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I
HISTOIRE
DE LA CHIMIE
TOME II
Typographie Firmiii D'xêM. — Hesnil (Eure).
t ' \
HISTOIRE
DK
LA CHIMIE
PAR
1
FERDINAND HOEFËR
DEUXIÈME ébmON^ REVUE ET AUGMENTÉE
TOME SECOND
. • • ^ * ■» •
PARIS
LIBRAIRIE DE FiRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C
IMPRIMEURS nE L*1N8TITUT, RUE JACOB, 56
,869
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HISTOIRE
DE LÀ CHIMIE
TOME II
7'^ '■ p< -r* ■
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HISTOIBE DE LÀ CHIKIE.
Au moyen âge, Tesprit spéculatif l'emportait sur l'esprit d'ob-
servation. Il en résulta de graves conflits, essentiellement nui-
Bibles au progrès. Dans notre époque, au contraire, il est à crain-
dre que la balance ne penche trop du côté de la matière. Les
erreurs qui pourraient en résulter seraient également funestes.
TROISIÈME EPOQUE. 1
SECTION PREMIÈRE.
§1.
Aperça général da] seizième ■lècle.
Les guerres de religion sont le centre aatour duquel gravite
toute l'histoire du seizième siècle.
L'Église avait depuis longtemps reconnu la nécessité d'une
réforme^ et le concile de Constance Tavait lui-même proclamée
solennellement ; mais cette réforme ne devait porter que sur la
discipline. Plus hardis, Luther et Calvin portèrent la main sur le
dogme ; profitant de quelques fautes commises par des subal-
ternes, ils en accusèrent toute la papauté. Au lieu de travailler,
selon l'esprit de l'Évangile, à la fraternité des hommes*, its allu-
mèrent le feu de la discorde et sapèrent les fondements de l'u-
nité chrétienne.
Luther et ses disciples auraient, comme tant d'autres, échoué
dans leur entreprise, si des princes puissants ne s'en étaient
pas constitués les champions. Dès lors la lutte, qui n'avait encore
éclaté qu'en paroles, se traduisit en actes sanglants. Deux partis
se trouvaient en présence : les catholiques et les protestants.
Les ducs et électeurs de Saxe, de Brandebourg, du Palatinat,
prennent la défense du protestantisme, moins par conviction que
parce que le clergé catholique était riche , beaucoup trop riche,
et qu'il y avait là un opulent héritage à recueillir. C'est ainsi
que tôt ou tard les hommes sont punis par où ils ont péché. Tout
se liquide ou s'expie.
Entre les mains des princes, la religion ne fut presque jamais,
chose triste à confesser, qu'un instrument de politique ou de do-
mination. François P% le protecteur et le restaurateur des arts et
des lettres, encourageait secrètement les protestants d'Allé^
tItSt. t>Ë LA CHIMIC. «» T. If. i
2 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
magne 9 faisait des Turcs ses alliés, pendant qu'il faisait, en
France, brûler les huguenots. Henri II, Catherine de Médicis,
Henri m, exclusivement guidés par des vues politiques, in-
clinaient ostensiblement tantôt du côté des catholiques, tantôt
du côté des sectateurs de Calvin. Henri IV rentra dans le giron
de l'Église, estimant que Paris vaut bien une messe. La conduite
des princes allemands , et particulièrement celle de Maurice de
Saxe à Tégard de l'empereur Charles-Quint, montre que la reli-
gion n'était pas non plus pour eux une affaire de conscience.
Henri VIE, roi d'Angleterre, en dépit de son titre de défenseur
de la foi, décerné par le pape, fut Ini-môme, pour des motifs
honteux, l'auteur d'un schisme nouveau , et sema les dissensions
civiles et religieuses qui firent de la Grande-Bretagne le théâtre
de scènes sanglantes.
Pendant que la France, l'Allemagne, l'Angleterre, s'entre-dé-
chiraicnt au nom d'une religion dont le premier précepte est
l'amour du prochain, l'Espagne marchait rapidement dans la
voie de la décadence. Le despotisme du sombre et fanatique
Philippe U provoqua le soulèvement des Pays-Bas. L'indépen-
dance proclamée par . les Provinces-Unies, que le successeur de
Philippe II Jfut forcé à reconnaître, por^a le coup de grâce à la
monarchie espagnole, qui perdait au dehors souascendant moral,
tandis qu'au dedan$ l'iaquisitioa fomentait la hjaine des ci-
toyens. La résistance opiniâtre que les Hollandais opposèrent
aux volontés d'un roi de droit divin établissait un précédei^t qui
ne devait pas être perdu. . ,
Le charme qui jusqu'alors avait fasciné les peuples assujettis
était rompu. L'union de l'autei et de la royauté, qui avait été
considérée comme une arche d'alliance, tomba tout à coup d.âns
le domaine cle la discussion publique. Un obscur moine luttant
corps à corps avec la papauté, et des marchands roturiers chas-
sant de leur pay^ un monarque de droit divin dans les États du^
quel le soleil ne se couchait jamais, c'était là vm spectacle qui
donnait à réfléchir au monde. Dès ce moment le moyen âge
était fini, une nouvelle ère avait commencé..
Le droit du libre examen et la liberté de conscience ouvraient
un. champ illimité à la raispn et à l'expérience. Les. sciences ne
tardèrent pas à profiter de l'évolution qui venait de s'opérer dans
la pensée de l'homme.
Les philosophes cessèrent de jurer par Aristote. P. la Ramée,
TROISIÈME ÉPOQUE. 3
Montaigne, J. Bruno. J. Cardan, Télésio, le précurseur de Bacon,
minèrent par diverses voies l'échafaudage de l'autorité tradi-
tionnelle. Paracelse tonne, dans le rude langage d'un réforma-
teur, contre les hippocratistes et les galénistes ; Bernard Palissy
déclare , avec la franchise d'un puritain , qu'il faut avoir perdu
l'esprit pour ne pas mettre le livre de la nature au-dessus des
livres des anciens. Ropernik, appliquant le droit du Ittire examen
à l'étude des astres, soutient, contrairement aux principes de
la science régnante , que la terre tourne avec toutes les planètes
autour du soleil. Enfin le chancelier Bacon, saisissant^ avec l'es-
prit du vrai philosophe , toute l'importance de la révolution qui
venait d'éclater dans toutes les directions de l'esprit humain,
essaya de reconstruire, à l'aide de la méthode expérimentale;,
tout l'édifice des connaissances humaines.
§2.
MoaTement général cle la BcleBee aa seizième Biècle.
L'idée d'opposer l'usage de la raison à l'autorité tradition-
nelle, l'expérience à la spéculation, s'était déjà, à diverses re-
prises, manifestée dans les siècles précédents; mais à chaque
manifestation elle avait été tout aussitôt réprimée. Maintenant
son règne élait venu.
A la tête du mouvement, qui devait imprimer une direction
nouvelle à la science chimique, se placent Paracelse, Georges
Agricola et Bernard Palissy.
Paracelse, violent et emporté, est le chef de l'école chémia-
trique, dont le mérite principal est d'avoir détourné les méde-
cins de la route battue des anciens , et de leur avoir fait com-
prendre la nécessité de l'élude de la chimie des êtres vivants , et
de la chimie appliquée à la médecine (chémiatrie).
Georges Agricola, plus modeste , et surtout plus familiarisé
avec l'antiquité que. Paracelse , fonda, avec des éléments épars,
tout le système de la métallurgie , partie fondamentale de la chi-
mie. C'est le chef de la chimie métallurgique.
Bernard Palissy, tenant tout à la fois de Paracelse par sa fran-
chise et sa persévérance , et d'Agricola par la solidité de son
savoir, est le réprésentant de la chimie technique^ de la science
I.
4 UISTOIRE DE LA CHIMIE.
appliquée à Tagri culture, aux arts du potier, du vitrier, de Té-
mailleur, etc.
Ualchimie, dont Tautorité allait en déclinant, devait elle-
même éprouver Tinfluence de la révolution générale qui s'était
opérée dans Tordre intellectuel.
La chémiatriey la métallurgie^ la chimie technique et V alchimie
sont autant de cadres qui résument parfaitement le mouvement
de la science au seizième siècle , cadres que nous allons essayer
de remplir.
TROISIÈME EPOQUE.
I.
CHÉMIATRIE.
§3
ParacelBe.
Il serait difficile de réunir les écrits de Paracelse en un corps
de doctrines. Des idées sans suite, des phrases souvent incohé-
rentes, défient l'attention du lecteur le plus exercé.
Figurez-vous un homme qui, dans certains moments, fait
preuve d'une sagacité rare, et qui, dans d'autres, radote le plus
pitoyablement du monde; un homme qui anathématise l'esprit
de système, en proclamant la nécessité de la méthode expéri-
mentale, et qui, un instant après , semble causer avec des dé-
mons et croire à leur toute-puissance ; enfin , vous diriez un
homme qui, â jeun le matin et ivre le soir, enregistrerait exac-
tement tout ce qui lui passerait par la tête. Tel est Paracelse ,
qui s'appelait lui-même Aurelius Philippus Theophrastm Para-
celstis Bombastus ab Hohenheim.
Mais peut-être a-t-on étiqueté du nom d'un même personnage
des écrits émanant de sources très-différentes. C'est là uue con-
jecture que nous livrons aux recherches des érudits.
Quoi qu'il en soit, personne ne songe à contester l'influence
Aq Paracelse (nom latinisé de Hohenheim) sur son siècle. Celte
influence a été immense. Pourquoi? comment? Est-ce parce
qu'il amalgamait la médecine et la chimie avec les doctrines de
la kabbale ? Mais d'autres, plus savants que lui, l'avaient déjà
fait. Est-ce parce qu'il était en quelque sorte le représentant des
alchimistes? Mais c'est au moyen âge, et non pas au seizième
siècle , qu'il faudrait chercher ce représentant ; car à partir de
répoque de Paracelse l'alchimie allait en s'éclipsant, et la vraie
G HISTOIRE B£ LA CHIMIE.
chimie commençait à paraître. Ce serait donc,une action rétro-
grade au lieu de progressive qu'il aurait exercée. D'ailleurs les
véritables alchimistes du seizième siècle ne reconnaissent en
aucune manière Paracelse pour leur chef; ils n'en parlent môme
pas : c'est comme s'il n'avait jaùiais existé pour eux.
Essayons de mettre en lumière le secret de l'influence que cet
homme exerça sur son siècle.
Et d'abord rappelons une fois pour toutes que c'est aux mé-
decins et non pas aux alchimistes que Paracelse s'adressait
presque exclusivement. Quant à ses écrits sur l'alchimie, ils ne
renferment presque rien qui n'ait été dit et mille fois répété par
les théosophes alexandrins, parles Arabes^ par Albert le Grand,
R. Bacon, R. Lulle, etc.
Or, en s'adressant aux médecins, il leur dit, sur le rude ton
d'un réformateur :
«Vous qui, après avoir étudié Hippocrate, Galien, Avicènne,
croyez tout savoir, vous ne savez encore rien ; vous voulez pres-
crire des médicaments, et vous ignorez l'art de les préparer ! La
chimie nous donne la solution de tous les problèmes de la phy-
siologie, de la pathologie et de la thérapeutique ; en dehors de
la chimie, vous tâtonnerez dans les ténèbres. »
Voilà le thème de Paracelse; c'est là son idée fixe. Comme
professeur et comme écrivain, il y revient sans cesse et avec la
même insistance. Ses théories peuvent varier, ses observations
se contredire; une seule pensée ne varie point, la guerre à ou-
trance déclarée à ces « docteurs en gants blancs, qui Craignent de
se salir les doigts dans un laboratoire de chimie ».
En s'attaquant aux dogmatistes,* Paracelse sentait qu'il s'était
attaqué aux plus rétifs des mortels. Aussi se montre-t-il violent,
passionné, excessif dans ses paroles; il frappe d'estoc et de
taille ceux qui dédaignent la chimie et les médicaments qu'elle
fournit.
« Vous, médecins, dit-il , de Paris , de Montpellier, d'Italie ,
Grecs, Sar mates, Arabes, Israélites, vous devriez tous me suivre
comme votre chef; ce n'est pas à moi de vous suivre : si vous ne
vous ralliez pas franchement sous ma bannière, vous ne serez pas
même dignes qu'unchien lève contre vous sa patte de derrière (1).
(1) Il y a dans le texte original une expression beaucoup plus énergique : An
den nicht 4w ffunde seiçen werden^
TROISIÈME EPOQUE. 7
Je^erai le chef d'une nouvelle monarchie. Que. pensez-vous de
Gacophraste? Il vous faudra avaler cette m.... (i). »
Après s'être ainsi proclamé chef d'une nouvelle école, l'au-
teur continue en ces termes :
« Que faites-vous donc, physiciens et docteurs ? Vous ne voyez
donc pas clair? Avez-vous des escarboucles à la place des yeux?
Votre prince Galien est dans l'enfer ; et si vous saviez ce qu'il m'a
écrit de ce lieu, vous feriez le signe de la croix avec une queue
de renard. Votre Avicenne est à l'entrée du purgatoire; j'ai dis-
cuté avec lui sur l'or potable^ sur la teinture des physiciens, sur
la quintessence, sur la pierre philosophale, sur. la thériaque. 0
hypocrites, qui ne voulez pas écouter la voix d'un médecin ins-
truit dans les œuvres de Dieu ! Après ma mort, mes disciples dé-
couvriront vos impostures, ils feront connaître vos sales drogues,
avec lesquelles vous avez empoisonné les princes et les seigneurs
de la chrétienté (â). »
— a Parlez-moi plutôt des médecins spagiriques (chimistes).
Ceux-là du moins ne sont pas paresseux comme les autres ; ils ne
sont pas hahillés en beau velours, en soie ou en taffetas ; ils ne
portent pas de bagues d'or aux doigts, ni de gants blancs. Les
médecins spagiriques attendent avec patience , jour et nuit, le
résultat de leurs travaux. Ils ne fréquentent pas les lieux publics ;
ils passent leur temps dans le laboratoire. Ils portent des culottes
de peau, avec un tablier de peau pour s'essuyer les mains. Us
sont noirs et enfumés comme des forgerons et des charbon-
niers. Us parlent peu et ne vantent pas leurs médicaments, sa-
chant bien que c'est à l'œuvre qu'on reconnaît l'ouvrier. Us tra-
vaillent sans cesse dans le feu, pour apprendre les différents
degrés de l'art alchimique (3). »
Telles sont les pensées fondamentales qui animent Paracêlse :
il les a manifestées dans plus de cent endroits de ses ouvages,
et toujours avec la même énergie. Il avait entrepris une véri-
table croisade contre les médecins hippocratistes et galénistes.
Ne reprochez pas à Paracêlse la violence et l'incongruité de
son langage : vous lui ôteriez son caractère distinctif. Il y avait
(1) Diesen Dreck must ihressen,
(2) Œuvres de Paracêlse, édit. (fuser, t. vi, p. 399.
(3) Ibid., t. VI, p. '323.
8 HISTOIRE DE LA CHIBUE
alors des*bommes bien plus savants que lui, mais ils n'avaient
pas la même hardiesse.
Avec la modestie on peut se concilier l'estime de quelques
hommes, mais on nje remue jamais les masses. Voyez tous ces
réformateurs : leur savoir est en général peu profond, mais ils
ont une éloquence naturelle , mordante , incisive , qui harcèle
l'adversaire et le défie au combat avec une audace sans pareille.
Il leur faut à tout prix des antagonistes ; s'ils n'en avaient pas,
ils s'en créeraient d'imaginaires.
Luther, contemporain de Paracelse , était bien moins savant
que son modeste ami Mélanchthon ; mais il avait l'audace d'un
réformateur. C'est Luther qui a comparé la parole à un glaive,
et la science à un fourreau. Il.laissa à son ami le fourreau ; et
on sait comment il s'est servi du glaive.
Après avoir montré quel genre d'influence Paracelse exerça
sur son siècle, jetons un coup d'œil sur sa vie et ses écrits.
Paracelse naquit en 1493 à Einsiedlen, dans le canton de
Schwytz (i). Son père, Guillaume Bombast de Hohenheim, qui
avait successivement exercé la médecine à Einsiedlen et àVilIach
en Garinthie, fut son premier maître, ainsi qu'il nous l'apprend
lui-même (2). G'est de lui qu'il reçut les premières notions de
médecine, d'alchimie et d'astrologie. Paracelse cite aussi comme
ses maîtres l'abbé Tritheim de Sponheim, l'évêque Scheyt de
Stettgach, et Erlach de Laventall. Gomme les étudiants d'alors,
il mena une vie vagabonde, alla d'une école à l'autre ; et quand
il manquait d'argent, ce qui lui arrivait souvent, il se mettait à
dire la bonne aventure, il se faisait chiromancien et nécroman-
cien. Il parcourut ainsi, dit-on, le Portugal. l'Espagne, laFrance,
l'Italie, l'Allemagne, visita les mines de la Saxe, du Tyrol, de
la Suède, et poussa ses pérégrinations , comme il l'insinue lui-
même, jusqu'en Egypte et en Tartarie. On raconte même qu'il
accompagna le fils du khan des Tartares à Constantinople, pour
apprendre le secret de la teinture de Trismégiste d'un Grec qui
(1) On n^est pas d'accord sur Pannée de la naissance de Paracelse. Selon quel-
ques auteurs, il naquit en 1443. Yoy. Melcb. Adam, Vitx Germanorum medico-
rum qui sœculo superiori claruerunt ; Heidelb., 1620, in-8**.
(2) Testamentum Paracelsi, etc.; Chronka des Landes Kàrnthen, p. 248.
D'après la C/ironigtie ( inédite ) de Saint-Gall, de Jean Kessler, le père de Para-
'"4) aurait porté le nom de Hœhener, et aurait été originaire de Gais (canton
Dzell ).
TROISIEME ÉPOQUE. 9
habitait cette capitale. Cependant, à juger par les écrits qu'il nous
alaissés, on serait tenté de croire qu'il n'a jamais quitté i'Alienaa-
gne; car il se montre très-ignorant en géographie, et il ne con-
naît ni les langues ni les mœurs des pays qu'il prétend avoir vus.
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il s'est livré pendant quelque
temps, dans les mines (lu Tyrol , de la Bohême et de la Carin-
thie, à des travaux métallurgiques, sous la direction d'un Fugger.
Paracelse se vante de n'avoir pas ouvert un seul livre dans
l'espace de dix ans, et que toute sa bibliothèque se composait
de dix feuillets. Ses contemporains lui reprochaient de ne pas
même savoir le latin, alors la langue favorite des savants.
Aussi soutenaient-ils que le titre de docteur y que s'attribuait Pa-
racelse, était usurpé; car personne ne pouvait obtenir ce grade
sans savoir au moins le latin. L'inventaire dressé après sa mort
constate qu'il laissa, pour tout trésor littéraire et scientifique, la
Bible, la Concordance de la Bible, le Nouveau Testament, les
Commentaires de saint Jérôme sur les Évangiles, un volume de
médecine, et sept manuscrits.
Paracelse avait commencé sa réputation dès l'âge de trente
ans, à l'occasion de quelques cures heureuses. Il était par-
venu à guérir quelques cas de cancer, d'hydropisie , de po-
dagre, etc., réputés incurables, et il assure lui-même avoir ré-
tabli la santé à dix-huit princes, qui auraient péri entre les mains
des «médecins galénistes ».
Le sénat de Bàle l'appela, en 1526, à remplir une chaire nou-
vellement créée de chirurgie et de physique (1), et non pas de
chimie, comme on l'a dit. Paracelse faisait ses cours en alle-
mand, au grand scandale des autres professeurs, qui tous fai-
saient les leurs en latin. A la première leçon, il fit apporter, au
milieu de la salle , les œuvres d'Hippocrate, de Galien et d'Avi-
ceane, en fit un bûcher et y mit le feu, en disant que son cha-
peau, sa barbe et ses souliers en savaient plus que tous les mé-
decins de l'antiquité réunis.
Les démêlés qu'il eut avec quelques citoyens influents de la
ville de Bâle le forcèrent à quitter sa chaire au bout d'un an.
On raconte^ à cette occasion, qu'un chanoine^ Kornel deLichten-
fels, lui avait promis deux cents florins de récompense s'il par-
venait à le guérir de la goutte, contre laquelle tous les remèdes
(1) p. Ramaft, orat, de BasiUa, p. 170.
10 • HISTOIRE DE LA CHIMIE.
•
avaient échoué. Trois pilules d'opium enlevèrent aussitôt la dou-
leur du mal, et Paracelse réclama la récompense promise. Le
chanoine, jugeant d'après la quantité plutôt que d'après la qua-
lité du remède, trouva que 200 florins étaient trop d'argent pour
trois petites pilules, et refusa de payer. Le docteur eut recours
aux tribunaux, qui réduisirent la somipe à six florins; ayant
ainsi perdu soii procès, il lança des invectives contre les magis-
trats. Sur l'avis de quelques amis, il s'enfuit clandestinement de
Bâle, pour se soustraire au châtiment qui l'y attendait.
A partir de ce moment Paracelse mena une vie très-aventu-
reuse. On le trouve en Alsace en 1528, à Nuremberg en 1529, à
Saint-Gall en 1531, à Pfeffersbad en 1535, à Augsbourgen 1536.
11 parcourut ensuite la Moravie, l'Autriche, la Hongrie ; il dédia,
en 1537, à Villach sa Chronique à l'archevêque de Garinthie.
En 1540 on le trouve à Mindelheim, et l'année suivante à Salz-
bourg. C'est là qu'il mourut, le 24 septembre 1541, à l'âge de
quarante-huit ans, dans l'hôpital de Saint-Ëtienne.
Professeur ambulant, il ne montait jamais en chaire sans être
à moitié ivre, s'il faut en croire le témoignage d'Oporin, et pas-
sait des nuits entières dans des cabarets, en compagnie avec des
paysans et des charretiers.
Ces reproches d'ivrognerie et d'inconduite, que quelques bio-
graphes ontinjustement admis comme fondés, ne reposent que sur
des documents très-suspects d'injustice, tels que la Disputaiio de
mededna nova Paracelsi deLieber (Bâle 1572) , ennemi déclaré de
Paracelse, et la Viia Oporini, Oporin fut longtemps secrétaire de
Paracelse; il avait quitté son patron par ressentiment, en l'accu-
sant de lui avoir caché des secrets qu'il aurait dû lui révéler (1).
Paracelse ne laissa pas d'enfants. Suivant Thomas Éraste {Ik
Paracelsi vita et, moribus), qui n'est pas son panégyriste, il avait
été châtré par un.militaire, pendant qu'il gardait les oies en Ga-
rinthie.
Écrits de Paracelse.
le est le chef des médecins-chimistes du xvi* siècle,
ras complètes n'ont été publiées qu'après sa mort. Ce
ir plus de détails , B. Lessing , Leben Paracelsus , Berlin , 1839,
iVûrdigung des Theophrastus von Hohenheim ;Gœiiittg\ie, 1842,
I Sur la vie et les écrits de Paracelse.
TROISIÈME ÉPOQUE. Il
fut à l^instigation de rarchevéque de Cologne que Jean Huser se
mit à recueillir, à grands frais , les manuscrits de Paracelse ,
dispersés dans tous les pays de l'Europe , et les fît imprimer
sous le patronage du prince-électeur. Ces écrits sont loin de
former un corps de doctrine. C'est une réunion de traités de
médecine et d'alchimie , dont le texte est souvent incomplet et
tronqué. Beaucoup de ces traités sont supposés, surtout ceux
qui sont écrits en latin ; car Paracelse a composé tous ses ou-
vrages en allemand , dialecte suisse dur et désagréable , mêlé
d'idiotismes difficiles à comprendre. On doit aussi se tenir en
garde contre les interpolations nombreuses dont ils portent des
traces évidentes.
Valentin de Retiis n'estime pas à moins de trois cent soixante-
quatre le nombre des écrits de Paracelse, dont plusieurs ont été
traduits dans les principales langues de l'Europe. Michel Toxites
de Haguenau, et Gerhard Dom, se sont surtout attachés à popu-
lariser les écrits de leur maître. Le premier a publié un Ono-
masticum medicum verhorum Paracelsi, Strasb.^ 1754, ê«-8°; et le
dernier, un Diciionarium Theophrasti ParacelsU On lui doit aussi
une traduction latine de divers traités de Paracelse (1).
Il serait inutile d'énumérer ici tous les ouvrages de Paracelse
sur la chimie et la médecine. Ceux qui en voudraient connaître
les titres n'auront qu'à consulter l'édition allemande de Huser,
ou l'édition latine dePitiscus des Œuvres de Paracelse, à la table
des matières (2).
La première édition, qui est la plus complète, a pour titre :
Bmher und Schriften des edlen, hochgelehrten, und bewehrten
philosophi mediciy Philippi Theophrasti Bombast von Hohenheim
Paracelsi genannt ; jetzt aufs neu aus den Originalien und Théo-
phrasti eigener Handschrift, soviel dieselben zubekommen gewesen,
au/s trefflichst undfleisigstanTag gegeben, durch Joannem Huse-
RUM Brisgoium. (Écrits du noble et savant philosophe médecin
Philippe Théophraste Bombast de Hohenheim, dit Paracelse ,
publiés d'après les manuscrits originaux, etc., par Jean Hu-
ser, etc.) — Bâle, d589, dix volumes in-4°.
C'est cette édition, d'ailleurs assez rare , que nous avons sous
(1) Opéra nonnulla ex germ, in lat, tramlat, ; Bâle, 8, 1570.
(2) On troave dans Fr. Gmelin ( Gesckichie der Chemie , t. i, p. 240 ) le cata-
logue de ces traités , avec la date de leur publication.
12 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
les yeux. L'édition latine, qui n'est qu'une traduction de l'édition
originale allemande, est, au contraire , assez commune; mais
elle est beaucoup moins estimée ; elle a pour titre : AureHtPhi-
lippi Theophr. Paracelsi Bombast ah Hohenheim, medici et philo-
sophi celeberrinU, chemicorumqueprincipis^ opéra omnia ; Genevœ,
1658, 2 vol. in-fol.
Un mérite que môme ses plus violents détracteurs ne sauraient
contester à Paracelse, c'est cette grande indépendance d'esprit
dont il fait preuve dans ses écrits. L'autorité du passé ne l'en-
chaîne point; il dit franchement sa manière de penser et devoir.
Voici une analyse succincte de la partie chimique de ses ou-
vrages.
Air.
Les idées que Paracelse a émises sur l'air ne diffèrent pas
beaucoup de celles des philosophes anciens.
« S'il n'y avait pas d'air, dit-il , tous les êtres vivants mour-
raient asphyxiés (1).
«Si le bois brûle^ c'est l'air qui en est la cause. S'il n'y avait
pas d'air, le bois et le feu ne brûleraient pas (2). »
Paracelse n'ignorait point quel'étain augmente de poids quand,
on le calcine, et que cette augmentation est due à une portion
de l'air qui s'est fixé sur le métal (3).
L'effervescence qui se manifeste lorsqu'on met de l'eau et de
l'huile de vitriol (acide sulfurique) en contact avec un métal, tel
que le fer, n'avait pas échappé à cet esprit observateur. Il savait
que dans cette opération il se dégage un air « pareil à un vent »
{Luft erhebl sich und bricht herfûr gleich voie eln Wind) , et que
cet air se sépare de l'eau dont il est un élément (4).
Comme tant d'autres, Paracelse avait entrevu la vérité, sans
s'y arrêter. Cet air, qui se dégage dans les conditions indiquées^
est en effet un élément de l'eau décomposée : c'est le gaz hy-
drogène. Mais le moment de sa découverte n'était pas venu.
Plus de deux siècles devaient se passer encore.
(1) Schriften Paracelsi, edit. Huser, 1. 1, p. 14.
(2) Ibid., t. lY, p. 151 : So der Luft nit weri, sie ( ffolz und Fewer)brûn'
s 16 : Undist zu merken dass der aer im stanno das coT'
rehidox,, p. 12. x
TROISIÈME EPOQUE. 13
Pâracelse revient souvent sur la question de l'air, comme s'il
en sentait toute Timportance. « L'homme meurt, dit-il, comme
le feu quand il est privé d'air (1). »
Métaux.
L'auteur établit que les métaux se composent de trois élé-
ments, savoir : Vesprit, Vâme et le corps; en d'autres termes^ le
mercure, le soufre et le sel (2).
La rouille est selon lui la mort du métal. « Le safran de
Mars (peroxyde de fer) est, dit-il, du fer mort; le vert-de-gris est
du cuivre mort; le mercure rouge et calciné est du mercure
mort, etc. (3). » Il ajoute que le cuivre calciné (oxydé ) dans un
four est noir, et qu'étant exposé à l'air, il reprend sa couleur
verte ordinaire (4).
Nous'savons aujourd'hui que l'oxyde de cuivre parfaitement
sec (anhydre) est en effet noir, tandis que l'oxyde contenant de
l'eau (hydraté) est de couleur verte.
« Les métaux morts, les chatix des métaux ( c'est ainsi qu'on
appelait les oxydes ) peuvent être revivifiés ou réduits à l'élat
. de métaux par la suie (charbon). » — Pâracelse se sert ici, n'ou-
blions pas de le noter, le premier du mot réduire {reduziren)^
qui est aujourd'hui le terme généralement adopté.
Mercure. — Précipité rouge (peroxyde de mçrcure). — Pour
le préparer, l'auteur dissout le mercure dans de l'eau régale, et
calcine le précipité «jusqu'à ce qu'il se manifeste avec sa belle
couleur rouge (5).'»
C'était là^ avec de légères modifications, leprocédéde6eber(6).
(c Le précipité rouge est, ajoute Pâracelse^ un spécifique contre
la maladie vénérienne {morbus gallicus). » — On voit que l'em-
ploi du mercure pour combattre la syphilis remonte d'une ma«
nière certaine au moins à la première moitié du seizième siècle.
Cinabre. — Le mode de préparation indiqué par l'auteur
consiste à faire tomber du mercure en pluie fine ( pressé à tra-
(1) Schriften Paracelsi, t. ix, pag. 398.
(2) Ibid., t. VI, p. 265.
(3) Ibid., p. 284.
(4) Ibid., p. 286.
(5) Bis dirder PrxcipUàt an derschœnen rothen Farbe gefallt, Ibid., p. 28.
(6) Voy. plus haut, t. i, p. 340 de cet ouvrage.
14 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
vers une peau) sur du soufre en poudre , et à soumettre le mé-
lange à la sublimation dans une cucurbite surmontée d'un alu-
del : le cinabre se sublime et s'attacbe aux parois de l'aludel,
sous la forme d'une pierre sanguine {wie ein Blutstein) (1). — Ce
procédé était déjà aus5i connu.
Sublimé blanc. — L'auteur le préparait en chauffant un mélange
de vitriol, de sel et de mercure. « Ce sublimé est, ajoute-t-il,
blanc comme de la neige , et présente l'aspect d'un cristal (2). »
Le produit ainsi obtenu était évidemment un chlorure de
mercure, qui pouvait être tantôt le proto-chlorure (calomélas),
tantôt le perchlorure (sublimé corrosif) , suivant les proportions
des matières employées.
Zinc. — C'est Paracelse qui le premier a fait mention de ce
métal sous le nom qu'il porte encore aujourd'hui. Mais' il n'en
donne aucun détail suffisant pour le faire distinguer des autres
métaux.
a On trouve , dit-il , en Carinthie le zinc {dos Zincken)^ qui est
un singulier métal, plus étrange que les autres métaux (3). »
Dans un autre passage, il le compare au mercure et au bismuth
(Wismuth) (4).
Bien qu'il sût que le laiton se fait avec du u cuivre et de la
cadmie » , il paraissait ignorer que le zinc se retire de la cadmie
ou de la calamine , et que ce métal s'allie directement avec le
cuivre pour former le laiton.
Cuivre. — a On fait, dit l'auteur, avec le cuivre cémenté, et
avec la tutie ou la cadmie, un beau laiton rouge (Messing]y qui res-
semble à l'or (5). »
Un peu plus loin, il décrit nettement le départ de l'argent et
de l'or au moyen de l'eau-forte.
«Pour séparer, dit-il, les métaux à l'aide de l'eau forte ou
d'autres eaux corrosives semblables [andere dergleichen corrosif
vische Wasser)y vous procéderez de la manière suivante : Com-
mencez par réduire l'alliage en petites parcelles , introduisez-le
(1) Œuvres de Paracelse, édit. Huser, t. Ti,pag. 288.
(2) Yoy. plus haut, t. i, p. 339. — Rappelous ici que l'acide sulfurique ou vi-
triol (sulfate de fer), réagissant sur le sel marin (chlorure de sodium), donne àt
Pacide chlorhydrique, qui attaque le mercure et le transforme en chlorure.
tXi Œuvres de Paracelse, éd. Huser, t. ii, p. 121.
l.y t. vui, p. 359.
> t. VI, p. 303.
TROISIÈME EPOQUE. J5
eûsuite.dans une cornue, et versez-y de l'eau- forte ordinaire en
quaptité suffisante. Laissez digérer jusqu'à ce que le tout se ré-
solve en une eau limpide. Si c'est un alliage d'or et d'argent
qu'on à aîùsi traité, l'argent seul se dissoudra, et l'or se déposera
semblable à du gravier noir (gleich einem schwarsen Sand). C'est
ainsi que les deux métaux:, l'or et l'argent, se trouvent séparés
Fdn dé l'autre. Voulez-vous retirer l'argent de la liqueur sans
ivôir reciours à la distillation? Plongez .dans la liqueur une lame
de cuivre : l'argent se déposera comme du sable au fond du vase,
pendant que la lame de cuivre sera attaquée et corrodée (i). »
Tel est l'exposé d'un procédé d'où devait un jour sortir la
galvanoplastie.
Cobalt. — n n'est pas certain que'Paracelse ait compris sous
ce nom ce que nous entendons aujourd'hui par cobalt. Il dit ce-
pendant que c'est un métal qui a la couleur du fer, qu'il est sans
éclat, et qu'il ne se laisse guère travailler (2).
Arsenic. — La plupart des alchimistes connaissaient l'arsenic,
mais aucun d'eux n'en avait indiqué d'nne manière précise les
propriétés toxiques.
a L'arsenic , dit Paracelse, tire toutes ses propriétés de sa na-
ture vénéneuse. C'est un poison qui surpasse en énergie tous les
autres poisons (3). )>
À juger par les passages qui traitent de l'arsenic, l'auteur ne
connaissait guère que le sulfure et l'acide arsénieux. La décou-
verte de l'arsenic métallique était réservée à d'autres.
Paracelse croit à la possibilité dé la transmutation des mé-
taux. Il admet que les metauxpeuvent.se transformer en pierres
au sein de la terre. « Non-seulement ils s'y moisissent (schim"
meln) et s'y rouillent , dit-il, mais ils se changent, à la longue,
en véritables pierres. C'est ainsi que l'on trouve beaucoup de
monnaies païennes qui, de métalliques qu'elles étaient, sont de-
venues pierreuses (4). »
Il pense que les minéraux se développent comme les plantes,
et en cela il partage les idées de beaucoup d'alchimistes. Voici
(1) Soll du in solche Solution ein Kupfer Lameln werfen , aUbald wird
iieh das Silber im Wasser senken , fallen oder niederschlagen , und die
Kupfer Lameln anheben zu verzehren. '
(2) Œuvres de Paracelse, édit. Hiiser, t. viti, p. 359.
(3)Ibid., t. vn, p. 204.
W4) Ibid., t. VI, p. 392.
16 HISTOIRE D£ LA CHIMIE.
comment il s'exprime à cet égard : Soumis à l'influence des
astres et du sol, l'arbre développe d'abord des boutons, puis
des bourgeons, puis des fleurs , et enfin des fruits. Il en est de
même des minéraux. Que l'alchimiste songe bien à tout cela ;
car c'est là qu'il trouvera le trésor des trésors (1). »
« L'alchimiste, dit-il ailleurs, opère comme le boulanger qui
change la farine et la pâte en pain. La nature fournit la matière
brute, l'étofte première.; c'est à l'alchfmisfe de la façonner
comme il l'entend (2). »
Ceci est sage et raisonnable. Mais les alchimistes né s'en sont
pas toujours tenus là.
Dans d'autres passages, Paracelse admet toutes les traditions
de la magie^ de la kabbale et de l'astrologie ; en les transportant
dans la médecine et la chimie, il en exagère la valeur. La magie
était^ selon lui, le point culminant de toutes les sciences. Il con-
çut la pensée de créer, au moyen de la magie combinée avec
l'alchimie, des êtres animés , des homuncules {homunculi). —
Paracelse se faisait ici une singulière idée de la puissance hu-
maine (3).
« La mesure de notre sagesse , dans ce monde, est, dit-il, de
vivre comme les anges dans le ciel ; car nous sommes des anges*
Or il s'agit de savoir ce que peuvent les anges. Us peuvent tout;
car c'est en eux qu'habite toute la sagesse de Dieu , toute la
science de Dieu. Les anges possèdent donc toutes les connais-
sances de Dieu. Ils sont purs et innocents dans le ciel comme sur
la terre; ils ne dorment jamais, ils n'ont donc pas besoin d'être
réveillés. L'homme dort parce qu'il est corporel. Aussi faut-il
l'exciter et le réveiller pour la science des anges, c'est-à-dire
pour la science et la sagesse de Dieu. Les sciences de Dieu sont :
la médecine, la géomancie, l'astronomie, la pyromancie, la chi-
romancie, la magie, la malédiction , la bénédiction^ la nécro-
mancie , l'alcbimre , la transmutation , la réduction, la fixation et
la teinture. Toutes ces sciences se trouvent dans la nature. Les
anges sont des médecins. Ils peuvent voler^ marcher sur les
eaux , traverser les mers , se rendre invisibles , guérir toutes les
(1) Œuvres de Paracelse, t. vi, p. 397.
(2)Ibid., t. i,p.5l.
(3) Voy. le Précis de V Histoire de la Chimie (p. xxiij), qui précède nos Ê\k^
nts de Chimie minérale; Paris , 1841, in-S".
TROISIÈME ÉPOQUE. 17
maladies, ensorceler, etc. Si les anges ont toutes ces facultés, il est
nécessaire que ces facultés existent également dans les plantes,
dans les semences, dans les racines, dans les pierres, dans les
graines. C'est donc là qu'il faudra les chercher. Les anges les pos-
sèdent renfermées en eux-mêmes. L'homme ne les rencontre que
hors de lui, dans la nature : c'est là qu'il doit se les approprier. »
Ces idées , très-habilement exposées , trouvèrent des partisans
nombreux. Pour beaucoup de ses contemporains Paracelse était
un véritable thaumaturge.
Ses idées cosmologiques ne sont pas moins curieuses. L'au-
teur compare le globe terrestre, enveloppé de l'air, au jaune
d'œuf nageant au milieu du blanc (1). 11 le compare encore
à une graine de melon plongée dans un liquide mucilagineux.
Chimie organique, — Les applications de la chimie à la phy-
siologie, à la pathologie et à la thérapeutique, voilà le véritable
terrain de Paracelse. Ses idées sur la vie et la composition
matérielle de l'homme sont fort remarquables; elles eurent
beaucoup de retentissement.
a La vie est, dit-il, un esprit qui dévore le corps. Toute trans-
mutation se fait par l'intermédiaire de la vie. La digestion n'est
antre chose qu'une dissolution des aliments {Essen istnichts
anders als eine AufkBsung).
« L'homme est une vapeur condensée ; il retournera en vapeur
d'où il est sorti (2). n
La putréfaction est une transmutation. « Elle consume, dit-
il, les corps et les change en substances nouvelles ; elle produit
des fruits nouveaux. Tout ce qui est vivant meurt , et tout ce
qui meurt renaît. x>
On ignore ce que Paracelse a voulu dire par Alchahesty qui est
évidemment le mot allemand a%e^^ (tout esprit). A coup sûr, ce
n'est pas le gaz acide carbonique, comme on l'a pensé. C'était,
comme l'auteur nous l'apprend lui-même, un liquide (liquor al^
chahest) doué d'un grand pouvoir dissolvant, préconisé contre les
maladies du foie (3). —Serait-ce l'eau régale?
Les éléments du corps humain sont, suivant Paracelse, le
(1) Wie der Vitellus ovi in seinem Clar, also schwebt die Erde in dieser
£tt/Mbid., t. Vin, p. 61. — On voit, d'après cette comparaison, que Paracelse ad-
Biettait rcxistence d'un fluide matériel, occupant les espaces interplanétaires.
(2) Œuvres de Paracelse, éd. Huser, t. VIII, pag. 45.
(3)lbld.,t. ni, p. 7.
H18T. DE Li CHIMIE. ^ T. II. 2
ff
11
18 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
soufre, le sel et le mercure. Les propriétés de ces éléments
se manifestent dans diverses parties de l'économie ; le soufre
est rouge dans le sang, le sel est vert dans la bile , et le mercpre
pesant dans les chairs. Il y a un sel sidéral (produit par l'influence
des astres), qui n'est accessible qu'aux sens les plus exercés,
et qui forme le résidu de l'incinération; il y a aussi un soufre
sidéral^ base de l'accroissement et de la combustion des corps;
enfin il y a un mercure sidéral, fondement des liquides et des
parties volatiles. Les fonctions organiques de la vie sont les mou-
vements de la volonté d'un Arché^ que le chimiste devrait prendre
pour modèle dans toutes ses opérations. Cet Arche opère la di-
gestion , il sépare les matières destinées à être rejetées, et assi-
mile celles qui doivent se transformer en sang, en muscles, etc.
11 réside non-seulement dans l'estomac, mais dans toutes les
parties du corps, dont chacune est comparable à un estomac.
La pathologie chimique de Paracelse, où l'astrologie occupé
une large place, relève des mêmes doctrines. Ainsi, les maladies,
surtout épidémiques, sont, au dire de l'auteur, engendrées par des
astres dont l'influence infecte ou empoisonne l'air. L'arsenic agit
sur le sang , le mercure sur la tète, et le sel sur les os et les
vaisseaux. Les fièvres, putrides doivent leur origine à des sub-
stances excrémentitielles qui, au lieu d'être éliminées, sont
retenues dans l'économie. Le nez sécrète le soufre, les pores sé-
crètent le mercure , et les oreilles l'arsenic.
Toute la chémiatrie ou thérapeutique chimique de ï^aracelse
se réduit à la proposition suivante : V homme est un composé chi-
mique ; les maladies ont pour cause une altération quelconque de
ce composé; il faut donc des médicaments chimiques pour combattre
les maladies, — Cette proposition était, pour Paracelse et ses
disciples, un véritable axiome.
Les substances , qu'il supposait jouer un rôle important dans ;
l'économie animale , sont aussi celles qui sont le plus souvent em-
ployées par lui comme médicaments. I^e mercure, le soufre, l'an-
timoine, l'arsenic , occupent ici le premier rang. Viennent ensuite
l'opium, la teinture d'aloès {élixir de propriété), l'esprit de vi-
triol, la rouille de fer, le vitriol et l'alun : ils étaient administrés
à de très-hautes doses (i). Extraire des végétaux et des miné-
(l)L'aliin et le vitriol, qui avaient été jusqu'alors souvent confondus Tun avec
Tautre, sont fort bien distingués par Paracelse : il démontre anajyliquennent que
TROISIÈME ÉrOQUE. 19
raux, à l'aide de la chimie, les parties les plus actives, et bannir
de la matière médicale ces mélanges informes de drogues di-
verses, ces tisanes d'herbes et de bois qui encombraient les
pharmacopées anciennes , faire sentir aux médecins la néces-
sité d'étudier la chimie, tel était Iç principal but des travaux
de Paracelse et de ses disciples.
§4.
Disciples de Paraeelse.
Un homme comme Paracelse devait passionner les esprits
dans deux sens opposés. Et, en effet, il eut à la fois des amis
enthousiastes et des ennemis implacables.
Parmi ses amis et disciples, on remarque, en première ligne,
Léonard Thurneisser.
Ce personnage, assez peu connu, mérite que nous nous y
arrêtions un instant. ^
Thurneisser naquit à Bâle en 1530. Son père, qui était or-
fèvre, le mit chez un médecin pour lui faire apprendre à con-
naître les plantes. A l'âge de dix-sept ans, il épousa une
veuve qui, par ses goûts de dépense , lui fit contracter des
dettes. Pour se tirer d'embarras, il eut recours à des moyens
illicites : il vendit un jour à un juif, pour de l'or pur, un lingot de
plomb doré. Pour prévenir le scandale d'un procès, il dut sa-
crifier le peu de patrimoine qui lui restait. Réduit à la mendicité
et abreuvé de chagrins par Tinconduite de sa femme, il quitta
Bâle , et vint, à l'âge de dix-huit ans, chercher fortune d'abord
en Angleterre , puis en France. Déçu dans son espérance , il
s'engagea, en 1552, dans les troupes du margrave Albrecht de
Brandebourg, et prit part à la bataille de Sieversbausen où il
devint prisonnier. Après avoir recouvré sa liberté, il renonça au
service militaire et se mit à travailler dans les principales mines
de l'Allemagne et du Tyrol. En 1555, nous le retrouvons à Cons-
tance employé chez un orfévrç dont il épousa la fille, après
avoir divorcé avec sa première femme. Trois ans plus tard, il
s'établit à Tarenz, village de la vallée de l'Inn, où il fit élever
Valun contient un corps terreux {alumine)^ tandis que le vitriol (sulfate) ren-
ferme unmétal (fer ou cuivre).
2.
20 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
des forges et des fonderies qui .acquirent bientôt une grande ré-
putation. Cardan et Paul Verger, évoque d'Istrie, allèrent les vi-
siter. Le nom de Thurneisser parvint aux oreilles de Tempereur
Ferdinand, qui lui accorda, comme une faveur particulière, de dis-
séquer une femme vivante : elle avait été condamnée à mourir
par l'ouverture de toutes ses veines.
En 1560, nous voyons Thurneisser voyager en Ecosse et aux
îles Orcâdes, en Espagne et en Portugal, par ordre de l'archiduc
Ferdinand, qui aimait à protéger les arts et les sciences. Du
Portugal il passa, dit-on, en Afrique, parcourut les côtes de la
Barbarie, visita TÉlhiopie, l'Egypte, l'Arabie, la Syrie, la terre
sainte et effectua son retour par l'île de Crète, la Grèce et l'Italie.
Quoi qu'il en soit de ces voyages, qui ne paraissent pas tous au-
thentiques, nous retrouvons Thurneisser, dès le mois d'août
1565, en Tyrol, occupé à rétablir ses affaires délabrées. Dès
1570, il adopta décidément la méthode de Paracelse en alliant
la médecine avec la chimie. Prétendant avoir découvert un
réactif propre à déceler les changements que subit le sang dans
différentes espèces de maladies et à servir de guide dans les di-
vers modes de traitements à suivre, il fut appelé à Munster pour
y organiser une pharmacie chimico-iatrique et un laboratoire
modèle. En août de la même année nous trouvons Thurneis-
ser au service de l'évêque de Munster, qui accompagna jusqu'à
Nimèguela princesse Elisabeth, fille de l'empereur Maximilienll,
et fiancée de Charles IX, roi de France. L'année suivante, Thur-
neisser devint premier médecin de Jean-George, électeur de
Brandebourg. Cette position ne fît qu'entretenir sa vanité : il ne se
montrait en public que vêtu de magnifiques habits de velours et
la poitrine ornée de longues chaînes d'or. Il se faisait passer
pour un astrologue et était en • correspondance avec Nostrada-
mus. Les richesses qu'il amassa en peu de temps furent attribuées
par la plupart à la pierre philosophale qu'on lui supposait avoir
trouvée. Elles provenaient en réalité de la vente de ses almanachs
prophétiques, de quelques procédés chimiques, de ses nianus-
crits, deses talismans, et surtout d'un certain nombre de cures
heureuses, obtenues par l'inspection des urines.
Thurneisser paraissait à l'apogée de sa fortune, lorsqu'il fut
tout à coup atteint du mal du pays, assez commun chez les
Suisses. Vainement l'électeur cherchait-il à le retenir à sa
cour. Thurneisser quitta Berlin en 1581, revint à Bâle, et y per-
TROISIÈBtE EPOQUE, 21
dit tout son avoir à la suite d'un procès. Poursuivi par ses
créanciers et accusé de sorcellerie, il s'enfuit en Italie, habita
Rome, revint, au bout de quelque temps, en Allemagne, et alla
mourir, en 1596, dans un couvent, à Cologne. Il avait demandé
dans son testament & être enterré à côté d'Albert le Grand (1).
On a lieu de s'étonner qu'une vie si agitée ait permis à
Thumeisser de publier un aussi grand nombre d'ouvrages, sans
compter les écrits qui sont encore inédits.
Parmi ses ouvrages parus, nous citerons , dans l'ordre chrono-
logique de leur publication : Archidoxa ; Munster^ 1569, in-4**;
^ édit., 1575. Ce livre, écrit en allemand (dialecte suisse), traite
principalement d'astrologie, de médecine et d'alchimie. On y
trouve, entre autres, la description d'un procédé pour convertir
le fer en acier à l'aide de la corne, de la suie et de l'urine, et
le mgyen de faire avec l'étain le verre rubis, et avec l'argent la
couleur d'outre-mer. — ÏIpoxatTélXYi^tç, sive Prxoccupatio (en alle-
mand); Francf. sur l'Oder; 1571; c'est un système médical,
fondé sur l'examen des urines. — Pison (en allemand); Francf.
sur l'Oder, 1572 : il a pour objet les eaux minérales. — Ono-
masticon polyglossoUy tnulta pro medicis et chymicis corUinens;
Berlin, 1574, in-4". — Quinta essenlia ; Leipzig, 1574 ( en alle-
mand); c'est un traité de médecine et d'alchinlie. — Hutoriasivp,
Descriptto plantarum omnium, tam domesticarum quant exotica-
mm , etc.; Berlin, J575, in-fol. — nx^So xal *Ep[xr,v6ia; Berlin,
1583, in-fol. Cet ouvrage , écrit en allemand, peut servir de com-
mentaire aux œuvres de Paracelse. — Magna alchymia; Berlin,
1583, in-fol. On y apprend, entre autres, qu'un habitant du Tyrol,
Hans vonder Zeyt, fabriquait, dès l'année 834, le sel ammoniac
qu'on faisait venir de l'Orient. — Reise tmd Kriegs-Apotheken;
' Leipzig, 1602; recueil posthume de médicaments (magistères,
élixirs, arcanes, etc. ). — Parmi les ouvrages, restés manuscrits,
OQ remarque un Discours, en 20 livres y sur le movule et ses mystères
étemels.
OswALD Croll était au moins aussi attaché aux idées de Para-
celse que L. Thurneisser. Habile dans la préparation des médi-
(1) Nous a?ons extrait ces détails d'un ouvrage allemand, assez rare, de
MfpJisen, Supplément à V histoire des sciences dans la marche de Brande-
bourg (Berlin et Leipzig, 1783, in-4^), p. 55 et suiv.
22 HISTOIRE DE LA GfllldIE.
cameats, il suivait trop aveuglément les préceptes du maître. 11
connaissait Tor fulminant, le sulfate de potasse ( tartarus vitrio»
latus), et le chlorure d'argent {luna cornea), obtenu en précipitant
une dissolution d'argent par du sel marin (i).
Parmi les autres disciples que Paracelse comptait en Alle-
magne, nous citerons :
G. DoRN (2), A. Ellingeb, professeur de la Faculté de médecine
de Leipzig et d'Iéna (3); G, FEmiO {Phœdro) de Rhodach (4), B.
Carrichter de Beckingen, médecin de Tempereur Maximi-
lien n (5) ; F. Raïgus (6), Ad. de Badenstein, Michel Toxitbs.
Ces disciples zélés ne reculèrent devant aucun sacrifiée pour
répandre les doctrines et les livres de leur maître.
En Danemark vivait, à la fin du seizième siècle, un des secta-
teurs les plus ardents dçs doctrines de Paracelse; il se nommait
Pierre Séverin. Grand partisan des médicaments chimiques, il
contribua par son autorité à populariser Tusage de Pantimoine
dans le traitement des maladies internes. Voici, en deux mots, la
théorie de Séverin.
a De même, dit-il, que l'antimoine purifie l'or et enlève aux
minerais leurs impuretés, de même aussi il ôteau corps malade les
immondices qui entravent le jeu des fonctions naturelles de l'é-
conomie (7). ))
Cette théorie fut une pomme de discorde, jetée au milieu
de la tourbe des médecins. Elle découlait d'un principe, déjà
établi par Paracelse, à savoir que le mercure, le soufre. Pan-
(1) Basilica chymica, etc. ; Francof., 1608, in-4°. — Cet ouvrage eut de nom-
breuses éditions. U a été traduit en français , en anglais et en allemand : La
Royale ckémie de Crollius, trad. par Marcel de Bollene , Rouen , 1638 ; Crollius
royal Chymistry^ Lonâon, 1670, in-fol.
(2) Claviitotius philosophiœ chymisHcœ, etc.; Lyon, Iô67,in*l2. •— Chy*
misHcum artificium nat$w^ theoricum et pracHcum, etc.; Francf., 1568,
in-8® — Philosàphiit chemiea, elc; Francf., 1569, in-S"*. — Lapis metaphysi-
eus Bâle,in-8% 1569.
(3) Reise-apotheke (Pharmacie de voyage); Zerbst, 1602, in-8°. — Extrac-
tion der spiritualischen Krdfte aus Kràutern ( Extraclion des forces spiri-
1^. . tueuses des plantes) ; Wittenberg, 1609, in-4''.
(4) Praxis tnedico^hemica ; Francf., 1611, în-S*.
(5) Practica; Strasb., 1579, in-8^. — Harmoney, Sympathey und Antipathey
der iCrâu/er ;.Nii|remb., I68e, in-8\
(6) Txact. de Pôda§À inadica-kiroica ; Francf., 1589, in-s*.
<7) Idea medicinaè ^pMIof^phicse fundamenta continens totius medicinae Paracel-
sicse^ etc. ; BAIe, 1 57 1 , in 4^ .
TROISIÈME £POQU£. 23
timoine, le sel, les esprits minéraux, sont, non-seulement les
éléments du corps humain, mais encore les causés de tous les phé-
nomènes qui s'y produisent.
Ce n'était pas la première fois que le corps de l'homme
était assimilé à un laboratoire de chimie , dont la porte devait
être, plus d'une fois^ fermée par autorité de justice. La môme as-
similation s'est produite de nos jours.
Dans les Pays-Bas, la médecine chimique de Paracelse et de
Séverin trouva un très-actif défenseur dans Joh. Michelitjs d'An-
vers : il alla en répandre les doctrines en Angleterre, où Pavaient
déjà précédé J. Hbster (1) et Thomas Muffetius (Moufet). Ce
dernier fit l'apologie des médicaments chimiques dans un ouvrage
qui a pour titre : De jureetprœstantia medicamentorum dialogus
apologeticw (2). C'est une barbare et fastidieuse imitation des
Colloguia d'Érasme.
En France^ on ne fit pas un accueil aussi favorable aux théories
médico-chimiques de Paracelse et de Séverin. Jacques Grevin
de Glermont, médecin de la duchesse de Savoie, est un de ceux
qui s'élevèrent avec le plus d'ardeur contre l'usage pernicieux de
l'antimoine (3). Enfin, les discussions pour et contre les prépara-
tions stibiées provoquèrent unarrêt du parlement, rendu en 1566,
qui défendait à tous les médecins de Paris de prescrire ce médi-
cament, sous peine de perdre le droit d'exercer leur état (4).
Ant. Fenot s'opposa, par d'excellentes raisons, à l'abus des
préparations d'or (5).
Cependant quelques médicaments chimiques trouvèrent de
nombreux apologistes. Nous citerons , entre autres, J. Gohory,
plus connu sous le nom de Léo. SuAvius; Guill. Arago de Tou-
louse, qui préconisait les vertus des préparations mercurielles (6) ;
AuBRY ( Alberius) (7), et Roch de Baillif.
(1) Compendium secretorum rationalium; Lond., 1582, in-8**. — Pearle of
praetice , or pearle for physic and chirurgerie ; Lond., 1592, in- 8*.
(2) Accedunt etiam epistolx quxdam médicinales; Francf., 1584, in-12.
(3) Discours sur les facultés de Vantimoine^ contre Louis de Launay ; Pa.
ris, 1567, in- 8*.
(4) P. Masson, Éloges , t. ii. Éloge de Simon Piètre.
(5) Alexipharmacum ad virulentiam Joh, Quercetanif etc. ; BAIe, 1570, in 8®.
(6) De natura et virihus hydrargyri epistola ad Paulum Jovium; Bâie,
1710, in-8°.
(7) Deconcordia medicorum disputatio exoterica : Berne, 1585, in-8''.
24 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Roch le Baillif, de Falaise, en Normandie, était médecin de
Henri IV. Il dit, dans son Demosterion, qu'il tenait cachés entre
deux murailles plus de trois cents volumes contenant des observa-
tions à l'appui des préceptes de Paracelse. Le Demosterion (Ren-
nes, 1578, in-4°) contient : i*" Aphorismes extraits en partie des
sentences de Paracelse, et en partie d'expérience et raison ; 2* Briève
division de magie, ou Traité des conjurations; y Petit dictionnaire
d^ alchimie; 4"* Chiromancie; 5^ De V antiquité et singularités de
Bretagne armorique.
La médecine chimique eut aussi ses martyrs. G. Bernard Pe-
NOT, de Sainte-Marie, en Guienne, avait employé toute sa for-
tune, qui était considérable, à répandre les idées de Paracelse,
et à chercher lui-même une panacée. Il fut réduit, par son obs-
tination, à la dernière misère, et mourut, rongé de vermine^ dans
un hôpital de l'étranger, à Yverdun en Suisse. Nous avons de lui
quelques traités d'un médiocre intérêt (1).
Joseph DuGHESNE, plus connu sous le nom latinisé de Querge-
TANus, natif d'Armagnac en Gascogne, n'eut pas le même sort que
son compatriote Penot. Les médicaments chimiques devinrent
pour lui une mine d'or. Il séjourna longtemps en Allemagne ; et,
après son retour, il fut attaché , comme médecin , à la cour
de Henri lY. Son orgueil lui attira beaucoup d'ennemis.
Ses ouvrages sont assez nombreux, et la plupart ne manquent
pas d*intérêt. Partisan des médicaments énergiques , qu'il re-
tirait , par voie chimique , des végétaux ou des minéraux. Du-
chesne (Quercetan) en décrit exactement la préparation et l'ac-
tion. Dans son traité De ortu et causis metallorum, etc. (2), il parle
longuement du laudanum, nom qu'il fait dériver de laudando (re-
mède à louer). U le préparait en faisant infuser de l'opium dans
du vin^ avec de l'ambre, de l'huile de cannelle, des clous de girofle
et des noix de muscade.
II donnait également le nom de laudanum ou de népenthès à
(1) Ces traités ont pour titre : Libellw de denario medico,eUi, ; Berne, 1608,
in-8^ — Quœstiones et responsiones philosophicap , dans le Theat, chern,, t. II.
— Regulx sive canones philosophici, Ibiii. — Exiractio mercurii ex auro,
Ibid. — Dialogus de arte chemica, Ibid, — Abditorum chymicorum tractatus
rani; Francf., 1595, iu-8°. — Apologia contra los. Michelium, etc.; Çrancf.,
1606, in 8^
(2) Ad Jacobi Auberti Vendonis brevis responsio ; Lyon> 1575, in-s. Dans le
TheaU\ chem.f t. u.
TROISIÈME ÉPOQUE. 25
des préparations médicinales dans lesquelles n'entrait point d'o*
pium. Tel est le népenthès avec lequel il assure avoir obtenu des
guérisons extraordinaires : c'était un mélange d'extraits de racines
d'angélique, de torm'entille , de zédoaire , de clous de girofle , de
fleurs de pivoine, et de gui de chêne (1).
Déjà du temps de Henri IV, les médecins français discutaient
pour et contre l'emploi du mercure dans le traitement de la sy-
philis. Duchesne se déclara ouvertement en faveur du mercure :
il le croyait souverain dans les cas de maladie rebelles et invé-
térés (2).
Duchesne fait, un des premiers, mention ûu gluten^ qu'il prépa*
rait, ainsi qu'on le fait encore aujourd'hui, en malaxant de la pâte
de farine non fermentée sous un filet d'eau; il soutient même
que cette substance glutineuse, tensice {substantia tenax, cerea^
prarsus glulinosa)^ se détruit en partie par la fermentation (3).
Un des passages les plus remarquables de son traité de Ma--
tière médicale est celui qui a pour objet la composition du nitre.
(( Le nitre contient, dit-il, un esprit qui est de la nature de l'air,
et qui, loin d'entretenir la flamme, l'éteint plutôt (4). i>
Quelque brève que soit cette indication, il est impossible de
ne pas y reconnaître Yazote^ ce gaz irrespirable qui entre dans la
composition de l'acide nitrique et de l'air. Mais, comme Du-
chesne ne paraît avoir donné aucune suite à cette idée, il est
impossible de réclamer pour lui la découverte de l'azote. C'est
ainsi que l'oxygène, l'hydrogène, l'acide carbonique, et beau-
coup d'autres substances, avaient été entrevus, dans l'antiquité
et au moyen âge, par des observateurs différents. Mais, aucun
d'eux n'ayant présenté ces corps à l'état isolé^ on ne saurait leur
en attribuer la découverte.
Le plus fécond et le plus sage des élèves de l'école de Para-
celse fut André Libavius; il mérite une mention spéciale.
(1) Comxltum pro nobili virgine, In Jos. Qnercel., Liber de priscorum phi-
ksophorum verx medicinœ materia; Genève, 1609, in-i2, p. 431.
(2) Statno liiijus luis prsesertim inveteratae unicum et venim et solum alexi-
pliarmacum esse mercuriom. ConsiL de lue venerea; Genève, 1609, in-12,
pag.369.
(3) De dogmaticorum légitima et restitiita medicamentorum prœparatione ,
Kb. I, c. 6.
(4) In sale petrae spiritns -^ qui est de natnra aêris, et qui tamen flammam
concipere haud possit , sed hnic poilus conlrarius. De priscorum philosoph.
iMdicinx màteria t lib. i, c. 3.
SS6 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Né à Halle, vers 1560 , Libavius exerça Tétat de médecin^ d'a-
bord à Rolenbourg , puis à Gobourg. On prétend que la fable
d'Ëson rajeuni lui suggéra l'idée de la transfusion du sang comme
un moyen curatif. En d606, il devint directeur du gymnase (col-
lège) de Gobourg , et conserva celte place jusqu'à sa mort , ar-
rivée en 1616.
Libavius se distingua de la plupart des paracelsistes par son
langage modéré et son esprit d'indépendance. Loin de jurer par
les paroles du maître, il s'attache à le réfuter quand il le croit
dans l'erreur. Brisant les entraves de l'autorité , il interrogea
lui-même l'expérience, et, en enrichissant le domaine des faits,
il contribua puissamment au progrès de la science. Il s'écarte ra*
rement des règles de l'urbanité,, lorsqu'il répond aux diatribes
des médecins galénistes. Défendant avec vigueur la thérapeutique
chimique et môme l'alchimie contre les attaques d'Éraste , de
Guibert, de Riolan et de l'école de Paris, il ne s'exagère pour-
tant jamais l'importance de la cause qu'il soutient (1). Les
théosophes ambulants, les vendeurs de panacées et de remèdes
secrets étaient loin d'être dans ses bonnes grâces. G. Anwald,
J. Gramann , Michelius , GroU, etc., étaient livrés, par lui»^,
mépris universel (2), ce qui ne l'empêchait pas de croire à
l'efficacité de l'or potable, et à la transmutation des métaux.
Les écrits de Libavius sont très-nombreux ; ce sont, pour la plu-
part, des compilations d'auteurs anciens et contemporains (3). Ce-
pendant il ne s'est pas toujours borné au rôle de simple compiia-
(1) Defensio et dpclaratio alchymiœ transmutatori» Nie, Guiberto opposita ; Ur^
seil., 1604, iD-8<*. — Âlchymia triumpbans de iiiiqua collegii Galenici spurh censura
et /. Miolani monograpliia Tunditus e^ersa; Francf., 1607, in-S'*. — Examen
censurae scholae Parisiensis contra aldiymiam, 1601, 1604, in*8°. — Commenta-
rionim alcliymise pars i. Praemissa est defensio alcliimiae et refutatio objectionum
ex censura scholae Parisiensis; Prancf., 1606, in- fol.
(2) Panacœa Anwaldina victa et prostrala, etc.; Francf., 1596, in-4". — Anti-
germania seconda supplemento absurditatum, etc., a J. Gramanno effusarum op-
posita ; Francof., 1595, in-8°. — Notus de medicina veterum tractatus ; pars i,
dogmata , etc., adversus J. Michelii conatum discutiuntur ; ibid, 1599, in-S**. — -
Examen philosopbiœ magicae Croilii, etc.; ibid., 1615, in-fol.
(3) Opéra medico-chymica ; Francf., 1606, 2 vol. in-fol.
TROISIÈME ÉPOQUE. 27
leur : on y trouve aussi beaucoup d'observations originales. Son
principal ouvrage a pour titre : Alchymia recognita, emendaia et
aucta , tum dogmatibus et expérimeniis nonnulliSy fum commenta-
rio medico-physicO'Chymico ; Francf., 1597 , in-4*.
Libavius a donné son nom à un sel d'étain (bicblorure), ap-
pelé liqueur ou esprit fumant de Libavius. Est-ce lui qui Ta dé-
couvert? C'est douteux; car il en dit à peine quelques mots,
et il n'en parle que comme d'une chose, dont l'invention ne lui
appartient nullement.
Il prépar ait son sel par un procédé analogue à celui qu'on
emploie encore aujourd'hui, en soumettant à la distillation
une partie d'étain et quatre parties de sublimé corrosif (bicblo-
rure de mercure ). Au lieu de l'étain pur, il se servait ordi-
nairement d'un amalgame d'étain (1). Le produit ainsi obtenu,
et qui bout à 120"* du thermomètre centigrade , en répandant
d'épaisses vapeurs blanches, suffocantes et très-denses, était
appelé par Libavius lui-même liqueur ou esprit de sublimé mer'
curiel {liquor seu spiritus argenti vivi sublimati) (2).
Depuis les travaux de Basile Valentin, les préparations anti-
moniales étaient devenues, pour ainsi dire, un objet de mode.
Il serait donc surprenant que nos médecins-chimistes n'eussent
pas connu Vémétique. Comme ils parlent souvent des fleurs d'an-
timoine (oxyde), et de la crème de tartre (bitartra te de po-
tasse), ils devaient avoir plus d'une fois essayé de combiner en-
semble ces deux substances. Et , en effet , Libavius décrit, à di-
verses reprises, un composé de tartre et d'antimoine calciné (3).
Il décrit aussi très-bien le verre d'antimoine, qu'il préparait en
faisant fondre la chaux d'antimoine (oxyde) avec du nitre et de la
limaille de fer (4). Enfin il résume l'action des préparations an-
timoniales par ces trois mots : Vàmere, cacare, sudare.
V arsenic blanc {arsenicum album sublimatum) était préconisé
par les paracelsistes dans le traitement externe de^ ulcères can-
(1) Syntùgma Arcanor, chymicor., lib. m, cap. 14. — Alchymia pharmaceu-
iica, cap. xxti.
(2) Pour mieax comprendre \è langage de Libavius, il importe de se rappeler
que le sublimé corrosir, étant distillé avec Tétain , cède à ce dernier son esprit ,
c^est-à-dire son clilore (qui n'était pas encore découvert], et le transforme en bi-
cblorure d'étain. Le mercure est en même temps réduit à Tétat métallique.
(3) Alchym., lib. ii, tract, ii, c. 26.
(4) Alchymia pharmaceutica, c. xvii.
28 HISTOIRE .DE LA CHIMIE.
céreux. Ce même remède servait aussi à faire, avec du lait et de
la farine, des pastilles pour tuer les rats (1).
De tout temps on a essayé les poisons et leurs antidotes sur des
animaux, avant d'en faire Texpérience sur l'homme. C-est ici que
Libavius fait une remarque , qui témoigne d'un esprit aussi ob-
servateur que sagace.
« Les expériences qui sont, dit-il, faites sur des chiens, des
chats , des cochons, etc., ne nous inspirent pas beaucoup de con-
fiance. Les animaux sont autrement affectés que les hommes, et,
même chez les hommes , il n'y a p^as deux tempéraments qui se
ressemblent ; il est donc impossible que ces expériences donnent
des résultats absolus et applicables à tous les cas (2). »
Libavius a donné fe nom d'esprit acide de soufre {spiHtus sut-
fur.'s acidvs) à une solution aqueuse de gaz acide sulfureux,
obtenue en brûlant du soufre, et faisant arriver le produit gazeux
dans un récipient plein d'eau (3). Celte solution se convertit peu à
peu, au contact de Tair, en acide sulfurîque. 11 a^'ait déjà reconnu
l'identité de cet acide sulfurîque avec celui qu'on obtient par la
distillation du vitriol , ou avec celui qui est préparé en traitant
le soufre par l'eau-forte.
Au chapitre des verres colorés par les chaux métalliques et
des pierres précieuses naturelles, Libavius nous apprend que le
verre rouge hyacinthe est fait avec un mélange de fer et d'or (4).
C'est donc à tort qu'on rapporte cette découverte à une époque
beaucoup plus récente.
Le traité de dociraasie {Arsprobatorla seu docimaslica) est un
extrait des œuvres d'Agricola, de Fuchset d'Erker; il se distin-
gue par une grande clarté. Le chapitre qui traite des fondants
(flux) est un des plus remarquables. L'auteur insiste sur la né-
cessité de varier, suivant la différence des métaux, les propor-
tions de nitre , de tartre, de borax et de sel commun, qui entrent
dans la composition des fondants (5).
(1) Adhiltetiir ad nccandos mures, sive qiiis pastillos cuin lacté et faiina facere
Telit. Synlagm, Arcan, chymic.,\\h, yu, c. 26. Francf., 1611, in-fol.
(2) Canes, fêles, sues, gallos aliasqne hestias in experimentnm prodiicere pa-
riiin fecit ad securitatem. Aliter islae stinl afleclaB ac homines, etc. Àlchymia
pharmaceut.y rap. xiv.
(3)- Syntagma Arcan. chim.t lib. viii,e. 19.
(4) Alchym.t lib. ii, tract, i, c. 34. Hyacintlms de utraqiie martis etterrea (mîx-
tura) solis.
(5) Ars probat., pars i, c. xii.
TROISIÈME ÉPOQUE. 29
La chimie organique, indiquant la préparation d'un grand nom-
bre de médicaments , est peut-être la partie la plus intéressante
des œuvres de Libavius. On y trouve, entre autres, la description
d'un produit connu aujourd'hui sous le nom d'acide camphori"
que; il était préparé en traitant le camphre par l'eau-forte (acide
nitrique). Ce produit, dissous dans de l'alcool rectifié, s'appelait
oleum camphorad (1) .
La préparation du sucre candi (sucre en cristaux hydratés) y
est également très-clairement décrite (2).
Libavius connaissait aussi très-bien le moyen d'extraire l'alcool
de la bière et des moûts fermentes. 11 indique même le moyen
d'obtenir de l'esprit-de-vin à l'aide des grains , des fruits sucrés
ou amylacés, des glands, des châtaignes, etc. : il faisait
fermenter ces fruits pendant un certain temps, avant de les sou-
mettre à la distillation (3).
A propos de l'analyse du vin, il désigne clairement l'eau, l'al-
cool , le tartre et la matière colorante , comme les principes
constitutifs du jus fermenté des raisins (4).
La question des eaux minérales, en tant qu'elle se rattache à
la chimie , n'avait été jusqu'alors étudiée que très-superficielle-
ment. Libavius y consacra un ouvrage spécial , De judicio aqua-
mm mineralmm (5), où il recommande, comme un bon procédé
d'analyse, d'évaporer les eaux, de peser le résidu salin, et de
comparer son poids avec celui de la liqueur employée. Il indique
en même temps un moyen aussi simple qu'ingénieux pour recon-
naître si une eau est minérale^ c'est-à-dire si elle est chargée de
sels métalliques alcalins et terreux. Ce moyen consiste à tremper
dans l'eau un drap blanc d'un poids connu , et h le faire en-
suite sécher au soleil. Après sa dessiccation complète, on pèse le
drap de nouveau ; s'il augmente de poids et qu'il présente des
taches, on en conclut que l'eau est chargée de substances fixes
(1) Alchym.y tract, ii, cap. xxiv.
(2) Alchym.f tract, ii, e. xxxviii. Saceliari libras vigtnti tiisas solve aqna q.
8. in caldario. Sine parum ebiillire ; — riinde in labrum fignlinum qnadratum
intus vilratum et di?ersis tabulatis divtinctuin ; — foris istis impone bacîHos
abiegnoH vel pincos a se très digitos distantes : saccharwn affusum accrescit
more cristallu
(3) Alchym.^ lib. ii, tract, ii, cap. xxvi. Spiritiis vini ft^ri pi^tost ex'granis,
Jbaccis , glande fagina • etc.
(4) Tractât, chymicus de igné naturx, cap. xlyiii.
(5) Opéra j vol. 11, in-fol. ; Francof., 1606.
30 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
minérales. Dans cette opération , il faut , ainsi que le remarque
judicieusement l'auteur, éviter avec soin l'accès de tout courant
d'air qui pourrait emporter quelques parcelles de ces substan-
ces (1).
Quant aux ouvrages plus spéciaux de Libavius, nous nous bor-
nerons \ en indiquer les titres ; tels sont : Neo-Paracelsica, in qui-
bus vêtus medicinadefenditur^ etc. Francf., 1594, in-8® ; — Remm
chitnicarum epistolica forma ad philosophas et medicosscriptarum ;
ibid., 1595-1599; 3 vol. in-8**. — Alchimia edispersis passim opti-
morum auctorum,veterumetrecentiorum, exemplisy etc. collecta;
ibid., 1595, in-fol.; — Commentationum metallicarum libri FV de
naiura meiallorum, etc., ibid. ; 1597, in-i**. — Praxis alchemix;
ibid. . 1605 et 1607 ; — Commentarioram alchimiœ Partes II; ibid. ,
1606, in-fol. ; — Defensio alchimix transmutatorix ; ibid.. 1615,
in-8*; — Examen philosophiœ quœ veteri abrogando opponitur;
ibid., 1615, in-fol. (2).
§6.
AdTersaireii des doctriites de Paraeelse.
Il était plus facile d'attaquer que de défendre les idées de Pa-
racelse. Malgré cette facilité , les adversaires de la médecine ia-
trocbimique furent coQQparativement peu nombreux. Quelques-
uns , comme Oporin et Vetter, s'attaquèrent , à défaut d'autres
arguments, à la vie privée de Paracelse, en le dépeignant
comme un bomme crapuleux et ivrogne.
Tbomas Éraste ( Lieber ), Suisse de nation et professeur de
médecine à Bâle , fut un des ennemis les plus acharnés de son
célèbre compatriote. Malheureusement les raisons dont il se sert
pour combattre les idées de Paracelse, au lieu d'être déduites de
(1) Aliud est experimeotum per panDum. Certi ponderis pannum muDdum io
aquam ÎDJicimas , donec probe ait madefactus. Hune suspendimos ut per se exsic-
cetur. In sicco contemplamur, num quid maculatum traxerit; exploramus Hem
an non ponderosior evaserit , etc. — Z>e judido aquarum minerais. Pars ii,
cap. IV.
(2) Pour compléter cette liste, yoy. Rotermund, Supplément k Joecher, Ge-
lehrten-Lexicon; Freher, Theatrum truditorum; la Biographie générale^ article
Libavius,
TROISIEME ÉPOQUE. 31
Texpérience, sont le plus souvent empruntées aux arguties de la
philosophie scolastique. Il relève quelquefois avec trop d'aigreur
les nombreuses contradictions qui se rencontrent dans les écrits
de Paracelse et de ses disciples. Il nie Texistence de la pierre philo-
sophale (1), et combat victorieusement la théorie, d'après laquelle
les corps vivants ont pour éléments le mercure , le soufre et le
sel. Il reproche à Paracelse beaucoup de mauvaise foi, et rap-
port^ que tous les malades que ce médecin avait traités pendant
son séjour à Bàle sont morts dans Tannée. U raconte à ce sujet
l'histoire d'un gentilhomme de Bohême et d'une femme qui ,
après avoir fait usage des médicaments chimiques, moururent
en peu de temps, par suite d'attaques d'épilepsie réitérées. Il re-
proche aussi à Paracelse d'avoir décrit comme incurables des
maladies qui ne Tétaient pas ; et il cite , comme exemples , la
goutte , la phthisie pulmonaire et Tépilepsie (2).
Un adversaire non moins redoutable fut Bern. Dessenius. Il
consacra un volume à la défense de la médecine ancienne contre
les paracelsistes (3).
Pour ne pas trop allonger la liste des adversaires de Paracelse,
nous nous bornerons à citer : BauNO Seddel (4)» Soner (5), Stu-
PANUS (6), Grato de Kraftheim , Cour. Gesner (7), H. Conring ,
Gratini (8).
Les doctrines médicales de Paracelse étaient vivement atta-*
quées en France par Duret (9), J. Aubert de Vendôme (iO), Germ.
CouRTiN (11), Antoine Penot (12) ( qu'il ne faut j^as confondre avec
(1) Explieatio quœsHonis fanu)S3B illitts^ Mtrvm ix metàUis ignobilUnu aU"
mm vettan et naiurale arte cx>r{flari pos«i/ ;BAIe, 1572, iB-4^
(2) Disputationes <1e mediciDan«¥aTbeophra8tiParacel6i; B&le,in-4^
(3) Defensio medicinae veteris ac rationalis advenus Georg. Phaedronem et
sectam Paracelsi, etc. ; Cologne, 1573, in-4**.
(4) Liber morborum incorabilioni causas euiii brevitate eipKcaos; Francf.»
1593, in.8^ ' ' , '
(5) Oratio de Theophrasto Paracelso ejosque pernîciosa roedicina ; Nuremb.»
1610, in-4®. .
(6) Prœdpua pseudochymise capita ex Paracelso ; Bftie , 1622, iB-4^
(7) Gesneriaose epistolœ éd., Wolffios ; Zuricb , 1 577 , in- 8"* .
(8) Solus phllosophos , sive noTae médicinse ac chemise compeodiosa refiitatio.
(9) De ahhritidis vera esseritfia adrersus Paracelsistas ; Lyon, 1575, m-fP,
(10) Demetalloram ortu et caasis contra chemistas explieatio ; Lyon, 1575, in-4°.
(U) Disp. ad versus Paraceis. de tribus prlncipiis, etc.; Paris, 1579, in*4*.
(12) Âlexiphamiacum, etc. ; Bâie, 1576, fn-8^
32 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Bernard Penot), J. Riolan (1), Du Gault (2), J. Dovynbt (3) e
GeOI^. fiERTIN (4).
§7.
lËtat de la pharmacie. -~ nédeclns écleetiq«es«
Les établissements pharmaceutiques, autrefois en nombre très-
limité, se multiplièrent rapidement en France, en Allemagne et
en Italie. En 1538, les médecins d'Augsbourg rédigèrent une es-
pèce de codex dont les prescriptions furent généralement adop-
tées (5). En France, les rois Louis XII en i5i4, François P' en
1516 et 1520, Charles IX en 1571, Henri III en 1583, et Henri IV
en 1594, octroyèrent des statuts qui devaient réglementer Texer-
cice de la pharmacie (6). La Russie reçut les premiers établisse*
ments pharmaceutiques vers la lin du xvi® siècle.
La pharmacie , en général , se réduisait alors à la préparation
des médicaments officinaux qui n'exigent pas de profondes con-
naissances chimiques. Les médicaments magistraux devaient être
préparés, du moins en Italie, et notamment à Florence et à Fer-
rare, en présence même des médecins qui les avaient prescrits,
afin de prévenir toute fraude et sophistication (7).
On conçoit aisément que les médicaments, dont la préparation
présuppose la connaissance de la chimie , devaient rester long-
temps exclus de Tofficine du pharmacien. Aussi Paracelse et ses
partisans eurent-ils à lutter, non-seulement contre cet esprit de
routine des médecins, qui s'oppose à toute innovation, mais en-
core contre l'inertie des apothicaires , qui ne se souciaient guère
d'apprendre la préparation de remèdes nouveaux.
(l)Comparatio veteris medicioae cum nova. Paris, 1605, 12;Padoue, 1591, in-4^.
-^ Ad Libavii maniam responsio pro censura scholae ParisinaB adversus alchy-
miam; Paris, 1606, in-S**.
(2) Palinodie chimique, où les erreurs de cet art sont réfutées; Paris, 1588, in-8*.
(3) Apologia adversus multorum, prœserUm Tlieoph. Paraceisi, cainmuias de
anteeedeuli artliritidis causa, etc.; Paris, 1582, in-8**.
(4) Medicilia libris XX absoluta, etc.; Bâie, 1587, in-fol.
(5) Conclusiones et propositiones universam medicinam per gênera complec-
tenles; Augsb., 1558, in-4*'.
(6) Joubert, Dictionnaire des arts et métiers , t. I, p. 105.
(7) Lisetli Benanci, Declaratio fraudum et errorum ajmd pharmacopoBos
commissorum. Acced. ejusd. argumenti dialogusJ, A, Lodetti ; tb53, in8^
TROISIÈME ÉPOQUE. 33
Les principaux médecins et chirurgiens dont l'autorité était
suivie dans presque toutes les pharmacopées de ce temps se
nommaient : J. Fernel (1), professeur à TËcole de médecine de
Paris ; J. Dubois (Sylvius) (2), G. Rondelet (3), doyen de la Fa-
culté de Montpellier, B. Dessenius (4), J. Besson (5), A. Foes de
Metz (6), L. Joubert, médecin de Charles IX (7), N. Hovel (8),
Ptraux (9), A. PiJiÉ (10), J. ScHYRON (ii), chancelier de la Fa-
culté de Montpellier, B. Bauderon (12), A. Constantin (13), Fr.
Ranchin (14), N.-A. Frambesarius (15), M. Dusseau (16), A. Da-
RiOT (17), Th. DE Pleigny (18), V. Trincavella, professeur à Pa-
doue (19), J.-B. MoNTAN (20), H. Calestani (21), F. Rota de Bo-
(1) Uni?er8a roedicina. — Viia Fernelii, dans Tédit. de G. Plaotin.
(2) Voyez Moreao , VUa Sylvii, dans son édit. des Œuvres de Dubois.
(3) Methodus de loateria médicinal! et compositione medicamentorum ; Padoue,
1556$ in-S*'.
— Liber de ponderibus, justa qualitate et proportione médicament.; Padoue,
1555, in-8**.
— Formula aliquot remediornm; Anvers, 1576, in-fol. — Dispensalorlum ;
Cologne , 1565, in-i2.
— Pharmacopoearum officina correctior; Loud., 1605, in-fol.
(4) De compositione medicamentorum; Francf., 1555, in-rol.
(5) De absoluta rattone extraliendi aquas et oiea ex medicamentis simplici-
bus; Zurich, 1559.
(6) Pharmacopœa; Bâle, 1561, in-8*^.
(7) Voy. Teissier, Éloges des hommes savants , t. m.
(8) Pliarmaceulices libri ii ; Paris, 1571, in^S**. — Traité de la tliériaque ; Parift,
1573, in-8°.
(9) Traité de la pharmacie moderne ; Paris, 1571, in-8^.
(10) Œuvres ; Paris, 1575, in-fol. La meilleure édit. est de M. Malgaigne (Paris,
1840).
(11) Medendi methodus. Accedittractatus medicamentorum simplicium ; Monlp.,
1609, in- 12.
(12) Paraphrase snr la pharmacopée; Lyon, 1588. (Imprimé avec L. Catalan,
sar les eaux distillées; Lyon, 1614, in-12.)
(13) Bref traité delà pharmacie provinciale; Lyon, 1597, in•8^
(14) Œuvres pharmaceutiques, éd. par Catalan; Lyon, 1628, in-8^.
(15) Ordonnances sur les préparations des médicaments tant simples que com-
posés, nouvellement réformées; Paris, 1613, in-4*'.
(16) Eochiridion , on Manuel des royropoles ; Lyon, 1561, in-4^
(17) De medicamentorum praeparatione ; Lugd., 1582, in-8**.
(18) Deusu pharmaceuticesinconsarcinandis medicamentis ; Anvers, 1539, in-8^
(19) De medicae artis usu apud Venetos; Bâle, 1570, in-S**. — De compositione et
tiSQ medicamentorum; Venise, 1571, in-4^.
(20) Ëxplanatio eorum quae pertinent ad tertiam [larlcm de componendis me-
dicamentis ; Venise, 1553, in-8^.
(21) Délie osservazioni , etc. ; Venise , 156?, in-4^.
HlffT. DE LA CHIMIE. — T. II. 3
34 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
logne (1), Gasaiis de Brescia(2), J. Delphin (3), J. StLyius de
Lille en Flandre (4), H. Gapo di Vàccà (CAPiVACcros), pifcifesàeur
à Padoue (5), G. FALLOPEde Modène, le célèbre ahàlomiste {ê);
Fr. Alexandre de Vercblli (7), P. Bargaru€ci (8), A. Baggi, noé-
decin de Sixte-Quint (9), H. Mèrcurialis de Forii (10), M. de Od-
Dis (11), A. CÉSALPiN professeur à Pise (12), J. Bàlcianellus (13),
Guill. Seraphini (14), F. Costa (15), A. Anguisola (16), P* Ma-
SBLLi de Bergame (17), N. Stèlliola (18)^ B* Tdrrisani (19), Va-
1er. CoRDUS (20), Corn. Petîli (21), M. BrIassavola de Ferrâre {22)v
Angel. Blondus (23), Nie. Massa,* médecin de Venise (24),^téôh
(1) De introdocendis Grœcorain medicaniînibus, etc.; Bologne, 4ib9/inrh[j /
(2) ExpUditio medicaiDeatoriiffi gimpltcium;Pédoiie, t&53,.ia^
(3).£xplaiiatiom6aient«rtisinedioiiiaKslibriiitt$yeDi^^ -
(4) Tabuiae pharmacorum ; Anvers^ 1568, in-8**.
(5) DecompositionemediGaineDloruin; Fraocr., 1607, i|i-.t2M ,;•. .
(6) De composilione medicamentoram et de cauteriis; Venise, 1570,'|a';4(^.,-. ^
(7) Apollo omnium pomposjtçr^imet $implicium,e^;.Y^ni3ej|,iâ|^ .
(8) Fabrica deïli speziaJi XII dislinzioni ; Venise , 1566, in-4^1. .^ , -. ■ ;
(9) Tabula de theriaca, quge ad institiita.veteruqn, fîalepi alqiîçÀpdroîi^a^l in-
yenta est; Rome, 1582^ in-8^. .. ; .. V
(10) Tract, de composilione medicamentorom, etc. ; Venise, 1590, |n-4^.
(11) Methodus exactissima de componendis medicamentis, etc.;. Padoiiè,^ 1^83,
in.4». ' ■" • "••;- •''■
(12) Quaestionum medic. lib. ii. — De focultatibus medicamijentoraib, libJ 2;
Venise , 1593, in-4^
(13) Discorso coilitra l'abnso dell' antimonîoprépàrato, d'argénto ^fvo snbiirffato
e del precipitato in medicina soluliva ordinato; Vérone , 1603, in-4''. -
(14) Die composilione medioamentomm, etc.; Turin, 1594, inU**. '■ ^ .
(15) Discorso sopra le eompositioni degli antidoti 6 medicamenli , etc.; Mantoue,
1586, 10-4*».
(16) Compendium simpUcium et compositorum médicament..;:^ Plai8ftiiceL,vl586,
in.4^ !• •,',.■:..
(17) Pbarmacopœa Bergamensis; Bergame, 1580, in-4''. . . < . ; ,^ . v
(18) Theriaca et Milhrid., etc.; Naplesj 1577, iiM**. > ., : . ; : a-
(l9)MeditationesiQtheriacnm, etc. ; Venise, 157Ç, in-4**.,
(20) Dispensatorium pharmacorum* omnium ; Nuremb., 1535, in-S**. ; .
(21) Adnotatiunculae aliquot in iv lib. Dioscoridis ; expérimenta et antidota^^yan-
Ira varios morbos ; Anvers, 1533, in-S**.
(22) Examen omnium syrupbrum quorum publicus iisus est ; Venise, 1545, ih-8*^.
— Examen omnium pilularum quarum âpud pharniacopolas ùsus ëst;lfo1e,
1543, in-4°. * ; ;
— Examen omnium etectuarioram , pulverom, etc. ; Venise, 1548, in-8^.
-. Examen omnium looch , tincturarum, decoctionum , etc. ; accedît de m(>rbo
gallico tractatus; Venise, 1553, in- 8°. ; .. :. j :
— De medicamentis tam simplicibus quam compositis, elc. ; Zurich, 1555, 1ii-8°.
(23) De medicamentis quse apnd pharmacopolas reperiuntur; Rome^ 1544, iIl•8^
(24) Epistolœ médicinales et piiysiologicœ ; Venise, ! 558, irt-4°. ■.■■'■. .:
TROISIEME EPOQUE. ^
FucHS, pHofess0iirà Tubingue 1(1), A. Bakland de Natnur^S),
J. Agricola A^^MornuB (3), J. Bé^UMH (DRYJkNDÊii)^ professeur à
Marbourg (4), G. Hérna^. Ryw (5); R.'Fughs de Lknbourg, «ba-
noine de Liège (6)^ J. RûFFWEi^ J(TR(KiHONBus), médecin tyro--
lien (7), J. Bretschneider (PLÔKOTOMbs) (8), J. PONTANUS^CpPO-
fesseur à Rœnîgsherg (9), GJ STORkiAiKES (10), G;PiOTtm^s^ de
Viilîngen (11), And. Butler (42), J. DBÙkï»iÀv«lé (i3j ■ J. WiHïdH!
d'Arnstadt (14), Theod. TabbrnïeMontantjs (15) ^- Théodore Uir-'
STEiN (16), G. Masbach (17), NucK (18), C. Baiïhin, professeur à
Bâle (J9), Ph. ScHBRB d^Aihdorf (fiO)v Ti-D6ftMïtEa (21), Seb.
• ... ' ^ . •_.•••■.
(1) Decompoaendorum miscendorpinque medicamentorum rationa; BAièt i5k%
(21 £pî8tola,9iedi'ç» deaqua^um éîMillatamim faoalUtitos ; AnTecg^ tSSe, in-S^
(3) Medicinae herbariœ libri ii; Nuremb., 1534, io*S^> •-«.Scb<dia iii/])Iicolaili|ii
Alexandrin, de Compositione roedicamentor. ; Ingolsladt, 1541, iD-4°.
(4) Der ganzen Arzney geméiner tnnhalt (compénâhâtn 'tté ibéd^lùe);
FraiMïr., 1^42, ia-fol.v > ; >. :•'
{h) Confeetbuchund Bamapoiheh^^{cr^^\jnL^^^^
(6) Pharmacorum omnium quae in commoni siint practicajBlium usu Tabulœ;
Paria', 1569f, 111-12. .;...».;,
—Historia omnium aqtmrum quaincomm'unitiodtepracticantiumsimt osa, etc.;
Paris, l54f2,in.8^ ' ' ;'/;•;
(7) PbarmacoIiterioD , .8i?è medicameiita composita secondam ordinem effec-
laùm alpliabeticum;Ingolst., 1542, in-l2.
(8) Pharmacopcea in compendium redacta; Anvers, 1560; in'a^.— De distilla'
tioniboa chemicis epist. ; Frand .^sar-l'Oder, 1553, io<^8°. i
(9) Methodus componendi theriacum et prœparandi ambram factiUam ; Leipzig,
1604,in-4°.
(io) Dîspensatoiium utilisslmonim lioc'tfempbre medicaibent. disciplinam conti-
nen8;i614, in-4°.
(il) Medicinae tam simplices quam compositœ ad p«ne omne^ corporis faumani
affectas, ex Hippocrate, Galeoa^ Avicemia, ^Egineta ordine alpliabelico conscri-
Ptae;Bàle, 1560, in-8^ v. ». ^.-uf
(12)DetlieriacaetmilhridatioGrœcoFVim^ 1549, in-8% | «.
(13) Theriaca^et mithridatium, duo antiqùissima Graecor'um anlidota, etc.;
Francf., 1552, in-S**. . .
(14) Metbodus tam simplicium quam cpmposiforum médfcamëhlprum quse apud
rccentiores sunt inusu;.Leipz., 1596, iil-8°. ....... , , . i.
(1 5) Arzney 6mcA( livre de médecitoe); Fi-ancf.,' 1577, in-foi;' '
(16) De pharmacandi comprobata ratione , etc. ; B&le, 1571, in-8^
(17) Ck>llectanea practica et pfiarmaceutica ; Ulmf, lèr76, in-4^.
(18) Pliarmacopoea; Amsterd., 1580, in 8**.
(19) De reinediorum formulfs Graécis , Arabibus , Latinis usitatis , letc.; libri due ;
Fraiicf., 1619, in-8^ - c-
— De compositione medicamentomm, etc. ; Offenbach., 1610, in•8^' >
(20) Sylva medicamentorum compositorum quee uéus quotidianua exigll; Leipz.,
1617, in.8*».
(21) Dispeni»at6rium ad omnia propemodmn corporis Iramani patliemata.; Ham-r
bourg, 180^, in-S**.
3.
/'
36 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Bloss, professeur à Tubingue (i), J. Sporisgh (2), J. Hasler de
Berne (3), L. Ferez de Tolède (4), G. Henisch (5), F. Vallès,
médecin de Philippe II, roi d'Espagne (6), M. Servet (7), L. Col-
labo de Valence en Espagne (8), Ferd. de Sepulveda de Ségo-
vie (9),'Amatus Lusitanus (Roderic de Castello-Albo) (10).
Tous ces médecins, dont il serait facile de grossir la liste d'a-
près les catalogues donnés par Gmelin et Sprengel, étaient res-
tés fidèles aux anciennes traditions des écoles d'Hippocrate, de
Galien et des Arabes. Ils ne s'étaient ouvertement déclarés ni
pour ni contre les médicaments chimiques de Basile Valentin,
de Paracelse et de leurs disciples. Ils se renfermaient à cet égard
dans un silence que chacun pouvait interpréter à sa manière :
c'étaient, en un mot, des médecins à la fois savants et prudents.
Us comptaient sur l'avenir.
Il existe une maladie dont le traitement produisit une véritable
révolution en pharmacologie, et qui contribua, plus que tous
les écrits de Paracelse et de son école, à répandre l'usage des
médicaments chimiques, et en particulier de ceux qui sont em-
pruntés au règne minéral. Cette maladie était déjà si commune
au xvi^ siècle (on n'a qu'à lire Rabelais, Fracastor, etc.)> qu'on
est porté à révoquer en doute son origine moderne : c'est avoir
nommé la syphilis.
On s'est demandé avec quelque surprise pourquoi, dans le
choix des reynèdes nombreux dont dispose la thérapeutique, on
est tombé dès l'origine sur la substance qui est encore au-
(1) De medicinœ parle pharmaceutica; Tubing., 1606, iD-4^.
(2) Tract, duo de ratione ioveDÎendi composita medicamenta , etc.; Jeoa,
1607, in-8°.
(3) De logistica medica, sive de medicamentorum simpliciapi et com|)osito-
nim, etc.; 1578, in-4'*.
(4) Theriacac historia; Tolède, 1575. — De medicamentoiruiii simplicium et
compositorum hodiernoaevo, etc.; Tolède, 1599.
(5) Enchiridion medicum medicamentorum tam simplicium quam composito-
rum; Bâie, 1573, iD•8^
(6) Tratado de las aquas dislilladas , pesos e medidas, de que los boticarios de*
ben usar; Madrid, 1592, in-8^
(7) Syruporum universa ratio ad Galeni censiiram diligcnter exposila; Paris,
1537, in-8°.
(8) Pharmacorum omnium quae in usu sunt apud nostros pharmacopceos enu*
meralio ; Valence , 1561, in-8^
(9) Manipnlus medicinarum, in quo continentur omnes medicin% tam simptices
quam compositae; Ségovie, 1550, in-fol.
(10) Cnralioni medicinaîi ; Venise, 1557, in*8".
TROISIÈME ÉPOQUE. 37
joupd'hui par la majorité des médecins regardée comme le
spécifique des maladies vénériennes, le mercure. Il esl cepen-
dant facile de s'expliquer ce choix, lorsqu'on songe au rôle im-
portant que jouait le mercure dans les théories et les opérations
des alchimistes, qui tous se disaient en possession de quelque
secret pour guérir toutes les maladies. Il est même à remarquer
que presque toutes leurs panacées étaient des composés de mer*
cure ou d'or.
Les praticiens ne tardèrent pas à constater l'efficacité des pré-
parations mercurielles dans les affections syphilitiques , et dès
lors ces remèdes prirent décidément rang dans les pharmaco-
pées. Le mercure était d'abord administré à l'état métallique,
soit en fumigation , soit incorporé dans un onguent ou dans un
emplâtre, d'après les méthodes de J. de Vigo (1), de Guido
GuDDi (2), de J.-B. Berengar (3), de Mathiol, etc. (4) ; mais on
ne tarda pas à l'employer à l'état de combinaison. Le précipité
rouge (peroxyde de mercure), obtenu soit en chauffant le métal
en contact avec l'acide nitrique^ soit en le calcinant longtemps à
l'air, était le plus ordinairement mis en usage, comme dans les
pilules si renommées dont on attribuait l'invention au fameux
pirate Barberôusse {pilules de Barberousse). Quercetan (Du-
chesne) (5)'et Paracelse préconisaient |dans le traitement des
affections syphilitiques, outre le précipité rouge, le sous-sulfate
jaune de mercure {turbith minéral) et le sublimé corrosif. L'u-
sage de ces moyens finit môme par être adopté par les adver-
saires les plus violents de Paracelse, par Thomas Éraste, Grato
de Kraftheim (6), J. Lange (7), P. Uffenbach (8), J. Oberndor-
fer (9), Zach. Brendel (10), et par beaucoup d'autres médecins
célèbres de leur temps.
•
(1) Practic. copios. ; Lugd., 1519, in-4^.
(2) Opéra omnia, t. ii, p. 328 (edit. Francof., 1626, in fol.).
(3]Voy. Fallope, Demorbo gallicOf c.76; et Massa, Ep%st,\t,
(4) De morbo gallico ; Yeoise, 1535.
(5} De priscorum pbilosopli. ver» medicinae materia (consilia de lue venerea) ;
Gerras., 1603, 8.
(6) Commeotar. demorbo gallico, etc. ; 1594, io-S®.
(7]Epi8t. med.; Hanovre, 1605, in-8^
(8) Principiorum chymicorum examen, etc. ; BÂie, 1606, in-S**.
(9)Âpologîa chymico-medica adversus illiberales M. Rulandi calumnias; Am-
berg, 1610, in-4°.
(10) Cbymia in artis formam reducta, melhodus addiscendi encheireses, cor-
rectio medicamentorum plurimonim, disquisitio de aaro potabili ; Jena, 1630, in-S**.
38 HISTOIRE DE Ik CHIMIE.
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La fnéiai(uf^ié ûi des progrès très-rapides au x^vi^sièpl^. L'ex-
ploitation aclivë. dés. noloàbreu^è's. naines d'Altçinaipie^ei îâ 'dé-
côuverie rfé l'kqiétiqué'y'cbntrib^ puî^sairim'eht . \
I
G. Àgri.çola naquit en 149^^ non P^;^ Glaucha, comme on Ta
dit, mais S Ciiemnitz, eu Saxe, d'pù il fut surnommé Kempnicius.
Son.veritaDle nom paraît avoir ete Landmann (en latin Agriçola) ;
car les sav£^nts>.aya,ient àlor§, paqr le rappeler, la coutume pé-
danTesqu© ^^ft Ij^aâîii^^ë'lèups mpxi en^ latin bu en, grec. C'est
ainsi ({xxq Schwarzerde ([terre' noire) s'appelait Mélanchthon;
Havsschein (lueur de la maison)^ Œcolampadius ; Holzmann
(homme de bois), Xylander:'Bock (hQtxc). tragus: Wolfeane
( marche de loug ), lup^^a^r etc. ^ „ . ,. , ,, ..1 ,. ,
Agriçola s'était, ainsi qu'il nousr. l'apprend tlui^mème, livré
pendant sa jeUnesserà 1 -étude «de 'la 'médecine, en fréquentant
les Facultés les plus célèbres d'Allemagne et d'Italie. Il avait sé-
journé deux ans dans là ville dé J^nisfj, q^i,£^}pai|^a}pEs le com-
merce le plus pptnsidérable des princjpau2(. produits chimiques.
De retour danf^ son pàysy il se mit, avec toute son ardeur pour
les sciences, à étudier la métallurgie. Il visita les montagnes^ de
la Bohême , et vint s'établi r, pour quelque temps, à Joachiinsthal,
;>> 1 > Il
TROISIEME EPOQUE. 39
oùil gagina sa vie en exerçant la médecine (i). Tous ses mo-
ments de loisir étaient consacrés à ses occupations favorites, à
4'art métallurgique et à la lecture des classiques, particulière-
ment de Pline, de Dioscoride, de Galien, de Strabon.
C. Agricola ne fut point alchimiste, comme nous le verrons
plus^bas, et il mérita, par son-savoir et sa modestie, l'estime de
son siècle. Aussi entretenait<41 des relations d'ai;nitié avec
Ëra$me, George^ Fabricius^ Wolfgang Meurer, Yalérius Cordus,
Jean Dryander et G> Canmierstadt. .Ce dernier . sollicita pour
Âgriçola, dont la fortune était très- modique, une pension an-
mi^Ue. Maurice de Saxe s'empressa de la lui accorder.
Aig?i^<>la iqelina d'abord, vers les dpçtrine3 de Luther. Mais,
voyant les exjcès qu'entraînait la r réforme, il témoigna, par la
suite, de l'indifférence, sinon de l'aversion, pour la cause du
protestantisme, et mourut, en 1555, dans la communion de
relise cathqlique^.
.1
Ce qui frappe danç la. lecture de ces ouvrages, indépendam-
ment de leur intérêt scientifique, c'est la pureté et l'élégance du
langage. Digne émule d'Érasme, l'auteur évite avec soin l'emploi
des termes latino-barbares, dont les alchimistes étaient si pro-
digues (2).
les écrits d'A^ricola, et en particulier le traité De re metal-
/tca, ont eu, un assez grand nombre d'éditions (Bàle, 1546,
ia-foL ; 1556, 1558, 1561, 1571 ). Ils furent traduits du latin en
ajlçmand (Bâle, 1621, in-fol. ), sous le titre de Bergwersks-
kch, etc. j
L'édition la plus complète des œuvres authentiques d'Agricola
panit à Bâïç en 1657, in-fol.
L'ouvrage le plus important de G. Agricola traite de la métal-
lurgie (3). Il pçissa longtemps pour une autorité considérable
(i), Yqy. Ja préface qui précède Je fraité De veferibus et novis mctaHis,
(2) Agricola est, sous ce rapport, au moins aussi scrupuleux qu^Érasme. Ainsi,
par exemple, à la place du mot episcopus, il emploie celui de pontifex. Mais,
cpi^o^ ce derpier /ioi|p pei|t s'appliquer à pl^us d'un. ordre .hiérarchique, il ajoute :
ve^ fAt ipse gr^ce sevocat iniaïLQiiCiÇ, ...
(3) Georgii Àghjcolœ. Kempnicii medici ac philosophi clarissimi De re metallica
Ubri XII; quihus officia, instrumental machinae , ac omnia deniqiie ad me-
40 HISTOIRE DE LA CHIMIE,
en cette matière, et il le méritait, à tous égards^ ainsi que nous
allons le montrer.
L'ouvrage De re metallica parut, pour la première fois, imprimé
en latin, à Bâie, en 1546.
Il est divisé en XII livres.
Dans le livre 7, Tauteur commence par énumérer les diverses
sciences que doit posséder le métallurgiste. Outre la physique
et la chimie, il doit, disait-il, connaître la philosophie, afin de
savoir apprécier Torigine et la nature de tous les produits sou-
terrains ; la médecine, afin de pouvoir soigner les ouvriers, pré-
venir les dangers de l'asphyxie, et guérir ceux qui sont atteints
de quelque maladie métallique ; Tastronomie, pour savoir Tin-
fluencedes astres sur l'étendue des filons; enfin, la mécanique,
l'arithmétique et la jurisprudence.
Abordant la question de savoir s'il y a plus de profit à cultiver
la terre qu'à exploiter les mines, il n'hésite pas à répondre que
si le sol est fertile, et que les métallurgistes soient des ignorants,
il faudra donner la préférence à l'agriculture.
Enfin, il passe en revue, avec un rare bon sens, tous les in-
convénients et les avantages que peut offrir la pratique de la mé-
tallurgie.
Le livre II contient des instructions pratiques, adressées aux
entrepreneurs. Il faut, remarque l'auteur, beaucoup de patience
et souvent de grandes dépenses , avant de rencontrer un filon
assez riche pour dédommager de toutes les peines, en rapportant
de larges bénéfices. C'est pourquoi, ajoute-t-il, il n'y a guère que
les gouvernements ou les sociétés d'industriels , réunissant en
commun de grands capitaux, qui puissent se livrer avantageuse-
ment à ces sortes d'entreprises.
Avant d'ordonner des fouilles, il est nécessaire d'examiner la
nature du terrain, les propriétés de l'eau, de l'air, les contrées
du voisinage, etc. Il faut qu'il y ait de vastes forêts aux envi-
rons, afin de fournir les matériaux nécessaires au chauffage du
minerai et à la construction des machines.
Parmi les moyens indiqués par l'auteur pour arriver à la dé-
Atia, DOD modo luculentissime describuntur, sed et per effigies,
las, adjiinctis latinis germanicisque appellationibus, Ha ob oculos
; Bftie, 1557, in-fol. — C'est cette éditien que nous avons sous les
TROISIÈME EPOQUE. ' 41
couverte des filons métalliques, il s'en trouve un qui mérite de
fixer notre attention. H est emprunté à la physiologie, végétale.
Agricola observe que, lorsque les herbes sont chétives, pauvres
en sucs, et que les rameaux et les feuilles des arbres revêtent
une teinte terne, sale, noirâtre, au lieu d'être d'un beau vert lui-
sant, c'est un signe que le sol est riche en minerai dans lequel
le soufre domine ; il ajoute que certains champignons et quel-
ques espèces d'herbes particulières peuvent également déceler la
présenc^e d'un filon.
Affrontant les préjugés de son temps,* il taxe d'imposture tous
ceux qui emploient, pour la recherche des métaux, la baguette
de coudrier fourchue^ tournant entre le pouce et l'index. « Ce pro-
cédé, s'écrie-t-il, rappelle la baguette de Gircé, qui changea les
compagnons d'Ulysse en pourceaux .
Le livre ///est consacré à la description des différentes formes
et directions que les filons peuvent afTecter dans le sein de la
terre.
Le livre IV traite des instruments et des mesures propres à
constater l'épaisseur et la longueur des filons. Celui qui avait
découvert une mine était obligé d'en prévenir le maître ( magister
meiallorum ). Après quelqiies solennités d'usage, la tête du filon
était donnée à celui qui avait découvert la mine ; le reste reve-
nait au souverain, à son épouse, au grand écuyer, à l'échanson
et au grand chambellan. Tout cela fut modifié plus tard, et le
souverain se contenta de prélever un dixième sur le produit brut.
Les lois disciplinaires, qui régissaient les ouvriers, étaient très-
sévères; mais il n'y avait aucun règlement d'hygiène pour mé-
nager la santé de ces malheureux. La journée était divisée en
trois parties, appelées travaux. Chaque travail était de sept heu-
res; les trois heuresqui restaient pour remplir la journée de vingt-
quatre heures étaient le temps de la récréation. Pour empêcher
qu'accablés de fatigue, les ouvriers ne se livrassent au sommeil,
on les forçait à chanter.
Le livre V expose les détails des travaux qu'exigent les fouilles
et la nature du terrain.
Le livre VI est consacré à la description des instruments et des
machines employés dans les fouilles.
Le /ivrcy//traite de l'analyse des minerais, ou de l'appréciation
de leur richesse métallique. Dans ce but, l'essayeur fait d'abord
fondre le minerai en le chauffant avec du charbon dans un four-
42 HISTOIILE ï)£ LA tSHIMIE.
Beau de briques; Après cela, il le chauffe daiiB un çreusel de
cendres avec du plomb (cotip^/Za/ton). 11 faut que le plomb dont
il se sert soit exempt d'argent, comme Test celui de Villabh»
' Ici Agricola entre dans' les détails^.de la coupellatioo» Mais
il paraît ignorer éé qu'eli avait déjà dit Gebel? (1), :
Il iùdique aussi l'emploi' de Peau-foi^te : pour ^pajf er - l'argent
de l'or. - .■■•>.'■ . ; • .
Dans le livre F///il ^parié des divers traitements qu'on fait
subir aux minerais retirés des entrailles du. sol.< «On tes liîoie
d'ab<n*d, dit-il, avec des marteaux; on les.grilte ensuite^ afin d'en
expulser le soufre qui se trouve si souvent dansjes veipe^fuétal-
liques-t sul^:s'àspiius' in vent», meiaiUeis inesit}.» <^ Est effet, la
plupart dès inines dé plomb» de cuivre, de fer, etc/^. sont des
sulfures de ces métaux. .
Voici cornaient Tauteur décrit le procédé de grillage alors usité :
« On eonstràit une espèce de fossé carré, oti l'oa metdest^ûches
les unes sur les autres en forme croisée, jusqu'à la hauteur d'une à
deux coudées. On place sur ce bois les morceaisix de minerai
broyés, en commençant parles plus gros. Qn.reççuvre. le tout
de poussière de charbon et de sable mouillés, .de manière à don-
ner au bûcher l'aspect d'une meule dé chjarbonnier. Enfin on y
met le feu. Ce grillage s'effectue en. plein air. Cependant, lorsque
la mine est très-riche,en soufre, on la chauffe ;sur une large lame
de fer percée d'une m.ultitude d'orifices, par lesquels li^.soufre
s'écoule. pour se figer dans des pot§ pleins d'eau ,plaçés, au-des-
sous...
« Lorsque le minerai contient de l'or et de l'argent, continue
l'auteur, on le pile, et on le fait moudre dans des moulins ; en-
suite on le lave à grandes eau:i; sur un plan incliné ; enfin on le
mêle, avec du mercure. 11 se produit un amalgame qui, étant for-
tement comprimé dans une peau ou dan$ un lipge, laisse passer
Je mercure sous forme d'une pluie fine, et l'on, reste. ]V(ais il y
adhère un peu d'argent. »
Ce procédé était déjà, iconaudans l'antiquité, ainsi que nous
l'avons fait voir (2).
Le livre IX traite de la combuslicin des minerais dans Içs four-
neaux. Ce sont des fourneaux carrés, dans desquels on brûle le
(1) Yoyeï plui haot, U (, p. 336..
} (2)Ibid.,t. I, p.l4X •
. TKOiSIÉME rEPOQirS. r 43
niiaerai mélangé avec de la poussière de charbon et de la terre
glaise (argile). Si la mine est riches on perce, déjà au bout de
quatre heures, la partie inférieure du fourneau avec de grands
ringacds de fer ; le métal fondu (plomb, étain, etc.) sort par cette
trouée, etjooulede là dans une rigole. de sable, où il se solidifie
par le refroidis^ment. Les impuretés (scories,. laitiers, etc.) dont
il est recouvert sont enlevées avec des instruments de fer. Si la
mîne< est pauvre, on. ne pratique la percée qu'après une combus-
tion qui aura duré au m^ins huit heures. : K.
Dans le livre X il est question de Taffinage. des métaux, parti-
culièrement de celui de Tor et de Targent.
Le moyen le plus simple pour séparer l'argent de Tor, moyen
dont la connaissance commençait à devenir a^sez générale dès
le çominencement du seizième siècle ,, consistait dans l'emploi
de l'acide nitrique, appelé par Agricola a^zia va/^n^ (eau-forte).
S'était préparé en soumettant à la distillation un mélange de
nitrç^ de sulfate de fer {atran^entum sutorium) et d'argile, dont
les. proportions variaient. Bncb^iuffant de Teapi forte en contact
avec un alliage d'or et d'argi^nt , on dissout l'argent tandis que
l'or reste intact.- Celui-ci se ramasse au fond, de la liqueur sous
forme de poudre.
Quelquefois on employait dans le même but, comme nous
l'apprend Agricola , le, vitriol vert (sulfate de fer), ou plutôt,
l'huile de vitriol (acide sulfurique). Ce dernier moyen est, comme
Ta démontré l'expérience des modernes, préférable au premier,
qui est incomplet en ce qu'il n'enlève pas à un alliage d'argent
toutes les traces d'or.
Oq se servait encore d'autres moyens (soufre, antomoine, etc.)
pour obtenir le départ de l'or et de l'argent.
Dans lé livre XI, l'auteur expose le meilleur procédé par voie
sèche pour séparer l'argent d'autres métaux , tels que le cuivre,
le plomb, etc. Ce procédé était la coupellation, dont nous avons
eu bien souvent occasion de parler.
te livre Xfl et dernier est étrainger à l'art métallique propre-
ment dit. Il est consacré à la description de divers sels, obtenus
parl'évaporation des eaux dé la mer, des fontaines, etc. L'auteur
les appelle des siics concrètes {succi concreti).
Les vitriols (sulfates) de fer et de cuivre étaient préparés ,
comme ils Tétaient déj^ c^ez les anciens (1), en exposant le py-
(1] Voyez plus haut, 1. 1, p. 130.
44 HISTOIRE DE LA GHIBaS.
rîtes (sulfures naturels) à raction combinée de Pair et de Teau [i).
Enfin, l'auteur termine le traité De re metallica par la fabrica-
tion du verre. Il vante surtout les belles verreries de Venise.
«C'est dans cette ville que l'on fabrique en verre, dit-il, des
choses incroyables^ comme des balances, des assiettes, des mi-
roirs, des oiseaux, des arbres. J'ai eu occasion, ajoute-t-il, d'ad-
mirer tout cela pendant un séjour de deux ans à Venise. »
Le traité De re metallica^ dont nous venons de donner une
analyse succincte, est précédé d'une épître dédicatoire adressée
à Maurice de Saxe , qui joua un si grand rôle dans l'histoire de
Charles-Quint.
De animantibus subterraneis (2).
On chercherait en vain dans le livre Sur les animaux souter-
rains cette justesse d'esprit et d'observation dont l'auteur a
fait preuve dans son De re metallica.
C'est ainsi qu'il croit, comme la plupart de ses contemporains,
à l'existence d'animaux pyrogènes, c'est-à-dire qui naissent et
vivent dans le feu, et qui meurent dès qu'on les en retire.
Il croit aussi à l'existence des démons dans les mines , et les
divise même en deux catégories. Ceux de la première catégorie,
d'un aspect effrayant , sont hostiles et méchants. II raconte à ce
sujet qu'un de ces démons tua un jour, dans une galerie des
mines d'Anneberg (Saxe), douze ouvriers à la fois, par la seule
puissance de son souffle. — On devine que ce démon n'était
probablement autre chose qu'un gaz irrespirable, propre à dé-
terminer une asphixie instantanée (3).
La seconde catégorie comprend les esprits souterrains d'un
bon naturel, inoffensifs, et d'une humeur joviale. Ceux-là rient
avec les ouvriers, et leur jouent quelquefois de vrais tours de
gamin.
Malgré tous ces défauts , le Traité des animaux souterrains est
un ouvrage remarquable. Le zoologiste y trouvera des observa-
tions curieuses sur les mœurs de certains animaux.
(1) Dans ces circonstances, les métaux et le soufre absorbent l'oxygène de Pair
(absorption facilitée par la présence de Peau), et se chaugent, les premiers en oxy-
des, el le dernier en acide suifurique.
(2) Georgii Agricole De animantibus subterraneis liber; imprimé dans i*é-
dition de Bâle (1657), à la suite du traité De remetallica^ p. 480.
(3) Voyez plus haut, 1. 1, p. 371.
TROISIEME EPOQUE. 45
Ce traité fut écrit, comme nous l'apprend l'auteur lui-même,
dans la vingt- huitième année du règne de Charles-Quint, c'est-
à-dire dans Tannée 1547.
De ortu et causis 8ubierraneomm.(^).
•
Ce traité De Porigine et des causes des substances souterraines
est divisé en cinq livres; il intéresse plus particulièrement This-
toire de la géologie et de la physique. On y trouve beaucoup de
faits curieux.
Le mont Hécla, volcan de l'Islande, est aujourd'hui presque
éteint , tandis que du temps d^Agricola il offrait fréquemment
le spectacle de violentes éruptions. « Cette montagne, dit l'au-
teur^ vomit à de certaines périodes d'immenses rochers et du
soufre; elle couvre de cendres tous les environs à une grande
distance (2). »
L'auteur parle ensuite d'une mine de charbon qui brûlait, vers
le commencement du seizième siècle , dans le voisinage de Zwi*
kau (Saxe), et dont l'incendie est aujourd'hui éteint (3).
Dans le cinquième livre, Agricola signale un fait déjà indiqué
par Geber (4), et qui devait plus tard donner lieu àl'impor-
tante découverte de l'oxygène, a Le plomb, dit l'auteur, aug^
mente de poids quand il est exposé à l'influence d'un air humide.
Cela est tellement vrai, que les toits de plomb pèsent, au bout
de quelques années, beaucoup plus qu'ils ne pesaient à leur orn
gine(5). »
Vers la fin du même livre, il raille les alchimistes qui admet-
tent que les métaux se composent de soufre et de mercure , et
qui prétendent changer l'argent en or véritable, au moyen de la
poudre de projection.
Ce livre a été composé vers Tannée 1539.
(1) Édil. de Bàle (1657), p. 493.
(2) Ibid., p. 505 : Mons Hecla ^ statis temporibus foras projicit ingentia saxâ,
Mlfur efomit, cineres longe circumcirca spargU.
(3) Ibid., p. 505.
(4) Voy. plos haot, 1. 1, p. 333.
(5) Plombeas certetegulas multo graviores, aliquot pôst annis, Inveniant il qui
i»rlos pondos nolarimt, p. 319.
46 lilSTOnOS DE LA CHIMIE.
Dénatura torum qnœ effiuunt éxùrrêt (1).
i>
Les trois premiers livres du traité De la nature des choses gui
émanent de Vivi^t^rieur de la terre concernent les^ eaux de mer,
les eaux de fontaine, les eaux minérales, çtc, et leurs propriétés
physiques, Dans le quatrième livre, il est qu^stioades cavernes
d'où s'élèvent des airs délétères» L'auteur, .cite un grand nombre
de localités célèbres par l'existence de ces cavernes.. Ce traité,
dédié à Maurice de Saxe, archichancelier du Saint-Empire^fut
imprimé pour la première fois en 1546.
' Dénatura fossilium(^).
.... . . « . ■ _ _
Le traité De la nature des fossiles, divisé en dix livret, est en-
tièrement consacré à Tétude du règne minéral. 11 S'étend sur les
pierres précieases^^ les pierres calcaires ,> argileuses, silic^us^es,
les minerais, etc. Nous allons en extraire quelques particularités
concernant le soufre et le camphre. «i — .;;•:%!
Soufre. — «Cette substance initiérale se rencontre, dit l'au-
teur, opyfe^ c'est-à-dire natif ,^ au;x environs du mont Héela; en
Italie, dans le territoire de Naples; en Sicile, , dans les ijles
iEgades (îles Lîpari) ; enPannonie, etc. » . , . . ,
Après avoir rappelé l'usage qu'en faisaient les anciens (3), il
nous apprend l'usage, qu'on en lait aujourd'hui, a On fabriqu^^
dit-il, des mèches soufrées qui, après avoir reçu Tétincellô pcOr;
venant de la friction du fer et du caillou, nous servent à allumer
les boîS'Secs et les chandelles (4)u^^Ces mèches soufrées consisrr
tent en iil de lin et de chanvre, en bois minces enduLlss.de.,^QU*
fre. » — Ainsi, la connaissance des allumettes sêufréessLSiViiQiHm
trois siècles de date. • • i ;. / . ..
« On fait aussi, continue Tauteur, entrer le soufre, — exécrable
invention! — dans cette poudre qui latiçe au loin' 'des boulets
. >
(1) Édit. de Bàle, in-fol., ann. 1657, p. 533. . .
(2)Ibid., p. 519.
(3) Yoy. plas haut, t. I, p. 145.
(4) Sulfuratis ellychniis, cum silicis et ferri conflictu eUciinu& ignem , àri^a
ligna et candelas accendimus. -^ Constant autem ea ellychnia sulforata Tel ex fà-
niculis stupeisaut cannabinis, vel ex lignis exUibus sulfure obductis. Lib. in,
pag. 593.
• TROISIEME EPOQUE.. 47
de fer^ d'airaio oa de pierre , instruments de guerre d'un genre
no}Xveaiu{novi tormeMa genêpis). ii ' ► .
OoToit (}ue la poudre à canon était détestée presque dès sonorir
gine;Miaîsléi9faoû!imessecondtiisetit demanière à pouvoir toujours
s'appliquer ces paroles d'un ancied t mçliora probo^deterioraseqwor^:
Camphré. — ^ Du temt!>s>d'Agrîcola on ignorait encore. Forigine
dû camphre. Les uofs disaient qu'il s'obtient artificiellement
au moyen du bitumeou du suocin ; les autres soutenaient, avec
raison, qu'il provient naturellement d'un arbre.sembldble à uh
peuplier. ......
On sait en effet que le Téritable camphre est fourni par une
espèce de laurier, lauhis eatnphora^ originaire du Japon. Gomme
il est trës^nflamniable et qn'il brûle saus laisser de résidu, il
faisait autrefois partie des mélanges combustibles brûlant sur
l'eau [ad compositiones gux aecensœ ardente in aquis solet addi)*
L'auteur -parlé ensuite fort au long du succin^ du bitume, de
Tasbeste, des houilles^ du marbre, etc.'
Ce traité intéresse au plus haut degré l'histoire de la minéra-
logie et delà géologie.' il fbt imprimé pour la première fois en
1546:^-^ ...... ...■\_ - . . . ,
I I
' '^ De veteribus et novis mekUlis (i). .-,
Le traité Des métaux anciens et nouveaux témoigne d'une cpn;
naîesance profonde de sécri vains die Tantiquité et de l'exploita-
tion des mines au seiziènie siècle; U est dédié à Georges Coai*
merstad', lé même>qui >aTalt obtenu de. la part de : Maurice de
Saxe une pension annuelle pour Agricola.. • j-
L'auteur nous fournit des détails curieux sur la richesse miné-
rale de l'Allemagne. « L'Aûlriché oècupe, dit-il, le premier rang
parmi les contrées qui abondent en métaux précieux. Les mines
d'argent de la Bobêoie sont connues fie tout lé mondél La âàxe
occupe le second rang. La Misnie et TErzgébirge abondent en
mines d'argent^ de plomb et de fer. Les comtes de'Mansféld ont
léalis^ de gfiapd^ bénéfices par des travaux métallurgiques exé-
cutés sur leur territoire. Les comtes de Schleuz se sont aussi
considérablement enrichis par l'exploitation des miiies d'àr^ént
de leur contrée. Les barons de Pfliig ne se sont pas acquis de
(l) Edil. Basil., 1657, p. 667.
48 UlSTOIR£ DE «A CHIMIE.
moins grandes richesses par les mines de Schlakenwald , des-
quelles on a retiré de Tétain. Les familles nobles des Storstedel,
des Spiegel, des Roseberg, des Schœnberg, etc., ont également
gagné des fortunes immenses, en exploitant avec intelligence les
richesses métalliques que recèle le sol.
(( La découverte de la plupart des mines , continue l'auteur,
est due au hasard. Voici comment fut découverte, d'après la lé-
gende du pays, la célèbre mine de Ramelsberg, près de Goslar :
Un gentilhomme, dont le nom n'a pas été conservé, alla un jour
se promener à cheval. Arrivé sur une montagne , il attache son
bidet à une branche de chêne. Cet animal, dont le nom a été
conservé (il s'appelait Ramel), avait, en frappant du pied le sol,
mis à nu une matière brillante, qui fut reconnue pour être du
plomb contenant de Targent. Ce fut là Torigine des mines de
Ramelsberg (montagne de Ramel).
(( Les mines de Freyberg furent découvertes par des charre-
tiers qui conduisaient du sel de Halle en Bohême^ en passant
par la Saxe. Ils rencontrèrent sur leur route des pierres qui res-
semblaient en tous points à celles qu'ils avaient vues à Goslar.
L'essai constata que ces pierres étaient des galènes argentifères
dont l'exploitation active devait quelque temps après fortement
contribuer non-seulement à la prospérité de la ville de Freyberg,
qui n'était auparavant qu'un misérable village^ mais encore à
l'opulence de toute la contrée environnante, d
Les mines d'argent d'Aberthame, près de Joachimsthal, dans
lesquelles Agricola avait engagé des fonds, avaient été décqu->
vertes par un paysan; un arbre déraciné par le vent dans une
forêt l'avait mis sur la voie.
Bermannus (1).
Ce fut là, dans l'ordre chronologique, le premier ouvrage d'A-
gricola. Il est rédigé sous forme de dialogue, et parut en 1528.
Ce dialogue attira l'attention d'Érasme : la pureté du style rap-
pelle les Colloquia du célèbre restaurateur des lettres classiques.
Le sujet de ce livre, qui traite principalement des mines d'Alle-
magne, se trouve développé plus au long dans les écrits d'Agri*
cola que nous venons d'analyser.
(1) Bermannus est le nom latinisé de Bergmann, qui signifie liomme démon*
tagne, mineur.
TROISIÈME ÉPOQUE. 49
Dans nne lettre adressée aux frères André et Christophe de
Kœneritz, Érasme fait le plus grand éloge du savoir et des talents
de G. Agrîcola (1).
Agricola était d'un esprit trop attaché à Tobservation pour
suivre les traces des alchimistes de son temps. La pierre philo-
sophale fut pour lui le sujet de satires mordantes. Il n'est donc
guère probable que le petit livre intitulé Lapis philosophorum
G. Agricole Philopistii Germani (Colon., 1531, in-12)(2), soit
de Georges Agricola^ le métallurgiste. D'ailleurs, il n'en parle lui-
même dans aucun de ses ouvrages, et ne se donne jamais le
surnom de Philopistius.
Les travaux d'Agricola furent suivis, en Allemagne, de ceux
d'Engel (Encelius) (3), de Lazare Erker(4), de Mathesius (5), de
Weiner (6), de Libavius (7) et de Modestin Fachs (8). Mais aucun
n'atteignit à la hauteur de celui qu'ils avaient pris pour modèle,
et ils n'ajoutèrent presque i:ienà ce qu'avait déjà dit le maître.
L'impulsion donnée à la science par Agricola produisit ses
effets : on vit de tout côté surgir des métallurgistes. L'Espagne
et l'Italie ne restèrent pas en arrière de ce mouvement.
Pendant qu'Âgricola cherchait, par ses travaux, à populariser
en Allemagne les études métallurgiques, Vantmio Biringiiccio,
(I) Œuvres d'Agricola , p. 679 de Tédit. de B&le ( de 16!i7}. Evoivi , clarissimi
juvenes, Georgii dialognm de metallicis. Nec satis possum dicere, majorene iii
Totuptale fecerim an Tructu. Magnopere delectavit argumenti novitas ; visiis siini
niUii vailes illas et colles et fodinas et maciiinas non légère, sed spectare. —
Féliciter praelusit Georgius noster, uec ab illo ingenio quicquam exspectamus me-
(Wocre.
(^) Histoire de la philosophie hermétique^ etc., t. m, p. 82.
(3) De re metallica, hoc est de origine, farietate et natura cx)rporum métal-
licorom , etc., libri m, auctore Christopboro Encelto Salveldensi; Francf., 1557,
m-12. — Ce traité est précédé d^me lettre de Mélanchthon, qui recommande
l'ooTrage d*Engel de Saalfeld au libraire Egenolplie de Francfort.
(4) Aula subterranea, oder Beschreibung aller fûhrnehmsten minérale-
«hên Er>und Bergwerks-Arten, etc. ; Prag., 1574, in-fol.
[^)Sarepla, 1578, in-fol.; Leipz. (En allemand.)
^1 {^)Geheimes KunstbUchlein fur Schmelser, etc., 1574.
(7) Arsprobandi minera/ia, etc., dans ses Comment, metallic,
(S) Probier-Bùchlein , etc.; Leipz., 1595, in -8°.
HI8T. DE LA CniXIB. — T. lï. \
50 UISTOIAK DE LA GUlMtE.
de Sienne, s'occupait du même sujet en Italie. L'ouvrage de Bi-
ringucciOy dont la première édition parut à Venise, en 1540,
in-4'', a pour titre : De la pirotechnia, lihri X; dove ampiamente
si traita non solo di ogni sorte et diversità di minerSy ma anchora
quanto si ricerca intorno à la prattica di qmlle case di quel che si
appertiene a Varie de la fusions ouer gitto de' metalli corne d^ogni
altra cosa simil à questa. Stampata in Venetia perVenlurino Rof^
flnello, MDXL. Il n'est pas moins remarquable que le livre d'A-
gricola De re metallica.
L'auteur se distingue également par une grande clarté dans
l'exposé des faits et des doctrines : d'un esprit judicieux, il appré-
cie sainement les choses, et rejette toute spéculation nuageuse
ou obscure.
La Pyrotechnie^ c'est-à-dire V art du feu (de icup feu, et te^vif) art)
est divisée en dix livres. Le premier et le deuxième livre sont con-
sacrés à la description des métaux, des demi-métaux (arsenic,
antimoine, etc.), de leurs minerais, et de quelques sels naturels.
Biringuccio condamne la doctrine des alchimistes, qui pré-
tendent transmuter le mercure en or ou en argent; il se moqu^
avec esprit des vertus de l'or potable et de la pierre philoso-
phale.
Il admet que les métaux sont des corps composés; mais il ne
croit pas, comme les alchimistes, qu'ils soient composés de
soufre et de mercure. Ainsi, l'or serait une véritable combinaison,
en proportions déterminées, de certains éléments primitif» (i).
Les livres m et iv traitent de l'extraction et de l'affinage des
métaux.
A propos de l'afdnage de l'or, l'auteur décrit , très-exacte-
ment, le procédé dHnquartation, qui est encore aujourd'hui em-
ployé. Il expose comment il faut d'abord coupeller l'alliage
d'or, soumis à l'essai, avec environ quatre parties d!argent et une
petite quantité de plomb,, et comment il faut ensuite traiter par
l'eau-forte le bouton de retour contenant l'argent d'inquariatipn.
<( L'or se ramasse , dit-il , au fond du matras , sous forme de
poudre, et l'argent, réduit en eau (dissous), surnage. Vous enlè-
verez la liqueur par décantation, et vous traiterez le résidu par
une nouvelle quantité d'eau-forte , jusqu'à ce que vous le voyiez
(1) Lib. I, c. 1. Ye dico che le sue original! et proprie materie, altro non sono
che subslantie elemenlali con equali quantità et qualità l'una Paîtra proportio*
Date , etc.
TROISIÈME ÉPOQUE. 51
devenir d'un jaune d'or, de noir qu'il était. Enfin, vous enlè-
l^verez de nouveau la liqueur qui surnage, et vous laverez le ré-
sidu (or) avec de l'eau pure. Des pesées exactes indiqueront la
quantité d'or contenue dans Talliage (1). »
Dans les livres v, vi^ vu et vin, il'est question des alliages mé-
talliques et de leurs nombreux usages.
Les livres ix et x traitent de divers secrets ou procédés utiles
dans les arts de Torfévre, du foi^eron, du potier, du salpétrier, de
l'artificier» etc.
Le chapitre intitulé Modi éU comparre varie eomposiiiom di
fuochi quali il vulgo ckiama fuoehi lavorati (2), n'est, sauf quel-
ques additions à la fin, qu'un résumé du Livre des feux de Marcus
Graecus (3), que l'auteur appelle Marcus GrachWy et qu'il paratt
faire vivre à l'époque de la république de Rome.
Bîringuccio n'a pas l'érudition classique d'Agricola ; il est peu
familiarisé avec l'antiquité, Hais il a du bon sens^ de la sagacité,
et s'attache à combattre les prétentions des alchimistes.
% iO.
Son ouvrage De metallicis le met au nombre des principaux
métallurgistes de son époque.
Gmelin 4) range Gésalpin parmi les adversaires modérés de
Paracelse, et ne cite de lui que des ouvrages de nïédec\ue{Quœs^
tionum medicarum lib. ii ; De facuUatitms medicamenlorum ,
lib. n, Venet., 1593, in-4°; Spéculum ariis medicœ, etc., Argent.,
1630, in-8®). Cependant nous avons sous les yeux un ouvrage
de Gésalpin (De metallicis), qui assigne à l'auteur un certain rang
dans l'histoire de la chimie.
André Gésalpin naquit à Arezzo en 1519. 11 secoua hardiment
le joug d'Aristote et de la scolastique. Son livre, intitulé i^â?£^{0-
nes peripatelicœ (Florence, 1569, in-4°), eut un succès extraordi-
naire, en divisant les savants en deux camps opposés. Le pre-
(1) Voy. le cb. 2 du li?. i? : El modo di far elsaggio d'una quantità éCar-
9tHto che tenga oro.
(2) Lib. X, c. 9.
(3) Voy. pitts luHit, 1. 1, p. 304.
(4) Qeschichte der Çhemie^ etc., 1. 1, p. 332, 342, 3â3.
4,
■«.
52 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
mier, il parla de la circulation du saDg dans le livre cité (II, 12),
ainsi que dans ses Quxsiionea medicœ (I, 2). Gésalpin fut profes-
seur à l'université de Pise, et premier médecin de Clément VIII,
bien qu'il passât pour un mauvais catholique. Il mourut à
Rome en 1603, âgé de quatre-vingt-quatre ans.
Le traité De metallicis est divisé en trois livres (1). Dans le pre-
mier, Tauteur traite de la matière et delà composition des corps
d'après les idées d'Aristote. Il définit les métaux (c des vapeurs
condensées par le froid ( metalla sunt vapores a frigore conge-
lait), » Il distingue les minéraux des végétaux, en ce que les
premiers ne se putréfient pas, et qu'ils ne fournissent aucun ali-
ment propre au dé veloppenient des êtres animés^; et, prévoyant
l'objection qu'on pourrait lui faire, il soutient que aies coquil-
lages, que l'on trouve incrustés dans la substance de certaines
pierres, proviennent de ce que la mer avait autrefois couvert la
terre, et qu'en se retirant peu à peu, elle avait laissé des traces
de son passage. »
Il est impossible de mieux expliquer l'origine des fossiles.
L'explication que Césalpin donné de l'origine des eaux therma-
les, dont plusieurs sont si chaudes qu'on peut y faire cuire des
œufs, est assez curieuse. «Cette. chaleur est, dit-il, produite par
les combinaisons qui s'opèrent au sein de la terre » (2). On
sait en effet que presque tous les corps émettent de la chaleur au
moment de leur combinaison.
En parlant des sels , l'auteur s'arrête sur la préparation de
l'alun de Rome, qui est encore aujourd'hui recherché dans le
commerce.
« On fabrique, dit-il, l'alun avec une pierre qui se rencontre
près de Tolfa, sur le territoire de Rome. Cette pierre (schiste
alumineux) est blanche et molle, ou rougeâtre et dure (conte-
nant de l'oxyde de fer) ; de là deux espèces d'alun, le blanc et le
rougeâtre. Après avoir calciné cette pierre dans des fourneaux,
on l'arrose d'eau pendant plusieurs jours, et on la fait bouillir
dans de l'eau. Enfin, ayant séparé les immondices, on concentre
les eaux-mères dans des chaudières. C'est ainsi que se forment
(1) De metallicis libri très y Andréa Cœsalpino Aretino ymedico et philoBO»
phOy auctore; Nuremberg, 1602, in-4°.
{').) Fonks calidi exeuntes mixtionem corporum, qoœ intra lerratn eombuniiitory
signilicant. Lib. i, c. 7.
TROISIÈME ÉPOQUE. 53
les cristaux d'alun transparents et anguleux (cristaux octaédri-
ques) (1). »
Le second livre De metallicis traite des pierres calcaires, des
marbres, des pierres précieuses, etc. Le phénomène de la cristal-
lisation attira particulièrement l'attention de Césalpin. L'auteur
signala l'un des premiers, comme caractère distinctif du règne
organique et du règne minéral, que l«s minéraux sont seuls sus-
ceptibles de ces formes géométriques, régulières, qu'ils revêtent
pendant la cristallisation.
« Lorsqu'on voit, dit-t-il, le nitre, l'alun, le vitriol, le
sucre blanc, prendre, par la décoction dans l'eau, des formes
anguleuses, et devenir des hexagones, des octogones, des tu-
bes, etc., on se demande avec étonnement pourquoi les mêmes
corps cristallisent toujours avec les mêmes formes. »
On se rappelle que , longtemps après Césalpin , Haûy établit
comme une loi, depuis démentie par les faits, que les substances
de compositions différentes cristallisent toujours sous des formes
difTérentes.
Le troisième livre est consacré à la description des métaux.
En parlant de la trempe du fer, l'auteur remarque fort judi-
cieusement qu'il y a des eaux plus ou moins propres à cette
opération importante. <( On trempe aussi le fer, dit-il, afin de le
durcir, dans des sucs de diverses plantes, comme dans du suc
de radis mélangé de lombrics terrestres ; moyen déjà proposé par
Albert. »
Au cbapitre du plomb , Césalpin indique un fait qui, joint à
d'autres observations, devait conduire à la découverte de l'oxy-
gène. « La crasse (sordes)^ dit-il, qui recouvre le plomb exposé
à l'air humide, provient d'une subséance aérienne qui augmente le
poids du métal (2). »
On sait aujourd'hui que cette crasse qui recouvre le plomb est
un oxyde de plomb (combiné avec une certaine quantité d'acide
carbonique), et que c'est là ce qui augmente le poids du métal ;
mais on efface de la mémoire, par une sorte d'illusion optique
du temps, les siècles d'efforts qu'il a fallu pour arriver à ac-
quérir cette connaissance.
(1) De metallids 9 \Jb, i, cap. 21.
(2) Aëra subslanlia erficit veluli sordeni circa plumbum , unde aiigetur ejus
snbstantia. Lib» m, c. 47.
54 HISTOIHE DE LA CHIMIE.
L'auteur appelle le plomb « un «at;<m qui nettoie l'argent et Tor,
dans la coupeîlation » (1).-
L'usage des crayong de plombagine remonte au moins au sei-
zième siècle. Gésalpin en fait le premier mention en termes
non équivoques. La pierre molybdoide (iapis molybdoïdes) est,
dit-il y de couleur noire , et de l'aspect du plomb ; elle est un
peu grasse au toucher, et tache les doigts. Les peintres se ser-
vent de cette pierre, taillée en pointe, pour tracer des aessins ;
ils l'appellent pierre de Flandre, parce qu'on les apporte de
la Belgique. On rapporte que cette pierre se trouve aussi en
Allemagne, etc. »
La pierre molybdoide de Gésalpin est évidemment le gra-
phite , c'est-à-dire dû charbon dans un état d'agrégation mo-
léculaire particulier.
Vantimoine, dont on se servait, avec le bismuth, pour fondre
des caractères d'imprimerie, rend fragiles, comme le fait très-
bien observer Gésalpin^ les autres métaux avec lesquels il à'allie.
Dans le même chapitre , il est question de la préparation du
verre faune d'antimoine, obtenu en faisant fondre ensemble un mé-
lange d'antimoine calciné, de borax et de sel ammoniac.
La mine dldria était activement exploitée du temps de Gé-
salpin. « La mine de mercure, dit-il, qu'on exploite à Idria,
près Gœritz, est une pierre friable, pesante comme du plomb,
rouge, et contenant des gouttelettes brillantes de mercure; on
l'appelle cmaôr^ natif [cinabrium nativum),.. On exploite ce mi-
nerai en le chauffant dans des vases de terre, d'où le mercure s'é-
coule dans d'autres vases enfouis dans le sol . »
Les composés mercuriels, alors les plus usités, étaient l'oxyde
rouge, préparé avec l'êau-forte, et lé sublimé blanc, poison très-
corrosif {venenum acerrimum). L'onguent mercuriel et le préci-
pité rouge étaient vantés comme des spécifiques contre le mal vé-
nérien. A ce sujet, Gésalpin décrit parfaitement la salivation et
les accidents occasionnés par l'administration, surtout externe, dti
mercure (2).
(1) Est enim veluti sapo ad sordes abstergendas auri et argent!. Lib. in, 7.
(2) Sed miriim, peritnctis ex argento vivo cum axungia, brachiorum et crarom
articulis , confluere magnam ?iin pituitae ad os , unde iotum corpus expurgetur îd
morbo gallico; quo remediodolores sanantur diuUirni, et .ulcéra e\siccantur;8ed
aliquando lingua ex coitfluxu pituitae adeo intumescit, ut contiueri in ore ne-
queat , et processu temporls nt plurimum incidunt aegrotantes in pravas distilla-
iioiMMf «aalMaUiioQes f4 pordis palpili^tiQnas* Lib. m, c. 14.
TROISIEME EPOUUE. 55
Césalpin fut un des esprits les plus éclairés de son temps.
Très-versé dans les sciences de l'antiquité, il cite souvent Pline,
Dioscoride, Galien, etc., tout en appréciant les travaux de ses
Contemporains.
§ li.
Perez de Vai^as et Tllla-Féii&a«
L'Espagne^ malgré les mines du nouveau monde que Ton était
si avide d'exploiter, n'a produit que deux métallurgistes mar-
quants, Ferez de Vargas et de Villa-Feina.
Vargas vivait vers le milieu du seizième siècle. Il était loin de
posséder le savoir et les talents d'Agricola, qu'il semblait avoir
pris pour modèle. Son ouvrage sur la métallurgie parut, en espa-
gnol^ sous le titre De re metallica, en el quai se tratan diversos se-
eretos del conocimiento de toda suerte de minérales; Madrid, 1569,
in-8^
L'auteur admet la plupart des doctrines des alchimistes , au
lieu de les combattre. Le sec et l'humide, le soufre et le mer-
cure, sont regardés par lui comme les éléments des métaux.
L'or passe à ses yeux pour le métal le plus parfait, parce que le
sec et l'humide s'y trouvent dans une juste proportion. La fusi-
bilité, la malléabilité, l'éclat, la couleur, toutes les propriétés
des métaux, dépendent de l'action du principe sec et du principe
humide. C'est là le. cadre étroit que l'auteur franchit rarement.
On trouve cependant dans le traité de Vargas quelques obser-
vations qui méritent d'être signalées.
Uantimoine est, selon l'auteur, un métal dont le développe-
ment n'est pas compleL «Il entre, dit-il, dans la composition du
métal des cloches ; et ce procédé vient des Vénitiens, qui s'en ser-
vent communément (4). »
Varsenic se rapproche, par sa nature, de l'antimoine. Les ou-
vriers qui le retirent des mines, ajoute Vargas, ont soin de tenir
la bouche fermée et pleine de vinaigre ; car la fumée d'arsenic les
empoisonnerait (2).
Nous avons dit plus haut (3) que le manganèse était déjà connu
(1) Ferez de Vargas , De re fneiallica , etc,, lit), iv, 4.
(2) Ibid., IV, 8.
(3) Voy. t. I, p, 129 de («t guvfaj^e,
S6 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
des anciens. Yargas nous donne sur cette substance quelques in-
dications précieuses. « Le manganèse^ dit-il, qui est de cou-
leur de rouille noire, ne se fond point seul; mais^ étant mêlé et
fondu avec les éléments du verre, il communique à cette subs-
tance une couleur d'eau limpide et transparente ; il purifie le
verre vert ou jaune, et le rend blanc; les verriers et potiers se
servent de ce demi-métal avec profit (1). »
C'est bien là Toxyde noir de manganèse, qui, étant employé
dans des proportions convenables, blanchit le verre sali par
Toxyde de fer. C'est cette propriété qui Ta fait appeler savon des
verriers.
Le huitième livre du Traité de métallurgie contient la descrip-
tion de quelques procédés ou secrets à l'usage du forgeron , du
doreur, etc.
En parlant de la trempe du fer, Tauteur insiste sur les colora-
tions diverses de Vader. « L'acier revêt, dit-il, quatre couleurs,
lorsqu'on le chauffe et qu'on le trempe. La première est d'un
blanc d'argent, la seconde d'un jaune doré, la troisième d'une
nuance violette, et la quatrième d'un gris cendré. »
Yargas ne dit pas si l'acier est plus ou moins dur. suivant qu'il
prend chacune de ces nuances.
a C'est aussi un secret, continue-t-il, de savoir tremper une
lime, afin qu'elle soit très-dure ; et cela se fait avec des cornes de
cerf ou des ongles de bœuf, avec du verre pilé, du sel, le tout
trempé dans du vinaigre ; on en frotte la lime, on la fait chauf-
fer, et puis on la plonge dans l'eau froide (2). »
Yargas comprend que la fabrication des limes est une branche
importante d'industrie , qui devait bientôt se perfectionner de
plus en plus.
« Si le fer, continue le même auteur, est aigre et cassant, il faut
le fondre avec de la chaux vive. — On le rend également doux en
l'éteignant dans du suc d'écorces de fèves ou de mauve. »
L'auteur prétend qu'on peut rendre le fer aussi mou et aussi
malléable que le plomb, parle procédé suivant : « On frotte le fer
avec de l'huile d'amandes amères, on l'enveloppe d'un mélange de
cire, de benjoin et de soude, et on recouvre le tout d'un lut fait
avec de la fiente de cheval et du verre en poudre; on le laisse
(f ) Ferez de Yargas, De re metallica, Mb. it, tO.
(2) Ibid., Tiii, 4.
TROISIEME EPOQUE. 57
ainsi sur les braises allumées pendant toute une nuit*, jusqu'à
ce que le feu s'éteigne de lui-môme et que le fer se refroi-
disse (1). »
Ce procédé rappelle le beau temps de Talchimie.
Gravure des métaux. — La méthode indiquée par Vargas est
encore employée aujourd'hui. Elle consiste à recouvrir le métal
(argent, cuivre, fer, etc.) d'une couche de cire, de graisse ou
mine de cinabre, et d'y écrire avec de l'eau-forte. Le métal est
attaqué dans tous les points où il a subi le contact de l'acide.
Parmi les différents moyens de dorure décrits par Vargas, nous
rappellerons les deux suivants :
a Prenez de la gomme arabique, de la couperose ( sulfate de
fer), du sucre blanc, du safran, parties égales; écrivez avec ce
mélange , et appliquez une feuille d'or sur les caractères ainsi
tracés. L'or s'y attachera fortement, et lorsqu'il sera sec, vous le
brunirez .
«Pour dorer le bois et le parchemin à peu de frais, broyez fi-
nement ensemble du cristal et de la gomme arabique, et rédui-
sez ce mélange, avec un peu d'eau, à un état demi-liquide, homo-
gène. Vous en mouillerez un pinceau, et vous en oindrez le bois
ou le parchemin. Cela fait, vous frotterez l'endroit où ce mélange
a été appliqué avec une pièce d'or, et cet endroit sera doré. »
Ces deux procédés, purement mécaniques, étaient, surtout le
dernier, fort usités, déjà avant le seizième siècle, pour dorer sur
bois ou sur parchemin. Quant à la dorure sur métaux au moyen
d'un amalgame (mélange d'or et de mercure), elle était déjà
connue des anciens, comme nous l'avons montré (2).
Quoique Espagnol et vivant sous le règne de Philippe II, Perez
de Vargas ne parle pas des mines, alors déjà exploitées, du Nou-
veau Monde. Ce silence a de quoi nous surprendre.
11 serait inutile de pousser plus loin notre analyse ; il est facile
de s'apercevoir que Vargas copie quelquefois textuellement Agri-
cola et Biringuccio, sans les citer.
Joh. Arph. de Villa-Feina est de quelques années postérieur
à Vargas. Son ouvrage, intitulé Quilatador de la plata, oro ype-
dras, conforme a las leyes reaies, Valladolid, 1572, in-4% offre
moins d'intérêt que le précédent.
(I) De re metallica , etc., viii, 4.
(2)Voy. 1. 1, p. 127 de cet ouvrage.
S8 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
§12.
Mines* — • Métallari^e.
Grâce aux progrès de la chimie métallurgique, Texploita-
tion des mines était, au seizième siècle, dans Tétat le plus flo-
rissant.
En Allemagne, la riche maison des Fugger, les Rothschild du
temps, accrut ses richesses par les revenus des mines de Neusol
en Hongrie, de Carinthie, de Falkenstein ehTyrol, deCazalla et
Guadalcanal en Espagne. Les barons de Fugger étaient appelés
en conseil par les premiers souverains de l'Europe ; plus d'une
fois ils prêtèrent des sommes considérables à l'empereur Char
les-Quint, qui, malgré l'or du Pérou et du Mexique^ se trouvait
souvent sans argent.
Les ordonnances et règlements nombreux concernant les mi-
nes, rendus à divers intervalles (4509, 1540, 4545, 4549, 4520,
4523, 4536, 4550, 4553, etc.) par les électeurs de Saxe, les ducs
de Brunswick et Lunebourg, les ducs de Wurtemberg, les land-
graves de Hesse, les archiducs d'Autriche, les comtes de Hohen-
stein, etc., témoignent de la sollicitude qu'on avait alors pour
cette branche si importante de l'industrie.
Agricola et Mathesius vantent les richesses de l'Erzgebirge et
de la Misnie ; le poète Siber chante la prospérité naissante de
la ville de Freyberg (4). Les mines d'argent de cette ville pro-
duisaient annuellement environ 300 à 400,000 fr. de notre mon-
naie.
Les mines d'Ehrenfriedersdorf, de Wôlkenstein, d'Ebersdorf,
de Thum, de Tretbach, de Hohenstein, de Geyer, de Troppau,
d'Altenberg, de Schneeberg, de Marienberg, etc., étaient dans qn
état non moins prospère (2).
Les mines d'Eisleben, deMansfeld, de Polfeld, près de Sangers-
hausen en Thuringe, fournissaient beaucoup de cuivre argentifère
dont l'affinage procurait de notables bénéfices.
La cadmie, qui' s'attache aux parois des fourneaux dans les-
quelson chaufTe des minerais zincifères, avait été, ainsi que nous
(1) Poemata sacra; Basil., 1556, in-8".
(2) Voy. Mathesius, — Agricola , — Meltzer ( Historia Schneeberçensis ), —
Mellor {Thear. çhem- Freybergense), — Lfmpe (Hagazin der Bergbaukunde),
TROISIÈME ÉPOQUE. 59
l'avons VU plus haut, ^utilisée par les Grecs et les Romains (1).
Mais au moyen âge, où la civilisation industrielle était, sous beau*
coup de rapports, fort en arrière de celle de l'antiquité, on reje-
tait comme inutile cette matière , qui s'attache aux parois des
fourneaux. Ce ne fut que vers le milieu du seizième siècle qu'un
savant de Nuremberg, Erasmns" Ebener, fit voir, comme une
chose nouvelle, que la cadmie des fourneaux est aussi bonne à
faire du laiton que la cadmie^ ou calamine naturelle. En même
temps il fonda 9 près de Goslar, une importante fabrique de
laiton (S); et à la même époque Christophe Sander établit,
dans le voisinage de Goslar, une fabrique de vitriol blanc (sulfate
de zinc }.
Les mines d'argent, de cuivre et de plomb d'Iberg, d'Ilefeld,
de Wildenmann^ de Zellerfeld, de Lauterberg, de Rammels-
berg, répandaient Taisance et la prospérité dans les contrées du
Harz.
La Westphaiie, la Hesse, la Thuringe, ne restèrent pas en re-
tard de ce mouvement. Les mines de fer et de cuivre d'Arens*
berg, de Trêves, de Bihteiuj de Corbach^d'Ilmenau, de Saalfeld,
et de beaucoup d'autres endroits, étaient tout aussi activement
exploitées.
11 serait trop long d'énumérer les différentes localités de la Bo-
hême, de la Moravie, de l'Autriche, de la Bavière, qui se fai-
saient toutes également remarquer par leur industrie métallur-
gique (3).
En Francêy les mines étaient^ vers la même époque, dans un état
un peu moins prospère. La plupart des travaux métallurgiques
avaient été suspendus ou abandonnés pendant les guerres de la
Ligue.
Le droit d'exploitation était conféré par les rois à des particu-
liers qui, en retour, s'engageaient à payer à la couronne une
certaine partie des revenus. C'est ainsi que Henri III avait con-
cédé aux sieurs Ëscot et Alonge le droit d'exploiter les mines de
la Provence^ du Dauphiné, de la Bourgogne, du Beaujolais et du
Maçonnais.
(1) Voy.t. I, p. 138.
(2) GaWor, ffisL Nackrichten von den Oher uïid Unter-Barzischen Berg-
werken. Bninsw.; 1765, hi-fôl. Retlimeier, Btaunschw. Liinebtirg, Chronick,
Bransw., 1T22, in-fpl.
(3) Voy. Gmelin , Ge^chichte der Chemie^ 1. 1, p. 394.
60 UlSTOia£ D£ LA CHIMIE.
La Champagne était renommée par ses forges et ses fabriques
d'acier. En 1524, on découvrit, près de Langres, des filons de mi-
nerai d'or et d'argent.
L'Alsace et la Lorraine , qui n'appartenaient pas encore à la
France, étaient depuis longtemps célèbres dans les fastes métal-
lurgiques par leurs mines d'argent, de cuivre et de plomb.
Les mines des Pyrénées, et en particulier celles du comté de
Foix, continuèrent à maintenir leur antique réputation (1).
La ISorwége et la Suède étaient déjà connues pour leurs mines
de fer et de cuivre. Les forges d'Osmund , de Rupferdal, d'Ad-
vidha en Ostgothie, de Stahlberg, étaient en pleine activité.
En Angleterre, la reine Elisabeth favorisa de tout son pouvoir
l'industrie métallurgique. Elle fit venir de l'étranger, et notam-
ment de l'Allemagne, des ouvriers habiles, pour les faire tra-
vailler dans les mines d'étain et de cuivre de Comouailles et de
Norlhumberland, et elle fonda deux sociétés industrielles {Sodety
of royal mine, Society for minerais and hatlering works), dont le
comte Pembroke fut nommé président.
On lit dans les relations de Marco Polo, de Rubriquez et
d'autres voyageurs, que les pays de l'Orient, la Turquie, la Perse,
la Tartarie, l'Inde, pouvaient alors rivaliser, parleurs richesses
métalliques, avec les pays de l'Occident.
Un événement capital pour la métallurgie, comme pour toutes
les sciences en général , fut la découverte de l'Amérique.
Pei sonne n'ignore l'histoire de ces lointaines et périlleuses na-
vigations qui eurent pour résultat de révéler l'existence d'un
nouvel hémisphère, demeuré inconnu depuis la création du monde
à l'hémisphère opposé. Il serait donc inutile d'y insister. Mais il
nous importe de rappeler tout ce qui se rattache au sujet qui
nous intéresse.
Dans les premières années qui suivirent la découverte de l'A-
mérique , les Espagnols n'étaient occupés qu'à extorquer des in-
digènes tout l'or et l'argent que ceux-ci avaient amassés. Cène fut
qu'après avoir épuisé ces faciles trésors qu'ils songèrent à ex-
ploiter les mines de ces pays nouveaux. L'île que Christophe Co-
lomb avait le premier abordée fut aussi la première exploitée.
(1) Jean de Malus, Recherches et découvertes des mines des Pyrénées, faites
en 1600, et rédigées par J. Dupuy; Bordeaux, 1601, in- 12. — Pour plus de
détails sur l'état des mines en France au xvi*' siècle, consultez Gobet, Anciens
minéralogistes de France^ t. II.
TROISIÈME ÉPOQUE. 61
Rodrigue d'Alcaçar obtint , en I5O6, du roi d'Espagne , un privi-
légequi lui concédait toutes les mines de Saint-Don) ingue moyen-
nant une redevance de un pour cerit. Cet industriel gagna , en
très-peu de temps , une fortune immense; mais le gouvernement
lui relira bientôt son privilège (i).
On allait surtout à la recherche du sable d'or, qui était soumis
à des procédés de lavage déjà connus des anciens. L'or retiré des
mines deCibaoetdes lieux circonvoisins était transporté à Buena-
Yentura et à la Conception^ où on le faisait fondre et affiner.
Chaque fonte qui se faisait dans la ville de Buena- Ventura était
estimée, selon Herrera, à environ 120, 000 />^i^ (poids), le /7«.<o va-
lant 4 francs 50 centimes de notre monnaie. Les fontes de la
ville de la Conception étaient de 125 à 130,000 pesi. On tirait
chaque année des mines de Saint-Domingue un peu plus de
460,000 pgsi d'or.
