne  le  sujet  et  la  matière  vers  un 
but  quelconque.  Le  mouvement  mesure  l'espace  gui  sépare 
la  matière  de  ce  but.  Celui-ci  consiste  soit  dans  la  forme,  soit 
dans  la  quantité,  ou  dans  la  qualité.  La  cause  efficiente  tend 
donc  vers  différents  buts.  Et  comme  le  but  de  V argyropéie  {SiVi 
de  faire  de  l'argent)  et  de  la  chrysopéie  (art  de  faire  de  l'or)  con- 
siste à  faire  de  l'argent  ou  de  l'or,  son  mouvement  tend  vers  une 
nouvelle  forme.  Car  la  forme  du  plomb ,  deTétain,  du  cuivre ^ 
du  fer,  du  mercure ,  n'est  pas  la  forme  de  l'argent,  ni  celle  de 
l'or;  mais  ces  métaux  sont  le  sujet  et  la  matière  (1).  » 

On  trouve  dans  cette  môme  Apologie  quelques  expériences  va- 
guement  exposées  sur  la  densité  des  métaux. 

Dulco  a  laissé  un  assez  grand  nombre  d'écrits ,  parmi  lesquels 
nous  nous  bornerons  à  citer:  Philosophia  chemica  (2);  —  De 
iripliei  prœparatione  auri  et  argenti  (3)  ;  —  De  recta  et  vera  ra- 
tione  progignendi  lapidis  philosophici  (4). 

Si  Dulco  est  le  nom  corrompu  de  Duclos,  on  pourra  ajouter  à 

(1)  Apoiogia  Chrysopoeiiie  et Argyropoeiœ  adversiis  Th.  Erastuni.  Theat.  Chim.y 

tOTÏI.  11. 

(2)  Cum.B.  Pcnoti  praerat;  Lyon,  1612. 

(3)  Nevers,  in-8°,  ià92.  Theat.  chim.,  t.  iv. 

(4)  Theat,  chim.,  t.  iv. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  {{^ 

celte  liste  le  Recueil  de  M,  Duclos  sur  la  transmutation  des  mé- 
taux (manuscrit  n**  171  de  la  Bibliothèque  de  TArsenal). 

Dans  ce  manuscrit,  fol.  5  (Livre  des  secrets  de  Tempereur  Ro- 
dolphe II),  se  trouve  un  chapitre  institulé  :  Teinture  excellente 
et  très-véritable  éprouvée  à  Venise  : 

((  Prenez  une  part  de  très-bon  nitre  pur  et  deux  parties  de  chaux 
vive,  meslez-les  bien  ensemble  en  les  broyant  très-subtilement, 
et  faites-les  calciner  par  trois  heures  au  fourneau  à  vent.  Puis 
faites  extraction  du  sel  des  fèces  avec  de  Teau  commune  bien 
pure ,  et  coagulez  à  siccité  par  évaporation  de  Peau ,  puis  cimen- 
tez ce  sel  derechef  avec  de  nouvelle  chaux  vive,  calcinez-le 
comme  la  première  fois,  faites-en  l'extraction  de  nouveau  avec 
de  nouvelle  eau  chaude,  et  coagulez  le  sel  en  évaporant;  répétez, 
sept  fois  ce  travail;  enfin  par  ce  moyen  le  nilre  sera  converti  en 
huile ,  et  ne  se  coagulera  plus  ni  à  chaud  ni  à  froid  ;  il  demeu- 
rera fixe  et  liquide  en  forme  d'huile ,  que  vous  garderez.  » 

L'opérateur  calcine  ensuite  un  amalgame  d'or  avec  des  fleurs 
de  soufre,  de  manière  à  réduire  l'or  en. chaux,  a  Broyez  bien, 
ajoute-t-il ,  subtilement  celte  chaux  d'or,  et  l'imbibez  auec   le 
vinaigre  vitriolé   (i),  en  sorte  que  cette  chaux  soit  un  peu  hu- 
mide. Mettez  ensuite  celte  chaux  dans  un  petit  creuset,  et  chauf- 
fez jusqu'à  ce  que  elle  devienne  blanche  et  spongieuse  comme  du 
coton.  Dissoluez  cette  chaux  d'or  spongieuse  dans  de  l'eau  de 
sel  ammoniac  et  de  salpestre,  digérez  et  distillez ,  afin  que  tout 
l'or  passe  par  l'alambic;  ajoutez  à  cette  dissolution  d'or  deux 
onces  de  la  susdite  huile  de  nitre;  ensuite  distillez  si  souvent 
l'eau  des  deux  champions ,  c'est-à-dire  du  sel  ammoniac  et  du 
salpestre  de  dessus  ce  composé ,  qu'enfin  l'or  s'unisse  bien  auec 
la  susdite  huile ,  et  demeure  comme  une  huile  fixe ,  incoagulable 
tant  à  la  chaleur  qu'au  froid.  » 

Dulco  ou  Duclos  passait  pour  un  très-habile  alchimiste  ;  il  pos- 
sédait, dit-on ,  réellement  le  secret  de  la  transmutation  des  mé- 
taux. 

(1)  Ce  vinaigre  vitriolé  n'était  autre  chose,  ainsi  que  l'auteur  le  dit  lui-méme^ 
plus  loin,  que  du  vinaigre  distillé,  contenant  du  sel  commun  en  dissolution  (trois 
livres  de  vinaigre  pour  une  once  de  sel  ). 


120  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

§  22. 
^nelqnefl  Alchimifltefl  moinfl  connnfl. 

Nicolas  Barnaud,  contemporain  de  Gaston  de  Claves  et  de 
Biaise  de  Yigenère ,  était  natif  de  Crest  en  Daupliiné.  Il  présente 
plus  d*un  point  de  ressemblance  avec  Nicolas  Flamel.  Ainsi ,  on 
raconte  qu'il  avait  découvert  la* pierre  philosophale  dans  une 
inscription  sépulcrale  fort  ancienne,  trouvée  à  Bologne,  de  même 
que  Flamel  Tavait  trouvée  dans,  les  figures  hiéroglyphiques  du  livre 
d'Abraham  le  Juif. 

La  plupart  des  écrits  de  Barnaud  ont  été  imprimés  dans  la 
Bibliothèque  de  Manget  et  le  Théâtre  chimique.  Ses  commentaires 
sur  Tépitaphe  dé  Bologne  sont  aussi  inintelligibles  que  le  texte 
qu'ils  prétendent  expliquer  (1). 

Tous  les  alchimistes  de  ce  temps  étaient  loin  d'avoir  l'origi- 
naliié  de  Biaise  de  Vigenère.  La  plupart,  comme /.  Liehault  (2), 
Oronce  Fine  [3]^  Rousseiet  (4),  Sidrach  (5),  Alex,  de  la  Tourrette  (6), 

(1)  Voici  le  texte  de  celte  épitaphe  : 

D.  M. 
i£lia  Laelia  Crispis,  nec  vir  ncc  mulier,  nec  androgyna, 
Nec  puella,  nec  juvenis  nec  anus,  nec  meretrix  nec  piidica, 

Sed  omnia. 
Sublata  neque  famé,  nec  ferro  neque  veneno,  sed  omnibus. 
Nec  cœlo  nec  aquis  nec  terris,  sed  uhique  jacet. 
Lticius  Agatlio  Prisons,  ncc  marilus  nec  amator, 
Nec  necessarius  neque  mœrens,  neque  gaudens  neque  flens  liane, 
Neque  molem,  nec  pyramidem,  nec  sepulcrum,  sed  omnia. 

Scit  et  nescit  quid,  cui  posuerit. 
Hoc  est  sepulcrum  iiitus  cadaver  non  habens, 
Hoc  est  cadaver,  sepulcrum  extra  non  liabens, 
Sed  cadaver  idem  est  et  sepulcrum  sibi. 

Manget.,  Bihl.  chim.,  t.  ii,  p.  713.  Theat.  chim.,  t.  iii. — Les  autres  écrits  de 
Bernard  sont  :  Brevis  elucidalio  arcani  pliilosophorum.  Theatr.  chim,^  t.  m.  — 
Theosopiiiae  palmarium.  Ibid.  —  Epislola  de  occulta  philosopliia.  Ibid.  —  Pro- 
cessus aliquot  cliemici.  Ibid.  —  Dicta  sapientum  de  lapide.  Ibid,  —  Carmen  de 
lapide.  Ibid, 

(2)  Secrets  de  médecine  et  de  la  philosophie  chimique  ;  Rouen,  1600,  in-8^ 

(3)  Lihri  de  lus  quœ  mundo  mirabiliter  eveniunt,  et  de  mirabili  potestate  artis 
et  naturœ,  ubi  de  pliilosophorum  lapide;  Paris,  1542,  in-4*'. 

(4)  Chrysospagirie;  c'est-à-dire  de  l'usage  et  vertu  de  Tor  ;  Lyon,  1582,  in-8®. 

(5)  Le  grand  Philosophe,  fontaine  de  toutes  sciences;  Paris,  1514,  in•4^ 

(.6)  Bref  discours  des  admirables  vertus  de  for  potable  ;  Paris,  1575,  in-8".  — Dé- 
fense pour  Palchimie;  Paris,  1579,  in-8°. 


TROISIEME  EPOQUE.  121 

¥r,  de  Verville  (l),  L.  de  Launay  (2),  ne  faisaient  que  ressasser 
des  lieux  communs/ 

Cependant  Nicolas  Guibert  se  distingua  de  la  tourbe  des  alchi- 
mistes. Après  avoir  été  un  des  plus  zélés  adeptes,  il  devint  un  des 
adversaires  les  plus  implacables  des  partisans  du  grand  œuvre.  Il 
parlait  en  connaissance  de  cause. 

Pfic.  Guibert^  ndiiit  de  St-Nicolas-de-Port  en  Lorraine,  exer- 
çait la  médecine  vers  1570.  Il  travaillait,  comme  alchimiste,  dans 
le  laboratoire  du  célèbre  cardinal  Granvelle ,  vice-roi  des  Deux- 
Siciles.  Il  traduisit  en  latin,  pour  le  cardinal  d'Augsbourg,  les 
livres  allemands  de  Paracelse.  Il  s'était  lié  à  Naples  avec  Jean- 
Baptiste  Porta  et  Dominique  Pizzimento.  En  1579,  sous  le  pontifi- 
cat de  Grégoire  XIII,  il  devint  inspecteur  général  des  pharmacies 
de  l'État  de  l'Église.  Enfin,  après  bien  des  déceptions,  il  revint 
dans  sa  patrie,  et  alla  habiter  la  ville  de  Toul.  C'est  là  qu'il  com- 
posa De  alchymiœ  ratione  et  experientia ,  ila   demum  viriliter 
impugnata  et  expugnata,  una  cum  suis  fallacibus  et  deliramends, 
quibus  homines  imbubinanlur,  ut  nunquam  in  posterum  se  erigere  * 
mleant  ;  Strasbourg,  in-S**,  1603.  L'auteur  démontre  dans  cet  ou- 
vrage que  la  transmutation  des  métaux  est  impossible,  et  que  la 
fin  de  l'alchimie  est  le  chemin  de  l'hôpital  (3). 

La  plupart  des  alchimistes  étaient  animés  de  l'esprit  d'asso- 
ciation. Ils  poursuivaient  le  même  but  ;  ils  se  réunissaient  pour 
travailler  et  rédiger  en  commun  leurs  écrits.  Tels  étaient  particu- 
lièrement Grosparmy,  Valois,  Vicot. 

On  ne  sait  pas  exactement  à  quelle  époque  vivaient  ces  trois  al- 
chimistes ;  peut-être  faut-il  les  placera  la  fin  du  xv*  ou  au  commen- 
cement du  XVI*  siècle  (4).  Leurs  ouvrages  n'ont  pas  été,  que  nous 
sachions,  imprimés  ;  ils  se  trouvent  dans  deux  manuscrits,  l'un  ap- 
partenant à  la  Bibliothèque  impériale  (5)  de  Paris,  l'autre  à  celle 

(1)  Appréhensions  spirituelles;  Paris,  1584,  in- 12.  Le  Palais  des  curieux,  Pa* 
"8,1612,  in-12.  Le  Cabinef  de  Minerve;  Rouen,  1601,  in-8°.  Le  Voyage  des 
princes  fortunés  ;  Paris,  1610,  in-12. 

(2)  D»  Tantimoine  ;  la  Rochelle,  1564,  In-i"^.  Réplique  à  la  réponse  de  Grevin 
<^ontreson  livre;  la  Rochelle,  1566,  in-é"^. 

(3)  Un  autre  ouvrage  du  même  auteur  est  intitulé  De  interitualchymix; 'ÏMXW.f 
ÏQ-^S  1614.  Il  y  traite  dMmposteurs  Libavius,  Porta  et  d'autres,  avec  lesquels 
il  était  autrefois  lié. 

(4)  Ces  trois  alchimistes  n'avaient  point  été  encore  signalés  :  Lenglet-Dufresnoy, 
^*  Borel,  Nazari,  Bergman,  etc.,  n*en  parlent  point. 

(5)  Ms.  1642  du  fonds  de  Saint-Germain. 


122  HlSTOmE  DE  LA  CHIMIE. 

de  r Arsenal  (1).  Ce  dernier  (du  xvi®  siècle)  est  remarquable  par  la 
beauté  et  Télégance  de  son  écriture  ;  c'est  un  des  plus  beaux  Ma- 
nuscrits de  la  bibliothèque  de  rArsenal.  On  y  lit,  sur  le  verso  de  la 
1"  feuille,  ces  lignes  tracées  par  une  main  étrangère:  «Grosparmy 
était  un  gentilhomme  du  pays  de  Gaux  en  Normandie;  il  avait  ^ 
dit-on,  trouvé  la  pierre  philosophale  dans  son  château,  où  il  y  avait 
une  vieille  tour  qui  fut  abattue  longtemps  après  sa  mort ,  et  dans 
laquelle  le  comte  de  Fiers,  son  héritier,  avait,  dit-on,  trouvé  la 
poudre  de  projection  qu'a  faite  Grosparmy  avec  son  ami  Valois. 
L'abbé  Vicot  était  précepteur  des  fils  de  Grosparmy,  et  il  mettait 
en  vers  les  découvertes  alchimiques  du  seigneur  chez  qui  il  de- 
meurait. » 

Le  traité  de  N.  Grosparmy,  très-curieux  pour  l'histoire  de 
l'alchimie,  est  divisé  en  deux  livres  ;  le  premier  est  intitulé  Abrégé 
de  théorique,  le  second  :  le  Trésor  des  trésors. 

Dans  le  même  manuscrit  (n°  166),  ce  traité  est  suivi  des  Cinq^ 
livres  de  ISicolas  Valois^  compagnon  du  seigneur  Grosparmy. 

Après  les  Cinq  livres  de  N.  Valois ,  vient  le  Livre  du  prestre  Vi- 
cot  :  «  Ce  livre-cy  estoit  doré  et  escrit  en  parchemin  et  lettres 
d'or,  et  relié  aux  quatre  coins  de  quatre  grands  clous  d'or;  et  en 
iceluy  est  déclaré  ce  que  ces  messieurs  (Grosparmy,  Valois,  Vi- 
cot) avoient  un  peu  caché,  dont  ce  présent  est  la  copie  et  l'ori- 
ginal. Donc,  ceci  soit  gardé  sous  le  silence,  et  qu'il  ne  soit  montré 
à  personne  s'il  n'est  parfaict  philosophe  et  homme  de  bien ,  en 
peine  d'encourir  les  tourments  et  peines  éternelles  par  Tire  de 
Dieu.  )) 

Cet  exorde  rappelle  l'histoire  du  livre  d'or  du  Juif  Abraham, 
dont  parle  Nicolas  Flamel  (2). 

Enfin  le  manuscrit  n°  166  est  terminé  par  un  poëme  alchi- 
mique intitulé  :  le  Grand  Olympe ,  ou  Philosophie  poétique ,  attri- 
buée au  très-renommé  Ovide;  traduit  du  latin  en  langue  franqoise. 

On  en  jugera  d'après  c^t  échantillon  : 

Après  vient  Saturne  le  noir, 
Que  Jupi^r  de  son  manoir 
Issant,  déboute  de  Tempire 
Auquel  la  Lune  aspire. 
Aussi  fait  bien  dame  Venus, 
Qui  est  Tairain,  je  n'en  dis  plus  ; 

(I)Ms.  166,  in-4^ 

(2)  Voy.  plus  haut,  t.  i,  p.  452. 


TROISlilBIE  ÉPOQUE.  123 

Sinon  que  Mars,  montant  sur  elle  , 
Sera  du  fer  Taage  mortelle. 
Après  lequel  apparaistra 
Le  Soleil ,  quand  il  renaistra. 

Le  reste  est  dans  le  même  genre. 

Les  Métamorphoses  d'Ovide  ne  devaient  pas  échapper  à  Tesprit 
allégorique  des  alchimistes.  Leurs  transmutations  n'étaient-elles 
pas  des  métamorphoses  ? 

LasoifdeTor,  auri sacra fames^  a  été  et  est  encore  la  cause  de 
bien  des  crimes.  Le  mensonge,  le  poison,  le  meurtre,  tout  était 
bon  pour  parvenir  à  la  possession  d'un  secret  imaginaire, /a  pt^rre 
philosophale. 

Sebastien  Siebenfreund  venait,  rapporte-t-on ,  d'apprendre  le 
secret  de  la  pierre  philosophale  d'un  moine  qui,  en  mourant,  lui 
avait  légué  ses  manuscrits.  Peu  de  temps  après,  il  fut  assassiné 
à  Hambourg  par  L.  Thurneysser,  Sebald  Schwerzer  et  Weis,  qui 
arrachèrent  à  la  victime  ses  précieux  manuscrits.  L'alchimiste 
MoNTESNTSERS  de  Vienne  fut  tué  par  son  ami  Marcus  Bragadinus. 
Louis  de  Neisse  eut  le  même  sort. 

Les  princes  avaient  leurs  astrologues  et  leurs  alchimistes.  L'al- 
chimie, ainsi  que  l'astrologie,  était,  dans  certaines  cours ,  une 
fonction  importante.  Hâtons-nous  d'ajouter  que  ces  alchimistes 
de  cour,  après  avoir  pendant  quelque  temps  joui  de  toutes  les 
faveurs  imaginables,  eurent  presque  tous  une  fin  malheureuse  ; 
quelques-uns  périrent  par  le  glaive ,  d'autres  furent  mutilés  et 
moururent  dans  d'affreux  tourments. 

Le  duc  Jules  de  Brunswick  fit  rôtir  dans  une  cage  de  fer  une 
femme  alchimiste,  Marie  Zieglerin,  parce  qu'elle  n'avait  pu  réa- 
liser ses  promesses.  Le  duc  Frédéric  de  Wirtemberg  avait  fait 
pendre  plusieurs  philosophes  hermétiques ,  parmi  lesquels  on 
citeMonlan  et  J.  de  Miihlenfels  (1). 

Marcus  Bragadinus,  capucin  de  Candie,  fut  décapité  à  Munich 
en  1590  pour  avoir  promis  plus  qu'il  ne  pouvait  tenir  (2). 

Les  électeurs  de  Brandebourg  et  de  Saxe  attirèrent  à  leiars 
cours  un  grand  nombre  d'alchimistes  que  l'exemple  de  leurs  con- 
frères n'avait  point  intimidés.  L'électeur  Auguste  de  Saxe  tra- 

(l)Spilller,  Histoire  du  Wirtemberg  ;  Goetting.,  1783,  in-8o,  pag,  216  (en  aUe- 
mand). 
12)  DeThou,  Hist,  sut  temporis,  t.  vi;  Genève,  1626;  p.  99. 


124  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

vaillait  lui-même  assidûment  avec  son  épouse  dans  un  labora- 
toire qu'il  avait  fait  construire  dans  son  château;  David  Beuther 
et  Seb.  Schwerzer,  le  meurtrier  de  Siebenfreund ,  le  dirigèrent 
dans  ses  opérations.  Son  ûls  et  successeur  Christian  P**  continua 
les  travaux  alchimiques  de  son  père. 

Mais,  de  tous  les  princes,  celui  qui  cultivait  Talchimie  avec  le 
plus  d'ardeur,  c'était  l'empereur  Rodolphe  IL  Ed.  Relley,  Seb, 
Schwerzer,  J.  Guslenhover,  Miihlenfels ,  tous  ces  alchimistes 
eurent  l'honneur  de  souffler  avec  Sa  Majesté  apostolique  le  feu 
du  grand  œuvre.  En  récompense ,  ils  furent  anoblis  et  armés 
chevaliers  par  leur  impérial  patron. 

§23. 

V Allemagne,  la  France ,  V Angleterre,  V Italie,  étaient  parcou» 
rues  par  une  multitude  d'alchimistes  ambulants;  les  uns  cher- 
chaient à  s'instruire,  et  les  autres  à  s'enrichir  aux  dépens  de 
quelques  dupes.  Ces  derniers  paraissaient  être  en  majorité,  a  Le 
monde ,  dit  un  auteur  italien  de  ce  temps ,  est  rempli  de  faux  al- 
chimistes ,  tant  religieux  que  laïques,  qui  vont  tenter  et  tromper 
les  princes ,  les  seigneurs ,  les  gentilshonames ,  les  marchands  et 
des  gens  de  basse  classe,  en  leur  promettant  de  lés  enrichir  en 
peu  de  temps ,  et  en  leur  enseignant  les  moyens  de  congeler  le 
mercure,  de  changer  le  plomb,  l'étain,  le  fer,  le  mercure,  en 
argent  ou  en  or.  »  Puis  il  ajoute  :  «  Ceux  qui  prétendent  savoir 
de  semblables  choses  sont  des  gens  très-astucieux,  qui  veulent 
toujours  vivre  aux  dépens  d'autrui.  »  Enfin  l'auteur,  rempli 
d'indignation,  supplie  le  pape  Sixte-Quint  (auquel est  dédié  son 
livre)  d'expulser  de  la  chrétienté  tous  les  faux  alchimistes  (1). 

En  Allemagne  on  remarque  à  cette  époque,  parmi  les  philo- 
sophes hermétiques  les  plus  ardents, Jérôme  Crinot,  qui  était, 
dil-on ,  assez  riche  pour  fonder  1300  églises;  J.  Tanck,  Salomon 
Trismosin  (2),  qui ,  avec  un  demi-grain  de  sa  panacée,  rajeunissait 
les  vieilles  femmes  au  point  de  les  rendre  aptes  à  avoir  encore  des 
enfants ,  et  pour  lequel  c'était  une  bagatelle  (  ce  sont  ses  expres- 
sions) de  prolonger  la  vie  jusqu'au  jugement  dernier;  Wenceslas 

m 

(1)  La  vera  Dichiarazione  di  tuUe  le  metifore  di  gli  antichi  filosofi  alchimisU 
ove  con  un  brève  discorso  délia  generazione  dei  melalli  secundo  i  priDcipii»  etc. 

(2)  Aureum  vellus;  Rohrschach,  1598,  in-4'*. 


L 


TROISIEME   EPOQUE.  d25 

Lavinius  (1)  ;  Meresinus  (2)  ;  Al.  de  Suchten  (3),  qui  avait  trouvé 
la  pierre  philosophale  dans  l'antimoine  ;  Chrysostome  Polydo- 
RTis  (4)  et  Joh.  Garland  (5),  deux  compilateurs;  Chrysostome 
Faniancs  (6),  qui  traita  à  fond  la  question  de  savoir  si  l'alchimie 
est  un  art  licite  ou  illicite. 

Des  prêtres ,  s'étant  affranchis  de  l'autorité  de  TÉglise  catho- 
lique, firent,  avec  quelques  dogmes  religieux,  un  amalgame  de 
systèmes  alchimiques  et  astrologiques  qui  rappellent  les  doctrines 
mystiques  des  théosophes  de  Técole  d'Alexandrie. 

Valentin  Weigel,  curé  à  Tschoppau  en  Saxe ,  prétendait  expli- 
quer le  dogme  de  la  transsubstantiation  par  la  transmutation  des 
métaux  (7);  Ëgid.  Guetmann,  d'Augsbourg,  publia  un  livre  sur  la 
Révélation  de  la  divine  majesté  (8),  où  il  parle  de  la  création  comme 
s'il  en  avait  été  témoin  oculaire;  il  soutient  qu'il  est  facile  de 
voyager  dans  les  airs ,  de  changer  les  métaux  les  uns  dans  les 
autres,  enfin  de  réaliser  toutes  les  idées  des  alchimistes,  à  la 
seule  condition  d'avoir  la  foi. 

Nous  mettrons  encore  au  nombre  de  ces  alchimistes  théo- 
sophes Bapst  DE  RocHLiTz(9),  curé  à  Moh6rn(Saxe),  et 'le  prédi- 
cateur Joh.  Gramann  (10).  Le  fameux  Corneille  Agrippa  était  un  des 
théosophes  cabalistiques  les  plus  célèbres;  mais  il  s'adonna  beau- 
coup moins  à  Talchimie  qu'à  la  science  occulte  et  à  la  magie  pro- 
prement dite. 

Ultalie  n'était  pas  moins  féconde  en  alchimistes.  La  plupart   . 
se  bornaient  au  rôle  de  simples  compilateurs  ou  de  commenta- 
teurs, tels  que  G.  Gratarol,  de  Bergame  (il),  professeur  de  mé- 

(1)  Bibliothèque  des  philosophes  chimiques,  t.  i,  TheaL  chim.fi.  iv, 

(2)  Lumen  noviim  de  metailorum  causis  et  transsubslantiatione  ;  Francf.,  1593, 
in.8^ 

(3)  De  secretis  anlimonii;  Bâie,  1575,  in-8^. 

(4)  Collectio  aliqiiot  velenim  scriptorum  de  alchimia  ;  Nuremb.,  1541,  in-4°. 

(5)  CompeDdium  alchimiae,  cum  dictionario  ejiisdem  artis  ;  Bâle,  1560,  iu-8^. 

(6)  De  arte  metaliicœ  melamorphoseos  ;  accediinl  judicia  et  responsa  de  jure 
artis,  etc.;  Basil.,  1576,  in-8°.  Theat.  chim.,  1. 1.  Man};et,  JîiW.  c^fwi.,  1. 1. 

(7)  Hilliger,  De  vita,  faits  et  scriptis  Val.  Weigelii;  Wittenb.,  1721,  In  4^ 

(8)  Arnstadt,  1575,  in-4**  (en  allemand). 

(9)  Aews  und  nUtzliches  Arzney-Kmsl  iind  Wunderbuch  (  Nouveau  traité 
des  médicaments,  etc.);  Mûhlhausen,  1590,  in-4^ 

(10)  Apologetica  refulatio  calumniœ,  etc.;  Erf.,  1593,  in-4°.  Responsoria  ad  pro- 

gymnasmala,  etc.,  Erf.,  1594,  in-4°. 

(11)  VeraealchlmiaescriptoresaliquolcolledijBâl.,1561,in-fol.  — Devininatura, 

artificio  et  usu,  etc.  Ibid.,  1565. 


126  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

decine  à  Bâie  ;  J.-B.  Nazari  (1),  J.  Braceschi,  de  Brescia  (2), 
J.  Lacini,  de  Calabre  (3). 

D'autres  reproduisaient  sous  toutes  les  formes  possibles  les 
théories  anpiennes  sur  le  grand  œuvre;  ils  ne  hasardaient  qu'un 
très-petit  nombre  de  vues  neuves  et  originales  ;  tels  étaient  J.-A. 
Panthée,  prêtre  vénitien,  qui  attribuait  un  pouvoir  magique  aux 
mots  hébreux  «]DD  argent ,  SHT  or,  mn^  Dieu,  dont  il  paraissait 
ignorer  la  véritable  valeur  (4);  H.  Cuiaramonte  (5)  ;  Abe.  Porta 
Leonis,  Juif  de  Mantoue  (6);  FI.  Girolari  (7);  E.  Glissenti  (8); 
L.  Ventura,  de  Venise  (9);  F.-E.  Quadrammo  (10);  Thomas  Bo- 
vins (11),  qui  se  croyait  placé  sous  l'influence  immédiate  d'un 
esprit  nommé  Zéphiriel,  et  préconisait  les  propriétés  surnaturelles 
de  son  or  potable  et  de  son  extrait  d*ellébore;  Filareto  (12);  P. 
Bairo  (13)  ;  Isabelle  Cortese  (14);  J.-B.  Zapata  (15),  célèbre  par 
sa  teinture  d'or,  qui  n'était  autre  chose  que  du  sucre  dissous  dans 
de  Teau-de-vie  faible,  ainsi  que  nous  le  révèle  J.  Scientia,  son  dis- 
ciple ;  H.  RosELLO  (16)  {Alexius  Pedemontanus),  qui  parle,  dans  son 
livre  De  secretis^  des  vernis  d*or,  de  la  dorure  du  fer  (recouvert 
préalablement  d'une  couche  de  cuivre),  etc.  ;  H.  Zanetti(17),  ar- 

(1)  Concordanza  dei  filosofi  ;  Brescia;  1599,  in-4'^.  —  Délia  transmutazione  me- 
tallica;  Brescia,  1572,  in-4°. 

(2)  Dialogus  veram  etgenuinam  librorum  Gebri  sententiam  explicans;  Manget, 
Bibl.  ckem.j  1. 1. 

(3)  Collectanea  cbimica  ;  Bâle,  in-8''.  —  Pretiosa  artis  cbymiae  coUectanea  ;  Ve- 
nise, 1546,  in-8. 

(4)  Trattato  délia  poliiere  o  elixir  vitac;  Genève,  1590,  in-4®. 

(5)  Ars  et  tbeoria  transmutationis  metallica;  ;  Venise,  1530,  in  8^.  —  Theat, 
chim,,  tom.  ii. 

(6)  Dialogi  très  de  auro  ;  Venise,  1514,  in-4°. 

(7)  Niiova  rainera  d'oro  ;  Venise,  1590,  in-4°. 

(8)  Trat.  délia  pieira  de'filosofi;  Venise,  1596,  in-4^. 

(9)  De  ratione  conficiendi   lapidis  pliilosopbici  ;  Bâle,  1571^  in-8®.  — Theatr, 
chim.,  tom.  ii. 

(10)  Vera  dicbiarazione  di  tutle  le  metafore  degli  alchimisti,  etc.;  Rome,  1587, 
in.4°. 

(11)  Flagello  contro  gli  medici  communi  detti  rationali  ;  Venise,  1583,  in-4^. 

(12)  Brève  raccolto  di  secreti  délie  donne;  Florence,  1573,  in-8**. 

(13)  Secreti  medicinali  ;  Venise,  1592,  in  8°. 

(14)  I  secreli,  ne'  quall  si  conlengono  cose  minerali,  medicinali,  alcbimiche,  etc.; 
Venise,  1561,  in-8*'. 

(15)  Secreti  varii  di  medicina  et  chirurgia;  Rome,  1586,  in-8®. 

(16)  De  secretis ;  Venise,  1557,in-4**. 

(17)  Conclusio  et  comprobalio  alcbémic'e.  —  Theatr,  chim.y  t.  iv. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  |27 

dent  défenseur  de  la  réalité  de  Talchîmie;  J.-B.Birelli,  de  Flo- 
rence (1);  G.  Fallopia  (2),  qui  publia  une  collection  de  procédés 
(secrets)  alchimiques,  qui  fut  traduite  en  français  et  en  allem/ind. 
A  cette  liste  empruntée  àGmelin,  il  faut  ajouter  le  Piémontais 
Ph.  RouiLLAC,  auteur  d'un  Traité  du  grand  œuvre  (3),  etL.  Fiora- 
VENTi,  de  Bologne,  Tinvenleur  du  baume  qui  porte  son  nom,  et  à 
Taide  duquel  il  assurait  avoir  opéré  des  cures  miraculeuses.  Il  re- 
commandait son  baume,  auquel  il  donnait  différents  noms,  comme 
un  contre-poison  infaillible  de  l'arsenic;  il  en  faisait  oindre  tout 
le  corps  du  malade  (4).  A  cette  occasion  il  raconte  comment 
il  avait  parfaitement  guéri  un  homïne  empoisonné  par  sa  femme 
avec  deux  grains  d'arsenic,  mis  dans  un  potage  au  riz.  'a  Appelé , 
dit-il ,  auprès  du  malade ,  qui  était  mourant,  je  fis  venii*  la  femme 
de  la  maison ,  et  lui  fis  comprendre  que  si  son  mari  venait  à 
mourir,  elle  serait  infailliblement  accusée  et  punie  comme  em- 
poisonneuse; mais  que  si  elle  voulait  m'indiquer  Tespèce  et  la 

(1)  Alcliimia;  Florence,  1601, 10  4**. 

(2)  Secreti  diversiemiracoïosi,eic.;  Venise,  là63,  in-8°.  —  Traduit  en  allemand, 
par  Martius;  Augsb.,  1571, in-8**.  —  Traduit  en  français,  par  Ch.  Landry,  sous  le 
titre  de  Oecoiatrie,  laquelle  contient  en  soy  grands  secrets,  etc.  —  Traduit  en 
anglais  :  Three  exact  pièces  of  secrets  ;  secrets  of  chirurgery,  elc;  Lond.,  1652, 
iu-4^ 

(3)  Practica  operis  magni  ;  Lyon,  1582,  in-S**.  —  La  biblioliièque  de  Sainte-Gene- 
viève possède  un  manuscrit  français  (T.  1449,  in-4^  )  du  traité  de  RouiUac,  sous 
le  litre  de  :  Traitte  du  grand  œvre  des  philosophes,  faict  par  frère  Johan 
Bouillasq,  cordelier  piedmontais,  premier  philosophe  de  son  temps.  Cette 
présente  copie  a  esté  escripte  par  moy,  Nicolas  Rossignol,  procureur,  en  mil 
six  cent  et  huit, 

(4)  Voici  en  quels  termes  Fioraventi  décrit  lui-même  la  composition  de  son 
baume  :  Prenez  :  térébenthine  de  Venise,  1  livre;  huile  d'olive,  4  onces;  galba- 
num,  3  onces;  gomme  arabique,  4  onces;  oliban,  myrrhe,  3  onces  de  chaque; 
aloès,  galega,  clous  de  girofle,  consoude,  cannelle,  zédnaire,  gingembre,  1  once  de 
chaque;  musc  du  Levant,  ambre  gris,  1  drachme  de  chaque  substance. 

Mêlez  ces  substances'ensemble,  et  mettez  les  dans  une  cornue  de  verre  lutée; 
versez-y  6  livres  d'eau-de-vie  rectifiée,  et  laissez  le  tout  macérer  pendant  huit 
jours.  Puis,  vous  distillerez  ce  mélange  sur  un  bain  de  sable  :  vous  obtiendrez  d'a- 
bord une  eau  blanche,  mêlée  d'huile.  Lorsque  vous  verrez  apparaître  une  huile 
noire,  vous  changerez  de  récipient,  et  vous  augmenterez  le  feu  jusqu^à  ce  que  tous 
les  esprits  se  soient  dégagés.  Séparez  enfin  l'huile  de  Teau  noire,  et  conservez  toutes 
ces  matières  séparément.  La  première  eau  qui  est  blanche,  c'est  Veau  du  baume 
(  aqua  del  balsamo);  l'hnile  qui  s'en  sépare  est  Vhuile  du  baume  (oleum  del 
balsamo).  La  seconde  eau  est  noire,  c'est /a  mère  du  baume  {mater  balsûmi); 
et  rhuile  qui  est  séparée  s*appelle  baume  artificiel  (balsamo  artijiciato),  qu^W 
faut  conserver  comme  un  joyau  précieux. 


128 


HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 


quantité  de  poison  employé,  je  pourrais  peut-être  parvenir  à 
guérir  son  mari.  » 

Les  Pays-Bas,  engagés  dans  une  guerre  à  mort  contre  leur 
sombre  despote  Philippe  II,  roi  d'Espagne ,  étaient,  vers  la 
fin  du  xvi^  siècle,  le  séjour  d'un  assez  grand  nombre  d'alchi- 
mistes ,  parmi  lesquels  nous  citerons  en  première  ligne  Cornélius 
Daebbel,  d'AIkmar  en  Hollande. 

Drebbel  explique ,  dans  un  Traité  de  la  nature  des  éléments  (1), 
le  vent  et  la  pluie  par  une  élévation  de  température  et  un  refroi- 
dissement brusque  des  couches  de  Pair.  Il  fonde  ceite  explication 
sur  une  expérience  dont  la  théorie  devait  plus  tard  donner  lieu 
à  l'emploi  des  tubes  de  sûreté  :  il  chauffe  une  cornue,  dont  le 
bec  plonge  dans  unecuvelle  pleine  d'eau.  — Ici  se  trouve  dans 
le  texte  de  l'édition  allemande  de  l'année  1624,  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  la  figure  suivante  : 


«  Dès  que  l'eau,  contenue  dans  la  cornue  (a),  commence,  dit 
l'auteur,  à  s'échauffer,  vous  verrez  aussitôt  des  vents  (vapeurs) 
sortir  par  le  bec  et  soulever  l'eau  du  bassin  (6),  sous  forme  de 
bulles.  Si  vous  éloignez  le  feu  {c)  de  la  cornue,  Teau  du  bassin 
montera  dans  la  cornue  refroidie;  elle  se  rompra,  si  elle  est  de 
verre.  » 

Drebbel  s'empara  de  ce  fait  pour  expliquer  la  brise  du  soir  et 
la  brise  du  matin ,  parla  différence  de  la  température  qui  existe, 


(1)  Ein  kurzer  Tractai  von  der  Natur  der  Elemente,  und  wle  sie  den 

Windj  Regen,  etc.  verursachen  (Court  Iraité  des-  éléments  de  la  nature,  com- 

raeût  ils  produisent  le  vent,  la  pluie,  etc.);  Erf.,  1624,  in-12.  Ce  même  ouvrage 

a  été  traduit  en  latin  sous  le  titre  :  De  natîira  clementorum,  etc.;  Genève,  1628^ 

in-12;  et  en  français,  Paris,  1673,  in-12. 


TROISIÈME  EPOQUE.  129 

au  commencement  et  à  la  fin  du  jour,  entre  le  continent  et  la  mer. 

C'est  à  tort  que  Ton  attribue  à  DrebbePla  découverte  du  ther- 
momètre; car,  dans  le  passage  qui  vient  d'être  indiqué,  et  que 
Ton  cite  généralement  à  Tappui  de  cette  découverte  ,  il  n'est  au- 
cunement question  du  thermomètre,  ni  de  la  mesure  de  la  cha- 
leur (1). 

Parmi  les  autres  alchimistes  néerlandais ,  d'un  esprit  en  gé- 
néral moins  spéculatif  que  les  alchimistes  allemands,  nous 
nommerons,  d'après  Gmelin  :  Ihéobald  de  Hogheland  de  Mittel- 
burg,  qui  a  écrit  pour  et  contre  l'alchimie  (2)  ;  Jos,  Micfiaelis  (3)  ; 
Beyner  Snoy  (4);  Jos,  Grewer  (5);  Jos,  Struthius  (6);  Dan.  Brou- 
chhusen  (7),  et  Just  Balbian  d'Alost  (8). 

V Espagne,  qui  était  alors  à  l'apogée  de  sa  puissanQe  et  de  sa 
splendeur,  ne  produisit  qu'un  petit  nombre  d'alchimistes.  On  ne 
cite  guère  que  Carava»^^5,  auteur  d'une  Pratique  de  C alchimie  (9), 

U Angleterre  et  VÉcossè  eurent  des  alchimistes  fameux,  dont 
les  aventures  faisaient  beaucoup  de  bruit  vers  la  fin  du  xvi*^  et  au 
commencement  du  xvii®  siècle. 

Edouard  Relley,  avant  de  s'occuper  d'alchimie,  était  notaire. 
Accusé  d'avoir  altéré  des  actes  publics ,  il  fut  condamné  à  avoir 
les  oreilles  coupées,  et  au  bannissement.  Misérable,  fugitif,  il 
arrive  dans  une  auberge  du  pays  de  Galles,  où  le  hasard  fait  tom- 
ber entre  ses  mains  une  boule  d'ivoire  contenant  de  la  poudre  de 
projection,,  et  un  vieux  livre,  trouvés  dans  le  tombeau  d'un 
évoque  ;  ce  livre  enseignait  la  préparation  de  la  pierre  philoso- 
phai.  Relley  essaya  de  cette  poudre,  et  réussit,  dit^on,  à 
souhait.  Il  fit  aussitôt  part  de  sa  bonne  fortune  à  son  ami  Jean 
DÉE  de  Londres.  Les  deux  amis  quittent  leur  patrie,  se  rendimt 
en  Allemagne  et  pénètrent  jusqu'à  Prague,  où  l'empereur  Maxi- 

(1)  Voy.  Libri^  Histoire  des  sciences  mathématiques  en  Italie,  t.  iv,  p.  193. 
(2)De  difficultatibii»  alcliemise;  Cologne,  1594,  io-8^.  — Maiiget,  Biblioth,  — 
Theatr.  chim.,  t.  i.  —  Htstoriœ  aliquot  transmutationis  metaUicœ,proclerersione 
'alcliemiac  ;  Cologne,  1604,  in-8^. 

(3)  Scrutiniiim  cinnabarinuna.  —  Apologia  chiinica  ;  Middelb.,  1597,  in-8^ 

(4)  De  arte  alchimiœ;  Francf.,  1620,  infol. 

(5)  Secretum.  Theatr,  chim,,  t.  m. 

<6)  Medicamentorum  spagyrica  prœparatio;  Francf.,  1591,  in-8^ 
<7}  Sécréta  alcliymiae;  Leyde,  1598,  in-8^ 

(8)  Tractatus  'seplem  de  lapide  philosophico  ex  vetustissimo'  codice  desumpti  ; 
Leyde,  1599, 8.  Theatr,  chim,^  t.  m. 

(9)  Practica.  Theatr,  chim,,  t.  m. 

BIST.  DE   LA  CUIMIE.    —  T.  II.  9 


130  HlSTOIRE^  DE  LÀ  CHIMIE. 

miiien  avait  donné  rendez-vous  à  tous  les  alchimistes  en  renom. 
Kelley  fit  la  projection  en  présence  de  Tempereur.  Invité  à  pré- 
parer plusieurs  livres  de  la  poudre  merveilleuse ,  il  se  trouva  en 
défaut;  ses  opérations  échouèrent.  Dans  sa  détresse  (l'empereur 
Tavait  menacé  de  la  prison  ),  il  invoqua  tous  les  démons  de  l'en- 
fer;  mais  ceux-ci  restèrent  sourds.  L'empereur  exécuta  alors  sa 
menace,  et  Kelley  fut  privé  de  sa  liberté.  Voulant  s'évader  de  sa 
prison,  il  se  cassa  une  jaml)e,  et  mourut  à  la  suite  de  cet  accident. 
J.  Dée  retourna  dans  sa  patrie  y  où  il  mourut  (i).  Les  écrits  de 
Kelley,  empreints  d'un  mysticisme  marqué^  furent  publiés  par 
Lange  et  par  Combach  (2). 

Chancer^  Blùmfeld,  Casi  (3),  Fr.  Antony  (4),  Mich.  Scottis  (5), 
Digby  (6),  sont  moins  connus  que  Kelley. 

Mais  le  plus  célèbre  de  tous  fut  Alex.  Sethon  (Si don),  sur- 
nommé le  Cosmopolite.  Voici  ce  qu'on  raconte  de  lui  :  Sethon 
parvînt,  vers  la  fin  de  sa  vie,  à  découvrir  ce  que  tant  d^autres 
avaient  cherché  en  vain.  Dès  lors  il  se  mit  à  voyager  ;  il  passa 
d'abord  en  Hollande,  où  il  opéra,  le  13  mars  1602,  la  transmuta- 
tion, du  mercure  en  or,  en  présence  du  célèbre  médecin  Van- 
derlindenet  de  son  ami  Haussen  (7).  De  là  il  vint  en  Saxe,  où  il 
tut  présenté  au  duc,  passionné  pour  l'alchimie,  et  qui  le  fittravailler 
dans  une  tour,  sous  la  garde  de  quarante  hommes.  Le  prince 
employa  tous  les  moyens  de  persuasion  pour  en  avoir  le  secret  de 
Sethon;  mais  ni  la  douceur  ni  la  violence  ne  le  lui  firent  obtenir. 
Alors ,  emporté  par  la  colère ,  il  fit  mettre  l'alchimiste  au  cachot. 


(1)  Monas  hieroglyphica  ;  Francf.,  1591,  in-S*.  Theatr,  chim,^  t.  n.  —  Tractatns 
▼arii  alcliemicae  ;  Francf.,  1630,  iii-4.  — .  Fasciculus  chemicus;  Bàle,  1575,  iDrl2. 
—  Parallaticae  commentationis  nucleus,  etc.;  Lond.,  1573,  iD-4^  ->  Propœdeu- 
roafa  aphoristica;  Lond.,  1568,  in-4*'. 

(2)  Tract,  duo  egregii  de  lapide  phnosophorum  edit.  aLangîo;  Hambarg.,  1673,. 
in-8°.  —  Fragmenta  a  Combachio  édita;  Gei8inar.,l647,  in~12.  . 

(3)  Lapis  philosopkicus  ;  Oxford,  1599,  iD-4^. 

(4)  De  lapide  philosoph.  Imprimé  dans  Rlienanus,  Harmonia  imperscrtitabilis; 
Francf.,  1625,  i»-8^  —  Panacea  aurea,  elc;  Hamb.,  1618,  in-8". 

(5)  De  natura  soiis  et  lunœ.  Thtatr,  chem.,  I.  v. 

(6)  Alchimia  sive  auriraiiitiplicatio;  Paris,  1573,  in-8^ 

(7)  Georg.  Morhof  (epist.  de  metall.  transmutalione;  Hamb.,  1673,  in-S**)^  quf 
raconte  cette  liistoire,  dit  avoir  lui-même  vu  un  morceau  de  cet  or  entre  les  mains 
de  J.-Antoine  Vanderlinden,  petit-fils  de  celui  dont  il  est  ici  question,  et  qui  avait 
eu  soin  de  marquer  sur  ce  même  or  que  la  transmutation  s*était  faite  à  quatre 
heures  après  midi,  le  13  mars  1602. 


TROISIÈME  EPOQUF.  131 

Selhony  serait  mort,  s'il  n'en  avait  pas  été  délivré  par  un  gen- 
tilhomme morave ,  Michel  Sekdivogius. 

.  Sethon  et  son  libérateur  sortirent  déguisés  du  territoire  de  Saxe^ 
et  se  rendirent  à  Cracovie,  oii  Sendivogius  avait  son  domicile 
hahituel.  Ce  dernier  s'attendait  à  ce  que  celui  qu'il  avait  délivré 
lui  apprendrait,  par  reconnaissance,  le  secret  de.  la  transmuta- 
tion des  métaux.  Mais  il  fut  déçu  dans  son  attente  ;  la  prière,  la 
menace ,  tout  fut  employé  en  vain.  Sethon  lui  fit  seulement  pré- 
sent d'une  once  de  sa  poudre ,  ce  qui  devait  suffire  pour  enrichir 
son  libérateur.  Bientôt  après  il  mourut,  vers  Tannée  1604. 

Michel  Sendivogius ,  déguisé  sous  Tanagramme  DM  Leschi  ge^ 
nus  amOy  publia  les  écrits  de  Sethon,  la  plupart  sous  le  nom  de 
Cosmopolite. 

L'alchimie  ,  la  magie  et  l'astrologie  s*étaient  réfugiées  jusque 
dans  l'intérieur  du  royaume  de  Maroc.  S'il  faut  en  croire  Léon 
l'Africain  (1),  il  y  eut,  vers  cette  époque,  un  grand  nombre  d'al- 
chimistes à  Fez,  oii  ils  se  réunissaient  tous  les  soirs  dans  un 
temple,  pour  travailler  au  grand  œuvre,  selon  les  préceptes  de 
Geber  (2). 

(1)  Africœdescriptio  IX  libris  absolu  ta;  Leycfe,  1632,  îd-S^ 

(2)  Ceux  qui  Tondraient  écrire  une  liîsloire  détaillée  de  ralcliimie  trouveront  des 
documents  manuscrits  intéressants  dans  deux  bottes  fermées  à  clef  (  étiquetées 
Pièces  d*alchimie  ),  et  conservées  à  la  bibliothèque  de  TArsenal.  On  y  trouve  la 
description  de  procédés  concernant  la  fixation  du  mercure,  sa  transformation  en 
or  et  en  argent;  des  procès-verbaux  d'opérations  plus  ou  moins  curieuses,  des 
morceaux  choisis  d'anciens  auteurs.  Ces  documents  ont  été  écrits  sur  des  feuilles 
Yolantes,  et  à  différentes  époques.  Cependant  ils  n*ont  pas  tous  trait  à  Talchimie; 
il  y  en  a  qui  appartiennent  à  la  thérapeutique  médicale,  à  la  pharmacie,  à  Part  eu* 
linaire,  etc. 

Ces  deux  bottes  ne  sont  pas  cataloguées,  et  se  trouvent  placées  à  côté  du  ms. 
D^  148,  in-folio  (section  des  arts  et  sciences). 

On  y  trouve,  entre  autres  :  Œuvre  particttUère  d'un  certain  frère  Grégoire^ 
disciple  d^ Arnaud  de  Villeneuve  ;  —  DesaipHon  d'une  minière  d*or  trou- 
vée dans  les  papiers  d*un  fameux'  philosophe  qui  a  esté  assassiné  en  Lan- 
guedoc pour  les  rares  secrets  qu'if  avoit;  —  Œuvre  du  chevalier  de  la  Mag* 
deleine,  gentilhomme  breton ;—'  Œuvres  du  sieur  d'Aigremont;  —  Pour 
tirer  l'or  du  fer,  etc. 


î). 


132  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 


SECTION  DEUXIEME. 


APERÇU   GENERAL  DU  XVir   SIECLE. 


Le  dix-septième  siècle  continue  l'œuvre  commencée  au  siècle 
précédent.  Galilée,  François  Bacon,  Descartes,  Boyle,  dirigent 
l'impulsion  nouvelle  donnée  à  la  science.  L'autorité  tradi- 
tionnelle perd  déplus  en  plus  son  prestige;  elle  cesse  d'être  in- 
voquée à  mesure  que  l'expérience  et  la  raison  font  valoir  leurs 
droits.  Il  y  abien  encore  çà  et  là,  surtout  dans  la  première  moitié 
du  dix-septième  siècle ,  quelque  sourde  résistance  opposée  à  cet 
esprit  de  liberté  qui,  avant  de  se  répandre  dans  le  domaine  de  la 
science,  avait  ébranlé  l'autorité  mal  assise  de  l'autel  et  du  trône. 
Mais,  depuis  la  fondation  des  sociétés  savantes,  l'un  des  événe- 
ments les  plus  considérables  de  la  civilisation,  les  champions  les 
plus  décidés  des  doctrines  du  passé  sentirent  bientôt  leur  impuis- 
sance, et  ne  tardèrent  pas  à  déposerles  armes.  Aussi,  à  partir  de 
la  seconde  moitié  du  dix-septième  siècle,  la  méthode  expérimen- 
tale l'emporte  presque  sur  toute  la  ligne ,  et  ouvre  au  progrès  un 
champ  illimité. 

La  guerre  de  Trente  ans  qui  désola  l'Allemagne,  les  troubles 
civils  de  la  Grande-Bretagne  ,*  les  règnes  agités  de  Louis  Xni  et 
de  la  minorité  de  Louis  XIV,  avaient  retardé  un  moment  le 
mouvement  progressif  de  la  science.  Ce  fut  pendant  ces  agita- 
tions politiques  et  religieuses  que  quelquespenseurs  d'élite,  pré- 
férant le  silence  de  la  retraite  au  vain  bruit  du  monde,  eurent 
l'idée  de  s'associer  pour  divers  objets  d'étude,. et  de  se  communia 
quer  mutuellement  leurs  pensées  et  leurs  découvertes.  De  ces 
noyaux  d'associations  sortirent  les  Académies  des  sciences  de 
Paris  et  de  Londres,  dont  la  fondation  avait  été  précédée  en  Italie 
par  celle  des  Académies  des  Lyncei  et  del  Cimento. 

L'Allemagne,  pays  classique  de  l'érudition,  était  néanmoins 
restée  en  arrière  de  l'Italie,  de  la  France  et  de  l'Angleterre;  car 
la  fondation  officielle  de  la  Société  impériale  des  Ctirievx  de  la 


TROISIÈME  EPOQUE.  133 

nature  ne  date  que  de  l'année  1672  (1).  Et  les  premiers  travailx 
de  cette  Société  sont  loin  de  porter  ce  cachet  de  la  méthode  ex- 
périmentale qui  distingue  les  travaux  des  sociétés  savantes  fran- 
çaises, italiennes  et  anglaises.  Cela  s'explique  peut-être  par  les 
tendances  naturelles  du  génie  germanique,  tendances  bien  plus 
métaphysiques  que  celles  des  autres  nations. 

Méthode  expérimentale*  —  François  Bacon* 

Le  dogmatisme  spéculatif  a  faft  son  temps.  Désormais  il  faudra 
chercher  la  vérité,  non  plus  dans  les  écrits  d'Aristole ,  mais  dans 
le  livre  de  la  nature.  Les  péripatéticiens  devront  céder  la  place 
aux  philosophes  e}ipérimentateurs. 

Léonard  de  Vinci,  Palissy,  Galilée,  commencèrent  les  premiers 
à  secouer  le  joug  de  l'autorité  scolastique,  et  pour  atteindre 
leur  but  ils  ne  reculèrent  devant  aucun  sacrifice ,  pas  même  de- 
vant celui  de  leur  liberté.  Léonard  de  Vinci ,  abreuvé  de  cha- 
grins, vécut  longtemps  dans  la  misère  ;  Palissy  eut  à  essuyer  les 
railleries  des  docteurs  scolastiques;  Galilée  fut  condamné  au 
silence  (2). 

François  Bacon  transporta  dans  la  philosophie  le  principe  de 
la  révolution  qui  s'était ,  dans  une  autre  sphère ,  opérée  au 
seizième  siècle;  et  de  là  il  le  fit  passer  dans  les  sciences.  Le  pre- 
mier il  érigea  l'observation  en  système  philosophique;  il  co- 
difia pour  ainsi  dire  la  méthode  expérimentale. 

Mais,  n'oublions  pas  de  le  rappeler,  l'auteur  du  Novum  Or- 
ganon  n'est  aucunement  le  créateur  de  la  méthode  expérimen- 
tale. Bien  d'autres  avant  lui  en  avaient  déjà  proclamé  la  néces- 
sité (3).  Rien  de  ce  qui  peut  changer  la  face  de  la  science  ou 
de  la  société  n'a  été  le  fait  d'un  seul  homme.  La  boussole ,  la 
poudre,  à  canon,  la  vapeur,  ne  sont  qu'une  application  heureuse 
de  faits  préexistants,  mais  qui  seraient  restés  stériles  si  le  souf- 

* 

(1)  Nous  reviendrons  plus  bas  sur  riiisloire  de  ces  sociétés  au  dix -septième 
siècle. 

(2)  Voyez,  sur  la  Tîe  et  les  travaux  de  Galilée,  M.  Libri,  Histoire  des  sciences 
mathématiques  en  Italie,  t.  iv,  p.  157-294. 

(3)  Le  moine  Roger  Bacon,  Albert  le  Grand  et  d'autres  philosophes  avaient 
déjà  montré,  au  moyen  âge,  combien  il  était  nécessaire,  pour  faire  avancer  la  science, 
dMnterroger  Fexpérience  à  Paide  de  la  raison.  Léonard  de  Vinci,  6.  de  Palissy, 
Galilée,  tous  avaient,  avant  le  chancelier  Bacon,  fait  usage  de  la  méthode  expéri- 
mentale. 


/ 


131  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE» 

fle  du  génie  n'était  pas  venu  les  féconder.  L'attraction  exercée 
par  Taimant,  le  mélange  inflammable  de  soufre  y  de  salpêtre  et 
de  charbon,  Téolipyle,  n'étaient,  depuis  des  siècles,  que  de  cu- 
rieuses expériences  de  laboratoire;  il  fallut  la  réunion  de  cir* 
constances  en  apparence  fortuites^  il  fallut,  pour  parler  ainsi,  le 
dernier  cmip  de  piston,  pour  les  faire  servira  guider  les  vaisseaux, 
à  lancer  des  projectiles,  à  mouvoir  des  machines.  Les  matériaux 
préexistent;  ils  n'attendant  qu'un  esprit  capable  de  les  coordon- 
ner, ou  de  les  appliquer.  * 

Au  nombre  des  esprits  qui,  brisant  le  joug  de  l'autorité  scolas- 
tîque ,  se  frayèrent  une  route  nouvelle ,  il  faut  placer,  en  pre- 
mière ligne,  Van-Helmont,  Robert  Boyle,  Glauber  et  Kunckel. 

Tan-Helmont  (jean-baptiste}. 

Van-Helmont  est  supérieur  à  Paracelse,  qu'il  avait  pris  pour 
modèle.  Initié  aux  études  classiques,  familiarisé  avec  les 
sciences  et  les  lettres,  il  a  plus  d'autorité  que  Paracelse  lors- 
qu'il oppose  l'observation  aux  théories  des  anciens.  Partisan  de 
récole  des  paracelsistes,  il  fait  une  guerre  impitoyable  aux  mé- 
decins galénistes,  qui  dédaignaient  la  chimie.  Mais  s'il  attaque  et 
renverse  des  systèmes  discutables,  c'est  pour  élever  sur  leurs  dé- 
bris un  édifice  nouveau ,  c'est  pour  élargir  le  domaine  de  la 
science. 

Van-Helmont  eût  le  premier  la  gloire  de  démontrer  scientifi- 
quement l'existence  de  corps  invisibles,  impalpables,  quoi- 
que matériels.  Ces  corps,  jusqu'alors  vaguement  entrevus,  reçu- 
rent de  lui  le  nom  qu'ils  portent  encore  aujourd'hui ,  le  nom 
de  gaz. 

Précurseur  de  la  chimie  pneumatique,  il  prépara  la  voie  aux 
découvertes  du  dix-huitième  siècle,  en  appelant  le  premier  l'at- 
tention des  observateurs  sur  l'étude  des  corps  aériformès. 

Van-Helmont  naquit  à  Bruxelles  en  1577,  d'une  des  plus  an- 
cicnnes  familles  de  l'Europe  (celle  des  comtes  de  Mérode),  dont 
il  existe  encore  aujourd'hui  une  branche.  Contrairement  aux  vœux 
de  ses  parents,  il  se  livra  de  bonne  heure  à  la  carrière  des  scien- 
ces, ets'adonna  avecardeuràl'étudedelamédecineetdelachimie. 
Doué  de  talents  naturels  et  d'une  persévérance  à  toute  épreuve, 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  135 

il  s'acquit  bientôt  une  grande  renommée.  L'empereur  Rodolphe  II 
et  rélecteur  de  Cologne  l'invitèrent  à  se  rendre  à  leur  cour  ; 
mais,  renonçantà  tout  ce  qui  peut  flatter  l'ambition  d'un  homme, 
il  consacra  sa  vie  à  l'étude  des  phénomènes  de  la  nature ,  et 
préféra  son  laboratoire  de  Yilvorde,  près  de  Bruxelles,  aux  splen- 
deurs de  la  cour.  Il  mourut  le  30  décembre  1644. 

Travaux  4e  ITaB-Helmoiit* 

Les  écrits  de  Yan-^Helmont  furent  recueillis  après  sa  mort,  et 
publiés  par  son  fils ,  François-Mercurius  Van-Helmont ,  sous  le 
titre  de  Ortus  medicinx  (i). 

Il  y  règne^  comme  dans  les  écrits  de  Paracelse^  ce  4on  Jtcan- 
chant  qui  dépasse  quelquefois  les  bornes  de  la  modestie;  on  y 
remarque  aussi  unp  tendance  à  la  philosophie  surnaturelle^  ex- 
primée dans  un  langage  qui  est  loin  d'être  toujours  clair.  Itfais 
ces  défauts  sont  rachetés  par  des  découvertes  et  des  observations 
d'une  grande  valeur,  comme  nous  allons  le  montrer. 

Commençons  par  constater  que  Van-Helmont  proclama  le 
premiçr  la  nécessité  de  l'emploi  de  la  balance  j  instrument  qui 
devait  opérer  une  révolution  complète  dans  la  science. 

GoK  (2).  —  «  Le  charbon,  dit-il,  et  en  général  les  corps  qui  ne  se 
résolvent  pas  immédiatement  en  eau ,  dégagent  nécessairement 
{parleur  combustion)  de  V  esprit  sylvestre.  Soixante-deux  livres  de 
charbon  de  chêne  donnent  une  livre  de  cendre.  Les  soixante  et 
une  livres  qui  restent  ont  servi  à  former  l'esprit  sjlvestre.  Cet 
esprit,  inconnu  jusquHci,  gui  ne  peut  être  contenu  dans  des  vads- 
seaux  ni  être  réduit  en  un  corps  visible,  je  rappelle  d'un$iouveau 
nom,  gaz.  Il  y  a  des  corps  qui  renferment  cet  esprit,  et  qui  s'y 
résolvent  presque  entièrement;  il  y  est  alors  comme  ûné  ou  so- 

(1)  Ortus  medicinx,  id  est  initia  physica  inaudita,  progressus  medicinx 
novus  in  morborum  uttionem  ad  vitam  longam,  edenle  ^uctoris  fUio.  Editio 
qnarta^  Lugduni,  1  vol.  in-foL,  I6S6.  —  C*«8t  cette  édition  que  nous  avons  sous 
les  yeux.  La  première  parut  en  t648,  à  Amsterdam  (Etcevirs),  in*4^:;  la  deuxième 
en  1651»  à  Venise;  et  la  troisième  en  1652.  Il  y  a,  en  outre,  trois  éditions  de  Franc- 
fort, 1661,  1681  et  1707.  —  Les  ouvrages  de  Van-Helmont  furent  traduits  en 
français  par  le  Ck>mte,  en  1670,  in-4*,  en  anglais  (Londres,  1662,  in-fol.),  et  en 
^lemand  (Sulztiach,  1683,  in-fol.}. 

(2)  Le  nom  de  gaz  ou  gas  (orthographe  employée  par  Van-Helmont)  dérive,  par 
corruption,  de  Gahst  (  Geist  ),  qui  signifie  esprit.  Suivant  d^autres,  il  viendrait  de 
Chaos,  de  Bios  (souffle),  ou  de  Gaescht  (écume). 


136  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

lidifié.  On  le  fait  sortir  de  cet  état  par  le  ferment ,  comme  cela 
s'observe  dans  la  fermentation  du  vin ,  du  pain ,  de  l'hydro- 
mel (1).  » 

Voilà  bien  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  le^a^  acide  carb(h 
nique.  Et  ce  qu'il  y  a  de  plus  surprenant,  c'est  que  Van-Helmont 
annonce  formellement  que  le  gaz  produit  par  la  combustion  du 
charbon  est  le  même  que  celui  qui  se  développe  pendant  la/ijr- 
meniaiion,  qu'il  définit  «la  mère  de  la  transmutation,  divisant 
les  corps  en  atomeç  excessivement  petits  ». 

L'auteur  savait  que  les  raisins  ne  fermentent  qu'au  contact  de 
l'air,  et  que  le  gaz  qui  se  produit  est  le  même  que  celui  dont 
la  présence  rend  les  vins  mousseux.  Voici  ce  qu'il  nous  apprend 
à  cet  égard. 

a  Une  grappe  de  raisin  non  endommagée  se  conserve  et  se  des- 
sèche ;  mais,  une  fois  que  l'épiderme  est  déchiré ,  le  raisin  ne 
tarde  pas  à  subir  le  mouvement  de  fermentation  ;  c'est  là  le  com- 
mencement de  sa  métamorphose.  Ainsi  le  moût  de  vin,  le  suc 
des  pommes,  des  baies,  du  miel,  et  même  des  fleurs  et  des 
branches  écrasées,  éprouvent,  sous  l'influence  dii  ferment, 
comme  un  mouvement  d'ébullition  dû  au  dégagement  du  gaz. 
Les  raisins  secs  sont  beaucoup  plus  longtemps  à  donner  du  gaz, 
à  cause  du  défaut  de  ferment.  Ce  gaz,  étant  comprimé  avec  beau- 
coup de  force  dans  les  tonneaux,  rend  les  vins  pétillants  et  mous- 
seux (2).  » 

L'auteur  a  ensuite  soin  de  montrer  que  ce  gaz  n'est  pas  du  tout 
la  même  chose^ue  l'esprit-de-vin.  «  Séduit  par  l'autorité  d'écri- 
vains ignorants,  je  croyais  autrefois,  dit-il,  que  ce  gaz  des  rai- 
sins n'était  autre  chose  que  de  l'esprit-de-vin^  » 

(1)  Orius  med.y  p.  66.  Carbo  et  universaliter  corpora  quœcunque  immédiate 
non  abeunt  in  aquam,  necessario  éructant  spiritum  sylvestrem.  Ex  lxii  librîs 
carbonis  querni  uha  libra  cineris  conflalur.  Ergo  lxi  librae  residuœ  sunt  ille  spiri- 
tus  syWestris.  Hune  spiritum  incognitum  hactenus,  novo  nomine  gds  voco,  qui 
nec  vasis  cogi,  nec  in  corpus  visibile  reduci*potest.  Corpora  vero  continent  liunc 
spiritum  et  quandoque  tota  in  ejusmodi  spiritum  abscedunt;  — est  spirituscon- 
cretus  et  corporis  more  coagniatus,  excitaturque  acquisito  fermento,  ut  in  vino, 
pane,  hydromele,  etc. 

(2)  Ortus  med.,  p.  66.  Uva  illaesa  asservatur  et  siccatur.  Sed  semel  pelle  ejus 
disrupta  et  vulnerata,  illa  mox  fermentum  ebullitionis  concipit,  hincque  transmu- 
tationis  initium.  —  Yina  ergo  uvarum,  pomorum,  baccarum,  mellis,  itemque  flo- 
res et  frondes  contusa,  fermento  arrepto,  bullire  ac  fervere  incipiunt,  nnde  gas  ; 
e  passis  vero  contusis,  fermenti  penuria  stalim  non  datur  gas.  Gas  si  multa  vi 
intra  cados  coerceatur,  vina  furiosa  reddit. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  137 

Outre  la  combustion  du  charbon  et  la  fermentalion,  Van- 
Helmont  admet  quatre  sources  différentes  du  gaz  sylvestre. 
Ces  sources  sont  : 

i''  L'action  d'un  acide  sur  des  produits  calcaires  (carbonates), 
a  Au  moment  où  le  vinaigre  distillé  dissout  des  pierres  d'écre- 
visses,  il  se  dégage,  dit-il,  de  Tesprit  sylvestre  (1).  » 

On  sait  que,  dans  cette  action,  l'acide  liquide  prend  la  place 
de  l'acide  gazeux  (acide  carbonique). 

2°  Les  cavernes,  mines ,  celliers.  —  «  Rien  n'agit,  dit-il, 
plus  promptement  sur  nous  que  le  gaz,  comme  le  démontrent  la 
grotte  des  Chiens  et  l'asphyxie  par  les  charbons.  Très-souvent 
il  tue  instantanément  ceux  qui  travaillent  dans  les  mines.  On 
peut  être  asphyxié  sur-le-champ  dans  les  celliers  où  une  liqueur 
fermentée  (bière)  laisse  échapper  son  gaz  (2).  j> 

Les  démons  ou  esprits  malfaisants ,  qu'on  craignait  tant  au 
moyen  âge,  ont  ainsi  reçu  leur  explication  :.  c'est  le  gaz  sylvestre 
de  Van-Helmont  qui  tue  Touvrier  dans  les  mines  où  le  vigneron 
dans  ses  celliers. 

3*^  Les  eaux  minérales,  —  a  Les  eaux  de  Spa  dégagent  du 
gaz  sylvestre  ;  il  y  a  des  bulles  qui  s'attachent  aux  parois  du 
vaisseau  qui  en  contient  (3).  » 

4°  Les  intestins,  pendant  la  putréfaction,  —  «  Tout  Yenl(flatus) 
qui  se  produit  en  nous  par  la  digestion  des  aliments  ou  par  les 
excréments  est  du  gaz  sylvestre  (4).  » 

C'est  ici  le  moment  de  faire  voir  que  Van-Helmont  connaissait 
déjà  plusieurs  espèces  de  gaz ,  et  qu'il  les  divisait  implicitement 
en  inflammables  et  en  non  inflammables, 

u  Les  gaz  de  l'estomac  éteignent,  dit-il,  la  flamme  d'une  bougie. 
Mais  le  gaz  stercoral ,  qui  se  forme  dans  les  gros  intestins,  et  qui 
sort  par  l'anus,  s'allume  en  traversant  la  flamme  d'une  bougie, 
et  brûle  avec  une  teinte  irisée  (5). 

(1)  De  flatibus.  — •  Acetum  stillatitium^  dum  lapides  cancrorum  solvif,  —  eruc- 
tatur  spiritos  S]flvestri8. 

(2)  Ortus  med.y  p.  68.  Nec  aliquid  velocius  in  nos  operatur  quam  gas,  ut  patet 
in  crypta  Canis,  carbonibus  suffocalis.  —  Confestim  saepe  pluries  in'cuniculis 
mineralibus  inleremti.  Imo  in  cellariis,  etc. 

(3)  De  lithi'asi,  ^  Spadanse (aquae)  sylvestre  gas  excitant,  etc. 

(4)  Ortus  meâr,  (De  flatibus),  p.  261.  Omnis  in  nobis  flatus  est  gas  sylvestre, 
citer  digestiones  excitatum  e  cibis,  potibus  et  excrementis. 

(5)  Ibid,  Flatus  originales  in  stomaclio  exstinguunt  flammam  càndelœ.  Sterco- 
reusautem  flatus  qui  in  uUimis  formatur  intestinis  atque  per  anum  erumpit,  trans- 


138  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

En  effets  les  expériences  des  physiologistes  modernes  mettent 
hors  de  doute  que  les  gaz  de  l'estomac  et  des  intestins  grêles  sont 
l'acide  carbonique,  l'azote,  l'hydrogène  protocarboné,  etc.,  en  un 
mot,  ^des  gaz  non  inflammables;  tandis  quç  les  gaz  stercoraux 
sont  l'hydrogène  sulfuré,  l'hydrogène,  etc.,  c'esl-à-dire  des  gaz 
inflammables. 

((  Le  gaz  qui  se  produit ,  continue  Yan-Helmont,  dans  les  in- 
testins grêles  n'est  (comme  celui  de  l'estomac)  jamais  inflam- 
mable ,  il  est  souvent  inodore  et  acide. 

((  Ainsi  les  gaz  diffèrent  entre  eux  selon  la  matière^  la  forme, 
le  lieu,  le  ferment,  les  propriétés.  Ils  sont  aussi  variables  que  les 
corps  d'où  ils  proviennent.  Les  cadavres  nagent  sur  Peau,  à 
cause  des  gaz  qui  s'y  produisent  (1).  » 

On  voit  que  Yan-Helmont  admettait  plusieurs  espèces  de  gaz, 
mais  sans  en  donner  les  caractères  distinctifs. 

Gaz  sylvestre  était  .une  expression  générale,  équivalant  à  gaz 
incoercible  {sylvestris y  sauvage).  C'est  Van-Helmont  lui-môme 
qui  nous  explique  cette  étymologie,  en  même  temps  qu'il 
donne  la  véritable  définition  d'un  gaz  permanent  (2). 

Une  question  importante  se  présente  ici  :  Van-Helmont  savait- 
il  recueillir  les  gaz  et  les  étudier  à  part?  Nous  devons  répondra 
négativement.  Car  il  déclare  lui-même  que  le  gaz  ne  peut  être 
emprisonné  dans  aucun  vaisseau,  et  qu'il  brise  tous  les  obstacles 
pour  aller  se  mélanger  avec  l'air  ambiant  (3). 

Van-Helmont  s'étonne  avec  raison  que  l'école  galénîste  n'ait 
pas  indiqué  la  différence  qui  existe  entre  le  «  gaz  venteux  »  {gas 
ven(osum)y  c'est-à-dire  l'air  agité  par  une  cause  quelconque 
(  vent  ) ,  et  les  gaz  du  charbon,  de  la  fermentation ,  de  l'estoniac^ 
des  intestins,  etc.  (4).  Ces  gaz,  il  les  appelait,  indépendamment 

missus  per  flammam  candelae,  trausvolando  accenditur  ac  flammam  diversicolo- 
rem,  iridis  instar  exprimit. 

(1)  Ortus  med.  Qui  vero  in  îleo  sive  îDtestinis  gracilibus  formatur,  nunquam 
est  înflammabiiis,  sœpe  inodorus,  acutus.  —  Differunt  itaque  flatus  Id  nobis  mate- 
ria,  forma,  loco,  fermento,  proprietatibus.  Nec  minus  flatus  suas  habent  genericas 
atque  specificas  varietates,  etc. 

(2)  Ibid,  Gas  sylvestre  sive  incoercibile,  quod  in  corpus  cogi  non  potest  visi- 
bile. 

(3)  Ibid.j  p.  68.  Gas,  vasis  incoercibile,  foras  in  aerem  prorumpit,  elc. 

(4)  De  Hatihus,  p.  259.  Nescivit  scliola  galenica  hactenus  differentiam  inter 
gas  ventosum  (  quod  mère  aer  est,  id  est  ventus  per  siderum  hlas  commo- 
tus),  elc. 


»  TROISIÈlfE  ÉPOQUE.  139 

de  la  dénomination  générale  de  gaz  sylvestre ,  gas  pingue,  gas 
siccum,  gas  fuliginosum  me  endimieum;  ils  étaieilt  (hydrogène 
bicarboné  j  hydrogène  protocarboné ,  acide  carbonique ,  oxyde 
de  carbone^  etc.)  produits  par  la  dfstillation  des  huiles  gras- 
ses ,  de  certains  fruits ,  et  d'autres  matières  organiques. 

Ijà  flamme  elle-même  est,  selon  Fauteur,  migaz  incandescent 
ou  une  vapeur  allumée  (t).  Cette  observation  était  parfaitement 
exacte,  mais  elle  manquait  alors  de  démonstration. 

Rappelons  ici  une  expérience  très-remarquable  de  Yan-Hel- 
mont ,  qui  fut  depuis  répétée  par  tous  les  chimistes  :  a  Placez 
une  chandelle  au  fond  d'une  cuvette;  versez  dans  cette  cu- 
vette de  Teau  de  deux  à  trois  doigts  de  haut;  recouvrez  la  chan- 
delle, dont  un  bout  est  hors  de  l'eau,  d'une  cloche  de  verre  ren- 
versée. Vous  verrez  bientôt  Teau,  comme  par  une  espèce  de  suc- 
cion, s'élever  dans  la  cloche  et  prendre  la  place  de  l's^ir  diminué, 
et  la  flamme  s'éteindre  (videbis  mox  —  aquam  quadam  succione 
sursum  trahi  et  ascendere  invitrum  loco  aeris  diminuti,  flam- 
mam  suffocari)  (2).  » 

La  conclusion  que  l'auteur  tire  de  cette  expérience  est  qu'il 
peut  se  produire  un  vide  dans  la  nature,  mais  que  ce  vide  est 
immédiatement  rempli  par  un  corps  matériel.  Il  ne  dit  pas  si  la 
flamme  enlève  à  l'air  un  gaz  (  oxygène  ] ,  ni  que  ce  gaz  en  soit 
l'aliment. 

Au  gaz  sylvestre,  résultat  de  la  fermentation  et  de  la  combus- 
tioh  du  charbon,  il  faut  ajouter  le  gaz  du  sel,  comme  l'appelle 
Van-Helmont.  Ce  gaz  n'était  autre  que  l'acide  chlorhydrique. 
Il  l'obtenait  en  mettant  dans  une  cornue  un  mélange  d'acide 
(eau-forte)  et  de  sel  marin  ou  de  sel  ammoniac.  «  Il  se  produit, 
dit  l'auteur,  même  à  froid,  un  gaz  dont  le  dégagement  fait  briser 
le  vaisseau  (3).  » 

Que  de  vaisseaux  brisés  avant  que  l'on  parvint  à  recueillir  les 
fluides  élastiques  ! — L'auteur  n'ignorait  pas  que  les  accidents  d'ex- 
plosion, qui  arrivaient  alors  si  fréquemment  dans  les  laboratoi- 
'  res ,  étaient  en  grande  partie  dus  aux  corps  en  question.  Et  ici  il  a 


(1)  Atque  imprimis  iodubium  est,  quia  flamma  sit  riimiis  accensus,  et  qood  fu- 
inus  sit  corpus  gas, 

(2)  Ort,  med,  (  Vacuum  naiurœ),  p.  84. 

(3)  Ibid.,  p.  68.  Mox  etiam  in  frigore  gas  excitatur  et  vas,  utut  forte,  desilit 
cum  fragore. 


140  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

soin  de  nous  apprendre  que  le  gaz  nous  explique  le  mieux  Tac- 
lion  de  la  poudre  à  canon  (1). 

Van-Helmont  démontra  expérimentalement  que  le  gaz  très- 
odorant  (qu'il  appelle  également  gaz  sylvestre)^  produit  par  le 
soufre  en  combustion,  éteint  la  flamme.  Il  connaissait  aussi 
le  gaz  nitreux,  et  l'obtenait  en  traitant  l'argent  par  Peau-forte 
{dum  chrysulca  argentum  solvit,  eruclatur  spiritus  sylvestris  (2). 
Il  avait  même  entrevu  la  production  de  l'oxygène  ou  du  pro- 
toxyde  d'azote  par  la  combustion  du  nitre. 

Si  Van-Helmont  n'a  pas  été  assez  heureux  pour  recueillir  et 
étudier  tous  ces  gaz  isolément,  personne  ne  saura  lui  conteste^ 

•m 

l'immense  mérite  d'en  avoir  le  premier  signalé  l'existence. 

Rien  de  plus  curieux  que  de  suivre  pas  à  pas  ce  grand  observa- 
teur dans  tout  ce  qu'il  dit  relativement  à  la  composition  des  gaz. 
Là  aussi  il  essaie  de  procéder  par  la  voie  expérimentale,  et  il 
s'arrête  tout  d'abord  sur  la  composition  du  gaz  de  charbon  [gas 
earbonisy  acide  carbonique).  Il  soutient  que,  matériellement,  ce 
gaz  n'est  autre  chose  que  de  l'eau  {nonnisi  mera  aqua  materiali' 
ter)  ;  à  l'appui  de  cela,  il  nous  apprend  qu'en  distillant  du  bois  de 
chêne ,  il  avait  obtenu,  à  la  place  du  gaz,  un  liquide  incolore  et 
limpide  comme  l'eau  (3). 

On  voit  que  Terreur  de  Van-Helmont  provenait  de  ce  qu'il  con- 
fondait la  distillation  avec  la  combustion.  Et  celte  erreur  était  inévi- 
table à  une  époque  où  l'oxygène  n'élait  pas  encore  découvert,  et 
où  Ton  ignorait  l'action  permanente  qu'exerce  ce  gaz  sur  tous  les 
corps,  soit  pendant  leur  combustion,  soit  par  leur  exposition  à 
l'air. 

Aujourd'hui  sommes-nous  bien  sûrs  que  nombre  de  conclu- 
sions que  nous  tirons  de  nos  expériences  ne  soient  pas  entachées 
d'erreur,  par  cela  même  que  nous  sautons  un  ou  plusieurs  aBiieaux 
de  la  grande  chaîne  qui  doit  lier  ensemble  tous  les  faits  de  la 
science  ?  Trop  préoccupés  de  ce  qui  est ,  nous  perdons  de  vue 
ce  qui  sera.  Dans  son  orgueil ,  l'homme  crée  des  systèmes  ,  pose 
des  règles  absolues,  pense  et  agit  comme  si  le  monde  devait  finir 
avec  lui.  C'est  là  l'origine  de  presque  toutes  nos  aberrations,  — 
aberrations  de  myopes. 

(1)  Ortus  medicinx,  p.  67.  Historiam  enim  gas  exprimil  proxime  pulvis  tor- 
mentarius. 

(2)  Ibid.  [Dejlatihus),  p.  424. 

(3)  Ibid.,  p.  68. 


TAOISIÈME  EPOQUE.  141 

Voici  une  expérience  de  Van-Helmont,  qui  était  destinée  à 
prouver  qu^  le  gaz  du  charbon  n'est  autre  chose  que  de  Teau. 
Elle  est  intéressante  au  point  de  vue  philosophique,  car  elle 
montre  combien  nous  devons  être  prudents  dans  nos  déductions. 

Ayant  fait  voir  que  le  bois  donne  ;  par  la  distillation ,  un  corps 
liquide  et  limpide  comme  de  l'eau,  l'auteur  s'attache  à  démon- 
trer que  les  plantes  ne  se  nourrissent  que  d'eau.  «Je  mis,  dit-il, 
dans  un  vase  d'argile  deux  cents  livres  de  terre  (végétale)  séchée 
au  four,  et  j'y  plantai  une  tige  de  saule  pesant  cinq  livres.  Au 
bout  de  cinq  ans,  le  saule,  ayant  pris  de  l'accroissement,  pesait 
cent  soixante-neuf  livres  et  environ  trois  onces.  Le  vase  n'avait 
jamais  été  arrosé  qu'avec  de  l'eau  de  pluie  ou  de^l'eau  distillée, 
et  toutes  les  fois  qu'il  était  nécessaire.  Le  vase  était  large  et  en- 
foui dans  la  terre  ;  et,  afin  de  le  mettre  à  l'abri  de  la  poussière , 
je  le  recouvris  de  lames  de  fer  étamées,  percées  d'un  grand 
nombre  de  trous....  Je  n'ai  point  pesé  les  feuilles  tombées  pen- 
dant les  quatre  automnes  précédents....  Enfin,  je  fis  de  nouveau 
dessécher  la  terre  que  renfermait  le  vase,  et  je  lui  trouvai  le  même 
poids  que  primitivement  (deux  cents  livres) ,  moins  deux  onces 
environ. .  Donc ,  Teau  seule  a  suffi  pour  donner  naissance  à  cent 
soixante-quatre  livres  de  bois,  d'écorce  et  de  vdicine  {Hbrœ  ergo 
CLxiv  ligni,  corticum  et  radicum  ex  sola  aqua  surrexerunt)  (d).  >) 

Voilà  une  expérience  qui  témoigne  certes  d'une  rare  sagacité. 
La  balance  y  joue  déjà  un  rôle  capital,  bien  que  eetinstrumenl  soit 
encore  fort  éloigné  du  degré  de  précision  qu'il  devait  atteindre 
par  la  suite.  La  conclusion  de  l'auteur  entraînait  la  conviction  de 
tous  les  savants  de  son  époque  :  on  n'y  trouvait  rien  à  objecter. 
Et,  abstraction  faile  de  la  légère  diminution  de  poids  de  la  terre 
végétale  que  Van-Helmont  aurait  pu  expliquer  par  l'absorption 
des  sels  qui  se  retrouvent  dans  les  cendres,  il  aurait  été  en  effet 
impossible  d'y  trouver  rien  à  redire.  Aucun  contemporain  nepou- 
vait  — ce  qui  nous  est  permis  aujourd'hui  —  reprocher  à  Van-Hél- 
mont  d'avoir  tiré  de  cette  expérience  une  conclusion  erronée,  en 
négligeant  l'action  de  l'air  dans  la  végétation  :  un  voile  épais  déro- 
bait encore  à  la  connaissance  de  l'homme  l'oxygène ,  l'azote,  l'a- 
cide carbonique  de  l'atmosphère,  la  respiration  des  plantes; 
c'étaient  là  des  découvertes  réservées  à  l'avenir.  La  conclusion  de 
Van-Helmont,  que  nous  venons  de  reproduire,  est  donc  une 

• 

(1)  Ortus  med.,  p.  G8. 


142  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

idée  anticipée  el  fausse,  quoique  en  apparence  vraie  et  fondée  sur 
Texpérience.  ^ 

Mais,  nous  aussi  aujourd'hui,  je  le  demande  ;  ne  serions-nous 
pas  exposés  à  tomber  dans  des  erreurs  tout  aussi  graves  ,  qui 
pourraient  être  relevées  un  jour  par  nos  descendants?  Connais- 
sons-nous bien  tous  les  agents  qui  nous  environnent ,  et  qui 
exercent  de  près  ou  de  loin  leur  action  incessante  sur  tous  les 
corps  de  la  nature?  Notre  méthode  expérimentale  embrasse-t-elle 
toutes  les  conditions ,  tous  les  éléments  nécessaires  pour  arriver 
à  formuler  des  lois?  Ces  questions  mériteraient  d'être  prises  en 
très-sérieuse  considération. 

Éléments,  — Il  règne  dans  les  écrits  de  Van-Helmont  beaucoup 
d'incertitude  au  sujet  des  éléments  de  la  nature.  L'auteur  sem- 
ble tantôt  admettre,  avec  les  alchimistes,  trois  éléments,  le 
sel,  le  soufre,  et  le  mercure,  mais  avec  des  restrictions  dont  le 
sens  n'est  pas  toujours  bien  saisissable  (i)  ;  tantôt  il  partage  l'avis 
de  certains  philosophes  de  l'antiquité ,  établissant  trois  éléments, 
Vair,  VeaUj  la  t^rre;  car  le  feu  ,  ne  se  combinant  pas^matérielle- 
ment  avec  d'autres  corps,  n'est  pas,   selon  l'auteur,  un  élément. 

Nous  venons  de  voir  quel  rôle  important  il  attribue  à  Veau.  Il 
compare  encore  Teau  au  sang  qui  circule  dans  les  veines  et  vivifie 
le  corps  terrestre,  et  il  explique  la  formation  des  montagnes  par 
les  soulèvements  que  l'eau  produit  dans  le  sein  de  la  terre. 

En  opposition  avec  les  théories  de  ses  prédécesseurs,  il  démon- 
tre très-clairement  que  l'eau  ne  peut  être  transformée  en  air,  ni 
l'air  en  eau.  «  Sans  doute  l'eau,  dit-il,  peut  être  réduite  en  va- 
peur ;  mais  ce  n'est  là  que  de  la  vapeur,  c'est-à-dire  de  l'eau  dont 
les  atomes  sont  raréfiés,  et  qui  se  condensent  aussitôt  par  l'action 
du  froid  pour  reprendre  leur  état  primitif  (2).  La  vapeur  d'eau 
qui  existe  dans  l'air  d'une  manière  invisible,  et  qui  se  résout 
dans  certaines  conditions  en  pluie  ,  est  celle  qui  se  rapproche  le 
plus  de  la  nature  des  gaz  (3).  » 

a  Vair  est,  ajoute-t-il,  un  élément  sec  qui  ne  peut  être  liquéfié 
par  le  froid  ni  par  la  compression;  l'air  n'est  donc  point  une 

(1)  Ortus  med.y  p.  65.  Sunt  sal,  sulphur  et  mercurius,  non  qiiidem  ut  corpora 
quœdam  universalia,  qnœ  cunctis  fipeciebus  suiit  communia,  sed  partes  sunt 
similares,  in  cnnclis  corporibus,  varietate  triplici,  pro  seminum  exigenlia  dis- 
tinctae. 

(2)  Ibïd.,  p.  64. 

(3)  Ibid.,  p.  75  et  77. 


TROISIEME  EPOQUE.  143 

métamorphose  de  Teau ,  qui  est  l'élément  humide.  —  La  terre, 
le  limon,  tout  corps  tangible  est,  matériellement  considéré,  un 
produit  de  Feau,  et  se  réduit  en  eau,  soit  naturellement,  soit 
artificiellement  (!}.  » 

C'était  là  ce  qu'avait  déjà  enseigné  Thaïes.  Mais,  sentant  que  le 
raisonnement  seul  ne  suffit  pas  pour  vider  un  combat  scientifi- 
que^ Yan-Helmont  en  appelle  à  l'expérience,  et  il  s'appuie  sur  des 
preuves  géologiques  du  plus  haut  intérêt.  «  En  creusant  dans  là 
terre,  on  rencontre ,  dit-il,  des  couches  superposées  d'un  aspect 
varié  ;ces  couches  sont  les  fruits  de  là  terre,  et  proviennent  d'une 
semence.  Au-dessous  de  ces  couches  se  trouvent  les  montagnes 
de  silice,  d'où  découlent  les  premières  richesses  des  mines.  Au- 
dessous  de  ces  roches,  on  rencontre  le  sable  blanc  et  de  Veau 
chaude.  Lorsqu'on  enlève  une  partie  de  ce  sable  et  de  cette  eau, 
on  voit  aussitôt  se  combler  le  vide.  Ce  sable  non  mélangé  est  une 
espèce  de  crible  à  travers  lequel  les  eaux  filtrent ,  afin  de  con- 
server entre  elles  une  communication  réciproque  depuis  la  sur- 
face de  la  terre  jusqu'au  centre  {hoc  sabulum  impermixtum  seta- 
ceum  qnoddam  vel  cribrum  est  —  per  quod  omnes  aquœ  transco- 
lantur ,  ut  invicem  omnes  communionem  servent,  —  a  superficie 
terrœ  in  centrum  nsque).  Et  cette  masse  d'eau  accumulée  dans 
les  entrailles  de  la  terre  est  peut-être  mille  fois  plus  considérable 
que  les  eaux  de  toutes  les  mers  et  fleuves  réunis  qui  se  trouvent 
à  la  surface  du  sol  (2).  » 

Ces  paroles  si  remarquables,  qui  nous  rappellent  Bernard 
Palissy  (3),  ne  devaient  plus  laisser  aucun  doute  sur  l'existence 
des  puits  artésiens. 

Van-Helmont  fait  mieux  que  de  croire  à  un  déluge  universel, 
il  essaie  de  le  démontrer.  Les  coquilles  et  les  plantes  fossiles 
sont  pour  lui  autant  de  preuves  d'un  monde  antédiluvien,  en- 
glouti par  les  eaux.  L'un  des  fondateurs  de  la  paléontologie, 
l'auteur  nous  apprend  qu'il  conserve  dans  son  musée  la  mâchoire 
d'un  éléphant  (mammouth),  de  plusieurs  pieds  de  long,  trouvée 
à  Hingsen,  sur  l'Escaut,  à  douze  pieds  au-dessous  du  sol. 

Thermomètre.  —  En  réponse  à  un  cerlain  Heer  qui  lui  repro- 

(1)  Ort,  med.y  p.  34.  Omnis  terra,  lutiimac  omne  corpus  tangibile  vere  et  ma- 
terialiter  est  solius  aquae  progenies,  et  io  aquam  iterum  reducitor  per  naturam  et 
artem. 

(2)  iMd.fP.  33  et  34. 

(3)  Voyez  page  82  de  ce  volume. 


144  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 


\ 


chait  d'avoir  poursuivi  la  chimère  du  mouvement  perpétuel,  Van- 
Helmont  déclare  qu'il  s'était  en  effet  servi  d'un  instrument  de  sa 
propre  invention,  non  pas  pour  chercher  le  mouvement  perpé- 
tuel, mais  pour  constater  que  «  l'eau,  renfermée  dans  une  lige 
creuse  de  verre  terminée  par  une  boule ,  monte  ou  descend,  sui- 
vant la  température  du  milieu  ambiant  (juxta  temperamentum 
amhientis)  (1).  » 

Cette  idée,  jetée  en  quelque  sorte  au  vent,  devait  être  un 
jour  reprise  et  fécondée  par  d'autres.  L'invention  du  thermo- 
mètre a  été  successivement  attribuée  à  Bacon ,  à  Fludd,  à  Dreb- 
bel,  à  Sanctorius,  à  Sarpi.  Suivant  M.  Libri,  l'honneur  en  revient 
à  Galilée,  qui  déjà  en  1603  aurait  montré  au  père  Castelll  les 
effets  d'un  instrument  analogue  au  thermomètre  (2). 

Il  serait  trop  long  d'exposer  ici  toutes  les  observations,  d'ail- 
leurs fort  intéressantes,  de  l'auteur,  relatives  à  la  chimie  tech^ 
nique,  à  la  pharmacie  et  à  la  médecine.  Il  est  aisé  de  se  con- 
vaincre, parce  qui  précède,  que,  loin  d'adopter  aveuglément 
tout  ce  que  disaient  les  anciens ,  Van-Helmont  réfutait  les  doc- 
trines qui  lui  semblaient  erronées,  et  cherchait  à  enrichir  la 
science  de  faits  nouveaux. 

Liqueur  des  cailloux.  — Cette  liqueur  s'abtenait  en  faisant  fondre 
.  de  la  silice  pilée  avec  un  excès  d'alcali,  et  exposant  ensuite  le 
produità  l'humidité,  où  il  ne  tardait  pas  à  tomber  en  déliquium. 
«  En  y  versant,  dit  l'auteur,  une  quantité  d'eau-forte  suffisante 
pour  saturer  tout  l'alcali  [quœ  saturando  alcali  sufficil),  on  re- 
marque que  toute  la  terre  siliceuse  se  précipite  au  fond,  sans 
avoir  éprouvé  d'altération  (  immutata  persista)  (3).  » 

C'est  la  première  fois  que  nous  trouvons  l'expression  de  sa- 
turer {saturare),  employée  pour  désigner  la  combinaison  d'un 
acide  avec  une  base.  Encore  une  idée,  dont  le  développement 
était  réservé  à  l'avenir. 

Sels  métalliques.  —  Dissolutions.  —  La  dissolution  d'un  métal 
(cuivre,  fer,  argent)  était  regardée  par  la  plupart  des  alchi- 
mistes comme  la  destruction  même  de  ce  corps.  Van-Helmont 
combat  cette  opinion.  «  Bien  que  l'argent  soit ,  dit-il ,  amené  par 
l'eau-forte  à  prendre  la  forme  de  l'eau  ,  il  n'en  est  aucunement 

(1)  Orlus  medicinœ^p.  3D. 

(2)  G.  Libri,  Histoire  des  sciences  mathématiques  en  Italie,  t.  iv,  p.  189,  et 
note  XVI. 

(3)  Ortus  med.f  p.  56. 


TROISIÈME  EPOQUE.  445 

altéré  dans  son  essence;  c'est  ainsi  que  le  sel  commun  que  Ton 
dissout  dans  l'eau  n'en  reste  pas  moins  ce  qu'il  est,  et  qu'on  le 
retrouve  intégralement  dans  le  dissolvant.  » 

Urines.  — Ledépôtsalinque  donnent  les  urines  parrévaporatfon 
s'appelait  iartarus  vrinœ,  par  opposition  à  celui  qui  se  forme  dans 
les  tonneaux  de  vin ,  et  qui  était  le  tartarvs  vini,  Van-Helmont 
préparait,  avec  l'esprit  d'urine  (ammoniaque)  et  l'alcool  absolu, 
une  matière  qui  portait,  d'après  lui ,  le  nom  de  offa  Helmontiù  II 
avait  remarqué  que  certaines  substances  communiquent  aux 
urines  une 'odeur  particulière,  et  que  les  molécules  odorantes 
peuvent  être  transmises  de  la  nourrice  au  nourrisson  par  l'inter- 
médiaire des  glandes  lactées. 

Van-Helmont  introduisit  d'utiles  réformes  dans  lapharmacie. 
Il  fit  comprendre  aux  apothicaires  l'inconvénient  de  ces  bols,  si- 
rops ,  électuaires ,  etc.,  qui ,  sous  une  énorme  niasse  de  matière 
inerte,  ne  renferment  quelquefois  que  des  traces  du  médicament 
réellement  actif.  Il  accorda  une  grande  confiance  aux  prépara- 
tions antimoniales  et  mercurielles ,  ainsi  qu'au  vitriol  de  cuivre^ 
employé  comme  vomitif .  Enfin,  il  eut  le  mérite  de  faire  voir  qu'il 
n'est  nullement  indifférent  d'employer  soit  la  décoction ,  soit  l'in- 
fusion, ou  la  macération  pour  extraire  des  plantes  les  parties  ac- 
tives; que  l'infusion  est  beaucoup  plus  chargée  de  principes 
volatiles  et  odorants  que  la  décoction ,  etc. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  les  idées,  fort  remarquables  d'ail- 
leurs, de  l'auteur,  sur  les  fonctions  de  l'économie  à  l'état  sain 
comme  à  l'état  de  maladie  :  ce  serait  empiéter  sur  le  domaine 
de  l'histoire  de  la  médecine.  n 

Uarchée  (archeus)  de  Van-Helmont  est  un  fluide  matériel  (awra 
corporalis)  qui  sommeille  dans  les  corps,  comme  toute  la  plante 
dans  la  graine.  Il  imprime  aux  êtres  vivants  leurs  caractères 
distinctifs ,  et  crée  ainsi  le  type  de  chaque  espèce.  Sous  le  nom 
de  portier  de  l'estomac  (/amïor  .s/omacAï),  il  préside  à  la.  nutri- 
tion ,  et  fait  en  sorte  que  les  aliments  deviennent  assimilables  en 
se  changeant  en  chyle  (1). 

L'esprit  vital  [spiritus  vHalis),  que  l'auteur  considère  comme 
une  espèce  de  gaz,  est  engendré  dans  l'oreillette  et  le  ventricule 
gauches  du  cœur.  Cet  esprit  est  la  cause  de  la  respiration  en  attirant 
l'air  extérieur,  il  détermine  la  pulsation  desartères,  lacontraction 

(1)  Ortus  medicinx,  p.  89. 

niST.   DE  LA  CniXIE.  —  T.   If.  10 


146  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

musculaire  et  la  force  nerveuse.  Les  gaz  exercent  sur  lui  une  in- 
fluence puissante,  instantanée,  parce  qu'il  tient  lui-même  de  la 
nature  des  gaz. 

Van-Helmontreconnaît,  Tun  des  premiers,  Texistence  d'un 
acide  particulier  dans  Testomac  (suc  gastrique).  «  Cet  acide, 
dit-il,  est  aussi  nécessaire  à  la  digestion  que  la  chaleur  consr 
tante  du  corps  ;  dans  le  duodénum,  l'acide  de  l'estomac  rencontre 
la  bile,  qui  agit  comme  un  alcali;  il  se  combine  avec  elle,  à  peu 
près  comme  le  vinaigre  très-fort  avec  le  m\x\ium{nonsecu8fereat' 
que  acetumacerrimumper  minium),  et  perdent  l'un  et  l'autre,  par 
cette  combinaison,  leurs  propriétés  anciennes  (1).  »  —  L'acide 
de  l'estomac,  lorsqu'il  s'accumule  en  trop  grande  abondance, 
peut,  selon  l'auteur,  produire  de  nombreuses  maladies.  Le 
rhumatisme  articulaire ,  la  goutte,  les  palpitations  de  cœur,  la 
gangrène,  la  gale,  etc.,  ont  pour  cause  un  principe  acide. 

Ces  idées  chimiques  attirèrent  l'attention  d'ungrand  nombre  de 
médecins,  et  en  particulier  du  célèbre  François  Sylvius  (  Dubois), 
le  représentant  de  l'humorisme  et  du  chimisme  de  son  époque. 

§2. 
^   Robert    Boyle. 

Boyle  est  une  des  plus  nobles  figures  de  l'histoire.  Grâce  à  une 
application  mesurée  de  la  méthode  expérimentale ,  il  a  puissam- 
ment contribué  aux  progrès  des  sciences.  Favorisé  par  la  fortune 
et  la  naissance,  il  lui  aurait  été  facile  d'arriver  aux  fonctions  les 
plus  élevées  dans  l'État;  mais  son  ambition  se  bornait,  rare  ambi-» 
tion  !  à  consacrer  sa  vie  àl'étude  des  phénomènes  de  la  nature  et 
au  soulagement  des  pauvres.  Aux  vanités  do  ce  monde  il  préférait 
l'étude  silencieuse  de  la  nature,  le  cercle  d'un  petit  nombre  d'a- 
mis et  la  conscience  de  n'avoir  employé  ses  facultés  que  pour 
faire  le  bien. 

Robert  Boyle,  fils  de  Richard,  comte  de  Cork  etd'Orrery,  naquit 
à  Lismore  en  Irlande,  le  25  janvier  1626,  l'année  même  où  mourut 
le  chancelier  Bacon.  Ses  parents,  dévoués  aux  intérêts  dynastiques 
de  la  branche  des  Stuarts,  le  destinèrent  d'abord  à  l'Église.  Mais 

(1)  Ort.  med.y  p.  209, 


TROISIÈME  EPOQUE.  147 

une  constitution  très-faible,  accompagnée  dlnfirmités,  le  fit  re- 
noncer à  cette  carrière,  et  interrompre  momentanément  ses  étu- 
des. En  1638,  son  père  le  fit  voyager  dans  le  Midi,  sous  la  conduite 
d'un  gouverneur.  Le  jeune  Robert  traversa  la  France,  s'arrêta  quel- 
que temps  à  Genève,  visita  la  Suisse  et  l'Italie.  Les  troubles  qui 
avaient  éclaté  dans  son  pays  lui  firent  prolonger  son  voyage  jus* 
qu'en  1644.  A  la  mort  de  son  père,  il  se  trouva  à  la  tête  d'une 
fortune  considérable.  Loin  du  théâtre  sanglant  de  la  politique,  il 
se  retira  dans  la  terre  de  Stulbridge ,  pour  se  vouer  tout  entier  à 
l'étude  des  sciences  physiques.  Ce  fut  pendant  les  dissensions  du 
parlement  avec  la  royauté ,  prélude  d'un  drame  sanglant ,  que 
Boyle  réunissait  autour  de  lui  quelques  hommes  d'élite,  aimant 
comme  lui  la  science  ;  ils  s'assemblaient,  dès  l'année  1645,  sous 
le  nom  ùt  Collège  philosophique^  tantôtà  Londres,  tantôt  à  Oxford, 
€e  fut  là  le  noyau  de  la  Société  royale  d'Angleterre.  Les 
membres  de  cette  assemblée,  les  amis  de  Boyle,  étaient  Guil- 
laume P|:tty,  S.  Ward,  Th.  WiLLTs,  Glisson,  Merret,  J.  Wil- 
KiNS,  J.  GoDDARD,  G.  Ent,  S.  FosTER,  Th.  Haak  (du  Palatinat), 
R.  Bathurst,  s.  Hartlieb,  Rooc,  Math,  et  Christ.  Wren,  R.  Ba- 
THURST,  s.  R.  HooK,  H.  Oldenburg  (de  Brème),  J.  Beale,  J.  Eve- 
LEYN,  lord  Brounker,  Brereton,  h.  Bail,  Hill,  Cronb,  H. 
Slingsby,  p.  J*îeil,  Th.  Hanshan  et  Tim.  Clarke,  qui  tous  se  sgnt 
distingués  dans  les  sciences. 

Après  la  chute  de  Cromwell  et  l'avènement  de  Charles  II,  cette 
société  obtint  la  protection  du  roi,  et  fixa  son  siège  à  Londres. 
Bès  lors  elle  ne  devait  plus  être  connue  que  sous  le  nom  de  Société 
royale  de  Londres, 

Les  instants  que  Boyle  dérobait  à  l'étude  de  la  nature  étaient 
consacrés  à  des  œuvres  philanthropiques.  L'établissement  des 
missions,  la  propagation  de  la  religion  chrétienne  dans  les 
Indes,  étaient  l'objet  de  ses  efforts  constants. 

Le  nom  de  Boyle  se  répandit  bientôt  dans  toute  l'Europe ,  et 
sa  modestie  s'accrut  avec  sa  célébrité.  11  refusa  les  honneurs  de 
la  pairie  ;  il  refusa  même  le  poste  de  président  de  la  Société 
royale,  que  personne  n'était  plus  digne  que  lui  d'occuper.  Ho- 
moré  successivement  de  l'estime  particulière  de  Charles  II,  de 
Jacques  II  et  de  Guillaume ,  il  ne  demanda  jamais  rien  pour  lui- 
même,  et  n'employa  son  crédit  qu'à  solliciter  des  encoura- 
gements. Sa  maison  était  également  ouverte  à  ceux  qui  voulaient 
s'instruire,  comme  à  ceux  qui  souffraient.  Sa  fortune  était  em- 

10. 


148  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

ployée  à  faire  construire  des  laboratoires,  à  fonder  des  biblio- 
thèques, et  à  faire  des  heureux. 

Cet  homme,  d'une  vie  sf  pure  et  si  belle,  s'éteignit  paisible- 
ment à  Londres  le  30  décembre  1691 ,  à  Page  de  soixante-cinq 
ans.  Sa  dépouille  mortelle  repose  dans  Téglise  de  Tabbaye  de 
Westminster. 

R.  Boyle  était  d'une  taille  élevée;  d'un  visage  pâleetmaigre,  il  por- 
tait l'empreinte  d'un  esprit  sévère,  réfléchi,  calme  et  inaccessible 
aux  tourments  de  l'ambition.  Il  était  d'une  sqbriété  exemplaire,  et 
réglait,  dit-on,  ses  vêtements  d'après  les  degrés  du  thermomètre, 
instrument  alors  nouveau.  Ennemi  de  toute  emphase,  il  parlait 
lentement  et  avec  quelque  hésitation,  discutait  peu,  et  proposait 
plus  souvent  des  doutes  que  des  solutions  téméraires  (1). 

Travaux  de  R*  Boyle. 

Les  ouvrages  de  ce  grand  homme,  que  Boerhaave  appelle  avec 
raison  l'ornement  de  son  siècle^  sont  très-nombreux.  Écrits  en 
anglais,  ils  ont  été  recueillis  par  Birel ,  et  publiés  à  Londres  en 
1744,  cinq  volumes  in-fol.  Avant  cette  édition ,  Shaw  avait  déjà 
donné  un  recueil  des  œuvres  de  Boyle,  sous  le  titre  de  The  phi- 
losophical  works  ofihe  honorable  /?.  Boyle ^  ahridged^  methodized 
and  disposed  by  P.  Shaw  (Londres,  trois  volumes. in-4°,  1738). 
—  C'est  cette  édition  que  nous  avons  sous  les  yeux  (2). 

«Lequel  des  écrits  de  Boyle ,  s'écrie  Boerhaave, puis-je  louer? 
tous.  Nous  lui  devons  les  secrets  du  feu ,  de  l'air,  de  l'eau,  des 
animaux,  des  végétaux,  des  fossiles;  de  sorte  que  de  ses  ouvra- 
ges peut  être  déduit  le  système  entier  des  sciences  physiques 
et  naturelles.  »  -r-  Boerhaave  était,  mieux  que  personne,  à  même 
d'apprécier  l'importance  des  travaux  de  Boyle. 

Dans  l'analyse  des  œuvres  de  Boyle ,  nous  n'insisterons 
que  sur  ce  qui  concerne  plus  spécialement  la  science  dont  nous 


(1)  Consultez  sur  la  vie  de  R.  Boyle  l'édition  anglaise  des  œuvres  de  Boyle 
(Londres,  1744  ),  el  le  Dict.  historique  de  Bayle. 

(2)  Les  premiers  écrits  de  Boyle  (  Certain  physiological  essays  written  at 
distant  times)  furent  imprimés  à  Londres,  1661,  1663  et  1669,  in-4'^.  —  Ses  ou- 
vrages ont  été  traduits  en  latin  et  publiés  dans  difrérenis  endroits,  à  Cologne, 
3  vol  in-4°,  1680  ;à  Venise,  1695,  in-4**;  à  Genève,  5  vol.  in  4°,  1714.  Plusieurs  de  ces 
ouvrages  ont  été  publiés  en  français  sous  le  titre  de  Recueil  d* expériences  ;  Paris, 
1679,  in-8<». 


TROISIEME  ÉPOQUE.  149 

essayons  ici  de  tracer  Thistoire.  Il  y  a  tant  de  charmes  à  s'identi- 
fier avec  les  pensées  d'un  esprit  qui  laisse  si  loin  derrière  lui 
cette  tourbe  de  faux  savants  qui  ne  font  de  la  science  qu'un  mar- 
chepied! 

L'auteur  débute  par  exposer,  dans  un  Discours  préliminaire , 
les  vues  larges  et  philosophiques  qui  doivent  présider  à  la  direc- 
tion de  la  science.  Il  rompt  en  visière  avec  les  traditions  spécu- 
latives du  passé,  et  prépare  à  la  chimie  un  bel  avenir. 

<(  Les  chimistes  se  sont  laissé  jusqu'ici  guider,  dit-il,  par  des 
principes  étroits  et  sans  aucune  portée  élevée.  La  préparation 
des  médicaments^  l'extraction  ou  la  transmutation  des  métaux  , 
voilà  leur  terrain.  Quant  à  moi ,  j'ai  essayé  de  partir  d'un  tout 
autre  point  de  vue  :  j'ai  considéré  la  chimie,  non  pas  comme  le 
ferait  un  médecin  ou  un  alchimiste ,  mais  comme  un  philosophe 
doit  le  faire.  J'ai  tracé  le  plan  d'une  philosophie  chimique  que  je 
serais  heureux  de  voir  complétée  par  mes  expériences  et  mes  ob- 
servations.... Si  les  hommes  avaient  plus  à  cœur  le  progrès  de  la 
vraie  science  que  leur  propre  réputation  ,  il  serait  aisé  de  leur 
faire  comprendre  que  le  plus  grand  service  qu'ils  pourraient  ' 
rendre  au  monde,  ce  serait  de  mettre  tous  leurs  soins  à  faire  des 
expériences,  à  recueillir  des  observations,  sans  chercher  à  éta- 
blir aucune  théorie  avant  d'avoir  donné  la  solution  de  tous  les 
phénomènes  qui  peuvent  se  présenter  (1).  » 

Ce  sont  là  de  ces  idées  qui  feraient  honneur  aux  savants  de 
tous  les  pays  et  de  tous  les  temps. 

Le  vœu  le  plus  ardent  de  Boyle,  ainsi  qu'il  l'avoue  lui-même , 
était  de  répandre  et  de  populariser  l'emploi  de  la  méthode  ex- 
périmentale, «  de  laquelle  seule  on  peut  attendre  le  plus  grand 
avancement  d'une  science  utile  (2).  » 

Son  discours  préliminaire  est  un  chef-d'œuvre  de  logique  :  il 
ne  serait  déplacé  en  tête  d'aucun  livre. 

Comme  Paracelse  et  Van-Helmont,  Boyle  reconnaît  la  nécessité 
d'en  appeler  à  la  chimie  pour  aborder  la  solution  des  plus  grands 
problèmes  de  la  médecine.  «  La  connaissance ,  dit-il ,  de  la  na- 
ture des  ferments  et  de  la  fermentation  conduira  probablement 


(1)  Preliminary  Discourse ,  vol.  i^  p.  xyii  et  wiii. 

(2)  Fromwbich  alone  tlie  greate«i  advancement  of  useful  knowledge  is  fo  be 
«xpected.  Yol.jy  p.  %n{Preliminarifdiscourse), 


150  HISTOIRE  DE  LA  GHIBOE. 

un  jour  à  la  solution  de  bien  des  phénomènes  pathologiques 
inexplicables  par  d'autres  voies  (1).  » 

Cette  idée,  longtemps  rejetée  par  les  médecins,  a  été  reprise 
de  nos  jours  avec  une  vigueur  extrême. 

Théorie  des  éléments.  —  Les  anciens  chimistes  s'étaient  divisés 
en  deux  camps  :  les  uns  admettaient,  avec  les  péripatéticiens^ 
quatre  éléments;  les  autres,  trois  :  le  mercure ,  le  soufre,  le  seL 
Presque  tous  les  alchimistes  partageaient  cette  dernière  opinion. 

Boyle  éleva  le  premier,  dans  son  traita  remarquable  The  scep^ 
iical  chymist ,  des  doutes  sérieux  sur  la  théorie  des  péripatéti- 
ciens,  ainsi  que  sur  celle  des  alchimistes.  D'abord  il  conteste  la 
jature  élémentaire  de  la  lerre,  de  l'air,  de  l'eau  et  du  feu  ;  il  pense 
qu'il  ne  faut  pas  s'astreindre  au  nombre  de  trois,  de  quatre  ou 
de  cinq  éléments,  et  qu'il  arrivera  peut-être  un  jour  oti  l'on  en 
découvrira  un  nombre  beaucoup  plus  considérable. 

a  II  est,  dit-il,  très-possible  que  tel  corps  composé  renferme 
seulement  deux  éléments  particuliers  ;  tel  autre ,  trois  ;  tel  autre, 
quatre,  etc.;  de  manière  qu'il  pourrait  y  avoir  des  substances 
qui  se  composeraient  chacune  d'un  nombre  différent  d'éléments. 
Bien  plus ,  tel  composé  pourrait  avoir  des  éléments  tout  dif- 
férents,  d'après  leur  essence,  de  ceux  d'un  autre  composé, 
comme  il  y  a  des  mots  qui  ne  renferment  pas  les  mêmes  lettres 
que  d'autres  mots  (2).  » 

La  prophétie  de  Boyle  s'est  accomplie  ;  on  compte  aujourd'hui 
plus  de  soixante  corps  simples,  et  il  y  aen  effet  bien  des  composés 
dont  les  éléments  diffèrent  de  ceux  de  tel  autre  composé.  Les 
anciennes  théories,  d'après  lesquelles  tout  corps  de  la  nature  se 
compose  de  terre,  d'air,  d'eau,  de  fer  ou  de  mercure,  de  soufre^ 
de  sel ,  étaient  rudement  attaquées  par  Boyle  ,  et  complètement 
battues  en  brèche. 

«  Je  voudrais  bien ,  dit-il ,  savoir  comment  on  parviendrait  à 
décomposer  l'or  en  soufre,  en  mercure  et  en  sel;  je  m'engage- 
rais à  payer  tous  les  frais  de  cette  opération.  J'avoue  que  ,  pour 
mon  compte,  je  n'y  ai  jamais  pu  réussir  (3).  » 

Il  se  plaint  avec  raison  de  cette  obscurité  systématique  dont  les 
alchimistes  font  en  quelque  sorte  étalage  dans  leurs  .écrits  ;  c'é- 

(1)  Usefulness  of  philosophy,  dans  le  vol.  i,  p.  34. 

(2)  The  scepiical  chymist ,  4ansle  vol.  m,  p.  295. 

(3)  Ibid.,  p.  295.  —  Which  escape  unheeded  at  the  junctures  of  the  vessels 
employed  in  distillation. 


TROISIÈME  EPOQUE.  J5i 

tait  pour  eux  un  moyen  de  cacher  le  vide  de  leurs  doctrines  et 
de  leurs  procédés.  Illeur  reproche,  en  termes  acerbes,  d^'avoir  pris 
des  combinaisons  métalliques ,  particulièrement  celles  de  Teau- 
forte  avec  l'argent  ou  le  plomb,  pour  les  substances  élémentaires 
de  ces  métaux. 

Outre  les  éléments  visibles  et  palpables ,  ne  pourrait-il  pas  y 
avoir,  se  demande  Boyle,  des  éléments  d'une  nature  plus  subtile, 
invisibles ,  et  qui  s'échappent  inaperçus  à  travers  les  jointures 
des  vaisseaux  distillatôires  (i  )  ? 

Puis  il  dénniontre  l'insuffisance  des  prétendues  méthodes  ana- 
lytiques alors  employées,  et  fait  voir  quelle  immense  différence 
il  y  a  entre  la  distillation  en  vaisseaux  clos,  et  la  calcination  des 
corps  à  l'air  libre. 

o  II  serait,  dit-il,  à  souhaiter  que  les  chimistes  nous  apprissent 
clairement  quel  genre  de  division  par  le  feu  doit  déterminer  le 
nombre  des  éléments  ;  car  il  n'est  pas  aussi  aisé  qu'on  le  pense 
d'apprécier  exactement  tous  les  effets  de  la  chaleur.  Ainsi,  le 
gaïac,  brûlé  à  feu  nu,  se  réduit  en  cendres  et  en  suie,  tandis 
que  ,  soumis  à  la  distillation,  il  se  résout  en  huile,  en  esprit,  en 
vinaigre,  en  eau  et  en  charbon  (2).  » 

Xlette  distinction  est  si  importante  qu'on  pourrait  l'assimiler  à 
une  véritable  découverte.  Les  chimistes,  qui  tous  avaient  jus- 
qu'alors confondu  la  calcination  avec  la  distillation,  étaient  ar- 
rivés aux  conclusions  les  plus  étranges,  témoin  Van-Helmont  (3). 

Le  feu  seul  ne  peut  point  décomposer  les  corps  en  leurs  élé- 
ments hypostatiques  ;  le  feu  arrange  seulement  les  molécules  dans 
un  autre  ordre,  il  donne  naissance  à  des  produits  nouveaux  qui, 
pour  la  plupart ,  sont  de  nature  composée. 

C'est  là  ridée  dominante  de  Boyle.  Aussi  toutes  les  tentatives 
qui  avaient  été  faites  jusqu'alors  pour  déterminer  la  composition 
des  corps,  lui  paraissent-elles  illusoires.  Il  s'attache  à  prouver  ex- 
périmentalement que  les  matières  soumises  à  l'action  du  feu  se  dé- 
composent de  manière  que  leurs  éléments  se  groupentdans  un  or- 
dre tout  différent  de  celui  dans  lequel  ils  se  trouvaient  auparavant. 
«  Vous  composez,  dit-il,  du  savon  avec  de  la  graisse  et  de  l'alcali, 
et  pourtant  ce  savon ,  chauffé  dans  une  cornue,  fournit  des  pro- 
duits nouveaux,  également  composés ,  qui  ne  ressembleiit  ni  à 

(1)  2'he  scept,  chymist,  p.  298. 

(2)  Ibid.,  p.  266. 

(3)  Voy.  page  140  de  ce  volumo^ 


152  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

la  graisse,  ni  à  l'alcali  employés  ;  il  s'y  trouve  surtout  une  huile 
très-acide,  fétide,  et  tout  à  fait  impropre  à  faire  du  savon.  Autre 
exemple  :  vous  mêlez  du  sel  ammoniac ,  en  proportion  conve- 
nable, avec  de  la  chaux  vive.  Eh  bien  !  en  chauffant  ce  mélange, 
vous  obtenez  un  esprit  très-volatil,  d'une  odeur  fort  péné- 
trante (ammoniaque  ) ,  et  tout  à  fait  différent  du  sel  ammoniac  ; 
la  partie  fixe  (  chlorure  de  calcium)  ne  ressemble  plus  en  rien  à 
la  chaux;  elle  a  de  l'analogie  avec  le  sel  marin  (1).  » 

Boyle  est  le  premier  qui  ait  nettement  défini  le  mélange  et  la 
combinaison  :  dans  un  mélanige  [mixture],  lés  principes  qui  y 
entrent  conservent  chacun  leurs  propriétés  caractéristiques ,  et 
sont  facilement  séparés  les  uns  des  autres  ;  dans  une  combinaison 
{compoundmass),  les  parties  constituantes  perdent  entièrement 
leurs  propriétés  primitives,  et  sont  plus  difficiles  à  séparer.  Il 
cite  comme  exemple  le  sucre  de  Saturne,  qui  se  compose  de  vi- 
naigre et  de  litharge,  éléments  dont  aucun  n'est  de  saveur  sucrée. 

# 

Air. 

Boyle  a  fait  un  grand  nombre  d'expériences  sur  l'air,  qu'il  dé- 
finit ((  un  fluide  ténu,  transparent,  compressible,  dilatable,  enve- 
loppant la  surface  de  la  terre  jusqu'à  une  hauteur  considérable , 
et  se  distinguant  de  l'éther,  en  ce  qu'il  réfracte  les  rayons  du 
soleil.  0 

Il  pense  que  l'air,  sur  la  nature  duquel  on  est  loin  d'avoir  dit 
le  dernier  mot,  est  une  çnatière  complexe,  et  qu'il  se  compose  de 
trois  espèces  différentes  de  molécules  :  la  première  proviendrait 
des  exhalaisons  des  eaux ,  des  minéraux ,  des  végétaux,  des  ani- 
maux existant^à  la  surface  de  la  terre  ;  la  seconde,  beaucoup  plus 
subtile ,  consisterait  dans  les  effluves  magnétiques  émis  par  la 
terre,  et  produisant,  par  leur  choc  avec  les  atomes  innombrables 
émanant  des  astres,  la  sensatfon  delà  lumière;  enfin,  la  troi- 
sième espèce  ne  serait  aujre  chose  que  la  portion  essentiellement 
dilatable  de  l'air,  compressible  et  élastique  comme  le  ressort 
d'une  montre. 

L'auteur  fait  ensuite  voir,  par  une  série  d'expériences  très-cu- 
rieuses ,  que  cette  dernière  partie  de  l'air  joue  un  rôle  actif  dans 
un  grand  nombre  d'opérations  chimiques.  La  plupart  de  ces  expé- 

(1)  The  sceptical  chymist,  dans  le  vol.  m,  p.  287. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  153 

riences  consistaient  à  remplir  une  fiole  de  verre,  au  tiers  ou  au 
quart,  d'un  mélange  de  limaille  de  cuivre  et  d'une  solution  aqueuse 
^'esprit  d'urine  (ammoniaque),  et  à  bien  fermer  la  fiole  après 
y  avoir  ^préalablement  introduit  un  petit  baromètre  (1).  Le  mé- 
lange se  colorait  en  bleu  céleste  à  mesure  que  l'air  emprisonné 
dans  J^  vaisseau  diminuait  de  son  élasticité,  et  faisait  descendre  la 
colonne  de  mercure  (2) . 

Les  expériences  faites  par  Boyle  sur  l'air  démontrent  scienti- 
fiquement ce  que  Ton  n'avait  jusqu'alors  qu'entrevu  théorique- 
ment. 

A  la  même  époque  où  Otto  de  Guericke  inventa  la  machine 
pneumatique,  Boyle  faisait  des  expériences  sur  le  vide.  Il  avait 
chargé  Hook  de  lui  construire  une  machine  pneumatique  com- 
posée d'un  ballon  en  verre  (récipient)  et  d'une  pompe  à  air,  ins- 
trument plus  propre  aux  expériences  qu'il  avait  entreprises ,  et 
qui  n'offrait  pas  l'inconvénient  d'être  toujours  maintenu  sous 
l'eau,  comme  l'exigeait  la  première  machine  pneumatique  inven- 
tée par  Guericke  (3). 

«  Pour  rendre,  dit-il,  nos  expériences  plus  intelligibles,  il 
faut  d'al)ord  admettre  que  l'air  abonde  en  particules  élastiques 
qui,  étant  comprimées  par  leur  propre  poids,  tendent,   sous 
cette  compression,  à  se  délivrer  de  cette  force,  ainsi  que  la 
laine,  qui  diminue  de  volume  sous  la  pression  de  la  main,  mais 
qui  tend  sans  cesse  à  reprendre  ses  dimensions,  et  qui  les  re- 
prend, en  effet,  dès  que  la  force  comprimante  a  cessé  d'agir. 
Lorsqu'on  enlève  l'air  du  récipient,  ou  que  l'on  en  diminue  l'é- 
lasticité, l'air  extérieur  s'appesantit  sur  la  cloche  de  tout  le  poids 
de  l'atmosphère ,  de  telle  sorte  que  l'on  ne  peut  plus  la  soulever.  » 
Pour  démontrer  l'élasticité  de  l'air,   l'auteur  fait  une  série 
d'expériences,  bien  merveilleuses  alors,  avec  des  vessies  com- 
primées et  liées  (placées  sous  le  récipient),  qui  se  gonflent  et 
finissent  paç  éclater  à  mesure  que  l'on  retire  l'air  du  récipient , 
parce  que  les  particules  de  ce  fluide  renfermées  dans  leurs  plis, 
n'étant  plus  comprimées  par  le  poids  de  l'atmosphère ,  repren- 

(1)  Dans  cette  action,  le  cuivre  s'oxyde,  en  absorbant  Toxygène  de  Tair  ; 
^nie&areque  l'oxyde  formé  se  dissout  dans  l'ammoniaque,  il  se  -produit  une  belle 
coloration  bleue. 

(2)  Works  o/Boyle^  vol.  m,  p.  19. 

(3)  Physico-mechanical  experimenU  to  shew  thespring  and  effects  of  ihe 
«Mans  le  vol.  ii,  p.  407.  (  Works  qf  Boyle,  edit.  Shaw.  ) 


154  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

nent  toute  leur  force  élastique,  et  tendent  à  occuper  un  es- 
pace plus  étendu. 

Nous  nous  dispensons  de  rapporter  tous  les  détails  dans  les- 
quels il  entre  pour  mettre  hors  de  doute  l'élasticité  de  l'air  et 
la  pression  atmosphérique ,  au  moyen  du  tube  de  Toricelli  (1). 

L'un  des  premiers,  Boyle  démontra,  par  de  nombreuses  expé- 
riences, que  les  corps  en  combustion  (charbons  ardents,  chan- 
delles ,  fer  rouge ,  etc.  )  ont  besoin  d*air  et  qu'ils  s'éteignent 
dans  le  vide. 

Vair  peut-il  être  engendré  artificiellement  ? 

A  cette  question  Boyle  répond  par  une  expérience  capi- 
tale, et  qui  peut  être  considérée,  ei)  quelque  sorte,  comme 
le  point  de  départ  de  la  chimie  pneumatique.  Nous  avons  fait 
connaître  que  Van-Helmont  avait  déjà  entrevu  l'existence  des 
gaz ,  mais  qu'il  n'était  point  parvenu  à  les  recueillir.  Or,  dans 
l'expérience  suivante  de  Boyle,  il  ne  s'agit  de  rien  moins  que 
de  l'invention  d'une  méthode  particulière  pour  recueillir  les 
corps  aériformes.  Voici  cette  expérience  : 

«  Un  petit  matras  de  verre,  de  la  capacité  de  trois  onces  d'eau 
et  pourvu  d'un  long  col  cylindrique ,  est  rempli  d'environ  parties 
égales  d'huile  de  vitriol  et  d'eau  commune.  Après  y  avoir 
jeté  six  petits  clous  de  fer,  nous  fermons  aussitôt  l'ouverture  du 
vase,  parfaitement  plein,  avec  un  morceau  de  diapaïme,  et  nous 
,  plongeons  le  col  renversé  dans  un  autre  vase  renversé,  d'une  plus 
grande  capacité,  et  contenant  le  même  mélange.  Aussitôt  nous 
voyons  s'élever,  dans  le  vase  supérieur,  des  bulles  aériformes 
qui ,  en  se  rassemblant ,  dépriment  l'eau  dont  elles  prennent  la 
place.  Bientôt  toute  l'eau  du  vase  supérieur  (renversé)  est  ex- 
pulsée, et  remplacée  par  un  corps  qui  a  tout  l'aspect  de  l'air.  Ce 
corps  est  produit  par  l'action  du  liquide  dissolvant  sur  le  fer  (pro- 
duc'd  hy  the  action  ofthe  dissolving  liquor  upon  the  iron)  (2). 

Ce  corps  aériforme  était,  comme  on  le  voit,  le  gaz  hydrogène 
provenant  de  la  décomposition  de  l'eau. 

Ainsi,  le  premier  gaz  qui  ait  été  recueilli,  c'est  Vhydrogène.  Mais 
cela  ne  veut  pas  dire  que  Boyle  ait  le  premier  découvert  ce  gaz; 
car  il  était  loin  de  s'imaginer  que  ce  fût  là  un  corps  élémentaire, 

(1)  Vforks  of  Boyle,yo\.  ii,  p.  410-417. 

(2)  Ihid.f  Physico-mechanic.  experim.,  vol.  ii,  p.  432. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  155 

différent  de  l'air,  en  un  mot,  un  élément  de  Teau.  Ce  qu'il  lui 
importait  de  montrer  par  cette  expérience ,.  c'est  la  possibilité 
de  la  génération  artificielle  de  Tair,  ou  tout  au  moins  d'un  corps 
élastique  qui  se  dilate  par  la  chaleur,  se  condense  par  le  froid , 
et  qui,  en  général,  se  comporte  comme  Tair  commun.  Mais  c'é- 
tait déjà  une  découverte  considérable  que  d'avoir  trouvé  le  moyen 
de  dégager  un  corps  gazeux  et  de  le  recueillir.  Malheureusement 
cette  découverte  passa,  comme  tant  d'autres,  inaperçue. 

Le  procédé  de  Boyle  nous  suggère  une  réflexion  curieuse  : 
le  vase  (à  large  orifice),  qui  sert  de  cuve  à  eau,  contient  la  même 
liqueur  (eau  et  acide  sulfurique)  que  le  vase  supérieur  qui  sert 
de  récipient;  et  le  col'  allongé  et  étroit  de  ce  dernier  remplit 
l'office  d'un  tube  recourbé  pour  le  passage  du  gaz.  Cette  dispo- 
sition rappelle  le  premier  appareil  distillatoire  consistant  dans  un 
vaisseau  unique,  dont  le  fond  représentait  la  cornue^  tandis  que 
le  couvercle  ou  l'orifice  bouché  de  laine  servait  de  récipient  (1). 
Dans  l'appareil  de  Boyle,  comme  dans  celui  de  Pline,  il  man- 
quait exactement  le  même  élément,  un  tube  intermédiaire  ,^our 
faire  communiquer,* dans  le  premier  cas,  le  matras  contenant  le 
mélange  .propre  à  dégager  le  gaz,  avec  l'éprouvette  pleine  de  li- 
quide renversée  sur  une  cuve  à  eau ,  et ,  dans  le  dernier  cas , 
pour  faire  communiquer  la  cornue  avec  le  récipient. 

C'est  à  la  suite  de  cette  expérience  sur  Tair  engendré  de  novo , 
comme  il  l'appelle  (air  generated  de  novo),  que  Boyle  rappelle 
une  hypothèse  qui,  de  nos  jours,  compte  tout  bas  un  grand  ^ 
nombre  de  partisans.  D'après  cette  hypothèse,  la  diversité  des 
corps  serait  due  à  l'inégalité  de  forme ,  de  grandeur,  de  struc- 
ture, de  mouvement  des  molécules  élémentaires;  un>  ou  deux 
éléments  primitifs  suffiraient  pour  expliquer  toute  la  variété  des 
corps  de  la  nature.  «Et  pourquoi  donc,  s'écrie  l'auteur,  les  mo- 
lécules de  l'eau  ou  de  toute  autre  substance  ne  pourraient-elles 
pas,  dans  de  certaines  conditions,  être  groupées  et  agitées  de 
manière  à  mériter  le  nom  d'aer  (2)?  » 

Boyle  a  fait  considérablement  avancer  la  physique  par  ses  expé- 
riences sur  l'évaporation  de  diverses  liqueurs  dans  le  vide  de  la 
machine  pneumatique,  sur  la  pression  de  l'atmosphère,  sur  la  suc- 
cion, sur  l'impossibilité  d'obtenir  un  vide  parfait,  sur  le  poids  des 


(1)  Voy.  plus  haut,  vol:  i,  p.  202. 

(2)  Works  of  Boyle,  vol.  ii,  p.  432« 


156  HISTOIRE  DE  LA  CHQCIE. 

corps  dans  le  vide,  comparé  au  poids  de  ces  mômes  corps  dans 
Tair,  sur  Télévation  des  liquides'dans  un  siphon,  sur  la  capillarité, 
la"hauleur  de  l'atmosphère,  l'ébuUition  des  liqueurs  dans  le  vide, 
la  congélation  de  Teau,  sur  les  effets  de  la  compression  de  l'air,  la 
hauteur  de  la  colonne  des  liquides  (  contre-balançant  la  pression 
atmosphérique  )  variant  d'après  leur  densité ,  sur  la  construction 
du  baromètre  portatif,  la  propagation  du  son  dans  le  vide,  etc. 

Ces  recherches,  répétées  par  d'autres  savants,  conduisirent  aux 
généralités  fondamentales  de  la  physique. 

Les  physiciens  s'occupaient  alors  beaucoup  de  la  détermination 
de  la  densité  de  l'air.  Suivant  Riccioli ,  cité  par  Boyle,  la  densité 
de  l'air  comparativement  à  celle  de  l'eau/est  comme  1  :  10,000; 
d'après  Mersenne,  ce  rapport  est  comme  1  :  1356;  d'après  Ga- 
lilée, comme  1  :  400;  enfin,  d'après  Boyle,  comme  1  :  853  ^  (1). 

On  remarquera  que  c'est  Boyle  qui  se  rapproche  le  plus  de  la 
vérité. 

Expériences  chymico-physiologiqties  sur  la  respiration. 

Après  avoir  discuté  les  opinions  plus  ou  moins  plausibles 
des  médecins  sur  l'action  respiratoire ,  Boyle  adopte  l'opi- 
nion de  Drebbel  et  de  quelques  autres  physiciens ,  qui  soute- 
naient que  la  respiration  a  pour  effet  de  purifier  le  sang,  et  de 
lui  enlever,  dans  les  poumons,  une  matière  excrémentitielle. 

Est-ce  la  totalité  de  l'air,  ou  une  portion  seulement,  qui  en- 
trelient la  respiration? 

A  cette  question,  Drebbel  avait  répondu  que  c'est  une  portion 
seulement  de  l'air.  Boyle  semble  penser  là-dessus  comme  Dreb- 
bel; mais  il  n'osait  pas  cependant  se  prononcer,  parce  que, 
comme  il  le  dit  lui-même ,  il  n'avait  pas  réussi  à  isoler  cette 
portion  de  l'air  éminemment  respirable. 

Plusieurs  centaines  d'expériences,  faites  dans  l'intervalle  de 
1668  à  1678,  témoignent  de  l'importance  que  Boyle  attachait, à 
la  solution  de  cette  question. 

Il  serait  trop  long  de  le  suivre  dans  tous  les  détails  de  ses  ob- 
servations concernant  les  animaux  de  différentes  classes  (insec- 
tes, reptiles,  oiseaux,  mammifères),  placés  sous  le  récipient  de 
la  machine  pneumatique.  C'est  ainsi  qu'il  cherche,  entre  autres, 
à  démontrer  que  les  poissons  eux-mêmes  ont  besoin  d'air  pour 

(i)    Works of  Boyle^  Piiysico-mechan.  experim.,  vol.  II,  p.  515. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  157 

respirer,  etqu*ils  consomment  l'air  que  l'eau  renferme.  La  conser- 
vation des  matières  organiques  dans  le  vide  s'opposant  à  la  fer- 
mentation ou  à  la  putréfaction,  faisait  également  partie  des  expé- 
riences de  Boyle ,  exécutées  au  moyen  de  sa  machine  pneuma- 
tique perfectionnée.  Il  alla  jusqu'à  essayer  de  faire  éclore  des 
vers  à  soie,  et  de  faire  détonner  de  l'or  fulminant  dans  le  vide. 

C'est  à  ces  observations,  aussi  nombreuses  que  variées,  enre- 
gistrées jour  par  jour,  que  Boyle  avait  donné  le  nom  de  physico- 
meehanical  experiments. 

L'origine  de  la  rouille  des  métaux  était  une  question  souvent 
agitée  par  les  chimistes  du  xvii®  siècle. 

«  Le  vert-de-gris  (carbonate  de  cuivre)  et  la  rouille  de  fer  sont, 
dit  Boyle,  engendrés  ][)ar  des  effluves  corrosifs  de  l'air  {corro^ 
sive  efftuvia  of  the  air).  C'est  l'étude  de  ces  produits  qui  conduira 
un  jour  à  faire  connaître  la  composition  de  l'air  (i).  » 
Lfi  prédiction  de  Boyle  s'est  réalisée. 

A  propos  des  expériences  de  l'auteur  sur  la  combustion  (chan- 
delles emprisonnées  sous  des  récipients),  Shaw  (l'éditeur  des 
œuvres  de  Boyle)  rappelle  une  expérience  du  célèbre  physicien 
Hawkesbeé,  qui  remarqua  que  l'air  ayant  passé  sur  des  métaux 
incandescents  renfermés  dans  des  tubes,  est  irrespirable,  et  éteint 
la  flamme  d'une  bougie.  Hawkesbee  ne  se  doutait  pas  que  cet  air 
irrespirable  et  éteignant  la  flamme  fût  un  gaz  élémentaire, 
l'azote  (2). 

Boyle  consacre  plusieurs  expériences  à  démontrer  que  l'es- 
prit-de-vin n'existe  pas  tout  formé  dans  le  jus  des  raisins,  mais 
qu'il  est  produit  par  la  fermentation  du  moût,  et  que  la  fermen- 
tation elle-même  ne  peut  point  s'effectuer  dans  le  vide. 

L'auteur  se  borne  à  conclure  de  toutes  cps  expériences,  à  la 
fois  si  nombreuses  et  si  remarquables,  qu'il  y  a  quelque  subs- 
tance vitale  {some  vital  substance) ,  disséminée  dans  toute  l'atmos- 
phère, qui  intervient  dans  les  principaux  phénomènes  chimiques 
(IsTcombustion ,  la  respiration ,  la  fermentation).  «Il  est,  ajoute- 
t-il,  surprenant  qu'il  y  ait  quelque  chose  dans  l'air  qui  soit  seul 
propre  à  entretenir  la  flamme,  et  qu'une  fois  cette  matière  con- 
gsommée ,  la  flamme  s'éteigne  aussitôt;  et  pourtant  l'air  qui  reste 
a  fort  peu  perdu  de  son  élasticité  (3).  » 

(1)  Memoirs  for  a  gênera)  history  of  the  air,  vol.  m,  p.  29. 

(2)  làid.,\o\.  III,  p.  63. 

(3)  Ibid.^  Tol.  m,  p.  82. 


158  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

En  lisant  cette  partie  des  travaux  de  Boyle,  on  s'attend  à  tout 
lïioment  à  le  voir  saisir  cette  substance  vitale  de  Tair;  maïs,  — 
supplice  de  Tantale  !— elle  lui  échappe  sans  cesse.  Ce  fut  là  le 
dernier  prélude  de  la  découverte  de  Toxygène. 

Dans  le  traité  qui  a  pour  titre  le  Feu  et  la  Flamme  pesés  dans 
une  balance  y  Boyle  était  bien  près  de  toucher  du  doigt  la 
vérité.  C'est  dans  ce  traité  que  l'auteur  entreprend  une  série 
d'expériences  sur  l'augmentation  du  poids  des  métaux  (cuivre, 
plomb,    étain)    par   la  calcination.  Obtenant  à   peu  près  les 
mêmes  résultats  en  calcinant  les  métaux,  soit  dans  des  creusets 
ouverts,   soit  dans  des  creusets  fermés,  il  arrive  à   établir  que 
cette  augmentation  de  poids  est  due  à  la  fîxqtion  des  molécules  du 
feu  qui  passent  à  travers  les  pores  du  creuset,  —  «  Il  faut,  ajoute- 
t-il ,  que  ces  molécules  ignées  soient  en  nombre  considérable , 
pour  être  sensibles  à  la  balance  (i).  »  / 

Distillation  du  bois. 

C'est  Boyle  qui  a  le  premier  montré  que  le  bois  fournit,  par  la 
distillation,  du  vinaigre  et  de  l'alcool,  qu'il  appelle  esprit  ano- 
nyme, esprit  de  bois  inflammable  ou  esprit  adiaphorétique  {adior 
phorous  spirit).  Ayant  obtenu  ces  deux  liquides  ensemble  dans 
le  récipient,  il  les  séparait,  en  les  soumettant  aune  nouvelle 
distillation,  à  une  température  ménagée  avec  soin ,  pour  ne  lais- 
ser passer  que  l'esprit  inflammable.  Mais,  comme  par  ce  procédé 
l'esprit  de  bois  contenait  toujours  un  peu  de  vinaigre,  il  traitait 
le  mélange  des  deux  liquides  par  la  chaux  :  l'acide  se  fixait  sur 
la  chaux  en  la  dissolvant,  et  l'esprit  était  rectifié  et  séparé  seul 
par  une  dernière  distillation. 

a  En  chauffant  fortement,  continue  l'auteur,  cette  chaux  sa- 
turée par  l'acide,  on  obtient  (par  la  distillation)  un  esprit  très- 
rouge,  d'une  odeur  très-pénétrante,  d'une  saveur  excessivement 
piquante,  et  qui  diffère  entièrement  de  celle  des  autres  liquides 
acides.  C'est  ce  que  quelques  chimistes  ont  appelé  teinture 
de  corail. 

«  En  poussant  là  distillation  du  bois  aussi  loin  que  possible yl 
on  remarque  que  la  liqueur  qui  passe  dans  le  récipient  n'est  plus 
incolore,  mais  d'un  assez  beau  jaune,  d'une  odeur  très-forte, 

(!)  Pire  and  flame  weigh'd  in  a  balance,  vol.  ii,  p.  388-40!. 


TROISIEîlE  EPOOUB.  159 

d'une  saveur  plus  acide  que  Tesprit  de  vinaigre,  et  qu'elle  pos- 
sède toutes  les  propriétés  dissolvantes  des  acides.  Ne  sachant  trop 
me  rendre  compte  de  son  origine,  je  l'ai  nommée  acetum  radi- 
catum  (1).  ». 

Boyle  connaissait  donc  parfaitement  les  produits  de  la  dis- 
tillation du  bois,  particulièrement  le  vinaigre  et  Tesprit  de 
bois ,  en  même  temps  que  les  produits  de  la  distillation  de  Ta- 
cide  acétique  combiné  avec  les  bases  (acétates). 

Dans  le  traité  ayant  pour  titre  The  atmosphères  of  consistent 
bodies,  l'auteur  s'attache  à  démontrer  que  non-seulement  les  \U 
guides,  mais  encore  les  corps  solides,  perdent  de  leur  poids  par 
des  effluves,  et  par  une  émanation  permanente  des  particules 
dont  ils  se  composent  (2). 

On  sait  que  tous  les  liquides ,  même  le  mercure ,  donnent  des 
vapeurs  à  tous  les  degrés  de  température  ;  et  que  toutes  les  subs- 
tances, môme  les  plus  compactes,  peuvent  s'user  à  la  longue. 

Le  mémoire  Sur  la  porosité  des  corps  renferme  un  passage  fort 
intéressant  relatif  à  la  peinture  sur  verre  (3). 

Le  procédé  de  peindre  sur  verre  était  tenu  fort  secret ,  même 
du  temps  de  Boyle  ;  c'est  ce  qui  fît  accréditer  le  bi:^uit,  générale- 
ment répandu,  que  ce  procédé  était  perdu  sans  retour. 

Boyle  n'en  fit  pas  un  aussi  grand  mystère  :  «  La  méthode  de 
peindre  sur  verre  n'a  été,  dit-il ,' jusqu'ici  connue  que  d'un  petit 
nombre  de  personnes  ;  car  les  artistes  craignent  de  divulguer  leurs 
secrets.  Quant  à  nous,  nous  ne  craignons  pas  d'apprendre  au  pu- 
blic que  cette  méthode  s'exécute  en  recouvrant  les  lames  de  verre 
2i\QC  des  pigments  minéraux,  et  en  les  exposant,  pendant  plusieurs 
heures,  à  un  grand  feu,  mais  pas  assez  fort  pour  faire  fondre 
les  lames.  De  cette  manière ,  les  pores  du  verre  s'ouvrent  y  les  pig- 
ments minéraux  y  pénètrent,  et]  s' identifiant  avec  la  substance  du 
verre  y  ils  produisent  des  colorations  diverses,  » 

11  s'assura  aussi  que  le  rouge  est  la  seule  couleur  qui,  sur  les 
vitraux  gothiques,  ne  pénètre  pas  la  substance  même  du  verre. 
On  fragment  de  vitre  qu'il  s'était  procuré,  après  l'incendie  de 
l'église  Saint-Paul  à  Londres,  lui  fournit  le  moyen  de  constater 
que  a  la  couleur  rouge  formait  une  couche  de  pigment  ou  de 


(1)  The  producibleness  of  chymical  principles,  vol.  m,  p.  386. 

(2)  Vol.  I  {Philosophical  toorhs),  p.  397-438. 

(3)  The  porosity  of  bodies,  vol.  i,  p.  456-459. 


160  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

vernis,  appliquée  à  la  surface  du  verre,  et  qu'il  élait  aisé  de  Tenlô— 
ver  en  la  raclant.  » 

Boyle  éprouva  donc  une  satisfaction  extrême ,  lorsqu'un  heu- 
reux hasard  le  mit  sur  la  voie  d'incorporer  la  couleur  rouge  avec 
la  substance  même  du  verre. 

«  J'eus  un  jour,  raconte-t-il,  occasion  de  chauffer  un  amalgame 
d'or  dafis  lîn  petit  matras  de  verre....  A  la  fin  de  l'opération ,  je 
remarquai  que  le  fond  de  ce  matras  était,  dans  l'étendue  d'un 
pouce,  coloré  d'un  rouge  magnifique;  ce  qui  le  faisait  ressembler 
à  un  beau  rubis  (1).  » 

Boyle  répéta  et  fit  répéter  celte  expérience;  et  chaque  fois  il 
eut  lieu  de  se  convaincre  que  l'or  et  ses  composés  avaient  la  pro- 
priété de  colorer  le  verre  en  rouge. 

L'utilité  du  manganèse,  et  le  rôle  que  ce  corps  joue  danë  la 
fabrication  du  verre  coloré  ou  incolore,  n'avaient  point  échappé  à 
la  sagacité  de  l'opérateur.  Iln'ignorait  pas  qu'une  forte  proportion 
de  cette  substance  rend  le  verre  noir  (  violet  foncé  ),  qu'une  por- 
tion moyenne  le  teint  en  rouge,  et  qu'une  petite  portion  le  rend 
clair  et  transparent.  Enfin  il  s'empressa  de  porter  à  la  connais- 
sance de  tous ,  que  le  cristal  se  fabrique  avec  des  proportions 
convenables  de  silice,  de  potasse  et  de  plomb  (2). 

Eectification  de  r alcool. 

Pour  concentrer  (rectifier)  l'esprit-de-vin ,  Boyle  le  distillait, 
sur  du  tartre  calciné  jusqu'au  blanc  (carbonate  de  potasse).  Quel- 
quefois il  substituait  au  tartre  calciné  la  chaux  vive.  «  Il  y  a,  dit- 
il,  dans  l'emploi  de  ce  procédé,  double  économie  de  temps  et 
d'argent;  car  le  même  résidu,  convenablement  séché,  peut  ser- 
vir plus  d'une  fois  dans  cette  opération  (3).  » 

Il  savait  aussi  que  tous  les  fruits  sucrés  ou  amylacés  sont,  après 
avoir  été  soumis  à  la  fermentation,  susceptibles  de  fournir  de 
l'alcool  à  la  distillation. 

Dorure  du  fer. 

Les  ouvrages  de  fer  dorés  des  anciens  ne  sont  pas  du  fer  pur 
sur  lequel  on  aurait  immédiatement  appliqué  une  couche  d'or  : 

(1)  The  porosity  oj  toi d,  dans  le  vol.  i,  p.  459. 

(2)  Usefulness  of  philosophy,  vo'.  i,  p.  149. 

(3)  Ibid.f  vol.  I,  p.  72. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  161 

entre  le  fer  et  l'or  il  y  avait  constamment  un  métal  intermédiaire 
sur  lequel  Tor  était  fixé.  Ce  métal  intermédiaire  était,  on  le 
devine,  le  cuivre. 

«  On  plonge,  dit  Boyle,  le  fer  dans  une  dissolution  chaude  de 
sulfete  de  cuivre  ;  la  mince  couche  de  cuivre  qui  s'y  dépose  suffit 
pour  appliquer  dessus  Tamalgame  d'or  (i).  » 

C'est  donc  là  dorer  sur  cuivre ,  et  non  pas  sur  fer. 

Poudre  pour  argenter  sans  le  moyen  du  mercure. 

Cette  poudre,  qui  est  encore  de  nos  jours  regardée,  par  quel- 
ques artisans,  comme  un  secret,  consistait  en  un  mélange  de  par- 
ties égales  de  sel  commun,  de  cristaux  d'argent  dissous  dans 
l'eau-forte  (nitrate  d'argent),  et  de  chaux  ou  tartre  calciné  (2). 
On  frottait  avec  cette  poudre  le  cuivre,  ou  le  laiton  préalablement 
décapé  par  un  acide. 

On  aurait  une  bien  fausse  idée  de  l'état  de  la  science  du  temps 
de  Boyle  et  antérieurement  à  cette  époque,  si  l'on  s'imaginait 
qae  tous  les  procédés  de  chimie  ou  de  physique  alors  inventés 
fussent  immédiatement  livrés  au  public.  Boyle  avoue  lui-même 
avoir  acheté  à  un  prix  très-élevé  des  secrets  colportés  par  des 
physiciens  ambulants;  souvent  il  en  donnait  en  échange  de 
beaucoup  plus  précieux.  Il  possédait  heureusement  une  fortune 
assez  considérable  pour  faire  face  aux  expériences  les  plus  dis- 
pendieuses et  à  tous  ces  achats  de  procédés,  parmi  lesquels  il 
y  avait  sans  dpute  beaucoup  de  non-valeurs.  Jamais  richesse  ne 
fut  mieux  employée.  Cette  fois  du  moins  la  Fortune  ^  en  distri- 
buant ses  biens ,  n*avait  pas  un  bandeau  sur  les  yeux. 

Encre. 

Dans  ses  expériences  touchant  l'action  de  quelques  infusions 
ou  décoctions  de  plantes  sur  des  composés  chimiques  minéraux^ 
Boyle  constata  qu'une  décoction  d'écorce  de  chêne,  de  sumac, 
^e  roses  rouges,  ajoutée  à  du  vitriol  de  fer,  donne  de  l'encre. 

(0  Uiefulness  of  phUosophy,  p.  152. 

(2)  Tontes  ces  substances  réagissent  les  unes  sur  les  autres  :  le  chlorure  de  so- 
^0111(881  Gammau)  produit,  avec  le  nitrate  d'argent,  do  chlorure  d'argent,  et 
^M  se  décompose,  par  Taction  de  la  chaux,  en  chlorure  de  calcium  et  en  ar- 
9tttqui,  à  l'état  naissant,  argenté  le  cuivre. 

BIST.   DE  LA  CBIMIB.  —  T.     II.  11 


162^  HISTOIBE  DE  LA.  CHIMIE. 

«  Pourtant  je  n'affîrmerai  pas,  ajoute-t-il,  que  tous  les  végétaux 
aeides  ou  astringents  puissent  donner  les  mômes  résultats  (i).  x> 

En  effet,  tous  les  végétaux  ne  renferment  pas  de  l'acide  tan- 
nique  qui,  combiné  avec  l'oxyde  de  fer,  produit  Tencre. 

Jln  substituant  au  vitriol  une  lessive  de  potasse ,  ajoutée  à  une 
infusion  de  pétales  de  roses  rouges,  on  obtient,  selon  Tauteur, 
un  précipité  de  couleur  sale  et  un  liquide  d'une  belle  couleur 
rouge.  Dans  un  autre  passage^  il  remarque  que  cette  couleur  est 
encore  plus  belle ,  si  Ton  remplace  la  lessive  de  potasse  par  du 
minium  et  un  peu  d'acide  sulfurique  (2). 

Tous  les  éléments  de  l'encre,  telle  qu'on  la  fabrique  aujour- 
d'hui ,  se  trouvent  résumés  dans  un  procédé  que  Boyle  indiquait 
à  une  dame  quii  lui  avait  demandé  ce  qu'il  fallait  faire  pour  ne 
pas  se  salir  les  doigts  en  écrivant. 

a  Une  grande  dame  s'était  plainte  à  moi  de  ce  qu'elle  né  pou- 
vait écrire  sans  se  noircir  les  doigts.  Je  lui  conseillai  de  préparer 
le  papier  dont  elle  se  servait,  en  le  frottant  (à  l'aide  d'une  patte 
de  lièvre)  avec  une  poudre  composée  de  3  parties  de  couperose, 
de  4  parties  de  noix  de  galle,  et  de  1  partie  de  gomme  arabique; 
et  d'écrire  sur  ce  papier  avec  une  plume  trempée  dans  de  l'eau 
claire  (3).  » 

,  Au  nombre  des  moyens  proposés  pour  effacer  l'encre,  figurent 
l'esprit  d'urine  et  les  sels  acides  retirés  des  végétaux. 

On  sait,  en  effet,  que  le  sel  acide  d'oseille  (bioxalate  de  potasse) 
possède  la  propriété  d'effacer  l'encre  ordinaire. 

Boyle  avoue  lui-même  que  l'emploi  de  ces  matières  est  insuf- 
fisant pour  faire  disparaître  sans  retour  toute  trace  d'écriture;  et  il 
ajoute  qu'il  connaissait  un  moyen  qui  remplirait  parfaitement 
ce  but,  mais  qu'il  ne  jugeait  pas  à  propos  de  le  divulguer,  h 
cause  du  mauvais  usage  qu'on  en  pourrait  faire. 

Gravure  sur  métaux^  par  le  moyen  d'un  acide, 

Boyle  a  décrit  le  procédé  de  graver  sur  métaux,  tel  qu'il  est 
encore  employé  de  nos  jours.  Ce  procédé  consistait  à  recouvrir 
la  lame  d'an  métal  (  cuivre,  argent)  d'une  couche  de  vernis,  à  y 
tracer  avec  un  stylet  le  dessin  que  l'on  désirait,  et  à  la  laver  avec 

(1)  Usefalness  of  philosophy,  dans  les  Œuyres  de  Boyle,  vol.  i,  p.  57. 
(2}  Experiments  upon  colours,Ibid.yTol.  ii,  p.  78. 
(3)  Usefalness  of  philosopliy,  Ibid.,  vol.  i,  p.  114. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  i63 

de  Peau-forte  qui  ne  corrode  le  métal  que  dans  les  points  mis  à 
nu  par  le  stylet  (4). 

Avant  de  donner  la  description  de  ce  procédé,  l'auteur  dé- 
crit la  préparation  d'un  alliage  propre  à  recouvrir  les  glaces.  Cet 
alliage  se  composait  de  1  partie  de  plomb,  de  1  partie  d'étain, 
2  parties  de  bismuth,  et  de  40  parties  de  mercure  (2). 

Acides  minéraux,  —  Dissolvants. 

* 
Boyle  simplifia  beaucoup  les  procédés  de  préparation  des  acides 

minéraux.  Ainsi,  il  préparait  Veau-forte,  «  en  distillant  unmé-- 
lange  d'acide  sulfurique  et  de  salpêtre  »,  et  il  obtenait  Vesprit  de 
sel,  en  soumettant  à  une  forte  chaleur  un  mélange  de  limaille  de 
fer,  de  sel  commun  et  d'eau  (3).  «  Dans  cette  opération,  dit-il, 
le  récipient  se  remplit  de  vapeurs  blanches  abondantes,  qui,  étant 
condensées  et  mêlées  avec  de  Teau-forte,  dissolvent  très-bien  les 
feuillesd'or  (4).  » 

L^eau  régale,  il  la  préparait  en  mêlant  une  partie  d'esprit  de 
sel  avec  deux  parties  d'esprit  de  nitre  (  acide  nitrique  concen- 
tré) (5).  . 

Il  n'ignorait  pas  que  l'eau-forte  très-concentrée  n'attaque  pas 
les  métaux,  et  qu'il  faut  y  ajouter  de  l'eau  pour  les  dissoudre  (6). 
Le  nitre  est  un  composé  de  potasse  et  d'eau-forte  ;  c'est  ce  que 
Boyle  démontre ,  non  point  par  l'analyse,  mais  par  la  synthèsa , 
en  préparant  du  nitre  par  un  moyen  direct.  Ce  moyen  consistait 
à  traiter  à  chaud  les  cendres  des  végétaux  par  de  l'eau-forle,  et 
k faire  cristalliser  la  liqueur  parle  refroidissement  (7). 

L'emploi  de  la  voie  humide  et  des  dissolvants  en  chimie  orga- 
ittique  remonte  aux  travaux  de  Boyle.  C'est  ainsi  qu'il  cherchait, 
pour  nous  servir  de  ses  mots,  à  rendre  l'opium  plus  actif j  en  le 
traitant  par  du  tartre  calciné  (  carbonate  de  potasse  )  et  par  de 

(1)  Usefulness  of  philosopliy,  vol.  i,  p.  132. 
(2)Ibid.,  p.  129. 

(3)  On  explique  aujourd'liui  le  secret  de  cette  réaction  ;  le  fer  oxydé  aux  dépens 
^  Peau,  qui  se  décompose,  joue  le  rôle  d'un  acide  qui  se  combine  avec  la  soucie  ) 
le  chlore,  s'emparant  de  Thydrogëne  de  l'eau,  se  dégage  à  Tétat  d'acide  chlorliy- 
^Miue^  nommé  autrefois  esprit  de  sel.  * 

(4)  Usefulness  of  philosopky,  ?ol.  i,  p.  76. 

(5)  Usrfuiness  of  philosopliy,  vol.  i,  p.  63. 

(6)  Ibid.,  p.  165. 

(7)  Ibid.,  p.  76. 

il. 


164  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Talcool  (1).  —  C'est  en  effet  la  potasse  qui,  s'emparanl  de  Tacide 
méconique ,  met  en  liberté  la  morphine,  la  partie  la  plus  active 
de  Topium ,  laquelle  est  dissoute  par  Talcool.  Boyle  avait  le  pre- 
mier obtenu  la  morphine^  sans  le  savoir. 

Il  proposa  aussi  différents  moyiens  internes,  empruntés  soit  aux 
acides,  soit  aux  alcalis,  pour  dissoudre  chimiquement  la  pierre 
dans  la  vessie.  Nous  avons  vu  que  déjà  Vilruve  avait  songé  à  ces 
moyens  (2).  Boyle  lit  l'analyse  de  quelques  calculs  urinaires;  il  y 
découvrit  le  premier  la  présence  de  la  chaux  comme  d'un  de 
leurs  principaux  éléments  constitutifs  (3). 

Il  observa  aussi  le  premier  que  le  sel  commun  retarde  le  point 
de  congélation  et  le  point  d'ébullition  de  Teau,  et  il  montra  que 
Teau  se  dilate  en  passant  à  Tétat  solide  (glace),  au  lieu  de  se  con- 
iracter  (4). 

Boyle  avait  Pexcellent  esprit  d'allier  partout  la  physique  à  la 
chimie.  «  La  physique,  la  mécanique,  les  mathématiques,  la 
chimie,  Tagriculture,  la  médecine,  toutes  ces  sciences  doivent, 
dit-il,  se  donner  la  main  et  se  prêter  un  mutuel  appui.  »  —  C'est 
ce  que  les  savants  ont  toujours  eu  de  la  peine  à  comprendre. 

'c  La  chimie  vulgaire,  continue  le  maître,  n'est  que  de  la  rou- 
tine ;  c'est  une  espèce  de  recueil  d'expériences  sans  lien ,  sans 
orare  philosophique ,  et  qui  ne  repose  sur  aucun  principe  so- 
lide. Pour  construire  l'édifice  de  la  science,  nous  avons  besoin 
dç  deux  instruments,  l'intelligence  et  l'expérience  (5).  » 

Boyle  revient  souvent  sur  ces  idées,  marquées  au  coin  du  gé- 
nie. Il  appelle  'philosophie  naturelle  la  pratique  des  sciences  ap- 
pliquées aux  arts,  à  l'industrie,  à  l'agriculture,  etc. 

Continuant  ses  recherches ,  Boyle  prouva  expérimentalement 
que  'les  sels  jouent  un  grand  rôle  dans  la  végétation,  que  la 
terre  végétale  est  très-riche  en  sels  alcalins ,  et  que  c'est  de  cette 
condition  que  dépend  la  fertilité  du  sol.  L'importance  du  carbo- 
nate d'ammoniaque,  qu'il  préparait  en  distillant  les  cendres  de 
bois  avec  l'extrait  d'urine,  ne  lui  avait  pas  échappé  dans  la  ques- 
lion  de  l'engrais. 

La  conservation  des  fruits,  des  viandes,  en  un  mot,  des  matières  • 

^  tl)  Usefulness  of  philosophy^  p.  74. 

(2)  Voy.  plus  haut,  t.  i,  p.  185. 

(3)  Usefulness  of  pliilosophy,  vo't.  i,  p.  34. 

(4)  Ibid.,  p.  144.       ^ 

■s 

(5)  Usefulness  ofplillosopliy,  vol.  i,  p.  74. 


TROISIÈME  EPOQUE.  J65 

organiques  faciles  à  se  corrompre ,  avait  été  de  tout  temps  un 
sujet  d'étude,  obscurci  par  de  vaines  théories  (4).  Boyle  ne  pouvait 
njanquer  de  s'en  occuper  utilement  ;  et ,  en  effet,  il  arriva  à  ce 
principe  fécond ,  que  tout  ce  qui  tend  à  détruire  Tinfluence  de 
l'air  est  le  plus  propre  à  conserver  les  matières  organiques  (2). 
P;our  savoir  ce  que  Boyle  pensait  de  Talchimie,  il  faut  lire  ses 
traités  The  excellence  and* grounds  ofthe  mechanical  philosophy, 
et  The  origin  of  forms  and  qualities. 

Nous  savons  déjàqu'il  rejetaitla  théorie,  d'après  laquelle  le  mer- 
cure, le  soufre  et  le  sel  sont  les  éléments  des  métaux,  sinon  de 
tous  les  corps  de  la  nature. 

«  Quel  que  soit ,  dit-il ,  le  nombre  des  éléments ,  on  démon- 
trera peut-être  un  jour  qu'ils  consistent  dans  des  corpuscules  in- 
saisissables, mais  de  forme  et  de  grandeur  déterminées ,  et  que 
c'est  de  l'arrangement  et  de  la  combinaison  de  ces  corpuscules 
que  résulte  une  multitude  de  composés  complexes.  Si  nous  cons- 
truisons, avec  des  briques  de  même  dimension  et  de  même  cou- 
leur, des  ponts  ,  des  routes ,  des  maisons ,  uniquement  par  un 
changement  de  disposition  de  ces  matériaux  de  même  espèce, 
quelle  variété  bien  plus  grande  de  composés  ne  doit  produire 
l'arrangement  varié  de  ces  corpuscules  primitifs  ,  que  nous  ne 
supposons  pas  tous  d'égale  forme  comme  les  briques  (3)  !  » 

Boylen'hésita  pasà  révoquer  en  doute  la  théorie  d'aprèslaquelle 
Veau  est  un  corps  simple  :  il  se  fondait  sur  ce  que,  dansl'alimenta- 
tion  des  végétaux,  l'eau  donne  naissance  à  des  produits  divers. 
La  synthèse,  avons-nous  dit ,  est  beaucoup  plus  ancienne  que 
l'analyse.  Ce  n'est  pas  en  décomposant  le  cinabre,  mais  en  for 
mant  avec  du  soufre  et  du  mercure  un  composé  rouge ,  jouissant 
de  toutes  les  propriétés  du  cinabre  naturel ,  que  les  alchimistes 
ont  constaté  les  éléments  de  ce  corps.  Il  en  a  été  de  même  de 
beaucoup  d'autres  substances. 

En  vertu  de  quelle  loi  ou  de  quelle  force  les  molécules  se  grou- 
pent-elles dans  tel  ou  tel  ordre  pour  produire  un  composé? 

Lé  mot  d'attraction  ou  d'affinité  n'ayant  pas  encore  été  inven- 
té, la  réponse  à  cette  question  était  alors  très-difficile.  Aussi  ne 
faut-il  pas  s'étonner  si  l'auteur  Taborde  avec  quelque  hésitation. 


(1)  Voy.  plus  haut, t.  i,  p.  211. 

(2)  Usefulness  of  philosophy,  yoI.  i,  p.  52. 

(3)  The  excellence  and  grounds,  etc.,  yoK  i,  p.  193. 


i66  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

c(  Il  y  a,  dit-il ,  une  matière  universelle ,  commune  à  tous  les 
corps,  en  tant  que  substance  étendue ,  divisible  et  impénétrable. 
Cette  matière  étant  une  d'après  sa  nature,  la  diversité  des  corps 
doit  nécessairement  provenir  d'une  autre  cause;  et  comme  dans 
la  matière  en  repos  il  n'y  a  pas  de  changement,  il  faut  nécessaire- 
ment admettre  un  principe  de  mouvement  et  une  tendance  au 
mouvement.  L'origine  du  mouvement 'dans  la  matière,  ainsi  que 
les  lois  d'après  lesquelles  il  s'opère ,  et  qui  donnent  au  monde  sa 
forme  actuelle,  dérivent  de  Dieu  (1).  » 

Sans  doute  tout  ce  qui  est  vient  de  l'Être  suprême,  et  y  retourne. 
Mais  la  science  ne  ferait  jamais  de  progrès,  si,  pour  résoudre  un 
problème  difficile,  il  suffisait  de  prononcer  le  nom  de  Dieu. 
L'intelligence  nous  a  été  donnée  pour  en  faire  usage,  en  méditant 
sur  les  œuvres  de  la  création  et  en  interrogeant  l'expérience.  C'est 
plus  que  blasphémer  le  Créateur,  que  de  laisser  dans  l'inaction 
tes  facultés  dont  il  nous  a  doués.  Aussi  le  travail  est-il  la 
meilleure  des  prières.  Orat  qui  /aôora^  est  un  adage  fort  ancien. 

Boyle  est  loin  de  combattre  la  possibilité  de  la  transmutation 
des  métaux.  Il  semblerait  même  admettre  que  les  métaux  se 
composent  d'une  matière  universelle,  commune  à  tous  les  corps, 
et  qu'ils  ne  diffèrent  entre  eux  que  par  le  poids,  la  forme ,  la' 
structure,  etc.  Cette  proposition  hardie,  il  essaie  de  la  démontrer 
par  l'expérience  suivante  :  «  Je  fis,  dit-il,  avec  l'huile  rectifiée  du 
beurre  d'antimoine  (acide  chlorhydrique)  et  l'esprit  de  nitre,  un 
menstrue  irès-SiC\de  {menstriiwn peracutum),  propre  à  dissoudre 
les  corpuscules  de  l'or;  ensuite  je  fis  fondre  une  certaine  quan- 
tité d'or  avec  3  ou 4  fois  son  poids  de  cuivre;  cet  alliage  fut  dis- 
sous dans  de  l'eau-forte,  de  manière  que  tout  l'or  se  déposa  sous 
forme  de  poudre.  Celte  poudre,  ayant  été  fondue  en  un  petit  cu- 
lot, fut  traitée  par  une  gran(Je  quantité  de  menstruum peracutum, 
où  elle  se  dissolvait  lentement.  Enfin,  il  resta  au  fond  de  la  li- 
queur un  dépôt  considérable  d'une  poudre  blanche ,  insoluble 
dans  l'eau  régale.  Cette  poudre,  fondue  avec  du  borax  ou  tout 
autre  flux  convenable,  donna  naissance  à  un  métal  malléable  et 
blanc  comme  de  l'argent  ;  enfin  il  fut  établi ,  par  sa  dissolution 
dans  l'eau-forte ,  que  c'était  de  l'argent  véritable  (2).  » 
Cette  expérience,  dont  le  résultat  paraît  fort  surprenant  au  pre- 

(1)  The  origin  of  forms,  etc.,  vol.  i,  p.  197. 

(2)  rormsand  qualities,  vol.  i,  p.  260. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  167 

mier  abord,  s'explique  très-bien  quand  on  se  rappelle  que  Tanti- 
moine  (  dont  le  chlorure  est  ici  employé  pour  la  préparation  du 
menstruum peracutum)  est,  ainsi  que Tor, presque  constamment 
argentifère.  Les  alchimistes ,  fascinés  par  le  prestige  du  merveil- 
leux, n'admettaient  pas  cette  explication  ;  l'expérience  de  Boyle 
ne  servit,  au  contraire,  qu*à  faire  reprendre  de  plus  belle  la 
recherche  de  la  pierre  philosophale. 

Le  chapitre  sur  les  couleurs  (experiments  and  observations 
npon  colours  )  contient  des  documents  d'un  grand  intérêt  pour 
l'histoire  de  la  chimie  (1).  On  y  trouve ,  entre  autres,  pour  la 
première  fois ,  l'emploi  du  sirop  de  violet.tes  proposé  pour  re- 
connaître si  une  substance  est  acide  ou  alcaline.  «  C'est  là ,  dit 
rauteur,.un  caractère  constant;  le  sirop  de  violettes  est  rougi  par 
les  acides  et  verdi  par  les  alcalis.  » 

Ce  réactif  devint  depuis  lors  d'un  usage  universel. 

Boyle  s'assura,  par  de  nombreuses  expériences,  que  les  «ucs 
colorés  .des  végétaux  prennent  des  teintes  diverses  sous  l'in- 
fluence des  acides  et  des  alcalis.  Il  n'ignorait  pas  l'intervention 
de  Tair  dans  un  grand  nombre  de  phénomènes  de  coloration* 
((  Beaucoup  de  couleurs,  dit-il^  sont  instables;  elles  changent, 
et  prennent  des  nuances  variées  ;  et  cela  provient  de  l'influence 
de  l'air.  » 

Le  chlorure  d'argent  noircit  au  contact  de  la  lumière.  Boyle 
attribuait  ce  phénomène  à  l'action  de  l'air. 

L'action  des  acides  et  de  certains  sels  métalliques  sur  les  huiles 
essentielles  avait  particulièrement  attiré  son  attention,  [o.  Une 
très-petite  quantité  d'huile  essentielle  d'anis  concrète  donne, 
dit-il,  avec  l'huile  de  vitriol  une  couleur  rouge  de  sang.  Le  sucre 
de  plomb  (  sous-acétaie  de  plomb)  communique  à  l'essence 
de  térébenthine  avec  laquelle  on  Ta  fait  digérer,  une  teinte  rouge. 
C'est  probablement  un  bon  remède  (2).  » 

L'auteur  termine  le  chapitre  Sur  les  couleurs,  par  cette  ré- 
flexion d'une  touchante  modestie  :  «  Je  n'essaie  de  bâtir  aucune 
théorie  sur  les  observations  et  les  expériences  que  je  viens  de 
communiquer;  je  laisse  ce  soin  aux  observateurs  à  venir.  » 

Dans  le  remarquable  travail  où  Boyle  examine  les  causes  mé- 
caniques des  précipités  {the  mechanical  causes  of  précipitation)^ 

(1)  Vol.  II  [Philosophical  worhs),  p.  1-105. 

.(2)  Experiments  and  observations  upon  colours,  ?ol.  ii,  p.  78, 


168  HISTOIBE  DE  LA  CHIMIE. 

il  fait  un  fréquent  usage  de  la  balance  (i).  Il  attribue  la  formation 
des  précipités  à  l'action  prépondérante  de  la  pesanteur  en  même 
temps  qu'à  la  faiblesse  du  véhicule,  impuissante  maintenir  le 
corps  (qui  se  précipite)  en  dissolution. 

Il  remarque  que  le  précipité  pèse  quelquefois  plus  que  le  corps 

«  dissous;  que,  par  exemple,  le  précipité  blanc,  produit  par  le  sel 

marin  dans  une  dissolution  d'argent  faite  avec  Teau-forte ,  pesait 

plus  que  l'argent  dissous.  Il  n'avait  plus  qu'un  pas  à  faire  pour 

arriver  à  la  théorie  des  équivalents. 

Les  anciens  chimistes  s'adressaient  des  questions  que  les  cHi- 
mistes  modernes  dédaignent,  bien  à  tort  selon  nous^  de  sou- 
lever. 

Pourquoi,  se  demandaient-ils ,  par  exemple,  l'eau-forte  ne  dis- 
sout-elle pas  l'or,  tandis  qu'elle  dissout  l'argent? 

«  C'est  parce  que,  répondit  BoyJe,  les  pointes  de  l'acide  ne  pé- 
nètrent pas  les  pores  de  l'or,  et  qu'elles  pénètrent  très-bien  les 
pores  de  l'argent.  » 

Cette  explication,  quelque  insuffisante  qu'elle  soit,  mon- 
tre du  moins  un  effort  de  bonne  volonté.  Aujourd'hui  on  ne  se 
donne  même  pas  la  peine  de  se  demander  pourquoi  tel  ou  tel 
corps  est  soluble  dans  tel  acide,  et  insoluble  dans  tel  autre.  L'ar- 
gent est  soluble  dans  l'acide  nitrique,  l'or  y  est  insoluble;  et 
tout  est  dit.  Il  y  a  cependant  là  une  inconnue  à  dégager. 

Boyle  consacra  plusieurs  mémoires  à  l'origine  mécanique  du 
froid  et  de  la  chaleur  (  The  mechanical  origin  of  heat  and  cold  (2)  ; 
—  Memoirsfor  an  expérimental  history  of  cold  (3). 

Le  froid  et  la  chaleur,  qu'il  considère,  avec  les  anciens  physi- 
ciens, comme  deux  phénomènes  antagonistes,  dépendraient  des 
propriétés  mécaniques  et  physiques  des  molécules  qui  composent 
les  corps.  Il  n'ignorait  pas  que  le  froid  resserre,  tandis  que  la 
chaleur  dilate  les  corps,  et  que  c'est  là-dessus  qu'est  fondée  la 
théorie  des  thermomètres. 

Son  travail  Sur  le  froid  et  la  chaleur  renferme  de  nombreuses 
expériences  concernant  divers  mélanges  frigorifiques.  Il  démontre 
que  beaucoup  de  sels,  mais  surtout  le  nitre  et  le. sel  ammo- 
niac ,  déterminent ,  étant  dissous  dans  l'eau ,  un  abaissement  de 


(1)  Vol.  1  (Philosophical  works),p.  515-625. 

(2)  Vol.  I  (Philosophical  worhs),  p.  550-572. 

(3)  Ibid.,  p.  573-730. 


TROISIÈME  EPOQUE.       -  169 

température  sensible  au  thermomètre.  L'habile  expérimentateur 
faisait^  avec  un  mélange  de  sel  commun  et  de  neige,  congeler 
de  Turine,  de  la  bière,  des  vins  du  Rhin,  de  France,  des 
huiles,  etc.;  et  il  observait  que  Ton  peut  remplacer  le  sel  par 
bien  d'autres  substances,  telles  que  le  nitre,  l'alun,  le  sel  ammo- 
niac, le  vitriol  et  môme  le  sucre. 

Les  moyens  de  produire  une  chaleur  artificielle  ne  sont  pas 
moins  variés.  La  chaux  vive,  humectée  d'eau,  était  une  expé- 
rience connue  depuis  longtemps.  Les  alchimistes  savaient  que  le 
tartre  calciné,  ainsi  que  Thuile  de  vitriol,  produisent,  au  contact 
d'une  petite  quantité  d'eau,  une  élévation  de  température  assez 
considérable.  Mais  ce  qui  était  moins  ^connu,  c'est  qu'un  mé- 
lange de  limaille  de  fer  et  de  soufre  pulvérisé  et  humecté  d'eau 
produit  également  de  la  chaleur.  Le  mercure  est  dans  le  même 
cas  au  moment  où  il  s'amalgame  avec  l'or. 

Bôyle  se  plaignait  de  ce  que  les  thermomètres  alors  en  usage 
ne  fussent  pas  comparables  :  il  leur  manquait  encore  un  point 
fixe  propre  à  servir  d'unité  de  mesure.  11  fut  donc  le  premier  à 
proposer  comme  point  fixe  le  point  dô  congélation  de  l'eau.  Il 
apporta  ainsi  d'importants  perfectionnements  au  thermomètre, 
de  même  qu'il  avait  déjà  perfectionné  la  machine  pneumatique 
et  le  baromètre. 

H  y  a  certainement  autant  et  peut-être  plus  de  mérite  à  dé- 
truire une  erreur  qu'à  découvrir  une  vérité. 

C'est  ainsi  que  Boyle ,  dans  son  mémoire  Sur  la  salaison  de  la 
mer  (1),  mérita  bien  de  la  science,  en  montrant  l'erreur  d'A- 
rislote ,  renouvelée  par  Scaliger,  qui  prétendait  que  la  salaison 
de  la  mer  était  produite  par  l'action  du  soleil,  et*  que  les  eaux 
de  mer  n'étaient  salées  qu'à  la  surface.  Au  moyen  d'un  vais- 
seau à  soupapes ,  construit  par  lui ,  Boyle  se  procura  de  l'eau 
de  mer  puisée  à  diverses  profondeurs,  et  se  mit  ainsi  en  état 
de  prouver  qu'elle  y  est  partout  aussi  salée  qu'à  la  surface,  et 
que  sa  densité  spécifique  est  sensiblement  la  même. 

«  Il  ne  faut  pas ,  dit-il ,  faire  entrer  ici  en  ligne  de  compte  les 
courants  et  les  sources  d'eau  douce  qui  se  trouvent  accidentelle- 
ment dans  la  mer,  surtout  dans  le  voisinage  des  côtes.  La  sa- 
laison de  la  mer  provient  du  sel  que  l'eau  dissout  partout 

(1)  Eiperîments  and  observations  upon  the  saltness  of  the  sea,  vol.  m,  p.  214- 
31. 


170  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

OÙ  il  se  rencontre.  Ce  sel  peut,  depuis  le  commencement  du 
monde,  exister  en  masse  considérable  au  fond  des  mers,  ainsi 
qu'on  en  rencontre  des  couches  puissantes  au  sein  de  la  terre , 
où  il  contribue  à  la  formation  des  fontaines  où  sources  salées 
naturelles.  Par  la  distillation,  on  trouve  le  sel  en  résidu  dans 
la  cornue  ;  l'eau  qui  a  passé  dans  le  récipient  est  douce  et  po- 
table. Il  serait  à  souhaiter  que  Ton  fît  des  expériences  multipliées 
pour  s'assurer  si  les  mers  sont  partout  également  salées.  Il  ne 
serait  pas  impossible  que  Ton  trouvât ,  sous  ce  rapport ,  de 
nombreuses  inégalités.  » 

Pour  faire ,  à  cet  égard ,  des  expériences  précises ,  et  pour 
déterminer  la  quantité  «de  sel  commun  qui  domine  dans  les 
eaux  de  mer,  Boyle  proposa  d'employer  une  dissolution  d'ar- 
gent dans  l'eau-forte  (nitrate  d'argent)  ;  il  précipitait  ainsi  tout  le 
sel  marin.  Pour  faire  voir  ensuite  combien  ce  procédé  est  exact , 
il  s'était  assuré  que  cette  dissolution  d'argent  produit  un  ntiage 
blanc  très-marqué  dans  3000  grains  d'eau  distillée  tenant  en 
dissolution  un  grain  de  sel  commun  sec. 

«Il  est  probable,  ajoute-t-il,  que  des  chimistes  habiles  pour- 
ront trouver  un  procédé  moins  coûteux;  mais  il  sera  difficile- 
ment aussi  net  et  aussi  certain  que  celui  que  je  propose  (1).  » 

Dans  son  mémoire  Sur  le  nitre  (2),  l'auteur  avance  que  l'air 
pourrait  bien  jouer  un  rôle  important  dans  la  formation  du  nitre 
naturel.  Mais,  n'ayant  pas  fait  à  cet  égard  des  expériences  pré- 
cises ,  il  se  tient  dans  une  extrême  réserve.  Cependant  il  montra 
le  premier  que  le  nitre  se  compose  de  deux  principes  distincts  : 
l'un  est  volatil ,  de  nature  acide  ,  jaunissant  la  teinture  rouge  du 
bois  de  Brésil  :  «  c'est,  dit-il,  une  espèce  de  vinaigre  minéral  ;  » 
l'autre  est  fixe  et  de  nature  alcaline,  semblable  à  l'alcali  obtenu 
par  la  lixiviation  du  tartre  calciné. 

Il  reconstitua  le  nitre  décomposé  par  l'action  des  charbons 
incandescents ,  en  combinant  le  résidu  avec  de  l'esprit  de  nitre. 
«  La  quantité  qu'il  faut  employer  pour  recomposer  le  nitre  est  à 
peu  près,  dit-il,  aussi  considérable  que  celle  que  le  sel  a  perdue 
par  la  combustion.  »  Il  explique  la  chaleur  qui  se  produit  pendant 

(1)  Experiments  and  observations^  etc.,  vol.  m,  p.  228.  —  Suivant  Halley,  la  sa- 
laison de  la  mer  allait  en-  augmentant  avec  le  temps,  et  rien  n'était  plus  propre 
à  calculer  l'âge  du  monde  que  les  analyses  comparatives  des  eaux  de  mer,  faites 
dans  différents  siècles.  Philosoph.  Transact.,  n°  344,  p.  296. 

(2)  A  fundamental  experiment  made  with  nitre,  vol.  i,  p.  297'304« 


TROISIÈBIB  ÉPOQUE.  171 

cette  combinaison,  parle  mouvement  des  molécules,  toute  cha- 
leur étant  inséparable  du  mouvement. 

Le  travail  de  Boyle  Sur  les  eaux  minérales  est  de  beaucoup 
supérieur  à  tout  ce  qui  avait  été  fait  jusqu'alors  sur  le  même 
sujet  (1).  L'auteur  trace  d'abord  des  règles  et  indique  les  prin- 
cipes généraux ,  qui  devraient  guider  tous  ceux  qui  se  livrent  à 
l'étude  des  eaux  minérales. 

Il  essaie  ensuite  d'introduire  dans  la  science  une  méthode  plus 
exacte  pour  analyser  les  différents  sels  dont  ces  eaux  peuvent 
être  chargées.  Il  proposa  l'emploi  de  la  teinture  de  noix  de  galle 
pour  s'assurer  si  les  eaux  sont  ferrugineuses;  l'infusion  dubois^de 
Brésil  ou  du  papier  réactif  trempé  dans  cette  infusion,  le  sirop 
de  violettes ,  pour  constater  si  les  eaux  sont  acidulés  ou  alca- 
lines; l'ammoniaque,  pour  reconnaître  la  présence  du  cuivre; 
la  dissolution  d'argent  (nitrate),  pour  déceler  des  traces  de  sel 
commun. 

«  L'arsenic,  dit-il,  peut  aussi  se  rencontrer  dans  les  eaux 
minérales;  ce  qui  n'est  pas  étonnant,  car  ce  corps  existe  abon- 
damment dans  l'intérieur  de  la  terre,  d'où  jaillissent  ces  eaux. 
Il  est  très-difficile  d'en  constater  la  présence  ;  il  n'est  que  fai- 
- blement  soluble  dans  l'eau.  L'esprit  d'urine  (carbonate  d'am-^ 
moniaque),  et  l'huile  de  tartre  per  deliquium  (carbonate  de 
potasse) ,  produisent  dans  la  solution  arsenicale  un  léger  pré- 
cipité blanc.  » 

Boyle  montra  le  premier  que  l'arsenic  blanc  doit  être  rangé 
parmi  les  acides,  bien  qu'il  ait  une  réaction  très-faible.  Il  le 
classe  parmi  les  poisons  corrosifs  (2).  L'hydrogène  sulfuré  n'é- 
tait pas  encore  mis  en  usage.  Le  meilleur  moyen  de  reconnaître 
l'arsenic  dans  une  liqueur  «  consiste ,  dit-il ,  à  employer  le  su- 
blimé corrosif,  qui  produit  immédiatement  un  précipité  blanc 
abondant  D. 

Lé  premier  aussi  il  a  recommandé  l'emploi  du  microscope 
pour  découvrir  dans  les  eaux  minérales  des  matières  organi- 
ques où  des  êtres  vivants. 

La  détermination  de  la  densité  de  ces  eaux,  sujet  alors  tout 
nouveau,  fixa  particulièrement  son  attention.  Critiquant  les  ré- 
sultats que  les  pharmaciens  obtenaient,  dans  leurs  laboratoires. 

(1)  Memoirs  for  a  natural  history  of  minerai  waters,  vol.  m,  p.  495-520. 

(2)  lhid,f  vol.  III,  p.  509  et  510. 


172  HISTOIRE  DE  LA  CUIMIE. 

au  moyen  d'instruments  grossiers  et  inexacts,  il  propose  lui-même 
une  méthode  nouvelle  pour  déterminer  la  densilé  des  eaux  mi- 
nérales. Cette  méthode  consistait  à  prendre  pour  terme  de  com- 
paraison Teau  distillée  pesée  dans  un  matras  à  col  cylindrique 
très-long  et  étroit  (de  l'épaisseur  d'un  tuyau  de  plume  d'oie), 
à  y  introduire  jusqu'à  la  tare  marquée  sur  le  col  du  matras  et 
à  peser  les  eaux  dont  on  vept  connaître  la  densité.  Il  n'y  est 
pas  tenu  compte  de  l'action  de  la  température. 

Nous  donnons  en  note  quelques  résultats  obtenus  à  l'aide  de 
cette  méthode  (1). 

L'auteur  en  conclut  que  Ips  eaux  minérales  sont  plus  pesantes 
que  l'eau  distillée,  à  cause  des  sels  qu'elles  contiennent. 

La  balance  dont  Boyle  se  servait  était  sans  doute  encore  bien 
loin  d'avoir  la  précision  de  nos  balances  actuelles.  Cependant 
elle  était  exacte  à  un  centigramme  près,  c'est-à-dire  qu'elle  était 
supérieure  à  toutes  les  balances  employées  jusqu'alors. 

Les  alchimistes  s'étaient  beaucoup  occupés  de  la  question  du 
sang  humain;  mais  personne  avant  Boyle  ne  l'avait  abordée 
d'une  façon  vraiment  scientifique. 

Dans  son  Histoire  naturelle  du  sang  humain  hors  des  vais- 
seaux  (2),  Boyle  constata  d'abord,  à  l'aide  du  thermomètre,  que  le 
sang  se  maintient  constamment ,  en  hiver  comme  en  été ,  à  une 
température  supérieure  a  à  la  chaleur  de  la  canicule  ».  —  On 
sait  que  la  température  moyenne  du  sang  est  d'environ  38°  du 
thermomètre  centigrade. 

«La  densité  spécifique  du  sang  humain  est,  dit-il,  beaucoup 
plus  difficile  à  déterminer  qu'on  ne  pourrait  se  l'imaginer;  car 

(i)  Memoirs  for  a  natural  hisiory  of  minerai  waters,  vol.  m,  p.  501. 

onces.  drachmes.        grains  (l). 

Eau  distillée 3  4  41 

—  commune 3  4  43 

—  d'Acton 3  4  48  ^ 

—  d*Epsom 3  4  51 

—  de  Dulwich 3  4  54 

—  de  Stretliam 3  4  55 

—  de  Baraet 3  4  52 

—  de  Norih-hall 3  4  50 

Il  faut  se  rappeler  que  le  grain  vaut  cinq  centigrammes  le  draciime,  4  grammes 
et  l'once  32  grammes. 
(2)  Mem.  for  thenat,  hist.  of  extravased humain  blood,  vol.  m,  p.  448-494. 


\ 
TROISIÈME  EPOQUE.  173 

elle  peut  varier  sensiblement  selon  le  sexe,  Tâge,  le  tempéra- 
ment ;  et  chez  le  môme  individu  elle  peut  varier,  suivant  le  temps 
de  Tannée,  et  même  de  la  journée,  selon  le  plus  ou  moins 
grand  intervalle  qui  s'est  écoulé  entre  le  repas  et  la  saignée,  etc. 
Outre  cela,  il  y  a  une  difficulté  mécanique  inhérente  àTexpé- 
rience  elle-même  :  le  sang  commence  à  se  coaguler  si  vite 
après  sa  sortie  de  la  veine,  qu'il  n'est  guère  possible  de  le  pe- 
ser hydrostatiquement ,  soit  en  y  plongeant  un  corps  solide 
plus  pesant,  soit  en  mettant  toute  la  masse  du  sang  dans  Teau; 
le  premier  moyen  est  rendu  impraticable  par  la  partie  fibreuse, 
et  le  dernier  par  le  sérum  du  sang.  )) 

Ces  paroles  font  voir  combien  l'auteur  mettait  de  précision 
dans  ses  expériences. 

Il  ne  lui  avait  point[échappé  non  plus  que  le  sang  noir  acquiert, 
à  sa  surface,  une  coloration  rouge  vermeil  par  le  contact  de  Pair. 
—  De  là  il  aurait  pu  facilement  arriver  à  la  conclusion  que  Tair 
change ,  dans  les  poumons ,  le  sang  noir  des  veines  en  sang 
rouge  des  artères. 

Boyle  soupçonna,  mais  sans  essayer  de  le  démontrer,  que  le 
sang  contient  du  sel  marin; 

Il  fit  aussi  de  nombreuses  expériences  sur  la  coagulation  du 
sérum  au  moyen  des  acides,  de  l'alcool  concentré,  de  la  cha- 
leur, etc.,  ainsi  que  sur  la  transfusion  du  sang,  alors  si  sou- 
vent ordonnée  par  les  médecins. 
Boyle,  associé  à  Wren  ,  donna  une  forte  impulsion  à  la  toxi- 
.  cologie;  il  fit  des  expériences  sur  des  chiens,  en  injectant,  par 
les  veines  crurales ,  des  poisons  et  leurs  antidotes  (1). 

Frappé  de  l'analogie  que  présentent  certaines  maladies  avec 
les  symptômes  d'un  empoisonnement,  il  mit  en  avant  l'idée 
que  ces  maladies  (choléra,  peste,  etc.)  pourraient  bien  n'être 
quç  le  résultat  d'un  véritable  empoisonnement  produit  par  des 
molécules  d'une  substance  toxique  suspendue  dans  l'air  (2). 

Sobre  de  théorie^s,  Boyle  était  toujours  prêt  à  interroger  lui- 
même  l'expérience.  «  Bien  que  ma  condition  me  permette.  Dieu 
merci ,  de  faire  exécuter  les  expériences  par  d'autres  en  ma 
présence,  je  ne  me  suis  jamais  refusé  à  disséquer  moi-même 


(1)  The  Usefulness  of  philosopliy,  toI.  i,  p.  38. 

(2)  The  air.coDsider'd  witli  regard  to  iieald  and  sickness,  vol.  iii^  p.  537. 


174  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

des  animaux  y  et  à  manier,  dans  mon  laboratoire ,  le  lut  et  le 
charbon  (1).  » 

Personne  n'était  mieux  que  Boyle  au  courant  du  mou- 
vement général  des  sciences  en  Europe.  S'agissait-il  quelque 
part  d'une  découverte  inattendue,  aussitôt  il  employait  tous 
les  moyens  pour  en  connaître  les  détails ,  et  pour  en  répandre 
la  connaissance.  C'est  lui  qui  arracha  à  quelques  chimistes 
ambulants  les  secrets  du  phosphore  et  du  quinquina. 

Ses  mémoires  Sur  les  phosphores  naturels  et  les  phosphores  ar- 
tificiels contiennent  des  documents  précieux  pour  Phistoire  de 
la  chimie  (2).  Les  observations  de  Boyle  sur  les  phosphores  na- 
turels parmi  lesquels  il  comprenait  le  ver  luisant,  le  diamant,  le 
bois,  et  les  poissons  pourris  phosphorescents,  datent  de  Tan- 
née 1667,  et  sont  par  conséquent  antérieures  à  la  découverte 
de  Brand.  Il  appelle  artificiels  1"  les  phosphores  qui  ne  luisent 
dans  l'obscurité  qu'après  avoir  été  préalablement  exposés  au 
contact  des  rayons  solaires;  tels  sont  le  phosphore  de  Bau- 
douin (  nitrate  de  chaux  calciné)  et  la  pierre  de  Bologne  (sulfure 
de  baryum);  2<>  le  phosphore  proprement  dit  {aerial  nocti- 
luca),  luisant  dans  l'obscurité  sans  avoir  besçin  d'être  préala- 
blement exposé  au  soleil.  En  analysant  plus  loin  les  travaux  de 
Kunckel,  nous  donnerons  l'histoire  détaillée  de  la  décou- 
verte du  phosphore.  Nous  ne  ferons  connaître  ici  que  ce  que 
raconte  Boyle,  qui  passe,  non  sans  quelque  raison,  pour 
avoir  découvert  le  phosphore. 

Rrafft ,  s'étant  approprié  le  secret  de  Brand ,  passa  en  Angle- 
terre, où  il  gagna  beaucoup  d'argent  en  montrant  son  phos- 
phore comme  une  curiosité.  «  11  montra  (c'est  Boyle  qui  parle) 
à  Sa  Majesté  (Charles  II)  deux  espèces  de  phosphores  :  l'un 
était  solide,  de  l'aspect  d'une  gomme  jaune;  l'autre  était  li- 
quide; celui-ci  ne  me  paraissait  être  qu'une  dissolution  du  pre- 
mier.... Après  avoir  vu  iiioi-même  ce  corps  singulier,  je  me 
mis  à  songer  par  quel  moyen  on  pourrait  parvenir  à  le  prépa- 
parer  artificiellement.  M.  Krafft  ne  me  donna ,  en  retour  d'un 
secret  que  je  lui  avais  appris,  qu'une  légère  indication,  en 
me  disant  que  la  principale  matière  de  son  phosphore  était 
quelque  chose  qui  appartenait  au  corps  humain.  » 

(1)  Usefulness,  etc.,  vol.  i,  p.  8. 

($)Natural  phosphori,  vol.  m,  p.  145*172.  Artificial  phosphori  (aerial  noctilu- 
ca),  ibid.,  p.  173-213. 


TROISIÈME  EPOQUE.  175 

• 

Enfin ,  après  bien  des  tentatives  inutiles ,  Boyle  parvint  à  se 
procurer  quelques  petits  morceaux  de  ce  nouveau  produit  :  ils 
étaient  delà  grosseur  d'un  pois,  transparents,  incolores;  il 
leur  donnait  le  nom  de  phosphore  glacial  {glacial  noctiluca  or 
phosphorus).  Il  en  décrit  parfaitement  les  propriétés^  indique  le 
danger  qu'il  y  a  à  le  manier  et  la  manière  dont  il  se  comporte  avec 
les  acides,  avec  les  huiles  essentielles,  les  alcalis,  etc.  En  étudiant 
ces  réactions  diverses ,  il  fut  témoin  d'un  dégagement  d'hydro- 
gène phosphore  spontanément  inflammable  à  Tair  (1).  Avec  le 
phosphore  et  les  fleurs  de  soufre ,  il  avait  obtenu  un  mélange 
explosible  par  des  chocs  légers  (2). 

Le  phosphore  glacial  noctiluca  de  Boyle  avait  été  préparé  en 
évaporant,  jusqu'à  consistance  d'extrait,  de  l'urine  humaine  pu- 
tréfiée y  et  en  soumettant  le  résidu  à  la  distillation  avec  trois 
fois  son  poids  de  sable  blanc  très-fin.  Ces  deux  matières,  in- 
timement mélangées,  étaient  introduites  dans  une  forte  cornue, 
à  laquelle  était  adapté  un  grand  récipient  en  partie  rempli  d'eau. 
Après  avoir  soigneusement  luté  les  jointures  de  l'appareil, 
l'auteur  y  appliquait  graduellement  un  feu  nu  pendant  cinq  ou 
six  heures,  afin  de  chasser  d'abord  tout  le  phlegme  (eau).  Après 
cela ^  le  feu  était  augmenté,  et  poussé,  pendant  cinq  ou  six 
heures,  à  un  degré  très-intense.  Par  ce  moyen  il  se  produisait 
des  vapeurs  blanches ,  abondantes ,  semblables  à  celles  qui  se 
forment  pendant  la  distillation  de  l'huile  de  vitriol  ;  enfin ,  au 
moment  du  maximum  de  la  chaleur,  il  passait  dans  le  récipient 
une  substance  assez  dense,  qui  se  rassemblait,  sous  forme 
solide,  au  fond  du  récipient. 

Voilà  comment  Boyle  rend  compte  du  procédé  qu'il  avait 
employé  pour  préparer  le  phosphore.  Gomme  il  est  le  premier 
qui  ait  fait  connaître  publiquement  la  préparation  de  ce  corps, 
à  l'aide  d'un  procédé  que  personne  ne  lui  avait  appris,  on 
pourrait ,  avec  quelque  justice,  réclamer  pour  lui  l'honneur  de 
]a  découverte  du  phosphore. 

La  substance  qu'il  appelle  phosphore  aérien  était  un  gaz  in- 
flammable. Il  l'obtenait  en  traitant  l'esprit-de-vin  rectifié  par  de 
l'esprit  de  nitre  :  «  Il  se  produit,  dit-il,  un  air  qui  s'enflamme  à 
l'approche  d'une  bougie,  et  continue  à  brûler  de  lui-même  jus« 

(1)  Artifidal  phosphori,  yoI.  m,  p.  200, 
(3)  Ibp.,  203. 


176  HISTOIRE  DE  LA  CUIHIE. 

qu'à  ce  que  reffervescence  du  liquide  vienne  à  cesser  (1).  » 
Nous  terminerons  cette  analyse  par  les  deux  tables  de  Boyle  , 
dont  Tune  indique  la  fusion  de  la  glace  dans  différents  liquides, 
l'autre,  la  densité  spécifique  d'un  assez  grand  nombre  de  corps. 
On  remarquera  qu'ici  l'auteur  ne  s'est  pas  beaucoup  éloigné 
des  résultats  auxquels  on  est  arrivé  aujourd'hui. 

De  l'eau  congelée  dans  des  tubes  de  verre  de  même  longueur 
et  de  même  épaisseur  fut  mise  dans  différentes  liqueurs,  la 
température  étant  la  même  (température  ordinaire).  Une  pen- 
dule à  secondes  indiqua  exactement  le  temps  qui  s'écoulait  entre 
le. moment  d'immersion  et  la  fusion  complète  de  la  glace  dans 
chacun  de  ces  liquides.  Voici  les  résultats  de  ces  expériences, 
alors  aussi  neuves  qu'intéressantes  (2)  : 

Table  des  densités  spécifiques ,  l'eau  étant  prise  pour 

unité  (3). 


Or  pur 19,640 

Mercure..» 14,000 

Plomb 11,325 

Argent  fin Il ,091 

Bismuth 9^700 

Cuivre 9,000 

Acier  doux 7,738 

Acier  dur «.  7,704 

Fer 7,645 

Étain 7,320 

Soufre :.  1 ,800 

Cristal  de  roclie 2,650 

Sel  gemme 2,143 

Nitre 1,900 

Borax 1,714 

Huile  de  TÎtriol 1 ,700 


Esprit  de  nitre 1,315 

Miel 1,450 

Gomme  arabique 1,375 

Sérum  de  sang  humain. . . .  1,190 

Esprit  de  sel 1,130 

Esprit  d*urine 1,120 

Sang  humain 1,040 

Lait 1,030 

Urine 1,030 

Camphre.. 0,996 

Huile  d^olive. 0,913 

Essence  de  térébenthine. . .  0,874 

Esprit-de-Tîn  rectifié 0,866 

Cendres  desséchées 0,800 

Liège 0,240 

Air 0,001  1/4 


(1)  Ari;ificial  phosphori,  p.  210. 

(2)  Ëxperiments  upon  cold,  Toi.  i,  p.  638. 

secondes. 

Tair fut  fondue  dans  Tespace  d»  64 

Tessence  de  térébenthine.  —  —  44 

La  glace       1  l*eau-forte —  —  12  1/4 

plongée  dans    )  Peau  commune —  —  12 

i'esprit-de-vin —  —  12 

,  l'huile  de  vitriol —  —  5 

(3)  The  Hydrostatical  balance,  vol.  11,  345.  —  L'auteur  ne  dit  pas  si  c'était 
de  Teau  distillée,  ni  à  quelle  température  il  l'avait  prise  pour  unité  dans  la  détermi- 
nation des  densités  spécifiques. 


TROISIÈME  ÉPOQUE  177 

C'est  la  première  table  de  densités  qui  ait  été  dressée  depuis 
l'établissement  de  la  science  moderne. 

Ce  fut  probablement  pendant  ses  recherches  sur  le  phos- 
phore, que  Boyle  découvrit  la  liqueur  qui  porte  son  nom;  il 
Tavait  obtenue  en  soumettant  à  la  distillation  un  mélange  intime 
de  soufre ,  de  chaux  vive  et  de  sel  ammoniac  pulvérisés.  «  On 
chauffe,  dit-il,  d'abord  lentement  sur  un  bain  de  sable;  puis,  la 
chaleur  étant  devenue  plus  intense,  il  passe  dans  le  récipient 
une  teinture  volatile  de  soufre  (  a  volatile  tinciure  of  sulphur  )  qui 
pourrait  devenir  un  remède  utile  en  médecine.  La  liqueur  dis- 
tillée est  d'une  couleur  rougeâtre,  et  répand,  à  l'air,  d'abon- 
dantes vapeurs  blanches,  trfes-nuisibles  (1).  »  —  C'était  là  ce  qu'il 
appelait  teinture  volatile  de  soufre.  Il  n'ignorait  pas  qu'elle  pré- 
cipite en  noir  les  dissolutions  de  plomb  et  d'argent. 

Gomme  homme  et  comme  savant, /Boyle  est  un  des  plus  beaux 
modèles  que  nous  présente  l'histoire.  Et  pourtant ,  malgré  les 
immenses  services  qu'il  a  rendus  à  la  science  et  au  progrès  ,  sa 
mémoire  est  aujourd'hui  à  peu  près  oubliée.  Les  chimistes  et 
les  physiciens  eux-mêmes,  qui  lui  doivent  tant,  ne  connaissaient 
guère  son  nom  que  par  celui  de  liqueur  fumante  de  Boyle  (suif- 
hydrate  d'ammoniaque). 

Un  peu  plus  de  justice  et  un  peu  moins  de  dédain  !  Ne  craignez- 
vous  pas,  malheureux!  — c'est  aux  chimistes  et  aux  physiciens 
de  nos  jours  queje  m'adresse,  —  ne  craignez-vous  pas  que,  dans 
deux  siècles  d.'ici,  vos  descendants  ne  vous  traitent  comme  vous 
avez  traité  vos  devanciers?  Vous  prétendez  à  la  gloire  de  revivre 
dans  la  postérité  !  Quelle  illusion  !  Tout  se  liquide  ou  s'expie. 

§3. 

Boberi  FliCFDD  (  Bobertas  de  Fluclibus], 

Né  à  Milgat,  dans  le  comté  de  Kent,  en  iolA,  mort  en  1637, 
R.  Fludd  fut  un  des  savants  les  plus  singuliers  de  son 
temps.  Tout  en  se  montrant  partisan  outré  des  doctrines  de  la 
kabbale,  dont  il  avait  sondé  les  mystères,  il  aimait  les  sciences 
exactes  et  faisait  preuve  d'un  rare  esprit  d'observation.  Nul  n'a- 
vait des  connaissances  plus  variées  :  il  était  à  la  fois  philosophe, 

(1)  Experiments  and  observations  upon  colour^,  vol.  ii,  p.  78  (exper  34). 

Hiax.   DE  LA  CHIMIE.   —  T.   II;  12. 


178  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

médecia,  anatomiste,  physicien,  chimiste,  mathématicien  et 
mécanicien.  Il  avait  construit  des  machines  qui  faisaient  Tadmi- 
ration  de  ses  contemporains.  Il  était  renommé  -dans  toute  l'Eu- 
rope comme  astrologue,  nécromancien  et  chiromancien.  Gas- 
sendi était  son  adversaire  en  philosophie. 

Ceux  qui  cherchent  à  allier  les  sciences  occultes  avec  les 
sciences  positives  doivent  prendre  pour  modèle  Robert  Fludd. 
Ses  écrits,  qui  ne  sont  p?is  très-communs,  semblent  avoir  été 
conçus  sur  le  plan  de  cette  alliance. 

Si  Robert  Fludd  n'avait  été  qu'un  philosophe  mystique,  pla- 
nant dans  les  régions  abstraites  de  la  pensée,  nous  Taurions 
passé  sous  silence;  mais  ce  fut  en  même  temps  un  investiga- 
teur sagace  qui ,  à  l'aide  de  l'expérience ,  est  arrivé  à  établir 
des  principes  propres  à  exercer  une  grande  influence  sur  la 
marche  des  sciences  physiques. 

La  méthode  expérimentale  employée  par  l'auteur  nous  rap- 
pellcj'par  sa  rigueur  mathématique,  les  principes  de  la  philoso- 
phie naturelle  de  Newton.  Celui  qui  découvrit  les  lois  de  la  gravi- 
tation universelle  et  qui  commenta  TApocalypse,  Newton,  avait- 
il  pris  Fludd  pour  modèle  ?l^our  éclaircir  cette  question,  nous 
allons  citer  un  exemple  de  la  façon  de  procéder  de  FJudd.^ 

Le  troisième  livre  (Tr.  ii,  part,  vu)  De  l'histoire  métaphysique  ^ 
physique  et  technique  du  macrocosme  et  du  microcosme  commence 
ainsi  (1)  : 

Proposition  i. 

Vair,  étant  un  corps  matériel,  ne  cède  à  aucun  autre  corps: l'es- 
pace qu'il  occupe ,  si  ce  n'est  à  la  condition  d'être  lui-même  dé- 
placé  en  partie  ou  en  totalité. 

Démonstration. 

En  renversant  un  verre  rempli  d'air  sur  une  cuve  d'eau,  on 
remarque  que, l'eau  ne  monte  dans  le  verre  qu'autant  qu'on  en 
retire  l'air  qui  s'y  trouve. 

(1)  Utriusque  Cosmi  majoris  scilicetet  minoris  metapbysica,  physica  atque  tech- 
nica  historia,  in  duo  volumina  secundum  Cosmi  differentiam  divisa,  auttiore  Ro- 
berlo  FUidd,  alias  de  Fhiclibiis,  armigero,  el  in  medicina  doctore  Oxoniensi  ;  Op- 
penheim,  1677,  in-fol. 


troisième  époque.  179 

Proposition  ii. 

Si  Pair  emprisonné  dans  un  vase  vient  à  ^  être  évacué  ou  con- 
sumé,  un  autre  corps  en  prendra  nécessairement  la  place ,  afin 
quHl  ne  se  fasse  pas  de  vide  {ne  admittatur  vacuum), 

La  démonstration  dont  se  sert  ici  Tauteur  est  l'expérience  de 
Van-Helmont  (l)  (une  chandelle  brûlant  sous  une  cloche  ren- 
versée sur  l'eau  ). 

L'auteur  tire  de  cette  expérience  la  conclusion  très-légitime, 
que  l'air  nourrit  lefeUy  et  qu'en  lui  donnant  cet  aliment  il  diminue 
de  volume. 

Proposition  m. 

La  surface  de  l'eau  est  en  contact  immédiat  avec  l'air;  iln*y 
a  aucun  intervalle  entre  ces  deux  éléments. 

Démonstration. 

Quand  on  plonge  le  bout  d'un  tube  dans  l'eau,  et  que  Ton 
aspire  par  l'autre  bout  l'air  qui  s'y  trouve,  on  voit  aussitôt 
l'eau  suivre  Tair  en  s'élevant  dans  le  tube. 

Proposition  iv. 

Leau  raréfiée  (réduite  en  vapeur)  occupe  un  plus  grand  espace; 
si  cet  espace  ne  lui  est  pas  accordé ,  l'eau  brise  le  vase  qui  la  conr- 
tient 

Démonstration. 

Lorsqu'on  remplit  un  vase  à  moitié  d'eau ,  et  qu^on  le  met 
sur  le  feu ,  on  remarque  que  l'eau  en  vapeur  sort  avec  bruit  par 
l'orifice  étroit  qu'on  y  a  pratiqué.  En  bouchant  cet  orifice ,  le 
vase  est  brisé  en  éclats  par  la  vapeur  dWu,  qui  tend  à  occuper 
^n  espace  plus  grand. 

Cette  méthode  est  identique  avec  celle  qu'a  suivie  Newton  dans 
^^%'Principia  naturalis  philosopfUœ. 

/il)  Voy.  page  139  de  ce  Tolume. 

12, 


180  HISTOmB  DE  LA  CHIMIE. 

Dans  un  autre  passage  (i),  Robert  Fludd  explique  des  phéno- 
mènes météorologiques,  tels  que  le  vent,  le  tonnerre,  Téclair,  etc., 
par  des  expériences  de  laboratoire  très-curieuses. 

Après  avoir  fait  connaître  les  opinions  des  anciens  sur  la 
cause  des  vents ,  il  arrive  à  exposer  la  sienne  de  la  manière 
suivante  :  «  Guidé  par  l'observation  directe  des  choses,  nous 
attribuons  aux  vents  une  double  origine  :  les  uns  proviennent 
de  Tair  emprisonné  dans  le  sein  de  la  terre ,  et  qui  cherche  vio- 
lemment une  issue;  les  autres  sont  Teffet  de  Peau  réduite  en 
vapeur  par  Taction  du  feu  central  {vi  ignis  centralis).  » 

A  cette  occasion  Taùteur  rapporte  une  série  d'expériences  sur 
la  force  élastique  de  Tair  ou  de  la  vapeur  d'eau  chauffée  dans  des 
vases  qui  ée  brisent  avec  fracas  quand  ils  sont  hermétiquement 
clos;  lorsque  ces  vases  présentent,  au  contraire,  une  petite  ou- 
verture, la  vapeur  ou  Tair  en  sort  en  sifflant,  comme  un  vent  im- 
pétueux. Partant  de  ce  fait,  R.  Fludd  imagina  des  espèces  de 
machines  acoustiques ,  dans  lesquelles  des  instruments  à  vent 
ou  des  tuyaux  d'orgue  étaient  mis  en  jeu  par  la  force  de  la  va- 
peur. Ce  fut,  si  je  ne  me  trompe,  la  première  fois  que  la 
vapeur  reçut  une  application  sérieuse. 

Lorsqu'on  projette  du  soufre  en  poudre  sur  du  nitre  en  fu- 
sion, il  se  produit  une  explosion  plus  ou  moins  violente,  ac- 
compagnée d^me  lumière  soudaine.  Par  cette  expérience  l'au- 
teur expliquait  lé  phénomène  de  l'éclair  et  du  tonnerre.  La 
poudre  à  canon  produit  en  petit,  ajoute-t-ii ,  ce  que  ce  phéno- 
mène fait  en  grand  dans  la  nature. 

C'est  à  ce  propos  que  R.  Fludd  donne  la  composition  de  deux 
produits  inflammables  au  contact  de  l'eau  d'un  consiste  en  un 
mélange  de  parties  égales  de  nitre ,  de  soufre  et  de  chaux  vive, 
que  l'on  introduit  dans  un  oeuf  vide,  dont  on  bouche  ensuite 
les  orifices  avec  de  la  cire  :  cet  œuf,  -jeté  dans  l'eau,  procure 
le  spectacle  d'un  petit  feu  d'artifice  flottant  (2).  L'autre  produit, 
représentant  une  pierre  qui  s'enflamme  aussitôt  que  l'on  y 
crache,  se  compose  d'un  mélange  de  quatre  parties  de  cala- 
mine [calamitha),  d'une  partie  d'asphalte,  d'une  partie  de  nitré, 
de  deux  parties  de  vernis  liquide  {vernicis  liquidœ)y  et-d'une 
partie  de  soufre  (3). 

(i)  Utriiisque  Cosmi  Historia,  Tract,  i,  lib.  yii,  c.  5. 
(2)  Ibid.,  c.  6. 
(3)Ibid.,  c.  7: 


TROlSlillE  EPOQUE.  18i 

Contrairement  à  l'esprit  de  la  majorité  des  hommes  de 
science ,  R.  Fludd  essaya,  par  la  méthode  expérimentale ,  de 
rattacher  les  phénomènes  du  monde  physique  à  ceux  du  monde 
surnaturel.  De  là  une  étrange  confusion  de  la  psychologie  avec 
la  physique,  de  Thistoire  naturelle  avec  la  philosophie  spiritua- 
liste.  Voici  comment  il  raisonne  : 

c(  L'âme  qui  anime  le-  corps  tend  à  s'élever,  ainW  que  la 
flamme ,  vers  les  hautes  régions  de  l'air.  C'est  là  son  instinct  et 
son  bonheur.  Or,  comment  se  fait-il  que  nous  éprouvions  une 
si  grande  fatigue,  lorsque  nous  gravissons  une  montagne?  Ne 
suivons-nous  pas  la  route  qui  plaît  à  l'âme  ?  —  C'est  que  le 
corps  matériel ,  dont  l'essence  est  de  tendre ,  tout  au  rebours 
de  l'âme,  vers  le  centre  de  la  terre,  l'emporte  de  beaucoup, 
par  sa  masse  ,  sur  l'étincelle  qui  nous  anime.  11  faut  que  l'âme 
réunisse  toutes  ses  forces,  pour  élever  avec  elle  et  faire  obéir 
à  son  impulsion  la  lourde  masse  du  corps  qui  l'enchaîne  (J).  » 

L'auteur  ne  s'en  tient  pas  à  ce  simple  raisonnement;  il  a  re- 
cours à  l'expérience  si  connue  d'une  bougie  allumée  sous  une 
cloche  renversée  sur  une  cuve  d'eau;  l'eau  monte  dans  la 
cloche  par  l'action  de  la  flamme,  qui  finit  par  s'éteindre.: 

La  chimie  doit,  selon  R.  Fludd,  être  fondée  tout  à  la  fois 
sur  l'expérience  et  sur  la  kabbale. 

«  Le  vrai  alchimiste ,  dit  l'auteur,  imite  la  nature.  En  com- 
mençant son  œuvre,  il  réduit  d'abord  la  matière  en  parcelles, 
il  la  broie  et  la  pulvérise;  —  c'est  la  fonction  des  dents.  La 
matière  ainsi  divisée,  il  l'introduit  par  un  tuyau  dans  la  cor- 
nue; —  ce  tuyau  représente  l'œsophage;  la  cornue,  l'estomac. 
Ensuite  il  mouille  la  matière  avant  de  la  soumettre  à  l'action 
de  la  chaleur;  —  comme  la  salive  et  le  suc  gastrique  humectent 
les  aliments  ingérés  dans  l'estomac.  Enfin ,  il  ferme  exactement 
l'appareil ,  et  l'entoure  d'une  «haleur  humide ,  égale  et  modé- 
rée, en  le  plaçant  dans  un  bain-marie  et  dans  du  fumier  de  che- 
val; —  c'est  ainsi  que  Testomac  est  naturellement  entouré  par 
le  foie,  la  rate,  les  intestins,  qui  le  maintiennent  à  une  tem- 
pérature égale.  L'opération  de  l'alchimiste  est  assimilée  à  la 
digestion  :  les  parties  élaborées  (chyle)  sont  mises  à  part  et 
servent  à  alimenter  le  grand  œuvre,  tandis  que  les  matières 

(l)  De  supernatnrali,  naturali,  praet^rnaturali  et  contranaturali  microcosmi 
Historia.  tom.  n  ;  Oppenheim,  1619,  infol.  Tract,  i,  lib.  vu,  p,  137. 


f82  •  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

excrémentitielles  {fxces)  sont  rejetées  comme  inutiles  (1).  » 
Les  alchimistes  supposaient  que  le  sang  cache  de  profonds 
mystères;  aussi  entraît-il  dans  la  plupart  de  leurs  opérations. 
Vceuvre  du  sang  (putréfaction  et  distillation  lentes)  devait  être 
continuée  pendant  plusieurs  années  de  suite.  R.  Fludd  raconte 
à  ce  sujet  plusieurs  histoires  fort  dramatiques,  dont  il  assure 
avoir  été  témoin  oculaire. 

§4. 
S.  Rodolphe  GliAUBBB. 

Glauber  est  le  Paracelse  de  son  époque.  Comme  celui-ci ,  il 
fait  la  guerre  aux  médecins  qui  se  refusent  à  reconnaître  Tim- 
portance  de  la  chimie.  Son  éducation  classique  est  tout  aussi 
négligée  que  celle  de  Paracelse;  et  il  semble  s'en  venger  en 
lançant  contre  les  savants  diplômés  des  plaisanteries  qui  n'ont 
pas  beaucoup  de  sel. 

La  science  avait  déjà  fait  de  grands  pas  depuis  Paracelse, 
pour  lequel  Glauber  eut  une  sorte  de  culte.  Il  estime  les  tra- 
vaux des  anciens,  et  traite  peut-être  un  peu  trop  dédaigneuse- 
ment ses  contemporains.  Comme  Paracelse ,  Glauber  est  partisan 
des  opérations  et  des  théories  alchimiques  les  plus  bizarres  ;  ce 
qui  ôte  même  à  ses  expériences  ce  cachet  scientifique  qui  carac- 
térise les  travaux  de  Boyle.  Les  receltes  de  panacées  et  de  mé- 
dicaments merveilleux  portèrent  à  Glauber  le  même  préjudice 
moral  qu'à  Paracelse. 

On  ne  sait  sur  les  premières  années  de  sa  jeunesse  que  ce 
que  Glauber  a  jugé  à  propos  de  nous  apprendre  lui-même  dans 
divers  passages  de  ses  écrits.  Né  à  Rarlstadt  en  1604,  il  séjourna 
longtemps  dans  les  États  d'Autriche,  à  Vienne.,  à  Salzbourg; 
puis  il  vint  demeurer  à  Francfort  et  à  Cologne.  Il  mourut  en 
1668,  à  Amsterdam  ,  où  il  s'était  retiré  vers  la  fin  de  ses  jours. 
Le  mépris  qu'il  avait  pour  l'espèce  humaine  lui  faisait  recher- 
cher la  solitude.  Vieillard  abreuvé  de  chagrins ,  vrais  ou  imagi- 
ginaires;  il  fuyait  le  monde ,  qui  n'avait  pour  lui  aucun  attrait. 
«  Les  hommes  d'aujourd'hui,  s'écrie-t-il ,  sont  faux,  méchants 
et  traîtres;  rien  de  leurs  paroles  n'est  sacré;  chacun  ne  songe 

(1)  De  mystica  sangui7iis  Anatomia,  sect.  i,  part,  m,  lib.  i,  p.  223-224. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  183 

qu'à  soi ,  et  agit  contre  toutes  les  lois  divines  et  humaines.  Par- 
tout on  rend  le  mal  pour  le  bien ,  comme  j*en  ai  fait  la  triste 
expérience.  Souvent,  quand  je  croyais  avoir  trouvé  un  aide  la- 
borieux et  honnête,  j'avais  lieu  de  m'en  plaindre  quelque  temps 
après  :  à  peine  lui  avais-je  enseigné  quelque  procédé,  qu'il 
s'enflait  d'orgueil ,  s'imaginant  aussitôt  en  savoir  plus  que  moi- 
même,  et  cherchant  toutes  sortes  de  prétextes  pour  me  quitter. 
S'il  ne  pouvait  pas  se  séparer  de  moi  publiquement  sans  man- 
quer à  ses  engagements ,  il  s'esquivait  clandestinement,  ou  il 
se  comportait  de  manière  à  me  forcer  à  le  congédier.  C'est  à 
mes  dépens  que  j'appris  la  vérité  de  ce  vieux  proverbe  :  Quicon- 
que désire  que  ses  affaires  aillent  bien,  doit  être  soi-même  tout 
à  la  fois  son  maître  et  son  valet  (  Wer  seine  Sachen  will  gethan 
haben  rechty  muss  selhsten  seyn  Herr  und  Knecht).,.,  Si  je  n'ai  pas 
fait  dans  ce  monde  tout  le  bien  que  j'aurais  pu  faire,  c'est  la 
perversité  des  hommes  qui  en  a  été  la  cause  (1).  » 

C'est  là  le  cri  de  beaucoup  d'âmes  généreuses.  Ést-il  toujours 
bien  justifié  ? 

Travaux  de  Glanber* 

Les  premiers  écrits  de  Glauber  parurent  vers  la  fin  de  cette 
désastreuse  guerre  de  Trente  ans,  qui,  au  nom  d'une  religion 
qui  prêche  à  tous  les  hommes  la  concorde,  divisa  l'Allemagne 
en  deux  camps  opposés. 

Dans  les  écrits  de  Glauber,  dont  il  serait  trop  long  de  donner 
ici  la  liste  détaillée  (2) ,  nous  nous  contenterons  de  signaler 
Philosophische  QEfen  (Fourneaux philosophiques);  —  Opus  mi- 
nérale;—  Pharmacopœa  spagyrica;  —  Menstruutn'universale  ;  — 
Explicatio  miraculi  mundi;  —  Condnualio  miraculi  mundi;  — 
De  natura  salium;  —  Trost  der  Seefahrenden  (Consolation  des 
voyageuri^  sur  mer);  —  Apologetische  Schriften  (Écrits  apologé- 
tiques) ;  —  De  auro  potabili;  —  Teutschlands  Wohlfart  (Prospé- 
rité de  l'Allemagne). 

Tous  ces  traités  ont  été  imprimés  et  réunis,  sous  le  titre ^ 
moitié  latin  et  moitié  allemand  :  Johannis  Rudolphi  Glauberi 
philosophi    et  medici  celeberrimi  opéra   chymica,   Bûcher  und 


(1)  Glauber,  Opéra  chymica;  Fiancf.^  1658,  in-4°,  p.  167-168. 

(2)  Voy.  Gmelin,  Geschichie  der  C hernie,  1. 1,  p.  644. 


184  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

Schriften ,  soviet  deren  von  ihrh  bishero  an  Tag  gegeben ,  etc.  ; 
Franc  fart,  1658,  «n-4°  (4). 

Comme  Paracelse ,  Glauber  a  rédigé  la  plupart  de  ses  livres 
en  allemand,  sa  langue  maternelle,  sauf  les  titres,  qui, 
généralement,  sont  en  latin.  Mais  son  slyle  est  beaucoup  plus 
clair  que  celui  de  Paracelse. 

Les  écrits  de  Glauber  eurent  beaucoup  de  vogue  depuis  le 
milieu  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle  :  ils  furent  traduits 
en  anglais  {;!)  et  en  français  (3). 

Tout  le  monde  connaît  le  set  de  Glauber  ;  mais  peu  en  con- 
naissent peut-être  Thistoire. 

Laissons  Tauteur  la  raconter  lui-môme  :  «Pendant  les  voyages 
deraa  jeunesse  ,  je  fus  atteint,  à  Vienne,  d'une  fièvre  violente 
appelée,  dans  ce  pays,  maladie  de  Hongrie,  qui  n'épargne  aucun 
étranger.  Mon  estomac  délabr.é  rendait  tous  les  aliments.  Sur 
le  conseil  que  m'avaient  donné  quelques  personnes  qui  avaient 
pitié  de  moi,  j'allai  me  traîner,  à  une  lieue  de  Newstadt, 
auprès  d'une  fontaine  située  près  d'une  vigne.  J'avais  emporté 
avec  moi  un  morceau  de  pain  que  je  croyais  certainement  ne 
pas  pouvoir  manger.  Arrivé  auprès  de  la  fontaine,  je  tire  le 
pain  de  ma  poche,  et,  en  y  faisant  un  trou,  je  m'en  sers  en 
guise  de  coupe.  A  mesure  que  je  bois  de  cette  eau,  je  sens 
mon  appétit  revenir  si  bien,  que  je  finis  par  mordre  dans 
(a  coupe  improvisée,  et  par  l'avaler  à  son  tour.  Je  revins  ainsi 
plusieurs  fois  à  la  source,  et  je  fus  bientôt  délivré  de  ma  mala- 
die. Étonné  de  cette  guérison  miraculeuse,  je  demandai  quelle 
était  la  nature  de  celte  eau  ;  on  me  répondit  que  c'était  une  eau 
nitrée  (Salpeter-wasser  )  (4).  » 

Glauber  avait  alors  vingt  et  un  ans,  et  à  cet  âge  il  était, 
comme  il  nous  l'apprend  lui  -môme,  encore  entièrement  étranger 
à  la  chimie.  Cependant  le  fait  qu'il  vient  de  rapporter  ne  lui 
sortit  jamais  de  la  mémoire.  Or,  un  jour  il  eut  l'idée  d'essayer  l'eau 
de  sa  fontaine  de  santé,  pour  voir  si  elle  tenait  réellement  du 

(1)  C'est  cette  édition  allemande  que  nous  avons  sous  les  yeux.  —  On  cite 
encore  d'autres  éditions  :  Opéra  omnia;  Amsterd.,  1661,  in-8*^;  Ibid.,  1651-1656. 
—  Une  édilion  abrégée  :  Glauberus  concentratus,  etc.;  Leipz.  et  Breslau,  1717, 
in4*. 

(2)  Transi,  by  Packe;*Lond.,  1689,  in-fol. 

(3)  Trad.  par  H.  Duteil  ;  Paris,  1659,  m-8°. 

(4)  De  natora  salium,  p.  492  (edit.  1658;  Francf.,  ia-ï°). 


TKÛI^ÈME  EPOQUE.  185 

salpêtre  en  dissolution,  comme  le  disaient  les  gens  du  pays.  A 
cet  effet,  il  en  fit  évaporer  un  peu  dans  une  capsule,  etii.vit  se 
former  de  beaux  cristaux  longs ,  qu'un  observateur  superficiel 
a  aurait  pu,  dit-il,  confondre  avec  les  cristaux  du  salpêtre;  ces 
cristaux  ne  fusaient  point  dans  le  feu  et  n'avaient  pas  les  pro- 
priétés du  nitre.  ))  Glauber  trouva  plus  tard  que  ce  sel  avait  la 
plus  grande  ressemblance  avec  celui  qu'il  obtenait  artificielle- 
ment, en  faisant  dissoudre  dans  Teau  et  cristalliser  le  résidu 
salin  {caput  mortuum)  qui  reste  dans  la  cornue  après  le- dégage- 
ment de  l'esprit  de  sel  (acide  chlorhydrique  )  (i). 

Ce  sel  n'était  autre  chose  que  le  sulfate  de  soude.  Glauber  lui 
donna  le  nom  de  sel  admirable^  5a/  admirabile,  sans  s'attribuer 
aucunement  l'honneur  de  l'avoir  découvert;  car  il  soutient  que 
^ïi  sel  admirable  est  le  même  que  le  salenixum  de  Paracelse  (2). 
a  Ce  sel ,  dit-il,  quand  il  est  bien  préparé,  a  l'aspect  de  l'eau 
congelée;  il  forme  des  cristaux  longs,  bien  transparents,  qui 
fondent  sur  la  langue  comme  de  la  glace.  Il  n'est  pas  acre ,  et  il 
auD  goût  de  sel  particulier.  Projeté  sur  des  charbons  ardents,  il  ne 
décrépite  point  comme  le  sel  de  cuisine  ordinaire  {nicht  sprin- 
gend  ivie  ein  gemein  Kochsalz),  et  ne  brûle  point  comme  le  sal- 
pêtre. 11  n'exhale  aucune  odeur  et  supporte  tous  les  degrés  de 
chaleuf.  Gomme  il  n'est  point  caustique,  on  peut  l'employer  avec 
avantage  en  médecine,  tant  extérieurement  qu'intérieurement.  Il 
modifie  et  cicatrise  les  plaies  récentes  sans  lés  irriter.  C'est  un 
médicament  précieux  (3),  employé  à  l'intérieur  :  dissous  dans 
de  l'eau  tiède  et  donné  en  lavement,  il  purge  les  intestins  et  tue 
les  vers.  Il  peut  aussi  servir  de  fondant  (4).  » 

Telle  est  l'histoire  du  sulfate  de  soude.  Ce  n'est  donc  pas  sans 
raison  qu'il  porte  le  nom  de  sel  de  Glauber. 

L'esprit  de  sel  (spifitus  salis)  s'ohlensLXi  en  distillant  un  mélange 
de  sel  commun  et  de  vitriol  ou  d'huile  de  vitriol.  Glauber  en 
connaissait  la  nature  aériforme,  puisqu'il  fait  observer  qu'on  ne 

(1)  L*esprit  de  sel  était  autrefois  préparé  eo  soumettant  à  la  distillation  un  mé- 
lioge  de  sel  marin  et  de  vitriol  de  fer  ou  de  cuiTre;  ce  dernier  ingrédient  fut  plus 
Itrd  remplacé  par  Tacide  môme  du  vitriol  (  acide  sulfurique  ).  Dans  tous  les  cas, 
il  restait  au  fond  de  la  cornue  le  sel  de  Glauber  (sulfate  de  soude)  parfaitement 
solable  dans  Peau. 

(2)  Opéra  cliim.,  etc.,  p.  49^. 

(3)  Ibid.,  p.  495. 

(4)  Ibid.  (Philosophische  Oefen)^  p.  13. 


186  HISTOIRE  DE   LA.  CHIMIE. 

l'obtient  point  à  Tétai  liquide,  à  moins  de  lui  associer  de  l'eau; 
c'est  pourquoi  il  recommandait  de  se  servir  de  vitriol  humide.  Il 
ne  paraît  pas  ignorerque,  dans  cette  réaction,  c'estl'esprit  de  vi- 
triol qui  prend  la  place  de  l'esprit  de  sel  qui  se  dégage.  Il  re- 
commande expressément  de  le  préparer  dans  des  vaisseaux  de 
verre,  parce quQ  l'acide  attaque  les  vaisseaux  métalliques. 

L'esprit  de  sel  est  vanté  par  l'auteur  pour  les  usages  culinaires, 
où  il  pourrait  remplacer  avec  avantage  le  meilleur  vinaigre  et  le 
jus  de  citron.  «  Pour  apprêter,  dit-il,  un  poulet,  des  pigeons  ou 
du  veau  à  la  sauce  piquante,  on  les  met  dans  de  l'eau,  dans  du 
beurre  et  des  épices;  puis  on  y  ajoute  la  quantité  que  l'on  désire 
d'esprit  de  sel,  selon  le  goût  des  personnes.  On  peut  ainsi  amollir 
et  rendre  parfaitement  mangeable  la  viande  la  plus  coriace,  de 
vache  ou  de  vieille  poule  (i).  » 

Il  le  recommande  en  outre  comme  un  excellent  moyen  pour 
conserver  les  fruits,  le  vin,  pour  coaguler  le  lait  et  attaquer  les 
nàinerais. 

Glauber  appelle  nitrum  fixumle  produit  alcalin  qui  provient  de 
la  combustion  du  nitre  avec  la  poussière  de  charbon;  il  ajoute 
que  ce  produit  peut  être  employé  en  teinture  pour  communiquer 
à  la  cochenille  [consinillium]  une  couleur  de  pourpre  foncée,  la- 
quelle est  ramenée  à  la  teinte  écarlate  la  plus  vive  par  l'addition 
de  l'esprit  de  nitre.  «  Celui-ci  colore  aussi,  dit-il,  les  cheveux, 
les  ongles,  les  plumes  en  jaune  d'or  (  goldfàrhig  ).  » 

Il  n'ignorait  pas  qu'une  dissolution  d*argent  dans  l'eau-forte 
(nitrate  d'argent)  teint  en  noir  les  matières  organiques,  telles  que 
les  plumes,  les  fourrures,  le  bois,  etc.;  que,  l'huile  de  vitriol  se 
substitue  facilement  aux  acides  du  nitre  et  du  sel,  qui  sont  très- 
volatiles;  qu'une  solution  d'argent  est  d'abord  précipitée  par  l'am- 
moniaque, et  qu'un  excès  de  celle-ci  redissout  le  précipité  (2). 

Glauber  paraît  avoir,  le  premier,  entrevu  l'existence  du  chlore; 
car  il  dit  qu'en  distillant  l'esprit  de  sel  sur  des  chaux  métalliques 
(.cadmie  et  rouille  de  fer),  il  obtenait  «  un  esprit  couleur  de  feu 
qui  passe  dans  le  récipient  {geht  wie  Feuer  ûber),  et  qui  dissout 
les  métaux  et  presque  tous  les  minéraux.  »  Il  l'appelle  huile  ou 
esprit  de  sel  rectifié.  «  Avec  ce  produit,  on  peut,  ajoute-t-il,  faire 
de  belles  choses  en  médecine,  en  alchimie  et  dans  beaucoup 

(1)  Oper.  Chim.  Philosophische  Oefen  {V*  part.,  c.  xxv),  p.  29. 

(2)  Ibid.^  part,  ii,  c.  ix,  p.  53. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  187 

d'arts.  Lorsqu'on  le  fait  quelque  temps  digérer  avec  de  Tesprit- 
de-vin  déphlegmé  (concentré),  on  remarque  qu'il  se  forme  à  la 
surface' de  la  liqueur  une  espèce  de  couche  huileuse,  qui  est 
rhuile  de  vin  (oleum  vini),  très-agréable,  et  un  excellent  cor- 
dial (1).  » 

Glauber  retirait  de  la  distillation  des  charbons  de  terre  une 
huile  rouge  de  sang  {hlutrothes  oleum) ,  qu'il  prescrivait  comme 
fort  utile  dans  le  pansement  des  ulcères  chroniques  (2). 

On  se  rappelle  que  les  anciens  préparaient  le  beurre  d^anti' 
nudne  en  soumettant  à  la  distillation  un  mélange  de  sublimé  cor- 
rosif et  d'antimoine  naturel  (sulfure  d'antimoine).  Écoutons 
Glauber,  qui  savait,  il  y  a  deux  cents  ans,  expliquer  tout  ce  qui 
se  passe  dans  cette  opération,  aussi  bien  que  le  ferait  aujourd'hui 
un  professeur  de  chimie  : 

«  Dès  que  le  mercure  sublimé  (corrosif),  mêlé  avec  l'antimoine, 
éprouve  l'action  de  la  chaleur,  l'esprit ,  qui  est  combiné  avec  le 
mercure ,  se  porte  de  préférence  sur  l'antimoine ,  l'attaque  en 
abandonnant  le  mercure,  et  forme  une  huile  épaisse  (beurre 
d'antimoine)  qui  s'élève  dans  le  récipient.  Le  beurre  d'antimoine 
n'est  donc  autre  chose  qu'une  dissolution  de  régule  d'antimoine 
(antimoine  métallique)  dans  de  l'esprit  de  sel.  Quant  au  soufre 
de  l'antimoine  (naturel),  il  se  combine  [conjungirt  sich)  avec  le 
mercure,  et  donne  naissance  à  du  cinabre  qui  s'attache  au  coi 
de  la  cornue;  une  partie  du  mercure  se  volatilise.  Celui  qui  s'en- 
tend bien  à  la  manipulation  peut  retrouver  tout  le  poids  du 
mercure  employé  (3).  » 

Il  n'y  avait  rien  à  objecter  contre  cette  explication.  Voulez-vous 
savoir  pourquoi  H  la  donnait?  C'était  afin  de  renverser  des  théo- 
ries erronées  d'après  lesquelles  le  beurre  d'antimoine  était 
l'Attiïe  de  mercure  (oleum  mercurii),  et  le  précipité  blanc  qui  se 
forme  quand  on  y  ajoute  de  l'eau,  le  mercure  de  vie  {mercurius 
tnïaî).  «Prenez,  dit-il,  cette  poudre  blanche  appelée  mercure 
de  vie ,  et  chauffez-la  dans  un  creuset;  vous  la  transformerez  en 
un  verre  d'antimoine ,  et  vous  n'en  tirerez  pas  uiie  trace  de  mer- 
cure. »  —  Pour  achever  sa  démonstration,  il  enseigna  un  procédé 
qui  permettait  de  préparer  le  beurre  d'antimoine  ou  la  prétendue 

(1)  Philù^oph.  Oefen^  part,  i,  c.  xxiv,  p.  28. 

(2)  Ibid.,  part,  ii,  c.  &liv. 
(3)lbid.,  part..!,  c. xviii,  p.  23. 


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188  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

huile  de  mercure,  sans  avoir  recours  au  sublimé  corrosif.  Ce 
procédé  très-simple,  et  qui  est  encore  employé  de  nos  jours, 
consistait  à  traiter  les  fleurs  (  oxyde  )  d*antimoine  par  Tesprit  de 
sel.  Il  ajoute  que  l'on  obtient  des  produits  semblables  (chlorures) 
en  traitant  Tarsenic,  Tétain  et  le  zinc  par  l'esprit  de  sel. 

C'étaient  là  des  idées  nouvelles  et  qui  paraissaient  alors  fort 
hardies.  Mais  ,  convaincu  d'avoir  raison ,  et  voulant  couper  court 
à  toute  discussion  oiseuse,  il  s'écrie  :  «Je  ne  prétends  d'ailleurs 
imposer  mes  opinions  à  personne;  que  chacun  garde  les  siennes 
si  bon  lui  semble.  Je  dis  ce  que  je  sais,  dans  le  seul  intérêt  de  la 
vérité.  » 

Ce  dédain  pour  l'opinion  des  hommes  et  cet  amour  pur  de  la 
science  percent,  à  tout  moment,  dans  les  écrits  de  Glauber. 

Rubis  (Tor; — pierres  précieuses  artificielles;  —  liqueur  des  cail" 
loux.  Ce  fut  accidentellement  qu'il  découvrit  la  couleur  rouge 
que  l'or  communique  aux  matières  vitreuses  :  «  Je  fis,  dit-il,  il 
y  a  quelques  années,  fondre,  dans  un  creuset,  delà  chaux  d'or 
{calcem  solis);  et,  voyant^que  la  fusion  s'opérait  difficilement, 
j'y  ajoutai  un  peu  de  flux  salin. -L'opération  étant  terminée,  je 
retirai  le  creuset  du  feu,  et  je  fus  fort  surpris  de  trouver,  à  la 
place  de  l'or  que  j'y  avais  mis,  une  masse  vitreuse  d'un  beau 
rouge  de  sang.  Les  fondants  que  j'avais  employés  étant  des  sels 
blancs ,  je  ne  pouvais  attribuer  cette  coloration  qu'à  l'âme  de  l'or 
{anima  auri),  » 

Ce  fait  est  très-probablement  antérieur  à  un  fait  analogue, 
décrit,  comme  nous  l'avons  vu,  par  Boyle,  qui  semble  s'attri- 
buer la  découverte  des  verres  colorés  en  rouge  par  l'or  (i).  Glau- 
ber avait  déjà  la  réputation  d'un  chimiste  distingué  à  l'époque 
où  Boyle  voyageait  encore  à  l'étranger.  Du  reste,  Libavius  avait  le 
premier  observé^  vers  la  fin  du  seizième  siècle ,  que  l'or  était  sus- 
ceptible de  colorer  le  verre  en  rouge  (2),  observation  que  Glauber 
et  Boyle  paraissaient  également  ignorer. 

Glauber  s'empressa  de  tirer  parti  de  la  découverte  qui  venait 
pour  ainsi  dire  s'offrir  d'elle-même.  C'est  ici  que  se  révèle  toute 
l'habileté  de  ce  chimiste  renommé  à  si  juste  titre.  Au  lieu  de 
faire  fondre  un  mélange  d'or  ou  d'un  composé  (sulfure)  d'or  avec 
les  matières  du  verre,  il  proposa  un  procédé  extrêmement  ingé- 

(1)  Voy.  p.  159  de  ce  volume. 

(2)  Ibid.,  p.  28. 


TROISIÈME  EPOQUE.  |S9 

nieux.  Ce  procédé  consistait  à  précipiter  Tor  de  sa  dissolution 
dans  Teau  régale  par  la  liqueur  des  cailloux  {liquor  silicum)  (1), 
et  à  faire  fondre  le  précipité  dans  un  creuset,  a  La  couleur  jaune 
se  convertit  en  une  couleur  de  pourpre  des  plus  belles  (die  aller- 
schoenste  Purpurfarb).  »  Il  ajoute  que  ce  procédé  pourra  être  ap- 
pliqué à  tous  les  autres  métaux  (  cuivre ,  fer,  manganèse ,  etc.  ) 
pour  la  préparation  des  verres  colorés  ou  des  pierres  précieuses 
artificielles  (2). 

Curieux  de  se  rendre  compte  de  tous  les  phénomènes  qui  se 
présentaient^  son  examen,  Glauber  se  demanda  ce  qui  se  passe 
chimiquement  lorsqu'on  verse  la  liqueur  des  cailloux  dans  une 
solution  d'or.  Voici,  à  cet  égard,  son  opinion  ;  elle  rappelle  la  loi 
de  l'échange  ou  de  la  double  décomposition  :  «  L*eau  régale,  dit- 
il,  qui  tient  l'or  en  dissolution,  tue  (Met)  le  sel  de  tartre  (po- 
tasse) de  la  liqueur  des  cailloux  (silicate  de  potasse),  de  manière 
à  lui  faire  abandonner  la  silice;  et,  en  échange,  le  sel  de  tartre 
(potasse)  paralyse  l'action  de  Teau  régale  de  manière  à  lui  faire 
lâcher  Ter  qu'elle  avait  dissous.  C'est  ainsi  que  la  silice  et  l'or 
sont  tous  deux  privés  de  leurs  dissolvants.  Le  précipité  se  com- 
pose donc  à  la  fois  de  Tor  et  de  la  silice,  dont  le  poids  réuni  re- 
présente celui  de  Tor  et  de  la  silice  employés  primitivement  (3).  » 
Glauber  connaissait  le  smalt  bleu  de  cobalt  (4),  la  laque  de  car- 
min, les-émaux  blancs  ou  colorés,  etc.  Il  remplaçait  le  blanc  de 
plomb  (carbonate)  par  le  précipité  (chlorure),  obtenu  en  traitant 
une  dissolution  de  plomb  par  l'eau  régale. 

Il  recommanda,  un  des  premiers,  l'usage  des  creusets  de 
Hesse,  fabriqués  avec  une  terre  argileuse  des  environs  d'Alman- 
roth  ;  et  il  remarqua  que  la  solidité  de  ces  vaisseaux  est  due, 
moins  aux  matériaux  employés ,  qu'au  degré  de  cuisson  qu'ils 
reçoivent. 

II  donna  aussi  des  préceptes  utiles  aux  pharmaciens  sur  les 
précautions  et  la  température  très-modérée  qu'il  faut  employer 
pour  retirer  des  plantes  les  parties  volatiles  et  aromatiques.  Il 

(1)  Silicate  de  polasse,  obtenu  en  faisant  fondre  du  sabJe  ou  de  la  silice  pulvé- 
risée avec  nn  excès  de  potasse.  Ce  composé,  dissous  dans  Teau,  s'appelait  liquor 
sUieum. 

(2)  Philosoph,  Oefen,  pari.  lf,c.  lxxxii  et  c.lxxxiu. 

(3)  Phil.  Offen,  part.  II,  c.  lxxxii,  p.  125. 

(4)  Bereilet  von  Jliissiger  Sand-Pott-Asche  und  Kobolet.  Explical.  Miraculi 
mundi/p.  187. 


190  HISTOmB  DE  LA  CHIMIE. 

signala  Texistence  de  produits  multipliés,  provenant;  de  la  dîstil'' 
lation  du  goudron  et  du  J)ois. 

Dans  son  Traité  sur  la  Prospérité  de  r Allemagne,  il  émet  des 
conseils  pratiques  sur  Tindustrie  ,  sur  Tagriculture,  sur  les  en» 
grais,  les  nitrières  artificielles  faites  au  moyen  de  la  chaux,  etc.  (I), 

Loin  de  borner  l'application  de  son  intelligence  aux  détails  do 
laboratoire,  Glauber  aborde  les  questions  les  plus  élevées  d'écono- 
mie politique,  science  alors  encore  à  naître.  «  L'Allemagne,  dit- 
il  ,  est  un  pays  favorisé  par  la  richesse  de  ses  mines  ;  il  n'y  a  ni 
manque  de  bois,  ni  manque  de  bras.  N'est-ce  donc  pas  une  honte 
de  vendre  notre  plomb  à  la  France  et  à  l'Espagne,  notre  cuivre  i 
la  Hollande  et  à  Venise ,  pour  acheter  ensuite  bien  cher,  ^  ces 
mêmes  pays,  le  plomb  transformé  en  blanc  d'Espagne,  et  fe 
cuivre  en  vert  de  Venise  ?  Est-ce  que  notre  bois ,  notre  sable, 
nos  cendres ,  ne  sont  pas  aussi  bons  que  ceux  de  France  ou  de 
Venise  pour  fabriquer  des  cristaux  ?  Il  en  est  de  même  de  beau- 
coup d'autres  produits  dont  l'Allemagne  fournit  les  matériaux 
que  l'étranger  exploite  (2).  » 

Ces  paroles  n'étaient  pas  seulement  celles  d'un  ardent  patriote; 
elles  agitaient  l'avenir  de  l'industrie. 

L'histoire  ne  nous  montre  qu'à  de  trop  rares  intervalles  dc8 
hommes  aussi  éclairés  et  honnêtes  que  Glauber. 

«  Je  gémis,  disait-il,  del'ignoranoe  de  nos  contemporains  et  de 
l'ingratitude  des  hommes.  Je  sais  bien  que  mes  travaux  seront 
appréciés  différemment  par  les  uns  et  par  les  autres,  et  que  . 
j'aurais  tout  aussi  bien  fait  de  garder  mes  découvertes  pour  moi. 
Mais  je  me  moque  des  jugements  des  hommes;  c'est  comme  un 
vent  qui  souffle  sur  moi  sans  me  renverser.  Si  Jésus-Christ  vivait 
aujourd'hui,  et  qu'il  fît  les  miracles  qu'il  a  faits,  on  le  brûlerait, 
comme  on  l'a  crucifié  il  y  a  seize  siècles.  Les  hommes. sont  tou- 
jours les  mêmes,  envieux,  méchants  et  ingrats.  Quant  à  moi, 
fidèle  à  la  devise  Ora  et  lahora,  je  remplis  ma  carrière  en  honnête 
homme;  je  fais  ce  que  je  puis,  et  j'attendrai  la  récompense  que 
ce  monde  périssable  ne  peut  me  ravir.  »  ' 

(1)  Teutschlands  WÔhlfart,  etc.,  p.  340  et  441.  «Le  nitre  peut  être,  dit-U, 
ensemencé,  cultivé  comme  les  fruits  des  champs;  une  petite  quantité  peut  servir 
de/erment  à  une  immense  étendue  de  terrain  qui  ne  larde  pas  à  se  recouTrir  de 
nitre;  de  môme  qu'un  peu  de  levure  de  bière  fait  fermenter  une  prodigieuse  quan- 
tité de  pâte.  » 

(2)  Arcana  thesauris  opulenta,  p.  99  et  suiv. 


TROISIEME  EPOQUE.  i9i 

Dans  la  liste  qu'on  a  jusqu'ici  donnée  des  ouvrages  de  Giauber, 
nous  n'avons  point  vu  figurer  Arcana  ihesauris  opulenta^  sive  ap- 
pendix  generalis  omnium  librorum  hactenus  editorum;  Amsterdam 
(  Janssen),  1660,  in-12.  Ce  livre,  qui  paraît  être  rarissime,  est 
une  sorte  de  résumé  des  principales  opérations  et  théories  chi- 
miques de  Giauber.  Tout  est  dans  le  soleil  et  le  sel ,  in  sole  et 
sale  omnia ,  tel  est  l'axiome  par  lequel  l'auteur  débute  (1).  Il  in- 
siste beaucoup  sur  l'idée  que  les  métaux  peuvent  être  amenés  à 
leur  état  de  maturité  «  par  le  feu  et  par  le  sel  » .  -^  «  Cela  se  voit 
surtout,  dit-il,  dans  l'accroissement  des  animaux  et  des  végétaux. 
La  graine  devient  un  arbre  par  l'action  combinée  du  sel  terrestre 
et  des  rayons  solaires.  Mais  comment  retire-t-on  des  minéraux, 
des  végétaux  et  des  animaux  l'élément  le  plus  essentiel,  propre  à 
fortifier  les  corps  débiles?  Voilà  ce  que  les  philosophes  nous  ont 
toujours  laissé  ignorer,  n 

Cet  élément  ou  esprit  vivifiant  devait  être  une  espèce  de  soufre. 
Le  mercure  jouait  aussi  un  rôle  analogue. 

Giauber  ne  savait  point  encore  recueillir  les  esprits  y  par  les- 
quels il  entendait  les  corps  gazeux  et  volatils.  Il  les  tirait 
des  animaux,  des  végétaux  et  des  minéraux,  lis  devaient  être 
pour  les  chimistes  ce  que  les  anges  gardiens  *sont  pour  les 
hommes  (2). 

C'est  dans  le  traité  des  Arcana  que  la  chimie  se  trouve  dési- 
gnée sous  le  nom  de  Halchimie^  c'est-à-dire  Chimie  des  sels  y 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  Alchimie. 

La  méthode  expérimentale,  codifiée  par  Bacon,  mise  en  pra- 
tique par  Boyle,  fut  bientôt  universellement  adoptée. 

Runckel  est  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  résisté  à  la  fausse  direc- 
tion suivie  jusqu'alors  par  les  chimistes.  Il  demande,  avant  tout, 
des  faits ,  sauf  à  laisser  à  d'autres  le  soin  de  faire  des  théories. 
La  science  lui  est  redevable  d'une  partie  de  ses  progrès  au  dix- 
septième  siècle. 

(1)  Opéra  minerai.,  p.  118. 

(2)  Ibid.,  p.  III. 


19^  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

Kunckel,  néà  RendsbourgenJ630,  était  filsd'un  alchimiste  éta- 
bli à  la  cour  du  duc  de  Holstein.  On  ne  sait  rien  de  sa  première 
Jeunesse.  Il  nous  apprend  lui-même  que,  dès  sa  vingt-quatrième 
année,  il  s'était  constamment  occupé  de  chimie.  Peu  satisfait  des 
procédés  obscuts  des  alchimistes,  il  se  mit  à  l'œuvre  en  pre- 
nant l'expérience  pour  guide.  Il  obtint,  en  1654.  un  emploi  de 
chimiste  et  de  pharmacien  auprès  des  ducs  Charles  et  Henri  de 
Lauenbourg,  qui,  à  l'exemple  de  beaucoup  d'autres  princes  de 
ce  temps,  s'étaient  épris  d'une  belle  ardeur  pour  la  chimie  et  la 
transmutation  des  métaux.  De  là  il  passa ,  sur  la  recommanda- 
tion de  Langelot ,  au  service  de  Jean-Georges  II,  électeur  de  Saxe, 
qui  lui  confia  la  direction  de  son  laboratoire  à  Dresde ,  avec  des 
appointements  considérables.  Mais  ses  ennemis,  dont  il  se  plaint 
amèrement ' dans    ses  écrits,  l'obligèrent  d'abandonner   cette 
place  :  ils  l'accusaient  d'avoir  trouvé  la  pierre  philosophale  et  d'en 
vouloir  cacher  le  secret.  Kunckel  se  relira  d'abord  à  Annaberg, 
puis  à  Wittemberg,  où  il  occupa,  pendant  quelque  temps,  la 
chaire  de  chimie  à  l'université  de  cette  ville.  En  4679,  il  se  rendit, 
sur  l'invitation  de  Frédéric-Guillaume,  à  Berlin,  pour  diriger  les 
fabriques  de  verre  et  le  laboratoire  de  l'électeurde  Brandebourg. 
Ses  économies  lui  permirent  de  faire  l'acquisition  d'une  propriété 
seigneuriale  dans  la  Marche.  II  y  passa  une  partie  de  sa  vie  à  faire 
des  expériences  de  chimie  pour  son  propre  compte.  Enfin  le  roi 
de  Suède,  Charles  XI,  l'appela  à  Stockholm,  et  lui  conféra  des  ti- 
tres de  noblesse  sous  le  nom  de  baron  de  Lœwenstem  y  avec  la 
place  de  conseiller  des  mines  du  royaume. 
Kunckel  mourut  en  1702,  à  un  âge  fort  avancé. 

TraTaux  de  Kunckel. 

Le  principal  ouvrage  de  Kunckel,  écrit  en  allemand,  parut  après 
la  mort  de  l'auteur.  lia  pour  litre  :  LaboraioHvm  chymicum* 
worinnen  von  den  ivahren  principiis  m  der  Nalur,  de?-  Erzeugung, 
den  Eigenschaften  iind  der  Scheidung  der  Vegefabilien,  Minera- 
lien,  und  Metalle,  gehandelt  tvird  (Laboratoire  de  chimie,  dans 
lequel  il  est  traité  des  vrais  principes  naturels,  de  la  génération, 
des  propriétés  et  de  l'analyse  des  végétaux,  des  minéraux  et  des 
métaux)  (1). 

(1)  Berlin,  1767,  in-8^  4*  édition.  La  l'^edilion  est  de  1716,Jn-8'»;  Hambourg 
et  Leipzig. 


TROISIÈME  EFOQVE.  -  193 

Ses  autres  ouvralges,  moins  importants,  parurent  tous  du  vi- 
vant de  Tauteur  ;  ils  sont  intitulés  :  Nûizliche  observationes  von  den 
fixent  undflûchtigen  Salzen,  auro  undargento  potabili,  spiritu  mun» 
diy  etc.  (Observations  utiles  sur  les  sels  fixes  et  volatils,  etc.)  (1); 
^  Chymische  Anmerkungen  (  Notices  chimiques  )  de  prindpiis 
chymiciSy  salihus  acidis ,  alcalibus^  etc.  (2);  — Epistola  contra 
spiritum  vint  sine  acido  (3);  —  Œffentliche  Zuschrift  von  dem 
phûsphoro  mirabili,  etc.  (4)  ;  —  Probierstein  de  acido  et  urinoso  sale 
calido  et  frigido  (5)  ;  —  Ars  vitraria  experimentalis  (6). 

Plusieurs  de  ces  écrits  furent  réunis  en  un  volume  qui  parut , 
en  1721,  à  Francfort,  sous -le  titre  de  V  curiose  chymische  Trae- 
iàtlein. 

Runckel  a  attaché  son  nom  à  la  découverte  du  phosphore  ; 
c'est  lui  qui  nous  a  laissé  là-dessus  les  détails  les  plus  curieux. 
Laissons-le  d'abord  raconter  la  découverte  du  phosphore  de  Bau- 
douin, dont  nous  avons  déjà  dit  un  mot  (7).  Cette  découverte  se 
fitàpeu  prèi^  vers  le  même  temps  que  celle  du  véritable  phosphore. 

u  11  y  avait  à  Grossenhayn  en  Saxe  un  savant  bailli  du  nom  de 
Baudouin  (Balduin),  qui  vivait  dans  la  plus  grande  intimité  avec 
le  docteur  Frûben.  Un  jour  il  leur  vint  à  tous  deux  Tidée  de  cher- 
cher un  moyen  de  recueillir  l'esprit  du  monde  {spiritum  mundi). 
Dans  ce  dessein,  ils  prirent  de  la  craie  pour  la  dissoudre  dans  de 
l'esprit  de  nilre,  ils  évaporèrent  la  solution  jusqu'à  siccité,  et 
exposèrent  le  résidu  à  l'air,  dont  il  attirait  fortement  l'eau  (humi- 
dité) ;  par  la  distillation  ils  en  retirèrent  cette  eau,  qui  avait  été 
absorbée  à  l'air.  C'était  là  leur  esprit  du  monde,  qu'ils  vendaient 
douze  groschenle  loth  (8).  Tous,  seigneurs  et  vilains,  voulaient  faire 


(1)  Hambourg,  1676,  in-S^.  Traduit  en  latin  par  Al.  Ramsai  ;  Lond.  et  Rotterd., 
1678,  in-12. 

(2)  Wittemberg,  1677,  in- 8^.  Traduit  en  latin  par  Ramsai,  et  en  anglais  sous  le 
titre  des  Experiments  of  chymical  philosopha;  Lond.,  1705. 

(3)  Berlin,  1681,  in-i2. 
(4)Leipz.,  1678,in•8^ 
(&)  Berlin,  1685,  in-8°. 

(6)  Francf.  et  Leipz.,  1689;  Nuremb.,  1743  et  1756.  Traduit  en  français  par  le 
baron  de  Holbach,  sous  le  titre  :  Vart  de  la  verrerie  de  Neri^  Merret  ttnd 
Kunckel;  Paris,  1752,  in-4^ 

(7)Voy.  t.  II.  p.  174. 

(8)  Environ  deux  francs  les  35  grammes ,  somme  assez  considérable  à  une 
époque  (quelque  temps  après  la  guerre  de  Trente  ans)  où  Targent  avait  au  moins 
six  fois  phis  de  valeur  qu'aujourd'hui. 

HIST«   DE   LA  CBIHIB.   ^  T.    II.  s  13 


4'94  -  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

usage  de  cette  eau.  —  C'est  le  cas  de  dire  que  la  foi  avait  opéré 
des  miracles;  car  Teau  de  pluie  aurait  été  tout  aussi  bonne  (1).  » 

Baudouin  cassa  un  jour  une  cornue  où  il  avait  calciné  de  la 
craie  avec  de  Tesprit  de  nitre,  et  il  vit  que  le  résidu  qui  s'y 
était  formé  luisait  dans  l'obscurité,  et  qu'il  n'avait  celte  propriété 
qu'après  avoir  été  exposé  à  la  lumière  du  soleil. 

a  Aussitôt  Baudouin  courut,  continue  Kunckel,  à  Dresde  pour 
communiquer  ce  résultat  au  conseiller  de  Friesen ,  à  plusieurs 
ministres  de  la  cour,  et  enfin  à  moi:  Je  fus,  je  l'avoue,  émerveillé 
de  cette  singulière  expérience  ;  mais,  ce  jour-là,  je  n'eus  pas  le 
bonheur  de  toucher  la  substance  de  mes  mains.  Pour  obtenir 
cette  faveur,  je  fis  une  visite  à  M.  Baudouin ,  qui  me  reçut  fort 
poliment,  et  me  donna...  une  belle  soirée  musicale.  Bien  que 
j'eusse  causé  avec  lui  toute  la  journée,  il  me  fut  impossible  d'en 
tirer  le  fin  mot  de  l'histoire.  La  nuit  étant  venue,  je  demandai  à 
M.  Baudouin  si  son  phosphorus  (car  c'est  ainsi  qu'il  avait  appelé 
son  produit  de  la  cornue)  pouvait  aussi  attirer  la  lumière  d'une 
bougie ,  comme  il  attire  celle  du  soleil.  Il  se  mit  aussitôt  à  en 
faire  l'expérience.  Toutefois  je  n'eus  pas  encore  le  bonheur  de 
toucher  la  substance  en  question.  Ne  serait-il  pas ,  lui  dis-je 
alors,  plus  convenable  de  lui  faire  absorber  la  lumière  à  distance, 
au  moyen  d'un  miroir  concave?  —  Vous  avez  raison,  répondit-iL 
Sur-le-champ  il  alla  lui-même  chercher  son  miroir,  et  cela  avec 
tant  de  précipitation  qu'il  oublia  sur  la  table  la  substance  que 
j'étais  si  curieux  de  toucher.  La  saisir  de  mes  mains,  en  ôter  un 
morceau  avec  les  ongles  et  le  mettre  dans  ma  poche ,  tout  cela 
fut  l'affaire  d'un  instant.  »  ' 

Baudouin  revient,  l'expérience  commence  ,  et  Kunckel  ne  dit 
pas  si  elle  réussit.  «Je  lui  demande,  continue  ce  dernier,  s'il  ne- 
veut  pas  me  faire  connaître  son  secret.  II  y  consentit  enfin  ;  mais 
à  des  conditions  inacceptables.  J'envoyai  alors  un  messager  à 
M.  Tutzky,  qui  avait  longtemps  travaillé  dans  mon  laboratoire, 
et  le  priai  de  se  mettre  immédiatement  à  l'œuvre,  en  traitant  la 
craie  par  l'esprit  de  nitre  (  car  je  savais  qu'on  s'était  servi  de  ces 
deux  matières  pour  la  préparation  de  l'esprit  du  monde),  de  cal- 
ciner ce  mélange  fortement,  et  de  m'informer  du  résultat  de 
l'expérience  par  le  retour  du  messager.  » 

L'expérience  réussit,  comme  on  le  pense  bien,  au-delà  dfr 

(1)  Vollstaendiges  Laboratorium,  etc.,  p.  601  (4*  édit.,  1767  ). 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  ^   195 

toute  espérance,  et  Kunckel  reçut,  vers  le  soir  môme,  un 
échantillon  de  son  phosphore;  il  en  fit  cadeau  à  Baudouin,  en 
récompense  de....  sa  soirée  musicale.  Il  est  difficile  d'être  à  la* 
fois  plus  habile  et  plus  spirituel. 

Voici  maintenant  les  détails  concernant  Thistoire  de  la  décou- 
verte du  phosphore  proprement  dit,  dans  laquelle  Kunckel  a  joué 
un  rôle  très-actif  : 

«  Quelques  semaines  après  la  découverte  du  phosphore  de  Bau- 
douin, je  fus  obligé  de  faire  un  voyage  à  Hambourg^  J'avais  em- 
porté avec  moiun  de  ces  têts  luisants  {einen  solchen  leuchten- 
den Scherben),  pour  le  montrer  à  un  de  mes  amis.  Celui-ci,  sans 
paraître  étonné ,  me  dit  :  «  Il  y  a  dans  notre  ville  un  homme  qui 
se  nomme  le  docteur  Brand;  c'est  un  négociant  ruiné  qui,  se 
livrant  à  Tétude  de  la  médecine,  a  dernièrement  découvert  quel- 
que chose  qui  luit  constamment  dans  l'obscurité.  »  Il  me  fît  faire 
connaissance  avec  Brand.  Comme  celui-ci  venait  de  donner  à  un 
de  ses  amis  la  petite  quantité  de  phosphore  qu'il  avait  préparée , 
il  fallait  me  rendre  chez  cet  ami  pour  voir  le  corps  luisant  ré- 
cemment découvert.  Mais  plus  je  me  montrais  curieux  d'en  con- 
naître la  préparation ,  plus  ces   hommes  se  tenaient  sur  la  ré- 
serve. Dans  cet  intervalle,  j'envoyai  à  M.  Krafft,  à  Dresde,  une 
lettre  par  laquelle  je  lui  fis  part  de  toutes  ces  nouvelles.  Krafft, 
sans  me  répondre,  se  met  aussitôt  en  route,  arrive  à  Hanabourg, 
et,  sans  que  je  me  doute  seulement  de  sa  présence  dans  cette 
ville ,  il  achète  le  secret  de  la  préparation  du  phosphore  pour 
200  thalers  (environ  750  francs),  à  la  condition  de  ne  point  me 
le  dire,  à  moi.  Ja  me  présentai  plus  tard  chez  Brand,  précisé- 
ment au  moment  où  il  était  en  conférence  avec  Krafft.  Brand 
sortit  de  sa  chambre  et  s'excusa  de  'ce  qu'il  ne  pouvait  pas  me 
recevoir,  alléguant  que  sa  femme  était  malade ,  et  qu'il  y  avait 
encore  une  autre  personne  chez  lui.  «D'ailleurs  il  me  serait, 
ajoula-t-il,  impossible  de  vous  communiquer  mon  procédé;  car, 
ayant  depuis  essayé  plusieurs  fois,  je  n'ai  plus  réussi.  »  Il  fallut 
donc ,  bon  gré  mal  gré ,  me  préparer  à  quitter  Hambourg  sans 
avoir  rien  obtenu. 

«  Avant  mon  départ,  je  rencontre  par  hasard  M.  Krafft,  auquel 
je  raconte  naïvement  tout  ce  qui  m'était  arrivé.  Celui-ci  m'assura 
9ue  je  n'obtiendrais  jamais  rien  de  M.  Brand,  qui  est,  me  disait-il, 
^n  homme  très-entêté.  Je  ne  savais  pas  alors  que  Brand  s'était 
^éjà  engagé  envers  Krafft,  par  un  serment,  à  ne  communiquer 

13. 


f^   .  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

son  procédé  à  personne.  Je  partis  donc  comme  j'étais  venu. 

<(  De  Wittemberg  j'écrivis  à  Brand,  en  le  priant  itérativement 
Vde  me  faire  connaître  son  secret.  Mais  il  me  répondit  qu'il 'ne 
pouvait  plus  le  retrouver.  Je  lui  écrivis  encore  une  fois,  en  insis- 
tant de  nouveau.  II  me  répondit  alors  qu'il  avait,  par  l'inspiration 
divine,  retrouvé  son  art;  mais  .qu'il  lui  était  impossible  de  me  le 
communiquer.  Enfin,  je  lui  adressai  une  dernière  lettre  dans  la- 
<juelie  je  lui  apprenais  que  j'allais  moi-même,  de  mon  côté ,  me 
livrer  à  des  recherches  assidues ,  et  que ,  si  j'arrivais  à  mon  but, 
je  ne  lui  en  aurais  aucune  reconnaissance.  Car  je  savais  que  Brand 
avait  travaillé  sur  r urine ,  et  que  c'était  de  là  probablement  qu'il 
avait  tiré  son  phosphore, 

«  A  cette  lettre,  il  me  fit  la  réponse  suivante  :  «  J'ai  reçu  la  lettre 
de  monsieur,  et  je  vois  avec  regret  qu'il  est  d'assez  mauvaise  hu- 
meur, etc.  J'ai  vendu  ma  découverte  à  Rrafft  pour  la  somme  de 
200  thalers.  J'ai  appris  depuis  lors  que  Rrafft  a  obtenu  une  grati- 
fication de  la  cour  de  Hanovre.  Si  je  ne  suis  pas  content  de  lui ,  je 
m'empresserai  de  traiter  avec  vous.  Dans  le  cas  où  vous  iriez  vous- 
même  découvrir  mon  secret ,  je  vous  rappellerai  votre  promesse, 
votre  serment.  » 

tïGela  avait-il  le  sens  commun?  s'écrie  Runckel  justement  in- 
digné. Jamais  de  ma  vie  je  n'avais  sollicité  un  homme  avec  des 
prières  aussi  instantes  que  ce  M.  Brand,  qui  se  donne  le  titre  de 
doctor  mediclnœ  et  philosophiœ,  et  il  a  encore  l'audace  de  me  de- 
mander une  somme  d'argent,  si  je  parvenais  moi-même  à  faire 
îa  découverte  que  je  l'avais  tant  supplié  de  me  communi- 
quer î 

tx  Enfin,  de  guerre  lasse  ,  je  me  mis  moi-même  à  l'œuvre.  Rien 
ne  me  coûta;  et ,  au  bout  dé  quelques  semaines,  je  fus  assez  heu- 
reux pour  trouver,  à  mon  tour,  le  phosphore  de  Brand.  Voilà, 
mon  cher  lecteur,  toute  l'histoire  du  phosphore  :  on  voit  par  là 
que  Brand  ne  m'en  a  pas  enseigné  la  préparation. 

«  J'ai,  depuis  ce  temps,  appris  que  ce  docteur  tudesque  {doctor 
teufonicus  )  s'est  exhalé  en  invectives  contre  moi.  Mais  que  faire 
d'un  si  pauvre  docteur  qui  a  complètement  négligé  ses  études,  et 
qui  ne  sait  pas  même  un  mot  de  latin  ?  Car  je  me  rappelle  un  jour 
que  son  enfant  s'étant  fait  une  égratignure  au  visage,  je  recom- 
mandai au  père  de  mettre  sur  la  plaie  oleum  cerœ.  Qu'est-ce  que 
cela?  me  dit-il.  —  Du  cérat,  lui  répondis-je.  — r  Ben,  ben,  re- 
prit-il dans  son  patois  hambourgeois  (bas-saxon),  j'aurais  dû  y 


TROISIEME  ÉPOQUE.  i97 

penser  plus  tôt  (1).  — C'est^our  cela  que  je  l'appelle /ec/oc^ewr  tu- 
desqne.  Son  secret  devint  bientôt  si  vulgaire,  qu'il  le  vendit,  par 
besoin,  à  d'autres-personnes,  pour  10  thalers  (environ  35 francs). 
Il  l'avait,  entre  autres,  fait  connaître  à  un  Italien  qui,  étant  venu 
à  Berlin,  l'apprenait,  à  son  tour,  à  tout  le  monde  pour  5  thalers 
(  envi  ron  4  8  francs  ) . 

«  Quant  à  moi,  je  fais  ce  que  personne  ne  sait  encore  :  mon 
phosphore  est  pur  et  transparent  comme  du  cristal ,  et  d'une 
grande  force.  Mais  je  n'en  fais  plus  maintenant,  parce  qu'il  peut 
donner  lieu  à  beaucoup  d'accidents  (2).  » 

Ces  faits,  qui  auraient  perdu  leur  charme  par  une  sèche  ana- 
lyse ,  se  passèrent  de  1668  à  1669. 

Kunckel  ne  fut  pas  aussi  intéressé,  et  ne  fit  pas  le  mystérieux 
comme  Brand  ;  car  il  communiqua  gratuitement  son  procédé  à 
plusieurs  personnes ,  entre  autres  à  Homberg ,  en  présence  du- 
quel il  fit  l'opération  en  l'année  1679. 

Comme  Kunckel  ne  décrit  pas ,  dans  son  Laboratorium,  la  pré- 
paration du  phosphore,  afin  de  ne  pas  devenir,  ainsi  qu'il  le  dit 
lui-même,  la  cause  indirecte  de  beaucoup  d'accidents,  nous  a^ 
Ions  anticiper  sur  l'analyse  des  travaux  de  Homberg,  qui  fit  le 
premier  connaître  en  France  la  manière  de  faire  le  phosphore  brûr 
lant  de  Kunckel  [S). 

Voici  en  quels  termes  Homberg  décrit  le  procédé  de  Kunckel, 

qu'il  répéta  dans  le  laboratoire  de  l'Académie  royale  des  sciences  : 

«  Prenez  de  l'urine  fraîche,  tant  que  vous  voudrez;  faites-la 

évaporer  sur  un  petit  feu  jusqu'à  ce  qu'il  reste  une  matière  noire 

qui  soit  presque  sèche.  Mettez  celte  matière  noire  putréfier  dans 

une  cave  durant  trois  ou  quatre  mois ,  et  puis  prenez  en  deux 

livres  et  mêlez-les  bien  avec  le  double  de  menu  sable  ou  de  boL 

Mettez  ce  mélange  dans  une  bonne  cornue  de  grès  lutée;  et,  ayant 

versé  une  pinte  ou  (Jeux  d'eau  commune  dans  un  récipient  de 

verre  qui  ait  le  col  un  peu  long,  adaptez  la  cornue  à  ce  récipient 

et  placez-la  au  feu  nu.  Donnez  au  commencement  un  petit  feu 

pendant  deux  heures,  puis  augmentez  le  feu  peu  à  peu,  jusqu'à 

ce  qu'il  soit  très-violent,  et  continuez  ce  feu  violent  trois  heures 

de  suite.  Au  bout  de  ces  trois  heures,  il  jjassera  dans  le  récipienJt 


(i)  Su, su,  dat  is  ock  wahr  ;  ick  bedacht  mi  nich  so  halde, 

(2)  VoUstaendiges  Laboratorium,  p.  605  et  suiv. 

(3)  Mém,  de  VAcad.  royaledes  sciences,  t.  x  (  Mém.  présenté  le  30  arril  1692). 


198  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

d'abord  un  peu  de  phlegme,  puis  ua  peu  de  sel  volatil,  ensuite, 
beaucoup  d/huiie  noire  et  puante;  et  enfin  la  matière  du  phos- 
phore viendra  en  forme  de  nuées  blanches  gui  s'attacheront  aux 
parois  du  récipient  comme  une  petite  pellicule  jaune ,  ou  bien 
elle  tombera  au  fond  du  récipient  en  forme  de  sable  fort  menu. 
Alors  il  faut  laisser  éteindre  le  feu  et  ne  pas  ôter  le  récipient,  de 
peur  que  le  feu  ne  se  mette  au  phosphore ,  si  on  lui  donnait  de 
l'air  pendant  que  le  récipient  qui  le  contient  est  encore  chaud. 
Pour  réduire  ces  petits  grains  en  morceaux,  on  les  met  dans 
une  petite  lingotière  de  fer-blanc  ;  et ,  ayant  versé  de  Teau  sur 
ces  grains ,  on  chauffe  la  lingotière  pour  les  faire  fondre  comme 
de  la  cire,  Alors  on  verse  de  Teau froide  dessus,  jusqu'à  ce  que 
la  matière  du  phosphore  soit  coagulée  en  un  bâton  dur  qui  res- 
semble à  de  la  dire  jaune.  »    . 

Voilà  l'histoire  détaillée  de  la  découverte  la  plus  importante 
qui  ait  été  faite  en  chimie  au  dix-septième  siècle.  Elle  soulève 
quelques  points  litigieux.  Le  procédé  de  Kunckel,  que  nous  ve- 
nons de  faire  connaître,  est  exactement  le  même  que  celui  que 
Boyle  a  donné  comme  étant  de  son  invention  (1).  L'un  avait 
échoué  en  Allemagne  auprès  de  Brand,  comme  l'autre  avait 
échoué  en  Angleterre  auprès  de  Rrafft,  dans  l'acquisition  du 
secret  de  la  préparation  du  phosphofe.  Guidés  alors  par  leur 
propre  sagacité,  et  travaillant  àl'insu  l'un  de  l'autre,  ils  arrivè- 
rent simultanément  au  même  résultat.  Celte  coïncidence  paraît 
presque  aussi  merveilleuse  que  celle  des  Septante  traducteurs  de 
la  Bible.  Si  nous  n'avions  pas  affaire  à  des  hommes  aussi  hon- 
nêtes que  Boyle  et  Runckel ,  nous  serions  tentés  de  croire  que 
Brand,  l'inventeur,  etKrafft,le  colporteurdu  phosphore,  n'étaient 
pas  aussi  discrets  qu'on  nous  les  a  dépeints. 

Kunckel  attaqua,  comme  Boyle  ,  les  théories  des  alchimistes 
avec  les  armes  de  l'expérience  et  de  la  satire.  Il  regarde  le  mer- 
cure des  métaux  et  le  soufre  fixe  comme  des  éléments  imagi- 
naires. «Moi,  vieillard,  qui  me  suis,  dit-il,  occupé  de  chimie 
pendant  soixante  ans ,  je  n'ai  pas  encore  pu  découvrir  ce  que 
c'est  que  le  sulfur  fixum^  et  comment  il  fait  partie  constitutive 
des  métaux  (1).  »  ^ 

ri  raille  avec  esprit  les  alchimistes,  qui  ne  s'entendent  même 

(1)  Voy.  p.  174  et  175  de  ce  volume. 

(2)  Vollstaendiges  Lahorat.,  p.  143  (4*  édition). 


TROISIÈME   EPOQUE.  199 

pas  entre  eux,  et  qui  appliquent  souvent  à  un  seul  et  même  corps 
des  propriétés  et  des  noms  différents  ;  et  il  s'indigne  de  celte  mé- 
thode déplorable  qui  a  si  longtemps  retardé  les  progrès  de  la 
science. 

«Les  anciens ,  dit-il  ironiquement,  ne  s^aecordent  pas  sur  les 
espèces  de  soufre.  Le  soufre  de  l'un  n'est  pas  le  soufre  de  l'autre, 
au  grand  préjudice  de  la  science.  A  cela^  on  me  répond  que  cha- 
cun est  bien  libre  de  baptiser  son  enfant  comme  il  l'entend.  D'ac- 
cord :  vous  pouvez  môme,  si  bon  vous  semble,  appeler  âne  un 
bœuf,  mais  vous  ne  ferez  jamais  croire  à  personne  que  votre 
bœuf  est  un  âne  (1).  » 

Afin  d'apprécier  tout  le  mérite  de  Kunckel,  il  faut  se  rappeler 
que  y  pour  déblayer  le  terrain  de  la  science,  ce  chimiste  avait  à 
lutter  contre  des  obstacles  dont  nous  soupçonnons  aujourd'hui  à 
peine  l'existence. 

Le  fameux  alkahest  de  Paracelse  et  de  Yan-Helmont  fut  l'objet 
de  la  verve  satirique  de  Kunckel.  On  se  rappelle  que  Valkahest 
était  le  dissolvant  universel  qui  devait,  par  conséquent,  dissoudre 
le  verre,  la  silice,  le  soufre,  l'or,  en  un  mot,  tous  les  corps.  «  Mais 
si  l'^lkahest,  remarque  spirituellement  Kunckel,  dissout  tout  ce 
qui  est,  il  doit  aussi  dissoudre-le  vase  qui  le  renferme;  s'il  dis- 
sout la  silice ,  il  doit  dissoudre  le  verre ,  qui  est  fait  avec  de  la 
silice.  On  a  beaucoup  discuté  sur  ce  grand  dissolvant  de  la  nature  : 
les  uns  le  font  dériver  du  latin  alkali  est,  les  autres,  de  deux  mots 
allemands  allgeist  (tout  esprit);  enfin  d'autres  le  font  venir  de 
ailes  est  (c'est  tout).  Quant  k  moi,  qui  ne  crois  pas  au  dissolvant 
universel  de  Van-Helmont,  je  l'appellerai  par  son  vrai  nom,  ailes 
Lûgen  heist  ou  ailes  Lûgen  ist  (  tout  cela  est  mensonge)  (2).  » 

Voulez-vous  savoir  ce  que  Kunckel  pensait  de  la  question  si 
controversée  de  la  transmutation  des  métaux?  Écoutez-le  : 

((  Dans  la  chimie  il  y  a  des  séparations ,  des  combinaisons , 
des  purifications;  mais  il  n'y  a  pas  de  transmutations.  L'œuf 
éclôt  par  la  chaleur  d'une  poule.  Avec  tout  notre  art,  nous  ne 
pouvons  pas  faire  un  œuf;  nous  pouvons  le  détruire  et  l'analyser, 
mais  voilà  tout  (3).  » 

Ces  paroles  étaient  dirigées  contre  les  alchimistes  qui ,  dans 

(1)  Voîlstaendiges  Laborat.,  p.  181. 
{2)  Ibid.,  p.  475. 
(^lbid.,p.  524. 


200  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

leur  orgueil ,  s'attribuaient  le  pouvoir  non-seulement  de  trans- 
muter les  métaux,  mais  de  créer  des*ê|res  vivants  au  moyen  de 
certains  éléments. 

Kunckel  s'était  si^tout  rendu  redoutable  aux  adeptes  qui,  avec 
leup  poudre  de  projection,  exploitaient  la  crédulité  du  public.  Un 
certain  baron  alchimiste  avait  offert  à  l'électeur  de  Saxe  de  lui 
enseigner  l'art  de  faire  de  l'or.  L'électeur,  avant  d'acheter  le  se- 
cret, consulta  Kunckel,  qui  découvrit  que  la  poudre  de  projection 
de  cet  alchimiste  n'était  autre  chose  qu'un  composé  rouge  de 
soufre,  d'arsenic  et  d'antimoine ,  où  il  était  facile  d'incorporer 
"clandestinement  de  l'or  ou  de  l'argent  (1). 

Poursuivons  l'analyse  des  diverses  questions  sur  lesquelles 
Kunckel  a  répandu  de  la  lumière. 

Rubis  artificiel  (verre  rouge).  Ici  encore  nous  voyons  Boyle  et 
Kunckel  s'QCCuper  de  la  même  question,  et  arriver,  à  l'insu  l'un 
de  l'autre,  presque  aux  mêmes  résultats.  Laissons  le  dernier  ra- 
conter l'histoire  de  la  découverte  du  rubis  artificiel  :  «  L'honneur 
de  cettï  découverte  revient,  dit-il,  à  notre  siècle;  car  les  verres 
rouges  des  anciens  ne  sont  que  des  verres  peints  d'un  seul  côté  : 
lorsqu'on  les  racle ,  on  voit  au-dessous  de  cette  couche  un  v^erre 
grossier  verdâtre.  Voici  comment  se  fit  cette  découverte  :  Il  y  eut 
un  docteur  en  médecine,  nommé  Cassius,  qui  avait  trouvé  le 
moyen  de  précipiter  l'or  par  l'étain  (prœcipitafio  solis  cura  Jove), 
ce  dont  Glauber  lui  a  donné  peut-être  la  première  idée.  Ce  doc- 
teur avait  essayé,  mais  en  vain,  d'incorporer  ce  précipité  dans 
le  verre.  Moi,  qui  en  avais  entendu  parler,  je  me  mis  à  faire  éga- 
lement des  essais  de  ce  genre,  et  je  réussis  à  obtenir  du  verre 
d'un  beau  rouge;  la  couleur  s'était  complètement  identifiée  avec 
le  verre.  Le  premier  de  ces  verres  ainsi  fabriqués,  je  l'offris  à  Té- 
lecteur  Frédéric-Guillaume,  mon  prince  et  seigneur,  qui  m'en- 
voya 100  ducats  de  récompense.  Peu  de  temps  après,  le  prince- 
archevêque  de  Cologne  me  chargea  de  lui  faire  un  calice  de 
verre  rouge  d'un  pouce  d'épaisseur.  Je  me  mis  à  l'œuvre  ,  et  je 
réussis.  Ce  calice  était  très-beau,  et  pesait  vingt-quatre  livres.  Je 
reçus,  comme  prix,  la  somme  de  800  thalers.  L'électeur  de 
Saxe  fit  présent  de  quelques-uns  de  ces  verres  à  la  reine  Chris- 
tine, qui  résidait  alors  à  Rome  ;  et  bientôt  l'usage  de  ces  verres 
se  répandit,  mais  seulement  parmi  les  grands  seigneurs  (2).  d 

(1)  Vollstaendiges  Laborat,,p,b70. 

(2)  Ibid.^  p.  690. 


TROISIÈME  EPOQUE.  201 

Avanl  Kunckel,  on  savait  déjà  que  For  est  susceptible  de  com- 
muniquer à  la  pâte  vitreuse  une  belle  couleur  rouge  (1)  ;  mais  on 
n'avait  pas  encore  songé  aussi  sérieusement  à  utiliser  ce  fait  dans 
rindustrie. 

Fermentation  et  putréfaction.  «  La  putréfaction  et  la  fermenta- 
tion, dit  Kunckel,  sont  sœurs  ;  elles  sont  intimement  liées  entre 
elles.  Dans  le  règne  animal ,  la  fermentation  est  annoncée  par 
une  odeur  fétide;  dès  que  la  fermentation  cesse^  la  putréfaction 
cesse  aussi.  Or,  ceci  a  lieu  du  moment  oi!i  l'eau ,  Tair  et  la  lur 
Eiière  ont  repris  les  éléments  qui  leur  appartiennent ,  et  qu'il  ne 
reste  plus  qu'un  peu  de  poussière  ou  de  terre,  avec  laquelle  ces 
éléments  étaient  unis.  Une  température  douce  et  humide  hâte  la 
fermentation  ;  c'est  aussi  là  ce  qui  accélère  la  putréfaction  (2).  » 

Kunckel  préparait  de  l'alcool  avec  des  mûres  et  d'autres  fruits 
sacrés  soumis  à  la  fermentation.  Il  n'ignorait  pas  que  l'acide  (vi- 
naigre), qui  se  trouve  dans  les  liqueurs  fermentées,  s'est  formé 
aux  dépens  de  l'alcool. 

«  Écrasez,  dit-il,  des  mûres  ;  exposez-les  à  une  chaleur  très- 
douce^  et  les  mûres  commenceront  d'elles-mêmes  à  fermenter. 
Dès  que  vous  verrez  qu'elles  s'affaissent,  et  qu'elles  exhalent  une 
odeur  aigrelette  et  vineuse,  distillez-les  :  vous  obtiendrez  un  bon 
esprit-de-vin,  mais  pas  autant  que  si  vous  aviez  aidé  la  fermenta- 
tion avec  un  peu  de  levain  ou  de  levure  de  bière.  Car,  sans  ce  le- 
vain, la  fermentation  est  plus  lente;  il  se  produit  beaucoup  d'a- 
cide, et  cela  aux  dépens  de  l'esp rit-de-vin  (3).  » 

«  Quelques  théoriciens  (c'est  ainsi  qu'il  nomme  les  alchimistes 
qui  négligent  la  méthode  expérimentale)  soutiennent  que  l'es- 
prit-de-vin  est  une  espèce  d'huile.  Mais  aucun  des  caractères 
propres  à  l'huile  n'est  applicable  à  l'esprit-de-vin;  car  celui-ci 
ne  nage  pas  sur  l'eau,  il  ne  dissout  pas  le  soufre,  et  ne  forme  pas 
de  savon  avec  les  alcalis.  Donc ,  l'esprit-de-vin  n'est  pas  une 
huile*  (4).  » 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  que  tous  les  chimistes  du  xvii*^  siècle 
aient  raisonné  de  celte  façon-là. 

Kunckel  savait  fort  bien  que  les  acides,  les  plantes  amères 


(1)  Voy.  p.  159  et  188  de  ce  volume. 

(2)  Vollstaendiges  LaboraL,  p.  636. 
(3)Ibid.,  p.  638.. 

(4)  Ibid.,  p.  642.' 


202  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

(huiles  essentielles),  le  froid,  sont  autant  d'obstacles  qui  arrêtent 
immédiatement  la  fermentation. 

«  Les  acides  empêchent,  dit-il,  la  fermentation ,  parce  qu'ils 
en  tirent  leur  origine.  Si,  en  faisant  fermenter  du  sucre,  vous  y 
ajoutiez  quelques  gouttes  d'huile  de  vitriol,  vous  verriez  aussitôt 
la  fermentation  s'arrêter.  Le  froid  agit  de  la  même  façon  (1).  » 

Attribuant  la  plupart  des  maladies  de  Testomac  à  une  sorte  de 
fermentation,  il  recommande  d'employer  les  substances  contrai- 
res à  la  fermentation  pour,  combattre  ces  maladies. 

a  Les  maux  d'estomac,  dit-il,  ont  pour  cause  des  impuretés 
qui  fermentent;  car  on  les  guérit  facilement  au  moyen  des  acides 
ou  des  plantes  amères  :  les  acides  et  les  plantes  amères  arrêtent 
la  fermentation.  Le  sucre  est  contraire  aux  maladies  d'estomac 
parce  qu'il  augmente  la  fermentation.  »>  '     .        , 

La  déduction  est  logique,  en  supposant  que  le  principe  soit 
vrai. 

Le  ferment,  qui,  conîme  on  sait,  est  une  substance  azotée,  était 
déjà  signalé  par  Runckel  comme  pouvant,  par  l'application  de  la 
chaleur,  donner  naissance  à  du  sel  volatil  (d'ammoniaque)  (2). 

Sels,  —  Suivant  Kunckel,  les  sels  (alcalins)  sont  composés  d'une 
terre  subtile  et  d'une  matière  huileuse  (3).  Et,  s'il  ne  croyait  pas 
à  la  transmutation  des  métaux,  il  croyait,  en  revanche,  à  la  pos- 
sibilité de  transformer  les  alcalis  en  acides,  et  les  acides  en  al- 
calis (4). 

Runckel  avait  une  exacte  connaissance  de  l'ammoniaque  caus- 
tique, qu'il  compare  à  la  potasse  caustique.  Lorsqu'on  traite  le 
sel  ammoniac  avec  de  la  chaux  vive,  on  obtient  la  partie  urineuse, 
d'une  odeur  très-forte  (ammoniaque);  de  même,  en  traitant  une 
bonne  lessive  avec  la  chaux  vive,  on  a  un  produit  soluble  très- 
caustique.  «  D'où  vient,  se  demande-t-il ,  cette  causticité?  — 
Elle  provient  d'une  combinaison  {Vereinigung)  :  l'acide  se  sé- 
pare de  la  chaux  et  se  porte  sur  le  sel  alcalin  ;  de  là  vient  la-caus- 
ticité  de  ce  dernier  sel  (5).  » 

En  effet  il  s'opère  ici  une  combinaison;  mais,  notons-le,  cette 

(1)  Vollstaendiges  Laborat,  p.  ^51. 

(2)  Ibid.,  p.  92. 

(3)  Ibid.,  p.  11. 

(4)  Ibid.,  p.  133  et  138. 

(5)  Ibid.,  p.  459. 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  203 

combinaison  est  précisément  Tinverse  de  celle  que  supposait  l'au- 
teur (1). 

La  chaleur,  qui  se  produit  pendant  Tunion  des  acides  et  des 
alcalis  entre  eux,  n'avait  point  échappé  à  la  sagacité  de  l'auteur. 
Cette  chaleur,  dit-il,  peut  être  quelquefois  assez  considérable 
pour  enflammer  la  poudre  à  canon  (2). 

Il  avait  également  connaissance  de  l'alun  à  base  d'ammo- 
niaque; car  il  dit  formellement  que  l'alun  est  un  sel  double  {sol 
duplicatum)y  dans  lequel  se  trouve  du  sel  urineux  (ammonia- 
que) (3). 

Moyen  de  constater  la  pureté  de  Veau-forte,  —  Ce  moyen  em- 
ployé par  Kunckel  consiste  à  traiter  cet  acide  par  l'argent  :  si 
tout  l'argent,  raisonnaif-il ,  se  résout  en  une  liqueur  limpide  et 
trausparente,  l'acide  est  pur  ;  celui-ci  est  au  contraire  impur  (con- 
tenant de  l'esprit  de  sel),  si  la  liqueur  est  trouble,  et  qu'elle  laisse 
déposer  une  chaux  blanche  (chlorure  d'argent]  (4). 

Moyen  de  préparer  de  V argent  parfaitement  pur,  — Ce  moyen , 
indiqué  il  y  aura  bientôt  deux  cents  ans,  est  le  même  que  celui 
qu'on  met  encore  aujourd'hui  en  usage  :  a  La  dissolution  de  l'ar- 
gent dans  l'eau-forte  est  précipitée  par  le  sel  commun;  le  préci- 
pité blanc  (chlorure  d'argent)  est  ensuite  mêlé  avec  de  la  po- 
tasse et  calciné  dans  un  creuset  (5).  »  La  seule  différence,  insi- 
gnifiante du  reste,  c'est  qu'on  substitué  en  général  la  chaux  à  la 
potasse. 

Emploi  de  r huile  de  vitriol  pour  séparer  l* argent  de  Vor.  — Ce 
procédé ,  qui  est  considéré  par  quelques  chimistes  comme  une 
découverte  récente,  était  également  connu  de  Kunckel,  qui  dit  : 
«  L'huile  de  vitriol  dissout  l'argent,  mais  seulement  en  faisant 
bouillir  la  liqueur  ;  cette  même  huile  de  vitriol  ne  dissout  pas 
l'or,  qui  peut  être  par  là  séparé  de  l'argent  (6).  » 

Antimoine.  — Il  y  a,  dans  le  Laboratorium  de  Kunckel,  plusieurs 
chapitres  sur  l'emploi  des  préparations  antimoniales ,  qui  sont 


(1)  On  sait  qu*en  traitant  du  carbonate  de  potasse  (sel de  lessive)  par  lacliaux 
TÎTe,  Tacide  carbonique  da  sel  de  lessive  se  porte  sur  la  chaux,  et  donne  ainsi  nais- 
sance à  la  potasse  caustique. 

[lYiVollstaendiges  Lahorat.^  p.  437. 

(3)  Ibid.,  p.  228. 

(4)  Ibid.,  p.  161.    .  — 

(5)  Ibid.,  p.  297. 

(6)  Ibid.^  p.  288. 


204  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE.  * 

du  plus  haut  intérêt  pour  l'histoire  de  la  thérapeutique  médi- 
cale; mais  notre  sujet  ne  nous  permet  pas  de  nous  y  arrêter.  On 
y  trouve,  entre  autres,  un  cas  d'empoisonnement  qui  eut  lieu 
dans  des  circonstances  assez  singulières.  Une  femme  demandée 
un  pharmacien  du  régule  d'antimoine  (antimoine  métallique] 
pour  se  purger.  Le  pharmacien,  voulant  montrer  à  sa  pratique 
toute  sa  science,  lui  dit  :  Attendez  un  instant,  que  je  chasse  au- 
paravant le  poison  par  le  feu.  Et  aussitôt  il  se  mit  à  calciner  l'an- 
timoine (le  convertir  en  oxyde  d'antimoine).  La  pauvre  femme 
qui  prit  cette  poudre  eut,  comme  on  le  pense  bien,  des  vo- 
missements atroces,  et  faillit  trépasser.  La  dose  de  l'antimoine 
métallique  que  le  pharmacien  avait  calciné  pour  en  chasser, 
comme  il  disait,  le  poison,  était  de  35  grains  (1). 

L'auteur  préparait  le  régule  d'antimoine  en  chauffant  Tanti- 
moine  calciné  (oxydé)  avec  un  mélange  d'huile,  dé  beurre  etde 
poussière  de  charbon.  Par  le  carbone  qu'ils  renferment, J'huile 
et  le  beurre  agissent,  comme'  on  sait,  de  la  même  manière  que 
la  poussière  de  charbon. 

Préparation  et  distillation  des  huiles  essentielles  dans  dePalcool» 
—  Ce  procédé  est  très-ingénieux;  aussi  allons-nous  le  reproduire 
tel  que  Kunckel  le  décrit  :  «  Je  fais  dissoudre  un  peu  de  sucre 
dans  de  l'eau  chaude,  et  mets  le  solutum  dans  une  cornue,  après 
y  avoir  ajouté  deux  ou  trois  cuillerées  de  levure  de  bière  fraîche. 
Lorsqtie  je  vois  que  la  fermentation  est  bien  établie,  j'y  jette  les 
Heurs  dont  je  veux  retirer  l'essence.  Je  surn^onte  ensuite  la 
cornue  de  son  chapiteau,  auquel  j'adapte  un  récipient,  et  je  dis- 
tille le  mélange  à  une  chaleur  douce.  De  cette  manière  j'obtiens 
un  excellent  esprit  contenant  toute  l'essence  des  fleurs  ou  des 
herbes.  Les  premières  portions  qui  passent  à  la  distillation  sont 
les  plus  riches  en  essence  ;  les  dernières  sont  les  plus  pauvres; 
et  il  faut  alors  arrêter  l'opération  (2).  » 

Ne  serait-il  pas  possible,  nous  le  demandons,  que  l'alcool, 
au  moment  où  il  se  développe  par  la  fermentation  du  sucre, 
conséquemment  à  l'état  naissant,  fût  plus  apte  que  dans  tout 
autre  état  à  ^'emparer  des  huiles  essentielles  des  plantes,  et  à  les 
entraîner  dans  le  récipient? 

Kunckel  n'était  pas  seulement  un  chimiste  expérimentateur,  il 


(1)  Vollsiaendiges  Lahorat.,  p.  414 

(2)  Ibid.,  p.  649. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  205 

cultivait  encore  avec  goût,  et  avec  un  véritable  amoui^de  la 
science,  la  physiologie  et  Thistoire  naturelle.  C'est  à  lui  que 
nous  devons  les  premières  observations  concernant  Faction  que 
la  liimière  exerce  sur  la  végétation.  Il  était  parvenu,  à  Taide  de 
nombreuses  expériences,  à  reconnaître  que  les  plantes  que  l'on 
fait  croître  dans  Tobscurité  n'atteignent  jamais  leur  perfection; 
que  surtout  elles  n'acquièrent  pas  d'odeur,  et  sont  privées  de  leurs 
molécules  aromatiques. 

La  lumière  est  pour  Kunckel  un  agent  important ,  qui  exerce 
même  une  certaine  influence  sur  les  métaux.  A  ce  propos  il  cite 
une  expérience  fort  remarquable,  qui  devait  être  un  jour  fé- 
conde en  résultats  :  a  Lorsqu'on  interpose  entre  la  flamme  et  le 
métal  qu'elle  fait  feindre,  un  crêpe  {Flohr)  métallique^  Taction 
de  la  flamme  est  suspendue.  Cet  effet  est  dû  à  l'obscurité  placée 
entre  la  flamme  et  le  métal  (i).  » 

11  est  à  regretter,  pour  la  zoologie,  que  Kunckel  n'ait  pas  pu- 
blié son  traité,  qu'il  avait  promis  ^  sur  la  faune  de  l'Allema- 
gne. L'étude  des  instincts  et  des  mœurs  des  animaux  était 
chez  lui  une  véritable  passion,  comme  il  semble  l'avouer  lui- 
même  :  a  Si  mes  amis,  dit -il,  me  reprochent  de  m'étre^  livré  à  la 
chasse  et  à  la  pèche,  ce  n'était  pas  pour  moi  un  sin^ple  amuse- 
ment; j'ai  appris  ainsi  les  habitudes  eLmille  ruses  des  animaux. 
D  n'y  a  pas  d'espèce  d'oiseau  en  Allemagne  que  je  n'aie  élevée 
auprès  de  moi,  dans  le  dessein  d'en  étudier  les  mœurs.  Un  jour 
l'électeur  Jean-George  II,  entrant  dans  mon  laboratoire,  aperçut 
dans  un  coin  toute  une  couvée  de  mésanges.  Le  prince  me  de- 
manda en  riant  si  ces  oiseaux  devaient  chanter  pour  me  faire 
passer  le  temps  (2).  » 

Mais  arrêtons-nous  ici  dans  notre  analyse.  Qu'il  nous  suffise  de 
déclarer  que  si  tous  les  savants  du  xvii^  siècle  avaient  été  des 
observateurs  aussi  sages  et  aussi  habiles  que  Kunckel  et  Boyle, 
nous  aurions  pu  saluer  l'avènement  de  la  science  moderne  un 
siècle  plus  tôt. 

(1)  Vollstaendiges  Laborat.,  p.  23. 

(2)  Ibid.,  p.  364. 


206  HISTOIRE   DE  LA    CHIMIE. 

§  6. 

S»  ^oachiin  Bêcher* 

Sfahly  disciple  de  Bêcher,  a  beaucoup  contribué  à  la  renommée 
de  son  maître.  Mais  Bêcher  est  loin  d'être  toujours  fidèle  à  la 
méthode  expérimentale,  qui  était  destinée  à  ouvrir  à  la  science 
des  voies  nouvelles.  Il  s'engage  souvent  dans  des  théories  qui 
rappellent  le  règne  de  la  dialectique.  Son  amour-propre  et  son 
ambition  lui  suscitèrent  beaucoup  d'ennemis,  et  lui  causèrent 
beaucoup  de  désagréments  dans  sa  vie. 

J.  Joachim  Bêcher  naquit  en  1635  à  Spire,  où  son  père  était 
ministre  protestant.  La  guerre  de  Trente  ans  désolait  alors  TAIIe- 
magne,  transformant  les  contrées  les  plus  fertiles  en  d'affreux 
déserts.  Le  jeune  Joachim  perdit  de  bonne  heure  son  père  et  sa 
fortune,  et,  dès  l'âge  de  treize  ans,  il  fut  obligé  de  passer  leà  jours 
à  donner  des  leçons  de  lecture  et  d'écriture  pour  vivre  et  soutenir 
en  même  temps  sa  mère  et  ses  frères  ;  il  employait  les  nuitsà 
étudier  et  à  se  faire  sa  propre  éducation.  Plus  tard,  il  se  mita 
voyager  en  Suède ,  en  Hollande,  en  Italie ,  et  entra  en  relation, 
ainsi  qu'il  le  raconte  lui-môme,  avec  les  savants  les  plus  célèbres 
de  son  tenips  (i). 

En  1666,  il  devint  professeur  de  médecine  à  l'université  de 
Mayence.  Mais  il  quitta  bientôt  les  États  de  l'électeur  pour  aller 
s'établir  à  Munich,  où  il  obtint,  comme  il  nous  l'apprend  lui- 
même,  la  direction  du  plus  beau  laboratoire  de  chimie  de  l'Eu-, 
rope  (2).  S'étant  attiré  la  haine  du  chancelier  de  la  cour  de  Ba- 
vière, il  jugea  prudent  de  s'éloigner  du  pays,  et  se  rendit  à 
Vienne,  où  il  gagna  les  bonnes  grâces  du  comte  de  Zinzendorf, 
qui  le  fit  nommer  conseiller  de  la  chambre  du  commerce.  Là,  il 
ne  tarda  pas  à  tomber  en  disgrâce  auprès  de  son  protecteur.  U 
quitta  dès  lors  les  États  autrichiens  et  se  réfugia  en  Hollande,  où 

(1)  Psychosophia  qucvst.,  152,  p.  308.  -—  «  A  Stockholm  j'ai  connu,  du  temps 
de  la  reine  Christine,  Descartes,  Saimasius  (Saumaisc),  Naudé,  Bociiart,  Mer- 
senne,  Heinsius,  Freiosheim,  Boekler,  Meibome,  Schaeffer;  en  Italie,  Tabbé  Bo- 
nini,  de  Castagna,  Tachenius;  en  Hollande,  Sylvius,  Hornius,  Schoten,  etc.  » 

(2)  Physica  subterranea,  Praer Cum  laboratorium  commodissimum,  augus* 

tissimum,  omnlbusque  requisitis  et  materialibus  inslruclissiniuni,in  tota  Germania, 
ne  dicam,  inEuropa,  sui  simile  vix  repei^ibile  hic  Monachii  in  Aula  habuerim,  etc. 


TEOISlilfE  ÉPOQUE.  207 

il  s'établit  à  Harlem  vers  1678.  Il  présenta  à  cette  dernière  ville 
et  aux  états  généraux  toutes  sortes  de  plans  de  finances  et  d'in- 
dustrie pour  augmenter  la  richesse  métallique  de  la  Hollande,  et 
notamment  pour  retirer  des  sables  des  dunes  l'or  qu'ils  pou- 
vaient receler.  Mais,  soit  qu'on  n'eût  pas  goûté  ses  conseils,  soit 
qa'il  fût  déçu  dans  ses  espérances,  ou  que,  ainsi  qu'il  le  prétend , 
ses  ennemis  de  Vienne  ne  le  laissassent  nulle  part  en  repos,  il 
passa  en  1680 en  Angleterre,  et  explora  pendant  deux  ans  les 
mines  de  Gornouailles  et  d'Ecosse.  Mais  son  humeur  vagabonde 
lui  fit  encore  quitter  ce  pays.  Sur  l'invitation  du  duc  de  Mec- 
klenbourg,  qui  lui  promit  une  place  honorable  avec  de  bons  ap- 
pointements^ il  revint  en  Allemagne,  où  il  mourut  peu  de  temps 
après  son  retour,  en  1682,  à  l'âge  de  cinquante-sept  ans. 

Parmi  les  ouvrages  de  J .  Bêcher,  écrits  partie  en  latin,  partie 
en  allemand ,  nous  citerons,  d'après  Gmelin  :  Physiea  subterra- 
nea  (i);  —  Œdipus  chymicus ,  seu  Institutiones  chymicx  (2)  ;  — 
Ixperimentum  novum  ac  curiosum  de  minera  arenaria  perpétua  (3)  ; 
—  Trifolium  Becherianum  hollandicum  (4);  —  Magnalia  na- 
iurœ  (5);'—  Tripus  bermeticusy  etc.  (6);  —  Becheri  ^  Lance- 
httiy  etc.,  epistolx  quatuor  chemicx  (7);  —  Grosse  chimische 
Concordanz  (8)  ;  —  ISàrrische  Weissheit  und  weisse  Narrheit  (Sa- 
gesse folle  et  Folie  sage)  (9);  —  Pantaleon  delarvatus  (10)  ;  — 
Chymischer  Rosengarten  (Jardin  de  roses  chimique)  (11). 

Il  7  a  dans  ces  écrits  beaucoup  plus  de  théories  que  de  faits. 
L'auteur  ne  paraît  point  avoir  eu  des  doctrines  bien  arrêtées  ; 
son  imagination,  franchissant  le  domaine  de  l'expérience,  s'a- 
bandonne à  des  idées  ingénieuses  sans  doute,  mais  souvent  con- 
tradictoires. 


(l)Fra|ic.,  1669  et  1681,  inS».  —  Édit.  de  Slalil;  Leips.,  1702,  1703,;i738, 

(2)Am8terd.,  1664;  in-12.  —  Édit.  Rosenstengel ;  Francf.,  1705  et  1716,  in-S". 
Ihdtrît  en  allemand;  ibid.,  1680,  in-8°. 

(3)  Franc,  1680.  —  Dans  toutes  les  éditions  latines  de  Physiea  subterranea. 

(4)  Amslerd.,  1679  (en  allemand};  Francf.,  1679,  in-S^". 

(5)  Lond.,  1680,  in-4<'. 

(6)  Francf.,  1680,  in-8*». 

(7)  Amsterd.  et  Hambourg,  1673,  in-4°. 

(8)  Francf.,  1682,  in-4*'. 

(9)  Francf.,  1682  et  1686,  in-12. 

(10)  Opusc.  chimie:  rarior.,  t.  XI,  p.  295-310. 

(11)  Ibid.,  IX,  p.  207-256. 


208  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

A  propos  de  la  composition  des  métaux  et  en  général  des  mi- 
néraux, il  paraît  admettre  trois  éléments  :  une  terre  vitrifiable, 
transparente,  une  terre  subtile,  volatile,  mercurielle,  et  un  prin- 
cipe igné,  combustible  (1).  Ce  dernier  principe  servit  probable- 
ment de  base  à  la  théorie  du  phlogistique  de  Stahl.  -^  Les  trois 
éléments  de  Bêcher  devaient  remplacer  les  trois  éléments  des 
anciens  :  le  sel ,  le  soufre  et  le  mercure.'  Qusini  diusolvens  catholi^ 
cum,  acidum  universale,  spiritus  esurinus,  principe  universel  qui 
devait,  selon  Tauteur,  se  trouver  dans  les  eaux,  dans  les  sels,  et 
faire  croître  les  minéraux,  etc.,  il  n'est  guère  possible,  comme  on 
le  prétendait,  d'y  reconnaître  Toxygène  ou  l'acide  carbonique  (2). 

On  doit  à  Bêcher  un  procédé  plus  commode  pour  préparer  le 
beurre  d'antimoine  (jusqu'alors  préparé  avec  le  sublimé  cor- 
rosif), en  traitant  ^antimoin^  avec  un  mélange  de  sel  commun 
et  de  vitriol  (3}.  Il  paraissait  avoir  eu  connaissance  de  l'acide  bo- 
riqup,  obtenu  en  traitant  le  borax  par  l'huile  de  vitriol  (4). 

Si  Bêcher  avait  suivi  la  méthode  de  Boyle,  il  aurait  pu  rendre 
de  grands  services  à  la  science  ;  car  il  était  loin  d'être  dépounu 
de  sagacité. 

§7.. 

En  tête  des  médecins  qui  se  sont  distingués,  au  xvii*  siècle, 
par  un  sage  éclectisme ,  et  par  une  rare  impartialité  dans  le 
conflit  des  opinions  contraires,  il  faut  placer  A.  Sala  et  0.  Ta- 
chenius. 

e 

Ani^elo    (Sala. 

Natif  de  Vicence,  Sala  quitta  très-jeune  l'Italie,  et  pa^ssa  toute 
sa  vie  en  Allemagne,  dont  il  avait  adopté  les  mœurs  et  les  usages. 
En  1602  il  se  mit,  comme  il  le  dit  lui-même,  à  exercer  la  mé- 
decine à  Dresde  (5).  Quelques  années  après,  on  le  trouve  à  Tor- 
gau,  à  Araberg,  et  dans  beaucoup  d'autres  villes  de  la  Prusse, 
de  la  Bavière  et  de  l'Autriche. 

(1)  Physica  subier r an,,  Wb.  I,  secl.  III,  c.  iii-v. 

(2)  Ibid.,  lib.  I,  sec.  II,  c.  iv. 

(3)  Chymischer  Rosengarten,  p.  76,  77  (  édit.  Nuremb.,  1717,  in  8°). 

(4)  Thèse  chim.  Vl.SuppIem.  ll/in  Physica  subterv, 

(5)  Hemetologia,  curat.  XIV,  p.  512  (Opéra  medico- physica).     . 


^       TROISIÈME  ÉPOQUE.  209 

Angelo  Sala  est  un  observateur  habile,  doué  d'un  sens  droit  et 
d'un  jugement  sûr.  Ennemi  de  Torgueil,  du  charlatanisme  et  de 
toutes  les  exagérations  systématiques,  il  apprécie  à  leur  juste 
valeur  le  bon  et  le  mauvais  côté  des  écoles  antagonistes  des  médi- 
co-chimistes et  des  médecins  galénistes. 

SalaaparfaitementjustiRé  sa  réputation  par  d'importants  écrits, 
qui  ont  été  recueillis  après  sa  mort  et  réunis  en  un  volume  par 
F.  Beyer,  en  1647  (1).  On  y  remarque  des  traités  fort  instructifs 
sur  le  sucre  {Saccharologia\  sur  le  tartre  (Tartarologia),  sur  la 
distillation  des  essences,  de  Teau-de-vie  (Hydrelxologia),  etc., 
sur  l'antimoine  (  Anatomia  aniimonii).  Nous  allons  faire  connaître 
les  points  les  plus  saillants  de  ces  écrits. 

Saccharologie,  —  La  clarification  et  le  raffinage  (reaffinatio)  du 
sacre  au  moyen  du  blanc  d'œuf  et  de  la  chaux  y  sont  exposés 
d'ane  manière  aussi  simple  que  claire.  L'auteur  s'attache  à  com- 
battre et  à  détruire  le  préjugé,  si  généralement  répandu,  que  la 
chaux  vive  communique  au  sucre  des  qualités  malfaisantes  (2). 
n  connaissait  le  produit  acide  de  la  distillation  du  sucre,  et  lui 
attribuait  la  propriété  de  dissoudre  les  pierres  calcaires  (3). 

Sala  avait  très-bien  observé  qu'une  dissolution  aqueuse  de 
sucre  contenant  un  peu  de  levure  de  bière  donne  au  bout  d'un 
certain  temps  une  quantité  notable  d'esprit-de-vin.  —  Personne 
n'ignore  aujourd'hui  que  c'est  un  des  caractères  essentiels  du 
sacre  de  se  transformer  en  alcool,  par  suite  de  la  fermentation. 
—Mais  Sala  n'a  pas  fait  mention  du  corps  aériforme  (gaz  acide 
carbonique)  irrespirable  qui  s'échappe  au  moment  de  cette 
métamorphose.  Quant  au  vinaigre ,  il  était,  selon  l'opinion  de 
l'auteur,   un  produit  d'altération  de  l'esprit-de-vin. 

Tartarologie.  —  On  trouve  indiquée  dans  la  Tartarologie  la 
préparation  de  l'émélique  ferrugineux,  dans  lequel  le  peroxyde 
de  fer  remplace,  comme  on  sait,  exactement  l'oxyde  d'anti- 
moine (4). 

L'auteur  parle  de  l'extraction  du  tartre  non-seulement  du  vin, 
mais  encore  des  feuilles  de  vigne,  de  mûrier,  de  tamarin,  etc.  Il 
donne  aussi  le  nom  de  tartre  (iartarum)  au  sel  d'oseille,  qui,  comme 

'    (l).Angli  Salae  Vicentini  cliyiniatri  caiididissimi  et  arcliiatrf  Megalopol  itani,  Opéra 
inedicochyinica  quœ  exstant  omnia;  Frascf.,  1617,  in-4^ 

(2)  Pars  I.  c.  3,  p.  152. 

(3)  Pars  II,  c.  1,  p.  162. 

(4)  Secl.  l,c.  8,  p.  131. 

HI8T.  DE  hk  CBIMIB.  —  T.   II.  14 


210  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

l'on  sait,  contient  la  même  base  (potasse),  mais  combinée  ayêcnn 
acide  différent  (acide  oxalique)  de  celui  du  tartre  (acide  tar* 
trique).  Pour  faire,  dit-il,  du  tartre  bien  acide,  il  faut  exprimer  le 
suc  de  l'oseille  [rumex  acetosa\  eile  clarifier  avec  du  blanc  d'œof. 
Gela  fait,  il  faut  filtrer  la  liqueur,  l'évaporer,  redissoudre  le 
résidu  dans  l'eau  bouillante,  et  l'abandonner  à  la  cristallisation. 
C'est  la  première  fois  qu'il  est  ainsi  question  du  sel  d'oseille  (1). 

Hydréléologie.  —  On  est  surpris  devoir  avec  quel  soin  raatenr  - 
savait  ménager  la  température,  varier  les  degrés  de  chaleur,  pn 
l'emploi  des  bains  de  sable,  de  cendre,  d'huile,  d'eau^  etc.,  dans 
la  distillation  des  essences  et  d'autres  produits  vaporisables. 

La  fermentation  est  définie  par  lui  «  un  mouvement  intime  de$ 
particules  élémentaires  qui  tendent  à  se  grouper  dans  un  ordre 
différent,  pour  donner  naissance  à  un  composé  nouveau  ».  Il  est 
impossible  de  donner  de  ce  phénomène,  autour  duquel  gravite 
toute  la  chimie  organique,  une  définition  à  la  fois  plus  lai^et 
plus  exacte. 

Selon  les  alchimistes,  tous  les  corps  de  la  nature  sont  suscep- 
tibles de  fermenter.  En  restreignant  cette  manière  de  voir.  Sala 
soutient  que  la  nature  des  métaux,  qui  ne  sont  pas  des  êtres 
vivants,  répugne  à  toute  fermentation ,  et  qu'il  est  impossible 
d'en  retirer  aucune  quintessence  (2). 

C'était  là  en  quelque  sorte  proclamer  implicitement  que  les  mé- 
taux sont  des  corps  simples,  puisque  la  fermentation  n'est  que  la 
séparation  des  éléments  qui  tendent,  par  un  mouvement  molé- 
culaire, à  se  grouper  différemment  pour  former  d'autres  com- 
posés. 

Les  bières  qu'on  fabriquait  en  Allemagne  du  temps  de  Sala  pa- 
raissent avoir  été,  en  général,  beaucoup  plus  riches  en  alcool 
qu'elles  ne  le  sont  aujourd'hui.  Ainsi  la  bière  tant  vantée  de 
Bernburg  (duché  d'Anhalt)  contenait  environ  16  pour  100  d'al- 
cool. L'auteur  ajoute  que  c'est  à  peu  près  la  proportion  que  ren- 
ferment les  vins  d'Espagne,  et  que  c'est  pourquoi  la  bière  de 
Bernburg  est  si  enivrante  (3).  On  sait  que  la  bière  double  an- 
glaise contient  à  peine  4  à  5  pour  100  d'alcool. 

Le  cidre  de  Normandie  (  sïïAws  in  Kormandia),  suc  fermenté 


(1)  Sect.  II,  c.  4,  p.  138. 

(2)  Sect.  n,  c.  4j  p.  96. 

(3)  Sect.  IV,  c.  7,  p.  98. 


TROISlisME  ÉFOOinE.  211 

les  poires  oii  des  pommes,  est,  selon  l'auteur,  également  riche 
n  eau-de-vie  (1). 

Uhpdréléologie  contient  un  chapitre  spécialement  consacré  à 
a  préparation  de  l'eau-de-vie  de  grain  (2). 

Ton»  les  habitants  des  contrées  du  Nord  savent,  y  est-il  dit, 
aire  de  l'eau-de-vie  avec  le  fruit  des  céréales.  A  cet  effet,  ils  se 
servent  du  blé  tel  qu'ils  l'emploient  pour  la  fabrication  de  la  bièr^ 
iprès  ravoir  grossièrement  moulu,  ils  le  jettent  dans  une  cuve,  y 
ressent  de  Teau  tiède,  et  remuent  celte  pâte  demi-liquide  avec 
les  spatules  ;  ils  y  ajoutent  de  la  levure  de  bière,  et  abandonnent 
e  tCMit  à  la  fermentation .  Il  faut,  ajoute  Tauteur,  avoir  quelque 
Ikabitude  de  la  chose  pour  savoir  quand  la  fermentation  est  par- 
faitement accomplie  et  quand  il  est  opportun  de  soumettre 
la  matière  à  la  distillation  pour  en  retirer  Veau  ardente  (alcool). 
La  fabrication  de  Teau-de-vie  de  grain  était  déjà  avant  la 
guerre  de  Trente  ans,  c'est-à*dire  avant  Tannée  1618^  une  branche 
d'industrie  importante  dans  le  district  de  Magdebourg  et  surtout 
dans  la  ville  de  Wernigerode  (Harz),  laquelle  appartenait  alors 
au  domaine  des  comtes  de  Stollberg. 

Il  n'est  pas  indifférent,  en  botanochimie,  de  traiter  les  racines, 
las  tiges,  les  feuilles,  les  fruits  des  plantes,  par  Talcool,  ou  par 
Ueaa;  car  il  y  a  des  cas  où  l'un  de  ces  véhicules  est  plus  apte 
que  l'autre  à  se  charger  des  principes  qui  affectent  le  goût  ou 
l'odorat;  en  général,  l'alcool  se  pénètre  mieux  que  l'eau  du 
luincipe  odorant  (huile  essentielle),  et  l'eau  dissout  davantage  le 
principe  amer. 

CSette  idée,  qui  témoigne  d'un  esprit  sagace,  se  trouve  ex- 
posée avec  une  admirable  clarté,  et  appuyée  sur  des  données 
]K)8itive8,  dans  un  appendice  à  i'hydréléologie  (3). 

Ànaiomiâ  de  l'antimoine.  —  Aucun  médecin  n'avait  encore  au- 
tant que  Sala  insisté  sur  les  précautions  infinies  avec  lesquelles  il 
importe  d'administrer  les  préparationsantimoniales.  «Quiconque, 
dit-il,  aime  sa  santé  doit  se  tenir  en  garde  contre  ces  médica- 
ments. Indépendamment  de  l'arsenic  qui  s'y  trouve  naturelle- 
ment, l'antimoine  peut,  en  se  combinant  avec  d'autres  corps,  ac- 
quérir des  propriétés  vénéneuses,  de  même  que  le  mercure,  qui 


(1)  Sect  IV,  «.  8,  p.  98. 

(2)  Sect.  IV,  c.  9. 

(3)  Opéra  (nania^  p.  102  (édit.Francf.,  1647). 

14. 


212  HISTOiaS  DE  LA   CHIMIE. 

en  lui-même  n'est  pas  un  poison,  peut  le  devenir,  à  l'état  de  su- 
blimé (1).  » 

Enfin,  en  esprit  judicieux,  l'auteur  arrive  à  conclure  que  dans 
l'emploi  de  l'antimoine  il  est  absolument  nécessaire  de  prendre 
en  considération  et  la  qualité  et  la  quantité  du  médicament  anti- 
monié,  en  même  temps  que  le  tempérament  et  la  constitution  do 
malade,  et  l'espèce  de  maladie  qu'on  cherche  à  combattre. 

Après  s'être  élevé  avec  force  contre  les  médecins  qui  igno-* 
rent  tout  à  la  fois  la  pathologie  et  la  chimie,  il  s'adresse  aux  al- 
chimistes, qui  prétendent  retirer  de  l'antimoine  un  mercare 
particulier  propre  au  grand-œuvre.  «  Montrez-moi,  leur  dit-il, 
seulement  une  goutte  de  votre  mercure  merveilleux,  et  je  voos 
croirai.  En  attendant,  je  reste  sourd  à  vos  déclamations,  vides  de 
sens.» 

Outre  \e§  sulfures  et  les  oxydes  simples  d'antimoine,  Sala 
connaissait,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu,  Vémétique.  Il  parle, 
en  termes  assez  précis,  d'un  précipté  d'antimoine  qu'on  a  ftit 
bouillir  jusqu'à  décoloration  dans  une  liqueur  alcaline  de  sel  de 
tarlre.  Mais  comme  il  ne  s'étend  pas  sur  ce  composé,  ilest  àpré- 
sumer  qu'on  n'en  avait  pas  encore  fait  usage  en  médecine  (2). 

On  savait  déjà  du  temps  de  Sala  que  le  vin  dans  lequel  on  laisse 
tremper  du  verre  d'antimoine  devient  un  vomitif  ou  un  purgatif 
très-énergique,  suivant  ladurée  de  l'immersion.  Les  vins  du  Rhin, 
si  riches  en  tartrç,  étaient  les  plus  propres  à  cette  macération. 

C'est  à  ce  propos  que  l'auteur  raconte  l'histoire  d'un  Allemand 
Cumulant  les  fonctions  de  médecin  et  d'apothicaire,  que  les  ma- 
lades venaient  voir  de  plusieurs  lieues  à  la  ronde,  pour  le  con- 
sulter ou  plutôt  pour  lui  emprunter  son  talisman,  un  morceau 
de  verre  d'antimoine.  Suivant  que  le  malade  avait  besoin  d'un 
médicament  plus  ou  moins  actif,  il  laissait  cette  substance  trois, 
quatre,  cinq  heures  en  contact  avec  le  vin  qu'il  devait  boire.  Ce 
talisman  avait  dans  l'espace  de  quatre  ans  circulé  dans  tous^les 
pays  d'alentour;  il  avait  été  prêté  à  plusieurs  centaines  de 
paysans,  et  chacun  (J'eux,  en  le  rapportant  à  son  propriétaire, 
l'avait  accompagné  d'une  douzaine  d'œufs  (3). 

(1)  Pars  I,  c.  3,  p.  306. 

(2)  Pars  I,  c.  4,  p.  321.  —  Ântimonium  sic  prœcipitatum  —  buUiat  in  li»?io 
taftari,  repetendo  hoc  opus  loties  lisque  dam  iixivium  Dullum  amplius  colorem 
assumât. 

(3)  Pars  II,  c.  1,  p.  332. 


TROISliBfE  ÉPOQUE.  213 

Parmi  les  observations  curieuses  dont  les  écrits  de  Sala  four- 
millent, nous  nous  bornerons  à  signaler  encore  les  suivantes. 

Composition  du  sel  ammoniac.  —  C'est  par  la  synthèse  que  Sala 
démontre  le  premier  la  composition  de  ce  sel.  Si  vous  mettez 
ensemble,  dit-il,  une  partie  de  sel  volatildes  urines  {ammoniaque) 
avec  une  proportion  conyenable  d'esprit  de  sel  (  acide  chlorhy- 
drique),  vous  obtiendrez  un  produit  qui  ressemblera  en  tous 
points  au  sel  ammoniac  ordinaire  (1). 

Les  expériences  les  plus  anciennes  qu'on  ait  faites  sur  la 
composition  des  corps  sont  non  pas  analytiques,  mais  synthé- 
tiques (2).  L'esprit  humain  a  toujours  débuté  par  la  synthèse. 

Acide  phosphorique.  —  Ce  produit  était  obtenu  très-impur  et 
mélangé  de  sulfate  de  chaux.  L'auteur,  qui  le  prescrivait  comme 
on  préservatif  contre  la  peste,  le  préparait  en  traitant  des  cornes 
de  cerf  ou  des  os  calcinés  et  pulvérisés  avec  de  l'huile  de  vitriol 
(acide  sulfuriquej  (3). 

Esprit  ou  huile  de  vitriol.  —  Tout  parait  clair  et  simple  à  celui 
qui  sait  déjà.  C'est  pourquoi  bien  des  questions  que  les  anciens 
devaient  se  ,'poser  laborieusement,  nous  paraissent  aujourd'hui 
A  futiles.  Ces  questions  cependant  étaient  danà  leur  temps  d'un 
intérêt  niajeur.  En  voici  un  exemple  : 

L'tsprit  de  vitriol  retiré  (par  la  distillation)  du  vitriol  de  cuivre 
est-il  sous  tous  les  rapports  le  même  qge  celui  que  Ton  retire 
du  vitriol  de  fer?  C'est  là  ce  que  se  demandaient  autrefois  les 
ehimistes.  Presque  tous  admettaient  deux  produits  différents  : 
un  esprit  de  Vénus,  contenant  un  peu  de  cuivre ,  et  un  esprit 
de  Mars,  contenant  un  peu  de  fer. 

Après  avoir  démontré  que  ces  deux  produits  ne  contiennent  ni 
du  cuivre  ni  du  fer,  et  qu'ils  ne  constituent  qu'un  seul  et  même 
composé,  Sala  cherche  à  établir  que  l'huile  ou  l'esprit  de  vitriol 
n'est  autre  chose  qu'une  vapeur  sulfureuse  ayant  enlevé  quelque 
chose  à  l'air  ambiant  {ab  ambiente  aère  extractum)  (4). 

Il  est  à  regretter  que  Tauteur  n'ait  pas  fait  des  expériences  di- 
rectes pour  élever  son  idée  à  la  hauteur  d'une  vérité  scientifique, 
en  démontrant  que  ce  quelque  chose  qui  transforme  le  soufre  en 
acide  est  le  même  corps  aériforme  (gaz  oxygène)  qui  entretient 

(1)  Synop,  aptiorism.  chymiatr.,  aph.  38,  p.  246. 

(2)  Yoy.  plus  haut  la  composition  du  cinabre,  1. 1,  p.  332  et  387. 

(3)  Tract  de  peste,  p.  454. 

(4)  De  natura  spirilus  v itrioli,  p.  405-408. 


214  HISTOUII  DE  Là  CHIMIE. 

la  combustion  et  la  respiration.  Mais  ceci  était  réserié  à  un 
temps  qui  ne  devait  pas  être  éloigné. 


§8. 

La  plupart  des  idées  de  Van  Hehuoiit  et  de  Sala  furent  ttpriim  / 
et  poussées  jusque  dans  leurs  dernières  conséquences  par  uAiii*  '\ 
decin  d'une  grande  autorité.  C'est  celui  dont  nous  allons  parkr. 

■ 

Français  Dnliols  (l>elelK>ë),  dît  «ylHwu 

Nul  ne  porta  aussi  loin  que  Dubois  la  cbimie  appliquée  àla  ai- 
decine  ;  cela  se  comprend  aisément  de  la  part  d'un  bomme  qui 
était.convaincu  que  les  fonctions  de  la  vie  ne  sont  que  des  opéit- 
tions  chimiques. 

François  Dubois  naquit  en  1614,  à  Hanau,  d'une  ancienne  h- 
mille  noble  (Grèvecœur),  d'origine  française,  qui  s'était  expa- 
triée pendant  les  guerres  de  religion.  Dès  son  jeune  âge  il  se 
livra  à  l'étude  des  sciences  médicales,  sous  la  direction  de  Yorst, 
Heurnius,  Zwinger  et  Stupanus,  et  obtint,  en  1637,  le  grade  de 
docteur  à  l'université  de  Bâle.  Il  exerça  pendant  plusieurs  in- 
nées la  médecine  à  Hanau ,  à  Leyde  et  Amsterdam ,  et  s'acquit 
une  grande  renommée  comme  praticien.  En  1658,  il  fut  appelé 
à  remplir  une  chaire  de  médecine  à  l'université  de  Leyde  ;  il  y 
réunissait,  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours,  un  auditoire  très-nom- 
breux, composé  de  Français,  d'Allemands,  d'Anglais,  d'Italiens, 
enfin  d'élèves  de  toutes  les  nations,  accourus  pour  entendre  la 
parole  du  maître,  niont  le  nom  retentissait  alors  dans  toute 
l'Europe.  La  mort  le  surprit  à  peine  âgé  de  cinquante-huit  aos, 
au  milieu  d'une  brillante  carrière.  Sa  devise  était  celle  d'un 
homme  qui  comprend  la  vie  :  Bene  agere  ac  lœtari. 

Les  écrits  de  Sylvius,  nom  latinisé  de  Dubois,  ne  sont  pas  bien 
nombreux;  ils  ont  été  réunis  en  un  seul  volume  et  imprimés  à 
Amsterdam,  en  1679  (i). 

L'auteur  n'a  composé  aucun4raité  spécial  sur  la  chimie  ;  mais 
sa  Methodus  medendi  et  sa  Praxis  medica  parlent  de  la  prépa- 
ration de  quelques  médicaments  chimiques  utiles  à  connaitre. 

(1)  Francise!  Deieboe  Syl?ii  Opéra  medica,  vol.  iii*4°. 


.      TROISIEME  EPOQOB.  215 

On  y  rouve  en  même  temps  des  doctrines  physiologiques  et 
palhoiogiques  où  la  chimie  domine. 

Digestion.  —  Cette  fonction  importante  de  l'économie  est  selon 

Dobois  une  véritable  fermentation ,  dans  laquelle  la  salive,  le 

suc  pancréatique  et  la  bile  jouent  le  principal  rôle  ;  c'est  ce  qu'il 

appelle  le  triumvirat  (1).  L'estomac  réunit  toutes  les  conditions 

propres  à  entretenir  la  fermentation  :  il  a  de  l'eau  (salive  ef  suc 

pancréatique),  des  matières  fermentescibles  (aliments)  et  une 

chaleur  douce  et  constante  (chaleur  animale).  A  leur  entrée  dans 

le  duodénum,  les  aliments  subissent  le  contact  de  la  bile,  qui 

complète  la  fermentation,  en  servant  à  séparer  le  chyle  des 

fèces. 

La  bile  se  compose  d'une  matière  huileuse,  d'eau,  d'un  esprit 
▼olatil  et  d'un  sel  lixiviel  (carbonate  de  soude  )  (2).  Une  portion 
de  la  bile  passe  dans  le  sang,  auquel  elle  communique  la  matière 
colorante,  une  saveur  amère  (3),  en  môme  temps  qu'elle  le  rend 
plus  liquide  (4). 

Une  autre  portion  de  la  bile  est  employée  à  diviser  chimique- 
meat  les  aliments  dans  les  intestins;  elle  est  rejetée  avec  les  ma- 
tières ezcrémentitielles  (5). 

Un  grand  nombre  de  maladies  sont  engendrées  par  la  violation 
des  sucs  qui  président  à  la  digestion.  La  goutte  a  pour  cause  un 
acide  qui  a  passé  dans  la  lymphe  et  dans  le  sang. 

Circulation.  —  Harvey,  qui  venait  de  découvrir  la  circulation 
du  sang,  avait  trouvé  en  Sylvius  un  ardent  défenseur.  D'après  ce 
dernier,  c'est  dans  l'oreillette  et  le  ventricule  droits  du  cœur 
que  le  sang  rencontre  cette  autre  portion  qui  se  trouve  mêlée 
avec  de  la  bile.  Au  moment  de  ce  contact  il  se  manifeste  une 
effervescence  comparable  à  celle  que  produit  l'huile  de  vitriol 
étendue  d'eau  avec  la  limaille  de  fer  (6).  Cette  effervescence  est 
le  foyer  de  la  chaleur  animale,  entretenue  par  l'air  (7). 

Respiration.  —  Sylvius  connaissait  la  différence  qui  existe 

(1)  Method.  med.y  lib.  i,  c.  1,  §  18;  c.  xvi.  §  6.  —  Praxis  med.,  lib.  i,  c.  vu, 
c.  X. 

(2)  Prax.  med.f  1,  c.  x,  §  9. 

(3)  Meth.  med.,  lib.  I,  c.  yi,  §  8  et  16. 

(4)  Ibid.,  lib.  II,  c.  xxviii,  §  5,  9,  10. 

(5)  Prax,  med.,  lib.  I,  c.  i,  §  3;  c.  xi,  §  7. 

(6)  Ibid.,  Append.,  tract.  Y,  §  42S. 

(7)  Ibid., lib.  I,  c.  xlvi,§35.  —  Append.,  tract.  IX,  §  117, 119. 


216  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

entre  le  sang  de  la  moitié  gauche  du  cœur  et  celui  de  la  moitié 
droite  de  cet  organe;  et  il  attribue  la  coloration  rouge  du  sang 
artériel  à  Tair  absorbé  pendant  la  respiration  (1). 

La  repi ration  a  selon  Tauteur  la  plus  grande  analogie  avec  la 
combustion,  et  l'activité  de  cette  fonction  est  en  rapport  avec  la 
température  et  la  pureté  de  l'air.  L'air  introduit  dans  le  corps 
par  f  acte  d'inspiration  a  pour  but  de  tempérer  la  chaleur  pro- 
duite par  ^effervescence  dont  nous  venons  de  parler.  L'acte  , 
d'expiration  sert  à  éliminer  les  vapeurs  qui  naissent  de  cette  ef- 
fervescence (2). 

Les  maladies  tirent,  continue  Sylvius,  leur  origine  tantôt  d'un  , 
principe  acide,  tantôt  d'un  principe  alcalin.  Ainsi,  la  peste  ai 
pour  cause  le  sel  volatil  (ammoniaque),  qui  tient  le  sang  dans  un 
état  de  fluidité  anormal,  et  s'oppose  à  sa  coagulation.  Ce  qui  le 
prouve,  c'est  qu'une  solution  de  ce  sel  injectée  dans  les  veioes 
produit  les  symptômes  de  la  peste  (3).  C'est  pourquoi  les  moyens 
prophylactiques  et  le  meilleur  traitement  de  ces   maladies  re- 
'  posent  sur  l'emploi  des  acides  (4). 

Beaucoup  de  maladies  de  l'estomac  ont  pour  cause  un  prin- 
cipe acide  ;  ce  qui  le  prouve,  c'est  que  les  meilleurs  remèdes 
employés  à  combattre  ces  maladies  consistent  dans  l'emploi  des 
matières  alcalines  ou  d'autres  substances  qui  se  combinent  avec 
les  acides  (5). 

Les  idées  pathologiques  de  Sylvius  ont  été  en  partie  renouve- 
lées de  nos  jours. 

Médicaments  chimiques^  —  Sylvius  était  partisan  de  l'emploi  à^^ 
médicaments  énergiques.  Il  n'hésitait  pas  à  prescrire  intérieu- 
rement les  cristaux  de  lune  (  nitrate  d'argent  )  et  le  vitriol  blanc 
(  sulfate  de  zinc),  pour  provoquer  le  vomissement  (6)  ;  il  .ordon- 
nait le  sublimé  corrosif  à  la  dose  d'un  quart  de  grain,  ajoutant 
qu'il  y  aurait  du  danger  à  dépasser  cette  quantité  (7). 

Les  préparations  antimoniales  surtout  trouvèrent  en  lui  un 
zélé  partisan.  Voici   celles  que  Sylvius  aimait   à  préconiser  • 

(1)  Praxis  med,,  lib.  I,  c.  xxv,§  1 

(2)  Disputât,  de  respiratione,  etc.,  §  69,  73. 

(3)  Prax.  med.y  Append.,  tracl.  Il,  §  55, 56  et  sulv. 
(4)Ibid.,  §90etsuiv. 

(5)  Prax.  med,f  lib  I,  c.  ii,  §  5. 

(6)  Method,  med.,  lib.  II,  c.  xi,  §  83.  —  Prax.  med.,  Append.,  tract.  VI,  §  16^- 

(7)  Ibid.,  lib.  II,  c.  v,  $  22. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  217 

i'  le  régule  d'antimoine  à  Télat  de  pilules  (glohuli),  qui,  après 
aToir  été  rendues  par  les  selles,  étaient  lavées  et  conservées 
pour  le  même  usage;  2*»  le  beurre  d'antimoine  (butyrum  an- 
iimonii),  obtenu  en  soumettant  à  la  distillation  un  mélange 
d'antimoine  brut  et  de  sublimé  corrosif;  3"  le  mercure  de 
vie  (oxyde  d'antimoine),  appelé  aussi  poudre  d'Algaroih  :  on  le 
préparait  par  la  voie  humide,  en  ajoutant  au  beurre  d'antimoine 
de  l'eau,  ou  une  solution  d'huile  de  tartre  (  carbonate  de  po- 
tasse) ;  4«le  verre  d'antimoine,  préparé  de  différentes  façons  (1). 
Les  doctrines  de  Sylvius,  bien  qu'elles  aient  souvent  donné 
prise  à  la  critique,  ont  beaucoup  contribué  à  faire  comprendre 
aux  médecins  l'importance  de  l'étude  de  la  chimie. 

§  9. 

Otto  Tachenins. 

Tachenius,  dont  le  véritable  nom  est  Tacken,  doit  être  compris 
au  nombre  des  chimistes  les  plus  distingués  de  son  époque. 
11  vivait  vers  le  milieu  du  xvii®  siècle  ;  les  dates  de  sa  nais- 
sance et  de  sa  mort  sont  incertaines.  Versé  dans  la  connais- 
sance de  l'antiquité,  et  nourri  de  la  lecture  des  œuvres  d'Hippo- 
crate,deGalien  et  de  Pline,  Tachenius  fut  un  des  partisans  les  plus 
éclairés  de  l'école  philosophique  qui  avait  proclamé  la  néces- 
sité de  la  méthode  expérimentale.  Les  rapprochements  qu'il  fait 
entre  les  opérations  des  chimistes  les  plus  récents  et  les  divers  pas- 
sages des  anciens,  et  surtout  d'Hippocrate,  auquel  il  attribue  des 
connaissances  au  moins  exagérées,  sont,  il  est  vrai,  souvent  forcés 
et  peu  persuasifs  ;  mais  ces  rapprochements  sont  accompagnés  de 
beaucoup  de  détails  intéressants,  de  commentaires  et  de  faits 
nouveaux,  qu'il  est  de  notre  devoir  de  signaler. 

Natif  d'Hervorden  en  Westphalie,  Tachenius  se  voua,  dans 
sajeunesse  à  l'étude  de  la  pharmacie.  Il  passa  la  plus  grande  partie 
de  sa  vie  enitalie,  etparticulièrementà  Venise,  où  il  fit  paraître 
la  plupart  de  ses  écrits,  dans  lesquels  il  ne  ménage  point  les  méde- 
cins de  son  temps.  Il  avait  engagé  une  polémique  très-vive  avec 
un    médecin   danois,   Dietrich  (2),    qu'il  appelle    faussaire   et 

(1)  Meth.med.,  lib.  II,  ex;  De  vomiioriis,  §  34  —  §  47. 

(2)  Yindiciœ  adversus  Oth.  Tackenium;  Hamburg,  1655 ,  in- 4''. 


il8  .  HISTOIBB  DE  LA  CUUnE. 

pseudo- chimiste,  dans  son  Apologie  contre  les  attaques  de  ce 
médecin  (I). 

Le  premier  ouvrage  qu'il  ait  composé  porte  la  date  de  1655. 

Les  écrits  de  Tachenius  sont  assez  nombreux.  Outre  sa  Réponse 
à  la  diatribe  de  Dietricb,  on  a  de  lui  :  Epistola  de  famoso  Uguort 
alcahest  (2)  ;  —  Exercitatio  de  recta  acceptatione  arthritidis  H 
podagrœ  (3)  ;  —  Hippocrates  chemictis,  qui  novissimi  scUis  antiquii* 
sima  fundamenta  ostendit  (4)  ;  —  Antiquissima  medicinœ  Hippth 
cratisclaviSy  manuali  experientia  in  naturse  fontibns  elaborata  (5)  ; . 
—  Tractatus  de  morborum  principio,  apus  ianto  Achille  dignum 
omnibusque  ncevis  liberum  (6). 

Ces  trois  derniers,  et  notamment  Hippocrates  chemiçus ,  sont 
les  écrits  les  plus  marquants  de  cet  auteur. 

•Tachenius  était  dominé  par  Tidée  que  les  anciens,  alors  même 
que  le  nom  de  chimie  n'existait  pas  encore,  avaient  des  connais- 
sances chimiques  plus  étendues  qu'on  ne  pense ,  mais  que  des 
serments  terribles  défendaient  aux  initiés  d'en  parler. 

Cette  idée  paraît  entièrement  confirmiée  par  nos  recherches 
.sur  Tart  sacré  qu'on  pratiquait  jadis  dans  les  temples  d'E- 
gypte. L'art  sacré,  qui,  ainsi  que  nous  l'avons  montré,  embras- 
sait les  sciences  physiques,  et  surtout"  la  chimie,  faisait  partie  des 
mystères  de  l'antiquité,  dont  le  voile  fut  déchiré  dans  la  lutte 
mémorable  entre  les  derniers  défenseurs  du  paganisme  et  les 
premiers  docteurs  de  l'Église  chrétienne  (7). 

Dans  l'analyse  des  travaux  chimiques  de  Tachenius,  nous 
avons  à  faire  ressortir  les  points  que  voici. 

Constitution  des  sels,  —  Sel  ammoniac.  —  L'auteur  donne  le 
premier  une  définition  rationnelle  de  ce  qu'il  faut  entendre  par 
sel  :  «  Tout  ce  qui  est  sel  se  décompose,   dit-il,  en  deux    sub- 


(1)  Apologia  contra  falsarium  et  pseudocliimicum  Helw.  Didericum;  —  Echo 
ad  vindicias  Chirosophi ,  in  qua  de  liquore  Jalcahest  Paracelsi  et  Helmontiî  ve- 
terum  vestigia  perquiruntur;  Venise,  1658,  in-4". 

(2)  Venise,  1655  ,  in-4*'. 

(3)  Padoue,  1662,  in-4°. 

(4)  Venise,  1666,  in-12.  —  C'est  cette  édition  que  nous  avons  sous  les  yeux. 
—Ce  traité  eut  encored'autres éditions  :  Brunsw.,  1668  ;  Leid.,  1671  ;  Paris,  1674. 

(5)  Brunsw.;  1668  ,•  Venise,  1669,  in-12  ;  Francof.,  1669  et  1673;  Paris ,  1671  ; 
c'est  cette  dernière  édition  que  nous  avons  entre  les  mains. 

(6)  Brème,  1668;  Leyde,  1671;  Osnabrack,  1678. 

(7)  Voy.  plus  haut,  t.  I,  p.  224  et  suiv. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  tl9 

stances^  savoir  :  un  alcali  (  base  )  et  un  acide  (1).  »  U  cite  comme 
exemple  le  sel  ammoniac,  «  parce  qu'on  en  tire  l'esprit  de  sel 
(acide  chlorhydrique),  en  tout  semblable  à  celui  obtenu  avec  le  sel 
commun,  et  l'alcali  volatil,  identicjue  avec  celui  que  Ton  prépare 
ao  moyen  de  l'urine;  en  réunissant  ensemble  l'acide  et  l'al- 
cali, on  reconstitue  le  sel  ammoniac  tel  qu'il  était.  » 

n  n'y  a  rien  à  objecter  contre  cette  manière  de  voir.  Tachenius 
tient  parole  quand  il  annonce,  dans  le  style  élégant  et  pittores- 
que qui  lui  est  familier  :  Quicquid  sensilms  occultius  se  obiulii, 
iiludj  [experientia  duce,  veslibus  spoliavi,  et  veritatem  rerum 
plane  nudam  ante  oculos  eanspieientium  exposui  (2).  Plût  à  Dieu 
que  ses  prédécesseurs  eussent  toujours  cherché  la  vérité  nue  f  La 
science  y  aurait  beaucoup  gagné. 

Sublimé  corrosif.  —  L'auteur  décrit  minutieusement  le  pro- 
cédé employé  à  Venise  et  à  Amsterdam  pour  préparer  le  su- 
blimé corrosif  en  grand  par  la  sublimation  d'un  mélange  de  sel 
commun,  de  nitre  et  de  vitriol  (3).  Il  démontre  qu'une  dissolution 
de  sublimé  dans  de  l'eau  distillée  est  précipitée  en  jaune  ou  en 
rouge  sale  par  l'alcali  qu'on  retire  des  cendres  traitées  par  la 
chaux  vive,  et  en  blanc  par  l'acali  brut  (4).  C'est  qu'en  effet  le  pre- 
mier est  la  potasse  caustique,  et  le  dernier  la  potasse  carbonatée. 
Saponificaiion,  —  Venise  avait  depuis  fort  longtemps  le  mo- 
nopole des  savons.  C'étaient  en  général  des  savons  mous,  médi- 
cinaux, préparés  avec  le  sel  lixiviel  des  cendres  (potasse),  rendu 
caustique  par  l'addition  de  la  chaux  vive.  Pour  citer  un  exem- 
ple de  l'action  caustique  de  la  potasse,  l'auteur  raconte  qu'un 
ouvrier  employé  dans  une  fabrique  de  savon  tomba  d'ivresse 
dans  une  chaudière  où  se  concentrait  cet  alcali,  et  qu'en  le 
retirant  on  ne  lui  trouva  plus  que  les  os  :  son  vêtement  de  laine 
et  ses  chairs  avaient  été  entièrement  consumés. 

Tachenius  établit  deux  degrés  de  concentration  :  dans  la  liqueur 
alcaline  du  premier  degré  un  œuf  vient  nager  à  la  surface  ;  il 
tombe  au  fond  dans  la  liqueur  du  second  degré.  Cette  dernière  so- 
lution, qui  est  la  plus  faible,  était  traitée  par  de  l'huile  ou  de  la 
graisse,  pour  en  faire  du  savon.  C'est  ici  que  l'auteur  émet  une 

(1)  Omniasalsa  in  duas  dividuntur  substantias ,  in  alcali  nimirum  et  acidum. 
ffippocrates  chetnicus,  p.  10. 

(2)  Ibid.,  p.  7: 

(3)  Ibid.,  p.  i90. 

(4)  Ibid.,  p.  28. 


220  HISTOIRE  DE  LA  GUIMIE. 

remarque  qui  fait  honneur  à  sa  perspicacité.  «  Dans  la  sapo- 
nification, dit-il,  c'est  un  acide  qui  se  combine  avec  Taicali; 
car  l'huile  ou  la  graisse  contient  un  acide  masqué  :  oleum  vel 
pinguedo  —  acidutn  enim  occuUum  continet  (1).  b 

Nous  savons  en  effet  aujourd'hui  que  les  corps  gras  contien- 
nent non  pas  un  seul,  mais  plusieurs  acides  à  la  fois. 

Tartre  vitriolé  (sulfate  de  potasse  ).  -^  Ce  sel  était  préparé  di- 
rectement en  versant  de  l'huile  de  vitriol  sur  du  sel  de  tartre 
(carbonate  de  potasse),  jusqu'après  la  cessation  de  l'efferves- 
cence qui  se  produit  dans  ce  cas.  En  évaporant  la  liqueur,  on 
obtenait  le  sel  cristallisé,  appelé  dans  les  pharmacopées  an- 
ciennes tartarus  vitriolatus ,  ei  universale  dige$Hvum{2).  ^^Vn 
autre  mode  de  préparation  consistait  à  traiter  une  solution  de 
vitriol  (  sulfate  de  fer)  par  le  sel  de  tartre  jusqu'à  ce  ^qu'il  ne  se 
^produisit  plus  de  précipité  (3).  La  liqueur  filtrée  donnait  par 
l'évaporation  le  tartre  vitriolé  en  question  (4). 

En  traitant  le  sel  de  tartre  (carbonate  de  potasse)  par  levi" 
naigre,  on  obtenait  l'acétate  de  potasse,  appelé  tartre  de  vin  (tar- 
tarus vini);  car  on  était  persuadé  que  le  tartre  brut,  tel  qu'il  se 
dépose  sur  les  parois  des  tonneaux  de  vin,  n'est  autre  chose  que 
du  vinaigre  combiné  ou  neutralisé  par  l'acali  fixe  (  potasse  )  (5). 

L'auteur  démontre  par  la  synthèse  que  le  sel  ou  l'eau  de  Min- 
derer  {aqua  Mindereri)  est  un  sel  composé  de  vinaigre  et  d'al- 
cali urineux  (ammoniaque)  (6). 

H  affirme  que  les  sels  de  l'urine  proviennent  des  aliments 
ingérés  dans  le  tube  digestif,  et  que  l'urine  des  mourants  est 
presque  entièrement  privée  de  sels  (7).  Un  peu  plus  loin,  il 
fait  une  observation  très-remarquable',  à  savoir  que  le  fer  ne 
passe  pas  dans  les  urines,  mais  qu'il  est  entièrement  rejeté  par. 
les  matières  fécales,  qu'il  colore  en  noir  (8).  Il  donne  comme 

(1)  Hippocrates  chemicus,  p.  17. 

(2)  ftid.,  p.  47. 

(3)  U)id.,  p.  48. 

(4)  Rappelons  ici  que  l'acide  du  vitriol  acide  se  combine  avec  la  potasse  pour 
former  du  sulfate  de  potasse  soluble,  tandis  que  le  fer  (oxyde),  ayant  perdu  son 
dissolvant ,  se  dépose,  et  reste  sur  le  filtre. 

(6)  Hipp,  chem.,  p.  50. 

(6)  Ibid.  p.  64. 

(7)  n)id.,  p.  91. 

'"'  '^^  fait,  qui  est  parfaitement  exact,  s'explique  par  la  formation  d'un  sulfure 
dA  à  la  présence  de  matières  sulfureuses. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  221 

preuve,  que  Purine  des  malades  soumis  à  un  traitement  ferrugi- 
neux n'est  pas  colorée  en  noir  par  une  infusion  de  noix  de  galle. 
«  Le  colcothar  (oxyde  de  fer)  est,  dit-il,  précipité  et  rendu  inso- 
luble déjà  avant  d'être  absorbé  par  les  vaisseaux  du  mésentère^ 
de  manière  qu'il  est  nécessairement  obligé  de  rester  dans  les  in- 
testins (1). 

La  noix  de  galle,  dont  l'emploi  comme  réactif  du  fer  était  déjà 
connu  des  Romains,  ainsi  que  nous  l'avons  &it  voir  (2),  fut  ap- 
pliquée par  Tachenius  à  toutes  les  solutions  métalliques,  de 
enivre,  de  zinc,  de  plomb,  d'étain,  de  mercure.  Il  note  l'abon- 
dance et  la  couleur  de  ces  précipités;  il  contaste,  entre  autres^  que 
l'infusion  des  noix  de  galle  transforme  une  solution  d'or,  colo- 
rant les  doigts  en  pourpre,  en  une  liqueur  jaune  succin,  qui, 
étendue  avec  la  main  sur  du  papier,  brille  comme  du   vernis, 
après  avoir  été  dessécbée  (3).  Tachenius  a  donc  le  premier  gé- 
néralisé l'usage  de  ce  réactif. 

Eau  commune.  —  Eau  distillée.  — Jusqu'ici  on  avait  employé 
pour  les  usages  du  laboratoire  à  peu  près  indifféremment  l'eau 
commune  et  l'eau  distillée.  Tachenius  appela  d'une  manière  toute 
spéciale  l'attention  des  chimistes  sur  la  différence  qui  existe  entre 
ces  deux  eaux. 

«  L'eau  des  rivières,  l'eau  des  puits,  enfin  l'eau  commune,  con- 
tient, dit-il,  du  sel  qui  est  nécessaire  à  la  végétation  des  plantes  et 
même  aux  animaux.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'une  dissolution 
d'argent  (nitrate  d'argent)  y  produit  un  trouble,  un  précipité 
blanc,  absolument  comme  si  on  avait  versé  dans  cette  dissolu- 
tion un  peu  d'eau  salée  (4). 

Yehise  faisait  un  commerce  considérable  d'eaux  distillées  de 
plantes  aronâatiques,  et  surtout  d'eau  de  roses.  Cette  dernière  était 
employée  comme  un  remède  anthelminthique  ;  mais  elle  occa- 
sionnait quelquefois  le  vomissement.  «  Cette  action,  que  le  vul- 
gaire attribue,  dit  l'auteur,  à  l'eau  de  roses,  est  due  à  la  présence 
de  quelques  parcelles  de  cuivre  enlevées  aux  alambics  cuivrés  dont 
on  se  sert  à  Venise.  En  voulez-vous  la  preuve?  Versez  dans  cette 
eau  de  roses  quelques  gouttes  de  sel  alcalin,  et  vous  verrez  aus- 

(1}  Colcothar  praecipitatur  priusquam  liquor  ad  nicsaraica  rapiatur,  itaut  neces- 
sario  inintestinis  permanere^debeat.  Hippocrat.  chem.,  p.  103. 

(2)  Voy.  plus  haut,  1. 1,  p.  131. 

(3)  Hippocrat.  chem.y  p.  115-117. 

(4)  Ibid.,  p.  132,  133. 


2S3  HISTOIBB  DE  LA  GUIlflE. 

sitôt  un  précipité  vert  se  ramasser  au  fond  de  la  liqueur;  celle- 
ci  perd  ainsi  sa  propriété  vomitive,  et  devient  semblable  à  toute 
autre  eau  de  roses  qu'on  aurait  distillée  dans  des  vaisseaux  de 
verre.  Ce  précipité  vert,  fondu  avec  du  borax,  vous  donnera  du 
cuivre  (1).  » 

Arsenic.  —  Tachenius  fournit  des  détails  d'autant  plus  pré- 
cieux pour  l'histoire  de  la  toxicologie,  qu'il  avait  éprouvé  lui- 
même  les  effets  de  l'empoisonnement  par  l'arsenic.  Voici  à  quelle 
occasion.  Il  chauffa  de  l'arsenic.dans  un  vaisseau  fermé,  afin  de  le 
rendre  fixe,  suivant  le  conseil  d'un  certain  alchimiste,  Jean  Agri- 
cola  (qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  Georges  Agricola).  Voulant 
s'assurer  s'il  avait  réussi,  il  ouvrit  le  vaisseau,  et  aspiraune  vapeur 
(auram)  qui  produisit  dans  sa  bouche  la  sensation  d'une  saveur  su- 
crée très-extraordinaire,  «Mais au  bout  d'une  petite  demi-heure 
j'éprouvai,  dit-il,  une  contraction  douloureuse  à  l'estomac,  ac- 
compagnée d'un  mouvement  convulsifde  tous  les  membres;  la 
respiration  devint  difficile,  je  rendis  des  urines  sanguinolentes 
et  accompagnées  d'une  chaleur  brûlante.  Aussitôt  après  je  fus 
atteint  de  coliques  et  de  contracture  des  muscles  pendant  l'es-t 
pace  d'une  heure  et  demie.  »  —  L'auteur  ajoute  qu'il  se  rétablit 
en  prenant  du  lait  et  de  l'huile,  mais  qu'il  resta  longtemps  con- 
valescent et  faible  (2). 

AugmerUaiion  du  poids' des  métaux  par  la  caldnatUm.  -. —  Ta- 
chenius affirme  que  le  plomb  augmente  d'un  dixième  ^de  son 
poids,  lorsqu'il  se  transforme  en  minium,  qui  étaita  lors ,  comme 
il  Test  aujourd'hui,  employé  dans  la  confection  des  emplâtres . 
L'explication  qu'il  en  donne  est  assez  embarrassée  :  il  semble 
attribuer  la  cause  de  cette  augmentation  à  un  esprit  acide  du 
bois,  ou  plutôt,  avec  Boyle,  à  la  flamme.  Dans  tous  les  cas,  il  ne 
partage  pas  l'opinion  de  la  plupart  de  ses  prédécesseurs,  qui, 
s'étant  également  aperçus  de  cette  augmentation  du  poids  des 
métaux  pendant  la  calcination,  l'avaient  attribuée  à  la  fixation 
de  certaines  particules  aériennes  (3). 

Multiplication  des  minerais.  —  Les  minerais  avaient,  à  ce  que 
croyaient  les  anciens ,  la  faculté  de  croître  et  de  se  multiplier 
comme  les  végétaux  et  les  animaux.  L'auteur,  adoptant  cette 


(1)  Hippocraies  chemicus^  p.  135. 

(2)  Ibid.,  p.  188. 
(3)Ibid.,p.  210. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  2^^ 

croyance,  prétend  la  corroborer  en  citant  comme  exemple 
rile  d'Elbe ,  dont  les  mines  fournissent  depuis  des  siècles  des 
masses  prodigieuses  de  fer,  et  qui  loin  de  s'épuiser  semblent  en- 
core aujourd'hui  être  tout  aussi  riches  sinon  plus  riches  que  le  pre- 
mier jour.  11  rappelle  un  autre  exemple  du  môme  genre  :  ce  sont 
les  mines  de  vitriol  absorbant  à  Tair  la  substance  qui  semble  les 
alimenter.  «C'est  dans  l'air,  s'écrie-t-il  avec  Khalid,  que  se  trou- 
vent les  racines  des  choses  (  radiées  rerum  in  aère)  (1).  »     - 

Esprit  acide  vital.  —  L'esprit  acide,  que  l'auteuD  appelle 
fil^du  soleil,  est  un  être  imaginaire;  mais  il  lui  fait  jouer  le 
même  rôle  qu'à  l'wpnY  générateur  des  acides  (oxygène).  11  le  fait 
intervenir  dans  la  formation  du  nitre,  dansla  végétation,  dans 
la  fermentation,  et  il  affirme  que  son  intervention  s'exerce  par 
l'intermédiaire  des' rayons  solaires  (2). 

£t/fce.— Tachenius  est  le  premier  qui  ait  soutenu  que  la  silice 
(silex)  est  un  acide.  11  s'appuie  sur  ce  que  ce  corps  est  suscep- 
tible  de  se  combiner  avec  la  potasse  pour  former  la  liqueur  des 
cailloux,  qui  est  selon  lui  un  véritable  sel.  Or,  un  alcali  ne  peut 
se  combiner  qu'avec  un  acide,  pour  donner  naissance  à  un  sel. 
Mais  il  apporte  encore  une  autre  preuve  à  l'appui  de  sa  manière 
de  voir,  qui  est  l'expression  môme  de  la  vérité.  «  La  silice,  dit-il, 
n'est  attaquée  par  aucun  acide;  l'eau-forte  môme  ne  la  corrode 
pas.  Pourquoi?  Parce  que  la  silice  est  elle-même  de  la  nature  d'un 
acide,  et  que  si  elle  contenait  seulement  la  moindre  parcelle 
d'un  alcali,  les  acides  l'attaqueraient  (3).  » 

Puissance  relative  des  acides.  — C'est  dans  sa  Clavis  Hippocra^ 
ticm  medicin»  que  Tachenius  émet  une  idée  très-féconde, 
qui  devait  plus  tard  conduire  à  une  des  lois  fondamentales  de  la 
chimie.  Il  affirme  que  tout  acide  est  déplacé  de  sa  combinaison 
par  un  a%Ure  acide  plus  puissant;  et  il  ajoute  que  l'acide  qui  se 
combine  ainsi  avec  un  alcali  augmente  nécessairement  de 
poids  d'une  manière  constante  (5). 

A  part  quelque  simperfections,  qu'il  faut  mettre  sur  le  compte 

(1)  Tachenias,  ArUiquissimx  Hippocraticx  medicinx  clavis,  p.  14. 
(ï)  HM.,  p.  18. 

(3)  IbkL,  p.  34  et  iU>, 

(4)  ÀnU^iiUssim»  HippocnUlcm  medicinse  clavis,  p.  137  et  141.  —  Quicquid 
dissolvitur  in  acido  extra  famiUam  suam,  vel  innato  potentiori,  statim  supprimi- 
tur  ejiis  débile  acidum,  et  dissolutione  acridi  dissolventis  naturam  induat ,  necesse 
est  addum;  eum  suivit  et  combibitur  ab  innato  alcali  rei,  —  cresclt  ejusdem 
rel  pondus ,  etc. 


224  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

de  Tesprit  derépoque  plutôt  que  sur  les  tendances  de  l'auteur^ 
les  travaux  chimiques  de  Tachenius  sont  remarquables  sous  plu& 
d'un  rapport;  ils  méritaient  Thonneur  d*ôtre  cités  comme  un& 
autorité  par  la  plupart  des  chimistes  du  dix-septième;  siècle» 


§  10. 

Frédéric  Hoffmann. 

m 

F.  Hoffmann  est  plus  connu  comme  médecin  que  comm 
chimiste.  Néanmoins  ses  premiers  travaux,  qui  parurent  ver* 
la  fin  du  dix-septième  siècle,  ont  presque  tous  pour  objet  1 
chimie.  C'est  en  prenant  pour  point  de  départ  les  sciences  phj^* — - 
sique  et  chimique  que  F.  Hoffmann  s'est  acquis  une  juste  ré-  - 
putation. 

Frédéric  Hoffmann  naquit  en  1660.  Il  étudia  la  chimie  à  lei^^a 
et  à  Erfurt,  sous  la  direction  des  célèbres  professeurs  W.  We 


ïm 


del  etc.  Cramer.  ATâge  de  trente  ans,  il  fut  appelé  comme  pre 
mier  professeur  à  l'université  de  Halle,  qui  venait  d'être  fondée 


rs. 


grâce  au  talent  de  Hoffmann,  cette  université  ne  tarda  pas  d' 
tirer  de  toutes  parts  une  jeunesse  studieuse.  Il  serait  hors  de  p 
pos  de  faire  ici  la  biographie,  quelque  intéressante  qu'elle  fi 
de  cet  homme  de  génie,  auquel  la  médecine  doit  presque  a 
tant  qu'à  Hippocrate  (1).  Nous  rappellerons  seulement  q 
F .  Hoffman  faisait  Tadmiralion  dé  tous  ses  contemporains,  no 
seulement  par  la  profondeur  et  la  variété  de  ses  connaissanc 
mais  encore  par  ses  belles  qualités  morales  et  sa  probité  scie 
tifique.  L'étendue  de  ses  occupations  ne  l'empêchait  pas  d'e  n- 
tretenir  une  vaète  correspondance  avec  tous  les  savants  ^c 
l'Europe,  qui  se  faisaient  un  honneur  de  communiquer  leurs  ci  ^- 
couverles  à  leur  illustre  correspondant,  comme]  s'il  personnifia^  i* 
toute  une  académie  des  sciences.  C'est  par  une  lettre  de  Garellî» 
médecin  de  l'empereur  Charles  VI,  qu'il  fut  instruit  que  l'ay 
toffana  ou  aquetta  di  ISapoli,  avec  laquelle  avaient,  dit-ohj 
empoisonnées  plus  de  six  cents  personnes,  parmi  lesquelles  de^^ 
papes,  Pie  III  et  Clément  XIV,  n'était  autre  chose  qu'une  sol»^ 

(1)  Voy.  sur  la  vie  de  Fréd.  Hoffman  ;  Vita  Fred.  Hoffmani,  par  J.-H.  Schal^^ 
Halle ,  1710 ,  in-4^  —  Panégyrique  de  Fr.  Hoffmann;  Halle-,  1743 ,  in-fol. 


/ 


TROISIÈME  EPOQUE.  ;  225 

% 

iîon  arsenicale,  employée  probablement  à  différéhts  degrés  de 
concentration,  pour  produire  des  effets  plus  ou  moins  lents  (1). 
Frédéric  Hoffmann  mourut  en  1743,  à  Tâge  de  quatre-vingt- 
trois  ans. 

TraTanx  chlntliiiiês  de  F.  Hoffinanii. 

Ces  travaux,  qui  ont  presque  tous  pour  but  la  médecine  pra- 
tique, témoignent  d'une  sagacité  profonde  ;  le  langage  dans  le- 
quel ils  sont  écrits  est  d'une  lucidité  remarquable  en  même  temps 
que  d'une  élégance  qui  ferait  honneur  à  nos  meilleurs  latinistes. 

Parmi  les  dissertations  médico-chimiques  les  plus  intéressan- 
tes de  F.  Hoffman,  nous  choisirons  d'abord,  pour  l'analyser, 
celle  qui  traite  des  eaux  minérales. 

De  Methodo  examinandi  aquas  salubres  (2). 

Libavius  avait  déjà  consacré  un  travail  spécial  à  l'examen  des 
eaux  minérales  (3)  ;  mais  F.  Hoffmann  dirigea  plus  particulière- 
ment l'attention  des  chimistes  et  des  médecins  sur  ce  point  im- 
portant de  la  science,  et  ce  n'est  que  depuis  lors  que  les  ou- 
vrages sur  ce  sujet  se  sont  multipliés. 

Dès  le  début,  l'auteur  soulève  une  question  grave,  à  savoir, 
si  l'eau  est  un  corps  élémentaire,  comme  on  l'avait  admis  de 
toute  antiquité,  ou  si  c'est^un  corps  composé.  Il  n'hésite  pas  à 
se  prononcer  en  faveur  de  la  composition  de  l'eau  :  «  L'eau ,  dit- 
il,  est  composée  d'un  élément  très-fluide,  d'une  espèce  d'esprit 
éthéré  (  aqua  composita  est  ex  elemento  fluidissimo  ,  videlicet 
spiritu  œihereo),  et  d'un  principe   salin.  » 

C'était  là  alors  une  idée  bien  hardie,  car  elle  n'est  en  apparence 
fondée  sur  aucune  expérience  positive  ;  aussi  ne  faut-il  la  considé- 
x*er  que  comme  un  de»  ces  traits  lumineux  qui ,  semblables  à  des 

(1)  Le  procès  de  Tempoisonneuse  Toffanaeut  lieu  à  Rome  en  1718.  Soumise  à  la 
«gestion,  cette  femme  déelara  qu'elle  ne  communiquerait  son  secret  qu'au  pape  et  à 
X'empereur  (Charles  VI),  qui  se  trouvait  alors  en  Italie.  L'empereur  le  communi- 
^^a  à  son  tour  à  son  médecin ,  qui  lui-même  s'empressa  d'en  faire  part  à  son  il- 
lustre correspondant. —Fréd.  Hoffmann,  Medecinœ  ration,  systemat.y  t.  II, 
CHalle,  1729,4),  p.  2,  c.  2,  §  19,  p.  185.  —  Voy.  sur  TaquaToffana  le  mémoire  de 
%ogneta  (  Nouvelle  Méthode  de  traitement  de  V empoisonnement  par  Varse- 
-aitc;  Paris,  1840,  8),  p.  xiii. 

(2)  Fr.  Hoff.,  Dissertât,  physico-medic.  sélect.  Pars  altéra  ;  Leyde ,  1708,  in-8°, 

(3)  Voy.  p.  29  de  ce  volume. 

BIST.   DE  LA   CUIMIE.  —  T.     II.  15 


226  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

météores,  se  montrent  un  instant  à  Thorizon  pour  s'éteindre  èl 
réapparaître  dans  tout  leur  éclat  après  la  révolution  d'une  pé- 
riode plus  ou  moins  longue. 

Mais  Teau ,  remarque  l'auteur,  n'est  pas  seulement  un  corps 
composé;  dans  son  état  naturel  elle  n'est  jamais  exempte  de 
particules  de  matières  solides  qu'elle  tient  en  dissolution  (1).  Ces 
matières  varient  suivant  les  terrains  ou  les  couches  minérales 
que  l'eau  traverse. 

Avant  de  procéder  à  l'analyse  de  ces  matières,  il  faut,  dit-il, 
d'abord  constater  la  densité  des  eaux  qui  les  renferment.  Or  on 
y  arrive,  soit  au  moyen  d'une  balance  hydrostatique',  soit  en 
employant  un  tube  rempli  d'un  liquide  coloré  (  espèce  de  liqueur 
normale).  A  cet  effet,  on  débouche  le  tube  en  l'introduisant 
dans  l'eau  qu'on  veut  examiner.  Si  le  liquide  coloré  est  plus 
dense,  le[  tube  descendra  ;  sinon ,  le  contraire  aura  lieu  (2). 

De  toutes  les  eaux  minérales,  les  gazeuses  sont  celles  qui  fixèrent 
plus  particulièrement  l'attention  de  Hoffmann.  Il  n'ignorait  pas 
que  les  nombreuses  bulles  qui  s'en  élèvent  ne  sont  dues  qu'au  lié- 
gagement  d'un  fluide  élastique,  et  que  c'est  ce  même  fluide  qui , 
sous  l'influence  de  la  chaleur  qui  le  dilate,  fait  éclater  les  bouteilles 
dans  lesquelles  on  tient  exactement  fermées  des  eaux  acidulés 
gazeuses,  comme  celles  de  Wildung  et  d'Eger  (3).  Il  remarque 
aussi  que  ces  eaux  laissent  surtout  échapper  ce  fluide  élastique 
en  abondance,  lorsqu'on  y  met  du  sucre  ou  quelque  acide  (4). 
Enfin,  ce  fluide  élastique,  appelé  iSiniôh'spiriius  elasticus^  tantôt 
substantia  aerea  ouœtherea,  mais  le  plus  souvent  spiritiAs  mine- 
raliSy  et  qui  n'est  autre  chose  que  le  gaz  acide  carbonique,  joue , 
ajoute  l'auteur,  un  immense  rôle  dans  le  règne  minéral,  aussi 
bien  que  dans  le  règne  végétal  et  animal. 

S'appuyant  sur  l'observation  d'un  chimiste  français  (Duclos), 
et  fort  de  sa  propre  expérience,  il  déclare  Je  premier  de  tous  que 

(1) Fr.  Hoffmana,  Dissertât,  physicomédic.  Part.  II, p.  168.  NuUaaquain  tota 
rerum  natura  reperitur,  qaœ  non  in  sinu  suo  recondaf  siccse  et  solidse  materiaB 
quippiam. 

(2)Ibid.,p.  170. 

(3)  Fr  Hoflmann,  Dissertât,  physico-medic, sélect.  Part.  Il,  p.  172.  Copiosissi- 
marumharumbuUulanimascensiounicedebetur  aetherese  aereae  substantisB  intra 
poros  aqusB  latitanti.  —  Hic  œther  spirituosus  eiasticus  est  quoque  cansa  cor 
Titra  vel  lagenae  angusiioris  orîûcii  aciduiis  totœ  repletœ,  si  nimis  accurate  clan- 
dantur,  sœpius  soleant  frangi. 

{4)Ibid.,p.  177. 


TROISliMS  ÉPOOUE.  227 

Vesprit  minéral  (acide  carbonique)  est  de  nature  aeide,  parce  que, 
étant  ainsi  dissous  dans  Teau,  il  rougît  la  teinture  de  tournesol 
(  aguà  toma-solis  )  (1). 

Arrivant  aux  détails  de  l'analyse,  il  s'efforce  d'abord  de  dé- 
truire Terreur  des  anciens,  qui  prétendaient  que  les  eaux  miné- 
rales contiennent  de  l'or,  de  l'argent,  de  Tétain,  du  plomb,  de 
l'antimoine  et  de  l'arsenic.  Puis  il  y  constate  chimiquement  l'exis- 
tence des  substances  suivantes  : 

1**  Fer,  —  C'est  là  le  métal  dominant  (principatum  obtinei . 
Mars).  L'ai^ile  rouge,  l'ocre,  etc.,  indfquent  la  présence  du  fer. 
11  n'est  donc  pas  étonnant  que  l'eau  s'en  charge  en  traversant  les 
terrains  ferrugineux  si  universellement  répandus.  On  reconnaît 
les   eaux  ferrugineuses  à  leur  saveur  astringente  particulière 
(sapore  quem  relinquunt  in  lingua  quodammodo  constringente  ), 
et  à  la  matière  ocreuse  jaune  qu'elles  déposent,  $pit  spontané-^ 
ment,  soit  par  l'application  de  la  chaleur.  Cette  matière ,  après  ' 
avoir  été. fortement  chauffée  (  avec  du  charbon),  devient  atti- 
rable  parTaimant,  cequi prouve  qu'elle  estde  la  nature  du  fer  (2). 
Mais  le  meilleur  réactif  consiste  dans  l'emploi  de  la  poudre  de 
noix  de  galle  :  si  les  eaux  minérales  ne  contiennent  que  des  traces 
de  fer,  ce  réactif  n'y  produira  qu'une  coloration  purpurine;  si  le 
fer  y  est  au  contrai  re  assez  abondant,  on  y  verra  naître  une  colora- 
tion noire  (3).  La  noix  de  galle  ne  produit  plus  aucun  changement 
dans  ces  eaux  lorsqu'on  les  a  fait  bouillir  ;  car,  dans  ce  cas,  l'ocre 
se  dépose.  On  peut  encore  (nous  continuons  à  citer  textuellement 
l'auteur)  séparer  toute  l'ocre,  en  mêlant  les  eaux  ferrugineuses 
avec  des  coquilles  d'huîtres  ou  delà  chaux  brûlées,  et  en  les  aban- 
donnant quelque  temps  à  elles-mêmes.  Non-seulenjent  les  noix 
de  galle,  mais  les  feuilles  de  chêne,  les  écorces  de  grenade,  l'ex- 
trait de  thé,  de  tormentille ,  peuvent   noircir  les  eaux   ferrugi- 
neuses. Le  fer  n'étant  pas  soluble  par  lui-même,  qui  est-ce  qui 
le  rend  solùble?  C'est    Vesprit  minéral  (acide    carbonique); 
car,  àmesureque  celui-ci  s'échappe  dans  l'air,  l'ocre  abandonne 
l'eau,  et  se  dépose  au  fond  des  vases  sous  forme  d'une  poussière 

(1)  Fr.  IMfmann,  Déêsertat.  physico-medic.  sélect.  P.  183.  Batio  hujus  pfaueeno- 
meni  procul  ornai  dubio  est  hœc,  quod  spiritufi  uinaralis  fuerit  in  doU(»  acidlusculœ. 

(2)  Ibid.,  p,  196.  ->  Igae  U»6ti  uuignett  pcoupte  accedit,  maaifesto  documento 
martialis  «Me  mIiibii. 

(3)  Màà.\p.  II,  p.  187.  -^  Slnûadr  copia  œmt,  nanciacontur  purpureun;  si 
vero  major,  atrum  coloram. 

15. 


228  HISTOIRE  DE  LÀ  GHIBOE. 

légère  (1).  D'autres  fois,  le  fer  s*y  trouve  à  l'état  de  véritable  vi- 
triol (  combiné  avec  Tacide  sulfurique  ). 

2»  Cuivre.  —  Ce  métal  est  beaucoup  plus  rare  dans  les  eaux 
minérales  ,  et  il  ne  s'y  trouve  qu'à  l'état  de  vitriol  ;  telles  &ont 
quelques  sources  en  Hongrie,  comme  celle  de  Neusohl,  lesquelles 
précipitent  du  cuivre  très-pur  quand  on  y  plonge  une  lame  de 
fer  (2).  Ces  eaux  ne  sont  d'aucun  usage  interne,  à  cause  de  leur 
propriété  émétique,  dont  je  cuivre  ne  se  dépouille  jamais  (  pro- 
pter  emeticam,  quant  nunquam  exuit  Venus,  virtutem). 

3°  Sel  commun.  — Presque  toutes  les  eaux  en  contiennent;  les 
sources  de  Hornbausen  et  de  Wiesbaden  surtout  en  sont  ricbes. 
Le  sel  commun  se  reconnaît  à  la  forme  de  ses  cristaux  cubiques 
(obtenus  par  l'évaporation  des  eaux),  lesquels  décrépitent  dans, 
le  feu  {in  igné  crépitant  )  ;  il  se  reconnaît  aussi  à  ce  que,  traité  par 
Peau-forte,  il  donne  l'esprit  de  sel,  qui,  mêlé  avec  la  même  eau- 
forte,  produit  le  dissolvant  de  l'or  (eau  régale  )  ;  enfin,  à  ce  q,u'il 
trouble  une  solution  d'argent,  et  qu'il  la  précipite  en  blanc  (3). 

4**  Alcali  /2a:e (carbonate  de  potasse).  —Ce  sel  se  rencontre 
principalement  dans  certaines  eaux  tbermales,  comme  celles  de 
Carlsbad  en  Bohême.  On  l'obtient  par  l'évaporation  de  ces  eaux. 
On  en  constate  la  présence  par  le  sirop  de  violettes,  qui  est  ainsi 
verdi  (4).  Traité  par  le  sel  ammoniac /il  en  dégage  l'alcali  vo- 
latil (  gaz  ammoniac  )  ;  mêlé  avec  du  soufre  et  du  nitre  en  prô^ 
portion  convenable  [débita  quantitate),  il  donne  .une  poudre 
fulminante.  Le  sel  alcali  fixe  se  reconnaît  encore  à  d'autres 
caractères  :  il  fait  effervescence  avec  l'esprit  de  vitriol  (  acide 
sulfurique),  enlève  à  celui-ci  son  acidité,  et  forme  avec  lui 
des  cristaux  de  tartre  vitriolé  (sulfate  de  potasse).  Étant  fondu 
avec  du  soufre,  il  donne  naissance  à  une  substance'rouge  fétide, 
connue  sous  le  nom  de  foie  de  soufre  (  hepar  sulphuris  )  (5). 


(1)  Fr.  Hoffmann,  Dissert,  physico-medic,  sélect.,  Pars  altéra,  p.  198.  — 
Exhalante  spirituoso  elemento,  deponunt  in  vasis  fundum  leviusculum  ochreum 
pulverem  ;  nam  spiritus  volatilis  ille,  qui  sub  compedibus  ^is  tenuissimam  Mar- 
tis  substantiam  detinet,  dum  leyissime  exhalât,  demittit  ad  fundum  hanc  ipsam. 

(2)  Ibid.,  p.  196.  —  Fontes  inHungaria,  v.  g.  Neusohlii,  ex  quibus  ferro  im- 
misso  purissiraiim  prâecipitatur  cuprum. 

(3)  Ibid.,  p.  199  :  Praecipitat  lunam  solutam  in  forma  pulveris  albi. 

(4)  Ibid.,  p.  199  :  Hoc  sal  syrupo  violarum  viridém  colorum  inducit. 

^  (5)  Ibid.,  200  :  Cum  sulphure  per  ignem combinatum  largitur  substantiam  ru- 
bicundam  maie  olentem,  quae  vocari  solet  hepar  sulphuris. 


TROISIÈME  EPOQUE.  229 

5°  Chaux.  —  Magnésie,  —  G'estdans  la  caractéristique  différen- 
tielle de  ces  deux  bases  que  la  sagacité  de  Fr.  Hoffmann  se  ma- 
nifeste dans  tout  son  éclat.  A  lui  Thonneur  d'avoir,  le  premier, 
parlé  de  la  magnésie  comme  d'un  corps  particulier,  qui  de  tout 
temps  avait  été  confondu  avec  la  chaux.  Gomme  le  sujet  était 
nouveau^  il  y  procéda  avec  une  louable  réserve.  Voici  comment 
il  s'exprime  :  «  Un  assez  grand  nombre  de  sources,  parmi  les- 
quelles je  citerai  celles  d'Eger,  d'Elster,  de  Schwalbach,  et  même 
celles  de  Wildung,  contiennent  un  certain  sel  neutre  qui  n'a  pas 
encore  reçu  de  nom,  et  qui  est  à  peu  près  inconnu  {sal  quoddam 
neutrum  innominatum  et  fere  etiam  incognitum)  (1).  Je  Tai  aussi 
trouvé  dans  les  eaux  de  Hornhausen,  qui  doivent  à  ce  sel  leur  pro- 
priété apéritive  et  diurétique.  Les  auteurs  rappellent  vulgairement 
nitre  {nitrum).  Cependant  ce  sel  n'a  absolument  rien  de  commun 
avec  le  nitre  {ne  minimam  quidem  nolam  hujus  habet)  :  d'abord  il 
n'est  point  inflammable,  sa  forme  cristalline  est  toute  différente, 
et  il  ne  donne  point  d'eau-forte  comme  le  nitre.  C'est  un  sel  neu- 
tre^ semblable  à  l'arcant/m  duplicaium  (sulfate  de  potasse),  d'une 
saveur  amère  et  produisant  sur  la  langue  une  sensation  de  froid. 
Il  ne  fait  effervescence  ni  avec  les  acides  ni  avec  les  alcalis,  et 
n'est  pas  très-fusible  au  feu  (2).  » 

Après  cet  exposé  rernarquable  des  caractères  négatifs  d'un 
sel  autrefois  confondu  avec  le  nitre,  l'auteur  passe  à  l'énuméra- 
tion  des  caractères  positifs,  sujet  beaucoup  plus  difficile  et  plusdé- 
licat  :  il  s'agissait  de  distinguer  la  magnésie  d'avec  la  chaux.  Mais 
auparavant  il  fallait  savoir  quel  est  l'acide  qui  forme,  avec  cette 
espèce  de  chaux  inno7nmée,  ce  sel  dont  on  faisait  alors ,  comme 
aujourd'hui ,  un  si  grand  commerce ,  et  qui ,  à  la  dose  d'une 
once  et  au  delà,  était  employé  comme  un  purgatif. 

a  Ce  sel,  dit  Hoffmann,  paraît  provenir  de  la  combinaison  de 
V acide  sulfurique  (  acidum  sulphureum  )  et  d'une  terre  calcaire  de 
nature  alcaline  (3).  C'est  au  sein  de  la  terre  que  cette  combinai- 

(1)  Ce  sel  n'est  autre,  comme  on  le  devine ,  que  le  sulfate  de  magnésie,  qui 
ge  trouve  surtout  abondamment  dans  certaines  sources  minérales  d'Angleterre, 
comme  celles  d'Epsom ,  etc. 

(2)  Dissertât,  physico-medic.  Pars  ait.,  p.  200  :  Non  est  inflammabile,  non 
in  crystallisatione  figuram  pyramidalem  assumit ,  neque  aquam  fortem  dat;  sed 
est  sal  neutrum  instar  arcani  duplicati  saporis  amaricantis^  et  frigus  quoddam 
rèlinquit  in  lingua ,  neque  cum  acide  vel  alcali  efïérvescit,  nec  fluit  in  igné  facile. 

(3)  Dissertât,  physico-medic.^  p.  201  :  Hoc  sal  originem  suam  trahere  vide- 
tiir  ex  corobinationeacidi  sulpburei  et  calcaria  terra  indoUsquealcalinae. 


230  HISTOUIS  DE  LA   GUUUE. 

son  s'opère  H'e^u  dissout  le  sel  qui  se  forme  aiosi,  et  Je  charrie 
avec  elle.  » 

Dans  un  autre  écrit,  Tauteurrevientsurcesujet,  qu'il  croyait  sans 
doute  avoir  incomplètement  traité;  il  ajoute  que  cette  terre  alca- 
line (obtenue  en  traitant  une  solution  de  sel  amer  par  l'alcali  fixe} 
diffère  essentiellement  de  la  chaux,  en  ce  que  celle-ci,  traitée 
par  l'esprit  de  vitriol,  donne  un  sel  très-peu  soluble ,  qui  n'est 
nullement  amer,  et  qui  n'a  presque  aucune  saveur  (1). 

Lister  avait  déjà  très-bien  décrit  la  forme  cristalline  du  sel 
purgatif  amer,  qu'il  appelait  nitre  calcaire  (2).  Mais  personne  n'a- 
vait encore  songé  à  considérer  ce  sel  comme  un  composé  d'acide 
sulfnrique,  et  d'une  espèce  de  terre  calcaire  alcalinSy  différente  de 
la  chaux.  C'est  à  Fr.  Hoffmann  qu'est  due  cette  découverte,  qui 
devait  être^plus  tard,  reprise  et  poursuivie  dans  tous  ses  détails 
par  Black. 

6*  Eaux  alumineuses.  —  Eaux  sulfureuses  ,  etc.  —  Les  au- 
teurs anciens,  Aristote,  Varron,  Pline,  et,  après  ceux-ci  ,  tous 
les  médecins  chimistes ,  ont  parlé  des  eaux  minérales  riches  en 
alun.  Taxant  tous  ces  témoignages  d'erronés,  Hoffmann  assure 
n'avoir  jamais  rencontré  de  l'alun  pur  dans  les  eaux  minérales. 
«  Cependant  je  ne  veux  pas,  ajoute-t-il,  nier  que  des  sources  voi- 
sines de  quelque  mine  d'alun  ne  puissent  se  charger  de  cette 
substance;  mais,  dans  ce  cas,  elles  sont  trop  astringentes,  et  ne 
sont  d'aucun  usage  en  médecine  (3).  » 

Il  est  bon  de  rappeler  que  les  anciens  donnaient  le  nom  d'alun, 
alumen,  <jTUTCTY)pia,  à  toute  espèce  de  matière  astringente  (  vitriol 
de  fer,  de  cuivre,  etc.  ),  tandis  que,  pour  Hoffmann,  cette  confu- 
sion n'existait  plus.  «Les  vitriols  laissent,  dit-il,  un.caput  mor- 
tuum  métallique  après  leur  caloination;  mais  l'alun  donne  une 
terre  bolaire  très-précieuse,  légère,  d'une  espèce  particulière 
{sut  gêner is)  (4).  » 

(1)  Observât,  physico-chymic.  sélect.,  t.  II  obs.  ii,  p.  107,  et  obs.  xviii , 
p.  177. 

(2)  Lister,  De  aquis  Anglix,  c.  i,  p.  13.  Hujus  salis  (nitri  calcarii)  crystalli  te- 
nues longa^que  sunt,  iisque  mediis  quatuor  ialera  parallelogramma  sunt,  at  fera 
inœqualia  ;  ex  altéra  yero  parte,  ipse  mucro  ex  binis  planis  lateribus  triangulari- 
bus  formalur. 

(3)  Diss.  physico-med.  x,  p.  202.  Me  purum  alumen  nusquam  in  aquis  salu- 
bribus  invenisse.  Non  ibimus  tamen  inficias ,  ubi  alumen  magna  in  copia  efijodi- 
tur,  scalurire  interdum  quosdam  fontes  alumine  relèrtos,  etc. 

(4)  Observât, physico-chymic.  sélect.,  t. III,  obs.  tiii,  p.  171.  — Yitriolicaput 


TROISIÈME  EPOQUE.  231 

Quant  aux  eaux  sulfureuses,  il  eu  restreint  également  beau- 
coup le  nombre,  et  ne  parait  leur  accorder  en  médecine  qu'une 
médiocre  confiance.  Il  remarque  qu'elles  se  reconnaissent  à  leur 
odeur  d'œufs  pourris,  et  à  ce  qu'elles  noircissent  l'argent. 

Enfin  il  termine  en  affirmant  que  les  meilleures  eaiix  existent 
dans  les-  terrains  gras  et  argileux,  «  parce  qu'elles  sont  très-peu 
chargées  de  sels  calcaires  ,  qui,  dit-il,  rendent  les  eaux  impro- 
pres à  la  boisson,  à  la  cuisson  des  légumes,  et  à  la  fabrication 
de  la  bière  (1).  » 

Cette  dissertation  si  remarquable  sur  les  sources  minérales 
en  général  est  suivie  d'une  autre  Sur  les  eaux  thermales  de  Caris- 
bad. 

De  Carolinarum  causa  coloris,  virlute  et  usu  (2). 

Rejetant  la  théorie  du  feu  central,  ainsi  que  d'autres  hypothè- 
ses concernant  la  cause  des  sources  thermales,  Hoffmann  insiste 
particulièrement  sur  la  chaleur  que  produisent  les  mélanges 
de  certaines  substances.  11  cite  l'expérience  déjà  connue  du  mé- 
lange de  soufre  pulvérisé  et  de  limaille  de  fer,  qui  s'échauffe 
considérablement  après  avoir  été  humecté  d'eau.  Comme  ces 
mélanges  calorifiques  peuvent,  dans  les  entrailles  de  la  terre^  se 
trouver  en  contact  avec  des  matières  très-inflammables,  telles 
que  le  bitume,  l'auteur  explique  par  là  l'origine  des  sources  ther- 
males, des  volcans,  des  tremblements  de  terre  et  des  incendies 
souterrains.  11  signale  surtout  le  concours  réuni  du  soufre,  de 
l'eau  et  de  l'air.  C'est  qu'en  effet  les  volcans  se  trouvent  presque 
tous  dans  le  voisinage  de  la  mer  (3);  le  sommet  du  cône' donne 
accès  à  l'air,  et  rien  de  plus  commun  autour  du  cratère  que  le 
soufre  et  le  fer,  débris  des  éruptions  volcaniques. 

A  propos  de  ces  mélanges ,  Hoffmann  indique  une  expérience 

mortuum  metallicse  indolls  est.  Âluminis  vero  terra  yalde  spongiosa ,  subtilis , 
bolans  sui  generis  Tidetur. 

(1)  Dissert. physico-med.  x,  p.  205  el  p.  191. 

(2)  Dissert,  physico-med.,  xi. 

(3)  Ce  fait  n'est  aucunement  contredit  par  Pexistence  de  certains  volcans  éteints 
qu'on  trouve  dans  l'intérieur  des  continents.  Car,  pour  les  volcans  éteints  d^ Au- 
vergne ,  par  exemple ,  on  peut  bien  admettre ,  sans  faire  une  hypothèse  exagé- 
rée ,  que  la  mer  Méditerranée  a  recouvert  autrefois  une  grande  partie  du  midi  de 
la  France.  Il  paraît  d'ailleurs  constant  que  les  eaux  des  mers  éprouvent,  de  siècle 
en  siècle,  un  retrait  marqué. 


232  HISTOIRE  DE  lA  CHIMIE. 

assez  curieuse,  qui  consiste  à  verser  de  Vesprit' fumant  coneen-- 
tré  sur  de  Thuile  essentielle  de  girofle  :  il  se  produit  à  l'ins- 
tant une  flamme  très-belle  (1).  Qu'était-ce  que  ce^  spiritvs  conr 
centraiissimus  fumam,  versé  sur  Tessènce  de  girofle?  Était-ce 
le  perchlorure  d'étain  ou  l'acide  nitrique  fumant?  C'était  sans 
doute  le  dernier. 

A  l'objection  que  cette  chaleur,  résultat  des  combinaisons  va- 
riées qui  s'effectuent  au  sein  delà  terre,  doit  diminuer  et  enfin 
disparaître ,  l'auteur  répond  d'abord  que,  les  métaux  ne  faisant 
point  défaut,  cette  chaleur  se  reproduit  sans  cesse,  et,  étant  ainsi 
emprisonnée  sous  la  croûte  terrestre,  elle  se  conserve  beaucoup 
plus  longtemps.  A  l'appui  de  cette  manière  de  voir  il  cite,  comme 
exemples,  la  marmite  de  Papin,  qui  conserve  la  chaleur  pendant 
fort  longtemps,  et  le  corps  humain  lui-même,  qui,  par  l'occlu- 
sion de  ses  pores  et  la  suppression  de  la  transpiration,  éprouve 
l'effet  d'une  chaleur  fébrile  inaccoutumée,  sensible  à  la  peau  (2). 

F.  Hoffmann  a  traité  de  plusieurs  eaux  minérales  d'Allemagne 
qu'il  n'entre  pas  dans  notre  plan  d'analyser  ici  (3). 

La  question  des  eaux  minérales  artificielles  ne  lui  était  pas  non 
plus  étrangère  (4). 

Il  a  en  outre  laissé  des  observations  intéressantes  sur  les  huiles 
essentielles  et  leur  combustion  par  l'acide  nitrique,  sur  la  dis- 
tillation de  l'alcool  avec  Tacide  sulfurique  et  l'acide  nitrique 
(éthersnitreux  et  sulfurique)(5).  Le  mélange  départies  égales 
d'éther  et  d'alcool  concentré  porte  encore  aujourd'hui  le  nom  de 
liqueur  anodine  minérale  d'Hoffmann. 

La  théorie  de  Stahl  commençait  alors  à  se  répandre.  Hoffmann 

(1)  Dissert,  physico-med.  xi,  p.  211  :  Flammam  lucidissimam  ia  momento 
produco  dum  spiritum  concentratissimum  fumantem  infuado  oleo  caryophyllo- 
rum  débita  encheiresi. 

(2)  Fontis  Sedlizenzis  amari  in  Bohemia  noviler  detecti  nec  non  salis  ex  eodem 
parati  examen  chymico-medicum ;  Hal.,  1724,  in-4*.  —  De  fontis martiati  Lauch- 
stadiensis  viribuset  usu;  Hal.,  1723 ,  in-4**.  —  De  fontis  Spadani  et  Swalbacensis 
convenientia ;  Hal.,  1730,  in-4'*.  —  Toutes  ces  dissertations  sont  imprimées  dans 
Opuscul,  physico-medic.  de  elementis^  virihus,  uiilitate  et  usu  medicatO' 
t-um  fontium;  etc.;  Ulmiœ,  8.  T.  I  el  II. 

(3)  Ibid.,  p.  219. 

(4)  Observationes  de  acidulis ,  thermis  et  aliis  fontibus  salubribus  ad  imitatio- 
nem  naturalium  per  artificium  parandis.  Dans  Opuscul.  physico-medic.^  II,  n°  x. 
—  Debalneorum  artificialiumex  scoriismetallorumusu  medico;  Hal.,  1722,  iii-4**. 

(5)  Observât,  physico-chymic.  sélect.;  Hal.,  1736,  in-4°;  lib.  I,  obs.  i-xiv; 
lib.^  II,  obs.  m  et  obs.  iv. 


TROISIÈME  EPOQUE.  233 

éleva  le  premier  des  doutes  sérieux  surTexactitudede  celte  théo- 
rie :  il  trouvait  plus  rationnel  d'admettre  que  le  charbon ,  loin  de 
restituer  aux  chaux  métalliques  (oxydes)  le  prétendu  phlogisti- 
que,  leur  enlève  plutôt  quelque  chose,  et  les  ramène  ainsi  à  leur 
état  primitif  de  métaux  (1).  Il  savait  que  les  terres  vitriolées  en 
général  (sulfates  terreux),  calcinéesavec  du  charbon,  peuventoffrir 
le  même  phénomène  que  la  pierre  ou  phosphore  de  Bologne.  Enfin 
il  inventa  plusieurs  médicaments  efficaces,  d'une  grande  re- 
nommée y  comme  bcUsamum  viiœ^  pilulœ  balsamicœ ,  elixir  viscé- 
rale, essentia  halsamica.  C'est  ainsi  qu'il  recommandait,  comme 
un  des  meilleurs  remèdes  contre  la  goutte,  une  solution  alcooli- 
que de  foie  de  soufre,  associée  quelquefois  au  camphre  et  à  l'ex- 
trait de  pavots  (â). 

F.  Hoffmann  n'était  pas  seulement  un  chimiste  habile,  il 
.était  également  versé,  dans  la  physique.  Son  mémoire  iSwr  les 
vents  renferme  des  notions  exactes  sur  l'élasticité  de  l'air  et  de 
la  vapeur  d'eau  ;  il  explique  la  cause  immédiate  des  vents  par 
la  différence  d'élasticité  dans  les  couches  de  l'air,  et  il  établit 
que  le  mercure  s'élève  dans  le  tube  barométrique  non-seule- 
ment en  raison  de  la  pression  atmosphérique,  mais  encore  de 
l'élasticité  de  l'air,  laquelle  est  égale  à  la  pression  de  Talmos- 
phère;  que^la  vapeur  d'eau  diminue  l'élasticité  de  l'air,  et  que 
c'est  pourquoi  la  colonne  barométrique  s'abaisse ,  lorsque  l'at- 
mosphère est  très-humjde.  De  tout  cela^  il  déduit  des  consé- 
quences très- importantes  pour  la  médecine  (3). 

Tous  les  médecins  devraient  prendre  pour  modèle  les  travaux 
de  F.  Hoffmann  (4),  faire,  comme  lui,  profiter  les  sciences  médi- 
cales des  progrès  des  sciences  physiques,  et  se  rappeler  sans 

(1)  Observât,  physico-chymic.  sélect.  Ili,  obs.  xiii. 

(2)  A  la  dose  de  30  à  40  gouttes  prises  intérieurement.  —  Observât,  physk<h 
ehymic.  sélect.  II,  obs.  xxxi. 

(3)  Dissertât,  physico-medicœ  curiosœ  selectiores;  part.  I,  Lugd.  Bat.,  1708, 
in-8®.  De  ventorum  generaiione ,  ortu  et  causis. 

(4)  Gmelin  (t.  II,  p.  179)  donne  la  liste  des  mémoires  ou  dissertations  de 
F.  Hoflknami ,  ayant  trait  à  la  chimie.  On  les  trouye  aussi  indiqués  dans  Omnium 
dissertationum  et  librorum  àb  Hoffmano,  abanno  1681  ad  annum  1734, 
editorumc<mspectus;.li&\\e,  1734,  in-4**.  —  Tous  ses  travaux  chimiques  sont 
imprimés  dans  Oper.  omn.  medico-physic . ;  Genève,  6  vol.  in-fol.,  1740  et  1748; 
avec  un  supplément  de  2  vol.,  1749;  et  un  second  supplément  de  3  vol.,  1753  et 
1760.  —  Édit.  de  Naples,  1753,  en  25  vol  in-4**;  —  1763,  en  17  vol.;  —  édit. 
de  Venise,  .174S,  en  17  vol.  in-4*». 


234  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

cesse  que  le  corps  de  rhomme  n'est  pas  un  corps  isolé,  mais 
qu'il  subit  perpétuellement  Tempire  d'agents  physiques  qui  le 
modifient  suivant  des  lois  constantes. 

Au  nombre  des  médecins  qui  ont  bien  mérité  de  la  chimie,  il 
faut  citer  encore  Davisson  et  Vigani. 

§  H. 
CSnillamne  DaTiMMiii* 

Guillaume  Davisson  ou  d'Avissone  (  c'est  ainsi  qu'il  s'écrit  lai- 
même)  (1),  médecin  écossais,  fut  appelé  à  remplir  la  première' 
chaire  de  chimie  créée  à  Paris,  au  Jardin  du  Roi  (â).  Il  enseigna 
celte  science  dans  la  première  moitié  du  xvn*  siècle,  sous  la 
minorité  de  Louis  XIII,  et  ses  leçons*attirèrent  un  nombreux 
auditoire.  Il  nous  apprend  lui-même  qu'il  comptait  parmi  ses 
élèves  des  étrangers  de  toutes  les  nations  de  l'Europe,  des  Alle- 
mands, des  Anglais,  des  Italiens,  etc.  (3). 

Ce  fut  à  l'usage  de  ses  élèves  que  Davisson  publia,  en  1635,  no 
ouvrage  ifttitulé  Philosophia  pyrotechnica ,  seu  Cvrsus  chymior 
iricuSy  et  divisé  en  quatre  parties  (4).  La  première  et  la  deuxième 
partie,  que  l'auteur  dédia  à  deux  de  ses  compatriotes,  Jacques  et 
George  Stuart,  et  la  troisième  partie  ne  contiennent  que  des  théo- 
ries spéculatives,  qui  témoignent  d'une  connaissance  approfon- 
die des  anciens.  La  quatrième  partie ,  qui  traite  des  opérations 
chimiques,  est  la  seule  qui  puisse  nous  intéresser. 

C'est  dans  cette  partie  que  se  trouve,  pour  là  première  fois, 
traitée  scientifiquement  la  difficile  question  de  la  formation 
des  cristaux  (5).  L'auteur  étend  le  principe  de  la  cristallisation 

(1)  M.  Baudriraont  possède  une  édition  (2®  éd.,  1640)  de  la  Philosophie  pyra 
technique ,  où  se  lit  sur  le  recto  du  dernier  feuillet  un  autographe  de  Pauteui 
qui  signe  d*Avissone ,  sous^la  date  du  29  août  1641. 

(2)  Voy.  p,  103  de  ce  volume. 

(3)  Pyrolech.  Pars  quarta ,  Admonitio  ad  lectorem,  p.  50  et  52. 

(4)  Paris,  iu-8;  1640;  1642;  1644;  1657  ;Hag.  Corn.,  1641,  in-4.  Traduit  en  fran 
çais  :  Les  éléments  de  la  philosophie  de  Vart  du  feu,  éd.  Hellot,  1651  et  1657 

(5)  Philo80])b.  pyrotech.  Pars  quarta,  p.  184  :  Docirina  de  symbole  et  mu 
latione  elementorum  cum  quinque  corporibus  simplicibus  geometricis;  und 
dilucide  aperktur  vera  causa  diversarum  formai-um,  numerorum  varia 
rumque  proport ionum  in  composais,  ut  figura  hexagonali ,  cubica ,  penia 
gonali,  octaedrica ,  rhombica ,  in  sale  cornu  cervi ,  in  niva  sexangulatii  « 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  '    235 

• 

non-seulement  aux  sels  et  à  des  substances  minérales,  mais  en- 
core aux  alvéoles  des  ruches  et  à  certaines  parties  des  végétaux, 
tdies  que  les  feuilles  et  les  pétales  des  fleurs.  Il  ramène  toutes  les 
formes  cristallines  à  cinq  figures  géométriques,  qui  sont  le  cube, 
l'hexagone,  le  pentagone,  Toctaèdre  et  le  rhomboèdre.  Un  sujet 
aussi  intéressant  et  alors  tout  à  fait  neuf,  opt^  novtirn  et  a 
nullo  ante  me,  quod  sciam,  elaboratum,  devait  faire  remettre  sur 
le  tapis  les  doctrines  anciennes  de  Pythagore  et  de  Platon,  suivant 
lesquelles  toute  l'harmonie  de  la  création  repose  sur  les  nombres 
et  les  figures  géométriques.  Cette  discussion,  un  peu  obscure, 
mt  le  rôle  important  que  jouent  les  mathématiques  dans  les 
écrits  des  philosophes  anciens,  et  particulièrement  dans  le  Timée 
'  de  Platon^  se  termine  par  ces  vers  de  Boëthius  : 

Tu  numerift  elemeota  ligat«  ut  irigora  flammis ,        • 
Arida  conyeniant  liquidis  ,  ne  purlor  ignis 
EYoIet,  aut  mersas  deducant  pondère  terras. 

La  cristallognosie  offre  un  beau  champ  à  quiconque  aime  les 
théories  spéculatives  de  la  science. 

§12. 
^ean-Françôifl  Vii^ani. 

Ce  chimiste-médecin,  natif  de  Vérone,  passa  presque  toute 
sa  vie  en  Angleterre.  Il  appartenait  à  la  grande  école  de  Boyle. 
Adversaire  déclaré  des  théories  obscures  et  souvent  incompré- 
hensibles des  alchimistes,  il  prend  Texpérience  pour  guide  dans 
ses  recherches,  et  se  glorifie  de  ne  rien  avancer  qu'il  n'ait  lui- 
même  vu  et  observé. 

C'est  dans  un  petit  traité  d'une  soixantaine  de  pages,  intitulé 
Medulla  éhymise  {i)y  qu'il  expose  les  faits  qu'il  a  découverts, 
ainsi  que  les  expériences  dont  il  fut  témoin. 

Purification  du  vitriol  de  fer,  et  préparation  de  Vammoniaque 
vitriolé  {sulfate  d'ammoniaque).  —  Le  procédé  que  Vigani  propose 
pour  enlever  au  vitriol  de  fer  les  particules  de  cuivre  dont  il  n'est 

crys{fillOy  smaragdo ,  adamante ,  viiriolo,  cauUbus  j  florlbus  et  foliis  stir- 
P«tt»,  alveolis  apum,  niiro,  sale  gemmx  et  vulgarL 
(1)  Variis  experimentis  aucta,  multisque  figuris  illustrata;  Lond.,  1083,  in-lS. 


236  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

presque' jamais  exempt^  consiste  à  plonger  dans  la  dissolutioci^ 
de  ce  vitriol  une  lame  de  fer,  et  de  Ty  laisser  jusqu'à  ce  qu^ 
tout  le  cuivre  soit  précipité.  Pour  préparer  le  nouveau  sel  (  sul- 
fate) d'ammoniaque  recommandé  comme  médicament  dans  les 
maladies  chroniques,  il  s'agit  tout  simplement  de  verser,  dans  la. 
liqueur  du  vitriol  de  fer  ainsi  purifié,  une  solution  d'alcali  vola- 
til, jusqu'à  ce  qu'il  ne  se  forme  plus  de  précipité.  La  liqueur  fil- 
trée donne  ensuite,  parévaporation,  le  sel  en  question,  préférable 
au  tartre  vitriolé  (sulfate  de  potasse),  longe  enim  antecedit  tarta- 
rum  vitriolatum  (1  ) . 

Afin  de  démontrer  qu'une  chaux  métallique  (oxyde)  se 
combine  toujours  avec  la  même  quantité  d'un  même  acide  -  pour 
produire  un  composé  (sel)  déterminé,  l'auteur  prend  le  vert-de- 
gris  artificiel  (acétate  de  cuivre),  le  soumet  à  la  distillation, et 
constate  ainsi  que  là  quantité  d'acide  volatil  qui  se  sépare  etf 
à  peu  près  la  même  que  celle  que  prendrait  le  cuivre  qui  reste, 
après  la  distillation,  au  fond  du  matras,  pour  reconstituer  le 
vert-de-gris  (2). 

Vigania,  un  des  premiers,  détmit  l'erreur Jdes  chimistes  qui 
croyaient  que  l'antimoine  rend  le  vin  éraétique  sans  rien  perdre 
de  son  poids.  Il  affirme,  par  sa  propre  expérience,  que,  dans  ce 
cas,  l'antimoine,  quel,  qu'en  soit  le  composé^  diminue  un  peu 
de  son  poids,  et  que  l'émétisation  du  vin  est  produite  par  la 
combinaison  des  particules  du  tartre  avec  des  particules  anti- 
moniales (3). 

L'émétique  est  en  effet  un  composé  d'oxyde  d'antimoine  et  de 
tartre  (bitartrate  de  potasse  ). 

On  sait  que,  dès  l'origine,  les  mercuriaux  étaient  mis  en 
usage  pour  combattre  la  syphilis.  Vigani  employait,  dans  ce  but, 
un  remède  particulier,  appelé  mercure  vert  {mercurius  viridis), 
et  dont  il  regardait  la  préparation  comme  un  très-grand  arcane 
(  quem  tanquam  maximum  arcanum  conserva)  (4). 

On  voit  par  là  que  l'intérêt  pur  de  la  science  était  loin  de 
l'emporter  sur  toute  autre  considération,  même  chez  les  chi- 
mistes les  plus  éclairés  de  cette  époque. 


(1)  Medulla  chjfmiae,  p.  6  et  7. 
(2)lbid.,p.  13. 

(3)  Ibid.,  p.  49. 

(4)  Ibid.,  p.  53. 


TROISIEME  ÉPOOUE.  237 


V. 

CHIMIE  PHARMACEUTIQUE. 


Les  travaux  de  Basile  Valenlin  et  de  Paracelse  devaient  porter 
leurs  fruits.  La  chimie  continue  d'envahir,  à  bon  droit,  le  do- 
maine de  la  pharmacologie.  Le  nombre  des  médicaments  chi- 
miques actifs  allait  tous  les  jours  en  augmentant. 

Les  médecins  qui  se  sont  le  plus  efforcés  de  rendre  la  chimie 
tributaire  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie  sont  :  Frédéric 
Hoffmann  (i);  Nie.  Chesneau,  médecin  de  Marseille  (2);  Th. 
Wiixis,  célèbre  médecin  anglais  (3);  J:  Zwelfer  (4)  ;  P.  Pote- 
Bius,  médecin  d'Anjou,  qui  passa  une  grande  partie  de  sa  vie  en 
Italie,  où  il  tomba    victime  de  la  perfidie  de  Sancassani  (5)  ; 
Lazare  la  Rivière  (Riverius)^  régent  de  la  Faculté  de  Mont- 
pellier (6)  ;  F.  Bartoletti,  professeur  à  Bologne,  puis  àMantoue, 
où  il  mourut  à  Page  de  quarante-neuf  ans,  en  Tannée  1630  ;  il 
a  décrit  le  sucre  de  lait,  sous  le  nom  de  manfia  seu  nitrum  seri 
lactis^ÇI). 

n  faut  encore  ajouter  à  cette  liste  Ray.  Minberer,  médecin 
d'Augsbourg,  qui  attacha  son  nom  à  la  liqueur  de  Tacétate  d'am- 
moniaque, appelée  esprit  ou  eau  de  Minderer  {spiritusvel  aqua 
Mmdereri)  (8);  Adrien  de  Mynsicht,  surnommé  Tribudenius,  au- 

(1)  Clayis  phannaceuticaSchrœderivHall.,  1681,  m-4°. 

(2)  Pharmacie  historique  ;  Paris,  1660,  1682,  iii-4^. 

(3)  Pharmaceutica  rationalis  ;  Hag.,  1676  et  1677;  Oxf.,  1678,  in-8°. 

(4;  Animadversionesinphannacopœiam  Augustanam,  etc.;  Vienne,  1652,  in-fol. 
Norimb.,  1^57,  1667, 1675,  in-S^*. 

(5)  Phannacopœa  spagirica  nova  et  inedita;  Bologne,  1622,  in-8°;  Cologne, 
1624^  in  12. 

(6)  Praxis  medica  cumtheoria;  Paris,  1640,  in- 18.  Ibid.;  Lyon,  1647,  1649, 
1652. 

(7)  Opuscul.  scientific.  e  filolog  ,  t.  XXI,  p.  39d.  MazzuchelU,  Scriitori  (Tltalia, 
n,  p.  429. 

(8)  Aloedarium  marocostinum  ;  Augsbourg ,  1616,  in-8°.  —  De  chalcantho 


938  HISTOI&B  DS  LÀ  CHIMIE. 

quel  on  attribue  à  tort  la  découverte  de  rémétique(i),  puisque 
d'autres  ehimistesle  connaissaient  irtconteslablementavantlui(2j; 
P.  Seignette,  pharmacien  de  la  Rochelle,  qui  découvrit,  vers 
Tannée  1672,  le  sel  connu  sous  le  nom  de  Seignette,  et  qui  valut 
une  grande  fortune  aux  héritiers  de  Tinventeur  (3)  ;  Turqtjetjb 
M AYBRNE,  martyr  de  Tintolérance  de  la  Faculté  de  médcinè  de 
Paris,  sévissant  contre  tous  ceux  qui  cherchaient  à  répandre 
remploi  des  nouveaux  médicaments  chimiques  (  préparations 
antimoniales,  mercurielles ,  ferrugineuses,  etc.)  (4-).  L'atrêtédu 
collège  médical ,  qui  condamna  Turquet  à  la  dégradation-  doc- 
torale ,  est  un  chef-d'œuvre  d'intolérance  et  d'iniquité  ;  il  est 
rendu  dans  ce  langage  injurieux  dont  les  médecins  n'abusent,' 
hélas  !  que  trop  souvent*  Voici  cet   arrêté ,  qui  déshonore  ses 


disq«i8Îtioiatro-chymica;  Aogust.  Yindel.,  1617,  in-4^.  — Threnodia  medica,  âve 
planctus  medieinœ  JkigeBtis;  Aug.  Yindel.,  1619,  ia.8°.  —  Medicina  mOttarit; 
Norimb.,  1679,  ia-12;  édit.  allemande,  1621  et  1623,  in-S*". 

(1)  Thésaurus  medico-chymicus  ;  Hamburg,  1631,  in-4®.  —  Ce  qui  a  probi- 
blement  donné  lieu  à  lui  attribuer  la  découverte  de  Témétique ,  c'est  un  passigB 
où  Tauteur  dit  (p.  13)  de  mettre  du  fer,  de  l'antimoine  et  du  mercure  pulvéïiiéi 
éans  de  l'esprit-de-vin  tartarisé  (spiritus  vmi  tartarisatus) ,  pour  obtenir  n 
excellent  médicament  contre  Vépilepsie  ,  etc.  ^ 

(2)  Voy.  p.  30  et  220  de  ce  volume. 

(3)  Les  principales  utilités  et  Vusage  le  plus  familier  du  véritable  selpoly' 
chresie  de  31.  Seignette ,-  la  Rochelle',  in-4°.  —  Le  faux  sel  polychreste ,  ek.; 
la  Rochelle,  1675,  in-S"*.  —  Le  sel  polychreste  de  Seignette  est  le  tartrate  double 
dépotasse  et  de  soude.  On  l'obtient  en  ajoutant  à  une  solution  chaude  de  tartie 
du  carbonate  de  soude  en  poudre  jusqu'à  ce  qu'il  ne  se  manifeste  plus  d'efferves- 
cence. Ce  sel  devint,  bientôt  après  Lemery ,  un  remède  à  la  mode.  Sa  compoâ- 
lion  fut  tenue  secrète  pendant  longtemps  ;  Boulduc  et  Geoffroy  la  firent  les  pre- 
miers connaître  en  1731. 

(4)  Pharmacopœa ,  in  Oper.  medic.  in  quibus  continentur  consilium,  epistoliEf 
observationes ,  variaeque  medicamentorum  formulâe,  qu«B  in  usum  Ann»  et  H. 
Marise  Anglias  reginarum  pra&scripta  fuere,  una  cum  epistola  praefatoria,  etc.* 
edit.  Brown  ;  Lond. ,  1 703,  in-fol.  —  Les  médicaments  chimiques  dont  Turquet  re- 
commande l'emploi  sont  le  mercure  doux ,  l'antimoine  diaphorétique ,  le  turinth 
minéral ,  des  huiles  pyrogénées ,  la  solution  alcoolique  de  l'acétate  de  pbtaMe, 
l'acide  benzcnque,  le  vitriol  de  cuivre,  le  vitriol  de  fer,  toutes  substances  qui  soal 
encore  aujourd'hui  vantées  dans  la  thérapeutique.  —  Il  conseille  de  préparer  Ib 
vitriol  martial  avec  de  la  Umaille  de  fer  bien  pur.  Il  connaissait  l'inllammabilitédi 
gaz  qui  se  produit  lorsqu'on  traite  le  fer  par  l'huile  de  Vitriol  étendue';  il  inâi^ 
des  moyens  pour  purifier  le  tartre,  pour  préparer  le  vinaigre  radical.  —  VoS 
des  titres  qui  prouvent  qne  Turquet  n'était  point  aussi  ignorant  que  le  prélS 
dent  ses  détracteurs.  x 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  239 

auteurs;  car  rien  ne  peut  excuser  des  juges  qui  appellent  celui 
qu'ils  condamiient  impudent,  ivrogne^  enragé,  etc. 

CoUegiiim  medicorum  in  Academia  Parisiensi  légitime  congregalum ,  audita 

'    renunciatione  censonun ,  quibus  demandata  erat  provincia  examinandi  apolo- 

\  giam  sub  nomine  Mayerri  Turqueti  editam,  ipsam  unanimi  consensu  damuat,  tan- 

qoam  famosum  libellum,  mendacibus  convitiis  et  impudentibus  calumniis  re- 

*  fertom;  quœ  nonDisi  ab  homine  imperito,  impudenti,  temulento  etfurioso  pro- 

lldicipotaerant.  Ipsum  Turquetmn  indignom  jadicat,  qui  usquam  medicinam 

iiciat,  propter  temeritatem,  impudentiam  et  verae  medicinae  ignorationem.  Omnes 

vero  medicos ,  qui  ubique  'gentium  et  locorum  medicinam  exercent,  hortatur  ut 

^ffimiTurqnetum  similiaque  hominum  etopiuionum  portenta  a  se  suisque  fim'bus 

uceant,  et  in  Hippocratis  ac  Galeni  doctrina  constantes  permaneant;  et  probi- 

Inît  ne  quifi  ex  hoc  medicorum  Parisiensiu  m  ordine  cum  Turqueto  eique  simi- 

libas  médica  consilia  ineat.  Qoî  secus  fecerit ,  scholsB  ornamentis  et  açadcmiae 

privilegus  privabitur,  et  de  regentium  numéro  expugnetur  (i). 

On  faisait  sans  doute  souvent  un  grand  abus  des  nouveaux  re- 
'  mèdes  révélés  par  la  pratique  de  la  chimie  ;  le  chevalier  Digby  (2), 
Rattray  (3),  médecin  de  Glasgow,  et  plusieurs  autres  charlatans, 
débitant  aux  crédules  leur  poudre  de  sympathie, — d'où  vient 
peut-être  la  locution  vulgaire,y^^er  de  la  poudre  aux  yeux,  — mé- 
ritaient la  réprobation  générale.  Mais  ici,  comme  partout,  les 
coupables  savaient  se  soustraire  aux  châtiments,  qui  tombaient 
sur  des  innocents. 

Il  serait  facile  d'allonger  la  liste  des  médecins  qui  ont  em- 
brassé la  cause  des  chimistes  aux  prises  avec  les  galénistés. 
Nous  nous  contenterons  de  joindre,  d'après  Gmelin,  aux 
noms  déjà  cités  :  Dan.  Sennert,  qui  blâme  avec  raison  l'ha- 
bitude de  faire  un  mystère  de  la  préparation  de  certains  se- 
crets (4);  Arn.  Kerner,  médecin  de  Leipzig  (5);  Pierre  Borel, 

(1)  Voy.  Guy  Patin,  Lettres  choisies,  1. 1,  p.  19-21. 

(2)  Beceipts  in  physic  and  surgery  ;  Lond.,  1663,  in-8°.  —  Nouveaux  et  rares 
uerets,  et  un  discours  touchant  la  guérison  des  plaies  par  la  poudre  de  syrri- 
jMtAfé,' Anvers,  1678,  in-8°.  —Le  chevalier  Digby,  deBuckingham,  fort  renommé 
àkeoor  de  Charles  V^  et  de  Charles  II,  mourut  en  1665,  dans  un  combat  contre 

lei  Tares. 

(3)  Aditus  novus  ad  occultas  sympathiae  et  antipathies  causas  inveniendas  per 
iriDdiHa  philosophiœ  naturalis,  etc.;  Glasgow,  1658,  in-s**;  Tubing.,  1660,  in-12. 
,  (4)  De  chemicorum  cum  Aristotelicis  et  Galenicis  consensu  et  dissensu  ;  VVit- 

tOiBb.,'  t619,m-4**.  —  Medicamenta  officinalla  cum  Galenica  tum  chymica  ;  Wit- 
Inb.,  1670,  in-fol. 

(6)  Balsamus  Yegetabi!is ,  das  i$t  griindlicher  Diseurs  von  einem  kœstlichen 
vegetabilischen  Balsam ,  etc  ;  teips.,  1618,  in-l2.  —  Ce  baume  végétal  n'est 


240  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

connu  par  un  catalogue  fort  incomplet  d'anciens  chimistes 
et  alchimistes  {!);  R.  Arnaud  (2);  Barlet  (3);  Starkey,  zélé 
disciple  de  Van-Helmont,  qui  a  laissé  son  nom  au  savon  de  téré- 
benthine (4)  ;  And.  Gassius  (5) ,  médecin  de  Zurich,  connu  pai 
le  précipité  pourpre  qui  porte  son  nom  (  obtenu  en  traitant  une 
dissolution  d'or  par  le  sel  d'étain);  Bertrand,  médecin  di 
Lyon  (6);  J.  Hartmann,  lequel  occupa,  à  Marbourg  (Hesse),  U 
premfère  chaire  publique  de  chimie  qui  ait  été  créée  en  AUema- 
magne  (7)  ;  Reineggius (8)  ;  Pitcairn,  professeur  à  Edimbourg  (9)  ; 
J.  Swammerdam  (10)  ;  H.  Oyereamp  ("11)  ;  Mongnot(12),  qui  admet- 
tait une  espèce  de  ferment  comme  cause  de  toutes  les  fièvres  ;  S. 
Régis,  professeur  à  Amsterdam  (13)  ;  R.  Vieussens  (14),  profes- 


autre  chose  qu^un  mélange  d'aloès,  de  safran,  de  myrrhe,  de  térébenthine,  de 
baies  de  genièvre ,  et  de  soufre. 

(1)  Hortus  sive  armamentarium  simplicium*,  mineralium,  plantanim,  etc.; 
Castris,  1666;  Paris,  1667.  —  Historiarum  et  observationum  medico-j^yâca- 
rum  centuriœ  IV;  Franef.,  1652, 1653,  in- 12  ;  Paris,  1656,  1757. 

(2)  Introduction  à  la  chymie  ou  à  la  yraye  physique  ;  Lyon ,  1650 ,  in-8^. 

(3)  Cours  de  physique  résolutive  ou  chimie ,  représenté  par  figures  pour  con- 
naître la  théotechnie  ergocosmique,  ou  Part  de  Dieu  en  Touvrage  de  ronivers; 
Paris,  1657,in-4^ 

(4)  Pyrotechnie  asserted  and  illustrated;  Lond.,  1658,  in-8®.  —  Natures  expli- 
catives and  Helmont's  vindications ,  etc.;  Lond.,  1657,  in-8**. 

(5)  De  triumviratu  intestinali  cum  suis  effervescentiis  disputatio  ;  GroniogM 
1668 ,  in  4^*. 

(6)  Réflexions  nouvelles  sur  l'acide  et  Talcali ,  et  de  Tusage  qu'on  en  fait  pour 
la  physique  et  la  médecine;  Lyon,  1683,  in-l2. 

(7)  Opéra  omnia  medico-ch>mica,auclaa  C.  Johrenio;  Franef.,  1684 et  1690, 
in-fol.  —  Disputationes  chymico-medicae  ;  Marburg,  1611  et  1614,  in-4°. — 
Praxis  chynoiatrica  ;  Lèipz.,  1633,  in-4°. 

(8)  Thésaurus  chymicus  experimentorum  certissimorum ,  etc.,  cum  praefat. 
J.  Tankii  ;  Lips.,  1609,  in-8°;  Franef.,  1150,  in-12. 

(9)  Opéra  quae  prœstent  corpora  acida  vel  alcalica  in  curât,  morb.,  in  dissert - 
medic;  Edimb.,  1713,  in^'*. 

(10)  Tractai  us  physico-anatomico-medicus  de  respiratione  usuque  pulmonum; 
Leid.,  1667  et  1679,  in-S**. 

(11)  Van  der  naiuw  der  ferment atien^  etc.;  Âmsterd.;  1681,  in-4°  (en  hol- 
landais). 

(12)  De  la  guérison  de  la  fièvre  parle  quinquina;  Lyon,  1679,  in  12. 

(13)  Cours  entier  de  philosophie;  Amsterd.,  vol.  IIÏ,  1691,  in-4'*. 

(14)  De  remotis  et  proximis  mixti  principiis;  Lugd.,  1688, 1^4".  —  Epistolade 
sanguinis  humani  cum  sale  fixe  spûritura  acidum  suggerente,  etc.;  Lips.,  1698, 
in-4''.  —  De  la  nature  du  levain  de  l'estomac  ;  Journal  de  Trévoux,  janvier  1710. 
—  Traité  des  liqueurs  du  corps  humain;  Toulouse^  1715,  in-4®. 


TROISIEME  EPOQUE.  241 

«eur  à  Montpellier;  Pierre  Chirac  (1);  Minot  (2)  ;  H.  Barba.- 
Tus  de  Padoue,  qui  entrevit  l'existence  de  Talbumine  dans  le  sé- 
rum du  sang(3);01.BoRRiCHius,  Tauteur  des  Conspectus  chemico- 
mm  et  De  oriuprogressu  chemiœ  (4)  ;  E.  Harvey  (5)  ;  M.  Charas  (6)  ; 
J.  Manget  (7)  ;  J.  MuRALT,  professeur  à' Zurich  (8)  ;  C.  Axt  (9); 
B.  Valentini  ,  qui  préconisait  l'usage  de  la  magnésie  (10)  ; 
J.  JuNCKEN,  médecin  à  Francfort  (11). 

Enfin,  en  1666,  le  collège  des  médecins  de  Paris  fit  rapporter, 
l'arrêt  qui,  depuis  près  de  cent  ans ,  défendait  l'usage  des  pré- 
parations antimoniales  [i2). 

Mais,  de  tous  ces  médecins-chimistes,  ceux  qui  méritent  une 
mention  toute  spéciale  sont  Thomas  Bertholin  et  Thomas  Wil- 
us.  Le  premier,  professeur  de  médecine  à  Copenhague,  attri- 
buait le  ramollissement  des  os  à  des  causes  chimiques  (13)  ;  il  sa- 
vait que  la  viande  et  les  poissons  pourris  sont  phosphorescents 
dans  l'obscurité  (14);  il  rapporte  le  cas  d'un  gaz  inflammable 
qui  s'était  dégagé  de  l'estomac  d'un  cadavre  soumis  à  l'autopsie  •;  il 
vit  également  sortir  ce  gaz  delà  bouche  d'un  homme  qui  faisait  abus 
deboissonsalcooliques(15).  Th.  Willis,  célèbreanatomisteanglais, 
insista  sur  l'analogie  de  la  flamme  avec  le  phénomène  chimique 
de  la  respiration;  il  reconnut  que,  diins  l'un  comme  dans  l'autre 


(1)  Dissertatio  academica,  in  qua  disquiritur  aa  incubet  ferrum  rubigiaosum; 
Honspel.  ;  1692,  in- 12. 

(2)  De  la  nature  et  des  causes  de  la  fièvre ,  avec  des  expérieifces  sur  le  kinki- 
*M,etc.,  1684,  in-8«;  1691,  in-12. 

(3)  De  sanguine  ejusqne  sero;  Paris,  1667,  in-12;  Lugd.,  1736,  in-8°. 

(4)  £pistol.  ad  Bartholinum  ;  cent.  UI,  epist.  85. 

(5)  The  family-physician  and  bouse  apothicary  ;  Lond.,  1678,  in-S**. 

(6)  Pharmacopée  royale^  galénique  et  chimique;  Paris,  1672, 1676, 1681,  in-S**. 

(7)  Messis  medico-spagyrica  ;  Colon.,  1683,  in- fol. 

(8)  Hippocrates  Helveticus;  Basil.,  1690,  in-4°  ;  1716,  in-8*». 

(9)  De  arboribus  coniferis  et  pice  conficienda  ;  accedit  epistola  de  antimonio  ; 
Jeu.,  1679,  in-12. 

(10)  Relatio  de  magnesia  alba,  novo,  genuino,  polychresto  et  innoxio  pharmaco 
!     purgante ,  Romae  nuper  adinvento  ab  G.  G.  Tobitz  :  Giessen,  1705 ,  in-8°. 

[       (11)  Chymia  experimentalis  curiosa,  ex  principiis  mathematicis  deraonstrata  ; 
'     Francf.,  1681,  in-8". 

(12)  Jouràal  des  savants,  année  1666. 

(13)Histor.  anatomic.  rarior.;  cent.  VI,  hist.  40. 

(14)  Délace  animalium,  libri  m  ;  Lugd.  Bat.,  1647,  in.8°  ;  Hafn.,  1669.  —Epis- 
tol.  medic,  cent.  I,  epist.  9,  13,  28,  83. 

(15)  Ibid.,  cent.  III,  n.  56. 

HIST.  DE   L\  CHIMIE.   — -  T.  II,  '  16 


242  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

cas,  Tair  agit  surtout  par  certaines  particules  qu'il  appelle  n 
treuses;  enfin  il  attribuait  à  ces  molécules  aériennes  la  color 
tion  rouge  du  sang  dans  les  poumons,  ainsi  que  celle  qu'éprou 
le  sang,  tiré  de  la  veine,  à  sa  surface,  mise  en  contact  imna 
diat  avec  Tair  (1). 

Les  eaux  minérales,  les  produits  végétaux  ou  animaux  ei 
ployés  en  médecine,  devinrent  Tobjet  d'un  grand  nombre  de  r 
cherches  médico-chimiques. 

F.  ViCARius,  professeur  de  médecine  à  Fribourg,  écrivit  sur  1 
eaux  minérales  (2);  G.  Wedel  (3)  et  Moutor  (4)  publièrent  d 
dissertations  sur  les  eaux  thermales  naturelles  et  artificielles. 

Nous  emprunterons  encore  à  Gmelin  la  liste  suivante  des  ai 
teurs  de  traités  spéciaux  sur  les  eaux  minérales  naturelles  oufa 
tices  :  Duclos  (5),  Tilemann  (6),  Goeckel  (7),  Thile  (8),  Lister  (S 

SCHREYER  (1  ),  StISSER  (11),  P.    GiVRY  (12),  J.    Rai  (13),  R» 

DEZ  (14)  et  G.  A  TuRRE  de  Padoue  (15). 

Deux  autres  médecins  italiens,  P.  Servius  de  Spolète,  ph 
connu  sous  le  nom  de  Persius  Trevus  (16),  et  J.  Nardius  de  Fl< 

(1)  Affectionum  quœ  dicuntur  hystéries  et  hypochondriacae  pathologia  spai 
modicâ  yindicata  ;  —  de  sanguiois  accensione  ;  -^  de  motu  musculari  ;  Leyde 
1671,  m-12. 

(2)  Hydrophylacium  novum,  seu  discursus  de  aquis  salubribus  mineraliba 
vere  novus  ;  Ulm ,  1699 ,  in-12. 

(3)Diss.  delhermis;  Jena,  1695,  m-4*'. 

(4)  De  ihermis  artificialibus  septem  mineralium  planetarum  ;  Jeua,  1676,  in-lî 

(5)  Observât,  super  aquis  mineralibus  diversarum  provinciarum  GalIisBinAci 
demia  scientiarum  regia  iu  annis  1670  et  1671  factse.  Ejusd.  diss.  super  princ 
piis  mixtorum  naturaliura  habita;  1677,  Leyde,  1685,  in-12. 

(6)  Delineatio  praxeos  oryctologicae ,  seu  modus  brevis  cognoscendorum  et  pn 
bandorum  fossiliura,  thermarum  et  acidularum  ;  Wurab.,  1657,  in-s**. 

(7)  Consiliorum  et  observât,  médicinal,  décades  sex.  Augsb.,  1683,  in-4**. 

(8)  Acidularum  arti(icialium  materia,  etc.;  Wittemberg,  1682,  in-4". 

(9)  Novae  exercitationes  et  descripliones  thermarum  ac  fontium  medicatoru 
Angliae;  York,  1683;  Leipz.,  1684,  in-8". 

(10)  Triuum  fluidum  magnum,  seu  natura  aquœ,  etc.  ;  Uamburg,  1690,  in  8* 

(11)  Aquarum  Hornhusanamm  examen;  Helmst.,  1689,  in-4°. 

(12)  Arcanum  acidularum ,  etc.;  Amsterd,,  1682.  in-12. 

(13)  Observations  topographical ,  moral  and  physiological,  made  in  a  journ 
through  Germany,  Italy  and  France;  Lond.,  1673,  in-8''. 

(14)  Sur  les  eaux  minérales  artificielles;  Lyon,  1690,  in-12. 

(15)  Junonis  et  Nestis  vires  in  humanœ  salutis  obsequium  traductâe  ;  diss.,  q 
aeris  et  aquae  natura  expenditur;  Padoue,  1668,  in4'*. 

(16)  De  sero  lactis,  privatœ  quaedam  et  domesticae  exercitationes;  Paris,  16» 
in-12;  Rome,  1616,  in-4°. 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  245 

rence{l),  examinèrent,  d'une  manière  spéciale,  la  nature  du 
lait;  Heyde  etViEussENS  tirent  des  recherches  sur  le  sang  (2)  ; 
SuKE  (3)  et  A.  NucK  ^A)  s'occupèrent  de  la  sécrétion  salivaire  ; 
CflRouET,  médecin  de  Liège,  entreprit  des  recherches  sur  le  cris- 
tallin et  les  humeurs  de  Toeil  (5)  ;  Ant.  de  Heyde  étudia  le  pus  (6)  ; 
.  enfin  F.  Hoffmann,  Jonston  (7),  S.  Kcenig  de  Berne  (8),  N.  Pech- 
1^,  LIN  (9)  et  Smalt  (10)  publièrent.des  observations  sur  les  calculs 
urinaires  et  biliaires/ 

La  lutte  que  les  médecins  novateurs  soutenaient,  depuis  près 
de  deux  siècles,  contre  les  médecins  de  l'ancienne  école,  touchait 
à  sa  fin.  Les  médicaments  chimiques,  qui  se  distinguent  des  pré- 
parations galéniques  et  arabes  en  ce  qu'on  peut  les  rendre  ex- 
trêmement actifs,  sous  un  volume  relativement  très-petit,  com- 
mençaient ,-'vers  la  fin  du  dix-septième  siècle ,  à  être  acceptés , 
même  des  facultés  qui  s'étaient  jusqu'alors  montrées  les  plus 
réfractaires  et  les  plus  hostiles  aux  innovations  des  médecins- 
chimistes.  Cette  réconciliation  de  l'école  ancienne  avec  l'école 
moderne  arrêta,  en  partie,  le  développement  d'un  charlatanisme 
dangereux;  car  bien  des  gens,  souvent  étrangers  à  l'art  de  guérir, 
faisaient  de  nombreuses  victimes  par  la  vente  inconsidérée  d'une 
multitude  de  remèdes  secrets,  empruntés  à  la  chimie,  et  qui  de- 
vaient rajeunir  la  vieillesse  (11),  restaurer  le  sang  (12),  guérir  ra- 
dicalement toutes  sortes  de  maladies  (13),  et  produire  une  foule 
d'autres  merveilles  qu'il  serait  trop  long  d'énumérer  (14). 

(1)  Lactis  physica  analysis  ;  Florence,  1644,  10-4°. 

(2)  De  saDguinis  humani,  nec  non  de  bilis  usu  ;  Leipz.,  1698,  m-i°. 

(3)  Philosophica)  Transact.,  an.  1682. 
(4) 0e  ductu  salivali  novo,  saliva,  etc.;  Léyde,  1685,  m-12.  —  Sialogra- 

phia,  etc.,  1695, 1723,  in-8°.  (t'est  le  même  ouvrage  que  le  précédent.) 

(5]  Diss.  de  trium  oculi  humorum  aliarumque  ejus  partium  origine  et  forma- 
tidoe  explicata  ;  Lyon,  1688,  in- 8^. 
\       (6)  Observât,  medic;  Amsterd.,  1684,  1686,  in-8^ 

(7)  Philosopli.  Transact.,  n^  101. 

(8)  AïOoyeveaiaç  humanae  spécimen,  etc.;  Bern.,  1689,  in-12;  Vienne,  1686. 
Philosoph.  Transact.,  1681,  n.  m  et  181. 

(9)  Obserrat.  pbysico-medic;  Hamburg,  1691,  in-4°. 

(10)  Voy.  Blancaard,  CoHectan.  medico-physic;  Dec.  m,  cent.  VII,  obs.  21. 
(ll)Dalicourt;  Paris,  1668,in-12. 

(12)  Pemauer;  Ratisb.,  1679,  in-4^ 

(13)  Hemeri  de  Bordeaux  ;  Paris,  1713,  1737,  1741,  in.l2. 
(14j  Voy.  Gmelin,  Gesch.  derChemie,  1. 1,  p.  568-601  ;  p.  660-677;  t.  II,  p.  230 

276.  On  y  trouve  la  liste  complète  des  vendeurs  de  remèdes  secrets  et  des  méde- 
cins cbimistes  du  xvii"  siècle. 

16. 


244  HISTOIRE  DE  tA  CHIMIE. 

§  13. 
État  de  la  pbarmaeie  a«  dix-septième  siècle* 

Le  nombre  considérable  de  règlements ,    d'ordonnances,  d 
projets  de  réforme,  etc.,  conceç'nant  la  pharmacie,  nous  port 
à    croire   qu'on    attachait  alors   une   extrême    importance 
l'exercice  régulier  et  consciencieux  d'un  art  intermédiaire  eqtr 
la  chimie  et  la  médecine.  Ce  qui  manquait  au  corps  des  pharm. 
ciens,quise  mettaient  humblement  à  la  suite  de  médecins  igno — 
rantset  orgueilleux,  c'était  un  peu  plus  d'union  et  surtout  plus 
de  dignité.  Chaque  pays,  chaque  province,  chaque  canton,  qiJLe 
dirai-je?  chaque  ville  avait,  pour  ainsi  dire,  ses  règlements  phar*- 
maceutiques. 

Les  ducs  de  Saxe  réglèrent,  en  1607,  par  voie  d'ordonnance, 
l'exercice  de  la  pharmacie  dans  leurs  États*  Les  villes  de  Fni- 
bourg  et  de  Schweinfurt  arrêtèrent,  d'après  le  rapport  de  J.  Cor- 
narius,  un  tarif  pour  le  débit  des  drogues.  Cet  exemple  fut  suivi 
par  beaucoup  d'autres  villes,  telles  que  Hambourg,  Bâle,  Stras- 
bourg, Rostock,  Worms,  Helmstàdt,  Lemberg,  Spire,  etc.  l-e 
prince  électeur  fit  en  1606,  pour  la.  ville  de  Mayence,  d^s  règle- 
ments qui  devaient  réformer  la  pharmacie,  et  soumettre  à  quel- 
ques restrictions  les  médecins ,  les  chirurgiens ,  les  barbiers,  el 
tous  ceux  qui  se  livraient  à  la  pratique  de  la  médecine. 

Il  y  avait  des  comités  de  médecins  institués  pour  inspecter 
l'exercice  de  la  pharmacie,  et  surveiller  la  préparation  des  mé- 
dicaments. J.  Guillaume  Jjublia  à  ce  sujet  :  Règlement  entre  les 
médecins  et  les  apothicaires  pour  la  visite  des  drogues^  et  B^rnier 
fit  paraître  son  Plaidoyer  pour  les  apothicaires  de  Dijon  {{),  Thomas 
Bartholin  édita  le  livrede  Licelti  Benanci  Sur  les  fraudes  desphar- 
maciens (2)  ;  il  y  ajouta  un  tableau  tarifé  des  médicaments  les 
plus  usités  (3),  et  deux  programmes  sur  la  nécessité  de  visiter  les 
pharmacies  (4). 

Georges Bussius,  médecin  duducdeHolslein-Gottorp,tentades 

(1)  Dijon,  1605,  in-4°. 

(2)  Declaratio  frauduni  .quœ   apud  pharmacopœos   committimtur  ;  Francf., 
1667  et  1671,  in-8^  ] 

(3)  Cataloguset  taxa  medicamentorum  officinalium  ;  Copenh.,  1672,  in-4°.  î 

(4)  De  visitatione  pharmacopœarum  ;  Copeuh.,  1672  et  1673,  in-4^.  1 


TROISIEME  EPOQUE.  245 

efforts  louables  pour  concilier  la  pharmacologie  avec  les  progrès 
de  la  chimie.  Il  appela  l'attention  des  pharmaciens  sur  l'utilisa- 
tion du  résidu  de  beaucoup  de  distillations,  résidu  qui,'  sous  le 
nom  decapiU  mortuum,éiSi\i  souvent  rejeté  comme  inutile.  C'est 
encore  Bussius  qui  fit  inscrire  au  nombre  des  médicaments  le  ré- 
sidu qui  se  trouve  au  fond  de  la  cornue  après  la  préparation  de 
l'eau-forte,  au  moyen  du  nitre  et  de  l'huile  de  vitriol.  Ce  capvt 
mortuvm,  qui  n'est  autre  chose  que  du  sulfate  de  potasse,  était 
alors  débitésouslenom  de  double  arcane  {arcanum  duplicatum), 
ou  de  panacée  de  Hols tei n  (pa^ac^a  Holsatia)  (1). 