Femand Cortez aborda, en 1519, au Mexique avec une poignée
d'aventuriers. Les présents, envoyés à ce hardi conquérant par
Montezuma, montrent que les 'Mexicains étaient loin d'être une
nation sauvage, et que la culture des arts ne leur était pas
étrangère.
Parmi ces présents , on remarquait des miroirs faits a d'un
certain métal très-beau , qui reluit comme de l'argent» (platine?),
de forme arrondie et encadrés d'or; — de petites pierres d'or re-
présentant des grenouilles et d'autres animaux; — des médailles
grandes et petites , dont le travail et la rareté valaient plus que
l'or et l'argent dont elles étaient faites ; — deux roues de la di-
mension d'une roue de carrosse ordinaire , l'une d'or, dans la-
quelle était figuré le soleil avec des rayons , des feuillages et des
animaux ; l'autre d'argent, représentant la lune (2); — un casque
de lames d'or, avec des sonnettes attachées autour de la cime du
casque; —des panaches de diverses plumes^ au bout desquelles
pendaient des mailles d'or; — des armures d'or et d'argent, en-
jolivées de plumes et fixées sur du cuir fort bien corroyé ; — des
chasse-mouches de plumes très-riches; — des escarpins et des
(i) Histoire générale des voyages et conquêtes des Castillans dans les In^
des occidentales^ par Ant. Herrera, historiographe de Sa Majesté Cathoiix]ue (trad*
de la Coste) ; Paris, 1660, in-4°, 1. 1, pag. 459.
(2) L*idée de représenter symboliquement le soleil par l'or, et la lune par l'ar-
gent , n'est pas seulement propre aux alchimistes ; elle se retrouve, comme 00
voit, chez presque tooteè k» Dations du globe^ -
62 UISTOmS D£ LA GUIMIË.
sandales de cuir cousu avec du fil d'or; '— des tissus de cqtoo
d'une finesse e^^trême, etc. (1).
Uhistoire de la civilisation industrielle des Mexicains se re-
trouve dans ces présents donnés àCortez. .
La magnificence du temple de Mexico et le pabis de, Mcmte-
zuma témoignent également d'une civilisation assez avancée.
Au nombre des questions que Cortez fit à Montezuma devait
se trouver naturellement celle de savoir de quel endroit le roi tirait
son or; car c'était surtout là le but de son entreprise. Montessumia
répondit qu'il y avait de l'or dans trois endroits; que celui d'6ù
l'on en tirait le plus était situé dans une province ap|>elée Zaca^
- tulOf au midi, à dix ou douze journées de Mexico; que, près
de là, il y avait une autre province, nommée Chiuantklà , éga*
lement riche en or ; ei qu'enfin il en trouverait cbez les Zapo-»
tecas.
Montezuma avait 'donné de riches présents, afin de se débar-
rasser de ses hôtes aussi incommodes qu'inattendus. Les faibles
princes du Bas-Empire en avaient fait autant à l'égard des Bul«>
gares , des Esçlavons et des Huns. Mais partout la vue de l'or ne
fait qu'exciter davantage la cupidité de l'homme, comme la Tue
du sang, loin d'apaiser le tigre, ne le rend que plus féroce. La
conquête du Mexique se fit comme se font toutes les conquêtes :
les indigènes , mécontents de leur gouvernement, loin de s'unir
pour repousser l'ennemi commun, comme c'était leur devoir,
l'aidèrent au contraire daps son entreprise.Des caciques insoumis
saisirent cette occasion pour rompre tous les liens de l'autorité.
La conquête du Pérou par Pizzaro ressemble à celle du Mexi-
que par Cortez. Une poignée d'hommes s'empare d'un vaste
pays bien peuplé, et abondant eh produits de toutes espèces.
Les voyageurs d'alors ne tarissent pas en descriptions plus ou
moins exactes sur la magnificence du palais des lucas, le temple
du Soleil resplendissant d'or et d'argent, et sur l'immense butin
que les Espagnols retirèrent du Pérou.
L'histoire des mines de Potosi présente un intérêt particu-
lire. On raconte à ce sujet qu'un Indien nommé Gualpa,
courant un jour dans les montagnes à la poursuite d'un gibier,
arracha, en voulant se soutenir, un arbrisseau dont les racines
(1) Herrera, Histoire générale des voyages ei conquêtes, etc., p. 491.
TROISIÈME EPOQUE. 6«3
étaient recouvertes d'un minerai brillant qui fut reconnu pour de
l'argent (1).
Après quelques contestations entre Gualpa , un autre Indien et
un Espagnol nommé Yillaréal, les mines de Potosi furent décla-
rées ouvertes le 21 avril 1545.
La montagne de Potosi renferme quatre veines : la ricca ( ri-
che), la centenoy la mendteta^ et la veine d'étain. Toutes ces veines
sont situées dans la partie orientale de la montagne , et s'éten-
dent du nord au sud (2). « Cette montagne, dit Ulloa , ressemble,
dans son intérieur, à une ruche à miel, moins sa régularité^ à
cause de son grand nombre de percements , de galeries, de
fouilles qu'on y remarque. S'il était donc possible de bien en-
lever tout d'un coup la croûte qui la recouvre, on y apercevrait
un nombre infini de routes souterraines percées sans suite et
comme au hasard , selon la direction des veines métalliques (3). »
Le procédé ordinaire de l'extraction et de l'affinage de l'argent,
employé primitivement, consistait à calciner le minerai dans de
petits fourneaux construits sur les côtés des montagnes , exposés
au vent : ces fourneaux s'appelaient gayras. Le minerai était
fondu avec une matière métallique , nommée par les Indiens êo-
roche, et qui, d'après ce qu'en dit Acosta, n'était autre cbosequç
du plomb. C'est donc la coupellation qu'employaient les Indiens
pour affiner l'argent.
Un quintal de minerai riche donnait d'ordinaire 30, 40 et mèipe
50 pesi d'argent. Le minerai pauvre ne rendait environ que
6 pesi. Il y avait à Potosi une grande quantité de ces minerais
pauvres, dont on ne faisait aucun cas ^ et que l'on continuait à
rejeter avec les scories, jusqu'au moment où l'on eut adopté le
procédé par amalgamation, qui avait été employé au Mexique dès
l'année 1566.
Acosta nous apprend que , pendant le gouvernement de don
Francesco de Tolède, il arriva au Pérou un honmie qui avait été
longtemps au Mexique^ et qui avait remarqué qu'on extrayait
l'argent au moyen du mercure ; c'était Pero Fernandez de V^
(1) Histoire naturelle et morale des Indes tant orientales qu^occidentales,
par Jo&eph AcosU (irad. par R. R^gqault); Paris, 1608, io-8*^^ lib. it, c. 5. ,
(2) ibid., lib. lY, c. 8. .
(3) Mémoires philosophiques , historiques , physiques , concernant la dé*
couverte de V Amérique, etc., par don Ulloa, lieuteoaDt général des armées na-
vales de TEspagne , commandant au Pérou > t. I, p. 288 (Paris, 1787, in-8^).
61 HISTOIRE B£ LA CHIMIE.
lasco (1). Il s'offrit à traiter, par le môme procédé, les mines de
Potosi; ce qui eut lieu en 1571. Comme si tout devait contribuer
à la prospérité de ces mines et à la réussite du nouveau procédé,
on venait de découvrir les riches mines de cinabre de Guancavit-
lea; on pouvait donc se dispenser de faire venir le mercure de
TEspagne. Il se consommait annuellement environ sept mille
quintaux de mercure dans les mines de Potosi.
Voici les détails qu'Acosta nous donne sur ce procédé : on
pile le minerai de manière à le réduire en une poudre très-fine
que Ton jette dans dés espèces d'auges de cuivre. On y ajoute un
dixième de sel commun , a afin que le métal se débarrasse de la
terre et de ses ordures; » puis on y fait tomber une pluie de
mercure, en remuant constamment le mélange. Lorsque l'argent
est bien imprégné de mercure et que l'amalgame est bien formé,
on le fait chauffer légèrement dans des fours à une faible tem-
pérature; après cela, on met le tout dans des vaisseaux pleins
d'eau qui , étant tournés et agités par des roues , laissent déposer
l'amalgame qui se sépare des impuretés ; on le lave une seconde
fois dans des cuves pleines d'eau; enfin on le comprime dans un
linge ou dans une peau; lé mercure sort par les pores, et l'ar-
gent reste à peu près pur. — Pour lui enlever les dernières traces
de mercure , on le faisait fondre et on le soumettait quelquefois
à la coupellation.
11 n'entre pas dans notre plan de faire la statistique des ri-
chesses métallique^ retirées, pendant le xvi® siècle, des diverses
contrées de l'Amérique (2). Mais nous rappellerons que ces mon-
ceaux d'or du Pérou et du Mexique ont été plus funestes à la
monarchie espagnole que ne l'auraient été la guerre , la peste et
la famine. Et en voici les raisons.
D'abord, toute la population des campagnes se précipitait
dans les villes, et delà elle partait pour le Nouveau Monde, non
pas certes pour y cultiver les arts ou y exercer des métiers utiles,
mais pour suivre les penchants dépravés de la paresse, de l'a-
varice et de la cupidité. Loin donc que les richesses, transportées
annuellement de l'Amérique en Europe, fussent employées à ré-
(1) L*auteur de ce procédé , déconvert en 1557^ paraît avoir élé un mineur de
Paciiclia (Mexique), nommé Barlholomé de Médina. Yoy. Alex, de Humboldt,
sur V amalgamation des minerais chargent usitée au Mexique *àans les An-
nales de Chimie, vol. LXXVI, p. 204-225.
(2)F. Gmelin, Geschichte dex ChemiCy 1. 1, p. 439-472.
TROISIÈME EPOQUE. 65
parer les pertes de l'agriculture, elles ne firent qu'en accélérer
la décadence , et. la plus grande misère ne tarda point à percer
à travers les dehors brillants , qui en tout temps en imposent
malheureusement à l'immense majorité des hommes. Les troupes,
mal payées, se soulevaient; les provinces , soumises à des im-
pôts vexatoires, arboraient l'étendard de la révolte en proclamant
l'indépendance. Le souverain lui-même manquait, faute d'argent,
à ses engagements les plus sacrés. Philippe lî refusa de payer les
intérêts des sommes qu'on lui avait prêtées, et ce fier monarque,
dans les États duquel le soleil ne se couchait jamais , fit banque-
route à la face du monde.
§13.
La découverte du Nouveau -Monde mit soudain en circulation,
comme de nos jours la découverte des mines aurifères de Califor-
nie et de l'Australie , une quantité prodigieuse d'or. Comme ce
métal se rencontre presque toujours à l'état natif, mais allié avec
de l'argent en proportions variables , il était naturel de songer à
trouver un procédé plus exact que celui du cément royal (soufre
et antimoine ) pour séparer ces deux métaux l'un de l'autre.
Les alchimistes connaissaient depuis longtemps'la propriété qu'a
Teau-forte de dissoudre l'argent et de laisser l'or intact. Ce fut
donc à eux que les monnayeurs empruntèrent leur eau de départ
(aquachrysiUca),
Un nommé Cointe introduisit, sous le règne de François 1%
l'emploi de l'eau-forte dans la Monnaie de Paris. Des auteurs
presque contemporains ( Budé, Savot, etc.) racontent que Cointe
tenait cette opération d'abord secrète, et qu'il la croyait ou fei-
gnait de la croire très-dangereuse; a car il disoitque la fumée
d'icelle estoit fort pernicieuse à la santé; de sorte qu'il y faisoil
travailler par un serviteur, lui n'y prenant garde que de loin (1). »
Cointe et son fils gagnèrent une fortune considérable. Une or-
donnance de François I^, datée de Blois le 19 mars 1540, porte
(art. 44) que « les gages des essayeurs de la monnaie seront aug-
mentés de moitié, pour raison de ce départ avec l'eau-forte ».
(I) Savot, Traité de A/é/a//tir^f e , cliap. vt, p. 73.
HIftT. DE L\ CniMIR. — T. II. v 6
66 HISTOIRE DE LA GUIBUE.
Quelques années plus tard, ruàkge'de Péau-fprte deviiît si com-
mun que Ton s'en seiraitfi'âddùleusemeht pôttr/a2)i^f'Ie^'p1èc^^
d'argent. Une ordonùànce'dé Chafïés ÏX, d6httiSë'eiîfô6ï;'ptt)S-
'crit formellement cette industrie coupable, à Nous'âéfenilons^ y
est-il dit ( art. 3), allouer t& recevoir aucune espëùe d'ôif'nî d^ï-
gent visiblement rognée ;bt(/it?/(^ par tëàé-ftnie} ïéisfijaellés és-
'pèçés rognées' pu lavéék h6ui^ avôÀs tdtalëriient deàtei*iées, et se-
ront mises au feu pour liillôd(i).V / ^ '
pnsavaitidéjà à cette époque ddnà quelles limités'là niëtfaode'du
départ par reau-fdrte étiiit prtt{dabïë;'Àirt6i; oti'fa^pioraitp
si dans un alliage il y a beaucoup plui^ d^or qiië â'àrjgëllt', iSààii-
forte n'agira aucunement, et qu'il faut qu'il y ait au moins deux
tiers d'argent pour un tiers d'ôr. Ùes proportions que l'on préfé-
rait, comme cela se pratique encore aujourd'hui , étaient de trois
parties d'argent pour une jpaHié d*dr, de manière que cette der-
nièrepartie fît le raar^ du total de l'alliage, De là les expressions
dHnqtiarier et d'tn^ar^àf^ôn^). L'alliage ëtiait ènâûitéàitta^é'^r
l'eau-forte : l'or se réuùi^sait au f(Aid soiis fo^&ie'aé pbpfdrei^et
l'argent était J;)récîpîtè par uiië îJîècé di^ cûiVrë, « quî^^^cëtle
propriété partiôulîère de tirer à sbi'tbùt l'aii^tit quî^eâ'bit^dis-
sous dans l'ëaû-forte ; s'il y a dti cuivre disâoùè' dans l'ëaii^-fcirié,
on l'en retire parle moyen du fer, de mémé'qicè' ràirgéàtVéH'rfe-
tire par le moyen du cùlvrè (3) )i. ^ • ' * ' '''''- -
C'est cette substitution que les chîmràtes méàiilurgtstes^ du
XVI* siècle reprochaient aux alchimistes d'avoir pris pour liué
véritable transmutation. ■ ' ■ ■' ''
La méthode expérimentale commençaitdéjàà porter sels frnfts.
En battant en brèche lek doctrines des anciens, elle' iehribhissait
la science ae faits nouveaux. ' " m. :* oj- .
>:=•■■• ; .'•
,1
» : . I ' , . ' . I • \ ■ ■ . I . . . ' "...
(1) Sommaire des édits et ordonnances royàulx, concernant! fa cour dis
monnayes et officiers particuliers d*U:elleSféUi. Maiiudcritii^ Ïi3, 1n-4^ ( jnilii-
pradence), delà Bibliothèque dé rArsenal. ' ' ■ ?: :' '.•'.;'.
(2J Voiy* p. 50dB ce ToiunWB. .' ,;
(3) Sâtrot, Traàtéde Métallurgie^ <;lj8p. ti, p. 74. , , -^i
,: •/■• 5 . > .. .•
T^ROISIÉttE ÉPOiitiÊ; 67
<^m^mimim4mmimmmm^tmm
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CHIMIE TEGHNIQDE.
:.iJ. j • . * .
■ •'.". .. t J,
'§**• ,
Bev
J. -. ; ■
mard PaliMj.
t ,
Bernard Pajissy doit' être considéré comme le représentant
de la chimie technique ei expérimentale au xVi® siècle.
C'est un des hommes qui se sont le plus attachés ^ pendant ce
grand siècle, àproclàimer la supériorité dé rexpëriencé sur Tàû-
torité des maiti^es, et à combattre les tlïéories sorties du cerveau
d^^^Mdèoplies; ; ' ^ - ' • - ^ ' ' "^^ '/ '[
On faîi, si je ne ihe trompe,' trop d'hdnneuraù chancelier Bacon,
en le représentant pour ainsi dire comme le créateur de la méthode
expérimentale (1). François Bacôii était encore enfant lorsque Pa-
lissy éûséîgnait déjà publiquement qiie pouf* atteindre la vérité
il' e^ nécessaire de 'consulter *rexpériérice.'*((' Je n'ai point eu,
dît-il, d'autre livre qïie lé ciel ef ta têrrè, Tequér est connu àè
tous; et est donné à tous de côn'noistré et lire ce béaii livre.»
Le potier de tetre d^Agen fait époque dans ITiistoîre de la chi-
mie, coniine le chancelier d'Angleterre dàùs l'histoire de la phi-
losôptiie. Ces deux hommes se ressemblent intellectuelieiùent par
là dil^ectioû qu'ils ont imprimée àuii Sciences d'observation.
"On fgiiotfe Paniiéé^réctsé dë'ta' naissance dé Bertiard Palissy.
Suivant d*Àtlbigné, il'tiaquît en 149^, dans lé diocèse d'Agen! On
ne sait rieri dès ^rè'iniérés âiiiiées de sa jeunesse, qu^il parait
avoir consacrées à l'étude du dessin, de la géôndétriè pratique et
de l'arpentage.
C'ôàt vers l'année 1544 que B. Palissy s'éprit d'une belle pas-
sion pour la préparation des émaux a*ppliqùés à la poterie. Il n'at-
(1) Noos sommes beureux.de constater que cette opinion, qui à l'époque où nous
l'avions émise (en 1842) aviit l'air d'un paradoxe, est aujqurdliui partagée par des
liommes d'une grande autorité. Il nous suffira de citer, entre autres, M. le baron
Liebig (7}iscours prononcé en 1863 à T Académie des sciences de Munich ).
5.
68 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
teignit son but qu'après de longues années de recherches et de
tribulations. Nous l'entendrons plus loin raconter lui-même les
principaux incidents d'une vie si bien remplie.
Dévoué au caMnisme , qui commençait alors à se répandre
dans le midi et Touest de la France, Palissy fut impliqué dans
les guerres civiles qui désolaient la Saintonge, sa contrée natale.
L'édit de Henri II donné à Écouen, au mois de juin 1559, sema
l'alarme parmi les calvinistes. Un grand nombre de réformés fu-
rent condamnés à mort par des juges royaux. Palissy obtint une
sauvegarde du duc de Montpensier; mais, malgré cette sauvegarde
du commandant del'armée royale, il fut arrêté et traîné en prison;
son atelier, construit à grands frais, fut démoli. Menacé de mort,
il ne fut sauvé que par la protection du comte de la Rochefou-
cauld , du sire de Pons , du baron de Jarnac et du seigneur de
Burie. Tout le monde , excepté les juges de Saintes, s'intéressait
au sort du malheureux ouvrier de terre , inventeur des rustiques
figulineSf comme il aimait à s'intituler lui-même. De Saintes il
fut conduit , pendant la nuit, dans les prisons de Bordeaux. Enfin,
il aurait subi le sort de tant d'autres huguenots, si le grand
connétable, duc de Montmorency, n'était pas intervenu en sa
faveur auprès de la reine mère , la fameuse Catherine de Mé-
dicis. Palissy^ mis en liberté, s'attacha, par reconnaissance,
au service du roi, de la reine mère et du connétable. Il fut em-
ployé à embellir des chefs-d'œuvre de son art plusieurs châteaux
royaux et particulièrement celui d'Écouen.
Rendu à ses travaux, Palissy se livra avec ardeur à la chimie ^
à l'agriculture et à l'histoire naturelle. Le premier, il eut l'idée
de former à Paris un cabinet de géologie^ et de minéralogie. II
y fit des conférences publiques, auxquelles* assistaient les
membres les plus savants de la Sorbonne , du parlement et de la
faculté de médecine. Il demeurait aux Tuileries, ainsi qu'il nous
l'apprend lui-même, et on ne le connaissait alors que sous le nom
de Bernard' des Tuileries.
En 1572, Palissy échappa, avec Ambroise Paré, aux massacres
de la Saint-Barthélémy, soit qu'il fût oublié, soit que Catherine
de Médicis le protégeât secrètement.
Vouvrier de terre fut, à sa dernière heure, tel qu'il avait été
pendant toute sa vie, d'une conscience pure, d'une âme forte et
élevée. On pouvait lui appliquer ce vers d'Horace : Justum et te-
nacem propos iti virum.
TROISIÈME ÉPOQUE. 69
La Ligue allait recommencer son drame sanglant. Un des prin-
cipaux ligueurs , Matthieu de Launay, demanda , en 1589, le sup-
plice du vieux Bernard, qui était enfermé dans la Bastille. Le
roi (Henri m) , s'intéressant au sort de son vieux serviteur, alla
lui-même le trouver en prison, pour l'engager à changer de
religion.
« Mon bon homme , lui dit le roi , il y a quarante-cinq ans que
vous estes au service de la reine ma mère et de moy; nous avons
enduré que vous ayez vescu en vostre religion parmi les feux et
les massacres ; maintenant je suis tellement contraint par ceux
de Guise et mon peuple, qu'il m'a fallu, malgré moi , vous met-
tre en prison. Vous serez bruslé demain, si vous ne vous conver-
tissez. »
a Sire , répondit Bernard , vous m'avez dit plusieurs fois que
vous aviez pitié de moy; mais moy j'ay pitié de vous, qui avez
prononcé ces mots : Je stUs contraint ; ce n'est pas parler en roy.
Je vous apprendrai le langage royal , que les guisards, tout vostre
peuple ny vous ne sauriez contraindre un potier à fleschir les ge-
noijff devant des statues (1). »
Le vieillard resta inébranlable, et mourut bientôt après, à
l'âge de quatre-vingt-dix ans.
OmTr»ipes de Bernard PallMy*
En lisant les écrits de B. Palissy, on sera plus que jamais
convaincu que «le style est de l'homme». On reconnaît, dans l'é-
nergie, dans la simplicité et la naïveté du langage, toutes les
qualités qu'on admirait dans l'intrépide inventeur des rustiques
figulines.
Tous les ouvrages de B. Palissy sont écrits en français; car
l'auteur, comme^^il le dit lui-même, ne savait ni le grec ni le la-
tin. Leur publication comprend un intervalle de vingt-trois ans
(de 1557 à 1580) (2). Us ont été réunis en un volume in-quarto
par Faujas de Saint-Fond et Gobet, Paris, 1777. Il est à re-
gretter que l'on n'ait pas suivi dans cette édition Tordre chro-
nologique.
(1) D*Aubigné, Hiit, tiniv., part, m, an 1$89.
(2) Les éditions les plus anciennes des premiers ouvrages de B. Palissy sont de
1557 et de 1568. Il y a aussi une édition de Tannée 1580.
— La Bibliothèque impériale de Paris possède un manuscrit intitulé ExiraicU
des discours de Bernard Palissy, n" 1644 ( fonds de Saint-Germain).
70 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Ces écrits ont été composés, pour la plupart, sous forme
de dialogues. La Théorique^ vaine et orgueilleuse, gui d[qrdiT
nàire,pûse les questions, est victorieuseinent. combattue ^t sou-
vent humiliée par ifajPrac/t^tie. Lapremijèrça^pre^que consom-
ment tprt» tandis que la dernière, comme on devait s'y .atten-^
dre, a presque toujours raison. . ,;
De Part de terre, de son utilité, des émaux, et du, feu (i\
C'est dans ce traité que Palîssy fait iurtoiit )^i*éuvé de' 'fciètte
force de Volonté et de cette patience qui attestent le {génie. Dàhs
sa dédicace au sire Antoine de Pônâ, on'reïDarqué ëes^ttk>lës
caractéristiques : « Le nombre de meéaUgiû'amcitë'dé 'prendre
la hardiesse de vous dire qu'un de ces jours je considéroiis la
couleur de ma barbe, qui me causa penser au péti' de jôui^ qui
me restent pour finir ma cpufse ; et Cela jn'a fait admîl*er leà'lyis
et bleds, des cafnpagnes ^et plusieurs espèces de plaiités, îes^
quelles changent leurs couleurs verdes en blanches, lorsqu'elles
sont prestes de rendre leurs: fruits. Aussi plusieurs arbres se
hastent de fleurir quand ils sentent cesser leur vertu végétative
et naturelle; une telle considération m'a Tait souvenir qu'ilest
escritque Ton se donne garde d'abuser des dons de Dieu etâë
cacher le talent en la terre : aussi est escrit que le fol celant sa
folie vaut mieux que le sâ'gè'ceîant'sbflsçavdîr.
— «Les liures pernicieux dç Raj^njiond Lulle, deParaçe(se,
du Roman, de la Rosfi (qui font, perdre le temps à la jeunesse),
m'ont causé gratter laterre l'espace de quarante ans et fouiller
les entraillés d'rcelle, afin de cognoistre les choses qu'elle pro-
duit dans soy ; et, par tel moyen, j'ay trouué grâce deuant Di^u^
qui m'a fait cognoistre des secrets qui ont esté jusques à présent
incognus aux liommes, voire aux plus docte^, couime Ton pourra
coghoîstre par mes ëscrîts.ïJë sçay bien qu'aucuns se moqueront,
en disant qu'il est impossible qu'un hpmn^e destitué de (a }augue
latine puisse avoir intelligence des choses naturelles : et diront
que c'est à moy une grande témérité d'escrire contre Topiniori
de tant de philosophes fameux et anciens, lesquels ont escrit
des effects naturels et remply toute la terre de sagesse. Je sçai
aussi qu'autres jugeront selon l'extérieur, disant que ie ne suis
qu'un pauvre artisan.— Non obstant toutes ces considérations,
(l/ (jytiiw B.'pàlissy j Paris, 1777, în-4% p. 5.
TaOISIÈHE £POQUE« 71-
je^^n'aj: laîsjsé de poursuyure ,mon entreprisé, et, pour couper
brochç h toutes calomnies et embusches. j'ay dressé un cabinet
9,uquel j'ay mis plusieurs choses, admirables et monstrueuses,
que j'ay^ tirées de la motrice de la terre, lesquelles rendent tes-
ipoigna^e certain de ce que je dis,. ^.^c^9 ^^. trpuvera homme qui
ne sçit coQtrainct çonCsffser ijceux véritables , après qu'il aura veu
les^ pboses que j'ay préparées en mon cabinet, pour rendre cer-
taif^s-tpjos ceux qui ne youdroyent autrement lyouster foy à mes
;^ , Vû^çi pomn^nt, Palissy s^ezprime dans son 4veriissemen( au
lêe(^ .* a Le dçfir q^ie j'ay que tu profites à la, lecture de ce
UjDjré. ip'^ incité de t'i^uertir qu^e tu te donnes garde de enyvrer
ton es^it de scjiences eçcrit^ aux cabinets par une théorique ima-
giqatiye, pu crochetée de quelque liure escrlt par imagination de
Gftuf qui n'ont rien practiqué, et te donnes garde de croire les
opi^ns de ccjui; qui ^seuf, que théorique a engendré la prac-
tique,.. Si l'homme pouuoit exécuter ses imaginations, je tien-
drois leur party et opinion ; mais tant s'en faut. Si les choses
conçues aux esprits ^ pouuoyent exécuter, les souffleurs d'al-
chiinieferoyent de belles choses, et ne s'amuseroyent à chercher
l'espace de cinquante ans, comme plusieurs ont fait; si la^théo-
rique figurée aux esprits des chefs de guerre se pouuoit exécu-
^r^,iU.neper4j?Qye,nt jamais.bataille, J'p$e dire, à la confusion de
ceux qui tiennent telle opinion, qu'ils n^ sçagiroyent faire un
soulier, non pas. mesme' un talon de chausse, quand ils auroyent
tjoutes les théoriques du monde. »
...iGe.pjréambule.contenait, pour ainsi dire en germe, la révoluv
tion qui, devait. bientôt s'opérer daps les difTérentes manières de
¥oiries cbose^. il {ialUdt ^^ronter la persécution pour mettre l'ex-
périence au-dessus de la théorie ; il fallait un homme de la trempe
de Palissy. pour rompre avec l'autorité du mqyenâge et inaugu-
rer l'ère.de, la lijberté d'observation. ... •
• ï ,.Lq vieux Bernard des Tuileries laisse ici loin derrière lui le
célèbre chancelier d'Angleterre.
Écoutons Pftlissy raconter lu^-m0n;ie comment il s'est initié à
{a..p|ratique,, quelles difficultés il a rencontrées ^ la lecture du
^rand livr^ de la nature. Ce récit perdrait tout spn charme par
une sèche analyse : il importe de le reproduire dans toute sa
simplicité.
« Sçaches qu'il y a vingt et cinq ans passez qu'il me fust montré
i
72 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
une coupe de terre, tournée et esmaillée d'une telle beauté,
que deslors j'entray en dispute avec ma propre pensée, en me
remémorant plusieurs propos qu'aucuns m'auoient tenus, en se
mocquant de moy, lorsque je peindois les images. — Sans auoir
esgard que je n'auois nulle connoissance de terres argileuses, je
me mis à chercher les esmaux, comme un homme qui taste en
ténèbres. Sans auoir entendu de quelles manières se faisoyent
lesdits esmaux, je pilois de toutes les matières que je pouuois
penser qui pourroyent fair^ quelque chose; et les ayant pilées et
broyées, j*achetois une quantité de pots de terre, et après les
auoir mis en pièces, je mettois des matières que j'auois broyées
dessus icelles, et les ayant marquées, je mettois en-escrit à paii
les drogues que j'auois mises sur chascunes d'icelles pour mé-
moire; puis ayant fait un fourneau à ma fantaisie, je mettois cuire
lesdites pièces, pourvoir si mes drogues pourroyent faire quelque
couleur de blanc; car je ne cherchois autre esmail que le blanc,
parce que j'auois ouy dire que le blanc estoit le fondement de
tous les autres esmaux.
a Or, parce que je n'auois jamais veu cuire terre, ny ne sçauois
à quel degré du feu ledit esn^ail se deuoit fohdre, il m'estoit im-
possible de pouuoir rien faire par ce moyen, ores que mes drogues
eussent été bonnes, parce qu'aucune fois la chose auroit trop
chauffé et autre fois trop peu ; et quand lesdites matières estoient
trop peu cuites ou bruslées, je ne pouuois rien juger de la cause
pourquoy je ne faisois rien de bon, mais en donnois le blasme
aux matières... Mais je commettois encore une faute plus lourde
que la susdite ; car, en mettant les pièces de mes espreuves de-
dans le fourneau, je les arrangeois sans considération ; de sorte
que, les matières eussent esté les meilleures du monde et le feu
le mieux à propos, il estoit impossible de rien faire de bon. Or,
m'estant ainsi abuzé plusieurs fois avec grands frais et labeurs,
j'estois tous les jours à piler et broyer nouuelles matières et cons-
truire nouveaux fourneaux, avec une grande despense d'argent
et consommation de bois et de temps.
0 Quand j'eus bastelé plusieurs années ainsi imprudemment
avec tristesse et soupirs, à cause que je ne pouvois parvenir à
rien à mon intention, je m'auisay, pour obvier à si grande des-
pense, d'envoyer les drogues que je voulois approuuer à quelque
fourneau de potier; et ayant conclud en mon esprit telle chose,
j'achetay derechef plusieurs vaisseaux de terre; et les ayant rom*
TROISIÈME £POQU£. 73
pus en pièces, comme de coustume^ j'en couuray trois ou quatre
cent pièces d'esmail, et les envoyay en une poterie distante d'une
lieue et demie de ma demeure, avec requeste enuers les potiers
qu'il leur plust permettre cuire lesdites espreuves dedans aucuns
de leurs vaisseaux ; ce qu'ils faisoyent volontiers. Mais quand ils
auoyent cuit leur fournée, et qu'ils venoyentà tirer mes espreuves,
je n'en recevois que honte et perte, parce qu'il ne se troouoit
rien de bon, à cause que le feu desdits potiers n'estoit assez
chaud. »
Après cet insuccès, qui ne devait pas être le dernier, Palissy
prit quelque temps de relâche. Il fit, dans cet intervalle, par-
tie de la commission envoyée par le roi pour lever les plans des
marais salants de la Saintonge. A peine ce travail fut-il achevé,
que Palissy recommençait ses expériences. Laissons>le encore par-
ler lui-même :
«Après que je me trouvay muny d'un peu d'argent, je reprins
encores l'affection de poursuyure à la suite desdits esmaux; et
voyant que je n'auois pu rien faire dans mes fourneaux ny à ceux
des potiers susdits, je rompis environ trois douzaines de pots de
terre tout neufs; et ayant broyé grande quantité de diverses ma-
tières, je couuray tous les lopins desdits pots desdites drogues
couchées avec le pinceau. Ayant ce fait, je prins toutes ces pièces
et les portay à une verrerie, afin de voir si mes matières se pour-
royent trouver bonnes aux fours desdites verreries. Or, d'autant
que les fourneaux sont plus chauds que ceux des potiers, ayant
mis toutes mes espreuves dans lesdits fom^neaux, le lendemain
que je les fis tirer, j'apperceus partie de mes compositions qui
auoyent commencé à fondre : qui fut cause que je fus encores
dauantage encoui;agé de chercher l'esmail blanc, pour lequel
j'auois tant trauaillé. »
Mais notre patient émailleur perdit encore plus de deux ans à
aller et venir d'une verrerie à l'autre, sans obtenir aucun résultat
satisfaisant.
« Dieu voulut qu'ainsi je commençois à perdre courage, et
que, pour le dernier coup^ je m'estois transporté à une verrerie,
ayant avec moi un homme chargé de plus de trois cents sortes
d'espreuves , il se trouva une desdites espreuves qui fut fondue
dedans, quatre heures après auoir esté mise au fourneau, la-
quelle espreuve se trouva blanche et polie; de sorte qu'elle me
cansa une joye telle, que je pensois estre deuenu nouvelle créa-
74 HISTOIHB DE LA CHIMIE.
turçi et pensois,desIor$ avoir une perfection entière 4e l'esmail
blanc; mais je fus fort esloigné de nxa pensée.
((Je fus si grand beste en ces jours là, que soudain que j'eus
fait ledit blanc, qoiestoit singulièren^ent beau, je me mis à faire)
des vaisseaux de terre, encore .que jamais je. n'eu$$e connu
terre; et ayant employé 1/espace de sept ou buitgp&oisit faire leS"-
4its v^sseau;^, je m^e pilins à ériger un fQurne^u semblable à ceux
4es verjerli^s, lequel je bastis avec^un jab^ur iadiciMe ; cs^r il JEalloit
que je maçonnasse tout seul, que je destrempasse mon {^oi^er,
qae je tirasse Teaupoor la destrempe d!içeluy : aussi me falloit-il
nu)y-mesme aller quérir la; brique. sur mon dos, à cause que
je n'auois nul ,moyen d'entretenir un ^eul hçmme pour D(i'ayder
en cette affaire. Je fis cuire m^s vaisseau^ en première cuisson;
mais quand ce fut à }a secpQde cuisson, je receus des tristesses
et labeurs tels, que nul homme ne voudroit croire. Car, au lieu
de me reposer des labeurs passez, il me fallut travailler l'espace
de plus d'un mois, nuit et jour, pour broyer les matières des-
quelles j'auois fait ce beau. blanc au fourneau des verriers; et
quand j'eus broyé lesdites matières, j'en couvray les vaisseaux
(jue i'auois faits.
a Ce fait, je mis le feu dans, mon fourneau par deux gueules,
aii^si que j'auois veu ^ire auxditsyer]:;iers; je. mis aussi i^es
vaisseaux dans ledit fourneau, pour cuider faire fondre les es-
m^ux que j'auois mis dessus^ Mais c'estoit une chose malheureuse
pour moy ; .car, combien que je fusse six jours et six nuits devant
ledit fourneau sans cesser de brusier bois par }es deux gueules,
il ne fut possible de pouvoir faire fondre ledit esmail, et estois
comme un homme désespéré; et combien que je fusse tout es-
tourdi du travail^ je me vay ^adviser qujç dan3 mon esmail il y
auoit trop peu de matière qui deuoit faire fondre les autres. Ce
que voyant, je me prins à piler et broyer de ladite matière, sans
toutefois laisser refroidir mon fourneau... Qua^d j'eus ainsi
composé mon esmail , je fus contraint d'aller encores acheter
des pots, afin d'esprouver ledit esmail, d'autant queg'auois> perdu
tous les vaisseaux que j'auois faites. £t ayant couvert lesdites
pièces dudit esmail, je les mis dans le fourneau,^ continuant tou-
jours le feu en sa grandeur.
« Mais, sur cela, il me survint un autre malheur, lequel me
donna grande fascherie, qui est quç le bpis m'ayant failli, je fus
contraint de brusier les estapes qui soustenoyent les tailles de
.TROISIEME ÉPOQUE. 75
mon jardin ; lesquelles estant brasiées, je fus contraint de brasier
les' tables et.piancbers de la maison, afin de faire fondre la se-^
çqnde composition, j'estois en une telle angoise que je ne sçauois
dire; car j'éstpis tout tari et désseiché, à cause du labeur «t de
la cb^eur du fourneau; il y auoit i)Ius d'un ifnois que ma cbe^
mise n auoit seîché sur moy; encores, pour me consoler, on se
mpquoi^ de nu>y;.et paôme ceux qui me deuoient secourir al-
loieiit crier par la ville que je faisois brusler le plancber, et^.par
tel moyen. Ton me faisoit perdre mon cj['edit et m'estimoit-on
astre fol. ,
a Les autres disoient que je chercbois à faire la fausse mon-
noyé, qi^i estoit un. mal qi^i m.e faisoit seicber sur ^es pieds, et
m'en allais par les raes tout baissé comme ya un homme hon-
teux. J'estois endetté.en plusieurs lieux et auois ordinairement
deux enfants aux nourrices, ne pouuant payer leurs salaires :
personne ne me çecou^roit; mais, au contraire, ils se moquoyent
de moy en dis^pt: |1 lui appartient de mourir de faim, parce
qu'il deslaisse json qiestier,. Toutes. ces nouvelles venoyent à mes
oreilles quand je passois par la, rue; toutes fois, il me resta en-
cores qpelque esper^Ace qui me soustenoit, d'autant que les
dernières espreuves s'estoyent assez bien portées, et deslors en
pensois. sçauoir, assez pour pouvoir, gaigoer ma vie. »
Malheureusement le pauvre potier fut encore une fois déçu
dans son espérance. II mit le reste de son bien, avec tout ce qu'il
avait pu emprunter, dans une fournée plus considérable que les
autres;, mais il ne réussit pas davantage.
a J'avois emprunté le bois et les estoffes, et si ^uoisr emprunté
partie de ma n9,urriture en faisant ladite besogne. J'auois tenu
)Ç^ esperapce ri^es créditeurs qu'ils seroient payez de l'airgent qui
proviendroit des pièces de ladite fournée, qui fut cause que plu-
sieurs acqoqrureat dès le matin, quand je commençois à desen-*
fourner. Donc, par ce moyen furent redoublées mes tristesses,
d'autant qu'en traitant ladite besogpe je ne recevois que honte et
confusion. Car toutes mes pièces estoyent semées de petits morr
çeaqx. de. cailloux, qui ^stpient si bien attachez autour desdits
vaisseaux, et liez avec i'esoiail, que quand on p^ssoit les mains
par dessus, lesdits cailloux coupoyent comme rasoirs; et com-
bien que la besogne fust par ce moyen perdue, toutefois aucuns
ne vouloient acheter à vil prix. Mais parce que ce eust esté un
dèscriement et rabaissement de mon honneur, je mis en pièces
76 HISTOIRE DE LA CHIMIE
entièrement le total de ladite fournée^ et me couchay de melan-
cbolie : non sans cause, car je n'auois plus de moyen de subve-
nir à ma famille ; je n'auois en ma maison que reproches. Au
lieu de me consoler, Ton me donnoit des malédictions; mes
voisins, qui auoient entendu cette affaire, disoient que je n'es-
tois qu'un fol.
(( Quadd j'eus demeuré quelque temps au lit, et que j'eus
considéré en moy-mesme qu'un homme qui seroit tombé en vn
fossé, son debuoir seroit de tascher à se releuer ; en pareil cas
je me mis à faire quelques peintures pour recouvrer vn peu
d'argent. »
Après avoir gagné un peu d'argent, Vouvrier de ^^rre s'empressa
de reprendre ses travaux. De nouveaux déboires l'attendaient.
Mais aucun mécompte ne put briser ce génie : non f régit j sed
erexit eum.
a Bref, j'ay ainsi bastelé l'espace de quinze ou seize ans : quand
j'auois appris à me donner garde d'vn danger^ il m'en survenoit
vn autre, lequel je n'eusse jamais pensé. Durant ces temps-là je
fis plusieurs fourneaux, lesquels n'engendroient que grandes
pertes auparavant que j'eusse connoissance du moyen pour les
eschauffer également. Enfin je trouvay moyen de faire quelques
vaisseaux de divers esmaux entremeslez en manière de jaspe;
cela m'a nourri quelques ans. Mais, en me nourrissant de ces
choses, je cherchois toujours à passer outre auecques frais et
mises.
a Quand j'eus inventé le moyen de faire des pièces rustiques (i),
je fus en plus grande peine et en plus d'ennuy qu'auparavant.
Car, ayant fait un certain nombre de bassins rustiques, et les
ayant fait cuire, mes esmaux se trouvoyent les vns beaux et bien
fonduz, autres mal fonduz, autres estoient brusiez, à cause qu'ils
estoient fusibles à divers degrés ; le verd des lézards estoit bruslé
premier que la couleur des serpens fust fondue; aussi la couleur
des serpens, escrevices, tortues, cancres, estoit fondue aupara-
vant que le blanc eust reçu aucune beauté.
a Toutes ces fautes m'ont causé un tel labeur et tristesse d'es-
prit, qu'auparavant que j'aye eu rendu mes esmaux fusibles à vn
mesme degré de feu, j'ay cuidé entrer jusques à la porte du se-
(1) Palissy entend p&r pièces rustiques des pièces de tous genres, et notam-
ment des bassins ornés de serpents, de lézards, de grenouilles, de tortues, etc.,
fabriqués en émaux colorés, surtout en vert ou en jf'a^pe, comme il ledit lui-même.
TAOISIÈME ÉPOQUE. 77
pulchre. Aussi en me irauaillant à telles affaires je me suis trouvé
l'espace de plus de dix ans si «fort escoulé en ma personne, qu'il
n'y auoit aucune forme ni apparence de bosse aux bras ny aux
jambes; ains estoyent mes dites jambes toutes d'une venue, de
sorte que les liens de quoy j'attachois mes bas déchausses es-
toient soudain que je cbeminois sur les talons avec le résidu de
mes chausses. Je m'allois souvent proumener dans la prairie de
Xaintes, en considérant mes misères et ennuys.
a J'estois mesprisé et moqué de tous... Toutefois l'espérance
que j'auois me faisoit procéder en mon affaire si virilement, que
plusieurs fois^ pour entretenir les personnes qui me venoyent
voir, je faisois mes efforts dé rire, combien que intérieurement
je fusse bien triste. Je poursuyviz mon affairé de telle sorte, que
je recevois beaucoup d'argent d'vne partie de ma besogne qui se
trouvoit bien. Mais il me survint vne autre affliction conquatenée
auec les susdites, qui est que la chaleur^ la gelée, les vents, pluyes
et gouttières, me gastoyent la plus grande part de mon œuvre
auparavant qu'elle fust cuite ; tellement qu'il me fallut emprun-
ter charpenterie, lattes, tuiles et doux, pour m'accommoder. Or
bien souvent n'ayant point de quoi bastir, j 'estois contraint de m'ac-
commoder de liarres et autres verdures. Or ainsi que ma puis-
sance s'augmentoit, jedefaisois ce que j'auois fait, et le bastissois
un peu mieux; ce qui faisoit qu'aucuns artisans, comme chaus-
setiers, cordonniers, sergens et notaires, vn tas de vieilles, tous
ceux-cy sans auoir esgard que mon art ne se pouvoit exercer sans
grand logis, disoyent que je ne faisois que faire, et me blas-
moyent de ce qui les deuoit inciter à pitié, attendu que j'estois
contraint d'employer les Choses nécessaires à ma nourriture
pour ériger les commodités requises à mon art. Et qui pis est,
le motif des dites mocqueries et persécutions sortoit de ceux de
ma maison, lesquels estoyent si esloignez de raison, qu'ils vou-
loyent que je fisse la besogne sans outils, chose plus que dérai-
sonnable. Or d'autant plus que la chose estoit déraisonnable ,
d'autant plus l'affliction m'estoit extresme.
« J'ay esté plusieurs années que, n'ayant rien de quoy faire
couvrir mes fourneaux, j'estois toutes nuits à la mercy des pluyes
et vents, sans auoir aucun secours, ayde ni consolation, sinon
des chats huants qui chantoyent d'un costé, et les chiens qui
hurloyent de l'autre ; parfois il se levoit des vents et tempestes
qui souflloyent de telle sorte le dessus et le dessous de mes four-
TS HISTOIRE DE LA CHIMIE.
neàbx, que festois coûti^iiit de quitter ïà tdttt, auec perte de mon
labeur; et mè' étuis trouvé plusîfeùfe fois qu'ayàht tout quitté,
û*ayant rien'dfe s^eè sUr mb^ â cause des pluyes qiii èstoyent tour'
bées, je m'en àlloîs coucher à la miiiuît ou 'aîi point dû Jôttr;
àccoustré de teïlé sorte 'quVn homine qui seroit yxste de vin;
d'autant qu'après avoir I6ngueméntti*availlé je i^yoîà mon labéùi*
petdu. Or, en nïé retiràitâinsi souillé et trènipé, Je trdùvôis eii
ma chambre une seconde pérsécuftioh ^îre que là prétniërë, q(li
me fait à présent estnerveiller que je ne' sois bptisumé dé tris-
tesse. "))'■■
Ce tableau éloqueiit à une hàiite portée philosophique. Ce û^e^l
pas par les rêves de Tiïiîàgiriatîdn qu'on arrive âfaire dés dé-
couvertes; 6'est en pajrant dé sapersôrtne, c'est ^ar'le travail
de ses màîn^'et par une Volonté à toute épreuve, en ùa inôt,
(j'est par la pratique, quel'on fait avancer les arts et lés scièiiôès.
Voilà ce que démontré lé tdùïiiiânt récit des trîbulalidns d'ûii
grand ouvrier. ' - » . > .. .:
C'est te PriteftT/ti^^quilàitièpïotès â7a ThéùHqûé,éi'^Viài
bat âur tous les points. . .
La Théorique y après aiôir écouté àttentiVéùient la P¥àctiqùei
s'écrie: ■' ''•"''' '' -'^ "■ ' '•./ ■ ^ ' ^ -
(c Poùrqdoi me cherChes-tU une si fdngue chanson? C'est ptû-
tost pour me destoùilner de mon intention, que non pas poût^
m'en approcher; tu m'as bien fait cy-dessus de beaux discours!
touchant les fautes qui surviennent en l'art de terre; mais Cela
ne me sert que d'espbuvantèïnent; car des esmaux tu Ùe m*éfl
as encore rien dit.» ' . . t ..
« PractiqUe: Les esiotiaux de quoy je fais ma besogne sont' faits
d'estaing, de ploùib, dé fer,' d'âéier, d'antimoine, de sajihre de
cuivré, d''arene (sahlé), dé i^alicdct (sôUde), de Cendre graVelée
(potasse), de lithargé. Voilà lès propres tnàtières déSquëlleâ Je
fais mes esmaux. ») ' - • '
Aîprrès cette réponse catégorique, la Pratiijtie engagé lu Théotié
à ne pas faire la paresseuse^ à se remuer un peu, et à chercher
elle-même les proporliohs les plus convenables pour réussir
dans la fabrication des émauk. ' ''
Ce qui nous intéresse dans l'Art de terre , c'est moins l'inven-
tion des émaux (1), que la méthode expérimentale^ méthode alors
(1) Les émaux étîaient déjà connàs des anciens. Voy. p. 153 et 157, da tome t.
TRCnSIÈMB ÉPOQUE. 79
nouvelle qae B. Palissy s'efforçait d'introduire dans la science.
C'est à ce titre que F Art de terre de Palrssy doit être placé à
côté, sinon àù-dessus,' du Nomth (Hgaviùn du chancelier Bacoû.
•ft
Des terres d'argile ({).
L'auteu;r. s'arrête d'abord un mpipept sur l'origin^ du mot ai;-
gile,.^ui, « selon l'opi^ioi). des Grecs et des.Latins de la Soiv
bonne, » signifi/srait terre l^aUe ou grasse, Palissy doute , ayçc
raison, de l'exactitude de cette étymolpgie. En effet, or^/fe
dévive iéyidemmçpt, du grec argos (apYos)» blçmc^ ou plutôt d'or-
gylé {i^)^) qui signifie matière blanche.
Yoici maintenant les différentes espèces d'argile, dont Palissy
apprécie très-bien l'usage.
. « (Intre les terres argileuses il y a, dit-il, si grande.difï'érence ,
qu'il e^t.impos$ible à nul homme de pouvoir raconter la contra-
riété gui est CMi^celles. Aucunes sont sableuses, blancbyes, et fort
maigres; et pour ces causes leur faut un grand feu auparavant
qu'elles soyent cuites au debuoir. Telle espèce de terre est fort
bonne à faire des creusets, parce qu'elle endure un bien grand
feu ; il y en a d'autres espèces qui, pour cause des substances
métalliques qui sont en elles, seployentet liquéfient, quand elles
endurent grande chaleur.' »
On sait que l'argile coinmune est de l'alumine , substance ré-
fractaire mêlée à dés proportions variables de silice, de Carbo-
nate de chaùxj 4^oxyae de fer, etc.^ et que c'est la présence dp
l'oxyde de fer qui communique à l'argile sa couleur jaune ou
rpuge. Quant à l'espèce d'argile « qui se pioye et se liquéfie à
une jgrahde chàfèur, » b^ëtait un silicate alcalin alummeux (argi-
leux), une espèce de terre à porcelaine.
Palissy n'ignorait pas que toute argile contient, de l'eau^ et que
l'humidité expulsée par lé féu â fait, en s'enfuyant, crever et casser
les pièces ou elle est enclose. » A ce propos il raconte une sia-
gulière histoire.
« J'ai véuV dit-il, autrefois que auèuns tailleurs d'images,' ins-
truits en l'art de terré par ouyr dire seulement, et assez nouveaux
en la cônnoissatice des terres , qu'après avoir fait quelques
images ils lés .venoyent mettre dedans les fourneaux, pour les
cuire selon qii'il's ('entendbyent.' Mais quand îts commençoyent à
(1) Œuvres de Palissy ; Pari», 1777, in-4% p. 3S.
80 HISTOIRE D£ LA GUIMIE.
mettre le grand feu, c'estoit une chose assez plaisante (combien
qu'il n'y eust pas à rîre pour tous ) d'entendre ces images peter
et faire vne baterie entre eux, comme un grand nombre dliar-
quebusades et coups de canon ; et le pauvre maistre bien fasché,
comme vn homme à qui on raviroit son bien. Car, le jour venu
pour desenfourner les images, le four n'estoit pas si tost dès-
couvert, qu'il appercevoit les vns la teste fendue, les autres les
bras rompus et les jambes cassées; tellement que le pauvre
homme ayant tiré ses images estoit bien empesché et auoit
bien de la peine à chercher les pièces; car les vnes estoient
aussi petites que mouches, et, ne les pouvant rassembler, estoit
contraint bien souvent faire des nez de drapeau ou autre ma-
tière à ces dites images, o
Par une exception apparente , signalée par Palissy, l'argile se
raccomit, se resserre par l'action du feu. C'est ce qui explique
pourquoi, pendant les grandes chaleurs de l'été, le sol est fendillé
et quelquefois largement eutr'ouvert, lorsqu'il est très-argileux.
Des pierres (1).
Dans ce traité , qui est du plus haut intérêt pour l'histoire
de la minéralogie, l'auteur émet quelques opinions en opposi-
tion formelle avec la science de son temps.
Palissy fit le premier des expériences précises sur la crislaU
lisatiofiy alors nommée congélation. Partant de là, il soutient, avec
la conviction d'un homme qui sent qu'il a pour lui la vérité, que
les sels et autres matières ne cristallisent qu'autant qu'ils ont
été liquéfiés ou dissous dans l'eau. (( Depuis quelque temps, dit-
il, j'ay connu que le cristal se congeloit dedans l'eau; et ayant
trouvé plusieurs -pièces de cristal formées en pointes de diamant,
je me suis mis à penser qui pourroit estre la cause de ce ; et es-
tant en telle resuerie, j'ay considéré le salpestre, lequel estant
dissoult dedans l'eau chaude, se congelé au milieu ou aux extré-
mités du vaisseau où elle aura bouilli ; et encore qu'il soit couvert
de ladite eau, il ne laisse à se congeler. Par tel moyen j'ay con-
neu que l'eau qui se congelé en pierres ou métaux n'est pas eau
commune ; car si c'estoit eau commune, elle se congeleroit éga-
lement partout, comme elle fait par les gelées. Ainsi donc j'ay
(1) Œuvres de Palissy, édit., 1777; Paris, in-4°, p. 54.
TROISIÈME EPOQUE. 81
conneu par la congelalion du salpestre que le cristal ne se con-
gelé point sur la superficie, ains au milieu des eaux communes ;
tellement que toutes pierres portant forme quarrée, triangulaire
ou pentagone, sont congelées dans Teau. »
Yoilà les premières notions scientifiques de cristallographie
dont l'histoire fasse mention : formation des cristaux dans Teau,
formes géométriques de ces cristaux; — rien n'échappe à la
sagacité de Palissy.
A une époque où l'autorité des écoles ne cessait de faire la
guerre à la liberté de la pensée^ la vérité et l'erreur s'entre-cho-
quaientà tout moment. Palissy, tout en rejetant comme ab-
surde, la transmutation des métaux telle que l'entendaient les
alchimistes , admet néanmoins la possibilité <le la transforma-
tion des corps organiques en métaux. Voici le passage où il ex-
prime cette singulière idée : a Je dis que l'homme , le bois et les
herbes peuvent se réduire en métal (1). El cela se peut faire
quand vn homme seroit enterré en quelque lieu aquatique, où
la terre seroit pleine d'une semence de vitriol ou couperose.
Car la dite semence n'est autre chose qu'vn sel qui n'est jamais
oysif. Et, comme j'ay desia dit, les sels ont quelque affinité
ensemble. Le sel du corps mort estant en la terre fait attrac-
tion de l'autre sel , lequel sera d'vn autre genre , et les deux
sels ensemble pourront endurcir et réduire le corps de l'homme
en matières métalliques, d'autant que la nature du sel nommé
couperose ou vitriol ne peut faire autre chose que convertir
en airain les choses qu'il trouve au lieu où il fait sa demeu-
rance. Je te donne ce trait pour vn point invariable et bien as-
suré. »
On voit, par ce passage , combien il est difficile de contenir
l'esprit dans les limites de la réalité.
Persuadé de l'utilité de ses découvertes et de la nécessité
d'en faire part à ses contemporains, Palissy fit en i57.^ un
cours public, qu'il annonça par voie. des affiches. « Je mis,
dit-il, en mes affiches, que nul n'y entreroit qu'il ne baiilast un
escu à l'entrée desdites leçons; et cela faisois-je en partie pour
voir si par le moyen de mes auditeurs je pourrais tirer quelque
contradiction, qui eust plus d'assurance de vérité que non pas
les prennes que je mettois en avant , sçachant bien que si je
(t) 11 aurait été dans le vrai s'il avait dit que ces corps peuvent réduire la
rouille d*un métal.
BIST. DE LA CnmiR. — T. II. 0
82 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
mentois il y en auroit de Grecs et Latins qui me résisteroyent
en face et qui ne m'espargneroyent point, tant à cause de Tescu
que j'auois pris d^ chascun, que pour lé temps que je les eusse
amusez. »
Parmi les auditeurs dont Palissy donne la liste, on remarque
le célèbre chirurgien Ambroise Paré, Alexandre de Campège,
médecin de Henri lil, Jean du Chony, avocat au* parlement de
Paris, le prieur de Bertolome, le mathématicien Jean Viret, . et
beaucoup d'autres savants de Tépoque. Personne ne souleva d'ob-
jection sérieuse; et les idées de Palissy, furent accueillies avec
d'unanimes applaudissements.
De làrhame{i].
^ A part quelques hypothèses sur l'humeur radicale et Veau
génératrice, considérée comùie cinquième élément, ce traité est
rempli de faits originaux.
La marne, substance argileuse mêlée de sable, de sulfate et
de carbonate de chaù:è, était employée du temps de Palissy à
fum'er le sol, surtout en Brte et en Champagne. Nous aVonVfait
voir que ce genre d'engrais était déjà mis en pratique par les
Romaine (2). ' !
Là marine était aussi einplôyéé, ainsi que nous l'apprend Pa-
lissy,' comme une espède de fondant dans les forges des Ardennes
et de laCustillé.
Le passiage le plus remarquable du Traité de la name est
celui où il est question du moyen de découvrir la marne au sein
de la terre, et de percer le sol à l'aide d*une sonde. Le passage
que nous allons reproduire textuellement est un morceau Jïré-
cieux pour l'histoire de la géologie. .
A la question de la Théorique : comment faut-il s'y prendre
pour trouver de la marne? la Practique répond :
«Je ne te puis donner- moyen plus expédient que celuy que je
voudrois prendre pour lïioy. Si j'en voulois trouver en quelque
province où Tinvèntion ne fust encores connue , je voudrois
chercher toutes les terrières desquelles les potiers, briquetîers et
tuiliers se serveiil en leurs œuvres, et de chacune terrièrej'en
voudrois fumer une portion dé mon champ, pour voir si la terre
(1) Œuvres de Palissy, édit. 1777; Paris, m4°, p. 141. •
(2) Voy. r. I, p. 189 de cet ouvrage.
• ïîioisiÈBiE 'ÉPÔOtJï:- ' ÈH
séroit'âiriéii^tirée; pùkjé Vcmdrois avoir une tarière bien lon-
gue, laquelle tarière âutoit àii bout' de derrière une domlle
creuse, en la(|iieHé j6 plahfêrôid un l)aitôti, auquel y auroit par
l'autre bout un mancbeàu traver^v en forme de tarière; et ce
fait, jMrois par totiS lés fb^z' de tnofi héritage, auxquels je
planterois ma tarière jusques^ii la longueur de tout le manche,
et l'ayant tirée horft du trouV j<9 regarderois dans \r concavité
de quelle sorte 4e • tenrc^ elle aiïl^ît-appîorté, et' l'ayant neltOyée
j'osterois le premier matocti^'ét' en mettrais un beaucoup plus
long, et remettrois la tarière de<JteilBle'trouquéj'tfu«)is faît'pre-
mièrement,' et' pefcei>ois iaiërré plus profond par le moyen du
second manche. Et par tel tivoyen, 'ayant plusieurs manches de
diverses longueurs, lV)ft pourroit si^avoir quelles sont les terres
profondes; et non-seulement voudrois-je fouiller dedans les
fossez de mes héritages, mais aussi par toutes les parties de mes
champs, jusques à ce que j'eusse apporté au bout de ma tarière
quelque téiçioignage de la dite marne; et ayant trouvé quçlque
apparence^ lors je voudrais faire ea iceluy endroit une fpsse'telle
comme qui voudrpitjTaire ^a cuits, p/ ,-- ... .- \
Les pâi^oles q^e qous gênons .de. citeri résument tout l'art du
sondage. C'est doiic à Palissy que revient tout l'honneur de l'in-^
vention de cet art utile. . t , f
Continuons. Mais si tu rencontrois,, demande la Théorique^
des .rocs durs, comment^te preadnoîs-tu pour les percer? .
' . A4i^hïa Fraçtique répond : «A la vérité; cela serpit /ascheux.
-r Toutefois Ujme:j5emb.Ie que wetarUrç lorcière les perceroit
aisénient; et après ïa torcière, on pourroit mettre l'autre ta-
rière, et par tel moyen on pourroit trouver des terres de marne,
ioire des eaux pour faire puits ; lesquelles bieri souvent , pour-;
roieni monter plus haut que ie lieu, où la pointe de la tarière les
aura trouvées: et cela se pourra faire moyennant qu'elles vien-
neot dé plus Jiaiut que lefonc^ dutrquque .^^auras^fflit. » .
De là à la découverte des puits artésiens' il n'y avait
gu'unpas. ,. . .. ^^ , ; ^ . . .:
. -P^urjCappléter içs:^te|)léauXe^ce5 ç^ toutes nquvelles a^
ççixi|me^siè,Qtej|^il ne^ naanquait plu9 que ce tableau/géologique
^u.sal; • ' ' '
^ Jîous^çav.qn?. qu'en plusieiu*s lieux.les terres. spptfaftesj|^^^
divers bancs, et en les fossoyant on trouve quelquefois un banc
déterre, un autre de sable, un autre de pierre et de chaui,^èt un
0.
84 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
autre de terre argileuse ; et communément les terres sont ainsi
faites par bancs distinguez. Je ne te donneray qu'un exemple pour
te servir de tout ce que j'en sçaurois jamais dire : Regarde les
carrières des terres argileuses qui sont près de Paris, entre la
bourgade d'Auteuil et de Challiot, et tu verras que pour trouver
la terre d'argile, il faut premièrement oster une grande espes-
seur de terre, une autre espesseur de gravier, et puis après on
trouve une autre espesseur de rocq, et au-dessouz dudit rocq l'on
trouve une grande espesseur de terre d'argile , de laquelle on fait
toute la tuile de Paris et lieux circonvoisins. »
Sondage, puits artésien, stratification du sol, etc., en un mot,
les points culminants de la géologie se trouvent réunis dans l'ou-
vrage Sur la marne, et dans les traités dont nous allons pour-
suivre l'analyse.
Des sels divers et du sel commun (1).
Il y a des sels partout. Ils existent, suivant l'auteur, dans les
plantes, dans les animaux, et même dans les végétaux ; ils sôu^
tiennent la charpente solide des êtres vivants; enfin il y a au^
tant de sels quHI y a « de diverses espèces de saveurs et de sen-
teurs » .
Aucun chimiste n'avait encore appliqué le nom de sel à un
aussi grand nombre de substances.
a La couperose est un sel, le nitre est un sel, le vitriol est un
sel, l'alun est sel^ le borax est sel, le sucre est sel; le sublimé,
le sel gemme, le tartre, le sel ammoniac, tout cela sont sels di-
vers. ))
Notons en passant que toutes ces substances , sauf le sucre ,
sont encore aujourd'hui comprises dans la classe des sels.
En parlant des cendres des végétaux, Palissy fait une obser*
Vâtion remarquable, qui mériterait d'être vérifiée, à savoir que
l'écorce est la partie la plus riche en sels alcalins, et que le biois
en contient beaucoup moins»
Les anciens avaient dit que le sel est l'ennemi de la végéta*-
tion, Palissy s'élève avec force contre cette proposition, et le
premier il établit , par voie expérimentale , la véritable théorie
des engrais. 11 démontre presque aussi bien qu'on le ferait au-
jourd'hui , que le fumier n'active] la végétation qu'à raison des
(1) Œuvres de Palitsy, etc., p. 203.
TROISI£M£ ÉPOQUE 85
sels qu'il renferme, et que, ces sefs étant enlevés, le fumier ne
vaut plus rien.
Écoutons Tauteur traiter ce sujet important :
a Le fumier que l'on porte aux champs ne serviroit de rien , si
ce n'estoit le sel que les pailles et foins y ont laissé en se pour-
rissant. Par quoy ceux qui laissent leurs fumiers à la mercy
des pluyes sont fort mauvais mesnagers, et n'ont gueres de
philosophie acquise ny naturelle. Car les pluyes qui tombent sur
les fumiers, découlant en quelque vallée, emmènent avec elles le
sel dudit fumier, qui se sera dissous à l'humidité, et par ce
moyen, il ne servira plus de rien estant porté aux champs. La
chose est assez aisée à croire; et si tu ne le veux croire, regarde
quand le laboureur aura porté du fumier en son champ, il le
mettra ( en deschargeant ) par petites piles , et quelques jours
après il le viendra espandre parmy le champ, et ne laissera rien
à l'endroit des dites piles; et toutefois après qu'un tel champ
sera semé de bled, tu trouveras que le blé sera plus beau, plus
verd et plus espois à l'endroit où lesdites piles auront reposé,
que non pas en autre lieu. Et cela advient parce que les pluyes
qui sont tombées sur lesdits pilots ont pris le sel en passant au
travers et descendant en terre ; par là tu peux connoistre que ce
n'est pas le fumier qui est cause de la génération, mais le sel que
les semences auoient pris en la terre.
«^ « Si quelqu'un sème un champ pour plusieurs années sans
le fumer, les semences tireront le sel de la terre pour leur ac-
croissement, et la terre, par ce moyen, se trouvera desnuée de
sel, et ne pourra plus produire. Parquoy la faudra fumer ou la
laisser reposer quelques années, afin qu'elle reprenne quelque
saisi tu de provenant des pluyes ou nuées. Car toutes terres sont
terres; mais elles sont bien plus salées les unes que les autres.
Je ne parl^ pas d'un sel commun seulement, mais je parle des
sels végétatifs.
il Aucuns disent qu'il n'y a rien de plus ennemi des semences
que le sel; et pour ces causes, quand quelqu'un a commis
quelque grand crime, on le condamne que sa maison soit rasée
et le sol labouré et semé de sel, afin qu'il ne produise jamais se-
mence. Je ne sais s'il y a quelque pays où le sel soit ennemi des
semences; mais bien sçay-je que sur les bossis des marais
salants de Xaintonge, Ton y cueille du bled autant beau qu'en
lieu où je fus jamais; et toutefois lesdits bossis sont formez des
85. HISTOIRE D& X^ CHIMIE.
• ■• . ...
y^idanges desdits marez, je dis des vuidanges d.iji, fond du champ,
des marez, lesquelles yuidanges et fanges sont aussi salues qu^
Peau de la mer; et toutefois les.sjeroepçesijr vieEment jutant bien
qu'çnnullpteirre que. j'ay jamais vue. J^e ntç ^^Qay pas où c'est
que nos juges ont pris ocpaâioa 4^ faire.serxiçrdu;sel.ea'une
terre en signe de malédicljon,.si ce n'est qu'il y aitqAieique con-
trée où le sel soit ennemi des jsemepces, ^ ..V ^
Que die sagacité , que d'esgnt dans. jçe^ peu 4ô paroles î
Trois siècles nous séparei\t.dç.B,^ Palissyj.set J'^pérîenc^ de
nos jours a parfi^iteinent^cqn^fmé cçs^ idées; U est (Remontré que
c& sont les sels, et notamment les^ sels amp^nia^^
carbonate, phrosph^le çhloiiydrate), fliii jouent Iç principal
rôle dans Tactjion 4es engrais,. !j ;, . . , \\ ;» ,
Les agriculteurs pourraient trouver 4'uti les leçons, dans les
écrits de B. Palissj; ils^rapj^endraiênt, entre autres, çomipent il
faut construire un réservoir ^propre à conserver au ; fumier: la
partiel^uide,'C*est-à*'dire le principe fertilisant de Tengrais.
En parlant de Talun, railleur fait trèshljien ressorlir la pro-
priété qu'a ce sel .de fixer les .couleurs, a Ce SjçI \ ^ dit-il , est fort
utile aux teinturiers ; ^ vpulajjt teindre un drap blanc ea,fouge,
ils le trempent dans dç l'eau d^'alun.JLe sel d'almi estant disions
dans l'eau/sera cause qiMB le; <^rap recevra l|i.tjeiniujppqj[|e l'on Ipi
aura préparée, et vn autre drap gijii ne sera jppint trempé en l'eau
d'alun ne le pourra faire. )> ., ... . .
L'espace nous planque pour reprodu^^'e ici.la belle description
que Palissy donne, ejQ_ parlan^ dyi s^ comipui^j des marais sa-
lants de la /^aiqtonge, dont iLavait lui-même tracé le plan par
ordre du, gouverneroenL * , ., , . , ^
• ... «
D€s.€atiûoeffontamès.({),
Pendant les guerres religieuses du seizième siècjé , on avait
plus d'une fois répandu le bruit, ainsi qu'on l'a fait dëruQjS jours
lors de lîl première invasion dù'cholérai qde Ifes fOôtaines avaient
été empoisolinées; Ce ^tii avait principalement donqé lieu à ce
bruit, qui flf tarit de victimes innocerftes, cesoiH les nombreux
accidents d'asphyxie occasionnés ^iar la^présence diairs ou de gaz
irrespirablés^quiVâCcdmufënl au'fond de certains puits: .
Palissy cite un accident de ce genre ': « Au grand marché de
(0 Œuvre* de palmy, etc., p. 245.
••...■•■•• < .
TROISIÈME ÉPOQUE. 87
Meaux en Brie, en la maison des Gillets, l'on voulut curer un
puits; et pour ce faire, le premier qui y descendit mourut sou-
dain au fond dudit puits. Et fut envoyé vn autre pour sçavoir la
cause pourquoy îcelui ne disoit aucune chose, et mourut comme
l'autre. îl en fut envoyé encore vn qui descendit jusques au mi-
lieu; mais là estant se print à crier pour se faire tirer diligemment,
ce qui fut fait ; et estant dehors se trouva si malade qu'il travailla
beaucoup à sauver sa vie. »
Ce genre de mort si prompt, et ne présentant sur le cadavre
•aucune trace de lésion, ne manquait pas de frapper de stupéfac-
tion les esprits crédules du moyen âge. L'asphyxie ne pouvait
être que l'œuvre du diable , ou l'effet d'un poison subtil , inventé
par les Juifs ou les alchimistes.
Palissy explique fort bien l'origine des eaux minérales par la
dissolution des sels minéraux que l'on rencontre dans les en-
trailles de la terre.
Les anciens avaient déjà donné cette explication (1).
Quant aux eaux thermales, elles sont, dit-il, produites «par vn
feu qui est continuel sous la terre p.
Après avoir traité des diverses espèces d'eaux, et des moyens
employés pour les faire monter dans des lieux élevés, l'auteur
donne son opinion sur l'origine des sources qui alimentent les ri-
vières et les fleuves. Contrairement à ce que pensent presque tous
les philosophes , il ne croit pas « que les sources de la terre
soient allaictées parles tétines de l'Océan. » Il estd'avis « qu'elles
ne proviennent que des eaux de pluye »> .
« La cause, ajoute t-il, pourquoy les eaux se trouvent tant
es sources qu'es puits n'est autre qu'elles ont trouué vn fond de
pierre ou de terre argileuse, laquelle peut tenir l'eau autant bien
comme la pierre; et si quelqu'vn cherche de l'eau dedans des
terres sableuses, il n'en trouuera jamais , si ce n'est qu'il y ait
au-dessous de l'eau quelque terre argileuse, pierre ou ardoise, ou
minéral, qui retiennent les eaux des pluyes quand elles auront
passé au trauers des terres. Tu me pourras mettre en auant que
tu as veu plusieurs sources sortant des terres sableuses, voirè
dedans les sables mesmes. A quoy je respons, comme dessus,
qu'il y a dessous quelque fond de pierre, et que si la source
monte plus haut que les sables, elle vient aussi de plus haut. »
N'est-ce pas là le fond de la théorie des puits artésiens?
(1) Yoy. plus haut 1. 1, p, 185. .
88 HISTOIRE D£ LA CHIMIE.
Traité des métaux, et alchimie (1).
Dans ce traité Tauteur s'élève contre les doctrines des alchi-
mistes, et s'attache à en démontrer Tinanité. C'est ainsi qu'il
dévoile plusieurs procédés de projection qui ne servaient qu'à
faire des dupes. Il montre que Tor et l'argent des alchimistes
présentent bien l'aspect de l'or et de l'argent véritables; mais
qu'il est facile d'en découvrir la fausseté à l'aide de la coupel-
lation. A ce sujet il raconte le fait suivant, qui s'était passé à
la cour de Catherine de Médicis :
(( Le sieur de Courlange, varlet de chambre du roy, sçâuoit
beaucoup de telles finesses, s'il en eust voulu user. Car, quelque
jour venant à disputer de ces choses devant le roy Charles IX, il
se vanta, par manière de facétie, qu'il lui apprendroit à faire l'or
et l'argent; pour laquelle chose expérimenter il commanda audit
de Courlange qu'il eust à besogner promptement, ce qui fut fait.
Et au jour de l'expérience ledit de Courlange apporta deux phioles
pleines d'eau claire conmie eau de fontaine, laquelle estoit si
bien accoustrée, que, mettant une aiguille ou autre pièce de fer
tremper dans l'une desdites phioles , elle devenoit soudain de
couleur d'or; et le fer estant trempé dans l'autre phiole, devenoit
de couleur d'argent. »
Ce M. de Courlanges aurait-il connu le moyen de dorer et d'ar-
genter par la voie humide?
Mais continuons le récit : a Puis fut mis du vif-argent dedans
lesdites phioles, qui soudain se congela, celuy de l'vne des
phioles , en couleur d'or, et celuy de l'autre en couleur d'argent,
dont le roy print les deux lingots, et s'en alla vanter à sa mère
(Catherine de Médicis) qu'il auoit appris à faire de l'or et de l'ar-
gent. Et toutes fois c'estoit une tromperie, comme ledit de Cour-
lange me l'a dit de sa propre bouche. »
N'oublions pas d'ajouter que Palissy n'avait point été témoin
oculaire de ces opérations.
Il n'y avait pas seulement des philosophes et des médecins qui
s'occupaient d'alchimie; la plupart des princes s'y livraient éga-
lement avec beaucoup d'ardeur.
« Laisse-les faire, dit l'auteur ; cela les garantit d'vn plus grand
vice ; et puis ils ont du revenu pour approuver ces choses. Quant
(1) Œuvres de Palissy, etc., p. 315.
TROISIEME ÉPOQUE. 89
aux médecins, en cherchant ralchimie, ils apprendront à con-
noistre la nature, et cela leur servira en leur art, et en ce faisant,
ils reconnoistront Timpossibilité de la chose. »
Voici comment Palissy se raille des tentatives des alchimistes.
« Dis doncques au plus brave d*iceux qu'il pile vne noix, j'en-
tends la coquille et le noyau ; et l'ayant pulvérisée, qu'il la mette
dans son vaisseau alchimistal. Et s'il fait rassembler* les matières
dVne noix ou d'vne chastaigne pilée, les remettant au mesme
estât qu'elles estoyent auparavant, je diray lors qu'ils pourront
faire l'or et l'argent. Voire mais je m'abuse, car ores qu'ils peus-
sent rassembler et régénérer vne noix ou vne chastaigne, encores
ne seroit-ce pas là multiplier ny augmenter de cent parties,
comnie ils disent que s'ils avoyent trouvé la pierre des philoso-
phes, chascun poids d'icelle augmenteroit de cent. Or je sçay
qu'ils feront aussi bien Tvn que l'autre. »
Traité de l'or potable (i).
L'auteur de ce petit traité, que l'on croit n'être pas de Palissy,
cherche à démontrer que la prétendue panacée de l'or potable est
un médicament dangereux plutôt qu'utile.
Mais l'or potable n'était, selon lui, que de l'or divisé; et dans
ce cas il devait être à peu près inoffensif.
(( Il y a, dit-il, vn nombre infini de médecins qui ont fait
bouillir des pièces d'or dedans des ventres de chapon , et puis
îaisoyent boire le bouillon aux malades. — Autres faisoyent limer
lesdites pièces d*or, et faisoyent manger la limure aux malades
parmi quelque viande. Autres prenoyent de Por en feuille de
quoy usent les peintres. Mais tout cela servoit autant d'vne sorte
que d'vne autre. )>
Paracelse est surtout sévèrement jugé par l'auteur. Son or
potable était selon lui toute autre chose que de l'or dissous ou
réduit en poudre, et, à l'entendre, Paracelse et ses disciples se sont
fait une renommée par des moyens que l'honnêteté réprouve et
dont la tradition n'est malheureusement pas perdue. C'est à ce
sujet que l'auteur raconte l'histoire suivante , d'un intérêt de
circonstance :
« J'ay conneu, en vne petite ville de Poitou, vn médecin aussi
peu sçavant qu'il y en eut en tout le pays, et toutes fois par vne
(1) Œuvres de Palissy ^ p. 363.
110 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
seule finesse il se faisoit q^uasi adorer. Il ^uoit vne estude secrette
bien près de la porte de sa maison, et par vn petit trou voyoit
venir ceux qui luy apportoyent des vrines ; et estant entrez en la
cour, sa femme bien instruite se vehoit asseoir sur vn bois près
de Testude où il y auoit une fenestrè fernaée de châssis, et inter-
rogeoit le porteur d'vrines d^oii îlestoit, et que son mari estoit
en la ville, naais qu'il vîendroit bien tost; et les faisant asseoir
auprès d'elle , les interrogeoit du jour que la maladie print au
malade, et en quelle partie du corps estoit son mal, et consé-
quemment de tous les effets et signes de la maladie. Et pendant
que le mes^ger respondoit aux interrogations, monsieur le mé-
decin escoutoit tout, et puis sortoit par vne porte de derrière et
rentroit par la porte de devant , par où le messager le voyoit venir.
Lors la dame lui disoit : Voilà mon mari; parlez à lui. Ledit por-
teur n'auoitpas sitost présenté Tvrine, que monsieur le médecin
ne la regardast auec fort belle contenance; et après il faisoit vn
discours de la maladie, suyvant ce qu'il auoit entendu du mes-
sager par son estude. Et quand ledit messager estoit retourné au
logis du malade , il contoit comme par vn grand miracle le grand
sçavoir de ce médecin , qui atioit conneu toute la maladie sou-
dain qu'il auoit veu l'vrine; et par ce moyen le bruit de ce mé-
decin augmentoit de jour à autre. »
Cette petite digression nous fait voir qu'au seizième siècle on
en savait autant qu'aujourd'hui en* fait de charlatanerie, nouvelle
preuve que le mauvais côté de l'homme se développe bien plus
promptement que le bon côté. Le vice est plus ancien que la
vertu.
Nous venons de faire connaître les ouvrages de B. Palissy, qui
ont un rapport plus 'direct avec l'histoire de la chimie.
Nous ne ferons que mentionner les traités suivants.
Mithridate ou thériaque (1).
L'auteur se propose de démontrer que la multiplicité des
drogues qui entrent dans la composition de l'électuaire portant
le nom du fameux roi du Pont ( Mithridate ) est plus préjudiciable
qu'utile à la santé,
.(>) ŒMrrc5 rfc Pa//55y, etc., p. 377.
TROISIÈME ÉPOQUE. 9i
Des glaces (1).
L'objet de ce petit écrit est de prouver que la glace commence
toujours à se former à la surface des eaux, contrairement à
ropînîon de ceux qui prétendei^t que les glaçons commencent
d'abord à se produire au*fond des eaux, et que de là ils se portent
vers la surface.
Déclaration des abus et ignorance des médecins.
Ce petit livre, qui parut pour la première fois à Lyon, en J5d7,
sous le nom de Pierre Braillier^ est attribué par quelques criti-
ques à B. Palissy.
Il est dirigé contre les abus de Texercice de la médecine, et
n'est pas sans intérêt
Beçepte véritable par laquelle tous les hommes de la France
pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs thresors (2).
Cet ouvrage parut, pour la première fois, à la Rochelle, en
1563, in-4*; il renferme d'excellents préceptes sur Tagriculture.
La question des engrais y est traitée on ne peut mieux, tant sous
le rapport théorique que sous le rapport pratique. « C'est, dit
l'auteur, dans les productions du sol qu'il faut chercher la véri-
table pierre philosophale et le moyen de multiplier et d'augmenter
ses thresors. »
Le livre de la Recepfe véritable, etc., est divisé en quatre cha-
pitres : le 1" est intitulé Agriculture ; le 2*, Histoire naturelle;
le 3", Jardin délectable; et le 4®, la Ville fortifiée.
Tous ces sujets sont traités avec cette supériorité d'esprit et de
talent qui caractérise B. Palissy. Après avoir enseigné de joindre
l'utile à l'agréable, il se montre philosophe et moraliste sévère ,
en faisant, moilié moqueur, moitié sérieux, les réflexions sui-
vantes sur l'être le plus méchant de la création :
«Je voulus, dit-il , savoir quelles espèces de folies estoyent en
l'homme, qui le rendoyent ainsi difforme et mal proportionné.
Mais ne le pouvant sauoir ny cognoistre par l'art de géométrie, je
ro'advisay de l'examiner par une philosophie alchimistale, qui
/l) Œuvres de Palissy^ p. 888.
(2)lbid.,etc., p. 497..
/
92 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
fut le moyen que je viojs soudain ériger plusieurs fourneaux pro*
près à celte affaire : les uns pour putréfier, l'autre pour calciner,
aucuns autres pour examiner, et aucuns pour sublimer, et d'au-
tres pour distiller. Quoy fait, je prins la teste d'un homme, et
ayant tiré son essence par calcinations et distillations, sublima*
tions et autres examens faits par matras , cornues et bains-maries,
et ayant séparé toutes les parties terrestres de la matière exhalative,-
je trouvois que véritablement en l'homme il y auoit un nombre
infini de folies, que quand je les eu apperceues, je tombay
quasy en arrière comme pasmé , à cause du grand nombre de
folies que j'auois apperceues en ladite teste. Lors me print sou-
dain une curiosité et envie de savoir qui esloit de ces plus grandes
folies ; et ayant examiné de bien près mon affaire, je trouuay
que V avarice eXV ambition avoient rendu presque tous les hommes
fous, et leur auoient quasi pourri toute la cervelle. »
Le maitre touche du doigt la plaie de l'humanité. C'est eu
effet Vavarice et Vambition qui font le plus de mal. L'histoire,
tant publique que privée , l'atteste.
Les œuvres de Montaigne et de Rabelais ont eu de nombreuses
éditions; elles sont entre les mains de tout le monde. Pourquoi
n'en serait-il pas de même des œuvres de Bernard Palis.sy, un des
plus grands hommes dont la France puisse s'enorgueillir, comme
l'avait déjà reconnu Fontenelle (i)?
§ 14.
A peu près vers le même temps, l'Italie était illustrée par trois
hommes de génie, chacun d'un mérite différent : Léonard de
Vinci, Cardan , et J.-B. Porta.
liéonard de Vinci (né en 1452, mort en 1519).
Grand dans les arts, grand dans les lettres, grand dans les scien-
ces , Léonard de Vinci est le génie le plus fécond, le plus vaste qui
ait peut-être jamais existé. On peut lui appliquer ce qu'un his-
(1) Le Yœu que nous avions exprimé en 1843 (dans notre première édition)
a été depuis en partie rempli. M. Cap a publié , en 1847, un choix des œu? res
de Bernard Palissy . Depuis lors M. de Lamartine , Duniesnil et d^autres ont consacré
à cette b^lle figure dMntéressantes notices. Mais ils ont oublié de mentionner
celui qui avait avant eux essayé de mettre en relief le génie et les travaux de
Bernard Palissy.
TROISIEME £P0ÛI}E. 93
torien ancien dit d'Alcibiade : In eo natura guid efficere possit
pidelur experta.
«Un siècle avant Galilée et Bacon, dit M. Libri dans le beau
tableau qu'il a tracé deTillustre peintre toscan, Léonard a porté
le flambeau de la critique dans toutes les parties de la science,
et il a donné les préceptes les plus vrais , les plus justes, les plus
philosophiques, pour parvenir à reconnaître les causes des phé-
nomènes naturels. Brisant le joug de Tautorité, combattant les
qualités occultes , il proclama l'expérience comme le seul guide
sûr, et il ne s'en écarta jamais (1). »
Léonard de Vinci n'avait publié aucun ouvrage pendant sa vie.
Les nombreux manuscrits qu'il laissa après sa mort tombèrent en
différentes mains ; ils furent dispersés, et pour la plupart égarés.
Dans la Notice de quelques articles appartenant à Vhistoire na-
turelle et à la chimie , tirés de V Essai sur les ouvrages de Léonard
de Vinci, parVenturi, on remarque le passage suivant, d'un
intérêt plus particulier pour l'histoire de la chimie :
(( Le feu détruit sans cesse l'air qui le nourrit; il se ferait du
vide , si d'autre air n'accourait pas pour le remplacer.
(t Lorsque l'air n'est pas dans un état propre à recevoir la
flamme, il n'y peut vivre ni flamme ni aucun animal terrestre ou
aérien.
«Il se produit de la ftiméeau centre de la flamme d'une bougie,
parce que l'air qui entre dans la composition de la flamme ne peut
pas y pénétrer jusqu'au milieu. Il s'arrêteàla surfacedela flamme,
il se transformé en elle, et laisse un espace vide, qui est rempli
successivement par d'autre air (2). »
Léonard de Vinci n'est généralement connu que comme un
grand peintre. Cependant il n'était étranger à aucune branche
des connaissances humaines. Il était en même temps géomètre ,
mécanicien, physicien, naturaliste, anatomiste; et ce qui plus
est, c'est qu'il avait fait lui-même d'importantes découvertes
dans toutes ces sciences.
H.' Libri a donné un analyse détaillée des travaux scientifiques
de Léonard de Vinci, d'après les fragments qui en restent (3).
(1) M. Libri, Histoire des sciences mathématiques en Italie, t. lit, p. 53.
{%) Annales de chimie, t. xxiv, p. 150*
(3) Bistaire des sciences mathématiques en Italie, t. m, p. 27-60.
94 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
(
§ 13.
^érôm^ Cardan (né à Pavie, en 1501 y mort en 1576).
Tout à la fois mathématicien, médecin , physicien, philoso-
phe , Cardan révèle dans ses nombreux écrits, qui ne forment pas
moins de 10 volumes in-folio (Lyon, edit. Spon, 1663), un es-
prit pénétrant, subtil, et doué d'une profonde connaissance d^^
anciens. Mais on chercherait en vain dans ces idées éparses ua
enchaînement systématique. Enseignant et combattant tour à
tour les doctrines de Talchimie et de la kabbale, il inêlejes
observations les plus exactes aux théojries les plus insoutenables ^
les vues les plus élevées aux théories les plus bis^arres.
Cardan appartient beaucoup moins à l'histoire de la chimie
qu'à celle de la philosophie. Nous n'avons de lui aucun traité
chimique ou alchimique spécial. Mais on trouve des notions in-
téressantes relatives aux sciences physiques et mathématiques
dans deux de ses ouvrages les plus remarquables, dont Tun est
intitulé De subtilitqle , et l'autre. De varielaUrerum.
Un des chapitres les plus curieux de ce dernier ouvrage (i) est
celui qui traite des forces et des aliments du feu. L'auteur divise
implicitement les corps en combustibles et en non combustibles ^
et il établit, contrairement à l'autorité de ses prédécesseurs, que
le/ci*, principe destructeur, n'est pas un élément.
Dans ce même chapitre, il est question d'un gaz (flatus) qui
c( alimente la flamme et rallume les corps qui présentent un
point en ignition ». — Ce gaz ne peut être que Voxijgène ou le
protoxyde d'azote. L'auteur remarque, en outre, que (cce même
corps existe dans le salpêtre » (2).
Malheureusement ces observations sont trop isolées, et man-
quent de toute démonstration expérimentale. On peut donc apr
pliquer à Cardan ce que nous avons eu si souvent occasion de
(1) H. Cardani, M^iolanensis, medici, De rerum varietaie , libri wn; Basil.,
1657, in-8^
(2) Ibid.f lib. X, c. 49/p. 668. Cotiligit lit jam quasi exstincliis in flammam
accensus eriimpat, oh salsedinem murorum el ob nitriim quod iniiris vetuslis. ad-
hœret et lignorum cariem ; qnodcunque enim flatum gi^nit e pruna , flamknam
excitare solet. — Ibid., p. 662 : Mira suut quae ignis ostendit. — Mam caodela
exstinctas non perfecte, imagines ori admovens revivescere, qui tibi sulphur et pe-
troleum adesse non norit, admirabitur, etc.
TROISIÈME ÉPOQUE. 95
dire de beaucoup d'autres philosophes, qu'il a seulement en/r^u
qaelques-unes des découvertes qui devaient changer la face de
la science. Les faits que ces entrevoyeurs connaissaient étaient
par rapport aux découvertes réelles ce que les infinitésimales
sont à leurs intégrales.
Le livre De la variété des choses a beaucoup d'analogie avec la
Magie naturelle de Porta : le lecteur y trouve des détails non-seu-
lement propres à piquer la curiosité, tnais qui peuvent aussi rece-
?oir d'utiles applications. On y lit, entre autres, que c'est avec des
wktances métalliques que l'on varie la couleur de la flamme ; que
roh peut faire une bougie merveilleuse par sa couleur, son odeur,
son mouvement et son bruit ( candela colore, odore, motu et stre-
pUuadmtabilis), avec 1 partie de nitre, ^ de myrrhe , d'huile
commune, de suc d'épurge, j*q de soufre, ^ de cire; et que l'on
peut faire marcher des œufs sur l'eau , en les remplissant de
poudre à canon par une petite ouverture que l'on bouche avec
•de la cire (1).
Le long chapitre 5ttr la distillation ne renferme rien de nou-
veau. Il n'en est pas de même de celui qui traite Du verre. Il y
est dit que le verre maintenu pendant quelque temps dans son
état de liquéfaction par la chaleur perd sa transparence et de-
vient opaque. Le verre cependant ne change pas décomposition
chimique (2). C'est là un de ces phénomènes que les chimistes
modernes croient expliquer par Yisomérie, — un mot !
Cardan avait sur la nature de Tair des idées fort justes;
mais le mode d'analyse qu'il proposait ne porte que sur une partie
deèe milieu ambiant, la vapeur d'eau. Il se sert, à cet effet , de
boyaux ou de membranes animales, et apprécie, d'après leur
étal de contraction , la sécheresse ou l'humidité de l'air. Cette
observation devait conduire à l'invention de Vhygromètre (3).
Les anciens, préservaient Içs métaux de la rouille en les recou-
vrant d'une couche de résin^. Cardan et d'autres physiciens pro-
posaient l'huile au lieu de la résine. Il ajoute que lat rouille pro-
vient d'un a humide aqueux o {ab humido aqueo) ; mais il ne
(Il De rerum varistate , lib. \, c. 49.
'(îj/iiii.Vfib.iri.c. i4. '
(3) L'iiiTenlion de riiygroinètre iJoit être, diaprés M. Libri, attribuée à Léonard
^ Vinci. Voy. Histoire des sciences mathématiques, par M.Libri, t. m, p. 53,
noie 2,
96 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
croit pas que le principe de la rouille existe dans l'air (1).
Dans son traité De la subtilité (2), Cardan parle un peu de
tout. Il y est question de physique, de mécanique, de chimie,
de météorologie, d'astrologie, de zoologie, de médecine, de
sorcellerie, etc. Beaucoup de matériaux sont empruntés à Pline,
qu'il ne cite pas toujours. Dans le livre II , l'auteur parle des
feux d'artifice de Marcus Graecus , qu'il appelle Marcus Grac-
chus (3). Il y donne pour la composition de la poudre à canon
alors employée : 3 parties de uitre, â parties de charbon et
1 partie de soufre. On voit que , comparativement è la poudre à
canon de nos jours , la proportion de nitre est beaucoup trop
faible.
Cardan s'est imposé un silence absolu en ce qui concerne les
poisons. « Un empoisonneur est, dit-il , beaucoup plus méchant
qu'un brigand. Il est d'autant plus à craindre qu'au lieu de vous
attaquer en face , il vous dresse des pièges presque inévitables.
C'est pourquoi je me suis refusé non-seulement à enseigner ou <
expérimenter de pareilles choses ; mais je n'ai pas même voulu
les savoir (4). »
D'autres étaient à cet égard beaucoup moins scrupuleux , té-
moin J.-B. Porta.
§16.
ilean-Baptiste Porta ( né en 1537 ^ mort en 1615} (5).
Porta était un polyhistor, dans toute l'acception du mot : les
mathématiques, la physique, la chimie, la médecine, l'histoire
naturelle, toutes les sciences lui étaient familières. Il nous ap-
prend lui-même dans la préface de sa Magià naturalis (6), ou-
(1) De rerum varietate, lib. iv, c. 16, p. 157 : Nam et sub terra ubi aer non
est corrumpuntur et mullo magis (metalla).
(2) H. Gard. De subtilitate^ libri xxi ; Basil., 15S3, in^rol.
(3) De subtititatCf lib. ii, p. 36.
(4) Est veneficus latrone eo deterior, quo difficilius est vitare clandestinas insi-
dias quam manifestas. Quam ob rem non solum docere aut experiri, sed neque
8cire talia noiui.
(5) Voy., sur la ?le et les ouvrages de J.-B. Porta, M. Libr'iy Histoire des scien-
ces mathématiques en Italie, t. iv, p. 108-138.
(6) Jo. Baptista Porta, Magix naturalis libri \\ ; NapleS, 15S9, in-folio. — La
première édition avait paru en 1584.
TROISIEME EPOQUE. 97
vrage qui a été traduit dans toutes les langues de l'Europe , que ,
non content d'avoir étudié les anciens, il s'était mis à voya-
ger en Italie, en France, en Espagne, en Allemagne, pour entrer
en relation avec les hommes les plus célèbres de son époque, et
qu'il n'épargna aucune dépense pour se procurer les livres de
science les plus rares. Il eut surtout à se louer de la libéralité du
cardinal d'Esté, qui prenait un vif intérêt aux travaux de Porta.
Ce même cardinal fonda, dans sa maison, une société savante, à
laquelle il donna le nom d'Académie des secrets. C'est la plus an-
cienne de toutes les académies des sciences.
Porta avait sur B. Palissy l'avantage d'une forte instruction
classique, mais il lui était de beaucoup inférieur pour la méthode
d'observation.
B. Palissy était tout entier à ses laborieuses recherches ,.lors^
que Porta avait déjà réuni, théoriquement, les éléments de l'art
du fabricant de verres et d'émaux colorés. C'est ainsi qu'il dit, dans
le chapitre de Gemmis adulterandis (1), qu'il faut d'abord faire
une pâte vitreuse avec à peu près parties égalés de tartre calciné
, (carbonate de potasse) ou de soude (carbonate de soude) , et de
cristal de roche ou de pierres siliceuses pulvérisées et bien
lavées; qu'il faut chauffer ce mélange, pendant six heures,
daus des creusets d'argile à la température la plus élevée,
et qu'il est bon d'ajouter à la masse vitreuse une cer-
1 taine quantité de céruse, afin de la rendre parfaitement
transparente. Cela fait, il ne s'agit plus que de colorer cette
masse vitreuse, et l'on y parvient en la faisant fondre avec des
oxydes métalliques. Voulez-vous imiter le saphir? mettez-y du
cuivre brûlé; le manganèse (oxyde de manganèse ) vous donnera
Taméthyste, etc.
Après les pierres précieuses , l'auteur arrive à parler des
émaux, qui sont, ainsi qu'il le remarque fort judicieusement,
colorés par les mêmes moyens que le verre ; seulement la pâte est
ici opaque , au lieu d'être transparente.
Poisons. Les poisons composent presque toute la Magie na-
iwelle. C'est là l'étude favorite de Porta ; et , bien qu'il traite
dans son ouvrage de beaucoup d'autres sujets , il y revient sans
cesse. Rappelons-nous combien c'était là une question déli-
cate, et combien il était alors dangereux de l'aborder. Aussi le
(\)Magia naturalisa lib. vi, p. 117 (edit. Neapol., 1680).
H18T. DB Ll CHIMIE. -- T. U. 7
98 UISTOIAE D£ LA GH1MI£.
voyons-nous employer mille moyens détournés pour traiter
l'objet de sa prédilection.
Ainsi, dans le livre Sur Vart culinaire, il trouve moyen de
glisser une recette pour faire que les convives ne puiss&nt rien
avaler. Cette recette consistait à faire digérer dans du vin des
racines de belladone (1) pulvérisées, et d'en donner à boire trois
heures avant le repas. Le principe vénéneux de cette plante, qui
trouvait dans le vin tout à la fois un dissolvant aqueux et alcoo-
lique, devait en effet, comme beaucoup d'autres poisons, pro-
duire une constriction violente du pharynx, et empêcher ainsi
la déglutition ; mais, à haute dose , qe vin devait faire plus que
d'empêcher « les convives de ne rien avaler » ; il devait les con-
duire directement de la table au tombeau. Porta se garde bien de
dire ici le fond de sa pensée.
Dans ce même Traité culinaire (dfe Re coq^inaria)\\ s'étend sin-
gulièrement sur l'usage des plantes de la famille dessolanéesQus-
quiame, stramoine, belladone), de la noix vomique, de l'aconit,
de la staphysaigre, du bois gentil, de différentes espèces d'apo-
cynées, etc. L'auteur a-t-il voulu donner à entendre que les cui-
siniers et les empoisonneurs sont de la même famille?
Dans le Traité de l'oiseleur {de Âucupio) (2), il indique un
grand nombre de moyens propres à empoisonner les animaux.
Parmi ces moyens il y en avait un qui, à cause de son action vio-
lente, avait reçu le nom de « pwson de loup » {lupinum vene-
num); c'était un mélange de feuilles d'aconit tue-loup {Aconi-
tum lycoctonum), d'if, de verre pilé, de chaux vive, d'arsenic
jaune, d'amandes amères, et de quantité suffisante de miel pour
faire des pilules de la grosseur d'une aveline. L'auteur aurait pu
ajouter que ces pilules pouvaient tuer des hommes aussi bien que
des loups.
Enfin, dans le livre qui traite des « expériences de médecine »
{de medicis experimentis)^ l'auteur fait connaître le moyen d'ad-
ministrer un poison pendant le sommeil. Ce moyen consistait à
enfermer dans une boîte de plomb bien close un mélange de suc
de ciguë, de semences écrasées de stramoine , de fruits de bel-
ladone et d*opium ; on devait laisser ces substances fermenter
{i)Herha, belladàna vocata. De re coqxtinaria. Magia uatur., lib. xit.
(2) Mag, naty lib. xv, p; 244 (edit Neapol., 1589)
TROISIÈME ÉPOQUE. 99
pendant plusieurs jours dans cette boîte , et ne l'ouvrir que sous
les narines de la personne endormie (1).
Après avoir exposé ses recettes, l'auteur" semble établir trois
degrés dans l'action des poisons narcotiques. Dans le 1" degré,
il y a narcotisation proprement dite; dans le 2® degré, alié-
nation temporaire (2) ; dans le 3® degré , mort.
C'est en dépassant la dose narcotisante de ces substances que
l'on entrait dans le domaine de la magie naturelle. Des mets
saupoudrés de stramoine ou de racine de belladone faisaient ap-
paraître les visions les plus extraordinaires. Porta dit avoir vu des
individus ainsi empoisonnés être en proie à d'affreuses hallu-
cinations : ils se croyaient tous métamorphosés en animaux; les
uns nageaient sur le sol comme des phoques ; les autres mar^
chaient comme des oies; d'autres broutaient l'herbe, comme
des bœufs , etc.
Qui ne se rappelle ici la fable de Circé , qui changea les corn*
pagnons d'Dlysse en pourceaux?
On sait que ces sortes de charmes sont, en général, de courte
durée ; les facultés, un moment troublées, ne tardent pas à ren-
trer dans l'ordre.
Quand Porta parlait de ces poisons, Texpérience en avait été
déjà malheureusement faite en Italie. Qu'on songe aux Borgia !
Combien d'empoisonnements sont restés inconnus, parce que
ceux qui en étaient les auteurs ou les victimes ne figurent pas
dans l'histoire!
La question de rendre Veau de mer potable a de tout temps oc-
cupé les philosophes et les chimistes. « S'il est vrai, dit Porta,
que les eaux douces des fleuves et des rivières sont alimentées
par la mer, il faut que la nature possède le secret de rendre l'eau
de mer potable. 11 faut donc observer la nature et l'imiter. Or la
distillation nous en fournit le moyen. » A cet effet, il conseille de
construire un grand appareil distillatoire avec diverses modifica-
tions^ et il ajoute qu'avec '3 livres d'eau de mer, il est parvenu à
faire 2 livres d'eau douce (3).
Dans un chapitre, intitulé Moyen d'extraire Veau de Vair, l'au*
(1) Mag, nat. Demed. experiinenl., lib. viii, p. 151.
(2)Ëaîâem plaolœqaèesomnum inducunt,si paulo plus propineutur, démentant;
m
(3) Mag, nat.f Chaos^ lib. xx.
7.
100 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
•
teur démontre parfaitement que les vapeurs qui se déposent, en
été ou dans un appartement chaud, sur les parois d'un verre
plein d'eau fraîche , proviennent de Pair qui en est chargé , et
qu'elles se condensent ainsi par l'action du froid. Donc, pour avoir
de l'eau bien pure, il suffirait, ajoute-t-il, de renaplir un grand bal-
lon de verre d'un mélange de glace et de nitre brut ( contenant du
sel marin); l'eau, après s'être condensée sur les parois de ce
ballon, s'écoulerait dans un bassin disposé à la recevoir '(i).
Les parties du môme ouvrage intitulées de Ziferis, de Mêlai-
lorum transmutationey de Referraria, de Igné artificiali, contien-
nent peu de faits nouveaux.
Quant aux chapitres de Caioptricis imagirUbuSy de Mirabilibus
magnetiSy ils intéressent plus particulièrement l'histoire de la
physique.
Signalons, entre autres, un passage qui, bien qu'il-soit étranger
à l'histoire de la chimie, est très-propre à mettre en relief le gé-
nie inventif du célèbre physicien' de Naples. Porta parle
d'un véritable système télégraphique. Il assure que , pour trans-
mettre des nouvelles à de grandes distances dans très-peu de
temps, il serait bon de se servir de certains signes placés sur des
tours élevées ou sur des montagnes, et que ces signes habilement
combinés pourraient tenir lieu de toutes les lettres de l'alpha-
bet (2).
Ce système télégraphique ne fut pas mis en usage du temps
de Porta. Comme tant d'autres idées, il passa inaperçu.
§ 17.
ttleu de cobalt* - — Indigo* — Cochenille. — Ktabli«0en&eiito
des Ciobelins et du «lardin des Plantes.
Bien que dénuée de principes, la chimie (echnique avait reçu
une forte impulsion par la divulgation d'une multitude de faits
importants qui avaient été jusqu'alors considérés comme des
(1) Mag. nalur.^ p. 295.
(2) Ihïd., lib. XVI, De ziferis, p. 258. Suivant Tauteur, ces signes pour-
raient être au nombre de quatre : le premier, montré une fois , représenterait la
lettre A; deux fois, B; trois fois, C; et ainsi de suite jusqu'à sept fois : le
deuxième signe , montré une fois , correspondrait à la huitième lettre de l*alpba-
bet ou à H ; deux fois à I, etc., et ainsi des autres signes.
TROISIÈME ÉPOQUE. . 101
secrets, et comme tels soustraits à la connaissance du public.
B. Palissy, Cardan, J.-B. Porta, elc, venaient de déchirer le voile
qui devait cacher la science au regard du profane. Ils furent
suivis dans la même voie par I^ev. Lemnius (1), Gessner (2) ,
Th, Garzont (3), Rossello (4), Vent. Rosetti (5), Ant. Mizaud (6).
Ce fut vers le milieu du seizième siècle qu'un vitrier saxon ,
Christophe Schûrer, eut Tidée de faire fondre avec du verre les
minerais de cobalt de Schneeberg, connus sous le nom de Wis-
muthgraupen et rejetés jusqu'alors comme inutiles. Cet artisan
découvrit ainsi le beau bleu de cobalt , qu'il vendait d'abord
comme un émail bleu aux potiers do pays. Ce produit ne tarda
pas à être connu des marchands de Nuremberg, qui l'exportè-
rent en Hollande, où il se vendait de 150 à 180 francs le
quintal. Les Hollandais apprirent ensuite eux-mêmes la fabrica-
tion de cette couleur, et l'appliquèrent heureusement à la
peinture sur verre , dans laquelle ils excellaient. Venise faisait
aussi un grand commerce de bleu de cobalt.
Ventura Rosetti avait rapporté des pays où il avait voyagé, et
notamment de l'Orient, de nombreux secrets de teinture dont il
fitpart au public.
Une communication plus facile avec les Indes orientales par la
voie du cap de Bonne-Espérance , et la découvjerte de l'Amérique,
donnèrent un nouvel essor à l'art du teinturier. L'usage de la
cochenille et de Y'indigo se répandit rapidement en France, en An-
gleterre, en Italie et même en Allemagne, malgré les ridicules
ordonnances des électeurs et ducs de Saxe, qui proscrivaient
l'indigo comme « une couleur mordante du diable » {fressende
(1) De miraculis occultis naturx ac variis rerum documentis, lib. ly,
Antw., 1561, in -8°. Cet ouvrage eut un grand nonobre d'éditions, et fut traduit
en français et en allemand.
(2) Kunstkammer (Chambre des arts) ; Francf., 1595, in-8°.
{SijPiazza univea^sale di lutte le professioni delmondo; Venise, 1579,
in^**. —Cet ouvrage eut aussi de nombreuses éditions, et fut traduit en plusieurs
{h) Delta summa dei secreli tiniversali in ogni materia; Venise, 1601, in-12
(la première édition est de 1559).
(5) Pliclo {Plieto, Plelho), delV arle de* tentori, etc. ; Venise, (548, in-4°.
Tredaiten français; Paris» 1716.
(6) De arcanis naturx; Paris, 1558, in-33. D'autres ouvrages du même au-
teDr(j|irotfer de Vair, àes Secrets dujardinage^ des Secrets de la lune) trai-
teot de Téconomie domestique.
102 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Teufelsfarbe) (1). L'indigo porta un rude coup à la culture du
pastel, qui faisait alors la principale richesse de la Thuringe.'
L'emploi de la cochenille (2) ne remonte pas au-delà du règne
de François P'. Gilles Gobelin de Paris fut le premier à en faire
usage. Ayant remarqué que les eaux de la petite rivière de la
Bièvre du faubourg Saint-Marceau possèdent des prapriétés par-
ticulières pour la teinture , il s'établit sur les bords de cette ri-
vière , et fonda ainsi un des établissements les plus célèbres de
l'Europe. Le public railleur ou jaloux appela d'abord la maison
de Gilles la folk-Gobelin, s'imaginant que l'entreprise du pauvre
teinturier ne réussirait point. Gobelin ne^'appliqua, dans l'ori-
gine , qu'à la teinture écarlaie sur des étoffes de laine. C. Dreb-
BEL, ou , suivant d'autres , le peintre flamand Rloek, venait de
découvrir l'action du sel d'étain sur la cochenille (production de
la couleur écarlate ). Mais les guerres de religion et les troubles
civils entravèrent le développement de cette industrie naissante ;
et ce n'est guère que du règne de Louis XIV que date la prospé-
rité de rétablissement des Gobelins (3).
Non loin des Gobelins s'éleva, à la même époque, un autre
établissement cher aux sciences, et qui devait un jour donner au
monde Buffon et Cuvier.
Jacques Gohorry, prieur de Marsilly, avait un jardin dans le
lieu où est actuellement le labyrinthe du Jardin du Roi. C'est là
que Botal, Honoré Châtelain , Jean Chapelier, allaient faire (vers
1572) des conférences, auxquelles assistaient Fernel et Ambroise
Paré. A côté du jardin de Gohorry était celui de la Brosse , ma-
thématicien du roi , « garni de simples rares et exquises. » Dans
un laboratoire voisin de ce jardin, on se livrait aux opérations
de la chimie. On y répéta des expériences faites au retour des
voyages* de Belon, sur l'art défaire éclore des poulets dans des
fourneaux dont les degrés de chaleur étaient réglés par des re-
gistres. Duchesne, Th. de Meyerne, devinrent les oracles de ces
assemblées. Ribit (de la Rivière), devenu premier médecin de
Henri IV, encouragea de tout son pouvoir l'étude de la chimie.
(1) Gothaische Landesordnungen(ordonndLncesôeGo[hdi)f tu, c. 3,tit. 40.
(2) La cochenille ne diffère du Kermès, — mot arabe qui signifie ver, — que par
l'action des climats et des différentes espèces d'arbres où se tiennent ces insectes,
qui ont l'apparence de nos punaises.
(3) Francheville, Dissertation sur Vart de la teinture des anciens et modef'
nés (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1767).
TROISIÈME ÉPOQUE. J03
Il protégea Béguin, et fit venir Davisson en France en 1606. Il écri-
vait à ses amis jeunes et vieux pour les exciter à des recherches
et observations de tout genre pour Tavancement des sciences.
Voici ses paroles, elles devraient être inscrites au frontispice du.
Jardin des Plantes (1) :
Emittite calceos^ montes accedite; valles, solittidines, littora
maris ^ terrœ profundos sinus inquiriie; animalium discrimina ,
planiarum differentias , mineralium ordines, omnium proprie-
UUes noscendi modos, notate; rusticorum astronomiam et terres-
trem philosophiam diligenter edisdte; nec vos pudeat tandem
carbones emittere ; fomaces construite, vigilate et cogitate sine
ixdio ; ita enim pervenietis ad corporum proprietatem cognitio-
nemque, alias non (2).
§ 18.
Une des branches les plus considérables de la chimie tech-
nique , c'est rart du distillateur. Cette branche était particulière-
ment cultivée au xvi® siècle, en Europe comme en Asie. La
préparation du koumys était d'origine ancienne chez certains
peuples de race mongole. Voici ce que nous apprend à cet égard
Alexandre de Humboldl : « On paraît, dit Tillustre savant, con-
fondre en Asie les boissons, alcoolisées obtenues .par Talambic, et
celles qu'on obtient par une simple fermentation vineuse inter-
rompue. C'est ainsi que le mot koumys, qui ne devrait être appli-
qué qu'au lait de jument fermenté, non distillé , est quelquefois
aussi appliqué au lait soumis à la distillation. Aboul Ghazi, décri-
vant le grand festin donné en 1251 par Manggou, nomme tout ex-
près le koumT/s, clair comme l'eau-de-vie de céréales et distillé
deux fois. — J'ai eu occasion, continue M. deHumboldt, à mon re-
tour de la mer Caspienne , au mois d'octobre i 829, d'assister à là
distillation du lait de jument dans la steppe des Kalmouks, entre le
Wolga et l'Yayk. Parmi ce groupe dépeuples nomades, la boisson
(1) Gobet ( Anciens minéralogistes, etc. ), t. ii.
(2) « Préparez-vous à explorer les montagnes ,.à vi^ter les vallées, les déserts,
es bords de la mer, les entrailles de la terre ; notez les caractères des aninurax et
des plantes , les ordres des minéraux ; approfondissez Tagriculture , la philosophie
naturetle ; ne rougissez pas de manier le charbon , de construire des fourneaux ;
veillez et traTaillez sans relâche ; car ce n'est qu'ainsi que vous arriverez à con-
naître les propriétés des choses. »
104 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
enivrante qui a éprouvé la simple fermentation vineuse, après
avoir été fortement battue, porte exclusivement les noms de kumiz
on kaumys^ et de tchighan. Le koumys ou tchighan, une fois passé
à l'alambic, s'appelle ara^a /l'araka, distillé de nouveau, donne
une liqueur spiritueuse encore plus forte, désignée sous le nom
à^'arza. Quelques expériences chimiques de M. Vogel ont prouvé,
en confirmant l'ancien travail d'Oseretskovsky, que même le lait
de vache est susceptible de la fermentation vineuse. Il reste un
travail important à faire sur cet objet, dont les chimistes d'Eu-
rope se sont encore peu occupés , niant même longtemps la pos-
sibilité de.la fermentation spiritueuse dans un liquide qui ne pa-
rait pas renfermer de principe sucré. M. Persoz, par des
expériences ingénieuses , chimiques et optiques à la fois, a fait
voir comment l'action des acides sulfurique, citrique et acétique,
donnent au sucre de lait la propriété de fermenter, et de fournir
de l'alcool en abondance. On a lieu d'être surpris de la sagacité
de ces peuples nomades, qui, dans l'absetice de plantes céréales
et bulbeuses, riches en amidon, ou de fruits à jus sucré, au
milieu de l'aridité des steppes de l'Asie, ont trouvé , par la dis-
tillation de liquides animaux sécrétés par les mamelles des ju-
ments , de quoi satisfaire leur passion pour les liqueurs eni-
vrantes. Chez les Salmouks, le lait fraisé s'appelle ussoun (en
mongol su)\\e lait de vache aigri, airak; la première eau-de-vie
obtenue par la distillation du lait, arki; la seconde dang; la troi-
sième, arza ( en mongol, ardjan)\ la quatrième , khortsâ; la cin-
quième, chingtsâ; la sixième, dingtsâ. Tel est le goût des li-
queurs fortes, qu'on soumet le lait jusqu'à six distillations suc-
cessives. Le mot ar/^ï (corrompu par les Mandchoux en arki)aL
sans doute une même origine avec araky eau-de-vie des Asiatiques
méridionaux (1). »
(1) Examen critique de Vhistoire de la géographie ^ etc., t. ii, p. 300-312.
A la suite de ce passage Alex, de Humboldt entre dans une discussion pleine
d'intérêt'pour l'histoire de la distillation , en signalant le premier un passage d'A-
lexandre d'Aphrodisie^ dont nous avons parlé, tonoe i, p. 203. 11 est bon de faire
remarquer, en passant, que M. Ideler est dans Terreur, quand il dit que le passage
de la distillation de Teau de mer manque dans la traduction qu'Alexandre Picco-
lomini a donnée en 1548 du commentaire d'Alexandre d'Aphrodisie. Ce passage
s'y trouve; mais la traduction latine n'est pas rigoureusement exacte, ainsi que
nous avons eu Toccasion de nous en convaincre en la comparant avec le texte
gréent. I, p. 219).]
TROISIÈME ÉPOQUE. 105
Rubens et Khunraih ont écrit des traités spéciaux sur la distilla-
tion.
Jérôme Rubeus^ de Ravenne , s'est beaucoup étendu sur l'his-
toire et l'importance de l'art distillatoire (4). Il rapporte que le
célèbre Côme deMédicis, les ducs de Ferrare et plusieurs princes
d'Autriche s'étaient occupés de la distillation des sucs d'herbes,
de l'eau-de-vie, des essences, etc. Il parle aussi d'un produit
obtenu en distillant un mélange de chaux et d'huile (2).
Conrad Âhunraih, de Leipzig, a consacré un ouvrage fort
étendu à la distillation du vin, des eaux -de mer, des urines, du
miel, de la cire, du sucre, des substances aromatiques, des ré-
sines, et d'une foule d'autres matières végétales ou minérales (3).
Mais on y chercherait en vain des observations neuves et origi-
nales.
On employait, selon les circonstances, le feu nu , ou des bains
d'eau, de sable et d'huile. Le bec de l'alambic et le récipient
étaient soigneusement entourés d'eau froide, afin de condenser la
vapeur qui s'élève de la cornue, à laquelle s'appliquait une tem-
pérature graduée. On s'ingéniait surtout à faire parcourir aux
vapeurs le chemin le plus long^ avant de se condenser dans le
récipient. Pour cela , on construisait des tubes recourbés en
zigzag et on donnait aux appareils les formes les plus bizarres.
La figure delà page suivante représente un de ces appi^reils (4) :
J, Costœvs de Lodi recommande de distiller les essences, pour
les obtenir très* concentrées, dans un bain de sable chauffé au
soleil (6). Ambroise Paré et B. Yeitori avaient déjà signalé l'in-
convénient des vases de plomb pour la distillation des matières
acides et corrosives. Craio de Kraftheim s'était élevé avec force
contre l'emploi des vases de cuivre. Il cite, à l'appui de ses re-
{{) De distillatione liher t in quo sHllatitiorum liquorum qui admedicinam
factùnti methodus ac vires explicantur; Bâle, 1586,in*i2.
(2) lhid.<, p. 189. Cape aequas partes calcis vivœ; haec oieo miscentur et vi ignîs
stillatitios émanât liquor, quo lampadem ardere perpétue, si credere fsrs est , as-
serunt.
(3) Mtdulladistillatoria et medica; Hambourg, 1605, ia4^ Il n*y a de latin
que le titre ; le texte est en allemand.
(4) C'est un fac-sîmile d'une gravure sur bois qui se trouve dans Libavius,
Oper,, vol. I ; Arcan, chym,, p. 406.
(5) In Mesues simplicia et composita et aulidotarii novem posteriores sectiones
iânotationes; 'Venise, 1602, in-fol.
HISTOIRE DE LA CHIMIE.
marques , des cas d'empoisonnement dus à du vinaigre ayant sé-
journé dans des chaudières de cuivre.
André Bacclo, médecin de Rome , a laissé un volume in-folio
sur l'histoire naturelle des vins (I). Celait un érudit, plutôt qu'un
chimiste. Après avoir passé en revue les vins anciens, il arrive
aux vins de France; il trouve que le vin des environs de Paris
est très-esquis, et qu'il ne le cède à aucun autre vin (2). SiBaccio
eût été seul de son opinion , on pourrait dire qu'il avait le sens
du goût perverti, et toute discussion serait inutile. Mais Tlabe-
(1) Andréas Baccius, De nalurali vinorutn hitlorla, de vinis Italix el de con-
viviis antiqtiorumlibri tji, Rome, I59G, in-fol.
(2) Ibid., lib, vil, p. 3bS. Verum niilljs secunda Tinis, qute circa Luteliam, ubi
Parrliisii, liabentiir. — Certaine coteaux aitués près de Paris, tels que ceux de
Cr Ane et de Périgny prës de Bi-unoy, produisent encore aujourd'bui des vins estimés,
TROISIÈME .ÉPOQUE. 107
lâis, qui aimait pourtant les bons vins , pensait là-dessus comme
le médecin italien. De deux choses Tune : ou il en est des goûts
comme des modes, qui n'ont qu'une existence éphémère; ou le
climat et le terroir sont changés, et par suite la qualité du vin.
On savait depuis longtemps extraire Teau-de-vie du vin. Mais il
se passa un grand nombre d'années avant que l'on contractât la
funeste habitude de s'en servir comme d'une boisson. L'eau-de-
vie n'était encore qu'un médicament au xv* siècle, ainsi que nous
l'apprennent les documents de ce temps.
Le manuscrit n"^ 7478 (du xv* siècle) de la Bibliotbèqi^e impé-
riale contient un chapitre curieux ainsi intitulé : « Cy après s*en-
suyt les vertus et proprietez de Veau-de-vie,
« Eau-de-vie vault à toutes manières de douleurs qui peuvent
venir par froidure et par trop grande abondance de fluide.
c( Et la dite eau vault aux yeulx qui larmoyent et pleurent
souvent, et font grant douleur pour raison des larmes. — Elle
vault aussi à toutes personnes qui ont haleyne puante et corrom-
pue. — Elle vault contre hydropisie qui procède et vient de
froide chose; contre maladies qui sont incurables; contre playes
qui sont pourries et infectes; contre apostesme qui peut surve-
nir à la main des dames ; contre morsures de bestes venimeu-
ses, etc. »
Elle est longue, la liste de toutes les maladies contre lesquelles
l'eau-de-vie était spréconisée comme un remède souverain : ses
vertus devaient éclipser celles de l'or potable. L'esprit distillé du
vin devait rajeunir les vieillards et prolonger la vie ; d'où son nom
aqua vitce, eau-de-vie. Bref, cette liqueur ne se vendait encore,
au XV® siècle, que chez l'apothicaire; c'était, pour le répéter, un
médicament, et non pas une boisson.
Chacun désire vivre longtemps, môme celui qui en a le moins
l'air. Qu'y a-t-il donc d'étonnant à ce que les hommes, en enten-
dant tous les médecins vanter les propriétés merveilleuses de
l'eau-de-vie, soient peu à peu arrivés à en faire un usage immo-
déré ? Et lorsqu'on eut cessé de croire aux vertus fantastiques de
cette liqueur, elle était déjà un [objet de consommation. De mé-
dicament, elle était devenue boisson ; au lieu de prolonger la vie,
elle ne faisait que l'abréger. Cette propriété, ce n'est plus
l'imagination, mais l'expérience qui nous l'apprend.
On trouve déjà, vers la fin du xvi® siècle, l'usage de l'eau-de-vie
répandu dans presque tous les pays de l'Europe. Dans toutes les
i08 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
contrées, comme le nord de l'Allemagne, la Suède, le Dane-
mark, la Russie, et en général partout où la vigne ne prospère
point , cette liqueur était chère. Aussi la préparation dé Teau-de-
vie de grains produisit-elle une véritable révolution dans le com-
merce , révolution comparable à celle qu'a produite , de nos
jours , l'extraction du sucre de la betterave. Mais la fabrîca-
tion de Teau-de-vie de grains , loin d'être encouragée par les
gouvernements , était proscrite par de certains scrupules reli-
gieux : elle paraissait une profanation de la matière qui compose
le 0 pain quotidien ». Ce fait est caractéristique : il fait ressortir
l'esprit dominant de l'époque.
TROISIEME ÉPOQUE. i09
IV.
ALCHIMISTES.
Les chimistes expérimentateurs, qui formaient au moyen âge
une bien faible minorité^ vont bientôt voir grossir leurs rangs.
L'alchimie pâlit devant la lumière de la science, qui commence
à poindre à Thorizon.
Nous ne nous sommes pas proposé de faire ici Thistoire de Pal-
chimie proprement dite. Cependant , comme , au xvi® siècle , les
alchimistes sont encore assez nombreux, et que leur influence se
faisait sentir sur la marche générale de la science, nous nepou«
vons nous dispenser de nous y arrêter un moment.
Il n'existe, au fond, que deux classes d'alchimistes : les uns, à
l'aide de quelques artifices, exploitent la crédulité du public. Ce
sont les alchimistes qui se disent en possession de la pierre phi-
losophale, ou qui vendent de la poudre de projection pour trans*
former le mercure ou Tétain en plus que leur poids d'or ou d'ar-
gent. Les autres , ne jurant que sur la parole des maîtres , croient
sincèrement à la possibilité de leur art. Ceux-là sont au moins
honnêtes; il ne serait pas impossible de s'entendre avec eux.
Malheureusement il n'est pas toujours facile de distinguer les
alchimistes sincères des faux alchimistes, et nous ne pouvons les
juger que sur les pièces qu'ils nous fournissent eux-mêmes.
La France, V Allemagne , V Italie et V Angleterre étaient par-
courues en tout sens par des chercheurs de la pierre phîlosophale ;
leur vie aventureuse est pleine d'incidents plus ou moins drama-
tiques. Mais ces détails sont loin de porter toujours l'empreinte
de la véracité.
Voici les alchimistes qui se sont fait connaître en France, soit
par l'histoire de leurs aventures, soit par leurs écrits.
110 HISTOIRE DELA CHIMIE.
§ 19.
DenU Zecaire ( Dionysim Zaccharias),
Zecaire naquit en Guyenne en 1510. C'est lui-même qui nous
raconte très-naïvement toutes les tribulations de sa vie, dans son
Opuscule de la vraye philosophie naturelle des métaux (1). ,
Après avoir reçu, dans la maison paternelle, quelques notions
élémentaires, il fut, à Tâge de vingt ans , envoyé au collège de
Bordeaux, où il étudia, pendant trois ans, la grammaire, la rhé-
torique et la philosophie. C'est là qu'il commença à se livrer
à des travaux alchimiques, sous la direction d'un maître, adepte
zélé de l'art hermétique. De Bordeaux il se rendit à Toulouse,
sous prétexte d'y faire son droit, mais en réalité pour continuer
les opérations alchimiques. Mais il ne fut guère plus heureux
qu'à son début. Laissons-le parler lui-même ;
«Presque tout estoit inutile; si bien qu'à la fin de l'année mes
deux cents escus s'en allèrent en fumée, et mon raaistre mourut
d'une flebure continue, qui luyprint l'esté, de force de souffler
et de boire chauld , pour ce qu'il ne partoit gueres de la cham-
bre, où il ne faisoit gueres moins de chauld que dedans l'arsenal
de Venise en la fonte des artilleries ; la mort duquel me fust
grandement ennuyeuse , car mes proches parents refusoyent me
bailler argent plus que ne m'en falloit pour m'entretenir aux es-
tudes, et moy ne desirois autre chose que d'auoir le moyen pour
continuer; ce que me contraignist aller vers ma maison, pour
sortir de la charge de mes curateurs , afin d'auoir le maniement
de tous mes bietis patefnels, lesquels j'arrentis pour trois ans à
quatre cents escus. )>
Cet argent devait servir à essayer d'un procédé que lui avait
vendu un Italien. Ce procédé consistait à traiter de l'or et de l'ar-
gent par l'eau-forte pendant deux mois , pour obtenir de la pou-
dre de projection* Zecaire perdit, comme on le pense bien ^ son
temps et son argent \ et lllalien qui travaillait avec lui trouva en-
(i) Anvers, 1 567, inl2. Réimprimé en latin dans la BibL chim* de Manget, t. li j
et dans le Theat, chim,, 1. 1;
TROISIÈME ÉPOQUE. 111
core le moyen de lui soutirer une somme considérable , sous
prétexte d'aller à Milan, et de s'y aboucher avec Tauteur même du
procédé qui n'avait pas réussi.
a Pour ainsi je fuz à Thoulouse tout Thyver, attendant le re-
tour de l'Italien; mais j'y serois encores, si je l'eusse voulu at-
tendre, car je ne le vis plus. ^
« Cependant l'esté vint, accompagné d'une grande pestilence,
qui nous fist abandonner Thoulouse. Et, pour ne laisser les com-
paignons que je cognoissois , m'en alloys à Cahors où je fus six
moys ; durant lesquels je n'oubliay pas à continuer mon entre-
prise , et m'accompagnai d'un bon vieil homme , qu'on appeloit
communément le Philosophe, auquel je monstrois mes brouillatz,
luy demandant conseil et advis , pour voir quelles receptes luy
sembleroyent estre le plus apparentes. Mais desdites receptes je
rapportai tel et semblable proufit que des premières, de sorte que,
après la feste de la Sainct Jehan , je trouvay mes quatre cens es-
eus augmentez, et devenus à cent soixante et dix. Non que pour
cela je cessasse depoursuyvre tousjours mon entreprin«e. Et,
pour mieux la pouvoir continuer, je m'accoustay auec ung abbé
près de Thoulouse qui disoit auoir le double d'une recepte pour
faire nostre grand œuvre, que ung sien amy, qui suyvoit le cardi-
nal d'Armagnac, lui auoit envoyée de Rome , laquelle il tenoit
toute assurée. Et commençasmes à dresser de nouueaulx four-
neaulx, tous de diverse façon , pour y travailler. »
Cette fois il s'agissait de chauffer pendant un an de la limaille
d'or avec de l'eau-de-vie rectifiée.
« Et acheptasmes pour trente escus de charbon toutà ung coup,
pour entretenir le feu au dessoubz desdites cornues ung an en-
tier. »
Au bout d'un an, Zecaire s'aperçut que l'eau*de-vie n'est pas le
véritable dissolvant de l'or.
« Nous trouvasmes, dit-il, tout l'or en poudre comme l'y
auions mis, fors qu'elle étoit quelque peu plus déliée; de la-
quelle nous fismes projection sur de l'argent vif chauffé , en suy-'
vaut la recepte; mais ce fust en vain. Si nous fusmes marriz, je
vous le laisse à penser, mesmement monsieur l'abbé , qui auoit
desia publié à tous les moines qu'il ne restoit que à faire fondre
vne belle fontaine de plomb qu'ils auoient en leur cloistre , pour
la convertir en or incontinent que nostre besogne acheuée ; mais
ce fust pour vne autre fois qu'il la fist fondre, pour auoir le
112 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
moyen de faire travailler en vain quelque Allemand qui passa à
son abbaye , quand j'estois à Paris. »
Zecaire, emportant avec lui huit cents écus, vint demeurera
Paris, résolu à tout risquer pour trouver la pierre philosophale.
« Paris est la ville aujourd'hui la plus fréquentée de diuers ope-
rateurs en ceste science , que autre qui soit en Europe. J*y fuz
ungmois durant presque incogneudetous. Mais, après que j'eus
commencé à fréquenter les artisans, comme orfebvres , fondeurs,
vitriers, faiseurs de fourneaulx et divers autres, il ne fust pas vn
moys passé que je n'eusse la cognoissance à plus de cent opera-
teurs. )>
Paris, sous le règne de François 1", fourmillait donc d'alchi-
mistes. Zecaire nous en fait le portrait suivant :
(( Les ungs travailloyent aux teintures des metaulx par pro-
jection; les aultres par cimenlation, les aultres par dissolution,
les aultres par conjonction de l'essence, les aultres par longues
décoctions, les aultres travailloient à l'extraction du mercure des
metaulx, les aultres à la fixation d'iceulx. De sorte qu'il ne se
passoit jour, mesmement les festes et dimanches . que ne nous
assemblissions ou au logis de quelqu'ung (et fort souvent au
mien), ou à Nostre Dame la Grande , qui est l'église la plus fré-
quentée de Paris, pour parlementer des besoignes qui s'estoyent
passées aux jours precedens (1).
« Les ungs disoyent, si nous auions le moyen pour y recom-
mencer, nous ferions quelque chose de bon; les aultres, si nostre
vaisseau eust tenu, nous estions dedans; les aultres, si nous eus-
sions eu nostre vaisseau de cuyvre, bien rond et bien fermé, nous
aurions fixé le mercure auec la lune. Tellement qu'il n'y en auoit
pas ung qui fist rien de bon et qui ne fust accompaigné d'excuse,
combien que pour cela je ne me hastasse gueres à leur présenter
argent, sachant desia et cognoissant très bien les grandes des*
pences que j'auoys faict auparavant à crédit et sur l'assurance
d'aullruy. »
Cependant Zecaire fît bientôt la connaissance d'un Grec qui
passait pour un savant homme , et qui se disait en possession d'un
secret pour changer des clous de cinabre en argent.
« Et pour ce qu'il auoit besoing d'argent fin en limaille, nous
en acheptasmes trois jnarcs, et les fismes limer; duquel il en fai-
(i) Voy. plus haut, 1. 1, p. 3ô.
TROISIÈME ÉPOQUE. 113
solide petits clouz, auec vne pastè artificielle, et les mesloit
auec le cinabre pulvérisé, puis lesfaisoit decuyre dans ung vais-
seau de terre bien couuert, par certain temps. Et quand ils es-
toient bien secs, il les faisoit fondre ou les passoit par la coupelle;
tellement que nous Irouuions trois marcs et quelque peu davan-
taige d'argent fin , qu'il disoit estre sorty du cinabre , et que ceulx
que nous y auions mis d'argent fin s'en estoyent volez en fumée. »
C'est tout le contraire qui devait être arrivé : le cinabre, étant
volatile , « s'en était volé en fumée » ; la même quantité d'argent
qu'on y avait mis se retrouvait au fond de la cornue.
On n'a donc pas beaucoup de peine à comprendre la complainte
qui suit :
a Si c'estoit proufît , Dieu le sçait ; et par moy aussi qui des-
pendis des escus plus de trente.
« Toutesfois il asseuroit tousiours qu'il y auoit du gaing; de
sorte que auant le Noël suyvant cela fust tant cogneu en Paris ,
qu'il n'^sloit fils de bonne mère s'enlremeslant de travailler en
la science, qui ne sçauoit ou auoit entendu parler des clouz de
cinabre , comme vn aultre temps après fust parlé des pommes,
de cuyvre, pour fixer là dedans le mercure auec la lune. »
Ayant passé trois ans inutilement à Paris , et perdu s{is huit
cents écus et d'autres sommes encore que son ami Tabbé lui avait
envoyées, Zecaire retourna dans son pays. Arrivé chez lui, il
trouva une lettre du roi de Navarre , père de Henri IV, qui l'in-
vitait à se rendre à Pau, « pour luy apprendre les secrets que
j'auois-appris ; qu'il me feroit fort bon traictement, et me re-
compenseroit de trois ou quatre mil escus. Ce mot de quatre mil
escus chastouilla tellement les oreilles de l'abbé, que, se faisant
croire qu'il les auoit desia en sa bourse, il n'eust jamais cessé
que je ne fusse pârty pour aller à Pau , où j'arrivay au moys de
may, sans travailler environ six septmaines, pour ce qu'il fallut
recouvrer les simples ailleurs. Mais quand j'euz achevé, j'en ré-
compense que je m'attendois. Car encore que le roy eust bon
vouloir de me faire du bien , il me renvoya avec un grand mercys,
et que j'advisasse s'il n'y auoit rien en ses terres qui fust en sa
puissance de me donner, comme confiscations ou aultres choses
semblables; qu'il me le donneroit volontiers.
« Cette response me fust tant ennuyeuse, que, sans m'attendra
à ses belles promesses (pour en auoir esté autrefois nourry à rties
despences), je m'en retournay vers l'abbé. »
UIST. DE LA CniMlE. — T. II. 8
114 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
• •
Enfin un docteur théologien détourna le malheureux alchi-
miste de la voie qu'il avait jusqu'ici suivie , et lui conseilla de
s'adonner à la lecture dès anciens philosophes. Sur ce conseil,
Zecaire prit ce qui lui restait d'argent, et se rendit de nouveau
dans la capitale.
« Par quoy je m'en allay à Paris , où j'arrivay le lendemain de
la Toussaincts en Tannée 1546, et là j'acheptay pour dix escus de
livres en la philosophie , tant des anciens que des modernes; vne
partie desquels estoyent imprimez , et les aultres escriptz de
main , comme la Tourbe des philosophes (1), le bon Trevisan (2),
/« Cumplaincte de la nature (3), et aultres divers traités qui
n'auoient jamais esté imprimez. Et m'ayant loué vne petite cham-
bre au fauxbourg Saint-Marceau , fuz là ung an durant , auec ung
petit garson qui me seruoit, sans fréquenter personne , estudiant
jour et nuicl en ces auteurs. »
Après de nouvelles tribulations, notre philosophe hermétique
parvint enfin à faire de Tor, ainsi qu'il le raconte lui-même :
« Il ne se passoit jour que je ne regardasse d'vne fort grande
xliligence l'apparition des trois couleurs que les philosophes ont
escript debuoir apparoistre avant la perfection de nostre divine
<£uvre , lesquelles (grâces au Seigneur Dieu), je veis Pvne après
i'aultre; si bien que, le propre jour de Pasques après, j'en vis la
vraye et parfaicte expérience sur l'argent vif eschauffé dedans
ung crisol, lequel je convertis en fin or devant mes yeulx, à moins
d'vne heure, par le moyen d'vn peu de ceste divine pouldre. Si
j'en fuz aise , Dieu le sçait. Si je ne m'en vantis-je pas pour cela ;
mais après auoir rendu grâces à nostre bon Dieu , qui m'auoit
faict tant de faveur et grâce par son filz et nostre rédempteur Jesu
Christ, et Tanoir prié qu'il me illuminast par son Sainct Esprit
pour en pouvoir user à son honneur et louainge , je jm'en allay le
lendemain pour trouver l'abbé, etc. »
Zecaire garda la pierre philosophale pour lui. Il quitta la France,
<( afin de mener ung fort petit train à l'étranger; » ce qui ne plaide
guère en faveur d'une transmutation fructueuse du mercure eh or.
Son séjour à l'étranger eut une triste fin. Zecaire fut, dit-on,
assassiné à Cologne par son compagnon de voyage (4).
(1) Voy. plus haut t. i, p. 311.
(2) Ibi(]., p. 445.
<3) Ibid., p. 429.
(4) Gmelin, Geschichte der Chemie, l. i, p. 307.
TROISIÈME ÉPOQUE. 115
§20.
Blaiie de Wîgenère*
Biaise de Vigenère, de Saint-Pourçain en Bourbonnais, était
contemporain de Zecaire. Né en 1522, il fut à Tâge de dix-huit
ans nommé secrétaire du chevalier sans petir et sans reproche.
Après la mort de Bayard, il voyagea en Allemagne, assista, en
1545, à la diète de'Worms , devint, en 1547 , secrétaire du duc
de Nevers,et accompagna, Henri III en Pologne. Il mourut à Pa-
ris, en 1596. Son immense érudition et son esprit observateur le
distinguent de tous les alchimistes de son temps. Possédant à
fond le grec, le latin, et initié aux langues orientées, il discute et
commente savamment, dans son Traité du feu et du sel, les tex-
tes des philosophes anciens, et surtout le Zohar de la Kabbale,
dont il paraissait avoir fait une étude approfondie.
C'est Biaise de Vigenère qui a découvert Vacide benzoïque. Il
est même au noqobre de ceux qui ont entrevu Voxygène, comme
nous le montrerons par l'analyse de son ouvrage.
Traicié du feu et du sel (1).
Après avoir expliqué le tonnerre et les éclairs par une combus-
tion du soufre et du salpêtre, Fauteur décrit la composition d*une
poudre , employée dans les feux d'artifice.
« Qui sçaura, dit-il, bastir vne poudre composée de certaines
proportions de soufre et de salpêtre, et, au lieu du charbon, de
l'antimoine, pourra parvenir à un feu artificiel non à dédaigner. »
Ce fut là, comme on voit , la poudre à canon, dans laquelle le
charbon était remplacé par un corps éminemment combustible ,
le sulfure d'antimoine naturel.
Biaise de Vigenère s'était fait une idée fort curieuse du rapport
qui existe entre le soleil et la terre. « Rien, dit-il , ae se produit,
en la terre , qui n'y soit semé du ciel. Le rapport permanent entre
ees deux grands corps pourroit être figuré par une pyramide
dont le sommet appuyé sur le soleil, et la base sur la terre. »
Suivant l'auteur, la lumière des corps célestes serait elle-même
(1) Excellent et rare opuscule du sieur Biaise de Vigenère , Bourbonnois, trouuë
parmyses papiers après sondeceds; Paris, 1608, in-4^.
8.
146 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
produite par des esprits ou des émanations subtiles servant de
nourriture au feu du ciel. A ce sujet, il raconte « comment il est
parvenu 'à faire vne manière de soleil estincellant à Tobscurité
c'estoit vne lumière de lampe), si estincellant que toute vne grande
salle en pouuoit eslre plustost esblouie qu'esclairée ; car cela fai-
soit plus d'effect que deux ou trois douzaines de gros flambeaux.
C'estoit vne lampe de verre plongée dans vnè boullp de crystallin
grosse comme la teste, pleine de vinaigre distillé trois ou quatre
fois; car il n*y a rien de plus transparent ny resplendissant. L'eau
de mer Test bien aussi , et plus que n'est l'eau douce , quelque
part qu'elle puisse estre ; c'est le sel détrempé parmy qui luy donçie
cette clarté lumineuse. »
D'après une expérience, rapportée en termes assez ambigus ,
on n'est pas éloigné de croire qu'il avait quelque connaissance de
Voxygène, Il assure, en effet, qu'en introduisant dans un vaisseau
bien fermé, et dans lequel on a préparé certaines substances, une
bougie allumée, on verra « w finis petits feux voltiger comme des
esclairs, qui ne sont accompagnez de tonnerres et foudres , ny
d'orage, n'ayant qu'une inflammation d^air^ par le moyen du sal-
pestre et du soufre qui se sont eslevez de la terre. »
Biaise de Vigenère regarde les métaux comme des sels fu-
sibles.
Tout en raillant les opérations de la plupart des alchimistes,
il ne nie pas cependant la possibilité d'arriver à découvrir la
pierre philosophale , « ceste terre vierge que tant d'ignorans ava-
ricieux ont enquise et point obtenue, parce qu'ils n'y alloient qu'à
clos yeux, offusquez d'vne sor^dide convoitise de gaing illicite,
pour se rendre tout à coup plus riches qu'vn aultre Midas , dont
il ne leur est enfin demeuré que ses oreilles d'asne. »
Après avoir remarqué que les cendres de plomb fixées dans la
substance de la coupelle contiennent encore de l'argent, il in-
dique un moyen de découvrir la pierre philosophale, que nous
allons livrer aux méditations des alchimistes de notre temps. Car
il y eut encore, qu'on le sache bien, des alchimistes au dix-neu-
vième siècle.
« Broyez, dit-il, les coupelles où ceste vitrification (1) s'est
comme empastée, et lavez-les bien auec de l'eau tiède , pour les
«
(i) Oxyde de plomb qui s'est vitrifié avec le carbonate de potasse et la silice des
cendres de la coupelle.
TROISIÈME ÉPOQUE. 117
dépurer de leurs crasses et immondices; puis les mettez en vn
descensoire à très-forte expression de feu de soufflets , auec d»
sel de tartre et sel nitre; et il descendra parle trou d'embas vne
metalline , laquelle recoupellée auec nouveau plomb , vous trou-
verez beaucoup plus de fin sans comparaison qu'à la première fois,
et de là en auant tousiours de plus en plus^ en réitérant ce que des-
sus. De manière que qui voudroit prendre la patience de decuire
le plomb en vn feu reiglé et continuel qu'il n'excedast point sa
fusion , c'est-à-dire que le plomb y demeurast tousiours fondu ,
et non plus, y adioustant quelque petite portion d'argent vif et
de sublimé pour le garder de se calciner et réduire en poudre;
au bout de quelque temps on trouueroit que Flamel n'a pas parlé
friuolement, de dire que le grain fixe contenu en puissance au
plomb, à sçavoir Tor et l'argent, s'y multiplieroient et croistroient
ainsi que le fruict fait sur l'arbre. »
Ce que B. de Yigenère appellaitt/n^ moelle ou aiguilles blanches ^
c'était l'acide benzoïque. Voici comment il le retirait du benjoin :
« Prenez du benjoin concassé en grossière poudre, et le mettez
en vne cornue auec de fine eau-de-vie qui y surnage trois ou qua-
tre doigts; et laissez-les ainsi par deux ou trois jours sur vn feu
modéré de cendres, que l'eau-de-vie ne se puisse pas distiller,
les remuant à toutes heures. Gela fait, accomodez la cornue sur
le fourneau , dans vne terrine pleine de sable. Distillez à feu lent
l'eau-de-vie, puis l'augmentant par ses degrez , apparoistront in-
finies petites aiguilles et filamens, telles qu'es dissolutions de
plomb , et de l'argent vif. — Ayez apresté vn petit baston qui
ptiisse entrer dedans le col de la cornue , car ces aiguilles s'y
viendront réduire comme en vne moelle; et si vous ne les estiez
soudain, le vaisseau se creueroit. »
Cette moelle blanche était l'acide benzoïque.
Après avoir parlé de différentes espèces de feux d'artifice et du
feu grégeois, dont il donne la composition (soufre , bitume, poix
noire, poix-résine, térébenthine, colophane, sarcocolle, huile
de lin, de pétrole, huile de laurier, salpêtre, camphre, graisses),
l'auteur cite une expérience qu'il avait faite à Rome sur l'incu-
bation artificielle :
a En ces fourneaux qu'on appelle à jour, l'ardeur du feu vient
tellement à se modérer, qu'elle passe en vne chaleur naturelle ,
vivifiante; au lieu qu'elle brusloit, cuisoit, consumoit. Et en tel
feu puis-je dire auoir fait eçclorre à Rome , pour vne fois, plus de
ii8 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
cent ou six vingts poullets : les œufs y ayant esté couvez et-es*clos
ainsi que sous vne geiine. »
On voit, par cette courte analyse du Traicté du feu et du sel,
que Biaise de Vigenère n'était pas un alchimiste ordinaire, et
qu'il fait preuve, dans ses travaux, d'une incontestable sagacité.
On y trouve des digressions nombreuses, qui montrent cjombien
l'auteur était versé dans* les sciences théologiques et mystiques.
Il croyait aussi à Tinfluence des démons, « presque tous malins. »
§ 21.
Cïaiton ClaTes^ dit DULGO.
Contemporain de Biaise de Vigenère, Dulco était un avocat de
Nevers, qui se livrait aux opérations de Talchimie. Il fit un plai-
doyer en règle, mais un peu obscur, contre les adversaires du
grand œuvre. Voici en quels termes il défend la transmutation
des métaux contre ses détracteurs :
«Toute cause efOciente entraîne le sujet et la matière vers un
but quelconque. Le mouvement mesure l'espace gui sépare
la matière de ce but. Celui-ci consiste soit dans la forme, soit
dans la quantité, ou dans la qualité. La cause efficiente tend
donc vers différents buts. Et comme le but de V argyropéie {SiVi
de faire de l'argent) et de la chrysopéie (art de faire de l'or) con-
siste à faire de l'argent ou de l'or, son mouvement tend vers une
nouvelle forme. Car la forme du plomb , deTétain, du cuivre ^
du fer, du mercure , n'est pas la forme de l'argent, ni celle de
l'or; mais ces métaux sont le sujet et la matière (1). »
On trouve dans cette môme Apologie quelques expériences va-
guement exposées sur la densité des métaux.
Dulco a laissé un assez grand nombre d'écrits , parmi lesquels
nous nous bornerons à citer: Philosophia chemica (2); — De
iripliei prœparatione auri et argenti (3) ; — De recta et vera ra-
tione progignendi lapidis philosophici (4).
Si Dulco est le nom corrompu de Duclos, on pourra ajouter à
(1) Apoiogia Chrysopoeiiie et Argyropoeiœ adversiis Th. Erastuni. Theat. Chim.y
tOTÏI. 11.
(2) Cum.B. Pcnoti praerat; Lyon, 1612.
(3) Nevers, in-8°, ià92. Theat. chim., t. iv.
(4) Theat, chim., t. iv.
TROISIÈME ÉPOQUE. {{^
celte liste le Recueil de M, Duclos sur la transmutation des mé-
taux (manuscrit n** 171 de la Bibliothèque de TArsenal).
Dans ce manuscrit, fol. 5 (Livre des secrets de Tempereur Ro-
dolphe II), se trouve un chapitre institulé : Teinture excellente
et très-véritable éprouvée à Venise :
(( Prenez une part de très-bon nitre pur et deux parties de chaux
vive, meslez-les bien ensemble en les broyant très-subtilement,
et faites-les calciner par trois heures au fourneau à vent. Puis
faites extraction du sel des fèces avec de Teau commune bien
pure , et coagulez à siccité par évaporation de Peau , puis cimen-
tez ce sel derechef avec de nouvelle chaux vive, calcinez-le
comme la première fois, faites-en l'extraction de nouveau avec
de nouvelle eau chaude, et coagulez le sel en évaporant; répétez,
sept fois ce travail; enfin par ce moyen le nilre sera converti en
huile , et ne se coagulera plus ni à chaud ni à froid ; il demeu-
rera fixe et liquide en forme d'huile , que vous garderez. »
L'opérateur calcine ensuite un amalgame d'or avec des fleurs
de soufre, de manière à réduire l'or en. chaux, a Broyez bien,
ajoute-t-il , subtilement celte chaux d'or, et l'imbibez auec le
vinaigre vitriolé (i), en sorte que cette chaux soit un peu hu-
mide. Mettez ensuite celte chaux dans un petit creuset, et chauf-
fez jusqu'à ce que elle devienne blanche et spongieuse comme du
coton. Dissoluez cette chaux d'or spongieuse dans de l'eau de
sel ammoniac et de salpestre, digérez et distillez , afin que tout
l'or passe par l'alambic; ajoutez à cette dissolution d'or deux
onces de la susdite huile de nitre; ensuite distillez si souvent
l'eau des deux champions , c'est-à-dire du sel ammoniac et du
salpestre de dessus ce composé , qu'enfin l'or s'unisse bien auec
la susdite huile , et demeure comme une huile fixe , incoagulable
tant à la chaleur qu'au froid. »
Dulco ou Duclos passait pour un très-habile alchimiste ; il pos-
sédait, dit-on , réellement le secret de la transmutation des mé-
taux.
(1) Ce vinaigre vitriolé n'était autre chose, ainsi que l'auteur le dit lui-méme^
plus loin, que du vinaigre distillé, contenant du sel commun en dissolution (trois
livres de vinaigre pour une once de sel ).
120 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
§ 22.
^nelqnefl Alchimifltefl moinfl connnfl.
Nicolas Barnaud, contemporain de Gaston de Claves et de
Biaise de Yigenère , était natif de Crest en Daupliiné. Il présente
plus d*un point de ressemblance avec Nicolas Flamel. Ainsi , on
raconte qu'il avait découvert la* pierre philosophale dans une
inscription sépulcrale fort ancienne, trouvée à Bologne, de même
que Flamel Tavait trouvée dans, les figures hiéroglyphiques du livre
d'Abraham le Juif.
La plupart des écrits de Barnaud ont été imprimés dans la
Bibliothèque de Manget et le Théâtre chimique. Ses commentaires
sur Tépitaphe dé Bologne sont aussi inintelligibles que le texte
qu'ils prétendent expliquer (1).
Tous les alchimistes de ce temps étaient loin d'avoir l'origi-
naliié de Biaise de Vigenère. La plupart, comme /. Liehault (2),
Oronce Fine [3]^ Rousseiet (4), Sidrach (5), Alex, de la Tourrette (6),
(1) Voici le texte de celte épitaphe :
D. M.
i£lia Laelia Crispis, nec vir ncc mulier, nec androgyna,
Nec puella, nec juvenis nec anus, nec meretrix nec piidica,
Sed omnia.
Sublata neque famé, nec ferro neque veneno, sed omnibus.
Nec cœlo nec aquis nec terris, sed uhique jacet.
Lticius Agatlio Prisons, ncc marilus nec amator,
Nec necessarius neque mœrens, neque gaudens neque flens liane,
Neque molem, nec pyramidem, nec sepulcrum, sed omnia.
Scit et nescit quid, cui posuerit.
Hoc est sepulcrum iiitus cadaver non habens,
Hoc est cadaver, sepulcrum extra non liabens,
Sed cadaver idem est et sepulcrum sibi.
Manget., Bihl. chim., t. ii, p. 713. Theat. chim., t. iii. — Les autres écrits de
Bernard sont : Brevis elucidalio arcani pliilosophorum. Theatr. chim,^ t. m. —
Theosopiiiae palmarium. Ibid. — Epislola de occulta philosopliia. Ibid. — Pro-
cessus aliquot cliemici. Ibid. — Dicta sapientum de lapide. Ibid, — Carmen de
lapide. Ibid,
(2) Secrets de médecine et de la philosophie chimique ; Rouen, 1600, in-8^
(3) Lihri de lus quœ mundo mirabiliter eveniunt, et de mirabili potestate artis
et naturœ, ubi de pliilosophorum lapide; Paris, 1542, in-4*'.
(4) Chrysospagirie; c'est-à-dire de l'usage et vertu de Tor ; Lyon, 1582, in-8®.
(5) Le grand Philosophe, fontaine de toutes sciences; Paris, 1514, in•4^
(.6) Bref discours des admirables vertus de for potable ; Paris, 1575, in-8". — Dé-
fense pour Palchimie; Paris, 1579, in-8°.
TROISIEME EPOQUE. 121
¥r, de Verville (l), L. de Launay (2), ne faisaient que ressasser
des lieux communs/
Cependant Nicolas Guibert se distingua de la tourbe des alchi-
mistes. Après avoir été un des plus zélés adeptes, il devint un des
adversaires les plus implacables des partisans du grand œuvre. Il
parlait en connaissance de cause.
Pfic. Guibert^ ndiiit de St-Nicolas-de-Port en Lorraine, exer-
çait la médecine vers 1570. Il travaillait, comme alchimiste, dans
le laboratoire du célèbre cardinal Granvelle , vice-roi des Deux-
Siciles. Il traduisit en latin, pour le cardinal d'Augsbourg, les
livres allemands de Paracelse. Il s'était lié à Naples avec Jean-
Baptiste Porta et Dominique Pizzimento. En 1579, sous le pontifi-
cat de Grégoire XIII, il devint inspecteur général des pharmacies
de l'État de l'Église. Enfin, après bien des déceptions, il revint
dans sa patrie, et alla habiter la ville de Toul. C'est là qu'il com-
posa De alchymiœ ratione et experientia , ila demum viriliter
impugnata et expugnata, una cum suis fallacibus et deliramends,
quibus homines imbubinanlur, ut nunquam in posterum se erigere *
mleant ; Strasbourg, in-S**, 1603. L'auteur démontre dans cet ou-
vrage que la transmutation des métaux est impossible, et que la
fin de l'alchimie est le chemin de l'hôpital (3).
La plupart des alchimistes étaient animés de l'esprit d'asso-
ciation. Ils poursuivaient le même but ; ils se réunissaient pour
travailler et rédiger en commun leurs écrits. Tels étaient particu-
lièrement Grosparmy, Valois, Vicot.
On ne sait pas exactement à quelle époque vivaient ces trois al-
chimistes ; peut-être faut-il les placera la fin du xv* ou au commen-
cement du XVI* siècle (4). Leurs ouvrages n'ont pas été, que nous
sachions, imprimés ; ils se trouvent dans deux manuscrits, l'un ap-
partenant à la Bibliothèque impériale (5) de Paris, l'autre à celle
(1) Appréhensions spirituelles; Paris, 1584, in- 12. Le Palais des curieux, Pa*
"8,1612, in-12. Le Cabinef de Minerve; Rouen, 1601, in-8°. Le Voyage des
princes fortunés ; Paris, 1610, in-12.
(2) D» Tantimoine ; la Rochelle, 1564, In-i"^. Réplique à la réponse de Grevin
<^ontreson livre; la Rochelle, 1566, in-é"^.
(3) Un autre ouvrage du même auteur est intitulé De interitualchymix; 'ÏMXW.f
ÏQ-^S 1614. Il y traite dMmposteurs Libavius, Porta et d'autres, avec lesquels
il était autrefois lié.
(4) Ces trois alchimistes n'avaient point été encore signalés : Lenglet-Dufresnoy,
^* Borel, Nazari, Bergman, etc., n*en parlent point.
(5) Ms. 1642 du fonds de Saint-Germain.
122 HlSTOmE DE LA CHIMIE.
de r Arsenal (1). Ce dernier (du xvi® siècle) est remarquable par la
beauté et Télégance de son écriture ; c'est un des plus beaux Ma-
nuscrits de la bibliothèque de rArsenal. On y lit, sur le verso de la
1" feuille, ces lignes tracées par une main étrangère: «Grosparmy
était un gentilhomme du pays de Gaux en Normandie; il avait ^
dit-on, trouvé la pierre philosophale dans son château, où il y avait
une vieille tour qui fut abattue longtemps après sa mort , et dans
laquelle le comte de Fiers, son héritier, avait, dit-on, trouvé la
poudre de projection qu'a faite Grosparmy avec son ami Valois.
L'abbé Vicot était précepteur des fils de Grosparmy, et il mettait
en vers les découvertes alchimiques du seigneur chez qui il de-
meurait. »
Le traité de N. Grosparmy, très-curieux pour l'histoire de
l'alchimie, est divisé en deux livres ; le premier est intitulé Abrégé
de théorique, le second : le Trésor des trésors.
Dans le même manuscrit (n° 166), ce traité est suivi des Cinq^
livres de ISicolas Valois^ compagnon du seigneur Grosparmy.
Après les Cinq livres de N. Valois , vient le Livre du prestre Vi-
cot : « Ce livre-cy estoit doré et escrit en parchemin et lettres
d'or, et relié aux quatre coins de quatre grands clous d'or; et en
iceluy est déclaré ce que ces messieurs (Grosparmy, Valois, Vi-
cot) avoient un peu caché, dont ce présent est la copie et l'ori-
ginal. Donc, ceci soit gardé sous le silence, et qu'il ne soit montré
à personne s'il n'est parfaict philosophe et homme de bien , en
peine d'encourir les tourments et peines éternelles par Tire de
Dieu. ))
Cet exorde rappelle l'histoire du livre d'or du Juif Abraham,
dont parle Nicolas Flamel (2).
Enfin le manuscrit n° 166 est terminé par un poëme alchi-
mique intitulé : le Grand Olympe , ou Philosophie poétique , attri-
buée au très-renommé Ovide; traduit du latin en langue franqoise.
On en jugera d'après c^t échantillon :
Après vient Saturne le noir,
Que Jupi^r de son manoir
Issant, déboute de Tempire
Auquel la Lune aspire.
Aussi fait bien dame Venus,
Qui est Tairain, je n'en dis plus ;
(I)Ms. 166, in-4^
(2) Voy. plus haut, t. i, p. 452.
TROISlilBIE ÉPOQUE. 123
Sinon que Mars, montant sur elle ,
Sera du fer Taage mortelle.
Après lequel apparaistra
Le Soleil , quand il renaistra.
Le reste est dans le même genre.
Les Métamorphoses d'Ovide ne devaient pas échapper à Tesprit
allégorique des alchimistes. Leurs transmutations n'étaient-elles
pas des métamorphoses ?
LasoifdeTor, auri sacra fames^ a été et est encore la cause de
bien des crimes. Le mensonge, le poison, le meurtre, tout était
bon pour parvenir à la possession d'un secret imaginaire, /a pt^rre
philosophale.
Sebastien Siebenfreund venait, rapporte-t-on , d'apprendre le
secret de la pierre philosophale d'un moine qui, en mourant, lui
avait légué ses manuscrits. Peu de temps après, il fut assassiné
à Hambourg par L. Thurneysser, Sebald Schwerzer et Weis, qui
arrachèrent à la victime ses précieux manuscrits. L'alchimiste
MoNTESNTSERS de Vienne fut tué par son ami Marcus Bragadinus.
Louis de Neisse eut le même sort.