Des  comités  composés  de  chimistes,  de  pharmaciens  et  de  mé- 
decinsy  rédigèrent  les  codes  pharmaceutiques  ou  les  pharmaco- 
pées qui  devaient  faire  loi  pour  la  prescription  des  médi- 
caments. C'est  ainsi  qu'on  vit  paraître  successivement  :  à  Anvers, 
Pharmacopœa  Antwerpiensis,  en  166i  ;  à  Londres,  Pharmncopœa 
ùmdinensis,  en  1662;  àUtrecht,  Pharmacopœa  Vltrajeclina,  en 
1664;  à  Amsierd^inj  Pharmacopœa  Amstelodamensis,  en  1668;  à 
Bologne,  Ântidotarium  Bononiense,  en  1674;  à  Genève,  Pharma- 
eopcea  regia  Galenicaet  chimica,  1684  ;  à  Barcelone,  Pharmacopcea 
Cataiana^  en  1686;  à  Stockholm,  Pharmacopœa  HolmiensiSy  en* 
1686  ;  à  Leowarden,  Pharmacopœa  ad  mentem  neoiericorum  ador- 
nota,  en  1688. 

Le  fait  de  Vaugmentation  du  poids  des  métaux  par  la  calcina- 
iion  avait  été,  ainsi  que  nous  l'avons  fait  voir  plus  haut,  à  diffé- 
rentes reprises  (2) ,  signalé  déjà  antérieurement  au  dix-septième 
siècle;  mais  aucun'observateur  n'en  avait  fait,  avant  JeanRey, 
le  sujet  d'un  travail  spécial. 

«lean  Rey. 

Ce  médecin-chimiste  naquit,  vers  la  fin  du  seizième  siècle,  à 
fiugues,  dans  le  Périgord  ;  on  ignore  l'année  de  sa  naissance.  Les 
rares  moments  de  loisir  que  lui  laissait  l'exercice  de  sa  profession, 

(l)Schettiaiiimer^  Diss.  de  n'Uro;  Amsterd.,  1709  «in-S^. 

(2)  Geber,  Eck  de  Sulzbach ,  Césalpin,  Cardan ,  Ubavius,  en  avaient  déjà  parlé. 


246  HISTOpiE  DE  LA  CHIMIE. 

consacrait  à  l'étude  de  la  physique  et  de  la  chimie,  et  à  l'entretien 
d'une  correspondance  active  avec  un  des  plus  célèbres  physi- 
ciens de  son  temps,  le  P.  Mersenne.  Mais  plus  tard,  le  dérange- 
ment de  ses  affaires  domestiques  le  détourna  de  ses  occupations 
scientifiques,  et  contribua  probablement  à  abréger  sa  vie. 

Quinze  ans  avant  sa  mort,  arrivée  en  1645,  il  avait  publié  le 
résultat  de  ses  expériences  sur  l'augmentation  du  poids  des  • 
métaux,  sous  le  titre  de  :  Essays  sur  la  recherche  de  la  cause  pour 
laquelle  Vestain  et  le  plomb  augmentent  de  poids  quand  on  les  eat- 
(?me;Bazas,  1630,  in-8®,  142  pages.  Gobet  en  donna,  en  1777,  une 
nouvelle  édition  (1)  qui  n'est  que  la  léimpression  de  la  pre- 
mière, devenue  très-rare. 

Ce  qui  donna  lieu  à  ces  Essays,  ce  fut  la  lettre  d'un  pharma- 
cien de  Bergerac,  nommé  Brun,  dans  laquelle  celui-ci  racon- 
tait à  J.  Rey  que,  voulant  un  jour  calciner  deux  livres  six  onces 
d'étain,  il  fut  surpris  d'en  retrouver,  après  l'opération,  deux  li- 
vres treize  onces  :  il  ne  pouvait,  disait-il,  s'imaginer  d'où  étaient 
venues  les  sept  onces  de  plus.  Brun  avait  répété  la  même  expé- 
rience avec  le  plomb  ;  mais,  au  lieu  d'une  augmentation,  il  avait 
trouvé  sur  six  livres  un  déchet  de  six  onces  (2). 

«  A  la  prière  doncques  de  Brun,  j'y  ay  employé  quelques  heu- 
res; et,  estimant  avoir  frappé  le  but,  j'en  produis  ces  miens 
essays.  Non  sans  prévoir  très-bien  que  j'encourray  d'abord  le 
rapport  de  téméraire ,  puisqu'en  iceux  je  choque  quelques 
maximes  approuvées  depuis  longs  siècles  par  la  plupart  des  phi- 
losophes. » 

J.  Rey  se  crée  ici,  du  moins  en  ce  qui  concerne  l'augmentation 
du  poids  des  métaux,  des  adversaires  imaginaires;  caries  plus  cé- 
lèbres chimistes  avaient  déjà,  avant  lui,  admis  en  principe  celte 
augmentation  de  poids  que  les  métaux  acquièrent  pendant  la  cal- 
cination.  Au  reste,  il  reconnaît  lui-même  que  Cardan,  Scaliger 
et  Césalpin,  «  qui  étoient  de  grands  philosophes,  disoient  estre 
digne  d'admiration  que  le  plomb  noir  se  calcinant  augmente  en 
poids  de  huit  à  dix  livres  pour  cent  (3).  » 

(1)  Nouvelle  édition,  revue  sur  l'exemplaire  original,  et  augmentée  sur  les  ma- 
nuscrits de  la  Bibliothèque  du  roi  et  des  Minimes  de  Paris,  avec  des  notes  ;  Paris, 
in8^  1777. 

(2)  Ce  résultat  s'explique,  quand  on  se  rappelle  que  Foxyde  dé  plomb  se  vitrifie 
avec  la  silice  du  creuset ,  et  se  perd  dans  la  substance  du  vase  où  il  pénètre. 

(3)  Essais,  édit.  Gobet,  p.  104.  —  Rey  n'ignorait  pas  non  plus  l'expérience  de 


F 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  247 

La  mérite  de  J.  Rey  est  d'avoir  essayé  le  premier  de  générali- 
ser ce  fait  et  d'en  avoir  donné  une  explication  aussi  exacte  que 
rationnelle. 

«  Response  formelle  à  la  demande,  pourquoy  Vestain  et  le 
plomb  augmentent  de  poids  quand  on  les  calcine. 

«  A  cette  demande  doncques,  appuyé  sur  les  fondements  jà 
posez,  je  responds  et  soustiens  glorieusement  que  ce  surcroît  de 
poids  vient  ^de  Pair,  qui  dans  le*  vase  a  esté  espessi,  appesanti, 
et  rendu  aucunement  adhésif  par  la  véhémente  et  longuement 
continue  chaleur  du  fourneau  ;  lequel  air  se  mesie  avec  la 
chaux  et  s'attache  à  ses  plus  menues  parties  (1).  » 

Le  principe  sur  lequel  l'auteur  fonde  son  explication  est  la  pe- 
santeur de  l'air,  qu'il  essaye  de  démontrer  d'une  façon  neuve  et 
vraiment  scientifique. 

«  Balançant  l'air  dans  l'air  mesme^  et  ne  luy  trouvant  point 
de  pesanteur,  ils  ont  creu  qu'il  n'en  avoit  point;  Mais  qu'ils  ba- 
lancent l'eau  (qu'ils  croyent  pesante  )  dans  l'eau  mesme,  ils  ne  luy 
en  trouveront  non  plus  :  estant  très-vé  ri  table  que  nul  élément 
pesé  dans  soi-mesme.  Tout  ce  qui  pesé  dans  l'air,  tout  ce  qui 
pesé  dans  l'eau,  doibt  soubsesgal  volume  contenir  plus  de  poids 
(pour  le  plus  de  matière)  que  ou  l'air  ou  l'eau,  dans  lesquels  le 
balancement  se  pratique  (2). 

«  Remplissez  d'air  à  grande  force  un  ballon  avec  un  soufflet, 
vous  trouverez  plus  de  poids  à  ce  ballon  plein  qu'à  lui-mesme 
estant  vide  (3).  » 

Le  P.  Mersenne  prenait  un  vif  intérêt  à  ces  expériences  sur  la 
pesanteur  de  l'air  :  elles  touchaient  des  questions  dont  il  s'était 
lui-même  beaucoup  occupé.  Une  de  ses  lettres,  adressée  (Paris, 
Je  1*'  septembre  1631  )  à  Jean  Rey,  contient  des  idées  fort  re- 

Poppius  sur  l'antimoine  :  Basilica  antimonii ,  comprobata  et  conscripia  ah 
Hamero  Poppio  Thallino philochymico  (dans  la  Praxis  ckymiatrica  de  Hart- 
mann), 1625  et  1635.  Voici  la  description  de  cette  expérience  : 

Cap  III.  —  De  calcinatîone  antimonii  per  radios  solares.  SU  ad  manus 
spéculum  incensorium  sive  lenticulare ,  ut  objecta  combustibilia  iuflamraet  ;  id 
soli  opponatur ,  ita  ut  pyramidalin  luminosœ  apex  ante  antimonii  pulverisati  et 
juxta  in  marmore  in  modum  metae  yel  coni  in  acumen  fastigiati  summitatem  fe- 
riat  ;  —  licet  copiosus  fiimus  multum  de  antiraonio  dissipari  arguât ,  tamen  an- 
timonii pondus  post  calcinationem  auctum  potius  quam  diminutum  deprehenditur. 

(1)  Essais,  etc.  (éd.  Gobet),  p.  66. 

(2)  Essais,  etc.  (éd.  Gobet),  p.  30. 

(3)  Ibid.,  p.  35. 


248  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE.  * 

marquables  sur  l'attraction  universelle,  et  qui  parfiissent  en  quel- 
que sorte  avoir  préludé  aux  découvertes  de  Newton. 

«  Il  n'y  a,  dit-il,  rien  de  pesant  absolument  parlant.  Nous  ne 
sçavons  pas  encore,  ni  ne  sçaurons  jamais,  si  les  pierres  et  les 
autres  corps  vont  vers  le  centre  par  leur  pesanteur,  ou  s'ils  sont 
attirés  par  la  terre  comme  par  un  aimant.  —  D'ailleurs ,  je  n^ 
doute  nullement  que  les  pierres  qu'un  homme  jetteroit  en  haut: 
estant  sur  la  lune,  ne  retombassent  sur  ladite  lune,  bien  qu'il  eût: 
la  teste  de  notre  costé,  car  elles  retombent  à  terre,  parce  qu'elles 
en  sont  plus  proche  que  des  autres  substances,  d 

Poursuivant  toujours  ses  recherches  sur  la  pesanteur  de  l'air, 
J.  Rey  communique  à  son  jsavant  correspondant  les  détails  de 
l'expérience  suivante,  qui  lui  semble,  à  juste  titre,  décisive  : 

u  Vous  pesez  une  phiole  de  verre  estant  froide  ;  vous  la  chauf- 
fez peu  après  sur  un  rechaud,  et  la  pesant  vous  trouvez  qu'elle 
pesé  moins  parce  qu'il  en  est  sorti  del'air;  etafîn  de  trouver  quelle 
quantité,  vous  mettez  son  tuyau  Restant  toute  chaude  )  dans  Teau, 
qu'elle  suce,  jusqu'à  ce  qu'il  en  soit  autant  rentré  comme  il  en 
estoit  sorti  d'air,  ce  qui  vous  a  monstre  que  l'eau  est  plus  pe- 
sante 255  fois  que  l'air.  Je  suis  assuré  que  toutes  les  fois  que 
vous  ferez  cette  expérience,  vous  y  trouverez  de  la  diversité,  et 
partant  demeurerez  toujours  dans  le  doute.   Car,  tantost  vous 
chaufferez  plusvostre  phiole,  tantost  moins;  tantost  vous  met- 
trez promptement  son  tuyau  dans  l'eau,  et  tanstost  vous  y  ap- 
porterez plus  de  longueur  (1).^». 

En  somme,  la  thèse  soutenue  par  J.  Rey  est  celle-ci  :  L*air  est 
un  corps  pesant,  et,  comme  tel,  il  peut  céder  à  Vélain  et  au  plomb 
des  molécules  pesantes,  qui,  par  leur  addition,  augmentent  néces- 
sairement le  poids  primitif  de  ces  métaux. 

Cette  proposition,  nettement  posée  par  l'auteur,  demandait  une 
démonstration. 

A  propos  de  la  fixation  des  molécules  aériennes,  J.  Rey  re- 
marque que,  passé  un  certain  terme,  le  métal  n'augmente  plus 
de  poids,  et  qu'il  se  maintient  dans  un  état  constant  : 

((  L'air  espaissi  s'attache  à  la  chaux  (  métallique)  (2),  et  va  ad- 

(1)  Lettre  de  J.  Rey  au  P.  Mersenne,  en  date  du  1"  avril  1632.  {Essais,'  éM. 
Gobet),  p.  167.  —  Comparez  celte  expérience  avec  celle  de  Drebbel ,  rapportée 
p.  133  de  ce  volume., 

(2)  L'auteur  ne  paraît  pas  avoir  eu  Tidée  que  la  chaux  (oxyde  métallique  )  n'est 
elle-même  qu'un  composé  chimique  de  métal  et  de  particules  aériennes. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  249 

i  • 

i  hérant  peu  à  peu  jusqu'aux  plus  minces  de  ses  parties;  ainsi  son 
r  poids  augmente  du  commencement  jusqu'à  la  un.  Mais  quand 
[  tout  en  est  affublé,  elle  n*çn  sçauroit  prendre  davantage.  Ne  con- 
!  tiouez  plus  Tostre  calcination  soubs  cet  espoir  ;  vous»  perdriez 
votre  pefne  (1).  » 

Ne  pourrait-on  pas  voir  dans  ces  paroles  un  indice  de  la  loi  de 
la  combinaison  des  corps  en  proportions  définies  ? 

Une  chose  qui  faille  plus  grand  honneur  à  la  sagacité  de  J.  Rey, 
c'est  qu'il  inventa  lui-même  un  thermomètre,  sans  prétendre 
s'approprier  les  travaux  des  physiciens  qui  s'étaient  occupés  du 
•  même  sujet  (2). 

Voici  ce  que  l'auteur  écrit  au  P.  Mersenne ,   le  premier  de 
l'an  1632  : 

«Il  y  a  diversité  de  thermoscopes  ou  thermomètres,  à  ce  que  je 
Yoys  :  ce  que  vous  en  dites  ne  peut  convenir  au  mien,  qui  n'est 
plus  rien  qu'une  petite  phiode  ronde,  ayant  le  col  fort  long  et 
desiié.  Pour  m'en  servir,  je  la  mets  au  soleil,  et  parfois  à  la  main 
I  d'un  fébricitant,  l'ayant  toute  remplie  d'eau,  fors  le  col  ;  la  cha- 
leur dilatant  l'eau  fait  qu'elle  monte  ;  le  plus  ou  le  moins  m'in- 
dique la  chaleur  grande  ou  petite  (3).  » 

Quelque  imparfait  que  soit  cet  instrument,  il  faut  avouer  que 
personne  n'en  avait  encore  donné  une  description  aussi  simple 
.  que  précise. 

Nous  ignorons  si  J.  Rey  s'était  formé  d'après  les  principes 
de  Montaigne  et  de  Fr.  Bacon  (4)  ;  toujours  est-il  qu'il  se  fit  re- 
marquer par  une  grande  indépendance  d'esprit,  et  par  un  emploi 
judicieux  de  la  méthode  expérimentale.  «  J'advoue  franchement, 
dit-il,  n'avoir  juré  aux  paroles  d'aucun  des  philosophes  :  si  la  vé- 
rité est  chez  eux,  je  l'y  reçois  ;  sinon,  je  la  cherche  ailleurs  (5).  » 
Il  faudra  rattacher  aux  Essais  de  J.  Rey  les  observations  des 
chimistes,  qui  se  rapportent  à  l'existence  des  fluides  élastiques» 
C'était  là  le  prélude  d'une  ère  nouvelle  pour  la  science. 

(1)  Essais,  p.  101. 

(2)  Voy.  p.  153  de  ce  i^olurae. 

(3)  Essais,  p.  136. 

(4)  Descartes  n'avait  que  trente-quatre  ans  à  Pépoque  de  la  publication  des 
Essais  de  J.  Rey,  en  1630. 

(5)  Essais,  p.  45. 


250  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 


CHIMIE  DES  GAZ. 


L'origine  de  la  chimie  des  gaz,  ou,  comme  on  l'appelait  du 
temps  deLavoisier,  la  chimie  pneumatique^  date  des  travaux  de 
Van-Helmont  et  de  Boyle.  Nous  n'avons  donc  qu'à  renvoyer  le  lec- 
teur à  l'analyse  que  nous  avons  faite  des  ouvrages  de  ces  deux 
hommes  de  génie  ,  qui  ont,  en  quelque  sorte,  jeté  les  fonde- 
ments de  la  chimie  moderne  (1). 

Les  observations  les  plus  fécondes  en  résultats  avaient  pour 
objet  l'air,  le  nitre,  la  respiration,  la  combustion,  la  fermenta- 
tion, les  eaux  minérales  gazeuses  et  les  airs  irrespirables.  Ce  riche 
terrain  avait  été  fort  peu  cultivé  par  les  chimistes  des  siècles 
précédents. 

Ch.  Wren  poursuivit  les  recherches  de  R.  Boyle  sur  la  fer- 
mentation. Pour  recueillir  le  fluide  élastique  (gaz  acide  carbo- 
nique )  qui  se  dégage  d'une  matière  en  fermentation,  il  se  servait 
d'une  vessie  adaptée  au  goulot  du  ballon  renfermant  le  mélange 
fermentescible.  Il  remarqua  que  ce  fluide,  semblable  à  l'air  (»w 
ihe  form  of  air) ,  peut  être  absorbé  par  l'eau.  Cette  expérience 
fut  faite  en  i664  (2). 

Dans  la  même  année,  HooKfîtdes  experiencesanalogues.il  em- 
ploya unmatras  à  deux  ouvertures,  auxquelles  s'adaptaient  deux 
tubes;  il  y  introduisit  des  coquilles  d'huîtres  (chaux  carbonatée)  et 
de  Peau-forte. Le  fluide  élastique  (gaz  acide  carbonique),  qui  ^^ 
dégageait  au  contact  dç  ces  deux  matières,  fut  recueilli  dans  un^ 
vessie.  L'opérateur  n'examina  point  le  fluide  contenu  dans  1^ 
vessie.  Cette  expérience  eut  lieu  en  présence  de  la  Société  roya  I  ^ 
de  Londres,  qui  venait  d'être  fondée. 

HuYGENS,  mettant  unmélange  d'eau-forte  et  d'esprit-de-vin  dai:^^^ 
le  vide  pneumatique,  constata,  à  l'aide  d'un  tube  barométriqo—  "^ 

(1)  Voy.  p.  135-142  ,  et  154-158  de  ce  volume. 

(2)  Air  generated  de  novo,  dans  les  Philosoph.  Transact.,  vol.  I,  n.  12 
Ihid.,  année  (1675).  vol.  X,  n.   119. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  25# 

fixé  au  récipient  de  la  machine,  le  dégagement  d'un  fluide  élas- 
tique, comme  Pavait  déjà  fait  Boyle  dans  ses  expériences  sur  les 
matières  fermentescibles  (1). 

MoRAY,  PÔTE ,  BiRCH  (2)  et  Hagedorn  (3)  citeut  plusieurs  exem- 
ples d'accidents  produits  par  des  airs  irrespirables.  Frédéric 
Hoffmann  avait  déjà  signalé  le  danger  de  respirer  la  fumée  de 
charbon,  sans  en  donner  la  raison  véritable  (4). 

Jessop  informa  (vers  1674)  la  Société  royale  de  Londres  d'un 
accident  qui  venait  d'arriver  à  un  ouvrier  nommé  Michel, dansune 
houillère  du  Yorkshire.  Cet  ouvrier  était  descendu  dans  la  mine 
avec  un  flambeau  à  la  main,  lorsqu'en  s'avançant  dans  les  galeries, 
il  fut  subitement  environné  d'une  immense  flamme  qui  lui  brûla 
les  vêtements,  la  figure,  les  cheveux  et  les  mains.  Ayant  été  retiré 
de  là,  il  déclara  n'avoir  entendu  aucun  bruit,  tandis  que  les  ou- 
vriers qui  travaillaient  dans  le  voisinage  avaient  été  terrifiés  par 
une  explosion  épouvantable,  accompagnée  d'un  tremblement 
du  sol.  Le  même  accident  arriva  quelque  temps  après  à  deux 
autres  ouvriers  (5). 

Lister,  Moslyn ,  Browne ,  Hodgson ,  Shirley  rapportent  des 
observation^  semblables,  qui  se  trouvent  consignées  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  royale  de  Londres  (6).  Ant.  Portius  écri- 
vit sur  rirrespirabilité  de  l'air  de  la  grotte  du  Chien,  près  de 
Naples  (7);  Sam.  Ledel  (8),  Boccone  (9),  la  Morendière  (10), 
Pozzi  (11)  et  Beaumont  (12)  racontent  de  nombreux  cas  d'as- 
phyxie, occasionnés  par  des  gaz  irrespirables. 

(1)  Voy.  p.  153  de  ce  volume. 

(2)  Philosoph.  Transact.j.vol.  I  (années  1665  et  1666). 

(3)  Obseri^ationum  et  historiarum  medico-practicarum  variarum  centurise  très  ; 
Rudolstadt,  1698,  in-8°. 

(4)  Opusc.  théologie,  physico-med.  diaet.,  1719,  t.  V. 

(5)  Philos.  Transact.,  vol.  X,  n.  119. 

(6)  Philos.  Trausact.,  vol.  X,  n.  119;  vol.  XII,  n.  136/  vol.  IV,  n.  48;  vol.  XI, 
n.  180;  vol.  II,  n.  26. 

(7)  Dissertationes  variœ;  Venise,  1683,  n.  2. 

(8)  Ephemerid.  natur.  curios.,  dec.  II,  ann.  3,  obs.  155. 

(9)  Osservazioni  naturali  ove  si  contengono  materie  medico-fisiche,  etc.  ;  Bo- 
logne, 1684,  in-12. 

(10)  Nie.  deBlegny,  Opasc.  medic.  varia,  etc.;  Leipz.,  1690,  in-8*. 

(11)  Medicin.  pars  prior  theoretic;  Leyde,  1681,  in- 8°. 

(12)  Hooke .  Philosophical  collections,  1679,  in-4°,  n.  1. 


252  HISTOIRE  DE  LÀ   CHIMIE. 

■  §  15. 

«I.  Hlayow. 

Frappé  de  tous  ces  phénomènes  en  apparence  inexplicables, 
qui  se  passent  dans  le  monde  des  fluides  élastiques,  J.  M atow  se 
livra  à  une  série  d'expériences  et  de  travaux. qui  devaient  puis- 
samment contribuera  hâter  le  développement  de  la  chimie  des 
gaz. 

Ce  chimiste  naquit  en  1645  dans  le  comté  de  Gornouailles  ;  il 
obtint  le  grade  de  docteur  en  médecine  à  l'université  d'Oxford, 
et  mourut  en  1679.  Sa  vie  fut  celle  d'un  homme  modeste,  cul- 
tivant les  sciences  avec  un  esprit  indépendant  et  avec  une  supé- 
riorité incontestable. 

Voilà  à  peu  près  tout  ce  que  nous  savons  de  la  carrière  courte 
et  si  bien  remplie  de  Jean  Mayow. 

Cent  ans  avant  les  immortels  travaux  de  Lavoisier,  de  Scheele 
et  de  Priestley,  Jean  Mayow  avait  publié  en  Angleterre  un  vo- 
lume intitulé  : 

Tractatus  quinque  medico-physici ,  quorum  primvs  agit  de  sale 
niiro  et  spiritu  nitro-aereo ;  sectindus  de  respiratione,  etc.,  studio 
Joh.  Mayow.  Oxoniî,  1674,  în-8. 

Nous  allons  essayer  de  reproduire  et  de  rendre  aussi  fidèle- 
ment qiie  possible  les  idées  et  les  expériences  contenues  dans  ce 
livre,  sans  contredit  l'un  des  plus  remarquables  du  dix-septième 
siècle. 

Du  sel  de  nitre  et  de  l'esprit  nitro-aérien. 

m 

«  Il  est  manifeste,  d'après  ce  qui  suit,  que  l'air  qui  nous  envi- 
ronne de  toutes  parts,  et  dont  la  ténuité  échappe  à  notre  vue  en 
simulant  un  immense  espace  vide,  est  imprégné  d'un  certain  sel 
universel (1),  participant  de  la  nature  du  nitre,  c'est-à-dire  d'un 

(1)  Comme  la  nomenclatore  chimique  ne  fut  inventée  que  plus  de  cent  an» 
après  Mayow ,  nous  rappellerons  qu'il  ne  faudra  pas  prendre  le  nom  de  sel,  ainsi  que 
beaucoup  d'autres  termes ,  strictement  dans  le  même  sens  que  nous  y  attachons 
aiqourdliui.  Le  nom  de  sel  avait  autrefois  une  acception  beaucoup  plus  large  i 
un  acide  même  était  appelé  sel;  le  nom  de  sel  était  à  peu  près  Téquivalent  de 
celui  de  hubstance  chimique. 


TROISIEME  EPOQUE.  253 

esprit  vital  ou  d'un  esprit  de  feu  (  spiritus  vitaliSy  igneus)  éminem- 
ment propre  à  la  fermentation  (i). 

«  Un  mot  d'abord  sur  la  composition  du  nitre.  Le  nitre  se 
compose  d'un  acide  et  d'un  alcali. 

«  C'est  ce  que  démontre  l'analyse,  et  ce  que  confirme  la  géné- 
ration même  du  nitre.  Il  est  certain  que  l'air  intervient  dans  la 
formation  du  nitre  ;  mais  la  terre  intervient  aussi  de  son  côté  ; 
c'est  elle  qui  fournit  probablement  le  sel  fixe  (alcali),  tandis 
que  la  partie  volatile  est  fournie  par  l'air.  Et  il  est  vraisemblable 
que  les  cendres  et  la  chaux  brûlée  ne  rendent  la  terre  fertile  que 
parce  que  ces  substances  fournissent  un  élément  propre  à  la  for- 
mation du  nitre.  » 

De  r élément  aérien  de  l'esprit  de  nitre. 

«  11  est  d'observation  que  les  sels  fixes  et  les  sels  volatiles,  et 
même  les  vitriols,  ayant  été  calcinés  jusqu'à  expulsion  totale 
de  leurs  esprits  acides,  absorbent,  par  une  longue  exposition  à 
l'air,  une  certaine  acidité  (acidiiatem  quamdam  contrahunt).  De 
plus,  laliraaille  defer,  exposée  à  l'air  humide,  est  corrodée  comme 
si  elle  était  attaquée  par  des  acides,  et  se  convertit  en  safran  de 
mars  apéritif.  Il  semble  donc  qu'il  existe  dans  l'air  un  certain 
esprit  acide  et  nitreux  (  spiritum  quemdam  acidum  nitrosumque  in 
aereresidere).  « 

«  Cependant,  en  examinant  la  chose  plus  attentivement,  on 
trouve  que  l'esprit  acide  de  nitre  est  trop  pesant  proportionnelle- 
ment à  l'air  dont  il  se  compose;  et  puis,  l'esprit  nitro-aérien 
{spiritus  nitro-aerus  ),  quel  qu'il  soit,  sert  d'aliment  au  feu  et  en- 
tretient la  respiration  des  animaux,  comme  nous  le  démontrerons 
plus  bas  ;  tandis  que  l'esprit  acide  de  nitre  {spiritus  nitri  acidus) 
est  éminemment  corrosif,  et,  loin  d'entretenir  la  vie  et  la  flamme, 
il  n'est  propre  qu'à  les  éteindre. 

«  Bien  que  l'esprit  de  nitre  ne  provienne  pas  en  totaKté  de 
l'air,  il  faut  cependant  admettre  qu'une  partie  en  tire  son  origine. 

«  D'abord,  on  m'accordera  qu'il  existe,  quel  que  soit  ce  corps, 
quelque  chose  d'aérien,  nécessaire  à  l'alimentation  de  la  flamme 
[concedendum  arbitrer nmnihil,  quicquid  sii,  aereum,  adftammam 
quamcumque  conflandam    necessarium  ).   Car  l'expérience  dé- 

(1)  Ce  même  corps  fut  appelé  plus  tard  air  de  feu  (Scheele),  ou  air  vital. 


254  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

montre  qu'une  flamme  exactement  emprisonnée  sous  une  cloche 
ne  tarde  pas  à  s'éteindre,  non  pas,  comme  on  le  croit  communé- 
ment, par  l'action  de  la  suie-qui  $e  produit,  mais  par  a  privation 
d'un  aliment  aérien  »  {pabulo  aereo  destitutam  interire).  Dans  un 
verre  où  Ton  a  fait  le  vide,  il  est  impossible  de  faire  brûler,  à 
l'aide  d'une  lentille,  les  substances  même  les  plus  combustibles, 
telles  que  le  soufre  et  le  charbon. 

«  Mais  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  l'aliment  igno-aérien  soit 
tout  l'air  lui-même;  non  :  il  n'en  constitue  qu'une  partie,  mais 
la  partie  la  plus  active  (1). 

«  Il  faut  ensuite,  continue  l'auteur,  admettre  que  les  particules 
igno-aériennes,  nécessaires  à  l'entretien  de  laflamme,  se  trouvent 
également  engagées  dans  le  sel  de  nitre,  et  qu'elles  en  consti- 
tuent la  partie  la  plus  active,  celle  qui  alimente  le  feu.  Car  xzin 
mélange  de  nitre  et  de  soufre  peut  être  très-bien  enflammé  so^s 
une  cloche  vide  d'air,  par  conséquent  d'où  l'on  a  extrait  cette 
partie  de  l'air  qui  sert  à  alimenter  la  flamme.  Et  ce  sont  alors 
les  particules  igno-aériennes  du  nitre  qui  font  brûlei*  le  soufra.» 

Ici  suivent  les  expériences  destinées  à  justifier  cette  opinio»n. 

«  Donc,  conclut  judicieusement  l'auteur,  le  nitre  renferme  en 
lui-même  ces  particules  igno-aériennes  nécessaires  à  l'alimen- 
tation de  la  flamme.  Dans  la  déflagration  du  nitre,  les  particules 
igno-aériennes  deviennent  libres  par  l'action  du  feu,  qu'elles  ali- 
mentent puissamment  (2).  » 

Comme  il  s'agissait  non-seulement  d'établir  des  faits  nouveaux, 
mais  encore  de  détruire  des  erreurs  alors  généralement  accré- 
ditées, Mayow  entre  ici  dans  une  série  d'expériences  et  de  rai- 
sonnements qu'il  serait  inutile  de  reproduire. 

De  la  nature  de  l'esprit  nitro  ou  igno-aérien, 

((  Que  deviennent,  demande  l'auteur,  pendant  la  combustio  ^^ 
les  particules  igno-aériennes  ?  Nous  n'en  savons  rien ,  sino  ^^^^-^ 
qu'elles  se  convertissent  en  un  autre  air  pernicieux. 

«  Dans  la  combustion  produite  par  l'action  des  rayons  solaire 

(1)  At  non  est  existimandum  pabulum  igno-aereum  ipsum  aeremesse 
sed  iantum  ejus  partem  magis  aciivam, 

(2)  On  voit  que  ces  particules  igno-aériennes,  que  Mayow  appelle  ailleorï 
esprit  igno-aérien  ou  esprit  nitro-aérien ,  se  rapprochent  singulièrement  de 
qui  l'ut  plus  tard  appelé  oxygène. 


-sS 


à 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  255 

(à  Taide  d'une  lentille),  ce  sont  les  particules  igno-aériennes 
qui  interviennent  exclusivement.  Car  Tantimoine  calciné  à  Taide 
d'une  lentille  se  convertit  en  antimoine  diaphorétique,  entière- 
ment semblable  à  celui  qu'on  obtient  en  traitant  Tantimoine  par 
l'esprit  acide  du  nitre.  L'antimoine,  ainsi  traité  par  l'une  ou  par 
l'autre  méthode,  augmente  de  poids  d'une  manière  à  peu  près 
constante.  Et  il  est  à  peine  concevable  que  cette  augmentation  de 
poids  puisse  provenir  d'autre  chose  que  des  particules  igno- 
aériennes,  fixées  pendant  la  calcination{i).  » 

Mayow  s'attache  ensuite  à  démontrer,  avec  la  lucidité  et  la 
justesse  d'observation  qui  le  caractérisent,  que  ce  n'est  pas  le 
soufre  qui  transforme  ici  l'antimoine  en  antimoine  diaphoré- 
tique. 

H  est  bon  de  rappeler  qu'il  fallait  alors  lutter  contre  une  mul- 
titudede  préjugés  invétérés.  Ainsi,  on  croyait  encore  généralement 
que  tous  les  métaux  se  composent  de  soufre  et  de  mercure,  et 
on  admettait  sans  peine  des  théories  alchimiques  qui  presque 
toutes  remontent  au-delà  dumoyenâge,  aux  troisième, quatrième 
et  cinquième  siècles  de  l'ère  chrétienne,  c'est-à-dire  à  l'époque 
de  l'école  néoplatonicienne  de  Plotin,  de  Porphyre  et  de  Jambli- 
que,  comme  nous  croyons  l'avoir  le  premier  démontré  par  l'a- 
■  nalyse  des  manuscrits  grecs  de  Zosime,  d'Olympiodore, 
de  Démocrite  le  jeune,  et  de  beaucoup  d'autres  philosophes, 
chimistes,  appartenant  à  cette  grande  époque  du  christianisme 
naissant,  en  lutte  avec  la  philosophie  païenne  : 

De  Vorigine  des  acides. 

Voici  ce  que  Mayow  nous  apprend  sur  les  acides  : 
«  Tout  le  monde  sait  qu'on  obtient  par  la  calcination  des  vi- 
triols l'esprit  acide  du  soufre.  Or,  comme  il  n'est  pas  probable  que 
le  soufre  contienne  originairement  en  lui-môme  le  principe  qui 
le  rend  acide,  et  qu'il  est  d'ailleurs  certain  que  cet  acide  peut  se 
produire  pendant  la  déflagration  du  soufre,  nous  pouvons  raison- 
nablement admettre  que,  dans  cette  déflagration,  les  particules 
du  soufre  et  les  particules  igno-aériennes  sont  agitées  par  un 
mouvement  rapide,  qu'elles  s'entre-choquent  et  s'aiguisent  réci- 


(1)  Quippe  vix  concipl  potest  unde  augmentum  illud  antimonii  nisi  a  parti- 
colis  nitro-aereis  igneisque  ei  inter  calcinandum  infixis  procédât. 


256  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

proquement,  de  manière  à  donner  naissance  à  un  corps  nouveau, 
à  une  liqueur  acide  qui  n'est  autre  chose  que  l'esprit  acide  du 
soufre  en  question. 

«  Lorsqu'on  fait  brûler  du  soufre,  les  particules  igno-aériennes 
entrent  dans  une  lutte  semblable;  leur  action  est  la  môme.  Ce 
qu'il  y  a  à  remarquer,  c'est  que  la  flamme  bleue  du  soufre  est 
beaucoup  moins  énergique  que  toute  autre  flamme  ;  aussi  y  peat- 
on  tenir  impunément  le  doigt  pendant  quelque  temps.  ^  No- 
tons ,  en  passant,  que  les  esprits  acides  qu'on  retire  de  la  dis* 
tillation  du  sucre  et  du  miel  sont  probablement  aussi  formés 
par  l'action  de  l'esprit  nitro-aérien. 

«  En  chauffant  de  l'esprit  de  nitre  avec  du  soufre  concassé, 
on  obtient  un  acide  tout-à-fait  semblable  à  celui  qu'on  obtient  par 
la  distillation  du  vitriol.  Dans  cette  opération,  le  soufre  s'empare 
des  mômes  particules  nitro-aériennes  qui  se  trouvent  et  dans  l'es- 
prit de  nitre  et  dans  l'air  ;  car,  lorsque  la  mine  salino-sufurçuse 
{gleba  salino-sulphurea)  (1),  ou  la  marcassite,  de  laquelle  on 
relire  le  soufre  commun,  se  trouve  exposée  à  l'influence  de  l'air 
et  de  la  pluie,  elle  se  convertit  en  vitriol.  Pourquoi  ?Parc^  que  les 
particules  nitro-aériennes  qui  existent  naturellement  dans  Tair 
entrent  en  fermentation  avec  les  particules  du  soufre,  qui  se 
change  en  acide. 

«  Ce  n'est  pas  tout  :  la  rouille  de  fer,  combinée  dans  le  vitriol, 
prend  elle-même  naissance  sous  l'influence  des  particules  nitro- 
aériennes  de  l'air  ;  car  l'acide  qui  se  produit  corrode  le  fer,  et 
le  transforme  en  rouille  avec  laquelle  il  se  combine,  et  il  se  passe 
alors  la  môme  chose  que  lorsqu'on  traite  le  fer  par  un  acide.» 

De  Vinjluence  de  Vesprit  nitro-aérien  sur  la  fermentation. 

Mayow  fait  jouer  aux  particules  nitro-aériennes  un  rôle  im- 
portant, nou-seulement  dans  la  fermentation  du  moût  de  vin  et 
de  la  bière,  mais  encore  dans  la  transformation  de  ces  liqueurs 
en  vinaigre.  Corruption  et  fermentation  sont  pour  lui  sy 
nonymes.  «  Toutes  les  choses  faciles  à  se  gâter  peuvent,  àta^ 
bri  du  contact  de  l'air,  se  conserver  et  être  garanties  de  la  cor- 
ruption (2).  C'est  pourquoi  des  fruits  et  des  viandes  couverts 

(1)  Sulfure  de  fer. 

(2)  ninc  en  qux  spîritum  nitro-aereum  excludunt,  res  a  corrupdone  virt^ 
dicant. 


TROISIEME  EPOQUE.  257 

le  beurre  sont  préservés  de  la  putréfaction,  de  même  que  le  fer 
!Dduit  d'huile  est  préservé  de  la  rouille.  » 

Mayow  consacre  ensuite  un  chapitre  entier  à  démontrer  que 
'élasticité  de  l'air  est  due  à  la  présence  des  particules  nitro- 
lériennes.  Les  expériences  et  les  raisonnements  qu'il  emploie 
i  l'appui  de  son  opinion  méritent  d'être  signalés. 

«  Les  expériences  de  Boyle,  ditTauteur,  ont  mis  hors  de 
doute  que  Tair  est  élastique  ;  maison  ignore  encore  l'origine 
de  cette  propriété.  Je  vais  maintenant  dire  ce  que  je  sais  sur 
ce  sujet.  D'abord  on  m'accordera  que  l'air  contient  certaines 
particules  que  j'ai  appelées  ailleurs  particules  nitro  ou  igno-aé" 
nemes;  qu'ensuite  ces  particules  sont  nécessaires  à  la  combus- 
tion, et  qu'enfin  l'air  privé  de  ces  particules  est  impropre  à  en- 
tretenir la  flamme. 

Voici  comment  l'auteur  procède  pour  démontrer  que  l'élasti* 
cité  del'dir  estdue  à  la  présence  de  ces  particules  nitro-aériennes. 

0 Personne  n'ignore,  dit-il,  que  quand  on  met  une  bougie 
50US  une  petite  cloche  renversée,  et  qu'on  place  ce  petit  appa- 
reil sur  la  surface  de  la  peau ,  la  flamme  ne  tarde  pas  à  s'éteindre. 
L'espace  circonscrit  par  la  petite  cloche  est  presque  vide;  car 
la  peau  est  refoulée  dans  l'intérieur  de  cette  cloche  par  la 
pression  de  l'air  ambiant  {ob  aeris  ambientis  pressurant).  On 
tne  dira  peut-être  que  c^t  effet  est  dû  à  l'agitation  rapide  et  à  la 
condensation  des  particules  ignées,  etc.;  mais  cette  explication 
Qeme  satisfait  nullement,  car  il  est  plutôt  probable  que  l'air  ou  une 
portion  de  l'air  se  combine  intimement  avec  la  flamme  à  laquelle 
il  sert  d'aliment^  de  telle  façon  qu'il  n'existe  pas  une  parcelle 
de  la  flamme,  si  petite  qu'elle  soit,  qui  ne  renferme  quelque 
chose  d'aérien,  enlevé  à  l'air  (1).  C'est  donc  à  la  présence  des 
particules  nitro-aériennes  qu'il  faut  attribuer  l'élasticité  de-l'air. 

«L'expérience  suivante,  continue  l'auteur,  me  fera  mieux 
comprendre.  Lorsqu'on  allume  une  bougie  s'élevanl  à  six  travers 
de  doigt  au-dessus  de  l'eau,  et  qu'on  l'emprisonne  sous  une 
cloche  de  verre  renversée,  on  remarque  que  l'eau  qui  se  trouve 
sous  la  cloche  est  d'abord  au  niveau  de  l'eau  environnante.  Mais 
i  mesure  que  la  bougie  brûle  vous  verrez  l'eau  s'élever  graduel- 
lement dans  l'intérieur  de  la  cloche  (ag'ttam  in  cucurbitx  cavita- 

{i)  Eienim  probabile  est  aerem  flammx  confestim  immisceriy  utpotecui  in 
^^lum  cedii;  ita  ut  ne  minima  quidem  flammx  pars  sit  in  qua  aeris  aU- 
V^fiUMlvLm  non  exista, 

BIftT.  DE  LA  CHIMIE.   —  T.   II.  17 


258  UISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

tem,  cum  adhuc  lucernadeflagrat^  gradathnassurgentempercipies). 
La  bougie  en  brûlant  s'est  donc  emparée  des  particules  nitro- 
aériennes  et  élastiques,  de  manière  que  Tair  est  devenu  inca- 
pable de  résister,  comme  auparavant,  à  la  pression  de  Tatmos- 
phère  (1).  » 

Mayow  répéta  la  même  expérience  avec  d'autres  matières 
combustibles,  telles  que  le  camphre,  le  soufre,  etc.,  qu'il  enflam- 
mait au  moyen  d'une  lentille.  Il  remarqua  qu'après  l'extinction 
de  la  flamme  il  lui  était  impossible  de  rallumer  ces  substances 
dans  l'air  qui  restait. 

«  Et  qu'on  ne  s'imagine  pas,  s'écrie  l'auteur,  que  ce  fût  parce 
que  le  noir  de  fumée  déposé  sur  les  parois  du  verre  s'opposait, 
à  la  transmission  des  rayons  concentrés  par  la  lentille  ;  car  j'avais 
eu  la  précaution  de  coller  dans  un  point  de  l'intérieur  du  verre? 
un  morceau  de  papier  que  j'enlevais,  au  moyen  d'un  fil,  aumo-^ 
ment  de  l'expérience  ;  c'est  par  ce  point,  pur  de  tout  noir  de  fu- 
mée ,  que  je  faisais  arriver  le  rayon  ardent. 

«  L'expérience  suivante  confirmera  l'hypothèse  que  l'air  qui  a 
servi  à  la  respiration  d'un  animal  a  moins  de  force  élastique, 
parce  qu'il  se  trouve  privé  des  particules  nitro-aériennes.  » 

Cette  expérience  consistait  à  faire  respirer  une  souris  dans  un 
vase  recouvert  d'une  membrane  mouillée.  Celle-ci  se  trouvait,  au 
bout  de  quelques  moments,  refoulée  vers  l'intérieur  du  vase, 
comme  si  l'on  y  avait  allumé  une  bougie  (  haud  secus  ac  si  cucur- 
bitula  cumjlamma  et  inclusa  applicata  fuerit).  Et  il  ajoute  qu'un 
petit  animal,  qu'une  souris  par  exemple,  peut  remplacer  la  flamme 
dans  l'application  de  la  ventouse. 

Pour  démontrer  que  pendant  la  respiration  les  animaux 
privent  l'air  de  ces  particules  vitales  {aer  particulis  vitalibus  per 
animalium  respirationem  orhatur)  ^  l'auteur  faisait  respirer  des 
animaux  emprisonnés  sous  des  cloches  de  verre  renversées  sur 
des  cuves  pleines  d'eau.  11  voyait  alors  l'eau  monter  dans  l'inté- 
rieur de  la  cloche,  comme  dans  l'expérience  de  la  combustion. 

«  En  mesurant  le  volume  d'air  qui  restait,  je  me  suis  assuré, 
dit-il,  qu'il  avait  diminué  d'un  quatorzième. 

«  Il  résulte  de  là  que  l'air  perd,  par  la  respiration  des  animaux 


(1)  Quod  lucema  vitro  inclusa,  per  deflagrationem  suam,  pariiculas  nitro- 
aereas  et  elasticas  deprxdata  est ,  ita  ut  aer  ibidem  atmosphœrx  pressurse 
non  velutiprius  resistei>e  valeat. 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  259 

comme  par  la  combustion,  de  sa  force  élastique;  et  il  faut  croire 
que  les  animaux,  tout  comme  le  feu,  enlèvent  à  l'air  des  parti- 
cules du  même  genre  (1).  » 

Mayow  fît  ensuite  une  série  d'autres  expériences,  par  les- 
cjuelles  il  constata  qu'un  animal  (souris)  emprisonné  avec  une 
bougie  allumée  sous  une  môme  cloche  renversée  sur  l'eau  expi- 
rait dans  un  espace  de  temps  moitié  moindre  que  s'il  y  avait 
respiré  seul ,  sans  la  bougie. 

a  Et  qu'on  ne  croie  pas,  ajoute-t-il ,  que  l'animal  ait  été  suf- 
foqué par  la  fumée.  Car  j'avais  employé  de  l'alcool,  qui,  comme 
on  sait,  ne  répand  pas  de  fumée.  » 

Mayow  entre  ensuite  dans  des  discussions  théoriques  qui 
n'offrent  que  peu  d'intérêt. 

Mais  l'air,  se  demande-t-il,  qui  reste  dans  la  cloche,  et  qui  ne 
peut  plus  servir  ni  à  la  combustion  nia  la  respiration,  n'est-il 
pas  élastique?  Certainement,  il  est  élastique,  et  il  l'est  autant 
que  l'air  ordinaire,  commç  mes  expériences  le  démontrent,  n 

Mayow  avoue  qu'il  se  présente  ici  une  grande  difficulté  à  ré- 
soudre  :  l'air  qui  reste  dans  la  cloche  doit  être  moins  dense  que 
celui  qui  a  été  absorbé,  etcependant  l'air  privé  de  ses  particules 
nîtro-aériennes  n'a  rien  perdu  de  son  élasticité,  bien  qu'il  ait 
perdu  de  son  poids. 

Le  chapitre  consacré  à  la  question  de  savoir  par  quels  moyens 
l*air  répare  les  pertes  qu'il  éprouve  journellement  par  la  respi- 

tion  des  animaux  et  la  combustion  est  fort  remarquable. 


Sur  la  reproduction  de  /'a/r  (utrum  aer  de  novo  generari  possit). 

Expérience.  — Que  l'on  mette  dans  un  large  vase  de  verre  un 

mélange  de  parties  égales  d'esprit  de  nitre  et  d'eau  de  fontaine; 

qu'ony  plongeensuiteun  petit  flacon  de  manière  qu'il  se  remplisse 

entièrement  de  ce  liquide.  Cela  fait,  on  introduira,  par  l'orifice  du 

ûacon,  deux  oU  trois  globules  de  fer,  puis  on  renversera  ce  flacon 

^ns  le  liquide  commun,  en  ayant  soin  que  les  globules  de  fer 

û'en  sortent  pas ,  ce  qu'on  évite  en  bouchant  l'orifice  avec  le  doigt. 

Tout  étant  ainsi  disposé,  l'acide  attaque  les  globules  de  fer  avec 


{\)Sx  quibvs  manifestum  est  aerem  per  animalium  respirationem  vi  sua 

t-9- 1     ^If^ka  deprivari,  et  utique  credendum  est  animalia  ignemque  pariiculas 

ffi  I     Wdem  generis  ex  aère  exhaurire.  —  Boyle  avait  déjà  émis  une  opinion  à  peu 

'  près  semblable. 

17. 


260  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

effervescence,  et  Ton  voit  aussitôt  un  souffle  (halilus)  (1)  s'éle- 
ver sous  forme  de  bulles ,  et  constituer  à  la  partie  la  plus  élevée 
du  flacon  un  corps  aériforme  (aiiramO  qui,  en  augmentant  de 
volume  déprime  Teau  dont  il  prend  la  place  (2).  Lorsque  le  fla- 
con est  entièrement  rempli  de  ce  corps  aériforme,  il  faut,  pour 
que  celui-ci  ne  s'échappe  pas ,  se  garder  d'élever  Toriâce  du 
flacon  au-dessus  du  niveau  du  liquide.  ' 

«Ce  corps  aériforme,  à  quelque  froid  qu'on  Texpese,  ne  se 
condense  jamais  en  un  liquide  (3). 

((  Si  à  la  place  de  l'esprit  de  nitre  nous  employons  l'huile  de 
vitriol  étendue  d'eau  ^  nous  reproduisons  ce  même  air,  qui  n'est 
susceptible  d'aucune  condensation.  Or,  cet  t^r  est-il  de  l'air  vé- 
ritable? C'est  ce  qu'il  n'est  pas  facile  de  déterminer.  Ce  qu'il  y  a 
de  certain,  c'est  qu'il  a  le  même  aspect  que  l'air  ;  il  se  contracte 
par  le  froid  et  il  a  la  même  élasticité.  Mais,  malgré  tout  cela,  on 
a  peine  à  croire  que  ce  soit  de  f  air  véritable.  » 

C'était  là  déjà  un  grand  pas  de  fait;  Boyle,  qui  avait  obtenu 
l'hydrogène  quelques  années  avant  Mayow,  le  confondait  avec 
l'air  commun  (4). 

De  la  respiration  (5). 

((  J'avais  déjà  annoncé,  continue  Mayow,  dans  un  précédent 
traité,  que  l'usage  de  la  respiralion  consistait  en  ce  que,  par  le 
ministère  des  poumons,  certaines,  particules  absolument  néces- 
saires au  maintien  de  la  vie  animale,  sont  séparées  de  l'air  et  mê- 
lées à  la  masse  du  sang,  et  que  l'air  expiré  a  perdu  quelque  chose 
de  son  élasticité. 

«  Les  particules  aériennes  absorbées  pendant  la  respiration 
sont  destinées  à  changer  le  sang  noir  ou  veineux  en  sang  rouge 
ou  artériel  ;  aussi  le  sang  exposé  à  l'air  a-t-il  une  couleur  plus 

(1)  Halitus,  signifie  ici  gaz.  ^ 

(2)  Ce  corps  aériforme,  qui  était  un  oxyde  d'azote,  Mayow  le  confondait  avec 
un  autre  gaze  (  l'hydrogène),  qui  pourtant  est  loin  d'avoir  les  mêmes  propriétés. 

(3)  Auraque  ea,  iempestate  frigidisshna  exisfente,  nunquam  (ameninliquo- 
rem  condensabitur. 

(4)  Voy.  plus  haut,  p.  155. 

(5)  Mayow  avait  déjà  publié  (trois  ans  auparavant)  un  traité  sur  la  respiration 
[Tractaius  primus  de  respirât ione^  etc.;  Leyde,  1671.  12),  dans  lequel  il  est 
question  des  particules  nitro-aériennes  de  Tair.  L'auteur  n'avait  à  cette  époque 
que  vingt-six  ans. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  *  ^  261 

rouge  à  la  surface  qui  se  trouve  immédiatement  en  contact  avec 
rair(i). 

«  Expérience.  Lorsqu'on  prend  du  sang  conservé  depuis  quel- 
que temps,  et  qu'on  le  met  sous  une  cloche  où  l'on  fait  le  vide 
au  moyen  d'une  machine  pneumatique  [ex  quo  aer  per  antliam 
aeream  exhauritur),  on  remarque  une  légère  effervescence  et 
quelques  bulles  qui  s'élèvent.  Mais  lorsqu'on  prend  du  sang  arté- 
riel récent,  et  qu'on  le  place  encore  chaud  sous  une  cloche 
oii  l'on  fait  le  vide,  on  observe  qu'il  augmente  coilsidérablement 
de  volume,  et  qu'il  laisse  échapper  une  quantité  infinie  de  pe- 
tites bulles.  Cette  effervescence  est  probablement  due  à  un  dé- 
gagement de  particules  aériennes  qui  s'y  trouvent  logées.  » 

Mayow  assimile  la  respiration  à  une  véritable  fermentation. 
a  Car,  dit-il,  dans  la  fermentation  du  vin,  de  la  bière,  etc.,  il  y 
a  absolution  de  particules  igno-aériennes,  tout  comme  dans  la 
respiration.  » 

En  parlant  de  la  chaleur  animale  (  incalescentia  ),  il  n'hésite 
pas  à  en  attribuer  l'origine  à  la  respiration  ou  à  l'absorption  des 
particules  igno-aériennes.  «Ne  voyons-nous  pas,  ajoute- t-il,  que  la 
marchasite  du  vitriol  (2)  exposée  à  l'air  humide  s'échauffe  et  ac- 
quiert une  chaleur  assez  intense,  à  mesure  qu'elle  absorbe  les 
particules  igno-aériennes  qui  la  transforment  en  vitriol?  » 

li  importe  de  noter  que  cette  absorption  des  molécules  igno- 
aériennes  par  le  sulfure  de  fer  est  elle-même  regardée  par  Mayow 
comme  un  phénomène  de  fermentation.  «  On  a  objecté,  conti- 
nue-t-il,  que  les  liqueur  s.  qui  fermentent  n'acquièrent  pas  de 
chaleur  pendant  la  fermentation.  Cependant  l'expérience  vul- 
gaire nous  apprend  que  les  liqueurs  épaisses,  comme  celle  de 
la  bière,  s'échauffent  un  peu  pendant  la  fermentation.  » 

.Enfin,  l'auteur  termine  en  affirmant  avec  raison  que  l'urine  et 
le  sang  développent  par  la  putréfaction  un  sel  tout  à  fait  sem- 
blable au  sel  ammoniac,  car  lorsqu'on  y  plonge  du  cuivre,  celui- 
ci  est  attaqué  comme  par  du  sel  ammoniac.  «  D 'ailleurs ,  ajoute- 
■  Wl,  lorsqu'on  mélange  de  l'urine  ou  du  sang  avec  des  cendres ,  on 
obtient  par  la  distillalion  une  grande  quantité  de  sel  volatil,  à  me- 
sure que  le  sel  fixe  des  cendres  absorbe  tout  l'acide  contenu  dans 
'  l'urine;  de  telle  façon  que  le  sel  volatil  libéré  des  liens  de  l'acide 

(1)  Comparez  plus  haut,  p.  216. 

(2)  Sulfure  de  fer. 


y 


262  HISTOIRE  ££  li.  GUlMlE. 

se  dégage  facilement,  et  qu'il  se  passe  ici  absolument  ce  qui  ar- 
rive lorsqu'on  distille  un  mélange  de  sel  ammoniac  et  de  sel  fixe 
(alcali  lixe).  » 

Mayow  avait  29  ans  lorsqu'il  publia,  en  1674,  le  beau  travail  • 
dont  nous  venons  de  donner  une  analyse  succincte.  Ce  travail 
renferme,  à  côté  d'un  grand  nombre  d'expériences  nouvelles,  tout 
ce  que  ses  prédécesseurs  avaient  avancé  de  plus  vrai  sur  cette 
matière  difficile.  Cinq  ans  après  l'auteur  était  mort  !  Cette  mort 
prématurée  retarda  d'un  siècle  l'avènement  de  la  chimie  moderne. 

§16.  • 

Jlean  Bernoulli. 

# 

Les  travaux  de  Mayow  trouvèrent  de  l'éého  en  Angleterre  et 
dans  d'autres  pays  de  l'Europe.  Mais  ils  furent  repoussés  comme 
trop  hardis  et  même  extravagants  par  les  disciples  de  la  science 
traditionnelle. 

H.  Mund(1),-L.  m.  Barbieri  (2) et  J.-B.  Giovannini(3)  adoptèrent 
hardiment  les  idées  de  Mayow. 

N.  Peghlin  (4),  Al.  Littre  (5),  F.  Slare  (6),  en  suivirent  éga- 
lement la  direction. 

Jean  Bernoullt  ,  dans  une  dissertation  remarquable  sur  l'cf' 
fervescence  et  la  fermentation^  fit  connaître  des  faits  nouveaux 
qui  devaient  venir  à  l'appui  des  idées  de  Mayow.  Ces  faits  atti- 
rèrent  particulièrement  l'atlenlion  des  chimistes  et  des  pliysi- 
ciens  sur  la  nature  des  fluides  élastiques  (7). 

L'auteur,  qui  s'acquit  comme  mathématicien  une  si  grande  ré- 
pulalion,  reconnut  que  les  premières  bulles  qui  se  dégagent  lors- 
qu'on chauffe  de  l'eau  ne  sont  que  de  l'air,  et  que  les  poissons 
ne  peuvent  point  vivre  dans  l'eau  bouillie,  parce  que,  corïïi^® 
tous  les  animaux,  ils  ne  respirent  que  de  l'air;  que  les  branci^^^ 

(1)  Bioxpyi<yioXoYia,  sive  Comraentarii  de  aère  vitali,  etc.;  Oxford,  1680,   1^^^' 
in-8'';  Lond.,  1681  ;  Francf.  et  Leipz.,  1685. 

(2)  Spiritus  nitro-aerei  operationes  in  microcosmum  ;  Bologne.,  1681 ,  in— ^^* 

(3)  Dissertation  sur  la  fermentation,  surlenilre  et  l'air;  Touloufse,  1685,îï*"^ 

(4)  Deaeris  et  alimenti  defectu  ;  Kiel.,  1676,  in-8°. 

(5)  Ergo  aer  hominem  nutrit;  Paris,  1689. 

(6)  Philosopl).  Transact.,  1682,  n.  204. 

(7)  Dissertatio  de  effervescentia  et  fermenta tione,  etc  ;  Bàle,  1590 ,  in-i*". 


TROISIÈME  ÉPOOUE.  263 

:  usage  de  séparer  ce  fluide  élastique  de  l'eau,  allD  de  le 
vir  à  la  respiration  (1). 

lonlra  aussi  l'existence  d'un  corps  aériforme  (gaz  acide 
lue)  dans  la  craie,  et  parvint  aie  recueillir.  Pour  cela,  il 
I  un  gros  tube  de  verre  fermé  à  l'un  des  bouts  (éprotv 
ju'il  fît  plonger  dans  un  petit  bassin  ou  cuvette  de  verre, 
rempli  d'une  liqueuràcide.  L' éprouve tte était  elle-mfime 
lient  remplie  de  la  môme  liqueur,  et  par  son  eslrémité 
,  renversée  dans  la  cuvette.  Après  avoir  aiasi  disposé  son 
pareil,  il  introduisit  dans  le  bout  inférieur  et  ouvert  de 
ette  un  morceau  de  craie  ;  aussitôt  il  se  manifesta  un  de- 
nt de  nombreuses  bulles  de  fluide  élastique,  qui  chas- 
eau  de  l'éprouvette  pour  en  occuper  la  place, 
la  figure  de  ce  petit  appareil. 


)ulli  se  contenta  de  conclure  seulement  de  cette  expé- 
50e  des  corpi  solides  peuvent  renfermer  une  fluide  élai' 

arlantde  la  fermentation,  il  affirme  que  le  pain  doit 
iitéaux  airs  qui,  au  moment  oii  ils  s'échappent,  soulèvent 


.,c.  XIV  ;  Vldeiiias  si  atjua  super  igné  coquatur  l>ullulaae]icitari, ma- 
irie aeris  intra  latenlis  inaitio,  qui  ope  igiiU  ililatatur,  omniaque  Vm- 
is  relinebatiLt  soWît,  el<ib  levilatcm  ad superliciem  usque  fertur ubi  la- 
is formai;  liinc  lit,  ut  pisces  in  aqua  quœ  semei  e1>uUil(  vivere  non 
ib  derectum  neinpe  aeris  qui  in  ebuUilione  omnis  eilialavit;  aerem 
lisces  haurire  «que  nefesse  est  ac  cœtera  animalia  :  in  hune  linem  eo- 
chiœ  conditai  sunl,  ul  illarum  ope  aerem ,  qui  ad  vilam  sustenlandw» 
js  est,  ab  aqua  secenianl. 
iertatio  de  efTervesccntia,  etc..  f.  xv. 


264 


HISTOIRE  DE   LA   CIUHIE. 


la  p&te,  et  la  font  ressembler  à  une  éponge;  et  que  le  paÏD  non 
fermenté  est,  au  contraire,  lourd  et  compacte  (1). 

L'auteur  démontra  expérimenlalement  que  l'effet  de  la  poudre  ■ 
à  canon  est  dû  à  des  ^az  ou  Quides  élastiques  qui ,  étant  mis  eD 
liberté,  demandent  à  occuper  un  espace  beaucoup  plus  considé-  - 
rable  qu'auparavant  et  poussent  par  conséquent  devant  eux 
.  tons  les  obstacles  qu'ils  rencontrent.  Pour  faire  cette  expérience , 
il  mit  quatre  grains  de  pondre  dans  un  matras  ayant  un  col  très- 
allongé  et  recourbé,  lequel  plongeait  par  son  extrémité  ouverte 
dansuD  vase  contenant  de  l'eau.  11  calcula,  d'après  l'abaisse- 
mentde  la  colonne  liquide  du  col  du  matras,  l'élenduede  l'es- 
pace que  devaient  occuper  ces  quatre  grains  de  poudre  enflam- 
més à  l'aide  d'une  lentille  ardente,  et  réduits  à  l'état  de  gaz. 

Voici  la  figure  qu'il  donne  de  celte  expérience ,  extrêmement 


Il  en  conclut  que  le  fluide  élastique  contenu  dans  la  poudre  à 
canon  éprouve  dans  cet  état  solide  une  condensation  de  plus  de 
cent  fois  son  volume  (t).  On  sait  aujourd'hui  que  l'espace  qu'oc- 

(1)  Dissert,  de  effervegc,  c.  \v. 

(î)  Dissertatio  de  rfferïegcentia,  etc.,  c.  nxii. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  265 

oupent  les  gaz  provenant  de  Tinflammation  de  la  poudre  est  de 
beaucoup  plus  considérable  que  ne  l'indique  Bernoulli  :  il 
ignorait  que  ces  gaz  se  dissolvent  en  grande  partie  dans  Teau,  ce 
qui  devait  diminuer  d'autant  l'abaissement  de  la  colonne  au- 
dessous  du  niveau  du  liquide  environnant. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Bernoulli  n'en  est  pas  moins  le  premier 
qui  ait  donné  l'idée  de  mesurer  exactement  l'expansion  des 
fluides  élastiques. 

Le  président  de  la  Société  de  Brescia^  le  F.  Lana,  avait  fait,  de 
son  côté,  de  nombreuses  expériences  sur  l'élasticité  de  Tair,  sur 
les  effluves,  sur  les  exhalaisons  de  la  paille ,  etc.  Mais  ses  recher- 
clies,  en  général,  ont  beaucoup  moins  pour  objet  la  chimie  que  la 
pliysique,  la  mécanique  et  l'astronomie  [i). 

Tous  ces  travaux,  depuis  Van-Helmont  jusqu'à  Bernoulli  (de 
1640  à  1700),  devaient  fournir  des  matériaux  précieux  pour  le 
rapide  développement  de  la  science.  Les  chimistes  du  XVIII* 
siècle  en  ont  largement  profité,  bien  qu'ils  n'aient  pas  toujours 
rendu  justice  à  leurs  prédécesseurs. 

Foii«latioii  des  sociétés  savaiites. 

La  fondation  des  sociétés  savantes  au  dix-septième  siècle  est 
^n  événement  important  dans  l'histoire  des  sciences.  C'est  aux 

(1)  Magistetium  naturœ    et   artis,  opus  phUosophicomathematicum 
'*•  Francisci  Tertii  de  Lanis^  societatis  Jesu,  firixiçnsis  ;  Brixiœ^  1684,  in- 
,  '^î-,  1. 1;  t.  n,  Brixioc,  1686,  iu-foL  —  On  trouve  dans  le  tome  l""  un  grand 
'Nombre  de  propositions  sur  les  propriétés  physiques  des  corps, eu  général,  et  sur 
*  ©Doploi  des  forces.  En  astronomie,  il  combat  le  système  de  Copernic,  qu'il  re- 
Sarde  comme  faux  (Tract.,  III,  p.  409).  On  peut  lui  reprocher  d'être  trop  prolixe 
^^sses  démonstrations.  Le  tome  II  renferme  seul  quelques  chapitres  ayant  trait 
^  la  chimie.  L'auteur  semble  croire  à  la  transformation  du  rubis,  du  saphir,  etc., 
^  diamant.  Pour  opérer  ce  phénomène,  il  conseille  remploi  de  la  limaille  d'a- 
cier. —  On  se  rappelle  sans  doute  que  le  manganèse  employé  en  proportion 
c^^venable  jouit  de  la  propriété  de  décolorer  les  verres  de  couleur,  et  de  les 
transformer  en  un  cristal  ou  en  une  sorte  de  faux  diamant.  —  Sa  méthode  de  con- 
^trer  l'alcool  consiste  à  faire  passer  les  vapeurs  spiritueuses  à  travers  une 
^"Mmbrane  de  vessie  de  porc;  le  phlegme  (eau)  serait  ainsi  séparé  de  l'alcool  (lib. 
iB    \  c.  3,  p.  32).  Ce  mode  de  séparation  rappelle  ce  qu'on  nomme  aujourd'hui 
^^M   \  diahfse.  —  Le  P.  Lana  n'est  pas  toujours  très-sévère  dans  le  choix  de  ses 
■    ffopotitions  chimiques ,  et  il  accorde  une  créance  trop  facile  aux  secrets  des 
'    "    Chimistes,  c'est  ce  qu'on  voit  par  exemple  lib.  II,  p.  75  :  Ex  communi  aère 
h^rgyrumseu  argentum  vivumprolicere);  —  Ibid.,  p.  35  :  Aère  vel  cus' 
P*<te  acuto  hrachia  vel  crura  perforare  sine  uHo  doloris  sensu  j  etc. 


266  UISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

travaux  et  aux  efforts  constants  de  ces  sociétés  que  l'on  doit  la 
vulgarisation  de  la  méthode  expérimentale.  Cette  méthode  « 
qui  sépare  d'une  manière  si  nette  le  moyen  âge  des  temps  mo- 
dernes, est  elle-même  toute  une  révolution.  Mais  il  est  arrivé 
ici  ce  qui  était  arrivé  ailleurs  :  en  réagissant  contre  Télé- 
ment  intellectuel,  on  s'écartait  plus,  d'une  fois  de  la  voie  de 
la  vérité.  Trouver  des  faits  ,  encore  des  faits,  toujours  des  faits,  voi- 
là, en  quelque  sorte,  le  mot  d'ordre,  de  presque  toutes  les  so- 
ciétés savantes,  depuis  leur  origine  jusqu'à  nos  jours.  C'était 
une  protestation  énergique  contre  le  passé,  où  l'on  mettait 
l'autorité  des  paroles  de  quelques  maîtres  au-dessus  de  celle  de 
l'expérience.  Arrière  les  théories,  vivent  les  faits  !  Voilà  le  cri 
général.  Nous  nous  y.  associons  volontiers;  à  une  condition  pour- 
tant, c'est  que  les  faits  soient  liés  entre  eux  par  le  raisoime- 
ment,  qui  corrige  les  erreurs  de  nos  sens  et  nous  conduit 
ainsi  aux  lois  universelles,  qui  effacent  les  conditions  de  l'es- 
pace et  du  temps.  Il  n'y  a,  dit-on,  rien  de  plus  brutal  qu'un 
fait  pour  entraver  les  spéculations  du  théoricien.  Cela  est 
incontestable  ;  mais  il  ne  faut  pas  non  plus  oublier  qu'il  n'y 
a  rien  de  plus  stupide  qu'un  fait  isolé,  qui,  tel  qu'il  est  souvent 
présenté,  ne  se  rattache  à  aucune  cause  connue.  Il  faut  donc 
concilier  V individualisation  des  faits  avec  leur  généralisation^ 
par  l'emploi  pondéré  de  ce  double  outillage  qu'on  appelle  sens 
et  intelligence.  Là  est  l'avenir  de  la  science. 

L'idée  de  ces  associations  qui  se  proposent  de  travailler 
en  commun  aux  progrès  des  connaissances  humaines  remonte 
à  la  plus  haute  antiquité,  et  elle  s'est  reproduite  dans  tous 
les  temps.  Nous  avons  vu  les  prêtres  de  l'Egypte  établir  leurs 
laboratoires  dans  les  temples,  et  y  pratiquer  l'art  sacré.  Py" 
thagore  et  Platon  avaient  emprunté  à  ces  maîtres  l'esprit  d'as- 
sociation qui  animait  toutes  les  grandes  écoles  philosophiques  de 
la  Grèce.  Plus  tard,  les  alchimistes,  imitant  les  prêtres  de  Thô- 
bes  et  de  Memphis,  se  réunissaient  dans  les  temples  chrétien: 
pour  se  communiquer  réciproquement  leurs  idées  ou  leurî 
découvertes.  C'était  la  théorie,  c'était  l'élément  spéculatif  q»^ 
l'emportait  ici  en  s'éloignant  de  l'élément  expérimental.  Mai 
bientôt  l'esprit  humain,  obéissant  en  quelque  sorte  à  la  loi  uni 
verselle  du  pendule,  fera,  pour  ainsi  dire,  une  excursion  en  seP 
contraire  :  il  inclinera  visiblement  vers  le  domaine  de  l'obseJ 
vation. 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  267 

Les  Académies  de  Florence,  de  Paris  et  de  Londres,  n'avaient 
pas  surgi  tout  d'un  coup.  Avant  leur  fondation  on  connaissait 
déjà  TAcadémie  des  Secrets  qui  s'éteignit  avec  Porta ,  et  surtout 
celle  des  Lyncei,  fondée  vers  i602,  et  qui,  après  une  existence 
courte  mais  utile,  fut  bientôt  dissoute  après  la  mort  du  prince  de 
Cesi,  le  protecteur  de  Galilée  (1).  C'est  donc  à  l'Italie  que  revient 
l'honneur  de  l'initiative  de  l'établissement  des  sociétés  savantes 
modernes. 

Dès  avant  4648,  sous  le  règne  de  Ferdinand  II,  grand-duc  de 
Toscane,  onavait  vuapparaître  une  sociétédont  les  travaux  avaient 
particulièrement  pour  objet  les  sciences  physiques  (2).  On  y 
faisait  des  expériences  intéressantes  sur  la  concentration  de  l'es- 
prit-de-vin  parla  congélation;  sur  la  quantité  de  cendres  contenues 
dans  de  la  paille  et  dans  plusieurs  espèces  de  bois  ;  sur  la  dissolu- 
.  tion  du  mercure  dans  l'eau  régale,  des  perles  dans  le  vinaigre  ;  sur 
le  froid  produit  par  l'évaporationde  Tesprit-de-vin  et  de  l'eau  (3). 
Mais  ce  n'est  qu'en  1637  que  fut  créée  l'Académie  dei  Cimento, 
sous  le  patronage  du  prince  Léopold,  frère  du  grand-duc  Fer- 
dinand II  (4).  Cette  célèbre  académie,  qui  compta  au  nombre 
de  ses  membres  J.-A.  Borelli,  Alex.  Marsigli,  A.  Oliva,  Fr. 
Redi^  ne  publia  ses  travaux  que  dix  ans  environ  après  sa  fonda- 
tion officielle.  Malheureusement  elle  eut  bientôt  le  sort  de  beau- 
coup d'autres  sociétés  savantes  :  son  protecteur,  étant  devenu 
cardinal,  oublia  d!encourager  l'Académie  del  Cimento,  qui  bien- 
tôt après  cessa  d'exister.  Parmi  les  travaux  de  l'Académie  de 
Florence  qui  intéressent  plus  directement  la  chimie,  on  trouve 
des  expériences  fort  remarquables  sur  le  changement  des  cou- 
leurs à  l'aide  des  réactifs;  sur  la  cristallisation  des  sels  dans 
l'eau;  sur  la  fusion  des  métaux  ;  sur  la  vaporisation  de  différents 
liquides;  sur  la  dissolution  des  coraux  dans  le  vinaigre,  etc.  (5). 

(1)  G.  Libri,  Histoire  des  sciences  mathématiques  en  Italie,  t.  IV,  p.  250. 

(2)  TargioDi  Tazzetti,  Notizie,  1. 1,  p.  II,  §  xxix,  xxx,  p.  lGO-164. 

(3)  Registro  d'esperienze  e^  osservazioni  uaturali  fatte  dal  serenissimo  gran  - 
duca  Ferdinando  II  e  da  alcuni  suoi  cortigiani,  etc.;  \oy.  Targioni  Tozzetti,  t.  II, 
p.  I,  appeud.  II,  n.  \x,  p.  163-182. 

(4)  J.-B.  Nelli,  Saggio  (Tisioria  lelteraria  fiorentina  del  secolo  XVII ^  p.  82 

(6)  Saggi  di  nalurali  esperienze  faite  nelV  Academia  del  Cimento  ;  Firenz., 
1666,  in-fol.  —  J.-Ph.  Cecchi  eu  fit  paraître  une  seconde  édition  in- fol.  Une  Iroi- 
«ëmepanit  à  Venise  en  171 1 ,  in-4°,  et  une  quatrième  ibid.,  en  1761 ,  in-8^  Deux 
éditions  furent  puWiées  à  Naples,  Tune  en  1691,  l'autre  en  1714,  in-fol.  L'édition 


268  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Au  milieu  des  dissensions  civiles  qui  désolèrent  l'Angleterre 
vers  la  fin  du  règne  de  Charles  P',  un  petit  nombre  de  citoyens, 
amis  des  sciences  et  de  la  paix,  et  liés  entre  eux  par  Tamour  de 
la  retraite  et  de  la  philosophie  expérimentale,  s'assemblaient  au 
collège  de  Wadham  à  Oxford,  et  au  collège  de  Gresham  à  Lon- 
dres, pour  s'entretenir  de  mathématiques,  de  chimie,  d'histoire 
naturelle  et  de  médecine. 

Le  projet  de  François  Bacon  allait  enfin  se  réaliser,  et  même  au 
delà  des  vœux  que  l'illustre  chanchelier  avait  exprimés  (1).  Dès 
l'année  1645  ces  assemblées  eurent  lieu  sous  la  direction  de 
Robert  BoYLE,  assisté  du  savant  évêque  Wilkins,  et  de  Théodore 
Haak,  résident  de  l'électeur  Palatin  à  Londres. 

Nous  avons  déjà  fait  connaître  les  autres  membres  (2)  de  ces 
assemblées,  qui  se  tenaient  d'abord  séparément  à  Londres  et  à 
Oxford,  en  correspondant  entre  elles.  Mais  dès  l'année  1659 
elles  se  réunissaient  toutes  les  deux  à  Londres.  Leurs  travaux  fu- 
rent momentanément  suspendus  pendant  les  troubles  sanglants 
qui  devaient  avoir  pour  résultat  la  fia  tragique  de  Charles  P' 
et  l'avènement  de  Cromwell  au  pouvoir  souverain.  Après  le  re- 
tour de  la  famille  royale,  la  société  du  collège  de  Gresham  obtint, 
en  1662,  la  sanction  de  Charles  II,  qui  lui  donna  des  statuts  et 
plusieurs  privilèges  (3).  Dès  lors  elle  prit  le  nom  de  Société 
royale  de  Londres,  se  divisa  en  huit  classes,  au  nombre  desquelles 
est  comprise  la  chimie  ;  elle  s'assembla  régulièrement  toutes  les 
semaines. 

Les  fonds  mis  à  la  disposition  de  la  Société  royale  étaient  d'a- 

la  plus  récente  et  la  plus  complète  est  de  Targioni  Tozzetti;  voy.  Notizie  degli 
aggrandimenti  délie  science  fisiche,  etc.,  t.  II,  p.  Il;  Firenz.,  1780.  —  Traduc- 
tion anglaise,  par  Waller  :  Essays  of  naiural  experiments  mode  in  the  aca- 
demy  del  Cimento;  London,  1684,  in-4°.  —  Traduction  latine  par  Musschen- 
broek  :  Tentamina  experimcnlorum  naturalium,  etc.,  Lugd.,  1731,  m-4**. 
Trad.  en  français  par  Lavirotte  (Collection  de  TAcadémie  des  sciences,  etc.,  1755). 

(1)  Atlantisnova,  imprimé  avec  Hisior.  nat.,  cent.  X;  Amstelod  ,  1661 ,  in- 
12.  Voy.  Oldenburg,  dans  la  préface  aux  Philosoj^hical  Transactions,  n.  133, 
p.  815. 

(2)  Voy.  plus  haut,  p.  147. 

(3)  Chartres  and  statuts  ofthe  royal  Society  ofLondon;  Lond.,  1728,  in-S*».  — 
Th.  Sprat,  History  ofthe  royal  Society  of  London  for  theadvancement  of  ex- 
périmental philosophy;  Lond.,  1667,  in-4**;  traduit  en  français,  Genève,  1669, 
in-8**.  —  J.-B.  Menken,  Oratio  de  Societatis  regix  Anglicanœ  origine,  legihus 
ac  sociis;  Lips.,  1734,  in-8®.  —  Th.  Birch,  History  ofthe  royal  Society 
London^  etc.,  vol.  let  II,  in-4°;  London,  1756;  vol.  III  et  IV,  ibid.,  1757. 


TROISIÈME  ÉPOQTTE.  269 

bord  très-môdiques,  ce  dont  se  plaignait  son  secrétaire,  H.  Olden- 
burg,  .dans  une  lettre  adressée  à  Boyle.  Cependant  dès  1664  la 
Société  comptait  déjà  cent  cinquante  membres,  et  la  publication 
de  ses  Mémoires  commence  en  1665,  sous  le  titre  de  Philoso- 
phical  Transactions,  giving  some  account  of  ihe  présent  vnder- 
takings,  studies  and  labours  of  the  ingénions  in  many  considé- 
rable parts  of  the  world  (l). 

(j)  Voici  la  liste  des  travaux  (section  de  chimie),  contenus  dans  les  seize  pre- 
miers Tolames  (191  numéros)  : 

VOLUMB  I. 

W.  Pope ,  de  la  mine  de  mercure  du  Frioul  et  des  fabriques  de  laiton  à  Tivoli. 
—  R.  Moray ,  des  pyrites  de  Liège  et  de  leur  usage.  —  Th.  Hensbaw,  expé- 
riences faites  avec  la  rosée  de  mai.  —  Expériences  faites  avec  le  miroir  ardent  de 
M.  de  Yillette.  —  Examen  des  sources  minérales  de  Paderbom  et  de  Bàle  ;  sur 
les  sources  salées  de  Halle  et  de  Lunebourg.  —  G.  Talbol,  sur  un  minerai  de 
plomb  alumineux  delà  Suède. 

YULCME  II. 

Du  blanc  de  baleine.  —  Colepress,  sur  un  breuvage  fermenté,  provenant  d'un 
mélange  de  suc  de  pomme  et  de  baies  de  mûrier. 

Volume  III. 

M.  Behm,  sur  la  coagulation  du  sérum.  —  Colepress,  sur  le  verre  artificiel 
opalin  et  du  rubis.  —  Des  mines  de  Mexique. 

Volume  IV. 

Grandville,  sur  l'eau  de  Bath.  —  Highmore,  sur  une  source  minérale  à  Farring- 
ton.  —  Des  marais  salants  de  France.  —  Jackson,  des  salines  de  Chesbire.  —  No- 
tice sur  une  éruption  de  l'Etna.  —  Brown,  sUr  les  mines  de  mercure  d'Idria. 

Volume  V. 

Beale,  sur  les  eaux  minérales.  —  Des  eaux  minérales  en  Hongrie.  —  Wiftis , 
.sur  les  eaux  minérales.  —  Montauban ,  sur  la  préparation  du  vin  de  muscat.  — 
De  la  fabrication  du  vinaigre.  —  Hauton,   procédé  pour  rendre  l'eau  de  mer 
potale.  —  J.  Wray,  sur  l'acide  de  la  fourmi. 

Volume  VI. 

Observations  sur  les  mines  d'étain  dans  la  Cornouailles  et  de  Devonshire.  — 
Observations  sur  (pielques  couleurs  des  végétaux  et  des  insectes ,  et  l'altération 
que  ces  couleurs  éprouvent  par  l'action  des  substances  salines.  —  Expériences 
de  Lana ,  faites  avec  le  miroir  ardent  de  Villette. 

Volume  VII. 
Js.  Newtoii ,  sur  l'alliage  le  plus  convenable  pour  faire  des  miroirs  concaves. 

Volume  VIII. 
D.  Coxe,  sur  le  moyen  de  retirer  l'alcali  volatil  de^  plantes.  —  Becherches  sur  le 


270  HlSXdÏRE  DE  LA  CHIMIE. 

Il  y  avait  à  Paris  sous  le  règne  de  Louis  Xlll  un  homme  fort 
savant,  qui  suivait  avec  le  plus  vif  intérêt  le  mouvement  scien- 
tifique de  TEurope;  c'était  le  père  Mersenne,  le  même  qui  avait  tra- 
duit en  français  les  écrits  de  Galilée  (1  ),  et  qui  était  en  correspon- 
dance avec  les  savants  les  plus  distingués  de  la  France,  de  Tltalie, 
de  l'Allemagne  et  de  l'Angleterre.  Le  père  Mersenne  réunissait 
chez  lui,  dès  1635,  un  certain  nombre  d'amis  qui  s'occupaient  en 
commun  de  diverses  expériences  de  physique  (2):  Plus  tard,  ces 

vitriol.  —  Sur  le  tannage  du  cuir.  —  D.  Coxe ,  recherches  pour  démontrer  que 
les  sels  lixiviels  sont  produits  par  le  feu.  —  D.  Coxe ,  recherches  sur  les  sels 
volatils.  —  Lister,  sur  refi'ervescence  des  pyrites ,  et  la  vitrification  de  Tanli- 
moine  avec  un  minerai  de  plomb. 

YOLCME  XII. 

H.  Po^le ,  description  des  forges  dans  la  forêt  de  Dean.  —  Ph.  Vematti,  sur  la 
fabrication  du  blanc  de  plomb.  —  Ch.*^ferret,  sur  les  mines  d^étain  dans  la  Cor* 
nouailles.  —  De  Taftinage  de  For  et  de  Targent,  par  le  même.  —  J.  Goddard,  ex- 
périences sur  la  purification  de  Tor  par  l'antimoine.  —  CoUwall,  description  des 
fabriques  d'alun  d'Angleterre.  —  Description  des  fabriques  de  vitriol  d'Angle- 
terre, par  le  même.  —  Raslell,  descriptions  des  salines  de  Droytwich  dans  le 
Worcestershire.  —  R.  Moray,  sur  la  fabrication  du  malt,  en  Ecosse. 

Volume  XIII. 

Fr.  Slane ,  sur  les  mélanges  (combinaisons)  qui  produisent  de  la  chaleur.  — 
Plot ,  sur  le  sable  dans  le  sel  commun  de  Staffordshire. 

Volume  XIV. 

Expériences  sur  l'augmentation  de  poids  de  Thuile  de  vitriol  exposée  à  l'air. 
—  M.  Lister,  des  sources  salines  d'Angleterre.  —  De  la  différence  du  sel  maiin 
et  du  sel  des  sources  salées ,  par  le  même.  —  Moyens  de  rendre  Teau  de  mer  po- 
table ,  par  le  même.  —  De  la  combustion  des  pyrites ,  et  des  tremblements  de 
terre  qui  en  naissent.  — Leigh ,  du  nitre  des  anciens.  —  Petty,  propositions  con- 
cernant l'analyse  des  eaux  minérales.  —  Lloyd,  du  papier  d'asbeste. 

Volume  XV. 

Lister,  sur  la  congélation  de  l'eau  douce  et  de  l'eaude  mer,  et  du  natron  des 
Égyptiens.  —  Robinson,  des  eaux  thermales.  —  Du  sucre  d'érable.  ~  Leeuwen- 
hoeck,  sur  les  sels  du  vin  et  du  vinaigre.  —  Waite,  sur  la  toile  d'asbeste. 

Volume  XVI. 

S.  Reisel,  sur  une  coloration  accidentelle  de  la  calcédoine. 
Dans  cette  liste  ne  sont  pas  compris  les  travaux  de  Boyle,  dont  nous  avons  déjà 
rendu  compte. 

(1)  G.  lAhri^  Histoire  des  sciences  mathématiques  en  Italie,  t.  IV,  p.  184  et 
p.  271. 

(2)  Targioni  Tozzetti,  JSotizie,  t.  I,  p.  III,  §  xlvii,  p.  456.  —  A.  Fabroni,  Lel- 
tere  inédite  d*uomini  illustri,  t.  II,  p.  91,  93,  104  106, 110. 


TAOISIEME  EPOQUE.  271 

réunions  scientifiques  se  tenaient  chez Montmort  cl  Tuevenot  (i). 
C'est  là  que  s'était  formé  le  noyau  de  rAcadémie  royale  dos 
sciences  de  Paris,  fondée  en  1666  par  Louis  XIV,  ou  plutôt  par 
le  grand  ministre  Colbert,  qui  en  prit  la  haute  direction.  Parmi 
les  différentes  sections  dans  lesquelles  l'Académie  était  divisée, 
elqai  devaient,  dans  l'origine,  se  réunir  tous  les  samedis,  la  chi- 
mie était  représentée  par  Duclos  et  Bourdelin,  auxquels  s'as- 
ncièrent  plus  tard  Hohberg  et  Borel.  Ce  dernier  membre 
piésenta  divers  mémoires.  Sur  la  décomposition  des  liqueurs 
wàmales  (en  1684),  de  l'urine  (en  1688),  Sur  la  dissolution  du 
mrbre  dans  les  acides  [en  1687),  Sur  la  précipitation  par  les  sels 
9kdins{en  1688). 

L'Académie  publia  très-irrégulièrement  ses  premiers  travaux, 
foi  se  trouvent  insérés  dans  VHisloirede  Duhamel,  dans  le  Jour- 
Ml  des  savants,  et  dans  d'autres  recueils  ;  il  n'y  a  rien  qui  intc- 
Rsse  la  chimie.  Ce  n'est  que  quelque  temps  après  que  ces 
Invanx  furent  réunis  et  imprimés  en  volumes  séparés  (â). 
L'impulsion  toute  nouvelle,  donnée  aux  sciences  par  les  acadé- 
aies  de  Florence,  de  Londres  et  de  Paris,  devait  bientôt  se  faire 
sentir  dans  les  autres  pays  de  l'Europe. 
L'Allemagne  s'associa  l'une  des  premières  à  ce  mouvement  de 
^génération  scientifique.  Depuis  longtemps  elle  aurait  répondu 
àl'appel  de  François  Bacon,  si  pendant  trente  ans,  de  1618  à 
;I648,  elle  n'avait  pas  été  mise  à  feu  et  à  sang  par  les  troupes 
mercenaires  de  Tilly,  dé  Torstenson ,  de  Wallenstein ,  sous 
fKétexte  de  défendre  la  cause  d'une  religion  qui  met  la  paix  et 
funour  du  prochain  au  premier  rang  des  devoirs  de  l'homme. 

(1)  J.-B.  Dubamèl,  Histoire  de  V Académie  royale  des  Sciences,  etc.;  Paris, 
»S,iii-4». 

(3)  Recueil  de  THistoire  et  Mémoires  de  TAcadémie  royale  des  sciences  depuis 
MétaUiMement  en  1C66  jusqu'en  1698  ;  imprimés  en  1 1  tomes,  lesquels  se  di- 
'ta  en  14  volumes  in-4°  ,  avec  la  table  générale  des  matières  de  tout  le  re- 
>âd«  mtoies  mémoires  depuis  1G6C  jusqu'à  1730  ;  Paris,  1735,  in-4**.  «  Table 
'iNié&pie  des  matières  contenues  dans  l'Histoire  et  les  Mémoires  de  l'Acadé- 
^fcnyaledes  sciences,  publiée  par  son  ordre  et  dressée  par  M.  Godin,  année 
**-lW8;  Paris,  173i,  in-4*.  —  Histoire  de  l'Académie  royale  des  sciences  à  Paris, 
^^IttMénuMres  des  mathématiques  et  de  physique,  depuis  son  établissement, 
'•HW  jusqu'en  1698;  Paris,  1699,  vol.  I-XI,in-4^;  publiés  en  1729-1733.  — 
M  '  M  Wre  de  F  Académie  royale  des  sciences  à  Paris,  contenant  les  ouvrages  adop- 
I  ^Ptr  cette  Acadénûe  avant  son  rétablissement  en  1699;  vol.  I-VI,  in-4°;  Paris, 
^1  ]2J^41  ;  la  Haye,  1729-1736;  Amsterdam,  1729-1735.  —  Voy.  Alfred  Maury , 
****  «te  VAeadémie  des  sciences  (Paris,  1864). 


^72  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

En  1651,  un  médecin  de  Schweinfurt  (Bavière),  Laurent 
Bausch,  traça  le  plan  d'une  académie  des  sciences,  physiques  et 
naturelles  ;  ce  fut  l'origine  de  V Académie  des  curieux  de  la  na- 
ture (1).  On  cite  parmi  les  membres  de  cette  Académie ,  qui  se 
réunit  pour  la  première  fois  le  1*' janvier  1652,^  Michel  Fehr, 
G.  Ballazard  Metzger,  G.-B.  Wolfarth,  et  plusieurs  autres 
médecins  allemands. 

Dans  Torigine,  les  membres  de  cette  Académie  publièrent 
leurs  travaux  isolément.  C'est  ainsi  que  Bausch,  le  président, 
fit  paraître,  outre  plusieurs  mémoires  qui  n'ont  aucun  rapport 
avec  la  chimie ,  Schediasma  posthumum  de  cœruleo  et  chryso- 
colla  (2)  ;  Fehr  donna  Hierapicra  (3),  et  Anchora  sacra  (4),  Jacques 
Sachs  de  Lewenheim ,  ses  AfXTreXoYpotcpfa  (5)  et  rafjL^AapoXoYCot  (6)  ; 
André  Graba ,  son  'EXacpoypacpCa  (7)  ;  Ferd.  Hertodt ,  sa  Cro- 
cologia  (8),  etc. 

Le  nombre  de  ses  membres  allait  rapidement  en  augmentant. 
Par  une  coutume  alors  très-commune  aux  savants  allemands, 
ils  se  donnaient  des  noms  grecs,  empruntés  surtout  aux  héros 
de  Texpédltion  des  Argonautes.  L'Académie  reçut,  en  1672, 
l'approbation  de  l'empereur,  et  ^'miiiuXdi  Académie  des  curieiuc  de 
la  nature  du  Saint-Empire  romain. 

Déjà  dès  l'année  1670  l'Académie,  placée  sous  le  patronage 
du  prince  de  Montecuculli,  publia  ses  travaux  annuellement,  di- 
visés par  Décades,  sous  le  titre  de  Miscellanea  curiosa,  sive  Ephe- 
me  rides  medico-physicœ  germanicœ  Academiœ  nalurœ  Curioso- 
rum,  etc.  (9).  L'édition  latine  fut  bientôt  suivie  d'une  édition 
allemande. 

(1)  Salve  Academicum ,  vel  judicia  et  elogia  super  recens  adomata  Academia 
naturae  curiosonim,  1602,  in-4'*. 

(2)  Jena,  1668,  in-S*». 

(3)  Yel  de  absinthio  analccta ,  ad  normam  et  forman  Academi»  naturse  curio- 
sorum  elaborala;  Leipz.,  1667  et  1668,  in-8°. 

(4)  Vel  scorzonere,  etc.;  Jena;  et  Breslau,  1666,  in-S**. 

(5)  Sive  vitis  viniferœ  ejusque  parlium  consideraliu  physico-philologico-histo- 
inedico-ehymica .  etc.;  Leipz.,  1661,  in-8**. 

(6)  Sive  ganimarorum,  vulgo  cancrorura  consideratio ,  etc.;  Francf.  et  Leipz., 
1665,  in-8^ 

(7)  Sive  cervi  descriptio  physico-medico-chymica  ;  Jena  ;  1668,  in-8®. 

(8)  Seu  curiosa  croci  régis  vegetabilium  enucleatio ,  continens  illius  etymolo- 
giam,  differenliam,  tempus  qiio  viretet  floret,  etc.;  Jena,  1670,  in-8°. 

(9)  Decuriœ  I.  annus  primus  anni  MDCLXX,  continejis  celeberrimorum  mcdi- 
coruin  in  et  evtra  Germaniam  observationes  medicas  et  physicas,  vel  auatemicas. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  273 

L'Académie  des  Curieux  de  la  nature  s'était  particulièrement 
proposé  de  traiter  les  sciences  médicales  et  historiques  ;  la 
chimie  cependant  ne  devait  pas  être  entièrement  négligée  (1). 

Une  chose  digne  de  remarque,  c'est  que  les  travaux  de  l'Aca- 
démie allemande  portent  à  un  degré  beaucoup  moindre  le  ca- 
chet de  la  méthode  expérimentale,  que  les  travaux  sortis  des 
Académies  d'Italie,  de  France  et  d'Angleterre.  L'esprit  théori- 
que y  a  souvent  une  part  trop  large. 

En  dehors  de  ces  Académies ,  qui  ont  rendu  des  services 
incontestables  aux  progrès  des  sciences,  il  s'était  formé  quelques 
sociétés  savantes ,  dont  les  travaux  sont  loin  d'être  sans  valeur. 

La  société  qui  se  réunissait,  en  1672,  à  Paris  chez  l'abbé  Bour- 
delot,  et  qu'on  appelait  V Académie  de  monsieur  l'abbé  Bour- 
delot,  a  laissé  quelques  mémoires  de  chimie,  ayant  pour  objet 


Td  botanicas,  Tel  pathologicas,  vel  chirurgicas,  vel  therapeuticas,  Tel  chymicas, 
profila  epistola  inTitatoria  ad  celeberrimos  medicos  Europse  ;  Leipz.,  1670,  in-4''. 
(1)  Les  principaux  mémoires  de  chimie  (jusqu'à  la  fin  du  xth*^  siècle)  sont  : 
Hain,  de  la  teinture  du  corail  ;  des  minerais  de  Hongrie  ;  du  salpêtre  dans  la 
bardane,  etc.  — Greisel,  des  principales  mines  de  la  Bohême.  —  Ludoyici, 
dasel  Tolatil  de  tartre  de  Wedel;  de  la  bonification  du  vin  el  de  la  |ï)ière; 
de  ralcool  retiré  des  céréales;  des  cristaux  qui  se  forment  dans  l'essence 
de  cannelle;  de  Tessence  de  succin ,  etc.  —  Bern.  de  Bernitz,  de  l'usage  de  l'é- 
cariate  de  Pologne.  —  Talducci  a  Domo  ,  expériences  de  chimie.  —  Jacques 
BsE¥N,  de  l'arbre  à  cannelle  de  Ceylan  et  du  camphrier  du  Japon.  —  Eh.  Hage- 
iH)RK,  du  baume  de  catechu  ;  de  l'esprit  volatil  des  cantharides  ;  de  la  prétendue 
palingénésie ,  etc.  —  B.  Below,  moyen  de  retirer  du  cresson  de  fontaine  un  sel 
TOlatil.  —  P.  Specht,  expériences  de  chimie.  —  Ch.-Ad.  Baudouin,  d'une  espèce 
de  enivre  combiné  avec  de  l'or.  —  Dol/ecs  ,  de  l'or  fulminant.  —  H.  de  Jager, 
notions  sur  la  culture  de  l'indigo  dans  l'Orient.  •»  J.-G.  Yolramar,  du  préjudice 
que  reçoivent  les  malades  que  l'on  soustrait  à  l'accès  de  l'air  pur.  —  G.  Clau- 
DBR,  du  vin  de  Malvoisie  factice  ;  d'une  pierre  urinaire  ;  de  la  possibilité  de  la 
transmutation  des  métaux,  etc.  —  Schmidt,  des  cristaux  dans  l'urine.  —  Dan. 
CauGEB,  de  l'huile  de  marjolaine.  —  R.  Lentilius,  recherches  chimiques  sur 
les  eaux  minérales;  du  sel  purgatif  d'Angleterre  ;  des  gouttes  d'Angleterre;  de 
la  terre  de  Sicile;  des  cristaux  de  sel  dans  les  yeux  d'une  femme.  —  J.-G.  Som- 
■a,  d'un  moyen  d'obtenir  le  cinabre  en  plus  grande  quantité  ;  de  l'infusion 
gueuse  du  safran  d'antimoine.  —  E.  Koesig,  de  la  vitrification  des  métaux  ;  de 
Pâixir  des  sages  ;  de  quelques  médicaments  de  Van-Helmont  ;  de  l'esprit  de 
hézoard  de  Busse.  —  Wolff  ,  de  la  pluie  de  soufre.  —  J.-M.  Hoffmann,  de 
Pesprit  de  mélisse  ;  de  deux  esprits  fumants;  d'une  dissolution  de  vitriol  de  fer 
qoinese  congèle  pas  parle  froid  ;  du  sel  de  vinaigre  feuilleté. — ^J.-C.  Bautzmann, 
delà  manière  d'imiter  toute  espèce  de  vin.  —  M.-B.  Valentin  ,  d'un  vitriol  de 
fer  produit  par  l'exposition  à  l'air.  —  Gityer,  d'un  vernis  propre  à  conserver  les 
insectes. 

BIST.   DE   LA  CBtUIE.   -^  T.   II.  18 


274  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

les  principes  élémentaires,  les  vapeurs,  les  sels  caustiques,  les 
eaux  détrempe,  la  pierre  philosophale.  For  potable,  etc.  (1). 

A  cette  société  il  faut  en  ajouter  une  autre,  fondée  à  Brescia 
en  1686.  On  trouve  dans  les  Actes  de  cette  société  quelques  mé- 
moires intéressants,  parmi  lesquels  nous  citerons  celui  de  Ber- 
nardini  Boni,  Sur  les  exhalaisons  inflammables  (2). 

Le  président  de  la  société  de  Brescia,  connue  sous  le  nom 
de  Academia  philexoticorum  naturx  et  artis,  était  le  savant 
jésuite,  François  Tertius  de  La na,  que  nous  avons  déjàmehtionné.  ^ 

Dans  la  seconde  moitié  du  dix-septième  siècle,  on  voit  égale- 
ment, pour  la  première  fois,  apparaître  les  journaux  scientifiques, 
qui  devaient  rapidement  propager  les  découvertes  et  les  observa- 
tions nouvelles,  faites  par  les  académiciens  ou  par  des  hommes 
étrangers  aux  sociétés  savantes. 

Le  Journal  des  savants  est  la  première  publication  de  ce  genre. 
Cet  important  recueil  ne  commença  à  paraître  qu'au  mois  de 
janvier  1665,  d'abord  hebdomadairement,  puis  mensuelle- 
ment (à  dater  de  1707).  Il  parut  d'abord  (première  année) 
sous  la  direction  de  D.  de  Vallo,  conseiller  au  parlement  de 
Paris;  dans  les  années  suivantes,  il  fut  publié  sous  la  di- 
rection de  l'abbé  Gallois,  puis  sous  celle  de  l'abbé  de  la 
Roque.  A  partir  de  l'année  1687,  la  direction  du  Journal  des 
savants  fut  confiée  à  Cousin ,  président  du  parlement  de  Paris. 
Enfin,  en  1702 ,  les  rédacteurs  se  constituèrent  en  un  comité 
permanent,  chargé  de  la  critique  et  du  compte-rendu  des  ou- 
vrages contemporains. 

L'abbé  Fr.  Nazari  et  Ciamponi  fondèrent  en  1668,  à  Rome,  le 
Giornale  d'ïtalia,  d'après  le  plan  du  Journal  des  savants.  Il  ne 
faut  pas  confondre  cette  publication  avec  le  Giornale  dei  lette- 
rati,  qui  parut  à  Parme  dès  1686. 

A  ces  publications  périodiques,  on  pourra  ajouter  Miscellanea 
medicO'physica  (3)  et  Nouvelles  de  la  république  des  lettres  (4). 

Mais  la  publication  la  plus  importante  de  ce  genre  portait  le 

(1)  Gallois  ,  Conversations  tirées  de  V Académie  de  monsieur  l'ahhé  Bour* 
delot ,  contenant  diverses  recherches  et  observations  physiques  y*  Paris ,  1672, 
in- 12. 

(2)  Âcta  novae  Academia;  philexoticorum  naturse  et  artis ,  celsissimo  principi 
J.  Fran.  Gonzagadicata;  Brixiae,  1687,  iu-8°. 

(3)  Paris,  1672. 

(4)  Paris,  1684. 


TROISIJSKE  ÉPOODB.  ^  275 

titre   d*Acta  eruditorum.  Ce  recueil  fut    fondé  en  1682,   par 
Mencken ,  père  et  fi J  s. 

Vers  la  même  époque,  on  vit  paraître  une •  multitude  de 
traités  ou  dje  Compendia  de  chimie,  appliquée  surtout  à  la  mé- 
decine et  à  la  pharmacie ,  résumant  plus  ou  moins  fidèlement 
l'état  des  connaissances  d'alors. 

En  Italie,  G.  Lancilotti  publia  Guida  alla  chimica  (1)  et  Ntu)va 
guida  alla  chimica  (2). 

En  France,  Meurdrac  fit  paraître  la  Chimie  facile  (3)  ;  —  Thi- 
baut le  Lorrain, /Cowrs  de  chimie  (4);  —  Malbec  de  Tressel, 
Abrégé  de  la  théorie  et  des  principes  de  chimie  (5). 

En  Angleterre,  Bolnest,  Aurora  chimica  (6)  ;  —  Packe,  Chimi- 
cal  aphorisms  (7). 

Dans  les  Pays-Bas,  Jacques  le  Mort,  professeur  à  Leyde,  re- 
commanda aux  médecins,  de  la  manière  la  plus  pressante,  Té- 
lude  de  la  chimie.  Oa,a  de  lui  Compendium  chemiœ  (8)  ;  Chemise 
verœ  nobilitas  et  utilitas  (9);  Chymia  medico^physica,  rationibus  et 
experimentis  superstructa  (10).  E.  Blancaard  publia  Verhdndeling 
van  de  hedendaagsche  chymie  (Traité  de  la  chimie  actuelle  )  (ii), 
composé  d'après  les  principes  de  Descartes  ;  —  Nie.  Grimm, 
Compendium medico-chymicum  (12);  —Jacques  Barner,  Chymia 
philosàphica  (13). 

En  Allemagne,  les  élèves  en  chimie  suivaient,  comme  guide, 
le  Manuel  de  J.-H.  Jûncken,  qui  parut,  à  des  époques  différentes, 
Sous  des  titres  différents  (14)  ;— J.Bohn,  Dissertationes s^hymico- 

(1)  Modena,  1672  et  1679,  iii-12. 

(2)  Venez.,  1687 ,  in-8**.  —  Trad.  en  hollandais  (sous le  titre  bizarre  de  den 
^andende  Salamander,  la  Salamandre  brûlante);  Amsterdam,  1680^  in-S"*; 
«t  en  allemand;  Francf.,  1681  et  1687,  in-8**  ;  Lubeck,  1697 ,  in-8°. 

(3)  En  1665,  trad.  en  allemand;  Francf.,  1673,  1676. 

(4)  En  1667  ;  puis  en  1574,  in-8**;  Paris  (augmenté  du  fébrifuge  de  Sylvius,  d'un 
^^icellent  ^étique,  etc.).  Traduit  en  anglais;  Lond.,  1668,  in-8°. 

(5)  Paris,  1671 ,  in-12. 

(6)  Or  rational  way  of  preparing  animais,  vegetables,  etc,;  Londoif,  1672,  in-12. 

(7)  Lond.,  1688,  in-8°. 

(8)  Leyde,  1682,  in-12. 

(9)  Leyde,  1696,  in-4*». 
(10) Leyde,  1676,  in-4°. 

(UJAmstcrd.,  1685, in-S*».  Trad.  en  allemand;  Hanovre,  1689. 

(12)  Batavia  Jayan.,  1677  (en  JioUandais). 

(13)  Batavia,  1670,  in-4°.  —  Rappelons  qu'à  cette  époque  beaucoup  d'ouvrages 
^e  ce  genre  portaient  des  lieux  de  publication  fictifs. 

[ik)  Chymia  experimentalis  curiosai  exprincipiis  matJiematicis  démons^ 

18. 


276  ^  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

physicx;  —  A.  Rivinus,  Manuductio  ad  chemiam  pharmaceu- 
ticam  (1)  ;  et  surtout  G.  Wolfgang  Wedel ,  professeur  à  léna, 
Tabulœ  XV  in  stjnopsi  universam  chimiam  exhihentes  {^]\  Com- 
pendium  chimiœ  theoreticœ  et  praclicœ  (3). 

Tous  ces  traités  n'avaient  pas  encore  fait  disparaître  des  écoles 
les  anciens  Manuels  de  Béguin  (4),  de  Barnel,  (5) ,  de  Bren- 
del  (6),  de  Davisson  (7)  et  de  Rolfink  (8). 

§17. 

'  Les  auteurs  dont  les  traités  résument  le  mieux  les  connaiis- 
sances  chimiques  d'alors,  et  qui  étaient  entre  les  mains  de  tous 
les  élèves,  se  nommaient  Lefebvre,  Glaser,  LEMERYet  Ettmullbr. 
Nous  devons  nous  y  arrêter  un  moment. 

ISTicolas  Xeffeb^rre* 

Celui  qui  ferait  tout  d'un  coup  table  rase  de  tous  les  travaux 
antérieurs  à  la  seconde  moitié  du  dix-septième  siècle  pourrait 
considérer  N.  Lefebvre  comme  le  modèle  des  chimistes  de  sonépo- 

irata;  Francf.,  1681,  in-S**.  — -  Nouvelle  édition ,  1682,  sous  le  titre  :  ifcdictts 
prxserUi  seculo  accommodatus  per  veram  philosophiani  spagiricam^  etc. 
(l)Leipr.,  1690,  in-12. 

(2)  Jena,  1692,  in-4°. 

(3)  Methodo  analytica  propositae;  Jena  ,  1715,  in-4''. 

(4)  Tyrocinium  chemicum  e  nalurae  'fonte  et  manuali  experientia  depromp- 
tuin;  Paris,  1G08,  in-12;  1611,  in-8°;  Leipz.,  1614,  in-12;  Cologne,  1615,  in-18; 
162i,  in-12;  cum  iiolis  Jerem.  Barth.  Regiomont.  1618,  in-8".  En  français,  Élé- 
ments de  chimie j  Paris,  1615,  in-8°;  1620,  1624  ;  Genève,  1624;  Rouen,  1626, 
1037  et  1660  ;Lyon,  1665.  Traduit  en  anglais;  London,  1669,  in-8''.  — Ontroure 
dans  Béguin  un  bop  procédé  pour  préparer  le  mercure  doux  (protochlorure);  il 
consiste  à  chauffer  un  mélange  intime  de  quatre  parties  de  sublimé  et  de  trois 
parties  de  mercure  métallique. 

(5)  Tyrocinium  chemicum;  Francf.,  1618,  in-S". 

(6)  Chymia  in  arlis  formam  redacta  et  publicis  prœlectionibus  Philiatris  i» 
Academia  Jenensi  communicata;  Jena,  1630,  in-12  ;  cum  prœfat.  Rolfinkii,  1641» 
in-8°;  Leyde,  1671;  Amsterd.,  1682,  in-8°;  Francf.,  1686,  in-4°. 

(7)  Philosophia  pyrotechnica ,  sive  curriculus  chymiatricus,  etc.,  1635,  in-8' 
1640;  1642;  1644;  1657;  La  Haye,  1635;  1645,  in-4^  En  (tançais,  Éléments 
de  la  philosophie  de  l'art  du  feu,  etc.,  1675  ^  éd.  de  J.  Hellot,  1651  et  1657. 

(8)  Chymia  in  arlis  formam  redacta  seu  libris  comprehensa  ;  Jena,  1641,  in-^ 
1661  ;  1669;  1679;  Genève,  1671  ;  Francf.,  1696;  Francf.  et  Leipz.,  1686,  in-1  ^ 
Leyde,  1671. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  277 

que.  Encore  faudrait-il  retrancher  du  nombre  Boyle  et  Kunckel, 
qui  ont  si  puissamment  contribué  aux  progrès  de  la  science  par 
un  emploi  judicieux  de  la  méthode  expérimentale  et  par  des  dé- 
couvertes importantes. 

Les  observations  et  les  faits  signalés  par  l'auteur  sont,  à  l'ex- 
ception d'un  très-petit  nombre,  empruntés  à  ses  prédécesseurs. 
.C'est  moins  un  chimiste  praticien  qu'un  chimiste  philosophe 
qui  brille  par  son  imagination,  et  qui  aime  mieux  discuter  la  va- 
leur des  théories  que  descendre  dans  le  détail  des  faits. 

Lefebvre  avait  été  élève  de  l'Académie  protestante  de  Sedan. 
Il  nous  apprend  lui-même  (1)  qu'il  fut  appelé  par  Vallot,  premier 
médecin  de  Louis  XIV,  à  remplir  la  chaire  de  démonstrateur  de 
chimie  au  Jardin  des  Plantes,  chaire  qui  avait  été  déjà  illustrée 
par  Davisson. 

Les  cours  de  chimie,  que  les  élèves  suivaient  au  Jardin  du  Roi, 
étaient  faits  concurremment  par  un  professeur  et  un  démonstra- 
teur. Le  premier  planait  dans  les  régions  abstraites  et  n'aurait 
voulu,  pour  rien  au  monde,  s'abaisser  à  faire  des  manipulations  et 
salirsesdoigtsavec  la  poussière  de  charbon.  C'était  l'incarnation  de 
la  Théorie  ;  le  premier  nàédecin  du  roi  en  remplissait  le  rôle.  Lors- 
que le  docteur  avait  cessé  de  parler,  arrivait  le  démonstrateur, 
qui  devait  appuyer  les  aperçus  du  professeur  sur  des  expériences 
démonstratives,  par  des  arguments  ante  oculos.  C'était  la  Prati- 
que personnifiée.  On  peut  bien  penser  que  les  expériences  du 
démonstrateur  étaient  bien  loin  de  confirmer  toujours  les  paroles 
du  maître  qui,  dans  tous  les  cas,  avait  hâte  de  se  retirer  après' 
quil  avait  fini  la  première  partie  de  la  leçon. 

Cette  mise  en  scène  était  en  quelque  sorte  la  réalisation  des 
dialogues  de  B.  Palissy,  entre  la  Théorique  et  la  Practique,  qui 
nes'accordaient  pas  non  plus  entre  elles  :  curieux  mode  d'ensei- 
gnement qui  continua  d'être  en  usage  pendant  plus  d'un  siècle, 
jusqu'à  la  mort  de  Rouelle. 

Lors  de  la  création  de  la  Société  royale  de  Londres,  Charles  II 

fit  venir  Lefebvre  en  Angleterre ,  pour  lui  confier  la  direction 

du  laboratoire  de   Saint-James.   C'était  faire  beaucoup  d'hon- 

.^eurau  modeste  démonstrateur  du  fauboug  Saint-Victor,  d'au- 

^t  plus  que   l'Angleterre    possédait  alors    l'illustre    Robert 

^ojle,  Lefebvre  avait  déjà  publié  son  Traité  de  chimie^  à  Paris, 

(1)  Cours  de  chimie  (Paris,  1751,  in-12),  t.  II,  p.  105. 


278  HISTOIBB  J>t  LA  CHIMIE. 

en  1660;  et  ce  fut  vraisemblablement  en  1664  (par  conséquent 
deux  ans  avant  la  fondation  de  rAcadémie  des  sciences  de  Paris, 
dont  il  n'avait  jamais  été  membre)  qu'il  fut  appelé  à  Londres, 
où  il  fit  paraître,  en  1665,  une  dissertation  sous  ce  titre  :  Discours 
sur  le  grand  cordial  du  sieur  Walter  Rauleig^  in-12  (1). 

Il  passa  le  reste  de  ses  jours ,  dans  son  pays  adoptif,  estimé  et 
honoré  des  membres  de  la  Société  royale,  nouvellement  fondée^ 
(en  1662). 

L'ouvrage  de  Lefebvre  eut  rapidement  jusqu'à  cinq  éditions; 
il  fut  traduit  en  anglais  et  en  allemand  (2). 

L'auteur  n'a  point  la  prétention  de  donner,  dans  son  Traité, 
des  découvertes  inattendues  ;  il  se  donne'  lui-môme  pour  un 
simple  compilateur,  quand  il  dit  :  «  Nous  tirerons  des  œuvres 
de  Paracelse,  deHelmont  et  de  Glauber  la  théorie  et  la  pratique 
de  ce  Traité  de  Chimie,  que  nous  réduirons  en  forme  d'abrégé. 
—  M.  deHelmont  et  M;  Glauber  sont  à  présent  comme  les  deux 
phares  qu'il  faut  suivre,  pour  bien  entendre  la  théorie  delà 
chimie  et  pour  en  bien  pratiquer  les  opérations.  » 

La  chimie  a,  selon  Lefebvre,  pour  objet  toutes  les  choses  nata- 
relles  que  Dieu  a  tirées  du  chaos  par  la  création. 

D'après  cette  définition,  beaucoup  trop  générale,  la  chimie 
serait  la  science  universelle. 

L'auteur  établit  ensuite  trois  espèces  de  chimie  :  «L'une,  dit-il, 
qui  est  tout  à  fait  scientifique  et  contemplative,peut  s' appeler  philo- 
sophique: elle  n'a  pour  but  que  la  contemplation  et  la  connaissance 
de  la  nature  et  de  ses  effets,  parce  qu'elle  prend  pour  son  objet 
les  choses  qui  ne  sont  aucunement  en  notre  puissance.  La  seconde 

(1)  Voy.  la  Préface  de  la  5'  édit.,  Paris,  1751,  p.  xt. 

(2)  Traité  de  chimie,  etc.;  Paris,  1060,  in- 8",  2  vol.  —En  1669,  in-12;  Pari» 
et  Leyd.,  t.  II.  Le  tome  I  «  sert  dlnstruclion  et  d'introduction  tant  pour  l'intelli- 
gence des  auteurs  qui  ont  traité  de  la  théorie  de  cette  science  en  général ,  que 
pour  faciliter  les  moyens  de  faire  artistement  et  méthodiquement  les  opération» 
qu'enseigne  la  pratique  de  l'art  sur  les  végétaux  et  sur  les  minéraux,  sans  la  perte 
d'aucune  des  vertus  essentielles  qu'ils  contiennent  ».  Le  tome  II  contient  la  suite 
de  la  préparation  des  sucs  qui  se  tirent  des  végétaux,  comme  aussi  de  leurs  par- 
ties et  celles  des  minéraux.  —  Nouvelle  édition,  fort  augmentée,  vol.  Il;  Paris» 
1674,  in-12.  —  Sous  le  titre  de  :  Cours  de  chimie^  t.  II;  Leyd.,  1696,  in-12. -^ 
5*  édition,  par  Dumoustier  ;  Paris,  1751,  t.  V,  12.  Trad.  en  anglais  :  Complu 
body  of  chemistry ,  w/ierein  iscontained  whatsoever  is  necessary  to  thekno^' 
ledgeto  ihe  art,  etc. y  by  P.  D.  C;  London,  1664,  1670,  in-4°.  Trad.  enall^* 
mand  :  Chymisches  gûldenes  Kleinod  (bijou  d'or  chimique);  Nuremberg,  167^» 
1685;  même  traduction,  augmentée  par  Cardiluccio,  1688. 


TROISIÈME  EPOQUE.  279 

espèce  peut  s'appeler  iatrochymie ,  qui  signifie  médecine  chi- 
miquje  et  qui  n*a  pour  but  que  l'opération,  à  laquelle  toutefois 
elle  ne  peut  parvenir  que  par  le  moyen  de  la  chimie  contempla- 
tive et  scientifique.  La  troisième  espèce  s'appelle  chymie  phar* 
maeeutique^  qui  n'ai  pour  but  que  l'opération,  puisque  l'apothi- 
caire ne  doit  travailler  que  selon  les  préceptes  et  sous  la  direc- 
tion des  iatrochimistes ,  et  dont  nous  avons  le  véritable  modèle 
en  la  personne  de  M.  Vallot,  choisi  par  Sa  Majesté  Très-Chrétienne 
pour  son  premier  médecin,  qui  possède  très-éminemment  la 
théorie  et  la  pratique  des  trois  chimies  que  nous  avons  dé- 
crites (1).  » 

C'est  ce  même  M.  Vallot ,  médecin  de  Louis  XIV,  qui  avait 
nommé  Lefebvre  démonstrateur  de  chimie ,  et  auquel  celui-ci 
dédia  la  2*  édition  de  son  Traité. 

Selon  toute  apparence,  Lefebvre  emprunta  à  Vallot,  son  pro- 
tecteur et  professeur  de  chimie  théorique  et  philosophique ,  les 
généralités  systématiques  qui  se  trouvent  en  tête  de  son  ouvrage. 
Ces  emprunts  paraissent  être  textuels. 

Voici  comment  il  s'exprime,  entre  autres,suria  naturede  Vesprit 
universel,  dont  parlent  les  alchimistes  :  a  Cette  substance  spiri- 
tuelle, qui  est  la  première  et  l'unique  semence  de  toutes  choses, 
a  trois  substances  distinctes  et  non  différentes  en  soi-même,  car 
elle  est  homogène  ;  mais  parce  qu'il  se  trouve  en  elle  un  chaud , 
on  humide  et  un  sec,  et  que  tous  trois  sont  distincts  entre  eux , 
et  non  pas  différents,  nous  disons  que  les  trois  ne  sont  qu'une 
essence  et  une  même  substance  radicale;  autrement,  comme  la 
nature  est  une,  simple  et  homogène,  il  ne  se  trouverait  cepen- 
dant en  la  nature  rien  qui  fût  un,  simple  et  homogène,  parce  que 
les  principes  séminaux  de  ses  substances  seraient  hétérogènes, 
cequi  ne  peut  être  à  cause  des  grands  inconvénients  qui  s'ensui- 
vent; car,  si  le  chaud  était  différent  de  l'humide,  il  ne  pourrait 
Cûêtre  nourri,  comme  il  le  nourrit  nécessairement,  parce  que 
la  nourriture  ne  se  fait  pas  de  choses  différentes,  mais  de  choses 

semblables. 

«Concluons  donc  que  cette  substance  radicale  et  fondamen- 
We  de  toutes  les  choses  est  véritable ,  unique  en  essence ,  mais 
Çi'elle  est  triple  en  nomination;  car,  à  raison  de  son  feu  naturel, 
^e  est  appelée  soufre;  à  raison  de  son  humide,  qui  est  le  propre 

(1) Traité  de  chimie ,  5«  édit.  (1751),  1. 1,  p.  5. 


280  JIISTOIRS  DE  LA  CHIMIE.      ' 

aliment  du  feu,  elle  est  nommée  mercure;  enûn,  à  raison  de  ce 
sec  radical  qui  est  le  ciment  et  la  liaison  de  cet  humide  et  de  ce 
feu,  on  rappelle  sel.  » 

Quel  devait  être  l'embarras  du  démonstrateur  appelé  à  con- 
firmer, par  des  expériences  de  laboratoire,  ces  théories  nua- 
geuses, lieux  communs  des  alchimistes  et  des  physiciens  scolas- 
tiques  I 

Quant  à  ce  qui  concerne  les  manipulations  et  la  description 
exacte  des  détails  de  pharmacie,  le  démonstrateur  était  passé 
maître  :  il  parle  là  évidemment  de  son  propre  fonds.  On  voit 
qu'il  est  sur  son  véritable  terrain. 

Rien  n'est  plus  précis  que  les  instructions  qu'il  donne  aux  phar- 
maciens qui  veulent  exercer  leur'profession  avec  conscience ,  les 
préceptes  qu'il  leur  communique  sur  le  choix  des  vaisseaux ,  sur 
l'application  des  différents  degrés  de  la  chaleur,  sur  la  distilla- 
tion, et  surtout  sur  la  préparation  des  sirops. 

((  Il  faut,  dit-il,  que,  quand  les  apothicaires  cuiront  des  sirops 
de  fleurs  odorantes,  on  ne  sente  point  leurs  boutiques  de  trois  ou 
quatre  cents  pas,  ce  qui  témoigne  la  perte  de  la  vertu  essentielle 
des  partiesvolatiles  des  fleurs  et  desécorces  odorantes;  si  ce  n'est 
que  ces  apothicaires  veuillent  faire  sentir  leurs  boutiques  de  bien 
loin  par  une  vaine  politique,  qui  néanmoins  est  très-dangereuse 
et  très-dommageable  à  la  société.(i).  » 

Lefebvre  a  un  des  premiers  signalé  et  fait  ressortir  l'importance 
du  fait  des  solutions  saturées.  Il  cite  comme  exemple  le  sel  com- 
mun :  «  Prenez,  dit-il,  quatre  onces  de  sel  ordinaire,  faites-les 
dissoudre  dans  huit  onces  d'eau  commune  à  chaud,  et  vous  ver- 
rez que  l'eau  ne  se  chargera  que  de  trois  onces  de  ce  sel,  et 
qu'elle  laissera  la  quatrième,  quoique  vous  fassiez  bouillir  l'eau 
et  que  vous  l'agitiez  avec  le  sel  (2).  » 

Il  applique  ce  fait  à  tous  les  dissolvants  (menstrues)  en  géné- 
ral, et  se  résume  ainsi  :  a  Lorsque  le  menstrue  est  ainsi  saoulé  et 
rempli,  soit  à  froid  ou  à  chaud,  il  est  impossible  à  l'art  de  lui  en 
faire  prendre  davantage,  parce  qu'il  est  chargé  selon  le  poids  de 
nature,  qu'on  ne  peut  outre-passer,  si  on  ne  veut  tout  gâter.  »  — 
Et  il  cite  ici  avec  à  propos  ces  vers  d'Horace  : 

£st  modus  in  rébus,  sunt  certi  denique  fines , 
Quos  ultra  citraque  nequit  consistere  rectum. 

(1)  Traité  de  chimie,  ôeédit.  (1751),  1. 1,  p.  364. 

(2)  Ibid.,  1. 1,  p.  381. 


TROISliUE  ÉPOQUE.  281 

En  somme ,  le  Traité  de  chimie  de  Lefebvre ,  donnant  la  des- 
oription  d'un  grand  nombre  de  médicaments,  parmi  lesquels  on 
trouve,  entre  autres,  Tacétate  de  mercure,  en  cristaux  blancs 
nacrés,  paraissait  destiné  à  être  mis  surtout  entre  les  mains  des 
pharmaciens  ou  des  médecins-chimistes  (4). 

§18. 
dbristoplie  Qlaser. 

Le  départ  de  Lefebvre  pour  TAngleterre  laissa  vacante  la  place 
de  démonstrateur  de  chimie  au  Jardin  du  Roi.  Vallot,  qui,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  était  professeur  en  titre  et  faisait  la  partie 
théorique  du  cours,  appela,  pour  succéder  à  Lefehyre,  un  chi- 
miste allemand,  Christophe  Glaser,  natif  de  Bâle.  En  sa  qualité 
de  premier  médecin  du* roi,  Vallot  n'eut  pas  de  peine  à  faire 
donner  à  son  démonstrateur  la  place  d'apothicaire  de  la  cour. 

On  ne  sait  rien  de  particulier  sur  la  vie  de  ce  chimiste  phar- 
njaçien,  dans  le  laboratoire  duquel  Nicolas  Lemery  avait  appris 
la  plupart  de  ses  procédés.  Chr.  Glaser  se  trouva  impliqué  dans' 
le  procès  de  l'empoisonneuse  d'Aubray,  marquise  de  Brinvîl- 
lieps,  et  par  suite  de  ce  procès  il  dut  quitter  le  royaume  (2). 

C'est  en  1663  que  parut  le  Traité  de  chimie  de  Christophe 
Glaser  (3).  Il  avait  principalement^  pour  objet  la  préparation 

(1)  Voyez,  sur  les  théories  chimiques  de  Lefebvre ,  M.  Dumas,  Leçons  sur  la 
philosophie  chimique,  p.  56. 

(2)  Les  substances,  avec  lesquelles  avaient  été  commis  les  nombreux  empoison- 
nements dont  on  accusait  la  marquise  de  Brinvilliers,  étaient  le  sublimé  corrosif, 
l'arsenic  et  Topium.  C'est   du  moins   ces  poisons  qui  furent  trouvés,  par  la 
commission  médico-légale ,  dans  la  cassette  de  Sainte-Croix.  Pour  avoir  plus  de 
détails  sur  l'affaire  de  la  Brinvilliers,  consultez  :  Causes  célèbres  et  intéressan- 
tes, par  M.  Gayot  de  Pitaval;  la  Haye,  1737,  in-8°  ,  t.  I.  —  Recueil  des  let- 
tres de  la  marquise  de  Sévigné;   Paris,    1754.  —  Histoire  du  règne  de 
louis  XIV,  par  Rehoulet;  Avignon,  1746.  —  Histoire  de  la  vie  et  du  règne 
4e  Louis  XIV,  par  de  la  Martinière;  la  Haye,  1740.  — Mémoires  et  ré- 
^flexions  sur  les  principaux  événements  du  règne  de  Louis  XIV,  par  M.  L. 
D.  L.  F.;  Rotterdam,  1716. 

(3)  Enseignant  par  une  briève  et  facile  méthode  toutes  ses  plus  nécessaires 
préparations;  Paris,  1663,  in-8**.  —  Ce  livre  a  eu  plusieurs  éditions  :  1668; 

1673;  1678;  Bruxelles,  1676,  in-12;  Lyon,  1676,  in-8».  —  fl  fut  traduit  en  alle- 
mand sous  le  titre  de  Chemischcr  Wegudser  (Indicateur  chimique);  Jena,  1684, 

iû-12;  et  par  Marschalk,  Nuremb.,  1677,  in-8*. 


282  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

des  médicaments  chimiques.  On  y  trouve  quelques  bonnes  mé- 
thodes ,  décrites  avec  une  rare  simplicité.  C'est  pour  la  pre- 
mière fois  qu'on  y  lit,  pour  la  préparation  de  la  pierre  infernale, 
le  procédé  que  Ton  emploie  encore  aujourd'hui. 

Glaser  paraît  être  le  véritable  inventeur  du  nitrate  d'argent  fon- 
du dans  des  lingotières.  Citons  ici  ses  propres  paroles  :  «  Après 
avoir  fait  cristalliser  la  dissolution  d'argent  dans  l'eau-forte,  met- 
tez ce  sel  (  nitrate  d'argent  cristallisé)  dans  un  bon  creuset  d'Al- 
lemagne un  peu  grand ,  à  cause  que  la  matière  en  bouillant  au 
commencement  s'enfle,  et  pourrait  verser  et  s'en  perdre;  mettez 
votre  creuset  sur  petit  feu,  jusqu'à  ce  que  les  ébuUitions  soient 
passées,  que  votre  matière  s'abaisse  au  fond  ;  et  environ  ce  temps- 
là  vous  augmenterez  un  peu  le  feu,  et  vous  verrez  votre  matière 
comme  de  l'huile  au  fond  du  creuset,  laquelle  vous  verserez 
dans  une  lingotière  bien  nette  et  un  peu  chauffée  auparavant, 
et  vous  la  trouverez  dure  comme  pierre,  laquelle  vous  garderez 
dans  une  boîte  pour  vos  usages  (1).  » 

Le  cristal  minéral  ou  sel  prunelle  (  sulfate  de  potasse  fondu  ) 
s'obtenait  en  projetant  des  fleurs  de  soufre  sur  dunitre  en  fusion. 
«  Faites  fondre ,  dit  J'auteur,  un  litre  de  salpêtre  bien  purifié 
dans  un  bon  creuset.  —  Dès  qu'il  sera  fondu  et  rendu  bien  cou- 
lant, jetez-y  peu  à  peu  une  once  de  fleurs  de  soulphre;  et  lors- 
qu'elles seront  exhalées,  jetez  le  salpêtre  dans  une  bassine  bien 
nette,  et  l'estendez  comme  une  plaque,  laquelle  on  peut  rompre 
et  garder  sèchement  dans  quelque  vase  bien  bouché  (2).  » 

On  appelait  ce  sel  pierre  de  prunelle  {lapis  prunellœ)^  parce 
qu'il  était  employé  comme  un  remède  efficace  contre  les  fièvres 
prunelles  ou  ardentes. 

Le  sel  anti fébrile  est  ce  qui  fut  plus  tard  appelé  sel  polychreste 
de  Glaser  (de  7roXuxpti<iToç,  très-utile).  C'était  du  sulfate  de  po- 
tasse impur,  préparé  à  peu  près  de  la  même  façon  que  le  sel 
prunelle  (3). 

Vhuile  ou  liqueur  corrosive  d*arsenic  était   le  chlorure  d'ar- 
senic, obtenu  en  soumettant  à  la  distillation  un  mélange  de  par- 
ties égales  de  régule  d'arsenic  et  de  sublimé  corrosif.  «Cette, 
liqueur,  dit   Glaser,  a  les    mêmes  propriétés  que  le  beurre 


(1)  Édit.  Paris,  1663,  p.  96. 

(2)  Traité  de  chimie j  Y^.  205. 

(3)  Ibid.j  p.  206. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.'  283 

d'antimoine;  mais  elle  est  bien  plus  violente.  »  —  Après  que 
toute  la  liqueur  butyreuse  avait  été  recueillie,  l'opérateur  chan- 
geait de  récipient,  et  activait  le  feu  pour  séparer  le  mercure  (1). 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  sur  la  préparation  du  bézoard  mi- 
fiéral,  de  Tor  diaphorétique,  du  baume  de  soufre,  du  magistère 
de  bismuth  (  sous-nitrate  obtenu  en  traitant  le  nitrate  de  bis- 
îaauth  par  un  excès  d'eau),  et  de  tant  d'autres  comportions  chi- 
xnico^pharmaceutiques,  dont  Guy-Patin,  contemporain  de  Glaser, 
s^est  moqué  spirituellement  dans  ses  Lettres. 

Chr.  Glaser  était  un  habile  manipulateur,  appréciant  toute 
l'importance  des  détails  de  pratique.  Il  disait  de  lui-même,  avec 
cuQ  noble  orgueil  :  «  Je  fais  profession  de  ne  dire  rien  que  ce  que 
Je  sçay,  et  de  n'escrire  rien  que  ce  que  j'aye  fait (2).  » 

• 

ITicoUMi  liemery  (3). 

Lemery  appartient  moins  à  l'histoire  de  la  chimie  qu'à  l'his- 
tcirede  la  pharmacie,  à  laquelle  il  a  rendu  de  grands  services, 
^oins  philosophe  peut-être  que  Lefebvre^  et  peu  versé  dans  la 
Connaissance  des  anciens,  il  se  distingue  par  la  clarté  de  sa  mé- 
"tlode  et  par  l'exposition  des  faits. 

Nicolas  Lemery  naquit  à  Rouen,  en  1645.  Son  éducation  pre-  ^ 
^Oiièrefut  assez  négligée.  Après  avoir  passé  plusieurs  années  dans 
1^  laboratoire  d'un  de  ses  parents ,  pour  s'initier  aux  manipula- 
'^îons  pharmaceutiques,  il  vint  à  Paris  pour  y  suivre  les  leçons 
^e  Christophe  Glaser,  alors  démonstrateur  de  chimie  au  Jardin 
^u  Roi.  Quelques  années  après,  on  le  trouve  à  Montpellier,  débu- 
l^ntavec  succès  dans  la  carrière  du  professorat.  Riche  de  con- 
^ï^aissances  pratiques ,  il  revint  à  Paris,  oix  ses  leçons  de  chimie 
attirèrent  bientôt  un  nombreux  auditoire  (4). 

Lemery  était  protestant.  Au  moment  de  la  réaction  religieuse 
%fâ  devait  être  couronnée  par  la  révocation  de  l'édit  Nantes ,  il 

(1)  Traité  de  chimie,  p.  255. 

(2)  Ibid.,  Préface,  p.  m. 

(3)  L'orthographe  ancienne,  qu'il  faut  conserver,  est  Lemery,  et  non  lemery, 

(4)  M.  Dumas  a  tracé  dans  ses  Leçons  sur  la  philosophie  chimique  (Paris, 
1837,  in-S*,  p.  64)  Un  tableau  anim^du  cours  brillant  que  Lemery  faisait,  en 
1672,  dans  la  rue  Galande,  alors  peuplée  d^élèves. 


/ 


i 


284  UISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

fut  obligé  d'abandonner  son  enseignement  et  même  sa  pbarma-  ' 
cie,  pour  chercher  en  Angleterre  un  refuge  contre  ses  persécu- 
teurs. Préférant  le  bien-être  de  sa  famille  et  le  séjour  dans  sa 
patrie  à  une  simple  différence  de  religion,  il  abjura,  à  qua- 
rante ans,  le  protestantisme,  et  rentra  dans  son  pays  en  même 
temps  que  dans  le  giron  de  TÉglise  catholique.  Il  recouvra  la 
jouissance  ^e  ses  biens,  qui  avaient  été  confisqués,  son  établis-  * 
sèment  de  pharmacie  prospéra,  et  il  fut,  en  1699,  élu 
membre  de  l'Académie  des  sciences.  Il  mourut  en  1715,  la  même 
année  que  Louis  XIV,Fénelon  et  Malebranche  (1);  il  laissa  un  fils 
qui  suivit  les  traces  du  père. 

Travaux  de  SiT.  lieniery. 

Peu  d'ouvrages  de  science  ont  eu  autant  de  succès  que  le  Cours 
de  chimie  de  N.  Lemery,  qui  parut  pour  la  première  fois  à  Paris 
en  1675,  in-8°  (2).  Ce  fut  là,  dans  l'intention  même  de  l'auteur,  un 
cours  de  chimie  appliquée  à  la  médecine.  Cet  ouvrage,  qui  a  servi 
pendant  longtemps  de  guide  aux  chimistes  et  aux  pharmaciens , 
eut  de  nombreuses  éditions  (3);  il  fut  traduit  en  anglais  (A 
Course  ofchymisiry,  containing  an  easymethod,  etc.  y  London, 
1677,  1686,  1698  et  1720,  in-8);  en  allemand  (  Z>er  voW^ommenc 
Chymist,  1698);  en  latin  (  Cursus  chymicus ,  etc.,  versus  a  J.  G. 
Rebecque;  Genevi,  1681,  in-12);  en  italien  {Corso di  chimica, 
iradotto  dal  francese^  etc.,  Venise,  1763,  in-8),  et  même  en  espa- 
gnol (4). 

Le  grand  succès  de  ce  livre  s'explique  parfaitement  quand  on 
se  rappelle  d'abord  que  les  chimistes  ,  à  l'exception  d^un  petit 

(1)  Pour  plus  de  détails  ,  voyez  M.  Cap  :  Eloge  de  Nicolas  Lemery,  etc.: 
Paris,  1839,  in-S**  (42  pages  p.);  Fontenelle,  Éloge  de  Lemery;  et  Farticle 
Lemery  dans  la  Biographie  générale . 

(2)  Son  titre  complet  est  :  Cours  de  Chimie  contenant  la  manière  défaire  les 
opérations  qui  sont  en  usage  dans  la  médecine,  par  une  méthode  facile  ; 
avec  des  raisonnements  sur  chaque  opération  ,  pour  l'instruction  de  cettx 
qui  veulent  s*appliquer  à  cette  science. 

(3)  Paris,  1677,  1679,  1682,  1683,  1687,  1690,  1696,  1697»  1698,  1701,  1713  , 
1730,  in-8°.  La  dernière  édition  est  de  1756,  in-4°,  et  a  été  revue,  corrigée,  et 
augmentée  d'un  grand  nombre  de  notes,  par  «Baron.  D'autres  éditions  furent 
publiées  à  Amsterdam,  1682  et  1698,  in-8°;  à  Leyde,  1697,  1716,1730,  in-8<»; 
à  Bruxelles,  1744,  et  1747,  in-8»  ;  à  Avignon,  1751 ,  in-4*». 

(4)  Fontenelle,  Hist,  de  VAcadémie  des  sciences,  t.  II,  p.  172. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  285 

nombre,  avaient  en  quelque  sorte  pris  pour  tâche  de  voiler  leur  sa- 
voir ou  leur  ignorance  par  un  langage  obscur  ;  et  qu'on  voit  ensuite 
cjue  l'auteur  a  tenu  parole  quand   il  dit   dans  sa  préface  :  a  Je 
-t^che  de  me  rendre  intelligible,  et  d'éviter  les  expressions  obscu- 
r*cs  dont  se  sont  servis  les  auteurs  qui  en  ont  écrit  avant  moi.  » 
On  trouve,  en  somme ,  peu  de  faits  nouveaux  dans  le  Cours  de 
chimie  de  Lemery;  mais  les  détails  d'opérations,  exposés  avec  une 
simplicité  extrême,  prouvent  que  l'auteur  était  un  manipulateur 
liabile ,  qui  se  sentait ,  en  général ,  peu  enclin  aux  théories  pure- 
ment  spéculatives. 

«  Les  belles  imaginations  des  autres  philosophes  touchant 
leurs  principes  physiques  élèvent  l'esprit  par  de  grandes  idées , 
mais  elles  ne  prouvent  rien  démonstrativement.  Et  comme  la 
c^limieest  une  science  démonstrative,  elle  ne  reçoit  pour  fonde- 
ment que  celui  qui  lui  est  palpable  et  démonstratif  (i).  » 

Ces  paroles  auraient  été  tout  un  programme  révolutionnaire , 
si  Bernard  Palissy  et  Fr.  fiacon  n'avaient  pas  déjà  proclamé, 
^.'vant  Lemei7,  la  souveraineté  de  là  méthode  expérimentale. 
L'auteur  admet  trois  sortes  de  sels  qu'on  retire  des  végétaux  : 
"^iiisel  acide,  ^^^éïé  essentiel,  un^e/fixeetuns^/vo/a/î/.  Le  sel  es- 
sentiel se  retire  du  suc  de  la  plante  abandonné  à  la  cristallisation.' 
C'est,  comme  on  voit,  le  sel  acide  dépotasse  (tartrate,  oxa- 
1  site,  etc.),  tel  qu'il  existe  dans  la  plante  même. 

A  ce  propos,  l'auteur  signale  un  des  premiers  l'importance  de 
clistinguér  la  voie  humide  delà  voie  sèche,  dans  la  chimie  des 
'Végétaux.  ' 

«  On  peut  dire,  dit-il,  que  ce  sel  acide  est  le  véritable  sel  qui 
était  dans  la  plante,  puisque  les  moyens  qu'on  a  employés  en  le 
t.îrantsont  naturels  et  incapables  de  changer  sa  nature,  mais  on 
IX 'en peut  pas  dire  de  même  des  deux  autres;  car,  eu  égard  à  la 
violence  du  feu  dont  on  s'est  servi  pour  les  faire  et  aux  effets  qu'ils 
produisent,  il  y  a  une  grande  apparence  qu'ils  ont  été  déguisés 
par  le  feu.  » 

On  sait  que  lest  artrate,  oxalate,  malate,  citrate  de  potasse,  etc., 
qui  existentnaturellement  dans  les  végétaux,  sont  transformés,  par 
l'incinération ,  en  carbonate  de  la  même  base.  Lemery  lui-même 
ne  parait  pas  éloigné  de  croire  que  le  sel  alcalin  (des  cendres) 
^  \    prorient  de  la  destruction  du  sel  acide  obtenu  parla  voie  humide. 

s-'  _ 

(1)  Cours  de  chimie,  Paris,  1730,  pag.  5. 


286  HISTOIBE  DE  UL  CHIMIE. 

a  Je  croîs,  dit-il,  avec  plus  de  vraisemblance  que  le  sel  alcali 
est  une  partie  du  sel  acide  essentiel  dont  nous  avons  parlé.  —  Si 
Ton  veut  considérer  sans  préoccupation  comment  le  feu  agit,  on 
avouera  qu'il  détruit  et  confond  la  plupart  des  choses  qu'il  dis- 
sèque, et  qu'il  n'y  a  pas  lieu  qu'il  rende  les  substances  en  leur 
état  naturel  (i).  » 

Dans  l'exposition  de  sa  théorie  sur  les  pointes  de  l'acide  péné- 
trant par  les  pores  de  Talcali,  théorie  renouvelée  des  anciens, 
l'auteur  ne  reste  pas  tout  à  fait  fidèle  à  la  méthode  expérimentale. 

Au  xvn®  siècle,  et  à  plus  forte  raison  avant  cette  époque,  le 
nom  de  sel  avait  une  signification  beaucoup  moins  restreinte 
qu'aujourd'hui.  Ainsi,  les  acides  comme  les  alcalis  .étaient'ap- 
pelés  sels  (2).  Lemery  appelle  sel  salé  ce  que,  dans  la  nomen- 
clature actuelle,  nous  appelons  un  sel;  et  il  le  définit  :  a  un  mé- 
lange d'acide  et  d'alcali,  ou  plutôt  un  alcali  soûlé  et  rempli  d'a- 
cide (3).  » 

Bien   que  pénétré  de  la  vérité  du  principe  que  des  degrés 
de  chaleur   différents  donnent  lieu,  dans   les    opérations,  à 
des  résultats  différents,  il  insiste ,  indépendamment  du  feu  de 
réverbère  «  qui  se  fait  dans  un  fourneau  couvert  d'un  dôme,  afin 
que  la  chaleur  ou  la  flamme,  qui  cherche  toujours  à  sortir  par  le 
haut,  réverbère  sur  le  vaisseau  qu'on  a  posé  à  nu  sur  les  deux» 
barres  de  fer;  »  il  insiste,  dis-je,  sur  plusieurs  autres  espèces 
de  chaleur,  comme  l'insolation,  les  bains  de  sable,  de  limaille 
de  fer,  de  cendres,  de  fumier,  de  marc  de  raisin,  de  chaux 
vive,  etc.  » 

Lemery  avait,  d'accord  avec  d'autres  chimistes,  constaté  l 'au g' 
mentation  de  poids  de  l'étain  et  du  plomb  par  la  calcinatiot^- 
Comme  Boyle,  il  attribue  ce  phénomène  à  la  fixation  des  corpus- 
cules du  feu. 

«  Les  pores  du  plomb ,  dit-il ,  sont  disposés  en  sorte  que  l^^ 
corpuscules  du  feu  s'y  étant  insinués,  ils  demeurent  liés  et  agglu- 
tinés dans  les  parties  pliantes  et  embarrassantes  du  métal  sans 
en  pouvoir  sortir,  et  ils  en  augmentent  le  poids  (4).  » 

Les  phénomènes  géologiques  et  météorologiques  attirèrent 


(1)  Cours  de  Chimie,  (éd.  1730);  p.  20. 

(2)  Voy.  p.  252  de  ce  volume,  note  1. 

(3)  Cours  de  chimie,  etc.,  p.  24. 

(4)  Ibid.,  p.  143. 


TROISIÈME  ÉPOQUB,  287 

également  son  attention  ;  il  essaya  de  s'en  rendre  compte  par  des 
expériences  de  laboratoire.     . 

C'est  ainsi  qu'il  explique  l'origine  des  volcans ,  des  tremble- 
ments de  terre,  des  embrasements  spontanés,  par  la  combinaison 
de  substances  minérales.  Et  il  se  fonde  sur  ce  qu'un  mélange  de 
parties  égales  de  limaille  de  fer  et  de  soufre  pulvérisé,  et  humecté 
d'eau,  s'échauffe  tellement  qu'on  a  peine  d'y  soufTrirla  main.. 

«  Il  arrive  môme ,  ajoute-t-il ,  que  si  l'on  fait  vingt-cinq  ou 
trente  livres  de  cette  préparation  à  une  fois,  elle  s'enflamme  et  se 
calcine  à  demi  avant  qu'on  l'ait  mise  sur  le  feu  (1).  » 
Ce  mélange  reçut  le  nom  de  volcan  artificiel  de  Lemery. 
Il  explique  le  phénomène  du  tonnerre  et  de  l'éclair  par  une 
expérience  alors  entièrement  neuve,  et  qui ,  autant  que  nous  sa- 
chions, n'avait  été  encore  faite  par  aucun  chimiste  :  elle  con- 
sistait dans  l'inflammation  de  l'hydrogène,  gaz  recueilli  pour  la 
première  fois  par  Boyle  qui  le  confondait  avec  l'air  cqmmun  (2). 
Ainsi,  l'hydrogène  avait  été  déjà  préparé,  recueilli  et  brûlé,  plus 
de  cent  ans  avant  d'avoir  été  décrit  comme  un  élément  de  l'eau. 
Voici  le  passage  en  question  :  «  Si  Ton  met  dans  un  matras  de 
moyenne  grandeur,  et  dont  le  cou  soit  médiocrement  long,  trois 
onces  d'huile  de  vitriol  et  douze  onces  d'eau  commune ,  qu'on 
jette  à  plusieurs  reprises  une  once  de  limaille  de  fer,  il  s'y  fera 
une  ébuUition  et  une  dissolution  du  fer  qui  produit  des  va- 
peurs blanches,  lesquelles  s'élèveront  jusqu'au  haut  du  matras; 
si  l'on  présente  à  l'orifice  du  cou  de  ce  vaisseau  une  bougie  al- 
lumée, la  vapeur  prendra  feu  à  l'instant,  et  à  un  temps  fera  une 
fulmination  violente  et  éclatante,  puis  s'éteindra  (3).  Si  l'on  con- 
tinue à  mettre  un  peu  de  limaille  de  fer  dans  le  matras,  et  qu'on 
en  approche  la  bougie  allumée  comme  devant,  réitérant  le  même 
procédé  quatorze  ou  quinze  fois,  il  se  fera  des  ébullitions  et  des 
fclminations  semblables  aux  premières ,  pendant  lesquelles  le 
matras  se  trouvera  souvent  rempli  d'une  flamme  qui  pénétrera  et 
circulera  jusqu'au  fond  de  la  liqueur.  Il  arrivera  même  quelque- 
fois que  la  vapeur  se  tiendra  allumée  comme  un  flambeau  au 
haut  du  cou  du  matras  pendant  plus  d'un  quart  d'heure.  Il  me 
paraît  que  cette  fulmination  représente  bien  en  petit  la  matière 

(1)  Cours  de  chimie,  p.  179. 

(2)  Voy.  p.  154  et  155  de  ce  volume. 

(3)  L'hydrogène  mélangé  avec  Tair  (du  matras)  devait  détoner  au  contact  de 
la  bougie  allumée. 


288  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

sulfureuse  qui  brûle  et  circule  tout  enflammée  dans  Teau  des 
nues,  pour  faire  Téclair  et  le  tonnerre  (1).  » 

a  La  vapeur  qui  s'élève  d'un  mélange  de  fer,  d'huile  de  vitriol 
et  d'eau,  et  qui  s'enflamme  au  contact  d'une  bougie  allumée  ,  » 
fut  plus  tard  désignée  sous  le  nom  d'air  inflammable ^  avant  d'être 
appelée  hydrogène,  c'est-à-dire  élément  générateur  de  Veau. 

Encres  sympathiques.  — L'auteur  revient  à  plusieurs  reprises  sur 
ce  sujet,  qui  devait  alors  singulièrement  piquer  la  curiosité  du  pu- 
blic. Il  propose  de  tracer  les  caractères  avec  une  dissolution  de 
plomb  dans  du  vinaigre  ou  de  bismuth  dans  de  l 'eau-forte,  et  de  les 
frotter,  après  leur  dessiccation,  avec  un  morceau  decotonimbibé 
d'une  décoction  de  scories  d'antimoine,  (sulfure  d'antimoine),  ou 
de  chaux  et  d'orpiment  (sulfure  de  calcium).  Il  semble  ne  pas 
ignorer  que  les  caractères,  d'abord  invisibles,  deviennent  noirs 
etlisiblesparceque  les  molécules  sulfureuses  s'unissent  au  plomb 
ou  au  bisrnuth,  et  il  rejette  l'explication  des  anciens,  qui  avaient 
recours  «  à  la  sympathie  et  à  l'antipathie,  termes  généraux  qui 
n'expliquent  rien  (2)  » . 

Poisons,  — ^Voici  la  définition  que  Lemery  donne  de  ce  qu'il  faut 
entendre  par  poison  :  «  Le  poison  est  tout  ce  qui  peut  rompre  et  dé- 
truire la  liaison  et  l'économie  des  humeurs  du  corps,  en  corro- 
dant les  parties  ou  en  empêchant  le  cours  naturel  des  esprits.  » 
—  Il  cite  ensuite  comme  poisons  les  plus  communs  Varsenic,  le 
sublimé,  la  ciguë  et  lenapellus  (  aconit).  Il  distingue,  dans  toute 
intoxication,  deux  effets  différents  :  «  Les  uns,  dit-il,  comme  la 
vipère,  le  scorpion,  la  ciguë,  le  napellus,  coagulent  le    sang; 
et  l'animal  meurt  en  convulsions,  de  la  même  manière  qu'il  ar- 
rive quand  on  seringue  quelque  liqueur  acide  dans  une  veine  ou 
dans  une  artère (3).  Les  autres,  comme  le  sublimé,  les  arsenics, 
rongent  et  ulcèrent  les  entrailles,  jusqu'à  ce  que  la  gangrène  y 
soit  venue;  d'où  s'ensuit  la  mort.  »  Les  antidotes  sont  à  peu  près 
les  mêmes  que  ceux  employés  par  les  anciens  (4). 

Lemery  avait  lui-même  fait  des  expériences  toxicologiques 
sur  des  animaux.  Il  raconte  à  ce  sujet  l'histoire  de  deux  souris 
enfermées  dans  une  bouteille  de  verre  contenant  deux  scorpions 


(1)  Cours  (le  chimie  (éd.  1730),  p.  185. 
(2)/&trf.,  (éd.  1730),  p.  391  et  140. 

(3)  Ibid.,  p.  236. 

(4)  Voy.  plus  haut,  t.  I,  p.  216. 


TROISIEBŒ  ÉPOQUE.  -289 

vivants  ;  la  première  souris,  qui  était  la  plus  petite ,  mourut  un 
quart  d'heure  après  avoir  été  piquée  ;  Tautre,  qui  était  plus  grosse, 
fut  également  piquée;  mais  elle  se  vengea  en  mangeant  les  deux 
scorpions,  à  la  réserve  de  la  tête  et  de  la  queue  :  elle  échappa 
saine  et  sauve. 

Antimoine.  —  En  faisant  l'histoire  des  préparations  antimoniales, 
l'auteur  remarqued'abord  que  l'antimoine  naturel  est  composéde 
soufre  et  (Tune  substance  fort  approchante  d'un  métal  (stibium). 
L'antimoine  naturel  est,  en  effet ,  un  sulfure.  Les  alchimistes  lui 
donnent  divers  noms;  ils  l'appellent  loup  ou  lion  rouge  y  parce 
qu'il  dévore  les  métaux  (le  soufre  les  attaque);  pro^^e,  parce 
qu'il  peut  revêtir  différentes  couleuTs;  plomb  sacré,  plomb  des 
philosophes,  etc.  ll.savait  fort  bien  que  le  fer,  avec  lequel  on  pré- 
parait le  régule  d'antimoine,  avait  pour  effet  d'enlever  à  cet  anti- 
moine naturel  les  parties  sulfureuses  qui  s'opposent  à  la  for- 
mation des  cristaux  de  l'antimoine,  disposés  en  forme   d'é- 
toile (1). 
Le  seul  dissolvant  de  l'antimoine  est,  dit-il,  l'eau  régale. 
la.  panacée  antimoniale  n'était  autre  chose,  d'après  la  descrip- 
tion qu'il  en  donne ,  que  l'émétique  obtenu  en  traitant  une  solution 
d'antimoine  (beurre  d'antimoine)  par  du  tartre.  La  dose  de  l'é- 
métique en  dissolution  était  de  huità  vingt  gouttes  dans  un  bouil- 
lon. 

Sulfate  de  magnésie.  —  Ce  sel  fut  mis  en  usage  peu  de  temps 
après  que  Giauber  eut  préconisé  les  propriétés  du  sulfate- de 
soude.  On  le  préparait  en  Angleterre  par  Tévaporalion  dès  eaux 
minérales  d'Epsom.  Il  était  .d'abord  connu  dans  les  pharma- 
copées sous  le  nom  de  sal  mirabile,  sal  caiharticum  amarum  (2). 
Lemery  s'intéressait  aux  travaux  de  Homberg ,  qui  avait  ré- 
pandu en  France  la  découverte  du  phosphore.  Il  émit  le  pre- 
mier ridée  que  l'on  pourrait  trouver  le  phosphore  «  dans  une 
infinité  d'autres  choses  où  il  n'en  paraît  pas  présentement  (3).  » 
Il  avait  probablement  quelques  motifs  pour  parler  ainsi,  car  il 
s'était  beaucoup  occupé  de  la  distillation  du  crâne  et  du  cerveau 
del'homnae,  dont  l'huile  empyreumati que  composait,  avec  l'es- 
prit-de-vin et  la  teinture  d'opium,  le  fameux  élixiranti-épilep- 
tique,  connu  sous  le  nom  de  gouttes  d! Angletefire. 

(1)  Cours  de  chimie,  p.  299. 

(2)  Ibid.,  p.  465. 

(3)  Ibid.,  p.  816. 

HIST.   DE   LA  CaiMlE.   —   T.   II.  19 


290  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

La  mousse  Terte  qui  pousse  sur  les  crânes  exposés  à  lliumi 
dite  de  Tair  était,  sous  le  nom  d'usnée ,  employée  en  médecim 
eorame  un  remède  puissant.  Du  temps  de  Lemery  on  en  faisait 
venir  de  Tlriande  :  a  Car,  dit-il,  en  ce  pays-là  on  laisse  les  hommes 
qu'on  a  pendus,  attachés  à  des  poteaux  dans  la  campagne,  jus 
qu'à  ce  qu'ils  tombent  par  pièces  ;  or,  pendant  ce  temps-là ,  h 
efaaîr  et  les  membranes  de  la  tête  s'étant  consumées,  cette  mouss^^ 
naK  sur  le  crâne  (1).  » 

La  présence  du  fer  danslescendres,  et  particulièrement  dans  1&^ 
charbon  du  miel,  a  été  pour  la  première  fois  signalée  par  Lemery  . 
Pour  faire  cette  analyse,  il  se  servait  d'un  couteau  aimanté.  «  Or», 
s'apercevra,  dit-il,  que  dans  ce  moment  beaucoup  de  particules 
du  charbon  se  hérissent  et  seront  attirées  par  le  couteau,  s'y  atta — 
chant  de  même  que  la  limaille  de  fer  s'attache  à  l'aimant.  Gett^^ 
expérience  montre  que  le  charbon  de  miel  contient  du  fer  (S),  m^ 

Ces  expériences  furent  faites,  en  1702,  devant  lesmembre^s 
de  l'Académie  des  sciences. 

Lemery  avait,  répétons-le,  le  talent  de  décrire  les  choses  les 
plus  obscures  et  les  plus  arides  avec  une  simplicité  et  une  préci- 
sicNi  remarquaUes.  Ce  talent  est  la  pierre  de  touche  d'un  esprL 
qui  sait  apprécier  l'importance  des  détails. 

Les  faits  consignés  dans  les  nombreux  mémoires  que  Lemei 
avait  présentés  à  l'Académie  royale  des  sciences,  dont  il  fi 
un  des  membres  les  plus  distingués  (3),  sont  en  grande  pfirti    S^ 
veproduits  dans  son  Cours  de  chimie  (4). 

Les  autres  ouvrages  de  Lemery  ont  pour  titres  :  Pharmacop^^sée 
universelle,  dont  la  première  édition  parut  à  Paris  en  1697,  in-4* 
Dictionnaire  universel  des  drogues  simples  y  Paris,  1698 ,  in-4'  (5] 
Traité  de  Vantimoine^  Paris,  1707,  in-12  (6). 

Ces  ouvrages  appartiennent  plus  spécialement  à  l'histoire  d 
la  pharmacie. 

(1)  Cours  de  chimie,  p.  856. 

(2)  Ibid.,  p.  874. 

(3)  Fonlenelle ,  Histoire  du  renouvellement  de  V Académie  royale  des  scie 
ces  à  Paris,  t.  II,  p.  172. 

(4)  Les  mémoires  que  Lemery   présenta  à  F  Académie  remontent  aux  a 
nées  1700,  1701,  1706,  1707,  1708,  1709,  1712. 

(5)  Ces  deux  ouvrages  eurent  en  peu  de  temps  un  grand  nombre  d'éditions^ 
furent  traduits  en  plusieurs  langues.  j 

(6)  Ce  traité  fut  traduit  en  allemand  par  Malhern;  Dresde,  1709,  in-a^. 


TROISIÂBIE  EPOQUE.  291 

§20. 

Micliel  EttmAller. 

Michel  Ettmûller,  né  à  Leipzig  le  26  mai  4644,  s'était  livré 
dans  sa  jeunesse  à  Tétude  des  mathématiques  et  de  la  philoso- 
phie. Plus  tard,  il  s'adonna  aux  études  médicales,  voyagea  en 
Italie,  en  France  et  en  Angleterre.  De  retour  à  Leipzig,  où  il  avait 
obtenu  le  grade  de  docteur  en  médecine ,  il  fut  nommé  profes- 
seur de  botanique  et  de  chirurgie.  Il  mourut  dans  la  même 
année  que  Glauber,  en  1668,  à  Tâge  de  trente-neuf  ans. 

Le.Traiié  de  chimie  raisonné  d'Ettmûller,  qui  parut  sous  le 
titre  de  Chymia  rationalis  et  experimentaliscuriosa;  Leyde,  4684, 
in-4o,  renferme  plusieurs  faits  intéressants.  ^ 

L'auteur  expose,  entre  autres,  avec  une  extrême  clarté  l'his- 
toire des  préparations  antimoniales.  Il  rappelle  que  l'antimoine 
commun  contient  du  soufre.  Le  soufre  se  reconnaît,  ajoute-t-îl, 
à  son  inflammabilité >  à  son  odeur  sulfureuse,  à  sa  détonation 
avec  le  nitreetle  tartre,  aux  teintures  (foie  de  soufre)  qu'on  en 
retire  avec  les  alcalis  qui  s'emparent  promptement  du  soufre  des 
minéraux,  au  cinabre  que  donne  l'antimoine  commun  servant, 
avec  le  sublimé  corrosif,  à  préparer  le  beurre  d'antimoine  (1); 
enfin  parce  qu'on  retire  de  l'antimoine  beaucoup  de  soufre  tout 
semblable  au  soufre  commun; 

Od  retirait  le  soufre  de  l'antimoine  naturel,  soit  par  la  voie 
sèche,  en  chauffant  le  minéral  dans  un  appareil  sublimatoire, 
Soit  par  la  voie  humide,  en  le  traitant  par  l'eau  régale. 

Quant  à  l'antimoine  proprement  dit  (  régule),  «  c'est,  dit  l'au- 
teur, la  plus  noble  partie  de  l'antimoine  et  la  plus  métallique,  ou 
bien  le  mercure  de  l'antimoine  concentré  ;  ce  régule  est  de  la 
nature  du  plomb,  ou  un  plomb  imparfait,  »  etc. 

hefoie  éF antimoine  s'obtenait  en  faisant  dissoudre  dans  un 
creuset  un  mélange  d'antimoine. naturel  et  de  parties  égales  de 
nitre  et  de  tartre.  «  La  matière  est  rouge  à  cause  du  soufre  de 
l'antimoine.  Le  précipité  pulvérulent,  que  donne  le  foie  d'anti- 
moine mis  dans  l'eau,  était  appelé  safran  des  métaux  (  crocus  me- 
tallorum)  :  tsafran,  à  cause  de  sa  couleur,  et  des  métaux,  à  cause 

(1)  Glauber  a  le  premier  expliqué  cette  opération.  Yoy.  p.  187  de  ce  volume. 

19. 


292  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

de  rantimoine,  qui  était  considéré  comme  le  père  de  tous  les 
métaux  (1).)) 

EttmûUer  n'ignorait  pas  que  les  alcalis  fixes,  qu'on  faisait 
fondre  avec  l'antimoine  naturel  pour  en  extraire  le  régule  (anti- 
moine métallique  ),  absorbent  (  ce  sont  ses  propres  expressions  ) 
le  soufre  de  Tantimoine,  et  que,  pour  en  séparer  ce  soufre,  il  faut 
dissoudre  les  scories  (sulfure  alcalin)  qui  recouvrent  le  régule, 
dans  de  Teau,  et  y  verser  un  acide,  tel  que  Pesprit  de  vitriol. 
«  Aussitôts'élèvera,  ajoute-t-il,  une  puanteurhorrible  (hydrogène 
sulfuré),  et  il  se  précipitera  un  soufre  diaphorétîque,  appelé 
soufre  doré  d'antimoine,  »  < 

Ainsi,  le  soufre  doré  d'antimoine  n'était  que  du  soufre,  tel 
qu'on  l'obtient  en  traitant  un  polysulfure  alcalin  par  un  acide. 
Du  reste,  la  préparation  de  ce  soufre  doré  variait  beaucoup,  sui- 
vant les  auteurs. 

Le  fameux  médicament  anlihectique  de  Potier  [antihecticum 
Poierii)  n'était  autre  chose  qu'un  alliage  composé  de  quatre  par- 
ties d'antimoine  métallique  et  de  cinq  parties  d'étain,  oxydé  par 
la^  calcination  avec  du  nitre. 

Le  bésoard  minéral^  auquel  les  médecins  et  les  alchimistes  at- 
tribuaient de  si  grandes  vertus,  était  préparé  de  différentes  ma- 
nières. Le  procédé  ordinaire  consistait  à  traiter  le  beurre  d'anti- 
moine par  l'esprit  de  nitre,  à  séparer  ensuite  tout  l'acide  par  la 
distillation,  et  à  faire  brûler  de  l'esprit-de-vin  sur  le  résidu  pulvé- 
rulent. —  Le  bézoard  minéral  n'était  donc  que  de  l'oxyde 
d'antimoine. 

Ettmùller  nous  apprend  qu'il  faut  user  de  précautions  dans  les 
calcinations  de  l'antimoine,  parce  que  la  fumée  de  cette  substance 
est  corrosive  et  chargée  de  particules  arsenicales.  Il  conseille  de 
manger,  avant  l'opération,  du  pain  et  du  beurre,  a  afin  que  la 
graisse  de  celui-ci  tempère  la  vertu  corrosive  de  la  fumée,  »  et  de 
mâcher,  pendant  l'opération,  de  la  racine  de  zédoaire. 

On  sait  que  le  peroxyde  d'antimoine,  fortement  calciné,  est  de 
couleur  jaune.  C'est  cet  oxyde  que  les  chimistes  d'alors  appe- 
laient fleurs  d'antimoine  cheiri  (2).  Étant  sublimé  avec  du  sel 
ammoniac ,  il  recevait  le  nom  de  teinture  sèche  d'antimoine^  ou 
lilium  aniimonii,  dont  Hartmann  préconisait  les  vertus. 


(1)  Nouvelle  chimie  raisonaée  ;  Lyon,  1693,  p.  187. 

(2)  Rappelant  la  couleur  de  la  giroflée  {Cheiranthus  cheiri). 


TROISIEME  EPOQUE.  ^3 

Le  traité  de  chimie  d'Ëttmûller  parait  avoir  été  particulièrement 
destiné  à  Tusage  des  médecins ,  comme  celui  de  Lefebvre  l'a- 
Tait.été  à  celui  des  pharmaciens. 

Les  ouvrages  d*Ettmûller  ont  été  réunis  en  trois  volumes  in- 
folio^  et  publiés  par  son  fils  sous  ce  titre  :  Opéra  medica  theo- 
retico-praciica;¥T^ncf.y  1708. 


294  HISTOIRE   DE  LA   CHIMIE. 


CHIMIE  TECHNIQUE. 


Les  chimistes  qui,  pendant  le  dix-septième  siècle,  ont  cultivé 
exclusivement  la  chimie  dans  ses  applications  spéciales  aux  arts, 
tels  que  la  teinture,  la  verrerie,  la  parfumerie,  etc.,  ne  sont  pas 
très- nombreux. 

P.  Antoine  Neri,  prêtre  florentin,  recueillit,  dans  ses  voyages 
en  Italie  et  dans  les  Pays-Bas,  des  renseignements  intéressants  sui' 
la  fabrication  des  émaux,  des  verres  colorés,  des  pierres  pré-- 
cieuses  artificielles,  des  miroirs  métalliques.  Son  ouvrage,  où  ces 
renseignements  se  trouvent  consignés ,  a  pour  titre  de  Art^ 
vitraria  (1).  Merret  et  Kunckel  en  ont  tiré  grand  profit. 

Venise,  Florence  et  Anvers  possédaient  des  fabriques  de  verrr^ 
très-renommées,  dont  les  produits  s'exportaient  dans  les  pays 
les  plus  lointains. 

Les  fabriques  de  vitriols  blanc  et  bleu  de  la  Hongrie  conti- 
nuaient à  maintenir  leur  ancienne  réputation.  Aetius  Gletus  C^) 
et  J.  M.  Caneparius  (3)  se  sont  particulièrement  occupés  de  cette 
branche  de  chimie  industrielle. 

DucLOS,  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  avstit 
fait  des  expériences  pour  rendre  l'eau  de  mer  potable  (4)  ;  il 
avait  entrevu  Texistence  du  sel  amer  de  magnésie  dans  les  eaux 
de  la  mer  et  de  certaines  sources  salées  (5). 

BouRDELiN,  Marchant,  Dodart,  également  membres  de  rA<3^- 
démie  des  sciences,  s'étaient  livrés  à  l'étude  des  produits  qu'^^i^ 

(1)  Ant.  Neri,  de  Arte  vitraria,  libi  VII,  et  in  eosdem  Christ.  Merreti  obser^*'*' 
tiones  et  notœ;  Amstelod.,  1681,  in-12.  —  Trad.  en  anglais  sur  l'original  italien  • 
the  Art  of  glass^eic;  Lond.,  1662,  in-8».  —  En  français  :  VArt  de  la  verré^^^^ 
de  Neri,  Merret  et  Kunckel;  Paris,  1752,  in-4°. 

(2)  Dodecaporionchalcanthicum;  Rom.,  1620,  in-4*'.  —  Disput.  de chalcantl'»<>  5 
ibid.,  1623,  in-8°. 

(3)  De  atramentisciijuscunque  generis;  Venet.,  1619  et  1629,  in-4°;  Lor»<ï' 
1660;  Rotterd.,  1711. 

(4)  Hist.  dePAcad.  royale  des  sciences,  vol.  I,  p.  50. 

(5)  Ibid.,  année  1667. 


TROISIEME  EPOQUE.  295 

obtient  par  la  distillation  sèche  des  plantes  et  des  matières  orga- 
niques en  général. 

Hanton  avait  proposé  de  rendre  Teau  de  mer  potable  à  "l'aide 
de  la  distillation,  après  l'avoir  préalablement  précipitée  par  le  sel 
lixiviel  (carbonate  de  potasse)  (1).  Cole,  Jackson,  Todd,  Col- 
WALL,  ont  écrit  sur  l'exploitation  du  sel  marin  et  des  vitriols. 
Leurs  mémoires  ont  paru  dans  les  Transactions  philosophiques 
de  Londres  (2). 

HoGHBERG,  Thiemamn  et  Mautauban  sc  sont  occupés  de  l'art 
de  fabriquer  les  vins  ;  Moray,  de  la  préparation  du  malt  pour 
la  bière  d'Ecosse,  etc. 

Un  assez  grand  nombre  de  chimistes  s'efforçaient  de  répan- 
dre le  goût  des  travaux  de  laboratoire  au  profit  du  progrès  dies 
arts  et  de  l'industrie.  .Stiesser  (3)  et  Jean-Maurice  Hoffman)^^ 
jd'Altorf  (4),  publièrent  leurs  Acta  laboratorii;  D.  Mayor  {S), 
Elsholz  (6),  J.  BoHN  (7),  professeur  à  Leipzig,  et  beaucoup  d'au- 
tres, s'empressaient  de  communiquer  au  public  le  résultait  de 
leurs  expériences. 

Les  rois  de  Suède  favorisèrent,  d'une  manière  toute  spéciale, 
le  développement  de  la  chimie.  Gusta ve- Adolphe ,  malgré  ses 
incessantes  occupations  guerrières ,  se  plaisait  à  s'entretenir 
avec  les  chimistes  de  son  temps.  Sa  fille ,  la  fameuse  reine  Chris- 
tine, cultivait  la  chimie ,  non-seulement  pendant  la  durée  de  son 
règne,  mais  encore,  après  son  abdication,  dans  sa  retraite  à  Rome, 
Mais  il  était  réservé  à  Charles  XI  de  fonder,  en  1683,  dans  là  ca- 
pitale de  la  Suède,  un  laboratoire  dont  les  frais  furent  supportés 
par  le  trésor  royal  et  le  collège  des  mines.  Les  manipulateurs  s'é- 
taient sérieusement  proposé  de  pénétrer  dans  l'essence  même  des 

(1)  PhilosophicalTransact.,  ann.  1670,  vol.  V, 

(2)  Ibid.,  vol.  IV,  V,  Xn  et  XIV. 

(3)  Actorum  laboratorii  chemici  auctoritate  atque  auspiclis  ducum  Bruus.  et 
Lyneburg.  in  Academia  Julia  editonim  spécimen  prinmm;  Helmst.,  1690,  in-4; 
specim.  secundum,  1693;  specim.  tertium,  1698. 

(4)  J.  M.  Hoffmann!  laboratorium  novmn  chemicum,  etc.;  Altdorf,  16S3. 
Acta  laboratorii  chymici  Altdorlini,  etc.;  Norimb.  et  Altdorf,  1719,  in-4°. 

(5)  Gollegium  medico-curiosmn  hebdomatim  intra  œdes  privatas  haben- 
dum,  etc.;  Kiel,  1670 ,  in-4°. 

(6)  DistiUatoria  curiosa ,  sive  ratio  ducendi  liquores  coloratos  per  alambi- 
cum,  etc.,  Berolini,  1674,  in-8**. 

(7)  Expérimenta  ac  dubia  nonnuUa  chymica,  etc.;  Acta  erudit.,  ann.  1681,  -^ 
Dissertationes  chymico-physicœ,  etc.;Lips.,  1685,  in*4°. 


296  HISTOIRE  DE  LA  CHIÏflE.  ^ 

corps  pour  en  découvrir  les  parties  constituantes  et  la  manière 
dont  elles  étaient  unies;  d'étudier  la  nature  des  métaax; 
d'examiner  s'ils  étaient  susceptibles  de  perfectionnement,  et  de 
rechercher  jusqu'à  quel  point  il  serait  possible  de  les  trans- 
former les  uns  dans  les  autres  ;  de  composer,  surtout  avec  les 
productions  naturelles  de  la  Suède ,  différents  médicaments  pins 
efficaces  que  ceux  qu'on  trouve  dans  les  pharmacies  ordinaires; 
enfin,  de  signaler  tout  ce  qui  pourrait  servir  à  l'économie  rurale. 
Ces  mêmes  manipulateurs  s'étaient  proposé  l'examen  chimique 
des  terres  propices  à  l'agriculture  ;  la  découverte  d'une  matière 
propre  à  couvrir  les  maisons,  qui  réunisseà  la  légèreté  la  faculté  de 
résister  aux  incendies,  aux  pluies  et  aux  neiges  ;  la  recherche'des 
moyens  de  garantir  lefer  de  la  rouille,  le  bois  de  lapourriture,  etc. 

Urbain  Hierne,  auquel  oh  confia  d'abord  cet  établissement, 
avait  entrepris  de  publier  les  travaux  faits  de  son  temps  dans  ce 
laboratoire  ;  mais  une  mort  prématurée  l'empêcha  d'exécuter 
un  projet  si  utile  :  il  ne  donna,  de  son  vivant ,  qu'une  espèce 
d'introduction ,  contenant  les  résultats  les  plus  sommaires  des 
expériences  et  des  observations  qu'il  avait  faites.  Ce  n'est-qoe 
longtemps  après  sa  mort  que  Wallerius  mit  au  jour  une  partie 
des  expériences  chimiques,  exécutées  dans  le  laboratoire  de 
Stockholm,  sous  la  direction  de  Hierne  (1).  On  y  remarque  su^ 
tout  un  travail  sur  V Acide  de -la  fourmi ,  et  un  autre  sur  V Aug- 
mentation du  poids  des  métaux  par  la  calcination.  Arrêtons-nous 
un  moment  sur  le  premier  travail. 

Jérôme  Tragus,  Lungham  et  d'autres  observateurs  avaient 
déjà  vu  que  les  fourmis  rougissent  les  couleurs  bleues  végétales 
(fleurs  de  chicorée,  de  bourrache,  etc.  ) ,  avec  lesquelles  on  les 
met  en  contact  à  l'état  humide.  J.  Wray  signala  en  1670,  dans  un 
extrait  de  lettre  inséré  dans  les  Transactions  philosophiques  de 
Londres,  le  résultat  de  ses  recherches  sur  les  fourmis;  il  constata 
que  ces  insectes,  soumis  à  la  distillation,  seuls  ou  humectés 
d'eau,  donnent  un  suc  très-acide,  semblable  à  l'esprit  de  vi- 
naigre {like  spirit  of  vinegar),  lequel  rougit  les  couleurs  bleues 
végétales,  comme  le  font  les  acides  forts,  et  donne,' en  se  com- 


(1)  Les  Actes  chimiques  d'Urbain  Hierne  furent  publiés  et  augmentés  de  notes 
par  J.  G.  Wallerius,  en  1753,  dans  Actorum  chemïcorum  Holmensium^  t.  Il; 
hoc  est  Parasceve  sive  prœparatio  ad  ientamina  in  reg.  lahoratorio  Hol- 
^peraciay  etc.;  Stockholm,  1753,  in-S**. 


.     -  TROISIÈME  ÉPOQUE.  297 

m 

Unant  avec  le  plomb,  une  espèce  de  sucre  de  Saturne,  et  avec 
le  fer,  une  liqueur  astringente  (1). 

Hierne  reprit  ces  observations,  et  en  approfondit  davantage  la 
(natière.  Il  remarqua  que,  dans  la  distillation  des  fourmis,  il  y  a 
;rois  liquides  distincts  qui  passent  dans  le  récipient,  qu'il  con- 
fient de  changer  chaque  fois  :  le  premier  est  l'acide  de  la  fourmi^ 
'aible,  étendu  d'uD  peu  de  phlegme  (  eau)  ;  le  second  est  fran- 
chement acide,  et  plus  fort  que  le  premier  ;  enfin  le  dernier,  qui 
passe  dans  le  récipient,  n'est  plus  que  de  l'alcali  volatil  (car- 
t)onate  d'ammoniaque  ),  verdissant  le  sirop  de  violette,  et  faisant 
effervescence  avec  les  deux  premiers  liquides.  Il  essaya  ensuite 
l'acide  deia  fourmi  avec  différents  réactifs,  et,  entre  autres, 
avec  une  solution  de  colophane.  Celle-ci,  dit-il,  est  rendue  trouble 
et  lafteuse.  Il  remarqua  aussi  qu'étant  versé  dans  une  solution 
de.foie  de  soufre,  cet  acide  donne,  ainsi  que  le  ferait  un  acide 
fort,  un  dépôt  de  soufre-  (2). 

Dans  son  travail  sur  la  calcination  des  jnétaux,  Hieme,  après 
avoir  reconnu  l'exactitude  du  fait  même  de  l'augmentation  du 
poids  que  les  métaux  acquièrent  pendant  la  calcination,  pense 
qae  cette  augmentation  provient  d'une  espèce  d'acide  gras  et  sul- 
fureux {aeidum  pîngue  et  sulphureum),  contenu  dans  les  char- 
bons et  le  bois.  Cependant  il  avoue  que  la  question  est  très-em- 
barrassante ,  puisque  les  métaux  se  convertissent  en  chaux 
(oxyde),  sans  l'intermédiaire  du  bois  ou  du  charbon  (3). 

Wedel,  célèbre  professeur  de  chimie  à  l'université  d'Iéna, 
avait  adopté  l'opinion  de  Jean  Rey  ;  il  fut,  par  des  raisons  inad- 
missibles, réfuté  par  le  P.  Cassatus.  De  leur  côté,  Boyle, 
Kunckel  et  Homberg  n'avaient  pas  donné  des  explications  satis- 
faisantes au  sujet  de  la  calcination  des  métaux  et  de  leur  aug- 
mentation en  poids.  Cette  question,  de  laquelle  devait  dépen- 
dre l'avenir  de  la  chimie,  resta  donc  non  résolue  pendant  tout  le 
dix-septième  siècle.  Elle  ne  fut  reprise  et  définitivement  tranchée 
qu'au  siècle  suivant. 

(!)  Philosoph.  Transact.,  vol.  V,  for  1670,  n<»  68.  —  Conceming  some  uncom- 
Won  Dibiervations  and  experimenis  mode  wiih  an  acide  juyce  to  be  found 

(2)  Act.  chim.Holm.,  t.  II,  p.  40-51. 
(3)Ibid.,  p.  112-124. 


298  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

§21. 

Pendant  que  Hierne  dirigeait  à  Stockholm  les  travaux  chimi- 
ques qui  s'exécutaient  dans  le  laboratoire  du  roi  de  Suède,  Hom- 
berg  faisait  à  Paris  de  brillantes  expériences  dans  le  laboratoire 
du  duc  d'Orléans. 

Ciiillaiiine  Homberg. 

Homberg  appartient  à  la  grande  école  de  la  philosophie  ex- 
périmentale, inaugurée  par  Bacon,  Galilée  et  Boyle.  Comme 
Glauber,  il  n'écrivait  pas  pour  plaire  aux  hommes,  mais  pour 
dire  ce  qu'il  croyait  être  la  vérité.  Ses  travaux  sont  inspirés  par 
Tamour  le  plus  pur  de  la  science.  C'était  enfin  un  chimiste  qui 
avait  des  connaissances  très-variées ,  et,  ce  qui  vaut  mieux  en- 
core, c'était  un  honnête  homme. 

Homberg  naquit,  le  8  janvier  1652,  à  Batavia,  capitale  de  l'île  de 
Java;  il  était  fils  d'un  officier  au  service  de  la  Compagnie  hol- 
landaise des  Indes  orientales.  Son  père  l'envoya  de  bonne  heure 
en  Europe,  et  lui  fit  faire  ses  premières  études  au  collège  d'Ams- 
terdam. Le  jeune  écolier,  destiné  au  barreau,  alla,  par  obéis- 
sance à  ses  parents,  suivre  des  cours  de  droit  aux  universités 
d'Iéna  et  de  Leipzig,  et  se  fit  recevoir,  à  l'âge  de  vingt-deux  ans, 
avocat  à  Magdebourg,  ville  natale  d'Otto  de  Guérike'. 

Mais  Homberg  n'eut  aucun  goût  pour  la  profession  d*avocat. 
Aussi,  au  lieu  de  se  débattre  au  milieu  des 'turpitudes  humaines 
et  des  arguties  de  la  chicane ,  aima-t-il  mieux  se  livrer  aux 
sciences  d'observation,  et  s'exercer  à  la  lecture  du  grand  livre 
de  la  nature.  Les  plantes  et  les  astres  fixèrent  d'abord  son  atten- 
tion. «  Il  devint  ainsi,  comme  dit  Fontenelle,  botaniste  et  as- 
tronome sans  y  penser,  et  en  quelque  sorte  à^son  insu.  »  Son  goût 
pour  les  sciences  alla  de  jour  en  jour  en  augmentant,  et  finit  par 
l'éloigner  entièrement  des  affaires  du  barreau.  Ses  parents  et  ses 
amis  insistèrent,  et  voulurent  même  le  forcera  se  marier,  afin  de 
le  ramener  à  l'exercice  de  sa  profession ,  en  lui  inspirant  le  goût 
du  bien-être  matériel.  Dès  lors  Homberg  n'écouta  plus  que  sa 
voix  intérieure,  qui  était  plus  forte  que  celle  de  ses  parents  ;  il 
brisa  ses  relations  de  famille,  et  se  mit  à  parcourir  presque  tous 
les  pays  de  l'Europe,  pour  suivre  ses  penchants  naturels.  Il  étu- 
dia à  Padoue  la  médecine  et  la  botanique  ;  à  Bologne  et  à  Lon- 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  299 

dres,  il  apprit  la  chimie  ;  à  Rome,  la  mécanique  et  Toptique  ; 
à  Leyde,  Tanatomie.  Riche  de  toutes  ces  connaissances,  il  se  ren- 
dit à  Witjemberg,  université  alors  très-célèbre,  et  y  obtint  le 
grade  de  docteur  en  médecine.  Dans  le  cours  de  ses  voyages,  il 
visita  les  mines  d'Allemagne,  de  Hongrie,  de  Bohême,  de  Suède, 
recherchant  partout  la  société  des  savants  ;  il  entretenait  des  rap- 
ports intimes  avec  les  hommes  les  plus  illustres  de  son  époque, 
dont  plusieurs  avaient  été  ses  maîtres,  comme  Otto  de  Guérike, 
Boyle,  Celio,  Graaf,  le  célèbre  anatomiste. 

En  1682,  Colbert,  instruit  du  mérite  de  Homberg,  attira  ce 
savant  en  France  par  des  offres  avantageuses.  Homberg  se  fixa  à 
Paris;  mais,  peu  de  temps  après,  il  perdit  son  protecteur.  Aban- 
donné de  ses  parents  et  dénué  de  ressources,  il  accepta  avec  joie. 
le  présent  d'un  lingot  d'or  que  lui  fit  un  alchimiste  de  ses  amis, 
voulant  le  convaincre  de  la  possibilité  de  faire  de  Tor.  Il  en  retira 
400  fr.  Cette  somme  lui  servit  pour  retourner,  en  1685,  à  Rome 
où  il  se  livra,  pour  vivre,  à  Texercice  de  la  médecine.  L'abbé  Bi- 
gnonle  rappela  en  1691  à  Paris,  et  le  fit  nommer  membre  de 
l'Académie  des  sciences.  Un  an  après,  le  duc  d'Orléans,  le  môme 
qui  devint  régent  en  1715,  choisit  Homberg  pour  son  maître  et 
démonstrateur  de  chimie  ;  puis,  en  1717,  il  le  nomma  son  pre- 
mier médecin,  et  attacha  à  cette  fonction  un  traitement  con- 
sidérable. Ce  prince  éclairé  possédait  un  des  plus  beaux 
laboratoires  de  l'Europe  où  il  se  livrait  avec  passion  à  la  chi- 
mie, au  grand  étonnement  d'une  cour  où  l'on  s'occupait  de  toute 
autre  chose  que  de  science.  Chimiste,  dans  la  bouche  des. 
courtisans  d'alors,  était  presque  synonyme]  d'empoisonneur.  Il 
ne  faut  donc  pas  s'étonner  qu'à  la  mort  du  Dauphin  et  de  son 
fils,  on  ait  dirigé  d'injustes  supçons  contre  le  heveu  de  Louis  XIV 
et  son  maître  de  chimie. 

Homberg  épousa,  à  l'âge  de  cinquante- six  ans,  la  fille  du  cé- 
lèbre médecin  Dodart,  et  fut  heureux  de  trouver  dans  sa  com- 
pagne une  sympathie  parfaite  de  caractère  et  de  goût.  M*»®  Hom- 
berg aimait  la  chimie  avec  tant  d'ardeur,  qu'elle  servaità  son  mari 
d'aide  et  de  préparateur.  La  mort  surprit  Homberg  au  milieu  de 
ses  travaux,  à  la  suite  d'une  dyssenterie  chronique.  Il  mourut  en 
1715,  le  24  septembre,  la  même  année  où  son  illustre  élève  prît 
les  rênes  du  gouvernement,  sous  la  minorité  de  Louis  XV. 

<(  Jamais,  dit  son  biographe  et  collègue ,  jamais  on  n'a  eu  des 
mœurs  plus  douces  et' plus  sociables.  Une  philosophie  saine  et 


300  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

paisible  le  disposait  à  recevoir  sans  trouble  les  différents  événe- 
ments de  la  vie.  A  cette  tranquillité  d'âme  tiennent  nécessaire^ 
ment  la  probité  et  la  droiture.  » 

Ces  paroles  de  Fontenelle,  qui  connaissait  Homberg  dans  sa 
vie  intime,  nous  dispensent  de  tout  éloge. 

Trairaux  de  Homberg. 

Homberg  n'a  pas  publié  de  corps- de  doctrines.  Ses  travaux 
ont  été  imprimés  sous  forme  de  mémoires  dans  la  collection  de 
l'Académie  des  sciences,  où  on  pourra  les  lire  à  côté  des  mé- 
moires de  Cassini,  de  Roeirier,  de  Lemcry,  de  Mariotte,  de  Bo- 
relli,  tous  collègues  et  contemporains  de  Homberg. 

Nous  avons  déjà  dît  plus  baut  (1)  que-Homberg  fit  le  premier 
connaître  en  France  la  découverte  du  phosphore,  dont  il  donna, 
d'après  Kunckel,  uire  description  détaillée. 

Homberg  se  mit  aussi,  un  des  premiers,  à  examiner  les  pro- 
priétés de  ce  nouveau  corps.  Il  essaya  de  démontrer  que  la  flamme 
du  phosphore  est  plus  intense  que  celle  du  feu  ordinaire. 

«  Lorsqu'on  s'est  brûlé,  dit-il,  avec  le  phosphore,  l'endroit 
brûlé  de  la  chair  devient  jaune,  dur,  et  creux  comme  un  mor- 
ceau de  corne  que  l'on  aurait  touché  avec  un  fer  rouge  ;  sou- 
vent il  ne  s'y  fait  point  d'ampoule,  comme  il  s'en  fait  aux  autres 
brûlures  ;  et,  quand  on  met  quelque  onguent  sur  la  blessure,  il 
s'en  sépare  une  escarre  deux  ou  trois  jours  après,  comme  si  l'on 
•y  avait  mis  un  caustique  ;  ce  qui  montre  que  la  flamme  du  phos- 
phore est  plus  ardente  que  celle  du  feu  ordinaire...  La  flamme 
dû  phosphore  allumera  toujours  le  camphre ,  qu'on  l'écrase  ou 
qu'on  ne  l'écrase  pas  ;  ce  qui  fait  voir  que  le  camphre  est  bien 
plus  inflammable  que  le  soufre  et  la  poudre  à  canon  (2).  » 

Pour  faire  des  expériences  divertissantes,  l'auteur  recommande 
d'incorporer  le  phosphore  dans  une  pommade,  et  de  s'en  frotter 
le  visage  :  celui-ci  paraîtra  lumineux  dans  l'obscurité. 

Le  phosphore  n'était  point  encore  considéré  comme  un  corps 
simple  :  «  C'était  la  partie  la  plus  grasse  de  l'urine,  concentrée 
dans  une  terre  fort  inflammable  (3)  ». 

(1)  Voy.  pag.l97de  ce  volume. 

(2)  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  t.  X,  p.  110,  30  février  1692. 

(3)  Jbid.,  Mémoire  présenté  le  30  avril  \m?.. 


TROISIEME  EPOQUE..  301 

C'était  une  opinion  généralement  répandue,  que  Ton  pouvait 
retirer  le  phosphore,  en  plus  ou  moins  grande  quantité,  non- 
seulement  de  Turine,  mais  de  la  chair,  des  os,  du  sang,  des 
excréments,  etc.  On  allait  même  jusqu'^  prétendre  en  tirer  des 
poils,  de  la  laine,  des  plumes,  des  ongles,  de  la  cire,  du  sucre  et 
de  la  manne. 

Le  nom  de  phosphore  ou  de  lucifer^  qui  est  la  traduction  litté- 
rale de  cpwç,  lumière,  etvopopoc,  porteur,  était  alors  indistinctement 
appliqué  à  la  pierre  de  Bologne,  à  la  pierre  hermétique  de  fiau- 
douin,  et  au  phosphore  de  Brand  ou  de  Kunckel.  Aussi  Homberg 
divise-t-il  les  phosphores  en  deux  espèces  :  «  La  première  com- 
prend, dit-il,  ceux  qui  luisent  jour  et  nuit,  sans  qu'il  soit  besoin 
de  les  allumer,  pourvu  seulement  qu'on  ne  les  tienne  pas  dans  un 
air  trop  froid,  comme  sont  tous  ceux  que  l'on  fait  d'urine  et  de 
sang  humain  ». 
C'était  là  le  phosphore  proprement  dit. 
«  La  seconde  espèce  renferme  ceux  qui,  pour  paraître  lumi- 
neux, ont  seulement  besoin  d'être  exposés  au  grand  jour,  sans 
qu'il  soit  nécessaire  de  se  mettre  en  peine  si  l'air  dans  lequel  on 
l'expose  est  froid  ou  chaud.  Tels  sont  la  pierre  de  Bologne  et  le 
phosphore  de  Baudouin.  » 

C'est  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  sels  pyrophores, 
substances  que  l'on  paraissait,  dans  l'origine^  confondre  avec  le 
phosphore  véritable. 

A  propos  de  la  préparation  du  phosphore  de  la  première  espèce, 
Homberg  remarque  que  toute  urine  n'est  pas  propre  à  donner  du 
phosphore;  qu'il  faut  qu'elle  provienne  de  personnes  qui  boivent 
delà  bière.  «Tous  les  essais,  dit-il,  qu'on  a  faits  avec  l'urine  de 
vin  ont  manqué  ou  produit  si  peu  d'effet  qu'à  peine 'a-t-on  pu 
s'en  apercevoir.  » 

Cette  observation ,  fort  curieuse,  ne  paraît  pas  dénuée  de 
fondement,  quand  on  songe  que  l'orge,  qui  entre  dans  la  com- 
position de  la  bière,  est,  comme  tous  les  grains  des  céréales, 
riche  en  phosphates,  sels  dont  le  vin  est  presque  entièrement 
dépourvu. 

L'auteur  raconte  que  la  découverte  du  phosphore,  appelé 
phosphore  de  Homberg^  est  due  au  hasard.  Voulant  un  jour  cal- 
ciner un  mélange  de  sel  ammoniac  et  de  chaux  vive,  il  fut  sur- 
pris de  voir  que  ces  deux  substances  produisaient,  en  fondant, 
une  masse  blanche  qui  avait  I9  propriété  de  devenir  lumineuse 


302  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

à  chaque  coup  de  pilon,  a  à  peu  près  comme  quand  on  pile 
du  sucre  dans  un  milieu  obscur,  mais  avec  beaucoup  pins 
d'éclat  » . 

Voici  en  quels  termes  Homberg  enseigne  lui-même  à  préparer 
son  phosphore  :  «  Prenez  une  partie  de  sel  ammoniac  en  pou- 
dre, et  deux  parties  de  chaux  vive  ;  mêlez-les  exactement,  rem- 
plissez-en un  creuset,  et  mettez-le  à  un  petit  feu  de  fonte  (i).  » 
On  voit,  d'après  cela,  que  le  phosphore  de  Homberg  n'était 
autre  chose  que  du  chlorure  de  calcium,  un  des  sels  les  plus  déli- 
quescents. C'est  ce  que  l'auteur  n'ignorait  pas,  quand  il  dit  qu'il 
faut  conserver  ce  produit  dans  un  air  bien  sec ,  à  cause  de  la 
grande  tendance  qu'il  a  de  se  liquéfîer. 

Dans  un  autre  mémoire.  Réflexions  sur  différentes  végéivr 
(ions  métalliques  (2),  il  indique  une  méthode  plus  simple  pour 
faire  l'arbre  de  Diane,  qui  ne  diffère  pas  beaucoup  de  la  méthode 
d'Ëck  de  Sulzbach,  dont  il  ne  paraissait  pas  axoir  eu  connais- 
sance (3). 

Quelque  temps  après  la  découverte  de  son  phosphore,  Hom- 
berg remarqua  aussi  qu'une  lame  de  verre  jette  un  éclat  lumh 
neux  quand  on  vient  à  la  briser  dans  l'obscurité  (4). 

Dans  un  mémoire,  intitulé  Expériences  sur  la  glace  dans  le 
vide,  il  s'attache  à  prouver  que  si  l'eau  augmente  de  volume  en 
se  congelant,  c'est  parce  qu'il  y  a  dans  ses  pores  beaucoup  plus 
d'air  renfermé  que  dans  ceux  de  tout  autre  liquide;  que 
lorsqu'on  fait  congeler  l'eau  dans  le  vide,  et  qu'elle  est  bien  pur- 
gée d'air,  elle  ne  présente  rien  de  particulier  dans  sa  congélation; 
enfin  que  la  glace  formée  dans  le  vide  occupe,  conformément  à 
la  loi  générale,  moins  d'espace  que  n'en  avait  l'eau  avant  d'être 
congelée  (5). 

Ces  expériences ,  elles  conclusions  qu'en  tire  l'auteur,  devaient 
alors  paraître  tout  à  fait  convaincantes. 

Quelques  mois  plus  tard,  le  savant  et  laborieux  académicien 
présenta  un  nouveau  mémoire  sur  VÉvaporation  [de  Veau  dans 

ê 

(1)  Observations  sur  un  nouveau  phosphore;  Mémoire  présenté  à  l'Aca- 
démie le  31  décembre  1G93.  |i^ 

(2)  Mémoire  présenté  àTAcadémie  le  30  nov.  1692. 

(3)  Voy.  plus  haut,  t.  I,  p.  471. 

(4)  Réflexions  sur  l'expérience  des  lames  de  verre,  etc.,  Mém.  présenté  le^^ 
décembre  1692. 

{b)  Mémoire  présenté  à  l'Académie  le  28  février  li9J. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  303 

le  vide  (1).  On  y  lit  que  celte  évaporation  doit  être  attribuée,  non 
pas  à  la  diminution  de  la  pression  de  Pair,  mais  au  mouvement 
de  la  matière  ëthérée,  qui  est  supposée  jouer  un  grand  rôle  dans 
les  phénomènes  de  la  lumière. 

Toutes  ces  expériences  avaient  été  faites  à  Taide  d'une  ma- 
chine 'pneumatique  perfectionnée  par  Homberg  lui-même. 

Mais  les  plus  importants  de  tous  les  mémoires  sont  ceux  qui 
traitent  de  la  saturation  des  acides  par  les  alcalis ^  et  vice  versa. 
On  y  trouve  les  premiers  indices  de  la  loi  des  proportions  défi- 
niesj  dans  lesquelles  s'effectue  la  combinaison  des  acides  et  des 
bases.  «  La  force  des  acides,  dit  l'auteur,  consiste  à  pouvoir  dis- 
soudre ;  celle  des  alcalis  consiste  à  Otre  dissolubles  ;  et  plus  ils 
le  sont,  plus  ils  sont  parfaits  dans  leur  genre.  » 

Substituez  aux  mots  dissoudre  et  dissolubles  ceux  de  neutraliser 
et  neutralisables,  et  vous  aurez  la  définition  des  acides  et  des 
bases,  telle  qu'on  la  donne  aujourd'hui  (2). 

Pour  démontrer  que  le  même  alcali  se  combine  dans  des  pro- 
portions différentes  avec  des  acides  différents^  il  traitait  une 
quantité  déterminée  (une  once)  de  sel  détartre  calciné  (po- 
tasse) avec  de  l'esprit  de  nitre  en  excès  (  acide  nitrique  con* 
centré).  Après  avoir  fait  évaporer  la  liqueur  jusqu'à  siccité,  il 
pesait  le  résidu;  l'augmentation  du  poids  du  sel  indiquait  la 
gwmiité  dacide  absorbée, 

Homberg  avait  ainsi  dressé  une  table  des  différentes  propor- 
tions d'acides  volatils  (  susceptibles  d'être  chassés  par  l'évapora- 
tion),  se  combinant  avec  la  même  quantité  de  base  (3). 

Dans  un  second  mémoire,  il  revient  sur  le  même  sujet,  et  s'at- 
tache à  démontrer  que  la  quantité  d'un  acide  que  prend  un 
alcali  est  la  mesure  de  la  force  passive  de  cet  alcali.  Ce  sont  là  les 
propres  termes  de  l'auteur. 

£^fin  il  fait  voir,  dans  ce  même  travail,  que  la  chaux  éteinte 
(carbonatée)  dissout  la  même  quantité  d'acide  que  la  chaux 
vive.  Cette  expérience  lui  servait  d'argument  pour  renverser  la 
théorie  de.  quelques  chimistes,  d'après  laquelle  la  chaux  devait 
perdre  sa  force  alcaline  par  la  calcination. 

Dans  une  notice  Sur  les  huiles  des  plantes^  l'auteur  signale 


(1)  Mémoire  présenté  à  l'Académie  le  15  mai  1693. 

(2)  Mémoire  présenté  à  PAcadémie  le  20  février  1700. 

(3)  Mémoire  présenté  à  TAcadémie  le  29  avril  1699. 


304  HISTOIRE  bë  la  chimie. 

rimperfeclion  des  procédés  employés  par  les  distillateurs  et  les 
pharmaciens  dans  la  préparation  des  essences.  li  dit  que,  pour 
retirer  des  plantes,  par  exemple,  des  roses,  toute  leur  huile  es- 
sentielle, il  faut  les  laisser  macérer  pendant  quinze  jours  dans  de 
Peau  acidulée  avec  de  Tesprit  de  vitriol  (1). 

Leduc  d'Orléans,  qui  prenait  jun  si  vif  intérêt  aux  progrès  de 
la  chimie,  encouragea  généreusement  les  travaux  de  Homberg. 
Il  lui  acheta,  entre  autres^  une  lentille  ardente,  de  trois  pieds  de 
diamètre,  sortant  des  ateliers  du  célèbre  Tschirnhausen  ;  elle  de- 
vait servir  à  faire  des  expériences  syr  la  fusibilité  et  la  volatilité 
des  métaux  (2). 

Le  nombre  des  mémoires  que  Homberg  a  présentés  àl'Aca*. 
demie,  depuis  son  entrée  dans  cette  société  savante  jusque  Té- 
poque  de  sa  mort,  est  prodigieux.  La  chimie,  la  zooJogie,  la 
physiologie  botanique,  la  physique,  Toccupaient  tour  à  tour. 
Homberg  .et  Gassini  furent  les  membres  les  plus  actifs  de  l'A- 
cadémie des  sciences. 

(i)  Mémoire  présenté  le  28  août  1700. 

(2)  ObservoAions  faites  par  le  moyen  d'un  verre  ardent.  Mémoire  présenté 
àrAcadémiecn  1702. 


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TROISIÈME  EPOQUE.  305 


CHIMIE  MÉTALLURGIQUE 


On  voit,  pendant  le  xvii"  siècle,  très-peu  de  chimistes  cul- 
tiver la  métallurgie  d'une  manière  spéciale  ;  la  plupart  se  con- 
tentaient de  suivre  les  traces  d'AgricoIa  et  de  Biringuccio.  Le  seul 
qui  mérite  une  mention  particulière  est  un  Espagnol,  A.  Barba, 
ancien  curé  de  Potosi. 

§22. 
Alonso  Barba. 

A.  Barba  est  un  des  meilleurs  métallurgistes  espagnols.  Il  nous 
a  laissé  les  détails  les  plus  complets  sur  l'état  des  mines  du  Pé- 
rou au  commencement  du  xyii"  siècle.  Les  renseignements  qu'il 
donne  ont  été  recueillis  sur  les  lieux  mêmes.  Barba  fut,  pendant 
plusieurs  années,  curé  de  Potosi;  mais  ses  fonctions  ecclésiastiques 
neTempêchèrentpas  de  se  livrer  lui-même  avec  succès  aux  études 
métallurgiques,  dans  lesquelles  il  fit  de  rapides  progrès.  L'ou- 
vrage qu'il  publia,  en  1640  a  pour  titre  :  El  arte  de  los  metales, 
^^  que  se  enseûa  el  verdadero  bénéficia  de  los  de  oro  y  plata;  Ma- 
drid, in-^"  (1).  L'auteur  déclare  lui-môme  avoirécrit  cet  ouvrage 
pour  les  mineurs,  par  ordre  du  gouverneur  de  la  province  du 
Pérou  (2). 

On  y  trouve  d.'excellents  préceptes,  concernant  l'exploration  et 
J*essai  des  mines.  L'expérience,  dit  Barba,  nous  fait  voir  que 
toutes  les  mines,  découvertes  jusqu'à  présent  au  Pérou,  sont  d'une 
Couleur  différente  de  celle  des  autres  terres.  C'est  ce  qui  frappe- 
Ci)  L'édition  espagnole  a  été  réimprimée  en  1729.  —  L'ouvrage  de  Barba  fut 
^ïîàduit  en  anglais  par  le  comte  de  Sandwich,  Londres,  1674,  in-S"  ;  et  en  français 
(dédié  à  Grassin,  directeur  général  des  monnaies  de  France);  Paris,  1751,  2 
^ol.  in-8®.  n  en  existe  aussi  une  traduction  allemande,  sous  le  titre  de  Berg- 
^UcMein,  darinnen  von  der  Meiallen  und  Mineralien  Génération  und  Urs- 
P^^ng,-^  gehandelt  uJtrd /Hamburg,  1676;  Francf.,  1726;  1739,  Vienne,  1749. 
(2)  El  arte  de  los  mêlâtes^  etc.,  c.  xvi. 

HIST.  DE  LA  CBIMIB.  —  T.   II.  20 


306  -  HISTOIBE  DE  LA  CHIMIE. 

même  ceux  qui  s'y  connaissent  le  moins.  Il  n'y  a  cependant  point 
de  règle  certaine  pour  connaître  l'espèce  de  métal  que  renferme 
une  mine  par  le  seul  aspect  de  sa  couleur  ;  il  faut  nécessaire- 
ment recourir  à  l'analyse.  Potosi  et  les  autres  montagnes  des 
provinces  où  il  y  a  des  mines  d'argent  sont  ordinairement 
jaunes  comme  le  froment  mûr.  Les  éftiinences  de  Scapi ,  de  Pe- 
reyra,  de  Lipas,  qui  donnent  du  cuivre,  sont  de  la  même  cou- 
leur (1). 

Les  mines  d'argent  les  plus  riches  se  rencontraient  dans  le  dis- 
trict de  Gharcas.  Tout  ce  pays  n'était,  selon  Barba,  pour  ainsi 
dire,  qu'une  vaste  mine.  «  On  a  découvert,  dit-il,  jusqu'à  pré- 
sent plus  de  quarante-sept  mines,  et  on  a  des  indices  certains 
de  plusieurs  autres  très-riches;  mais  les  naturels  du  pays  font 
tous  leurs  efforts  pour  les  cacher. 

a  Toutes  les  mines,  ajoute-t-il^  qu'on  travaille  actuellement  aa 
Pérou  ont  été  trouvées  et  essayées  par  les  Espagnols.  On  n'a  jamais 
pu  découvrir  aucune  mine  d'argent  qui  eûtétéexpk)itée  ancien- 
nement par  les  Indiens.  Quand  on  a  voulu  forcer  les  naturels  du 
pays  à  les  montrer,  il  se  sont  tués  eux-mêmes.  On  est  cependant 
assuré  qu'ils  avaient  autrefois  des  mines  d'argent  très-abon- 
dantes. CShaque  petit  canton,  du  temps  des  InSas^  avait  sa  mine 
particulière.  On  trouve  dans  les  rues  de  leurs  bourgades,  et  dans 
les  murailles  de  leurs  maisons,  du  métal  de  bon  aloi.  Quand  je 
vins  prendre  possession  de  mon  presbytère,  les  rues  de  Borogoi 
étaient  parsemées  d'un  minerai  très-riche;  je  le  recueillis,  et  en 
fis  mon  profit.  Les  Indiens  m'apportaient  souvent  des  minerais 
d'argent  qu'ils  tiraient  de  mines  inconnues  aux  Espagnols  (2).  » 

C'est  ce  mystère,  dont  les  indigènes -semblaient  envelopper 
leurs  richesses,  qui  stimulait  au  plus  haut  degré  la  cupidité  fé- 
roce des  Espagnols. 

Tout  entier  à  l'exploitation  des  mines  d'or  et  d'argent,  on  né- 
gligeait complètement  celle  des  mines  de  cuivre,  de  plomb,  de 
fer,  etc.,  dont  le  Pérou  abondait  plus  qu'aucun  autre  pays.  On 
faisait  venir  de  l'Europe  le  fer,  la  couperose,  l'alun  et  les  autres 
matières  qui  se  consommaient  au  Pérou,  pendant  que  ce  pays 
aurait  pu,  selon  l'aveu  même  de  Barba,  en  fournir  suffisamment 
à  tout  l'univers. 


(1)  El  arte  de  los  metales,  liv.  I,  c.  xxiv. 

(2)  Ibid.,  liv.  I,  c.  ixyiir. 


TROISIEME  EPOQUE.  307 

«  On  connaît  quatre  mines  de  fer  dans  le  district  de  Gharcas. 
On  les  néglige,  pour  ne  s'attacher  qu'à  l'argent.  Les  pierres  des 
minemis  de  fer  sont  aussi  dures  et  aussi  pesantes  que  nos  balles. 
Les  Indiens  en  mettaient  dans  leurs  frondes ,  qui  étaient  an- 
ciennement leurs  principales  armes;  c^est  l'unique  usage  qu'ils 
faisaient  du  fer.  (1)  d 

Ce  minerai  paraissait  être  du  fer  presque  pur.  C'est  proba- 
blement de  ces  globes  de  fer  natif  dont  on  avait  <C0naats«anee 
dans  l'antiquité ,  et  qui  servaient  quelquefois  de  prix  dans  les 
jeux  des  héros  de  la  Grèce. 

Presque  toutes  les  mines  d'argent ,  au  Pérou  comme  ailleurs^ 
contiennent  du  plomb .  «  A  Sibicos,  près  de  Potosi,  il  y  a  une 
mine  de ,  plomb  qui  contient  un  peu  d^argent.  On  ne  peut  pas 
traiter  par  le  mercure  les  mines  de  plomb  argentifère;  il  les  faut 
travailler  par  la  fonte;  :  c'est  pourquoi  on  tire  si  peu  de  pro^fit  de 
la  riche  mine  d'Andecaba  (2).  » 

Les  mines  d'étain  sont  assez  rares  au  Pérou;  3  y  en  avait  «ce- 
pendant cinq  dans  le  district  de  Gharcas;  l'une  d'elles  avait  lété 
exploitée  du  ternps  des  Incas  (3). 

Les  mines  d'argent  du  Pérou  ont  consommé  des  quantités  pp^ 
digieuses  de  mercure ,  depuis  l'adoption  du  procédé  d'amalga- 
mation. Ge  procédé  offrait  de  grands  avantages  à  Côté  de  -grands 
inconvénients;  ceux-ci  venaient  principalement  de  la  petite 
considérable  du  mercure  dont  le  prix  allait  en  augment£^nt 
Barba  fournit  là-dessus  des'  documents  Curieux. 

«  L'usage  du  mercure,  dit-il,  était  rare,  et  on  en  consommait 
peu  avant  ce  siècle  d'argent.  On  ne  s'en  servait  qu'en  des  compo- 
sitions pharmaceutiques  dont  on  pouvait  très-bien  se  passer, 
telles  que  le  sublimé,  le  cinabre,  le  précipité  rouge,  etc.  Mais,  de- 
puis que  par  le  moyen  du  mercure  on  sépare  l'argent  des  mine- 
rais moulus  en  farine,  la  quantité  de  ce  métal  qu'on  emploie  à 
cette  opération  est  presque  incroyable.  Si  l'argent  qu'on  a  tiré 
des  mines  du  Pérou  a  rempli  l'univers  de  richesses,  on  a  perdu 
ou  employé  du  moins  une  fois  autant  de  mercure;  de  telle  façon 
qu'encore  aujourd'hui  (vers  l'année  1610)  celui  qui  travaille  le 
mieux  consomme  le  double  de  mercure  de  ce  qu'il  peut  tirer 
d'argent,  et  il  est  rare  qu'il  ne  s'en  perde  pas  davantage.  On  a 

(i)  El  arte  de  los  metales,  etc.,  c.  xxx. 

(2)  Ibid»,  c.  XXXI. 

(3)  Ibid.,    liv.  I,  c.  XXXII. 

20. 


308  HISTOIRE  DE  LA  CUIMIE. 

commencé  àPotosi,  eni574^  à  se  servir  da  procédé  d'amalgama- 
tion; et  jusqu'à  présent  on  a  porté  aux  caisses  royales  de  cette 
ville,  pour  le  compte  du  l*oi  d'Espagne,  plus  de  204,700  quintaux 
de  mercure,  sanscompterce  qui  estentré  par  d'autresvoies(1).9 
«  Cette  quantité  de  mercure  fut  consommée  dans  l'espace  d'en« 
viron  trente-cinq  ans,  depuis  4574  jusqu'à  1609.  A  cette  époque 
Barba  résidait,  ainsi  qu'il  nous  l'apprend  lui-même,  dans  la  pro- 
vince de  Gharcas,  à  huit  lieues  de  la  ville  de  la  Plata  (2). 

L'auteur  se  plaint  de  l'ignorance  des  ingénieurs  employés  aux 
travaux  des  mines ,  ainsi  que  de  l'insuffisance  du  procédé 
mercuriel.  «  Ces  deux  articles ,  s'écrie-il  avec  amertume,  nous 
ont  fait  perdre  bien  des  millions,  et  on  peut  dire,sans  exagération, 
que  ce  qu'on  perd  en  ce  pays-ci  par  ignorance  et  par  une  négli- 
gence très-blâmable  suffirait  pour  enrichir  bien  d'autres 
royaumes.  Le  gouvernement  devrait  y  pourvoir  (3).  » 

Barba  prêchait  dans  le  désert.  Le  gouvernement  espagnol,  au 
lieu  de  porter  son  activité  vers  le  nouveau  monde,  aimait  mieux 
attiser  en  France  le  brandon  de  la  guerre  civile,  et  y  perdre  sa 
puissance  et  son  argent. 

Si  les  mines  du  Pérou  avaient  alors  quelque  splendeur,  c'est 
en  grande  partie  aux  sages  conseils  de  Barba  que  les  Espagnols 
le  devaient. 

((  La  plus  exacte  probité,  dit-il,  ne  suffît  point  au  métallurgiste, 
s'il  manque  des  connaissances  nécessaires.  Il  faut  qu'il  examine 
bien  les  minerais,  leurs  qualités  et  leurs  caractères  distinctifs; 
qu'il  sache  distinguer  ceux  qui  sont  propres  à  être  travaillés  par 
le  mercure,  de  ceux  qui  exigent  l'emploi  direct  du  feu.  On  ne 
doit  point  donner  cet  emploi  au  premier  venu  qui  ne  sache  faire 
un  essai  en  petit ,  par  le  feu ,  de  toute  la  farine  qjie  contient  le 
ccujcon  avant  d'y  incorporer  le  mercure,  afin  de  s'assurer  au  juste 
combien  le  caxon  contient  d'argent  (4).  L'ignorance  en  ce  point 
a  coûté  et  coûte  encore  tous  les  jours  des  sommes  considérables 
à  ce  royaume.  » 

L'auteur  rapporte  ici  deuxfaitsqui  se  passèrent  sous  ses  yeux. 

(\)  El  arte  de  los  metales,  etc.,  c.  xxxit. 
(2)  ïbid.,  liv.  III,  c.  I. 
(3)/Wd.,  liv.  II,  c.  I. 

(4)  On  appelle  caxon  un  no.nbre  indéterminé  de  quintaux  .de  minerais  mou- 
lus et  tamisés,  qu'on  met  dans  uie  espace  d'auge  pour  les  traiter  par  le  mer- 
'ire. 


\ 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  3d9 

«(  Peu  d'années  avant  que  je  fusse  au  pays  de  Lipas,  un  mineur 
avait  travaillé  à  un  filon  d'où  il  avait  tiré  des  minerais  très-riches; 
mais  il  en  ignorait  lui-même  la  richesse'.  Il  en  fit  l'essai  par  le 
mercure,à  quatreoucinq  cents  écus  par  quintal,et  traita  les  mine- 
rais selon  ce  calcul  ;  mais  il  ne  tarda  pas  à  abandonner  cetle  mine, 
parce-qu'il  n'en  tirait  aucun  profit.  Un  Indien  me  la  montra  ;  j'en 
fis  l'essai  par  le  feu  :  le  minerai  donnait  neuf  cei)its  écus  par 
quintal,  au  lieu  de  quatre  ou  cinq  cents  qu'il  donnait  par  la  mé- 
thode ordinaire  du  mercure.  Je  fis  juridiquement  ma  déclaration 
de  lamine,  que  j'indiquai  sous  le  nom  de  Notre-Dame  de  Be- 
gona.  Aussitôt  on  y  éleva  des  travaux ,  et  on  a  depuis  découvert, 
dans  ce  même  endroit ,  plusieurs  autres  filons  qui  ont  donné  des 
quantités  considérables  d'argent. 

«  AVerenzuelade  Pacages,  sur  la  colline  de  Santa-Juana,  on 
avait  rencontré  des  minerais  semblables  aux  sarroches  (  galènes 
ai^entifères),  qui,  par  l'essai  ordinaire  du  mercure,  donnaient 
très-peu  d'argent.  Les  mineurs  les  rejetaient  comme  inutiles, 
jusqu'à  ce  qu'un  prêtre  de  mes  amis  m'en  envoya  un  échantillon 
àOruro,  où  je  me  trouvais  alors.  J'en  fis  l'essai  par  le  feu,  et  j'en 
constatai  une  richesse  de  soixante  écus  par  quintal.  Le  bon  prêtre, 
sur  mon  avis,  ramassa  quantité  de  ces  minerais.  Les  mineurs, 
qui  d'abord  se  moquaient  de  lui,  quelque  temps  après  lui  por- 
tèrent envie,  à  cause  des  richesses  qu'il  en  avait  tirées  (1).  » 

«  Les  mineurs  espagnols  réduisent  les  minerais  d'argent  à  trois 
espèces;  ils  appellent  pacos  (rouge),  tantôt  des  mineraisd'un  rouge 
plus  ou  moins  foncé;  tantôt,  comme  àVerenzuelade  Pacages,  des 
minerais  verts  cuprifères;  tantôt,  comme  dans  la  province  de 
Charcas,  des  minerais  qui  ne  se  distinguent  par  aucune  couleur 
particulière.  Les  negrillos  sont  des  minerais  remarquables  par  leur 
brillant  et  leur  couleur  plus  ou  moins  noire.  Les  mulatos,  d'ail- 
leurs assez  mal  définis ,  tiennent  à  peu  près  le  milieu  entre  les 
pacos  et  les  negrillos  (2).  » 

Barba,  qui  s'intéressait  vivement  à  l'exploitation  des  mines  de 
Potosi,  attribue  la  perle  du  mercure,  dans  l'emploi  du  procédé 
d'amalgamation,  à  la  construction  défectueuse  des  appareils  dans 
lesquels  on  chauffait  les  joma^  ;  c'est  ainsi  qu'on  appelait  des  masses 
d'argent  de  forme  pyramidale,  contenant  encore  une  quantité  no- 
table .de  mercure  qui  n'avait  pas  passé  par  les  pores  des  toiles. 

(1)  El  arte  de  los  melales^  etc.,  liv.  II,  c.  m. 

(2)  Ihid,,  c.  II. 


3tÙ  .  HISTOIRE  SE  LA  CHIMIE 

((  L'argile  qu'on  emploie^  dit  l'auteur,  pour  faire  les  vases  dans 
lesquels  on  chauffe  ces  pinas,  est  ^très-poreuse  :  l'eau  transpire 
au  travers  (i)»  n  n'est  donc  pas  étonnant  que  la  vapeur  mercu* 
rielle  passe  au  travers  de  ces  pores  et  se  perde.  Qu'on  fasse  les 
cucurbites  et  leurs  chapiteaux  avec  la  terre  grasse  qui  sert  à  la 
fabrication  des  creusets,  l'inconvénient  cessera^  et  on  aura  des 
vaisseaux  qui  dureront  longtemps,  s'ils  ne  sont  cassés  par  acci- 
dent  Il  importe  aussi  de  vernir  les  chapiteaux  en  dedans,  mais 

non  pas  les  corps  des  cucurbites,  parce  que  la  violence  du  feu 
ferait  fondre  l'émail  vitreux  (2).  »  i 

L'eau-forte,  dont  l'usage  avait  étégardé  jusqu'alors  comme  un 
secret ,  devait  servir  avantageusement  au  Pérou  dans  l'affinage 
des  matières  d'or  et  d'argent;  mais  la  manière  coûteuse  dont  on 
préparait  cet  acide ,  et  son  emploi  défectueux ,  ne  permettaient 
pas  d'en  retirer  de  grands  bénéfices.  Tout  allait  bien,  tant  que  les 
Espagnols  n'avaient,  pour  parler  ainsi ,  qu'à  se  baisser  pour 
ramasser  l'or  et  l'argent  natifs ,  ou,  —  ce  qui  plaisait  encore 
davantage  à  ces  paresseux  hidalgos,  —  qu'à  torturer  les  indi- 
gènes pour  teur  faire  apporter  leur  métal;  mais,  dès  qu'il  fal- 
lut Kiettre  la  main  à  l'œuvre,  fouiller  dans  les  entrailles  du  sol  pour 
en  arracher  les  trésors  cachés,  faire  preuve  d'intelligence,  il  n'y 
eut  plus  d'Eldorado;  l'Amérique  devint,  pour  ces  indignes  exploi- 
tants, une  terre  maudite. 

Seize  ans  avant  A.  Barba,  A.  Garillo  avait  publié  un  traité  sur 
les  Mines  de  l'Espagne  {3).  L'auteur,  qui  est  loin  de  posséder  les 
eonnaissances  métallurgiques  de  Barba,  ne  fait  qu'un  vain  éta- 
lage d'érudition  concernant  les  mines  de  l'Ibérie  à  l'époque 
des  Romains,  et  il  néglige  complètement  ce  qui  pourrait  ici  nous 
^*4re88er  le  plus,  à  savoir,  la  description  de  l'état  des  mines  de 
>n8  :  «  Il  faut  avouer,  dit-il,  que  nos  rois,  dans  les  longues 
lent  l'Espagne  fut  agitée ,  négligèrent  trop  l'utile  res- 
16  les  mines  leur  offraient  de  toutes  parts  ;  ce  fut  l'im- 

VBses  de  terre  qui  laissent  suinter  l'eau  à  trarers  leurs  pores,  et  qui, 
de  FéT^wration,  la  conserrent  ainsi  fraîche  en  été  (alcarazas),  sont 
jmnans  en  Espagne  et  en  Egypte.  On  s'imaginait  anciennement  qu'on 
(  se  serrir  de  ce  moyen  pour  dessaler  Teau  de  mer  et  la  rendre  potable. 
tilartede  ia$ metales,  etc.,  liy.  Il,  c.  xxiii. 
,  /  Las  minas  de  Espana;  Cordova,  1624,  in-8^.  —  Trad.  en  français,  im- 
jiaé  dus  le  1. 1  de  la  Métallurgie  de  Barba,  p.  407. 