Les princes avaient leurs astrologues et leurs alchimistes. L'al-
chimie, ainsi que l'astrologie, était, dans certaines cours , une
fonction importante. Hâtons-nous d'ajouter que ces alchimistes
de cour, après avoir pendant quelque temps joui de toutes les
faveurs imaginables, eurent presque tous une fin malheureuse ;
quelques-uns périrent par le glaive , d'autres furent mutilés et
moururent dans d'affreux tourments.
Le duc Jules de Brunswick fit rôtir dans une cage de fer une
femme alchimiste, Marie Zieglerin, parce qu'elle n'avait pu réa-
liser ses promesses. Le duc Frédéric de Wirtemberg avait fait
pendre plusieurs philosophes hermétiques , parmi lesquels on
citeMonlan et J. de Miihlenfels (1).
Marcus Bragadinus, capucin de Candie, fut décapité à Munich
en 1590 pour avoir promis plus qu'il ne pouvait tenir (2).
Les électeurs de Brandebourg et de Saxe attirèrent à leiars
cours un grand nombre d'alchimistes que l'exemple de leurs con-
frères n'avait point intimidés. L'électeur Auguste de Saxe tra-
(l)Spilller, Histoire du Wirtemberg ; Goetting., 1783, in-8o, pag, 216 (en aUe-
mand).
12) DeThou, Hist, sut temporis, t. vi; Genève, 1626; p. 99.
124 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
vaillait lui-même assidûment avec son épouse dans un labora-
toire qu'il avait fait construire dans son château; David Beuther
et Seb. Schwerzer, le meurtrier de Siebenfreund , le dirigèrent
dans ses opérations. Son ûls et successeur Christian P** continua
les travaux alchimiques de son père.
Mais, de tous les princes, celui qui cultivait Talchimie avec le
plus d'ardeur, c'était l'empereur Rodolphe IL Ed. Relley, Seb,
Schwerzer, J. Guslenhover, Miihlenfels , tous ces alchimistes
eurent l'honneur de souffler avec Sa Majesté apostolique le feu
du grand œuvre. En récompense , ils furent anoblis et armés
chevaliers par leur impérial patron.
§23.
V Allemagne, la France , V Angleterre, V Italie, étaient parcou»
rues par une multitude d'alchimistes ambulants; les uns cher-
chaient à s'instruire, et les autres à s'enrichir aux dépens de
quelques dupes. Ces derniers paraissaient être en majorité, a Le
monde , dit un auteur italien de ce temps , est rempli de faux al-
chimistes , tant religieux que laïques, qui vont tenter et tromper
les princes , les seigneurs , les gentilshonames , les marchands et
des gens de basse classe, en leur promettant de lés enrichir en
peu de temps , et en leur enseignant les moyens de congeler le
mercure, de changer le plomb, l'étain, le fer, le mercure, en
argent ou en or. » Puis il ajoute : « Ceux qui prétendent savoir
de semblables choses sont des gens très-astucieux, qui veulent
toujours vivre aux dépens d'autrui. » Enfin l'auteur, rempli
d'indignation, supplie le pape Sixte-Quint (auquel est dédié son
livre) d'expulser de la chrétienté tous les faux alchimistes (1).
En Allemagne on remarque à cette époque, parmi les philo-
sophes hermétiques les plus ardents, Jérôme Crinot, qui était,
dil-on , assez riche pour fonder 1300 églises; J. Tanck, Salomon
Trismosin (2), qui , avec un demi-grain de sa panacée, rajeunissait
les vieilles femmes au point de les rendre aptes à avoir encore des
enfants , et pour lequel c'était une bagatelle ( ce sont ses expres-
sions) de prolonger la vie jusqu'au jugement dernier; Wenceslas
m
(1) La vera Dichiarazione di tuUe le metifore di gli antichi filosofi alchimisU
ove con un brève discorso délia generazione dei melalli secundo i priDcipii» etc.
(2) Aureum vellus; Rohrschach, 1598, in-4'*.
L
TROISIEME EPOQUE. d25
Lavinius (1) ; Meresinus (2) ; Al. de Suchten (3), qui avait trouvé
la pierre philosophale dans l'antimoine ; Chrysostome Polydo-
RTis (4) et Joh. Garland (5), deux compilateurs; Chrysostome
Faniancs (6), qui traita à fond la question de savoir si l'alchimie
est un art licite ou illicite.
Des prêtres , s'étant affranchis de l'autorité de TÉglise catho-
lique, firent, avec quelques dogmes religieux, un amalgame de
systèmes alchimiques et astrologiques qui rappellent les doctrines
mystiques des théosophes de Técole d'Alexandrie.
Valentin Weigel, curé à Tschoppau en Saxe , prétendait expli-
quer le dogme de la transsubstantiation par la transmutation des
métaux (7); Ëgid. Guetmann, d'Augsbourg, publia un livre sur la
Révélation de la divine majesté (8), où il parle de la création comme
s'il en avait été témoin oculaire; il soutient qu'il est facile de
voyager dans les airs , de changer les métaux les uns dans les
autres, enfin de réaliser toutes les idées des alchimistes, à la
seule condition d'avoir la foi.
Nous mettrons encore au nombre de ces alchimistes théo-
sophes Bapst DE RocHLiTz(9), curé à Moh6rn(Saxe), et 'le prédi-
cateur Joh. Gramann (10). Le fameux Corneille Agrippa était un des
théosophes cabalistiques les plus célèbres; mais il s'adonna beau-
coup moins à Talchimie qu'à la science occulte et à la magie pro-
prement dite.
Ultalie n'était pas moins féconde en alchimistes. La plupart .
se bornaient au rôle de simples compilateurs ou de commenta-
teurs, tels que G. Gratarol, de Bergame (il), professeur de mé-
(1) Bibliothèque des philosophes chimiques, t. i, TheaL chim.fi. iv,
(2) Lumen noviim de metailorum causis et transsubslantiatione ; Francf., 1593,
in.8^
(3) De secretis anlimonii; Bâie, 1575, in-8^.
(4) Collectio aliqiiot velenim scriptorum de alchimia ; Nuremb., 1541, in-4°.
(5) CompeDdium alchimiae, cum dictionario ejiisdem artis ; Bâle, 1560, iu-8^.
(6) De arte metaliicœ melamorphoseos ; accediinl judicia et responsa de jure
artis, etc.; Basil., 1576, in-8°. Theat. chim., 1. 1. Man};et, JîiW. c^fwi., 1. 1.
(7) Hilliger, De vita, faits et scriptis Val. Weigelii; Wittenb., 1721, In 4^
(8) Arnstadt, 1575, in-4** (en allemand).
(9) Aews und nUtzliches Arzney-Kmsl iind Wunderbuch ( Nouveau traité
des médicaments, etc.); Mûhlhausen, 1590, in-4^
(10) Apologetica refulatio calumniœ, etc.; Erf., 1593, in-4°. Responsoria ad pro-
gymnasmala, etc., Erf., 1594, in-4°.
(11) VeraealchlmiaescriptoresaliquolcolledijBâl.,1561,in-fol. — Devininatura,
artificio et usu, etc. Ibid., 1565.
126 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
decine à Bâie ; J.-B. Nazari (1), J. Braceschi, de Brescia (2),
J. Lacini, de Calabre (3).
D'autres reproduisaient sous toutes les formes possibles les
théories anpiennes sur le grand œuvre; ils ne hasardaient qu'un
très-petit nombre de vues neuves et originales ; tels étaient J.-A.
Panthée, prêtre vénitien, qui attribuait un pouvoir magique aux
mots hébreux «]DD argent , SHT or, mn^ Dieu, dont il paraissait
ignorer la véritable valeur (4); H. Cuiaramonte (5) ; Abe. Porta
Leonis, Juif de Mantoue (6); FI. Girolari (7); E. Glissenti (8);
L. Ventura, de Venise (9); F.-E. Quadrammo (10); Thomas Bo-
vins (11), qui se croyait placé sous l'influence immédiate d'un
esprit nommé Zéphiriel, et préconisait les propriétés surnaturelles
de son or potable et de son extrait d*ellébore; Filareto (12); P.
Bairo (13) ; Isabelle Cortese (14); J.-B. Zapata (15), célèbre par
sa teinture d'or, qui n'était autre chose que du sucre dissous dans
de Teau-de-vie faible, ainsi que nous le révèle J. Scientia, son dis-
ciple ; H. RosELLO (16) {Alexius Pedemontanus), qui parle, dans son
livre De secretis^ des vernis d*or, de la dorure du fer (recouvert
préalablement d'une couche de cuivre), etc. ; H. Zanetti(17), ar-
(1) Concordanza dei filosofi ; Brescia; 1599, in-4'^. — Délia transmutazione me-
tallica; Brescia, 1572, in-4°.
(2) Dialogus veram etgenuinam librorum Gebri sententiam explicans; Manget,
Bibl. ckem.j 1. 1.
(3) Collectanea cbimica ; Bâle, in-8''. — Pretiosa artis cbymiae coUectanea ; Ve-
nise, 1546, in-8.
(4) Trattato délia poliiere o elixir vitac; Genève, 1590, in-4®.
(5) Ars et tbeoria transmutationis metallica; ; Venise, 1530, in 8^. — Theat,
chim,, tom. ii.
(6) Dialogi très de auro ; Venise, 1514, in-4°.
(7) Niiova rainera d'oro ; Venise, 1590, in-4°.
(8) Trat. délia pieira de'filosofi; Venise, 1596, in-4^.
(9) De ratione conficiendi lapidis pliilosopbici ; Bâle, 1571^ in-8®. — Theatr,
chim., tom. ii.
(10) Vera dicbiarazione di tutle le metafore degli alchimisti, etc.; Rome, 1587,
in.4°.
(11) Flagello contro gli medici communi detti rationali ; Venise, 1583, in-4^.
(12) Brève raccolto di secreti délie donne; Florence, 1573, in-8**.
(13) Secreti medicinali ; Venise, 1592, in 8°.
(14) I secreli, ne' quall si conlengono cose minerali, medicinali, alcbimiche, etc.;
Venise, 1561, in-8*'.
(15) Secreti varii di medicina et chirurgia; Rome, 1586, in-8®.
(16) De secretis ; Venise, 1557,in-4**.
(17) Conclusio et comprobalio alcbémic'e. — Theatr, chim.y t. iv.
TROISIÈME ÉPOQUE. |27
dent défenseur de la réalité de Talchîmie; J.-B.Birelli, de Flo-
rence (1); G. Fallopia (2), qui publia une collection de procédés
(secrets) alchimiques, qui fut traduite en français et en allem/ind.
A cette liste empruntée àGmelin, il faut ajouter le Piémontais
Ph. RouiLLAC, auteur d'un Traité du grand œuvre (3), etL. Fiora-
VENTi, de Bologne, Tinvenleur du baume qui porte son nom, et à
Taide duquel il assurait avoir opéré des cures miraculeuses. Il re-
commandait son baume, auquel il donnait différents noms, comme
un contre-poison infaillible de l'arsenic; il en faisait oindre tout
le corps du malade (4). A cette occasion il raconte comment
il avait parfaitement guéri un homïne empoisonné par sa femme
avec deux grains d'arsenic, mis dans un potage au riz. 'a Appelé ,
dit-il , auprès du malade , qui était mourant, je fis venii* la femme
de la maison , et lui fis comprendre que si son mari venait à
mourir, elle serait infailliblement accusée et punie comme em-
poisonneuse; mais que si elle voulait m'indiquer Tespèce et la
(1) Alcliimia; Florence, 1601, 10 4**.
(2) Secreti diversiemiracoïosi,eic.; Venise, là63, in-8°. — Traduit en allemand,
par Martius; Augsb., 1571, in-8**. — Traduit en français, par Ch. Landry, sous le
titre de Oecoiatrie, laquelle contient en soy grands secrets, etc. — Traduit en
anglais : Three exact pièces of secrets ; secrets of chirurgery, elc; Lond., 1652,
iu-4^
(3) Practica operis magni ; Lyon, 1582, in-S**. — La biblioliièque de Sainte-Gene-
viève possède un manuscrit français (T. 1449, in-4^ ) du traité de RouiUac, sous
le litre de : Traitte du grand œvre des philosophes, faict par frère Johan
Bouillasq, cordelier piedmontais, premier philosophe de son temps. Cette
présente copie a esté escripte par moy, Nicolas Rossignol, procureur, en mil
six cent et huit,
(4) Voici en quels termes Fioraventi décrit lui-même la composition de son
baume : Prenez : térébenthine de Venise, 1 livre; huile d'olive, 4 onces; galba-
num, 3 onces; gomme arabique, 4 onces; oliban, myrrhe, 3 onces de chaque;
aloès, galega, clous de girofle, consoude, cannelle, zédnaire, gingembre, 1 once de
chaque; musc du Levant, ambre gris, 1 drachme de chaque substance.
Mêlez ces substances'ensemble, et mettez les dans une cornue de verre lutée;
versez-y 6 livres d'eau-de-vie rectifiée, et laissez le tout macérer pendant huit
jours. Puis, vous distillerez ce mélange sur un bain de sable : vous obtiendrez d'a-
bord une eau blanche, mêlée d'huile. Lorsque vous verrez apparaître une huile
noire, vous changerez de récipient, et vous augmenterez le feu jusqu^à ce que tous
les esprits se soient dégagés. Séparez enfin l'huile de Teau noire, et conservez toutes
ces matières séparément. La première eau qui est blanche, c'est Veau du baume
( aqua del balsamo); l'hnile qui s'en sépare est Vhuile du baume (oleum del
balsamo). La seconde eau est noire, c'est /a mère du baume {mater balsûmi);
et rhuile qui est séparée s*appelle baume artificiel (balsamo artijiciato), qu^W
faut conserver comme un joyau précieux.
128
HISTOIRE DE LA CHIMIE.
quantité de poison employé, je pourrais peut-être parvenir à
guérir son mari. »
Les Pays-Bas, engagés dans une guerre à mort contre leur
sombre despote Philippe II, roi d'Espagne , étaient, vers la
fin du xvi^ siècle, le séjour d'un assez grand nombre d'alchi-
mistes , parmi lesquels nous citerons en première ligne Cornélius
Daebbel, d'AIkmar en Hollande.
Drebbel explique , dans un Traité de la nature des éléments (1),
le vent et la pluie par une élévation de température et un refroi-
dissement brusque des couches de Pair. Il fonde ceite explication
sur une expérience dont la théorie devait plus tard donner lieu
à l'emploi des tubes de sûreté : il chauffe une cornue, dont le
bec plonge dans unecuvelle pleine d'eau. — Ici se trouve dans
le texte de l'édition allemande de l'année 1624, que nous avons
sous les yeux, la figure suivante :
« Dès que l'eau, contenue dans la cornue (a), commence, dit
l'auteur, à s'échauffer, vous verrez aussitôt des vents (vapeurs)
sortir par le bec et soulever l'eau du bassin (6), sous forme de
bulles. Si vous éloignez le feu {c) de la cornue, Teau du bassin
montera dans la cornue refroidie; elle se rompra, si elle est de
verre. »
Drebbel s'empara de ce fait pour expliquer la brise du soir et
la brise du matin , parla différence de la température qui existe,
(1) Ein kurzer Tractai von der Natur der Elemente, und wle sie den
Windj Regen, etc. verursachen (Court Iraité des- éléments de la nature, com-
raeût ils produisent le vent, la pluie, etc.); Erf., 1624, in-12. Ce même ouvrage
a été traduit en latin sous le titre : De natîira clementorum, etc.; Genève, 1628^
in-12; et en français, Paris, 1673, in-12.
TROISIÈME EPOQUE. 129
au commencement et à la fin du jour, entre le continent et la mer.
C'est à tort que Ton attribue à DrebbePla découverte du ther-
momètre; car, dans le passage qui vient d'être indiqué, et que
Ton cite généralement à Tappui de cette découverte , il n'est au-
cunement question du thermomètre, ni de la mesure de la cha-
leur (1).
Parmi les autres alchimistes néerlandais , d'un esprit en gé-
néral moins spéculatif que les alchimistes allemands, nous
nommerons, d'après Gmelin : Ihéobald de Hogheland de Mittel-
burg, qui a écrit pour et contre l'alchimie (2) ; Jos, Micfiaelis (3) ;
Beyner Snoy (4); Jos, Grewer (5); Jos, Struthius (6); Dan. Brou-
chhusen (7), et Just Balbian d'Alost (8).
V Espagne, qui était alors à l'apogée de sa puissanQe et de sa
splendeur, ne produisit qu'un petit nombre d'alchimistes. On ne
cite guère que Carava»^^5, auteur d'une Pratique de C alchimie (9),
U Angleterre et VÉcossè eurent des alchimistes fameux, dont
les aventures faisaient beaucoup de bruit vers la fin du xvi*^ et au
commencement du xvii® siècle.
Edouard Relley, avant de s'occuper d'alchimie, était notaire.
Accusé d'avoir altéré des actes publics , il fut condamné à avoir
les oreilles coupées, et au bannissement. Misérable, fugitif, il
arrive dans une auberge du pays de Galles, où le hasard fait tom-
ber entre ses mains une boule d'ivoire contenant de la poudre de
projection,, et un vieux livre, trouvés dans le tombeau d'un
évoque ; ce livre enseignait la préparation de la pierre philoso-
phai. Relley essaya de cette poudre, et réussit, dit^on, à
souhait. Il fit aussitôt part de sa bonne fortune à son ami Jean
DÉE de Londres. Les deux amis quittent leur patrie, se rendimt
en Allemagne et pénètrent jusqu'à Prague, où l'empereur Maxi-
(1) Voy. Libri^ Histoire des sciences mathématiques en Italie, t. iv, p. 193.
(2)De difficultatibii» alcliemise; Cologne, 1594, io-8^. — Maiiget, Biblioth, —
Theatr. chim., t. i. — Htstoriœ aliquot transmutationis metaUicœ,proclerersione
'alcliemiac ; Cologne, 1604, in-8^.
(3) Scrutiniiim cinnabarinuna. — Apologia chiinica ; Middelb., 1597, in-8^
(4) De arte alchimiœ; Francf., 1620, infol.
(5) Secretum. Theatr, chim,, t. m.
<6) Medicamentorum spagyrica prœparatio; Francf., 1591, in-8^
<7} Sécréta alcliymiae; Leyde, 1598, in-8^
(8) Tractatus 'seplem de lapide philosophico ex vetustissimo' codice desumpti ;
Leyde, 1599, 8. Theatr, chim,^ t. m.
(9) Practica. Theatr, chim,, t. m.
BIST. DE LA CUIMIE. — T. II. 9
130 HlSTOIRE^ DE LÀ CHIMIE.
miiien avait donné rendez-vous à tous les alchimistes en renom.
Kelley fit la projection en présence de Tempereur. Invité à pré-
parer plusieurs livres de la poudre merveilleuse , il se trouva en
défaut; ses opérations échouèrent. Dans sa détresse (l'empereur
Tavait menacé de la prison ), il invoqua tous les démons de l'en-
fer; mais ceux-ci restèrent sourds. L'empereur exécuta alors sa
menace, et Kelley fut privé de sa liberté. Voulant s'évader de sa
prison, il se cassa une jaml)e, et mourut à la suite de cet accident.
J. Dée retourna dans sa patrie y où il mourut (i). Les écrits de
Kelley, empreints d'un mysticisme marqué^ furent publiés par
Lange et par Combach (2).
Chancer^ Blùmfeld, Casi (3), Fr. Antony (4), Mich. Scottis (5),
Digby (6), sont moins connus que Kelley.
Mais le plus célèbre de tous fut Alex. Sethon (Si don), sur-
nommé le Cosmopolite. Voici ce qu'on raconte de lui : Sethon
parvînt, vers la fin de sa vie, à découvrir ce que tant d^autres
avaient cherché en vain. Dès lors il se mit à voyager ; il passa
d'abord en Hollande, où il opéra, le 13 mars 1602, la transmuta-
tion, du mercure en or, en présence du célèbre médecin Van-
derlindenet de son ami Haussen (7). De là il vint en Saxe, où il
tut présenté au duc, passionné pour l'alchimie, et qui le fittravailler
dans une tour, sous la garde de quarante hommes. Le prince
employa tous les moyens de persuasion pour en avoir le secret de
Sethon; mais ni la douceur ni la violence ne le lui firent obtenir.
Alors , emporté par la colère , il fit mettre l'alchimiste au cachot.
(1) Monas hieroglyphica ; Francf., 1591, in-S*. Theatr, chim,^ t. n. — Tractatns
▼arii alcliemicae ; Francf., 1630, iii-4. — . Fasciculus chemicus; Bàle, 1575, iDrl2.
— Parallaticae commentationis nucleus, etc.; Lond., 1573, iD-4^ -> Propœdeu-
roafa aphoristica; Lond., 1568, in-4*'.
(2) Tract, duo egregii de lapide phnosophorum edit. aLangîo; Hambarg., 1673,.
in-8°. — Fragmenta a Combachio édita; Gei8inar.,l647, in~12. .
(3) Lapis philosopkicus ; Oxford, 1599, iD-4^.
(4) De lapide philosoph. Imprimé dans Rlienanus, Harmonia imperscrtitabilis;
Francf., 1625, i»-8^ — Panacea aurea, elc; Hamb., 1618, in-8".
(5) De natura soiis et lunœ. Thtatr, chem., I. v.
(6) Alchimia sive auriraiiitiplicatio; Paris, 1573, in-8^
(7) Georg. Morhof (epist. de metall. transmutalione; Hamb., 1673, in-S**)^ quf
raconte cette liistoire, dit avoir lui-même vu un morceau de cet or entre les mains
de J.-Antoine Vanderlinden, petit-fils de celui dont il est ici question, et qui avait
eu soin de marquer sur ce même or que la transmutation s*était faite à quatre
heures après midi, le 13 mars 1602.
TROISIÈME EPOQUF. 131
Selhony serait mort, s'il n'en avait pas été délivré par un gen-
tilhomme morave , Michel Sekdivogius.
. Sethon et son libérateur sortirent déguisés du territoire de Saxe^
et se rendirent à Cracovie, oii Sendivogius avait son domicile
hahituel. Ce dernier s'attendait à ce que celui qu'il avait délivré
lui apprendrait, par reconnaissance, le secret de. la transmuta-
tion des métaux. Mais il fut déçu dans son attente ; la prière, la
menace , tout fut employé en vain. Sethon lui fit seulement pré-
sent d'une once de sa poudre , ce qui devait suffire pour enrichir
son libérateur. Bientôt après il mourut, vers Tannée 1604.
Michel Sendivogius , déguisé sous Tanagramme DM Leschi ge^
nus amOy publia les écrits de Sethon, la plupart sous le nom de
Cosmopolite.
L'alchimie , la magie et l'astrologie s*étaient réfugiées jusque
dans l'intérieur du royaume de Maroc. S'il faut en croire Léon
l'Africain (1), il y eut, vers cette époque, un grand nombre d'al-
chimistes à Fez, oii ils se réunissaient tous les soirs dans un
temple, pour travailler au grand œuvre, selon les préceptes de
Geber (2).
(1) Africœdescriptio IX libris absolu ta; Leycfe, 1632, îd-S^
(2) Ceux qui Tondraient écrire une liîsloire détaillée de ralcliimie trouveront des
documents manuscrits intéressants dans deux bottes fermées à clef ( étiquetées
Pièces d*alchimie ), et conservées à la bibliothèque de TArsenal. On y trouve la
description de procédés concernant la fixation du mercure, sa transformation en
or et en argent; des procès-verbaux d'opérations plus ou moins curieuses, des
morceaux choisis d'anciens auteurs. Ces documents ont été écrits sur des feuilles
Yolantes, et à différentes époques. Cependant ils n*ont pas tous trait à Talchimie;
il y en a qui appartiennent à la thérapeutique médicale, à la pharmacie, à Part eu*
linaire, etc.
Ces deux bottes ne sont pas cataloguées, et se trouvent placées à côté du ms.
D^ 148, in-folio (section des arts et sciences).
On y trouve, entre autres : Œuvre particttUère d'un certain frère Grégoire^
disciple d^ Arnaud de Villeneuve ; — DesaipHon d'une minière d*or trou-
vée dans les papiers d*un fameux' philosophe qui a esté assassiné en Lan-
guedoc pour les rares secrets qu'if avoit; — Œuvre du chevalier de la Mag*
deleine, gentilhomme breton ;—' Œuvres du sieur d'Aigremont; — Pour
tirer l'or du fer, etc.
î).
132 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
SECTION DEUXIEME.
APERÇU GENERAL DU XVir SIECLE.
Le dix-septième siècle continue l'œuvre commencée au siècle
précédent. Galilée, François Bacon, Descartes, Boyle, dirigent
l'impulsion nouvelle donnée à la science. L'autorité tradi-
tionnelle perd déplus en plus son prestige; elle cesse d'être in-
voquée à mesure que l'expérience et la raison font valoir leurs
droits. Il y abien encore çà et là, surtout dans la première moitié
du dix-septième siècle , quelque sourde résistance opposée à cet
esprit de liberté qui, avant de se répandre dans le domaine de la
science, avait ébranlé l'autorité mal assise de l'autel et du trône.
Mais, depuis la fondation des sociétés savantes, l'un des événe-
ments les plus considérables de la civilisation, les champions les
plus décidés des doctrines du passé sentirent bientôt leur impuis-
sance, et ne tardèrent pas à déposerles armes. Aussi, à partir de
la seconde moitié du dix-septième siècle, la méthode expérimen-
tale l'emporte presque sur toute la ligne , et ouvre au progrès un
champ illimité.
La guerre de Trente ans qui désola l'Allemagne, les troubles
civils de la Grande-Bretagne ,* les règnes agités de Louis Xni et
de la minorité de Louis XIV, avaient retardé un moment le
mouvement progressif de la science. Ce fut pendant ces agita-
tions politiques et religieuses que quelquespenseurs d'élite, pré-
férant le silence de la retraite au vain bruit du monde, eurent
l'idée de s'associer pour divers objets d'étude,. et de se communia
quer mutuellement leurs pensées et leurs découvertes. De ces
noyaux d'associations sortirent les Académies des sciences de
Paris et de Londres, dont la fondation avait été précédée en Italie
par celle des Académies des Lyncei et del Cimento.
L'Allemagne, pays classique de l'érudition, était néanmoins
restée en arrière de l'Italie, de la France et de l'Angleterre; car
la fondation officielle de la Société impériale des Ctirievx de la
TROISIÈME EPOQUE. 133
nature ne date que de l'année 1672 (1). Et les premiers travailx
de cette Société sont loin de porter ce cachet de la méthode ex-
périmentale qui distingue les travaux des sociétés savantes fran-
çaises, italiennes et anglaises. Cela s'explique peut-être par les
tendances naturelles du génie germanique, tendances bien plus
métaphysiques que celles des autres nations.
Méthode expérimentale* — François Bacon*
Le dogmatisme spéculatif a faft son temps. Désormais il faudra
chercher la vérité, non plus dans les écrits d'Aristole , mais dans
le livre de la nature. Les péripatéticiens devront céder la place
aux philosophes e}ipérimentateurs.
Léonard de Vinci, Palissy, Galilée, commencèrent les premiers
à secouer le joug de l'autorité scolastique, et pour atteindre
leur but ils ne reculèrent devant aucun sacrifice , pas même de-
vant celui de leur liberté. Léonard de Vinci , abreuvé de cha-
grins, vécut longtemps dans la misère ; Palissy eut à essuyer les
railleries des docteurs scolastiques; Galilée fut condamné au
silence (2).
François Bacon transporta dans la philosophie le principe de
la révolution qui s'était , dans une autre sphère , opérée au
seizième siècle; et de là il le fit passer dans les sciences. Le pre-
mier il érigea l'observation en système philosophique; il co-
difia pour ainsi dire la méthode expérimentale.
Mais, n'oublions pas de le rappeler, l'auteur du Novum Or-
ganon n'est aucunement le créateur de la méthode expérimen-
tale. Bien d'autres avant lui en avaient déjà proclamé la néces-
sité (3). Rien de ce qui peut changer la face de la science ou
de la société n'a été le fait d'un seul homme. La boussole , la
poudre, à canon, la vapeur, ne sont qu'une application heureuse
de faits préexistants, mais qui seraient restés stériles si le souf-
*
(1) Nous reviendrons plus bas sur riiisloire de ces sociétés au dix -septième
siècle.
(2) Voyez, sur la Tîe et les travaux de Galilée, M. Libri, Histoire des sciences
mathématiques en Italie, t. iv, p. 157-294.
(3) Le moine Roger Bacon, Albert le Grand et d'autres philosophes avaient
déjà montré, au moyen âge, combien il était nécessaire, pour faire avancer la science,
dMnterroger Fexpérience à Paide de la raison. Léonard de Vinci, 6. de Palissy,
Galilée, tous avaient, avant le chancelier Bacon, fait usage de la méthode expéri-
mentale.
/
131 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE»
fle du génie n'était pas venu les féconder. L'attraction exercée
par Taimant, le mélange inflammable de soufre y de salpêtre et
de charbon, Téolipyle, n'étaient, depuis des siècles, que de cu-
rieuses expériences de laboratoire; il fallut la réunion de cir*
constances en apparence fortuites^ il fallut, pour parler ainsi, le
dernier cmip de piston, pour les faire servira guider les vaisseaux,
à lancer des projectiles, à mouvoir des machines. Les matériaux
préexistent; ils n'attendant qu'un esprit capable de les coordon-
ner, ou de les appliquer. *
Au nombre des esprits qui, brisant le joug de l'autorité scolas-
tîque , se frayèrent une route nouvelle , il faut placer, en pre-
mière ligne, Van-Helmont, Robert Boyle, Glauber et Kunckel.
Tan-Helmont (jean-baptiste}.
Van-Helmont est supérieur à Paracelse, qu'il avait pris pour
modèle. Initié aux études classiques, familiarisé avec les
sciences et les lettres, il a plus d'autorité que Paracelse lors-
qu'il oppose l'observation aux théories des anciens. Partisan de
récole des paracelsistes, il fait une guerre impitoyable aux mé-
decins galénistes, qui dédaignaient la chimie. Mais s'il attaque et
renverse des systèmes discutables, c'est pour élever sur leurs dé-
bris un édifice nouveau , c'est pour élargir le domaine de la
science.
Van-Helmont eût le premier la gloire de démontrer scientifi-
quement l'existence de corps invisibles, impalpables, quoi-
que matériels. Ces corps, jusqu'alors vaguement entrevus, reçu-
rent de lui le nom qu'ils portent encore aujourd'hui , le nom
de gaz.
Précurseur de la chimie pneumatique, il prépara la voie aux
découvertes du dix-huitième siècle, en appelant le premier l'at-
tention des observateurs sur l'étude des corps aériformès.
Van-Helmont naquit à Bruxelles en 1577, d'une des plus an-
cicnnes familles de l'Europe (celle des comtes de Mérode), dont
il existe encore aujourd'hui une branche. Contrairement aux vœux
de ses parents, il se livra de bonne heure à la carrière des scien-
ces, ets'adonna avecardeuràl'étudedelamédecineetdelachimie.
Doué de talents naturels et d'une persévérance à toute épreuve,
TROISIÈME ÉPOQUE. 135
il s'acquit bientôt une grande renommée. L'empereur Rodolphe II
et rélecteur de Cologne l'invitèrent à se rendre à leur cour ;
mais, renonçantà tout ce qui peut flatter l'ambition d'un homme,
il consacra sa vie à l'étude des phénomènes de la nature , et
préféra son laboratoire de Yilvorde, près de Bruxelles, aux splen-
deurs de la cour. Il mourut le 30 décembre 1644.
Travaux 4e ITaB-Helmoiit*
Les écrits de Yan-^Helmont furent recueillis après sa mort, et
publiés par son fils , François-Mercurius Van-Helmont , sous le
titre de Ortus medicinx (i).
Il y règne^ comme dans les écrits de Paracelse^ ce 4on Jtcan-
chant qui dépasse quelquefois les bornes de la modestie; on y
remarque aussi unp tendance à la philosophie surnaturelle^ ex-
primée dans un langage qui est loin d'être toujours clair. Itfais
ces défauts sont rachetés par des découvertes et des observations
d'une grande valeur, comme nous allons le montrer.
Commençons par constater que Van-Helmont proclama le
premiçr la nécessité de l'emploi de la balance j instrument qui
devait opérer une révolution complète dans la science.
GoK (2). — « Le charbon, dit-il, et en général les corps qui ne se
résolvent pas immédiatement en eau , dégagent nécessairement
{parleur combustion) de V esprit sylvestre. Soixante-deux livres de
charbon de chêne donnent une livre de cendre. Les soixante et
une livres qui restent ont servi à former l'esprit sjlvestre. Cet
esprit, inconnu jusquHci, gui ne peut être contenu dans des vads-
seaux ni être réduit en un corps visible, je rappelle d'un$iouveau
nom, gaz. Il y a des corps qui renferment cet esprit, et qui s'y
résolvent presque entièrement; il y est alors comme ûné ou so-
(1) Ortus medicinx, id est initia physica inaudita, progressus medicinx
novus in morborum uttionem ad vitam longam, edenle ^uctoris fUio. Editio
qnarta^ Lugduni, 1 vol. in-foL, I6S6. — C*«8t cette édition que nous avons sous
les yeux. La première parut en t648, à Amsterdam (Etcevirs), in*4^:; la deuxième
en 1651» à Venise; et la troisième en 1652. Il y a, en outre, trois éditions de Franc-
fort, 1661, 1681 et 1707. — Les ouvrages de Van-Helmont furent traduits en
français par le Ck>mte, en 1670, in-4*, en anglais (Londres, 1662, in-fol.), et en
^lemand (Sulztiach, 1683, in-fol.}.
(2) Le nom de gaz ou gas (orthographe employée par Van-Helmont) dérive, par
corruption, de Gahst ( Geist ), qui signifie esprit. Suivant d^autres, il viendrait de
Chaos, de Bios (souffle), ou de Gaescht (écume).
136 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
lidifié. On le fait sortir de cet état par le ferment , comme cela
s'observe dans la fermentation du vin , du pain , de l'hydro-
mel (1). »
Voilà bien ce que nous appelons aujourd'hui le^a^ acide carb(h
nique. Et ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que Van-Helmont
annonce formellement que le gaz produit par la combustion du
charbon est le même que celui qui se développe pendant la/ijr-
meniaiion, qu'il définit «la mère de la transmutation, divisant
les corps en atomeç excessivement petits ».
L'auteur savait que les raisins ne fermentent qu'au contact de
l'air, et que le gaz qui se produit est le même que celui dont
la présence rend les vins mousseux. Voici ce qu'il nous apprend
à cet égard.
a Une grappe de raisin non endommagée se conserve et se des-
sèche ; mais, une fois que l'épiderme est déchiré , le raisin ne
tarde pas à subir le mouvement de fermentation ; c'est là le com-
mencement de sa métamorphose. Ainsi le moût de vin, le suc
des pommes, des baies, du miel, et même des fleurs et des
branches écrasées, éprouvent, sous l'influence dii ferment,
comme un mouvement d'ébullition dû au dégagement du gaz.
Les raisins secs sont beaucoup plus longtemps à donner du gaz,
à cause du défaut de ferment. Ce gaz, étant comprimé avec beau-
coup de force dans les tonneaux, rend les vins pétillants et mous-
seux (2). »
L'auteur a ensuite soin de montrer que ce gaz n'est pas du tout
la même chose^ue l'esprit-de-vin. « Séduit par l'autorité d'écri-
vains ignorants, je croyais autrefois, dit-il, que ce gaz des rai-
sins n'était autre chose que de l'esprit-de-vin^ »
(1) Orius med.y p. 66. Carbo et universaliter corpora quœcunque immédiate
non abeunt in aquam, necessario éructant spiritum sylvestrem. Ex lxii librîs
carbonis querni uha libra cineris conflalur. Ergo lxi librae residuœ sunt ille spiri-
tus syWestris. Hune spiritum incognitum hactenus, novo nomine gds voco, qui
nec vasis cogi, nec in corpus visibile reduci*potest. Corpora vero continent liunc
spiritum et quandoque tota in ejusmodi spiritum abscedunt; — est spirituscon-
cretus et corporis more coagniatus, excitaturque acquisito fermento, ut in vino,
pane, hydromele, etc.
(2) Ortus med., p. 66. Uva illaesa asservatur et siccatur. Sed semel pelle ejus
disrupta et vulnerata, illa mox fermentum ebullitionis concipit, hincque transmu-
tationis initium. — Yina ergo uvarum, pomorum, baccarum, mellis, itemque flo-
res et frondes contusa, fermento arrepto, bullire ac fervere incipiunt, nnde gas ;
e passis vero contusis, fermenti penuria stalim non datur gas. Gas si multa vi
intra cados coerceatur, vina furiosa reddit.
TROISIÈME ÉPOQUE. 137
Outre la combustion du charbon et la fermentalion, Van-
Helmont admet quatre sources différentes du gaz sylvestre.
Ces sources sont :
i'' L'action d'un acide sur des produits calcaires (carbonates),
a Au moment où le vinaigre distillé dissout des pierres d'écre-
visses, il se dégage, dit-il, de Tesprit sylvestre (1). »
On sait que, dans cette action, l'acide liquide prend la place
de l'acide gazeux (acide carbonique).
2° Les cavernes, mines , celliers. — « Rien n'agit, dit-il,
plus promptement sur nous que le gaz, comme le démontrent la
grotte des Chiens et l'asphyxie par les charbons. Très-souvent
il tue instantanément ceux qui travaillent dans les mines. On
peut être asphyxié sur-le-champ dans les celliers où une liqueur
fermentée (bière) laisse échapper son gaz (2). j>
Les démons ou esprits malfaisants , qu'on craignait tant au
moyen âge, ont ainsi reçu leur explication :. c'est le gaz sylvestre
de Van-Helmont qui tue Touvrier dans les mines où le vigneron
dans ses celliers.
3*^ Les eaux minérales, — a Les eaux de Spa dégagent du
gaz sylvestre ; il y a des bulles qui s'attachent aux parois du
vaisseau qui en contient (3). »
4° Les intestins, pendant la putréfaction, — « Tout Yenl(flatus)
qui se produit en nous par la digestion des aliments ou par les
excréments est du gaz sylvestre (4). »
C'est ici le moment de faire voir que Van-Helmont connaissait
déjà plusieurs espèces de gaz , et qu'il les divisait implicitement
en inflammables et en non inflammables,
u Les gaz de l'estomac éteignent, dit-il, la flamme d'une bougie.
Mais le gaz stercoral , qui se forme dans les gros intestins, et qui
sort par l'anus, s'allume en traversant la flamme d'une bougie,
et brûle avec une teinte irisée (5).
(1) De flatibus. — • Acetum stillatitium^ dum lapides cancrorum solvif, — eruc-
tatur spiritos S]flvestri8.
(2) Ortus med.y p. 68. Nec aliquid velocius in nos operatur quam gas, ut patet
in crypta Canis, carbonibus suffocalis. — Confestim saepe pluries in'cuniculis
mineralibus inleremti. Imo in cellariis, etc.
(3) De lithi'asi, ^ Spadanse (aquae) sylvestre gas excitant, etc.
(4) Ortus meâr, (De flatibus), p. 261. Omnis in nobis flatus est gas sylvestre,
citer digestiones excitatum e cibis, potibus et excrementis.
(5) Ibid, Flatus originales in stomaclio exstinguunt flammam càndelœ. Sterco-
reusautem flatus qui in uUimis formatur intestinis atque per anum erumpit, trans-
138 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
En effets les expériences des physiologistes modernes mettent
hors de doute que les gaz de l'estomac et des intestins grêles sont
l'acide carbonique, l'azote, l'hydrogène protocarboné, etc., en un
mot, ^des gaz non inflammables; tandis quç les gaz stercoraux
sont l'hydrogène sulfuré, l'hydrogène, etc., c'esl-à-dire des gaz
inflammables.
(( Le gaz qui se produit , continue Yan-Helmont, dans les in-
testins grêles n'est (comme celui de l'estomac) jamais inflam-
mable , il est souvent inodore et acide.
(( Ainsi les gaz diffèrent entre eux selon la matière^ la forme,
le lieu, le ferment, les propriétés. Ils sont aussi variables que les
corps d'où ils proviennent. Les cadavres nagent sur Peau, à
cause des gaz qui s'y produisent (1). »
On voit que Yan-Helmont admettait plusieurs espèces de gaz,
mais sans en donner les caractères distinctifs.
Gaz sylvestre était .une expression générale, équivalant à gaz
incoercible {sylvestris y sauvage). C'est Van-Helmont lui-môme
qui nous explique cette étymologie, en même temps qu'il
donne la véritable définition d'un gaz permanent (2).
Une question importante se présente ici : Van-Helmont savait-
il recueillir les gaz et les étudier à part? Nous devons répondra
négativement. Car il déclare lui-même que le gaz ne peut être
emprisonné dans aucun vaisseau, et qu'il brise tous les obstacles
pour aller se mélanger avec l'air ambiant (3).
Van-Helmont s'étonne avec raison que l'école galénîste n'ait
pas indiqué la différence qui existe entre le « gaz venteux » {gas
ven(osum)y c'est-à-dire l'air agité par une cause quelconque
( vent ) , et les gaz du charbon, de la fermentation , de l'estoniac^
des intestins, etc. (4). Ces gaz, il les appelait, indépendamment
missus per flammam candelae, trausvolando accenditur ac flammam diversicolo-
rem, iridis instar exprimit.
(1) Ortus med. Qui vero in îleo sive îDtestinis gracilibus formatur, nunquam
est înflammabiiis, sœpe inodorus, acutus. — Differunt itaque flatus Id nobis mate-
ria, forma, loco, fermento, proprietatibus. Nec minus flatus suas habent genericas
atque specificas varietates, etc.
(2) Ibid, Gas sylvestre sive incoercibile, quod in corpus cogi non potest visi-
bile.
(3) Ibid.j p. 68. Gas, vasis incoercibile, foras in aerem prorumpit, elc.
(4) De Hatihus, p. 259. Nescivit scliola galenica hactenus differentiam inter
gas ventosum ( quod mère aer est, id est ventus per siderum hlas commo-
tus), elc.
» TROISIÈlfE ÉPOQUE. 139
de la dénomination générale de gaz sylvestre , gas pingue, gas
siccum, gas fuliginosum me endimieum; ils étaieilt (hydrogène
bicarboné j hydrogène protocarboné , acide carbonique , oxyde
de carbone^ etc.) produits par la dfstillation des huiles gras-
ses , de certains fruits , et d'autres matières organiques.
Ijà flamme elle-même est, selon Fauteur, migaz incandescent
ou une vapeur allumée (t). Cette observation était parfaitement
exacte, mais elle manquait alors de démonstration.
Rappelons ici une expérience très-remarquable de Yan-Hel-
mont , qui fut depuis répétée par tous les chimistes : a Placez
une chandelle au fond d'une cuvette; versez dans cette cu-
vette de Teau de deux à trois doigts de haut; recouvrez la chan-
delle, dont un bout est hors de l'eau, d'une cloche de verre ren-
versée. Vous verrez bientôt Teau, comme par une espèce de suc-
cion, s'élever dans la cloche et prendre la place de l's^ir diminué,
et la flamme s'éteindre (videbis mox — aquam quadam succione
sursum trahi et ascendere invitrum loco aeris diminuti, flam-
mam suffocari) (2). »
La conclusion que l'auteur tire de cette expérience est qu'il
peut se produire un vide dans la nature, mais que ce vide est
immédiatement rempli par un corps matériel. Il ne dit pas si la
flamme enlève à l'air un gaz ( oxygène ] , ni que ce gaz en soit
l'aliment.
Au gaz sylvestre, résultat de la fermentation et de la combus-
tioh du charbon, il faut ajouter le gaz du sel, comme l'appelle
Van-Helmont. Ce gaz n'était autre que l'acide chlorhydrique.
Il l'obtenait en mettant dans une cornue un mélange d'acide
(eau-forte) et de sel marin ou de sel ammoniac. « Il se produit,
dit l'auteur, même à froid, un gaz dont le dégagement fait briser
le vaisseau (3). »
Que de vaisseaux brisés avant que l'on parvint à recueillir les
fluides élastiques ! — L'auteur n'ignorait pas que les accidents d'ex-
plosion, qui arrivaient alors si fréquemment dans les laboratoi-
' res , étaient en grande partie dus aux corps en question. Et ici il a
(1) Atque imprimis iodubium est, quia flamma sit riimiis accensus, et qood fu-
inus sit corpus gas,
(2) Ort, med, ( Vacuum naiurœ), p. 84.
(3) Ibid., p. 68. Mox etiam in frigore gas excitatur et vas, utut forte, desilit
cum fragore.
140 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
soin de nous apprendre que le gaz nous explique le mieux Tac-
lion de la poudre à canon (1).
Van-Helmont démontra expérimentalement que le gaz très-
odorant (qu'il appelle également gaz sylvestre)^ produit par le
soufre en combustion, éteint la flamme. Il connaissait aussi
le gaz nitreux, et l'obtenait en traitant l'argent par Peau-forte
{dum chrysulca argentum solvit, eruclatur spiritus sylvestris (2).
Il avait même entrevu la production de l'oxygène ou du pro-
toxyde d'azote par la combustion du nitre.
Si Van-Helmont n'a pas été assez heureux pour recueillir et
étudier tous ces gaz isolément, personne ne saura lui conteste^
•m
l'immense mérite d'en avoir le premier signalé l'existence.
Rien de plus curieux que de suivre pas à pas ce grand observa-
teur dans tout ce qu'il dit relativement à la composition des gaz.
Là aussi il essaie de procéder par la voie expérimentale, et il
s'arrête tout d'abord sur la composition du gaz de charbon [gas
earbonisy acide carbonique). Il soutient que, matériellement, ce
gaz n'est autre chose que de l'eau {nonnisi mera aqua materiali'
ter) ; à l'appui de cela, il nous apprend qu'en distillant du bois de
chêne , il avait obtenu, à la place du gaz, un liquide incolore et
limpide comme l'eau (3).
On voit que Terreur de Van-Helmont provenait de ce qu'il con-
fondait la distillation avec la combustion. Et celte erreur était inévi-
table à une époque où l'oxygène n'élait pas encore découvert, et
où Ton ignorait l'action permanente qu'exerce ce gaz sur tous les
corps, soit pendant leur combustion, soit par leur exposition à
l'air.
Aujourd'hui sommes-nous bien sûrs que nombre de conclu-
sions que nous tirons de nos expériences ne soient pas entachées
d'erreur, par cela même que nous sautons un ou plusieurs aBiieaux
de la grande chaîne qui doit lier ensemble tous les faits de la
science ? Trop préoccupés de ce qui est , nous perdons de vue
ce qui sera. Dans son orgueil , l'homme crée des systèmes , pose
des règles absolues, pense et agit comme si le monde devait finir
avec lui. C'est là l'origine de presque toutes nos aberrations, —
aberrations de myopes.
(1) Ortus medicinx, p. 67. Historiam enim gas exprimil proxime pulvis tor-
mentarius.
(2) Ibid. [Dejlatihus), p. 424.
(3) Ibid., p. 68.
TAOISIÈME EPOQUE. 141
Voici une expérience de Van-Helmont, qui était destinée à
prouver qu^ le gaz du charbon n'est autre chose que de Teau.
Elle est intéressante au point de vue philosophique, car elle
montre combien nous devons être prudents dans nos déductions.
Ayant fait voir que le bois donne ; par la distillation , un corps
liquide et limpide comme de l'eau, l'auteur s'attache à démon-
trer que les plantes ne se nourrissent que d'eau. «Je mis, dit-il,
dans un vase d'argile deux cents livres de terre (végétale) séchée
au four, et j'y plantai une tige de saule pesant cinq livres. Au
bout de cinq ans, le saule, ayant pris de l'accroissement, pesait
cent soixante-neuf livres et environ trois onces. Le vase n'avait
jamais été arrosé qu'avec de l'eau de pluie ou de^l'eau distillée,
et toutes les fois qu'il était nécessaire. Le vase était large et en-
foui dans la terre ; et, afin de le mettre à l'abri de la poussière ,
je le recouvris de lames de fer étamées, percées d'un grand
nombre de trous.... Je n'ai point pesé les feuilles tombées pen-
dant les quatre automnes précédents.... Enfin, je fis de nouveau
dessécher la terre que renfermait le vase, et je lui trouvai le même
poids que primitivement (deux cents livres) , moins deux onces
environ. . Donc , Teau seule a suffi pour donner naissance à cent
soixante-quatre livres de bois, d'écorce et de vdicine {Hbrœ ergo
CLxiv ligni, corticum et radicum ex sola aqua surrexerunt) (d). >)
Voilà une expérience qui témoigne certes d'une rare sagacité.
La balance y joue déjà un rôle capital, bien que eetinstrumenl soit
encore fort éloigné du degré de précision qu'il devait atteindre
par la suite. La conclusion de l'auteur entraînait la conviction de
tous les savants de son époque : on n'y trouvait rien à objecter.
Et, abstraction faile de la légère diminution de poids de la terre
végétale que Van-Helmont aurait pu expliquer par l'absorption
des sels qui se retrouvent dans les cendres, il aurait été en effet
impossible d'y trouver rien à redire. Aucun contemporain nepou-
vait — ce qui nous est permis aujourd'hui — reprocher à Van-Hél-
mont d'avoir tiré de cette expérience une conclusion erronée, en
négligeant l'action de l'air dans la végétation : un voile épais déro-
bait encore à la connaissance de l'homme l'oxygène , l'azote, l'a-
cide carbonique de l'atmosphère, la respiration des plantes;
c'étaient là des découvertes réservées à l'avenir. La conclusion de
Van-Helmont, que nous venons de reproduire, est donc une
•
(1) Ortus med., p. G8.
142 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
idée anticipée el fausse, quoique en apparence vraie et fondée sur
Texpérience. ^
Mais, nous aussi aujourd'hui, je le demande ; ne serions-nous
pas exposés à tomber dans des erreurs tout aussi graves , qui
pourraient être relevées un jour par nos descendants? Connais-
sons-nous bien tous les agents qui nous environnent , et qui
exercent de près ou de loin leur action incessante sur tous les
corps de la nature? Notre méthode expérimentale embrasse-t-elle
toutes les conditions , tous les éléments nécessaires pour arriver
à formuler des lois? Ces questions mériteraient d'être prises en
très-sérieuse considération.
Éléments, — Il règne dans les écrits de Van-Helmont beaucoup
d'incertitude au sujet des éléments de la nature. L'auteur sem-
ble tantôt admettre, avec les alchimistes, trois éléments, le
sel, le soufre, et le mercure, mais avec des restrictions dont le
sens n'est pas toujours bien saisissable (i) ; tantôt il partage l'avis
de certains philosophes de l'antiquité , établissant trois éléments,
Vair, VeaUj la t^rre; car le feu , ne se combinant pas^matérielle-
ment avec d'autres corps, n'est pas, selon l'auteur, un élément.
Nous venons de voir quel rôle important il attribue à Veau. Il
compare encore Teau au sang qui circule dans les veines et vivifie
le corps terrestre, et il explique la formation des montagnes par
les soulèvements que l'eau produit dans le sein de la terre.
En opposition avec les théories de ses prédécesseurs, il démon-
tre très-clairement que l'eau ne peut être transformée en air, ni
l'air en eau. « Sans doute l'eau, dit-il, peut être réduite en va-
peur ; mais ce n'est là que de la vapeur, c'est-à-dire de l'eau dont
les atomes sont raréfiés, et qui se condensent aussitôt par l'action
du froid pour reprendre leur état primitif (2). La vapeur d'eau
qui existe dans l'air d'une manière invisible, et qui se résout
dans certaines conditions en pluie , est celle qui se rapproche le
plus de la nature des gaz (3). »
a Vair est, ajoute-t-il, un élément sec qui ne peut être liquéfié
par le froid ni par la compression; l'air n'est donc point une
(1) Ortus med.y p. 65. Sunt sal, sulphur et mercurius, non qiiidem ut corpora
quœdam universalia, qnœ cunctis fipeciebus suiit communia, sed partes sunt
similares, in cnnclis corporibus, varietate triplici, pro seminum exigenlia dis-
tinctae.
(2) Ibïd., p. 64.
(3) Ibid., p. 75 et 77.
TROISIEME EPOQUE. 143
métamorphose de Teau , qui est l'élément humide. — La terre,
le limon, tout corps tangible est, matériellement considéré, un
produit de Feau, et se réduit en eau, soit naturellement, soit
artificiellement (!}. »
C'était là ce qu'avait déjà enseigné Thaïes. Mais, sentant que le
raisonnement seul ne suffit pas pour vider un combat scientifi-
que^ Yan-Helmont en appelle à l'expérience, et il s'appuie sur des
preuves géologiques du plus haut intérêt. « En creusant dans là
terre, on rencontre , dit-il, des couches superposées d'un aspect
varié ;ces couches sont les fruits de là terre, et proviennent d'une
semence. Au-dessous de ces couches se trouvent les montagnes
de silice, d'où découlent les premières richesses des mines. Au-
dessous de ces roches, on rencontre le sable blanc et de Veau
chaude. Lorsqu'on enlève une partie de ce sable et de cette eau,
on voit aussitôt se combler le vide. Ce sable non mélangé est une
espèce de crible à travers lequel les eaux filtrent , afin de con-
server entre elles une communication réciproque depuis la sur-
face de la terre jusqu'au centre {hoc sabulum impermixtum seta-
ceum qnoddam vel cribrum est — per quod omnes aquœ transco-
lantur , ut invicem omnes communionem servent, — a superficie
terrœ in centrum nsque). Et cette masse d'eau accumulée dans
les entrailles de la terre est peut-être mille fois plus considérable
que les eaux de toutes les mers et fleuves réunis qui se trouvent
à la surface du sol (2). »
Ces paroles si remarquables, qui nous rappellent Bernard
Palissy (3), ne devaient plus laisser aucun doute sur l'existence
des puits artésiens.
Van-Helmont fait mieux que de croire à un déluge universel,
il essaie de le démontrer. Les coquilles et les plantes fossiles
sont pour lui autant de preuves d'un monde antédiluvien, en-
glouti par les eaux. L'un des fondateurs de la paléontologie,
l'auteur nous apprend qu'il conserve dans son musée la mâchoire
d'un éléphant (mammouth), de plusieurs pieds de long, trouvée
à Hingsen, sur l'Escaut, à douze pieds au-dessous du sol.
Thermomètre. — En réponse à un cerlain Heer qui lui repro-
(1) Ort, med.y p. 34. Omnis terra, lutiimac omne corpus tangibile vere et ma-
terialiter est solius aquae progenies, et io aquam iterum reducitor per naturam et
artem.
(2) iMd.fP. 33 et 34.
(3) Voyez page 82 de ce volume.
144 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
\
chait d'avoir poursuivi la chimère du mouvement perpétuel, Van-
Helmont déclare qu'il s'était en effet servi d'un instrument de sa
propre invention, non pas pour chercher le mouvement perpé-
tuel, mais pour constater que « l'eau, renfermée dans une lige
creuse de verre terminée par une boule , monte ou descend, sui-
vant la température du milieu ambiant (juxta temperamentum
amhientis) (1). »
Cette idée, jetée en quelque sorte au vent, devait être un
jour reprise et fécondée par d'autres. L'invention du thermo-
mètre a été successivement attribuée à Bacon , à Fludd, à Dreb-
bel, à Sanctorius, à Sarpi. Suivant M. Libri, l'honneur en revient
à Galilée, qui déjà en 1603 aurait montré au père Castelll les
effets d'un instrument analogue au thermomètre (2).
Il serait trop long d'exposer ici toutes les observations, d'ail-
leurs fort intéressantes, de l'auteur, relatives à la chimie tech^
nique, à la pharmacie et à la médecine. Il est aisé de se con-
vaincre, parce qui précède, que, loin d'adopter aveuglément
tout ce que disaient les anciens , Van-Helmont réfutait les doc-
trines qui lui semblaient erronées, et cherchait à enrichir la
science de faits nouveaux.
Liqueur des cailloux. — Cette liqueur s'abtenait en faisant fondre
. de la silice pilée avec un excès d'alcali, et exposant ensuite le
produità l'humidité, où il ne tardait pas à tomber en déliquium.
« En y versant, dit l'auteur, une quantité d'eau-forte suffisante
pour saturer tout l'alcali [quœ saturando alcali sufficil), on re-
marque que toute la terre siliceuse se précipite au fond, sans
avoir éprouvé d'altération ( immutata persista) (3). »
C'est la première fois que nous trouvons l'expression de sa-
turer {saturare), employée pour désigner la combinaison d'un
acide avec une base. Encore une idée, dont le développement
était réservé à l'avenir.
Sels métalliques. — Dissolutions. — La dissolution d'un métal
(cuivre, fer, argent) était regardée par la plupart des alchi-
mistes comme la destruction même de ce corps. Van-Helmont
combat cette opinion. « Bien que l'argent soit , dit-il , amené par
l'eau-forte à prendre la forme de l'eau , il n'en est aucunement
(1) Orlus medicinœ^p. 3D.
(2) G. Libri, Histoire des sciences mathématiques en Italie, t. iv, p. 189, et
note XVI.
(3) Ortus med.f p. 56.
TROISIÈME EPOQUE. 445
altéré dans son essence; c'est ainsi que le sel commun que Ton
dissout dans l'eau n'en reste pas moins ce qu'il est, et qu'on le
retrouve intégralement dans le dissolvant. »
Urines. — Ledépôtsalinque donnent les urines parrévaporatfon
s'appelait iartarus vrinœ, par opposition à celui qui se forme dans
les tonneaux de vin , et qui était le tartarvs vini, Van-Helmont
préparait, avec l'esprit d'urine (ammoniaque) et l'alcool absolu,
une matière qui portait, d'après lui , le nom de offa Helmontiù II
avait remarqué que certaines substances communiquent aux
urines une 'odeur particulière, et que les molécules odorantes
peuvent être transmises de la nourrice au nourrisson par l'inter-
médiaire des glandes lactées.
Van-Helmont introduisit d'utiles réformes dans lapharmacie.
Il fit comprendre aux apothicaires l'inconvénient de ces bols, si-
rops , électuaires , etc., qui , sous une énorme niasse de matière
inerte, ne renferment quelquefois que des traces du médicament
réellement actif. Il accorda une grande confiance aux prépara-
tions antimoniales et mercurielles , ainsi qu'au vitriol de cuivre^
employé comme vomitif . Enfin, il eut le mérite de faire voir qu'il
n'est nullement indifférent d'employer soit la décoction , soit l'in-
fusion, ou la macération pour extraire des plantes les parties ac-
tives; que l'infusion est beaucoup plus chargée de principes
volatiles et odorants que la décoction , etc.
Nous n'insisterons pas sur les idées, fort remarquables d'ail-
leurs, de l'auteur, sur les fonctions de l'économie à l'état sain
comme à l'état de maladie : ce serait empiéter sur le domaine
de l'histoire de la médecine. n
Uarchée (archeus) de Van-Helmont est un fluide matériel (awra
corporalis) qui sommeille dans les corps, comme toute la plante
dans la graine. Il imprime aux êtres vivants leurs caractères
distinctifs , et crée ainsi le type de chaque espèce. Sous le nom
de portier de l'estomac (/amïor .s/omacAï), il préside à la. nutri-
tion , et fait en sorte que les aliments deviennent assimilables en
se changeant en chyle (1).
L'esprit vital [spiritus vHalis), que l'auteur considère comme
une espèce de gaz, est engendré dans l'oreillette et le ventricule
gauches du cœur. Cet esprit est la cause de la respiration en attirant
l'air extérieur, il détermine la pulsation desartères, lacontraction
(1) Ortus medicinx, p. 89.
niST. DE LA CniXIE. — T. If. 10
146 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
musculaire et la force nerveuse. Les gaz exercent sur lui une in-
fluence puissante, instantanée, parce qu'il tient lui-même de la
nature des gaz.
Van-Helmontreconnaît, Tun des premiers, Texistence d'un
acide particulier dans Testomac (suc gastrique). « Cet acide,
dit-il, est aussi nécessaire à la digestion que la chaleur consr
tante du corps ; dans le duodénum, l'acide de l'estomac rencontre
la bile, qui agit comme un alcali; il se combine avec elle, à peu
près comme le vinaigre très-fort avec le m\x\ium{nonsecu8fereat'
que acetumacerrimumper minium), et perdent l'un et l'autre, par
cette combinaison, leurs propriétés anciennes (1). » — L'acide
de l'estomac, lorsqu'il s'accumule en trop grande abondance,
peut, selon l'auteur, produire de nombreuses maladies. Le
rhumatisme articulaire , la goutte, les palpitations de cœur, la
gangrène, la gale, etc., ont pour cause un principe acide.
Ces idées chimiques attirèrent l'attention d'ungrand nombre de
médecins, et en particulier du célèbre François Sylvius ( Dubois),
le représentant de l'humorisme et du chimisme de son époque.
§2.
^ Robert Boyle.
Boyle est une des plus nobles figures de l'histoire. Grâce à une
application mesurée de la méthode expérimentale , il a puissam-
ment contribué aux progrès des sciences. Favorisé par la fortune
et la naissance, il lui aurait été facile d'arriver aux fonctions les
plus élevées dans l'État; mais son ambition se bornait, rare ambi-»
tion ! à consacrer sa vie àl'étude des phénomènes de la nature et
au soulagement des pauvres. Aux vanités do ce monde il préférait
l'étude silencieuse de la nature, le cercle d'un petit nombre d'a-
mis et la conscience de n'avoir employé ses facultés que pour
faire le bien.
Robert Boyle, fils de Richard, comte de Cork etd'Orrery, naquit
à Lismore en Irlande, le 25 janvier 1626, l'année même où mourut
le chancelier Bacon. Ses parents, dévoués aux intérêts dynastiques
de la branche des Stuarts, le destinèrent d'abord à l'Église. Mais
(1) Ort. med.y p. 209,
TROISIÈME EPOQUE. 147
une constitution très-faible, accompagnée dlnfirmités, le fit re-
noncer à cette carrière, et interrompre momentanément ses étu-
des. En 1638, son père le fit voyager dans le Midi, sous la conduite
d'un gouverneur. Le jeune Robert traversa la France, s'arrêta quel-
que temps à Genève, visita la Suisse et l'Italie. Les troubles qui
avaient éclaté dans son pays lui firent prolonger son voyage jus*
qu'en 1644. A la mort de son père, il se trouva à la tête d'une
fortune considérable. Loin du théâtre sanglant de la politique, il
se retira dans la terre de Stulbridge , pour se vouer tout entier à
l'étude des sciences physiques. Ce fut pendant les dissensions du
parlement avec la royauté , prélude d'un drame sanglant , que
Boyle réunissait autour de lui quelques hommes d'élite, aimant
comme lui la science ; ils s'assemblaient, dès l'année 1645, sous
le nom ùt Collège philosophique^ tantôtà Londres, tantôt à Oxford,
€e fut là le noyau de la Société royale d'Angleterre. Les
membres de cette assemblée, les amis de Boyle, étaient Guil-
laume P|:tty, S. Ward, Th. WiLLTs, Glisson, Merret, J. Wil-
KiNS, J. GoDDARD, G. Ent, S. FosTER, Th. Haak (du Palatinat),
R. Bathurst, s. Hartlieb, Rooc, Math, et Christ. Wren, R. Ba-
THURST, s. R. HooK, H. Oldenburg (de Brème), J. Beale, J. Eve-
LEYN, lord Brounker, Brereton, h. Bail, Hill, Cronb, H.
Slingsby, p. J*îeil, Th. Hanshan et Tim. Clarke, qui tous se sgnt
distingués dans les sciences.
Après la chute de Cromwell et l'avènement de Charles II, cette
société obtint la protection du roi, et fixa son siège à Londres.
Bès lors elle ne devait plus être connue que sous le nom de Société
royale de Londres,
Les instants que Boyle dérobait à l'étude de la nature étaient
consacrés à des œuvres philanthropiques. L'établissement des
missions, la propagation de la religion chrétienne dans les
Indes, étaient l'objet de ses efforts constants.
Le nom de Boyle se répandit bientôt dans toute l'Europe , et
sa modestie s'accrut avec sa célébrité. 11 refusa les honneurs de
la pairie ; il refusa même le poste de président de la Société
royale, que personne n'était plus digne que lui d'occuper. Ho-
moré successivement de l'estime particulière de Charles II, de
Jacques II et de Guillaume , il ne demanda jamais rien pour lui-
même, et n'employa son crédit qu'à solliciter des encoura-
gements. Sa maison était également ouverte à ceux qui voulaient
s'instruire, comme à ceux qui souffraient. Sa fortune était em-
10.
148 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
ployée à faire construire des laboratoires, à fonder des biblio-
thèques, et à faire des heureux.
Cet homme, d'une vie sf pure et si belle, s'éteignit paisible-
ment à Londres le 30 décembre 1691 , à Page de soixante-cinq
ans. Sa dépouille mortelle repose dans Téglise de Tabbaye de
Westminster.
R. Boyle était d'une taille élevée; d'un visage pâleetmaigre, il por-
tait l'empreinte d'un esprit sévère, réfléchi, calme et inaccessible
aux tourments de l'ambition. Il était d'une sqbriété exemplaire, et
réglait, dit-on, ses vêtements d'après les degrés du thermomètre,
instrument alors nouveau. Ennemi de toute emphase, il parlait
lentement et avec quelque hésitation, discutait peu, et proposait
plus souvent des doutes que des solutions téméraires (1).
Travaux de R* Boyle.
Les ouvrages de ce grand homme, que Boerhaave appelle avec
raison l'ornement de son siècle^ sont très-nombreux. Écrits en
anglais, ils ont été recueillis par Birel , et publiés à Londres en
1744, cinq volumes in-fol. Avant cette édition , Shaw avait déjà
donné un recueil des œuvres de Boyle, sous le titre de The phi-
losophical works ofihe honorable /?. Boyle ^ ahridged^ methodized
and disposed by P. Shaw (Londres, trois volumes. in-4°, 1738).
— C'est cette édition que nous avons sous les yeux (2).
«Lequel des écrits de Boyle , s'écrie Boerhaave, puis-je louer?
tous. Nous lui devons les secrets du feu , de l'air, de l'eau, des
animaux, des végétaux, des fossiles; de sorte que de ses ouvra-
ges peut être déduit le système entier des sciences physiques
et naturelles. » -r- Boerhaave était, mieux que personne, à même
d'apprécier l'importance des travaux de Boyle.
Dans l'analyse des œuvres de Boyle , nous n'insisterons
que sur ce qui concerne plus spécialement la science dont nous
(1) Consultez sur la vie de R. Boyle l'édition anglaise des œuvres de Boyle
(Londres, 1744 ), el le Dict. historique de Bayle.
(2) Les premiers écrits de Boyle ( Certain physiological essays written at
distant times) furent imprimés à Londres, 1661, 1663 et 1669, in-4'^. — Ses ou-
vrages ont été traduits en latin et publiés dans difrérenis endroits, à Cologne,
3 vol in-4°, 1680 ;à Venise, 1695, in-4**; à Genève, 5 vol. in 4°, 1714. Plusieurs de ces
ouvrages ont été publiés en français sous le titre de Recueil d* expériences ; Paris,
1679, in-8<».
TROISIEME ÉPOQUE. 149
essayons ici de tracer Thistoire. Il y a tant de charmes à s'identi-
fier avec les pensées d'un esprit qui laisse si loin derrière lui
cette tourbe de faux savants qui ne font de la science qu'un mar-
chepied!
L'auteur débute par exposer, dans un Discours préliminaire ,
les vues larges et philosophiques qui doivent présider à la direc-
tion de la science. Il rompt en visière avec les traditions spécu-
latives du passé, et prépare à la chimie un bel avenir.
<( Les chimistes se sont laissé jusqu'ici guider, dit-il, par des
principes étroits et sans aucune portée élevée. La préparation
des médicaments^ l'extraction ou la transmutation des métaux ,
voilà leur terrain. Quant à moi , j'ai essayé de partir d'un tout
autre point de vue : j'ai considéré la chimie, non pas comme le
ferait un médecin ou un alchimiste , mais comme un philosophe
doit le faire. J'ai tracé le plan d'une philosophie chimique que je
serais heureux de voir complétée par mes expériences et mes ob-
servations.... Si les hommes avaient plus à cœur le progrès de la
vraie science que leur propre réputation , il serait aisé de leur
faire comprendre que le plus grand service qu'ils pourraient '
rendre au monde, ce serait de mettre tous leurs soins à faire des
expériences, à recueillir des observations, sans chercher à éta-
blir aucune théorie avant d'avoir donné la solution de tous les
phénomènes qui peuvent se présenter (1). »
Ce sont là de ces idées qui feraient honneur aux savants de
tous les pays et de tous les temps.
Le vœu le plus ardent de Boyle, ainsi qu'il l'avoue lui-même ,
était de répandre et de populariser l'emploi de la méthode ex-
périmentale, « de laquelle seule on peut attendre le plus grand
avancement d'une science utile (2). »
Son discours préliminaire est un chef-d'œuvre de logique : il
ne serait déplacé en tête d'aucun livre.
Comme Paracelse et Van-Helmont, Boyle reconnaît la nécessité
d'en appeler à la chimie pour aborder la solution des plus grands
problèmes de la médecine. « La connaissance , dit-il , de la na-
ture des ferments et de la fermentation conduira probablement
(1) Preliminary Discourse , vol. i^ p. xyii et wiii.
(2) Fromwbich alone tlie greate«i advancement of useful knowledge is fo be
«xpected. Yol.jy p. %n{Preliminarifdiscourse),
150 HISTOIRE DE LA GHIBOE.
un jour à la solution de bien des phénomènes pathologiques
inexplicables par d'autres voies (1). »
Cette idée, longtemps rejetée par les médecins, a été reprise
de nos jours avec une vigueur extrême.
Théorie des éléments. — Les anciens chimistes s'étaient divisés
en deux camps : les uns admettaient, avec les péripatéticiens^
quatre éléments; les autres, trois : le mercure , le soufre, le seL
Presque tous les alchimistes partageaient cette dernière opinion.
Boyle éleva le premier, dans son traita remarquable The scep^
iical chymist , des doutes sérieux sur la théorie des péripatéti-
ciens, ainsi que sur celle des alchimistes. D'abord il conteste la
jature élémentaire de la lerre, de l'air, de l'eau et du feu ; il pense
qu'il ne faut pas s'astreindre au nombre de trois, de quatre ou
de cinq éléments, et qu'il arrivera peut-être un jour oti l'on en
découvrira un nombre beaucoup plus considérable.
a II est, dit-il, très-possible que tel corps composé renferme
seulement deux éléments particuliers ; tel autre , trois ; tel autre,
quatre, etc.; de manière qu'il pourrait y avoir des substances
qui se composeraient chacune d'un nombre différent d'éléments.
Bien plus , tel composé pourrait avoir des éléments tout dif-
férents, d'après leur essence, de ceux d'un autre composé,
comme il y a des mots qui ne renferment pas les mêmes lettres
que d'autres mots (2). »
La prophétie de Boyle s'est accomplie ; on compte aujourd'hui
plus de soixante corps simples, et il y aen effet bien des composés
dont les éléments diffèrent de ceux de tel autre composé. Les
anciennes théories, d'après lesquelles tout corps de la nature se
compose de terre, d'air, d'eau, de fer ou de mercure, de soufre^
de sel , étaient rudement attaquées par Boyle , et complètement
battues en brèche.
« Je voudrais bien , dit-il , savoir comment on parviendrait à
décomposer l'or en soufre, en mercure et en sel; je m'engage-
rais à payer tous les frais de cette opération. J'avoue que , pour
mon compte, je n'y ai jamais pu réussir (3). »
Il se plaint avec raison de cette obscurité systématique dont les
alchimistes font en quelque sorte étalage dans leurs .écrits ; c'é-
(1) Usefulness of philosophy, dans le vol. i, p. 34.
(2) The scepiical chymist , 4ansle vol. m, p. 295.
(3) Ibid., p. 295. — Which escape unheeded at the junctures of the vessels
employed in distillation.
TROISIÈME EPOQUE. J5i
tait pour eux un moyen de cacher le vide de leurs doctrines et
de leurs procédés. Illeur reproche, en termes acerbes, d^'avoir pris
des combinaisons métalliques , particulièrement celles de Teau-
forte avec l'argent ou le plomb, pour les substances élémentaires
de ces métaux.
Outre les éléments visibles et palpables , ne pourrait-il pas y
avoir, se demande Boyle, des éléments d'une nature plus subtile,
invisibles , et qui s'échappent inaperçus à travers les jointures
des vaisseaux distillatôires (i ) ?
Puis il dénniontre l'insuffisance des prétendues méthodes ana-
lytiques alors employées, et fait voir quelle immense différence
il y a entre la distillation en vaisseaux clos, et la calcination des
corps à l'air libre.
o II serait, dit-il, à souhaiter que les chimistes nous apprissent
clairement quel genre de division par le feu doit déterminer le
nombre des éléments ; car il n'est pas aussi aisé qu'on le pense
d'apprécier exactement tous les effets de la chaleur. Ainsi, le
gaïac, brûlé à feu nu, se réduit en cendres et en suie, tandis
que , soumis à la distillation, il se résout en huile, en esprit, en
vinaigre, en eau et en charbon (2). »
Xlette distinction est si importante qu'on pourrait l'assimiler à
une véritable découverte. Les chimistes, qui tous avaient jus-
qu'alors confondu la calcination avec la distillation, étaient ar-
rivés aux conclusions les plus étranges, témoin Van-Helmont (3).
Le feu seul ne peut point décomposer les corps en leurs élé-
ments hypostatiques ; le feu arrange seulement les molécules dans
un autre ordre, il donne naissance à des produits nouveaux qui,
pour la plupart , sont de nature composée.
C'est là ridée dominante de Boyle. Aussi toutes les tentatives
qui avaient été faites jusqu'alors pour déterminer la composition
des corps, lui paraissent-elles illusoires. Il s'attache à prouver ex-
périmentalement que les matières soumises à l'action du feu se dé-
composent de manière que leurs éléments se groupentdans un or-
dre tout différent de celui dans lequel ils se trouvaient auparavant.
« Vous composez, dit-il, du savon avec de la graisse et de l'alcali,
et pourtant ce savon , chauffé dans une cornue, fournit des pro-
duits nouveaux, également composés , qui ne ressembleiit ni à
(1) 2'he scept, chymist, p. 298.
(2) Ibid., p. 266.
(3) Voy. page 140 de ce volumo^
152 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
la graisse, ni à l'alcali employés ; il s'y trouve surtout une huile
très-acide, fétide, et tout à fait impropre à faire du savon. Autre
exemple : vous mêlez du sel ammoniac , en proportion conve-
nable, avec de la chaux vive. Eh bien ! en chauffant ce mélange,
vous obtenez un esprit très-volatil, d'une odeur fort péné-
trante (ammoniaque ) , et tout à fait différent du sel ammoniac ;
la partie fixe ( chlorure de calcium) ne ressemble plus en rien à
la chaux; elle a de l'analogie avec le sel marin (1). »
Boyle est le premier qui ait nettement défini le mélange et la
combinaison : dans un mélanige [mixture], lés principes qui y
entrent conservent chacun leurs propriétés caractéristiques , et
sont facilement séparés les uns des autres ; dans une combinaison
{compoundmass), les parties constituantes perdent entièrement
leurs propriétés primitives, et sont plus difficiles à séparer. Il
cite comme exemple le sucre de Saturne, qui se compose de vi-
naigre et de litharge, éléments dont aucun n'est de saveur sucrée.
#
Air.
Boyle a fait un grand nombre d'expériences sur l'air, qu'il dé-
finit (( un fluide ténu, transparent, compressible, dilatable, enve-
loppant la surface de la terre jusqu'à une hauteur considérable ,
et se distinguant de l'éther, en ce qu'il réfracte les rayons du
soleil. 0
Il pense que l'air, sur la nature duquel on est loin d'avoir dit
le dernier mot, est une çnatière complexe, et qu'il se compose de
trois espèces différentes de molécules : la première proviendrait
des exhalaisons des eaux , des minéraux , des végétaux, des ani-
maux existant^à la surface de la terre ; la seconde, beaucoup plus
subtile , consisterait dans les effluves magnétiques émis par la
terre, et produisant, par leur choc avec les atomes innombrables
émanant des astres, la sensatfon delà lumière; enfin, la troi-
sième espèce ne serait aujre chose que la portion essentiellement
dilatable de l'air, compressible et élastique comme le ressort
d'une montre.
L'auteur fait ensuite voir, par une série d'expériences très-cu-
rieuses , que cette dernière partie de l'air joue un rôle actif dans
un grand nombre d'opérations chimiques. La plupart de ces expé-
(1) The sceptical chymist, dans le vol. m, p. 287.
TROISIÈME ÉPOQUE. 153
riences consistaient à remplir une fiole de verre, au tiers ou au
quart, d'un mélange de limaille de cuivre et d'une solution aqueuse
^'esprit d'urine (ammoniaque), et à bien fermer la fiole après
y avoir ^préalablement introduit un petit baromètre (1). Le mé-
lange se colorait en bleu céleste à mesure que l'air emprisonné
dans J^ vaisseau diminuait de son élasticité, et faisait descendre la
colonne de mercure (2) .
Les expériences faites par Boyle sur l'air démontrent scienti-
fiquement ce que Ton n'avait jusqu'alors qu'entrevu théorique-
ment.
A la même époque où Otto de Guericke inventa la machine
pneumatique, Boyle faisait des expériences sur le vide. Il avait
chargé Hook de lui construire une machine pneumatique com-
posée d'un ballon en verre (récipient) et d'une pompe à air, ins-
trument plus propre aux expériences qu'il avait entreprises , et
qui n'offrait pas l'inconvénient d'être toujours maintenu sous
l'eau, comme l'exigeait la première machine pneumatique inven-
tée par Guericke (3).
« Pour rendre, dit-il, nos expériences plus intelligibles, il
faut d'al)ord admettre que l'air abonde en particules élastiques
qui, étant comprimées par leur propre poids, tendent, sous
cette compression, à se délivrer de cette force, ainsi que la
laine, qui diminue de volume sous la pression de la main, mais
qui tend sans cesse à reprendre ses dimensions, et qui les re-
prend, en effet, dès que la force comprimante a cessé d'agir.
Lorsqu'on enlève l'air du récipient, ou que l'on en diminue l'é-
lasticité, l'air extérieur s'appesantit sur la cloche de tout le poids
de l'atmosphère , de telle sorte que l'on ne peut plus la soulever. »
Pour démontrer l'élasticité de l'air, l'auteur fait une série
d'expériences, bien merveilleuses alors, avec des vessies com-
primées et liées (placées sous le récipient), qui se gonflent et
finissent paç éclater à mesure que l'on retire l'air du récipient ,
parce que les particules de ce fluide renfermées dans leurs plis,
n'étant plus comprimées par le poids de l'atmosphère , repren-
(1) Dans cette action, le cuivre s'oxyde, en absorbant Toxygène de Tair ;
^nie&areque l'oxyde formé se dissout dans l'ammoniaque, il se -produit une belle
coloration bleue.
(2) Works o/Boyle^ vol. m, p. 19.
(3) Physico-mechanical experimenU to shew thespring and effects of ihe
«Mans le vol. ii, p. 407. ( Works qf Boyle, edit. Shaw. )
154 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
nent toute leur force élastique, et tendent à occuper un es-
pace plus étendu.
Nous nous dispensons de rapporter tous les détails dans les-
quels il entre pour mettre hors de doute l'élasticité de l'air et
la pression atmosphérique , au moyen du tube de Toricelli (1).
L'un des premiers, Boyle démontra, par de nombreuses expé-
riences, que les corps en combustion (charbons ardents, chan-
delles , fer rouge , etc. ) ont besoin d*air et qu'ils s'éteignent
dans le vide.
Vair peut-il être engendré artificiellement ?
A cette question Boyle répond par une expérience capi-
tale, et qui peut être considérée, ei) quelque sorte, comme
le point de départ de la chimie pneumatique. Nous avons fait
connaître que Van-Helmont avait déjà entrevu l'existence des
gaz , mais qu'il n'était point parvenu à les recueillir. Or, dans
l'expérience suivante de Boyle, il ne s'agit de rien moins que
de l'invention d'une méthode particulière pour recueillir les
corps aériformes. Voici cette expérience :
« Un petit matras de verre, de la capacité de trois onces d'eau
et pourvu d'un long col cylindrique , est rempli d'environ parties
égales d'huile de vitriol et d'eau commune. Après y avoir
jeté six petits clous de fer, nous fermons aussitôt l'ouverture du
vase, parfaitement plein, avec un morceau de diapaïme, et nous
, plongeons le col renversé dans un autre vase renversé, d'une plus
grande capacité, et contenant le même mélange. Aussitôt nous
voyons s'élever, dans le vase supérieur, des bulles aériformes
qui , en se rassemblant , dépriment l'eau dont elles prennent la
place. Bientôt toute l'eau du vase supérieur (renversé) est ex-
pulsée, et remplacée par un corps qui a tout l'aspect de l'air. Ce
corps est produit par l'action du liquide dissolvant sur le fer (pro-
duc'd hy the action ofthe dissolving liquor upon the iron) (2).
Ce corps aériforme était, comme on le voit, le gaz hydrogène
provenant de la décomposition de l'eau.
Ainsi, le premier gaz qui ait été recueilli, c'est Vhydrogène. Mais
cela ne veut pas dire que Boyle ait le premier découvert ce gaz;
car il était loin de s'imaginer que ce fût là un corps élémentaire,
(1) Vforks of Boyle,yo\. ii, p. 410-417.
(2) Ihid.f Physico-mechanic. experim., vol. ii, p. 432.
TROISIÈME ÉPOQUE. 155
différent de l'air, en un mot, un élément de Teau. Ce qu'il lui
importait de montrer par cette expérience ,. c'est la possibilité
de la génération artificielle de Tair, ou tout au moins d'un corps
élastique qui se dilate par la chaleur, se condense par le froid ,
et qui, en général, se comporte comme Tair commun. Mais c'é-
tait déjà une découverte considérable que d'avoir trouvé le moyen
de dégager un corps gazeux et de le recueillir. Malheureusement
cette découverte passa, comme tant d'autres, inaperçue.
Le procédé de Boyle nous suggère une réflexion curieuse :
le vase (à large orifice), qui sert de cuve à eau, contient la même
liqueur (eau et acide sulfurique) que le vase supérieur qui sert
de récipient; et le col' allongé et étroit de ce dernier remplit
l'office d'un tube recourbé pour le passage du gaz. Cette dispo-
sition rappelle le premier appareil distillatoire consistant dans un
vaisseau unique, dont le fond représentait la cornue^ tandis que
le couvercle ou l'orifice bouché de laine servait de récipient (1).
Dans l'appareil de Boyle, comme dans celui de Pline, il man-
quait exactement le même élément, un tube intermédiaire ,^our
faire communiquer,* dans le premier cas, le matras contenant le
mélange .propre à dégager le gaz, avec l'éprouvette pleine de li-
quide renversée sur une cuve à eau , et , dans le dernier cas ,
pour faire communiquer la cornue avec le récipient.
C'est à la suite de cette expérience sur Tair engendré de novo ,
comme il l'appelle (air generated de novo), que Boyle rappelle
une hypothèse qui, de nos jours, compte tout bas un grand ^
nombre de partisans. D'après cette hypothèse, la diversité des
corps serait due à l'inégalité de forme , de grandeur, de struc-
ture, de mouvement des molécules élémentaires; un> ou deux
éléments primitifs suffiraient pour expliquer toute la variété des
corps de la nature. «Et pourquoi donc, s'écrie l'auteur, les mo-
lécules de l'eau ou de toute autre substance ne pourraient-elles
pas, dans de certaines conditions, être groupées et agitées de
manière à mériter le nom d'aer (2)? »
Boyle a fait considérablement avancer la physique par ses expé-
riences sur l'évaporation de diverses liqueurs dans le vide de la
machine pneumatique, sur la pression de l'atmosphère, sur la suc-
cion, sur l'impossibilité d'obtenir un vide parfait, sur le poids des
(1) Voy. plus haut, vol: i, p. 202.
(2) Works of Boyle, vol. ii, p. 432«
156 HISTOIRE DE LA CHQCIE.
corps dans le vide, comparé au poids de ces mômes corps dans
Tair, sur Télévation des liquides'dans un siphon, sur la capillarité,
la"hauleur de l'atmosphère, l'ébuUition des liqueurs dans le vide,
la congélation de Teau, sur les effets de la compression de l'air, la
hauteur de la colonne des liquides ( contre-balançant la pression
atmosphérique ) variant d'après leur densité , sur la construction
du baromètre portatif, la propagation du son dans le vide, etc.
Ces recherches, répétées par d'autres savants, conduisirent aux
généralités fondamentales de la physique.
Les physiciens s'occupaient alors beaucoup de la détermination
de la densité de l'air. Suivant Riccioli , cité par Boyle, la densité
de l'air comparativement à celle de l'eau/est comme 1 : 10,000;
d'après Mersenne, ce rapport est comme 1 : 1356; d'après Ga-
lilée, comme 1 : 400; enfin, d'après Boyle, comme 1 : 853 ^ (1).
On remarquera que c'est Boyle qui se rapproche le plus de la
vérité.
Expériences chymico-physiologiqties sur la respiration.
Après avoir discuté les opinions plus ou moins plausibles
des médecins sur l'action respiratoire , Boyle adopte l'opi-
nion de Drebbel et de quelques autres physiciens , qui soute-
naient que la respiration a pour effet de purifier le sang, et de
lui enlever, dans les poumons, une matière excrémentitielle.
Est-ce la totalité de l'air, ou une portion seulement, qui en-
trelient la respiration?
A cette question, Drebbel avait répondu que c'est une portion
seulement de l'air. Boyle semble penser là-dessus comme Dreb-
bel; mais il n'osait pas cependant se prononcer, parce que,
comme il le dit lui-même , il n'avait pas réussi à isoler cette
portion de l'air éminemment respirable.
Plusieurs centaines d'expériences, faites dans l'intervalle de
1668 à 1678, témoignent de l'importance que Boyle attachait, à
la solution de cette question.
Il serait trop long de le suivre dans tous les détails de ses ob-
servations concernant les animaux de différentes classes (insec-
tes, reptiles, oiseaux, mammifères), placés sous le récipient de
la machine pneumatique. C'est ainsi qu'il cherche, entre autres,
à démontrer que les poissons eux-mêmes ont besoin d'air pour
(i) Works of Boyle^ Piiysico-mechan. experim., vol. II, p. 515.
TROISIÈME ÉPOQUE. 157
respirer, etqu*ils consomment l'air que l'eau renferme. La conser-
vation des matières organiques dans le vide s'opposant à la fer-
mentation ou à la putréfaction, faisait également partie des expé-
riences de Boyle , exécutées au moyen de sa machine pneuma-
tique perfectionnée. Il alla jusqu'à essayer de faire éclore des
vers à soie, et de faire détonner de l'or fulminant dans le vide.
C'est à ces observations, aussi nombreuses que variées, enre-
gistrées jour par jour, que Boyle avait donné le nom de physico-
meehanical experiments.
L'origine de la rouille des métaux était une question souvent
agitée par les chimistes du xvii® siècle.
« Le vert-de-gris (carbonate de cuivre) et la rouille de fer sont,
dit Boyle, engendrés ][)ar des effluves corrosifs de l'air {corro^
sive efftuvia of the air). C'est l'étude de ces produits qui conduira
un jour à faire connaître la composition de l'air (i). »
Lfi prédiction de Boyle s'est réalisée.
A propos des expériences de l'auteur sur la combustion (chan-
delles emprisonnées sous des récipients), Shaw (l'éditeur des
œuvres de Boyle) rappelle une expérience du célèbre physicien
Hawkesbeé, qui remarqua que l'air ayant passé sur des métaux
incandescents renfermés dans des tubes, est irrespirable, et éteint
la flamme d'une bougie. Hawkesbee ne se doutait pas que cet air
irrespirable et éteignant la flamme fût un gaz élémentaire,
l'azote (2).
Boyle consacre plusieurs expériences à démontrer que l'es-
prit-de-vin n'existe pas tout formé dans le jus des raisins, mais
qu'il est produit par la fermentation du moût, et que la fermen-
tation elle-même ne peut point s'effectuer dans le vide.
L'auteur se borne à conclure de toutes cps expériences, à la
fois si nombreuses et si remarquables, qu'il y a quelque subs-
tance vitale {some vital substance) , disséminée dans toute l'atmos-
phère, qui intervient dans les principaux phénomènes chimiques
(IsTcombustion , la respiration , la fermentation). «Il est, ajoute-
t-il, surprenant qu'il y ait quelque chose dans l'air qui soit seul
propre à entretenir la flamme, et qu'une fois cette matière con-
gsommée , la flamme s'éteigne aussitôt; et pourtant l'air qui reste
a fort peu perdu de son élasticité (3). »
(1) Memoirs for a gênera) history of the air, vol. m, p. 29.
(2) làid.,\o\. III, p. 63.
(3) Ibid.^ Tol. m, p. 82.
158 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
En lisant cette partie des travaux de Boyle, on s'attend à tout
lïioment à le voir saisir cette substance vitale de Tair; maïs, —
supplice de Tantale !— elle lui échappe sans cesse. Ce fut là le
dernier prélude de la découverte de Toxygène.
Dans le traité qui a pour titre le Feu et la Flamme pesés dans
une balance y Boyle était bien près de toucher du doigt la
vérité. C'est dans ce traité que l'auteur entreprend une série
d'expériences sur l'augmentation du poids des métaux (cuivre,
plomb, étain) par la calcination. Obtenant à peu près les
mêmes résultats en calcinant les métaux, soit dans des creusets
ouverts, soit dans des creusets fermés, il arrive à établir que
cette augmentation de poids est due à la fîxqtion des molécules du
feu qui passent à travers les pores du creuset, — « Il faut, ajoute-
t-il , que ces molécules ignées soient en nombre considérable ,
pour être sensibles à la balance (i). » /
Distillation du bois.
C'est Boyle qui a le premier montré que le bois fournit, par la
distillation, du vinaigre et de l'alcool, qu'il appelle esprit ano-
nyme, esprit de bois inflammable ou esprit adiaphorétique {adior
phorous spirit). Ayant obtenu ces deux liquides ensemble dans
le récipient, il les séparait, en les soumettant aune nouvelle
distillation, à une température ménagée avec soin , pour ne lais-
ser passer que l'esprit inflammable. Mais, comme par ce procédé
l'esprit de bois contenait toujours un peu de vinaigre, il traitait
le mélange des deux liquides par la chaux : l'acide se fixait sur
la chaux en la dissolvant, et l'esprit était rectifié et séparé seul
par une dernière distillation.
a En chauffant fortement, continue l'auteur, cette chaux sa-
turée par l'acide, on obtient (par la distillation) un esprit très-
rouge, d'une odeur très-pénétrante, d'une saveur excessivement
piquante, et qui diffère entièrement de celle des autres liquides
acides. C'est ce que quelques chimistes ont appelé teinture
de corail.
« En poussant là distillation du bois aussi loin que possible yl
on remarque que la liqueur qui passe dans le récipient n'est plus
incolore, mais d'un assez beau jaune, d'une odeur très-forte,
(!) Pire and flame weigh'd in a balance, vol. ii, p. 388-40!.
TROISIEîlE EPOOUB. 159
d'une saveur plus acide que Tesprit de vinaigre, et qu'elle pos-
sède toutes les propriétés dissolvantes des acides. Ne sachant trop
me rendre compte de son origine, je l'ai nommée acetum radi-
catum (1). ».
Boyle connaissait donc parfaitement les produits de la dis-
tillation du bois, particulièrement le vinaigre et Tesprit de
bois , en même temps que les produits de la distillation de Ta-
cide acétique combiné avec les bases (acétates).
Dans le traité ayant pour titre The atmosphères of consistent
bodies, l'auteur s'attache à démontrer que non-seulement les \U
guides, mais encore les corps solides, perdent de leur poids par
des effluves, et par une émanation permanente des particules
dont ils se composent (2).
On sait que tous les liquides , même le mercure , donnent des
vapeurs à tous les degrés de température ; et que toutes les subs-
tances, môme les plus compactes, peuvent s'user à la longue.
Le mémoire Sur la porosité des corps renferme un passage fort
intéressant relatif à la peinture sur verre (3).
Le procédé de peindre sur verre était tenu fort secret , même
du temps de Boyle ; c'est ce qui fît accréditer le bi:^uit, générale-
ment répandu, que ce procédé était perdu sans retour.
Boyle n'en fit pas un aussi grand mystère : « La méthode de
peindre sur verre n'a été, dit-il ,' jusqu'ici connue que d'un petit
nombre de personnes ; car les artistes craignent de divulguer leurs
secrets. Quant à nous, nous ne craignons pas d'apprendre au pu-
blic que cette méthode s'exécute en recouvrant les lames de verre
2i\QC des pigments minéraux, et en les exposant, pendant plusieurs
heures, à un grand feu, mais pas assez fort pour faire fondre
les lames. De cette manière , les pores du verre s'ouvrent y les pig-
ments minéraux y pénètrent, et] s' identifiant avec la substance du
verre y ils produisent des colorations diverses, »
11 s'assura aussi que le rouge est la seule couleur qui, sur les
vitraux gothiques, ne pénètre pas la substance même du verre.
On fragment de vitre qu'il s'était procuré, après l'incendie de
l'église Saint-Paul à Londres, lui fournit le moyen de constater
que a la couleur rouge formait une couche de pigment ou de
(1) The producibleness of chymical principles, vol. m, p. 386.
(2) Vol. I {Philosophical toorhs), p. 397-438.
(3) The porosity of bodies, vol. i, p. 456-459.
160 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
vernis, appliquée à la surface du verre, et qu'il élait aisé de Tenlô—
ver en la raclant. »
Boyle éprouva donc une satisfaction extrême , lorsqu'un heu-
reux hasard le mit sur la voie d'incorporer la couleur rouge avec
la substance même du verre.
« J'eus un jour, raconte-t-il, occasion de chauffer un amalgame
d'or dafis lîn petit matras de verre.... A la fin de l'opération , je
remarquai que le fond de ce matras était, dans l'étendue d'un
pouce, coloré d'un rouge magnifique; ce qui le faisait ressembler
à un beau rubis (1). »
Boyle répéta et fit répéter celte expérience; et chaque fois il
eut lieu de se convaincre que l'or et ses composés avaient la pro-
priété de colorer le verre en rouge.
L'utilité du manganèse, et le rôle que ce corps joue danë la
fabrication du verre coloré ou incolore, n'avaient point échappé à
la sagacité de l'opérateur. Iln'ignorait pas qu'une forte proportion
de cette substance rend le verre noir ( violet foncé ), qu'une por-
tion moyenne le teint en rouge, et qu'une petite portion le rend
clair et transparent. Enfin il s'empressa de porter à la connais-
sance de tous , que le cristal se fabrique avec des proportions
convenables de silice, de potasse et de plomb (2).
Eectification de r alcool.
Pour concentrer (rectifier) l'esprit-de-vin , Boyle le distillait,
sur du tartre calciné jusqu'au blanc (carbonate de potasse). Quel-
quefois il substituait au tartre calciné la chaux vive. « Il y a, dit-
il, dans l'emploi de ce procédé, double économie de temps et
d'argent; car le même résidu, convenablement séché, peut ser-
vir plus d'une fois dans cette opération (3). »
Il savait aussi que tous les fruits sucrés ou amylacés sont, après
avoir été soumis à la fermentation, susceptibles de fournir de
l'alcool à la distillation.
Dorure du fer.
Les ouvrages de fer dorés des anciens ne sont pas du fer pur
sur lequel on aurait immédiatement appliqué une couche d'or :
(1) The porosity oj toi d, dans le vol. i, p. 459.
(2) Usefulness of philosophy, vo'. i, p. 149.
(3) Ibid.f vol. I, p. 72.
TROISIÈME ÉPOQUE. 161
entre le fer et l'or il y avait constamment un métal intermédiaire
sur lequel Tor était fixé. Ce métal intermédiaire était, on le
devine, le cuivre.
« On plonge, dit Boyle, le fer dans une dissolution chaude de
sulfete de cuivre ; la mince couche de cuivre qui s'y dépose suffit
pour appliquer dessus Tamalgame d'or (i). »
C'est donc là dorer sur cuivre , et non pas sur fer.
Poudre pour argenter sans le moyen du mercure.
Cette poudre, qui est encore de nos jours regardée, par quel-
ques artisans, comme un secret, consistait en un mélange de par-
ties égales de sel commun, de cristaux d'argent dissous dans
l'eau-forte (nitrate d'argent), et de chaux ou tartre calciné (2).
On frottait avec cette poudre le cuivre, ou le laiton préalablement
décapé par un acide.
On aurait une bien fausse idée de l'état de la science du temps
de Boyle et antérieurement à cette époque, si l'on s'imaginait
qae tous les procédés de chimie ou de physique alors inventés
fussent immédiatement livrés au public. Boyle avoue lui-même
avoir acheté à un prix très-élevé des secrets colportés par des
physiciens ambulants; souvent il en donnait en échange de
beaucoup plus précieux. Il possédait heureusement une fortune
assez considérable pour faire face aux expériences les plus dis-
pendieuses et à tous ces achats de procédés, parmi lesquels il
y avait sans dpute beaucoup de non-valeurs. Jamais richesse ne
fut mieux employée. Cette fois du moins la Fortune ^ en distri-
buant ses biens , n*avait pas un bandeau sur les yeux.
Encre.
Dans ses expériences touchant l'action de quelques infusions
ou décoctions de plantes sur des composés chimiques minéraux^
Boyle constata qu'une décoction d'écorce de chêne, de sumac,
^e roses rouges, ajoutée à du vitriol de fer, donne de l'encre.
(0 Uiefulness of phUosophy, p. 152.
(2) Tontes ces substances réagissent les unes sur les autres : le chlorure de so-
^0111(881 Gammau) produit, avec le nitrate d'argent, do chlorure d'argent, et
^M se décompose, par Taction de la chaux, en chlorure de calcium et en ar-
9tttqui, à l'état naissant, argenté le cuivre.
BIST. DE LA CBIMIB. — T. II. 11
162^ HISTOIBE DE LA. CHIMIE.
« Pourtant je n'affîrmerai pas, ajoute-t-il, que tous les végétaux
aeides ou astringents puissent donner les mômes résultats (i). x>
En effet, tous les végétaux ne renferment pas de l'acide tan-
nique qui, combiné avec l'oxyde de fer, produit Tencre.
Jln substituant au vitriol une lessive de potasse , ajoutée à une
infusion de pétales de roses rouges, on obtient, selon Tauteur,
un précipité de couleur sale et un liquide d'une belle couleur
rouge. Dans un autre passage^ il remarque que cette couleur est
encore plus belle , si Ton remplace la lessive de potasse par du
minium et un peu d'acide sulfurique (2).
Tous les éléments de l'encre, telle qu'on la fabrique aujour-
d'hui , se trouvent résumés dans un procédé que Boyle indiquait
à une dame quii lui avait demandé ce qu'il fallait faire pour ne
pas se salir les doigts en écrivant.
a Une grande dame s'était plainte à moi de ce qu'elle né pou-
vait écrire sans se noircir les doigts. Je lui conseillai de préparer
le papier dont elle se servait, en le frottant (à l'aide d'une patte
de lièvre) avec une poudre composée de 3 parties de couperose,
de 4 parties de noix de galle, et de 1 partie de gomme arabique;
et d'écrire sur ce papier avec une plume trempée dans de l'eau
claire (3). »
, Au nombre des moyens proposés pour effacer l'encre, figurent
l'esprit d'urine et les sels acides retirés des végétaux.
On sait, en effet, que le sel acide d'oseille (bioxalate de potasse)
possède la propriété d'effacer l'encre ordinaire.
Boyle avoue lui-même que l'emploi de ces matières est insuf-
fisant pour faire disparaître sans retour toute trace d'écriture; et il
ajoute qu'il connaissait un moyen qui remplirait parfaitement
ce but, mais qu'il ne jugeait pas à propos de le divulguer, h
cause du mauvais usage qu'on en pourrait faire.
Gravure sur métaux^ par le moyen d'un acide,
Boyle a décrit le procédé de graver sur métaux, tel qu'il est
encore employé de nos jours. Ce procédé consistait à recouvrir
la lame d'an métal ( cuivre, argent) d'une couche de vernis, à y
tracer avec un stylet le dessin que l'on désirait, et à la laver avec
(1) Usefalness of philosophy, dans les Œuyres de Boyle, vol. i, p. 57.
(2} Experiments upon colours,Ibid.yTol. ii, p. 78.
(3) Usefalness of philosopliy, Ibid., vol. i, p. 114.
TROISIÈME ÉPOQUE. i63
de Peau-forte qui ne corrode le métal que dans les points mis à
nu par le stylet (4).
Avant de donner la description de ce procédé, l'auteur dé-
crit la préparation d'un alliage propre à recouvrir les glaces. Cet
alliage se composait de 1 partie de plomb, de 1 partie d'étain,
2 parties de bismuth, et de 40 parties de mercure (2).
Acides minéraux, — Dissolvants.
*
Boyle simplifia beaucoup les procédés de préparation des acides
minéraux. Ainsi, il préparait Veau-forte, « en distillant unmé--
lange d'acide sulfurique et de salpêtre », et il obtenait Vesprit de
sel, en soumettant à une forte chaleur un mélange de limaille de
fer, de sel commun et d'eau (3). « Dans cette opération, dit-il,
le récipient se remplit de vapeurs blanches abondantes, qui, étant
condensées et mêlées avec de Teau-forte, dissolvent très-bien les
feuillesd'or (4). »
L^eau régale, il la préparait en mêlant une partie d'esprit de
sel avec deux parties d'esprit de nitre ( acide nitrique concen-
tré) (5). .
Il n'ignorait pas que l'eau-forte très-concentrée n'attaque pas
les métaux, et qu'il faut y ajouter de l'eau pour les dissoudre (6).
Le nitre est un composé de potasse et d'eau-forte ; c'est ce que
Boyle démontre , non point par l'analyse, mais par la synthèsa ,
en préparant du nitre par un moyen direct. Ce moyen consistait
à traiter à chaud les cendres des végétaux par de l'eau-forle, et
k faire cristalliser la liqueur parle refroidissement (7).
L'emploi de la voie humide et des dissolvants en chimie orga-
ittique remonte aux travaux de Boyle. C'est ainsi qu'il cherchait,
pour nous servir de ses mots, à rendre l'opium plus actif j en le
traitant par du tartre calciné ( carbonate de potasse ) et par de
(1) Usefulness of philosopliy, vol. i, p. 132.
(2)Ibid., p. 129.
(3) On explique aujourd'liui le secret de cette réaction ; le fer oxydé aux dépens
^ Peau, qui se décompose, joue le rôle d'un acide qui se combine avec la soucie )
le chlore, s'emparant de Thydrogëne de l'eau, se dégage à Tétat d'acide chlorliy-
^Miue^ nommé autrefois esprit de sel. *
(4) Usefulness of philosopky, ?ol. i, p. 76.
(5) Usrfuiness of philosopliy, vol. i, p. 63.
(6) Ibid., p. 165.
(7) Ibid., p. 76.
il.
164 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Talcool (1). — C'est en effet la potasse qui, s'emparanl de Tacide
méconique , met en liberté la morphine, la partie la plus active
de Topium , laquelle est dissoute par Talcool. Boyle avait le pre-
mier obtenu la morphine^ sans le savoir.
Il proposa aussi différents moyiens internes, empruntés soit aux
acides, soit aux alcalis, pour dissoudre chimiquement la pierre
dans la vessie. Nous avons vu que déjà Vilruve avait songé à ces
moyens (2). Boyle lit l'analyse de quelques calculs urinaires; il y
découvrit le premier la présence de la chaux comme d'un de
leurs principaux éléments constitutifs (3).
Il observa aussi le premier que le sel commun retarde le point
de congélation et le point d'ébullition de Teau, et il montra que
Teau se dilate en passant à Tétat solide (glace), au lieu de se con-
iracter (4).
Boyle avait Pexcellent esprit d'allier partout la physique à la
chimie. « La physique, la mécanique, les mathématiques, la
chimie, Tagriculture, la médecine, toutes ces sciences doivent,
dit-il, se donner la main et se prêter un mutuel appui. » — C'est
ce que les savants ont toujours eu de la peine à comprendre.
'c La chimie vulgaire, continue le maître, n'est que de la rou-
tine ; c'est une espèce de recueil d'expériences sans lien , sans
orare philosophique , et qui ne repose sur aucun principe so-
lide. Pour construire l'édifice de la science, nous avons besoin
dç deux instruments, l'intelligence et l'expérience (5). »
Boyle revient souvent sur ces idées, marquées au coin du gé-
nie. Il appelle 'philosophie naturelle la pratique des sciences ap-
pliquées aux arts, à l'industrie, à l'agriculture, etc.
Continuant ses recherches , Boyle prouva expérimentalement
que 'les sels jouent un grand rôle dans la végétation, que la
terre végétale est très-riche en sels alcalins , et que c'est de cette
condition que dépend la fertilité du sol. L'importance du carbo-
nate d'ammoniaque, qu'il préparait en distillant les cendres de
bois avec l'extrait d'urine, ne lui avait pas échappé dans la ques-
lion de l'engrais.
La conservation des fruits, des viandes, en un mot, des matières •
^ tl) Usefulness of philosophy^ p. 74.
(2) Voy. plus haut, t. i, p. 185.
(3) Usefulness of pliilosophy, vo't. i, p. 34.
(4) Ibid., p. 144. ^
■s
(5) Usefulness ofplillosopliy, vol. i, p. 74.
TROISIÈME EPOQUE. J65
organiques faciles à se corrompre , avait été de tout temps un
sujet d'étude, obscurci par de vaines théories (4). Boyle ne pouvait
njanquer de s'en occuper utilement ; et , en effet, il arriva à ce
principe fécond , que tout ce qui tend à détruire Tinfluence de
l'air est le plus propre à conserver les matières organiques (2).
P;our savoir ce que Boyle pensait de Talchimie, il faut lire ses
traités The excellence and* grounds ofthe mechanical philosophy,
et The origin of forms and qualities.
Nous savons déjàqu'il rejetaitla théorie, d'après laquelle le mer-
cure, le soufre et le sel sont les éléments des métaux, sinon de
tous les corps de la nature.
« Quel que soit , dit-il , le nombre des éléments , on démon-
trera peut-être un jour qu'ils consistent dans des corpuscules in-
saisissables, mais de forme et de grandeur déterminées , et que
c'est de l'arrangement et de la combinaison de ces corpuscules
que résulte une multitude de composés complexes. Si nous cons-
truisons, avec des briques de même dimension et de même cou-
leur, des ponts , des routes , des maisons , uniquement par un
changement de disposition de ces matériaux de même espèce,
quelle variété bien plus grande de composés ne doit produire
l'arrangement varié de ces corpuscules primitifs , que nous ne
supposons pas tous d'égale forme comme les briques (3) ! »
Boylen'hésita pasà révoquer en doute la théorie d'aprèslaquelle
Veau est un corps simple : il se fondait sur ce que, dansl'alimenta-
tion des végétaux, l'eau donne naissance à des produits divers.
La synthèse, avons-nous dit , est beaucoup plus ancienne que
l'analyse. Ce n'est pas en décomposant le cinabre, mais en for
mant avec du soufre et du mercure un composé rouge , jouissant
de toutes les propriétés du cinabre naturel , que les alchimistes
ont constaté les éléments de ce corps. Il en a été de même de
beaucoup d'autres substances.
En vertu de quelle loi ou de quelle force les molécules se grou-
pent-elles dans tel ou tel ordre pour produire un composé?
Lé mot d'attraction ou d'affinité n'ayant pas encore été inven-
té, la réponse à cette question était alors très-difficile. Aussi ne
faut-il pas s'étonner si l'auteur Taborde avec quelque hésitation.
(1) Voy. plus haut, t. i, p. 211.
(2) Usefulness of philosophy, yoI. i, p. 52.
(3) The excellence and grounds, etc., yoK i, p. 193.
i66 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
c( Il y a, dit-il , une matière universelle , commune à tous les
corps, en tant que substance étendue , divisible et impénétrable.
Cette matière étant une d'après sa nature, la diversité des corps
doit nécessairement provenir d'une autre cause; et comme dans
la matière en repos il n'y a pas de changement, il faut nécessaire-
ment admettre un principe de mouvement et une tendance au
mouvement. L'origine du mouvement 'dans la matière, ainsi que
les lois d'après lesquelles il s'opère , et qui donnent au monde sa
forme actuelle, dérivent de Dieu (1). »
Sans doute tout ce qui est vient de l'Être suprême, et y retourne.
Mais la science ne ferait jamais de progrès, si, pour résoudre un
problème difficile, il suffisait de prononcer le nom de Dieu.
L'intelligence nous a été donnée pour en faire usage, en méditant
sur les œuvres de la création et en interrogeant l'expérience. C'est
plus que blasphémer le Créateur, que de laisser dans l'inaction
tes facultés dont il nous a doués. Aussi le travail est-il la
meilleure des prières. Orat qui /aôora^ est un adage fort ancien.
Boyle est loin de combattre la possibilité de la transmutation
des métaux. Il semblerait même admettre que les métaux se
composent d'une matière universelle, commune à tous les corps,
et qu'ils ne diffèrent entre eux que par le poids, la forme , la'
structure, etc. Cette proposition hardie, il essaie de la démontrer
par l'expérience suivante : « Je fis, dit-il, avec l'huile rectifiée du
beurre d'antimoine (acide chlorhydrique) et l'esprit de nitre, un
menstrue irès-SiC\de {menstriiwn peracutum), propre à dissoudre
les corpuscules de l'or; ensuite je fis fondre une certaine quan-
tité d'or avec 3 ou 4 fois son poids de cuivre; cet alliage fut dis-
sous dans de l'eau-forte, de manière que tout l'or se déposa sous
forme de poudre. Celte poudre, ayant été fondue en un petit cu-
lot, fut traitée par une gran(Je quantité de menstruum peracutum,
où elle se dissolvait lentement. Enfin, il resta au fond de la li-
queur un dépôt considérable d'une poudre blanche , insoluble
dans l'eau régale. Cette poudre, fondue avec du borax ou tout
autre flux convenable, donna naissance à un métal malléable et
blanc comme de l'argent ; enfin il fut établi , par sa dissolution
dans l'eau-forte , que c'était de l'argent véritable (2). »
Cette expérience, dont le résultat paraît fort surprenant au pre-
(1) The origin of forms, etc., vol. i, p. 197.
(2) rormsand qualities, vol. i, p. 260.
TROISIÈME ÉPOQUE. 167
mier abord, s'explique très-bien quand on se rappelle que Tanti-
moine ( dont le chlorure est ici employé pour la préparation du
menstruum peracutum) est, ainsi que Tor, presque constamment
argentifère. Les alchimistes , fascinés par le prestige du merveil-
leux, n'admettaient pas cette explication ; l'expérience de Boyle
ne servit, au contraire, qu*à faire reprendre de plus belle la
recherche de la pierre philosophale.
Le chapitre sur les couleurs (experiments and observations
npon colours ) contient des documents d'un grand intérêt pour
l'histoire de la chimie (1). On y trouve , entre autres, pour la
première fois , l'emploi du sirop de violet.tes proposé pour re-
connaître si une substance est acide ou alcaline. « C'est là , dit
rauteur,.un caractère constant; le sirop de violettes est rougi par
les acides et verdi par les alcalis. »
Ce réactif devint depuis lors d'un usage universel.
Boyle s'assura, par de nombreuses expériences, que les «ucs
colorés .des végétaux prennent des teintes diverses sous l'in-
fluence des acides et des alcalis. Il n'ignorait pas l'intervention
de Tair dans un grand nombre de phénomènes de coloration*
(( Beaucoup de couleurs, dit-il^ sont instables; elles changent,
et prennent des nuances variées ; et cela provient de l'influence
de l'air. »
Le chlorure d'argent noircit au contact de la lumière. Boyle
attribuait ce phénomène à l'action de l'air.
L'action des acides et de certains sels métalliques sur les huiles
essentielles avait particulièrement attiré son attention, [o. Une
très-petite quantité d'huile essentielle d'anis concrète donne,
dit-il, avec l'huile de vitriol une couleur rouge de sang. Le sucre
de plomb ( sous-acétaie de plomb) communique à l'essence
de térébenthine avec laquelle on Ta fait digérer, une teinte rouge.
C'est probablement un bon remède (2). »
L'auteur termine le chapitre Sur les couleurs, par cette ré-
flexion d'une touchante modestie : « Je n'essaie de bâtir aucune
théorie sur les observations et les expériences que je viens de
communiquer; je laisse ce soin aux observateurs à venir. »
Dans le remarquable travail où Boyle examine les causes mé-
caniques des précipités {the mechanical causes of précipitation)^
(1) Vol. II [Philosophical worhs), p. 1-105.
.(2) Experiments and observations upon colours, ?ol. ii, p. 78,
168 HISTOIBE DE LA CHIMIE.
il fait un fréquent usage de la balance (i). Il attribue la formation
des précipités à l'action prépondérante de la pesanteur en même
temps qu'à la faiblesse du véhicule, impuissante maintenir le
corps (qui se précipite) en dissolution.
Il remarque que le précipité pèse quelquefois plus que le corps
« dissous; que, par exemple, le précipité blanc, produit par le sel
marin dans une dissolution d'argent faite avec Teau-forte , pesait
plus que l'argent dissous. Il n'avait plus qu'un pas à faire pour
arriver à la théorie des équivalents.
Les anciens chimistes s'adressaient des questions que les cHi-
mistes modernes dédaignent, bien à tort selon nous^ de sou-
lever.
Pourquoi, se demandaient-ils , par exemple, l'eau-forte ne dis-
sout-elle pas l'or, tandis qu'elle dissout l'argent?
« C'est parce que, répondit BoyJe, les pointes de l'acide ne pé-
nètrent pas les pores de l'or, et qu'elles pénètrent très-bien les
pores de l'argent. »
Cette explication, quelque insuffisante qu'elle soit, mon-
tre du moins un effort de bonne volonté. Aujourd'hui on ne se
donne même pas la peine de se demander pourquoi tel ou tel
corps est soluble dans tel acide, et insoluble dans tel autre. L'ar-
gent est soluble dans l'acide nitrique, l'or y est insoluble; et
tout est dit. Il y a cependant là une inconnue à dégager.
Boyle consacra plusieurs mémoires à l'origine mécanique du
froid et de la chaleur ( The mechanical origin of heat and cold (2) ;
— Memoirsfor an expérimental history of cold (3).
Le froid et la chaleur, qu'il considère, avec les anciens physi-
ciens, comme deux phénomènes antagonistes, dépendraient des
propriétés mécaniques et physiques des molécules qui composent
les corps. Il n'ignorait pas que le froid resserre, tandis que la
chaleur dilate les corps, et que c'est là-dessus qu'est fondée la
théorie des thermomètres.
Son travail Sur le froid et la chaleur renferme de nombreuses
expériences concernant divers mélanges frigorifiques. Il démontre
que beaucoup de sels, mais surtout le nitre et le. sel ammo-
niac , déterminent , étant dissous dans l'eau , un abaissement de
(1) Vol. 1 (Philosophical works),p. 515-625.
(2) Vol. I (Philosophical worhs), p. 550-572.
(3) Ibid., p. 573-730.
TROISIÈME EPOQUE. - 169
température sensible au thermomètre. L'habile expérimentateur
faisait^ avec un mélange de sel commun et de neige, congeler
de Turine, de la bière, des vins du Rhin, de France, des
huiles, etc.; et il observait que Ton peut remplacer le sel par
bien d'autres substances, telles que le nitre, l'alun, le sel ammo-
niac, le vitriol et môme le sucre.
Les moyens de produire une chaleur artificielle ne sont pas
moins variés. La chaux vive, humectée d'eau, était une expé-
rience connue depuis longtemps. Les alchimistes savaient que le
tartre calciné, ainsi que Thuile de vitriol, produisent, au contact
d'une petite quantité d'eau, une élévation de température assez
considérable. Mais ce qui était moins ^connu, c'est qu'un mé-
lange de limaille de fer et de soufre pulvérisé et humecté d'eau
produit également de la chaleur. Le mercure est dans le même
cas au moment où il s'amalgame avec l'or.
Bôyle se plaignait de ce que les thermomètres alors en usage
ne fussent pas comparables : il leur manquait encore un point
fixe propre à servir d'unité de mesure. 11 fut donc le premier à
proposer comme point fixe le point dô congélation de l'eau. Il
apporta ainsi d'importants perfectionnements au thermomètre,
de même qu'il avait déjà perfectionné la machine pneumatique
et le baromètre.
H y a certainement autant et peut-être plus de mérite à dé-
truire une erreur qu'à découvrir une vérité.
C'est ainsi que Boyle , dans son mémoire Sur la salaison de la
mer (1), mérita bien de la science, en montrant l'erreur d'A-
rislote , renouvelée par Scaliger, qui prétendait que la salaison
de la mer était produite par l'action du soleil, et* que les eaux
de mer n'étaient salées qu'à la surface. Au moyen d'un vais-
seau à soupapes , construit par lui , Boyle se procura de l'eau
de mer puisée à diverses profondeurs, et se mit ainsi en état
de prouver qu'elle y est partout aussi salée qu'à la surface, et
que sa densité spécifique est sensiblement la même.
« Il ne faut pas , dit-il , faire entrer ici en ligne de compte les
courants et les sources d'eau douce qui se trouvent accidentelle-
ment dans la mer, surtout dans le voisinage des côtes. La sa-
laison de la mer provient du sel que l'eau dissout partout
(1) Eiperîments and observations upon the saltness of the sea, vol. m, p. 214-
31.
170 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
OÙ il se rencontre. Ce sel peut, depuis le commencement du
monde, exister en masse considérable au fond des mers, ainsi
qu'on en rencontre des couches puissantes au sein de la terre ,
où il contribue à la formation des fontaines où sources salées
naturelles. Par la distillation, on trouve le sel en résidu dans
la cornue ; l'eau qui a passé dans le récipient est douce et po-
table. Il serait à souhaiter que Ton fît des expériences multipliées
pour s'assurer si les mers sont partout également salées. Il ne
serait pas impossible que Ton trouvât , sous ce rapport , de
nombreuses inégalités. »
Pour faire , à cet égard , des expériences précises , et pour
déterminer la quantité «de sel commun qui domine dans les
eaux de mer, Boyle proposa d'employer une dissolution d'ar-
gent dans l'eau-forte (nitrate d'argent) ; il précipitait ainsi tout le
sel marin. Pour faire voir ensuite combien ce procédé est exact ,
il s'était assuré que cette dissolution d'argent produit un ntiage
blanc très-marqué dans 3000 grains d'eau distillée tenant en
dissolution un grain de sel commun sec.
«Il est probable, ajoute-t-il, que des chimistes habiles pour-
ront trouver un procédé moins coûteux; mais il sera difficile-
ment aussi net et aussi certain que celui que je propose (1). »
Dans son mémoire Sur le nitre (2), l'auteur avance que l'air
pourrait bien jouer un rôle important dans la formation du nitre
naturel. Mais, n'ayant pas fait à cet égard des expériences pré-
cises , il se tient dans une extrême réserve. Cependant il montra
le premier que le nitre se compose de deux principes distincts :
l'un est volatil , de nature acide , jaunissant la teinture rouge du
bois de Brésil : « c'est, dit-il, une espèce de vinaigre minéral ; »
l'autre est fixe et de nature alcaline, semblable à l'alcali obtenu
par la lixiviation du tartre calciné.
Il reconstitua le nitre décomposé par l'action des charbons
incandescents , en combinant le résidu avec de l'esprit de nitre.
« La quantité qu'il faut employer pour recomposer le nitre est à
peu près, dit-il, aussi considérable que celle que le sel a perdue
par la combustion. » Il explique la chaleur qui se produit pendant
(1) Experiments and observations^ etc., vol. m, p. 228. — Suivant Halley, la sa-
laison de la mer allait en- augmentant avec le temps, et rien n'était plus propre
à calculer l'âge du monde que les analyses comparatives des eaux de mer, faites
dans différents siècles. Philosoph. Transact., n° 344, p. 296.
(2) A fundamental experiment made with nitre, vol. i, p. 297'304«
TROISIÈBIB ÉPOQUE. 171
cette combinaison, parle mouvement des molécules, toute cha-
leur étant inséparable du mouvement.
Le travail de Boyle Sur les eaux minérales est de beaucoup
supérieur à tout ce qui avait été fait jusqu'alors sur le même
sujet (1). L'auteur trace d'abord des règles et indique les prin-
cipes généraux , qui devraient guider tous ceux qui se livrent à
l'étude des eaux minérales.
Il essaie ensuite d'introduire dans la science une méthode plus
exacte pour analyser les différents sels dont ces eaux peuvent
être chargées. Il proposa l'emploi de la teinture de noix de galle
pour s'assurer si les eaux sont ferrugineuses; l'infusion dubois^de
Brésil ou du papier réactif trempé dans cette infusion, le sirop
de violettes , pour constater si les eaux sont acidulés ou alca-
lines; l'ammoniaque, pour reconnaître la présence du cuivre;
la dissolution d'argent (nitrate), pour déceler des traces de sel
commun.
« L'arsenic, dit-il, peut aussi se rencontrer dans les eaux
minérales; ce qui n'est pas étonnant, car ce corps existe abon-
damment dans l'intérieur de la terre, d'où jaillissent ces eaux.
Il est très-difficile d'en constater la présence ; il n'est que fai-
- blement soluble dans l'eau. L'esprit d'urine (carbonate d'am-^
moniaque), et l'huile de tartre per deliquium (carbonate de
potasse) , produisent dans la solution arsenicale un léger pré-
cipité blanc. »
Boyle montra le premier que l'arsenic blanc doit être rangé
parmi les acides, bien qu'il ait une réaction très-faible. Il le
classe parmi les poisons corrosifs (2). L'hydrogène sulfuré n'é-
tait pas encore mis en usage. Le meilleur moyen de reconnaître
l'arsenic dans une liqueur « consiste , dit-il , à employer le su-
blimé corrosif, qui produit immédiatement un précipité blanc
abondant D.
Lé premier aussi il a recommandé l'emploi du microscope
pour découvrir dans les eaux minérales des matières organi-
ques où des êtres vivants.
La détermination de la densité de ces eaux, sujet alors tout
nouveau, fixa particulièrement son attention. Critiquant les ré-
sultats que les pharmaciens obtenaient, dans leurs laboratoires.
(1) Memoirs for a natural history of minerai waters, vol. m, p. 495-520.
(2) lhid,f vol. III, p. 509 et 510.
172 HISTOIRE DE LA CUIMIE.
au moyen d'instruments grossiers et inexacts, il propose lui-même
une méthode nouvelle pour déterminer la densilé des eaux mi-
nérales. Cette méthode consistait à prendre pour terme de com-
paraison Teau distillée pesée dans un matras à col cylindrique
très-long et étroit (de l'épaisseur d'un tuyau de plume d'oie),
à y introduire jusqu'à la tare marquée sur le col du matras et
à peser les eaux dont on vept connaître la densité. Il n'y est
pas tenu compte de l'action de la température.
Nous donnons en note quelques résultats obtenus à l'aide de
cette méthode (1).
L'auteur en conclut que Ips eaux minérales sont plus pesantes
que l'eau distillée, à cause des sels qu'elles contiennent.
La balance dont Boyle se servait était sans doute encore bien
loin d'avoir la précision de nos balances actuelles. Cependant
elle était exacte à un centigramme près, c'est-à-dire qu'elle était
supérieure à toutes les balances employées jusqu'alors.
Les alchimistes s'étaient beaucoup occupés de la question du
sang humain; mais personne avant Boyle ne l'avait abordée
d'une façon vraiment scientifique.
Dans son Histoire naturelle du sang humain hors des vais-
seaux (2), Boyle constata d'abord, à l'aide du thermomètre, que le
sang se maintient constamment , en hiver comme en été , à une
température supérieure a à la chaleur de la canicule ». — On
sait que la température moyenne du sang est d'environ 38° du
thermomètre centigrade.
«La densité spécifique du sang humain est, dit-il, beaucoup
plus difficile à déterminer qu'on ne pourrait se l'imaginer; car
(i) Memoirs for a natural hisiory of minerai waters, vol. m, p. 501.
onces. drachmes. grains (l).
Eau distillée 3 4 41
— commune 3 4 43
— d'Acton 3 4 48 ^
— d*Epsom 3 4 51
— de Dulwich 3 4 54
— de Stretliam 3 4 55
— de Baraet 3 4 52
— de Norih-hall 3 4 50
Il faut se rappeler que le grain vaut cinq centigrammes le draciime, 4 grammes
et l'once 32 grammes.
(2) Mem. for thenat, hist. of extravased humain blood, vol. m, p. 448-494.
\
TROISIÈME EPOQUE. 173
elle peut varier sensiblement selon le sexe, Tâge, le tempéra-
ment ; et chez le môme individu elle peut varier, suivant le temps
de Tannée, et même de la journée, selon le plus ou moins
grand intervalle qui s'est écoulé entre le repas et la saignée, etc.
Outre cela, il y a une difficulté mécanique inhérente àTexpé-
rience elle-même : le sang commence à se coaguler si vite
après sa sortie de la veine, qu'il n'est guère possible de le pe-
ser hydrostatiquement , soit en y plongeant un corps solide
plus pesant, soit en mettant toute la masse du sang dans Teau;
le premier moyen est rendu impraticable par la partie fibreuse,
et le dernier par le sérum du sang. ))
Ces paroles font voir combien l'auteur mettait de précision
dans ses expériences.
Il ne lui avait point[échappé non plus que le sang noir acquiert,
à sa surface, une coloration rouge vermeil par le contact de Pair.
— De là il aurait pu facilement arriver à la conclusion que Tair
change , dans les poumons , le sang noir des veines en sang
rouge des artères.
Boyle soupçonna, mais sans essayer de le démontrer, que le
sang contient du sel marin;
Il fit aussi de nombreuses expériences sur la coagulation du
sérum au moyen des acides, de l'alcool concentré, de la cha-
leur, etc., ainsi que sur la transfusion du sang, alors si sou-
vent ordonnée par les médecins.
Boyle, associé à Wren , donna une forte impulsion à la toxi-
. cologie; il fit des expériences sur des chiens, en injectant, par
les veines crurales , des poisons et leurs antidotes (1).
Frappé de l'analogie que présentent certaines maladies avec
les symptômes d'un empoisonnement, il mit en avant l'idée
que ces maladies (choléra, peste, etc.) pourraient bien n'être
quç le résultat d'un véritable empoisonnement produit par des
molécules d'une substance toxique suspendue dans l'air (2).
Sobre de théorie^s, Boyle était toujours prêt à interroger lui-
même l'expérience. « Bien que ma condition me permette. Dieu
merci , de faire exécuter les expériences par d'autres en ma
présence, je ne me suis jamais refusé à disséquer moi-même
(1) The Usefulness of philosopliy, toI. i, p. 38.
(2) The air.coDsider'd witli regard to iieald and sickness, vol. iii^ p. 537.
174 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
des animaux y et à manier, dans mon laboratoire , le lut et le
charbon (1). »
Personne n'était mieux que Boyle au courant du mou-
vement général des sciences en Europe. S'agissait-il quelque
part d'une découverte inattendue, aussitôt il employait tous
les moyens pour en connaître les détails , et pour en répandre
la connaissance. C'est lui qui arracha à quelques chimistes
ambulants les secrets du phosphore et du quinquina.
Ses mémoires Sur les phosphores naturels et les phosphores ar-
tificiels contiennent des documents précieux pour Phistoire de
la chimie (2). Les observations de Boyle sur les phosphores na-
turels parmi lesquels il comprenait le ver luisant, le diamant, le
bois, et les poissons pourris phosphorescents, datent de Tan-
née 1667, et sont par conséquent antérieures à la découverte
de Brand. Il appelle artificiels 1" les phosphores qui ne luisent
dans l'obscurité qu'après avoir été préalablement exposés au
contact des rayons solaires; tels sont le phosphore de Bau-
douin ( nitrate de chaux calciné) et la pierre de Bologne (sulfure
de baryum); 2<> le phosphore proprement dit {aerial nocti-
luca), luisant dans l'obscurité sans avoir besçin d'être préala-
blement exposé au soleil. En analysant plus loin les travaux de
Kunckel, nous donnerons l'histoire détaillée de la décou-
verte du phosphore. Nous ne ferons connaître ici que ce que
raconte Boyle, qui passe, non sans quelque raison, pour
avoir découvert le phosphore.
Rrafft , s'étant approprié le secret de Brand , passa en Angle-
terre, où il gagna beaucoup d'argent en montrant son phos-
phore comme une curiosité. « 11 montra (c'est Boyle qui parle)
à Sa Majesté (Charles II) deux espèces de phosphores : l'un
était solide, de l'aspect d'une gomme jaune; l'autre était li-
quide; celui-ci ne me paraissait être qu'une dissolution du pre-
mier.... Après avoir vu iiioi-même ce corps singulier, je me
mis à songer par quel moyen on pourrait parvenir à le prépa-
parer artificiellement. M. Krafft ne me donna , en retour d'un
secret que je lui avais appris, qu'une légère indication, en
me disant que la principale matière de son phosphore était
quelque chose qui appartenait au corps humain. »
(1) Usefulness, etc., vol. i, p. 8.
($)Natural phosphori, vol. m, p. 145*172. Artificial phosphori (aerial noctilu-
ca), ibid., p. 173-213.
TROISIÈME EPOQUE. 175
•
Enfin , après bien des tentatives inutiles , Boyle parvint à se
procurer quelques petits morceaux de ce nouveau produit : ils
étaient delà grosseur d'un pois, transparents, incolores; il
leur donnait le nom de phosphore glacial {glacial noctiluca or
phosphorus). Il en décrit parfaitement les propriétés^ indique le
danger qu'il y a à le manier et la manière dont il se comporte avec
les acides, avec les huiles essentielles, les alcalis, etc. En étudiant
ces réactions diverses , il fut témoin d'un dégagement d'hydro-
gène phosphore spontanément inflammable à Tair (1). Avec le
phosphore et les fleurs de soufre , il avait obtenu un mélange
explosible par des chocs légers (2).
Le phosphore glacial noctiluca de Boyle avait été préparé en
évaporant, jusqu'à consistance d'extrait, de l'urine humaine pu-
tréfiée y et en soumettant le résidu à la distillation avec trois
fois son poids de sable blanc très-fin. Ces deux matières, in-
timement mélangées, étaient introduites dans une forte cornue,
à laquelle était adapté un grand récipient en partie rempli d'eau.
Après avoir soigneusement luté les jointures de l'appareil,
l'auteur y appliquait graduellement un feu nu pendant cinq ou
six heures, afin de chasser d'abord tout le phlegme (eau). Après
cela ^ le feu était augmenté, et poussé, pendant cinq ou six
heures, à un degré très-intense. Par ce moyen il se produisait
des vapeurs blanches , abondantes , semblables à celles qui se
forment pendant la distillation de l'huile de vitriol ; enfin , au
moment du maximum de la chaleur, il passait dans le récipient
une substance assez dense, qui se rassemblait, sous forme
solide, au fond du récipient.
Voilà comment Boyle rend compte du procédé qu'il avait
employé pour préparer le phosphore. Gomme il est le premier
qui ait fait connaître publiquement la préparation de ce corps,
à l'aide d'un procédé que personne ne lui avait appris, on
pourrait , avec quelque justice, réclamer pour lui l'honneur de
]a découverte du phosphore.
La substance qu'il appelle phosphore aérien était un gaz in-
flammable. Il l'obtenait en traitant l'esprit-de-vin rectifié par de
l'esprit de nitre : « Il se produit, dit-il, un air qui s'enflamme à
l'approche d'une bougie, et continue à brûler de lui-même jus«
(1) Artifidal phosphori, yoI. m, p. 200,
(3) Ibp., 203.
176 HISTOIRE DE LA CUIHIE.
qu'à ce que reffervescence du liquide vienne à cesser (1). »
Nous terminerons cette analyse par les deux tables de Boyle ,
dont Tune indique la fusion de la glace dans différents liquides,
l'autre, la densité spécifique d'un assez grand nombre de corps.
On remarquera qu'ici l'auteur ne s'est pas beaucoup éloigné
des résultats auxquels on est arrivé aujourd'hui.
De l'eau congelée dans des tubes de verre de même longueur
et de même épaisseur fut mise dans différentes liqueurs, la
température étant la même (température ordinaire). Une pen-
dule à secondes indiqua exactement le temps qui s'écoulait entre
le. moment d'immersion et la fusion complète de la glace dans
chacun de ces liquides. Voici les résultats de ces expériences,
alors aussi neuves qu'intéressantes (2) :
Table des densités spécifiques , l'eau étant prise pour
unité (3).
Or pur 19,640
Mercure..» 14,000
Plomb 11,325
Argent fin Il ,091
Bismuth 9^700
Cuivre 9,000
Acier doux 7,738
Acier dur «. 7,704
Fer 7,645
Étain 7,320
Soufre :. 1 ,800
Cristal de roclie 2,650
Sel gemme 2,143
Nitre 1,900
Borax 1,714
Huile de TÎtriol 1 ,700
Esprit de nitre 1,315
Miel 1,450
Gomme arabique 1,375
Sérum de sang humain. . . . 1,190
Esprit de sel 1,130
Esprit d*urine 1,120
Sang humain 1,040
Lait 1,030
Urine 1,030
Camphre.. 0,996
Huile d^olive. 0,913
Essence de térébenthine. . . 0,874
Esprit-de-Tîn rectifié 0,866
Cendres desséchées 0,800
Liège 0,240
Air 0,001 1/4
(1) Ari;ificial phosphori, p. 210.
(2) Ëxperiments upon cold, Toi. i, p. 638.
secondes.
Tair fut fondue dans Tespace d» 64
Tessence de térébenthine. — — 44
La glace 1 l*eau-forte — — 12 1/4
plongée dans ) Peau commune — — 12
i'esprit-de-vin — — 12
, l'huile de vitriol — — 5
(3) The Hydrostatical balance, vol. 11, 345. — L'auteur ne dit pas si c'était
de Teau distillée, ni à quelle température il l'avait prise pour unité dans la détermi-
nation des densités spécifiques.
TROISIÈME ÉPOQUE 177
C'est la première table de densités qui ait été dressée depuis
l'établissement de la science moderne.
Ce fut probablement pendant ses recherches sur le phos-
phore, que Boyle découvrit la liqueur qui porte son nom; il
Tavait obtenue en soumettant à la distillation un mélange intime
de soufre , de chaux vive et de sel ammoniac pulvérisés. « On
chauffe, dit-il, d'abord lentement sur un bain de sable; puis, la
chaleur étant devenue plus intense, il passe dans le récipient
une teinture volatile de soufre ( a volatile tinciure of sulphur ) qui
pourrait devenir un remède utile en médecine. La liqueur dis-
tillée est d'une couleur rougeâtre, et répand, à l'air, d'abon-
dantes vapeurs blanches, trfes-nuisibles (1). » — C'était là ce qu'il
appelait teinture volatile de soufre. Il n'ignorait pas qu'elle pré-
cipite en noir les dissolutions de plomb et d'argent.
Gomme homme et comme savant, /Boyle est un des plus beaux
modèles que nous présente l'histoire. Et pourtant , malgré les
immenses services qu'il a rendus à la science et au progrès , sa
mémoire est aujourd'hui à peu près oubliée. Les chimistes et
les physiciens eux-mêmes, qui lui doivent tant, ne connaissaient
guère son nom que par celui de liqueur fumante de Boyle (suif-
hydrate d'ammoniaque).
Un peu plus de justice et un peu moins de dédain ! Ne craignez-
vous pas, malheureux! — c'est aux chimistes et aux physiciens
de nos jours queje m'adresse, — ne craignez-vous pas que, dans
deux siècles d.'ici, vos descendants ne vous traitent comme vous
avez traité vos devanciers? Vous prétendez à la gloire de revivre
dans la postérité ! Quelle illusion ! Tout se liquide ou s'expie.
§3.
Boberi FliCFDD ( Bobertas de Fluclibus],
Né à Milgat, dans le comté de Kent, en iolA, mort en 1637,
R. Fludd fut un des savants les plus singuliers de son
temps. Tout en se montrant partisan outré des doctrines de la
kabbale, dont il avait sondé les mystères, il aimait les sciences
exactes et faisait preuve d'un rare esprit d'observation. Nul n'a-
vait des connaissances plus variées : il était à la fois philosophe,
(1) Experiments and observations upon colour^, vol. ii, p. 78 (exper 34).
Hiax. DE LA CHIMIE. — T. II; 12.
178 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
médecia, anatomiste, physicien, chimiste, mathématicien et
mécanicien. Il avait construit des machines qui faisaient Tadmi-
ration de ses contemporains. Il était renommé -dans toute l'Eu-
rope comme astrologue, nécromancien et chiromancien. Gas-
sendi était son adversaire en philosophie.
Ceux qui cherchent à allier les sciences occultes avec les
sciences positives doivent prendre pour modèle Robert Fludd.
Ses écrits, qui ne sont p?is très-communs, semblent avoir été
conçus sur le plan de cette alliance.
Si Robert Fludd n'avait été qu'un philosophe mystique, pla-
nant dans les régions abstraites de la pensée, nous Taurions
passé sous silence; mais ce fut en même temps un investiga-
teur sagace qui , à l'aide de l'expérience , est arrivé à établir
des principes propres à exercer une grande influence sur la
marche des sciences physiques.
La méthode expérimentale employée par l'auteur nous rap-
pellcj'par sa rigueur mathématique, les principes de la philoso-
phie naturelle de Newton. Celui qui découvrit les lois de la gravi-
tation universelle et qui commenta TApocalypse, Newton, avait-
il pris Fludd pour modèle ?l^our éclaircir cette question, nous
allons citer un exemple de la façon de procéder de FJudd.^
Le troisième livre (Tr. ii, part, vu) De l'histoire métaphysique ^
physique et technique du macrocosme et du microcosme commence
ainsi (1) :
Proposition i.
Vair, étant un corps matériel, ne cède à aucun autre corps: l'es-
pace qu'il occupe , si ce n'est à la condition d'être lui-même dé-
placé en partie ou en totalité.
Démonstration.
En renversant un verre rempli d'air sur une cuve d'eau, on
remarque que, l'eau ne monte dans le verre qu'autant qu'on en
retire l'air qui s'y trouve.
(1) Utriusque Cosmi majoris scilicetet minoris metapbysica, physica atque tech-
nica historia, in duo volumina secundum Cosmi differentiam divisa, auttiore Ro-
berlo FUidd, alias de Fhiclibiis, armigero, el in medicina doctore Oxoniensi ; Op-
penheim, 1677, in-fol.
troisième époque. 179
Proposition ii.
Si Pair emprisonné dans un vase vient à ^ être évacué ou con-
sumé, un autre corps en prendra nécessairement la place , afin
quHl ne se fasse pas de vide {ne admittatur vacuum),
La démonstration dont se sert ici Tauteur est l'expérience de
Van-Helmont (l) (une chandelle brûlant sous une cloche ren-
versée sur l'eau ).
L'auteur tire de cette expérience la conclusion très-légitime,
que l'air nourrit lefeUy et qu'en lui donnant cet aliment il diminue
de volume.
Proposition m.
La surface de l'eau est en contact immédiat avec l'air; iln*y
a aucun intervalle entre ces deux éléments.
Démonstration.
Quand on plonge le bout d'un tube dans l'eau, et que Ton
aspire par l'autre bout l'air qui s'y trouve, on voit aussitôt
l'eau suivre Tair en s'élevant dans le tube.
Proposition iv.
Leau raréfiée (réduite en vapeur) occupe un plus grand espace;
si cet espace ne lui est pas accordé , l'eau brise le vase qui la conr-
tient
Démonstration.
Lorsqu'on remplit un vase à moitié d'eau , et qu^on le met
sur le feu , on remarque que l'eau en vapeur sort avec bruit par
l'orifice étroit qu'on y a pratiqué. En bouchant cet orifice , le
vase est brisé en éclats par la vapeur dWu, qui tend à occuper
^n espace plus grand.
Cette méthode est identique avec celle qu'a suivie Newton dans
^^%'Principia naturalis philosopfUœ.
/il) Voy. page 139 de ce Tolume.
12,
180 HISTOmB DE LA CHIMIE.
Dans un autre passage (i), Robert Fludd explique des phéno-
mènes météorologiques, tels que le vent, le tonnerre, Téclair, etc.,
par des expériences de laboratoire très-curieuses.
Après avoir fait connaître les opinions des anciens sur la
cause des vents , il arrive à exposer la sienne de la manière
suivante : « Guidé par l'observation directe des choses, nous
attribuons aux vents une double origine : les uns proviennent
de Tair emprisonné dans le sein de la terre , et qui cherche vio-
lemment une issue; les autres sont Teffet de Peau réduite en
vapeur par Taction du feu central {vi ignis centralis). »
A cette occasion Taùteur rapporte une série d'expériences sur
la force élastique de Tair ou de la vapeur d'eau chauffée dans des
vases qui ée brisent avec fracas quand ils sont hermétiquement
clos; lorsque ces vases présentent, au contraire, une petite ou-
verture, la vapeur ou Tair en sort en sifflant, comme un vent im-
pétueux. Partant de ce fait, R. Fludd imagina des espèces de
machines acoustiques , dans lesquelles des instruments à vent
ou des tuyaux d'orgue étaient mis en jeu par la force de la va-
peur. Ce fut, si je ne me trompe, la première fois que la
vapeur reçut une application sérieuse.
Lorsqu'on projette du soufre en poudre sur du nitre en fu-
sion, il se produit une explosion plus ou moins violente, ac-
compagnée d^me lumière soudaine. Par cette expérience l'au-
teur expliquait lé phénomène de l'éclair et du tonnerre. La
poudre à canon produit en petit, ajoute-t-ii , ce que ce phéno-
mène fait en grand dans la nature.
C'est à ce propos que R. Fludd donne la composition de deux
produits inflammables au contact de l'eau d'un consiste en un
mélange de parties égales de nitre , de soufre et de chaux vive,
que l'on introduit dans un oeuf vide, dont on bouche ensuite
les orifices avec de la cire : cet œuf, -jeté dans l'eau, procure
le spectacle d'un petit feu d'artifice flottant (2). L'autre produit,
représentant une pierre qui s'enflamme aussitôt que l'on y
crache, se compose d'un mélange de quatre parties de cala-
mine [calamitha), d'une partie d'asphalte, d'une partie de nitré,
de deux parties de vernis liquide {vernicis liquidœ)y et-d'une
partie de soufre (3).
(i) Utriiisque Cosmi Historia, Tract, i, lib. yii, c. 5.
(2) Ibid., c. 6.
(3)Ibid., c. 7:
TROlSlillE EPOQUE. 18i
Contrairement à l'esprit de la majorité des hommes de
science , R. Fludd essaya, par la méthode expérimentale , de
rattacher les phénomènes du monde physique à ceux du monde
surnaturel. De là une étrange confusion de la psychologie avec
la physique, de Thistoire naturelle avec la philosophie spiritua-
liste. Voici comment il raisonne :
c( L'âme qui anime le- corps tend à s'élever, ainW que la
flamme , vers les hautes régions de l'air. C'est là son instinct et
son bonheur. Or, comment se fait-il que nous éprouvions une
si grande fatigue, lorsque nous gravissons une montagne? Ne
suivons-nous pas la route qui plaît à l'âme ? — C'est que le
corps matériel , dont l'essence est de tendre , tout au rebours
de l'âme, vers le centre de la terre, l'emporte de beaucoup,
par sa masse , sur l'étincelle qui nous anime. 11 faut que l'âme
réunisse toutes ses forces, pour élever avec elle et faire obéir
à son impulsion la lourde masse du corps qui l'enchaîne (J). »
L'auteur ne s'en tient pas à ce simple raisonnement; il a re-
cours à l'expérience si connue d'une bougie allumée sous une
cloche renversée sur une cuve d'eau; l'eau monte dans la
cloche par l'action de la flamme, qui finit par s'éteindre.:
La chimie doit, selon R. Fludd, être fondée tout à la fois
sur l'expérience et sur la kabbale.
« Le vrai alchimiste , dit l'auteur, imite la nature. En com-
mençant son œuvre, il réduit d'abord la matière en parcelles,
il la broie et la pulvérise; — c'est la fonction des dents. La
matière ainsi divisée, il l'introduit par un tuyau dans la cor-
nue; — ce tuyau représente l'œsophage; la cornue, l'estomac.
Ensuite il mouille la matière avant de la soumettre à l'action
de la chaleur; — comme la salive et le suc gastrique humectent
les aliments ingérés dans l'estomac. Enfin , il ferme exactement
l'appareil , et l'entoure d'une «haleur humide , égale et modé-
rée, en le plaçant dans un bain-marie et dans du fumier de che-
val; — c'est ainsi que Testomac est naturellement entouré par
le foie, la rate, les intestins, qui le maintiennent à une tem-
pérature égale. L'opération de l'alchimiste est assimilée à la
digestion : les parties élaborées (chyle) sont mises à part et
servent à alimenter le grand œuvre, tandis que les matières
(l) De supernatnrali, naturali, praet^rnaturali et contranaturali microcosmi
Historia. tom. n ; Oppenheim, 1619, infol. Tract, i, lib. vu, p, 137.
f82 • HISTOIRE DE LA CHIMIE.
excrémentitielles {fxces) sont rejetées comme inutiles (1). »
Les alchimistes supposaient que le sang cache de profonds
mystères; aussi entraît-il dans la plupart de leurs opérations.
Vceuvre du sang (putréfaction et distillation lentes) devait être
continuée pendant plusieurs années de suite. R. Fludd raconte
à ce sujet plusieurs histoires fort dramatiques, dont il assure
avoir été témoin oculaire.
§4.
S. Rodolphe GliAUBBB.
Glauber est le Paracelse de son époque. Comme celui-ci , il
fait la guerre aux médecins qui se refusent à reconnaître Tim-
portance de la chimie. Son éducation classique est tout aussi
négligée que celle de Paracelse; et il semble s'en venger en
lançant contre les savants diplômés des plaisanteries qui n'ont
pas beaucoup de sel.
La science avait déjà fait de grands pas depuis Paracelse,
pour lequel Glauber eut une sorte de culte. Il estime les tra-
vaux des anciens, et traite peut-être un peu trop dédaigneuse-
ment ses contemporains. Comme Paracelse , Glauber est partisan
des opérations et des théories alchimiques les plus bizarres ; ce
qui ôte même à ses expériences ce cachet scientifique qui carac-
térise les travaux de Boyle. Les receltes de panacées et de mé-
dicaments merveilleux portèrent à Glauber le même préjudice
moral qu'à Paracelse.
On ne sait sur les premières années de sa jeunesse que ce
que Glauber a jugé à propos de nous apprendre lui-même dans
divers passages de ses écrits. Né à Rarlstadt en 1604, il séjourna
longtemps dans les États d'Autriche, à Vienne., à Salzbourg;
puis il vint demeurer à Francfort et à Cologne. Il mourut en
1668, à Amsterdam , où il s'était retiré vers la fin de ses jours.
Le mépris qu'il avait pour l'espèce humaine lui faisait recher-
cher la solitude. Vieillard abreuvé de chagrins , vrais ou imagi-
ginaires; il fuyait le monde , qui n'avait pour lui aucun attrait.
« Les hommes d'aujourd'hui, s'écrie-t-il , sont faux, méchants
et traîtres; rien de leurs paroles n'est sacré; chacun ne songe
(1) De mystica sangui7iis Anatomia, sect. i, part, m, lib. i, p. 223-224.
TROISIÈME ÉPOQUE. 183
qu'à soi , et agit contre toutes les lois divines et humaines. Par-
tout on rend le mal pour le bien , comme j*en ai fait la triste
expérience. Souvent, quand je croyais avoir trouvé un aide la-
borieux et honnête, j'avais lieu de m'en plaindre quelque temps
après : à peine lui avais-je enseigné quelque procédé, qu'il
s'enflait d'orgueil , s'imaginant aussitôt en savoir plus que moi-
même, et cherchant toutes sortes de prétextes pour me quitter.
S'il ne pouvait pas se séparer de moi publiquement sans man-
quer à ses engagements , il s'esquivait clandestinement, ou il
se comportait de manière à me forcer à le congédier. C'est à
mes dépens que j'appris la vérité de ce vieux proverbe : Quicon-
que désire que ses affaires aillent bien, doit être soi-même tout
à la fois son maître et son valet ( Wer seine Sachen will gethan
haben rechty muss selhsten seyn Herr und Knecht).,., Si je n'ai pas
fait dans ce monde tout le bien que j'aurais pu faire, c'est la
perversité des hommes qui en a été la cause (1). »
C'est là le cri de beaucoup d'âmes généreuses. Ést-il toujours
bien justifié ?
Travaux de Glanber*
Les premiers écrits de Glauber parurent vers la fin de cette
désastreuse guerre de Trente ans, qui, au nom d'une religion
qui prêche à tous les hommes la concorde, divisa l'Allemagne
en deux camps opposés.
Dans les écrits de Glauber, dont il serait trop long de donner
ici la liste détaillée (2) , nous nous contenterons de signaler
Philosophische QEfen (Fourneaux philosophiques); — Opus mi-
nérale;— Pharmacopœa spagyrica; — Menstruutn'universale ; —
Explicatio miraculi mundi; — Condnualio miraculi mundi; —
De natura salium; — Trost der Seefahrenden (Consolation des
voyageuri^ sur mer); — Apologetische Schriften (Écrits apologé-
tiques) ; — De auro potabili; — Teutschlands Wohlfart (Prospé-
rité de l'Allemagne).
Tous ces traités ont été imprimés et réunis, sous le titre ^
moitié latin et moitié allemand : Johannis Rudolphi Glauberi
philosophi et medici celeberrimi opéra chymica, Bûcher und
(1) Glauber, Opéra chymica; Fiancf.^ 1658, in-4°, p. 167-168.
(2) Voy. Gmelin, Geschichie der C hernie, 1. 1, p. 644.
184 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Schriften , soviet deren von ihrh bishero an Tag gegeben , etc. ;
Franc fart, 1658, «n-4° (4).
Comme Paracelse , Glauber a rédigé la plupart de ses livres
en allemand, sa langue maternelle, sauf les titres, qui,
généralement, sont en latin. Mais son slyle est beaucoup plus
clair que celui de Paracelse.
Les écrits de Glauber eurent beaucoup de vogue depuis le
milieu jusqu'à la fin du dix-huitième siècle : ils furent traduits
en anglais {;!) et en français (3).
Tout le monde connaît le set de Glauber ; mais peu en con-
naissent peut-être Thistoire.
Laissons Tauteur la raconter lui-môme : «Pendant les voyages
deraa jeunesse , je fus atteint, à Vienne, d'une fièvre violente
appelée, dans ce pays, maladie de Hongrie, qui n'épargne aucun
étranger. Mon estomac délabr.é rendait tous les aliments. Sur
le conseil que m'avaient donné quelques personnes qui avaient
pitié de moi, j'allai me traîner, à une lieue de Newstadt,
auprès d'une fontaine située près d'une vigne. J'avais emporté
avec moi un morceau de pain que je croyais certainement ne
pas pouvoir manger. Arrivé auprès de la fontaine, je tire le
pain de ma poche, et, en y faisant un trou, je m'en sers en
guise de coupe. A mesure que je bois de cette eau, je sens
mon appétit revenir si bien, que je finis par mordre dans
(a coupe improvisée, et par l'avaler à son tour. Je revins ainsi
plusieurs fois à la source, et je fus bientôt délivré de ma mala-
die. Étonné de cette guérison miraculeuse, je demandai quelle
était la nature de celte eau ; on me répondit que c'était une eau
nitrée (Salpeter-wasser ) (4). »
Glauber avait alors vingt et un ans, et à cet âge il était,
comme il nous l'apprend lui -môme, encore entièrement étranger
à la chimie. Cependant le fait qu'il vient de rapporter ne lui
sortit jamais de la mémoire. Or, un jour il eut l'idée d'essayer l'eau
de sa fontaine de santé, pour voir si elle tenait réellement du
(1) C'est cette édition allemande que nous avons sous les yeux. — On cite
encore d'autres éditions : Opéra omnia; Amsterd., 1661, in-8*^; Ibid., 1651-1656.
— Une édilion abrégée : Glauberus concentratus, etc.; Leipz. et Breslau, 1717,
in4*.
(2) Transi, by Packe;*Lond., 1689, in-fol.
(3) Trad. par H. Duteil ; Paris, 1659, m-8°.
(4) De natora salium, p. 492 (edit. 1658; Francf., ia-ï°).
TKÛI^ÈME EPOQUE. 185
salpêtre en dissolution, comme le disaient les gens du pays. A
cet effet, il en fit évaporer un peu dans une capsule, etii.vit se
former de beaux cristaux longs , qu'un observateur superficiel
a aurait pu, dit-il, confondre avec les cristaux du salpêtre; ces
cristaux ne fusaient point dans le feu et n'avaient pas les pro-
priétés du nitre. )) Glauber trouva plus tard que ce sel avait la
plus grande ressemblance avec celui qu'il obtenait artificielle-
ment, en faisant dissoudre dans Teau et cristalliser le résidu
salin {caput mortuum) qui reste dans la cornue après le- dégage-
ment de l'esprit de sel (acide chlorhydrique ) (i).
Ce sel n'était autre chose que le sulfate de soude. Glauber lui
donna le nom de sel admirable^ 5a/ admirabile, sans s'attribuer
aucunement l'honneur de l'avoir découvert; car il soutient que
^ïi sel admirable est le même que le salenixum de Paracelse (2).
a Ce sel , dit-il, quand il est bien préparé, a l'aspect de l'eau
congelée; il forme des cristaux longs, bien transparents, qui
fondent sur la langue comme de la glace. Il n'est pas acre , et il
auD goût de sel particulier. Projeté sur des charbons ardents, il ne
décrépite point comme le sel de cuisine ordinaire {nicht sprin-
gend ivie ein gemein Kochsalz), et ne brûle point comme le sal-
pêtre. 11 n'exhale aucune odeur et supporte tous les degrés de
chaleuf. Gomme il n'est point caustique, on peut l'employer avec
avantage en médecine, tant extérieurement qu'intérieurement. Il
modifie et cicatrise les plaies récentes sans lés irriter. C'est un
médicament précieux (3), employé à l'intérieur : dissous dans
de l'eau tiède et donné en lavement, il purge les intestins et tue
les vers. Il peut aussi servir de fondant (4). »
Telle est l'histoire du sulfate de soude. Ce n'est donc pas sans
raison qu'il porte le nom de sel de Glauber.
L'esprit de sel (spifitus salis) s'ohlensLXi en distillant un mélange
de sel commun et de vitriol ou d'huile de vitriol. Glauber en
connaissait la nature aériforme, puisqu'il fait observer qu'on ne
(1) L*esprit de sel était autrefois préparé eo soumettant à la distillation un mé-
lioge de sel marin et de vitriol de fer ou de cuiTre; ce dernier ingrédient fut plus
Itrd remplacé par Tacide môme du vitriol ( acide sulfurique ). Dans tous les cas,
il restait au fond de la cornue le sel de Glauber (sulfate de soude) parfaitement
solable dans Peau.
(2) Opéra cliim., etc., p. 49^.
(3) Ibid., p. 495.
(4) Ibid. (Philosophische Oefen)^ p. 13.
186 HISTOIRE DE LA. CHIMIE.
l'obtient point à Tétai liquide, à moins de lui associer de l'eau;
c'est pourquoi il recommandait de se servir de vitriol humide. Il
ne paraît pas ignorerque, dans cette réaction, c'estl'esprit de vi-
triol qui prend la place de l'esprit de sel qui se dégage. Il re-
commande expressément de le préparer dans des vaisseaux de
verre, parce quQ l'acide attaque les vaisseaux métalliques.
L'esprit de sel est vanté par l'auteur pour les usages culinaires,
où il pourrait remplacer avec avantage le meilleur vinaigre et le
jus de citron. « Pour apprêter, dit-il, un poulet, des pigeons ou
du veau à la sauce piquante, on les met dans de l'eau, dans du
beurre et des épices; puis on y ajoute la quantité que l'on désire
d'esprit de sel, selon le goût des personnes. On peut ainsi amollir
et rendre parfaitement mangeable la viande la plus coriace, de
vache ou de vieille poule (i). »
Il le recommande en outre comme un excellent moyen pour
conserver les fruits, le vin, pour coaguler le lait et attaquer les
nàinerais.
Glauber appelle nitrum fixumle produit alcalin qui provient de
la combustion du nitre avec la poussière de charbon; il ajoute
que ce produit peut être employé en teinture pour communiquer
à la cochenille [consinillium] une couleur de pourpre foncée, la-
quelle est ramenée à la teinte écarlate la plus vive par l'addition
de l'esprit de nitre. « Celui-ci colore aussi, dit-il, les cheveux,
les ongles, les plumes en jaune d'or ( goldfàrhig ). »
Il n'ignorait pas qu'une dissolution d*argent dans l'eau-forte
(nitrate d'argent) teint en noir les matières organiques, telles que
les plumes, les fourrures, le bois, etc.; que, l'huile de vitriol se
substitue facilement aux acides du nitre et du sel, qui sont très-
volatiles; qu'une solution d'argent est d'abord précipitée par l'am-
moniaque, et qu'un excès de celle-ci redissout le précipité (2).