TAÔISliME  ÉPOQUE.  311 

puissanceoù  ils  étaient  d'entretenir  toujours  une  armée  sur  pied , 
qui  fit  durer  si  longtemps  ces  guerres.  A  peine  furent-elles  ter- 
minées ,  qu'on  découvrit  le  nouveau  monde  ;  la  nouveauté  et  le 
désir  de  s'enrichir  entraînèrent  la  multitude  dans  ces  régions  éloi- 
gnées. L'Espagne  resta  dépeuplée  et  déserte  ;  ses  mines ,  ense- 
velies dans  Poubli,  semblent  aujourd'hui  nous  reprocher  d'aller 
aux  extrémités  du  monde,  au  prix  de  mille  dangers,  chercher 
ce  que  nous  avons  sous  nos  pas.  » 

Carillo  n'indique  pas  toutes  les  causes  qui  firent  négliger  les 
richesses  du  sol  de  la  presqu'île  Ibérique.  La  fainéantise  mona- 
cale et  le  fanatisme  religieux  contribuèrent  particulièrement  à  la 
décadence  de  l'Espagne. 

Durant  toute  la  période  du  xvii*  siècle,  il  ne  parut  aucun  ou- 
vrage important  sur  la  métallurgie.  F.  de  Gàstillo  (1),  un  ano- 
nyme (i),  01.  BoRRiCHius(3),  Della  Fretta  Montalbano  (4),  Chlu- 
Tiivus  (5),  et  plusieurs  autres ,  n'ont  à  peu  près  rien  ajouté  aux 
travaux  d'Âgricola  et  de  Biringuccio,  qu'ils  avaient  tous  pris 
peur  modèles. 

§23. 
État  des  mines  au  ILTll*  sièele. 

Henri  IV  encouragea  en  France  la  métallurgie  par  les  ordon- 
nances de  1601  et  1603,  d'après  lesquelles  le  salaire  des  officiers 
employés  aux  mines  devait  être  augmenté.  Dès  l'aniiée  1600,  ce 
roi  avait  chargé  Malus,  maître  de  la  monnaie  de  Bordeaux,  de  lui 
présenter  un  rapport  détaillé  sur  l'état  des  mines  dans  les  Pyré- 
néesfll  résulte  de  ce  rapport  que  les  montagnes  de  Foix,  de  Com- 
minges,  de  Couzerans,  de  Saint-Pau,  de  Béarn  et  de  Bigorre, 
étaient  très-riches  en  minerais  d'argent,  d'or,  de  plomb ,  de 
fer,  etc..  Mais  Henri  IV  fut,  par  des  événements  imprévus,  dé- 
tourné de  ses  desseins  concernant  l'exploitation  des  mines  des 


(1)  Tractado  de  ensey adores;  Madrid,  1623,  in-8°. 

(2)  Probirbuchlein  (  livre  des  essayeurs  );  Francf.,  1608,  in-8°. 

(3)  Docimastice  metallica  clare  et  compendiarie  tradita  ;  1677,  m-4'*. 

(4)  Catoscopia  minérale,  o  vero  modo  di  far  saggio  d'ogni  mimera  metal- 
lica; Bologne,  1676  m-4°. 

(5)  De  metalUs;  Wittenberg,  1666. 


312  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Pyrénées.  Ces  mines  furent  enlièrement  abandonnées  après  la 
mort  du  roi. 

Le  mémoire  du  [maître  des  monnaies  de  Bordeaux  sur  les 
mines  des  Pyrénées  fut  publié,  en  1632,  par  le  fils  de  Malus, 
qui  l'accompagna  de  réflexions  économiques   fort  curieuses. 
«  Tous  les  ans,  dit-il,  il  part  de  la  Gascogne,  de  la  Biscaye  et  des 
provinces  voisines,  beaucoup  d'hommes,  plus  de  dix  mille,  qui 
vont  en  Espagne  faire  le  labeur  et  autre  œuvre  pénible  de  cette 
nation  arrogante  et  paresseuse,  au  lieu  des  Morisques,  cy-devant 
habitants  de  la  Grenade,  qu'ils  ont  chassez;  car,  si  Sa  Majesté 
(Louis XIII)  les  retenoit  pour  le  mesme  salaire  qu'ils  reçoivent 
des  Espagnols,  et  les  faisoit  travailler  à  ses  mines ,  elle  en  reti* 
reroit  les  richesses,  et  d'autre  part  elle  affameroit  ses  voisins 
peu  affectionnez  ou  plustost  de  toujours  et  à  toujours  ennemis, 
et  les  ruineroit  plus  par  ce  moyen  juste  et  légitime  que  si  elle 
gagnoit  dix  batailles  sur  eux.  JËt  puis,  outre  ces  volontaires,  dont 
la  France  est  toujours  assez  abondante,  qui  empeschera  que  l'on 
y  conduise  les  vagabonds  et  les  vicieux,  voire  mesme  les  mutilez 
en  quelques-uns  de  leurs  membres?  Celui  qui  n'aura  pas  de 
jambes,  avec  les  mains  peut  bien  tirer  les  mines  que  l'on  luy 
mettra  devant;  et  celui  qui  n'aura  qu'un  bras  et  une  main,  ne 
pourra-t-il  pas  manier  la  manivelle  de  quelque  instrument  de 
rouage;  comme  aussi  ceux  qui  n'auront  que  des  jambes,  d'ailleurs 
valides ,  ne  pourront-ils  pas  entrer  dedans  des  roues  appliquées 
à  des  machines  pour  les  faire  mouvoir?  Car,  maintenant  plus 
riches  en  inventions  des  machines ,  soit  pour  tirer  les  eaux  que 
pour  les  autres  travaux,  ne  pourrons-nous  pas  facilement  mettre 
un  chacun  en  besogne  et  faire  travailler  utilement?  Aussi  bien, 
quelque  part  qu'ils  soient,  la  France  les  nourrit  ;  ils  ne  despen- 
dront pas  davantage  de  vivre  là  qu'ailleurs  (2).  »  * 

Ce  fut  vers  ce  temps  que  vint  en  France  la  baronne  de  Beau- 
soleil,  fameuse  aventurière  qui  promettait  au  cardinal  de  Richelieu 
de  rendre  le  roi  de  France  le  monarque  le  plus  riche  de  la  chré- 
tienté. Elle  fit  paraître  deux  mémoires,  dont  l'un,  intitulé  : 
Véritable  déclaration  faite  au  roy  et  nosseigneurs  de  son  conseil, 
des  riches  et  inestimables  thrésors  nouvellement  découverts  dans  le 
royaume  de  France,  était  dédié  à  Louis XIII,  —  l'autre  adressé  au 

(1)  Avis  (les  riches  mines  d'or  et  d'argent,  et  de  toutes  espèces  de  métaux  et 
minéraux  des  monts  Pyrénées ,  par  le  sieur  de  Malus;  1632,  in-4**.  Imprimé  dans 
le  t.  II  de  la  Métallurgie  d'Al.  Barba;  Paris,  1751,  in-12,  p.  3. 


TROISIÈME  EPOQUE.  "         313 

cardinal  duc  de  Richelieu  :  La  restitufiondePluton;  œuvre  auquel 
il  est  amplement  traité  des  mines  et  minerais  de  Fraiice ,  cachés  et 
détenus  jusqu'à  présent  au  ventre  de  ia  terre,  par  le  moyen  des- 
quelles les  finances  de  Sa  Majesté  seront  beaucoup  plus  grandes  que 
celles  de  tous  les  princes  chrétiens,  et  ses  sujets  les  plus  heureux  de 
tous  lespeuples. 

Il  va  sans  dire  que  Richelieu  ne  prêta  pas  Toreille  aux  pro- 
positions de  la  baronne  de  Beausoleil  et  de  son  mari,  qui  pré- 
tendaient avoir   dépeijsé  des  sommes  énornies   pour  la    re- 
cherche des  mines  du  royaume,  et  demandaient  avec  instance  le 
remboursement  de  leurs  frais,  sinon  la  réalisation  de  leurs  pro- 
jets. «  Je  ne  suis  pas  venue  en  France,  dit  la  baronne ,  pour  y 
Ëdre  mon  apprentissage,  ou  contrainte  par  la  nécessité;  mais 
étant  parvenue  à  la  perfection  de  mon  art,  et  désirée  par  le  feu 
roy  Henry  le  Grand,  d*heureuse  mémoire,  et  mandée  et  sollicitée 
desapart-par  le  feu  sieur  de  Beringhen ,  nous  y  sommes  arri- 
vez, moy  et  mon  mari,  pour  y  faire  voir  ce  que  jamais  on  n'y  a 
veu;  et  ayant  au  préalable  pris  licence,  permission,  passeport 
et  congé  de  sa  Sacrée  Majesté  (rempereur  d'Autriche  ) ,  avons 
bien  voulu  obliger  les  François  en  cela,  et  montrer  aux  étran- 
gers que  la  France    n'est  pas   despourvue  de  mines  et  mi- 
nières (i).  » 

Ces  paroles  seules  auraient  dû  suffire  pour  mettre  en  doute  la 
probité  de  ces  deux  industriels ,  qui  se  vantaient  d'avoir  dirigé 
l'exploitation  des  mines  de  la  Hongrie,  des  États  du  pape,  et  du 
Pérou. 

Dans  ce  même  mémoire,  la  baronne  raconte  sérieusement 
qu'elle  a  vu,  entre  autres,  dans  les  mines  de  Neusolet  deChem- 
nitz,  en  Hongrie,  à  quatre  ou  cinq  cents  toises  de  profondeur,  «de 
petits  nains,  delà  hauteur  de  trois  ou  quatre  paulmes,  vieux,  et 
vestus  comme  ceux  qui  travaillent  aux  mines,  à  savoir  d'un  vieil 
robon  et  d'un  tablier  de  cuir  qui  leur  prend  au  fort  du  corps, 
d'un  habit  blanc  avec  un  capuchon,  une  lampe  et  un  baston  à  la 
main,  spectres  espouvantables  à  ceux  que  l'expérience  dans  la 
descente  des  mines  n'a  pas  encore  assurez.  » 

Après  avoir  énuméré  les  mines,  découvertes  en  grande  partie 
à  l'aide  du  compas  minéral  et  delà  baguelte  de  coudrier,  la  ba- 
ronne de  Beausoleil  se  résume  en  ces  termes  :  a  Nous  deman- 

« 

(1)  Restitution  de  Pluton  (  Métallurgie  d'A.  Barba,  tom.  II,  page  60). 


314  BISTOIRE  DE  LA  CHDItE. 

dons,  moi  et  mon  mari,  seulement  la  seureté  des  biens  que  nôas 
avons  employés,  et  des  deniers  que  nous  avons  dépensés  et  que 
nous  employerons  et  despenserons  cy-après,  pour  remplir  yos 
coffres  de  thrésors  et  de  finances,  pour  enrichir  vos  sujets,  ou- 
vrant dans  vos  provinces  des  fontaines  qui  jetteront  Tor  et  l'ar- 
gent gros  comme  le  bras,  et  le  tout  par  des  moyens  aussi 
justes  et  innocents  que  Tinnocence  même  (1).  » 

Le  rejet  de  la  requête  deBeausoleil  donna  lieu  à  des  réclama- 
tions et  à  des  procès  qui  eurent  un  grancLretentissement,  et  daos 
lesquels  de  hauts  personnages  furent  impliqués. 

Golbert,  le  grand  ministre  de  Louis  XIY,  n'eut  garde  de  négliger 
les  richesses  métallurgiques  de  la  France.  Il  nomma  des  hommes 
capables,  Glerville  et  César  d'Arçons ,  à  la  direction  générale 
des  mines  du  royaume  (2). 

Le  roi  avait,  en  1640,  accordé  au  général  d'Ërlach  le  privilège 
des  forges  de  l'Alsace,  à  la  condition  de  fournir  gratuitement  un 
certain  nombre  de  bombes,  de  balles  et  de  grenades  (3). 

Dans  les  années  1648  et  1649  ^  on  exploita  avec  beaucoup  de 
profit  les  mines  d'argent  et  d'or,  situées  dans  le  Val  Grésivaudan 
en  Dauphiné. 

En  1667,  on  compta  quarante-quatre  forges  dans  les  seuls  dis- 
tricts deFoix,  de  Couzerans  et  de  Mirepoix,  aux  Pyrénées  (4). 

L'exploitation  des  mines  était  bien  loin  d'être  en  voie  de  pros- 
périté dans  les  pays  germaniques.  La  guerre  de  Trente  ans  eut 
pour  résultat  de  paralyser  pour  longtemps  toutes  les  branches 
de  rindustrie  nationale.  La  plupart  des  mines  du  Harz  furent 
fermées  après  que  la  famine  et  les  maladies  eurent  décimé  là  po- 
pulation ouvrière. 

Les  mines,  autrefois  si  prospères,  de  la  Saxe,  de  la  Bohême  et 
de  la  Moravie,  tombèrent  également  en  décadence.  Ce  ne  fut  qu'a- 
près la  paix  de  Westphalie,  conclue  en  1648,  que  ces  mines  re- 
prirent de  l'activité. 

Apartir  de  Tannée  1660,  les  mines  de  mercure  d'Idria  devinrent 
très-lucratives  pour  la   maison  d'Autriche.  Les   Transactions 

(1)  Gobet,  Anciens  minéralogistes  de  France ,  1. 1. 

(2)  Gobet,  t.  I,  Prélim.,  p.  xxxiii. 

(Z)  Mémoires  historiques  concernant  M.  le  général  (VErlach;Yy erdun,  1784, 

(4)  Dietricli,  Description  des  gîtes  de  minerais,  des  forges  et  des  salines  des 
Pyrénées ,  etc.;  Paris,  1786,  in-4**. 


TEOISIÂME  EPOQUE.  315 

fMosopkiques  de  Londres,  pour  Tannée  1665,  contiennent  un 
mémoire  assez  détaillé  sur  ces  mines.  Il  y  est  dit  que  les  ou- 
friers  restent  six  heures  par  jour  sous  terre,  qu'ils  deviennent 
tous  paralytiques  et  meurent  hectiques.  Un  homme  qui  n'y  avait 
travaillé  que  pendant  l'espace  de  six  mois  était  devenu  si  tremblant, 
qu'il  ne  pouvait  avec  ses  deux  mains  porter  à  sa  bouche  un  verre 
de  vin  sans  le  répandre  ;  les  pièces  de  cuivre  qu'il  mettait  dans 
la  bouche,  ou  qu'il  frottait  avec  ses  doigts,  devenaient  blanches 
comme  dePargent.  On  peut  rapprocher  ces  détails  d'autresfaits 
semblables,  rapportés  par  Antoine  de  Jussieu  dans  son  mémoire 
Sur  les  mines  d'Almaden  en  Espagne  (1).  Les  forçats  qui  travail- 
laient dans  ces  mines ,  et  qui  y  mangeaient  sans  se  laver,  étaient 
atteints  d'une  salivation  continuelle ,  de  gonflement  des  paro- 
tides, et  de  pustules  envahissant  tout  le  corps. 

Les  min^s  de  Sahla  en  Suède  et  celles  de  Norwége  étaient  dans 
un  état  assez  florissant,  pendant  la  seconde  moitié  du  xvii®  siècle. 

Les  guerres  civiles  arrêtèrent  en  Angleterre  l'essor  de  l'indus- 
trie métallurgique.  Les  travaux,  entrepris  dans  les  mines  d'étain 
de  Ck>mouailIes^  furent,  pendant  quelque  temps,  complètement 
suspendus. 

La  Russie  commença  bientôt  à  rivaliser  en  industrie  avec  les 
autres  pays  de  l'Europe.  Les  forges  d'OIkusch  étaient  en  pleine 
activité  vers  1630.  En  1679  furent  découvertes  les  mines  de 
Daurie  (2). 

Hais  ce  sont  les  mines  du  nouveau  monde ,  et  particulière- 
ment celles  du  Pérou,  qui  occupèrent  alors  le  plus  de  bras.  Les 
hommes  se  portaient  en  masse  vers  cette  terre  promise  ^  qui 
devint  pour  la  plupart  une  terre  de  déception.  Le  procédé  d'a- 
malgamation ,  dont  on  se  servait  au  Mexique  comme  au  Pérou 
pour  l'extraction  de  l'argent,  était  loin  de  donner  des  résul- 
tats satisfaisants.  On  continuait  à  perdre  une  grande  quantité  de 
mercure,  qui  devenait  de  plus  en  plus  cher,  en  sorte  que  la  perte 
de  ce  métal  compensait  à  peine  le  rendement  des  minerais.  Nous 
avons  vu  que  Barba  nous  a  laissé  sur  l'exploitation  des  mines  du 
Pérou,  dans  cette  période,  des  détails  précieux. 

On  découvrit,  en  1603,  dans  les  environs  du  fleuve  Saint-Lau- 
rent, des  mines  d'argent  et  de  cuivre,  dont  il  est  fait  mention 

(1)  Mémoires  de  rAcadémie  des  sciences,  15  novembre  1719. 

(2)  Pallas,  Neae  nordische  Beytrsege,  t.  IV,  p.  199. 


316 


HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 


dans  des  lettres  patentes  de  Jacques  P^  Il  y  est  dit  que  le  roi 
d'Angleterre  se  réserve  le  cinquième  pour  l'argent,  et  le  quinzième 
pour  1b  cuivre  (1). 


(1)  Purcbas,  Pilgrimage^  etc.,  t.  IV,  p.  1683. 


T&OISliHE  iPbQUE.  317 


ALCHIMIE. 


»^ 


§24. 

Comme  il  n'entre  pas  dans  notre  plan  d'écrire  l'histoire  de 
Talchimie ,  nous  ne  ferons  que  mentionner  les  alchimistes 
du  xvu*  siècle. 

On  a  beaucoup  parlé  de  la  confrérie  de  la  {lose-Croix,  dont 
l'existence  fut,  pour  la  première  fois,  révélée  vers  1604.  Sans 
nous  engager  dans  une  discussion,  au  moins  oiseuse,  sur  Tanti- 
quité  de  cette  sorte  de  société  maçonnique  ^  il  est  permis  de 
croire  que  c'était  une  association,  d'abord  tenue  secrète,  d'alchi- 
mistes qui  mêlaient  des  questions  politiques  et  religieuses  à  des 
doctrines  hermétiques.  Les  travaux  des  frères  de  la  Rose-  Croix 
avaient,  entre  autres 9  pour  objet  la  transmutation  des  métaux 
et  l'art  de  conserver  la  vie  bien  au-delà  du  terme  ordinaire.  Us 
avaient  aussi  la  prétention  de  connaître  tout  ce  qui  se  passe  dans 
les  pays  les  plus  éloignés,  et  d'avoir  acquis ,  par  la  kabbale  et  la 
science  des  nombres ,  la  connaissance  des  choses  les  plus  ca- 
chées. Ils  se  croyaient  appelés  à  régénérer  le  monde  avec  Paide 
des  esprits  et  des  démons  les  plus  puissants.  Les  huit  premiers 
Rose-Croix  passaient  pour  avoir  la  faculté  de  guérir  toutes  les  - 
maladies,  et  ils  soutenaient  que  par  leurs  moyens  la  tiare  serait 
bientôt  réduite  en  poudre.  Ils  n'admettaient  que  deux  sacre- 
ments, ainsi  que  les  cérémonies  de  l'Église  primitive,  et  ils  re- 
.connaissaient  l'empereur  pour  leur  chef,  aussi  bien  que  de  tous 

les  chrétiens. 

A  cette  profession  de  foi ,  ils  ajoutaient  six  règles  de  con- 
duite dont  voici  la  teneur  : 

1®  Les  initiés  guériront  gratuitement  les  malades  ; 

2®  Dans  leurs  voyages  ils  s'habilleront  conformément  aux 
usages  des  pays  où  ils  se  trouvent; 

3»  Ils  se  rendront  tous  les  ans  au  lieu  de  leur  assemblée  gêné- 


V 

i 


318  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

raie,  et,  en  cas  d'empêchement,  ils  présenteront  une  excctse 
bien  motivée  ; 

4°  Chaque  frère  choisira  une  personne  capable  de  lui  succé- 
der, lorsqu'il  lui  plaira  de  mourir; 

5**  Le  nom  de  Rose-Croix  leur  servira  de  marque  pour  se  re- 
connaître les  uns  les  autres  ; 

6®  La  confrérie  sera  tenue  secrète  pendant  cent  ans. 

Le  fondateur  de  cette  société,  Christian  Rosenkreuz^  Âlle-  * 
mand  d'origine,  avait  été,  dit-on ,  initié  en  Arabie  aux  sciences  de 
l'Orient.  Il  ordonna,  en  mourant,  que  son  tombeau  ne  fût  ouvert 
que  dans  cent  ans.  A  l'ouverture  de  ce  tombeau,  effectuée  en  1604, 
on  trouva  un  livre  écrit  en  lettres  d'or,  contenant,  dit-OD, 
de  très-grands  secrets. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  société  comptait  beaucoup  d'affiliés 
vers  le  milieu  djt  xvii"  siècle ,  et  elle  ne  parait  pas  avoir  été 
inutile  aux  progrès  des  sciences.  La  plupart  de  ses  membres 
étaient  des  illuminés  ou  des  fanatiques.  Potier,  Michel  Mayer, 
J.  Sperber,  faisaient  partie  de  cette  société. 

L'origine  et  les  prétentions  des  frères  de  la  Rose-Croix  de- 
vinrent l'objet  de  vives  controverses.  J.  Valentin  André  com- 
mença le  premier  l'attaque ,  en  publiant  un  ouvrage  satirique, 
sous  le  singulier  titre  de  «  Noces  chimiques  (Chemische  Hoch- 
zeit)  de  Christian  Rosen-kreuz  ;  les  secrets  perdent  leur  valeur, 
la  profanation  détruit  la  grâce;  donc,  ne  jette  pas  les  perles  aux 
porcs  et  ne  fais  pas  à  un  âne  un  lit  de  roses  ;  »  Strasbourg,  1616, 
in-8°  (1). 

Al.  WoRMius  (2),  J,  SivERT  (3),  L.  Conrad  de  Bergen  {Monta- 
nus)  (4)  et  J.  Schubert,  etc.,  poursuivaient  les  Rose-Croix  de 
leurs  sarcasmes. 

En  France,  cette  société  fut  moralement  tuée  par  le  manifeste 
de  Gab.  Naudé,  Avis  à  la  France  sur  les  frères  de  la  Rose-Croix, 


(1)  Une  nouvelle  édition  de  ce  singulier  livre  parut  à  Ratisbonne,  1781,  in-8». 
Valentin  André  est  probablement  aussi  Tauteur  de  Fama  fraternitatis  Crucis 
cum  eorum  con/c55ione,  1614,  in-8°;  en  allemand;  Cassel,  1615,  in-8'. 

(2)  Laureaphilosophica  contra  fralrcs  Rosex  Crucis;  Hafn.,  1619,  in-4<». 

(3)  Entdeckte  ilummenschanz  oder  JSebelkappen  (Momeries  dévoilées, 
etc.)  ;Magdebourg,  1617,  in-8°. 

(4)  Grûndliche  Anweissung  zu  der  wahren  hcrmeiischen   Wissenschafi 
(Instruction  fondamentale  de  la  science  hermétique,  etc.);  1635'(en  manuscrit)^ 
Imprimé  à  Francf.  et  Leipz.,  en  1751,  in-8**. 


TBOISliME  ÉPOQUE.  319 

imprimé  en  1623,  la  même  année  où  ceux-ci  avaient  essayé  de 
faire  à  Paris  des  prosélytes  par  une  affiche  ainsi  conçue  :  j 

a  Nous  députés  du  collège  principal  des  frères  de  la  Rose- 
Croix,  faisons  séjour  visible  et  invisible  en  cette  ville,  par  la 
grâce  du  Très-Haut,  vers  lequel  se  tourne  le  cœur  des  justes; 
nous  montrons  et  enseignons,  sans  livres  ni  marques,  à  parler 
toutes  sortes  de  langues  des  pays  où  nous  voulons  être  pour  ti- 
rer les  hommes,  nos  semblables,  d'erreur  de  mort.  » 

Cette  affiche  piqua  vivement  la  curiosité  des  Parisiens;  mais 
elle  manqua  son  but.  On  y  répondit  par  des  ouvrages  anonymes, 
parmi  lesquels  on  remarque  :  Examen  de  la  nouvelle  et  incon- 
nue cabale  des  frères  de  la  Rose-Croix ,  habitués  depuis  à  Paris; 
effroyables  pactes  faits  entre  le  diable  et  les  prétendus  invi^ 
sibies  (i). 

Les  doctrines  cahalistiques  et  alchimiques  des  frères  de  la  Rose- 
Croix  furent  défendues  par  Robert  Fludd,  et  propagées  par 
J.FEiSH(2),Ph.  A  Gabella  (3),S.GentersbergP'^  (4.),Brotoffer(5), 
Grosschedel  ab  Aicha  (6),  H.  Neuhaus  (  7),  F.  Rieser  (8),  Scuweig- 
harb  (9),  Spacher  (10),  Th.  de  Pega  (11);  par  un  grand  nombre 
d'auteurs ,  dont  les  noms  étaient  déguisés  sous  des  allégories  et 
des  anagrammes ,  tels  que  Jesaias  sub  Cruce,  Irenœus  Agnostus, 
NigrinuSy  PhUaretes^  Stellatus,  etc.;  enfin,  par  beaucoup  d'ou- 
vrages anonymes  (12). 

(1)  Paris,  1623,  in-S. 

(2)  Sommum  bonum,  quod  est  Terum  magiae,  cabake,  alchimiae  fratrum  Roseœ 
Cnids  subjectum;  Franc,  1628,  in-fol. 

(3)  Secretioris  philosophiae  consideratio,  cum  coiifessione  fraternitatis  Roseœ 
Cmds édita ;Francf.,  1616,  in-8^ 

(4)  Spéculum  utriusque  luminls  Gratlae  et  Naturœ,  etc.;  Darmstadt,  161 1 ,  in  8^ 

(5)  EIncidariiis  major,  etc.;  Luneburg,  1617,  in-S*'. 

(6]  Calendarimn  naturalc  magicum  perpetuum  profundissimam  rerum  secre- 
tissimaram  contemplationem  totiusquc  philosopbiâe  cognitlonem  complectens; 
—  P^teus  mercurialis,  exhibens  naturam  metallorum ,  etc.;  Francf.^  1619, 
in-S». 

(7)  De  fratribus  Roscœ  Crucis  ;  Dantzig,  1618,  in-S*".  —  UtUissima  admonitio 
de  F.  R.  C.  nempe  ansint^  quales  sint,  etc.;  Francf.,  1618,  in-8^ 

(8)  Cabbala  chymica,  etc.;  MuUius.,  1606,  in-S*". 

(9]  Specolom  sophicum  rodostauroticon,  sive  Revelalio  collegii  et  axiomatum 
Rosœ  Cmcianorum;  1617,  in-4^. 

(10)  Cabala^seu  Spéculum  artis  et  natursein  alcliimia;  1616,  in-4°. 

(11)  Sylloge  an  bostia  slt  panis ,  a  fratribus  Roseœ  Crucis  donata  Rbumelio  et 
Pneno  ;  Hanov.,  1618,  in-8^. 

(12)  Voy.Gmelin,  Geschichfe  der  Chemie,  t.  I,  p.  564;  et  Lcnglet-Dufresnoy, 


320  •  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

La  société  cabalistique  de  la  Rose-Croix,  dont  bientôt  on 
n'entendit  plus  parler,  ne  doit  pas  être  confondue,  comiïie 
Pont  fait  Lenglet-Dufresnoy  et  Bergmann ,  avec  une  autre 
société  du  même  nom ,  qui  s'était  formée  vers  la  même  époque 
en  Dauphiné,  et  dont  le  fondateur  s'appelait  l?o«&  (2).  — La 
société  de  la  Rose  s'était  proposé  de  résoudre  les  problèmes 
du  mouvement  perpétuel  {perpetuum  mobile)^  de  l'art  transmu- 
tatoire  des  métaux,  et  de  la  médecine  universelle.  Pierre  Wo^ 
mius  ,  après  avoir  fait  de  vaines  démarches  pour  intéresser 
les  états  généraux  de  la  Hollande' au  plan  de  cette  société, 
publia  en  1630  un  livre  curieux  sur  les  travaux  des  nàembres 
du  Collegium  Rosianum  (3). 

§  25. 
Alcldmistes  du  JLVEV'  siècle. 

Dans  tous  les  temps  les  hommes  se  sont  laissé  séduire  par 
ceux  qui  leur  promettaient  santé  et  richesse ,  promesses  falla- 
cieuses de  la  pierre  philosophale.  Être  riche  et  jouir  de  la  vie, 
voilà  ce  qui  est  au  fond  de  presque  tous  les  désirs  des  mortels. 
Les  moyens  d'y  parvenir  sont  divers;  et  c'est  là  en  effet  la  seule 
chose  qui  varié.  Aujourd'hui  c'est  rastuce  qui,  sous  prétexte 
du  bien  général,  s'empare  du  bien  d'autrui;  demain,  ce  sera  la 
force  qui  supprimera  la  liberté  pour  se  dunner  ensuite  l'air  de  la 
rendre.  Partout  on  tient  de  beaux  discours,  pour  cacher  la  laideur 
de  pensées  égoïstes.  Est-il  donc  étonnant  qu'on  se  soit  adressé  à  la 
science  de  l'alchimiste  qui  se  disait  en  possession  de  la  pierre 
philosophale,  à  une  époque  où  Ion  brûlait  lès  magiciens,  et 
où  l'on  croyait  plus  encore  au  diable  qu'à  Dieu? 

Les  alchimisles    étaient,  jusque  vers  la  fin  du  XVIP  siècle, 
bien  accueillis    à  la  cour  des  princes  allemands    et  scândi- 

Hist.  de  la  philosophie  hermétique^  t.  -'III.  Pour  plus  de  .détails  sur  les 
frères  de  la  Rose- Croix,  consultez  Semler,  Historié  der  Rosen-Kreuzer  ;  Lei^.-. 
1786,  in-S";  Tiedemann,  Geschichte  der  Philosophie,  t.  V,  p.  539-541.  —  Mer' 
cure  français,  t.  IX.  —  Histoire  de  la  philosophie  hermétique,  t.  I,  p.  369- 
380. 

(2)Kazauer,  Diss.  hist.  de  Rosœcrucianis ;  Wittemb.,  1715,  in-i<*. 

(3)  Arcana  totius  naturœ  sccrelissimaiiec  hactenus  unquam  détecta,  a  colle 
gio  Rosiano  in  lucem  produnlur  ;  Lugd.,  1630,  'm-\°. 


TROISIEUE  ÉPOQUE.  32t 

naves,  parmi  lesquels  on  cite  François  II,  duc  de  Saxe-Lauen- 
bourg  ;  Gustave-Adolphe,  roi  de  Suède,  qui,  dit-on,  avait  fait 
frapper  un  grand  nombre  de  ducats  avec  de  Tor  alchimique, 
portant  les  signes  ©Çc?  (Soleil,  Vénus,  Mars);  Ferdinand  III, 
empereur  d'Allemagne,  qui  gratifia  un  nommé  Richlhausen  du 
titre  de  baron  de  Chaos.  Cet  alchimiste  avait,  dit-on,  transmuté 
deux  livres  et  demie  de  mercure  en  or  qui  servit  à  faire  frapper 
une  médaille  de  la  valeur  de  trois  cents  ducats.  Cette  médaille,  qui, 
au  rapport  de  Fr.  Gmelin,  se  voit  encore  aujourd'hui,  dans  le 
trésor  impérial  de  Vienne,  porte  l'inscription  suivante  :  Di- 
vina  metamorphosis  exhibita  Pragœ,  xvjun,  an.  MDXXXXVIII, 
in  prxsentia  Cœs,  Majest.  Ferdinandi  III,  Sur  le  revers  on  lit  : 
Rara  hxc  ut  hominibus  nota  est  arSy  ita  rara  in  lucem  prodit.  Lau- 
deiur  Deus  in  œternmn,  qui  partem  infinitœ  suœ  scientiœ  nobiscum 
abjectissimis  suis  creaturis  communicat;  en  mémoire  de  la  trans- 
mutation opérée  en  présence  de  l'Empereur,  en  l'année  1648. 

D  y  avait  des  alchimistes  attachés  au  service  des  rois,  comme 
il  y  avaitpdes  médecins  et  des  astrologues.  Gaspard  Harbach  fut 
longtemps  l'alchimiste  attitré  des  rois  de  Danemark  Christian  IV 
etPrédéric  III  :  il  savait,  dit-on,  extraire  de  l'or  des  mines  de  la  Nor- 
wége,  ce  qui  est  plus  croyable  que  la  transmutation  du  fer  ou  du 
cuivre  en  or.  Onlitsur  l'exerguedes  médailles  frappées  avec  cetor  : 
^ide  miraDomini,  1647  ;  ces  mots  sont  surmontés  d'une  paire  de 
lunettes.  W.  Heinersberg  transmuta  devant  l'empereur  Léopold 
une  coupe  d'étain  en  or.  Mais  on  découvrit,  après  la  mort  de  cet 
alchimiste,  qu'il  avait  dérobé  à  son  maître  plus  de  20,000  florins^ 
I   et  que  cet  or  lui  avait  servi  à  opérer  la  transmutation. 

Cependant  les  alchimistes  n'avaient  pas  toujours  à  se  louer  de 
leurs  relations  avec  les  princes.  Ceux  qui  n'étaient  pas  assez 
habiles  pour  remplir,  en  apparence  du  moins ,  leurs  promesses, 
furent  soumis  à  des  tortures  cruelles  ,  jetés  dans  de  sombres 
cachots,  et  payèrent  souvent  de  leur  vie  leurs  téméraires  entre- 
prises. On  pourrait  raconter  à  ce  sujet  bien  des  scènes  Iragi- 
fies. 

Les  auteurs  qui  ont,  pendant  le  dix-seplième  siècle,  écrit  sur 
l'alchimie ,  sont  si  nombreux,  que  nous  devons  nous  borner  à 
mentionner  seulement  les  principaux,  d'après  la  liste  donnée  par 
Gmelin.  Parmi  ceux  de  l'Italie  on  cite  :  A  Potius  (1),  Jean  de  Pa- 

(i)  Libri  duo  de  quinta  e$sentia  soluHva;  Panor.,  1613,  in-4''. 

B18T.  DE  LA  CHIMIK.   —  T.  II.  21 


322  HISTOIRE  DE  LA  GUIMIE. 

DOUE  (1),  Zagh  a  Pdteo  (2),  Chiaramontb  (3),  J.  GuiDius  (4),  le  do-* 
minicain  RoccA  Devendro(5),  J.  Marini  (6),  Valer.  Martinhjs  (7), 
H.  Grimaldi  (8),  FiNELLi  (9),  B.  Mazotta  (dO),  L.  Locatelli  de 
Bergame  (11),  le  moine  A.  Latoscan  (12),  Sertimonti  (13), 
H.  Ursini  (14),  G.  Lancilotti  (15),  L.  de  Gonti  {deComitihus)  (16). 
Mais,  de  tous  les  alchimistes  italiens,  celui  qui  s'est  acquis  la 
plus  grande  renommée  par  ses  écrits  ou  plutôt  par  les  incidents 
de  sa  vie,  c'est  Joseph  Borri  (Burrhus). 

Borri  naquit  à  Milan  en  1616.  Homme  de  talent  et  d'une 
imagination  ardente,  il  devint  le  fondateur  d'une  secte  d'illu- 
minés, dont  le  développement  fut  bientôt  arrêté  par  le  tri- 
bunal de  l'inquisition.  Borri  se  déroba  par  la  f^ite  à  la  ven- 
geance de  ce  terrible  tribunal,  qui  le  fit  brûler  en  effigie  à  Rome, 
en  1661.  Après  avoir  erré,  pendant  onze  ans,  en  pays  étrangers, 
en  France,  en  Hollande,  en  Allemagne,  en  Danemark,  il  fut  arrêté 
dans  les  États  autrichiens  au  moment  où  il  allait  se  rendre  en  Tur- 
quie, et  livré,  comme  contumace,  à  l'inquisition.  Enfermé  dans  la 
prison  du  château  de  Saint-Ange,  il  y  mourut  en  1 695,  après  vingt- 
cinq  ans  de  captivité.  La  reine  Christine,  qui  vivait  alors  à  Rome, 
avait  obtenu  la  faveur  de  le  voir  et  de  s'entretenir  avec  lui  de 

(1)  Philosophîa  sacra,  sive  praxis  de  lapide  miaerali;  Magdeb.,  1602,  ia>4*. 

(2)  Clavis  spagirica ;  Venet.,  1611,  in-4**.  Clavls  medicinae  rationalis,  etc.;  Ve- 
net.,  1614,  in-4'. 

(3)  Délia  polvereo  o  elixir  vitœ;  Firenz.,  1620,  iii-4**. 

(4)  De  mineralibus tractatus  absolutissiraus ;  Venet.,  1625,  in-4*'. 

(5)  Deir  elixir  vite,  lib.  IV;  Neapol.,  1624,in-fol. 

(6)  Brève  tesoro  alchimistico;  Venet.,  1644,  in-S". 

(7)  Magna  physica  fœcunda,  cœlesti  divinoque  cultu  perfusa,  etc.;  Venet., 
1639,  in-4<». 

(8)  Dell'  alchimia  opéra,  che  con  fundamenti  di  bona  filosofia  e  perspicacité 
ammirabile  tràtta délia  realtà,  etc.;  Palerm.,  1645,  in-4®. 

(9)  Salium  empiricum  soliloquiura  ;  Neapol.,  1649. 

(10)  De  triplicl  philosophîa;  Bonon.,  1653,  in-4°. 

(11)  Theat.  d'arcani  chimici;  Milano,  1648,  in-8*. 

(12)  Brève  compendio  di  maravigUosi  secreti,  etc.;  Rome,  1655,  in-S**.  —  Cet 
ouvrage  eut  de  nombreuses  éditions. 

(13)  De  lapide  Lydio  naturœ  aureœ  ;  1669,  in-S*'. 

(14)  Exercitatio  de  Hermete  Trismegisto  ejusque  scriptis;  Norknb.,  1661, 
in-8°. 

(15)  Guida  alla  chemia;Modena,  1672,  in-12. 

(16)  Clara  fidelisque  admonitoria  disceptatio  de  liquorealçahest.,  etc.,  Venet., 
1661,  in-4°.  De  metallis,  etc.;  Colon.  Agripp.,  1665,  in-S**.  Manget,  BibL 
chem.^  t.  IT,  p.  764. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  323  . 

chimie  ;  c'est  la  même  reine  qui  avait  fait  venir  à  sa  cour  Des- 
cartes, pour  en  recevoir  des  leçons  de  physique.  Les  ouvrages- 
alchimiques  de  Borris  ont  pour  titres  :  la  Chiave  del  cabinetto  (i)  ; 

—  Ambasdata  de  Romolo  à  Romani  (2). 

En  France  on  remarque  parmi  les  principaux  alchimistes  de 
ce  siècle  :  P.  Morestel  (3),  Paumier  {Palmerius)  (4),  le  francis- 
cain G.  DE  Gastaigne,  aumônier  de  Louis  XIII  (5),  Roussel  (6], 
J,-B.  Besard  de  Besançon  (7),  Michel  Potier  (  Poterius),  qui  s'inti- 
tulait lui-même  le  premier  philosophe  hermétique  de  son 
époque  :  il  parcourut  tous  les  pays  de  l'Europe,  se  disant  pos- 
sesseur des  plus  grands  secrets,  et  mourut  pauvre  et  méprisé  (8); 
R.  DE  LA  Châtre  (9),  Nutsembnt,  de  Ligny,  dans  l'ancien  duché  de 
Bar  (10),  DE  l'Angélique  (11);  Montvalon  (12)^  le  médecin  Etienne 
deClaves  (13),  le  chirurgien  PLAms-GAMPi(  JP/a/ncAamj>),  dont  on 

(1)  Cologne  (Genève),  1681,  in-12 . 

(2)  Genève,  in- 8^.  —  Pendant  son  séjour  à  Copenhague,  à  la  cour  de  Frédé- 
ric in,  Borri  publia  :  De  oriu  cerebri  et  usu  medico  ;  et  de  artificio  oculo- 
rum  humores  restiiuendi^  epistolas  dux;  Hafniae,  1669,  in-8^.. 

(3)  Les  Secrets  de  nature,  ou  la  pierre  de  touche  des  poètes,  etc;  Rouen,  1607, 
iji-12. 

(4)  Lapis  philosophicus  dogmaticus,  etc.;  Paris,  1609,  in-8^.  —  Laurus  Palma- 
na  Ârangens  fulmen  subventaneum  cyclopum,  falso  scholœ  Parisiensis  notnine 
^Tulgatum;  Paris,  1609,  in-8°. 

(5)  L'or  potable  qui  guérit  tous  les  maux;  Paris,  1611,  hi-8^.  —Le  grand  JAi- 
iraclede  la  nature  métallique  ;  Paris,  1611,  iA-8**.  «—  Œuvres  médiciiiale6>et  chi- 
ïiûques  (avec  le  paradis  terrestre);  Paris,  1661,  in -S**. 

(6)  Secrets  de  pharmacie  et  de  chimie  ;  Paris,  1613,  in-8?. 

(7)  Antrum  philosophicum,  arcana  chimica,  etc.;  August.  Yiudel.,  1617,  in-4''. 

(8)  Compendium  philosophicum  in  comitem  Trevisanum,  etc.;  1610,  in-12. 

—  Novus  tractatus  chimicus  de  Tera  materia  et  vero  prooessu  lapidis;  Francf., 
i617,  in-S**.  —  Philosophia  pura,  etc.;  Francf.,  1617,  tn-8**  —  De  conficiendoia- 

l>ide  philosophico  et  secretis  naturae;  Francf.,  1622,  in-8**.  —  Apologia  herme- 
Cico-philosophica;  Francf,,  1630,  in-4'*.  —  Redivivi  apologia,  etc.;  Francf.,  t681; 
Xii-4**.  —  Fons  chimicus,  etc;  Colon.,  1637,  in-4*».  —  Pfailosqphia  chymica,>etc., 
^ï'rancf.,  1648,  in-4°. 

(9)  Le  Prototype  de  l'art  chimique,  1620  et  1635. 

(10)  La  Table  d'Hermès  expliquée  par  sonnets,  avec  «on  Traité  du  sel;  Paris, 
1620. Traité  de  l'harmonie,  du  vrai  sel  secret  des  philosophes,  et  de  l'espnt 

miniversel  du  monde;  la  Haye,  1639,  in-12.  Traduit  en  lalin  par  Combach.  — 
i>oëme  philosophique,  etc.;  la  Haye,  in-8',  '  t 

(11)  Là  Vraye  pierre  philosophale;  Paris,  1622,  in-12, 

(12)  De  l'Esprit  de  vie,  ou  élixir  pour  la  conservation  de  Thumeur  radicale  es 
sexagénaires;  1626,  in-S*". 

(13)  Nouvelles  lumières  philosophiques;  des  principes  de  la  nature;  Paris,  1635, 
in-8*.  -  Cours  de  chimie  ;  Paris,  1649^  m  8®. 

Ol 


324  HISTOlfiE  DE  LA  CHIMIE. 

conserve  plusieurs  maouscrits  à  la  Bibliothèque  impériale  de 
de  Paris  (1)  ;  J.  Golleson,  qui  s'olTrait  à  faire  des  cours  publics 
sur  la  philosophie  hermétique  (2)  ;  de  Gerzan,  qui  présentait  Tal- 
chimie  sous  forme  de  roman  (3)  ;  Fabre  de  Gasteinaudari  ,  mé- 
decin et  alchimiste  très-fécond  (4)  ;  de  Ladorde  (5)  ;  Gobineau  de 
I^ONTLUiSANT,  selon  lequel  les  figures  sculptées  au  grand  portail 
de  la  cathédrale  de  Notre-Dame  de  Paris  sont  des  signes  hiérogly- 
phiques concernant  la  pierre  philosophale  (6)  ;  J.-D.  Brouault(7)  ; 
le  médecin  Is.  Chartier  (8)  ;  A  Isnard  (9)  ;  d'Atremont,  au- 
quel on  attribue  le  Tombeau  de  la  pauvreté;  Dominique  Duclos, 
qui,  vers  la  fin  de  sa  vie,  brûla  tous  ses  manuscrits  alchimiques, 
afin  de  détourner  ses  contemporains  d'un  art  chimérique;  d'A- 
cqïtbville;  Claude  Germain  ;  P.  Guisson;  Saint-Romain  ;  P.  de 
RosNEL  ;  Salmon,  auteur  de  la  Bibliothèque  des  philosophes  alchi- 
miques; et  d'Espagnet,  président  du  parlement  à  Bordeaux. 
D'Espagnet  exposa.,  ddnis  son Enchiridionphysicœ  restitutœ (10), 

(1)  Ouverture  dePescolede  philosophie  transmutatoire  métallique,  etô.;  Pa- 
ris, 1633,  in-8». 

(2)  Idée  parfaite  de  la  philosophie  hermétique,  etc.;  Paris,  1630,  ia-8'*. 

(3)  Le  Trésor  de  la  vie  humaine,  etc.;  Paris,  1653,  in-8**.  —Histoire  africaine, 
roman  mystérieux  et  chimique  ;  Paris,  1627,  in-8**.  —  Histoire  asiatique  mysti- 
que; Paris,  1634,  in-8°. 

(4)  Les  ouvrages  de  cet  auteur  sont  très-nombreux;  nous  ne  citerons  que  :  Al- 
chimista Christ ianus;  Tolos.,  1632,  in-8".—  Hercules  Pio-chymicus;  Tolos.,  1634, 
in-S**.  —  Hydrographum  spagyricum;  Tolos.,  1639  et  1646,  in-8'*.  —  De  auropo- 
tabili  medicinali;  Francf.,  1678,  in-4*.  Manuscriptum  ad  sereniss.  Holsat.  ducem 
Fredericum,  olim  transmissum,  res  alchymicorura  obscuras  explanans  ;  Norimb. 
1690,  in-4**.  —  Pharmacopœachymica;  Tolos.,  1628  et  1646,  in-8°.  —  Chirurgia 
spagyrica,  etc.;  Tolos.,  1626,  in  8°.  —  Abrégé  des  secrets  chimiques,  etc.;  Paris, 
1636,  in- 8".  —  La  plupart  de  ces  traités  se  trouvent  réunis  dans  Opéra  medico- 
chymica  duobus  voluminibus  exhihita;  Francf.,  1652  et  1656,  in-;4°. 

(5)  Explications  de  l'énigme  trouvée  à  un  pilier  de  l'église  Notre-Dame  de  Pa- 
ris; Paris,  1636,  in-4*». 

(6)  Énigmes  et  hiéroglifs  physiques  qui  sont  au  grand  portail  de  l'église  cathé- 
drale et  métropolitaine  de  Notre-Dame  de  Paris  ;  dans  la  Bibliothèque  des  philo- 
sophes alchimiques,  t.  IV,  p.  307. 

(7)  Abrégé  de  l'astronomie  inférieure,  etc.;  Paris,  1644,  in  4**.  il  existe  à  la  Bi- 
bliothèque impériale  un  manuscrit  inédit  du  même  auteur  Sur  Veau-de-vie  (n .  7937) . 

2.  2. 

(8)  Delà  science  du  plomb  sacré  des  sages; Paris,  1651,  in-4**. 

(9)  L'or  potable  des  médecins  hermétiques;  Paris,  1655,  in-4°. 

(10)  Paris,  1633,  in-S**.  —  Traduit  en  français:  La  philosophie  naturelle  réta- 
blie en  sa  pureté,  etc.;  Paris.  1651,  in-8°,  et  en  allemand  ;  Leipzig,  1685,  in-8". 
—  Mangct,  Biblioth.  chem.,  t.  II.  Albinelks,  Biblioth.  chimie,  contracta,  ij.  3. 


TROISIÈME  EPOQUE.  dâ5 

des  idées  remarquables  sur  les  principes  de  la  science.  Il  soutenait, 
entre  autres,  qu'il  est  impossible  de  découvrir  les  vrais  éléments 
des  corps,  et  que  ce  que  nous  appelons  éléments^  tels  que  Teau, 
l'air,  la  terre,  etc.,  ne  sont  que  des  corps  composés.  Il  appelait  Tair 
«  le  combustible  et  l'aliment  de  la  vie,  »  vit»  fomes  et  pabulum, 
qualités  fondamentales  de  l'oxygène;  il  enseignait  que  le  feu  est 
un  corps  matériel,  extrêmement  subtil,  en  rapport  intime  avec 
l'air  environnant  ( arcfim^^an/î o^ri  (idhxret);  que  les  végétaux 
s'accroissent  par  intussusception ,  et  qu'ils  tirent  leurs  aliments 
non-seulement  de  l'eau- et  de  la  terre,  mais  encore  de  l'air; 
enfin,  que  les  corps  sont  le  plus  propres  à  se  combiner,  lorsqu'ils 
sont  dans  un  état  de  division  extrême.  — Nous  ne  croyons  pas  que 
VArcanum  hermeticœ  philosophix  opus  soit  d'Ëspagnet  (  ana- 
^amme  P€nes\nos  unda  Tagi  (1)  )  ;  car  on  n'y  trouve  ni  le  même 
style  ni  les  mêmes  idées. 

En  Allemagne f  en  Angleterre,  en  Hollande  y  en  Suède ,  en 
général  dans  les  pays  où  se  parlent  les  idiomes  d'origine  ger- 
manique, on  remarque  parmi  les  chimistes  hermétiques  : 
J.  Rhenanus (2)  ;  N.  Hapelius (3)  ;  Ph.  Mûller,  médecin  à  Fribourg, 
qui  connaissait  l'acétate  de  potasse  (4)  ;  Martin  Pensa  (5)  ;  Michel 
Mayer  ,  l'un  des  principaux  représentants  de  l'alchimie  au  dix- 
septième  siècle  ;  il  fut  créé  chevalier  et  comte  palatin  par  Ru- 
-dolphe  II  et  le  landgrave  Maurice  de  Hesse  (6)  ;  Samuel  NoR- 

(1)  Paris,  1633,  in-8°. 

(2)  Opéra  chymiatrica  ;  Francf.,  1635,  in  8*1  —  Dissertât,  chymico-lechnica; 
Itfarparg.,  1610, 10-4**.  —  Solise  puteo  emergentis,  sive  disputationis  chymico- 
technicœ  libri  très;  Francf.,  1613  et  1623,  in-4**.  —  Binœ  epistolœ  de  solutione 
«aateriae;^Francf.,  1635,  in-S**. 

(3)  Cheiragogia  Heliana  de  auro  philosophico;  Marpurg.,  1612,  in*8*^.  Imprimé 
<lans  Tkeat,  Chemic,^  t.  IV,  n.  107.  —  Aphorismi  Basiliani  ;  ibid.,  n.  108. 

(4)  Miracula  et  mysteria  chymico-medica;  Rothomag.,  1610  et  1651,  iii-12; 
Amstelod..  1656,  in-S**. 

(5)  Libellus  aureusde  proroganda  yita;  Lips.,  1615,  in-8°. 

(6)  Arcana  arcanissima,  hoc  est,  hieroglyphica  ^Egyptio-Graeca ,  etc.;  Londin., 
1614,  in^".  —  Lusus  serius,  que  Hermès,  rex  mundanorum  omnium  sub  homine 
existentiom,  post  longam  disceptationem  in  concilie  octovirali  habitam ,  homine 
rationali arbitro,  judicatus  est;  Oppenheim,  1616  et  1619,  in-8*^.  —  De  circule 
physico  quadrato,  hoc  est,  auro  ejusque  virtute  medicinali  sub  duro  corticc 
instar  nuclei  latente,  etc.;  Francf.,  1611,  in-4^.  —  Atalanta  fugiens,  hoc  est,  em- 
blemata  de  secretis  naturâe  chimica ;  Oppenh.,  1618,  in-4°.  — Verum  inventum, 
hoc  est  munera  Germaniae,  ab  ipso  primitus  reporta;  Francf.,  1619,  in-8\  — 
Septimana  philosophica,  quaœnigmataanreolaproponuntur;  Francf.,  1020,  in-4*'. 


.  \ 


326  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

THON  y  qu^il  ne  faut  pas  confondre  avec  son  homonjrme ,  Thomas 
NoRTHON,  plus  ancien  (i);  Ëd;  Deane  (2);  J.  de  Thorneburg, 
évêque  de  Winchester  (3)  ;  Tlrlandais  Butler  ,  qui  fit  beaucoup 
de  bruit  avec  la  poudre  de  projection,  qu'il  avait,  dit-on  ,  déro- 
bée à  un  Arabe  de  Tunis,  son  maître  (4);  Bolnest;  J.  Ortheltos, 
le  commentateur  du  Cosmopolite,  de  Marie,  etc.  (5);  W.  Rol- 
FiNK  (6)  ;:  G.  Johnson  (7)  ;  Joach.  Polemann  (8)  ;  8.  Salzthal  (9)  ; 
M.  Schmtjceer  (10);  Hiebner  (11);  Sghnurr  von  Landsidel  {12); 
JiBBSEN  (13);  le  cordonnier  théosophe  Jacques  Boehiie,  qui  avait 
â^ocié  le  spiritualisme  avec  Talchimie  (14);  Fréd.  de  Rain, 
gentilhomme  autrichien,  qui  traitait  de  coupables  du  crime  de 
lèse-majesté  ceux  qui  doutaient  de  la  réalité  de  la  pierre  phî- 
Ibsophale  ;  Jacques  Tou,  qui  prétendait  que  toute  la  mythologie 
païenne  n'est  qu'une  allégorie  du  grand  œuvre  (15)  ;  Th.  Rerkring^ 

—  Themis  aurea,  hoc  est  de  legibus  fraternitatis  Roseae  Crucis;  Francf.,  1618^ 
m-8**.  —  Voy.  Lenglet-Dufresnoy,  t.  III;  Gmelin,  t.  I,  p.  517. 

(I)  Septem  Tiractatus  chimici  cum  figuris,  etc.;  1630,  in-4°. 
(i)  Tractatus  yarii  alchimici;  Francf.,  1630,  in- 4^. 

•  (3)  Omnia  in  gratiam  eorum  qui  artem  auriferam  physico-chimice  et  pie  profi- 
tentur;  Oxon.,  1621,  in-4®. 

(4)  Voy.  Van  Helmont,  opéra  (Elzevirs,  1648,  in4*),  p.  582.  —  Histoire  de  la 
philosophie  hermétique,  t.  I,  p.  398. 

(5>)  Gommentarius  in  novum  lumen  Sendivogîi;  Tkeat.  chim.,  t.  VI,  n.  182.  — 
Manget,  t.  Il,  p.  516.  —  Interpretatio  yerborum  Mariae;  Theat.  chim,,  t.  VI, 
Uk  189.  Commentarius  in  epistolam  Pontani,  ibid.,  n.  191. 

(6)  Mon  eotia  chemica,  mercurius  metallorum  et  mineralium;  Jen.,  1670» 
iiih4«. 

(7)  Lexicoochkmcum  timi  obscuromm  verborumet  rerum hermeticarum,  etc.» 
Londin.,  1657  et  1660,  in-S^". 

(8)-  Novum  lumen  chymicum  ;  Amsterd.,  1659,  in-12. 

(9)  De  potentisslma  philosophorum  medicina  universali;  Argentor.,  1659, 
in-8?. 

(10)  Secretorwm  naturalium  chymicorum  et  medicorum  thesauriolum  ;  Schleu- 
sing.,  1637,  m.8^ 

(II)  Mysterium  metallorum,  herbarum  et  lapidum;  Erfurt,  1651,  in-4*. 

(12)  Kunst  und  Wunderbûehlein  (le petit  livre  des  arts  et  des  merreilles]  ; 
Francf.,  1676  et  1690,  in-8**. 

(13)  De  lapide  philos<^horum  discnrsos;  Rostock,  1645,  in-4°.  • 

(14)  Idea  chemiœ  Bœhmianaeadepta;  Amsterd,,  1680  et  1690,  în-12. 

(15)  Ausonius  Maximus,  ex  vetustis  codicibus;  Amstelod.,  1669,  in-12.  —  Ani- 
madversionescriticae  ad  Longini  irepl  v^/oy;  ;  Lugd.  Bat.,  1677,  in-12.  —  Fortuita; 
in  quibus  praeter  critica  nonnulla  tota  l'abularis  historia  Graeca,  Phœnicia,  i£gyp- 
tia,  ad  chemiam  pertinere  adseritur;  Amstelod.,  1687,  in-8*^.  —  Sapientia  insa- 
nienssive  promissa  chemiœ;  Amstelod.,  1689,  in-8*'.  — Manuductio  ad  cœlum 
ehemicum;  Amstelod.,  1688,  in-8^ 


*  TROISIÈME  ÉPOQUE.  327 

le  commentateur  de  Basile  Yalentin  ;  Adolphe  Baudouin,  de* 
Grossenheim ,  qui  découvrit  le  phosphore  de  Baudoin  (1); 
D.  Reich,  qui  prétendait  avoir  décomposé  Tor  en  ses  éléments  (2)  ; 
A.-Chr.  BEirrz  (3);  A.  Stisser,  l'apologiste  de  ralchimie,  qui 
était  convaincu  de  la  possibilité  de  la  transmutation  des  mé- 
taux (4);  Georges  Morhof,  qui,  dans  sa  lettre  à  Lancelot,  s'ef- 
forçait de  prouver  la  réalité  de  la  transmutation  des  métaux  (5)  ; 
GiAUDER,  qui  défendiiralchimie  contre  les  attaques  de  Kirgher,  et 
qui  indiqua  divers  moyens,  pour  extraire,  disait-il,  le  mercure  des 
métaux  f 6);  Dan.  Myuus  (7),  médecin  hessois;  Amelung  (8); 
de  Stehbal,  Helias  (9);  Reuden,  Vanner,  Borrighius,  Borel  , 
AsHMOL,  Bagger,  DienheiM;  Noll,  Horn,  Spagher,  Gerhard^ 
Scheunemann,  Crusius,  Lampert,  Poppius,  Pontanus  ,  Groelmann, 
Croll^TenzeL;  Biluch,  Mussafia^  Gombach,  Starsey,  Harpreght, 
Barghhutsen  ,  Jean-Frédéric  Helvetius  ,  qui  assurait  avoir 
transmuté  le  plomb  en  or  pur  (dû).    ' 

A  ces  alchimistes,  dont  il  serait  facile  de  grossir  la  liste,  on 
pourrait  ajouter  un  nombre  considérable  d'ouvrages  anonymes , 
publiés  sous  des  noms  anagrammatiques  ou  symboliques^  tels 
que  Sybeusta,  Mars,  Vigilantius  de  monte  gubi,  Eremita,  Au 
Puii  (  Cenirum  naturœ  concentratum) ^  Démonte  eermetis  f  Le 
pied  d^  or  hermétique)  y  Floretde  Behabor  (Songe  de  Ben-Adam), 

(1)  Phosphoros  hermeticus  sive  magnes  luminaris;  Lips.,  1674,  iii-12.  —  Au- 
mm  supeiius  etinferius,  anrae  superioris  et  inferioris  hermeticum;  Lips.,  1674, 
m-12. 

(2}  Ephemerid.  Acad.  cœsar.  nat.  curios.,  Dec.  Il,  ann.  DC,  obs.  151. 

(3)  Philosophische  Schaubilhne  (Théâtre  philosophique);  llamburg,  1690, 
in-8".  —  Tractatlein  de  menstruo  universali  ;  Nuremb:,  1709,  in-8''.  — Thésaurus 
processuum  chymicorum  ;  Nuremb.,  1715,  in-4°. 

(4)  Commendatio  chemiae;  Helmst.,  1679,  in-4^. 

(5)  De  metaliorum  transmutatione ;  Hamb.,  1673,  iu-S**.  Manget,  t.  I,  p.  168. 

(6)  Dissertât,  de  tinctura universali,  etc.;  Altenburg,  1678yin-8*'.  Imprimé  dans 
ïai^,  t.I,  p.  119. 

(7]  Tractatus  chimicus  de  animalibus  seu  Basilicae  chimicœ  liber  septimus , 
Francf.,  1610,  m-A'^.  — Pharmacopcea  nova  de  liiysteriis  mcdico-clnmicis  ;  Francf. , 
1618.  -— Opus  medico-chymicum,  t.  HT,  in-4**;  Francf.,  1618  et  1620.  —  Pliilo- 
8(^)hia  reformata;  Francf.,  1622  et  1638,  in^**.  —  Auri  anatomia,  seu  de  auro 
poUbiU;  Francf.,  1628,  in-4<'. 

(8)  Tract,  nobil.  primus  in  quo  alchymiae  seu  chimicœ  artis  antiquissima)  in- 
Teatio  demonstratur  ;  Lips.,  1607  1617,  in-8*^. 

(9)  ^eculum  alchimise  ;  Francf.>  1614,  in-8*^. 

(10)  Yitnlus  aareus,  quem  mundus  adorât  et  orat,  etc.;  Amstelod.,  1667  «t 
1702,  in-fto. 


3S8  HISTOIRE  DE  LÀ  GHIIOE. 

CxRUS  {Refrigeratorius  Hierosoltjmitanus);  Ghrysogonus  de  pubis 
(Eau  mercurielle  des  sages)  ^  Pantaleon  {Tumulus  hermeticus 
apertus  Bifolium  metallicum ,  etc.  ) ,  Philàlethes,  surnommé 
Cyrenxusou  Irenxus  {Introitus  apertus  ad  occlusum  régis  pakh 
tium)  (1). 

Nous  Aurons  une  mention  plus  particulière  de  Casciorolo,  qui, 
en  cherchant  la  pierre  philosophale ,  découvrit  le  phosphore  de 
Bologne.  Cette  découverte,  racontée  par  Licetus,  professeur  de 
philosophie  à  Bologne,  dans  son  livre  intitulé  Litheosphospharus, 
sive  de  lapide  Bononiensi  (2),  fut  faite  plus  de  cinquante  ans 
avant  celle  du  phosphore. 

Vincent  Casciorolo,  habitant  de  Bologne,  avait,  depuis  quel* 
que  temps,  abandonné  la  profession  de  cordonnier  pour  se  li- 
vrer àTart  trompeur  défaire  de  Tor.à  Taide  d'opérations &n- 
tastiques.  II  lui  vint  un  jour  Tidée  d'opérer  sur  une  de  ces  pierres 
blanches  et  pesantes,  si  communes  aux  environs  de  sa  ville  natale. 
Il  se  mit  donc  à  calciner  la  pierre  avec  du  blanc  d*œuf  ou  d'autres 
matières  organiques  remplissant  l'office  du  charbon ,  et  il  ob- 
tint, en  l'année  i602,  un  produit  nouveau,  doué  de  la  propriété 
singulière  de  luire  dans  l'obscurité,  après  avoir  été  préalablement 
exposé  aux  rayons  du  soleil.  Casciorolo,  qui  donnaàce  produitle 
nom  de  pierre  solaire  [lapis  solaris)^  s'empressa  de  le  montrer 
à  Scipion  Bagateili,  qui  passait  pour  un  homme  très^versé  dans 
les  connaissances  alchimiques.  Ce  dernier  fut  d'autant  plus  frappé 
de  ce  phénomène  qu'il  lui  semblait  voir  le  soleil,  symbole  de 
l'or,  se  fixer  dans  cette  pierre,  qui  avait  été  précisément  employée 
pour  faire  de  l'or.  Bagateili  fit  part  de  cette  découverte  à  Ant. 
Maginus,  professeur  de  mathématiques  à  Bologne,  qui  en- 
voya des  échantillons  de  la  pierre  de  Bologne  à  Galilée,  ainsi 
qu'à  d'autres  savants,  et  môme  à  plusieurs  souverains  de  l'Eu- 
rope (3). 


(1)  Ceux  qui  voudraient  compléter  cette  liste,  qui  est,  selon  nous,  déjà  trop 
longue,  n'ont  qu'à  consulter  Pierre  Borel,  et  le  troisième  volume  de  V Histoire  de 
la  philosophie  hermétiqu». 

(2)  Lucera  in  se  conceptam  ab  ambiente  claro  mox  in  tenebris  mire  conser- 
vante, liber  Fortanii  Liceti  Genuensis,  in  Bononiensi  arcbigymnasio  pbilosophi- 
eniinentis,  etc.;  Bononiae,  1640,  in-4°.  --  Cet  ouvrage  est  dédié  au  cardinal  Cap- 
ponius,  archevêque  de  Ravenne. 

(3)  La  préparation  du  phosphore  de  Bologne,  que  Lemery  appelle  très-signifi- 
oitXremeni  épo7}ge  de  lumière,  fut  pendant  quelque  temps  tenue  secrète,  ou  du 


TROISIEME  EPOQUE.  3^ 

Si  les  travaux  de  tous  ces  alchimistes  avaient  été  faits  d'après 
les  principes  posés  par  les  anciens,  à  savoir,  que  les  métaux  sont 
Ses  corps  composés  des  mêmes  éléments,  mais  dans  des  propor- 
tions difTéren  tes,  et  qu'il  ne  s'agit  que  de  trouver  ces  éléments  et  ces 
proportions  pour  faire  de  l'or  et  de  l'argent  ;  que  le  fer,  le  plomb, 
rétain,  etc.,  sont  des  métaux  auxquels  il  faudrait  enlever  leurs  im- 
puretés pour  les  amener  à  la  perfection  ;   si  leurs  travaux,  dis- 
je,  avaient  été  faits  d'après  les  doctrines  d'Albert  le  Graqd  et  de 
Roger  Bacon,  il  n'y  aurait  qu'à  leur  donner  des  éloges.  Mais^ 
quand  ces  philosophes  hermétiques,  comme  ils  s'appelaient  eux- 
mêmes  ,   soutiennent  dogmatiquement  que  les  légendes  de  l'É- 
glise, les  douze  apôtres,  les  mythes  de  Jupiter,  de  Mercure, 
d'Hercule,  de  Jason,  ne  sont  autre  chose  que  des  symboles  de 
leur  grand  œuvre,  et  qu'ils  prétendent  faire  de  l'or  avec  les 
taches  jaunes  d'une  salamandre,  enlevées  avec  un  outil  con- 
servé pendant  trois  fois  trois  lunes  dans  le  ventre  d'un  crapaud  pris 
la  veille  delà  Saint  Jean,  sous  un  chêne  portant  un  gui  au  som- 
met, ou  quand  ils  racontent  qu'avec  une  dose  presque  infinité- 
simale d'une  poudre  jaune  ou  rouge,  projetée  sur  du  plômb^  de 
l'élain  ou  du  mercure,  on  peut  transformer  des  masses  de  ces  mé* 
taux  en  or  ou  en  argent,  quand  des  hommes  mettent  en  avant  de 
pareilles  idées,  ils  méritent  d'être  fustigés  avec  les  verges  de  la 
satire. 

Il  y  a  deux  sortes  d'alchimistes  :  les  uns  consacrent  leurs  veilles 
au  progrès  de  la  science  ;  les  autres  ne  s'en  servent  que  pour 
s'enrichir.  Les  premiers  sont  dignes  d'éloges ,  les  derniers  doi- 
vent être  flétris  (1). 


>Qoins  les  personnes  qui  en  avaient  connaissance  ne  la  communiquaient  qu''avec 
l>€aucoupde  mystère,  et  d'une  manière  fort  incomplète. 

Ch.  Poterius  donna  le  premier,\[ans  sa  Pharmacie  spagyrique,  la  description 
détaillée  du  procédé  pour  obtenir  le  phosphore  de  Bologne.  Ce  procédé  consistait 
à  réduire  la  pierre  en  poudre,  à  Thumecter  d'eau  et  d'un  peu  de  blanc  d*œuf,  à 
en  faire  des  espèces  de  pastilles  que  Ton  saupoudrait  de  poussière  de  charbon,  et 
qae  l'on  chauffait  pendant  4  à  5  heures  à  un  feu  violent.  Si  ces  pastilles  n'attiraient 
pas  encore  assez  de  lumière,  on  les  soumettait  à  une  nouvelle  calcination  avec  du 
charbon.  —  On  sait  que  la  pierre  pesante  de  Bologne  n'est  antre  chose  que  du  sul- 
fate de  baryte,  lequel,  étant  calciné  avec  du  cljarbon,  se  transforme  en  sulfure  de 
baryum  pyrophorique.  C'est  ce  sulfure  parfaitement  sec  qui  parait  lumineux 
dans  Fobscurité,  après  avoir  été  préalablement  exposé  aux  rayons  du  soleil. 

(l)Lenglet-Dufresnoy  rapporte  plusieurs  histoires  de  projection  que  le  lecteur 
curieux  pourra  lire  dans  V  Histoire  de  la  philosophie  hermétique,  t,  II.  Mais  alors  il 


330  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Parmi  les  savants  de  ce  temps  qui  ont  particulièrement  con- 
tribué à  dévoiler  les  faux  alchimistes ,  Athanase  Rircher  oc- 
cupe le  premier  rang. 

AtkiiiiiMie  Hireher. 

Le  P..  Kircher,  né  en  1602,  mort  en  (1680),  de  Tordre  des 
jésuites ,  était  archéologue  et  mathématicien  plutôt. que  chi- 
miste. Natif  de  Fulda,  il  fut  quelque  temps  professeur  de 
mathématiques  et  de  langues  orientales  à  Avignon  ;  de  là  il  passa 
à  Rome ,  où  il  mourut,  à  Tâge  de  soixante-dix-huit  ans. 

La  guerre  que  le  P.  Kircher  fit  aux  alchimistes  dans  son  Mundus 
subterraneus  (1)  lui  attira  de  nombreux  adversaires,  parmi  les- 
quels nous  citerons  Blauenstein  (2)  et  Clauder  (3).  Dans  ses 
controverses ,  il  se  montra  dialecticien  habile  et  exempt  de  tout 
préjugé  ;  il  s'exprimait  avec  beaucoup  de  verve,  et  dans  un  lan- 
gage parfois  très-caustique. 

Il  faut,  selon  le  P.  Rircher,  diviser  les  alchimistes  en  quatre  ou 
plutôt  en  trois  classes  ;  la  première  comprend  ceux  qui  croient 
l'alchimie  une  science  tout  à  fait  impossible  :  ce  sont  des  al^ 
chimistes  désappointés  ;  la  deuxième  classe  se  compose  de  ceux, 
qui  donnent  de  Tor  ou  de  l'argent  faux  pour  de  l'or  ou  de  l'argent 
véritables  :  ce  sont  les  faux  monnayeurs  ;  enfin  la  troisième  classe 
comprend  ceux  qui  prétendent  faire  de  l'or  et  de  l'argent  pur,  au 
moyen  de  la  pierre  philosophple  :  ce  sont  les  alchimistes  propre- 
ment dits. 

Par  une  sériede  raisonnements  fort  bien  déduits,  le  P.  Kircher 
arrive  à  conclure  que  l'alchimie  n'est  pas  une  science  impossible, 
que  peut-être  un  jour  on  parviendra  à  opérer  la  transmutation  des 
métaux;  mais  que,  telle  qu'elle  existe,  c'est  une  chimère.  Ceux 


faudra  lire  aussi,  comme  contre-épreuve,  le  mémoire  de  Geoffroy  Faîne  sur  les 
supercheries  concernant  la  pierre  philosophale  (présenté  à  l'Académie  des 
sciences  le  15  avril  1722  ). 

(1)  Mundus  subterraneus,  in  quo  universa  naturœ  majestas  etdivitiœ  sumra* 
rerum  varietate  exponuntur,  etc.;  Amstelod.,  1664,  in-fol. 

(2)  Interpellatio  brevis  ad  philosopbos  pro  lapide  philosophorum  contra  anti- 
chymisticum   Mundum  subterraneum,  etc.;  Manget,  Bibl.  chem.^  1. 1,  pv  11^' 

(3)  Tractusde  tinctura  universali,  ubi  in  specie  contra  R.  P.  Athanas.  KircU^' 
riun  proexistentia  lapidis  philosophici  disputatur  ;  Manget,  t.  I,  p.  119. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  331 

qui  se  disent  en  possession  de  la  pierre  philosophale  sont,  ajoute- 
t-il,  ou  des  fripons  ou  des  niais  (1). 

Cette  conclusion  fut  adoptée  par  un  grand  nombre  de  chi- 
mistes. 

(i)  De  lapide  philosophorum  dissertaiio,  ex  Athanas.  Kircheri  Mundo  subter- 
raneo  descripta  ;  Manget,  Bibl.  chem.fi.  I,  p.  54.  —  K.  J.  E.  Kestler  a  extrait 
des  nombreux  ouvrages  du  P.  Kircher  tout  ce  qui  est  relatif  à  la  cliimie,  à  la 
physique,  etc.,  et  Ta  publié  sous  le  titre  :  Physiologia  Kircheriana  experimen' 
to/i5^  etc.^Âmsterd.,  1680  et  1682,  in-fol. 


332  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 


SECTION  TROISIÈME 


COUP   d'oeil  GENERAL. 


En  embrassant  d'un  coup  d'œil  le  développement  rapide  des 
sciences,  des  lettres  et  des  arts,  au  dix-septième  siècle,  ob 
serait  tenté  de  croire  que  l'esprit  humain,  au  lieu  de  suivre  une 
marche  graduelle,  avance  par  soubresaut.  Le  moyen  ftge  est  le 
calme  qui  précède  l'orage,  ou  plutôt  un  long  sommeil  pendant 
lequel  l'humanité,  semblable  à  un  athlète,  puise  les  forces  né>-  ^ 
cessaires  à  l'ardeur  de  ses  luttes. 

Partie  de  quelques  points  obscurs,  mais  grandissant,  dès  le 
seizième  siècle,  dans  des  proportions  gigantesques,  la  chimie  s'est 
tout  à  coup  élevée  à  la  hauteur  d'une  science  de  premier  ordre. 

Fiat  lux  !  A  cette  voix  qui  semblait  sortir,  comme  d'un  tom-  " 
beau,  des  ténèbres  du  moyen  âge,  la  fin  du  XVIII*  siècle  répon- 
dit :  Et  lux  fada  est. 

Mais  gardons-nous  bien  de  trop  nous  exalter,  et  surtout  ne  -^ 
soyons  pas  injustes  envers  nos  prédécesseurs  :  ils  ont  posé  les 
premières  pierres  de  l'édifice  dont  nous  nous  glorifions  d'être  les 
architectes.  La  méthode  expérimentale,  cegrand  levier  du  progrès 
des  connaissances  humaines,  pourrait  avoir  des  résultats  aussi  fu- 
nestes que  jadis  la  voie  spéculative,  si  elle  s'affranchissait  de  tout 
contrôle  et  qu'elle  méconnût  les  limites  de  ses  moyens  (i).     . 

Ce  n'est  qu'à  de  très-rares  intervalles  qu'on  voit  apparaître,  sur 
la  scène  du  monde,  de  ces  esprits  d'élite  qui  semblent  conser- 
ver un  parfait  équilibre  entre  la  théorie  et  l'expérience,  qui  do- 
minent les  détails  sans  se  perdre  dans  les  hauteurs  de  l'abstrac- 
tion, et  qui,  réunissant  tous  les  faits  d'observation  en  un  faisceau 
compacte,  arrivent  à  formuler  des  lois  universelles. 

Le  dix-huitième  siècle  offre  l'exemple  de  quelques-uns  de 
ces  esprits  d'élite. 

Il  importe  que  l'homme  se  rappelle  sans  cesse  que,  s'il  a  beau- 

(1)  Comp.  p.  \\[  (le  ce  volume. 


TA0ISI£1I£  EPOQUE.  333 

oup  fait,  il  lui  reste  bien  plus  encore  à  faire.  Nous  nous  trou- 
ons aujourd'hui  en  face  de  la  postérité  dans  la  même  situation 
»ii  se  trouvaient  vis-à-vis  de  nous  nos  prédécesseurs.  Les  gé- 
lérations  qui  se  succèdent  ne  sont  que  les  anneaux  d'une  chaîne 
loDt  aucun  œil  mortel  ne  mesurera  le  développement.  Si  Eck 
de  Sulzbach  (1)  et  Boyle  (2)  ne  parvinrent  pas  à  découvrir  l'oxy- 
gène, ce  ne  fut  point  de  leur  faute  :  ils  avaient  tout  fait  pour  y  ar- 
river. Et  combien  de  savants  sont  aujourd'hui,  comme  autrefois 
Eck  de  Sulzbach  et  Boyle,  à  saisir,  —  supplice  de  Tantale  1  —  ce 
dont  la  découverte  ne  sera  réservée  qu'à  leurs  descendants  !  — 
Les  découvertes,  comme  les  grandes  vérités,  sont  lentes  à  se 
fûre  jour;  elles  ne  brillent  de  tout  leur  éclat  que  sur  les  scories 
des  générations  éteintes. 

Voilà  des  réflexions  bien  faites  pour  abaisser  notre  orgueil, 
tource  de  tant  d'erreurs  et  de  tant  de  calamités. 


§  1. 

•  Moltrel  d'Élément* 

Nous  avons  vu,  dans  le  siècle  précédent,  Van  Helmont,  Boyle, 
Mayow,  entreprendre  des  recherches  sérieuses  sur  l'existence  des 
gaz.  Mais,  pour  approfondir  cette  question  importante  et  difficile, 
il  fallait  d'abord  trouver  le  moyen  de  manipuler  un  corps  aéri- 
furme  avec  la  même  facilité  que  tout  autre  corps  solide  ou  li- 
quide, et  montrer,  même  aux  yeux  du  vulgaire,  que  l'air,  par 
exemple,  peut  être  manié,  recueilli  et  transvasé  tout  comme  l'eau. 

Cette  tâche  était  réservée  à  un  physicien  français,  qui  vécut 
obscurément  au  milieu  de  ses  contemporains.  «  Les  ténèbres 
ne  comprirent  point  la  lumière.  » 

MoTTREL  d'Éi^ment,  c'cst  le  nom  de  ce  physicien,  faisait  pour 
pgner  sa  vie,  vers  l'année  1719,  et  peut-être  antérieurement  à 
(iette  époque,  des  cours  de  manipulation,  ainsi  annoncés  par  voie 
d'affiches  dans  les  rues  de  Paris  : 

La  manière  de  rendre  l'air  visible  et  assez  sensible  pour  le  me- 
wrer  par  pintes,  ou  par  telle  autre  mesure  que  Von  voudra  ;pour 
faire  des  jets  â^air,  qui  sont  aussi  visibles  que  des  jets  d'eau, 

(l)Yoy.t.  I,p.  47i. 
W  Voy.  1. 1,  p.  168. 


/ 


• 


334  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Malgré  la  nouveauté  du  sujet,  le  cours  de  Moitrel  n'eut  au- 
cun succès,  et  ce  qu'il  y  avait  de  plus  affligeant,  c'est  que  les 
princes  de  la  sience  d'alors,  les  académiciens  auxquels  le  pauvre 
physicien  s'était  adressé  pour  obtenir  leur  approbation,  le  trai- 
taient de  visionnaire,  d'esprit  malade  :  ils  le  tuèrent  moralement. 
Il  ne  lui  resta  donc  d'autre  moyen  que  de  rédiger  ses  idées,  et  de 
vendre  à  un  libraire  son  manuscrit,  qu'il  dédia  a  aux  dames,» 
soit  pour  se  venger  de  messieurs  les  académiciens,  soit  que 
les  femmes,  devinant  la  vérité,  eussent  prêté  une  oreille  pins 
attentive  aux  paroles  du  professeur.  La  brochure  de  Moitrel, 
imprimée  en  1719,  fut  tirée  à  un  très-petit  nombre  d'exemplaires; 
elle  se  vendait  trois  sous,  chez  Thiboust,  imprimeur-libraire  an 
Palais  de  Justice. 

Le  lecteur  sera  sans  doute  curieux  de  connaître  les  principaux 
passages  de  cette  brochure,  aujourd'hui  extrêmement  rare,  et 
dont  un  exemplaire ,  coté  n®  3264,  dans  la  bibliothèque  de 
Falconet,  fut  imprimé,  en  i  111,  dans  la  nouvelle  édition  du  Traité 
de  Jean  Rey,  par  Gobet. 

Voici  quelques  passages  textuels  de  ce  travail,  qi^i  est  un 
chef-d'œuvre  de  clarté  et  de  méthode  : 

Expérience  L 

«  Air  plongé  au  fond  de  l'eau  pour  faire  voir  que  tout  est  plein 
d'air,  et  que  nous  en  sommes  environnés  de  toutes  parts,  comme 
les  poissons  sont  environnés  d'eau  au  fond  des  mers. 

«  Disposition,  —  On  plonge  au  fond  de  l'eau  un  grand  verre  à 
boire  renversé,  et  l'on  voit  que  l'eau  n'entre  point  dans  le  verre, 
quoiqu'il  soit  renversé  et  ouvert. 

((  Explication.  — Un  verre  qui  serait  plein  d'eau  le  serait  tou- 
jours ,  quoique  renversé  dans  l'eau  ;  il  en  est  de  môme  à  l'égard 
de  l'air,  car  le  verre,  quoique  renversé,  est  plein  d'air.  C'est 
pourquoi,  lorsqu'on  le  plonge  dans  l'eau,  Teau  n'y  peut  pas  en- 
trer, parce  que  l'air,  qui  est  un  corps,  occupe  la  capacité  du  verre, 
et  résiste  à  l'eau.  Si  l'on  veut  voir  cet  air,  il  n'y  a  qu'à  pencher  le 
verre,  et  on  le  voit  sortir,  et  l'eau  entrer  en  sa  place. 

«  Remarques.  —  On  connaît  par  cette  expérience  que  tout  ce 
qui  nous  paraît  vide  est  plein  d'air,  et  que  nous  en  sommes  en- 
tourés, quelque  part  que  nous  allions. 

«  Pour  que  cette  expérience  soit  bien  visible  et  agréable  à  voir, 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  335 

3n  se  sert  d'un  grand  vase  de  cristal,  qu'on  nomme  récipient, 
[)arce  qu'il  reçoit  le  sujet  qu'on  veut  expérimenter. 

Expérience  II. 

«  Jet  d^air.  —  Pour  faire  voir  l'air  par  le  secours  de  l'eau, 
et  pourquoi  nous  ne  le  voyons  pas  naturellement. 

«  Disposition.  —  On  plonge  dans  l'eau  un  entonnoir  de  cris- 
tal, dont  le  bout  est  fort  fin,  qu'on  bouche  d'abord  avec  le  pouce. 
Cet  entonnoir,  qui  est  renversé,  est  retenu  au  fond  de  l'eau  par 
le  moyen  d'un  cercle  de  plomb.  Quand  on  retire  le  pouce  pour 
laisser  sortir  l'air  de  l'entonnoir  on  le  voit  fournir  un  jet  d'air  qui 
traverse  l'eau,  et  s'élève  jusqu*à  sa  superficie. 

a  Explication.  —  L'eau,  par  sa  pesaùteur,  comprime  l'air  par 
la  base  de  l'entonnoir,  et  l'oblige  à  sortir  par  le  petit  trou  qui 
est  au  haut  de  Tentonnoir,  où  il  y  a  moins  de  pression,  parce  que 
toute  la  hauteur  de  l'eau  presse  sous  la  base'de  l'entonnoir,  et 
qu'il  n'y  a  pas  la  moitié  de  cette  hauteur  d'eau  qui  presse  sur  le 
petit  trou.  On  voit  le  jet  d'air,  parce  qu'il  se  fait  dans  l'eau, 
comme  on  voit  un  jet  d'eau,  parce  qu'il  se  fait  dans  l'air.  Si  on 
faisaitun  jet  d'eau  dans  l'eau,  on  ne  le^errait  pas^  comme  on  ne 
verrait  pas  un  jet  d'air  dans  l'air;  et  un  homme  qui  serait  dans 
Peau,  les  yeux  ouverts,  ne  verrait  pas  l'eau,  parce  que  l'eau  qui 
baignerait  ses  yeux  l'empêcherait  de  voir  l'eau;  mais  il  verrait 
fort  bien  un  jet  d'air,  s'il  y  en  avait  un.  Car  il  en  est  de  même  de 
Pair,  où  nos  yeux  sont  pour  ainsi  dire  baignés,  et  nous  empê- 
chent de  le  voir. 

«  Remarque.  —  Je  ne  prétends  pas  dire  que  l'air  soit  la  cause 
de  ce  que  l'on  voit  l'eau;  mais  seulement  que  l'air  ne  se  peut 
distinguer  dans  l'air,  non  plus  queTeau  dans  l'eau,  et  qu'il  faut 
one  distance  entre  nos  yeux  et  l'objet. 

Expérience  III. 

«  Mesurer  l'air  par  pintes,  ou  par  telle  autre  mesure  qu'on 
voudra,  pour  faire  voir  que  l'air  est  une  liqueur  qu'on  peut  me- 
surer comme  les  autres  liqueurs. 

«  Disposition.  —  On  plonge  dans  l'eau  une  mesure  renversée, 
on  lient  à  sa  superficie,  au-dessus  de  la  mesure,  le  vase  où  l'on 


336  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

veut  mettre  Pair  mesuré.  Ce  vase,  qui  est  de  cristal,  doit  être 
renversé  et  plein  d'eau. 

«  Explication.  —  Lorsque  Ton  penche  la  mesure,  on  en  voit 
sortir  Pair  qui  couje  au  travers  de  Teau,  pour  s'aller  rendre 
dans  le  vase  disposé  à  ce  sujet,  duquel  il  descend  autant  d'eau 
qu'il  y  monte  d'air,  parce  que  Tair  est  moins  pesant  que  l'eau. 

a  Remarque,  —  Ayant  trouvé  par  le  secours  de  l'eau  la  manière 
d'emprisonner  l'air,  et  de  le  rendre  visible  en  telle  quantité  qu'on 
souhaite ,  il  est  aisé  de  faire  plusieurs  jolies  expériences  en  ce 
genre,  selon  la  curiosité  et  le  génie  des  personnes.  Pour  qui  re- 
garde la  facilité  de  cette  expérience,  un  demi-setier  est  plus  com- 
mode qu'une  pinte. 

Expérience  IV. 

((  Mesurer  une  pinte  d'air  dans  une  bouteille  qui  ne  tient  pas 
pinte f  afin  de  voir  répandre  le  surplus. 

((  Disposition.  —  On  se  sert  d'une  bouteille  ordinaire,  dont 
on  ôte  l'osier.  Quand  la  bouteille  est  pleine  d'eau,  on  la  bouche 
avec  le  doigt,  afin  de  la  renverser  sans  en  répandre,  pour  faire 
tremper  le  bout  du  goulot  dans  l'eau  du  grand  récipient,  au  fond 
duquel  on  a  mis  un  entonnoir  de  verre,  que  l'on  élève  ensuite 
pour  le  faire  entrer  dans  le  goulot  de  la  bouteille  qui  doit  être 
à  la  superficie  de  l'eau. 

c(  Explication.  —  On  met  avec  une  mesure  de  l'air  dans  l'enlon- 
noir,  cet  air  coule  dans  la  bouteille,  et  au  quatrième  demi-setier 
on  voit  répandre  l'air  que  la  bouteille  n'a  pu  contenir.  On  le  voit 
couler  entre  la  bouteille  et  l'entonnoir,  mieux  que  si  c'était  du 
vin  ou  autre  liqueur,  » 

Il  serait  difficile  de  donner  un  exposé  plus  simple  de  ces  belles 
expériences,  qui  toutes  témoignent  de  la  sagacité  de  l'auteur. 

On  sera  peut-être  curieux  de  connaître  le  sort  de  Moitrel  d'E- 
lément. Ce  physicien  occupaità  Paris  une  misérable  mansarde  de 
la  rue  Saint-Hyacinthe,  près  de  l'ancienne  porte  Saint- Jacques; 
il  vivait  du  produit  des  leçons  qu'il  donnait  aux  écoliers.  Une 
personne  charitable,  ayant  eu  pitié  du  vieux  et  pauvre  Moitrel,  ■ 
l'emmena  avec  elle  en  Amérique,  et  c'est  là  qu'il  mourut  (!)• 

(1)  Voy.  Tappendice  à  la  2*  édition  des  Essais  de  Jean  Rey,  par  Gobet;  Pa^i*» 
1777,  in-8V 


I 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  337 

§2. 

La  gloire  est  souventr  une  chance  :  elle  n'arrive  pas  toujours  à 
ceux  qui  la  méritent.  Moitrel  d'Élément  passa  inconnu,  pendant 
que  d'autres,  pour  avoir  émis  à  peu  près  les  mômes  idées, 
acquirent  de  la  célébrité. 

Il  y  a  des  moments  dans  l'histoire  où  l'esprit  humain  semble 
être  poussé,  coname  par  une  force  irrésistible,  aux  grandes  dé- 
couvertes. Depuis  les  travaux  de  Boyle,  de  Van  Helmont  et  de 
Mayow,  l'attention  des  chimistes  était  presque  exclusivement 
fixée  sur  l'étude  des  gaz  :  ce  fut  le  prélude  d'une  ère  nouvelle 
pour  la  science.  C'est  ainsi  qu'aujourd'hui  les  physiciens  con- 
centrent leurs  pensées  sur  le  problème  dé  l'unité  des  forces. 
Serait-ce  aussi  l'indice  d'une  ère  nouvelle  ? 

Nous  devons  signaler  ici  jusqu'aux  moindres  essais  qui  avaient 
été  faits  pendant  fa  première  moitié  du  xviii"  siècle,  dans  le  but 
d'éclaircir  la  question  des  corps  aériformes. 

Voici  les  noms  des  chimistes  qui, pendantcette  période,s'étaient 
occupés  des  gaz,  dont  ils  ne  cherchaient  d'abord  à  connaître 
que  quelques  propriétés  physiques,  et  leur  action  sur  l'économie  « 
animale. 

J.  GoTTSCHED ,  professeur  à  Kœnigsberg,  étudia  l'action  de 
l'air  sur  les  liquides  du  corps  humain  (1);  Hawksbee  examina 
les  fluides  élastiques  provenant  de  la  combustion  de  la  poudre 
à  canon,  ainsi  que  l'air  qu'on  avait  fait  passer  sur  des  mé- 
taux incandescents  (2);  Greenwood,  Lowther,  Mand,  Ghar- 
LETT  etDoRANTcherchaientà  approfondir  la  nature  des  airs  irres- 
pirables, qu'on  trouve  dans  les  mines  (3)  ;  Pinkgnau  traita  du 
gaz  asphyxiant  qui  se  dégage  des  matières  en  fermentation  (4); 
Ryberg,  de  l'air  considéré  comme  aliment  de  la  vie  (5);  J.-Gh. 
Lange,  de  l'existence  d'un  acide  aérien  (6);  S.  SuTTON,du  moyen 
de  renouveler  l'air  dans  les  navires  (7);  Ph.  Percival,  des  eaux 

(1)  Dissertatio  de  sethere  et  aère  eorumque  in  corpus  humanum  ejusque  hu- 
moFcs  vi  atque  actione;  Regiomont.,  1698,  in-4°. 

(2)  Philosoph,  Transact,  ;  ann.  1704  et  1706,  t.  XXIV,  n.  295;  an.   1706  et, 
1707,  t.  XXV,  n.  311  ;  an.  1710-1712,  t.  XXVII,  n.  328. 

(3)Transact.  philosoph.,  vol.  XXVI,  XXXVI,  XXXVIII,  XXXIX,  XLIV. 

(4)  De  suffocatioue  ex liquore  fermentante;  Regiomonl.,  1706,  in-4". 

(5)  De  aère  vitae  pabulo  ;  Hafn.,  1733,  m-i". 
(6)Diss.  de  acido  aereo  insonte;  Hafn.,  1754. 

(7)  Médical  essays  and  observations  by  a  Society  ofEdinburgh;  vol.  V,  1744. 

IIIRT.   DE  LA  CHIMIE.   —  T.   fl.  22 


338^  HISTOIRE  D£  LA  CHIMIE. 

acidulés,  de  llrrespirabilité  des  vapeurs  de  charbon,  etc.  (J); 
Lane,  de  la  dissolution  du  fer  par  Teau  chargée  d'air  fixe  (  gaz 
acide  carbonique  )  (2).  Browall,  Triewald,  Bioernshahl,  Deigh- 
MANN,  Theorald,  Frewen,  Bel,  firent  des  observations  sur  les  airs 
irrespirables  et  inflammables  des  galeries  souterraines,  et  sur  les 
accidents  que  ces  airs  peuvent  occasionner. 

L'immortel  Newton,  transportant  la  loi  de  Tattraction  univer- 
selle dans  le  domaine  de  la  chimie,  essaya  le  premier  d'expliquer 
par  l'affinité  la  dissolution  des  métaux  dans  les  acides;  il  fit  des 
expériences  sur  l'élasticité  des  gaz^  et  définit  la  flamme  un  fluide 
incandescent  (3). 

Son  compatriote  Haies  fit  plus  particulièrement  des  fluides 
élastiques  l'objet  de  ses  recherches.  Aussi  allons-nous  nous  y  ar- 
rêter un  moment. 


\ 


§3. 
Haie». 

Peu  de  sciences  étaient  étrangères  à  Etienne  Haies  (  né  le  7  sep- 
tembre 1677),  et  quelques-unes  d'entre  elles  lui  doivent  d'impor- 
taates découvertes.  La  physique,  lachimie  et  la  physiologie  eurent 
pouir  lui  un  attrait  particulier.  Haies  avait  embrassé  l'état  ecclé- 
siastique. En  1719,  il  communiqua  à  la  Société  royale  de  Londres, 
dont  il  venait  d'être  élu  membre,  des  expériences  sur  les  ef- 
fel&de  la  chaleur  du  soleil  pour  faire  monter  la  sève  dans  les 
végétaux,  expériences  qui  servirent  de   point  de  départ  à  la 
Statique  des  végétaux  (  un  des  livres  les  plus  remarquables  pu- 
bliés^  dans  la  première  moitié  du  xviii*  siècle  ),  que  l'auteur  dé^ 
dia ,  en  1727,  au  roi  Georges  IL  Haies  est  mort  en  1761.  La  prin- 
cesse de  Galles  lui  fit  élever,  — honneur  insigne,  —  un  monumen  t 
dans  l'abbaye  de  Westminster. 


Traduit  en  français  sous  le  lilre  de  Nouvelle  Méthode  2)our  pomper  les  mair  ^ 
vais  airs  des  vaisseauxi^  avec  une  dissertation  sur  le  scorbut,  par  le  doc — 
leur  Mead,  etc.;  Paris,  1749,  iii-12. 

(1)  Essa>s  médical  and  expérimental,  etc.,  vol.  Il,  n  G. 

[9.)  Philosophical  Transact,,  LIX,  n.  30,  p.  216. 

(3)  OpticJis;  London,  1701,  in-4°,  quest.  9, 


TROISIEME  ÉPOQUE.  339 


Trawau^K  de  Haies. 

Haies  avait  entrepris,  dès  Tannée  1-724-,  un  très-grand  nombre 
d'expériences  sur  la  végétation  des  plantes,  sur  leur  transpiration, 
sur  la  circulation  de  la  sève,  sur  la  distillation  des  produits  vé- 
gétaux et  sur  les  fluides  élastiques  qui  s'en  dégagent.  Ces  expé- 
riences furent  d'abord  communiquées  à  la  Société  royale  de 
Londres,  puis  recueillies  et  publiées  sous  le  titre  de  Végetàblè 
itaticks^  or  an  account  of  some  statical  eccperiments  on  the  sap^ 
being  an  essay  towards  a  natural  history  of  végétation,  etc.  ; 
LoRd.^  1727,  in -8°.  —  L'apparition  de  cet  ouvrage  produisit  une 
grande  sensation  dans  le  monde  savant  ;  il  fut  bientôt  traduit 
en  français,  en  hollandais  et  en  allemand  (1). 

Le  principalmérite  de  Haies,  c'est  d'avoir  imaginé  un  appareil 
plus  convenable  que  celui  de  Boyle  et  de  Mayow,  pour  recueillir 
les  gaz  ,  appareil  dont  se  servirent  plus  tard  Black,  Priestley,  La- 
voisier,  et  sans  lequel  l'acide  carbonique,  l'oxygène,  l'hydrogène 
et  tant  d'autres  gaz  seraient  peut-être  encore  à  découvrir  ! 

La  figure  suivante  (voy.  le  verso  de  la  page]  donnera  de  cet 
appareil  une  idée  plus  exacte  qu'une  description  détaillée. 

L'appareil  dont  on  se  sert  aujourd'hui  pour  recueillir  les  gaz 
ne  diffère,  comme  on  voit,  de  celui  de  Haies  que  par  quelques  lé- 
gères modifications,  destinées  à  en  rendre  l'emploi  plus  commode . 
A  la  place  du  tuyau  recourbé  de  plomb,  on  se  sert  d'un  tube  en 
verre,  et  l'on  se  dispense  de  suspendre  le  récipient  ou  l'éprou- 
vette  renversée  sur  la  cuve,  dont  la  forme  ainsi  que  celle  du  ré- 
cipient ont  été  simplifiées. 

Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  constater  que,  par  une 
singulière  coïncidence,  les  deux  appareils  peut-être  les  plus  im- 
portants de  la  chimie,  ceux  de  la  distillation  et  du  recueillemenl 
des  gaz,  manquaient ,  dans  l'origine  ,  du  tube  nécessaire  pour 
faire  communiquer  le  récipient  avec  la  cornue  (2). 

C'est  l'invention  de  ce  tube  que  nous  devons  à  Haies.  Boyle  et 
Mayow   s'étaient  servis,  avant  lu^  de  ballons  de  verre  pleins 

(1)  La  traduction  française  est  due  à  Buffon  :  La  statique  des  végétaux,  etc. 
Paris,  1735,  in-i".  Nouvelle  édition,  revue  par  Sigaud  de  Lafond;  Paris,  1779, 
in-S^  —  Trad.  hollandaise,  1750,  in-8**;  trad.  allemande,  1747. 

(2)  Voy.  plus  baut,  t.  I,  p.  202,  et  t.  II,  p.  154. 

22. 


UISTOIBB   DE  Lk   CBIXIE. 


d'eau,  et  renversés  sur  des  cuvettes  remplies  du  même  liquide. 

L.es  gaz  qu'ii  parvint  ainsi  à  recueillir  étaient  très-variés. 
H  en  obtenait  en  chaiiirant  du  bois  de  chiine,  du  blé  de  Turquie, 
du  tabac,  des  huiles,  du  miel,  du  sucre,  des  pois,  de  la  cire,  du 
succin,  du  sang,  de  la  graisse,  des  écailles  d'huître,  etc.  Il 
montrait  que  la  plupart  de  ces  gaz  sont  inflammables,  et  il  com- 
parait dans  ses  expériences,  faites  avec  beaucoup  de  soin,  le  poid: 
de  la  substance  employée  avec  la  quantité  de   gaz  produit  (1). 

Indépendamment  de  ces  gaz,  résultats  de  la  distillation  de  ma- 
tières  organiques,  il  avait  recueilli  les  fluides  élastiques  provenani 
de  l'action  des  acides  sur  les  métaux  (  acide  vitriolique,  eau  el  fer 
—  eau-forte  et  cuivre),  de  la  combusticui  du  soufre,  du  char- 
bon, du  nitre,  de  la  fermentation,  de  la  distillation  des  eaux  de 
Spa,  dcPyrmont,  etc.  Il  démontra,  par  une  série  d'expériences, 
que  l'air  dans  lequel  brûle  un  corps  combustible  , 


(O'SlalicliS  of  vegel.,  cli.  VI. 


TROISIÈME  EPOQUE.  341 

phosphore,  etc.,  diminue  de  volume  ;  qu'après  Pextinclion  de  ce 
corps,  il  est  impossible  de  le  rallumer,  et  que  la  respiration  des 
animaux  produit  le  même  effet  que  la  combustion;  d'où  il 
conclut  que  les  animaux  absorbent  une  certaine  partie  de  l'air, 
laquelle  se  combine  dans  les  poumons  avec  les  particules  combus- 
tibles du  sang. 

(c  Dans  l'intérieur  des  vésicules  du  poumon,  dit  Haies,  le  sang 
est  séparé  de  l'air  par  des  cloisons  si  fines,  qu'il  est  raisonnable 
de  penser  que  le  sang  et  l'air  se  touchent  d'assez  près  pour 
tomber  dans  la  sphère  d'attraction  l'un  de  l'autre;  et  c'est  par 
ce  moyen  que  le  sang  peut  absorber  continuellement  de  nouvel 
air,  en  détruisant  son  élasticité  (i).  » 

Il  n'y  avait  qu'un  pas  à  faire  pour  arriver  à  la  théorie  de  la  res- 
piration considérée  comme  un  phénomène  de  combustion. 

Haies  savait  aussi  que  le  plomb  augmente  considérablement  de 
poids  en  se  convertissant  en  minium,  et  que  le  minium  chauffé 
au  moyen  d'une  lentille  dégage  une  énorme  quantité  de  fluide 
élastique. 

Les  principaux  gaz  produits  et  recueillis  par  lui  étaient  :  l'hy- 
drogène, l'hydrogène  bicarboné,  l'acide  carbonique,  l'hydro- 
gène protocarboné,  l'acide  sulfureux,  l'azote,  l'oxygène.  Il  ne 
manquait  plus,  pour  avoir  la  série  presque  complète,  que  le 
chlore,  le  cyanogène  et  les  gaz  qui,  tels  que  l'ammoniaque  et 
l'acide  chlorhydrique,  sont  trop  solublesdans  l'eau  pour  pouvoir 
.  être  recueillis  sur  ce  liquide. 

Cependant  Haies  n'a  lui-même  découvert  aucun  de  ces  gaz. 
Pourquoi?  c'est  que  tous  ces  gaz  n'étaient  pour  lui 'que  de  l'air 
commun.  Si  l'air,  provenant  de  la  distillation  de  la  cire,  de  la 
graisse,  des  pois,  etc.,  est  inflanamable,  c'est  qu'il  est,  disait-il, 
imprégné  de  particules  sulfureusesou huileuses.  Si  l'air  estirres- 
^pirable,  c'est  que  ses  molécules  ont  subi  une  diminution  de 
l'élasticité  nécessaire  à  l'entretien  de  la  respiration.  En  un 
mot,  tous  ces  différents  gaz  ne  sont  pour  lui  que  de  l'air  atmos- 
phérique ,  susceptible ,  selon  les  circonstances,  d'être  modifié 
dans  sa  composition  et  dans  son  élasticité. 

Haies  s'était  imaginé,  ce  que  personne  n'aurait  pu  lui  ôter  de- 
Tesprit,  que  Tair  (atmosphérique)  est  le  lien  élémentaire  qui  unit 
entre  elles  toutes  les  particules  d'un  corps,  et  qu'il  en  est  éliminé 

(1)  Statieks  of  vegct.,clï.  VI,  exp.  110. 


342  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

soit  par  la  combustion,  soit  par  la  fermentation.  C'est  ainsi 
qu'une  théorie  préconçue  peut  rendre  Thomme  aveugle. 

En  résumé,  Haies  n'a  pas,  à  proprement  parler,  découvert 
de  gaz  ;  mais  il  a  inventé  le  meilleur  moyen  de  les  recueillir.  Moi- 
trel  d'Élément  avait  enseigné  que  Tair  est  susceptible  d'être 
transvasé  comme  de  l'eau;  mais  il  n'avait  pas  indiqué  le  moyen 
de  le  recueillir  lorsque  ce  fluide  se  dégage  de  quelque  combi- 
naison. Haies  est  venu  combler  cette  lacune. 

• 

§  4. 

Boerhaa^e,  Venel,  Cieoflroy  aine,  et  d'autres 

ehinitotes  pneumatistes. 

Les  expériences  de  l'auteur  de  la  Statique  des  végétaux,  éveil- 
lèrent l'attention  des  physiciens  et  des  chimistes. 

BoERHAAVE  fut  uu  dcs  premiers  à  répéter  les  expériences  de 
Haies,  et  il  se  forma  à  cet  égard  à  peu  près  les  mêmes  idées  que 
leur  auteur. 

Fr.  VejSbl,  professeur  de  chimie  à  Montpellier,  présenta,  en 
1750 ,  à  l'Académie  des  sciences,  deux  mémoires  ayant  pour 
objet  de  prouver  que  les  eaux  de  Seltz,  et  la  plupart  de  celles 
connues  sous  le  nom  d'acidulés,  doivent  leur  goût  piquant,  ainsi 
que  les  bulles  qui  s'en  élèvent  et  qui  imitent  l'effet  du  vin  de 
Champagne,  à  une  quantité  considérable  d'air  en  état  de  disso- 
lution. Il  fabriqua  le  premier  une  espèce  d'eau  gazeuse,  au 
moyen  de  parties  égales  de  sel  de  soude  (  carbonate)  et  d'acide 
muriatique  (1).  Ces  recherches  n'amenèrent  aucun  résultat  nou- 
veau; car  l'auteur  se  refusait  obstinément  à  croire  que  l'air  des 
eaux  gazeuses  fût  différent  de  celui  de  l'atmosphère.  Il  y  avait 
plus  de  cent  ans  que  Van-Helmont  avait  déjà  dit  ce  que  Venel  ne 
fit  que  répéter  sur  l'existence  d'un  fluide  élastique  dans  l'eau 
gazeuse  acidulé;  et  cependant  Van-Helmont  s'était  bien  gardé 
de  confondre  l'air  (esprit  sylvestre)  de  ces  eaux  avec  l'air  atmos- 
phérique (2). 

Indépendamment  de  ce  travail ,  il  nous  reste  de  Venel  quel- 

(1)  Mémoires  présentés  à  l'Académie  des  sciences  de  Paris  par  divers  savant* 
étrangers,  \ol.  II,  p.  53,  80  et  337. 

(2)  Voy.  p.  137  et  138  de  ce  volume. 


TROISIEME  EPOQUE.  M^ 

ques  observatîoDS  sur  la  décomposition  des  plantes  (1) ,  sur  les 
moyens  de  dissoudre  les  calculs  urinaires  (2),  sur  le  salpêtre  (3) 
€t  sur  la  bile  (4),  observations  qui  ne  contiennent  rien  de  «ail- 
lant. 

Geoffroy  aîné  cita  plusieurs  cas  de  production  de  gaz  în- 
flammables  et  irrespirables  (5)  ;  Desaguliers  voulut  expliquer 
la  formation  des  mofettes  dans  les  galeries  souterraines,  et  pro- 
posa des  moyens  de  renouveler  Tair  dans  les  chambres  où  se 
trouvent  accumulés  des  malades  (6)  ;  Duhamel  donna  également 
des  instructions  sur  le  renouvellement  de  l'air  dans  les  hôpitaux, 
dans  les  prisons,  etc.  (7).  Le  célèbre  physicien  Muschenbroek  ne 
resta  pas  étranger  à  Tétude  des  gaz  (8).  J.  Huber,  de  Bâle,  an- 
nonça que  les  poumons  sont  comme  un  filtre  qui  laisse  passer 
Tair  dans  le  sang  (9)  ;  Gaspard  Hauser  traita  de  Tair  dans  Tin- 
térieur  de  Téconomie  (10)  ;  J.  Veratti  publia  une  série  d'expé- 
riences sur  l'action  nuisible  de  Tair  corrompu  par  la  respiration 
des  animaux  (11);  un  médecin  napolitain,  J.  MoscA,  traita  de 
l'influencedeTair  dansla  production  des  maladies  (12)  ;  Nollet, 
Daquen,  Fave,  Sauvages,  Hannjeus,  Bartels  ,  Teichmeyer, 
ScHRECK,  Alberti,  Reimmann,  Seip,  étudièrent  TacAion  des  airs 
irrespirables  qui  se  rencontrent  dans  la  nature. 

§5. 
Black. 

L'étude  des  fluides  élastiques  avait  jusqu'à  présent  dérouté 
les  plus  habiles  expérimentateurs.  Aucun  gaz  n'avait  encore 
été  parfaitement  distingué  de    l'air  atmosphérique,   lorsque 

(1)  Mém.  présent,  à  l'Acad.  de  Paris,  vol.  II,  p.  319. 

(2)  Quœstiones  chemicae  duodecini,  etc.,  quœst.  3, 9, 10, 

(3)  Ibid.,  n.  VII. 

(4)  Ibid.,  n.  IX. 

(5)  Hist.fdeVAcad,  des  sciences,  années  1701,  1710, 1744,  1751. 
{a)  Philosoph.  Transact,,  an.  1735  et  1736. 

(7)  Jtist.  de  VAcad.  des  sciences,  année  1748, 

(8)  Tentamina  experimentorum  naturalium  corporura  in  Acad,  dcl  Cimen- 
lo,  etc.,  addit.,  §  36-50;  §  77. 

(9]Deaereatque  electro  occonomiâBanimalis, etc.;  Cassel.,  1748,  in*4°. 

(10)  Diss.  de  aère  intra  œconomiam  cori)oris  humani;  Basil.,  1733,  in--4*'. 

(11)  De  Bonon.  scient,  et  art.  institut,  commentarii,  vol.  Il,  pars  I. 

02)  Dell'  aria  e  di  morbi  dell'  aria  dipendenti  ;  Neapol.,  1746  et  1747,  in-8«. 


344  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Black  parut.  En  découvrant  ou  plutôt  eu  distinguant  le  gaz  acide 
carbonique  des  autres  corps  aériformes,  ce  chimiste  imprima  à 
la  science  une  direction  nouvelle. 

Plus  ancien  que  Lavoisier,  Black  resta,  avec  quelques  restric- 
tions, fidèle  à  la  doctrine  du  phlogistique,  en  dépit  des  pro^ 
grès  rapides  que  faisait  journellement  la  chimie ,  progrès 
auxquels  il  avait  lui-même  considérablement  contribué.  Son 
exemple  montre  qu'on  peut  faire  de  grandes  découvertes,  et 
enrichir  le  domaine  des  connaissances  positives  de  faits  nou- 
veaux, alors  même  qu'on  se  laisse  dominer  par  des  doctrines 
erronées. 

Joseph  Black  peut  être  revendiqué  par  la  France,  car  il  naquit 
à  Bordeaux  en  1728,  de  parents  écossais,  établis  sur  le  sol  français. 
Il  vint  très-jeune  en  Ecosse,  et  étudia  la  médecine  à  Glasgow  et 
dans  l'université  d'Edimbourg,  où  il  obtint,  en  1754,  le  grade 
de  docteur  en  médecine.  Ce  fut  à  cette  occasion  qu'il  soutint  une 
thèse  remarquable ,  De  humore  acido  a  cibis  ortOy  et  magnesia 
alba,  où  l'on  trouve  dès  expériences  propres  à  faire  distinguer 
la  magnésie  de  la  chaux.  En  1756  il  fut  chargé,  à  Glasgow,  de 
la  chaire  de  Cullen,  son  ancien  maître,  qui  venait  d'être  appelé 
à  la  place  de  professeur  de  chimie  à  l'Université  d'Edimbourg. 
L'année  suivante,  le  jeune  professeur  attira  sur  lui  l'attention  du 
monde  savant  par  son  beau  travail  Sur  la  chaleur  latente.  Lors- 
que Cullen  quitta  en  1765  sa  chaire,  son  élève  fut  jugé  digne 
de  le  remplacer. 

Par  la  nouveauté  de  son  enseignement  Black  fit  affluer  en 
Ecosse  une  nombreuse  jeunesse,  suivant  avidement  les  leçons 
du  célèbre  professeur.  Celui-ci  entretenait  en  môme  temps  une 
correspondance  active  avec  les  chimistes  les  plus  distingués  de 
l'Europe,  et  en  particulier  avec  Lavoisier,  qui  se  plaisait  à  l'appe- 
ler son  maître.  11  s'opposait,  avec  chaleur  et  vivacité,  à  l'en- 
vahissement des  théories  nouvelles  de  la  chimie  pneumatique, 
soit  par  conviction,  soit  pour  ne  pas  donner  un  démenti  à  ses  tra- 
vaux primitifs.  Le  Nestor  de  la  chimie  du  dix-huiUème  siècle 
(c'est  ainsi  que  Black  fut  surnommé  par  Fourcroy)  mourut:^ 
âgé  de  71  ans.  Ses  mœurs'étaient  simples  et  austères  ;  son  carac^— 
tère,  froid  et  réservé. 

M.  Robinson,  son  élève  favori,  nous  a  laissé  des  détails  tou- — 
chants  sur  les  derniers  jours  de  la  vie  de  ce  savant  modèle.  Sr». 
mort  fut  calme  comme  l'avait  été  sa  vie. 


TROISIEME  EPOQUE.  '  345 

a  Le  26  novembre  1799,  Black  expira  sans  qu'aucun  symptôme 
eût  précédé  ce  terrible  passage.  Il  était  à  table;  son  repas  ordi- 
naire était  un  peu  de  pain ,  avec  des  prunes  cuites^  et  sa  boisson 
habituelle  était  du  lait  mêlé  d'eau.  Il  tenait  sa  coupe  à  la  main, 
lorsque  son  pouls  battit  pour  la  dermière  fois  :  il  la  posa  sur  ses 
genoux,  qu'il  tenait  serrés  pour  qu'elle  ne  tombât  pas,  et  expira 
à  l'instant,  sans  qu'une  goutte  de  boisson  fût  versée  et  sans  qu'au- 
cun de  ses  traits  eût  changé  sa  physionomie.  On  aurait  dit  qu'il 
était  là  encore  comme  pour  montrer  expérimentalement  à  ses 
amis  combien  il  est  facile  de  mourir.  Dansée  moment/  son  do- 
mestique ouwt  la  porte  pour  lui  annoncer  une  visite;  on  maître 
ne  répondant  pas,  il  s'avança  de  quelques  pas  ;  mais,  le  voyant 
tranquillement  assis  et  tenant  sa  coupe  sur  ses  genoux,  il  le  crut 
endormi,ce  quilui  arrivait  souvent  après  le  repas.  Il  s'en  retourna. 
Cependant,  arrivé  au  milieu  de  l'escalier,  une  sorte  d'inquiétude 
le  fit  revenir  sur  ses  pas  ;  il  retrouva  son  maître  dans  la  même  po- 
sition, et  se  préparait  encore  une  fois  à  s'en  aller,  lorsqu'un 
nouveau  scrupule  le  fit  approcher;  il  s'assura  cette  fois  que 
Black  avait  cessé  de  vivre. 

«  Black  était,  ajoute  Robinson ,  à  la  fois  un  savant  et   un 
homme  du  monde;  rien  de  ce  qui  peut  contribuer  à  l'agrément 
de  la  société  ne  lui  était  étranger,  et  il  savait  causer  de  baga- 
telles comme  des  sujets  les  plus  profonds.  Il  avait  l'oreille  très- 
musicale,  et  il  chantait  avec  beaucoup  de  goût;  il  était  assez 
bon  musicien  pour  exécuter  un  air  à  la  première  vue  ;  et  je  n'ai 
jamais  entendu  personne  apprécier  avec  autant  de  finesse  et  de 
goût  les  divers  caractères  des  compositions  musicales,  nationales 
ou  étrangères,  et  les  comparer  entre  elles  avec  autant  de  saga- 
cité, n  cessa  de  cultiver  ces  talents  lorsqu'il  vint  s'établir  à  Edim- 
bourg. Son  cours  de  chimie  était  l'objet  de  tous  ses  soins.  Chaque 
année  il  cherchait  à  rendre  son  cours  encore  plus  simple  et  plus 
familier,  et  à  varier  ses  expériences  avec  une  dextérité  et  une 
grâce  infinies.  C'est  en  étudiant  l'Optique  de  Newton  qu'il  prit 
l'habitude  de  ces  raisonnements  par  induction  qui  devaient  le 
mettre  sur  la  voie  des  découvertes.  » 

TraTAiiiK  de  Blark. 

Black  n'a  écrit  lui-même  qu'un  très-petit  nombre  de  mémoi- 
ï'cs,  insérés  dans  les  Philosophical  Transaciions  of  London,  et 


346  HISTOIRE  DE  LA  GUIMIE. 

dans  les  Physical  and  litterary  essays  and  observations  bya  Society 
in  Edinburgh.  Comme  Rouelle,  il  se  fit  surtout  connaître  par  son 
enseignement,  qui  fit  de  nombreux  disciples.  Ses  leçons,  dans 
lesquelles  il  se  plaint  quelquefois  avec  aigreur  de  Lavoisier, 
furent  rédigées  après  sa  mort  sur  les  manuscrits  de  l'auteur 
par  un  de  ses  élèves  les  plus  distingués,  M.  Robinson,  et  pu- 
bliées sous  le  litre  de  Lectures  on  the  ejements  of  chem'stry, 
delivered  in  the  university  of  Edinburgh,  by  the  late  J.  Black; 
new  published  front  his  manuscripts,  by  John  Robinson,  professer 
of  naturéU philosophyf  etc.  (l). 

Nous  avons  fait  connaître  les  recherches  de  Fred.  Hoffmann 
sur  une  terre  alcaline  différente  de  la  chaux,  la  magnésie  (â). 
Black  vint  les  compléter  par  des  observations  nouvelles.  Ce 
fut  là  son  premier  travail.  «Lorsque  je  commentai,  dit- il,  à 
faire  des  expériences  de  chimie,  j'eus  la  curiosité  d'examiner 
de  plus  près  la  terre  décrite  par  Hoffmann.  JiC  résultat  de  ces 
expériences  me  suggéra,  quelque  temps  après,  l'idée  de  donner 
une  explication  plus  satisfaisante  de  l'action  de  la  chaux  vive  sur 
les  sels  alcalins  (  carbonates) ,  et  je  me  trouvai  ainsi  engagé  dans 
une  série  de  travaux  qui  devaient  plus  tard  répandre  une  vive 
lumière  sur  beaucoup  de  points  importants  de  la  chimie. 

«  Vers  cette  époque  (année  1754),  les  docteurs  "Whytt  et 
Alston,  professeurs  à  l'université  d'Edimbourg,  avaient  soulevé 
une  discussion  de  médecine  pratique  d'un  grand  intérêt  :  le  pre- 
mier soutenait  que  l'eau  de  chaux,  faite  avec  la  chaux  des  co- 
quilles d'huître  (lime-water  of  oyster-shell  lime)  est  plus  efficace 
pour  dissoudre  les  calculs  de  la  vessie  que  l'eau  de  chaux  pré- 
parée avec  la  pierre  calcaire  ordinaire  ;  le  docteur  Alston*  don- 
nait à  cette  dernière  eau  la  préférence.  Attentif  à  cette  discus- 
sion, j'avais  conçu  l'espérance  qu'en  essayant  un  grand  nombre 
de  terres  alcalines,  je  pourrais  peut-être  en  rencontrer  quelques- 
unes  qui  fussent  différentes  ,  par  leurs  qualités,  des  espèces 
communes,  et  qui  donnassent  une  eau  encore  plus  efficace  que 
la  chaux  des  coquilles  d'huître.  Je  commençai  donc  mes  recher- 
ches par  la  terre  décrite  par  Hoffmann  (3).  » 

Black  préparait  la  magnésie  (  à  l'état  de  carbonate  )  en  traitant 

(1)  Lectures  on  the  éléments  of  chemistnj,  etc.,  vol.  Il,  p.  52. 

(2)  Edinburgh,  2  vol.  in-4°,  1803.— Cet  ouvrage,  tiré  à  un  très-petit  nombre 
d'exemplaires,  est  aujourd'hui  très-rare. 

^3)  Voy.  p.  229  de  ce  volume. 


TROISIÈME  EPOQUE.  347 

une  solution  de  sel  cathartique  amer  (  sulfate  de  magnésie)  par 
la  potasse  commune  (  carbonate  ).  Voici  les  caractères  qu'il  en 
donne ,  et  qui  désormais  ne  permettaient  plus  de  confondre  la 
magnésie  avec  la  chaux  : 

1®  La  magnésie  (magnésie  carbonatée)  fait  effervescence  avec 
les  acides  et  les  neutralise.  Les  composés  qu'elle  forme  avec  les 
acides  sont  différents  de  ceux  que  donne  la  chaux  avec  ces 
mêmes  acides; 

2"  Elle  précipite  la  terre  calcaire  de  ses  combinaisons  avec  les 
acides;  « 

3^  Exposée  à  Taction  du  feu,  elle  ne  se  change  pas  en  chaux 
vive  ; 

4®  Calcinée  et  traitée  par  Teau,  elle  ne  donne  point  de  solu- 
tion, sensible  au  goût;  elle  est  donc,  contrairement  à  la  chaux 
vive,  insoluble  dans  Teau. 

Cependant  Black  n'ignorait  pas  que  la  magnésie  (  carbonatée  j, 
soumise  pendant  quelques  heures  à  l'action  d'une  forte  chaleur 
rouge  (magnésie  calcinée),  possède  des  propriétés  différentes 
qui  firent  l'objet  de  ses  recherches. 

Il  remarqua  d'abord  que  la  magnésie  calcinée  diminue  con- 
sidérablement de  volume,  que  son  poids  est  aussi  moindre 
(Imparties  s'étaient  réduites  à  5),  et  qu'elle  se  dissout  dans  les 
acides,  sans  effervescence,  bien  que  les  sels  qu'elle  forme  avec 
les  acides  ne  diffèrent  point  de  ceux  que  ces  mômes  acides  pro- 
duisent avec  la  magnésie  non  calcinée. 

Gesrésultats  l'engagèrent  às^assurer  comment  le  feu  avait  opéré 
ces  changements,  et  quelle  était  la  matière  qui  s'était  séparée  par 
faction  de  la  chaleur  y  et  qui  avait  ainsi  diminué  le  poids  et  le  vo- 
lume de  la  magnésie. 

«  A  cette  fin,  je  mi»,  dit-il,  une  quantité  déterminée  de  ma- 
gnésie (carbonatée)  dans  une  cornue  de  verre,  à  laquelle  j'adaptai 
UQ  récipient  entouré  d'eau  froide.  Je  chauffai  jusqu'au  rouge  ; 
mais  je  n'obtins  qu'une  très-petite  quantité  de  fluide  aqueux  (  a 
wry  small  quantity  of  watery  fluid),  contenant  des  traces  d'une 
matière  volatile  ;  et  pourtant  la  magnésie  avait  beaucoup  perdu 
de  son  poids.  Ce  résultat 'm 'étonna,  et  me  rappela  certaines  ex- 
périences de  Haies.  Je  conjecturai  alors  que  la  perte  du  poids 
qu'avaitéprouvéela  magnésie  serait  peut-être  due  à  lasublimation 
d'une  matière  aérienne  élastique  (  elastic  aerial  matter  ),  ou  d'un 
aip  passé  travers  le  lut  de  l'appareil.  Je  me  confirmai  dans  cette 


348  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

idée  en  pensant  que  l'effervescence  que  la  magnésie  fait  avec 
les  acides  pourrait  bien  provenir  de  l'expulsion  d'un  air  com- 
bine avec  cette  substance. 

«  Pour  mieux  me  corroborer  dans  mon  opinion,  je  réfléchis 
au  moyen  de  rendre,  s'il  était  possible,  à  la  magnésie  calcinée 
l'air  qu'elle  avait  perdu  par  la  calcination.  Et  je  me  demandai 
d'abord  comment  la  magnésie  avait  acquis  cet  air  :  elle  ne  pou- 
vait l'avoir  acquis  pendant  qu'elle  était  encore  combinée  avec 
l'acide  sulfurique  dans  le  sel  d'Epsom;  car  l'effervescence  que  la 
magnésie  produit,  au  contact  d'un  acide,  prouve  que  celle-ci  ne 
peut  pas  être  combinée  en  même  temps  avec  un  acide  et  avec  cet 
air  en  question.  La  magnésie  ne  peut  donc  avoir  reçu  cet  air  que 
de  l'alcali  (carbonate)  employé  pour  la  précipiter  (1)  ». 

A  l'appui  de  cette  manière  de  voir  Black  fit  l'expérience  sui- 
vante, tout  à  fait  décisive  : 

«  Je  pris,  dit-il,  120  grains  de  magnésie  commune  ;  je'la  cal- 
cinai dans  un  creuset,  de  manière  à  lui  faire  perdre  70  grains  de 
son  poids.  Cette  magnésie,  ainsi  calcinée,  fut  ensuite  dissoute 
sans  effervescence  dans  une  quantité  suffisante  d'acide  vitrioli- 
que  dilué,  et  la  liqueur  fut  précipitée  par  une  solution  chaude 
d'alcali  fixe  commun  (carbonate  de  potasse).  Enfin,  en  pesant 
ce  précipité,  convenablement  lavé  et  desséché,  je  pus  me  con- 
vaincre que  la  magnésie  avait  recouvré,  à  une  légère  différence 
près  {except  a  mère  tri  fie),  la  totalité -du  poids  qu'elle  avait 
perdu  par  la  calcination.  Et  ce  précipité  se  comportait  en  tout 
comme  la  magnésie  commune.  » 

Cette  expérience  confirma  l'habile  chimiste  dans  l'idée  que  la 
magnésie  reçoit  une  certaine  quantité  d'air  de  la  part  de  l'al- 
cali  employé  pour  la  précipiter.  Il  expliqua  parfaitement  le 
double  échange  d'acide  et  de  base,  et  conclut  que  la  somme  des 
forces  qui  tendent  à  unir  l'alcali  avec  l'acide  est  plus  grande 
que  la  somme  de  celles  qui  tendent  à  unir  la  magnésie  avec  l'air 
en  question  (gaz  acide  carbonique). 

Bientôt  après,  Black  fit  une  expérience  très-importante  pour 
la  connaissance  exacte  du  gaz  acide  carbonique.  Voici  com- 
ment il  la  décrit  :  «  Mettez  un  peu  He  sel  alcalin  (  carbonate 
de  potasse),  ou  de  chaux,  ou  de  magnésie  (  carbonatées),  dans 
un  flacon  contenant   un    acide  étendu;  fermez  aussitôt  l'on-' 

(1)  Lectures  on  ihe  cléments  of  chemisiry,  etc.,  vol.  IF,  p.  59. 


iiy 


TROISIEME  EPOQUE.  349 

\ertiire  du  flacon  avec  un  bouchon  de  liège  ,  «par  lequel 
passe  un  tube  de  verre  recourbé  en  col  de  cygne  {bent  into  a 
iwan-neck)'^  Tautre  extrémité  du  tube  sera  (d'après  la  méthode 
de  Haies)  introduite  dans  un  vase  de  verre  renversé^  rempli  d'eau 
et  placé  dans  une  cuvette  de  même  liquide.  Vous  verrez  aussitôt 
Qoe  vive  effervescence  se  produire  et  de  nombreuses  bulles  élas- 
tiques traverser  Teau  pour  en  gagner  la  surface,  en  déprimant  la 
colonne  du  liquide.  Ce  n'estdonc^pas  là  une  vapeur  paassagère 
qui  s'échappe,  mais  un  fluide  élastique  permanent ,  non  con- 
densable  par  le  froid.  » 

C'est  à  ce  fluide  élastique  que  Biack  donna  le  nom  A'air  fixe 
OM/ixé  (fixedair),  qui  fut,  quelques  années  après,  changé,  par 
Bei^mann,  en  celui  d'acide  aérien,  et  enQn^en  celui  de  gaz  acide 
carbonique^.  Ce  dernier  nom  a  prévalu. 

«  Dans  la  même  année  de  1757 ,  pendant  laquelle  j'avais 
publié  le  premier  rapport  de  mes  expériences,  je  découvris,  con- 
tinue Black,  que  cette  espèce  d'air  absorbable  par  les  alcalis  est 
mortel  pour  tous  les  animaux  qui  respirent  à  la  fois  par  la  bouche 
et  par  les  narines.  Mais  j'eus  occasion  d'observerque  des  moineaux 
qui  mouraient  dans  cet  air  au  bout  de  dix  à  onze  secondes  pou- 
vaient y  vivre  trois  ou  quatre  minutes,  lorsque  les  narines  de  ces 
oiseaux  avaient  été  préalablement  fermées  avec  du  suif.  Je  pus 
me  convaincre  que  le  changement  qu'éprouve  l'air  salutaire  sous 
Tinfluence  de  la  respiration  consiste  principalement,  sinon  uni- 
quement [ifnoi  solely),  dans  la  transformation  d'une  partie  de 
cet  air  en  air  fixe  ;  car  j'avais  remarqué  qu'en  soufflant  à  travers 
un  tuyau  de  pipe  dans  de  l'eau  de  chaux  ou  dans  une  solution 
d'alcali  caustique,  la  chaux  se  précipitait,  et  que  l'alcali  perdait 
de  sa  causticité^  » 

Dans  la  même  année,  le  même  chimiste  trouva  que  l'air  qui  se 
produit  pendant  la  fermentation  est  de  l'air  fixe^  ce  qu'avait 
déjà  constaté  Van-Helmont,  qui  avait  donné  à  cet  air  le  nom 
de  gaz  sylvestre.  Dans  la  soirée  du  mêmejour  où  il  avait  fait  cette 
observation,  Biack  démontra,  au  moyen  de  l'eau  de  chaux,  que 
la  combustion  du  charbon  donne  naissance  à  de  l'air  fixe  ;  il 
confirma  ainsi  expérimentalement  l'idée  de  Van-Helmont. 

BlaJck  parvint  le  premier,  par  ses  belles  expériences,  à  démon- 
trer que  les  alcalis  et  les  terres  alcalines  renferment  une  certaine 
quantité  d'air  fixe  qui,  au  contact  d'un  acide,  se  dégage  avec  ef- 
fervescence; que  cet  air  est  fortement  combiné  avec  les  alcalis, 


350  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

puisque  la  chaleur  la  plus  intense  ne  suffît  pas  pour  leur  faire 
perdre  leur  effervescence  avec  les  acides  ;  que  les  alcalis  sont  en 
quelque  sorte  neutralisés  par  cet  air  {in  some  measure  neutrali- 
zed);que  la  chaux  calcinée  (ainsi  que  tout  alcali  caustique  ),  ex-, 
posée  à  l'air  libre,  attire  peu  à  peu  les  particules  de  Pair  fixe  qui 
existe  dans  l'atmosphère;  enfin  (et  en  cela  Black  s'éloigne  entiè- 
rement de  Topinion  de  Haies  )  que  tout  air  n'est  pas  de  l'air 
fixe,  mais  qu'il  faut  admettre  une  distinction  entre  l'élément 
prédominant  de  l'air  atmosphérique ,  et  cet  air  qui  forme  la 
crème  de  l'eau  de  chaux. 

Cependant  ces  déductions,  parfaitement  légitimes,  furent  vi- 
vement attaquées  par  la  plupart  des  chimistes  contemporains;  . 
ce  qui  montre,  une  fois  de  plus,  combien  la  vérité  est  lente  à 
se  faire  jour! 

Mais  ce  qui  fait  le  plus  d'honneur  à  la  sagacité  de  Black,  c'est 
la  découverte  de  la  chaleur  latente,  que  vainement  on  a  cherché  ^ 
à  lui  ravir.  La  chaleur  latente  devint  la  pierre  angulaire  de  l'é-  , 
difice  de  Lavoisier,  de  la  théorie  de  la  combustion. 

Ce  travail  de  Black  date  de  l'année  1762  (1).  L'auteur  se 
demanda  d'abord  pourquoi  la  glace  fond  si  lentementparracûon 
de  la  chaleur;  les  théories  jusqu'alors  émises  sur  la  fusion  des 
corps  étaient  impuissantes  à  expliquer  ce  fait.  Dans  la  première 
expérience  entreprise  à  ce  sujet,  il  trouva  que,  pendant  que 
l'eau  à  0>  s'élève  à  la  température  de  7®,  la  même  quantité  de 
glace,  également  à  0**,  Quoique  soumise  à  la  môme  chaleur  que 
l'eau,  exige  un  temps  21  fois  plus  long,  pour  arriver  à  la  même 
température  de  7*»  (7  X  21  =  147),  et  qu'il  y  a,  par  consé- 
quent, 140  degrés  (Fahrenh.)'de  chaleur  d'absorbés,  que  le  ther- 
momètre n'indique  pas. 

Pour  mieux  s'assurer  encore  de  l'absorption  et  du  recel  de  la 
chaleur  {the  absorption  and  concealment  ofheat),\\  mêla  en*  | 
semble  quantités  égales  d'eau  chaude  et  d'eau  froide.  Ce  mélange  \ 
s'opéra  d'une  manière  égale  partout,  et  la  température  du  mé-  \ 
lange  fut  moyenne  entre  celle  de  l'eau  chaude  et  de  l'eau  froide. 

Black  fit  d'autres  expériences  pour  établir  nettement   que, 
lorsqu'on  fait  fondre  de  la  glace  dans  une  égale  quantité  d'eau 
à  176**  (  Fahrenh.  ),  le  mélange  qui  en  résulte  est  à  peu  près  à  la    j 
température  de  la  glace  fondante.  Celte  quantité  considérable  de 


(1)  Voy.  Lectures  on  thevlemenis  of  chemistry,  etc. y  vol.  I,.p.  loi 


TROISIEME  EPOQUE.  361 

chaleur  qui  disparaît  et  que  le  thermomètre  n'indique  pas, 
Black  l'appela  chaleur  latente  [latent  heat). 

L'eau  bouillante  marque  toujours  le  môme  degré  de  tempéra- 
ture, quelle  que  soit  la  chaleur  qu'on  lui  applique.  Black  donne 
ce  fait  comme  connu,  mais  il  démontre  expérimentalement  que, 
pendant  la  vaporisation,  il  y  a  une  grande  quantité  de  chaleur 
d'absorbée,  laquelle  n'est  point  accusée  par  le  thermomètre,  et 
qu'il  arrive  ici  ce  qui  se  passe  pendant  la  liquéfaction  des  corps 
solides.  c(  De  même  que  la  glace ,  dit-il,  combinée  avec  une 
certaine  chaleur,  constitue  l'eau  ;  ainsi  l'eau  coipbinée  avec  une 
•nouvelle  quantité  de  chaleur  constitue  la  vapeur.  » 

Black  a  reproché  à  Lavoisier  d'avoir  profité  des  découvertes 
d'autrui,  et  de  se  les  être  appropriées ,  sans  rendre  justice  à 
qui  de  droit.  Ces  reproches  paraissent  exagérés.  Car  voici 
comment  Lavoisier  s'exprime  dans  une  lettre  adressée  à  Black, 
qa'il  appelait  son  maître  : 

tt  J'apprends  avec  une  joie  inexprimable  que  vous  voulez  bien 
attacher  quelque  mérite  aux  idées  que  j'ai  professées  le  premier 
contre  la  doctrine  du  phlogistique.  Plus  confiant  dans  vos  idées 
que  dans'Ies  miennes  propres,  accoutumé  à  vous  regarder  comme 
mon  maître,  j'étais  en  défiance  contre  moi-même,  tant  que  je  me 
sais  écarté,  sans  votre  aveu,  de  la  route  que  vous  avez  si  glorieu- 
sement suivie.  Votre  approbation,  monsieur,  dissipe  mes  inquié- 
todes,  et  me  donne  un  nouveau  courage.  Je  ne  serai  content 
jusqu'à  ce  que  les  circonstances  me  permettent  de  vous  aller 
]H)rter  moi-même  le  témoignage  de  mon  admiration,  et  de  me 
ranger  au  nombre  de  vos  disciples.  La  révolution  qui  s'opère  en 
.  France  devant  naturellement  rendre  inutiles  une  partie  de  ceux 
i  attachés  à  l'ancienne  administration,  il  est  possible  que  je  jouisse 
do  plaisir  de  la  liberté,  et  le  premier  usage  que  j'en  ferai  sera  de 
voyager,  et  surtout  en  Angleterre  et  à  Edimbourg,  pour  vous  y 
;  loir,  pour  vous  entendre,  et  profiter  de  vos  leçons  et   de  vos 

Conseils  ». 

■  Cettelettre,  sisimpleetsi  touchante  àlafois,  est  daléedu  14- juil- 
'  fel  1790;  elle  se  trouve  imprimée  dans  le  Cours  de  chimie  de 
Mackj  publié  par  Robinson  (1).  Répond-elle  aux  accusations  que 
ies  chimistes  contemporains  avaient  dirigées  contre  Lavoisier  ? 

(I)  Lectures  on  the  éléments  of  chemistry,  vol.  II,  p.  219. 


352  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIE. 

§6. 
€ltimi0tc«  partisans  des  idées  de  Bladk. 

Les  travaux  de  Black  furent  partiellement  repris  en  sous-œuvre 
par  divers  savants,  au  nombre  desquels  on  distingue  Macbride, 
Cavendish  et  Jacquin. 

Macbride,  chirurgien  de  Dublin,  a  contribué  au  progrès  de  la  chi- 
mie par  ses  Essais  d'expériences  sur  la  fermerUation  des  mélanges 
alimentaires,  sur  la  nature  et  les  propriétés  de  Pair  fixe,  sur  les 
vertus  respectives  de  différentes  espèces  d'antiseptiques  y  sur  le 
scorbuty  et  sur  la  vertu  dissolvante  de  la  chaux  vipe  (1).  Le  prin- 
cipal mérite  de  Macbride  est  d'avoir  dirigé  l'attention  des  chi- 
mistes et  des  médecins  sur  le  rôle  important  que  Vair  fixe  de 
Black  joue  dans  les  êtres  animés,  a  Tous  les  corps  de  la  nature, 
dit-il,  doivent  la  force,  la  consistance  et  la  cohésion  de  leurs 
parties  à  Pair  fixe  qu'ils  contiennent;  en  les  privant  de  cet  air 
par  un  moyen  quelconque,  ils  perdent  bientôt  Tadhérènce  ré- 
ciproque des  différentes  molécules  qui  les  composent  :  de  là  ré- 
sulte la  putréfaction  pour  les  substances  qui  en  sont  susceptibles, 
et  celles  qui  ne  le  sont  passe  réduisent  en  poussière.  » 

C'était  là  aussi  l'opinion  de  Haies.  Black  n'ayant  pas  assez  gé- 
néralisé ses  idées  sur  l'air  fixe,  Macbride  vint,  en  quelque  sorte, 
comblerceltft  lacune,  en  établissant  la  théorie  que  voici.  Le  règne 
animal  est  de  tous  les  règnes  de  la  nature  celui  qui  renferme  le 
moins  d'air  fixe,  tandis  que  le  règne  végétal  en  contient  beaucoup; 
la  fermentation  et  la  putréfaction  sont  enrayées,  lorsqu'on  arrête 
le  dégagement  de  l'air  fixe;  et,  en  rendant  cet  «ira  des  ma- 
tières putrides,  on  peut  les  ramènera  leur  premier  état.  Guidé 
par  ces  données,  Macbride  recommandait  aux  scorbutiques  l'usage 
de  l'air  fixe  ou  des  liqueurs  qui  en  renferment,  comme  le  moût  de 
bière,  etc.;  carie  scorbut  est,  dit-il,  «une  maladie  putride,  faute 
de  ce  principe  qui  est  le  lien  et  le  ciment  des  corps». 

Macbride  assure  avoir  assaini  des  morceaux  de  viande  puiré- 

(1)  Expcrimenlal  Essayson  the  rernienlalioii  of  alimenlary  mixtures,  on  U»*^ 
nature  and  proprielies  of  fixcil  air,  elc  ;  London,  17G4,  in-8**.  —Traduit en  fran- 
çais :  Essais  (inexpériences,  etc.,  par  Abbadie;  Paris,  17GG,  in-12.  Trad.  enaUe- 
mand  :  Durch  Erfahrungen  erlàuterle  Versuche,  etc.,  p.  Rahn  ;  Zurich,  l/^'^*'» 
iR-8*. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  3S3 

fiés,  en  leur  restituant  l'air  fixe  qu'ils  avaient  perdu.  A  cet  effet,  il 
exposait  la  viande  putréfiée  à  l'action  du  fluide  élastique  (air  fixe) 
qui  se  dégage  d'une  substance  en  fermentation,  ou  bien  il  la 
soumettait  à  l'effervescence  produite  par  le  mélange  d'un  acide 
avec  un  alcali  (carbonate).  Si  les  astringents  sont  de  puissants 
antiseptiques,  «  c'est  parce  qu'en  resserrant  les  pores  du  corps, 
ils  y  retiennent  l'air  fixe,  et  empêchent  ainsi  la  désunion  des  par- 
ties, cause  de  la  putréfaction  ». 

'  Par  ses  expériences  sur  la  chaux,  Macbride  cherchait  à  démon- 
trer que  cette  substance  ne  doit  son  état  d'agrégation  qu'à  la 
grande  quantité  d'air  iixe  qu'elle  contient;  que  si  elle  l'a  perdu, 
onpeut  le  lui  rendre  en  l'exposant  à  une  matière  en  fermentation, 
ou  tout  simplement  à  l'air  libre;  que  la  chaux  hâte  la  putréfac- 
tion, et  qu'elle  décompose  les  matières  animales,  en  leur  enle- 
vant l'air  fixe  qu'elles  contiennent. 

Macbride  essaya,  enfin ,  de  prouver  expérimentalement  que 
l'alcali  volatil  qui  se  développe  par  le  progrès  de  la  putréfaction 
des  matières  animales  est  tantôt  combiné  avec  son  air  fixe ,  tantôt 
caustique,  c'est-à-dire  dépouillé  4^  son  air.  11  dit  aussi  avoir  re- 
connu que  le  sang  putréfié,  ainsi  que  l'esprit  qu'on  en  retire,  fait 
effervescence  avec  les  acides,  tandis  que  la  bile  putréfiée ,  et  la 
liqueur  provenant  des  chairs  en  putréfaction,  ne  font  point  ef- 
fervescence. 

Voilà,  en  somme,  les  idées  qui  appartiennent  à  Macbride.  Il 
serait,  inutile  de  reproduire  les  faits  sur  lesquels  elles  devaient 
reposer  :  il  les  emprunta  en  partie  à  Van-Helmont,  à  Haies  et 
à  Black. 

L'ouvrage  de  Macbride  fut,  peu  de  temps  après,  suivi  d'un 
travail  de  Cavendisii,  dont  les  résultats  ont  été  consignés 
dans  les  Transactions  philosophiques  de  Lcmàres^  années  1766  et 
1767.  On  y  trouve  établi  que  l'alcali  fixe  absorbe,  en  se  saturant, 
^  de  son  poids  d'air  fixe,  tandis  que  l'alcali  volatil  en  absorbe  ^  ; 
que  l'eau  peut  dissoudre  un  peu  plus  de  son  volume  d'air  fixe,  et 
que  la  quantité  qu'elle  est  capable  de  dissoudre  est  en  raison 
de  la  pression  et  de  l'abaissement  de  la  température;  enfin  que 
l'eau  ainsi  saturée  d'air  fixe  peut  dissoudre  la  chaux,  la  magnésie, 
le  fer  et  le  zinc. 


BIST.  DE  LA  CUmiE.  —  T.     II.  23 


354  HISTOIRE  B£  LA  CHIMIE. 

§7.      ■ 
Chimistes  adTersaires  de  Blaek*  * 

Malgré  leur  démonstration,  les  faits  signalés  par  Black  et  ses 
disciples,  relativement  à  l'air  fixe,  étaient  loin  d'être  admis 
par  tous  les  chimistes. 

Frédéric  Meybr,  apothicaire  d'Osnabruck,  publia,  en  1764,  un 
livre  intitulé  Essais  de  chimie  sur  la  chaux  vive ,  la  matière  élas- 
tiqvs  et  électriqucy  le  feu^  et  Vacide  universel  (1).  La  théorie  qu'il 
y  développe  se  trouve  en  opposition  directe  avec  les  faits;  c'est 
un  exemple*  curieux  de  cet  aveuglement  de  Tesprit  humain,  qui 
se  refuse  systématiquement  à  la  lumière  de  la  vérité.  •  Selon 
Meyer,  la  pierre  calcaire,  loin  de  perdre,  gagne  au  contraire 
quelque  chose  pendant  sa  calcinalion.  On  sait  que  la  chaux  com- 
mune (carbonate  de  chaux),  effervescible  avec  les  acides,. étant 
soumise  à  l'action  du  feu,  se  convertit  en  chaux  vive  (chaux  caus- 
tique), en  abandonnant  son  acide  carbonique.  Suivant  Meyer, 
c'est  tout  le  contraire  qui  arrive  :  la  chaux  commune,  qui 
se  distingue  de  l'autre  par  son  défaut  de  causticité  et  d'in- 
solubilité ,  absorberait  dans  le  feu  un  acide  particulier,  appelé 
par  l'auteur  acidxim  pingue,  acide  qui  convertirait  la  pierre 
calcaire  (carbonate)  en  chaux  caustique,  et  lui  enlèverait  la 
propriété  de  faire  effervescence  avec  les  acides.  Il  en  serait  de 
jneme  lorsqu'on  verse  de  l'alcali  fixe  ou  volatil  (carbonate 
-de  potasse  ou  d'ammoniaque)  dans  de  l'eau  de  chaux  :  la  chaux  se 
troublerait  en  cédant  à  l'alcali  son  acidmn  pingue,  et  en  lui  don- 
nant ainsi  la  causticité  qu'elle  perd. 

Deux  objections  devaient  faire  crouler  immédiatement  ce  vain 
échafaudage  :  la  première,  c'est  que  la  chaux  perd  de  son  poids 
lorsque,  selon  la  théorie  de  Meyer,  elle  absorberait  son  acidnm 
pingue,  et  vice  versa»  11  y  a  donc  là  une  contradiction  flagrante 
avec  les  faits.  La  seconde  objection,  qui  est  également  sans  ré- 
plique, c'est  que  ce  prétendu  acide  est  un  être  fantastique.  Si 
vous  demandez  à  l'auteur  de  vous  montrer  son  acidum  pingue 9 


(1)  Chymische  Versuche  zur  nàhern  Erkenntniss  des  ungelôschten  Kalhs 
der  elasiischen  und  electrischen  Materie,  etc.;  Han.  et  Leipz.,  1764,  m-S' 
Trad.  en  français  par  Le  Dreux;  Paris,  1766,  in-12. 


\  - 


TROISIÈME  EPOQUE.  «  '    355 

1  VOUS  répondra  que  c'est  Une  matière  semblable  à  celle  du 
eu  et  de  la  lumière;  que  c'est  par  Tintermédiaire  de  cet 
icide  insaisissable  que  la  chaux  s'unit  aux  huiles,  qu'elle  dissout 
e  soufre;  que  c'est  lui  qui  s'échappe  du  charbon  qui  brûle; 
jue  .c'est  lui  qui  augmente  le  poids  des  métaux  pendant  la 
^alcination^  etc.  On  voit  que  cet  acidum  pingue  est  tantôt  l'a- 
cide carbonique,  tantôt  l'oxygène,  enfin  que  c'est  tout  ce  que 
i'^on  voudra,  sauf  un  corps  réel. 

Voilà  ce  qui  n^  manque  jamais  d'arriver  lorsqu'on  viole  la 
logique  et  l'expérience,  pour  faire  triompher  une  conception 
purement  imaginaire. 

On  s'abuserait  étrangement  si  Ton  croyait  que  la  théorie  de 
VIeyer  dut  dès  son  apparition  tomber  d'elle-même.)  Cette 
théorie,  quelque  fausse  qu'elle  fût,  trouva,  au  contraire,  des  dé- 
fenseurs, sinon  nombreux,  du  moins  très-ardents.  Nous  devons 
les  condamner  tous  à  l'oubli  (1). 

§8. 

Partisans  de  Blaek.   auiL  prises  aTee  leurs  adver- 
saires* 

jACQfnN ,  célèbre  professeur  de  chimie  et  de  botanique  à 
Vienne ,  adoptant  la  doctrine  de  Black,  attaqua,  un  des  prenfiiers, 
l'ouvrage  de  M eyer.  Mal  lui  en  prit  :  toute  l'école  meyerienne  se 
déchaîna  contre  lui  ;  ne  pouvant  le  vaincre  sur  le  terrain  de  la 
science,  elle  le  traîna  dans  le  champ  clos  des  personnalités  :  on 
l'accabla  d'injures  et  de  calomnies,  où  T'odieux  le  disputait 
au  ridicule. 


(1)  Le  reproche  que  l'on  a  fait  à  Lavoisier  de  ne  pas  avoir  rendu  à  Black  Injus- 
tice qu'il  méritait  ne  manque  pas  d'une  certaine  apparence  de  [raison.  Ainsi 
l'analyse  qu'il  fait  de  ce  qu'il  appelle  la  théorie  dé  Black  est  fort  sèche,  et  cache 
des  sentiments  contraires  à  une  critique  véritablement  Impartiale  ;  tandis  qu'en 
rendant  compte  du  livre  de  Meyer,  il  commence  ainsi  :  «  Ce  traité  contient  une 
multitude  d'expériences,  la  plupart  bien  faites  et  vraies^  d'après  lesquelles  Tau- 
t6ar  a  été  conduit  à  des  conséquences  tout  opposées  à  celles  de  M.  Haies,  de 
^.  Black  et  de  H.  Macbride.  Il  est  peu  de  livres  de  chunie  moderne  qui  annoncent 
plus  de  génie  que  celui  de  Meyer.  »  (Lavoisier,  Opuscules  physiques  et 
chimiques;  Paris,  2®  édit. ,  1801 ,  p.  60.) —L'ouvrage  de  Meyer,  ouvertement  dirigé 
contre  Blad(,  ne  méritait  pas  un  pareil  éloge. 

23. 


356  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

L'ouvrage  que  Joseph  Jacquin  publia,  en  i769,  en  faveur  de 
tilack  attaqué  par  Meyer,  a  pour  titre  :  Examen  chemicum  doc- 
irinœ  Meyerianœ  de  acido  pingui  et  Blackianx  de  aère  fixo ,  res- 
pectu  calcis  (4).  L'auteur  reproduit  en  grande  partie  les  expé- 
riences de  Black  et  deMacbride;  il  constate,  en  outre,  que  la 
diminution  de  poids  qu'éprouve  la  chaux  commune  (  carbonatée) 
dans  le  feu  provient  preçque  entièrement  de  l'air  fixe  qu'elle 
renferme,  et  que  Meyer  est  dans  l'erreur  lorsqu'il  attribue  cette 
diminution  seulement  à  la  perte  de  l'eau  contenue  dans  la 
chaux.  La  pierre  calcaire  renferme  selon  Jacquin  environ  six 
ou  sept  cents  fois  son  volume  d'air  fixe.  Il  distingue  dans  les 
corps  Vair  de  porosité  et  Vair  de  comUnaison.  Le  premier  peut 
être  dégagé  par  l'effet  de  la  machine  pneumatique;  le  dernier, 
au  contraire,  est  dans  un  état  tout  particulier  qui  nejuî  permet 
pas  de  reprendre^son  élasticité,  ir  admet,  avec  Macbride,  quft^ 
la  chaux  et  les  alcalis  caustiques  décomposent  les  matières  orga— 
niques  en  leur  enlevant  cet  air,  dont  ils  sont  très-avides.  En  par — 
lant  de  la  préparation  de  la  chaux  caustique,  il  fait  une  observa — 
tion  remarquable,  à  savoir  qu'il  faut  une  calcination  prolongée 
pour  que  les  couches  intérieures  de  la  pierre  calcaire  perdeni 
leur  air,  et  que  la  chaleur,  employée  à  cet  effet  doit  dépasseï 
celle  de  la  fusion  du  verre. 

Mais  Jacquin  s'éloigne  de  Black  en  soutenant,  à  tort,  que  l'aii 
fixe  de  lachaux  et  des  alcalis  estle  même  que  l'air  atmosphérique  — 

Jacques  Well  (2)  s'associa  à  l'entreprise  de  Jacquin  pou 
renverser  l'école  de  Meyer.  Celle-ci  comptait  alors  en  Al- 
lemagne de  nombreux  disciples ,  dont  le  plus  fougueux  étaL 
Crans,  médecin  du  roi  de  Prusse.  Well  reproduit  dans  son  livr 
(  Examinis  chemici  docirinœ  Meyerianœ  rectificatio)  les  arguments  ^ 
de  Meyer,  et  les  accompagne  de  violentes  récriminations  contr*  -^ 
Jacquin,  complètement  étrangères  à  la  science  (3).  Crans  ni_  ^ 
l'exactitude  des  expériences  de  Black  et  de  Jacquin.  Il  prétenc 
entre  autres,  que  la  pierre  calcaire  ne  perd  point  par  lacalcin 
lion  la  propriété  de  faire  effervescence  avec  les  acides;  que  la 
chaux  (caustique)  peut  se  conserver  longtemps  à  l'air  sans  c^  s- 


(1)  Vienne,  17C9,  in-12. 

(2)  Rechtferiigung  devLehre  von  (1er  figirten  Lujt,  etc.;  Vienne,  1771,  iik. — 5". 
—  Forschîtng  veber  die  Ursachedei^  Erhitzung  des  ungeloeschten  Kal(r^s; 
ihîd.,\112,  in-8°. 

(3)  Leipzig,  1778. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  357 

ser  d'être  chaux;  qu'au  bout  d'un  laps  de  temps  assez  long 
elle  acquiert  plus  de  causticité;  que  la  diminution  du  poids 
de  la  chaux  calcinée  provient  de  la  perte  df  son  eau;  que  la 
crème  de  chaux  n'est  autre  chose  qu'une  chaux  qui  a  perdu  son 
principe  caustique ,  c'est-à-dire  l'acie/î^m  ptn^t^^^  etc.  Ce  serait 
perdre  notre  temps  que  d'énumérer  toutes  les  objections,  plus 
ou  moins  ineptes,  que  Crans  faisait  dans  son  pamphlet  contre  les 
doctrines  de  Jacquin  et  de  Black  (1). 

Nous  en  dirons  autant  de  la  dissertation  inaugurale  de 
Smeth  (2.) ,  dont  les  conclusions  fort  singulières ,  démenties  plus 
tard,  tendaient  à  établir  «  que  la  doctrine  de  l'air  fixe  de  Black 
n'est  appuyée  que  sur  des  fondements  incertains  et  débiles;  que, 
de  la  manière  dont  elle  est  présentée  par  ses  partisans  (Mac- 
bride,  Jacquin,  etc.),  elle  ne  peut  soutenir  un  examen  sérieux, 
et  qu'elle  ne  sera  que  l'opinion  d'un  moment  ». 

De  la  lutte  que  Black  eut  à  soutenir  contre  ses  adversaires^  et 
d'où  il  devait  sortir  victorieux,  il  ressort  ce  haut  enseignement 
que  la  Vérité,  sûre  d'elle-même ,  reste  calme  au  milieu  des  in- 
jures dont  elle  est  assaillie ,  et  que  l'Erreur  s'irrite  en  raison 
même  de  son  impuissance. 

§9. 

Coup  d'œil  sur  l'état  de«  moeiétém  SATant^fi  au  rom- 

mencenient  du  XTIII*"  «iède. 

L'/^a/î^,*qui  avait  pris  l'initiative  de  la  fondation  des  sociétés 
savantes,  continuait  à  occuper  le  rang  qui  lui  appartient.  Dès  l'an- 
née 1690  Anto  de  Via,  Manfredi,  de  Sandris,  auxquels  s'adjoigni- 
rent J.-B.  Morgagni  et  Stancari,  réunissaient  autour  d'eux  un  grand 
nombre  de  gens  studieux  et  zélés  pour  le  progrès  de  la  science. 
Us  formaient  la  société  des  Inquieti,  et  s'assemblaient,  depuis 
1703,  dans  la  maison  du  comte  deMarsigli.  Ce  fut  là  le  noyau  de 

(1)  Un  fdit  qui  semblerait  Tenir  à  Pappui  de  ce  que  nous  avons  dit  dans  la  note 
de  la  page  355,  c'est  que  Lavoisier,  après  avoir  consacré  seulement  cinq  pages  et 
demie  à  Tanalyse  du  beau  travail  de  Black  sur  l'air  fixe,  consacre  quinze  pages 
à  l'analyse  du  méchant  pamphlet  de  Crans,  et  vingt-deux  pages  à  celle  de  la  thèse 
de  Smeth,  qui  renferme  plus  d'erreurs  que  de  faits  ;  et  encore  ces  derniers,  loin 
d'être  nouveaux,  ne  sont  ils  qu'empruntés  à  PriesUey  et  à  des  chimistes  plus  an- 
ciens. {Opuscules physiques  et  chimiques  de  LàYorner,  p.  73-110). 
(a)  Sur  l'air  fixe;  Utrecht,  1772,  in-4°  (  lo;  pages). 


358  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE, 

V Académie  des  sciences  et  des  arts  de  Bologne.  Établie  en  1712, 
cette  académie  fut  solennellement  inaugurée  en  1714.  Dès 
rannée  suivante  ^lle  commença  ses  séances  publiques  et  ses 
travaux,  qui  avaient  pour  objet  les  sciences  mathématiques^ 
physiques  et  natur.elles(l).La  chimie  n'y  figure  qu'au  second  rang. 
Dans  cette  section  on  remarque  les  mémoires  de  Galeazzi  5i«r  les 
calculs  biliaires  (2),  de  teccARi  sur  le  gluten  et  le  lait  (3),  de  Men- 
GHiNi  sur  r existence  du  fer  dans  le  sang,  et  sur  V action  \dissolvante 
de  certaines eaupp  sur  les  calculs  de  la  vessie  (4);  de  Th.  Laghi^  sur 
les  particules  ferrugineuses  dans  les  cendres  des  végétaux^  et  sur 
V action  de  Vair  corrompu  par  diverses  émanations  (5). 

L'Académie  des  Fisio-critici  de  Sienne,  fondée  en  1691  sous  le 
patronage  du  cardinal  Fr.  Medici ,  ne  fit  paraître  le  1®'  volume 
de  ses  travaux  qu'en  1760,  époque  de  sa  restauration  (6).  On  y 
trouve  quelques  observations  deJ.  Baldassari  ^i^r  i^/i  sel  calcaire 
des  environs  de  Sienne^  sur  l'amiante,  et  sur  la  prétendue  existence 
d'un  acide  vitriolique  sec  naturel  (7). 

La  cour  de  Toscane,  qui  avait  déjà  encouragé  les  arts,  ne  né- 
gligea rien  pour  agrandir  le  domaine  des  sciences.  Gosme  HE 
s'était  associé  aux  expériences  d'Averami  et  de  Targioni  relati- 
ves à  la  combustion  du  diamant.  Il  résulta  de  ces  expériences 
dispendieuses  que  le  diamant,  brûlé  au  foyer  d'un  miroir  ardent, 
se  consume  et  disparaît,  sans  laisser  de  résidu  (8).  On  ne  se  dou- 
tait pas  encore  que  le  diamant  n'est  que  du  charbon  pur,  et  qu'il 
se  réduit,  par  la  combustion,  en  un  fluide  aériforme  (gaz  acide 
carbonique). —  Ces  expériences  furent  répétées,  en  1751,  avec 
le  même,  succès  ,   par  un   des  successeurs  de  Cosme  III;  on  fit 


(1)  Voy.  Journaldes  savantSjSGçi.  1715.  — J. -G.Bollelii,  delC orlgineet  de' 
progressi  delV  Instituio  délie  scienze  di  Bologna^ eic]  Bologne,  1751,  in-8". 
—  Le  premier  volume  des  travaux  de  cette  Académie  parut  en  1731,  sous  le  titre 
de  De  Bononiensi  scientiarum  et  artium  Instituio  atque  Academia  Commeii- 
tarii;  Bonon.,  in-4^ 

(2)  De  Bononiensi  scient .  et  art.,  etc.,  1. 1. 

(3)  Ibid.,  t.  II,  p.  1  (1745).  —T.  V,  p.  1  (ann.  1767). 

(4)  Ibid.,  t.  II,  p.  1.  —  T.  IV  (ann.  1757). 

(5)  Ibid.,  t.  II,  p.  m  (ann.  1747.)—  t.  III,  (ann.  1755). 

(6)  Atti  dell*  Academia  délie  scienze  di  Siena,  detta  dé^  Fisio-critici  t 
Siena,  in-4°. 

(7)  Atti  delV  Academia,  etc.,  t.  IV  (ann.  1771).  —  T.  V  (ann.  1774). 

(8)  Giornale  de'  Letterati  d'itçilia,  vol.  VIII,  art.  9. 


TROISIEME  EPOQUE.  3^9 

des  essais  semblables  sur  le  rubis,  mais  on  n'obtint  pas,  comme  on 
pouvait  s'y  attendre,  résultats  qu'avec  le  diamant. 

LecomtedeSALucEs(Saluzzo),  GiGNAetL.  de  la  Grange avaienl 
fondé  à  Turin  une  société  ayant  pour  objet  Tétude  des  sciences 
mathématiques  et  physiques.  Cette  Société  lit,  en  1758,  paraître 
ses  premiers  travaux,   d'abord  en  latin,  puis  en  français,  après 
son  érection  en  Société  royale  (1).  On  y  trouve  les  recherches  de 
Saluces  Sur  le  fluide  élastique  que  dégage  la  poudre  à  canon, 
lorsqu'elle  s'enflamme.  L'auteur  avait  assigné  à  ce  fluide  les  pro-  • 
priétés  de  l'air  atmosphérique,  en  ajoutant  cependant  que  celui- 
ci  diffère  de  Tair  commun,  en  ce  qu'il  éteint  la  flamme  d'une 
chandelle  et  qu'il  tue  les  animaux  qui  le  respirent.  11  avait  aussi 
reconnu  que  le  tluide  élastique,  ainsi  dégagé,  occupait  un  espace 
deux  cents  fois  plus  grand  que  celui  de  la  poudre  dont  il  prove- 
nait (2).  Ce  même  savant  avait  fait  des  observations  variées,  con- 
cernant r action  de  la  chaux  vive  sur  différents  corps  (3)  ;  les  change- 
ments de  couleur  que  subit  le  suc  de  violette  de  la  part  de  diverses 
substances  (4)  ;  le  blanchiment  et  la  teinture  de  la  soie  (5)  ;  diffé- 
rents produits  végétaux  et  animaux  (6). 

§  iO. 

La  Société  royale  des  sciences  de  Londres,  cette  grande  pépi- 
nière de  savants,  comptait  alors  dans  son  sein  plusieurs  chi- 
mistes distingués.  J.  Brown  publia  des  recherches^^wr  le  sel 
amer,  sur  le  bleu  de  Prusse,  dont  Woodward  avait  déjà  fait  con- 
naître la  composition,  en  émettant  l'opinion  qu'il  ne  serait  pas 
impossible  de  préparer  cette  matière  sans  le  concours  du  sang  (7). 
Watson,  qui  avait  fait  connaître  le  platine,  décrivit  les  phéno- 
mènes que  présente  l'eau  chargée  de  sels  à  différents  degrés  de  cha- 
leur, et  il  examina  la  méthode  d'Appely  pour  rendre  Teau  de  me 

(1)  Miscellaneaphilosophico-mathematica  Societatis privatx  Tàiirinensis; 
Turin,  t.  I,  1758,  m-4'*.  —  Mélanges  de phisosophie  et  de  mathématiques  de 
h  Société  royale  de  Turin,  m-4®. 

(2)  Mélanges  de  philosophie,  etc.,  aimées  1760  et  1761. 

(3)  Ibid.,  1762-1765,  p.  73. 

(4)  Ibid.,  p.  153. 

(5)  Ibid.,  p.  174-177. 

(6)  Ibid.,  p.  193,199. 

(7)  Philosoph.  Transaci.,  vol.  XXXIII,  p.  17. 


360  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

potable  (1).  Th.  Perceival  communiqua  des  observations  sur  les 
propriétés  vénéneuses  du  plomb ,  sur  le  quinquina,  et  les  prin- 
cipes organiques  amers  et  astringents  (2).  J.  Canton  apprit  le 
moyen  de  préparer,  parla  calcination  d'un  mélaiMçe  de  fleurs  de 
soufre  et  de  coquilles,  une  substance  analogue  à  la  pierre  de  Bo- 
logne, et  qui  fut  depuis  désignée  sous  ie  nom  de  phosphore  de 
Canton  (3). 

Slare,  Smitu,  Coles,  Southwell,  Harris, Robin,  Frobenius, 
MoRTiMER,  Seehl,  Mitschell,  Pringle,  Huxham,  Brownrigg,  Chap— 
MAN,  WoLF,  Monro,  Hewson,  Delaval,  Hartley,  Shore,  Irwin,_ 
Da vison,  Frencu,  Ramsay,  Maclury,  Th.  Young,  Hotton,  Redmond^ 
GoDFREY,  Plummer,  ont  traité,  dans  leurs  mémoires;  divers  sujets 
de  chimie  minérale  et  d^  chimie  organique. 

Parmi  les  chimistes,  membres  de  la  Société  royale  de  Londres,» 
qui,  dans  la  première  moitié  du  dix-huitième  siècle,  se  sont  fai 
remarquerpar  leurs  travaux,  il  faut  citer  au  premierrangLEwis.O 
lui  doit  une  dissertation  très-étendue  Sur  le  platincy  métal  alor^ 
tout  nouveau.  Le  nom  de  platine  vient  de  l'espagnol  plata,  ar — 
gent,  dont  le  diminutif  est  platina,  petit  argent.  Le  platine,  d'à — 
bord,  connu  sous  le  nom  d'or  blanc,  fut  découvert  en  Amérique 
par  les  Espagnols,  qui  le  considéraient  comme  une  espèce  par — 
ticulière  d'argent.  Ce  métal  ne  fut  introduit  en  Europe  qu'en  1740- 
On  le  connaissait  depuis  fort  longtemps  en  Amérique,  mais  on. 
n'en  faisait  aucun  usage.  Les  employés  dugouvernement  espagnol 
avaient  môme,  dit-on,  ordre  de  jeter  le  minerai  de  platine  dans 
la  mer,  afin  qu'on  ne  l'employât  pas  frauduleusement  pour  l'ai— 
lier  avec  For.  Ce  n'est  point  Scheffer,  comme  on  l'a  dit,   mais 
Watson,  qui  décrivit  le  premier,  en  1749,  le  platine  comme  ura 
métal  particulier  (4). 

«  Le  platine,  dit  Watson,  me  fut  présenté  pour  la  première  fois 
il  y  a  neuf  ans  (  en  1740),  par  Charles  \Yood,  qui  le  trouva  à  ]^^ 
Jamaïque,  oii  il  avait  été  apporté  de  Carthagène  (5).  » 

(1)  Philosoph.  Transact.,  vol.  LX,  p.  323.  —  XLVIII,  p.  69. 

(2)  Ibid-,  LVII.  —  Observations  and  experiments  on  Ihe  poison  of  Icad;  Lond.  , 
1774,  in-12.  —  Essayson  Uie  astringent  and  bitter,  etc.;  Lond.,  1767,  in-S*». 

(3)  Ibid.,  vol.  LVIII,  p.  337. 

(4)  Le  mémoire  de  Watson  se  trouve  inséré  dans  les  Phîlosophical  Transac- 
iionSy  vol.  XLYI(déc.  1750),  p.  584-596. 

(5)  Ibid.,   Tkis  semi-metal  was  first  presenied   to  me  abolit  nine  years 
agOf  etc. 


TROISIEME  EPOQUE.  361 

Le  mémoire  de  Watson  fut,  peu  de  temps  après,  suivi  du  tra- 
vail de  Lewis  :  Expériences  sur  une  substance  blanche  qv^on  dit 
avoir  été  trouvée  dans  les  mines  é^ or  des  Indes  occidentales)  (1).  — 
Après  un  rapid'^  aperçu  historique,  où  il  est  dit  que  le  platine, 
appelé  aussi  pinto  ou  Juan  blanco  par  les  Espagnols ,  avait  été 
originairement  regardé  comme  de  Tor  déguisé  sous  une  eilve- 
loppe  blanche  7  difficile  à  fondre,  Lewis  décrit  la  plupart  des 
propriétés  de  ce  métal  nouveau.  Il  lui  trouva  un  poids  spécifique 
égal  à  18  ou  19. 

En  1752,  Scheffer,  publia  dans  les  Actes  de  T Académie  des 
sciences  de  Suède  (2),  une  notice  sur  ce  même  sujet,  dont  voici  les 
résultats  principaux  :  l^Tor blanc  (platine) est  un  métal;  2° c'est 
un  métal  noble,  car  il  résiste  au  feu  comme  l'or  etTargent;  3°  ce 
n'est  point  un  des  six  métaux  des  anciens  ;  ce  n'est  ni  l'or  ni  l'ar- 
gent; c'est  donc  un  métal  nouveau. 

Marggraf  confirma,  en  1736,  par  de  nouvelles  recherches,  les 
données  de  Lewis  et  de  Scheffer. 

Un  auteur  italien ,  Gortinovis  (  Opuscoli  scelti  suite  scienze,  etc. , 
Milano,  1790,  in-i°)  essaya  de  prouver,  dans  une  savante  dis- 
sertation, que  le  platine  était  connu  des  anciens  sous  d'autres 
noms  {laplatina  è  statd  conosciuta  anticamente  sotto  ait  ri  nomi).  Il 
cite  entre  autres,  à  l'appui  de  son  opinion,  le  passage  suivant  de 
Servius,  ancien  commentateur  de  Virgile  :  Sunt  tria  electri  gê- 
nera :  unum  ex  arbortbus,  quod  sxiccinum  dicitvr;  aliud  quod  na- 
turalUer  invenitur ;  tertium  quod  fit  de  tribus  partibus  auri  et  una 
argenii.  Mais  un  passage  beaucoup  plus  explicite  et  plus  ancien 
que  celui-là  est  celui  de  Pline  le  naturaliste ,  que  nous  avons 
eu  Toccasion  de  citer  dans  le  tome  V^  de  cet  ouvrage  (3). 

Outre  le  mémoire  Sur  le  platine,  on  a  de  Lewis  un  travail 
non  moins  étendu  Sur  l'or,  où  se  trouvent  quelques  indications 
sûp  la  dorure  par  la  voie  humide  (4).  Ses  expériences  Sur  le  verre 

(1)  Expérimental  examination  of  a  white  melallic  substance  said  to  hâve 
been  foundin  the  gold  mines  of  West-Indies  ;  Philosopli.  Transact.  of  Lond., 
▼ol.  XLVIU,  p.  638-689. 

(2)  Dos  weisse  Gold  oder  siebente  Métal,  in  Spanien  Kleines  Silber  von 
Pinio  ffenannt(J)e  Tor  blanc  ou  du  seplième  métal,  appelé  en  Espagne  i>c<if  ar- 
gent dePinlo). 

(3)  Voy.  plus  haut  pag.  140.  —  La  plupart  de  ces  documents  sur  l'histoire  du 
platine  sont  tirés  de  nos  Observations  et  recherches  expérimentales  sur  le 
platiiie^  etc.,  broch.  in-8*';  Paris,  1841,  p.  6,  note  I. 

(4)  Expériences  physiques  et  chimiques  sur  plusieurs  matières  relatives  au 


1 


362  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

contiennent  des  détails  nouveaux  sur  la  fabrication  du  verre 
opaque,  ou  de  la  fausse  porcelaine  (1);  ses  recherches  Sur  les 
couleurs  ont  fourni  des  faits  précieux  sur  la  fixation   de  la 
couleur  noire,  la  préparation  de  Tencre  ordinaire ,  et  la  com- 
composition  d'une  encre  indélébile,  au  moyen  d'un  mélange 
d'encre  commune  avec  le  noir  de  fumée  et  la  gomme.  C'était  là, 
selon  Lewis,  l'encre  avec  laquelle  avaient  été  écrits  les  manus- 
crits les  plus  anciens,  et  dont  nous  admirons  encore  aujourd'hui, 
après  tant  de  siècles,  la  stabilité  (2). 

On  doit  encore  au  zèle  infatigable  de  W.  Lewis,  indépendam- 
ment du  Course  of  practical  chemistry^  Lond.,  8,  1746,  des  ou- 
vrages relatifs  à  la  pharmaceutique  plutôt  qu'à  la  chimie;  tels 
sont  :  New  Dispensatory ,  containing  the  theory  and  practice  of 
pharmacy;  Lohd.,  1753  et  1765,8;  — Expérimental  history  of 
the  materia  medica;  Lond.,  1761,  4. 

§  n. 

En  Allemagne,  la  fondation  de  la  Société  des  Curieux  de  la  na- 
ture fut  bientôt  suivie  de  celle  de  V Académie  des  sciences  de  Ber- 
lin. Leibniz,  qui  partageait  avec  Newton  le  sceptre  de  la  science, 
présenta  le  plan  de  cette  Académie,  en  1700,  à  Frédéric  I",  roi 
de  Prusse.  Les  premiers  travaux  de  l'Académie  royale  de  Ber- 
lin furent  imprimés  en  1710,  sous  le  titre  de  Miscellanea  Bero- 
linensia  (3).  En  17  44,cette  Académie  fut  réformée  par  FrédéricII, 
d'après  le  modèle  de  celle  de  Paris,  et  publia  dès  lors  ses  travaux 
sous  le  titre  d^ Histoire  de  l'Académie  royale  des  sciences  et  des 
belles-lettres  de  Berlin,  avec  les  mémoires  tirés  des  registres  de 
cette  Académie  (4). 

Autour  de  la  Société  des  Curieux  de  la  nature  et  de  l'Acadé- 
mie des  sciences  dQ  Berlin  sont  venus  plus  tard  se  grouper  la 


commerce  et  aux  arts  (trad.  de  l'anglais,  par  de  Pulsieux);  Paris,  1768,  i]ï-8^ 
vol.  II,  p.  1-53. 
{i)  Expériences  physiques  et  chimiques^  etc.,  p.  56-105. 

(2)  Ibid.,  p.  227-392. 

(3)  Celte  publication  fut  continuée  en  6  tomes  ou  séries  jusqu'à  1743.  Conii' 
nuatio  I,  1723;  Coniinuatio  II,  1727  ;  Continuât.  III,  1734;  Cont,  IV,  1737; 
Cont,  V,  1740;  Cont.  VI,  1743. 

(4)  Cette  nouvelle  série  se  compose  de  dix-neuf  volumes,  parus  de  1745  à  1770. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  363 

Société  des  natv/ralistes  de  Dantzig  (1),  la  Société  de  Bâle{^),  la  5o- 
ciété  royale  des  sciences  de  Gœltingue  (3) ,  V Académie  des  connais- 
sauces  utiles  d'Erfurt  (4),  V Académie  des  sciences  de  Munich  (6). 

Bien  que  là  place  que  la  chimie  occupe  daiis  les  recueils  de 
ces  sociétés  ne  soit  pas  aussi  large  que  celle  des  sciences  naturel- 
les, on  y  trouve  cependant  quelques  mémoires  qui  sont  loin  d'être 
dépourvus  d'intérêt.  Ges  mémoires  ont  pour  auteurs  :  G.  Kaïm, 
qui  a  fait  des  recherches  sur  la  plombagine,  sur  l'arsenic,  le  co- 
balt, le  nickel  et  le  manganèse  (ô);  J.-Fr.  Henckel,  qui  s'est  dis- 
tingué par  ses  expériences  sur  le  sel  marin  contenu  dans  les  vé- 
gétaux, sur  les  usages  de  la  silice,  sur  la  préparation  de  l'arsenic 
métallique,  sur  le  zinc,  sur  la  coloration]du  verre  par  le  cobalt,  colo- 
ration qu'il  attribue  au  fer,  sur  la  phosphorescence  de  la  cadmie 
des  fourneaux,  etc.  (7)  ;  H.  Kjnape,  sur  l'acide  delà  graisse  (8)  ;  J.-G. 
Gleditsqh  qui ,  indépendamment  de  ses  travaux  de  botanique, 
a  laissé  des  observations  chimiques  sur  les  matières  végétales 
pouvant,  dans  le  tannage  du  cuir,  remplacer  l'écorce  de  chêne  ;  sur 
la  nature  de  l'amidon  ;  sur  le  natron  (9)  ;  Valentin  Rose,   qui  es- 

(1)  Cette  société  se  réunit  pour  la  première  fois  en  1741 ,  et  publia  trois  volumes 
(1747-1756),  sous  le  titre  de  Versuche  und  Abhandlungen  der  JSaturfor-^ 
schenden  Gesellschaft  in  Dantûg,  in-4''.  Pour  ce  qui  concerne  la  chimie,  on  n^y 
remarque  qu'un  article  de  Lursenius  5ur  la  quantité  de  sel  marin  que  renferme 
Veau  de  mer  près  de  Dantzig, 

(2)  La  publication  de  ses  travaux  commence  en  1751,  sous  le  titre  ;  Acta  helve- 
iica  physico-mathematico'hotanico'medica  ,  figuris .  nonnullis  œneis  illus- 
trata,  etc.;  Basil. ,  in-8**.  On  y  remarque  quelques  articles  de  Zwinger  et  de  Ryhiner. 

(3)  Fondée  sous  les  auspices  du  célèbre  Ualier,  la  Société  de  Gœttinguc  fit  pa- 
raître, en  1762,  le  premier  yolume  de  ses  Actes  :  Commentarii  Societalis  regix 
MCientiarum  Gœttingensis  ;  Gœtting.,  in-4°.  Les  premiers  volumes  ne  con- 
tiennent aucun  article  de  chimie. 

(4)  Cette  Académie,  fondée  en  1754,  par  l'électeur  de  Mayence  Frédéric- 
Charles,  publia  en  1757  le  premier  volume  de  ses  actes  :  Acta  Academix  electo- 
ralis  Moguntinx  scientiarum  utilium,  qux  Erfordix  est;  Erfurt  et  Gotha, 
in^«. 

(5)  Fondée  en  1759,  elle  pubUa  le  1**^  volume  de  ses  mémoires  en  1763,  sous 
le  titre  à! Abhandlungen  der  Chur fur stlick- Bayer schen  Akademie  der  Wis- 
senschaften  ;  Munich,  in-4**. 

{6)IHss.  chemica  demetallis  duhiis;  Vienne,  1770,  in-S**. 

(7)  Flora  satumizans,  die  Verwandschaft  des  Pflanzen-mit  dem  Mineral- 
Reich,  etc.;  Leipz.,  1722,  in-8°.  —  Pyritologia  oder  Kiess-Historie,  etc.;  Leipz., 
1726,  in-8°.  —  Act.  Acad.  caesar.  natur.  curios.,  t.  IV  et  t.  V. 

(8)  Diss.  de  acido  pinguedinis  animalis;  Gœtting.,  1754,  in-S". 

(9)  Hist.  de  l'Acad.  des  sciences  de  BerUn,  ann.  1755.  —  Beschaeftigungen  der 
Berlin.  Gesellschaiàt  naturforschender  Freunde,  vol.  I. 


364  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

saya  d'analyser  le  café  et  le  seigle,  et  auquel  on  doit  rinvention 
d'un  alliage  de  plomb,  de  bismuth  et  d'étain,  fusible  dans  l'eau 
bouillante  (1);  Brunnwiser,  qui  indiqua  le  moyen  d'extraiîre  la 
matière  colorante  des  végétaux,  à  l'aide  de  solutions  d'acides 
minéraux  (2). 

Frédéric  Cartheuser  s'occupa  beaucoup  de  la  décomposition 
des  matières  organiques  ;  il  étudia  les  huiles  essentielles,  l'huilç 
de  cajeput,  le  miel,  la  cire,  le  sucre,  le  camphre,  l'amidon,  la 
graisse,  les  substances  empyreumatiques  ef  les  sels(oxalat6s, 
malates,  etc.  ),  séparés  des  sucs  végétaux  par  la  cristallisation  (3). 
Son  fils,  Auguste  Cartheuser,  se  livra  plus  particulièrement  à  la 
chimie  minérale  ;  il  donnades  notions  sur  le  gypse  employécomme 
fondant  des  minerais  de  fer  ;  sur  l'argile,  le  strass,  l'acide  borique, 
l'arsenic,  l'antimoine,  etc.  (4).  Auguste  Cartheuser  fit  pour  la  chi- 
mie minérale  ce  que  son  père  avait  fait  pour  la  chimie  organique. 

Le  goût  delà  chimie  paraissait  être  en  quelque  sorte  héréditaire 
dans  certaines  familles.  Les  Gmelin  présentent  à  cet  égard  un 
exemple  remarquable.  Jean-George  Gmelin,  dont  le  père  avait  été 
élevé  à  l'école  du  célèbre  Hierne,  répéta  les  expériences  rela- 
tives à  l'augmentation  du  poids  des  métaux  par  la  calcînation  (5), 
et  il  enseigna  les  moyens  de  préparer  des  laques  rouges  avec  le 
carmin  et  le  bois  de  Fernambouc  (6).  Il  donne,  dans^son  Voyage 
en  Sibérie,  fait  par  ordre  du  gouvernement  russe,  des  renseigne- 
ments intéressants  sur  les  richesses  minéralogiques  des  pays  qu'il 
parcourut;  il  assure,  comme  témoin  oculaire,  que  les  peuples 
pasteurs  de  la  Russie  méridionale  fabriquent  avec  le  lait  une  li- 
queur enivrante  (7).  Son  frère  et  successeur  à  la  chaire  de  bota- 
nique et  de  chimie  dans  Tuniversité  de  Tubingue,  Philippe-Fré- 
déric Gmeun,  le  célèbre  historien  de  la  chimie,  fit  ^connaître 
plusieurs    nouvelles    préparations    antimoniales;   et    son  se- 

(1)  Berlin.  Sammlungon,  etc.,  vol.l.  —  Slrahlsundisches  Magazin,  vol.  II. 

(2)  Abhand.  dcr  Churbayerschen  Akad,  Wissenschaften,  vol.  VII. 

(3)  Dissertationcs  physico-chimico-medicae,  de  quibusdam  inaterlaB  medicas 
siibjpctis  exaratae,  etc.;  Francf.  ad  Viad.,  1774,  in-S".  —  Vermischte  Schriften 
aus  der  Xalurwissenschaft,  Chyniie,  etc.;  Francf.  sur  POder,  1757,  in-8°. 

(4)  Mlneralogische  Abhandlungen,  etc.;  Giesen,  1773,  in-8°.  —  Acta  Acad.  elect. 
Magunt.  Scient,  et  quae  Erford.  est,  vol.  II. 

(5)  Comment.  Acad.  impérial.  Peiropolit.,  vol.  V,  p.  277. 
(C)  Act.  Acad.  coîs.  natur.  curios.,  vol.  IJI,  obs.  83. 

(7)  Epistol.  ad  Alb.  Hallerum,  vol.  II  (script,  ab  anno  1740-1748),  1773, 
in.  28. 


TROISIEME  EPOQUE.  365 

îond  frère,  Jean-Conrad,  publia  des  observations  sur  la  prépara- 
ion  de  Teau  de  Hongrie,  sur  le  bleu  dePrusse,  sur  la  dissolu- 
ion  du  ^ihosphore  dans  Tessence  de  girofle,  sur  un  médicament 
ecret,  préparé  au  moyen  du  sublimé  corrosif,  du  vinaigre  et  de 
'alcooly-e(c.  (1). 

Charles-Abr.  Gerhard  choisit  pour  objet  de  ses  recherches 
[uelques  produits  végétaux  astringents,  diverses  espèces  de 
erres  colorés  ou  incolores,  l'appréciation  de  la  bonté  du 
er,  etc.  (2). 

Ulr.  Waldschmiedt,  de  Kiel,  décrit,  dans  son  Collegium  phy- 
ieo-experimentale,  quelques  propriétés  du  phophore,  et  la  colo- 
ation  des  solutions  cuivreuses  sous  Tinfluence  de  Pair  (3). 

H.  Gottl.  JusTi,  de  Gœttingue,  a  laissé  sur  divers  points  de 
hinriie  métallurgique  des  mémoires  qui  ne  témoignent  pas  d'une 
déthode  d'observation  bien  rigoureuse.  Il  refusait  au  cobalt  et  au 
ickel  le  caractère  métallique,  et  soutenait ,  en  renouvelant  la 
héorle  des  anciens,  que  Teau  peut  se  changer  en  air  atmosphé- 
ique  (4). 

R.  Augustin  Vogel  communiqua  en  1753,  des  observations  sur 
'augmentation  de  poids  qu'éprouvent  certains  corps  pendant  leur 
ialcination  (5)  ;  sur  le  sel  de  seignette,  le  foie  de  soufre,  l'alcali 
ninéral,  etc. 

L'université  de  Jéna  était  alors  illustrée  par  Wolfgang  et  Adol- 
)he  Wedel.  Ce  dernier  enseignait  quelques  nouveaux  procédés 
)0ur  la  construction  des  fourneaux,  pour  la  préparation  de 
'antimoine,  etc. 

BûCHNER,  Henri  Schulze  ,  Michel  Alberti  et  J.  Juncker  réuni- 
rent une  jeunesse  nombreuse  autour  de  leurs  chaires  à  Halle. 

J.  Ant.  ScoPOLi,  du  Tyrol,  contribua  à  la  popularisation  des 
sciences  naturelles  ,  par  la  publication  de  son  Annuaire  (  Anni 


(1)  La  plupart  de  ces  travaux  se  trouvent  imprimés  dans  Commercium  litte- 
'tw.  ad  rei  medicx  et  scient,  natural.  incrément,  institut.,  ann.  1722,  1723, 
r731,  1734,  1737,  1742,  1745. 

(2)  Voy.  Beytrœge  zur  Chymie  und  Geschichte  des  Mineralreichs  ;  Berlin,  1773, 
ii-8«.  —  Nouveau  Mém.  del'Acad.  de  Berlin,  ann.  1777,  1779,  1780;  1783.  — 
'rell,  Chemische  Ànnalen,  aim.  1783, 1. 1. 

(3)  Collegium  physico-experiraentale  curiosum,  etc.;  Kiliae,  1717,  in-i**. 

(4)  Gesammelte  chymische  Schriflen,€tc.;  Berlin  etLeipz.,  1760,  in-8°. 

(5)  Progr.  quo  expérimenta  chemicorum  de  incremento  ponderis  quorumdam 
Sklcinatorum  examinât;  Gœtt.,  1753,  in-4°. 


366  HISTOIRE  DE  LA  CUIHIE. 

historico-naturales).  On  n'y  trouve  qu'un   petit  nombre   d'ar- 
ticles de  chimie  (1). 

Frédéric  Delius  ne  s'est  occupé  de  chimie  qu'incidemment 
dans  son  Recueil  de  Franconie  {Frxnkische  Sammlungen)^  si  im- 
portant à  consulter  pour  l'histoire  de  la  médecine  et  des  sciences 
naturelles.  On  y  remarque  un  Iravail  de  Weismann  sur  la  prépa- 
ration de  Tacide  phlogistiqué  (  cyanure  de  potassium) ,  employé 
pour  fabriquer  le  bleu  de  Prusse,  en  calcinant,  au  contact  de  . 
l'air  la  potasse  avec  du  noir  de  fumée;  sur  la  coloration  rouge 
du  verre  au  moyen  du  fer  (2)  ;  sur  l'utilisation  du  suc  des  baies  , 
de  troène  {ligustrum   album),  comme  matière  tinctoriale  (3). 
On  y  lit  des  observations  sur  l'asphyxie  par  la  combustion  da. 
charbon  (4)  ;  sur  le  sucre  extrait  des  sucs  de  l'érable,  du  noise- 
tier et  d'autres  arbres  indigènes  (5).  Du  Hamel  avait  déjà  donné 
la  description  du  sucre  d'érable  {acer  saccJiarinns)^  que  les  indi- 
gènes du  Canada  connaissaient  avant  l'arrivée  des  Européens  (6). 

La  société  royale  des  sciences  de  Copenhague,  fondée  en  1742 
par  L.  de  Holstein,  ne  commença  qu'en  1745  à  publier  ses  tra- 
vaux en  langue  danoise  (7).  On  y  remarque  des  travaux:  de 
Heilmann,  de  Cappel,  de  Fabricius,  de  Schytte,  de  Thue  et  de 
Cnoll.  Ce  dernier  croyait  que  le  borax  qu'on  importe  des  Indes 


(1)  Annus  historico-nainralisl  ;  Lips.,  1769,  in-12;  5  fascicules.  Le  5*  fasc.  fut 
publié  en  1772. 

(2)  Fr«Tnkische  Sammlungen,  etc.,  vol.  I  (Nurenberg,  175C),  2®  cab.,  p.  201. 

(3)  Ibid.,  p.  312. 

(4)  Ibid.,  vol.  III,  p.  28. 

(5)  Ibid.,  vol.  V,  p.  36. 

(6)  «  On  distingue,  rapporte  l'auteur,  la  liqueur  sucrée  qui  découle  de  ces 
deux  arbres  ;  celle  de  Pérable  blanc  s'appelle  sucre  d'érable,  et  celle  de  l'érable 
rouge  en  plaine  s'appelle  sucre  de  plaine.  On  tire  la  liqueur  en  faisant  des 
incisions  aux  deux  espèces  d'érables  dont  on  vient  de  parler  ;  ces  incisions  sont 
ordinairement  ovales,  et  Ton  fait  en  sorte  non-seulement  que  le  grand  'diamètre 
soit  à  peu  près  perpendiculaire  à  la  direction  du  tronc,  mais  aussi  qu'une  des  ex- 
trémités de  l'ovale  soit  plus  basse  que  l'autre,  afin  que  la  sève  puisse  s'y  ras- 
sembler. On  ficbe  au  dessous  de  la  plaie  une  lame  de  couteau  ou  une  mince  règle 
de  bois  qui  reçoit  la  sève,  et  la  conduit  dans,  un  vase  que  l'on  place  au  pied  de 
l'arbre.  Cette  liqueur  étant  concentrée  par  l'évaporation ,  donne  un  sucre  gras 
et  roussâtre,  qui  e»t  d'une  saveur  assez  agréable.  »  Duhamel,  Traité  des  arbres 
et  arbustes,  etc.,  1755;  Paris,  in-4°,  t.  I,  p.  32. 

(7)  Skrifter,  smn  in  del  Kongl.  Videnskabers  Selskab  ère  freinlagie  og 
oplaste  ;  Copenhague,  in-4*'.  Il  en  parut  quelque  temps  .après  une  traduction 
latine. 


0  TROISIÈME  ÉPOQUE.  .  *  367 

orientales  était  fabriqué  avec  de  l'alun,  du  suc  d'euphorbe  et  de 
l'huile  de  sésame  (1). 

La  Russie  était  entrée,  depuis  Pierre  le  Grand ,  résolument 
dans  la  voie  de  la  civilisation.  La  fondation  de  l'Académie  im- 
périale de  Saint-Pétersbourg,  en  1724,  est  un  des  plus  beaux 
titres  de  gloire  de  ce  prince,  dont  la  capitale  du  plus  vaste 
empire  perpétue  le  nom  (2).  La  Société  économique  de  Saint- 
Pétersbourg  ,  créée  en  1765  ,  contribua  également  à  répan- 
dre dans  ces  vastes  contrées  le  goût  des  sciences ,  des  arts  et  de 
l'industrie  (3).  Parmi  les  russes  qui  se  sont  fait  connaître  comme 
chimistes,  nous  citerons  Mich;  Lomonosow,  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  le  poôte  de  ce  nom;  George  Model,  d'origine  Alle- 
mande, qui  indiqua  des  moyens  de  purifier  le  borax,  le  sel  marin,  le 
camphre^  et  qui  découvrit  un  sel  calcaire  (oxalate)  dans  la  racine 
de  rhubarbe,  etc.;  Lectmann,  qui,  dans  son  Vulcanus  famulans, 
s'étend  sur  la  construction  des  fourneaux  chimiques  (4)  ;  J.  Gott- 
lob  Lehmann,  qui  donne,  dans  ses  Œuvres  physico-chimiques, 
plusieurs  observations  remarquables,  touchant  la  minéralogie  et 
la  géologie  (5). 

§12. 

Les  Pays-Bas  sont  la  patrie  d'un  homme  qui ,  par  sa  re- 
nommée européenne  et  l'étendue  de  ses  connaissances,  valait 
presque  à  lui>eul  toute  une  académie.  Cet  homme  était  Boer- 

HAIVE. 

La  chimie  fut  l'étude  favorite  de  ce  célèbre  médecin,  qui  na- 
quit le  31  décembre  1668,  dans  le  petit  bourg  de  Woorhout,  près 

(1)  Beaucoup  de  ces  mémoires  se  trouvent  dans  Prodromus  prxvertens  con- 
Hnvata  acta  medica  Hafniensia,  etc.;  Hafn.,  1753,  in-4°. 

(2)  L'Académie  impériale  de  Saint-Pétersbourg,  qui  s'est  réunie  pour  la  pre- 
mÀrefois  à  la  fin  de  Tannée  1725,  publia,  jusqu'en  1750,  14  volumes  sous  le 
titre  de  Commenlarii  Academiœ  scientiarum  imperiatis  PetropoUlanx  ;  Pe- 
trop.y  1728,  in-4®.  A  dater  de  cette  année  elle  lit  paraître,  jusqu'en  1770,  quatorze 
▼olnmeft  sons  le  titre  de  Novi  Commentarii,  etc. 

(8)  Les  travaux  de  cette  Société,  qui  jusqu'en  1777  comprennent  dix  volumes, 
pannent  ^en  russe  et  en  allemand  -.  Abhendlungen  der  freyen  œkonomischen 
Geselischaft  in  5.  Petersburg,  etc.;  Mittau  et  Riga,  1765,  in-8°. 

^)  VuJcanus  famulans,  oder  sonder  bar  e  Feuernutzung,  etc.;  Wittemberg, 
1723,  hi-8". 

(5)  Phynkalisch-cliymische  Schriften,  etc.;  Berlin,  1761,  in-8^ 


368  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE.  * 

de  Leyde,  ville  où  il  fit  ses  premières  études,  et  qu'il  illustra 
par  son  nom.  Son  premier  mémoire  scientifique^  publié  à  Toc- 
casion  de  sa  thèse  de  docteur  soutenue  à  l'université  de  Har- 
derwjk.  De  vtiUtate  explorandorum  excrementorum  in  (]Bgm[{\ 
fit  concevoir  de  lui  de  grandes  espérances. 

La  vie  et  les  travaux  de  Boerhaave  appartiennent  moins  à 
l'histoire  de  la  chimie  qu'à  celle  de  la  médecine.  Aussi  ne  nous 
y  arrêterons-nous  pas  longtemps. 

En  1729,  Boerhaave  se  vit  contraint,  par  des  raisons  de  santé, 
de  se  démettre  des  chaires  de  botanique  et  de  médecine,  autour  j 
desquelles  s'était ,  pendant  vingt  ans,  pressée  une  jeunesse  stu- 
dieuse, accourue  de  toutes  les  parties  de  l'Europe.  Il  mourut  le 
23  septembre  1738.  La  ville  de  Leyde  fit  élever  dans  l'église 
Saint-Pierre  un  monument  orné  du  portrait  de  l'illustre  profes- 
seur, avec  cette  belle  devise  :  Simplex  sigillum  veri. 

Son  grand  traité  intitulé  :  Elementa  chemiœ,  où  se  trouvent 
résumés  tous  les  travaux  chimiques  de  l'époque,  servit  pendant 
longtemps  de  guide  à  ceux  qui  se  vouaient  à  l'étude  de  cette 
science  (2).  Cet  ouvrage,  adopté  dans  toutes  les  écoles,  a  été  tra- 
duit en  français,  en  allemand  et  en  anglais. 

Aucune  des  questions  agitées  par  les  alchimistes  ne  semblait 
indifférente  à  Boerhaave.  Lui  aussi  s'occupa  beaucoup  de  la 
transmutation  des  métaux,  de  la  solidification  du  mercure,  de 
l'extraelion  du  mercure  des  métaux  ;  mais  il  avoue  n'avoir  ob- 
tenu que  des  résultats  négatifs  (3).  Il  reprit  les  expériences  de 
Boyle  et  de  Haies  sur  les  fluides  élastiques,  et  fut  mis  sur  la  voie  de 
la  composition  de  l'eau ,  en  démontrant  expérimentalement  qu'il 
se  forme  de  l'eau  pendant  la  combustion  de  Talcool  dans  l'air  (4). 

Boerhaave  devait  agir  par  son  exemple  sur  l'esprit  de  ses  com- 

(1)  Hardenvyk,  1693,  in-8^ 

(2)  Elementa  chemise,  quœ  anniversario  labore  docuit  in  publicis  privalisque    ; 
scliolis;  vol.  II,  iii-4°;  Lugd.  Bai.,  1732;  Lond.,  1732  et  1C35  ;  Paris.,  1732, 1733, 
1753;  Basil.,  1745;  Venet.,  1745,  1659;  Lips.,  1732. 

Éléments  de  cliimic,  etc.,  traduits  par  Allamand;  t.  II,  in-8°;  la  Haye,  1748; 
Leyde,  1752,  —  Abrégé  de  la  tliéoric  chimique,  tiré  des  écrits  de  Boerhaave, par 
M.  de  laMettrie;  Paris,  1741.  Trad.  anglaise  ;  Lond.,  1741,  in-4'';  1742.  —  Trad. 
allemande;  Halbersladt,  1732-1734,  9  vol.  in-8*»;  éd.  deWieglcb;  Berlin,  178Î, 
in-S". 

(3)  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Paris,  année  1734,  p.  539.  —  Pliilosophi- 
cal  Transact,,  n.  430,  p.  345  ;  n.  443,  p.  343  ;  n.  444,  p.  378. 

(4)  Elem.  chem.,  t.  II,  pars.  I,  p.  206  (Lugd.  Bat.,  1732). 


TR0ISI£1C£  ÉPOQUE.  369 

patriotes.  H.  Doorschoot,  J.  Egeling  et  Vullyamoz  s'occupèrent 
de  l'analyse  du  lait  (1)  ;  G.  Klokhof  étudia  la  nature  du  liquide 
qui  remplit,  dans  certaines  maladies,  les  cavités  séreuses  (â) 
Âlb.  ScHLOSSER  fit  des  recherches  sur  le  sel  d'urine,  sur  les  cris- 
tallisations métalliques  (3)  ;  J.  Raas,  sur  le  borax  (4)  ;  Rriele, 
médecin  de  Batavia,  sur  l'ambre  (5)  ;  de  Lis,  sur  l'aloès  (6);  Al. 
Nauuts,  sur  les  bases  du  sel  marin^  du  salpêtre,  de  l'alun,  et 
sur  la  composition  de  l'eau  (7). 

§13. 

Pr€»f|rèe  de  li»  cliimle  en  Franee  airant  l'époque 

de  liairoUiier. 

^  A  mesure  qu'on  avance  dans  l'histoire,  on  voit  se  dessiner  de 
plus  en  plus  clairement  la  place  qu'occupe  chaque  nation  dans 
le  mouvement  progressif  des  sciences.  Depuis  la  fondation  des 
sociétés  savantes,  les  sciences  comme  les  lettres  deviennent,  pour 
ainsi  dire,  oligarchiques,  tandis  que  la  constitution  sociale  tend 
îers  la  démocratie.  Anciennement,  c'était  tout  le  contraire. 

Quatre  nations  viennent  se  placer  ici  au  premier  rang  :  les 
Français,  les  Allemands,  les  Anglais  et  les  Suédois  ;  les  autres 
nations  n'occuperont  qu'un  rang  secondaire.  C'est  à  Paris,  à  Ber- 
lin, à  Londres  et  à  Stockholm,  que  va  se  débattre  le  sort  des 
sciences. 

11  n'y  a  pas  de  compagnie  savante  qui  ait  fait  plus  pour  Tavance- 
ment  des  sciences,  et  notamment  de  \sl  chimie,  que  l'Académie 
^es  sciences  de  Paris,  dont  nous  avons  plus  haut  raconté  la  fon- 

^  dation. 

(1)  Diss.  de  lacle;  Ludg.  Batav.,1737,  in-4°;  —  Ultraj.,  1759,  ia-4.  —  Diss. 
^sale  lactis  essentiali;  Lugd.  Bat.,  1756,  in-i**. 

(2)  Vanhandelingen  uitgegeeven  door^de  HoUandse  MaeUschappye  der 
^ettenschappen  te  Hatrlem^  t.  VI,  1762,  n.  1,  p.  451  (Mémoires  de  la  Société 

'  ^  sdences  de  Haarlem). 

(3)  Tract,  de  sale  urinae  nativo;  Lugd.  Bat.,  1743,  in-4'*.  —  Verhandelin- 
fBRj  etc.  (  Mémoires  de  la  Société  de  Haarlem  ),  t.  I,p.  138. 

(4) Diss.  sistens  obsenrationes  de  borace,  etc.;  Traject.  ad  Rhen.,  17C9,  in-4®. 
(5)  Histoire  de  TAcad.  royale  des  sciences  de  Berlin,  année  1763,  p.  126. 
'  (6)  Diss.  de  aloë ;  Ludg.  Bat.,  1745,  in-4° .' 

K^}  Traelitus  chemicus,  continens  nova  qusedam  expérimenta  cum  basi  salis 
^riniyi^tri  et  aluminis,  etc.;  Amstelod.,  1761,  in-S**.  —  De  aquae  origine  ex  basi- 
tos  aerîspnri  et  inflâmmabilis  ;  Traj.  ad  Rhen.,  1789. 

BJST.  DE   LA  CHIUIE.  —  T.   H.  )4 


370 


HISTOmS  DE  UL  CHIMIE. 


Les  travaax  des  deux  frères  Geoffroy,  de  Lemery  fils,  de  Hei- 
lot,  de  Boulduc,  de  Rouelle,  de  Baron,  de  Macquer,  de  Cadet» 
de  Du  Hamel^  de  Grosse,  forment,  avec  les  travaux  du  siècle  pré- 
cédent, pour  ainsi  dire ,  Tavant-garde  de  la  révolution  qui  devail 
bientôt  s'opérer  dans  la  science  chimique. 

Jetons  un  coup  d'œil  sur  les  œuvres  de  ces  chimistes,  qui 
presque  tous  étaient  des  enfants  de  Paris. 


§44. 


€ieoftroj  atné. 


Etienne-François  Geoffroy(néà  Paris,  le  13  février  1672,  mort 
le  6  février  1731)  reçut  sa  première  instruction  dans  la  mai- 
son paternelle,  où  Cassini,  Duverney,  Homberg,  tenaient  sou- 
vent des  conférences.  Il  se  rendit  ensuite  à  Montpellier  pour 
y  étudier  la  médecine.  En  1698,  il  accompagna  le  maréchalde 
Tallard  dans  son  ambassade  à  Londres,  et  devint  bientôt  après 
membre  de  la  Société  royale  de  cette  ville.  De  là,  il  passa  en 
Hollande,  et  fit  en  1700  un  voyage  en  Italie,  principalement  pour 
étudier  Thistoire  naturelle.  Eh  1712,  Fagon,  premier  médecin 
du  roi,  se  démit  de  la  chaire  de  chimie  au  Jardin  du  Roi  (i),  eu 
faveur  de  Geoffroy,  dont  les  leçons  attiraient  déjà  de  nombreux 
élèves. 

Un  travail  ,  auquel  le  nom  de  Geoffroy  demeure  glorieuse- 
ment attaché,  a  pour  titre  Table  des  différents  rapports  observés 
en  chimie  entre  différentes  substances.  C'est  là  qu'on  trouve 
pour  la  première  fois  nettement  énoncée  cette  loi  fondamen- 
tale :  «  Toutes  les  fois  que  deux  substances,  ayant  quelque  ten- 
dance à  se  combiner  Tune  avec  Fautre,  se  trouvent  unies  ensem- 
ble ,  et  qu'il  en  survient  une  troisième  qui  a  plus  d'affinité 
avec  Tune  des  deux,  elle  s'y  unit  en  faisant  lâcher  prise  à  l'autre.  » 

Sur  cette  loi  Geoffroy  essaya  d'établir  la  classification  des 
acides,  des  alcalis,  des  terres  absorbantes  et  des  substances 
métalliques  (2). 

(1)  Le  premier  médecîa  du  roi  était ,  comme  nous  PaTons  déjà  tu,  presque 
toujours  le  professeur  titulaire  de  la  chaire  de  chimie  au  Jar^n  du  Roi,  * 
même  que  le  démonstrateur  était  en  mên^  temps  le  premier  pharmacien  de  ^ 
cour. 

(2)  Mém.  de  VAcad,^  année  1718,  p.  202 


TROISIÈME  EPOQUE.  371 

Tout  en  combattant  avec  force  les  jongleries  de  certains  al- 
chimistes (1),  il  s'attachait  à  démontrer  que  le  fer  qu'on  trouve 
dans  les  cendres  des  matières  organiques  est  le  résultat  d'une 
génération  particulière,  et  qu'on  peut  non-seulement  faire 
du  fer,  mais  encore  tous  les  autres  métaux,  les  composer  ou  les 
décomposer,  en  réunissant  ou  en  séparant  les  éléments  dont  ils 
sont  formés.  Voici  comment  il  raisonnait  :  La  matière  n'a  rien 
d'absolument  indestructible,  si  ce  n'est  l'étendue  etl'impfénétra- 
bilité;  tout  ce  qu'elle  présente  de  variable  à  nos  sen»  m  con-> 
siste  que  dans  des  modifications  moléculaires  (2). 

Outre  un  certain  nombre  de  mémoires  qui  se  trouvent  insérés 
dans  les  recueils  de  l'Académie  des  sciences  (3),  Geoffroy  a 
laissé  un  grand  ouvrage  Sur  la  matière  médicale,  qui  ne  parut 
qu'après  sa  mort,  et  qui  fut  traduit  dans  les  principales  langues 
de  l'Europe  (4). 

§15.  . 

Creoffroy  Jeune. 

Claude-Joseph  Geoffroy  (né  à  Paris,  le  8  août  1683,  mort 
.  le  9  mars  1752)  suivait  la  carrière  de  la  pharmacie,  tandis 
'  que  son  frère  aîné  exerçait  la  médecine.  Élève  de  Tour- 
nefort,  il  avait  acquis  des  connaissances  variées  en  botanique 
ayant  de  se  livrer  à  la  chimie.  Le  premier  mémoire  qu'il  pré- 
senta à  l'Académie,  dont  il  faisait  partie  dès  l'année  1707,  eut 
ponr  objet  V Application  de  la  botanique  à  la  chimie.  D'après  les 
modes  d'analyse  alors  en  usage ,  il  n'était  pas  étonnant  de  voir 
les  plantes  les  plus  diverses  donner  les  mêmes  principes  à  l'a- 

L 

(1)  Des  supercheries  concernant  la  pierre  philosophale  ;  Mém.  de  VJbcdd.f^sjm, 
17î2,p.  61. 

(2)  M,ëm.  de  VAcad.,  année  1707,  p.  176. 
(S)  On  remarque  parmi  ces  mémoires  :  Du  changement  des  seh  aeides  en 

«l»  alcalins  volatils  urineux,  Mém.  de  l'Acad.,  ann.  1717,  p.  226  ;  —  jfcfo^^îi 
UtHiéd^ arrêter  les  vapeurs  nuisibles  qui  s^ élèvent  des  dissolutions  métalli^ 
JiW,  ibid.,  ann.  *1719,  p.  71  ;  —  Éclaircissements  sur  la  table  des  a/fini- 
**,  etc.,  ibid.,  1720.  p.  20,  —  Observations  sur  la  préparation  du  bleu  de 
IVmsc,  ibid.,  1725,  p.  153  et  220. 
(4)  Traité  de  la  matière  médicale,  etc.,  vol.  III;  Paris,  1741,  1756  (vol.  VU), 

24. 


372  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

nalyse.  a  II  faut  donc ,  disait  Geoffroy,  qu'il  y  ait  dans  la  com- 
binaison de  ces  principes  quelque  différence  qui   occasionne 
celle  qu'on  remarque  surtout  dans  la  couleur  et  l'odeur  des 
différentes  plantes.  »  Cette  différence,  il  la  cherchait  dans  la 
manière  dont  l'huile  essentielle  se  trouve  mêlée  avec  les  autres 
principes;  c'est  ainsi  qu'il  trouva  que  l'essence  du  thym,  xîom- 
binée>  en  diverses  proportions,  avec  les  acides  et  les^alcalis,  don- 
nait à  peu  près  toutes  les  nuances  de  couleur  qu'on  observe  dans 
les  plantes.  —  Il  découvrit  que  les  huiles  essentielles  ne  pénè- 
trent point  dans  toute  la  substance  de  la  plante ,  mais  qu'elles 
sont  contenues    dans  des  vésicules  particulières ,   affectées  à 
certaines  parties  du  végétal.  Dans  ses  recherches  sur  les  huiles 
essentielles,  il  affirme  que  ces  huiles  sont  des  composés  d'acide, 
de  phlegme,  d'un  peu  de  terre,  et  de  beaucoup  de  matière 
inflammable.   Il  entreprit  même  de  faire  une  essence  artin- 
cielle  au  moyen  de  l'esprit-de-vin  et  de  l'acide  vitriolique.  En  ce 
ce  qui  concerne  les  huiles  grasses,  il  constata  qu'un  gros  de  sa- 
von blanc,  dissous  dans  trois  onces  d'esprit-de-vin,  acquiert, 
sans  perdre  sa  transparence,  la  propriété  de  se  congeler  à  un 
certain  degré  de  froid  (1). 

En  1732,  il  fit  l'analyse  du  borax.  On  lui  doit  d'avoir  dé- 
montré que  la  base  du  sel  marin  est  une  des  parties  consti- 
tuantes du  borax  (2). 

Geoffroy  était  un  de  ces  hommes  qui  aiment  la  science  en  dehors 
de  tout  intérêt  personnel.  Il  passait  ses  moments  de  loisir  dans 
sa  maison  de  campagne  à  Bercy,  où  il  avait  fait  construire  un 
cabinet  d'histoire  naturelle  et  un  jardin  de  plantes  médicinales. 
Il  laissa  un  fils  qui  devait  bientôt  rejoindre  son  père;  ce  fils 
avait  présenté,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  un  mémoire  in- 
titulé Analyse  chimique  du  bismuth,  de  laquelle  il  résulte  une 
analogie  entre  le  plomb  et  ce  semi-métal  (Mém.  de  TAcad., 
année  1753,  p.  296  ). 

Indépendamment  des  travaux  que  nous  venons  de  mentionner, 
Joseph  Geoffroy  a  publié,  dans  la  collection  de  l'Académie  des 
sciences,  les  mémoires  suivants  : 
Des  différents  degrés  de  chaleur  que  l'esprit-de-vin  commU" 

(1)  Mém.  de  ZUf«c/.,  ann.  1707,  p.  517;— Ibid.,  ann.  1721,p.  147  ;  —  W>î<*' 
ann.  1728,  p.  88; —  Ibid.,  ann,  i741,p.  11. 

(2)  Nouvelles  expériences  sur  le  borax,  etc.;  dans  les  Mém.  de  r4ca(/.,aa**^® 
1732,  p.  398. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  373 

nique  à  l'eau  par  son  mélange  (1)  ;  —  Mélhode  pour  connailre  et 
déterminer  au  juste  la  qualité  des  liqueurs  spiritueuses,  etc,  (2)  ;  — 
Sur  la  nature  et  là  composition  du  sel  ammoniac  (3)  ;  —  Réflexions 
sur  la  manière  et  éteindre  le  feu  par  le  moyen  d*une  poudre  (4);  — 
Sur  la  fabrique  du  sel  ammoniac  ^  et  sa  décomposition  pour  en  ti- 
rer du  sel  volatil  (5)  ;  —  Observation  d*un  métal  qui  résulte  de 
l'alliage  du  cuivre  et  du  zinc  (6);  —  Différents  moyens  d'enflam- 
mer non-seulement  les  huiles  essentielles  ^  mais  même  les  baumes 
naturels,  par  les  esprits  acides  (7);  —  Observations  sur  le  mé- 
lange de  quelques  huiles  essentielles  avec  F  esprit-de-vin  (8)  ;  — 
Examen  (des  différents  vitriols ,  avec  quelques  essais  sur  la  for- 
mation artificielle  du  vitriol  blanc  et  de  l*alun  (9)  ;  —  Examen  du 
vinaigre  concentré  par  la  gelée  (10)  ; —  Examen  chimique  des  vian- 
des qu'on  emploie  ordinairemetit  dans  les  bouillons ,  par  lequel  on 
peut  connaître  la  quantité  d'extrait  qu'elles  fournissent ,  et  déter- 
miner ce  que  chaque  bouillon  doit  contenir  de  suc  nourrissant  (11)  ; 
—  Examen  chimique  des  chairs  des  animaux  ou  quelques-unes 
de  leurs  parties,  auquel  on  a  joint  l'analyse  du  pain  (12)  ;  —  Sur 
Véméticité  de  V antimoine,  sur  le  tartre  émé tique  et  le  kermès  mi- 
néral (13);  —  De  Vétain  (14)  ;  —  Manière  de  préparer  les  extraits 
de  certaines  plantes  (15)  ;  —  Moyen  de  volatiliser  l'huile  de  vi- 
triol, de  la  faire  paraître  sous  la  forme  d'une  huile  essen- 
tielle (16)  ;  —  Différents  moyens  de  rendre  le  bleu  de  Prussç  plus 
solide   à  l'air  et  plus  facile  à  préparer  (17);  —  Observations 

(1)  Mém.  de  VAcad.^  année  1713,  p.  53. 
U)Ibid.,  ann.  1718,  p.  37. 
(3)  Ibid.,  ann.  1720,  p.  189. 
(4)Ibid.,  ann.  1722,  p.  155. 
(5)lbid.,  ann.  1723,  p.  210. 

(6)  Ibid.,  ann.  1725,  p.  57. 

(7)  Ibid.,  ann.  1726,  p.  95. 

(8)  Ibid.,  ann.  1727,  p.  114. 

(9)lbid.,ann.  1727,  p.  114.  ' 

;      (10)  Ibid.,  ann.  1729,  p.  68. 
i      (11) Ibid.,  ann.  1730,  p.  217. 

(12) Ibid,  ann.  1732,  p.  17. 

(13)  Ibid.,  ann.  1734,  p.  417  ;  —  2*"  mémoire  sur  les  préparations  anllmoniales , 
•Mï.  1735,  p.  64.—  3«  mémoire,  ibid.,  p.  311  ;  —  4**  mém.,  ann.  1736,  p.  414. 

(14)  Ibid.,  1738,  p.  103. 
(I5)lbid.,  1738,  p.  193. 
(l«)Ibid.,  1742,  p.  63. 
(17)  Ibid.,' 1743,  p.  33. 


374  UISTOIBS  DE  LA  CHIMIE. 

sur  la  terre  d'alun  (1);  —  Examen  d'une  préparation  de  verre 
d'antimoine,  spécifique  pour  la  dyssenterie  (2);  —  Essai  sur  la 
formation  artificielle  du  silex,  et  observations  sur  quelques  pro- 
priétés  de  (a  chaux  vive  (3)  ;  —  Observations  sur  les  préparations 
du  fondant  de  Rotrou  et  de  l'antimoine  diaphorétique  (4). 

§  16. 
lioais  liemeiry. 

Louis  Lemery,  néàParis,  le  25  février  1677,  mort  le  9  juin  1713, 
était  le  fils  et  digne  élève  de  Nicolas  Lemery,  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut.  Reçu  docteur  en  médecine  à  vingt  et  un  ans, 
il  devint  membre  de  l'Académie  des  sciences  à  Tâge  de  vingt- 
trois  ans.  En  1702  il  fit  paraître  son  premier  ouvrage,  le  TraM 
des  aliments  y  qui  fut  sévèrement  jugé  par  Andry.  Il  publia,  dans 
la  suite,  un  grand  nombre  de  mémoires  de  chimie,  de  médecine, 
d'anatomie  et  de  zoologie,  qui ,  pour  la  plupart ,  ne  sont  pas 
dénués  d'intérêt.  En  1708,  Fagon,  premier  médecin  de 
Louis  XIV,  chargea  Lemery  de  faire  le  cours  de  chimie  au  Jar- 
din du  Roi,  à  la  place  de  Berger,  qui  était  alors  gravement  ma- 
lade. Après  la  mort  de  Berger,  cette  chaire  fut  confiée  à  Geof- 
froy, et  c'est  à  lui  que  Lemery  succéda  en  1731.  Il  n'occupa 
cette  chaire  que  douxe  ans. 

Dans  ses  travaux  chimiques,  Lemery  débuta  par  combattre 
les  idées  de  Geoffroy  sur  la  génération  du  fer.  (Voy.  les  Mémoi' 
res  de  VAcad.,  années  1706,  1707,  1708.  ) 

Il  découvrit,  en  1726,  par  un  simple  hasard,  que  le  plomb, 
«  lorsqu'il  a  une  certaine  forme ,  fort  approchante  d'un  segment 
sphérique  ou  d'un  champignon,  »  devient  presque  aussi  sonore 
que  le  métal  des  cloches.  Quelque  temps  après,  Réaumur  ob- 
serva que,  pour  que  cette  expérience  réussisse,  il  faut  que  le 
plomb  ait  acquis  par  la  fusion  la  forme  indiquée ,  et  que,  si  on 
lui  donne  cette  forme  à  froid ,  il  reste  aussi  sourd  qu'il  l'est  or- 
dinairement. Voilà  un  fait  bien  précieux  pour  la  théorie,  encore 
si  peu  avancée,  de  la  constitution  moléculaire  des  corps. 

(1)  Mém.  deVAcad,,  année  1744,  p.  69. 

(2)  Ibid.,  1745,  p.  162. 

(3)  Ibid.,  1746,  p.  284. 

(4)  Ibid.,  1751,  p.  304. 