Glauber paraît avoir, le premier, entrevu l'existence du chlore;
car il dit qu'en distillant l'esprit de sel sur des chaux métalliques
(.cadmie et rouille de fer), il obtenait « un esprit couleur de feu
qui passe dans le récipient {geht wie Feuer ûber), et qui dissout
les métaux et presque tous les minéraux. » Il l'appelle huile ou
esprit de sel rectifié. « Avec ce produit, on peut, ajoute-t-il, faire
de belles choses en médecine, en alchimie et dans beaucoup
(1) Oper. Chim. Philosophische Oefen {V* part., c. xxv), p. 29.
(2) Ibid.^ part, ii, c. ix, p. 53.
TROISIÈME ÉPOQUE. 187
d'arts. Lorsqu'on le fait quelque temps digérer avec de Tesprit-
de-vin déphlegmé (concentré), on remarque qu'il se forme à la
surface' de la liqueur une espèce de couche huileuse, qui est
rhuile de vin (oleum vini), très-agréable, et un excellent cor-
dial (1). »
Glauber retirait de la distillation des charbons de terre une
huile rouge de sang {hlutrothes oleum) , qu'il prescrivait comme
fort utile dans le pansement des ulcères chroniques (2).
On se rappelle que les anciens préparaient le beurre d^anti'
nudne en soumettant à la distillation un mélange de sublimé cor-
rosif et d'antimoine naturel (sulfure d'antimoine). Écoutons
Glauber, qui savait, il y a deux cents ans, expliquer tout ce qui
se passe dans cette opération, aussi bien que le ferait aujourd'hui
un professeur de chimie :
« Dès que le mercure sublimé (corrosif), mêlé avec l'antimoine,
éprouve l'action de la chaleur, l'esprit , qui est combiné avec le
mercure , se porte de préférence sur l'antimoine , l'attaque en
abandonnant le mercure, et forme une huile épaisse (beurre
d'antimoine) qui s'élève dans le récipient. Le beurre d'antimoine
n'est donc autre chose qu'une dissolution de régule d'antimoine
(antimoine métallique) dans de l'esprit de sel. Quant au soufre
de l'antimoine (naturel), il se combine [conjungirt sich) avec le
mercure, et donne naissance à du cinabre qui s'attache au coi
de la cornue; une partie du mercure se volatilise. Celui qui s'en-
tend bien à la manipulation peut retrouver tout le poids du
mercure employé (3). »
Il n'y avait rien à objecter contre cette explication. Voulez-vous
savoir pourquoi H la donnait? C'était afin de renverser des théo-
ries erronées d'après lesquelles le beurre d'antimoine était
l'Attiïe de mercure (oleum mercurii), et le précipité blanc qui se
forme quand on y ajoute de l'eau, le mercure de vie {mercurius
tnïaî). «Prenez, dit-il, cette poudre blanche appelée mercure
de vie , et chauffez-la dans un creuset; vous la transformerez en
un verre d'antimoine , et vous n'en tirerez pas uiie trace de mer-
cure. » — Pour achever sa démonstration, il enseigna un procédé
qui permettait de préparer le beurre d'antimoine ou la prétendue
(1) Philù^oph. Oefen^ part, i, c. xxiv, p. 28.
(2) Ibid., part, ii, c. &liv.
(3)lbid., part..!, c. xviii, p. 23.
/
188 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
huile de mercure, sans avoir recours au sublimé corrosif. Ce
procédé très-simple, et qui est encore employé de nos jours,
consistait à traiter les fleurs ( oxyde ) d*antimoine par Tesprit de
sel. Il ajoute que l'on obtient des produits semblables (chlorures)
en traitant Tarsenic, Tétain et le zinc par l'esprit de sel.
C'étaient là des idées nouvelles et qui paraissaient alors fort
hardies. Mais , convaincu d'avoir raison , et voulant couper court
à toute discussion oiseuse, il s'écrie : «Je ne prétends d'ailleurs
imposer mes opinions à personne; que chacun garde les siennes
si bon lui semble. Je dis ce que je sais, dans le seul intérêt de la
vérité. »
Ce dédain pour l'opinion des hommes et cet amour pur de la
science percent, à tout moment, dans les écrits de Glauber.
Rubis (Tor; — pierres précieuses artificielles; — liqueur des cail"
loux. Ce fut accidentellement qu'il découvrit la couleur rouge
que l'or communique aux matières vitreuses : « Je fis, dit-il, il
y a quelques années, fondre, dans un creuset, delà chaux d'or
{calcem solis); et, voyant^que la fusion s'opérait difficilement,
j'y ajoutai un peu de flux salin. -L'opération étant terminée, je
retirai le creuset du feu, et je fus fort surpris de trouver, à la
place de l'or que j'y avais mis, une masse vitreuse d'un beau
rouge de sang. Les fondants que j'avais employés étant des sels
blancs , je ne pouvais attribuer cette coloration qu'à l'âme de l'or
{anima auri), »
Ce fait est très-probablement antérieur à un fait analogue,
décrit, comme nous l'avons vu, par Boyle, qui semble s'attri-
buer la découverte des verres colorés en rouge par l'or (i). Glau-
ber avait déjà la réputation d'un chimiste distingué à l'époque
où Boyle voyageait encore à l'étranger. Du reste, Libavius avait le
premier observé^ vers la fin du seizième siècle , que l'or était sus-
ceptible de colorer le verre en rouge (2), observation que Glauber
et Boyle paraissaient également ignorer.
Glauber s'empressa de tirer parti de la découverte qui venait
pour ainsi dire s'offrir d'elle-même. C'est ici que se révèle toute
l'habileté de ce chimiste renommé à si juste titre. Au lieu de
faire fondre un mélange d'or ou d'un composé (sulfure) d'or avec
les matières du verre, il proposa un procédé extrêmement ingé-
(1) Voy. p. 159 de ce volume.
(2) Ibid., p. 28.
TROISIÈME EPOQUE. |S9
nieux. Ce procédé consistait à précipiter Tor de sa dissolution
dans Teau régale par la liqueur des cailloux {liquor silicum) (1),
et à faire fondre le précipité dans un creuset, a La couleur jaune
se convertit en une couleur de pourpre des plus belles (die aller-
schoenste Purpurfarb). » Il ajoute que ce procédé pourra être ap-
pliqué à tous les autres métaux ( cuivre , fer, manganèse , etc. )
pour la préparation des verres colorés ou des pierres précieuses
artificielles (2).
Curieux de se rendre compte de tous les phénomènes qui se
présentaient^ son examen, Glauber se demanda ce qui se passe
chimiquement lorsqu'on verse la liqueur des cailloux dans une
solution d'or. Voici, à cet égard, son opinion ; elle rappelle la loi
de l'échange ou de la double décomposition : « L*eau régale, dit-
il, qui tient l'or en dissolution, tue (Met) le sel de tartre (po-
tasse) de la liqueur des cailloux (silicate de potasse), de manière
à lui faire abandonner la silice; et, en échange, le sel de tartre
(potasse) paralyse l'action de Teau régale de manière à lui faire
lâcher Ter qu'elle avait dissous. C'est ainsi que la silice et l'or
sont tous deux privés de leurs dissolvants. Le précipité se com-
pose donc à la fois de Tor et de la silice, dont le poids réuni re-
présente celui de Tor et de la silice employés primitivement (3). »
Glauber connaissait le smalt bleu de cobalt (4), la laque de car-
min, les-émaux blancs ou colorés, etc. Il remplaçait le blanc de
plomb (carbonate) par le précipité (chlorure), obtenu en traitant
une dissolution de plomb par l'eau régale.
Il recommanda, un des premiers, l'usage des creusets de
Hesse, fabriqués avec une terre argileuse des environs d'Alman-
roth ; et il remarqua que la solidité de ces vaisseaux est due,
moins aux matériaux employés , qu'au degré de cuisson qu'ils
reçoivent.
II donna aussi des préceptes utiles aux pharmaciens sur les
précautions et la température très-modérée qu'il faut employer
pour retirer des plantes les parties volatiles et aromatiques. Il
(1) Silicate de polasse, obtenu en faisant fondre du sabJe ou de la silice pulvé-
risée avec nn excès de potasse. Ce composé, dissous dans Teau, s'appelait liquor
sUieum.
(2) Philosoph, Oefen, pari. lf,c. lxxxii et c.lxxxiu.
(3) Phil. Offen, part. II, c. lxxxii, p. 125.
(4) Bereilet von Jliissiger Sand-Pott-Asche und Kobolet. Explical. Miraculi
mundi/p. 187.
190 HISTOmB DE LA CHIMIE.
signala Texistence de produits multipliés, provenant; de la dîstil''
lation du goudron et du J)ois.
Dans son Traité sur la Prospérité de r Allemagne, il émet des
conseils pratiques sur Tindustrie , sur Tagriculture, sur les en»
grais, les nitrières artificielles faites au moyen de la chaux, etc. (I),
Loin de borner l'application de son intelligence aux détails do
laboratoire, Glauber aborde les questions les plus élevées d'écono-
mie politique, science alors encore à naître. « L'Allemagne, dit-
il , est un pays favorisé par la richesse de ses mines ; il n'y a ni
manque de bois, ni manque de bras. N'est-ce donc pas une honte
de vendre notre plomb à la France et à l'Espagne, notre cuivre i
la Hollande et à Venise , pour acheter ensuite bien cher, ^ ces
mêmes pays, le plomb transformé en blanc d'Espagne, et fe
cuivre en vert de Venise ? Est-ce que notre bois , notre sable,
nos cendres , ne sont pas aussi bons que ceux de France ou de
Venise pour fabriquer des cristaux ? Il en est de même de beau-
coup d'autres produits dont l'Allemagne fournit les matériaux
que l'étranger exploite (2). »
Ces paroles n'étaient pas seulement celles d'un ardent patriote;
elles agitaient l'avenir de l'industrie.
L'histoire ne nous montre qu'à de trop rares intervalles dc8
hommes aussi éclairés et honnêtes que Glauber.
« Je gémis, disait-il, del'ignoranoe de nos contemporains et de
l'ingratitude des hommes. Je sais bien que mes travaux seront
appréciés différemment par les uns et par les autres, et que .
j'aurais tout aussi bien fait de garder mes découvertes pour moi.
Mais je me moque des jugements des hommes; c'est comme un
vent qui souffle sur moi sans me renverser. Si Jésus-Christ vivait
aujourd'hui, et qu'il fît les miracles qu'il a faits, on le brûlerait,
comme on l'a crucifié il y a seize siècles. Les hommes. sont tou-
jours les mêmes, envieux, méchants et ingrats. Quant à moi,
fidèle à la devise Ora et lahora, je remplis ma carrière en honnête
homme; je fais ce que je puis, et j'attendrai la récompense que
ce monde périssable ne peut me ravir. » '
(1) Teutschlands WÔhlfart, etc., p. 340 et 441. «Le nitre peut être, dit-U,
ensemencé, cultivé comme les fruits des champs; une petite quantité peut servir
de/erment à une immense étendue de terrain qui ne larde pas à se recouTrir de
nitre; de môme qu'un peu de levure de bière fait fermenter une prodigieuse quan-
tité de pâte. »
(2) Arcana thesauris opulenta, p. 99 et suiv.
TROISIEME EPOQUE. i9i
Dans la liste qu'on a jusqu'ici donnée des ouvrages de Giauber,
nous n'avons point vu figurer Arcana ihesauris opulenta^ sive ap-
pendix generalis omnium librorum hactenus editorum; Amsterdam
( Janssen), 1660, in-12. Ce livre, qui paraît être rarissime, est
une sorte de résumé des principales opérations et théories chi-
miques de Giauber. Tout est dans le soleil et le sel , in sole et
sale omnia , tel est l'axiome par lequel l'auteur débute (1). Il in-
siste beaucoup sur l'idée que les métaux peuvent être amenés à
leur état de maturité « par le feu et par le sel » . -^ « Cela se voit
surtout, dit-il, dans l'accroissement des animaux et des végétaux.
La graine devient un arbre par l'action combinée du sel terrestre
et des rayons solaires. Mais comment retire-t-on des minéraux,
des végétaux et des animaux l'élément le plus essentiel, propre à
fortifier les corps débiles? Voilà ce que les philosophes nous ont
toujours laissé ignorer, n
Cet élément ou esprit vivifiant devait être une espèce de soufre.
Le mercure jouait aussi un rôle analogue.
Giauber ne savait point encore recueillir les esprits y par les-
quels il entendait les corps gazeux et volatils. Il les tirait
des animaux, des végétaux et des minéraux, lis devaient être
pour les chimistes ce que les anges gardiens *sont pour les
hommes (2).
C'est dans le traité des Arcana que la chimie se trouve dési-
gnée sous le nom de Halchimie^ c'est-à-dire Chimie des sels y
qu'il ne faut pas confondre avec Alchimie.
La méthode expérimentale, codifiée par Bacon, mise en pra-
tique par Boyle, fut bientôt universellement adoptée.
Runckel est un de ceux qui ont le plus résisté à la fausse direc-
tion suivie jusqu'alors par les chimistes. Il demande, avant tout,
des faits , sauf à laisser à d'autres le soin de faire des théories.
La science lui est redevable d'une partie de ses progrès au dix-
septième siècle.
(1) Opéra minerai., p. 118.
(2) Ibid., p. III.
19^ HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Kunckel, néà RendsbourgenJ630, était filsd'un alchimiste éta-
bli à la cour du duc de Holstein. On ne sait rien de sa première
Jeunesse. Il nous apprend lui-même que, dès sa vingt-quatrième
année, il s'était constamment occupé de chimie. Peu satisfait des
procédés obscuts des alchimistes, il se mit à l'œuvre en pre-
nant l'expérience pour guide. Il obtint, en 1654. un emploi de
chimiste et de pharmacien auprès des ducs Charles et Henri de
Lauenbourg, qui, à l'exemple de beaucoup d'autres princes de
ce temps, s'étaient épris d'une belle ardeur pour la chimie et la
transmutation des métaux. De là il passa , sur la recommanda-
tion de Langelot , au service de Jean-Georges II, électeur de Saxe,
qui lui confia la direction de son laboratoire à Dresde , avec des
appointements considérables. Mais ses ennemis, dont il se plaint
amèrement ' dans ses écrits, l'obligèrent d'abandonner cette
place : ils l'accusaient d'avoir trouvé la pierre philosophale et d'en
vouloir cacher le secret. Kunckel se relira d'abord à Annaberg,
puis à Wittemberg, où il occupa, pendant quelque temps, la
chaire de chimie à l'université de cette ville. En 4679, il se rendit,
sur l'invitation de Frédéric-Guillaume, à Berlin, pour diriger les
fabriques de verre et le laboratoire de l'électeurde Brandebourg.
Ses économies lui permirent de faire l'acquisition d'une propriété
seigneuriale dans la Marche. II y passa une partie de sa vie à faire
des expériences de chimie pour son propre compte. Enfin le roi
de Suède, Charles XI, l'appela à Stockholm, et lui conféra des ti-
tres de noblesse sous le nom de baron de Lœwenstem y avec la
place de conseiller des mines du royaume.
Kunckel mourut en 1702, à un âge fort avancé.
TraTaux de Kunckel.
Le principal ouvrage de Kunckel, écrit en allemand, parut après
la mort de l'auteur. lia pour litre : LaboraioHvm chymicum*
worinnen von den ivahren principiis m der Nalur, de?- Erzeugung,
den Eigenschaften iind der Scheidung der Vegefabilien, Minera-
lien, und Metalle, gehandelt tvird (Laboratoire de chimie, dans
lequel il est traité des vrais principes naturels, de la génération,
des propriétés et de l'analyse des végétaux, des minéraux et des
métaux) (1).
(1) Berlin, 1767, in-8^ 4* édition. La l'^edilion est de 1716,Jn-8'»; Hambourg
et Leipzig.
TROISIÈME EFOQVE. - 193
Ses autres ouvralges, moins importants, parurent tous du vi-
vant de Tauteur ; ils sont intitulés : Nûizliche observationes von den
fixent undflûchtigen Salzen, auro undargento potabili, spiritu mun»
diy etc. (Observations utiles sur les sels fixes et volatils, etc.) (1);
^ Chymische Anmerkungen ( Notices chimiques ) de prindpiis
chymiciSy salihus acidis , alcalibus^ etc. (2); — Epistola contra
spiritum vint sine acido (3); — Œffentliche Zuschrift von dem
phûsphoro mirabili, etc. (4) ; — Probierstein de acido et urinoso sale
calido et frigido (5) ; — Ars vitraria experimentalis (6).
Plusieurs de ces écrits furent réunis en un volume qui parut ,
en 1721, à Francfort, sous -le titre de V curiose chymische Trae-
iàtlein.
Runckel a attaché son nom à la découverte du phosphore ;
c'est lui qui nous a laissé là-dessus les détails les plus curieux.
Laissons-le d'abord raconter la découverte du phosphore de Bau-
douin, dont nous avons déjà dit un mot (7). Cette découverte se
fitàpeu prèi^ vers le même temps que celle du véritable phosphore.
u 11 y avait à Grossenhayn en Saxe un savant bailli du nom de
Baudouin (Balduin), qui vivait dans la plus grande intimité avec
le docteur Frûben. Un jour il leur vint à tous deux Tidée de cher-
cher un moyen de recueillir l'esprit du monde {spiritum mundi).
Dans ce dessein, ils prirent de la craie pour la dissoudre dans de
l'esprit de nilre, ils évaporèrent la solution jusqu'à siccité, et
exposèrent le résidu à l'air, dont il attirait fortement l'eau (humi-
dité) ; par la distillation ils en retirèrent cette eau, qui avait été
absorbée à l'air. C'était là leur esprit du monde, qu'ils vendaient
douze groschenle loth (8). Tous, seigneurs et vilains, voulaient faire
(1) Hambourg, 1676, in-S^. Traduit en latin par Al. Ramsai ; Lond. et Rotterd.,
1678, in-12.
(2) Wittemberg, 1677, in- 8^. Traduit en latin par Ramsai, et en anglais sous le
titre des Experiments of chymical philosopha; Lond., 1705.
(3) Berlin, 1681, in-i2.
(4)Leipz., 1678,in•8^
(&) Berlin, 1685, in-8°.
(6) Francf. et Leipz., 1689; Nuremb., 1743 et 1756. Traduit en français par le
baron de Holbach, sous le titre : Vart de la verrerie de Neri^ Merret ttnd
Kunckel; Paris, 1752, in-4^
(7)Voy. t. II. p. 174.
(8) Environ deux francs les 35 grammes , somme assez considérable à une
époque (quelque temps après la guerre de Trente ans) où Targent avait au moins
six fois phis de valeur qu'aujourd'hui.
HIST« DE LA CBIHIB. ^ T. II. s 13
4'94 - HISTOIRE DE LA CHIMIE.
usage de cette eau. — C'est le cas de dire que la foi avait opéré
des miracles; car Teau de pluie aurait été tout aussi bonne (1). »
Baudouin cassa un jour une cornue où il avait calciné de la
craie avec de Tesprit de nitre, et il vit que le résidu qui s'y
était formé luisait dans l'obscurité, et qu'il n'avait celte propriété
qu'après avoir été exposé à la lumière du soleil.
a Aussitôt Baudouin courut, continue Kunckel, à Dresde pour
communiquer ce résultat au conseiller de Friesen , à plusieurs
ministres de la cour, et enfin à moi: Je fus, je l'avoue, émerveillé
de cette singulière expérience ; mais, ce jour-là, je n'eus pas le
bonheur de toucher la substance de mes mains. Pour obtenir
cette faveur, je fis une visite à M. Baudouin , qui me reçut fort
poliment, et me donna... une belle soirée musicale. Bien que
j'eusse causé avec lui toute la journée, il me fut impossible d'en
tirer le fin mot de l'histoire. La nuit étant venue, je demandai à
M. Baudouin si son phosphorus (car c'est ainsi qu'il avait appelé
son produit de la cornue) pouvait aussi attirer la lumière d'une
bougie , comme il attire celle du soleil. Il se mit aussitôt à en
faire l'expérience. Toutefois je n'eus pas encore le bonheur de
toucher la substance en question. Ne serait-il pas , lui dis-je
alors, plus convenable de lui faire absorber la lumière à distance,
au moyen d'un miroir concave? — Vous avez raison, répondit-iL
Sur-le-champ il alla lui-même chercher son miroir, et cela avec
tant de précipitation qu'il oublia sur la table la substance que
j'étais si curieux de toucher. La saisir de mes mains, en ôter un
morceau avec les ongles et le mettre dans ma poche , tout cela
fut l'affaire d'un instant. » '
Baudouin revient, l'expérience commence , et Kunckel ne dit
pas si elle réussit. «Je lui demande, continue ce dernier, s'il ne-
veut pas me faire connaître son secret. II y consentit enfin ; mais
à des conditions inacceptables. J'envoyai alors un messager à
M. Tutzky, qui avait longtemps travaillé dans mon laboratoire,
et le priai de se mettre immédiatement à l'œuvre, en traitant la
craie par l'esprit de nitre ( car je savais qu'on s'était servi de ces
deux matières pour la préparation de l'esprit du monde), de cal-
ciner ce mélange fortement, et de m'informer du résultat de
l'expérience par le retour du messager. »
L'expérience réussit, comme on le pense bien, au-delà dfr
(1) Vollstaendiges Laboratorium, etc., p. 601 (4* édit., 1767 ).
TROISIÈME ÉPOQUE. ^ 195
toute espérance, et Kunckel reçut, vers le soir môme, un
échantillon de son phosphore; il en fit cadeau à Baudouin, en
récompense de.... sa soirée musicale. Il est difficile d'être à la*
fois plus habile et plus spirituel.
Voici maintenant les détails concernant Thistoire de la décou-
verte du phosphore proprement dit, dans laquelle Kunckel a joué
un rôle très-actif :
« Quelques semaines après la découverte du phosphore de Bau-
douin, je fus obligé de faire un voyage à Hambourg^ J'avais em-
porté avec moiun de ces têts luisants {einen solchen leuchten-
den Scherben), pour le montrer à un de mes amis. Celui-ci, sans
paraître étonné , me dit : « Il y a dans notre ville un homme qui
se nomme le docteur Brand; c'est un négociant ruiné qui, se
livrant à Tétude de la médecine, a dernièrement découvert quel-
que chose qui luit constamment dans l'obscurité. » Il me fît faire
connaissance avec Brand. Comme celui-ci venait de donner à un
de ses amis la petite quantité de phosphore qu'il avait préparée ,
il fallait me rendre chez cet ami pour voir le corps luisant ré-
cemment découvert. Mais plus je me montrais curieux d'en con-
naître la préparation , plus ces hommes se tenaient sur la ré-
serve. Dans cet intervalle, j'envoyai à M. Krafft, à Dresde, une
lettre par laquelle je lui fis part de toutes ces nouvelles. Krafft,
sans me répondre, se met aussitôt en route, arrive à Hanabourg,
et, sans que je me doute seulement de sa présence dans cette
ville , il achète le secret de la préparation du phosphore pour
200 thalers (environ 750 francs), à la condition de ne point me
le dire, à moi. Ja me présentai plus tard chez Brand, précisé-
ment au moment où il était en conférence avec Krafft. Brand
sortit de sa chambre et s'excusa de 'ce qu'il ne pouvait pas me
recevoir, alléguant que sa femme était malade , et qu'il y avait
encore une autre personne chez lui. «D'ailleurs il me serait,
ajoula-t-il, impossible de vous communiquer mon procédé; car,
ayant depuis essayé plusieurs fois, je n'ai plus réussi. » Il fallut
donc , bon gré mal gré , me préparer à quitter Hambourg sans
avoir rien obtenu.
« Avant mon départ, je rencontre par hasard M. Krafft, auquel
je raconte naïvement tout ce qui m'était arrivé. Celui-ci m'assura
9ue je n'obtiendrais jamais rien de M. Brand, qui est, me disait-il,
^n homme très-entêté. Je ne savais pas alors que Brand s'était
^éjà engagé envers Krafft, par un serment, à ne communiquer
13.
f^ . HISTOIRE DE LA CHIMIE.
son procédé à personne. Je partis donc comme j'étais venu.
<( De Wittemberg j'écrivis à Brand, en le priant itérativement
Vde me faire connaître son secret. Mais il me répondit qu'il 'ne
pouvait plus le retrouver. Je lui écrivis encore une fois, en insis-
tant de nouveau. II me répondit alors qu'il avait, par l'inspiration
divine, retrouvé son art; mais .qu'il lui était impossible de me le
communiquer. Enfin, je lui adressai une dernière lettre dans la-
<juelie je lui apprenais que j'allais moi-même, de mon côté , me
livrer à des recherches assidues , et que , si j'arrivais à mon but,
je ne lui en aurais aucune reconnaissance. Car je savais que Brand
avait travaillé sur r urine , et que c'était de là probablement qu'il
avait tiré son phosphore,
« A cette lettre, il me fit la réponse suivante : « J'ai reçu la lettre
de monsieur, et je vois avec regret qu'il est d'assez mauvaise hu-
meur, etc. J'ai vendu ma découverte à Rrafft pour la somme de
200 thalers. J'ai appris depuis lors que Rrafft a obtenu une grati-
fication de la cour de Hanovre. Si je ne suis pas content de lui , je
m'empresserai de traiter avec vous. Dans le cas où vous iriez vous-
même découvrir mon secret , je vous rappellerai votre promesse,
votre serment. »
tïGela avait-il le sens commun? s'écrie Runckel justement in-
digné. Jamais de ma vie je n'avais sollicité un homme avec des
prières aussi instantes que ce M. Brand, qui se donne le titre de
doctor mediclnœ et philosophiœ, et il a encore l'audace de me de-
mander une somme d'argent, si je parvenais moi-même à faire
îa découverte que je l'avais tant supplié de me communi-
quer î
tx Enfin, de guerre lasse , je me mis moi-même à l'œuvre. Rien
ne me coûta; et , au bout dé quelques semaines, je fus assez heu-
reux pour trouver, à mon tour, le phosphore de Brand. Voilà,
mon cher lecteur, toute l'histoire du phosphore : on voit par là
que Brand ne m'en a pas enseigné la préparation.
« J'ai, depuis ce temps, appris que ce docteur tudesque {doctor
teufonicus ) s'est exhalé en invectives contre moi. Mais que faire
d'un si pauvre docteur qui a complètement négligé ses études, et
qui ne sait pas même un mot de latin ? Car je me rappelle un jour
que son enfant s'étant fait une égratignure au visage, je recom-
mandai au père de mettre sur la plaie oleum cerœ. Qu'est-ce que
cela? me dit-il. — Du cérat, lui répondis-je. — r Ben, ben, re-
prit-il dans son patois hambourgeois (bas-saxon), j'aurais dû y
TROISIEME ÉPOQUE. i97
penser plus tôt (1). — C'est^our cela que je l'appelle /ec/oc^ewr tu-
desqne. Son secret devint bientôt si vulgaire, qu'il le vendit, par
besoin, à d'autres-personnes, pour 10 thalers (environ 35 francs).
Il l'avait, entre autres, fait connaître à un Italien qui, étant venu
à Berlin, l'apprenait, à son tour, à tout le monde pour 5 thalers
( envi ron 4 8 francs ) .
« Quant à moi, je fais ce que personne ne sait encore : mon
phosphore est pur et transparent comme du cristal , et d'une
grande force. Mais je n'en fais plus maintenant, parce qu'il peut
donner lieu à beaucoup d'accidents (2). »
Ces faits, qui auraient perdu leur charme par une sèche ana-
lyse , se passèrent de 1668 à 1669.
Kunckel ne fut pas aussi intéressé, et ne fit pas le mystérieux
comme Brand ; car il communiqua gratuitement son procédé à
plusieurs personnes , entre autres à Homberg , en présence du-
quel il fit l'opération en l'année 1679.
Comme Kunckel ne décrit pas , dans son Laboratorium, la pré-
paration du phosphore, afin de ne pas devenir, ainsi qu'il le dit
lui-même, la cause indirecte de beaucoup d'accidents, nous a^
Ions anticiper sur l'analyse des travaux de Homberg, qui fit le
premier connaître en France la manière de faire le phosphore brûr
lant de Kunckel [S).
Voici en quels termes Homberg décrit le procédé de Kunckel,
qu'il répéta dans le laboratoire de l'Académie royale des sciences :
« Prenez de l'urine fraîche, tant que vous voudrez; faites-la
évaporer sur un petit feu jusqu'à ce qu'il reste une matière noire
qui soit presque sèche. Mettez celte matière noire putréfier dans
une cave durant trois ou quatre mois , et puis prenez en deux
livres et mêlez-les bien avec le double de menu sable ou de boL
Mettez ce mélange dans une bonne cornue de grès lutée; et, ayant
versé une pinte ou (Jeux d'eau commune dans un récipient de
verre qui ait le col un peu long, adaptez la cornue à ce récipient
et placez-la au feu nu. Donnez au commencement un petit feu
pendant deux heures, puis augmentez le feu peu à peu, jusqu'à
ce qu'il soit très-violent, et continuez ce feu violent trois heures
de suite. Au bout de ces trois heures, il jjassera dans le récipienJt
(i) Su, su, dat is ock wahr ; ick bedacht mi nich so halde,
(2) VoUstaendiges Laboratorium, p. 605 et suiv.
(3) Mém, de VAcad. royaledes sciences, t. x ( Mém. présenté le 30 arril 1692).
198 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
d'abord un peu de phlegme, puis ua peu de sel volatil, ensuite,
beaucoup d/huiie noire et puante; et enfin la matière du phos-
phore viendra en forme de nuées blanches gui s'attacheront aux
parois du récipient comme une petite pellicule jaune , ou bien
elle tombera au fond du récipient en forme de sable fort menu.
Alors il faut laisser éteindre le feu et ne pas ôter le récipient, de
peur que le feu ne se mette au phosphore , si on lui donnait de
l'air pendant que le récipient qui le contient est encore chaud.
Pour réduire ces petits grains en morceaux, on les met dans
une petite lingotière de fer-blanc ; et , ayant versé de Teau sur
ces grains , on chauffe la lingotière pour les faire fondre comme
de la cire, Alors on verse de Teau froide dessus, jusqu'à ce que
la matière du phosphore soit coagulée en un bâton dur qui res-
semble à de la dire jaune. » .
Voilà l'histoire détaillée de la découverte la plus importante
qui ait été faite en chimie au dix-septième siècle. Elle soulève
quelques points litigieux. Le procédé de Kunckel, que nous ve-
nons de faire connaître, est exactement le même que celui que
Boyle a donné comme étant de son invention (1). L'un avait
échoué en Allemagne auprès de Brand, comme l'autre avait
échoué en Angleterre auprès de Rrafft, dans l'acquisition du
secret de la préparation du phosphofe. Guidés alors par leur
propre sagacité, et travaillant àl'insu l'un de l'autre, ils arrivè-
rent simultanément au même résultat. Celte coïncidence paraît
presque aussi merveilleuse que celle des Septante traducteurs de
la Bible. Si nous n'avions pas affaire à des hommes aussi hon-
nêtes que Boyle et Runckel , nous serions tentés de croire que
Brand, l'inventeur, etKrafft,le colporteurdu phosphore, n'étaient
pas aussi discrets qu'on nous les a dépeints.
Kunckel attaqua, comme Boyle , les théories des alchimistes
avec les armes de l'expérience et de la satire. Il regarde le mer-
cure des métaux et le soufre fixe comme des éléments imagi-
naires. «Moi, vieillard, qui me suis, dit-il, occupé de chimie
pendant soixante ans , je n'ai pas encore pu découvrir ce que
c'est que le sulfur fixum^ et comment il fait partie constitutive
des métaux (1). » ^
ri raille avec esprit les alchimistes, qui ne s'entendent même
(1) Voy. p. 174 et 175 de ce volume.
(2) Vollstaendiges Lahorat., p. 143 (4* édition).
TROISIÈME EPOQUE. 199
pas entre eux, et qui appliquent souvent à un seul et même corps
des propriétés et des noms différents ; et il s'indigne de celte mé-
thode déplorable qui a si longtemps retardé les progrès de la
science.
«Les anciens , dit-il ironiquement, ne s^aecordent pas sur les
espèces de soufre. Le soufre de l'un n'est pas le soufre de l'autre,
au grand préjudice de la science. A cela^ on me répond que cha-
cun est bien libre de baptiser son enfant comme il l'entend. D'ac-
cord : vous pouvez môme, si bon vous semble, appeler âne un
bœuf, mais vous ne ferez jamais croire à personne que votre
bœuf est un âne (1). »
Afin d'apprécier tout le mérite de Kunckel, il faut se rappeler
que y pour déblayer le terrain de la science, ce chimiste avait à
lutter contre des obstacles dont nous soupçonnons aujourd'hui à
peine l'existence.
Le fameux alkahest de Paracelse et de Yan-Helmont fut l'objet
de la verve satirique de Kunckel. On se rappelle que Valkahest
était le dissolvant universel qui devait, par conséquent, dissoudre
le verre, la silice, le soufre, l'or, en un mot, tous les corps. « Mais
si l'^lkahest, remarque spirituellement Kunckel, dissout tout ce
qui est, il doit aussi dissoudre-le vase qui le renferme; s'il dis-
sout la silice , il doit dissoudre le verre , qui est fait avec de la
silice. On a beaucoup discuté sur ce grand dissolvant de la nature :
les uns le font dériver du latin alkali est, les autres, de deux mots
allemands allgeist (tout esprit); enfin d'autres le font venir de
ailes est (c'est tout). Quant k moi, qui ne crois pas au dissolvant
universel de Van-Helmont, je l'appellerai par son vrai nom, ailes
Lûgen heist ou ailes Lûgen ist ( tout cela est mensonge) (2). »
Voulez-vous savoir ce que Kunckel pensait de la question si
controversée de la transmutation des métaux? Écoutez-le :
(( Dans la chimie il y a des séparations , des combinaisons ,
des purifications; mais il n'y a pas de transmutations. L'œuf
éclôt par la chaleur d'une poule. Avec tout notre art, nous ne
pouvons pas faire un œuf; nous pouvons le détruire et l'analyser,
mais voilà tout (3). »
Ces paroles étaient dirigées contre les alchimistes qui , dans
(1) Voîlstaendiges Laborat., p. 181.
{2) Ibid., p. 475.
(^lbid.,p. 524.
200 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
leur orgueil , s'attribuaient le pouvoir non-seulement de trans-
muter les métaux, mais de créer des*ê|res vivants au moyen de
certains éléments.
Kunckel s'était si^tout rendu redoutable aux adeptes qui, avec
leup poudre de projection, exploitaient la crédulité du public. Un
certain baron alchimiste avait offert à l'électeur de Saxe de lui
enseigner l'art de faire de l'or. L'électeur, avant d'acheter le se-
cret, consulta Kunckel, qui découvrit que la poudre de projection
de cet alchimiste n'était autre chose qu'un composé rouge de
soufre, d'arsenic et d'antimoine , où il était facile d'incorporer
"clandestinement de l'or ou de l'argent (1).
Poursuivons l'analyse des diverses questions sur lesquelles
Kunckel a répandu de la lumière.
Rubis artificiel (verre rouge). Ici encore nous voyons Boyle et
Kunckel s'QCCuper de la même question, et arriver, à l'insu l'un
de l'autre, presque aux mêmes résultats. Laissons le dernier ra-
conter l'histoire de la découverte du rubis artificiel : « L'honneur
de cettï découverte revient, dit-il, à notre siècle; car les verres
rouges des anciens ne sont que des verres peints d'un seul côté :
lorsqu'on les racle , on voit au-dessous de cette couche un v^erre
grossier verdâtre. Voici comment se fit cette découverte : Il y eut
un docteur en médecine, nommé Cassius, qui avait trouvé le
moyen de précipiter l'or par l'étain (prœcipitafio solis cura Jove),
ce dont Glauber lui a donné peut-être la première idée. Ce doc-
teur avait essayé, mais en vain, d'incorporer ce précipité dans
le verre. Moi, qui en avais entendu parler, je me mis à faire éga-
lement des essais de ce genre, et je réussis à obtenir du verre
d'un beau rouge; la couleur s'était complètement identifiée avec
le verre. Le premier de ces verres ainsi fabriqués, je l'offris à Té-
lecteur Frédéric-Guillaume, mon prince et seigneur, qui m'en-
voya 100 ducats de récompense. Peu de temps après, le prince-
archevêque de Cologne me chargea de lui faire un calice de
verre rouge d'un pouce d'épaisseur. Je me mis à l'œuvre , et je
réussis. Ce calice était très-beau, et pesait vingt-quatre livres. Je
reçus, comme prix, la somme de 800 thalers. L'électeur de
Saxe fit présent de quelques-uns de ces verres à la reine Chris-
tine, qui résidait alors à Rome ; et bientôt l'usage de ces verres
se répandit, mais seulement parmi les grands seigneurs (2). d
(1) Vollstaendiges Laborat,,p,b70.
(2) Ibid.^ p. 690.
TROISIÈME EPOQUE. 201
Avanl Kunckel, on savait déjà que For est susceptible de com-
muniquer à la pâte vitreuse une belle couleur rouge (1) ; mais on
n'avait pas encore songé aussi sérieusement à utiliser ce fait dans
rindustrie.
Fermentation et putréfaction. « La putréfaction et la fermenta-
tion, dit Kunckel, sont sœurs ; elles sont intimement liées entre
elles. Dans le règne animal , la fermentation est annoncée par
une odeur fétide; dès que la fermentation cesse^ la putréfaction
cesse aussi. Or, ceci a lieu du moment oi!i l'eau , Tair et la lur
Eiière ont repris les éléments qui leur appartiennent , et qu'il ne
reste plus qu'un peu de poussière ou de terre, avec laquelle ces
éléments étaient unis. Une température douce et humide hâte la
fermentation ; c'est aussi là ce qui accélère la putréfaction (2). »
Kunckel préparait de l'alcool avec des mûres et d'autres fruits
sacrés soumis à la fermentation. Il n'ignorait pas que l'acide (vi-
naigre), qui se trouve dans les liqueurs fermentées, s'est formé
aux dépens de l'alcool.
« Écrasez, dit-il, des mûres ; exposez-les à une chaleur très-
douce^ et les mûres commenceront d'elles-mêmes à fermenter.
Dès que vous verrez qu'elles s'affaissent, et qu'elles exhalent une
odeur aigrelette et vineuse, distillez-les : vous obtiendrez un bon
esprit-de-vin, mais pas autant que si vous aviez aidé la fermenta-
tion avec un peu de levain ou de levure de bière. Car, sans ce le-
vain, la fermentation est plus lente; il se produit beaucoup d'a-
cide, et cela aux dépens de l'esp rit-de-vin (3). »
« Quelques théoriciens (c'est ainsi qu'il nomme les alchimistes
qui négligent la méthode expérimentale) soutiennent que l'es-
prit-de-vin est une espèce d'huile. Mais aucun des caractères
propres à l'huile n'est applicable à l'esprit-de-vin; car celui-ci
ne nage pas sur l'eau, il ne dissout pas le soufre, et ne forme pas
de savon avec les alcalis. Donc , l'esprit-de-vin n'est pas une
huile* (4). »
Il s'en faut de beaucoup que tous les chimistes du xvii*^ siècle
aient raisonné de celte façon-là.
Kunckel savait fort bien que les acides, les plantes amères
(1) Voy. p. 159 et 188 de ce volume.
(2) Vollstaendiges LaboraL, p. 636.
(3)Ibid., p. 638..
(4) Ibid., p. 642.'
202 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
(huiles essentielles), le froid, sont autant d'obstacles qui arrêtent
immédiatement la fermentation.
« Les acides empêchent, dit-il, la fermentation , parce qu'ils
en tirent leur origine. Si, en faisant fermenter du sucre, vous y
ajoutiez quelques gouttes d'huile de vitriol, vous verriez aussitôt
la fermentation s'arrêter. Le froid agit de la même façon (1). »
Attribuant la plupart des maladies de Testomac à une sorte de
fermentation, il recommande d'employer les substances contrai-
res à la fermentation pour, combattre ces maladies.
a Les maux d'estomac, dit-il, ont pour cause des impuretés
qui fermentent; car on les guérit facilement au moyen des acides
ou des plantes amères : les acides et les plantes amères arrêtent
la fermentation. Le sucre est contraire aux maladies d'estomac
parce qu'il augmente la fermentation. »> ' . ,
La déduction est logique, en supposant que le principe soit
vrai.
Le ferment, qui, conîme on sait, est une substance azotée, était
déjà signalé par Runckel comme pouvant, par l'application de la
chaleur, donner naissance à du sel volatil (d'ammoniaque) (2).
Sels, — Suivant Kunckel, les sels (alcalins) sont composés d'une
terre subtile et d'une matière huileuse (3). Et, s'il ne croyait pas
à la transmutation des métaux, il croyait, en revanche, à la pos-
sibilité de transformer les alcalis en acides, et les acides en al-
calis (4).
Runckel avait une exacte connaissance de l'ammoniaque caus-
tique, qu'il compare à la potasse caustique. Lorsqu'on traite le
sel ammoniac avec de la chaux vive, on obtient la partie urineuse,
d'une odeur très-forte (ammoniaque); de même, en traitant une
bonne lessive avec la chaux vive, on a un produit soluble très-
caustique. « D'où vient, se demande-t-il , cette causticité? —
Elle provient d'une combinaison {Vereinigung) : l'acide se sé-
pare de la chaux et se porte sur le sel alcalin ; de là vient la-caus-
ticité de ce dernier sel (5). »
En effet il s'opère ici une combinaison; mais, notons-le, cette
(1) Vollstaendiges Laborat, p. ^51.
(2) Ibid., p. 92.
(3) Ibid., p. 11.
(4) Ibid., p. 133 et 138.
(5) Ibid., p. 459.
TROISIÈME ÉPOQUE. 203
combinaison est précisément Tinverse de celle que supposait l'au-
teur (1).
La chaleur, qui se produit pendant Tunion des acides et des
alcalis entre eux, n'avait point échappé à la sagacité de l'auteur.
Cette chaleur, dit-il, peut être quelquefois assez considérable
pour enflammer la poudre à canon (2).
Il avait également connaissance de l'alun à base d'ammo-
niaque; car il dit formellement que l'alun est un sel double {sol
duplicatum)y dans lequel se trouve du sel urineux (ammonia-
que) (3).
Moyen de constater la pureté de Veau-forte, — Ce moyen em-
ployé par Kunckel consiste à traiter cet acide par l'argent : si
tout l'argent, raisonnaif-il , se résout en une liqueur limpide et
trausparente, l'acide est pur ; celui-ci est au contraire impur (con-
tenant de l'esprit de sel), si la liqueur est trouble, et qu'elle laisse
déposer une chaux blanche (chlorure d'argent] (4).
Moyen de préparer de V argent parfaitement pur, — Ce moyen ,
indiqué il y aura bientôt deux cents ans, est le même que celui
qu'on met encore aujourd'hui en usage : a La dissolution de l'ar-
gent dans l'eau-forte est précipitée par le sel commun; le préci-
pité blanc (chlorure d'argent) est ensuite mêlé avec de la po-
tasse et calciné dans un creuset (5). » La seule différence, insi-
gnifiante du reste, c'est qu'on substitué en général la chaux à la
potasse.
Emploi de r huile de vitriol pour séparer l* argent de Vor. — Ce
procédé , qui est considéré par quelques chimistes comme une
découverte récente, était également connu de Kunckel, qui dit :
« L'huile de vitriol dissout l'argent, mais seulement en faisant
bouillir la liqueur ; cette même huile de vitriol ne dissout pas
l'or, qui peut être par là séparé de l'argent (6). »
Antimoine. — Il y a, dans le Laboratorium de Kunckel, plusieurs
chapitres sur l'emploi des préparations antimoniales , qui sont
(1) On sait qu*en traitant du carbonate de potasse (sel de lessive) par lacliaux
TÎTe, Tacide carbonique da sel de lessive se porte sur la chaux, et donne ainsi nais-
sance à la potasse caustique.
[lYiVollstaendiges Lahorat.^ p. 437.
(3) Ibid., p. 228.
(4) Ibid., p. 161. . —
(5) Ibid., p. 297.
(6) Ibid.^ p. 288.
204 HISTOIRE DE LA CHIMIE. *
du plus haut intérêt pour l'histoire de la thérapeutique médi-
cale; mais notre sujet ne nous permet pas de nous y arrêter. On
y trouve, entre autres, un cas d'empoisonnement qui eut lieu
dans des circonstances assez singulières. Une femme demandée
un pharmacien du régule d'antimoine (antimoine métallique]
pour se purger. Le pharmacien, voulant montrer à sa pratique
toute sa science, lui dit : Attendez un instant, que je chasse au-
paravant le poison par le feu. Et aussitôt il se mit à calciner l'an-
timoine (le convertir en oxyde d'antimoine). La pauvre femme
qui prit cette poudre eut, comme on le pense bien, des vo-
missements atroces, et faillit trépasser. La dose de l'antimoine
métallique que le pharmacien avait calciné pour en chasser,
comme il disait, le poison, était de 35 grains (1).
L'auteur préparait le régule d'antimoine en chauffant Tanti-
moine calciné (oxydé) avec un mélange d'huile, dé beurre etde
poussière de charbon. Par le carbone qu'ils renferment, J'huile
et le beurre agissent, comme' on sait, de la même manière que
la poussière de charbon.
Préparation et distillation des huiles essentielles dans dePalcool»
— Ce procédé est très-ingénieux; aussi allons-nous le reproduire
tel que Kunckel le décrit : « Je fais dissoudre un peu de sucre
dans de l'eau chaude, et mets le solutum dans une cornue, après
y avoir ajouté deux ou trois cuillerées de levure de bière fraîche.
Lorsqtie je vois que la fermentation est bien établie, j'y jette les
Heurs dont je veux retirer l'essence. Je surn^onte ensuite la
cornue de son chapiteau, auquel j'adapte un récipient, et je dis-
tille le mélange à une chaleur douce. De cette manière j'obtiens
un excellent esprit contenant toute l'essence des fleurs ou des
herbes. Les premières portions qui passent à la distillation sont
les plus riches en essence ; les dernières sont les plus pauvres;
et il faut alors arrêter l'opération (2). »
Ne serait-il pas possible, nous le demandons, que l'alcool,
au moment où il se développe par la fermentation du sucre,
conséquemment à l'état naissant, fût plus apte que dans tout
autre état à ^'emparer des huiles essentielles des plantes, et à les
entraîner dans le récipient?
Kunckel n'était pas seulement un chimiste expérimentateur, il
(1) Vollsiaendiges Lahorat., p. 414
(2) Ibid., p. 649.
TROISIÈME ÉPOQUE. 205
cultivait encore avec goût, et avec un véritable amoui^de la
science, la physiologie et Thistoire naturelle. C'est à lui que
nous devons les premières observations concernant Faction que
la liimière exerce sur la végétation. Il était parvenu, à Taide de
nombreuses expériences, à reconnaître que les plantes que l'on
fait croître dans Tobscurité n'atteignent jamais leur perfection;
que surtout elles n'acquièrent pas d'odeur, et sont privées de leurs
molécules aromatiques.
La lumière est pour Kunckel un agent important , qui exerce
même une certaine influence sur les métaux. A ce propos il cite
une expérience fort remarquable, qui devait être un jour fé-
conde en résultats : a Lorsqu'on interpose entre la flamme et le
métal qu'elle fait feindre, un crêpe {Flohr) métallique^ Taction
de la flamme est suspendue. Cet effet est dû à l'obscurité placée
entre la flamme et le métal (i). »
11 est à regretter, pour la zoologie, que Kunckel n'ait pas pu-
blié son traité, qu'il avait promis ^ sur la faune de l'Allema-
gne. L'étude des instincts et des mœurs des animaux était
chez lui une véritable passion, comme il semble l'avouer lui-
même : a Si mes amis, dit -il, me reprochent de m'étre^ livré à la
chasse et à la pèche, ce n'était pas pour moi un sin^ple amuse-
ment; j'ai appris ainsi les habitudes eLmille ruses des animaux.
D n'y a pas d'espèce d'oiseau en Allemagne que je n'aie élevée
auprès de moi, dans le dessein d'en étudier les mœurs. Un jour
l'électeur Jean-George II, entrant dans mon laboratoire, aperçut
dans un coin toute une couvée de mésanges. Le prince me de-
manda en riant si ces oiseaux devaient chanter pour me faire
passer le temps (2). »
Mais arrêtons-nous ici dans notre analyse. Qu'il nous suffise de
déclarer que si tous les savants du xvii^ siècle avaient été des
observateurs aussi sages et aussi habiles que Kunckel et Boyle,
nous aurions pu saluer l'avènement de la science moderne un
siècle plus tôt.
(1) Vollstaendiges Laborat., p. 23.
(2) Ibid., p. 364.
206 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
§ 6.
S» ^oachiin Bêcher*
Sfahly disciple de Bêcher, a beaucoup contribué à la renommée
de son maître. Mais Bêcher est loin d'être toujours fidèle à la
méthode expérimentale, qui était destinée à ouvrir à la science
des voies nouvelles. Il s'engage souvent dans des théories qui
rappellent le règne de la dialectique. Son amour-propre et son
ambition lui suscitèrent beaucoup d'ennemis, et lui causèrent
beaucoup de désagréments dans sa vie.
J. Joachim Bêcher naquit en 1635 à Spire, où son père était
ministre protestant. La guerre de Trente ans désolait alors TAIIe-
magne, transformant les contrées les plus fertiles en d'affreux
déserts. Le jeune Joachim perdit de bonne heure son père et sa
fortune, et, dès l'âge de treize ans, il fut obligé de passer leà jours
à donner des leçons de lecture et d'écriture pour vivre et soutenir
en même temps sa mère et ses frères ; il employait les nuitsà
étudier et à se faire sa propre éducation. Plus tard, il se mita
voyager en Suède , en Hollande, en Italie , et entra en relation,
ainsi qu'il le raconte lui-môme, avec les savants les plus célèbres
de son tenips (i).
En 1666, il devint professeur de médecine à l'université de
Mayence. Mais il quitta bientôt les États de l'électeur pour aller
s'établir à Munich, où il obtint, comme il nous l'apprend lui-
même, la direction du plus beau laboratoire de chimie de l'Eu-,
rope (2). S'étant attiré la haine du chancelier de la cour de Ba-
vière, il jugea prudent de s'éloigner du pays, et se rendit à
Vienne, où il gagna les bonnes grâces du comte de Zinzendorf,
qui le fit nommer conseiller de la chambre du commerce. Là, il
ne tarda pas à tomber en disgrâce auprès de son protecteur. U
quitta dès lors les États autrichiens et se réfugia en Hollande, où
(1) Psychosophia qucvst., 152, p. 308. -— « A Stockholm j'ai connu, du temps
de la reine Christine, Descartes, Saimasius (Saumaisc), Naudé, Bociiart, Mer-
senne, Heinsius, Freiosheim, Boekler, Meibome, Schaeffer; en Italie, Tabbé Bo-
nini, de Castagna, Tachenius; en Hollande, Sylvius, Hornius, Schoten, etc. »
(2) Physica subterranea, Praer Cum laboratorium commodissimum, augus*
tissimum, omnlbusque requisitis et materialibus inslruclissiniuni,in tota Germania,
ne dicam, inEuropa, sui simile vix repei^ibile hic Monachii in Aula habuerim, etc.
TEOISlilfE ÉPOQUE. 207
il s'établit à Harlem vers 1678. Il présenta à cette dernière ville
et aux états généraux toutes sortes de plans de finances et d'in-
dustrie pour augmenter la richesse métallique de la Hollande, et
notamment pour retirer des sables des dunes l'or qu'ils pou-
vaient receler. Mais, soit qu'on n'eût pas goûté ses conseils, soit
qa'il fût déçu dans ses espérances, ou que, ainsi qu'il le prétend ,
ses ennemis de Vienne ne le laissassent nulle part en repos, il
passa en 1680 en Angleterre, et explora pendant deux ans les
mines de Gornouailles et d'Ecosse. Mais son humeur vagabonde
lui fit encore quitter ce pays. Sur l'invitation du duc de Mec-
klenbourg, qui lui promit une place honorable avec de bons ap-
pointements^ il revint en Allemagne, où il mourut peu de temps
après son retour, en 1682, à l'âge de cinquante-sept ans.
Parmi les ouvrages de J . Bêcher, écrits partie en latin, partie
en allemand , nous citerons, d'après Gmelin : Physiea subterra-
nea (i); — Œdipus chymicus , seu Institutiones chymicx (2) ; —
Ixperimentum novum ac curiosum de minera arenaria perpétua (3) ;
— Trifolium Becherianum hollandicum (4); — Magnalia na-
iurœ (5);'— Tripus bermeticusy etc. (6); — Becheri ^ Lance-
httiy etc., epistolx quatuor chemicx (7); — Grosse chimische
Concordanz (8) ; — ISàrrische Weissheit und weisse Narrheit (Sa-
gesse folle et Folie sage) (9); — Pantaleon delarvatus (10) ; —
Chymischer Rosengarten (Jardin de roses chimique) (11).
Il 7 a dans ces écrits beaucoup plus de théories que de faits.
L'auteur ne paraît point avoir eu des doctrines bien arrêtées ;
son imagination, franchissant le domaine de l'expérience, s'a-
bandonne à des idées ingénieuses sans doute, mais souvent con-
tradictoires.
(l)Fra|ic., 1669 et 1681, inS». — Édit. de Slalil; Leips., 1702, 1703,;i738,
(2)Am8terd., 1664; in-12. — Édit. Rosenstengel ; Francf., 1705 et 1716, in-S".
Ihdtrît en allemand; ibid., 1680, in-8°.
(3) Franc, 1680. — Dans toutes les éditions latines de Physiea subterranea.
(4) Amslerd., 1679 (en allemand}; Francf., 1679, in-S^".
(5) Lond., 1680, in-4<'.
(6) Francf., 1680, in-8*».
(7) Amsterd. et Hambourg, 1673, in-4°.
(8) Francf., 1682, in-4*'.
(9) Francf., 1682 et 1686, in-12.
(10) Opusc. chimie: rarior., t. XI, p. 295-310.
(11) Ibid., IX, p. 207-256.
208 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
A propos de la composition des métaux et en général des mi-
néraux, il paraît admettre trois éléments : une terre vitrifiable,
transparente, une terre subtile, volatile, mercurielle, et un prin-
cipe igné, combustible (1). Ce dernier principe servit probable-
ment de base à la théorie du phlogistique de Stahl. -^ Les trois
éléments de Bêcher devaient remplacer les trois éléments des
anciens : le sel , le soufre et le mercure.' Qusini diusolvens catholi^
cum, acidum universale, spiritus esurinus, principe universel qui
devait, selon Tauteur, se trouver dans les eaux, dans les sels, et
faire croître les minéraux, etc., il n'est guère possible, comme on
le prétendait, d'y reconnaître Toxygène ou l'acide carbonique (2).
On doit à Bêcher un procédé plus commode pour préparer le
beurre d'antimoine (jusqu'alors préparé avec le sublimé cor-
rosif), en traitant ^antimoin^ avec un mélange de sel commun
et de vitriol (3}. Il paraissait avoir eu connaissance de l'acide bo-
riqup, obtenu en traitant le borax par l'huile de vitriol (4).
Si Bêcher avait suivi la méthode de Boyle, il aurait pu rendre
de grands services à la science ; car il était loin d'être dépounu
de sagacité.
§7..
En tête des médecins qui se sont distingués, au xvii* siècle,
par un sage éclectisme , et par une rare impartialité dans le
conflit des opinions contraires, il faut placer A. Sala et 0. Ta-
chenius.
e
Ani^elo (Sala.
Natif de Vicence, Sala quitta très-jeune l'Italie, et pa^ssa toute
sa vie en Allemagne, dont il avait adopté les mœurs et les usages.
En 1602 il se mit, comme il le dit lui-même, à exercer la mé-
decine à Dresde (5). Quelques années après, on le trouve à Tor-
gau, à Araberg, et dans beaucoup d'autres villes de la Prusse,
de la Bavière et de l'Autriche.
(1) Physica subier r an,, Wb. I, secl. III, c. iii-v.
(2) Ibid., lib. I, sec. II, c. iv.
(3) Chymischer Rosengarten, p. 76, 77 ( édit. Nuremb., 1717, in 8°).
(4) Thèse chim. Vl.SuppIem. ll/in Physica subterv,
(5) Hemetologia, curat. XIV, p. 512 (Opéra medico- physica). .
^ TROISIÈME ÉPOQUE. 209
Angelo Sala est un observateur habile, doué d'un sens droit et
d'un jugement sûr. Ennemi de Torgueil, du charlatanisme et de
toutes les exagérations systématiques, il apprécie à leur juste
valeur le bon et le mauvais côté des écoles antagonistes des médi-
co-chimistes et des médecins galénistes.
SalaaparfaitementjustiRé sa réputation par d'importants écrits,
qui ont été recueillis après sa mort et réunis en un volume par
F. Beyer, en 1647 (1). On y remarque des traités fort instructifs
sur le sucre {Saccharologia\ sur le tartre (Tartarologia), sur la
distillation des essences, de Teau-de-vie (Hydrelxologia), etc.,
sur l'antimoine ( Anatomia aniimonii). Nous allons faire connaître
les points les plus saillants de ces écrits.
Saccharologie, — La clarification et le raffinage (reaffinatio) du
sacre au moyen du blanc d'œuf et de la chaux y sont exposés
d'ane manière aussi simple que claire. L'auteur s'attache à com-
battre et à détruire le préjugé, si généralement répandu, que la
chaux vive communique au sucre des qualités malfaisantes (2).
n connaissait le produit acide de la distillation du sucre, et lui
attribuait la propriété de dissoudre les pierres calcaires (3).
Sala avait très-bien observé qu'une dissolution aqueuse de
sucre contenant un peu de levure de bière donne au bout d'un
certain temps une quantité notable d'esprit-de-vin. — Personne
n'ignore aujourd'hui que c'est un des caractères essentiels du
sacre de se transformer en alcool, par suite de la fermentation.
—Mais Sala n'a pas fait mention du corps aériforme (gaz acide
carbonique) irrespirable qui s'échappe au moment de cette
métamorphose. Quant au vinaigre , il était, selon l'opinion de
l'auteur, un produit d'altération de l'esprit-de-vin.
Tartarologie. — On trouve indiquée dans la Tartarologie la
préparation de l'émélique ferrugineux, dans lequel le peroxyde
de fer remplace, comme on sait, exactement l'oxyde d'anti-
moine (4).
L'auteur parle de l'extraction du tartre non-seulement du vin,
mais encore des feuilles de vigne, de mûrier, de tamarin, etc. Il
donne aussi le nom de tartre (iartarum) au sel d'oseille, qui, comme
' (l).Angli Salae Vicentini cliyiniatri caiididissimi et arcliiatrf Megalopol itani, Opéra
inedicochyinica quœ exstant omnia; Frascf., 1617, in-4^
(2) Pars I. c. 3, p. 152.
(3) Pars II, c. 1, p. 162.
(4) Secl. l,c. 8, p. 131.
HI8T. DE hk CBIMIB. — T. II. 14
210 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
l'on sait, contient la même base (potasse), mais combinée ayêcnn
acide différent (acide oxalique) de celui du tartre (acide tar*
trique). Pour faire, dit-il, du tartre bien acide, il faut exprimer le
suc de l'oseille [rumex acetosa\ eile clarifier avec du blanc d'œof.
Gela fait, il faut filtrer la liqueur, l'évaporer, redissoudre le
résidu dans l'eau bouillante, et l'abandonner à la cristallisation.
C'est la première fois qu'il est ainsi question du sel d'oseille (1).
Hydréléologie. — On est surpris devoir avec quel soin raatenr -
savait ménager la température, varier les degrés de chaleur, pn
l'emploi des bains de sable, de cendre, d'huile, d'eau^ etc., dans
la distillation des essences et d'autres produits vaporisables.
La fermentation est définie par lui « un mouvement intime de$
particules élémentaires qui tendent à se grouper dans un ordre
différent, pour donner naissance à un composé nouveau ». Il est
impossible de donner de ce phénomène, autour duquel gravite
toute la chimie organique, une définition à la fois plus lai^et
plus exacte.
Selon les alchimistes, tous les corps de la nature sont suscep-
tibles de fermenter. En restreignant cette manière de voir. Sala
soutient que la nature des métaux, qui ne sont pas des êtres
vivants, répugne à toute fermentation , et qu'il est impossible
d'en retirer aucune quintessence (2).
C'était là en quelque sorte proclamer implicitement que les mé-
taux sont des corps simples, puisque la fermentation n'est que la
séparation des éléments qui tendent, par un mouvement molé-
culaire, à se grouper différemment pour former d'autres com-
posés.
Les bières qu'on fabriquait en Allemagne du temps de Sala pa-
raissent avoir été, en général, beaucoup plus riches en alcool
qu'elles ne le sont aujourd'hui. Ainsi la bière tant vantée de
Bernburg (duché d'Anhalt) contenait environ 16 pour 100 d'al-
cool. L'auteur ajoute que c'est à peu près la proportion que ren-
ferment les vins d'Espagne, et que c'est pourquoi la bière de
Bernburg est si enivrante (3). On sait que la bière double an-
glaise contient à peine 4 à 5 pour 100 d'alcool.
Le cidre de Normandie ( sïïAws in Kormandia), suc fermenté
(1) Sect. II, c. 4, p. 138.
(2) Sect. n, c. 4j p. 96.
(3) Sect. IV, c. 7, p. 98.
TROISlisME ÉFOOinE. 211
les poires oii des pommes, est, selon l'auteur, également riche
n eau-de-vie (1).
Uhpdréléologie contient un chapitre spécialement consacré à
a préparation de l'eau-de-vie de grain (2).
Ton» les habitants des contrées du Nord savent, y est-il dit,
aire de l'eau-de-vie avec le fruit des céréales. A cet effet, ils se
servent du blé tel qu'ils l'emploient pour la fabrication de la bièr^
iprès ravoir grossièrement moulu, ils le jettent dans une cuve, y
ressent de Teau tiède, et remuent celte pâte demi-liquide avec
les spatules ; ils y ajoutent de la levure de bière, et abandonnent
e tCMit à la fermentation . Il faut, ajoute Tauteur, avoir quelque
Ikabitude de la chose pour savoir quand la fermentation est par-
faitement accomplie et quand il est opportun de soumettre
la matière à la distillation pour en retirer Veau ardente (alcool).
La fabrication de Teau-de-vie de grain était déjà avant la
guerre de Trente ans, c'est-à*dire avant Tannée 1618^ une branche
d'industrie importante dans le district de Magdebourg et surtout
dans la ville de Wernigerode (Harz), laquelle appartenait alors
au domaine des comtes de Stollberg.
Il n'est pas indifférent, en botanochimie, de traiter les racines,
las tiges, les feuilles, les fruits des plantes, par Talcool, ou par
Ueaa; car il y a des cas où l'un de ces véhicules est plus apte
que l'autre à se charger des principes qui affectent le goût ou
l'odorat; en général, l'alcool se pénètre mieux que l'eau du
luincipe odorant (huile essentielle), et l'eau dissout davantage le
principe amer.
CSette idée, qui témoigne d'un esprit sagace, se trouve ex-
posée avec une admirable clarté, et appuyée sur des données
]K)8itive8, dans un appendice à i'hydréléologie (3).
Ànaiomiâ de l'antimoine. — Aucun médecin n'avait encore au-
tant que Sala insisté sur les précautions infinies avec lesquelles il
importe d'administrer les préparationsantimoniales. «Quiconque,
dit-il, aime sa santé doit se tenir en garde contre ces médica-
ments. Indépendamment de l'arsenic qui s'y trouve naturelle-
ment, l'antimoine peut, en se combinant avec d'autres corps, ac-
quérir des propriétés vénéneuses, de même que le mercure, qui
(1) Sect IV, «. 8, p. 98.
(2) Sect. IV, c. 9.
(3) Opéra (nania^ p. 102 (édit.Francf., 1647).
14.
212 HISTOiaS DE LA CHIMIE.
en lui-même n'est pas un poison, peut le devenir, à l'état de su-
blimé (1). »
Enfin, en esprit judicieux, l'auteur arrive à conclure que dans
l'emploi de l'antimoine il est absolument nécessaire de prendre
en considération et la qualité et la quantité du médicament anti-
monié, en même temps que le tempérament et la constitution do
malade, et l'espèce de maladie qu'on cherche à combattre.
Après s'être élevé avec force contre les médecins qui igno-*
rent tout à la fois la pathologie et la chimie, il s'adresse aux al-
chimistes, qui prétendent retirer de l'antimoine un mercare
particulier propre au grand-œuvre. « Montrez-moi, leur dit-il,
seulement une goutte de votre mercure merveilleux, et je voos
croirai. En attendant, je reste sourd à vos déclamations, vides de
sens.»
Outre \e§ sulfures et les oxydes simples d'antimoine, Sala
connaissait, ainsi que nous l'avons déjà vu, Vémétique. Il parle,
en termes assez précis, d'un précipté d'antimoine qu'on a ftit
bouillir jusqu'à décoloration dans une liqueur alcaline de sel de
tarlre. Mais comme il ne s'étend pas sur ce composé, ilest àpré-
sumer qu'on n'en avait pas encore fait usage en médecine (2).
On savait déjà du temps de Sala que le vin dans lequel on laisse
tremper du verre d'antimoine devient un vomitif ou un purgatif
très-énergique, suivant ladurée de l'immersion. Les vins du Rhin,
si riches en tartrç, étaient les plus propres à cette macération.
C'est à ce propos que l'auteur raconte l'histoire d'un Allemand
Cumulant les fonctions de médecin et d'apothicaire, que les ma-
lades venaient voir de plusieurs lieues à la ronde, pour le con-
sulter ou plutôt pour lui emprunter son talisman, un morceau
de verre d'antimoine. Suivant que le malade avait besoin d'un
médicament plus ou moins actif, il laissait cette substance trois,
quatre, cinq heures en contact avec le vin qu'il devait boire. Ce
talisman avait dans l'espace de quatre ans circulé dans tous^les
pays d'alentour; il avait été prêté à plusieurs centaines de
paysans, et chacun (J'eux, en le rapportant à son propriétaire,
l'avait accompagné d'une douzaine d'œufs (3).
(1) Pars I, c. 3, p. 306.
(2) Pars I, c. 4, p. 321. — Ântimonium sic prœcipitatum — buUiat in li»?io
taftari, repetendo hoc opus loties lisque dam iixivium Dullum amplius colorem
assumât.
(3) Pars II, c. 1, p. 332.
TROISliBfE ÉPOQUE. 213
Parmi les observations curieuses dont les écrits de Sala four-
millent, nous nous bornerons à signaler encore les suivantes.
Composition du sel ammoniac. — C'est par la synthèse que Sala
démontre le premier la composition de ce sel. Si vous mettez
ensemble, dit-il, une partie de sel volatildes urines {ammoniaque)
avec une proportion conyenable d'esprit de sel ( acide chlorhy-
drique), vous obtiendrez un produit qui ressemblera en tous
points au sel ammoniac ordinaire (1).
Les expériences les plus anciennes qu'on ait faites sur la
composition des corps sont non pas analytiques, mais synthé-
tiques (2). L'esprit humain a toujours débuté par la synthèse.
Acide phosphorique. — Ce produit était obtenu très-impur et
mélangé de sulfate de chaux. L'auteur, qui le prescrivait comme
on préservatif contre la peste, le préparait en traitant des cornes
de cerf ou des os calcinés et pulvérisés avec de l'huile de vitriol
(acide sulfuriquej (3).
Esprit ou huile de vitriol. — Tout parait clair et simple à celui
qui sait déjà. C'est pourquoi bien des questions que les anciens
devaient se ,'poser laborieusement, nous paraissent aujourd'hui
A futiles. Ces questions cependant étaient danà leur temps d'un
intérêt niajeur. En voici un exemple :
L'tsprit de vitriol retiré (par la distillation) du vitriol de cuivre
est-il sous tous les rapports le même qge celui que Ton retire
du vitriol de fer? C'est là ce que se demandaient autrefois les
ehimistes. Presque tous admettaient deux produits différents :
un esprit de Vénus, contenant un peu de cuivre , et un esprit
de Mars, contenant un peu de fer.
Après avoir démontré que ces deux produits ne contiennent ni
du cuivre ni du fer, et qu'ils ne constituent qu'un seul et même
composé, Sala cherche à établir que l'huile ou l'esprit de vitriol
n'est autre chose qu'une vapeur sulfureuse ayant enlevé quelque
chose à l'air ambiant {ab ambiente aère extractum) (4).
Il est à regretter que Tauteur n'ait pas fait des expériences di-
rectes pour élever son idée à la hauteur d'une vérité scientifique,
en démontrant que ce quelque chose qui transforme le soufre en
acide est le même corps aériforme (gaz oxygène) qui entretient
(1) Synop, aptiorism. chymiatr., aph. 38, p. 246.
(2) Yoy. plus haut la composition du cinabre, 1. 1, p. 332 et 387.
(3) Tract de peste, p. 454.
(4) De natura spirilus v itrioli, p. 405-408.
214 HISTOUII DE Là CHIMIE.
la combustion et la respiration. Mais ceci était réserié à un
temps qui ne devait pas être éloigné.
§8.
La plupart des idées de Van Hehuoiit et de Sala furent ttpriim /
et poussées jusque dans leurs dernières conséquences par uAiii* '\
decin d'une grande autorité. C'est celui dont nous allons parkr.
■
Français Dnliols (l>elelK>ë), dît «ylHwu
Nul ne porta aussi loin que Dubois la cbimie appliquée àla ai-
decine ; cela se comprend aisément de la part d'un bomme qui
était.convaincu que les fonctions de la vie ne sont que des opéit-
tions chimiques.
François Dubois naquit en 1614, à Hanau, d'une ancienne h-
mille noble (Grèvecœur), d'origine française, qui s'était expa-
triée pendant les guerres de religion. Dès son jeune âge il se
livra à l'étude des sciences médicales, sous la direction de Yorst,
Heurnius, Zwinger et Stupanus, et obtint, en 1637, le grade de
docteur à l'université de Bâle. Il exerça pendant plusieurs in-
nées la médecine à Hanau , à Leyde et Amsterdam , et s'acquit
une grande renommée comme praticien. En 1658, il fut appelé
à remplir une chaire de médecine à l'université de Leyde ; il y
réunissait, jusqu'à la fin de ses jours, un auditoire très-nom-
breux, composé de Français, d'Allemands, d'Anglais, d'Italiens,
enfin d'élèves de toutes les nations, accourus pour entendre la
parole du maître, niont le nom retentissait alors dans toute
l'Europe. La mort le surprit à peine âgé de cinquante-huit aos,
au milieu d'une brillante carrière. Sa devise était celle d'un
homme qui comprend la vie : Bene agere ac lœtari.
Les écrits de Sylvius, nom latinisé de Dubois, ne sont pas bien
nombreux; ils ont été réunis en un seul volume et imprimés à
Amsterdam, en 1679 (i).
L'auteur n'a composé aucun4raité spécial sur la chimie ; mais
sa Methodus medendi et sa Praxis medica parlent de la prépa-
ration de quelques médicaments chimiques utiles à connaitre.
(1) Francise! Deieboe Syl?ii Opéra medica, vol. iii*4°.
. TROISIEME EPOQOB. 215
On y rouve en même temps des doctrines physiologiques et
palhoiogiques où la chimie domine.
Digestion. — Cette fonction importante de l'économie est selon
Dobois une véritable fermentation , dans laquelle la salive, le
suc pancréatique et la bile jouent le principal rôle ; c'est ce qu'il
appelle le triumvirat (1). L'estomac réunit toutes les conditions
propres à entretenir la fermentation : il a de l'eau (salive ef suc
pancréatique), des matières fermentescibles (aliments) et une
chaleur douce et constante (chaleur animale). A leur entrée dans
le duodénum, les aliments subissent le contact de la bile, qui
complète la fermentation, en servant à séparer le chyle des
fèces.
La bile se compose d'une matière huileuse, d'eau, d'un esprit
▼olatil et d'un sel lixiviel (carbonate de soude ) (2). Une portion
de la bile passe dans le sang, auquel elle communique la matière
colorante, une saveur amère (3), en môme temps qu'elle le rend
plus liquide (4).
Une autre portion de la bile est employée à diviser chimique-
meat les aliments dans les intestins; elle est rejetée avec les ma-
tières ezcrémentitielles (5).
Un grand nombre de maladies sont engendrées par la violation
des sucs qui président à la digestion. La goutte a pour cause un
acide qui a passé dans la lymphe et dans le sang.
Circulation. — Harvey, qui venait de découvrir la circulation
du sang, avait trouvé en Sylvius un ardent défenseur. D'après ce
dernier, c'est dans l'oreillette et le ventricule droits du cœur
que le sang rencontre cette autre portion qui se trouve mêlée
avec de la bile. Au moment de ce contact il se manifeste une
effervescence comparable à celle que produit l'huile de vitriol
étendue d'eau avec la limaille de fer (6). Cette effervescence est
le foyer de la chaleur animale, entretenue par l'air (7).
Respiration. — Sylvius connaissait la différence qui existe
(1) Method. med.y lib. i, c. 1, § 18; c. xvi. § 6. — Praxis med., lib. i, c. vu,
c. X.
(2) Prax. med.f 1, c. x, § 9.
(3) Meth. med., lib. I, c. yi, § 8 et 16.
(4) Ibid., lib. II, c. xxviii, § 5, 9, 10.
(5) Prax, med., lib. I, c. i, § 3; c. xi, § 7.
(6) Ibid., Append., tract. Y, § 42S.
(7) Ibid., lib. I, c. xlvi,§35. — Append., tract. IX, § 117, 119.
216 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
entre le sang de la moitié gauche du cœur et celui de la moitié
droite de cet organe; et il attribue la coloration rouge du sang
artériel à Tair absorbé pendant la respiration (1).
La repi ration a selon Tauteur la plus grande analogie avec la
combustion, et l'activité de cette fonction est en rapport avec la
température et la pureté de l'air. L'air introduit dans le corps
par f acte d'inspiration a pour but de tempérer la chaleur pro-
duite par ^effervescence dont nous venons de parler. L'acte ,
d'expiration sert à éliminer les vapeurs qui naissent de cette ef-
fervescence (2).
Les maladies tirent, continue Sylvius, leur origine tantôt d'un ,
principe acide, tantôt d'un principe alcalin. Ainsi, la peste ai
pour cause le sel volatil (ammoniaque), qui tient le sang dans un
état de fluidité anormal, et s'oppose à sa coagulation. Ce qui le
prouve, c'est qu'une solution de ce sel injectée dans les veioes
produit les symptômes de la peste (3). C'est pourquoi les moyens
prophylactiques et le meilleur traitement de ces maladies re-
' posent sur l'emploi des acides (4).
Beaucoup de maladies de l'estomac ont pour cause un prin-
cipe acide ; ce qui le prouve, c'est que les meilleurs remèdes
employés à combattre ces maladies consistent dans l'emploi des
matières alcalines ou d'autres substances qui se combinent avec
les acides (5).
Les idées pathologiques de Sylvius ont été en partie renouve-
lées de nos jours.
Médicaments chimiques^ — Sylvius était partisan de l'emploi à^^
médicaments énergiques. Il n'hésitait pas à prescrire intérieu-
rement les cristaux de lune ( nitrate d'argent ) et le vitriol blanc
( sulfate de zinc), pour provoquer le vomissement (6) ; il .ordon-
nait le sublimé corrosif à la dose d'un quart de grain, ajoutant
qu'il y aurait du danger à dépasser cette quantité (7).
Les préparations antimoniales surtout trouvèrent en lui un
zélé partisan. Voici celles que Sylvius aimait à préconiser •
(1) Praxis med,, lib. I, c. xxv,§ 1
(2) Disputât, de respiratione, etc., § 69, 73.
(3) Prax. med.y Append., tracl. Il, § 55, 56 et sulv.
(4)Ibid., §90etsuiv.
(5) Prax. med,f lib I, c. ii, § 5.
(6) Method, med., lib. II, c. xi, § 83. — Prax. med., Append., tract. VI, § 16^-
(7) Ibid., lib. II, c. v, $ 22.
TROISIÈME ÉPOQUE. 217
i' le régule d'antimoine à Télat de pilules (glohuli), qui, après
aToir été rendues par les selles, étaient lavées et conservées
pour le même usage; 2*» le beurre d'antimoine (butyrum an-
iimonii), obtenu en soumettant à la distillation un mélange
d'antimoine brut et de sublimé corrosif; 3" le mercure de
vie (oxyde d'antimoine), appelé aussi poudre d'Algaroih : on le
préparait par la voie humide, en ajoutant au beurre d'antimoine
de l'eau, ou une solution d'huile de tartre ( carbonate de po-
tasse) ; 4«le verre d'antimoine, préparé de différentes façons (1).
Les doctrines de Sylvius, bien qu'elles aient souvent donné
prise à la critique, ont beaucoup contribué à faire comprendre
aux médecins l'importance de l'étude de la chimie.
§ 9.
Otto Tachenins.
Tachenius, dont le véritable nom est Tacken, doit être compris
au nombre des chimistes les plus distingués de son époque.
11 vivait vers le milieu du xvii® siècle ; les dates de sa nais-
sance et de sa mort sont incertaines. Versé dans la connais-
sance de l'antiquité, et nourri de la lecture des œuvres d'Hippo-
crate,deGalien et de Pline, Tachenius fut un des partisans les plus
éclairés de l'école philosophique qui avait proclamé la néces-
sité de la méthode expérimentale. Les rapprochements qu'il fait
entre les opérations des chimistes les plus récents et les divers pas-
sages des anciens, et surtout d'Hippocrate, auquel il attribue des
connaissances au moins exagérées, sont, il est vrai, souvent forcés
et peu persuasifs ; mais ces rapprochements sont accompagnés de
beaucoup de détails intéressants, de commentaires et de faits
nouveaux, qu'il est de notre devoir de signaler.
Natif d'Hervorden en Westphalie, Tachenius se voua, dans
sajeunesse à l'étude de la pharmacie. Il passa la plus grande partie
de sa vie enitalie, etparticulièrementà Venise, où il fit paraître
la plupart de ses écrits, dans lesquels il ne ménage point les méde-
cins de son temps. Il avait engagé une polémique très-vive avec
un médecin danois, Dietrich (2), qu'il appelle faussaire et
(1) Meth.med., lib. II, ex; De vomiioriis, § 34 — § 47.
(2) Yindiciœ adversus Oth. Tackenium; Hamburg, 1655 , in- 4''.
il8 . HISTOIBB DE LA CUUnE.
pseudo- chimiste, dans son Apologie contre les attaques de ce
médecin (I).
Le premier ouvrage qu'il ait composé porte la date de 1655.
Les écrits de Tachenius sont assez nombreux. Outre sa Réponse
à la diatribe de Dietricb, on a de lui : Epistola de famoso Uguort
alcahest (2) ; — Exercitatio de recta acceptatione arthritidis H
podagrœ (3) ; — Hippocrates chemictis, qui novissimi scUis antiquii*
sima fundamenta ostendit (4) ; — Antiquissima medicinœ Hippth
cratisclaviSy manuali experientia in naturse fontibns elaborata (5) ; .
— Tractatus de morborum principio, apus ianto Achille dignum
omnibusque ncevis liberum (6).
Ces trois derniers, et notamment Hippocrates chemiçus , sont
les écrits les plus marquants de cet auteur.
•Tachenius était dominé par Tidée que les anciens, alors même
que le nom de chimie n'existait pas encore, avaient des connais-
sances chimiques plus étendues qu'on ne pense , mais que des
serments terribles défendaient aux initiés d'en parler.
Cette idée paraît entièrement confirmiée par nos recherches
.sur Tart sacré qu'on pratiquait jadis dans les temples d'E-
gypte. L'art sacré, qui, ainsi que nous l'avons montré, embras-
sait les sciences physiques, et surtout" la chimie, faisait partie des
mystères de l'antiquité, dont le voile fut déchiré dans la lutte
mémorable entre les derniers défenseurs du paganisme et les
premiers docteurs de l'Église chrétienne (7).
Dans l'analyse des travaux chimiques de Tachenius, nous
avons à faire ressortir les points que voici.
Constitution des sels, — Sel ammoniac. — L'auteur donne le
premier une définition rationnelle de ce qu'il faut entendre par
sel : « Tout ce qui est sel se décompose, dit-il, en deux sub-
(1) Apologia contra falsarium et pseudocliimicum Helw. Didericum; — Echo
ad vindicias Chirosophi , in qua de liquore Jalcahest Paracelsi et Helmontiî ve-
terum vestigia perquiruntur; Venise, 1658, in-4".
(2) Venise, 1655 , in-4*'.
(3) Padoue, 1662, in-4°.
(4) Venise, 1666, in-12. — C'est cette édition que nous avons sous les yeux.
—Ce traité eut encored'autres éditions : Brunsw., 1668 ; Leid., 1671 ; Paris, 1674.
(5) Brunsw.; 1668 ,• Venise, 1669, in-12 ; Francof., 1669 et 1673; Paris , 1671 ;
c'est cette dernière édition que nous avons entre les mains.
(6) Brème, 1668; Leyde, 1671; Osnabrack, 1678.
(7) Voy. plus haut, t. I, p. 224 et suiv.
TROISIEME ÉPOQUE. tl9
stances^ savoir : un alcali ( base ) et un acide (1). » U cite comme
exemple le sel ammoniac, « parce qu'on en tire l'esprit de sel
(acide chlorhydrique), en tout semblable à celui obtenu avec le sel
commun, et l'alcali volatil, identicjue avec celui que Ton prépare
ao moyen de l'urine; en réunissant ensemble l'acide et l'al-
cali, on reconstitue le sel ammoniac tel qu'il était. »
n n'y a rien à objecter contre cette manière de voir. Tachenius
tient parole quand il annonce, dans le style élégant et pittores-
que qui lui est familier : Quicquid sensilms occultius se obiulii,
iiludj [experientia duce, veslibus spoliavi, et veritatem rerum
plane nudam ante oculos eanspieientium exposui (2). Plût à Dieu
que ses prédécesseurs eussent toujours cherché la vérité nue f La
science y aurait beaucoup gagné.
Sublimé corrosif. — L'auteur décrit minutieusement le pro-
cédé employé à Venise et à Amsterdam pour préparer le su-
blimé corrosif en grand par la sublimation d'un mélange de sel
commun, de nitre et de vitriol (3). Il démontre qu'une dissolution
de sublimé dans de l'eau distillée est précipitée en jaune ou en
rouge sale par l'alcali qu'on retire des cendres traitées par la
chaux vive, et en blanc par l'acali brut (4). C'est qu'en effet le pre-
mier est la potasse caustique, et le dernier la potasse carbonatée.
Saponificaiion, — Venise avait depuis fort longtemps le mo-
nopole des savons. C'étaient en général des savons mous, médi-
cinaux, préparés avec le sel lixiviel des cendres (potasse), rendu
caustique par l'addition de la chaux vive. Pour citer un exem-
ple de l'action caustique de la potasse, l'auteur raconte qu'un
ouvrier employé dans une fabrique de savon tomba d'ivresse
dans une chaudière où se concentrait cet alcali, et qu'en le
retirant on ne lui trouva plus que les os : son vêtement de laine
et ses chairs avaient été entièrement consumés.
Tachenius établit deux degrés de concentration : dans la liqueur
alcaline du premier degré un œuf vient nager à la surface ; il
tombe au fond dans la liqueur du second degré. Cette dernière so-
lution, qui est la plus faible, était traitée par de l'huile ou de la
graisse, pour en faire du savon. C'est ici que l'auteur émet une
(1) Omniasalsa in duas dividuntur substantias , in alcali nimirum et acidum.
ffippocrates chetnicus, p. 10.
(2) Ibid., p. 7:
(3) Ibid., p. i90.
(4) Ibid., p. 28.
220 HISTOIRE DE LA GUIMIE.
remarque qui fait honneur à sa perspicacité. « Dans la sapo-
nification, dit-il, c'est un acide qui se combine avec Taicali;
car l'huile ou la graisse contient un acide masqué : oleum vel
pinguedo — acidutn enim occuUum continet (1). b
Nous savons en effet aujourd'hui que les corps gras contien-
nent non pas un seul, mais plusieurs acides à la fois.
Tartre vitriolé (sulfate de potasse ). -^ Ce sel était préparé di-
rectement en versant de l'huile de vitriol sur du sel de tartre
(carbonate de potasse), jusqu'après la cessation de l'efferves-
cence qui se produit dans ce cas. En évaporant la liqueur, on
obtenait le sel cristallisé, appelé dans les pharmacopées an-
ciennes tartarus vitriolatus , ei universale dige$Hvum{2). ^^Vn
autre mode de préparation consistait à traiter une solution de
vitriol ( sulfate de fer) par le sel de tartre jusqu'à ce ^qu'il ne se
^produisit plus de précipité (3). La liqueur filtrée donnait par
l'évaporation le tartre vitriolé en question (4).
En traitant le sel de tartre (carbonate de potasse) par levi"
naigre, on obtenait l'acétate de potasse, appelé tartre de vin (tar-
tarus vini); car on était persuadé que le tartre brut, tel qu'il se
dépose sur les parois des tonneaux de vin, n'est autre chose que
du vinaigre combiné ou neutralisé par l'acali fixe ( potasse ) (5).
L'auteur démontre par la synthèse que le sel ou l'eau de Min-
derer {aqua Mindereri) est un sel composé de vinaigre et d'al-
cali urineux (ammoniaque) (6).
H affirme que les sels de l'urine proviennent des aliments
ingérés dans le tube digestif, et que l'urine des mourants est
presque entièrement privée de sels (7). Un peu plus loin, il
fait une observation très-remarquable', à savoir que le fer ne
passe pas dans les urines, mais qu'il est entièrement rejeté par.
les matières fécales, qu'il colore en noir (8). Il donne comme
(1) Hippocrates chemicus, p. 17.
(2) ftid., p. 47.
(3) U)id., p. 48.
(4) Rappelons ici que l'acide du vitriol acide se combine avec la potasse pour
former du sulfate de potasse soluble, tandis que le fer (oxyde), ayant perdu son
dissolvant , se dépose, et reste sur le filtre.
(6) Hipp, chem., p. 50.
(6) Ibid. p. 64.
(7) n)id., p. 91.
'"' '^^ fait, qui est parfaitement exact, s'explique par la formation d'un sulfure
dA à la présence de matières sulfureuses.
TROISIÈME ÉPOQUE. 221
preuve, que Purine des malades soumis à un traitement ferrugi-
neux n'est pas colorée en noir par une infusion de noix de galle.
« Le colcothar (oxyde de fer) est, dit-il, précipité et rendu inso-
luble déjà avant d'être absorbé par les vaisseaux du mésentère^
de manière qu'il est nécessairement obligé de rester dans les in-
testins (1).
La noix de galle, dont l'emploi comme réactif du fer était déjà
connu des Romains, ainsi que nous l'avons &it voir (2), fut ap-
pliquée par Tachenius à toutes les solutions métalliques, de
enivre, de zinc, de plomb, d'étain, de mercure. Il note l'abon-
dance et la couleur de ces précipités; il contaste, entre autres^ que
l'infusion des noix de galle transforme une solution d'or, colo-
rant les doigts en pourpre, en une liqueur jaune succin, qui,
étendue avec la main sur du papier, brille comme du vernis,
après avoir été dessécbée (3). Tachenius a donc le premier gé-
néralisé l'usage de ce réactif.
Eau commune. — Eau distillée. — Jusqu'ici on avait employé
pour les usages du laboratoire à peu près indifféremment l'eau
commune et l'eau distillée. Tachenius appela d'une manière toute
spéciale l'attention des chimistes sur la différence qui existe entre
ces deux eaux.
« L'eau des rivières, l'eau des puits, enfin l'eau commune, con-
tient, dit-il, du sel qui est nécessaire à la végétation des plantes et
même aux animaux. Ce qui le prouve, c'est qu'une dissolution
d'argent (nitrate d'argent) y produit un trouble, un précipité
blanc, absolument comme si on avait versé dans cette dissolu-
tion un peu d'eau salée (4).
Yehise faisait un commerce considérable d'eaux distillées de
plantes aronâatiques, et surtout d'eau de roses. Cette dernière était
employée comme un remède anthelminthique ; mais elle occa-
sionnait quelquefois le vomissement. « Cette action, que le vul-
gaire attribue, dit l'auteur, à l'eau de roses, est due à la présence
de quelques parcelles de cuivre enlevées aux alambics cuivrés dont
on se sert à Venise. En voulez-vous la preuve? Versez dans cette
eau de roses quelques gouttes de sel alcalin, et vous verrez aus-
(1} Colcothar praecipitatur priusquam liquor ad nicsaraica rapiatur, itaut neces-
sario inintestinis permanere^debeat. Hippocrat. chem., p. 103.
(2) Voy. plus haut, 1. 1, p. 131.
(3) Hippocrat. chem.y p. 115-117.
(4) Ibid., p. 132, 133.
2S3 HISTOIBB DE LA GUIlflE.
sitôt un précipité vert se ramasser au fond de la liqueur; celle-
ci perd ainsi sa propriété vomitive, et devient semblable à toute
autre eau de roses qu'on aurait distillée dans des vaisseaux de
verre. Ce précipité vert, fondu avec du borax, vous donnera du
cuivre (1). »
Arsenic. — Tachenius fournit des détails d'autant plus pré-
cieux pour l'histoire de la toxicologie, qu'il avait éprouvé lui-
même les effets de l'empoisonnement par l'arsenic. Voici à quelle
occasion. Il chauffa de l'arsenic.dans un vaisseau fermé, afin de le
rendre fixe, suivant le conseil d'un certain alchimiste, Jean Agri-
cola (qu'il ne faut pas confondre avec Georges Agricola). Voulant
s'assurer s'il avait réussi, il ouvrit le vaisseau, et aspiraune vapeur
(auram) qui produisit dans sa bouche la sensation d'une saveur su-
crée très-extraordinaire, «Mais au bout d'une petite demi-heure
j'éprouvai, dit-il, une contraction douloureuse à l'estomac, ac-
compagnée d'un mouvement convulsifde tous les membres; la
respiration devint difficile, je rendis des urines sanguinolentes
et accompagnées d'une chaleur brûlante. Aussitôt après je fus
atteint de coliques et de contracture des muscles pendant l'es-t
pace d'une heure et demie. » — L'auteur ajoute qu'il se rétablit
en prenant du lait et de l'huile, mais qu'il resta longtemps con-
valescent et faible (2).
AugmerUaiion du poids' des métaux par la caldnatUm. -. — Ta-
chenius affirme que le plomb augmente d'un dixième ^de son
poids, lorsqu'il se transforme en minium, qui étaita lors , comme
il Test aujourd'hui, employé dans la confection des emplâtres .
L'explication qu'il en donne est assez embarrassée : il semble
attribuer la cause de cette augmentation à un esprit acide du
bois, ou plutôt, avec Boyle, à la flamme. Dans tous les cas, il ne
partage pas l'opinion de la plupart de ses prédécesseurs, qui,
s'étant également aperçus de cette augmentation du poids des
métaux pendant la calcination, l'avaient attribuée à la fixation
de certaines particules aériennes (3).
Multiplication des minerais. — Les minerais avaient, à ce que
croyaient les anciens , la faculté de croître et de se multiplier
comme les végétaux et les animaux. L'auteur, adoptant cette
(1) Hippocraies chemicus^ p. 135.
(2) Ibid., p. 188.
(3)Ibid.,p. 210.
TROISIÈME ÉPOQUE. 2^^
croyance, prétend la corroborer en citant comme exemple
rile d'Elbe , dont les mines fournissent depuis des siècles des
masses prodigieuses de fer, et qui loin de s'épuiser semblent en-
core aujourd'hui être tout aussi riches sinon plus riches que le pre-
mier jour. 11 rappelle un autre exemple du môme genre : ce sont
les mines de vitriol absorbant à Tair la substance qui semble les
alimenter. «C'est dans l'air, s'écrie-t-il avec Khalid, que se trou-
vent les racines des choses ( radiées rerum in aère) (1). » -
Esprit acide vital. — L'esprit acide, que l'auteuD appelle
fil^du soleil, est un être imaginaire; mais il lui fait jouer le
même rôle qu'à l'wpnY générateur des acides (oxygène). 11 le fait
intervenir dans la formation du nitre, dansla végétation, dans
la fermentation, et il affirme que son intervention s'exerce par
l'intermédiaire des' rayons solaires (2).
£t/fce.— Tachenius est le premier qui ait soutenu que la silice
(silex) est un acide. 11 s'appuie sur ce que ce corps est suscep-
tible de se combiner avec la potasse pour former la liqueur des
cailloux, qui est selon lui un véritable sel. Or, un alcali ne peut
se combiner qu'avec un acide, pour donner naissance à un sel.
Mais il apporte encore une autre preuve à l'appui de sa manière
de voir, qui est l'expression môme de la vérité. « La silice, dit-il,
n'est attaquée par aucun acide; l'eau-forte môme ne la corrode
pas. Pourquoi? Parce que la silice est elle-même de la nature d'un
acide, et que si elle contenait seulement la moindre parcelle
d'un alcali, les acides l'attaqueraient (3). »
Puissance relative des acides. — C'est dans sa Clavis Hippocra^
ticm medicin» que Tachenius émet une idée très-féconde,
qui devait plus tard conduire à une des lois fondamentales de la
chimie. Il affirme que tout acide est déplacé de sa combinaison
par un a%Ure acide plus puissant; et il ajoute que l'acide qui se
combine ainsi avec un alcali augmente nécessairement de
poids d'une manière constante (5).
A part quelque simperfections, qu'il faut mettre sur le compte
(1) Tachenias, ArUiquissimx Hippocraticx medicinx clavis, p. 14.
(ï) HM., p. 18.
(3) IbkL, p. 34 et iU>,
(4) ÀnU^iiUssim» HippocnUlcm medicinse clavis, p. 137 et 141. — Quicquid
dissolvitur in acido extra famiUam suam, vel innato potentiori, statim supprimi-
tur ejiis débile acidum, et dissolutione acridi dissolventis naturam induat , necesse
est addum; eum suivit et combibitur ab innato alcali rei, — cresclt ejusdem
rel pondus , etc.
224 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
de Tesprit derépoque plutôt que sur les tendances de l'auteur^
les travaux chimiques de Tachenius sont remarquables sous plu&
d'un rapport; ils méritaient Thonneur d*ôtre cités comme un&
autorité par la plupart des chimistes du dix-septième; siècle»
§ 10.
Frédéric Hoffmann.
m
F. Hoffmann est plus connu comme médecin que comm
chimiste. Néanmoins ses premiers travaux, qui parurent ver*
la fin du dix-septième siècle, ont presque tous pour objet 1
chimie. C'est en prenant pour point de départ les sciences phj^* — -
sique et chimique que F. Hoffmann s'est acquis une juste ré- -
putation.
Frédéric Hoffmann naquit en 1660. Il étudia la chimie à lei^^a
et à Erfurt, sous la direction des célèbres professeurs W. We
ïm
del etc. Cramer. ATâge de trente ans, il fut appelé comme pre
mier professeur à l'université de Halle, qui venait d'être fondée
rs.
grâce au talent de Hoffmann, cette université ne tarda pas d'
tirer de toutes parts une jeunesse studieuse. Il serait hors de p
pos de faire ici la biographie, quelque intéressante qu'elle fi
de cet homme de génie, auquel la médecine doit presque a
tant qu'à Hippocrate (1). Nous rappellerons seulement q
F . Hoffman faisait Tadmiralion dé tous ses contemporains, no
seulement par la profondeur et la variété de ses connaissanc
mais encore par ses belles qualités morales et sa probité scie
tifique. L'étendue de ses occupations ne l'empêchait pas d'e n-
tretenir une vaète correspondance avec tous les savants ^c
l'Europe, qui se faisaient un honneur de communiquer leurs ci ^-
couverles à leur illustre correspondant, comme] s'il personnifia^ i*
toute une académie des sciences. C'est par une lettre de Garellî»
médecin de l'empereur Charles VI, qu'il fut instruit que l'ay
toffana ou aquetta di ISapoli, avec laquelle avaient, dit-ohj
empoisonnées plus de six cents personnes, parmi lesquelles de^^
papes, Pie III et Clément XIV, n'était autre chose qu'une sol»^
(1) Voy. sur la vie de Fréd. Hoffman ; Vita Fred. Hoffmani, par J.-H. Schal^^
Halle , 1710 , in-4^ — Panégyrique de Fr. Hoffmann; Halle-, 1743 , in-fol.
/
TROISIÈME EPOQUE. ; 225
%
iîon arsenicale, employée probablement à différéhts degrés de
concentration, pour produire des effets plus ou moins lents (1).
Frédéric Hoffmann mourut en 1743, à Tâge de quatre-vingt-
trois ans.
TraTanx chlntliiiiês de F. Hoffinanii.
Ces travaux, qui ont presque tous pour but la médecine pra-
tique, témoignent d'une sagacité profonde ; le langage dans le-
quel ils sont écrits est d'une lucidité remarquable en même temps
que d'une élégance qui ferait honneur à nos meilleurs latinistes.
Parmi les dissertations médico-chimiques les plus intéressan-
tes de F. Hoffman, nous choisirons d'abord, pour l'analyser,
celle qui traite des eaux minérales.
De Methodo examinandi aquas salubres (2).
Libavius avait déjà consacré un travail spécial à l'examen des
eaux minérales (3) ; mais F. Hoffmann dirigea plus particulière-
ment l'attention des chimistes et des médecins sur ce point im-
portant de la science, et ce n'est que depuis lors que les ou-
vrages sur ce sujet se sont multipliés.
Dès le début, l'auteur soulève une question grave, à savoir,
si l'eau est un corps élémentaire, comme on l'avait admis de
toute antiquité, ou si c'est^un corps composé. Il n'hésite pas à
se prononcer en faveur de la composition de l'eau : « L'eau , dit-
il, est composée d'un élément très-fluide, d'une espèce d'esprit
éthéré ( aqua composita est ex elemento fluidissimo , videlicet
spiritu œihereo), et d'un principe salin. »
C'était là alors une idée bien hardie, car elle n'est en apparence
fondée sur aucune expérience positive ; aussi ne faut-il la considé-
x*er que comme un de» ces traits lumineux qui , semblables à des
(1) Le procès de Tempoisonneuse Toffanaeut lieu à Rome en 1718. Soumise à la
«gestion, cette femme déelara qu'elle ne communiquerait son secret qu'au pape et à
X'empereur (Charles VI), qui se trouvait alors en Italie. L'empereur le communi-
^^a à son tour à son médecin , qui lui-même s'empressa d'en faire part à son il-
lustre correspondant. —Fréd. Hoffmann, Medecinœ ration, systemat.y t. II,
CHalle, 1729,4), p. 2, c. 2, § 19, p. 185. — Voy. sur TaquaToffana le mémoire de
%ogneta ( Nouvelle Méthode de traitement de V empoisonnement par Varse-
-aitc; Paris, 1840, 8), p. xiii.
(2) Fr. Hoff., Dissertât, physico-medic. sélect. Pars altéra ; Leyde , 1708, in-8°,
(3) Voy. p. 29 de ce volume.
BIST. DE LA CUIMIE. — T. II. 15
226 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
météores, se montrent un instant à Thorizon pour s'éteindre èl
réapparaître dans tout leur éclat après la révolution d'une pé-
riode plus ou moins longue.
Mais Teau , remarque l'auteur, n'est pas seulement un corps
composé; dans son état naturel elle n'est jamais exempte de
particules de matières solides qu'elle tient en dissolution (1). Ces
matières varient suivant les terrains ou les couches minérales
que l'eau traverse.
Avant de procéder à l'analyse de ces matières, il faut, dit-il,
d'abord constater la densité des eaux qui les renferment. Or on
y arrive, soit au moyen d'une balance hydrostatique', soit en
employant un tube rempli d'un liquide coloré ( espèce de liqueur
normale). A cet effet, on débouche le tube en l'introduisant
dans l'eau qu'on veut examiner. Si le liquide coloré est plus
dense, le[ tube descendra ; sinon , le contraire aura lieu (2).
De toutes les eaux minérales, les gazeuses sont celles qui fixèrent
plus particulièrement l'attention de Hoffmann. Il n'ignorait pas
que les nombreuses bulles qui s'en élèvent ne sont dues qu'au lié-
gagement d'un fluide élastique, et que c'est ce même fluide qui ,
sous l'influence de la chaleur qui le dilate, fait éclater les bouteilles
dans lesquelles on tient exactement fermées des eaux acidulés
gazeuses, comme celles de Wildung et d'Eger (3). Il remarque
aussi que ces eaux laissent surtout échapper ce fluide élastique
en abondance, lorsqu'on y met du sucre ou quelque acide (4).
Enfin, ce fluide élastique, appelé iSiniôh'spiriius elasticus^ tantôt
substantia aerea ouœtherea, mais le plus souvent spiritiAs mine-
raliSy et qui n'est autre chose que le gaz acide carbonique, joue ,
ajoute l'auteur, un immense rôle dans le règne minéral, aussi
bien que dans le règne végétal et animal.
S'appuyant sur l'observation d'un chimiste français (Duclos),
et fort de sa propre expérience, il déclare Je premier de tous que
(1) Fr. Hoffmana, Dissertât, physicomédic. Part. II, p. 168. NuUaaquain tota
rerum natura reperitur, qaœ non in sinu suo recondaf siccse et solidse materiaB
quippiam.
(2)Ibid.,p. 170.
(3) Fr Hoflmann, Dissertât, physico-medic, sélect. Part. Il, p. 172. Copiosissi-
marumharumbuUulanimascensiounicedebetur aetherese aereae substantisB intra
poros aqusB latitanti. — Hic œther spirituosus eiasticus est quoque cansa cor
Titra vel lagenae angusiioris orîûcii aciduiis totœ repletœ, si nimis accurate clan-
dantur, sœpius soleant frangi.
{4)Ibid.,p. 177.
TROISliMS ÉPOOUE. 227
Vesprit minéral (acide carbonique) est de nature aeide, parce que,
étant ainsi dissous dans Teau, il rougît la teinture de tournesol
( aguà toma-solis ) (1).
Arrivant aux détails de l'analyse, il s'efforce d'abord de dé-
truire Terreur des anciens, qui prétendaient que les eaux miné-
rales contiennent de l'or, de l'argent, de Tétain, du plomb, de
l'antimoine et de l'arsenic. Puis il y constate chimiquement l'exis-
tence des substances suivantes :
1** Fer, — C'est là le métal dominant (principatum obtinei .
Mars). L'ai^ile rouge, l'ocre, etc., indfquent la présence du fer.
11 n'est donc pas étonnant que l'eau s'en charge en traversant les
terrains ferrugineux si universellement répandus. On reconnaît
les eaux ferrugineuses à leur saveur astringente particulière
(sapore quem relinquunt in lingua quodammodo constringente ),
et à la matière ocreuse jaune qu'elles déposent, $pit spontané-^
ment, soit par l'application de la chaleur. Cette matière , après '
avoir été. fortement chauffée ( avec du charbon), devient atti-
rable parTaimant, cequi prouve qu'elle estde la nature du fer (2).
Mais le meilleur réactif consiste dans l'emploi de la poudre de
noix de galle : si les eaux minérales ne contiennent que des traces
de fer, ce réactif n'y produira qu'une coloration purpurine; si le
fer y est au contrai re assez abondant, on y verra naître une colora-
tion noire (3). La noix de galle ne produit plus aucun changement
dans ces eaux lorsqu'on les a fait bouillir ; car, dans ce cas, l'ocre
se dépose. On peut encore (nous continuons à citer textuellement
l'auteur) séparer toute l'ocre, en mêlant les eaux ferrugineuses
avec des coquilles d'huîtres ou delà chaux brûlées, et en les aban-
donnant quelque temps à elles-mêmes. Non-seulenjent les noix
de galle, mais les feuilles de chêne, les écorces de grenade, l'ex-
trait de thé, de tormentille , peuvent noircir les eaux ferrugi-
neuses. Le fer n'étant pas soluble par lui-même, qui est-ce qui
le rend solùble? C'est Vesprit minéral (acide carbonique);
car, àmesureque celui-ci s'échappe dans l'air, l'ocre abandonne
l'eau, et se dépose au fond des vases sous forme d'une poussière
(1) Fr. IMfmann, Déêsertat. physico-medic. sélect. P. 183. Batio hujus pfaueeno-
meni procul ornai dubio est hœc, quod spiritufi uinaralis fuerit in doU(» acidlusculœ.
(2) Ibid., p, 196. -> Igae U»6ti uuignett pcoupte accedit, maaifesto documento
martialis «Me mIiibii.
(3) Màà.\p. II, p. 187. -^ Slnûadr copia œmt, nanciacontur purpureun; si
vero major, atrum coloram.
15.
228 HISTOIRE DE LÀ GHIBOE.
légère (1). D'autres fois, le fer s*y trouve à l'état de véritable vi-
triol ( combiné avec Tacide sulfurique ).
2» Cuivre. — Ce métal est beaucoup plus rare dans les eaux
minérales , et il ne s'y trouve qu'à l'état de vitriol ; telles &ont
quelques sources en Hongrie, comme celle de Neusohl, lesquelles
précipitent du cuivre très-pur quand on y plonge une lame de
fer (2). Ces eaux ne sont d'aucun usage interne, à cause de leur
propriété émétique, dont je cuivre ne se dépouille jamais ( pro-
pter emeticam, quant nunquam exuit Venus, virtutem).
3° Sel commun. — Presque toutes les eaux en contiennent; les
sources de Hornbausen et de Wiesbaden surtout en sont ricbes.
Le sel commun se reconnaît à la forme de ses cristaux cubiques
(obtenus par l'évaporation des eaux), lesquels décrépitent dans,
le feu {in igné crépitant ) ; il se reconnaît aussi à ce que, traité par
Peau-forte, il donne l'esprit de sel, qui, mêlé avec la même eau-
forte, produit le dissolvant de l'or (eau régale ) ; enfin, à ce q,u'il
trouble une solution d'argent, et qu'il la précipite en blanc (3).
4** Alcali /2a:e (carbonate de potasse). —Ce sel se rencontre
principalement dans certaines eaux tbermales, comme celles de
Carlsbad en Bohême. On l'obtient par l'évaporation de ces eaux.
On en constate la présence par le sirop de violettes, qui est ainsi
verdi (4). Traité par le sel ammoniac /il en dégage l'alcali vo-
latil ( gaz ammoniac ) ; mêlé avec du soufre et du nitre en prô^
portion convenable [débita quantitate), il donne .une poudre
fulminante. Le sel alcali fixe se reconnaît encore à d'autres
caractères : il fait effervescence avec l'esprit de vitriol ( acide
sulfurique), enlève à celui-ci son acidité, et forme avec lui
des cristaux de tartre vitriolé (sulfate de potasse). Étant fondu
avec du soufre, il donne naissance à une substance'rouge fétide,
connue sous le nom de foie de soufre ( hepar sulphuris ) (5).
(1) Fr. Hoffmann, Dissert, physico-medic, sélect., Pars altéra, p. 198. —
Exhalante spirituoso elemento, deponunt in vasis fundum leviusculum ochreum
pulverem ; nam spiritus volatilis ille, qui sub compedibus ^is tenuissimam Mar-
tis substantiam detinet, dum leyissime exhalât, demittit ad fundum hanc ipsam.
(2) Ibid., p. 196. — Fontes inHungaria, v. g. Neusohlii, ex quibus ferro im-
misso purissiraiim prâecipitatur cuprum.
(3) Ibid., p. 199 : Praecipitat lunam solutam in forma pulveris albi.
(4) Ibid., p. 199 : Hoc sal syrupo violarum viridém colorum inducit.
^ (5) Ibid., 200 : Cum sulphure per ignem combinatum largitur substantiam ru-
bicundam maie olentem, quae vocari solet hepar sulphuris.
TROISIÈME EPOQUE. 229
5° Chaux. — Magnésie, — G'estdans la caractéristique différen-
tielle de ces deux bases que la sagacité de Fr. Hoffmann se ma-
nifeste dans tout son éclat. A lui Thonneur d'avoir, le premier,
parlé de la magnésie comme d'un corps particulier, qui de tout
temps avait été confondu avec la chaux. Gomme le sujet était
nouveau^ il y procéda avec une louable réserve. Voici comment
il s'exprime : « Un assez grand nombre de sources, parmi les-
quelles je citerai celles d'Eger, d'Elster, de Schwalbach, et même
celles de Wildung, contiennent un certain sel neutre qui n'a pas
encore reçu de nom, et qui est à peu près inconnu {sal quoddam
neutrum innominatum et fere etiam incognitum) (1). Je Tai aussi
trouvé dans les eaux de Hornhausen, qui doivent à ce sel leur pro-
priété apéritive et diurétique. Les auteurs rappellent vulgairement
nitre {nitrum). Cependant ce sel n'a absolument rien de commun
avec le nitre {ne minimam quidem nolam hujus habet) : d'abord il
n'est point inflammable, sa forme cristalline est toute différente,
et il ne donne point d'eau-forte comme le nitre. C'est un sel neu-
tre^ semblable à l'arcant/m duplicaium (sulfate de potasse), d'une
saveur amère et produisant sur la langue une sensation de froid.
Il ne fait effervescence ni avec les acides ni avec les alcalis, et
n'est pas très-fusible au feu (2). »
Après cet exposé rernarquable des caractères négatifs d'un
sel autrefois confondu avec le nitre, l'auteur passe à l'énuméra-
tion des caractères positifs, sujet beaucoup plus difficile et plusdé-
licat : il s'agissait de distinguer la magnésie d'avec la chaux. Mais
auparavant il fallait savoir quel est l'acide qui forme, avec cette
espèce de chaux inno7nmée, ce sel dont on faisait alors , comme
aujourd'hui , un si grand commerce , et qui , à la dose d'une
once et au delà, était employé comme un purgatif.
a Ce sel, dit Hoffmann, paraît provenir de la combinaison de
V acide sulfurique ( acidum sulphureum ) et d'une terre calcaire de
nature alcaline (3). C'est au sein de la terre que cette combinai-
(1) Ce sel n'est autre, comme on le devine , que le sulfate de magnésie, qui
ge trouve surtout abondamment dans certaines sources minérales d'Angleterre,
comme celles d'Epsom , etc.
(2) Dissertât, physico-medic. Pars ait., p. 200 : Non est inflammabile, non
in crystallisatione figuram pyramidalem assumit , neque aquam fortem dat; sed
est sal neutrum instar arcani duplicati saporis amaricantis^ et frigus quoddam
rèlinquit in lingua , neque cum acide vel alcali efïérvescit, nec fluit in igné facile.
(3) Dissertât, physico-medic.^ p. 201 : Hoc sal originem suam trahere vide-
tiir ex corobinationeacidi sulpburei et calcaria terra indoUsquealcalinae.
230 HISTOUIS DE LA GUUUE.
son s'opère H'e^u dissout le sel qui se forme aiosi, et Je charrie
avec elle. »
Dans un autre écrit, Tauteurrevientsurcesujet, qu'il croyait sans
doute avoir incomplètement traité; il ajoute que cette terre alca-
line (obtenue en traitant une solution de sel amer par l'alcali fixe}
diffère essentiellement de la chaux, en ce que celle-ci, traitée
par l'esprit de vitriol, donne un sel très-peu soluble , qui n'est
nullement amer, et qui n'a presque aucune saveur (1).
Lister avait déjà très-bien décrit la forme cristalline du sel
purgatif amer, qu'il appelait nitre calcaire (2). Mais personne n'a-
vait encore songé à considérer ce sel comme un composé d'acide
sulfnrique, et d'une espèce de terre calcaire alcalinSy différente de
la chaux. C'est à Fr. Hoffmann qu'est due cette découverte, qui
devait être^plus tard, reprise et poursuivie dans tous ses détails
par Black.
6* Eaux alumineuses. — Eaux sulfureuses , etc. — Les au-
teurs anciens, Aristote, Varron, Pline, et, après ceux-ci , tous
les médecins chimistes , ont parlé des eaux minérales riches en
alun. Taxant tous ces témoignages d'erronés, Hoffmann assure
n'avoir jamais rencontré de l'alun pur dans les eaux minérales.
« Cependant je ne veux pas, ajoute-t-il, nier que des sources voi-
sines de quelque mine d'alun ne puissent se charger de cette
substance; mais, dans ce cas, elles sont trop astringentes, et ne
sont d'aucun usage en médecine (3). »
Il est bon de rappeler que les anciens donnaient le nom d'alun,
alumen, <jTUTCTY)pia, à toute espèce de matière astringente ( vitriol
de fer, de cuivre, etc. ), tandis que, pour Hoffmann, cette confu-
sion n'existait plus. «Les vitriols laissent, dit-il, un.caput mor-
tuum métallique après leur caloination; mais l'alun donne une
terre bolaire très-précieuse, légère, d'une espèce particulière
{sut gêner is) (4). »
(1) Observât, physico-chymic. sélect., t. II obs. ii, p. 107, et obs. xviii ,
p. 177.
(2) Lister, De aquis Anglix, c. i, p. 13. Hujus salis (nitri calcarii) crystalli te-
nues longa^que sunt, iisque mediis quatuor ialera parallelogramma sunt, at fera
inœqualia ; ex altéra yero parte, ipse mucro ex binis planis lateribus triangulari-
bus formalur.
(3) Diss. physico-med. x, p. 202. Me purum alumen nusquam in aquis salu-
bribus invenisse. Non ibimus tamen inficias , ubi alumen magna in copia efijodi-
tur, scalurire interdum quosdam fontes alumine relèrtos, etc.
(4) Observât, physico-chymic. sélect., t. III, obs. tiii, p. 171. — Yitriolicaput
TROISIÈME EPOQUE. 231
Quant aux eaux sulfureuses, il eu restreint également beau-
coup le nombre, et ne parait leur accorder en médecine qu'une
médiocre confiance. Il remarque qu'elles se reconnaissent à leur
odeur d'œufs pourris, et à ce qu'elles noircissent l'argent.
Enfin il termine en affirmant que les meilleures eaiix existent
dans les- terrains gras et argileux, « parce qu'elles sont très-peu
chargées de sels calcaires , qui, dit-il, rendent les eaux impro-
pres à la boisson, à la cuisson des légumes, et à la fabrication
de la bière (1). »
Cette dissertation si remarquable sur les sources minérales
en général est suivie d'une autre Sur les eaux thermales de Caris-
bad.
De Carolinarum causa coloris, virlute et usu (2).
Rejetant la théorie du feu central, ainsi que d'autres hypothè-
ses concernant la cause des sources thermales, Hoffmann insiste
particulièrement sur la chaleur que produisent les mélanges
de certaines substances. 11 cite l'expérience déjà connue du mé-
lange de soufre pulvérisé et de limaille de fer, qui s'échauffe
considérablement après avoir été humecté d'eau. Comme ces
mélanges calorifiques peuvent, dans les entrailles de la terre^ se
trouver en contact avec des matières très-inflammables, telles
que le bitume, l'auteur explique par là l'origine des sources ther-
males, des volcans, des tremblements de terre et des incendies
souterrains. 11 signale surtout le concours réuni du soufre, de
l'eau et de l'air. C'est qu'en effet les volcans se trouvent presque
tous dans le voisinage de la mer (3); le sommet du cône' donne
accès à l'air, et rien de plus commun autour du cratère que le
soufre et le fer, débris des éruptions volcaniques.
A propos de ces mélanges , Hoffmann indique une expérience
mortuum metallicse indolls est. Âluminis vero terra yalde spongiosa , subtilis ,
bolans sui generis Tidetur.
(1) Dissert. physico-med. x, p. 205 el p. 191.
(2) Dissert, physico-med., xi.
(3) Ce fait n'est aucunement contredit par Pexistence de certains volcans éteints
qu'on trouve dans l'intérieur des continents. Car, pour les volcans éteints d^ Au-
vergne , par exemple , on peut bien admettre , sans faire une hypothèse exagé-
rée , que la mer Méditerranée a recouvert autrefois une grande partie du midi de
la France. Il paraît d'ailleurs constant que les eaux des mers éprouvent, de siècle
en siècle, un retrait marqué.
232 HISTOIRE DE lA CHIMIE.
assez curieuse, qui consiste à verser de Vesprit' fumant coneen--
tré sur de Thuile essentielle de girofle : il se produit à l'ins-
tant une flamme très-belle (1). Qu'était-ce que ce^ spiritvs conr
centraiissimus fumam, versé sur Tessènce de girofle? Était-ce
le perchlorure d'étain ou l'acide nitrique fumant? C'était sans
doute le dernier.
A l'objection que cette chaleur, résultat des combinaisons va-
riées qui s'effectuent au sein delà terre, doit diminuer et enfin
disparaître , l'auteur répond d'abord que, les métaux ne faisant
point défaut, cette chaleur se reproduit sans cesse, et, étant ainsi
emprisonnée sous la croûte terrestre, elle se conserve beaucoup
plus longtemps. A l'appui de cette manière de voir il cite, comme
exemples, la marmite de Papin, qui conserve la chaleur pendant
fort longtemps, et le corps humain lui-même, qui, par l'occlu-
sion de ses pores et la suppression de la transpiration, éprouve
l'effet d'une chaleur fébrile inaccoutumée, sensible à la peau (2).
F. Hoffmann a traité de plusieurs eaux minérales d'Allemagne
qu'il n'entre pas dans notre plan d'analyser ici (3).
La question des eaux minérales artificielles ne lui était pas non
plus étrangère (4).
Il a en outre laissé des observations intéressantes sur les huiles
essentielles et leur combustion par l'acide nitrique, sur la dis-
tillation de l'alcool avec Tacide sulfurique et l'acide nitrique
(éthersnitreux et sulfurique)(5). Le mélange départies égales
d'éther et d'alcool concentré porte encore aujourd'hui le nom de
liqueur anodine minérale d'Hoffmann.
La théorie de Stahl commençait alors à se répandre. Hoffmann
(1) Dissert, physico-med. xi, p. 211 : Flammam lucidissimam ia momento
produco dum spiritum concentratissimum fumantem infuado oleo caryophyllo-
rum débita encheiresi.
(2) Fontis Sedlizenzis amari in Bohemia noviler detecti nec non salis ex eodem
parati examen chymico-medicum ; Hal., 1724, in-4*. — De fontis martiati Lauch-
stadiensis viribuset usu; Hal., 1723 , in-4**. — De fontis Spadani et Swalbacensis
convenientia ; Hal., 1730, in-4'*. — Toutes ces dissertations sont imprimées dans
Opuscul, physico-medic. de elementis^ virihus, uiilitate et usu medicatO'
t-um fontium; etc.; Ulmiœ, 8. T. I el II.
(3) Ibid., p. 219.
(4) Observationes de acidulis , thermis et aliis fontibus salubribus ad imitatio-
nem naturalium per artificium parandis. Dans Opuscul. physico-medic.^ II, n° x.
— Debalneorum artificialiumex scoriismetallorumusu medico; Hal., 1722, iii-4**.
(5) Observât, physico-chymic. sélect.; Hal., 1736, in-4°; lib. I, obs. i-xiv;
lib.^ II, obs. m et obs. iv.
TROISIÈME EPOQUE. 233
éleva le premier des doutes sérieux surTexactitudede celte théo-
rie : il trouvait plus rationnel d'admettre que le charbon , loin de
restituer aux chaux métalliques (oxydes) le prétendu phlogisti-
que, leur enlève plutôt quelque chose, et les ramène ainsi à leur
état primitif de métaux (1). Il savait que les terres vitriolées en
général (sulfates terreux), calcinéesavec du charbon, peuventoffrir
le même phénomène que la pierre ou phosphore de Bologne. Enfin
il inventa plusieurs médicaments efficaces, d'une grande re-
nommée y comme bcUsamum viiœ^ pilulœ balsamicœ , elixir viscé-
rale, essentia halsamica. C'est ainsi qu'il recommandait, comme
un des meilleurs remèdes contre la goutte, une solution alcooli-
que de foie de soufre, associée quelquefois au camphre et à l'ex-
trait de pavots (â).
F. Hoffmann n'était pas seulement un chimiste habile, il
.était également versé, dans la physique. Son mémoire iSwr les
vents renferme des notions exactes sur l'élasticité de l'air et de
la vapeur d'eau ; il explique la cause immédiate des vents par
la différence d'élasticité dans les couches de l'air, et il établit
que le mercure s'élève dans le tube barométrique non-seule-
ment en raison de la pression atmosphérique, mais encore de
l'élasticité de l'air, laquelle est égale à la pression de Talmos-
phère; que^la vapeur d'eau diminue l'élasticité de l'air, et que
c'est pourquoi la colonne barométrique s'abaisse , lorsque l'at-
mosphère est très-humjde. De tout cela^ il déduit des consé-
quences très- importantes pour la médecine (3).
Tous les médecins devraient prendre pour modèle les travaux
de F. Hoffmann (4), faire, comme lui, profiter les sciences médi-
cales des progrès des sciences physiques, et se rappeler sans
(1) Observât, physico-chymic. sélect. Ili, obs. xiii.
(2) A la dose de 30 à 40 gouttes prises intérieurement. — Observât, physk<h
ehymic. sélect. II, obs. xxxi.
(3) Dissertât, physico-medicœ curiosœ selectiores; part. I, Lugd. Bat., 1708,
in-8®. De ventorum generaiione , ortu et causis.
(4) Gmelin (t. II, p. 179) donne la liste des mémoires ou dissertations de
F. Hoflknami , ayant trait à la chimie. On les trouye aussi indiqués dans Omnium
dissertationum et librorum àb Hoffmano, abanno 1681 ad annum 1734,
editorumc<mspectus;.li&\\e, 1734, in-4**. — Tous ses travaux chimiques sont
imprimés dans Oper. omn. medico-physic . ; Genève, 6 vol. in-fol., 1740 et 1748;
avec un supplément de 2 vol., 1749; et un second supplément de 3 vol., 1753 et
1760. — Édit. de Naples, 1753, en 25 vol in-4**; — 1763, en 17 vol.; — édit.
de Venise, .174S, en 17 vol. in-4*».
234 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
cesse que le corps de rhomme n'est pas un corps isolé, mais
qu'il subit perpétuellement Tempire d'agents physiques qui le
modifient suivant des lois constantes.
Au nombre des médecins qui ont bien mérité de la chimie, il
faut citer encore Davisson et Vigani.
§ H.
CSnillamne DaTiMMiii*
Guillaume Davisson ou d'Avissone ( c'est ainsi qu'il s'écrit lai-
même) (1), médecin écossais, fut appelé à remplir la première'
chaire de chimie créée à Paris, au Jardin du Roi (â). Il enseigna
celte science dans la première moitié du xvn* siècle, sous la
minorité de Louis XIII, et ses leçons*attirèrent un nombreux
auditoire. Il nous apprend lui-même qu'il comptait parmi ses
élèves des étrangers de toutes les nations de l'Europe, des Alle-
mands, des Anglais, des Italiens, etc. (3).
Ce fut à l'usage de ses élèves que Davisson publia, en 1635, no
ouvrage ifttitulé Philosophia pyrotechnica , seu Cvrsus chymior
iricuSy et divisé en quatre parties (4). La première et la deuxième
partie, que l'auteur dédia à deux de ses compatriotes, Jacques et
George Stuart, et la troisième partie ne contiennent que des théo-
ries spéculatives, qui témoignent d'une connaissance approfon-
die des anciens. La quatrième partie , qui traite des opérations
chimiques, est la seule qui puisse nous intéresser.
C'est dans cette partie que se trouve, pour là première fois,
traitée scientifiquement la difficile question de la formation
des cristaux (5). L'auteur étend le principe de la cristallisation
(1) M. Baudriraont possède une édition (2® éd., 1640) de la Philosophie pyra
technique , où se lit sur le recto du dernier feuillet un autographe de Pauteui
qui signe d*Avissone , sous^la date du 29 août 1641.
(2) Voy. p, 103 de ce volume.
(3) Pyrolech. Pars quarta , Admonitio ad lectorem, p. 50 et 52.
(4) Paris, iu-8; 1640; 1642; 1644; 1657 ;Hag. Corn., 1641, in-4. Traduit en fran
çais : Les éléments de la philosophie de Vart du feu, éd. Hellot, 1651 et 1657
(5) Philo80])b. pyrotech. Pars quarta, p. 184 : Docirina de symbole et mu
latione elementorum cum quinque corporibus simplicibus geometricis; und
dilucide aperktur vera causa diversarum formai-um, numerorum varia
rumque proport ionum in composais, ut figura hexagonali , cubica , penia
gonali, octaedrica , rhombica , in sale cornu cervi , in niva sexangulatii «
TROISIÈME ÉPOQUE. ' 235
•
non-seulement aux sels et à des substances minérales, mais en-
core aux alvéoles des ruches et à certaines parties des végétaux,
tdies que les feuilles et les pétales des fleurs. Il ramène toutes les
formes cristallines à cinq figures géométriques, qui sont le cube,
l'hexagone, le pentagone, Toctaèdre et le rhomboèdre. Un sujet
aussi intéressant et alors tout à fait neuf, opt^ novtirn et a
nullo ante me, quod sciam, elaboratum, devait faire remettre sur
le tapis les doctrines anciennes de Pythagore et de Platon, suivant
lesquelles toute l'harmonie de la création repose sur les nombres
et les figures géométriques. Cette discussion, un peu obscure,
mt le rôle important que jouent les mathématiques dans les
écrits des philosophes anciens, et particulièrement dans le Timée
' de Platon^ se termine par ces vers de Boëthius :
Tu numerift elemeota ligat« ut irigora flammis , •
Arida conyeniant liquidis , ne purlor ignis
EYoIet, aut mersas deducant pondère terras.
La cristallognosie offre un beau champ à quiconque aime les
théories spéculatives de la science.
§12.
^ean-Françôifl Vii^ani.
Ce chimiste-médecin, natif de Vérone, passa presque toute
sa vie en Angleterre. Il appartenait à la grande école de Boyle.
Adversaire déclaré des théories obscures et souvent incompré-
hensibles des alchimistes, il prend Texpérience pour guide dans
ses recherches, et se glorifie de ne rien avancer qu'il n'ait lui-
même vu et observé.
C'est dans un petit traité d'une soixantaine de pages, intitulé
Medulla éhymise {i)y qu'il expose les faits qu'il a découverts,
ainsi que les expériences dont il fut témoin.
Purification du vitriol de fer, et préparation de Vammoniaque
vitriolé {sulfate d'ammoniaque). — Le procédé que Vigani propose
pour enlever au vitriol de fer les particules de cuivre dont il n'est
crys{fillOy smaragdo , adamante , viiriolo, cauUbus j florlbus et foliis stir-
P«tt», alveolis apum, niiro, sale gemmx et vulgarL
(1) Variis experimentis aucta, multisque figuris illustrata; Lond., 1083, in-lS.
236 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
presque' jamais exempt^ consiste à plonger dans la dissolutioci^
de ce vitriol une lame de fer, et de Ty laisser jusqu'à ce qu^
tout le cuivre soit précipité. Pour préparer le nouveau sel ( sul-
fate) d'ammoniaque recommandé comme médicament dans les
maladies chroniques, il s'agit tout simplement de verser, dans la.
liqueur du vitriol de fer ainsi purifié, une solution d'alcali vola-
til, jusqu'à ce qu'il ne se forme plus de précipité. La liqueur fil-
trée donne ensuite, parévaporation, le sel en question, préférable
au tartre vitriolé (sulfate de potasse), longe enim antecedit tarta-
rum vitriolatum (1 ) .
Afin de démontrer qu'une chaux métallique (oxyde) se
combine toujours avec la même quantité d'un même acide - pour
produire un composé (sel) déterminé, l'auteur prend le vert-de-
gris artificiel (acétate de cuivre), le soumet à la distillation, et
constate ainsi que là quantité d'acide volatil qui se sépare etf
à peu près la même que celle que prendrait le cuivre qui reste,
après la distillation, au fond du matras, pour reconstituer le
vert-de-gris (2).
Vigania, un des premiers, détmit l'erreur Jdes chimistes qui
croyaient que l'antimoine rend le vin éraétique sans rien perdre
de son poids. Il affirme, par sa propre expérience, que, dans ce
cas, l'antimoine, quel, qu'en soit le composé^ diminue un peu
de son poids, et que l'émétisation du vin est produite par la
combinaison des particules du tartre avec des particules anti-
moniales (3).
L'émétique est en effet un composé d'oxyde d'antimoine et de
tartre (bitartrate de potasse ).
On sait que, dès l'origine, les mercuriaux étaient mis en
usage pour combattre la syphilis. Vigani employait, dans ce but,
un remède particulier, appelé mercure vert {mercurius viridis),
et dont il regardait la préparation comme un très-grand arcane
( quem tanquam maximum arcanum conserva) (4).
On voit par là que l'intérêt pur de la science était loin de
l'emporter sur toute autre considération, même chez les chi-
mistes les plus éclairés de cette époque.
(1) Medulla chjfmiae, p. 6 et 7.
(2)lbid.,p. 13.
(3) Ibid., p. 49.
(4) Ibid., p. 53.
TROISIEME ÉPOOUE. 237
V.
CHIMIE PHARMACEUTIQUE.
Les travaux de Basile Valenlin et de Paracelse devaient porter
leurs fruits. La chimie continue d'envahir, à bon droit, le do-
maine de la pharmacologie. Le nombre des médicaments chi-
miques actifs allait tous les jours en augmentant.
Les médecins qui se sont le plus efforcés de rendre la chimie
tributaire de la médecine et de la pharmacie sont : Frédéric
Hoffmann (i); Nie. Chesneau, médecin de Marseille (2); Th.
Wiixis, célèbre médecin anglais (3); J: Zwelfer (4) ; P. Pote-
Bius, médecin d'Anjou, qui passa une grande partie de sa vie en
Italie, où il tomba victime de la perfidie de Sancassani (5) ;
Lazare la Rivière (Riverius)^ régent de la Faculté de Mont-
pellier (6) ; F. Bartoletti, professeur à Bologne, puis àMantoue,
où il mourut à Page de quarante-neuf ans, en Tannée 1630 ; il
a décrit le sucre de lait, sous le nom de manfia seu nitrum seri
lactis^ÇI).
n faut encore ajouter à cette liste Ray. Minberer, médecin
d'Augsbourg, qui attacha son nom à la liqueur de Tacétate d'am-
moniaque, appelée esprit ou eau de Minderer {spiritusvel aqua
Mmdereri) (8); Adrien de Mynsicht, surnommé Tribudenius, au-
(1) Clayis phannaceuticaSchrœderivHall., 1681, m-4°.
(2) Pharmacie historique ; Paris, 1660, 1682, iii-4^.
(3) Pharmaceutica rationalis ; Hag., 1676 et 1677; Oxf., 1678, in-8°.
(4; Animadversionesinphannacopœiam Augustanam, etc.; Vienne, 1652, in-fol.
Norimb., 1^57, 1667, 1675, in-S^*.
(5) Phannacopœa spagirica nova et inedita; Bologne, 1622, in-8°; Cologne,
1624^ in 12.
(6) Praxis medica cumtheoria; Paris, 1640, in- 18. Ibid.; Lyon, 1647, 1649,
1652.
(7) Opuscul. scientific. e filolog , t. XXI, p. 39d. MazzuchelU, Scriitori (Tltalia,
n, p. 429.
(8) Aloedarium marocostinum ; Augsbourg , 1616, in-8°. — De chalcantho
938 HISTOI&B DS LÀ CHIMIE.
quel on attribue à tort la découverte de rémétique(i), puisque
d'autres ehimistesle connaissaient irtconteslablementavantlui(2j;
P. Seignette, pharmacien de la Rochelle, qui découvrit, vers
Tannée 1672, le sel connu sous le nom de Seignette, et qui valut
une grande fortune aux héritiers de Tinventeur (3) ; Turqtjetjb
M AYBRNE, martyr de Tintolérance de la Faculté de médcinè de
Paris, sévissant contre tous ceux qui cherchaient à répandre
remploi des nouveaux médicaments chimiques ( préparations
antimoniales, mercurielles , ferrugineuses, etc.) (4-). L'atrêtédu
collège médical , qui condamna Turquet à la dégradation- doc-
torale , est un chef-d'œuvre d'intolérance et d'iniquité ; il est
rendu dans ce langage injurieux dont les médecins n'abusent,'
hélas ! que trop souvent* Voici cet arrêté , qui déshonore ses
disq«i8Îtioiatro-chymica; Aogust. Yindel., 1617, in-4^. — Threnodia medica, âve
planctus medieinœ JkigeBtis; Aug. Yindel., 1619, ia.8°. — Medicina mOttarit;
Norimb., 1679, ia-12; édit. allemande, 1621 et 1623, in-S*".
(1) Thésaurus medico-chymicus ; Hamburg, 1631, in-4®. — Ce qui a probi-
blement donné lieu à lui attribuer la découverte de Témétique , c'est un passigB
où Tauteur dit (p. 13) de mettre du fer, de l'antimoine et du mercure pulvéïiiéi
éans de l'esprit-de-vin tartarisé (spiritus vmi tartarisatus) , pour obtenir n
excellent médicament contre Vépilepsie , etc. ^
(2) Voy. p. 30 et 220 de ce volume.
(3) Les principales utilités et Vusage le plus familier du véritable selpoly'
chresie de 31. Seignette ,- la Rochelle', in-4°. — Le faux sel polychreste , ek.;
la Rochelle, 1675, in-S"*. — Le sel polychreste de Seignette est le tartrate double
dépotasse et de soude. On l'obtient en ajoutant à une solution chaude de tartie
du carbonate de soude en poudre jusqu'à ce qu'il ne se manifeste plus d'efferves-
cence. Ce sel devint, bientôt après Lemery , un remède à la mode. Sa compoâ-
lion fut tenue secrète pendant longtemps ; Boulduc et Geoffroy la firent les pre-
miers connaître en 1731.
(4) Pharmacopœa , in Oper. medic. in quibus continentur consilium, epistoliEf
observationes , variaeque medicamentorum formulâe, qu«B in usum Ann» et H.
Marise Anglias reginarum pra&scripta fuere, una cum epistola praefatoria, etc.*
edit. Brown ; Lond. , 1 703, in-fol. — Les médicaments chimiques dont Turquet re-
commande l'emploi sont le mercure doux , l'antimoine diaphorétique , le turinth
minéral , des huiles pyrogénées , la solution alcoolique de l'acétate de pbtaMe,
l'acide benzcnque, le vitriol de cuivre, le vitriol de fer, toutes substances qui soal
encore aujourd'hui vantées dans la thérapeutique. — Il conseille de préparer Ib
vitriol martial avec de la Umaille de fer bien pur. Il connaissait l'inllammabilitédi
gaz qui se produit lorsqu'on traite le fer par l'huile de Vitriol étendue'; il inâi^
des moyens pour purifier le tartre, pour préparer le vinaigre radical. — VoS
des titres qui prouvent qne Turquet n'était point aussi ignorant que le prélS
dent ses détracteurs. x
TROISIÈME ÉPOQUE. 239
auteurs; car rien ne peut excuser des juges qui appellent celui
qu'ils condamiient impudent, ivrogne^ enragé, etc.
CoUegiiim medicorum in Academia Parisiensi légitime congregalum , audita
' renunciatione censonun , quibus demandata erat provincia examinandi apolo-
\ giam sub nomine Mayerri Turqueti editam, ipsam unanimi consensu damuat, tan-
qoam famosum libellum, mendacibus convitiis et impudentibus calumniis re-
* fertom; quœ nonDisi ab homine imperito, impudenti, temulento etfurioso pro-
lldicipotaerant. Ipsum Turquetmn indignom jadicat, qui usquam medicinam
iiciat, propter temeritatem, impudentiam et verae medicinae ignorationem. Omnes
vero medicos , qui ubique 'gentium et locorum medicinam exercent, hortatur ut
^ffimiTurqnetum similiaque hominum etopiuionum portenta a se suisque fim'bus
uceant, et in Hippocratis ac Galeni doctrina constantes permaneant; et probi-
Inît ne quifi ex hoc medicorum Parisiensiu m ordine cum Turqueto eique simi-
libas médica consilia ineat. Qoî secus fecerit , scholsB ornamentis et açadcmiae
privilegus privabitur, et de regentium numéro expugnetur (i).
On faisait sans doute souvent un grand abus des nouveaux re-
' mèdes révélés par la pratique de la chimie ; le chevalier Digby (2),
Rattray (3), médecin de Glasgow, et plusieurs autres charlatans,
débitant aux crédules leur poudre de sympathie, — d'où vient
peut-être la locution vulgaire,y^^er de la poudre aux yeux, — mé-
ritaient la réprobation générale. Mais ici, comme partout, les
coupables savaient se soustraire aux châtiments, qui tombaient
sur des innocents.
Il serait facile d'allonger la liste des médecins qui ont em-
brassé la cause des chimistes aux prises avec les galénistés.
Nous nous contenterons de joindre, d'après Gmelin, aux
noms déjà cités : Dan. Sennert, qui blâme avec raison l'ha-
bitude de faire un mystère de la préparation de certains se-
crets (4); Arn. Kerner, médecin de Leipzig (5); Pierre Borel,
(1) Voy. Guy Patin, Lettres choisies, 1. 1, p. 19-21.
(2) Beceipts in physic and surgery ; Lond., 1663, in-8°. — Nouveaux et rares
uerets, et un discours touchant la guérison des plaies par la poudre de syrri-
jMtAfé,' Anvers, 1678, in-8°. —Le chevalier Digby, deBuckingham, fort renommé
àkeoor de Charles V^ et de Charles II, mourut en 1665, dans un combat contre
lei Tares.
(3) Aditus novus ad occultas sympathiae et antipathies causas inveniendas per
iriDdiHa philosophiœ naturalis, etc.; Glasgow, 1658, in-s**; Tubing., 1660, in-12.
, (4) De chemicorum cum Aristotelicis et Galenicis consensu et dissensu ; VVit-
tOiBb.,' t619,m-4**. — Medicamenta officinalla cum Galenica tum chymica ; Wit-
Inb., 1670, in-fol.
(6) Balsamus Yegetabi!is , das i$t griindlicher Diseurs von einem kœstlichen
vegetabilischen Balsam , etc ; teips., 1618, in-l2. — Ce baume végétal n'est
240 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
connu par un catalogue fort incomplet d'anciens chimistes
et alchimistes {!); R. Arnaud (2); Barlet (3); Starkey, zélé
disciple de Van-Helmont, qui a laissé son nom au savon de téré-
benthine (4) ; And. Gassius (5) , médecin de Zurich, connu pai
le précipité pourpre qui porte son nom ( obtenu en traitant une
dissolution d'or par le sel d'étain); Bertrand, médecin di
Lyon (6); J. Hartmann, lequel occupa, à Marbourg (Hesse), U
premfère chaire publique de chimie qui ait été créée en AUema-
magne (7) ; Reineggius (8) ; Pitcairn, professeur à Edimbourg (9) ;
J. Swammerdam (10) ; H. Oyereamp ("11) ; Mongnot(12), qui admet-
tait une espèce de ferment comme cause de toutes les fièvres ; S.
Régis, professeur à Amsterdam (13) ; R. Vieussens (14), profes-
autre chose qu^un mélange d'aloès, de safran, de myrrhe, de térébenthine, de
baies de genièvre , et de soufre.
(1) Hortus sive armamentarium simplicium*, mineralium, plantanim, etc.;
Castris, 1666; Paris, 1667. — Historiarum et observationum medico-j^yâca-
rum centuriœ IV; Franef., 1652, 1653, in- 12 ; Paris, 1656, 1757.
(2) Introduction à la chymie ou à la yraye physique ; Lyon , 1650 , in-8^.
(3) Cours de physique résolutive ou chimie , représenté par figures pour con-
naître la théotechnie ergocosmique, ou Part de Dieu en Touvrage de ronivers;
Paris, 1657,in-4^
(4) Pyrotechnie asserted and illustrated; Lond., 1658, in-8®. — Natures expli-
catives and Helmont's vindications , etc.; Lond., 1657, in-8**.
(5) De triumviratu intestinali cum suis effervescentiis disputatio ; GroniogM
1668 , in 4^*.
(6) Réflexions nouvelles sur l'acide et Talcali , et de Tusage qu'on en fait pour
la physique et la médecine; Lyon, 1683, in-l2.
(7) Opéra omnia medico-ch>mica,auclaa C. Johrenio; Franef., 1684 et 1690,
in-fol. — Disputationes chymico-medicae ; Marburg, 1611 et 1614, in-4°. —
Praxis chynoiatrica ; Lèipz., 1633, in-4°.
(8) Thésaurus chymicus experimentorum certissimorum , etc., cum praefat.
J. Tankii ; Lips., 1609, in-8°; Franef., 1150, in-12.
(9) Opéra quae prœstent corpora acida vel alcalica in curât, morb., in dissert -
medic; Edimb., 1713, in^'*.
(10) Tractai us physico-anatomico-medicus de respiratione usuque pulmonum;
Leid., 1667 et 1679, in-S**.
(11) Van der naiuw der ferment atien^ etc.; Âmsterd.; 1681, in-4° (en hol-
landais).
(12) De la guérison de la fièvre parle quinquina; Lyon, 1679, in 12.
(13) Cours entier de philosophie; Amsterd., vol. IIÏ, 1691, in-4'*.
(14) De remotis et proximis mixti principiis; Lugd., 1688, 1^4". — Epistolade
sanguinis humani cum sale fixe spûritura acidum suggerente, etc.; Lips., 1698,
in-4''. — De la nature du levain de l'estomac ; Journal de Trévoux, janvier 1710.
— Traité des liqueurs du corps humain; Toulouse^ 1715, in-4®.
TROISIEME EPOQUE. 241
«eur à Montpellier; Pierre Chirac (1); Minot (2) ; H. Barba.-
Tus de Padoue, qui entrevit l'existence de Talbumine dans le sé-
rum du sang(3);01.BoRRiCHius, Tauteur des Conspectus chemico-
mm et De oriuprogressu chemiœ (4) ; E. Harvey (5) ; M. Charas (6) ;
J. Manget (7) ; J. MuRALT, professeur à' Zurich (8) ; C. Axt (9);
B. Valentini , qui préconisait l'usage de la magnésie (10) ;
J. JuNCKEN, médecin à Francfort (11).
Enfin, en 1666, le collège des médecins de Paris fit rapporter,
l'arrêt qui, depuis près de cent ans , défendait l'usage des pré-
parations antimoniales [i2).
Mais, de tous ces médecins-chimistes, ceux qui méritent une
mention toute spéciale sont Thomas Bertholin et Thomas Wil-
us. Le premier, professeur de médecine à Copenhague, attri-
buait le ramollissement des os à des causes chimiques (13) ; il sa-
vait que la viande et les poissons pourris sont phosphorescents
dans l'obscurité (14); il rapporte le cas d'un gaz inflammable
qui s'était dégagé de l'estomac d'un cadavre soumis à l'autopsie •; il
vit également sortir ce gaz delà bouche d'un homme qui faisait abus
deboissonsalcooliques(15). Th. Willis, célèbreanatomisteanglais,
insista sur l'analogie de la flamme avec le phénomène chimique
de la respiration; il reconnut que, diins l'un comme dans l'autre
(1) Dissertatio academica, in qua disquiritur aa incubet ferrum rubigiaosum;
Honspel. ; 1692, in- 12.
(2) De la nature et des causes de la fièvre , avec des expérieifces sur le kinki-
*M,etc., 1684, in-8«; 1691, in-12.
(3) De sanguine ejusqne sero; Paris, 1667, in-12; Lugd., 1736, in-8°.
(4) £pistol. ad Bartholinum ; cent. UI, epist. 85.
(5) The family-physician and bouse apothicary ; Lond., 1678, in-S**.
(6) Pharmacopée royale^ galénique et chimique; Paris, 1672, 1676, 1681, in-S**.
(7) Messis medico-spagyrica ; Colon., 1683, in- fol.
(8) Hippocrates Helveticus; Basil., 1690, in-4° ; 1716, in-8*».
(9) De arboribus coniferis et pice conficienda ; accedit epistola de antimonio ;
Jeu., 1679, in-12.
(10) Relatio de magnesia alba, novo, genuino, polychresto et innoxio pharmaco
! purgante , Romae nuper adinvento ab G. G. Tobitz : Giessen, 1705 , in-8°.
[ (11) Chymia experimentalis curiosa, ex principiis mathematicis deraonstrata ;
' Francf., 1681, in-8".
(12) Jouràal des savants, année 1666.
(13)Histor. anatomic. rarior.; cent. VI, hist. 40.
(14) Délace animalium, libri m ; Lugd. Bat., 1647, in.8° ; Hafn., 1669. —Epis-
tol. medic, cent. I, epist. 9, 13, 28, 83.
(15) Ibid., cent. III, n. 56.
HIST. DE L\ CHIMIE. — - T. II, ' 16
242 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
cas, Tair agit surtout par certaines particules qu'il appelle n
treuses; enfin il attribuait à ces molécules aériennes la color
tion rouge du sang dans les poumons, ainsi que celle qu'éprou
le sang, tiré de la veine, à sa surface, mise en contact imna
diat avec Tair (1).
Les eaux minérales, les produits végétaux ou animaux ei
ployés en médecine, devinrent Tobjet d'un grand nombre de r
cherches médico-chimiques.
F. ViCARius, professeur de médecine à Fribourg, écrivit sur 1
eaux minérales (2); G. Wedel (3) et Moutor (4) publièrent d
dissertations sur les eaux thermales naturelles et artificielles.
Nous emprunterons encore à Gmelin la liste suivante des ai
teurs de traités spéciaux sur les eaux minérales naturelles oufa
tices : Duclos (5), Tilemann (6), Goeckel (7), Thile (8), Lister (S
SCHREYER (1 ), StISSER (11), P. GiVRY (12), J. Rai (13), R»
DEZ (14) et G. A TuRRE de Padoue (15).
Deux autres médecins italiens, P. Servius de Spolète, ph
connu sous le nom de Persius Trevus (16), et J. Nardius de Fl<
(1) Affectionum quœ dicuntur hystéries et hypochondriacae pathologia spai
modicâ yindicata ; — de sanguiois accensione ; -^ de motu musculari ; Leyde
1671, m-12.
(2) Hydrophylacium novum, seu discursus de aquis salubribus mineraliba
vere novus ; Ulm , 1699 , in-12.
(3)Diss. delhermis; Jena, 1695, m-4*'.
(4) De ihermis artificialibus septem mineralium planetarum ; Jeua, 1676, in-lî
(5) Observât, super aquis mineralibus diversarum provinciarum GalIisBinAci
demia scientiarum regia iu annis 1670 et 1671 factse. Ejusd. diss. super princ
piis mixtorum naturaliura habita; 1677, Leyde, 1685, in-12.
(6) Delineatio praxeos oryctologicae , seu modus brevis cognoscendorum et pn
bandorum fossiliura, thermarum et acidularum ; Wurab., 1657, in-s**.
(7) Consiliorum et observât, médicinal, décades sex. Augsb., 1683, in-4**.
(8) Acidularum arti(icialium materia, etc.; Wittemberg, 1682, in-4".
(9) Novae exercitationes et descripliones thermarum ac fontium medicatoru
Angliae; York, 1683; Leipz., 1684, in-8".
(10) Triuum fluidum magnum, seu natura aquœ, etc. ; Uamburg, 1690, in 8*
(11) Aquarum Hornhusanamm examen; Helmst., 1689, in-4°.
(12) Arcanum acidularum , etc.; Amsterd,, 1682. in-12.
(13) Observations topographical , moral and physiological, made in a journ
through Germany, Italy and France; Lond., 1673, in-8''.
(14) Sur les eaux minérales artificielles; Lyon, 1690, in-12.
(15) Junonis et Nestis vires in humanœ salutis obsequium traductâe ; diss., q
aeris et aquae natura expenditur; Padoue, 1668, in4'*.
(16) De sero lactis, privatœ quaedam et domesticae exercitationes; Paris, 16»
in-12; Rome, 1616, in-4°.
TROISIÈME ÉPOQUE. 245
rence{l), examinèrent, d'une manière spéciale, la nature du
lait; Heyde etViEussENS tirent des recherches sur le sang (2) ;
SuKE (3) et A. NucK ^A) s'occupèrent de la sécrétion salivaire ;
CflRouET, médecin de Liège, entreprit des recherches sur le cris-
tallin et les humeurs de Toeil (5) ; Ant. de Heyde étudia le pus (6) ;
. enfin F. Hoffmann, Jonston (7), S. Kcenig de Berne (8), N. Pech-
1^, LIN (9) et Smalt (10) publièrent.des observations sur les calculs
urinaires et biliaires/
La lutte que les médecins novateurs soutenaient, depuis près
de deux siècles, contre les médecins de l'ancienne école, touchait
à sa fin. Les médicaments chimiques, qui se distinguent des pré-
parations galéniques et arabes en ce qu'on peut les rendre ex-
trêmement actifs, sous un volume relativement très-petit, com-
mençaient ,-'vers la fin du dix-septième siècle , à être acceptés ,
même des facultés qui s'étaient jusqu'alors montrées les plus
réfractaires et les plus hostiles aux innovations des médecins-
chimistes. Cette réconciliation de l'école ancienne avec l'école
moderne arrêta, en partie, le développement d'un charlatanisme
dangereux; car bien des gens, souvent étrangers à l'art de guérir,
faisaient de nombreuses victimes par la vente inconsidérée d'une
multitude de remèdes secrets, empruntés à la chimie, et qui de-
vaient rajeunir la vieillesse (11), restaurer le sang (12), guérir ra-
dicalement toutes sortes de maladies (13), et produire une foule
d'autres merveilles qu'il serait trop long d'énumérer (14).
(1) Lactis physica analysis ; Florence, 1644, 10-4°.
(2) De saDguinis humani, nec non de bilis usu ; Leipz., 1698, m-i°.
(3) Philosophica) Transact., an. 1682.
(4) 0e ductu salivali novo, saliva, etc.; Léyde, 1685, m-12. — Sialogra-
phia, etc., 1695, 1723, in-8°. (t'est le même ouvrage que le précédent.)
(5] Diss. de trium oculi humorum aliarumque ejus partium origine et forma-
tidoe explicata ; Lyon, 1688, in- 8^.
\ (6) Observât, medic; Amsterd., 1684, 1686, in-8^
(7) Philosopli. Transact., n^ 101.
(8) AïOoyeveaiaç humanae spécimen, etc.; Bern., 1689, in-12; Vienne, 1686.
Philosoph. Transact., 1681, n. m et 181.
(9) Obserrat. pbysico-medic; Hamburg, 1691, in-4°.
(10) Voy. Blancaard, CoHectan. medico-physic; Dec. m, cent. VII, obs. 21.
(ll)Dalicourt; Paris, 1668,in-12.
(12) Pemauer; Ratisb., 1679, in-4^
(13) Hemeri de Bordeaux ; Paris, 1713, 1737, 1741, in.l2.
(14j Voy. Gmelin, Gesch. derChemie, 1. 1, p. 568-601 ; p. 660-677; t. II, p. 230
276. On y trouve la liste complète des vendeurs de remèdes secrets et des méde-
cins cbimistes du xvii" siècle.
16.
244 HISTOIRE DE tA CHIMIE.
§ 13.
État de la pbarmaeie a« dix-septième siècle*
Le nombre considérable de règlements , d'ordonnances, d
projets de réforme, etc., conceç'nant la pharmacie, nous port
à croire qu'on attachait alors une extrême importance
l'exercice régulier et consciencieux d'un art intermédiaire eqtr
la chimie et la médecine. Ce qui manquait au corps des pharm.
ciens,quise mettaient humblement à la suite de médecins igno —
rantset orgueilleux, c'était un peu plus d'union et surtout plus
de dignité. Chaque pays, chaque province, chaque canton, qiJLe
dirai-je? chaque ville avait, pour ainsi dire, ses règlements phar*-
maceutiques.
Les ducs de Saxe réglèrent, en 1607, par voie d'ordonnance,
l'exercice de la pharmacie dans leurs États* Les villes de Fni-
bourg et de Schweinfurt arrêtèrent, d'après le rapport de J. Cor-
narius, un tarif pour le débit des drogues. Cet exemple fut suivi
par beaucoup d'autres villes, telles que Hambourg, Bâle, Stras-
bourg, Rostock, Worms, Helmstàdt, Lemberg, Spire, etc. l-e
prince électeur fit en 1606, pour la. ville de Mayence, d^s règle-
ments qui devaient réformer la pharmacie, et soumettre à quel-
ques restrictions les médecins , les chirurgiens , les barbiers, el
tous ceux qui se livraient à la pratique de la médecine.
Il y avait des comités de médecins institués pour inspecter
l'exercice de la pharmacie, et surveiller la préparation des mé-
dicaments. J. Guillaume Jjublia à ce sujet : Règlement entre les
médecins et les apothicaires pour la visite des drogues^ et B^rnier
fit paraître son Plaidoyer pour les apothicaires de Dijon {{), Thomas
Bartholin édita le livrede Licelti Benanci Sur les fraudes desphar-
maciens (2) ; il y ajouta un tableau tarifé des médicaments les
plus usités (3), et deux programmes sur la nécessité de visiter les
pharmacies (4).
Georges Bussius, médecin duducdeHolslein-Gottorp,tentades
(1) Dijon, 1605, in-4°.
(2) Declaratio frauduni .quœ apud pharmacopœos committimtur ; Francf.,
1667 et 1671, in-8^ ]
(3) Cataloguset taxa medicamentorum officinalium ; Copenh., 1672, in-4°. î
(4) De visitatione pharmacopœarum ; Copeuh., 1672 et 1673, in-4^. 1
TROISIEME EPOQUE. 245
efforts louables pour concilier la pharmacologie avec les progrès
de la chimie. Il appela l'attention des pharmaciens sur l'utilisa-
tion du résidu de beaucoup de distillations, résidu qui,' sous le
nom decapiU mortuum,éiSi\i souvent rejeté comme inutile. C'est
encore Bussius qui fit inscrire au nombre des médicaments le ré-
sidu qui se trouve au fond de la cornue après la préparation de
l'eau-forte, au moyen du nitre et de l'huile de vitriol. Ce capvt
mortuvm, qui n'est autre chose que du sulfate de potasse, était
alors débitésouslenom de double arcane {arcanum duplicatum),
ou de panacée de Hols tei n (pa^ac^a Holsatia) (1).
Des comités composés de chimistes, de pharmaciens et de mé-
decinsy rédigèrent les codes pharmaceutiques ou les pharmaco-
pées qui devaient faire loi pour la prescription des médi-
caments. C'est ainsi qu'on vit paraître successivement : à Anvers,
Pharmacopœa Antwerpiensis, en 166i ; à Londres, Pharmncopœa
ùmdinensis, en 1662; àUtrecht, Pharmacopœa Vltrajeclina, en
1664; à Amsierd^inj Pharmacopœa Amstelodamensis, en 1668; à
Bologne, Ântidotarium Bononiense, en 1674; à Genève, Pharma-
eopcea regia Galenicaet chimica, 1684 ; à Barcelone, Pharmacopcea
Cataiana^ en 1686; à Stockholm, Pharmacopœa HolmiensiSy en*
1686 ; à Leowarden, Pharmacopœa ad mentem neoiericorum ador-
nota, en 1688.
Le fait de Vaugmentation du poids des métaux par la calcina-
iion avait été, ainsi que nous l'avons fait voir plus haut, à diffé-
rentes reprises (2) , signalé déjà antérieurement au dix-septième
siècle; mais aucun'observateur n'en avait fait, avant JeanRey,
le sujet d'un travail spécial.
«lean Rey.
Ce médecin-chimiste naquit, vers la fin du seizième siècle, à
fiugues, dans le Périgord ; on ignore l'année de sa naissance. Les
rares moments de loisir que lui laissait l'exercice de sa profession,
(l)Schettiaiiimer^ Diss. de n'Uro; Amsterd., 1709 «in-S^.
(2) Geber, Eck de Sulzbach , Césalpin, Cardan , Ubavius, en avaient déjà parlé.
246 HISTOpiE DE LA CHIMIE.
consacrait à l'étude de la physique et de la chimie, et à l'entretien
d'une correspondance active avec un des plus célèbres physi-
ciens de son temps, le P. Mersenne. Mais plus tard, le dérange-
ment de ses affaires domestiques le détourna de ses occupations
scientifiques, et contribua probablement à abréger sa vie.
Quinze ans avant sa mort, arrivée en 1645, il avait publié le
résultat de ses expériences sur l'augmentation du poids des •
métaux, sous le titre de : Essays sur la recherche de la cause pour
laquelle Vestain et le plomb augmentent de poids quand on les eat-
(?me;Bazas, 1630, in-8®, 142 pages. Gobet en donna, en 1777, une
nouvelle édition (1) qui n'est que la léimpression de la pre-
mière, devenue très-rare.
Ce qui donna lieu à ces Essays, ce fut la lettre d'un pharma-
cien de Bergerac, nommé Brun, dans laquelle celui-ci racon-
tait à J. Rey que, voulant un jour calciner deux livres six onces
d'étain, il fut surpris d'en retrouver, après l'opération, deux li-
vres treize onces : il ne pouvait, disait-il, s'imaginer d'où étaient
venues les sept onces de plus. Brun avait répété la même expé-
rience avec le plomb ; mais, au lieu d'une augmentation, il avait
trouvé sur six livres un déchet de six onces (2).
« A la prière doncques de Brun, j'y ay employé quelques heu-
res; et, estimant avoir frappé le but, j'en produis ces miens
essays. Non sans prévoir très-bien que j'encourray d'abord le
rapport de téméraire , puisqu'en iceux je choque quelques
maximes approuvées depuis longs siècles par la plupart des phi-
losophes. »
J. Rey se crée ici, du moins en ce qui concerne l'augmentation
du poids des métaux, des adversaires imaginaires; caries plus cé-
lèbres chimistes avaient déjà, avant lui, admis en principe celte
augmentation de poids que les métaux acquièrent pendant la cal-
cination. Au reste, il reconnaît lui-même que Cardan, Scaliger
et Césalpin, « qui étoient de grands philosophes, disoient estre
digne d'admiration que le plomb noir se calcinant augmente en
poids de huit à dix livres pour cent (3). »
(1) Nouvelle édition, revue sur l'exemplaire original, et augmentée sur les ma-
nuscrits de la Bibliothèque du roi et des Minimes de Paris, avec des notes ; Paris,
in8^ 1777.
(2) Ce résultat s'explique, quand on se rappelle que Foxyde dé plomb se vitrifie
avec la silice du creuset , et se perd dans la substance du vase où il pénètre.
(3) Essais, édit. Gobet, p. 104. — Rey n'ignorait pas non plus l'expérience de
F
TROISIÈME ÉPOQUE. 247
La mérite de J. Rey est d'avoir essayé le premier de générali-
ser ce fait et d'en avoir donné une explication aussi exacte que
rationnelle.
« Response formelle à la demande, pourquoy Vestain et le
plomb augmentent de poids quand on les calcine.
« A cette demande doncques, appuyé sur les fondements jà
posez, je responds et soustiens glorieusement que ce surcroît de
poids vient ^de Pair, qui dans le* vase a esté espessi, appesanti,
et rendu aucunement adhésif par la véhémente et longuement
continue chaleur du fourneau ; lequel air se mesie avec la
chaux et s'attache à ses plus menues parties (1). »
Le principe sur lequel l'auteur fonde son explication est la pe-
santeur de l'air, qu'il essaye de démontrer d'une façon neuve et
vraiment scientifique.
« Balançant l'air dans l'air mesme^ et ne luy trouvant point
de pesanteur, ils ont creu qu'il n'en avoit point; Mais qu'ils ba-
lancent l'eau (qu'ils croyent pesante ) dans l'eau mesme, ils ne luy
en trouveront non plus : estant très-vé ri table que nul élément
pesé dans soi-mesme. Tout ce qui pesé dans l'air, tout ce qui
pesé dans l'eau, doibt soubsesgal volume contenir plus de poids
(pour le plus de matière) que ou l'air ou l'eau, dans lesquels le
balancement se pratique (2).
« Remplissez d'air à grande force un ballon avec un soufflet,
vous trouverez plus de poids à ce ballon plein qu'à lui-mesme
estant vide (3). »
Le P. Mersenne prenait un vif intérêt à ces expériences sur la
pesanteur de l'air : elles touchaient des questions dont il s'était
lui-même beaucoup occupé. Une de ses lettres, adressée (Paris,
Je 1*' septembre 1631 ) à Jean Rey, contient des idées fort re-
Poppius sur l'antimoine : Basilica antimonii , comprobata et conscripia ah
Hamero Poppio Thallino philochymico (dans la Praxis ckymiatrica de Hart-
mann), 1625 et 1635. Voici la description de cette expérience :
Cap III. — De calcinatîone antimonii per radios solares. SU ad manus
spéculum incensorium sive lenticulare , ut objecta combustibilia iuflamraet ; id
soli opponatur , ita ut pyramidalin luminosœ apex ante antimonii pulverisati et
juxta in marmore in modum metae yel coni in acumen fastigiati summitatem fe-
riat ; — licet copiosus fiimus multum de antiraonio dissipari arguât , tamen an-
timonii pondus post calcinationem auctum potius quam diminutum deprehenditur.
(1) Essais, etc. (éd. Gobet), p. 66.
(2) Essais, etc. (éd. Gobet), p. 30.
(3) Ibid., p. 35.
248 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE. *
marquables sur l'attraction universelle, et qui parfiissent en quel-
que sorte avoir préludé aux découvertes de Newton.
« Il n'y a, dit-il, rien de pesant absolument parlant. Nous ne
sçavons pas encore, ni ne sçaurons jamais, si les pierres et les
autres corps vont vers le centre par leur pesanteur, ou s'ils sont
attirés par la terre comme par un aimant. — D'ailleurs , je n^
doute nullement que les pierres qu'un homme jetteroit en haut:
estant sur la lune, ne retombassent sur ladite lune, bien qu'il eût:
la teste de notre costé, car elles retombent à terre, parce qu'elles
en sont plus proche que des autres substances, d
Poursuivant toujours ses recherches sur la pesanteur de l'air,
J. Rey communique à son jsavant correspondant les détails de
l'expérience suivante, qui lui semble, à juste titre, décisive :
u Vous pesez une phiole de verre estant froide ; vous la chauf-
fez peu après sur un rechaud, et la pesant vous trouvez qu'elle
pesé moins parce qu'il en est sorti del'air; etafîn de trouver quelle
quantité, vous mettez son tuyau Restant toute chaude ) dans Teau,
qu'elle suce, jusqu'à ce qu'il en soit autant rentré comme il en
estoit sorti d'air, ce qui vous a monstre que l'eau est plus pe-
sante 255 fois que l'air. Je suis assuré que toutes les fois que
vous ferez cette expérience, vous y trouverez de la diversité, et
partant demeurerez toujours dans le doute. Car, tantost vous
chaufferez plusvostre phiole, tantost moins; tantost vous met-
trez promptement son tuyau dans l'eau, et tanstost vous y ap-
porterez plus de longueur (1).^».
En somme, la thèse soutenue par J. Rey est celle-ci : L*air est
un corps pesant, et, comme tel, il peut céder à Vélain et au plomb
des molécules pesantes, qui, par leur addition, augmentent néces-
sairement le poids primitif de ces métaux.
Cette proposition, nettement posée par l'auteur, demandait une
démonstration.
A propos de la fixation des molécules aériennes, J. Rey re-
marque que, passé un certain terme, le métal n'augmente plus
de poids, et qu'il se maintient dans un état constant :
(( L'air espaissi s'attache à la chaux ( métallique) (2), et va ad-
(1) Lettre de J. Rey au P. Mersenne, en date du 1" avril 1632. {Essais,' éM.
Gobet), p. 167. — Comparez celte expérience avec celle de Drebbel , rapportée
p. 133 de ce volume.,
(2) L'auteur ne paraît pas avoir eu Tidée que la chaux (oxyde métallique ) n'est
elle-même qu'un composé chimique de métal et de particules aériennes.
TROISIEME ÉPOQUE. 249
i •
i hérant peu à peu jusqu'aux plus minces de ses parties; ainsi son
r poids augmente du commencement jusqu'à la un. Mais quand
[ tout en est affublé, elle n*çn sçauroit prendre davantage. Ne con-
! tiouez plus Tostre calcination soubs cet espoir ; vous» perdriez
votre pefne (1). »
Ne pourrait-on pas voir dans ces paroles un indice de la loi de
la combinaison des corps en proportions définies ?
Une chose qui faille plus grand honneur à la sagacité de J. Rey,
c'est qu'il inventa lui-même un thermomètre, sans prétendre
s'approprier les travaux des physiciens qui s'étaient occupés du
• même sujet (2).
Voici ce que l'auteur écrit au P. Mersenne , le premier de
l'an 1632 :
«Il y a diversité de thermoscopes ou thermomètres, à ce que je
Yoys : ce que vous en dites ne peut convenir au mien, qui n'est
plus rien qu'une petite phiode ronde, ayant le col fort long et
desiié. Pour m'en servir, je la mets au soleil, et parfois à la main
I d'un fébricitant, l'ayant toute remplie d'eau, fors le col ; la cha-
leur dilatant l'eau fait qu'elle monte ; le plus ou le moins m'in-
dique la chaleur grande ou petite (3). »
Quelque imparfait que soit cet instrument, il faut avouer que
personne n'en avait encore donné une description aussi simple
. que précise.
Nous ignorons si J. Rey s'était formé d'après les principes
de Montaigne et de Fr. Bacon (4) ; toujours est-il qu'il se fit re-
marquer par une grande indépendance d'esprit, et par un emploi
judicieux de la méthode expérimentale. « J'advoue franchement,
dit-il, n'avoir juré aux paroles d'aucun des philosophes : si la vé-
rité est chez eux, je l'y reçois ; sinon, je la cherche ailleurs (5). »
Il faudra rattacher aux Essais de J. Rey les observations des
chimistes, qui se rapportent à l'existence des fluides élastiques»
C'était là le prélude d'une ère nouvelle pour la science.
(1) Essais, p. 101.
(2) Voy. p. 153 de ce i^olurae.
(3) Essais, p. 136.
(4) Descartes n'avait que trente-quatre ans à Pépoque de la publication des
Essais de J. Rey, en 1630.
(5) Essais, p. 45.
250 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
CHIMIE DES GAZ.
L'origine de la chimie des gaz, ou, comme on l'appelait du
temps deLavoisier, la chimie pneumatique^ date des travaux de
Van-Helmont et de Boyle. Nous n'avons donc qu'à renvoyer le lec-
teur à l'analyse que nous avons faite des ouvrages de ces deux
hommes de génie , qui ont, en quelque sorte, jeté les fonde-
ments de la chimie moderne (1).
Les observations les plus fécondes en résultats avaient pour
objet l'air, le nitre, la respiration, la combustion, la fermenta-
tion, les eaux minérales gazeuses et les airs irrespirables. Ce riche
terrain avait été fort peu cultivé par les chimistes des siècles
précédents.
Ch. Wren poursuivit les recherches de R. Boyle sur la fer-
mentation. Pour recueillir le fluide élastique (gaz acide carbo-
nique ) qui se dégage d'une matière en fermentation, il se servait
d'une vessie adaptée au goulot du ballon renfermant le mélange
fermentescible. Il remarqua que ce fluide, semblable à l'air (»w
ihe form of air) , peut être absorbé par l'eau. Cette expérience
fut faite en i664 (2).
Dans la même année, HooKfîtdes experiencesanalogues.il em-
ploya unmatras à deux ouvertures, auxquelles s'adaptaient deux
tubes; il y introduisit des coquilles d'huîtres (chaux carbonatée) et
de Peau-forte. Le fluide élastique (gaz acide carbonique), qui ^^
dégageait au contact dç ces deux matières, fut recueilli dans un^
vessie. L'opérateur n'examina point le fluide contenu dans 1^
vessie. Cette expérience eut lieu en présence de la Société roya I ^
de Londres, qui venait d'être fondée.
HuYGENS, mettant unmélange d'eau-forte et d'esprit-de-vin dai:^^^
le vide pneumatique, constata, à l'aide d'un tube barométriqo— "^
(1) Voy. p. 135-142 , et 154-158 de ce volume.
(2) Air generated de novo, dans les Philosoph. Transact., vol. I, n. 12
Ihid., année (1675). vol. X, n. 119.
TROISIÈME ÉPOQUE. 25#
fixé au récipient de la machine, le dégagement d'un fluide élas-
tique, comme Pavait déjà fait Boyle dans ses expériences sur les
matières fermentescibles (1).
MoRAY, PÔTE , BiRCH (2) et Hagedorn (3) citeut plusieurs exem-
ples d'accidents produits par des airs irrespirables. Frédéric
Hoffmann avait déjà signalé le danger de respirer la fumée de
charbon, sans en donner la raison véritable (4).
Jessop informa (vers 1674) la Société royale de Londres d'un
accident qui venait d'arriver à un ouvrier nommé Michel, dansune
houillère du Yorkshire. Cet ouvrier était descendu dans la mine
avec un flambeau à la main, lorsqu'en s'avançant dans les galeries,
il fut subitement environné d'une immense flamme qui lui brûla
les vêtements, la figure, les cheveux et les mains. Ayant été retiré
de là, il déclara n'avoir entendu aucun bruit, tandis que les ou-
vriers qui travaillaient dans le voisinage avaient été terrifiés par
une explosion épouvantable, accompagnée d'un tremblement
du sol. Le même accident arriva quelque temps après à deux
autres ouvriers (5).
Lister, Moslyn , Browne , Hodgson , Shirley rapportent des
observation^ semblables, qui se trouvent consignées dans les
Mémoires de la Société royale de Londres (6). Ant. Portius écri-
vit sur rirrespirabilité de l'air de la grotte du Chien, près de
Naples (7); Sam. Ledel (8), Boccone (9), la Morendière (10),
Pozzi (11) et Beaumont (12) racontent de nombreux cas d'as-
phyxie, occasionnés par des gaz irrespirables.
(1) Voy. p. 153 de ce volume.
(2) Philosoph. Transact.j.vol. I (années 1665 et 1666).
(3) Obseri^ationum et historiarum medico-practicarum variarum centurise très ;
Rudolstadt, 1698, in-8°.
(4) Opusc. théologie, physico-med. diaet., 1719, t. V.
(5) Philos. Transact., vol. X, n. 119.
(6) Philos. Trausact., vol. X, n. 119; vol. XII, n. 136/ vol. IV, n. 48; vol. XI,
n. 180; vol. II, n. 26.
(7) Dissertationes variœ; Venise, 1683, n. 2.
(8) Ephemerid. natur. curios., dec. II, ann. 3, obs. 155.
(9) Osservazioni naturali ove si contengono materie medico-fisiche, etc. ; Bo-
logne, 1684, in-12.
(10) Nie. deBlegny, Opasc. medic. varia, etc.; Leipz., 1690, in-8*.
(11) Medicin. pars prior theoretic; Leyde, 1681, in- 8°.
(12) Hooke . Philosophical collections, 1679, in-4°, n. 1.
252 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
■ § 15.
«I. Hlayow.
Frappé de tous ces phénomènes en apparence inexplicables,
qui se passent dans le monde des fluides élastiques, J. M atow se
livra à une série d'expériences et de travaux. qui devaient puis-
samment contribuera hâter le développement de la chimie des
gaz.
Ce chimiste naquit en 1645 dans le comté de Gornouailles ; il
obtint le grade de docteur en médecine à l'université d'Oxford,
et mourut en 1679. Sa vie fut celle d'un homme modeste, cul-
tivant les sciences avec un esprit indépendant et avec une supé-
riorité incontestable.
Voilà à peu près tout ce que nous savons de la carrière courte
et si bien remplie de Jean Mayow.
Cent ans avant les immortels travaux de Lavoisier, de Scheele
et de Priestley, Jean Mayow avait publié en Angleterre un vo-
lume intitulé :
Tractatus quinque medico-physici , quorum primvs agit de sale
niiro et spiritu nitro-aereo ; sectindus de respiratione, etc., studio
Joh. Mayow. Oxoniî, 1674, în-8.
Nous allons essayer de reproduire et de rendre aussi fidèle-
ment qiie possible les idées et les expériences contenues dans ce
livre, sans contredit l'un des plus remarquables du dix-septième
siècle.
Du sel de nitre et de l'esprit nitro-aérien.
m
« Il est manifeste, d'après ce qui suit, que l'air qui nous envi-
ronne de toutes parts, et dont la ténuité échappe à notre vue en
simulant un immense espace vide, est imprégné d'un certain sel
universel (1), participant de la nature du nitre, c'est-à-dire d'un
(1) Comme la nomenclatore chimique ne fut inventée que plus de cent an»
après Mayow , nous rappellerons qu'il ne faudra pas prendre le nom de sel, ainsi que
beaucoup d'autres termes , strictement dans le même sens que nous y attachons
aiqourdliui. Le nom de sel avait autrefois une acception beaucoup plus large i
un acide même était appelé sel; le nom de sel était à peu près Téquivalent de
celui de hubstance chimique.
TROISIEME EPOQUE. 253
esprit vital ou d'un esprit de feu ( spiritus vitaliSy igneus) éminem-
ment propre à la fermentation (i).
« Un mot d'abord sur la composition du nitre. Le nitre se
compose d'un acide et d'un alcali.
« C'est ce que démontre l'analyse, et ce que confirme la géné-
ration même du nitre. Il est certain que l'air intervient dans la
formation du nitre ; mais la terre intervient aussi de son côté ;
c'est elle qui fournit probablement le sel fixe (alcali), tandis
que la partie volatile est fournie par l'air. Et il est vraisemblable
que les cendres et la chaux brûlée ne rendent la terre fertile que
parce que ces substances fournissent un élément propre à la for-
mation du nitre. »
De r élément aérien de l'esprit de nitre.
« 11 est d'observation que les sels fixes et les sels volatiles, et
même les vitriols, ayant été calcinés jusqu'à expulsion totale
de leurs esprits acides, absorbent, par une longue exposition à
l'air, une certaine acidité (acidiiatem quamdam contrahunt). De
plus, laliraaille defer, exposée à l'air humide, est corrodée comme
si elle était attaquée par des acides, et se convertit en safran de
mars apéritif. Il semble donc qu'il existe dans l'air un certain
esprit acide et nitreux ( spiritum quemdam acidum nitrosumque in
aereresidere). «
« Cependant, en examinant la chose plus attentivement, on
trouve que l'esprit acide de nitre est trop pesant proportionnelle-
ment à l'air dont il se compose; et puis, l'esprit nitro-aérien
{spiritus nitro-aerus ), quel qu'il soit, sert d'aliment au feu et en-
tretient la respiration des animaux, comme nous le démontrerons
plus bas ; tandis que l'esprit acide de nitre {spiritus nitri acidus)
est éminemment corrosif, et, loin d'entretenir la vie et la flamme,
il n'est propre qu'à les éteindre.
« Bien que l'esprit de nitre ne provienne pas en totaKté de
l'air, il faut cependant admettre qu'une partie en tire son origine.
« D'abord, on m'accordera qu'il existe, quel que soit ce corps,
quelque chose d'aérien, nécessaire à l'alimentation de la flamme
[concedendum arbitrer nmnihil, quicquid sii, aereum, adftammam
quamcumque conflandam necessarium ). Car l'expérience dé-
(1) Ce même corps fut appelé plus tard air de feu (Scheele), ou air vital.
254 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
montre qu'une flamme exactement emprisonnée sous une cloche
ne tarde pas à s'éteindre, non pas, comme on le croit communé-
ment, par l'action de la suie-qui $e produit, mais par a privation
d'un aliment aérien » {pabulo aereo destitutam interire). Dans un
verre où Ton a fait le vide, il est impossible de faire brûler, à
l'aide d'une lentille, les substances même les plus combustibles,
telles que le soufre et le charbon.
« Mais il ne faut pas s'imaginer que l'aliment igno-aérien soit
tout l'air lui-même; non : il n'en constitue qu'une partie, mais
la partie la plus active (1).
« Il faut ensuite, continue l'auteur, admettre que les particules
igno-aériennes, nécessaires à l'entretien de laflamme, se trouvent
également engagées dans le sel de nitre, et qu'elles en consti-
tuent la partie la plus active, celle qui alimente le feu. Car xzin
mélange de nitre et de soufre peut être très-bien enflammé so^s
une cloche vide d'air, par conséquent d'où l'on a extrait cette
partie de l'air qui sert à alimenter la flamme. Et ce sont alors
les particules igno-aériennes du nitre qui font brûlei* le soufra.»
Ici suivent les expériences destinées à justifier cette opinio»n.
« Donc, conclut judicieusement l'auteur, le nitre renferme en
lui-même ces particules igno-aériennes nécessaires à l'alimen-
tation de la flamme. Dans la déflagration du nitre, les particules
igno-aériennes deviennent libres par l'action du feu, qu'elles ali-
mentent puissamment (2). »
Comme il s'agissait non-seulement d'établir des faits nouveaux,
mais encore de détruire des erreurs alors généralement accré-
ditées, Mayow entre ici dans une série d'expériences et de rai-
sonnements qu'il serait inutile de reproduire.
De la nature de l'esprit nitro ou igno-aérien,
(( Que deviennent, demande l'auteur, pendant la combustio ^^
les particules igno-aériennes ? Nous n'en savons rien , sino ^^^^-^
qu'elles se convertissent en un autre air pernicieux.
« Dans la combustion produite par l'action des rayons solaire
(1) At non est existimandum pabulum igno-aereum ipsum aeremesse
sed iantum ejus partem magis aciivam,
(2) On voit que ces particules igno-aériennes, que Mayow appelle ailleorï
esprit igno-aérien ou esprit nitro-aérien , se rapprochent singulièrement de
qui l'ut plus tard appelé oxygène.
-sS
à
TROISIÈME ÉPOQUE. 255
(à Taide d'une lentille), ce sont les particules igno-aériennes
qui interviennent exclusivement. Car Tantimoine calciné à Taide
d'une lentille se convertit en antimoine diaphorétique, entière-
ment semblable à celui qu'on obtient en traitant Tantimoine par
l'esprit acide du nitre. L'antimoine, ainsi traité par l'une ou par
l'autre méthode, augmente de poids d'une manière à peu près
constante. Et il est à peine concevable que cette augmentation de
poids puisse provenir d'autre chose que des particules igno-
aériennes, fixées pendant la calcination{i). »
Mayow s'attache ensuite à démontrer, avec la lucidité et la
justesse d'observation qui le caractérisent, que ce n'est pas le
soufre qui transforme ici l'antimoine en antimoine diaphoré-
tique.
H est bon de rappeler qu'il fallait alors lutter contre une mul-
titudede préjugés invétérés. Ainsi, on croyait encore généralement
que tous les métaux se composent de soufre et de mercure, et
on admettait sans peine des théories alchimiques qui presque
toutes remontent au-delà dumoyenâge, aux troisième, quatrième
et cinquième siècles de l'ère chrétienne, c'est-à-dire à l'époque
de l'école néoplatonicienne de Plotin, de Porphyre et de Jambli-
que, comme nous croyons l'avoir le premier démontré par l'a-
■ nalyse des manuscrits grecs de Zosime, d'Olympiodore,
de Démocrite le jeune, et de beaucoup d'autres philosophes,
chimistes, appartenant à cette grande époque du christianisme
naissant, en lutte avec la philosophie païenne :
De Vorigine des acides.
Voici ce que Mayow nous apprend sur les acides :
« Tout le monde sait qu'on obtient par la calcination des vi-
triols l'esprit acide du soufre. Or, comme il n'est pas probable que
le soufre contienne originairement en lui-môme le principe qui
le rend acide, et qu'il est d'ailleurs certain que cet acide peut se
produire pendant la déflagration du soufre, nous pouvons raison-
nablement admettre que, dans cette déflagration, les particules
du soufre et les particules igno-aériennes sont agitées par un
mouvement rapide, qu'elles s'entre-choquent et s'aiguisent réci-
(1) Quippe vix concipl potest unde augmentum illud antimonii nisi a parti-
colis nitro-aereis igneisque ei inter calcinandum infixis procédât.
256 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
proquement, de manière à donner naissance à un corps nouveau,
à une liqueur acide qui n'est autre chose que l'esprit acide du
soufre en question.
« Lorsqu'on fait brûler du soufre, les particules igno-aériennes
entrent dans une lutte semblable; leur action est la môme. Ce
qu'il y a à remarquer, c'est que la flamme bleue du soufre est
beaucoup moins énergique que toute autre flamme ; aussi y peat-
on tenir impunément le doigt pendant quelque temps. ^ No-
tons , en passant, que les esprits acides qu'on retire de la dis*
tillation du sucre et du miel sont probablement aussi formés
par l'action de l'esprit nitro-aérien.
« En chauffant de l'esprit de nitre avec du soufre concassé,
on obtient un acide tout-à-fait semblable à celui qu'on obtient par
la distillation du vitriol. Dans cette opération, le soufre s'empare
des mômes particules nitro-aériennes qui se trouvent et dans l'es-
prit de nitre et dans l'air ; car, lorsque la mine salino-sufurçuse
{gleba salino-sulphurea) (1), ou la marcassite, de laquelle on
relire le soufre commun, se trouve exposée à l'influence de l'air
et de la pluie, elle se convertit en vitriol. Pourquoi ?Parc^ que les
particules nitro-aériennes qui existent naturellement dans Tair
entrent en fermentation avec les particules du soufre, qui se
change en acide.
« Ce n'est pas tout : la rouille de fer, combinée dans le vitriol,
prend elle-même naissance sous l'influence des particules nitro-
aériennes de l'air ; car l'acide qui se produit corrode le fer, et
le transforme en rouille avec laquelle il se combine, et il se passe
alors la môme chose que lorsqu'on traite le fer par un acide.»
De Vinjluence de Vesprit nitro-aérien sur la fermentation.
Mayow fait jouer aux particules nitro-aériennes un rôle im-
portant, nou-seulement dans la fermentation du moût de vin et
de la bière, mais encore dans la transformation de ces liqueurs
en vinaigre. Corruption et fermentation sont pour lui sy
nonymes. « Toutes les choses faciles à se gâter peuvent, àta^
bri du contact de l'air, se conserver et être garanties de la cor-
ruption (2). C'est pourquoi des fruits et des viandes couverts
(1) Sulfure de fer.
(2) ninc en qux spîritum nitro-aereum excludunt, res a corrupdone virt^
dicant.
TROISIEME EPOQUE. 257
le beurre sont préservés de la putréfaction, de même que le fer
!Dduit d'huile est préservé de la rouille. »
Mayow consacre ensuite un chapitre entier à démontrer que
'élasticité de l'air est due à la présence des particules nitro-
lériennes. Les expériences et les raisonnements qu'il emploie
i l'appui de son opinion méritent d'être signalés.
« Les expériences de Boyle, ditTauteur, ont mis hors de
doute que Tair est élastique ; maison ignore encore l'origine
de cette propriété. Je vais maintenant dire ce que je sais sur
ce sujet. D'abord on m'accordera que l'air contient certaines
particules que j'ai appelées ailleurs particules nitro ou igno-aé"
nemes; qu'ensuite ces particules sont nécessaires à la combus-
tion, et qu'enfin l'air privé de ces particules est impropre à en-
tretenir la flamme.
Voici comment l'auteur procède pour démontrer que l'élasti*
cité del'dir estdue à la présence de ces particules nitro-aériennes.
0 Personne n'ignore, dit-il, que quand on met une bougie
50US une petite cloche renversée, et qu'on place ce petit appa-
reil sur la surface de la peau , la flamme ne tarde pas à s'éteindre.
L'espace circonscrit par la petite cloche est presque vide; car
la peau est refoulée dans l'intérieur de cette cloche par la
pression de l'air ambiant {ob aeris ambientis pressurant). On
tne dira peut-être que c^t effet est dû à l'agitation rapide et à la
condensation des particules ignées, etc.; mais cette explication
Qeme satisfait nullement, car il est plutôt probable que l'air ou une
portion de l'air se combine intimement avec la flamme à laquelle
il sert d'aliment^ de telle façon qu'il n'existe pas une parcelle
de la flamme, si petite qu'elle soit, qui ne renferme quelque
chose d'aérien, enlevé à l'air (1). C'est donc à la présence des
particules nitro-aériennes qu'il faut attribuer l'élasticité de-l'air.
«L'expérience suivante, continue l'auteur, me fera mieux
comprendre. Lorsqu'on allume une bougie s'élevanl à six travers
de doigt au-dessus de l'eau, et qu'on l'emprisonne sous une
cloche de verre renversée, on remarque que l'eau qui se trouve
sous la cloche est d'abord au niveau de l'eau environnante. Mais
i mesure que la bougie brûle vous verrez l'eau s'élever graduel-
lement dans l'intérieur de la cloche (ag'ttam in cucurbitx cavita-
{i) Eienim probabile est aerem flammx confestim immisceriy utpotecui in
^^lum cedii; ita ut ne minima quidem flammx pars sit in qua aeris aU-
V^fiUMlvLm non exista,
BIftT. DE LA CHIMIE. — T. II. 17
258 UISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
tem, cum adhuc lucernadeflagrat^ gradathnassurgentempercipies).
La bougie en brûlant s'est donc emparée des particules nitro-
aériennes et élastiques, de manière que Tair est devenu inca-
pable de résister, comme auparavant, à la pression de Tatmos-
phère (1). »
Mayow répéta la même expérience avec d'autres matières
combustibles, telles que le camphre, le soufre, etc., qu'il enflam-
mait au moyen d'une lentille. Il remarqua qu'après l'extinction
de la flamme il lui était impossible de rallumer ces substances
dans l'air qui restait.
« Et qu'on ne s'imagine pas, s'écrie l'auteur, que ce fût parce
que le noir de fumée déposé sur les parois du verre s'opposait,
à la transmission des rayons concentrés par la lentille ; car j'avais
eu la précaution de coller dans un point de l'intérieur du verre?
un morceau de papier que j'enlevais, au moyen d'un fil, aumo-^
ment de l'expérience ; c'est par ce point, pur de tout noir de fu-
mée , que je faisais arriver le rayon ardent.
« L'expérience suivante confirmera l'hypothèse que l'air qui a
servi à la respiration d'un animal a moins de force élastique,
parce qu'il se trouve privé des particules nitro-aériennes. »
Cette expérience consistait à faire respirer une souris dans un
vase recouvert d'une membrane mouillée. Celle-ci se trouvait, au
bout de quelques moments, refoulée vers l'intérieur du vase,
comme si l'on y avait allumé une bougie ( haud secus ac si cucur-
bitula cumjlamma et inclusa applicata fuerit). Et il ajoute qu'un
petit animal, qu'une souris par exemple, peut remplacer la flamme
dans l'application de la ventouse.
Pour démontrer que pendant la respiration les animaux
privent l'air de ces particules vitales {aer particulis vitalibus per
animalium respirationem orhatur) ^ l'auteur faisait respirer des
animaux emprisonnés sous des cloches de verre renversées sur
des cuves pleines d'eau. 11 voyait alors l'eau monter dans l'inté-
rieur de la cloche, comme dans l'expérience de la combustion.
« En mesurant le volume d'air qui restait, je me suis assuré,
dit-il, qu'il avait diminué d'un quatorzième.
« Il résulte de là que l'air perd, par la respiration des animaux
(1) Quod lucema vitro inclusa, per deflagrationem suam, pariiculas nitro-
aereas et elasticas deprxdata est , ita ut aer ibidem atmosphœrx pressurse
non velutiprius resistei>e valeat.
TROISIÈME ÉPOQUE. 259
comme par la combustion, de sa force élastique; et il faut croire
que les animaux, tout comme le feu, enlèvent à l'air des parti-
cules du même genre (1). »
Mayow fît ensuite une série d'autres expériences, par les-
cjuelles il constata qu'un animal (souris) emprisonné avec une
bougie allumée sous une môme cloche renversée sur l'eau expi-
rait dans un espace de temps moitié moindre que s'il y avait
respiré seul , sans la bougie.
a Et qu'on ne croie pas, ajoute-t-il , que l'animal ait été suf-
foqué par la fumée. Car j'avais employé de l'alcool, qui, comme
on sait, ne répand pas de fumée. »
Mayow entre ensuite dans des discussions théoriques qui
n'offrent que peu d'intérêt.
Mais l'air, se demande-t-il, qui reste dans la cloche, et qui ne
peut plus servir ni à la combustion nia la respiration, n'est-il
pas élastique? Certainement, il est élastique, et il l'est autant
que l'air ordinaire, commç mes expériences le démontrent, n
Mayow avoue qu'il se présente ici une grande difficulté à ré-
soudre : l'air qui reste dans la cloche doit être moins dense que
celui qui a été absorbé, etcependant l'air privé de ses particules
nîtro-aériennes n'a rien perdu de son élasticité, bien qu'il ait
perdu de son poids.
Le chapitre consacré à la question de savoir par quels moyens
l*air répare les pertes qu'il éprouve journellement par la respi-
tion des animaux et la combustion est fort remarquable.
Sur la reproduction de /'a/r (utrum aer de novo generari possit).
Expérience. — Que l'on mette dans un large vase de verre un
mélange de parties égales d'esprit de nitre et d'eau de fontaine;
qu'ony plongeensuiteun petit flacon de manière qu'il se remplisse
entièrement de ce liquide. Cela fait, on introduira, par l'orifice du
ûacon, deux oU trois globules de fer, puis on renversera ce flacon
^ns le liquide commun, en ayant soin que les globules de fer
û'en sortent pas , ce qu'on évite en bouchant l'orifice avec le doigt.
Tout étant ainsi disposé, l'acide attaque les globules de fer avec
{\)Sx quibvs manifestum est aerem per animalium respirationem vi sua
t-9- 1 ^If^ka deprivari, et utique credendum est animalia ignemque pariiculas
ffi I Wdem generis ex aère exhaurire. — Boyle avait déjà émis une opinion à peu
' près semblable.
17.
260 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
effervescence, et Ton voit aussitôt un souffle (halilus) (1) s'éle-
ver sous forme de bulles , et constituer à la partie la plus élevée
du flacon un corps aériforme (aiiramO qui, en augmentant de
volume déprime Teau dont il prend la place (2). Lorsque le fla-
con est entièrement rempli de ce corps aériforme, il faut, pour
que celui-ci ne s'échappe pas , se garder d'élever Toriâce du
flacon au-dessus du niveau du liquide. '
«Ce corps aériforme, à quelque froid qu'on Texpese, ne se
condense jamais en un liquide (3).
(( Si à la place de l'esprit de nitre nous employons l'huile de
vitriol étendue d'eau ^ nous reproduisons ce même air, qui n'est
susceptible d'aucune condensation. Or, cet t^r est-il de l'air vé-
ritable? C'est ce qu'il n'est pas facile de déterminer. Ce qu'il y a
de certain, c'est qu'il a le même aspect que l'air ; il se contracte
par le froid et il a la même élasticité. Mais, malgré tout cela, on
a peine à croire que ce soit de f air véritable. »
C'était là déjà un grand pas de fait; Boyle, qui avait obtenu
l'hydrogène quelques années avant Mayow, le confondait avec
l'air commun (4).
De la respiration (5).
(( J'avais déjà annoncé, continue Mayow, dans un précédent
traité, que l'usage de la respiralion consistait en ce que, par le
ministère des poumons, certaines, particules absolument néces-
saires au maintien de la vie animale, sont séparées de l'air et mê-
lées à la masse du sang, et que l'air expiré a perdu quelque chose
de son élasticité.
« Les particules aériennes absorbées pendant la respiration
sont destinées à changer le sang noir ou veineux en sang rouge
ou artériel ; aussi le sang exposé à l'air a-t-il une couleur plus
(1) Halitus, signifie ici gaz. ^
(2) Ce corps aériforme, qui était un oxyde d'azote, Mayow le confondait avec
un autre gaze ( l'hydrogène), qui pourtant est loin d'avoir les mêmes propriétés.
(3) Auraque ea, iempestate frigidisshna exisfente, nunquam (ameninliquo-
rem condensabitur.
(4) Voy. plus haut, p. 155.
(5) Mayow avait déjà publié (trois ans auparavant) un traité sur la respiration
[Tractaius primus de respirât ione^ etc.; Leyde, 1671. 12), dans lequel il est
question des particules nitro-aériennes de Tair. L'auteur n'avait à cette époque
que vingt-six ans.
TROISIÈME ÉPOQUE. * ^ 261
rouge à la surface qui se trouve immédiatement en contact avec
rair(i).
« Expérience. Lorsqu'on prend du sang conservé depuis quel-
que temps, et qu'on le met sous une cloche où l'on fait le vide
au moyen d'une machine pneumatique [ex quo aer per antliam
aeream exhauritur), on remarque une légère effervescence et
quelques bulles qui s'élèvent. Mais lorsqu'on prend du sang arté-
riel récent, et qu'on le place encore chaud sous une cloche
oii l'on fait le vide, on observe qu'il augmente coilsidérablement
de volume, et qu'il laisse échapper une quantité infinie de pe-
tites bulles. Cette effervescence est probablement due à un dé-
gagement de particules aériennes qui s'y trouvent logées. »
Mayow assimile la respiration à une véritable fermentation.
a Car, dit-il, dans la fermentation du vin, de la bière, etc., il y
a absolution de particules igno-aériennes, tout comme dans la
respiration. »
En parlant de la chaleur animale ( incalescentia ), il n'hésite
pas à en attribuer l'origine à la respiration ou à l'absorption des
particules igno-aériennes. «Ne voyons-nous pas, ajoute- t-il, que la
marchasite du vitriol (2) exposée à l'air humide s'échauffe et ac-
quiert une chaleur assez intense, à mesure qu'elle absorbe les
particules igno-aériennes qui la transforment en vitriol? »
li importe de noter que cette absorption des molécules igno-
aériennes par le sulfure de fer est elle-même regardée par Mayow
comme un phénomène de fermentation. « On a objecté, conti-
nue-t-il, que les liqueur s. qui fermentent n'acquièrent pas de
chaleur pendant la fermentation. Cependant l'expérience vul-
gaire nous apprend que les liqueurs épaisses, comme celle de
la bière, s'échauffent un peu pendant la fermentation. »
.Enfin, l'auteur termine en affirmant avec raison que l'urine et
le sang développent par la putréfaction un sel tout à fait sem-
blable au sel ammoniac, car lorsqu'on y plonge du cuivre, celui-
ci est attaqué comme par du sel ammoniac. « D 'ailleurs , ajoute-
■ Wl, lorsqu'on mélange de l'urine ou du sang avec des cendres , on
obtient par la distillalion une grande quantité de sel volatil, à me-
sure que le sel fixe des cendres absorbe tout l'acide contenu dans
' l'urine; de telle façon que le sel volatil libéré des liens de l'acide
(1) Comparez plus haut, p. 216.
(2) Sulfure de fer.
y
262 HISTOIRE ££ li. GUlMlE.
se dégage facilement, et qu'il se passe ici absolument ce qui ar-
rive lorsqu'on distille un mélange de sel ammoniac et de sel fixe
(alcali lixe). »
Mayow avait 29 ans lorsqu'il publia, en 1674, le beau travail •
dont nous venons de donner une analyse succincte. Ce travail
renferme, à côté d'un grand nombre d'expériences nouvelles, tout
ce que ses prédécesseurs avaient avancé de plus vrai sur cette
matière difficile. Cinq ans après l'auteur était mort ! Cette mort
prématurée retarda d'un siècle l'avènement de la chimie moderne.
§16. •
Jlean Bernoulli.
#
Les travaux de Mayow trouvèrent de l'éého en Angleterre et
dans d'autres pays de l'Europe. Mais ils furent repoussés comme
trop hardis et même extravagants par les disciples de la science
traditionnelle.
H. Mund(1),-L. m. Barbieri (2) et J.-B. Giovannini(3) adoptèrent
hardiment les idées de Mayow.
N. Peghlin (4), Al. Littre (5), F. Slare (6), en suivirent éga-
lement la direction.
Jean Bernoullt , dans une dissertation remarquable sur l'cf'
fervescence et la fermentation^ fit connaître des faits nouveaux
qui devaient venir à l'appui des idées de Mayow. Ces faits atti-
rèrent particulièrement l'atlenlion des chimistes et des pliysi-
ciens sur la nature des fluides élastiques (7).
L'auteur, qui s'acquit comme mathématicien une si grande ré-
pulalion, reconnut que les premières bulles qui se dégagent lors-
qu'on chauffe de l'eau ne sont que de l'air, et que les poissons
ne peuvent point vivre dans l'eau bouillie, parce que, corïïi^®
tous les animaux, ils ne respirent que de l'air; que les branci^^^
(1) Bioxpyi<yioXoYia, sive Comraentarii de aère vitali, etc.; Oxford, 1680, 1^^^'
in-8''; Lond., 1681 ; Francf. et Leipz., 1685.
(2) Spiritus nitro-aerei operationes in microcosmum ; Bologne., 1681 , in— ^^*
(3) Dissertation sur la fermentation, surlenilre et l'air; Touloufse, 1685,îï*"^
(4) Deaeris et alimenti defectu ; Kiel., 1676, in-8°.
(5) Ergo aer hominem nutrit; Paris, 1689.
(6) Philosopl). Transact., 1682, n. 204.
(7) Dissertatio de effervescentia et fermenta tione, etc ; Bàle, 1590 , in-i*".
TROISIÈME ÉPOOUE. 263
: usage de séparer ce fluide élastique de l'eau, allD de le
vir à la respiration (1).
lonlra aussi l'existence d'un corps aériforme (gaz acide
lue) dans la craie, et parvint aie recueillir. Pour cela, il
I un gros tube de verre fermé à l'un des bouts (éprotv
ju'il fît plonger dans un petit bassin ou cuvette de verre,
rempli d'une liqueuràcide. L' éprouve tte était elle-mfime
lient remplie de la môme liqueur, et par son eslrémité
, renversée dans la cuvette. Après avoir aiasi disposé son
pareil, il introduisit dans le bout inférieur et ouvert de
ette un morceau de craie ; aussitôt il se manifesta un de-
nt de nombreuses bulles de fluide élastique, qui chas-
eau de l'éprouvette pour en occuper la place,
la figure de ce petit appareil.
)ulli se contenta de conclure seulement de cette expé-
50e des corpi solides peuvent renfermer une fluide élai'
arlantde la fermentation, il affirme que le pain doit
iitéaux airs qui, au moment oii ils s'échappent, soulèvent
.,c. XIV ; Vldeiiias si atjua super igné coquatur l>ullulaae]icitari, ma-
irie aeris intra latenlis inaitio, qui ope igiiU ililatatur, omniaque Vm-
is relinebatiLt soWît, el<ib levilatcm ad superliciem usque fertur ubi la-
is formai; liinc lit, ut pisces in aqua quœ semei e1>uUil( vivere non
ib derectum neinpe aeris qui in ebuUilione omnis eilialavit; aerem
lisces haurire «que nefesse est ac cœtera animalia : in hune linem eo-
chiœ conditai sunl, ul illarum ope aerem , qui ad vilam sustenlandw»
js est, ab aqua secenianl.
iertatio de efTervesccntia, etc.. f. xv.
264
HISTOIRE DE LA CIUHIE.
la p&te, et la font ressembler à une éponge; et que le paÏD non
fermenté est, au contraire, lourd et compacte (1).
L'auteur démontra expérimenlalement que l'effet de la poudre ■
à canon est dû à des ^az ou Quides élastiques qui , étant mis eD
liberté, demandent à occuper un espace beaucoup plus considé- -
rable qu'auparavant et poussent par conséquent devant eux
. tons les obstacles qu'ils rencontrent. Pour faire cette expérience ,
il mit quatre grains de pondre dans un matras ayant un col très-
allongé et recourbé, lequel plongeait par son extrémité ouverte
dansuD vase contenant de l'eau. 11 calcula, d'après l'abaisse-
mentde la colonne liquide du col du matras, l'élenduede l'es-
pace que devaient occuper ces quatre grains de poudre enflam-
més à l'aide d'une lentille ardente, et réduits à l'état de gaz.
Voici la figure qu'il donne de celte expérience , extrêmement
Il en conclut que le fluide élastique contenu dans la poudre à
canon éprouve dans cet état solide une condensation de plus de
cent fois son volume (t). On sait aujourd'hui que l'espace qu'oc-
(1) Dissert, de effervegc, c. \v.
(î) Dissertatio de rfferïegcentia, etc., c. nxii.
TROISIÈME ÉPOQUE. 265
oupent les gaz provenant de Tinflammation de la poudre est de
beaucoup plus considérable que ne l'indique Bernoulli : il
ignorait que ces gaz se dissolvent en grande partie dans Teau, ce
qui devait diminuer d'autant l'abaissement de la colonne au-
dessous du niveau du liquide environnant.
Quoi qu'il en soit, Bernoulli n'en est pas moins le premier
qui ait donné l'idée de mesurer exactement l'expansion des
fluides élastiques.
Le président de la Société de Brescia^ le F. Lana, avait fait, de
son côté, de nombreuses expériences sur l'élasticité de Tair, sur
les effluves, sur les exhalaisons de la paille , etc. Mais ses recher-
clies, en général, ont beaucoup moins pour objet la chimie que la
pliysique, la mécanique et l'astronomie [i).
Tous ces travaux, depuis Van-Helmont jusqu'à Bernoulli (de
1640 à 1700), devaient fournir des matériaux précieux pour le
rapide développement de la science. Les chimistes du XVIII*
siècle en ont largement profité, bien qu'ils n'aient pas toujours
rendu justice à leurs prédécesseurs.
Foii«latioii des sociétés savaiites.
La fondation des sociétés savantes au dix-septième siècle est
^n événement important dans l'histoire des sciences. C'est aux
(1) Magistetium naturœ et artis, opus phUosophicomathematicum
'*• Francisci Tertii de Lanis^ societatis Jesu, firixiçnsis ; Brixiœ^ 1684, in-
, '^î-, 1. 1; t. n, Brixioc, 1686, iu-foL — On trouve dans le tome l"" un grand
'Nombre de propositions sur les propriétés physiques des corps, eu général, et sur
* ©Doploi des forces. En astronomie, il combat le système de Copernic, qu'il re-
Sarde comme faux (Tract., III, p. 409). On peut lui reprocher d'être trop prolixe
^^sses démonstrations. Le tome II renferme seul quelques chapitres ayant trait
^ la chimie. L'auteur semble croire à la transformation du rubis, du saphir, etc.,
^ diamant. Pour opérer ce phénomène, il conseille remploi de la limaille d'a-
cier. — On se rappelle sans doute que le manganèse employé en proportion
c^^venable jouit de la propriété de décolorer les verres de couleur, et de les
transformer en un cristal ou en une sorte de faux diamant. — Sa méthode de con-
^trer l'alcool consiste à faire passer les vapeurs spiritueuses à travers une
^"Mmbrane de vessie de porc; le phlegme (eau) serait ainsi séparé de l'alcool (lib.
iB \ c. 3, p. 32). Ce mode de séparation rappelle ce qu'on nomme aujourd'hui
^^M \ diahfse. — Le P. Lana n'est pas toujours très-sévère dans le choix de ses
■ ffopotitions chimiques , et il accorde une créance trop facile aux secrets des
' " Chimistes, c'est ce qu'on voit par exemple lib. II, p. 75 : Ex communi aère
h^rgyrumseu argentum vivumprolicere); — Ibid., p. 35 : Aère vel cus'
P*<te acuto hrachia vel crura perforare sine uHo doloris sensu j etc.
266 UISTOIRE DE LA CHIMIE.
travaux et aux efforts constants de ces sociétés que l'on doit la
vulgarisation de la méthode expérimentale. Cette méthode «
qui sépare d'une manière si nette le moyen âge des temps mo-
dernes, est elle-même toute une révolution. Mais il est arrivé
ici ce qui était arrivé ailleurs : en réagissant contre Télé-
ment intellectuel, on s'écartait plus, d'une fois de la voie de
la vérité. Trouver des faits , encore des faits, toujours des faits, voi-
là, en quelque sorte, le mot d'ordre, de presque toutes les so-
ciétés savantes, depuis leur origine jusqu'à nos jours. C'était
une protestation énergique contre le passé, où l'on mettait
l'autorité des paroles de quelques maîtres au-dessus de celle de
l'expérience. Arrière les théories, vivent les faits ! Voilà le cri
général. Nous nous y. associons volontiers; à une condition pour-
tant, c'est que les faits soient liés entre eux par le raisoime-
ment, qui corrige les erreurs de nos sens et nous conduit
ainsi aux lois universelles, qui effacent les conditions de l'es-
pace et du temps. Il n'y a, dit-on, rien de plus brutal qu'un
fait pour entraver les spéculations du théoricien. Cela est
incontestable ; mais il ne faut pas non plus oublier qu'il n'y
a rien de plus stupide qu'un fait isolé, qui, tel qu'il est souvent
présenté, ne se rattache à aucune cause connue. Il faut donc
concilier V individualisation des faits avec leur généralisation^
par l'emploi pondéré de ce double outillage qu'on appelle sens
et intelligence. Là est l'avenir de la science.
L'idée de ces associations qui se proposent de travailler
en commun aux progrès des connaissances humaines remonte
à la plus haute antiquité, et elle s'est reproduite dans tous
les temps. Nous avons vu les prêtres de l'Egypte établir leurs
laboratoires dans les temples, et y pratiquer l'art sacré. Py"
thagore et Platon avaient emprunté à ces maîtres l'esprit d'as-
sociation qui animait toutes les grandes écoles philosophiques de
la Grèce. Plus tard, les alchimistes, imitant les prêtres de Thô-
bes et de Memphis, se réunissaient dans les temples chrétien:
pour se communiquer réciproquement leurs idées ou leurî
découvertes. C'était la théorie, c'était l'élément spéculatif q»^
l'emportait ici en s'éloignant de l'élément expérimental. Mai
bientôt l'esprit humain, obéissant en quelque sorte à la loi uni
verselle du pendule, fera, pour ainsi dire, une excursion en seP
contraire : il inclinera visiblement vers le domaine de l'obseJ
vation.
TROISIÈME ÉPOQUE. 267
Les Académies de Florence, de Paris et de Londres, n'avaient
pas surgi tout d'un coup. Avant leur fondation on connaissait
déjà TAcadémie des Secrets qui s'éteignit avec Porta , et surtout
celle des Lyncei, fondée vers i602, et qui, après une existence
courte mais utile, fut bientôt dissoute après la mort du prince de
Cesi, le protecteur de Galilée (1). C'est donc à l'Italie que revient
l'honneur de l'initiative de l'établissement des sociétés savantes
modernes.
Dès avant 4648, sous le règne de Ferdinand II, grand-duc de
Toscane, onavait vuapparaître une sociétédont les travaux avaient
particulièrement pour objet les sciences physiques (2). On y
faisait des expériences intéressantes sur la concentration de l'es-
prit-de-vin parla congélation; sur la quantité de cendres contenues
dans de la paille et dans plusieurs espèces de bois ; sur la dissolu-
. tion du mercure dans l'eau régale, des perles dans le vinaigre ; sur
le froid produit par l'évaporationde Tesprit-de-vin et de l'eau (3).
Mais ce n'est qu'en 1637 que fut créée l'Académie dei Cimento,
sous le patronage du prince Léopold, frère du grand-duc Fer-
dinand II (4). Cette célèbre académie, qui compta au nombre
de ses membres J.-A. Borelli, Alex. Marsigli, A. Oliva, Fr.
Redi^ ne publia ses travaux que dix ans environ après sa fonda-
tion officielle. Malheureusement elle eut bientôt le sort de beau-
coup d'autres sociétés savantes : son protecteur, étant devenu
cardinal, oublia d!encourager l'Académie del Cimento, qui bien-
tôt après cessa d'exister. Parmi les travaux de l'Académie de
Florence qui intéressent plus directement la chimie, on trouve
des expériences fort remarquables sur le changement des cou-
leurs à l'aide des réactifs; sur la cristallisation des sels dans
l'eau; sur la fusion des métaux ; sur la vaporisation de différents
liquides; sur la dissolution des coraux dans le vinaigre, etc. (5).
(1) G. Libri, Histoire des sciences mathématiques en Italie, t. IV, p. 250.
(2) TargioDi Tazzetti, Notizie, 1. 1, p. II, § xxix, xxx, p. lGO-164.
(3) Registro d'esperienze e^ osservazioni uaturali fatte dal serenissimo gran -
duca Ferdinando II e da alcuni suoi cortigiani, etc.; \oy. Targioni Tozzetti, t. II,
p. I, appeud. II, n. \x, p. 163-182.
(4) J.-B. Nelli, Saggio (Tisioria lelteraria fiorentina del secolo XVII ^ p. 82
(6) Saggi di nalurali esperienze faite nelV Academia del Cimento ; Firenz.,
1666, in-fol. — J.-Ph. Cecchi eu fit paraître une seconde édition in- fol. Une Iroi-
«ëmepanit à Venise en 171 1 , in-4°, et une quatrième ibid., en 1761 , in-8^ Deux
éditions furent puWiées à Naples, Tune en 1691, l'autre en 1714, in-fol. L'édition
268 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Au milieu des dissensions civiles qui désolèrent l'Angleterre
vers la fin du règne de Charles P', un petit nombre de citoyens,
amis des sciences et de la paix, et liés entre eux par Tamour de
la retraite et de la philosophie expérimentale, s'assemblaient au
collège de Wadham à Oxford, et au collège de Gresham à Lon-
dres, pour s'entretenir de mathématiques, de chimie, d'histoire
naturelle et de médecine.
Le projet de François Bacon allait enfin se réaliser, et même au
delà des vœux que l'illustre chanchelier avait exprimés (1). Dès
l'année 1645 ces assemblées eurent lieu sous la direction de
Robert BoYLE, assisté du savant évêque Wilkins, et de Théodore
Haak, résident de l'électeur Palatin à Londres.
Nous avons déjà fait connaître les autres membres (2) de ces
assemblées, qui se tenaient d'abord séparément à Londres et à
Oxford, en correspondant entre elles. Mais dès l'année 1659
elles se réunissaient toutes les deux à Londres. Leurs travaux fu-
rent momentanément suspendus pendant les troubles sanglants
qui devaient avoir pour résultat la fia tragique de Charles P'
et l'avènement de Cromwell au pouvoir souverain. Après le re-
tour de la famille royale, la société du collège de Gresham obtint,
en 1662, la sanction de Charles II, qui lui donna des statuts et
plusieurs privilèges (3). Dès lors elle prit le nom de Société
royale de Londres, se divisa en huit classes, au nombre desquelles
est comprise la chimie ; elle s'assembla régulièrement toutes les
semaines.
Les fonds mis à la disposition de la Société royale étaient d'a-
la plus récente et la plus complète est de Targioni Tozzetti; voy. Notizie degli
aggrandimenti délie science fisiche, etc., t. II, p. Il; Firenz., 1780. — Traduc-
tion anglaise, par Waller : Essays of naiural experiments mode in the aca-
demy del Cimento; London, 1684, in-4°. — Traduction latine par Musschen-
broek : Tentamina experimcnlorum naturalium, etc., Lugd., 1731, m-4**.
Trad. en français par Lavirotte (Collection de TAcadémie des sciences, etc., 1755).
(1) Atlantisnova, imprimé avec Hisior. nat., cent. X; Amstelod , 1661 , in-
12. Voy. Oldenburg, dans la préface aux Philosoj^hical Transactions, n. 133,
p. 815.
(2) Voy. plus haut, p. 147.
(3) Chartres and statuts ofthe royal Society ofLondon; Lond., 1728, in-S*». —
Th. Sprat, History ofthe royal Society of London for theadvancement of ex-
périmental philosophy; Lond., 1667, in-4**; traduit en français, Genève, 1669,
in-8**. — J.-B. Menken, Oratio de Societatis regix Anglicanœ origine, legihus
ac sociis; Lips., 1734, in-8®. — Th. Birch, History ofthe royal Society
London^ etc., vol. let II, in-4°; London, 1756; vol. III et IV, ibid., 1757.
TROISIÈME ÉPOQTTE. 269
bord très-môdiques, ce dont se plaignait son secrétaire, H. Olden-
burg, .dans une lettre adressée à Boyle. Cependant dès 1664 la
Société comptait déjà cent cinquante membres, et la publication
de ses Mémoires commence en 1665, sous le titre de Philoso-
phical Transactions, giving some account of ihe présent vnder-
takings, studies and labours of the ingénions in many considé-
rable parts of the world (l).
(j) Voici la liste des travaux (section de chimie), contenus dans les seize pre-
miers Tolames (191 numéros) :
VOLUMB I.
W. Pope , de la mine de mercure du Frioul et des fabriques de laiton à Tivoli.
— R. Moray , des pyrites de Liège et de leur usage. — Th. Hensbaw, expé-
riences faites avec la rosée de mai. — Expériences faites avec le miroir ardent de
M. de Yillette. — Examen des sources minérales de Paderbom et de Bàle ; sur
les sources salées de Halle et de Lunebourg. — G. Talbol, sur un minerai de
plomb alumineux delà Suède.
YULCME II.
Du blanc de baleine. — Colepress, sur un breuvage fermenté, provenant d'un
mélange de suc de pomme et de baies de mûrier.
Volume III.
M. Behm, sur la coagulation du sérum. — Colepress, sur le verre artificiel
opalin et du rubis. — Des mines de Mexique.
Volume IV.
Grandville, sur l'eau de Bath. — Highmore, sur une source minérale à Farring-
ton. — Des marais salants de France. — Jackson, des salines de Chesbire. — No-
tice sur une éruption de l'Etna. — Brown, sUr les mines de mercure d'Idria.
Volume V.
Beale, sur les eaux minérales. — Des eaux minérales en Hongrie. — Wiftis ,
.sur les eaux minérales. — Montauban , sur la préparation du vin de muscat. —
De la fabrication du vinaigre. — Hauton, procédé pour rendre l'eau de mer
potale. — J. Wray, sur l'acide de la fourmi.
Volume VI.
Observations sur les mines d'étain dans la Cornouailles et de Devonshire. —
Observations sur (pielques couleurs des végétaux et des insectes , et l'altération
que ces couleurs éprouvent par l'action des substances salines. — Expériences
de Lana , faites avec le miroir ardent de Villette.
Volume VII.
Js. Newtoii , sur l'alliage le plus convenable pour faire des miroirs concaves.
Volume VIII.
D. Coxe, sur le moyen de retirer l'alcali volatil de^ plantes. — Becherches sur le
270 HlSXdÏRE DE LA CHIMIE.
Il y avait à Paris sous le règne de Louis Xlll un homme fort
savant, qui suivait avec le plus vif intérêt le mouvement scien-
tifique de TEurope; c'était le père Mersenne, le même qui avait tra-
duit en français les écrits de Galilée (1 ), et qui était en correspon-
dance avec les savants les plus distingués de la France, de Tltalie,
de l'Allemagne et de l'Angleterre. Le père Mersenne réunissait
chez lui, dès 1635, un certain nombre d'amis qui s'occupaient en
commun de diverses expériences de physique (2): Plus tard, ces
vitriol. — Sur le tannage du cuir. — D. Coxe , recherches pour démontrer que
les sels lixiviels sont produits par le feu. — D. Coxe , recherches sur les sels
volatils. — Lister, sur refi'ervescence des pyrites , et la vitrification de Tanli-
moine avec un minerai de plomb.
YOLCME XII.
H. Po^le , description des forges dans la forêt de Dean. — Ph. Vematti, sur la
fabrication du blanc de plomb. — Ch.*^ferret, sur les mines d^étain dans la Cor*
nouailles. — De Taftinage de For et de Targent, par le même. — J. Goddard, ex-
périences sur la purification de Tor par l'antimoine. — CoUwall, description des
fabriques d'alun d'Angleterre. — Description des fabriques de vitriol d'Angle-
terre, par le même. — Raslell, descriptions des salines de Droytwich dans le
Worcestershire. — R. Moray, sur la fabrication du malt, en Ecosse.
Volume XIII.
Fr. Slane , sur les mélanges (combinaisons) qui produisent de la chaleur. —
Plot , sur le sable dans le sel commun de Staffordshire.
Volume XIV.
Expériences sur l'augmentation de poids de Thuile de vitriol exposée à l'air.
— M. Lister, des sources salines d'Angleterre. — De la différence du sel maiin
et du sel des sources salées , par le même. — Moyens de rendre Teau de mer po-
table , par le même. — De la combustion des pyrites , et des tremblements de
terre qui en naissent. — Leigh , du nitre des anciens. — Petty, propositions con-
cernant l'analyse des eaux minérales. — Lloyd, du papier d'asbeste.
Volume XV.
Lister, sur la congélation de l'eau douce et de l'eaude mer, et du natron des
Égyptiens. — Robinson, des eaux thermales. — Du sucre d'érable. ~ Leeuwen-
hoeck, sur les sels du vin et du vinaigre. — Waite, sur la toile d'asbeste.
Volume XVI.
S. Reisel, sur une coloration accidentelle de la calcédoine.
Dans cette liste ne sont pas compris les travaux de Boyle, dont nous avons déjà
rendu compte.
(1) G. lAhri^ Histoire des sciences mathématiques en Italie, t. IV, p. 184 et
p. 271.
(2) Targioni Tozzetti, JSotizie, t. I, p. III, § xlvii, p. 456. — A. Fabroni, Lel-
tere inédite d*uomini illustri, t. II, p. 91, 93, 104 106, 110.
TAOISIEME EPOQUE. 271
réunions scientifiques se tenaient chez Montmort cl Tuevenot (i).
C'est là que s'était formé le noyau de rAcadémie royale dos
sciences de Paris, fondée en 1666 par Louis XIV, ou plutôt par
le grand ministre Colbert, qui en prit la haute direction. Parmi
les différentes sections dans lesquelles l'Académie était divisée,
elqai devaient, dans l'origine, se réunir tous les samedis, la chi-
mie était représentée par Duclos et Bourdelin, auxquels s'as-
ncièrent plus tard Hohberg et Borel. Ce dernier membre
piésenta divers mémoires. Sur la décomposition des liqueurs
wàmales (en 1684), de l'urine (en 1688), Sur la dissolution du
mrbre dans les acides [en 1687), Sur la précipitation par les sels
9kdins{en 1688).
L'Académie publia très-irrégulièrement ses premiers travaux,
foi se trouvent insérés dans VHisloirede Duhamel, dans le Jour-
Ml des savants, et dans d'autres recueils ; il n'y a rien qui intc-
Rsse la chimie. Ce n'est que quelque temps après que ces
Invanx furent réunis et imprimés en volumes séparés (â).
L'impulsion toute nouvelle, donnée aux sciences par les acadé-
aies de Florence, de Londres et de Paris, devait bientôt se faire
sentir dans les autres pays de l'Europe.
L'Allemagne s'associa l'une des premières à ce mouvement de
^génération scientifique. Depuis longtemps elle aurait répondu
àl'appel de François Bacon, si pendant trente ans, de 1618 à
;I648, elle n'avait pas été mise à feu et à sang par les troupes
mercenaires de Tilly, dé Torstenson , de Wallenstein , sous
fKétexte de défendre la cause d'une religion qui met la paix et
funour du prochain au premier rang des devoirs de l'homme.
(1) J.-B. Dubamèl, Histoire de V Académie royale des Sciences, etc.; Paris,
»S,iii-4».
(3) Recueil de THistoire et Mémoires de TAcadémie royale des sciences depuis
MétaUiMement en 1C66 jusqu'en 1698 ; imprimés en 1 1 tomes, lesquels se di-
'ta en 14 volumes in-4° , avec la table générale des matières de tout le re-
>âd« mtoies mémoires depuis 1G6C jusqu'à 1730 ; Paris, 1735, in-4**. « Table
'iNié&pie des matières contenues dans l'Histoire et les Mémoires de l'Acadé-
^fcnyaledes sciences, publiée par son ordre et dressée par M. Godin, année
**-lW8; Paris, 173i, in-4*. — Histoire de l'Académie royale des sciences à Paris,
^^IttMénuMres des mathématiques et de physique, depuis son établissement,
'•HW jusqu'en 1698; Paris, 1699, vol. I-XI,in-4^; publiés en 1729-1733. —
M ' M Wre de F Académie royale des sciences à Paris, contenant les ouvrages adop-
I ^Ptr cette Acadénûe avant son rétablissement en 1699; vol. I-VI, in-4°; Paris,
^1 ]2J^41 ; la Haye, 1729-1736; Amsterdam, 1729-1735. — Voy. Alfred Maury ,
**** «te VAeadémie des sciences (Paris, 1864).
^72 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
En 1651, un médecin de Schweinfurt (Bavière), Laurent
Bausch, traça le plan d'une académie des sciences, physiques et
naturelles ; ce fut l'origine de V Académie des curieux de la na-
ture (1). On cite parmi les membres de cette Académie , qui se
réunit pour la première fois le 1*' janvier 1652,^ Michel Fehr,
G. Ballazard Metzger, G.-B. Wolfarth, et plusieurs autres
médecins allemands.
Dans Torigine, les membres de cette Académie publièrent
leurs travaux isolément. C'est ainsi que Bausch, le président,
fit paraître, outre plusieurs mémoires qui n'ont aucun rapport
avec la chimie , Schediasma posthumum de cœruleo et chryso-
colla (2) ; Fehr donna Hierapicra (3), et Anchora sacra (4), Jacques
Sachs de Lewenheim , ses AfXTreXoYpotcpfa (5) et rafjL^AapoXoYCot (6) ;
André Graba , son 'EXacpoypacpCa (7) ; Ferd. Hertodt , sa Cro-
cologia (8), etc.
Le nombre de ses membres allait rapidement en augmentant.
Par une coutume alors très-commune aux savants allemands,
ils se donnaient des noms grecs, empruntés surtout aux héros
de Texpédltion des Argonautes. L'Académie reçut, en 1672,
l'approbation de l'empereur, et ^'miiiuXdi Académie des curieiuc de
la nature du Saint-Empire romain.
Déjà dès l'année 1670 l'Académie, placée sous le patronage
du prince de Montecuculli, publia ses travaux annuellement, di-
visés par Décades, sous le titre de Miscellanea curiosa, sive Ephe-
me rides medico-physicœ germanicœ Academiœ nalurœ Curioso-
rum, etc. (9). L'édition latine fut bientôt suivie d'une édition
allemande.
(1) Salve Academicum , vel judicia et elogia super recens adomata Academia
naturae curiosonim, 1602, in-4'*.
(2) Jena, 1668, in-S*».
(3) Yel de absinthio analccta , ad normam et forman Academi» naturse curio-
sorum elaborala; Leipz., 1667 et 1668, in-8°.
(4) Vel scorzonere, etc.; Jena; et Breslau, 1666, in-S**.
(5) Sive vitis viniferœ ejusque parlium consideraliu physico-philologico-histo-
inedico-ehymica . etc.; Leipz., 1661, in-8**.
(6) Sive ganimarorum, vulgo cancrorura consideratio , etc.; Francf. et Leipz.,
1665, in-8^
(7) Sive cervi descriptio physico-medico-chymica ; Jena ; 1668, in-8®.
(8) Seu curiosa croci régis vegetabilium enucleatio , continens illius etymolo-
giam, differenliam, tempus qiio viretet floret, etc.; Jena, 1670, in-8°.
(9) Decuriœ I. annus primus anni MDCLXX, continejis celeberrimorum mcdi-
coruin in et evtra Germaniam observationes medicas et physicas, vel auatemicas.
TROISIÈME ÉPOQUE. 273
L'Académie des Curieux de la nature s'était particulièrement
proposé de traiter les sciences médicales et historiques ; la
chimie cependant ne devait pas être entièrement négligée (1).
Une chose digne de remarque, c'est que les travaux de l'Aca-
démie allemande portent à un degré beaucoup moindre le ca-
chet de la méthode expérimentale, que les travaux sortis des
Académies d'Italie, de France et d'Angleterre. L'esprit théori-
que y a souvent une part trop large.
En dehors de ces Académies , qui ont rendu des services
incontestables aux progrès des sciences, il s'était formé quelques
sociétés savantes , dont les travaux sont loin d'être sans valeur.
La société qui se réunissait, en 1672, à Paris chez l'abbé Bour-
delot, et qu'on appelait V Académie de monsieur l'abbé Bour-
delot, a laissé quelques mémoires de chimie, ayant pour objet
Td botanicas, Tel pathologicas, vel chirurgicas, vel therapeuticas, Tel chymicas,
profila epistola inTitatoria ad celeberrimos medicos Europse ; Leipz., 1670, in-4''.
(1) Les principaux mémoires de chimie (jusqu'à la fin du xth*^ siècle) sont :
Hain, de la teinture du corail ; des minerais de Hongrie ; du salpêtre dans la
bardane, etc. — Greisel, des principales mines de la Bohême. — Ludoyici,
dasel Tolatil de tartre de Wedel; de la bonification du vin el de la |ï)ière;
de ralcool retiré des céréales; des cristaux qui se forment dans l'essence
de cannelle; de Tessence de succin , etc. — Bern. de Bernitz, de l'usage de l'é-
cariate de Pologne. — Talducci a Domo , expériences de chimie. — Jacques
BsE¥N, de l'arbre à cannelle de Ceylan et du camphrier du Japon. — Eh. Hage-
iH)RK, du baume de catechu ; de l'esprit volatil des cantharides ; de la prétendue
palingénésie , etc. — B. Below, moyen de retirer du cresson de fontaine un sel
TOlatil. — P. Specht, expériences de chimie. — Ch.-Ad. Baudouin, d'une espèce
de enivre combiné avec de l'or. — Dol/ecs , de l'or fulminant. — H. de Jager,
notions sur la culture de l'indigo dans l'Orient. •» J.-G. Yolramar, du préjudice
que reçoivent les malades que l'on soustrait à l'accès de l'air pur. — G. Clau-
DBR, du vin de Malvoisie factice ; d'une pierre urinaire ; de la possibilité de la
transmutation des métaux, etc. — Schmidt, des cristaux dans l'urine. — Dan.
CauGEB, de l'huile de marjolaine. — R. Lentilius, recherches chimiques sur
les eaux minérales; du sel purgatif d'Angleterre ; des gouttes d'Angleterre; de
la terre de Sicile; des cristaux de sel dans les yeux d'une femme. — J.-G. Som-
■a, d'un moyen d'obtenir le cinabre en plus grande quantité ; de l'infusion
gueuse du safran d'antimoine. — E. Koesig, de la vitrification des métaux ; de
Pâixir des sages ; de quelques médicaments de Van-Helmont ; de l'esprit de
hézoard de Busse. — Wolff , de la pluie de soufre. — J.-M. Hoffmann, de
Pesprit de mélisse ; de deux esprits fumants; d'une dissolution de vitriol de fer
qoinese congèle pas parle froid ; du sel de vinaigre feuilleté. — ^J.-C. Bautzmann,
delà manière d'imiter toute espèce de vin. — M.-B. Valentin , d'un vitriol de
fer produit par l'exposition à l'air. — Gityer, d'un vernis propre à conserver les
insectes.
BIST. DE LA CBtUIE. -^ T. II. 18
274 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
les principes élémentaires, les vapeurs, les sels caustiques, les
eaux détrempe, la pierre philosophale. For potable, etc. (1).
A cette société il faut en ajouter une autre, fondée à Brescia
en 1686. On trouve dans les Actes de cette société quelques mé-
moires intéressants, parmi lesquels nous citerons celui de Ber-
nardini Boni, Sur les exhalaisons inflammables (2).
Le président de la société de Brescia, connue sous le nom
de Academia philexoticorum naturx et artis, était le savant
jésuite, François Tertius de La na, que nous avons déjàmehtionné. ^
Dans la seconde moitié du dix-septième siècle, on voit égale-
ment, pour la première fois, apparaître les journaux scientifiques,
qui devaient rapidement propager les découvertes et les observa-
tions nouvelles, faites par les académiciens ou par des hommes
étrangers aux sociétés savantes.
Le Journal des savants est la première publication de ce genre.
Cet important recueil ne commença à paraître qu'au mois de
janvier 1665, d'abord hebdomadairement, puis mensuelle-
ment (à dater de 1707). Il parut d'abord (première année)
sous la direction de D. de Vallo, conseiller au parlement de
Paris; dans les années suivantes, il fut publié sous la di-
rection de l'abbé Gallois, puis sous celle de l'abbé de la
Roque. A partir de l'année 1687, la direction du Journal des
savants fut confiée à Cousin , président du parlement de Paris.
Enfin, en 1702 , les rédacteurs se constituèrent en un comité
permanent, chargé de la critique et du compte-rendu des ou-
vrages contemporains.
L'abbé Fr. Nazari et Ciamponi fondèrent en 1668, à Rome, le
Giornale d'ïtalia, d'après le plan du Journal des savants. Il ne
faut pas confondre cette publication avec le Giornale dei lette-
rati, qui parut à Parme dès 1686.
A ces publications périodiques, on pourra ajouter Miscellanea
medicO'physica (3) et Nouvelles de la république des lettres (4).
Mais la publication la plus importante de ce genre portait le
(1) Gallois , Conversations tirées de V Académie de monsieur l'ahhé Bour*
delot , contenant diverses recherches et observations physiques y* Paris , 1672,
in- 12.
(2) Âcta novae Academia; philexoticorum naturse et artis , celsissimo principi
J. Fran. Gonzagadicata; Brixiae, 1687, iu-8°.
(3) Paris, 1672.
(4) Paris, 1684.
TROISIJSKE ÉPOODB. ^ 275
titre d*Acta eruditorum. Ce recueil fut fondé en 1682, par
Mencken , père et fi J s.
Vers la même époque, on vit paraître une • multitude de
traités ou dje Compendia de chimie, appliquée surtout à la mé-
decine et à la pharmacie , résumant plus ou moins fidèlement
l'état des connaissances d'alors.
En Italie, G. Lancilotti publia Guida alla chimica (1) et Ntu)va
guida alla chimica (2).
En France, Meurdrac fit paraître la Chimie facile (3) ; — Thi-
baut le Lorrain, /Cowrs de chimie (4); — Malbec de Tressel,
Abrégé de la théorie et des principes de chimie (5).
En Angleterre, Bolnest, Aurora chimica (6) ; — Packe, Chimi-
cal aphorisms (7).
Dans les Pays-Bas, Jacques le Mort, professeur à Leyde, re-
commanda aux médecins, de la manière la plus pressante, Té-
lude de la chimie. Oa,a de lui Compendium chemiœ (8) ; Chemise
verœ nobilitas et utilitas (9); Chymia medico^physica, rationibus et
experimentis superstructa (10). E. Blancaard publia Verhdndeling
van de hedendaagsche chymie (Traité de la chimie actuelle ) (ii),
composé d'après les principes de Descartes ; — Nie. Grimm,
Compendium medico-chymicum (12); —Jacques Barner, Chymia
philosàphica (13).
En Allemagne, les élèves en chimie suivaient, comme guide,
le Manuel de J.-H. Jûncken, qui parut, à des époques différentes,
Sous des titres différents (14) ;— J.Bohn, Dissertationes s^hymico-
(1) Modena, 1672 et 1679, iii-12.
(2) Venez., 1687 , in-8**. — Trad. en hollandais (sous le titre bizarre de den
^andende Salamander, la Salamandre brûlante); Amsterdam, 1680^ in-S"*;
«t en allemand; Francf., 1681 et 1687, in-8** ; Lubeck, 1697 , in-8°.
(3) En 1665, trad. en allemand; Francf., 1673, 1676.
(4) En 1667 ; puis en 1574, in-8**; Paris (augmenté du fébrifuge de Sylvius, d'un
^^icellent ^étique, etc.). Traduit en anglais; Lond., 1668, in-8°.
(5) Paris, 1671 , in-12.
(6) Or rational way of preparing animais, vegetables, etc,; Londoif, 1672, in-12.
(7) Lond., 1688, in-8°.
(8) Leyde, 1682, in-12.
(9) Leyde, 1696, in-4*».
(10) Leyde, 1676, in-4°.
(UJAmstcrd., 1685, in-S*». Trad. en allemand; Hanovre, 1689.
(12) Batavia Jayan., 1677 (en JioUandais).
(13) Batavia, 1670, in-4°. — Rappelons qu'à cette époque beaucoup d'ouvrages
^e ce genre portaient des lieux de publication fictifs.
[ik) Chymia experimentalis curiosai exprincipiis matJiematicis démons^
18.
276 ^ HISTOIRE DE LA CHIMIE.
physicx; — A. Rivinus, Manuductio ad chemiam pharmaceu-
ticam (1) ; et surtout G. Wolfgang Wedel , professeur à léna,
Tabulœ XV in stjnopsi universam chimiam exhihentes {^]\ Com-
pendium chimiœ theoreticœ et praclicœ (3).
Tous ces traités n'avaient pas encore fait disparaître des écoles
les anciens Manuels de Béguin (4), de Barnel, (5) , de Bren-
del (6), de Davisson (7) et de Rolfink (8).
§17.
' Les auteurs dont les traités résument le mieux les connaiis-
sances chimiques d'alors, et qui étaient entre les mains de tous
les élèves, se nommaient Lefebvre, Glaser, LEMERYet Ettmullbr.
Nous devons nous y arrêter un moment.
ISTicolas Xeffeb^rre*
Celui qui ferait tout d'un coup table rase de tous les travaux
antérieurs à la seconde moitié du dix-septième siècle pourrait
considérer N. Lefebvre comme le modèle des chimistes de sonépo-
irata; Francf., 1681, in-S**. — - Nouvelle édition , 1682, sous le titre : ifcdictts
prxserUi seculo accommodatus per veram philosophiani spagiricam^ etc.
(l)Leipr., 1690, in-12.
(2) Jena, 1692, in-4°.
(3) Methodo analytica propositae; Jena , 1715, in-4''.
(4) Tyrocinium chemicum e nalurae 'fonte et manuali experientia depromp-
tuin; Paris, 1G08, in-12; 1611, in-8°; Leipz., 1614, in-12; Cologne, 1615, in-18;
162i, in-12; cum iiolis Jerem. Barth. Regiomont. 1618, in-8". En français, Élé-
ments de chimie j Paris, 1615, in-8°; 1620, 1624 ; Genève, 1624; Rouen, 1626,
1037 et 1660 ;Lyon, 1665. Traduit en anglais; London, 1669, in-8''. — Ontroure
dans Béguin un bop procédé pour préparer le mercure doux (protochlorure); il
consiste à chauffer un mélange intime de quatre parties de sublimé et de trois
parties de mercure métallique.
(5) Tyrocinium chemicum; Francf., 1618, in-S".
(6) Chymia in arlis formam redacta et publicis prœlectionibus Philiatris i»
Academia Jenensi communicata; Jena, 1630, in-12 ; cum prœfat. Rolfinkii, 1641»
in-8°; Leyde, 1671; Amsterd., 1682, in-8°; Francf., 1686, in-4°.
(7) Philosophia pyrotechnica , sive curriculus chymiatricus, etc., 1635, in-8'
1640; 1642; 1644; 1657; La Haye, 1635; 1645, in-4^ En (tançais, Éléments
de la philosophie de l'art du feu, etc., 1675 ^ éd. de J. Hellot, 1651 et 1657.
(8) Chymia in arlis formam redacta seu libris comprehensa ; Jena, 1641, in-^
1661 ; 1669; 1679; Genève, 1671 ; Francf., 1696; Francf. et Leipz., 1686, in-1 ^
Leyde, 1671.
TROISIEME ÉPOQUE. 277
que. Encore faudrait-il retrancher du nombre Boyle et Kunckel,
qui ont si puissamment contribué aux progrès de la science par
un emploi judicieux de la méthode expérimentale et par des dé-
couvertes importantes.
Les observations et les faits signalés par l'auteur sont, à l'ex-
ception d'un très-petit nombre, empruntés à ses prédécesseurs.
.C'est moins un chimiste praticien qu'un chimiste philosophe
qui brille par son imagination, et qui aime mieux discuter la va-
leur des théories que descendre dans le détail des faits.
Lefebvre avait été élève de l'Académie protestante de Sedan.
Il nous apprend lui-même (1) qu'il fut appelé par Vallot, premier
médecin de Louis XIV, à remplir la chaire de démonstrateur de
chimie au Jardin des Plantes, chaire qui avait été déjà illustrée
par Davisson.
Les cours de chimie, que les élèves suivaient au Jardin du Roi,
étaient faits concurremment par un professeur et un démonstra-
teur. Le premier planait dans les régions abstraites et n'aurait
voulu, pour rien au monde, s'abaisser à faire des manipulations et
salirsesdoigtsavec la poussière de charbon. C'était l'incarnation de
la Théorie ; le premier nàédecin du roi en remplissait le rôle. Lors-
que le docteur avait cessé de parler, arrivait le démonstrateur,
qui devait appuyer les aperçus du professeur sur des expériences
démonstratives, par des arguments ante oculos. C'était la Prati-
que personnifiée. On peut bien penser que les expériences du
démonstrateur étaient bien loin de confirmer toujours les paroles
du maître qui, dans tous les cas, avait hâte de se retirer après'
quil avait fini la première partie de la leçon.
Cette mise en scène était en quelque sorte la réalisation des
dialogues de B. Palissy, entre la Théorique et la Practique, qui
nes'accordaient pas non plus entre elles : curieux mode d'ensei-
gnement qui continua d'être en usage pendant plus d'un siècle,
jusqu'à la mort de Rouelle.
Lors de la création de la Société royale de Londres, Charles II
fit venir Lefebvre en Angleterre , pour lui confier la direction
du laboratoire de Saint-James. C'était faire beaucoup d'hon-
.^eurau modeste démonstrateur du fauboug Saint-Victor, d'au-
^t plus que l'Angleterre possédait alors l'illustre Robert
^ojle, Lefebvre avait déjà publié son Traité de chimie^ à Paris,
(1) Cours de chimie (Paris, 1751, in-12), t. II, p. 105.
278 HISTOIBB J>t LA CHIMIE.
en 1660; et ce fut vraisemblablement en 1664 (par conséquent
deux ans avant la fondation de rAcadémie des sciences de Paris,
dont il n'avait jamais été membre) qu'il fut appelé à Londres,
où il fit paraître, en 1665, une dissertation sous ce titre : Discours
sur le grand cordial du sieur Walter Rauleig^ in-12 (1).
Il passa le reste de ses jours , dans son pays adoptif, estimé et
honoré des membres de la Société royale, nouvellement fondée^
(en 1662).
L'ouvrage de Lefebvre eut rapidement jusqu'à cinq éditions;
il fut traduit en anglais et en allemand (2).
L'auteur n'a point la prétention de donner, dans son Traité,
des découvertes inattendues ; il se donne' lui-môme pour un
simple compilateur, quand il dit : « Nous tirerons des œuvres
de Paracelse, deHelmont et de Glauber la théorie et la pratique
de ce Traité de Chimie, que nous réduirons en forme d'abrégé.
— M. deHelmont et M; Glauber sont à présent comme les deux
phares qu'il faut suivre, pour bien entendre la théorie delà
chimie et pour en bien pratiquer les opérations. »
La chimie a, selon Lefebvre, pour objet toutes les choses nata-
relles que Dieu a tirées du chaos par la création.
D'après cette définition, beaucoup trop générale, la chimie
serait la science universelle.
L'auteur établit ensuite trois espèces de chimie : «L'une, dit-il,
qui est tout à fait scientifique et contemplative,peut s' appeler philo-
sophique: elle n'a pour but que la contemplation et la connaissance
de la nature et de ses effets, parce qu'elle prend pour son objet
les choses qui ne sont aucunement en notre puissance. La seconde
(1) Voy. la Préface de la 5' édit., Paris, 1751, p. xt.
(2) Traité de chimie, etc.; Paris, 1060, in- 8", 2 vol. —En 1669, in-12; Pari»
et Leyd., t. II. Le tome I « sert dlnstruclion et d'introduction tant pour l'intelli-
gence des auteurs qui ont traité de la théorie de cette science en général , que
pour faciliter les moyens de faire artistement et méthodiquement les opération»
qu'enseigne la pratique de l'art sur les végétaux et sur les minéraux, sans la perte
d'aucune des vertus essentielles qu'ils contiennent ». Le tome II contient la suite
de la préparation des sucs qui se tirent des végétaux, comme aussi de leurs par-
ties et celles des minéraux. — Nouvelle édition, fort augmentée, vol. Il; Paris»
1674, in-12. — Sous le titre de : Cours de chimie^ t. II; Leyd., 1696, in-12. -^
5* édition, par Dumoustier ; Paris, 1751, t. V, 12. Trad. en anglais : Complu
body of chemistry , w/ierein iscontained whatsoever is necessary to thekno^'
ledgeto ihe art, etc. y by P. D. C; London, 1664, 1670, in-4°. Trad. enall^*
mand : Chymisches gûldenes Kleinod (bijou d'or chimique); Nuremberg, 167^»
1685; même traduction, augmentée par Cardiluccio, 1688.
TROISIÈME EPOQUE. 279
espèce peut s'appeler iatrochymie , qui signifie médecine chi-
miquje et qui n*a pour but que l'opération, à laquelle toutefois
elle ne peut parvenir que par le moyen de la chimie contempla-
tive et scientifique. La troisième espèce s'appelle chymie phar*
maeeutique^ qui n'ai pour but que l'opération, puisque l'apothi-
caire ne doit travailler que selon les préceptes et sous la direc-
tion des iatrochimistes , et dont nous avons le véritable modèle
en la personne de M. Vallot, choisi par Sa Majesté Très-Chrétienne
pour son premier médecin, qui possède très-éminemment la
théorie et la pratique des trois chimies que nous avons dé-
crites (1). »
C'est ce même M. Vallot , médecin de Louis XIV, qui avait
nommé Lefebvre démonstrateur de chimie , et auquel celui-ci
dédia la 2* édition de son Traité.
Selon toute apparence, Lefebvre emprunta à Vallot, son pro-
tecteur et professeur de chimie théorique et philosophique , les
généralités systématiques qui se trouvent en tête de son ouvrage.
Ces emprunts paraissent être textuels.
Voici comment il s'exprime, entre autres,suria naturede Vesprit
universel, dont parlent les alchimistes : a Cette substance spiri-
tuelle, qui est la première et l'unique semence de toutes choses,
a trois substances distinctes et non différentes en soi-même, car
elle est homogène ; mais parce qu'il se trouve en elle un chaud ,
on humide et un sec, et que tous trois sont distincts entre eux ,
et non pas différents, nous disons que les trois ne sont qu'une
essence et une même substance radicale; autrement, comme la
nature est une, simple et homogène, il ne se trouverait cepen-
dant en la nature rien qui fût un, simple et homogène, parce que
les principes séminaux de ses substances seraient hétérogènes,
cequi ne peut être à cause des grands inconvénients qui s'ensui-
vent; car, si le chaud était différent de l'humide, il ne pourrait
Cûêtre nourri, comme il le nourrit nécessairement, parce que
la nourriture ne se fait pas de choses différentes, mais de choses
semblables.
«Concluons donc que cette substance radicale et fondamen-
We de toutes les choses est véritable , unique en essence , mais
Çi'elle est triple en nomination; car, à raison de son feu naturel,
^e est appelée soufre; à raison de son humide, qui est le propre
(1) Traité de chimie , 5« édit. (1751), 1. 1, p. 5.
280 JIISTOIRS DE LA CHIMIE. '
aliment du feu, elle est nommée mercure; enûn, à raison de ce
sec radical qui est le ciment et la liaison de cet humide et de ce
feu, on rappelle sel. »
Quel devait être l'embarras du démonstrateur appelé à con-
firmer, par des expériences de laboratoire, ces théories nua-
geuses, lieux communs des alchimistes et des physiciens scolas-
tiques I
Quant à ce qui concerne les manipulations et la description
exacte des détails de pharmacie, le démonstrateur était passé
maître : il parle là évidemment de son propre fonds. On voit
qu'il est sur son véritable terrain.
Rien n'est plus précis que les instructions qu'il donne aux phar-
maciens qui veulent exercer leur'profession avec conscience , les
préceptes qu'il leur communique sur le choix des vaisseaux , sur
l'application des différents degrés de la chaleur, sur la distilla-
tion, et surtout sur la préparation des sirops.
(( Il faut, dit-il, que, quand les apothicaires cuiront des sirops
de fleurs odorantes, on ne sente point leurs boutiques de trois ou
quatre cents pas, ce qui témoigne la perte de la vertu essentielle
des partiesvolatiles des fleurs et desécorces odorantes; si ce n'est
que ces apothicaires veuillent faire sentir leurs boutiques de bien
loin par une vaine politique, qui néanmoins est très-dangereuse
et très-dommageable à la société.(i). »
Lefebvre a un des premiers signalé et fait ressortir l'importance
du fait des solutions saturées. Il cite comme exemple le sel com-
mun : « Prenez, dit-il, quatre onces de sel ordinaire, faites-les
dissoudre dans huit onces d'eau commune à chaud, et vous ver-
rez que l'eau ne se chargera que de trois onces de ce sel, et
qu'elle laissera la quatrième, quoique vous fassiez bouillir l'eau
et que vous l'agitiez avec le sel (2). »
Il applique ce fait à tous les dissolvants (menstrues) en géné-
ral, et se résume ainsi : a Lorsque le menstrue est ainsi saoulé et
rempli, soit à froid ou à chaud, il est impossible à l'art de lui en
faire prendre davantage, parce qu'il est chargé selon le poids de
nature, qu'on ne peut outre-passer, si on ne veut tout gâter. » —
Et il cite ici avec à propos ces vers d'Horace :
£st modus in rébus, sunt certi denique fines ,
Quos ultra citraque nequit consistere rectum.
(1) Traité de chimie, ôeédit. (1751), 1. 1, p. 364.
(2) Ibid., 1. 1, p. 381.
TROISliUE ÉPOQUE. 281
En somme , le Traité de chimie de Lefebvre , donnant la des-
oription d'un grand nombre de médicaments, parmi lesquels on
trouve, entre autres, Tacétate de mercure, en cristaux blancs
nacrés, paraissait destiné à être mis surtout entre les mains des
pharmaciens ou des médecins-chimistes (4).
§18.
dbristoplie Qlaser.
Le départ de Lefebvre pour TAngleterre laissa vacante la place
de démonstrateur de chimie au Jardin du Roi. Vallot, qui, ainsi
que nous l'avons dit, était professeur en titre et faisait la partie
théorique du cours, appela, pour succéder à Lefehyre, un chi-
miste allemand, Christophe Glaser, natif de Bâle. En sa qualité
de premier médecin du* roi, Vallot n'eut pas de peine à faire
donner à son démonstrateur la place d'apothicaire de la cour.
On ne sait rien de particulier sur la vie de ce chimiste phar-
njaçien, dans le laboratoire duquel Nicolas Lemery avait appris
la plupart de ses procédés. Chr. Glaser se trouva impliqué dans'
le procès de l'empoisonneuse d'Aubray, marquise de Brinvîl-
lieps, et par suite de ce procès il dut quitter le royaume (2).
C'est en 1663 que parut le Traité de chimie de Christophe
Glaser (3). Il avait principalement^ pour objet la préparation
(1) Voyez, sur les théories chimiques de Lefebvre , M. Dumas, Leçons sur la
philosophie chimique, p. 56.
(2) Les substances, avec lesquelles avaient été commis les nombreux empoison-
nements dont on accusait la marquise de Brinvilliers, étaient le sublimé corrosif,
l'arsenic et Topium. C'est du moins ces poisons qui furent trouvés, par la
commission médico-légale , dans la cassette de Sainte-Croix. Pour avoir plus de
détails sur l'affaire de la Brinvilliers, consultez : Causes célèbres et intéressan-
tes, par M. Gayot de Pitaval; la Haye, 1737, in-8° , t. I. — Recueil des let-
tres de la marquise de Sévigné; Paris, 1754. — Histoire du règne de
louis XIV, par Rehoulet; Avignon, 1746. — Histoire de la vie et du règne
4e Louis XIV, par de la Martinière; la Haye, 1740. — Mémoires et ré-
^flexions sur les principaux événements du règne de Louis XIV, par M. L.
D. L. F.; Rotterdam, 1716.
(3) Enseignant par une briève et facile méthode toutes ses plus nécessaires
préparations; Paris, 1663, in-8**. — Ce livre a eu plusieurs éditions : 1668;
1673; 1678; Bruxelles, 1676, in-12; Lyon, 1676, in-8». — fl fut traduit en alle-
mand sous le titre de Chemischcr Wegudser (Indicateur chimique); Jena, 1684,
iû-12; et par Marschalk, Nuremb., 1677, in-8*.
282 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
des médicaments chimiques. On y trouve quelques bonnes mé-
thodes , décrites avec une rare simplicité. C'est pour la pre-
mière fois qu'on y lit, pour la préparation de la pierre infernale,
le procédé que Ton emploie encore aujourd'hui.
Glaser paraît être le véritable inventeur du nitrate d'argent fon-
du dans des lingotières. Citons ici ses propres paroles : « Après
avoir fait cristalliser la dissolution d'argent dans l'eau-forte, met-
tez ce sel ( nitrate d'argent cristallisé) dans un bon creuset d'Al-
lemagne un peu grand , à cause que la matière en bouillant au
commencement s'enfle, et pourrait verser et s'en perdre; mettez
votre creuset sur petit feu, jusqu'à ce que les ébuUitions soient
passées, que votre matière s'abaisse au fond ; et environ ce temps-
là vous augmenterez un peu le feu, et vous verrez votre matière
comme de l'huile au fond du creuset, laquelle vous verserez
dans une lingotière bien nette et un peu chauffée auparavant,
et vous la trouverez dure comme pierre, laquelle vous garderez
dans une boîte pour vos usages (1). »
Le cristal minéral ou sel prunelle ( sulfate de potasse fondu )
s'obtenait en projetant des fleurs de soufre sur dunitre en fusion.
« Faites fondre , dit J'auteur, un litre de salpêtre bien purifié
dans un bon creuset. — Dès qu'il sera fondu et rendu bien cou-
lant, jetez-y peu à peu une once de fleurs de soulphre; et lors-
qu'elles seront exhalées, jetez le salpêtre dans une bassine bien
nette, et l'estendez comme une plaque, laquelle on peut rompre
et garder sèchement dans quelque vase bien bouché (2). »
On appelait ce sel pierre de prunelle {lapis prunellœ)^ parce
qu'il était employé comme un remède efficace contre les fièvres
prunelles ou ardentes.
Le sel anti fébrile est ce qui fut plus tard appelé sel polychreste
de Glaser (de 7roXuxpti<iToç, très-utile). C'était du sulfate de po-
tasse impur, préparé à peu près de la même façon que le sel
prunelle (3).
Vhuile ou liqueur corrosive d*arsenic était le chlorure d'ar-
senic, obtenu en soumettant à la distillation un mélange de par-
ties égales de régule d'arsenic et de sublimé corrosif. «Cette,
liqueur, dit Glaser, a les mêmes propriétés que le beurre
(1) Édit. Paris, 1663, p. 96.
(2) Traité de chimie j Y^. 205.
(3) Ibid.j p. 206.
TROISIÈME ÉPOQUE.' 283
d'antimoine; mais elle est bien plus violente. » — Après que
toute la liqueur butyreuse avait été recueillie, l'opérateur chan-
geait de récipient, et activait le feu pour séparer le mercure (1).
Nous ne nous arrêterons pas sur la préparation du bézoard mi-
fiéral, de Tor diaphorétique, du baume de soufre, du magistère
de bismuth ( sous-nitrate obtenu en traitant le nitrate de bis-
îaauth par un excès d'eau), et de tant d'autres comportions chi-
xnico^pharmaceutiques, dont Guy-Patin, contemporain de Glaser,
s^est moqué spirituellement dans ses Lettres.
Chr. Glaser était un habile manipulateur, appréciant toute
l'importance des détails de pratique. Il disait de lui-même, avec
cuQ noble orgueil : « Je fais profession de ne dire rien que ce que
Je sçay, et de n'escrire rien que ce que j'aye fait (2). »
•
ITicoUMi liemery (3).
Lemery appartient moins à l'histoire de la chimie qu'à l'his-
tcirede la pharmacie, à laquelle il a rendu de grands services,
^oins philosophe peut-être que Lefebvre^ et peu versé dans la
Connaissance des anciens, il se distingue par la clarté de sa mé-
"tlode et par l'exposition des faits.
Nicolas Lemery naquit à Rouen, en 1645. Son éducation pre- ^
^Oiièrefut assez négligée. Après avoir passé plusieurs années dans
1^ laboratoire d'un de ses parents , pour s'initier aux manipula-
'^îons pharmaceutiques, il vint à Paris pour y suivre les leçons
^e Christophe Glaser, alors démonstrateur de chimie au Jardin
^u Roi. Quelques années après, on le trouve à Montpellier, débu-
l^ntavec succès dans la carrière du professorat. Riche de con-
^ï^aissances pratiques , il revint à Paris, oix ses leçons de chimie
attirèrent bientôt un nombreux auditoire (4).
Lemery était protestant. Au moment de la réaction religieuse
%fâ devait être couronnée par la révocation de l'édit Nantes , il
(1) Traité de chimie, p. 255.
(2) Ibid., Préface, p. m.
(3) L'orthographe ancienne, qu'il faut conserver, est Lemery, et non lemery,
(4) M. Dumas a tracé dans ses Leçons sur la philosophie chimique (Paris,
1837, in-S*, p. 64) Un tableau anim^du cours brillant que Lemery faisait, en
1672, dans la rue Galande, alors peuplée d^élèves.
/
i
284 UISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
fut obligé d'abandonner son enseignement et même sa pbarma- '
cie, pour chercher en Angleterre un refuge contre ses persécu-
teurs. Préférant le bien-être de sa famille et le séjour dans sa
patrie à une simple différence de religion, il abjura, à qua-
rante ans, le protestantisme, et rentra dans son pays en même
temps que dans le giron de TÉglise catholique. Il recouvra la
jouissance ^e ses biens, qui avaient été confisqués, son établis- *
sèment de pharmacie prospéra, et il fut, en 1699, élu
membre de l'Académie des sciences. Il mourut en 1715, la même
année que Louis XIV,Fénelon et Malebranche (1); il laissa un fils
qui suivit les traces du père.
Travaux de SiT. lieniery.
Peu d'ouvrages de science ont eu autant de succès que le Cours
de chimie de N. Lemery, qui parut pour la première fois à Paris
en 1675, in-8° (2). Ce fut là, dans l'intention même de l'auteur, un
cours de chimie appliquée à la médecine. Cet ouvrage, qui a servi
pendant longtemps de guide aux chimistes et aux pharmaciens ,
eut de nombreuses éditions (3); il fut traduit en anglais (A
Course ofchymisiry, containing an easymethod, etc. y London,
1677, 1686, 1698 et 1720, in-8); en allemand ( Z>er voW^ommenc
Chymist, 1698); en latin ( Cursus chymicus , etc., versus a J. G.
Rebecque; Genevi, 1681, in-12); en italien {Corso di chimica,
iradotto dal francese^ etc., Venise, 1763, in-8), et même en espa-
gnol (4).
Le grand succès de ce livre s'explique parfaitement quand on
se rappelle d'abord que les chimistes , à l'exception d^un petit
(1) Pour plus de détails , voyez M. Cap : Eloge de Nicolas Lemery, etc.:
Paris, 1839, in-S** (42 pages p.); Fontenelle, Éloge de Lemery; et Farticle
Lemery dans la Biographie générale .
(2) Son titre complet est : Cours de Chimie contenant la manière défaire les
opérations qui sont en usage dans la médecine, par une méthode facile ;
avec des raisonnements sur chaque opération , pour l'instruction de cettx
qui veulent s*appliquer à cette science.
(3) Paris, 1677, 1679, 1682, 1683, 1687, 1690, 1696, 1697» 1698, 1701, 1713 ,
1730, in-8°. La dernière édition est de 1756, in-4°, et a été revue, corrigée, et
augmentée d'un grand nombre de notes, par «Baron. D'autres éditions furent
publiées à Amsterdam, 1682 et 1698, in-8°; à Leyde, 1697, 1716,1730, in-8<»;
à Bruxelles, 1744, et 1747, in-8» ; à Avignon, 1751 , in-4*».
(4) Fontenelle, Hist, de VAcadémie des sciences, t. II, p. 172.
TROISIÈME ÉPOQUE. 285
nombre, avaient en quelque sorte pris pour tâche de voiler leur sa-
voir ou leur ignorance par un langage obscur ; et qu'on voit ensuite
cjue l'auteur a tenu parole quand il dit dans sa préface : a Je
-t^che de me rendre intelligible, et d'éviter les expressions obscu-
r*cs dont se sont servis les auteurs qui en ont écrit avant moi. »
On trouve, en somme , peu de faits nouveaux dans le Cours de
chimie de Lemery; mais les détails d'opérations, exposés avec une
simplicité extrême, prouvent que l'auteur était un manipulateur
liabile , qui se sentait , en général , peu enclin aux théories pure-
ment spéculatives.
« Les belles imaginations des autres philosophes touchant
leurs principes physiques élèvent l'esprit par de grandes idées ,
mais elles ne prouvent rien démonstrativement. Et comme la
c^limieest une science démonstrative, elle ne reçoit pour fonde-
ment que celui qui lui est palpable et démonstratif (i). »
Ces paroles auraient été tout un programme révolutionnaire ,
si Bernard Palissy et Fr. fiacon n'avaient pas déjà proclamé,
^.'vant Lemei7, la souveraineté de là méthode expérimentale.
L'auteur admet trois sortes de sels qu'on retire des végétaux :
"^iiisel acide, ^^^éïé essentiel, un^e/fixeetuns^/vo/a/î/. Le sel es-
sentiel se retire du suc de la plante abandonné à la cristallisation.'
C'est, comme on voit, le sel acide dépotasse (tartrate, oxa-
1 site, etc.), tel qu'il existe dans la plante même.
A ce propos, l'auteur signale un des premiers l'importance de
clistinguér la voie humide delà voie sèche, dans la chimie des
'Végétaux. '
« On peut dire, dit-il, que ce sel acide est le véritable sel qui
était dans la plante, puisque les moyens qu'on a employés en le
t.îrantsont naturels et incapables de changer sa nature, mais on
IX 'en peut pas dire de même des deux autres; car, eu égard à la
violence du feu dont on s'est servi pour les faire et aux effets qu'ils
produisent, il y a une grande apparence qu'ils ont été déguisés
par le feu. »
On sait que lest artrate, oxalate, malate, citrate de potasse, etc.,
qui existentnaturellement dans les végétaux, sont transformés, par
l'incinération , en carbonate de la même base. Lemery lui-même
ne parait pas éloigné de croire que le sel alcalin (des cendres)
^ \ prorient de la destruction du sel acide obtenu parla voie humide.
s-' _
(1) Cours de chimie, Paris, 1730, pag. 5.
286 HISTOIBE DE UL CHIMIE.
a Je croîs, dit-il, avec plus de vraisemblance que le sel alcali
est une partie du sel acide essentiel dont nous avons parlé. — Si
Ton veut considérer sans préoccupation comment le feu agit, on
avouera qu'il détruit et confond la plupart des choses qu'il dis-
sèque, et qu'il n'y a pas lieu qu'il rende les substances en leur
état naturel (i). »
Dans l'exposition de sa théorie sur les pointes de l'acide péné-
trant par les pores de Talcali, théorie renouvelée des anciens,
l'auteur ne reste pas tout à fait fidèle à la méthode expérimentale.
Au xvn® siècle, et à plus forte raison avant cette époque, le
nom de sel avait une signification beaucoup moins restreinte
qu'aujourd'hui. Ainsi, les acides comme les alcalis .étaient'ap-
pelés sels (2). Lemery appelle sel salé ce que, dans la nomen-
clature actuelle, nous appelons un sel; et il le définit : a un mé-
lange d'acide et d'alcali, ou plutôt un alcali soûlé et rempli d'a-
cide (3). »
Bien que pénétré de la vérité du principe que des degrés
de chaleur différents donnent lieu, dans les opérations, à
des résultats différents, il insiste , indépendamment du feu de
réverbère « qui se fait dans un fourneau couvert d'un dôme, afin
que la chaleur ou la flamme, qui cherche toujours à sortir par le
haut, réverbère sur le vaisseau qu'on a posé à nu sur les deux»
barres de fer; » il insiste, dis-je, sur plusieurs autres espèces
de chaleur, comme l'insolation, les bains de sable, de limaille
de fer, de cendres, de fumier, de marc de raisin, de chaux
vive, etc. »
Lemery avait, d'accord avec d'autres chimistes, constaté l 'au g'
mentation de poids de l'étain et du plomb par la calcinatiot^-
Comme Boyle, il attribue ce phénomène à la fixation des corpus-
cules du feu.
« Les pores du plomb , dit-il , sont disposés en sorte que l^^
corpuscules du feu s'y étant insinués, ils demeurent liés et agglu-
tinés dans les parties pliantes et embarrassantes du métal sans
en pouvoir sortir, et ils en augmentent le poids (4). »
Les phénomènes géologiques et météorologiques attirèrent
(1) Cours de Chimie, (éd. 1730); p. 20.
(2) Voy. p. 252 de ce volume, note 1.
(3) Cours de chimie, etc., p. 24.
(4) Ibid., p. 143.
TROISIÈME ÉPOQUB, 287
également son attention ; il essaya de s'en rendre compte par des
expériences de laboratoire. .
C'est ainsi qu'il explique l'origine des volcans , des tremble-
ments de terre, des embrasements spontanés, par la combinaison
de substances minérales. Et il se fonde sur ce qu'un mélange de
parties égales de limaille de fer et de soufre pulvérisé, et humecté
d'eau, s'échauffe tellement qu'on a peine d'y soufTrirla main..
« Il arrive môme , ajoute-t-il , que si l'on fait vingt-cinq ou
trente livres de cette préparation à une fois, elle s'enflamme et se
calcine à demi avant qu'on l'ait mise sur le feu (1). »
Ce mélange reçut le nom de volcan artificiel de Lemery.
Il explique le phénomène du tonnerre et de l'éclair par une
expérience alors entièrement neuve, et qui , autant que nous sa-
chions, n'avait été encore faite par aucun chimiste : elle con-
sistait dans l'inflammation de l'hydrogène, gaz recueilli pour la
première fois par Boyle qui le confondait avec l'air cqmmun (2).
Ainsi, l'hydrogène avait été déjà préparé, recueilli et brûlé, plus
de cent ans avant d'avoir été décrit comme un élément de l'eau.
Voici le passage en question : « Si Ton met dans un matras de
moyenne grandeur, et dont le cou soit médiocrement long, trois
onces d'huile de vitriol et douze onces d'eau commune , qu'on
jette à plusieurs reprises une once de limaille de fer, il s'y fera
une ébuUition et une dissolution du fer qui produit des va-
peurs blanches, lesquelles s'élèveront jusqu'au haut du matras;
si l'on présente à l'orifice du cou de ce vaisseau une bougie al-
lumée, la vapeur prendra feu à l'instant, et à un temps fera une
fulmination violente et éclatante, puis s'éteindra (3). Si l'on con-
tinue à mettre un peu de limaille de fer dans le matras, et qu'on
en approche la bougie allumée comme devant, réitérant le même
procédé quatorze ou quinze fois, il se fera des ébullitions et des
fclminations semblables aux premières , pendant lesquelles le
matras se trouvera souvent rempli d'une flamme qui pénétrera et
circulera jusqu'au fond de la liqueur. Il arrivera même quelque-
fois que la vapeur se tiendra allumée comme un flambeau au
haut du cou du matras pendant plus d'un quart d'heure. Il me
paraît que cette fulmination représente bien en petit la matière
(1) Cours de chimie, p. 179.
(2) Voy. p. 154 et 155 de ce volume.
(3) L'hydrogène mélangé avec Tair (du matras) devait détoner au contact de
la bougie allumée.
288 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
sulfureuse qui brûle et circule tout enflammée dans Teau des
nues, pour faire Téclair et le tonnerre (1). »
a La vapeur qui s'élève d'un mélange de fer, d'huile de vitriol
et d'eau, et qui s'enflamme au contact d'une bougie allumée , »
fut plus tard désignée sous le nom d'air inflammable ^ avant d'être
appelée hydrogène, c'est-à-dire élément générateur de Veau.
Encres sympathiques. — L'auteur revient à plusieurs reprises sur
ce sujet, qui devait alors singulièrement piquer la curiosité du pu-
blic. Il propose de tracer les caractères avec une dissolution de
plomb dans du vinaigre ou de bismuth dans de l 'eau-forte, et de les
frotter, après leur dessiccation, avec un morceau decotonimbibé
d'une décoction de scories d'antimoine, (sulfure d'antimoine), ou
de chaux et d'orpiment (sulfure de calcium). Il semble ne pas
ignorer que les caractères, d'abord invisibles, deviennent noirs
etlisiblesparceque les molécules sulfureuses s'unissent au plomb
ou au bisrnuth, et il rejette l'explication des anciens, qui avaient
recours « à la sympathie et à l'antipathie, termes généraux qui
n'expliquent rien (2) » .
Poisons, — ^Voici la définition que Lemery donne de ce qu'il faut
entendre par poison : « Le poison est tout ce qui peut rompre et dé-
truire la liaison et l'économie des humeurs du corps, en corro-
dant les parties ou en empêchant le cours naturel des esprits. »
— Il cite ensuite comme poisons les plus communs Varsenic, le
sublimé, la ciguë et lenapellus ( aconit). Il distingue, dans toute
intoxication, deux effets différents : « Les uns, dit-il, comme la
vipère, le scorpion, la ciguë, le napellus, coagulent le sang;
et l'animal meurt en convulsions, de la même manière qu'il ar-
rive quand on seringue quelque liqueur acide dans une veine ou
dans une artère (3). Les autres, comme le sublimé, les arsenics,
rongent et ulcèrent les entrailles, jusqu'à ce que la gangrène y
soit venue; d'où s'ensuit la mort. » Les antidotes sont à peu près
les mêmes que ceux employés par les anciens (4).
Lemery avait lui-même fait des expériences toxicologiques
sur des animaux. Il raconte à ce sujet l'histoire de deux souris
enfermées dans une bouteille de verre contenant deux scorpions
(1) Cours (le chimie (éd. 1730), p. 185.
(2)/&trf., (éd. 1730), p. 391 et 140.
(3) Ibid., p. 236.
(4) Voy. plus haut, t. I, p. 216.
TROISIEBŒ ÉPOQUE. -289
vivants ; la première souris, qui était la plus petite , mourut un
quart d'heure après avoir été piquée ; Tautre, qui était plus grosse,
fut également piquée; mais elle se vengea en mangeant les deux
scorpions, à la réserve de la tête et de la queue : elle échappa
saine et sauve.
Antimoine. — En faisant l'histoire des préparations antimoniales,
l'auteur remarqued'abord que l'antimoine naturel est composéde
soufre et (Tune substance fort approchante d'un métal (stibium).
L'antimoine naturel est, en effet , un sulfure. Les alchimistes lui
donnent divers noms; ils l'appellent loup ou lion rouge y parce
qu'il dévore les métaux (le soufre les attaque); pro^^e, parce
qu'il peut revêtir différentes couleuTs; plomb sacré, plomb des
philosophes, etc. ll.savait fort bien que le fer, avec lequel on pré-
parait le régule d'antimoine, avait pour effet d'enlever à cet anti-
moine naturel les parties sulfureuses qui s'opposent à la for-
mation des cristaux de l'antimoine, disposés en forme d'é-
toile (1).
Le seul dissolvant de l'antimoine est, dit-il, l'eau régale.
la. panacée antimoniale n'était autre chose, d'après la descrip-
tion qu'il en donne , que l'émétique obtenu en traitant une solution
d'antimoine (beurre d'antimoine) par du tartre. La dose de l'é-
métique en dissolution était de huità vingt gouttes dans un bouil-
lon.
Sulfate de magnésie. — Ce sel fut mis en usage peu de temps
après que Giauber eut préconisé les propriétés du sulfate- de
soude. On le préparait en Angleterre par Tévaporalion dès eaux
minérales d'Epsom. Il était .d'abord connu dans les pharma-
copées sous le nom de sal mirabile, sal caiharticum amarum (2).
Lemery s'intéressait aux travaux de Homberg , qui avait ré-
pandu en France la découverte du phosphore. Il émit le pre-
mier ridée que l'on pourrait trouver le phosphore « dans une
infinité d'autres choses où il n'en paraît pas présentement (3). »
Il avait probablement quelques motifs pour parler ainsi, car il
s'était beaucoup occupé de la distillation du crâne et du cerveau
del'homnae, dont l'huile empyreumati que composait, avec l'es-
prit-de-vin et la teinture d'opium, le fameux élixiranti-épilep-
tique, connu sous le nom de gouttes d! Angletefire.
(1) Cours de chimie, p. 299.
(2) Ibid., p. 465.
(3) Ibid., p. 816.
HIST. DE LA CaiMlE. — T. II. 19
290 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
La mousse Terte qui pousse sur les crânes exposés à lliumi
dite de Tair était, sous le nom d'usnée , employée en médecim
eorame un remède puissant. Du temps de Lemery on en faisait
venir de Tlriande : a Car, dit-il, en ce pays-là on laisse les hommes
qu'on a pendus, attachés à des poteaux dans la campagne, jus
qu'à ce qu'ils tombent par pièces ; or, pendant ce temps-là , h
efaaîr et les membranes de la tête s'étant consumées, cette mouss^^
naK sur le crâne (1). »
La présence du fer danslescendres, et particulièrement dans 1&^
charbon du miel, a été pour la première fois signalée par Lemery .
Pour faire cette analyse, il se servait d'un couteau aimanté. « Or»,
s'apercevra, dit-il, que dans ce moment beaucoup de particules
du charbon se hérissent et seront attirées par le couteau, s'y atta —
chant de même que la limaille de fer s'attache à l'aimant. Gett^^
expérience montre que le charbon de miel contient du fer (S), m^
Ces expériences furent faites, en 1702, devant lesmembre^s
de l'Académie des sciences.
Lemery avait, répétons-le, le talent de décrire les choses les
plus obscures et les plus arides avec une simplicité et une préci-
sicNi remarquaUes. Ce talent est la pierre de touche d'un esprL
qui sait apprécier l'importance des détails.
Les faits consignés dans les nombreux mémoires que Lemei
avait présentés à l'Académie royale des sciences, dont il fi
un des membres les plus distingués (3), sont en grande pfirti S^
veproduits dans son Cours de chimie (4).
Les autres ouvrages de Lemery ont pour titres : Pharmacop^^sée
universelle, dont la première édition parut à Paris en 1697, in-4*
Dictionnaire universel des drogues simples y Paris, 1698 , in-4' (5]
Traité de Vantimoine^ Paris, 1707, in-12 (6).
Ces ouvrages appartiennent plus spécialement à l'histoire d
la pharmacie.
(1) Cours de chimie, p. 856.
(2) Ibid., p. 874.
(3) Fonlenelle , Histoire du renouvellement de V Académie royale des scie
ces à Paris, t. II, p. 172.
(4) Les mémoires que Lemery présenta à F Académie remontent aux a
nées 1700, 1701, 1706, 1707, 1708, 1709, 1712.
(5) Ces deux ouvrages eurent en peu de temps un grand nombre d'éditions^
furent traduits en plusieurs langues. j
(6) Ce traité fut traduit en allemand par Malhern; Dresde, 1709, in-a^.
TROISIÂBIE EPOQUE. 291
§20.
Micliel EttmAller.
Michel Ettmûller, né à Leipzig le 26 mai 4644, s'était livré
dans sa jeunesse à Tétude des mathématiques et de la philoso-
phie. Plus tard, il s'adonna aux études médicales, voyagea en
Italie, en France et en Angleterre. De retour à Leipzig, où il avait
obtenu le grade de docteur en médecine , il fut nommé profes-
seur de botanique et de chirurgie. Il mourut dans la même
année que Glauber, en 1668, à Tâge de trente-neuf ans.
Le.Traiié de chimie raisonné d'Ettmûller, qui parut sous le
titre de Chymia rationalis et experimentaliscuriosa; Leyde, 4684,
in-4o, renferme plusieurs faits intéressants. ^
L'auteur expose, entre autres, avec une extrême clarté l'his-
toire des préparations antimoniales. Il rappelle que l'antimoine
commun contient du soufre. Le soufre se reconnaît, ajoute-t-îl,
à son inflammabilité > à son odeur sulfureuse, à sa détonation
avec le nitreetle tartre, aux teintures (foie de soufre) qu'on en
retire avec les alcalis qui s'emparent promptement du soufre des
minéraux, au cinabre que donne l'antimoine commun servant,
avec le sublimé corrosif, à préparer le beurre d'antimoine (1);
enfin parce qu'on retire de l'antimoine beaucoup de soufre tout
semblable au soufre commun;
Od retirait le soufre de l'antimoine naturel, soit par la voie
sèche, en chauffant le minéral dans un appareil sublimatoire,
Soit par la voie humide, en le traitant par l'eau régale.
Quant à l'antimoine proprement dit ( régule), « c'est, dit l'au-
teur, la plus noble partie de l'antimoine et la plus métallique, ou
bien le mercure de l'antimoine concentré ; ce régule est de la
nature du plomb, ou un plomb imparfait, » etc.
hefoie éF antimoine s'obtenait en faisant dissoudre dans un
creuset un mélange d'antimoine. naturel et de parties égales de
nitre et de tartre. « La matière est rouge à cause du soufre de
l'antimoine. Le précipité pulvérulent, que donne le foie d'anti-
moine mis dans l'eau, était appelé safran des métaux ( crocus me-
tallorum) : tsafran, à cause de sa couleur, et des métaux, à cause
(1) Glauber a le premier expliqué cette opération. Yoy. p. 187 de ce volume.
19.
292 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
de rantimoine, qui était considéré comme le père de tous les
métaux (1).))
EttmûUer n'ignorait pas que les alcalis fixes, qu'on faisait
fondre avec l'antimoine naturel pour en extraire le régule (anti-
moine métallique ), absorbent ( ce sont ses propres expressions )
le soufre de Tantimoine, et que, pour en séparer ce soufre, il faut
dissoudre les scories (sulfure alcalin) qui recouvrent le régule,
dans de Teau, et y verser un acide, tel que Pesprit de vitriol.
« Aussitôts'élèvera, ajoute-t-il, une puanteurhorrible (hydrogène
sulfuré), et il se précipitera un soufre diaphorétîque, appelé
soufre doré d'antimoine, » <
Ainsi, le soufre doré d'antimoine n'était que du soufre, tel
qu'on l'obtient en traitant un polysulfure alcalin par un acide.
Du reste, la préparation de ce soufre doré variait beaucoup, sui-
vant les auteurs.
Le fameux médicament anlihectique de Potier [antihecticum
Poierii) n'était autre chose qu'un alliage composé de quatre par-
ties d'antimoine métallique et de cinq parties d'étain, oxydé par
la^ calcination avec du nitre.
Le bésoard minéral^ auquel les médecins et les alchimistes at-
tribuaient de si grandes vertus, était préparé de différentes ma-
nières. Le procédé ordinaire consistait à traiter le beurre d'anti-
moine par l'esprit de nitre, à séparer ensuite tout l'acide par la
distillation, et à faire brûler de l'esprit-de-vin sur le résidu pulvé-
rulent. — Le bézoard minéral n'était donc que de l'oxyde
d'antimoine.
Ettmùller nous apprend qu'il faut user de précautions dans les
calcinations de l'antimoine, parce que la fumée de cette substance
est corrosive et chargée de particules arsenicales. Il conseille de
manger, avant l'opération, du pain et du beurre, a afin que la
graisse de celui-ci tempère la vertu corrosive de la fumée, » et de
mâcher, pendant l'opération, de la racine de zédoaire.
On sait que le peroxyde d'antimoine, fortement calciné, est de
couleur jaune. C'est cet oxyde que les chimistes d'alors appe-
laient fleurs d'antimoine cheiri (2). Étant sublimé avec du sel
ammoniac , il recevait le nom de teinture sèche d'antimoine^ ou
lilium aniimonii, dont Hartmann préconisait les vertus.
(1) Nouvelle chimie raisonaée ; Lyon, 1693, p. 187.
(2) Rappelant la couleur de la giroflée {Cheiranthus cheiri).
TROISIEME EPOQUE. ^3
Le traité de chimie d'Ëttmûller parait avoir été particulièrement
destiné à Tusage des médecins , comme celui de Lefebvre l'a-
Tait.été à celui des pharmaciens.
Les ouvrages d*Ettmûller ont été réunis en trois volumes in-
folio^ et publiés par son fils sous ce titre : Opéra medica theo-
retico-praciica;¥T^ncf.y 1708.
294 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
CHIMIE TECHNIQUE.
Les chimistes qui, pendant le dix-septième siècle, ont cultivé
exclusivement la chimie dans ses applications spéciales aux arts,
tels que la teinture, la verrerie, la parfumerie, etc., ne sont pas
très- nombreux.
P. Antoine Neri, prêtre florentin, recueillit, dans ses voyages
en Italie et dans les Pays-Bas, des renseignements intéressants sui'
la fabrication des émaux, des verres colorés, des pierres pré--
cieuses artificielles, des miroirs métalliques. Son ouvrage, où ces
renseignements se trouvent consignés , a pour titre de Art^
vitraria (1). Merret et Kunckel en ont tiré grand profit.
Venise, Florence et Anvers possédaient des fabriques de verrr^
très-renommées, dont les produits s'exportaient dans les pays
les plus lointains.
Les fabriques de vitriols blanc et bleu de la Hongrie conti-
nuaient à maintenir leur ancienne réputation. Aetius Gletus C^)
et J. M. Caneparius (3) se sont particulièrement occupés de cette
branche de chimie industrielle.
DucLOS, membre de l'Académie des sciences de Paris, avstit
fait des expériences pour rendre l'eau de mer potable (4) ; il
avait entrevu Texistence du sel amer de magnésie dans les eaux
de la mer et de certaines sources salées (5).
BouRDELiN, Marchant, Dodart, également membres de rA<3^-
démie des sciences, s'étaient livrés à l'étude des produits qu'^^i^
(1) Ant. Neri, de Arte vitraria, libi VII, et in eosdem Christ. Merreti obser^*'*'
tiones et notœ; Amstelod., 1681, in-12. — Trad. en anglais sur l'original italien •
the Art of glass^eic; Lond., 1662, in-8». — En français : VArt de la verré^^^^
de Neri, Merret et Kunckel; Paris, 1752, in-4°.
(2) Dodecaporionchalcanthicum; Rom., 1620, in-4*'. — Disput. de chalcantl'»<> 5
ibid., 1623, in-8°.
(3) De atramentisciijuscunque generis; Venet., 1619 et 1629, in-4°; Lor»<ï'
1660; Rotterd., 1711.
(4) Hist. dePAcad. royale des sciences, vol. I, p. 50.
(5) Ibid., année 1667.
TROISIEME EPOQUE. 295
obtient par la distillation sèche des plantes et des matières orga-
niques en général.
Hanton avait proposé de rendre Teau de mer potable à "l'aide
de la distillation, après l'avoir préalablement précipitée par le sel
lixiviel (carbonate de potasse) (1). Cole, Jackson, Todd, Col-
WALL, ont écrit sur l'exploitation du sel marin et des vitriols.
Leurs mémoires ont paru dans les Transactions philosophiques
de Londres (2).
HoGHBERG, Thiemamn et Mautauban sc sont occupés de l'art
de fabriquer les vins ; Moray, de la préparation du malt pour
la bière d'Ecosse, etc.
Un assez grand nombre de chimistes s'efforçaient de répan-
dre le goût des travaux de laboratoire au profit du progrès dies
arts et de l'industrie. .Stiesser (3) et Jean-Maurice Hoffman)^^
jd'Altorf (4), publièrent leurs Acta laboratorii; D. Mayor {S),
Elsholz (6), J. BoHN (7), professeur à Leipzig, et beaucoup d'au-
tres, s'empressaient de communiquer au public le résultait de
leurs expériences.
Les rois de Suède favorisèrent, d'une manière toute spéciale,
le développement de la chimie. Gusta ve- Adolphe , malgré ses
incessantes occupations guerrières , se plaisait à s'entretenir
avec les chimistes de son temps. Sa fille , la fameuse reine Chris-
tine, cultivait la chimie , non-seulement pendant la durée de son
règne, mais encore, après son abdication, dans sa retraite à Rome,
Mais il était réservé à Charles XI de fonder, en 1683, dans là ca-
pitale de la Suède, un laboratoire dont les frais furent supportés
par le trésor royal et le collège des mines. Les manipulateurs s'é-
taient sérieusement proposé de pénétrer dans l'essence même des
(1) PhilosophicalTransact., ann. 1670, vol. V,
(2) Ibid., vol. IV, V, Xn et XIV.
(3) Actorum laboratorii chemici auctoritate atque auspiclis ducum Bruus. et
Lyneburg. in Academia Julia editonim spécimen prinmm; Helmst., 1690, in-4;
specim. secundum, 1693; specim. tertium, 1698.
(4) J. M. Hoffmann! laboratorium novmn chemicum, etc.; Altdorf, 16S3.
Acta laboratorii chymici Altdorlini, etc.; Norimb. et Altdorf, 1719, in-4°.
(5) Gollegium medico-curiosmn hebdomatim intra œdes privatas haben-
dum, etc.; Kiel, 1670 , in-4°.
(6) DistiUatoria curiosa , sive ratio ducendi liquores coloratos per alambi-
cum, etc., Berolini, 1674, in-8**.
(7) Expérimenta ac dubia nonnuUa chymica, etc.; Acta erudit., ann. 1681, -^
Dissertationes chymico-physicœ, etc.;Lips., 1685, in*4°.
296 HISTOIRE DE LA CHIÏflE. ^
corps pour en découvrir les parties constituantes et la manière
dont elles étaient unies; d'étudier la nature des métaax;
d'examiner s'ils étaient susceptibles de perfectionnement, et de
rechercher jusqu'à quel point il serait possible de les trans-
former les uns dans les autres ; de composer, surtout avec les
productions naturelles de la Suède , différents médicaments pins
efficaces que ceux qu'on trouve dans les pharmacies ordinaires;
enfin, de signaler tout ce qui pourrait servir à l'économie rurale.
Ces mêmes manipulateurs s'étaient proposé l'examen chimique
des terres propices à l'agriculture ; la découverte d'une matière
propre à couvrir les maisons, qui réunisseà la légèreté la faculté de
résister aux incendies, aux pluies et aux neiges ; la recherche'des
moyens de garantir lefer de la rouille, le bois de lapourriture, etc.
Urbain Hierne, auquel oh confia d'abord cet établissement,
avait entrepris de publier les travaux faits de son temps dans ce
laboratoire ; mais une mort prématurée l'empêcha d'exécuter
un projet si utile : il ne donna, de son vivant , qu'une espèce
d'introduction , contenant les résultats les plus sommaires des
expériences et des observations qu'il avait faites. Ce n'est-qoe
longtemps après sa mort que Wallerius mit au jour une partie
des expériences chimiques, exécutées dans le laboratoire de
Stockholm, sous la direction de Hierne (1). On y remarque su^
tout un travail sur V Acide de -la fourmi , et un autre sur V Aug-
mentation du poids des métaux par la calcination. Arrêtons-nous
un moment sur le premier travail.
Jérôme Tragus, Lungham et d'autres observateurs avaient
déjà vu que les fourmis rougissent les couleurs bleues végétales
(fleurs de chicorée, de bourrache, etc. ) , avec lesquelles on les
met en contact à l'état humide. J. Wray signala en 1670, dans un
extrait de lettre inséré dans les Transactions philosophiques de
Londres, le résultat de ses recherches sur les fourmis; il constata
que ces insectes, soumis à la distillation, seuls ou humectés
d'eau, donnent un suc très-acide, semblable à l'esprit de vi-
naigre {like spirit of vinegar), lequel rougit les couleurs bleues
végétales, comme le font les acides forts, et donne,' en se com-
(1) Les Actes chimiques d'Urbain Hierne furent publiés et augmentés de notes
par J. G. Wallerius, en 1753, dans Actorum chemïcorum Holmensium^ t. Il;
hoc est Parasceve sive prœparatio ad ientamina in reg. lahoratorio Hol-
^peraciay etc.; Stockholm, 1753, in-S**.
. - TROISIÈME ÉPOQUE. 297
m
Unant avec le plomb, une espèce de sucre de Saturne, et avec
le fer, une liqueur astringente (1).
Hierne reprit ces observations, et en approfondit davantage la
(natière. Il remarqua que, dans la distillation des fourmis, il y a
;rois liquides distincts qui passent dans le récipient, qu'il con-
fient de changer chaque fois : le premier est l'acide de la fourmi^
'aible, étendu d'uD peu de phlegme ( eau) ; le second est fran-
chement acide, et plus fort que le premier ; enfin le dernier, qui
passe dans le récipient, n'est plus que de l'alcali volatil (car-
t)onate d'ammoniaque ), verdissant le sirop de violette, et faisant
effervescence avec les deux premiers liquides. Il essaya ensuite
l'acide deia fourmi avec différents réactifs, et, entre autres,
avec une solution de colophane. Celle-ci, dit-il, est rendue trouble
et lafteuse. Il remarqua aussi qu'étant versé dans une solution
de.foie de soufre, cet acide donne, ainsi que le ferait un acide
fort, un dépôt de soufre- (2).
Dans son travail sur la calcination des jnétaux, Hieme, après
avoir reconnu l'exactitude du fait même de l'augmentation du
poids que les métaux acquièrent pendant la calcination, pense
qae cette augmentation provient d'une espèce d'acide gras et sul-
fureux {aeidum pîngue et sulphureum), contenu dans les char-
bons et le bois. Cependant il avoue que la question est très-em-
barrassante , puisque les métaux se convertissent en chaux
(oxyde), sans l'intermédiaire du bois ou du charbon (3).
Wedel, célèbre professeur de chimie à l'université d'Iéna,
avait adopté l'opinion de Jean Rey ; il fut, par des raisons inad-
missibles, réfuté par le P. Cassatus. De leur côté, Boyle,
Kunckel et Homberg n'avaient pas donné des explications satis-
faisantes au sujet de la calcination des métaux et de leur aug-
mentation en poids. Cette question, de laquelle devait dépen-
dre l'avenir de la chimie, resta donc non résolue pendant tout le
dix-septième siècle. Elle ne fut reprise et définitivement tranchée
qu'au siècle suivant.
(!) Philosoph. Transact., vol. V, for 1670, n<» 68. — Conceming some uncom-
Won Dibiervations and experimenis mode wiih an acide juyce to be found
(2) Act. chim.Holm., t. II, p. 40-51.
(3)Ibid., p. 112-124.
298 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
§21.
Pendant que Hierne dirigeait à Stockholm les travaux chimi-
ques qui s'exécutaient dans le laboratoire du roi de Suède, Hom-
berg faisait à Paris de brillantes expériences dans le laboratoire
du duc d'Orléans.
Ciiillaiiine Homberg.
Homberg appartient à la grande école de la philosophie ex-
périmentale, inaugurée par Bacon, Galilée et Boyle. Comme
Glauber, il n'écrivait pas pour plaire aux hommes, mais pour
dire ce qu'il croyait être la vérité. Ses travaux sont inspirés par
Tamour le plus pur de la science. C'était enfin un chimiste qui
avait des connaissances très-variées , et, ce qui vaut mieux en-
core, c'était un honnête homme.
Homberg naquit, le 8 janvier 1652, à Batavia, capitale de l'île de
Java; il était fils d'un officier au service de la Compagnie hol-
landaise des Indes orientales. Son père l'envoya de bonne heure
en Europe, et lui fit faire ses premières études au collège d'Ams-
terdam. Le jeune écolier, destiné au barreau, alla, par obéis-
sance à ses parents, suivre des cours de droit aux universités
d'Iéna et de Leipzig, et se fit recevoir, à l'âge de vingt-deux ans,
avocat à Magdebourg, ville natale d'Otto de Guérike'.
Mais Homberg n'eut aucun goût pour la profession d*avocat.
Aussi, au lieu de se débattre au milieu des 'turpitudes humaines
et des arguties de la chicane , aima-t-il mieux se livrer aux
sciences d'observation, et s'exercer à la lecture du grand livre
de la nature. Les plantes et les astres fixèrent d'abord son atten-
tion. « Il devint ainsi, comme dit Fontenelle, botaniste et as-
tronome sans y penser, et en quelque sorte à^son insu. » Son goût
pour les sciences alla de jour en jour en augmentant, et finit par
l'éloigner entièrement des affaires du barreau. Ses parents et ses
amis insistèrent, et voulurent même le forcera se marier, afin de
le ramener à l'exercice de sa profession , en lui inspirant le goût
du bien-être matériel. Dès lors Homberg n'écouta plus que sa
voix intérieure, qui était plus forte que celle de ses parents ; il
brisa ses relations de famille, et se mit à parcourir presque tous
les pays de l'Europe, pour suivre ses penchants naturels. Il étu-
dia à Padoue la médecine et la botanique ; à Bologne et à Lon-
TROISIÈME ÉPOQUE. 299
dres, il apprit la chimie ; à Rome, la mécanique et Toptique ;
à Leyde, Tanatomie. Riche de toutes ces connaissances, il se ren-
dit à Witjemberg, université alors très-célèbre, et y obtint le
grade de docteur en médecine. Dans le cours de ses voyages, il
visita les mines d'Allemagne, de Hongrie, de Bohême, de Suède,
recherchant partout la société des savants ; il entretenait des rap-
ports intimes avec les hommes les plus illustres de son époque,
dont plusieurs avaient été ses maîtres, comme Otto de Guérike,
Boyle, Celio, Graaf, le célèbre anatomiste.
En 1682, Colbert, instruit du mérite de Homberg, attira ce
savant en France par des offres avantageuses. Homberg se fixa à
Paris; mais, peu de temps après, il perdit son protecteur. Aban-
donné de ses parents et dénué de ressources, il accepta avec joie.
le présent d'un lingot d'or que lui fit un alchimiste de ses amis,
voulant le convaincre de la possibilité de faire de Tor. Il en retira
400 fr. Cette somme lui servit pour retourner, en 1685, à Rome
où il se livra, pour vivre, à Texercice de la médecine. L'abbé Bi-
gnonle rappela en 1691 à Paris, et le fit nommer membre de
l'Académie des sciences. Un an après, le duc d'Orléans, le môme
qui devint régent en 1715, choisit Homberg pour son maître et
démonstrateur de chimie ; puis, en 1717, il le nomma son pre-
mier médecin, et attacha à cette fonction un traitement con-
sidérable. Ce prince éclairé possédait un des plus beaux
laboratoires de l'Europe où il se livrait avec passion à la chi-
mie, au grand étonnement d'une cour où l'on s'occupait de toute
autre chose que de science. Chimiste, dans la bouche des.
courtisans d'alors, était presque synonyme] d'empoisonneur. Il
ne faut donc pas s'étonner qu'à la mort du Dauphin et de son
fils, on ait dirigé d'injustes supçons contre le heveu de Louis XIV
et son maître de chimie.
Homberg épousa, à l'âge de cinquante- six ans, la fille du cé-
lèbre médecin Dodart, et fut heureux de trouver dans sa com-
pagne une sympathie parfaite de caractère et de goût. M*»® Hom-
berg aimait la chimie avec tant d'ardeur, qu'elle servaità son mari
d'aide et de préparateur. La mort surprit Homberg au milieu de
ses travaux, à la suite d'une dyssenterie chronique. Il mourut en
1715, le 24 septembre, la même année où son illustre élève prît
les rênes du gouvernement, sous la minorité de Louis XV.
<( Jamais, dit son biographe et collègue , jamais on n'a eu des
mœurs plus douces et' plus sociables. Une philosophie saine et
300 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
paisible le disposait à recevoir sans trouble les différents événe-
ments de la vie. A cette tranquillité d'âme tiennent nécessaire^
ment la probité et la droiture. »
Ces paroles de Fontenelle, qui connaissait Homberg dans sa
vie intime, nous dispensent de tout éloge.
Trairaux de Homberg.
Homberg n'a pas publié de corps- de doctrines. Ses travaux
ont été imprimés sous forme de mémoires dans la collection de
l'Académie des sciences, où on pourra les lire à côté des mé-
moires de Cassini, de Roeirier, de Lemcry, de Mariotte, de Bo-
relli, tous collègues et contemporains de Homberg.
Nous avons déjà dît plus baut (1) que-Homberg fit le premier
connaître en France la découverte du phosphore, dont il donna,
d'après Kunckel, uire description détaillée.
Homberg se mit aussi, un des premiers, à examiner les pro-
priétés de ce nouveau corps. Il essaya de démontrer que la flamme
du phosphore est plus intense que celle du feu ordinaire.
« Lorsqu'on s'est brûlé, dit-il, avec le phosphore, l'endroit
brûlé de la chair devient jaune, dur, et creux comme un mor-
ceau de corne que l'on aurait touché avec un fer rouge ; sou-
vent il ne s'y fait point d'ampoule, comme il s'en fait aux autres
brûlures ; et, quand on met quelque onguent sur la blessure, il
s'en sépare une escarre deux ou trois jours après, comme si l'on
•y avait mis un caustique ; ce qui montre que la flamme du phos-
phore est plus ardente que celle du feu ordinaire... La flamme
dû phosphore allumera toujours le camphre , qu'on l'écrase ou
qu'on ne l'écrase pas ; ce qui fait voir que le camphre est bien
plus inflammable que le soufre et la poudre à canon (2). »
Pour faire des expériences divertissantes, l'auteur recommande
d'incorporer le phosphore dans une pommade, et de s'en frotter
le visage : celui-ci paraîtra lumineux dans l'obscurité.
Le phosphore n'était point encore considéré comme un corps
simple : « C'était la partie la plus grasse de l'urine, concentrée
dans une terre fort inflammable (3) ».
(1) Voy. pag.l97de ce volume.
(2) Mémoires de l'Académie des sciences, t. X, p. 110, 30 février 1692.
(3) Jbid., Mémoire présenté le 30 avril \m?..
TROISIEME EPOQUE.. 301
C'était une opinion généralement répandue, que Ton pouvait
retirer le phosphore, en plus ou moins grande quantité, non-
seulement de Turine, mais de la chair, des os, du sang, des
excréments, etc. On allait même jusqu'^ prétendre en tirer des
poils, de la laine, des plumes, des ongles, de la cire, du sucre et
de la manne.
Le nom de phosphore ou de lucifer^ qui est la traduction litté-
rale de cpwç, lumière, etvopopoc, porteur, était alors indistinctement
appliqué à la pierre de Bologne, à la pierre hermétique de fiau-
douin, et au phosphore de Brand ou de Kunckel. Aussi Homberg
divise-t-il les phosphores en deux espèces : « La première com-
prend, dit-il, ceux qui luisent jour et nuit, sans qu'il soit besoin
de les allumer, pourvu seulement qu'on ne les tienne pas dans un
air trop froid, comme sont tous ceux que l'on fait d'urine et de
sang humain ».
C'était là le phosphore proprement dit.
« La seconde espèce renferme ceux qui, pour paraître lumi-
neux, ont seulement besoin d'être exposés au grand jour, sans
qu'il soit nécessaire de se mettre en peine si l'air dans lequel on
l'expose est froid ou chaud. Tels sont la pierre de Bologne et le
phosphore de Baudouin. »
C'est ce que nous appelons aujourd'hui sels pyrophores,
substances que l'on paraissait, dans l'origine^ confondre avec le
phosphore véritable.
A propos de la préparation du phosphore de la première espèce,
Homberg remarque que toute urine n'est pas propre à donner du
phosphore; qu'il faut qu'elle provienne de personnes qui boivent
delà bière. «Tous les essais, dit-il, qu'on a faits avec l'urine de
vin ont manqué ou produit si peu d'effet qu'à peine 'a-t-on pu
s'en apercevoir. »
Cette observation , fort curieuse, ne paraît pas dénuée de
fondement, quand on songe que l'orge, qui entre dans la com-
position de la bière, est, comme tous les grains des céréales,
riche en phosphates, sels dont le vin est presque entièrement
dépourvu.
L'auteur raconte que la découverte du phosphore, appelé
phosphore de Homberg^ est due au hasard. Voulant un jour cal-
ciner un mélange de sel ammoniac et de chaux vive, il fut sur-
pris de voir que ces deux substances produisaient, en fondant,
une masse blanche qui avait I9 propriété de devenir lumineuse
302 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
à chaque coup de pilon, a à peu près comme quand on pile
du sucre dans un milieu obscur, mais avec beaucoup pins
d'éclat » .
Voici en quels termes Homberg enseigne lui-même à préparer
son phosphore : « Prenez une partie de sel ammoniac en pou-
dre, et deux parties de chaux vive ; mêlez-les exactement, rem-
plissez-en un creuset, et mettez-le à un petit feu de fonte (i). »
On voit, d'après cela, que le phosphore de Homberg n'était
autre chose que du chlorure de calcium, un des sels les plus déli-
quescents. C'est ce que l'auteur n'ignorait pas, quand il dit qu'il
faut conserver ce produit dans un air bien sec , à cause de la
grande tendance qu'il a de se liquéfîer.
Dans un autre mémoire. Réflexions sur différentes végéivr
(ions métalliques (2), il indique une méthode plus simple pour
faire l'arbre de Diane, qui ne diffère pas beaucoup de la méthode
d'Ëck de Sulzbach, dont il ne paraissait pas axoir eu connais-
sance (3).
Quelque temps après la découverte de son phosphore, Hom-
berg remarqua aussi qu'une lame de verre jette un éclat lumh
neux quand on vient à la briser dans l'obscurité (4).
Dans un mémoire, intitulé Expériences sur la glace dans le
vide, il s'attache à prouver que si l'eau augmente de volume en
se congelant, c'est parce qu'il y a dans ses pores beaucoup plus
d'air renfermé que dans ceux de tout autre liquide; que
lorsqu'on fait congeler l'eau dans le vide, et qu'elle est bien pur-
gée d'air, elle ne présente rien de particulier dans sa congélation;
enfin que la glace formée dans le vide occupe, conformément à
la loi générale, moins d'espace que n'en avait l'eau avant d'être
congelée (5).
Ces expériences , elles conclusions qu'en tire l'auteur, devaient
alors paraître tout à fait convaincantes.
Quelques mois plus tard, le savant et laborieux académicien
présenta un nouveau mémoire sur VÉvaporation [de Veau dans
ê
(1) Observations sur un nouveau phosphore; Mémoire présenté à l'Aca-
démie le 31 décembre 1G93. |i^
(2) Mémoire présenté àTAcadémie le 30 nov. 1692.
(3) Voy. plus haut, t. I, p. 471.
(4) Réflexions sur l'expérience des lames de verre, etc., Mém. présenté le^^
décembre 1692.
{b) Mémoire présenté à l'Académie le 28 février li9J.
TROISIÈME ÉPOQUE. 303
le vide (1). On y lit que celte évaporation doit être attribuée, non
pas à la diminution de la pression de Pair, mais au mouvement
de la matière ëthérée, qui est supposée jouer un grand rôle dans
les phénomènes de la lumière.
Toutes ces expériences avaient été faites à Taide d'une ma-
chine 'pneumatique perfectionnée par Homberg lui-même.
Mais les plus importants de tous les mémoires sont ceux qui
traitent de la saturation des acides par les alcalis ^ et vice versa.
On y trouve les premiers indices de la loi des proportions défi-
niesj dans lesquelles s'effectue la combinaison des acides et des
bases. « La force des acides, dit l'auteur, consiste à pouvoir dis-
soudre ; celle des alcalis consiste à Otre dissolubles ; et plus ils
le sont, plus ils sont parfaits dans leur genre. »
Substituez aux mots dissoudre et dissolubles ceux de neutraliser
et neutralisables, et vous aurez la définition des acides et des
bases, telle qu'on la donne aujourd'hui (2).
Pour démontrer que le même alcali se combine dans des pro-
portions différentes avec des acides différents^ il traitait une
quantité déterminée (une once) de sel détartre calciné (po-
tasse) avec de l'esprit de nitre en excès ( acide nitrique con*
centré). Après avoir fait évaporer la liqueur jusqu'à siccité, il
pesait le résidu; l'augmentation du poids du sel indiquait la
gwmiité dacide absorbée,
Homberg avait ainsi dressé une table des différentes propor-
tions d'acides volatils ( susceptibles d'être chassés par l'évapora-
tion), se combinant avec la même quantité de base (3).
Dans un second mémoire, il revient sur le même sujet, et s'at-
tache à démontrer que la quantité d'un acide que prend un
alcali est la mesure de la force passive de cet alcali. Ce sont là les
propres termes de l'auteur.
£^fin il fait voir, dans ce même travail, que la chaux éteinte
(carbonatée) dissout la même quantité d'acide que la chaux
vive. Cette expérience lui servait d'argument pour renverser la
théorie de. quelques chimistes, d'après laquelle la chaux devait
perdre sa force alcaline par la calcination.
Dans une notice Sur les huiles des plantes^ l'auteur signale
(1) Mémoire présenté à l'Académie le 15 mai 1693.
(2) Mémoire présenté à PAcadémie le 20 février 1700.
(3) Mémoire présenté à TAcadémie le 29 avril 1699.
304 HISTOIRE bë la chimie.
rimperfeclion des procédés employés par les distillateurs et les
pharmaciens dans la préparation des essences. li dit que, pour
retirer des plantes, par exemple, des roses, toute leur huile es-
sentielle, il faut les laisser macérer pendant quinze jours dans de
Peau acidulée avec de Tesprit de vitriol (1).
Leduc d'Orléans, qui prenait jun si vif intérêt aux progrès de
la chimie, encouragea généreusement les travaux de Homberg.
Il lui acheta, entre autres^ une lentille ardente, de trois pieds de
diamètre, sortant des ateliers du célèbre Tschirnhausen ; elle de-
vait servir à faire des expériences syr la fusibilité et la volatilité
des métaux (2).
Le nombre des mémoires que Homberg a présentés àl'Aca*.
demie, depuis son entrée dans cette société savante jusque Té-
poque de sa mort, est prodigieux. La chimie, la zooJogie, la
physiologie botanique, la physique, Toccupaient tour à tour.
Homberg .et Gassini furent les membres les plus actifs de l'A-
cadémie des sciences.
(i) Mémoire présenté le 28 août 1700.
(2) ObservoAions faites par le moyen d'un verre ardent. Mémoire présenté
àrAcadémiecn 1702.
s
i
4
i
Éi
S
TROISIÈME EPOQUE. 305
CHIMIE MÉTALLURGIQUE
On voit, pendant le xvii" siècle, très-peu de chimistes cul-
tiver la métallurgie d'une manière spéciale ; la plupart se con-
tentaient de suivre les traces d'AgricoIa et de Biringuccio. Le seul
qui mérite une mention particulière est un Espagnol, A. Barba,
ancien curé de Potosi.
§22.
Alonso Barba.
A. Barba est un des meilleurs métallurgistes espagnols. Il nous
a laissé les détails les plus complets sur l'état des mines du Pé-
rou au commencement du xyii" siècle. Les renseignements qu'il
donne ont été recueillis sur les lieux mêmes. Barba fut, pendant
plusieurs années, curé de Potosi; mais ses fonctions ecclésiastiques
neTempêchèrentpas de se livrer lui-même avec succès aux études
métallurgiques, dans lesquelles il fit de rapides progrès. L'ou-
vrage qu'il publia, en 1640 a pour titre : El arte de los metales,
^^ que se enseûa el verdadero bénéficia de los de oro y plata; Ma-
drid, in-^" (1). L'auteur déclare lui-môme avoirécrit cet ouvrage
pour les mineurs, par ordre du gouverneur de la province du
Pérou (2).
On y trouve d.'excellents préceptes, concernant l'exploration et
J*essai des mines. L'expérience, dit Barba, nous fait voir que
toutes les mines, découvertes jusqu'à présent au Pérou, sont d'une
Couleur différente de celle des autres terres. C'est ce qui frappe-
Ci) L'édition espagnole a été réimprimée en 1729. — L'ouvrage de Barba fut
^ïîàduit en anglais par le comte de Sandwich, Londres, 1674, in-S" ; et en français
(dédié à Grassin, directeur général des monnaies de France); Paris, 1751, 2
^ol. in-8®. n en existe aussi une traduction allemande, sous le titre de Berg-
^UcMein, darinnen von der Meiallen und Mineralien Génération und Urs-
P^^ng,-^ gehandelt uJtrd /Hamburg, 1676; Francf., 1726; 1739, Vienne, 1749.
(2) El arte de los mêlâtes^ etc., c. xvi.
HIST. DE LA CBIMIB. — T. II. 20
306 - HISTOIBE DE LA CHIMIE.
même ceux qui s'y connaissent le moins. Il n'y a cependant point
de règle certaine pour connaître l'espèce de métal que renferme
une mine par le seul aspect de sa couleur ; il faut nécessaire-
ment recourir à l'analyse. Potosi et les autres montagnes des
provinces où il y a des mines d'argent sont ordinairement
jaunes comme le froment mûr. Les éftiinences de Scapi , de Pe-
reyra, de Lipas, qui donnent du cuivre, sont de la même cou-
leur (1).
Les mines d'argent les plus riches se rencontraient dans le dis-
trict de Gharcas. Tout ce pays n'était, selon Barba, pour ainsi
dire, qu'une vaste mine. « On a découvert, dit-il, jusqu'à pré-
sent plus de quarante-sept mines, et on a des indices certains
de plusieurs autres très-riches; mais les naturels du pays font
tous leurs efforts pour les cacher.
a Toutes les mines, ajoute-t-il^ qu'on travaille actuellement aa
Pérou ont été trouvées et essayées par les Espagnols. On n'a jamais
pu découvrir aucune mine d'argent qui eûtétéexpk)itée ancien-
nement par les Indiens. Quand on a voulu forcer les naturels du
pays à les montrer, il se sont tués eux-mêmes. On est cependant
assuré qu'ils avaient autrefois des mines d'argent très-abon-
dantes. CShaque petit canton, du temps des InSas^ avait sa mine
particulière. On trouve dans les rues de leurs bourgades, et dans
les murailles de leurs maisons, du métal de bon aloi. Quand je
vins prendre possession de mon presbytère, les rues de Borogoi
étaient parsemées d'un minerai très-riche; je le recueillis, et en
fis mon profit. Les Indiens m'apportaient souvent des minerais
d'argent qu'ils tiraient de mines inconnues aux Espagnols (2). »
C'est ce mystère, dont les indigènes -semblaient envelopper
leurs richesses, qui stimulait au plus haut degré la cupidité fé-
roce des Espagnols.
Tout entier à l'exploitation des mines d'or et d'argent, on né-
gligeait complètement celle des mines de cuivre, de plomb, de
fer, etc., dont le Pérou abondait plus qu'aucun autre pays. On
faisait venir de l'Europe le fer, la couperose, l'alun et les autres
matières qui se consommaient au Pérou, pendant que ce pays
aurait pu, selon l'aveu même de Barba, en fournir suffisamment
à tout l'univers.
(1) El arte de los metales, liv. I, c. xxiv.
(2) Ibid., liv. I, c. ixyiir.
TROISIEME EPOQUE. 307
« On connaît quatre mines de fer dans le district de Gharcas.
On les néglige, pour ne s'attacher qu'à l'argent. Les pierres des
minemis de fer sont aussi dures et aussi pesantes que nos balles.
Les Indiens en mettaient dans leurs frondes , qui étaient an-
ciennement leurs principales armes; c^est l'unique usage qu'ils
faisaient du fer. (1) d
Ce minerai paraissait être du fer presque pur. C'est proba-
blement de ces globes de fer natif dont on avait <C0naats«anee
dans l'antiquité , et qui servaient quelquefois de prix dans les
jeux des héros de la Grèce.
Presque toutes les mines d'argent , au Pérou comme ailleurs^
contiennent du plomb . « A Sibicos, près de Potosi, il y a une
mine de , plomb qui contient un peu d^argent. On ne peut pas
traiter par le mercure les mines de plomb argentifère; il les faut
travailler par la fonte; : c'est pourquoi on tire si peu de pro^fit de
la riche mine d'Andecaba (2). »
Les mines d'étain sont assez rares au Pérou; 3 y en avait «ce-
pendant cinq dans le district de Gharcas; l'une d'elles avait lété
exploitée du ternps des Incas (3).
Les mines d'argent du Pérou ont consommé des quantités pp^
digieuses de mercure , depuis l'adoption du procédé d'amalga-
mation. Ge procédé offrait de grands avantages à Côté de -grands
inconvénients; ceux-ci venaient principalement de la petite
considérable du mercure dont le prix allait en augment£^nt
Barba fournit là-dessus des' documents Curieux.
« L'usage du mercure, dit-il, était rare, et on en consommait
peu avant ce siècle d'argent. On ne s'en servait qu'en des compo-
sitions pharmaceutiques dont on pouvait très-bien se passer,
telles que le sublimé, le cinabre, le précipité rouge, etc. Mais, de-
puis que par le moyen du mercure on sépare l'argent des mine-
rais moulus en farine, la quantité de ce métal qu'on emploie à
cette opération est presque incroyable. Si l'argent qu'on a tiré
des mines du Pérou a rempli l'univers de richesses, on a perdu
ou employé du moins une fois autant de mercure; de telle façon
qu'encore aujourd'hui (vers l'année 1610) celui qui travaille le
mieux consomme le double de mercure de ce qu'il peut tirer
d'argent, et il est rare qu'il ne s'en perde pas davantage. On a
(i) El arte de los metales, etc., c. xxx.
(2) Ibid», c. XXXI.
(3) Ibid., liv. I, c. XXXII.
20.
308 HISTOIRE DE LA CUIMIE.
commencé àPotosi, eni574^ à se servir da procédé d'amalgama-
tion; et jusqu'à présent on a porté aux caisses royales de cette
ville, pour le compte du l*oi d'Espagne, plus de 204,700 quintaux
de mercure, sanscompterce qui estentré par d'autresvoies(1).9
« Cette quantité de mercure fut consommée dans l'espace d'en«
viron trente-cinq ans, depuis 4574 jusqu'à 1609. A cette époque
Barba résidait, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même, dans la pro-
vince de Gharcas, à huit lieues de la ville de la Plata (2).
L'auteur se plaint de l'ignorance des ingénieurs employés aux
travaux des mines , ainsi que de l'insuffisance du procédé
mercuriel. « Ces deux articles , s'écrie-il avec amertume, nous
ont fait perdre bien des millions, et on peut dire,sans exagération,
que ce qu'on perd en ce pays-ci par ignorance et par une négli-
gence très-blâmable suffirait pour enrichir bien d'autres
royaumes. Le gouvernement devrait y pourvoir (3). »
Barba prêchait dans le désert. Le gouvernement espagnol, au
lieu de porter son activité vers le nouveau monde, aimait mieux
attiser en France le brandon de la guerre civile, et y perdre sa
puissance et son argent.
Si les mines du Pérou avaient alors quelque splendeur, c'est
en grande partie aux sages conseils de Barba que les Espagnols
le devaient.
(( La plus exacte probité, dit-il, ne suffît point au métallurgiste,
s'il manque des connaissances nécessaires. Il faut qu'il examine
bien les minerais, leurs qualités et leurs caractères distinctifs;
qu'il sache distinguer ceux qui sont propres à être travaillés par
le mercure, de ceux qui exigent l'emploi direct du feu. On ne
doit point donner cet emploi au premier venu qui ne sache faire
un essai en petit , par le feu , de toute la farine qjie contient le
ccujcon avant d'y incorporer le mercure, afin de s'assurer au juste
combien le caxon contient d'argent (4). L'ignorance en ce point
a coûté et coûte encore tous les jours des sommes considérables
à ce royaume. »
L'auteur rapporte ici deuxfaitsqui se passèrent sous ses yeux.
(\) El arte de los metales, etc., c. xxxit.
(2) ïbid., liv. III, c. I.
(3)/Wd., liv. II, c. I.
(4) On appelle caxon un no.nbre indéterminé de quintaux .de minerais mou-
lus et tamisés, qu'on met dans uie espace d'auge pour les traiter par le mer-
'ire.
\
TROISIÈME ÉPOQUE. 3d9
«( Peu d'années avant que je fusse au pays de Lipas, un mineur
avait travaillé à un filon d'où il avait tiré des minerais très-riches;
mais il en ignorait lui-même la richesse'. Il en fit l'essai par le
mercure,à quatreoucinq cents écus par quintal,et traita les mine-
rais selon ce calcul ; mais il ne tarda pas à abandonner cetle mine,
parce-qu'il n'en tirait aucun profit. Un Indien me la montra ; j'en
fis l'essai par le feu : le minerai donnait neuf cei)its écus par
quintal, au lieu de quatre ou cinq cents qu'il donnait par la mé-
thode ordinaire du mercure. Je fis juridiquement ma déclaration
de lamine, que j'indiquai sous le nom de Notre-Dame de Be-
gona. Aussitôt on y éleva des travaux , et on a depuis découvert,
dans ce même endroit , plusieurs autres filons qui ont donné des
quantités considérables d'argent.