TBOISIÈME  &0QV3.  375 

Les  mémoires  de  chimie  communiqués  par  Lemery  fils  & 
cadémie  ont  pour  titres  :  Une  végétation  chimique  du  fer  [cris- 
Usation  d*un  sel  de  fer)  (1);  —  Examen  de  la  manière  dont 
fer  agit  sur  notre  corps  (2);  —  Vaction  des  sels  sur  différentes 
\tières  inflammables  (3)  ;  —  Sur  le  nitre  (4)  ;  —  De  la  volatili- 
ion  vraie  ou  apparente  des  sels  fixes  (5)  ;  —  Réflexions  sur  le 
^aut  et  le  peu  d'utilité  des  analyses  ordinaires  des  plantes  et  des 
vmaux  (6)  ;  —  Observation  historique  sur  le  kermès  minéral  (7)  ; 
Sur  la  précipitation  de  quelques  sels  dissous  dans  de  Veau  (8); 
Expériences  et  réflexions  sur  le  borax,  d'oii  Von  pourra  tirer 
jlques  lumières  sur  la  nature  et  les  propriétés  de  ce  sel,  et  sut 
manière  dont  il  agit,  non-seulement  sur  nos  liqueurs,  mais  en- 
e  sur  les  métaux  dans  la  fusion  desquels  on  V emploie  (9)  ;  — 
r  le  sublimé  corrosif  (iO);  —  ISouvel  éclaircissement  sur  Valun, 
les  vitriols,  et  particulièrement  sur  la  composition  naturelle  et 
qu'à  présent  ignorée  du  vitriol  blanc  ordinaire  (11). 

§17. 
Hellot. 

Hellot,  né  à  Paris,  le  20  novembre  1685,  mort  en  1761 ,  fut 
sliné  d'abord  à  la  carrière  ecclésiastique  ;  mais  son  goût  pour 
chimie  lui  fit  abandonner  Tétude  de  la  théologie.  Pendant 
voyage  en  Angleterre,  il  s'était  lié  d'amitié  avec  les  savants 
plus  distingués  de  ce  pays.  Aussi  son  entrée  à  l'Académie  des 
ences  de  Paris,  en  1733,  fut-elle  bientôt  suivie  de  son  élection 

[\)Mém,  de  VAcad.,  ann,  1707,  p.  299. 

2Jfl)id.,ann.  1713,  p.  30. 

(3)n)id.,p.  99. 

(4)  Ibid.,  ann.  1717,  p.  31  ;  2«  mém.,  p.  122. 

(5)n)id.,  ann.  171,7,  p.  246. 

(6)  Ibid.,  ann.   1719,  p.  173;  2»  mém.,  ann.  1720,  p.  98;  3«  :mém.,  p.  166; 
mém.,  ann.  1721,  p.  22. 

(7)  Ibid.,  année  1750,  p.  417.  Lemery  rappelle  que  le  kermès  minéral,  ovLpovr 
c  des  Chartreux,  avait  été  déjà  décrit  par  son  père  dans  le  Traité  sur  Van- 
noine,  et  que  d'autres  ont  eu  tort  d'en  revendiquer  la  découverte. 

(8)  ma.,  ann.  1727,  p.  40.  , 

(9)  Ibid.,  ann.  1728,  p.  273;  2«  mém.  sur  le  borax,  ann.  1729,  p.  282. 

(10)  Ibid.,  ann.  1734,  p.  259, 

(11)  Ibid.,  ann.  1735,  p.  262  ;  2«  mémoire,  ibid.,  p.  385  ;  supplément  auxmé- 
^Ires  précédents;  ibid., ann.  1736,  p.  263. 


376  HISTOIRE  DB  LA  CHIMIE. 

ûomme  membre  de  la  Société  royale  de  Londres.  Chargé  parle 
ministère  de  l'inspection  générale  des  teintures ,  il  publia  à  ce 
sujet  des  travaux  importants.  Il  avait  épousé ,  à  Tàge  de  soixante- 
cinq  ans  y  une  femme  qui  partageait  ses  goûts  pour  la  science. 

Les  travaux  de  Hellot  se  trouvent  consignés  dans  les  Mémoires 
de  l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Son  premier  mémoire,  para 
en  1735,  traite  de  l'analyse  du  zinc,  métal  que  Ton  regardaitnon 
pascommeun  corps  simple,mais  comme  un TTiiâ^^e, pour  employer 
le  langage  alors  usité  (1).  L'année  suivante  il  publia ,  sous  le 
titre  de  Conjectures ,  une  notice  où  il  prétendait  que  la  colora- 
tion rouge  des  vapeurs  nitreuses  tient  à  la  présence  du  fer,  et 
que  ces  vapeurs  renferment  un  sel  volatil  urineux  (ammo- 
niaque) (2).  Il  inventa  aussi  une  encre  sympathique  (solution  d'uQ 
sel  de  cobalt  exposée  à  la  chaleur) ,  et  indiqua  tous  les  moyens 
de  préparation  des  encres^  qu'il  divise  en  quatre  moments: 
((  Faire  passer  une  nouvelle  liqueur  ou  la  vapeur  d'une  nou- 
velle vapeur  invisible  ;  —  exposer  la  première  écriture  à  Pair, 
pour  que  les  caractères  se  teignent;  —  passer' légèrement  sur 
l'écriture  une  matière  colorée,  réduite  en  poudre  subtile;  - 
exposer  l'écriture  (invisible)  au  feu  (3).  » 

A  propos  de  la  liqueur  éthérée  de  Frobenius ,  Hellot  nous  ap- 
prend qu'en  faisant  digérer  à  froid  de  l'esprit  acide  vineux  non 
rectifié  (mélange  d'alcool  et  d'acide  sulfurique)  dans  l'huile 
jaune  de  vin  pesante,  provenant  de  la  préparation  de  l'éther,  on 
obtient  des  cristaux  d'une  matière  blanche,  ayant  l'odeur,  la  sa- 
veur et  l'inflammabilité  du  camphre  (4). 

Dans  sa  Théorie  chimique  de  la  teinture  des  étoffes,  l'auteur 
partit  d'une  hypothèse  qu'il  essaya  de  confirmer  par  des  ex- 
périences. Voici  l'énoncé  de  cette  hypothèe  :  «  Dilater  les 
pores  du  corps]à  teindre,  y  déposer  les  particules  d'une  matière 
étrangère,  et  les  y  retenir,  ce  sera  le  bon  teint.  Déposer  ces 
matières  étrangères  sur  la  seule  surface  des  corps,  ou  dans  des 
pores  dont  la  capacité  ne  soit  pas  suffisante  pour  les  recevoir, 
ce  sera  le  petit  ou  faux  teint,  parce  que  lé  moindre  choc  dé- 
tachera les  atomes   colorants.  Enfin,  il   faut  que  ces  corps 


(1)  Mém,  deVAcad.y  ann.  1735,  p.  62  ;  2*  mém.  sur  le  zinc,  ibid.,  p.  221. 

(2)  ftid.,  ann.  1736,  p.  36. 

(3)  nrid.,  ann.  1737,  p.  101  ;  2*  méra.,  p.  228. 

(4)  Ibid.,  ann.  1739,  p.  62. 


TROISIEME  EPOQUE.  377 

luits  d'une  espèce  de  mastic  que  ni  Teau  de  pluie  ni  les 

î  soleil  ne  puissent  altérer  (1).  » 

donna  le  premier  une  histoire  complète  de  tous  les 

jusqu'alors  employés  pour  préparer  le  phosphore  (2). 

loire,  Sur  l'exploitation  des  minesy  mérite  également 

5  avec  éloge  (3). 

n  a  de  Hellot  plusieurs  travaux  étrangers  à  la  chimie. 

§18. 

Boaldae. 

ly  né  à  Paris,  le  20  février  1675,  mort  le  17  février 
m  mérité  de  la  pharmacie  plutôt  que  de  la  chimie  pro- 
lite.  Son  père  avait  été,  comme  lui,  démonstrateur  de 
Jardin  du  Roi,  et  membre  de  TAcadémie  des  sciences. 
3ublia,  en  1719,  des  études  sur  les  purgatifs ,  sur  le 
érium  ^  etc.  Il  simplifia  la  préparation  du  sublimé 
J,  et  donna  quelques  notions  intéressantes  sur  l'analyse 
ux  (5),  sur  le  sel  polychreste  de  Seignette  (6),  sur  le  sel 
?  (7)  et  le  sel  d'Epsom  (8).  Mais  ce  qui  lui  valut  le  plus  de 
;,  ce  sont  ses  recherches  sur  les  eaux  minérales  :  sur 
Passy  (en  1726),  les  eaux  de  Bourbon-rArchambault 
et  celles  de  Forges  (en  1735). 

îtions  de  premier  apothicaire  du  roi  et  de  la  reine  To- 

à  suivre  la  cour  ;  elles  ne  lui  permettaient  donc  pas 

régulièrement  aux    séances  de  l'Académie,  et  de 

le  part  active  aux  travaux  de  cette  savante  compa- 

mourut  à  l'âge  de  soixante-sept  ans,  à  Versailles, 
résidait  alors. 


ie  VAcad.y'Nm.  1740,  p.  126;  2" mémoire, ibid.,  1741,  p.  38. 

m.  1737,  p.  a42,  Sur  le  phosphore  de  Kunckel  ei  l'analyse  de 


n.  1756.  p.  134. 
m.  1730,  p.  357. 
'34,  p.  101. 
731,  p.  124. 
'27,  p.  375. 
731,  p.  347. 


378  UISTOIBE  DE  LA  GHIUE. 

§  19. 
Rouelle  aine. 

Guillaume-François  Rouelle,  le  maître  de  Lavoisier,  naquit,  eil 
1703,  au  village  de  Mathieu,  en  Normandie  (1).  Après  avoir  fiiif 
ses  premières  études  au  collège  de  Caen,  il  vint  à  Paris,  et  s'y  - 
livra  assidûment  à  ses  goûts  pour  la  chimie  et  la  pharmacie. 
En  1744 ,  il  fut  admis  à  TAcadémie  des  sciences  comme  chimiste 
adjoint,  et  dans  la  même  année  il  lui  communiqua  un  mémoire 
Sur  les  sels  neutres ^  son  premier  écrit  scientifique.  «  J'app^ 
dit-il  dès  le  début,  sel  neutre  y  moyen  ou  salé^  tout  sel  formé  par 
l'union  de  quelque  acide  que  ce  soit,  minéral  ou  végétal,  avec 
un  alcali  fixe  ou  volatil ,  une  terre  absorbante ,  une  substance 
métallique  ou  une  huile.  » 

On  doit  à  Rouelle  la  première  classification  méthodique  des 
sels  alors  connus,  qu'il  divise  en  six  sections  principales;  chaque 
section  est,  à  son  tour,  subdivisée  en  genres  et  en  espèces  :  l'a* 
cide  donnait  le  genre,  et  la  base  l'espèce.  Ainsi,  la  première 
section  renfermait  tous  les  sels  cristallisés  en  lames;  le  premier  \ 
genre  de  celte  section  se  composait  des  sels  d'acide  vitrioliqne 
(sulfates) ,  et  les  espèces  comprenaient  tous  les  vitriols  à  base 
d'alcali  fixe  ou  volatil,  de  terres  ou  de  substances  métalliques. 

Nous  avons  déjà  dit  (1)  que  les  leçons  de  chimie  du  Jardin 
du  Roi  étaient  faites  concurremment  par  un  professeur  théo- 
ricien et  un  démonstrateur  pratique.  Bourdelin,  alors  pro- 
fesseur en  titre,  était  écouté  assez  froidement  dans  ses  digres- 
sions abstraites;  mais  lorsque  paraissait  Rouelle,  le  démonstra- 
teur, l'intérêt  et  l'attention  s'éveillaient  tout  aussitôt.  Le  profes- 
seur terminait  invariablement  sa  leçon  par  ces  mots  :  «  Tels 
sont,  Messieurs,  les  principes  et  la  théorie  de  cette  opération, 
ainsi  que  M.  le  démonstrateur  va  vous  le  prouver  par  ses  ex- 
périences. » 

Mais  le  démonstrateur,  qui  prenait  aussitôt  la  parole ,  s'at- 
tachait le  plus  souvent  à  prouver  tout  le  contraire,  et  à  donner, 

(1)  Voyez,  pour  plus  de  détaUs,  la  biographie  de  F. -G.  Rouelle,  par  P. -A.  W^ 
dans  le  Journal  de  pharmacie  et  de  chimie,  sept.  1842. 

(2)  Voy.  p.  277  de  ce  volume. 


TROISIÈME  EPOQUE.  379 

)ar  les  faits,  un  éclatant  démenti  à  la  théorie  du  professeur  (1). 

En  1750,  Rouelle  devint  membre  de  TAcadémie  royale  de 

tockholm  et    de   celle  d'Erfurt.  Deux  aimées  après,    il  fut 

(1}  C'est  à  ces  leçons  du  Jardin  du  Roi  que  se  rattachent  la  plupart  des  anecdotes 
lisantes  que  1  on  raconte  de  Rouelle.  Le  professeur  arrivait  dans  Tamphitliéâtre 
i  grande  tenue  :  habit  de  velours,  perruque  poudrée,  et  petit  chapeau  sous  le  bras, 
(ses  calme  au  début  de  sa  leçon,  il  s^échauffait  par  degrés;  si  sa  pensée  venait 
s'embarrasser,  il  s'impatientait,  il  posait  son  chapeau  sur  une  cornue,  il  ôtait 
perruque,  il  dénouait  sa  cravate;  puis,  tout  en  continuant  déparier,  il  débou-' 
Bpaît  son  habit  et  sa  veste,  et  les  quittait  Pun  après  Tautre.  —  Grimm,  à  qui 
«s  devons  ces  particularités  sur  la  vie  de  Rouelle,  raconte  qu'un  jour,  se  trou- 
uBt  dans  un  cercle  où  il  y  avait  plusieurs  dames,  et  parlant  avec  sa  vivacité  or- 
naire,  Rouelle  défait  sa  jarretière,  tire  son  bas  sur  son  soulier,  se  gratte  la  jambe 
^  les  deux  mains,  remet  ensuite  son  bas  et  sa  jarretière,  et  continue  saconver- 
itîoD,  sans  avoir  le  moindre  soupçon  de  ce  qu'il  venait  de  faire.  —  Rouelle^ 
lit  ordinairement  assisté  dans  ses  expériences  par  son  neveu;  mais,  cet  aide  ne 
i  tronvant  pas  toujours  auprès  de  lui ,  Rouelle  l'appelait  en  criant  à  tue-téte  : 
Neveu,  étemel  neveu  !  »  et  Téternel  neveu  ne  venant  pas,  il  s'en  allait  lui-même 
ans  les  arrière-pièces  de  son  laboratoire  chercher  les  objets  dont  il  avait  be- 
Ha,  Pendant  cette  opération,  il  continuait  la  leçon  comme  s'il  était  en  présence 
e  ses  auditeurs.  A  son  retour,  il  avait  ordinairement  achevé  la  démonstration 
Hnmencée,  et  rentrait  en  disant  :  «  Oui,  messieurs,  voilà  ce  que  j'avais  à  vous 
ire.»  Alors  on  le  priait  de  recommencer,  ce  qu'il  faisait  volontiers,  croyant 
salement  avoir  été  mal  compris.  —  Dans  sa  pétulance  et  sa  distraction  ordi- 
aiies,  il  exprimait  souvent  des  vues  neuves,  hardies,  profondes  ;  il  décrivait 
es  procédés  dont  il  eût  bien  voulu  dérober  le  secret  à  ses  Ituditeurs,  mais  qui 
li échappaient,  à  son  insu,  dans  la  chaleur  du  discours;  puis  il  ajoutait  :  Ceci 
ftnnde  mes  arcanes  que  je  ne  dis  à  personne,  et  c'était  précisément  ce  qu'il 
enait  de  révéler  à  tout  le  monde.  —  Ses  récriminations  et  ses  plaintes  faisaient 
D  quelque  sorte  partie  de  son  cours  ;  en  sorte  qu'à  telle  leçon  on  était  sûr  d'en- 
3Klre  une  sortie  contre  Macquer  ou  Malouin,  contre  Pott  ou  Lehmann;  à  telle 
Dtre,  une  diatribe  contre  Buffon  ou  Bordeu.  Dans  son  emportement,  il  ne  se 
usait  faute  d'aucune  injure  ;  mais  la  plus  commune,  l'épithète  qu'il  prononçait 
iplns  souvent  et  qui  servait  le  mieux  sa  colère,  était  celle  de  plagiaire.  Pour 
entrer  toute  son  horreur  pour  l'attentat  de  Damiens,  il  ne  manquait  pas  de 
ire  que  c'était  un  plagiat.  «  Oui,  messieurs,  s'écrialUil  tous  les  ans,  à  certain 
Ddroit  de  son  cours,  en  parlant  de  Bordeu,  c'est  un  de  nos  gens,  un  frater,  un 
^aire,  qui  a  tué  mon  frère  que  voilà.  »  —  Hors  de  son  laboratoire  et  dès  qu'il 
^^t  de  vue  ses  appareils,  il  semblait  ne  plus  rien  comprendre  au  monde  et  à 
'Société.  Un  jour,  chez  Buffon,  on  parlait  des  mouvements)  instinctifs  dont  on 
est  pas  le  maître.  «  Par  exemple,  disait  le  card'mal  de  Bernis,  il  m'est  impos- 
ée d'entrer  dans  une  église  sans  courber  la  tête.  » —  «  U  y  a,  en  effet,  reprit 
^elle,  certains  mouvements  naturels  et  machinaux  dont  il  n'est  pas  facile  de 
^ndre  compte.  Pourquoi,  par  exemple,  les  ânes  et  les  canards  baissent-ils 
^JOurs  la  tête  quand  ils  passent  sous  des  arcades  ou  des  portes  cochères?  »  Et 
^^e  on  le  regardait  en  souriant  :  »  Oui,  messieurs,  ajouta-t-il,  j'ai  fait  cette 
^lience,  moi;  j'ai  fait  passer  des  ânes  et  des  canards  sous  la  porte  Saint-An- 


380  HISTOIRE  DE  Ik  CHIMIE. 

nommé  associé  fie  l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Il  refusa  la 
charge  de  premier  apothicaire  du  roi,  et  accel[)ta  la  place  d'ins- 
pecteur de  la  phariAacie  de  THôtel-Dieu.  En  1754,  le  ministre 
des  finances  lui  confia  un, travail  sur  l'essai  des  monnaies  d'or. 
Rouelle  y  apporta  tant  de  zèle  et  de  talent,'  qu'on  lui  ppomit 
en  récompense  la  place  d'essayeur  en  chef  des  monnaies;  mais 
cette  place  ne  fut  donnée  qu'après  sa  mort  à  J.  d'Arcet,  son 
gendre.  Sentant  ses  forces  s'affaiblir,  il  renonça,  dès  l'année 
4768,  à  faire  ses  cours,  et  se  démit,  en  faveur  de  son  frère,  de 
la  chaire  de  chimie  du  Jardin  du  Roi  (1).  Depuis  ce  moment, 
il  traîna  une  vie  languissante;  il  perdit  l'usage  de  ses  jambes, 
et  vécut  retiré  à  Passy,  où  il  mourut  le  3  août  1770,  à  l'âge  de 
67  ans. 


« 


toine,  et  même  sous  la  porte  Saint-Denis,  qui  est  bien  autrement  liaute.  Eh  bien! 
messieurs,  tous  me  croirez  si  vous  voulez,  mais  je  vous  donne  ma  parole  d'hon- 
neur que  je  uVn  sais  [tas  plus  que  vous  à  ce  sujet.  »  —  Les  grands  éTéoemeats 
politiques  et  militaires  le  préoccui)aient  au  point  de  balancer  dans  son  esprit 
Fintcrét  qu'il  prenait  aux  progrès  de  la  science,  et  il  trouvait  parfois  ToccasIoD 
d*en  entretenir  ses  auditeurs  au  milieu  même  de  ses  leçons.  GVst  ainsi  que,  pen- 
dant la  guerre  qui  venait  d'éclater  contre  les  Anglais  en  1756,  il  voulait  aller 
commander  les  bateaux  plats,  et  assurait  quUl  i)ossédait  un  arcane  à  Taide  du- 
quel il  se  flattait  de  brûler  Londres,  et  d'incendier  sous  l'eau  toute  la  flotte  an- 
glaise. —  Grimm  raconte  que  le  lendemain  du  jour  où  parvint  la  nouvelle  de  la 
défaite  de  Rosbacb,  il  le  rencontra  tout  éclo[)é  et  marchant  avec  peine.  «  Eh! 
mon  Dieu  !  M.  Rouelle,  lui  dit-il,  que  vous  est-il  donc  arrivé  »  ?  — «Je  suismoulo, 
répondit  le  chimiste;  toute  la  cavalerie  prussienne  in'a  marché  cette  nuit  sur  le 
corps.  ï'  Le  môme  jour,  il  se  trouvait  au  Jardin  du  Roi  ;  et.  la  conversation  atVant 
roulé  sur  le  môme  sujet,  il  ne  manqua  pas  de  traiter  le  prince  de  Soubise  (com- 
mandant de  l'année  française  à  Rosbach,  et  qui  reçut  quoique  temps  après  le  bâ- 
ton de  maréchal)  d'ignare,  d'esprit  obtus,  de  criminel,  et  enfin  de  plagiaire. 
«  Mais,  lui  dit  Buffon,  ce  n'est  point  un  plagiat  que  de  s'être  laissé  battre  par 
les  Prussiens,  c'est  au  contraire  une  invention  toute  nouvelle  de  M.  de  Soubise. 
—  Ne  le  défendez  pas,  s'écriait  Rouelle,  c'est  un  animal  infime,  un  mulet  coruu, 
un  double  cochon  borgne  !  Je  suis  sûr  qu'il  a  quehpie  chose  de  vicié  dans  sa  con- 
formation. » 

(1)  Beaucoup  d'auteurs  ont  confondu  le  frère  cadet  avec  Rouelle  aîné.  —IloveUe 
jeune,  moins  célèbre  que  son  frère,  a  publié  des  observations  sur  les  alliages  de 
l'étain,  considérés  sous  le  point  de  vue  hygiénique  {Rechtrches  chimiques  sur 
réfain,  publiées  par  ordre  du  gouvernement  ;  Paris,  1781,  in-8°);  —  sur  les 
eaux  minérales  de  Leuk  {Journal  de  médecine,  etc.,  t.  XLV,  1776,  juin)  ;— ffl- 
hleau  de  l'analyse  chimique  des  procédés  du  cours  de  chimie^eic;  Paris,  l""^» 
in-12.  —  Observations  sur  l'air  fixe  dans  certaines  eaux  minérales  (dans 
les  Opuscules  physiques  et  chimiques  de  Lavoisicr y  \t.  157). 


/ 


TROISIEME  EPOQUE.  381 


TraTaax  de  Rouelle* 

Rouelle  a  puissamment  contribué  aux  progrès  de  la  chitnie^ 
moins  par  ses  écrits,  qui  sont  peu  nombreux,  que  par  ses  cours 
publics,  qui  étaient  suivis  avec  un  empressement  et  une  curio- 
sité extraordinaires.  Les  paroles  du  maître  étaient  recueillies 
comme  des  oracles  par  ses  élèves;  et  il  n'est  pas  rare  de  ren- 
contrer encore  aujourd'hui  de  ces  cahiers  manuscrits,  rédigés, 
il  y  a  cent  ans^  avec  un  soin  in&ni  (1).  C'est  là  un  spectacle 
presque  unique  dans  les  annales  de  la  science.  Rouelle  est,  sans 
contredit,  un  de  ceux  qui  ont  le  mieux  réussi  à  populariser  la 
chimie  en  France,  et  il  faut  revendiquer  pour  lui  une  part  glo- 
rieuse dans  cette  grande  révolution  scientifique  dont  Lavoisier 
est  le  chef. 

Les  travaux  imprimés  de  Rouelle  consistent  eu  quelques  dis- 
sertations insérées  dans  le  recueil  des  Mémoires  de  V Académie 
des  sciences,  dans  le  Journal  de  physique  de  Rozier,  et  dans  le 
Journal  de  médecine  de  Roux. 

Sonpremier  mémoire,  5î/r/65se/;sn^<res,estdel'annéel744(2). 
L'année  suivante  ,  il  communiqua  à  l'Académie  un  nouveau  mé- 
moire ayant  pour  but  d'appliquer  à  l'étude  spéciale  A\xsel  marin 
les  principes  établis  dans  le  mémoire  précédent  (3).  Parmi  les 
travaux  de  Rouelle  qui  fixèrent  le  plus  l'attention  du  inonde  savant^ 
il  faut  citer  celui  qui  traite  de  Y  inflammation  des  huiles  essentielles, 
au  moyen  de  l'esprit  de  nitre  (4).  Au  sujet  de  ces  expériences  cu- 
rieuses qu'il  se  plaisait  à  répéter  souvent  dans  ses  cours  ,  il  ensei- 
gnait ua procédé  aussi  simple  qu'ingénieux  pour  concentrer  l'a- 
cide nitrique.  Ce  procédé,  dont  la  priorité  d'invention  revient  de 

(1)  Nous  avons  possédé  nous-mêmes  deux  de  ces  cahiers,  écrits  par  des  mains 
difTérentes;  l'un  avait  pour  titre  :  Cours  de  chimie  de  M,  Rouelle,2  vol.in-S"; 
l'antre  :  Cours  de  chimie  rédige  d'après  les  leçons  de  M.  Rouelle  Vaine ^  par 
^W**y  in-fol.  L'écriture  du  premier  manuscrit  parait  être  un  peu  plus  ancienne 
que  celle  du  dernier.  La  Bibliothèque  impériale  possède  également  plusieurs  de 
ces  cahiers  manuscrits  des  cours  de  Rouelle  ;  on  en  trouve  aussi  à  Paris  dans 
quelques  bibliothèques  privées.  M.  Cap  a  réuni  des  documents  précieux  sur 
Rouelle. 

11  est  à  regretter  que  les  cours  de  Rouelle  n'aient  pas  été  imprimés. 

(2)  Mëm,  de  VAcad.  des  sciences,  ann.  1744,  p.  97. 

(3)  Mëm.  de  VAcad.f  ann.  1745,  p.  773. 
(4)Ibid.,ann.  1747,  p.  î%4;  llist.,  p.  85. 


382  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

droit  à  Rouelle,  consistait  à  distiller  l'acide  nitrique,  ou, 
comme  il  l'appelle,  l'esprit  de  nitre  ou  acide  nitreux,  avec 
de  Pacide  vitriolique.  Ajoutons  que  Fauteur  comprenait 
parfaitement  la  théorie  de  son  procédé  :  «  L'acide  vitrio- 
lique ne  sert,  dit-ii^  qu'à  concentrer  davantage  l'acide  nitreux 
(nitrique),  et  à  le  dépouiller  de  la  plus  grande  partie  de  son 
phlegme  (eau),  cet  acide  ayant  plus  de  rapport  avec  l'eau  que 
l'acide  nitreux;  toutes  les  fois  qu'on  mêle  un  acide  vitriolique 
bien  concentré  à  un  acide  nitreux  phlegmatique  (aqueux),  le 
premier  se  charge  du  phlegme  (eau)  du  second,  et  l'en  dépouille. 
Cela  nous  offre  donc  un  moyen  de  porter  l'acide  nitreux  à  un 
état  de  concentration  beaucoup  plus  considérable  que  celui  au- 
quel on  peut  espérer  de  parvenir  par  la  distillation  (1).  » 

En  1750,  Rouelle  publia  un  mémoire  étendu  Sur  les  embaume- 
menis;  il  y  commente  avec  beaucoup  de  sagacité  la  méthode 
d'embaumement  des  Égyptiens,  décrite  par  Hérodote  (2). 

En  1754,  il  communiqua  à  l'Académie  des  sciences  un  nou- 
veau mémoire  Sur  les  sels  neutres  (3).  C'est  dans  ce  mémoire  qu'il 
distingue  le  premier  les  sels  en  sels  acides,  en  sels  moyens  {ueur 
très)  et  en  sels  avec  excès  de  base;  il  établit  que,  dans  les  pre- 
miers, l'excès  d'acide  se  trouve,  non  pas  simplement  ajouté,  mais 
combiné,  et  que  la  combinaison  de  l'acide  avec  la  base  a  des  li- 
mites.  De  cette  dernière  observation  à  la  loi  des 'proportions  fixes 
il  n'y  avait  qu'un  pas. 

Le  Journal  de  médecine  de  Roux  contient  des  expériences  de 
Rouelle  (publiées  en  grande  partie  par  son  frère)  sur  le  tartre 
traité  par  la  chaux  et  les  oxydes  métalliques  {A]  ;  sur  le  lait,  le 
sucre  de  lait  et  d'autres  produits  organiques,  etc.  (5);  sur  le  sang, 
sur  l'eau  des  hydropiques  (6);  sur  l'urine  de  l'homme  ,  des  va- 
ches et  des  chevaux  (7);  sur  le  diamant  (8);  sur  l'or  calciné  au 


(1)  Cours  de  chimie  de  Rouelle  Vaine,  rédigé  par  MM.***  (manuscrit  in-fol.)» 
p.  395. 

(2)  Mém.  de  VAcad.  des  sciences,  ann.  1750,  p.  123. 

(3)  Ibid.,  ann.  1754,  p.  572. 

(4)  Roux,  Journal  de  médecine^  de  chirurgie  et  de  pharmacie,  t.  XXXIX,  et  c, 
p.  369. 

(5)  Ibid.,  p.  250;  t.  XL,  p.  59. 

(6)  Ibid.,  t.  XL,  p.  68. 

(7)  Ibid.,  p.  451. 

(8)  Ibid.,  t.  XXXIX,  p.  50.      . 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  383 

moyen  des  étincelles  électriques  (i).  L'habile  opérateur  démon- 
tfa,  contrairement  à  la  théorie  d'un  grand  nombre  de  chimistes, 
que  le  sel  lîxiviel  (potasse)  existe  déjà  dans  les  plantes  avant  leur 
incinération  (2). 

•Plût  à  Dieu  que  tous  les  savants  eussent  rempli  leur  carrière 
aussi  consciencieusement  que  Rouelle  !  Probe,  honnête,  généreux, 
inaccessible  à  la  corruption,  il  avait  le  vrai  culte  de  la  soience. 

§  20. 

Théodore  Baron. 

Théodore  Baron,  né  à  Paris,  le  17  février  1715,  se  prépara, 
par  les  mathématiques,  à  l'étude  de  la  médecine  et  de  la  chimie. 
Il  eut  pour  maîtres  dans  cette  dernière  science  Rouelle  et  Bour- 
delin.  Deux  ans  après  avoir  été  reçu  docteur  en  médecine ,  en 
1744,  il  lut  à  l'Académie  des  sciences  un  mémoire  (son  premier 
travail  scientifique) ,  traitant  De  r action  du  sel  de  tartre  sur  les  sels 
neutres  (3).  En  1752,  il  obtint  auprès  de  l'Académie  la  place 
d'adjoint-chimiste,  devenue  vacante  par  la  nomination  de  Rouelle 
àcelle  d'associé.  Il  mourut  le  10  mars  1768,  à  l'âge  de  cinquante- 
trois  ans,  par  suite  de  l'étranglement  d'une  hernie  ombilicale. 
Il  avait  toujours  mené  une  vie  fort  retirée ,  au  sein  d'un  petit 
nombre  d'amis. 

Le  principal  titre  scientifique  de  ce  chimiste  est  d'avoir 
éclairci  l'histoire,  demeurée  jusqu'alors  si  obscure,  du  borax. 
Les  dTeux  mémoires  publiés  sur  ce  sujet  se  trouvent  insérésdans 
les  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  (4).  Voici  les 
conclusions  de  ce  travail ,  qui  parut  sous  le  titre  d^Expé- 
fiences  pour  servir  à  l'analyse  du  borax  :  «  Le  sel  sédatif  (acide 
borique)  est  toujours  le  même,  par  quelque  acide  qu'il  ait  été 

(t)  Roux,  Journal  de  médecine,  elc.  t.  XL,  p.  163,- 1.  XLVIII,  p.  299. 

(2)Rozier,  Observations  et  mémoires  sur lap1iysique,eic.,i.  I,  p.  13. 

(3)Mém.  de  mathématiques  et  de  physique,  présentés  à  l'Académie  royale  de 
sciences  par  divers  savants,  etc.,  1. 1,  p.  100  :  Sur  une  propriété  singulière 
?tt'a  le  sel  de  tartre  de  précipiter  tous  les  sels  neutres  sur  lesquels  Un* a  point 
^action.  L'auteur  cherche  à  établir  que  la  véritable  cause  4e  la  formation  de 
Pï'écipités  dépend  de  Taffinité  qui  existe  entre  le  précipitant  et  le  dissolvant. 

(4)  Le  1*'  mémoire  fut  présenté  à  TAcadémie  le  25  et  le  28  janvier  1747  ;  et  le 
^iiaém.,  le  3  juillet  1748. 


384  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

retiré  du  borax;  on  peut  régénérer  le  borax  en  unissant  lesei 
sédatif  avec  le  sel  de  soude  ;  on  peut  faire  artificiellement  deux 
espèces  de  borax,  différentes  par  leurs  bases ,  de  celui  qui  est 
connu  jusqu'ici ,  savoir  :  Tune  en  combinant  le  sel  sédatif  avec 
l'alcali  du  tartre  (potasse],  et  l'autre  en  le  combinant  avec 
Palcali  du  sel  ammoniac;  le  sel  sédatif  existe  tout  fait  dans  le 
borax  ;  la  dénomination ,  imposée  par  Homberg ,  de  sel  vokUU 
narcotique  du  vitriol^  est  impropre  en  tous  points,  puisque  ce 
sel  est  très-fixe  par  lui-même,  et  n'est  sublimable  que  pardon 
eau  de  cristallisajtion;  il  ne  participe  en  rien,  lorsqu'il  est  bien 
préparé,  de  l'acide  vitriolique  qu'on  a  employé  pour  le  dégager 
du  borax,  puisqu'il  est  possible  de  le  dégager  par  tout  autre 
acide  même  végétal,  sans  qu'il  participe  davantage  de  la  nature 
de  ces  acides;  enfin,  il  n'est  point  narcotique.  » 

Ces  conclusions ,  bien  nettes,  laissaient  peu  à  désirer.  11  ne 
manquait  plus  que  la  découverte  de  la  composition  de  l'a- 
cide borique  pour  compléter  l'histoire  du  borax  ;  car  la  nature 
et  les  propriétés  de  cet  acide,  employé  en  médecine  sous  le 
nom  de  sel  sédatifs  étaient  déjà  connues. 

Enfin  Baron  présenta  à  l'Académie,  en  1742 ,  un  mémoire  Sur 
un  sel  apporté  de  la  Perse  sous  le  nom  de  borech.  Il  reconnut  que 
ce  sel  n'était  autre  chose  que  du  borax  sophistiqué  (1). 

§21. 

François  Hœfer. 

Nous  n'avons^aucun  renseignement  sur  les  principaux  actes 
de  la  vie  de  ce  chimiste  qui  fit  le  premier  bien  connaître  Tacide 
borique.  L'histoire  du  borax  resta,  pendant  toute  cette  pé- 
riode, à  peu  près  telle  que  Baron  l'avait  dounée.  Ce  ne  fut 
qu'en  1777  que  François  Hoefer,  directeur  de  la  pharmacie  du 
grand-duc  de  Toscane  à  Florence,  découvrit  l'acide  borique 
dans  les  eaux  de  Monterotondo,  dit  Cerchiajo  ,  près  de  Sienne. 
En  soumettant  ces  eaux,  d'un  aspect  laiteux,  à  l'analyse,  ce 
chimiste  remarqua  que  le  résidu  de  l'évaporation ,  redissous 
par  l'alcool ,  brûlait  avec   une  flamme  verte.  Croyant  d'abord 

(1)  Les  résultats  de  cette  analyse  se  trouvent  consignés  dans  d  ux  mémoires , 
don  l  le  premier  fut  présenté  à  TAcadémie  le  3  juillet  1 748 , et  le  second  le  1 7  j  uin  1 752 . 


TROISIÈME  £FO0U£.  385 

\ue  cette  couleur  provenait  d'un  sel  de  cuivre,  il  répéta  Texpé- 
rience  et  obtint  le  même  résultat;  de  plus,  en  combinant  ce  ré- 
ddu  avec  Talcali  minéral,  il  forma  du  borax,  ce  qui  lui  donna 
l'idée  d'élever  une  fabrique  de  borax  dans  le  voisinage  de  ces 
eaux  {i).  ' 

§22. 

Maeqner. 

Kerre-Josepb  Macquer,  né  à  Paris,  le  9  octobre  1718,  avait, 
depuis  Page  de  vingt-sept  ans,  consacré  ses  veilles  à  Tavance- 
ment  de  la  chimie.  Ses  premiers  travaux  eurent  pour  objet  la 
solubilité  des  huiles  dans  Tesprit-de-vin ,  et  les  composés  arse- 
nicaux, particulièrement  la  combinaison  de  Tarsenic  blanc  avec 
les  alcalis  (2).  Il  fit  des  recherches  intéressantes  sur  la  composition 
dableu  de  Prusse.  Cette  matière  n'est,  suivant  lui,  qu'une  combi- 
naison de  fer  avec  une  substance  particulière  que  les  alcalis  en- 
lèvent aux  produits  charbonneux  ;  il  en  donne  comme  preuve 
que  l'alcali  digéré  sur  le  bleu  de  Prusse  se  charge  de  cette  subs- 
tance, et  ne  laisse  plus  qu'une  chaux  de  fer,  tandis  que  ce  même 
alcali  ainsi  saturé,  et  versé  dans  une  dissolution  de  fer,  reproduit 
le  bleu  de  Prusse  (3). 

Il  vivait  alors  en  Bretagne  un  gentilhomme  qui,  depuis  qua- 
rante ans,  s'était  dévoué  au  service  de  l'humanité  souffrante.  Le 
comte  de  la  Garaye,  c'est  le  nom  du  gentilhomme,  avait  cons- 
truit un  hôpital  à  côté  d'un  laboratoire  de  chimie  ;  il  soignait 
lui-même  les  malades,  auxquels  il  administrait  ses  remèdes  pré- 
parés dans  son  laboratoire,  remèdes  de  son  invention.  Ce  sont  ces 
remèdes  queMaequer  fut  chargé  par  le  gouvernement  d'examiner. 
Ge  chimiste  trouva  que  la  panacée  de  la  Garaye  n'était  autre  chose 
qu'une  dissolution  de  sublimé  corrosif  dans  de  l'esprit-de-vin  (4). 

Uacquer  s'était  constamment  refusé  aux  idées  nouvelles  qui 
devaient  bientôt  universellement  prévaloir  :  il  lui  était,  comme  à 

(1)  Sopra  il  sale  sedativo  delta  Toscana;  Florence,  1778,  ia-12.  Trad.  en 
allemand  sous  le  titre  de  Nachricht  von  dem  in  Toscana  entdeckten  naiûrli' 
chen  SedeUifsalzCf  etc.,  par  Hermann  ;  Vienne,  1781,  in-12. 

(2)  Mém.  de  VAcad,,  année  1735,  p.  9;  —  1746,  p.  223;  —  1748,  p.  35. 
(3}  Il»d.,  année  1753,  p.  60. 

(4)Ibid.,ann.  1756,  p.  531. 

BIST.  DE  LA  CHIMIE.  —  T.  II.  25 


386  HISTOIRE  DE  LÀ  CHimE. 

tant  d'autres,  impossible  de  changer  des  doctrines. qu*il  avait 
toujours  professées.  Malgré  ce  genre  d'obstination,  plus  com- 
mun qu'on  ne  s'imagine,  il  faisait  preuve  de  beaucoup  de  mo- 
dération dans  ses  jugements ,  et  d'une  grande  réserve  dans  ses 
affirmations  :  il  ne  connaissait  ni  l'aigreur,  ni  l'emportement'de 
Tamour-propre  blessé. 

Macquer  avait  partagé  plusieurs  de  ses  travaux  avec  Beaumé, 
Mais  celui-ci,  moins  obstiné  que  son  ami ,  se  rallia  plus  tard 
franchement  aux  doctrines  de  la  chimie  pneumatique. 

Macquer  mourut  en  1784,  à  l'âge  de  soixante-quatre  ans.  Son 
Cours  et  son  Dictionnaire  de  chimie  y  qui  furent  traduits  dans  les 
principales  langues  d'Europe,  contribuèrent  beaucoup  à  répandre 
le  goût  de  cette  science. 

Outre  les  mémoires  cités,  on  a  de  lui  :  Observations  swk 
chaux  et  sur  le  plâtre  (1)  ;  —  Sur  une  nouvelle  espèce  de  tfintm 
bleue,  dans  laquelle  il  n'entre  ni  pastel  m  indigo  {S)  ;  -^  Sur  m 
nouvelle  méthode  du  comte  de  la  Garaye  pour  [dissoudre  les  mé- 
taux (3)  ;  —  Sur  un  nouveau  métal  connu  sotis  le  nom  d\or  blm  l 
(platine)  (4);  *—  Sur  les  argiles  et  la  fusibilité  de  cette  espèce  it  j 
terre  avec  les  terres  calcaires  (5)  ;  — •  Sur  les  essais  des  matièrei 
d'or  et  d'argent  (Eelloi,  Tillet  et  Macquer)  (6);  —Sur  Faction  tw  [ 
feu  violent 'de  charbon  appliqué  à  plusieurs  terres,  pierres  et  • 
chaux  métalliques  (7). 

§23. 

VUlet. 

Tillet  fut  un  des  principaux  collaborateurs  de  Macquer.  On  loi 
doit  des  expériences  physiologiques  bi«n  remarquables,  sar 
les  degrés  extraordinaires  de  chaleur,  auxquels  l'homme  et  les 
animaux  sont  capables  de  résister  {Mém:  de  l'Académie  ;  diJink 
1764,  page  186);  il  présenta  à  l'Académie,  en  1763,  un  mémoire 

(1)  Mém.  de  VAcad.^  année  1747,  p.  C78. 

(2)  Ibid.,  ann.  1749,  p.  255. 

(3)  Ibid.,  ann.  1755,  p.  25.  -.   ,  .  ' 

(4)  Ibid.,  ann.  1758,  p.  1 19. 

(5)  Ibid.,  même  année,  p.  155. 

(6)  Ibid.,  ann.  1763,  p.  I. 

(7)  Tbid.,  ann.  1761.  p.  298. 


TROISIEHE  EfOOU£.  387 

nr  V augmentation  réelle  de  poids  qui  a  lien  dç,ns  U plomb. con- 
\rti  en  litharge  (1).  Aprè^  avoir.dit  que  cette,  augmentation  est 
wiron.d'un  huitième,  il  s'exprime  ainsi  :  ((C'est  uhyrai  paradoxe 
tumique  que  rexpérience  met  cependant  hors.de  tout  doute; 
lais,  s'il  est  facile  de  constater  ce  fait,  i}  ne.  Test  pas  autant 
'69  rendre  une  raison  satisfaisante;  11  échappe  à  tc^^tes  les  idées 
hysiques,  que  nous  avons,  et  ce  n'est  que  du  temps  qu'on  peut 
ttendre  la  solution  de  cette  difficulté.  » 
Voilà  comment  s'exprimait  Tillet,  dix  ans  avant  le  travail  de 
iavoi^ier  Sur  la  décomposition  de  Vair  par  V oxydation  duflomb 
tde  l'étain, 

§  24.  . 
ttuhamel  du  MoBceau. 

■ 

.Presque  toutes  les  sciences  avaient  été  cultivées  avec  succès 
lar  cet  esprit  vraiment  universel.  En  botanique,  qui  ne  connaît 
i«B beaux  travaux  sur  la  circulation  de  la  sève,  sur  Taccroisse- 
oent  des  plantes,  sur  l'influence  du  sol,  de  la  lumière,  de  l'air, 
i|r  la  végétation?  Parlez-vous  d'agriculture,  d'industrie  agrî- 
!ole;  vous  y  trouverez  encore  le  nom  de  Duhamel  (îu  Monceau. 
S'est  lui  qui,  avec  Parmentier,  popularisa  en  France  la  culture  dé 
1  pomme  de  terre  ;  qui  soumit  le  premier  l'art  des  engrais  à  des 
rrincipes  scientifiques,  donna  d'excellents  préceptes  sur  la  greffe 
les  arbres  fruitiers ,  enseigna  les  moyens  de  conserver  le  blé  ; 
'est  lui  qui  trouva  qu'en  exposant  le  grain  dans  des  étuves  à  une 
halepr  assez  forte  pour  faire  périr  les  œufs  microscopiques  qui 
•eavent  y  être  contenus,  qu'en  le  privant  par  cette  opération  de 
"humidité,  on  le  garantissait  à  la  fois  de  deux  fléaux  destructeurs, 
I. fermentation  èi  les  insectes.  Qui  a  fait  plus  que  Duhamel  pour. 
1  météorologie?  Depuis  1740  jusqu'à  sa  mort,  il  a  rédigé  pour 
haqueannée  les  observations  thermométriques  et  bai:ométriques 
lites  à  Pithiviers,  avec  des  détails  relatifs  à  la  direction  de  l'ai- 
uille  aimantée,  à  l'agriculture  ,  à  la  constitution  médicale  de 
année,  à  l'époque  de  la  ponte  ou  du  passage  dés  oiséauxl  Nommé, 
ftr  le  ministre  Maurepas,  inspecteur  générât  de  1^  marine,  il 

f  ^ 

•  .  *  •  i  ■ 

(1)  Quelques  aimées  aprps,  Maccfuer  présenta  un  mémoire  (année  1769,  p.  Iâ3) 
\T  la  néçfSssUé  d'extraire  des  coupelles  les. particules  d'argent  fin  gu^elles 
tiennent  tovJQurs. 

55. 


388  HlSTOtRÊ  D£  LA  CHIinE. 

déploya  un  zèle  extraordinaire  pour  le  développement  de  cet  élé^ 
ment  de  la  prospérité  nationale;  il  donna  des  préceptes  utiles  sar 
remploi  des  matériaux  de  construction  des  vaisseaux,  sur  la  fa* 
brication  des  voiles ,  des  cordages ,  sur  l'assainissement ,  ete« 
Enfin ,  la  physiologie^  la  physique  et  la  chimie  lui  doivent  de 
précieuses  découvertes. 

Les  questions  scientifiques,  soulevées  par  Duhamel,  étaient 
tellement  importantes,  qu'elles  ont  été  presque  toutes  reprises 
postérieurement,  moins  pour  les  rectifier  que  pour  les  agrandir. 
Neuf  ans  avant  Black,  Duhamel  avait  déjà  observé  que  la  pierre 
calcaire^  étant  chauffée  au  four,  perd  de  son  poids,  et  qu'elle 
le  reprend  peu  à  peu  par  son  exposition  à  l'air  (1).  En  1736,  il 
souleva  le  premier  une  question  qui  plus  tard  fut  complet 
tement  résolue  par  Marggraf ,  Duhamel  avait  avancé  que  la 
base  du  sel  marin  (soude)  est  un  alcali  différent,  à  quelques 
égards,  de  l'alcali  (potasse)  qu'on  retire  des  plantes  terrestres  (2). 
Voulant  s'assurer  si  la  différence  entre  ces  alcalis  tient  à  la  dif- 
férence spécifique  des  plantes  qui  les  produisent,  ou  à  la  nature 
des  terrains  où  elles  croissent,  il  fit  semer  du  kali  (salsola  soda), 
plante  riche  en  soude,  dans  sa  terre  de  Denainvilliers ,  et  suivit 
ces  expériences  pendant  un  grand  nombre  d'années.  Comme  il 
se  défiait  de  ses  propres  connaissances,  il  pria  Cadet  d'examiner 
les  sels  que  contenaient  les  cendres  des  kalis  de  Denainvilliers , 
et  ce  chimiste  remarqua  que  la  première  année  ralcali  minéral 
(soude)  y  dominait  encore;  que  dans  les  années  suivantes  l'alcali 
végétal  (potasse)  augmentait  rapidement;  enfin,  qu'il  se  trouvait 
presque  seul  après  quelques  rotations  végétatives! 

Son  mémoire  Sur  la  liqueur  colorante  que  fournit  la  pourpre^ 
espèce  de  coquille  qu*on  trouve  sur  les  côtes  de  la  Provence,  provo- 
qua des  discussions  d'un  grand  intérêt  (3).  Frappé  des  analogies 
qui  existent  entre  le  règne  végétal  et  le  règne  animal,  l'auteur 
se  mit  à  examiner  si  les  os  ne  suivent  pas  dans  leur  développe- 
ment les  mêmes  lois  que  l'accroissement  des  arbres  ;  puis,  par 

(1)  Mém,  de  VAcad.^  ann.  1747. 

(2)Ibid.,aim.  1736,  p.  215. 

(3)  Ibid.,  ann.  1736*  p.  49.  Les  autres  mémoires  chimiques  de  Duhamel  ont 
pour  titres  :  Sur  le  sel  ammoniac, 'dans  les  mém.  de  l'Acad.,  ann.  1735,  p.  106; 
ibid.,  3*  mém.  p.  414;  3*  mém.,  p.  483;  —  Diverses  eocpériences sur  la  chaux, 
ibid.,  1747,  p.  59;  —  Sur  les  effets  de  la  poudre  à  canon,  ibid.,  1750,  p.  1  ;  — 
Sur  les  sels  qu'on  retire  des  cendres  des  végétaux,  ibid.,  1767,  p.  233  et  p.  239. 


TROISIÈME  EPOQUE.  389 

une  suite  d'expériences  faites  sur  de  jeunes  animaux  nourris 
avec  de  la  garance,  il  parvint  à  établir  que  les  os  s'accroissent 
par  l'ossification  successive  des  lames  du  périoste,  comme  les 
Arbres  par  l'endurcissement  de  la  partie  interne  des  couches 
corticales.  On  sait  que  ces  recherches  amenèrent  la.  décou- 
verte de  la  grande  loi  de  la  rotation  permanente  de  la  matière, 
la  forme  restant  invariable.  Enfin,  avant  Franklin,  il  avait  montré 
l'identité  de  la  foudre  avec  le  fluide  électrique. 

Duhamel  était  secondé  dans  ses  travaux  par  un  frère  qu'il  ai- 
mait tendrement.  II  passait  une  grande  partie  de  sa  vie  à  la 
campagne ,  au  milieu  des  champs,  où  il  faisait  ses  expériences 
d'agriculture  et  de  physiologie  végétale.  Il  était  resté  célibataire, 
et  voyait  même  avec  peine  les  savants  s'abandonner  à  un  état 
qui  les  obligeait  de  sacrifier  à  de  nouveaux  devoirs  leur  temps 
et  surtout  leur  indépendance.  Duhamel  mourut  le  23  août  1785, 
à  l'Âge  de  quatre-vingt-cinq  ans. 

Ce  fut  de  concert  avec  Duhamel  que  Grosse  publia  V Histoire  de 
réther  (1).  On  sait  que  l'éther  doit  son  nom  à  son  extrême  fluidité 
(de  alOi^p,  éther).  Plusieurs  chimistes  en  réclament  la  découverte. 
C'est  à  tort  qu'on  attribue  à  Frobenius  la  découverte  de  ce  corps 
qui  s'appelait  d'abord  liqueur  de  Frobenius  (2)  ;  car  déjà  d'autres 
chimistes  le  connaissaient  avant  lui,  et  en  faisaient  moins  de 
mystère  (3).  Quoi  qu'il  en  soit',  ce  n'est  guère  qu'au  com- 
mencement du  xviii*  siècle  (vers  1720)  que  l'usage  de  l'éther 
(sulfurique)  a  commencé  à  se  répandre,  d'abord  en  Angleterre, 
puis  en  Allemagne. 

Hanckwitz,  Heliot,  Geoffroy  aîné  et  Newton  lui-môme  avaient 
essayé  de  se  rendre  compte  de  la  préparation  de  l'éther,  dont  on 
Taisait  alors  un  grand  secret.  Newton  dit  positivement  [Philos. 
Transact.^  mai  1700)  que  l'éther  s'obtient  avec  un  mélange  d'huile 
de  vitriol  et  d'esprit-de-vin. 
^  Mais  personne  n'avait  aussi  bien  approfondi  que  Grosse  le  sujet 

(1)  Recherches  chimiques  sur  la  composition  (Tune  liqueur  très-volatile 
connue  sous  le  nom  d^ éther,  dans  les  mém.  de  TAcad.,  ann.  1734,  p.  41. 

(2)  Voici  les  paroles  de  Frobenius,  qui  lui  ont  fait  attribuer  la  découverte  de 
réther  :  Paratur  ex  sale  volatili  urinoso  plarUaruvi  phlogisto,  aceto  valâe 
subtiU  per  summam  fermentationem  cunctis  snbtilissime  résolvais  et  mixtis. 
Ces  paroles  étaient  faites  pour  déguiser  ^\a\6i  que  pour  dévoiler  la  connaissance 
de  rétber. 

(S)  Voy.  p.  477  du  1. 1. 


390  HimiÈE  DE  LA  CHIMIE. 

en  question.  Sachant  que,  pendant  la  distillation  du  mélange 
d'huile  de  vitriol  et  d'esprit-de^vin^  il  se  dégageait  des  substances 
différentes.  Grosse  voulait,  avant  tout,  s'assurer  de  la  nature  de 
ces  substances  :  «Pour  cela,  dit-il^  je  m'avisai  de  piquer  avec 
une  épingle  la  vessie  qui  joint  le  récipient  au  bec  de  la  cornue, 
afin  de  discerner  par  l'odorat  les  différentes  liqueurs  à  mesure 
qu'elles  se  succéderaient.  I^a  première  ne  sentait  presque  que 
l'esprit-de-vin,  approchant  cependant  un  peu  de  l'eau  de  Rabel 
(mélange  d'alcool  et  d'acide  sulfurique)  ;  la  deuxième  passe  en 
vapeurs  blanches,  et  sent  beaucoup  l'éther,  ce  qui  me  fit  juger 
qu'elle  était  la  seule  qui  le  contint ,  et  que  les  autres  ne  servaient 
qu'à  l'absorber  ;  la  troisième  avait  une  odeur  de  souflre  des  plus 
pénétrantes.  )> 

Ces  faits ,  qui  témoignent  d'un  observateur  habile ,  le  con- 
duisirent à  préparer  l'éther  de  la  manière  suivante  : 

((  Je  distillai,  dit-il,  trois  parties  d'huile  de  vitriol  sur  une 
partie  d'esprit-de-vin  très-rectifié,  jusqu'à  ce  que  j'aperçus  à  la 
voûte  de  la  cornue  les  vapeurs  blanches  dont  j'ai  parlé;  alors  je 
cessai  lé  fieii.  On' a  par  ce  moyen  la  liqueur  qui  contient  l'éther, 
seulement  un  peu  itiôlée  d'esprit-de-vin  qui  passé  à'abord,  et 
puis  d'un  peu  d'esprit  sulfureux  qui  vient  ensuite,  malgré  la  ces- 
sation du  feu.  Lorsqu'on  veut  avoir  Téther  seul ,  il  faut  employer 
l'eau  commune  pour  le  séparer;  et  si  on  ne  trouve  pas  cet  éther 
assez  sec  (privé  d'eau),  on  peut  le  rectifier  par  une  lente  distil- 
lation, et  alors  Téther  monte  avant  l'esprit-de-vin,  qui  cependant 
passait  toujours. le  premier  dans  la  première  opération.  » 

Plus  tard,  Beaumé  et  Cadet  perfectionnèrent  le  mode  de  pré- 
paratioil  de  Péther.  Le  premier  surtout  examina  le  résidu  delà 
distillation,  et  indiqua  les  moyens  de  se  procurer  une  bien 
plus  grande  quantité  d'éther  qu'on  n'en  obtenait  par  la  méthode 
ancienne  (1). 

Grosse  a,  en  outre,  laissé  un  mémoire  Sur  la  manière  de  pu- 
rifier le  plomb  et  l'argent  qui  se  trouvent  alliés  avec  rétain.  Ce 
mémoire  renferme  quelques  détails  qui ,  sans  être  nouveaux, 
n'en  sont  pas  moins  fort  intéressants  (2). 

Cadet  (né  à  Pariç  en  i731,  mort  le  19  octobre  i799),  phar- 

(1)  Sur  l'éther  vifriolique,  par  Baume,  maître  apothicaire  de  Paris;  Mém. 
des  savants  étrangers,  t.  III,  209  (ann.  1755). 

(2)  Mévi.  de  VAcad.,  ann.  1736,  p.  167. 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  391 

macien  major  de  l'hôtel  royal  des  Invalides,  a  attaché  son  nom  à 
an  composé  arsenical  connu  sous  le  nom  de  liqueur  fumante  de 
Cadet.  Voici  comment  il  décrivit  lui-môme,  en  1760,  la  pré- 
paration de  cette  liqueur  :  «  Je  prends,  dit-il,  deux  onces  d'ar- 
senic (acide  arsénieux),  je  le  mets  en  poudre  très-fine  dans  un 
mortier  de  marbre,  j'y  ajoute  deux  onces  de  terre  foliée  de 
tartre  bien  préparée  (acétate  de  potasse);  j'enferme  aussitôt 
ce  mélange  dans  une  cornue  de  verre  lutée,  que  je  place  à  nu 
dans  un  petit  fourneau  à  réverbère.  J'adapte  à  la  cornue  un  ré- 
cipient que  je  lute,  et  je  la  chauffe  par  degrés;  il  en  sort  quelque 
temps  après  une  liqueur  un  peu  colorée  qui  répand  l'odeur  d'ail 
la  plus  pénétrante;  il  passe  ensuite  une  liqueur  d'un  rouge  brun 
qui  repaplit  le  ballon  d'un  nuage  épais  (1).  » 

ï)ans  une  note  communiquée  à  l'Académie,  ce  chimiste  rap- 
porte qu^il  avait  obtenu  de  l'alcali  volatil,  en  traitant  par  l'alcali 
fixe  le  résidu  de  la  distillation  d'une  dissolution  de  mercure  dans 
ràcide  nitrique  alcoolisé  (2). 

On  a  aussi  de  Cadet  des  travaux  Sur  la  nature  de  la  bile  (3); 
Sur  la  soude  de  varech  (i);  Des  expériences  sur  le  borax  (5);  Sur 
là  terre  foliée  de  tartre,  etc.  (6). 

§25. 

Iftéaanuur*  Bourdelin*  Dafay*  Malouin*  Bucqiiet* 

Au  nombre  de  ces  savants ,  qui  ne  s'étaient  occupés  de  chimie 
qu'accessoirement,  se  trouvaient  plusieurs  physiciens  et  méde- 
cins célèbres.  Nous  allons  les  passer  rapidement  en  revue. 
«  9,£aumur,  né  en  1683,  mort  en  1757 ,  avait  abordé,  comme 
Duhamel,  l'étude  de  presque  toutes  les  sciences.  Parmi  ses  tra- 
vaux chimiques  on  remarque  ceux  qui  ont  pour  objet  la  fabrica- 


(1)  Mémoires  des  savants  étrangers^  t.  III,  p.  635,  ann.  1760. 

(2)  Hist.  de  VAcad.^  ann.  1769,  p.  66. 

(3)  Mém.  de  VAcad,,  ann.   1767,  p.  471  ;  ibid.,  ann.  1769,  66. 

(4)  Ibid.,  ann.  1767,  p.  487.  Cadet  parle  dans  ses  mémoires  dVne  matière  bleue 
et  verte ,  qu*avaient  aussi  obtenue  d^autres  chimistes»  en  traitant  la  lessive  de 
varedi  par  un  acide  (acide  sulfurïque  ou  acide  nitrique).  Aurait-il  ^tfÇTU  l'exis- 
tence de  node? 

(5)  Ibid.,  ann.  1766,  p.  365. 

(6)  Mém,  des  savants  étrangers ^  t.  IV,  p.  518. 


392  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

tion  de  la  porcelaine,  substance  alors  peu  connue  en  Europe  (i^"; 
la  pourpre  qu'on  retire  de  certains  coquillages  (S)  ;  la  nature  des. 
terres  (3)  ;  le  fer  et  Tacier  (4)  ;  le  son  que  rend  le  plomb  dans 
certaines  circonstances  (5).     . 

Qui  ne  connaît  les  titres  de  Réaumur  à  la  reconnaissance  des 
physiciens  et  des  naturalistes? 

Louis-Claude  Bourdeun,  né  à  Paris  en  i 696,  mort  en  1777, 
était  de  noblesse  académique  :  son  père  et  son  aïeul  avaient 
été  membres  de  TAcadémie  des  sciences.  Il  entra  à  son  tour  dans 
cette  savante  compagnie  en  1725  ;  il  fut  bientôt  nommé  profes- 
seur de  chimie  au  Jardin  du  Roi ,  et,  en  1770,  remplacé  dans  sa 
chaire  par  Macquer.  D'une  constitution  faible  et  maladive,  il 
avait^  depuis  Tâge  de  trente  ans,  Thabitude  de  boire  du  vin 
de  quinquina^  et  ce  fut,  dit-on,  grâce  ^  ce  moyen  qu'il  pro-- 
longea  sa  vie  au-delà  de  quatre-vingts  ans. 

Les  travaux  de  Bourdelin  sont  peu  nombreux,  et  eurent  moins 
'd'éclat  que  ceux  de  plusieurs  de  ses  collègues  (6). 

Charles-François  Dufay  (né  à  Paris  en  1698  ,  mort  en  1741), 
issu  d'une  ancienne  famille  noble,  s'éprit,  fort  jeune,  d'une 
vive  passion  pour  l'étude  de  la  chimie.  Comme  ses  parents 
l'avaient  destiné  à  la  carrière  des  armes ,  il  ne  put  se  livrer 
tout  entier  à  ses  travaux  de  prédilection.  Mais,  après  avoir  été 
reçu,  en  1723,  membre  de  l'Académie  des  sciences,  il  quitta  le 
service  militaire,  et  passa  le  reste  de  sa  vie  suivant  ses  goûts. 

Ses  travaux  de  chimie  sont  moins  nombreux  et  moins  impor- 
tants (7)  que  ses  travaux  d'anatomie,  de  botanique  et  d'astronomie, 

(1)  Mém.  de  VAcad.,  ann.  1727,  p.  185;  2*  mém.,  ibid.,  ann.  1729.  —  Voyez 
plus  haut,  t.  I,  p.  18. 

(2)  Mém.  de  VAcad.^  ann.  1711,  p.  218, 

(3)  Mém,  de  VAcad.,  ann.  1730,  p.  243. 

(4)  Ibid.,  ann.  1726,  p.  273. 

(5)  Ibid.,  p.  243. 

(6)  Les  mémoires  de  Bourdelin  ont  pour  titres  :  Sur  la  formation  des  sels 
lixivielSy  Mém.  de  TAcad.,  ann.  1728,  p.  384;  —  Sur  le  sel  lixiviel  de  gayac, 
ibid.,  ann.  1730, p.  33;— 5tir  le succin,  ibid.,  ann.  1743,  p.  143;  —Sur  le  sel 
sédatif,  ibid.,  ann.  1753,  p.  201,  et  ann.  1755,  p.  397. 

(7)  Sur  le  phosphore  (phosphorescence)  du  baromètre.  Mém.  de  l'Acad.,  ann. 
1723,  p.  295;  —  Sur  le  sel  delà  chaux  (chaux  caustique),  ibid.,  ann.  1724, 
p.  88;  —  Observations  physiques  sur  le  mélange  de  quelques  couleurs  dans 
la  teinture,  ibid.,  année  1737,  p.  253. 


TROISIEME  EPOQUE.  393 

qu'il  avait  communiqués  à  l'Académie.  Son  principal  titre  à 
la  reconnaissance  de  la  postérité,  c'est  d'avoir,  plus  qu'aucun 
de  ses  prédécesseurs,  contribué  à  l'agrandissement  du  Jardin 
du  Roi,  et  d'avoir  à  sa  mort  désigné  Buffon  pour  lui  succéder 
dans  l'intendance  de  ce  bel  établissement. 

Malouin  (né  à  Gaen  en  1701,  mort  à  Paris  en  1778),  bien  qu'il 
appartint  à  la  section  de  chimie  dans  l'Académie ,  fit  peu  pour 
cette  science.  Parent  de  Fontenelle,  il  lui  fut  facile  d'obtenir 
ce  que  l'ambition  d'un  médecin  voué  à  la  pratique  de  son  art 
pouvait  désirer.  Il  était  ami  de  Voltaire,  parce  que  ce  grand  écri- 
vain ne  s'était  pas  moqué,  comme  Molière,  des  médecins.  Dans 
tout  le  cours  de  sa  longue  carrière ,  il  n'a  jamais  présenté  à  l'A- 
cadémie que  trois  mémoires  d'une  médiocre  valeur  (1). 

Le  célèbre  médecin  François  de  Lassone,  né  en  1717,  mort  en, 
1788y  ne  resta  pas  indifférent  au  développement  rapide  et  en  quel- 
que sorte  exceptionnel  de  la  chimie.  Il  se  fit  connaître  comme 
minéralogiste  et  chimiste  dans  ses  recherches  Sur  les  grès  cris- 
tallisés de  Fontainebleau,  Sur  quelques  combinaisons  de  Vadde 
borique  f  Sur  les  sels  de  mercure  ^  d'antimoine  et  de  fer,  Sur  le 
phosphore,  etc.  (2).  Lassone  resta  cependant  attaché  aux  doc- 
trines des  anciens  :  il  ne  voyait  dans  la  révolution  opérée  par  les 
chimistes  modernes  qu'une  apparition  de  faits  qui  réclamaient 
seulement  une  étude  plus  attentive. 

Jean-Baptiste  Bucquet,  né  à  Paris  en  1746,  mort  en  1780,  se 
fit  remarquer  par  ses  travaux  minéralogiques^  et  surtout  par 
ses  efforts  pour  rattacher  la  chimie  à  la  physiologie  et  à  l'his- 
toire naturelle  (3).  Il  eut  pour  successeur  à  l'Académie  des 
sciences  un  chimiste  qui  devait  l'éclipser  sous  tous  les  rap- 
ports; ce  chimiste  était  Berthollet. 

(1)  Expériences  qui  découvrent  Vanalogie  entre  rétain  et  le  zinc;  Mém. 
de  l'Ac^d.,  ann.  1742,  p.  46;  —  2*  mém.  sur  le  même  sujet,  ibid.,  ann.  1743, 
p.  70;  —  Sur  le  sel  de  chaux,  ibid.,  ann.  1745,  p.  93. 

(2}  Ces  recherches  ont  été  consignées  dans  les  Mémoires  de  rAcadémie,  années 
1756,  1757,  1772,  1773,  1774,  1775,  1776,  1777,  1778,  1780,  1781. 

(3)  Ses  trayaux  se  trouvent  insérés  dans  les  Mém.  de  l'Acad.,  ann.  1776  ;  — 
Mém.  des  savants  étrangers,  yoI.  VII  et  yoI.  IX.  —  Dissertations  inaugurales  : 
Efgodiçestio  alimentorum  vera  digestio  chymica;  Paris,  1769,  4. 


394  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Pour  compléter  la  liste  des  savants  français  qui  ont  bien  mé- 
rité de  la  chimie  pendant  le  commencement  et  vers  le  milieu  du 
siècle  passé,  il  faut  encore  citer  Burlet  (1),  Jean  Pelletier  (2), 

FOLYNIÈRE   (3),    LeFÈVRE   (4),    HÉRISSANT    (5),     VeNEL   (6),    LÂtRÀ- 

gay(7),d'Arcet(8),  FougerouxdbBondaroy(9),  Courtanvàux  (iO), 
Marcorelle  (H).  A  ces  noms  on  pourra  joindre  Guettard, 
Poli,  Saint- Amand,  Menon,  Bellery,  Rives,  Bourgelat,  René, 
d'EsTÈvE,  Ch.  LE  Roi  ,  Juvigny,  ïmun,  Romieu,  Matte,  Rohault, 
RoEPERER,  Jars. 

§26.1 

r 

Progrès  île  la  ehlmle  en  Allema|rit«  Jusqu'à  répoqme 

lie  liavolsler. 

Les  chimistes  allemands  étaient  encore ,  au  comiheticement 
du  dix-huitième  siècle,  en  général,  trop  partisans  de  la  théorie  du 
phlogistique,  ils  avaient  Tesprit  trop  préoccupé  de  cette  théorie 
pour  admettre  résolument  les  innovations  dont  la  sciéhce  aHait 
présenter  le  spectacle. 

Cependant  à  côté  de  Técole  de  Stahl  s'était  élevée,  en  AUema- 

"       '         ■  •  •  •  ■    . 

(1)  Mjéin.  de  TAcad.,  ann.  1700,  p.  122.  De  Vusage' médicinal  de.VeaUi  de 
chaujc j'ihid.,  i724,  p.  114,  Histoire  d'un  sel  calhartique  d'Espagae. 

(2)  L'alkahest,  ou  le  dissolvant  universel;  Paris,  1706,  12.  —  Suite  du  traité 
sur  l'alkaliest;  Paris,  1730,  12. 

(3)  Expériences  de  physique,  vol.  Il;  Paris,  1709,  12;  4*  éd.,  1734. 

(4)  Hist.  de  TAcad.,  ann.  1728,  p.  36;  —  ibid.,  ann.  1730,Hist..p.  52. 

(5)  Mém.  de  l'Acad.,  ann.  1758,  p.  322.  —  Ergo  a  substantiie  terreœ  intra 
poros  cartilaginum  appulsu  ossea  durilies;  Paris,  1768,  4. 

(6)  Voy.  p.  342  de  ce  Volume. 

(7)  Mém.  de  l'Acad.,  1758,  p.  9,  Sur  la  dissolution  du  soufre  dam  Vesp'^^^^ 
de  vin;  -—  ibid.,  p.  29,  Expériences  sur  les  mélanges  qui  donnent  Véther,5  ^^"^ 
Véiher  lui-même,  el  sur  sa  miscibilité  dans  Veau. 

(8)  Mém.  de  l'Acad.,  ann.  1766,  Sur  V action  d'un  feu  égal,  violent  et  c(^  ^^' 
iinué  pendant  plusieurs  jours,  sur  un  grand  nombre  de  terres^  de  pier^^^^ 
et  de  chaux  métalliques;  2®  mém.,  ann.  1768;  —  Mémoires  sttr  le  dlama  '^^^' 
Mém.  de  l'Acad.,  ann.  1770.—  Expériences  sur  ^alliage  fusible  deplomb^  ^^ 
bismuth  et  rf'e7«m^  Journal  de  médecine,  1775,  juin. 

(9)  Mém.  de  l'Acad.,  1770,  p.  1,  Sur  les  solfatares  des  environs  de  Roi^^^: 
^  Ibid.,  p.  37  et  p.  45,  Sur  le  pétrole  de  Parme. 

(10)  Mém.  des  savants  étrangers,  t.  V,  p.  19  (ann.  1762),  Sur  Véther  mar^  ^^- 
—  Ibid.,  p.  72,  Sur  la  concentration  et  congélation  du  vinaigre  radical, 

(11)  Ibid.,  t.  V,  p.  531  (ann.  1768),  Sur  le  salicor. 


TROISIEME  EPOQUE.  395 

gne ,  une  pépinière  de  chimistes  indépendants  ;  tels  étaient 
PoTT,  Eller,  Neumann  et  Marggraf,  tous  membres  de  TAca- 
démie  des  sciences  de  Berlin. 

Essayons  d'analyser  sommairement  leurs  travaux,  en  commen- 
çant par  l'auteur  de  la  théorie  du  phlogistique. 

HtaM. 

Gex)rge'Ernest  Stahl  naquit  à  Anspach  (Bavière)  en  1660.  Après 
avoir  achevé  ses  études  médicales  à  l'université  de  léna ,  il  fut 
attaché,  en  1687,  en  qualité  de  médecin,  à  la  cour  du  duc  de 
Saxe-Weimar.  Le  célèbre  Frédéric  Hoffmann, 'qui  avait,  vers 
cette  époque,  reçu  du  roi  de  Prusse  la  mission  d'organiser  l'u- 
niversité de  Halle ,  appela  Stahl  auprès  de  lui ,  et  lui  confia  une 
chaire  de  médecine.  Ce  dernier  conser\'a  peu  de  sentiments  de 
gratitude  envers  son  bienfaiteur,  car  il  se  trouva,  par  la  suite,  au 
nombre  de  ses  adversaires  les  plus  implacables.  En  1716,  Stahl 
fut  appelé  à  Berlin  pour  remplir  la,  charge  de  premier  médecin 
du  roi  de  Prusse,  père  de  Frédéric  le  Grand.  Il  mourut  en  1734, 
à  l'âge  de  soixante-quinze  ans. 

Travaux  de  iitahl. 

Peu  de  travaux  ont  eu  autant  de  retentissement  que  ceux  de 
Stahl ,  moins  par  les  faits  nouveaux,  fort  peu  nombreux  d'ail- 
leurs, qui  s'y  trouvent  exposés,  qu'à  cause  d'une  théorie  qui, 
par  sa  simplicité  apparente,  avait  captivé  l'esprit  de  presque  tous 
les  savants  de  l'époque. 

Stahl  avait  débuté ,  en  1697,  par  la  publication  d'un  grand 
ouvrage  sur  la  fermentation,  Zymotechnia  fundamenialis  (1). 
Mais  son  ouvrage  le  plus  considérable  a  pour  titre  :  Fundamenta 
chymiœ  dogmatico-rationalis  (2). 

(1)  Seu  fermentatioDis  theoria  generalis/.  qua  nobilissimae  bujus  artis  et  partis 
chymiœ,  utilissimae  ac  subtilissima;,  caussB  et  effectus  in  génère,  ex  ipsis  me- 
chanico-physicis  principiis,  summo  studio  eruuntur,  etc.  ;  Hal.,  in-8. 

(2)  Noiimb.,  1747,  4.  —  Parmi  les  autres  ouvrages  de  Stahl  on  remarque  :  Spé- 
cimen Beccherianuniy  sisfens  fundamenta,  documenta^  experirnsnia^  etc.,  in- 
4**  ;  c'est  un  commentaire  de  la  Physica  subterranea  de  Bêcher.  —  Opuscula 
chymico-physico-medica,  etc.  ;  Magdeb.,  1715,  in-4°.  — Observationes  selectio- 
res physico-chemico-medicœ  curiosœ,  etc.;  Hal.,  1709,  8.  —  Expérimenta^ 
observationes,  animadversiones  CCC numéro  chimicx  et  physicx,  etc.  ;  Ber- 
lin, 1731,  8,  j 


396  HISTOIRE  DE' LA   CHIMIE. 

Pour  comprendre  les  œuvres  de  Stahl  (imprimées*  en  latin) , 
il  faut  posséder  également  bien  le  latin  et  l'allemand;  car  l'au- 
teur pousse  à  l'extrême  ce  pédantisme  littéraire,  alors  fort  à  la 
mode ,  qui  consistait  à  entremêler  l'idiome  ancien  d'expressions 
allemandes.  C'est  ainsi  que  quelque  temps  après,  sous  le  règne  de 
Frédéric  II ,  beaucoup  d'érudits  se  servaient  d'un  langage  moitié 
allemand,  moitié  français.  Gellert  et  d'autres  s'en  moquaient 
avec  juste  raison.  Voici  un  échantillon  du  langage  de  Stahl  : 

«  Sonsten  ist  aus  den  angefûhrten  alterationibus  metallorom  zu 
noiiren  dass  in  den  metallis  imperfectis  dreyerley  substantia 
vorhanden  sey  :  io  eine  quasi  superficialis  cohsesionis  quse  et  ea 
propter  omnium  prima  abit,  scilicet  substantia  inflammabilis  seu 
cpXoYKTTov  ;  2®  substantia  colorans,  quse  apparet  in  coloratis  horum 
metallorum  vitris,  und  endlich;  3®  substantia  crudior.  und  dièse 
sonderlich  in  den  crassioribus  metallis,  Eisen  und  Kupfer  zu 
finden  (i).  » 

Stahl  regarda  le  soufre  comme  un  corps  composé,  et  croyait 
être  parvenu  à  en  extraire  les  éléments,  l'un  combustible  et  vo- 
latil ,  l'autre  incombustible  et  fixe  (2).  Le  foie  de  soufre  était, 
suivant  lui,  le  dissolvant  de  l'or,  dont  se  serait  servi  Moïse  pour 
dissoudre  le  veau  d'or  (3).  En  parlant  de  l'action  des  acides  sur 
les  métaux,  il  remarque  que  ces  derniers  n'entrent  en  dissolu- 
tion qu'autant  qu'ils  ont  été  préalablement  convertis  en  chaux 
(oxydes),  et  que  le  degré  d'action  de  l'acide  varie  suivant  la  nature 
du  métal.  Il  indiqua  aussi  les  moyens  de  concentrer  les  liqueurs 
alcooliques  (bière,  vin)  par  la  congélation ,  et  de  préparer  du  vi- 
naigre très-concentré  en  le  combinant  avec  l'alcali  fixe  (potasse), 
et  en  traitant  cette  combinaison  par  l'acide  vitriolique  (\),  Il  n'i- 

(1)  Traduction  littérale  de  ce  passage  :  D'ailleurs,  d'après  les  susdites  alté- 
rations des  métaux,  il  est  à  noter  que  les  métaux  imparfaits  renferment  trois 
principes  ou  substances  :  1^  une  substance  de  cohésion  superficielle,  qui  s*en  va 
la  première,  à  savoir,  la  substance  inflammable  ou  le  phlogistique  ;  2°  une  sub- 
stance colorante,  qui  apparaît  dans  les  verres  colorés  de  ces  métaux  ;  et  enfin» 
3*^  une  substance  moins  subtile  et  qui  se  rencontre  particulièrement  dans  les  mé. 
taux  plus  épais,  dans  le  fer  et  dans  le  cuivre.  —  Voy.  Abrégé  de  V Histoire  de  la 
chimie  y  en  tète  de  nos  Éléments  de  chimie  minérale,  etc.,  Paris,  1841,  in-S". 

(2)  Opuscul.  cbimico-physico-medic.,p.  749-764. 

(3)  Observât,  chymico-physico-med.,  ann.  1698,  mensis  aprilis,  quo  vitulus 
aureus  igné  combustus  est,  p.  585-607.  —  Nous  avons  dit  plus  haut  (t.  I,  p.  44) 
ce  qu'ilTaut  penser  de  cette  prétendue  dissolution  du  veau  d'or. 

(4)  Specim.  Becch.,  p.  II,  p.  132. 


Troisième  époouë.  â97 

gnorait  pas  que  les  végétaux  qui,  tel  que  la  pariétaire,  croissent  sur 
de  vieux  murs,  sont  très-riches  en  salpêtre  (1);  que  le  zinc  existe 
dans  le  laiton,  non  pas,  comme  on  Tavail  cru,  à  Tétat  de  cadmie, 
mais  à  l'état  métallique ,  et  qu*on  parvient  à  retirer  tout  le  zinc 
du  laiton  en  frottant  celui-ci  longtemps  avec  du  mercure,  et 
en  Tarrosant  d'eau.  Il  avait  entrevu  Texistence  de  Tacide  tar- 
trique  en  traitant  le  tartre  cru  par  Tacide  vitriolique  (2).  Le  sel 
calcaire  qui  se  dépose  dans  les  chaudières  où  Ton  concentre  des 
eaux  salées,  pour  la  préparation  du  sel  commun,  était,  selon  lui, 
un  résultat  de  transmutation,  et  un  indice  que  les  sels  se  com- 
posent d'eau  et  d'une  substance  terreuse ,  subtile. 

Théorie  du  pUog^istiqiie* 

Le  germe  de  cette  théorie  fameuse,  dans  laquelle  se  sont  égarés 
les  meilleurs  esprits ,  se  trouve  dans  les  écrits  de  Bêcher.  S'em- 
parant  de  Tidée  du  maître ,  Stahl  la  développe  dans  différents 
endroits  de  ses  ouvrages,  mais  particulièrement  dans  celui  qui 
a  pour  titre  :  Zufàllige  Gedanken  und  ntitzliche  Bedenken  ûber 
den  Streit  von  den  sogenannien  Sulphure,  und  zwar  sowohl  dem 
gemeinen  verbrennlichen  oder  flûchiigeny  als  unverbrennlichen 
oderfixen  (Pensées  diverses  et  méditations  utiles  concernant  la 
controverse  sur  le  soufre,  tant  sur  celui  qui  est  combustible  ou 
volatil,  que  sur  celui  qui  est  incombustible  ou  fixe).  Halle, 
1717,  in-12'',  opuscule  rarissime ,  que  nous  avons  sous  les  yeux. 
L'auteur  déclare,  dans  un  Avis  au  lecteur,  que  ses  premières 
idées  sur  le  principe  de  combustibilité  remontent  à  l'année 
1679,  — il  n'avait  alors  que  dix-neuf  ans,  — et  qu'elles  prirent  nais- 
sance à  l'occasion  de  ce  que  Kunckel  avait  avancé  sur  la  compo- 
sition des  métaux.  Stahl  lui  reproche  d'avoir  fait  entrer  dans  la 
composition  des  métaux  les  éléments  les  plus  hétérogènes  et  les 
plus  vagues,  tels  que  le  mercure,  un  principe  salin,  un  prin- 
cipe terreux,  un  principe  acide,  des  fluides  calorifique,  frigori- 
fique, visqueux,  onctueux,  spermatique,  etc,,  et  d'avoir  en 
même  temps  repoussé  le  soufre,  comme  élément  des  métaux. 

Stahl  était,  dès  l'origine,  possédé  de  l'idée  que,  pendant  la 
combustion,  quelque  chose  est  expulsé  du  corps  qui  brûle  ou  se 

(1)  Fragmenta  quœdam  ad  historiam  naturalem  nitri»  etc.,  dans  Opuscul, 
physico-chymico-medicay  p.  532-564. 

(2)  Specim.  Becch.,  p.  II,p.  132. 


398  UISTOIEE  DE  LA  CHIMIE. 

calcine,  mais  que  pour  que  ce  quelque  chose  soit  ainsi  expulsé  il 
faut  un  expulseur  (traduction  littérale  du  mot  Treiber).  Cet  ex- 
pulseur  était,  suivant  lui,  le  feu  proprement  dit,  ou  le  mouve- 
ment igné  (die  feurige  Bewegung).  «  Car  attribuer,  ajoute  Tau- 
teur,  à  Tantagonisme  des  contraires,  tels  que  le  froid  et  le  cbaud^ 
la  combustion  du  charbon,  de  Tamadou,  d'un  fil,  c'est  chercher 
la  cause  de  trop  loin.  »  Aussi  la  trouve-t-il  dans  le  principe  sul- 
fureux {Schwefel'principium)  y  comme  «  le  plus  propre  à  pro- 
duire le  mouvement  igné  et  à  servir  de  substratum  au  feu  dans 
tous  les  phénomènes  de  combustion  (!].  » 

En  essayant  de  dégager,  ce  qui  n'est  pas  chose  facile ,  Tidée- 
mère  d'une  multitude  de  considérations  accessoires  où  la  con- 
troverse tient  souvent  une  trop  large  place,  on  arrive,  en  résumé, 
à  ce  qui  suit. 

Le  feu  (calorique)  se  présente  dans  deux  états  différents  :  l**à 
l'état  de  combinaison  ;  2**  à  l'état  libre.  Tous  les  corps  renferment 
en  eux  un  principe  de  combustibilité;  c'est  leur  combinaison 
avec  le  feu  qui  les  rend  combustibles;  c'est  ce  feu,  ce  principe 
combustible,  ainsi  fixé  ou  combiné ,  que  Stahl  appelle  le  prin- 
cipe combustible,  das  verbrenliche  Wesen,  et  que  ses  disciples  ont 
nommé  le  phlogistouy  de  cpXoÇ,  flamme.  Or  ce  principe,  insaisis- 
sable à  l'état  de  combinaison,  ne  devient  appréciable  à  nos  sens 
qu'au  moment  où  il  quitte  ses  liens  et  se  dégage  d'un  corps 
quelconque.  Il  reprend  alors  ses  propriétés  ordinaires,  que  tout 
le  monde  connaît;  il  constitue  le  feu  proprement  dit,  accom- 
pagné de  lumière  ou  de  chaleur.  La  combustion  n'est  autre 
chose  que  le  passage  du  feu  combiné  {phlogistique)  à  l'état  de 
feu  libre.  Tous  les  corps  se  composent  donc,  en  dernière  analyse, 
d'un  principe  inflammable  ou  phlogistique ,  et  d'un  autre  élé- 
ment qui  varie  suivant  les  espèces.  Plus  un  corps  est  combus- 
tible ou  inflammable,  plus  il  est  riche  en  phlogistique.  Le  char- 
bon, les  huiles,  la  graisse,  le  soufre,  le  phosphore,  etc.,  sont 
les  substances  les  plus  riches  en  phlogistique  ;  ce  sont  aussi  les 
plus  propres  à  communiquer  ce  principe  inflammable  à  d'autres 
qui  en  manquent. 

Appliquons  ces  idées  de  Stahl  aux  métaux. 

Qu'est-ce  qu'un  métal?  Dans  l'état  actuel  de  la  science,  c'est, 
un  corps  simple,  un  corps  jusqu'à  présent  reconnu  indécom- 

(1)  stahl,  ZnffVllige  Gedavheity  etc.,  fi/  et  suiv. 


thoisiême  épooue.  399 

posable.  Suivant  la  théorie  du  phlogistique ,  c'est,  au  contraire, 
un  corps  composé.  Quels  en  sont  les  éléments?  le  phlogistique 
et  une  matière  terreuse  (  chaux) .  Le  phlogistique  est  partout  le 
.même,  mais  la  matière  terreuse  varie  suivant  la  nature  du  métal. 
Cette  matière  terreuse  n'est  autre  chose  que  la  rouille  (oxyde) 
du  métal,  laquelle,  à  cause  de  son  aspect  pulvérulent,  terreux, 
est  appelée  chaux.  Lorsqu'on  chauiïe  le  métal,  son  phlogif^tique 
se  dégage  et  la  chaux  reste  ;  c'est  pourquoi  on  désigne  cette 
opération  sous  le  nom  de  calcination  (de  calx^  chaux).  Voulez* 
vous  rendre  à  cette  chaux  sa  ductilité,  son  élasticité,  sa  malléa- 
bilité, enfin  toutes  les  propriétés  qui  caractérisent  le  métal?. 
Rendez-lui  son  phlogistique;  si  vous  dpnnez  au colcoihar  (chaux 
de  fer)  du  phlogistique,  vous  le  changerez  en  fer;  si  vous  donnez 
au  pompholix  (chaux  de  zinc)  du  phlogistique,  vous  aurez  le 
zinc,  etc.  Comment  donnerez-vous  à  c«s  chaux  du  phlogistique? 
en  les  chauffant  avec  du  charbon,  avec  des  graisses,  en  un  mot, 
avec  des  substances  qui  abondent  en  phlogistique. 

S'il  est  vrai  que  la  simplicité  est  le  caractère  distinctif  de  la 
vérité,  jamais  théorie  n'aura  été  aussi  vraie  que  celle  de  Stahl; 
car  il  n'est  guère  possible  de  trouver  quelque  part  une  théorie 
aussi  séduisante  par  sa  simplicité.  Faut-il  maintenant  s'étonner 
qu'elle  ait  eu  de  si  nombreux  partisans? 

Ainsi,  comme  nous  venons  de  le  voir,  la  calcination  est,  selon 
la  théorie  de  Stahl,  une  opération  analytique^  puisque  le  métal 
(ou  tout  autre  corps)  se  décompose  en  phlogistique  et  enx^haux, 
tandis  que  la  réduction  est  une  opération  synthétique,  puisque, 
dans  ce  dernier  cas,  la  chaux  reprend  son  phlogistique. 

D'après  la  théorie  actuelle,  dont  le  fondateur  est  Lavoisier, 
c'est  tout  le  contraire  :  la  calcination  est  une  synthèse,  puisque 
le  métal,  loin  de  perdre,  absorbe  quelque  chose  en  augmentant 
de  poids;  et  la  réduction  est  une  décomposition,  car  le  charbon, 
au  Heu  de  rendre^  enlève  quelque  chose  au  métal^  en  lu>  faisant 
perdre  de  son  poids  exactement  ce  qu'il  avait  gaghé  pendant  la 
calcination.  ■ 

Si  Stahl  et  ses  disciples  avaient,  direz-vous,  employé  la  balance, 
ils  auraient; sans  dojute  immédiatement  renoncé  à  leur  théorie, 
<;omme  étant  en  contradiction  éyidente  avec  l'expériehce. 

:Détron:4)ez-*vous.  Voici  ce  que  di8e^t  les  phlogisticiensr  : 
u  Nous  savons  fort:bien  que  les. métaux  augmentent  de  poids 
pendant  leur  calcination.  Mais  ce  fait,  loin  d'infirmer  la  théorie 


•    l 


400  UISTOIAK  DE  Là  CHIMIE. 

du  phlogistique,  vient,  au  contraire,  la  confirmer.  Car  le  phlo- 
gistique,  étant  plus  léger  que  Tair,  teitd  à  soulever  le  corps  avec 
lequel  il  est  combiné,  et  à  lui  faire  perdre  une  partie  de  son 
poids;  ce  corps  pèse  donc  davantage  après  avoir  perdu  son  phlo- 
gistique.  » 

Ainsi  la  théorie  Stahlienne,  quia  été  souvent  modifiée,  est 
fondée  sur  une  illusion,  sur  une  erreur  de  statique,  d'après  laquelle 
le  phlogistique  ferait  l'office  d'un  aérostat.  Ses  partisans  sem- 
blaient ignorer  que  tout  corps  matériel  est  pesant,  et  que  le 
phlogistique  (en  admettant  son  existence)  doit,  ainsi  que  l'air  in- 
flammable avec  lequel  il  fut  identifié ,  occuper  un  espace  beau- 
coup moins  grand,  par  conséquent  déplacer  un  volume  d'air 
beaucoup  moindre,  à  l'état  c^e  combinaison  qu'à  l'état  de  liberté. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  Stahl,  lorsqu'il  établit  sa  théorie, 
n'avait  aucune  connaissance  précise  des  gaz.  Après  la  découverte 
de  l'azote,  de  l'oxygène  ,  de  l'hydrogène,  fluides  élastiques  qui 
paraissaient  avoir  certains  rapports  avec  le  phlogistique,  les  chi- 
mistes apportèrent  à  la  théorie  de  Stahl  des  modifications  sou- 
vent difficiles  à  saisir.  Et  comme,  d'un  côté,  l'expérience,  par 
suite  des  découvertes  multipliées,  contrariait  leurs  hypothèses, 
et  que,  d'un  autre  côté,  ils  ne  voulaient  pas,  soit  par  amour^ 
propre,  soit  par  conviction,  abandonner  une  théorie  qui  avait  en 
quelque  sorte  présidé  à  tous  leurs  travaux,  il  advint,  ce  qui  ar- 
rive toujours  en  pareil  cas,  que  les  hypothèses,  les  explications 
spéculatives,  les  additions  supplémentaires  à  la  théorie  du  phlo- 
gistique, s'accumulèrent  à  un  tel  point,  qu'il  faudrait  le  fil  d'A- 
riane pour  se  reconnaître  au  milieu  d'un  tel  labyrinthe.  Il  n'y  a 
pas  deux  chimistes  phlogisticiens  qui  s'entendaient,  absolument 
comme  pour  les  médecins  et  les  philosophes. 

C'est  dans  cette  seconde  période ,  période  de  décadence  du 
phlogistique,  qu'on  voit  apparaître  les  noms  d'air  phlogistique 
(azote),  d'air  déphlogisHqué  (oxygène),  acide  marin  déphlogistiqué 
(chlore),  acide  vitriolique phlogistique  (acide  sulfureux),  esprit  de 
nitre  phlogistique  (acide  nitreux),  alcali  phlogistique  (  cyanofer- 
rure  de  potassium  ) ,  etc. 

Telle  est  l'histoire  succincte  de  la  théorie  du  phlogistique,  qui, 
vers  le  milieu  et  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  divisa  les  chimistes 
en  deux  camps  ennemis,  et  produisit  en  même  temps  une  émula- 
tion très-salutaire  pour  le  progrès  de  la  science;  car  ce  n'est  que  du 
conflit  des  opinions  contraires  que  jaillit  la  vérité,  moins  pour  \e% 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  401 

contemporains  que  poar  leurs  descendants;  car  c'est  après  que  les 
passions  ont  disparu  avec  les  individus,  que  Tédifice  de  la  science 
se  consolide.  La  théorie  du  phlogistique  a  soulevé  certaines  ques- 
tions qui  même  aujourd'hui  sont  encore  loin  d'être  vidées.  S'il  est 
vrai,  commis  le  soutient  la  théorie  qui  a  succédé  à  celle  de  Stahl, 
que  le  calorique,  logé  dans  les  interstices  des  molécules  maté- 
rielles, devient  libre  au  moment  où  ces  molécules  se  rapprochent, 
pourquoi  l'oxygène  ou  tout  autre  gaz,  au  moment  où  il  devient 
libre  et  qu'il  abandonne  quelque  combinaison,  ne  détermine-t-il 
pas  un  abaissement  de  température  au  moins  proportionnel  au 
degré  de  chaleur  qu'il  produit  pendant  sa  combinaison? — On  sait 
qu'à  la  théorie  de  Stàhl  a  succédé  celle  de  Lavoîsier. 

§  27. 

« 

Pott. 

Disciple  de  Frédéric  Hoffmann  et  de  Stahl,  Pott,  né  en  1692, 
avait  associé  l'étude  de  la  chimie  à  celle  de  la  médecine.  Membre 
de  l'Académie  de  Berlin,  il  a  quelque  peu  terni  sa  mémoire  par 
sa- polémique  passionnée  et  injuste  avec  plusieurs  de  ses  col- 
lègues, et  particulièrement  avec  Ëller.  Il  mourut  en  1777,  à  l'âge 
de  quatre-vingt-cinq  ans. 

Pott  était  un  des  chimistes  les  plus  actifs  de  son  temps.  Les 
travaux  qu'il  a  laissés  ne  comprennent  pas  moins  d'un  espace  de 
cinquante  ans  ;  ils  attestent  une  connaissance  étendue  de  l'his- 
toire de  la  science,  sans  cependant  porter  le  cachet  d'une  mé- 
thode expérimentale  rigoureuse,  et  d'une  observation  approfondie 
des  faits.  Son  premier  mémoire  Sur  les  soufres  des  métaux, 
parut  en  1716;  Pott  avait  alors  vingt-quatre  ans. 

Mais,  de  tous  ses  travaux^  celui  qui  a  pour  objet  le  borax  mé- 
rite seul  une  mention  particulière. 

Borax  (1).  —  Les  Grecs  et  les  Romains  connaissaient  le  borax, 
sous  le  nom  de  chrysocolle  (soudure  de  Tor),  nom  qu'ils 
semblaient  avoir  aussi  appliqué  au  carbonate  de  cuivre  mêlé  avec 
des  phosphates  alcalins  (2).  Plus  tard,  les  Arabes  désignèrent 

(1)  Observât,  et  animadvers.  chymic,  Collect.  Il,  p.  54-105.  —  DtssertaUons 
clûmiqties,  t.  H,  p.  319  (Paris,  1759,  in-S). 
(2)yoy.  plus  haut,  1. 1,  p.  173. 

BIST.  DE  LA  CHIMIE.  —  T.  If.  26 


•c 


403  HISTOIRE  DE  LA  CHTHIE. 

• 

par  le  nom  de^bauràch  indifféremment  le  nitre  et  le  borax.  Enfin, 
à  mesure  que  les  ténèbres  qui  couvraient  encore  la  science 
venaient  à  se  dissiper,  le  nom  de  baurach,  transformé  en  borach 
ou  borax j  fut  exclusivement  appliqué  à  un  sel  particulier  que 
l'on  faisait  primitivement  venir  duThibetetdeTInde. 

Quelle  est  la  nature  du  borax?  Cette  question  avait  été  successi- 
vement agitée  par  un  grand  nombre  d'observateurs,  sans  avoir 
reçu  de  solution.  Zwelfer,  Berger,  etc.,  regardaient  cette  subs- 
tance comme  un  alcali  fixe  naturel  ;  Homberg  la.  définissait  un 
sel  urineux  minéral  ;  Melzer  prétendait  que  c'est  un  sel  marin  mi- 
néral, composé  d'un  principe  terreux  vitrifiable,  d'alcali  urineux, 
d'un  acide  subtil,  et  de  phlogistique  ;  enfin  les  chimistes  avaient 
émis  les  hypothèses  les  plus  singulières  sur  la  composition  da 
borax.  Ce  qui  entretenait  ces  hypothèse^,  c'est  que  la  matière  or- 
ganique grasse  dont  le  borax  brut  (tinckal),  venant  de  l'Inde,  est 
toujours  sali,  donne ^  par  la  distillation  et  la  combustion  (seuls 
modes  d'analyse  alors  employés  ) ,  naissance  à  des  produits  em- 
pyreumatiques,  ammoniacaux,  propres  à  embrouiller  plutôt  qu'à 
éclaircir  la  question  ;  car  cette  matière  organique  était  généra- 
lement considérée,  non  comme  accidentelle]  et  étrangère,  mais 
comme  essentiellement  inhérente  à  la  composition  mênâe  du 
borax.  . 

Tel  était  à  peu  près  l'état  de  la  science  lorsque  Pott  publia, 
en  1741,  sa  Dissertation  sur  le  borax.  Ce  chimiste  soutenait,  avec 
Geoffroy  et  Lemery  jeune,  que  le  borax  est  une  substance  saline^ 
composée  d'alcali  et  d'un  acide  particulier.  Quel  est  cet  acide? 
Ce  n'est,  répondirent  Neumann  et  Pott,  ni  l'acide  vitriolique, 
ni  l'acide  muriatique ,  puisque  le  borax,  chauffé  par  le  charïon, 
ne  donne  point  de  foie  de  soufre,  et  que,  traite  par  l'esprit  de 
nitre,  il  ne  produit  pas  d'eau  régale;  mais,  lorsqu'on  soumet  une 
solution  chaude  de  borax  à  l'action  de  l'acide  vitriolique ,  on  ob- 
tient un  précipité  blanc ,.  appelé  sel  sédatif,  et  la  liqueur  où  il 
se  dépose  donne,  par  l'évaporalion,  du  sel  de  Glauber  (sulfate  de 
soude).  Voilà  une  expérience  qui  était  alors  connue  de  tous  les 
chimistes  ;  et  pourtant  aucun  d''eux  n'oisa  soutenir,  excepté  Ba- 
ron ,  que  le  sel  sédatif,  découvert  en  1702  par  Homberg  (  sel  sé- 
datif de  Homberg),  est  un  acide  particulier  (acide  boracique 
ou  borique),  combiné  avec  l'alcali  (soude)  du  sel  de  Glauber  (1). 

(1)  Voy.  p.  383  de  ce  vol. 


TAOISIEME  ÉPOQUE.     ^  403 

Homberg  avait  entièrement  méconiiu  la  nature  de  son  sel  séda- 
tif, appelé  indifféremment  sel  volatil  narcotique  de  vitriol ,  sel 
volatil  de  borax,  fleurs  de  vitriol  philosophique,  sel  blanc  des  al- 
chimistes, fleurs  de  Diane;  car  il  le  regarçlait  comme  un  produit 
du  vitriol  de  fer.  Quant  à  Pott,  il  considérait  le  3el  sédatif,  dont 
il  décrivit  les  principales  propriétés,  comme  «  un  sel  neutre, 
composé  de  quelques  molécules  de  vitriol  et  de  borax  ».  Voulez- 
vous  savoir  pourquoi?  c'était  parce  que  ce  sel  colojre  la  flamme 
de  l'alcool  en  vert,  absolument  comme  le  fait,  à  un  plus  faible 
degré ,  le  vitriol  de.  cuivre. 

Pott  est  bien  au-dessous  de  son  compatriote  et  contemporain 
Marggraf,  pour  la  sagacité  et  l'esprit  d'observation.  Ses  mémoi- 
res, assez  prolixes»  sont  beaucoup  plus  riches  en  mots  et  en 
raisonnements  qu'en  faits  nouveaux  et  positifs,  vraiment  utile3 
aux  progrès  de  la  science.  .  . 

Ses  mémoires  ont  pour  objet,:  V Analyse  de  rorpiment  (1);  — 
Vflistqire  de  la  dissolution  particulière  de  différents  corps  (2);  — 
Vacide  vitriolique  vineux  {3)  (mélange  d'alcool  et  l'acide  sul*- 
^<Iu^.)y  —  L'acide  nitreux  urineux  (4);  —  La  cause  de  la 
rougeur  des  vapeurs  de  l'acide  nitreux  (5)  (l'auteur  a^ribue  cette 
coïoration  au  phlogistique);  —  Le  sel  commun  (é)  (il ^regarde  la 
base  du  sel  commun  comme  une  espèce  de  terre  calcaire)  ;  — 
L'esprit  de  sel  vineux  (7)  (c'était  un  mélange  d'alcool  et  d'a- 
cide muriatique ,  qu'il  considérait  comme  un  bon  dissolvant  de 
l'or)  ;  —  Expériences  chimiques  sttr  F  existence  de  P  acide  dans  les 
animatêx  (produits  empyreumatiques  mal  définis)  (8);  — '  VAna- 
lyise  du  vitriol  blanc  (sulfate  de  zir\ç)  (9)  ;  —  La  terre  feuillée  du 
tartre  (acétate  de  potasse)  (10);  —  Le  sel  fusible  microcosmi- 
que  (11)  (phosphate  de  soude) ;  —  Recherches  sur  l'union  de  Va- 

(1)  Halle,  1720.—  Exercit.  chymic,  p.  46-112.  —  Dissertât,  chimiques,  t.  I, 
p.  133. 

(2)  Dissertât,  chimiques,  t.  I  (éd.  Demachy),  p.  319. 
(3)Ibid.,  p.  3S8. 

(4)Ibid.,  p."489. 
(5)n)id.,p.  5Sf. 
(6)lbid.,t.  n,p..l. 

(7)  ftid.,  p.  249. 

(8)  nâd.,  t.  n,  p.  469. 

(9)  Ibid.,  p.  507. 

(10)  Ibid.,  p.  527. 

(11)  Ibid.,  t.  ÏII,  p.  1. 

20. 


404  HISTOtnS  DE  LA  CfiTlfIE« 

cide  du  vitriol  avec  le  tartre  (4)  (l'auteur  y  laisse  entrevoîf 
l'existence  de  l'acide  tartrique  ]  ;  —  La,  dissolution  de  la  chaux 
vive  dans  F  acide  nitreux  (acide  nitrique)  (2);  —  La  déeotn-' 
position  du  tartre  vitriolé  (sulfate  de  potasse)  (3);  —  La  distil' 
lation  par  la  chaleur  du  soleil  (4)  ;  —  Le  bismuth  (5)  (ce  mémoire 
est  précédé  d'un  long  historique  pour  montrer  que  le  bismuth 
était  souvent  confondu  avec  le  plomb);  —  Le  zinc  (6);  —  Le 
manganèse  (7)  (Pott  le  regardait  comme  une  combinaison  in- 
time d'une  terre  alcaline  particulière  avec  un  principe  inflam- 
mable subtil)  ;  —  Lapseudogalèhe  (blende)  (8)  ;  —  La  plombagine 
(que  Pauteur  confondait  avec  le  molybdène)  (9)  ;  —  Examen  pyro- 
technique du  talc  (il  y  méconnaissait  la  présence  de  la  magné' 
sie)  (10)  ;  —  Expériences  pyrotechniques  sur  la  topaze  de  Saxe  (4 1), 

—  Examen  pyrotechnique  des  stéatites  (  il  n'y  trouvait  point  In 
terre  magnésienne)  (12);  —  Essai  sur  la  manière  de  préparer  des 
vaisseaux  qui  puissent  supporter  le  feu  le  plus  violent  (13);  —' 
Recherches  sur  le  mélange  de  V acide  du  vitriol  avec  le  salmiac  (14); 

—  Examen  chimique  de  la  nature  du  sel  acide  volatil  du  sue-' 
cin  (15).  Pott  obtint  l'acide  succinique  cristallisé  par  la  distilla- 
tion de  l'ambre  ;  il  décrivit  les  principales  propriétés  de  cet  acide 
qu'il  a  découvert. 

§28. 
EUer. 

Eller,  né  en  1689,  fut  rantagoniste  de  Pott.  Les  discussions  dé 
ces  deux  chimistes  rivaux  donnèrent  au  monde  le  triste  specta- 

(1)  Dissertations  chimiques,  p.  159. 

(2)  Ibid.,  p.  178. 

(3)  Ibid.,  t.  III,  p.  219. 

(4)  Ibid.,  p.  251. 

(5)  Ibid.,  p.  267. 

(6)  Ibid.,  p.  392. 

(7)  Ibid.,  p.  523. 

(8)  Ibid.,  p.  559.  ^ 

(9)  Ibid.,  t.  IV,  p.  i, 
(lO)Ibid.,  p.  28. 

(11)  Ibid.,  p.  66. 

(12)  Ibid.,  p.  90. 

(13)  Ibid.,  p.  167. 

(14)  Ibid.,  p.  265. 

(15)  Ibid.,  p.  326. 


TROISIÈME  EPOOUE.  405 

de  d'une  vanité  mal  déguisée  sous  le  manteau  de  la  science  (1). 
Il  est  du  devoir  de  Thistorien  de  flétrir  ce  mauvais  ferment  des 
passions  humaines,  si  nuisible  au  véritable  progrès. 

J.-Théodore  Eller  avait  étudié  tes  sciences  physi(|ues  et  médi- 
cales dans  les  écoles  de  léna^  de  Halle,  de  Leyde,  d'Amster- 
dam, de  Paris  et  de  Londres.  Ses  connaissances  variées,  sa 
grande  souplesse  d'esprit,  lui  avaient  valu  les  bonnes  grâces  de 
Frédéric  le  Grand,  qui  nomma  Eller  premier  médecin  de  la  cour 
et  directeur  du  collège  médical,  avec  le  titre  de  conseiller  in- 
time. Eller  était  donc,  par  sa  position,  le  supérieur  de  Pott; 
et  cette  raison  seule  aurait  dû  l'engager  à  la  modération  et  à 
user  d'une  noble  indulgence  envers  son  adversaire. 

Eller  mourut  à  un  âge  assez  avapcé  à  Ploetzkau^  dans  la  prin- 
cipauté de  Bernbourg. 

Les  travaux  scientifiques  d'Eller,  dont  quelques-uns  seulement 
traitent  de  chimie^  se  trouvent  insérés  dans  la-  collection  des 
Mémoires  de  l* Académie  des  sciences  de  Berlin  (2).  Us  furent  re- 
cueillis, après  sa  mort,  sous  le  titre  de  :  PhysikalischrChymisch- 
Medicinische  Abhandlungen,  etc.,  par  C.  Gerhard;  Berlin,  1764, 
în-8. 

Les  travaux  chimiques  d'Eller  renferment  plus  d'hypothèses 
que  d'observations.  On  y  trouve  cependant  quelques  recherches 
microscopiques,  fort  intéressantes,  sur  l'altération  qu'éprouve  le 
sang  frais,  maintenue  la  température  du  corps,  sous  l'influence 
d'un  grand  nombre  de  médicaments  et  de  substances  chimiques 
mi$  en  contact  avec  lui.  Ces  recherches  portent  particulièrement 
sur  l'altération  des  globules  du  sang,  produite  par  l'action  des 
vitriols  de  cuivre  et  de  fer,  du  sel  marin,  de  l'alcali  fixe  (car- 
bonate de  potasse),  de  l'alcali  volatil,  du  borax,  du  tartre,  du 
sel  d'Epsom,  du  sel  d'oseille,  de  l'arsenic,  du  sublimé  corrosif, 
des  acides  vitriolique^  nitrique  et  muriatique,  des  teintures  de 
myrrhe,  de  safran,  d'aloès,  d'opium,  d'ellébore,  de  rhubarbe. 


(1)  Pott  avait  publié,  en  1756,  un  yolume  in-4*  (AnimadversUmes 
chimicsB  circa  varias  hypothèses  et  expérimenta  Elleri),  où  il  critique  peut- 
être  un  peu  trop  séTèrement  les  travaux  d'Eller.  Celui^îi  y  répondit  dans  un 
opuscule  anonyme  intitulé  :  Courte  recherche  sur  les  vrais  motifs  qui  ont  engagé 
M,  Pott  à  critiquer  le  conseiller  Eller,  etc.  Dans  cette  diatribe,  indigne  d'un 
homme  de  science,  il  parle  des  intrigues  amoureuses  fort  compromettantes 
pour  1^  réputation  de  mademoiselle  Pott,  etc.  Pott  répliqua  par  une  Nouvelle 
continuation  de  critique,  etc.  * 

(2)  Années  1745,  1746,  1747,  1749,  1750,  1751,  1752, 1754, 1757, 


406  HISTOIRE  DE  LA' ÔHIHIE. 

de  quinquina,  etc.  Il  proposa  remploi  d'un  mi(m)iiiètre  parti- 
culier pour  mesurer  les  globules  du  sang  (1).  —  Son  mémoire 
Sur  les  ëlémefUs  des  torps  est  un  exposé  historique  des  diverses 
opinions  émises  par  lés  philosophes  sur  la  constitution  de  la 
matière  (2).  Ses  mémoires  Suf  le  vide  comme  préservatif  de  la 
putréfaction,  Sur  la  végétation  des  plantes.  Sur  la  génération  des 
métaux.  Sur  le  départ  de  for  au  moyen  du  soufre ,  Sur  tes  pro- 
priétés de  /'«itt ,  renfennent  très-peu  4'obsè'tvationé  nôuveliés: 


•  in  .  'i  i  ■«•  .    .1  11  t  » 


|§29. 
IVeitinaiiii. 


1. 1 


Gaspard  Neumann,  né  en  1683,  débuta  par  être  garçon  apo- 
thicaire. Il  quitta  par  la  suite  rAllemagne,  et  résida  Quelque 
temps  en  Angleterre;  il  visita  la  Hollande  et  la  France,  et  se 
mit  en  rapport  avec  les  chimistes  les  plus  distingués  de  son  temps. 
De  retour  à  Berlin,  il  fut  nommé  par  le  roi  de  Prusse^  père  de 
Frédéric  le  Grand,  professeur  dé  chimie  et  conseiller  àulique. 
Ses  leçons  eurent  un  grand  succès,  et  sa  méthode  d'enseigne- 
ment, d'après  les  principes  de  Stalll,  avait  été  iiifrbduitè  dans 
les  écoles.  Neumann  môxirut  en  1737,  à  l'âge  de  èlh^ûiante- 
quatre  ans. 

Parmi  les  mémoires  originaux  de  Neumann,  il  n'y  a  guère  de 
remarquable  qu'une  dissertation  Sur  le  camphre^  substance  qu'il 
était  parvenu  à  extraire  de  l'huile  essentielle  de  thym  (3).  Dans 
d'autres  mémoires,  il  établit  que  le  suc  de  violette  est  insuffisant 
pour  déceler  la  présence  des  liqueurs  salines  (4),  que  l'albumine 
desséchée  est  essentiellement  différente  du  succin ,  bien  qu'elle 
lui  ressemble  par  son  aspect.  Il  fit  des  recherches  sur  le  sel 
ammoniac,  le  soufre,  le  tartre,  le  vin,  la  bière,  le  café,  les  four- 
mis, etc. 

(1)  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Berlin,  ann.  1751,  p.  11.  —  Physikalisch- 
chymische  Ahhandlungen,  etc.,  p.  178. 

(2)  Mém.  de  TAcad.  des  sciences,  ann.  1746.  —  Physikalisch-chymische 
Abhand.  p.  197. 

(3)  Philosophical  Transact.,  ann.  1724  et  1725,  n.  389,  p.  321.  —  Miscellan. 
Berolin.,  contin.  JI,  p.  70.  —  Camphre  du  thym,  dans  Philosoph.  Transùct., 
1733  et  1734,  n.  431,  p.  202. 

(4)  Miscellan.  Berolin.,  contm.  II,  p.  54. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  407     • 

-  .1 

.       '  §  30. 

Mmrggmtfm 

Ândré-Sigismond  Marggraf,  né  à  Berlin  en  1709,  compte  avec 
raison  au  nombre  des  plus  grands  cfaimiistes  du  dix-huitième  siè- 
cle. Expérimentateur  baUle,  ingénieux  et  réservé  daiis  ses  vues 
théoriques,  d'une  logique  sévère  dans  ses  déductions,  le  cé- 
lèbre chimiste  prussien  peut,  à  juste  titre  ^  revendiquer  la  gloire 
d^avoir,  un  des  premiers,  introduit  dans  la  science  l'emploi  du 
microscope,  et  la  voie  humide  dans  l'analyse  des  matières  organi- 
ques. C'est  à  lui  aussi  qu'on  doit  la  découverte  du  sucre  indigène. 

Marggraf  était  fils  d'un  pharmacien  de  Berlin.  Après  avoir 
reçu* les  premières. notions  de  son  art  dans_la  maison  paternelle, 
il  fut  placé  comme  préparateur  auprès  du  professeur  ^Neumaun, 
dont  les  cours  de  chimie  attiraient  alors  un  grand  nombre  d'é- 
lèves. Plus  tard  il  alla  perfectionner  ses  connaissances  aux  écoles 
de  Francfort,  de  Strasbourg,  de  Halle  et  de  Freyberg.  A  son  re- 
tour il  fut  nommé,  à  l'âge  de  vingt-neuf  ans, .  membre  de  l'A- 
cadémie royale  de  Berlin ,  et,  jen  £762,  directeur  de  la  classe  de 
physique.  L'Académie  des  sciences  de  Paris  le  nomma,  quelque 
temps  après,  associé  étranger.  Pendant  tout  le  cours  de  sa  car- 
rière jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le  7  août  4780,  Marggraf  a  joui  de 
la  réputation  d'un  savant  consciencieux,  intègre ,  et  inaccessible 
à  ces  passions  mesquines  qui  sont  une  des  plaies  de  l'humanité.  Il 
garda  une  attitude  neutre  dans  la  polémique  haineuse  qui  eut  lieu, 
au  grand  scandale  du  monde  savant ,  entre  deux  de  ses  collègues, 
Pott  et  Eller,  et  donna,  par  cette  sagesse,  un  exemple  qui  de- 
vrait trouver  plus  d'imitateurs.  *; 
» 

TraVuax  de  llarg^g^raf* 

Les  travaux  de  ce  grand  chimiste ,  auquel  la  postérité  n'a  pas 
encore  entièrement  rendu  justice,  se  trouvent  insérés  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  et  belles-lettres  de  Berlin. 
Il  les  réunit  lui-même,  et  en  fit  un  recueil  qui  fut  publié  presque 
en  même  temps  en  allemand  et  en  français  (1). 

{îyopuscules  chimiques  de  M.  Marggraf;  Paris,  1762,  2  vol.  irt-8.  -*  Marg- 
graf avait  lui-même  revu  une  seconde  fois  les  mémoires  que  Formey  avait  Ira- 


408  HISTÔUIE  DE  LÀ  CHIMIE. 

N'y  eût-il  que  la  découverte  du  sucre  de  bellerave ,  elle  suf- 
firait seule  pour  mettre  Marggraf  au  nombre  des  chimistes  qui 
ont  le  plus  mérité  de  là  science  et  de  l'industrie. 

Expériences  chimiques  faites  dans  le  dessein  de  tirer  un  véritor 
hle  sucre  de  diverses  plantes  qui  croissent  dans  nos  contrées.  —  Tel 
est  le  titre  d'une  dissertation  publiée  dans  les  Mémoires  de  l'A- 
cadémie de  Berlin  pour  l'année  1745,  et  dont  toute  l'importance 
ne  devait  être  comprise  et  appréciée  que  plus  d'un  demi-siècle 
après. 

Cette  dissertation  mérite  une  analyse  détaillée.  C'est  l'extrac- 
tion du  sel  d'oseille  et  d'autres  sels  acides  par  l'évaporation  du 
suc  des  végétaux,  qui  avait  suggéré  à  Marggraf  l'idée  de  traiter, 
par  des  procédés  semblables,  les  plantes  sucrées. 

L'auteur  établit,  avec  une  sagacité'  qui  ferait  honneur  à  nos 
plus  habiles  expérimentateurs,  que,  parmi  les  plantes  indigè- 
nes les  plus  riches  en  sucre,  il  faut  placer  en  première  ligne  la 
betterave  (  rouge  et  blanche  )  et  la  carotte  ;  que  le  sucre  qui  s'y 
trouve  est  parfaitement  semblable  au  sucre  de  canne;  que  ce  sucre 
existe  tout  formé  dans  les  plantes  ;  que  le  moyen  le  plus  com- 
mode et  le  plus  simple  de  l'en  extraire  consiste  à  dessécher  les 
racines ,  et  à  les  faire  bouillir  dans  de  l'esprit-de-vin ,  qui  se 
charge  du  sucre  et  le  laisse  déposer,  sous  forme  cristalline,  par 
le  refroidissement. 

Voilà  des  résultats  aussi  inattendus  que  prodigieux,  eu  égard 
àl'époque  où  ils  furent  publiés  pour  la  première  fois.  Mais,  comme 
un  résumé  n'est  jamais  exempt  de  reproche,  il  sera  plus  conve- 
nable d'entendre  Marggraf  lui-même  : 

«  Les  plantes  que  j'ai  soumises,  dit-il,  à  un  examen  chimique 
pour  tirer  le  sucre  de  leurs  racines,  et  dans  lesquelles  j'en  ai 
trouvé  effectivement  de  véritable,  ne  sont  point  des  productions 
étrangères;  ce  sont  des  plantes  qui  naissent  dans  nos  contrées 
aussi  bien  que  dans  d'autres,  en  assez  grande  quantité,  des  plan- 
tes communes  qui  viennent  même  dans  un  terroir  médiocre,  et 
qui  n'ont  pas  besoin  d'une  fort  grande  culture.  Telles  sont  la 
bette  blanche  ou  poirée,  le  chervis  {sisarum  Dodonœ)  et  la  ca- 
rotte {daucus  carotta).  Les  racines  de  ces  trois  plantes  m'ont 
fourni  jusqu'à  présent  un  sucre  très-copieux  et  très-pur.  Les  pre- 

duits  en  français.  —  Ce  recueil  contient  vingt-sept  dissertations,  dont  quinze 
sont  traduites  du  latin  et  douze  de  Taliemand, 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  409 

mières  marques  caractéristiques  qui  indiquent  la  présence  du 
sucre  emmagasiné  dans  les  racines  de  ces  plantes ,  sont  que  ces 
racines,  étant  coupées  en  morceaux  et  desséchées,  ont  non-seu- 
lement un  goût  fort  doux,  mais  encore  qu'elles  montrent  pour 
l'ordinaire,  suvioni  au  microfcope ^  des  particules  blanches  et  criS" 
tallines  qui  tiennent  de  la  forme  du  sucre  » . 

Voilà  la  première  fois  que  nous  voyons  apparaître,  dans  This* 
toire  de  la  science,  l'emploi  du  microscope  comme  un  auxiliaire 
de  l'analyse;  et  il  est  curieux  de  faire  observer  que  ce  fut  pour 
servir  à  la  démonstration  d'un  des  plus  beaux  faits  de  la  chimie 
moderne. 

Écoutons  l'auteur  lui-même  décrivant  son  premier  procédé 
d'extraction,  renouvelé  de  nos  jours,  et  qui  avait  été  considéré , 
X>ar  quelques  chimistes  ignorant  le  passé,  comme  un  procédé 
nouveau  : 

n  Comme  le  sucre,  continue  Marggraf,  se  dissout  môme  dans 
de  Tesprit-de-vin  (chaud),  j'ai  jugé  que  ce  dissolvant  pourrait 
peut-être  servira  séparer  le  sucre  des  matières  étrangères;  mais 
pour  m'assurer  auparavant  combien  de  sucre  pouvait  être  dis^ 
sous  par  l'esprit-de-vin  le  plus  rectifié ,  j'ai  mis  dans  un  verre 
deux  drachmes  du  sucre  le  plus  blanc  et  le  plus  fin^  bien  pilé, 
que  j'ai  mêlé  avec  quatre  onces  d'efprit-de-vin  le  plus  rectifié; 
j'ai  soumis  le  tout  à  une  forte  digestion  continuée  jusqu'à  l'é- 
bullition;  après  quoi  le  sucre  s'est  trouvé  entièrement  dissous. 
Tandis  que  cette  solution  était  encore  chaude ,  je  l'ai  filtrée  et 
mise  dans  un  verre  bien  fermé  avec  un  bouchon  de  liège,  od 
l'ayant  gardée  environ  huit  jours,  j'ai  vu  le  sucre  se  déposer  sous 
forme  de  très-beaux  criçtaux.  Mais  il  faut  bien  remarquer  que  la 
réussite  de  l'opération  demande  qu'on  emploie  l'esprit-de-vin  le 
plus  exactement  rectifié ,  etf[ue  le  verre  aussi  bien  que  le  sucre 
soient  très-secs;  sans  ces  précautions  la  cristalUsation  se  fait 
difficilement. 

0  Cela  étant  fait ,  j'ai  pris  des  racines  de  bette  blanche  coupées 
en  tranches,  et  les  ai  fait  dessécher,  mais  avec  précaution,  afin 
qu'elles  ne  prissent  point  une  odeur  empyreuma tique.  Je  les  ai 
ensuite  réduites  en  une  poudre  grossière;  j'ai  pris  huit  onces  de 
cette  poudre  desséchée,  et  lésai  mises  dans  un  verre  qu'on  pou- 
vait boucher;  j'y  ai  versé  seize  onces  d'esprit-de-vin  le  plus  rec- 
tifié, et  qui  allume  la  poudre  à  canon.  J'ai  soumis  le  tout  à  la 
digestion  au  feu,  poussé  jusqu'à  Tébullition  de  l'esprit-de-vin» 


410  HISTOIRE  BE  LA  CHIMIE. 

en  remuant  de  temps  en  temps  la  poudre  qui  se  ramassait  au 
fond.  Aussitôt  que  resprit-de-vin  a  commencé  à  bouillir,  j'ai 
retiré  le  verre  du  feu,  et  j'ai  versé  promptement  tout  le  mélange 
dans  un  petit  sac  de  toile,  d'où  j'ai  fortement  exprimé  le  liquide 
qui'  y  était  contenu  ;  j*ai  filtré'la  liqueur  exprimée  encore  chaude, 
j'ai  versé  le  liquide  filtré  dans  un  verre  à  fond  plat,  fermé  avec 
un  bouchon  de  liège ,  et  l'ai  gardé  dans  Un  endroit  tempéré.  DV 
bord  l'esprit-de-vin  y  est  devenu  trouble,  et,  au  bout  de  quelques 
semaines,  il  s'est  formé  un  produit  cristallin,  ayaUttous  le*' ca- 
ractères du  '  sucre,  médiocrement  pur;  et  composé  de  cristaux 
compactes.  En  dissolvant  de  nouveau  ces  cristaux  dans  de 
l'esprit-de-vin,  on  les  obtient  plus  purs  ». 

Marggrdf  ajoute  que  cette  expérience  peut  servir  de  moyen 
pour  s'assurer  si  une  plante  contient  du  sucre,  et  quelle  en 
est  la  quantité.  C'est  ainsi  qu'il  parvint  à  constater  que  la  bet- 
terave (blanche)  renferme  environ  6  p.  %  de  sucre.  «  Ce  qui 
mérite,  dit-il,  d'être  remarqué  en  passant,  c'est  que  la  plus 
grande  partie  du  sucre  se  sépare  de  l'esprit-de-Vin  parla  cris- 
tallisation, et  que  la  partie  résineuse  demeure  dans  l'esprit-de- 
vin.  De  plus,  il  paraît  que,  dans  cette  opération,  l*eau  de  chaux 
vive  n'est  point  du  tout  nécessaire  pour  dessécher  le  sucre  et  lui 
donner  du  corps ,  mais  qu^  te  sucre  existe  tout  fait,  sous  forme 
cristalline,  av  moins  dans  nos  racines, 

«  Celte  manière  de  procéder,  continue  Marggraf,  à  l'extraction 
du  sucre,  m*ayant  paru  trop  coûteuse,  j'ai  cru  devoir  en  cher- 
cher quelque  autre.  Je  jugeai  que  ce  qu'il  y  avait  de  mieux  à 
faire  c'était  de  suivre  la  route  ordinaire,  en  ôtant  à  ces  racines 
leurs  sucs  par  l'expression,  en  dépurant  le  suc  exprimé,  en  l'é- 
vaporant pour  le  soumettre  à  la  cristallisation,  et  en  purifiant  les 
cristaux  qui  prennent  naissance.  » 

Nous  ne  reproduirons  point  les  détails  d'exécution  que  l'auteur 
a  exposés  avec  une  admirable  lucidité,  et  auxquels  on  changea,  par 
la  suite ,  fort  peu  de  chose.  Il  remarqua  que  la  carotte  se  prête 
assez  difficilement  à  l'extraction  du  sucre,  à  cause  d'une  matière 
glutineuse  (acide  pectique)  qui  entrave  la  cristallisation  du  su- 
cre; qu'il  faut  apporter  beaucoup  de  soin  au  râpage  et  à  l'expres- 
sion du  sucre,  afin  d'obtenir  la  plus  grande  quantité  possible  de 
la  matière  sucrée,  et  que  les  mois  d'octobre,  novembre  et  dé- 
cembre, sont  l'époque  la  plus  propice  à  la  récolte  de  la  betterave. 
La  plus  grande  difficulté  que  l'auteur  eût  rencontrée,  c'était 


TROISUfeME  ÏÊPOQtE.  411 

de  retirer  de  h  betterave  un  sucre  parfaiteméiït  blaAc.  Enfin, 
il  parvint,  ainsi  qu'il  l'avoue  lui-môme,  à  obtenir  un  sucre  sem- 
blable au  meilleur  sucre  jaunâtre  de  Saint-Thomas/' 

«  C'est  jusque-là  que  j'ai,  dit-il ,  poussé  le  sttdre  qu'on  peut 
tirer  de  nos  racines,  en  suivant  le  travail  que  j'ai  indiqué.  Je 
réserve  le  reste  à  un  autre  temps,  où  je  pourrai  me  ptocurer 
une  plus  grande  quantité  de  suc  tiré  de  nos  racines,  en  me  ser- 
vant de  la  bette  blanche,  qui  est,  de  toutes  ces  plantés,  celle  qui 
fournit  le  plus  de  sucre;  et  alors  je  ferai  pai^ser  ce  âucrepàr  unplus 
grand  nombre  de  solutions  ;  je  le  dépurerai  plus  exactement  ï)iâr 
l'addition  de  l'eau  de  chaux  vive ,  et  je  tâcherai  de  lui  procurer 
une  plus  grande  blancheur.  » 

Ce  travail,  à  tous  égards  si  intéressant^  est  terminé  P?lV  les  ré- 
flexions suivantes  sur  la  culture  des  plantes  propres  à  fournir  le 
sucre  indigène  : 

«  Quoique  ces  racines  (betterave ,  Carotte)  fournissent  toujours 
une  quantité  quelconque  de  sucre,  il  pourrait  cependant  arriver 
que  dans  telle  année  elles  -en  donnassent  une  plus  grande  quan- 
tité que  dans  telle  autre,  suivant  que  le  tefnpà  est  plus  humide 
ou  plus  sec.  On  doit  aussi  faire  attention  à  la  parfaite  maturité  de 
ces  racines.  C'est  vers  la  fin  d'octobre  et-eô-^dvémbre  qu'elles 
sont  les  meilleures.  —  II  y  a  lieu  de  croire  que  ces  racines,  après 
qu'elles  ont  poussé  des  tiges,  des  feuilles,  mais  surtout  des  grai- 
nes, sont  moins  propres  à  l'extraction  du  sucre.  » 

C'est  qu'en  effet  une  grande  partie  de  la  matière  sucrée  et  de 
l'amidon  disparaît ,  à  mesure  que  la  végétation  se  développe,  en 
se  métamorphosant  en  matière  ligneuse. 

«D'après  ce  que  nous  avons  dit,  ajoute Marggraf  en  se  résu- 
mant, il  est  facile  de  voir  quels  avantages  économiques  on  pour-» 
rait  tirer  de  ces  expériences  ;  il  me  suffira  d'en  indiquer  un  seul, 
qui  est  môme  le  moindre.  Le  pauvre  paysan,  au  lieu  d'un  sucre 
cher  ou  d'un  mauvais  sirop,  pourrait  se  servir  de  notre  sucre  des 
plantes ,  pourvu  qu'à  l'aide  de  certaines  machines  il  exprimât  le 
suc  des  plantes ,  qu'il  le  dépurât  en  quelque  façon ,  et  qu'il  le  fit 
épaissir  jusqu'à  la  consistance  de  sirop.  Le  suc  épaissi  serait  as- 
surément plus  pur  que  la  mélasse;  et  peut-être  même  ce  qui 
resterait  après  l'expression  pourrait  avoir  encore  son  utilité. 
Outre  cela,  les  expériences  rapportées  «^dessus  ^ mettent  en 
pleine  évidence  que  le  sucre  peut  être  préparé  dans  nos  contrées 
tout  comme   dans  celles  qui  produisent  la  canne  à  sucre.  » 


412  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE/ 

Ceci  fut  dit  et  imprimé  en  l'année  1745,  plus  de  soixante  et  un  ans 
avant  le  premier  empire  et  rétablissement  du  blocus  continental. 
Sans  ce  blocus,  qui  souleva  tant  de  plaintes,  la  découverte  de 
Marggraf,  annoncée  par  l'auteur  lui-même  comme  devant  occa- 
sionner une  révolution  dans  l'industrie,  serait  peut-être  restée 
dans  l'oubli. 

Sur  les  rapports  du  phosphore  solide  avec  les  métaux  et  les  de- 
mi-métaux (1).  Ce  mémoire  contient  la  découverte  de  Vacide 
phosphorique. 

En  étudiant  les  combinaisons  (phospfaures)  que  le  phos- 
phore est  susceptible  de  former  avec  les  métaux,  Marggraf  re- 
marqua le  premier  que  Tor  et  l'argent  ne  produisent  pas  de  véri- 
tables composés  avec  le  phosphore. 

Il  prépara  l'acide  phosphorique  en  brûlant  le  phosphore  à 
l'air,  et  compara  le  produit  de  celte  combustion ,  obtenu  sous 
formes  floconneuses,  avec  les  fleurs  de  zinc  (oxyde  de  zinc).  Il 
ajoute  que  «  ce  produit,  étant  pesé  encore  chaud,  avait  pris  une 
augmentation  de  poids  de  trois  drachmes  et  demie  ».  -—  Si  Marg- 
graf avait  cherché  la  cause  de  cette  augmentation  de  poids  du 
phosphore  brûlé  dans  l'air,  il  aurait  été  bien  près  de  la  découverte 
de  l'oxygène. 

En  continuant  ses  observations  sur  l'acide  phosphorique,  qu'il 
appelle^ei/rs  de  phosphore,  il  arrive  à  constater  que  ce  produit 
nouveau  attiré  l'humidité  de  l'air,  qu'il  fait  effervescence  avec  les 
alcalis  (carbonates  alcalins),  qu'il  est  susceptible  de  se  combiner 
avec  les  alcalis,  avec  les  chaux  (oxydes)  métalliques,  pour  donner 
naissance  à  des  composés  cristal lisables;  en  un  mot,  il  signale 
les  principales  propriétés  physiques  et  chimiques  de  l'acide 
phosphorique,  qu'il  enseigne  de  préparer  aussi  en  traitant 
le  phosphore  par  l'esprit  de  nitre  (acide  nitrique)  concentré. 

Exposition  de  quelques  méthodes  nouvelles  au  moyen  desquelles 
on  peut  faire  plus  aisément  le  phosphore  solide  d^urine  (2).  —  Kun- 
ckel,  Brand  et  Boyle  avaient  les  premiers  extrait  le  phosphore 
de  l'urine  (3). 

(1)  Miscellan.  Berolinens.,  ann.  1740,  t.  YI,  p.  54-64. 

(2)  Ibid.,  ann.  1743,  t.  VH,  p.  324-335. 

(3)  Voy.  p.  174  et  194  de  ce  volume. 


Tnoisii^ME  ÉPOQtm.  413 

Dans  quel  état  le  phosphore  existe-t-il  dans  IWine?  Com- 
ment s'explique  son  extraction?  Voilà  des  questions  qu'il  était 
réservé  à  Marggraf  de  résoudre.  Ce  grand  chimiste  démontra 
que^  le  phosphore  existe  dans  l'urine  à  l'état  de  sel  (phosphate) 
cristallisable  ;  que,  lorsque  ce  sel  a  été  préalablement  séparé 
d'une  masse  d'urine ,  ce  qui  reste  a  n'est  guère  propre  à  la  pro- 
duction du  phosphore  » . 

Marggraf  préparait  son  phosphore  d'urine  en  soumettant  à  la 
distillation,  dans  des  vaisseaux  parfaitement  clos,  un  mélange  de 
sel  d'urine  fixe  (phosphate  de  soude  et  ammoniaco-magnésien), 
de  sable  et  de  suie  (poussière  de  charbon):  «  J'étais,  dit-il,  dans 
l'idée  que  Je  sable  délié  (acide  silicique)  s'unit  avec  la  partie 
terrestre  (base)  du  sel  d'urine  fixe,  et  en  dégage  l'acide  (acide 
pbosphorique).  »  — 11  ignorait  le  rôle  que  jouait  ici  le  charbon 
(soie)  qu'il  avait  employé. 

En  observateur  qui  cherche  à  connaître  la  nature  des  choses, 
rerum  cognoscere  causas,  il  pose  cette  question  :  D'où  vient  le 
phosphore  dans  les  urines?  Un  alchimiste  aurait  répondu  que  le 
phosphore  est  engendré  de  toutes  pièces  dans  le  corps  del'homme. 
Mais,  guidé  par  les  observations  de  Pott  qui  avait  trouvé  du  phos- 
phore dans  le  froment,  dans  le  seigle  et  d'autres  graines  semblables, 
Marggraf  répond  :  a  Comme  les  végétaux  nous  servent  contir 
nuellement  de  nourriture,  il  y  a  toute  apparence  que  c'est  là 
la  source  du  phosphore  qui  est  en  notre  corps.  » 

Expériences  sur  la  manière  de  tirer  le  zinc  de  sa  mine  (i)* 
La  grande  combustibilité  du  zinc  avait  toujours  ofTert  beau- 
coup de  difficultés  pour  obtenir  celui-ci  à  l'état  métallique.  Après 
s'être  un  moment  arrêté  sur  la  volatilité  et  l'inflammabilité  de 
ce  singulier  métal ,  Marggraf  insiste  pour  que  la  réduction  du 
minerai  'de  zinc  se  fasse  dans  des  vaisseaux  fermés ,  à  l'abri  du 
contact  de  l'air,  «  duquel  s'ensuivrait  l'inflammation  du  zinc  une 
fois  formé».  Le  zinc  métallisé  était  recueilli  dans  des  récipients 
contenant  un  peu  d'eau  froide.  —  L'auteur  donne  ensuite  l'analyse 
des  minerais  de  zinc  d'Angleterre,  de  Silésie  et  de  Bohême. 

Examen  chimique  d*un  sel  d'urine  fort  remarquable  qui  contient 
de  Vacide  de  phosphore  (2).  —  Ce  sel  n'est  autre  que  le  phosphate 

(1)  Mém.  de  TAcad.  de  Berlin,  ann.  1746,  p.  4957. 
(3)  U)id.,  ann.,  1746,  p.  84M07. 


414  BISTOIBE  DE  LA  CHIMIE. 

d'ammoniaque,  d'après  la  description  qu'en  donne  MaTggraf. 
a  C'est,  dit-il ,  un  sel  moyen  (  neutre)  ammoniacal;  mais  l'esprit 
urineux  (ammoniaque]  n'y  est  ptts  étroitenient  combiné ,  car  il 
s'en  sépare  à  une  médiocre  chaleur^  de  manière  qu'il  ne  reste 
que  l'acide  seul,  circonstance  que  je  n'ai  observée  dans  aucun  an- 
tre sel  ammoniacal  sec.  L'acide  qui  reste  se  présente  sous  la  forme 
d'une  masse  transparente  et  semblable  au  verre.  » 

L'auteur  ajoute  que  cet  acide  attaque  la  substance  du  creuset, 
et  éprouve  une  certaine  perte  si  on  le  calcine  longtemps  à  un 
feu  violent;  il  termine  en  faisant  observer  que  «l'urine  d'été, 
saison  où  les  hommes  mangent  beaucoup  plus  de  végétaux, 
fournit  toujours  une  plus  grande  quantité  de  ce  sel  que  l'urine 
d'hiver.  » 

Combien  de  sagacité  ne  fallait<»il  pas  pour  faire ,  il  y  a  cent  ans^ 
de  pareilles  observations  I 

Manière  aisée  de  dissoudre  Vargent  et  le  mercure  dans  les  acides 
des  végétaux  (4  j.  —  «  C'est  un  fait  connu,  dit  l'auteur  dès  le  début 
de  son  mémoire,  que  les  acides  de§  végétaux,  dont  le  plus  puis- 
sant est  le  vinaigre  distillé,  dissolvent  quelques  métaux  et  revê- 
tent avec  eux  la  forme,  de  sels;  mais  il  n'est  pas  nioins  vrai  que 
l'or,  l'argent  et  le  mercure  résistent  à  l'action  de  ces  dissolvants.  » 

Après  avoir  démontré  l'insuffisance  des  essais  faits  par  les  an- 
ciens pour  dissoudre  l'argent  dans  les  acides  végétaux,  il  nous 
apprend  que  le  précipité  (  oxyde  d'argent)  obtenu  en  traitant  le 
sel  d'argent  (nitrate)  par  le  sel  de  tartre  le  plus  pur  (potasse), 
âe  dissout  dans  le  vinaigre  distillé  ;  que,  la  solution  étant  faite  à 
chaud,  il  se  dépose  d'assez  beaux  cristaux  par  le  refroidissement; 
et  que  l'acide  du  citron,  le  via  du  Rhin,  etc.,  dissolvent  égale- 
ment une  quantité  notable  de  ce  précipité.  Le  précipité  de 
mercure  donnait  les  mêmes  résultats. 

De  l'action^  des  acides  des  végétaux  sur  Vétain,  et  sur  Vafsenk 
qui  s'y  trouve  caché.  (2).  —  L'auteur  s'attache ,  dans  cet  intéres- 
sant mémoire,  à  démontrer,  Ï9  que  l'étain  est  susceptible  d'être 
attaqué  par  les  acides  végétaux;  2°  que  ce  métal  contient  toujours 
une  quantité  appréciable  d'arsenic. 

(1)  Mém.  (leVAcad.,  des  sciences  de  Berlin,  ann.  1746,  p.  49-57. 

(2)  Ibid.,  ann.  1747,  p.  33-46. 


TROISIÈME  EPOQUE.  415 

C'est  par  la  synthèse  qu'il  s'explique  la  difficulté  de  l'ana- 
lyse; car  il  prouve  qu'en  traitant  un  alliage  formé  de  pro- 
portions connues  d'étain  et  d'arsenic,  on  n'obtient  jamais  par 
l'analyse  tout^l'arsenic  qu'on  y  avait  mis.  De  là  il  conclut  qu'il 
est  très-difficile,  sinon  impossible,  de  séparer  Tétain  des  der- 
nières traces  d'arsenic.  C'est  à  la  présence  de  l'arsenic  qu'il 
attribue  la  fragilité  de  l'étain. 

Voici  le  procédé  de  Marggraf  pour  séparer  Tarsenic  de  l'étain. 
On  traite  l'étain  par  un  mélange  d'eau-forte  et  de,  sel  ammoniac 
(16  parties  d'eau-forte  pour  1  partie  de  sel  ammoniac);  on  y 
ajoute  ce  mélange  peu  à  peu,  jusqu'à  ce  que, tout  le  précipité 
rentre  en  dissolution.  On  évapore  ensuite  la  liqueur  avec  pré- 
caution ,  ei  on  la  laisse  refroidir  :  les  cristaux  qui  se  forment 
coQtiennent  tout  l'arsenic.  Ces  cristaux  se  subliment,  et  donnent 
une  poudre  blanche  qui^  ;fnise  sur  une  lame  de  cuivre  chauffée, 
répand  une  odeur  d'ail.  Calciné  avec  du^soufre^  le  sublimé  blanc 
d'arsenic  donne  du  réalgar  ou  arsenic  jaune  (sulfure). 

•' .  -  •  > 

Moyen  de  faire  la  réduction  de  Vargerd  corné  ^anêgerte  (!].  — 
Dans  cette  notice  on  trouve  en  germe  la  méthode  par  la  voie  hu- 
mide, développée  de. nos  jours  par  Gay-Lussaç ,  et  substituée  à 
la  coupellation  dans  la  plupart  des  monnaie^  de  l'jgurope. 

Voici  les  propres  paroles  de  Marggraf  :  «  Pour  préparer  l'ar- 
gent corné  (chlorure  d'argent),  on  prend,  par  exemple,  deux 
onces  d'argent  qu'on  dissout  à  chaud  dans  cinq  onces  d'eau-forte* 
Si  l'argent  contient  de  l'or,  celui-ci  se  déposera.  Cette  .solution 
d'argent  (nitrate  d'argent)  est  ensuite  précipitée  par  une  so- 
lution de  sel  commun  pur;  on  ^oute  de  celle-ci  jusqu'à  ce 
qu'il  ne  se  manifeste  plus  de  trouble.  On  laisse  reposer  la  liqueur 
pendant  une  nuit;  le  lendemain  on  en  retire  la  liqueur  limpide 
qui  surnage  ;  on  lave  et  on  dessèche  le  précipité  J)lanc,  qui  pèse 
deoz  onces,  cinq  drachmes  et  quatre  grains.  L'augmentatiçn  de 
poids  vient  de  l'acide  du  sel  commun;  par  conséquent  ^  dans  une. 
once  de  ce  précipité  il  se  trouve  six  drachmes  et  quelques  grains 
d'argent  pur.  iSt  Vopération,  dont  on  vient  déparier^  se  fait  avec  un 
argent  qui  ne  soit  point  d'un  aussi  bon  aloi  que  par  la  eoupelle,  on 
comprendra  facilement  que  le  précipité  doit  être  moins  pesant, 
parce  qu'il  ne  se  précipite  ici  autre  chose  que  V argent,  le  cuivre 

(1)  >fém.  de  TAcad.  des  sciences  de  Berlin,  a|iD.  17,49,  p.  ][6-26,. 


416  HISTOtBE  DE  LA  CHIMIE. 

restant  en  dissolution.  Il  faut  avoir  soin  de  laver  le  précipité  avec 
de  Teau  distillée,  n 

Pour  réduire  la  lune  cornée  (chlorure  d'argent)^  Kuhckel  avait 
proposé  l'emploi  du  sel  alcali  végétal  (potasse). 

Marggraf  imagina,  pour  cela,  un  procédé  un  peu  plus  long, 
mais  qui  n'en  était  pas  moins  très-ingénieux.  Ce  procédé  consistait 
à  dissoudre  l'argent  corné  dans  Tesprit  de  sel  ammoniac  (amtbo- 
niaque),  à  mettre  dans  cette  solution  six  parties  de  mercure  (pour 
une  partie  d'argent  corné),  et  à  laisser  reposer  ce  mélange, 
c  On  y  trouve  le  lendemain  un  bel  arbre  de  Diane ,  qui  n'est  autre 
chose  qu'un  amalgame  d'argent.  On  sépare  le  mercure  par  la  dis- 
tillation, et  l'argent  reste  pur.  » 

L'auteur  s'assura  que  l'argent  coupelle  n'est  jamais  parfaitement 
pur;  et  il  ajoute  que  l'on  s'en  aperçoit  très-facilement  en  refon- 
dant ce  même  argent  avec  du  salpêtre^et  du  borax,  qui  décèlent 
le  cuivre  par  la  production  de  scories  vertes. 

Observations  sur  r  huile  qu'on  peut  exprimer  des  fourmis ,  avec 
quelques  essais  sur  l'acide  des  mêmes  insectes  (1).  — «  La  découverte 
de  Vacide  formique  remonte ,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  à  une 
époque  plus  reculée  (2);  mais  Marggraf  obtint  le  premier  l'acide 
formique  assez  pur,  et  exempt  de  la  matière  huileuse  dont  il 
constate  la  présence  dans  la  fourmi  rouge. 

«  En  exprimant,  ',dit-il ,  le  résidu  des  fourmis  écrasées ,  on 
obtient  une  huile  qui  tache  le  papier,  plus  légère  que  l'eau,  d'un 
brun  rougeâtre,  et  exhalant  l'odeur  des  fourmis;  elle  s'épaissit 
à  une  température  basse,  et  perd  sa  transparence;  elle  brûle 
comme  les  autres  huiles;  cuite  avec  le  minium ,  elle  forme  une 
espèce  d'emplâtre;  avec  l'alcali  fixe  elle  donne  un  savon  ordi- 
naire et  bien  lié.  » 

Quant  à  l'acide  des  fourmis,  il  lui  trouva,  comme  Wren ,  une 
Irès-grande  analogie  avec  le  vinaigre.  «  Cependant,  ajoute-t-il  en 
terminant,  il  ne  lui  ressemble  pas  tout  à  fait.  » 

Sur  la  pierre  de  Pologne  (3).  —  Sur  différentes  pierres  (4).  — 
C'est  dans  ces  deux  notices  que  l'auteur  fait  le  premier  connaître 

(1)  Mém.  de  PAcad.  des  sciences  de  Berlin,  ann.  1749,  p.  38-46. 

(2)  Voy.  p.  295  de  ce  volume. 

(3)  Mém.  de  TAcad.  des  sciences  de  Berlin,  ann.  1749,  p.  56-71. 

(4)  Ibid.,  ann.  1750,  p.  144-163. 


TROISIÈME   ÉPOQUE.  AM 

la  composition  du  gypse  ou  de  la  pierre  à  plâtre,  et^  jusqu'à  un  cer- 
tain point,  celle  du  spath  pesant.  Ce  n'est  point  le  hasard,  mais  le 
raisonnement,  qui  le  conduisit  à  cette  découverte.  Voici  comment 
Marggraf  raisonnait  :  Le  tartre  vitriolé,  composé  d'alcali  fixe 
(potasse)  et  d'acide  vitriolique  (sulfurique),  étant  calciné  avec 
du  charbon ,  fait  effervescence  et  exhale  une  odeur  puante  de 
soufre.  Or,  le  gypse  et  le  spath  pesant  se  comportent  à  peu  près 
de  la  même  manière.  Donc  il  est  permis  de  croire  que  ces  subs- 
tances sont  composées  d'acide  vitriolique  et  d'une  terre  alcaline. 
—  II  se  confirma  dans  cette  opinion,  lorsqu'il  vit  que  le  gypse, 
traité  par  l'alcali  fixe  (potasse),  donnait  du  tartre  vitriolé  et 
de  la  chaux.  Il  reconnut  l'identité  de  la  pierre  spéculaire  avec 
le  gypse ,  et  conclut,  d'une  série  d'expériences  fort  ingénieuses, 
que  le  spath  pesant^  la  pierre  de  Bologne  (sulfate  de  baryte),  le 
gypse  ou  la  pierre  spéculaire  (sulfate  de  chaux),  sont  composés 
»  de  chaux  et  d'acide  vitriolique.  11  s'était  également  aperçu  de  la 
différence  qui  existe  entre  la  chaux  du  spath  pesant  ou  de  la 
pierre  de  Bologne  (baryte),  et  entre  la  chaux  provenant  de  la 
décomposition  du  gypse  ou  de  la  pierre  spéculaire  (chaux);  car 
il  dit  positivement  que  la  première  est  plus  pesante  et  moins 
soluble  dans  l'eau  que  la  seconde. 

Enfin,  il  explique  l'existence  des  couches  de  piefres  séléni- 
teuses  ou  spéculaires  (sulfate  de  chaux)  par  les  dépôts  que  for- 
ment les  eaux  saturées  de  ces  sels  calcaires,  qui,  par  la  suite 
des  siècles,  peuvent  revêtir  difféi:entes  formes  de  cristallisation. 
«  Le  temps,  dit-il,  peut  opérer  des  merveilles  qu'il  nous  est  im- 
possible de  produire  dans  nos  laboratoires.  » 

Expériences  sur  la  régénération  de  Valun  (1).  —  Slahl  avai  tavancé 
que  l'alun  est  un  composé  de  chaux  et  d'huile  de  vitriol.  Mais 
Marggraf  démontra  qu'en  combinant  l'acide  vitriolique  avec  la 
chaux,  on  n'obtient  autre  chose  qu'une  sélénite  (sulfate  de  chaux). 
Après  un  grand  nombre  d'expériences  tendant  à  éclaircir  la  ques- 
tion si  souvent  agitée  de  la  composition  de  l'alun,  il  parvint  à 
montrer  que,  pour  obtenir  des  cristaux  d'alun  véritable,  il  fallait 
combiner  de  l'argile  avec  l'huile  de  vitriol,  jet  ajouter  au  composé 
(sulfate  d'alumine)  un  peu  de  lessive  d'alcali  fixe  (potasse),  qu'on 
peut  aussi,  ajoutait-il,   remplacer  par  l'alcali  volatil  (ammo- 

(l)Mém.  de  TAcad.  des  sciences  de  Berlin,  ann.,  1754,  p.  31-41. 

mST.  DE   L4   CHIMIE.    —   T.  II.  37 


418  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

niaque).  Il  constata,  en  outre,  que  Talun  contient  des  particules 
ferrugineuses  dont  il  est  difficile  de  le  débarrasser. 

C'est  donc  par  la  synthèse  que  Marggraf  montra  que  l-àlun  est 
un  composé  d'acide  vitriolîque,  d'alunaîne  et  de  potasse  ou  d'am- 
nnoniaque. 

Expériences  faites  sur  la  terre  cFalun  {i).  •—  Ce  mémoire  est  la 
confirmation  du  précédent.  L'auteur  achève  de  mettre  hors  de 
doute  que  Stahl  avait  été  dans  l'erreur  en  faisant  de  la  terre 
d'alun  une  terre  calcaire;  enfin,  que  la  terre  d'alun  (alumine) dif- 
fère essentiellement  de  .la  terre  calcaire  (chaux),  par  son  insolu- 
bilité dans  les  acides. 

C'est  dans  ce  même  mémoire  que  Mai^graf  nous  apprend  qu'en 
calcinant  un  mélange  de  sable,  de  terre  d'alun,  de  stéatite 
(pierre  de  magnésie)  et  de  sélénite,  on  obtient  une  masse 
blanche,  compacte,  faisant  feu  avec  l'acier.  —  Cette  masse  n'était 
autre  que  la  porcelaine. 

Examen  chimique  de  l'eau  (2).  —  Cet  examen  chimique  est  une 
analyse  qualitative  et  quantitative  des  sels  calcaires  et  alcalins 
contenus  dans  les  eaux  communes  (de  puits,  de  rivière,  etc.). 
L'auteur  explique  fort  bien  pourquoi  les  eaux^  dites  dures  ou 
séléniteuses,  sont  impropres  à  la  cuisson  des  légumes  (pois,  ha- 
ricots, lentilles,  etc.)  :  «  C'est  qu'en  cuisant,  un  peu  de  terre 
se  sépare  toujours  de  ces  eaux  et  va  s'attacher  à  la  surface  des 
légumes,  et  le  reste  de  l'eau  ne  peut  pas  s'y  insinuer  aussi  promp- 
tement,  etc.  » 

Marggraf  décela  le  premier  la  présence  du  fer  au  moyen  de 
la  lessive  du  sel  alcalin  calciné  avec  du  sang  (cyano-ferrure  de 
potassium).  Ce  réactif  lui  donna  du  bleu  de  Prusse,  non-seu- 
lement avec  des  eaux  martiales,  mais  encore  avec  des  macé- 
rations aqueuses  de  pierres  urinaires,  d'os  de  brebis  et  de 
crâne  humain.  Mais  il  resta  encore  un  doute  à  dissiper.  Ces  pré- 
cipités bleus  sont-ils  réellement  dus  à  la  présence  du  fer?  Pour 
résoudre  cette  question,  il  prescrit  de  les  calciner  d'abord  et  de  les 
chauffer  ensuite  fortement  avec  un  peu  de  graisse  ou  de  charbon 
dans  un  creuset  fermé.  «  L'opération  étant  terminée,  on  trouvera, 

(1)  Mém.  de  FAcad.  des  sciences  de  Berlin,  aiin,  1764,  p.  41-51. 
{7)  Ibid.,  ani).  J751,p.  131.158. 


TROISIÈME  iPOOVS.  419 

dit-il,  dans  le  creutot  une  poiidre  noiràtre  ;  qu'on  approche  de 
cette  pondre  un  bon  aimant  et  on  le  verra  attirer  les  particules 

Dans  sa  disserkition  Sur  Veau  distillée  (1)^  Marggraf  rapporte 
une  expérience  curieuse  qui  futi,  environ  douze  ans  après,  ré- 
pétée presque  en  même  temps  par  Làvoifiier  et  Scheele.  Le  chi- 
miste prussien  attacha  un  flacon  d'eau*  distillée  aux  ailes  d'un 
moulin  à  vaut  Quelques  années  auparavant;  Boerhaave  avait  fait 
une  expérience  semblable  avec  un  flacon  de  mercure  qui  avait, 
après  une.  longue  agitation ,  donné  une  poudre  noire  (mercure 
divisé).  Mais  Mat^graf  n'obtint  aucun  résultat  concluant  :  l'eau 
resta  limpide  comme  auparavant'.  Persistant  dans  son  intention 
de  s'assurer  si  l'eau  peut  se  changer  en  terre,  il  fit  remuer  ce 
même  flacon  d'eau  distillée  pendant  huit  jours  par  plusieurs 
hommies  qui  se  relevaient  l'un  après  Tautre.  Il  ne  tarda  pas  à 
voir  l'eau  devenir  trouble^  «t  laisser  déposer  une  poudre  blanche 
ayant  de  {l'analogie  avec  le  verre  pilé;  et  pourtant  il  n'osa  pas  m 
conclure  que  cette  poudre  n'était  qu'un  assemblage  de  parti- 
cules, de  verire,  détachées  .du  flacon  par  suite  d^une  agitation 
protoâgée. 

Sur  l^  meilleure  manière  de  réparer  la  substance  alcaline  du  sel 
commun  (2).  —  Cette  dissertation  importante  donne  la  dé- 
couverte de  la  soudCy  qui  est,  pour  la  première  fois,  nettement 
distinguée  de  la  potasse.  Marggraf  démontre  d'abord,  par  des 
expériences  précises,  1^  que  le  sel  commun  est  composé  d'a- 
cide muriatique  et  d'un  alcali  particuKer,  et  non  pas  d'une 
terre  alcaline  comme  on  l'avait  cru  jusqu'alors;  2^  qu'on  obtient 
racîdê'dd  éel''C'o'*Qmdn  sous  forme* de  Va^ïèurs  blanches,  en  trai- 
tant ce  sel  par  l'acide  du  nitre,  et  que  cet  acide  (muriatique) 
précipite  la  solotioh  d'argent  en  blanc;  3*  qu'en  traitant  le  nitre 
cubique  (nitrate  de  sodde),  résultant  dcf  l'opération  précédente, 
parie  charbon,  on  ôbtienf  un  sel  alëalin  (carbonate  de  soude) 
très-soluble  dans  l'eau,  mais  qui  se  distingue  de  l'alcali  fixe 
(carbonate  de  potasse)  extrait  des  cendres  des  végétaux,  en  ce 
qti'il  n'est  pas  délî^tidscènt  à  l'air. 

(1)  Mém.  de  l'Acad.  des  sdeiiees^de  Berliii,  aan.-  4766^  p.  SO'dl. 

(2)  Opuscules  cbimkiaes  de  Marggraf)  vol.JI,  dissert;  xxk,  p.  331  (Paris. 


iSO  HISTOIRE  DE  LA   CniMIE. 

Duhamel  avait  déjà  établi  que  la  base  du  sel  commun  n'est  pas 
une  terre  alcaline;  mais  il  n'avait  pas  suffisamment  distingué 
Talcali  du  sel  commun  d'avec  l'alcali  fixe  végétal  (potasse)  (1). 

Voici,  en  résumé,  les  caractères  essentiels,  indiqués  par  Marg- 
graf,  pour  distinguer  l'alcali  végétal  de  l'alcali  du  sel  commun  : 

i""  L'alcali  du  sel  commun  donne,  avec  l'acide  du  vitriol,  des 
cristaux  de  sel  de  Glauber  (sulfate  de  soude),  différents  de  ceux 
du  tartre  vitriolé  (sulfate  de  potasse);  les  premiers  sont  plus 
solubles  dans  l'eau  que  les  derniers; 

2®  L'alcali  du  sel  commun  donne  avec  l'eau-forte  (acide  ni« 
trique)  du  nitre  cubique,  tandis  que  l'alcali  fixe  des  végétaux 
donne  du  nitre  prismatique;  le  premier  produit  avec  la  pous- 
sière de  charbon  une  flamme  jaune,  et  le  second  une  flamme 
bleuâtre; 

3®  En  combinant  l'acide  muriatique  avec  l'alcali  du  sel  com- 
mun, on  forme  du  véritable  sel  commun;  tandis  que  ce  même 
acide  donne  avec  l'alcali  végétal  le  sel  digestif  de  Sylvius  (chlo- 
rure de  potassium). 

Après  cette  exposition ,  qui  sanctionne  la-  découverte  de 
l'alcali,  appelé  aujourd'hui  soude,  l'auteur  ne  se  dissimule  pas 
la  grande  ressemblance  qu'offre  cet  alcali  av^c  l'alcali  végéûl, 
lorsqu'on  le  traite  par  le  soufre  (foie  de  soufre),  parla  silice, 
par  les  solutions  métalliques,  etc. 

Pour  distinguer  ce  nouvel  alcali  de  l'alcali  fixe  végétal,  Marg- 
graf  lui  donna  le  nom  d'alcali  fixe  minéral. 

H  Je  n'aime,  dit-il  en  terminant,  rien  avancer  que  je  ne  puisse 
appuyer  sur  de  bonnes  expériences.  » 

Expériences  sur  le  lapis  lazuli  (2).  —  Cette  pierre,  fort  connue 
des  anciens,  fut,  pour  la  première  fois,  soumise  par  Marggraf  à 
une  analyse  sérieuse.  Il  fut  ainsi  démontré  que  le  lapis  lazuli  ne 
contient  pas  de  traces  de  cuivre ,  et  qu'il  est ,  par  conséquent, 
impossible  d'attribuer  la  couleur  bleue  de  cette  pierre  à  la  pré- 
sence du  cuivre. 

Hîusc  artificiel  (3).  —  C'est  dans  l'année  1758  que  Marggraf  fut 

(1)  Mém.  de  PAcad.  des  sciences  de  Paris,  ann.  1736,  p.  215. 

(2)  Opuscules  chimiques,  \ol.  II,  dissert,  xxiii,  p.  305. 

(3)  Ibid.,  dissert,  xxyii.  —Mém.  deTAcad.  des  sciences  de  Berlin,  ann.  I7â9, 
p.  32. 


TROISIÈME  EPOQUE.  42i 

amené,  on  ne  sait  comment,  à  constater  que ,  en  traitant  l'huile 
essentielle  de  succin  par  Tacide  du  nitre  concentré,  on  obtient 
une  résine  jaune  qui  a  Todeur  du  musc  le  plus  fort,  sans  conserver 
le  moindre  vestige  de  l'odeur  de  l'huile  de  succin.  Celte  résine 
est  soluble  dans  l'alcool,  et  sa  solution  alcoolique  est  précipitée 
par  l'eau. 

Outre  les  mémoires  que  nous  venons  d'analyser,  on  a  de 
Mar^raff  des  notices  intéressantes  :  «tir  le  platine  (i);sur  le  spath 
fluor  (2);  sur  le  bois  de  cèdre\3);  sur  la  purification  du  camphre  au 
moyen  de  la  chaux  (4);  sur  une  couleur  bleue  produite  accidentelle- 
ment (5);  sur  une  laque  rouge  (6);  sur  un  alliage  de  bismuth  ^ 
d'étain  et  de  plomb  ^  fusible  dans  l'eau  bouillante  (7);  sur  le 
manganèse  (8);  sur  les  fleurs  et  graines  du  tilleul^  dont  il  avait 
extrait  une  huile  grasse  (9);  sur  les  calculs  urinaires  (10);  sur 
la  topaze  saxonne  (il);  sur  la  magnésie  (12);  sur  le  pourpre  d'or 
et  l'extraction  du  èuivre  (13);  sur  les  mines  de  cobalt  (14);  et  quel- 
ques autres  "dissertations  qui  complètent  la  série  des  mémoires 
de  cet  infatigable  et  sagace  observateur. 

Marggraf  joignait  l'originalité  à  la  fécondité.  Ses  travaux  sont 
aussi  nombreux  que  remarquables  au  double  point  de  VUe  de  la 
science  et  de  l'industrie. 

§31. 

He  la  chimie  en  Suède. 

La  Suède  a  particulièrement  contribué  au  progrès  de  la  science 
dont  nous  essayons  ici  de  tracer  l'histoire.  C'est  surtout  la  chimie 

(I)  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Berlin,  ann.  1757. 
(2}Ibid.,  ann.  1768. 

(3)  Ibid.,  ann.  1753. 

(4)  Ibid.,  ann.  1759. 

(5)  Ibid.,  ann.  1764. 

(6)  Ibid.,  ann.  1771. 
(7)Ibid.,  ann.  1771. 

(8)  Ibid.,  année  1773. 

(9)  Ibid.,  année  1772. 

(10)  Ibid.,  année  1775. 

(II)  Ibid.,  année  1776. 

(12)  Ibid.,  années  1778  et  1780. 

(13)  Ibid,  année  1779. 

(14)  Ibid.,  année  178L 


422  niST(»RB  DE  LA  GBIMBE. 

minérale,  la  métallofgie  et  la  oiinéralogie  qm .doivent  leur 
avancement  aux  Suédois.  On  en  a  cherché  la  cause  dans  la 
topographie  du  pays,  dont  les  montagnes  irecèient  les  mine- 
rais tout  à  la  fois  les  plus  abondants  et  les  plus. rares. ^ Mais 
n'y  a-t-il  pas  d'autre  pays  au  moins. aussi  riches  en  xùines  que 
la  Suède,  et  qui  cependant  sont  loin  d'avoir  donné  une  aussi 
forte  impulsion  à  l'étude  de  la  minéralogie  et  de  la  chimie  mi- 
nérale?Il  faut  donc  chercher  la  raison  de  ce  goùU  si  projaonoé 
pour  la  science,  non  pas  seulen^eot  dans  la  siioipleconfbrnaa- 
tion  du  sol,  mais  surtout  dans  le  caractère  réfléchi,  8éri«ax.des 
Suédois,  qui,  par  leur  développement  politique  et  soci^\  .tout 
aussi  bien  que  par  leurs,  travaux  scientifiques,  peuvent  servir  de 
modèle  à  bien  d'autres  nations. 

Le  mouvement  scientifique  de  la.Suède  s'est  particulièrement 
concentré  dans  deux  villes  principales,  Upsal  et  Stocldiolm,  Dès 
Tannée  1720,  une  réunion  de  savants  publiait,  par  i^ahiers 
trimestriels^  soit  des  mémoires  originaux,  soit  des  extraits- ou  des 
analyses  de  dissertations  inaugurales.  Qp  y  remarquait,  i^armi 
les  chimistes)  Odhelstierna,  liVoIlenius,  Bratidt,c.NiCi  WaUerius 
et  Colling  (1).  Cette  réunion  devint  le  noyau  de  la  SodMvùjfale 
des  sciences  d'Upsal^  instituée  en  1728  par  oiidre  dii  sncoesseur 
de  Charles  Xn  (2). 

L'Académie  royale  des  sciences  de  Stockholm,  fondée  en  1739 
sous  les  auspices  de  Linné,  d*Alstroemer,  de  Hœpken,  de  Jjielke 
et  de  Friewald,  reçut  ses  statuts  en  1741.  La  publication  de  ses 
travaux,  depuis  Tannée  1740  jusqu'en  1770,  se  compose  de  31 
volumes  in-4°,  qui  ont  été  en  partie  traduits  en  latin,  en  français 
et  en  allemand  (3). 

V  ...  .  .     1 

(1)  Acta  Uieruria  Sueciœ;  Upsal.,  4;  le  l**^  voluDie  comprend  les  années 
1720-1724;  et  le  2*  volume,  1725-1729. 

(2)  Konigl.  mayts.  nadiga  Resolution  'Wid  den  i  Upsaln  inrottade  Socieias 
litteraria  och  scientiarum,  etc.;  Stockh.,  1729,  4.  —  Les  travaux  de  cette 
Académie  forent  publiés,  à  dater  de  Tannée  1740,  sous  le  titré  de  Acta  Societatis 
regiœ  scientiarum  Upsaliensis,  in- ^. 

(8)  Trad.  latine  :  Epitome  commentariorum  regix  scientiarum  AcaUemix 
Suecix  suecico  idiomate  conscriptorum^  sive  Analect.  Transalpin,;  Venel., 
vol.  I  (proannis  1739-1746);  vol.  II  (pro  annis  1747-1754),  1762.  —  traducl. 
française  :  Collection  académique  (vol.  XI)  de  la  partie  étrangère  contenant 
les  Mémoires  de  VAcad.  des  sciences  de  Stockholm.  Trad.  allemande  :  —  Der 
Koenigl.  schwedischen  Akademie  der  Wissenschaften  Àbhandlungen^  etc., 
V.  Kjustncr;  jes  deux  premiers  volumes  furent  publiés  par  Holzlacher.  —  H 


TROISIÈME  ÉPOQIE.  423 

Un  coup  d'œil  sur  ces  travaux  suffira  pour  nous  convaincre 
que  la  chimie  minérale  et  métallurgique  avait  presque  exclusi- 
vement fixé  l'attention  des  chimistes  suédois. 


Brandt. 

George  Brandt,  conseiller  au  département  des  mines  en  Suède, 
naquit  en  1694  dans  la  province  de  Westmannie.  II  parcourut, 
dans  l'intérêt  de  la  science,  divers  pays  de  l'Europe,  et. après 
son  retour  il  fut  nommé  directeur  du  laboratoire  de  Stock- 
holm. Il  mourut  en  1768  à  Tâge  de  soixante-quatorze  ans. 

Le  nom  de  Brandt  restera  perpétuellement  attaché  à  l'histoire 
de  Varsenic  et  du  cobalt.  Si  Toh  peut  contester|à  ce  chimiste  la 
découverte  de  l'arsenic,  il  est  impossible  de  lui  ôter  le  mérite 
d'avoir  le  premier  donné  une  description  exacte  de  cette  subs- 
tance, et  d'en  avoir  le  premier  indiqué  les  propriétés  caractéris- 
tiques. 

Arsenic.  —  Nous  avons  fait  voir  plus  haut  que  l'arsenic  blanc 
et  les  principaux  sulfures  d'arsenic  étaient  déjà  connus  des 
anciens  (1).  Mais  il  se  passa  bien  des  siècles  avant  qu'on  parvint 
à  mettre  au  jour  la  nature  de  la  substance  en  question.  Brandt 
publia ,  en  1733,  un  mémoire  (2)  dans  lequel  il  soutenait  que 
l'arsenic  blanc  est  une  chaux  (oxyde)  métallique,  soluble  dans 
Talcali  fixe  (potasse)  et  précipitable  par  les  acides  ;  qu'il  se  àis- 
sout  très-bien  dans  les  huiles  d'amande ,  d'olive,  dans  l'essence 
de  térébenthine,  et  qu'il  pourrait  ainsi  fournir  un  vernis  propre 
à  garantir  les  bois  de  la  pourriture,  de  la  vermoulure,  etc.  Il  re- 
marqua aussi  qu'il  faut  quarante-huit  parties  d'eau  bouillante  pour 
dissoudre  une  partie  d'arsenic  blanc;  que  cette  substance  est 
également  soluble  dans  l'huile  de  vitriol,  et  qu'elle  devient  ainsi 
fusible  et  capable  de  soutenir  un  grand  feu  avant  de  se  dissiper 
en  fumée  ;  qu'elle  donne  au  verre  de  plomb  en  fusion  une  cou- 

existe,eii  français  uo  extrait  des  Mémoires  des  Sociétés  royales  d'Upsal  et  dé 
IStockholm,  sous  le  titre  :  Recueil  des  Mémoires  les  plus  intéressants  de  chimie 
et  d^histoire  naturelle  y  contenus  dans  les  Actes  de  V  Académie  dWpsal  et 
dans  les  Mémoires  de  V Académie  de  Stockholm,  publiés  depuis  1720  jusqu'en 
1760  ;  Paris,  2  volumes  in- 12, 1764.  —  Crell  a  donné,  dans  les  tomes  I,  IT  et  III 
de  ses  Archives,  de  nombreux  extraits  des  Mémoires  de  ces  Académies. 

(1)  Voy.  t.  I,  p.  143. 

(2)  Act.  Acad.  Upsal.,  t.  III,  aun.  1733,  p.  39. 


iâi  HISTOIRE  DE  LA   CHIMIE. 

leur  rouge;  enfin,  qu'en  se  combinant  avec  les  métaux,  elle  les 
rend  très-cassants.  Brandt  préparait  le  régule  d'arsenic  (arsenic 
'métallique)  en  chauffant  doucement  jusqu'au  rouge  une  pâte 
d'arsenic  blanc  avec  de  Thuile. 

Cobalt. — On  donnait  ce  nom  aux  lutins  qui,  selon  les  croyances 
d'autrefois,  inspiraient,  dans  les  galeries  souterraines ,  de 
trompeuses  espérances  (1).  Dans  beaucoup  de  contrées  d'Alle- 
magne, koboit  signifie  encore  aujourd'hui  ./t</tn.  Dans  certaines 
contrées  on  a  môme  conservé  encore  la  coutume  de  faire,  dans 
les  églises,  des  prières  pour  préserver  les  mineurs  et  leurs  tra- 
vaux de  l'influence  maligne  ûeiikoboUs, 

Le  minerai  de  cobalt  était  depuis  le  seizième  siècle,  et  peut- 
être  plus  anciennement,  employé  dans  la  préparation  de  l'émail . 
bleu  (2).  On  l'avait  longtemps  considéré  comme  un  minerai  de 
cuivre;  mais  tous  ceux  qui  jusqu'alors  avaient  essayé  d'en  reti- 
rer ce  métal  avaient  échoué  dans  leurs  tentatives.  C'est  là  proba- 
blement ce  qui  fit  dès  l'origine  donner  à  ce  minerai  le  nom  d'es- 
prit trompeur,  de  cobalt. 

Brandt  annonça,  en  1742  (3),  que  la  propriété  de  ce  minerai, 
de  produire  un  smalt  bleu,  est  due  à  la  présence  d'un  métal  ou, 
comme  il  l'appelle,  d'un  demi-métal  particulier  qu'il  parvint  le 
premier  à  extraire  de  sa  mine.  Il  ne  lui  échappa  point  que  le 
régule  de  cobalt  (cobalt  métallique),  de  couleur  grise ,  un  peu 
rosé,  peut  être  lamelleux,  grenu  ou  fibreux,  suivant  le  degré  du 
feu  qu'on  a  employé  pour  le  réduire  et  le  fondre,  et  qu'il  est, 
comme  le  fer,  attirable  à  l'aimant.  Lehmann  publia  en  1761, 
dans  sa  Cadmiologie^  beaucoup  de  détails  sur  l'histoire  et  les 
propriétés  de  ce  métal;  et  Bergmann  confirma,  en  1780,  la  dé- 
couverte de  Brandt,  en  y  ajoutant  quelques  ftiits  nouveaux. 

Brandt  a  publié  un  grand  nombre  de  notices  relatives  à  la  mi- 
néralogie et  à  la  chimie  minérale.  Citons  d'abord  son  travail  5ttr 
les  demi-métaux  (4).  Dans  la  classe  des  demi-métaux  l'auteur 
rangeait  le  mercure,  l'antimoine,  le  bismuth,  le  cobalt,  l'arsenic, 
le  zinc;  et  il  regardait  comme  un  caractère  distinctif  des  métaux, 
qu'étant  fondus,  ils  prennent,  parle  refroidissement,  une  forme 
convexe  à  leur  surface. 

(l)Voy.  t.  I,  p.  371. 

(2)lbid.,  p.  171. 

(3)  Acl.  Societ.  reg.  scient.  Upsal.,  ann.  1742. 

[%}  Ibid.,  aim  173j. 


TROISIÈME  EPOOXJE.  425 

I  Nous  mentionnerons  encore  de  Brandt  une  notice  Sur  Cattrae- 
iian  entre  Vor  et  le  mercure  (i),  où  l'auteur  s'attache  à  démontrer 
que  le  mercure  peut,  à  Taide  d'une  digestion  prolongée,  être  si 
intimement  combiné  avec  Tor,  que  ni  l'eau  régale^  ni  le  feu  le 
plus  violent  ne  peuvent  l'en  séparer;  — ;un  mémoire  Sur  l'alcali 
volatil  (ammoniaque),  où  il  passe  en  revue  les  réactions  que  cet 
alcali  détermine  dans  la  plupart  des  solutions  métalliques,  et  dé- 
montre que  l'or  fulminai)t  se  produit  quand  on  précipite  la  so- 
lution régaie  au  moyen  de  l'alcali  volatil  (2);  —  un  mémoire  Sur 
la  chaux  y  dans  lequel  il  met,  par  de  nombreuses  expériences  ^ 
hors  de  doute  les  propriétés  dcalines  de  la  chaux  (3)  ;  —  Sur  le 
fer  (4)  ;  —  Sur  la  dissolution  de  Vor  dans  Veau-forte  (5)  ;  c'est  dans  ce 
travail  que  l'auteur  fait  voir  que  l'or  n'est  soluble  dans  l'acide  ni- 
trique qu'à  la  condition  d'être  allié  avec  une  forte  proportion  d'ar- 
gent (16  parties  pour  1  partie  d'or);  il  recommande  expressément 
ce  fait  à  l'attention  des  essayeurs  des  monnaies  :  on  sait  que  le 
platine  qui ,  pris  isolément ,  n'est  pas  soluble  dans  l'acide  ni- 
trique, s'y  dissout,  après  avoir  été  allié  avec  une  forte  proportion 
d'argent  ;  —  Sur  le  sel  marin,  qu'il  croyait  composé  d'esprit  de  sel, 
d'alcali  fixe  et  d'une  terre  alcaline  particulière  (6)  ;  —  Sur  la  «^- 
paratUm  de  l'or  (dissous  dans  l'eau  régale)  au  moyen  du  vitriol  de 
ferÇl);  — Sur  la  séparation  du  fer  etducuivre  de  leurs  minerais  (8). 

Nous  insisterons  plus  particulièrement  sur  l'analyse  du  mé- 
moire qui' a  pour  titre  : 

Expériences  sur  le  vitriol  de  fer  (9).  —  C'est  dans  ce  mémoire 
que  Brandt  explique,  à  sa  manière,  la  production  très-ancienne- 
ment connue  du  vitriol,  qu'il  savait  être  composé  d'huile  de 
vitriol  et  de  fer,  composition  qui  s'effectue  en  exposant  les  py- 
rites (sulfures  de  fer  et  de  cuivre^)  à  l'air  et  à  l'hunaidité  (10). 
D'abord  il  n'admet  point  l'intervention  de  l'air  dans  ce  phéno- 
mène chimique,  et  il  nie  hardiment  l'existence  d'un  fluide  élas- 

(1)  Act.  Acad.  Societ.  reg.  Upsa).,aim.  1731. 
(2)Act.  Acad.  reg.  Suec.,  ann.  1746. 

(3)  Ibid.,  ann.  1749. 

(4)  IMd.,  ann.  1751. 

(5)  Ibid.,  ann.  174S. 

(6)  Ibid.,  ann.  1753. 

(7)  Ibid.,  ann.  1652. 

(8)  Ibid.,  ann.  1764. 
(9)Ibid.,  ann.  1741. 

(10)  Voy.  plus  haut,  t.  I,  p.  274. 


42G  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

tique  particulier,  se  fixant  sur  le  soufre  pour  le  convertir  >ea  buile 
de  vitriol,  en  acide  vitrioligue.  Eh  bien!  vous  le  croyez  peut-être 
bien  embarrassé  de  donner  de  tout  cela  une  explication,  tant 
soit  peu  plausible.  Détrompez-vous  :  «  L'huile  de  vitriol  (acide 
sulfdrique  très-concentré),  dit-il,  ne  dissout  point  le  fer^Amoins 
qu'on  ne  l'étende  d'une  certaine  quantité*  d'eau;  il  en  est  de 
même  de  l'acide  vitriolique  contenu  dans  la  pyritQ grillée;  il 
n'agit  point  sur  la  chaux  (oxyde)  de  fer,  à  moins  de  s'être  préala- 
blement chargé  d'une  quantité  d'humidité  atmosphérique  suffi- 
sante pour  pouvoir  la  dissoudre.  ». 

L'oxygène  n'étant  pas  encore  découvert,  il  lui  fut  in^possiblQ  de  ^ 
connaître  le  rôle  que  joue  ce  gaz  dans  l'oxydation  du  fer  fit  du 
soufre,  parconséquentdans  la  formation  du  vitriol.  Il  est  beau  san^ 
doute  de  pouvoir  aujourd'hui  apprécier  les  erreurs  de  nos  pré- 
décesseurs et  de  nous  ériger  en  juges  souverains  du  passé.  Mais 
gardons-nous  bien  de  nous  targuer  de  notre  savoir  et  de  nous 
enfler  d'orgueil  ;  la  postérité  nous  jugera  à  son  tour.  M  sommes- 
nous  bien  sûrs  de  ne  pas  commettre  des  erreurs  qui  seront  ud 
jour  condamnées,  grâce  au  progrès  de  la  science,  ainsi  que  nous 
venons  de  le  faire  pour  l'erreur  de  Brandt,  dont  la  sagacité  valait 
pourtant  celle  de  bien  des  chimistes?  Qui  sait  si  telle  ^pUcation 
que  nous  donnons  aujourd 'hui.de  tel  fait,  et  laquelle  emporte  ious 
les  suffrages,  n'est  point  qu'une  pure  erreur,  parce  qu'il  y  manque 
quelque  chose  dont  nous  ne  soupçonnons  pas  môme  l'existence? 
L'explication  que  Brandt  avait  donnée  de  la  formation  da  vi- 
triol n'était  fausse  que  parce  que  l'oxygène  restait  encore  à  dé- 
couvrir. Il  manquait  un  terme  dans  la  série  du  progrès.  —  Voilà 
des  réflexions  sur  lesquelles  il  importe  d'insister  pour  faire 
sortir  de  l'histoire  la  philosophie  môme  de  la  science  (1). 

V^'allerios. 

Jean-Gottschalk  Wallerius,  né  en  1709,  mort  en  1785,  asses- 
seur du  collège  des  mines,  professeur  de  chimie  à  l'université 
d'Upsal,  ami  et  collègue  jie  Brandt,  a  enrichi  la  science  d'un 
grand  nombre  d'observations  qui  intéressent  la  minéralogie  et 
la  géologie,  plutôt  que  la  chimie  proprement  dite.  C'est  à  lui 
qu'on  doit  une  des  premières  classifications  rationnelles  de  la 

^1)  Comparez  |).  138  de  ce  volume. 


TROISIÈME  EPOQUE.  427 

minéralogie.  Parmi.  les  mémou*e$  qu'il  a  insérés ^ns. la  col- 
lection d'Upsal  ou  de  Stockholm  »  on  remarque  lés  suivants  :, 
V Amélioration  des  fonderies  de  cuivre,  (1  j  ;  •—•  Expériences  sur 
un  sel  d'or  et  sur  le  nitre  artificiel  (2);  —  Expériences  sur  le 
mercure  sans  mélange  d'aucun  autre  métal  (3)  ;  -^r  Recherches  sur 
la  nature  de  la  terre  qui  se  tire  de  VeaUy  des  plantes  et  des  ani- 
maux (4);  —  Observations  sur  le  platine  (5). 

Renouvelant  la  doctrine  des  alchimistes,  Wallerius  essaya  de 
prouver  que  Teau  est  susceptible  de  se  changer  en  terre  (6).  Il 
est  à  remarquer  que  la  théorie  de  la  prétendue  transformation 
de  l'eau  en  terre  occupa  successivement  les  plus  grands  chimistes 
de  l'époque,  Marggraf,  Scheele  et  Lavoisier.  Wallerius  fit  ré- 
pandre par  ses  nombreux  élèves  les  idées  qu'il  avait  sur  les 
principes  élémentaires  des  corps  (7),  sur  la  palingénésie  (8),  sur 
l'origine  des  huiles  dans  les  plantes,  sur  l'action  chimique  de  la 
foudre  (9),  etc.  —  Son  élève  Petersen  fit  dès  ^recherches  cu- 
rieuses sur  la  calcination  des  métaux  (10). 

fiwedeii1ioi*ir* 

Chef  d'une  secte  d'illuminés,  Emmanuel  SwEiiENBORô,  né  en 
1688,  mort  en  1772,  a  laissé  des  travaux  minéralogiques  fort  éten- 
dus, qui  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour  la  chimie.  Il  a  recueilli  dans 
ses  ouvrages  métallurgiques  un  grand  nombre  d'observations  con- 
cernant l'exploitation  des  minerais  de  fer  et  de  cuivre,  lesquelles 
n'ajoutent  pas  beaucoup  au  domaine  de  la  science  (il). 

(1}  Act.  Acad.  reg.  scient.  Suec,  ann.  1743. 

(2)  Ibid.,  ann.  1749. 

(3)  Ibid.,  ann.  1754. 
(4)IlHd.,  ann.  17fiO. 

(5)  Ibid.,  ann.  176$. 

(6)  IMssertalio^  respondente  J.  Wabistrom,  qua  dubia  quœdam  contra  trans- 
mutationem  aquarum  mota  refellunlur;  Holm.,  1761  Jn-4^.  —  Resp.  N.  Scbwartz, 
de  indole  aquœ  mutabili  ;  Holm.,  1761,  10-4". 

(7)  Diss.,  resp.  Scboenstedt,  de  principiis  corporum;  Upsal.,  1761,  in-4'^. 
(8)Di8».,  resp.  Hoyer,  de  palingenesia;  Upsal.,  1764,  in-4°. 

(9)  Diss.,  resp.  Wibom,  animadversiones  chemicœ  ad  ictum  fulminis  in  arce 
regia  Upsalensi.  24  maj.  1760;  Upsal.,  1761,  in-4''. 

(10)  Diss.  cm  metallernescalciuationeriEld;  Upsal.,  1761,  in^'f*. 

(11)  Regnum  subterraneum  sive  minérale  de  cupro  et  orichalco  deqne  modis 
quationum  cupri  per  Europam  passim  in  usum  receptis,  etc.  ;  Dresd.  et  Lips., 


^28  HISTOIRE  DE  LA  CHIKIE. 

La  vie  et  les  œuvres  de  l'auteur  Des  merveilles  du  ciel  et  de 
l'enfer^  qui,  comme  Mahomet,  se  disait  en  communication  avec 
Dieu  y  et  qui  parle  des  habitants  de  la  Lune,  de  Vénus,  de  Mer- 
cure, etc.,  comme  s'il  avait  visité  ces  planètes,  rentrent  dans  les 
annales  de  l'histoire  de  la  philosophie  et  des  sectes  religieuses. 

y 

Swali*  / 

« 

Antoine  Swab  avait,  dès  l'année  1738,  recommandé  l'emploi 
du  chalumeau  pour  l'analyse  des  minéraux  (i).  Dans  un  mémoire, 
inséré  dans  lé  Recueil  de  l'Académie  des  sciences  de  Stockholm, 
il  fit  connaître  l'existence  de  l'antimoine  natif,  allié  avec  une 
certaine  quantité  d'arsenic  (2).  Dans  un  autre  mémoire,  il  s'étend 
sur  la  matière  gélatineuse  (silice)  qui  se  manifeste  dans  la  disso- 
lution de  quelques  minéraux  et  même  de  certains  verres  dans 
les  acides.  A  ce  sujet  il  raconte  le  fait  suivant,  assez  curieux  :  la 
Compagnie  des  Indes  avait  embarqué  pour  l'approvisionnement  de 
ses  vaisseaux  une  certaine  quantité  de  vin  du  Rhin,  qui,  comme 
on  sait,  est  connu  pour  son  acidité  ;  mis  dans  des  bouteilles  de 
verre,  ce  vin  se  gâta  en  très-peu  de  temps  et  devint  trouble,  sans 
qu'on  pût  eu  deviner  la  cause.  Instruit  de  ce  fait,  Swab  se 
rendit  sur  les  lieux,  et  reconnut  que  la  matière  qui  troublait  le 
vin  donnait  du  verre  de  bouteille  par  sa  fusion  avec  la  potasse. 
L'acide  du  vin  avait  donc  dissous  une  partie  de  l'alcali  du  verre 
et  fait  précipiter  la  silice  (3). 

C^onstedt. 

Alex. -Frédéric  Cronstedt,  né  en  1722,  était  minéralogiste 
plutôt  que  chimiste.  Préparé  par  de  fortes  études  mathématiques, 
il  prit  une  part  active  aux  travaux  de  l'Académie  royale  de 
Stockholm ,  dont  il  fut  un  des  membres  les  plus  distingués.  H 
mourut  en  1765,  à  trente-trois  ans. 

1734,  in-fol.  —  Nova  observata  et  inventa  circa  ferrum  et  ignem,  etc.  ;  Amstc- 
lod.,  1721,  in-8**.  —  Miscellanea  observata  circa  res  naturales  et  praesertim  circa 
mineralia,  ignemet  montium  strata;  Lips.,  1722,  in-8°. 

(1)  Voy.  Bergmann,  De  tuho  ferruminatorio,  etc.,  in  Opuscul.  physic.  et  che* 
mie,  t.  II,  p.  455. 

(2)  Act.  Acad.  reg.  scient.  Suec  ,  ann.  1748. 

(3)  Ibid.,  ann.  1758. 


TROISIEME  ivOQtJt.  42d 

C'est  à  Cronstedt  qu'on  doit  la  découverte  du  nickel.  Il  s'assura 
par  l'analyse  du  nninerai,  connu  sous  le  nom  de  hupfemiekel^  que 
les  réactions  qu^'on  y  remarque  ne  doivent  pas  toutes  être  mises 
sur  4e  compte  du  cuivre,  mais  qu'elles  appartiennent  à  une  sub- 
stance métallique  particulière ,  à  laquelle  il  donna  le  nom  de 
nickel.  Il  obtint  le  régule  ou  nickel  métallique  par  la  calcination 
et  la  réduction  des  cristaux  verts  que  forme  le  kupfernickel 
exposé  à  l'air  et  traité  par  l'eau.  «  Ce  régule,  dit-il,  est  de 
couleur  d'argent  dans  l'endroit  de  la  cassure,  et  composé  de  pe- 
tites lames  assez  semblables  à  celles  du  bismuth;  il  est  dur, 
cassant,  et  faiblement  attiré  par  l'aimant.  », 

Cronstedt  attribua  cette  dernière  propriété  a    fer  qui  devait 
s'y  trouver  combiné.  Il  ne  se  laissa  p*.       'mu  *re  en  ei.  »ur  par 
quelques  caractères  que  ^^  \  '  ^1  parlaj,^       . .,  ;  ,  uivre;  les  disso-^"^ 
lutionsdu  nickel  dans  l'eau-tv.  ;  .    ,  •    l'e». .  '  .. ,  -,  dans- l'esprit 
dé  sel,  elc,  sont,  en  effei.    ,  ,.-,  ,„         ,     ""e,  et  elles 

produisent  de  m/^me  n*  i^l'ammc  . .  .  -,  ^.«.  ;»èb  .  .»;,. Ile  co- 
loration d'un  bleu  c  4e.  Mais,  à  ces  c  <  ^^.^T.'rompeurs  il 
opposa  Uri  réactif  infaillible  :  «  Le  fer  et  le  zinc  précipitent,  dit-il, 
le  cuivre  <outes  ses  solutions,  tandis  qu'ici  le  fer  et  le  zinc 
sont  ^:  ';  c'est  pourquoi  le  nickel  approche  beaucoup 

plus  du  fer  que  au  cuivre.  » 

Les  deux  mémoires  Sur  le  nickel  furent  publiés  l'un  en  1751  et 
l'autre  en  1754(1).  Bergmann  confirma  en  1775,  par  de  nouvelles 
recherches,  les  travaux  de  Cronstedt,  et  détruisit  les  objections  de 
Sage  et  de  Monnet,  qui  avaient  considéré  le  corps  découvert  par 
Cronstedt,  non  pas  comme  un  métal  nouveau,  mais  seulement 
comme  un  composé  de  différents  métaux,  séparables  les  uns  des 
autres  par  l'analyse.  • 

Dans  la  même  année  1751,  oîi  Cronstedt  ayait  entrepris  l'a- 
tialyse  dû  kupfernickel,  il  fit  paraître  la  description  de  trois 
nouveaux  minerais  de  fer,  dont  les  détails  ne  sont  pas  sans  in- 
térêt pour  la  minéralogie  (2). 

Dans  un  mémoire  Sur  la  pierre  à  plâtre^  Cronstedt  était 
arrivé  presque  aux  mêmes  résultats  que  Marggraf.  Bien  qu'il 
démontrât  synthétiquement  que  l'acide  vitrioliqae  est  le  seul 
acide  qui  puisse  donner  à  la  chaux  la  propriété  de  prendre  corps 


(1)  Act.  Acad.  reg.  Suec.,  ann.  1751  et  1754. 
(2)Ibid.,ann.  1751. 


430  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

et  de  se  durcir  avec  Teau,  après  avoir  été  légèrement  calcinée,  il 
demeura  indécis  sur  la  véritable  composition  de  lâ  pierre  à 
plÂtre  (  sulfate  de  chaux  )  (i). 

A  ces  travaux  il  faut  ajouter  des  observations  Sur  le  platine  (2), 
Sur  un  acier  argentifère  (3),  Sur  les  fabriques  dechatix  (4),  et  la 
description  d'une  nouvelle  espèce  de  minéral  auquel  Gronstedt 
donna  le  nom  de  zéolithe  (5)  (  de  C^co,  bouillir,  et  X(Ooç,  pierre), 
parce  qu'elle  se  boursoufle  au  chalumeau. 

m 

Henri-Tliéopklle  Scheffer. 

Les  travaux  de  SchefTer  sur  le  platine  (6),  sur  une  espèce  de 
spath  calcaire  (7),  sur  différentes  sortes  de  potasse  du  com- 
merce (8),  sur  la  préparation  du  pinch-heck  (alliage  de  zinc  et  de 
cuivre  imitant  l'or)  (9),  sur  le  départ  des  métaux  (10),  portent  un 
cachet  de  chimie  pratique  et  industrielle,  alors  assez  rare.  Dans 
ce  dernier  mémoire  l'auteur  fait  ressortir  l'avantage  que  les  affi- 
neurs  pourraient  tirer  de  la  méthode  par  la  voie  humide ,  con- 
sistant à  précipiter  la  dissolution  d'argent  (nitrate)  parle  sel 
marin ^  et  à  réduire  la  lune  cornée  (chlorure  d'argent )  par  la 
fusion  avec  la  potasse.  C'est  là  du  moins,  ajoute-t-il,  le  meilleur 
moyen  de  préparer  de  l'argent  parfaitement  pur.  Il  ne  se  dissi- 
mule pas  les  difficultés  qu'il  y.  a  pour  obtenir,  au  moyen  de 
l'eau-forte,  le  départ  exact  des  matières  d'or  et  d'argent;  et  il 
remarque  à  ce  sujet  que  J 'acide  vitriolique  concentré  est  au 
moins  aussi  bon  que  Teau-forte  pour  séparer  l'argent  (à  chaud) 
de  l'or  qui  ne  s'y  dissout  pas.  Dans  ce  même  mémoire  il  cite 
une  expérience  qui  tend  à  prouver  que  la  chaux  (oxyde)  d'argent 
est  soluble  dans  l'air  fixe  (acide  carbonique).  «  C'est  une  chose, 
dit-il,  bien  digne  de  remarque,  que  la  façon  dont  l'air  agit  dans 

(1)  Act.  Acad.  reg.  Suec,  ann.  1753. 

(2)  Ibid.,  ann.  1764. 
.  (3)  Ibid.,  ann.  1755. 

(4)  Ibid.,  ann.  1761. 

(5)  Ibid.,  ann.  1756. 

(G)  Ibid.,  ann.  1752  et  1757. 

(7)  Ibid.,  ann.  1753. 

(8)  Ibid.,  ann.  1759. 

(9)  Ibid.,  ann.  17C0. 

(10)  Ibid.,  ann.  1752. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  ^31 

la  précipitation  des  corps  :  si  Ton  verse  subitement  de  l'alcali 
fixe  (carbonate  de  potasse)  dans  une  dissolution  d'argent  faite 
dans  l'eau-forte,  dont  on  aura  presque  rempli  une  bouteille,  et 
que  sur-le-champ  on  bouche  cette  bouteille  avec  un  bouchon  de 
cristal  qui  la  ferme  bien  exactement,  enfin  si  l'on  secoue  le 
mélange  pour  que  l'alcali  se  mâle  paifaitenient  avec  l'eaurforte, 
il  ne  se  précipitera  point  d'argent  ni  d'autre  liiétal,  et  l'on  ne 
l'emarqiiera  point  d'effervescence  tant  qu'il  n'entrera  point  d'air 
dails  la  bouteille,  quand  même  oh  là  laisserait  péndaiit  un  an 
dans  cet  état;  mais,  aussitôt  que  l'on  ôtera  le  bouchon,  il  se  fera 

une  effervescence  très-vive  et  le  tnétal  se  précipitera.  » 

....  -  ,         . . 

WsLtçgoU 

J.  Faggot  communiqua  en  ilAO,  à  l'Académie  des  sciences; 
ée  Stockholm,  des  observations  sur  le  moyen  de  garantir  lie  bois 
de  ractîondufeuet'de  la  pourriture.  Ce  moyen;  qui  ne  parait 
pas  avoir  été  inconnu  aux  anciens  (1),  consiste  à  faire  im- 
prégner le  bois  d'une  eau  dans  laquelle  on  a  fait  dissoudre  de 
î^alun,  du  Vitriol^  ou  un  autre  sel  astringent.  Salberg  donna,  en 
1744^  de  plus  grands  développements  à  ce  sujet,  qui  n'est  point, 
comme  on  l'a  prétendu,  une  découverte  moderne. 

Les  questions  scientifiques,  qui  se  rattachent  en  même  temps  à 
l'industrie,  paraissent  avoir  beaucoup  d'attrait  pour  ce  chimiste. 
Dans  an  mémoire  sur  la  poudfe  à  canon,  il  ptopose  une  mé- 
thode nouvelle  pour  évaluer  la  qualité  de  la  poudre  et  sa  richesse 
en  salpêtre.  D'après  cette  méthode,  il  faut  dissoudte  la  poudre 
(écrasée)  dans  de  l'eau  distillée,  et  plonger  dans  la  solution  une 
hàlinèe  hîydrosiàtiiîué,  dont  la  tare  aura  étë  prîs^  d^ns  une  li- 
cjùéur  iiïtree,  normale.  Oh  pourra^  pour,  plusse  précision,  re- 
cueillir le  précipité  (comiidsé  de  soufre  et*  de  charbon),  dont 
la  diminution  de  poids  indique,  la  quantité  de  salpêtre,  le  seul 
composant  de  la  poudre  qui  soit  soluble  dans  l'eau.  Si  le  salpêtre 
contient,  ce  qui  arrive  presque  toujours,  du  sel  marin  et  de 
l'alcali  fixe,  on  traitera  la' sbliliion  successivement  par  le  sel- 
d'argent  (.nijtrate )  et .  Iç  sujjliiné.  cprpqsif ; , ,  .l.e  .sirop  de .  violette 
pourra  aussi  servif,  pouf  dé^çeler  Ja .  présçuçis  de  l'alcali  .(.ca?bo- 
nate  de  potasse  ou  de  soude)  (2). 

(1)  Voy.  plus  haut  1. 1,  p.  209.  ■  '      ' 

(2)  Acta  Acad.  reg.  Suce.,  ann.  1755. 


432  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

Faggot  proposa  l'emploi  de  la  balance  hydrostatique  pour 
évaluer  la  qualité  de  la  potasse  du  commerce. 

%  Bronwall* 

J.  Brouwall  est  le  premier  qui  ait  classé  l'arsenic  parmi  les 
métaux,  en  se  fondant  principalement  sur  Taspect  extérieur, 
l'éclat  et  la  densité  de  ce  corps.  Il  reconnut  aussi  que  l'arsenicr 
ainsi  que  le  soufre,  se  trouve  dans  presque  tous  les  minerais,  ej 
minéralisé  un  grand  nombre  de  métaux  (i). 

Le  minerai  appelé  blende  (de  l'allemand  blendeUy  aveugler, 
séduire)  avait  été  anciennement  rejeté  comme  une  matière  qui 
ne  contenait  rien  de  métallique. 

Alex.  FuNK  mérita  bien  de  la  science  en  démontrant  que  la 
blende  renferme  un  métal,  le  zinc.  Il  réfufa  en  même  temps  vic- 
torieusement une  opinion  qui  avait  été  admise  sans  discussion  , 
par  presque  tous  les  chimistes ,  à  savoir  que  le  zinc  n'est  pas  un 
métal  pur,  mais  une  sorte  d'alliage  de  plusieurs  métaux.  On  allé- 
guait à  l'appui  de  cette  opinion  que  les  mines  de  zinc  contiennent 
presque  constamment  du  plomb  et  du  cuivre.  «  Mais  ces  mé- 
taux, s'écrie  Funk,  n'y  existent  qu'accidentellement  et  en  petite 
quantité  ;  autant  vaudrait  regarder  le  soufre  comme  une  partie 
constituante  du  cuivre  et  du  fer,  ou  comme  intimement  combiné 
avec  ces  métaux,  tels  qu'ils  se  rencontrent  dans  la  nature  (2).  » 

Aujourd'hui  qu'on  trouve  la  route  frayée,  on  se  doute  à  peine 
des  obstacles  qui  l'encombraient  autrefois.  Combien  d'erreurs 
ne  fallait-il  pas  détruire  avant  d'arriver  à  la  vérité? 

RiNMANN,  Engestroem,  Bergius,  Quist,  Retzius  et  Gadd,  ont, 
en  général,  adopté  dans  leurs  travaux  les  principes  qui  commen- 
çaient, depuis  Lavoisier,  à  prévaloir. 

§32. 

Peu  de  chimistes  ont  eu  des  connaissances  aussi  variées  et  aussi 
étendues  que  Bergmann.  Les  mathématiques,  l'astronomie,  la 


(1)  Act.  Acad.^  reg.  Suec, 

(2)  Ibid.,  ann.  1744. 


TROISIÈMB  ÉPOQUE.  433: 

physique,  Tbistoire  naturelle  lui  étaient  familières;  il  contribua 
même,  par  des  travaux  importants,  au  progrès  de  ces-sciences. 
Sa  méthode  d'observation,  adoptée  aussi  par  Scheele,  atteste 
une  grande  pénétration,  et  une  rare  pré'cision  des  faits.  Mais  ce 
n'est  pas  seulement  comme  savant,  c'est  aussi  comme  homme  de 
coeur,  que  Bergmann  commande  notre  respect.  Inaccessible  à  la 
haine  et  à  l'envie,  modeste  à  Texcès,  ami  dévoué  et  sincère^  il 
n'eut  en  vue  toute  sa  vie  que  Tintérêt  de  la  science. 

Torberu  Bergmann  naquit,  le  20  mars  1735,  à  Catherinebcrg, 
en  Suède.  Son  père,  receveur  des  finances  de  l'endroit,  l'en- 
voya faire  ses  premières  études  à  l'institut  de  Skara.  Bergmann 
fréquenta,  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  l'université  d'Upsal;  il  s'y 
livra  avec  ardeur  à  l'étude  des  mathématiques  et  de  l'histoire 
naturelle.  Ses  premiers  travaux  (i)lui  valurent  l'estime  de  ses 
maîtres,  et,  dès  i758,  il  obtint  une  chaire  d'histoire  naturelle.  Il 
publia  vers  la  même  époque  plusieurs  mémoires  d'histoire  na- 
turelle [sur  Vinsecte  de  ia  noix  de  galle;  —  sur  les  larves  des 
insectes  ;  —  sur  les  abeilles;  —  sur  les  sangsues  ),  qui  attirèrent 
l'attention  de  Linné. 

Dans  ses  recherches  sur  les  sangsues,  Bergmann  trouva  que  le 
eoccus  aquaticusy  dont  la  nature  n'avait  pas  été  déterminée  par 
Linné,  n'était  autre  chose  que  les  œufs  d'une  espèce  particulière 
de  ces  annélides  {hirudo  monoculata).  On  raconte  que  cet  illustre 
naturaliste  écrivit  au  bas  de  la  dissertation  de  Bergmann  (  De 
cocco  aquatico  sive  hirudine  octoculata)  :  Vidi  et  obstupui. 

En  1761,  Bergmann  fut  nommé  professeur  de  mathématiques; 
son  cours  public  d'algèbre  ne  l'empêcha  pas  de  poursuivre  ses  . 
travaux  d'histoire  naturelle,  de  physique  générale,  et  de  s'initier 
en  même  temps  à  la  chimie.  Trois  ans  après,  l'Académie  royale 
des  sciences  de  Stockholm  l'admit  dans  son  sein.  Après  la  mort 
de  Wallerius,  il  échangea,  en  1767,  la  chaire  de  mathématiques 
contre  celle  de  chimie  et  de  minéralogie  (2).  A  partir  de  ce  mo- 
ment, il  se  livra  exclusivement  à  l'étude  de  la  chimie,  qui  devint 

{i)  t>e  crepusculiSy  disscrtatio  acadcmica,  quam,  prœside  Strœmer,  publiée 
défendit;  Upsal.,  17àô.  —  De interpolatione,  dissertatio,  quam,  prœside  Fcrnér, 
pahlice défendit;  Upsal.,  1758. 

(2)  On  rapporte  que,  ses  compétiteurs  ayant  fait  valoir  qu'il  ne  devait  point  sa- 
voir la  chimie,  parce  qu'il  n'avait  jamais  rien  publié  sur  cette  science,  il  se  ren- 
ferma pendant  quelque  temps  dans  un  laboratoire,  et  en  sortit  avec  un  mémoire 
Sur  la  fabrication  de  Val'un . 

BIST.  DE   LA  CBIUIE.  —  T.   II.  28 


f   .  '  ' 


434  HISTOIRE  DE  UL  CHIMIE. 

sa  science  favorite.  Tous  ses  efforts  tendaient  à  faire  pour  la 
cliimie  ce  que  son  compatriote  Linné  avait  fait  pour  l'histoire 
naturelle.  Il  entretenait  une  correspondance  suivie  avec  les  prin- 
cipaux chimistes  et  physiciens  de  France,  d'AUemagne,  d'An- 
gleterre et  d'Italie;  et  la  renommée  de  ses  travaux  se  répandit 
dans  toute  l'Europe.  Bientôt  les  Académies  des  sciences  de 
Paris^  de  Londres,  de  Goettingue,  de  Dijon,  de  Montpellier,  de 
Turin,  la  Société  des  naturalistes  de  Berlin,  etc.,  se  l'associèrent, 
et  le  roi  de  Suède  lui  conféra  l'ordre  de  Wasa.  Dès  l'année  1777, 
l'Académie  des  sciences  de  Stockholm  lui  avait  alloué  une  somme 
annuelle  de  150  rixdalers  (environ  600  francs),  pour  l'encourager 
dans  ses  expériences.  Ainsi  que  Linné ,  il  attira  par  ses  cours  à 
Upsal  des  jeunes  gens  de  tous  les  pays.  C'est  sous  les  auspices  de 
Bergmann  que  Scheele  se  produisit  dans  le  monde.  Il  refusa  de  se 
fixer  à  Berlin  où  l'appelait  Frédéric  II,  et  épousa  à  l'âge  de  trente- 
six  ans  une  femme  qui  partageait  ses  goûts  pour  la  science. 

Bergmann  avait  eu,  dans  sa  jeunesse,  une  santé  débile;  les 
voyages ,  l'emploi  des  eaux  minérales ,  et  particulièrement  de 
l'eau  de  Seltz  qu'il  avait  le  premier  fabriquée  lui-même,  ne  lui 
procuraient  que  des  soulagements  passagers.  Un  malheureux 
accident  hâta  l'affaissement  de  sa  constitution ,  usée  en  grande 
partie  par  le  travail.  Un  jour,  voulant  faire  avec  un  de  ses  amis 
une  promenade  dans  llle  de  Lintre ,  il  posa  le  pied  sur  le  bord 
d'un  bateau,  glissa,  et  tomba  dans  l'eau,  d'oti  il  fut  cependant 
promptement  retiré;  mais,  quelques  jours  après,  il  cracha  du 
sang  en  abondance,  symptôme  fâcheux  du  dénoûment  d'une 
phthisie  pulmonaire  dont  il  portait  depuis  longtemps  le  germe; 
ses  forces  dépérissaient  de  jour  en  jour,  une  fièvre  hectique  le 
consumait ,  et  il  mourut  à  l'âge  de  quarante-neuf  ans,  le  8  juillet 
1784,  aux  bains  de  Medwi  (1). 

Trairaax  de  Berg^mann* 

Bergmann  apporta,  dans  toutes  ses  recherches,  cette  rigueur 
d'observation  qui  témoigne  d'un  esprit  nourri  des  études  ma- 
thématiques. Ses  travaux,  tous  originaux,  sont  très-nombreux, 
et  concernent,  non-seulement  la  chimie,  mais  l'astronomie,  la 
physique,  la  minéralogie,  la  géologie  et  la  zoologie. 

(1)  Voy.  Vicq  d'Azir,  Éloge  de  Bergmann,  —  Crell,  Annalen  der  Chemie, 
1787,  t.  I,  p.  74-96. 


TROISIÈME  EPOQUE.  4B5 

'  Dans  cette  multiplicité  de  mémoires  présentés  successivement, 
dans  l'espace  d'environ  trente  ans,  à  l'Académie  royale  des 
sciences  de  Stockholm,  nous  ne  choisirons  que  les  travaux  rela- 
tifs à  la  chimie.  Et  ici  nous  devons  citer  en  première  ligne  deux 
mémoires ,  dont  l'un  traite  De  V acide  aérien ,  et  l'autre  Des  affi- 
nités électives.  Arrêtons-nous  d'abord  sur  le  premier  de  ces  mé- 
moires. 

De  l'acMe  aérleii. 

Bergmann  appelait  acide  aérien  ce  que  Black,  Priestley  et 
d'autres  physiciens  avaient  appelé  air  fixe,  gaz  crayeux^  esprit 
de  la  craie,  etc.,  et  ce  que  nous  nommons  aujourd'hui  gaz  acide 
carbonique. 

Déjà  dès  l'année  1770,  il  s'était  livré*  à  une  étude  approfondie 
de  la  nature  et  des  caractères  de  ce  fluide  élastique.  Avant  de 
faire  imprimer  les  résultats  de  ses  observations ,  il  en  avait  fait 
part  à  plusieurs  chimistes  distingués,  notamment  à  Priestley, 
qui  en  fil  mention  dans  un  mémoire  inséré  dans  les  Transactions 
philosophiques  de  Londres  pourl'année  1772.  Ce  n'est  qu'e.n  1774 
que  Bergmann  se  décida  à  communiquer  à  l'Académie  royale 
de  Stockholm  le  mémoire  complet  Sur  l'acide  aérien  y  qui  est 
reproduit  dans  ses  Opuscules  chimiques  et  physiques  (1). 

Avant  d'entrer  dans  une  discussion  approfondie  sur  ce  sujet, 
l'auteur  commence  d'abord  par  décrire  les  trois  procédés  qui  lui 
paraissent  les  plus  convenables  pour  préparer  l'acide  aérien  : 
le  premier  consiste  à  verser  de  l'acide  vitriolique  sur  des  pierres 
calcaires;  le  deuxième,  à  calciner  de  la  magnésie  blanche;  et 
le  troisième,  à  recueillir  le  fluide  élastique  qui  se  dégage  pen- 
dant la  fermentation. 

L'appareil  mis  en  usage  pour  recueillir  l'acide  aérien,  produit 

par  les  trois  moyens  indiqués,  est  à  peu  près  le  même  que  celui 

que  Priestley  donne  comme  de  son  invention  :  c'est  un  matras 

.  en  verre  ou  une  fiole  à  deux  ouvertures ,  qui  communique ,  à 

l'aide  d'un  tube  recourbé,  avec  une  cloche  remplie  d'eau  et 

(1)  Opuscula  physica  et  chemica;  Lipsiœ,  1788,  8,  vol.  I.  —  Trad.  par 
M,  de  Morveau;  Dijon,  1780,  8,  vol.  I.  —  Ce  mémoii*e  se  trouve  imprimé 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Stockholm,  pour  Tannée  1775.  Un 
mémoire  beaucoup  moins  étendu  sur  le  même  sujet  y  avait  déjà  paru  dans 
l'année  1773. 

28. 


436  UISTOmB  DE  LA  CHIMIE. 

renversée  dans  un  bassin  également  plein  d'eau.  C'est  l'appareil 
de  Haies  dont  on  se  sert  encore  aujourd'hui,  avec  de  très-légères 
modifications,  pour  recueillir  les  gaz. 

Bergmann  insista  Tun  des  premiers  sur  la  nécessité  de  laver 
le  gaz  (dans  des  flacons  de  lavage),  afln  de  Tavoir  parfaitement 
pur  et  exempt  de  Tacide  minéral  qu'il  aurait  pu  entraîner.  Il 
constata  que  Tacide  aérien  est  soluble ,  que  Peau  en  absorbe 
à  peu  près  son  volume  à  la  température  de  10°  du  thermomètre 
centigrade  (1),  et  que  cette  solubilité  diminue  à  mesure  que  la 
température  s'élève. 

Il  détermina,  avec  beaucoup  de  précision,  la  densité  de  Peau 
saturée  d'acide  aérien,  à  la  température  de  2°,  et  trouva  que, 
comparativement  à  la  densité  de  l'eau  distillée  à  la  même  tem- 
pérature, elle  est  comme  1,015  à  1,000. 

Passant  à  la  démonstration  de  la  nature  acide  du  gaz  en  ques- 
tion, il  remarque  que  l'acide  aérien  n'a  de  saveur  qu'autant  qu'il 
est  dissous  dans  l'eau.  «  Devenu  plus  concentré  et  moins  volatil 
dans  cette  combinaison,  il  affecte  la  langue  d'une  légère  saveur 
aigrelette,  assez  agréable  :  c'est  là  le  véritable  esprit  des  eaux 
minérales  froides  acidulés.  C'est  par  son  moyen,  et  en  ajoutant 
quelques  sels  dans  une  juste  proportion,  qu'on  imite  parfaite- 
ment les  eaux  de  Seitz,  de  Spa  et  de  Pyrmont.  Je  fais  usage  de 
ces  eaux  artificielles  depuis  huit  ans,  et  j'en  éprouve  les  plus 
heureux  effets.  » 

D'après  cette  date,  il  faut  faire  remonter  la  découverte  de  l'eau 
gazeuse,  employée  comme  eau  médicinale,  au  moins  à  l'année 
1766.  Priestley  a  donc  tort  de  réclamer  pour  lui-môme  cette  dé- 
couverte, en  la  préconisant  comme  un  immense  bienfait  pour 
l'humanité,  propre  à  guérir  et  à  prévenir  le  scorbut,  ce  fléau  des 
navigateurs,  etc.  (2). 

(1)  C'est  depuis  longtemps  le  Uiermoraètre  usité  en  Suède.  Bergmann  nous 
apprend,  dans  une  note,  que  le  thermomètre  suédois  est  de  mercure,  et  que 
son  échelle  est  divisée  en  cent  parties,  dont  les  deux  extrêmes  sont  représen- 
tées, Tune  par  le  point  de  congélation  do  l'eau  —  0  ;  l'autre,  par  l'eau  bouillanle. 
—  Opuscula  physica  et  chemisa;  Lipsiœ,  1788,  vol.  I,  p.  G. 

(2)  Voici  comment  Priestley  raconte  l'histoire  de  celte  découverte  :  «  Vers  la 
fm  du  mois  de  juin  17G7,  je  quittai  ma  demeure  à  Warrington  pour  m'établira 
Leeds  ;  et  m'étant  logé  la  première  année  dans  une  maison  contiguë  à  une  bras- 
serie, une  occasion  si  favorable  me  donna  l'envie  de  faire  quelques  expériences 
sur  l'air  qui  était  constamment  produit  dans  cette  brasserie.  Sans  celle  circons- 
tance, je  ne  me  serais  jamais  probablement  occupé  des  différentes  espèces  d'air. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  437 

Pour  démontrer  que  Taîr  fixe  est  un  acide  gazeux,  Bergmann 
essaya  la  réaction  de  la  teinture  de  tournesol.  11  s'assura  ainsi 
qu'un  cinquantième  de  ce  gaz  suffit  pour  rougir  sensiblement 
une  bouteille  de  cette  solution  bleue,  et  que  la  coloration  dispa- 
raît par  Teffet  de  la  chaleur. 

L'auteur  fait  à  ce  sujet  une  observation  pleine  de  sagacité.  «  A 
la  vérité,  dit-il,  les  acides  minéraux,  versés  à  très-petite  dose  dans 
cette  teinture,  paraissent  produire  également  une  altération 
aussi  peu  durable;  mais,  en  examinant  la  chose  de  plus  près, 
on  découvre  Tillusion.  Le  suc  de  tournesol,  qui  a  été  préparé 
avec  des  matières  alcalines,  en  retient  toujours  une  portion;  à 
l'instant  où  l'alcali  (carbonate  de  potasse)  s'unit  à  l'acide,  il  laisse 
échapper  son  air  fixe  (acide  carbonique  ),  qui  colore  la  liqueur  ; 
et,  celui-ci  s'évaporant,  la  teinte  rouge  disparaît.  Supposons  que 
la  saturation  de  l'alcali  exige  une  quantité  d'acide  égale  à  m,  il  est 


s        •  ' 


m 


évident  qu'on  peut  en  ajouter  dix  fois  y^  avant  que  la  saturation 


soit  complète,  et  qu'à  chaque  fois  on  produira  une  couleur  rougè 
passagère  ;  mais,  quand  on  aura  une  fois  atteint  le  point  de  sa- 
turation, l'acide  que  l'on  versera  au  delà  produira  une  altération 


—  Une  des  premières  oi>érations  que  je  fis  dans  cette  brasserie,  ce  fut  de  placer 
des  vaisseaux  évasés  remplis  (reau  dans  la  région  de  Tair  fixe,  à  la  surface  des 
cuves  en  fermentation.  Et,  lorsque  je  les  y  avais  laissés  toute  la  nuit,  je  trouvais 
pour  Tordinaire,  le  lendemain  matin,  que  Teau  avait  acquis  une  imprégnation 
sensible  et  agréable.  Ce  fut  avec  une  satisfaction  singulière  que  je  bus  pour  la 
première  fois  de  cette  eau,  qui  était,  je  crois,  la  première  de  cette  espèce  que  les 
hommes  eussent  jamais  goûtée.  —  Quelques-uns  de  mes  amis  ({ui  vinrent  me 
voir  se  souviennent  que  je  les  ai  régalés  d^un  verre  de  cette  eau  de  Pyrmont  ar- 
tificielle, faite  en  leur  présence.  Je  prendrai  la  liberté  de  faire  mention,  entre  au- 
tres, du  chevalier  John  Lee,  qui  fut  sîngulicremenl  frapi»é  de  cette  invention  et 
de  son  effet.  Ceci  se  passait  dans  Tété  de  Tannée  17C8.  —  Pendant  tout  ce  temps 
jusqu^en  1772,  je  n*ai  jamais  entendu  parler  d^aucune  autre  méthode  dMmpré- 
gner  Peau  d'air  fixe,  que  celle  dont  je  viens  de  faire  mention.  Ce  qui  me  fit 
penser  à  mettre  en  pratique  quelque  méthode  pour  faire  la  môme  chose  avec  Tair 
dégagé  de  la  craie  et  des  autres  substances  calcaires,  ce  fut  un  pur  hasard.  J'é- 
tais à  dîner  avec  le  duc  de  Northumberland  au  printemps  de  l'année  1772;. ce 
lord  nous  montra  une  bouteille  d'eau  que  le  docteur  Irving  avait  distillée  pour 
l'usage  de  la  marine.  Cette  eau  était  parfaitement  douce,  mais  elle  manquait  de 
la  saveur  et  de  l'esprit  de  Teau  vive  de  source.  Il  me  vint  sur-le-champ  en  idée 
que  je  pourrais  aisément  corriger  cette  eau  pour  l'usage  des  vaisseaux,  et  leur 
fournir  un  moyen  facile  de  prévenir  ou  de  guérir  le  scorbut  de  mer,  etc.  »  — 
Voy.  Expériences  et  observations  sur  différentes  espèces  d'air,  par  J.  Priestley 
(trad.  parGibel'm;  Paris,  1777),  vol.  111,  p.  77-89. 


438  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

constante,  et  détruira,  par  degrés,  la  couleur  bleue;  d'oii  il  ré- 
sulte que  c'est  Tair  fixe  et  non  l'acide  minéral  qui  produit  la 
coloration  rouge  toutes  les  fois  qu'elle  disparait.  » 

De  ces  donnéesà  V alcalimétrie,  il  n'yavait  qu'un  pas.  L'honneur 
de  cette  invention,  ou  plutôt  de  l'application  du  principe  posé 
par  Bergmann,  devait  être  réservé  à  un  chimiste  plus  moderne. 

Ne  jugeant  pas  la  saveur  et  la  réaction  de  la  teinture  de  tour- 
nesol comme  des  caractères  suffisants  pour  mettre  en  évidence 
la  nature  acide  de  l'air  fixe,  Bergmann  s'arrête  longuement  sur 
les  combinaisons  que  ce  fluide  élastique  peut  donner  avec  les 
alcalis  et  les  chaux  métalliques.  C'est  là  un  des  chapitres  les  plus 
remarquables  de  la  dissertation  Sur  V acide  aérien;  c'est  l'histoire 
primitive  des  carbonates,  désignés  sous  le  nom  de  substances  aérées. 

L'auteur  fait  voir  que  la  causticité  des  alcalis,  préparés  au 
moyen  de  la  chaux  vive,  tient  à  ce  que  cette  dernière  enlève  à  l'al- 
cali son  acide  aérien ,  et  que  tous  les  alcalis ,  abandonnés  à  l'air, 
reviennent  à  leur  premier  état ,  en  empruntant  à  l'air  le  gaz  acide 
qui  les  sature.  En  môme  temps  il  indique  le  sublimé  corrosif 
comme  un  bon  réactif  pour  reconnaître  si  un  alcali  est  caustique 
ou  aéré  (carbonate).  En  effet,  l'alcali  fixe  pur  (potasse)  préci- 
pite le  sublimé  en  jaune  (oxyde  de  mercure),  tandis  que  l'alcali 
aéré  (non  carbonate)  le  précipite  en  blanc  (carbonate  mercuriel). 