« AVerenzuelade Pacages, sur la colline de Santa-Juana, on
avait rencontré des minerais semblables aux sarroches ( galènes
ai^entifères), qui, par l'essai ordinaire du mercure, donnaient
très-peu d'argent. Les mineurs les rejetaient comme inutiles,
jusqu'à ce qu'un prêtre de mes amis m'en envoya un échantillon
àOruro, où je me trouvais alors. J'en fis l'essai par le feu, et j'en
constatai une richesse de soixante écus par quintal. Le bon prêtre,
sur mon avis, ramassa quantité de ces minerais. Les mineurs,
qui d'abord se moquaient de lui, quelque temps après lui por-
tèrent envie, à cause des richesses qu'il en avait tirées (1). »
« Les mineurs espagnols réduisent les minerais d'argent à trois
espèces; ils appellent pacos (rouge), tantôt des mineraisd'un rouge
plus ou moins foncé; tantôt, comme àVerenzuelade Pacages, des
minerais verts cuprifères; tantôt, comme dans la province de
Charcas, des minerais qui ne se distinguent par aucune couleur
particulière. Les negrillos sont des minerais remarquables par leur
brillant et leur couleur plus ou moins noire. Les mulatos, d'ail-
leurs assez mal définis , tiennent à peu près le milieu entre les
pacos et les negrillos (2). »
Barba, qui s'intéressait vivement à l'exploitation des mines de
Potosi, attribue la perle du mercure, dans l'emploi du procédé
d'amalgamation, à la construction défectueuse des appareils dans
lesquels on chauffait les joma^ ; c'est ainsi qu'on appelait des masses
d'argent de forme pyramidale, contenant encore une quantité no-
table .de mercure qui n'avait pas passé par les pores des toiles.
(1) El arte de los melales^ etc., liv. II, c. m.
(2) Ihid,, c. II.
3tÙ . HISTOIRE SE LA CHIMIE
(( L'argile qu'on emploie^ dit l'auteur, pour faire les vases dans
lesquels on chauffe ces pinas, est ^très-poreuse : l'eau transpire
au travers (i)» n n'est donc pas étonnant que la vapeur mercu*
rielle passe au travers de ces pores et se perde. Qu'on fasse les
cucurbites et leurs chapiteaux avec la terre grasse qui sert à la
fabrication des creusets, l'inconvénient cessera^ et on aura des
vaisseaux qui dureront longtemps, s'ils ne sont cassés par acci-
dent Il importe aussi de vernir les chapiteaux en dedans, mais
non pas les corps des cucurbites, parce que la violence du feu
ferait fondre l'émail vitreux (2). » i
L'eau-forte, dont l'usage avait étégardé jusqu'alors comme un
secret , devait servir avantageusement au Pérou dans l'affinage
des matières d'or et d'argent; mais la manière coûteuse dont on
préparait cet acide , et son emploi défectueux , ne permettaient
pas d'en retirer de grands bénéfices. Tout allait bien, tant que les
Espagnols n'avaient, pour parler ainsi , qu'à se baisser pour
ramasser l'or et l'argent natifs , ou, — ce qui plaisait encore
davantage à ces paresseux hidalgos, — qu'à torturer les indi-
gènes pour teur faire apporter leur métal; mais, dès qu'il fal-
lut Kiettre la main à l'œuvre, fouiller dans les entrailles du sol pour
en arracher les trésors cachés, faire preuve d'intelligence, il n'y
eut plus d'Eldorado; l'Amérique devint, pour ces indignes exploi-
tants, une terre maudite.
Seize ans avant A. Barba, A. Garillo avait publié un traité sur
les Mines de l'Espagne {3). L'auteur, qui est loin de posséder les
eonnaissances métallurgiques de Barba, ne fait qu'un vain éta-
lage d'érudition concernant les mines de l'Ibérie à l'époque
des Romains, et il néglige complètement ce qui pourrait ici nous
^*4re88er le plus, à savoir, la description de l'état des mines de
>n8 : « Il faut avouer, dit-il, que nos rois, dans les longues
lent l'Espagne fut agitée , négligèrent trop l'utile res-
16 les mines leur offraient de toutes parts ; ce fut l'im-
VBses de terre qui laissent suinter l'eau à trarers leurs pores, et qui,
de FéT^wration, la conserrent ainsi fraîche en été (alcarazas), sont
jmnans en Espagne et en Egypte. On s'imaginait anciennement qu'on
( se serrir de ce moyen pour dessaler Teau de mer et la rendre potable.
tilartede ia$ metales, etc., liy. Il, c. xxiii.
, / Las minas de Espana; Cordova, 1624, in-8^. — Trad. en français, im-
jiaé dus le 1. 1 de la Métallurgie de Barba, p. 407.
TAÔISliME ÉPOQUE. 311
puissanceoù ils étaient d'entretenir toujours une armée sur pied ,
qui fit durer si longtemps ces guerres. A peine furent-elles ter-
minées , qu'on découvrit le nouveau monde ; la nouveauté et le
désir de s'enrichir entraînèrent la multitude dans ces régions éloi-
gnées. L'Espagne resta dépeuplée et déserte ; ses mines , ense-
velies dans Poubli, semblent aujourd'hui nous reprocher d'aller
aux extrémités du monde, au prix de mille dangers, chercher
ce que nous avons sous nos pas. »
Carillo n'indique pas toutes les causes qui firent négliger les
richesses du sol de la presqu'île Ibérique. La fainéantise mona-
cale et le fanatisme religieux contribuèrent particulièrement à la
décadence de l'Espagne.
Durant toute la période du xvii* siècle, il ne parut aucun ou-
vrage important sur la métallurgie. F. de Gàstillo (1), un ano-
nyme (i), 01. BoRRiCHius(3), Della Fretta Montalbano (4), Chlu-
Tiivus (5), et plusieurs autres , n'ont à peu près rien ajouté aux
travaux d'Âgricola et de Biringuccio, qu'ils avaient tous pris
peur modèles.
§23.
État des mines au ILTll* sièele.
Henri IV encouragea en France la métallurgie par les ordon-
nances de 1601 et 1603, d'après lesquelles le salaire des officiers
employés aux mines devait être augmenté. Dès l'aniiée 1600, ce
roi avait chargé Malus, maître de la monnaie de Bordeaux, de lui
présenter un rapport détaillé sur l'état des mines dans les Pyré-
néesfll résulte de ce rapport que les montagnes de Foix, de Com-
minges, de Couzerans, de Saint-Pau, de Béarn et de Bigorre,
étaient très-riches en minerais d'argent, d'or, de plomb , de
fer, etc.. Mais Henri IV fut, par des événements imprévus, dé-
tourné de ses desseins concernant l'exploitation des mines des
(1) Tractado de ensey adores; Madrid, 1623, in-8°.
(2) Probirbuchlein ( livre des essayeurs ); Francf., 1608, in-8°.
(3) Docimastice metallica clare et compendiarie tradita ; 1677, m-4'*.
(4) Catoscopia minérale, o vero modo di far saggio d'ogni mimera metal-
lica; Bologne, 1676 m-4°.
(5) De metalUs; Wittenberg, 1666.
312 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Pyrénées. Ces mines furent enlièrement abandonnées après la
mort du roi.
Le mémoire du [maître des monnaies de Bordeaux sur les
mines des Pyrénées fut publié, en 1632, par le fils de Malus,
qui l'accompagna de réflexions économiques fort curieuses.
« Tous les ans, dit-il, il part de la Gascogne, de la Biscaye et des
provinces voisines, beaucoup d'hommes, plus de dix mille, qui
vont en Espagne faire le labeur et autre œuvre pénible de cette
nation arrogante et paresseuse, au lieu des Morisques, cy-devant
habitants de la Grenade, qu'ils ont chassez; car, si Sa Majesté
(Louis XIII) les retenoit pour le mesme salaire qu'ils reçoivent
des Espagnols, et les faisoit travailler à ses mines , elle en reti*
reroit les richesses, et d'autre part elle affameroit ses voisins
peu affectionnez ou plustost de toujours et à toujours ennemis,
et les ruineroit plus par ce moyen juste et légitime que si elle
gagnoit dix batailles sur eux. JËt puis, outre ces volontaires, dont
la France est toujours assez abondante, qui empeschera que l'on
y conduise les vagabonds et les vicieux, voire mesme les mutilez
en quelques-uns de leurs membres? Celui qui n'aura pas de
jambes, avec les mains peut bien tirer les mines que l'on luy
mettra devant; et celui qui n'aura qu'un bras et une main, ne
pourra-t-il pas manier la manivelle de quelque instrument de
rouage; comme aussi ceux qui n'auront que des jambes, d'ailleurs
valides , ne pourront-ils pas entrer dedans des roues appliquées
à des machines pour les faire mouvoir? Car, maintenant plus
riches en inventions des machines , soit pour tirer les eaux que
pour les autres travaux, ne pourrons-nous pas facilement mettre
un chacun en besogne et faire travailler utilement? Aussi bien,
quelque part qu'ils soient, la France les nourrit ; ils ne despen-
dront pas davantage de vivre là qu'ailleurs (2). » *
Ce fut vers ce temps que vint en France la baronne de Beau-
soleil, fameuse aventurière qui promettait au cardinal de Richelieu
de rendre le roi de France le monarque le plus riche de la chré-
tienté. Elle fit paraître deux mémoires, dont l'un, intitulé :
Véritable déclaration faite au roy et nosseigneurs de son conseil,
des riches et inestimables thrésors nouvellement découverts dans le
royaume de France, était dédié à Louis XIII, — l'autre adressé au
(1) Avis (les riches mines d'or et d'argent, et de toutes espèces de métaux et
minéraux des monts Pyrénées , par le sieur de Malus; 1632, in-4**. Imprimé dans
le t. II de la Métallurgie d'Al. Barba; Paris, 1751, in-12, p. 3.
TROISIÈME EPOQUE. " 313
cardinal duc de Richelieu : La restitufiondePluton; œuvre auquel
il est amplement traité des mines et minerais de Fraiice , cachés et
détenus jusqu'à présent au ventre de ia terre, par le moyen des-
quelles les finances de Sa Majesté seront beaucoup plus grandes que
celles de tous les princes chrétiens, et ses sujets les plus heureux de
tous lespeuples.
Il va sans dire que Richelieu ne prêta pas Toreille aux pro-
positions de la baronne de Beausoleil et de son mari, qui pré-
tendaient avoir dépeijsé des sommes énornies pour la re-
cherche des mines du royaume, et demandaient avec instance le
remboursement de leurs frais, sinon la réalisation de leurs pro-
jets. « Je ne suis pas venue en France, dit la baronne , pour y
Ëdre mon apprentissage, ou contrainte par la nécessité; mais
étant parvenue à la perfection de mon art, et désirée par le feu
roy Henry le Grand, d*heureuse mémoire, et mandée et sollicitée
desapart-par le feu sieur de Beringhen , nous y sommes arri-
vez, moy et mon mari, pour y faire voir ce que jamais on n'y a
veu; et ayant au préalable pris licence, permission, passeport
et congé de sa Sacrée Majesté (rempereur d'Autriche ) , avons
bien voulu obliger les François en cela, et montrer aux étran-
gers que la France n'est pas despourvue de mines et mi-
nières (i). »
Ces paroles seules auraient dû suffire pour mettre en doute la
probité de ces deux industriels , qui se vantaient d'avoir dirigé
l'exploitation des mines de la Hongrie, des États du pape, et du
Pérou.
Dans ce même mémoire, la baronne raconte sérieusement
qu'elle a vu, entre autres, dans les mines de Neusolet deChem-
nitz, en Hongrie, à quatre ou cinq cents toises de profondeur, «de
petits nains, delà hauteur de trois ou quatre paulmes, vieux, et
vestus comme ceux qui travaillent aux mines, à savoir d'un vieil
robon et d'un tablier de cuir qui leur prend au fort du corps,
d'un habit blanc avec un capuchon, une lampe et un baston à la
main, spectres espouvantables à ceux que l'expérience dans la
descente des mines n'a pas encore assurez. »
Après avoir énuméré les mines, découvertes en grande partie
à l'aide du compas minéral et delà baguelte de coudrier, la ba-
ronne de Beausoleil se résume en ces termes : a Nous deman-
«
(1) Restitution de Pluton ( Métallurgie d'A. Barba, tom. II, page 60).
314 BISTOIRE DE LA CHDItE.
dons, moi et mon mari, seulement la seureté des biens que nôas
avons employés, et des deniers que nous avons dépensés et que
nous employerons et despenserons cy-après, pour remplir yos
coffres de thrésors et de finances, pour enrichir vos sujets, ou-
vrant dans vos provinces des fontaines qui jetteront Tor et l'ar-
gent gros comme le bras, et le tout par des moyens aussi
justes et innocents que Tinnocence même (1). »
Le rejet de la requête deBeausoleil donna lieu à des réclama-
tions et à des procès qui eurent un grancLretentissement, et daos
lesquels de hauts personnages furent impliqués.
Golbert, le grand ministre de Louis XIY, n'eut garde de négliger
les richesses métallurgiques de la France. Il nomma des hommes
capables, Glerville et César d'Arçons , à la direction générale
des mines du royaume (2).
Le roi avait, en 1640, accordé au général d'Ërlach le privilège
des forges de l'Alsace, à la condition de fournir gratuitement un
certain nombre de bombes, de balles et de grenades (3).
Dans les années 1648 et 1649 ^ on exploita avec beaucoup de
profit les mines d'argent et d'or, situées dans le Val Grésivaudan
en Dauphiné.
En 1667, on compta quarante-quatre forges dans les seuls dis-
tricts deFoix, de Couzerans et de Mirepoix, aux Pyrénées (4).
L'exploitation des mines était bien loin d'être en voie de pros-
périté dans les pays germaniques. La guerre de Trente ans eut
pour résultat de paralyser pour longtemps toutes les branches
de rindustrie nationale. La plupart des mines du Harz furent
fermées après que la famine et les maladies eurent décimé là po-
pulation ouvrière.
Les mines, autrefois si prospères, de la Saxe, de la Bohême et
de la Moravie, tombèrent également en décadence. Ce ne fut qu'a-
près la paix de Westphalie, conclue en 1648, que ces mines re-
prirent de l'activité.
Apartir de Tannée 1660, les mines de mercure d'Idria devinrent
très-lucratives pour la maison d'Autriche. Les Transactions
(1) Gobet, Anciens minéralogistes de France , 1. 1.
(2) Gobet, t. I, Prélim., p. xxxiii.
(Z) Mémoires historiques concernant M. le général (VErlach;Yy erdun, 1784,
(4) Dietricli, Description des gîtes de minerais, des forges et des salines des
Pyrénées , etc.; Paris, 1786, in-4**.
TEOISIÂME EPOQUE. 315
fMosopkiques de Londres, pour Tannée 1665, contiennent un
mémoire assez détaillé sur ces mines. Il y est dit que les ou-
friers restent six heures par jour sous terre, qu'ils deviennent
tous paralytiques et meurent hectiques. Un homme qui n'y avait
travaillé que pendant l'espace de six mois était devenu si tremblant,
qu'il ne pouvait avec ses deux mains porter à sa bouche un verre
de vin sans le répandre ; les pièces de cuivre qu'il mettait dans
la bouche, ou qu'il frottait avec ses doigts, devenaient blanches
comme dePargent. On peut rapprocher ces détails d'autresfaits
semblables, rapportés par Antoine de Jussieu dans son mémoire
Sur les mines d'Almaden en Espagne (1). Les forçats qui travail-
laient dans ces mines , et qui y mangeaient sans se laver, étaient
atteints d'une salivation continuelle , de gonflement des paro-
tides, et de pustules envahissant tout le corps.
Les min^s de Sahla en Suède et celles de Norwége étaient dans
un état assez florissant, pendant la seconde moitié du xvii® siècle.
Les guerres civiles arrêtèrent en Angleterre l'essor de l'indus-
trie métallurgique. Les travaux, entrepris dans les mines d'étain
de Ck>mouailIes^ furent, pendant quelque temps, complètement
suspendus.
La Russie commença bientôt à rivaliser en industrie avec les
autres pays de l'Europe. Les forges d'OIkusch étaient en pleine
activité vers 1630. En 1679 furent découvertes les mines de
Daurie (2).
Hais ce sont les mines du nouveau monde , et particulière-
ment celles du Pérou, qui occupèrent alors le plus de bras. Les
hommes se portaient en masse vers cette terre promise ^ qui
devint pour la plupart une terre de déception. Le procédé d'a-
malgamation , dont on se servait au Mexique comme au Pérou
pour l'extraction de l'argent, était loin de donner des résul-
tats satisfaisants. On continuait à perdre une grande quantité de
mercure, qui devenait de plus en plus cher, en sorte que la perte
de ce métal compensait à peine le rendement des minerais. Nous
avons vu que Barba nous a laissé sur l'exploitation des mines du
Pérou, dans cette période, des détails précieux.
On découvrit, en 1603, dans les environs du fleuve Saint-Lau-
rent, des mines d'argent et de cuivre, dont il est fait mention
(1) Mémoires de rAcadémie des sciences, 15 novembre 1719.
(2) Pallas, Neae nordische Beytrsege, t. IV, p. 199.
316
HISTOIRE DE LA CHIMIE.
dans des lettres patentes de Jacques P^ Il y est dit que le roi
d'Angleterre se réserve le cinquième pour l'argent, et le quinzième
pour 1b cuivre (1).
(1) Purcbas, Pilgrimage^ etc., t. IV, p. 1683.
T&OISliHE iPbQUE. 317
ALCHIMIE.
»^
§24.
Comme il n'entre pas dans notre plan d'écrire l'histoire de
Talchimie , nous ne ferons que mentionner les alchimistes
du xvu* siècle.
On a beaucoup parlé de la confrérie de la {lose-Croix, dont
l'existence fut, pour la première fois, révélée vers 1604. Sans
nous engager dans une discussion, au moins oiseuse, sur Tanti-
quité de cette sorte de société maçonnique ^ il est permis de
croire que c'était une association, d'abord tenue secrète, d'alchi-
mistes qui mêlaient des questions politiques et religieuses à des
doctrines hermétiques. Les travaux des frères de la Rose- Croix
avaient, entre autres 9 pour objet la transmutation des métaux
et l'art de conserver la vie bien au-delà du terme ordinaire. Us
avaient aussi la prétention de connaître tout ce qui se passe dans
les pays les plus éloignés, et d'avoir acquis , par la kabbale et la
science des nombres , la connaissance des choses les plus ca-
chées. Ils se croyaient appelés à régénérer le monde avec Paide
des esprits et des démons les plus puissants. Les huit premiers
Rose-Croix passaient pour avoir la faculté de guérir toutes les -
maladies, et ils soutenaient que par leurs moyens la tiare serait
bientôt réduite en poudre. Ils n'admettaient que deux sacre-
ments, ainsi que les cérémonies de l'Église primitive, et ils re-
.connaissaient l'empereur pour leur chef, aussi bien que de tous
les chrétiens.
A cette profession de foi , ils ajoutaient six règles de con-
duite dont voici la teneur :
1® Les initiés guériront gratuitement les malades ;
2® Dans leurs voyages ils s'habilleront conformément aux
usages des pays où ils se trouvent;
3» Ils se rendront tous les ans au lieu de leur assemblée gêné-
V
i
318 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
raie, et, en cas d'empêchement, ils présenteront une excctse
bien motivée ;
4° Chaque frère choisira une personne capable de lui succé-
der, lorsqu'il lui plaira de mourir;
5** Le nom de Rose-Croix leur servira de marque pour se re-
connaître les uns les autres ;
6® La confrérie sera tenue secrète pendant cent ans.
Le fondateur de cette société, Christian Rosenkreuz^ Âlle- *
mand d'origine, avait été, dit-on , initié en Arabie aux sciences de
l'Orient. Il ordonna, en mourant, que son tombeau ne fût ouvert
que dans cent ans. A l'ouverture de ce tombeau, effectuée en 1604,
on trouva un livre écrit en lettres d'or, contenant, dit-OD,
de très-grands secrets.
Quoi qu'il en soit, cette société comptait beaucoup d'affiliés
vers le milieu djt xvii" siècle , et elle ne parait pas avoir été
inutile aux progrès des sciences. La plupart de ses membres
étaient des illuminés ou des fanatiques. Potier, Michel Mayer,
J. Sperber, faisaient partie de cette société.
L'origine et les prétentions des frères de la Rose-Croix de-
vinrent l'objet de vives controverses. J. Valentin André com-
mença le premier l'attaque , en publiant un ouvrage satirique,
sous le singulier titre de « Noces chimiques (Chemische Hoch-
zeit) de Christian Rosen-kreuz ; les secrets perdent leur valeur,
la profanation détruit la grâce; donc, ne jette pas les perles aux
porcs et ne fais pas à un âne un lit de roses ; » Strasbourg, 1616,
in-8° (1).
Al. WoRMius (2), J, SivERT (3), L. Conrad de Bergen {Monta-
nus) (4) et J. Schubert, etc., poursuivaient les Rose-Croix de
leurs sarcasmes.
En France, cette société fut moralement tuée par le manifeste
de Gab. Naudé, Avis à la France sur les frères de la Rose-Croix,
(1) Une nouvelle édition de ce singulier livre parut à Ratisbonne, 1781, in-8».
Valentin André est probablement aussi Tauteur de Fama fraternitatis Crucis
cum eorum con/c55ione, 1614, in-8°; en allemand; Cassel, 1615, in-8'.
(2) Laureaphilosophica contra fralrcs Rosex Crucis; Hafn., 1619, in-4<».
(3) Entdeckte ilummenschanz oder JSebelkappen (Momeries dévoilées,
etc.) ;Magdebourg, 1617, in-8°.
(4) Grûndliche Anweissung zu der wahren hcrmeiischen Wissenschafi
(Instruction fondamentale de la science hermétique, etc.); 1635'(en manuscrit)^
Imprimé à Francf. et Leipz., en 1751, in-8**.
TBOISliME ÉPOQUE. 319
imprimé en 1623, la même année où ceux-ci avaient essayé de
faire à Paris des prosélytes par une affiche ainsi conçue : j
a Nous députés du collège principal des frères de la Rose-
Croix, faisons séjour visible et invisible en cette ville, par la
grâce du Très-Haut, vers lequel se tourne le cœur des justes;
nous montrons et enseignons, sans livres ni marques, à parler
toutes sortes de langues des pays où nous voulons être pour ti-
rer les hommes, nos semblables, d'erreur de mort. »
Cette affiche piqua vivement la curiosité des Parisiens; mais
elle manqua son but. On y répondit par des ouvrages anonymes,
parmi lesquels on remarque : Examen de la nouvelle et incon-
nue cabale des frères de la Rose-Croix , habitués depuis à Paris;
effroyables pactes faits entre le diable et les prétendus invi^
sibies (i).
Les doctrines cahalistiques et alchimiques des frères de la Rose-
Croix furent défendues par Robert Fludd, et propagées par
J.FEiSH(2),Ph. A Gabella (3),S.GentersbergP'^ (4.),Brotoffer(5),
Grosschedel ab Aicha (6), H. Neuhaus ( 7), F. Rieser (8), Scuweig-
harb (9), Spacher (10), Th. de Pega (11); par un grand nombre
d'auteurs , dont les noms étaient déguisés sous des allégories et
des anagrammes , tels que Jesaias sub Cruce, Irenœus Agnostus,
NigrinuSy PhUaretes^ Stellatus, etc.; enfin, par beaucoup d'ou-
vrages anonymes (12).
(1) Paris, 1623, in-S.
(2) Sommum bonum, quod est Terum magiae, cabake, alchimiae fratrum Roseœ
Cnids subjectum; Franc, 1628, in-fol.
(3) Secretioris philosophiae consideratio, cum coiifessione fraternitatis Roseœ
Cmds édita ;Francf., 1616, in-8^
(4) Spéculum utriusque luminls Gratlae et Naturœ, etc.; Darmstadt, 161 1 , in 8^
(5) EIncidariiis major, etc.; Luneburg, 1617, in-S*'.
(6] Calendarimn naturalc magicum perpetuum profundissimam rerum secre-
tissimaram contemplationem totiusquc philosopbiâe cognitlonem complectens;
— P^teus mercurialis, exhibens naturam metallorum , etc.; Francf.^ 1619,
in-S».
(7) De fratribus Roscœ Crucis ; Dantzig, 1618, in-S*". — UtUissima admonitio
de F. R. C. nempe ansint^ quales sint, etc.; Francf., 1618, in-8^
(8) Cabbala chymica, etc.; MuUius., 1606, in-S*".
(9] Specolom sophicum rodostauroticon, sive Revelalio collegii et axiomatum
Rosœ Cmcianorum; 1617, in-4^.
(10) Cabala^seu Spéculum artis et natursein alcliimia; 1616, in-4°.
(11) Sylloge an bostia slt panis , a fratribus Roseœ Crucis donata Rbumelio et
Pneno ; Hanov., 1618, in-8^.
(12) Voy.Gmelin, Geschichfe der Chemie, t. I, p. 564; et Lcnglet-Dufresnoy,
320 • HISTOIRE DE LA CHIMIE.
La société cabalistique de la Rose-Croix, dont bientôt on
n'entendit plus parler, ne doit pas être confondue, comiïie
Pont fait Lenglet-Dufresnoy et Bergmann , avec une autre
société du même nom , qui s'était formée vers la même époque
en Dauphiné, et dont le fondateur s'appelait l?o«& (2). — La
société de la Rose s'était proposé de résoudre les problèmes
du mouvement perpétuel {perpetuum mobile)^ de l'art transmu-
tatoire des métaux, et de la médecine universelle. Pierre Wo^
mius , après avoir fait de vaines démarches pour intéresser
les états généraux de la Hollande' au plan de cette société,
publia en 1630 un livre curieux sur les travaux des nàembres
du Collegium Rosianum (3).
§ 25.
Alcldmistes du JLVEV' siècle.
Dans tous les temps les hommes se sont laissé séduire par
ceux qui leur promettaient santé et richesse , promesses falla-
cieuses de la pierre philosophale. Être riche et jouir de la vie,
voilà ce qui est au fond de presque tous les désirs des mortels.
Les moyens d'y parvenir sont divers; et c'est là en effet la seule
chose qui varié. Aujourd'hui c'est rastuce qui, sous prétexte
du bien général, s'empare du bien d'autrui; demain, ce sera la
force qui supprimera la liberté pour se dunner ensuite l'air de la
rendre. Partout on tient de beaux discours, pour cacher la laideur
de pensées égoïstes. Est-il donc étonnant qu'on se soit adressé à la
science de l'alchimiste qui se disait en possession de la pierre
philosophale, à une époque où Ion brûlait lès magiciens, et
où l'on croyait plus encore au diable qu'à Dieu?
Les alchimisles étaient, jusque vers la fin du XVIP siècle,
bien accueillis à la cour des princes allemands et scândi-
Hist. de la philosophie hermétique^ t. -'III. Pour plus de .détails sur les
frères de la Rose- Croix, consultez Semler, Historié der Rosen-Kreuzer ; Lei^.-.
1786, in-S"; Tiedemann, Geschichte der Philosophie, t. V, p. 539-541. — Mer'
cure français, t. IX. — Histoire de la philosophie hermétique, t. I, p. 369-
380.
(2)Kazauer, Diss. hist. de Rosœcrucianis ; Wittemb., 1715, in-i<*.
(3) Arcana totius naturœ sccrelissimaiiec hactenus unquam détecta, a colle
gio Rosiano in lucem produnlur ; Lugd., 1630, 'm-\°.
TROISIEUE ÉPOQUE. 32t
naves, parmi lesquels on cite François II, duc de Saxe-Lauen-
bourg ; Gustave-Adolphe, roi de Suède, qui, dit-on, avait fait
frapper un grand nombre de ducats avec de Tor alchimique,
portant les signes ©Çc? (Soleil, Vénus, Mars); Ferdinand III,
empereur d'Allemagne, qui gratifia un nommé Richlhausen du
titre de baron de Chaos. Cet alchimiste avait, dit-on, transmuté
deux livres et demie de mercure en or qui servit à faire frapper
une médaille de la valeur de trois cents ducats. Cette médaille, qui,
au rapport de Fr. Gmelin, se voit encore aujourd'hui, dans le
trésor impérial de Vienne, porte l'inscription suivante : Di-
vina metamorphosis exhibita Pragœ, xvjun, an. MDXXXXVIII,
in prxsentia Cœs, Majest. Ferdinandi III, Sur le revers on lit :
Rara hxc ut hominibus nota est arSy ita rara in lucem prodit. Lau-
deiur Deus in œternmn, qui partem infinitœ suœ scientiœ nobiscum
abjectissimis suis creaturis communicat; en mémoire de la trans-
mutation opérée en présence de l'Empereur, en l'année 1648.
D y avait des alchimistes attachés au service des rois, comme
il y avaitpdes médecins et des astrologues. Gaspard Harbach fut
longtemps l'alchimiste attitré des rois de Danemark Christian IV
etPrédéric III : il savait, dit-on, extraire de l'or des mines de la Nor-
wége, ce qui est plus croyable que la transmutation du fer ou du
cuivre en or. Onlitsur l'exerguedes médailles frappées avec cetor :
^ide miraDomini, 1647 ; ces mots sont surmontés d'une paire de
lunettes. W. Heinersberg transmuta devant l'empereur Léopold
une coupe d'étain en or. Mais on découvrit, après la mort de cet
alchimiste, qu'il avait dérobé à son maître plus de 20,000 florins^
I et que cet or lui avait servi à opérer la transmutation.
Cependant les alchimistes n'avaient pas toujours à se louer de
leurs relations avec les princes. Ceux qui n'étaient pas assez
habiles pour remplir, en apparence du moins , leurs promesses,
furent soumis à des tortures cruelles , jetés dans de sombres
cachots, et payèrent souvent de leur vie leurs téméraires entre-
prises. On pourrait raconter à ce sujet bien des scènes Iragi-
fies.
Les auteurs qui ont, pendant le dix-seplième siècle, écrit sur
l'alchimie , sont si nombreux, que nous devons nous borner à
mentionner seulement les principaux, d'après la liste donnée par
Gmelin. Parmi ceux de l'Italie on cite : A Potius (1), Jean de Pa-
(i) Libri duo de quinta e$sentia soluHva; Panor., 1613, in-4''.
B18T. DE LA CHIMIK. — T. II. 21
322 HISTOIRE DE LA GUIMIE.
DOUE (1), Zagh a Pdteo (2), Chiaramontb (3), J. GuiDius (4), le do-*
minicain RoccA Devendro(5), J. Marini (6), Valer. Martinhjs (7),
H. Grimaldi (8), FiNELLi (9), B. Mazotta (dO), L. Locatelli de
Bergame (11), le moine A. Latoscan (12), Sertimonti (13),
H. Ursini (14), G. Lancilotti (15), L. de Gonti {deComitihus) (16).
Mais, de tous les alchimistes italiens, celui qui s'est acquis la
plus grande renommée par ses écrits ou plutôt par les incidents
de sa vie, c'est Joseph Borri (Burrhus).
Borri naquit à Milan en 1616. Homme de talent et d'une
imagination ardente, il devint le fondateur d'une secte d'illu-
minés, dont le développement fut bientôt arrêté par le tri-
bunal de l'inquisition. Borri se déroba par la f^ite à la ven-
geance de ce terrible tribunal, qui le fit brûler en effigie à Rome,
en 1661. Après avoir erré, pendant onze ans, en pays étrangers,
en France, en Hollande, en Allemagne, en Danemark, il fut arrêté
dans les États autrichiens au moment où il allait se rendre en Tur-
quie, et livré, comme contumace, à l'inquisition. Enfermé dans la
prison du château de Saint-Ange, il y mourut en 1 695, après vingt-
cinq ans de captivité. La reine Christine, qui vivait alors à Rome,
avait obtenu la faveur de le voir et de s'entretenir avec lui de
(1) Philosophîa sacra, sive praxis de lapide miaerali; Magdeb., 1602, ia>4*.
(2) Clavis spagirica ; Venet., 1611, in-4**. Clavls medicinae rationalis, etc.; Ve-
net., 1614, in-4'.
(3) Délia polvereo o elixir vitœ; Firenz., 1620, iii-4**.
(4) De mineralibus tractatus absolutissiraus ; Venet., 1625, in-4*'.
(5) Deir elixir vite, lib. IV; Neapol., 1624,in-fol.
(6) Brève tesoro alchimistico; Venet., 1644, in-S".
(7) Magna physica fœcunda, cœlesti divinoque cultu perfusa, etc.; Venet.,
1639, in-4<».
(8) Dell' alchimia opéra, che con fundamenti di bona filosofia e perspicacité
ammirabile tràtta délia realtà, etc.; Palerm., 1645, in-4®.
(9) Salium empiricum soliloquiura ; Neapol., 1649.
(10) De triplicl philosophîa; Bonon., 1653, in-4°.
(11) Theat. d'arcani chimici; Milano, 1648, in-8*.
(12) Brève compendio di maravigUosi secreti, etc.; Rome, 1655, in-S**. — Cet
ouvrage eut de nombreuses éditions.
(13) De lapide Lydio naturœ aureœ ; 1669, in-S*'.
(14) Exercitatio de Hermete Trismegisto ejusque scriptis; Norknb., 1661,
in-8°.
(15) Guida alla chemia;Modena, 1672, in-12.
(16) Clara fidelisque admonitoria disceptatio de liquorealçahest., etc., Venet.,
1661, in-4°. De metallis, etc.; Colon. Agripp., 1665, in-S**. Manget, BibL
chem.^ t. IT, p. 764.
TROISIÈME ÉPOQUE. 323 .
chimie ; c'est la même reine qui avait fait venir à sa cour Des-
cartes, pour en recevoir des leçons de physique. Les ouvrages-
alchimiques de Borris ont pour titres : la Chiave del cabinetto (i) ;
— Ambasdata de Romolo à Romani (2).
En France on remarque parmi les principaux alchimistes de
ce siècle : P. Morestel (3), Paumier {Palmerius) (4), le francis-
cain G. DE Gastaigne, aumônier de Louis XIII (5), Roussel (6],
J,-B. Besard de Besançon (7), Michel Potier ( Poterius), qui s'inti-
tulait lui-même le premier philosophe hermétique de son
époque : il parcourut tous les pays de l'Europe, se disant pos-
sesseur des plus grands secrets, et mourut pauvre et méprisé (8);
R. DE LA Châtre (9), Nutsembnt, de Ligny, dans l'ancien duché de
Bar (10), DE l'Angélique (11); Montvalon (12)^ le médecin Etienne
deClaves (13), le chirurgien PLAms-GAMPi( JP/a/ncAamj>), dont on
(1) Cologne (Genève), 1681, in-12 .
(2) Genève, in- 8^. — Pendant son séjour à Copenhague, à la cour de Frédé-
ric in, Borri publia : De oriu cerebri et usu medico ; et de artificio oculo-
rum humores restiiuendi^ epistolas dux; Hafniae, 1669, in-8^..
(3) Les Secrets de nature, ou la pierre de touche des poètes, etc; Rouen, 1607,
iji-12.
(4) Lapis philosophicus dogmaticus, etc.; Paris, 1609, in-8^. — Laurus Palma-
na Ârangens fulmen subventaneum cyclopum, falso scholœ Parisiensis notnine
^Tulgatum; Paris, 1609, in-8°.
(5) L'or potable qui guérit tous les maux; Paris, 1611, hi-8^. —Le grand JAi-
iraclede la nature métallique ; Paris, 1611, iA-8**. «— Œuvres médiciiiale6>et chi-
ïiûques (avec le paradis terrestre); Paris, 1661, in -S**.
(6) Secrets de pharmacie et de chimie ; Paris, 1613, in-8?.
(7) Antrum philosophicum, arcana chimica, etc.; August. Yiudel., 1617, in-4''.
(8) Compendium philosophicum in comitem Trevisanum, etc.; 1610, in-12.
— Novus tractatus chimicus de Tera materia et vero prooessu lapidis; Francf.,
i617, in-S**. — Philosophia pura, etc.; Francf., 1617, tn-8** — De conficiendoia-
l>ide philosophico et secretis naturae; Francf., 1622, in-8**. — Apologia herme-
Cico-philosophica; Francf,, 1630, in-4'*. — Redivivi apologia, etc.; Francf., t681;
Xii-4**. — Fons chimicus, etc; Colon., 1637, in-4*». — Pfailosqphia chymica,>etc.,
^ï'rancf., 1648, in-4°.
(9) Le Prototype de l'art chimique, 1620 et 1635.
(10) La Table d'Hermès expliquée par sonnets, avec «on Traité du sel; Paris,
1620. Traité de l'harmonie, du vrai sel secret des philosophes, et de l'espnt
miniversel du monde; la Haye, 1639, in-12. Traduit en lalin par Combach. —
i>oëme philosophique, etc.; la Haye, in-8', ' t
(11) Là Vraye pierre philosophale; Paris, 1622, in-12,
(12) De l'Esprit de vie, ou élixir pour la conservation de Thumeur radicale es
sexagénaires; 1626, in-S*".
(13) Nouvelles lumières philosophiques; des principes de la nature; Paris, 1635,
in-8*. - Cours de chimie ; Paris, 1649^ m 8®.
Ol
324 HISTOlfiE DE LA CHIMIE.
conserve plusieurs maouscrits à la Bibliothèque impériale de
de Paris (1) ; J. Golleson, qui s'olTrait à faire des cours publics
sur la philosophie hermétique (2) ; de Gerzan, qui présentait Tal-
chimie sous forme de roman (3) ; Fabre de Gasteinaudari , mé-
decin et alchimiste très-fécond (4) ; de Ladorde (5) ; Gobineau de
I^ONTLUiSANT, selon lequel les figures sculptées au grand portail
de la cathédrale de Notre-Dame de Paris sont des signes hiérogly-
phiques concernant la pierre philosophale (6) ; J.-D. Brouault(7) ;
le médecin Is. Chartier (8) ; A Isnard (9) ; d'Atremont, au-
quel on attribue le Tombeau de la pauvreté; Dominique Duclos,
qui, vers la fin de sa vie, brûla tous ses manuscrits alchimiques,
afin de détourner ses contemporains d'un art chimérique; d'A-
cqïtbville; Claude Germain ; P. Guisson; Saint-Romain ; P. de
RosNEL ; Salmon, auteur de la Bibliothèque des philosophes alchi-
miques; et d'Espagnet, président du parlement à Bordeaux.
D'Espagnet exposa., ddnis son Enchiridionphysicœ restitutœ (10),
(1) Ouverture dePescolede philosophie transmutatoire métallique, etô.; Pa-
ris, 1633, in-8».
(2) Idée parfaite de la philosophie hermétique, etc.; Paris, 1630, ia-8'*.
(3) Le Trésor de la vie humaine, etc.; Paris, 1653, in-8**. —Histoire africaine,
roman mystérieux et chimique ; Paris, 1627, in-8**. — Histoire asiatique mysti-
que; Paris, 1634, in-8°.
(4) Les ouvrages de cet auteur sont très-nombreux; nous ne citerons que : Al-
chimista Christ ianus; Tolos., 1632, in-8".— Hercules Pio-chymicus; Tolos., 1634,
in-S**. — Hydrographum spagyricum; Tolos., 1639 et 1646, in-8'*. — De auropo-
tabili medicinali; Francf., 1678, in-4*. Manuscriptum ad sereniss. Holsat. ducem
Fredericum, olim transmissum, res alchymicorura obscuras explanans ; Norimb.
1690, in-4**. — Pharmacopœachymica; Tolos., 1628 et 1646, in-8°. — Chirurgia
spagyrica, etc.; Tolos., 1626, in 8°. — Abrégé des secrets chimiques, etc.; Paris,
1636, in- 8". — La plupart de ces traités se trouvent réunis dans Opéra medico-
chymica duobus voluminibus exhihita; Francf., 1652 et 1656, in-;4°.
(5) Explications de l'énigme trouvée à un pilier de l'église Notre-Dame de Pa-
ris; Paris, 1636, in-4*».
(6) Énigmes et hiéroglifs physiques qui sont au grand portail de l'église cathé-
drale et métropolitaine de Notre-Dame de Paris ; dans la Bibliothèque des philo-
sophes alchimiques, t. IV, p. 307.
(7) Abrégé de l'astronomie inférieure, etc.; Paris, 1644, in 4**. il existe à la Bi-
bliothèque impériale un manuscrit inédit du même auteur Sur Veau-de-vie (n . 7937) .
2. 2.
(8) Delà science du plomb sacré des sages; Paris, 1651, in-4**.
(9) L'or potable des médecins hermétiques; Paris, 1655, in-4°.
(10) Paris, 1633, in-S**. — Traduit en français: La philosophie naturelle réta-
blie en sa pureté, etc.; Paris. 1651, in-8°, et en allemand ; Leipzig, 1685, in-8".
— Mangct, Biblioth. chem., t. II. Albinelks, Biblioth. chimie, contracta, ij. 3.
TROISIÈME EPOQUE. dâ5
des idées remarquables sur les principes de la science. Il soutenait,
entre autres, qu'il est impossible de découvrir les vrais éléments
des corps, et que ce que nous appelons éléments^ tels que Teau,
l'air, la terre, etc., ne sont que des corps composés. Il appelait Tair
« le combustible et l'aliment de la vie, » vit» fomes et pabulum,
qualités fondamentales de l'oxygène; il enseignait que le feu est
un corps matériel, extrêmement subtil, en rapport intime avec
l'air environnant ( arcfim^^an/î o^ri (idhxret); que les végétaux
s'accroissent par intussusception , et qu'ils tirent leurs aliments
non-seulement de l'eau- et de la terre, mais encore de l'air;
enfin, que les corps sont le plus propres à se combiner, lorsqu'ils
sont dans un état de division extrême. — Nous ne croyons pas que
VArcanum hermeticœ philosophix opus soit d'Ëspagnet ( ana-
^amme P€nes\nos unda Tagi (1) ) ; car on n'y trouve ni le même
style ni les mêmes idées.
En Allemagne f en Angleterre, en Hollande y en Suède , en
général dans les pays où se parlent les idiomes d'origine ger-
manique, on remarque parmi les chimistes hermétiques :
J. Rhenanus (2) ; N. Hapelius (3) ; Ph. Mûller, médecin à Fribourg,
qui connaissait l'acétate de potasse (4) ; Martin Pensa (5) ; Michel
Mayer , l'un des principaux représentants de l'alchimie au dix-
septième siècle ; il fut créé chevalier et comte palatin par Ru-
-dolphe II et le landgrave Maurice de Hesse (6) ; Samuel NoR-
(1) Paris, 1633, in-8°.
(2) Opéra chymiatrica ; Francf., 1635, in 8*1 — Dissertât, chymico-lechnica;
Itfarparg., 1610, 10-4**. — Solise puteo emergentis, sive disputationis chymico-
technicœ libri très; Francf., 1613 et 1623, in-4**. — Binœ epistolœ de solutione
«aateriae;^Francf., 1635, in-S**.
(3) Cheiragogia Heliana de auro philosophico; Marpurg., 1612, in*8*^. Imprimé
<lans Tkeat, Chemic,^ t. IV, n. 107. — Aphorismi Basiliani ; ibid., n. 108.
(4) Miracula et mysteria chymico-medica; Rothomag., 1610 et 1651, iii-12;
Amstelod.. 1656, in-S**.
(5) Libellus aureusde proroganda yita; Lips., 1615, in-8°.
(6) Arcana arcanissima, hoc est, hieroglyphica ^Egyptio-Graeca , etc.; Londin.,
1614, in^". — Lusus serius, que Hermès, rex mundanorum omnium sub homine
existentiom, post longam disceptationem in concilie octovirali habitam , homine
rationali arbitro, judicatus est; Oppenheim, 1616 et 1619, in-8*^. — De circule
physico quadrato, hoc est, auro ejusque virtute medicinali sub duro corticc
instar nuclei latente, etc.; Francf., 1611, in-4^. — Atalanta fugiens, hoc est, em-
blemata de secretis naturâe chimica ; Oppenh., 1618, in-4°. — Verum inventum,
hoc est munera Germaniae, ab ipso primitus reporta; Francf., 1619, in-8\ —
Septimana philosophica, quaœnigmataanreolaproponuntur; Francf., 1020, in-4*'.
. \
326 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
THON y qu^il ne faut pas confondre avec son homonjrme , Thomas
NoRTHON, plus ancien (i); Ëd; Deane (2); J. de Thorneburg,
évêque de Winchester (3) ; Tlrlandais Butler , qui fit beaucoup
de bruit avec la poudre de projection, qu'il avait, dit-on , déro-
bée à un Arabe de Tunis, son maître (4); Bolnest; J. Ortheltos,
le commentateur du Cosmopolite, de Marie, etc. (5); W. Rol-
FiNK (6) ;: G. Johnson (7) ; Joach. Polemann (8) ; 8. Salzthal (9) ;
M. Schmtjceer (10); Hiebner (11); Sghnurr von Landsidel {12);
JiBBSEN (13); le cordonnier théosophe Jacques Boehiie, qui avait
â^ocié le spiritualisme avec Talchimie (14); Fréd. de Rain,
gentilhomme autrichien, qui traitait de coupables du crime de
lèse-majesté ceux qui doutaient de la réalité de la pierre phî-
Ibsophale ; Jacques Tou, qui prétendait que toute la mythologie
païenne n'est qu'une allégorie du grand œuvre (15) ; Th. Rerkring^
— Themis aurea, hoc est de legibus fraternitatis Roseae Crucis; Francf., 1618^
m-8**. — Voy. Lenglet-Dufresnoy, t. III; Gmelin, t. I, p. 517.
(I) Septem Tiractatus chimici cum figuris, etc.; 1630, in-4°.
(i) Tractatus yarii alchimici; Francf., 1630, in- 4^.
• (3) Omnia in gratiam eorum qui artem auriferam physico-chimice et pie profi-
tentur; Oxon., 1621, in-4®.
(4) Voy. Van Helmont, opéra (Elzevirs, 1648, in4*), p. 582. — Histoire de la
philosophie hermétique, t. I, p. 398.
(5>) Gommentarius in novum lumen Sendivogîi; Tkeat. chim., t. VI, n. 182. —
Manget, t. Il, p. 516. — Interpretatio yerborum Mariae; Theat. chim,, t. VI,
Uk 189. Commentarius in epistolam Pontani, ibid., n. 191.
(6) Mon eotia chemica, mercurius metallorum et mineralium; Jen., 1670»
iiih4«.
(7) Lexicoochkmcum timi obscuromm verborumet rerum hermeticarum, etc.»
Londin., 1657 et 1660, in-S^".
(8)- Novum lumen chymicum ; Amsterd., 1659, in-12.
(9) De potentisslma philosophorum medicina universali; Argentor., 1659,
in-8?.
(10) Secretorwm naturalium chymicorum et medicorum thesauriolum ; Schleu-
sing., 1637, m.8^
(II) Mysterium metallorum, herbarum et lapidum; Erfurt, 1651, in-4*.
(12) Kunst und Wunderbûehlein (le petit livre des arts et des merreilles] ;
Francf., 1676 et 1690, in-8**.
(13) De lapide philos<^horum discnrsos; Rostock, 1645, in-4°. •
(14) Idea chemiœ Bœhmianaeadepta; Amsterd,, 1680 et 1690, în-12.
(15) Ausonius Maximus, ex vetustis codicibus; Amstelod., 1669, in-12. — Ani-
madversionescriticae ad Longini irepl v^/oy; ; Lugd. Bat., 1677, in-12. — Fortuita;
in quibus praeter critica nonnulla tota l'abularis historia Graeca, Phœnicia, i£gyp-
tia, ad chemiam pertinere adseritur; Amstelod., 1687, in-8*^. — Sapientia insa-
nienssive promissa chemiœ; Amstelod., 1689, in-8*'. — Manuductio ad cœlum
ehemicum; Amstelod., 1688, in-8^
* TROISIÈME ÉPOQUE. 327
le commentateur de Basile Yalentin ; Adolphe Baudouin, de*
Grossenheim , qui découvrit le phosphore de Baudoin (1);
D. Reich, qui prétendait avoir décomposé Tor en ses éléments (2) ;
A.-Chr. BEirrz (3); A. Stisser, l'apologiste de ralchimie, qui
était convaincu de la possibilité de la transmutation des mé-
taux (4); Georges Morhof, qui, dans sa lettre à Lancelot, s'ef-
forçait de prouver la réalité de la transmutation des métaux (5) ;
GiAUDER, qui défendiiralchimie contre les attaques de Kirgher, et
qui indiqua divers moyens, pour extraire, disait-il, le mercure des
métaux f 6); Dan. Myuus (7), médecin hessois; Amelung (8);
de Stehbal, Helias (9); Reuden, Vanner, Borrighius, Borel ,
AsHMOL, Bagger, DienheiM; Noll, Horn, Spagher, Gerhard^
Scheunemann, Crusius, Lampert, Poppius, Pontanus , Groelmann,
Croll^TenzeL; Biluch, Mussafia^ Gombach, Starsey, Harpreght,
Barghhutsen , Jean-Frédéric Helvetius , qui assurait avoir
transmuté le plomb en or pur (dû). '
A ces alchimistes, dont il serait facile de grossir la liste, on
pourrait ajouter un nombre considérable d'ouvrages anonymes ,
publiés sous des noms anagrammatiques ou symboliques^ tels
que Sybeusta, Mars, Vigilantius de monte gubi, Eremita, Au
Puii ( Cenirum naturœ concentratum) ^ Démonte eermetis f Le
pied d^ or hermétique) y Floretde Behabor (Songe de Ben-Adam),
(1) Phosphoros hermeticus sive magnes luminaris; Lips., 1674, iii-12. — Au-
mm supeiius etinferius, anrae superioris et inferioris hermeticum; Lips., 1674,
m-12.
(2} Ephemerid. Acad. cœsar. nat. curios., Dec. Il, ann. DC, obs. 151.
(3) Philosophische Schaubilhne (Théâtre philosophique); llamburg, 1690,
in-8". — Tractatlein de menstruo universali ; Nuremb:, 1709, in-8''. — Thésaurus
processuum chymicorum ; Nuremb., 1715, in-4°.
(4) Commendatio chemiae; Helmst., 1679, in-4^.
(5) De metaliorum transmutatione ; Hamb., 1673, iu-S**. Manget, t. I, p. 168.
(6) Dissertât, de tinctura universali, etc.; Altenburg, 1678yin-8*'. Imprimé dans
ïai^, t.I, p. 119.
(7] Tractatus chimicus de animalibus seu Basilicae chimicœ liber septimus ,
Francf., 1610, m-A'^. — Pharmacopcea nova de liiysteriis mcdico-clnmicis ; Francf. ,
1618. -— Opus medico-chymicum, t. HT, in-4**; Francf., 1618 et 1620. — Pliilo-
8(^)hia reformata; Francf., 1622 et 1638, in^**. — Auri anatomia, seu de auro
poUbiU; Francf., 1628, in-4<'.
(8) Tract, nobil. primus in quo alchymiae seu chimicœ artis antiquissima) in-
Teatio demonstratur ; Lips., 1607 1617, in-8*^.
(9) ^eculum alchimise ; Francf.> 1614, in-8*^.
(10) Yitnlus aareus, quem mundus adorât et orat, etc.; Amstelod., 1667 «t
1702, in-fto.
3S8 HISTOIRE DE LÀ GHIIOE.
CxRUS {Refrigeratorius Hierosoltjmitanus); Ghrysogonus de pubis
(Eau mercurielle des sages) ^ Pantaleon {Tumulus hermeticus
apertus Bifolium metallicum , etc. ) , Philàlethes, surnommé
Cyrenxusou Irenxus {Introitus apertus ad occlusum régis pakh
tium) (1).
Nous Aurons une mention plus particulière de Casciorolo, qui,
en cherchant la pierre philosophale , découvrit le phosphore de
Bologne. Cette découverte, racontée par Licetus, professeur de
philosophie à Bologne, dans son livre intitulé Litheosphospharus,
sive de lapide Bononiensi (2), fut faite plus de cinquante ans
avant celle du phosphore.
Vincent Casciorolo, habitant de Bologne, avait, depuis quel*
que temps, abandonné la profession de cordonnier pour se li-
vrer àTart trompeur défaire de Tor.à Taide d'opérations &n-
tastiques. II lui vint un jour Tidée d'opérer sur une de ces pierres
blanches et pesantes, si communes aux environs de sa ville natale.
Il se mit donc à calciner la pierre avec du blanc d*œuf ou d'autres
matières organiques remplissant l'office du charbon , et il ob-
tint, en l'année i602, un produit nouveau, doué de la propriété
singulière de luire dans l'obscurité, après avoir été préalablement
exposé aux rayons du soleil. Casciorolo, qui donnaàce produitle
nom de pierre solaire [lapis solaris)^ s'empressa de le montrer
à Scipion Bagateili, qui passait pour un homme très^versé dans
les connaissances alchimiques. Ce dernier fut d'autant plus frappé
de ce phénomène qu'il lui semblait voir le soleil, symbole de
l'or, se fixer dans cette pierre, qui avait été précisément employée
pour faire de l'or. Bagateili fit part de cette découverte à Ant.
Maginus, professeur de mathématiques à Bologne, qui en-
voya des échantillons de la pierre de Bologne à Galilée, ainsi
qu'à d'autres savants, et môme à plusieurs souverains de l'Eu-
rope (3).
(1) Ceux qui voudraient compléter cette liste, qui est, selon nous, déjà trop
longue, n'ont qu'à consulter Pierre Borel, et le troisième volume de V Histoire de
la philosophie hermétiqu».
(2) Lucera in se conceptam ab ambiente claro mox in tenebris mire conser-
vante, liber Fortanii Liceti Genuensis, in Bononiensi arcbigymnasio pbilosophi-
eniinentis, etc.; Bononiae, 1640, in-4°. -- Cet ouvrage est dédié au cardinal Cap-
ponius, archevêque de Ravenne.
(3) La préparation du phosphore de Bologne, que Lemery appelle très-signifi-
oitXremeni épo7}ge de lumière, fut pendant quelque temps tenue secrète, ou du
TROISIEME EPOQUE. 3^
Si les travaux de tous ces alchimistes avaient été faits d'après
les principes posés par les anciens, à savoir, que les métaux sont
Ses corps composés des mêmes éléments, mais dans des propor-
tions difTéren tes, et qu'il ne s'agit que de trouver ces éléments et ces
proportions pour faire de l'or et de l'argent ; que le fer, le plomb,
rétain, etc., sont des métaux auxquels il faudrait enlever leurs im-
puretés pour les amener à la perfection ; si leurs travaux, dis-
je, avaient été faits d'après les doctrines d'Albert le Graqd et de
Roger Bacon, il n'y aurait qu'à leur donner des éloges. Mais^
quand ces philosophes hermétiques, comme ils s'appelaient eux-
mêmes , soutiennent dogmatiquement que les légendes de l'É-
glise, les douze apôtres, les mythes de Jupiter, de Mercure,
d'Hercule, de Jason, ne sont autre chose que des symboles de
leur grand œuvre, et qu'ils prétendent faire de l'or avec les
taches jaunes d'une salamandre, enlevées avec un outil con-
servé pendant trois fois trois lunes dans le ventre d'un crapaud pris
la veille delà Saint Jean, sous un chêne portant un gui au som-
met, ou quand ils racontent qu'avec une dose presque infinité-
simale d'une poudre jaune ou rouge, projetée sur du plômb^ de
l'élain ou du mercure, on peut transformer des masses de ces mé*
taux en or ou en argent, quand des hommes mettent en avant de
pareilles idées, ils méritent d'être fustigés avec les verges de la
satire.
Il y a deux sortes d'alchimistes : les uns consacrent leurs veilles
au progrès de la science ; les autres ne s'en servent que pour
s'enrichir. Les premiers sont dignes d'éloges , les derniers doi-
vent être flétris (1).
>Qoins les personnes qui en avaient connaissance ne la communiquaient qu''avec
l>€aucoupde mystère, et d'une manière fort incomplète.
Ch. Poterius donna le premier,\[ans sa Pharmacie spagyrique, la description
détaillée du procédé pour obtenir le phosphore de Bologne. Ce procédé consistait
à réduire la pierre en poudre, à Thumecter d'eau et d'un peu de blanc d*œuf, à
en faire des espèces de pastilles que Ton saupoudrait de poussière de charbon, et
qae l'on chauffait pendant 4 à 5 heures à un feu violent. Si ces pastilles n'attiraient
pas encore assez de lumière, on les soumettait à une nouvelle calcination avec du
charbon. — On sait que la pierre pesante de Bologne n'est antre chose que du sul-
fate de baryte, lequel, étant calciné avec du cljarbon, se transforme en sulfure de
baryum pyrophorique. C'est ce sulfure parfaitement sec qui parait lumineux
dans Fobscurité, après avoir été préalablement exposé aux rayons du soleil.
(l)Lenglet-Dufresnoy rapporte plusieurs histoires de projection que le lecteur
curieux pourra lire dans V Histoire de la philosophie hermétique, t, II. Mais alors il
330 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Parmi les savants de ce temps qui ont particulièrement con-
tribué à dévoiler les faux alchimistes , Athanase Rircher oc-
cupe le premier rang.
AtkiiiiiMie Hireher.
Le P.. Kircher, né en 1602, mort en (1680), de Tordre des
jésuites , était archéologue et mathématicien plutôt. que chi-
miste. Natif de Fulda, il fut quelque temps professeur de
mathématiques et de langues orientales à Avignon ; de là il passa
à Rome , où il mourut, à Tâge de soixante-dix-huit ans.
La guerre que le P. Kircher fit aux alchimistes dans son Mundus
subterraneus (1) lui attira de nombreux adversaires, parmi les-
quels nous citerons Blauenstein (2) et Clauder (3). Dans ses
controverses , il se montra dialecticien habile et exempt de tout
préjugé ; il s'exprimait avec beaucoup de verve, et dans un lan-
gage parfois très-caustique.
Il faut, selon le P. Rircher, diviser les alchimistes en quatre ou
plutôt en trois classes ; la première comprend ceux qui croient
l'alchimie une science tout à fait impossible : ce sont des al^
chimistes désappointés ; la deuxième classe se compose de ceux,
qui donnent de Tor ou de l'argent faux pour de l'or ou de l'argent
véritables : ce sont les faux monnayeurs ; enfin la troisième classe
comprend ceux qui prétendent faire de l'or et de l'argent pur, au
moyen de la pierre philosophple : ce sont les alchimistes propre-
ment dits.
Par une sériede raisonnements fort bien déduits, le P. Kircher
arrive à conclure que l'alchimie n'est pas une science impossible,
que peut-être un jour on parviendra à opérer la transmutation des
métaux; mais que, telle qu'elle existe, c'est une chimère. Ceux
faudra lire aussi, comme contre-épreuve, le mémoire de Geoffroy Faîne sur les
supercheries concernant la pierre philosophale (présenté à l'Académie des
sciences le 15 avril 1722 ).
(1) Mundus subterraneus, in quo universa naturœ majestas etdivitiœ sumra*
rerum varietate exponuntur, etc.; Amstelod., 1664, in-fol.
(2) Interpellatio brevis ad philosopbos pro lapide philosophorum contra anti-
chymisticum Mundum subterraneum, etc.; Manget, Bibl. chem.^ 1. 1, pv 11^'
(3) Tractusde tinctura universali, ubi in specie contra R. P. Athanas. KircU^'
riun proexistentia lapidis philosophici disputatur ; Manget, t. I, p. 119.
TROISIÈME ÉPOQUE. 331
qui se disent en possession de la pierre philosophale sont, ajoute-
t-il, ou des fripons ou des niais (1).
Cette conclusion fut adoptée par un grand nombre de chi-
mistes.
(i) De lapide philosophorum dissertaiio, ex Athanas. Kircheri Mundo subter-
raneo descripta ; Manget, Bibl. chem.fi. I, p. 54. — K. J. E. Kestler a extrait
des nombreux ouvrages du P. Kircher tout ce qui est relatif à la cliimie, à la
physique, etc., et Ta publié sous le titre : Physiologia Kircheriana experimen'
to/i5^ etc.^Âmsterd., 1680 et 1682, in-fol.
332 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
SECTION TROISIÈME
COUP d'oeil GENERAL.
En embrassant d'un coup d'œil le développement rapide des
sciences, des lettres et des arts, au dix-septième siècle, ob
serait tenté de croire que l'esprit humain, au lieu de suivre une
marche graduelle, avance par soubresaut. Le moyen ftge est le
calme qui précède l'orage, ou plutôt un long sommeil pendant
lequel l'humanité, semblable à un athlète, puise les forces né>- ^
cessaires à l'ardeur de ses luttes.
Partie de quelques points obscurs, mais grandissant, dès le
seizième siècle, dans des proportions gigantesques, la chimie s'est
tout à coup élevée à la hauteur d'une science de premier ordre.
Fiat lux ! A cette voix qui semblait sortir, comme d'un tom- "
beau, des ténèbres du moyen âge, la fin du XVIII* siècle répon-
dit : Et lux fada est.
Mais gardons-nous bien de trop nous exalter, et surtout ne -^
soyons pas injustes envers nos prédécesseurs : ils ont posé les
premières pierres de l'édifice dont nous nous glorifions d'être les
architectes. La méthode expérimentale, cegrand levier du progrès
des connaissances humaines, pourrait avoir des résultats aussi fu-
nestes que jadis la voie spéculative, si elle s'affranchissait de tout
contrôle et qu'elle méconnût les limites de ses moyens (i). .
Ce n'est qu'à de très-rares intervalles qu'on voit apparaître, sur
la scène du monde, de ces esprits d'élite qui semblent conser-
ver un parfait équilibre entre la théorie et l'expérience, qui do-
minent les détails sans se perdre dans les hauteurs de l'abstrac-
tion, et qui, réunissant tous les faits d'observation en un faisceau
compacte, arrivent à formuler des lois universelles.
Le dix-huitième siècle offre l'exemple de quelques-uns de
ces esprits d'élite.
Il importe que l'homme se rappelle sans cesse que, s'il a beau-
(1) Comp. p. \\[ (le ce volume.
TA0ISI£1I£ EPOQUE. 333
oup fait, il lui reste bien plus encore à faire. Nous nous trou-
ons aujourd'hui en face de la postérité dans la même situation
»ii se trouvaient vis-à-vis de nous nos prédécesseurs. Les gé-
lérations qui se succèdent ne sont que les anneaux d'une chaîne
loDt aucun œil mortel ne mesurera le développement. Si Eck
de Sulzbach (1) et Boyle (2) ne parvinrent pas à découvrir l'oxy-
gène, ce ne fut point de leur faute : ils avaient tout fait pour y ar-
river. Et combien de savants sont aujourd'hui, comme autrefois
Eck de Sulzbach et Boyle, à saisir, — supplice de Tantale 1 — ce
dont la découverte ne sera réservée qu'à leurs descendants ! —
Les découvertes, comme les grandes vérités, sont lentes à se
fûre jour; elles ne brillent de tout leur éclat que sur les scories
des générations éteintes.
Voilà des réflexions bien faites pour abaisser notre orgueil,
tource de tant d'erreurs et de tant de calamités.
§ 1.
• Moltrel d'Élément*
Nous avons vu, dans le siècle précédent, Van Helmont, Boyle,
Mayow, entreprendre des recherches sérieuses sur l'existence des
gaz. Mais, pour approfondir cette question importante et difficile,
il fallait d'abord trouver le moyen de manipuler un corps aéri-
furme avec la même facilité que tout autre corps solide ou li-
quide, et montrer, même aux yeux du vulgaire, que l'air, par
exemple, peut être manié, recueilli et transvasé tout comme l'eau.
Cette tâche était réservée à un physicien français, qui vécut
obscurément au milieu de ses contemporains. « Les ténèbres
ne comprirent point la lumière. »
MoTTREL d'Éi^ment, c'cst le nom de ce physicien, faisait pour
pgner sa vie, vers l'année 1719, et peut-être antérieurement à
(iette époque, des cours de manipulation, ainsi annoncés par voie
d'affiches dans les rues de Paris :
La manière de rendre l'air visible et assez sensible pour le me-
wrer par pintes, ou par telle autre mesure que Von voudra ;pour
faire des jets â^air, qui sont aussi visibles que des jets d'eau,
(l)Yoy.t. I,p. 47i.
W Voy. 1. 1, p. 168.
/
•
334 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Malgré la nouveauté du sujet, le cours de Moitrel n'eut au-
cun succès, et ce qu'il y avait de plus affligeant, c'est que les
princes de la sience d'alors, les académiciens auxquels le pauvre
physicien s'était adressé pour obtenir leur approbation, le trai-
taient de visionnaire, d'esprit malade : ils le tuèrent moralement.
Il ne lui resta donc d'autre moyen que de rédiger ses idées, et de
vendre à un libraire son manuscrit, qu'il dédia a aux dames,»
soit pour se venger de messieurs les académiciens, soit que
les femmes, devinant la vérité, eussent prêté une oreille pins
attentive aux paroles du professeur. La brochure de Moitrel,
imprimée en 1719, fut tirée à un très-petit nombre d'exemplaires;
elle se vendait trois sous, chez Thiboust, imprimeur-libraire an
Palais de Justice.
Le lecteur sera sans doute curieux de connaître les principaux
passages de cette brochure, aujourd'hui extrêmement rare, et
dont un exemplaire , coté n® 3264, dans la bibliothèque de
Falconet, fut imprimé, en i 111, dans la nouvelle édition du Traité
de Jean Rey, par Gobet.
Voici quelques passages textuels de ce travail, qi^i est un
chef-d'œuvre de clarté et de méthode :
Expérience L
« Air plongé au fond de l'eau pour faire voir que tout est plein
d'air, et que nous en sommes environnés de toutes parts, comme
les poissons sont environnés d'eau au fond des mers.
« Disposition, — On plonge au fond de l'eau un grand verre à
boire renversé, et l'on voit que l'eau n'entre point dans le verre,
quoiqu'il soit renversé et ouvert.
(( Explication. — Un verre qui serait plein d'eau le serait tou-
jours , quoique renversé dans l'eau ; il en est de môme à l'égard
de l'air, car le verre, quoique renversé, est plein d'air. C'est
pourquoi, lorsqu'on le plonge dans l'eau, Teau n'y peut pas en-
trer, parce que l'air, qui est un corps, occupe la capacité du verre,
et résiste à l'eau. Si l'on veut voir cet air, il n'y a qu'à pencher le
verre, et on le voit sortir, et l'eau entrer en sa place.
« Remarques. — On connaît par cette expérience que tout ce
qui nous paraît vide est plein d'air, et que nous en sommes en-
tourés, quelque part que nous allions.
« Pour que cette expérience soit bien visible et agréable à voir,
TROISIÈME ÉPOQUE. 335
3n se sert d'un grand vase de cristal, qu'on nomme récipient,
[)arce qu'il reçoit le sujet qu'on veut expérimenter.
Expérience II.
« Jet d^air. — Pour faire voir l'air par le secours de l'eau,
et pourquoi nous ne le voyons pas naturellement.
« Disposition. — On plonge dans l'eau un entonnoir de cris-
tal, dont le bout est fort fin, qu'on bouche d'abord avec le pouce.
Cet entonnoir, qui est renversé, est retenu au fond de l'eau par
le moyen d'un cercle de plomb. Quand on retire le pouce pour
laisser sortir l'air de l'entonnoir on le voit fournir un jet d'air qui
traverse l'eau, et s'élève jusqu*à sa superficie.
a Explication. — L'eau, par sa pesaùteur, comprime l'air par
la base de l'entonnoir, et l'oblige à sortir par le petit trou qui
est au haut de Tentonnoir, où il y a moins de pression, parce que
toute la hauteur de l'eau presse sous la base'de l'entonnoir, et
qu'il n'y a pas la moitié de cette hauteur d'eau qui presse sur le
petit trou. On voit le jet d'air, parce qu'il se fait dans l'eau,
comme on voit un jet d'eau, parce qu'il se fait dans l'air. Si on
faisaitun jet d'eau dans l'eau, on ne le^errait pas^ comme on ne
verrait pas un jet d'air dans l'air; et un homme qui serait dans
Peau, les yeux ouverts, ne verrait pas l'eau, parce que l'eau qui
baignerait ses yeux l'empêcherait de voir l'eau; mais il verrait
fort bien un jet d'air, s'il y en avait un. Car il en est de même de
Pair, où nos yeux sont pour ainsi dire baignés, et nous empê-
chent de le voir.
« Remarque. — Je ne prétends pas dire que l'air soit la cause
de ce que l'on voit l'eau; mais seulement que l'air ne se peut
distinguer dans l'air, non plus queTeau dans l'eau, et qu'il faut
one distance entre nos yeux et l'objet.
Expérience III.
« Mesurer l'air par pintes, ou par telle autre mesure qu'on
voudra, pour faire voir que l'air est une liqueur qu'on peut me-
surer comme les autres liqueurs.
« Disposition. — On plonge dans l'eau une mesure renversée,
on lient à sa superficie, au-dessus de la mesure, le vase où l'on
336 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
veut mettre Pair mesuré. Ce vase, qui est de cristal, doit être
renversé et plein d'eau.
« Explication. — Lorsque Ton penche la mesure, on en voit
sortir Pair qui couje au travers de Teau, pour s'aller rendre
dans le vase disposé à ce sujet, duquel il descend autant d'eau
qu'il y monte d'air, parce que Tair est moins pesant que l'eau.
a Remarque, — Ayant trouvé par le secours de l'eau la manière
d'emprisonner l'air, et de le rendre visible en telle quantité qu'on
souhaite , il est aisé de faire plusieurs jolies expériences en ce
genre, selon la curiosité et le génie des personnes. Pour qui re-
garde la facilité de cette expérience, un demi-setier est plus com-
mode qu'une pinte.
Expérience IV.
(( Mesurer une pinte d'air dans une bouteille qui ne tient pas
pinte f afin de voir répandre le surplus.
(( Disposition. — On se sert d'une bouteille ordinaire, dont
on ôte l'osier. Quand la bouteille est pleine d'eau, on la bouche
avec le doigt, afin de la renverser sans en répandre, pour faire
tremper le bout du goulot dans l'eau du grand récipient, au fond
duquel on a mis un entonnoir de verre, que l'on élève ensuite
pour le faire entrer dans le goulot de la bouteille qui doit être
à la superficie de l'eau.
c( Explication. — On met avec une mesure de l'air dans l'enlon-
noir, cet air coule dans la bouteille, et au quatrième demi-setier
on voit répandre l'air que la bouteille n'a pu contenir. On le voit
couler entre la bouteille et l'entonnoir, mieux que si c'était du
vin ou autre liqueur, »
Il serait difficile de donner un exposé plus simple de ces belles
expériences, qui toutes témoignent de la sagacité de l'auteur.
On sera peut-être curieux de connaître le sort de Moitrel d'E-
lément. Ce physicien occupaità Paris une misérable mansarde de
la rue Saint-Hyacinthe, près de l'ancienne porte Saint- Jacques;
il vivait du produit des leçons qu'il donnait aux écoliers. Une
personne charitable, ayant eu pitié du vieux et pauvre Moitrel, ■
l'emmena avec elle en Amérique, et c'est là qu'il mourut (!)•
(1) Voy. Tappendice à la 2* édition des Essais de Jean Rey, par Gobet; Pa^i*»
1777, in-8V
I
TROISIÈME ÉPOQUE. 337
§2.
La gloire est souventr une chance : elle n'arrive pas toujours à
ceux qui la méritent. Moitrel d'Élément passa inconnu, pendant
que d'autres, pour avoir émis à peu près les mômes idées,
acquirent de la célébrité.
Il y a des moments dans l'histoire où l'esprit humain semble
être poussé, coname par une force irrésistible, aux grandes dé-
couvertes. Depuis les travaux de Boyle, de Van Helmont et de
Mayow, l'attention des chimistes était presque exclusivement
fixée sur l'étude des gaz : ce fut le prélude d'une ère nouvelle
pour la science. C'est ainsi qu'aujourd'hui les physiciens con-
centrent leurs pensées sur le problème dé l'unité des forces.
Serait-ce aussi l'indice d'une ère nouvelle ?
Nous devons signaler ici jusqu'aux moindres essais qui avaient
été faits pendant fa première moitié du xviii" siècle, dans le but
d'éclaircir la question des corps aériformes.
Voici les noms des chimistes qui, pendantcette période,s'étaient
occupés des gaz, dont ils ne cherchaient d'abord à connaître
que quelques propriétés physiques, et leur action sur l'économie «
animale.
J. GoTTSCHED , professeur à Kœnigsberg, étudia l'action de
l'air sur les liquides du corps humain (1); Hawksbee examina
les fluides élastiques provenant de la combustion de la poudre
à canon, ainsi que l'air qu'on avait fait passer sur des mé-
taux incandescents (2); Greenwood, Lowther, Mand, Ghar-
LETT etDoRANTcherchaientà approfondir la nature des airs irres-
pirables, qu'on trouve dans les mines (3) ; Pinkgnau traita du
gaz asphyxiant qui se dégage des matières en fermentation (4);
Ryberg, de l'air considéré comme aliment de la vie (5); J.-Gh.
Lange, de l'existence d'un acide aérien (6); S. SuTTON,du moyen
de renouveler l'air dans les navires (7); Ph. Percival, des eaux
(1) Dissertatio de sethere et aère eorumque in corpus humanum ejusque hu-
moFcs vi atque actione; Regiomont., 1698, in-4°.
(2) Philosoph, Transact, ; ann. 1704 et 1706, t. XXIV, n. 295; an. 1706 et,
1707, t. XXV, n. 311 ; an. 1710-1712, t. XXVII, n. 328.
(3)Transact. philosoph., vol. XXVI, XXXVI, XXXVIII, XXXIX, XLIV.
(4) De suffocatioue ex liquore fermentante; Regiomonl., 1706, in-4".
(5) De aère vitae pabulo ; Hafn., 1733, m-i".
(6)Diss. de acido aereo insonte; Hafn., 1754.
(7) Médical essays and observations by a Society ofEdinburgh; vol. V, 1744.
IIIRT. DE LA CHIMIE. — T. fl. 22
338^ HISTOIRE D£ LA CHIMIE.
acidulés, de llrrespirabilité des vapeurs de charbon, etc. (J);
Lane, de la dissolution du fer par Teau chargée d'air fixe ( gaz
acide carbonique ) (2). Browall, Triewald, Bioernshahl, Deigh-
MANN, Theorald, Frewen, Bel, firent des observations sur les airs
irrespirables et inflammables des galeries souterraines, et sur les
accidents que ces airs peuvent occasionner.
L'immortel Newton, transportant la loi de Tattraction univer-
selle dans le domaine de la chimie, essaya le premier d'expliquer
par l'affinité la dissolution des métaux dans les acides; il fit des
expériences sur l'élasticité des gaz^ et définit la flamme un fluide
incandescent (3).
Son compatriote Haies fit plus particulièrement des fluides
élastiques l'objet de ses recherches. Aussi allons-nous nous y ar-
rêter un moment.
\
§3.
Haie».
Peu de sciences étaient étrangères à Etienne Haies ( né le 7 sep-
tembre 1677), et quelques-unes d'entre elles lui doivent d'impor-
taates découvertes. La physique, lachimie et la physiologie eurent
pouir lui un attrait particulier. Haies avait embrassé l'état ecclé-
siastique. En 1719, il communiqua à la Société royale de Londres,
dont il venait d'être élu membre, des expériences sur les ef-
fel&de la chaleur du soleil pour faire monter la sève dans les
végétaux, expériences qui servirent de point de départ à la
Statique des végétaux ( un des livres les plus remarquables pu-
bliés^ dans la première moitié du xviii* siècle ), que l'auteur dé^
dia , en 1727, au roi Georges IL Haies est mort en 1761. La prin-
cesse de Galles lui fit élever, — honneur insigne, — un monumen t
dans l'abbaye de Westminster.
Traduit en français sous le lilre de Nouvelle Méthode 2)our pomper les mair ^
vais airs des vaisseauxi^ avec une dissertation sur le scorbut, par le doc —
leur Mead, etc.; Paris, 1749, iii-12.
(1) Essa>s médical and expérimental, etc., vol. Il, n G.
[9.) Philosophical Transact,, LIX, n. 30, p. 216.
(3) OpticJis; London, 1701, in-4°, quest. 9,
TROISIEME ÉPOQUE. 339
Trawau^K de Haies.
Haies avait entrepris, dès Tannée 1-724-, un très-grand nombre
d'expériences sur la végétation des plantes, sur leur transpiration,
sur la circulation de la sève, sur la distillation des produits vé-
gétaux et sur les fluides élastiques qui s'en dégagent. Ces expé-
riences furent d'abord communiquées à la Société royale de
Londres, puis recueillies et publiées sous le titre de Végetàblè
itaticks^ or an account of some statical eccperiments on the sap^
being an essay towards a natural history of végétation, etc. ;
LoRd.^ 1727, in -8°. — L'apparition de cet ouvrage produisit une
grande sensation dans le monde savant ; il fut bientôt traduit
en français, en hollandais et en allemand (1).
Le principalmérite de Haies, c'est d'avoir imaginé un appareil
plus convenable que celui de Boyle et de Mayow, pour recueillir
les gaz , appareil dont se servirent plus tard Black, Priestley, La-
voisier, et sans lequel l'acide carbonique, l'oxygène, l'hydrogène
et tant d'autres gaz seraient peut-être encore à découvrir !
La figure suivante (voy. le verso de la page] donnera de cet
appareil une idée plus exacte qu'une description détaillée.
L'appareil dont on se sert aujourd'hui pour recueillir les gaz
ne diffère, comme on voit, de celui de Haies que par quelques lé-
gères modifications, destinées à en rendre l'emploi plus commode .
A la place du tuyau recourbé de plomb, on se sert d'un tube en
verre, et l'on se dispense de suspendre le récipient ou l'éprou-
vette renversée sur la cuve, dont la forme ainsi que celle du ré-
cipient ont été simplifiées.
Nous avons déjà eu l'occasion de constater que, par une
singulière coïncidence, les deux appareils peut-être les plus im-
portants de la chimie, ceux de la distillation et du recueillemenl
des gaz, manquaient , dans l'origine , du tube nécessaire pour
faire communiquer le récipient avec la cornue (2).
C'est l'invention de ce tube que nous devons à Haies. Boyle et
Mayow s'étaient servis, avant lu^ de ballons de verre pleins
(1) La traduction française est due à Buffon : La statique des végétaux, etc.
Paris, 1735, in-i". Nouvelle édition, revue par Sigaud de Lafond; Paris, 1779,
in-S^ — Trad. hollandaise, 1750, in-8**; trad. allemande, 1747.
(2) Voy. plus baut, t. I, p. 202, et t. II, p. 154.
22.
UISTOIBB DE Lk CBIXIE.
d'eau, et renversés sur des cuvettes remplies du même liquide.
L.es gaz qu'ii parvint ainsi à recueillir étaient très-variés.
H en obtenait en chaiiirant du bois de chiine, du blé de Turquie,
du tabac, des huiles, du miel, du sucre, des pois, de la cire, du
succin, du sang, de la graisse, des écailles d'huître, etc. Il
montrait que la plupart de ces gaz sont inflammables, et il com-
parait dans ses expériences, faites avec beaucoup de soin, le poid:
de la substance employée avec la quantité de gaz produit (1).
Indépendamment de ces gaz, résultats de la distillation de ma-
tières organiques, il avait recueilli les fluides élastiques provenani
de l'action des acides sur les métaux ( acide vitriolique, eau el fer
— eau-forte et cuivre), de la combusticui du soufre, du char-
bon, du nitre, de la fermentation, de la distillation des eaux de
Spa, dcPyrmont, etc. Il démontra, par une série d'expériences,
que l'air dans lequel brûle un corps combustible ,
(O'SlalicliS of vegel., cli. VI.
TROISIÈME EPOQUE. 341
phosphore, etc., diminue de volume ; qu'après Pextinclion de ce
corps, il est impossible de le rallumer, et que la respiration des
animaux produit le même effet que la combustion; d'où il
conclut que les animaux absorbent une certaine partie de l'air,
laquelle se combine dans les poumons avec les particules combus-
tibles du sang.
(c Dans l'intérieur des vésicules du poumon, dit Haies, le sang
est séparé de l'air par des cloisons si fines, qu'il est raisonnable
de penser que le sang et l'air se touchent d'assez près pour
tomber dans la sphère d'attraction l'un de l'autre; et c'est par
ce moyen que le sang peut absorber continuellement de nouvel
air, en détruisant son élasticité (i). »
Il n'y avait qu'un pas à faire pour arriver à la théorie de la res-
piration considérée comme un phénomène de combustion.
Haies savait aussi que le plomb augmente considérablement de
poids en se convertissant en minium, et que le minium chauffé
au moyen d'une lentille dégage une énorme quantité de fluide
élastique.
Les principaux gaz produits et recueillis par lui étaient : l'hy-
drogène, l'hydrogène bicarboné, l'acide carbonique, l'hydro-
gène protocarboné, l'acide sulfureux, l'azote, l'oxygène. Il ne
manquait plus, pour avoir la série presque complète, que le
chlore, le cyanogène et les gaz qui, tels que l'ammoniaque et
l'acide chlorhydrique, sont trop solublesdans l'eau pour pouvoir
. être recueillis sur ce liquide.
Cependant Haies n'a lui-même découvert aucun de ces gaz.
Pourquoi? c'est que tous ces gaz n'étaient pour lui 'que de l'air
commun. Si l'air, provenant de la distillation de la cire, de la
graisse, des pois, etc., est inflanamable, c'est qu'il est, disait-il,
imprégné de particules sulfureusesou huileuses. Si l'air estirres-
^pirable, c'est que ses molécules ont subi une diminution de
l'élasticité nécessaire à l'entretien de la respiration. En un
mot, tous ces différents gaz ne sont pour lui que de l'air atmos-
phérique , susceptible , selon les circonstances, d'être modifié
dans sa composition et dans son élasticité.
Haies s'était imaginé, ce que personne n'aurait pu lui ôter de-
Tesprit, que Tair (atmosphérique) est le lien élémentaire qui unit
entre elles toutes les particules d'un corps, et qu'il en est éliminé
(1) Statieks of vegct.,clï. VI, exp. 110.
342 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
soit par la combustion, soit par la fermentation. C'est ainsi
qu'une théorie préconçue peut rendre Thomme aveugle.
En résumé, Haies n'a pas, à proprement parler, découvert
de gaz ; mais il a inventé le meilleur moyen de les recueillir. Moi-
trel d'Élément avait enseigné que Tair est susceptible d'être
transvasé comme de l'eau; mais il n'avait pas indiqué le moyen
de le recueillir lorsque ce fluide se dégage de quelque combi-
naison. Haies est venu combler cette lacune.
•
§ 4.
Boerhaa^e, Venel, Cieoflroy aine, et d'autres
ehinitotes pneumatistes.
Les expériences de l'auteur de la Statique des végétaux, éveil-
lèrent l'attention des physiciens et des chimistes.
BoERHAAVE fut uu dcs premiers à répéter les expériences de
Haies, et il se forma à cet égard à peu près les mêmes idées que
leur auteur.
Fr. VejSbl, professeur de chimie à Montpellier, présenta, en
1750 , à l'Académie des sciences, deux mémoires ayant pour
objet de prouver que les eaux de Seltz, et la plupart de celles
connues sous le nom d'acidulés, doivent leur goût piquant, ainsi
que les bulles qui s'en élèvent et qui imitent l'effet du vin de
Champagne, à une quantité considérable d'air en état de disso-
lution. Il fabriqua le premier une espèce d'eau gazeuse, au
moyen de parties égales de sel de soude ( carbonate) et d'acide
muriatique (1). Ces recherches n'amenèrent aucun résultat nou-
veau; car l'auteur se refusait obstinément à croire que l'air des
eaux gazeuses fût différent de celui de l'atmosphère. Il y avait
plus de cent ans que Van-Helmont avait déjà dit ce que Venel ne
fit que répéter sur l'existence d'un fluide élastique dans l'eau
gazeuse acidulé; et cependant Van-Helmont s'était bien gardé
de confondre l'air (esprit sylvestre) de ces eaux avec l'air atmos-
phérique (2).
Indépendamment de ce travail , il nous reste de Venel quel-
(1) Mémoires présentés à l'Académie des sciences de Paris par divers savant*
étrangers, \ol. II, p. 53, 80 et 337.
(2) Voy. p. 137 et 138 de ce volume.
TROISIEME EPOQUE. M^
ques observatîoDS sur la décomposition des plantes (1) , sur les
moyens de dissoudre les calculs urinaires (2), sur le salpêtre (3)
€t sur la bile (4), observations qui ne contiennent rien de «ail-
lant.
Geoffroy aîné cita plusieurs cas de production de gaz în-
flammables et irrespirables (5) ; Desaguliers voulut expliquer
la formation des mofettes dans les galeries souterraines, et pro-
posa des moyens de renouveler Tair dans les chambres où se
trouvent accumulés des malades (6) ; Duhamel donna également
des instructions sur le renouvellement de l'air dans les hôpitaux,
dans les prisons, etc. (7). Le célèbre physicien Muschenbroek ne
resta pas étranger à Tétude des gaz (8). J. Huber, de Bâle, an-
nonça que les poumons sont comme un filtre qui laisse passer
Tair dans le sang (9) ; Gaspard Hauser traita de Tair dans Tin-
térieur de Téconomie (10) ; J. Veratti publia une série d'expé-
riences sur l'action nuisible de Tair corrompu par la respiration
des animaux (11); un médecin napolitain, J. MoscA, traita de
l'influencedeTair dansla production des maladies (12) ; Nollet,
Daquen, Fave, Sauvages, Hannjeus, Bartels , Teichmeyer,
ScHRECK, Alberti, Reimmann, Seip, étudièrent TacAion des airs
irrespirables qui se rencontrent dans la nature.
§5.
Black.
L'étude des fluides élastiques avait jusqu'à présent dérouté
les plus habiles expérimentateurs. Aucun gaz n'avait encore
été parfaitement distingué de l'air atmosphérique, lorsque
(1) Mém. présent, à l'Acad. de Paris, vol. II, p. 319.
(2) Quœstiones chemicae duodecini, etc., quœst. 3, 9, 10,
(3) Ibid., n. VII.
(4) Ibid., n. IX.
(5) Hist.fdeVAcad, des sciences, années 1701, 1710, 1744, 1751.
{a) Philosoph. Transact,, an. 1735 et 1736.
(7) Jtist. de VAcad. des sciences, année 1748,
(8) Tentamina experimentorum naturalium corporura in Acad, dcl Cimen-
lo, etc., addit., § 36-50; § 77.
(9]Deaereatque electro occonomiâBanimalis, etc.; Cassel., 1748, in*4°.
(10) Diss. de aère intra œconomiam cori)oris humani; Basil., 1733, in--4*'.
(11) De Bonon. scient, et art. institut, commentarii, vol. Il, pars I.
02) Dell' aria e di morbi dell' aria dipendenti ; Neapol., 1746 et 1747, in-8«.
344 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Black parut. En découvrant ou plutôt eu distinguant le gaz acide
carbonique des autres corps aériformes, ce chimiste imprima à
la science une direction nouvelle.
Plus ancien que Lavoisier, Black resta, avec quelques restric-
tions, fidèle à la doctrine du phlogistique, en dépit des pro^
grès rapides que faisait journellement la chimie , progrès
auxquels il avait lui-même considérablement contribué. Son
exemple montre qu'on peut faire de grandes découvertes, et
enrichir le domaine des connaissances positives de faits nou-
veaux, alors même qu'on se laisse dominer par des doctrines
erronées.
Joseph Black peut être revendiqué par la France, car il naquit
à Bordeaux en 1728, de parents écossais, établis sur le sol français.
Il vint très-jeune en Ecosse, et étudia la médecine à Glasgow et
dans l'université d'Edimbourg, où il obtint, en 1754, le grade
de docteur en médecine. Ce fut à cette occasion qu'il soutint une
thèse remarquable , De humore acido a cibis ortOy et magnesia
alba, où l'on trouve dès expériences propres à faire distinguer
la magnésie de la chaux. En 1756 il fut chargé, à Glasgow, de
la chaire de Cullen, son ancien maître, qui venait d'être appelé
à la place de professeur de chimie à l'Université d'Edimbourg.
L'année suivante, le jeune professeur attira sur lui l'attention du
monde savant par son beau travail Sur la chaleur latente. Lors-
que Cullen quitta en 1765 sa chaire, son élève fut jugé digne
de le remplacer.
Par la nouveauté de son enseignement Black fit affluer en
Ecosse une nombreuse jeunesse, suivant avidement les leçons
du célèbre professeur. Celui-ci entretenait en môme temps une
correspondance active avec les chimistes les plus distingués de
l'Europe, et en particulier avec Lavoisier, qui se plaisait à l'appe-
ler son maître. 11 s'opposait, avec chaleur et vivacité, à l'en-
vahissement des théories nouvelles de la chimie pneumatique,
soit par conviction, soit pour ne pas donner un démenti à ses tra-
vaux primitifs. Le Nestor de la chimie du dix-huiUème siècle
(c'est ainsi que Black fut surnommé par Fourcroy) mourut:^
âgé de 71 ans. Ses mœurs'étaient simples et austères ; son carac^—
tère, froid et réservé.
M. Robinson, son élève favori, nous a laissé des détails tou- —
chants sur les derniers jours de la vie de ce savant modèle. Sr».
mort fut calme comme l'avait été sa vie.
TROISIEME EPOQUE. ' 345
a Le 26 novembre 1799, Black expira sans qu'aucun symptôme
eût précédé ce terrible passage. Il était à table; son repas ordi-
naire était un peu de pain , avec des prunes cuites^ et sa boisson
habituelle était du lait mêlé d'eau. Il tenait sa coupe à la main,
lorsque son pouls battit pour la dermière fois : il la posa sur ses
genoux, qu'il tenait serrés pour qu'elle ne tombât pas, et expira
à l'instant, sans qu'une goutte de boisson fût versée et sans qu'au-
cun de ses traits eût changé sa physionomie. On aurait dit qu'il
était là encore comme pour montrer expérimentalement à ses
amis combien il est facile de mourir. Dansée moment/ son do-
mestique ouwt la porte pour lui annoncer une visite; on maître
ne répondant pas, il s'avança de quelques pas ; mais, le voyant
tranquillement assis et tenant sa coupe sur ses genoux, il le crut
endormi,ce quilui arrivait souvent après le repas. Il s'en retourna.
Cependant, arrivé au milieu de l'escalier, une sorte d'inquiétude
le fit revenir sur ses pas ; il retrouva son maître dans la même po-
sition, et se préparait encore une fois à s'en aller, lorsqu'un
nouveau scrupule le fit approcher; il s'assura cette fois que
Black avait cessé de vivre.
« Black était, ajoute Robinson , à la fois un savant et un
homme du monde; rien de ce qui peut contribuer à l'agrément
de la société ne lui était étranger, et il savait causer de baga-
telles comme des sujets les plus profonds. Il avait l'oreille très-
musicale, et il chantait avec beaucoup de goût; il était assez
bon musicien pour exécuter un air à la première vue ; et je n'ai
jamais entendu personne apprécier avec autant de finesse et de
goût les divers caractères des compositions musicales, nationales
ou étrangères, et les comparer entre elles avec autant de saga-
cité, n cessa de cultiver ces talents lorsqu'il vint s'établir à Edim-
bourg. Son cours de chimie était l'objet de tous ses soins. Chaque
année il cherchait à rendre son cours encore plus simple et plus
familier, et à varier ses expériences avec une dextérité et une
grâce infinies. C'est en étudiant l'Optique de Newton qu'il prit
l'habitude de ces raisonnements par induction qui devaient le
mettre sur la voie des découvertes. »
TraTAiiiK de Blark.
Black n'a écrit lui-même qu'un très-petit nombre de mémoi-
ï'cs, insérés dans les Philosophical Transaciions of London, et
346 HISTOIRE DE LA GUIMIE.
dans les Physical and litterary essays and observations bya Society
in Edinburgh. Comme Rouelle, il se fit surtout connaître par son
enseignement, qui fit de nombreux disciples. Ses leçons, dans
lesquelles il se plaint quelquefois avec aigreur de Lavoisier,
furent rédigées après sa mort sur les manuscrits de l'auteur
par un de ses élèves les plus distingués, M. Robinson, et pu-
bliées sous le litre de Lectures on the ejements of chem'stry,
delivered in the university of Edinburgh, by the late J. Black;
new published front his manuscripts, by John Robinson, professer
of naturéU philosophyf etc. (l).
Nous avons fait connaître les recherches de Fred. Hoffmann
sur une terre alcaline différente de la chaux, la magnésie (â).
Black vint les compléter par des observations nouvelles. Ce
fut là son premier travail. «Lorsque je commentai, dit- il, à
faire des expériences de chimie, j'eus la curiosité d'examiner
de plus près la terre décrite par Hoffmann. JiC résultat de ces
expériences me suggéra, quelque temps après, l'idée de donner
une explication plus satisfaisante de l'action de la chaux vive sur
les sels alcalins ( carbonates) , et je me trouvai ainsi engagé dans
une série de travaux qui devaient plus tard répandre une vive
lumière sur beaucoup de points importants de la chimie.
« Vers cette époque (année 1754), les docteurs "Whytt et
Alston, professeurs à l'université d'Edimbourg, avaient soulevé
une discussion de médecine pratique d'un grand intérêt : le pre-
mier soutenait que l'eau de chaux, faite avec la chaux des co-
quilles d'huître (lime-water of oyster-shell lime) est plus efficace
pour dissoudre les calculs de la vessie que l'eau de chaux pré-
parée avec la pierre calcaire ordinaire ; le docteur Alston* don-
nait à cette dernière eau la préférence. Attentif à cette discus-
sion, j'avais conçu l'espérance qu'en essayant un grand nombre
de terres alcalines, je pourrais peut-être en rencontrer quelques-
unes qui fussent différentes , par leurs qualités, des espèces
communes, et qui donnassent une eau encore plus efficace que
la chaux des coquilles d'huître. Je commençai donc mes recher-
ches par la terre décrite par Hoffmann (3). »
Black préparait la magnésie ( à l'état de carbonate ) en traitant
(1) Lectures on the éléments of chemistnj, etc., vol. Il, p. 52.
(2) Edinburgh, 2 vol. in-4°, 1803.— Cet ouvrage, tiré à un très-petit nombre
d'exemplaires, est aujourd'hui très-rare.
^3) Voy. p. 229 de ce volume.
TROISIÈME EPOQUE. 347
une solution de sel cathartique amer ( sulfate de magnésie) par
la potasse commune ( carbonate ). Voici les caractères qu'il en
donne , et qui désormais ne permettaient plus de confondre la
magnésie avec la chaux :
1® La magnésie (magnésie carbonatée) fait effervescence avec
les acides et les neutralise. Les composés qu'elle forme avec les
acides sont différents de ceux que donne la chaux avec ces
mêmes acides;
2" Elle précipite la terre calcaire de ses combinaisons avec les
acides; «
3^ Exposée à Taction du feu, elle ne se change pas en chaux
vive ;
4® Calcinée et traitée par Teau, elle ne donne point de solu-
tion, sensible au goût; elle est donc, contrairement à la chaux
vive, insoluble dans Teau.
Cependant Black n'ignorait pas que la magnésie ( carbonatée j,
soumise pendant quelques heures à l'action d'une forte chaleur
rouge (magnésie calcinée), possède des propriétés différentes
qui firent l'objet de ses recherches.
Il remarqua d'abord que la magnésie calcinée diminue con-
sidérablement de volume, que son poids est aussi moindre
(Imparties s'étaient réduites à 5), et qu'elle se dissout dans les
acides, sans effervescence, bien que les sels qu'elle forme avec
les acides ne diffèrent point de ceux que ces mômes acides pro-
duisent avec la magnésie non calcinée.
Gesrésultats l'engagèrent às^assurer comment le feu avait opéré
ces changements, et quelle était la matière qui s'était séparée par
faction de la chaleur y et qui avait ainsi diminué le poids et le vo-
lume de la magnésie.
« A cette fin, je mi», dit-il, une quantité déterminée de ma-
gnésie (carbonatée) dans une cornue de verre, à laquelle j'adaptai
UQ récipient entouré d'eau froide. Je chauffai jusqu'au rouge ;
mais je n'obtins qu'une très-petite quantité de fluide aqueux ( a
wry small quantity of watery fluid), contenant des traces d'une
matière volatile ; et pourtant la magnésie avait beaucoup perdu
de son poids. Ce résultat 'm 'étonna, et me rappela certaines ex-
périences de Haies. Je conjecturai alors que la perte du poids
qu'avaitéprouvéela magnésie serait peut-être due à lasublimation
d'une matière aérienne élastique ( elastic aerial matter ), ou d'un
aip passé travers le lut de l'appareil. Je me confirmai dans cette
348 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
idée en pensant que l'effervescence que la magnésie fait avec
les acides pourrait bien provenir de l'expulsion d'un air com-
bine avec cette substance.
« Pour mieux me corroborer dans mon opinion, je réfléchis
au moyen de rendre, s'il était possible, à la magnésie calcinée
l'air qu'elle avait perdu par la calcination. Et je me demandai
d'abord comment la magnésie avait acquis cet air : elle ne pou-
vait l'avoir acquis pendant qu'elle était encore combinée avec
l'acide sulfurique dans le sel d'Epsom; car l'effervescence que la
magnésie produit, au contact d'un acide, prouve que celle-ci ne
peut pas être combinée en même temps avec un acide et avec cet
air en question. La magnésie ne peut donc avoir reçu cet air que
de l'alcali (carbonate) employé pour la précipiter (1) ».
A l'appui de cette manière de voir Black fit l'expérience sui-
vante, tout à fait décisive :
« Je pris, dit-il, 120 grains de magnésie commune ; je'la cal-
cinai dans un creuset, de manière à lui faire perdre 70 grains de
son poids. Cette magnésie, ainsi calcinée, fut ensuite dissoute
sans effervescence dans une quantité suffisante d'acide vitrioli-
que dilué, et la liqueur fut précipitée par une solution chaude
d'alcali fixe commun (carbonate de potasse). Enfin, en pesant
ce précipité, convenablement lavé et desséché, je pus me con-
vaincre que la magnésie avait recouvré, à une légère différence
près {except a mère tri fie), la totalité -du poids qu'elle avait
perdu par la calcination. Et ce précipité se comportait en tout
comme la magnésie commune. »
Cette expérience confirma l'habile chimiste dans l'idée que la
magnésie reçoit une certaine quantité d'air de la part de l'al-
cali employé pour la précipiter. Il expliqua parfaitement le
double échange d'acide et de base, et conclut que la somme des
forces qui tendent à unir l'alcali avec l'acide est plus grande
que la somme de celles qui tendent à unir la magnésie avec l'air
en question (gaz acide carbonique).
Bientôt après, Black fit une expérience très-importante pour
la connaissance exacte du gaz acide carbonique. Voici com-
ment il la décrit : « Mettez un peu He sel alcalin ( carbonate
de potasse), ou de chaux, ou de magnésie ( carbonatées), dans
un flacon contenant un acide étendu; fermez aussitôt l'on-'
(1) Lectures on ihe cléments of chemisiry, etc., vol. IF, p. 59.
iiy
TROISIEME EPOQUE. 349
\ertiire du flacon avec un bouchon de liège , «par lequel
passe un tube de verre recourbé en col de cygne {bent into a
iwan-neck)'^ Tautre extrémité du tube sera (d'après la méthode
de Haies) introduite dans un vase de verre renversé^ rempli d'eau
et placé dans une cuvette de même liquide. Vous verrez aussitôt
Qoe vive effervescence se produire et de nombreuses bulles élas-
tiques traverser Teau pour en gagner la surface, en déprimant la
colonne du liquide. Ce n'estdonc^pas là une vapeur paassagère
qui s'échappe, mais un fluide élastique permanent , non con-
densable par le froid. »
C'est à ce fluide élastique que Biack donna le nom A'air fixe
OM/ixé (fixedair), qui fut, quelques années après, changé, par
Bei^mann, en celui d'acide aérien, et enQn^en celui de gaz acide
carbonique^. Ce dernier nom a prévalu.
« Dans la même année de 1757 , pendant laquelle j'avais
publié le premier rapport de mes expériences, je découvris, con-
tinue Black, que cette espèce d'air absorbable par les alcalis est
mortel pour tous les animaux qui respirent à la fois par la bouche
et par les narines. Mais j'eus occasion d'observerque des moineaux
qui mouraient dans cet air au bout de dix à onze secondes pou-
vaient y vivre trois ou quatre minutes, lorsque les narines de ces
oiseaux avaient été préalablement fermées avec du suif. Je pus
me convaincre que le changement qu'éprouve l'air salutaire sous
Tinfluence de la respiration consiste principalement, sinon uni-
quement [ifnoi solely), dans la transformation d'une partie de
cet air en air fixe ; car j'avais remarqué qu'en soufflant à travers
un tuyau de pipe dans de l'eau de chaux ou dans une solution
d'alcali caustique, la chaux se précipitait, et que l'alcali perdait
de sa causticité^ »
Dans la même année, le même chimiste trouva que l'air qui se
produit pendant la fermentation est de l'air fixe^ ce qu'avait
déjà constaté Van-Helmont, qui avait donné à cet air le nom
de gaz sylvestre. Dans la soirée du mêmejour où il avait fait cette
observation, Biack démontra, au moyen de l'eau de chaux, que
la combustion du charbon donne naissance à de l'air fixe ; il
confirma ainsi expérimentalement l'idée de Van-Helmont.
BlaJck parvint le premier, par ses belles expériences, à démon-
trer que les alcalis et les terres alcalines renferment une certaine
quantité d'air fixe qui, au contact d'un acide, se dégage avec ef-
fervescence; que cet air est fortement combiné avec les alcalis,
350 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
puisque la chaleur la plus intense ne suffît pas pour leur faire
perdre leur effervescence avec les acides ; que les alcalis sont en
quelque sorte neutralisés par cet air {in some measure neutrali-
zed);que la chaux calcinée (ainsi que tout alcali caustique ), ex-,
posée à l'air libre, attire peu à peu les particules de Pair fixe qui
existe dans l'atmosphère; enfin (et en cela Black s'éloigne entiè-
rement de Topinion de Haies ) que tout air n'est pas de l'air
fixe, mais qu'il faut admettre une distinction entre l'élément
prédominant de l'air atmosphérique , et cet air qui forme la
crème de l'eau de chaux.
Cependant ces déductions, parfaitement légitimes, furent vi-
vement attaquées par la plupart des chimistes contemporains; .
ce qui montre, une fois de plus, combien la vérité est lente à
se faire jour!
Mais ce qui fait le plus d'honneur à la sagacité de Black, c'est
la découverte de la chaleur latente, que vainement on a cherché ^
à lui ravir. La chaleur latente devint la pierre angulaire de l'é- ,
difice de Lavoisier, de la théorie de la combustion.
Ce travail de Black date de l'année 1762 (1). L'auteur se
demanda d'abord pourquoi la glace fond si lentementparracûon
de la chaleur; les théories jusqu'alors émises sur la fusion des
corps étaient impuissantes à expliquer ce fait. Dans la première
expérience entreprise à ce sujet, il trouva que, pendant que
l'eau à 0> s'élève à la température de 7®, la même quantité de
glace, également à 0**, Quoique soumise à la môme chaleur que
l'eau, exige un temps 21 fois plus long, pour arriver à la même
température de 7*» (7 X 21 = 147), et qu'il y a, par consé-
quent, 140 degrés (Fahrenh.)'de chaleur d'absorbés, que le ther-
momètre n'indique pas.
Pour mieux s'assurer encore de l'absorption et du recel de la
chaleur {the absorption and concealment ofheat),\\ mêla en* |
semble quantités égales d'eau chaude et d'eau froide. Ce mélange \
s'opéra d'une manière égale partout, et la température du mé- \
lange fut moyenne entre celle de l'eau chaude et de l'eau froide.
Black fit d'autres expériences pour établir nettement que,
lorsqu'on fait fondre de la glace dans une égale quantité d'eau
à 176** ( Fahrenh. ), le mélange qui en résulte est à peu près à la j
température de la glace fondante. Celte quantité considérable de
(1) Voy. Lectures on thevlemenis of chemistry, etc. y vol. I,.p. loi
TROISIEME EPOQUE. 361
chaleur qui disparaît et que le thermomètre n'indique pas,
Black l'appela chaleur latente [latent heat).
L'eau bouillante marque toujours le môme degré de tempéra-
ture, quelle que soit la chaleur qu'on lui applique. Black donne
ce fait comme connu, mais il démontre expérimentalement que,
pendant la vaporisation, il y a une grande quantité de chaleur
d'absorbée, laquelle n'est point accusée par le thermomètre, et
qu'il arrive ici ce qui se passe pendant la liquéfaction des corps
solides. c( De même que la glace , dit-il, combinée avec une
certaine chaleur, constitue l'eau ; ainsi l'eau coipbinée avec une
•nouvelle quantité de chaleur constitue la vapeur. »
Black a reproché à Lavoisier d'avoir profité des découvertes
d'autrui, et de se les être appropriées , sans rendre justice à
qui de droit. Ces reproches paraissent exagérés. Car voici
comment Lavoisier s'exprime dans une lettre adressée à Black,
qa'il appelait son maître :
tt J'apprends avec une joie inexprimable que vous voulez bien
attacher quelque mérite aux idées que j'ai professées le premier
contre la doctrine du phlogistique. Plus confiant dans vos idées
que dans'Ies miennes propres, accoutumé à vous regarder comme
mon maître, j'étais en défiance contre moi-même, tant que je me
sais écarté, sans votre aveu, de la route que vous avez si glorieu-
sement suivie. Votre approbation, monsieur, dissipe mes inquié-
todes, et me donne un nouveau courage. Je ne serai content
jusqu'à ce que les circonstances me permettent de vous aller
]H)rter moi-même le témoignage de mon admiration, et de me
ranger au nombre de vos disciples. La révolution qui s'opère en
. France devant naturellement rendre inutiles une partie de ceux
i attachés à l'ancienne administration, il est possible que je jouisse
do plaisir de la liberté, et le premier usage que j'en ferai sera de
voyager, et surtout en Angleterre et à Edimbourg, pour vous y
; loir, pour vous entendre, et profiter de vos leçons et de vos
Conseils ».
■ Cettelettre, sisimpleetsi touchante àlafois, est daléedu 14- juil-
' fel 1790; elle se trouve imprimée dans le Cours de chimie de
Mackj publié par Robinson (1). Répond-elle aux accusations que
ies chimistes contemporains avaient dirigées contre Lavoisier ?
(I) Lectures on the éléments of chemistry, vol. II, p. 219.
352 HISTOIRE DE LÀ CHIMIE.
§6.
€ltimi0tc« partisans des idées de Bladk.
Les travaux de Black furent partiellement repris en sous-œuvre
par divers savants, au nombre desquels on distingue Macbride,
Cavendish et Jacquin.
Macbride, chirurgien de Dublin, a contribué au progrès de la chi-
mie par ses Essais d'expériences sur la fermerUation des mélanges
alimentaires, sur la nature et les propriétés de Pair fixe, sur les
vertus respectives de différentes espèces d'antiseptiques y sur le
scorbuty et sur la vertu dissolvante de la chaux vipe (1). Le prin-
cipal mérite de Macbride est d'avoir dirigé l'attention des chi-
mistes et des médecins sur le rôle important que Vair fixe de
Black joue dans les êtres animés, a Tous les corps de la nature,
dit-il, doivent la force, la consistance et la cohésion de leurs
parties à Pair fixe qu'ils contiennent; en les privant de cet air
par un moyen quelconque, ils perdent bientôt Tadhérènce ré-
ciproque des différentes molécules qui les composent : de là ré-
sulte la putréfaction pour les substances qui en sont susceptibles,
et celles qui ne le sont passe réduisent en poussière. »
C'était là aussi l'opinion de Haies. Black n'ayant pas assez gé-
néralisé ses idées sur l'air fixe, Macbride vint, en quelque sorte,
comblerceltft lacune, en établissant la théorie que voici. Le règne
animal est de tous les règnes de la nature celui qui renferme le
moins d'air fixe, tandis que le règne végétal en contient beaucoup;
la fermentation et la putréfaction sont enrayées, lorsqu'on arrête
le dégagement de l'air fixe; et, en rendant cet «ira des ma-
tières putrides, on peut les ramènera leur premier état. Guidé
par ces données, Macbride recommandait aux scorbutiques l'usage
de l'air fixe ou des liqueurs qui en renferment, comme le moût de
bière, etc.; carie scorbut est, dit-il, «une maladie putride, faute
de ce principe qui est le lien et le ciment des corps».
Macbride assure avoir assaini des morceaux de viande puiré-
(1) Expcrimenlal Essayson the rernienlalioii of alimenlary mixtures, on U»*^
nature and proprielies of fixcil air, elc ; London, 17G4, in-8**. —Traduit en fran-
çais : Essais (inexpériences, etc., par Abbadie; Paris, 17GG, in-12. Trad. enaUe-
mand : Durch Erfahrungen erlàuterle Versuche, etc., p. Rahn ; Zurich, l/^'^*'»
iR-8*.
TROISIÈME ÉPOQUE. 3S3
fiés, en leur restituant l'air fixe qu'ils avaient perdu. A cet effet, il
exposait la viande putréfiée à l'action du fluide élastique (air fixe)
qui se dégage d'une substance en fermentation, ou bien il la
soumettait à l'effervescence produite par le mélange d'un acide
avec un alcali (carbonate). Si les astringents sont de puissants
antiseptiques, « c'est parce qu'en resserrant les pores du corps,
ils y retiennent l'air fixe, et empêchent ainsi la désunion des par-
ties, cause de la putréfaction ».
' Par ses expériences sur la chaux, Macbride cherchait à démon-
trer que cette substance ne doit son état d'agrégation qu'à la
grande quantité d'air iixe qu'elle contient; que si elle l'a perdu,
onpeut le lui rendre en l'exposant à une matière en fermentation,
ou tout simplement à l'air libre; que la chaux hâte la putréfac-
tion, et qu'elle décompose les matières animales, en leur enle-
vant l'air fixe qu'elles contiennent.
Macbride essaya, enfin , de prouver expérimentalement que
l'alcali volatil qui se développe par le progrès de la putréfaction
des matières animales est tantôt combiné avec son air fixe , tantôt
caustique, c'est-à-dire dépouillé 4^ son air. 11 dit aussi avoir re-
connu que le sang putréfié, ainsi que l'esprit qu'on en retire, fait
effervescence avec les acides, tandis que la bile putréfiée , et la
liqueur provenant des chairs en putréfaction, ne font point ef-
fervescence.
Voilà, en somme, les idées qui appartiennent à Macbride. Il
serait, inutile de reproduire les faits sur lesquels elles devaient
reposer : il les emprunta en partie à Van-Helmont, à Haies et
à Black.
L'ouvrage de Macbride fut, peu de temps après, suivi d'un
travail de Cavendisii, dont les résultats ont été consignés
dans les Transactions philosophiques de Lcmàres^ années 1766 et
1767. On y trouve établi que l'alcali fixe absorbe, en se saturant,
^ de son poids d'air fixe, tandis que l'alcali volatil en absorbe ^ ;
que l'eau peut dissoudre un peu plus de son volume d'air fixe, et
que la quantité qu'elle est capable de dissoudre est en raison
de la pression et de l'abaissement de la température; enfin que
l'eau ainsi saturée d'air fixe peut dissoudre la chaux, la magnésie,
le fer et le zinc.
BIST. DE LA CUmiE. — T. II. 23
354 HISTOIRE B£ LA CHIMIE.
§7. ■
Chimistes adTersaires de Blaek* *
Malgré leur démonstration, les faits signalés par Black et ses
disciples, relativement à l'air fixe, étaient loin d'être admis
par tous les chimistes.
Frédéric Meybr, apothicaire d'Osnabruck, publia, en 1764, un
livre intitulé Essais de chimie sur la chaux vive , la matière élas-
tiqvs et électriqucy le feu^ et Vacide universel (1). La théorie qu'il
y développe se trouve en opposition directe avec les faits; c'est
un exemple* curieux de cet aveuglement de Tesprit humain, qui
se refuse systématiquement à la lumière de la vérité. • Selon
Meyer, la pierre calcaire, loin de perdre, gagne au contraire
quelque chose pendant sa calcinalion. On sait que la chaux com-
mune (carbonate de chaux), effervescible avec les acides,. étant
soumise à l'action du feu, se convertit en chaux vive (chaux caus-
tique), en abandonnant son acide carbonique. Suivant Meyer,
c'est tout le contraire qui arrive : la chaux commune, qui
se distingue de l'autre par son défaut de causticité et d'in-
solubilité , absorberait dans le feu un acide particulier, appelé
par l'auteur acidxim pingue, acide qui convertirait la pierre
calcaire (carbonate) en chaux caustique, et lui enlèverait la
propriété de faire effervescence avec les acides. Il en serait de
jneme lorsqu'on verse de l'alcali fixe ou volatil (carbonate
-de potasse ou d'ammoniaque) dans de l'eau de chaux : la chaux se
troublerait en cédant à l'alcali son acidmn pingue, et en lui don-
nant ainsi la causticité qu'elle perd.
Deux objections devaient faire crouler immédiatement ce vain
échafaudage : la première, c'est que la chaux perd de son poids
lorsque, selon la théorie de Meyer, elle absorberait son acidnm
pingue, et vice versa» 11 y a donc là une contradiction flagrante
avec les faits. La seconde objection, qui est également sans ré-
plique, c'est que ce prétendu acide est un être fantastique. Si
vous demandez à l'auteur de vous montrer son acidum pingue 9
(1) Chymische Versuche zur nàhern Erkenntniss des ungelôschten Kalhs
der elasiischen und electrischen Materie, etc.; Han. et Leipz., 1764, m-S'
Trad. en français par Le Dreux; Paris, 1766, in-12.
\ -
TROISIÈME EPOQUE. « ' 355
1 VOUS répondra que c'est Une matière semblable à celle du
eu et de la lumière; que c'est par Tintermédiaire de cet
icide insaisissable que la chaux s'unit aux huiles, qu'elle dissout
e soufre; que c'est lui qui s'échappe du charbon qui brûle;
jue .c'est lui qui augmente le poids des métaux pendant la
^alcination^ etc. On voit que cet acidum pingue est tantôt l'a-
cide carbonique, tantôt l'oxygène, enfin que c'est tout ce que
i'^on voudra, sauf un corps réel.
Voilà ce qui n^ manque jamais d'arriver lorsqu'on viole la
logique et l'expérience, pour faire triompher une conception
purement imaginaire.
On s'abuserait étrangement si Ton croyait que la théorie de
VIeyer dut dès son apparition tomber d'elle-même.) Cette
théorie, quelque fausse qu'elle fût, trouva, au contraire, des dé-
fenseurs, sinon nombreux, du moins très-ardents. Nous devons
les condamner tous à l'oubli (1).
§8.
Partisans de Blaek. auiL prises aTee leurs adver-
saires*
jACQfnN , célèbre professeur de chimie et de botanique à
Vienne , adoptant la doctrine de Black, attaqua, un des prenfiiers,
l'ouvrage de M eyer. Mal lui en prit : toute l'école meyerienne se
déchaîna contre lui ; ne pouvant le vaincre sur le terrain de la
science, elle le traîna dans le champ clos des personnalités : on
l'accabla d'injures et de calomnies, où T'odieux le disputait
au ridicule.
(1) Le reproche que l'on a fait à Lavoisier de ne pas avoir rendu à Black Injus-
tice qu'il méritait ne manque pas d'une certaine apparence de [raison. Ainsi
l'analyse qu'il fait de ce qu'il appelle la théorie dé Black est fort sèche, et cache
des sentiments contraires à une critique véritablement Impartiale ; tandis qu'en
rendant compte du livre de Meyer, il commence ainsi : « Ce traité contient une
multitude d'expériences, la plupart bien faites et vraies^ d'après lesquelles Tau-
t6ar a été conduit à des conséquences tout opposées à celles de M. Haies, de
^. Black et de H. Macbride. Il est peu de livres de chunie moderne qui annoncent
plus de génie que celui de Meyer. » (Lavoisier, Opuscules physiques et
chimiques; Paris, 2® édit. , 1801 , p. 60.) —L'ouvrage de Meyer, ouvertement dirigé
contre Blad(, ne méritait pas un pareil éloge.
23.
356 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
L'ouvrage que Joseph Jacquin publia, en i769, en faveur de
tilack attaqué par Meyer, a pour titre : Examen chemicum doc-
irinœ Meyerianœ de acido pingui et Blackianx de aère fixo , res-
pectu calcis (4). L'auteur reproduit en grande partie les expé-
riences de Black et deMacbride; il constate, en outre, que la
diminution de poids qu'éprouve la chaux commune ( carbonatée)
dans le feu provient preçque entièrement de l'air fixe qu'elle
renferme, et que Meyer est dans l'erreur lorsqu'il attribue cette
diminution seulement à la perte de l'eau contenue dans la
chaux. La pierre calcaire renferme selon Jacquin environ six
ou sept cents fois son volume d'air fixe. Il distingue dans les
corps Vair de porosité et Vair de comUnaison. Le premier peut
être dégagé par l'effet de la machine pneumatique; le dernier,
au contraire, est dans un état tout particulier qui nejuî permet
pas de reprendre^son élasticité, ir admet, avec Macbride, quft^
la chaux et les alcalis caustiques décomposent les matières orga—
niques en leur enlevant cet air, dont ils sont très-avides. En par —
lant de la préparation de la chaux caustique, il fait une observa —
tion remarquable, à savoir qu'il faut une calcination prolongée
pour que les couches intérieures de la pierre calcaire perdeni
leur air, et que la chaleur, employée à cet effet doit dépasseï
celle de la fusion du verre.
Mais Jacquin s'éloigne de Black en soutenant, à tort, que l'aii
fixe de lachaux et des alcalis estle même que l'air atmosphérique —
Jacques Well (2) s'associa à l'entreprise de Jacquin pou
renverser l'école de Meyer. Celle-ci comptait alors en Al-
lemagne de nombreux disciples , dont le plus fougueux étaL
Crans, médecin du roi de Prusse. Well reproduit dans son livr
( Examinis chemici docirinœ Meyerianœ rectificatio) les arguments ^
de Meyer, et les accompagne de violentes récriminations contr* -^
Jacquin, complètement étrangères à la science (3). Crans ni_ ^
l'exactitude des expériences de Black et de Jacquin. Il prétenc
entre autres, que la pierre calcaire ne perd point par lacalcin
lion la propriété de faire effervescence avec les acides; que la
chaux (caustique) peut se conserver longtemps à l'air sans c^ s-
(1) Vienne, 17C9, in-12.
(2) Rechtferiigung devLehre von (1er figirten Lujt, etc.; Vienne, 1771, iik. — 5".
— Forschîtng veber die Ursachedei^ Erhitzung des ungeloeschten Kal(r^s;
ihîd.,\112, in-8°.
(3) Leipzig, 1778.
TROISIÈME ÉPOQUE. 357
ser d'être chaux; qu'au bout d'un laps de temps assez long
elle acquiert plus de causticité; que la diminution du poids
de la chaux calcinée provient de la perte df son eau; que la
crème de chaux n'est autre chose qu'une chaux qui a perdu son
principe caustique , c'est-à-dire l'acie/î^m ptn^t^^^ etc. Ce serait
perdre notre temps que d'énumérer toutes les objections, plus
ou moins ineptes, que Crans faisait dans son pamphlet contre les
doctrines de Jacquin et de Black (1).
Nous en dirons autant de la dissertation inaugurale de
Smeth (2.) , dont les conclusions fort singulières , démenties plus
tard, tendaient à établir « que la doctrine de l'air fixe de Black
n'est appuyée que sur des fondements incertains et débiles; que,
de la manière dont elle est présentée par ses partisans (Mac-
bride, Jacquin, etc.), elle ne peut soutenir un examen sérieux,
et qu'elle ne sera que l'opinion d'un moment ».
De la lutte que Black eut à soutenir contre ses adversaires^ et
d'où il devait sortir victorieux, il ressort ce haut enseignement
que la Vérité, sûre d'elle-même , reste calme au milieu des in-
jures dont elle est assaillie , et que l'Erreur s'irrite en raison
même de son impuissance.
§9.
Coup d'œil sur l'état de« moeiétém SATant^fi au rom-
mencenient du XTIII*" «iède.
L'/^a/î^,*qui avait pris l'initiative de la fondation des sociétés
savantes, continuait à occuper le rang qui lui appartient. Dès l'an-
née 1690 Anto de Via, Manfredi, de Sandris, auxquels s'adjoigni-
rent J.-B. Morgagni et Stancari, réunissaient autour d'eux un grand
nombre de gens studieux et zélés pour le progrès de la science.
Us formaient la société des Inquieti, et s'assemblaient, depuis
1703, dans la maison du comte deMarsigli. Ce fut là le noyau de
(1) Un fdit qui semblerait Tenir à Pappui de ce que nous avons dit dans la note
de la page 355, c'est que Lavoisier, après avoir consacré seulement cinq pages et
demie à Tanalyse du beau travail de Black sur l'air fixe, consacre quinze pages
à l'analyse du méchant pamphlet de Crans, et vingt-deux pages à celle de la thèse
de Smeth, qui renferme plus d'erreurs que de faits ; et encore ces derniers, loin
d'être nouveaux, ne sont ils qu'empruntés à PriesUey et à des chimistes plus an-
ciens. {Opuscules physiques et chimiques de LàYorner, p. 73-110).
(a) Sur l'air fixe; Utrecht, 1772, in-4° ( lo; pages).
358 HISTOIRE DE LA CHIMIE,
V Académie des sciences et des arts de Bologne. Établie en 1712,
cette académie fut solennellement inaugurée en 1714. Dès
rannée suivante ^lle commença ses séances publiques et ses
travaux, qui avaient pour objet les sciences mathématiques^
physiques et natur.elles(l).La chimie n'y figure qu'au second rang.
Dans cette section on remarque les mémoires de Galeazzi 5i«r les
calculs biliaires (2), de teccARi sur le gluten et le lait (3), de Men-
GHiNi sur r existence du fer dans le sang, et sur V action \dissolvante
de certaines eaupp sur les calculs de la vessie (4); de Th. Laghi^ sur
les particules ferrugineuses dans les cendres des végétaux^ et sur
V action de Vair corrompu par diverses émanations (5).
L'Académie des Fisio-critici de Sienne, fondée en 1691 sous le
patronage du cardinal Fr. Medici , ne fit paraître le 1®' volume
de ses travaux qu'en 1760, époque de sa restauration (6). On y
trouve quelques observations deJ. Baldassari ^i^r i^/i sel calcaire
des environs de Sienne^ sur l'amiante, et sur la prétendue existence
d'un acide vitriolique sec naturel (7).
La cour de Toscane, qui avait déjà encouragé les arts, ne né-
gligea rien pour agrandir le domaine des sciences. Gosme HE
s'était associé aux expériences d'Averami et de Targioni relati-
ves à la combustion du diamant. Il résulta de ces expériences
dispendieuses que le diamant, brûlé au foyer d'un miroir ardent,
se consume et disparaît, sans laisser de résidu (8). On ne se dou-
tait pas encore que le diamant n'est que du charbon pur, et qu'il
se réduit, par la combustion, en un fluide aériforme (gaz acide
carbonique). — Ces expériences furent répétées, en 1751, avec
le même, succès , par un des successeurs de Cosme III; on fit
(1) Voy. Journaldes savantSjSGçi. 1715. — J. -G.Bollelii, delC orlgineet de'
progressi delV Instituio délie scienze di Bologna^ eic] Bologne, 1751, in-8".
— Le premier volume des travaux de cette Académie parut en 1731, sous le titre
de De Bononiensi scientiarum et artium Instituio atque Academia Commeii-
tarii; Bonon., in-4^
(2) De Bononiensi scient . et art., etc., 1. 1.
(3) Ibid., t. II, p. 1 (1745). —T. V, p. 1 (ann. 1767).
(4) Ibid., t. II, p. 1. — T. IV (ann. 1757).
(5) Ibid., t. II, p. m (ann. 1747.)— t. III, (ann. 1755).
(6) Atti dell* Academia délie scienze di Siena, detta dé^ Fisio-critici t
Siena, in-4°.
(7) Atti delV Academia, etc., t. IV (ann. 1771). — T. V (ann. 1774).
(8) Giornale de' Letterati d'itçilia, vol. VIII, art. 9.
TROISIEME EPOQUE. 3^9
des essais semblables sur le rubis, mais on n'obtint pas, comme on
pouvait s'y attendre, résultats qu'avec le diamant.
LecomtedeSALucEs(Saluzzo), GiGNAetL. de la Grange avaienl
fondé à Turin une société ayant pour objet Tétude des sciences
mathématiques et physiques. Cette Société lit, en 1758, paraître
ses premiers travaux, d'abord en latin, puis en français, après
son érection en Société royale (1). On y trouve les recherches de
Saluces Sur le fluide élastique que dégage la poudre à canon,
lorsqu'elle s'enflamme. L'auteur avait assigné à ce fluide les pro- •
priétés de l'air atmosphérique, en ajoutant cependant que celui-
ci diffère de Tair commun, en ce qu'il éteint la flamme d'une
chandelle et qu'il tue les animaux qui le respirent. 11 avait aussi
reconnu que le tluide élastique, ainsi dégagé, occupait un espace
deux cents fois plus grand que celui de la poudre dont il prove-
nait (2). Ce même savant avait fait des observations variées, con-
cernant r action de la chaux vive sur différents corps (3) ; les change-
ments de couleur que subit le suc de violette de la part de diverses
substances (4) ; le blanchiment et la teinture de la soie (5) ; diffé-
rents produits végétaux et animaux (6).
§ iO.
La Société royale des sciences de Londres, cette grande pépi-
nière de savants, comptait alors dans son sein plusieurs chi-
mistes distingués. J. Brown publia des recherches^^wr le sel
amer, sur le bleu de Prusse, dont Woodward avait déjà fait con-
naître la composition, en émettant l'opinion qu'il ne serait pas
impossible de préparer cette matière sans le concours du sang (7).
Watson, qui avait fait connaître le platine, décrivit les phéno-
mènes que présente l'eau chargée de sels à différents degrés de cha-
leur, et il examina la méthode d'Appely pour rendre Teau de me
(1) Miscellaneaphilosophico-mathematica Societatis privatx Tàiirinensis;
Turin, t. I, 1758, m-4'*. — Mélanges de phisosophie et de mathématiques de
h Société royale de Turin, m-4®.
(2) Mélanges de philosophie, etc., aimées 1760 et 1761.
(3) Ibid., 1762-1765, p. 73.
(4) Ibid., p. 153.
(5) Ibid., p. 174-177.
(6) Ibid., p. 193,199.
(7) Philosoph. Transaci., vol. XXXIII, p. 17.
360 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
potable (1). Th. Perceival communiqua des observations sur les
propriétés vénéneuses du plomb , sur le quinquina, et les prin-
cipes organiques amers et astringents (2). J. Canton apprit le
moyen de préparer, parla calcination d'un mélaiMçe de fleurs de
soufre et de coquilles, une substance analogue à la pierre de Bo-
logne, et qui fut depuis désignée sous ie nom de phosphore de
Canton (3).
Slare, Smitu, Coles, Southwell, Harris, Robin, Frobenius,
MoRTiMER, Seehl, Mitschell, Pringle, Huxham, Brownrigg, Chap—
MAN, WoLF, Monro, Hewson, Delaval, Hartley, Shore, Irwin,_
Da vison, Frencu, Ramsay, Maclury, Th. Young, Hotton, Redmond^
GoDFREY, Plummer, ont traité, dans leurs mémoires; divers sujets
de chimie minérale et d^ chimie organique.
Parmi les chimistes, membres de la Société royale de Londres,»
qui, dans la première moitié du dix-huitième siècle, se sont fai
remarquerpar leurs travaux, il faut citer au premierrangLEwis.O
lui doit une dissertation très-étendue Sur le platincy métal alor^
tout nouveau. Le nom de platine vient de l'espagnol plata, ar —
gent, dont le diminutif est platina, petit argent. Le platine, d'à —
bord, connu sous le nom d'or blanc, fut découvert en Amérique
par les Espagnols, qui le considéraient comme une espèce par —
ticulière d'argent. Ce métal ne fut introduit en Europe qu'en 1740-
On le connaissait depuis fort longtemps en Amérique, mais on.
n'en faisait aucun usage. Les employés dugouvernement espagnol
avaient môme, dit-on, ordre de jeter le minerai de platine dans
la mer, afin qu'on ne l'employât pas frauduleusement pour l'ai—
lier avec For. Ce n'est point Scheffer, comme on l'a dit, mais
Watson, qui décrivit le premier, en 1749, le platine comme ura
métal particulier (4).
« Le platine, dit Watson, me fut présenté pour la première fois
il y a neuf ans ( en 1740), par Charles \Yood, qui le trouva à ]^^
Jamaïque, oii il avait été apporté de Carthagène (5). »
(1) Philosoph. Transact., vol. LX, p. 323. — XLVIII, p. 69.
(2) Ibid-, LVII. — Observations and experiments on Ihe poison of Icad; Lond. ,
1774, in-12. — Essayson Uie astringent and bitter, etc.; Lond., 1767, in-S*».
(3) Ibid., vol. LVIII, p. 337.
(4) Le mémoire de Watson se trouve inséré dans les Phîlosophical Transac-
iionSy vol. XLYI(déc. 1750), p. 584-596.
(5) Ibid., Tkis semi-metal was first presenied to me abolit nine years
agOf etc.
TROISIEME EPOQUE. 361
Le mémoire de Watson fut, peu de temps après, suivi du tra-
vail de Lewis : Expériences sur une substance blanche qv^on dit
avoir été trouvée dans les mines é^ or des Indes occidentales) (1). —
Après un rapid'^ aperçu historique, où il est dit que le platine,
appelé aussi pinto ou Juan blanco par les Espagnols , avait été
originairement regardé comme de Tor déguisé sous une eilve-
loppe blanche 7 difficile à fondre, Lewis décrit la plupart des
propriétés de ce métal nouveau. Il lui trouva un poids spécifique
égal à 18 ou 19.
En 1752, Scheffer, publia dans les Actes de T Académie des
sciences de Suède (2), une notice sur ce même sujet, dont voici les
résultats principaux : l^Tor blanc (platine) est un métal; 2° c'est
un métal noble, car il résiste au feu comme l'or etTargent; 3° ce
n'est point un des six métaux des anciens ; ce n'est ni l'or ni l'ar-
gent; c'est donc un métal nouveau.
Marggraf confirma, en 1736, par de nouvelles recherches, les
données de Lewis et de Scheffer.
Un auteur italien , Gortinovis ( Opuscoli scelti suite scienze, etc. ,
Milano, 1790, in-i°) essaya de prouver, dans une savante dis-
sertation, que le platine était connu des anciens sous d'autres
noms {laplatina è statd conosciuta anticamente sotto ait ri nomi). Il
cite entre autres, à l'appui de son opinion, le passage suivant de
Servius, ancien commentateur de Virgile : Sunt tria electri gê-
nera : unum ex arbortbus, quod sxiccinum dicitvr; aliud quod na-
turalUer invenitur ; tertium quod fit de tribus partibus auri et una
argenii. Mais un passage beaucoup plus explicite et plus ancien
que celui-là est celui de Pline le naturaliste , que nous avons
eu Toccasion de citer dans le tome V^ de cet ouvrage (3).
Outre le mémoire Sur le platine, on a de Lewis un travail
non moins étendu Sur l'or, où se trouvent quelques indications
sûp la dorure par la voie humide (4). Ses expériences Sur le verre
(1) Expérimental examination of a white melallic substance said to hâve
been foundin the gold mines of West-Indies ; Philosopli. Transact. of Lond.,
▼ol. XLVIU, p. 638-689.
(2) Dos weisse Gold oder siebente Métal, in Spanien Kleines Silber von
Pinio ffenannt(J)e Tor blanc ou du seplième métal, appelé en Espagne i>c<if ar-
gent dePinlo).
(3) Voy. plus haut pag. 140. — La plupart de ces documents sur l'histoire du
platine sont tirés de nos Observations et recherches expérimentales sur le
platiiie^ etc., broch. in-8*'; Paris, 1841, p. 6, note I.
(4) Expériences physiques et chimiques sur plusieurs matières relatives au
1
362 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
contiennent des détails nouveaux sur la fabrication du verre
opaque, ou de la fausse porcelaine (1); ses recherches Sur les
couleurs ont fourni des faits précieux sur la fixation de la
couleur noire, la préparation de Tencre ordinaire , et la com-
composition d'une encre indélébile, au moyen d'un mélange
d'encre commune avec le noir de fumée et la gomme. C'était là,
selon Lewis, l'encre avec laquelle avaient été écrits les manus-
crits les plus anciens, et dont nous admirons encore aujourd'hui,
après tant de siècles, la stabilité (2).
On doit encore au zèle infatigable de W. Lewis, indépendam-
ment du Course of practical chemistry^ Lond., 8, 1746, des ou-
vrages relatifs à la pharmaceutique plutôt qu'à la chimie; tels
sont : New Dispensatory , containing the theory and practice of
pharmacy; Lohd., 1753 et 1765,8; — Expérimental history of
the materia medica; Lond., 1761, 4.
§ n.
En Allemagne, la fondation de la Société des Curieux de la na-
ture fut bientôt suivie de celle de V Académie des sciences de Ber-
lin. Leibniz, qui partageait avec Newton le sceptre de la science,
présenta le plan de cette Académie, en 1700, à Frédéric I", roi
de Prusse. Les premiers travaux de l'Académie royale de Ber-
lin furent imprimés en 1710, sous le titre de Miscellanea Bero-
linensia (3). En 17 44,cette Académie fut réformée par FrédéricII,
d'après le modèle de celle de Paris, et publia dès lors ses travaux
sous le titre d^ Histoire de l'Académie royale des sciences et des
belles-lettres de Berlin, avec les mémoires tirés des registres de
cette Académie (4).
Autour de la Société des Curieux de la nature et de l'Acadé-
mie des sciences dQ Berlin sont venus plus tard se grouper la
commerce et aux arts (trad. de l'anglais, par de Pulsieux); Paris, 1768, i]ï-8^
vol. II, p. 1-53.
{i) Expériences physiques et chimiques^ etc., p. 56-105.
(2) Ibid., p. 227-392.
(3) Celte publication fut continuée en 6 tomes ou séries jusqu'à 1743. Conii'
nuatio I, 1723; Coniinuatio II, 1727 ; Continuât. III, 1734; Cont, IV, 1737;
Cont, V, 1740; Cont. VI, 1743.
(4) Cette nouvelle série se compose de dix-neuf volumes, parus de 1745 à 1770.
TROISIÈME ÉPOQUE. 363
Société des natv/ralistes de Dantzig (1), la Société de Bâle{^), la 5o-
ciété royale des sciences de Gœltingue (3) , V Académie des connais-
sauces utiles d'Erfurt (4), V Académie des sciences de Munich (6).
Bien que là place que la chimie occupe daiis les recueils de
ces sociétés ne soit pas aussi large que celle des sciences naturel-
les, on y trouve cependant quelques mémoires qui sont loin d'être
dépourvus d'intérêt. Ges mémoires ont pour auteurs : G. Kaïm,
qui a fait des recherches sur la plombagine, sur l'arsenic, le co-
balt, le nickel et le manganèse (ô); J.-Fr. Henckel, qui s'est dis-
tingué par ses expériences sur le sel marin contenu dans les vé-
gétaux, sur les usages de la silice, sur la préparation de l'arsenic
métallique, sur le zinc, sur la coloration]du verre par le cobalt, colo-
ration qu'il attribue au fer, sur la phosphorescence de la cadmie
des fourneaux, etc. (7) ; H. Kjnape, sur l'acide delà graisse (8) ; J.-G.
Gleditsqh qui , indépendamment de ses travaux de botanique,
a laissé des observations chimiques sur les matières végétales
pouvant, dans le tannage du cuir, remplacer l'écorce de chêne ; sur
la nature de l'amidon ; sur le natron (9) ; Valentin Rose, qui es-
(1) Cette société se réunit pour la première fois en 1741 , et publia trois volumes
(1747-1756), sous le titre de Versuche und Abhandlungen der JSaturfor-^
schenden Gesellschaft in Dantûg, in-4''. Pour ce qui concerne la chimie, on n^y
remarque qu'un article de Lursenius 5ur la quantité de sel marin que renferme
Veau de mer près de Dantzig,
(2) La publication de ses travaux commence en 1751, sous le titre ; Acta helve-
iica physico-mathematico'hotanico'medica , figuris . nonnullis œneis illus-
trata, etc.; Basil. , in-8**. On y remarque quelques articles de Zwinger et de Ryhiner.
(3) Fondée sous les auspices du célèbre Ualier, la Société de Gœttinguc fit pa-
raître, en 1762, le premier yolume de ses Actes : Commentarii Societalis regix
MCientiarum Gœttingensis ; Gœtting., in-4°. Les premiers volumes ne con-
tiennent aucun article de chimie.
(4) Cette Académie, fondée en 1754, par l'électeur de Mayence Frédéric-
Charles, publia en 1757 le premier volume de ses actes : Acta Academix electo-
ralis Moguntinx scientiarum utilium, qux Erfordix est; Erfurt et Gotha,
in^«.
(5) Fondée en 1759, elle pubUa le 1**^ volume de ses mémoires en 1763, sous
le titre à! Abhandlungen der Chur fur stlick- Bayer schen Akademie der Wis-
senschaften ; Munich, in-4**.
{6)IHss. chemica demetallis duhiis; Vienne, 1770, in-S**.
(7) Flora satumizans, die Verwandschaft des Pflanzen-mit dem Mineral-
Reich, etc.; Leipz., 1722, in-8°. — Pyritologia oder Kiess-Historie, etc.; Leipz.,
1726, in-8°. — Act. Acad. caesar. natur. curios., t. IV et t. V.
(8) Diss. de acido pinguedinis animalis; Gœtting., 1754, in-S".
(9) Hist. de l'Acad. des sciences de BerUn, ann. 1755. — Beschaeftigungen der
Berlin. Gesellschaiàt naturforschender Freunde, vol. I.
364 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
saya d'analyser le café et le seigle, et auquel on doit rinvention
d'un alliage de plomb, de bismuth et d'étain, fusible dans l'eau
bouillante (1); Brunnwiser, qui indiqua le moyen d'extraiîre la
matière colorante des végétaux, à l'aide de solutions d'acides
minéraux (2).
Frédéric Cartheuser s'occupa beaucoup de la décomposition
des matières organiques ; il étudia les huiles essentielles, l'huilç
de cajeput, le miel, la cire, le sucre, le camphre, l'amidon, la
graisse, les substances empyreumatiques ef les sels(oxalat6s,
malates, etc. ), séparés des sucs végétaux par la cristallisation (3).
Son fils, Auguste Cartheuser, se livra plus particulièrement à la
chimie minérale ; il donnades notions sur le gypse employécomme
fondant des minerais de fer ; sur l'argile, le strass, l'acide borique,
l'arsenic, l'antimoine, etc. (4). Auguste Cartheuser fit pour la chi-
mie minérale ce que son père avait fait pour la chimie organique.
Le goût delà chimie paraissait être en quelque sorte héréditaire
dans certaines familles. Les Gmelin présentent à cet égard un
exemple remarquable. Jean-George Gmelin, dont le père avait été
élevé à l'école du célèbre Hierne, répéta les expériences rela-
tives à l'augmentation du poids des métaux par la calcînation (5),
et il enseigna les moyens de préparer des laques rouges avec le
carmin et le bois de Fernambouc (6). Il donne, dans^son Voyage
en Sibérie, fait par ordre du gouvernement russe, des renseigne-
ments intéressants sur les richesses minéralogiques des pays qu'il
parcourut; il assure, comme témoin oculaire, que les peuples
pasteurs de la Russie méridionale fabriquent avec le lait une li-
queur enivrante (7). Son frère et successeur à la chaire de bota-
nique et de chimie dans Tuniversité de Tubingue, Philippe-Fré-
déric Gmeun, le célèbre historien de la chimie, fit ^connaître
plusieurs nouvelles préparations antimoniales; et son se-
(1) Berlin. Sammlungon, etc., vol.l. — Slrahlsundisches Magazin, vol. II.
(2) Abhand. dcr Churbayerschen Akad, Wissenschaften, vol. VII.
(3) Dissertationcs physico-chimico-medicae, de quibusdam inaterlaB medicas
siibjpctis exaratae, etc.; Francf. ad Viad., 1774, in-S". — Vermischte Schriften
aus der Xalurwissenschaft, Chyniie, etc.; Francf. sur POder, 1757, in-8°.
(4) Mlneralogische Abhandlungen, etc.; Giesen, 1773, in-8°. — Acta Acad. elect.
Magunt. Scient, et quae Erford. est, vol. II.
(5) Comment. Acad. impérial. Peiropolit., vol. V, p. 277.
(C) Act. Acad. coîs. natur. curios., vol. IJI, obs. 83.
(7) Epistol. ad Alb. Hallerum, vol. II (script, ab anno 1740-1748), 1773,
in. 28.
TROISIEME EPOQUE. 365
îond frère, Jean-Conrad, publia des observations sur la prépara-
ion de Teau de Hongrie, sur le bleu dePrusse, sur la dissolu-
ion du ^ihosphore dans Tessence de girofle, sur un médicament
ecret, préparé au moyen du sublimé corrosif, du vinaigre et de
'alcooly-e(c. (1).
Charles-Abr. Gerhard choisit pour objet de ses recherches
[uelques produits végétaux astringents, diverses espèces de
erres colorés ou incolores, l'appréciation de la bonté du
er, etc. (2).
Ulr. Waldschmiedt, de Kiel, décrit, dans son Collegium phy-
ieo-experimentale, quelques propriétés du phophore, et la colo-
ation des solutions cuivreuses sous Tinfluence de Pair (3).
H. Gottl. JusTi, de Gœttingue, a laissé sur divers points de
hinriie métallurgique des mémoires qui ne témoignent pas d'une
déthode d'observation bien rigoureuse. Il refusait au cobalt et au
ickel le caractère métallique, et soutenait , en renouvelant la
héorle des anciens, que Teau peut se changer en air atmosphé-
ique (4).
R. Augustin Vogel communiqua en 1753, des observations sur
'augmentation de poids qu'éprouvent certains corps pendant leur
ialcination (5) ; sur le sel de seignette, le foie de soufre, l'alcali
ninéral, etc.
L'université de Jéna était alors illustrée par Wolfgang et Adol-
)he Wedel. Ce dernier enseignait quelques nouveaux procédés
)0ur la construction des fourneaux, pour la préparation de
'antimoine, etc.
BûCHNER, Henri Schulze , Michel Alberti et J. Juncker réuni-
rent une jeunesse nombreuse autour de leurs chaires à Halle.
J. Ant. ScoPOLi, du Tyrol, contribua à la popularisation des
sciences naturelles , par la publication de son Annuaire ( Anni
(1) La plupart de ces travaux se trouvent imprimés dans Commercium litte-
'tw. ad rei medicx et scient, natural. incrément, institut., ann. 1722, 1723,
r731, 1734, 1737, 1742, 1745.
(2) Voy. Beytrœge zur Chymie und Geschichte des Mineralreichs ; Berlin, 1773,
ii-8«. — Nouveau Mém. del'Acad. de Berlin, ann. 1777, 1779, 1780; 1783. —
'rell, Chemische Ànnalen, aim. 1783, 1. 1.
(3) Collegium physico-experiraentale curiosum, etc.; Kiliae, 1717, in-i**.
(4) Gesammelte chymische Schriflen,€tc.; Berlin etLeipz., 1760, in-8°.
(5) Progr. quo expérimenta chemicorum de incremento ponderis quorumdam
Sklcinatorum examinât; Gœtt., 1753, in-4°.
366 HISTOIRE DE LA CUIHIE.
historico-naturales). On n'y trouve qu'un petit nombre d'ar-
ticles de chimie (1).
Frédéric Delius ne s'est occupé de chimie qu'incidemment
dans son Recueil de Franconie {Frxnkische Sammlungen)^ si im-
portant à consulter pour l'histoire de la médecine et des sciences
naturelles. On y remarque un Iravail de Weismann sur la prépa-
ration de Tacide phlogistiqué ( cyanure de potassium) , employé
pour fabriquer le bleu de Prusse, en calcinant, au contact de .
l'air la potasse avec du noir de fumée; sur la coloration rouge
du verre au moyen du fer (2) ; sur l'utilisation du suc des baies ,
de troène {ligustrum album), comme matière tinctoriale (3).
On y lit des observations sur l'asphyxie par la combustion da.
charbon (4) ; sur le sucre extrait des sucs de l'érable, du noise-
tier et d'autres arbres indigènes (5). Du Hamel avait déjà donné
la description du sucre d'érable {acer saccJiarinns)^ que les indi-
gènes du Canada connaissaient avant l'arrivée des Européens (6).
La société royale des sciences de Copenhague, fondée en 1742
par L. de Holstein, ne commença qu'en 1745 à publier ses tra-
vaux en langue danoise (7). On y remarque des travaux: de
Heilmann, de Cappel, de Fabricius, de Schytte, de Thue et de
Cnoll. Ce dernier croyait que le borax qu'on importe des Indes
(1) Annus historico-nainralisl ; Lips., 1769, in-12; 5 fascicules. Le 5* fasc. fut
publié en 1772.
(2) Fr«Tnkische Sammlungen, etc., vol. I (Nurenberg, 175C), 2® cab., p. 201.
(3) Ibid., p. 312.
(4) Ibid., vol. III, p. 28.
(5) Ibid., vol. V, p. 36.
(6) « On distingue, rapporte l'auteur, la liqueur sucrée qui découle de ces
deux arbres ; celle de Pérable blanc s'appelle sucre d'érable, et celle de l'érable
rouge en plaine s'appelle sucre de plaine. On tire la liqueur en faisant des
incisions aux deux espèces d'érables dont on vient de parler ; ces incisions sont
ordinairement ovales, et Ton fait en sorte non-seulement que le grand 'diamètre
soit à peu près perpendiculaire à la direction du tronc, mais aussi qu'une des ex-
trémités de l'ovale soit plus basse que l'autre, afin que la sève puisse s'y ras-
sembler. On ficbe au dessous de la plaie une lame de couteau ou une mince règle
de bois qui reçoit la sève, et la conduit dans, un vase que l'on place au pied de
l'arbre. Cette liqueur étant concentrée par l'évaporation , donne un sucre gras
et roussâtre, qui e»t d'une saveur assez agréable. » Duhamel, Traité des arbres
et arbustes, etc., 1755; Paris, in-4°, t. I, p. 32.
(7) Skrifter, smn in del Kongl. Videnskabers Selskab ère freinlagie og
oplaste ; Copenhague, in-4*'. Il en parut quelque temps .après une traduction
latine.
0 TROISIÈME ÉPOQUE. . * 367
orientales était fabriqué avec de l'alun, du suc d'euphorbe et de
l'huile de sésame (1).
La Russie était entrée, depuis Pierre le Grand , résolument
dans la voie de la civilisation. La fondation de l'Académie im-
périale de Saint-Pétersbourg, en 1724, est un des plus beaux
titres de gloire de ce prince, dont la capitale du plus vaste
empire perpétue le nom (2). La Société économique de Saint-
Pétersbourg , créée en 1765 , contribua également à répan-
dre dans ces vastes contrées le goût des sciences , des arts et de
l'industrie (3). Parmi les russes qui se sont fait connaître comme
chimistes, nous citerons Mich; Lomonosow, qu'il ne faut pas con-
fondre avec le poôte de ce nom; George Model, d'origine Alle-
mande, qui indiqua des moyens de purifier le borax, le sel marin, le
camphre^ et qui découvrit un sel calcaire (oxalate) dans la racine
de rhubarbe, etc.; Lectmann, qui, dans son Vulcanus famulans,
s'étend sur la construction des fourneaux chimiques (4) ; J. Gott-
lob Lehmann, qui donne, dans ses Œuvres physico-chimiques,
plusieurs observations remarquables, touchant la minéralogie et
la géologie (5).
§12.
Les Pays-Bas sont la patrie d'un homme qui , par sa re-
nommée européenne et l'étendue de ses connaissances, valait
presque à lui>eul toute une académie. Cet homme était Boer-
HAIVE.
La chimie fut l'étude favorite de ce célèbre médecin, qui na-
quit le 31 décembre 1668, dans le petit bourg de Woorhout, près
(1) Beaucoup de ces mémoires se trouvent dans Prodromus prxvertens con-
Hnvata acta medica Hafniensia, etc.; Hafn., 1753, in-4°.
(2) L'Académie impériale de Saint-Pétersbourg, qui s'est réunie pour la pre-
mÀrefois à la fin de Tannée 1725, publia, jusqu'en 1750, 14 volumes sous le
titre de Commenlarii Academiœ scientiarum imperiatis PetropoUlanx ; Pe-
trop.y 1728, in-4®. A dater de cette année elle lit paraître, jusqu'en 1770, quatorze
▼olnmeft sons le titre de Novi Commentarii, etc.
(8) Les travaux de cette Société, qui jusqu'en 1777 comprennent dix volumes,
pannent ^en russe et en allemand -. Abhendlungen der freyen œkonomischen
Geselischaft in 5. Petersburg, etc.; Mittau et Riga, 1765, in-8°.
^) VuJcanus famulans, oder sonder bar e Feuernutzung, etc.; Wittemberg,
1723, hi-8".
(5) Phynkalisch-cliymische Schriften, etc.; Berlin, 1761, in-8^
368 HISTOIRE DE LA CHIMIE. *
de Leyde, ville où il fit ses premières études, et qu'il illustra
par son nom. Son premier mémoire scientifique^ publié à Toc-
casion de sa thèse de docteur soutenue à l'université de Har-
derwjk. De vtiUtate explorandorum excrementorum in (]Bgm[{\
fit concevoir de lui de grandes espérances.
La vie et les travaux de Boerhaave appartiennent moins à
l'histoire de la chimie qu'à celle de la médecine. Aussi ne nous
y arrêterons-nous pas longtemps.
En 1729, Boerhaave se vit contraint, par des raisons de santé,
de se démettre des chaires de botanique et de médecine, autour j
desquelles s'était , pendant vingt ans, pressée une jeunesse stu-
dieuse, accourue de toutes les parties de l'Europe. Il mourut le
23 septembre 1738. La ville de Leyde fit élever dans l'église
Saint-Pierre un monument orné du portrait de l'illustre profes-
seur, avec cette belle devise : Simplex sigillum veri.
Son grand traité intitulé : Elementa chemiœ, où se trouvent
résumés tous les travaux chimiques de l'époque, servit pendant
longtemps de guide à ceux qui se vouaient à l'étude de cette
science (2). Cet ouvrage, adopté dans toutes les écoles, a été tra-
duit en français, en allemand et en anglais.
Aucune des questions agitées par les alchimistes ne semblait
indifférente à Boerhaave. Lui aussi s'occupa beaucoup de la
transmutation des métaux, de la solidification du mercure, de
l'extraelion du mercure des métaux ; mais il avoue n'avoir ob-
tenu que des résultats négatifs (3). Il reprit les expériences de
Boyle et de Haies sur les fluides élastiques, et fut mis sur la voie de
la composition de l'eau , en démontrant expérimentalement qu'il
se forme de l'eau pendant la combustion de Talcool dans l'air (4).
Boerhaave devait agir par son exemple sur l'esprit de ses com-
(1) Hardenvyk, 1693, in-8^
(2) Elementa chemise, quœ anniversario labore docuit in publicis privalisque ;
scliolis; vol. II, iii-4°; Lugd. Bai., 1732; Lond., 1732 et 1C35 ; Paris., 1732, 1733,
1753; Basil., 1745; Venet., 1745, 1659; Lips., 1732.
Éléments de cliimic, etc., traduits par Allamand; t. II, in-8°; la Haye, 1748;
Leyde, 1752, — Abrégé de la tliéoric chimique, tiré des écrits de Boerhaave, par
M. de laMettrie; Paris, 1741. Trad. anglaise ; Lond., 1741, in-4''; 1742. — Trad.
allemande; Halbersladt, 1732-1734, 9 vol. in-8*»; éd. deWieglcb; Berlin, 178Î,
in-S".
(3) Mém. de l'Acad. des sciences de Paris, année 1734, p. 539. — Pliilosophi-
cal Transact,, n. 430, p. 345 ; n. 443, p. 343 ; n. 444, p. 378.
(4) Elem. chem., t. II, pars. I, p. 206 (Lugd. Bat., 1732).
TR0ISI£1C£ ÉPOQUE. 369
patriotes. H. Doorschoot, J. Egeling et Vullyamoz s'occupèrent
de l'analyse du lait (1) ; G. Klokhof étudia la nature du liquide
qui remplit, dans certaines maladies, les cavités séreuses (â)
Âlb. ScHLOSSER fit des recherches sur le sel d'urine, sur les cris-
tallisations métalliques (3) ; J. Raas, sur le borax (4) ; Rriele,
médecin de Batavia, sur l'ambre (5) ; de Lis, sur l'aloès (6); Al.
Nauuts, sur les bases du sel marin^ du salpêtre, de l'alun, et
sur la composition de l'eau (7).
§13.
Pr€»f|rèe de li» cliimle en Franee airant l'époque
de liairoUiier.
^ A mesure qu'on avance dans l'histoire, on voit se dessiner de
plus en plus clairement la place qu'occupe chaque nation dans
le mouvement progressif des sciences. Depuis la fondation des
sociétés savantes, les sciences comme les lettres deviennent, pour
ainsi dire, oligarchiques, tandis que la constitution sociale tend
îers la démocratie. Anciennement, c'était tout le contraire.
Quatre nations viennent se placer ici au premier rang : les
Français, les Allemands, les Anglais et les Suédois ; les autres
nations n'occuperont qu'un rang secondaire. C'est à Paris, à Ber-
lin, à Londres et à Stockholm, que va se débattre le sort des
sciences.
11 n'y a pas de compagnie savante qui ait fait plus pour Tavance-
ment des sciences, et notamment de \sl chimie, que l'Académie
^es sciences de Paris, dont nous avons plus haut raconté la fon-
^ dation.
(1) Diss. de lacle; Ludg. Batav.,1737, in-4°; — Ultraj., 1759, ia-4. — Diss.
^sale lactis essentiali; Lugd. Bat., 1756, in-i**.
(2) Vanhandelingen uitgegeeven door^de HoUandse MaeUschappye der
^ettenschappen te Hatrlem^ t. VI, 1762, n. 1, p. 451 (Mémoires de la Société
' ^ sdences de Haarlem).
(3) Tract, de sale urinae nativo; Lugd. Bat., 1743, in-4'*. — Verhandelin-
fBRj etc. ( Mémoires de la Société de Haarlem ), t. I,p. 138.
(4) Diss. sistens obsenrationes de borace, etc.; Traject. ad Rhen., 17C9, in-4®.
(5) Histoire de TAcad. royale des sciences de Berlin, année 1763, p. 126.
' (6) Diss. de aloë ; Ludg. Bat., 1745, in-4° .'
K^} Traelitus chemicus, continens nova qusedam expérimenta cum basi salis
^riniyi^tri et aluminis, etc.; Amstelod., 1761, in-S**. — De aquae origine ex basi-
tos aerîspnri et inflâmmabilis ; Traj. ad Rhen., 1789.
BJST. DE LA CHIUIE. — T. H. )4
370
HISTOmS DE UL CHIMIE.
Les travaax des deux frères Geoffroy, de Lemery fils, de Hei-
lot, de Boulduc, de Rouelle, de Baron, de Macquer, de Cadet»
de Du Hamel^ de Grosse, forment, avec les travaux du siècle pré-
cédent, pour ainsi dire , Tavant-garde de la révolution qui devail
bientôt s'opérer dans la science chimique.
Jetons un coup d'œil sur les œuvres de ces chimistes, qui
presque tous étaient des enfants de Paris.
§44.
€ieoftroj atné.
Etienne-François Geoffroy(néà Paris, le 13 février 1672, mort
le 6 février 1731) reçut sa première instruction dans la mai-
son paternelle, où Cassini, Duverney, Homberg, tenaient sou-
vent des conférences. Il se rendit ensuite à Montpellier pour
y étudier la médecine. En 1698, il accompagna le maréchalde
Tallard dans son ambassade à Londres, et devint bientôt après
membre de la Société royale de cette ville. De là, il passa en
Hollande, et fit en 1700 un voyage en Italie, principalement pour
étudier Thistoire naturelle. Eh 1712, Fagon, premier médecin
du roi, se démit de la chaire de chimie au Jardin du Roi (i), eu
faveur de Geoffroy, dont les leçons attiraient déjà de nombreux
élèves.
Un travail , auquel le nom de Geoffroy demeure glorieuse-
ment attaché, a pour titre Table des différents rapports observés
en chimie entre différentes substances. C'est là qu'on trouve
pour la première fois nettement énoncée cette loi fondamen-
tale : « Toutes les fois que deux substances, ayant quelque ten-
dance à se combiner Tune avec Fautre, se trouvent unies ensem-
ble , et qu'il en survient une troisième qui a plus d'affinité
avec Tune des deux, elle s'y unit en faisant lâcher prise à l'autre. »
Sur cette loi Geoffroy essaya d'établir la classification des
acides, des alcalis, des terres absorbantes et des substances
métalliques (2).
(1) Le premier médecîa du roi était , comme nous PaTons déjà tu, presque
toujours le professeur titulaire de la chaire de chimie au Jar^n du Roi, *
même que le démonstrateur était en mên^ temps le premier pharmacien de ^
cour.
(2) Mém. de VAcad,^ année 1718, p. 202
TROISIÈME EPOQUE. 371
Tout en combattant avec force les jongleries de certains al-
chimistes (1), il s'attachait à démontrer que le fer qu'on trouve
dans les cendres des matières organiques est le résultat d'une
génération particulière, et qu'on peut non-seulement faire
du fer, mais encore tous les autres métaux, les composer ou les
décomposer, en réunissant ou en séparant les éléments dont ils
sont formés. Voici comment il raisonnait : La matière n'a rien
d'absolument indestructible, si ce n'est l'étendue etl'impfénétra-
bilité; tout ce qu'elle présente de variable à nos sen» m con->
siste que dans des modifications moléculaires (2).
Outre un certain nombre de mémoires qui se trouvent insérés
dans les recueils de l'Académie des sciences (3), Geoffroy a
laissé un grand ouvrage Sur la matière médicale, qui ne parut
qu'après sa mort, et qui fut traduit dans les principales langues
de l'Europe (4).
§15. .
Creoffroy Jeune.
Claude-Joseph Geoffroy (né à Paris, le 8 août 1683, mort
. le 9 mars 1752) suivait la carrière de la pharmacie, tandis
' que son frère aîné exerçait la médecine. Élève de Tour-
nefort, il avait acquis des connaissances variées en botanique
ayant de se livrer à la chimie. Le premier mémoire qu'il pré-
senta à l'Académie, dont il faisait partie dès l'année 1707, eut
ponr objet V Application de la botanique à la chimie. D'après les
modes d'analyse alors en usage , il n'était pas étonnant de voir
les plantes les plus diverses donner les mêmes principes à l'a-
L
(1) Des supercheries concernant la pierre philosophale ; Mém. de VJbcdd.f^sjm,
17î2,p. 61.
(2) M,ëm. de VAcad., année 1707, p. 176.
(S) On remarque parmi ces mémoires : Du changement des seh aeides en
«l» alcalins volatils urineux, Mém. de l'Acad., ann. 1717, p. 226 ; — jfcfo^^îi
UtHiéd^ arrêter les vapeurs nuisibles qui s^ élèvent des dissolutions métalli^
JiW, ibid., ann. *1719, p. 71 ; — Éclaircissements sur la table des a/fini-
**, etc., ibid., 1720. p. 20, — Observations sur la préparation du bleu de
IVmsc, ibid., 1725, p. 153 et 220.
(4) Traité de la matière médicale, etc., vol. III; Paris, 1741, 1756 (vol. VU),
24.
372 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
nalyse. a II faut donc , disait Geoffroy, qu'il y ait dans la com-
binaison de ces principes quelque différence qui occasionne
celle qu'on remarque surtout dans la couleur et l'odeur des
différentes plantes. » Cette différence, il la cherchait dans la
manière dont l'huile essentielle se trouve mêlée avec les autres
principes; c'est ainsi qu'il trouva que l'essence du thym, xîom-
binée> en diverses proportions, avec les acides et les^alcalis, don-
nait à peu près toutes les nuances de couleur qu'on observe dans
les plantes. — Il découvrit que les huiles essentielles ne pénè-
trent point dans toute la substance de la plante , mais qu'elles
sont contenues dans des vésicules particulières , affectées à
certaines parties du végétal. Dans ses recherches sur les huiles
essentielles, il affirme que ces huiles sont des composés d'acide,
de phlegme, d'un peu de terre, et de beaucoup de matière
inflammable. Il entreprit même de faire une essence artin-
cielle au moyen de l'esprit-de-vin et de l'acide vitriolique. En ce
ce qui concerne les huiles grasses, il constata qu'un gros de sa-
von blanc, dissous dans trois onces d'esprit-de-vin, acquiert,
sans perdre sa transparence, la propriété de se congeler à un
certain degré de froid (1).
En 1732, il fit l'analyse du borax. On lui doit d'avoir dé-
montré que la base du sel marin est une des parties consti-
tuantes du borax (2).
Geoffroy était un de ces hommes qui aiment la science en dehors
de tout intérêt personnel. Il passait ses moments de loisir dans
sa maison de campagne à Bercy, où il avait fait construire un
cabinet d'histoire naturelle et un jardin de plantes médicinales.
Il laissa un fils qui devait bientôt rejoindre son père; ce fils
avait présenté, peu de temps avant sa mort, un mémoire in-
titulé Analyse chimique du bismuth, de laquelle il résulte une
analogie entre le plomb et ce semi-métal (Mém. de TAcad.,
année 1753, p. 296 ).
Indépendamment des travaux que nous venons de mentionner,
Joseph Geoffroy a publié, dans la collection de l'Académie des
sciences, les mémoires suivants :
Des différents degrés de chaleur que l'esprit-de-vin commU"
(1) Mém. de ZUf«c/., ann. 1707, p. 517;— Ibid., ann. 1721,p. 147 ; — W>î<*'
ann. 1728, p. 88; — Ibid., ann, i741,p. 11.
(2) Nouvelles expériences sur le borax, etc.; dans les Mém. de r4ca(/.,aa**^®
1732, p. 398.
TROISIÈME ÉPOQUE. 373
nique à l'eau par son mélange (1) ; — Mélhode pour connailre et
déterminer au juste la qualité des liqueurs spiritueuses, etc, (2) ; —
Sur la nature et là composition du sel ammoniac (3) ; — Réflexions
sur la manière et éteindre le feu par le moyen d*une poudre (4); —
Sur la fabrique du sel ammoniac ^ et sa décomposition pour en ti-
rer du sel volatil (5) ; — Observation d*un métal qui résulte de
l'alliage du cuivre et du zinc (6); — Différents moyens d'enflam-
mer non-seulement les huiles essentielles ^ mais même les baumes
naturels, par les esprits acides (7); — Observations sur le mé-
lange de quelques huiles essentielles avec F esprit-de-vin (8) ; —
Examen (des différents vitriols , avec quelques essais sur la for-
mation artificielle du vitriol blanc et de l*alun (9) ; — Examen du
vinaigre concentré par la gelée (10) ; — Examen chimique des vian-
des qu'on emploie ordinairemetit dans les bouillons , par lequel on
peut connaître la quantité d'extrait qu'elles fournissent , et déter-
miner ce que chaque bouillon doit contenir de suc nourrissant (11) ;
— Examen chimique des chairs des animaux ou quelques-unes
de leurs parties, auquel on a joint l'analyse du pain (12) ; — Sur
Véméticité de V antimoine, sur le tartre émé tique et le kermès mi-
néral (13); — De Vétain (14) ; — Manière de préparer les extraits
de certaines plantes (15) ; — Moyen de volatiliser l'huile de vi-
triol, de la faire paraître sous la forme d'une huile essen-
tielle (16) ; — Différents moyens de rendre le bleu de Prussç plus
solide à l'air et plus facile à préparer (17); — Observations
(1) Mém. de VAcad.^ année 1713, p. 53.
U)Ibid., ann. 1718, p. 37.
(3) Ibid., ann. 1720, p. 189.
(4)Ibid., ann. 1722, p. 155.
(5)lbid., ann. 1723, p. 210.
(6) Ibid., ann. 1725, p. 57.
(7) Ibid., ann. 1726, p. 95.
(8) Ibid., ann. 1727, p. 114.
(9)lbid.,ann. 1727, p. 114. '
; (10) Ibid., ann. 1729, p. 68.
i (11) Ibid., ann. 1730, p. 217.
(12) Ibid, ann. 1732, p. 17.
(13) Ibid., ann. 1734, p. 417 ; — 2*" mémoire sur les préparations anllmoniales ,
•Mï. 1735, p. 64.— 3« mémoire, ibid., p. 311 ; — 4** mém., ann. 1736, p. 414.
(14) Ibid., 1738, p. 103.
(I5)lbid., 1738, p. 193.
(l«)Ibid., 1742, p. 63.
(17) Ibid.,' 1743, p. 33.
374 UISTOIBS DE LA CHIMIE.
sur la terre d'alun (1); — Examen d'une préparation de verre
d'antimoine, spécifique pour la dyssenterie (2); — Essai sur la
formation artificielle du silex, et observations sur quelques pro-
priétés de (a chaux vive (3) ; — Observations sur les préparations
du fondant de Rotrou et de l'antimoine diaphorétique (4).
§ 16.
lioais liemeiry.
Louis Lemery, néàParis, le 25 février 1677, mort le 9 juin 1713,
était le fils et digne élève de Nicolas Lemery, dont nous avons
parlé plus haut. Reçu docteur en médecine à vingt et un ans,
il devint membre de l'Académie des sciences à Tâge de vingt-
trois ans. En 1702 il fit paraître son premier ouvrage, le TraM
des aliments y qui fut sévèrement jugé par Andry. Il publia, dans
la suite, un grand nombre de mémoires de chimie, de médecine,
d'anatomie et de zoologie, qui , pour la plupart , ne sont pas
dénués d'intérêt. En 1708, Fagon, premier médecin de
Louis XIV, chargea Lemery de faire le cours de chimie au Jar-
din du Roi, à la place de Berger, qui était alors gravement ma-
lade. Après la mort de Berger, cette chaire fut confiée à Geof-
froy, et c'est à lui que Lemery succéda en 1731. Il n'occupa
cette chaire que douxe ans.
Dans ses travaux chimiques, Lemery débuta par combattre
les idées de Geoffroy sur la génération du fer. (Voy. les Mémoi'
res de VAcad., années 1706, 1707, 1708. )
Il découvrit, en 1726, par un simple hasard, que le plomb,
« lorsqu'il a une certaine forme , fort approchante d'un segment
sphérique ou d'un champignon, » devient presque aussi sonore
que le métal des cloches. Quelque temps après, Réaumur ob-
serva que, pour que cette expérience réussisse, il faut que le
plomb ait acquis par la fusion la forme indiquée , et que, si on
lui donne cette forme à froid , il reste aussi sourd qu'il l'est or-
dinairement. Voilà un fait bien précieux pour la théorie, encore
si peu avancée, de la constitution moléculaire des corps.
(1) Mém. deVAcad,, année 1744, p. 69.
(2) Ibid., 1745, p. 162.
(3) Ibid., 1746, p. 284.
(4) Ibid., 1751, p. 304.
TBOISIÈME &0QV3. 375
Les mémoires de chimie communiqués par Lemery fils &
cadémie ont pour titres : Une végétation chimique du fer [cris-
Usation d*un sel de fer) (1); — Examen de la manière dont
fer agit sur notre corps (2); — Vaction des sels sur différentes
\tières inflammables (3) ; — Sur le nitre (4) ; — De la volatili-
ion vraie ou apparente des sels fixes (5) ; — Réflexions sur le
^aut et le peu d'utilité des analyses ordinaires des plantes et des
vmaux (6) ; — Observation historique sur le kermès minéral (7) ;
Sur la précipitation de quelques sels dissous dans de Veau (8);
Expériences et réflexions sur le borax, d'oii Von pourra tirer
jlques lumières sur la nature et les propriétés de ce sel, et sut
manière dont il agit, non-seulement sur nos liqueurs, mais en-
e sur les métaux dans la fusion desquels on V emploie (9) ; —
r le sublimé corrosif (iO); — ISouvel éclaircissement sur Valun,
les vitriols, et particulièrement sur la composition naturelle et
qu'à présent ignorée du vitriol blanc ordinaire (11).
§17.
Hellot.
Hellot, né à Paris, le 20 novembre 1685, mort en 1761 , fut
sliné d'abord à la carrière ecclésiastique ; mais son goût pour
chimie lui fit abandonner Tétude de la théologie. Pendant
voyage en Angleterre, il s'était lié d'amitié avec les savants
plus distingués de ce pays. Aussi son entrée à l'Académie des
ences de Paris, en 1733, fut-elle bientôt suivie de son élection
[\)Mém, de VAcad., ann, 1707, p. 299.
2Jfl)id.,ann. 1713, p. 30.
(3)n)id.,p. 99.
(4) Ibid., ann. 1717, p. 31 ; 2« mém., p. 122.
(5)n)id., ann. 171,7, p. 246.
(6) Ibid., ann. 1719, p. 173; 2» mém., ann. 1720, p. 98; 3« :mém., p. 166;
mém., ann. 1721, p. 22.
(7) Ibid., année 1750, p. 417. Lemery rappelle que le kermès minéral, ovLpovr
c des Chartreux, avait été déjà décrit par son père dans le Traité sur Van-
noine, et que d'autres ont eu tort d'en revendiquer la découverte.
(8) ma., ann. 1727, p. 40. ,
(9) Ibid., ann. 1728, p. 273; 2« mém. sur le borax, ann. 1729, p. 282.
(10) Ibid., ann. 1734, p. 259,
(11) Ibid., ann. 1735, p. 262 ; 2« mémoire, ibid., p. 385 ; supplément auxmé-
^Ires précédents; ibid., ann. 1736, p. 263.
376 HISTOIRE DB LA CHIMIE.
ûomme membre de la Société royale de Londres. Chargé parle
ministère de l'inspection générale des teintures , il publia à ce
sujet des travaux importants. Il avait épousé , à Tàge de soixante-
cinq ans y une femme qui partageait ses goûts pour la science.
Les travaux de Hellot se trouvent consignés dans les Mémoires
de l'Académie des sciences de Paris. Son premier mémoire, para
en 1735, traite de l'analyse du zinc, métal que Ton regardaitnon
pascommeun corps simple,mais comme un TTiiâ^^e, pour employer
le langage alors usité (1). L'année suivante il publia , sous le
titre de Conjectures , une notice où il prétendait que la colora-
tion rouge des vapeurs nitreuses tient à la présence du fer, et
que ces vapeurs renferment un sel volatil urineux (ammo-
niaque) (2). Il inventa aussi une encre sympathique (solution d'uQ
sel de cobalt exposée à la chaleur) , et indiqua tous les moyens
de préparation des encres^ qu'il divise en quatre moments:
(( Faire passer une nouvelle liqueur ou la vapeur d'une nou-
velle vapeur invisible ; — exposer la première écriture à Pair,
pour que les caractères se teignent; — passer' légèrement sur
l'écriture une matière colorée, réduite en poudre subtile; -
exposer l'écriture (invisible) au feu (3). »
A propos de la liqueur éthérée de Frobenius , Hellot nous ap-
prend qu'en faisant digérer à froid de l'esprit acide vineux non
rectifié (mélange d'alcool et d'acide sulfurique) dans l'huile
jaune de vin pesante, provenant de la préparation de l'éther, on
obtient des cristaux d'une matière blanche, ayant l'odeur, la sa-
veur et l'inflammabilité du camphre (4).
Dans sa Théorie chimique de la teinture des étoffes, l'auteur
partit d'une hypothèse qu'il essaya de confirmer par des ex-
périences. Voici l'énoncé de cette hypothèe : « Dilater les
pores du corps]à teindre, y déposer les particules d'une matière
étrangère, et les y retenir, ce sera le bon teint. Déposer ces
matières étrangères sur la seule surface des corps, ou dans des
pores dont la capacité ne soit pas suffisante pour les recevoir,
ce sera le petit ou faux teint, parce que lé moindre choc dé-
tachera les atomes colorants. Enfin, il faut que ces corps
(1) Mém, deVAcad.y ann. 1735, p. 62 ; 2* mém. sur le zinc, ibid., p. 221.
(2) ftid., ann. 1736, p. 36.
(3) nrid., ann. 1737, p. 101 ; 2* méra., p. 228.
(4) Ibid., ann. 1739, p. 62.
TROISIEME EPOQUE. 377
luits d'une espèce de mastic que ni Teau de pluie ni les
î soleil ne puissent altérer (1). »
donna le premier une histoire complète de tous les
jusqu'alors employés pour préparer le phosphore (2).
loire, Sur l'exploitation des minesy mérite également
5 avec éloge (3).
n a de Hellot plusieurs travaux étrangers à la chimie.
§18.
Boaldae.
ly né à Paris, le 20 février 1675, mort le 17 février
m mérité de la pharmacie plutôt que de la chimie pro-
lite. Son père avait été, comme lui, démonstrateur de
Jardin du Roi, et membre de TAcadémie des sciences.
3ublia, en 1719, des études sur les purgatifs , sur le
érium ^ etc. Il simplifia la préparation du sublimé
J, et donna quelques notions intéressantes sur l'analyse
ux (5), sur le sel polychreste de Seignette (6), sur le sel
? (7) et le sel d'Epsom (8). Mais ce qui lui valut le plus de
;, ce sont ses recherches sur les eaux minérales : sur
Passy (en 1726), les eaux de Bourbon-rArchambault
et celles de Forges (en 1735).
îtions de premier apothicaire du roi et de la reine To-
à suivre la cour ; elles ne lui permettaient donc pas
régulièrement aux séances de l'Académie, et de
le part active aux travaux de cette savante compa-
mourut à l'âge de soixante-sept ans, à Versailles,
résidait alors.
ie VAcad.y'Nm. 1740, p. 126; 2" mémoire, ibid., 1741, p. 38.
m. 1737, p. a42, Sur le phosphore de Kunckel ei l'analyse de
n. 1756. p. 134.
m. 1730, p. 357.
'34, p. 101.
731, p. 124.
'27, p. 375.
731, p. 347.
378 UISTOIBE DE LA GHIUE.
§ 19.
Rouelle aine.
Guillaume-François Rouelle, le maître de Lavoisier, naquit, eil
1703, au village de Mathieu, en Normandie (1). Après avoir fiiif
ses premières études au collège de Caen, il vint à Paris, et s'y -
livra assidûment à ses goûts pour la chimie et la pharmacie.
En 1744 , il fut admis à TAcadémie des sciences comme chimiste
adjoint, et dans la même année il lui communiqua un mémoire
Sur les sels neutres ^ son premier écrit scientifique. « J'app^
dit-il dès le début, sel neutre y moyen ou salé^ tout sel formé par
l'union de quelque acide que ce soit, minéral ou végétal, avec
un alcali fixe ou volatil , une terre absorbante , une substance
métallique ou une huile. »
On doit à Rouelle la première classification méthodique des
sels alors connus, qu'il divise en six sections principales; chaque
section est, à son tour, subdivisée en genres et en espèces : l'a*
cide donnait le genre, et la base l'espèce. Ainsi, la première
section renfermait tous les sels cristallisés en lames; le premier \
genre de celte section se composait des sels d'acide vitrioliqne
(sulfates) , et les espèces comprenaient tous les vitriols à base
d'alcali fixe ou volatil, de terres ou de substances métalliques.
Nous avons déjà dit (1) que les leçons de chimie du Jardin
du Roi étaient faites concurremment par un professeur théo-
ricien et un démonstrateur pratique. Bourdelin, alors pro-
fesseur en titre, était écouté assez froidement dans ses digres-
sions abstraites; mais lorsque paraissait Rouelle, le démonstra-
teur, l'intérêt et l'attention s'éveillaient tout aussitôt. Le profes-
seur terminait invariablement sa leçon par ces mots : « Tels
sont, Messieurs, les principes et la théorie de cette opération,
ainsi que M. le démonstrateur va vous le prouver par ses ex-
périences. »
Mais le démonstrateur, qui prenait aussitôt la parole , s'at-
tachait le plus souvent à prouver tout le contraire, et à donner,
(1) Voyez, pour plus de détaUs, la biographie de F. -G. Rouelle, par P. -A. W^
dans le Journal de pharmacie et de chimie, sept. 1842.
(2) Voy. p. 277 de ce volume.
TROISIÈME EPOQUE. 379
)ar les faits, un éclatant démenti à la théorie du professeur (1).
En 1750, Rouelle devint membre de TAcadémie royale de
tockholm et de celle d'Erfurt. Deux aimées après, il fut
(1} C'est à ces leçons du Jardin du Roi que se rattachent la plupart des anecdotes
lisantes que 1 on raconte de Rouelle. Le professeur arrivait dans Tamphitliéâtre
i grande tenue : habit de velours, perruque poudrée, et petit chapeau sous le bras,
(ses calme au début de sa leçon, il s^échauffait par degrés; si sa pensée venait
s'embarrasser, il s'impatientait, il posait son chapeau sur une cornue, il ôtait
perruque, il dénouait sa cravate; puis, tout en continuant déparier, il débou-'
Bpaît son habit et sa veste, et les quittait Pun après Tautre. — Grimm, à qui
«s devons ces particularités sur la vie de Rouelle, raconte qu'un jour, se trou-
uBt dans un cercle où il y avait plusieurs dames, et parlant avec sa vivacité or-
naire, Rouelle défait sa jarretière, tire son bas sur son soulier, se gratte la jambe
^ les deux mains, remet ensuite son bas et sa jarretière, et continue saconver-
itîoD, sans avoir le moindre soupçon de ce qu'il venait de faire. — Rouelle^
lit ordinairement assisté dans ses expériences par son neveu; mais, cet aide ne
i tronvant pas toujours auprès de lui , Rouelle l'appelait en criant à tue-téte :
Neveu, étemel neveu ! » et Téternel neveu ne venant pas, il s'en allait lui-même
ans les arrière-pièces de son laboratoire chercher les objets dont il avait be-
Ha, Pendant cette opération, il continuait la leçon comme s'il était en présence
e ses auditeurs. A son retour, il avait ordinairement achevé la démonstration
Hnmencée, et rentrait en disant : « Oui, messieurs, voilà ce que j'avais à vous
ire.» Alors on le priait de recommencer, ce qu'il faisait volontiers, croyant
salement avoir été mal compris. — Dans sa pétulance et sa distraction ordi-
aiies, il exprimait souvent des vues neuves, hardies, profondes ; il décrivait
es procédés dont il eût bien voulu dérober le secret à ses Ituditeurs, mais qui
li échappaient, à son insu, dans la chaleur du discours; puis il ajoutait : Ceci
ftnnde mes arcanes que je ne dis à personne, et c'était précisément ce qu'il
enait de révéler à tout le monde. — Ses récriminations et ses plaintes faisaient
D quelque sorte partie de son cours ; en sorte qu'à telle leçon on était sûr d'en-
3Klre une sortie contre Macquer ou Malouin, contre Pott ou Lehmann; à telle
Dtre, une diatribe contre Buffon ou Bordeu. Dans son emportement, il ne se
usait faute d'aucune injure ; mais la plus commune, l'épithète qu'il prononçait
iplns souvent et qui servait le mieux sa colère, était celle de plagiaire. Pour
entrer toute son horreur pour l'attentat de Damiens, il ne manquait pas de
ire que c'était un plagiat. « Oui, messieurs, s'écrialUil tous les ans, à certain
Ddroit de son cours, en parlant de Bordeu, c'est un de nos gens, un frater, un
^aire, qui a tué mon frère que voilà. » — Hors de son laboratoire et dès qu'il
^^t de vue ses appareils, il semblait ne plus rien comprendre au monde et à
'Société. Un jour, chez Buffon, on parlait des mouvements) instinctifs dont on
est pas le maître. « Par exemple, disait le card'mal de Bernis, il m'est impos-
ée d'entrer dans une église sans courber la tête. » — « U y a, en effet, reprit
^elle, certains mouvements naturels et machinaux dont il n'est pas facile de
^ndre compte. Pourquoi, par exemple, les ânes et les canards baissent-ils
^JOurs la tête quand ils passent sous des arcades ou des portes cochères? » Et
^^e on le regardait en souriant : » Oui, messieurs, ajouta-t-il, j'ai fait cette
^lience, moi; j'ai fait passer des ânes et des canards sous la porte Saint-An-
380 HISTOIRE DE Ik CHIMIE.
nommé associé fie l'Académie des sciences de Paris. Il refusa la
charge de premier apothicaire du roi, et accel[)ta la place d'ins-
pecteur de la phariAacie de THôtel-Dieu. En 1754, le ministre
des finances lui confia un, travail sur l'essai des monnaies d'or.
Rouelle y apporta tant de zèle et de talent,' qu'on lui ppomit
en récompense la place d'essayeur en chef des monnaies; mais
cette place ne fut donnée qu'après sa mort à J. d'Arcet, son
gendre. Sentant ses forces s'affaiblir, il renonça, dès l'année
4768, à faire ses cours, et se démit, en faveur de son frère, de
la chaire de chimie du Jardin du Roi (1). Depuis ce moment,
il traîna une vie languissante; il perdit l'usage de ses jambes,
et vécut retiré à Passy, où il mourut le 3 août 1770, à l'âge de
67 ans.
«
toine, et même sous la porte Saint-Denis, qui est bien autrement liaute. Eh bien!
messieurs, tous me croirez si vous voulez, mais je vous donne ma parole d'hon-
neur que je uVn sais [tas plus que vous à ce sujet. » — Les grands éTéoemeats
politiques et militaires le préoccui)aient au point de balancer dans son esprit
Fintcrét qu'il prenait aux progrès de la science, et il trouvait parfois ToccasIoD
d*en entretenir ses auditeurs au milieu même de ses leçons. GVst ainsi que, pen-
dant la guerre qui venait d'éclater contre les Anglais en 1756, il voulait aller
commander les bateaux plats, et assurait quUl i)ossédait un arcane à Taide du-
quel il se flattait de brûler Londres, et d'incendier sous l'eau toute la flotte an-
glaise. — Grimm raconte que le lendemain du jour où parvint la nouvelle de la
défaite de Rosbacb, il le rencontra tout éclo[)é et marchant avec peine. « Eh!
mon Dieu ! M. Rouelle, lui dit-il, que vous est-il donc arrivé » ? — «Je suismoulo,
répondit le chimiste; toute la cavalerie prussienne in'a marché cette nuit sur le
corps. ï' Le môme jour, il se trouvait au Jardin du Roi ; et. la conversation atVant
roulé sur le môme sujet, il ne manqua pas de traiter le prince de Soubise (com-
mandant de l'année française à Rosbach, et qui reçut quoique temps après le bâ-
ton de maréchal) d'ignare, d'esprit obtus, de criminel, et enfin de plagiaire.
« Mais, lui dit Buffon, ce n'est point un plagiat que de s'être laissé battre par
les Prussiens, c'est au contraire une invention toute nouvelle de M. de Soubise.
— Ne le défendez pas, s'écriait Rouelle, c'est un animal infime, un mulet coruu,
un double cochon borgne ! Je suis sûr qu'il a quehpie chose de vicié dans sa con-
formation. »
(1) Beaucoup d'auteurs ont confondu le frère cadet avec Rouelle aîné. —IloveUe
jeune, moins célèbre que son frère, a publié des observations sur les alliages de
l'étain, considérés sous le point de vue hygiénique {Rechtrches chimiques sur
réfain, publiées par ordre du gouvernement ; Paris, 1781, in-8°); — sur les
eaux minérales de Leuk {Journal de médecine, etc., t. XLV, 1776, juin) ;— ffl-
hleau de l'analyse chimique des procédés du cours de chimie^eic; Paris, l""^»
in-12. — Observations sur l'air fixe dans certaines eaux minérales (dans
les Opuscules physiques et chimiques de Lavoisicr y \t. 157).
/
TROISIEME EPOQUE. 381
TraTaax de Rouelle*
Rouelle a puissamment contribué aux progrès de la chitnie^
moins par ses écrits, qui sont peu nombreux, que par ses cours
publics, qui étaient suivis avec un empressement et une curio-
sité extraordinaires. Les paroles du maître étaient recueillies
comme des oracles par ses élèves; et il n'est pas rare de ren-
contrer encore aujourd'hui de ces cahiers manuscrits, rédigés,
il y a cent ans^ avec un soin in&ni (1). C'est là un spectacle
presque unique dans les annales de la science. Rouelle est, sans
contredit, un de ceux qui ont le mieux réussi à populariser la
chimie en France, et il faut revendiquer pour lui une part glo-
rieuse dans cette grande révolution scientifique dont Lavoisier
est le chef.
Les travaux imprimés de Rouelle consistent eu quelques dis-
sertations insérées dans le recueil des Mémoires de V Académie
des sciences, dans le Journal de physique de Rozier, et dans le
Journal de médecine de Roux.
Sonpremier mémoire, 5î/r/65se/;sn^<res,estdel'annéel744(2).
L'année suivante , il communiqua à l'Académie un nouveau mé-
moire ayant pour but d'appliquer à l'étude spéciale A\xsel marin
les principes établis dans le mémoire précédent (3). Parmi les
travaux de Rouelle qui fixèrent le plus l'attention du inonde savant^
il faut citer celui qui traite de Y inflammation des huiles essentielles,
au moyen de l'esprit de nitre (4). Au sujet de ces expériences cu-
rieuses qu'il se plaisait à répéter souvent dans ses cours , il ensei-
gnait ua procédé aussi simple qu'ingénieux pour concentrer l'a-
cide nitrique. Ce procédé, dont la priorité d'invention revient de
(1) Nous avons possédé nous-mêmes deux de ces cahiers, écrits par des mains
difTérentes; l'un avait pour titre : Cours de chimie de M, Rouelle,2 vol.in-S";
l'antre : Cours de chimie rédige d'après les leçons de M. Rouelle Vaine ^ par
^W**y in-fol. L'écriture du premier manuscrit parait être un peu plus ancienne
que celle du dernier. La Bibliothèque impériale possède également plusieurs de
ces cahiers manuscrits des cours de Rouelle ; on en trouve aussi à Paris dans
quelques bibliothèques privées. M. Cap a réuni des documents précieux sur
Rouelle.
11 est à regretter que les cours de Rouelle n'aient pas été imprimés.
(2) Mëm, de VAcad. des sciences, ann. 1744, p. 97.
(3) Mëm. de VAcad.f ann. 1745, p. 773.
(4)Ibid.,ann. 1747, p. î%4; llist., p. 85.
382 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
droit à Rouelle, consistait à distiller l'acide nitrique, ou,
comme il l'appelle, l'esprit de nitre ou acide nitreux, avec
de Pacide vitriolique. Ajoutons que Fauteur comprenait
parfaitement la théorie de son procédé : « L'acide vitrio-
lique ne sert, dit-ii^ qu'à concentrer davantage l'acide nitreux
(nitrique), et à le dépouiller de la plus grande partie de son
phlegme (eau), cet acide ayant plus de rapport avec l'eau que
l'acide nitreux; toutes les fois qu'on mêle un acide vitriolique
bien concentré à un acide nitreux phlegmatique (aqueux), le
premier se charge du phlegme (eau) du second, et l'en dépouille.
Cela nous offre donc un moyen de porter l'acide nitreux à un
état de concentration beaucoup plus considérable que celui au-
quel on peut espérer de parvenir par la distillation (1). »
En 1750, Rouelle publia un mémoire étendu Sur les embaume-
menis; il y commente avec beaucoup de sagacité la méthode
d'embaumement des Égyptiens, décrite par Hérodote (2).
En 1754, il communiqua à l'Académie des sciences un nou-
veau mémoire Sur les sels neutres (3). C'est dans ce mémoire qu'il
distingue le premier les sels en sels acides, en sels moyens {ueur
très) et en sels avec excès de base; il établit que, dans les pre-
miers, l'excès d'acide se trouve, non pas simplement ajouté, mais
combiné, et que la combinaison de l'acide avec la base a des li-
mites. De cette dernière observation à la loi des 'proportions fixes
il n'y avait qu'un pas.
Le Journal de médecine de Roux contient des expériences de
Rouelle (publiées en grande partie par son frère) sur le tartre
traité par la chaux et les oxydes métalliques {A] ; sur le lait, le
sucre de lait et d'autres produits organiques, etc. (5); sur le sang,
sur l'eau des hydropiques (6); sur l'urine de l'homme , des va-
ches et des chevaux (7); sur le diamant (8); sur l'or calciné au
(1) Cours de chimie de Rouelle Vaine, rédigé par MM.*** (manuscrit in-fol.)»
p. 395.
(2) Mém. de VAcad. des sciences, ann. 1750, p. 123.
(3) Ibid., ann. 1754, p. 572.
(4) Roux, Journal de médecine^ de chirurgie et de pharmacie, t. XXXIX, et c,
p. 369.
(5) Ibid., p. 250; t. XL, p. 59.
(6) Ibid., t. XL, p. 68.
(7) Ibid., p. 451.
(8) Ibid., t. XXXIX, p. 50. .
TROISIÈME ÉPOQUE. 383
moyen des étincelles électriques (i). L'habile opérateur démon-
tfa, contrairement à la théorie d'un grand nombre de chimistes,
que le sel lîxiviel (potasse) existe déjà dans les plantes avant leur
incinération (2).
•Plût à Dieu que tous les savants eussent rempli leur carrière
aussi consciencieusement que Rouelle ! Probe, honnête, généreux,
inaccessible à la corruption, il avait le vrai culte de la soience.
§ 20.
Théodore Baron.
Théodore Baron, né à Paris, le 17 février 1715, se prépara,
par les mathématiques, à l'étude de la médecine et de la chimie.
Il eut pour maîtres dans cette dernière science Rouelle et Bour-
delin. Deux ans après avoir été reçu docteur en médecine , en
1744, il lut à l'Académie des sciences un mémoire (son premier
travail scientifique) , traitant De r action du sel de tartre sur les sels
neutres (3). En 1752, il obtint auprès de l'Académie la place
d'adjoint-chimiste, devenue vacante par la nomination de Rouelle
àcelle d'associé. Il mourut le 10 mars 1768, à l'âge de cinquante-
trois ans, par suite de l'étranglement d'une hernie ombilicale.
Il avait toujours mené une vie fort retirée , au sein d'un petit
nombre d'amis.
Le principal titre scientifique de ce chimiste est d'avoir
éclairci l'histoire, demeurée jusqu'alors si obscure, du borax.
Les dTeux mémoires publiés sur ce sujet se trouvent insérésdans
les Mémoires de l'Académie des sciences de Paris (4). Voici les
conclusions de ce travail , qui parut sous le titre d^Expé-
fiences pour servir à l'analyse du borax : « Le sel sédatif (acide
borique) est toujours le même, par quelque acide qu'il ait été
(t) Roux, Journal de médecine, elc. t. XL, p. 163,- 1. XLVIII, p. 299.
(2)Rozier, Observations et mémoires sur lap1iysique,eic.,i. I, p. 13.
(3)Mém. de mathématiques et de physique, présentés à l'Académie royale de
sciences par divers savants, etc., 1. 1, p. 100 : Sur une propriété singulière
?tt'a le sel de tartre de précipiter tous les sels neutres sur lesquels Un* a point
^action. L'auteur cherche à établir que la véritable cause 4e la formation de
Pï'écipités dépend de Taffinité qui existe entre le précipitant et le dissolvant.
(4) Le 1*' mémoire fut présenté à TAcadémie le 25 et le 28 janvier 1747 ; et le
^iiaém., le 3 juillet 1748.
384 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
retiré du borax; on peut régénérer le borax en unissant lesei
sédatif avec le sel de soude ; on peut faire artificiellement deux
espèces de borax, différentes par leurs bases , de celui qui est
connu jusqu'ici , savoir : Tune en combinant le sel sédatif avec
l'alcali du tartre (potasse], et l'autre en le combinant avec
Palcali du sel ammoniac; le sel sédatif existe tout fait dans le
borax ; la dénomination , imposée par Homberg , de sel vokUU
narcotique du vitriol^ est impropre en tous points, puisque ce
sel est très-fixe par lui-même, et n'est sublimable que pardon
eau de cristallisajtion; il ne participe en rien, lorsqu'il est bien
préparé, de l'acide vitriolique qu'on a employé pour le dégager
du borax, puisqu'il est possible de le dégager par tout autre
acide même végétal, sans qu'il participe davantage de la nature
de ces acides; enfin, il n'est point narcotique. »
Ces conclusions , bien nettes, laissaient peu à désirer. 11 ne
manquait plus que la découverte de la composition de l'a-
cide borique pour compléter l'histoire du borax ; car la nature
et les propriétés de cet acide, employé en médecine sous le
nom de sel sédatifs étaient déjà connues.
Enfin Baron présenta à l'Académie, en 1742 , un mémoire Sur
un sel apporté de la Perse sous le nom de borech. Il reconnut que
ce sel n'était autre chose que du borax sophistiqué (1).
§21.
François Hœfer.
Nous n'avons^aucun renseignement sur les principaux actes
de la vie de ce chimiste qui fit le premier bien connaître Tacide
borique. L'histoire du borax resta, pendant toute cette pé-
riode, à peu près telle que Baron l'avait dounée. Ce ne fut
qu'en 1777 que François Hoefer, directeur de la pharmacie du
grand-duc de Toscane à Florence, découvrit l'acide borique
dans les eaux de Monterotondo, dit Cerchiajo , près de Sienne.
En soumettant ces eaux, d'un aspect laiteux, à l'analyse, ce
chimiste remarqua que le résidu de l'évaporation , redissous
par l'alcool , brûlait avec une flamme verte. Croyant d'abord
(1) Les résultats de cette analyse se trouvent consignés dans d ux mémoires ,
don l le premier fut présenté à TAcadémie le 3 juillet 1 748 , et le second le 1 7 j uin 1 752 .
TROISIÈME £FO0U£. 385
\ue cette couleur provenait d'un sel de cuivre, il répéta Texpé-
rience et obtint le même résultat; de plus, en combinant ce ré-
ddu avec Talcali minéral, il forma du borax, ce qui lui donna
l'idée d'élever une fabrique de borax dans le voisinage de ces
eaux {i). '
§22.
Maeqner.
Kerre-Josepb Macquer, né à Paris, le 9 octobre 1718, avait,
depuis Page de vingt-sept ans, consacré ses veilles à Tavance-
ment de la chimie. Ses premiers travaux eurent pour objet la
solubilité des huiles dans Tesprit-de-vin , et les composés arse-
nicaux, particulièrement la combinaison de Tarsenic blanc avec
les alcalis (2). Il fit des recherches intéressantes sur la composition
dableu de Prusse. Cette matière n'est, suivant lui, qu'une combi-
naison de fer avec une substance particulière que les alcalis en-
lèvent aux produits charbonneux ; il en donne comme preuve
que l'alcali digéré sur le bleu de Prusse se charge de cette subs-
tance, et ne laisse plus qu'une chaux de fer, tandis que ce même
alcali ainsi saturé, et versé dans une dissolution de fer, reproduit
le bleu de Prusse (3).
Il vivait alors en Bretagne un gentilhomme qui, depuis qua-
rante ans, s'était dévoué au service de l'humanité souffrante. Le
comte de la Garaye, c'est le nom du gentilhomme, avait cons-
truit un hôpital à côté d'un laboratoire de chimie ; il soignait
lui-même les malades, auxquels il administrait ses remèdes pré-
parés dans son laboratoire, remèdes de son invention. Ce sont ces
remèdes queMaequer fut chargé par le gouvernement d'examiner.
Ge chimiste trouva que la panacée de la Garaye n'était autre chose
qu'une dissolution de sublimé corrosif dans de l'esprit-de-vin (4).
Uacquer s'était constamment refusé aux idées nouvelles qui
devaient bientôt universellement prévaloir : il lui était, comme à
(1) Sopra il sale sedativo delta Toscana; Florence, 1778, ia-12. Trad. en
allemand sous le titre de Nachricht von dem in Toscana entdeckten naiûrli'
chen SedeUifsalzCf etc., par Hermann ; Vienne, 1781, in-12.
(2) Mém. de VAcad,, année 1735, p. 9; — 1746, p. 223; — 1748, p. 35.
(3} Il»d., année 1753, p. 60.
(4)Ibid.,ann. 1756, p. 531.
BIST. DE LA CHIMIE. — T. II. 25
386 HISTOIRE DE LÀ CHimE.
tant d'autres, impossible de changer des doctrines. qu*il avait
toujours professées. Malgré ce genre d'obstination, plus com-
mun qu'on ne s'imagine, il faisait preuve de beaucoup de mo-
dération dans ses jugements , et d'une grande réserve dans ses
affirmations : il ne connaissait ni l'aigreur, ni l'emportement'de
Tamour-propre blessé.
Macquer avait partagé plusieurs de ses travaux avec Beaumé,
Mais celui-ci, moins obstiné que son ami , se rallia plus tard
franchement aux doctrines de la chimie pneumatique.
Macquer mourut en 1784, à l'âge de soixante-quatre ans. Son
Cours et son Dictionnaire de chimie y qui furent traduits dans les
principales langues d'Europe, contribuèrent beaucoup à répandre
le goût de cette science.
Outre les mémoires cités, on a de lui : Observations swk
chaux et sur le plâtre (1) ; — Sur une nouvelle espèce de tfintm
bleue, dans laquelle il n'entre ni pastel m indigo {S) ; -^ Sur m
nouvelle méthode du comte de la Garaye pour [dissoudre les mé-
taux (3) ; — Sur un nouveau métal connu sotis le nom d\or blm l
(platine) (4); *— Sur les argiles et la fusibilité de cette espèce it j
terre avec les terres calcaires (5) ; — • Sur les essais des matièrei
d'or et d'argent (Eelloi, Tillet et Macquer) (6); —Sur Faction tw [
feu violent 'de charbon appliqué à plusieurs terres, pierres et •
chaux métalliques (7).
§23.
VUlet.
Tillet fut un des principaux collaborateurs de Macquer. On loi
doit des expériences physiologiques bi«n remarquables, sar
les degrés extraordinaires de chaleur, auxquels l'homme et les
animaux sont capables de résister {Mém: de l'Académie ; diJink
1764, page 186); il présenta à l'Académie, en 1763, un mémoire
(1) Mém. de VAcad.^ année 1747, p. C78.
(2) Ibid., ann. 1749, p. 255.
(3) Ibid., ann. 1755, p. 25. -. , . '
(4) Ibid., ann. 1758, p. 1 19.
(5) Ibid., même année, p. 155.
(6) Ibid., ann. 1763, p. I.
(7) Tbid., ann. 1761. p. 298.
TROISIEHE EfOOU£. 387
nr V augmentation réelle de poids qui a lien dç,ns U plomb. con-
\rti en litharge (1). Aprè^ avoir.dit que cette, augmentation est
wiron.d'un huitième, il s'exprime ainsi : ((C'est uhyrai paradoxe
tumique que rexpérience met cependant hors.de tout doute;
lais, s'il est facile de constater ce fait, i} ne. Test pas autant
'69 rendre une raison satisfaisante; 11 échappe à tc^^tes les idées
hysiques, que nous avons, et ce n'est que du temps qu'on peut
ttendre la solution de cette difficulté. »
Voilà comment s'exprimait Tillet, dix ans avant le travail de
iavoi^ier Sur la décomposition de Vair par V oxydation duflomb
tde l'étain,
§ 24. .
ttuhamel du MoBceau.
■
.Presque toutes les sciences avaient été cultivées avec succès
lar cet esprit vraiment universel. En botanique, qui ne connaît
i«B beaux travaux sur la circulation de la sève, sur Taccroisse-
oent des plantes, sur l'influence du sol, de la lumière, de l'air,
i|r la végétation? Parlez-vous d'agriculture, d'industrie agrî-
!ole; vous y trouverez encore le nom de Duhamel (îu Monceau.
S'est lui qui, avec Parmentier, popularisa en France la culture dé
1 pomme de terre ; qui soumit le premier l'art des engrais à des
rrincipes scientifiques, donna d'excellents préceptes sur la greffe
les arbres fruitiers , enseigna les moyens de conserver le blé ;
'est lui qui trouva qu'en exposant le grain dans des étuves à une
halepr assez forte pour faire périr les œufs microscopiques qui
•eavent y être contenus, qu'en le privant par cette opération de
"humidité, on le garantissait à la fois de deux fléaux destructeurs,
I. fermentation èi les insectes. Qui a fait plus que Duhamel pour.
1 météorologie? Depuis 1740 jusqu'à sa mort, il a rédigé pour
haqueannée les observations thermométriques et bai:ométriques
lites à Pithiviers, avec des détails relatifs à la direction de l'ai-
uille aimantée, à l'agriculture , à la constitution médicale de
année, à l'époque de la ponte ou du passage dés oiséauxl Nommé,
ftr le ministre Maurepas, inspecteur générât de 1^ marine, il
f ^
• . * • i ■
(1) Quelques aimées aprps, Maccfuer présenta un mémoire (année 1769, p. Iâ3)
\T la néçfSssUé d'extraire des coupelles les. particules d'argent fin gu^elles
tiennent tovJQurs.
55.
388 HlSTOtRÊ D£ LA CHIinE.
déploya un zèle extraordinaire pour le développement de cet élé^
ment de la prospérité nationale; il donna des préceptes utiles sar
remploi des matériaux de construction des vaisseaux, sur la fa*
brication des voiles , des cordages , sur l'assainissement , ete«
Enfin , la physiologie^ la physique et la chimie lui doivent de
précieuses découvertes.
Les questions scientifiques, soulevées par Duhamel, étaient
tellement importantes, qu'elles ont été presque toutes reprises
postérieurement, moins pour les rectifier que pour les agrandir.
Neuf ans avant Black, Duhamel avait déjà observé que la pierre
calcaire^ étant chauffée au four, perd de son poids, et qu'elle
le reprend peu à peu par son exposition à l'air (1). En 1736, il
souleva le premier une question qui plus tard fut complet
tement résolue par Marggraf , Duhamel avait avancé que la
base du sel marin (soude) est un alcali différent, à quelques
égards, de l'alcali (potasse) qu'on retire des plantes terrestres (2).
Voulant s'assurer si la différence entre ces alcalis tient à la dif-
férence spécifique des plantes qui les produisent, ou à la nature
des terrains où elles croissent, il fit semer du kali (salsola soda),
plante riche en soude, dans sa terre de Denainvilliers , et suivit
ces expériences pendant un grand nombre d'années. Comme il
se défiait de ses propres connaissances, il pria Cadet d'examiner
les sels que contenaient les cendres des kalis de Denainvilliers ,
et ce chimiste remarqua que la première année ralcali minéral
(soude) y dominait encore; que dans les années suivantes l'alcali
végétal (potasse) augmentait rapidement; enfin, qu'il se trouvait
presque seul après quelques rotations végétatives!
Son mémoire Sur la liqueur colorante que fournit la pourpre^
espèce de coquille qu*on trouve sur les côtes de la Provence, provo-
qua des discussions d'un grand intérêt (3). Frappé des analogies
qui existent entre le règne végétal et le règne animal, l'auteur
se mit à examiner si les os ne suivent pas dans leur développe-
ment les mêmes lois que l'accroissement des arbres ; puis, par
(1) Mém, de VAcad.^ ann. 1747.
(2)Ibid.,aim. 1736, p. 215.
(3) Ibid., ann. 1736* p. 49. Les autres mémoires chimiques de Duhamel ont
pour titres : Sur le sel ammoniac, 'dans les mém. de l'Acad., ann. 1735, p. 106;
ibid., 3* mém. p. 414; 3* mém., p. 483; — Diverses eocpériences sur la chaux,
ibid., 1747, p. 59; — Sur les effets de la poudre à canon, ibid., 1750, p. 1 ; —
Sur les sels qu'on retire des cendres des végétaux, ibid., 1767, p. 233 et p. 239.
TROISIÈME EPOQUE. 389
une suite d'expériences faites sur de jeunes animaux nourris
avec de la garance, il parvint à établir que les os s'accroissent
par l'ossification successive des lames du périoste, comme les
Arbres par l'endurcissement de la partie interne des couches
corticales. On sait que ces recherches amenèrent la. décou-
verte de la grande loi de la rotation permanente de la matière,
la forme restant invariable. Enfin, avant Franklin, il avait montré
l'identité de la foudre avec le fluide électrique.
Duhamel était secondé dans ses travaux par un frère qu'il ai-
mait tendrement. II passait une grande partie de sa vie à la
campagne , au milieu des champs, où il faisait ses expériences
d'agriculture et de physiologie végétale. Il était resté célibataire,
et voyait même avec peine les savants s'abandonner à un état
qui les obligeait de sacrifier à de nouveaux devoirs leur temps
et surtout leur indépendance. Duhamel mourut le 23 août 1785,
à l'Âge de quatre-vingt-cinq ans.
Ce fut de concert avec Duhamel que Grosse publia V Histoire de
réther (1). On sait que l'éther doit son nom à son extrême fluidité
(de alOi^p, éther). Plusieurs chimistes en réclament la découverte.
C'est à tort qu'on attribue à Frobenius la découverte de ce corps
qui s'appelait d'abord liqueur de Frobenius (2) ; car déjà d'autres
chimistes le connaissaient avant lui, et en faisaient moins de
mystère (3). Quoi qu'il en soit', ce n'est guère qu'au com-
mencement du xviii* siècle (vers 1720) que l'usage de l'éther
(sulfurique) a commencé à se répandre, d'abord en Angleterre,
puis en Allemagne.
Hanckwitz, Heliot, Geoffroy aîné et Newton lui-môme avaient
essayé de se rendre compte de la préparation de l'éther, dont on
Taisait alors un grand secret. Newton dit positivement [Philos.
Transact.^ mai 1700) que l'éther s'obtient avec un mélange d'huile
de vitriol et d'esprit-de-vin.
^ Mais personne n'avait aussi bien approfondi que Grosse le sujet
(1) Recherches chimiques sur la composition (Tune liqueur très-volatile
connue sous le nom d^ éther, dans les mém. de TAcad., ann. 1734, p. 41.
(2) Voici les paroles de Frobenius, qui lui ont fait attribuer la découverte de
réther : Paratur ex sale volatili urinoso plarUaruvi phlogisto, aceto valâe
subtiU per summam fermentationem cunctis snbtilissime résolvais et mixtis.
Ces paroles étaient faites pour déguiser ^\a\6i que pour dévoiler la connaissance
de rétber.
(S) Voy. p. 477 du 1. 1.
390 HimiÈE DE LA CHIMIE.
en question. Sachant que, pendant la distillation du mélange
d'huile de vitriol et d'esprit-de^vin^ il se dégageait des substances
différentes. Grosse voulait, avant tout, s'assurer de la nature de
ces substances : «Pour cela, dit-il^ je m'avisai de piquer avec
une épingle la vessie qui joint le récipient au bec de la cornue,
afin de discerner par l'odorat les différentes liqueurs à mesure
qu'elles se succéderaient. I^a première ne sentait presque que
l'esprit-de-vin, approchant cependant un peu de l'eau de Rabel
(mélange d'alcool et d'acide sulfurique) ; la deuxième passe en
vapeurs blanches, et sent beaucoup l'éther, ce qui me fit juger
qu'elle était la seule qui le contint , et que les autres ne servaient
qu'à l'absorber ; la troisième avait une odeur de souflre des plus
pénétrantes. )>
Ces faits , qui témoignent d'un observateur habile , le con-
duisirent à préparer l'éther de la manière suivante :
(( Je distillai, dit-il, trois parties d'huile de vitriol sur une
partie d'esprit-de-vin très-rectifié, jusqu'à ce que j'aperçus à la
voûte de la cornue les vapeurs blanches dont j'ai parlé; alors je
cessai lé fieii. On' a par ce moyen la liqueur qui contient l'éther,
seulement un peu itiôlée d'esprit-de-vin qui passé à'abord, et
puis d'un peu d'esprit sulfureux qui vient ensuite, malgré la ces-
sation du feu. Lorsqu'on veut avoir Téther seul , il faut employer
l'eau commune pour le séparer; et si on ne trouve pas cet éther
assez sec (privé d'eau), on peut le rectifier par une lente distil-
lation, et alors Téther monte avant l'esprit-de-vin, qui cependant
passait toujours. le premier dans la première opération. »
Plus tard, Beaumé et Cadet perfectionnèrent le mode de pré-
paratioil de Péther. Le premier surtout examina le résidu delà
distillation, et indiqua les moyens de se procurer une bien
plus grande quantité d'éther qu'on n'en obtenait par la méthode
ancienne (1).
Grosse a, en outre, laissé un mémoire Sur la manière de pu-
rifier le plomb et l'argent qui se trouvent alliés avec rétain. Ce
mémoire renferme quelques détails qui , sans être nouveaux,
n'en sont pas moins fort intéressants (2).
Cadet (né à Pariç en i731, mort le 19 octobre i799), phar-
(1) Sur l'éther vifriolique, par Baume, maître apothicaire de Paris; Mém.
des savants étrangers, t. III, 209 (ann. 1755).
(2) Mévi. de VAcad., ann. 1736, p. 167.
TROISIÈME ÉPOQUE. 391
macien major de l'hôtel royal des Invalides, a attaché son nom à
an composé arsenical connu sous le nom de liqueur fumante de
Cadet. Voici comment il décrivit lui-môme, en 1760, la pré-
paration de cette liqueur : « Je prends, dit-il, deux onces d'ar-
senic (acide arsénieux), je le mets en poudre très-fine dans un
mortier de marbre, j'y ajoute deux onces de terre foliée de
tartre bien préparée (acétate de potasse); j'enferme aussitôt
ce mélange dans une cornue de verre lutée, que je place à nu
dans un petit fourneau à réverbère. J'adapte à la cornue un ré-
cipient que je lute, et je la chauffe par degrés; il en sort quelque
temps après une liqueur un peu colorée qui répand l'odeur d'ail
la plus pénétrante; il passe ensuite une liqueur d'un rouge brun
qui repaplit le ballon d'un nuage épais (1). »
ï)ans une note communiquée à l'Académie, ce chimiste rap-
porte qu^il avait obtenu de l'alcali volatil, en traitant par l'alcali
fixe le résidu de la distillation d'une dissolution de mercure dans
ràcide nitrique alcoolisé (2).
On a aussi de Cadet des travaux Sur la nature de la bile (3);
Sur la soude de varech (i); Des expériences sur le borax (5); Sur
là terre foliée de tartre, etc. (6).
§25.
Iftéaanuur* Bourdelin* Dafay* Malouin* Bucqiiet*
Au nombre de ces savants , qui ne s'étaient occupés de chimie
qu'accessoirement, se trouvaient plusieurs physiciens et méde-
cins célèbres. Nous allons les passer rapidement en revue.
« 9,£aumur, né en 1683, mort en 1757 , avait abordé, comme
Duhamel, l'étude de presque toutes les sciences. Parmi ses tra-
vaux chimiques on remarque ceux qui ont pour objet la fabrica-
(1) Mémoires des savants étrangers^ t. III, p. 635, ann. 1760.
(2) Hist. de VAcad.^ ann. 1769, p. 66.
(3) Mém. de VAcad,, ann. 1767, p. 471 ; ibid., ann. 1769, 66.
(4) Ibid., ann. 1767, p. 487. Cadet parle dans ses mémoires dVne matière bleue
et verte , qu*avaient aussi obtenue d^autres chimistes» en traitant la lessive de
varedi par un acide (acide sulfurïque ou acide nitrique). Aurait-il ^tfÇTU l'exis-
tence de node?
(5) Ibid., ann. 1766, p. 365.
(6) Mém, des savants étrangers ^ t. IV, p. 518.
392 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
tion de la porcelaine, substance alors peu connue en Europe (i^";
la pourpre qu'on retire de certains coquillages (S) ; la nature des.
terres (3) ; le fer et Tacier (4) ; le son que rend le plomb dans
certaines circonstances (5). .
Qui ne connaît les titres de Réaumur à la reconnaissance des
physiciens et des naturalistes?
Louis-Claude Bourdeun, né à Paris en i 696, mort en 1777,
était de noblesse académique : son père et son aïeul avaient
été membres de TAcadémie des sciences. Il entra à son tour dans
cette savante compagnie en 1725 ; il fut bientôt nommé profes-
seur de chimie au Jardin du Roi , et, en 1770, remplacé dans sa
chaire par Macquer. D'une constitution faible et maladive, il
avait^ depuis Tâge de trente ans, Thabitude de boire du vin
de quinquina^ et ce fut, dit-on, grâce ^ ce moyen qu'il pro--
longea sa vie au-delà de quatre-vingts ans.
Les travaux de Bourdelin sont peu nombreux, et eurent moins
'd'éclat que ceux de plusieurs de ses collègues (6).
Charles-François Dufay (né à Paris en 1698 , mort en 1741),
issu d'une ancienne famille noble, s'éprit, fort jeune, d'une
vive passion pour l'étude de la chimie. Comme ses parents
l'avaient destiné à la carrière des armes , il ne put se livrer
tout entier à ses travaux de prédilection. Mais, après avoir été
reçu, en 1723, membre de l'Académie des sciences, il quitta le
service militaire, et passa le reste de sa vie suivant ses goûts.
Ses travaux de chimie sont moins nombreux et moins impor-
tants (7) que ses travaux d'anatomie, de botanique et d'astronomie,
(1) Mém. de VAcad., ann. 1727, p. 185; 2* mém., ibid., ann. 1729. — Voyez
plus haut, t. I, p. 18.
(2) Mém. de VAcad.^ ann. 1711, p. 218,
(3) Mém, de VAcad., ann. 1730, p. 243.
(4) Ibid., ann. 1726, p. 273.
(5) Ibid., p. 243.
(6) Les mémoires de Bourdelin ont pour titres : Sur la formation des sels
lixivielSy Mém. de TAcad., ann. 1728, p. 384; — Sur le sel lixiviel de gayac,
ibid., ann. 1730, p. 33;— 5tir le succin, ibid., ann. 1743, p. 143; —Sur le sel
sédatif, ibid., ann. 1753, p. 201, et ann. 1755, p. 397.
(7) Sur le phosphore (phosphorescence) du baromètre. Mém. de l'Acad., ann.
1723, p. 295; — Sur le sel delà chaux (chaux caustique), ibid., ann. 1724,
p. 88; — Observations physiques sur le mélange de quelques couleurs dans
la teinture, ibid., année 1737, p. 253.
TROISIEME EPOQUE. 393
qu'il avait communiqués à l'Académie. Son principal titre à
la reconnaissance de la postérité, c'est d'avoir, plus qu'aucun
de ses prédécesseurs, contribué à l'agrandissement du Jardin
du Roi, et d'avoir à sa mort désigné Buffon pour lui succéder
dans l'intendance de ce bel établissement.
Malouin (né à Gaen en 1701, mort à Paris en 1778), bien qu'il
appartint à la section de chimie dans l'Académie , fit peu pour
cette science. Parent de Fontenelle, il lui fut facile d'obtenir
ce que l'ambition d'un médecin voué à la pratique de son art
pouvait désirer. Il était ami de Voltaire, parce que ce grand écri-
vain ne s'était pas moqué, comme Molière, des médecins. Dans
tout le cours de sa longue carrière , il n'a jamais présenté à l'A-
cadémie que trois mémoires d'une médiocre valeur (1).
Le célèbre médecin François de Lassone, né en 1717, mort en,
1788y ne resta pas indifférent au développement rapide et en quel-
que sorte exceptionnel de la chimie. Il se fit connaître comme
minéralogiste et chimiste dans ses recherches Sur les grès cris-
tallisés de Fontainebleau, Sur quelques combinaisons de Vadde
borique f Sur les sels de mercure ^ d'antimoine et de fer, Sur le
phosphore, etc. (2). Lassone resta cependant attaché aux doc-
trines des anciens : il ne voyait dans la révolution opérée par les
chimistes modernes qu'une apparition de faits qui réclamaient
seulement une étude plus attentive.
Jean-Baptiste Bucquet, né à Paris en 1746, mort en 1780, se
fit remarquer par ses travaux minéralogiques^ et surtout par
ses efforts pour rattacher la chimie à la physiologie et à l'his-
toire naturelle (3). Il eut pour successeur à l'Académie des
sciences un chimiste qui devait l'éclipser sous tous les rap-
ports; ce chimiste était Berthollet.
(1) Expériences qui découvrent Vanalogie entre rétain et le zinc; Mém.
de l'Ac^d., ann. 1742, p. 46; — 2* mém. sur le même sujet, ibid., ann. 1743,
p. 70; — Sur le sel de chaux, ibid., ann. 1745, p. 93.
(2} Ces recherches ont été consignées dans les Mémoires de rAcadémie, années
1756, 1757, 1772, 1773, 1774, 1775, 1776, 1777, 1778, 1780, 1781.
(3) Ses trayaux se trouvent insérés dans les Mém. de l'Acad., ann. 1776 ; —
Mém. des savants étrangers, yoI. VII et yoI. IX. — Dissertations inaugurales :
Efgodiçestio alimentorum vera digestio chymica; Paris, 1769, 4.
394 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Pour compléter la liste des savants français qui ont bien mé-
rité de la chimie pendant le commencement et vers le milieu du
siècle passé, il faut encore citer Burlet (1), Jean Pelletier (2),
FOLYNIÈRE (3), LeFÈVRE (4), HÉRISSANT (5), VeNEL (6), LÂtRÀ-
gay(7),d'Arcet(8), FougerouxdbBondaroy(9), Courtanvàux (iO),
Marcorelle (H). A ces noms on pourra joindre Guettard,
Poli, Saint- Amand, Menon, Bellery, Rives, Bourgelat, René,
d'EsTÈvE, Ch. LE Roi , Juvigny, ïmun, Romieu, Matte, Rohault,
RoEPERER, Jars.
§26.1
r
Progrès île la ehlmle en Allema|rit« Jusqu'à répoqme
lie liavolsler.
Les chimistes allemands étaient encore , au comiheticement
du dix-huitième siècle, en général, trop partisans de la théorie du
phlogistique, ils avaient Tesprit trop préoccupé de cette théorie
pour admettre résolument les innovations dont la sciéhce aHait
présenter le spectacle.
Cependant à côté de Técole de Stahl s'était élevée, en AUema-
" ' ■ • • • ■ .
(1) Mjéin. de TAcad., ann. 1700, p. 122. De Vusage' médicinal de.VeaUi de
chaujc j'ihid., i724, p. 114, Histoire d'un sel calhartique d'Espagae.
(2) L'alkahest, ou le dissolvant universel; Paris, 1706, 12. — Suite du traité
sur l'alkaliest; Paris, 1730, 12.
(3) Expériences de physique, vol. Il; Paris, 1709, 12; 4* éd., 1734.
(4) Hist. de TAcad., ann. 1728, p. 36; — ibid., ann. 1730,Hist..p. 52.
(5) Mém. de l'Acad., ann. 1758, p. 322. — Ergo a substantiie terreœ intra
poros cartilaginum appulsu ossea durilies; Paris, 1768, 4.
(6) Voy. p. 342 de ce Volume.
(7) Mém. de l'Acad., 1758, p. 9, Sur la dissolution du soufre dam Vesp'^^^^
de vin; -— ibid., p. 29, Expériences sur les mélanges qui donnent Véther,5 ^^"^
Véiher lui-même, el sur sa miscibilité dans Veau.
(8) Mém. de l'Acad., ann. 1766, Sur V action d'un feu égal, violent et c(^ ^^'
iinué pendant plusieurs jours, sur un grand nombre de terres^ de pier^^^^
et de chaux métalliques; 2® mém., ann. 1768; — Mémoires sttr le dlama '^^^'
Mém. de l'Acad., ann. 1770.— Expériences sur ^alliage fusible deplomb^ ^^
bismuth et rf'e7«m^ Journal de médecine, 1775, juin.
(9) Mém. de l'Acad., 1770, p. 1, Sur les solfatares des environs de Roi^^^:
^ Ibid., p. 37 et p. 45, Sur le pétrole de Parme.
(10) Mém. des savants étrangers, t. V, p. 19 (ann. 1762), Sur Véther mar^ ^^-
— Ibid., p. 72, Sur la concentration et congélation du vinaigre radical,
(11) Ibid., t. V, p. 531 (ann. 1768), Sur le salicor.
TROISIEME EPOQUE. 395
gne , une pépinière de chimistes indépendants ; tels étaient
PoTT, Eller, Neumann et Marggraf, tous membres de TAca-
démie des sciences de Berlin.
Essayons d'analyser sommairement leurs travaux, en commen-
çant par l'auteur de la théorie du phlogistique.
HtaM.
Gex)rge'Ernest Stahl naquit à Anspach (Bavière) en 1660. Après
avoir achevé ses études médicales à l'université de léna , il fut
attaché, en 1687, en qualité de médecin, à la cour du duc de
Saxe-Weimar. Le célèbre Frédéric Hoffmann, 'qui avait, vers
cette époque, reçu du roi de Prusse la mission d'organiser l'u-
niversité de Halle , appela Stahl auprès de lui , et lui confia une
chaire de médecine. Ce dernier conser\'a peu de sentiments de
gratitude envers son bienfaiteur, car il se trouva, par la suite, au
nombre de ses adversaires les plus implacables. En 1716, Stahl
fut appelé à Berlin pour remplir la, charge de premier médecin
du roi de Prusse, père de Frédéric le Grand. Il mourut en 1734,
à l'âge de soixante-quinze ans.
Travaux de iitahl.
Peu de travaux ont eu autant de retentissement que ceux de
Stahl , moins par les faits nouveaux, fort peu nombreux d'ail-
leurs, qui s'y trouvent exposés, qu'à cause d'une théorie qui,
par sa simplicité apparente, avait captivé l'esprit de presque tous
les savants de l'époque.
Stahl avait débuté , en 1697, par la publication d'un grand
ouvrage sur la fermentation, Zymotechnia fundamenialis (1).
Mais son ouvrage le plus considérable a pour titre : Fundamenta
chymiœ dogmatico-rationalis (2).
(1) Seu fermentatioDis theoria generalis/. qua nobilissimae bujus artis et partis
chymiœ, utilissimae ac subtilissima;, caussB et effectus in génère, ex ipsis me-
chanico-physicis principiis, summo studio eruuntur, etc. ; Hal., in-8.
(2) Noiimb., 1747, 4. — Parmi les autres ouvrages de Stahl on remarque : Spé-
cimen Beccherianuniy sisfens fundamenta, documenta^ experirnsnia^ etc., in-
4** ; c'est un commentaire de la Physica subterranea de Bêcher. — Opuscula
chymico-physico-medica, etc. ; Magdeb., 1715, in-4°. — Observationes selectio-
res physico-chemico-medicœ curiosœ, etc.; Hal., 1709, 8. — Expérimenta^
observationes, animadversiones CCC numéro chimicx et physicx, etc. ; Ber-
lin, 1731, 8, j
396 HISTOIRE DE' LA CHIMIE.
Pour comprendre les œuvres de Stahl (imprimées* en latin) ,
il faut posséder également bien le latin et l'allemand; car l'au-
teur pousse à l'extrême ce pédantisme littéraire, alors fort à la
mode , qui consistait à entremêler l'idiome ancien d'expressions
allemandes. C'est ainsi que quelque temps après, sous le règne de
Frédéric II , beaucoup d'érudits se servaient d'un langage moitié
allemand, moitié français. Gellert et d'autres s'en moquaient
avec juste raison. Voici un échantillon du langage de Stahl :
« Sonsten ist aus den angefûhrten alterationibus metallorom zu
noiiren dass in den metallis imperfectis dreyerley substantia
vorhanden sey : io eine quasi superficialis cohsesionis quse et ea
propter omnium prima abit, scilicet substantia inflammabilis seu
cpXoYKTTov ; 2® substantia colorans, quse apparet in coloratis horum
metallorum vitris, und endlich; 3® substantia crudior. und dièse
sonderlich in den crassioribus metallis, Eisen und Kupfer zu
finden (i). »
Stahl regarda le soufre comme un corps composé, et croyait
être parvenu à en extraire les éléments, l'un combustible et vo-
latil , l'autre incombustible et fixe (2). Le foie de soufre était,
suivant lui, le dissolvant de l'or, dont se serait servi Moïse pour
dissoudre le veau d'or (3). En parlant de l'action des acides sur
les métaux, il remarque que ces derniers n'entrent en dissolu-
tion qu'autant qu'ils ont été préalablement convertis en chaux
(oxydes), et que le degré d'action de l'acide varie suivant la nature
du métal. Il indiqua aussi les moyens de concentrer les liqueurs
alcooliques (bière, vin) par la congélation , et de préparer du vi-
naigre très-concentré en le combinant avec l'alcali fixe (potasse),
et en traitant cette combinaison par l'acide vitriolique (\), Il n'i-
(1) Traduction littérale de ce passage : D'ailleurs, d'après les susdites alté-
rations des métaux, il est à noter que les métaux imparfaits renferment trois
principes ou substances : 1^ une substance de cohésion superficielle, qui s*en va
la première, à savoir, la substance inflammable ou le phlogistique ; 2° une sub-
stance colorante, qui apparaît dans les verres colorés de ces métaux ; et enfin»
3*^ une substance moins subtile et qui se rencontre particulièrement dans les mé.
taux plus épais, dans le fer et dans le cuivre. — Voy. Abrégé de V Histoire de la
chimie y en tète de nos Éléments de chimie minérale, etc., Paris, 1841, in-S".
(2) Opuscul. cbimico-physico-medic.,p. 749-764.
(3) Observât, chymico-physico-med., ann. 1698, mensis aprilis, quo vitulus
aureus igné combustus est, p. 585-607. — Nous avons dit plus haut (t. I, p. 44)
ce qu'ilTaut penser de cette prétendue dissolution du veau d'or.
(4) Specim. Becch., p. II, p. 132.
Troisième époouë. â97
gnorait pas que les végétaux qui, tel que la pariétaire, croissent sur
de vieux murs, sont très-riches en salpêtre (1); que le zinc existe
dans le laiton, non pas, comme on Tavail cru, à Tétat de cadmie,
mais à l'état métallique , et qu*on parvient à retirer tout le zinc
du laiton en frottant celui-ci longtemps avec du mercure, et
en Tarrosant d'eau. Il avait entrevu Texistence de Tacide tar-
trique en traitant le tartre cru par Tacide vitriolique (2). Le sel
calcaire qui se dépose dans les chaudières où Ton concentre des
eaux salées, pour la préparation du sel commun, était, selon lui,
un résultat de transmutation, et un indice que les sels se com-
posent d'eau et d'une substance terreuse , subtile.
Théorie du pUog^istiqiie*
Le germe de cette théorie fameuse, dans laquelle se sont égarés
les meilleurs esprits , se trouve dans les écrits de Bêcher. S'em-
parant de Tidée du maître , Stahl la développe dans différents
endroits de ses ouvrages, mais particulièrement dans celui qui
a pour titre : Zufàllige Gedanken und ntitzliche Bedenken ûber
den Streit von den sogenannien Sulphure, und zwar sowohl dem
gemeinen verbrennlichen oder flûchiigeny als unverbrennlichen
oderfixen (Pensées diverses et méditations utiles concernant la
controverse sur le soufre, tant sur celui qui est combustible ou
volatil, que sur celui qui est incombustible ou fixe). Halle,
1717, in-12'', opuscule rarissime , que nous avons sous les yeux.
L'auteur déclare, dans un Avis au lecteur, que ses premières
idées sur le principe de combustibilité remontent à l'année
1679, — il n'avait alors que dix-neuf ans, — et qu'elles prirent nais-
sance à l'occasion de ce que Kunckel avait avancé sur la compo-
sition des métaux. Stahl lui reproche d'avoir fait entrer dans la
composition des métaux les éléments les plus hétérogènes et les
plus vagues, tels que le mercure, un principe salin, un prin-
cipe terreux, un principe acide, des fluides calorifique, frigori-
fique, visqueux, onctueux, spermatique, etc,, et d'avoir en
même temps repoussé le soufre, comme élément des métaux.
Stahl était, dès l'origine, possédé de l'idée que, pendant la
combustion, quelque chose est expulsé du corps qui brûle ou se
(1) Fragmenta quœdam ad historiam naturalem nitri» etc., dans Opuscul,
physico-chymico-medicay p. 532-564.
(2) Specim. Becch., p. II,p. 132.
398 UISTOIEE DE LA CHIMIE.
calcine, mais que pour que ce quelque chose soit ainsi expulsé il
faut un expulseur (traduction littérale du mot Treiber). Cet ex-
pulseur était, suivant lui, le feu proprement dit, ou le mouve-
ment igné (die feurige Bewegung). « Car attribuer, ajoute Tau-
teur, à Tantagonisme des contraires, tels que le froid et le cbaud^
la combustion du charbon, de Tamadou, d'un fil, c'est chercher
la cause de trop loin. » Aussi la trouve-t-il dans le principe sul-
fureux {Schwefel'principium) y comme « le plus propre à pro-
duire le mouvement igné et à servir de substratum au feu dans
tous les phénomènes de combustion (!]. »
En essayant de dégager, ce qui n'est pas chose facile , Tidée-
mère d'une multitude de considérations accessoires où la con-
troverse tient souvent une trop large place, on arrive, en résumé,
à ce qui suit.
Le feu (calorique) se présente dans deux états différents : l**à
l'état de combinaison ; 2** à l'état libre. Tous les corps renferment
en eux un principe de combustibilité; c'est leur combinaison
avec le feu qui les rend combustibles; c'est ce feu, ce principe
combustible, ainsi fixé ou combiné , que Stahl appelle le prin-
cipe combustible, das verbrenliche Wesen, et que ses disciples ont
nommé le phlogistouy de cpXoÇ, flamme. Or ce principe, insaisis-
sable à l'état de combinaison, ne devient appréciable à nos sens
qu'au moment où il quitte ses liens et se dégage d'un corps
quelconque. Il reprend alors ses propriétés ordinaires, que tout
le monde connaît; il constitue le feu proprement dit, accom-
pagné de lumière ou de chaleur. La combustion n'est autre
chose que le passage du feu combiné {phlogistique) à l'état de
feu libre. Tous les corps se composent donc, en dernière analyse,
d'un principe inflammable ou phlogistique , et d'un autre élé-
ment qui varie suivant les espèces. Plus un corps est combus-
tible ou inflammable, plus il est riche en phlogistique. Le char-
bon, les huiles, la graisse, le soufre, le phosphore, etc., sont
les substances les plus riches en phlogistique ; ce sont aussi les
plus propres à communiquer ce principe inflammable à d'autres
qui en manquent.
Appliquons ces idées de Stahl aux métaux.
Qu'est-ce qu'un métal? Dans l'état actuel de la science, c'est,
un corps simple, un corps jusqu'à présent reconnu indécom-
(1) stahl, ZnffVllige Gedavheity etc., fi/ et suiv.
thoisiême épooue. 399
posable. Suivant la théorie du phlogistique , c'est, au contraire,
un corps composé. Quels en sont les éléments? le phlogistique
et une matière terreuse ( chaux) . Le phlogistique est partout le
.même, mais la matière terreuse varie suivant la nature du métal.
Cette matière terreuse n'est autre chose que la rouille (oxyde)
du métal, laquelle, à cause de son aspect pulvérulent, terreux,
est appelée chaux. Lorsqu'on chauiïe le métal, son phlogif^tique
se dégage et la chaux reste ; c'est pourquoi on désigne cette
opération sous le nom de calcination (de calx^ chaux). Voulez*
vous rendre à cette chaux sa ductilité, son élasticité, sa malléa-
bilité, enfin toutes les propriétés qui caractérisent le métal?.
Rendez-lui son phlogistique; si vous dpnnez au colcoihar (chaux
de fer) du phlogistique, vous le changerez en fer; si vous donnez
au pompholix (chaux de zinc) du phlogistique, vous aurez le
zinc, etc. Comment donnerez-vous à c«s chaux du phlogistique?
en les chauffant avec du charbon, avec des graisses, en un mot,
avec des substances qui abondent en phlogistique.
S'il est vrai que la simplicité est le caractère distinctif de la
vérité, jamais théorie n'aura été aussi vraie que celle de Stahl;
car il n'est guère possible de trouver quelque part une théorie
aussi séduisante par sa simplicité. Faut-il maintenant s'étonner
qu'elle ait eu de si nombreux partisans?
Ainsi, comme nous venons de le voir, la calcination est, selon
la théorie de Stahl, une opération analytique^ puisque le métal
(ou tout autre corps) se décompose en phlogistique et enx^haux,
tandis que la réduction est une opération synthétique, puisque,
dans ce dernier cas, la chaux reprend son phlogistique.
D'après la théorie actuelle, dont le fondateur est Lavoisier,
c'est tout le contraire : la calcination est une synthèse, puisque
le métal, loin de perdre, absorbe quelque chose en augmentant
de poids; et la réduction est une décomposition, car le charbon,
au Heu de rendre^ enlève quelque chose au métal^ en lu> faisant
perdre de son poids exactement ce qu'il avait gaghé pendant la
calcination. ■
Si Stahl et ses disciples avaient, direz-vous, employé la balance,
ils auraient; sans dojute immédiatement renoncé à leur théorie,
<;omme étant en contradiction éyidente avec l'expériehce.
:Détron:4)ez-*vous. Voici ce que di8e^t les phlogisticiensr :
u Nous savons fort:bien que les. métaux augmentent de poids
pendant leur calcination. Mais ce fait, loin d'infirmer la théorie
• l
400 UISTOIAK DE Là CHIMIE.
du phlogistique, vient, au contraire, la confirmer. Car le phlo-
gistique, étant plus léger que Tair, teitd à soulever le corps avec
lequel il est combiné, et à lui faire perdre une partie de son
poids; ce corps pèse donc davantage après avoir perdu son phlo-
gistique. »
Ainsi la théorie Stahlienne, quia été souvent modifiée, est
fondée sur une illusion, sur une erreur de statique, d'après laquelle
le phlogistique ferait l'office d'un aérostat. Ses partisans sem-
blaient ignorer que tout corps matériel est pesant, et que le
phlogistique (en admettant son existence) doit, ainsi que l'air in-
flammable avec lequel il fut identifié , occuper un espace beau-
coup moins grand, par conséquent déplacer un volume d'air
beaucoup moindre, à l'état c^e combinaison qu'à l'état de liberté.
Il ne faut pas oublier que Stahl, lorsqu'il établit sa théorie,
n'avait aucune connaissance précise des gaz. Après la découverte
de l'azote, de l'oxygène , de l'hydrogène, fluides élastiques qui
paraissaient avoir certains rapports avec le phlogistique, les chi-
mistes apportèrent à la théorie de Stahl des modifications sou-
vent difficiles à saisir. Et comme, d'un côté, l'expérience, par
suite des découvertes multipliées, contrariait leurs hypothèses,
et que, d'un autre côté, ils ne voulaient pas, soit par amour^
propre, soit par conviction, abandonner une théorie qui avait en
quelque sorte présidé à tous leurs travaux, il advint, ce qui ar-
rive toujours en pareil cas, que les hypothèses, les explications
spéculatives, les additions supplémentaires à la théorie du phlo-
gistique, s'accumulèrent à un tel point, qu'il faudrait le fil d'A-
riane pour se reconnaître au milieu d'un tel labyrinthe. Il n'y a
pas deux chimistes phlogisticiens qui s'entendaient, absolument
comme pour les médecins et les philosophes.
C'est dans cette seconde période , période de décadence du
phlogistique, qu'on voit apparaître les noms d'air phlogistique
(azote), d'air déphlogisHqué (oxygène), acide marin déphlogistiqué
(chlore), acide vitriolique phlogistique (acide sulfureux), esprit de
nitre phlogistique (acide nitreux), alcali phlogistique ( cyanofer-
rure de potassium ) , etc.
Telle est l'histoire succincte de la théorie du phlogistique, qui,
vers le milieu et à la fin du dix-huitième siècle, divisa les chimistes
en deux camps ennemis, et produisit en même temps une émula-
tion très-salutaire pour le progrès de la science; car ce n'est que du
conflit des opinions contraires que jaillit la vérité, moins pour \e%
TROISIÈME ÉPOQUE. 401
contemporains que poar leurs descendants; car c'est après que les
passions ont disparu avec les individus, que Tédifice de la science
se consolide. La théorie du phlogistique a soulevé certaines ques-
tions qui même aujourd'hui sont encore loin d'être vidées. S'il est
vrai, commis le soutient la théorie qui a succédé à celle de Stahl,
que le calorique, logé dans les interstices des molécules maté-
rielles, devient libre au moment où ces molécules se rapprochent,
pourquoi l'oxygène ou tout autre gaz, au moment où il devient
libre et qu'il abandonne quelque combinaison, ne détermine-t-il
pas un abaissement de température au moins proportionnel au
degré de chaleur qu'il produit pendant sa combinaison? — On sait
qu'à la théorie de Stàhl a succédé celle de Lavoîsier.
§ 27.
«
Pott.
Disciple de Frédéric Hoffmann et de Stahl, Pott, né en 1692,
avait associé l'étude de la chimie à celle de la médecine. Membre
de l'Académie de Berlin, il a quelque peu terni sa mémoire par
sa- polémique passionnée et injuste avec plusieurs de ses col-
lègues, et particulièrement avec Ëller. Il mourut en 1777, à l'âge
de quatre-vingt-cinq ans.
Pott était un des chimistes les plus actifs de son temps. Les
travaux qu'il a laissés ne comprennent pas moins d'un espace de
cinquante ans ; ils attestent une connaissance étendue de l'his-
toire de la science, sans cependant porter le cachet d'une mé-
thode expérimentale rigoureuse, et d'une observation approfondie
des faits. Son premier mémoire Sur les soufres des métaux,
parut en 1716; Pott avait alors vingt-quatre ans.
Mais, de tous ses travaux^ celui qui a pour objet le borax mé-
rite seul une mention particulière.
Borax (1). — Les Grecs et les Romains connaissaient le borax,
sous le nom de chrysocolle (soudure de Tor), nom qu'ils
semblaient avoir aussi appliqué au carbonate de cuivre mêlé avec
des phosphates alcalins (2). Plus tard, les Arabes désignèrent
(1) Observât, et animadvers. chymic, Collect. Il, p. 54-105. — DtssertaUons
clûmiqties, t. H, p. 319 (Paris, 1759, in-S).
(2)yoy. plus haut, 1. 1, p. 173.
BIST. DE LA CHIMIE. — T. If. 26
•c
403 HISTOIRE DE LA CHTHIE.
•
par le nom de^bauràch indifféremment le nitre et le borax. Enfin,
à mesure que les ténèbres qui couvraient encore la science
venaient à se dissiper, le nom de baurach, transformé en borach
ou borax j fut exclusivement appliqué à un sel particulier que
l'on faisait primitivement venir duThibetetdeTInde.
Quelle est la nature du borax? Cette question avait été successi-
vement agitée par un grand nombre d'observateurs, sans avoir
reçu de solution. Zwelfer, Berger, etc., regardaient cette subs-
tance comme un alcali fixe naturel ; Homberg la. définissait un
sel urineux minéral ; Melzer prétendait que c'est un sel marin mi-
néral, composé d'un principe terreux vitrifiable, d'alcali urineux,
d'un acide subtil, et de phlogistique ; enfin les chimistes avaient
émis les hypothèses les plus singulières sur la composition da
borax. Ce qui entretenait ces hypothèse^, c'est que la matière or-
ganique grasse dont le borax brut (tinckal), venant de l'Inde, est
toujours sali, donne ^ par la distillation et la combustion (seuls
modes d'analyse alors employés ) , naissance à des produits em-
pyreumatiques, ammoniacaux, propres à embrouiller plutôt qu'à
éclaircir la question ; car cette matière organique était généra-
lement considérée, non comme accidentelle] et étrangère, mais
comme essentiellement inhérente à la composition mênâe du
borax. .
Tel était à peu près l'état de la science lorsque Pott publia,
en 1741, sa Dissertation sur le borax. Ce chimiste soutenait, avec
Geoffroy et Lemery jeune, que le borax est une substance saline^
composée d'alcali et d'un acide particulier. Quel est cet acide?
Ce n'est, répondirent Neumann et Pott, ni l'acide vitriolique,
ni l'acide muriatique , puisque le borax, chauffé par le charïon,
ne donne point de foie de soufre, et que, traite par l'esprit de
nitre, il ne produit pas d'eau régale; mais, lorsqu'on soumet une
solution chaude de borax à l'action de l'acide vitriolique , on ob-
tient un précipité blanc ,. appelé sel sédatif, et la liqueur où il
se dépose donne, par l'évaporalion, du sel de Glauber (sulfate de
soude). Voilà une expérience qui était alors connue de tous les
chimistes ; et pourtant aucun d''eux n'oisa soutenir, excepté Ba-
ron , que le sel sédatif, découvert en 1702 par Homberg ( sel sé-
datif de Homberg), est un acide particulier (acide boracique
ou borique), combiné avec l'alcali (soude) du sel de Glauber (1).
(1) Voy. p. 383 de ce vol.
TAOISIEME ÉPOQUE. ^ 403
Homberg avait entièrement méconiiu la nature de son sel séda-
tif, appelé indifféremment sel volatil narcotique de vitriol , sel
volatil de borax, fleurs de vitriol philosophique, sel blanc des al-
chimistes, fleurs de Diane; car il le regarçlait comme un produit
du vitriol de fer. Quant à Pott, il considérait le 3el sédatif, dont
il décrivit les principales propriétés, comme « un sel neutre,
composé de quelques molécules de vitriol et de borax ». Voulez-
vous savoir pourquoi? c'était parce que ce sel colojre la flamme
de l'alcool en vert, absolument comme le fait, à un plus faible
degré , le vitriol de. cuivre.
Pott est bien au-dessous de son compatriote et contemporain
Marggraf, pour la sagacité et l'esprit d'observation. Ses mémoi-
res, assez prolixes» sont beaucoup plus riches en mots et en
raisonnements qu'en faits nouveaux et positifs, vraiment utile3
aux progrès de la science. . .
Ses mémoires ont pour objet,: V Analyse de rorpiment (1); —
Vflistqire de la dissolution particulière de différents corps (2); —
Vacide vitriolique vineux {3) (mélange d'alcool et l'acide sul*-
^<Iu^.)y — L'acide nitreux urineux (4); — La cause de la
rougeur des vapeurs de l'acide nitreux (5) (l'auteur a^ribue cette
coïoration au phlogistique); — Le sel commun (é) (il ^regarde la
base du sel commun comme une espèce de terre calcaire) ; —
L'esprit de sel vineux (7) (c'était un mélange d'alcool et d'a-
cide muriatique , qu'il considérait comme un bon dissolvant de
l'or) ; — Expériences chimiques sttr F existence de P acide dans les
animatêx (produits empyreumatiques mal définis) (8); — ' VAna-
lyise du vitriol blanc (sulfate de zir\ç) (9) ; — La terre feuillée du
tartre (acétate de potasse) (10); — Le sel fusible microcosmi-
que (11) (phosphate de soude) ; — Recherches sur l'union de Va-
(1) Halle, 1720.— Exercit. chymic, p. 46-112. — Dissertât, chimiques, t. I,
p. 133.
(2) Dissertât, chimiques, t. I (éd. Demachy), p. 319.
(3)Ibid., p. 3S8.
(4)Ibid., p."489.
(5)n)id.,p. 5Sf.
(6)lbid.,t. n,p..l.
(7) ftid., p. 249.
(8) nâd., t. n, p. 469.
(9) Ibid., p. 507.
(10) Ibid., p. 527.
(11) Ibid., t. ÏII, p. 1.
20.
404 HISTOtnS DE LA CfiTlfIE«
cide du vitriol avec le tartre (4) (l'auteur y laisse entrevoîf
l'existence de l'acide tartrique ] ; — La, dissolution de la chaux
vive dans F acide nitreux (acide nitrique) (2); — La déeotn-'
position du tartre vitriolé (sulfate de potasse) (3); — La distil'
lation par la chaleur du soleil (4) ; — Le bismuth (5) (ce mémoire
est précédé d'un long historique pour montrer que le bismuth
était souvent confondu avec le plomb); — Le zinc (6); — Le
manganèse (7) (Pott le regardait comme une combinaison in-
time d'une terre alcaline particulière avec un principe inflam-
mable subtil) ; — Lapseudogalèhe (blende) (8) ; — La plombagine
(que Pauteur confondait avec le molybdène) (9) ; — Examen pyro-
technique du talc (il y méconnaissait la présence de la magné'
sie) (10) ; — Expériences pyrotechniques sur la topaze de Saxe (4 1),
— Examen pyrotechnique des stéatites ( il n'y trouvait point In
terre magnésienne) (12); — Essai sur la manière de préparer des
vaisseaux qui puissent supporter le feu le plus violent (13); —'
Recherches sur le mélange de V acide du vitriol avec le salmiac (14);
— Examen chimique de la nature du sel acide volatil du sue-'
cin (15). Pott obtint l'acide succinique cristallisé par la distilla-
tion de l'ambre ; il décrivit les principales propriétés de cet acide
qu'il a découvert.
§28.
EUer.
Eller, né en 1689, fut rantagoniste de Pott. Les discussions dé
ces deux chimistes rivaux donnèrent au monde le triste specta-
(1) Dissertations chimiques, p. 159.
(2) Ibid., p. 178.
(3) Ibid., t. III, p. 219.
(4) Ibid., p. 251.
(5) Ibid., p. 267.
(6) Ibid., p. 392.
(7) Ibid., p. 523.
(8) Ibid., p. 559. ^
(9) Ibid., t. IV, p. i,
(lO)Ibid., p. 28.
(11) Ibid., p. 66.
(12) Ibid., p. 90.
(13) Ibid., p. 167.
(14) Ibid., p. 265.
(15) Ibid., p. 326.
TROISIÈME EPOOUE. 405
de d'une vanité mal déguisée sous le manteau de la science (1).
Il est du devoir de Thistorien de flétrir ce mauvais ferment des
passions humaines, si nuisible au véritable progrès.
J.-Théodore Eller avait étudié tes sciences physi(|ues et médi-
cales dans les écoles de léna^ de Halle, de Leyde, d'Amster-
dam, de Paris et de Londres. Ses connaissances variées, sa
grande souplesse d'esprit, lui avaient valu les bonnes grâces de
Frédéric le Grand, qui nomma Eller premier médecin de la cour
et directeur du collège médical, avec le titre de conseiller in-
time. Eller était donc, par sa position, le supérieur de Pott;
et cette raison seule aurait dû l'engager à la modération et à
user d'une noble indulgence envers son adversaire.
Eller mourut à un âge assez avapcé à Ploetzkau^ dans la prin-
cipauté de Bernbourg.
Les travaux scientifiques d'Eller, dont quelques-uns seulement
traitent de chimie^ se trouvent insérés dans la- collection des
Mémoires de l* Académie des sciences de Berlin (2). Us furent re-
cueillis, après sa mort, sous le titre de : PhysikalischrChymisch-
Medicinische Abhandlungen, etc., par C. Gerhard; Berlin, 1764,
în-8.
Les travaux chimiques d'Eller renferment plus d'hypothèses
que d'observations. On y trouve cependant quelques recherches
microscopiques, fort intéressantes, sur l'altération qu'éprouve le
sang frais, maintenue la température du corps, sous l'influence
d'un grand nombre de médicaments et de substances chimiques
mi$ en contact avec lui. Ces recherches portent particulièrement
sur l'altération des globules du sang, produite par l'action des
vitriols de cuivre et de fer, du sel marin, de l'alcali fixe (car-
bonate de potasse), de l'alcali volatil, du borax, du tartre, du
sel d'Epsom, du sel d'oseille, de l'arsenic, du sublimé corrosif,
des acides vitriolique^ nitrique et muriatique, des teintures de
myrrhe, de safran, d'aloès, d'opium, d'ellébore, de rhubarbe.
(1) Pott avait publié, en 1756, un yolume in-4* (AnimadversUmes
chimicsB circa varias hypothèses et expérimenta Elleri), où il critique peut-
être un peu trop séTèrement les travaux d'Eller. Celui^îi y répondit dans un
opuscule anonyme intitulé : Courte recherche sur les vrais motifs qui ont engagé
M, Pott à critiquer le conseiller Eller, etc. Dans cette diatribe, indigne d'un
homme de science, il parle des intrigues amoureuses fort compromettantes
pour 1^ réputation de mademoiselle Pott, etc. Pott répliqua par une Nouvelle
continuation de critique, etc. *
(2) Années 1745, 1746, 1747, 1749, 1750, 1751, 1752, 1754, 1757,
406 HISTOIRE DE LA' ÔHIHIE.
de quinquina, etc. Il proposa remploi d'un mi(m)iiiètre parti-
culier pour mesurer les globules du sang (1). — Son mémoire
Sur les ëlémefUs des torps est un exposé historique des diverses
opinions émises par lés philosophes sur la constitution de la
matière (2). Ses mémoires Suf le vide comme préservatif de la
putréfaction, Sur la végétation des plantes. Sur la génération des
métaux. Sur le départ de for au moyen du soufre , Sur tes pro-
priétés de /'«itt , renfennent très-peu 4'obsè'tvationé nôuveliés:
• in . 'i i ■«• . .1 11 t »
|§29.
IVeitinaiiii.
1. 1
Gaspard Neumann, né en 1683, débuta par être garçon apo-
thicaire. Il quitta par la suite rAllemagne, et résida Quelque
temps en Angleterre; il visita la Hollande et la France, et se
mit en rapport avec les chimistes les plus distingués de son temps.
De retour à Berlin, il fut nommé par le roi de Prusse^ père de
Frédéric le Grand, professeur dé chimie et conseiller àulique.
Ses leçons eurent un grand succès, et sa méthode d'enseigne-
ment, d'après les principes de Stalll, avait été iiifrbduitè dans
les écoles. Neumann môxirut en 1737, à l'âge de èlh^ûiante-
quatre ans.
Parmi les mémoires originaux de Neumann, il n'y a guère de
remarquable qu'une dissertation Sur le camphre^ substance qu'il
était parvenu à extraire de l'huile essentielle de thym (3). Dans
d'autres mémoires, il établit que le suc de violette est insuffisant
pour déceler la présence des liqueurs salines (4), que l'albumine
desséchée est essentiellement différente du succin , bien qu'elle
lui ressemble par son aspect. Il fit des recherches sur le sel
ammoniac, le soufre, le tartre, le vin, la bière, le café, les four-
mis, etc.
(1) Mém. de l'Acad. des sciences de Berlin, ann. 1751, p. 11. — Physikalisch-
chymische Ahhandlungen, etc., p. 178.
(2) Mém. de TAcad. des sciences, ann. 1746. — Physikalisch-chymische
Abhand. p. 197.
(3) Philosophical Transact., ann. 1724 et 1725, n. 389, p. 321. — Miscellan.
Berolin., contin. JI, p. 70. — Camphre du thym, dans Philosoph. Transùct.,
1733 et 1734, n. 431, p. 202.
(4) Miscellan. Berolin., contm. II, p. 54.
TROISIÈME ÉPOQUE. 407 •
- .1
. ' § 30.
Mmrggmtfm
Ândré-Sigismond Marggraf, né à Berlin en 1709, compte avec
raison au nombre des plus grands cfaimiistes du dix-huitième siè-
cle. Expérimentateur baUle, ingénieux et réservé daiis ses vues
théoriques, d'une logique sévère dans ses déductions, le cé-
lèbre chimiste prussien peut, à juste titre ^ revendiquer la gloire
d^avoir, un des premiers, introduit dans la science l'emploi du
microscope, et la voie humide dans l'analyse des matières organi-
ques. C'est à lui aussi qu'on doit la découverte du sucre indigène.
Marggraf était fils d'un pharmacien de Berlin. Après avoir
reçu* les premières. notions de son art dans_la maison paternelle,
il fut placé comme préparateur auprès du professeur ^Neumaun,
dont les cours de chimie attiraient alors un grand nombre d'é-
lèves. Plus tard il alla perfectionner ses connaissances aux écoles
de Francfort, de Strasbourg, de Halle et de Freyberg. A son re-
tour il fut nommé, à l'âge de vingt-neuf ans, . membre de l'A-
cadémie royale de Berlin , et, jen £762, directeur de la classe de
physique. L'Académie des sciences de Paris le nomma, quelque
temps après, associé étranger. Pendant tout le cours de sa car-
rière jusqu'à sa mort, arrivée le 7 août 4780, Marggraf a joui de
la réputation d'un savant consciencieux, intègre , et inaccessible
à ces passions mesquines qui sont une des plaies de l'humanité. Il
garda une attitude neutre dans la polémique haineuse qui eut lieu,
au grand scandale du monde savant , entre deux de ses collègues,
Pott et Eller, et donna, par cette sagesse, un exemple qui de-
vrait trouver plus d'imitateurs. *;
»
TraVuax de llarg^g^raf*
Les travaux de ce grand chimiste , auquel la postérité n'a pas
encore entièrement rendu justice, se trouvent insérés dans les
Mémoires de l'Académie des sciences et belles-lettres de Berlin.
Il les réunit lui-même, et en fit un recueil qui fut publié presque
en même temps en allemand et en français (1).
{îyopuscules chimiques de M. Marggraf; Paris, 1762, 2 vol. irt-8. -* Marg-
graf avait lui-même revu une seconde fois les mémoires que Formey avait Ira-
408 HISTÔUIE DE LÀ CHIMIE.
N'y eût-il que la découverte du sucre de bellerave , elle suf-
firait seule pour mettre Marggraf au nombre des chimistes qui
ont le plus mérité de là science et de l'industrie.
Expériences chimiques faites dans le dessein de tirer un véritor
hle sucre de diverses plantes qui croissent dans nos contrées. — Tel
est le titre d'une dissertation publiée dans les Mémoires de l'A-
cadémie de Berlin pour l'année 1745, et dont toute l'importance
ne devait être comprise et appréciée que plus d'un demi-siècle
après.
Cette dissertation mérite une analyse détaillée. C'est l'extrac-
tion du sel d'oseille et d'autres sels acides par l'évaporation du
suc des végétaux, qui avait suggéré à Marggraf l'idée de traiter,
par des procédés semblables, les plantes sucrées.
L'auteur établit, avec une sagacité' qui ferait honneur à nos
plus habiles expérimentateurs, que, parmi les plantes indigè-
nes les plus riches en sucre, il faut placer en première ligne la
betterave ( rouge et blanche ) et la carotte ; que le sucre qui s'y
trouve est parfaitement semblable au sucre de canne; que ce sucre
existe tout formé dans les plantes ; que le moyen le plus com-
mode et le plus simple de l'en extraire consiste à dessécher les
racines , et à les faire bouillir dans de l'esprit-de-vin , qui se
charge du sucre et le laisse déposer, sous forme cristalline, par
le refroidissement.
Voilà des résultats aussi inattendus que prodigieux, eu égard
àl'époque où ils furent publiés pour la première fois. Mais, comme
un résumé n'est jamais exempt de reproche, il sera plus conve-
nable d'entendre Marggraf lui-même :
« Les plantes que j'ai soumises, dit-il, à un examen chimique
pour tirer le sucre de leurs racines, et dans lesquelles j'en ai
trouvé effectivement de véritable, ne sont point des productions
étrangères; ce sont des plantes qui naissent dans nos contrées
aussi bien que dans d'autres, en assez grande quantité, des plan-
tes communes qui viennent même dans un terroir médiocre, et
qui n'ont pas besoin d'une fort grande culture. Telles sont la
bette blanche ou poirée, le chervis {sisarum Dodonœ) et la ca-
rotte {daucus carotta). Les racines de ces trois plantes m'ont
fourni jusqu'à présent un sucre très-copieux et très-pur. Les pre-
duits en français. — Ce recueil contient vingt-sept dissertations, dont quinze
sont traduites du latin et douze de Taliemand,
TROISIÈME ÉPOQUE. 409
mières marques caractéristiques qui indiquent la présence du
sucre emmagasiné dans les racines de ces plantes , sont que ces
racines, étant coupées en morceaux et desséchées, ont non-seu-
lement un goût fort doux, mais encore qu'elles montrent pour
l'ordinaire, suvioni au microfcope ^ des particules blanches et criS"
tallines qui tiennent de la forme du sucre » .
Voilà la première fois que nous voyons apparaître, dans This*
toire de la science, l'emploi du microscope comme un auxiliaire
de l'analyse; et il est curieux de faire observer que ce fut pour
servir à la démonstration d'un des plus beaux faits de la chimie
moderne.
Écoutons l'auteur lui-même décrivant son premier procédé
d'extraction, renouvelé de nos jours, et qui avait été considéré ,
X>ar quelques chimistes ignorant le passé, comme un procédé
nouveau :
n Comme le sucre, continue Marggraf, se dissout môme dans
de Tesprit-de-vin (chaud), j'ai jugé que ce dissolvant pourrait
peut-être servira séparer le sucre des matières étrangères; mais
pour m'assurer auparavant combien de sucre pouvait être dis^
sous par l'esprit-de-vin le plus rectifié , j'ai mis dans un verre
deux drachmes du sucre le plus blanc et le plus fin^ bien pilé,
que j'ai mêlé avec quatre onces d'efprit-de-vin le plus rectifié;
j'ai soumis le tout à une forte digestion continuée jusqu'à l'é-
bullition; après quoi le sucre s'est trouvé entièrement dissous.
Tandis que cette solution était encore chaude , je l'ai filtrée et
mise dans un verre bien fermé avec un bouchon de liège, od
l'ayant gardée environ huit jours, j'ai vu le sucre se déposer sous
forme de très-beaux criçtaux. Mais il faut bien remarquer que la
réussite de l'opération demande qu'on emploie l'esprit-de-vin le
plus exactement rectifié , etf[ue le verre aussi bien que le sucre
soient très-secs; sans ces précautions la cristalUsation se fait
difficilement.
0 Cela étant fait , j'ai pris des racines de bette blanche coupées
en tranches, et les ai fait dessécher, mais avec précaution, afin
qu'elles ne prissent point une odeur empyreuma tique. Je les ai
ensuite réduites en une poudre grossière; j'ai pris huit onces de
cette poudre desséchée, et lésai mises dans un verre qu'on pou-
vait boucher; j'y ai versé seize onces d'esprit-de-vin le plus rec-
tifié, et qui allume la poudre à canon. J'ai soumis le tout à la
digestion au feu, poussé jusqu'à Tébullition de l'esprit-de-vin»
410 HISTOIRE BE LA CHIMIE.
en remuant de temps en temps la poudre qui se ramassait au
fond. Aussitôt que resprit-de-vin a commencé à bouillir, j'ai
retiré le verre du feu, et j'ai versé promptement tout le mélange
dans un petit sac de toile, d'où j'ai fortement exprimé le liquide
qui' y était contenu ; j*ai filtré'la liqueur exprimée encore chaude,
j'ai versé le liquide filtré dans un verre à fond plat, fermé avec
un bouchon de liège , et l'ai gardé dans Un endroit tempéré. DV
bord l'esprit-de-vin y est devenu trouble, et, au bout de quelques
semaines, il s'est formé un produit cristallin, ayaUttous le*' ca-
ractères du ' sucre, médiocrement pur; et composé de cristaux
compactes. En dissolvant de nouveau ces cristaux dans de
l'esprit-de-vin, on les obtient plus purs ».
Marggrdf ajoute que cette expérience peut servir de moyen
pour s'assurer si une plante contient du sucre, et quelle en
est la quantité. C'est ainsi qu'il parvint à constater que la bet-
terave (blanche) renferme environ 6 p. % de sucre. « Ce qui
mérite, dit-il, d'être remarqué en passant, c'est que la plus
grande partie du sucre se sépare de l'esprit-de-Vin parla cris-
tallisation, et que la partie résineuse demeure dans l'esprit-de-
vin. De plus, il paraît que, dans cette opération, l*eau de chaux
vive n'est point du tout nécessaire pour dessécher le sucre et lui
donner du corps , mais qu^ te sucre existe tout fait, sous forme
cristalline, av moins dans nos racines,
« Celte manière de procéder, continue Marggraf, à l'extraction
du sucre, m*ayant paru trop coûteuse, j'ai cru devoir en cher-
cher quelque autre. Je jugeai que ce qu'il y avait de mieux à
faire c'était de suivre la route ordinaire, en ôtant à ces racines
leurs sucs par l'expression, en dépurant le suc exprimé, en l'é-
vaporant pour le soumettre à la cristallisation, et en purifiant les
cristaux qui prennent naissance. »
Nous ne reproduirons point les détails d'exécution que l'auteur
a exposés avec une admirable lucidité, et auxquels on changea, par
la suite , fort peu de chose. Il remarqua que la carotte se prête
assez difficilement à l'extraction du sucre, à cause d'une matière
glutineuse (acide pectique) qui entrave la cristallisation du su-
cre; qu'il faut apporter beaucoup de soin au râpage et à l'expres-
sion du sucre, afin d'obtenir la plus grande quantité possible de
la matière sucrée, et que les mois d'octobre, novembre et dé-
cembre, sont l'époque la plus propice à la récolte de la betterave.
La plus grande difficulté que l'auteur eût rencontrée, c'était
TROISUfeME ÏÊPOQtE. 411
de retirer de h betterave un sucre parfaiteméiït blaAc. Enfin,
il parvint, ainsi qu'il l'avoue lui-môme, à obtenir un sucre sem-
blable au meilleur sucre jaunâtre de Saint-Thomas/'
« C'est jusque-là que j'ai, dit-il , poussé le sttdre qu'on peut
tirer de nos racines, en suivant le travail que j'ai indiqué. Je
réserve le reste à un autre temps, où je pourrai me ptocurer
une plus grande quantité de suc tiré de nos racines, en me ser-
vant de la bette blanche, qui est, de toutes ces plantés, celle qui
fournit le plus de sucre; et alors je ferai pai^ser ce âucrepàr unplus
grand nombre de solutions ; je le dépurerai plus exactement ï)iâr
l'addition de l'eau de chaux vive , et je tâcherai de lui procurer
une plus grande blancheur. »
Ce travail, à tous égards si intéressant^ est terminé P?lV les ré-
flexions suivantes sur la culture des plantes propres à fournir le
sucre indigène :
« Quoique ces racines (betterave , Carotte) fournissent toujours
une quantité quelconque de sucre, il pourrait cependant arriver
que dans telle année elles -en donnassent une plus grande quan-
tité que dans telle autre, suivant que le tefnpà est plus humide
ou plus sec. On doit aussi faire attention à la parfaite maturité de
ces racines. C'est vers la fin d'octobre et-eô-^dvémbre qu'elles
sont les meilleures. — II y a lieu de croire que ces racines, après
qu'elles ont poussé des tiges, des feuilles, mais surtout des grai-
nes, sont moins propres à l'extraction du sucre. »
C'est qu'en effet une grande partie de la matière sucrée et de
l'amidon disparaît , à mesure que la végétation se développe, en
se métamorphosant en matière ligneuse.
«D'après ce que nous avons dit, ajoute Marggraf en se résu-
mant, il est facile de voir quels avantages économiques on pour-»
rait tirer de ces expériences ; il me suffira d'en indiquer un seul,
qui est môme le moindre. Le pauvre paysan, au lieu d'un sucre
cher ou d'un mauvais sirop, pourrait se servir de notre sucre des
plantes , pourvu qu'à l'aide de certaines machines il exprimât le
suc des plantes , qu'il le dépurât en quelque façon , et qu'il le fit
épaissir jusqu'à la consistance de sirop. Le suc épaissi serait as-
surément plus pur que la mélasse; et peut-être même ce qui
resterait après l'expression pourrait avoir encore son utilité.
Outre cela, les expériences rapportées «^dessus ^ mettent en
pleine évidence que le sucre peut être préparé dans nos contrées
tout comme dans celles qui produisent la canne à sucre. »
412 HISTOIRE DE LA CHIMIE/
Ceci fut dit et imprimé en l'année 1745, plus de soixante et un ans
avant le premier empire et rétablissement du blocus continental.
Sans ce blocus, qui souleva tant de plaintes, la découverte de
Marggraf, annoncée par l'auteur lui-même comme devant occa-
sionner une révolution dans l'industrie, serait peut-être restée
dans l'oubli.
Sur les rapports du phosphore solide avec les métaux et les de-
mi-métaux (1). Ce mémoire contient la découverte de Vacide
phosphorique.
En étudiant les combinaisons (phospfaures) que le phos-
phore est susceptible de former avec les métaux, Marggraf re-
marqua le premier que Tor et l'argent ne produisent pas de véri-
tables composés avec le phosphore.
Il prépara l'acide phosphorique en brûlant le phosphore à
l'air, et compara le produit de celte combustion , obtenu sous
formes floconneuses, avec les fleurs de zinc (oxyde de zinc). Il
ajoute que « ce produit, étant pesé encore chaud, avait pris une
augmentation de poids de trois drachmes et demie ». -— Si Marg-
graf avait cherché la cause de cette augmentation de poids du
phosphore brûlé dans l'air, il aurait été bien près de la découverte
de l'oxygène.
En continuant ses observations sur l'acide phosphorique, qu'il
appelle^ei/rs de phosphore, il arrive à constater que ce produit
nouveau attiré l'humidité de l'air, qu'il fait effervescence avec les
alcalis (carbonates alcalins), qu'il est susceptible de se combiner
avec les alcalis, avec les chaux (oxydes) métalliques, pour donner
naissance à des composés cristal lisables; en un mot, il signale
les principales propriétés physiques et chimiques de l'acide
phosphorique, qu'il enseigne de préparer aussi en traitant
le phosphore par l'esprit de nitre (acide nitrique) concentré.
Exposition de quelques méthodes nouvelles au moyen desquelles
on peut faire plus aisément le phosphore solide d^urine (2). — Kun-
ckel, Brand et Boyle avaient les premiers extrait le phosphore
de l'urine (3).
(1) Miscellan. Berolinens., ann. 1740, t. YI, p. 54-64.
(2) Ibid., ann. 1743, t. VH, p. 324-335.
(3) Voy. p. 174 et 194 de ce volume.
Tnoisii^ME ÉPOQtm. 413
Dans quel état le phosphore existe-t-il dans IWine? Com-
ment s'explique son extraction? Voilà des questions qu'il était
réservé à Marggraf de résoudre. Ce grand chimiste démontra
que^ le phosphore existe dans l'urine à l'état de sel (phosphate)
cristallisable ; que, lorsque ce sel a été préalablement séparé
d'une masse d'urine , ce qui reste a n'est guère propre à la pro-
duction du phosphore » .
Marggraf préparait son phosphore d'urine en soumettant à la
distillation, dans des vaisseaux parfaitement clos, un mélange de
sel d'urine fixe (phosphate de soude et ammoniaco-magnésien),
de sable et de suie (poussière de charbon): « J'étais, dit-il, dans
l'idée que Je sable délié (acide silicique) s'unit avec la partie
terrestre (base) du sel d'urine fixe, et en dégage l'acide (acide
pbosphorique). » — 11 ignorait le rôle que jouait ici le charbon
(soie) qu'il avait employé.
En observateur qui cherche à connaître la nature des choses,
rerum cognoscere causas, il pose cette question : D'où vient le
phosphore dans les urines? Un alchimiste aurait répondu que le
phosphore est engendré de toutes pièces dans le corps del'homme.
Mais, guidé par les observations de Pott qui avait trouvé du phos-
phore dans le froment, dans le seigle et d'autres graines semblables,
Marggraf répond : a Comme les végétaux nous servent contir
nuellement de nourriture, il y a toute apparence que c'est là
la source du phosphore qui est en notre corps. »
Expériences sur la manière de tirer le zinc de sa mine (i)*
La grande combustibilité du zinc avait toujours ofTert beau-
coup de difficultés pour obtenir celui-ci à l'état métallique. Après
s'être un moment arrêté sur la volatilité et l'inflammabilité de
ce singulier métal , Marggraf insiste pour que la réduction du
minerai 'de zinc se fasse dans des vaisseaux fermés , à l'abri du
contact de l'air, « duquel s'ensuivrait l'inflammation du zinc une
fois formé». Le zinc métallisé était recueilli dans des récipients
contenant un peu d'eau froide. — L'auteur donne ensuite l'analyse
des minerais de zinc d'Angleterre, de Silésie et de Bohême.
Examen chimique d*un sel d'urine fort remarquable qui contient
de Vacide de phosphore (2). — Ce sel n'est autre que le phosphate
(1) Mém. de TAcad. de Berlin, ann. 1746, p. 4957.
(3) U)id., ann., 1746, p. 84M07.
414 BISTOIBE DE LA CHIMIE.
d'ammoniaque, d'après la description qu'en donne MaTggraf.
a C'est, dit-il , un sel moyen ( neutre) ammoniacal; mais l'esprit
urineux (ammoniaque] n'y est ptts étroitenient combiné , car il
s'en sépare à une médiocre chaleur^ de manière qu'il ne reste
que l'acide seul, circonstance que je n'ai observée dans aucun an-
tre sel ammoniacal sec. L'acide qui reste se présente sous la forme
d'une masse transparente et semblable au verre. »
L'auteur ajoute que cet acide attaque la substance du creuset,
et éprouve une certaine perte si on le calcine longtemps à un
feu violent; il termine en faisant observer que «l'urine d'été,
saison où les hommes mangent beaucoup plus de végétaux,
fournit toujours une plus grande quantité de ce sel que l'urine
d'hiver. »
Combien de sagacité ne fallait<»il pas pour faire , il y a cent ans^
de pareilles observations I
Manière aisée de dissoudre Vargent et le mercure dans les acides
des végétaux (4 j. — « C'est un fait connu, dit l'auteur dès le début
de son mémoire, que les acides de§ végétaux, dont le plus puis-
sant est le vinaigre distillé, dissolvent quelques métaux et revê-
tent avec eux la forme, de sels; mais il n'est pas nioins vrai que
l'or, l'argent et le mercure résistent à l'action de ces dissolvants. »
Après avoir démontré l'insuffisance des essais faits par les an-
ciens pour dissoudre l'argent dans les acides végétaux, il nous
apprend que le précipité ( oxyde d'argent) obtenu en traitant le
sel d'argent (nitrate) par le sel de tartre le plus pur (potasse),
âe dissout dans le vinaigre distillé ; que, la solution étant faite à
chaud, il se dépose d'assez beaux cristaux par le refroidissement;
et que l'acide du citron, le via du Rhin, etc., dissolvent égale-
ment une quantité notable de ce précipité. Le précipité de
mercure donnait les mêmes résultats.
De l'action^ des acides des végétaux sur Vétain, et sur Vafsenk
qui s'y trouve caché. (2). — L'auteur s'attache , dans cet intéres-
sant mémoire, à démontrer, Ï9 que l'étain est susceptible d'être
attaqué par les acides végétaux; 2° que ce métal contient toujours
une quantité appréciable d'arsenic.
(1) Mém. (leVAcad., des sciences de Berlin, ann. 1746, p. 49-57.
(2) Ibid., ann. 1747, p. 33-46.
TROISIÈME EPOQUE. 415
C'est par la synthèse qu'il s'explique la difficulté de l'ana-
lyse; car il prouve qu'en traitant un alliage formé de pro-
portions connues d'étain et d'arsenic, on n'obtient jamais par
l'analyse tout^l'arsenic qu'on y avait mis. De là il conclut qu'il
est très-difficile, sinon impossible, de séparer Tétain des der-
nières traces d'arsenic. C'est à la présence de l'arsenic qu'il
attribue la fragilité de l'étain.
Voici le procédé de Marggraf pour séparer Tarsenic de l'étain.
On traite l'étain par un mélange d'eau-forte et de, sel ammoniac
(16 parties d'eau-forte pour 1 partie de sel ammoniac); on y
ajoute ce mélange peu à peu, jusqu'à ce que, tout le précipité
rentre en dissolution. On évapore ensuite la liqueur avec pré-
caution , ei on la laisse refroidir : les cristaux qui se forment
coQtiennent tout l'arsenic. Ces cristaux se subliment, et donnent
une poudre blanche qui^ ;fnise sur une lame de cuivre chauffée,
répand une odeur d'ail. Calciné avec du^soufre^ le sublimé blanc
d'arsenic donne du réalgar ou arsenic jaune (sulfure).
•' . - • >
Moyen de faire la réduction de Vargerd corné ^anêgerte (!]. —
Dans cette notice on trouve en germe la méthode par la voie hu-
mide, développée de. nos jours par Gay-Lussaç , et substituée à
la coupellation dans la plupart des monnaie^ de l'jgurope.
Voici les propres paroles de Marggraf : « Pour préparer l'ar-
gent corné (chlorure d'argent), on prend, par exemple, deux
onces d'argent qu'on dissout à chaud dans cinq onces d'eau-forte*
Si l'argent contient de l'or, celui-ci se déposera. Cette .solution
d'argent (nitrate d'argent) est ensuite précipitée par une so-
lution de sel commun pur; on ^oute de celle-ci jusqu'à ce
qu'il ne se manifeste plus de trouble. On laisse reposer la liqueur
pendant une nuit; le lendemain on en retire la liqueur limpide
qui surnage ; on lave et on dessèche le précipité J)lanc, qui pèse
deoz onces, cinq drachmes et quatre grains. L'augmentatiçn de
poids vient de l'acide du sel commun; par conséquent ^ dans une.
once de ce précipité il se trouve six drachmes et quelques grains
d'argent pur. iSt Vopération, dont on vient déparier^ se fait avec un
argent qui ne soit point d'un aussi bon aloi que par la eoupelle, on
comprendra facilement que le précipité doit être moins pesant,
parce qu'il ne se précipite ici autre chose que V argent, le cuivre
(1) >fém. de TAcad. des sciences de Berlin, a|iD. 17,49, p. ][6-26,.
416 HISTOtBE DE LA CHIMIE.
restant en dissolution. Il faut avoir soin de laver le précipité avec
de Teau distillée, n
Pour réduire la lune cornée (chlorure d'argent)^ Kuhckel avait
proposé l'emploi du sel alcali végétal (potasse).
Marggraf imagina, pour cela, un procédé un peu plus long,
mais qui n'en était pas moins très-ingénieux. Ce procédé consistait
à dissoudre l'argent corné dans Tesprit de sel ammoniac (amtbo-
niaque), à mettre dans cette solution six parties de mercure (pour
une partie d'argent corné), et à laisser reposer ce mélange,
c On y trouve le lendemain un bel arbre de Diane , qui n'est autre
chose qu'un amalgame d'argent. On sépare le mercure par la dis-
tillation, et l'argent reste pur. »
L'auteur s'assura que l'argent coupelle n'est jamais parfaitement
pur; et il ajoute que l'on s'en aperçoit très-facilement en refon-
dant ce même argent avec du salpêtre^et du borax, qui décèlent
le cuivre par la production de scories vertes.
Observations sur r huile qu'on peut exprimer des fourmis , avec
quelques essais sur l'acide des mêmes insectes (1). — « La découverte
de Vacide formique remonte , ainsi que nous l'avons vu, à une
époque plus reculée (2); mais Marggraf obtint le premier l'acide
formique assez pur, et exempt de la matière huileuse dont il
constate la présence dans la fourmi rouge.
« En exprimant, ',dit-il , le résidu des fourmis écrasées , on
obtient une huile qui tache le papier, plus légère que l'eau, d'un
brun rougeâtre, et exhalant l'odeur des fourmis; elle s'épaissit
à une température basse, et perd sa transparence; elle brûle
comme les autres huiles; cuite avec le minium , elle forme une
espèce d'emplâtre; avec l'alcali fixe elle donne un savon ordi-
naire et bien lié. »
Quant à l'acide des fourmis, il lui trouva, comme Wren , une
Irès-grande analogie avec le vinaigre. « Cependant, ajoute-t-il en
terminant, il ne lui ressemble pas tout à fait. »
Sur la pierre de Pologne (3). — Sur différentes pierres (4). —
C'est dans ces deux notices que l'auteur fait le premier connaître
(1) Mém. de PAcad. des sciences de Berlin, ann. 1749, p. 38-46.
(2) Voy. p. 295 de ce volume.
(3) Mém. de TAcad. des sciences de Berlin, ann. 1749, p. 56-71.
(4) Ibid., ann. 1750, p. 144-163.
TROISIÈME ÉPOQUE. AM
la composition du gypse ou de la pierre à plâtre, et^ jusqu'à un cer-
tain point, celle du spath pesant. Ce n'est point le hasard, mais le
raisonnement, qui le conduisit à cette découverte. Voici comment
Marggraf raisonnait : Le tartre vitriolé, composé d'alcali fixe
(potasse) et d'acide vitriolique (sulfurique), étant calciné avec
du charbon , fait effervescence et exhale une odeur puante de
soufre. Or, le gypse et le spath pesant se comportent à peu près
de la même manière. Donc il est permis de croire que ces subs-
tances sont composées d'acide vitriolique et d'une terre alcaline.
— II se confirma dans cette opinion, lorsqu'il vit que le gypse,
traité par l'alcali fixe (potasse), donnait du tartre vitriolé et
de la chaux. Il reconnut l'identité de la pierre spéculaire avec
le gypse , et conclut, d'une série d'expériences fort ingénieuses,
que le spath pesant^ la pierre de Bologne (sulfate de baryte), le
gypse ou la pierre spéculaire (sulfate de chaux), sont composés
» de chaux et d'acide vitriolique. 11 s'était également aperçu de la
différence qui existe entre la chaux du spath pesant ou de la
pierre de Bologne (baryte), et entre la chaux provenant de la
décomposition du gypse ou de la pierre spéculaire (chaux); car
il dit positivement que la première est plus pesante et moins
soluble dans l'eau que la seconde.
Enfin, il explique l'existence des couches de piefres séléni-
teuses ou spéculaires (sulfate de chaux) par les dépôts que for-
ment les eaux saturées de ces sels calcaires, qui, par la suite
des siècles, peuvent revêtir difféi:entes formes de cristallisation.
« Le temps, dit-il, peut opérer des merveilles qu'il nous est im-
possible de produire dans nos laboratoires. »
Expériences sur la régénération de Valun (1). — Slahl avai tavancé
que l'alun est un composé de chaux et d'huile de vitriol. Mais
Marggraf démontra qu'en combinant l'acide vitriolique avec la
chaux, on n'obtient autre chose qu'une sélénite (sulfate de chaux).
Après un grand nombre d'expériences tendant à éclaircir la ques-
tion si souvent agitée de la composition de l'alun, il parvint à
montrer que, pour obtenir des cristaux d'alun véritable, il fallait
combiner de l'argile avec l'huile de vitriol, jet ajouter au composé
(sulfate d'alumine) un peu de lessive d'alcali fixe (potasse), qu'on
peut aussi, ajoutait-il, remplacer par l'alcali volatil (ammo-
(l)Mém. de TAcad. des sciences de Berlin, ann., 1754, p. 31-41.
mST. DE L4 CHIMIE. — T. II. 37
418 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
niaque). Il constata, en outre, que Talun contient des particules
ferrugineuses dont il est difficile de le débarrasser.
C'est donc par la synthèse que Marggraf montra que l-àlun est
un composé d'acide vitriolîque, d'alunaîne et de potasse ou d'am-
nnoniaque.
Expériences faites sur la terre cFalun {i). •— Ce mémoire est la
confirmation du précédent. L'auteur achève de mettre hors de
doute que Stahl avait été dans l'erreur en faisant de la terre
d'alun une terre calcaire; enfin, que la terre d'alun (alumine) dif-
fère essentiellement de .la terre calcaire (chaux), par son insolu-
bilité dans les acides.
C'est dans ce même mémoire que Mai^graf nous apprend qu'en
calcinant un mélange de sable, de terre d'alun, de stéatite
(pierre de magnésie) et de sélénite, on obtient une masse
blanche, compacte, faisant feu avec l'acier. — Cette masse n'était
autre que la porcelaine.
Examen chimique de l'eau (2). — Cet examen chimique est une
analyse qualitative et quantitative des sels calcaires et alcalins
contenus dans les eaux communes (de puits, de rivière, etc.).
L'auteur explique fort bien pourquoi les eaux^ dites dures ou
séléniteuses, sont impropres à la cuisson des légumes (pois, ha-
ricots, lentilles, etc.) : « C'est qu'en cuisant, un peu de terre
se sépare toujours de ces eaux et va s'attacher à la surface des
légumes, et le reste de l'eau ne peut pas s'y insinuer aussi promp-
tement, etc. »
Marggraf décela le premier la présence du fer au moyen de
la lessive du sel alcalin calciné avec du sang (cyano-ferrure de
potassium). Ce réactif lui donna du bleu de Prusse, non-seu-
lement avec des eaux martiales, mais encore avec des macé-
rations aqueuses de pierres urinaires, d'os de brebis et de
crâne humain. Mais il resta encore un doute à dissiper. Ces pré-
cipités bleus sont-ils réellement dus à la présence du fer? Pour
résoudre cette question, il prescrit de les calciner d'abord et de les
chauffer ensuite fortement avec un peu de graisse ou de charbon
dans un creuset fermé. « L'opération étant terminée, on trouvera,
(1) Mém. de FAcad. des sciences de Berlin, aiin, 1764, p. 41-51.
{7) Ibid., ani). J751,p. 131.158.
TROISIÈME iPOOVS. 419
dit-il, dans le creutot une poiidre noiràtre ; qu'on approche de
cette pondre un bon aimant et on le verra attirer les particules
Dans sa disserkition Sur Veau distillée (1)^ Marggraf rapporte
une expérience curieuse qui futi, environ douze ans après, ré-
pétée presque en même temps par Làvoifiier et Scheele. Le chi-
miste prussien attacha un flacon d'eau* distillée aux ailes d'un
moulin à vaut Quelques années auparavant; Boerhaave avait fait
une expérience semblable avec un flacon de mercure qui avait,
après une. longue agitation , donné une poudre noire (mercure
divisé). Mais Mat^graf n'obtint aucun résultat concluant : l'eau
resta limpide comme auparavant'. Persistant dans son intention
de s'assurer si l'eau peut se changer en terre, il fit remuer ce
même flacon d'eau distillée pendant huit jours par plusieurs
hommies qui se relevaient l'un après Tautre. Il ne tarda pas à
voir l'eau devenir trouble^ «t laisser déposer une poudre blanche
ayant de {l'analogie avec le verre pilé; et pourtant il n'osa pas m
conclure que cette poudre n'était qu'un assemblage de parti-
cules, de verire, détachées .du flacon par suite d^une agitation
protoâgée.
Sur l^ meilleure manière de réparer la substance alcaline du sel
commun (2). — Cette dissertation importante donne la dé-
couverte de la soudCy qui est, pour la première fois, nettement
distinguée de la potasse. Marggraf démontre d'abord, par des
expériences précises, 1^ que le sel commun est composé d'a-
cide muriatique et d'un alcali particuKer, et non pas d'une
terre alcaline comme on l'avait cru jusqu'alors; 2^ qu'on obtient
racîdê'dd éel''C'o'*Qmdn sous forme* de Va^ïèurs blanches, en trai-
tant ce sel par l'acide du nitre, et que cet acide (muriatique)
précipite la solotioh d'argent en blanc; 3* qu'en traitant le nitre
cubique (nitrate de sodde), résultant dcf l'opération précédente,
parie charbon, on ôbtienf un sel alëalin (carbonate de soude)
très-soluble dans l'eau, mais qui se distingue de l'alcali fixe
(carbonate de potasse) extrait des cendres des végétaux, en ce
qti'il n'est pas délî^tidscènt à l'air.
(1) Mém. de l'Acad. des sdeiiees^de Berliii, aan.- 4766^ p. SO'dl.
(2) Opuscules cbimkiaes de Marggraf) vol.JI, dissert; xxk, p. 331 (Paris.
iSO HISTOIRE DE LA CniMIE.
Duhamel avait déjà établi que la base du sel commun n'est pas
une terre alcaline; mais il n'avait pas suffisamment distingué
Talcali du sel commun d'avec l'alcali fixe végétal (potasse) (1).
Voici, en résumé, les caractères essentiels, indiqués par Marg-
graf, pour distinguer l'alcali végétal de l'alcali du sel commun :
i"" L'alcali du sel commun donne, avec l'acide du vitriol, des
cristaux de sel de Glauber (sulfate de soude), différents de ceux
du tartre vitriolé (sulfate de potasse); les premiers sont plus
solubles dans l'eau que les derniers;
2® L'alcali du sel commun donne avec l'eau-forte (acide ni«
trique) du nitre cubique, tandis que l'alcali fixe des végétaux
donne du nitre prismatique; le premier produit avec la pous-
sière de charbon une flamme jaune, et le second une flamme
bleuâtre;
3® En combinant l'acide muriatique avec l'alcali du sel com-
mun, on forme du véritable sel commun; tandis que ce même
acide donne avec l'alcali végétal le sel digestif de Sylvius (chlo-
rure de potassium).
Après cette exposition , qui sanctionne la- découverte de
l'alcali, appelé aujourd'hui soude, l'auteur ne se dissimule pas
la grande ressemblance qu'offre cet alcali av^c l'alcali végéûl,
lorsqu'on le traite par le soufre (foie de soufre), parla silice,
par les solutions métalliques, etc.
Pour distinguer ce nouvel alcali de l'alcali fixe végétal, Marg-
graf lui donna le nom d'alcali fixe minéral.
H Je n'aime, dit-il en terminant, rien avancer que je ne puisse
appuyer sur de bonnes expériences. »
Expériences sur le lapis lazuli (2). — Cette pierre, fort connue
des anciens, fut, pour la première fois, soumise par Marggraf à
une analyse sérieuse. Il fut ainsi démontré que le lapis lazuli ne
contient pas de traces de cuivre , et qu'il est , par conséquent,
impossible d'attribuer la couleur bleue de cette pierre à la pré-
sence du cuivre.
Hîusc artificiel (3). — C'est dans l'année 1758 que Marggraf fut
(1) Mém. de PAcad. des sciences de Paris, ann. 1736, p. 215.
(2) Opuscules chimiques, \ol. II, dissert, xxiii, p. 305.
(3) Ibid., dissert, xxyii. —Mém. deTAcad. des sciences de Berlin, ann. I7â9,
p. 32.
TROISIÈME EPOQUE. 42i
amené, on ne sait comment, à constater que , en traitant l'huile
essentielle de succin par Tacide du nitre concentré, on obtient
une résine jaune qui a Todeur du musc le plus fort, sans conserver
le moindre vestige de l'odeur de l'huile de succin. Celte résine
est soluble dans l'alcool, et sa solution alcoolique est précipitée
par l'eau.
Outre les mémoires que nous venons d'analyser, on a de
Mar^raff des notices intéressantes : «tir le platine (i);sur le spath
fluor (2); sur le bois de cèdre\3); sur la purification du camphre au
moyen de la chaux (4); sur une couleur bleue produite accidentelle-
ment (5); sur une laque rouge (6); sur un alliage de bismuth ^
d'étain et de plomb ^ fusible dans l'eau bouillante (7); sur le
manganèse (8); sur les fleurs et graines du tilleul^ dont il avait
extrait une huile grasse (9); sur les calculs urinaires (10); sur
la topaze saxonne (il); sur la magnésie (12); sur le pourpre d'or
et l'extraction du èuivre (13); sur les mines de cobalt (14); et quel-
ques autres "dissertations qui complètent la série des mémoires
de cet infatigable et sagace observateur.
Marggraf joignait l'originalité à la fécondité. Ses travaux sont
aussi nombreux que remarquables au double point de VUe de la
science et de l'industrie.
§31.
He la chimie en Suède.
La Suède a particulièrement contribué au progrès de la science
dont nous essayons ici de tracer l'histoire. C'est surtout la chimie
(I) Mém. de l'Acad. des sciences de Berlin, ann. 1757.
(2}Ibid., ann. 1768.
(3) Ibid., ann. 1753.
(4) Ibid., ann. 1759.
(5) Ibid., ann. 1764.
(6) Ibid., ann. 1771.
(7)Ibid., ann. 1771.
(8) Ibid., année 1773.
(9) Ibid., année 1772.
(10) Ibid., année 1775.
(II) Ibid., année 1776.
(12) Ibid., années 1778 et 1780.
(13) Ibid, année 1779.
(14) Ibid., année 178L
422 niST(»RB DE LA GBIMBE.
minérale, la métallofgie et la oiinéralogie qm .doivent leur
avancement aux Suédois. On en a cherché la cause dans la
topographie du pays, dont les montagnes irecèient les mine-
rais tout à la fois les plus abondants et les plus. rares. ^ Mais
n'y a-t-il pas d'autre pays au moins. aussi riches en xùines que
la Suède, et qui cependant sont loin d'avoir donné une aussi
forte impulsion à l'étude de la minéralogie et de la chimie mi-
nérale?Il faut donc chercher la raison de ce goùU si projaonoé
pour la science, non pas seulen^eot dans la siioipleconfbrnaa-
tion du sol, mais surtout dans le caractère réfléchi, 8éri«ax.des
Suédois, qui, par leur développement politique et soci^\ .tout
aussi bien que par leurs, travaux scientifiques, peuvent servir de
modèle à bien d'autres nations.
Le mouvement scientifique de la.Suède s'est particulièrement
concentré dans deux villes principales, Upsal et Stocldiolm, Dès
Tannée 1720, une réunion de savants publiait, par i^ahiers
trimestriels^ soit des mémoires originaux, soit des extraits- ou des
analyses de dissertations inaugurales. Qp y remarquait, i^armi
les chimistes) Odhelstierna, liVoIlenius, Bratidt,c.NiCi WaUerius
et Colling (1). Cette réunion devint le noyau de la SodMvùjfale
des sciences d'Upsal^ instituée en 1728 par oiidre dii sncoesseur
de Charles Xn (2).
L'Académie royale des sciences de Stockholm, fondée en 1739
sous les auspices de Linné, d*Alstroemer, de Hœpken, de Jjielke
et de Friewald, reçut ses statuts en 1741. La publication de ses
travaux, depuis Tannée 1740 jusqu'en 1770, se compose de 31
volumes in-4°, qui ont été en partie traduits en latin, en français
et en allemand (3).
V ... . . 1
(1) Acta Uieruria Sueciœ; Upsal., 4; le l**^ voluDie comprend les années
1720-1724; et le 2* volume, 1725-1729.
(2) Konigl. mayts. nadiga Resolution 'Wid den i Upsaln inrottade Socieias
litteraria och scientiarum, etc.; Stockh., 1729, 4. — Les travaux de cette
Académie forent publiés, à dater de Tannée 1740, sous le titré de Acta Societatis
regiœ scientiarum Upsaliensis, in- ^.
(8) Trad. latine : Epitome commentariorum regix scientiarum AcaUemix
Suecix suecico idiomate conscriptorum^ sive Analect. Transalpin,; Venel.,
vol. I (proannis 1739-1746); vol. II (pro annis 1747-1754), 1762. — traducl.
française : Collection académique (vol. XI) de la partie étrangère contenant
les Mémoires de VAcad. des sciences de Stockholm. Trad. allemande : — Der
Koenigl. schwedischen Akademie der Wissenschaften Àbhandlungen^ etc.,
V. Kjustncr; jes deux premiers volumes furent publiés par Holzlacher. — H
TROISIÈME ÉPOQIE. 423
Un coup d'œil sur ces travaux suffira pour nous convaincre
que la chimie minérale et métallurgique avait presque exclusi-
vement fixé l'attention des chimistes suédois.
Brandt.
George Brandt, conseiller au département des mines en Suède,
naquit en 1694 dans la province de Westmannie. II parcourut,
dans l'intérêt de la science, divers pays de l'Europe, et. après
son retour il fut nommé directeur du laboratoire de Stock-
holm. Il mourut en 1768 à Tâge de soixante-quatorze ans.
Le nom de Brandt restera perpétuellement attaché à l'histoire
de Varsenic et du cobalt. Si Toh peut contester|à ce chimiste la
découverte de l'arsenic, il est impossible de lui ôter le mérite
d'avoir le premier donné une description exacte de cette subs-
tance, et d'en avoir le premier indiqué les propriétés caractéris-
tiques.
Arsenic. — Nous avons fait voir plus haut que l'arsenic blanc
et les principaux sulfures d'arsenic étaient déjà connus des
anciens (1). Mais il se passa bien des siècles avant qu'on parvint
à mettre au jour la nature de la substance en question. Brandt
publia , en 1733, un mémoire (2) dans lequel il soutenait que
l'arsenic blanc est une chaux (oxyde) métallique, soluble dans
Talcali fixe (potasse) et précipitable par les acides ; qu'il se àis-
sout très-bien dans les huiles d'amande , d'olive, dans l'essence
de térébenthine, et qu'il pourrait ainsi fournir un vernis propre
à garantir les bois de la pourriture, de la vermoulure, etc. Il re-
marqua aussi qu'il faut quarante-huit parties d'eau bouillante pour
dissoudre une partie d'arsenic blanc; que cette substance est
également soluble dans l'huile de vitriol, et qu'elle devient ainsi
fusible et capable de soutenir un grand feu avant de se dissiper
en fumée ; qu'elle donne au verre de plomb en fusion une cou-
existe,eii français uo extrait des Mémoires des Sociétés royales d'Upsal et dé
IStockholm, sous le titre : Recueil des Mémoires les plus intéressants de chimie
et d^histoire naturelle y contenus dans les Actes de V Académie dWpsal et
dans les Mémoires de V Académie de Stockholm, publiés depuis 1720 jusqu'en
1760 ; Paris, 2 volumes in- 12, 1764. — Crell a donné, dans les tomes I, IT et III
de ses Archives, de nombreux extraits des Mémoires de ces Académies.
(1) Voy. t. I, p. 143.
(2) Act. Acad. Upsal., t. III, aun. 1733, p. 39.
iâi HISTOIRE DE LA CHIMIE.
leur rouge; enfin, qu'en se combinant avec les métaux, elle les
rend très-cassants. Brandt préparait le régule d'arsenic (arsenic
'métallique) en chauffant doucement jusqu'au rouge une pâte
d'arsenic blanc avec de Thuile.
Cobalt. — On donnait ce nom aux lutins qui, selon les croyances
d'autrefois, inspiraient, dans les galeries souterraines , de
trompeuses espérances (1). Dans beaucoup de contrées d'Alle-
magne, koboit signifie encore aujourd'hui ./t</tn. Dans certaines
contrées on a môme conservé encore la coutume de faire, dans
les églises, des prières pour préserver les mineurs et leurs tra-
vaux de l'influence maligne ûeiikoboUs,
Le minerai de cobalt était depuis le seizième siècle, et peut-
être plus anciennement, employé dans la préparation de l'émail .
bleu (2). On l'avait longtemps considéré comme un minerai de
cuivre; mais tous ceux qui jusqu'alors avaient essayé d'en reti-
rer ce métal avaient échoué dans leurs tentatives. C'est là proba-
blement ce qui fit dès l'origine donner à ce minerai le nom d'es-
prit trompeur, de cobalt.
Brandt annonça, en 1742 (3), que la propriété de ce minerai,
de produire un smalt bleu, est due à la présence d'un métal ou,
comme il l'appelle, d'un demi-métal particulier qu'il parvint le
premier à extraire de sa mine. Il ne lui échappa point que le
régule de cobalt (cobalt métallique), de couleur grise , un peu
rosé, peut être lamelleux, grenu ou fibreux, suivant le degré du
feu qu'on a employé pour le réduire et le fondre, et qu'il est,
comme le fer, attirable à l'aimant. Lehmann publia en 1761,
dans sa Cadmiologie^ beaucoup de détails sur l'histoire et les
propriétés de ce métal; et Bergmann confirma, en 1780, la dé-
couverte de Brandt, en y ajoutant quelques ftiits nouveaux.
Brandt a publié un grand nombre de notices relatives à la mi-
néralogie et à la chimie minérale. Citons d'abord son travail 5ttr
les demi-métaux (4). Dans la classe des demi-métaux l'auteur
rangeait le mercure, l'antimoine, le bismuth, le cobalt, l'arsenic,
le zinc; et il regardait comme un caractère distinctif des métaux,
qu'étant fondus, ils prennent, parle refroidissement, une forme
convexe à leur surface.
(l)Voy. t. I, p. 371.
(2)lbid., p. 171.
(3) Acl. Societ. reg. scient. Upsal., ann. 1742.
[%} Ibid., aim 173j.
TROISIÈME EPOOXJE. 425
I Nous mentionnerons encore de Brandt une notice Sur Cattrae-
iian entre Vor et le mercure (i), où l'auteur s'attache à démontrer
que le mercure peut, à Taide d'une digestion prolongée, être si
intimement combiné avec Tor, que ni l'eau régale^ ni le feu le
plus violent ne peuvent l'en séparer; — ;un mémoire Sur l'alcali
volatil (ammoniaque), où il passe en revue les réactions que cet
alcali détermine dans la plupart des solutions métalliques, et dé-
montre que l'or fulminai)t se produit quand on précipite la so-
lution régaie au moyen de l'alcali volatil (2); — un mémoire Sur
la chaux y dans lequel il met, par de nombreuses expériences ^
hors de doute les propriétés dcalines de la chaux (3) ; — Sur le
fer (4) ; — Sur la dissolution de Vor dans Veau-forte (5) ; c'est dans ce
travail que l'auteur fait voir que l'or n'est soluble dans l'acide ni-
trique qu'à la condition d'être allié avec une forte proportion d'ar-
gent (16 parties pour 1 partie d'or); il recommande expressément
ce fait à l'attention des essayeurs des monnaies : on sait que le
platine qui , pris isolément , n'est pas soluble dans l'acide ni-
trique, s'y dissout, après avoir été allié avec une forte proportion
d'argent ; — Sur le sel marin, qu'il croyait composé d'esprit de sel,
d'alcali fixe et d'une terre alcaline particulière (6) ; — Sur la «^-
paratUm de l'or (dissous dans l'eau régale) au moyen du vitriol de
ferÇl); — Sur la séparation du fer etducuivre de leurs minerais (8).
Nous insisterons plus particulièrement sur l'analyse du mé-
moire qui' a pour titre :
Expériences sur le vitriol de fer (9). — C'est dans ce mémoire
que Brandt explique, à sa manière, la production très-ancienne-
ment connue du vitriol, qu'il savait être composé d'huile de
vitriol et de fer, composition qui s'effectue en exposant les py-
rites (sulfures de fer et de cuivre^) à l'air et à l'hunaidité (10).
D'abord il n'admet point l'intervention de l'air dans ce phéno-
mène chimique, et il nie hardiment l'existence d'un fluide élas-
(1) Act. Acad. Societ. reg. Upsa).,aim. 1731.
(2)Act. Acad. reg. Suec., ann. 1746.
(3) Ibid., ann. 1749.
(4) IMd., ann. 1751.
(5) Ibid., ann. 174S.
(6) Ibid., ann. 1753.
(7) Ibid., ann. 1652.
(8) Ibid., ann. 1764.
(9)Ibid., ann. 1741.
(10) Voy. plus haut, t. I, p. 274.
42G HISTOIRE DE LA CHIMIE.
tique particulier, se fixant sur le soufre pour le convertir >ea buile
de vitriol, en acide vitrioligue. Eh bien! vous le croyez peut-être
bien embarrassé de donner de tout cela une explication, tant
soit peu plausible. Détrompez-vous : « L'huile de vitriol (acide
sulfdrique très-concentré), dit-il, ne dissout point le fer^Amoins
qu'on ne l'étende d'une certaine quantité* d'eau; il en est de
même de l'acide vitriolique contenu dans la pyritQ grillée; il
n'agit point sur la chaux (oxyde) de fer, à moins de s'être préala-
blement chargé d'une quantité d'humidité atmosphérique suffi-
sante pour pouvoir la dissoudre. ».
L'oxygène n'étant pas encore découvert, il lui fut in^possiblQ de ^
connaître le rôle que joue ce gaz dans l'oxydation du fer fit du
soufre, parconséquentdans la formation du vitriol. Il est beau san^
doute de pouvoir aujourd'hui apprécier les erreurs de nos pré-
décesseurs et de nous ériger en juges souverains du passé. Mais
gardons-nous bien de nous targuer de notre savoir et de nous
enfler d'orgueil ; la postérité nous jugera à son tour. M sommes-
nous bien sûrs de ne pas commettre des erreurs qui seront ud
jour condamnées, grâce au progrès de la science, ainsi que nous
venons de le faire pour l'erreur de Brandt, dont la sagacité valait
pourtant celle de bien des chimistes? Qui sait si telle ^pUcation
que nous donnons aujourd 'hui.de tel fait, et laquelle emporte ious
les suffrages, n'est point qu'une pure erreur, parce qu'il y manque
quelque chose dont nous ne soupçonnons pas môme l'existence?
L'explication que Brandt avait donnée de la formation da vi-
triol n'était fausse que parce que l'oxygène restait encore à dé-
couvrir. Il manquait un terme dans la série du progrès. — Voilà
des réflexions sur lesquelles il importe d'insister pour faire
sortir de l'histoire la philosophie môme de la science (1).
V^'allerios.
Jean-Gottschalk Wallerius, né en 1709, mort en 1785, asses-
seur du collège des mines, professeur de chimie à l'université
d'Upsal, ami et collègue jie Brandt, a enrichi la science d'un
grand nombre d'observations qui intéressent la minéralogie et
la géologie, plutôt que la chimie proprement dite. C'est à lui
qu'on doit une des premières classifications rationnelles de la
^1) Comparez |). 138 de ce volume.
TROISIÈME EPOQUE. 427
minéralogie. Parmi. les mémou*e$ qu'il a insérés ^ns. la col-
lection d'Upsal ou de Stockholm » on remarque lés suivants :,
V Amélioration des fonderies de cuivre, (1 j ; •—• Expériences sur
un sel d'or et sur le nitre artificiel (2); — Expériences sur le
mercure sans mélange d'aucun autre métal (3) ; -^r Recherches sur
la nature de la terre qui se tire de VeaUy des plantes et des ani-
maux (4); — Observations sur le platine (5).
Renouvelant la doctrine des alchimistes, Wallerius essaya de
prouver que Teau est susceptible de se changer en terre (6). Il
est à remarquer que la théorie de la prétendue transformation
de l'eau en terre occupa successivement les plus grands chimistes
de l'époque, Marggraf, Scheele et Lavoisier. Wallerius fit ré-
pandre par ses nombreux élèves les idées qu'il avait sur les
principes élémentaires des corps (7), sur la palingénésie (8), sur
l'origine des huiles dans les plantes, sur l'action chimique de la
foudre (9), etc. — Son élève Petersen fit dès ^recherches cu-
rieuses sur la calcination des métaux (10).
fiwedeii1ioi*ir*
Chef d'une secte d'illuminés, Emmanuel SwEiiENBORô, né en
1688, mort en 1772, a laissé des travaux minéralogiques fort éten-
dus, qui ne sont pas sans intérêt pour la chimie. Il a recueilli dans
ses ouvrages métallurgiques un grand nombre d'observations con-
cernant l'exploitation des minerais de fer et de cuivre, lesquelles
n'ajoutent pas beaucoup au domaine de la science (il).
(1} Act. Acad. reg. scient. Suec, ann. 1743.
(2) Ibid., ann. 1749.
(3) Ibid., ann. 1754.
(4)IlHd., ann. 17fiO.
(5) Ibid., ann. 176$.
(6) IMssertalio^ respondente J. Wabistrom, qua dubia quœdam contra trans-
mutationem aquarum mota refellunlur; Holm., 1761 Jn-4^. — Resp. N. Scbwartz,
de indole aquœ mutabili ; Holm., 1761, 10-4".
(7) Diss., resp. Scboenstedt, de principiis corporum; Upsal., 1761, in-4'^.
(8)Di8»., resp. Hoyer, de palingenesia; Upsal., 1764, in-4°.
(9) Diss., resp. Wibom, animadversiones chemicœ ad ictum fulminis in arce
regia Upsalensi. 24 maj. 1760; Upsal., 1761, in-4''.
(10) Diss. cm metallernescalciuationeriEld; Upsal., 1761, in^'f*.
(11) Regnum subterraneum sive minérale de cupro et orichalco deqne modis
quationum cupri per Europam passim in usum receptis, etc. ; Dresd. et Lips.,
^28 HISTOIRE DE LA CHIKIE.
La vie et les œuvres de l'auteur Des merveilles du ciel et de
l'enfer^ qui, comme Mahomet, se disait en communication avec
Dieu y et qui parle des habitants de la Lune, de Vénus, de Mer-
cure, etc., comme s'il avait visité ces planètes, rentrent dans les
annales de l'histoire de la philosophie et des sectes religieuses.
y
Swali* /
«
Antoine Swab avait, dès l'année 1738, recommandé l'emploi
du chalumeau pour l'analyse des minéraux (i). Dans un mémoire,
inséré dans lé Recueil de l'Académie des sciences de Stockholm,
il fit connaître l'existence de l'antimoine natif, allié avec une
certaine quantité d'arsenic (2). Dans un autre mémoire, il s'étend
sur la matière gélatineuse (silice) qui se manifeste dans la disso-
lution de quelques minéraux et même de certains verres dans
les acides. A ce sujet il raconte le fait suivant, assez curieux : la
Compagnie des Indes avait embarqué pour l'approvisionnement de
ses vaisseaux une certaine quantité de vin du Rhin, qui, comme
on sait, est connu pour son acidité ; mis dans des bouteilles de
verre, ce vin se gâta en très-peu de temps et devint trouble, sans
qu'on pût eu deviner la cause. Instruit de ce fait, Swab se
rendit sur les lieux, et reconnut que la matière qui troublait le
vin donnait du verre de bouteille par sa fusion avec la potasse.
L'acide du vin avait donc dissous une partie de l'alcali du verre
et fait précipiter la silice (3).
C^onstedt.
Alex. -Frédéric Cronstedt, né en 1722, était minéralogiste
plutôt que chimiste. Préparé par de fortes études mathématiques,
il prit une part active aux travaux de l'Académie royale de
Stockholm , dont il fut un des membres les plus distingués. H
mourut en 1765, à trente-trois ans.
1734, in-fol. — Nova observata et inventa circa ferrum et ignem, etc. ; Amstc-
lod., 1721, in-8**. — Miscellanea observata circa res naturales et praesertim circa
mineralia, ignemet montium strata; Lips., 1722, in-8°.
(1) Voy. Bergmann, De tuho ferruminatorio, etc., in Opuscul. physic. et che*
mie, t. II, p. 455.
(2) Act. Acad. reg. scient. Suec , ann. 1748.
(3) Ibid., ann. 1758.
TROISIEME ivOQtJt. 42d
C'est à Cronstedt qu'on doit la découverte du nickel. Il s'assura
par l'analyse du nninerai, connu sous le nom de hupfemiekel^ que
les réactions qu^'on y remarque ne doivent pas toutes être mises
sur 4e compte du cuivre, mais qu'elles appartiennent à une sub-
stance métallique particulière , à laquelle il donna le nom de
nickel. Il obtint le régule ou nickel métallique par la calcination
et la réduction des cristaux verts que forme le kupfernickel
exposé à l'air et traité par l'eau. « Ce régule, dit-il, est de
couleur d'argent dans l'endroit de la cassure, et composé de pe-
tites lames assez semblables à celles du bismuth; il est dur,
cassant, et faiblement attiré par l'aimant. »,
Cronstedt attribua cette dernière propriété a fer qui devait
s'y trouver combiné. Il ne se laissa p*. 'mu *re en ei. »ur par
quelques caractères que ^^ \ ' ^1 parlaj,^ . ., ; , uivre; les disso-^"^
lutionsdu nickel dans l'eau-tv. ; . , • l'e». . ' .. , -, dans- l'esprit
dé sel, elc, sont, en effei. , ,.-, ,„ , ""e, et elles
produisent de m/^me n* i^l'ammc . . . -, ^.«. ;»èb . .»;,. Ile co-
loration d'un bleu c 4e. Mais, à ces c < ^^.^T.'rompeurs il
opposa Uri réactif infaillible : « Le fer et le zinc précipitent, dit-il,
le cuivre <outes ses solutions, tandis qu'ici le fer et le zinc
sont ^: '; c'est pourquoi le nickel approche beaucoup
plus du fer que au cuivre. »
Les deux mémoires Sur le nickel furent publiés l'un en 1751 et
l'autre en 1754(1). Bergmann confirma en 1775, par de nouvelles
recherches, les travaux de Cronstedt, et détruisit les objections de
Sage et de Monnet, qui avaient considéré le corps découvert par
Cronstedt, non pas comme un métal nouveau, mais seulement
comme un composé de différents métaux, séparables les uns des
autres par l'analyse. •
Dans la même année 1751, oîi Cronstedt ayait entrepris l'a-
tialyse dû kupfernickel, il fit paraître la description de trois
nouveaux minerais de fer, dont les détails ne sont pas sans in-
térêt pour la minéralogie (2).
Dans un mémoire Sur la pierre à plâtre^ Cronstedt était
arrivé presque aux mêmes résultats que Marggraf. Bien qu'il
démontrât synthétiquement que l'acide vitrioliqae est le seul
acide qui puisse donner à la chaux la propriété de prendre corps
(1) Act. Acad. reg. Suec., ann. 1751 et 1754.
(2)Ibid.,ann. 1751.
430 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
et de se durcir avec Teau, après avoir été légèrement calcinée, il
demeura indécis sur la véritable composition de lâ pierre à
plÂtre ( sulfate de chaux ) (i).
A ces travaux il faut ajouter des observations Sur le platine (2),
Sur un acier argentifère (3), Sur les fabriques dechatix (4), et la
description d'une nouvelle espèce de minéral auquel Gronstedt
donna le nom de zéolithe (5) ( de C^co, bouillir, et X(Ooç, pierre),
parce qu'elle se boursoufle au chalumeau.
m
Henri-Tliéopklle Scheffer.
Les travaux de SchefTer sur le platine (6), sur une espèce de
spath calcaire (7), sur différentes sortes de potasse du com-
merce (8), sur la préparation du pinch-heck (alliage de zinc et de
cuivre imitant l'or) (9), sur le départ des métaux (10), portent un
cachet de chimie pratique et industrielle, alors assez rare. Dans
ce dernier mémoire l'auteur fait ressortir l'avantage que les affi-
neurs pourraient tirer de la méthode par la voie humide , con-
sistant à précipiter la dissolution d'argent (nitrate) parle sel
marin ^ et à réduire la lune cornée (chlorure d'argent ) par la
fusion avec la potasse. C'est là du moins, ajoute-t-il, le meilleur
moyen de préparer de l'argent parfaitement pur. Il ne se dissi-
mule pas les difficultés qu'il y. a pour obtenir, au moyen de
l'eau-forte, le départ exact des matières d'or et d'argent; et il
remarque à ce sujet que J 'acide vitriolique concentré est au
moins aussi bon que Teau-forte pour séparer l'argent (à chaud)
de l'or qui ne s'y dissout pas. Dans ce même mémoire il cite
une expérience qui tend à prouver que la chaux (oxyde) d'argent
est soluble dans l'air fixe (acide carbonique). « C'est une chose,
dit-il, bien digne de remarque, que la façon dont l'air agit dans
(1) Act. Acad. reg. Suec, ann. 1753.
(2) Ibid., ann. 1764.
. (3) Ibid., ann. 1755.
(4) Ibid., ann. 1761.
(5) Ibid., ann. 1756.
(G) Ibid., ann. 1752 et 1757.
(7) Ibid., ann. 1753.
(8) Ibid., ann. 1759.
(9) Ibid., ann. 17C0.
(10) Ibid., ann. 1752.
TROISIÈME ÉPOQUE. ^31
la précipitation des corps : si Ton verse subitement de l'alcali
fixe (carbonate de potasse) dans une dissolution d'argent faite
dans l'eau-forte, dont on aura presque rempli une bouteille, et
que sur-le-champ on bouche cette bouteille avec un bouchon de
cristal qui la ferme bien exactement, enfin si l'on secoue le
mélange pour que l'alcali se mâle paifaitenient avec l'eaurforte,
il ne se précipitera point d'argent ni d'autre liiétal, et l'on ne
l'emarqiiera point d'effervescence tant qu'il n'entrera point d'air
dails la bouteille, quand même oh là laisserait péndaiit un an
dans cet état; mais, aussitôt que l'on ôtera le bouchon, il se fera
une effervescence très-vive et le tnétal se précipitera. »
.... - , . .
WsLtçgoU
J. Faggot communiqua en ilAO, à l'Académie des sciences;
ée Stockholm, des observations sur le moyen de garantir lie bois
de ractîondufeuet'de la pourriture. Ce moyen; qui ne parait
pas avoir été inconnu aux anciens (1), consiste à faire im-
prégner le bois d'une eau dans laquelle on a fait dissoudre de
î^alun, du Vitriol^ ou un autre sel astringent. Salberg donna, en
1744^ de plus grands développements à ce sujet, qui n'est point,
comme on l'a prétendu, une découverte moderne.
Les questions scientifiques, qui se rattachent en même temps à
l'industrie, paraissent avoir beaucoup d'attrait pour ce chimiste.
Dans an mémoire sur la poudfe à canon, il ptopose une mé-
thode nouvelle pour évaluer la qualité de la poudre et sa richesse
en salpêtre. D'après cette méthode, il faut dissoudte la poudre
(écrasée) dans de l'eau distillée, et plonger dans la solution une
hàlinèe hîydrosiàtiiîué, dont la tare aura étë prîs^ d^ns une li-
cjùéur iiïtree, normale. Oh pourra^ pour, plusse précision, re-
cueillir le précipité (comiidsé de soufre et* de charbon), dont
la diminution de poids indique, la quantité de salpêtre, le seul
composant de la poudre qui soit soluble dans l'eau. Si le salpêtre
contient, ce qui arrive presque toujours, du sel marin et de
l'alcali fixe, on traitera la' sbliliion successivement par le sel-
d'argent (.nijtrate ) et . Iç sujjliiné. cprpqsif ; , , .l.e .sirop de . violette
pourra aussi servif, pouf dé^çeler Ja . présçuçis de l'alcali .(.ca?bo-
nate de potasse ou de soude) (2).
(1) Voy. plus haut 1. 1, p. 209. ■ ' '
(2) Acta Acad. reg. Suce., ann. 1755.
432 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
Faggot proposa l'emploi de la balance hydrostatique pour
évaluer la qualité de la potasse du commerce.
% Bronwall*
J. Brouwall est le premier qui ait classé l'arsenic parmi les
métaux, en se fondant principalement sur Taspect extérieur,
l'éclat et la densité de ce corps. Il reconnut aussi que l'arsenicr
ainsi que le soufre, se trouve dans presque tous les minerais, ej
minéralisé un grand nombre de métaux (i).
Le minerai appelé blende (de l'allemand blendeUy aveugler,
séduire) avait été anciennement rejeté comme une matière qui
ne contenait rien de métallique.