Mais  il  ne  suffisait  pas  de  signaler  le  simple  fait  de  la  combi- 
naison de  l'acide  aérien  avec  les  bases;  il  lui  importait  de  s'as- 
surer dans  quelles  proportions  cet  acide  se  combine  avec  les  bases 
pour  former  les  sels  aérés  (carbonates). 

La  méthode  dont  il  se  sert  ici,  et  qu'il  applique  en  général  à 
la  détermination  des  proportions  définies,  témoigne  d'une  exac- 
titude à  laquelle  les  chimistes  n'étaient  pas  encore  habitués. 
Cette  méthode,  l'auteur  la  décrit  en  ces  termes  : 

«  Soient  deux  flacons,  dont  l'un,  plus  grand,  contenant  un  poids 
déterminé  d'alcali  (carbonate)  dissous  dans  l'eau,  pèse  (y  com- 
pris cette  dissolution  et  le  bouchon),  comme  A;  dont  l'autre, 
plus  petit,  rempli  d'un  acide  quelconque,  ait  un  poids  égal  à  B  : 
que  l'on  verse  dans  le  grand  flacon  une  portion  de  l'acide  du  pe- 
tit, et  qu'on  les  bouche  aussitôt  légèrement  l'un  et  l'autre;  dès 
que  l'effervescence  aura  cessé,  qu'on  verse  de  nouveau  de  l'a- 
cide, ayant  toujours  soin  de  fermer  tout  de  suite  le  flacon,  et  que 
l'on  continue  ainsi  jusqu'à  saturation.  Supposons  qu'après  cela 
le  poids  du  premier  soit  a,  et  celui  du  second  b;  il  est  certain 


TROISIEME  EPOQUE.  439 

m 

que  B  —  b  ayant  été  versé  dans  le  grand  flacon ,  la  perte  du  pe- 
tit devrait  répondre  à  ce  que  l'autre  a  gagné,  ouB  —  6  =  a  —  A; 
or,  c'est  ce  qui  n'arrive  pas,  à  moins  que  Ton  n'emploie  un  al- 
cali parfaitement  caustique;  autrement,  on  trouve  toujours 
B— »ô>a  —  A;  et  la  différence  (B  —  ô)  —  (a  +  A)  indique  le 
poids  de  l'air  fixe  qui  a  été  dégagé.  [1  faut  que  l'effervescence  se 
fasse  lentement,  sans  augmentation  de  chaleur,  et  que  le  flacon 
soit  d'une  grandeur  convenable,  afin  d'éviter  qu'il  ne  sortenin 
peu  de  vapeur  humide  avec  Tair  fixe ,  ce  qui  induirait  en  erreur. 
—  Si  on  évapore  ensuite  jusqu'à  siccité  la  dissolution  contenue 
dans  le  grand  flacon,  et  qu'on  calcine  doucement  le  résidu 
pour  enlever  l'eau  de  cristallisation  et  l'acide  surabondant  qui 
peut  s'y  trouver,  on  reconnaîtra,  à  l'augmentation  du  poids 
connu  de  l'alcali  et  de  l'air  fixe  qui  en  a  été  dégagé,  quelle  est 
la  quantité  d'acide  nécessaire  à  la  saturation  de  l'alcali  privé  d'eau 
et  d'air.  x> 
Voici  les  résultats  obtenus  par  l'emploi  de  cette  méthode  : 

100  parties  d'alcali  miuéral  pur  (soude  caustique)  exigent  ])our  leur  satu- 
ration   177       d'acide  vitriolique. 

135,05  d*acide  nitreux  (acide  nitrique). 
125       diacide  marin  (acide  chlorhydrique). 
80       d'air  fixe  (acide  carbonique). 
100  parties  d'alcali  végéfal 

pur  (potasse] 78,05  d'acide  vitriolique. 

64       d'acide  nitreux. 
51,05  d'acide  marin. 
42       d'air  fixe. 

En  signalant  le  premier  l'existence  des  aérâtes  (carbonates) 
Bergmann  en  donna  aussi  en  partie  l'analyse.  Nous  nous  borne- 
rons à  reproduire  les  résultats  suivants  ; 

La  ierre  pesante  aérée  (terra  ponderosa  aerata)  ou  le  carbonate  de  baryte , 

86  compose,  en  centièmes,  de 7  parties  d'acide  aérien, 

65    —    de  terre  pesante  (baryte), 
8    —    d'eau. 
La  chMUX  aérée  {calx  aerata)  ou  le  carbo- 
nate de  chaux,  —  de 34    —    d'acide  aérien, 

55    —    de  chaux, 
11    —    d'eau. 
La  magnésie  aérée  (magnesia  aerata)  ou 

de  carbonate  de  magnésie,  —  de    25    —    d'acide  aérien, 

45    >—    de  magnésie, 
30    —    d'eau. 


440  HISTOIRE  DE  Lk  CBHêIE. 

L'auteur  fait,  avec  raison^  remarquer  que  tous  ces  composés, 
surtout  le  premier  et  le  dernier,  sont  solubies  dans  un  excès  d'a- 
cide aérien ,  et  que  c'est  sous  cette  forme  qu'ils  existent  dans 
beaucoup  de  sources  minérales. 

Bergmann  n'indiqua  pas  la  composition  des  aérâtes  métalliques 
qu'il  préparait,  soit  en  faisant  digérer  le  métal  ou  la  chaux  métal- 
lique dans  de  l'eau  aérée  (acidulée  de  gaz  acide  carbonique),  soit 
eniraitant  la  dissolution  métallique  par  l'alcali  fixe  aéré  (carbo- 
nate de  potasse).  Par  une  série  d'expériences,  il  arrive  à  conclure 
que  les  seuls  métaux  qui  soient  susceptibles  de  se  dissoudre 
dans  l'eau  acidulée  d'air  fixe  (acide  carbonique)  sont  le  fer,  le 
zinc  et  le  manganèse.  Au  sujet  de  ce  dernier  métal,  il  affirme 
que  si  on  emploie  le  régule  (manganèse  métallique),  la  dissola- 
tion  répand  une  odeur  particulière,  peu  différente  de  celle  que 
donne  la  graisse  brûlée.  Il  s'étonne  de'ce  que  la  céruse,  qu'il 
montre  n'être  autre  chose  qu'une  chaux  de  plomb  aérée  (car- 
bonate d'oxyde  de  plomb),  ne  soit  pas,  comme  la  chaux  aérée 
(carbonatée),  soluble  dans  un  excès  d'acide  aérien.  Parmi  les 
autres  métaux,  l'aérate  (carbonate)  de  cuivre  serait  seul  suscep- 
tible de  se  dissoudre,  en  très-petite  proportion,  il  est  vrai,  dans 
l'eau  ainsi  acidulée. 

Poursuivant  le  but  de  son  travail ,  qui  consistait  à  démontrer 
que  l'air  fixe  est  un  acide  aériforme,  Bergmann  arrive  à  expli- 
quer comment  l'acide  aérien  précipite  le  foie  de  soufre  et  la  li- 
queur des  cailloux.  Voici,  entre  autres,  une  observation  pleine 
de  finesse  : 

«  La  liqueur  des  cailloux,  laissée  à  l'air  libre,  dépose,  dit-il, 
insensiblement  de  la  terre  siliceuse;  la  précipitation  s'achève  en 
peu  de  temps,  quand  on  y  introduit  de  l'acide  aérien.  Cela  nous 
indique  aussi  pourquoi  la  dissolution  de  l'alcali  du  tartre,  quoi- 
que souvent  filtrée ,  dépose  à  la  longue  des  particules  terreuses  : 
ce  sel  tient  en  effet  dans  une  combinaison  intime  des  molécules 
de  silice,  soit  qu'il  les  ait  reçues  pendant  la  végétation,  soit 
qu'il  les  ait  prises  pendant  la  combustion.  Ceux  qui  calcinent  les 
cendres  de  potasse  y  ajoutent  eux-mêmes  quelquefois  du  sable, 
afin  d'en  augmenter  le  poids  ;  et,  quand  il  a  élé  ainsi  combiné  par 
le  feu,  il  se  dissout  avec  l'alcali  dans  l'eau  :  c'est  cette  silice  qui 
s'en  sépare  ensuite,  à  mesure  que  l'alcali  se  sature  d'acide  aérien, 
avec  lequel  il  a  plus  d'affinité.  Il  n'est  pas  étonnant  que  cette  sépa- 
ration soit  très-lente  dans  des  flacons  dont  le  col  est  étroit,  qui 


TROISIÈME  EPOQUK.  441 

sont  bouchés  habituellement,  et  où  l'acide  aérien  de  l'atmosphère 
ne  peut  passer  que  successivement;  mais,  si  on  dissout  Talcali 
dans  une  suffisante  quantité  d'eau  aérée  (eau  acidulée  de  gaz 
carbonique),  toutes  ces  hétérogénéités  terreuses  se  précipitent 
en  même  temps.  »  . 

L'acide  aérien  n'est  pas  seulement  soluble  dans  l'eau  et  suscep- 
tible d'être  fixé  par  les  alcalis,  mais  il  peut  être  absorbé  par  des 
liqueurs  inflammables.  Après  avoir  entrepris  à  ce  sujet  un  grand 
nombre  d'expériences,  l'auteur  se  résume  en  disant  que  l'esprit- 
de-vin  absorbe  le  double  de  son  volume  d'acide  aérien,  à  la  tem- 
pérature de  10*  au-dessus  de  zéro;  que  Phuile  d'olive  en  prend 
un  volume  égal  au  sien;  que  l'essence  de  térébenthine  en  dissout 
le  double  de  son  volume.  «  Si  on  dégage,  ajoute-t-il,  l'air  fixe 
qui  était  ainsi  dissous  dans  l'huile  d'olive,,  et  qu'on  le  reçoive 
dans  une  cloche  pleine  d'eau,  on  le  trouve  changé,  au  moins  en 
partie,  ou  mêlé  de  parties  étrangères;  car  il  est  susceptible 
de  s'enflammer  et  presque  immiscible  à  l'eau.  » 

Après  avoir  démontré  l'acidité  de  l'air  fixe  par  la  saveur,  par 
la  teinture  de  tournesol ,  par  la  solubilité ,  par  la  combinaison 
avec  les  bases,  fiergmann  s'efforce  de  justifier  l'épithète  d^aérien 
ou  d'atmosphérique  qu'il  a  donnée  à  ce  nouvel  acide. 

tt  L'acidité  de  l'air  fixe  étant,  dit-il,  démontrée,  il  y  a  plu- 
sieurs raisons  pour  le  nommer  acide  aérien  ou  atmosphérique.  Il 
a  en  effet  tellement  la  légèreté ,  la  transparence ,  l'élasticité  de 
l'air,  que  ce  n'est  que  depuis  très-peu  de  temps  qu'on  a  com- 
mencé à  l'en  distinguer.  De  plus,  cet  océan  d'air  qui  environne 
notre  terre,  et  qu'on  appelle  atmosphère,  n'est  jamais  sans  une 
certaine  quantité  d'air  fixe;  cela  se  manifeste  journellement  par 
divers  phéno.mènes.  L'eau  de  chaux  exposée  partout  à  l'air  libre 
fournit  de  la  crème  de  chaux,  ce  qui  n'arrive  pas  dans  des  bou- 
teilles bien  bouchées  :  la  chaux  vive  exposée  longtemps  à  l'air 
recouvre  à  la  fin  tout  ce  qu'elle  avait  perdu  au  feu,  et  redevient 
absolument  terre  calcaire,  au  point  de  ne  pouvoir  plus  servir  à 
la  préparation  du  mortier  qu'après  qu'on  l'a  de  nouveau  privée 
de  son  acide;  la  terre  pesante  (baryte)  et  la  magnésie  recouvrent 
de  même  à  l'air  leur  poids ,  et  la  faculté  de  faire  effervescence 
avec  les  acides;  les  alcalis  purs  perdent  à  l'air  leur  causticité,  etc.  d 
Bergmann  a  le  premier  émis  une  opinion  rationnelle  sur  la 
composition  de  l'air.  Cette  opinion,  Scheele,  l'ami  de  Bergmann, 
se  chargea  de  l'appuyer  expérimentalement. 


412  HISTOIRE  DE  LÀ  CHIMIlS. 

((L'air  commun,  dit  fiergmann,  est  un  mélange  de  trois  fluides 
élastiques,  savoir,  de  l'acide  aérien  libre,  mais  en  si  petite  quan- 
tité qu'il  n'altère  pas  sensiblement  la  teinture  de  tournesol;  d'un 
air  qui  ne  peut  servir,  ni  à  la  combustion,  ni  à  la  respiration  des 
animaux,  que  nous  appelons,  air  vicié,  jusqu'à  ce  que  nous  con- 
naissions plus  parfaitement  sa  nature;  enfin,  d'un  air  absolument 
nécessaire  au  feu  et  à  la  vie  animale ,  qui  fait  à  peu  près  le  quart 
de  l'air  commun,  et  que  je  regarde  comme  l'air  pur.  » 

Si  cette  manière  de  voir,  sanctionnée  par  l'expérience,  avait  été 
érigée  en  principe  pour  renverser  les  évaluations  anciennes, 
fiergmann  aurait  passé  pour  un  novateur,  un  révolutionnaire 
avant  Lavoisier  (1). 

La  densité  de  l'acide  aérien,  que  fiergmann  a  reconnue  plus 
grande  que  celle  de  l'air  commun,  expliquerait  les  phénomènes 
d'asphyxie  qui  arrivent  à  la  surface  du  sol  dans  des  endroits  où 
cet  aQide  existe  en  abondance.  Il  cite  comme  exemples  la  fon- 
taine de  Pyrmonl,  ouverte  en  1717,  où  les  oies,  ayant  le  cou 
très-long,  peuvent  nager  sans  en  ôtre  incommodées;  les  sources 
de  Schwalbach ,  la  grotte  du  Chien,  près  deNaples,  etc. 

Après  avoir  montré  que  l'acide  aérien  est  impropre  à  entre- 
tenir la  flamme ,  et  que  les  armes  à  feu  ne  peuvent  faire  explosion 
dans  un  semblable  milieu,  il  arrive  à  une  série  d'expériences 
relatives  à  l'action  que  ce  gaz  exerce  sur  les  animaux.  Ces  expé- 
riences sont  faites  avec  une  précision  extrême;  elles  peuvent 
servir  de  modèle  à  tous  les  physiologistes  expérimentateurs.  En 
voici  le  résumé  : 

a  Lorsqu'on  introduit  de  l'acide  aérien  dans  une  cloche  où  l'on 
tient  emprisonné  un  animal ,  on  remarque  d'abord  que  cet  ani- 
mal regarde  autour  de  lui  avec  inquiétude ,  pour  chercher  à  sor- 
tir; il  commence  ensuite  à  respirer  avec  peine;  le  globe  de  l'œil 
se  gonfle,  tous  les  sens  s'affaiblissent,  et  il  expire  dans  une  espèce 
d'assoupissement.  En'retardant  le  passage  de  l'acide  aérien ,  on 
relarde  presque  à  volonté  la  mort  de  l'animal.  Il  y  a  néanmoins 
des  différences  par  rapport  aux  différents  animaux,  à  leur  âge  et 
à  leur  vigueur.  Les  oiseaux  y  périssent  communément  plus  tôt 
que  les  chiens,  et  ceux-ci  plus  tôt  que  les  chats;  les  amphibies 


(1)  L'air  atmosphérique  se  compose  en  effet  d'une  très-i)etile  quantité  d'acide 
carbonique  {acide  aérien)^  d'azote  (air  vicié)  et  d'oxygène  (air  pur,  air  de 
feu)\  ce  dernier,  dans  la  proportion  d'un  cinquième  environ. 


I 


TROISliME  ÉPOQUE.  443 

y  vivent  plus  longtemps ,  et  les  insectes  y  résistent  opiniâtrement. 
A  regard  de  Tâge ,  les  plus  jeunes  n'y  meurent  pas  aussi  promp- 
tement,  surtout  s'ils  y  ont  été  accoutumés  insensiblement;  car 
ceux  que  Ton  a  retirés  au  moment  de  Tagonie  pour  les  exposer 
à  Taîr  libre,  et  qui  ont  été  conservés  en  vie,  ne  sont  pas  aussitôt 
aspbyxiés  par  ce  fluide  que  ceux  que  Ton  y  plonge  pour  la  pre- 
mière fois.  Après  la  mort  on  trouve  les  poumons  un  peu  affaissés  ; 
ils  ne  tombent  pas  au  fond  de  Teau,  comme  ceux  des  animaux 
qu'on  a  fait  périr  dans  le  vide;  mais  ils  surnagent,  et  on  remar- 
que en  plusieurs  endroits  des  traces  d'inflammation.  Le  tronc  de 
l'artère  pulmonaire,  le  ventricule  droit  du  cœur  avec  son  oreil- 
lette, la  veine  cave,  les  jugulaires,  les  vaisseaux  du  cerveau,  sont 
remplis  de  sang;  le  ventricule  droit  du  cœur  est  ordinairement 
rempli  de  concrétions  sanguines.  Les  veines  pulmonaires,  l'aorte, 
le  ventricule  gauche  du  cœur  et  son  oreillette ,  sont,  au  contraire, 
flasques;  toutes  les  fibres  musculaires  ont  perdu  leur  irritabilité; 
et  le  cœur,  même  pendant  que  l'animal  est  encore  chaud ,  ne 
manifeste  aucun  mouvement,  soit  qu'on  le  stimule  par  le  souffle, 
soit  parle  scalpel,  ou  même  par  l'acide  vilriolique  concentré.  » 

Il  est  aisé  de  déduire'de  ces  expériences  que  l'acide  carboni- 
que tue,  non  pas  seulement  par  privation  d'air  respirable,  mais  en 
exerçant  une  action  délétère  sur  l'économie,  particulièrement 
sur  le  sang  et  le  système  circulatoire. 

Bergmann  est  donc  le  premier  qui  ait  donné  l'histoire  com- 
plète du  gaz  acide  carbonique,  si  l'on  en  excepte  la  composition, 
la  liquéfaction  et  la  solidification  de  ce  fluide;  car  ces  dernières 
découvertes  étaient  réservées  à  des  observateurs  plus  récents. 

Cette  courte  analyse  de  la  dissertation  Sur  Vacide  aérien  pourra 
suffire  pour  faire  apprécier  la  méthode  d'observation  qui  prési- 
dait aux  travaux  de  Bergmann. 

Nous  passerons  rapidement  en  revue  les  autres  mémoires  con- 
tenus dans  les  Opuscula  physica  et  chimica. 

Analyse  des  eanx  (1). 

Ce  mémoire  est  un  des  plus  intéressants  qui  aient  été  pu- 
bliés sur  l'analyse  des  eaux.  On  y  trouve  plus  d'une  découverte. 

(1)  Une  grande  partie  de  ce  mémoire  servit  de  texte  à  une  dissertation  inau- 
gurale soutenue  à  Puniversité  de  Stockholm  en  1778,  par  Scharenberg.  —  Opus- 
cula physica  et  chimicaj  vol.  I,  p.  65. 


444 


HISTOIRE  DE  LÀ  CH}MI£. 


L'auteur  a  créé  en  quelque  sorte  l'analyse  quantitative ,  en  en- 
seignant à  déterminer  la  quantité  des  sels  contenus  dans  les  eaux 
par  le  poids  des  précipités.  Il  a  proposé  plusieurs  réactifs  nou- 
veaux :  pour  précipiter  le  fer,  il  se  servait  d'un  sel  préparé  en  fai- 
sant bouillir  quatre  parties  de  bleu  de  Prusse  avec  une  partie  de 
potasse.  On  voit  que  ce  sel  n'est  autre  que  le  cyanoferrure  de 
potassium  jaune.  Pour  déceler  les  sels  de  chaux,  il  employait 
Vaeide  du  .*i/cr«,  préparé  avec  l'eau-forte  (  acide  oxalique  )  ;  pour 
précipiter  les  sels  de  baryte ,  —  l'acide  vitriolique,  et  vice  versa; 
pour  les  sels  de  cuivre,  —  l'ammoniaque;  pour  le  sel  marin, 
—  le  nitrate  d'argent;  l'alcool  absolu,  —  pour  les  sulfates;  le 
sucre  de  Saturne,  — pour  le  foie  de  soufre  (eaux  hépatiques),  etc. 
Ce  mémoire  est  suivi  de  plusieurs  dissertations  sur  les  eaux 
minérales  froides  et  chaudes  artificielles ,  avec  l'indication  des 
différentes  proportions  de  matières  qui  se  trouvent  dans  les  eaux 
naturelles  de  Seltz,  de  Spa,  de  Pyrmont,  d'Aix-la-Chapelle,  de 
Medwi,  d'Upsal,  etc.  (1). 

Des  attractions  éleetlYes  (2). 

Ce  travail  produisit ,  ajuste  titre ,  une  grande  sensation  dans  le 
monde  savant;  car  ce  fut  là  un  des  premiers  essais  qu'on  eût  tentés 
pour  réduire  la  chimie  en  un  corps  de  doctrine,  et  lui  imprimer 
une  marche  scientifique.  On  y  trouve  des  observations  intéres- 
santes sur  les  affinités  dont  l'auteur  a  dressé  les  premières  tables 
(attractions  électives)^  et  sur  les  doubles  décompositions. 


(i)  De  aguis  Upsaliensibus ;  primitivement  public^,  en  suédois,  dans  une 
dissertation  inaugurale  de  P.  Dube,  en  Tannée  1770.  —  De  fonte  acidulari 
Danemarkenm^  ann.  1773  (sujet  d'une  dissertation).  —  De  aquis  medicatis 
frigidis  arte  parandis.  Actes  de  la  Société  royale  de  Stockbolm,  ann.  1775.  — 
De  aqua  pelagica,  Actes  de  la  Soc.  de  Stockh.,  ann.  1777  (Analyse  d'un  flacon 
d'eau  de  mer  que  Sparrmann  avait  rapporté  d'un  voyage  dans  la  mer  Australe 
sur  le  vaisseau  du  capitaine  Cook).  —  De  aquis  acidulatis  Medwiensibus,  Actes 
de  la  Société  de  Stockh.,  ann.  1782.  —  De  fontibus  medicatis  LokaniSy  ibid., 
ann.  1783. — Tous  ces  mémoires  se  trouvent  imprimés  dans  Opuscula  physica 
et  chemica^  vol.  I  et  IV  ;  Lips.,  1788,  8. 

(2)  De  attractionibus  electivis.  Ce  mémoire  parut  pour  la  première  fois  dans 
les  N.  Actes  d'Upsal,  vol.  III,  ann.  i77 3.  —  Opuscul. phys.  et  chem.,  vol.  III. 


TROISIÈITE  ÉPOQUE.  '  445 


8a1h  le  cbalQiBCaa  (i). 

Le  chalumeau,  auquel  la  chimie  est  redevable  d'un  grand 
nombre  de  découvertes,  fut  appliqué  pour  la  première  fois,  vers 
Tan  1738,  à  Texamen  des  minéraux,  par  André  de  Schvi^ab.  Il- 
fut  perfectionné  successivement  par  Gronstedt,  Rinmann,  ënges" 
TRCEM,  QuiST,  Gahn  et  ScHEELE.  Bcrgmanu  y  apporta  beaucoup 
de  modifications  heureuses. 

Hé  raiMly  BC  des  minerais  par  la  TOle  tanmlde  (2). 

Dans  ce  mémoire  Tauteur  établit^  pour  la  première  fois,  des 
règles  précises  concernant  l'analyse  des  minerais  par  la  voie  hu- 
mide. Après  avoir  indiqué  avec  quels  soins  il  faut  laver,  recueillir, 
dessécher  et  peser  les  précipités  obtenus  à  l'aide  de  réactifs  très- 
purs,  il  arrive  à  l'application  des  règles  établies,  en  passant  en 
revue  les  minerais  d'argent,  de  plomb,  de  fer,  d'antimoine,  etc. 

Des  précipités  métailiqaes  (3)« 

Cette  dissertation  a  pour  principal  objet  la  différence  de  poids 
des  précipités,  la  quantité  de  la  dissolution  et  celle  du  précipi- 
tant restant  les  mêmes.  Elle  contient,  en  principe,  la  théorie 
des  équivalents  et  la  loi  des  proportions  définies. 

De  l'acide  de  sucre  {k) . 

Le  sucre,  traité  par  l'acide  nitrique,  donne  de  l'acide  oxalique. 
Cette  découverte ,  premier  exemple  d'une  production  organique 
artificielle,  est  due  à  Bergmann,  qui  donna  à  cet  acide  le  nom 
A*acide  du  sucre.  Scheele  démontra  l'identité  de  cet  acide  avec 
l'acide  de  l'oseille. 

(i)  De  tubo  ferruminatorio.  Le  manuscrit  *de  ce  mémoire  fut  envoyé,  en 
1777,  au  docteur  Born,  qui  le  fit  imprimer  à  Vienne  en  1779.  OpuscuL  physica 
et  chem,,  vol.  II,  p.  455. 

(2)  De  minerarum  docimasia  humida;Di&s.,  ann.  1780.  OpuscuL  physica^ 
vol.  II,  p.  399. 

(3)  De  prasdpitcUis  metallicis;  dans  les  Opuscul.  physic.  et  chemic.y\o\.  II, 
p.  349. 

(4)  De  acido  sacchari,  dissert,  inaugural.,  ann.  1776,  réimprimée  dans  les 
Opuscul.  pkysic.f  vol.  I,  p.  238. 


:  446  HISTOIRE  DÉ  LA  CHIMIE. 

Après  avoir  décrit  la  préparation ,  les  propriétés  de  l'acide  du 
sacre,  ainsi  que  les  sels  qu'il  est  susceptible  de  former  avec  les  al- 
calis et  les  chaux  métalliques,  Tauteur  arrive  à  indiquer  une  expé- 
rience qui  fournit  tous  les  éléments  de  la  composition  de  Tacide 
oxalique.  «  Une  demi-once  de  cristaux,  dit-il,  donne  à  la  distil- 
lation près  de  100  pouces  cubes  de  fluides  élastiques,  dont  moitié 
est  de  Tacide  aérien  (acide  carbonique),  qu'on  sépare  aisément 
par  l'eau  de  chaux,  et  moitié  un  air  qui  s'allume',  et  donne  une 
flamme  bleue  (oxyde  de  carbone).  » 

Delà  préparation  de  l'alun  (i).  On  trouve  dans  cette  notice  la 
composition  exacte  de  l'alun  (acide  vitriolique,  alcali,  argile 
pure ,  eau  ),  en  même  temps  que  l'indication  de  divers  moyens 
pour  obtenir  ce  produit  pur. 

Des  calculs  urinaires  (:2).  —  Bergmann  et  Scheele  s'étaient  oc- 
cupés du  même  sujet,  à  l'insu  l'un  de  l'autre,  et  i4s  étaient 
arrivés  à  peu  près  aux  mêmes  résultats,  en  constatant  l'existence 
de  l'acide  urique  dans  les  calculs  urinaires. 

De  Vanalyse  du  fer,  —  De  la  cause  de  la  fragilité  du  fer  froid  (3). 
Ces  deux  mémoires,  dont  le  premier  est  fort  étendu,  contien- 
nent des  notions,  en  partie  neuves  alors,  sur  les  propriétés 
de  la  fonte ,  du  fer  et  de  l'acier.  Bergmann  détermina  pour  la 
première  fois ,  par  des  analyses  exactes ,  la  composition  de  ces 
matières,  en  centièmes  : 

Composition  de  la  fonte  {ferrum  cnidum)  : 

Minimiinj.  Maximum. 

Silice 1,0  3,4 

Carbone 1,0  .,...  3,3 

Manganèse 0,5  .....  30,0 

Fer 03. 3  97,5 


(1)  Dissertation  présentée  en  1767,  et  réimprimée  dans  les  Optiscul.  physic.  et 
chemic,  vol.  T,  p.  264. 

(2)  Observationes  nonnulUv  de  calcuUs  urinx;  imp.  avec  la  dissertation  de 
Scheele  sur  le  même  sujet,  dansée/.  Soc.  Holm.,  ann.  1770.  et  dans  0/)ii5Cu/. 
physic. f\o].  IV,  p.  387. 

(3)  Année  1781  ;  Opuscul.  physic. y  vol.  III,  p.  1. 


TBOISIÈME  ÉPOQUE.  ^^ 

•  Composition  du  fer  forgé  [ferrum  nssum  )  : 

Saice 0,05 0,3 

Charbon  pur 0,05 0,2 

Manganèse 0,50 30,0 

Fer 99,60 99,4 

Composition  de  l'acier  (chalybs): 

Silice • 0,3  0,9 

Carbone 0,2  0,8 

Manganèse 0,5  30,0 

Fer 68,3  99,0 

Des  acides  métalliques  (1).  —  On  trouve  dans  cette  notice  la 
première  description  des  acides  molyhdique  et  tungstique,  qui 
paraissent  avoir  été  découverts  à  peu  près  en  même  temps 
par  Bergmann  et  par  Scheele. 

De  lamagnésie  (2).  —  Après  un  court  exposé  historique,  l'auteur 
arrive  à  décrire  les  principaux  sels  magnésiens  (carbonate,  sul- 
fate, nitrate,  oxalate,  formiate,  borate,  tarlrate,  acétate,  phos- 
phate, chlorure).  Le  premier,  il  indiqua  tous  les  caractères  qui 
servent  à  distinguer  la  magnésie  de  la  chaux.  Voici  comment  il  se 
résume  lui-même  :  a  La  magnésie  saturée  d'acide  vitriolique 
forme  un  sel  amer,  qui  n'exige  guère  que  son  poids  d'eau  pour 
sa  dissolution;  —  la  chaux  forme  avec  le  même  acide  un  sel  sans 
saveur,  400  parties  d'eau  suffisant  à  peine  pour  la  dissolution 
d'une  seule  partie  de  sélénite;  —  la  magnésie  donne  avec  l'acide 
nitreux  (nitrique)  un  sel  crislallisable;  —  le  nitre  calcaire  ne 
peut  être  que  Irès-difficilement  amené  à  cristalliser;  — lemuriate 
le  magnésie  (chlorure  de  magnésium  )  laisse  échapper  son  acide 
au  feu;  —  il  n'en  est  pas  de  même  du  muriate  calcaire;  —  la 
tnagnésie  unie  au  vinaigre  refuse  de  cristalliser  ;  —  la  chaux  donne 
avec  cet  acide  une  belle  cristallisation;  —  la  magnésie  n'est  pas 
précipitée  par  l'acide  vitriolique;  —  celui-ci  entraîne  sur-le- 
champ  la  chaux  sous  forme  de  sélénite.  » 


(i)1)e  acidis  metalUcis ;  Act.  Acad.  Stockholm.,  année  1781  ;  réimprimé  dans 
les  Opuscul  physic,  yoI.  111,  p.  124. 

(2)  De  inagnesia  (alba),  disquisitio,  anno  1775,  die  23dec.,  pnblice  venlilata 
n  auditorio  Gustaviano;  dans  les  Opuscul.  physic,  vol.  I,  p.  343. 


f 
/ , 


448  HISTOIRE  DÉ  LA  GHmiE. 

I 

Les  chimistes,  qui  avaient  les  premiers  entrevu  l'existence 
de  la  magnésie,  regardaient  cette  matière  comme  une  chaux  al- 
térée, ou  plutôt  comme  un  produit  de  transmutation  de  la  chaux. 
Cette  manière  de  voir  avait  frappé  Bergmann  ;  et  c'est  à  ce  sujet  qu'41 
fait  les  réflexions  suivantes,  qu'il  estbonderappeler  :  a  Iln'est  guère 
possible,  dit-il,  qu'une  même  matière  prenne  des  caractères  aussi 
différents  ;  cependant,  tant  qu'il  n'est  question  que  de  possibilité, 
je  n'ai  autre  chose  à  répondre ,  sinon  que  nous  ne  sommes  pas 
encore  assez  avancés  dans  la  science  chimique  pour  juger  sûre- 
ment a  priori  si  la  nature  peut  ou  ne  peut  pas  opérer  de. sembla- 
bles transmutations.  Mais  gardons.-nous  de  conclure  la  réalité  du 
fait,  d'une  possibilité  môme  accordée  ou  difficile  à  détruire;  ce 
serait  ouvrir  la  porte  à  une  infinité  de  métamorphoses  semblables 

à  celles  d'Ovide N'abandonnons  donc  point  l'expérience,  qui 

doit  être  pour  nous  le  vrai  fil  d'Ariane;  les  maîtres  de  l'art  veulent 
des  expériences  très-exactes,  par  analyse  et  par  synthèse,  qui, 
étant  faites  convenablement,  présentent  en  tout  temps  et  en  tous 
lieux  les  mêmes  résultats,  o 

Du  zinc  et  de  ses  minerais  (i).  —  Ce  mémoire  est  précédé  d'uo 
excellent  aperçu  historique  du  zinc.  On  y  trouve  les  premières 
analyses  qui  aient  été  faites  des  principaux  minerais  de  zinc. 

D'autres  mémoires  de  chimie,  non  moins  remarquables,  ont 
pour  titres  :  De  iartaro  antimoniato  (2);  —  De  terra  silicea  (3)  ;  — 
De  terra  gemmarum  (4)  ;  —  De  calce  auri  fulminante  (5)  ;  —  De 
platina  (6);  —  Denlccolo  (7)  ;  —  De  arsenico  (8);  —  De  stanno 
sulphurato  (9);  —  De  antimonialihus  sulphuratis  (10);  —  De 
connvbio  hijdrargyri  cum  acide  salis  (li);  —  De  laterum  coctione 


(1)  Hfiec  disserlatio  publiée  ventilala  est  die  20  marlii,  anni  1779.  Opusal 
physic,  vol.  II,  p.  309. 

(2)  Disserlatiopublica  ventilala  22  dec.  ann.  1773.  Opuscul.  jo/iysic,  vol.  I, 
p.  318. 

(3)  Diss.,  ann.  1779  ;  Opuscul.,  vol.  II,  p.  2o. 

(4)  N.  Act.  UpsaL,  ann.  1777  ;  Opuscul.,  vol.  II,  p.  72. 

(5)  Dissertât io  publica,  ann.  1769;  Opuscul. ,  vol.  II,  p.  133. 

(6)  Act.  Siockh.,  ann.  .1777  ;  Opuscul.,  vol.  Il,  p.  160. 

(7)  Diss.  publica,  ann.  1775;  Opuscul.,  vol.  II,  p.  231. 

(8)  Diss.  publica,  ann.  1777;  Opuscul.,  vol.  II,  p.  272. 

(9)  Act.  Stockh.,  ann.  1781;  Opuscul.,  vol.  III,  p.  157. 

(10)  Diss.  publica,  ann.  1782;  Opuscul.,  vol.  III,  p.  164. 

(11)  Act.  Acad.  Stokh.,  ann.  1769;  Opuscul.,  vol.  IV,  p.  279. 


1 

j 


i 


TftOISîiME  ÉPOOtK.  M9 

rite  instruenda  (1);  —  De  cobatto^  niccolo,  plcdina,  mctgnesid:, 
eorumqîte  per  prœcipitatianes  inve$iigata  indole  (2);  —  Ânalysis 
ekemica  pigmenti  indici  {S), 

Les  dissertations  de  Bergmanii  sur  l'histoire  de  la  chimie  {[k 
primordiis  chemise;  —  Historia  chemiœ  médit xvi  (4);  —  Oratio  de 
nuperrimis  chemiœ  incrementis)  (5),  renferment  des  documents 
intéressants,  qui  malheureusement  ne  sont  pas  toujours  puisés 
à  des  sources  bien  authentiques. 

Nous  avons  déjà  dit  que  Bergmann  était  également  versé  dans 
d'autres  science;  ;  car  il  nous  a  laissé  des  travaux  fort  remar- 
quables sur  la  minéralogie  et  la  géologie,  tels  que  Deformis  crystal- 
lorum;  —  De  lapide  hydrophano;  —  De  terra  turmalini;  —  De 
mineris  ferri  alhis; —  Producta  ignis  subierranei  ; —  De  analysi 
lithomargx;  —  De  terra  asbestina;  —  Observationes  miner alo- 
gicœ;  —  De  terris  geoponicis  (6)  ;  —  De  montibus  Westrogothieis. 

(1)  Acta  Acad.  Stockh.,  ann.  1771  ;  Opuscul, ^yoL  IV,  p.  336. 

(2)  Opuscul.  physicOy  vol.  IV,  p.  371. 

(3)  Dissertation  couronnée  par  TAcadémie  des  sciences  de  Paris.  Voyez  Mé- 
moires présentés  à  r Académie  royale  des  sciences ^  etc.>  t.  IX,  1780,  p.  121-164. 
—  C'est  un  des  premiers  travaux  chimiques  qui  aient  été  pul)liés  sur  Hndigo. 
L'auteur  y  indique  parfaitement  l'action  décolorante  que  Tacide  nitrique  et  le 
chlore  exercent  sur  l'indigo;  il  ajoute  même  que  le  chlore,  qu'il  appelle  acide 
marin  déphlogistiqué  par  la  magnésie  noire,  se  transforme  de  nouveau, 
après  avoir  réagi  sur  l'indigo,  en  acide  marin  ou  muriatique.  Il  décrit  fort  au 
long  l'action  des  alcalis  et  des  acides  sur  Tindigo,  et  obtint,  par  la  distillation 
de  cette  matière  tinctoriale,  en  centièmes,  2  parties  d'air  fixe  (acide  carbonique), 
8  parties  de  liqueur  alcaline,  9  parties  d'huile  empyreumatique,  et  3  parties  de 
charbon;  ce  charbon,  brûlé  dans  l'air,  donnait  4  parties  de  cendre  d'un. rouge 
brique,  dont  la  moitié  se  composait  de  rouille  de  fer,  et  le  restant  d'une  poudre 
siliceuse  très-fine.  Traité  par  la  voie  des  dissolvants,  Tindigo  donnait^  en  cen- 
tièmes : 

Matière  mucilagineuse  soluble  dans  l'eau 12   parties. 

Résine  soluble  dans  l'alcool .' 6 

Matière  terreuse  soluble  dans  le  vinaigre 22 

Chaux  de  fer  (  oxyde  de  fer  )  soluble  dans  l'acide  muriatique*  13 

Matière  tinctoriale  bleue  pure 47 

Cette  analyse,  dit  Bergmann,  ne  peut  malheureusement  être  contrôlée  par  la 
synthèse  ;  car  il  est  impossible  à  l'art  de  reproduire  la  structure  organique  des 
substances  végétales  ou  animales. 

(4)  OpwcuL  physifa,  vol.  IV,  p.  1-141. 
(6)  iôid.,  vol.  VI,  p.  65-95. 

(6)  La  Société  royale  des  sciences  de  Montpellier  avait,  en  1771,  mis  au  con- 
cours la  question  suivante  :  Qiisls  sont  les  caractères  des  terres  en  général  ? 

BIST.   bB  LA   CHIMIE.  —  T.     II.  29 


450  HISTOIRE  4)B  LA  CHIMIE. 

.  Parmi  S|5s  travaux  sur  la  physique,  l'astronomie  et  même 
l'histoire  naturelie^  on  remarque:  Expérimenta  eleçtrica;.r—  De 
vi  electrica  turmalini;  — •  De  crepnsculis;  —  De  fulguratiane 
ohservationes  ;  —  De  arcus  cœlesiis  eœplicatiombus  ; —  Aurprœ 
boréales (i);  — De  aurores borealis  altitudine;  —  Deattraetioneuni- 
versait;  —  De  interpolatione  astronomica;  —  De  apilms; — Depi- 
iyocampe,  s>ive  erucapini; — Classes  larvarum; — De  hirudinibus  ; 
De  cocco  aquatico^  sive  hirudine  octoculata;  —  De  natura  tenthre- 
dinum  et  erucarum  spuriarum;  De  galla  qaadam  singulari  (3). 

§.  33. 

Seheele* 

Peu  de  chimistes  avaient  encore'pénétré  aussi  loin  dans  les  se- 
crets de  la  nature  que  Scheele.  II  avait  le  génie  des  découvertes; 
aucun  détail  n'échappait  à  son  regard  scrutateur.  Mais  il  lui  man- 
quait, —  témoin  la  théorie  du  phlogistique  qu'il  avait  adoptée,  — 
cet  esprit  généralisateur  qui  fait  jaillir  d'un  ensemble  de  faits  les 
vraies  lois,  fondements  de  la  science.  Or,  c'était  là  précisément 
ce  qui   caractérisait  Lavoisier.  Ces  deux    hommes   de  génie 

.  I 

Assigner  les  défauts  de  celles  qui  sont  peu  propres  à  la  production  des 
grains  y  et  les  moyens  d'y  remédier.  —  Bergmann  remporta  en  1773  le  prix  pro- 
posé pour  cette  question.  —  Opuscula  physica  et  chem.,  vol.  V,  p.  69.  Ce  mé- 
moire renferme  des  notions  intéressantes  sur  les  terrains  tertiaires,  tant  soos 
le  rapport  géologique  que  sous  le  rapport  de  l'agriculture.  L^auteur  y  considère 
la  chaux,  Pargile,  la  magnésie  et  la  silice  comme  des  corps  simples,  mais  que 
Ton  pourrait  bien,  soupçonne-t-il,  arriver  un  jour  à  décomposer  en  des  éléments 
plus  simples  encore. 

(1)  Opuscul,  physic,  vol.  V,  p.  226.  C'est  une  espèce  de  journal  {diarium)^ 
où  se  trouvent  regislrées  les  aurores  boréales  observées  depuis  le  3  février  1759 
jusqu'à  la  fin  de  l'année  17G2.  Ce  travail  est  suivi  d'une  dissertation  sur  la  hau- 
teur des  aurores  boréales.  Bergmann  avoue  que,  malgré  des  observations  assidu- 
ment  continuées  pendant  plusieurs  années,  il  n'était  point  parvenu  à  soumettre 
ce  phénomène  à  des  règles  fixes,  n  C'est,  dit-il,  une  chose  digne  de  remarque 
que  les  variations  qu'éprouve  l'aiguille  aimantée  pendant  la  durée  de  l'aurore 
boréale.  Y  aurait-il  là  quelque  rapport  avec  la  force  électro -magnétique?  » 

(2)  OpuscuL  physic.y  vol.  V,  p.  141.  — Bergmann  trouva  que  c'est  un  insecte 
particulier  qui,  en  fixant  son  domicile  sur  l'écorce  du  chêne,  donne  naissance  à 
la  noix  de  galle  si  utile  dans  les  arts.  11  communiqua  sa  découverte  à  son 
illustre  ami  et  compatriote  Linné,  qui  donna  à  cet  insecte  le  nom  de  cynips 
guercus  cotiicis^  et  en  traça  les  caractères  suivants  :  Antennis  instructum 
longlssimis,  colore  pallido,  in  cruribus  tamen  oculisque  vividwre. 


TROISliMB  ÉPOQUE.  •       45i 

étaient  faits  pour  s'entr'aider^  pour  se  compléter  en  quelque 
sorte  réciproquement^  et  élever  en  commun  Tédifice  de  la  chi- 
mie :  l'un  semblait  destiné  à  en  apporter  les  matériaux,  l'autre 
à  en  tracer  .le  plan. 

Gharlei^Guinaume  Scheele  naquk,  le  19  décembre  1742  ^  à 
Stralsund^  ville  aujourd'hui  prussienne,  et  qui  appartenait  alors 
à  la  Suède«.Fils  d'un  Commerçant,  il  fut,  à  peine  âgé  de  quatorze 
ans,  placé  à  Gothenbourg  comme  apprenti  pharmacien,  chez 
Bauch,  ml  ami  de  sa  famille.  C'est  laque,  sans  autre  guide  qu'un 
ouvrage  {Prœleetiones  cfiemicœ)  de  Naumann,  disciple  de  Stahl,, 
il  se  mita  étudier  la  science  qu'il  devait  si  puissamment  contri- 
buer à  réformer.  Après  un  appi:entissage  de  dix  ans ,  il  demeura 
encore  deux  ans  auprès  de  son  maître  ;  puis  il  entra  successive- 
ment au  service  deKalstroem,  pharmacien  à  Malmoe,  et  de 
Scbarenberg,  à  Stockholm,  a  G*est  au  milieu  des  occupations  les 
plus  obscures,  dit  un  écrivain  célèbre  qui  débuta  aussi  comme 
apprenti  pharmacien ,  c'est  au  milieu  de  ces  occupations  que 
s'acheva  son  éducation  dans  une  science  où  il  était  destiné  à  pa- 
raître avec  tantd'éclat  (1).  »  En  1773,  Scheele  se  rendit  à  Upsal, 
où  il  eut  l'occasion  de  faire  connaissance  avec  deux  hommes  cé- 
lèbres qui  remplissaient  l'Europe  de  leur  renommée,  Bergmann 
et  Linné  (2).  Bergmann  fut  le  premier  à  le  révéler  au  monde  sa- 

(1)  M.  Dumas,  Leçons  de  philosophie  chimique  (Paris,  1837,  in-S*),  p.  8S  : 
-^  «  Sdieele  était  si  ardent  à  Tétude  de  la  chimie,  qu'il  prenait  sur  son  sommeil 
le  temps  nécessaire  à  ses  recherches  ;  et,  dans  un  accès  de  malice  étourdie,  un 
de  ses  camarades  s'avisa  de  mêler  à  ses  produits  une  poudre  détonante  .  :  de 
telle  sorte  que ,  revenant  à  ses  expériences  au  milieu  de  la  nuit,  Scheele,  dès 
la  première  expérience,  détermina  tout  à  coup  une  forte  explosion  qui  mit  toute 
la  maison  en  émoi,  et  qui  vint  dévoiler  ses  travaux  nocturnes.  Depuis  ce  mo- 
ment on  devint  plus  sévère  aux  expériences  qui  occupaient  si  vivement  sa  jeune 
ima^ation.» 

(2)  Ce  fut,  ditron,  un  hasard  qui  fit  ccmnaitre  Scheele  à  Bergmann.  <i  II  était 
employé  par  un  pharmacien  (M.  Look)  qui  fournissait  à  Bergmann  les  produits 
chimiques  nécessaires  à  ses  travaux.  Celui-ci,  ayant  un  jour  besoin  de  salpêtre, 
en  fait  prendre  chez  ce  pharmacien,  l'emploie  à  Tusage  auquel  il  le  destinait,  et 
détermine  là  production  d'ahondantes  vapeurs  rouges  formées,  comme  on  sait, 
par  Tadde  hypo^azotique,  mais  qui,  dans  son  opinion,  n'auraient  pas  dû  se  dé- 
gager dans  les  circonstances  ou  le  sel  avait  été  placé.  Bergmann  étonné  s'en  prend 
à  quelques  impuretés  du  salpêtre.  Il  renvoie  ce  sel  par  un  de  ses  élèves,  qui  ne 
manque  pas  une  occasion  si  belle  de  rudoyer  un  peu  le  pauvre  garçon  apothicaire 
qui  Payait  livré.  Mais  Scheele  s'informe  de  ce  qui  s'est  passé,  se  fait  expliques 
les  détails  de  l'expérience,  et  il  en  donne  immédiatement  l'explication.  A  peine 
celle^i  est-elle  rapportée  à  Bergmann,  qu'il  accourt  auprès  de  Scheele,  l'inf^r- 

29. 


452  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

vant;  il  en  parle  avec  admiration,  dans  la  vaste  correspondance 
qu'it  entretenait  avec  les  principaux  savants  de  son  époque. 

L'importance  de  ses  travaux  ne  tarda  pas  à  faire  sortir  Scheele 
de  Tobscurité  dans  laquelle  il  semblait  se  complaire.  On  lui  fit 
plusieurs  propositions  avantageuses,  dans  Tintention  de  le  faire 
sortir  de  son  humble  condition;  il  refusa  toutes. ces  offres. 
Frédéric  II,  roi  de  Prusse,  ne  réussit  pas  davantage  à  l'attirer  à 
Berlin. 

Mais  il  apprend  que,  dans  une  petite  ville  de  Suède ,  à  Rjo- 
ping ,  il  existe  une  pharmacie  demeurée  entre  les  mains  d'une 
veuve,  qu'il  y  trouverait  un  emploi  paisible,  que  la  veuve  pos- 
sède quelque  bien,  et  qu'il  pourrait  aspirer  à  l'épouser.  C'est 
l'avenir  qu'il  lui  faut  :  retraite,  calme  et  médiocrité.  Il  se  trans- 
porte vite  à  Kjoping,  il  accepte  tous  les  arrangements,  et  s'établit 
chez  la  veuve.  Mais,  par  une  de  ces  contrariétés  si  fréquentes  dans 
la  vie,  il  se  trouve,  tout  examiné,  que  la  succession  est  obérée  de 
dettes,  et  que  la  pauvre  veuve  ne  possède  rien.  Ainsi,  au  lieu  d'un 
sort  paisible,  d'une  existence  douce  et  tranquille,  c'est  une  vie 
pénible  et  de  labeur  qui  se  présente.  Toutefois  Scheele  ne  recule 
pas,  et  l'accepte  sans  hésiter,  trouvant  qu'on  doit  être  prêt  à 
donner  quand  on  se  croit  digne  de  recevoir.  Il  se  met  donc  à 
l'œuvre,  et,  partageant  son  temps  entre  ses  recherches  et  les  soins 
de  la  pharmacie,  il  emploie  tous  les  bénéfices  de  la  maison  à  en 
payer  les  dettes.  Sur  les  600  livres  qu'il  gagnait  chaque  année,  il 
en  réserve  iOO  pour  ses  besoins  personnels,  et  consacre  le  resie 
à  la  chimie  (4).  » 

En  1786  Scheele  épousa  la  veuve  qui,  neuf  ans  auparavant,  lui 
avait  cédé  son  établissement,  et  mourut,  le  21  mai  1786,  deux 
jours  après  son  mariage,  n'ayant  pas  encore  atteint  l'âge  de  qua- 
rante-quatre ans. 

C'est  pendant  sou  séjour  à  Kjoping  que  Scheele  mit  au  monde 
la  plupart  des  travaux  qui  illustrèrent  son  nom  (2).  L'Académie 


roge,  et  découvre,  à  sa  grande  surprise,  à  sa  grande  joie,  sous  rhurhble  tablier 
de  rélève  en  pharmacie,  un  chimiste  profond  et  consonrimé,  un  chimiste  de  haute 
volée,  à  qui  se  sont  déjà  révélés  nombre  de  faits  inconnus.  »  M.  Dumas,  Le- 
çons de  philosophie  chimique^  p.  90. 

(1)  M.  Dumas,  Leçons  de  philosophie  chimique,  p.  91. 

(2)  «  On  raconte  que  le  roi  de  Suède,  dans  un  voyage  hors  de  ses  États,  enten' 
dant  sans  cesse  parler  de  Scheele  comme  d'un  homme  des  plus  éminents,  fat 
pemé  de  n^avoir  rien  fait  pour  lui.  11  crut  nécessaire  à  sa  propre  gloire  de  donner 


\ 


TROISIÈME  EPOQUE.  453 

royale  des  sciences  deStockhoIm,  rAcadémie  royale  de  Turin, 
et  la  Société  des  scrutateurs  de  la  nature,  de  Berlin,  se  glorifiaient 
de  le  compter  au  nombre  de  leurs  membres. 

Scheele,  dans  sa  courte  apparition  dans  ce  monde^où  tant  d'in- 
térêts s'entre-croisent  et  se  brisent  dans  d'irrésisibles  chocs, 
commande  notre  admiration  et  notre  respect,  non-seulement 
comme  savant,  mais  encore  comme  homme  privé.  Avec  de  petites 
ressources,  il  fit  de  grandes  choses.  Jamais  il  n'ambitionna  les 
honneurs  et  les  richesses.  Les  passions  égoïstes  n'eurent  point 
prise  sur  ce  beau  caractère.  Jamais  il  n'avait  songé  à  faire  de  la 
science  un  marchepied. 

Travanx  de  Aeheele* 

Les  ouvrages  de  Scheele  forment  une  collection  de  mémoires 
de  peu  d'étendue  (1);  mais  chacun  de  ces  mémoires  renferme 
souvent  plusieurs  découvertes  à  la  fois. 

L'histoire  de  la  science  n'avait  pas  encore  offert  un  spectacle 
pareil  à  celui  que  présentent  parleurs  travaux  Lavoisier  et  Scheele. 
L'un  porte  le  flambeau  de  la  philosophie  naturelle  dans  la  con- 
naissance chimique  des  gaz  ;  l'autre  a  imprimé  à  la  chimie  miné- 
rale et  organique  cette  marche  assurée  qui  convient  à  une  science 
essentiellement  expérimentale.  Si  Scheele  ne  s'élève  pas  à  la 
hauteur  de  Lavoisier  par  l'esprit  de  généralisation,  il  lui  est 
peut-être  supérieur  dans  l'application  de  la  méthode  expéri- 
mentale^ et  dans  l'examen  analytique  des  faits.  Aussi  est-il  bien 
rare  de  voir  un  seul  homme  réunir  en  lui  à  la  fois  l'esprit  d'ana- 
lyse et  l'esprit  de  synthèse. 

une  marque  d^estime  à  ua  homme  qui  illustrait  ainsi  son  pays ,  et  il  s^empressa 
de  le  faire  inscrire  sur  la  liste  des  chevaliers  de  ses  ordres.  Le  ministre  chargé 
de  lui  conférer  ce  titre  demeura  stupéfait.  «  Scheele  !  Scheele  !  c^est  smgnlier,  » 
dit-il.  L'ordre  était  clair,  positif,  pressant,  et  Scheele  fut  fait  chevalier.  Mais, 
vous  le  devinez,  ce  ne  fut  pas  Scheele  Tillustre  chimiste,  ce  ne  fut  pas  Scheele 
lUHMmeur  de  la  Suède,  ce  fut  un  autre  Scheele  qui  se  vit  Tobjet  de  cette  faveur 
inattendue.»  M.  Dumas,  Leçons  de  philosophie  chimique,  etc.,  p.  93. 

(1)  Les  travaux  de  Scheele,  qui  presque  tous  ont  été  imprimés,  sous  forme 
de  mémohres,  dans  les  Actes  de  la  Société  royale  de  Stockholm,  ont  été  traduits 
en  latin  et  réunis  en  deux  volumes  in-8°,  sous  le  titre  :  Opuscula  chemica  et 
phytica,  latine  vertu  G.  H.  Schaefer.  Edidit  et  prxfatus  est  B.  G.  Heben- 
streU;  Lipa.,  1788  et  1789.  —  Ils  furent  pubUés  en  allemand  par  Fr.  Hermbstaedt 
{SxmmétUeke  phymche  und  chemische  Werke);  Berlm,  2  vol.  in-8**,  1793. 
—  En  français  :  Mémoires  de  chimie,  etc.-,  Dijon,  1785,  2  vol.  in-18. 


454  UI^TOIRB  DE  LÀ  CHIMIE. 

De  tous  les  travaux  de  Scheele,  le  moins  parfait  peut-ôtrë,  et 
pourtant  celui  qui  eut  le  plus  de  renommée,  c'est  le  Livre  sur  l'air 
et  le  feu  (1).  Lorsque  ce  livre  parut,  on  connaissait  déjà  les  expé- 
riences dé  Black,  dePriestley,  de  Lavoisier,  sur  l'air  et  d'autres 
fluides  élastiques.  Les  expériences  décrites  dans  ce  livre  ont  pour 
objet  l'absorption  de  l'air  du  feu  (oxygène)  par  le  foie  du  soufre, 
par  l'essence  de  térébenthine  se  transformant  en  une  matière 
résineuse,  par  le  précipité  vert  pâle  du  vitriol  (protoxyde  de  fer), 
par  la  limaille  de  fer  humectée  d'eau,  par  des  corps  combustibles, 
par  le  phosphore,  par  le  soufre,  le  charbon,  les  métaux,  etc.; 
la  préparation  de  l'air  du  feu,  soit  à  l'aide  du  précipité  rouge  ou 
de  la  chaux  d'argent,  soit  au  moyen  du  manganèse  et  de  l'acide 
vitriolique  (2);  l'action  qu'exerce  l'air  du  feu  sur  la  respiration 
des  animaux,  etc.  Toutes  ces  expériences,  dont  quelques  -unes 
avaient  déjà  été  faites  par  Priestley  et  par  Lavoisier,  mettentbien 
en  lumière  cette  pénétration  qui  caractérise  au  plus  haut  degré 
l'illustre  chimiste  de  Rjoping. 

Mais  s'agit-il  de  rattacher  ces  faits  à  des  lois  générales^  de  les 
expliquer  dans  leur  ensemble  par  des  théories  philosophiques, 
aussitôt  sa  pénétration  ordinaire  lui  fait  défaut.  On  s'aperçoit 
aisément  que  Scheele  n'est  point  là  sur  son  véritable  terrain;  il 
s'égare  dans  les  doctrines  du  phlogistique. 

De  ses  nombreuses  expériences  si  ingénieusement  disposées  (3), 
il  n'arrive  qu'à  conclure   :    1°  que  le  phlogistique  est  un  véri- 

(  1  )  Cet  ouvrage,  précédé  d'une  préface  de  Bergmann,  parut  pour  la  première 
fois  en  allemand.  Chemische  Ahhandlung  von  der  Luft  und  Feuer,  etc.  (Up- 
sal  et -Leipzig),  en  1777.  Leonhardy  publia  en  1781  une  nouvelle  édition  alle- 
mande. —  Traduction  française  :  Traité  chimique  de  Vair  et  du  feu,  etc., 
traduit  de  V allemand  par  le  baron  de  Didrich,  secrétaire  général  des  Suisses 
et  Grisons,  etc.;  Paris,  1781,  12.  —  Supplément  au  Traité  chimique,  conieD&ni 
un  tableau  abrégé  des  nouvelles  découvertes  sur  les  diverses  espèces  d'air,  par 
G.  Leonhardy,  des  notes  de  R.  Kirwan,  et  une  lettre  de  Priestley,  etc.,  par  le 
baron  Dietrich;  Paris,  1785,  12.  —  Traduction  anglaise:  Chemical  observa- 
Nons  and  erperimenfs  on  air  andflre,  rtc,  translated  from  german  by  F. 
R.  Forster;  Lond.,  1780,  8. 

(2)  Scheele  se  servait  de  vessies  pour  recueillir  les  gaz.  C'était  la  méthode  de 
Wrcn,  dont  il  ne  paraissait  pas  avoir  eu  connaissance.  Voy.  p.  250  de  r^  vo- 
lume. 

(3)  Il  est  parfaitement  démontré,  par  quelques-unes  de  ces  expériences,  que 
les  animaux  aquatiques  respirent  comme  les  animaux  terrestres,  qu'ils  absorbent 
l'air  du  feu  (oxygène)  dissous  dans  l'eau,  et  le  transforment  en  acide  aérien. 
Scheele  se  servait  d'un  moyen  très-ingénieux  pour  constater  la  présence  de  Tair 


TROISliBIE  ÉfOQUE.  455 

table  élément;  2*  qu'il  peut,  par  Taffinité  qu'il  a  pour  certaines 
matières,  être  transmis  d'un  corps  à  un  autre;  3**  qu'en  se  com- 
binant avec  Vair  du  feu  (oxygène),  il  constitue  le  calorique; 
4"  que  le  calorique  (combinaison  du  phlogistique  avec  Tair  du 
feu),  par  suite  de  la.  combustion  ou  de  la  respiration,  adhère  à 
l'air  corrompu  (azote),  et  le  rend  plus  léger,  etc.  (1). 

On  a  lieu  de  s'étonner  que  Scheele,  qui  se  glorifiait  de  ne  croire 
que  ce  qui  tombe  sous  les  sens,  ait  pu  prendre  la  défense  du  phlo- 
gistique, d'une  substance  chimérique  que  personne,  pas  plus  que 
lui-môme,  n'avait  jamais  vue.  Mais  les  considérations  théoriques 
ne  vont  point  à  la  trempe  de  son  esprit  :  il  trébuche  dès  qu'il 
essaye  de  mettre  le  pied  sur  le  domaine  de  la  philosophie  chimique 
où  Lavoisier  était  maître. 

Le  livre  De  l'air  et  du  feu  est  suivi  d'un  mémoire  sur  l'analyse 
de  l'air  (2).  Dès  qu'il  ne  s'agissait  plus  d'émettre  des  doctri- 
nes spéculatives,  mais  de  faire  preuve  d'exactitude  dans  l'ob- 
servation des  faits,  Scheele  se  montrait  tel  qu'il  était,  expérimen- 
tateur incomparable.  Dans  ce  (némoire,  il  fait  voir  que  l'air  est 
un  mélange  de  deux  fluides  élastiques  bien  distincts,  dont  l'un 
s'appelle  air  vicié  ou  corrompu  (azote),  «  parce  qu'il  est  absolu- 
ment dangereux  et  mortel,  soit  pour  les  animaux,  soit  pour  les 


du  feu  (laut^^Feau.:  «  Je  prends,  dit-il,  par  exemple,  une  once  d^eau;  j'y  yerse 
environ  quatre  gouttes  d^une  solution  de  vitriol  de  mars  et  deux  gouttes  d'alcali 
du  tartre,  àfTaibli  par  un  peu  d'eau;  il  en  résulte  aussitôt  un  précipité  d'un 
vert  foncé  qjiA  jaunit  quelques  minutes  après,  lorsque  l'eau  contient  de  Vair 
du  feu; mis  dlms  Teau  bouillie  et  reflroidie,  ou  dans  Peau  distillée  récente,  en 
commnnicatttdii  avec  Tair  libre,  le  précipité  conserve  quelque  temps  sa  couleur 
verte,  et  ne  jaunit  qu'une  heure  environ  après  ;  et,  s'il  est  gardé  dans  des  flacons 
pleins  et  sans  aucune  communication  avec  l'air,  il  ne  jaunit  point.  »  —  Dans 
d'autres  expériences  Scheele  signale  la  lumière  comme  faisant  noircir  le  sel  d'ar- 
gent (chlorure),  et  il  montre  le  premier  qu'en  exposant  au  spectre  solaire  un 
papier  imprégné  d'un  sel  d'argent  (cldorure),  on  le  voit  noircir  bien  plus  promp- 
tement  au  rayon  violet  que  dans  les  autres  rayons.  —  C'est  donc  à  Scheele  qyc  ^ 
l'on  doit  la  découverte  d'un  fait,  sans  la  cpimaissaiice  du<|uel  on  n'aurait  jamais 
inventé  la  photographie.  Malheureusement  c'est  toujours  le  phlogisti<iue  qui 
joue,  selon  lui,  le  principal  rôle  dans  ces  phénomènes.  Traité  de  Vair  et  du 
feUy  etc.,  p.  Î27,  p.  145  (Paris,  1781,  in-12). 

(1)  Traité  de  Vair  et  du  fùu,  etc.,  p.  145. 

(2)  Quantum  aeris  puri  in'atmosphxra  quotidie  insit.  Acta  Acad.  reg. 
Suec.  annil779.  —  OpuscuL  chemica  etphysica,\o\,  I,p.  193-199.  Supplément 
au  traité  chimique  de  l'air  et  du  feu,  etc.,  par  le  baron  île  Dielrich;  Paris, 
1785,  in-12. 


436  >  HISTOIRE  IIB  Li    CHIMIE. 

.végétaux^  Taulre  s'appelle  air  pur  ou  air  de  feu,_  parce  qu'il 
est  tout  à  fait  salutaire  et  qu'il  entretient  la  respiration.  » 

Mais  il  importait  de  trouver  les  proportions  de  ces-deus  flui- 
des élastiques  qui  composent  un  volume  d'air  donné.  Ov,  voici 
le  procédé  d'aoalyse  qu'il  avait  imagÎDé.  La  figure  ci-jointc 
(reproduite  d'après  le  mémoire  original)  devait  faciliter  l'intelli- 
gence de  la  description.  Au  fond  de  la  cuvette  A,  on  voit  un  sup* 


port  B,  où  se  trouve  fixée  une  tige  de  verre,  surmontée  d'une 
■peti[ecapsuIeC,po!.éesurunpetitpiateau  horizontal.  Cette  capsule 

contenait  deuxparlies  de  limaille  de  fer  et  une  partie  de  soufre 
en  poudre,  humectée  d'eau.  Ce  mélange  devait  absorber  tout  l'air 
pur  (oxygène),  contenu  dans  l'air  commun  (atmosphérique)  que 
renfermai!  l'éprouvetteD,  renversée  sur  lepetit  appareil  BC  dans 
la  cuvette  remplie  d'eau.  A  l'extérieur  de  l'éprouvelle  était  collée 
une  bande  de  papier  E,  marquant,  par  sa  longueur,  le  tiers  de  la 
napaci  tédn  verre  cylindrique  ;  cette  bande  éuit  elle-même  divisée 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  '  ^      '       457 

en  onze  parties  égales,  de  sorte  que  chaque  trait  de  E  indiquait  le 
trente-troisième  du  volume  de  Tair  atmosphérique  contenu  dans 
D.  A  mesure  que  Toxygène  était  absorbé,  l'eau  montait  dans  Té- 
prouvette  pour  combler  le  vide.  La  colonne  d'eau,  s'élevant  ainsi 
•graduellement,  mesurait  la  quantité  d'oxygène  enlevé  à  l'air  par 
le  mélange  de  soufre  et  de  limaille  de  fer  humectée. 

Ces  expériences  analytiques  de  l'air,  au  moyen  de  l'appareil 
qui  vient  d'être  décrit,  furent  commencées  le  1^^  janvier  1778,  et 
continuées  sans  interruption  pendant  toute  l'année  jusqu'au  31 
décembre.  Le  résultat  final  fut  que  l'air  contient  une  quantité  à 
peu  près  invariable  d'air  dépblogistiqué  (oxygène),  et  que  cette 
quantité  est  de  neuf  trente-troisièmes.,  c'est-à-dire  un  peu  plus 
de  25  pour  cent. 

La  partie  la  plus  importante  des  travaux  de  Scheele  concerne 
la  chimie  minérale  et  la  chimie  organique.  C'est  là  que  ce  grand 
chimiste  adéployé  tout  son  génie  :  chaque  pas  qu'il  fait  dans  cette 
voie  est  signalé  par  une  découverte.  Gomme  cette  partie  des  tra- 
vaux de  l'illustre  Suédois  est  peut-être  un  peu  moins  connue  que 
le  Traité  de  l'air  et  du  feu,  nous  allons  nous  y  arrêter  davantage. 
Nous  commencerons  parles  mémoires  les  plus  remarquables,  sans 
nous  astreindre  à  l'ordre  chronologique  de  leur  publication.  Ces 
mémoires  peuvent,  en  quelque  sorte,  servir  de  modèles  :  ils  se 
distinguent  par  une  méthode  rigoureuse,  et  par  une  concision 
telle  qu'ils  se  refusent  à  toute  analyse^  car  il  n'y  a  pas  un  mot  qui 
n'ait  une  valeur  déterminée,  et  il  n'y  en  a  pas  une  seule  phrase  à 
retrancher. 

Comme  ces  mémoires  sont  en  général  très-courts,  et  à  peu  près 
tous  rédigés  d'après  le  même  plan,  nous  allons  donner  ici  comme 
spécimen  le  mémoire  sur  l'acide  citrique.  Nous  laissons  parler 
l'auteur  lui-même. 

Mur  le  «ne  cl«  eltron  et  sa  erlstallisatlon  (i). 

Plusieurs  chimistes  ont  essayé  d'obtenir  le  suc  de  citron  sous 
forme  de  cristaux,  à  l'aide  d'une  simple  évaporaUon.  De  ce  que  ce 
moyen  ne  réussissait  point  entre  leurs  mains,  ils  en  avaient  aus- 
sitôt conclu  que  l'acide  du  citron  est  incristallisable,  bien  que, 

(1)  De  succo  citri  eJMsque  cristallisatione.  Nova  Acla  Acad.  reg.  Suc. 
mil.,  1781.  —  Crell,  Chemische  AnnaleUf  1784,  cab.  7.  —  Opwcula  chemica 
H  physica^  vol.  II,  p.  181-186. 


*     '«> 


458  HisTomx  de  là  chimie. 

selon  toute  probabilité,  presque  tous  les  acides  végétaux  soienl 
susceptibles  de  cristalliser,  pourvu  qu'on  leur  enlève  les  ma- 
tières étrangères  qui  y  adbèrent. 

n  J'ai,  ajoute-ii,  réduit,  pari'évaporation,  le  suc  de  citron  jus- 
qu'à consistance  de  miel,  et  je  l'ai  dissous  dans  de  i'esprit-de-vin- 
concentré.  Il  s'est  formé  un  coagulum  qui  est  resté  sur  le  filtre,  et 
qui  consistait  en  une  matière  mucilagineuse  mêlée  d'une  très- 
petite  quantité  de  citrate  d'alr>ali  {pauxillo  alcali  ciircUi),  Espé- 
rant alors  que  le  suc  ainsi  purifié  ne  se  refuserait  plus  à  la  cris- 
tallisation, je  fis  évaporer  la  solution  alcoolique;  mais  le  succès 
ne  répondit  pas  à  mon  attente,  car  il  ne  s'était  produit  aucune 
apparence  cristalline.  Ceci  me  conduisit  à  penser  que  l'acide 
pouvait  bien  être  encore  sali  par  quelque  matière  étrangère  solu- 
ble  dans  l'esprit-de-vin,  et  capable  de  s'opposer  à  sa  cristallisa- 
tion. La  suite  me  prouva  que  j'avais  deviné  juste;  car  il  existe 
dans  l'acide  du  citron  une  matière  grasse,  savonneuse  {materia 
saponacea),  qui  se  dissout»  comme  tout  le  monde  sait,  et  dans 
l'eau  et  dans  l'alcool.  » 

Scheele  rappelle  ici  que  l'acide  du  tartre  est  extrait  au  moyen- 
de  la  craie  (1),  et  qu'il  se  produit,  dans  ce  cas,  un  sel  moyen,  la 
cbaux  tartarisée  ((ra/j:  tartarisata),  très-peu  soluble  dans  l'eau.  Or 
la  môme  chose  arrive  pour  l'acide  du  citron,  qui  forme  avec  la 
chaux  un  sel  très-peu  soluble  dans  l'eau.  En  employant  ce 
procédé  on  obtient  l'acide  pur  et  exempt  de  toute  matière  grasse 
ou  gommeuse;  on  le  sépare  aisément  de  la  chaux  par  l'intermé- 
diaire de  l'acide  vitriolique. 

Mettez  une  mesure  de  suc  de  citron  limpide  dans  un  matras 
en  verre  d'une  capacité  convenable,  et  chauffez-le  sur  un  bain  de 
sable.  Dès  que  la  liqueur  commence  à  bouillir  légèrement,  vous  y 
ajouterez,  par  petites  portions,  de  la  craie  desséchée,  pulvérisée  et 
pesée,jiisqn'àceque  l'acide  ne  fasse  pins  d'effervescence.  Pendant 
ces  moments-là  vous  remuerez  la  liqueur  constamment  avec  une 
spatule  de  bois.  Pour  saturer  une  mesure  (cant/iarus)  de  suc  de 
citron,  il  faut  environ  lOloths  (100  grammes)  de  craie  sèche. Cela 
fait,  onôte  le  matras  du  bain  de  sable,  et  on  le  place  dans  un  en- 
droit tranquille.  La  chaux  saturée  d'acide  citrique  {calx  citrata] 

(  1  )  Scheele  avait  communiqué  ce  mode  de  préparation  de  Tacide  tartrique  à 
Retzius,  qui  le  publia  dans  les  Actes  de  l'Acad.  royale  de  Stockholm,  année  1770. 
Les  Opuscula  chemlca  et  physica  de  Scheele  ne  contiennent  pas  de  mémoire 
particulier  sur  Tacide  tartrique. 


I 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  459 

se  dépose  alors  sous  forme  de  poudre.  Oa  enlève  par  décantatioa 
Teau  légèrement  colorée  en  jaune  qui  nage  sur  le  résidu;  on  lavé 
celui-ci  à  différentes  reprises  avec  de  Peau  chaude,  jusqu*à  ce 
que  l'eau  décantée  soit  exempte  de  toute  coloration.  Ensuite  on 
ajoute  au  citrate  de  chaux  ainsi  lavé  11  loths  d'acide  vitriolique, 
étendu  de  10  parties  d'eau.  On  remet  la  cornue  sur  le  bain  de 
sable,  et  on  laisse  bouillir  le  mélange  pendant  un  quart  d'heure. 
Le  vaisseau  étant  refroidi,  on  jette  le  mélange  sur  un  filtre  ;  on 
lave  le  gypse  (sulfate  de  chaux)  qui  reste  sur  le  filtre  avec  un  peu 
,  d'eau  froide,  afin  de  lui  enlever  Tacide  du  citron  qui  pourrait 
y  adhérer.  On  peut  faire  évaporer  le  liquide  acide  filtré  jusqu'à 
consistance  presque  sirupeuse,  et  le  remettre  sur  le  filtre,  afin  de 
séparer  le  restant  de  gypse  qui  pourrait  s'y  trouver. 

La  présence  de  la  chaux  citratée  empêche  la  cristallisation  de 
notre  acide.  Or,  pour  prévenir  cet  inconvénient,  on  verse  dans  la 
liqueur  quelques  gouttes  d'acide  vitriolique  étendu;  s'il  se  forme 
un  précipité,  il  faut  continuer  à  en  ajouter  jusqu'à  ce  que  toute  la 
chaux  soit  éliminée  à  l'état  de  gypse.  Alors,  en  évaporant  l'acide 
filtré  une  dernière  fois,  on  verra  de  petits  cristaux  se  produire. 
Évaporé  jusqu'à  consistance  sirupeuse,  et  exposé,  après  cela,  à 
un  froid  modéré,  l'acide  du  citron  se  prend  en  beaux  cristaux, 
semblables  à  ceux  du  sucre  candi. 

Les  sels  neutres  formés  par  cet  acide  cristallisent  difficilement; 
quand  ils  sont  parfaitement  desséchés,  ils  absorbent  l'eau  atmos- 
phérique. 

Lorsqu'on  soumet  à  la  distillation  l'alcali  volatil  citrate  (citrate 
d'ammoniaque),  on  remarque  que  sa  base  se  volatilise  et  que  l'acide 
sa  détruit. 

L'acide  du  citron  produit  avec  la  terre  calcaire  un  sel  moyen, 
très-peu  soluble  dans  l'eau.  Il  se  combine  de  môme  avec  la  terre 
posante  (baryte).  Le  sel  ainsi  produit  est  un  peu  plus  soluble 
dans  l'eau  que  le  précédent. 

Combiné  avec  la  magnésie,  il  donne  naissance  à  un  sel  assez  so- 
luble dans  l'eau,  mais  incristnllisible;  exposé  à  la  chaleur,  ce  sel 
se  convertit  en  une  matière  gommeuse  transparente. 

L'acide  cftrique  attaque  à  peine  les  métaux  ;  le  fer  et  le  zinc  sont 
les  seuls  qui  soient  dissous  par  lui  avec  dégagement  d'air  inflam- 
mable (hydrogène). 

Les  solutions  métalliques  ne  sont  guère  changées  par  l'action 
de  l'acide  du  citron,  excepté  les  solutions  acéteuses  de  chaux,  de 


460  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

plomb  et  de  mercure,  qui  sont  précipitées  en  blanc.  Ces  précipités 
sont  redissous  par  l'acide  nitrique  étendu  ;  dans  le  cas  contraire, 
l'acide  du  citron  contient  encore  un  peu  d'acide  vitriolique  qu'on 
parvient  à  éliminer  par  des  cristallisations  réitérées. 

Scheele  est  l'inventeur  de  la  méthode  que  nous  venons  de  fairo 
connaître.  On  s'en  sert  encore  aujourd'hui  pour  la  préparation 
de  la  plupart  des  acides  végétaux. 

DfeovTerte  d«  chlore  so«s  le  nom  cl'«eldem«i*iatl«iie  dé|^U«- 

gîmUmMé. —  Un  mémoire  nonmoins  remarquable,  maisbeaucoup 
plus  étendu,  est  celui  qui  ivsÀie  au  manganèse  [magnesianigra), 
et  qui  se  trouve  inséré  dans  les  Actes  de  la  Société  royale  de 
Stockholm  de  l'année  1774  (4). 

Fidèle  à  sa  manière  de  procéder,  l'auteur  essaye  d'abord  l'action . 
de  divers  réactifs  sur  la  matière  soumise  à  l'observation.  En  trai- 
tant la  magnésie  noire  (peroxyde  de  manganèse)  par  l'acide  vitrio- 
lique^ il  obtenait  un  sel  blanc,  légèrement  rosé,  soluble  dans  Peau: 
c'était  le  sulfate  de  manganèse.  II  n'ignorait  pas  qu'il  se  dégage, 
pendant  cette  opération,  un  fluide  élastique  qui  possède  toutes  les 
propriétés  de  l'air  déphlogistiqué  (oxygène). 

11  soumit  le  manganèse  à  l'action  de  tous  les  acides  miné- 
raux  et  organiques  alors  connus,  et  il  arriva  ainsi,  au  moyen  de 
l'acide  muriatique,  à  découvrir  le  chlore,  ou,  comme  il  l'appelait, 
Vacide  muriatique  déphlogistiqué. 

La  découverte  de  ce  corps  si  important  vaut  la  peine  que  nous 
nousy  arrêtions  un  moment.  «  Je  versai,  dit  Scheele,  une  once  d'a- 
cide muriatique  sur  une  demi-once  de  magnésie  noire  en  poudre. 
Au  bout  d'une  heure  je  vis  ce  mélange  à  froid  se  colorer  en  jaune; 
en  le  chauffant,  il  se'développa  une  forte  odeur  d'eau  régale  (2). 

«  Afin  de  me  rendre  compte  de  ce  phénomène  je  me  servis 
du  procédé  suivant  :  j'attachai  une  vessie  vide  à  l'extrémité  du 
col  de  la  cornue  contenant  le  mélange  de  magnésie  noire  et  d'a- 
cide muriatique.  A  mesure  que  la  liqueur  continuait  à  faire  effer- 
vescence, la  vessie  se  gonflait;  l'effervescence  étant  arrêtée,  j'ôtai 
la  vessie.  Celle-ci  était  teinte  en  jaune  par  le  corps  aériforme  qu'elle 

contenait,  exactement  comme  par  l'eau  régale.  Ce  corps  n'estpoint     ; 

1 

(1)  De  magnesia  nigra:  Acta  Acad.  reg.  Suec,  anni  1774.  Opuscula  cheraica 
etphysica,   éd.  Schaeffer  et  Hebenstreit  ;  Lips.,  1788,  8,  vol.  I,  p.  227-281. 

(2)  Opuscula  chemica  et  physica,  vol.  I,  p.  232. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  461 

de  Tair  fixe  (gaz  acide  carbonique)  (i);  son  odeur,  extrêmement 
forte  et  pénétrante,  affecte  singulièrement  les  narines  et  les  pou* 
mons;  En  vérité,  on  le  prendrait  pour  la  vapeur  de  Teau  régale 
chauffée  {pro  halitu  ^quœ  regiœ  calefactœ  haberes).  Quiconque 
voudra  connaître  la  nature  de  ce  corps  devra  l'étudier  à  l'état 
de  fluide  élastique  (2).  » 

Pour  recueillir  ce  gaz,  Tauteur  conseille  de  se  servir^  au  lieu 
d'une  vessie,  de  bouteilles  pleines  d'eau,  renversées  sur  des  cu- 
vettes remplies  du  même  liquide. 

Voici  la  description  qu'il  fait  des  propriétés  de  Vacide  muria* 
tique  déphlogistiqué  (chlore)  : 

ai  Ce  fluide  élastique  corrode  les  bouchons  des  bouteilles  où 
il  se  trouve  renfermé,  et  les  teint  en  jaune;  il  attaque  de  même 
le  papier; 

6.  Il  blanchit  le  papier  bleu  de  tournesol,  et  détruit  la  couleur 
rouge,  bleue,  jaune  des  fleurs,  et  même  la  couleur  verte  des  feuilles. 
Pendant  cette  action,  il  se  convertit,  eti  présence  de  l'eau,  en  acide 
muriatique  ; 

'  c.  Les  fleurs  ou  les  plantes  ainsi  altérées  ne  peuvent  recouvrer 
leurs  couleurs  primitives,  ni  par  les  alcalis,  ni  par  les  acides; 

d.  Il  épaissit  les  huiles  et  les  graisses,  et  même  l'essence  de  té- 
rébenthine ; 

e.  Mis  en  contact  avec  le  cinabre,  il  donne  naissance  à  du  su- 
blimé corrosif,  en  éliminant  le  soufre  du  cinabre  ; 

f.  11  attaque  le  vitriol  vert  (sulfate  de  fer)  et  le  rend  rouge.  Il 
ne  fait  pas  changer  d'aspect  aux  vitriols  bleu  et  blanc  ; 

g.  Il  dissout  le  fer.  Cette  solution,  chauffée  avec  de  l'huile  de 
vitriol,  laisse  dégager  de  l'acide  muriatique  pur,  qui  ne  dissout 
pias  l'or  ; 

A.  Tous  les  métaux  sont  attaqués  par  l'acide  muriatique  déphlo- 
gistiqué  (chlore).  Il  est  à  remarquer  que  la  solution  d'or,  traitée 
par  l'alcali  volatil  (ammoniaque),  donne  un  précipité  de  chaux 
(oxyde)  fulminante  ; 

t.  L'esprit  de  sel  ammoniac  (gaz  ammoniac)  produit,  au  con^ 
tact  du  corps  en  question,  des  vapeurs  blanches; 

k.  Combiné  avec  l'alcali  flxe  minéral  (soude),  l'acide  muriatique 


(1)  C'était  le  premier  et  alors  le  seul  fluide  élastique  bien  connu,  grâce  aux 
travaux  de  Black  et  de  Bergmann. 

(2)  Opusculachemica  et physka,  vol.  I,  p.  248,  2i9. 


462  HISTOIRE  DE  Li  cuiims.. 

déphlogistiqué  forme  le  sel  de  cuisine  qui  décrépite  surles.  char- 
bons ardents; 

/.  Il  rend  l'arsenic  déliquescent; 

0t.  Il  tue  sur-le-champ  les  insectes;         , 

n.  Il  éteint  immédiatement  la  flamme  (1). 

Maintenant,  quelle  est  la  composition  de  ce  corp$  nouveaa? 
C'est  ici  que  Scheele  retombe  dans  la  théorie  du  phlogistique.  La 
magnésie  noire  enlève,  selon  lui,  le  phlogistique  de  l'acide  muria- 
tique,  en  le  transformant  en  acide  muriatique  déphlogistiquéi 
Le  grand  chimiste  était,  sans  s'en  douter,  bien  près  de  la  vérité. 
En  effet,  substituez  au  phlogistique  l'hydrogène  (air  inflammable) 
et  vous  aurez  l'acide  muriatique  (chlorhydrique)  déshydrogéuéy 
c'est-à-dire  le  chlore. 

En  poursuivant  ses  recherches  sur  la  magnésie  noire,  il  arrive  à 
constater  que  cette  substance,  chauffée  avec  un  mélange  d'acide 
vitriolique  et  de  sucre,  de  gomme  etd'autres matières  semblables, 
donne,  à  la  distillation,  un  acide  tout  semblable  au  vinaigre  le  plus 
fort  :  c'était  l'acide  formique.  —  L'acide  oxalique  (obtenu  en 
traitant  le  sucre  par  l'acide  nitrique)  et  l'acide  formique  sont  les 
premières  matières  organiques  qui  aient  été  préparées  chimique- 
ment par  l'intervention  de  substances  minérales. 

Caméléon  minéral.  Mang^anége.  — Scheele  découvrit  le  camé- 
léon minéral  en  chauffant  un  mélange  de  nitre  pulvérisé  et  de 
magnésie  noire.  Il  explique  par  l'action  de  Pair,  et  surtout  de  l'air 
fixe,  les  phénomènes  de  coloration  que  présente  la  masse  verte 
obtenue  par  la  fusion  du  nitre  avec  le  manganèse  (2).  Il  remarqua 
que  le  verre,  coloré  en  rouge  par  la  magnésie  noire,  redevient  in- 
colore lorsqu'on  le  fait  fondre  sur  du  charbon  (3). 

Enfin,  après  avoir  très-bien  décrit  les  propriétés  de  la'magné- 
sie  'noire  accompagnant  partout  le  fer,  jusque  dans  les  cendres 
des  végétaux,  il  arrive  à  établir  que  la  magnésie  noire  diffère  es- 
sentiellement de  toutes  les  terres  connues,  et  qu'elle  n'est  pas 
un  élément  simple. 

Ce  dernier  poinl  avait  particulièrement  éveillé  l'attention  de 
Bergmann,  qui  annonça,  dans  la  mêmeannée  1774,  que  la  magné- 

(1)  Opuscul.  chemica  et  phyic,  vol.  !,  p.  250-252. 

(2)  Ibid.y\o\.  1,  \).  2C3. 

(3)  lbid.,\i.  272. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  4G3 

sie  noire  était  la  chaux  (oxyde)  d'un  métal  particulier,  et  que  ce 
métal,  qu'il  appelait  magnésium  (manganesium),  était  au  moins 
aussi  difficile  à  fondre  que  le  platine.  Gahn,  s'occupant  alors  du 
même  sujet,  parvint,  avant  Bergmann,  à  obtenir  le  manganèse  à 
rétat  de  régule.  Cependant  Bergmann  donna  le  premier  Thistoire 
du  manganèse  métallique  (1). 

Une  chose  digne  de  remarque,  c'est  que  ce  n'est  pas  l'ex- 
périence directe,  mais  Tinduction,  qui  a  amené  la  découverte 
du  maganèse.  Voici  comment  on  avait  raisonné.  La  magnésie 
noire  colore  le  verre;  sa  densité  est  très-considérable;  ses  disso- 
lutions dans  les  acides  sont  précipitées  par  le  sel  lixiviel  du  sang 
(cyanoferrure  jaune  de  potassium).  Or  tous  ces  caractères  sont 
communs  aux  chaux  métalliques,  et  aucun  d'entre  eux  n'est  appli- 
cable aux  terres  (chaux,  argile,  etc.).  Donc,  la  magnésie  noire  doit 
être,  non*  pas  une  terre,  comme  on  le  prétend,  niais  une  chaux 
métallique. 

'  Par  les  détails  qui  précèdent,  nouscroyons  avoir  donné  une  idée 
suffisante  de  la  méthode  de  Scheele,  pour  nous  permettre  de  ne 
faire  qu'une  analyse  rapide  de  ses  autres  travaux,  dont  chacun 
est  marqué  par  une  découverte. 

Terre  pesante^  terra  ponderosa  [baryte),  — Pour  démontrer  que 
la  terre  du  spath  pesant  (sulfate  de  baryte)  est  tout  à  fait  différente 
de  la  chaux,  Scheele  calcina,  dans  un  creuset,  un  mélange  pâteux 
dece  spath,  dépoussière  de  charbon  etde  miel,  et  attaquala  masse 
hépatique  (sulfure  de  baryum)  par  l'acide  muriatique.  Il  obtint 
ainsi  une  dissolution  (chlorure  de  baryum)  qu'il  précipita  par  une 
lessive  de  potasse.  Vient  ensuite  Ténumération  de  tous  les  carac- 
tères propres  à  distinguer  ce  précipité  blanc  (carbonate  de  baryte) 
de  la  chaux  (2). 

(1)  Bergmann,  Opuscula  physica  et  chemica,  vol.  II,  p.  201.  —  Gahn  par- 
vint à  obtenir  le  régule  de  manganèse  par  le  procédé  suivant  :  li  enduisit  Tinté- 
vîeor  d'un  creuset  de  poussière  de  cliarbon  humectée  d'eau  ;  il  mit,  avec  de 
Phuile,  dans  ce  creuset,  une  petite  quantité  du  minéral  réduit  à  Tétat  de  pâte  et 
sous  forme  de  boule,  et  il  le  i^mplit  de  poussière  de  charbon.  U  luta  un  autre 
cr^pset  sur  celui-ci,  et  exposa  le  tout  pendant  quatre  heures  aune  clialeur  très- 
Intense,  n  trouva  au  fond  du  creuset  un  bouton  métallique,  ou  plutôt  un  certain 
tlombre  de  petits  globules  métalliques,  dont  le  poids  correspondait  à  0,33  de 
Celui  du  minéral  employé. 

(2)  Gehn  avait  analysé  en  1775  le  spath  pesant,  et  l'avait  trouvé  composé  d'à- 
î|de  vitriolique  et  de  terre  pesante  (baryte),  découverte  par  Scheele- 


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464  HlBTQIBB'lll  U 


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Biea  qae  l'auleur  D*«i  tpnblié  sa  disserUlioti  car  la  tem  ^mott 
IQQ^en  1779  (i)*  il  avait  déjà  comuûssanoé  de  ce  oonfiBatt  coarpt  ta 
1774;  car  il  en  fiiit  mention  dans  son  mémoire  Smr^lm.miêjii^ 
mire  (8).    . 

C*est  Gnyton  de  Morveau  qui  donna  \  la  terre  pesante  lé  nom 
de  baryie  (de  ^apuc,  pesant).  Cenonra  été  depuis' miiveneHéniNit 
adopté.  •  -    ;  ■= 


1- 


lie  fl««r  mùnéfMl  si  Mta  adUto  (3).  —  L'examcD  diî  llqor  &it 
un  des  premiers  trayauz  de  Scheele.  L'illustre  chimiste  déboimit 
que,  lorsqu'on  traite  le  spath  fluor  par  racide  suifliriqae*  il  se 
dégage  des  yapeurs  acides  qui  attaquent  le  verre  de  la  oomveilè 
papier,  le  lut,  etc. ,  et  qui  diffèrent  de  tous  les  autres  acides  çqiuibs. 
L'acide  ainsi  obtenu  était  l'acide  /buhêitieique,  iet  ranteur^i^âYtit 
.  parfaitementremarquéquela  croûte  pierreuse  qui  se  formait  dam 
le  vase  rempli  d'eau,  destiné  à  recueillir  cet  acide,  n'étaitjNOte 
chose  que  de  la  silice  pure.  Il  conclut  d'une  série. d'ezpérkneei 
que  cette  silice  provenait  de  l'action  combinée  de  Vnic^df^  du  Inor 
et  de  l'eau  (4). 

Mais  Wiegleb  et  Buchholz  allèrent  plus  loin  :  ils  4rwt  v(^  foe 
la  quantité  de  cette  silice  se  trouvait  d'un  poidsexactendêôt^à 
celui  dont  la  cornue  avait  diminué  dans  l'expériencetv  et  îf^ 
acheva  de  prouver  que  cette  l^ilice  provenait  du  verre. 

Quelques  chimistes  français,  Âch(ird,  Monnet,  et  le  pseudonyme 
Boulanger,  élevèrentdes  doutes  surl'existencedecetacide,  appelé 
alors  acide  fluor  ique.  Scheele,  pour  réfuter  leurs  objections,  en- 
treprit une  nouvelle  suite  d'expériences  qui  confirmèrent  complé-  I 
tement  sa  découverte  (5). 

On  n'est  pas  encore  parvenu  à  isoler  le  fluor,  appelé  aussi 
phthore,  parce  qu'il  attaque  tous  les  vases  où  l'on  cherche  à  te 
recueillir. 

(1)  Beschxftigungen  der  Berlinischen  Gesellsdiafê  naturfwmskenéff 
Freunde;^^'  B.  1779.  —  Examen  ckemicum  de  terra  ponderosa,  Opuscflb 
'chemica,  yoI.  II,  p.  262. 

(2)  Demagnesia  mgra^  Opnscula  chemica,  toI.  I,  p.  144. 

(3)  Examen  chemicum  /luoris  mineralis  jusque  acidi;  Act.  Acad.Kg.  Sae6< 
aiin.  1771.  Opuscula  chemica,  vol.  II,  p.  1-22. 

(4)  En  effet,  l'acide  fluo-sUiciqae  (fluorure  de  silidom)  dé6on|K>ts  FeMh^'] 
donne  naissance  à  de  la  silice  et  à  de  l'acide  Auorhydrique. 

(5)  Annotationes  de  fluoré  mineralis  Noya  Acta  Acad.  reg.  Siiec..  am.  tW- 
Opuscula  chemica,  toI.  Il,  p.  92-100. 


'  TROISIÈME  £POQUS.  465 

IVfNtTel  aelde  cleraneiile(i).  — On  connaissait,  depuis  fort 
longtemps,  l'arsenic  blanc  (2),  auquel  Fourcroy  donna  le  nom 
d'acide  arsénieux.  Scheele  obtint  le  second  acide  de  Tarsenic, 
appelé  aujourd'hui  acide  arsénique,  en  évaporant  jusqu'à  siccilé 
un  mélange  de  2  parties  d'arsenic  blanc  pulvérisé,  7  parties 
d'acide  muriatique,  et 4  parties  d'acide  nitrique;  le  résidu  de  Téva- 
poration  était  l'acidearsénique,  dont  Scheele  décrivit  la  plupart 
des  propriétés,  et  en  fit  le  premier  l'histoire  presque  complète. 

Vert  de  Selieele  (3).  —  Scbeele  préparait  la  couleur  verte,  qui 
porte  son  nom,  en  ajoutant  à  une  solution  de  vitriol  bleu  une  so- 
lution d'arsenic  blanc  et  de  potasse.  A  cette  occasion,  il  nous 
avertit  que  l'arsenic  blanc  qu'on  vend  dans  le  commerce  est 
souvent  sophistiqué  avec  du  plâtre,  et  que  le  meilleur  moyen 
de  s'assurer  de  cette  fraude  consiste  à  en  projeter  quelques 
parcelles  sur  une  lame  chaude  :  et  Si  tout  se  volatilise,  c'est, 
dit-il,  un  indice  que  l'arsenic  n'est  point  falsifié.  » 

llol7iidèBe'(4).—  Le  minerai  de  molybdène,  appelé  par  Crons- 
tedt  molyhdxna  membranacea  nitens,  avait  été,  jusqu'alors ,  con^ 
fondu  avec  là  plombagine.  Scheele  en  ût  l'analyse,  et  le  montra 
composé  de  soufre  et  d'une  poudre  blanchâtre  à  laquelle  il  re- 
connut les  propriétés  d'un  acide  particulier,  appelé  depuis  acide 
molybdique.  Bergmann,  présumant  que  ce  corps  devait  être  une 
chaux  métallique,  engagea,  en  1782,  Hielm  à  s'occuper  de  ce 
sujet.  Hielm  parvint,  en  effet,  à  en  extraire  un  métal  particulier 
qu'ilnommawo/yôdéne  ou  régule  de  molybdène  (5). 

La  dissertation  sur  l'acide  du  molybdène  fut,  l'année  suivante 
(i779),  suivie  d'une  autre  Sur  la  plombagine  (6),  substance  ainsi 

{i)De  arsenico  jusque  acido;  Acta  Acad.  rog.  Suce,  aniû  1775.  Opuscul., 
etc.,  vol.  II,  p.  28-66. 

(2)  Voy.  plus  haut,  t.  I,  p.  483. 

(3)  De  pigmento  viridi  novo  ;  Acla  Acad.  reg.  Suec,  aniii  1778. 

(4)  De  molyhdxna;  Acta  Acad.  reg.  Suce,  anni  1778.  —  Opuscula  chcmica, 
vol.  I,  p.  200-213. 

(5)Le  nom  de  molybdène  vient  de  (ioXv66aiva,  nom  que  les  Grecs  donnaient  à  des 
minerais  de  plomb,  et  parliculièrcment  à  la  galène.  Hielm  obtenait  le  molybdène 
métallique  en  formant  une  pâte  avec  Tacide  molybdique  et  de  Phuile  de  lin,  et 
en  la  chaaft'ant  dans  un  creuset  à  un  feu  très-Tif. 

(6)  De  plumbagine  ;  AcUi  Acad.  reg.  Suec.  anni  i779,  p.  214-222.  Opuscula 
chemica,  vol.  I,  p.  214-222. 

HIST.  D£  LA  CBIMIB.   —  T.   II.  30 


I 

1 


.  ....'-  .  •    i  .  ...  ,-..       .1. •.--■;      .     '^.   "•.  '  V    ■•   -   ;» 

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.'      .  ,  ■    .  ■         *  ■'.■•>-■■*...- 

^  caractérisée  par  CranatedI  rMp/yjM^MiMtera«i<«Mff  iÇiifiPiNh 
tela.Scheele  prouva .  aoalytiqueinQBt  qQAJbi>|4m^E^ 
autre  chose  4iue  ducharboo  mêlé  à  dea  trîtcee  de  JioàiUt^^iir,: 

.    ihéMMit»  del»  gljwye  >wt«  j>#>élée  twBgpUhi»  ffli^f^fr  Ii0l 

mînéralogules  avaient  josqu'alorsconffldéréleounemiblraoi,^^ 
i  canse  de  sa  pesanteur,  avsdt  reçu  le  nom  deitM^M^>  .ootagie 
une  mine  d'étain  ou  de  fer  contenant  une  terre  incoQ»Ue.^^/^nMi: 
ealeiformey  terra  quadam  incogniia  intime  mixtum  (Gronst^l). 
Scheele  montra  par  l'analyse  que  ce  minerai  se  eomiidtoëe«h||la 
et  d'une  substance  blanche,  pulvérulente^  qu'il  appels  Miêi'ik 
tungsten  (acide  tungstique).  Il  en  décrivit  parflutamefiiJè8'')ii6-- 
priétéschimiques^etles  caractères  qui  le  distinguent  dfel^ufdetawk 
lybdique,  avec  lequel  Tacide  du  tungstène  a  de  1 -analogie.  '  ^  ^  i- 

Comme  pour  l'acide  molybdique,  Bergmann  i^résntMif  que  ; 
l'acide  tungstique  était  la  chaux  d'un  métal  paiticolier  (S);  fioft. . 
frères  d'EIhuyart  confirmèrent  pleinement  cette  hypothèse^  eb^ili-^ 
duisant  l'acide  tungstique  (retiré  du  minerai  appelé  uwlfram 
par  les  Allemands  )  en  un  bouton  métalUqued^inbniâL*Jbittié^l 

•  ■    ■.    '•    '  '.         ■■*■■.  ^  •■  j!'  " 

meii4ePr«Me{4). —  On  pourrait  écriretoutbn  tolmbé  flw 
'  l'histoire  du  bleu  de  Prusse,  et^sur  les  théories  qui  ont  été  vcio- 
cessivement  émises  sur  la  formation  de  cette  substance,  si  im- 
portante pour  les  arts.  La  découverte  du  bleu  de  Prusse  est  due 
au  hasard,  c'est-à-dire  qu'on  n'y  avait  pas  été  conduit  par  le  rai- 
sonnement. Un  Prussien,  nommé  Diesbach,  préparateur  de  cou- 
leurs à  Berlin,  avait  acheté  de  la  potasse  chez  Dippel,  fabricant 
de  produits  chimiques  (le  même  qui  ayait  trouvé  l'huile  animale 
particulière  qui  porte  son  nom),  pour  précipiter  une  décoction 
de  cochenille,  d'alun  et  de  vitriol  vert  (sulfate  de  fer).  Diesbach 
fut  bien  surpris  d'obtenir,  au  lieu  d'un  précipité  rouge,*une pou- 
dre d'un  très-beau  bleu.  Il  fit  part  de  ce  phénomène  à  Dippel, 

(1)  De  pri7icipiU  lapidis  ponderosi  ;  ^OY^AciàAcaA,  Te%.SQec.  anni  17SI. 
—  Opuscul.  chcmica,  Tol.  II,  p.  119-126. 

(2)  r.  Bergmanni  addimenium  ad  dissertât,  pra'cedentem  ;  Opuscula  clit- 
jnica,  vol.  II,  p.  127-131. 

(3)  Ce  tungstène  métallique  avait  été  préparé  en  chauffant  à  un  feu  très-vio- 
lent Tacide  tungstique  avec  de  la  poussière  de  charhon,  dans  un  creuset  femé. 

(4)  De  materia  tingente  cxrulei  Berolinensis  ;  Nova  Acta  Aead.  rcg.  Soec. 
annorum  1782  et  1783^  —  Opuscula  chemica,  V(d.  I,  p.  148-174. 


TEOISI&MB  ÉPOQUE.  .  4Q7 

qui  se  rappela  aussitôt  queralcali  (potasse)  quil  Tenait  de  vendre 
avait  été  calciné  avec  du  sang,  et  avait  servi  à  la  préparation  de 
son  huilé  animale.  Cette  découverte  eut  lieu  en  1710;  cependant 
son  histoire  ne  fut  rendue  publique  que  longtemps  après. 

La  préparation  de  cette  couleur^  qui,  sous  le  nom  de  bleu  de 
Prusse  (en  allemand  Berliner  blau;  bleu  de  Berlin),  était  devenue 
un  objet  lucratif  de  commerce,  demeura  secrète  jusqu'à  l'année 
1724,  époque  où  Woodwàrd  publia  un  procédé  dont  la  connais- 
sance lui  avait  été  indiquée  par  un  de  ses  amis  d'Allemagne  (1). 
D'autre  part, Brown  avait  trouvé  qu'on  pouvait, dans  la  préparation 
de  l'alcali,  substituer  au  sang  la  chair  de  bœuf  et  d'autres  ma- 
tières animales;  que  l'alun  ne  servait  qu'à  étendre  la  couleur,  et 
que  la  teinte  bleue  était  produite  par  l'action  de  l'alcali  (calciné 
avec  le  sang)  sur  le  fer  du  vitriol  vert.  Geoffroy,  pour  se  rendre 
compte  de  la  formation  du  bleu  de  Prusse,  supposa  que  le  sang 
ou  toute  autre  matière  animale  communique  à  Talcali  (potasse)  le 
phlogistique  nécessaire  pour  révivifier  le  fer  du  vitriol  vert;  de  là 
le  nom  ^' alcali  phlogistique^  donné  primitivement  au  cyanure  de 
potassium.  Cette  théorie  fut  adoptée  par  presque  tous  les  chi- 
mistes contemporains  (2). 

Macquer  ayant  entrepris,  en  1752,  à  cet  égard,  de  nouvelles 
recherches,  fil  voir  qu'il  y  a  dans  le  bleu  de  Prusse,  outre  le  fer, 
une  autre  substance,  séparable  par  un  alcali  pur  et,  que  l'alcali, 
tenu  en  ébuUition  avec  le  bleu  de  Prusse,  se  sature  complètement 
de  cette  substance,  qu'on  pourrait  appeler  la  matière  colorante^ 
qui  accompagne  le  fer.  Guyton  de  Morveau  présenta  une  nouvelle 
théorie  en  1772;  cette  théorie  suppose  l'alcali  phlogistique  com- 
biné avec  un  acide  particulier  qui  jouerait  le  principal  rôle  dans  la 
formation  du  bleu  de  Prusse.  Selon  Sage,  cet  acide  était  l'acide 
phosphorique.  Lavoisier  réfuta  cette  théorie* 

Tel  était  l'état  de  la  science,  lorsque  Scheele  fît  paraître,  en 
1782  et  1783,  deux  mémoires  Sur  la  matière  tinctoriale  du  bleu 
de  Prusse,  dans  lesquels  il  démontra  que  cette  substance  con- 
tient un  produit  subtil  qui  peut  être  extrait  de  l'alcali  phlogis- 
tique parles  acides,  et  même  par  l'acide  aérien,  et  que  c'est  ce 
produit  qui  contribue  essentiellement  à  la  formation  de  la  cou- 


Ci)  p^i/osop/i.  Transaci.,  voLXXXIIl,  15.  —Le  procédé  consistait  à  traiter 
une  solution  (jl'alun  et  de  sulfate  de  fer  par  de  la  potasse  calcinée  avec  du  sang. 
(2)  Voy.  plus  haut,  pag.  385. 

30." 


468  HISTOIRE  DK  LÀ  G1U|ÇI£. 

leur  bleue  (1).  Ce  corps,  qu'il  appelle  materia  tingens,  est  ce  que 
G.detiofyesLunommdiacideprussique^  nom  qui  depuis  a  prévalu. 
•Il  conclut  de  plusieurs  expériences  que  cette  materia  iingens 
était  un  composé  d'ammoniaque  et  d'huile;  mais,  la  synthèse  ne 
confirmant  pas  sa  théorie,  il  pensa  que  ce  devait  être  un  composé 
d'ammoniaque  et  de  charbon.  Pour  vérifier  son  hypothèse,  il 
mit  dans  un  creuset  un  mélange  de  parties  égales  de  charbon  pul- 
vérisé et  de  potasse,  qu'il  maintenait  pendant  un  quart  d'heure 
à  une  chaleur  rouge  ;  il  ajouta  à  ce  mélange  du  muriate  d'ammo- 
niaque par  petits  fragments,  et  il  continua  à  le  chauffer  jusqu'à  ce 
qu'il  ne  s'en  dégageât  plus  de  vapeurs  ammoniacales.  L'opération 
terminée,  il  fit  dissoudre  le  résidu  dans  une  certaine  quantité 
d'eau;  et  il  trouva  à  cette  dissolution  toutes  les  propriétés  du  prus- 
siate  alcalin  (cyanure  de  potassium).  Une  chose  digne  de  remar- 
que, c'est  qu'il  n'en  signale  nullement  les  propriétés  vénéneuses. 
BerthoUet  répéta,  en  1787,  ces  expériences  de  Scheele.  Il  dé- 
montra que  le  bleu  de  Prusse  est  composé  d'acide  prussique, 
d'alcali  (potasse)  et  d'oxyde  de  fer,  et  qu'on  peut  l'obtenir  en  cris- 
taux octaédriques  (2). 

lie  lait  et  son  aeide  (3).  —  Après  s'être  un  moment  arrêté  sur 
l'action  des  acides  et  sur  la  solubilité  du  caséum  dans  les  alcalis, 
l'auteur  constata,  par  voie  d'analyse,  que  ce  principe  du  lait  ren- 
ferme une  terre  eLnimslQ  [terra  animalis)j  composée  d'acide  phos- 
phorique  et  de  chaux,  dans  les  proportions  d'environ  là  1, 5  p.  c. 
le  caséum  étant  bien  desséché.  Le  sérum  qui  contient  le  sucre  de 
lait  s'aigrit  par  sçn  exposition  à  l'air.  Pour  obtenir  l'acide  du 
lait,  Scheele  s'y  prit  de  la  manière  suivante  :  il  évapora  un  hui- 
tième de  petit-lait;  il  le  mit  sur  un  filtre,  et  satura  la  liqueur 
acide  par  la  chaux.  A  l'aide  de  l'acide  de  l'oseille  (acide  oxalique), 
il  sépara  la  chaux  de  l'acide  lactique.  La  liqueur  filtrée  fut  de 
nouveau  soumise  au  même  réactif,  afin  de  lui  enlever  les  der- 
nières traces  de  chaux,  puis  elle  fut  évaporée  jusqu'à  consistance 
de  miel.  Enfin,  il  traita  la  liqueur  par  l'alcool,  qui  dissout  l'acide 
lactique  en  laissant  le  sucre  de  lait  intact.  La  solution  alcoolique 

(1)  De  materia  UHçente  catulei  Berolhkensis  ;  Nova  ÂcU  Acad.  reg.  Svec. 
ttUDonim  1782  et  1783;  Opuscula  chemica,  vol.  II,  p.  148-174. 

il)  Voy.  plus  loin  les  tracaux  de  BerthoUet. 

(3)  De  lacté  ejusque  acido;  Nova  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anm  1780.  Opas- 
coia  clieniica,  vol.  Il,  p.  101-118. 


TROisiiMS  iSpoquie.  469 

filtrée  fut  étendue  d*eau  et  soumise  à  une  légère  distillation; 
Talcool  se  volatilisait,  et  ce  qui  restait  était  de  Peau  contenant 
l'acide  lactique  aussi  pur  que  possible. . 

Tel  est  le  procédé  indiqué  par  Scheele.  Après  avoir  très-bien 
décrit  les  propriétés  de  ce  nouvel  acide,  il  termine  en  affirmant 
que  ce  dernier  présente  beaucoup  'd'analogie  avec  le  vinaigre, 
sans  être  cependant  un  produit  identique. 

.  PFiaetpedowxdeshniies  (1). — Scheele  découvrit  que  lesbuiles 
et  les  graisses  contiennent  toutes  une  matière  sucrée,  entièrement 
différente  de  celle  qui  se  rencontre  dans  les  végétaux.  Pour  Tob- 
tedir  le  plus  commodément,  il  faisait  bouillir  une  partie  de  ii- 
tbai^e  avec  deux  parties  d'huile  d'olive  récente  et  un  peu  d'eau« 
Lorsque  le  mélange  avait  acquis  la  consistance  d'onguent,  il  le 
laissait  refroidir  et  décantait  l'eau.  Cette  eau,  évaporée  jusqu'à 
consistance  sirupeuse,  contenait  la  matière  sucrée  en  question.  Il 
remarqua  que  cette  matière,  qui  reçut  plus  tard  le  nom  de  gly- 
cérine,  diffère  du  sucre  :  1°  en  ce  qu'elle  ne  cristallise  point  ;  2"  en 
ce  qu'elle  supporte  une  chaleur  beaucoup  plus  forte,  et  qu'elle 
passe  en  partie  non  altérée  dans  le  récipient  ;  3<>  en  ce  qu'elle  n'est 
pas  susceptible  de  fermenter. 

li^aetde  del'osetUe  (2).  —  On  n'a  pas  été  généralement  d'accord 
sur  la  question  de  savoir  à  qui  des  deux,  de  Bergmann  ou  de 
Scheele,  il  faut  attribuer  la  découverte  de  l'acide  oxalique.  Ce  qu'il 
7  a  de  certain,  c'est  que  Bergmann  aie  premier  décrit,  sous  le 
nom  d'acide  du  sucre  ou  d^ acide  saccharin^  toutes  les  propriétés 
et  indiqué  la  composition  de  l'acide  de  l'oseille.  Mais  Bergmann 
,  croyait  son  acide  différent  de  celui  de  l'oseille  (3).  Scheele,  avec 
sa  sagacité  bien  connue,  constata,  à  son  tour,  l'identité  de  l'acide  . 
du  sacre  avec  celui  de  l'oseille.  Il  fait  remarquer,  au  sujet  de 
l'extraction  de  l'acide  de  l'oseille,  qu'il  faut  préférer  l'acétate  de 
plomb  à  la  chaux,  parce  que  l'acide  vitriolique  ne  déplace  pas 
tout  l'acide  oxalique,  qui  a  la  plus  grande  affinité  pour  la  chaux. 

(1)  De  mater ia  sctccharina  peculiari  oleorum  expressorum  et  pinguedi' 
nu/n;  Nova  Acta  Acad.  reg.  Suec,  anni  1783.  Opuscula  chemica,  vol.  Il, 
p.  175-180. —  Crell,  chemische  Annalen,  1784. 

(2) De  terra  rhubarbari  et  acido  ttcetosellas;  Nova  Acta  Acad.  reg.  Suec. 
anni  1784.  0(>usca1a  chemica,  vol.  If,  p.  187-195. 

(3)  Voy.  plus  haut,  p.  445  de  ce  volume. 


470  HISTOIRE  t>E  LA  CHDfIS. 

L'oxaiate  de  plomb  est  ensuite»  comme  dans  le  procédé  ordinaire, 
décomposé  par  l'acide  Yitriolique  :  le  vitriolate  de  plomb  reste 
sur  le  filtre,  et  l'acide  oxalique  passe  dans  la  liqueur. 

L'aeide  des  pommes  et  des  baies  (i).  La  découverte  de  Tacide 

citrique  avait  donné  à  Scheele  Tidée  de  s'assurer  si  l'acide  des 
pommes,  des  baies  et  d'autres  fruits  aigres  était  le  même  que 
l'acide  du  citron.  Il  ne  larda  pas  à  se  convaincre  que  ces  fruits 
renferment,  pour  la  plupart,  un  acide  particulier  qui  n'eat  pas 
précipité  par  la  chaux,  comme  l'acide  du  citron  ;  il  mit  dès*l'ors  en 
usage  le  procédé  dont  il  s'était  servi  pour  l'extraction  de  l'acide 
de  l'oseille.  Il  décrivit  les  propriétés  de  l'acide  des  pommes,  ap- 
pelé depuis  acide  malique  (du  latin  mahim,  pomme),  et  annonça 
que  cet  acide  est  incristallisable,  qu'il  forme  avec  les  alcalis  des 
sels  déliquescents,  qu'il  donne  avec  la  chaux  un  sel  cristallin  en 
grande  partie  soluble  dans  l'eau  bouillante  (tandis  que  le  citrate 
de  chaux  n'y  est  pas  soluble);  que  le  malate  de  chaux  est  soluble 
dans  un  excès  du  même  acide  ;  que  l'acide  malique  peut  être 
facilement,  à  l'aide  de  l'acide  nitrique,  converti  en  acide  acé- 
tique, etc.  Il  dressa  la  liste  des  fruits  les  plus  riches  ^n  acide  mali- 
que et  en  acide  citrique.  Les  végétaux  dont  les  fruits  contiennent 
beaucoup  d'acide  citrique  et  très-peu  d'acide  malique  sont  : 
l'airelle  rouge  dont  il    distingue  deux  espèces,  le  vaccinium 
oxycoccus,ei  le  vaccinimn  vitis  idœa,  le  merisier  ipniniis  padus), 
la  douce-amère  {solaniwi  dulcamara)\   les  fruits   qui,  au  con- 
traire, contiennent  à  peine  des  traces  d'acide  citrique  et  beaucoup 
d'acide  malique,  sont  :  répinc-vinette  {berberis  vulgaris),  le  sureau 
{sambucusnigra),  \Ripvunc\\c{2)rioiusspinosa),  la  sorbe  {sorbusau- 
cvparia),  la  prune  {prunus  domestica)  ;  enfin  les  fruits  qui  sont 
aussi  riches  en  acide  citrique  qu'en  acide  malique  sont  :  la 
groseille  h  maquereau  {ribea  grossulaha),  la  groseille  commune 
{ribcs  rubrum),  l'airelle  {vaccinimn  myrtillus) ,  la  prune  {pmnus)^ 
la  cerise  [cerasus),  la  fraise  {fragaria  vesca),  le  fruit  de  la  ronce 
[ntbus  chamiemorus),  la  framboise  {rubus  idxus). 

Du  sel  essentiel  (acide)  de  noix  de  fl^alle  (2).  Scheele  avait,  le 

(1)  De  acido  pomorum  et  baccarum;  Nova  Acta  Acad.   rcg.  Suec.  anni 
1785.  Opusciila  chemica,  vol.  II,  p.  196-208. 

(2)  De  salç  esserUiali  gallarum;  Nova  Acta  Acad    reg.  Suec.  anni   1786. 
opuscula  chemica,  vol.  1,  p.  224-228. 


IrftOISlilfX  EPOQUE.  471 

premier,  remarqué  que  le  sédiment  cristallin;  qui  se  dépose  dans 
une  infusion  de  noix  de  galle  exposée  à  Tair,  possède  les  pro- 
priétés d'un  acide.  Il  donna,  dans  une  courte  notice,  une  descrip- 
tion exacte  de  cet  acide  (air  gallique),  dans  la  formation  duquel 
l'air  intervient  chimiquement. 

Delaiiatiirecieréther(i). — Ce  mémoire  renferme  des  détails 
de  procédés  extrêmement  ingénieux,  dans  lesquels  la  magnésie 
noire  (peroxyde  de  manganèse)  joue  un  rôle  important.  L'auteur 
annonce  qu'un  mélange,  composé  de  2  parties  de  magnésie  noire, 
de  i  partie  d'acide  vitriolique  et  de  2  parties  d'esprit-de-vin 
concentré,  entre  bientôt  en  effervescence  sur  un  bain  de  sable 
légèrement  chauffé,  et  donne  immédiatement  naissance  à  de  l'é- 
ther  ;  mais  qu'en  augmentant  le  feu  on  n'obtient  que  du  vinaigre. 
En  substituant  à  l'acide  vitriolique  l'acide  muriatique  ou  d'autres 
acides,  il  obtenait  des  liqueurs  éthériformes  très- variées.  II  parle 
ensuite  des  grandes  difficultés  qu'on  éprouve  dans  la  préparation 
de  l'éther  acétique,  et  il  ajoute  que,  pour  les  faire  disparaître, 
il  faut  préalablement  mêler  le  vinaigre  avec  un  peu  d'acide  mu- 
riatique ou  d'acide  vitriolique,  dont  la  présence  hâte  la  formation 
de  l'éther  acétique. 

Examen  chimique  d'un  calenl  nrinalre  (2).    C'est  dans  cette 

dissertation  que  l'on  trouve  quelques  indications  sur  l'existence 
de  l'acide  urique  (lithique)  dans  l'urine,  et  sur  les  moyens  de  l'ob- 
tenir. Bergraann  s'était  occupé  du  même  sujet,  et  avait,  presque 
en  même  temps  que  Scheele,  découvert  dans  l'urine  une  matière 
blanchâtre  de  nature  acide,  qui,  chauffée  avec  l'acide  nitrique, 
prenait  une  couleur  rouge.  * 

Nous  venons  de  donner  une  rapide  analyse  des  travaux  de  Schee- 
le. Nous  ne  ferons  que  citer  les  titres  des  mémoires  suivants, 
très-courts  d'ailleurs  et  d'une  importance  beaucoup  moindre  : 
Recentius  CLeris.  ignlsethydrogonix  eœamcn  (3)  ;  —  De  salium  neu- 


{{)  Expérimenta  alque  adnolaiiones  super  xtheris  naturaj  Nova  Acta 
Acad.  reg.  Suec.  anni  1782.  Opuscula  chemica,  vol.  Il,  p.  132-144. 

(2)  Examen  chemicum  calculi  urinarii;  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anni  1776, 
OpDSCula  chemica,  vo!.  II,  p.  73-79. 

(3)Crell,  chemhche  Annnlen,  1785,  vol.  T,  p.  229. —  Opuscula  chem.,  vol.  1. 
p.  477-192. 


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tralitmprineipH$calceifhm  àatf /tfffodtoo/v«fùtti(i);*-r  A^iASbfgp 
argilla  et  alumine  (2);  -^  .O0  ^notni  mettodo  0wnirîtwn  <iiA^ 
parandt  (3)  ;  *—  Ite  pulveté  algarotki  eamnMEUiu  mkiar&mÊqmim' 
pensis parando {A);  *^  De  aeeH  bonitaie  emuerwmda  (6^; — À 
ferro  aeidophotphorisaiurato  et  sale  perMo  (6);  —  i)ff  terrmHm' 
barbari  in  pluribiu  vegetaiibus  pr»$mUia  (7)  ;  —  De  prmpurmikiie 
magneds  alb3  (8);  —  AdbMiaiUmeê  de  pf/rophofo  (9)  ; . —  JmH* 
tnadverdonee  de  cenusa  alba  (10);  —  De  êale  bens^ê  (il). 
'■'  En  passant  en  revue  ces  travaux  divers»  onsedemandeavecélnl- 
nément  comment  un[seul  homme  a  pu,  dans  l'espace  de  seûseinsi 
faire  tant  de  découvertes.  Le  chlore  (acide  muriattque  déphlogis^ 
tiqué),  la  baryte»  le  molybdène  (acide  molybdîque),  le  tangstèno 
(acicle  tungstique),  l'acide  fluo-silicique,  l'acide  arsénique,  T^citie. 
prussique,  Tacide  lactique  «  l'acide  citrique,  l'acide  p3caUqae, 
l'acide  tartrique,  l'acide  malique,  l'acide  galiique,  le  princ^' 
doux  des  huiles,  le  caméléon  minéral,  la  composition  de  l'air, 
tels  sont  les  titres  de  Scheele  à  la  reconnaissance  de  la  postérité. . 


§34. 


A  côté  de  Scheele  vient  se  placer  Priestley.  L'un  et  l'autre,  tout 
en  inaugurant  par  leurs  travaux  une  ère  nouvelle,  restent  néan* 
moins  attachés  aux  doctrines  anciennes.  Fidèle  à  la  théorie  du 

(1)  Acta  Acad.  reg.  Suec.    anni  1779.  —  Opascul.  chem.,  vol.  I,  p.  223-226. 

(2)  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anni  1776.  —  Opuscul.  chem.,yol.  II,  p.  67-72. 
(S)  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anni  1778.  —  Opuscul.  chem.,  vol.  H,  p.  80-84. 

(4)  Acta  Acad.  re^.  Suec.  anni  1778.  —  Opuscul.  chem.,  vol.  H,  p.  85-89. 

(5)  Mova  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anni  1782.  Opuscul.  chem.,  vol.  II,  p.  145- 
147. 

(6) Nova  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anni  1785.  —Opuscul.  chem.,  vol.  II.  p.  209- 
217. 

7)  Nova  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anni  1785.  —  Opuscul.  chem.,  vol.  U,p.  218- 
220. 

(8)  Nova  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anni  1785.  —  Opuscul.  chem.,  vol.  Il, 
p.  221-223. 

(9)  Crell,  chemische  Annalen,  1786.  —  Opuscul.  chem.,  vol  II,  p.  258- 
261. 

(10}Goettrmg,  Almanach  oder  Taschenbuch,  etc.,  1788.— Opuscul.  chem.» 
vol.  II,  p.  266-267. 
(11)  Acta  Acad.  reg.  Suec.  anni  1775.-  Opuscul.  chem.,  vol.  II,  p.  23-27. 


TROISlilOS  ÉPOQUE.  473 

phlogistique,  Priestley,  tout  comme  Scheele,  se  montra  cons- 
tamment opposé  aux  principes  établis  par  Lavoisier,  qui  ren- 
versa l'édifice  de  Stahl,  contre  lequel  étaient  venus  jusqu'alors 
échouer  les  meilleurs  esprits. 

Presque  toutes  les  branches  des  connaissances  humaines  étaient 
familières  à  Priestley.  La  théologie,  la  philosophie,  la  physique, 
la  chimie,  la  politique  môme,  perpétueront  dans  leurs  annales  le 
nom  de  Priestley.  On  ne  sera  donc  pas  étonné  si  nous  n'indiquons 
ici  que  les  points  les  plus  saillants  de  la  vie  de  ce  penseur  d'élite, 
qui  se  trouva  en  rapport  avec  les  personnages  les  plus  éminents 
de  son  époque. 

Joseph  Priestley  naquit  à  Fieldhead,  dans  le  Yorkshire,  le 
30  mars  1733.  Issu  d'une  famille  presbytérienne,  il  passa  sa  jeu- 
nesse dans  l'étude  des  dogmes  religieux  et  des  langues  classiques; 
il  apprit  le  latin,  le  grec  et  Thébreu,  la  connaissance  des  langues 
étant  considérée  par  les  protestants  comme  la  base  de  la  théo- 
logie. L'éducation  que  reçut  Priestley  devait  se  réfléchir  dans  les 
différentes  phases  de  sa  vie.  Au  sortir  de  ses  classes,  il  fut  nommé 
prédicateur  d'une  congrégation  à  Needham-Market;  trois  ans 
après,  il  obtint  un  emploi  pareil  à  Hamptwich,  où  il  fonda  une 
école  primaire  ;  c'est  là  qu'en  faisant  devant  ses  jeunes  élèves  des 
démonstrations  à  l'aide  des  machines  électrique  et  pneumatique, 
il  sentit  naître  en  lui  une  véritable  passion  pour  la  physique.  Il 
composa  aussi  pour  ses  écoliers  une  grammaire  anglaise  qui  eut 
beaucoup  de  succès,  et  qui,  bien  plus  que  sa  polémique  religieuse 
et  ses  démonstrations  de  physique,  avait  attiré  l'attention  des 
chefs  de  l'Académie  dissidente  de  Warrington  ;  car  Priestley  fut 
appelé,  en  1761,  auprès  de  cette  Académie  pour  enseigner  les 
langues  :  c'est  dans  la  même  année  qu'il  se  maria.  Pendant  son 
séjour  à  Warrington,  il  publia  son  Essai  sur  un  cours  d' éducation 
libérale^  un  Essai  sur  le  gouvernement ^  et  ses  Tablettes  biographi- 
ques. Un  voyage  qu'il  fit  à  Londres  lui  avait  fourni  l'occasion  de 
se  lier  avec  Franklin  et  Price,  qui  l'encouragèrent  à  publier  son 
Histoire  de  Vélectricité.  L'amitié  qu'il  avait  vouée  à  ceS  deux 
hommes  célèbres  ne  s'est  jamais  démentie  une  seule  fois  dans  le 
long  cours  de  sa  carrière.  Son  ouvrage  sur  l'histoire  de  l'électri- 
cité lui  ouvrit  en  1767  les  portes  de  la  Société  royale  de  Londres. 
Priestley,  qui  avait  alors  trente-quatre  ans,  quitta  Warrington, 
et  alla  s'établir  à  Leeds.  C'est  là  qu'au  milieu  de  ses  controverses 
théologiques,  il  s'occupa  de  ses  expériences  si  remarquables  sur 


«'.     - 


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-474  '    vméâà^à^'tÊima.    . '' 

l'air  fixe  (ga»  acide  carbeiiKiiie)»  inrlegai^.iAA^  (Uwjè^^AV   . 
zote),  sur  l'air  déphlogistiqué  <ox3fj^e)>  doolr^iiùlft  M^^ 
compiephis  loit).  II.coiûmHniqaa  ponrlàj^înift'riifeift  Wi^fttt^  • 
de  ces  expériences,  en  1772,  à  la  Société royaleV^^qui loi  dAsaina 
la  médaille  de  Gopely,  destinée  au  meilleur  (rkvii)  depihytjt^e 
IlEiit  dans  l'année.  ^^i         ■    i    ^  * 

Priesiley  publia  p^sqiié  en  même  t«mps|  ^ar  sôusérifuGonî 
V*Bi$Mre  et  Fêtai  actuel  des  dëeémeftHgrebM^àta  pdiokyi^U   , 
Iwniète  et  aux  etnUeurs !  mais  tei  oémi(^40^ 
froidement  accueilli  du  public.  Apre»  timitéstdenee'deîsll  Ujp*   ; 
nées  à  Leeds,  il  accepta  l'offre  d'un  riche  seigneurf^amateuroieii..  "^ 
science,  le  marquis  de  Lansdown^  pour  venir  tiabîtér'|>ift[trid6Uui 
à  Wiltshire,  en  qualité  debibliotbécdre;ttoriil^tt^m^.co^ 
ses  Expérieneeêsur  différentes  espèces  d'aîr^  etqottl^  fttOdbnalfM 
comme  physicien,  coquine  l'empêchait  pasdo;sifiYtièisdiipéMl|aàt 
pour  la  controverse  i^ilôsophiqiié  et' religiieittej^èâ 
mêmes  années  où  parurent  se& voiotne^de  pbysdqêto et  ^>ehitblii 
dédiés  au  comte  Shelbnrne  (marquis  de  Lansdotmji/iil'fltiadij^   ; 
mer  divers  ouvrages  dé  pMosbphi e = et  4fa>  '  cmtiqoè  '  tiié6lajg8|weî 
tels  que  :'^â7Mi^  de  lmdùeifïne'^u9êMcommm^  lëUciqtiê  làtmh 
cevaient  les  docteurs  tMâ^  BèuW^Hit  Oswoid;Ùifign»^'^i^mMsk 
rianismc;  Défense  de  la  doctrine  delà  nécsssiiéf  ImHtutiom>dê'1» 
religion  naturelle  et  révélée.  Dans  ses  Recherches  sur  ^la  fnJalière  $t 
Vesprity  il  avait  nié,  jusqu'à  un  certain  point,  l'immatérialité  de 
l'âme;  son  Histoire  des  corruptions  du  ehristianisme,  et  V Histoire 
des  premières  opinions  concernant  Jésus-  Christ;  le  mirent  tellement 
aux  prises  avec  les  partisans  de  l'Église  anglicane^  que  c'était  nne 
grande  recommandation  aux  bienfaits  du  gouvernement  que  d'a- 
voir combattu  les  opinions  de  Priestley;  ce  qui  lui  faisait 'dir« 
plaisamment:  «C'est donc  moiquiailafeuiiledesbénéfices.d'Aii* 
gleterre.  »  Ces  écrits  de  controverse,  qui  contenaient  «les  idées 
radicales,  fort  malsonnantes  aux  oreilles  de  l- aristocratie  anglaise^ 
lui  firent  rompre  ses  rapports  avec  lord  Shelbume.  . 

Priestley  était  depuis  quelque  temps  liéavec  le  célèbre  nalan- 
liste  Banks^  qui  avait  fait  partie  du  premier  voyage  du.  capitaioe 
Cook.  Ce  grand  navigateur,  sur  la  recommandation  de  Banfcd^ 
aurait  emmené  Priestley  comme  chapelain,  si  l'amirauté  ft^ 
pas  trouvé  qu'il  n'était  pointasses  orthodoxe.-  ..'■'. 

Après  avoir  quitté  lord  Shelbume,  Priestley  se  retira  à  IKntiifig* 
ham,  où  ses  amis,  parmi  lesquels  on  remarque  Watt  et'^crig- 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  475 

wood,  se  cotisèrent  pour  subvenir  aux  frais  d'un  laboratoire  de 
physique  et  de  chimie.  Les  loisirs  que  lui  laissaient  ses  occupa- 
tions- scientifiques  étaient,  comme  d'ordinaire,  remplis  par  des 
discussions  religieuses  et  philosophiques. 

En  travaillant  ainsi,  Priestley  n'avait  qu'une  ambition,  celle 
de  parvenir  à  rendre  Phomme  meilleur  :  partout  où  l'occa- 
sion se  présente,  il  lance  l'anathème  contre  les  passions  égoïstes 
qui  corrompent  la  société  ;  sa  politique  est  libérale  comme 
celle  de  son  ami  Franklin.  Voici  ce  que  Priestley  écrivait ,  plus 
de  douze  ans  avant  la  révolution  française  :  «  Quand  je  considère 
les  progrès  que  les  connaissances  naturelles  ont  faits  dans  le  siè- 
cle dernier,  et  quand  je  me  rappelle  tant  de  siècles  féconds  en 
hommes  qui  n'avaient  d'autre  objet  que  Tétude,  il  me  paraît  qu'il 
y  a  uno  providence  particulière  dans  le  concours  des  circonstan- 
ces qui  ont  produit  un  si  grand  changement  ;  et  je  ne  puis  m'em- 
pécher  de  me  flatter  que  ceci  servira  d'instrument  pour  opérer, 
dans  l'état  du  monde  actuel,  de  nouveaux  changements,  qui  se- 
ront d'une  bien  plus  grande  conséquence  pour  son  avancement 
et  son  bonheur.  »  —  Et  ailleurs  :  «Les  grands  et  les  riches  donnent 
en  général  moins  d'attention  aux  travaux  scientifiques;  mais 
cette  perte  est  réparée  par  des  hommes  qui,  avec  du  loisir,  de 
l'esprit  et  de  la  franchise,  sont  dans  un  rang  moyen  :  circonstance 
qui  promet  plus  pour  la  continuation  des  progrès  dans  les  con- 
naissances utiles,  que  la  protection  des  grands  et  des  rois  (1).  » 

C'est  surtout  à  ses  idées  politiques  et  religieuses,  hautement 
professées,  que  Priestley  dut  le  titre  de  citoyen  français  et  de  mem- 
bre de  la  Convention  nationale,  titre  dont  il  aimait  lui-même  à  se 
glorifier  (-2).  Cependant  cette  distinction  devait  lui  devenir  fatale. 
Le  14  juillet  1791,  quelques-uns  de  ses  amis  politiques,  habitants 
de  Birmingham,  se  réunirent  pour  célébrer  l'anniversaire  de  la 
prise  de  la  Bastille;  aussitôt  le  lieu  de  réunion  des  convives  fut 
assailli,  saccagé  et  livré  aux  flammes  parla  populace,  égarée  sans 
doute  par  quelques-unes  de  ces  manœuvres  odieuses  que  la  po- 

(1^  Préface  de  Touvrage,  Observations  snr  différentes  espèces  (Vair. 

(2)  L^auteur  de  l'article  Priestley^  dans  la  Biographie  universelle^  n^avait 
sans  doute  lu  aucun  des  nombreux  ouvrages  de  PriesUey  ;  autrement  il  n'aurait 
,pas  dit  que  Priestley  ne  devait  son  titre  de  citoyen  français  qu'aux  Lettres  qu'il 
fit  en  réponse  aux  Be flexions  de  Edm.  Burke  sur  les  suites  de  la  révolution 
française  ;  et  que  ce  ne  devait  être  qu'une  méprise ,  puisque  ces  lettres  étaient 
nniqaement  écrites  en  faveur  des  dissidents  anglais. 


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'476 


nraroiBB  >■  \x-  cHuat. 


9 

litique  ^e  croit  permises  pour  donner  le  change  à  Fopinion  piï&Ii» 
que.  L'émeate  se  dirigea  vers  la  maison  de  PriesUeyt  lèqoel  javait, 
par  prudence,  évité il'aasister  à  cette  réunion;  ses  instruments, 
ses  manuscrits,  sa  bibliothèque,  sa  maispn,  tout  cela  Mondain 
converti  en  un  monceau  de  cendres.  Réfugié  dans  une  maison  voi- 
sine, et  spectateur  de  cette  horrible  scène ,  il  ne  fit  entendre 
aucune  plainte  contre  cette  multitude  effrénée;  mais  il  accusa 
plus  tard  hautement  le  gouvernement  anglais  de  s'en  être  send, 
cpmme  d'un  instrument  de  vengeance.  Dès  lors,  sa  patrie  devint 
pour  lui  un  séjour  intolérable  ;  trois  ans  après  l'émeute  de  Bir- 
mingham, nous  voyons  Priestley  dire  à  jamais  adieu  à  l'Angle- 
terre, et  s'embarquer  pour  l'Amérique  en  1794,  l'année  même, 
de  la  mort  de  Lavoisier.  Établi  à  Northumberland,  petite  ville  de 
la  PcDsylvanie,  il  ne  trouva  pas  d'abord  le  repos  qu'il  était  aHé 
chercher  au-delà  des  mers.  Ses  ennemis  continuaient  à  l'y  pour- 
suivre. Sous  l'administration  du  président  Adams,il  se  vit  en  butte 
à  d'étranges  défiances  :  on  faisait,  entre  autres,  courir  le  bruit 
qu'il  était  un  agent  secret  aux  gages  de  la  république  française. 
Après  avoir  vu  mourir  près  de  lui  sa  femme  et  son  plus  jeune 
fils,  Priestley  se  retira  dans  une  ferme  qu'il  avait  achetée  près  des 
sources  du  Susquannah.  C'est  là  qu'il  passa,  en  solitaire,  le  reste 
de  ses  jours,  sous  la  protection  du  président  JeCferson,  auquel 
il  dédia  son  histoire  ecclésiastique  ((i^n^a/Ats/oryo/'^^  Christian 
Chnrch  from  the  fall  of  the  western  empire  to  the présent  tinte) 
i802-i803, 4  Tol.in-8<>).  DepuisiSOl,  à  la  suite  d'une  maladie  que 
Ton  a,  sans  preuve  suffisante,  attribuée  à  un  empoisonnement, 
il  ne  fit  que  languir,  et  s'éteignit,  le  4  février  4804,  à  l'âge  de 
soixante  et  onze  ans.  «  Ses  derniers  moments,  dit  Guvier,  furent 
remplis  par  des  épanehements  de  cette  piété  qui  avait  animé  toute 
sa  vie,  et  qui,  pour  n'être  pas  bien  gouvernée,  en  avait  causé  tou- 
tes les  erreurs.. Il  se  faisait  lire  les  Évangiles^  et  remerciait  Dieu 
de  lui  avoir  donné  une  vie  utile  et  une  mort  paisible.  Il  mettait 
au  rang  des  principaux  bienfaits  qu'il  en  avait  reçus  celui  d'avoir 
connu  personnellement  presque  tous  ses  contemporains  célèbres. 
«  Je  vais  m'endormir  comme  vous,  dit-il  à  ses  petits  enfants, 
qu'on  emmenait  ;  mais^  ajoula-t-il  en  regardant  les  assistants,  nous 
nous  réveillerons  tous  ensemble,  et  j'espère  pour  un  bonheur 
éternel  ».  —  Ce  furent  ses  dernières  paroles  (1) . 


(l)Pour  plus  de  détails,  roy.  Cuvier,  Éloge  de  Priestley;  —  English  cyclopx» 


/  TROISIEME  ÉPOQUE.  477 

La  vie  de  Priestley  fut  celle  d*un  honnête  homme,  un  peu 
opiniâtre  dans  ses  idées,  et  que  rien  ne  pouvait  fait*e  dévier  de  la 
ligne  tracée  par  la  conscience.  C'est  là  un  mérite  qui  vaut  toutes 
les  gloires  du  monde. 

Le  seul  reproche  qu'on  puisse  lui  adresser,  c'est  de  n'avoir  pas 
tenu  assez  compte  des  travaux  de  ses  contemporains,  et  de  s'être 
montré  lé  défenseur  obstiné  d'une  théorie  insoutenable  et  en 
contradiction  avec  les  faits,  ainsi  que  Ta  fait  très-bien  ressortir 
M.  Dumas,  a  En  effet,  dit  ce  savant,  après  tant  de  brillantes 
découvertes,  après  l'observation  d'une  multitude  de  faits  en 
opposition  avec  le  phlogistique,  il  a  mis  un  tel  entêtement  à  sou- 
tenir cette  théorie,  qu'il  est  mort  dans  l'impénitence  finale.  Il  est 
mort  phlogisticien,  et  seul  de  son  avis  au  monde,  lui  dont  les^ 
opinions,  quelques  années  avant,  faisaient  loi  en  Europe  (!}.  » 

TruTAUx  de  Prieiitlex. 

N'ayant  à  faire  connaître  Priestley  que  comme  chimiste,  nous 
passerons  sous  silence  ses  ouvrages  de  physique,  de  théologie 
et  de  philosophie.  Mais,  en  appréciant  ses  travaux  chimiques,  il 
ne  faut  jamais  oublier,  sous  peine  de  pprter  un  jugement  inexact, 
que  Priestley  était  théologien  et  physicien  plutôt  que  chimiste, 
ainsi  qu'il  se  plaît  à  le  rappeler  lui-même. 

Ce  fut  en  1772  que  Priestley  publia  ses  premières  Observations 
sur  différentes  espèces  d'air  {Observations  on  différent  kinds  of 
air)i  qui  eurent,  dès  leur  apparition,  un  grand  retentissement 
parmi  les  savants  de  l'époque  (2).  Ces  observations,  suivies  bientôt 

dia;  —  lord  Brougham,  Story  ofmen  of  lettres  and  science^  who  flourished 
in  the  time  of  Georges  II. 

(1)  DvaoBSy  Leçons  sur  la  philosophie  chimique,  etc.;  Paris,  1836,  in-S,  p.  113.  ' 

(2)  Ces  obMnratioas  furent  d^abord  publiées  sous  forme  de  mémoire,  dans  les 
Transactions  philosophiques  de  Londres,  vol.  LXll.  Elles  furent  réimprimées  à 
part;  Lond.,  1772,  in-4.  L'année  suivante,  elle  furent  traduites  en  français  par  Ro- 
sier, Observations  sur  la  physique,  etc.,  toI.  I,  avril  et  mai  1773.  Dans  la  même 
année,  eues  parurent  en  italien,  Giornale  de*  leiterati;  Pisa,  t.  XI,  1773.  — -  En 

'  1774j  l'auteur  fit  paraître  une  seconde  édition  de  son  mémoire,  qui,  dans  les 
années  subséquentes,  par  suite  d'une  correspondance  active  avec  les  principaux 
physiciens  et  chimistes  de  l'Europe,  s'était  élevé  aux  proportions  d*un  ouvrage 
considérable  :  Experiments  and  observations  on  différent  kinds  of  air; 
Ijond.,  in-8,  1. 1,  1774  ;  t.  II,  1775;  t.  III,  1777.  Cet  ouvrage  fut  hmnédiatemenl 
suivi    d'une  traduction  française,  faite  en  quelque    sorte  sous  les  yeux  de 


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478  HisToiu.nB  u.xàîàiiB/ 

:   d'autres  semblables^  eurent  poui:  Tésaltkt  immédiat  de  d 
réveil  au&  cbimistes,  et  4e  fatire  approfondirt^D^ux  gu^ 
fait  jus^'alors,  la  nature  et  les  propriétés  di^.çorps  âérjy(ionafis. 
Air  flxe.,Le  premier  gaz  qui  fit  l'objet  de  ^e^.  re^^ercbei 
était  le  gaz  acide  carbonique;  le:  voi^oage  d'une   hras^lorie 
luiavait^  dit-il,  donné,  l'idée  d'esuiminer  cet  air  qui  se  dégage 
pendant  la  fermentation.  Black  et  Bergmann  s'étaient  déjli  ûçcopéi 
'du  gaz  acide  carbonique,  quele  premier  avait;  apj}eléaji|)S4!J«^j^ie 
second  acide  aérien  (I),  Priestle;  sjoutapeude  données  np^vet- 
les  aux  travaux  de  ces  chimistes..  Il  remarqua  cependant  que  la . 
pression  de  Tatmospbère  Êivorise  la  dissolution  de  t'air  flzn 
.   dans  l'eau,  et  qu'à  Taidedlune  machine  à;  condenser,  on  poucra^t 
aisément  parvepir^  communiquer  à  l'eau  commune  les  piroprî^téB 
de  l'eau  de  SelU  ou  de  Pyrmont.  Priestlejrdoit^donc  èt,re.cp][^-r 
déré  comme,  le  véritable  inventeur  des  eanx  gazeuses  firtificielles. 
'  ■  '         En  cherchant  un  moyen  de  rendre  l'air  fixe  p^pre  à  la  respira- 
tion et  à  la  combustion,  il  arriva  à  l'importante  découverte  que 
les  végétaux  peuvent  parfaitement  vivre  dans  cet  air  fixe  pù  les 
animaux  périssent,  et  que,  de  plus,  les  végétaux  cômmuniqjue.ât  à 
*•         l'air  fixe  les  propriétés  de  l'air  commun  ;  il  trouva  aussi  que  oe  deiv 
nier  phénomène  n'a  lieu  que  spus  l'influencé  de  la  lutniére  dnjpi^r, 
et  qu'il  cesse  la  nuit.  Halheureuçement,  l'oxygène  n'étant  pas  en- 
core découvert,  et  ne  soupçonnant  môme  pas  l'action  décompo- 
sante qu'exerce  la  respiralion  des  végétaux  sur  le  gaz  acide  carbo- 
nique, Priestley  ne  pouvait  pas  se  rendre  exactement  compte  d'an 
phénomène  qui  excita  au  plus  haut  degré  son  attention,  ainsi  que 

l'auteur  :  Expériences  et  observations  sur  différentes  espèces  d'air  ;  trad. 
par  Gibelin,  docteur  en  médecine  ;  Paris,  t^  I,  II,  III,  in-12,  1777;  t.  IV  et  t.  V, 
1780.  —  Quelque  temps  après,  cet  ouvrage  fut  traduit  eu  allemand  par  Ludwig; 
Vienne  et  Leipz.,  t.  I,  1778;  t.  II,  1779;  t.  III,  1780.  —  Dans  les  années .1779, 
1781  et  1786,  Pauteur  publia  une  suite  à  son  ouvrage  :  Experiments  and  ob- 
servations relating  to  varions  branches  ofnaturcd  philosophy,  wiih.a  con- 
tinuation ofihe  observations  on  air;  Lond.,  iii-S",  1779,  t.  I;  t.  II,  Birmio- 
gham,  1781;  t.  III,  1780.  —  Cette  suite  fut  également  traduite  en  fran- 
çais par  Gibelin,  etc.;  Paris,  1. 1  et  II,  1782.  Une  traduction  allemande  en  parut  à 
Vienne  et  à  Leipzig ,  2  vd.  in-12,  1782. 

Enfin,  Tauteur  publia,  en  1790,  un  résumé  de  tous  ses  ouvrages  sur  ce  snyct, 
sous  le  titre  :  Experiments  and  observations  on  différent  kiiids  of  air,  and 
other  branches  of  naiural  philosophy  connected  with  the  subject ,,  i»  fil 
volumes,  being  the  former  VI  volumes  abridged  and  methodized  with  many 
ûrfd//ion5;  Birmingliam,in-8",  vol.  I-III,  1790. 

(1)  yoy.  plqs  haut,  p.  349  et  445. 


TROISIÈME   EPOQUE.  479 

celle  des  savants  qai  répétèrent  avec  lui  ces  expériences,  dont  la 
première  avait  été  faite  le  17  août  1771. 

Quoi  qu'il  «n  soit,  c'est  à  la  sagacité  de  Priestley  que  nous  de- 
vons la  découverte  d'un  des  plus  beaux  faits  de  la  physiologie  vé- 
gétale. Voici  comment  il  s'exprime  en  résumant  ses  expériences 
sur  la  respiration  des  végétaux  et  des  animaux  (1)  :  «  Les  preuves 
d'un  rétablissement  partiel  de  l'air  par  des  plantes  en  végétation 
s.ervenl  àrendre  très-probable  quele  tort  que  font  continuellement 
à  l'atmosphère  la  respiration  d'un  si  grand  nombre  d'animaux, 
et  la  putréfaction  de  tant  de  masses  de  matières  végétales  et  ani- 
males, ^cst  réparé,  au  moins  en  partie,  parle  règne  végétal;  et, 
malgré  la  masse  prodigieuse  d'airquiest  journellementcorrompue 
par  les  causes  désignées,  si  nous  considérons  l'immense  profusion 
de  végétaux  qui  couvrent  la  surface  du  sol,  on  ne  peut  s'empêcher 
de  convenir  que  tout  est  compensé,  et  que  le  remède  est  propor- 
tionné au  mal.  » 

Mais,  selon  Priestley,  il  y  aurait  un  autre  moyen  qui  contribue- 
rait non  moins  puissamment  à  l'assainissement  de  l'atmosphère  : 
l-agitation  des  eaux  par  les  vents,  et  par  suite  la  mise  en  liberté  de 
l'air  dissous  dans  les  eaux,  lequel  serait  encore  plus  riche  en  molé- 
cules respîrables  que  l'air  commun  de  l'atmosphère.  Dans  tout  cela 
nous  ne  pouvons  qu'admirer  la  profonde  pénétration  de  l'illustre 
ami  de  Franklin. 

L'appaVeil  dont  il  se  servait  pour  recueillir  les  gaz  est  celui  de 
Haies,  légèrement  modifié.  Priestley  eut  le  premier  l'idée  heureuse 
de  substituer  le  mercure  à  l'eau,  pour  recueillir  les  gaz  solubles. 

Air  inflaiiiiiiable.  Dans  les  années  1771  et  1772,  il  fit  des  ex- 
périences sur  Vair  inflammable  (hydrogène),  connu  depuis  long- 
temps, et  dont  Gavendish  avait  indiqué  le  meilleur  mode  de  pré- 
paration et  décrit  les  principales  propriétés. 

Ces  expériences  portaient  principalement  sur  l'inflammabililé 
et  rirrespirabilité  du  gaz  en  question. 

Air  Bitrevx.  Le  4  juin  1772,  Priestley  découvrit  le  hioxyde  d^a- 
zote,  qu'il  appela  air  nilreux;  il  l'obtint  en  traitant  le  cuivre  par 
l'eau-forte,  et  en  recueillant  le  gaz  qui  se  dégage.  11  en  constata  les 
propriétés  d'être  irrespirable,  de  rougir  au  contact  de  l'air  atmos- 
phérique, d'être  non  précipitable  par  l'eau  de  chaux,  decommû- 

(1)  L^  siyets  les  plus  onlinaires  de  ces  ex|*ériences  étaient  des  tiges  de  ujenthe 
et  des  souris. 


HISTOIRE    DE   LA   CUIHIE. 

niquer  une  flamme  verte  à  l'hydrogène.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  pins 
remarquable,  c'esl  qu'il  proposa  ce  gaz  comme  un  moyen  d'analy- 
ser l'air,  OH  d'en  reconnaître  la  pureté,  et  il  assure  avoir  constaté 
par  ce  moyen  une  di  ff ère ii ce  notable  entre  l'air  deson  laboratoire, 
dans  lequel  avaient  respiré  plusieurs  personnes ,  et  l'air  du 
dehors  (1), 

Il  propose,  en  outre,  ce  gai  comme  un  préservatif  de  la  pulré- 
Taclion,  pour  conserver  des  animaux,  des  pièces  d'anatomie,  etc. 
n  dit  avoir  ainsi  conservé,  au  milieu  des  chaleurs  de  la  canicule 
de  1772,  deuï  souris  mortes  :  au  bout  de  25  jours,  elles  ne  pré- 
sentaient encore  aucun  indice  de   putréraction. 

11  fit  de  nombreuses  recberchessur  lacoloration  dugaz  nitrenx, 
et  le  produit  cristallin  que  ce  gaz  forme  avec  l'acide  vttriolique(S). 

Dans  un  autre  chapitre,  intitulé  :  Dei'air  infecté  par  la  vapeur 
au  charbon  allumé  (3),  Priestley  &t  une  expérience  répétée  par 
Lavoisier,  laquelle  conaiatail  à  suspendre  un  morceau  decbarbon 
dans  un  vaisseau  de  verre  rempli  d'eau  jusqu'à  une  certaine  hau- 
teur, et  renversé  dans  un  autre  vaisseau  plein  d'eau,  et  k  brûler 
ce  charbon  au  foyer  d'une  lentille.  Ilobsen-a  que,  dans  celteexpé- 
rience,  il  se  produit  de  l'air  fixe,  absorbé  et  précipilé  en  blanc  par 
l'eau  de  chaux;  qu'après  cette  absorption  la  colonne  d'air  est 
diminuée  d'un  cinquième;  etque  l'air  qui  reste  éteint  lallamme, 
tue  les  animaux,  n'est  diminué  ni  par  l'air  nitreux,  ni  par  un 
mélange  de  limaille  de  fer  et  de  soufre  humide,  elc.  — L'air  ainsi 
obtenuet  parfaitement  caractérisé,  c'était  le  gaï  qui  reçut  quel- 
ques années  plus  tard  le  nom  d'asote. 

La  date  de  cette  expérience,  si  imporlante  pour  l'avenir  de  la 
chimie,  n'est  pas  indiquée  par  l'auteur.  Dans  aucun  cas,  elle  ne 
peut  être  postérieure  à  l'anuée  \ni,  puisque  le  mémoire  où  celle 
expérience  se  trouve  consignée  parut  en  177i. 

Eh  bien,  cette  expérience  capitale  resta  complétemeut 
stérile  entre  les  mains  de  Priestley;  égaré  par  la  théorie  du  phla- 
gistique,  il  se  perd  dans  des  divagations  obscures ,  et  finit  pfli 
ajourner  l'explication  de  ses  espériences.  C'est  à  Lavoisier  que 

(I)  11  axait  remarqué,  terme  inujen,  que  l'air  aitreux  (bin\>do  il'azotF)alr 
sorbait  envimo  unûaquièrae  (30  p,  IIMJ  ilc  l'air  ordiaaiTe. 

(ï)  Voj.  ExpériOKet  et  observation* sur  différentes  bi-HKClies  de  la  ph^- 
qae,  etr.  [Irad.  dcGibPlin),  vol.  I,  p.  1M8;  l^aris,  ia  12. 

(S)  Ofttir  infecled  wid  ihe  fumes  of  burning  eharcaal  ;  Observations  « 
dicterait  kinb  of  air,  etc.;  Ijoad.,  1772,  p.  Si. 


,  TROISIÈME  ÉPOQUE.  •  491    , 

revient  Thonneur  d'avoir  fait,  en  quelque  sorte,  sortir  cette  expé- 
rience du  néant,  et  d'en  avoir  tiré  d'immenses  résultats. 

N'est-ce  pas  là  un  éclatant  démenti  donné  à  ceux  qui,  dé- 
daîènant  la  puissance  du  raisonnement,  proclament  sans  cesse 
la  souveraineté  des  faits?  Mais  la  science  ne  serait  le  plus  sou- 
vent qu'un  tissu  incohérent,  si  elle  ne  se  composait  que  de  faits 
non  raisonnes,  non  compris,  et  sans  aucune  liaison  entre  eux. 

Substituant  au  charbon  les  métaux  (plomb,  étain),  Priestley 
constata  également  la  diminution  du  volume  d'air  par  la  calcina- 
tion  (i).  Mais,  loin  d'aborder  la  question  de  l'augmentation  du 
poids  des  métaux  correspondant  à  cette  diminution  de  l'air,  il  ne 
cherche  qu'à  l'éluder,  et  il  se  perd  dans  les  doctrines  inextrica- 
bles du  phlogistique.  Lavoisier  répéta  ces  mêmes  expériences , 
et  il  en  tira  tout  le  parti  possible,  par  la  puissance  de  son  esprit 
généralisateur. 

Acide  de  refipritde«el  (gaz  acide  chlorhydrique).  —  C'est 
Priestley  qui  recueillit  le  premier  l'acide  muriatique  à  l'état  de 
gaz  sur  le  mercure,  et  prouva  que  l'acide  marin  ordinaire  (acide 
chlorhydrique  aqueux)  n'est  autre  chose  qu'un  fluide  élastique 
acide,  dissous  dans  l'eau,  d'où  il  peut  être  expulsé  par  la  chaleur; 
il  en  étudia  les  propriétés  les  plus  saillantes,  signala  l'absorption 
de  ce  gaz  parle  charbon,  son  action  sur  les  huiles,  sa  décomposi- 
tion partielle  par  l'étincelle  électrique  en  air  inflammable*;  il  at- 
tribua les  vapeurs  blanches  que  ce  gaz  forme  au  contact  de  l'air,  à 
Pabsorption  de  l'humidité,  et  il  conclut,  de  diverses  expériences, 
que  le  gaz  acide  marin  est  d'une  densité  spécifique  supérieure  à 
celle  de  l'air  commun  (2). 

Air  du  nitre. — Ce  que  Priestley  appelle  air  du  nitre  parait 
être  l'oxygène  impur  (mêlé  de  protoxyde  d'azote);  car  il  dit  que 
.cet  air  se  distingue  de  tous  les  autres,  en  ce  que,  loin  d'éteindre 
une  chandelle,  il  en  augmente  la  combustion  avec  un  bruit  sem- 
blable à  celui  que  produit  la  déflagration  du  nitre,  et  qu'il  ob- 
tenait cet  air  en  chauffant  du  nitre,  dans  un  canon  de  fusil.  Ces 
expériences  avaient  été  faites  dans  le  courant  de  l'année  1771; 
l'auteur  ajoute  en  terminant  :  «  Ces  faits  me  paraissent  très- 


{i)  On  the  effect  of  the  calcination  ofmetalls;  Observations  on  différent 
kindsof  air;  London,  1772,  in-4»,  p.  84. 

(2)  On  air  procured  by  means  ofspirit  of  sait;  Observations  on  différent 
kinds,  etc.;  Lond.,  1772,  p.  90. 

BIST.  DE  L\  CHIMIE.  —  T.   II.  31 


•  ■  -   •  "       ''.---■.-      •     l'        .  ■*     .      .  ., ,      ^  ■     ■-  .     ■  -..     -l     '■  J.«i 


extraordinaires  ' et  imiportants ;  ils  pourront ,  dans  des.  mains 
habiles,  conduire  à  des  décoQvertai  considérables  (1)^  » 

Cette  prophétie  derait  s'accomplir  plus  tôt  qu'il  ne  le  pensait 

Pénétré  de  l'importance  de  ses  observaUoi^,  Priéstley  Ait  con- 
duit à  examiner  l'espèce  d'air  qui,  suivant  les  expériences  de  Haies, 
était  contenu  dans  les  chaux  (oxydes)  métalliques,  et  avait  ainsi 
contribué  à  l'augmentation  dupoids  de  ces  métaux,  n  fit  à  ce  s^iet 
une  expérience  très-ingénieuse  :  il  revivifia  (décomposa)  le  mi- 
nium (oxyde  de  plomb)  par  des  étincelles  électriques,  et  recueillit 
sur  le  mercure  le  gaz  qui  se  produisait  Ce  gaz  ne  pouvait  être  .que 
Toxygène.  Eh  bien  !  il  est  pénible  de  voir  cette  belle  expérience 
en  quelque  sorte  défigurée  par  une  déduction  aussi  pitoyable 
qu'erronée  :  de  ce  que  cet  air  (oxygène)  était  susceptible  d'être  en 
partie  absorbé  par  l'eau,  l'auteur  concluait  que  ce  n'était  autre 
chose  que  de  l'air  fixe  (gaz  acide  carbpniqùe). 

On  se  demande  pourquoi  Priestiey  n'avait  pas  ici  mis  en  usa^e 
ses  deux  réactifs  habituels,  la  respiration  et  la  combustion,  une 
souris  et  une  chandelle.  Était-ce  un  oubli  de  sa  part?  Non,  certes. 
Ce  qui  lui  avait  fait  méconnaître  l'oxygène,  c'était  l'influence  ty- 
lannique  d'une  théorie  préconçue.  On  se  rappelle  que  le  charbon, 
qui  .révivifie  les  chaux  métalliques,  passait  pour  un  des  corps  les 
plus  riches  en  phlogistique,  et  qu'étant  chauffé  avec  ces  chanx 
il  devait  donner  naissance  à  de  l'air  fixe  (  gaz  acide  carbo- 
nique). Or  Priestiey  avait  imaginé  une  théorie  à  laquelle  il 
était  prêt  à  sacrifier  les  travaux  d'une  partie  de  sa  vie  ;  selon 
cette  théorie»  le  fluide  électrique  était,  sinon  le  phlogistique  lui- 
même,  du  moins  le  fluide  le  plus  riche  en  phlogistique.  On  com- 
preniidès  lors  que,  dans  le  sens  de  Priestiey,  Télectricité  devait 
agir  comme  le  charbon,  sous  peine;  de  frapper  de  nullité  toute 
'  la  théorie  qu'il  avait  essayé  d'élever  avec  tant  de^labeur.  Priestiey 
s'obstinait  donc  à  voir,  dans  le  gaz  (oxygène)  qu'il  avait  obtenu  en 
décomposant  le  minium  par  l'électricité,  un  gaz  identique  avec 
l'air  fixe  (gaz  acide  carbonique);  car  la  reconnaissance  de  ce 
fait  aurait  suffi  pour  renverser  une  théorie  à  laquelle  il  tenait 
peut-être  autant  qu'à  son  honneur. 

C'est  à  dessein  que  j'ai  insisté  sur  ce  détail,  parce  qu'il  n'est  pas 


{{)  Onair  procuredy  etc.,  p.  102.  Voici  les  paroles  textuelles  de  Priestiey  :  ThU 
séries  of  facis,  relaiing  to  air  exttxicted,  seem  very  extraordinary  and  im- 
portant, and,  in  able  handSy  may  lead  to  considérable  discoveries. 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  483 

rare  aujourd'hui  de  voir  un  fait  sacrifié  à  une  théorie,  une.  réalité 
à  une  fantaisie  systématique. 

Puisque  nous  en  sommes  à  l'oxygène,  disons  encore  un  mot 
de  cette  grande  découverte.  D'abord  il  faut  regarder,  comme 
non  avenue  l'expérience  de  la  décomposition  du  minium  par 
les  étincelles  électriques,  puisque  Priestley  ne  reconnut  pas  Toxy- 
gène  dans  le  gaz  qu'il  avait  obtenu.  Ce  ne  fut  qu'environ  un  an  après 
que  l'oxygène,  sous  le  nom  d'atr  déphlogîstiqué ,  fut  préparé, 
recueilli,  et  distingué  comme  un  fluide  élastique  particulier. 
Ce  sujet  est  trop  important  pour  ne  pas  citer  les  paroles  mêmes  de 
Priestley  :  «  Le  1®'  août  1774,  je  tâchai  de  tirer  de  l'air  du  mercure 
calciné  per  se  (1),  et  je  trouvai  sur-le-champ  que,  par  le  moyen 
d'une  forte  lentille,  j'en  chassaisl'air  très-promptement.  Ayantre- 
cueilli  de  cet  air  environ  trois  ou  quatre  fois  le  volume  de  mes  ma- 
tériaux, j'y  admis  de  l'eau,  et  je  trouvai  qu'elle  ne  s'absorbait 
point  ;  mais  ce  qui  me  surprit  plus  que  je  ne  puis  l'exprimer,  c'est 
qu'une  chandelle  brûla  dans  cet  air,  avec  une  flamme  d'une  vi- 
gueur remarquable  (2).  » 

Il  obtint  le  même  air  avec  le  précipité  rouge,  préparé  en  trai- 
tant le  mercure  par  l'acide  nitrique.  Et  comme  la  première  subs- 
tance (mercure  calciné /^er^e)  avait  été  préparée  en  chauffant  le 
mercure  à  l'air  libre,  il  en  conclut  qu'elle  avait  reçu  quelque  chose 
de  nitreux  de  l'atmosphère. 

Priestley  eut  d'abord  quelques  doutes  sur  la  pureté  du  précipité 
rouge,  et  ne  négligea  rien  pour  écarter  toute  objection  qu'on 
aurait  pu  lui  faire  à  cet  égard.  «  Me  trouvant,  rapporte-t-il, 
à  Paris  au  mois  d'octobre  suivant  (de  l'année  1774),  et  sachant 
qu'il  y  a  de  très-habiles  chimistes  dans  celte  ville,  je  ne  man- 
quai pas  l'occasion  de  me  procurer,  par  le  moyen  de  mon  ami, 
M.  Magellan,  une  once  de  mercure  calciné,  préparé  par  M.  Cadet, 
et  dont  il  n'était  pas  possible  de  suspecter  la  bonté.  Dans  le  môme 
temps,  je  fis  part  plusieurs  fois  de  la  surprise  que  me  causait  l'air 
que  j'avais  tiré  de  cette  préparation,  à  MM.  Lavoisier,  Leroi,  et 
autres  physiciens  qui  m'honorèrent  de  leur  attention  dans  cette 
ville,  et  qui,  j'ose  le  dire,  ne  peuvent  manquer  de  se  rappeler  cette 
circonstance.  i> 

(i)  C'était  du  mercure  converti  en  oxyde  rouge  par  sa  calcination  à  l'air,  ainsi 
que  l'auteur  nous  l'apprend  lui-même  plus  loin. 
(2)  Expériences  et  observations  sur  différentes  espèces  d'air,  t.  II,  p.  41  (trad. 

de  Gibelin),  1777. 

31. 


1 

ne  que    \ 


48i'  ihstoihe  he  la  cuixie. 

Prieslley  s'élait  d'abord  imaginé  que  ce  gaz  ttail  le  môme 
celui  qu'il  avait  oblenu,  une  année  auparavant  (en  1173),  en  main- 
tenant, pendant  longtemps,  l'air  nitreux  (biosyde  d'azote)  sur  de 
la  limaille  de  fer  humide  (1). 

Une  nouvelle  expérience  sur  leminium  qui,  chauffc^par  un  mi- 
roir ardent,  donnait  la  mfime  espèce  d'air  que  le  mercure  calciné, 
décida  de  l'opinion  de  Prieslley. 

n  Celle  expérience  avec  le  minium  me  conlirma,  dit-il,  davan- 
tage dans  mon  idée  que  le  mercure  calciné  doit  emprunter  à  l'at- 
mosphère la  propriété  defournir  cette  espèce  d'air,  le  mode  de  pré- 
paration du  minium  étant  semblable  à  celui  par  lequel  on  fait  le 
mercure  calciné.  Comme  je  ne  fais  jamais  un  secret  d'avouer  mes 
observations,  je  fis  part  de  cette  expérience,  aussi  bien  qoe  de 
celles  surle  mercure  calciné  et  surle  précipité  rouge,  à  toutes  mes 
connaissances  à  Paris  et  ailleurs.  Je  ne  soupçonnais  pas  alors  o& 
devaient  me  conduire  ces  faits  remarquables  (2).  n 

On  devine  à  quelle  adresse  l'auteurdestinait  ces  paroles.  Il  avoue 
cependant  qu'il  resta  jusqu'au  mois  de  mars  1775  dans  l'ignorance 
de  la  nature  réelle  du  gaz  en  question.  Ce  fut  le  8  mars  qu'il  dé- 
montra, par  l'expérience  d'une  souris,  que  l'air  dégagé  du  mercure 
calciné  est  au  moinsaussi  bon  à  respirer,  sinon  msi'/^^ur,  que  l'air 
commun.  Il  constata,  pardesobservationsullérieores,  que  cet  air, 
qu'il  appela  air  lUphlogistiqué,  est  un  peu  plus  pesant  que  l'air 
commun(3);  qu'il  forme,  avec  l'airinflammable  (hydrogène),  em- 
ployé dans  decertaines  proportions,  un  mélange  qui  détone  âl'ap- 
procbe  d'une  flamme  (4J,  et  qu'il  sérail  aisé  de  produire,  à  volonté, 
une  température  très-élevée,  à  l'aide  de  soufflets  ou  de  vessies  rem- 
plis d'air  déphlogistiqué  [5).  Il  eut,  en  outre,  l'idée  d'introdnire 
ï'emploidecetairen  médecine,  et  de  l'appliquerautraitemenides 
phthisies  pulmonaires;  car,  selon  sa  doctrine,  la  respiration  a 
pourbutde  s'opposer  sans  cesse  à  la  putréfaction,  en  évacuantâu 
poumon  l'air  qui  se  produit  pendant  ta  putréfaction  et  la  fermen- 
tation, savoir,  l'air  fixe  (gazacidecarbonique)  ;  et  lemeilIeurmoyeD 

(1)  C«  gaz,  qui  eutretient  la  flanime,  mais  qui  «st  îrre^irable ,  n'est  autre 
que  le  protoxyde  d'asote,  provenant  de  l'absorptiao  de  la  moitié  de  l'oijgèM 
du  bloijde  d'azote  par  le  fer. 

(2)  Eip.  et  observât.,  elc,  t.  Il,  p.  46. 
'   i»)  Ibid.,  p.  lia. 

(4)  Ibid.,  p.  121. 
{6}  Ibid.,  p.  134. 


TROISIÈME  EPOQUE,  483 

de  favoriser  cette  action  consisterait  dans  Tusagede  Tair  déphlo  ■ 
gistiqué,  ou,  comme  on  l'appelait  encore,  de  ïair  vital, 

Priestley  eut  la  curiosité  d'essayer  l'action  de  cet  air  sur  lui- 
même,  et  de  le  respirer  en  l'aspirant  à  l'aide  d'un  siphon.  «  La 
sensation  qu'éprouvèrent  mes  poumons,'.dit-il,  ne  fut  pas  diffé- 
rente de  celle  que  cause  l'air  commun.  Mais  irme  sembla  ensuite 
que  ma  poitrine  se  trouvait  singulièrement  dégagée  et  plus  à 
Taise  pendant  quelque  temps.  Qui  peut  assurer  que  dans  la  suite 
cet  air  pur  ne  deviendra  pas  un  objet  de  luxe  très  à  la  mode?  Il 
n*y  a  eu  jusqu'ici  que  deux  souris  et  moi  qui  ayons  eu  le  privilège 
de  le  respirer  (1).  » 

Enfin,  mettant  sur  le  tapis  la  composition  de  l'atmosphère,  il 
fait  un  appel  aux  chimistes  futurs,  afin  de  s'assurer,  par  des  ex- 
périences répétées  dans  différents  temps  et  lieux,  si  l'air  conserve 
constamment  le  môme  degré  de  pureté,  la  même  proportion  d'air 
vital,  ou  s'il  éprouve  quelque  changement  par  la.suite  des  siècles. 

Voici  d'autres  fluides  élastiques  dont  la  découverte  est  égale- 
ment^due  à  Priestley. 

Air  alcalin  (gaz  ammoniac).  —  L'auteur  prépara  ce  gaz  en 
chauffant  une  partie  de  sel  ammoniac  avec  trois  parties  de  chaux  ; 
il  le  recueillit  sur  le  mercure,  n'ignorant  pas  que  l'eau  peut  en 
dissoudre  une  grande  quantité.  Il  essaya  ensyite  l'action  du  gaz 
alcalin  sur  un  grand  nombre  de  substances,  sur  l'alun,  sur  la  glace, 
etc.;  il  constata  aussi  que  ce  gaz  est  un  peu  moins  léger  que  l'air 
inflammable. 

Air  acide  ^triolique  (gaz  sulfureux).  —  Priestley  fit  voir 
que  le  gaz  sulfureux  (préparé  en  chauffant  l'acide  vitriolique 
avec  du  charbon)  éteint,  comme  le  précédent,  les  corps  en  com- 
bustion, qu'il  est  absorbé  par  le  charbon,  le  borax,  etc. 

n  découvrit  aussi  Voxyde  de  carbone;  mais  il  ne  lui  donna  pas  dû 
nom  particulier.  Ce  qui  le  frappait  dans  ce  corps,  c'était  la  flamme 
bleue  avec  laquelle  il  le  voyait  brûler.  —  Il  obtint  aussi  le  pre- 
mier Y  hydrogène  bicarboné^  mais  il  le  confondait  avec  l'air  inflam- 
mable. 

Nous  lui  avons  déjà  vu  signaler  les  principales  propriétés  de 
Tazote,  qu'il  appelait  air  phlogistigué. 

Il  est  à  regretter  que  toutes  ces  précieuses  découvertes  aient 
été  d'abord  exposées  sans  ordre,  puis  reprises  pour  être  corri- 

(1)  Exp.  et  observ.,  p.  126. 


486  niSTomE  de  la  chimie. 

gées  ou  perfectionnées.  On  perd  ainsi  souvent  le  fil  conducteur  au 
milieu  d'un  labyrinthe  de  détails,  d'autant  plus  qu'aucune  théorie 
rationnelle  ne  présidait  à  ces  recherches, dans  lesquelles  le  hasard 
aurait  joué,  suivant  l'auteur  lui-môme,  un  grand  rôle  (1). 

Celui  qui  lit  l'ouvrage  de  Priestley  avant  d'avoir  pris  connais- 
sance des  travaux  de  Bergmann,  de  Lavoisier  et  de  Scheele,  se 
persuade  aisément  que  le  célèbre  physicien  anglais  doit  être 
considéré  comme  le  père  de  la  chimie  moderne,  et  que  les  au- 
tres chimistes  de  la  môme  époque  ne  sont  que  d'ingrats  disciples. 
^  ftlais,  en  comparant  tous  ces  chimistes  entre  eux,  on  ne  tarde 
pas  à  découvrir  que  malheureusement  Priestley  ne  rendait  pas  ' 
toujours  aux  travaux  des  autres  la  justice  qu'il  aurait  voulu  qu'on 
rendît  aux  siens.  Sans  parler  de  ces  reproches  que  se  font  en  tout 
temps  les  rivaux  entre  eux,  nous  nous  contenterons  de  faire  obser- 
ver que  Priestley,  non-seulement  trouvait  toujours  quelque  chose 
h  reprendre  aux  travaux  de  Lavoisier,  mais  qu'il  critique,  entre 
autres,  assez  aigrement,  le  beau  travail  de  Scheele,  le  moins  en- 
vieux des  chimistes.  Bien  plus,  il  refait  tout  son  travail,  et  change 
jusqu'aux  noms  donnés  par  Scheele;  ainsi,  il  appelle  acide  spa- 
thique  ce  que  le  premier  avait  nommé  acide  du  fluor;  la  croûte 
pierreuse  qui  se  forme  lorsqu'on  fait  arriver  l'acide  fluo-silicique 
dans  de  l'eau,  et  que  Scheele  avait  reconnue  pour  de  la  silice 
pure,  il  l'appelle  croûte  spathique,  en  la  supposant  être  de  na- 
ture toute  différente.  Quant  à  Tacide  du  fluor  lui-même,  il  sou- 
tient que  Scheele  est  dans  Terreur  en  le  donnant  pour  un  acide 
nouveau,  et  que  ce  n'est  autre  chose  que  de  l'acide  vitriolique 
chargé  de  phlogistique. 

Cependant  ces  défauts  ne  diminuent  en  rien  la  valeur  des  tra- 
vaux de  cet  homme  de  génie.  Comme  tant  d'autres,  Priestley  • 
subissait  le  joug  d'une  fausse  doctrine.  En  lui  laissant  même 
l'honneur,  qu'il  semble  d'ailleurs  revendiquer  lui-même,  de  la 
découverte  de  l'oxygène,  on  n'ôtera  par-là  rien  au  mérite  de  La- 
voisier, d'avoir  reconstruit  tout  l'édifice  de  la  science  avec  des 
matériaux  qui  en  d'autres  mains  seraient  peut-être  restés  complè- 
tement stériles. 

La  théorie  du  phlogistique,  depuis  longtemps  dépouillée  de  son 
prestige,  perdit  en  Priestley  son  dernier  défenseur.  L'autorité  de 

(1)  M.  Dumas  a  donné  une  critique  judicieuse,  peut-être  un  peu  trop  sévère, 
de  Priestley,  qui  attribuait  lui-même  ses  découvertes  au  hasard.  (  Leçons  de 
hilosophie  chimique,  p.  113.  ) 


TEOISIÈME  ÉPOQUE* 


487 


cet  illustre  savant  cessa  bientôt  d'être  invoquée  comme  un  argu- 
ment contre  les  idées  de  l'école  moderne. 

Pour  renverser  Tempire  d'un  système,  il  suffît  d'un  esprit  révo- 
lutionnaire; mais,  pour  élever  sur  des  ruines  un  édifice  nouveau, 
il  faut  un  génie  créateur.  Lavoisier  eut  l'un  et  l'autre.  C'était 
l'homme  qu'il  fallait  pour  renverser  la  théorie  du  phlogistique^ 
pour  réunir  des  faits  épars  en  un  faisceau  compacte,  et  pour 
jeter  les  bases  d'une  école  dont  l'enseignement  se  perpétue. 


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TROISIÈME   ÉPOOUE.  489 


ÉTAT  DE  LA  CHIMIE 

DEPUIS  LAVOISIER  JUSQU'A  GAY-LÛSSAC 

ET  THENARD. 


§1. 
liavoisier. 

La  révolution  opérée  dans  la  science  par  Lavoisier  coïncide, 
—  singularité  du  destin  !  —  avec  une  autre  révolution,  bien  plus 
grande  encore,  opérée  dans  le  monde  politique  et  social.  Toutes 
deux  éclatèrent  sur  le  même  sol,  à  la  môme  époque,  chez  la 
même  nation  ;  toutes  deux  commencent  une  ère  nouvelle,  cha- 
cune dans  son  ordre  respectif. 

Lavoisier  (Antoine-Laurent),  né  à  Paris  le  26  août  1743,  reçut 
de  son  père,  riche  négociant,  une  éducation^soignée.  L'un  des 
meilleurs  élèves  du  collège  Mazarin  ,  il  travaillait  dans  le  labora- 
toire de  Rouelle  au  Jardin  des  Plantes,  suivait  les  cours  d*astro- 
nomie  de  La  Caille  à  TObservatoire,  accompagnait  Bernard  de 
Jussieu  dans  ses  herborisations,  et  assistait  Guettard  dans  ses 
excursions  géologiques.  Il  ne  vivait  pour  ainsi  dire  qu'avec  ses 
maîtres.  Aussi  à  vingt-un  ans  fut-il  à  même  de  concourir  pour 
un  prix  académique.  En  1764,  TAcadémie  royale  des  sciences 
avait  mis  au  concours  la  question  suivante  :  «  Trouver  la  meil- 
leure manière  d'éclairer  les  rues  d'une  grande  ville ,  en  combi- 
nant ensemble  la  clarté,  la  facilité  du  service  et  Téconomie.  » 
On  raconte  que  le  jeune  concurrent,  pour  rendre  ses  yeux  plus 
sensibles  aux  différentes  intensités  de  la  lumière  des  lampes, 
fit  teindre  sa  chambre  en  noir  et  s'y  enferma  pendant  six  se- 
maines sans  voir  le  jour.  Son  mémoire,  récompensé  d'une  mé- 
daille d'or,  fut  imprimé  par  ordre  de  l'Académie.  On  y  sent  cet 
enthousiasme  qui  semblait  alors  animer  tous  les  esprits,  ce  Que 
de  motifs,  dit  le  jeune  auteur  à  son  début,  pour  exciter  un  ci- 


490  HISTOIRE  DI  LA   CHllIIE. 

loyeni'Dans  ce  mouvement  général  comment  ne  sentîrait-il 
pas  son  âme  s'échauffer  d'un  zèle  patriotique?  Comment  ne  se- 
rait-il  pas  lente  de  joindre  ses  efforts  à  ceux  de  ses  conci- 
toyens {!)?.> 

Dans  un  voyage  géologique,  onlrepris  à  l'âge  de  vingt- 
deos  ans,  Lavoisier  recueillit  les  matériaux  de  deux  mémoires 
Sur  le  gypse,  lus  à  l'Académie  des  sciences,  l'un  le  27  février 
1763,  l'autre  le  i9  mars  1766  (4).  Ils  furent  suivis  de  plusieurs 
articles  de  physique,  tels  que  Sur  le  passage  de  l'eau  à  l'état  de 
glace.  Sur  le  tonnerre.  Sur  Caitrore  boréale,  etc. ,  articles  qui  pa- 
rurent dans  les  recueils  scientifiques  d'alors. 

Ces  travaux  variés  lui  ouvrirent,  à  vingt-cinq  ans,  les  por- 
tes de  l'Académie.  Lavoisier  y  succédait  au  chimiste  Baron, 
et  il  avait  eu  pour  concurrent  le  minéralogiste  Jars,  dont  la  can- 
didature était  vivement  appuyée  par  Buffon,  et  patronnée  par 
un  puissant  ministre,  le  duc  de  Choîscul.  Ces  détails  nous  ont 
été  transmis  par  un  de  ses  collègues  et  juges  :  a  Je  contribuai , 
dit  Laiande,  h  l'élection  de  Lavoisier,  quoique  plus  jeune  et 
moins  connu,  par  cette  considération  qu'un  jeune  homme  qui 
avait  du  savoir,  de  l'esprit,  de  l'activité,  et  que  la  fortune  dispen- 
sait d'avoir  une  autre  profession,  serait  naturellement  très-utile 
aux  sciences,  m  En  parlant  ainsi  Lalande  plaidait  un  peu  sa  propre 
cause  :  il  avait  été  reçu  membre  de  l'Académie,  en  1752,  à 
l'âge  de  vingt-un  ans. 

Le  titre  d'académicien  fut,  en  effet,  pour  Lavoisier,  comme  il 
l'avait  été  pour  Lalande,  un  encouragement  plutôt  qu'une  ré- 
compense. Aussi  continua-t-il  à  suivre  avec  plus  d'ardeur  que  ja- 
mais la  voie  où  il  s'était  engagé  librement.  La  chimie  devint 
bientôt  son  étude  favorite,  et  il  n'épargna  ni  temps  ni  fortune 
pour  l'avancement  de  cette  science.  Ce  fut  principalement  pour 
subvenir  à  des  expériences  coûteuses  qu'il  sollicita  et  obtint,  en 
1769 ,  une  place  de  fermier-général. 

Lavoisier  réunissait  chez  lui,  régulièrement  une  fois  par  se* 
maine,  des  savants  français  et  étrangers  pour  leur  soumettre 
les  résultats  de  ses  travaux  de  laboratoire,  et  provoquer  de  leur . 


(1]  Voy.  t.  m,  p.  2  des  Œuvres  de  Lavowier  (publiées  par  les  soins  da  lù- 
nistre  de  l'bstructioD  publique),  Paris  (Imprimerie  impériale  ),  1S65,  ia-4*. 
(2)  Us  oal  été  reproduits  dans  le  t.  al,  p.  iOS-t44  des  Œuvres  de  Lavtt- 


TROISIÈME  éPOQUE.  4^1 

pari  des  objections  ou  l'émission  d'idées  nouvelles.  Ces  confé- 
rences formaient,  en  dehors  de  TAcadémie  constituée,  une 
académie  libre,  militante,  qui  battait  en  brèche  la  chimie 
enseignée ,  la  chimie  des  écoles. 

Trois  questions  avaient  particulièrement  fixé  Tattention  de 
Lavoisier  : 

1*»  La  composition  de  Tair  ; 

2**  L'augmentation  du  poids  des  métaux  par  la  calcination  ; 

3<>  L'insuffisance  de  la  théorie  du  phlogistique. 

Ces  trois  questions  étaient  tellement  connexes  que  résoudre 
l'une,  c'était  résoudre  les  deux  autres. 

Dès  1770  Lavoisier  avait  probablement  déjà  ses  convictions  ar- 
rêtées :  il  avait  des  motifs  pour  croire  que  l'air  n'est  pas  un  corps 
simple,  que  les  métaux  absorbent^  pendant  leur  calcination,  sinoH 
la  totalité,  au  moins  une  partie  de  l'air,  enfin  que  la  théorie  du 
phlogistique  étaitune  erreur.  Cette  triple  croyance,  qui  demandait 
des  preuves,  formait  en  quelque  sorte  le  pivot  de  ses  recherches  ; 
mais,  tant  qu'il  lui  avait  manqué  la  sanction  de  l'expérience,  il  n'a-  ' 
vait  pas  même  osé  l'énoncer  sous  forme  d'hypothèse.  Nous  y  re- 
viendrons plus  loin. 

Lavoisier  avait  un  ardent  amour  de  la  science.  Les  théories 
cependant  semblaient  l'occuper  bien  moins  que  les  applications 
utiles.  Appelé  en  1776,  par  le  ministre  Turgot,  à  la  direction 
générale  des  poudres  et  salpêtres,  il  fit  à  Essone  des  expé- 
riences qui  l'amenèrent  à  perfectionner  la  poudre  à  canon  au 
point  de  donner  plus  de  200  mètres  de  portée  dans  les  mêmes 
circonstances  où,  avant  lui,  la  meilleure  poudre  ne  portait 
qu'à  180  mètres.  11  fit  aussi  supprimer  les  recherches  qu'on 
faisait  alors  dans  les  maisons  pour  se  procurer  du  salpêtre,  et 
il  parvint  à  en  quintupler  la  production,  en  délivrant  la  France 
du  tribut  qu'elle  payait  à  l'Angleterre  pour  le  nitre  des  Indes. 

L'agriculture,  qui  a  des  rapports  si  multipliés  avec  la  chimie, 
entrait  dans  le  programme  de  ses  études  favorites.  Pour  encou- 
rager la  culture  du  sol,  il  proposa  de  diminuer  l'intérêt  de  l'ar- 
gent et  d'autoriser  des  baux  de  vingt-sept  ans.  Pour  essayer  des 
procédés  nouveaux  et  combattre  la  routine ,  il  faisait  valoir  par 
lui-même  deux  cent  quarante  arpents  de  terre  dans  le  Veudô- 
mois  :  «Il  récoltait  ainsi,  rapporte  Lalande,  trois  setiers  là  où  les 
procédés  ordinaires  n'en  donnaient  que  deux;  au  bout  de  neuf 
ans,  il  avait  doublé  la  production.  » 


492  HISTOIRE  DE  LA  ClilHIE. 

Au  commencement  de  la  révolution,  Lavoisier  fut  élu  député 
suppléant  à  l'Assemblée  nationale,  et  il  présenta,  dans  la  séance 
du  21  novembre  4789,  le  compte-rendu  delà  Caisse  d'escompte. 
Nommé,  en  179i,  commissaire  de  la  Trésorerie,  il  proposa, 
pour  simplifier  la  perception  des  impôts,  un  nouveau  plan  qu'il 
devait  développer  dans  un  ouvrage  spécial,  intitulé  :  De  la  ri- 
chesse territoriale.  Cet  ouvrage,  dont  il  ne  parut  qu'un  extrait 
sous  forme  de  brochure,  fit  connaître  Lavoisier  comme  un  des 
meilleurs  économistes  de  son  temps.  On  y  lit,  entre  autres,  le 
passage  suivant  :  «  Les  ci-devant  nobles,  en  y  comprenant  les 
anoblis,  formaient  un  trois-centième  de  la  population  du 
royaume;  leur  nombre,  hommes,  femmes  et  enfants  compris, 
n'était  que  de  83,000,  dont  18,323  seulement  étaient  en  état  de 
porter  les  armes.  Les  autres  classes  de  la  société^  celles  qu'on 
avait  coutume  de  comprendre  sous  la  dénomination  de  tiers- 
étatf  peuvent  fournir  un  rassemblement  de  5,500,000  hommes 
en  état  de  porter  les  armes.  »  —  Ces  données  n'ont-elles  pas 
fourni  à  l'abbé  Sieyès  le  meilleur  argument  en  posant  devant 
l'Assemblée  nationale  cette  redoutable  question  :  Qu'est-ce  que 
le  tiers-état?  Rien.  Que  doit-il  être?  Tout. 

La  Convention  nationale  avait  nommé  une  commission  pour 
créer  un  nouveau  système  des  poids  et  mesures.  Lavoisier  prit 
une  part  très-active  aux  travaux  de  cette  commission.  Il  avait 
fait  construire,  dans  le  jardin  de  l'Arsenal,  un  appareil  où  des 
règles  métalliques,  plongées  dans  l'eau  et  soumises  à  différents 
degrés  de  température,  faisaient  mouvoir  une  lunette  qui  mar- 
quait, sur  un  objet  éloigné,  les  plus  faibles  dilatations  ;  et  lors- 
qu'en  1793  il  s'agissait  de  mesurer  une  base  pour  la  nouvelle 
méridienne,  ce  fut  Lavoisier  qui  fournit  les  thermomètres  de 
métal  qu'on  employa  pour  la  triangulation  opérée  entre  Lieu- 
saint  et  Melun. 

Gomme  trésorier  de  l'Académie,  Lavoisier  avait  mis  de  Tordre 
dans  les  comptes  et  les  inventaires.  «Il  fit,  dit  Lalande,  tourner 
au  profit  des  sciences  les  fonds  morts  que  l'Académie  avait 
sans  le  savoir.  On  le  trouvait  partout;  il  suffisait  à  tout  par  sa 
facilité  et  son  zèle  qui  étaient  également  admirables,  w 

Ses  derniers  travaux  avaient  pour  objet  la  respiration  et  la 
transpiration  chez  les  animaux,  Lavoisier  distinguait  parfaite- 
ment la  transpiration  cutanée  de  la  transpiration  pulmonaire. 
Pour  séparer  les  produits  de  l'une  et  de  l'autre,  il  employait, 


I 

TROISIÈliE  ÉPOQUE.  493 

dans .  ses  '  expériences,  «  un  habillement  de  taffetas  enduit  de 
gomme  élastique,  qui  ne  laissait  pénétrer  ni  l'air  ni  Thumidité» . 
—  On  voit,  pour  le  dire  en  passant,  que  l'invention  des  étoffes 
imperméables  ne  date  pas  précisément  de  nos  jours.  —  L'habile 
expérimentateur  nous  apprend  lui-même  comment  il  entrait 
dans  cette  espèce  de  vêtement  qui  se  fermait  par-dessus  la  tête 
au  moyen  d'une  forte  ligature;  un  tuyau  qui  s'adaptait  à  la 
bouche  et  qui  se  mastiquait  sur  la  peau,  de  manière  k  ne  laisser 
échapper  aucune  portion  d'air,  lui  donnait  la  liberté  de  respi- 
rer. «Tout  ce  qui  appartenait  à  la  respiration  se  passait,  ajôute- 
t-il,  en  dehors  de  l'appareil  ;  tout  ce  qui  appartenait  à  la  trans- 
piration se  passait  au-dedans.  En  se  pesant  avant  d'entrer  dans 
Tappareil  et  après  en  être  sorti ,  la  différence  donnait  la  perte 
de  poids  due  aux  effets  réunis  de  la  respiration  et  de  la  trans- 
piration. En  se  pesant  quelques  instants  avant  d'en  sortir,  on 
avait  la  perte  de  poids  due  seulement  aux  effets  de  la  respira- 
tion. »  —  En  prenant  la  moyenne  des  effets  réunis  de  la  respi- 
ration, de  la  transpiration  cutanée  et  de  la  transpiration  pulmo- 
naire, Lavoisier  parvint  à  confier  qu'un  homme,  dans  les 
conditions  ordinaires  d'âge,  de  travail  et  de  santé,  éprouve  une 
perte  du  poids  total  de  J8  grains  par  minute,  ou  de  2  livres 
13  onces  en  vingt-quatre  heures;  que  les  deux  extrêmes  autour 
desquels  oscille  cette  moyenne  sont  de  H  et  de  32  grains  par 
minute,  ou  de  1  livre  11  onces  4  gros ,  et  de  5  livres  par  vingt- 
quatre  heures  (1);  enfin  que  le  môme  individu,  après  avoir  aug- 
menté de  poids  de  toute  la  nourriture  qu'il  a  prise,  revient  tous 
les  jours,  après  vingt-quatre  heures  révolues,  au  même  poidsv^ 
que  la  veille,  et  que,  si  cet  effet  n'a  pas  lieu  ,  l'individu  est  dans 
un  état  de  souH'rance  ou  de  maladie. 

Ces  importantes  recherches  physiologiques  se  trouvent,  en 
partie,  consignées  dans  le  tome  II  des  Mémoires  de  physique  et 
de  chimie  (2).  Elles  n'étaient  pas  encore  terminées,  quand  la 


(1)  Lavoisier  se  servait  encore  des  anciennes  mesures.  U  importe  de  se  rap- 
pder  que  la  livre  était  de  490  gramm.,  l'once  de  30S'*-  c,  le  gros  de  SS"^*  8,  et  le 
grain  de  OS'-  05. 

(2)  Ce  recueil  devait  former  environ  8  volumes.  Après  la  mort  de  Lavoisier,  on 
a  trouvé  dans  ses  papiers  presque  tout  le  premier  volume,  le  2®  en  entier,  et 
qu^ques  feuilles  du  4*.  En  tète  du  premier  volume  on  lit  :  <r  La  plupart  des 
épreuves  ont  été  revues  dans  les  derniers  moments  de.  Fauteur  ;  et,  tandis  quMl 
n'ignorait  pas  qu^on  préméditait  son  assassinat,  M.  Lavoisier,  calme  et  coura- 


494  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

hache  révolutionnaire  vint,  le  8  mai  1794,  trancher  l'existence 
•  de  ce  grand  citoyen,  à  Tâge  de  51  ans  et  trois  mois. 

Lavoisier  était  le  quatrième  des  vingt-huit  fermiers  généraux 
qui  périrent  le  môme  jour.  Son  beau-père,  M.  Paulz€,  dont  il 
avait  épousé  la  fille  en  1771,  fut  guillotiné  le  troisième.  Cette 
exécution  sommaire  de  tous  les  fermiers  généraux  avait  été  pro- 
voquée par  le  rapport  de  Dupuis,  membre  de  la  Convention 
nationale  {Moniteur^  1794,  n**  227  );  les  considérants  de  ce  rap- 
port portent  : 

.  «  ConTaincus  d'être  auteurs  ou  complices  d'un  complot  tendant  à  fayorlser  le 
succès  des  ennemis  de  la  France  (1),  notamment  en  exerçant  toutes  espèces 
d'exactions  et  de  concussions  sur  le  peuple  français,  en  mêlant  au  tabac  de  Peau 
et  des  ingrédients  nuisibles  à  la  santé  des  citoyens  qui  en  faisaient  usage,  en  pre- 
nant six  et  dix  pour  cent  tant  pOur  l'intérêt  de  leur  cautionnement  que  pour  la 
mise  des  fonds  nécessaires  à  leur  exploitation,  tandis  que  la  loi  ne  leur  accor- 
dait que  quatre,  en  tenant  dans  leurs  mains  des  fonds  provenant  des  bénéfices 
qui  devaient  être  Tersés  dans  le  trésor  public,  en  pillant  le  peuple  et  le  trésor 
national  pour  enlever  à  la  nation  des  sommes  immenses  et  nécessaires  à  la  guerre 
contre  les  despotes  coalisés  et  les  fournir  à  ces  derniers,  ont  été  condamnés  à  la 
peine  de  mort,  etc.  »  (2). 

Un  mot  sur  la  mort  de  Lavoisier. 

On  a  signalé  cette  mort  comme  une  tache  ineffaçable  de  la 
Révolution  française.  Les  historiens  ont  répété  et  varié,  sur  tous 
les  tons,  ces  paroles  de  Lalande  :  «  Un  homme  aussi  rare,  aussi 
extraordinaire  que  Lavoisier  aurait  dû  être  respecté  par  les  hom- 
mes les  moins  instruits  et  les  plus,  méchants;  il  fallait  que  le 
pouvoir  fût  tombé  entre  les  mains  d'une  hôte  féroce.  » 

Mais,  pour  rendre  les  hommes  moins  méchants,  il  faut  d'abord 
commencer  par  les  rendre  meilleurs  en  leur  donnant  les  moyens 
de  cultiver  l'esprit  et  le  cœur;  voilà  ce  qu'auraient  dû  se  dire  les 
amis  et  collègues  de  Lavoisier.  II  fallait  montrer  «  à  cette  bête 
féroce  »  qu'elle  commettrait  un  crime  de  lèse-humanité  en 
immolant  un  homme  qui,  par  ses  travaux  et  ses  découvertes, 
avait  reculé  les  bornes  de  la  science  ;  il  fallait  exposer  aux  re- 

geux,  s'occupant  d'un  travail  qu'il  croyait  utile  aux  sciences ,  donnait  un  grand 
exemple  de  la  sérénité  que  la  lumière  et  la  Tertu  peuvent  conserver  au  milieu 
des  plus  affreux  malheurs.  » 

(1)  Considérant  banal,  qui  était  appliqué  indistinctement  à  presque  toutes 
les  victimes  du  tribunal  révolutionnaire. 

(2)  Moniteur,  19  floréal,  an  II. 


mOISIÈME  ÉPOQUE.  ,495 

gards  de  tous  Lavoisier  quintuplant  la  production  du  salpêtre 
et  délivrant  la  France  d'un  tribut  qu'elle  payait  à  Tétranger, 
Lavoisier  améliorant  et  encourageant  Tagricullure,  Lavoisier 
consacrant  son  temps,  sa  fortune,  les  revenus  de  sa  charge,  à 
produire  dans  Tordre  intellectuel  une  révolution  aussi  grande 
que  celle  qui  se  produisait  alors  dans  Tordre  politique  et  social  ; 
il  fallait  montrer  que  ces  deux  révolutions  étaient  sœurs,  et  que  ce 
serait  souiller  la  patrie  d'un  crime  irréparable  que  de  traîner  sur 
Téchafaud  un  de  ses  plus  glorieux  enfants.  L'Académie  des  scien^ 
ces  se  serait  elle-même  honorée  aux  yeux  de  la  nation,  si  elle  était 
venue  en  corps,  au  pied  du  tribunal  révolutionnaire ,  réclamer 
un  de  ses  membres  ;  si,  par  un  suprême  effort,  elle  eût  tenté 
d'arracher  à  Tignorance  populaire  et  aux  passions  déchaînées 
une  aussi  illustre  victime. 

Où  étaient  donc  alors,  nous  le  demandons,  les  amis,  les  colla- 
borateurs, les  confrères  de  Lavoisier? 

Lalande,  seul,  ne  pouvait  rien.  Il  se  tenait  d'ailleurs  complè- 
tement à  Técart  des  affaires  publiques. 

Mais  Fourcroy  siégeait  à  la  Convention  nationale  quand  Lavoi- 
sier porta  sa  tête  sur  Téchafaud.  Qu'a-t-il  fait  pour  sauver  son 
ami  et  collègue  ?  Rien.  — Sans  doute  Fourcroy  ne  fut  pas  directe- 
ment l'auteur  delà  mort  de  son  illustre  compatriote  :  c'eût  été  un 
de  ces  crimes  monstrueux  pour  lesquels  les  anciens  n'avaient  pas 
édicté  de  peine.  Il  devait  donc  traiter  la  calomnie  avec  le  dédain 
qa'elle  méritait.  «  On  m'accuse,  dit-il,  de  la  mort  de  Lavoisier, 
moi,  son  ami,  le  compagnon  de  ses  travaux,  son  collaborateur 
dans  la  chimie  moderne,  son  admirateur  constant,  comme  on 
peut  le  voir  dans  tous  mes  ouvrages  écrits  avant  ou  depuis  la 
révolution,  moi,  naturellement  doux,  non  envieux,  sans  ambi- 
tion. Elle  est  trop  absurde,  cette  calomnie,  pour  avoir  fait 
quelque  impression  sur  ceux  qui  me  connaissent  de  près  ou 
de  loin  ;  mais  elle  laisse  des  doutes  dans  quelques  esprits  peu 
accoutumés  à  réfléchir  ;  elle  fait  plaisir  à  des  hommes  qui  se  re- 
paissent de  méchancetés,  à  quelques  hommes  jaloux  de  nos 
succès  et  de  la  portion  de  gloire  que  j'ai  acquise  dans  la  carrière 
des  sciences.  » 

Sans  doute  cela  est  fort  bien  dit.  Mais  n'êtes-vous  pas  bien  cou- 
pable lorsque,  assis  sur  le  rivage,  vous  ne  tendez  point  une  main 
secourable  à  l'homme  qui  se  débat  dans  les  flots  et  périt  faute 
de  secours  ?  N'est-ce  pas  déplacer  la  question,  vouloir  donner  le 


496  UISTOIRE  tE  LA  CHIMIE. 

change  à  l'opinion  publique,  que  de  venir  alléguer  comme 
excuse  que  ce  n'est  pas  vous  qui  l'avez  tué?  —  La  Terreur,  c'é- 
tait le  déchaînement  de  l'ignorance  aveugle.  Eh  bien  !  Four- 
croy,  membre  de  la  Convention  nationale,  membre  du  Comité 
d'instruction  publique,  plus  tard  sénateur  avec  une  dotation  de 
20,000  francs  de  rente,  aurait  dû  tout  tenter  pour  éclairer  le 
tribunal  révolutionnaire  sur  la  valeur  d'un  homme  tel  que  La- 
voisier.  S'il  n'eût  pas  réussi,  l'histoire,  la  postérité,  au  nom  de 
la  science  et  du  progrès,  lui  eussent  tenu  compte  de  la  générosité 
de  ses  efforts.  Le  Bureau  des  consultations  essaya ,  il  est  vrai, 
par  l'organe  de  Hallé,  d'intervenir  en  faveur  de  l'illustre  victime; 
mais  sans  le  concours  effectif  des  collègues  et  collaborateurs  de 
Lavoisier,  siégeant  à  la  Convention  nationale  et  dans  le  Comité 
de  salut  public ,  Hallé  devait  être  d'avance  condamné  à  l'im- 
puissance. 

Guyton  Morveau,  président,  en  1791,  de  l'Assemblée  légis- 
lative, membre  de  la  Convention  nationale  et  du  Comité  de  salut 
public,  profita,  dit-on,  de  son  crédit  pour  sauver  les  jours  de 
quelques  savants.  Fit-il  au  moins  quelques  efforts  pour  sauver 
les  jours  de  Lavoisier,  son  ami  et  collaborateur?  L'histoire  garde 
là-dessus  un  terrible  silence. 

Monge  et  Laplace  étaient  également  au  nombre  des  amis  et 
collègues  de  Lavoisier.  Monge,  ministre  de  la  marine  sous  la 
Convention,  se  distingua  au  milieu  de  la  tourmente  révolution- 
naire par  son  activité,  en  multipliant  les  ressources  de  la  guerre 
par  la  fabrication  perfectionnée  de  la  poudre  et  parla  transfor- 
mation des  cloches  en  canons  ;  mais  il  ne  fit  rien  pour  sauver 
Lavoisier. 

Laplace,  fils  de  pauvres  cultivateurs,  plus  tard  comte  de  l'Em- 
pire, était  lié,  «ous  la  Terreur,  avec  les  principaux  républicains; 
ministre  du  premier  consul  après  le  18  brumaire,  chancelier  du 
sénat  sous  le  règne  de  Napoléon  P**,  marquis  et  pair  de  France 
sous  la  Restauration,  qu'avait-il  fait  pour  sauver  Lavoisier  ? 

Cependant,  avec  la  conscience  d'avoir  bien  rempli  sa  vie,  et 
comptant,  —  quelle  illusion  !  —  sur  l'appui  de  ses  collègues, 
Lavoisier  avait  conservé,  jusqu'au  dernier  moment,  l'espoir  de 
vivre  pour  la  science.  Peu  de  temps  avant  sa  mort,  il  disait  à  La- 
lande  (qui  avait  alors  plus  de  soixante  ans)  qu'il  prévoyait  qu'on 
le  dépouillerait  de  tous  ses  biens,  mais  qu'il  travaillerait,  qu'il 
se  ferait  pharmacien  pour  vivre. 


TBOISIÈME  ÉPOQUE.  -  497 

Sans  doute,  il  y  avait  du  danger  à  intervenir  en  faveur  des  vic- 
times désignées  par  le  tribunal  révolutionnaire.  Mais  n'aurait- 
il  pas  été  plus  beau  de  s'armer  de  courage  que  de  s'abslenir? 
On  ne  craint  rien,  quand  on  vil  de  manière  à  être  toujours  prêt 
à  mourir. 

§  2. 
TraTAuiL  de  lia^oisier* 

Les  travaux  de  Lavoisier  sont  multiples;  ils  touchent  à  presque 
toutes  les  sciences.  Il  nous  importe  donc  de  mettre  en  relief 
ceux  qui  se  rapportent  directement  à  la  chimie. 

Composition  de  Tair*  Lavoisier  connaissait  les  travaux  de 
ses  prédécesseurs,  tels  que  Rey,  Boyle,  Mayow,  Haies,  etc.;  il  les 
cite  même  souvent.  Il  faisait  surtout  un  grand  cas  des  recher- 
ches de  Charles  Bonnet  Sur  la  fonction  des  feuilles  dans  les 
plantes.  Ces  recherches  lui  inspirèrent  les  réflexions  suivantes  : 
a  On  dira  peut-être  que  si  l'air  est  la  source  où  les  végétaux 
puisent  les  différents  principes  que  l'analyse  y  découvre,  ces 
mêmes  principes  doivent  exister  et  se  retrouver  dans  l'atmos- 
phère. Je  répondrai  que,  quoique  nous  n'ayons  point  encore 
d'expériences  démonstratives  en  ce  genre,  on  ne  saurait  douter 
cependant  que  la  partie  basse  de  l'atmosphère,  celle  dans  la- 
quelle croissent  les  végétaux,  ne  soit  extrêmement  composée. 
Premièrement,  il  est  probable  que  l'air  qui  en  fait  la  base 
n'est  point  un  être  simple,  un  élément,  comme  l'ont  pensé. les 
premiers  physiciens.  Secondement^  ce  fluide  est  le  dissolvant  de 
l'eau  et  de  tous  les  corps  volatiles  qui  existent  dans  la  nature,  n 

C'est  ainsi  que  Lavoisier  posait  le  problème  de  la  composi- 
tion de  l'air,  problème  dont  la  solution  devait  renverser  l'antique 
théorie  des  éléments. 

Les  paroles  que  nous  venons  de  ciler  se  trouvent  incidemment 
dans  le  mémoire  intitulé  :  Sur  la  nature  de  l'eau  et  sur  les  expé- 
riences par  lesquelles  on  a  prétendu  prouver  la  possibilité  de  son 
changement  en  terre  (1).  Dans  ce  mémoire  Lavoisier  s'attache  à 
démontrer  que  le  changement  de  l'eau  en  terre  est  une  illusion, 


(1)  Voy.  Mémoires  de  FAcadémie  des  sciences,  année  1770,  et  comrnencereent 
ùa  t.  II  des  Œuvres  de  Lavoisier  (Paris,  1862). 

HIST.  I)E  LA   CHIMIE.   —   T.  II.  32 


\ 


i     •    . 


49S 


BI9I0IBB  SB  UL  tÈOSXÈ. 


que  la  nature  de  l'eau  n'est  pas  altârée  par  la  distillation,  et  que 
la  terre  peut,  en  partie,  se  dissoudre  dans  l'eau. 

Après  a^oir  posé  le  problème  de  la  composition  de  l'air,  voici 
comment  il  essaye  de  le  résoudre.  Sachant  qu'il  est  impossible 
de  calciner  les  métaux  dans  des  vaisseaux  exactement  clos  et 
privés  d'air,  et  que  la  caicination  est  d'autant  plus  rapide  que, 
le  métal  offre  à  l'air  des  surfaces  plus  multiples,  Lavoisier  com- 
mençait à  soupçonner^  — -  ce  sont  ses  propres  expressions,  — - 
c  qu'un  fluide  élastique  quelconque ,  contenu  dans  l'air,  était 
susceptible,  dans  un  grand  nombre  de  circonstances,  de  se  fixer, 
de  se  combiner  avec  les  métaux,  et  que  c'était  à  l'addition  de 
cette  substance  qu'était  dû  le  phénomène  de  la  caicination, 
l'augmentation  de  poids  des  métaux  convertis  en  chaux.  » 

]^  bien,  ce  que  cet  homme  de  génie  commençait  à  wiÊpçaih 
nefj  c'était  la  vérité  même;  malheureusement  les  expériences 
sur  lesquelles  il  croyait  devoir  s'appuyer  l'induisirent  en  erreur. 
Ces  expériences  consistaient  à  brûler  soigneusement,  à  l'aide 
d'un  miroir  ardent,  un  mélange  pesé  de  minium  (chaux  de  plomb) 
et  de  charbon  dans  un  volume  d'air  mesuré  d'avance.'  Nous 
savons  aujourd'hui  quel  résultat  ces  expériences  devaient  don- 
ner :  le  fluide  élastique,  nommé  plus  tard  oxygène^  qui  par  sa 
combinaison  avec  le  plomb  formait  la  chaux  (oxyde  de  plomb), 
ce  flurde,  au  lieu  de  se  dégager  librement,  se  portait,  en  aban- 
donnant le  plomb  redevenu  métal,  sur  le  charbon  et  produisait 
immédiatement  un  autre  fluide,  qui  reçut  par  la  suite  le  nom 
de  gaz  acide  carbonique.  Or  ce  fut  ce  dernier  gaz  que  Lavoisier 
pritd*abord  pour  l'oxygène,  c'est-à-dire  pour  le  fluide  élastique 
qui  se  fixe  sur  le  métal  pendant  la  caicination.  Évidemment  il 
se  trompait,  et,  chose  curieuse,  son  erreur  était  presque  iné- 
vitable; car,  par  une  étrange  coïncidence,  il  avait  précisément 
affaire  à  un  gaz  qui,  en  se  combinant  avec  le  charbon,  ne  change 
pas  de  volume.  Personne  ne  savait  alors  (en  1772)  que  le  môme 
volume  d'oxygène  donne,  par  sa  combinaison  avec  le  carbone, 
exactement  un  égal  volume  d'acide  carbonique.  Et  ce  fut 
Lavoisier  lui-même  qui  le  découvrit  en  brûlant  du  diamant  (à 
Taided'un  miroir  ardent)  dans  de  l'oxygène  pur. 

Ainsi  donc  ce  grand  expérimentateur  se  trompait,  de  la 
meilleure  foi  du  monde,  et  il  ne  pouvait  pas  ne  pas  se  tromper  : 
il  lui  manquait  un  terme  nécessaire,  —  dans  la  série  du  pro- 
grès. 


TaOISlÈME  EPOODE.  499 

Dans  toute  l'histoire  il  n'y  a  pas^  à  notre  avis,  de  spectacle  plus 
grandiose  que  celui  de  Thorame  aux  prises  avec  l'erreur,  mon- 
trant combien  il  faut  de  patience  et  d'efforts  presque  surhu- 
mains pour  parvenir  à  saisir  le  terrible  Protée. 

Lavoisier  croyait  si  bien  tenir  la  vérité,  en  prenant  le  gaz 
acide  carbonique  pour  l'oxygène,  qu'il  déposa,  le  1*'  novembre 
1772,  le  résultat  de  son  expérience,  sous  pli  cacheté,  au  secré- 
tariat de  l'Académie.  Dans  un  document  publié  après  sa  mort, 
il  explique  lui-même  le  motif  de  cette  précaution,  n  J'étais,  dit- 
il,  jeune  ;  j'étais  nouvellement  entré  dans  la  carrière  des  sciences  ; 
j'étais  avide  de  gloire,  et  je  crus  devoir  prendre  quelques  pré- 
cautions pour  m'assurer  la  propriété  de  ma  découverte.  Il  y  avait 
à  cette  époque  une  correspondance  habituelle  entre  les  savants 
de  France  et  ceux  d'Angleterre;  il  régnait  «ntre  les  deux  na- 
tions une  sorte  de  rivalité,  qui  donnait  -de  l'importance  aux 
expériences  nouvelles,  et  qui  portait  quelquefois  les  écrivains  de 
l'une  et  de  l'autre  nation  à  les  contester  à  leur  véritable  auteur.» 
— -  Ces  dernières  paroles  étaient  probablement  à  l'adresse  de 
Black  et  de  Priestley. 

Mais  revenons  à  la  lutte  du  génie  aux  prises  avec  l'erreur. 
Poussé  en  quelque  sorte  par  Tinstinct  du  vrai,  Lavoisier  re- 
commença ses  expériences,  et  cette  fois  'û  réussH  à  démontrer 
((  que  ce  n'est  point  le  charbon  seul,  ni  le  minium  seul,  qui 
produit  le  dégagement  du  fluide  élastique  ainsi  obtenu,  mais 
que  celui-ci  résulte  de  l'union  du  charbon  avec  une  partie  du 
minium  n» 

Cette  fois,  il  tenait  la  vérité.  Mais  il  la  lâcha  presque  aussitôt, 
entraîné  par  la  théorie  du  phlogistique,  dont  il  subissait  malgré 
lui  l'empire.  Afin  de  mettre  les  faits  d^accord  avec  cette  théorie, 
Lavoisier  inclinait  à  penser  «  que  tout  fluide  élastique  résulte 
de  la  combinaison  d'un  corps  quelconque  avec  un  principe  in- 
flammable ou  peut-être  même  avec  la  matière  du  feu  pur,  et 
que  c'est  de  cette  combinaison  que  dépend  l'état  d'élasticité.  » 
—  «J'ajouterai  (c'est  Lavoisier  qui  parle)  que  la  substance 
fixée  dans  les  chaux  métalliques  et  qui  en  augmente  le  poids 
ne  serait  pas,  dans  cette  hypothèse,  un  fluide  élastique,  mais 
là  partie  fixe  d'un  fluide  élastique,,  qui  a  été  dépouillée  de  son 
principe  inflammable.  Le  charbon  alor$  »  ainsi  que  toute  sub- 
stance charbonneuse  employée  dans  les  réductions,  aurait 
pour  objet  principal  de  rendre  au  fluide  élastique  fixé  le  phlo- 

32. 


500  HISTOIRE  DE  LÀ  GflnOE. 

gistique,  la  matière  du  feu,  et  de  lui  restituer  en  même  temps 
l'élasticité  qui  en  dépend  (4).  » 

Que  d'efforts  pour  faire  cadrer  un  fait  avec  une  théorie  fausse  ! 
Avouons  cependant  qu'il  n'était  guère  possible  de  mieux  raison- 
ner dans  l'état  de  la  science  d'alors.  Faites  vivre  nos  plus  habiles 
chimistes  à  la  même  époque  et  dans  les  mêmes  circonstances 
que  Lavoisier;  ne  se  seraient-ils  pas  tous,  nous  le  demandons, 
trompés  comme  lui?  Peut-être  n'y  auraient-ils  pas  mis  autant 
de  réserve  lorsque,  comme  correctif  de  l'hypothèse  qu'il  venait 
d'émettre,  il  s'empressait  d'ajouter  :  «  Au  surplus,  ce  n'est  qu'avec 
la  plus  grande  <;irconspection  qu'on  peut  hasarder  un  sentiment 
sur  celte  matière  si  difficile^  et  qui  tient  de  près  à  une  plus 
obscure  encore,  je  veux  dire  la  nature  des  éléments  mêmes, 
au  moins  de  ce  que  nous  regardons  comme  éléments.  » 

Bientôt  d'autres  expériences  obligèrent  Lavoisier  d'admettre 
.((que  l'air  dans  lequel  on  a  calciné  des  métaux  (sans  charbon) 
n'est  point  dans  le  même  état  que  celui  qui  se  dégage  des  ef- 
fervescences et  des  réductions».  Il  reconnut  en  même, temps 
que  si  les  deux  fluides  élastiques  éteignent  la  flamme,  ce  sont 
cependant  des  corps  très-distincts,  puisque  l'un  trouble  l'eau  de 
chaux,  tandis  que  l'autre  est  sans  effet  sur  cette  solution.  Ce  sont 
les  mêmes  gaz  qui  dans  la  nomenclature,  créée  plus  tard  par  La- 
voisier et  Guyton  Morveau,  reçurent  les  noms  d'acide  carboni- 
que et  d'azote. 

A  côté  de  ces  expériences,  irréprochables,  il  y  en  avait  d'au- 
tres qui  ne  l'étaient  guère;  telle  était  l'expérience  d'après  la- 
quelle un  oiseau  pourrait  vivre  sans  souffrir  dans  le  résidu  de 
rair,  où  l'on  avait  fait  brûler  du  phosphore.  Nous  savons  aujour- 
d'hui que  l'azote  (2),  —  c'est  le  gaz  dont  il  s'agit  ici,  —  est  aussi 
irrespirable  que  le  gaz  acide  carbonique.  Mais  ce  qu'il  y  a  de 
singulier,  c'est  que  l'erreur  commise  par  Lavoisier,  au  sujet  des 
animaux  pouvant  vivre  dans  l'azote,  fut  partagée  par  d'autres 
chimistes;  bien  plus,  elle  fut  solennellement  sanctionnée  dans 
le  rapport  publié,  au  nom  de  l'Académie  des  sciences,  parMac- 
quer.  Le  Roy,  Cadet  et  Trudaine  ,  chargés  d'examiner  le  travail 
de  leur  illustre  collègue.  Voici  en  quels  termes  l'Académie  ra- 
tifia cette  erreur  :   «Enfin,  l'air  dans  lequel  le  phosphore  avait 

(1)  Opuscules  chimiques,  de  Lavoisier,  p.  288.  » 

(2)  Le  nom  iVazoie  lui  vient  précisément  de  ce  q»'il  est  impropre  à  Tenlretieu 
de  la  vie. 


'  TAOISIÂME  EPOQUE.  501 

cessé  de  brûler  sous  cloche,  faute  cLu  renouvellement  de  l*air, 
éprouvé  sur  les  animaux^  ne  les  a  pas  fait  périr,  comme  celui 
des  effervescences  et  des  réductions  métalliques,  quoiqu'il  étei- 
gnit la  bougie  dans  le  moment  même  où  il  en  touchait  la 
flamme  (1).  » 

Quand  donc  les  hommes  comprendront-ils  combien  ils  de- 
vraient être  réservés  dans  leurs  jugements,  et  que  la  mise  en 
commun  de  tous  leurs  efforts  n'est  pas  de  trop  dans  la  recherche 
de  la  vérité  I 

'  L'objectif  de  toutes  ces  expériences  était  que  a  la  calcina- 
tion  des  métaux  dans  des  vaisseaux  exactement  fermés  cesse 
dès  que  la  partie  fixable  de  l'air  qui  y  est  contenu  a  disparu; 
que  l'air  se  trouve  diminué  d'environ  un  vingtième,  par  l'effet 
de  la  calcination,  et  que  le  poids  du  métal  se  trouve  augmenté 
d'autant».  C'est  de  ce  fait-là  que  vont  désormais  rayonner  les 
principaux  travaux  de  Lavoisier. 

Dès  1774  le  célèbre  chimiste  lut  à  l'Académie,  dans  la  séance 
publique  de  la  Saint-Martin,  son  beau  mémoire  intitulé  :  Sur  la 
calcination  de  l'étain  dans  les  vaisseaux  fermés  et  sur  la  cause  de 
l'augmentation  de  poids  qu'acquiert  ce  métal  pendant  cette  opéra- 
tion. 

La  vérité  allait  enfin,  comme  l'avait  fait  la  fortune,  sourire  à 
Lavoisier,  quand  le  prestige  d'un  homme  célèbre  vint  se  jeter  à  la 
traverse.  La  plupart  des  chimistes  et  des  physiciens  contempo- 
rains de  Lavoisier  ne  juraient  que  par  l'autorité  de  Robert  Boyle, 
Ce  grand  expérimentateur  croyait  et  était  parvenu  à  faire  croire 
que  la  matière  de  la  flamme  et  du  feu  pénétrait  à  travers  la  sub- 
stance du  verre,  qu'elle  se  combinait  avec  les  métaux,  et  que  c'é- 
tait à  cette  union  qu'était  due  la  conversion  des  métaux  en  chaux 
et  l'augmentation  de  poids  qu'ils  acquéraient. 

Cette  opinion  semblait  devoir  venir  à  l'appui  de  la  théorie  du 
phlogistique. 

Lavoisier  entreprit  donc  de  contrôler  les  expériences  de  Boyle, 
eVpour  procéder  avec  méthode,  il  fit  le  raisonnement  suivant  : 
«  Si,  se  disait-il,  l'augmentation  du  poids  des  métaux  calcinés 
dans  les  vaisseaux  fermés  est  due,  comme  le  pensait  Boyle,  à 
l'addition  de  la  matière  du  feu  qui  pénètre  à  travers  les  pores 

(1)  Ce  rapport,  publié  le  7  décembre  1773,  a  été  reproduit  à  la  fin  des  OpuS' 
crUes  physiques  et  chimiques  de  Lavoisier,  p.  369-387. 


502  BISTOULB  DS  LÀ  GHjams. 

du  verre  et  se  combine  avec  le  métal,  il  s'ensuivra  que  si,  après 
avoir  introduit  une  quantité  connue  de  métal  dans  un  vaisseau 
de  verre  et  l'avoir  seellé  hennétiquement,  on  en  détermine  exac- 
tement le  poids,  qu'on  procède  ensuite  à  la  calcination  par  le 
feu  des  charbons,  comme  l'a  fait  Boyle,  enfin  qu'on  repèse  le 
même  vaisseau  après  la  calcination,  avant  de  l'ouvrir,  son  poids 
devra  se  trouver  augmenté  de  toute  la  quantité  de  matière  du 
feu  qui  s'est  introduite  pendant  la  calcination.  Si,  au  contraire, 
l'augmentation  du  poids  de  la  chaux  métallique  n'est  point  due 
à  la  combinaison  de  la  matière  du  feu,  ni  d'aucune  matière  exté- 
rieure, mais  à  la  fixation  d'une  portion  d'air  contenu  dans  la 
capacité  du  vaisseau,  le  vaisseau  ne  devra  point  être  plus  pesant 
après  la  calcination  qu'auparavant,  il  devra  seulement  se  trouver 
en  partie  vide  d'air,  et  ce  n'est  que  du  moment  où  la  portion 
d'air  manquante  sera  rentrée  que  l'augmentation  du  poids, des 
vaisseaux  devra  avoir  lieu.  » 

Fort  de  ce  raisonnement ,  Lavoisier  répéta  les  expérieoces  de 
Bojle,  en  les  variant  très-ingénieusement.  U  en  conclut  qu'on 
ne  peut  calciner  qu'une  quantité  déterminée  d'étain  dans  une 
quantité  d'air  donnée,  et  que  «les  cornues  scellées  hermétique- 
ment, pesées  avant  et  après  la  calcination  de  la  portion  d'étain 
qu'elles  contiennent,  ne  présentent  aucune  différence  de  pesan- 
teur, ce  qui  prouve  évidemment  que  l'augmentation  de  poids 
qu'acquiert  le  métal  ne  provient  ni  de  la  matière  du  feu,  ni  d'au- 
cune matière  extérieure  à  la  cornue.» 

Lavoisier  remarque  aussi ,  en  passant,  «  que  la  portion  de 
l'air  qui  se  combine  avec  les  métaux  est  un  peu  plus  lourde  que 
celle  de  l'atmosphère,  et  que  celle  qui  reste  après  la  calcination 
est,  au  contraire,  un  peu  plus  légère;  de  sorte  que  dans  cette 
supposition  l'air  atmosphérique  fournirait,  relativement  à  sa 
pesanteur  spécifique,  un  résultat  moyen  entre  ces  deux  airs.  » 
—  «  Mais,  ajoute-t-il  aussitôt,  il  faut  des  preuves  plus  directes 
que  je  n'en  ai  pour  pouvoir  prononcer  sur  cet  objet...  C'est  le 
sort  de  tous  ceux  qui  s'occupent  de  recherches  physiques  et 
chimiques  d'apercevoir  un  nouveau  pas  à  faire  sitôt  qu'ils  en 
ont  fait  un  premier,  car  ils  ne  donneraient  jamais  rien  au  pu- 
blic, s'ils  attendaient  qu'ils  eussent  atteint  le  but  de  la  carrière 
qui  se  présente  successivement  à  eux,  et  qui  paraît  s'étendre  à 
mesure  qu'ils  avancent.  » 

Quelle  pénétration  !  Ce  que  Lavoisier  n'osait  énoncer  que  sous 


TROISlilME  ÉPOQUE.  503 

forme  d'hypothèse  était  cependant  la  vérité,  comme  Jl  allait  lui- 
môme  le  démlontrer  par  la  suite.  C'est  ainsi  qu'on  marche  de 
découverte  en  découverte,  quand  on  se  trouve  une  fois  engagé 
dans  la  bonne  voie.  Enfin  il  termine  son  mémoire  par  cette 
conclusion  fondamentale  a  qu'une  portion  de  l'air  est  suscep- 
tible de  se  combiner  avec  les  substances  métalliques  pour 
former  des  chaux  (oxydes),  tandis  qu'une  autre  portion  de  ce 
même  air  se  refuse  constamment  à  cette  combinaison».  — 
(c  Cette  circonstance,  ajoute-t-il,  m'a  fait  soupçonner  que  l'air  de 
Tatmosphère  n'est  point  un  être  simple,  qu'il  est  composé  de 
deux  substances  très-différentes....  Enfin,  jejcrois  pouvoir  an- 
noncer ici  que  la  totalité  de  l'air  de  l'atmosphère  n'est  pas  dans 
un  état  respirable,  que  c'est  la  portion  salubre  qui  se  combine 
avec  les  métaux  pendant  leur  calcination,  et  que  ce  qui  reste 
après  la  calcination  est  une  espèce  de  mofette,  incapable  d'en- 
tretenir la  respiration  des  animaux,  et  l'inflammation  des 
corps  (1).  » 

Ki'oxygène  et  l'azote  de  l'air.  —  Lair  n'est  point  un 
corps  simple  :  il  se  compose  d'une  portion  salubre  et  d'une  mofette 
irrespirable.  De  cette  déclaration  de  Lavoisier  date  le  89  de  la 
chimie.  Rompant  en  visière  avec  les  doctrines  du  passé,  elle  fut 
le  signal  d'une  véritable  révolution  dans  la  science. 

A  dater  de  ce  moment,  le  hardi  novateur  devint  le  point  de 
mire  d'innombrables  attaques  de  la  part  des  savants  attachés 
aux  anciennes  doctrines.  D'un  commun  accord  ils  traitaient  la 
portion  salubre  de  l'air  et  la  mofette  irrespirable^  de  corps  ima- 
ginaires. Il  fallait  donc  montrer  ces  corps  aux  incrédules.  Mais 
comment?  Ce  qui  nous  paraît  aujourd'hui  si  simple  était  alors, 
ne  l'oublions  pas,  d'une  difficulté  extrême;  et,  sans  l'interven- 
tion de  ce  dieu  qu'on  appelle  le  Atward,  Lavoisier  ne  serait 
peut-être  jamais  arrivé  à  la  démonstration  de  ce  qu'il  avait 
avancé^  pour  ainsi  dire  d'inspiration. 

Voyons  plutôt.  Les  métaux  dont  on  s'était  jusqu'alors  seni 
pour  les  expériences  de  l'augmentation  de  poids  étaient  le 
plomb  et  l'étain.  Or  ces  métaux  absorbent  bien,  pendant  leur 
calcination,  \2ip0rti0n  salubre  de  l'air;  mais,  quand  cet  élément 
a  été  une  fois  absorbé,  ils  ne  le  rendent  plus  par  la  même  opé- 
rPation.  Et,  si  on  l'enlève  avec  du  charbon,  on  obtiendra,  il  est 

(1)  Extraits  de  son  Journal  d'expériencesy  à  la  date  du  14  féTrier  1774 . 


804  mSIOIBI  BB  lA  QHIIIIE. . 

•  ^  ■  ' 

vrai,  un  air  irrespirable,  mais- cette  espèce  de  moiîette  est  bien 
différente,  cimme  nous  l'avons  &it  voir,  de  celle  qm  reste  après 
la  calcination  du  plomb  ou  de  Tétain  dans  Tair  emprisonné  dans 
un  vaisseau. 

Heureusement  il  existe, —  quelle  chance  ! — un^tnétal  sin- 
gulier, bien  connu  des  alchimistes^  un  métal  liquide,  qui  rem- 
plit ici  à  men^eille  toutes  les  conditions  nécessaires.  Le  mercure, 
comme  le  savait  déjà  Eck  de  Sulzbach,  a  l'étrange  propriété  d'a- 
bandonner, dans  la  seconde  période  de  chaleur,  la  portion 
d'air  qu'il  avait  absorbée  pendant  la  première.  En  absorbant  cet 
air,  le  mercure  se  transforme  en  une  chaux  rouge,  le  mercure 
per  se  des  anciens  chimistes;  puis  il  le  rend,  à  l'état  de  liberté, 
par  une  prolongation  de  la  chaleur.  Rien  -de  plus  facile  ensuite 
que  de  recueillir  cet  air  particulier  dans  des  vases  appropriés, 
comme  l'avait  enseigné,  cinquante-cinq  ans  auparavant,  pour 
J'air  ordinaire,  le  pauvre  Moitrel  d'Élément. 

Mais  laissons  ici  parler  Lavoisier  lui-même.  Après  s'être  as- 
suré que  le  fer  offrait  les  mêmes  inconvénients  que  le  plomb 
et  rétain,  le  grand  chimiste  eut  enfin  recours  au  mercure  ou 
vif-argent,  a  L'air  qui  restait,  dit-il,  après  la  calcination  du  mer- 
cure et  qui  avait  été  réduit  aux  cinq  sixièmes  de  son  volume, 
n*était  plus  propre  à  la  respiration,  ni  à  la  combustion;  car  les 
animaux  qu'on  introduisit  y  périssaient  en  peu  d'instants,  et  les 
lumières  s'y  éteignaient  sur-le-champ,  comme  si  on  les  eût  plon- 
gées dans  l'eau.  D'un  autre  côté,  j'ai  pris  quarante-cinq  grains 
de  matière  rouge  (chaux  de  mercure  qui  s'était  formée  pendant 
l'opération),  je  les  ai  introduits  et  chauffés  dans  une  petite  cornue 
de  verre,  à  laquelle  était  adaptée  un  appareil  propre  à  recevoir  les 
produits  liquides  et  aériformes  qui  pourraient  se  séparer  (Voy.  la 
figure  ci-dessous).  Lorsque  la  cornue  a  approché  de  l'incandes- 
cence, la  matière  rouge  a  commencé  à  perdre  peu  à  peu  de  son 
volume  cl,  en  quelques  minutes,  elle  a  entièrement  disparu.  En 
même  temps  il  s'est  condensé,  dans  le  petit  récipient,  41  grains  et 
demi  de  mercure  coulant,  et  il  a  passé  sous  la  cloche  7  à  8  pouces 
cubes  d'un  fluide  élastique,  beaucoup  plus  propre  que  l'air  de  l'ai- 
mosphère  à  entretenir  la  combustion  et  la  respiration.  Ayant 
fait  passer  une  portion  de  cet  air  dans  un  tube  de  verre  d'un 
pouce  de  diamètre,  et  y  ayant  plongé  une  bougie,  elle  y  répan- 
dit un  éclat  éblouissant;  le  charbon,  au  lieu  de  s'y  consommer 
paisiblement  comme  dans  l'air  ordinaire,  y  brûlait  avec  une 


TROISIÈUE   ÉFOQUZ. 


flamme  et  une  sorle  de  décrépitation,  à  la  manière  du  phos- 
phore, et  avec  une  vivacité  de  lumière  que  les  jeux  avaient  peine  ' 
à  supporter,  u 

Voilà  donc  la  portion  salubre  et  la  mofette  irrespirable  de  l'air 
parfiûtement  isolées.  La  portion  salubre,  seule  propre  à  entrete- 
nir la  respiration  et  la  combustion,  et  qui  donne  tant  d'éclat  à  la 
flamme,  reçut  le  nom  à'oxygène  (du  grec  i^ii;,  acide,  et  yttvéM, 
j'engendre).  Ce  nom  signifie  donc  littéralement  génércUeur  de 
l'acide.  Quant  à  la  mofette  ou  portion  non  respirable  de  l'air, 
elle  s'appellera  asote  (de  1'^  privatif  et  de  i;w>î,  vie).  C'est  Guyton 
Morveau  qui  lui  donna  ce  nom,  «  afin  de  distinguer,  disait-il, 
cet  air  non  vilal  et  existant  naturellement  dans  l'atmosphère, 
des  autres  gaz,  également  non  respîrables,  mais  qui  ne  font 
partie^de  l'atmosphère  qu'accidentellement  ». 

Ici  se  présente  une  question  souvent  agitée  en  vain;  il  im- 
porte de  la  vider.  Est-ce  réellement  Lavoisier  qui  a  découvert 
l'oxygène?  Non,  répondrons-nous,  si  l'on  n'entend  par  là  que  le 
fait  pur  et  simple  de  la  découverte  d'un  corps  aériforme,  d'un  gaz 
particulier.  Mai»,  si  l'on  comprend  par  là  en  même  tems  le  nom 
de  celui  qui  donne  à  un  fait  nouveau  toute  sa  valeur,  qui  en 
Bait  tirer  toutes  les  conséquences,  et  qui  l'élève  à  la  hauteur 
d'un  principe,  on  ne  devra  jamais  séparer  le  nom  de  Lavoisier 
de  la  découverte  de  l'oxygène.  Sans  le  génie  fécondant  de  Lavoi- 
sier, cette  découverte  serait  restée  un  fait  stérile  :  l'histoire  est 
là  pour  eu  témoigner  [1). 

(1)  Cette  ^Unclioi),  qu'on  reacimtre  ï  chaque  pas  dans  l'hiatoirc  des  sciences, 
«st  caintale.  Faote  de  la  faim,  on  s'engage  daos  d'întwniiiiables  et  fort  irri- 


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BCte  HISTOLailIlt  lA  CHOOl. 

Sans  Lavoisfer,  les  remarquables  travaux  de  J^riesfleyy'nésélraieiiC 
jamais  deyenas,  pour  le  répéter^  la  base  d'one  chimie  nouvelle, 
puisqu'ils  ne  devaient,  dans  l'esprit  de  leur  auteur,  servir  qui 
étayer  l'échafaudage  du  phlogistique.  Au  reste,  on  aurait  tort 
d'accuser  Lavoisier  de  s'être  appropri^le  bieqd'atttrui,  sans  avoir 
rendu  justice  à  qui  de  droit  ;  car  voici  ce  qu*il  dit  au  commeo:- 
cernent  de  son  célèbre  mémoire  Sur  Uêjhitde$aéri formes  •*  «Les 
expériences  dont  je  vais  rendre  compte  appartiennent  presque 
toutes  au  docteur  Priestley  ;  je  n'ai  d'autre  mérite  que  de  lès 
avoir  répétées  avec  soin,  et  surtout  de  les  avoir  rangées  dans  un 
ordre  propre  à  présenter  des  conséquences  (I).  » 

Voilà  comment  Lavoisier  alla  résolument  à  rencontre  des  insi- 
nuations malveillantes  de  ses  adversaires.  Si  nous  avions  quelque 
doute  à  cet  égard,  l'insistance  qu'il  met  à  y  revenir  silffirait 
pour  le  dissiper.  Ainsi,  dans  un  autre  mémoire  {Sur  texistmce 
de  Vair  dan»  taeide  nitreux  )  :  «  Je  commencerai,  dit-il,  avant 
d'entrer  en  matière,  par  prévenir  le  public  qu'une  partie  des 
expériences  contenues  dans  ce  mémoire  ne  m'appartiennent 
point  en  propre;  peut-être  même,  rigoureusement  parlant,  n'en 
est-il  aucune  dont  M.  Priestley  ne  puisse  réclamer  la  prenaière 
idée  ;  mais,  comme  les  mêmes  faits  nous  ont  conduits  à  des  con- 
séquences diamétralement  opposées,  j'espère  que,  si  Tourne 
reproche  d'avoir  emprunté  des  preuves  des  ouvrages  de  ce  célèbre 
physicien^  on  ne  me  contestera  pas  au  moins  la  propriété  des  con- 
séquences. » 

Ces  dernières  lignes  sont  toute  une  révélation.  II  est  certain 
que  le  grand  novateur  devait  avoir  pour  implacables  ennemis 
tous  les  partisans  fanatiques  de  l'école  ancienne.  Les  ennemis 
qui  se  montrent  sont  faciles  à  combattre.  Mais  Lavoisier  ne  se 
trouvait  pas  dans  une  position  assez  effacée,  sa  position  était  trop 
enviable,  pour  espérer  que  tous  ceux  qui  ne  partageaient  pas  ses 
idées  l'attaqueraient  au  grand  jour.  Et  quand  il  se  plaignait  de 
n'être  pas  compris  des  chimistes,  il  ne  répondait  probablement 
qu'aux  objections  d'une  minorité  assez  loyale  et  assez  courageuse 

tantes  questions  de  priorité  ;  témoin  la  discussion  dont  FAcadémie  impériale  de 
médecine  a  donné  récemment  le  spectacle  à  Toccasion  de  la  méthode  opératoire 
sous-cutanée. 

(i)  De  quelques  substances  qui  sont  constamment  dans  l'état  de  fluides 
aériformes,  aux  degrés  de  chaleur  et  de  pression  habituels  de  Vatmosphère  ; 
dans  le  Recueil  des  mémoires  de  chimie  de  Lavoisier,  t.  II,  p.  348. 


TROISIEME  ÉPOOeE.  507 

I 

pour  repousser,  sans  arrière-pensée,  des  innovations  qu'elle  ne 
comprenait  point,  et  que  Priestley  avait  essayé  de  faire  concor- 
der avec  une  théorie  alors  presque  universellement  adoptée. 
Mais  ceux  qui  travaillaient  sous  les  auspices  de  Lavoisier,  ses 
collaborateurs  et  ses  collègues  de  l'Académie,  avaient-ils  tous  la 
même  franchise?  Est-ce  que  sa  supériorité  ne  devait  pas  porter 
ombrage  aux  médiocrités  jalouses?  Il  faudrait  bien  peu  connaître 
le  cœur  humain,  pour  conserver  à  cet  égard  le  moindre  doute. 
On  est  naturellement  porté  à  juger  avec  beaucoup  d'indulgence 
les  hommes  qui  ont  disparu  de  la  scène.  Aussi,  pour  bien  s'é- 
clairer, importe-t-il  de  tenir  non-seulement  compte  des  pen- 
chants naturels  de  notre  espèce,  mais  de  s'adresser  aux  témoi- 
gnages contemporains  d'une  incontestable  autorité.  C'est  pour- 
quoi-nous  devons  ajouter  foi  à  ces  paroles  deLalande,  quand,  après 
avoir  tracé  le  portrait  de  Lavoisier,  il  ajoute  :  «  Son  crédit,  sa 
réputation,  sa  fortune,  sa  place  à  la  trésorerie,  lui  donnaient 
une  prépondérance  dont  il  ne  se  servait  que  pour  faire  le  bien  , 
mais  qui  n'a  pas  laissé  de  lui  faire  des  jaloux.  Taime  à  croire 
qu'ils  fCont  pas  contribué  à  sa  perte,  d 

Ces  paroles,  pleines  de  réticence,  laissent  le  champ  libre  à 
bien  des  conjectures.  Lavoisier  avait  accueilli  la  grande  révo- 
lution, sinon  avec  enthousiasme,  du  moins  avec  une  parfaite 
sérénité.  C'était  le  moment  que  les  esprits  médiocres  et  ambi- 
tieux devaient  choisir  pour  abattre  l'homme  dont  ils  [enviaient 
la  gloire.  Est-ce  que  de  fanatiques  phlogisticiens  n'avaient  pas 
brûlé  Lavoisier  en  effigie  à  Berlin? 

£tat  des  corps.  liear  simplicité  et  leur  composition.  Si  nous 

effaçons  un  moment,  par  la  pensée,  tout  le  progrès  que  la  science 
avait  fait  depuis  moins  d'un  siècle,  nous  n'aurons  pas  de  peine 
à  comprendre  que  les  chimistes  contemporains  de  Lavoisier 
n'eussent  pas  voulu  tous  admettre  les  conséquences  que  celui- 
ci  avait  tirées  des  expériences  de  Priestley.  Nous  touchons  là  un 
point  d'une  haute  portée  :  il  mérite  d'être  mis  en  relief. 

n  n'y  a  pas  deux  hommes  qui  voient  les  mêmes  choses  exacte- 
ment de  la  même  façon.  On  peut  donc  établir  en  principe  qu'il 
y  a  autant  de  manières  de  voir  qu'il  y  a  d'individus;  mais,  parmi 
ces  différentes  manières  de  voir,  il  y  en  a  très-peu  qui  se  perfec- 
tionnent et  se  transmettent  indéfiniment.  Priestley  se  faisait  des 
gaz  ou  corps  aériformes  une  tout  autre  idée  que  Lavoisier.  Ce 


508^  HISTOIRE  DB  LA  CUUflE. 

qui  fixait  Tattenlion  du  premier  u'attirait  que-  médiocrement 
délie  du  second  :  il  est  si  difficile  de  distinguer  le  principal  de  l'ac- 
cessoire !  Vétat  aériformey  cet  état  d'un  corps  invisible  et  impal- 
pable comme  Tair,  voilà  la  chose  principale  pour  Priestley;  ce 
n'était  là  qu'un  accessoire  pour  Lavoisier.  De  là  deux  théories 
inconciliables',  dont  on  trouve  déjà  des  traces  chez  les  philo- 
sophes grecs,  et  dont  il  faut  chercher  l'origine  dans  l'organisation 
même  de  la  nature  humaine. 

Priestley  employait  toujours  deux  mots  pour  désigner  un  gaz, 
le  nom,  constant,  du  genre  (air),  et  le  nom,  variable,  de  l'espèce. 
C'est  ainsi  qu'il  parle  d'AIR  fixe,  d'AiR  inflammable,  d'AIR  ni- 
treuxy  d'AIR  phlogistiqué,  d'AIR  depMogistiqué,  etc.  Tous  ces 
fluides  élastiques  n'étaient,  suivant  Priestley,  que  de  l'atr,  de 
l'air  commun,  transformé  ou  diversement  modifié;  et  le  principal 
agent  de  ces  transformations  ou  modifications  diverses  devait 
être  le  phlogistique. 

Cette  manière  de  voir  cadrait  à  merveille  avec  la  théorie  dfes 
anciens  relativement  à  la  composition  des  substances  naturelfes. 
L'air,  l'eau,  la  terre,  passaient  pour  les  éléments  des  corps,  non 
pas  dans  le  sens  qu'on  y  attache  aujourd'hui,  mais  parce  que 
tous  les  corps  de  la  nature  ne  se  présentent  à  nous  que  dans  l'état 
aéri forme ,  dans  l'état  liquide,  dans  l'état  solide ^  auxquels  il 
faut  ajouter  encore  l'état  igné.  Ces  différents  états  de  la  matière 
ayant  pour  type  l'air,  l'eau,  la  terre  et  le  feu,  voilà  les  élé- 
ments, selon  l'idée  des  anciens.  La  chaux,  la  silice,  l'argile,  etc., 
étaient  des  terres^  c'est-à-dire  des  modifications  particulières 
de  la  terre  ou  de  ce  qui  se  présente  à  nous  à  Télat  solide. 
La  même  manière  de  voir  s'appliquait  à  ce  qui  est  liquide, 
gazeux,  etc.,  de  telle  façon  que  tous  les  objets  qui  tombent  sous 
les  sens  ne  seraient,  en  dernière  analyse,  que  des  modifications 
diverses  ou  des  étals  allotropiques  de  l'air,  de  la  terre,  de  l'eau 
et  du  feu.  Ce  dernier  élément  (chaleur  et  lumière  réunies)  avait  de 
tout  temps  embarrassé  les  physiciens.  Aussi  l'avaient-ils  tantôt 
admis,  tantôt  retranché  du  nombre  des  éléments.  Pour  tout 
concilier,  Stahl  le  supposait  fixé  et  inégalement  répandu,  sous  le 
nom  de  phlogistique,  dans  tous  les  corps  matériels.  C'est  ainsi 
que  cette  théorie  fameuse  tendait  à  tout  ramener  à  Vunité  de 
substance  à  travers  les  évolutions  et  les  formes  infiniment  variées 
de  la  matière.  Elle  avait  pour  elle  le  prestige  de  l'autorité,  et 
semblait  même  sanctionnée  par  notre  propre  nature.  En  effet, 


troisiAme  époque.  509 

est-ce  que  Tintelligence  n'est  pas  organisée  pour  unifier  ce  que 
les  sens  diversifient  ? 

En  déclarant  le  phlogistique  une  chose  fictive ,  imaginaire, 
Lavoisier  fitdonc  un  vrai  coup  d'État  scientifique.  Afin  de  le  justi- 
fier il  eut  soin  de  meltre  en  relief  les  embarras  et  les  contradic- 
tions des  Stahliens  qui,  pour  faire  concorder  Texpérience  avec 
la  théorie^  étaient  obligés  de  présenter  le  phlogistique,  tantôt 
comme  quelque  chose  de  pesant,  tantôt  comme  ne  pesant  rien. 
Mais,  en  retranchant  le  phlogistique  du  domaine  des  réalités,  il 
maintenait  rigoureusement  la  distinction  des  corps  en  solides, 
liquides  et  gazeux, 

Lavoisier  soutenait  que  la  même  substance  peut  être  solide,  liquide 
ou  aériforme,  suivant  les  conditions  où  elle  se  trouve;  que  l'état  de 
gaz  ou  de  fluide  aériforme  n'est  qu'un  accident  qui  ne  touche  en 
rien  à  la  nature  du  corps  ;  qu'il  n'en  modifie  ni  la  simplicité,  ni  la 
composition.  Afin  de  mieux  faire  comprendre  ce  qu'il  «  ne  ces* 
sait  vainement  de  répéter  depuis  plusieurs  années  »,  il  s'élança, 
sur  les  ailes  du  génie,  dans  l'infini  de  l'espace,  a  Considérons 
un  moment,  disait-il,  ce  qui  arriverait  aux  différentes  substances 
qui  composent  le  globe,  si  la  température  en  était  brusquement 
changée.  Supposons,  par  exemple,  que  la  terre  se  trouve  trans- 
portée tout-à-coup  dans  une  région  où  la  chaleur  habituelle 
serait  fort  supérieure  à  celle  de  l'eau  bouillante  :  bientôt  l'eau, 
tous  les  liquides  susceptibles  de  se  vaporiser  à  des  degrés  voi- 
sins de  l'eau  bouillante,  et  plusieurs  substances  métalliques 
même  se  transformeraient  en  fluides  aériformes  qui  devien- 
draient partie  de  l'atmosphère.  Ces  nouveaux  fluides  aériformes 
se  mêleraient  avec  ceux  déjà  existants ,  et  il  en  résulterait  des 
décompositions  réciproques,  des  compositions  nouvelles..,. 
On  pourrait,  dans  cette  hypothèse,  examiner  ce  qui  arriverait 
aux  pierres,  aux  sels  et  à  la  plus  grande  partie  des  substances 
fusibles  qui  composent  le  globe  :  on  conçoit  qu'elles  se  ramol- 
liraient, qu'elles  entreraient  en  fusion  et  formeraient  des  li- 
quides.... Si ,  par  un  effet  contraire  ,  la  terre  se  trouvait  tout  à 
coup  placéadans  des  régions  très-froides,  par  exemple  de  Jupiter 
ou  de  Saturne,  l'eau  qui  forme  aujourd'hui  nos  fleuves  et  nos 
mers,  et  probablement  le  plus  grand  nombre  des  liquides  que 
nous  coimaissons,  se  transformeraient  en  montagnes  solides, 
en  rochers  très-durs ,  d'abord  diaphanes ,  comme  le  cristal  de 
roche,  mais  qui,  avec  le  temps ,  se  mêlant  avec  des  substances 


510  HISTOIRE  DE  LA  C^^UÎE. 

de  différentes  natures ,  deviendraient  des  pierres  opaques  di- 
versement colorées.  Une  partie  des  substances  cesserait  d'exister 
dans  rétat  de  fluide  invisible,  faute  d'un  degré  de  chaleur  suffi- 
sant; il  reviendrait  donc  à  i*état  de  liquidité,  et  ce  changement 
produirait  de  nouveaux  liquides,  dont  nous  n'avons  aucune  idée.  » 

Voilà  le  point  de  vue  élevé  d'où  Lavoisier  envisageait  la  ques- 
tion de  l'état  des  corps.  Si  les  uns  sont  solides,  les  autres  liquides 
et  d'autres  gazeux,  cela  tient  tout  simplement  au  plus  ou 
moins  de  chaleur  qu'une  planète  reçoit  du  soleil  ;  si  notre  globe 
venait  à  être  placé  plus  près  ou  plus  loin  de  ce  foyer,  les  objets 
dont  s'occupe  la  chimie  changeraient  d'état ,  mais  non  de  com- 
position. 

A  l'époque  de  Lavoisier  et  devant  l'autorité  de  l'école  ré^^ 
gnante,  ces  idées  nouvelles  devaient  faire  l'objet  de  controverses 
vives  et  passionnées.  C'était  tout  simple;  il  était  même  impos- 
sible qu'il  en  fût 'autrement.  Mais,  aujourd'hui  que  l'expérience 
a  prononcé,  nous  pouvons  en  apprécier  la  valeur  avec  une 
parfaite  sérénité. 

Eh  bien,  est-ce  que  la  science  aurait  pu,  nous  le  demandons, 
faire  autant  de  progrès  avec  les  idées  de  Priestley  qu'avec  celles 
de  Lavoisier?  Non,  évidemment.  Jamais  avec  l'idée  que  les  gaz 
sont  des  transformations  de  l'air,  jamais  avec  la  théorie  du  phlo- 
gistique,  la  question  de  la  simplicité  ou  de  la  composition 
des  corps,  cette  question  capitale  de  la  chimie,  n'aurait  pu 
être  abordée  d'une  manière  efficace.  On  ne  serait  certainement 
pas  parvenu  de  si  bonne  heure  à  démontrer  que  Vair  déphlogis- 
tiqué  (oxygène)  est  un  corps  simple ,  gazeux,  d'une  nature  par- 
ticulière, et  qu'il  en  est  de  même  de  Vair  inflammable  (hydro- 
gène), ÙQ  Vair  phlogistiqué  {dizoiç)^  etc.  Jamais  peut-être  on 
ne  serait  arrivé  à  démontrer  que  Vair  fixe  est  un  composé  d'oxy- 
gène (air  déphlogisliqué)  et  de  charbon  pur  (carbbne) ,  que 
Valcali  volatil  est  un  composé  d'azote  (air  phlogistiqué)  et  d'hy- 
drogène, etc.  Jamais  enfin  la  prédiction  de  Lavoisier,  que  les 
alcalis ,  tels  que  la  potasse  et  la  soude',  que  les  terres,  telles 
que  la  chaux,  l'alumine,  la  magnésie,  etc.,  sont  de  véritables 
oxydes  métalliques ,  jamais  celte  prédiction  du  génie  n'aurait 
pu  être  réalisée  sous  l'empire  de  la  théorie  du  phlogistiqué. 

Sans  doute  on  revient  de  nos  jours  sur  la  grande  question  de 
Vunilé  de  matière;  elle  se  complique  même  de  celle  de  Vunitéde 
forces.  Mais,  avant  de  l'aborder  de  nouveau,  plus  fructueusement 


TROISlillE  ÉPOQUE.  51  i 

qu'autrefois,  il  fallait  d'abord  pouvoir  s'orienter  dans  l'infinie 
variété  des  corps  qui  nous  entourent,  il  fallait  avoir  assez  per- 
fectionné les  moyens  d'analyse  pour  être  à  même  d'affirmer 
que  tel  corps  est  simple  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances. 
Il  y  a  des  termes  intermédiaires  par  lesquels  il  faut  passer  pour 
que  la  science  avance  d'un  pas  sûr  et  régulier. 

L'idée  sur  laquelle  Lavoisier  revient  souvent  et  qui  fait  de  lui 
le  véritable  promoteur  de  la  chimie  pneumatique^  c'est  que  «  les 
mots  airêy  vapeurs,  fluides  aériformeSy  n'expriment  qu'un  mode 
de  la  matière  »  (i). 

Ainsi  énoncé,  c'était  là  un  principe  vraiment  nouveau.  Aussi 
qu'arriva-t-il  ?  Lavoisier  ne  fut  pas  compris.  Et  c'est  lui-même 
qui  nous  l'apprend,  a  Ce  principe,  dit-il,  que  je  n'ai  cessé  de 
répéter  depuis  plusieurs  années,  sans  jamais  avoir  eu  la  satisfac- 
tion d'être  entendUy  va  nous  donner  la  clef  de  presque  tous  les 
phénomènes  relatifs  aux  différentes  espèces  d'air  et  à  la  vapori- 
sation. ))  —  Puis  il  part  de  là  pour  établir  que  si  la  chaleur 
change  les  corps  en  vapeur,  la  pression  de  l'atmosphère  apporte 
à  ce  changement  une  résistance  d'une  valeur  déterminable , 
enfin  que  la  tendance  des  corps  volatiles  à  se  vaporiser  est 
en  raison  directe  du  degré  de  chaleur  auquel  ils  .'sont  exposés, 
et  en  raison  inverse  du  poids  ou  de  la  pression  qui  s'oppose  à 
la  vaporisation.  » 

Ce  fut  par  une  sorte  d'intuition  que  Lavoisier  prévit,  au 
sujet  de  certains  corps  composés,  ce  qui  ne  devait  se  réaliser 
qu'après  sa  mort.  Après  avoir  défini  la  chimie,  «  la  science  qui 
a  pour  objet  de  décomposer  les  différents  corps  de  la  nature,  » 
il  complète  ainsi  sa  définition  :  fi  Nous  ne  pouvons  donc  pas 
assurer  que  ce  que  nous  regardons  comme  simple  aujourd'hui 
le  soit  en  effet;  tout  ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est  que  telle 
substance  est  le  terme  actuel  auquel  arrive  l'analyse  chimique, 
et  qu'elle  ne  peut  plus  se  diviser  au  delà,  dans  l'état  actuel  de 
nos  connaissances.  11  est  à  présumer  que  les  terres  (la  chaux,  la 
magnésie,  l'alumine,  etc.),  cesseront  bientôt  d'être  comptées  au 
nombre  des  substances  simples  :  elles  sont  les  seules  de  cette 
classe  qui  n'aient  point  de  tendance  à  s'unir  à  l'oxygène ,  et  je 

(1)  Sur  quelques  substancei  qui  sont  constamment  dans  Vétat  de  fluides 
aériformes,  au  degré  de  chaleur  et  dépression  habituels  de  l'atmosphère. 
Mémoire  déposé  à  rAcàdémie  des  sciences  le  5  septembre  1777,  et  publié  dans 
le  t.  I,  p.  348-384,  des  Mémoires  de  physique  et  de  chimie  de  LaToisicr. 


<  \ 


5i2  mSIOm  SK  LA.  (BHDOB. 

suis  bien  porté  à  croire  que  cette  indifférence  pour  l'oxygène 
tient  à  ce  qu'elles  en  sont  déjà  saturées,  l^s  terres ,  daîis  cette 
manière  devoir,  seront  peut-être  des  oxyda  mélaUiques....  Ce 
n'est,  au  surplus,  qu'une  simple  conjecture  que  je  présente 

ici  (1)  » . 

Lavoisier  était  ici  guidé  par  Fanalogie.  Voyant  que  les  terres 
et  les  alcalis  se  combinent  directement  avec  les  acides ,  tandis 
que  les  métaux,  pour  se  combiner  avec  ces  mêmes  acides,  ont 
besoin  de  se  saturer  préalablement  d'oxygène,  il  en  eonclut 
que  les  terres  et  les  alcalis  sont  des  métaux  déjà  oxydés. 

Cette  conclusion  fut  un  coup  de  génie;  mais  en  voici  le  revers. . 

L'oxygène  étant  admis  comme  le  générateur  des  acides,  l'acide 
muriatique  (l'esprit  de  sel  des  anciens),  obtenu  par  la  réaction  de 
l'acide  sulfurique  sur  le  sel  marin,  devait  aussi  avoir  l'oxygène 
pour  élément.  Or  c'était  là  une  erreur,  et  cette  erreur  prove- 
nait de  l'exagération  d'une  théorie.  Voici  le  raisonnement  4xk 
grand  chimiste  à  l'appui  de  son  système  ;  nous  le  livrons  comme 
un  enseignement  à  la  postérité  :  «  Quoiqu'on  ne  soit  pas  encore 
parvenu,  dit  Lavoisier,  ni  à  composer;  ni  à  décomposer  l'acide 
qu'on  retire  du  sel  marin,  on  ne  peut  douter  cependant  qu'il  ne 
soit  formé,  comme  tous  les  autres,  de  la  réunion  d'une  base  aci- 
difiable  avec  l'oxygène.  Nous  avons  nommé  cette  base  inconnue 
base  muriatique,  radical  muriatique ,  en  empruntant  ce  nom  du 
latin  murias,  donné  anciennement  au  sel  marin.  Ainsi,  sans 
pouvoir  déterminer  quelle  est  exactement  la  composition  de 
Tacide  muriatique;  nous  désignerons  sous,  cette  dénomination 
un  acide  volatil ,  dans  lequel  le  radical  acidifiable  tient  si  forte- 
ment à  V oxygène  qu'on  ne  connaît  jusqu'à  présent  aucun  moyen  de 
les  séparer,  » 

Dans  ces  dernières  lignes,  Lavoisier  faisait,  en  quelque  sorte, 
un  appel  à  tous  les  chimistes  de  son  temps.  Vains  efforts!  On 
cherchait  dans  l'acide  muriatique  ce  qui  ne  s'y  trouvait  pas , 
Toxygène. 

Une  fois  engagé  dans  une  fausse  voie,  on  ne  rencontre  plus  que 
des  exceptions  ou  des  singularités;  c'est  ce  qui  arriva  au  sujet  de 
l'acide  muriatique.  Mais,  ici  encore,  laissons  d'abord  parler  le 
maître  :  «  Cet  acide  présente,  au  surplus,  une  particularité  très- 
remarquable  ;  il  est,  comme  l'acide  du  soufre,  susceptible  de 


(1)  LaToisier,  Traité  de  chimie,  t.  II,  p.  194  (3e  édit.). 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  513 

plusieurs  degrés  d'oxygénation  ;  mais ,  contrairement  à  ce  qui  a 
lieu  pour  Tacide  sulfureux  et  l'acide  sulfurîque,  l'addition  d'oxy- 
gène rend  l'acide  muriatique  plus  volatil^  d'une  odeur  plus  pé- 
nétrante, moins  soluble  dans  l'eau,  et  diminue  ses  qualités  ko- 
cide.  »  —  Ce  dernier  caractère  aurait  dû  être  pour  Lavoisi«r  un 
traitde  lumière  :  il  indiquait  la  présence  ^^V  acide  muriatique  oxy- 
9^n^(chlore).  Mais  continuons  la  citation  :  —  «Nous  avions  d'abord 
été  tenté  d'exprimer  ces  deux  degrés  de  saturation ,  comme 
nous  avions  fait  pour  l'acide  du  soufre,  en  faisant  varier  les  ter- 
minaisons :  nous  aurions  nommé  l'acide  le  moins  saturé  d'oxy- 
gène acide  muriaieuXf  le  plus  saturé ,  acide  muriatique;  mais 
nous  avons  vu  que  cet  acide,  qui  présente  des  résultats  particu- 
liers et  dont  on  ne  connaît  aucun  autre  exemple  en  chimie ,  de- 
mandait une  exception,  et  nous  nous  sommes  contenté  de  le 
nommer  acide  muriatique  oxygéné.  » 

Défions-nous  du  recours  aux  exceptions  !  c'est  un  des  signes  de 
l'erreur.  Cet  acide  muriatique  oxygéné  exceptionnel  était  préci- 
sément le  radical  que  Lavoisier  cherchait  :  c'était  le' chlore  y.  qui 
fut  plus  tard  découvert,  comme  corps  simple ,  par  Davy,  et  qui 
se  combine,  nous  le  savons  aujourd'hui,  non  pas  avec  l'oxygène, 
mais  avec  l'hydrogène,  l'un  des  éléments  de  l'eau ,  pour  former 
l'acide  muriatique,  appelé  mdâniennni  acide  chlorhydrique.  Mais 
n'anticipons  pas. 

Le  mystérieux  radical  de  l'acide  muriatique  devint  pour  Lavoi- 
sier l'objet  de  toutes  ses  préoccupations;  il  y  revenait  souvent, 
mais  chaque  fois  avec  une  certaine  hésitation,  comme  s'il  sentait 
qu'il  s'était  trop  aventuré  :  «  Nous  n'avons,  dit-il,  nulle  idée  de 
la  nature  du  radical  de  l'acide  muriatique;  ce  n'est  que  par  ana- 
logie, plutôt  que  par  suite  d'une  théorie  préconçue,  que  nous 
concluions  qu'il  contient  le  principe  acidifiant  ou  oxygène. 
M.  BerthoUet  avait  soupçonné  que  ce  radical  pouvait  être  de 
nature  métallique;  mais,  comme  il  paraît  que  l'acide  muriatique 
se  forme'  journellement  dans  des  lieux  habités,  il  faudrait  sup- 
poser qu'il  existe  un  gaz  métallique  dans  l'atmosphère ,  ce  qui 
n'est  pas  sans- doute  impossible,  mais  on  ne  peut  l'admettre  au 
moins  que  d'après  des  preuves.  » 

Ce  qu'il  y  a  surtout  d'étrange,  c'est  que  Lavoisier  était  en 
quelque  sorte  entretenu  dans  son  erreur  par  un  fait  expérimental, 
mais  non  compris  ou  mal  interprété.  En  effet,  ce  qu'il  appelait 
acide  muriatique  oxygéné  s'obtenait  en  distillant  de  l'acide  mu- 

I1T8T.  DE   lA   aUM:t.    —   T.   II.  '33 


^  '  '.•"  .  •         •■'■'^        <  -  «.•-.■■-6       '■^1 

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014  Hàitoqus  ju  M  cânmu  . 

riatique  sur  des  oxydes  métalliques,  tels  que  leSr  oixyâes  de  «w* 
ganèse  et  de  plomb.  Comme  dans  cette  opératioQ  des  oij^  . 
perdent  leur  oxygène,  La?oisier  croyait,,  et  tous  les  dÙitiisleft 
d'alors  croyaient  a?ec  lui,  que  l'oxygène  ainsi  devenu  fibre  se 
portait  sur  Tacide  muriatique;  de  là  le  nom  d'acide  moriativie 
oxygéné!  Bt  comme  il  voyait  ce  prétendu  acide  se  eoadbinear  Àm 
les  baises,  à  l'exemple  des  autres  acides  dans  la  cc^posHâw  des- 
quels entre  l'oxygtoe.  Une  pouvait  guère  faire  autrement  que,  de 
persister  dans  ce  qu'il  pensait  être  la  vérité,  et  ce  qm  n'éttit^ 
au  fond,  qu'une  erreur  (4).  .    •.  :  -    ;   .^.iJ.  ' 

■*  ■.  •  ■     i . 

Thém9%m  île  1»  wmmfàtMMmn*  —-  Lavoisier  montna-expérir 
mentalement  que  l'air  qui  a  servi  quelque  temps  à  la  respiration  a, 
par  sa  qualité  délétère,  beaucoup  d'analogie  avec  celui  dans  re^nd  • 
un  métal  a  été  calciné,  mais  que  ces  deux  airs  diffèrent  chimique- 
ment Fun  de  l'autre  en  ce  que  le  premier  pécripitoi  l'eau:  dé  ^ 
chaux,  tandis  que  le  dernier  la  trouble  à  peine  ;  que  l'un  eatde.ïSft- 
cide  carbonique,  et  l'autre  de  l'axote  ;  en£ip  que,  pour  raibéoier 
à  l'état  d'aûr  commun  ou  respirable  l'air  qui  a  été  vidé^îMic.li 
respiration,  il  faut:  1*  enlever  à  cet  air,  au  moyen  d'un  dcsli 
caustique,  la  portion  d'acide  carbonique  qui  s'y  trouva;  S*  lui 
rendre  une  quantité  d'oxygène  ^ale  à  celle  qu'il  a  perditeV  Or 
voici  les  conséquences  qu'il  tire  de  ces  données  expérimentales  : 
((  De  deux  choses  Tune  :  ou  la  portion  d'oxygène  contenue  dans 
l'air  est  convertie  en  acide  carbonique  en  passant  par  les  pou- 
mons, ou  bien  il  se  fait  un  échange  dans  ce  viscère  :  d'une  part 
l'oxygène  est  absorbé,  et  de  l'autre  le  poumon  rend  une  portion 
d'acide  carbonique  presque  égale  en  volume.  » 

Ces  deux  manières  de  voir  ne  s'excluent  point  ;  la  dernière  a 
môme  été  adoptée  par  beaucoup  de  physiologistes.  Cependant 
Lavoisier  inclinait  plutôt  vers  la  première  manière  de  voir.  Dès 
1777,  il  avait  soutenu;  que  «  la  respiration  estime  combustUm 
lente  d'une  portion  de  carbone  contenue  dans  le  sang,  et  que  lâcha- 
leur  animale  est  entretenue  par  la  portion  de  calorique  qui  se 
dégage  au  moment  de  la  conversion  de  Voxygène  en  acide  carbo* 
nique ,  comme  il  arrive  dans  toute  combustion  de  charbon  »• 
Enfin,  en  1785,  il  annonça,  dans  un  mémoire  inséré  dans  le 
Recueil  de  la  Société  de  médecine,  que  «  très-probablement  la 

(1)  Voyez  plus  loin  Tanalyse  des  trayanx  de  Davy. 


TROTSIKME  ÉPOQUE.  o1?> 

respiration  ne  se  borne  pas  à  une  combustion  de  carbone,  mais 
qu'elle  est  encore  la  combustion  d'une  partie  de  Thydrogène  con* 
tenue  dans  le  sang;  de  là  une  formation  à  la  fois  d'eau  et  d'acide 
carbonique  pendant  l'acte  de  la  respiration  )>.  — -  Cette  dernière 
théorie  compte  aussi  de  nombreux  partisans. 

HouTeinemt  moléculaire.  —  La  question  du  calorique  fut 
de  la  part  de  Lavoisier  l'objet  d'études  particulières.  C'est  un  fait 
depuis  longtemps  connu  que  les  corps  se  dilatent  par  la  chaleur 
'  et  se  condensent  par  le  froid.  Pour  expliquer  ce  fait  général 
Lavoisier  supposait  que  les  molécules  des  corps  ne  se  touchent 
pas ,  qu'elles  sont,  au  contraire,  placées  à  une  certaine  distance 
les  unes  des  autres.  «  Mais,  se  demandait-il,  si  le  calorique  tend 
continuellement,  par  une  cause  quelconque ,  à  s'introduire  entre 
les  molécules  des  corps  et  à  les  écarter,  comment  ne  cèdent- elles 
pas  à  cet  effort?  Comment  ne  se  désunissent-elles  pas?  Et  com- 
ment concevoir  alors  qu'il  existe  des  corps  solides?  Il  faut  donc 
admettre  une  force  dont  les  effets  soient  en  opposition  avec  la 
précédente,  qui  retienne  et  lie  entre  elles  les  molécules  des 
corps ,  et  cette  force,  qu'elle  quen  soit  la  cause ,  est  la  gravi- 
teUion  universelle,  d 

Ainsi,  Lavoisier  considère  les  molécules  élémentaires  comme 
obéissant  à  deux  forces  antagonistes,  au  calorique,  qui  tend  à 
les  écarter,  et  à  l'attraction,  qui  les  rapproche.  Lorsque  ces  deux 
forces  sont  à  l'état  d'équilibre ,  le  corps  est  liquide;  il  devient 
aériforme  lorsque  la  force  répulsive,  le  calorique,  l'emporte. 
L'écart  qui  existe,  pour  chaque  corps,  entre  le  degré  de  chaleur 
nécessaire  pour  en  opérer  la  liquéfaction,  et  celui  qui  en  opère 
la  vaporisation ,  Lavoisier  l'attribue  à  la  pression  de  l'atmos- 
phère. 

Quant  à  l'espace  que  les  molécules  laissent  entre  elles,  il  dif- 
fère aussi,  selon  la  même  théorie ,  pour  chaque  substance.  «  Ce 
qui  doit  surtout  faire  varier  les  dimensions  de  cet  espace,  c'est , 
ajoute  l'auteur,  la  figure  des  molécules  primitives  des  corps, 
puisqu'il  est  impossible  que  des  sphères,  des  tétraèdres,  des  he- 
xaèdres, des  octaèdres,  laissent  entre  eux  des  vides  d'une  même 
capacité.  C'est  pourquoi  il  faut  une  quantité  de  calorique  suffi- 
sante pour  élever  la  température  de  différents  corps  d'un  même 
nombre  de  degrés  du  thermomètre,  ou,  ce  qui  revient  au  même, 
différents  corps  qui  se  refroidissent  d'un  même  nombre  de  degrés 

33. 


»■    : 


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HI8T01AE  DE  LA  CtUUUE. 


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f  -      : 


abandooncni  uue  quantité  âUTéreate  de  calorique,  o .  —  Pour 
Yérifier  ce  fait  capital,  Layoisier  entreprit  avee  taplacé  upe  série 
d'expériences,  consignées  dans  lin  important  mémoire,  intitulé  : 
&wr  ie principe  de  la  chaleur  et  les  kiùffens  éTen  mesurer  leseffàs  (1). 
Ces  expériences  sont  fondées  sur  ce  que  a  la  quantité  de  gbce 
que  les  corps  fondent  en  se  refiroidissant  mesure  exactement  la 
mfimè  quantité  de  calorique  qu'ils  abandonnent  ». 

La  chaleur  est-elle  un  fluide  ou  une  force  f  Cette  question  fon- 
damentale de  la  physique,  intimement  liée  à  la  çlûtniè,  fût 
pour  la  première  fois  nettement  posée  par  Lavoisier.  Ainsi 
énoncée,  elle  impliquait  deux  hypothèses  :  l'hypothèse  du  calo? 
rique  fluide  et  celle  du  calorique  mouvement.  Voyons  comment 
il  a  abordé  Tune  et  l'autre. 

Pour  justifier  le  mot  fluide^  appliqué  au  calorique,  Lavoîsier  le 
compare  à  l'eau  qui  s'introduit  dans  les  pores  de  différentes  espèces 
de  bois,  les  gonfle  et  en  augmente  la  pesanteur.  Chaque  espèce 
admettra  une  quantité  d'eau  différente,  suivant  sa  qualité  ;  les 
plua  légers  et  les  plus  poreux  en  logeront  davantage  ;  les  hm 
compactes  n'en  laisseront  pénétrer  que  très>peu;  la  proportion 
d'eau  qu'ils  absorbent  dépendra  encore  de  la  nature  du  Ixâs;  etc. 
Ces  différences  de  capacité  des  bois  pour  l'eau  se  présentent 
aussi  pour  le  calorique. 

Dans  cette  comparaison,  Lavoisier  ne  considérait  que  l'eau  qui 
mouille  intérieurement  le  bois  ;  mais  Teau  entre  aussî|dans  la  cons- 
titution même  du  bois.  Et  comme  il  existe  une  eau  libre^  une  eau 
adhérente  et  une  eau  combinéey  il  fut  conduit  par  Tanalogie  à 
établir  trois  états  différents  de  calorique  :  «  1^  le  calorique  libre; 
c'est,  dit-il,  celui  qui  n'est  engagé  dans  aucune  combinaison  et 
qui  ne  louche  à  aucun  corps;  2*  le  calorique  adhérent ^  c'est 
celui  qui  pénètre  les  corps,  qui  en  écarte  les  molécules;  ce  ca- 
lorique est  encore  dans  un  état  d'agrégation,  mais  cette  forme 
agrégative  est  modifiée  par  l'adhérence  qu'il  contracte  avec 
les  corps  avec  lesquels  il  est  en  contact;  3*^  le  calorique  combiné; 
c'est  celui  dont  l'agrégation  est  rompue  et  qui  est  combiné 
molécule  à  molécule  avec  les  parties  élémentaires  et  constituan- 
tes des  corps.  » 

D'après  cette  hypothèse,  le  calorique  est  répandu  dans  tous 
les  corps  de  la  nature  et  fait  partie  de  toutes  les  combinaisons. 


(1)  Dans  le  lome  I  des  Mémoires  de  physique  et  de  chimie  de  LaVoisier. 


.TaOlSIÈMli  ÉPOQUB.  517 

f^e  calorique  spécifique  est  la  quantité  de  fluide  absorbé  el  va- 
riable pour  chaque  corps,  ou,  plus  exactement»  (c  c'est  la  quantité 
totale  de  calorique  qui  se  dégagerait  des  corps,  si^  les  prenant 
tous  à  un  même  degré  de  température,  on  les  réduisait  au  zéro 
absolu^  c'est-à-dire  à  une  privation  complète  de  calorique  ».  — 
«  Nous  connaissons  bien,  ajoute  Lavoisier,  les  augmentations  ou 
les  diminutions  dont  le  calorique  spécifique  des  corps  est  suscep- 
tible, suivant  qu'on  lui  fait  éprouver  certains  changements  de 
température  ;  mais  la  quantité  totale  nous  est  encore  inconnue.  » 
— Le  thermomètre  n'indique  que  le  fluide  calorique  libre.  <(  Il  en 
reçoit  lui-même  sa  part  en  raison  de  sa  capacité  ;  il  n'indique 
donc  tout  au  plus  que  la  portion  qu'il  a  reçue  ;  mais  il  ne  cons- 
tate pas  la  quantité  totale  qui  a  été  dégagée ,  déplacée  ou  ab- 
sorbée. »  Ce  calorique  devait  être  distingué  de  celui  que  le  ther- 
momètre n'indique  pas  et  qui  ne  se  manifeste  que  dans  les  com^ 
binaisons  ou  réactions  chimiques. 

L'autre  hypothèse  ,  celle  du  calorique-mouvement  qui  parait 
aujourd'hui  prévaloir,  eut  pour  point  de  départ  la  sensation 
de  la  chaleur,  a  Ce  n'est,  dit  Lavoisier,  que  par  un  mouvement 
quelconque  imprimé  à  la  matière  que  nous  éprouvons  des 
sensations,  si  bien  qu'on  pourrait  poser  comme  axiome  :  point 
de  mquvemeiUy  point  de  sensation.  »  —  Ces  paroles,  rigoureu- 
sement exactes,  devaient  confirmer  la  nouvelle  manière  de 
concevoir  les  choses.  En  effet,  d'après  la  théorie  du  calorique- 
mouvement,  les  molécules  insécables,  les  atomes  de  la  matière, 
sont  doués  d'une  oscillation  permanente,  quoique  insensible.  Ce 
mouvement  suppose  que  les  atomes  ne  se  louchent  pas  et  qu'ils 
sont  séparés  par  des  espaces  intersticiels  dont  le  volume  peut  sur- 
passer infiniment  celui  de  la  matière  contenue  dans  les  atomes. 
((  Ces  espaces^  ajoute  Lavoisier  résumant  sa  théorie,  ces  espaces 
vides  laissent  à  leurs  parties  insécables  (atomes)  la  liberté  d'os- 
ciller  dans  tous  les  sens,  et  il  est  naturel  de  penser  que  ces  parties 
sont  dans  une  agitation  continuelle  qui ,  si  elle  augmente  jusqu'à 
un  certain  point,  peut  les  désunir  et  décomposer  les'corps  ;  c'est  ce 
mouvement  intestin  qui  constitue  la  chaleur.»— Al'appuidecetle 
opinion,  Lavoisier  rappelle  le  principe  de  la  conservation  des 
forces.  Ce  principe,  qui  n'est  que  l'expression  d'un  fait  général ,  ' 
consiste  «  en  ce  que,  dans  un  système  de  corps  qui  agissent  les 
uns  sur  les  autres  d'une  manière  quelconque ,  la  force  vive, 
c'est-à-dire  la  somme  des  produits  de  chaque  masse  par  le  carré 


gi8  HISTOIRE  M  ÏK  GMllIE. 

'       .       •  .  -,  .       ■.  .      " 

de  sa  vitesse,,  est  constante...  l)ans  ThypoUiëse  que  nous  exa- 
minons» la  chaleur  est  là  force  vive  qui  réisulte  des  môuyeibieiÀ'ts 
insensibles  des  molécules  d'un  corps  ;  elle  eèi  la  somibé  dés 
produits  de  la  masse  de  chaque  molécule  par  le  carré  àé  sa 
vitesse.  » 
La  dernière  hypothèse  explique,  ainsi  que  la  première,  celrtaiiu  - 

'./■   .    p}iénoaiènes,  tels  que  .celui  de  la  chaleur  produite  par  lé  fh)ttë- . 
ment  de  deux  corps,  par  le  marteau  frappant  surrenclume,  ètb. 

r  Elle  explique  aussi  pourquo  ilés  rayons  du  soleil,  tombant  dlréc- 

tiemeni  sur  les  pics  neigeux  des  plus  hautes  montkgnes ,  échauf- 
fent, malgré  leur  puissance  calorifique,  beaucoup  moins  îè  milieu 

'  environnant  que  iie  ]e  font  les  rayons  réfléchis,  dansiez  vàlléel' 

Lavdsier  ne  se  déclara  positivement  ni  pour  runè,  tii  pour  l'autre 
'  hypothèse;  il  laissa  là*  quesfîon  indécise.  On  sait  dn^ft  ^e]  sgens 
elle  a  été  résolue  de  nds  jours. 


i.  -^^B'àprS^  sa  théorie,  la  respirafibti  Àfedt  die- 
inémé  qu'un  cas  particulier  de  la  combustion.  Dans  res;^rit 
deLsivoisiér  la  combustioii'  n'est  pas  seulement  ui^  fait  général, 
c'est  toute  une  méthode  d'analyse  et  de  synthèse;  C'est  Ipar'h 
combustion  des  métjàux  '  qnll  parvint  à  la  découverte  de  ta 
composition  dç  l'air.  C'est  en' brûlant  le  phosphore  dans  l'air 
qu'il  obtint  l'acide  phosphôrique  sous  forme  d'une  matière  blan- 
che, floconneuse,  soluble  dans  Teau,  et  qu'il  put  déterminer  la 
quantité  d'oxygène  employée  pour  transformer  le  phosphore  en 
acide  phosphôrique.  Des  expériences  semblables,  entreprises  avec 
le  soufre  et  le  charbon,  lui  firent  connaître  les  acides  que  ces 
corps  simples  produisent  par  leur  combinaison  avec  Poxygèné. 

Mais,  de  tous  les  phénomènes  de  combustion,  le  plus  intéres- 
sant, c'est  celui  qui  amena  la  découverte  de  la  composition  de  l'eau. 

Il  a  fallu  des  siècles  pour  arriver  à  douter  de  l'exactitude  de 
la  doctrine  ancienne,  suivant  laquelle  l'air  et  l'eau  sont  des  élé- 
ments. Ce  respect  de  la  tradition  aurait  retardé  peut-être  encore 
longtemps  le  triomphe  de  la  vérité,  sans  l'heureuse  audace  d'un 
esprit  libre  et  indépendant.  Mayow,  Bayle,  Lemery,  connais- 
saient déjà  Tair  inflammable  ;  mais  l'idée  que  cet  air  pouvait 
être  un  élément  de  l'eau  ne  leur  était  pas  venu  à  l'esprit.  Et 
même  plus  tard  on  y  fut  conduit  en  cherchant  tout  autre  chose 
qu'un  élément  de  Peau . 

Essayons  d'élucider  ici  un  curieux  point  historique.  Un  physicien . 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  519 

anglais,  Warltire,  fit  brûler,  au  moyen  de  Tétincelle  électrique, 
des  gaz  dans  un  globe  de  cuivre,  d'une  capacité  et  d'un  poids  dé- 
terminés d'avance,  afin  de  s'assurer  «  si  la  chaleur  est  ou  n'est  pas 
pesante  ».  Dans  une  de  ses  expériences  dont  il  rendit  compte 
par  une  lettre  datée  de  Birmingham,  le  18  avril  1781,  et  adressée 
à  Priestley,  Warltire  annonce  qu'il  a  trouvé  qu'une  précipitation 
aqueuse  se  dépose  sur  les  parois  d'un  vase  clos,  en  foudroyant 
par  l'électricité  un  mélange  d'oxygène  et  d'hydrogène  (1). 

Vers  la  même  époque,  Gavendish  montra  qu'en  allumant  un 
mélange  d'air  inflammable  et  d'air  déphlogistiqué  (oxygène), 
on  obtient  de  l'eau  pure  sous  forme  de  rosée.  Dans  un  mémoire, 
lu  à  la  Société  royale  de  Londres,  le  15  janvier  1784,  et  paru,  six 
mois  après,  dans  les  Transactions  philosophiques  ^  Gavendish  dé- 
.  Clara  que  ses  expériences  furent  faites  dans  l'été  de  1781,  et 
que  Priestley  en  eut  connaissance.  Il  ajoute  :  «  Un  de  mes  amis 
eii  dit  quelque  chose  (gave  some  account  )  à  Lavoisier,  le  prin- 
temps dernier  (le  printemps  de  1783),  aussi  bien  que  de  la  con- 
clusion que  j'en  avais  tirée,  savoir,  que  l'air  déphlogistiqué  est 
de  l'eau  privée  de  phlogistique.  Mais,  à  cette  époque^  Lavoisier 
était  tellement  éloigné  de  penser  qu'une  semblable  opinion  fût 
légitime,  que  jusqu'au  moment  où  il  se  décida  à  répéter  lui- 
môme  les  expériences,  il  trouvait  quelque  difficulté  à  croire 
que  la  presque  totalité  des  deux  airs  pût  être  convertie  en  eau,  » 

Ge  passage  ne  se  trouve  pas  dans  le  mémoire  de  Gavendish, 
imprimé  en  1 784.  Il  fut  plus  tard  ajouté  au  mémoire  manuscrit  par 
unemaiii  étrangère;  l'écriture  est  celle  de  Blagden ,  secrétaire  de 
la  Société  royale  de  Londres.  G'est  ce  qui  résulte  d'une  notice 
historique  communiquée  par  lord  Brougham  à  Fr.  Arago  (2).  Le 
.  but  de  cette  addition  posthume  saute  aux  yeux  :  c'était  de  reven- 
diquer pour  Gavendish  l'honneur  de  la  découverte  de  la  décom- 
position de  l'eau. 

Mais  dans  une  question  de  priorité  les  documents  imprimés 
doivent  seuls  faire  foi. 

Dans  un  mémoire  lu  à  l'Académie  des  sciences  à  la  rentrée 
publique  de  la  Saint-Martin  1783,  Lavoisier  nous  apprend  que  les 
premières  tentatives  qui  aient  été  faites  pour  déterminer  la  nature 

(1)  Priestley  fait  mention  de  celte  lettre  dans  le  vol.  V  de  ses  Experiments 
and  observations  on  différent  kinds  of  air. 
(3)  Cetie  notice  a  été  reproduite  à  la  fin  de  l'i^^o^e  de  James  Watt  par  Aragp. 


I 


.    i 


1 


IIISTOIHE    Dt    LA    C1IIUIE.    - 

résultat  d  :  la  combustion  de  l'air  intlammable  (bydrog^i 
remontent  à  1116  ou  1177.  «Acctle  époque,raconte-t-il,M.  Mac- 
quer  ayant  présenté  une  soucoupe  de  porcelaine  blanche  à  la 
flamme  de  l'air  inflammable  qui  brûlait  tranquillement  à  l'ori- 
fice d'uoe  bouteille,  il  observa  que  cette  flamme  n'était  accom- 
pagnée d'aucune  fumée  fuligineuse  ;  il  trouva  seulement  la  sou- 
coupe mouillée  de  gouttelettes  assex  sensibles  d'une  liqueur 
blanche  comme  de  l'eau,  et  qu'il  a  reconnue,  ainsi  que  M.  Sigaud 
delà  Fond,  qui  assistait  à  cette  expérience,  pour  de  l'eau  pure.» 

Cette  espérience  d'une  flamme  sans  fumée  donna  à  réfléchir. 
Lavoisier  croyait  que  l'air  inflammable  devait,  en  brûlant,  donner 
de  l'acide  vitrioUquc  ou  de  l'acide  sulfureux.  Bucquet ,  au  con- 
traire, pensait  qu'il  en  devait  résulter  de  l'air  fixe,  h  Pour  éclair- 
cir  leurs  doutes,  nous  remplîmes,  continue  Lavoisier,  au  mois 
de  septembre  1777,  M.  Bucquet  et  moi,  d'air  inflammable  tib- 
lenu  par  la  dissolution  du  fer  dans  l'acide  vitiolique ,  une  bou- 
teille de  cinq  à  six  pintes;  nous  la  retournâmes,  l'ouverture  en 
haut,  et  pendant  que  l'un  de  nous  allumait  l'air  avec  une  bougie 
à  l'oriflce  de  la  bouteille,  l'autre  y  versa  très-promptement ,  h 
travers  la  flamme  mÈme,  deux  onces  de  chaux;  l'air  brûla  d'a- 
bord paisiblement  à  l'ouverture  du  goulot,  qui  était  fort  large; 
ensuite  la  flamme  descendit  dans  l'intérieur  de  la  bouteille, 
et  elle  s'y  conserva  encore  quelques  instants.  Pendant  tout  le 
temps  que  la  combustion  dura,  nous  ne  cessâmes  d'agiter  l'eau 
de  chaux  et  de  la  promener  dans  la  bouteille ,  afin  de  la  mettre, 
le  plus  qu'il  serait  possible,  en  contact  avec  la  flamme  ;  mais  la 
chaox  ne  fut  point  précipitée,  en  sorte  que  nous  reconnûmes 
'évidemment que  lerésultatde  la  combustion.de l'air  inflammable 
et  de  l'air  atmosphérique  n'était  point  de  l'air  fixe  (gaz  acide 
carbonique).  i> 

Mais  cette  expérience  ne  renversait  que  l'opinion  de  Bucquet; 
elle  Qe  décidait  rien  pour  celle  de  Lavoisier.  Celui-ci  varia 
donc  ses  expériences,  pendant  une  partie  de  l'hiver  de  1781  à 
1782,  et  s'il  ne  parvint  pas  plus  tAt  à  s'éclairer,  c'est  qu'il  ét^it 
égaré  par  une  théorie  imaginaire,  d'après  laquelle  «  il  se  produit, 
dans  toute  combustion  un  acide ,  que  cet  acide  était  l'acide  vi- 
triolique ,  si  l'on  brûlait  du  soufre,  l'acide  phosphorique,  si  l'on 
brûlait  du  phosphore ,  l'air  fixe,  si  l'on  brûlait  du  charbon». 
L'analogie  l'avait  ainsi  porté  à  admettre  que  la  combustion  de 
l'air  inflammable  devait  également  produire  un  acidcv 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  521 

Cependant  Lavoisier  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  combien 
Tanaiogie  peut  être  trompeuse.  Il  comprit  donc  la  nécessité  de 
renouveler  ses  expériences  et  d'y  apporter  le  plus  grand  soin. 
A  cet  effet,  il  fit  construire  deux  caisses  pneumatiques,  dont 
Tune  devait  fournir  l'oxygène  et  l'autre  l'hydrogène  en  assez 
grande  quantité  pour  qu'on  pût  continuer  plus  longtemps  la 
combustion  ;  des  tuyaux  à  robinet  permettaient  de  conduire  à 
volonté  les  deux  gaz  ;  ils  s'appliquaient  exactement  à  la  tubu- 
lure supérieure  de  la  cloche  où  devait  se  faire  l'expérience. 

Cette  expérience  fut  faite  le  24  juin  1783  par  Lavoisier,  assisté 
de  La  Place,  en  présence  de  Le  Roi,  de  Van  der  Monde,  de 
plusieurs  autres  académiciens,  et  de  Blagden.  «  Ce  dernier  nous, 
apprit,  dit  Lavoisier,  que  M.  Cavendish  avait  déjà  essayé,  à 
Londres,  de  brûler  de  l'air  inflammable  dans  des  vaisseaux 
fermés  et  qu'il  avait  obtenu  une  quantité  d'eau  très-sensible.  » 

Mais,  pour  le  rappeler,  Cavendish  ne  lut  son  mémoire  où  il 
rendait  compte  de  ses  expériences  à  la  Société  royale  de  Lon- 
dres, qu'en  1784,  tandis  que  Lavoisier  avait  lu  le  sien  à  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Paris,  en  1783.  Cela  tranche  la  question 
de  priorité  évidemment  en  faveur  du  chimiste  français. 

Le  résultat  de  l'expérience  solennelle,  décrite  par  Lavoisier, 
ne  devait  pas  être  douteux.  «  L'eau  obtenue,  soumise  à  toutes 
les  épreuves  qu'on  put  imaginer,  parut  aussi  pure  que  l'eau 
distillée  :  elle  ne  rougissait  nullement  la  teinture  de  tourne- 
sol ;  elle  ne  verdissait  pas  le  sirop  de  violette  ;  elle  ne  préci- 
pitait pas  l'eau  de  chaux  ;  enfin,  par  tous  les  réactifs  connus , 
on  ne  put  y  découvrir  le  moindre  indice  de  mélange  (1).  » 

Lavoisier  et  La  Place  rendirent  compte  de  leur  expérience  à 
l'Académie  le  lendemain  25  juin,  et  ils  en  conclurent  avec  juste 
raison  que  l'eau  n'est  point  un  élément ^  mais  qu'elle  est  composée 
d'air  inflammable  et  d'air  vital. 

Monge  s'était^  vers  la  même  époque,  occupé  du  même  sujet. 
Il  trouva  que  le  poids  de  l'eau  pure,  obtenue  parla  combustion 
de  l'hydrogène  et  de  l'oxygène,  est,  à  très-peu  de  chose  près, 
égal  à  celui  des  deux  gaz  employés. 

Après  avoir  montré  la  composition  de  l'eau  par  la  synthèse , 


(1)  Mémoire  y  dans  lequel  on  a  pour  objet  de  prouver  que  Veau  n'est  point 
une  substance  simple  ^  mais  qu'elle  est  susceptible  de  décomposition  et  de 
recomposition;  réiroprimé  dans  le  t,  II  dçs  ŒutTcs  de  Lavoisier,  p.  334  etsuir* 


.iZi  IIISTUIHE    DE   LA   CIIIIIIE. 

Lavoisier  voulut  la  montrer  aussi  par  l'analyse.  El  ici  il  partit 
d'un  principe  digne  d'être  noié.  «Si  ïérilablement  l'eau,  faiaait- 
il  observer,  est  formée,  comme  l'annonce  la  combustion  des  deux 
gai ,  de  l'union  de  l'oryt/ine  (  c'est  ainsi  qu'il  appelait  d'abord 
l'oxygène),  on  ne  pourra  la  décomposer  et  obtenir  séparément 
l'un  de  ses  éléments  sans  présenter  à  l'aulre  une  substance  avec 
laquelle  il  eût  plus  d'affinité.  L'hydrogène  ayant  plus  d'affinili! 
avec  l'oxygine  qu'avec  aucun  autre  corps,  ce  n'était  pas  par  ce 
latux  que  pouvait  élre  tentée  la  décomposition  :  c'était  donc 
l'oxygine  qu'il  fallait  attaquer.  » 

Voilà  par  quel  raisonuement  Lavoisier  fut  conduit  à  la  décom- 
po^ilion  de  l'eau  au  moyen  du  fer,  du  zinc,  ou  même  du  charbon. 
Mais  l'air  inflammable  (hydrogène),  qui  se  dégage  d'une  dis- 
solution du  fer  ou  du  zinc  dans  l'acide  vitriolîque  ou  de  l'acide 
marin,  provient-il  réellement  de   la  décomposition  de  l'eau?    ■ 
Cette  question,   qui  semblait  d'abord  embai-rasser   Lavoisier,    ' 
fut  résolue  par  La  Place  en  ces  termes  :  «  Par  l'action  des  acides,   ■ 
le  métal   se  dissout  sous  forme   de  chaux  (oxyde),    c'est-à-    [ 
dire,  uni  à  l'air  vital  (oxygène),  et,  relativement  au  fer,  celle    , 
quantité  d'air  forme  le  quart  ou  le  liers  de  son  poids.  La  dis- 
•  solution  ayant  également  lieu  dans  les  vaisseaux  fermés ,  il  csl    i 
visible  que  l'air  vital  n'est  point  fourni  par  l'atmosphère;  il  ne    ' 
l'est  pas  non  plus  par  l'acide.. .  Ce  qui  prouve  qufi  l'acide  n'est 
point  altéré  par   son  action  sur  le    fer,   c'est  qu'après  cette 
action  il  faut,  pour  le  saturer,  employer  la  même  quantité  d'al- 
cali. Il  ne  reste  donc  que  l'eau  à  laquelle  on  puisse  attribuer 
l'air  vital  qui  s'unit  au  métal  dans  sa  dissolution;  elle  se  dé- 
compose donc,  «t  son  principe  inflammable  se  dégage  sous 
forme  d'air;  il  suit  de  là  que  si,  par  la  combustion,  on  com-    , 
binait  dé  nouveau  ce  même  principe  avec  l'air  vital,  on  re- 
produirait l'eau  qui  s'est  décomposée,  n 

Toujours  ingénieux  pour  varier  ses  expériences,  Lavoisier  con- 
çut alors  et  réalisa  l'idée  de  décomposer  l'eau  à  une  température 
élevée  en  la  faisant  passer  sur  du  fer  incandescent.  Il  espérait 
en  même  temps  obtenir  par  ce  moyen  des  quantités  d'hydro- 
gène sufBsantes  pour  gonfler  des  ballons  aérostatiques,  invention 
alors  tout  nouvelle.  A  cet  effet,  il  se  servit  d'un  canon  de  fusil, 
ouvert  aux  deux  bouts ,  et  chauffé  dans  un  fourneau  à  réverbère. 
Le  fonctionnement  de  l'appareil  donna  lieu  aux  observations  sui- 
vantes :  lorsque  le  canon  de  fusil  est  rouge  et  incandesceot,  l'eau 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  ^  523 

qu'on  y  fait  passer  en  petite  quantité,  goutte  à-goutte,  se  décom- 
pose en  entier,  et  il  n'en  sort  aucune  portion  par  l'ouverture  infé- 
rieure du  canon.  C'est  qu'en  effet  l'oxygène  se  combine  avec  le 
fer  et  le  calcine,  en  môme  temps  que  l'hydrogène,  devenu  libre, 
se  dégage  à  l'état  aériforme.  Au  commencement  de  Texpérience , 
la  production  d'hydrogène  est  très-rapide;  elle  se  ralentit 
bientôt^  et  elle  arrive  à  une  uniformité  qui  dure  pendant  plu- 
sieurs heures;  enfin,  au  bout  de  8  à  iO  heures,  plus  ou  moins, 
suivant  l'épaisseur  du  canon ,  le  passage  de  l'hydrogène  se  ra^ 
lentit,  et  l'eau  finit  par  ressortir  en  totalité  comme  elle  y  était 
entrée,  sans  se  décomposer.  L'oxydation  est  dès  lors  achevée  : 
tout  le  fer  du  canon  se  trouve  converti  en  une  substance  noire , 
brillante,  fragile,  cristallisée  en  facettes  comme  la  mine  de  fer 
spéculaire;  on  peut  la  réduire  èh  poudre ,  et  elle  ne  diffère  en 
rien  de  ce  qu'on  appelle  en  pharmacie,  œthiops  martial. 

Le  phénomène  n'est  pas  le  même ,  si  au  canon  de  fer  on  sub- 
stitue un  canon  de  cuivre  rouge  :  l'eau,  après. avoir  été  réduite 
en  vapeur  dans  la  partie  incandescente  du  tube,  vient  se  con- 
denser par  le  refroidissement  dans  le  serpentin;  il  ne  s'opère 
qu'une  simple  distillation ,  et  il  n'y  a  ni  calcination  du  cuivre, 
ni  production  d'air  inflammable.  Cette  différence  d'action  sug- 
géra à  Lavoisier  l'idée  de  classer  les  corps,  et  particulièrement- 
les  métaux,  suivant  leur  affinité  pour  l'oxygène,  c'est-à-dire 
suivant  qu'ils  sont  plus  ou  moins  susceptibles  de  décomposer 
l'eau.  L'idée  d'une  pareille  classification,  dont  des  chimistes 
plus  récents  se  sont  attribué  le  mérite,  revient  donc  de  droit  à 
Lavoisier. 

Si  l'eau  peut  se  décomposer  en  calcinant,  en  oxydant  les  mé- 
taux, elle  devra  aussi  se  recomposer  en  réduisant  les  oxydes 
par  l'hydrogène.  Lavoisier  connaissait,  comme  il  l'avoue  lui- 
môme,  les  expériences  de  Prieslley,  sur  la  révivificaiion  des 
chaux  métalliques  dans  Vair  inflammable.  Il  y  avait  été  initié  par 
Blagden,  pendant  le  séjour  que  celui-ci  fit  à  Paris.  Priestley 
avait  employé  pour  ses  expériences  un  oxyde  ou  chaux  de 
plomb,  le  minium.  En  voyant  l'air  inflammable  disparaître,  il 
en  concluait  que  l'air  inflammable  se  combinait  avec  le  plomb 
pour  le^révivifier  et  que,  par  conséquent,  l'air  inflammable  et 
le  phlogistique  n'étaient  qu'une  seule  et  même  chose.  Dans 
l'esprit  de  Priestley  les  chaux  métalliques  ne  cessèrent  donc  ja- 
mais d'être  des  combinaisons  d'un  métal  avec  le  phlogistique. 


-I- 


%    .  . 


-•^    . 


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-•■.  « 

». 


524 


mSIOUUE  VZ  LA.  CUUUE. 


Tous  les  cliimistes  anglais  partagèrent  alors  cette  manière  de  voir. 

Lavoisier,  qui  s'était,  de  son  côté,  occupé  de  la  réduction  des 
chaux  (oxydes)  métalliques  au  moyen  de  Thydrogène,  ne  put 
s'empêcher  de  montra  à  Ùagden  combien  l'explication  d(»mée 
par  Priestley  était  contraire  aux  bits.  «  J'observai ,  dit-il ,  que 
II.  Priestley  n'a  pas  fait  attention  à  une  circonstance  capitale 
qui  a  lieu  dans  cette  expérience  (la  réduction  du  minium  par 
l'hydrogène) ,  c'ost  que  le  plomb  (oxyde  de  plomb),  loin  d'aug- 
menter de  poids ,  diminue  au  contraire  de  près  d'un  douzième^ 
Mais,  d'un  autre  côté,  il  ne  reste,  après  cette  opération,  de 
fluide  élastique  d'aucune  espèce;  non-seulement  on  ne  retrouve 
pas  dans  la  cloche  d'air  vital ,  mais  l'air  inflammable  lui-môme, 
qui  la  remplissait,  disparait;  donc  les  produits  ne  sont  plus 
dans  l'état  aériforme  ;  et,  puisque,  d'un  autre  côté,  il  est  prouvé 
que  Pun  est  un  composé  d'air  inflammable  et  d'air  déphlogis-* 
tiqué  (oxygène),  il  est  clair  que  M.  Priestley  a  formé  de  l'eau 
sans  s'en  douter.  » 

Cette  manière  de  voir,  la  seule  vraie,  que  ne  partageait  alors 
ni  Cavendish  (1),  ni  Watt  (2),  devait  déjà,  à  défaut  d'autres 
preuves ,  suffire  pour  assurer  à  Lavoisier  l'honneur  de  la  dé- 
couverte de  la  décomposUUm  de  l'eau. 

En  terminant  ce  détail  historique,  vivement  controversé,  nous 
ajouterons  que,  d'après  Lavoisier^  Teau  est  composée  d'oxygène 
et  d'hydrogène  dans  la  proportion  de  85  parties  contre  15;  et 
que  la  densité  de  l'oxygène  est  un  peu  plus  forte  que  celle  de 
Pair,  tandis  que  la  densité  de  l'hydrogène  n'est  que  d'environ 
un  douzième  de  celle  de  l'air/ Ces  nombres  ne  s'éloignent  pas 
beaucoup  de  ceux  qui  ont  été  trouvés  plus  tard. 


nétltode  analytique. — Le  rôle  que  Lavoisier  voyait  jouer  à 
l'oxygène  dans  l'analyse  de  l'air,  de  l'eau,  de  l'acide  carbonique, 


(1)  En  soutenant  qiie  «  l'air  déphl<^istiqaé  est  de  l*eau  pri?ée  de  phlogisti- 
que  ).  (voy.  le  passage  cité  p.  519),  CaTendish  admettait,  corome  PriesUey, 
l'identité  du  phlogistique  avec  Thydrogène  qui  devait,  dans  ces  expériences  de 
réduction ,  se  combiner  avec  le  métal  pour  le  révivifier. 

(2)  James  Watt,  à  qui  on  a  voulu  attribuer  la  découverte  de  la  composition 
de  Teau,  considérait  aussi  l'air  inflammable  comme  identique  avec  le  phlogisti- 
que. Voy.  VÉlogede  James  Watt,  dans  le  t.  I,  p.  501.  àe&  Notices  biographi- 
ques de  Fr.  Ârago. 


tROISIÈME  ÉPOQUE.  525 

de  Tacîde  phosphorique  et  de  l'acide  nitrique,  lui  fît  concevoir 
ridée  de  l'étendre  même  aux  composés  organiques. 

C'est  par  des  combustions  avec  l'oxygène  qu'il  parvint  à  s'as- 
surer que  les  huiles  se  composent  presque  uniquement  d'hy- 
drogène et  de  carbone,  et  que  l'alcool  est  une  combinaison 
d'eau,  de  carbone  et  d'hydrogène  (1). 

Mais  la  combustion,  telle  que  l'entendait  Lavoisier,  est  un  phé- 
nomène général  de  décomposition  et  de  recomposition ,  sus- 
ceptible de  s'effectuer  à  une  température  élevée  aussi  bien  qu'à 
la  température  ordinaire.  Ainsi  comprise,  la  fermentation  elle- 
même  était  une  combustion.  Il  sut  même  en  tirer  parti  pour 
analyser  le  sucre.  C'est  dans  son  Mémoire  sur  la  fermentation 
spiritueuse  (2)  que  sa  puissance  généralisatrice  se  manifeste 
dans  tout  son  éclat. 

Dans  l'esprit  de  Lavoisier,  la  manière  de  raisonner  est  la 
même  pour  toutes  les  sciences;  les  chimistes,  comme  les  géo- 
mètres, ne  peuvent  procéder  que  du  connu  à  l'inconnu ,  par  une 
véritable  analyse  mathématique,  et  tous  leurs  raisonnements 
contiennent  implicitement  de  véritables  équations.  «  Supposons, 
dil-il ,  que  j'aie,  par  exemple,  à  analyser  un  sel  dont  je  ne  con- 
nais ni  l'acide^  ni  la  base.  J'introduis  un  poids  connu  de  ce  sel 
dans  unô  cornue  ;  je  verse  dessus  de  l'acide  vitriolique,  et  je  dis- 
tille. J'obtiens  de  l'acide  nitreux  (acide  nitrique)  dans  le  réci- 
pient, et  je  trouve  dans  la  cornue  du  tartre  vitriolé  (sulfate  de 
potasse).  Je  conclus  de  là  que  le  sel  qu'on  m'avait  donné  à  exa- 
miner était  du  nitre. 

((  Mais  quel  fut,  se  demandait-il,  le  mécanisme  du  raisonnement 
qui  m'a  conduit  à  cette  conséquence  ?  Un  instant  de  réflexion  le 
fera  bientôt  connaître.  Il  est  clair  d'abord  que,  si  j'ai  voulu  faire  le 
calcul  exact  des  quantités,  j'ai  été  obligé  de  supposer  que  le  poids 
des  matières  employées  était  le  même  avant  et  après  l'opération, 
et  qu'il  ne  s'était  opéré  qu'un  changement.  »  —  C'est  là,  comme 
on  voit,  un  cas  d'application  de  l'axiome  suivant  lequel  rien  ne 
se  créey  et  rien  ne  se  détruit;  tout  se  transforme»  —  Mais  écoutons 
la  suite.  —  «  J'ai  donc  fait  mentalement  une  équation  dans  la- 


^1)  Voy.  Mémoire  sur  la  combinaison  du  principe  oxygène  avec  VespriMe- 
vin,  Vhvile  et  différents  corps  combustibles,  dans  les  Mém.  de  VAcad.  des 
sciences,  année  1784,  et  dans  le  t.  II  des  Œuvres  de  Lavoisier,  p.  586. 

(2)  Mém,y  réimprimé  dans  le  t.  III,  p.  777  et  suiv.,  des  Œuvres  de  Lavoisier. 


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;  5i6  mstotiBÛi  DE  Ui  csnm.  -'  '■]    • 

qaeUe  les  maUères  ëmtantes  avant  l'opéralioafon^aieQjt-lèprer^ 

mier  membre,  et  celles  obtemiés  apr^j'opératio^lwailûépl  le 

second^  et  c'est  réellement  par  h  résolution  de  cette  éqp^tiQa 

que  je  suis  parvenu  au  résultat;  Àmsi,  dans  l'exemple  ciljé|.Pacide 

'  .     du  sel  que  je  me  proposais  d'examiner  était  une  incoiume^  .eije 

pouvais  l'appeler  x.  Sa  base  m'était  ég^emeot  iACQimae,.iéi;je 

pouvais  rappeler  y;  et,  puisque  la  quantité  de  inatièie^  fl^^tre 

la  même  avant  et  après  l'opération ,  j'ai  pu  dire  a?  -rh  |(  rhp^ifi . 

.  vitriolîque  «»  acide  nitreux  4-  tartre  vitriolé  «=  jEtcide  ni^re;^{.  4* 

:'..    ^    acide  yitriolique  +  alcali  fixe  (potasse);  d'où  je  conclus. jq^e^f 

SB  acide  nitreux,  y  ==  alcali  fixe,  et  quç:  le  sel  eu  queatioô  ô^ 

du  nitre.  >        .         .  .  .  r 

'  ^<  Le  même  raisonnement,  XAvoisier.  l'appliqiwt  aux.prôppi^ 

"'-' ..        tions  d'eau  et  de  sucre  nécessaires  à  la  fermeatatioà  alcoolique,; 

comme  h  levure  employée  se  retrouvait  intacte,  il  en  ^sait  abs- 

traction. 

Après  différents  essais  il  arriva  à.  établir  l'équatioa  suhraBj(e  : 
3  onces,  7  gros  d'eau,  plus  â  livres  8  onces  d,e  sucre,  éi^Ô^t 
'    1  livre  7  onces  5  gros  18  grains  d'esprit-de-vin,  pjiua.4.tli'nc«i 
•  d'acide  carbonique.  •  .  /> 

«  Dans  cette  équation ,  ajoute^il  »  il  n'y  a  que  le  sùcr^  dont 
les  parties  constituantes  me  soient  inconnues.  Je  conn^  celles 
de  l'eau ,  et  j'ai  fait  voir  que  cette  substance,  regardée  comme 
élémentaire,  était  formée  de  la  réunion  de  85  parties  d'oxygène 
et  de  15  parties  d'hydrogène.  Je  connais  également  Tesprit-de- 
vin,  et  je  sais,  d'après  les  expériences  que  j'ai  publiées,  qu'il 
est  composé  d'eau,  d'hydrogène  et  de  carbone.  Enfin  je  connais 
les  parties  constituantes  de  l'acide  carbonique  :  j'ai  fait  voir  que 
100  parties  de  cet  acide  sont  composées  de  72  d'oxygène  et  de 
28  de  carbone.  Kien  n'était  donc  plus  facile  que  de  substituer 
toutes  ces  valeurs  dans  l'équation  établie  et  d'en  déduire  par  le 
calcul  celles  des  parties  constituantes  du  sucre,  les  seules  qui 
me  fussent  inconnues.  Ce  calcul  étant  extrêmement  simple^  il 
me  suffira  de  dire  qu'au  dernier  résultat  j'ai  eu,  pour  les  parties 
constituantes  de  2  livres  8  onces  de  sucre  : 

onces         gros      grains. 

Hydrogène  3  4         49 

Oxygène  8  54 

Carbone  12  2  41 


TROISIEME  ÉPOQUE.  527 

On  voit  que,  d'après  la  théorie  de  la  fermeafation,  telle  que 
nous  la  présente  Lavoisier,  le  sucre  se  partage  sensiblement  en 
poids  égaux,  d'acide  carbonique  et  d'alcool,  qu'il  y  a  fixation 
d'eau  et  que  l'hydrogène  de  celle-ci  se  retrouve  dans  l'alcool  et 
son  oxygène  dans  l'acide  carbonique.  Le  poids  et  le  volume  de 
l'acide  carbonique  sont  assez  exactement  évalués  ;  le  poids  seul 
de  l'alcool  est  un  peu  trop  élevé.  Cette  erreur,  très-excusable 
d'ailleurs,  provenait  de  ce  que  Lavoisier  prenait  pour  de  Talcool 
pur  ce  qui  n'était  que  de  l'alcool  impur,  c'est-à-dire  mêlé  d'une 
petite  quantité  d'eau. 

Aucun  des  essais  qu'on  avait  jusqu'alors  tentés  pour  ana- 
lyser les  matières  organiques  n'est  comparable  ,  pour  l'exacti- 
tude ,  à  celui  dont  nous  venons  de  rendre  compte.  Recueillir 
et  apprécier^  au  poids  et  au  volume,  les  quantités  d'acide  car- 
bonique et  d'eau  y  résultant  d'une  combustion ,  tel  était  le  pro- 
cédé de  Lavoisier.  C'est  ce  procédé  qui,  sauf  quelques  mo- 
difications ,  forme  encore  aujourd'hui  la  base  de  l'analyse  orga- 
nique. 

Lavoisier  avait  l'habitude  d'enregistrer  jour  par  jour  les  expé- 
riences de  son  laboratoire.  Quelques  feuillets  de  ce  journal  ont 
été  ^retrouvés;  mais  aucun  ne  dépasse  l'année  1788,  ainsi  que 
nous  l'apprennent  les  éditeurs  des  Œuvres  de  Lavoisier,  t.  III, 
p.  773.  Sur  un  de  ces  feuillets,  daté  du  vendredi  18  avril  1788, 
on  trouve  une  expérience  inachevée,  qui  avait  pour  objet  de 
.recueillir  les  produits  de  la  combustion  de  1,000  grains  de  sucre, 
mêlés  avec  10,000  grains  d'oxyde  rouge  de  mercure.  Le  mé- 
lange était  placé  dans  une  cornue  ,  les  produits  passaient  1°  dans 
un  matras  vide;  2®  dans  un  flacon  renfermant  de  l'eau;  3^ dans 
deux  autres  flacons  renfermant  de  la  potasse  caustique  liquide , 
pesée  avec  soin  avant  et  après  l'expérience^  et  dont  l'augmenta- 
tion de  poids  représentait  le  poids  de  l'acide  carbonique  produit 
par  la  combustion  du  sucre.  L'oxygène  que  le  mercure  avait 
abandonné  étant  connu,  celui  que  l'acide  carbonique  contenait 
l'étant  également,  on  pouvait  savoir  par  induction  si  l'hydro- 
gène avait  trouvé  dans  la  matière  même  la  quantité  d'oxygène 
exactement  nécessaire  à  sa  conversion  en  eau ,  s'il  en  avait  cédé 
au  carbone  ou  s'il  en  avait  pris  à  l'oxyde  de  mercure. 

La  même  méthode  avait  été  appliquée  à  la  combustion  des 
principales  résines  :  sandaraque,  mastic,  benjoin,  gomme-laque, 
bdellium,  galipot,  élémi;  elle  consistait  à  s'assurer  combien  ces 


.".as  .  HISTOIRE    DR   L.\    nilHEK. 

substances  exigeaient  d'oxyde  de  mercure  pour  leur  complète 
combustion. 

Laîoîsier  ne  comprenait  peut-Ctre  pas  lui-même  toute  l'im- 
porlance  de  ces  données  ou  pesées  ;  il  n'entrevoyait  pas  qu'elles 
ne  tarderaient  pas  à  devenir  le  point  de  départ  de  l'analyse 
élémentaire  des  matières  organiques. 

Ce  qui  le  surprenait,  avec  raison,  c'était  de  voir  que,  par 
exemple,  le  svcre  n'est,  en  dernière  analyse,  qu'un  composé 
A'oxijgéne,  A'hydroijène  et  de  carbone,  que  ces  mêmes  élé- 
ments entrent  dans  la  composition  des  substances  de  formes  si 
variées  du  règne  végétal ,  et  que,  pour  avoir  la  composition  des 
matières  animales,  non  moins  variÉes,  il  suffisait  d'ajouter  à  ces 
trois  éléments  Vasott.  Il  avoue  lui-même  qu'il  a  eu  de  la  peine 
à  se  Familiariser  avec  ces  idées,  qui  étaient  alors ,  eu  effet,  d'é- 
tonnantes nouveautés. 

Les  données  analytiques  que  Lavoisier  consignait  sur  ses  re- 
gistres de  laboratoire  ne  devaient,  au  fond,  servir  qu'au  con- 
trôle ou  qu'à  la  confirmation  de  ce  qu'il  appelait  avec  un  légi- 
time orgueil  sa  théorie,  a  Cet  ensemble  de  preuves ,  dit-il ,  qni 
toutes  se  soutiennent  et  se  prêtent  un  mutuel  appui ,  donne  à  la 
théorie  moderne  de  la  chimie,  à  celle  que  j'ose  appeler  la 
mienne,  un  degré  de  certitude  auquel  il  est  impossible  de  se 
refuser.  J'ai  la  satisfaction  de  voir,  par  !a  correspondance  que 
j'entretiens  avec  un  grand  nombre  de  physiciens  et  de  chimistes 
les  plus  célèbres  de  l'Europe,  que  cette  doctrine  fait  tous  les 
jours  de  nouveaux  prosélytes ,  et  que  la  plupart  de  ceux  qui  ne 
sont  point  convaincus  sont  au  moins  très-ébranlés.  » 

Ces  paroles  sont  précieuses  à  recueillir  :' elles  prouvent,  une 
fois  de  plus,  que  jamais  la  vérité,  même  en  matière  de  science, 
n'est  acceptée  avec  empressement ,  et  que  son  triomphe  défi- 
nitif est  souvent  sioguliëremenl  retardé  par  ce  qu'on  pourrait  ap- 
peler Vêlement  humain. 

Une  édition  complète  des  CEuvres  de  Lavoisier  manquait  en- 
core à  la  science  lorsque,  en  i843,  le  gouvernement  français  en 
chargea  une  commission  académique ,  présidée  par  M.  Dumas! 
Mais  cette  entreprise  resta  pendant  dix-neuf  ans  à  l'état-  de 
projet;  ce  n'est  qu'en  1862  que  parut  le  tom.  11  (le  \"  dans 
l'ordre  chronologique),  A^%  Œuvres  de  Lavoisier,  dans  le  format 
in-4*,  adopté  pour  les  publications  de  luie.  Ce  volume  con- 


ÎROtSllÈME  i?O0UÉ.  S29 

tient  les  Iravàux  les  plus  importais  de  Lavoisier,  particulière- 
ment ceux  qui  ont  fait  l'objet  de  notre  analyse. 

Le  tome  I"  (le  2*  dans  Tordre  chronologique ) ,  pafu  eo 
4864,  et  orné  du  portrait  de  Lavoisier,  est  une  simple  réim- 
pression du  Traité  élémentaire  de  chimie,  3^  édition,  1801  ;  Paris 
(Deterville),  2  vol.  în-8*,  et  des  Opuscules  physiques  et  chimi- 
ques, 4  Yol.  10-8*,  2"  édit.,  ibid.,  même  date.  Il  aurait  peut-être 
mieux  valu  choisir  pour  copie  la  1'^  édition  de  ces  deux  ou- 
vrages; car  les  éditions  posthumes  ont  reçu  beaucoup  d'ad- 
ditionSy  rendues  sans  doute  nécessaires  par  le  progrès  de  la 
sdence,  mais  où  il  est  difficile,  à  moins  de  l'indiquer  en  note, 
— *  ce  qui  n'a  pas  été  fait,  —  de  faire  la  part  exacte  de  ce  qui 
appartient  à  Lavoisier  et  de  ce  qui  doit  être  mis  sur  le  compte 
de  ses  collaborateurs,  que  la  révolution  devait  combler  de  places 
et  d'honneurs. 

Le  tome  III,  publié  en  1865 ,  contient  les  premiers  travaux  de 
Lavoisier,  qui  ont  presque  tous  pour  objet  l'utilité  publique  et 
particulièrement  l'assainissement  de  la  ville  de  Paris  :  tels  sont 
les  mémoires  sur  les  eaux  de  l'Yvette,  qu'on  avait,  il  y  a  cent  ans, 
proposé  de  conduire  à  Paris;  sur  l'établissement  d'une  pompe 
à  feu  ;  sur  les  prisons  et  les  hôpitaux  de  Paris  ;  les  rapports  sur 
les  machines  aérostatiques,  sur  le  magnétisme  animal ,  sur  les 
essais  d'un  miroir  ardent;  projets  pour  éloigner  les  tueries 
(  abattoirs)  de  Paris;  pour  transférer  THôtel-Dieu.  Ces  projets, 
dont  quelques-uns  sont  encore  pleins  d'actualité,  ont  été  de- 
puis réalisés  en  partie. 

Le  mémoire  Stfr  le  feu  élémentaire ,  réimprimé  dans  le  même 
volume  (p.  264-266),  sous  le  titre  de  Réflexions  sur  les  ex- 
périences qu'on  peut  tenter  à  l'aide  du  miroir  ardent,  mérite  une 
mention  spéciale  :  il  peut  servir  à  fixer  la  date  de  la  révolution 
scientifique  à  laquelle  Lavoisier  a  attaché  son  nom.  Ce  mé- 
moire, daté  du  8  août  1772,  fut  lu  à  TAcadémie  des  sciences  le 
19  août  1772.  Il  montre  qu'à  cette  époque  Lavoisier  pe  possédait 
pas  encore  les  arguments  nécessaires  pour  renverser  la  théorie 
du  phlogistique ,  et  il  se  renfermait  encore  à  ce  sujet  dans  un 
douté  philosophique,  u  II  faut  avouer,  dit-il,  que  même  aujour- 
d'hui nous  ne  connaissons  pas  encore  bien  la  nature  de  ce  que 
nous  nommons  phlogistique  pour  pouvoir  rien  prononcer  de  très- 
précis  sur  sa  nature.  »  Et,  pour  éclaircir  la  question,  il  espérait 
tirer  parti  de  l'emploi  du  miroir  ardent.  «  Lo  fen  du  verre  ardent 

.  OIST.  DB  LA  CBimi:.   ^  T.    II.  34 


SaU  HISTOIRE    CE    LA  CHIMIE, 

offre,  dit-il,  un  Irês-grand  avanlage  :  il  [leut  pénétrer  sous- le 
récipient  de  la  machine  pneiimalique,  ell'on  peut  par  son  moyen 
faire  des  calcinations  et  des  combinaisons  dans  le  vide.  » 

Pour  émettre  de  pareilles  idées,  il  fallait  ignorer  la  composi- 
tion de  l'air,  l'existence  et  le  rolc  de  l'oxygène.  Voilà  oh  en 
était  encore  I^voisier  vers  le  milieu  de  l'année  1772. 


S». 
Ëcole  de  Lavoisier,  ses  adversaires  et  ses  partisans. 

En  renversant  la  doctrine  du  phlogislique  et  en  lui  substi- 
tuant la  théorie  de  la  combustion,  Lavoisier  devint  le  chef  d'une 
école  nouvelle.  Les  phlogisliclens  ne  lui  pardonnaient  pas,  sanf 
quelques  rares  exceptions^  d'avoir  eu  raison  contre  eux.  Mais  les 
pneumaticiens,  —  c'est  ainsi  qu 'on  nommait  les  disciplesdc  Lavoi- 
sier,— prêtèrent  le  ilanc  aux  critiques  justifiées  de  leurs  adver- 
saires en  exagérant  le  rôle  de  l'oxygène,  du  gaz  comburant. 

Disons  d'abord  un  mot  de  toute  une  catégorie  de  chimistes, 
qui  continuaient  de  travailler  au  progrès  de  la  science  en  dehors 
de  toiit  esprit  de  système. 

Hacqner,  dont  nous  avoiîs  déjà  parlé  (1),  fit  de  vains  efforts, 
dans  son  Dictionnaire  de  i-himie  (Paris,  1778,  2  vol.  10-4"},  pour 
concilier  l'ancienne  théorie  avec  la  nouvelle.  Ce  futMacquer,  di- 
recteur de  la  Manufacture  royale  des  porcelaines  de  SÔvrôS,  qui 
le  premier  montra  que  le  diamant  ne  perd  rien  de  son  poids  qoand 
on  le  calcine  dans  le  vide,  et  qu'il  se  dissipe,  au  Contraire, '>qDand 
on  le  calcine  au  contact  de  l'air.  Les  expériences  de  Dareét,  de 
Rouelle  et  de  Cadet  confirmèrent  ce  fait ,  et  amenèrebt  Lavoisier 
à  découvrir  l'identité  du  carbone  avec  le  diamant.     ■ 

Dareet  {Jean),  né  en  1727  à  Donazit  (Landes),  mort  à  Paris, 
le  13  février  1801,  se  préoccupa  moins  de  la  partie-théorique 
que  de  la  partie  pratique  de  la  chimie.  Précepteur  des  edfants 
de  Montesquieu,  il  se  lia  d'amitié  avec  Rouelle  atné,  qui  fat  sob 
maître.  Ses  essais  sur  la  porcelaine,  tant  sous  le  rapport  do 
choix  des  matériaux  que  sous  celui  des  procédas  de  faturlcatioii, 
marquent  une  épu^ue  de  progrès  pour  la  M^nufafilare  de 
Sèvres,  qu'il  fut  appelé  à  diriger  après  lâmOrt-de  Maeipiar.  Set 

(1)   Voy.  page  3Sâ.  "",,■--.,:.:,:.,       ..   : 


TROISIEME   ÉPOQUE.  .  n31 

recherches  Sur  Inaction  du  feu  (1)  le  mirehl  à  môme  d'intro- 
duire des  modifications  notables  et  avantageuses  dans  Tart  du 
verrier,  du  potier,  du  métallurgiste,  etc.  Son  mémoire  Sur  les 
pierres  précieuses,  où  il  démontre  la  combustibilité  du  diamant, 
fut  présenté,  en  1770,  à  TAcadémie  des  sciences.  Darcet  fut  de 
la  commission  chargée  d'examiner  le  mesmérisme  ou  magné- 
tisme animal^  il  prit  part  au  travail  sur  les  hôpitaux  dont  Ëailly 
était  rapporteur,  il  indiqua  les  moyens  d'extraire  la  soude  du 
sel^'marin,  de  fabriquer  des  savons  avec  toute  espèce  de  graisse 
ou  d'huile ,  de  perfectionner  l'art  du  teinturier,  de  procéder 
avec  plus  de  précision  dans  l'essai  des  métaux  destinés  à  la  fa- 
brication des  monnaies ,  et  d'opérer  l'extraction  de  la  gélatine 
des  os.  Des  expériences  ultérieures  ont  démontré  que  la  géla- 
tine est  loin  d'être,  comme  on  l'avait  d'abord  pensé,  la  ma- 
tière nutritive  par  excellence.  L'alliage  fusible,  qui  porte  le  nom 
de  Darcet,  et  dont  on  attribue  la  découverte  à  Newton  sans 
preuves  suffisantes,  fond  à  une  température  un  peu  inférieure  h 
celle  de  l'eau  bouillante.  Il  se  compose  de  8  parties  de  bismtith, 
de  5  parties  de  plomb  et  de  3  parties  d'étain.  —  Membre  de 
l'Académie  des  sciences,  de  1784  à  1793,  Darcet,  lors  de  la 
reorganisation.de  cette  compagnie  savante,  devint  membre  de 
l'Institut  national,  entra  plus  tard  au  sénat  et  fut  nommé  ins- 
pecteur général  des  essais  à  la  Monnaie  de  Paris  et  des  pein- 
tures à  la  Manufacture  des  Gobelins.  Il  avait  épousé ,  en  1771 , 
la  ûÙe  de  Rouelle,  et  en  eut  un  fils,  chimiste  distingué,  qui 
mourut  en  1844. 

Pelletier  {Bertrand)^  né  le  30  juillet  176i,  à  Dayonne,  mort 
le  21  juillet  1797,  à  Paris,  préparateur  du  cours  de  Darcet  au  col- 
lège de  France,  s'appliquait  à  confirmer  les  doctrines,  encore  con- 
testées, de  Lavoisier.  Il  publia  dans  les  Annales  de  chimie  et  dans 
le  Journal  de  physique,  des  articles  ou  mémoires,  ayant  pour  objet 
la  préparation  de  l'acide  arsenique ,  la  cristallisation  des  sels 
déliquescents,  le  muriate  de  baryte,  le  carbonate  de  potasse,  la 
strontiane,  le  molybdène,  la  plombagine,  l'éther  acétique,  la  pré- 
paration du  savon,  l'affinage  du  métal  des  cloches,  le  phosphore 
et  les  phosphures  métalliques,  etc.  En  1783,  il  découvrit,  en 
même  temps  que  Gengembre,  le  gaz  hydrogène  phosphore 
spontanément  inflammable,  et  faillit  devenir  victime  d'une  ex- 

(1)  Darcet,  Mémoires  sur  Vactiond'un  fmégal,  violent  et  continué  pendant 
plusieurs  jours,  sur  un  grand  nombre  de  terres;  Paris,  17CC  et  1771,  in-8". 

'34. 


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jtSS  •  HIST0IBS  0S  Là  CàlHIS. 

•  -  ,         .  .  ... 

plosioa  en  traitani  ce  gaz  par  Tacide  nitrenx.  Membce  de  TA* 
cadémie  des  sciences  depuis  1791 ,  il  mourat  à  Tige  de  trenté-soç 
ans,  par^snite  d'une  pblhisie  pulmonaire.  -^  Ses  écrits  ont  ^fé 
réunis  et  publiés  par  son  fils  Charles  et  par  Sédtliot,  soos  le 
.  titre  de  Uimknê  et  obêervalUmi  de  éhimie;  Paris^  n98/  3  vol. 

în-8^. 

CtoMMMtoe,  l'un  des  élèves  les  plus  distingués  de  Lavdisler, 
.  découvrit  Vhydrogène  photpkùré  en  faisant  bouillir,  dans  'uû 
tube  de  verre  soufllé  en  boule  i  son  extrémité ,  une  dissolution 
de  potasse  ou  de  soude  caustique  avec  du  pbospbore.coupé  en 
pcftits  morceaux.  Il  obser\'a  le  premier  que  ce  gaz  a  la  propriété 
de  s'enflanuner  spontanément  au  contact  de  l'air,  et  il  en  détend- 
na  la  composition.  Plus  tard,  Baymond,  élève  de  Fourcroy,  sim- 
plifia le  mode  de  préparation  de  ce  gaz  en  chauffant  le  phosphore 
avec  de  la  chaux  vive,  légèrement  humectée,  dans  une  coroçe  de 
grès  {ânnaiei  de  ekimie,  année  1791). 

Avant  la  découverte  de  l'hydrogène  phosphore  spontanément 
inflammable  i  l'air,  Oengembre  avait  analysé  le  gaz  hépatiçne 
(hydrogène  sulfuré),  et  avait  le  premier  constaté  que  c'était  une 
combinaison  du  soufre  avec  l'hydrogène. 

wtmjmm  [Pierre)^  né  à  Chàlons-sur-M|rne  en '4725,  mort  à 
tâm  en  1798,  fut  amené  à  douter  de  la  réalité  du  phlogistiqae 
par  ses  Expériences  sur  quelques  précipités  de  mercure,  dont  les 
détails  furent  publiés  dans  le  Journal  de  Physique  depuis  le 
mois  de  février  1774  jusqu'en  décembre  1775 ,  et  réimprimés 
dans  le  tome  I,  p.  203-345^  des  Opuscules  chimiques  de  Bayen 
(Paris,  an  VI  de  la  République).  Il  reconnut  lui-môme  que 
plusieurs  de  ses  expériences  «  ont  beaucoup  de  rapport  avec 
quelques-unes  de  celles  que  Lavoisier  venait  de  publier  dans  un 
excellent  ouvrage  Sur  l'existence  d*un  fluide  élastique,  fixé  dans 
quelques  substances  (1).  » 

Rappelant  les  expériences  de  Jean  Rey,  Bayen  s'assura  que 
les  métaux,  en  passant  à  Tétat  d'oxydes,  loin  de  perdre  quelque 
chose,  se  combinent,  au  contraire,  avec  une  certaine  quantité 
d'air,  et  que  c'est  à  cette  combinaison  qu'est  due  l'augmen- 
tation de  poids  de  ces  oxydes,  ainsi  que  leur  couleur  et  leurs 
différentes  propriétés.  Mais  il  n'osa  pas  aller  plus  loin.  On 
a  de  la  peine  à   concevoir  comment,   après  toutes  les  pré- 

iscules  chimiques  de  Bayen,  1. 1,  p.  228. 


■M 


'  '  '  TROISIÈME  ÉPOQUE.  /  533 

eaations  qu'il .  avait  prises  pour  s'assurer  du  volume  et  du 
poids  du  fluide  élastique  qu'il  avait  retiré  du  mercure  per  se 
(oxyde  rouge  de  mercure),  comment  il  n'a  pas  songé  à  déter- 
miner la  nature  de  l'air  absorbé  par  le  mercure  pendant  la  cal- 
cination  :  une  bougie  allumée,  plongée  dans  le  vase  qui  con- 
tenait cet  air,  lui  aurait  révélé  la  présence  du  gaz  oxygène.  Ce 
fut  là  un  oubli  que  Parmentier  lui-même,  dans  son  Éloge  de 
Bayen,  ne  s'expliquait  pas  (i). 

Bayen  a  attaché  son  nom  au  mercure  fulminant.  Il  le  décou- 
vrit, sous  forme  d'une  poudre  blanche  cristalline,  en  dissolvant 
à  chaud  du  mercure  dans  l'acide  nitrique ,  en  y  ajoutant  de 
l'alcool,  et  chauffant  le  tout  pendant  quelque  temps.  Chargé  par 
le  gouvernement  d'analyser,  en  commun  avec  Yenel,  les  eaux 
minérales  de  France,  il  publia,  en  1765,  son  Analyse  des  eaux  mi' 
nérales  de  Luchon.  La  chimie  minérale  absorba  principalement 
ses  moments  de  loisir.  II  analysa  comparativement  les  différents 
genres  de  marbres  ,  et  fit  connaître  ceux  qui  conviennent  le 
mieux  aux  architectes  et  aux  statuaires.  Il  signala  la  présence 
de  la  magnésie  dans  certains  schistes ,  et  proposa  d'en  faire 
servir  la  décomposition  à  la  fabrication  du  sel  d'Epsom,  qu'on 
faisait  venir  de  l'Angleterre  ;  il  démontra  que  le  fer  spathique  est 
du  carbonate  de  fer,  eX  indiqua  le  moyen  d'analyser  la  serpentine, 
les  porphyres,  les  granifs^  etc.  (  Paris,  4778,  in-8°  ).  Par  ses  Re- 
cherches chimiques  sur  Vétain  (Paris^  HSi}^  faites  par  ordre  du 
gouvernement,  il  calma  les  craintes  du  public  au  sujet  des 
vases  d'étain,  qui  passaient  pour  contenir  de  l'arsenic.  Sesdi^ 
vers  travaux  ont  été  réunis  et  publiés  sous  le  titre  d'Opuscules  chi- 
miques; Paris,  1798,  2  vol.  in-8°. 

Bayen  appartenait  au  corps  des  pharmaciens  militaires.  Il 
remplit  les  fonctions^de  pharmacien  en  chef  de  l'armée  expédi- 
tionnaire de  Minorque  et  fit,  en  la  même  qualité,  la  guerre  de 
Sept  ans.  Son  biographe  nous  le  représente  comme  un  homme 
d'une  modestie  extrême ,  et  qui  n'eut  le  calme  de  sa  vie  inter- 

(1)  L*aateur  de  Partlcle  Chimie  dans  V Encyclopédie  méthodique  (an  iv  dé 
la  Répablique  )  cherche  à  insinuer  que  Bayen  avait  recueilli  et  déterminé  la  na- 
ture  de  Toxygène  retiré  de  Toxyde  de  mercure  ;  puis  il  part  de  là  pour  dire  que 
4c  Bayen  a  manifestement  à  cet  égard  rantériorité  sur  Lavoisier  ».  Cette 
assertion  de  Fauteur  (Fourcroy)  est  absolument  contraire  à  la  vérité.  Nous  ne 
Tanrions  pas  relevée,  si  on  ne  l'avait  pas  exhumée  depuis  pour  contester  à  La- 
voisier  ce  qui  lui  appartient. 


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S94  msTonuE  us  ta  Giiiù& 

rompu,  quelques  mois  avant  de  descendre  dans  la  tombe,  ipie  par 
un  pamphet  méprisable,  a  Lorsque  cet  écrit  Yint,  raccAiifte  Par- 
mentier,  frapper  son  oreille  de  cette  phrase  :  «  Bayen  et  son  col-» 
lègue  (Parmentier)  ont  rendu  quelques  seryices  à  la  pharmacie^' 
mais  ce  sont  déyieilfes  tétés -Kmp^és  des  préjugés  de  Pà'ncien 
régime.»  —  « Écriyezà la matfge-^  dît-^if  avec vîvacitéà son'secré-^. 
taire  :  «  Ces  vieilles  têtes  sont  tbiijou^  empressées  de  commun!^ 
quer  à  ceux  qui  y  ont  recours  le  frutideteorif  lutnières^'ét  de 
leur  expérience;  il  leur  reste  deùtpr^gésqu^Is' ont  hérités  - 
de  leurs  pères  et  dans  lesquds  ils  pèrsëVérérlôiift  Jusqu'à  la 
mort  :  l'un,  d'excuser  leis  sots;  l'autre ,  dé  pardt&nner  kdi:  mé*- 
chants.  »  ■.■■.■...    s   i;      . 

Il  mourût  à  Fàge  de  soixante-treize  ans,  emportent  l'estime  dé 
ses  concitoyens.  Sous  la  Terreur  il  avait  Irûlé  ses  iriantilsèrits  V 
dont  la  publication  aurait  pu  être  utile  à  la  sciënè'è.  ^^    '        ' 

Panaemtler  (iln/ot'ntf-^ilff^^mX  né  à  Môntdidièf,'  {e')7-août 
1737,  mort  le  13  décembre  1813  à  Paris,  n'envi^gea  qûè  leisltip* 
piications  utiles  de  la  science^  indépendamment  de  toute  cot^ 
ception  théorique.  OrpheHii  sans- fortune,  il  entr»  i^hei:  tfn 
pharmacien  et  fut,  en  1757,  attaché  à  l'armée  franç^bse-qui  oc- 
cupait alors  le  Hanovre.  Fait  prisonnier  par  les  Prussiens  et 
conduit  à  Berlin,  il  profita  de  sa  captivité  pour  se  Hertl'àimtié 
avec  le  chimiste  Meyer  ;  rendu  à  la  liberté ,  il  obtînt,  en 
1774,  la  place  de  pharmacien  à  Thôtel  des  Invalides.  Ce  fat  vers 
cette  époque  qu'il  étudia  les  propriétés  de  la  pomme  de  terre, 
et  qu'il  eut  la  gloire  de  dissiper  en  France  les  préventions  aveu- 
gles qui  s'opposaient  à  un  usage  plus  général  de  ce  précieux 
tubercule.  Il  popularisa  de  même  l'usage  du  maïs  et  de  la  châ- 
taigne, jusqu'alors  fort  négligés.  Non  content  de  multiplier  les 
ressources  alimentaires,  il  s'occupa  aussi  du  perfectionnement 
de  la  boulangerie ,  et  proposa  la  mouture  économique,  dont 
l'emploi  augmente  d'un  sixième  le  produit  de  la  farine.  Chargé, 
pendant  la  révolution,  de  surveiller  les  vivres  destinés  à  la 
marine,  il  modifia  la  préparation  du  biscuit  de  mer.  Nommé,  en 
1803,  inspecteur  général  du  service  de  santé,  il  améliora  le 
pain  des  troupes,  et  rédigea  un  code  pharmaceutique,  qui  fut 
généralement  adopté  pour  les  hôpitaux  civils,  pour  les  secours  à 
domicile  et  les  infirmeries  des  maisons  d'arrêt  ;  il  indiqua  le 
moyeu  de  rendre  les  soupes  économiques  aussi  saines  qu'agréa- 
bles au  goût;  pendant  le  blocus  continental,  il  proclama  l'avan- 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  535 

tage  de  substituer  le  sucre  de  raisiii  au  sucre  des  colonies;  en 
un  mot,  toutes  les  découvertes  utiles  trouvèrent  en  lui  un  zélé 
propagateur.  «Peu  d'hommes,  dit  son  biographe,  ont  été  assez 
heureux  pour  rendre  à  leur  pays  des  services  aussi  importants. 
Un  ardent  amour  pour  l'humanité  était  le  génie  qui  inspirait 
Parmentier;  dès  qu'il  voyait  du  bien  à  faire  ou  des  services  à 
re;pdre,  il   s'animait,  les  moyens  d'exécution  se  présentaient 
en  foule  à  son  esprit  et  ne  lui  laissaient  plus  pour  ainsi  dire  de 
repos  ;  il  sacrifiait  tout  pour  satisfaire  cette  passion  ;  il  interrom- 
pait les  études  qu'il  aimait  le  mieux ,  pour  s'employer  en  faveut*  • 
des  infortunés  ;   sa  porte  était  ouverte  à  [toutes  les  sollicita-  ' 
tions,  et,  pour  concilier  ses  travaux  littéraires  avec  cette  faci- 
lité qui  dérobe  des  heures  si  précieuses  à  l'homme  occupé ,  il 
était  tous  les  jours  au  travail  à  trois  heures  du  matin  (1).  » 
—  Voilà,  assurément,  une  vie  bien  remplie. 

Parmentier  s'éteignit  d'une  affection  chronique  de  poitrine, 
à  l'âge  de  soixante-seize  ans.  —  Outre  ses  mémoires  publiés  dans 
le  recueil  de  l'Institut,  dont  il  faisait  partie  depuis  1796,  il  a 
fourni  un  grand  nombre  d'articles  à  V Encyclopédie  méthodique, 
aux  Annules  de  Chimie,  à  la  Bibliothèque  physico-économique  y  etc. 

Parmi  les  savants  étrangers ,  dont  les  travaux  se  rattachent 
plus  ou  moins  directement  aux  découvertes  et  aux  idées  nou- 
velles, mises  en  avant  par  Lavoisier,  npus  ferons]  une  mention 
particulière  de  Cavendish,  d'Ingenhousz  et  de  Senebier. 

CaTendlsh. 

CaTendUh  {Henri),  que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  men- 
tionner (2),  naquit  à  Nice  le  10  novembre  1731,  Il  était  fils  de 
lord  Cavendish  et  petit-fils  du  second  duc  de  Devonshire  ;  sa  mère, 
Anne  Grey,  était  fille  du  duc  de  Kent.  Vivant  longtemps, 
comme  cadet  de  famille^  d'un  très-modique  patrimoine,  il  de- 
vint ,  à  quarante-deux  ans,  fort  riche,  grâce  au  testament  d'un 
oncle  qui  lui  laissa,  en  mourant,  300,000  livres  sterling 
(7,500,000  fr.).  Cette  fortune  inattendue  ne  changea  rien  aux  ha- 
bitudes de  Cavendish.  Tout  entier  à  l'étude  des  sciences  phy- 

(1)A.  F.  D.  Silvestre,   Notice  hiographiqMe  sur  Pannentier ;  Paris,   1815, 
(2)  Voy.  plus  haut  p.  519  et  auiv. 


536  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE. 

-  # 

#  - 

sico-chimiques,  il  conserva,  jusque  dans  sa  mise,  la  simplicité 
qu'il  s'était  d'abord  imposée  autant  par  nécessité  que  par  goût 
Aussi  laissa-t-il  après  sa  mort  une  fortune  de  trente  millions  de 
francs ,  bien  qu'il  ait ,  pendant  sa  vie ,  consacré  des  sommes 
considérables  à  l'encouragement  des  gens  studieux,  à  l'établis- 
sement d'un  cabinet  de  physique  et  à  la  création  d'une  biblio- 
thèque. Il  légua  près  de  quatre  millions  de  fr.  à  son  ancien  ami 
Blagden  ;  le  reste  fut  partagé  entre  des  collatéraux.  Gavendish 
s'éteignit  le  24  février  1810,  à  Londres,  doucement  comme 
Black,  après  avoir  demandé  à  boire  un  verre  d'eau.  Il  avait 
près  de  quatre-vingts  ans. 

Voici  le  portrait  qu'en  a  fait  un  de  ses  plus  illustres  compa- 
triotes, H.  Davy  :  «  De  tous  les  physiciens  de  notre  temps, 
Gavendish  était  celui  qui  unissait,  au  plus  haut  degré,  la  pro- 
fondeur et  l'étendue  des  connaissances  mathématiques  à  la  net- 
teté et  à  la  précision  de  l'emploi  de  la  méthode  expérimentale. 
On  pouvait  dire  de  lui  que  tout  ce  qu'il  faisait  était  parfait  au 
moment  de  sa  production.  C'est,  en  général,  l'amour  de  la 
gloire  ou  le  désir  du  pouvoir  qui  excite  les  hommes  au  travail. 
Gela  n'était  point  vrai  pour  Gavendish  :  l'amour  seul  de  la  vérité 
l'animait.  11  fuyait  la  renommée,  parlait  avec  la  plus  grande 
l'éserve  de  ses  propres  travaux,  aimait  naturellement  la  retraite, 
cl  il  conserva  toute  l'activité,  toute  la  sagacité  de  son  intelligence 
jusqu'aux  derniers  instants  de  sa  vie  (1).  » 

Les  travaux  de  Gavendish  ne  sont  pas  nombreux;  mais  ils  ont 
tous  une  importance  extrême  et  témoignent  d'une  très-grande 
habileté  d'expérimentateur.  Gavendish  fut  l'un  des  premiers  à  étu- 
dier les  gaz,  qui  étaient  alors  tous  englobés  sous  le  nom  commun 
d'air  artificiel  {factitious  air),  pour  les  distinguer  de  l'air  naturel, 
atmosphérique.  Ses  expériences  sur  l'air  inflammable,  qu'on 
obtient  en  traitant  le  fer  ou  le  zinc  par  une  dissolution  d'acide 
sulfurique  ou  d'acide  muriatique,  remontent  à  1765.  Il  trouva 
cet  air  factice  (hydrogène)  plus  de  dix  fois  plus  léger  que  l'air 
naturel,  et  en  constata  la  propriété  détonante  après  avoir  été 
mêlé  à  de  l'air  atmosphérique.  Dans  son  travail  Sur  l'air  fiae 
(l'acide  carbonique),  le  sagace  observateur  établit  que  l'alcalifixe 
(potasse  )  absorbe,  en  se  saturant,  cinq  douzièmes  de  son  poids 
d'air  fixe,  et  l'alcali  volatil  sept  douzièmes  ;  que  l'eau  peut  dis- 

(1)  H.  Davy,  Collecied  workSy  t.  VIT,  p.  127, 


TROISIÈME  EPOQUE.  537 

soudre  uo  peu  plus  de  son  volume  d'air  fixe,  et  que  la  quantité 
qu'elle  est  capable  de  dissoudre  est  en  raison  de  la  pression  et 
de^  l'abaissement  de  la  température;  enfin,  que  l'eau,  ainsi 
saturée  d'air  fixe,  peut  dissoudre  la  chaux,  la  magnésie,  le  fer  et 
le  zinc  (1). 

Nous  avons  discuté  plus  haut  la  part  qui  revient  à  Cavendish 
dans  la  découverte  de  la  décomposition  de  l'eau  (2).  Si  ^l'on 
peut  lui  contester  la  priorité  de  cette  découverte ,  il  faut  avouer 
que  c'est  incontestablement  à  lui  que  l'on  doit  celle  de  la  compo- 
sitian  de  l^acide  nitrique. 

Les  expériences  dont  il  se  servait  pour  la  démontrer  étaient  des 
plus  ingénieuses  :  elles  consistaient  à  foudroyer  par  des  étin- 
celles électriques  un  mélange  d'oxygène  et  d'azote,  en  présence 
d'un  alcali  qui  favorisait  la  formation  de  l'acide  nitrique  par 
son  affinité.  A  cet  effet,  il  se  servait  d'un  appareil  fort  simple  : 
c'était  un  tube  de  verre  d'un  dixième  de  pouce  de  diamètre , 
courbé  à  angle  obtus,  rempli  de  mercure,  et  ayant  ses  deux 
extrémités  ouvertes ,  plongées  dans  deux  verres  également  rem- 
plis de  mercure ,  de  sorte  que  la  courbure  du  tube  était  la  partie 
la  plus  élevée  de  l'appareil.  Il  y  introduisit ,  à  l'aide  d'un  si- 
phon, l'eau  de  chaux  ou  la  lessive  de  potasse  caustique  ainsi 
que  le  mélange  gazeux  qu'il  voulait  électriser.  Ces  expériences 
dont  les  premiers  résultats  avaient  été  communiqués  par  Ca- 
vendish à  la  Société  royale  de  Londres ,  le  2  juin  1785,  furent 
continuées  pendant  trois  années  (1785-1788),  en  variant  les 
proportions  d'azote  et  d'oxygène  nécessaires  pour  former  l'acide 
azotique  sans  résidu  gazeux,  ainsi  que  la  quantité  d'alcali  caus- 
tique nécessaire  pour  se  neutraliser  complètement  par  l'absorp- 
tion de  l'acide  formé,  ce  qui  était  reconnu  au  moyen  de  l'em- 
ploi du  tournesol.  Elles  furent  répétées  à  Paris  par  Monge  et  par 
Lavoisier  avec  le  succès  annoncé  par  leur  auteur.  On  obtint  pour 
résultat  final  que  l'acide  azotique  ou  nitrique  se  compose,  en 
100  parties,  de  92,2  d'oxygène  et  27,8  d'azote.  Ce  résultat  ne 
s'éloigne  pas  sensiblement  de  celui  que  donne  la  décomposition 
de  l'acide  nitrique  par  le  potassium  (73,85  d'oxygène  et  26,15 
d'azote). 

La  belle  découverte  de  Cavendish  jeta  une  vive  lumière  sur 


{i)Philosoph.  Traruact,,  année  1766  et  1767. 
(2)  Voy.  p.  519., 


'-'■-■...-.  *      •■■■;-.,*..■'■  ■.#.    .      .-..•: 


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538  .  HiSTonus  BE  ta  cirJHis.;  -.-/•' 

l'on  des  poinU  les  pins  obscurs  et  jasqu'alen  les  plus  ootitro^ 

versés  delascience:  *  •  .    ♦:     :t   ,  i     ;       • 

>  *       .     -  '_  . 

« 

Analyse  de  f acide  earbànique  p&r  Tènnslit»  'Noos  rappro- 
cherons de  la  découverte  de  Gavendish  la  démonstration  de  là 
composition  de  l'acide  carbonique  par  émiiAiara'Véiàiri««i,  com- 
patriote de  Gavendish.  LavoisSéir  et  d'aûtrësr  k;hitnistes  àvttîent 
préparé  le  gaz  acide  carbohi^ùe  éù  dUâkifbnt  du  carb(^ 
dans  l'oxygène;  ce  n'était  donè'que  t^tbé^quement  que  r^m 
connaissait  la  composition  de  ce  gaz.  TennaÂipâhrint  à  le^fàiire 
connaître  analytiquemént.  ÂcetidRèt,  il  chaûRa,  dans  un  tube  de 
verre,  un  petit  morçeaii  de  phosphore  et  du  ckAonate  éé  chaOK 
en  poudre.  Le  phospWe  se  changea  en  acide  phoeiïfaôrigue  aux 
dépens  de  l'oxygène  de  l'acide  carbonique ,  et  le  carbotié  se^dé- 
posa  dans  le  tube  soùs  forme  d'une  poudre  noire,  lei^  détails  de 
cette  remarquable  analyse  de  l'acide  carbdtiique  fârènt'èofbniU" 
niques  à  la  Société  royale  de  Londres ,  en  mars  1791.  -      • 


.Ingenhousz  (Jean)^  né  à  Bré^a  (Holland^.)  en  1730^  exerçait  la 
médecine  en  Angleterre  tout  en  cultivant  avec  succès.la  chimie 
appliquée  à  la  physiologie.  Apprécié  de  Pringle,  président  de  la 
Société  royale  de  Londres,  il  fut  envoyé  à  Vienne  auprès  de  Marie- 
Thérèse  lorsque  cette  impératrice,  désespérée  d'avoirperdudeux 
de  ses  enfants,  victimes  de  la  petite-vérole,  demandait  à  TAn- 
gieterre  un  médecin  pour  vacciner  les  membres  de  sa  famille. 
Après  avoir  été  comblé  de  faveurs  à  la  cour  de  Vienne ,  où  il 
jouissait  de  Testime particulière  de  Josephll,  il  visita TAUemagne 
et  la  France,  et  vint  mourir  le  7  septembre  i799jàBowood,  à  Tâge 
de  soixante-neuf  ans,  dans  une  maison  de  campagne  appartenant 
au  marquis  de  Lansdown. 

Ingenhousz  fit,  en  1779,  d'accord  avec  Pries tiey,  une  des  plus 
belles  découvertes  des  temps  modernes.  Il  trouva  que  les  végétaux 
dégagent,  sous  l'influence  du  soleil ,  un  air  éminemment  respira- 
ble  (oxygène),,  et  que,  pendant  la  nuit,  ils  dégagent,  au  contraire, 
un  air  irrespirable  (gaz  acide  carbonique).  Il  avait  suivi  ce  phé- 
nomène physiologique  dans  toutes  ses  phases  depuis  le  lever  jus- 
qu'au coucher  du  soleil  :  il  avait  vu  que,  faible  le  matin ,  il  était 
dans  toute  son  intensité  à  midi,  et  celssait  le  soir.  Il  avait  féniarqué 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  539 

aussi  que  le  dégagement  d'air  vital  n'a  pas  lieu  uniforinément  sur 
toute  la  surface  du  végétal,  que  lès  feuilles,  bien  développées, 
sont  de  toutes  les  parties  celles  qui  en  dégagent  le  plus ,  particu- 
lièrement à  leur  face  inférieure.  Enfin,  il  avait  observé  que  la 
quantité  d'oxygène  dégagée  est  plus  grande  par  un  ciel  sans  nuage 
ou  sous  Faction  directe  du  solei(  que  par  un  temps  couvert  ou  à 
Tombrè.  Ces  importants  résultats,  aujourd'hui  acquis  à  la  science, 
ont  été  exposés  dans  un  volume  intitulé^  :  Experiments  upon 
vegetables  discovering  the  great  pawer  of  putifying  the  common 
air  in  sun-shine ,  but  injuring  it  in  the  shade  or  night;  Londres, 
1779,  in-S*.  L'auteur  en  donna  lui-môme  l'année  suivante  une  tra- 
duction française  sous  le  titre  :  Expériences  sur  les  végétaux yQic.\ 
Paris,  1780  in-8®.  Un  point  qui  mérite  encore  d'être  signalé,  c'est 
l'explication  que  l'auteur  donne  du  grand  phénomène  physio- 
logique dont  il  s'agit  ;  il  affirme  que  «  l'air  vital,  ainsi  dégagé 
des  plantes,  n'est  ni  un  produit  nouveau,  ni  un  produit  dé  trans- 
formation d'un  élément  en  un  autre ,  mais  qu'H  provient  sim- 
plement de  l'absorption  de  l'air  ordinaire  par  les  plantes  qui 
s'approprient  le  phlogistique  et  mettent  l'air  vital  en  liberté  ». 
Puis  il  ajoute  :  «Les  plantes,  en  respirant,  font' donc  exacte- 
ment l'inverse  de  ce  que  font  les  animaux.  )>  —  Cette  dernière 
remarque  est  parfaitement  fondée.  Mais  l'explication  qui  l'ac- 
compagne fut  reconnue  inexacte  ;  l'explication  vraie  devait  être 
donnée  par  Senebier. 

lienebier. 

Senebier  {Jean)  y  né  à  Genève,  le  6  mai  1742,  consacra  à  l'é- 
tude des  sciences  naturelles  les  moments  de  loisir  que  lui  lais- 
saient ses  fonctions  de  pasteur.  Auteur  de  VArt  d'observer  et  de 
beaucoup  d'autres  ouvrages,  il  enregistra,  pendant  huit  ans,  une 
série  d'observations  sur  l'état  de  l'atmosphère  pour  la  Société 
météorologique  de  Mannheim  ,  et  fit  des  recherches,  devenues 
classiques,  sur  les  phénomènes  chimiques  de  la  respiration  des 
végétaux  et  des  animaux.  Il  avait  entrepris  de  mettre  au  jour  une 
théorie  des  causes  finales',  lorsqu'il  mourut  dans  sa  ville  natale, 
le  22  juillet  1809,  à  l'âge  de  soixante- sept  ans. 

Senebier  compléta  les  expériences,  d'ingenhousz  en  mon- 
trant que  l'air  déphlogistiqué  (  oxygène  )  dégagé  par  les  végé- 
taux, sous  l'influence  (le  la  lumière  solaire ,  provient  de  la  dé- 
composition de  l'air  fixe  (gaz  acide  Cc^rbonique),  dissous  dans 


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540  HlSTOilE  DE  LA  CRIMIk,  -  -      -    /.  ' 

l'eau  oa  -dans  l'air  atmosphérique ,  et  que  cette  décom|piCNiiti<Hi 
.  s*opère  «  dans  les  vaisseaux  des  plantes  où  l'air  fixe  est  filtré  et 
agité  en  mille  manières,  et  où  il  trouve  des  corps  avides  de 
phlogistique.  s  -*-  On  voit  que,  malgréies  travaux  de  Lavoisier 
qu'il  cite  souvent,  Senebier  croyait  encore  au  phlog^tique. 

Les  expériences,  variées  par  Senebier  avec  beaucoup  d'acides 
et  de  sels  dissous  dans  Peau,  remontent  fc  1783  ;  elles  ont  été  réu- 
nies en  un  volume  et  publiées  sous  le  titre  de  Reekereku  sur 
t  influence  de  ta  lumière  solaire^  pour  méiëMorpkaier  Pedr  fixe  m 
'  air  pur  par  ta  vegAatUm;  Genève,  1783,  in-S*.  —  L'auteur^  qui 
cite  l'abbé  Fontana  et  d'autres  sur  la  même  questic»}  ne  cife 
qu'une  seule  fois  Ingenboosz^  pour  dire,  en  note,  que  ses  ex^ 
périences  sur  les  végétaux  n'établissent  guère  que  ce  qu'avait, 
déjà  dit  Priestley  •  Pour  être  juste,  Senebier  aurait  dû  avouer  que, 
sans  les  recherches  d'IngeiÂousz,  il  n'aurait  peut-être  jamais 
songé  à  faire  les  siennes. 

§4. 

Derniers  adversaires  de  recelé  de  Lavoiaier,  devenus  -  ses 

plus  sélés  propagatenra. 


L,  Sekeele^  iPriestiey^  dont  nous  avons  plus  haUt  ex- 
posé la  vie  et  les  travaux,  ne  voulurent  jamais  se  convertir  aux 
idées  nouvelles,  vraiment  révolutionnaires,  de  Lavoisier.  Sans 
les  combattre  directement,  ils  demeurèrent  fidèles  à  la  théorie 
du  phlogistique,  et  moururent,  comme  on  Ta  dit,  dans  l'impé- 
nitence  finale. 

Malgré  ses  expériences  parfaitement  démonstratives,  Lavoisier 
resta  pendant  bien  des  années  seul  de  son  opinion,  relativement 
à  la  nécessité  d'une  réforme  radicale  de  la  chimie.  Que  les  Al- 
lemands, les  Anglais,  les  Italiens,  les  Espagnols,  que  les  étran- 
gers, en  un  mot,  aient  longtemps  repoussé  une  innovation  fran- 
çaise ,  cela  se  comprend  à  la  rigueur,  par  suite  de  ce  sot  orgueil 
dont  les  nations^  pas  plusqueles  individus,  ne  savent  se  dépouiller 
entièrement.  Mais  que  des  savants  français,  que  les  collègues 
mêmes  de  Lavoisier,  forcés  d'admettre  l'exactitude  de  ses  expé- 
riences et  de  ses  déductions ,  aient  continué  de  croire  à  la  réa- 
lité du  phlogistique ,  voilà  ce  qui  paraît  plus  difficile  à  compren- 
dre 3  cela  ne  s'explique  guère  que  par  Tactionde  ces  rivalités 


TROISIÈME  £POQUS.  54  fl 

jalouses  dout  le  cœur  humain  déborde.  L'un  des  contemporains 
et  collègues  de  Lavoisier  s'en  rendait  compte  à  sa  manière  : 
«  Tout  en  admettant,  dit  Fourcroy,  la  base  de  ses  expériences, 
les  chimistes  qui  en  étaient  témoins  ne  renonçaient  point  ^en- 
core  à  l'existence  du  phlogistique ,  et  la  théorie  qu'ils  suivaient 
dans  leurs  ouvrages  ,  leurs  mémoires  et  leurs  démonstrations , 
n'était  toujours  qu'un  accord  plus  ou  moins  forcé  entre  celle 
de  Stahl  et  l'action  de  l'air.  C'était  pour  les  bons  esprits,  pour 
les  têtes  les  plus  froides  et  les  plus  exercées  à  la  culture  des 
sciences,  une  sorte  de  neutralité  qui  résistait,  non  aux  décou* 
vertes ,  mais  au  renversement  total  de  l'ancien  ordre  d'idées  ;  ce 
parti  sage  attendait,  pour  adopter  un  changement  total,  une  vic- 
toire encore  plus  décisive  sur  la  marche  de  la  natur»(i).  » 

C'était  là  se  payer  de  mots,  comme  on  ne  le  fait  que  trop 
souvent  en  politique.  Résister ,  non  aux  découvertes ,  c'est-à-dire 
au  progrès,  mais  au  renversement  total  de  l'ancien  ordre  d'idées , 
.c'était  là  une  de  ces  phrases  ambiguës,  à  double  sens ,  sous 
lesquelles  le  parti  sage  masque,  ici  comme  ailleurs,  à  la  fois  ses 
haines  et  ses  préférences,  ses  antipathies  et  ses  sympathies. 

CdijtoB  MorTeau,  BerthoUet  et  Fonreroy,    obstinément  ré- 

fractaires  aux  idées  novatrices  de  leur  illustre  collègue,  ne  se 
rendirent  qu'à  la  dernière  extrémité,  vaincus  par  l'évidence,  à 
là  suite  des  travaux  de  Lavoisier  sur  la  décomposition  et  la  re- 
composition de  l'eau,  dont  nous  venons  de  rendre  compte. 

Voyant  le  flot  montant  des  expériences  de  Lavoisier  «  menacer 
d'une  ruine  prochaine  la  plus  belle  partie  de  l'édifice  de  nos 
connaissances  B  (la  théorie  du  phlogistique),  Gutton  Morveau 
entreprit  d'étayer  ce  superbe  édifice  sur  des  raisonnements  qui 
pèchent  par  la  base,  a  L'existence  d'un  fluide  élastique  dé- 
gagéy  dit-il,  de  certains  corps,  ses  propriétés  reconnues  et  déter- 
minées par  les  expériences  de  Black,  Priestley,  Lavoisier,  etc., 
ont  paru  démentir,  les  principes  de  Stahl  sur  quelques  points 
essentiels;  et  ces  contradicions  apparentes  ont  laissé  une  sorte 
d'incertitude  et  de  défiance,  qui  ne  peut  que  nuire  aux  progrès 
de  la  science.  J'ai  pensé,  en  conséquence,  que  ce  serait  rendre 
service  à  la  science,  de  faire  voir  que  la  découverte  de  l'air  fixe 
n'est  qu'un  pas  de  plus  dans  la  carrière  ;  que  les  nouveaux  phé- 
nomènes se  concilient  parfaitement,  soit  avec  la  doctrine  de  Stahl 

(1)  Encyclopédie  méthodique,  article  Chimie,  p.  è91. 


:    -  V 


i^or  la  composition  des  métaux,  soit  avec  la  tbéprie  des  afflaités* 
cfonséqàentes  à'ia  loi  de  l'attraction  (ij.  a  i    r 

Voilà  bien  le  langa(;e  d'un  consef^yateor  just0*milieu,..<pij, 
cherche  à  conciliôr  ce  qui  est  inconciliable  I  En  pi^nanti'âr  flxe^ 
pour  l'air  inflammable,  l'acide  carbonique  pour  l'oxygène»  Mor- 
veau  partait  d'une  erreur  radicale  pour  concilier  la  théorie  de 
Stahl  avec  celle  de  Lavoisier. 

La  grande  pierre  d'achoppement,  c'était  raugm^ntation  da 
poids  des  métaux  par  la  calcination.  Aussi  Bforveau,  et.  ayant  loi, 
Tesei,  ont  voulu  l'un  et  l'autre  expliquer  le  pljiéQoméne  de.cette 
augmentation,  en  privant  le  pjhlogistique  de  toute  pesanteur* 
Yenet  soutenait,  dès  1774,  l'idée  que  la  présence  ou  l'absence  du 
phlogistique  était  |a  cause  du  phénomène  qui  ;dous,  étonne  :  a  I^e 
phlogistique,  disait^il,  ne  pèse  pas  vers  le  centre  de  la  terrej  il 
.  tend  à  s'élever  ;  de  là  l'augmentation  de  poids  dans  les  chaux'mé- 
talliques;  de  là  la  diminution  de  ce  même  poids  dans  leur  rér 
duction.-»  —  Venet  coiximuniqua  son  .idée  .|i  Bayen,,  qui  lî^j.lt 
beaucoup  d'objections;  mais  il  n'en  tint- aucun  compte  (2). 

De  son  côté,  Morveau  persistait,  malgré  ce  qu'on  pouvait.  J^ 
objecter,  à  établir  quç  a  la  présence  ou  l'absence  du  phlo^istii^ae 
^  est  I9.  véritable  cause  de  la  diminution  ou  de  l 'augmentation  .de^ 
corp^  susceptibles  de.se  combiner  avec  lui  u.  Cependant  il  n'hé- 
sita point  à  faire,  pendant  l'hiver  1786,  le  voyage  de  Dijon  à  Pa- 
ris pour  voir  répéter  et  répéter  lui-même  les  expériences  de 
Lavoisier,  surtout  celles  de  la  combustion  du  charbon  dans  l'o- 
xygène, et  pour  discuter  les  preuves  de  la  décomposition  et 
recomposition  de  l'eau.  Il  sortit  de  cette  épreuve  bien  persuadé 
de  l'insuffisance  de  l'hypothèse  du  phlogistique  et  de  la  supé- 
riorité de  la  doctrine  pneumatique. 

Un  des  meilleurs  disciples  de  Lavoisier,  Bertholiet^  n'aban- 
donna entièrement  la  théorie  du  phlogistique  qu'en  j  758.  €e 
fut  le  6  avril  de  la  même  année,  à  la  séance  publique  de  l'Acadé- 
mie, qu'il  exposa  les  motifs  qui  le  forçaient  à  y  renoncer.  <c  Les  ex- 
périences importantes,  dit-il,  par  lesquelles  on  venait  de  déter- 
miner la  nature  de  l'eau,  et  l'application  curieuse  qu'en  avait 
faite  M.  de  la  Place  à  la  production  du  gaz  inflammable  par  la 


(1)  Guyton  Morveau,  Conciliation  des  principes  de  Stahl  avec  les  expériences 
modei^nes  sur  /'air^arc.  Mémoire  inséré  dans  le  Journal  de  physique,  en  mai  1776. 
(2)Bayen,  Opuscules  cJûmiq^es^  t.  I,  p.  251,  en  note. 


THOISIÈMB  ÉPOQUE.  543 

dissolution  des  métaux,  répandaient  un  grand  jour  sur  toute  la 
6bimie;  ce  principe  que  Stahl  avait  ingénieusement  imaginé 
pour  rendre  raison  d'une  grande  partie  des  phénomènes,  et  par 
le  moyen  duquel  on  établissait  réellement  entre  eux  une  liaison 
qui  a  pu  guider  longtemps  les  chimistes  dans  leurs  recherches^ 
le  pblogistique  me  paraissait  enfin  être  devenu  une  hypothèse  inu- 
tile, lorsque  je  crus  devoir  soumettre  à  de  nouvelles  expé- 
riences l'acide  marin  déphlogistiqué  (chlore),  dont  les  proprié- 
tés pourraient  détruire  ou  confirmer  Topinion  que  j'adoptais.  » 

Fonreroy  inclinait  encore  vers  la  théorie  du  pblogistique  dans 
les  deux  premières  éditions  de  ses  Éléments  de  chimie^  parues  en 
1782  et  1786.  Il  lie  se  rendit  à  l'évidence,  ainsi  qu'il  le  déclarait 
lui-même,  qu'après  les  recherches  qu'il  avait  faites  sur  la  déto- 
nation du  nitre,  sur  les  acides,  sur  les  sels  métalliques,  sur 
les  eaux  minérales,  sur  quelques  fluides  élastiques;  et  il  de* 
vint,  à  partir  de  1787,  un  partisan  zélé  de  ce  qu'on  appelait  alors 
la  théorie  pneumatique. 

Chaptai^  qui  professait  jusqu'en  1796  la  chimie  dans  la  nou- 
velle École  de  médecine,  suivit  l'exemple  de  Fourcroy,  de  Ber-. 
thollet  et  de  Morveau. 

Les  physiciens  mettaient  une  insistance  particulière  à  sou- 
tenir ridentité  du  pblogistique  avec  l'hydrogène.  I^a  Mé- 
tkerte^  rédacteur  du  Journal  de  physique,  défendait  cette  thèse 
depuis  1781,  dans  différents  mémoires  ;  à  l'aide  de  quelques 
expériences,  propres  à  faire  illusion,  il  prétendait  que  les 
métaux  contiennent  et  donnent  du  gaz  inflammable  par  Tac- 
tion  du  feu.  Il  regardait  ce  gaz  non-seulement  comme  le  véritable 
pblogistique,  mais,  en  le  considérant  comme  un  des  éléments 
des  métaux,  il  lui  attribuait  leur  combustibilité,  et  allait  jusqu'à 
l'appeler  V huile  des  métaux. 

Les  géomètres  de  l'Académie  des  sciences,  La  Place,  Monge, 
Cousin,  Monnier,  Vandermonde,  furent,  —  il  faut  le  proclamer  en 
leur  honneur,  —  les  premiers  à  défendre  la  théorie  de  Lavoisier 
qu'ils  avaient  en  partie  contribué  à  fonder.. 

Parmi  les  chimistes  étrangers,  conservateurs  des  idées  ancien- 
nes et  hostiles  aux  idées  nouvelles,  nous  nous  bornerons  à  citer 
pour  l'Allemagne,  Gôttling,Hermbstaedt,  Wiegleb,  Karsten,  etc. 
pour  l'Italie  Santi  et  Landriani,  et  pour  l'Angleterre  Black,  Bed- 
does,  Kirwan,  etc. 

Kirwan  {Richard),  né  vers  1750,  en  Irlande,  mort  en  1812, 


f  .  - 


Mi  nSTOOE  0K  Li  CTfWTE, 

esAara  de  ci>iidlier,  sur  une  large  base,  le  srslèiiie  aaeîcB  am 
le  sjfttème  oooreao  dao»  soq  Esmt^ oa  Wlffirf—  aaitf an  tir caas- 
/f/vlto  €faeid$;  VOTé,  ia-8".  Sek»  fan,  Faîr  îtiiatnMaMrestlc 
Trai  pfaiûcpstiqne,  et  peut  en  même  temps  prodnize  Tair  fu. 
L'fnoi  fvr  i^  PAfo^lfiK  e/ MT  la  cMsIîlali^ 
doit  en  fran^is  par  M**  LaToisier,  a^ec  des  noies  de  laminer^ 
Morreao,  Laplaêe,  Mooge,  Berihollet  et  Footrot;  I^ris,  tlW, 
in-fr.  Les  annotateurs  réfatèrent,  chapitre  par  chapitre,  lontcsks 
assertions  de  l'antear ,  et  Kirwan,  complètement  comainra,  adepli 
franchement  la  théorie  de  ses  adTersaires.  Gel  exemple  d'an 
homme  qni  s'aToae  Taîncn  par  ses  antagonistes  est  trop  bean  et 
trop  rare  poar  que  nous  ne  reproduisions  pas  ici  ces  lignes 
adressées  à  Berthollet,  en  janrier  1791  :  c  Je  mets  bas  les.armes, 
écrivit  Kirwan,  et  j'abandonne  le  phlogistiqne.  Je  toîs  clairement 
qu'il  n'y  a  aucune  expérience  avérée  qui  atteste  la  prodoctioa 
de  l'air  fixe  par  l'air  inflammable  pur;  et,  cela  étant,  il  est  im- 
possible de  soutenir  le  système  du  phlogistiqne  dans  les  métaux, 
le  soufre,  etc.  Sans  des  expériences  décisives  nous  ne  pouvons 
soutenir  un  système  contre  des  faits  avérés...  Je  donnerai  moi- 
même  une  réfutation  de  mon  E$sai  sur  le  pklogisiique.  m 

Black  s'honora  lui-même  en  faisant  une  déclaration  analogue 
dans  une  lettre  à  Lavoisier.  a  Vous  avez  été  instruit,  disait-il, 
que  je  cherchais  à  faire  comprendre  dans  mes  cours  à  mes 
élèves  les  principes  et  les  explications  du  nouveau  système  que 
vous  avez  si  heureusement  inventé,  et  que  je  commence  à  leur 
recommander,  comme  plus  simple,  plus  uni,  mieux  soutenu 
par  les  faits  que  Tancien  système.  Et  comment  aurais-je  pu 
faire  autrement?  Les  expériences  nombreuses  que  vous  avez 
faites  en  grand,  et  que  vous  avez  si  bien  imaginées,  ont  été  sui- 
vies avec  un  tel  soin  et  une  attention  si  scrupuleuse  pour  toutes 
les  eirronstances,  que  rien  ne  peut  être  plus  satisfaisant  que  les 
preuves  auxquelles  vous  êtes  parvenu.  Le  système  que  vous  avez 
fondé  sur  les  faits  est  si  intimement  lié  avec  eux,  si  simple  et 
si  intelligible,  qu'il  doit  être  approuvé  de  jour  en  jour  davantage; 
et  il  sera  adopté  par  un  grand  nombre  de  chimistes  qui  ont  été 
longtemps  habitués  à  Tancien  système.  Il  ne  faut  pas  s'attendre 
à  les  convaincre  tous;  vous  savez  très-bien  que  l'habitude  rend 
esclave  Tesprit  de  la  plupart  des  hommes,  et  leur  fait  croire  et 
révérer  les  plus  grandes  absurdités.  Je  dois  vous  avouer  que  j'en 
ai  moi-même  éprouvé  les  effets,  ayant  été  habitué  irente  ans  à 


tROISlisME  ÉPOQUE.  545 

<;roire  et  à  enseigner  la  doctrine  du  phlogislique,  comme  on  l'en- 
tendait avant  la  découverte  de  votre  système.  J'ai  longtemps 
éprouvé  un  grand  éloignement  pour  le  nouveau  système  qui 
présentait  comme  une  absurdité  ce  que  j'avais  regardé  comme 
une  saine  doctrine  ;  cependant  cet  éloignement,  qui  ne  provenait 
que  du  pouvoir  de  Thabitude  seule  y  a  diminué  graduellement, 
vaincu  par  la  clarté  de  vos  démonstrations  et  la  solidité  de  votre 
plan.  Quoiqu'il  y  ait  toujours,  quelques  faits  particuliers  dont 
l'explication  parait  difficile,  je  suis  convaincu  que  votre  doc- 
triiie  est  infiniment  mieux  fondée  que  la  mienne,  et  sous  ce  rap- 
port elles  ne  peuvent  souffrir  de  comparaison.  Mais,  si  le  pouvoir 
de  l^abitude  empêche  quelques-uns  des  anciens  chimistes  d'ap- 
prouver vos  idées,  les  jeunes  ne  seront  pas  influencés  par  le 
même  pouvoir  ;  ils  se  rangeront  universellement  de  votre  côté.  » 
  partir  de  ces  déclarations,  aussi  catégoriques  que  loyales, 
le  nombre  des  phlogisticiens  diminua  rapidement  en  France  et 
à  l'étranger  ;  et  il  n'y  eut  plus  d'obstacle  sérieux,  opposé  à  l'avé- 
nement  de  la  chimie  moderne.  Cet  avènement  de  la  science^  si 
longtemps  retardé  et  préparé  de  si  longue  date,  montre,  une 
fois  de  plus ,  l'erreur  de  ceux  qui  s'imaginent  que  la  vérité  est 
comme  le  soleil,  qu'elle  n'a  qu'à  apparaître  pour  être  aussitôt 
universellement  reconnue.  Pourquoi  n'en  est-il  pas  ainsi  ?  C'est 
parce  que  la  lumière  de  la  vérité  est  d'une  tout  autre  nature  que 
celle  qui  émane  de  notre  astre  central. 

§3. 

HVomenelatitre  chimique* 

Vers  le  milieu  de  l'année  1786,  Guyton-Morveau,  Berthollet  et 
Fourcroy  se  réunirent  à  Lavoisier  pour  se  concerter  ensemble 
sur  un  projet  de  nomenclature,  combiné  avec  le  nouveau  plan 
de  réforme  chimique. 

Un  mot  d'abord  sur  la  vie  et  les  travaux  de  ces  trois  collabo- 
rateurs de  Lavoisier. 

Quyton-lIorTeau. 

,  Destiné  à  la  magistrature  par  son  père,  qui  était  professeur 
en  droit,  le  jeune  Guyton,  né  le  4  janvier  1737  à  Dijon,  obtint 
en  1756,  par  dispense  d'âge,  la  charge  d'avocat  général  au  par- 

niST.   DE  LA   CHIMIE.    —  T.     II.  3â 


H6  BisToiM  ri  u  (minK. 

lemeot  de  Dijon,  n  sot  assez  bien  tonroer  le  nni  comme  le  fé- 
mingoe  son  Rat  ieoHaelatte,  on  le  Jénitte  ènqué,  pofime.héipl- 
comiqae,  qn'i)  fit  paraître  à  vingt-sït  ans  ;  maia  los-flciflfiçes;  prii- 
cipalement  k  chimlej  de«rinreitt' blènÙM  l'objet  de'lôà^  va. 
prMileetions.  Cluncdierde  l'Académie  de  Itijo^'  ilolitint,'  a  , 
1774,  des  États  deBoorgOpie,  la  AmdctlOndecottrstitibUcs^Âé 
ehîmie,  deminér^ogie  et  de  ntatièie  médicale,  et  ouvrit  lai- 
mSme,leSSavrildel'annéestiinnte,le  cours  de  chimie.  Ce  cours 
(toODB.-aù.iaeat^tiaj.ÉléiMiiX*  deekimif  théorique  et  pralique,  ré- 
digéiAmxmit  nouvel  or^e,  ttapt^  le*  découvertes  modernes,  etc., 
3  vol.  in-13;  Dijon,  <TT7,  Danage  qui  fit  peudant  quelque 
.  temps  autorité.  On  y  voit,  entre  aatret,  l'auleur  enseigner  Vunilé 
de  malière:  aCfest  donc,  dit-il,  la  modification  de  la  matière  homo- 
gène qui  constilne  tons  les  dïffSrents  corps,  même  les  éléments; 
et  cette  modificatioD  est  la  densité,  U  porosité,  la  figure,  ii 
'  Pour  se  teoirtoatàflit  an  couraotâelascience,  il  apprit  plu- 
Sieurs  langues  vÎTantes,  et  traduisit  en  français  les  principaux  ou- 
nages  defiergmann,  de  Scheele  et  de  Black,  en  les  accompagnant 
de  notes.  Dès  4773  il  avait  reconnu  le  pouvoir  désinfectant  de 
l'acide  muriatique  ox^né  (chlore),  et  appliqua  sa  découverte 
à  Passainïssement  d'an  cavean  de  la  cathédrale  de  Dijon  et  au 
prisons  de  cette  ville.  A  la  suite'de  quelques  démêlés  qu'il  eùE 
avec  ses  confrères,  il  se  démit,  en  IISS,  de  sa  charge,  et  par- 
tagea son  temps  entre  Dijon  et  Paris  oii  il  se  lia  d'amitié  aïee 
les  principaux  savants,  particulièrement  avec  Lavoisier,  Ayant 
adopté  avec  chaleur  les  principes  de  la  révolution  de  1789,11 
fut  élu,  l'année  suivante,  procureur  syndic  de  son  département, 
et  devint,  en  1791,  député  à  l'Assemblée  législative,  qu'il  présida 
dès  l'année  d'après.  Devenu  membre  de  la  Conveotiou  natio- 
nale, il  vota  avec  les  membres  les  plus  avancés  du  parti  de  la 
Montagne.  Dans  le  procès  de  Louis  XVI,  il  s'opposa  au  renvoi 
du  jugement  aux  assemblées  primaires,  et  intra,  en  1793,  dam 
le  comité  dp  Défense  générale  et  de  Salut  public.  La  tourmente 
politique  ne  le  détourna  pas  de  la  culture  tle  la  science.  S'étant 
intéressé,  dès  l'origine ,  à  l'invention  des  aérostats ,  il  essap 
d'abord  de  les  appliquera  l'extraction  des  eaux  des  mines,  puis 
il  imagina  de  les  employer  à  la  guerre.  Ce  fut  sur  son  rapport 
que  le  gouvernement  décréta  la  formalion  du  corps  des  aeVo.i'(i- 
tiera.  Envoyé,  en  1794,  avec  le  titre  de  commissaire  à  l'armée 
du  Nord,  il  utilisa  tes  ballons  pour  les  reconnaissances  mili- 


'   TROISrÈME  ÉPOOrE.  547 

taires  à  la  bataille  de  Fleurus.  Vers  la  môme  époque,  il  travailla 
ayec  Lavoisier  au  perfectionnement  des  procédés  pour  la  fa- 
brication desr  poudres  et  du  salpêtre.  Après  le  9  thermidor,  Guy- 
ton  fut  l'éélu  membre  du  comité  de  Salut  public,  et  pré- 
senta plusieurs  rapports  relatifs  aux  sciences,  aux  art^  et  à 
l'industrie.  Membre  du  conseil  des  Cinq-Cents,  dont  il  cessa  de 
faire  pa'rtfë  le  20  mai  1797,  il  s'occupa  des  finances  et  de  la  na- 
vigation intérieure,  et  prit  une  part  active  à  la  ctéation .  de 
l'École  polytechnique,  dont  il  devint  professeur  et  directeur. 
Comme  administrateur  des  Monnaies,  de  1800  à  1814,  il  contri- 
bua beaucoup  à  l'établissement  du  nouveau  système  monétaire. 
Membre  de  llnstitut  national  depuis  sa  réorganisation,  il  fut 
créé  baron  de  l'empire;  à  la  Restauration  il  perdit  sa  place  d'ad- 
ministrateur des  Monnaies,  mais  il  en  conservâtes  émoluments. 
Il  s'éteignit,  après  un  affaiblissement  graduel,  le  2  janvier  1816, 
à  l'âge  de  soixante-dix- neuf  ans.  Il  avait  épousé,  en  1798,  M™'  Clau- 
dine Poullet,  veuve  en  premières  noces  de  Pîcardot,  ancien  con- 
seiller à  la  table  de  marbre  de  Dijon.  Cette  dame,  qui  survécut 
à  son  second  mari,  l'avait  aidé  dans  ses  travaux.  C'est  à  elle 
qu'on  doit  la  traduction  des  Mémoires  de  chimie  de  Scheele,  1785, 
et  celle  du  Traité  des  caractères  extérieurs  des  fossiles  de  Wer- 
ner,  1790. 

H.  Davy,  qui  vit  G.-Morveau  à  Paris  en  1813,  en  fait  le  por- 
trait suivant  :  a  Guyton-Morveau  était  très- vieux  quand  je  fis  sa 
connaissance.  Bien  qu'il  eût  été  un  violent  républicain,  il  était 
directeur  de  la  Monnaie  sous  Bonaparte  et  baron  de  l'empire. 
Ses  manières  étaient  douces  et  conciliantes.  Une  preuve  de  son 
caractère,  c'est  qu'ayant  promis  sa  voix  à  quelqu'un  pour  la  place 
de  correspondant  de  l'Institut,  il  tint  sa  promesse,  et  c'est  cette 
seule  voix  qui  m'avait  manqué  pour  réunir  l'unanimité  des  suf- 
frages; ne  m'étant  jamais  mêlé  d'intrigues  de  ce  genre,  j'aurais 
toujours  ignoré  ce  détail,  s'il  ne  m'avait  pas  été  raconté  pkv 
lui-même  un  jour  que  je  dînais  chez  lui  (1).  » 

Les  travaux  de  Guyton  Morveau  sont  très-variés  ;  la  plupart 
sont  anonymes.  Outre  ses  poésies,  ses  plaidoyers,  ses  écrits 
politiques  et  ses  éloges  historiques,  on  a  de  lui  :  Digressions 
académiques,  ou  Essais  sur  quelques  sujets  de  physique,  de  chimie 


(l)Voy.F.Hoefer,  la  Chimie  enseignée  par  la  biographie  de  ses  fondateurs, 
p.  207.  (Paris,  1865.) 

35. 


»  . 


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•  _  -      _  •     . 

S48  HISIOIBS  DE  U  CHIIIII. 

.  et  d^hisioire  naiureUe  ;  Dijon  et  Paris^  1773,  in-lS  ;  —  Défense  4e 
la  voUUilité  du  phlogistique,  on  Lettres  de  Fauteur  deê  pigresHons 
académiques  à  fauteur  du  Journal  de  médecine^  sans  daté  ni 
lieu  (Dijon,  1773),  in-12;  ce  sont  ses  premiers  travaux  scienti- 
fiques. 

Parmi  ses  travaux ,  insérés ,  sous  forme  d'articles  ou  de  mé* 
moires,  dans  la  Collection  académique  de  Difon,  le  Journal 
de  Physique,  les  Annales  de  chimie,  le  Journal  des  mines,. 
et  dans  les  Mémoires  de  f  Institut,  on  remarque  ses  Ei^périences 
sur  la  combustion  du  diamant,  ses  Recherches  sur  les  ciments 
propres  à  bâtir,  ses  Observations  sur  la  théorie  de  la  cristal- 
lisation en  général,  et  de  celle  des  métaux  en  particulier,  oit 
vl'on  trouve  une  indication  précieuse  du  moiré  méiattique; 
ses  Observations  sur  le  dissolvant  naturel  du  quartz,  sur  la  fii- 
sibililé  '  des  terres,  sur  le  spath  pesant  et  la  manière  {d'ob- 
tenir la  baryte  pure,  sur  la  congélation  de  l'acide  sulfurique  con- 
centré, sur  l'acide  succinique,  sur  la  composition  des  $els,  sur 
celle  des  différents  gaz,  sur  les  affinités  chimiques,  sur  la  nature 
de  l'acier,  sur  le  platine,  le  bleu  de  Prusse,  le  caméléon  minerai, 
l'acide  oxalique.  Ses  procédés  de  désinfection,  qui  l'ont  bit 
mettre  au  rang  des  bienfaiteurs  de  l'humanité,  se  trouvent  dé- 
crits dans  son  Traité  des  moyens  de  désinfecter  l'air,  <f^ 
viter  la  contagion  ou  ^en  arrêter  les  effets;  Paris,  1801,  in-8®; 
3*  édit.,  1805,  avec  des  planches  donnant  la  description  des 
appareils  permanents  de  désinfection. 

Son  Rapport  sur  la  restauration  du  tableau  de  Raphaël  connu 
sons  le  nom  de  la  Vierge  de  Raphaël  (présenté  à  l'Académie  avec 
Vincent,  Tannay  et  BerthoUet)  est  d'un  grand  intérêt  pour  les 
peintres.  On  y  trouve  clairement  exposées  les  causes  de  l'allé- 
ration  des  couleurs  dans  la  plupart  des  tableaux  modernes ,  une 
analyse  de  ces  couleurs,  et  l'indication  des  moyens  d'en  prévenir 
l'altération. 

Guyton  proposa  le  premier  un  langage  nouveau,  sorte  d'al- 
gèbre, à  l'usage  des  chimistes,  dans  son  Mémoire  sur  les  dé- 
nominations  chimiques,  la  nécessité  d*en  perfectionner  le  système, 
les  règles  pour  y  parvenir,  suivi  d'vn  tableau  d'une  nomenclature 
chimique  ;  D'ijon,  1782,  in-8°. 


THOlSlfcMK  ÉPOQUE.  549 


Bertliollet. 


Né  à  Tailloire  près  d'Annecy  (Savoie),  le  9  novembre  1748, 
BertboIIet  (Claude-Louis)  fit  ses  humanités  au  collège  de  Gham- 
béry,  et  étudia  la  médecine  à  l'université  de  Turin  où  il  obtint 
en  1768  le  grade  de  docteur.  Quatre  ans  après,  il  vint  à  Paris  ' 
pour  se  perfectionner  dans  ses  études,  et  fut  admis  aux  confé- 
rences de  Lavoisier  dont  il  reçut  plus  d'un  conseil  utile.  Élu 
membre  de  l'Académie  des  sciences  le  15  avril  1780,  à  laî  place 
de  Bucquet,  il  succéda  en  1784,  à  Macquer  comme  directeur 
des  Gobelins.  En  appliquant  le  premier  le  chlore  au  blanchi- 
ment des  toiles,  BerthoUet  rendit  à  l'industrie  un  service  signalé. 
Plus  expéditif,  plus  efficace  et  surtout  moins  cher  que  les  ancien- 
nes méthodes,  le  procédé  de  BerthoUet  fut  bientôt  introduit  dans^ 
toutes  les  manufactures  de  l'Europe.  Ce  savant  désintéressé  ne 
voulut  accepter  des  manufacturiers  qu'il  avait  enrichis  qu'un 
ballot  de  toiles  blanchies  par  son  procédé. 

En  1794,  BerthoUet  fut  chargé  d'enseigner  la  chimie  à  l'école 
normale.  Mais  il  n'eut  pas,  comme  professeur,  le  succès  espéré. 
«  Le  respect^  dit  Guvier,  que  l'on  portait  à  la  profondeur  de  son 
génie  ne  put  faire  illusion  sur  l'obscurité  et  le  peu  d'ordre  de 
'ses  expositions.  On  aurait  dit  que,  toujours  maître  de  sa  matière, 
pouvant  la  prendre  à  volonté  par  tous  ses  points,  il  supposait 
dans  ses  auditeurs  la  même  capacité;  et  c'est  toujours  de  la  sup- 
position contraire  qu'un  professeur  doit  partir  (1).  » 

En  1796,  BerthoUet,  associé  à  Monge,  fut  envoyé  en  Italie  par 
le  gouvernement  pour  faire  transporter  en  France  les  chefs- 
d'œuvre  des  arts  que  la  victoire  avait  livrés  aux  Français.  Cette 
mission  très-délicate  fut  remplie  avec  habileté.  Après  le  traité 
de  Campo-Formio,  le  vainqueur  de  l'Italie,  de  retour  à  Paris,  de- 
vint le  disciple  de  BerthoUet,  et  reçut  à  TÉcole  polytechnique  les 
leçons  de  l'illustre  chimiste  :  le  génie  de  la  guerre  s  inclinait 
devant  la  sience.  Vers  cette  époque  fut  conçue  et  préparée 
la  mémorable  expédition  d'Egypte ,  à  laquelle  étaient  associés 
BerthoUet  et  Monge,  membres  fondateurs  de  l'Institut  d'Egypte. 
BerthoUet  montra  beaucoup  de  sang-froid  au  milieu  des  périls 
qui  l'entouraient.  Ainsi,  à  la  bataille  de  Chébréis,  au  moment  où  il 

^     (1)  Cuvier,  Éloge  de  Berihollet. 


550  HISTOIRE  DE   LA    CHIMIE. 

remontait  le  Nil,  il  était  exposé  au  feu  de  rennemi  pendant  toute 
la  durée  de  la  navigation.  Comme  on  lui  voyait  les  poches 
pleines  de  pierres,  et  qu'on  lui  en  démandait  la  cause  :  ce  C'est 
afin,  disait-il,  que  je  reste  au  fond  de  Teau,  si  je  suis  tué.  »  A  la 
révolte  du  Caire,  l'Institut,  assiégé  par  des  bandes  nombreuses, 
fut  sauvé,  en  partie,  par  la  fermeté  de  Berthollet  ;  les  livres,  les 
instruments,  etc.,  demeurèrent  intacts  jusqu'à  l'arrivée  du  gé- 
néral qui  fit  cesser  le  danger.  Pendant  que  la  commission 
scientifique  se  dirigeait  vers  la  haute  Egypte,  le  général  Bona- 
parte fit  voile  pour  la  France,  emmeiiant  avec  lui  les  deux  sa- 
vants dont  il  ne  pouvait  se  séparer.  Rendu  à  rihslitut  de  France, 
Berthollet  reprit  le  cours  de  ses  travaux.  Rétiré  à  sa  maison  de 
campagne  d'Arcueil,  il  partageait  son  temps  entre  son  labora- 
toire, sa  bibliothèque  et  une  serre,  qui  lui  senait  de  salon,  où  il 

• 

aimait  à  recevoir  ses  amis.  Plein  de  goût  pour  les  beaux-arts,  il 
avait  fait  décorer  son  cabinet  à  l'égyptienne,  et  peindre  au  pla- 
fond le  zodiaque  de  Denderah.  Les  savants  les  plus  célèbres 
d'alors  venaient  le  visiter  dans  cette  agréable  retraite;  Davy  et 
Wollaston  étaient  de  ce  nombre.  Le  premier  de  ces  visiteurs  a 
tracé  de  Berthollet  le  curieux  portrait  que  voici  :  «  Berthollet 
était  un  homme  très-aimable.  Ami  de  Napoléon,  il  était  bon, 
conciliant,  modeste  et  franc.  Son  caractère  n*avait  rien  de  hau- 
tain; inférieur  à  Laplace  comme  puissance  intellectuelle,  il  lui 
était  supérieur  par  ses  qualités  morales.  Berthollet  n'avait  au- 
cune apparence  d'un  homme  de  génie;  mais  on  ne  pouvait  pas 
regarder  la  physionomie  de  Laplace  sans  se  persuader  que  c'é- 
tait un  homme  réellement  extraordinaire  (l).» 

Le  général  Bonaparte,  devenu  Napoléon  P^  n'oublia  pas  son 
ami  le  chimiste.  Berthollet  fut  nommé  sénateur  titulaire  de  lasé- 
natorerie  de  Montpellier  et  créé  comte  de  l'Empire.  Il  n'employa 
ces  faveurs  de  la  fortune,  ce  qui  fait  son  éloge,  qu'au  progrès  de 
la  science.  Il  fonda  la  Société  d'Arcueil  qui  publia  un  recueil  de 
mémoires  physiques  et  chimiques,  que  l'on  peut  consulter  en- 
core aujourd'hui  avec  profit.  Thenard,  Gay-Lussac  et  Hum- 
boldt,  etc.,  y  firent  paraître  leurs  premiers  travaux  scientifiques. 

A  la  Restauration,  Berthollet  accepta  l'un  des  premiers  la  pai- 
rie. Le  Mémorial  de  Sainte-Hélène  contient  à  ce  sujet  des  ren- 


(1)  Voy.  Davy,  dans  la  Chimie  enseignée  par  la  biographie  de  ses  fon- 
dateurs, p.  208.  Paris  (Hachette),  1865. 


t  ■ 


TROISIÈME  ÉPOQUE,  551 


seignements.  fort  curieux  :  «Lors  des  désastres,  y,  est-il  dit, 
Berthollet  avait  été  très-mal  pour  Terapereur,  qui  en  fut  vrai- 
ment affecté,  répétant  plusieurs  fois  :  «  Quoi  i  Berthollet  !  mon 
ami  Berthollet!...  sur  lequel  j'aurais  dû  tant  compter!»  — 
Au  retour  de  l'île  d'Elbe,  Berthollet  se  hasarda  à  reparaître  aux 
Tuileries^  faisant  dire  par  Monge  à  l'empereur  que,  s'il  n'en  ob- 
tenait pas  un  regard,  il  se  tuerait  à  la  porte  en  sort^mt.  Et  l'empe- 
reur ne  crut  pas  pouvoir  lui  refuser  un  sourire  en  passant  devant 
lui.  »  —  Que  les  savants,  dignes  de  ce  nom,  apprennent  par  cet 
exemple  que  leur  place  n'est  point  ,dans  les  antichambres  des 
puissants  du  jour. 

Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  Berthollet  eut  de  fré- 
quentes atteintes  de  goutte.  Il  les  combattait  par  la  sobriété  et 
l'exercice  :  il  faisait  très-souvent  à  pied  le  trajet  de  Paris  à  Ar- 
cueil.  Il  souffrait  depuis  plusieurs  jours  d'un  anthrax,  quand 
la  violence  de  la  douleur  le  força  à  recourir  à  une  consultation  : 
il  était  trop  tard  ;  il  mourut  à  Arcueil ,  le  6  décembre  1822,  à 
l'âge  de  soixante-quatorze  ans. 

Tr»T»ux  de  Bertliellet. 

Ce  fut  à  l'âge  de  vingt-huit  ans  que  Berthollet  débuta  dans  la 
carrière  chimique  par  un  mémoire  Sur  la  crème  de  tartre^  inséré 
dans  le  Journal  de  Physique  (février  1776).  L'analyse  qu'il  donna 
de  ce  sel  était  aussi  complète  qu'elle  pouvait  l'être.  Il  sé- 
para l'acide  tartrique  (alors  appelé  acide  tartareux)  par  l'acide 
nitrique,  et  la  potasse  par  la  chaux  ou  par  la  magnésie.  Quel- 
ques mois  après  il  publia  des  Observations  sur  l'air,  brochure 
de  58 pages  in-12 (imprimée  en  1776,  chez Didot  jeune), devenue 
rarissime.  Il  y  traite  particulièrement  de  l'air  fixe  (gaz  acide  car- 
bonique) qu'il  regarde  comme  l'un  des  principaux  éléments  de 
l'engrais,  et  comme  jouant,  en  général,  un  très-grand  rôle  dans 
la  nature.  C'est  pourquoi  il  voulait  lui  donner  le  nom  d'acide 
universel,  et  cherchait  à  concilier  l'existence  de  cet  acide  avec 
celle  du  phlogistique. 

Dans  le  môme  travail,  l'auteur  fait  intervenir  l'action  de  l'affi- 
nité dans  la  double  composition  des  sels,  et  il  laisse  déjà  entre- 
voir ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  depuis  la  loi  de  Berthollet,  et 
qu'on  peut  énoncer  en  ces  termes  :  «Si  deux  sels  quelconques,  A 


552-  HISTOIRE  DE  LA  CHIMIE.' 

et  B,  dissous  dans  Peau,  sont  mêlés  ensemble  et  que,  par  leur 
l'éaction,  il  puisse  se  former  dans  la  liqueur  un  sel  soluble  et  un 
sel  insoluble,  ou  deux  sels  insolubles,  les  mêmes  sels,  Â  et  B,  se' 
décomposeront  toujours,  c'est-à-dire  que  Tacide  de  Tun  s'em- 
parera de  la  base  de  l'autre,  et  réciproquement,  à  moins  qu'il 
ne  puisse  se  former  un  sel  double  soluble,  ce  qui  arrive  rare- 
ment (i).  »  —  C'est  là,  notons-le  en  passant,  moins  une  loi  que 
l'expression  d'un  fait  général,  qui  souffre  quelques  exceptions. 

La  découverte  de  la  composition  de  talcali  volafil,  si  impor- 
tante pour  la  chimie,  tant  théorique  que  pratique,  était  loin  d'être 
appréciée  à  sa  véritable  valeur  à  l'époque  où  elle  se  produisit  ;  elle 
passa  presque  inaperçue  pour  la  plupart  des  chimistes  contem- 
porains; Fourcroy  lui  consacra  à  peine  quelques  lignes  à  l'article, 
d'ailleurs  si  étendu,  de  Chimie  deV  Encyclopédie  méthodique.  On  se 
rappelle  que  Priestley,  en  foudroyant  le  gaz  alcali  volatil  (ammo- 
niaque )  par  des  étincelles  électriques,  avait  obtenu  un  gaz  in- 
flammable et  non  absorbable  par  l'eau  :  c'était  l'hydrogène.  Ber- 
thoUet  répéta  la  même  expérience,  en  la  variant,  et  constata  que 
l'autre  gaz,  avec  lequel  l'hydrogène  se  trouvait  combiné  pour 
former  l'alcali  volatil,  était  l'azote.  Il  fît  usage,  pour  cette  analyse, 
de  l'eudiomèlre  de  Volta,  et  constata  que  i,000  parties  d'ammo- 
niaque en  poids  se  composent  d'environ  807  d'azote  et  de  193 
d'hydrogène.  Les  détails  relatifs  à  cette  découverte,  dont  l'ori- 
gine remonte  à  1784,  ont  été  consignés  dans  V Analyse  de  Val- 
mli  volatil,  mémoire  communiqué  par  Berlhollet  en  1785,  et 
imprimé  en  1788  dans  le  recueil  des  Mémoires  de  l'Académie  des 
sciences,  p.  306. 

Le  travail  de  Berthollet  Sur  la  nature  de  l^ acide  sulfureux j 
paru  en  1789,  est  pour  ainsi  dire  une  rectification  des  mémoires 
qu'il  avait  publiés,  ea  1782,  sur  le  même  sujet.  A  cette  époque,  il 
soutenait  encore  que  la  formation  des  acides  en  général  était  le  ré- 
sultat d'un  effet  combiné  de  dégagement  de  phlogistique  et  de  fixa- 
tion d'air  vital,  et  il  regardait  l'acide  sulfureux  comme  un  corps 
qui  contient  moins  d'air  vital  que  l'acide  sulfurique  et  moins  de 
phlogistique  que  le  soufre.  Sept  ans  plus  tard,  cette  manière 
de  voir  était  complètement  changée  :  s'étant  rallié  aux  idées  de 
Lavoisier,  il  montra  que  l'acide  sulfureux  étaitde  l'acide  sulfuri- 

(1)  Vo>.  liecherches  sur  les  lois  de  Vafflmté^    dans  les  Mém.  de  PinsUlut 
fsection  malliémalique  et  physique).  I.   ÏIl,  année  1801,  et  t.  VIÏ,  année  1806. 


TR0IS1£M£  ÉPOQUE.  553 

que  surchargé  de  soufre,  ou,  ce  qui  revient  au  même,. privé  d'une 
partie  de  son  oxygène,  et  que  réciproquement  Tacide  sulfureux 
pouvait  prendre  les  propriétés  de  l'acide  sulfnrique,  ou  par  une 
diminution  du  soufre,  ou  par  une  augmentation  de  Toxygène.  li 
n^entra  pas  dans  le  détail  des  proportions. 

Le  15  décembre  1787,  Berlhollet  communiqua  à  l'Académie 
des  sciences  un  mémoire  remarquable  Sur  la  nature  de  l'acide 
prus»ique  et  de  ses  sels.  Par  une  suite  d'observations  habilement 
déduites,  il  arriva  à  conclure  que  si  Tacide  prussique  ne  con- 
tient pas  Tammoniaqué  toute  formée,  il  en  renferme  au  moins 
les  éléments,  l'hydrogène  et  l'azote,  combiné  avec  du  carbone» 
dans  des  proportions  qu'il  n'avait  pu  déterminer.  Il  semblait  en- 
trevoir l'existence  du  radical  qui  reçut  plus  tard  le  nom  de 
cyanogène.  La  théorie  de  Berthollet  fut  confirmée  par  Clouet, 
qui  parvint  à  former  de  l'acide  prussique  en  faisant  passer  du  gaz 
ammoniacal  à  travers  un  tube  de  porcelaine  chauHé  au  rouge, 
contenant  du  charbon. 

En  1788  il  lut  à  l'Académie  une  série  d'observations ,  aussi 
neuves  qu'intéressantes ,  sur  la  Combinaison  des  oxydes  métalli- 
ques avec  les  alcalis  et  la  chaux .  L'auteur  avait  pour  but  d'établir 
a  que  si  les  métaux  oxydés  se  comportent  comme  des  alcalis 
avec  les  acides,  ils  agissent  à  leur  tour  comme  des  acides 
avec  les  alcalis  »  ;  et  partant  de  là  il  considérait  les  oxydes  mé- 
talliques comme  un  terme  intermédiaire  entre  deux  progres- 
sions opposées.  C'est  en  multipliant  les  faits  à  l'appui  de  cette 
manière  de  voir  qu'il  parvint  à  découvrir  Vargent  fulminant.  Il 
l'avait  obtenu,  sous  forme  d'une  poudre  brunâtre,  en  traitant  le 
nitrate  d'argent  par  l'eau  de  chaux  pure,  reprenant  le  préci- 
pité par  l'ammoniaque  qui  le  dissout,  et  le  desséchant  sur  du 
papier. 

Dans  la  môme  année,  Berthollet  découvrit  V acide  chlorique 
(  appelé  alors  acide  muriatique  suroxygéné  ),  à  l'état  de  combi- 
naison avec  la  potasse.  Il  trouva  que  par  l'action  du  feu  ce  sel 
(chlorate  ou  muriate  suroxygéné  de  potasse )  donne  de  l'oxy- 
gène pur,  ce  qui  permit  d'étudier  ce  gaz  mieux  que  par  l'emploi 
de  tout  autre  mode  de  préparation.  Il  remarqua  en  même  temps 
la  propriété  explosible  du  chlorate  de  potasse,  et  proposa  de  l'em- 
ployer au  perfectionnement  de  la  poudre  à  canon.  Cette  proposi- 
tion amena  un  essai  officiel  à  la  fabrique  royale  des  poudres 
d'Essone,  le  28  octobre  1788.  Cet  essai  coûta  la  vie  à  deux  per- 


»'■     »■ 


»t        .   ,         ..i™«o,«„.i«-..  ■• 

sonoes;  Lavoisier,  BertbpUet  et  Ghevraud^  comfnisjMiire  royal» 
faillireat  ea  être  le»  Tictioie$  (1). 
C'est  de  1789  que  date  anssi  une  révolutioii' industrielle  :  le 

(1)  Les  détails  de  cet  aodde&t  ont  été  raoootés  par  te  JawrptQi  de.  Pgri^ea 
date  .du  vendredi,  31  octobre  17S8.  En  ToicI  les  principaux  extraits  s^k.  tes  ré- 
gisseurs dés  poudres  ayant  appris  que  M.  BerdioUet  «Tait  découvert  làie  ma^* 
tière  très-propre  à  Abriquer  di  la  ptiodre,  bèanoetip  plos  forte  ^e'ia -pondis 
royale  mtee,  qid  est  la  meiDeliieoNunie,  ont  cht  <iii^  était  de  leur  detoir  da 
ftjre  une  épreuve  de  cette  Imbrication,  quoique. ce  soit  un  proUème assez ^^Hffloile 
à  résoudre,  de  saroir  si  les  décourertes  ^  ce  genre  sont  j^  arantageus^.  i^iie 
nuisibles  à  l'humanité...  On  procéda  à  fépreuve  le  i7  octobrf^à  6  heures'  du 
matin  :  16  livifes  de  matière  (ddorate  de  potasse)  forent  pesées  serapalettse^ 
ment  au  dosage  oon?enii,et  le  eharbon  ftitmonÎBé  par  précaution  ;oii  écND- 
nMBça  à  battre  à  7Jbeures  pfécises;  on  ne  tarda  pu.às'aperoevoîr  que  la  matièfo, 
qudque  médiocrement  bumectée,  se  pdotonnait  dans  le  matU/Bt  et  qn'^^  se 
retournait  mal  sous  le  jiilon  ;  M.  Ii^rs  (Pun  des  régisseurs  désigoés  pour  cons- 
tater les  effets  de  Pexpériénce)  essaya  de  la  faire  retomber  avec  un  bAton  ;  mais 
cet  eipédient  noyant  pas  léossl  complètement,  on  réselat'de  porter  la  oomposi- 
tionà  20  livres  au  lieu  de  16,  et  te  nouveau  chaibon  fot  encore  mouillé  anwtf 
d'être  employé*  Comme,  malgré  l'additii»!  de  la  matière,  die  ne  se  r;rtounttit 
pas  beaucoup  mieux,  M.  Letors,  emporté  par  son  zè|ie,  çmitinua  à  la, faire.. re- 
tomber à  -chaque  coup  de  pflon  avec  son  espèce  de  spatule  en  bois,  pensiuidé 
que,  la  pondre  n*étant  pas  encore  fort  avancée,  il  n'y  avait  aucun  danger;  il 
était  alors  entouré  de  M.  et  de  M"*  Lavolsier,  de  M.  Barthollet  et  de  M. -de 
CSievraud,  commiasaire  ;  de  M.  MaUet»  élève,  et  du  sieur  Aldin,  maître  poudiieri 
et  plaisantait  avec  sécurité  sur  les  effets  que  produirait  une  explosion  en  plein 
air.  A  8  heures  un  quart  on  suspendit  le  battage  pour  faire  un  rechange  com- 
plet, et  on  trouva  la  poudre  plus  avancée  qu'on  ne  s'y  attendait.  Alors  M.  Lavoi- 
sier  insista  pour  que  son  confrère  cessât  de  la  remuer  avec  un  bâton  durant  le 
battage  et  demanda  que  tout  le  monde  se  retirât  derrière  Testacade,  tandis  que 
la  machine  jouerait,  sauf  à  revenir  remuer,  lorsque  le  pilon  serait  arrêté,  ce  qui 
fut  convenu.  Après  quoi  on  descendit  pour  prendre  quelque  repos  et  déjeuner/ en 
laissant  l'élève  et  le  maître  poudrier  pour  continuer...  Au  bout  d'un  quart  d'heure 
on  s'achemina  pour  retourner  à  l'appareil.  M.  Letors,  toujours  actif,  devança  les 
autres  de  quelques  instants,  et  fut  suivi  de  près  par  l'une  des  demoiselles  Che- 
vraud,  qui  était  accoutumée  à  des  opérations  des  arts  qu'elle  entendait  très-bien. 
M.  Berthollet,  qui  n'avait  jamais  vu  de  mortier  à  poudre,  entra  avec  Mme  et 
M.  Lavoisier  et  le  commissaire  dans  une  batterie  en  activité  ;  il  n'y  resta  que 
peu  d'instants,  et  on  se  remit  en  chemin  pour  se  rendre  à  l'épreuve;  il  était  alors 
8  heures  45  minutes.  A  peine  avait-on  fait  quelques  pas,  qu'une  forte  explosion 
se  fit  entendre  et  qu'une  épaisse  fumée  s'éleva  du  lieu.de  l'épreuve.  On  y  courut 
et  on  trouva  toute  la  machine  en  pièces ,  le  mortier  en  éclats,  le  pilon  lancé  au 
loin,  le  malheureux  M.  Letors  et  Miie  de  Chevraud  jetés  l'un  et  l'autre  à  30 
pieds  de  distance,  et  fracassés  contre  un  mur  de  meulières  :  le  premier  avait 
une  jambe  emportée,  le  poignet  droit  cassé,  une  cuisse  brisée,  un  œil  crevé,  la 
peau  du  crâne  enlevée  ;  il  n'a  survécu  que  peu  d'instants  à  tant  de  blessures. 
M^^^  dç  Chevraud,  mutilée  aussi,  était  expirée  avant  lui.  L'assemblage  des  plan- 


TROISIEME  ÉPOQUE.  555 

•      » 

blanchiment  des  étoffes  par  remploi  du  chlore ,  alors  appelé 
acide  muriatique  oxygéné*  Berthollet  donna  la  description  de 
son  nouvel  art  dans  les  Ârmales  de  chimie. 

Lés  Éléments  de  l'art  de  la  teinture  (2  vol.  in-8®,  1791  )  ont 
beaucoup  contribué  au  progrès  de  l'industrie.  Cet  ouvrage  est 
divisé  en  deux  parties  :  dans  la  première,  l'auteur  expose  les 
principes  servant  de  base  à  l'explication  des  phénomènes  sur 
lesquels  repose  l'art  du  teinturier;  la  seconde  partie  est  exclusi- 
vement consacrée  aux  procédés  de  l'art  pratique. 

Ij  Essai  de  statique  chimique  (2  vol.  in-8®,  1803),  qui  seul  suf- 
firait pour  faire  la  réputation  d'un  savant,  a  probablement  pour 
origine  le  cours  de  chimie  que  Berthollet  avait  été  chargé  de 
faire  à  l'école  normale,  lors  de  la  création  de  cet  établissement 
par  la  Convention  nationale.  Onze  de  ses  leçons  ont  été  impri- 
mées dans  le  Journal  de  l'École  normale. 

Feiircroy, 

Fourcroy  (Antoine-François),  de  douze  ans  plus  jeune  que 
La^oisier,  fils  d'un  pharmacien,  naquit  à  Paris,  le  15  jan- 
vier 1755.  Après  avoir  fait  ses  études  au  collège  d'Harcourt, 
il  se  passionna  pour  la  musique  et  la  poésie,  composa <  quelques 
pièces  de  théâtre,  et  eut  un  moment  l'idée  de  se  faire  comédien  ; 
le  mauvais  succès  d'un  de  ses  amis  l'y  fit  renoncer.  Sur  le  conseil 
de  Vicq-d'Azir,  ami  de  son  père,  il  se  décida  à  se  faire  médecin, 
et  fut  reçu  docteur  en  1780.  Quatre  ans  après,  il  obtint,  par  la 
protection  de  Buffon,  la  chaire  de  chimie  au  jardin  du  Roi,  en 
remplacement  de  Macquer  :  il  avait  eu  pour  compétiteur  Ber- 
thollet, moins  protégé  que  lui.  Dès  1782,  Fourcroy  était  admis 
aux  réunions  des  savants  que  Lavoisier  recevait  chez  lui  et  parmi 
lesquels  on  remarquait  Condorcel,  Monge,  Berthollet,  Vicq- 
d^Azyr,  Vandermonde,  Baume,  etc.  Bientôt  la  révolution  lui 
ouvrit  un  nouveau  champ  d'activité.  Faisant  partie  du  Comité 


ches,  derrière  lequel  étaient  les  ouvriers,  avait  résisté;  ils  avaient  éprouvé  une 
vire  commotion,  mais  sans  aucune  blessure.  L'élève  et  le  maître  poudrier,  qui 
avaient  été  relevés  de  leur  poste  par  M.  Letors,  s'étaient  retirés  un  instant  a\^nt 
^  pour  aller  prendre  quelque  nourriture.  » 

Ce  récit  émouvant  avait  été  évidemment  communiqué  au  Journal  de  Paris 
par  un  témoin  oculaire,  peut-être  par  Lavoisier  ou  par  Berthollet  lui-même. 


A 


I 

t 


586  HisrroiBB  de  là  guimie.  . 

des  électeurs,  il  fût  élu/ en  1792,  député  suppléant  de  Paris 'S  la 
Convention  nationale,  et  devint,  dès  l'wnée  suivante,  l'un  des 
membres  les  plus  influents  du  Comité  de  l'iùstrùction  publique. 
II  usa  de  son  influence  pour  arracher  des  prison^  révofution- 
naires  le  chirurgien  Desault,  mais  il  ne  fit  rien  pour  sauver  Lavoi* 
sier,  comme  nous  l'avons  fait  ressortir  plus  haut.  Au  9  thermi- 
dor, il  fut  appelé  au  Comité  de  salut  public.  Il  contribua  à  Tôr- 
gani^tion  de  l'École  polytechnique,  alors  l'École  des  travaux 
publics,  fit  créer  trois  écoles  de  médecine  et  donna  le  plan  de 
l'École  normale.  Après  le  18  brumaire,  il  fut  nommé  directeur 
général  de  l'instruction  publique,  et  rendit  des  services  dans  la 
formation  des  lycées.  Lors  de  la  création  de  TuDiversité  impé- 
riale, il  espérait  en  devenir  grand-mattre,  quand  il  apprit  que 
Fontanes  lui  était  préféré.  Ce  fût  un  coup  terrible  porté  &  Four- 
croy,  qui  se  vantait  d'être  non  ambiiieux.  Sa  gaieté  naturelle  l'a- 
bandonna, et  il  disait  aux  amis  qui  cherchaient  à  le  consoler  : 
a  Ce  coup  me  tuera;  une  griffe  de  fer  me  déchire  le  cœur.  »  En- 
fin, le  6  décembre  1809,  le  jour  même  où  Napoléon,  pour  lui 
Cure  oublier  une  préférence  péniblc-signait  les  lettres  patentes 
qui  le  nommaient  comte  de  l'empire  avec  une  dotation  sénato- 
riale deM),000  fr.de  rente,  il  s'écria  tout  à  coup  :  «Jesuismort.» 
. .  Ce  furent  ses  dernières  paroles  :  il  expira  au  milieu  d'une  fête 
de  famille,  à  l'âge  de  cinquante-quatre  ans. 

TraYanx  de  Fonrcroy. 

Fourcroy  débuta,  à  vingt-deux  ans,  par  un  mémoire  lu  à 
TAcadémie  des  sciences,  en  décembre  1777,  Sur  la  différence 
des  précipités  martiaux,  obtenus  par  les  alcalis  caustiques.  Dans 
un  second  mémoire,  lu  en  janvier  1778,  il  étendit  son  travail 
aux  précipités  de  chaux,  obtenus  en  traitant  les  sels  calcaires 
par  des  alcalis.  On  n'y  voit  aucun  fait  nouveau.  Plus  tard  il  s'at- 
tacha à  Tétude  de  la  chimie  organique,  particulièrement  de  la 
chimie  animale.  Mais  ses  analyses  du  quinquina,  du  gras  de 
cadavre^  du  lait  de  vache,  du  foie  humain,  des  calculs  biliai- 
res, etc.,  n'offrent  qu'un  intérêt  historique  :  l'auteur  avait  abordé 
des  problèmes  pour  la  solution  desquels  les  éléments  nécessaires 
restaient  encore  à  découvrir;  ses  erreurs  n'étaient  donc  que  des 
péchés  d'omission. 


TROISIEME  EPOOUE.  557 

Fpurcroy  eut  le  mérite  incontestable  d'avoir,  par  ses  ouvrages 
et  par  son  enseignement,  contribué. plus  qu'aucun  autre  de  ses 
collègues  à  populariser  la  chimie.  Parmi  ses  ouvrages  nous  ci- 
terons :  Système  des  connaissances  chimiques  et  de  leur  application 
aux  phénomènes  de  la  nature  et  de  l'art,  iSOi,  6  vol.  in-4%  ou 
11  vol.  in-8®  :  c'est  le  développement  de  ses  Leçons  d'histoire 
naturelle  et  de  chimie,  parues  en  178i ,  2  vol.  in-8*^;  — Philosophie 
chimique;  1792^  in-S"  ;  —  Tableaux  synoptiques  de  chimie  ^  atlas 
in-folio,  1805.  Son  article  Chimie,  de  l'Encyclopédie  méthodique, 
est  fort  important  pour  l'histoire  de  la  chimie  au  dix-huitième 
siècle. 

Gomme  professeur,  Fourcroy  était  sans  rival.  «Il  était  né,  dit 
M.  Pariset,  pour  le  talent  de  la  parole^  et,  ce  talent,  il  l'a  porté  au 
plui^  haut  degré  :  ordre ,  clarté ,  expression ,  il  avait  toutes  les 
qualités  d'un  orateur  consommé  ;  ses  leçons  tenaient  de  l'enchan- 
tement A  peine  avait-il  ouvert  la  bouche  que  le  cœur  était  saisi  par 
les  sens  et  l'esprit  captivé  par  l'attente.  Les  phénomènes  les  plus 
subtils,  les  théories  les  plus  abstraites,  prenaient,  à  mesure 
qu'il  parlait,  une  évidence  et  une  simplicité  qui  jetaient  dans  la 
surprise  et  le  ravissement.  Son  élocution  vive,  facile,  variée, 
élégante  et  pourtant  familière ,  semblait  se  jouer  avec  les  obsta- 
cles, et  faisait  tomber,  pour  ainsi  dire  en  courant,  les  voiles  sous 
lesquels  la  nature  s'est  enveloppée.  Tout  cet  éclat ,  soutenu  par 
les  accents  d'une  voix  sonore  et  flexible ,  et  par  le  jeu  d'une  phy- 
sionomie qui  se  prêtait  à  mille  expressions  et  qui  s'animait  du 
feu  de  la  parole ,  donnait  à  ses  démonstrations  tout  le  prestige , 
et  j'oserais  presque  dire,  toute  la  passion  d'une  scène  drama- 
tique. Il  savait  distinguer  sur  les  bancs  les  plus  éloignés  de  son 
amphithéâtre  l'esprit  difficile  qui  doutait  encore ,  et  celui  qui  ne 
comprenait  pas  ;  alors  il  variait  ses  expressions ,  la  langue  sem- 
blait multiplier  pour  lui  ses  richesses ,  et  il  ne  quittait  sa  ma* 
tière  que  lorsqu'il  voyait  tout  son  nombreux  auditoire  également 
satisfait.  Aussi ,  quelque  lieu  qu'il  choisît  pour  ses  cours ,  ce 
lieu  n'était  jamais  assez  vaste  pour  l'affluence  de  ses  audi* 
teurs  (1).  » 

(I)  Pariset,  Éloge  de  Fourcroy, 


iSB  BisitmiK'nB  la  ciiniis. 

*  • 

§■8.- 

.     -.       .  •   '  •  ■  '       •    ;         ■■   -. 

Après  avoir  fidt  connallfe  1m  alrtéora  de  U 
«htaime  p .  abordons  la  descriirtioii  nléme  de  leur  leavre  6oU 
lectiTe.  :•.;:. 

Dire  heaueùup  de  ehateê  en  peu  de  mate,  tel  est  Ildéàl  Ve'  làpif^ 
f eclîoa  du  langage.  L'algèbre ,  cette  langne  des  mathdiùÀtîdeiîti 
en  approche  le  plus;  la  langae  des  chimistes  tieût  ktkmiéiBie^ 
mentaprèS' 

Plus  une  science  se  perfectionne ,  plus  le  besoin  de  s'exprimer 
avec  autant  de  brièveté  que  de  pr^sion  se  fiât  sentir:  C'est  ce 
dont  étaient  pénétrés  Moupeau,  Bertholiee  et  Ponrcroy;  ioMpië 
vers  le  œilieude  Ifannéè  478dils  se  réunirent  à  Lavoisiery  àh  chef 
de  la  nouvelle  écfolevpour  examiner  un  pirojetde  nomenclature, 
proposé  par  Horveau  dè^  1783,  et  pour  conoeiler  tiiïSi^ble  un 
plan  de  réforme  devenu  siéoesaaire.  Os  étaient 'dantf  le  coufant 
des  idées  nouvellea  qui  entraînaient  alors  tous  lêb  èhisâilBies, 
ceux-là  môme  qui  semblaient  tenir  le  plus  ai£c  idées  ^iunennes^ 
«  Ne  faites  grftce  f  éèrivait^  vers  la  fin  de  ses  jours,  Bergman  à 
Morveau ,  ne  laites  gi^ce  à  aucune  dénomination  impropre  ;  ceux 
qui  savent  déjà  entendront  toujours;  ceux  qm  ne  savent  pas  en-, 
core  entendront  plus  tôt.  s .' 

Après  huit  mois  de  conférences  presque  journalières^  auxquelles 
assistaient  plusieurs  géomètres  de  TAcadémie,  Lavoisier  exposa 
à  la  séance  publique  de  l'Académie  du  18  avril  1787  les  bases  de 
la  Réforme  eu  du  perfectionnement  de  la  nomenclature  delà  chimie^ 
el  il  en  donna  les  développements  dans  un  second  mémoire,  la 
le. 2  mai  suivant. 

Cette  grande  réforme,  œuvre  commune  de  Lavoisier,  de  Mor- 
veau^ de  Berthollet  et  de  Fourcroy,  porte  principalement  sur  les 
corps  co>Hposés,  Ces  corps  ont  été  divisés  en  acides,  en  bases  et 
en  sels,  La  nomenclature  nouvelle  repose  donc  sur  une  véritable 
classification  des  matières  que  traite  la  chimie. 

Lavoisier,  d'accord  avec  ses  collaborateurs,  avait  établi  en  règle 
que  «  toute  dénomination  d'un  composé  doit  en  même  temps  in- 
diquer les  noms  des  éléments  de  ce  composé  ».  Appliquant  cette 
règle  aux  acides ,  il  les  terminait  en  ique;  de  là  les  noms  diacide 
sulfurique  y  diacide  muriatique ,  d'acide  carbonique  y  Qic,  substi- 
tués aux  noms  d^hiHle  de  vitriol,  d'esprit  de  sel,  d'air  fixe,  etc. 


TROISIÈME  ÉPOOÛE.  559 

Si  Lavoîsier  n'eût  pas  fait  jouer  à  Toxygène  un  rôle  trop  exclusif, 
la  nomenclature  chimique  aurait  été  presque  parfaite  dès  son 
origine.  Mais,  d'après  sa  théorie ,  a  les  acides  sont  composés  de 
deux  substances  de  l'ordre  de  celles  que  nous  regardons  comme 
simples  (je  cite  textuellement)  :  l'un]  qui  constitue  l'acidité; 
c'est  de  cette  substance  que  doit  être  emprunté  le  nom  du  genre; 
l'autre  qui  est  propre  à  chaque  acide,  qui  les  différencie  les  uns 
des  autres,  et  c'est  de  cette  substance  que  doit  être  emprunté  le 
nom  spécifique.  » 

Comme  l'oxygène ,  en  sa  qualité  de  principe  acidifiant  ou  de 
générateur  des  acides  (&esi  la  signification  du  mot  oxygène)^  était 
supposé  exister  dans  tous  ces  composés  ^  son  nom  pouvait  être 
omis  sans  inconvénient  :  il  désignait  le  genre,  exprimé  par  là  ter- 
minaison ique,  tandis  que  le  nom  de  l'élément^  auquel  il  s'asso- 
ciait, désignait  l'espèce.  C'est  pourquoi,  au  lieu  d'acides  oxysul- 
furique,  oxy carbonique ^  etc.,  on  dira  simplement  acides  sulfu- 
riquCj  carbonique^  etc. 

Mais  les  auteurs  de  la  nomenclature  ne  tardèrent  pas  à  s'aper- 
cevoir que  les  deux  principes  constitutifs ,  le  principe  acidifiant 
et  le  principe  acidifié,  peuvent  se  combiner  entre  eux.  dans  des 
proportions  différentes;  il  fallait  donc  élargir  le  cadre.  C'est  ce 
qu'ils  firent  en  variant  la  teroiinaison  du  nom  spécifique  :  ique 
devait  indiquer  l'acide  qui  contient  le  plus  d'oxygène;  eux  celui 
qui  en  contient  le  moins.  C'est  ainsi  que,  par  une  simple  modifi- 
cation de  la  désinence,  le  seul  énoncé  des  noms,  tels  que  acide 
sulfurique  et  acide  sulfureux,  acide  arsénique  et  acide  arsénieux 
suffit  pour  indiquer  une  différence  de  composition.  Maisja  chimie 
marchait  vite;  et  bientôt  les  faits  ne  cadraient  plus  avec  la  théorie. 

Il  nous  faut  ici  anticiper  un  peu  sur  l'avenir  des  contemporains 
de  Lâvoisier,  avenir  qui  déjà  n'est  plus  pour  nous  que  le  passé. 
Dès  le  commencement  de  notre  siècle  on  reconnut  que  c'est , 
non  plus  en  deux,  mais  en  trois  et  même  en  quatre  proportions 
différentes  que  l'oxygène  peut  se  combiner  avec  une  seule  et 
même  substance  pour  former  des  acides  différents.  Afin  de  ne  rien 
changer  aux  terminaisons  anciennes,  on  imagina  alors  de  faire 
précéder  le  nom  de  l'acide,  contenant  une  proportion  d'oxygène 
moindre  que  l'acide  terminé  en  ique,  de  la  préposition  grecque 
hypo  (u7C(5,  au-dessous),  A  son  tour,  l'acide  moins  oxygéné  que 
celui-là  dut  recevoir  la  préposition  hypo,  en  conservant  la  termi- 
naison eux.  Cette  première  modification  fut  apportée  à  la  nomen- 


,t 


•  .    '  ■  • 


-v 


860  PSIOIBC  DE  LA  CHtKUS. 

clature  \  l'époque  où  Gay-Liusac  découvrit  deux  nouveaux  acides 
du  soufre,  moins  oxygénés  que  l'acide  sulfureux.  C'est  .ainsi' que 
Ton  dit  depuis  lôrs  : 

Acide  paf^q^:.  .  ,  .  V^^  ^^ 

Acide  iulfiirettx ) 

Acide  hypculfMque .  .  |  ^^^^  ^^^^ 
Acide  hyposuljwreux. .  .  ) 

On  découvrit 9  presque  en  même  temps,  que  le  phosphore,  1'>- 
zote,  le  chlore,  etc.,  peuvent,  comme  le  soufre,  donner  des 
acides  moins  oxygénés  que  l'acide, terminé  en  ewc.  Mais  l'expé* 
rience  avait  montré  aussi  que  l'oxygène  n'engendre' pas  seolemeot 
des  acides. 

Nous  avons  vu  que  les  anciens  chimistes  appelaient  ehxux  le 
produit  de  la  calcination  d'un  métal  à  l'air.  Après  avoir  dé- 
montré que  ce  produit  est  dû  à  la  fixation  de  l'oxygène  par  le 
métal ,  Lavoisier  remplaça  le  nom  de  chaux  métallique^  d'abord 
par  celui  de  métal  oxygéné,  puis  par  celui  d'oxyde.  Les  chaux 
d'étain,  de  plomb,  de  mercure,  etc.,  s'appelleront  donc  désorouds 
oxydes  d'étain,  de  plomb,  de  mercure,  etc.  Mais  ici  encore  l'ex- 
périence montra  que  l'oxygène  peut,  comme  dans  la  formation 
des  acides,  s'unir  à  un  même  métal  en  plusieurs  proportions  pour 
produire  des  oxydes  différents.  Afin  de  distinguer  entre  eux  des 
oxydes  plus  ou  moins  oxygénés,  on  convint  d'appeler ^o/oa?yrf« 
(de  wpwToç,  premier),  le  composé  qui  contient  la  moindre  ou  pre- 
mière proportion  d'oxygène,  et  deui^xyde  ou  bioxyde ,  celui  qui 
en  contient  le  double;  on  nomma  sesquioxydeXe^  composés  où 
Toxygène  entre  pour  un  et  demi,  la  quantité  de  métal  restant 
toujours  la  même;  tritoxyde^  guadroxyde^eiCy  des  composés  où 
l'oxygène  est  le  triple,  le  quadruple,  etc.,  de  celui  du  protoxyde; 
enfin  on  nomma  sous-oxyde  tout  composé  où  la  quantité  d'oxy- 
gène est  inférieure  à  celle  du  protoxyde. 

La  plupart  des  oxydes  sont  des  bases,  c'est-à-dire  qu'ils  ont  la 
propriété  de  se  combiner  avec  les  acides  pour  former  des  sels.  Il 
y  a  aussi  des  oxydes  indifférents  ou  neutres,  ainsi  appelés  parce 
qu'ils  ne  sont  susceptibles  de  se  combiner  ni  avec  les  acides,  ni 
avec  les  bases.  C'est  le  cas  de  beaucoup  d'oxydes  non  métalli- 
ques, tels  que  le  protoxyde  et  le  deutoxyde  d'azote. 

Les  auteurs  de  la  nomenclature  chimique  avaient  reconnu  que 


TROISliME  ÉPOQtE*  â6l 

((  plus  la  propriété  d'oxygène  augmente  dans  un  oxyde  basique, 
plus  celui-ci  perd  sa  ph)priété  de  base  et  tend  à  devenir  acide  ^ 
de  telle  façon  que  les  composés  les  plus  oxygénés  sont  générale- 
ment acides,  tandis  que  les  moins  oxygénés  sont  basiques  n .  — 
Ce  fait  général,  qu'on  appelle  improprement  une  lai,  s'applique 
encore  à  d'autres  éléments  que  l'oxygène  ;  mais  c'est  ce  qu'igno- 
rait alors  Lavoisier.  Il  lui  importait  avant  tout  de  faire  ressortir 
la  différence  qui  existe  entre  une  combinaison  ou  un  composé 
et  un  mélange.  Le  composé  suppose  l'union  intime,  moléculaire^ 
de  deux  ou  de  plusieurs  éléments.  Cette  union^  souvent  accom- 
pagnée de  dégagement  de  chaleur,  de  lumière  et  d'électricité, 
se  fait  toujours  dans  des  proportions  déterminées;  il  est  im- 
possible de  distinguer,  à  l'aide  de  nos  sens,  organoleptiquementy 
la  nature  des  éléments  qui  forment  le  composé,  et  ces  éléments 
ne  peuvent  être  séparés  que  chimiquement.  Il  n'en  est  plus  de 
môme  de  ce  qu'on  nomme  un  mélange.  Les  éléments  qui  y  en- 
trent se  reconnaissent  déjà  à  l'aide  de  nos  sens,  et  ils  peuvent  être 
séparé$  mécaniquement  ;  le  mélange  s'effectue  sans  aucun  phé- 
nomène de  chaleur,  de  lumière  et  d'électricité ,  et  son  volume 
représente  la  somme  de  volumes  des  éléments  mêlés,  tandis  que 
dans  l'union  chimique  il  y  a  souvent  condensation  des  volumes. 
Aussi  n'est-ce  pas  sur  les  mélanges,  mais  sur  les  composés,  que  se 
portait  l'attention  des  auteurs  de  la  nomenclature. 

Composés  saUns  ou  sels.  Il  y  a  des  sels  neutres,  acides  et  basiques. 
Le  sel  neutre  est  la  combinaison  d'un  acid^  avec  une  base,  coni- 
binaison  dans  laquelle  les  propriétés  de  l'un  et  de  l'autre  compo- 
sants se  sont  neutralisées.  C'est  ce  que  la  nomenclature  indique 
en  changeant  en  ate  la  terminaison  ique,  et  en  ite  la  terminaison 
eux  des  acides.  L'oxygène  étant  supposé  entrer  dans  la  composi- 
tion de  toutes  les  bases ,  on  retranche  le  mot  oayde,  comme  un 
facteur  inutile ,  et  on  dit  simplement  acétate  de  plomb ,  nitrate 
d* argent,  etc.,  au  lieu  de  combinaisons  de  l'acide  acétique  avec 
l'oxyde  de  plomb  ,  de  l'acide  nitrique  avec  l'oxyde  d'argent,  etc. 
Cependant,  lorsque  plusieurs  oxydes  d'un  même  métal  peuvent 
se  combiner  avec  un  acide  et  produire  des  sels  différents,  il  est 
indispaiisable  de  faire  précéder  le  nom  du  métal  de  celui  de  son 
degré  d^oxydation.  C'est  ainsi  qu'on  dit  :  sulfate  deprotoxyde  de 
fi^,  sulfate  de  sesquioxyde  ou  de  peroxyde  de  fer.  On  dit  aussi 
ce  cas  :  sels  au  minimum  et  sels  au  maximum  (d'oxydation). 

Les  chimistes  anciens  connaissaient  déjà  l'action  que  les  rom- 

BIST.  DK   LA  CBIUIE.   —  T.   H.  36 


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.   soi  ,uistoi»tm*tà'mmau. 

posés  acides  et  alcalins  ou  basiques  eieiceiil  sur.  certaioés  c)mi^ 
leurs  irégétales.  De  là  uu  moyen  bien  simple  pour  distinguer  oàs 
composés  entre  eux.  La  couleur  la  plus  ordinairement  employée 
à  cet  effet  est  lateinture  de  tournesol.  Bile  est  «aas  aefion  sàrfe 
sel  parEûtemeni  neutre;  mais  elle  rougit  au  rcditaèl  dtftn.  sd 
aeide^  comme  elle  le  ferait  an  contact  d'un  àcidc:  libre,  tandis 
qiie  le  sel  àasiqMe  ramène  au  blea  la  teinture  de  toonaesel  longie 
par  un  acide. '.  •  !.  m;  .       :'.■/; 

La  nomenclature  indique  ces  différences  de  réaction*  AiWi 
les  sels  acides  sont  appelés  sur-êêU  ;  on  les  désigne  par  lesationii 
de  leagiiî-y  U-,  quadrirêeU^  ails  contiennent  une  fbls.et  demiey 
deux  fois,  quatre  fois  autant  d'adde  que  le  seL  neuârè^  pria  poor 
terme  de  comparaison*  Exemples  :  «esgpttîMrtefiated'âmœoniaque^ 
bisuifàte  de  soude ,  qfmdroxakUe  de  potasse.  Les  seài,  eu  eon^ 
traire,  dans  lesquels  la  base  domine ,  sont  appelés  fOtisHMit,  oa 
sels  basifue$.  On  dit  :  sel  M-teft^tie,  iri-boaifuef  Mss^buMiqm,  etc., 
lorsque  la  quantité  de  base  est  le  double,  le  triple,  le  sexto- 
pie,  etc.,  de  la  base  qui  entre  dansL-la  composition  du  sel 
neutre.  Exemple  :  acétate  de  plomb  H'-ba9iq^eyifi4iwiqtêefêÊ4^4^^ 

Tek.  sont  les  principes  de  la  nomenclature  )C]iimique.jâ8.  s'ap* 
pliquent  presipie  exclusivement  aux  ox-widm,  aux  oasy-itani  et 
aux  oxy-sels.  Voilà  ce  qu'il  importe  de  ne  point  perdre  de  vue, 
lorsqu'on  veut  apprécier  sainement  Tœuvre  collective  de  La- 
voisier,  Morveau,  Bert&ollet  et  Fourcroy. 

La  théorie  de  la  combustion,  jointe  à  la  nomenclature ,  voilà 
ce  qu'on  pourrait  appeler  Vécole  chimique  fraiiyçaise. 

Progrès  de  Técole  chintique  française* 

On  a  dit  de  la  révolution  française  qu'elle  était  destinée  à 
faire  le  tour  du  monde.  Cette  prédiction  ne  s'est  jusqu'ici  com- 
plètement réalisée  que  pour  la  chimie.  Les  idées  nouvelles , 
scientifiquement  révolutionnaires,  après  avoir^  non  sans  d'opinift- 
res  résistances,  forcé  la  conviction  des  collaborateurs  immédiats 
deLavoisier,  pénétrèrent,  quoique  lentement,  dans  l'esprit  des 
autres  chimistes  français,  tels  que  Chaptal,  Van-Mons,  Darcet, 
Pelletier,  Achard,  Âdet,  Deyeux,  Yauquelin  ,  etc.;  puis  de  là 
elles  se  répandirent  partout  et  finir^it^par  être  adoptées  par 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  ,  563 

tous  les  savants.  Les  critiques  passionnées  dont  la  chimie  noû* 
velle  était  l'objet  de  la  part  de  quelques  retardataires ,  loin  de 
nuire  à  son  succès ,  donnèrent  à  beaucoup  de  personnes  le 
désir  de  la  connaître ,  et  à  peine  en  eut-on  pris  connaissance 
qu'on  en  sentit  immédiatement  l'incontestable  supériorité  sur  la 
chimie  ancienne.  C'est  ainsi  qu'on  ne  renverse  que  ce  qu'on  rem- 
place avec  avantage. 

En  Angleterre ,  l'exemple  donné  par  Black,  Rirwan  et  Caven- 
dishqui,  après  quelques  hésitations,  avaient  franchement  em* 
brassé  les  principes  de  l'école  chimique  française,  fut  bientôt  suivi 
par  Pearson,  Tenant,  Beddoes  et  Hope,  successeur  de  Black  à 
la  chaire  de  chimie  d'Edimbourg.  Les  médecins  anglais  furent  les 
premiers  à  utiliser,  pour  leur  art,  les  découvertes  de  la  chimie 
moderne.  Ils  employèrent  les  sels  de  baryte  pour  combattre  les 
scrofules^  et  appliquèrent  l'oxygène,  au  moment  où  il  se  dégage  de 
l'oxyde  de  mercure,  dans  le  traitement  des  maladies  de  poitrine. 
Mais  c'est  surtout  dans  les  arts  industriels  que  les  Anglais  songè- 
rent à  tirer  parti  des  découvertes  chimiques  les  plus  récentes. 

En  Allemagne,  la  chimie  pneumatique  ou  antiphlogistique,  — 
c'est  ainsi  qu'on  y  appelait  l'école  française ,  —  rencontra  le 
plus  grand  nombre  de  contradicteurs,  dont  quelques-uns  cher- 
chaient à  concilier  la  doctrine  ancienne  avec  la  théorie  nouvelle. 
Nous  citerons  ici  particulièrement  Gœttling,  Gren  et  Girtanner. 

^imtiiXLmg  {F,'Frédéric-Auguste),  né  à  Bernbourg,  le  5  janvier 
1755,  mort  à  léna,  le  1®'  septembre  1809,  professeur  de  chimie 
à  l'université  de  léna,  auteur  d'un  Essai  de  chimie  physique  (léna, 
1790,  in-8"),d'une/i«cyc/oprfc?i>  chimico-physique(^\A^.,  1805-1807, 
3  vol.  in-S"),  ût  une  série  d'expériences  sur  plusieurs  corps  com- 
bustibles mis  en  contact  avec  le  gaz  oxygène,  le  gaz  azote ,  l'air 
atmosphérique  et  d'autres  fluides  élastiques,  dans  le  but  de  rec- 
tifier la  Chimie  antiphlogistique  ;  il  en  publia  les  résultats  dans 
Beytrag  zur  Berichtigung  der  antiphlogistischen  Chemie,  etc. 
(documents  pour  servir  à  la  rectification  de  la  chimie  antiphlo- 
gistique); Weimar,  1794-1798,  in-8°;  et  en  déduisit,  entre  autres, 
que  «  le  calorique  et  la  lumière  sont  deux  corps  simples ,  dif- 
férents l'un  de  l'autre ,  et  tous  deux  à  l'état  de  fluides  élasti- 
ques; que  l'union  de  la  lumière  avec  l'oxygène  forme  le  gaz  azote, 
de  même  que  celle  du  calorique  avec  l'azote  forme  l'oxygène  ;  que 
la  lumière  a  plus  d'affinité  pour  l'oxygène  que  le  calorique,  ce 
qui  expliquerait  pourquoi  l'oxygène  est,  dans  beaucoup  de  cas, 

36. 


i  * 


561  ,ttVnpp.n.Li  GBliqt. 

décomposé  par  laJmri^ ,  M  'converti  en  axote  ».  «-  Bedboltet 
mina  4c  fond  en  comble  ce  système  dans  une  note  lue  à  F  Aca- 
déâoûe  des  sciences,  en  plnviAse  de  l'an  IV  (fénier  1798). 

«Mil  ^^nMt^^Ckarles),  né  à  Bembourg,  le  l*'  mai  4760, 
mqrtleSftnovimWe  1798,  professeur  de  chimie  à  Tuniversilé 
de  flrile ,  auteur  de  plusieurs  ouvrages  estimés ,  parmi  leaqueb 
on  cite  :  Ùimmëtianes  U  experimenia  eirea  gmieiin  tiêris  fisci  et 
pUogUifti  (  Halle,  1784,  in-S*")  ;  SgtienMUekes  Hmidbueh  der  fe^ 
ummnim  Chemàe  (1794,  T  édit.),  repoussa  la  théorie  française 
sur  l'oxydation  et  la  désoiydation  des  métaux,  et  ne  céda  qoa 
devant  l'évidence  des  faits  que  Van-Hoos  lui  opposait  MaiSyiiie^ 
pouvant  pas  renoncer  entièrement  i  l'idée  d'un  principe,  général 
-  combustible ,.  ni  se  résoudre  à  regarder,  avec  les  chimistes  finui- 
çais,  la  plupart  des  corps  combustibles  comme  simples  ou  indé- 
composés, il  finit  par  se  créer  une  ttiéorie  mixte.  D'après  cette 
théorie,  le  phlogistique  serait  une  base  expansible  qui,  par.son 
unionavec  le  calorique,  produirait  lalumière.  Quant  au  calorique, 
ce  serait,  non  pas  un  fluide,  mais  une  force  primitive,  expansive, 
mettant  en  mouvement  les  mplécules  de  la  matière.  Cette  théorie 
se  trouve  longuement  exposée  dans  une  lettre  de  Oren  à  son  aim 
Yan-Mons. 

^  CUMauer  {CkriUQphe  ),  né  à  $aint-Gall,  le  7  décembre  1766» 
mort  ^  Gœttiogue  le  17  mai  1800,  professeur  de  médecine ,  au* 
teur  d'ouvrages  sur  des  sujets  variés,  parmi  lesquels  on  remarque 
une  Nouvelle  Nomenclature  chimique  à  rusage  des  AUenumds 
(Gœttingue,  1791,  in-8**),  et  Principes  de  chimie  antiphlogistigue 
(Ibid.,  1795,  in-8"),  écrivit,  en  octobre  i791,  à  de  la  Metherie 
qu'il  venait  de  trouver  que  «la  base  de  l'acide  muriatique  est  l'hy- 
drogène, que  cet  élément,  au  premier  degré  d'oxydation,  fournit 
l'eau,  et,  au  second  degré,  l'acide  muriatique;  qu'il  existe  ainsi 
une  analogie  complète  entre  l'acide  muriatique  et  l'acide  nitri- 
que, puisque  l'azote  au  premier  degré  d'oxydation  forme  l'air  at- 
mosphérique ,  et  au  second  l'acide  nitrique.  »  C'est  le  cas  de 
dire  que  rien  n'est  plus  séduisant  que  l'erreur.  Aussi,  que  de  vi- 
gilance ne  faut-il  pas  dans  la  recherche  de  la  vérité  I 
.  Dans  une  lettre  adressée,  en  septembre  1796,  à  Van-Mons,  Gir- 
tanner  fait  le  tableau  suivant  de  l'attitude  des  chimistes  alle- 
mands, à  la  fin  du  dix-huitième  siècle ,  vis-à-vis  de  l'école  fran- 
Qaise  :...  a  La  dévolution  chimique  s'est  opérée  en  Allemagne.  Il 
n'yaplusqueCIren,  savant  distingué,  mais  opiniâtre,  Westrumb, 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  565 

GineHneèGrell,qui  défendent  encore  l'existence  du  phlc^istique. 
Ces  quatre  chimistes  ne  se  rendront  jamais  :  ils  ont  déclaré  une 
guerre  à  mort  à  la  doctrine  antipblogistique.  Trommsdorf,  qui 
cependant  s'est  rendu  à  la  nouvelle  doctrine ,  tient  encore  par 
quelques  chaînons  à  l'ancienne....  Parmi  nos  jeunes  chimistes, 
Scherer  de  léna  promet  de  grandes  choses  ;  il  est  zélé  sectateur 
de  la  chimie  française,  bon  expérimentateur  et  doué  de  beau- 
coup de  connaissances.  Le  professeur  Mayer,  à  Erlangen ,  est 
une  excellente  tête ,  qui  réunit  des  connaissances  profondes  en 
mathématiques,  physique  et  chimie,  comme  Monge  à  Paris, 
qsoique,  selon  moi,  Monge  ait  plus  de  génie.  Hermbstœdt  fait 
tout  ce  qu'il  peut  pour  l'avancement  de  la  nouvelle  doctrine.  » 

Voici  maintenant  le  commentaire,  dont  Van-Mons  accompagna 
la  lettre  de  Oirtanner.  «  Cette  lettre  pourrait,  dit-il,  faire  croire 
que  les  quatre  chimistes  (Gren,  Westrumb,  Gmelin  etCrell) 
dont  parle  Oirtanner,  professent  encore  la  théorie  de  Stahl.  Je 
dois  détromper  à  ce  sujet  mes  compatriotes  français,^  auxquels 
la  guerre  n'a  pas  permis  de  se  mettre  au  courant  des  progrès  de 
la  nouvelle  doctrine  chimique  en  Allemagne.  Ce  pays  ne  compte 
plus  parmi  ses  chimistes  écrivains  aucun  partisan  du  pur  système 
du  phlogistique  depuis  que  je  les  ai  convaincus  de  la  présence  de 
l'oxygène  dans  l'oxyde  de  mercure  rougi  par  le  feu.  Ils  ont  tous 
adopté  la  nouvelle  doctrine  sans  restriction  ou  avec  des  restric- 
tions de  peu  d'importance.  Crell,  Westrumb,  Wiegleb ,  Tromms- 
dorf, Gmelin,  Richter,  Leonhardi,  etc.,  tout  en  tâchant  de 
marier  la  nouvelle  théorie  avec  la  théorie  du  phlogistique  dans 
les  corps  combustibles ,  en  admettent  l'ensemble  et  les  consé- 
quences. »  —  «  On  peut  croire,  ajoute  Fourcroy,  que  cette  lutte 
glorieuse  établie  depuis  vingt  ans,  ce  procès  fameux  qui  s'instruit 
encore  tous  les  jours  chez  un  des  grands  peuples  les  plus  éclai- 
rés de  l'Europe ,  fera  reconnaître  au  fond  de  quel  côté  se  cache 
l'erreur  et  l'illusion,  et  sur  laquelle  des  deux  théories  brille  la 
lumière  éclatante  de  la  vérité  (1).  » 

La  Hollande  opposa  moins  de  résistance  que  l'Allemagne  à  l'in- 
troduction de  la  chimie  française.  Ses  chimistes  se  distinguaient 
par  leurs  travaux  aussi  ingénieux  que  pratiques.  Van  Marum  se  fit 
connaître  par  ses  expériences  sur  la  combustion  des  métaux  au 

(1)  Encyclopédie  méthodique^  article  Chimie,  pages  617  et  712  (Paris,  an IV 
de  la  Répabliqne  fîrançaise). 


•     -    ■  * 

•  >       - . , 


566  '  usituai  db  £A'  cuuue. 

moyen  derélectrieité»  par  sesgaiojaièlres»  p^psie»  observalions  wOê 
la  comlmstioo  du  phosphore  dans  rair.rar^A.  IkiMti'BekmêA'i 
Paats,  Van  Troostwyk  et  Lau^renburif»  forttièifeiït  à  Amsterdam 
une  société  de  chimistes^  connus  sous  16  nom  de  tHdûiUimkoln 
imidaiê,'ponT  travailler  en  eoounun  to  {Mgrèa.dft'ia  sdeface; 
Ces  chimistes  parvinrent  les  premiers:^  en  1788  r^^^^^^nspos^ 
Teau  par  Télectricité  en  hydn^aièBe  et  eu  oxygène, -et à. iàïeeo&i- 
poser  en  foudroyant  les.cleux  gaa  ainsi  obtenus;  Cette  impèrtaati^ 
expérience  d'analyse  et  de  synthèse  fui  répétée  à' Pairie  pfarCSiappe 
et  Sylvestre.  Les  mêmes  chimistes  bollandais  constatèrent  aUèûcn* 
m^encement  de  1794^  tlana  les  sulfhres  métEilUques  et  partkùttè*' 
rement  dans  le  sulfure  de  ouivre »  la- propriété' de  ttl7ûier»dai» 
l'oxygène  et  de  s^allumer  dans  4e6gaB irre6piraUeft>Ibfanâéé jftai- 
yante,  ils  étudièrent,  d'une  manière  i^Môei^tov'^  Saaè  ^dcogène 
bicari)oné)  qui  ae  dégage  pendantia  réaotion  de  Vaoide'4uife< 
rique  imr  l'alcool;  M.^:  lui  trouvèrent, centre  autres*^ Ia<«pi90pfiét6 
de  former  une  sorte  dïiaile  av^  le  gaz  Adde  muriatiquei  cixygéné 
(chlore).  Ce  produit  d'aspect  "oléagineux,  -r- premier' produit  dé 
substitution  où  l'hydrogène  est  remplacé  par  un  éflalr  vélwne  de 
chlore,  — *  reçut. alo»  le  jpom  de  jgM  olé/ûmi  ote  :d?kiÊUeéMtkh 
mste$  hBlkm4^i^  (^^détaiis  de  cette  décoaverte  furent;  IraKamis 
par  Van-Mona.^  l'InstUutde  Franceen  venMseraii  IVdeinirépa- 
blique  (mars  1796).  La  Hollande,  érigée  en  ré{»Ubliquebatave, 
était  alors  en  communauté  d'idées  politiques  avec  là  France.  La 
science  promettait  d'en  resserrer  davantage  les  liens.  Aussi 
Fourcroy  put- il  dire  avec  une  légitime  confiance  :  a  Tout  an- 
nonce que  la  république  batave ,  dont  le  sot  et  la  prospérité  sont 
les  plus  beaux  et  les  plus  étonnants  monuments  de  l'industrie  et 
du  génie,  continuera  à  cultiver  la  science  chimique  ^  et  que  la 
doctrine  française  y  jettera  de  profondes  racines  et  s'agrandira 
par  ses  citoyens.  » 

U Italie  ne  resta  pas  en  arrière  de  l'impulsion  donnée  par  les 
chimistes  français.  Giobert,  Beauvoisin ,  le  chevalier  Saint-Réal, 
les  comtes  Mocozzo  et  Balbo  s'occupèrent  à  Turin  de  l'applica- 
tion de  la  chimie  nouvelle  aux  sciences  naturelles  et  aux  arts. 
Dandolo  publia  à  Venise  une  nomenclature  chimique  italienne , 
d'après  le  modèle  de  la  nomenclature  française.  A  Florence, 
l'abbé  Fontana,  déjà  bien  connu  par  ses  recherches  sur  les  fluides 
élastiques  et  particulièrement  sur  l'air  fixe  {Journal  de  physique, 
octobre  1775),  par  son  analyse  de  là  malachite  et  par  ses  observa- 


TROISIÈME  EPOQUE..  56l 

lions  sur  Tair  où  ont  séjourné  des  fourmis  (Journal  de  physique, 
juillet  et  septembre  1778),  perfectionna  les  appareils  chimiques 
et  météorologiques.  A  Pavie^  à  Vérone,  à  Milan,  àModène^et  dans 
d'autres  villes  de  lltalie ,  la  chimie  française  eut  des  partisans 
nombreux,  parmi  lesquels  il  suffit  de  nommer  Volta,  Landrini , 
Lorgna,  Fortis,  Yenturi,  Brugnatelli,  Moscfati. 

V Espagne  elle-même  voulut  participer  à  Télan  dotmé  aux 
études  de  la  chimie  par  les  découvertes  récentes.  Le  gouverne- 
ment espagnol  créa  des  laboratoires,  abondamment  pourvus  d'ins- 
truments et  d'appareils,  à  Madrid,  à  Séville,  à  Cadix  et  .dans 
d'autres  villes^  La  plupart  de  ces  instruments  avaient  été  fabriqués 
àParis  par  les  ouvriers  mêmes  que  Lavoisier  avait  employés .  La  no- 
menclature chimique  fut  officiellement  adoptée,  et  les  ouvrages 
français,  où  se  trouvaient  exposées  les  nouvelles  doctrines,  furent 
rapidement  traduits  et  répandus  en  Espagne.  Proust  et  Ghaban- 
neau,  qui  avaient  longtemps  résidé  dans  ce  pays  et  possédaient 
parfaitement  l'espagnol,  y  furent  les  propagateurs  2élés  de  l'école 
française. 

De  la  Scandinavie f  et  plus  particulièrement  de  la  Suède,  on  ne 
devait  pas  tarder  à  voir  sortir  des  chimistes  éminents ,  dignes 
continuateurs  de  Bergmann  et  de  Scheele.  Quant  à  Ibl Russie,  elle 
sembla  destinée  à  n'avoir  pour  propagateurs  de  la  science  que 
des  étrangers,  notamment  des  Français  et  des  Allemands. 

Le  Nouveau  Monde  même  ne  demeura  pas  étranger  à  ce  mou- 
vement scientifique.  Au  Mexique  et  au  Pérou ,  où  abondent  les 
mines  d'or  et  d'argent,  on  sentit  bientôt  le  besoin  de  se  tenir  au 
courant  des  progrès  de  la  chimie.  A  ce  besoin  répondirent  les 
travaux  de  Delrio,  Angulo ,  Delhuyar  et  Dandrada,  qui  s'étaient 
principalement  livrés  à  l'analyse  des  produits  minéralogiques.  La 
République  des  États-Unis,  qui  prit  un  si  rapide  essor  par  l'acti- 
vité fiévreuse  de  ses  citoyens ,  ne  pouvait  pas  rester  indifférente 
au  spectacle  du  développement  extraordinaire  de  la  chimie ,  qui 
s'est  rendu  tributaires  tous  les  arts  industriels  et  agricoles. 

Mais  la  science ,  fille  du  temps ,  est  indépendante  de  l'espace  : 
elle  n'appartient  à  aucune  nation,  à  aucune  contrée  spéciale;  elle 
plane,  comme  l'esprit  de  vérité ,  au-dessus  du  chaos  des  agita- 
tions humaines.  Aussi  ne  fut-ce  point  un  Français  qui  devait  réa* 
User  les  vœux  et  les  prédictions  de  Lavoisier. 


«  m 


568  Hi8Toaut  ut  xik.  woese. 

§8- 


-•  •;;!;• 


,  • 


Peu  de  vies  ont  été  aussi  bien  remplies  que  cdle  de  Hauh 
phry  Davy.  Né  le  17  décembre  1778,  à  Penzance,  petite  Tille  da 
comté  de  Comouailles ,  le  jeune  Homphiy  Tint,  avec  ses  parents; 
babiter  Yarfell,  au  bord  de  la  mer,  dans  on  nte  piîtoresqae,  en- 
toaré  de  monomoits  dmidiqnes.  Ce  séjour  ne  cootriboa  ipas  peu 
à  développer  en  lui  le  goût  de  la  poésie  qu*il  cultiva  toute  sa  vie 
avec. une  prédilection  marquée.  Les  essais  que  cite  de  loi  son 
frère  et  son  biographe,  Jobn  Bavy,  sont  pleins  de  vo^e  et  d^êvi* 
ginalilé.  A  seiae  ans ,  il  perdit  son  père,  graveur  sur  Iwis,  et  sa 
mère  resta  avec  cinq  enfants  sur  les  bras.  Pour  suffire  à  cettu 
charge,  elle  ouvrit  d'abord  une  boutique,  de. mercerie,  pms  un 
hôtel  garni  pour  les  voyageurs  qui  venaient  visiter  les  rives  de  k 
Boye,  renommées  pour  la  douceur  du  climat  et  ses  beautés 
agrestes.  Quelques  mois  après  la  mort  de  son  père>  en.  1796, 
Humphry  fut  mis  en  apprentissage  chez  Bingham  Borlase^  maître 
chirurgien  et  apothicaire  à  Penzance.  C'est  à  cette  époque  (fé- 
vrier KH9S)  que  commence  le  journal  où  il  avait  l'habitude  de 
consigner  les  pensées  et  les  actes  principaux  de  sa  vie. 

Rien  de  plus  instructif  que  le  développement  graduel  d'un  es- 
prit d'élite  :  débutant  par  le  raisonnement  froid,  incisif,  en  quel- 
que sorte  mathématique  du  matérialisme,  il  finit  généralement 
par  aboutir  à  un  spiritualisme  éclairé.  Voici  comment  Davy  rai- 
sonnait à  dix-huit  ans  :  «  La  faculté  pensante  a  sa  source  dans  les 
sens.  Un  enfant,  quand  il  vient  au  monde,  est  sans  idées,  par 
conséquent  il  ne  pense  pas.  Tous  ses  actes  émanent  de  l'instinct 
Excité  par  la  faim,  il  va  sucer  le  lait  de  sa  mère  ;  il  ne  diffère  en 
rien  du  plus  stupide  des  animaux,  si  ce  n'est  qu'il  a  davantage 
besoin  de  secours.  Il  ne  possède  que  de  faibles  perceptions;  son 
attention  est  éveillée  avec  peine;  sa  mémoire  est  à  peu  près 
nulle;  et  il  ne  retient  les  idées  qu'à  force  de  les  lui  répéter.  A 
mesure  que  l'enfant  avance  en  âge,  ses  nerfs  et  son  cerveau  de- 
viennent plus  forts;  la  perception  devient  plus  vive,  et  la  mé- 
moire plus  tenace.  Le  jugement,  résultant  de  la  perception  et  de  la 
mémoire,  commence  à  se  montrer;  la  raison  se  développe  à  son 
tour;  enfin,  l'homme  apparaît  avec  les  caractères  de  son  intelli- 
gence. Après  que  les  facultés  mentales  ont  atteint  le  summum  de 
leur  développement  à  l'âge  viril,  elles  commencent  à  décliner  et 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  569 

rétrogradent  vers  l'enfance.  Il  suit  de  là,  avec  une  indiscutable  évi- 
dence, que  la  faculté  pensante  ne  reste  pas  constamment  la  même. 
Or,  ce  qui  n'est  pas  constant  est  naturellement  variable,  et  ce  qui 
varie  est  mortel  et  matériel.  La  force  corporelle  et  la  force  pen- 
sante commencent  Tune  etrautreàcroiC)*e  depuis  zéro,  pour  reve- 
nir, après  un  certain  développement,  à  leur  point  de  départ  (1).  » 

Il  est  impossible  de  mieux  faire  ressortir  ce  parallélisme  du 
corps  et  de  l'esprit,  qui  fut,  en  tout  temps,  le  principal  argument 
du  matérialisme. 

Une  circonstance,  en  apparence  fortuite ,  fit  naître  dans  Davy- 
l'amour  de  la  science  qu'il  devait  illustrer.  Grégoire  Watt,  fils  de 
l'immortel  inventeur  de  la  machine  à  vapeur,  avait  été  envoyé 
par  son  médecin  à  Penzance  pour  une  affection  de  poitrine.  Il 
Tint  loger  chez  Madame  Davy.  Le  jeune  pharmacien,  pour  se  lier 
avec  ce  personnage  qui  aimait  la  chimie ,  se  procura  une  traduc- 
tion anglaise  des  Éléments  de  chimie  de  Lavoisier.  En  deux  jours 
il  avait  lu  et  compris  ce  livre ,  et  il  songea  dès  lors  à  un  nouveau 
plan  d'études,  embrassant  toutes  les  connaissances  humaines.  A 
la  suite  des  entretiens  et  discussions  qu'il  eut  avec  G.  Watt,  il  se 
consacra  presque  exclusivement  à  la  chimie. 

«  Un  bon  physicien  doit,  disait  Franklin,  savoir  percer  avec 
une  scie.  »  Le  jeune  Davy  construisit  les  premiers  appareils  avec  ' 
quelques  tubes  de  verre  achetés  à  un  marchand  de  baromètres 
ambulant;  il  les  compléta  avec  de  vieux  tuyaux  de  pipe  et  avec 
une  seringue  dont  l'avait  gratifié  le  chirurgien  d'un  navire  fran-* 
çais  ,  échoué  près  de  Land's  End.  Sa  chambre  à  coucher  était 
transformée  en  laboratoire,  et  les  fourneaux  de  la  cuisine  ser- 
vaient à  ses  expériences  pour  préparer  les  gaz. 

Ses  premières  recherches  expérimentales  eurent  pour  objet  la 
détermination  de  l'espèce  d'air  que  contiennent  les  vésicules  de 
certaines  algues  marines,  telles  que  les  fucus  siliqtiosus  etf.  squar- 
rosus.  Il  réussit  ainsi  à  montrer  que  les  plantes  marines  agissent 
sur  l'air  comme  les  plantes  terrestres,  en  décomposant,  sous 
l'influence  de  la  lumière ,  l'acide  carbonique  pour  fixer  le  car- 
bone et  dégager  l'oxygène.  Davy  adressa  ses  Essais  sur  la  chaleur 
et  la  lumière  au  docteur  Beddoes ,  qui  les  publia ,  en  1798,  dans- 
son  recueil  périodique  (  Cmtribuiiens  to  physical  and  médical, 
knowledge  ). 

(1)  Extraits  du  journal  de  H.  Davy^  dans  Memoirs  of  the  Ufe  of  H,  Davy^ 
t.  f,  p.  16  (liOnd.,  1839). 


.V..     '  i- 


"v 


870  BIOTOUS- DE  .'LA  GlUnS* 

'  Le  docteur  Beddoes,  anoién  prbfeàiBeur  d'^  ^diiiiiie  k  ^émwmW 
d'Oxford,  entretenait >iiQ  oommeroe  iinstolûrè.  a?ecl  ler  prîndr 
paux  chîmiiites-de  loo  temps,  notamaoaent  «ree  Lannsier.  B  vèf 
nait  de  fonder  à  Glifton,  près  de  Bristol^  on  élahKsseiifréntquî» 
sous  lenomd'IntiUMiiM'fnêùMaiifuéimmtpanr  tait:d%iip)î- 
quer  les  gas,  •—  remède  alors  à  la  mode,  ^*  iuk  tnâtement  dc^t 
nudadies  pulmonaires,  si  comimnes  en  AngleMrre;  |1  vësekitide 
s'attacher  le  jeune  cfaimistoy  etetergeatAm.fimLDKFiil  Ciilbeiijqn 
succéda  plus  tard  à  H.  Davy  dans  la  présidence  de  la  ficfeséféroyale 
.de  Londres)  de  négocier  auprès  de  Papothicaîie  dePensaBOè:  la 
résiliation  du  contrat  d'apprentissage.  Par  bonheur  ibpotliÛBttrë 
ne  demandait  pas  mieux  que  de  se  défaire:fd*ttn.  apj^renti  qui 
passait  à  ses  yeux  pour  <  un  bien  pauyre  sujet  ni  <  .^^ 

Davy  fut  donc  attaché,  en  1780,.  à  llnstîtdtion.pneQmfttiqàe 
dtf  docteur  BeddoesràCUifton,  etit  sut  hiisntôt  Axtfsur  ktt  Tal» 
tention  do  monde  sarant.  Son  contrat  avec  ié  dooteuir  ^eddoes 
lui  imposait  Tebligatioii  de  s'ciccuper  plus  partienlièrement  des 
gaz  en  rapport  avec  l'économie  animale.  :<  i     :      .    i': 

Le  protoxyde  d'azote,  que  Priestley  avait, .«oua le  nojBft  d'toydé 
nitreux^  confondu  avec  l'oxygène,  fut  l'un  des  premiers- gas 
^u'il  se  mit  à  expérimenter.  Son  chouL  •s'était  p6rtèêiir;.cè  gaz 
parce  que  le  docteur  Mitchell  avait  fondé  làniessufe  toute  une 
théorie,  prétendant  que  l'oxyde  nitreux  était  lé  principe  immé- 
diat de  la  contagion,  et  qu'il  produirait  les  plus  terribles  effets, 
sien  le  respirait  même  en  quantité  minime^  ou  si  on  l'appliquait 
seulement  sur  la  peau.  C'était  dans  le  but  de  vérifier  cette  théorie 
de  la  contagion  que  Davy  avait  choisi  le  gaz  en  question.  L'auto* 
rite  d'un  praticien  aussi  célèbre  que  le  docteur  Mitchell  devait 
avoir  de  quoi  faire  reculer  d'épouvante  l'expérimentateur  le  plus 
hardi. 

Les  premières  expériences  furent  faites  avec  du  gaz  impur  ou 
mêlé  d'air  ;  elles  ne  donnèrent  pas  de  résultats  concluants.  Davy 
résolut  alors,  le  12  avril  1799,  de  respirer  le  protoxyde  d'azote 
pur.  Nous  notons  cette  date,  parce  que  le  jeune  chimiste ,  plein 
d'avenir,  s'exposait  à  une  mort  certaine,  pour  peu  que  la  théorie 
signalée  fût  vraie.  Cependant  il  ne  songea  pas  même  à  faire  valoir 
son  courage.  «  L'hypothèse  du  docteur  Mitchell,  dit-il,  ne  me  troih 
blait  nullement;  je  m'attendais  à  des  effets  pénibles,  mais  j'avais 
lieu  de  croire  que  l'inspiration  d'un  gaz  qui  en  apparence  n'a 
aucune  action  sur  le  corps  puisse  détruire  ou  du  mpins gravement 


TROISIÈME  EPOQUE.  571 

endommager  le  principe  de  la  vie.  »  — >  Le  gaz  pasi^a  dans  les 
bronches  sans  irriter  la  glotte,  et  il  ne  produisit* aucun  sentiment 
de  malaise  dans  les  poumons. 

Cette  première  expérience ,  faite  en  une  seule  inspiration,  en- 
gagea Davy  à  en  tenter  d'autres.  Le  16  avril  suivant,  il  respira  le 
même  ga/.  pendant  une  demi^heure  :  îl  éprouva  un  peu  de  ver- 
tige, bientôt  suivi  d'un  sentiment  de  bien-être  particulier.  Le 
lendemain ,  il  recommença  Texpérience.  il  aspira  pendant  plus 
longtemps  le  gaz  par  la  bouche,  en  fermant  les  narines  et  après 
avoir  expiré  Tair  des  poumons,  a  Au  bout  de  trente  secondes^ 
j'éprouvai,  dit-il,  comme  une  douce  compression  de  tous  les 
muscles ,  accompagnée  d'une  sensation  extrêmement  agréable , 
surtout  dans  la  poitrine  et  dans  les  membres.  Tous  les  objets  pa- 
raissaient osciller  autour  de  moi,  et  l'ouïe  devint  plus  fine.  Dans 
les  dernières  inspirations,  ces  sensations  augmentèrent  et  finirent 
par  se  changer  en  une  irrésistible  tendance  au  mouvement.  Je 
ne  me  rappelle  que  vaguement  ce  qui  se  passa  ensuite;  mes- 
mouvements  devaient  être  désordonnés  et  violents  » .  —  Cette 
expérience  ,  qui  dura  plus  d'une  minute ,  est  remarquable  en 
ce  qu'elle*  détermina  une  espèce  de  danse  de  Saint-Guy. 

Davy  continua  ainsi^  pendant  plusieurs  mois ,  à  essayer  sur 
lui-même  l'action  du  protoxyde  d'azote ,  qui  reçut  depuis  lors  le 
nom  de  gaz  hilarant.  Il  varia  ses  expériences  et  finit  par  respirer 
ce  gaz  en  se  tenant  enfermé  dans  une  sorte  de  toile  imperméable 
à  l'air.  Cette  dernière  expérience  se  fit  en  présence  du  docteur 
Ringlake ,  le  26  décembre  1799.  Après  avoir  rappelé  les  sensa- 
tions précédemment  éprouvées ,  Davy  ajoute  :  «  Bientôt  je  perdis 
tout  rapport  avec  le  monde  extérieur;  des  traces  de  visibles 
images  passaient  devant  mon  esprit  comme  des  éclairs ,  et  se 
liaient  avec  des  mots  de  manière  à  produire  des  perceptions  eii- 
tièrement  nouvelles.  Je  créais  des  théories  et  je  m'imaginais 
que  je  faisais  des  découvertes.  Quand  M.  Ringlake  m'eût  fait  sor- 
tir de  ce  genre  de  demi-délire ,  l'indignation  et  le  dépit  furent 
les  premiers  sentiments  que  j'éprouvais  à  la  vue  des  personnes 
qui  m'entouraient.  Mes  émotions  étaient  celles  d'un  sublime 
enthousiaste.  Pendant  une  minute  je  me  promenai  dans  la 
chambre ,  complètement  indifférent  à  tout  ce  qu'on  me  disait. 
Après  avoir  recouvré  mon  état  normal ,  je  me  sentis  entraîné  à 
communiquer  les  découvertes  que  j'avais  faites  pendant  mon  ex- 
périence. Je  fis  des  efforts  pour  rappeler  mes  idées  :  elles  étaient 


> 


*  * 


573 


Bisnooks  SX  LA  cpimi. 


\-. 


d'abord  Ciibles  et  indistiiictes;  puis  elles  se  firent  éoedain  jour 
par  cette  exclamatioii  prononcée  solenneUeinent,  avee  le  ton  d'un 
inspiré  qui  a  une  foi  absolue  en  ses  paitoles  :  c  Atoi  n*exiêie  fw 
ta  pensée;  Fwniven  $e  eempôse  dFimpressiom,  d^iiéee^  de  pkdein 
^ei  de  peines  {i).i^ 

Ces.  expériences  eurent  un  immense  retentissement.  On  s'en 
exagéra  d'abord  la  portée  :  les  pins  enthousiastes  voyaient  déjà 
dans  l'emploi  du  gas  kUaramt  un  moyen  de  varier  les  jomssance* 
de  la  vie.  Le  nom  de  Bavy  devint  bientftt  populaire  sur  le  conti- 
nent :  chacun  voulait  respirer  le  gas  auquel  on  attribuait  le  pou* 
voir  magique  de  mettre  les  uns  dans  une  extase  délideuse  et 
d'asphyxier  les  autres  au  milieu  d'un  rire  inextinguible. 

Davy  ne  s'en  tint  pas  à  ses  expériences  sur  le  protoxyde  d'a- 
sote  ;  il  essaya  encore  d'autres  gas  sur  lui*m6me.  La  respiration 
de  Vhfdrogimeiïe  produisit  dans  le  premier  moment  aucun  efltot 
sensible;  mais,  au  bout  d'une  minute,  il  eut  de  la  difficulté  à 
respirer.  L'oppression  augmenta  au  point  de  le  forcer  à  cesser 
l'expérience.  Il  n'avait  éprouvé  aucun  vertige  ;  le  pouls  était  fidble 
etaccéléré  ;  les  joues  étaient  devenues  pourpres.  — La  respiration 
de  Vasoie,  mêlé  d'un  peu  d'acide  carbonique,  détermina  à  peu 
près  les  mêmes  symptômes. 

'  Voici  l'action  que  produisit  sur  lui  le  gaz  d'éclairage  (hydro- 
gène bicarboné).  La  première  inspiration  rendit  la  poitrine 
presque  insensible ,  les  muscles  pectoraux  paraissant  en  quelque 
sorte  paralysés.  Après  la  seconde  inspiration,  il  perdit  la  faculté 
de  percevoir  les  objets  du  monde  extérieur,  avec  un  vif  sentiment 
d'oppression.  Pendant  la  troisième  inspiration ,  ce  sentiment  fut 
suivi  d'une  prostration  qui  lui  laissait  à  peine  la  force  nécessaire 
pour  ôter  de  la  bouche  le  tuyau  par  lequel  il  faisait  ses  inspi- 
rations. Il  reprit  peu  après  ses  sens,  et,  comme  s'il  venait  de 
sortir  d'un  rêve,  il  dit  d'une  voix  affaiblie  :   «  Je  ne  pense  pas 

^  mourir.  » 

Un  mélange  de  trois  parties  d'acide  carbonique  et  d'une  partie 
d'air  produisit  un  peu  de  vertige  et  de  la  somnolence  :  l'expérience 

^  dura  près  d'une  minute.  —  Voxygène  avait  été  respiré  pendant 
six  minutes;  l'expérimentateur  n'en  ressentit  d'autre  effet  qu'un 
peu  d'oppression. 

(1  )  Researches  rdating  io  the  effects  prodnced  by  the  respiration  ofniirous 
oxyde  upon  différent  individuals,  dans  le  tome  III  des  Collected  works  of 
B.  Davy,  p.  269  et  boIt. 


TROISIÈME  ÉPOQUE .  573 

pavy  dut  probablement  à  ce  zèle  pour  la  science  Tétat  valétu- 
dinaire dans  lequel  il  languissait  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie. 

Le  comte  de  Rumford  venait  de  créer  à  Londres  V  fnslituiion 
royale.  D'une  humeur  peu  accommodante,  il  s'était  brouillé  avec 
son  professeur  de  chimie,  le  docteur  Garnett,  et  songeait  à  lui' 
donner  un  successeur.  Davy  fut  proposé  et  accepté.  Son  air  juvé- 
nile et  ses  manières  un  peu  provinciales  lui  valurent  d'abord  un- 
accueil  peu  favorable.  Mais ,  dès  sa  première  leçon  (\e  â5  avril 
1801),  il  sut,  par  la  chaleur  de  son  débit,  par  la  vivacité  et  la  clarté 
de  sa  parole ,  charmer  tous  ceux  qui  étaient  venus  l'entendre 
dans  la  petite  chambre  qu'on  lui  avait  assignée  pour  ses  cours. 
Aux  leçons  suivantes ,  il  fallut  élargir  le  local  pour  contenir  un 
auditoire  nombreux  et  de  plus  en  plus  enthousiasmé  ;  et  bientôt 
le  jeune  professeur  devint  l'homme  à  la  mode  dans  la  capitale  de 
la  Grande-Bretagne. 

Tant  de  succès ,  obtenus  à  un  âge  où  d'autres  commencent 
leur  carrière,  donnaient  la  mesure  de  sa  capacité.  Nous  expose- 
rons plus  loin  les  travaux  qui  lui  valurent  une  réputation  euro- 
péenne. Contentons-nous  ici  de  rappeler  que  Davy  devint,  en 
1803,  membre  de  la  Société  royale  de  Londres;  que  trois  ans 
après  il  remplit  les  fonctions  de  secrétaire,  et  qu'à  la  mort  de 
Joseph  Bancks  il  fut  élu  président  de  cette  savante  compagnie. 
Il  conserva  ce  poste  jusqu'à  sa  mort.  En  1812  il  fut  créé  baronnet, 
et,  en  1817,  il  fut  élu  associé  de  l'institut  de  France,  qui  deux 
ans  auparavant  l'avait  couronné ,  au  moment  où  la  guerre  avec 
l'Angleterre  était  dans  toute  sa  violence. 

Depuis  longtemps  Davy  désirait  visiter  le  continent.  Ce  désir 
fut  enfin  réalisé  vers  le  milieu  d'octobre  1813,  où  il  s'embarqua 
à  Plymouth,  en  compagnie  de  sa  femme  et  de  M.  Faraday,  son 
préparateur  et  son  secrétaire,  alors  un  jeune  homme  de  dix- 
neuf  ans.  «  Nous  allons  faire,  écrivit-il  à  sa  mère ,  un  voyage 
scientifique  qui,  je  l'espère,  nous  sera  agréable,  à  nous,  et  utile 
au  monde.  Nous  traverserons  rapidement  la  France  pour  nous 
riendre  en  Italie;  de  là  nous  pas'serons  en  Sicile,  et  nous  revien- 
drons par  l'Allemagne.  Nous  avons  l'assurance  des  gouverne- 
ments de  ces  pays  qu'on  nous  accordera  partout  aide  et  protec- 
tion. Nous  resterons  probablement  un  ou  deux  ans  absents.  » 

Davy  s'arrêta  six  mois  à  Paris.  Il  profita  de  son  séjour  pour 
faire  personnellement  connaissance  avec  des  savants  tels  que  Guy- 
ton  Morveau»  Berlhollet,  Cuvier,  Laplace ,  Vauquelin ,  Alexandre 


.i 


'  SS^i  '    ',      '     HISTOQUB'DI  Lik  CHIVIB. 


de  Hamfaûldt,  Ghaptal;  Gay-^Lossac,  etoiy  él  tmcer 'levm  por-^' 
traits.  Ces  croquis  bUniinphiqiiès,  qoin'étatrat  pas  destinés.  4 
voir  le  joaf  ,  fitrent  publiés,  en  1839,  par  John  Dayy,  qui  les  avait 
troavés  dans  les'papiers  de  son  frère  (!)• 

Vers  la  fin  de  décembre  1843,  Qavy  quitta  Paris  pour  conti- 
nuer son  vcqrage.  Passant  par  Fontainebleao,  il  Tiàta  le  palais  où 
quelques  mois  plus  tard  Napoléon  P*,  devait  abdiquer*  Il  admira  la 
beauté  de  la  toréi  sur  laquelle  s'étendait  le  lÎBcenl  de  l^ver.  La 
vue  de  ces  chênes  séculaires,  couverts  de  glaçons  étineelants^  :  loi 
inspira  un  morceau  de  poésie  dont  voiei  quelques  tagments  : 

«...  La  natore  Tepon  dans  ksilaiee'da  sommeil;  les  atlira  m  Migrent 
d'aiicoDeYardiire;aiicnisiBniiedê  la  vie  aelssmiims;  —  miSni91a9eniasl9ie 
les  revêt;  —-le  pfir  cristal  As  la glaoe  trinspartiile  refète  an  sqMl  ks  ^lelb^.  4e 
Tarc-en-dd...  Voîei  des  Uocs  ôa  pieiTe,  des  fôcben  laasslfo;  vous  les  diriex  eii**. 
tassés  par  la  main  de  llibmme ,  attristantes  mines  de  qodqiie  gnnd  pâladiii, 
Porgneil  d'andens  joors...  Plus  loin  est  le  palais  d*iuié  iseè  de  ii>b  imdssântfc; 
a  est  à  d^antrea  tSMMts:..  L'aigle  d'or  y  briHe...  Tel'  est  lé  sort  cafnridMà -des 
choses  hmaaines  :  un  empire  a'âèfe  «omma  mi  niiaes  à  llMxtiioa;:raii0S  aa  sa. 
leil  levant  Jliépaad  ses  teintes  matinales  snr  mie  sfapospl^éhM^^ 
ses  teintes  s'assomlurissent ,  mi  orage  approobe,  la  foudre  éclate ,  le  tomiene 
gronde;  mais  bientôt  la  tefmpéte  ifapaise,  et  tout  rentre  dans  le  sQence'.  »' 


»■   « 


Ces  lignes  portent  la  date  du  HQ  décembre:  1813,. D^v;  pour- 
suivit sa  route  par  TAuvergne,  dont  il  visiia  les  yoïcans  éteints.  La 
vue  du  mont  Blanc  des  hauteurs  de  Lyon,  les  bor4s  du  Rhône,  la 
fontaine  de  Yâucluse,  la  Méditerranée  à  Montpellier,  le  Ganigou, 
Carrara,  etc.,  inspirèrent  successivement  la  m  use  du  poète  chi- 
miste. 11  entra  en  Italie  par  Nice  et  le  soi  de  Tende  ;  il  passa  par 
Turin  et  s'arrêta  plusieurs  jours  à  Gênes  où  il  fit  quelques  re- 
cherches sur  la  torpille.  Il  ne  croyait  pas  que  Torgane  électrique 
de  ce  poisson  fût  tout  à  fait  analogue  à  la  pile  de  Volta. 

De  Gênes  Davy  se  rendit  à  Florence  et  de  là  à  Rome,  où  il  fut 
en  avril  1814.  Après  avoir  séjourné  quelque  tempsàNaples  et  à 
Rome ,  il  revint  par  la  Lombardie  et  la  Suisse.  A  Milan ,  il  vit 
Volta.  «  C'était,  racontè-t-il ,  un  homme  déjà  avancé  en  âge  et 
d'une  mauvaise  santé.  Sa  conversation  n'était  pas  brillante;  ses 
vues  étaient  assez  restreintes,  mais  marquant  beaucoup  d'ingé- 
nuité. Ses  manières  étaient  d'une  simplicité  parfaite.  Il  n'avait 
pas  l'air  d'un  courtisan ,  ni  même  celui  d'un  homme  qui  a  vécu 
dans  le  monde.  » 

Davy  franchit  les  Alpes  par  le  Simplon,  et  arriva  à  Genève  vers  la 

(1)  Voy.  les  articles  Guylon»Morveau,  Berthollet,  etc. 


TlOISIÈME  ÉPOQUE.     .  575 

fin  de  juin.  Habitant  une  jolie  maison  de  campagne  aux  bords 
du. lac,  il  s'y  livra,  pendant  trois  mois,  à  la  pêche  à: la  ligne, 
pour  laquelle  il  eut  toute  sa  vie  une  véritable  passion.  A  la  fin 
de  septembre,  il  revint  par  le  Tyrol  en  Italie ,  pour  y  passer  Thi- 
ver,  et,  au  printemps  de  1845,  il  était  de  retour  à  Londres.  Il  y 
continua  ses  travaux,  qu'il  n'avait  pas  même  interrompus  pendant 
son  voyage. 

Ce  fut  peu  de  temps  après  son  retour  en  Angleterre  que  Davy 
inventa  la  lampe  de$  mineurs,  qui  porte  son  nom.  Les  anciens 
savaient  déjà  que  les  mines  des  galeries  souterraines  sont  quel-  ' 
quefois  remplies  de!  gaz  détonants,  tels  que  Thydrogène  carboné 
ouThydrogène  simple,  mêlé  d'une  petite  quantité  d'air  atmosphé- 
rique, susceptibles  de  déterminer  l'asphyxie  et  des  explosions 
terribles  au  contact  d'une  flamme.  Une  de  ces  explosions  eut 
lien  ^  en  4842,  dans  la  mine  de  Felling,  en  Angleterre  :  en  un 
instant  plus  de  cent  ouvriers  périrent ,  affreusement  mutilés.  Un 
comité  de  propriétaires  de  houillères  s'organisa,  et  fit  un  appel 
à  la  science  de  Havy  pour  prévenir  le  retour  de  pareils  désastres. 
Xe  problème  paraissait  bien  difficile  à  résoudre  :  empêcher  des 
gaz  inflammables  défaire  explosion  au  eontaiet  du  feu,  c'était  de- 
mander presque  l'impossible. 

Cependant  Davy  ne  désespéra  point.  Il  se  mit  d'abord  à  étudier 
les  gaz  explosibles  ou  inflammables ,  détermina  les  proportions 
dans  lesquelles  leurs  mélanges  détonent,  et  observa  le  premier 
que  la  flamme  ne  se  propage  pas  dans  les  tubes  à  capacité  très- 
rétrécie,  nia  travers  les  mailles  étroites  d'un  réseau  métallique. 
Ce  fut  là  -pour  lui  un  trait  de  lumière.  Après  quelques  tâtonne- 
ments, il  parvint  à  construire  un  appareil  fort  simple ,  composé 
d'une  gaze  ou  toile  métallique,  entourant  une  lampe  ordinaire  : 
l'air  détonant  ne  peut  qu'éteindre  la  flamme,  sans  produire  au- 
cune explosion ,  et  même  alors  un  fil  de  platine ,  roulé  en  spirale, 
au-dessus  de  la  mèche  éteinte ,  suffira,  par  son  incandescence,  à 
éclairer  les  mineurs ,  tant  qu'ils  pourront  se  maintenir  dans  un 
air  aussi  peu  respirable. 

Telle  est  la  lampe  de  Davy  y  qui,  depuis  son  invention,  a  con- 
servé la  vie  à  des  milliers  d'ouvriers.  Des  amis  engagèrent  l'in- 
venteur à  prendre  un  brevet.  «Vous  pourriez,  lui  disait  l'un  d'eux, 
gagner  ainsi  5  à  10,000  livres  sterling  par  an.  »  —  «  Non,  mon 
ami,  répliqua  Davy;  ma  pensée  ne  futjamais.de  ce  côté-là  :  ma 
seiile  ambition  est  de  servir  l'humanité.  Et  si  l'on  croit  que 


i'  :  ■ 


t . 


576    "  HinOlBB  01  U.  GHIIIIS.      , 

'■  .  '  j'y  ai  réussi,  je  me  trouverai  amplement  récompensé  :  par  ta 
'  OQDSçienee  d'avoir  bit  da  bien  k  mes  semUables.  »  •  .  r 
Dans  Que  av^  occasion,  il  inontrale  même  désintérenemenk 
L'Angleterre  dépensait  tons  les  ans  des  sommes  constdéfld>les 
pour  la  réparation  de  ses  vaisseaux,  dont  les  doublages  ea  cuinto 
étaient  rongés  par  l'eau  de  mer.  Davy  ftat  invité  i  y  porter  remède.^ 
L'éminent  chimiste ,  gui  voyait  dans  ce  phénomène  une  aetioa 
électro-chimique,  imagina  de  neutraliser  l'état  éleetriqae  du 
cuivre  par  de  petits  clous  de  fer,  dont  un  sral  devait  prtemer  de . 
la  décomposition  au  moins  un  pied  carré  de  cuivre.  Des  navires, 
préparés  d'après  cette  méthode,  allèrent  en  Amérique  et  ea^re^ 
vinrent.sans  que  leur  doublage  fût  oxydé. 

Dès  ce  moment  on  Croyait  tout  posdUe  an  génie  de  c^  homme 
extraordinaire,  et,  pour  employer  une  expression  de  Gnvier,; 
«  on  lui  commandait  une  découverte  comme  i  d'autres  une  foui^ 

•  '        niture  ».  .  ' 

Le  prince-régent,  devenu  roi  sous  le  nom  de  Georges  IV^ s'in^ 
téressaitaux  fouilles  d'HercuIanum  et  de  Pompéi,  deux  cités 
romaines  ensevelies ,  en  l'an  60  de  notre  ère,  par  les  cendres 
d'une  éruption  du  Vésuve.  On  en  avait  retiré,  entre  autres^ ,  des 
rouleaux  de  manuscrits;  un  livre  de  Cicéron,  le  De  repiAUeti, 
que  l'on  croyait  depuia  longtemps  irréparablement  perdu,  nous 
a  été  ainsi  conservé.  Mais  ces  manuscrits,  tout  en  conservant 
rintégrité  de  leurs  caractères,  étaient  complètement  carbonisés. 
Il  s'agissait  de  les  dérouler  sans  les  détruire,  sans  rendre  l'écri- 
ture illisible.  Le  souverain  de  la  Grande-Bretagne  chargea  Davy 
de  résoudre  ce  difficile  problème.  Ce  fut  pour  l'illustre  chimiste 
l'occasion  de  revoir  l'Italie. 

Davy  quitta  donc  une  seconde  fois  son  pays  natal,  le  %  mai 
4818.  Son  itinéraire  le  conduisit  cette  foi^  à  travers  l'Allemagne. 
Le  43  juin  il  était  à  Vienne ,  et  quatre  mois  après  à  Rome.  De 
là  il  se  rendit  à  Naples  pouf  commencer  immédiatement  ses  opé- 
rations sur  les  manuscrits  d'HercuIanum.  La  chimie  donnait  l'es- 
poir de  faciliter  ce  travail;  mais  l'effet  d'une  carbonisation  pro- 
fonde rendit  inapplicable  tout  procédé  de  ramollissement.  Davy 
dut  se  borner  à  l'indication  de  quelques  moyens  propres  h  mieux 
détacher  les  parties  adhérentes  et  à  étendre  les  rouleaux  moins 
imparfaitement  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'alors. 

Il  profita  de  son  voyage  pour  étudier  la  nature  des  couleurs 
dont  se  servaient  les  peintres  de  l'antiquité  ;  quelques  écailles 


TROISIEME  ÉPOQUE.  577 

détachées  des  murs  de  Pompé!  et  d'Herculanum  lub  suffirent 
pour  démontrer,  à  l'aide  de  l'analyse,  que  ces  couleurs,  à  peu 
près  aussi  variées  que  les  nôtres ,  ont  été,  pour  la  plupart ,  em- 
pruntées au  règne  minéral ,  et  qu'elles  sont  d'une  préparation 
parfaite.  Le  voisinage  du  Vésuve  devint  pour  lui  une  occasion 
d'émettre  des  vues  nouvelles  sur  la  formation  des  volcans  et  sur 
l'état  primitif  du  globe.  Il  y  rattacha  en  même  temps  des  idées 
d'un  ordre  plus  élevé. 

Ces  idées  se  trouvent  consignées  dans  un  ouvrage  extrêmement 
remarquable ,  qui  a  pour  titre  :  Consolations  in  travel,  or  the 
last  days  of  a  philosopher  (Consolations  en  voyage,  ou  les  der- 
niers jours  d'un  philosophe).  Il  est  divisé  en  sept  dialogues ,  dont 
le  principal  personnage  esi  Vlnctmnu  qui  apparut  à  Davy  pendant 
une  promenade  nocturne  dans  les  ruines  du  Colisée  à  Rome. 
Voici,  entre  autres,  les  paroles  qu'il  met  dans  la  boi^che  de  cet 
Inconnu  pour  combattre  le  matérialisme.  «....  Sans  doute,  dit-il^ 
la  vision  ne  peut  pas  se  passer  du  nerf  optique,  de  même  que  la 
pensée  a  besoin  du  cerveau.  Mais  le  nerf  optique  et  le  cerveau  ne 
sont  que  les  instruments  matériels  d'un  pouvoir  ou  d'une  force 
qui  n'a  rien  de  commun  avec  eux.  Cela  s'applique  aussi  à  tous  les 
autres  organes.  Si  vous  arrêtez  le  mouvement  du  cœur,  vous  ferez 
cesser  la  vie  ;  mais  le  principe  moteur  n'est  ni  dans  les  muscles 
du  cœur,  ni  dans  le  sang  artériel ,  que  ces  muscles  envoient  à 
toutes  les  parties  du  corps.  Un  sauvage,  qui  voit  la  roue  d'une 
machine  à  vapeur  s'arrêter  tout  à  coup,  peut  très-bien  s'imaginer 
que  le  principe  du  mouvement  est  dans  la  roue  qu'il  a  sous  les 
yeux;  il  lui  sera  même  impossible  de  deviner  que  ce  mouvement 
dépend  d'abord  de  l'action  de  la  vapeur,  puis  du  feu  entretenu  sous 
une  chaudière  d'eau.  Le  physicien,  qui  en  sait  plus  que  le  sauvage, 
ne  s'y  trompera  point  :  il  prendra  immédiatement  le  feu  pour  la 
cause  du  mouvement  de  la  machine  à  vapeur.  Mais  l'un  et  l'autre 
sont  également  ignorants  en  ce  qui  concerne  le  feu  divin  qui  fait 
mouvoir  les  rouages  de  notre  corps.. .  Le  développement  de  l'intel- 
ligence consiste  en  une  succession  de  changements  ou  de  mouve- 
ments, dont  nous  ne  retenons  que  ce  qui  nous  est  utile  ou  néces- 
saire. L'enfant  qui  vient  de  naître  a  oublié  ce  qu'il  faisait  au 
sein  de  sa  mère  ;  bientôt  il  ne  se  rappellera  plus  rien  de  ce  qu'il 
faisait  dans  les  deux  premières  années  qui  suivirent  sa  naissance. 
Nous  ne  sentons  qu'à  l'aide  d'organes  matériels ,  et  nos  sensa- 
tions se  modifient  avec  nos  organes.  Dans  la  vieillesse ,  les  sen- 

mST.   DE  LA  CHIMIE.   —  T.   II.  37 


■•        / 


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578 


■isTooi  hmk  camBL 


sations  émouBsées  font  tomber  Tâme  dant  une  sorte  tte^iôiÂmdly 
d'où  elle  se  réveillera  pour  one  nonvelle  vie.  •  Dans  notlre  fM 
présent,  rinfelligence  est  naturellement  limitée  el  ilÉparfatt]^; 
mais  cette  imperfection  dépend  de  son  mécanisme  matériel' : 
noos  devons  convenir  qu'avec  une  organisation  plus  parfiita^i 
l'intelligence  jouirait  d'un  poqvoir  beaucoup  plus  étendu.  Si 
rbomme,  tel  qu'il  est  actuellement  organisé,  était  ûnnsKirtél,  ce 
serait  l'éternité  attachée  à  une  machine  :  la  plus. grande  partie 
de  ses  connaissances  ou  de  ses  souvenirs  se  perdraient  peu  i  peu, 
en  sorte  qu'il  serait,  relativement  à  ce  qui  est  arrivé  il.y  a  mille 
ans,  exactement  comme  l'enfant  qui  perd  le  souvenir  dès  événe» 
ments  des  premières  années  de  sa  vie...  On  essayera  vaùnemant 
d'expliquer  comment  le  corps  est  uni  au  sentiment  ei  à  1&  pen* 
sée.  Les  nerfs  et  le  cerveau  y  interviennent  sans  doute  ;  mm 
daps  quel  rapport?  Voilà  ce  qu'il  est  impossible  de  dire.  A  juger 
par  la  rapidité  et  la  variété  infinie  des  phénomènes  de  la  percep** 
lion ,  il  parait  extrêmement  probable  qu'il  y  a  dans  le  cerveau  i$ 
dans  les  nerfs  une  substance  infiniment  plus  subtile  que  tout  ^ 
que  l'observation  et  l'expérience  y  font  découvrir,  et  que  l'union 
immédiate  du  corps  avec  le  sentiment  et  la  pensée  a  liea  par 
l'intermédiaire  de  certains  fluides  élhérés,  insaisissables  par 
nos  sens,  et  qui  sont  peut-être  à  la  chaleur,  à  la  lumière ,  i  l'é- 
lectrîcité,  ce  que  celles-ci  sontauxgaz...Je  n'ai  aucune  prétention 
d'établir  à  cet  égard  une  croyance  certaine,  et  je  suis  loin  d'ad- 
mettre l'hypothèse  de  Newton  qui  place  la  cause  immédiate  de 
nos  sensations  dans  les  oscillations  d'un  milieu  éthéré.  Cependant 
il  ne  me  paraît  pas  improbable  que  quelque  chose  du  méca* 
nisme  si  raffiné  de  la  faculté  sensitive ,  quelque  chose  d'indes- 
tructible ,  n'adhère  à  la  faculté  pensante,  après  la  destruction  de 
nos  organes  matériels,  après  la  cessation  de  la  vie  du  corps.  » 

En  comparant  ces  idées  avec  celles  que  Davy  avait  à  dix-huit 
ans,  on  voit  quelle  révolution  s'était  opérée  dans  son  âme  par  la 
maturité  de  la  réflexion  :  du  matérialisme  le  plus  affirmatif  il  était 
arrivé  à  ce  spiritualisme  éclairé  qui  caractérise  tous  les  hommes 
de  génie,  les  vrais  bienfaiteurs  de  l'humanité! 

La  santé  de  Davy  déclinait  visiblement.  Un  séjour  prolongé  à 
Florence  et  à  Rome  n'eut  point  sur  lui  l'heureuse  influence  qu'en 
espéraient  ses  amis.  Ce  fut  pendant  ses  pérégrinations  de  valétudi- 
naire qu'il  composai  les  Derniers  Jonrs  d'un  Philosophe,  que  Cuvier 
appelle  «  l'ouvrage  de  Platon  mourant  ».  A  peine  arrivé  à  Ge- 


.    *J 


TROISIÈME  ÉPOQUE.  579 

nèvie^.Davy  expira  à  cinquante  et  un  ans  dans  ies  bras  de  son  frère 
John,  accouru  pour  le  soigner  dans  ses  derniers  moments. 

Le  tombeau  de  Davy  se  voit,  dans  le  cimetière  de  Genève,  à 
côté  de  .celui  de  Pictet  :  c'est  une  simple  pierre  tumulaire, 
posée  à  plat  sur  le  sol  ;  en  écartant  les  plantes  rampantes  qui  la 
couvrent»  on  y  lit;  profondément  gravé  en  creux,  ce  seul  mot  : 
Spero  !  Il  errait  sur  les  lèvres  du  mourant  qui  mettait  son  espé- 
rance dans  une  autre  vie. 

Travaux  4e  DaTy* 

A  la  terre  la  dépouilie  mortelle  !  A  nous ,  aux  générations  à 
venir,  la  pensée  qui  vivifie  I  -^Lavoisier  avait  légué  à  la  posté- 
rité deux  idées  qui  semblaient  devoir  primer  toute  la  science  : 
Tune,  grande  et  simple,  déjà  entrevue  dans  Tantiquité;  l'autre, 
belle  et  séduisante ,  entièrement  neuve.  La  première  était  vraie  : 
elle  donnait  à  entendre  que  beaucoup  de  corps  jusqu'alors  répu- 
tés simples  étaient  composés.  La  seconde  était  fausse  :  elle  posait, 
Toxygène  comme  le  générateur  de  tous  les  acides  et  de  toutes 
les  bases. 

C'est  ce  programme  en  deux  parties,  contenant  la  vérité  à  côté 
de  l'erreur,  que  Davy  eut  la  gloire  de  réaliser  dans  le  sens  que 
nous  venons  d'indiquer.  Voyons  comment  il  y  parvînt. 

PREMIÈRE  PARTIE  DU  PROGRAMME. 

^  Les  effets  de  l'électricité  occupaient  depuis  plus  d'un  demi- 
siècle  l'attention  des  physiciens,  lorsque  la  découverte  de  la  pile 
de  Volta  vint  redoubler  leur  zèle  :  chacun  voulait  expérimenter 
.raction  de  cet  instrument  simple  et  merveilleux.  Rien  de  plus 
instructif  pour  le  penseur  que  ce  conflit  d'opinions  et  de  théories 
contraires  que  l'on  vit  alors  surgir  de  toutes  parts.  Le  premier 
sera  le  dernier  :  Terreur  ouvre  la  marche;  la  vérité  ne  viendra 
qu'après;  mais  elle  finira  par  marcher  en  tête  :  c'est  elle  qui  aura 
Le  dernier  mot. 

En  1800,  Carlisle  et  Nicholson  firent,  en  Angleterre,  une  ex- 
périence bien  facile  à  répéter  partout  :  elle  consistait  à  plonger 
dans  l'eau  commune  les  fils  métalliques  fixés  aux  deux  pôles 
(positif  et  négatif)  de  la  pile.  Ils  virent  ainsi  l'eau  se  décompo- 
ser :  le  gaz  oxygène  se  portait  au  pôle  positif,  et  le  gaz  hydro- 
gène au  pôle  négatif;  en  même  temps,  il  apparaissait  un  peu 

37. 


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580  HUnOIEl  ]»  Là  CHOOS.' 

d'acide  d'an  c6té  et  d'alcali  de  l'antre.  Cette  apparition,  qui  gî- 
tait tout,  semblait  celle  d'un  génie  malin-,  Toolant  épronTerli. 
patience  de  l'homme.  /    ' 

Dans  la  même  année ,  Ritter,  en  Allemagne,  répéta,.  »iec  quel» 
ques  modifications,  l'expérience  des  physiciens  anglais  ;  il  obtint 
les  mêmes  résultats,  liais  il  en  conclut  que  l'oxygène  et  Itiy- 
drogène  sont  de  l'eau  combinée  ayec  les  deux  élècMcités  cen^ 
traires,  que  l'oxygène  est  de  l'eau  combinée  avec  l'électricité  posi- 
tive, tandis  que  l'hydrogène  est  de  Teau  combinée  avec  l'électricité 
négative.  Cette  explication  ne  faisait  qu*obscurcir  le  bit  au  lieu 
de  réclaircir.  Dans  d'autres  expériences ,  oit  l'on  avait  établi  kl 
communication  entre  les  deux  vases,  destinés,  à  recevoir  l'hydro- 
gène et  l'oxygène,  il  paraissait  toujours  de  l'acide  nmriatique 
(chtorhydrique)  au  p61e  positif.  On  en  avait  induit  que  cet  acide! 
était  un  sous-oxyde  d'hydrogène.  C'était  là  compliquer  la  ques- 
tion d'une  nouvelle  erreur..  En  1803,  Hizinger  et  Bersélius  mon- 
trèrent que  l'action  décomposante  de  la  pile  s'étend  à  tous  les 
composés^,  et  qu'elle  fait  toujours  paraître  les  acides  au  pôle 
positif  et  les  alcalis  au  pôle  négatif.  C'était  quelque  chose;  maii^  < 
la  question  continuait  à  rester  obscure. 

Davy.  avait  suivi  toutes  ces  expériences  avec  le  plus  vif  intérêt- 
li  les  répéta  de  son  côté ,  avec  des  pUes  plus  fortes,  et  les  varia; . 
diversement.  Il  réussît  ainsi  à  démontrer  que,  lorsque  l'eau  est 
pure ,  on  n'en  extrait,  par  l'action  décomposante  de  la  pile,  que 
de  l'hydrogène  et  de  l'oxygène,  exactement  dans  les  proportions 
où  ces  deux  gaz  se  combinent  pour  former  de  l'eau  ;  et  que, 
quant  aux  acides  et  alcalis  qui  peuvent  se  produire ,  ils  tiennent 
à  des  matières  salines  que  l'eau  commune  contient  toujours  en 
dissolution.  {Voy.  ci-dessous  la  figure  du  petit  appareil  dont  il  se 
servait.)  Cette  fois  la  lumière  était  faite. 


-  H 


TROISIÈME  EPOQUE.  .581 

Après  avoir  soumis  beaucoup  d'autres  composés  au  même 
agent  de  décomposition,  Davy  formula  le  premier  la  loi  qui  ser- 
vit à  Berzélius  pour  rétablissement  de  sa  classification  des  corps 
simples  et  de  sa  théorie  électro-chimique,  suivant  laquelle 
raffinité  consiste  dans  Vénergie  des  pouvoirs  électriques  opposés. 
Davy  communiqua  les  résultats  de  son  travail ,  le  20  novembre 
1806,  à  la  Société  royale  de  Londres;  ils  ont  été  réimprimés 
dans  le  tome  V  des  Œuvres  de  H.  Davy  (Londres ,  1840).  Ce  fut 
pour  ce  travail  que  Davy  remporta  le  prix  de  l'Institut  de  France, 
fondé  pour  le  progrès  de  l'électricité.  Mais  un  triomphe  plus 
éclatant  l'attendait. 

DéeouTerCe  4u  potassium^  4a  Bodioin^  etc.  —  NouS  avons  VU 

que  Lavoisier  avait  élevé  des  doutes  sur  la  simplicité  des  alcalis 
fixes  (potasse  et  soude),  et  des  terres  (chaux,  magnésie,  alu- 
mine, etc.).  Ces  doutes  exercèrent  particulièrement  la  sagacité 
de  Davy.  Ici  encore,  la  pile  lui  servit  de  moyen  d'analyse.  Il 
l'essaya  d'abord  sur  la  potasse  en  dissolution  aqueuse;  puis,  sur 
de  la  potasse  soumise  à  la  fusion  ignée.  Il  échoua  dans  l'un  et 
l'autre  essai.  11  employa  alors  la  potasse  légèrement  humide. 
Mais  laissons-le  raconter  lui-même  cette  expérience  mémorable  :► 
<c  J'en  plaçai,  dit-il,  un  petit  fragment  sur  un  disque  isolant  de 
platine,  communiquant  avec  le  côté  négatif  d'une  batterie  élec- 
trique de  250  plaques  (cuivre  et  zinc)  en  pleine  activité.  Un  fil 
de  platine,  communiquant  avec  le  côté  positif,  fut  mis  en  con- 
tact avec  la  face  supérieure  de  la  potasse.  Tout  l'appareil  fonc- 
tionnait à  l'air  libre.  Dans  ces  circonstances  une  action  très-vive 
se  manifesta;  la  potasse  se  mit  à  fondre  à  ses  deux  points  d'é- 
lectrisation.  Il  y  eut  à  la  face  supérieure  (positive)  une  vive  effer- 
vescence, déterminée  par  le  dégagement  d'un  fluide  élastique; 
'  à  la  face  inférieure  (négative),  il  ne  se  dégageait  aucun  fluide 
élastique  ;  mais  il  y  apparut  de  petits  globules  d'un  vif  éclat  mé- 
tallique, tout  à  fait  semblables  aux  globules  de  mercure.  Quel- 
ques-uns de  ces  globules,  à  mesure  qu'ils  se  formaient,  brûlaient 
avec  explosion  et  une  flamme  brillante;  d'autres 'perdaient  peu  à 
peu  leur  éclat  et  se  couvraient  finalement  d'une  croûte  blanche. 
Ces  globules  formaient  la  substance  que  je  cherchais  :  c'était  un 
principe  combustible  particulier,  c'était  la  base  de  la  potasse^ 
C'était  \t  potassium.  » 

On  ne  saurait  raconter  plus  simplement  une  aussi  grande  dé- 
couverte. Cependant  elle  causa  à  son  illustre  auteur  une  vive 


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VSi  HisTom  1»  Là  eanai/ 

émotion  que  son  frère  raconte  en  ces  terme  :  «Quand  il  ^Ites 
petits  globules  de  pot^sinm  percer  la  cro&le  de  la  potasse  et  - 
8*enflammer  au  contact  de  l'eau  et  de  l'air,  il  ne  parconfèhîr  te 
joie  :  il  se  promenait  dans  sa  chambre  en  sautant  comme  à^ 
d'un  délire  extatique;  il  lui  fallut  quelque  temps  pour  se' re- 
mettre et  continuer  ses  recherches  (4).  d  . 
'  Reprenant  un  à  un  tous  les  détails  de  son  expérience,  Dny 
s'assura  définitivement  que  ces  globules,  d*un  éclat  argenté,  qiUf 
jetés  sur  l'eau,  s'y  enflammaient,  brûlaient  avec  une  .flamme 

'  purpurine  et  s'éteignaient  avec  une  légère  explosion,' ea un  met, 
que  cette  substance  brillante  était  un  métal  jusqu'alors'  inconnu; 
que  la  croûte  blanche,  dont  se  couvraient  les  globules,  éiàil  de 
la  potasse  régénérée;  que  l'effervescence,  remarquée  au  pAle 
positif  de  la  pile,  provenait  de  l'oxygène  dégagé  delà  potasse; 
que  ce  nouveau  métal  décompose  l'eau  en  s'emparant  de  l'oxy- 
gène qui  se  fixe  et  en  dégageant  l'hydrogène  qui  s'enflamme. 
Enfin  c'est  ce  métal  ou  corps  simple  qui  reçut  de  Davy  Ini^  ' 
même  le  nom  de  potassium. 
Le  grand  chimiste  appliqua  le  même  moyen  de  décomposi- 

'tion  à  la  soude,  et  il  obtint  le  même  succès.  Seulemesnt  le  «h 
diunty  placé  dans  les  mêmes  conditions  que  le  potassium,  brû- 
lait avec  une  flamme  jaune,  ce  qui  devait,  outre  sa  densité  pliu 
faible,  servir  à  le  distinguer  du  potassium. 

Ces  expériences  si  décisives,  ces  découvertes  si  belles,  trouvè- 
rent cependant  des  contradicteurs.  On  supposa  que  ces  corps 
nouveaux,  qui  semblaient  mettre  les  savants  sur  la  voie  du  fa- 
meux feu  grégeois,  n'étaient  que  des  combinaisons  d'hydrogène 
ou  de  carbone  avec  les  alcalis.  Pour  faire  tomber  ces  objections 
et  hypothèses,  Davy  dut  répéter  ses  expériences  et  montrer  quele 
potassium  et  le  sodium  non-seulement  ne  contiennent  ni  hydro- 
gène, ni  carbone,  mais  qu'ils  ne  peuvent  brûler,  en  se  changeant 
en  potasse  et  en  soude,  qu'au  contact  de  matières  oxygénées, 
et  qu'il  faut  les  conserver  dans  des  liquides  exempts  d'oxygène, 
tel  que  le  pétrole  ou  huile  de  naphte  (2). 
Voilà  comment  Davy  découvrit  et  démontra  que  la  potasse  et 

.    (1)  Memoirs  ofthe  life  ofsir  H,  Davy,  p.  109. 

(2)  On  ihe  décomposition  of  the  fixed  alcalies;  Mémoire  lu  le  19  novembre 
1807  à  la  Société  royale  de  Londres,  publié  dans  le  recueil  de  ceUe  société 
{ Philosophical  transactions  )f  année  1808,  et  réimprimé  dans  le  tome  T, 
p.  60-61,  des  œuvres  de  H.  Davy. 


1 

•  .i 


tEOisiiMB  iPOOVE.  583 

la  soude  sont  de  véritables  oxydes^  des  oxydes  de  potassium  et 
de  sodium;  et,  comme  on  ne  connaissait  alors  que  des  oxydes 
métalliques,  il  assimila,  par  une  conception  hardie,  le  potassium 
et  le  sodium  à  de  véritables  métaux. 

La  découverte  du  potassium  e{  du  sodium  fit  naturellement 
songera  la  possibilité  de  décomposer  de  même  les  terres  alca- 
lines, telles  que  la  chaux,  la  baryte,  la  strontiane,  la  magnésie. 
Les  premières  tentatives  échouèrent  ou  ne  donnèrent  que  des 
résultats  incomplets.  En  modifiant  ses  expériences  sur  quelques 
indications  de  Berzélius  et  de  Pontin,  engagés  dans  les  mêmes 
recherches,  c'est-à-dire  en  mettant  les  terres  alcalines,  légère- 
ment humectées  et  mêlées  d'oxyde  de  mercure,  en  contact  avec 
des  globules  de  ce  métal,  Davy  obtenait  des  amalgames  d'où  il 
expulsait  ensuite  le  mercure  par  la  distillation.  C'est  ainsi  qu'il 
découvrit  le  baryum,  le  strontium,  le  calcium  et  le  magnésium^ 
en  quantité  très-petites,  il  est  vrai,  mais  suffisantes  pour  mon- 
trer que  ces  corps  simples,  non  volatils  à  la  chaleur  rouge,  ont 
un  éclat  argentin,  qu'ils  sont  plus  pesants  que  l'eau,  très-avidçs 
-d'oxygène,  et  qu'à  une  certaine  température  ils  enlèvent  ce  gaz  à 
tous  les  corps  oxygénés,  pour  redevenir  oxydes  de  baryum,  de 
strontium,  de  calcium,  de  magnésium,  c'est-à-dire,  baryte, 
strontiane,  chaux,  magnésie;  exactement  comme  le  potassium* 
et  le  sodium  qui  redeviennent,  dans  les  mômes  circonstances, 
oxyde  de  potassium  et  oxyde  de  sodium,  c'est-à-dire  potasse  et 
soude. 

C'estainsiquefut  accompli  ce  que  La voisier  avait  prédit.  Davy 
,  démontra  donc  que  les  alcalis  fixes  et  les  terres  alcalines  sont» 
non  plus  des  corps  élémentaires,  mais  des  corps  composés. 

La  nouvelle  méthode  fut  féconde  en  découvertes.  En  éleclri- 
sant  négativement  du  mercure  en  contact  avec  une  solution  con- 
centrée d'ammoniaque,  Davy  vit  le  mercure  se  solidifier  et 
perdre  les  trois  quarts  de  sa  densité  par  l'absorption  d'une  quan- 
tité de  gaz  équivalant  à  peine  à  un  deux  cent  trentième  de  son 
poids.  Celle  expérience  lui  fit  supposer  que  l'alcali  volatil,  l'am- 
moniaque,  pourrait  aussi  avoir  pour  base  un  métal,  dont  l'azote  et 
l'hydrogène  seraient  les  éléments.  Puis,  par  une  sorte  d'intui- 
tion, reprise  de  nos  jours,  il  se  demandait  si  l'hydrogène  ne  se- 
rait pas  le  principe  métallisateur  par  excellence,  et  si  les  oxydes 
ne  seraient  pas  des  radicaux  combinés  avec  l'eau. 

*  A  Ja  suite  des  fatigues  et  des  émotions  que  lui  avaient  causées 


•     •    •  I     ■ 


4 


584  HI8IÛIIX  lix,  là 


H:if   II 


^ès^  travaus  sur  la  décomposition  de»  alcalis,  Diiiy  tomba  malade 
et  fût  obligé,  depuis,  le  23  novembre  1807,  de  ^rder  le  lit  peii- 
daot  neuf  semaines.  La  maladie,  espèce.de  fièvre  typhoïde,  était 
assez  grave  pour  mettre  sa  vie  en  danger;  ce  qui  contribuait 
encore  à  l'augmenter,  c'était  la.craintedene  pas  pouvoir  mettre 
ses  découvertes  au  jour.  Enfin,  grâce  aux  soins  dont  il  était  en- 
touré, il  se  rétablit  ;  mais  sa  convalescence  fut  longue,  eLil  ne  put 
reprendre  son  cours  à  llnstitution  royale  que  le  12  mars  1 808.  . 

Ses  leçons,  réunies  à  diverses  notes  communiquées  à  la  Société 
royale  de  Londres,  ont  été  publiées,  sous  le  titre  de  Bakerian 
Ueturesy  dans  le  tome  V  des  Œuvres  de  H.  Davy,  coliigées  par 
son  frère  John  Davy.  Ce  volume  renfermé  les  travaux  les  plus 
importants  du  célèbre  chimiste  anglais.  Voici  comment  Xest 
autres  travaux  ont  été  répartis  dans  les  CoUecled  Works,  ouvrage 
publié  onze  ans  après  la  mort  de  l'auteur. 

Le  tome  I  comprend  la  Notice  biographique^  mêlée  de  frag- 
ments de  lettres  et  de  notes  du  Journal  de  H.  Davy. 

Le  tome  n  contient  des  mélanges  de  physique  et  de  chimie. 
On  y  remarque  des  notices  fort  intéressantes  sur  la  chaleur  et 
la  lumière,  ainsi  que  sur  l'électricité  galvanique,  et  les  premières 
expériences  faites  avec  la  pile  de  Yolta.  Le  volume  se  termine 
'  par  un  discours  introductif  au  cours  de  chimie  fait  à  rinstitution 
royale. 

Le  tome  III  renferme  des  recherches  chimiques  et  philosophi- 
ques. C'est  là  qu'on  trouve,  entre  autres,  les  expériences  sur  la 
respiration  des  gaz  dont  nous  avons  rendu  compte  plus  haut. 

Le  tome  IV  est  Un  traité  de  chimie  élémentaire,  intitulé  :  J^/e- 
ments  of  Chemical  philosophy,  pvécédés  d'un  abrégé  de  l'histoire 
de  la  chimie. 

Le  tome  V  contient  les  Bakerian  lectures  depuis  1806  jusqu'en 
1815. 

Le  tome  VI  expose  l'invention  de  la  lampe  de  sûreté,  et  les 
travaux  sur  les  manuscrits  d'Herculanuifn,  ainsi  que  sur  les  cou- 
leurs des  anciens.  Nous  avons  déjà  dit  un  mot  de  ces  travaux. 

Les  tomes  VII  et  Vlll  donnent  un  traité  de  chimie  agricole  du 
plus  haut  intérêt,  terminé  par  un  exposé  historique  de  l'électri- 
cité. 

Le  tome  IX  contient,  sous  le  titre  de  Salmoniay  un  curieux  traité 
de  pèche  et  d'histoire  naturelle;  il  est  terminé  par /es  Derniers 
Jours  d'un  Philosophe,  dont  nous  avons  déjà  parlé. 


TROISIEME  iPOOUE.  58ë 


SECONDE  PARTIE  BU   PROGRAMME. 


■  Davy  était  convaincu  que  le  rôle  de  l'oxygène  n'est  pas  aussi 
général  que  Lavoisier  l'avait  prétendu.  Fort  de  cefte  opinion,  le 
grand  chimiste  aborda  l'élude  du  corps  que  Scheele  avait  ob-' 
tenu  en  traitant  l'acide  muriatique  par  l'oxyde  de  manganèse  et 
qu'il  avait  nommé  acide  muriatique  déphlogistiqUê.  —  Le  mot  de 
déphlogistiqué  est  ici  synonyme  de  dêshydrogéné,  parce  que,  sui- 
vant la  théorie  stahlienne  modifiée,  le  phlogistique  était  l'air  in- 
flammable, l'hydrogène  lui-même.  —  Berthollet  fit,  sur  le  corps 
découvert  par  Scheele,  une  série  d'expériences  qui  montraient 
que,  dissous  dans  l'eau,  ce  corps  donne  de  l'oxygène,  sous  l'in- 
fluence de  la  lumière.  Berthollet  en  conclut  que  c'était  une  com- 
binaison d'oxygène  avec  l'acide  muriatique,  et  il  proposa  de  le 
nommer  acide  muriatique  oxygéné.  Quant  à  l'acide  mtiriatiqiie 
ordinaire,  c'était,  suivant  la  théorie  de  Lavoisier,  admise  par 
Berthollet,  une  combinaison  de  l'oxygène  avec  un  radical  encore 
inconnu. 

Démonstration  4e  la  simplieité  4e  raei4e  mnriatiqne 
oxyg^éné^  ou  4écouTerte  4u  ehlore* 

Si  la  manière  de  voir  de  l'école  française  relativement  à  la  corn- 
^position  de  l'acide  muriatique  oxygéné  avait  été  exacte,  il  n'y  au- 
rait eu,  pour  obtenir  le  radical  inconnu,  qu'à  enlever  à  l'acide 
muriatique  son  oxygène.  Le  potassium  et  le  sodium,  récemment 
découverts,  devaient  se  prêter  à  merveille  à  une  pareille  ana- 
lyse. Aussi  Davy  essaya-t-il,  dès  1808,  l'action  du  potassium  sur 
le  gaz  acide  muriatique  (chlorhydrique  )  humide,  et  il  vit  ainsi 
constamment  se  produire  de  l'hydrogène.  En  variant  ses  expé- 
riences, il  ne  tarda  pas  à  reconnaître  que,  sans  le  concours  de 
l'eau  ou  de  ses  éléments,  il  lui  était  impossible  d'obtenir  l'acide 
muriatique  avec  V acide  muriatique  oxygéné  s^c. 

Deux  chimistes  fra'nçais,  Gay-Lussac  et  Thenard,  voulurent 
également  s'assurer  si,  en  désoxygénant  l'acide  muriatique  oxy- . 
gêné,  ils  ne  reproduiraient  pas  l'acide  muriatique.  Mais,  à  leur 
tour,  ils  constatèrent  l'impossibilité  d'y  réussir  sans  avoir  préa-, 
lablement  humecté  le  gaz  en  question.  Grand  fut  leur  embarras  ; 
car  ils  étaient  partisans  déclarés  de  la  théorie  de  Lavoisier. 


/ 


586  lilSTOIBS  AE  LA  CBIMIE. 

«L'eau,  se  disaient-ils^  est  donc  un  ingrédient  nécessaire  à  la 
formation  de  Tacfde  muriatique;  mais  comment  se  fait-il  qu'elle 
y  adhère  avec  tant  de  force  qu'on  ne  puisse  l'en  retirer  par  au- 
cun moyen?  Ne  serait-ce  pas  seulement  par  un  de  ses  deux  élé- 
ments, par  l'hydrogène,  qu'elle  concourt  à  former  cet  acide  ? 
Et  l'oxygène  qui  se  dégage  dans  celte  opération,  et  que  l'on 
croyait  provenir  de  l'acide  muriatique  oxygéné,  ne  serait-il  pas 
simplement  l'autre  élément  de  l'eau?  Alors,  ni  l'acide  muriatique 
oxygéné,  ni  l'acide  muriatique  ordinaire,  ne  contiendraient  de 
l'oxygène  :  V acide  muriatique  (chlorhydrique)  ne  serait  que  /'a- 
6ide  muriatique  oxygéné  (chlore),  plus  de  l'hydrogène  (  i  ).  » 

Les  deux  éminents  chimistes  allaient,  comme  on  vient  de  voir, 
saisir  la  vérité;  ils  la  tenaient  déjàj  quand  l'autorité  de  la  théorie 
régnante  la  leur  fît  lâcher.  Les  paroles  que  nous  venons  de  ci- 
ter, ils  ne  les  représentaient  que  comme  l'expression  d'une  hy- 
pothèse possible;  mais  ils  n'osaient  soutenir  leur  opinion  en  face 
de  leurs  vieux  et  illustres  maîtres  BerthoUet,  Fourcroy,  Chap- 
tal,  pourlesquels  la  théoriedeLavoisier  était  une  seconde  religion. 
Ce  fait  seul,  à  défaut  d'autres,  suffirait  pour  montrer  combien 
la  liberté,  l'indépendance  d'esprit  est  nécessaire  dans  la  re- 
cherche du  vrai. 

Davy  ne  devait  pas  être  dominé  par  les  mêmes  sentiments. 
Il  ne  pouvait  pas,  ne  fût-ce  que  comme  Anglais,  subir  l'empire 
d'une  théorie  à  laquelle  les  savants  demeuraient  attachés  comme 
à  une  gloire  nationale.  Il  aborda  donc  de  nouveau  le  problème 
avec  une  complète  liberté  d'esprit;  résumant  les  tentatives  qui 
avaient  été  faites  pour-désoxyder  Tacide  muriatique  oxygéné, 
il  déclara  que  ce  prétendu  acide  muriatique  oxygéné  ou  dé- 
phlogistiqué  est  un  corps  simple,  et  qu'en  se  combinant 
avec  l'hydrogène,  il  forme  l'acide  muriatique.  Ce  corps  sim- 
ple, gazeux,  il  l'appellacA/ome,  du  grec  x^^poç^  jaune  verdâtre  , 
à  cause  de  sa  couleur;  ce  nom  fut  plus  tard  changé  en  celui 
de  chlore,  qui  a  prévalu.  Mais  Davy  ne  se  borna  pas  seulement 
à  lui  donner  un  nom;  il  démontra  que  le  chlore  peut,  dans 
ses  combinaisons  avec  les  autres  corps,  jouer  le  même  rôle 
que  l'oxygène,  et  que  des  réactions  jusqu'alors  incompréhen- 
sibles s'expliquaient  par  là  naturellement. 

La  théorie  de  Lavoisîer  fut  ainsi  sapée  par  U  b^se  :  il  fallait 

(1)  Voy.  tome  II  des  Mémoires  de  la  Société  d'Arcueil. 


T&OISIÈMB  fPOOtE*  MtfJ 

bien  i econpaitre  que  Toxygène  n'est  pas  l'élément  unique  de  la 
combustion,  qu'il  y  a  des  acides  {hydracideê)^  des  sels  [haloides) 
et  des  bases  {chlorohases)^  dans  la  composition^esquels  il  n'entre 
pas  un  atome  d'oxygène.  Cependant,  malgré  l'évidence  de  ces 
faits,  Davy  ne  trouva  guère  de  partisans;  et  ce  fut  précisément 
parmi  ses  compatriotes  qu'il  rencontra  les  plus  violents  ad%'er- 
saires;  tant.il  est  vrai  que,  même  en  science,  nul  n'est  prophète 
dans  son  pays.  Murray,  professeur  de  chimie  à  Edimbourg,  per^ 
sistait  à  soutenir  que  le  chlore  est  un  composé  d'oxygène  et  d'à-  , 
cide  muriatique  sec.  Il  publia,  dans  le  journal  deNicholson,  une 
série  d'articles  pour  défendre  l'ancienne  doctrine.  Davy  y  fut  - 
l'objet  de  vives  attaques.  Il  chargea  son  frère  d'y  répondre. 
•  «Cette  controverse,  rapporte  John  Davy,  quoique  conduite  avec 
une  chaleur  et  une  âcreté  inutile,  ne  fut  pas  cependant  tout  à 
fait  sans  résultats.  Elle  fit  découvrir  deux  gaz  nouveaux,  l'^n- 
chlorine  (  acide  chloreux),  composé  de  chlore  et  d'oxygène,  et  le 
phosgène,  composé  de  chlore  et  d'oxyde  de  carbone.  Ces  deux 
gaz,  que  Murray  avait  rencontrés  dans  ses  espériences,  et  dont 
il  ignorait  la  composition,  étaient  en  grande  partie  la  cause  de 
l'erreur  qu'il  soutenait.  » 

Cependant  d'autres  faits  vinrent  s'ajouter  aux  premiers.  La   . 
découverte  de  l'iode,  substance  qui,  par  ses  propriétés  chimi-^ 
ques,  a  la  plus  grande  analogie  avec  le  chlore,  fit  enfin  aban- 
donner forcément  une  théorie  devenue  insoutenable. 

DéeouTerte  4e  Tiode.  —  Un  habile  salpêtrier  de  Paris,  qui 
demeurait  rue  de  Regard,  et  se  nommait  Courtois,  —  nous  n'en 
avons  pas  d'autres  détails  biographiques,  —  découvrit,  vers  le       ^ 
milieu  de  1811,  dans  les  cendres  des  plantes  marines  une  matière 
noirâtre  qui  corrodait  ses  chaudières  :  c'était  Viode,  ainsi  appelé 
depuis,  à  cause  de  la  couleur  violette  de  sa  vapeur  :  iw&o<,  en  grec, 
signifie  violet.  Courtois  donna  des  échantillons  de  cette  matière, 
sur  laquelle  il  n'avait  aucune  idée,  à  Clément,  chimiste.  Celui-ci        j 
en  fit  l'objet  de  ses  recherches,  et  en  communiqua  les  résultats- 
à  l'Académie  des  sciences  dans  la  séance  du  20  novembre  1813; 
mais  il  n'y  était  pas  encore  question  de  la  matière  de  Courtois 
comme  d'un  corps  simple,  nouveau,  à  jouter  à  la  liste  des  élé- 
ments. Davy,  qui,  par  une  faveur  spéciale  de  l'empereur  J^apo- 
léon  I**",  avait  obtenu  la  permission  de  traverser  la  France  pour    . 
se  rendre  en  Italie,  se  trouvait  alors  à  Paris  (1). 

(1)  Voy.  pins  hant,  p.  573. 


•  .  ;    -     r- 


'i 


58ë      . .  mmiBx  db  la  chiiéib.         - 

'  Ici  s'tiève  un  éingulier  conflit  de  priorité.' Qui  dés  deux,.dQ^ 
Gày-Lussac  du  de  Davy»  fit  le  premier  connattre  l'iode  eomme 
un  élément  nouveau ?Ai^nt  de  formuler  un  jjugemeiït,  hous'allons 
-entendre  lès  parties  mises  en  cause. 

Donnons  d*abord  la  parole  à  Gay-Lussac.  «  M.  Clément  était» 
ditril,  encore  occupé  de  ses  recherches,  lorsque  M.  Davy  vint  ï 
Paris.  Il  ne  crut  pouvoir  mieux  accueillir  un  savant  aussi  disr* 
tingué  qu'en  lui  montrant  la  nouvelle  substance  qu'il  n'avait 
encore  montrée  qu'à  MM.  Ghaptal  et  Ampère.  Je  rapporte  céi^ 
circonstances  pour  répondre  à  l'étrange  assertion  que  l'on 
trouve  dans  le  journal  de  MM.  Nicholson  et  Tilloch,  n*  189^ 
p.  69  (année  1814);  cette  assertion  est  ainsi  conçue  :  «  Il  pairaît 
qœ  l'iode  fut  découvert  plus  de  deux  ans  auparavant;  mais  tel* 
est  l'état  déplorable  des  savants  en  France»  qu'on  n'en  avait  rien 
publié  jusqu'à  l'arrivée  de  notre  philosophe  anglais.»  —  «Peu 
de  temps  après  avoir  montré  l'iode  à  M.  Davy  et  lui  avoir  com*^ 
.'itiunîqué  le  résultat  de  ses  recherches,  M.  Clément  lût,  lyoute 
Gày-Lussac,  sa  note  à  l'Institut  et  la  termina  en  annonçant  que 
j'allais  les  continuer.  Le  6  décembre,  je  lus  en  effet  à  l'Institut 
uûenote  qui  fut  imprimée  dans  le  Moniteur  le  12  décembre,  et 
qui  l'a  été  ensuite  dans  les  Annales  de  ehimiey  t.  LXXXYIII, 
p.  311.  Je  ne  rappellerai  pas  ici  que  lejs  résultats  qti'elle  renferme 
ont  déterminé  la  nalui*e  de  l'iode  et  que  j'y  ai  établi  que  cette 
substance  est  un  corps  simple,  analogue  au  chlore.  Personne 
n'a  contesté  jusqu'à  présent  que  j'aie  fait  connaître  le  premier 
la  nature  de  l'iode,  et  il  est  certain  que  M.  Davy  n'a  publié  ses 
résultats  que  plus  de  huit  jours  après  avoir  connu  les  miens  (i).» 

Nous  venons  d'entendre  Gay-Lussac. 

Écoulons  maintenant  Davy.  «M.  Ampère  eut,  dit-il,  la  bonté 
de  me  donner  un  peu  de  cette  substance  (iode),  et  M.  Clément 
m'ayant  sollicité  de  la  soumettre  à  quelques  essais  analytiques, 
je  fis  à  ce  sujet  diverses  expériences,  qui  me  convainquirent  que 
c'était  une  substance  nouvelle^  indécomposable  dans  aucune  des 
circonstances  auxquelles  fêtais  capable  de  l'exposer,  et  que  l'acide 
auquel  elle  donnait  naissance  dans  ses  réactions  n'était  pas 
Vàcide  muriatique,  mais  un  acide  nouveau,  ayant  beaucoup  de 
ressemblance  avec  l'acide  muriatique.  » 

Ces  paroles  de  Davy  se  lisent  au  commencement  d'un  mé- 


(1)  Annales  de  chimie^X.  XCI,  p.  5.  Moniteur  du  12  décembre  1813. 


TROISIEME  ÉPOQUE.  889 

moire  intitulé  :  Some  experiments  and  observations  on  anew  subs*      .   ". 
tance  which  bècomes  a  violet  colored  gas  by  heat  (Quelques  exi^é-- 
riences  et  observations  sur  une  substance  nouvelle  qui  se  change, 
par  la  chaleur,  en  une  vapeur  violette),  et  communiqué  à  la  So- 
ciété royale  de  Londres,  le  20  janvier  1814  (1).  Elles  se  trouvent     • 
confirmées  et  complétées  dans  une  lettre  adressée  de  Florence  * 

à  John  Dàvy,  en  date  du  18  mars  1814  :  «  L'iode  a  été  pendant 
deux  ans  à  l'état  embryonnaire.  Je  vins  à  Paris.  Clément  me 
pria  de  l'examiner  :  il  croyait  que  c'était  un  corps  composé ^pj^o- 
avisant  de  l'acide  muriatique.  J'y  travaillai  quelque  temps  ;  je 
déterminai  que  c'était  un  corps  nouveau,  et  qu'il  produit  un 
acide  particulier  (acide  iodhydrique)  en  se  combinant  avec  Thy-.  - 
drogène.  J'en  fis  part  à  Gay-Lussac,  à  Ampère  et  à  d'autres  chi- 
mistes. Le  premier  prit  immédiatement  «  la  parole  du  Seigneur 
de  la  bouche  du  serviteur»,  et  il  traita  ce  sujet  comme  il  avait 
traité  le  potassium  et  le  bore.  Le  mémoire  Sur  l'iode,  que  j'ai 
envoyé  à  la  Société  royale ,  je  l'ai  écrit  avec  l'approbation  de 
Clément,  et  une  note,  publiée  dans  le  Journal  de  physique,  éta- 
blit mes  droits  de  priorité.  » 

Nous  avons  vu  que  Gay-Lussac  eut  soin  de  nous  apprendre 
lui-même,  dans  une  note  imprimée  au  Moniteur  du  12  décem- 
bre 1813,  comment  il  détermina  le  premier  la  nature  de  l'iode. 

Or,  voici  ce  que  Davy  avait  écrit,  en  français,  la  veille  du  12 
décembre  de  la  même  année,  dans  le  Journal  de  physique  qui, 
comme  le  Moniteur^  se  publiait  à  Paris. 

«  Lettre  sur  une  nouvelle  substance  découverte  par  M.  Courtois  dans  le  sel 
de  varech,  à  M.  le  chevalier  Cuvier,  par  sir  H.  Davy. 

«  Paris,  le  11  décembre  1813. 

«  Monsieur,  je  vous  ai  dit,  il  y  a  huit  jours,  que  je  n'avais  pu  découvrir  l'a- 
cide muriatique  dans  aucun  des  produits  de  la  nouvelle  substance  découverte 
par  M.  Courtois  dans  le  sel  de  varech,  et  que  je  regardais  Tacide  qu'y  a  fait  naître 
le  phosphore  dans  les  expériences  de  MM.  Desorraes  et  Clément,  comme  un 
composé  de  cette  nouvelle  substance  et  d'hydrogène,  et  la  substance  elle-même 
comme  un  corps  nouveau.  Jusqu'à  présent  indécomposé,  et  appartenant  à  la 
classe  des  substances  qui  ont  été  nommées  acidifiantes  ou  entretenant  la  com^ 
bv^ion.  Vous  m'avez  fait  l'honneur  de  demander  communication  de  mes  idées 
par  écrit.  Plusieurs  chimistes  s'occupent  aujourd'hui  de  cet  objet,  et  il  est  pro- 

(1)  Ce  mémoire  a  été  réimprimé  dans  le  t.  V,  p.  437  et  suiv.,  des  Collected  v  ■ 

Works  de  H.  Davy. 


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,1.1 


btHe  «{otee  partie  ds  «et  eoada^ion»  «onwt  ^  égataMat  ftmiféai  par  eox, 
priDcSpalemeBt  pér  M.  Gay-Lmcac,  dont  la  tagadté  et  llubltalé  doî«wti[(oof 
fidre  eapërap  nue  birtoire  complète  de  eette  sabclance.  Mais,  paiiqae  voua  penses 
qaHme  eomparaiaon  des  diflTérentea  Tues  et  expériences,  fiiites  d'i^^rès  difTé^ts 
plana»  pourraient  répandre  phia  de  lumières  dans  m  iehamp  de  redièrdies  si 
Bé»T6nn  ei  a*  intftnMsant,  je  Yons  coiamnnkmerai  mes  géaaitats  génégam..,  »    ■ 

Suit  l'exposé  d'ane  série  d'ezpériencen,  propres  à  faire  con- 
naître la  nature  de  Tiode.  L'auteur  ajoute  en  terminant  i 

.  «  J^al  ^^ayé  de  décomposer  la  nouTeUe  substance  en  Fexposant  à  Tétat  g^oenx 
dans  un  petit  tube,  èraction  de  la  pile  de  Yolta,  par  un  filament  die  charbon  qui 
derient  diauffé  jusqif  au  rouge  durant  Popération.  H  se  forme  dans  le  oommen* 
«ement  un  peu  d*adde;  mais  cette  Ibrmation  cesse  blentdt,  et,  quand  letihaYbott 
aélé  chanflé  au  rouge,  la anbatance n*a  éprouré  aucune  idtératlon. 


«  Je  suis,  Monsifenr,  etc. 


«  HonraaT  D^itt.  » 


il  siiffit  de  comparer,  pour  juger.  GTest  évidemment  Davy,  et 
non  Gay-Lussac,  qui  le  premier  a  fiait  connatlre  la  nature  de 
Viode.  Le  nom  même  &'iùde  est  dû  à  Davy  :  il  l'avait  d'abord 
nommé  iodine  pour  rappeler  son  analogie  avec  le  chlore,  nonmié 
par  lui  c^orine. 

L'éminenl  chimiste  anglais  fut  très-sensible  au  tour  (ium) 
que  lui  avait  joué  celui  qu'il  avait  proclamé  «le  premier  dès 
chimistes  français».  Il  s'en  expliqua  dans  une  lettre  à  son 
frère.  «Pendant  mon  séjour  à  Paris,  je  voyais,  manda-l-il  à  John, 
souvent  Berlhoiiet,  Cuvier,  Ghaptal,  Vauquelin,  Humboldt,  Mor- 
veau,  Clément,  Chevreul  et  Gay-Lussac.  Ils  étaient  tous  polis  et 
attentifs  pour  moi,  et,  sauf  le  tour  que  m'a  joué  Gay-Lussac  en 
publiant,  sans  l'avouer,  ce  qu'il  avait  d'abord  appris  de  moi,  je 
n'eus  à  me  plaindre  d'aucun  de  ces  messieurs.  Mais  qui  pour- 
rait faire  laire  l'amour-propre?...  Il  n'est  cependant  pas  bon 
d'entrer  en  conflit  avec  la  vérité  et  la  justice.  Mais  laissons-là 
la  morale  et  mes  griefs.  L'iode  est  pour  moi  un  utile  allié...  La 
vieille  théorie  est  maintenant  presque  tout  à  fait  abandonnée  en 
France.  Parmi  les  chimistes  je  ne  connais  que  Thenard  qui,  à 
Paris,  la  défende,  et  encore  ne  la  défend-il  que  faiblement,  et 
peut-être  en  ce  moment  (mars  1814)  y  a-t-il  aussi  re- 
noncé (1).» 

(1)  Mémoirs  of  ihe  Ufe  of  sirHumphry  Davy,p.  180-181. 


I . 


TROISIÈIÇE  ÉP0Q6B.  /    591 

Lorsque  Davy  eut  annoncé  au  monde  savant  son  puissant 
moyen  d'analyse,  ce  furent  Gay-Lussac  et  Th^nard  qui  se  mirent 
les  premiers  à  l'étudier  ;  ils  l-expérimentèrent  en  grand,  grâce 
à  Napoléon  P^  qui  avait  mis  à  la  disposition  derÉcoIe  polytech- 
nique le&  fonds  nécessaires  à  la  construction  d'une  pile  colossale. 
Pendant  une  de  ces  expériences,  Gay-Lussac  faillit  perdre  la 
vue  par  la  projection  d'un  fragment  de  potassium  (le  3  juin  1808). 
Il  reçut  les  soins  empressés  du  célèbre  chirurgien  Dupuytren, 
et  se  crut  aveugle  pendant  un  mois.  Thenard  faillit  s'empoison- 
ner avec  du  sublimé  corrosif.  Dulong  perdit  un  œil  et  un  doigt 
en  découvrant  le  chlorure  d'azote  par  l'action  du  chlore  sur  le 
sel  ammoniac.  Ampère  parle  de  cet  accident  dans  sa  .correspon- 
dance avec  Davy  :  «Vous  avez  sans  doute  appris,  lui  dit-il  dans  une 
de  ses  lettres,  la  découverte  qu'on  a  faite  à  Paris  il  y  a  près 
d'un  an;  d'une  combinaison  de  gaz  azote  et  de  chlorine  (chlore), 
qui  a  l'apparence  d'une  huile,  plus  pesante  que  l'eau,  et  qui 
détone  avec  toute  la  violence  des  métaux  fulminants  à  la  simple 
chaleur  de  la  main,  ce  qui  a  privé  d'un  œil  et  d'un  doigt  l'au- 
teur de  la  découverte.  »  —  L'accident  qui  estropia  Dulong  eut 
lieu  en  1812,  quatre  ans  après  celui  qui  faillit  aveugler  Gay- 
Lussac. 

La  science  aussi  est  un  champ  de  bataille.  Mais  quelle  diffé- 
rence d'avec  l'autre  !  Ici  l'humanité  s'amoindrit;  là  elle  grandit 


I  - 


FJN.  .   '    . 


r 


TABLE  ANALYTIQUE 


DES  MATIÈRES. 


Abracadabra.  Ij  236. 
Afcadémie  del  Cimènto,  II,  267. 
Académie  des  curieux   de   la    nature, 

U,  272. 
Académie  des   fisio-critici  de   Sienne, 

n,  358. 
Académie  des  lyncei.  II,  267. 
Académie  royale  des  sciences  de  Berlin, 

—  sa  fondation,  H ,  362. 
Académie  des  sciences  et  des  arts  de 

Bologne, —  sa  fondation,  II,  358. 

Académie  des  sciences  de  Paris,  —  his- 
toire de  sa  fondation ,  II,  270. 

Académie  royale  des  sciences  de  Stock- 
holm, II,  422. 

Académie  royale  des  sciences  de  Turin , 
11.359. 

Académie  des  secrets,  instituée  par  Porta, 
II,  197. 

Acétete  de  potasse ,  préparé  par  Tache- 
DÎUS,  II,  220. 

Acides,  leur  nomenclature,  II,  558. 

Acide  aérien  (  Bergmann  ),  recueilli  ;  — 
nature  acide;  — aérâtes, II,  435-438. 

Acide  arsénieux;  acide  arsénique,  dé- 
couverts par  Scheele,  II,  465. 

Acide  carbonique  ou  le  gaz  silvestre, 
de  Van-Helmont,  II,  135;  —  chlor- 
hydrique,  connu  de  Yan-Helmont 
sous  le  nom  de  gaz  du  sel,  II,  139; 

—  sulfureux,  connu  de  Van-Helmont, 
II,  139;  —  de  l'estomac;  reconnu  par 
Yan-Heimont,  II,  146. 

Acide  carbonique  ,  son  action  dissol- 
yante,  11,430. 

Acide  carbonique,  sa  présence  cons- 
tante dans  Tair,  II,  441. 

Acide  carbonique,  dissous  dans  les  eaux, 
le  Tin  de  Champagne,  etc.,  II,  346. 

Acide  carbonique,  expériences  de  Priest- 
ley  sur  la  formation  de  ce  gaz,  II , 
478-479. 

niST.   DE    LA  CHIUIE.  —  T.   H. 


I  Acide  carbonique,  son  action  délétère 

sur  les  animaux,  II,  437,  438. 
Acide  carbonique,  sa  composition,  II, 

538. 
Acide  chlorhydrique;  mélange  de  divers 

sels  remplaçant  l'acide  chlorhydrique, 

1, 116. 
Acide  chlorhydrique  gazeux  (acide  de 

l'esprit  de  sel,  recueilli  par  Priest- 

ley,  II,  478. 
Acide  chlorique,  sa  découverte,  II,  553. 
Acide  du  citron ,  découvert  par  Scheele, 

—  son  histoire,  II ,  456-458. 
Acide  fluo-sUicIque,  découvert  par  Scheele, 

II,  464. 
Acides  forts,  leur  emploi  est  inconnu  en 

Chine,  I,  20. 
Acide  des  fourmis,  II,  416; —  recher- 
ches d'Hiemesur  cet  acide,  n,  297. 
Acide  gallique,  découvert  par  Scheele, 

II,  470. 
Acide  du  lait,  découvert  par  Scheele,  II, 

368. 
Acides  minéraux ,  étaient  inconnus  dans 

l'antiquité,  I,  46. 
Acide  muriatique  oxygéné  (chlore),  II, 

513,  585« 
Acide  nitrique,  décrit  par  Albert  le  Grand, 

I.  388.  « 

Acide  nitrique  (eau- forte) ,  n'attaque 

pas  les  métaux,  II,  163é 
Acide  nitrique,  moyen  de  le  concentrer 

par  l'acide  sulfurique,  II,  381. 
Acide  nitrique,  sa  composition,  II,  537. 
Acide  oxalique  (Scheele),  II,  469. 
Acide  phosphorique  (Sala),  II,  213. 
Acide  phosphorique,  découvert  parMarg- 

^raf,  11,412. 
Acide  des  pommes  (acide  roalique),  dé- 
couvert par  Scheele,  II,  470. 
Acide  prussique ,   sa  composition ,   II , 

468-469  et  553. 
Acide  du  sucre  (oxalic^ue),  II,  4U. 
Acide  du  sucre  (oxalique),  réactif  dc!^ 

sels  de  chaux  (Bergmann),  II,  445. 

38 


:.a 


894 


TABLE  ANÀITTIQUX 


Acide  da  toofre  (tointioo  aqneme  do 
gaz  acide  sulfureux) ,  sa  préparatkm 
est  indiquée  par  LilnTius,  II,  28 1  — 
benzoîqiie,  découvert  par  B.  de  Vige- 
Dère,  11,  116;  —  camphorique»  connn 
de  Libavîus,  II,  29. 

Acide  sulfureux  sa  composition,  U,  552. 

Acide  sulfuriaue  (Thuile  de  vitriol), 
connu  de  Rtiasès,  I,  341. 

Acide  sulfurique,  employé  par  SchêfTer 
pour  analyser  les  matières  d'or  et  d*ar- 
.  sent,  II,  430. 

Acide  urique  (Sclieele),  II,  471. 

Acides  des  végétaux,  dissolvant  Targent, 
le  mercure,  etc.,  II,  414. 

Acidum  plngue  (théories  de  Meyer  sur 
T),  n,  3à6. 

Acier  (couleur  de  T),  II,  56.  —  Trempe 
des  limes  (d*),  II,  57. 

Acier  Indien;  moirié métallique,  I,  25. 

Actuarius,  I,  860. 

^gidius,  I,  367. 

AéroKthes,!,  187;— 'Plineasaore  en  avoir 
vn  tomber  dans  la  Ganle  NaitNHmaise, 
I,  iàid, 

iEtites  (pierres  d'aigle),  1,176. 

Affinage  de  l'or  et  de  Target,  I,  501. 

AQinité,  terme  employé  pour  la  pre- 
mière /ois  par  Albert  le  Grand,  dans 
le  sens  qu  on  y  attache  anjourd'hui, 
1, 385. 

Affinités  (tables  des)  de  Geoffroy,  II, 
370. 

Àgrieola  (George)»  sa  vie  et  ses  travaux, 
11,38-65. 

Agrippa  (Ck)meliu8),  tliéosophe,  U,  125. 

Ainr.ant,  différentes  espèces,  1,  135. 

Air  est  le  principe  de  toutes  citoses 
(Ânaxiitiène),  1, 74. 

Air,  possède  les  éléments  de  tous  les 
êtres  (Anaxaçore),  I,  89. 

Air,  sa  matérialité  mise  Iiors  de  doute, 

I,  180,181. 

Airs  (émanations  d')  irrespirables,  I,  182. 

Air,  éviter  le  contact  de  Tair  pour  con- 
server les  matières  organiques,  1,  211. 

Airs  irrespirables,  —  accidents  qu'ils  pro- 
duisent, II,  250-259. 

Air,  intervient  daos  la  formation  du  nitre, 

II,  253. 

Air  formant  les  chaux  métalliques  (J. 
Rey),  II,  248. 

Air,  est  raliment  du  feu  (Bacon) ,  1, 398. 

Air,  est  nécessaire  aux  poissons,!,  481. 

Air  des  souterrains,  moyen  de  Tassai- 
nir,  I,  489. 

Air,  comparé  au  blanc  de  l'œuf  dont  le 
jaune  représentait  le  globe  terrestre, 
11,  17. 

Air  corrompu,  et  rétabli  par  la  respira- 
tion des  plantes  (Prieslley  ),  II,  478. 

Air,  sa  composition,  par  Lavoisier,  1/,  497. 

Air.  oxygène  et  azote,  II,  503. 


Air  défini  ptr  Boyie ,  aa  compotitiMi, 
II,  150;  —  son  élasticité,  U,  152.^ 

Ai^  flon  intervention  dans  la  prodoctîQB 
des  ooiileiir|L  II,  167,  —  dans  la  for* 
nation  da  nifrè,  U,  170.    - 

Air,  devient  Irrespirable  en  passant  sar 
des  métaux  incandescents  (Havritsbee), 
11,156. 

Air.  —  Opinion  de  Paraoelse  sur  l'air  : 
sans  r«r  les  animanx  meurent,  et  le 
bois  cesse  de  briHer»  II,  12  ;  —  lerOle 
qu'il  joue  dans  la  oombastion.  II,  94. 

Air,  expériences  de  Moitrel  pour  manipu- 
ler l'air,  le  transvaser,  etc.,  etc.,  D, 
333-336. 

Air  ÛTLe,  augmente  le  poids  des  aleafo,« 
de  la  chaux,  de  la  magnésie,  etc.,  jf, 
347-349. 

Air  fixe,  empêché  la  fermeatatkm  et  là 
putrétjMtion,  0,  352. 

Air  fixe ,  reGherches  de  Priestley  sor 
Tair  fixe,  II,  477-478. 

Air  da  nitre  (oxyoàae  impur),  U,  481.    ■ 

Air  vidé  (aiote)  daïs  l'air,  11,^142. 

Airain,  remplaçait  andennaneat  le  fer 

rr  la  librication  des  nstensUes,  ete., 
,   i7. 

Airain  (a?s),  était  an  nom  génériqoe, 
diverses  espèces  d'atrain,  1,  i06-il0i 

Airain  de  Corinibe,  1, 110. 

Alain  de  Lille,  I,  368. 

Albert  le  Grand,  sa  vie  et  sea'travam 
chimiques,  I,  379-390. 

Alhucasiê,  I,  358. 

Alcali,  —  étymologie  de  ce  mot,  I,  3241 

Alcali  minéral,  soude  ainsi  appelée  par 
Marggraf,  11,420. 

Alcali  volatil,  sa  composition,  U,  552. 

Alchahest,  — deParacelse,  II,  17. 

Alchid  Bechid,  I,  358. 

Alchimie,  transmutation  des  clous  de 
cinabre,  II,  110.—  Gaston  Claves 
plaide  la  cause  de  l'alchimie,  II,  118. 

Alchimie,  résume  tout  Tesprit  du 
moyen  âge,  I,  319. 

Alchimie,  définie  par  Nicolas  Flamel, 
1,459 

Alchimiste,  conditions  qu'il  doit  rem- 
plir. 1 ,  382-384. 

Alchimistes,  leurs  réunions  dans  les 
temples,  I,  34. 

Alchimistes  raillés  par  Kunckel,  II, 
200-201. 

Alchimistes  combattus  par  Palissy,  If, 
89  ;  —  s'assemblant  dans  l'Église  N.-D. 
à  Paris ,  II,  112.  —  Supplice  de  quel- 
ques alchimistes,  II,  123  et  124,  — 
parcourant  l'Allemagne,  l'Italie,  la 
France,  etc.,  II,  124-132. 

Alchimistes  vivant  à  la  cour  des  rois, 
11,321. 

Alchimistes  divisés  en  plusieurs  classes, 
II,  331. 


DES  MATI£K£S< 


595 


Alcool   (  préparation  de  V)  avec  des 

fruits,  des  glands,  des  châtaignes, 

etc..  Il,  29;  —  rectifié  sur  du  tartre 

calciné,  II,  160. 
Alcool,  —  étymologiede  ce  mot,  1, 422. 
Aliments,  sous  le  rapport  de  l'hygiène 

publique,  I,  505. 
Allégorie   sur   la    pierre    philoosphale 

(Bernard  de  Tré vise),  445. 
Alliages,  —  départ  des  alliages  d'argent 

et  d*or  au  moyen  de  l'eau-forte ,  dé« 

crit  pa  rParacelse,  11^  15, 16. 
-     Alpharabi,  I,  343-344. 
AlpidiuSf  I,  348. 

Alphonse  X  alchimiste,  I,  407, 408. 
Alumine  distinguée  de  la  chaux,  II,  418. 
Alun  de  Rome,  sa  fabrication   décrite 

parCésalpin,  11,53. 
Alim,  utile  aux  teinturiers,  II,  86. 
Alun,  des  anciens,  est  confondu  avec  le 

Titriol  de  fer,  I,  1 52. 
Alun,  sa  composition  est  indiquée  par 

Marggraf,  11,417-418. 
Amalgamation  (procédé   d'),  II,  93. 
Ame  du  monde  (Platon),  1,96. 
Amelung,  alchimiste,  II,  327. 
Amidon,  —  étymologie  de  ce  mot  ;  — 

manière  de  le  préparer  chez  les  Romains, 

I,  199. 

'  Ammoniaque  obtenue  en  distillant  ^e 
Turine  ou  du  sang  avec  des  cendres, 
ir,  261. 

Ammoniaque  caustique,  préparée  par 
Kunckel,  II,  202. 

Ammonius,  T,  240. 

Analyse  de  la  fonte ,  du  fer,  de  Tacier, 

II,  447. 

Analyse  des  minerais  par  la  voie  humide, 

II,  445. 
Analyse  organique,  II,  524. 
Analyse  des  plantes  (Geoffroy) ,  II ,  371. 
Anaxagoras,  ses  idées  sur  les  éléments  et 

les  principes  de  la  matière,  1, 87, 88, 89. 
Anaximandret  ses  idées  sur  la  matière. 

I,  74. 

Anaximène ,  ses    idées  sur  Tair,  I,  74. 
Angélique^  alchimiste,  II,  323. 
Angélus  (Geor^s)  alchimiste,  I,   467. 
Animéux  soumis  à  Finfluence  du  vide , 

II,  157. 

Anneaux  de  Platon,  I,  246. 

Antimoine,  stimmiou  stibium  des  anciens, 
I,  144. 

Antimoine,  naturel,  sa  composition ,  vin 
stibié,  etc,  etc.  (B.  Valentin),  I,  478. 

Antimoine  (verre  d'antimoine  préparé 
parLibavius),  II,  27.  —  Rend  les  au- 
tres métaux  fragiles  (  Gésalpin  ),  II,  54. 
—  Verre  (d').  sa  préparation ,  II,  54. 

Antimoine,  entre  dans  l'alliage  des  clo- 
ches, II,  56. 

Antimoine  trempé  dans  le  vin ,  perd  de 
son  poids  (Yigani),  II,  236. 


Antony  (Fr.),  alchimiste,  II,  130. 

i4poI/07iit<5,  alchimiste,  I,45f. 

Appareil  distillatoire  à  trois  ballons^ré* 
cipients  (tribicus),  I,   261-262. 

Appareil  distillatoire,  II,  105. 

Appareil  de  Haies,  pour  recueillir  les 
gaz,  II,  340. 

Aqua  TofTana,  II,  224. 

Arabes  ,  —  leur  influence  sur  les  scien- 
ces, I,  314-315. 

Arabes  alchimistes,  leurs  écrits,  I,  324< 
325« 

Arbre  de  Diane  (€ck  de  Sulzbach).  I, 
471. 

Arcane  {double).  Il,  245. 

Arcet  (d'),  II,  394. 

Arche  de  Van-Helmonf^  11,  145. 

Archélaus,  ses  idées  sur  les  éléments 
des  corps,  I,  91. 

Argent  ;  son  nom  dans  les  langues  an- 
ciennes est  très-signiticatif,  I,  45. 

Argent,  ses  mines ,  son  extraction,  etc., 
chez  les  Romains,  I,  128. 

Argent  des  philosophes,  I,  425. 

Argent  alchimique,  est  du  cuivre  blanc, 
I,  406. 

Argent,  décrit  par  Geber,  I,  333. 

Argent  (  ordonnance  de  Charles  IX  dé- 
fendant de  laver  les  pièces  d'  )  dans 
Teau  forte,  II,  65. 

Argent  pur,  moyen  de  le  préparer 
(Kunckel),  II,  203.  —  Séparé  de  l'or 
au  moyen  de  l'huile  de  vitriol  (Kunc- 
kel), II,  203.  • 

Argile, — étymologie, — difTérentes,  espè- 
ces (d'),  —  images  (d'),  II,  80. 

Argyropéie,  II,  118. 

Aristote  (pseudo-Aristole),  J,    347. 

AristoCef  ses  idées  sur  divers  phénomè- 
nes de  la  nature,  I,  97-100. 

Arnaud  de  Villeneuve,  sa  vie  et  ses 
travaux  alchimiques,  I,  409-418. 

Arnaud  (R.),  II,  240. 

Arsenic,  —  composés  d'arsenic  connus 
de  Paracelse,  II,  15. 

Arsenic,  étymologiede  ce  nom,  I,  29. 

Arsenic  blanc,  indiqué  par  Libavius,  II, 
27. 

Arsenic;  les  composés  arsenicaux  con- 
nus des  anciens,  1, 143. 

Arsenic,  considéré  comme  un  élément 
des  métaux,  I,  331. 

Arsenic,  décrit  par  Geber,  1,332. 

Arsenic  métallique,  I,  387. 

Arsenic  blanc  (  acide  arsénieux  ) ,  sa 
préparation,  I,  399-400. 

Arsenic,  sa  propriété  décrite  par  Brandt, 
n,423. 

Arsenic  classé  parmi  les  métaux  par 
Brouwall,  II,  432. 

Arsenic  contenu  dans  l'étain,  II,  414. 

Arsenic,  sa  nature  d'après  B.  Valeotiq, 
I,  483. 

38. 


.    ■* 


996 


TÀBLK  AVÀIiITIODI 


Inenie,  poifw  trèt-eoiiiniHi  aii  noyea 
Art  sacré  de  itfre  de  l'or  d  de  r^ffat, 

I,  J70-271. 
Art  sacré:  ceux  qoi  exercent  Tart  sacré; 
—  pratique  et  théorie  de  l'art  saeié» 

I    227-231. 
Art'sacré  (éciîts  sur  Di  h  24S-34l^. 
Art  disUlUtoire,  II,  103-106. 
Arts  (leur  coUure)  en  Egypte,  1,  37-43. 
Artéfhu,  I,  351. 

Aritmont  (d*).  alchimiste,  n,  324. 
Asphyxie  par  du  gas  irrespiralile,daiis 

nn  piiits,  II,  3e-87;  —  dans  les  cel- 
liers, II,  137. 
Atomes  (é'après  les  philosophes  grecs), 

1,35-86. 
Attraction  et  répolsion  sont  les  grandes 

lois  de  rooivers  (HéracUte),  I,  79. 
'   Attraction  noirerselle.  H,  348. 
Attractions  électlTCS,  II,  444. 
Angmentation  dn  poids  des  métanx ,  f, 

471. 
Augmentation  dn  poids  de  l'élain  et  do 

plomb  (J.Rey),  II,  247. 
AugurelU,  I,  475. 
.   Auraeh^  alchimiste,  1, 466. 
Avtntoar,  I,  369. 
AverrhoéSf  I,'  359. 
Avicenne,  I,  345-347. 
Axi  (C),  II,  241. 
Azote  (air   phlogistiqoé)  ,  étudié   par 

PriesUef,  11, 485. 
Aiur  artificiel ,  anciennement  fSriiriqaé 

en  Egypte,  li  101. 
Azur,  sa  rabrication,  I,  387* 


B 


Baccio  (André).  Histoire  naturelle  des 

vins,  H,  106-107. 
Bacon  (Roger).  Sa  vie  et  ses  travaux 

physicochiniiques,  I,  390-402. 
Bains  minéraux  artificiels,  I,  482. 
Bairo  (P.),  alchimiste,  II,  126. 
Balance  (nécessité  de  remploi  de  la), 

est  proclamée  par  VanHelmont,  II, 

135. 
Balbian  (Jusl),  alchimiste,  II,  129. 
Baldassari,  H,  358. 
Baldimis  (Hier.),  I,  491. 
Braha  (Alonso),II,  305-3tf. 
Barbatm,  (H.),  11,241. 
Barhieri,  H,  262. 
Barlet,  II,  240. 
Barnaud  (Nicolas),  a  découvert  la  pierre 

philosophale  sur  une  ancienne épitaphe, 

II,  120. 
Barner,  II,  275. 
Baron  f  11,  383. 
Bartholin  (Thomas),  II,  241. 
Bartholomce  (l'Anglais),  ï,  447-451. 


âarloitm  (F.)i  W.       . 

Baryte  (terre  pesante).  —  ni  déeoufcrts 

^  Sdieelt,  n^  463. 
BaiUê  (Talentin),  I,  476-491. 
AnmMi,  alcMmigte,  II|  SS7. 
AaMR^,n,390. 
Baume  de  Fioraventi,  D,  129. 
Bamne  des  phUosofihes,  J,  416^39. 
Bauich  (Laurent),  U,  272. 
Bayes,  11,  633. 
BdeUien,  —  nature  de  cette  auhstiioe, 

1,62-63. 

BeauêolêU  (baronne  de),  U,  S13. 

Beeeari,  II,  358. 

BecAer  (JoacUm),  II, 306-206.   - 

Beliadone,  —  sonactiou  véuéûeuM,  H» 
98. 

Benii,  aldiimiste,  II,  337. 

Bergmann ,  11,  433*450.  " 

Bernard  de  Trêves ,  aleUn^ste,  1, 445. 

Bernard  de  Trévise,  alcbhniste  L  463- 
467. 

BêmouiH  (Jean),  II,  362. 

BeriMUif  sa  Tieet ses  tnraux,  U,  549 
et  soIt. 

Bertrand,  Uy  2iO. 

Beford,  aldiimiste,  II,  333.  - 

Beurre  d'antimoine,  —  théorie  da  sa 
préoaration  (Glaober),  II,  187-188. 

Beuther  (Dav.),  alchiniste  de  réleeteoi 
de  Saxe.  II,  134. 

Bézoard  minéral,  II,  393. 

Bière ,  —  Cibriquée  en  Ailefuagne,  n, 
310. 

Bioxyde  d'azote  (air  nitrenx)  ;  —  expé- 
riences de  Priestley  sur  ce  gaz ,  il, 
476. 

BirelHiJ.  B.),  alchimiste,  U,  127. 

Biringuccio,  —  ses  travaux,  II,  60,  51  ; 
—  croit  à  la  composition  des  métaux, 
II,  50  ;  —  mentionne  Marcus  Grsecus, 
quMl  fait  vivre  à  l'époque  de  ta  répu- 
blique de  Rome,  II,  51. 

£/acA  (Joseph)^  II,  344-351. 

Blancaard,  II,  275. 

Blanc  d*06uf,  —  son  usage  dans  la  fil- 
tration  des  eaux,  1, 184. 

Blemmydas,  I,  362-363. 

Blende,  minéral,  II,  432. 

Bleu  de  cobalt,  généralement  connu  au 
xvi«  siècle,  II,  100-101. 

Bleu  de  Prusse,  —  acide  prussique  dé- 
couvert par  Scheele  ,11,  466-467. 

Blomfeld,  alchimiste,  II,  130. 

Boehme  (Jacques),  II,  326. 

Boerhaave,  11;  368. 

Bohn  (J.),  II,  295, 

Bohn,  II,  275. 

Bois,  garanti  de  la  pourriture  par  l'im- 
prégnation  de  sels,  II,  431. 

Bolnest,  II,  275. 

Bolnest,  alchimiste,  II,  325. 

Borax,  —  plusieurs  espèces,  I,  469. 


DES  MATIÈRES. 


5Ô7 


Borai,  étymologie  de  ce  mot,  I,  324. 

Borax,  ^  sa  composition  ioidiquée  par 
BaroD,  U,  383. 

Borax,  —  son  histoire^  II,  401-402. 

Borel  (Pierre),  11,239-240. 

J?or9*i,  alchimiste,  If,  322. 

Borrichitis  (0\.),ll,  241. 

Botanochimie ,  U,  211. 

Bougie  merveilleuse  de  Cardan  ,  II,  95. 

Boulduc.U,  Z77, 

Bourdelirif  (Claude.),  II,  392. 

Bourdelotj  n,  273. 

JHoviti^  (Thomas),  alchimiste,  IL  126. 

BoylCf  II,  150;  —  théorie  des  alchimistes 
^soufre,  mercure,  sel,  etc.)  combat- 
tue  par  Boyle,  II,  1 50  ;  —  esprits  in- 
YÎsibles  s'^happant  à  travers  tes  join- 
tures des  vaisseaux  (Boyle),  II,  151. 

Boyle  (l^oberi).  —  Sa  vie  et  ses  travaux 
chimiques,  11^  146-148. 

Brticeschi,  alchimiste.  H,  126. 

Brandi^  II,  423-426. 

Bronze,  —  sa  trempe  110-111. 

BrotoffeTf  U,  319. 

^rotfati//,  alchimiste,  H,  324. 

Brouchhusen  (Dan.),4ilcliimiste,II,  129. 

Broawall,  II,  432. 

Brown  (J.),  1, 358. 

Brunnwiser,  11,364. 

Bubacary  I,  357. 

Bucquel  (Jean  Baptiste),  II,  393. 

Burlet,  II,  394. 

Butler,  alchimiste,  II,  326. 


Cabale,  I,  247-249. 

CcLdety  II,  390. 

CadmiedeCadmus,!,  106. 

Cadmie  des  fourneaux,  divisée  en  plu- 
sieurs espèces,  1, 107-108. 

Caicination  (Geber),  I,  334. 

Caidnation  définie  par  Paul  de  Cano- 
tanto,  1,469. 

Calculs  urinaires,  II,  446. 

Calid,  I,  350. 

Caligula  voulant  faire  de  l'or  avec  de 
Torpiment,  1, 128. 

Caméléon,  minéral  découvert  par  Schee- 
le,II,  462. 

Camphre,  son  origine  et  son  usage,  II, 
47. 

Canon,  —  étymologie  de  ce  mot,  I,  309. 

Canton  (phosphore  de),  U,  360. 

Capacité  de  saturation,  II,  303. 

CaravanteSf  alchimiste,  II,  129. 

Cardan  (Jérôme),  II,  94-96. 

Carillo  (A.),  II,   310. 

Cariheuser  (Fred.),  II,  364. 

Casciorolo,  alchimiste,  II,  328. 

Casi,  alchimiste,  II,  130. 

Cassius  (André),  II,  240. 


Castaigne,  alchimiste.  II,  323. 

Castelnaudari,  alchimiste.  II,  324. 

Cavendish,  II,  353  ;  535. 

Cendres  des  végétaux.  (  borith) ,  em- 
ployées très- anciennement  comme 
fondant,  I,  46. 

Cendres  (borith),  employées  pour  le 
blanchiment  des  étoffes,  I,  58. 

Céruse,  sa  préparation  chez  les  Ro- 
mains, I,  138. 

Césalpin  (André),  II,  52-55  ;  —  appelle 
les  métaux  des  vapeurs  condensées.  II, 
52  ;  —  donne  la  putréfaction  comme 
le  caractère  distinctif  des  corps  orga- 
niques. Il,  52. 

Chaîne  d'Homère.  1,  245-246. 

Chaleur  latente,  aécouverte  par  Black. 
II,  350. 

Chaleur  animale,  à  sa  source  dans  la 
respiration,  II,  261. 

Chalumeau,  employé  pour  l'analyse  des 
minéraux.  II,  428-430. 

Chandelle,  brûlant  sous  une  cloche  ren- 
versée sur  l'eau  ;  expériences  de  Yan- 
Helmont,  U,  130. 

C haras  (M.),  Il,  241. 

Charbons  employés  chez  les  anciens,  I, 
210. 

Charlemagne  fonda  des  écoles,  I,  314. 

Charles  VI,  I,  460. 

CharUer,  alchimiste,  II,  324. 

Chaire  (de  la),  alchimiste,  II,  323. 

Chaucer,  alchimiste,  II,  130. 

Chaux  des  anciens,  I,  177-178. 

Chemia,  ancien  nom  de  l'Egypte,  I,  37. 

Chesneau  (Nicolas),  II,  237. 

Chiaramonte,  alchimiste  italien  du  xvu^ 
siècle,  11,  126  ;  —  II,  322. 

Chimie ,  étymologie,  I,  225-227. 

Chimie  (chaire  de),  —  fondée  au  Jardin 
des  plantes,  II,  102-108. 

Chirac  (Pierre),  U,  241. 

Chlore  entrevu  par  Glauber,  II,  186. 

Chlore  (acide  muriatique  déphloglsti- 
qiié),  découvert  par  Scheele;  —  son 
histoire,  11,461-462. 

Chlore,  sa  découverte  par  Davy,  II, 
585. 

Christophe^  de  Paris,  I,  404. 

Chrouet,  II,  243. 

Chrysocolle  des  anciens,  I,  173. 

Chrysocolle,  1, 178. 

Chrysopéie  d'Augurelli^  I,  475. 

Chrysopéie,  II,  118. 

Cidre  de  Normandie,  II,  210. 

Ciel  d*airain ,  synonyme  de  ciel  bleu, 
I,  71. 

Cinabre,  confondu  avec  le  minium,  L 
141. 

Cinabre,  sa  composition  est  indiquée 
par  Albert  le  Grand,  I,  387. 

Cinabre,  préparation  du  cinabre  par 
Paracelse,  II,  13. 


.  I 


i 


598 


TABUB  ANALYTIQUE 


Circulation  du  sang,  source  de  la  clia- 
leur  animale  (Sylvius),  II,  216. 

Cire^  —  moyen  de  ta  blanclUr  (Pline), 
I,  197. 

€lauder,  alchimiste,  II,  327. 

€laves  (Etienne  de),  H,  323. 

€  laves  (Gaston),  plaide  la  cause  de  rat- 
chimie,  II,  118. 

Coagulation  (Geber),I,.335. 

Cobalt,  mentionné  pour  la  première  fois 
par  Paracelse,  II,  15^ 

Cobalt ,  découverte  de  ce  métal  par 
Brandt,  II,  424. 

Cochenille  (l'emploi  de  la)  rend  célèbre 
rétablissement  de  Gobelin,  II,  102. 

Cointe,  II,  65. 

Co/co/ar,  1,342-343. 

Colleson,  alchimiste.  II,  .324. 

Colophane,  I,  202-203. 

Combinaison  des  acides  et  des  bases 
en  proportions  déterminées  (Yigani). 
II,- 235-236. 

Combinaison  des  parties  similaires  (théo- 
rie de  Platon),  I,  95-97. 

Combustion,  confondue  avec  la  distilla- 
tion, II,  139  ;  —  distinguée  de  la  dis- 
tillation par  Boyle,  II,  152;  —  expé- 
rience sur  la  —  (Boyle),  II,  154. 

Combustion ,  théorie  de  Lavoisier,  II , 

518. 
Composition  des  eaux  ;  récit  allégorique 

de  Zosime,  I,  264-2GÔ. 
Conjuration    de    démons  (Pierre  d'A- 

pono),  I,  418-421. 
Conrad  de  Bergen,  II,  318. 
Conservation  des  matières  animales  et 

végétales  chez  les  anciens,  I,  210,  21  ). 
Constantin  Porphyrogénète,  I,  304. 
Contif  alchimiste,  II,  322. 
Contrepoison  de    l'arsenic ,  vanté  par 

Fioraventi,  II,  127. 
Corps  simples  sont  inodores,  I,  102. 
Corps,  leur  division  générale  (Daustin), 

I,  435. 
Corps,  leur  division  établie  par  Aristote, 

I,  100. 
Corps,  leur  division  en  volatiles  et  en 
fixes,  I,  273. 
Corps  élémentaires  réduits  à    un  très- 
petit  nombre  (Boyle),  II,  154. 
Corps,  leur  état,  leur  simplicité  et  leur 

composition,  II,  507. 
Cortese  (Isabelle),  alchimiste,  II,  126. 
Corteus,  de  Lodi,  II,  105. 
Cortinovis,  II,  361. 
Couche  d'huile  pour  empêcher  la  fer- 
mentation d'une  liqueur,  I,  491. 
Couleurs,  leur  application,  1,  174. 
Couleurs,  employées  chez  les  anciens, 

1,160-162. 
Couleurs  employées  par  les  anciens  pour 

teindre  les  étoffes  ;  —  leur  lixation  par 

des  mordants,  I,  59-61. 


Couleur  blanche,  substance  qui  la  four- 
nissait, I,  174. 

Couleurs  bleues,  les  substances  qui  les 
fournissent,  I,  170-173. 

Couleurs  noires  et  brunes  ,  substances 
qui  les  fournissaient,  1, 173. 

Couleurs  rouges  et  jaunes,  employées 
chez  les  anciens  ;  -^  matières  dont  on 
les  préparait,  I,  168-170. 

Couleurs  rouges  des  vitraux  gothiques , 
ne  pénètrent  pas  dans  la  substance 
du  verre,  II,  159. 

Couleurs  vertes,  substances qu!  les  four- 
nissaient, l,  172-173. 

Coupellation ,  décrite  par  Geber,  I, 
336-337. 

Coupelles,  leur  fabrication,  I,  470. 

Coupelles,  leur  description,  I,  499. 

Coupelle  (ancienne),  recelant  de  l'ar- 
gent, II,  116-117. 

Courlange,  transmute  le  fer  en  or.  Il, 
88. 

Cours  publies  faits  par  Palissy,  II,  81. 

CourtanvauXf  II,  394. 

Craie,  I,    176. 

Crans  f  adversaire-de  Black,  II,  356-357, 

CratOf  de  KraAheim ,  proscrit  l'emploi 
des  vases  de  cuivre,  II,  105-106. 

Cremer  (Jean),  alchimiste,  I,  435. 

Creusets  de  Hesse  (Glauber),  II,  189. 

Crinot  (Jérôme),  alchimiste,  H,  124. 

Cristallisation  indiquée  par  Césalpin 
comme  caractère  distinctif  des  miné- 
raux, II,  53.  —  (Palissy),  II,  80. 

Cristallographie  de  Davisson,  II,    235. 

CroU  (Oswald),  disciple  de  Paracelse, 
II,  21. 

Cronstedty  II,  428-430. 

Ctésibius  (machine  de),  I,  181. 

Cuivre,  son  nom  chez  les  Hébreux,  I, 
53. 

Cuivre,  ses  propriétés  chimiques  chez 
les  Bomains,  I,  129-132. 

Cuivre,  décrit  par  Geber,  I,  333-334. 

Cuivre  jaune,  I,  495. 


D 


Darcet,  II,  530. 

Daustin,  alchimiste,  I,  434-435. 

Davisson  (Guillaume),   II,  234-235. 

Davy  {Humphry)f  sa  vie  et  ses  travaux, 
H,  568  etsniv. 

Deane,  alchimiste,  II,  326. 

Décoction  propre  à  donner  de  l'en- 
cre, II,  162. 

Delius  (  Fréd.),  II,  3G6. 

Démocrite  d'Abdére ,  I,  35-36. 

Démocrite,  ses  idées  sur  la  philosophie 
naturelle,  I,  85-87. 

Democri^c  (pseudo-Démocrite),ses  écrits 
sur  l'art  sacré,  I,  276-277. 


DES  MATIÈRES. 


599 


Densité  de  l'air  évaluée  par  diTers  phy.si- 
ciens,  comparativement  à  celle  de  l'eau, 
II,  155-156. 

Déplacement  d'un  acide  par  un  autre 
plus  puissant  ;  loi  établie  par  Tache- 
nias,  II,  223-224. 

Desaguliers ,   II,   343. 

Descension  (Geber),  ï,  334. 

Diacode,  manière  de  le  préparer  chez 
les  anciens,  1, 198. 

Diamant  brûlé,  se  convertit  en  air  fixe, 
II,  358. 

Diamant  ses  propriétés  miraculeuses, 
1,448. 

Diamant  (le)  des  anciens  n'est  pas  notre 
diamant,  I,  63. 

Digby,  II,  239. 

Digestion  comparée  a  une  fermentation 
(Sylvius),  11,215. 

Digpy  ,  alchimiste,  II ,  130. 

Diogène  d'Àpollonie,  ses  idées  sur  les 
éléments  de  la  nature,  I,  90-91. 

Dissolution  n'est  pas  une  destruction 
(VanHelmont),  II,  144-145. 

Distillation  vaguement  indiquée  par 
Aristote,  I,  98. 

Distillation  de  l'essence  de  térébenthine 
(Pline),  I,  203. 

Distillation  ;  —  différents  degrés  admis 
par  Geber,.  334-335. 

Distillation  circulatoire,  ï,  473. 

Distillation  de  l'esprit-de- vin,  I,  518. 

Don  dis  (Jacques  de),  1, 433. 

Doorschooty  II,  369. 

Dorure  sur  bois,  parchemin,  etc.,  Il, 
57-58. 

Dorure  dufer,  II,  160-161. 

Drebbel  (Cornélius),  conduit  par  une 
expérience  à  l'emploi  des  tubes  de 
sûreté.  H,  128. 

Duchesne  (Quercetanus)  donne  la  pré- 
paration du  laudanum,  du  népenthès 
et  du  gluten  ;  —  dit  que  le  nitre  ren- 
ferme un  esprit  de  la  nature  de  Tair, 
If,  24-25. 

Duclos,  II,   242. 

Duclos,  II,  294. 

Dîic/o5,  alchimiste,  11,324. 

î)ufay   (François),  II,   392. 

Dvfour  de  Mie,  I,  432. 

Duhamel,  II,  343. 

Duhamel  Dumonceau,  II,  387-389. 

Duns  Scot,  I,  428. 


E 


Eau .  est  le  principe  de  toute  chose 
(Thaïes),  I,  72-73. 

Ëau,  sa  composition  parait  avoir  été  en- 
trevue par  Platon,  I,  94. 

Eaux,  sous  le  rapport  de  l'hygiène  pu- 
blique, I,  455. 


Eau  ardente,  —  sa  distillation,  —  son 
emploi  dans  le  feu  grégeois,  1,  308. 

Eau-argent,. —  théories  mystiques  de 
l'art  sacré,  1, 268. 

Eaux  amères,  I,  233. 

Eaux  (analyse  des),  par  Bergmann,  II, 
443-444. 

Eau  distillée,  agitée  dans  les  flacons,, 
détache  des  molécules  de  silice,  II, 
419. 

Eau  distribuée  sur  la  surface  de  la  terre, 
et  comparée  au  sang  qui  circule  dans 
les  veines,  II,  241  ;  —  ne  peut  point 
élre  changée  en  air,  ni  réciproque- 
ment (  Yan-Helmont  ) ,  II,  142  ,  — 
s'infîltrant  à  travers  les  différents  ter- 
rains pour  former  à  une  c-ertaine  pro- 
fondeur les  eaux  thermales  (  Yan- 
Helmont  ) ,  II,  1^3.  —  Vapeur  d'eau 
dans  l'air  (hygromètre),  II,  95. 

Eau  de  départ  (acide  nitrique)  intro- 
duite dans  les  monnaies,  II,  65. 

Eau  ferrée,  connue  très-anciennement,. 
ï,  135. 

Eau-forte  (acide  nitrique),  employée 
par  Agricola  pour  séparer  l'argent  de 
l'or.  II,  43.  — Moyen  de  constater  sa 
pureté  (Kunckel),  II,  203. 

Eau-forte  sa  préparation  est  décrite 
par  Geber,  I,  329.  » 

Eau-forte,  sa  préparation  et  ses  pro- 
priétés sont  indiquées  clairement  par 
Ortholain,  f,  442. 

Eaux  gazeuses  artificielles  fabriquées  par 
Bergmann,  II,  436. 

Eaux  gazeuses,  recherches  de  Venel,  II, 
342. 

Eau  de  mer,  rendue  potable  au  moyen 
de  vases  poreux  (Aristote),  1,  98. 

Eau  de  Minderer,  sa  composition  don- 
née par  Taclienius,  II,  220. 

Eaux  minérales,  I,  183-184. 

Eaux  minérales  acidulés,  proposées  par 
Vilruve  pour  dissoudre  les  calculs,. 
I,  185. 

Eaux  minérales  (analyse  des),  par  Hoff- 
mann, II,    226-232. 

Eaux  minérales,  moyen  de  reconnaître 
si  une  ea«  est  minérale ,  proposé  par 
Libavius,  II,  29  ;  —  analysées  par 
Boyle,  H,    171-172. 

Eaux  thermales  de  Carlsbad,  II,  231; 
(origine  de.s) ,  II,  ibld. 

Eaux  thermales ,  sont  produites ,  selon 
Césalpin,  par  les  combinaisons  qui  s'o- 
pèrent au  sein  de  la  terre,  II,  52:  — 
produites  par  le  feu  central  de  la  terre 
(Palissy),  II,  87. 

Eau  quarte  (Albert  le  Grand),  I,  389. 

Eau  régale,  appelée  eau  seconde  par 
Albert  le  Grand,  I,  ib. 

Eau  régale  indiquée  par  Geber,  1, 
839. 


,-•■*■ 


%,    - 


600 


TABLB  .AHALrriQDB 


Em  tépùêi  ufHfiMm  décrite  p«r 
Odomir,  I,  441. 

Eto  de  roMs  eoateimt  da  colne  (T*- 
dmii»),  II,  111. 

Eaox  Mlées,  I,  99. 

Baa  de  Spa»  oéiçatsedn  )su  sjlTestre  (Van- 
HelmoBt).  If,  137. 

Eau  tierce  (Albert  le  Grand),  I,  389. 

Eau-de-Tie,  n'est  encore  qu'on  médica- 
ment  au  xt«  aiède  ;  ses  propriétés,  II, 
107;  —  sa  fabrication. délendae  par 
des  scnipides  relicieux ,  II,  108  ;  — 
eao-de-vie  d#  frams»  ail. 

EauX'de-rie  à  différents  degrés  de  con- 
centration, préparées  par  Ortbolain, 
I,  443. 

Can-de-¥ie  de  Frédéric  III,  I,  474. 

Eao-de-yie  de  grains,  coneoe  de  Rbasès, 
1,341. 

teariate,  ooQleor'(décoaTerte  de  Dreb- 
hë  )  (action  du  sel  d*étain  sor  la 
oodienHIe),  II.  101. 

Sek  de  SulztMÊeh ,  I,  471. 

Éclair,  défini  par  Aristote  on  esprit  în- 
candesoeut,  1, 100. 

École  éléatiqoe  ;  doctrines  de  cette  école 
sor  la  nature  des  choses,  l,  77. 

École  de  Lavoisier,  II,  580. 

Eooree,  pins  ricbe  en  alcali  qne  le  bois 
(Pali88y),n,  84. 

BfferaH^  1, 407. 

EflloTes  sortlmt  des  pores  des  corps, 
1,83. 

EffloTes  ^i  font  jperdre  anx  corps  de 
lenr  poids,  n,    159. 

Sgeling,  H,  389. 

Élasticité  de  Tair  démontrée  par  Boyle, 
II,  153154. 

Elbe  (lie  d'),  ses  mines  de  fer  étaient  con- 
nues des  Romains,  I,  134. 

Electrum,  I,  116. 

Éléments  des  anciens  (terre,  eau,  air, 
feu),  sont  pour  la  première  fois  re- 
gardés comme  des  corps  complexes , 
par  R.  Boyle,  1, 181. 

Éléments  (feu,  air,  eau,  terre),  établis 
par  Empédocle,  I,  81 .  —  Nature  des 
éléments,  leur  combinaison,  etc.,  I, 
82. 

Éléments  des  corps,  admis  par  Geber , 

I,  330-331. 

Éléments  du  corps  humain,  d'après  Pa- 
racelse,  II,  17-18.  —  de  Bêcher,  II , 
207-208. 

Élixir,  —  étymologie  de  ce  mot,  I,  324. 

Êlixir  des  philosophes,  sa  préparation 
selon  Arnaud  de  YilleneuTe,  413. 

Élixir  de  graisse  humaine,  434. 

Élixir  rouge  (B.  Yalentin),  I,  486. 

Eller,  I,  404-406. 

Émaux  (Palissy),  II,   78.  —   (Porta), 

II,  97. 

Emtfaumemcnt  chez  les  Égyptiens  ;  ceux 


ifA  ca  étalait  chviés  ^  lat 

cClea  snbilaMis «aplmaf  I,.«^«88. 
ÉoMfiode.  élail  souveal  du  ▼am  vorl 

artUkiel,  1, 6S-tt.  -  .>    . 

Émétiqae^  sa  putentlcNi  est  Miiinéa  ' 

par  Libatfns,  Iiri7;  — fenqgfwMX 

(Sala),  If,  109. 
Bmpédoele,  prjndpea  de  sa  phnoaojiiiie 

natoreUe,  1,81-83. 
Empoisonneinent  par  raraenic  (Basile 

l^entin) ,  I,  490. 
Empoisonnement  par  Tarsenic  (Tache- 

nins).  Il,  111.  . 

Encre  des  anciens,  I,  61 .  "^ 
Encre  sym  pathkine,  oonniie  des  RomaiBS, 

I,  104. 
Encres  sympathiques.  11,  188  et  S76. 
Encyclopédie  japonaise    {SaH'TktaU 

mtf-Aoei),  I,  11. 
Engrais  empkiyés  nar  les  andens,  ^ 
^  poudretle,  —  pttfra ,  I,  188-189. 
Éolipyle,  I,  180. 
Épreuve  des  métaux,  I,  409. 
Eraste  flliomu),  adTersaire  de  Para- 

cel8e,II,30. 
Espagnei.  alchimiste,  IT,  314. 
Esprits,  dirisés  en  plosirars  catégories, 

I,  181,  note. 

Esprit  acide  Tilal  (Tachaius).  Il,  113. 

Esprit  adiaphoriqoe  (de  bois},  décou- 
vert par  Boyie,  n,  158. 

Esprit  blanc  de  mercure,  1, 447. 

Esprit  du  monde  (Hémclite),.e8t  .pres^ 
que  analogue  à  roxygène,  I,  79. 

Esprit  de  mercure  (B.  Valentin),  I.  485.' 

Esprit  nitro-aérien,  est  Taliment  du  feu 
et  entretient  la  restnration  des  ani- 
maux, II,  253. 

Esprit  de  sel,  sa  préparation,  1, 48t. 

Esprit  de   sel,  ses   usages   (Glauber), 

II,  185-186. 

Esprit  subtil  du  nitre,  I,  483. 

Esprit  sylvestre,  produit  gazeux  de  la 

combustion  des  charbons  ;  il  se  dégage 

pendant  la  fermentation  du  vin,  do 

pain,  etc.,  II,  135. 
Esprit  universel  (Lefebvre),  II,  279. 
Esprit-de-vin ,  n'existe  pas  tout  formé 

dans  le  jus  des  raisins,  II,  157. 
Esprit  vital,  expliqué  par  Yan-Helmont, 

II,  145-146. 
Esprit  vital,  ou  esprit  de  feu  (Mayow), 

II,  253. 
Esprit  de  vitriol,  ses  propriétés  (Sala), 

II,  213;  ~  sa  composition,  II,  ibid. 
Essai  des  monnaies,  connu  des  Romains, 

1,  125-126. 
Étain,  connu  très-anciennement,  I,  139. 
Étain,  décrit  par  Geber,  I,  333. 
Étain ,    était    anciennement    confondu 

avec  le  plomb,  I,  52. 
Étannage,  inventé  par  les  Gaulois,  I, 

140. 


DES  MATIÈRES. 


601 


Éther  (Basile  Valentin),  I,  484. 

Éther,  méthode  de  le  préparer,  II,  389. 

Étiiers ,  expériences  sur  leur  produc- 
tion (Scheele),  II,  471. 

Etschenreuter,  alchimiste,  I,  467. 

Ettmûller  (Michel),  II,  291-293. 

Évocation  des  morts,  I,  475. 

Exorcisme,  décrit  par  Armand  de  Ville- 
neuve, I,  416. 

Expérience  de  Van* Helmont,  tendant  à 
déraoûtrer  que  les  plantes  ne  se  nour- 
rissent que  d^eau,  II ,  141-142. 


Fabriques  d'alun,  I,  494. 

Faggoty  II,  431-432. 

fûWopia (G.),  alchimiste.  II,  127. 

Fanianus,  défenseur  de  Talchimie,  II, 

125. 
Farine  (Pline),  î,  198. 
Faux-monnayeurs,  I,  501. 
Fer  cru  et  non  travaillé,  connu  très-an- 

ciennemefit,  I,  47;  —  sa  trempe,  sa 

dureté,  etc.,  I,  47-49. 
Fer  dans  les  cendres,  II,  290. 
Fer,  décrit  par  Geber,  I,  334. 
Fct,  sa  trempe,  acier,  I,  134;  —  pré- 
servé de  la  rouille,  I,  135. 
Fer  (trempe  du)  dans  du  suc  de  plantes 

(Césalpin)  ,  II,  55.  —  Rendre  le  fer 

mou  et  malléable,  II,  59. 
Ferment  employé  chez  les  Romains  et 

les  Gaulois,  I,  198. 
Fermentation    arrêtée  par    les   acides 

(Kunckel),  II,  202  ;  —  définie  par  Sala, 

II,  208. 
Fermentation  définie  par  Yan-Helmont 

la  mère  de  la  transmutation,  II,  136. 
Fermentation ,  est  arrêtée  par  Tabsence 

de  Pair,  II,  256. 
Feu  (  action  du  )  sur  le  groupement  des 

molécules  élémentaires  (  Boyie  ) ,  II , 

152. 
Feu,  sa  nature,  1, 186. 
Feu,  sa  nourriture  d'après  Heraclite,  I  « 

78. 
Feu ,  n*est  pas  considéré  par  Van-Hel- 

'  mont  comme  un  élément,  II,  142. 
Feu  automate,  I,  303. 
Feu  grégeois,  I,  303-309. 
Feu  grégeois,  sa  composition  d'après  B. 

de  Vigenère,  II,  117. 
Feu  liquide,  I,  308. 
Feu  de  Si  va,  1,302. 
.Feu  volant,  I,  300. 
Feux  volants,  I^  309. 
Figure  astrologique  et  mystique ,  —  son 

explication,  I,  268. 
Filaretto,,  alchimiste.  II,  126. 
Finellif  alchimiste,  IL  322. 
Fioraventi  (  Léonard  ) ,  alchimiste ,  II , 
127. 


Flamel  (  Nicolas  ) ,  alchimiste ,  son  his- 
toire, I,  452-460. 

Flamme ,  est,  selon  Yan-Helmont^  Une 
vapeur  allumée  ,  II,  139. 

Flamme  (coloration  de  la),  par  des  subs- 
tances métalliques,  II,  94-95. 

Flaryme,  est  un  air  enflammé,  I,  ISI. 

Flamme,  est  entretenue  par  un  corps 
aériforme  (Théophraste),  I,  102. 

Flamme,  interceptée  par  un  crêpe  métal- 
lique (Kunckel),  II,  204. 

Flandre,  ses  draps ,  sa  tourl)e ,  etc. ,  au 
XIV'  siècle,  I,  450. 

Fleurs  d'antimoine,  cheiri,  II,  292. 

Fleur  du  pécher,  désignant  symboli- 
quement la  mort,  I,  232. 

Fludd  (Robert),  II,  177-182. 

Foie  d'antimoine,  11,291. 

Foie  de  soufre,  préparé  par  Geber,  I, 
340. 

Fossiles,  sont  regardés  par  Van-Helmont 
comme  les  preuves  d'un  monde  anté- 
diluvien, II,  143. 

Foudre  et  tonnerre,  imités  par  des  prê- 
tres, I,  302. 

Fougerouxde  Bondaroy,  11,394. 

Fourcroyj  sa  vie  et  ses  travaux,.II,  555 
et  suiv. 

Fourneau,  —  description  des  fourneaux 
des  anciens,  I,  118. 

Fourneau  à  registres  (Northon),  I,  4C8. 

Fourneau  à  réverbère,  —  leur  inventeur, 
I,  73. 

Fourneau  à  réverbère,  II,  286. 

Frisch  (T.),  II,  319. 

Fromages  chez  les  anciens,  I,  213. 

Fusées,  connues  des  anciens,  I,  308. 


Gahella,  H,  319. 

Galeazzi,  II,  358. 

Garance,  expérience  de  Duhamel  sur  là 
coloration  des  os,  II,  388. 

Gaz,  mot  inventé  par  Van-Helmont,  — 
étymologie  de  ce  mot,  H,  135,  note 
(1);  —  divisés  par  Van-Helmont  en  in- 
flammables et  non  inflammables ,  II , 
136  ;  —  sylvestre,  dénomination  géné- 
rale, II,  137  ;  —  distingués  par  VaO'^ 
Helmont,  de  Tair  atmosphénque^  IT» 
137.  •—  Gaznitreux,  connu  de  Van- 
Helmont,  II,  138. 

Gaz,  jouent  un  grand  rôle  dans  les  phé- 
nomènes chimiques  (Get>er),  331 . 

Gaz,  Priestley  propose  de  recueillir  les 
gaz  solubles  sur  le  mercure,  II,  479. 

Gaz,  recueillis  par  Haies,  II,  341. 

Gaz  ammoniac  (air  alcalin),  recueilli  et 
découvert  par  Priestley,  H,  485.  — 
Gaz  de  la  craie,  recueilli  par  BemonlII 
11,262-263. 


■    f .      •      ■-■       i  \ 


«02 


TABLE  AMllT^nOUE 


Gaz  hUaranif  «xpéricoces  de  Dèfy.  il, 

571. 
Gas  inflamnwbles.  I,  isa. 
Gu  salforeax  (air  Titriol(ii«e),  étodlé 

par  PriesUey,  II,  4S&. 
•  '  Gaz,  recaeiUU  aa  moyen  de  Teieies»  II, 

260. 
G^far  (Piard),  1, 327-840. 
Gtnfftmitre^  II,  533. 
Gentersberger^  JI,  ^19.- 
GenHlisda  Foligno,  1,432. 
Geoffroy  aîné,  U,  370-371. 
CrM/froy  jeane,  II,  371-374. 
Otfrjferl,!,  366. 
6erAara,lI,86S. 
Gerzan,  alchimiste,  II,  324. 
Gilbert,  d'Angleterre,  I,  432. 
'  GUwannini^  II,  262. 
GH-olarit  alchimiste,  II,  i  26. 
Girianner^  II,  564. 
-  Givrff  (P.),  II,  242. 

^  Glace  dans  le  Tide  (expériences  de  Hom- 
.  berg),  II,  302. 
Glaee^  se  forme  à  la  sorface  des  eaai, 

II,  91;  *-  fondue  dans  diverses  li- 
queurs, 11.176. 
Giaser  (Christophe),  H,  281-233. 
Glauber  (Rudoiphe),  sa  vie  et  ses  écrits, 

11,182-191. 
•     GUdUsch,  n,  363. 

GKMen^i,  alchimiste,  n,  126. 
GmUm,  plusieurs  ehUnistes  de  œ  nom, 

11,364. 
Gobineau  de  Montluisant,  alchimiste, 

n,  324. 
Goechel,  II,  242. 
Goettling,  II,  563. 
Gokorry,  —   fondation   du  Jardin  des 

plantes,  II,  102. 
Gommes,  f,  207. 
Gottsched,  II,  337. 
Gratarol  (G.),  alchimiste,  H,  125. 
Gravure  sur  métaux  par  le  moyen  d'un 

acide,  lï,  162. 
Gren,  IJ,  564. 
Grewer,  alchimiste,  IF,  129. 
Gr^yin  (Jacques),  s'élève  contre  l'usage 

de  l'antimoine,  JI,  23. 
Grimaldi  (H.),  alchimiste,  II,  322. 
Griwiwi  (Nie),  11,275. 
Grosparmy,  alchimiste,  II,  121. 
Grosschedel  ab  Aïchay  JI,  319. 
Gro55C,  II,  389. 
Guetmann,  alchimiste,  II,  125. 
Guibert  (Nicolas),  II,  121. 
Guid'mSy  alchimiste,  II,  322. 
Guidon  de  Montanor,  I,  428. 
Guillatyne  de  Paris ,  alchimiste ,  I , 

438. 
Guyton-Morveau,  II,  545. 
Gypse;  Marggraf  donne  le  premier  la 

composition  du  gypse,  U,  4 1 7 . 
Gypse,  I,  179. 


H 


Halmon,  I,  354. 

Haies,  n,  338-342. 

Banian,  D,  295. 

JSrnpeliUf ,  aldiimiste,  U,  325. 

Hartmann  (J.),  II,  240. 

irar0ey(E.),U,  241. 

BMUier  (Gaspard),  II,  343. 

Bawkesbee,  u,  337. 

Hécla,  volcan  d'Islande  mentionné  par 

Agncola,  U,  45. 
Belias,  alchimiste,  n,  327. 
^feltol,  U,  375, 377. 
Belvétiui  (Jean-Frédéric),  H,  327. 
Hématite,!.  176 
Henckel  (mdéric),  II,  363. 
Heraclite,  sa  philosophie  natoreile,  I, 

78-80- 
Hérissant,  11,99^. 
Hermès  Trismégiste,  I,   34;  —  écrits 

qu'on  lui  attribue,  I,  249-254. 
Beyde,  II,  243. 
ifie^ner^lchimiste,  II,  326. 
ifleme,  II,  297. 
Hildegarae,  I,  370. 
Bippocrate,  ses  idées  sur  les  eaui,  U 

lonnatloo  des  ?ents,  des  t>roaillards , 

I,  80-81. 

Boifer  (François),  analyse,  en  1777,  les 
eaux  de  Toscane,  contenant  de  l'acide 
borique.  If,  384. 

Bo/fmann  (Frédéric),  II,  224,  233, 237, 
243. 

Hàgheland  (Théobald  de),  alchimiste , 

II,  129. 

Homberg  (Guillaume),  II,  298-304. 
Hooky  recueillit  des  gaz,  II,  250. 
Huber,  H,  343. 
Hugens,  s'occupa  de  l'étude  des  gaz,  II, 

250. 
Huile,  différentes  espèces,  —  kiki;   — 

omphacium;  huile  de  noix,   etc.,  I, 

200-202. 
Huiles  essentielles,  leur  préparation,  etc., 

I,  201-203. 
Huiles  essentielles,  extraites  par  l'alcool 

(Kunckel),  II,  204. 
Huile  essentielle  de  térébenthine,    est 

appelée  eau  ardente,  comme  l'cau-de- 

vie,  \,  234. 
Huile  de  nitre,  I,  275. 
Huile  (d'olive);  origine  de  sa  fabrication, 

I,  43. 
Huile  de  vitriol  préparée  au  moyen  do 

soufre  et  de  l'eau  froide,  I,  483. 
Huile  de  vitriol  (acide  sulfurique),  mise 

en  usage  par  Agricola  pour  séparer 

l'argent  de  l'or,  II,  43. 
Huile  de  vitriol,  sa  production  est  ex- 
pliquée par  Brandt,  H,  425. 


DES  MATIÈRES^ 


€03 


ffumboldt  (Alexandre  de),  I,  203;  II, 

.      103. 

Hydrogène  (expériences  de  Priestley  sur 

1'),  n,480. 
Hydrogène,  enflammé  par  Lemery,  n, 

287. 
Jlydrogène ,  entrevu  par  Paracelse ,  II , 

12;  —  qui  était  confondu  avec  l'air, 

est  le  premier  gaz  recueilli,  II,  155. 
Hydrogène, recueilli  par  Mayow,  II ,  259. 
Hydromel,  I,  191. 
Hygiène  publique  au  moyen  âge,  I,  502- 

607. 
Hypocras,  sa  préparation,  1, 474. 


I 


Idées  alchimiques  (de  l'art  sacré)  sur  les 
corps  en  général,  I,  287-289. 

Imprimerie,  sa  découverte,  I,   511-512. 

Incubation  artificielle,  II,  118. 

Indiens,  leurs  théories  sur  les  éléments, 
sur  les  principes  mâle  et  femelle,  sur 
l'eau,  etc.,  I,  26-30. 

Indigo,  couleur  nouvelle,  proscrite  par 
des  princes  allemands,  II,  101. 

Indigo,  analysé  par  Bergmann,  If,  449, 
note  (3). 

Ingenhousz,  II,  538. 

Initiation;  peines  infligées  aux  parjures 9 
I,  133. 

Inquartation,  —  procédé  décrit  par  Bi- 
ringuccio,  II,  51-56. 

Instructions  données  aux  pharmaciens 
par  Lefèbvre,  II,  280. 

Instruments  dif  forgeron,  etc.,  en  ai- 
rain, au  lieu  d'être  en  fer,  I,  51-52. 

Iode,  sa  découverte,  II,  587. 

Isaac  le  Hollandais,  1,477. 

Isnard,  alchimiste,  II,  324. 


Jacques  Cœur,  I,  461. 

Jacquirif  se  constitue  le  champion  des 

doctrines  de  Black,  II,  356. 
Jambliquef  I,  242. 
Jean  XXII,  h  431. 
Jean  de  Meun,  II,  397-399. 
Jean  de  Saint-Amand,  I,  432. 
Jebsen,  alchimiste,  II,  326. 
Johnson,  alchimiste,  U,  346. 
Jonston,  11,  243. 
Journal  des  savants ,  sa  fondation ,  II , 

274. 
Juncken,  If,  275. 
Juncken{i.)y  II,  241. 
Jussieu  (Antoine  de),  II,  315. 
Justi  (Gottl.),II,  365. 
Justin,  ferme  les  écoles  d'Athènes,  I, 

244. 


K 


^aàs,  II,  369. 

Kaïm,  II,  363. 

Kelley  (Edouard),  alchimiste,  II,  129. 

Kerkring,  alchimiste,  II,  326. 

Kermès,  employé  en  teinture,  I,  375. 

Kerner  (Arn.),  II,  239. 

Khalkanthe  (sel  de  cuivre),  I,  132. 

Khunrath  (Conrad),  n,  105. 

Kireàer  (Athanase),  alchimiste,  II,  330. 

Klokhof,  II,  369. 

Knape,  II,  363. 

Kœnia  (S.),  II,  2^3. 

Kofsky,  alchimiste,  I,  467. 

Kolbats  (esprits  métalliques),  I,  371. 

Koumys  des  Asiatiques,  II,  103. 

Kriele,  II,  369. 

Kunckelfll,  191-205. 


Za&or(f6,  alchimiste,  II,  324. 

Lacini  (Jean),  alchimiste,  I,  467. 

Lacinif  alchimiste,  II,  126. 

Laghi  (Th.),  II,  358. 

Lait,  ses  usages  chez  les  anciens,  I,  212. 

Lait  de  soufre,  préparé  par  Geber,  I, 
340. 

Lampe  irès-éclairante,  II,  116. 

Lana  (François) ,  président  de  la  So- 
ciété de  Brescia,  II,  265-266,  274. 

Lancilotti,  II,  275. 

Lancïlotti,  alchimiste,  II,  322. 

Lane,  II,  338. 

Lange,  H,  337. 

Lapis  lazuli,  II,  420. 

Laque,  —  étymologie  de  ce  mot,  I,  324. 

Larivière  (Lazare),  II,  237. 

Lassone  (François  de),  393. 

Latoscan,  alchimiste,  II,  322. 

Lauragay,  II,  394. 

Lavage  d'or,  I,  113. 

Lavoisier,  se  dit  disciple  de  Black,  II, 
351;  —  accueille  avec  défiance  les  doc- 
trines de  Black,  II,  355,  note;  357, 
note. 

Lavoisier,  sa  vie,  et  ses  travaux,  11,489 
et  497. 

Xe/ferrc,  11,276-281. 

Lefèbvre,  II,  394. 

Lehmann,  H,  367. 

Ziemcry  (Nicolas),  II,  284-290. 

Lemery  (Louis),  II,  374-375. 

Lemort  (Jacques),  II,  275. 

Lettres  représentant  des  substances  ou 
opérations  alchimiques,  I,  425. 

Leucippe ,  ses  idées  sur  la  composition 
des  corps,  1, 83. 

Leutmann,  II,  367. 

Levain,  manière  de  l'obtenir,  I,  198. 


."»    .  ,• 


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«Oi 


TABU  ARALTTIQIS' 


leipis,  n,  361. 
Leikiaes  dûmiques,  1,  S56.  . 
Xitevlicf,  tes  travaux,  II,  26-30. 
UM  (GuUliame},  II,  93.  94-96,  note 

(5). 
Imenx,  lin,  ootoB»  dia  lat  «Kleiis, 

I,  208-^09. 

Limaille  de  fer,  attinnt  une  eipèee  d'ak 
(oiy^ène),  n,  2&3. 

Lionear  rouge  proTcnant  de  U  dlttilia- 
wm  de  l*aeétate  de  plomb,  employée 
poar  eorabettre  la  syphilis,  I,  487. 

Liqaear  famante  de  Bojle,  II,  175-176. 
—  aloooliqoepr<iparee  avec  les  frolts 
soerés  (Konckei),  II,  201.  —  anodine 
minérale  de  Hoffmann,  II,  232. 

Liqueur  fumante  de  Libavios,  II,  28.  — 
des  cailloux  précipités  par  Tean-forte 
(Van-Hdmont  ) ,  II,  144.  —  Hes  caU- 
loox;  explication  du  précipité  qu'elle 
forme  au  contact  d'un  adile  (Glauber), 

II,  189. 

liqueur  des  cailkmx,  prédpitée  par  Ta- 

cide  aérien  (carbonique},  II,  440. 
Liqueur  corrosive  d'arsenic,  II,  282.    . 
Liqueur  ftamante  de  Cadet,  U,  390-391. 
MM  (de).  U,  369. 
IMitT^  n,  242. 
Litbarge;  on  en  distinguait  aneiennemeot 

deux  espèces,  1,137. 
LiHre  (Al.),  II,  262. 
-Livre  des  propriétés  des  choses,  traduit 

en  fran^is  par  ordre  de  Charles  Y, 

roi  de  France,  I,  448. 
Locatelliy  alchimiste,  n,  322. 
Lomonosow  (Mich.),  11,367. 
Lune  cornée  (chlorure  d^argent),  moyen 

de  la  réduire,  II,  416. 
Lut,  fait  avec  de  la  chaux  et  du  biaoc 

d'œuf  (Pline),  1,212. 
Lut;  différentes  espèces,  I,  388. 
Lut  des  philosophes,  I,  440. 


M 


Macbride,  II,  3S2. 

Machines  merveilleuses  proposées  par 

Roçer  Bacon,  1,  396. 
Machine  pneumatique  perfectionnée  et 

expliquée  par  Byole,  II,  lô3. 
Macquer,  II,  385-386  et  530. 
Magie,  I,  244-246. 
Magnésie,  distinguée  de   la   chaux  par 

Hoffmann,  II,  328-329. 
Magnésie,  distinguée  de  la   chaux  par 

Black,  n,  346. 
Magnésie,  caractères  des  sels  de  ma- 

gnésie«  II,  447. 
Maladies  produites  par  des  fluides  (Syl- 

vius),  H,  215-216. 
Malouin,  II,  393. 
Mandragore  à  tubercules,  I,  292. 


Minganèie,  confondu  andettnemenlavne 

l'oxyde  neir  (roamétique)  de  fer,  1, 1)8. 

Manganèse,  appelé  savon  des  vonen, 

Manganèse,  son  empM  dans,  kn  verre- 
ries, II,  160. 

Manginèse  (Scbeele),  II,  469-462. 

Manganesium,'Sadéeonverte,  11^  463-463. 

JfoJi^  (J.),  II,  241. 

Manuserits  grecs  akliimiquea  de  la  Bir 
Mîothèque  impériale  de  Paris,  I,  398- 
301. 

Manuscrit  latin  alchimiqne,  n*  7147  de 
la  Bibiiothèqne  impériale,  1, 489. 

Manuscrit  latin.  n«  7156  de  la  Biblio- 
thèque impériale '(traités  alddmiqnes). 
I,  433-434. 

JfnreoreUa,  II,  394. 

Mareus  Grmeu$^  I,  304-310« 

Marggra/,  II,  407-421. 

Mariage  de  Mars  et  de  Vénus,  I,  486. 

Jfnrie;  ses  écrits  snr  l'art  saeie,  1,28». 

285. 

Jf0H}ii,  alehimisie,  II,  322.  -  . 

Marne ,  employée  comme  engrais,  U,  82. 

Maroc;  l'aldilmie  cultivée  a  Mnoe,  It, 
131. 

MartOe  Fiein,  alchimiste,  I,  496. 

Mariinius  (Valer.) .  alchimiste,  II,  £12; 

Matières  combustibles  (résme,  naphthe^ 
nialtha,  etc.)  employées-  par  les  an- 
ciens, I,  301-303. 

Matière  (solide)  consifiérée  comme  nn 
produit  de  l'eau  (Yan-Helmont),  II, 
142-143. 

Mayer  (Michel),  alchimiste,  II,  325. 

Mayow  (J.),  II,  252-263. 

Mazotta  (B.),  alchimiste,  II,  322. 

Méconion  des  anciens,  I,  205. 

Médecine,  éclairée  par  la  chimie,  II,  150. 

Médicaments  chimiques,  distingués  des 
préparations  galéniques  et  arabes ,  II, 
243. 

Médicaments  chimiques  de  Sylvius ,  II, 
218. 

Mélanges  combustibles,  employés  par 
les  Grecs,  I,  306-307. 

Mélange,  distingué  de  la  combinaison 
par  Boy  le,  II,  152. 

Mélanges  frigorifiques,  II,  167.  —  calo- 
rifiques, U,  164. 

Mélange  réfrigérant,  employé  par  Porta 
pour  extraire  Teau  de  1  air,  II,  99-100. 

Menghini,  II,  358. 

Mer  ;  procédé  de  Porta  pour  rendre  l'eau 
de  mer  potable,  II,  99;  —  expérien- 
ces sur  l'eau  de  mer,  par  BoyIè,  U, 
169. 

Mercure,  décrit  par  Creber,  I,  332. 

Mercure,  considéré  comme  un  élément 
des  métaux,  I,  437. 

Mercure,  sa  signification  cabalistique, 
I,  248. 


D£S  MATIÈRES. 


605 


Mercure  (  composés  mercuriels  )    em- 

.  ployé  dans  le  traitement  des  afTec- 
tions  syphilitiques,  II,  37  et  55. 

Mercure  (vif-argent),  connu  très-ancien-' 
oement,  I,  140-142.  —  son  extraction, 
I,  141. —  son  emploi  dans  la  dorure, 
I,  142. 

Mercure  ;  on  en  perdait  beaucoup  dans 
Texploitation  des  mines  d'argent,  II, 
315. 

Mercure  intimement  amalgamé  avec  Tor, 
n,425. 

Mercure  sublimé;  sa  composition  don- 
née par  Basile  Valentin,  I,  486. 

Mercure  des  philosophes,  I,  486. 

Mercure,  employé  dans  l'extraction  de 
l'argent  au  Pérou,  II ,  306. 

Merlin  ;  son  allégorie  sur  la  pierre  phi- 
losophale,  I,  355. 

Métaux;  moyen  d'expliquer  leur  haute 
antiquité,  I,  45-46. 

Métaux ,  sont  indentiques  dans  leur  es- 
sence (Albert  le  Grand) ,  I,  384 . 

Métaux;  leur  extraction  par  la  voie  hu- 
mide, 1,481. 

Métaux.  —  Composition  des  métaux  se- 
lon Paracelse ,  11,  13;  —  gravure  sur 
métaux,  11,  57 ;  — augmentation  de 
leur  poids  expliquée  par  Boyle ,  Il , 
158. 

Métaux,  consacrés  aux  sept  planètes ,  I, 
256-257. 

Méthode  expérimentale  enseignée  par 
Palissy,  II,  78,  —  popularisée  par 
Boyle,  II,  149. 

Méthode  pour  recueillir  les  corps  aérifor- 
mes (Boyle),  Il ,  154. 
,  Méthode  analytique,  II,  524 . 

Meudrac  (Marie) ,  II ,  275. 

Meyer  (Frédéric) ,  ses  théories  sur  l'aci- 
dumpîngue,  H,  354. 

Michaelis  (Jos.)  f  alchimiste ,  II ,  129. 

Miel;  diverses  espèces;  —  usages  du 
miel;  h  196-197. 

Milieu  aérien.  —  Expériences  de  Fludd 
sur    le  milieu   aérien,   II,  178-180. 
illindcrcr  (Ray.),  11,237. 

Minerais,  connus  des  anciens,  1, 175-180. 

Minerais;  procédés  auxquels  sont  soumis 
les  minerais ,  II ,  42-43. 

Minéraux,  leur  division  par  Avicenne, 
I,  346. 

Minéraux,  théorie  de  Paracelse  sur  la  gé- 
nération des  minéraux,  II,  16. 

Mines  d'Allemagne  au  moyen  âge,  I, 
258-259. 

Mines,  leur  exploitation  au  moyen  âge, 

I,  370-374. 
Mines  de  France  au  moyen  âge ,  I,  372. 
Mines,  leur  exploitation  aux  xiv«  et  xv» 

siècles,  I,  492-494. 
Mines  (préceptes  concernant  Pexploita- 
tion  des),  Agricola,  II,  40.  —  La  végé- 


tation indiquant  la  présence  des  veines 
métalliques,  11^  41.  —  Démons  dans  . 
les  mines,  II,  44.  —  Mines  d^Allemagne 
décrites  par  Agricola,  II,  47  ,  48.  — 
Mines  d'Allemagne,  II,  59.  —  Mines  de 
mercure  d'Idria ,  II,  54.  —  Règlçments 
concernant  les  mines,  II,  58-59. 
Mines;  état  des  mines  au  xvu*  siècle, 

II,  311-316. 
Mines  de  mercure  d'Idria  ;  maladies  dont 

sont  atteints  les  ouvriers,  II,  313. 
Mines  du  Pérou,  leur  exploitation,  II, 

308-309. 
Mines  de  mercure  d'Almaden,  II,  315. 
Mines  de  France,  II,  60  ;  — d'Angleterre, 
II,  60;  —  de  Suède  et  de  Norvège , 
II,  64  ;— d'Amérique  (Mexique, Pérou), 
II,  61-65. 
Minium,  ses  usages,  I,  138. 
Miroirs  de  verre,  1, 154. 
Mithridate  (thériaque) ,  II,  90. 
Model,  II,  367. 

Moitrel  d'Élément,  II,  333-337. 
Molitor,  II,  242. 

Molybdène;  acide  molybdique,  décou- 
vert par  Scheele,  II,  465. 
Mongnot,  II,  240. 

Monnaies  chez    les  anciens;  titre  des , 
monnaies;  affinage  de  l'or  et  de  l'argent, 
I,  54-56. 
Monnaies  de  plomb,  1, 118;  —  d^argent, 

etc.,  I,  119-120. 
Monnaies,  analyse  de  monnaies  romai- 
nes, 1, 119-126. 
Monnaies  fourrées,  I,  125. 
Monnaies;  fabrication  et  règlement  au 

moyen  âge,  I,  496-502. 
Montagnes  ;  leur  formation  expUquée  par 

Avicenne,  I,  345. 
Montvolon,  alchimiste,  II,  323. 
Morestel,  alchimiste,  II,  222-223. 
Morhof  (George),  alchimiste,  II,  327. 
Morien,  I,  349. 
Mosca,  II,  343. 

Mouvement  moléculaire,  II,  515. 
Moût  bouilli  (Pline),  1, 193. 
Moyen  âge  ;  aperçu  de  l'état  de  la  science 

pendant  cette  époque,  I,  317-321. 
Moyen  de  faire  de  l'or  (Démocrite) ,  I , 

278. 
Moyens  d'effacer  l'encre,  II,  162. 
Muffétius,  sectateur  de  Paracelse,  II, 

23. 
Miiller  (Ph.),  alchimiste,  II,  325. 
Multiplication  des  minerais  (Tachenius), 

II,  223. 
Mundl,  II,  262. 
Muralt,U,2^i. 
Musc  artificiel,  If,  420. 
Muschenbroek,  II,  343. 
Mylius^  'alchimiste ,  II,  327. 
Mynsicht (Aàriea  de),  surnommé  Tri- 
budenius,  II,  237. 


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6oa 


TABLB  ASÀIJTIQDE 


Mysièntddi  nombres,  des  leUm.ddi 
.  idanlM,  des  aBimiiix»  etc.   1. 13i- 


N 


Nardku  (I),  II,  342. 

.J¥atMré(Gftb.},  Ii,3t8. 

ifasiiH,alelmiiiitte,II,  lie. 

Neri  (Antoine) ,  II,  294. 

Neuhaus  (H.),  II,  319. 

Nemmann^  II,  411. 

Jiiekeh  métal  découTert  par  Oonstedt, 
n»  429-430. 

NieoUu  de  C%ua,  alchfmiste,  1, 467. 

Nicolas  (Pnepositus),  1, 367. 

Nitrate  d'argent  fondu,  II,  282. 

If itre  ;  son  nom,  en  hébrea  (neter),  si- 
gnifie substance  efferfeseente;  est  un 
carbonate  alcalin,  I,  58-59. 

Nitre  dulcifié  (Raymond  Lnlle),  I,  424. 

Ifitre  (nitrum),  signification  de  ce  mot 
chez  les  anciens ,  I,  148  ;  —  son  em- 


ploi, I,  148-149. 
ln«(coi 


NIve (composition),  II,  163. 

Jlitre,  renferme  des  particules  nitro-aé- 

riennes  nécessaires  à  Palimentation  de 

la  flamme,  II,  254. 
Nombres  ;  le  principe  des  nombres  est  le 

fondement  de  l'onivers  (Pythagore), 
.    1,75-76. 

Nomenclature  cAîmtd^ue,  11,558. 
Northon  (Samoel),  alchimiste,  II,  326. 
Norton  rrhomas),    alchimiste,  I,  467- 

468. 
mck  (A.),  Il,  243. 
Nuysement,  alchimiste,  II,  323. 


O 


Odeur  est  due  à  la  volatilité  (Théopbras- 

te),  1, 102. 
Odomar,  alchimiste,  I,  441. 
Offa  Helmontii,  II,  145. 
Ohacany  alciiimiste,  I,  467. 
Olympiodore^  ses  écrits  sur  Tart  sacré, 

I,  272-276. 
Opérations  alchimiques  comparées  aux 

fonctions  du  corps,  II,    181. 
Opium ,  son  principe  actif  préparé  par 

Boyle,  II,  163. 
Opium  des  anciens,  I,  205. 
Or,  premier  métal  connu  ;  son  nom  dans 

les  langues  anciennes,  1,  43. 
Or,  purifié  par  le  plomb,  *1, 115. 
Or  obryze,  I,   116. 
Or,  ses  propriétés  connues  des  anciens, 

1, 127. 
Or,  roi  des  métaux  ;  —  signification  ca- 
balistique, I,  248. 


Or,  décrit  par  GeiMr,  1^^333.* 

Or  (Bartholoaée  l*Aii^)Af,  44«. 

Or  potable  (dlfféraites  eapèM  d'),  It, 

Or  ftifanfaiant  (B.  VatenliB),  I,  481; 
Or.  allié  aTee  une  tièe  forte  proportiçn 

d'argent;  est  dissous  par  1^-forte, 

II,  425,  ■ 

Orichalque  on  anrielttlmle.  I,  io^l  io. 
Orpiment,   se  reneonbre  frégaemmieBt 

dans  lés  mines  de  eiiiTfe(1néo^n»- 

te).  1, 101.  ~tr« 

Orsdlie,  matière  tinctoriale,  T,  495. 
OiirU  et  /su,  —leur  signIilentioB  dttu 
les  théories  alchfaniqnes,  I,'  36,  90l6 

Ortheliui,  alchinnste,  II,  S26.   ' 
Ortkolan,  alchimiste,  I,  441-443. 
OuTriers  employés  anx  mines,  JT,  Ut- 

115* 
Overkamp  (H.),  II,  240. 
Oxyde  de  carbone,  étudié  par  Priestiey. 

II,  485. 
Oxygène,  entrefu  par  Ecà  de  Solzbaehl 

1,471-472  ~ 

Oxygène  on  protoxyde  d'azote,  eqtrefn 

eir  Cardan ,  n,  94  ;  ^  entrevn  par 
laisedeV%enère,n,  115.—- Actionde 
l'oxygèoe  sur  un  mélange  de  eni?re  et 
d*ammonia(pie,  II,  I53;  —  oxygène 
entrem  par  Boyle,  n,  158. 

Oxygène  (particnles  nitro-aériennes  de 
Mayow),  change  le  sfng  veineux  en 
sang  atériel,  11,  260. 

Oxygène  (air  dn  feu);  analyse  de  l'air 
par  Scheele ,  II,  455-456. 

Oxygène  (air  déphlogistiqué) ,  décou- 
vert et  recueilli  par  Priestiey,  n, 
481-483.  —  Sa  présence  dans  l*air, 
son  action  sur  la  respiration,  II,  485. 

Oxymei,  1, 192. 


Padoue  (Jean  de) ,  alchimiste,  II,  321- 
322. 

Pain ,  son  histoire  primitive,  I,  38. 

Pain,  non  fermenté,  I,  39. 

Pain,  sa  porosité  provient  du  dégage- 
ment de  fluides  élastiques,  II,  263. 

Palissy  (Bernard),  vie  et  travaux,  II, 
67-92. 

Panacée  antimoniale.  II,  289. 

Panacée  universelle,  I,  239. 

Panthëe,  prêtre,  alchimiste,  !1, 126. 

Papier  (papyrus),  manière  de  le  fabri- 
quer chez  les  anciens,  I,  207. 

Papier  de  lin  et  de  coton,  son  invention, 
1,512. 

Parabole  de  saint  Matthieu  (nisi  granum 
frumenti),  commentée  alchiraique- 
ment,  I,  439. 


,«■ 


DES  MATIÈRES. 


607 


Paracelse,  —  sa  vie,  —  son  influence 
sur  le  progrès  des  sciences,  II,  5- 10. 
-^  Ses  opvrages;  analyse  de  ses  tra- 
vaux-chimiques,  II,  10-19. 

Pbré  (Ambroise),  II,  ICI. 

Paris,  ses  carrières,  etc. ,  au  xiy*  siècle, 

I,  450. 
Parmentier,  II,  534. 
Pastel ,  sa  culture   au  moyen  âge ,   I , 

375. 

Paul  de  Canotanto,  h  468-471. 

Paumer^  alchimiste,  II,  343. 

Pechlin  (N.),  II,  243. 

Pechlin^U,  262. 

Pega  (Th.  de),  II,  319. 

Peinture  sur  verre,  I,  376  ;  II,  159. 

Pelage,  ses  écrits  sur  Fart  sacré,  I, 
271-272. 

Pelletier  (Jean) ,  II,  394. 

Pelletier  (Bertrand),  II,  531. 

Penot  (Bernard) ,  martyr  de  l'école  de 
Paracelse,  II,  24. 

Pensa   (Martin),  alchimiste,  11,325. 

Percival ,  II,  337. 

Pèse-liqueur  (hydroscopium) ,  sa  décou- 
verte, I,  280. 

Pétard,  connu  des  anciens,  I,  308. 

Pharmacie ,  règlement  concernant  les 
pharmaciens  chez  les  anciens,  I,  359- 
360. 

Pharmacie  réformée,  par  Yan-Helmont, 

II,  146. 

Pharmacie  (exercice  de  la)  au  xvii«  siè- 
cle, II,  244. 

Phengite,  pierre  transparente,  I,  155-156. 

Philosophie  chimique ,  introduite  par 
Boyle,  II,  149. 

Philosophie  chimique  de  Boyle,  II,  164- 
165. 

Philtre  donné  à  Charles  Y,  roi  de  France, 
par  Bernard  de  Trêves,  I,  446. 

Phlogistique,  théorie  de  SUhl,  II,  397- 
401. 

Phlogistique,  d'autres  auteurs  en  avaient 
déjà  parlé  avant  Stahl,  I,  145. 

Phlogistique  (théorie  du),  attaquée  par 
Hoffmann,  II,  233. 

Phlogistique,  théorie  de  Scheele,  II,  455. 

Phosphate  d'ammoniaque ,  décrit  par 
Marggraf,  414. 

Phosphore  parait  avoir  été  connu  d'AI- 
chid  Bechil,  I,  358. 

Phosphore  (  travaux  de  Boyle  sur  le  ) , 
II,  174-175;  —de  Baudouin;  — sa  dé- 
couverte racontée  par  Kunckel,  II,  193. 

Phosphore  d'urine ,  histoire  de  sa  décou- 
verte par  Kunckel,  II,   194-200. 

Phosphore  d'Homberg,  II,  301. 

Phosphore,  ses  propriétés  décrites  par 
Homberg,  II,  300. 

Phosphore,  dans  quel  état  il  existe  dans 
l'urine  ;  ~  théorie  de  sa  préparation 
(MarggraO,  U,  413. 


Photius^,\,  361.  ^ 

Pièces  d'alchimie  manuscrites  conservées 

à  la   bibliothèque  de  l'Arsenal ,  II , 

130,  note  (3). 
Pièces  rustiques  de  Palissy,  II,  76. 
Pierre  (VApono,  1,  418-421. 
Pierre  le  Bon  de  Lombardie,  alchimiste, 

I,  436-437. 

Pierre  de  Tolède ^  alchimiste,  I,  435. 
Pierres  calcaires  dégagent    de  l'esprit 

sylvestre  (acide  carbonique)  au  con-p 

tact  du  vinaigre,  II,  141. 
Pierre  infernale  (nitrate  d'argent),  pré- 
^  parée  par  Geber,  I,  339. 
Pierre  inflammable  artificielle,  II,  18Ô; 

—  précieuse  artificielle,    rubis  d'or 

(Glauber),  II,  188-189. 
Pierre  philosophale ,  d'après  Arnaud  de 

Villeneuve,!,  410. 
Pierre  philosophale ,  divisée  par  Ripley 

en  douze  parties  ou  portes,  I,  444. 
Pierre  philosophale,  II,  189-190. 
Pierre  philosophale  (découverte  de  la), 

II,  116-117. 
Pierre-ponce,  I,   176. 

Pierres  précieuses,  leur  usage  est  fort 
ancien  I,  62  ;  ~  artificielles,  I,  63. 

Pierres  précieuses -artificielles,  —  leur 
fabrication  dans  l'antiquité,  1,  158* 
160. 

Pierres  précieuses,  1, 405  et  470. 

Pierres  précieuses  (principe  de  la  fabri- 
cation des)  selon  Porta,  II,  97-98. 

Pierre  solaire  (Pierre  de  Bologne),  II, 
328. 

Pierre  spéculaire,  I,  179. 

Pierres  tranchantes,  employées  à  la 
place  de  lames  métalliques,  I,  49. 

Pinch-beck,  alliage  imitant  l'or.  II,  430. 

Pinkenau,  II,  337. 

Pi^cairn,  II,  240. 

PlaniS'Campif  alchimiste,  If,  323. 

Platine  ,  parait  avoir  été  connu  très-an* 
ciennement,  I,   140. 

Platine,  son  histoire,  II,  360. 

PlatoUf  ses  idées  sur  les  éléments'  et  les 
principes  de  la  matière,  I,  93-97. 

Plomb,  exempt  d'argent,  II,  42  ;  —  aug- 
mente de  poids,  étant  exposé  à  l'air 
(Agricola),  II,  45  ;  —  augmentation  de 
son  poids  par  la  combinaison  d'une 
substance  aérienne  (Césalpin),  II, 
54. 

Plomb  argentaire,  I,  109. 

Plomb  {plumbum),  dénomination  ap|)li- 
quée  par  les  anciens,  tantôt  à  l'étain, 
tantôt  au  plomb  proprement  dit,  I, 
137-138. 

Plomb,  décrit  par  Geber,  I,  333. 

Plomb,  devient  sonore  dans  certaines 
circonstances,    II,  374. 

Plomb ,  augmente  de  poids  en  se  chan- 
geant en  litharge,  II,  387. 


]mxF 


3i9. 


,1,  341. 

iu^,..v  »lïhjink)ue  il  l'imitalioii  ilïs  Mé- 
tomorphous  d'Oiidr,  11,  123. 

Pmds  KpécilXqius ,  iléterniinés  par  Bojlp, 
H.  176. 

PoiMH  <le  loup  (Porta),  )I,  9B.  —  sub- 
til, âdniiiiiatré  pendiiDl  Je  sommeil,  II, 
SS.  —  narcotiques;  troU  depés 
d'action  lelon  leurs  dose».  11.  99- 

Poiions,  —  leur  connaissance  ibex  les 
anciens.  I,  30-jt6;  —  lirÉs  du  re- 
ine anitoil  (canllwridea,  hitpresle, 
etc.),  l,  ÎJ6-5I7;  —  ifiés  du  r^i 
i^éial  (piTot,  juiquiame,  dgDê,elc.). 
I,  ïil-îiO.-^ 

Poisons  tirés  ds  r^e  minénil  (saoria' 
laqne, arsenic,  litliBi^e,  etc.),  I,  SîO- 


élasUqaes  qu'elle    dégage,  0, 

décrite,  par   Rog«^r 


Poudre   k    cano 
Bacon.  1,395. 

Foudre  li'Algarolli  (onjcblorure  il'antl- 

mOÎDE).  Il,   Ï17. 

Poudre  de  projecIioD,  ttansrorme  le  ïif' 

argent  en  or,  II,  114. 
Poudre  dans    laquelle    In    charbon  e»l 

remplacé  par  le  sulfure  d'anlimotoe, 

II.  IIS. 


Poudrt 


ve),  1, 4 


i-417. 


Poïfon.   ce   que  les  alchimistes  enten- 
daient par  poïuHi,  I.  434. 
Polasono  resiiirenl  de  l'air,  II,  1&7. 
PoUmann,  BlcWiniale.  ll,3S6. 
Polunièi».  11,  3114. 

Pominea  de  terre;  ce  mot  etl  mentionné 

pour  la  première  foie  au  xiv*  siècle , 

1,  449. 

PomptioljK  (lleursde  iinc),  I,  I3î-133. 

Porcelaine  de  Chine;  —  iolrodiiction  de 

la  porcelaine  en  Euiope,  1,  13-1  i. 
Porphyre,  I,  24'- 
Porla   (Jean-Baplinle),  II,  M-lOO. 
PoTfa  Ltonis,  Juif,  alcbiniisle,  II,  176. 
Potasse  caustique,  —  sa  préparation  in- 
diquée par  Geber,  I,  337. 
Potasse  raiislique  attire  lliumidilé,   ), 

3S7-38lt. 
Potassium  décourcrte  par  Davy,  Il ,  581 . 
Poteiie,  faïence,  inaltriaux  deomslnjc- 

tioD,  etc.,  1,  lâS. 
Po<cri«i  (P.),  II,  S37. 
Potier,  alibimiile,  II,  333. 
Potius,  alcliimisle.  11,  3:ii. 
Polt,  11,  401-404. 

Poudre  à  canon,  employée  depuis  long- 
temps cliez  les  Cliinois  (tour  les  (e»-% 
d'anilice,  I,  12. 
Poudre    à    canon;  fa  composilion   du 

temps  de  Cardan,    II,  Sa. 
Poudre  à  canon,  na   force  est  due  au\ 
sai  qui  prenneol  naissance  par  la  com- 
busUon,   11,   Se3-2fl4. 
Poudre  it  canon,  —  sa  composition,  — 
,  --.Mnuaage.l.aoï.SOJ,  309 

'•  taooa,  —  e\périencea  sur  les 


pour  argenler  sans  le  mojendu 
lire.  Il,  160;  —  i  encre.II,  101. 
pour  convertir  le  plomb  en  or, 

e,  —  sa  nature  et  sa  préparation, 

2-168. 

-330. 

Précipité  ruuge    (oNjde  dé  mercure) , 

pré[eré  par  Getier,  I.  340. 
Précipités  i  leur  formation  expliquée  par 

D0Tle.II,  167. 
Prieslleg,  II.  472-487. 
Principe   doui  des  boiles   (glvcérine), 

II,  3es. 
Principes    géolc^ques    d'Aticcnne  .   J , 


34G. 


Principe  de  l'imilation  de  li 


T,  116. 


■,  I. 


Procfui,  1, 143. 

Projection    alcliimiqoe;  manière   de  la 

faire,  indiquée  par  Plamel,  I,  459. 
Proportions  délinies.  II,  303. 
Proportions   déterminées    (Bergmann), 

11,  438-439. 
Piei;iM,  I.  361. 
Puits  artésiens    (Palissj),  II,  83-84.  — 

(théorie  des},  11,  87. 
Polrëfaclioo,  considérée  par   Paracclse 

comme  une  transmutation,  U,  17. 
Pyrite,  l,I7S. 
Pyrites  (sulfures),  «oumis  i  l'action  de 

l'air  et  de  l'eau  pour  les  cooTerlir  en 

vitriols   (aulfales),  It,   44. 
Pythagore,  ses  idée»  sur  le  principe  des 

choses.  1.  75-77. 


Qtiufjrammo,  alelumisle,Il,  1' 

Quinleseeace,  de  Bu|ieBciesa  p( 

ger  le  mercure  en  or  ou  ei 


DES  MATURES. 


eo9 


Rai  (Jean),    II,  242. 

JRain  (Fréd.  de),  alchimiste,  II,  326. 

Raisins,  moyen  de  les  conserver  (Pline), 

I,  190. 

Raisins,  ne  fermentent  au  contact  de 
Pair  qu'autant  que  leur  épiderme  est 
déchiré,  II,    136. 

Rapport  entre  le  soleil  et  la  terre,  n, 
116. 

Rattray,  II,  229. 

Raymond  LuUe,  sa  vie  et  ses  écrits 
alchimiques,  I,  421-428. 

Réactif  (papier  trempé  dans  du  suc  de 
noix  de  galle) ,  employé  pour  consta- 
ter la  présence  du  fer,  I,  13(. 

Réaumur^  II,  391. 

Recette  pour  faire  de  bons  creusets,  I, 
440. 

Régis  (S.),  II,  240. 

Régule  d'antimoine  (B.  Yalentin),  I,  483. 

Reich,  alchimiste,  II,  327. 

Reineccius,  II,  240. 

Remèdes  pharmaceutiques  (règlements), 
1,507. 

Résine  de  térébenthine,  mise  par  les  Ro- 
mains  dans  leurs  vins,  I,  193. 

Respiration,  ayant  pour  but  d'enlever  au 
sang  une  matière  excrémentitielte ,  II , 
156. 

Respiration,  absorbe  une  partie  de  l'air, 
1),  341. 

Respiration  des  animaux  comparée  à  la 
combustion,  II,  258-259. 

Respiration  des  plantes,  donne  des  résul- 
tats chimiques  inverses  de  celle  des 
animaux  (Priestley),  II,  479. 

Respiration,  théorie  de  Lavoisier,  II,  517. 

Restentorium,  vase  destiné  à  retenir  les 
produits  de  la  distillation,  I,  427-428. 

Rey  (Jean),  II,  245-247. 

Rhasès,  I,  340-343. 

RhenanuSt  alchimiste,  II,  325. 

Rhodez,  II,  242. 

Richard  PAnglais,  alchimiste,  I,  437- 
438. 

Rieser  (F.),  II,  319. 

Ripley  (Georges),  alchimiste,  I,  444-445. 

Rivinus  (A.),  Il,  276. 

Rocca  DevendrOy  alchimiste,  II,  322. 

Boeh  le  baiUif,  sectateur  de  Paracelse, 

II,  23. 

RochlitZf  prêtre,  alchimiste,  II,  125. 
Rqlfinli,  alchimiste,  II,  326. 
Moquetailladey  alchimiste,  1, 446*447. 
Rose-croix;  leurs  règlements,  II,  317. 
Rosello  (H.),  alchimiste,  II,  126. 
Rosen-Kreutz,  H,  318. 
Rosetti  (Ventura),  II,  101. 
RosinuSy  I,  ^67-368., 
kouelle  atné,  II,  378-383. 
Rouillac  (Ph.),  alchimiste,  IT,  127. 
Rouille  (oxyde),  formée  par  l'absorption 
de  quelque  chose  (Platon),  1, 97. 

niST.   DE  LA  CUmiE.  ^  T.     U. 


Rouille,  engendrée  par  un  humide  aqueux, 
II,  95;  —  engendrée  par  des  efflu- 
ves corrosifs  de  l'air,  n,  157. 

Roussetf  alchimiste,  II,  523. 

Rubeus,  II,  105. 

Ryberg,  II,  337. 


Safran  des  métaux,  II,  291. 

Saint-Thomas  d'/l^Miw,  1,404-407. 

Sala  (Angélus),  II,  208-214. 

Saladin  d'Ascalo,  I,  491. 

Salmona,  I,  344. 

Salpêtre,  sa  purification  connue  très  — 
anciennement,  1,307. 

Salpêtre;  idées  de  B.  Valentin  sur  la 
composition  de  cette  substance,*  I, 
483. 

Salpêtre;  moyen  d'évaluer  la  quantité 
<ie  salpêtre  dans  la  poudre  à  canon, 
II,  431. 

Salsola  soda  ;  expériences  de  Duhamel , 
II,  382. 

Salubrité  de  l'air  (hygiène  publique),  I, 
502. 

Saluées  (comte),  II,  359. 

Salzthal,  alchimiste,  II,  326. 

Sang;  recherches  sur  le  san^  (Boyle), 
II,  172-173; —  sang  artériel,  coloré 
par  Tair  (Svivius),  H,  216. 

Sang  (recherches  microscopiques  sur  le), 
II,  405.  ' 

Santés  de  Ardoynis,  I,  491 . 

Saturation  (principe  de),  II,  437. 

Saturer  (saturare)  ;  expression  employée 
pour  la  première  fois  par  Van-Hel- 
mont,  pour  désigner  la  combinaison 
d'un  acide  avec  une  base,  II,  144. 

Savon  ;  sa  fabrication  chez  les  anciens, 
I,  147-148. 

Savon;  sa  préparation,  I,  353. 

Savon  (fabriques  de),  II,  220. 

Savonarola  (Mich.),  I,  491 . 

Çaxe  au  xiv**  siècle,  I,  450. 

Scheeley  II,  450-472. 

Scheffer^  sur  le  platine,  II,  361. 

Schejfer  (Théophile),  II,  430. 

Schlosser,  II,  369. 

Schmucker,  alchimiste,  II,  326. 

Schnurr  von  Landsidel,  alchimiste,  II, 
326. 

Schreyer^  II,  242. 

Schubert,  II,  318. 

Schûrer,  invente  le  bleu  de  cobalt ,  II 
101. 

Schweighard,  U,  319. 

Schwerzer  (Séb.),  alchimiste  de  l'élec- 
teur de  Saxe  et  de  l'empereur  Ro- 
dolphe, II,  120» 

Sceaux  alchimiques,!,  414. 

Scopoii,  II,  365. 

39 


TABLE  ASALÏTIQUE 


Satlui  (Midi,),  aldiimUlt^,  II,  13U. 

Secret  (l'Iùs  pour  bire  <le  l'or,  I,3eo-3Sl . 

SeignrltelP.},  11.  3.1N. 

Sel  amer,  I,  4S9. 

Sel  ■mmoniac;  sa  prqiaratioD  (Geber), 

1,337. 
Sel  amnjoniac;  sa  eomposillon  di 

par  Sata,  tl,  !t3;  —  na  coraposilioa 

dfiniiEï  par  Tscbenîu»,  il.  318. 
Sel  ammoniac,  coudu  des  anciens,  1,  ISI 
SeU  lires  dti  animaux,  I,  483. 
Seld«scen(JrM(potasseJi  les  aiaf.r»,l 

146-147. 
Sel  gaame,  iléerépîtaDt  <lans  le  léa,  I. 

150-151. 
Sel  de  Glauber;  ra  dtoiDTLfte ,  I).  184' 

185;  -d'oseille,  appelé  larlre,n,209- 

310. 
Set  maria;  sod  histoire,  ses  nsages,  etc., 

I,  149-lâi. 

Bel  de  mercure  (sutitiioé  corrosif),  em- 
plDj'É  par  B.  Valenlin  contre  la  sj- 
philis,  I,  483. 

Bel,  partie  la  plus  active  de  rengrais 

JPalisB)),  11,  Si  8ù. 
d'anae,    appelé  par  VaD-HeliDoot 
tarlaru»  urinm,  II,  145. 
Sel  de  phospliore,  1,  477. 
Sel  poljchreale  de  Glaser,  II,  28ï. 
Sd  prunelle  (sulfsle  de  potaese  roDdu) , 

II,  2Sî. 

Set  oe  soDfre  (Foie  de  Boiifre),  I,  4X3. 

Bel  du  sang  (cjanolernire  jauae  de  pe- 
tassiiim).  II,  418-419. 

Sd  d'urine  :  M  urépa  ralioa  (Geber),  1 ,  318. 

SeU  (elissificauan  dea).  II,  378, 

SeAdtnijiHa(MfcliH),  alcbimisle,!!,  13t. 

Senebier,  II,  53!l. 

Sennetl  (Daniel),  H,  î39, 

Seriimonii,  alcUimisle.'II,  321. 

SerHtii(P.),  Il,  343. 

Sethon  (AleK.)lecofmopo1ile,alchirniale, 
II,  130. 

Riverin  [Pierre),  partisan  des  médica- 
ments ciiimiques,  11,  11. 

Slebenfreund  (Sébastien),  alchimiste.  II, 
123. 

Signes  chimiques, -I,  2S9. 

SîTiCË  reconnue  pour  an  acide  par  Ta- 

uhenias.  II,  12^. 
Silice  ;  ses  UEatK»,  1,  ijâ-làS. 
Sirop  de  violùte,  employé  comme  réac- 

tif,!!.  167. 
Sifei-^fJ.).  1I,31S. 
«arc  (F.),  II.  2B2. 
Slare.U.iia. 
SmaU,U,  lis. 

Smelh,  adrersaire  de  Black.  II,  3ûT. 
Snoy  (Rejner),  alcliimiste,  IT,  lïli. 
Société  royale  des  sciences  d'ilpsal,  II, 


Sudéti  def  inqnieli,  II,'3_ 

Sodium  dJcouTert  par   Darv,  II, 

SolulioD»  saturées  (Lefebrre),  II,  SSO. 

SoliilioDS  (Geber).  I,  33ii . 

Sondage  in  Tenté  jorPalissv,  11,82-83. 

SaphoT,  1,350-357. 

Souile,  distinguée  de  la  potasse  par  Mac^. 

graf,  11,419-420. 
SoBfre  ;  son  emploi ,  sa  nature  (Ro  inaim), 

I,  145. 

Soufre  doré  d'antimoine.  11.  2S3. 
Soufre,  considéré  comme  un  éh^uient  des 
métaux,  I.  331, 

Soufre,  décrit  par  Geber,  1,  332. 
Soufre,  ses  propriétés  (Albeil  le  Grand], 

Soufre  roi^  (séléoioin),  1,413. 

Soufre  natif,  se  renrantre  en  plusieurs 
EocBlilés  indiquées  par  Aerlcola  II, 
4S;  —  employé  pour  Ibire  des  alln- 
metles  ou  des  Dis  soufrés  (Agricota), 

II,  4B. 

Soofre,  en  devenant  un  acide,  se  com- 
"le  BTec  les  particules  nitro-aérieo- 
)  (oxygène).  II,  255. 

Spacher,  n,.3i9- 

Sttthi.U,  3S5-40I. 

Slarktf,  n,  240, 

Slltltr,  II,  24J. 

SnastT,  atdilraiste,  11,327, 

'ranioine  eo  poudre  produisant  des 
liBlluonatioas,  H,  98. 

StrutMm  (Jos.),  atcliimisle,  II,    tjg. 

Sublimation  (Geber), I,  334. 

Sablimé  corrmdf,  ptdpart  par  Geber,  I, 
339. 

Sublimé  blanc  fpréparalioo  du]  par  Pa- 


■IB),  11. 

Siichten ,  trouve  la  pierre  pliïlosophale 

dans  l'auttmoiae,  II,  125. 
Socre  candi  préparé  par  Libavius,  II,  30. 

Sucre;  raffinerie  de  sucre,  au  xir'  siè- 
cle, I,  449. 

Sucre,  connu  des  anciens,  1, 19S-19G. 

Sucre  (aflinage  et  clarilicalioii  du)  (Sala), 
II,  209. 

Sucre  de  bellerave ,  découvert  par  Marg- 
graf,  11,408-412. 

Sucs  astringents,  employés  par  les  an- 
ciens, 1,  203-204- 

Sacs  de  laitue  et  de  flgoier,  I,  200. 

Sucs  de  pavot,  de  laitue  et  de  figuier, 
employés  par  les  anciens.  I,  205-200. 

Sulfate  de  fer;  moyen  Oele  préparer,  I,' 
4B8. 

Sulfate  d'ammoniaque  préparé  par  VI- 
gani.  II,  23a. 


Substance  vitale  dans  l'aii 
I5i. 


DES  MATIÈRES. 


641 


Sulfate  de  magnésie,  II,  289. 

Sulfure  de  fer,  se  transforme  en  sulfate, 
en  absorbant  les  particules  nitro-aé- 
riennes  de  Tair  (oxygène),  II,  256. 

Sutton,  II,  337. 

St9a6  (Antoine),  II,  42a. 

Swammerdam  (T.),  II,  240. 

Swedenborg   (Emmanuel),  II,  427-428. 

Syluius  (François),  II,  214-217. 

Syncelle,  l,  282. 

Synésius,  ses  écrits  sur  Part  sacré  et  la 
physique,  I,  279-282. 

Système  monétaire  usité  en  Chine,  1, 19. 


Table  d'émeraude,  I,  253-254. 

Table  des  matières  de  la  petite  encyclo- 
pédie chinoise  des  arts  et  métiers, 
I,  11. 

Tachenius  (Otto),  II,  217-224. 

Talismans  (Thémiste),  I,  311. 

Tam-tams,  leur  fabrication  en  Chine, 
I,  18. 

Tartre  vitriolé  (sulfate  de  potasse), 
préparé  par  la  voie  humide  (Tache- 
nius), II,  220. 

Teinture  des  philosophes;  ses  vertus,  I, 
468. 

Teinture  sèche  d*antimoine,  U,  292. 

Teinture  des  étoffes  (  théorie  d'Hellot 
sur  la),  II,  376. 

Teinture  phiiosophale  employée  dans  le 
grand-œuvre,  U,  119. 

Télégraphie  (système  de)  imaginé  par 
Porta.  II,  100. 

Tétragramme,  I,  75,  235,  420. 

Thaddée  de  Florence,  I,  432. 

Thaïes^  —  principes  de  sa  physique,  I, 
72-73. 

Thémiste,!,  310-311. 

Théophraste,  ses  idées  physiques.  I, 
101-103. 

Théorie  préconçue,  —  son  influence  sur 
la  marche  de  l'expérience,    II,  342. 

ThéotonicuSf  I,  364. 

Thermomètre  construit  par  J.  Key,  II, 
248-249. 

Thermomètre  construit  par  Yan-Hel- 
mont,  II,  146;  —  perfectionné  par 
Boyle,  II,  169. 

Thile,  II,  242. 

r^or/t&tir^,  alchimiste,  II,  326. 

Thuringe,  au  xiv«  siècle,  1,  451. 

Thurneysser,  disciple  de  Paracelse,  sa 
vie  et  ses  écrits,  II,  19-20. 

Tilemann,  U,  242. 

Tillet,  II,  3S6-387. 

Tissus  incombustibles,  I,  208-209. 

7o/2( Jacques),  alchimiste,  II,  326. 

Tourbe  des  philosophes  (  titre  d'un  ou- 
vrage alchimique),  I,  311-312. 


Transmutation  des  métaux;  on  trouve 
des  traces  de  cette  théorie  chez  \e» 
Chinois,  1, 22. 

Transmutation  des  métaux  ;  —  idées  de 
R.  Bacon  sur  cette  théorie,  I,  397 . 

Transmutation  des  métaux^  —  sa  possi- 
bilité admise  par  Boyle,  II,  166. 

Transmutation  de  la  chaux,  II,  448. 

Trevus  (Persius),  II,  242. 

Trismosin  (Salomon),  alchimiste,  II,  124. 

Trithexm,  I,  475. 

Tube  intermédiaire  entre  la  cornue  et  le 
récipient,  manquait  dans  les  premiers 
appareils  chimiques,  II,  155. 

Tungstène,  —  acide  tungstique  décou- 
vert par  Scheele,  II,  466. 

Turquet  de  Mayenne,  II,  238. 

Turre(Q,X.),  U,  242. 


U 


Ulsted,  1,  472-474. 

Urine  des  noourants,  est  privée  de  sel 
(Tachenius),  II,  220  ;  —  des  malades 
soumis  à  un  traitement  ferrugineux 
(Tachenius),  II,  221. 

Ursini  (H.),  alchimiste,  U,  322. 

Usnée,  II,  290. 


Valentini  (B.),  II,  241. 
Valerand  de   Bus- Robert,  V^  476-477. 
Valois^  alchimiste,  II,  itl. 
Fan-£f6/mo7i^ (Jean- Baptiste);  sa  vie  et 
ses  travaux  chimiques,  n,   134-146. 
Vapeur  (définition  de  la),  il,  142. 
Vargas  (Perez  de);  ses  travaux,  II,  55- 

Vase  distillatoire,  I,  270. 

Vases  murrhins  1«  154-155. 

Vases  poreux,  1 , 1 84. 

Veau  d'or  de  Moïse,  n'a  pas  été  dissous, 

mais  divisé  mécaniquement,  I,  44. 
Fe/a5co  (Fernandez  de),  II,  64. 
Venel  (Fr.),  U,   342. 
Venel,  II,  394. 

Ventura,  alchimiste,  II,  126. 
Veratti,  II,  343. 
Verge  ardente,  I,  490. 
Vernis  de  poterie,  I,  496. 
Verre  chinois,   plus  fragile  que  celui 

d'Europe,  I,  16. 
Verre  ;  sa  fabrication  chez  les  anciens, 

I,  156. 
Verres  colorés,  connus  des    anciens,  I, 

158-159. 
Verre  coloré  en  rouge  par  le  fer  et  Tor., 

11,28;  —  opac^ue  (isomère),  II,  95. 
Verrerie  de  Venise,  II,  44. 

39. 


f 


TABLE    ANALTTIOirE  DES  MATIEIIES. 


Verre  roBge  fabriqué  par  Kunckel,  U, 
301. 

Verre;  Ntn  usaec,  Un  inalièrca  qui  !« 
retii|>la(a irai  lia ns  l'aiiliqatté,  I.   lâS. 

Vtrreheubk,  1,157. 

Verl-di 
aprii,--  .--  , 
e«p«cfii  lie  Ecli 

Vert  àe  Sclieele.   II.  isb. 

VHementï  ;  le»  étoffes  qui  serTûent  aux 
premier»  TâlemenlB,  I,  bt-S!, 

YellerUB.),  U,  loa. 

Vieanui  (F.),  U,  I4ï. 

nra,  »khimi«le,  II,  III. 

Vk;  )a  vieel  i'bomme  pfaygiqoe  déGni» 
par  Pararelse  :  la  fie  est  un  esprit  qui 
dévore  le  corps  ;  l'Iiomme  e^t  une  va- 
peur coDilendée,  II,  17. 


as. 

Tigani  (Jean 'François),  II,  235-13S. 

Yigfnèrti  (Biaise  de),  11,  115-118. 

FlHo-feina,  II,  i». 

VÎD  (analyse  du),   par  Libarius,  II.  39. 

Vin;  son  bisluire  primitive,  1,  40;  — 
élyroologie  de  ce  mot,  I,  43. 

Vin  corrompu  ;  lie  de  tîh,  son  usage, 
I,  194. 

Via  émétiai',  IT,  313. 

VÎDS;  moTen»  de  corriger  l'ocidilé  àfi 
Tins  (Pline),  I,  192-194. 

Vioa;  leur  (abricalion  chez  les  anciens; 
_  l^eueog;  -  bioa.  etc.,  I,  189  ISI. 

Yim;  leur  sophisUeatlon  (bjgtène  pu- 
blique), I,  190. 

Vins  des  environs  de  Paris  trouvés  ex- 
quis au  xvi' siècle,  11,  107;  —  mous 
Hux  par  Id  présence  de  l'espril  e>I' 
veelre  (acide  earbonique],  II,  136. 

Vinaigre;  se»  pioprielés,  ses  usages,  1, 
194-195. 

Vinaigre  de  boia,  découveil  par  Bojle. 


Violet;  sabstance  qui  donnail  cette  con- 

Vogel  (Augusie),  II,  36î. 

Voie   liumide  et  voie  sèciie   (Lemerj), 

II.    385. 
Voie  liumidc;  moyen  de  dorer  L'ar^L 

par  la  voie  humide.  H,  415. 
Volcan  artificiel  de  Lemery.  11,387. 
"olcdns;  origine    des   volcans    (HolT- 

mauD),  U,  383. 
VuUsamos,  II,  369. 

W  ^_ 


dénominations 


II.  i: 
Vinaigre;    son   orii^ne 

bébraiques.  I,   41-43. 
rincenf  de  Beauvais,  i,  403-404- 
rinei  (Léonard  de),  U,  93-93. 


Waldselmiedl,  11,  365- 
WatterHa.  !1 ,  436-437. 
Wation,  II,  361. 
Wfdtl  (G.),  Il,  343. 

Wedil  (Wolffgang),  11,  376. 

yVeiget  (Valenlin),  explique  le 
de  la  transaubstantiBtHHi  par  la 
mutation  des  mélaui:,   11,125 

Well  (Jacques) ,  partisan  de  Bli 
35C. 

Willii  (TLomaa),  U,  337.1 

Wormiui  (AI.),   11,  318. 

Wren  (Ch,),  recueillit  des  { 


2iicA  a  Puleo,  alchimiste.  H,  33S. 

Zadilh,  1,  353- 

Zanelli  (H.),  alchimisle,  II,  136. 

Znpalu,  alcbimiâle,  II.  I2S. 

Zecaire  [Denis),  II0'I14. 

Zéolilhe,  11,430. 

Zinc  (métallique),  parait  avoir  été  connu 

desRomains,  I,  133-133. 
Zioe,   sa   coinbustilililé  à  l'air  (  Harg- 

graf).  II,  413. 
Zinc,   menlionné  pour  la  première  fuis 

sous  ce  nom  par  Paracelse,  II,  14. 

ZBJe//'êr'{J.J,'ll,  337. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


DU  TOME  DEUXIÈME. 


Pagfs. 

Préface I 

Première  section,  xti*  siècle 1 

§  1.  Aperçu  général  du  xvi^siècle ibid. 

§  2.  Mouvement  général  de  la  science  au  xvi*  siècle 3 

h  Chémiatrie   (chimie  appliquée  à  la  médecine) 5 

§  3.  Paracelse ibid. 

§  4.  Disciples  deParacelsc 19 

§  5.  Libavius 26 

§  6.  Adversaires  de  l'école  de  Paracelse. 30 

§  7.  État  de  la  pharmacie.  —  Médecins  éclectiques 32 

II.  Chimie  métallurgique 38 

S  8.  Georges  Agricola ibid. 

§  9*  Biringuccio 50 

S  10.  A.  Césalpin S2 

§  11.  B.  Perez  de  Vargas 55 

S  12.  Mines.— Métallurgie 58 

S  13.  Monnaies 65 

IIL  Chimie  technique »67 

§  14.  Bernard  Palissy ibid. 

§  14  ^ij.  Léonard  de  Vinci ' 92 

S  15.  Jérôme  Cardan 94 

8  16.  Jean-Baptiste  Porta 96 

§  17.  Bleu  de  cobalt.  —  Indigo.  —  Cochenille.  —  Ëtablissement  des 

Gobelins  et  du  Jardin  des  plantes 100 

S  18.  De  la  distillation 103 

IV.  Alchimistes 109 

%  19.  Denys    Zecaire  (Dionysius  Zaccharias) 110 

S  20.  Biaise  de  Vigenère : 115  ' 

%  21.  Gaston  Claves,  dit  Dulco 118 

§  22.  Quelques  alchimistes  moins  connus 120 

S  23.  Alchjmii^tes  ambulants 12* 

^  Deuxième  section.  xtu«  siècle 132 

%  1.  Van-Hehnont  (Jean-Baptiste) 134 

8  2.  Robert  Boyle 1*6 

5  3.  Robert  Fludd(R.  de  Fluctibus) 177 


/ 


614  '    TAXLB  DBS  XATliftES 


S  4.  J.  Rodolphe  GUmber ..'  183 

S  5.  Jean  Kiuickd  de  Lœwensteni 191 

S  6.  J.  Joackiin Bêcher ..«  206 

S  7.    AngchuSala ', '. 208 

S  8.  François  Syhiiu(DeMioë  ou  Dubois) Ai 

S  9.  Otto  Tacheiiius 217 

S  10.  Frédéric  Hofbnann 224 

S  11.  Guillaume  Davisson 284 

S  12.  Jean-François  Yigani .' 235 

V.  Chimie  pharmaceutique 237 

S  13.  État  de  la  pharmacie  au  xvn*  siècle 244 

S  U.  JeanRey 245 

Chimie  des  gaz ■. • .  250 

S  15.  Jean  Mayow ; ..' 252 

S  16.  Jean  BemouilU 262 

5  17.  Nicolas  Lefèbre 276 

5  18.  Christophe  Glaser 281 

S  19.  Nicolas  Lemery ^ . . .  283 

S  20.  Michel  Ettmûller 291 

Chimie    technique •  294 

S  21.  Guillaume  Hombei^ 298 

Chimie  métallurgique - 305 

S  22.  Alonso  Bari» 305 

S  23.  État  des  moines  au  XTU*  siècle .- 311 

Alchimie 317 

§  24.  Rosccroix 317 

§  25.  Alchimistes  du  xvii*  siècle 326 

Troisième  section.  Coup  d*œil  général 332 

§  1 .  Moitrel  d'Élément 333 

§  2.   Chimistes  qui  se  sont  occupés  de  rétiidedes  gaz r  337 

§  3.  Haies 338 

§  4.  Bœrhaavc,  Venel,  Geoffroy  aîné 342 

§  5.  Black 343 

§  6.  Chimistes  partisans  des  idées  de  Biack 352 

§  7.  Chimistes  adversaires  de  Black » 354 

§  8.  Partisans  de  Black]  aux  prises  avec  leurs  adversaires, .........  355 

§  9.  Coup  d'œil  sur  Tétat  des  sociétés  savantes  au  commencement  du 

XVIII*'  siècle 357 

§  10.  Chimistes  anglais .* 359 

§  11.  Chimistes  allemands 362 

§  12.  Chimistes  hollandais 367 

§  13.  Progrès  de  la  chimie  en  France  antérieurement  à  l'époque  de 

Lavoisier 369 

§  14.   Geoffioyaîné 370 

§  15.  Geoffroy  jeune 37 1 


* 


Dr  TOME  DEUXIÈME.  615 

»  Page?. 

SM6.  Louis  Lemery .,  374 

S  17.  Hellot *'  375 

S  18.  Bouldiic 377 

S  19.  Rouelle 37g 

§  20.  Théodore  Baron 383 

S  21 .  François  Hœfer 384 

§  22.  Macquer 385. 

§  23.  Tillet 386 

§  24.  Duhamel  Dumouccau 387 

§  25.  Réaumur,  Bourde  lin,  Dufay,  Malouin,  Bucquet. 391 

S  20.  Progrès  de  la  chhnie  en  Allemagne  jusqu'à  répoque  de  Lavoisier. 

Stahl 395 

S  27 .  Pott 401 

S  28.  Eller ; 405 

S  29.  Neumann 40G 

§  30.  Marggraf , 407 

§  31.  De  la  chimie  en  Suède 421 

§  32.  Bergmann 423 

§  33.  Scheele 450 

§  34.  Priestley 472 

Travaux  de  Priestley 47  7 

ÉTAT  DE    LA   CHIMIE  DEPUIS    LaTOISIER  JUSQU'A   GaY-LuSSAC   ET  ThE- 

NARD 489 

§  1 .  Lavoisier 489 

§  2.  Travaux  de  Lavoisier 497 

§  3., .École  de  Lavoisier,  ses  adversaires  et  ses  partisans 530 

Cavendish 535 

Ingenhousz 538 

Senebier 539 

§  4.  Derniers  adversaires  de  l'école  de  Lavoisier 540 

§  5:  Guyton-Morveau 545 

BerthoUet,  vie  et  travaux 549 

Fourcroy,  vie  et  travaux . , , 555 

§  G.  Nomenclature  chimique 558 

§  7.  Progrès  de  l'école  chimique  française 562 

§  8.  Davy,  vie  et  travaux 568-591 


FIN  DE  LA    TABLE  DES  MATIÈRES  DU   TOME   DEUXIÈME. 


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