Alex. FuNK mérita bien de la science en démontrant que la
blende renferme un métal, le zinc. Il réfufa en même temps vic-
torieusement une opinion qui avait été admise sans discussion ,
par presque tous les chimistes , à savoir que le zinc n'est pas un
métal pur, mais une sorte d'alliage de plusieurs métaux. On allé-
guait à l'appui de cette opinion que les mines de zinc contiennent
presque constamment du plomb et du cuivre. « Mais ces mé-
taux, s'écrie Funk, n'y existent qu'accidentellement et en petite
quantité ; autant vaudrait regarder le soufre comme une partie
constituante du cuivre et du fer, ou comme intimement combiné
avec ces métaux, tels qu'ils se rencontrent dans la nature (2). »
Aujourd'hui qu'on trouve la route frayée, on se doute à peine
des obstacles qui l'encombraient autrefois. Combien d'erreurs
ne fallait-il pas détruire avant d'arriver à la vérité?
RiNMANN, Engestroem, Bergius, Quist, Retzius et Gadd, ont,
en général, adopté dans leurs travaux les principes qui commen-
çaient, depuis Lavoisier, à prévaloir.
§32.
Peu de chimistes ont eu des connaissances aussi variées et aussi
étendues que Bergmann. Les mathématiques, l'astronomie, la
(1) Act. Acad.^ reg. Suec,
(2) Ibid., ann. 1744.
TROISIÈMB ÉPOQUE. 433:
physique, Tbistoire naturelle lui étaient familières; il contribua
même, par des travaux importants, au progrès de ces-sciences.
Sa méthode d'observation, adoptée aussi par Scheele, atteste
une grande pénétration, et une rare pré'cision des faits. Mais ce
n'est pas seulement comme savant, c'est aussi comme homme de
coeur, que Bergmann commande notre respect. Inaccessible à la
haine et à l'envie, modeste à Texcès, ami dévoué et sincère^ il
n'eut en vue toute sa vie que Tintérêt de la science.
Torberu Bergmann naquit, le 20 mars 1735, à Catherinebcrg,
en Suède. Son père, receveur des finances de l'endroit, l'en-
voya faire ses premières études à l'institut de Skara. Bergmann
fréquenta, à l'âge de dix-sept ans, l'université d'Upsal; il s'y
livra avec ardeur à l'étude des mathématiques et de l'histoire
naturelle. Ses premiers travaux (i)lui valurent l'estime de ses
maîtres, et, dès i758, il obtint une chaire d'histoire naturelle. Il
publia vers la même époque plusieurs mémoires d'histoire na-
turelle [sur Vinsecte de ia noix de galle; — sur les larves des
insectes ; — sur les abeilles; — sur les sangsues ), qui attirèrent
l'attention de Linné.
Dans ses recherches sur les sangsues, Bergmann trouva que le
eoccus aquaticusy dont la nature n'avait pas été déterminée par
Linné, n'était autre chose que les œufs d'une espèce particulière
de ces annélides {hirudo monoculata). On raconte que cet illustre
naturaliste écrivit au bas de la dissertation de Bergmann ( De
cocco aquatico sive hirudine octoculata) : Vidi et obstupui.
En 1761, Bergmann fut nommé professeur de mathématiques;
son cours public d'algèbre ne l'empêcha pas de poursuivre ses .
travaux d'histoire naturelle, de physique générale, et de s'initier
en même temps à la chimie. Trois ans après, l'Académie royale
des sciences de Stockholm l'admit dans son sein. Après la mort
de Wallerius, il échangea, en 1767, la chaire de mathématiques
contre celle de chimie et de minéralogie (2). A partir de ce mo-
ment, il se livra exclusivement à l'étude de la chimie, qui devint
{i) t>e crepusculiSy disscrtatio acadcmica, quam, prœside Strœmer, publiée
défendit; Upsal., 17àô. — De interpolatione, dissertatio, quam, prœside Fcrnér,
pahlice défendit; Upsal., 1758.
(2) On rapporte que, ses compétiteurs ayant fait valoir qu'il ne devait point sa-
voir la chimie, parce qu'il n'avait jamais rien publié sur cette science, il se ren-
ferma pendant quelque temps dans un laboratoire, et en sortit avec un mémoire
Sur la fabrication de Val'un .
BIST. DE LA CBIUIE. — T. II. 28
f . ' '
434 HISTOIRE DE UL CHIMIE.
sa science favorite. Tous ses efforts tendaient à faire pour la
cliimie ce que son compatriote Linné avait fait pour l'histoire
naturelle. Il entretenait une correspondance suivie avec les prin-
cipaux chimistes et physiciens de France, d'AUemagne, d'An-
gleterre et d'Italie; et la renommée de ses travaux se répandit
dans toute l'Europe. Bientôt les Académies des sciences de
Paris^ de Londres, de Goettingue, de Dijon, de Montpellier, de
Turin, la Société des naturalistes de Berlin, etc., se l'associèrent,
et le roi de Suède lui conféra l'ordre de Wasa. Dès l'année 1777,
l'Académie des sciences de Stockholm lui avait alloué une somme
annuelle de 150 rixdalers (environ 600 francs), pour l'encourager
dans ses expériences. Ainsi que Linné , il attira par ses cours à
Upsal des jeunes gens de tous les pays. C'est sous les auspices de
Bergmann que Scheele se produisit dans le monde. Il refusa de se
fixer à Berlin où l'appelait Frédéric II, et épousa à l'âge de trente-
six ans une femme qui partageait ses goûts pour la science.
Bergmann avait eu, dans sa jeunesse, une santé débile; les
voyages , l'emploi des eaux minérales , et particulièrement de
l'eau de Seltz qu'il avait le premier fabriquée lui-même, ne lui
procuraient que des soulagements passagers. Un malheureux
accident hâta l'affaissement de sa constitution , usée en grande
partie par le travail. Un jour, voulant faire avec un de ses amis
une promenade dans llle de Lintre , il posa le pied sur le bord
d'un bateau, glissa, et tomba dans l'eau, d'oti il fut cependant
promptement retiré; mais, quelques jours après, il cracha du
sang en abondance, symptôme fâcheux du dénoûment d'une
phthisie pulmonaire dont il portait depuis longtemps le germe;
ses forces dépérissaient de jour en jour, une fièvre hectique le
consumait , et il mourut à l'âge de quarante-neuf ans, le 8 juillet
1784, aux bains de Medwi (1).
Trairaax de Berg^mann*
Bergmann apporta, dans toutes ses recherches, cette rigueur
d'observation qui témoigne d'un esprit nourri des études ma-
thématiques. Ses travaux, tous originaux, sont très-nombreux,
et concernent, non-seulement la chimie, mais l'astronomie, la
physique, la minéralogie, la géologie et la zoologie.
(1) Voy. Vicq d'Azir, Éloge de Bergmann, — Crell, Annalen der Chemie,
1787, t. I, p. 74-96.
TROISIÈME EPOQUE. 4B5
' Dans cette multiplicité de mémoires présentés successivement,
dans l'espace d'environ trente ans, à l'Académie royale des
sciences de Stockholm, nous ne choisirons que les travaux rela-
tifs à la chimie. Et ici nous devons citer en première ligne deux
mémoires , dont l'un traite De V acide aérien , et l'autre Des affi-
nités électives. Arrêtons-nous d'abord sur le premier de ces mé-
moires.
De l'acMe aérleii.
Bergmann appelait acide aérien ce que Black, Priestley et
d'autres physiciens avaient appelé air fixe, gaz crayeux^ esprit
de la craie, etc., et ce que nous nommons aujourd'hui gaz acide
carbonique.
Déjà dès l'année 1770, il s'était livré* à une étude approfondie
de la nature et des caractères de ce fluide élastique. Avant de
faire imprimer les résultats de ses observations , il en avait fait
part à plusieurs chimistes distingués, notamment à Priestley,
qui en fil mention dans un mémoire inséré dans les Transactions
philosophiques de Londres pourl'année 1772. Ce n'est qu'e.n 1774
que Bergmann se décida à communiquer à l'Académie royale
de Stockholm le mémoire complet Sur l'acide aérien y qui est
reproduit dans ses Opuscules chimiques et physiques (1).
Avant d'entrer dans une discussion approfondie sur ce sujet,
l'auteur commence d'abord par décrire les trois procédés qui lui
paraissent les plus convenables pour préparer l'acide aérien :
le premier consiste à verser de l'acide vitriolique sur des pierres
calcaires; le deuxième, à calciner de la magnésie blanche; et
le troisième, à recueillir le fluide élastique qui se dégage pen-
dant la fermentation.
L'appareil mis en usage pour recueillir l'acide aérien, produit
par les trois moyens indiqués, est à peu près le même que celui
que Priestley donne comme de son invention : c'est un matras
. en verre ou une fiole à deux ouvertures , qui communique , à
l'aide d'un tube recourbé, avec une cloche remplie d'eau et
(1) Opuscula physica et chemica; Lipsiœ, 1788, 8, vol. I. — Trad. par
M, de Morveau; Dijon, 1780, 8, vol. I. — Ce mémoii*e se trouve imprimé
dans les Mémoires de l'Académie royale de Stockholm, pour Tannée 1775. Un
mémoire beaucoup moins étendu sur le même sujet y avait déjà paru dans
l'année 1773.
28.
436 UISTOmB DE LA CHIMIE.
renversée dans un bassin également plein d'eau. C'est l'appareil
de Haies dont on se sert encore aujourd'hui, avec de très-légères
modifications, pour recueillir les gaz.
Bergmann insista Tun des premiers sur la nécessité de laver
le gaz (dans des flacons de lavage), afln de Tavoir parfaitement
pur et exempt de Tacide minéral qu'il aurait pu entraîner. Il
constata que Tacide aérien est soluble , que Peau en absorbe
à peu près son volume à la température de 10° du thermomètre
centigrade (1), et que cette solubilité diminue à mesure que la
température s'élève.
Il détermina, avec beaucoup de précision, la densité de Peau
saturée d'acide aérien, à la température de 2°, et trouva que,
comparativement à la densité de l'eau distillée à la même tem-
pérature, elle est comme 1,015 à 1,000.
Passant à la démonstration de la nature acide du gaz en ques-
tion, il remarque que l'acide aérien n'a de saveur qu'autant qu'il
est dissous dans l'eau. « Devenu plus concentré et moins volatil
dans cette combinaison, il affecte la langue d'une légère saveur
aigrelette, assez agréable : c'est là le véritable esprit des eaux
minérales froides acidulés. C'est par son moyen, et en ajoutant
quelques sels dans une juste proportion, qu'on imite parfaite-
ment les eaux de Seitz, de Spa et de Pyrmont. Je fais usage de
ces eaux artificielles depuis huit ans, et j'en éprouve les plus
heureux effets. »
D'après cette date, il faut faire remonter la découverte de l'eau
gazeuse, employée comme eau médicinale, au moins à l'année
1766. Priestley a donc tort de réclamer pour lui-môme cette dé-
couverte, en la préconisant comme un immense bienfait pour
l'humanité, propre à guérir et à prévenir le scorbut, ce fléau des
navigateurs, etc. (2).
(1) C'est depuis longtemps le Uiermoraètre usité en Suède. Bergmann nous
apprend, dans une note, que le thermomètre suédois est de mercure, et que
son échelle est divisée en cent parties, dont les deux extrêmes sont représen-
tées, Tune par le point de congélation do l'eau — 0 ; l'autre, par l'eau bouillanle.
— Opuscula physica et chemisa; Lipsiœ, 1788, vol. I, p. G.
(2) Voici comment Priestley raconte l'histoire de celte découverte : « Vers la
fm du mois de juin 17G7, je quittai ma demeure à Warrington pour m'établira
Leeds ; et m'étant logé la première année dans une maison contiguë à une bras-
serie, une occasion si favorable me donna l'envie de faire quelques expériences
sur l'air qui était constamment produit dans cette brasserie. Sans celle circons-
tance, je ne me serais jamais probablement occupé des différentes espèces d'air.
TROISIEME ÉPOQUE. 437
Pour démontrer que Taîr fixe est un acide gazeux, Bergmann
essaya la réaction de la teinture de tournesol. 11 s'assura ainsi
qu'un cinquantième de ce gaz suffit pour rougir sensiblement
une bouteille de cette solution bleue, et que la coloration dispa-
raît par Teffet de la chaleur.
L'auteur fait à ce sujet une observation pleine de sagacité. « A
la vérité, dit-il, les acides minéraux, versés à très-petite dose dans
cette teinture, paraissent produire également une altération
aussi peu durable; mais, en examinant la chose de plus près,
on découvre Tillusion. Le suc de tournesol, qui a été préparé
avec des matières alcalines, en retient toujours une portion; à
l'instant où l'alcali (carbonate de potasse) s'unit à l'acide, il laisse
échapper son air fixe (acide carbonique ), qui colore la liqueur ;
et, celui-ci s'évaporant, la teinte rouge disparaît. Supposons que
la saturation de l'alcali exige une quantité d'acide égale à m, il est
s • '
m
évident qu'on peut en ajouter dix fois y^ avant que la saturation
soit complète, et qu'à chaque fois on produira une couleur rougè
passagère ; mais, quand on aura une fois atteint le point de sa-
turation, l'acide que l'on versera au delà produira une altération
— Une des premières oi>érations que je fis dans cette brasserie, ce fut de placer
des vaisseaux évasés remplis (reau dans la région de Tair fixe, à la surface des
cuves en fermentation. Et, lorsque je les y avais laissés toute la nuit, je trouvais
pour Tordinaire, le lendemain matin, que Teau avait acquis une imprégnation
sensible et agréable. Ce fut avec une satisfaction singulière que je bus pour la
première fois de cette eau, qui était, je crois, la première de cette espèce que les
hommes eussent jamais goûtée. — Quelques-uns de mes amis ({ui vinrent me
voir se souviennent que je les ai régalés d^un verre de cette eau de Pyrmont ar-
tificielle, faite en leur présence. Je prendrai la liberté de faire mention, entre au-
tres, du chevalier John Lee, qui fut sîngulicremenl frapi»é de cette invention et
de son effet. Ceci se passait dans Tété de Tannée 17C8. — Pendant tout ce temps
jusqu^en 1772, je n*ai jamais entendu parler d^aucune autre méthode dMmpré-
gner Peau d'air fixe, que celle dont je viens de faire mention. Ce qui me fit
penser à mettre en pratique quelque méthode pour faire la môme chose avec Tair
dégagé de la craie et des autres substances calcaires, ce fut un pur hasard. J'é-
tais à dîner avec le duc de Northumberland au printemps de l'année 1772;. ce
lord nous montra une bouteille d'eau que le docteur Irving avait distillée pour
l'usage de la marine. Cette eau était parfaitement douce, mais elle manquait de
la saveur et de l'esprit de Teau vive de source. Il me vint sur-le-champ en idée
que je pourrais aisément corriger cette eau pour l'usage des vaisseaux, et leur
fournir un moyen facile de prévenir ou de guérir le scorbut de mer, etc. » —
Voy. Expériences et observations sur différentes espèces d'air, par J. Priestley
(trad. parGibel'm; Paris, 1777), vol. 111, p. 77-89.
438 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
constante, et détruira, par degrés, la couleur bleue; d'oii il ré-
sulte que c'est Tair fixe et non l'acide minéral qui produit la
coloration rouge toutes les fois qu'elle disparait. »
De ces donnéesà V alcalimétrie, il n'yavait qu'un pas. L'honneur
de cette invention, ou plutôt de l'application du principe posé
par Bergmann, devait être réservé à un chimiste plus moderne.
Ne jugeant pas la saveur et la réaction de la teinture de tour-
nesol comme des caractères suffisants pour mettre en évidence
la nature acide de l'air fixe, Bergmann s'arrête longuement sur
les combinaisons que ce fluide élastique peut donner avec les
alcalis et les chaux métalliques. C'est là un des chapitres les plus
remarquables de la dissertation Sur V acide aérien; c'est l'histoire
primitive des carbonates, désignés sous le nom de substances aérées.
L'auteur fait voir que la causticité des alcalis, préparés au
moyen de la chaux vive, tient à ce que cette dernière enlève à l'al-
cali son acide aérien , et que tous les alcalis , abandonnés à l'air,
reviennent à leur premier état , en empruntant à l'air le gaz acide
qui les sature. En môme temps il indique le sublimé corrosif
comme un bon réactif pour reconnaître si un alcali est caustique
ou aéré (carbonate). En effet, l'alcali fixe pur (potasse) préci-
pite le sublimé en jaune (oxyde de mercure), tandis que l'alcali
aéré (non carbonate) le précipite en blanc (carbonate mercuriel).
Mais il ne suffisait pas de signaler le simple fait de la combi-
naison de l'acide aérien avec les bases; il lui importait de s'as-
surer dans quelles proportions cet acide se combine avec les bases
pour former les sels aérés (carbonates).
La méthode dont il se sert ici, et qu'il applique en général à
la détermination des proportions définies, témoigne d'une exac-
titude à laquelle les chimistes n'étaient pas encore habitués.
Cette méthode, l'auteur la décrit en ces termes :
« Soient deux flacons, dont l'un, plus grand, contenant un poids
déterminé d'alcali (carbonate) dissous dans l'eau, pèse (y com-
pris cette dissolution et le bouchon), comme A; dont l'autre,
plus petit, rempli d'un acide quelconque, ait un poids égal à B :
que l'on verse dans le grand flacon une portion de l'acide du pe-
tit, et qu'on les bouche aussitôt légèrement l'un et l'autre; dès
que l'effervescence aura cessé, qu'on verse de nouveau de l'a-
cide, ayant toujours soin de fermer tout de suite le flacon, et que
l'on continue ainsi jusqu'à saturation. Supposons qu'après cela
le poids du premier soit a, et celui du second b; il est certain
TROISIEME EPOQUE. 439
m
que B — b ayant été versé dans le grand flacon , la perte du pe-
tit devrait répondre à ce que l'autre a gagné, ouB — 6 = a — A;
or, c'est ce qui n'arrive pas, à moins que Ton n'emploie un al-
cali parfaitement caustique; autrement, on trouve toujours
B— »ô>a — A; et la différence (B — ô) — (a + A) indique le
poids de l'air fixe qui a été dégagé. [1 faut que l'effervescence se
fasse lentement, sans augmentation de chaleur, et que le flacon
soit d'une grandeur convenable, afin d'éviter qu'il ne sortenin
peu de vapeur humide avec Tair fixe , ce qui induirait en erreur.
— Si on évapore ensuite jusqu'à siccité la dissolution contenue
dans le grand flacon, et qu'on calcine doucement le résidu
pour enlever l'eau de cristallisation et l'acide surabondant qui
peut s'y trouver, on reconnaîtra, à l'augmentation du poids
connu de l'alcali et de l'air fixe qui en a été dégagé, quelle est
la quantité d'acide nécessaire à la saturation de l'alcali privé d'eau
et d'air. x>
Voici les résultats obtenus par l'emploi de cette méthode :
100 parties d'alcali miuéral pur (soude caustique) exigent ])our leur satu-
ration 177 d'acide vitriolique.
135,05 d*acide nitreux (acide nitrique).
125 diacide marin (acide chlorhydrique).
80 d'air fixe (acide carbonique).
100 parties d'alcali végéfal
pur (potasse] 78,05 d'acide vitriolique.
64 d'acide nitreux.
51,05 d'acide marin.
42 d'air fixe.
En signalant le premier l'existence des aérâtes (carbonates)
Bergmann en donna aussi en partie l'analyse. Nous nous borne-
rons à reproduire les résultats suivants ;
La ierre pesante aérée (terra ponderosa aerata) ou le carbonate de baryte ,
86 compose, en centièmes, de 7 parties d'acide aérien,
65 — de terre pesante (baryte),
8 — d'eau.
La chMUX aérée {calx aerata) ou le carbo-
nate de chaux, — de 34 — d'acide aérien,
55 — de chaux,
11 — d'eau.
La magnésie aérée (magnesia aerata) ou
de carbonate de magnésie, — de 25 — d'acide aérien,
45 >— de magnésie,
30 — d'eau.
440 HISTOIRE DE Lk CBHêIE.
L'auteur fait, avec raison^ remarquer que tous ces composés,
surtout le premier et le dernier, sont solubies dans un excès d'a-
cide aérien , et que c'est sous cette forme qu'ils existent dans
beaucoup de sources minérales.
Bergmann n'indiqua pas la composition des aérâtes métalliques
qu'il préparait, soit en faisant digérer le métal ou la chaux métal-
lique dans de l'eau aérée (acidulée de gaz acide carbonique), soit
eniraitant la dissolution métallique par l'alcali fixe aéré (carbo-
nate de potasse). Par une série d'expériences, il arrive à conclure
que les seuls métaux qui soient susceptibles de se dissoudre
dans l'eau acidulée d'air fixe (acide carbonique) sont le fer, le
zinc et le manganèse. Au sujet de ce dernier métal, il affirme
que si on emploie le régule (manganèse métallique), la dissola-
tion répand une odeur particulière, peu différente de celle que
donne la graisse brûlée. Il s'étonne de'ce que la céruse, qu'il
montre n'être autre chose qu'une chaux de plomb aérée (car-
bonate d'oxyde de plomb), ne soit pas, comme la chaux aérée
(carbonatée), soluble dans un excès d'acide aérien. Parmi les
autres métaux, l'aérate (carbonate) de cuivre serait seul suscep-
tible de se dissoudre, en très-petite proportion, il est vrai, dans
l'eau ainsi acidulée.
Poursuivant le but de son travail , qui consistait à démontrer
que l'air fixe est un acide aériforme, Bergmann arrive à expli-
quer comment l'acide aérien précipite le foie de soufre et la li-
queur des cailloux. Voici, entre autres, une observation pleine
de finesse :
« La liqueur des cailloux, laissée à l'air libre, dépose, dit-il,
insensiblement de la terre siliceuse; la précipitation s'achève en
peu de temps, quand on y introduit de l'acide aérien. Cela nous
indique aussi pourquoi la dissolution de l'alcali du tartre, quoi-
que souvent filtrée , dépose à la longue des particules terreuses :
ce sel tient en effet dans une combinaison intime des molécules
de silice, soit qu'il les ait reçues pendant la végétation, soit
qu'il les ait prises pendant la combustion. Ceux qui calcinent les
cendres de potasse y ajoutent eux-mêmes quelquefois du sable,
afin d'en augmenter le poids ; et, quand il a élé ainsi combiné par
le feu, il se dissout avec l'alcali dans l'eau : c'est cette silice qui
s'en sépare ensuite, à mesure que l'alcali se sature d'acide aérien,
avec lequel il a plus d'affinité. Il n'est pas étonnant que cette sépa-
ration soit très-lente dans des flacons dont le col est étroit, qui
TROISIÈME EPOQUK. 441
sont bouchés habituellement, et où l'acide aérien de l'atmosphère
ne peut passer que successivement; mais, si on dissout Talcali
dans une suffisante quantité d'eau aérée (eau acidulée de gaz
carbonique), toutes ces hétérogénéités terreuses se précipitent
en même temps. » .
L'acide aérien n'est pas seulement soluble dans l'eau et suscep-
tible d'être fixé par les alcalis, mais il peut être absorbé par des
liqueurs inflammables. Après avoir entrepris à ce sujet un grand
nombre d'expériences, l'auteur se résume en disant que l'esprit-
de-vin absorbe le double de son volume d'acide aérien, à la tem-
pérature de 10* au-dessus de zéro; que Phuile d'olive en prend
un volume égal au sien; que l'essence de térébenthine en dissout
le double de son volume. « Si on dégage, ajoute-t-il, l'air fixe
qui était ainsi dissous dans l'huile d'olive,, et qu'on le reçoive
dans une cloche pleine d'eau, on le trouve changé, au moins en
partie, ou mêlé de parties étrangères; car il est susceptible
de s'enflammer et presque immiscible à l'eau. »
Après avoir démontré l'acidité de l'air fixe par la saveur, par
la teinture de tournesol , par la solubilité , par la combinaison
avec les bases, fiergmann s'efforce de justifier l'épithète d^aérien
ou d'atmosphérique qu'il a donnée à ce nouvel acide.
tt L'acidité de l'air fixe étant, dit-il, démontrée, il y a plu-
sieurs raisons pour le nommer acide aérien ou atmosphérique. Il
a en effet tellement la légèreté , la transparence , l'élasticité de
l'air, que ce n'est que depuis très-peu de temps qu'on a com-
mencé à l'en distinguer. De plus, cet océan d'air qui environne
notre terre, et qu'on appelle atmosphère, n'est jamais sans une
certaine quantité d'air fixe; cela se manifeste journellement par
divers phéno.mènes. L'eau de chaux exposée partout à l'air libre
fournit de la crème de chaux, ce qui n'arrive pas dans des bou-
teilles bien bouchées : la chaux vive exposée longtemps à l'air
recouvre à la fin tout ce qu'elle avait perdu au feu, et redevient
absolument terre calcaire, au point de ne pouvoir plus servir à
la préparation du mortier qu'après qu'on l'a de nouveau privée
de son acide; la terre pesante (baryte) et la magnésie recouvrent
de même à l'air leur poids , et la faculté de faire effervescence
avec les acides; les alcalis purs perdent à l'air leur causticité, etc. d
Bergmann a le premier émis une opinion rationnelle sur la
composition de l'air. Cette opinion, Scheele, l'ami de Bergmann,
se chargea de l'appuyer expérimentalement.
412 HISTOIRE DE LÀ CHIMIlS.
((L'air commun, dit fiergmann, est un mélange de trois fluides
élastiques, savoir, de l'acide aérien libre, mais en si petite quan-
tité qu'il n'altère pas sensiblement la teinture de tournesol; d'un
air qui ne peut servir, ni à la combustion, ni à la respiration des
animaux, que nous appelons, air vicié, jusqu'à ce que nous con-
naissions plus parfaitement sa nature; enfin, d'un air absolument
nécessaire au feu et à la vie animale , qui fait à peu près le quart
de l'air commun, et que je regarde comme l'air pur. »
Si cette manière de voir, sanctionnée par l'expérience, avait été
érigée en principe pour renverser les évaluations anciennes,
fiergmann aurait passé pour un novateur, un révolutionnaire
avant Lavoisier (1).
La densité de l'acide aérien, que fiergmann a reconnue plus
grande que celle de l'air commun, expliquerait les phénomènes
d'asphyxie qui arrivent à la surface du sol dans des endroits où
cet aQide existe en abondance. Il cite comme exemples la fon-
taine de Pyrmonl, ouverte en 1717, où les oies, ayant le cou
très-long, peuvent nager sans en ôtre incommodées; les sources
de Schwalbach , la grotte du Chien, près deNaples, etc.
Après avoir montré que l'acide aérien est impropre à entre-
tenir la flamme , et que les armes à feu ne peuvent faire explosion
dans un semblable milieu, il arrive à une série d'expériences
relatives à l'action que ce gaz exerce sur les animaux. Ces expé-
riences sont faites avec une précision extrême; elles peuvent
servir de modèle à tous les physiologistes expérimentateurs. En
voici le résumé :
a Lorsqu'on introduit de l'acide aérien dans une cloche où l'on
tient emprisonné un animal , on remarque d'abord que cet ani-
mal regarde autour de lui avec inquiétude , pour chercher à sor-
tir; il commence ensuite à respirer avec peine; le globe de l'œil
se gonfle, tous les sens s'affaiblissent, et il expire dans une espèce
d'assoupissement. En'retardant le passage de l'acide aérien , on
relarde presque à volonté la mort de l'animal. Il y a néanmoins
des différences par rapport aux différents animaux, à leur âge et
à leur vigueur. Les oiseaux y périssent communément plus tôt
que les chiens, et ceux-ci plus tôt que les chats; les amphibies
(1) L'air atmosphérique se compose en effet d'une très-i)etile quantité d'acide
carbonique {acide aérien)^ d'azote (air vicié) et d'oxygène (air pur, air de
feu)\ ce dernier, dans la proportion d'un cinquième environ.
I
TROISliME ÉPOQUE. 443
y vivent plus longtemps , et les insectes y résistent opiniâtrement.
A regard de Tâge , les plus jeunes n'y meurent pas aussi promp-
tement, surtout s'ils y ont été accoutumés insensiblement; car
ceux que Ton a retirés au moment de Tagonie pour les exposer
à Taîr libre, et qui ont été conservés en vie, ne sont pas aussitôt
aspbyxiés par ce fluide que ceux que Ton y plonge pour la pre-
mière fois. Après la mort on trouve les poumons un peu affaissés ;
ils ne tombent pas au fond de Teau, comme ceux des animaux
qu'on a fait périr dans le vide; mais ils surnagent, et on remar-
que en plusieurs endroits des traces d'inflammation. Le tronc de
l'artère pulmonaire, le ventricule droit du cœur avec son oreil-
lette, la veine cave, les jugulaires, les vaisseaux du cerveau, sont
remplis de sang; le ventricule droit du cœur est ordinairement
rempli de concrétions sanguines. Les veines pulmonaires, l'aorte,
le ventricule gauche du cœur et son oreillette , sont, au contraire,
flasques; toutes les fibres musculaires ont perdu leur irritabilité;
et le cœur, même pendant que l'animal est encore chaud , ne
manifeste aucun mouvement, soit qu'on le stimule par le souffle,
soit parle scalpel, ou même par l'acide vilriolique concentré. »
Il est aisé de déduire'de ces expériences que l'acide carboni-
que tue, non pas seulement par privation d'air respirable, mais en
exerçant une action délétère sur l'économie, particulièrement
sur le sang et le système circulatoire.
Bergmann est donc le premier qui ait donné l'histoire com-
plète du gaz acide carbonique, si l'on en excepte la composition,
la liquéfaction et la solidification de ce fluide; car ces dernières
découvertes étaient réservées à des observateurs plus récents.
Cette courte analyse de la dissertation Sur Vacide aérien pourra
suffire pour faire apprécier la méthode d'observation qui prési-
dait aux travaux de Bergmann.
Nous passerons rapidement en revue les autres mémoires con-
tenus dans les Opuscula physica et chimica.
Analyse des eanx (1).
Ce mémoire est un des plus intéressants qui aient été pu-
bliés sur l'analyse des eaux. On y trouve plus d'une découverte.
(1) Une grande partie de ce mémoire servit de texte à une dissertation inau-
gurale soutenue à Puniversité de Stockholm en 1778, par Scharenberg. — Opus-
cula physica et chimicaj vol. I, p. 65.
444
HISTOIRE DE LÀ CH}MI£.
L'auteur a créé en quelque sorte l'analyse quantitative , en en-
seignant à déterminer la quantité des sels contenus dans les eaux
par le poids des précipités. Il a proposé plusieurs réactifs nou-
veaux : pour précipiter le fer, il se servait d'un sel préparé en fai-
sant bouillir quatre parties de bleu de Prusse avec une partie de
potasse. On voit que ce sel n'est autre que le cyanoferrure de
potassium jaune. Pour déceler les sels de chaux, il employait
Vaeide du .*i/cr«, préparé avec l'eau-forte ( acide oxalique ) ; pour
précipiter les sels de baryte , — l'acide vitriolique, et vice versa;
pour les sels de cuivre, — l'ammoniaque; pour le sel marin,
— le nitrate d'argent; l'alcool absolu, — pour les sulfates; le
sucre de Saturne, — pour le foie de soufre (eaux hépatiques), etc.
Ce mémoire est suivi de plusieurs dissertations sur les eaux
minérales froides et chaudes artificielles , avec l'indication des
différentes proportions de matières qui se trouvent dans les eaux
naturelles de Seltz, de Spa, de Pyrmont, d'Aix-la-Chapelle, de
Medwi, d'Upsal, etc. (1).
Des attractions éleetlYes (2).
Ce travail produisit , ajuste titre , une grande sensation dans le
monde savant; car ce fut là un des premiers essais qu'on eût tentés
pour réduire la chimie en un corps de doctrine, et lui imprimer
une marche scientifique. On y trouve des observations intéres-
santes sur les affinités dont l'auteur a dressé les premières tables
(attractions électives)^ et sur les doubles décompositions.
(i) De aguis Upsaliensibus ; primitivement public^, en suédois, dans une
dissertation inaugurale de P. Dube, en Tannée 1770. — De fonte acidulari
Danemarkenm^ ann. 1773 (sujet d'une dissertation). — De aquis medicatis
frigidis arte parandis. Actes de la Société royale de Stockbolm, ann. 1775. —
De aqua pelagica, Actes de la Soc. de Stockh., ann. 1777 (Analyse d'un flacon
d'eau de mer que Sparrmann avait rapporté d'un voyage dans la mer Australe
sur le vaisseau du capitaine Cook). — De aquis acidulatis Medwiensibus, Actes
de la Société de Stockh., ann. 1782. — De fontibus medicatis LokaniSy ibid.,
ann. 1783. — Tous ces mémoires se trouvent imprimés dans Opuscula physica
et chemica^ vol. I et IV ; Lips., 1788, 8.
(2) De attractionibus electivis. Ce mémoire parut pour la première fois dans
les N. Actes d'Upsal, vol. III, ann. i77 3. — Opuscul. phys. et chem., vol. III.
TROISIÈITE ÉPOQUE. ' 445
8a1h le cbalQiBCaa (i).
Le chalumeau, auquel la chimie est redevable d'un grand
nombre de découvertes, fut appliqué pour la première fois, vers
Tan 1738, à Texamen des minéraux, par André de Schvi^ab. Il-
fut perfectionné successivement par Gronstedt, Rinmann, ënges"
TRCEM, QuiST, Gahn et ScHEELE. Bcrgmanu y apporta beaucoup
de modifications heureuses.
Hé raiMly BC des minerais par la TOle tanmlde (2).
Dans ce mémoire Tauteur établit^ pour la première fois, des
règles précises concernant l'analyse des minerais par la voie hu-
mide. Après avoir indiqué avec quels soins il faut laver, recueillir,
dessécher et peser les précipités obtenus à l'aide de réactifs très-
purs, il arrive à l'application des règles établies, en passant en
revue les minerais d'argent, de plomb, de fer, d'antimoine, etc.
Des précipités métailiqaes (3)«
Cette dissertation a pour principal objet la différence de poids
des précipités, la quantité de la dissolution et celle du précipi-
tant restant les mêmes. Elle contient, en principe, la théorie
des équivalents et la loi des proportions définies.
De l'acide de sucre {k) .
Le sucre, traité par l'acide nitrique, donne de l'acide oxalique.
Cette découverte , premier exemple d'une production organique
artificielle, est due à Bergmann, qui donna à cet acide le nom
A*acide du sucre. Scheele démontra l'identité de cet acide avec
l'acide de l'oseille.
(i) De tubo ferruminatorio. Le manuscrit *de ce mémoire fut envoyé, en
1777, au docteur Born, qui le fit imprimer à Vienne en 1779. OpuscuL physica
et chem,, vol. II, p. 455.
(2) De minerarum docimasia humida;Di&s., ann. 1780. OpuscuL physica^
vol. II, p. 399.
(3) De prasdpitcUis metallicis; dans les Opuscul. physic. et chemic.y\o\. II,
p. 349.
(4) De acido sacchari, dissert, inaugural., ann. 1776, réimprimée dans les
Opuscul. pkysic.f vol. I, p. 238.
: 446 HISTOIRE DÉ LA CHIMIE.
Après avoir décrit la préparation , les propriétés de l'acide du
sacre, ainsi que les sels qu'il est susceptible de former avec les al-
calis et les chaux métalliques, Tauteur arrive à indiquer une expé-
rience qui fournit tous les éléments de la composition de Tacide
oxalique. « Une demi-once de cristaux, dit-il, donne à la distil-
lation près de 100 pouces cubes de fluides élastiques, dont moitié
est de Tacide aérien (acide carbonique), qu'on sépare aisément
par l'eau de chaux, et moitié un air qui s'allume', et donne une
flamme bleue (oxyde de carbone). »
Delà préparation de l'alun (i). On trouve dans cette notice la
composition exacte de l'alun (acide vitriolique, alcali, argile
pure , eau ), en même temps que l'indication de divers moyens
pour obtenir ce produit pur.
Des calculs urinaires (:2). — Bergmann et Scheele s'étaient oc-
cupés du même sujet, à l'insu l'un de l'autre, et i4s étaient
arrivés à peu près aux mêmes résultats, en constatant l'existence
de l'acide urique dans les calculs urinaires.
De Vanalyse du fer, — De la cause de la fragilité du fer froid (3).
Ces deux mémoires, dont le premier est fort étendu, contien-
nent des notions, en partie neuves alors, sur les propriétés
de la fonte , du fer et de l'acier. Bergmann détermina pour la
première fois , par des analyses exactes , la composition de ces
matières, en centièmes :
Composition de la fonte {ferrum cnidum) :
Minimiinj. Maximum.
Silice 1,0 3,4
Carbone 1,0 .,... 3,3
Manganèse 0,5 ..... 30,0
Fer 03. 3 97,5
(1) Dissertation présentée en 1767, et réimprimée dans les Optiscul. physic. et
chemic, vol. T, p. 264.
(2) Observationes nonnulUv de calcuUs urinx; imp. avec la dissertation de
Scheele sur le même sujet, dansée/. Soc. Holm., ann. 1770. et dans 0/)ii5Cu/.
physic. f\o]. IV, p. 387.
(3) Année 1781 ; Opuscul. physic. y vol. III, p. 1.
TBOISIÈME ÉPOQUE. ^^
• Composition du fer forgé [ferrum nssum ) :
Saice 0,05 0,3
Charbon pur 0,05 0,2
Manganèse 0,50 30,0
Fer 99,60 99,4
Composition de l'acier (chalybs):
Silice • 0,3 0,9
Carbone 0,2 0,8
Manganèse 0,5 30,0
Fer 68,3 99,0
Des acides métalliques (1). — On trouve dans cette notice la
première description des acides molyhdique et tungstique, qui
paraissent avoir été découverts à peu près en même temps
par Bergmann et par Scheele.
De lamagnésie (2). — Après un court exposé historique, l'auteur
arrive à décrire les principaux sels magnésiens (carbonate, sul-
fate, nitrate, oxalate, formiate, borate, tarlrate, acétate, phos-
phate, chlorure). Le premier, il indiqua tous les caractères qui
servent à distinguer la magnésie de la chaux. Voici comment il se
résume lui-même : a La magnésie saturée d'acide vitriolique
forme un sel amer, qui n'exige guère que son poids d'eau pour
sa dissolution; — la chaux forme avec le même acide un sel sans
saveur, 400 parties d'eau suffisant à peine pour la dissolution
d'une seule partie de sélénite; — la magnésie donne avec l'acide
nitreux (nitrique) un sel crislallisable; — le nitre calcaire ne
peut être que Irès-difficilement amené à cristalliser; — lemuriate
le magnésie (chlorure de magnésium ) laisse échapper son acide
au feu; — il n'en est pas de même du muriate calcaire; — la
tnagnésie unie au vinaigre refuse de cristalliser ; — la chaux donne
avec cet acide une belle cristallisation; — la magnésie n'est pas
précipitée par l'acide vitriolique; — celui-ci entraîne sur-le-
champ la chaux sous forme de sélénite. »
(i)1)e acidis metalUcis ; Act. Acad. Stockholm., année 1781 ; réimprimé dans
les Opuscul physic, yoI. 111, p. 124.
(2) De inagnesia (alba), disquisitio, anno 1775, die 23dec., pnblice venlilata
n auditorio Gustaviano; dans les Opuscul. physic, vol. I, p. 343.
f
/ ,
448 HISTOIRE DÉ LA GHmiE.
I
Les chimistes, qui avaient les premiers entrevu l'existence
de la magnésie, regardaient cette matière comme une chaux al-
térée, ou plutôt comme un produit de transmutation de la chaux.
Cette manière de voir avait frappé Bergmann ; et c'est à ce sujet qu'41
fait les réflexions suivantes, qu'il estbonderappeler : a Iln'est guère
possible, dit-il, qu'une même matière prenne des caractères aussi
différents ; cependant, tant qu'il n'est question que de possibilité,
je n'ai autre chose à répondre , sinon que nous ne sommes pas
encore assez avancés dans la science chimique pour juger sûre-
ment a priori si la nature peut ou ne peut pas opérer de. sembla-
bles transmutations. Mais gardons.-nous de conclure la réalité du
fait, d'une possibilité môme accordée ou difficile à détruire; ce
serait ouvrir la porte à une infinité de métamorphoses semblables
à celles d'Ovide N'abandonnons donc point l'expérience, qui
doit être pour nous le vrai fil d'Ariane; les maîtres de l'art veulent
des expériences très-exactes, par analyse et par synthèse, qui,
étant faites convenablement, présentent en tout temps et en tous
lieux les mêmes résultats, o
Du zinc et de ses minerais (i). — Ce mémoire est précédé d'uo
excellent aperçu historique du zinc. On y trouve les premières
analyses qui aient été faites des principaux minerais de zinc.
D'autres mémoires de chimie, non moins remarquables, ont
pour titres : De iartaro antimoniato (2); — De terra silicea (3) ; —
De terra gemmarum (4) ; — De calce auri fulminante (5) ; — De
platina (6); — Denlccolo (7) ; — De arsenico (8); — De stanno
sulphurato (9); — De antimonialihus sulphuratis (10); — De
connvbio hijdrargyri cum acide salis (li); — De laterum coctione
(1) Hfiec disserlatio publiée ventilala est die 20 marlii, anni 1779. Opusal
physic, vol. II, p. 309.
(2) Disserlatiopublica ventilala 22 dec. ann. 1773. Opuscul. jo/iysic, vol. I,
p. 318.
(3) Diss., ann. 1779 ; Opuscul., vol. II, p. 2o.
(4) N. Act. UpsaL, ann. 1777 ; Opuscul., vol. II, p. 72.
(5) Dissertât io publica, ann. 1769; Opuscul. , vol. II, p. 133.
(6) Act. Siockh., ann. .1777 ; Opuscul., vol. Il, p. 160.
(7) Diss. publica, ann. 1775; Opuscul., vol. II, p. 231.
(8) Diss. publica, ann. 1777; Opuscul., vol. II, p. 272.
(9) Act. Stockh., ann. 1781; Opuscul., vol. III, p. 157.
(10) Diss. publica, ann. 1782; Opuscul., vol. III, p. 164.
(11) Act. Acad. Stokh., ann. 1769; Opuscul., vol. IV, p. 279.
1
j
i
TftOISîiME ÉPOOtK. M9
rite instruenda (1); — De cobatto^ niccolo, plcdina, mctgnesid:,
eorumqîte per prœcipitatianes inve$iigata indole (2); — Ânalysis
ekemica pigmenti indici {S),
Les dissertations de Bergmanii sur l'histoire de la chimie {[k
primordiis chemise; — Historia chemiœ médit xvi (4); — Oratio de
nuperrimis chemiœ incrementis) (5), renferment des documents
intéressants, qui malheureusement ne sont pas toujours puisés
à des sources bien authentiques.
Nous avons déjà dit que Bergmann était également versé dans
d'autres science; ; car il nous a laissé des travaux fort remar-
quables sur la minéralogie et la géologie, tels que Deformis crystal-
lorum; — De lapide hydrophano; — De terra turmalini; — De
mineris ferri alhis; — Producta ignis subierranei ; — De analysi
lithomargx; — De terra asbestina; — Observationes miner alo-
gicœ; — De terris geoponicis (6) ; — De montibus Westrogothieis.
(1) Acta Acad. Stockh., ann. 1771 ; Opuscul, ^yoL IV, p. 336.
(2) Opuscul. physicOy vol. IV, p. 371.
(3) Dissertation couronnée par TAcadémie des sciences de Paris. Voyez Mé-
moires présentés à r Académie royale des sciences ^ etc.> t. IX, 1780, p. 121-164.
— C'est un des premiers travaux chimiques qui aient été pul)liés sur Hndigo.
L'auteur y indique parfaitement l'action décolorante que Tacide nitrique et le
chlore exercent sur l'indigo; il ajoute même que le chlore, qu'il appelle acide
marin déphlogistiqué par la magnésie noire, se transforme de nouveau,
après avoir réagi sur l'indigo, en acide marin ou muriatique. Il décrit fort au
long l'action des alcalis et des acides sur Tindigo, et obtint, par la distillation
de cette matière tinctoriale, en centièmes, 2 parties d'air fixe (acide carbonique),
8 parties de liqueur alcaline, 9 parties d'huile empyreumatique, et 3 parties de
charbon; ce charbon, brûlé dans l'air, donnait 4 parties de cendre d'un. rouge
brique, dont la moitié se composait de rouille de fer, et le restant d'une poudre
siliceuse très-fine. Traité par la voie des dissolvants, Tindigo donnait^ en cen-
tièmes :
Matière mucilagineuse soluble dans l'eau 12 parties.
Résine soluble dans l'alcool .' 6
Matière terreuse soluble dans le vinaigre 22
Chaux de fer ( oxyde de fer ) soluble dans l'acide muriatique* 13
Matière tinctoriale bleue pure 47
Cette analyse, dit Bergmann, ne peut malheureusement être contrôlée par la
synthèse ; car il est impossible à l'art de reproduire la structure organique des
substances végétales ou animales.
(4) OpwcuL physifa, vol. IV, p. 1-141.
(6) iôid., vol. VI, p. 65-95.
(6) La Société royale des sciences de Montpellier avait, en 1771, mis au con-
cours la question suivante : Qiisls sont les caractères des terres en général ?
BIST. bB LA CHIMIE. — T. II. 29
450 HISTOIRE 4)B LA CHIMIE.
. Parmi S|5s travaux sur la physique, l'astronomie et même
l'histoire naturelie^ on remarque: Expérimenta eleçtrica;.r— De
vi electrica turmalini; — • De crepnsculis; — De fulguratiane
ohservationes ; — De arcus cœlesiis eœplicatiombus ; — Aurprœ
boréales (i); — De aurores borealis altitudine; — Deattraetioneuni-
versait; — De interpolatione astronomica; — De apilms; — Depi-
iyocampe, s>ive erucapini; — Classes larvarum; — De hirudinibus ;
De cocco aquatico^ sive hirudine octoculata; — De natura tenthre-
dinum et erucarum spuriarum; De galla qaadam singulari (3).
§. 33.
Seheele*
Peu de chimistes avaient encore'pénétré aussi loin dans les se-
crets de la nature que Scheele. II avait le génie des découvertes;
aucun détail n'échappait à son regard scrutateur. Mais il lui man-
quait, — témoin la théorie du phlogistique qu'il avait adoptée, —
cet esprit généralisateur qui fait jaillir d'un ensemble de faits les
vraies lois, fondements de la science. Or, c'était là précisément
ce qui caractérisait Lavoisier. Ces deux hommes de génie
. I
Assigner les défauts de celles qui sont peu propres à la production des
grains y et les moyens d'y remédier. — Bergmann remporta en 1773 le prix pro-
posé pour cette question. — Opuscula physica et chem., vol. V, p. 69. Ce mé-
moire renferme des notions intéressantes sur les terrains tertiaires, tant soos
le rapport géologique que sous le rapport de l'agriculture. L^auteur y considère
la chaux, Pargile, la magnésie et la silice comme des corps simples, mais que
Ton pourrait bien, soupçonne-t-il, arriver un jour à décomposer en des éléments
plus simples encore.
(1) Opuscul, physic, vol. V, p. 226. C'est une espèce de journal {diarium)^
où se trouvent regislrées les aurores boréales observées depuis le 3 février 1759
jusqu'à la fin de l'année 17G2. Ce travail est suivi d'une dissertation sur la hau-
teur des aurores boréales. Bergmann avoue que, malgré des observations assidu-
ment continuées pendant plusieurs années, il n'était point parvenu à soumettre
ce phénomène à des règles fixes, n C'est, dit-il, une chose digne de remarque
que les variations qu'éprouve l'aiguille aimantée pendant la durée de l'aurore
boréale. Y aurait-il là quelque rapport avec la force électro -magnétique? »
(2) OpuscuL physic.y vol. V, p. 141. — Bergmann trouva que c'est un insecte
particulier qui, en fixant son domicile sur l'écorce du chêne, donne naissance à
la noix de galle si utile dans les arts. 11 communiqua sa découverte à son
illustre ami et compatriote Linné, qui donna à cet insecte le nom de cynips
guercus cotiicis^ et en traça les caractères suivants : Antennis instructum
longlssimis, colore pallido, in cruribus tamen oculisque vividwre.
TROISliMB ÉPOQUE. • 45i
étaient faits pour s'entr'aider^ pour se compléter en quelque
sorte réciproquement^ et élever en commun Tédifice de la chi-
mie : l'un semblait destiné à en apporter les matériaux, l'autre
à en tracer .le plan.
Gharlei^Guinaume Scheele naquk, le 19 décembre 1742 ^ à
Stralsund^ ville aujourd'hui prussienne, et qui appartenait alors
à la Suède«.Fils d'un Commerçant, il fut, à peine âgé de quatorze
ans, placé à Gothenbourg comme apprenti pharmacien, chez
Bauch, ml ami de sa famille. C'est laque, sans autre guide qu'un
ouvrage {Prœleetiones cfiemicœ) de Naumann, disciple de Stahl,,
il se mita étudier la science qu'il devait si puissamment contri-
buer à réformer. Après un appi:entissage de dix ans , il demeura
encore deux ans auprès de son maître ; puis il entra successive-
ment au service deKalstroem, pharmacien à Malmoe, et de
Scbarenberg, à Stockholm, a G*est au milieu des occupations les
plus obscures, dit un écrivain célèbre qui débuta aussi comme
apprenti pharmacien , c'est au milieu de ces occupations que
s'acheva son éducation dans une science où il était destiné à pa-
raître avec tantd'éclat (1). » En 1773, Scheele se rendit à Upsal,
où il eut l'occasion de faire connaissance avec deux hommes cé-
lèbres qui remplissaient l'Europe de leur renommée, Bergmann
et Linné (2). Bergmann fut le premier à le révéler au monde sa-
(1) M. Dumas, Leçons de philosophie chimique (Paris, 1837, in-S*), p. 8S :
-^ « Sdieele était si ardent à Tétude de la chimie, qu'il prenait sur son sommeil
le temps nécessaire à ses recherches ; et, dans un accès de malice étourdie, un
de ses camarades s'avisa de mêler à ses produits une poudre détonante . : de
telle sorte que , revenant à ses expériences au milieu de la nuit, Scheele, dès
la première expérience, détermina tout à coup une forte explosion qui mit toute
la maison en émoi, et qui vint dévoiler ses travaux nocturnes. Depuis ce mo-
ment on devint plus sévère aux expériences qui occupaient si vivement sa jeune
ima^ation.»
(2) Ce fut, ditron, un hasard qui fit ccmnaitre Scheele à Bergmann. <i II était
employé par un pharmacien (M. Look) qui fournissait à Bergmann les produits
chimiques nécessaires à ses travaux. Celui-ci, ayant un jour besoin de salpêtre,
en fait prendre chez ce pharmacien, l'emploie à Tusage auquel il le destinait, et
détermine là production d'ahondantes vapeurs rouges formées, comme on sait,
par Tadde hypo^azotique, mais qui, dans son opinion, n'auraient pas dû se dé-
gager dans les circonstances ou le sel avait été placé. Bergmann étonné s'en prend
à quelques impuretés du salpêtre. Il renvoie ce sel par un de ses élèves, qui ne
manque pas une occasion si belle de rudoyer un peu le pauvre garçon apothicaire
qui Payait livré. Mais Scheele s'informe de ce qui s'est passé, se fait expliques
les détails de l'expérience, et il en donne immédiatement l'explication. A peine
celle^i est-elle rapportée à Bergmann, qu'il accourt auprès de Scheele, l'inf^r-
29.
452 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
vant; il en parle avec admiration, dans la vaste correspondance
qu'it entretenait avec les principaux savants de son époque.
L'importance de ses travaux ne tarda pas à faire sortir Scheele
de Tobscurité dans laquelle il semblait se complaire. On lui fit
plusieurs propositions avantageuses, dans Tintention de le faire
sortir de son humble condition; il refusa toutes. ces offres.
Frédéric II, roi de Prusse, ne réussit pas davantage à l'attirer à
Berlin.
Mais il apprend que, dans une petite ville de Suède , à Rjo-
ping , il existe une pharmacie demeurée entre les mains d'une
veuve, qu'il y trouverait un emploi paisible, que la veuve pos-
sède quelque bien, et qu'il pourrait aspirer à l'épouser. C'est
l'avenir qu'il lui faut : retraite, calme et médiocrité. Il se trans-
porte vite à Kjoping, il accepte tous les arrangements, et s'établit
chez la veuve. Mais, par une de ces contrariétés si fréquentes dans
la vie, il se trouve, tout examiné, que la succession est obérée de
dettes, et que la pauvre veuve ne possède rien. Ainsi, au lieu d'un
sort paisible, d'une existence douce et tranquille, c'est une vie
pénible et de labeur qui se présente. Toutefois Scheele ne recule
pas, et l'accepte sans hésiter, trouvant qu'on doit être prêt à
donner quand on se croit digne de recevoir. Il se met donc à
l'œuvre, et, partageant son temps entre ses recherches et les soins
de la pharmacie, il emploie tous les bénéfices de la maison à en
payer les dettes. Sur les 600 livres qu'il gagnait chaque année, il
en réserve iOO pour ses besoins personnels, et consacre le resie
à la chimie (4). »
En 1786 Scheele épousa la veuve qui, neuf ans auparavant, lui
avait cédé son établissement, et mourut, le 21 mai 1786, deux
jours après son mariage, n'ayant pas encore atteint l'âge de qua-
rante-quatre ans.
C'est pendant sou séjour à Kjoping que Scheele mit au monde
la plupart des travaux qui illustrèrent son nom (2). L'Académie
roge, et découvre, à sa grande surprise, à sa grande joie, sous rhurhble tablier
de rélève en pharmacie, un chimiste profond et consonrimé, un chimiste de haute
volée, à qui se sont déjà révélés nombre de faits inconnus. » M. Dumas, Le-
çons de philosophie chimique^ p. 90.
(1) M. Dumas, Leçons de philosophie chimique, p. 91.
(2) « On raconte que le roi de Suède, dans un voyage hors de ses États, enten'
dant sans cesse parler de Scheele comme d'un homme des plus éminents, fat
pemé de n^avoir rien fait pour lui. 11 crut nécessaire à sa propre gloire de donner
\
TROISIÈME EPOQUE. 453
royale des sciences deStockhoIm, rAcadémie royale de Turin,
et la Société des scrutateurs de la nature, de Berlin, se glorifiaient
de le compter au nombre de leurs membres.
Scheele, dans sa courte apparition dans ce monde^où tant d'in-
térêts s'entre-croisent et se brisent dans d'irrésisibles chocs,
commande notre admiration et notre respect, non-seulement
comme savant, mais encore comme homme privé. Avec de petites
ressources, il fit de grandes choses. Jamais il n'ambitionna les
honneurs et les richesses. Les passions égoïstes n'eurent point
prise sur ce beau caractère. Jamais il n'avait songé à faire de la
science un marchepied.
Travanx de Aeheele*
Les ouvrages de Scheele forment une collection de mémoires
de peu d'étendue (1); mais chacun de ces mémoires renferme
souvent plusieurs découvertes à la fois.
L'histoire de la science n'avait pas encore offert un spectacle
pareil à celui que présentent parleurs travaux Lavoisier et Scheele.
L'un porte le flambeau de la philosophie naturelle dans la con-
naissance chimique des gaz ; l'autre a imprimé à la chimie miné-
rale et organique cette marche assurée qui convient à une science
essentiellement expérimentale. Si Scheele ne s'élève pas à la
hauteur de Lavoisier par l'esprit de généralisation, il lui est
peut-être supérieur dans l'application de la méthode expéri-
mentale^ et dans l'examen analytique des faits. Aussi est-il bien
rare de voir un seul homme réunir en lui à la fois l'esprit d'ana-
lyse et l'esprit de synthèse.
une marque d^estime à ua homme qui illustrait ainsi son pays , et il s^empressa
de le faire inscrire sur la liste des chevaliers de ses ordres. Le ministre chargé
de lui conférer ce titre demeura stupéfait. « Scheele ! Scheele ! c^est smgnlier, »
dit-il. L'ordre était clair, positif, pressant, et Scheele fut fait chevalier. Mais,
vous le devinez, ce ne fut pas Scheele Tillustre chimiste, ce ne fut pas Scheele
lUHMmeur de la Suède, ce fut un autre Scheele qui se vit Tobjet de cette faveur
inattendue.» M. Dumas, Leçons de philosophie chimique, etc., p. 93.
(1) Les travaux de Scheele, qui presque tous ont été imprimés, sous forme
de mémohres, dans les Actes de la Société royale de Stockholm, ont été traduits
en latin et réunis en deux volumes in-8°, sous le titre : Opuscula chemica et
phytica, latine vertu G. H. Schaefer. Edidit et prxfatus est B. G. Heben-
streU; Lipa., 1788 et 1789. — Ils furent pubUés en allemand par Fr. Hermbstaedt
{SxmmétUeke phymche und chemische Werke); Berlm, 2 vol. in-8**, 1793.
— En français : Mémoires de chimie, etc.-, Dijon, 1785, 2 vol. in-18.
454 UI^TOIRB DE LÀ CHIMIE.
De tous les travaux de Scheele, le moins parfait peut-ôtrë, et
pourtant celui qui eut le plus de renommée, c'est le Livre sur l'air
et le feu (1). Lorsque ce livre parut, on connaissait déjà les expé-
riences dé Black, dePriestley, de Lavoisier, sur l'air et d'autres
fluides élastiques. Les expériences décrites dans ce livre ont pour
objet l'absorption de l'air du feu (oxygène) par le foie du soufre,
par l'essence de térébenthine se transformant en une matière
résineuse, par le précipité vert pâle du vitriol (protoxyde de fer),
par la limaille de fer humectée d'eau, par des corps combustibles,
par le phosphore, par le soufre, le charbon, les métaux, etc.;
la préparation de l'air du feu, soit à l'aide du précipité rouge ou
de la chaux d'argent, soit au moyen du manganèse et de l'acide
vitriolique (2); l'action qu'exerce l'air du feu sur la respiration
des animaux, etc. Toutes ces expériences, dont quelques -unes
avaient déjà été faites par Priestley et par Lavoisier, mettentbien
en lumière cette pénétration qui caractérise au plus haut degré
l'illustre chimiste de Rjoping.
Mais s'agit-il de rattacher ces faits à des lois générales^ de les
expliquer dans leur ensemble par des théories philosophiques,
aussitôt sa pénétration ordinaire lui fait défaut. On s'aperçoit
aisément que Scheele n'est point là sur son véritable terrain; il
s'égare dans les doctrines du phlogistique.
De ses nombreuses expériences si ingénieusement disposées (3),
il n'arrive qu'à conclure : 1° que le phlogistique est un véri-
( 1 ) Cet ouvrage, précédé d'une préface de Bergmann, parut pour la première
fois en allemand. Chemische Ahhandlung von der Luft und Feuer, etc. (Up-
sal et -Leipzig), en 1777. Leonhardy publia en 1781 une nouvelle édition alle-
mande. — Traduction française : Traité chimique de Vair et du feu, etc.,
traduit de V allemand par le baron de Didrich, secrétaire général des Suisses
et Grisons, etc.; Paris, 1781, 12. — Supplément au Traité chimique, conieD&ni
un tableau abrégé des nouvelles découvertes sur les diverses espèces d'air, par
G. Leonhardy, des notes de R. Kirwan, et une lettre de Priestley, etc., par le
baron Dietrich; Paris, 1785, 12. — Traduction anglaise: Chemical observa-
Nons and erperimenfs on air andflre, rtc, translated from german by F.
R. Forster; Lond., 1780, 8.
(2) Scheele se servait de vessies pour recueillir les gaz. C'était la méthode de
Wrcn, dont il ne paraissait pas avoir eu connaissance. Voy. p. 250 de r^ vo-
lume.
(3) Il est parfaitement démontré, par quelques-unes de ces expériences, que
les animaux aquatiques respirent comme les animaux terrestres, qu'ils absorbent
l'air du feu (oxygène) dissous dans l'eau, et le transforment en acide aérien.
Scheele se servait d'un moyen très-ingénieux pour constater la présence de Tair
TROISliBIE ÉfOQUE. 455
table élément; 2* qu'il peut, par Taffinité qu'il a pour certaines
matières, être transmis d'un corps à un autre; 3** qu'en se com-
binant avec Vair du feu (oxygène), il constitue le calorique;
4" que le calorique (combinaison du phlogistique avec Tair du
feu), par suite de la. combustion ou de la respiration, adhère à
l'air corrompu (azote), et le rend plus léger, etc. (1).
On a lieu de s'étonner que Scheele, qui se glorifiait de ne croire
que ce qui tombe sous les sens, ait pu prendre la défense du phlo-
gistique, d'une substance chimérique que personne, pas plus que
lui-môme, n'avait jamais vue. Mais les considérations théoriques
ne vont point à la trempe de son esprit : il trébuche dès qu'il
essaye de mettre le pied sur le domaine de la philosophie chimique
où Lavoisier était maître.
Le livre De l'air et du feu est suivi d'un mémoire sur l'analyse
de l'air (2). Dès qu'il ne s'agissait plus d'émettre des doctri-
nes spéculatives, mais de faire preuve d'exactitude dans l'ob-
servation des faits, Scheele se montrait tel qu'il était, expérimen-
tateur incomparable. Dans ce (némoire, il fait voir que l'air est
un mélange de deux fluides élastiques bien distincts, dont l'un
s'appelle air vicié ou corrompu (azote), « parce qu'il est absolu-
ment dangereux et mortel, soit pour les animaux, soit pour les
du feu (laut^^Feau.: « Je prends, dit-il, par exemple, une once d^eau; j'y yerse
environ quatre gouttes d^une solution de vitriol de mars et deux gouttes d'alcali
du tartre, àfTaibli par un peu d'eau; il en résulte aussitôt un précipité d'un
vert foncé qjiA jaunit quelques minutes après, lorsque l'eau contient de Vair
du feu; mis dlms Teau bouillie et reflroidie, ou dans Peau distillée récente, en
commnnicatttdii avec Tair libre, le précipité conserve quelque temps sa couleur
verte, et ne jaunit qu'une heure environ après ; et, s'il est gardé dans des flacons
pleins et sans aucune communication avec l'air, il ne jaunit point. » — Dans
d'autres expériences Scheele signale la lumière comme faisant noircir le sel d'ar-
gent (chlorure), et il montre le premier qu'en exposant au spectre solaire un
papier imprégné d'un sel d'argent (cldorure), on le voit noircir bien plus promp-
tement au rayon violet que dans les autres rayons. — C'est donc à Scheele qyc ^
l'on doit la découverte d'un fait, sans la cpimaissaiice du<|uel on n'aurait jamais
inventé la photographie. Malheureusement c'est toujours le phlogisti<iue qui
joue, selon lui, le principal rôle dans ces phénomènes. Traité de Vair et du
feUy etc., p. Î27, p. 145 (Paris, 1781, in-12).
(1) Traité de Vair et du fùu, etc., p. 145.
(2) Quantum aeris puri in'atmosphxra quotidie insit. Acta Acad. reg.
Suec. annil779. — OpuscuL chemica etphysica,\o\, I,p. 193-199. Supplément
au traité chimique de l'air et du feu, etc., par le baron île Dielrich; Paris,
1785, in-12.
436 > HISTOIRE IIB Li CHIMIE.
.végétaux^ Taulre s'appelle air pur ou air de feu,_ parce qu'il
est tout à fait salutaire et qu'il entretient la respiration. »
Mais il importait de trouver les proportions de ces-deus flui-
des élastiques qui composent un volume d'air donné. Ov, voici
le procédé d'aoalyse qu'il avait imagÎDé. La figure ci-jointc
(reproduite d'après le mémoire original) devait faciliter l'intelli-
gence de la description. Au fond de la cuvette A, on voit un sup*
port B, où se trouve fixée une tige de verre, surmontée d'une
■peti[ecapsuIeC,po!.éesurunpetitpiateau horizontal. Cette capsule
contenait deuxparlies de limaille de fer et une partie de soufre
en poudre, humectée d'eau. Ce mélange devait absorber tout l'air
pur (oxygène), contenu dans l'air commun (atmosphérique) que
renfermai! l'éprouvetteD, renversée sur lepetit appareil BC dans
la cuvette remplie d'eau. A l'extérieur de l'éprouvelle était collée
une bande de papier E, marquant, par sa longueur, le tiers de la
napaci tédn verre cylindrique ; cette bande éuit elle-même divisée
TROISIÈME ÉPOQUE. ' ^ ' 457
en onze parties égales, de sorte que chaque trait de E indiquait le
trente-troisième du volume de Tair atmosphérique contenu dans
D. A mesure que Toxygène était absorbé, l'eau montait dans Té-
prouvette pour combler le vide. La colonne d'eau, s'élevant ainsi
•graduellement, mesurait la quantité d'oxygène enlevé à l'air par
le mélange de soufre et de limaille de fer humectée.
Ces expériences analytiques de l'air, au moyen de l'appareil
qui vient d'être décrit, furent commencées le 1^^ janvier 1778, et
continuées sans interruption pendant toute l'année jusqu'au 31
décembre. Le résultat final fut que l'air contient une quantité à
peu près invariable d'air dépblogistiqué (oxygène), et que cette
quantité est de neuf trente-troisièmes., c'est-à-dire un peu plus
de 25 pour cent.
La partie la plus importante des travaux de Scheele concerne
la chimie minérale et la chimie organique. C'est là que ce grand
chimiste adéployé tout son génie : chaque pas qu'il fait dans cette
voie est signalé par une découverte. Gomme cette partie des tra-
vaux de l'illustre Suédois est peut-être un peu moins connue que
le Traité de l'air et du feu, nous allons nous y arrêter davantage.
Nous commencerons parles mémoires les plus remarquables, sans
nous astreindre à l'ordre chronologique de leur publication. Ces
mémoires peuvent, en quelque sorte, servir de modèles : ils se
distinguent par une méthode rigoureuse, et par une concision
telle qu'ils se refusent à toute analyse^ car il n'y a pas un mot qui
n'ait une valeur déterminée, et il n'y en a pas une seule phrase à
retrancher.
Comme ces mémoires sont en général très-courts, et à peu près
tous rédigés d'après le même plan, nous allons donner ici comme
spécimen le mémoire sur l'acide citrique. Nous laissons parler
l'auteur lui-même.
Mur le «ne cl« eltron et sa erlstallisatlon (i).
Plusieurs chimistes ont essayé d'obtenir le suc de citron sous
forme de cristaux, à l'aide d'une simple évaporaUon. De ce que ce
moyen ne réussissait point entre leurs mains, ils en avaient aus-
sitôt conclu que l'acide du citron est incristallisable, bien que,
(1) De succo citri eJMsque cristallisatione. Nova Acla Acad. reg. Suc.
mil., 1781. — Crell, Chemische AnnaleUf 1784, cab. 7. — Opwcula chemica
H physica^ vol. II, p. 181-186.
* '«>
458 HisTomx de là chimie.
selon toute probabilité, presque tous les acides végétaux soienl
susceptibles de cristalliser, pourvu qu'on leur enlève les ma-
tières étrangères qui y adbèrent.
n J'ai, ajoute-ii, réduit, pari'évaporation, le suc de citron jus-
qu'à consistance de miel, et je l'ai dissous dans de i'esprit-de-vin-
concentré. Il s'est formé un coagulum qui est resté sur le filtre, et
qui consistait en une matière mucilagineuse mêlée d'une très-
petite quantité de citrate d'alr>ali {pauxillo alcali ciircUi), Espé-
rant alors que le suc ainsi purifié ne se refuserait plus à la cris-
tallisation, je fis évaporer la solution alcoolique; mais le succès
ne répondit pas à mon attente, car il ne s'était produit aucune
apparence cristalline. Ceci me conduisit à penser que l'acide
pouvait bien être encore sali par quelque matière étrangère solu-
ble dans l'esprit-de-vin, et capable de s'opposer à sa cristallisa-
tion. La suite me prouva que j'avais deviné juste; car il existe
dans l'acide du citron une matière grasse, savonneuse {materia
saponacea), qui se dissout» comme tout le monde sait, et dans
l'eau et dans l'alcool. »
Scheele rappelle ici que l'acide du tartre est extrait au moyen-
de la craie (1), et qu'il se produit, dans ce cas, un sel moyen, la
cbaux tartarisée ((ra/j: tartarisata), très-peu soluble dans l'eau. Or
la môme chose arrive pour l'acide du citron, qui forme avec la
chaux un sel très-peu soluble dans l'eau. En employant ce
procédé on obtient l'acide pur et exempt de toute matière grasse
ou gommeuse; on le sépare aisément de la chaux par l'intermé-
diaire de l'acide vitriolique.
Mettez une mesure de suc de citron limpide dans un matras
en verre d'une capacité convenable, et chauffez-le sur un bain de
sable. Dès que la liqueur commence à bouillir légèrement, vous y
ajouterez, par petites portions, de la craie desséchée, pulvérisée et
pesée,jiisqn'àceque l'acide ne fasse pins d'effervescence. Pendant
ces moments-là vous remuerez la liqueur constamment avec une
spatule de bois. Pour saturer une mesure (cant/iarus) de suc de
citron, il faut environ lOloths (100 grammes) de craie sèche. Cela
fait, onôte le matras du bain de sable, et on le place dans un en-
droit tranquille. La chaux saturée d'acide citrique {calx citrata]
( 1 ) Scheele avait communiqué ce mode de préparation de Tacide tartrique à
Retzius, qui le publia dans les Actes de l'Acad. royale de Stockholm, année 1770.
Les Opuscula chemlca et physica de Scheele ne contiennent pas de mémoire
particulier sur Tacide tartrique.
I
TROISIÈME ÉPOQUE. 459
se dépose alors sous forme de poudre. Oa enlève par décantatioa
Teau légèrement colorée en jaune qui nage sur le résidu; on lavé
celui-ci à différentes reprises avec de Peau chaude, jusqu*à ce
que l'eau décantée soit exempte de toute coloration. Ensuite on
ajoute au citrate de chaux ainsi lavé 11 loths d'acide vitriolique,
étendu de 10 parties d'eau. On remet la cornue sur le bain de
sable, et on laisse bouillir le mélange pendant un quart d'heure.
Le vaisseau étant refroidi, on jette le mélange sur un filtre ; on
lave le gypse (sulfate de chaux) qui reste sur le filtre avec un peu
, d'eau froide, afin de lui enlever Tacide du citron qui pourrait
y adhérer. On peut faire évaporer le liquide acide filtré jusqu'à
consistance presque sirupeuse, et le remettre sur le filtre, afin de
séparer le restant de gypse qui pourrait s'y trouver.
La présence de la chaux citratée empêche la cristallisation de
notre acide. Or, pour prévenir cet inconvénient, on verse dans la
liqueur quelques gouttes d'acide vitriolique étendu; s'il se forme
un précipité, il faut continuer à en ajouter jusqu'à ce que toute la
chaux soit éliminée à l'état de gypse. Alors, en évaporant l'acide
filtré une dernière fois, on verra de petits cristaux se produire.
Évaporé jusqu'à consistance sirupeuse, et exposé, après cela, à
un froid modéré, l'acide du citron se prend en beaux cristaux,
semblables à ceux du sucre candi.
Les sels neutres formés par cet acide cristallisent difficilement;
quand ils sont parfaitement desséchés, ils absorbent l'eau atmos-
phérique.
Lorsqu'on soumet à la distillation l'alcali volatil citrate (citrate
d'ammoniaque), on remarque que sa base se volatilise et que l'acide
sa détruit.
L'acide du citron produit avec la terre calcaire un sel moyen,
très-peu soluble dans l'eau. Il se combine de môme avec la terre
posante (baryte). Le sel ainsi produit est un peu plus soluble
dans l'eau que le précédent.
Combiné avec la magnésie, il donne naissance à un sel assez so-
luble dans l'eau, mais incristnllisible; exposé à la chaleur, ce sel
se convertit en une matière gommeuse transparente.
L'acide cftrique attaque à peine les métaux ; le fer et le zinc sont
les seuls qui soient dissous par lui avec dégagement d'air inflam-
mable (hydrogène).
Les solutions métalliques ne sont guère changées par l'action
de l'acide du citron, excepté les solutions acéteuses de chaux, de
460 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
plomb et de mercure, qui sont précipitées en blanc. Ces précipités
sont redissous par l'acide nitrique étendu ; dans le cas contraire,
l'acide du citron contient encore un peu d'acide vitriolique qu'on
parvient à éliminer par des cristallisations réitérées.
Scheele est l'inventeur de la méthode que nous venons de fairo
connaître. On s'en sert encore aujourd'hui pour la préparation
de la plupart des acides végétaux.
DfeovTerte d« chlore so«s le nom cl'«eldem«i*iatl«iie dé|^U«-
gîmUmMé. — Un mémoire nonmoins remarquable, maisbeaucoup
plus étendu, est celui qui ivsÀie au manganèse [magnesianigra),
et qui se trouve inséré dans les Actes de la Société royale de
Stockholm de l'année 1774 (4).
Fidèle à sa manière de procéder, l'auteur essaye d'abord l'action .
de divers réactifs sur la matière soumise à l'observation. En trai-
tant la magnésie noire (peroxyde de manganèse) par l'acide vitrio-
lique^ il obtenait un sel blanc, légèrement rosé, soluble dans Peau:
c'était le sulfate de manganèse. II n'ignorait pas qu'il se dégage,
pendant cette opération, un fluide élastique qui possède toutes les
propriétés de l'air déphlogistiqué (oxygène).
11 soumit le manganèse à l'action de tous les acides miné-
raux et organiques alors connus, et il arriva ainsi, au moyen de
l'acide muriatique, à découvrir le chlore, ou, comme il l'appelait,
Vacide muriatique déphlogistiqué.
La découverte de ce corps si important vaut la peine que nous
nousy arrêtions un moment. « Je versai, dit Scheele, une once d'a-
cide muriatique sur une demi-once de magnésie noire en poudre.
Au bout d'une heure je vis ce mélange à froid se colorer en jaune;
en le chauffant, il se'développa une forte odeur d'eau régale (2).
« Afin de me rendre compte de ce phénomène je me servis
du procédé suivant : j'attachai une vessie vide à l'extrémité du
col de la cornue contenant le mélange de magnésie noire et d'a-
cide muriatique. A mesure que la liqueur continuait à faire effer-
vescence, la vessie se gonflait; l'effervescence étant arrêtée, j'ôtai
la vessie. Celle-ci était teinte en jaune par le corps aériforme qu'elle
contenait, exactement comme par l'eau régale. Ce corps n'estpoint ;
1
(1) De magnesia nigra: Acta Acad. reg. Suec, anni 1774. Opuscula cheraica
etphysica, éd. Schaeffer et Hebenstreit ; Lips., 1788, 8, vol. I, p. 227-281.
(2) Opuscula chemica et physica, vol. I, p. 232.
TROISIEME ÉPOQUE. 461
de Tair fixe (gaz acide carbonique) (i); son odeur, extrêmement
forte et pénétrante, affecte singulièrement les narines et les pou*
mons; En vérité, on le prendrait pour la vapeur de Teau régale
chauffée {pro halitu ^quœ regiœ calefactœ haberes). Quiconque
voudra connaître la nature de ce corps devra l'étudier à l'état
de fluide élastique (2). »
Pour recueillir ce gaz, Tauteur conseille de se servir^ au lieu
d'une vessie, de bouteilles pleines d'eau, renversées sur des cu-
vettes remplies du même liquide.
Voici la description qu'il fait des propriétés de Vacide muria*
tique déphlogistiqué (chlore) :
ai Ce fluide élastique corrode les bouchons des bouteilles où
il se trouve renfermé, et les teint en jaune; il attaque de même
le papier;
6. Il blanchit le papier bleu de tournesol, et détruit la couleur
rouge, bleue, jaune des fleurs, et même la couleur verte des feuilles.
Pendant cette action, il se convertit, eti présence de l'eau, en acide
muriatique ;
' c. Les fleurs ou les plantes ainsi altérées ne peuvent recouvrer
leurs couleurs primitives, ni par les alcalis, ni par les acides;
d. Il épaissit les huiles et les graisses, et même l'essence de té-
rébenthine ;
e. Mis en contact avec le cinabre, il donne naissance à du su-
blimé corrosif, en éliminant le soufre du cinabre ;
f. 11 attaque le vitriol vert (sulfate de fer) et le rend rouge. Il
ne fait pas changer d'aspect aux vitriols bleu et blanc ;
g. Il dissout le fer. Cette solution, chauffée avec de l'huile de
vitriol, laisse dégager de l'acide muriatique pur, qui ne dissout
pias l'or ;
A. Tous les métaux sont attaqués par l'acide muriatique déphlo-
gistiqué (chlore). Il est à remarquer que la solution d'or, traitée
par l'alcali volatil (ammoniaque), donne un précipité de chaux
(oxyde) fulminante ;
t. L'esprit de sel ammoniac (gaz ammoniac) produit, au con^
tact du corps en question, des vapeurs blanches;
k. Combiné avec l'alcali flxe minéral (soude), l'acide muriatique
(1) C'était le premier et alors le seul fluide élastique bien connu, grâce aux
travaux de Black et de Bergmann.
(2) Opusculachemica et physka, vol. I, p. 248, 2i9.
462 HISTOIRE DE Li cuiims..
déphlogistiqué forme le sel de cuisine qui décrépite surles. char-
bons ardents;
/. Il rend l'arsenic déliquescent;
0t. Il tue sur-le-champ les insectes; ,
n. Il éteint immédiatement la flamme (1).
Maintenant, quelle est la composition de ce corp$ nouveaa?
C'est ici que Scheele retombe dans la théorie du phlogistique. La
magnésie noire enlève, selon lui, le phlogistique de l'acide muria-
tique, en le transformant en acide muriatique déphlogistiquéi
Le grand chimiste était, sans s'en douter, bien près de la vérité.
En effet, substituez au phlogistique l'hydrogène (air inflammable)
et vous aurez l'acide muriatique (chlorhydrique) déshydrogéuéy
c'est-à-dire le chlore.
En poursuivant ses recherches sur la magnésie noire, il arrive à
constater que cette substance, chauffée avec un mélange d'acide
vitriolique et de sucre, de gomme etd'autres matières semblables,
donne, à la distillation, un acide tout semblable au vinaigre le plus
fort : c'était l'acide formique. — L'acide oxalique (obtenu en
traitant le sucre par l'acide nitrique) et l'acide formique sont les
premières matières organiques qui aient été préparées chimique-
ment par l'intervention de substances minérales.
Caméléon minéral. Mang^anége. — Scheele découvrit le camé-
léon minéral en chauffant un mélange de nitre pulvérisé et de
magnésie noire. Il explique par l'action de Pair, et surtout de l'air
fixe, les phénomènes de coloration que présente la masse verte
obtenue par la fusion du nitre avec le manganèse (2). Il remarqua
que le verre, coloré en rouge par la magnésie noire, redevient in-
colore lorsqu'on le fait fondre sur du charbon (3).
Enfin, après avoir très-bien décrit les propriétés de la'magné-
sie 'noire accompagnant partout le fer, jusque dans les cendres
des végétaux, il arrive à établir que la magnésie noire diffère es-
sentiellement de toutes les terres connues, et qu'elle n'est pas
un élément simple.
Ce dernier poinl avait particulièrement éveillé l'attention de
Bergmann, qui annonça, dans la mêmeannée 1774, que la magné-
(1) Opuscul. chemica et phyic, vol. !, p. 250-252.
(2) Ibid.y\o\. 1, \). 2C3.
(3) lbid.,\i. 272.
TROISIEME ÉPOQUE. 4G3
sie noire était la chaux (oxyde) d'un métal particulier, et que ce
métal, qu'il appelait magnésium (manganesium), était au moins
aussi difficile à fondre que le platine. Gahn, s'occupant alors du
même sujet, parvint, avant Bergmann, à obtenir le manganèse à
rétat de régule. Cependant Bergmann donna le premier Thistoire
du manganèse métallique (1).
Une chose digne de remarque, c'est que ce n'est pas l'ex-
périence directe, mais Tinduction, qui a amené la découverte
du maganèse. Voici comment on avait raisonné. La magnésie
noire colore le verre; sa densité est très-considérable; ses disso-
lutions dans les acides sont précipitées par le sel lixiviel du sang
(cyanoferrure jaune de potassium). Or tous ces caractères sont
communs aux chaux métalliques, et aucun d'entre eux n'est appli-
cable aux terres (chaux, argile, etc.). Donc, la magnésie noire doit
être, non* pas une terre, comme on le prétend, niais une chaux
métallique.
' Par les détails qui précèdent, nouscroyons avoir donné une idée
suffisante de la méthode de Scheele, pour nous permettre de ne
faire qu'une analyse rapide de ses autres travaux, dont chacun
est marqué par une découverte.
Terre pesante^ terra ponderosa [baryte), — Pour démontrer que
la terre du spath pesant (sulfate de baryte) est tout à fait différente
de la chaux, Scheele calcina, dans un creuset, un mélange pâteux
dece spath, dépoussière de charbon etde miel, et attaquala masse
hépatique (sulfure de baryum) par l'acide muriatique. Il obtint
ainsi une dissolution (chlorure de baryum) qu'il précipita par une
lessive de potasse. Vient ensuite Ténumération de tous les carac-
tères propres à distinguer ce précipité blanc (carbonate de baryte)
de la chaux (2).
(1) Bergmann, Opuscula physica et chemica, vol. II, p. 201. — Gahn par-
vint à obtenir le régule de manganèse par le procédé suivant : li enduisit Tinté-
vîeor d'un creuset de poussière de cliarbon humectée d'eau ; il mit, avec de
Phuile, dans ce creuset, une petite quantité du minéral réduit à Tétat de pâte et
sous forme de boule, et il le i^mplit de poussière de charbon. U luta un autre
cr^pset sur celui-ci, et exposa le tout pendant quatre heures aune clialeur très-
Intense, n trouva au fond du creuset un bouton métallique, ou plutôt un certain
tlombre de petits globules métalliques, dont le poids correspondait à 0,33 de
Celui du minéral employé.
(2) Gehn avait analysé en 1775 le spath pesant, et l'avait trouvé composé d'à-
î|de vitriolique et de terre pesante (baryte), découverte par Scheele-
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464 HlBTQIBB'lll U
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Biea qae l'auleur D*«i tpnblié sa disserUlioti car la tem ^mott
IQQ^en 1779 (i)* il avait déjà comuûssanoé de ce oonfiBatt coarpt ta
1774; car il en fiiit mention dans son mémoire Smr^lm.miêjii^
mire (8). .
C*est Gnyton de Morveau qui donna \ la terre pesante lé nom
de baryie (de ^apuc, pesant). Cenonra été depuis' miiveneHéniNit
adopté. • - ; ■=
1-
lie fl««r mùnéfMl si Mta adUto (3). — L'examcD diî llqor &it
un des premiers trayauz de Scheele. L'illustre chimiste déboimit
que, lorsqu'on traite le spath fluor par racide suifliriqae* il se
dégage des yapeurs acides qui attaquent le verre de la oomveilè
papier, le lut, etc. , et qui diffèrent de tous les autres acides çqiuibs.
L'acide ainsi obtenu était l'acide /buhêitieique, iet ranteur^i^âYtit
. parfaitementremarquéquela croûte pierreuse qui se formait dam
le vase rempli d'eau, destiné à recueillir cet acide, n'étaitjNOte
chose que de la silice pure. Il conclut d'une série. d'ezpérkneei
que cette silice provenait de l'action combinée de Vnic^df^ du Inor
et de l'eau (4).
Mais Wiegleb et Buchholz allèrent plus loin : ils 4rwt v(^ foe
la quantité de cette silice se trouvait d'un poidsexactendêôt^à
celui dont la cornue avait diminué dans l'expériencetv et îf^
acheva de prouver que cette l^ilice provenait du verre.
Quelques chimistes français, Âch(ird, Monnet, et le pseudonyme
Boulanger, élevèrentdes doutes surl'existencedecetacide, appelé
alors acide fluor ique. Scheele, pour réfuter leurs objections, en-
treprit une nouvelle suite d'expériences qui confirmèrent complé- I
tement sa découverte (5).
On n'est pas encore parvenu à isoler le fluor, appelé aussi
phthore, parce qu'il attaque tous les vases où l'on cherche à te
recueillir.
(1) Beschxftigungen der Berlinischen Gesellsdiafê naturfwmskenéff
Freunde;^^' B. 1779. — Examen ckemicum de terra ponderosa, Opuscflb
'chemica, yoI. II, p. 262.
(2) Demagnesia mgra^ Opnscula chemica, toI. I, p. 144.
(3) Examen chemicum /luoris mineralis jusque acidi; Act. Acad.Kg. Sae6<
aiin. 1771. Opuscula chemica, vol. II, p. 1-22.
(4) En effet, l'acide fluo-sUiciqae (fluorure de silidom) dé6on|K>ts FeMh^']
donne naissance à de la silice et à de l'acide Auorhydrique.
(5) Annotationes de fluoré mineralis Noya Acta Acad. reg. Siiec.. am. tW-
Opuscula chemica, toI. Il, p. 92-100.
' TROISIÈME £POQUS. 465
IVfNtTel aelde cleraneiile(i). — On connaissait, depuis fort
longtemps, l'arsenic blanc (2), auquel Fourcroy donna le nom
d'acide arsénieux. Scheele obtint le second acide de Tarsenic,
appelé aujourd'hui acide arsénique, en évaporant jusqu'à siccilé
un mélange de 2 parties d'arsenic blanc pulvérisé, 7 parties
d'acide muriatique, et 4 parties d'acide nitrique; le résidu de Téva-
poration était l'acidearsénique, dont Scheele décrivit la plupart
des propriétés, et en fit le premier l'histoire presque complète.
Vert de Selieele (3). — Scbeele préparait la couleur verte, qui
porte son nom, en ajoutant à une solution de vitriol bleu une so-
lution d'arsenic blanc et de potasse. A cette occasion, il nous
avertit que l'arsenic blanc qu'on vend dans le commerce est
souvent sophistiqué avec du plâtre, et que le meilleur moyen
de s'assurer de cette fraude consiste à en projeter quelques
parcelles sur une lame chaude : et Si tout se volatilise, c'est,
dit-il, un indice que l'arsenic n'est point falsifié. »
llol7iidèBe'(4).— Le minerai de molybdène, appelé par Crons-
tedt molyhdxna membranacea nitens, avait été, jusqu'alors , con^
fondu avec là plombagine. Scheele en ût l'analyse, et le montra
composé de soufre et d'une poudre blanchâtre à laquelle il re-
connut les propriétés d'un acide particulier, appelé depuis acide
molybdique. Bergmann, présumant que ce corps devait être une
chaux métallique, engagea, en 1782, Hielm à s'occuper de ce
sujet. Hielm parvint, en effet, à en extraire un métal particulier
qu'ilnommawo/yôdéne ou régule de molybdène (5).
La dissertation sur l'acide du molybdène fut, l'année suivante
(i779), suivie d'une autre Sur la plombagine (6), substance ainsi
{i)De arsenico jusque acido; Acta Acad. rog. Suce, aniû 1775. Opuscul.,
etc., vol. II, p. 28-66.
(2) Voy. plus haut, t. I, p. 483.
(3) De pigmento viridi novo ; Acla Acad. reg. Suec, aniii 1778.
(4) De molyhdxna; Acta Acad. reg. Suce, anni 1778. — Opuscula chcmica,
vol. I, p. 200-213.
(5)Le nom de molybdène vient de (ioXv66aiva, nom que les Grecs donnaient à des
minerais de plomb, et parliculièrcment à la galène. Hielm obtenait le molybdène
métallique en formant une pâte avec Tacide molybdique et de Phuile de lin, et
en la chaaft'ant dans un creuset à un feu très-Tif.
(6) De plumbagine ; AcUi Acad. reg. Suec. anni i779, p. 214-222. Opuscula
chemica, vol. I, p. 214-222.
HIST. D£ LA CBIMIB. — T. II. 30
I
1
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. • ■ - - ■ • ■ - ■• / • ■••...«'...•»•
.' . , ■ . ■ * ■'.■•>-■■*...-
^ caractérisée par CranatedI rMp/yjM^MiMtera«i<«Mff iÇiifiPiNh
tela.Scheele prouva . aoalytiqueinQBt qQAJbi>|4m^E^
autre chose 4iue ducharboo mêlé à dea trîtcee de JioàiUt^^iir,:
. ihéMMit» del» gljwye >wt« j>#>élée twBgpUhi» ffli^f^fr Ii0l
mînéralogules avaient josqu'alorsconffldéréleounemiblraoi,^^
i canse de sa pesanteur, avsdt reçu le nom deitM^M^> .ootagie
une mine d'étain ou de fer contenant une terre incoQ»Ue.^^/^nMi:
ealeiformey terra quadam incogniia intime mixtum (Gronst^l).
Scheele montra par l'analyse que ce minerai se eomiidtoëe«h||la
et d'une substance blanche, pulvérulente^ qu'il appels Miêi'ik
tungsten (acide tungstique). Il en décrivit parflutamefiiJè8'')ii6--
priétéschimiques^etles caractères qui le distinguent dfel^ufdetawk
lybdique, avec lequel Tacide du tungstène a de 1 -analogie. ' ^ ^ i-
Comme pour l'acide molybdique, Bergmann i^résntMif que ;
l'acide tungstique était la chaux d'un métal paiticolier (S); fioft. .
frères d'EIhuyart confirmèrent pleinement cette hypothèse^ eb^ili-^
duisant l'acide tungstique (retiré du minerai appelé uwlfram
par les Allemands ) en un bouton métalUqued^inbniâL*Jbittié^l
• ■ ■. '• ' '. ■■*■■. ^ •■ j!' "
meii4ePr«Me{4). — On pourrait écriretoutbn tolmbé flw
' l'histoire du bleu de Prusse, et^sur les théories qui ont été vcio-
cessivement émises sur la formation de cette substance, si im-
portante pour les arts. La découverte du bleu de Prusse est due
au hasard, c'est-à-dire qu'on n'y avait pas été conduit par le rai-
sonnement. Un Prussien, nommé Diesbach, préparateur de cou-
leurs à Berlin, avait acheté de la potasse chez Dippel, fabricant
de produits chimiques (le même qui ayait trouvé l'huile animale
particulière qui porte son nom), pour précipiter une décoction
de cochenille, d'alun et de vitriol vert (sulfate de fer). Diesbach
fut bien surpris d'obtenir, au lieu d'un précipité rouge,*une pou-
dre d'un très-beau bleu. Il fit part de ce phénomène à Dippel,
(1) De pri7icipiU lapidis ponderosi ; ^OY^AciàAcaA, Te%.SQec. anni 17SI.
— Opuscul. chcmica, Tol. II, p. 119-126.
(2) r. Bergmanni addimenium ad dissertât, pra'cedentem ; Opuscula clit-
jnica, vol. II, p. 127-131.
(3) Ce tungstène métallique avait été préparé en chauffant à un feu très-vio-
lent Tacide tungstique avec de la poussière de charhon, dans un creuset femé.
(4) De materia tingente cxrulei Berolinensis ; Nova Acta Aead. rcg. Soec.
annorum 1782 et 1783^ — Opuscula chemica, V(d. I, p. 148-174.
TEOISI&MB ÉPOQUE. . 4Q7
qui se rappela aussitôt queralcali (potasse) quil Tenait de vendre
avait été calciné avec du sang, et avait servi à la préparation de
son huilé animale. Cette découverte eut lieu en 1710; cependant
son histoire ne fut rendue publique que longtemps après.
La préparation de cette couleur^ qui, sous le nom de bleu de
Prusse (en allemand Berliner blau; bleu de Berlin), était devenue
un objet lucratif de commerce, demeura secrète jusqu'à l'année
1724, époque où Woodwàrd publia un procédé dont la connais-
sance lui avait été indiquée par un de ses amis d'Allemagne (1).
D'autre part, Brown avait trouvé qu'on pouvait, dans la préparation
de l'alcali, substituer au sang la chair de bœuf et d'autres ma-
tières animales; que l'alun ne servait qu'à étendre la couleur, et
que la teinte bleue était produite par l'action de l'alcali (calciné
avec le sang) sur le fer du vitriol vert. Geoffroy, pour se rendre
compte de la formation du bleu de Prusse, supposa que le sang
ou toute autre matière animale communique à Talcali (potasse) le
phlogistique nécessaire pour révivifier le fer du vitriol vert; de là
le nom ^' alcali phlogistique^ donné primitivement au cyanure de
potassium. Cette théorie fut adoptée par presque tous les chi-
mistes contemporains (2).
Macquer ayant entrepris, en 1752, à cet égard, de nouvelles
recherches, fil voir qu'il y a dans le bleu de Prusse, outre le fer,
une autre substance, séparable par un alcali pur et, que l'alcali,
tenu en ébuUition avec le bleu de Prusse, se sature complètement
de cette substance, qu'on pourrait appeler la matière colorante^
qui accompagne le fer. Guyton de Morveau présenta une nouvelle
théorie en 1772; cette théorie suppose l'alcali phlogistique com-
biné avec un acide particulier qui jouerait le principal rôle dans la
formation du bleu de Prusse. Selon Sage, cet acide était l'acide
phosphorique. Lavoisier réfuta cette théorie*
Tel était l'état de la science, lorsque Scheele fît paraître, en
1782 et 1783, deux mémoires Sur la matière tinctoriale du bleu
de Prusse, dans lesquels il démontra que cette substance con-
tient un produit subtil qui peut être extrait de l'alcali phlogis-
tique parles acides, et même par l'acide aérien, et que c'est ce
produit qui contribue essentiellement à la formation de la cou-
Ci) p^i/osop/i. Transaci., voLXXXIIl, 15. —Le procédé consistait à traiter
une solution (jl'alun et de sulfate de fer par de la potasse calcinée avec du sang.
(2) Voy. plus haut, pag. 385.
30."
468 HISTOIRE DK LÀ G1U|ÇI£.
leur bleue (1). Ce corps, qu'il appelle materia tingens, est ce que
G.detiofyesLunommdiacideprussique^ nom qui depuis a prévalu.
•Il conclut de plusieurs expériences que cette materia iingens
était un composé d'ammoniaque et d'huile; mais, la synthèse ne
confirmant pas sa théorie, il pensa que ce devait être un composé
d'ammoniaque et de charbon. Pour vérifier son hypothèse, il
mit dans un creuset un mélange de parties égales de charbon pul-
vérisé et de potasse, qu'il maintenait pendant un quart d'heure
à une chaleur rouge ; il ajouta à ce mélange du muriate d'ammo-
niaque par petits fragments, et il continua à le chauffer jusqu'à ce
qu'il ne s'en dégageât plus de vapeurs ammoniacales. L'opération
terminée, il fit dissoudre le résidu dans une certaine quantité
d'eau; et il trouva à cette dissolution toutes les propriétés du prus-
siate alcalin (cyanure de potassium). Une chose digne de remar-
que, c'est qu'il n'en signale nullement les propriétés vénéneuses.
BerthoUet répéta, en 1787, ces expériences de Scheele. Il dé-
montra que le bleu de Prusse est composé d'acide prussique,
d'alcali (potasse) et d'oxyde de fer, et qu'on peut l'obtenir en cris-
taux octaédriques (2).
lie lait et son aeide (3). — Après s'être un moment arrêté sur
l'action des acides et sur la solubilité du caséum dans les alcalis,
l'auteur constata, par voie d'analyse, que ce principe du lait ren-
ferme une terre eLnimslQ [terra animalis)j composée d'acide phos-
phorique et de chaux, dans les proportions d'environ là 1, 5 p. c.
le caséum étant bien desséché. Le sérum qui contient le sucre de
lait s'aigrit par sçn exposition à l'air. Pour obtenir l'acide du
lait, Scheele s'y prit de la manière suivante : il évapora un hui-
tième de petit-lait; il le mit sur un filtre, et satura la liqueur
acide par la chaux. A l'aide de l'acide de l'oseille (acide oxalique),
il sépara la chaux de l'acide lactique. La liqueur filtrée fut de
nouveau soumise au même réactif, afin de lui enlever les der-
nières traces de chaux, puis elle fut évaporée jusqu'à consistance
de miel. Enfin, il traita la liqueur par l'alcool, qui dissout l'acide
lactique en laissant le sucre de lait intact. La solution alcoolique
(1) De materia UHçente catulei Berolhkensis ; Nova ÂcU Acad. reg. Svec.
ttUDonim 1782 et 1783; Opuscula chemica, vol. II, p. 148-174.
il) Voy. plus loin les tracaux de BerthoUet.
(3) De lacté ejusque acido; Nova Acta Acad. reg. Suec. anm 1780. Opas-
coia clieniica, vol. Il, p. 101-118.
TROisiiMS iSpoquie. 469
filtrée fut étendue d*eau et soumise à une légère distillation;
Talcool se volatilisait, et ce qui restait était de Peau contenant
l'acide lactique aussi pur que possible. .
Tel est le procédé indiqué par Scheele. Après avoir très-bien
décrit les propriétés de ce nouvel acide, il termine en affirmant
que ce dernier présente beaucoup 'd'analogie avec le vinaigre,
sans être cependant un produit identique.
. PFiaetpedowxdeshniies (1). — Scheele découvrit que lesbuiles
et les graisses contiennent toutes une matière sucrée, entièrement
différente de celle qui se rencontre dans les végétaux. Pour Tob-
tedir le plus commodément, il faisait bouillir une partie de ii-
tbai^e avec deux parties d'huile d'olive récente et un peu d'eau«
Lorsque le mélange avait acquis la consistance d'onguent, il le
laissait refroidir et décantait l'eau. Cette eau, évaporée jusqu'à
consistance sirupeuse, contenait la matière sucrée en question. Il
remarqua que cette matière, qui reçut plus tard le nom de gly-
cérine, diffère du sucre : 1° en ce qu'elle ne cristallise point ; 2" en
ce qu'elle supporte une chaleur beaucoup plus forte, et qu'elle
passe en partie non altérée dans le récipient ; 3<> en ce qu'elle n'est
pas susceptible de fermenter.
li^aetde del'osetUe (2). — On n'a pas été généralement d'accord
sur la question de savoir à qui des deux, de Bergmann ou de
Scheele, il faut attribuer la découverte de l'acide oxalique. Ce qu'il
7 a de certain, c'est que Bergmann aie premier décrit, sous le
nom d'acide du sucre ou d^ acide saccharin^ toutes les propriétés
et indiqué la composition de l'acide de l'oseille. Mais Bergmann
, croyait son acide différent de celui de l'oseille (3). Scheele, avec
sa sagacité bien connue, constata, à son tour, l'identité de l'acide .
du sacre avec celui de l'oseille. Il fait remarquer, au sujet de
l'extraction de l'acide de l'oseille, qu'il faut préférer l'acétate de
plomb à la chaux, parce que l'acide vitriolique ne déplace pas
tout l'acide oxalique, qui a la plus grande affinité pour la chaux.
(1) De mater ia sctccharina peculiari oleorum expressorum et pinguedi'
nu/n; Nova Acta Acad. reg. Suec, anni 1783. Opuscula chemica, vol. Il,
p. 175-180. — Crell, chemische Annalen, 1784.
(2) De terra rhubarbari et acido ttcetosellas; Nova Acta Acad. reg. Suec.
anni 1784. 0(>usca1a chemica, vol. If, p. 187-195.
(3) Voy. plus haut, p. 445 de ce volume.
470 HISTOIRE t>E LA CHDfIS.
L'oxaiate de plomb est ensuite» comme dans le procédé ordinaire,
décomposé par l'acide Yitriolique : le vitriolate de plomb reste
sur le filtre, et l'acide oxalique passe dans la liqueur.
L'aeide des pommes et des baies (i). La découverte de Tacide
citrique avait donné à Scheele Tidée de s'assurer si l'acide des
pommes, des baies et d'autres fruits aigres était le même que
l'acide du citron. Il ne larda pas à se convaincre que ces fruits
renferment, pour la plupart, un acide particulier qui n'eat pas
précipité par la chaux, comme l'acide du citron ; il mit dès*l'ors en
usage le procédé dont il s'était servi pour l'extraction de l'acide
de l'oseille. Il décrivit les propriétés de l'acide des pommes, ap-
pelé depuis acide malique (du latin mahim, pomme), et annonça
que cet acide est incristallisable, qu'il forme avec les alcalis des
sels déliquescents, qu'il donne avec la chaux un sel cristallin en
grande partie soluble dans l'eau bouillante (tandis que le citrate
de chaux n'y est pas soluble); que le malate de chaux est soluble
dans un excès du même acide ; que l'acide malique peut être
facilement, à l'aide de l'acide nitrique, converti en acide acé-
tique, etc. Il dressa la liste des fruits les plus riches ^n acide mali-
que et en acide citrique. Les végétaux dont les fruits contiennent
beaucoup d'acide citrique et très-peu d'acide malique sont :
l'airelle rouge dont il distingue deux espèces, le vaccinium
oxycoccus,ei le vaccinimn vitis idœa, le merisier ipniniis padus),
la douce-amère {solaniwi dulcamara)\ les fruits qui, au con-
traire, contiennent à peine des traces d'acide citrique et beaucoup
d'acide malique, sont : répinc-vinette {berberis vulgaris), le sureau
{sambucusnigra), \Ripvunc\\c{2)rioiusspinosa), la sorbe {sorbusau-
cvparia), la prune {prunus domestica) ; enfin les fruits qui sont
aussi riches en acide citrique qu'en acide malique sont : la
groseille h maquereau {ribea grossulaha), la groseille commune
{ribcs rubrum), l'airelle {vaccinimn myrtillus) , la prune {pmnus)^
la cerise [cerasus), la fraise {fragaria vesca), le fruit de la ronce
[ntbus chamiemorus), la framboise {rubus idxus).
Du sel essentiel (acide) de noix de fl^alle (2). Scheele avait, le
(1) De acido pomorum et baccarum; Nova Acta Acad. rcg. Suec. anni
1785. Opusciila chemica, vol. II, p. 196-208.
(2) De salç esserUiali gallarum; Nova Acta Acad reg. Suec. anni 1786.
opuscula chemica, vol. 1, p. 224-228.
IrftOISlilfX EPOQUE. 471
premier, remarqué que le sédiment cristallin; qui se dépose dans
une infusion de noix de galle exposée à Tair, possède les pro-
priétés d'un acide. Il donna, dans une courte notice, une descrip-
tion exacte de cet acide (air gallique), dans la formation duquel
l'air intervient chimiquement.
Delaiiatiirecieréther(i). — Ce mémoire renferme des détails
de procédés extrêmement ingénieux, dans lesquels la magnésie
noire (peroxyde de manganèse) joue un rôle important. L'auteur
annonce qu'un mélange, composé de 2 parties de magnésie noire,
de i partie d'acide vitriolique et de 2 parties d'esprit-de-vin
concentré, entre bientôt en effervescence sur un bain de sable
légèrement chauffé, et donne immédiatement naissance à de l'é-
ther ; mais qu'en augmentant le feu on n'obtient que du vinaigre.
En substituant à l'acide vitriolique l'acide muriatique ou d'autres
acides, il obtenait des liqueurs éthériformes très- variées. II parle
ensuite des grandes difficultés qu'on éprouve dans la préparation
de l'éther acétique, et il ajoute que, pour les faire disparaître,
il faut préalablement mêler le vinaigre avec un peu d'acide mu-
riatique ou d'acide vitriolique, dont la présence hâte la formation
de l'éther acétique.
Examen chimique d'un calenl nrinalre (2). C'est dans cette
dissertation que l'on trouve quelques indications sur l'existence
de l'acide urique (lithique) dans l'urine, et sur les moyens de l'ob-
tenir. Bergraann s'était occupé du même sujet, et avait, presque
en même temps que Scheele, découvert dans l'urine une matière
blanchâtre de nature acide, qui, chauffée avec l'acide nitrique,
prenait une couleur rouge. *
Nous venons de donner une rapide analyse des travaux de Schee-
le. Nous ne ferons que citer les titres des mémoires suivants,
très-courts d'ailleurs et d'une importance beaucoup moindre :
Recentius CLeris. ignlsethydrogonix eœamcn (3) ; — De salium neu-
{{) Expérimenta alque adnolaiiones super xtheris naturaj Nova Acta
Acad. reg. Suec. anni 1782. Opuscula chemica, vol. Il, p. 132-144.
(2) Examen chemicum calculi urinarii; Acta Acad. reg. Suec. anni 1776,
OpDSCula chemica, vo!. II, p. 73-79.
(3)Crell, chemhche Annnlen, 1785, vol. T, p. 229. — Opuscula chem., vol. 1.
p. 477-192.
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tralitmprineipH$calceifhm àatf /tfffodtoo/v«fùtti(i);*-r A^iASbfgp
argilla et alumine (2); -^ .O0 ^notni mettodo 0wnirîtwn <iiA^
parandt (3) ; *— Ite pulveté algarotki eamnMEUiu mkiar&mÊqmim'
pensis parando {A); *^ De aeeH bonitaie emuerwmda (6^; — À
ferro aeidophotphorisaiurato et sale perMo (6); — i)ff terrmHm'
barbari in pluribiu vegetaiibus pr»$mUia (7) ; — De prmpurmikiie
magneds alb3 (8); — AdbMiaiUmeê de pf/rophofo (9) ; . — JmH*
tnadverdonee de cenusa alba (10); — De êale bens^ê (il).
'■' En passant en revue ces travaux divers» onsedemandeavecélnl-
nément comment un[seul homme a pu, dans l'espace de seûseinsi
faire tant de découvertes. Le chlore (acide muriattque déphlogis^
tiqué), la baryte» le molybdène (acide molybdîque), le tangstèno
(acicle tungstique), l'acide fluo-silicique, l'acide arsénique, T^citie.
prussique, Tacide lactique « l'acide citrique, l'acide p3caUqae,
l'acide tartrique, l'acide malique, l'acide galiique, le princ^'
doux des huiles, le caméléon minéral, la composition de l'air,
tels sont les titres de Scheele à la reconnaissance de la postérité. .
§34.
A côté de Scheele vient se placer Priestley. L'un et l'autre, tout
en inaugurant par leurs travaux une ère nouvelle, restent néan*
moins attachés aux doctrines anciennes. Fidèle à la théorie du
(1) Acta Acad. reg. Suec. anni 1779. — Opascul. chem., vol. I, p. 223-226.
(2) Acta Acad. reg. Suec. anni 1776. — Opuscul. chem.,yol. II, p. 67-72.
(S) Acta Acad. reg. Suec. anni 1778. — Opuscul. chem., vol. H, p. 80-84.
(4) Acta Acad. re^. Suec. anni 1778. — Opuscul. chem., vol. H, p. 85-89.
(5) Mova Acta Acad. reg. Suec. anni 1782. Opuscul. chem., vol. II, p. 145-
147.
(6) Nova Acta Acad. reg. Suec. anni 1785. —Opuscul. chem., vol. II. p. 209-
217.
7) Nova Acta Acad. reg. Suec. anni 1785. — Opuscul. chem., vol. U,p. 218-
220.
(8) Nova Acta Acad. reg. Suec. anni 1785. — Opuscul. chem., vol. Il,
p. 221-223.
(9) Crell, chemische Annalen, 1786. — Opuscul. chem., vol II, p. 258-
261.
(10}Goettrmg, Almanach oder Taschenbuch, etc., 1788.— Opuscul. chem.»
vol. II, p. 266-267.
(11) Acta Acad. reg. Suec. anni 1775.- Opuscul. chem., vol. II, p. 23-27.
TROISlilOS ÉPOQUE. 473
phlogistique, Priestley, tout comme Scheele, se montra cons-
tamment opposé aux principes établis par Lavoisier, qui ren-
versa l'édifice de Stahl, contre lequel étaient venus jusqu'alors
échouer les meilleurs esprits.
Presque toutes les branches des connaissances humaines étaient
familières à Priestley. La théologie, la philosophie, la physique,
la chimie, la politique môme, perpétueront dans leurs annales le
nom de Priestley. On ne sera donc pas étonné si nous n'indiquons
ici que les points les plus saillants de la vie de ce penseur d'élite,
qui se trouva en rapport avec les personnages les plus éminents
de son époque.
Joseph Priestley naquit à Fieldhead, dans le Yorkshire, le
30 mars 1733. Issu d'une famille presbytérienne, il passa sa jeu-
nesse dans l'étude des dogmes religieux et des langues classiques;
il apprit le latin, le grec et Thébreu, la connaissance des langues
étant considérée par les protestants comme la base de la théo-
logie. L'éducation que reçut Priestley devait se réfléchir dans les
différentes phases de sa vie. Au sortir de ses classes, il fut nommé
prédicateur d'une congrégation à Needham-Market; trois ans
après, il obtint un emploi pareil à Hamptwich, où il fonda une
école primaire ; c'est là qu'en faisant devant ses jeunes élèves des
démonstrations à l'aide des machines électrique et pneumatique,
il sentit naître en lui une véritable passion pour la physique. Il
composa aussi pour ses écoliers une grammaire anglaise qui eut
beaucoup de succès, et qui, bien plus que sa polémique religieuse
et ses démonstrations de physique, avait attiré l'attention des
chefs de l'Académie dissidente de Warrington ; car Priestley fut
appelé, en 1761, auprès de cette Académie pour enseigner les
langues : c'est dans la même année qu'il se maria. Pendant son
séjour à Warrington, il publia son Essai sur un cours d' éducation
libérale^ un Essai sur le gouvernement ^ et ses Tablettes biographi-
ques. Un voyage qu'il fit à Londres lui avait fourni l'occasion de
se lier avec Franklin et Price, qui l'encouragèrent à publier son
Histoire de Vélectricité. L'amitié qu'il avait vouée à ceS deux
hommes célèbres ne s'est jamais démentie une seule fois dans le
long cours de sa carrière. Son ouvrage sur l'histoire de l'électri-
cité lui ouvrit en 1767 les portes de la Société royale de Londres.
Priestley, qui avait alors trente-quatre ans, quitta Warrington,
et alla s'établir à Leeds. C'est là qu'au milieu de ses controverses
théologiques, il s'occupa de ses expériences si remarquables sur
«'. -
I
.^1 .• ■*'■* '' * •■■I "■" ■• V- '.' " •■ ~^ '
-474 ' vméâà^à^'tÊima. . ''
l'air fixe (ga» acide carbeiiKiiie)» inrlegai^.iAA^ (Uwjè^^AV .
zote), sur l'air déphlogistiqué <ox3fj^e)> doolr^iiùlft M^^
compiephis loit). II.coiûmHniqaa ponrlàj^înift'riifeift Wi^fttt^ •
de ces expériences, en 1772, à la Société royaleV^^qui loi dAsaina
la médaille de Gopely, destinée au meilleur (rkvii) depihytjt^e
IlEiit dans l'année. ^^i ■ i ^ *
Priesiley publia p^sqiié en même t«mps| ^ar sôusérifuGonî
V*Bi$Mre et Fêtai actuel des dëeémeftHgrebM^àta pdiokyi^U ,
Iwniète et aux etnUeurs ! mais tei oémi(^40^
froidement accueilli du public. Apre» timitéstdenee'deîsll Ujp* ;
nées à Leeds, il accepta l'offre d'un riche seigneurf^amateuroieii.. "^
science, le marquis de Lansdown^ pour venir tiabîtér'|>ift[trid6Uui
à Wiltshire, en qualité debibliotbécdre;ttoriil^tt^m^.co^
ses Expérieneeêsur différentes espèces d'aîr^ etqottl^ fttOdbnalfM
comme physicien, coquine l'empêchait pasdo;sifiYtièisdiipéMl|aàt
pour la controverse i^ilôsophiqiié et' religiieittej^èâ
mêmes années où parurent se& voiotne^de pbysdqêto et ^>ehitblii
dédiés au comte Shelbnrne (marquis de Lansdotmji/iil'fltiadij^ ;
mer divers ouvrages dé pMosbphi e = et 4fa> ' cmtiqoè ' tiié6lajg8|weî
tels que :'^â7Mi^ de lmdùeifïne'^u9êMcommm^ lëUciqtiê làtmh
cevaient les docteurs tMâ^ BèuW^Hit Oswoid;Ùifign»^'^i^mMsk
rianismc; Défense de la doctrine delà nécsssiiéf ImHtutiom>dê'1»
religion naturelle et révélée. Dans ses Recherches sur ^la fnJalière $t
Vesprity il avait nié, jusqu'à un certain point, l'immatérialité de
l'âme; son Histoire des corruptions du ehristianisme, et V Histoire
des premières opinions concernant Jésus- Christ; le mirent tellement
aux prises avec les partisans de l'Église anglicane^ que c'était nne
grande recommandation aux bienfaits du gouvernement que d'a-
voir combattu les opinions de Priestley; ce qui lui faisait 'dir«
plaisamment: «C'est donc moiquiailafeuiiledesbénéfices.d'Aii*
gleterre. » Ces écrits de controverse, qui contenaient «les idées
radicales, fort malsonnantes aux oreilles de l- aristocratie anglaise^
lui firent rompre ses rapports avec lord Shelbume. .
Priestley était depuis quelque temps liéavec le célèbre nalan-
liste Banks^ qui avait fait partie du premier voyage du. capitaioe
Cook. Ce grand navigateur, sur la recommandation de Banfcd^
aurait emmené Priestley comme chapelain, si l'amirauté ft^
pas trouvé qu'il n'était pointasses orthodoxe.- ..'■'.
Après avoir quitté lord Shelbume, Priestley se retira à IKntiifig*
ham, où ses amis, parmi lesquels on remarque Watt et'^crig-
TROISIÈME ÉPOQUE. 475
wood, se cotisèrent pour subvenir aux frais d'un laboratoire de
physique et de chimie. Les loisirs que lui laissaient ses occupa-
tions- scientifiques étaient, comme d'ordinaire, remplis par des
discussions religieuses et philosophiques.
En travaillant ainsi, Priestley n'avait qu'une ambition, celle
de parvenir à rendre Phomme meilleur : partout où l'occa-
sion se présente, il lance l'anathème contre les passions égoïstes
qui corrompent la société ; sa politique est libérale comme
celle de son ami Franklin. Voici ce que Priestley écrivait , plus
de douze ans avant la révolution française : « Quand je considère
les progrès que les connaissances naturelles ont faits dans le siè-
cle dernier, et quand je me rappelle tant de siècles féconds en
hommes qui n'avaient d'autre objet que Tétude, il me paraît qu'il
y a uno providence particulière dans le concours des circonstan-
ces qui ont produit un si grand changement ; et je ne puis m'em-
pécher de me flatter que ceci servira d'instrument pour opérer,
dans l'état du monde actuel, de nouveaux changements, qui se-
ront d'une bien plus grande conséquence pour son avancement
et son bonheur. » — Et ailleurs : «Les grands et les riches donnent
en général moins d'attention aux travaux scientifiques; mais
cette perte est réparée par des hommes qui, avec du loisir, de
l'esprit et de la franchise, sont dans un rang moyen : circonstance
qui promet plus pour la continuation des progrès dans les con-
naissances utiles, que la protection des grands et des rois (1). »
C'est surtout à ses idées politiques et religieuses, hautement
professées, que Priestley dut le titre de citoyen français et de mem-
bre de la Convention nationale, titre dont il aimait lui-même à se
glorifier (-2). Cependant cette distinction devait lui devenir fatale.
Le 14 juillet 1791, quelques-uns de ses amis politiques, habitants
de Birmingham, se réunirent pour célébrer l'anniversaire de la
prise de la Bastille; aussitôt le lieu de réunion des convives fut
assailli, saccagé et livré aux flammes parla populace, égarée sans
doute par quelques-unes de ces manœuvres odieuses que la po-
(1^ Préface de Touvrage, Observations snr différentes espèces (Vair.
(2) L^auteur de l'article Priestley^ dans la Biographie universelle^ n^avait
sans doute lu aucun des nombreux ouvrages de PriesUey ; autrement il n'aurait
,pas dit que Priestley ne devait son titre de citoyen français qu'aux Lettres qu'il
fit en réponse aux Be flexions de Edm. Burke sur les suites de la révolution
française ; et que ce ne devait être qu'une méprise , puisque ces lettres étaient
nniqaement écrites en faveur des dissidents anglais.
' »•
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•«'■!•
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f. 1
'476
nraroiBB >■ \x- cHuat.
9
litique ^e croit permises pour donner le change à Fopinion piï&Ii»
que. L'émeate se dirigea vers la maison de PriesUeyt lèqoel javait,
par prudence, évité il'aasister à cette réunion; ses instruments,
ses manuscrits, sa bibliothèque, sa maispn, tout cela Mondain
converti en un monceau de cendres. Réfugié dans une maison voi-
sine, et spectateur de cette horrible scène , il ne fit entendre
aucune plainte contre cette multitude effrénée; mais il accusa
plus tard hautement le gouvernement anglais de s'en être send,
cpmme d'un instrument de vengeance. Dès lors, sa patrie devint
pour lui un séjour intolérable ; trois ans après l'émeute de Bir-
mingham, nous voyons Priestley dire à jamais adieu à l'Angle-
terre, et s'embarquer pour l'Amérique en 1794, l'année même,
de la mort de Lavoisier. Établi à Northumberland, petite ville de
la PcDsylvanie, il ne trouva pas d'abord le repos qu'il était aHé
chercher au-delà des mers. Ses ennemis continuaient à l'y pour-
suivre. Sous l'administration du président Adams,il se vit en butte
à d'étranges défiances : on faisait, entre autres, courir le bruit
qu'il était un agent secret aux gages de la république française.
Après avoir vu mourir près de lui sa femme et son plus jeune
fils, Priestley se retira dans une ferme qu'il avait achetée près des
sources du Susquannah. C'est là qu'il passa, en solitaire, le reste
de ses jours, sous la protection du président JeCferson, auquel
il dédia son histoire ecclésiastique ((i^n^a/Ats/oryo/'^^ Christian
Chnrch from the fall of the western empire to the présent tinte)
i802-i803, 4 Tol.in-8<>). DepuisiSOl, à la suite d'une maladie que
Ton a, sans preuve suffisante, attribuée à un empoisonnement,
il ne fit que languir, et s'éteignit, le 4 février 4804, à l'âge de
soixante et onze ans. « Ses derniers moments, dit Guvier, furent
remplis par des épanehements de cette piété qui avait animé toute
sa vie, et qui, pour n'être pas bien gouvernée, en avait causé tou-
tes les erreurs.. Il se faisait lire les Évangiles^ et remerciait Dieu
de lui avoir donné une vie utile et une mort paisible. Il mettait
au rang des principaux bienfaits qu'il en avait reçus celui d'avoir
connu personnellement presque tous ses contemporains célèbres.
« Je vais m'endormir comme vous, dit-il à ses petits enfants,
qu'on emmenait ; mais^ ajoula-t-il en regardant les assistants, nous
nous réveillerons tous ensemble, et j'espère pour un bonheur
éternel ». — Ce furent ses dernières paroles (1) .
(l)Pour plus de détails, roy. Cuvier, Éloge de Priestley; — English cyclopx»
/ TROISIEME ÉPOQUE. 477
La vie de Priestley fut celle d*un honnête homme, un peu
opiniâtre dans ses idées, et que rien ne pouvait fait*e dévier de la
ligne tracée par la conscience. C'est là un mérite qui vaut toutes
les gloires du monde.
Le seul reproche qu'on puisse lui adresser, c'est de n'avoir pas
tenu assez compte des travaux de ses contemporains, et de s'être
montré lé défenseur obstiné d'une théorie insoutenable et en
contradiction avec les faits, ainsi que Ta fait très-bien ressortir
M. Dumas, a En effet, dit ce savant, après tant de brillantes
découvertes, après l'observation d'une multitude de faits en
opposition avec le phlogistique, il a mis un tel entêtement à sou-
tenir cette théorie, qu'il est mort dans l'impénitence finale. Il est
mort phlogisticien, et seul de son avis au monde, lui dont les^
opinions, quelques années avant, faisaient loi en Europe (!}. »
TruTAUx de Prieiitlex.
N'ayant à faire connaître Priestley que comme chimiste, nous
passerons sous silence ses ouvrages de physique, de théologie
et de philosophie. Mais, en appréciant ses travaux chimiques, il
ne faut jamais oublier, sous peine de pprter un jugement inexact,
que Priestley était théologien et physicien plutôt que chimiste,
ainsi qu'il se plaît à le rappeler lui-même.
Ce fut en 1772 que Priestley publia ses premières Observations
sur différentes espèces d'air {Observations on différent kinds of
air)i qui eurent, dès leur apparition, un grand retentissement
parmi les savants de l'époque (2). Ces observations, suivies bientôt
dia; — lord Brougham, Story ofmen of lettres and science^ who flourished
in the time of Georges II.
(1) DvaoBSy Leçons sur la philosophie chimique, etc.; Paris, 1836, in-S, p. 113. '
(2) Ces obMnratioas furent d^abord publiées sous forme de mémoire, dans les
Transactions philosophiques de Londres, vol. LXll. Elles furent réimprimées à
part; Lond., 1772, in-4. L'année suivante, elle furent traduites en français par Ro-
sier, Observations sur la physique, etc., toI. I, avril et mai 1773. Dans la même
année, eues parurent en italien, Giornale de* leiterati; Pisa, t. XI, 1773. — - En
' 1774j l'auteur fit paraître une seconde édition de son mémoire, qui, dans les
années subséquentes, par suite d'une correspondance active avec les principaux
physiciens et chimistes de l'Europe, s'était élevé aux proportions d*un ouvrage
considérable : Experiments and observations on différent kinds of air;
Ijond., in-8, 1. 1, 1774 ; t. II, 1775; t. III, 1777. Cet ouvrage fut hmnédiatemenl
suivi d'une traduction française, faite en quelque sorte sous les yeux de
'■::;\ ■.-■'• " ■ ■• :'-- -' '.- V.- :''••■■■•;- ^^.^ <■;' ;..:^^'?'v..•;^:--
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478 HisToiu.nB u.xàîàiiB/
: d'autres semblables^ eurent poui: Tésaltkt immédiat de d
réveil au& cbimistes, et 4e fatire approfondirt^D^ux gu^
fait jus^'alors, la nature et les propriétés di^.çorps âérjy(ionafis.
Air flxe.,Le premier gaz qui fit l'objet de ^e^. re^^ercbei
était le gaz acide carbonique; le: voi^oage d'une hras^lorie
luiavait^ dit-il, donné, l'idée d'esuiminer cet air qui se dégage
pendant la fermentation. Black et Bergmann s'étaient déjli ûçcopéi
'du gaz acide carbonique, quele premier avait; apj}eléaji|)S4!J«^j^ie
second acide aérien (I), Priestle; sjoutapeude données np^vet-
les aux travaux de ces chimistes.. Il remarqua cependant que la .
pression de Tatmospbère Êivorise la dissolution de t'air flzn
. dans l'eau, et qu'à Taidedlune machine à; condenser, on poucra^t
aisément parvepir^ communiquer à l'eau commune les piroprî^téB
de l'eau de SelU ou de Pyrmont. Priestlejrdoit^donc èt,re.cp][^-r
déré comme, le véritable inventeur des eanx gazeuses firtificielles.
' ■ ' En cherchant un moyen de rendre l'air fixe p^pre à la respira-
tion et à la combustion, il arriva à l'importante découverte que
les végétaux peuvent parfaitement vivre dans cet air fixe pù les
animaux périssent, et que, de plus, les végétaux cômmuniqjue.ât à
*• l'air fixe les propriétés de l'air commun ; il trouva aussi que oe deiv
nier phénomène n'a lieu que spus l'influencé de la lutniére dnjpi^r,
et qu'il cesse la nuit. Halheureuçement, l'oxygène n'étant pas en-
core découvert, et ne soupçonnant môme pas l'action décompo-
sante qu'exerce la respiralion des végétaux sur le gaz acide carbo-
nique, Priestley ne pouvait pas se rendre exactement compte d'an
phénomène qui excita au plus haut degré son attention, ainsi que
l'auteur : Expériences et observations sur différentes espèces d'air ; trad.
par Gibelin, docteur en médecine ; Paris, t^ I, II, III, in-12, 1777; t. IV et t. V,
1780. — Quelque temps après, cet ouvrage fut traduit eu allemand par Ludwig;
Vienne et Leipz., t. I, 1778; t. II, 1779; t. III, 1780. — Dans les années .1779,
1781 et 1786, Pauteur publia une suite à son ouvrage : Experiments and ob-
servations relating to varions branches ofnaturcd philosophy, wiih.a con-
tinuation ofihe observations on air; Lond., iii-S", 1779, t. I; t. II, Birmio-
gham, 1781; t. III, 1780. — Cette suite fut également traduite en fran-
çais par Gibelin, etc.; Paris, 1. 1 et II, 1782. Une traduction allemande en parut à
Vienne et à Leipzig , 2 vd. in-12, 1782.
Enfin, Tauteur publia, en 1790, un résumé de tous ses ouvrages sur ce snyct,
sous le titre : Experiments and observations on différent kiiids of air, and
other branches of naiural philosophy connected with the subject ,, i» fil
volumes, being the former VI volumes abridged and methodized with many
ûrfd//ion5; Birmingliam,in-8", vol. I-III, 1790.
(1) yoy. plqs haut, p. 349 et 445.
TROISIÈME EPOQUE. 479
celle des savants qai répétèrent avec lui ces expériences, dont la
première avait été faite le 17 août 1771.
Quoi qu'il «n soit, c'est à la sagacité de Priestley que nous de-
vons la découverte d'un des plus beaux faits de la physiologie vé-
gétale. Voici comment il s'exprime en résumant ses expériences
sur la respiration des végétaux et des animaux (1) : « Les preuves
d'un rétablissement partiel de l'air par des plantes en végétation
s.ervenl àrendre très-probable quele tort que font continuellement
à l'atmosphère la respiration d'un si grand nombre d'animaux,
et la putréfaction de tant de masses de matières végétales et ani-
males, ^cst réparé, au moins en partie, parle règne végétal; et,
malgré la masse prodigieuse d'airquiest journellementcorrompue
par les causes désignées, si nous considérons l'immense profusion
de végétaux qui couvrent la surface du sol, on ne peut s'empêcher
de convenir que tout est compensé, et que le remède est propor-
tionné au mal. »
Mais, selon Priestley, il y aurait un autre moyen qui contribue-
rait non moins puissamment à l'assainissement de l'atmosphère :
l-agitation des eaux par les vents, et par suite la mise en liberté de
l'air dissous dans les eaux, lequel serait encore plus riche en molé-
cules respîrables que l'air commun de l'atmosphère. Dans tout cela
nous ne pouvons qu'admirer la profonde pénétration de l'illustre
ami de Franklin.
L'appaVeil dont il se servait pour recueillir les gaz est celui de
Haies, légèrement modifié. Priestley eut le premier l'idée heureuse
de substituer le mercure à l'eau, pour recueillir les gaz solubles.
Air inflaiiiiiiable. Dans les années 1771 et 1772, il fit des ex-
périences sur Vair inflammable (hydrogène), connu depuis long-
temps, et dont Gavendish avait indiqué le meilleur mode de pré-
paration et décrit les principales propriétés.
Ces expériences portaient principalement sur l'inflammabililé
et rirrespirabilité du gaz en question.
Air Bitrevx. Le 4 juin 1772, Priestley découvrit le hioxyde d^a-
zote, qu'il appela air nilreux; il l'obtint en traitant le cuivre par
l'eau-forte, et en recueillant le gaz qui se dégage. 11 en constata les
propriétés d'être irrespirable, de rougir au contact de l'air atmos-
phérique, d'être non précipitable par l'eau de chaux, decommû-
(1) L^ siyets les plus onlinaires de ces ex|*ériences étaient des tiges de ujenthe
et des souris.
HISTOIRE DE LA CUIHIE.
niquer une flamme verte à l'hydrogène. Mais ce qu'il y a de pins
remarquable, c'esl qu'il proposa ce gaz comme un moyen d'analy-
ser l'air, OH d'en reconnaître la pureté, et il assure avoir constaté
par ce moyen une di ff ère ii ce notable entre l'air deson laboratoire,
dans lequel avaient respiré plusieurs personnes , et l'air du
dehors (1),
Il propose, en outre, ce gai comme un préservatif de la pulré-
Taclion, pour conserver des animaux, des pièces d'anatomie, etc.
n dit avoir ainsi conservé, au milieu des chaleurs de la canicule
de 1772, deuï souris mortes : au bout de 25 jours, elles ne pré-
sentaient encore aucun indice de putréraction.
11 fit de nombreuses recberchessur lacoloration dugaz nitrenx,
et le produit cristallin que ce gaz forme avec l'acide vttriolique(S).
Dans un autre chapitre, intitulé : Dei'air infecté par la vapeur
au charbon allumé (3), Priestley &t une expérience répétée par
Lavoisier, laquelle conaiatail à suspendre un morceau decbarbon
dans un vaisseau de verre rempli d'eau jusqu'à une certaine hau-
teur, et renversé dans un autre vaisseau plein d'eau, et k brûler
ce charbon au foyer d'une lentille. Ilobsen-a que, dans celteexpé-
rience, il se produit de l'air fixe, absorbé et précipilé en blanc par
l'eau de chaux; qu'après cette absorption la colonne d'air est
diminuée d'un cinquième; etque l'air qui reste éteint lallamme,
tue les animaux, n'est diminué ni par l'air nitreux, ni par un
mélange de limaille de fer et de soufre humide, elc. — L'air ainsi
obtenuet parfaitement caractérisé, c'était le gaï qui reçut quel-
ques années plus tard le nom d'asote.
La date de cette expérience, si imporlante pour l'avenir de la
chimie, n'est pas indiquée par l'auteur. Dans aucun cas, elle ne
peut être postérieure à l'anuée \ni, puisque le mémoire où celle
expérience se trouve consignée parut en 177i.
Eh bien, cette expérience capitale resta complétemeut
stérile entre les mains de Priestley; égaré par la théorie du phla-
gistique, il se perd dans des divagations obscures , et finit pfli
ajourner l'explication de ses espériences. C'est à Lavoisier que
(I) 11 axait remarqué, terme inujen, que l'air aitreux (bin\>do il'azotF)alr
sorbait envimo unûaquièrae (30 p, IIMJ ilc l'air ordiaaiTe.
(ï) Voj. ExpériOKet et observation* sur différentes bi-HKClies de la ph^-
qae, etr. [Irad. dcGibPlin), vol. I, p. 1M8; l^aris, ia 12.
(S) Ofttir infecled wid ihe fumes of burning eharcaal ; Observations «
dicterait kinb of air, etc.; Ijoad., 1772, p. Si.
, TROISIÈME ÉPOQUE. • 491 ,
revient Thonneur d'avoir fait, en quelque sorte, sortir cette expé-
rience du néant, et d'en avoir tiré d'immenses résultats.
N'est-ce pas là un éclatant démenti donné à ceux qui, dé-
daîènant la puissance du raisonnement, proclament sans cesse
la souveraineté des faits? Mais la science ne serait le plus sou-
vent qu'un tissu incohérent, si elle ne se composait que de faits
non raisonnes, non compris, et sans aucune liaison entre eux.
Substituant au charbon les métaux (plomb, étain), Priestley
constata également la diminution du volume d'air par la calcina-
tion (i). Mais, loin d'aborder la question de l'augmentation du
poids des métaux correspondant à cette diminution de l'air, il ne
cherche qu'à l'éluder, et il se perd dans les doctrines inextrica-
bles du phlogistique. Lavoisier répéta ces mêmes expériences ,
et il en tira tout le parti possible, par la puissance de son esprit
généralisateur.
Acide de refipritde«el (gaz acide chlorhydrique). — C'est
Priestley qui recueillit le premier l'acide muriatique à l'état de
gaz sur le mercure, et prouva que l'acide marin ordinaire (acide
chlorhydrique aqueux) n'est autre chose qu'un fluide élastique
acide, dissous dans l'eau, d'où il peut être expulsé par la chaleur;
il en étudia les propriétés les plus saillantes, signala l'absorption
de ce gaz parle charbon, son action sur les huiles, sa décomposi-
tion partielle par l'étincelle électrique en air inflammable*; il at-
tribua les vapeurs blanches que ce gaz forme au contact de l'air, à
Pabsorption de l'humidité, et il conclut, de diverses expériences,
que le gaz acide marin est d'une densité spécifique supérieure à
celle de l'air commun (2).
Air du nitre. — Ce que Priestley appelle air du nitre parait
être l'oxygène impur (mêlé de protoxyde d'azote); car il dit que
.cet air se distingue de tous les autres, en ce que, loin d'éteindre
une chandelle, il en augmente la combustion avec un bruit sem-
blable à celui que produit la déflagration du nitre, et qu'il ob-
tenait cet air en chauffant du nitre, dans un canon de fusil. Ces
expériences avaient été faites dans le courant de l'année 1771;
l'auteur ajoute en terminant : « Ces faits me paraissent très-
{i) On the effect of the calcination ofmetalls; Observations on différent
kindsof air; London, 1772, in-4», p. 84.
(2) On air procured by means ofspirit of sait; Observations on différent
kinds, etc.; Lond., 1772, p. 90.
BIST. DE L\ CHIMIE. — T. II. 31
• ■ - • " ''.---■.- • l' . ■* . . ., , ^ ■ ■- . ■ -.. -l '■ J.«i
extraordinaires ' et imiportants ; ils pourront , dans des. mains
habiles, conduire à des décoQvertai considérables (1)^ »
Cette prophétie derait s'accomplir plus tôt qu'il ne le pensait
Pénétré de l'importance de ses observaUoi^, Priéstley Ait con-
duit à examiner l'espèce d'air qui, suivant les expériences de Haies,
était contenu dans les chaux (oxydes) métalliques, et avait ainsi
contribué à l'augmentation dupoids de ces métaux, n fit à ce s^iet
une expérience très-ingénieuse : il revivifia (décomposa) le mi-
nium (oxyde de plomb) par des étincelles électriques, et recueillit
sur le mercure le gaz qui se produisait Ce gaz ne pouvait être .que
Toxygène. Eh bien ! il est pénible de voir cette belle expérience
en quelque sorte défigurée par une déduction aussi pitoyable
qu'erronée : de ce que cet air (oxygène) était susceptible d'être en
partie absorbé par l'eau, l'auteur concluait que ce n'était autre
chose que de l'air fixe (gaz acide carbpniqùe).
On se demande pourquoi Priestiey n'avait pas ici mis en usa^e
ses deux réactifs habituels, la respiration et la combustion, une
souris et une chandelle. Était-ce un oubli de sa part? Non, certes.
Ce qui lui avait fait méconnaître l'oxygène, c'était l'influence ty-
lannique d'une théorie préconçue. On se rappelle que le charbon,
qui .révivifie les chaux métalliques, passait pour un des corps les
plus riches en phlogistique, et qu'étant chauffé avec ces chanx
il devait donner naissance à de l'air fixe ( gaz acide carbo-
nique). Or Priestiey avait imaginé une théorie à laquelle il
était prêt à sacrifier les travaux d'une partie de sa vie ; selon
cette théorie» le fluide électrique était, sinon le phlogistique lui-
même, du moins le fluide le plus riche en phlogistique. On com-
preniidès lors que, dans le sens de Priestiey, Télectricité devait
agir comme le charbon, sous peine; de frapper de nullité toute
' la théorie qu'il avait essayé d'élever avec tant de^labeur. Priestiey
s'obstinait donc à voir, dans le gaz (oxygène) qu'il avait obtenu en
décomposant le minium par l'électricité, un gaz identique avec
l'air fixe (gaz acide carbonique); car la reconnaissance de ce
fait aurait suffi pour renverser une théorie à laquelle il tenait
peut-être autant qu'à son honneur.
C'est à dessein que j'ai insisté sur ce détail, parce qu'il n'est pas
{{) Onair procuredy etc., p. 102. Voici les paroles textuelles de Priestiey : ThU
séries of facis, relaiing to air exttxicted, seem very extraordinary and im-
portant, and, in able handSy may lead to considérable discoveries.
TROISIÈME ÉPOQUE. 483
rare aujourd'hui de voir un fait sacrifié à une théorie, une. réalité
à une fantaisie systématique.
Puisque nous en sommes à l'oxygène, disons encore un mot
de cette grande découverte. D'abord il faut regarder, comme
non avenue l'expérience de la décomposition du minium par
les étincelles électriques, puisque Priestley ne reconnut pas Toxy-
gène dans le gaz qu'il avait obtenu. Ce ne fut qu'environ un an après
que l'oxygène, sous le nom d'atr déphlogîstiqué , fut préparé,
recueilli, et distingué comme un fluide élastique particulier.
Ce sujet est trop important pour ne pas citer les paroles mêmes de
Priestley : « Le 1®' août 1774, je tâchai de tirer de l'air du mercure
calciné per se (1), et je trouvai sur-le-champ que, par le moyen
d'une forte lentille, j'en chassaisl'air très-promptement. Ayantre-
cueilli de cet air environ trois ou quatre fois le volume de mes ma-
tériaux, j'y admis de l'eau, et je trouvai qu'elle ne s'absorbait
point ; mais ce qui me surprit plus que je ne puis l'exprimer, c'est
qu'une chandelle brûla dans cet air, avec une flamme d'une vi-
gueur remarquable (2). »
Il obtint le même air avec le précipité rouge, préparé en trai-
tant le mercure par l'acide nitrique. Et comme la première subs-
tance (mercure calciné /^er^e) avait été préparée en chauffant le
mercure à l'air libre, il en conclut qu'elle avait reçu quelque chose
de nitreux de l'atmosphère.
Priestley eut d'abord quelques doutes sur la pureté du précipité
rouge, et ne négligea rien pour écarter toute objection qu'on
aurait pu lui faire à cet égard. « Me trouvant, rapporte-t-il,
à Paris au mois d'octobre suivant (de l'année 1774), et sachant
qu'il y a de très-habiles chimistes dans celte ville, je ne man-
quai pas l'occasion de me procurer, par le moyen de mon ami,
M. Magellan, une once de mercure calciné, préparé par M. Cadet,
et dont il n'était pas possible de suspecter la bonté. Dans le môme
temps, je fis part plusieurs fois de la surprise que me causait l'air
que j'avais tiré de cette préparation, à MM. Lavoisier, Leroi, et
autres physiciens qui m'honorèrent de leur attention dans cette
ville, et qui, j'ose le dire, ne peuvent manquer de se rappeler cette
circonstance. i>
(i) C'était du mercure converti en oxyde rouge par sa calcination à l'air, ainsi
que l'auteur nous l'apprend lui-même plus loin.
(2) Expériences et observations sur différentes espèces d'air, t. II, p. 41 (trad.
de Gibelin), 1777.
31.
1
ne que \
48i' ihstoihe he la cuixie.
Prieslley s'élait d'abord imaginé que ce gaz ttail le môme
celui qu'il avait oblenu, une année auparavant (en 1173), en main-
tenant, pendant longtemps, l'air nitreux (biosyde d'azote) sur de
la limaille de fer humide (1).
Une nouvelle expérience sur leminium qui, chauffc^par un mi-
roir ardent, donnait la mfime espèce d'air que le mercure calciné,
décida de l'opinion de Prieslley.
n Celle expérience avec le minium me conlirma, dit-il, davan-
tage dans mon idée que le mercure calciné doit emprunter à l'at-
mosphère la propriété defournir cette espèce d'air, le mode de pré-
paration du minium étant semblable à celui par lequel on fait le
mercure calciné. Comme je ne fais jamais un secret d'avouer mes
observations, je fis part de cette expérience, aussi bien qoe de
celles surle mercure calciné et surle précipité rouge, à toutes mes
connaissances à Paris et ailleurs. Je ne soupçonnais pas alors o&
devaient me conduire ces faits remarquables (2). n
On devine à quelle adresse l'auteurdestinait ces paroles. Il avoue
cependant qu'il resta jusqu'au mois de mars 1775 dans l'ignorance
de la nature réelle du gaz en question. Ce fut le 8 mars qu'il dé-
montra, par l'expérience d'une souris, que l'air dégagé du mercure
calciné est au moinsaussi bon à respirer, sinon msi'/^^ur, que l'air
commun. Il constata, pardesobservationsullérieores, que cet air,
qu'il appela air lUphlogistiqué, est un peu plus pesant que l'air
commun(3); qu'il forme, avec l'airinflammable (hydrogène), em-
ployé dans decertaines proportions, un mélange qui détone âl'ap-
procbe d'une flamme (4J, et qu'il sérail aisé de produire, à volonté,
une température très-élevée, à l'aide de soufflets ou de vessies rem-
plis d'air déphlogistiqué [5). Il eut, en outre, l'idée d'introdnire
ï'emploidecetairen médecine, et de l'appliquerautraitemenides
phthisies pulmonaires; car, selon sa doctrine, la respiration a
pourbutde s'opposer sans cesse à la putréfaction, en évacuantâu
poumon l'air qui se produit pendant ta putréfaction et la fermen-
tation, savoir, l'air fixe (gazacidecarbonique) ; et lemeilIeurmoyeD
(1) C« gaz, qui eutretient la flanime, mais qui «st îrre^irable , n'est autre
que le protoxyde d'asote, provenant de l'absorptiao de la moitié de l'oijgèM
du bloijde d'azote par le fer.
(2) Eip. et observât., elc, t. Il, p. 46.
' i») Ibid., p. lia.
(4) Ibid., p. 121.
{6} Ibid., p. 134.
TROISIÈME EPOQUE, 483
de favoriser cette action consisterait dans Tusagede Tair déphlo ■
gistiqué, ou, comme on l'appelait encore, de ïair vital,
Priestley eut la curiosité d'essayer l'action de cet air sur lui-
même, et de le respirer en l'aspirant à l'aide d'un siphon. « La
sensation qu'éprouvèrent mes poumons,'.dit-il, ne fut pas diffé-
rente de celle que cause l'air commun. Mais irme sembla ensuite
que ma poitrine se trouvait singulièrement dégagée et plus à
Taise pendant quelque temps. Qui peut assurer que dans la suite
cet air pur ne deviendra pas un objet de luxe très à la mode? Il
n*y a eu jusqu'ici que deux souris et moi qui ayons eu le privilège
de le respirer (1). »
Enfin, mettant sur le tapis la composition de l'atmosphère, il
fait un appel aux chimistes futurs, afin de s'assurer, par des ex-
périences répétées dans différents temps et lieux, si l'air conserve
constamment le môme degré de pureté, la même proportion d'air
vital, ou s'il éprouve quelque changement par la.suite des siècles.
Voici d'autres fluides élastiques dont la découverte est égale-
ment^due à Priestley.
Air alcalin (gaz ammoniac). — L'auteur prépara ce gaz en
chauffant une partie de sel ammoniac avec trois parties de chaux ;
il le recueillit sur le mercure, n'ignorant pas que l'eau peut en
dissoudre une grande quantité. Il essaya ensyite l'action du gaz
alcalin sur un grand nombre de substances, sur l'alun, sur la glace,
etc.; il constata aussi que ce gaz est un peu moins léger que l'air
inflammable.
Air acide ^triolique (gaz sulfureux). — Priestley fit voir
que le gaz sulfureux (préparé en chauffant l'acide vitriolique
avec du charbon) éteint, comme le précédent, les corps en com-
bustion, qu'il est absorbé par le charbon, le borax, etc.
n découvrit aussi Voxyde de carbone; mais il ne lui donna pas dû
nom particulier. Ce qui le frappait dans ce corps, c'était la flamme
bleue avec laquelle il le voyait brûler. — Il obtint aussi le pre-
mier Y hydrogène bicarboné^ mais il le confondait avec l'air inflam-
mable.
Nous lui avons déjà vu signaler les principales propriétés de
Tazote, qu'il appelait air phlogistigué.
Il est à regretter que toutes ces précieuses découvertes aient
été d'abord exposées sans ordre, puis reprises pour être corri-
(1) Exp. et observ., p. 126.
486 niSTomE de la chimie.
gées ou perfectionnées. On perd ainsi souvent le fil conducteur au
milieu d'un labyrinthe de détails, d'autant plus qu'aucune théorie
rationnelle ne présidait à ces recherches, dans lesquelles le hasard
aurait joué, suivant l'auteur lui-môme, un grand rôle (1).
Celui qui lit l'ouvrage de Priestley avant d'avoir pris connais-
sance des travaux de Bergmann, de Lavoisier et de Scheele, se
persuade aisément que le célèbre physicien anglais doit être
considéré comme le père de la chimie moderne, et que les au-
tres chimistes de la môme époque ne sont que d'ingrats disciples.
^ ftlais, en comparant tous ces chimistes entre eux, on ne tarde
pas à découvrir que malheureusement Priestley ne rendait pas '
toujours aux travaux des autres la justice qu'il aurait voulu qu'on
rendît aux siens. Sans parler de ces reproches que se font en tout
temps les rivaux entre eux, nous nous contenterons de faire obser-
ver que Priestley, non-seulement trouvait toujours quelque chose
h reprendre aux travaux de Lavoisier, mais qu'il critique, entre
autres, assez aigrement, le beau travail de Scheele, le moins en-
vieux des chimistes. Bien plus, il refait tout son travail, et change
jusqu'aux noms donnés par Scheele; ainsi, il appelle acide spa-
thique ce que le premier avait nommé acide du fluor; la croûte
pierreuse qui se forme lorsqu'on fait arriver l'acide fluo-silicique
dans de l'eau, et que Scheele avait reconnue pour de la silice
pure, il l'appelle croûte spathique, en la supposant être de na-
ture toute différente. Quant à Tacide du fluor lui-même, il sou-
tient que Scheele est dans Terreur en le donnant pour un acide
nouveau, et que ce n'est autre chose que de l'acide vitriolique
chargé de phlogistique.
Cependant ces défauts ne diminuent en rien la valeur des tra-
vaux de cet homme de génie. Comme tant d'autres, Priestley •
subissait le joug d'une fausse doctrine. En lui laissant même
l'honneur, qu'il semble d'ailleurs revendiquer lui-même, de la
découverte de l'oxygène, on n'ôtera par-là rien au mérite de La-
voisier, d'avoir reconstruit tout l'édifice de la science avec des
matériaux qui en d'autres mains seraient peut-être restés complè-
tement stériles.
La théorie du phlogistique, depuis longtemps dépouillée de son
prestige, perdit en Priestley son dernier défenseur. L'autorité de
(1) M. Dumas a donné une critique judicieuse, peut-être un peu trop sévère,
de Priestley, qui attribuait lui-même ses découvertes au hasard. ( Leçons de
hilosophie chimique, p. 113. )
TEOISIÈME ÉPOQUE*
487
cet illustre savant cessa bientôt d'être invoquée comme un argu-
ment contre les idées de l'école moderne.
Pour renverser Tempire d'un système, il suffît d'un esprit révo-
lutionnaire; mais, pour élever sur des ruines un édifice nouveau,
il faut un génie créateur. Lavoisier eut l'un et l'autre. C'était
l'homme qu'il fallait pour renverser la théorie du phlogistique^
pour réunir des faits épars en un faisceau compacte, et pour
jeter les bases d'une école dont l'enseignement se perpétue.
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TROISIÈME ÉPOOUE. 489
ÉTAT DE LA CHIMIE
DEPUIS LAVOISIER JUSQU'A GAY-LÛSSAC
ET THENARD.
§1.
liavoisier.
La révolution opérée dans la science par Lavoisier coïncide,
— singularité du destin ! — avec une autre révolution, bien plus
grande encore, opérée dans le monde politique et social. Toutes
deux éclatèrent sur le même sol, à la môme époque, chez la
même nation ; toutes deux commencent une ère nouvelle, cha-
cune dans son ordre respectif.
Lavoisier (Antoine-Laurent), né à Paris le 26 août 1743, reçut
de son père, riche négociant, une éducation^soignée. L'un des
meilleurs élèves du collège Mazarin , il travaillait dans le labora-
toire de Rouelle au Jardin des Plantes, suivait les cours d*astro-
nomie de La Caille à TObservatoire, accompagnait Bernard de
Jussieu dans ses herborisations, et assistait Guettard dans ses
excursions géologiques. Il ne vivait pour ainsi dire qu'avec ses
maîtres. Aussi à vingt-un ans fut-il à même de concourir pour
un prix académique. En 1764, TAcadémie royale des sciences
avait mis au concours la question suivante : « Trouver la meil-
leure manière d'éclairer les rues d'une grande ville , en combi-
nant ensemble la clarté, la facilité du service et Téconomie. »
On raconte que le jeune concurrent, pour rendre ses yeux plus
sensibles aux différentes intensités de la lumière des lampes,
fit teindre sa chambre en noir et s'y enferma pendant six se-
maines sans voir le jour. Son mémoire, récompensé d'une mé-
daille d'or, fut imprimé par ordre de l'Académie. On y sent cet
enthousiasme qui semblait alors animer tous les esprits, ce Que
de motifs, dit le jeune auteur à son début, pour exciter un ci-
490 HISTOIRE DI LA CHllIIE.
loyeni'Dans ce mouvement général comment ne sentîrait-il
pas son âme s'échauffer d'un zèle patriotique? Comment ne se-
rait-il pas lente de joindre ses efforts à ceux de ses conci-
toyens {!)?.>
Dans un voyage géologique, onlrepris à l'âge de vingt-
deos ans, Lavoisier recueillit les matériaux de deux mémoires
Sur le gypse, lus à l'Académie des sciences, l'un le 27 février
1763, l'autre le i9 mars 1766 (4). Ils furent suivis de plusieurs
articles de physique, tels que Sur le passage de l'eau à l'état de
glace. Sur le tonnerre. Sur Caitrore boréale, etc. , articles qui pa-
rurent dans les recueils scientifiques d'alors.
Ces travaux variés lui ouvrirent, à vingt-cinq ans, les por-
tes de l'Académie. Lavoisier y succédait au chimiste Baron,
et il avait eu pour concurrent le minéralogiste Jars, dont la can-
didature était vivement appuyée par Buffon, et patronnée par
un puissant ministre, le duc de Choîscul. Ces détails nous ont
été transmis par un de ses collègues et juges : a Je contribuai ,
dit Laiande, h l'élection de Lavoisier, quoique plus jeune et
moins connu, par cette considération qu'un jeune homme qui
avait du savoir, de l'esprit, de l'activité, et que la fortune dispen-
sait d'avoir une autre profession, serait naturellement très-utile
aux sciences, m En parlant ainsi Lalande plaidait un peu sa propre
cause : il avait été reçu membre de l'Académie, en 1752, à
l'âge de vingt-un ans.
Le titre d'académicien fut, en effet, pour Lavoisier, comme il
l'avait été pour Lalande, un encouragement plutôt qu'une ré-
compense. Aussi continua-t-il à suivre avec plus d'ardeur que ja-
mais la voie où il s'était engagé librement. La chimie devint
bientôt son étude favorite, et il n'épargna ni temps ni fortune
pour l'avancement de cette science. Ce fut principalement pour
subvenir à des expériences coûteuses qu'il sollicita et obtint, en
1769 , une place de fermier-général.
Lavoisier réunissait chez lui, régulièrement une fois par se*
maine, des savants français et étrangers pour leur soumettre
les résultats de ses travaux de laboratoire, et provoquer de leur .
(1] Voy. t. m, p. 2 des Œuvres de Lavowier (publiées par les soins da lù-
nistre de l'bstructioD publique), Paris (Imprimerie impériale ), 1S65, ia-4*.
(2) Us oal été reproduits dans le t. al, p. iOS-t44 des Œuvres de Lavtt-
TROISIÈME éPOQUE. 4^1
pari des objections ou l'émission d'idées nouvelles. Ces confé-
rences formaient, en dehors de TAcadémie constituée, une
académie libre, militante, qui battait en brèche la chimie
enseignée , la chimie des écoles.
Trois questions avaient particulièrement fixé Tattention de
Lavoisier :
1*» La composition de Tair ;
2** L'augmentation du poids des métaux par la calcination ;
3<> L'insuffisance de la théorie du phlogistique.
Ces trois questions étaient tellement connexes que résoudre
l'une, c'était résoudre les deux autres.
Dès 1770 Lavoisier avait probablement déjà ses convictions ar-
rêtées : il avait des motifs pour croire que l'air n'est pas un corps
simple, que les métaux absorbent^ pendant leur calcination, sinoH
la totalité, au moins une partie de l'air, enfin que la théorie du
phlogistique étaitune erreur. Cette triple croyance, qui demandait
des preuves, formait en quelque sorte le pivot de ses recherches ;
mais, tant qu'il lui avait manqué la sanction de l'expérience, il n'a- '
vait pas même osé l'énoncer sous forme d'hypothèse. Nous y re-
viendrons plus loin.
Lavoisier avait un ardent amour de la science. Les théories
cependant semblaient l'occuper bien moins que les applications
utiles. Appelé en 1776, par le ministre Turgot, à la direction
générale des poudres et salpêtres, il fit à Essone des expé-
riences qui l'amenèrent à perfectionner la poudre à canon au
point de donner plus de 200 mètres de portée dans les mêmes
circonstances où, avant lui, la meilleure poudre ne portait
qu'à 180 mètres. 11 fit aussi supprimer les recherches qu'on
faisait alors dans les maisons pour se procurer du salpêtre, et
il parvint à en quintupler la production, en délivrant la France
du tribut qu'elle payait à l'Angleterre pour le nitre des Indes.
L'agriculture, qui a des rapports si multipliés avec la chimie,
entrait dans le programme de ses études favorites. Pour encou-
rager la culture du sol, il proposa de diminuer l'intérêt de l'ar-
gent et d'autoriser des baux de vingt-sept ans. Pour essayer des
procédés nouveaux et combattre la routine , il faisait valoir par
lui-même deux cent quarante arpents de terre dans le Veudô-
mois : «Il récoltait ainsi, rapporte Lalande, trois setiers là où les
procédés ordinaires n'en donnaient que deux; au bout de neuf
ans, il avait doublé la production. »
492 HISTOIRE DE LA ClilHIE.
Au commencement de la révolution, Lavoisier fut élu député
suppléant à l'Assemblée nationale, et il présenta, dans la séance
du 21 novembre 4789, le compte-rendu delà Caisse d'escompte.
Nommé, en 179i, commissaire de la Trésorerie, il proposa,
pour simplifier la perception des impôts, un nouveau plan qu'il
devait développer dans un ouvrage spécial, intitulé : De la ri-
chesse territoriale. Cet ouvrage, dont il ne parut qu'un extrait
sous forme de brochure, fit connaître Lavoisier comme un des
meilleurs économistes de son temps. On y lit, entre autres, le
passage suivant : « Les ci-devant nobles, en y comprenant les
anoblis, formaient un trois-centième de la population du
royaume; leur nombre, hommes, femmes et enfants compris,
n'était que de 83,000, dont 18,323 seulement étaient en état de
porter les armes. Les autres classes de la société^ celles qu'on
avait coutume de comprendre sous la dénomination de tiers-
étatf peuvent fournir un rassemblement de 5,500,000 hommes
en état de porter les armes. » — Ces données n'ont-elles pas
fourni à l'abbé Sieyès le meilleur argument en posant devant
l'Assemblée nationale cette redoutable question : Qu'est-ce que
le tiers-état? Rien. Que doit-il être? Tout.
La Convention nationale avait nommé une commission pour
créer un nouveau système des poids et mesures. Lavoisier prit
une part très-active aux travaux de cette commission. Il avait
fait construire, dans le jardin de l'Arsenal, un appareil où des
règles métalliques, plongées dans l'eau et soumises à différents
degrés de température, faisaient mouvoir une lunette qui mar-
quait, sur un objet éloigné, les plus faibles dilatations ; et lors-
qu'en 1793 il s'agissait de mesurer une base pour la nouvelle
méridienne, ce fut Lavoisier qui fournit les thermomètres de
métal qu'on employa pour la triangulation opérée entre Lieu-
saint et Melun.
Gomme trésorier de l'Académie, Lavoisier avait mis de Tordre
dans les comptes et les inventaires. «Il fit, dit Lalande, tourner
au profit des sciences les fonds morts que l'Académie avait
sans le savoir. On le trouvait partout; il suffisait à tout par sa
facilité et son zèle qui étaient également admirables, w
Ses derniers travaux avaient pour objet la respiration et la
transpiration chez les animaux, Lavoisier distinguait parfaite-
ment la transpiration cutanée de la transpiration pulmonaire.
Pour séparer les produits de l'une et de l'autre, il employait,
I
TROISIÈliE ÉPOQUE. 493
dans . ses ' expériences, « un habillement de taffetas enduit de
gomme élastique, qui ne laissait pénétrer ni l'air ni Thumidité» .
— On voit, pour le dire en passant, que l'invention des étoffes
imperméables ne date pas précisément de nos jours. — L'habile
expérimentateur nous apprend lui-même comment il entrait
dans cette espèce de vêtement qui se fermait par-dessus la tête
au moyen d'une forte ligature; un tuyau qui s'adaptait à la
bouche et qui se mastiquait sur la peau, de manière k ne laisser
échapper aucune portion d'air, lui donnait la liberté de respi-
rer. «Tout ce qui appartenait à la respiration se passait, ajôute-
t-il, en dehors de l'appareil ; tout ce qui appartenait à la trans-
piration se passait au-dedans. En se pesant avant d'entrer dans
Tappareil et après en être sorti , la différence donnait la perte
de poids due aux effets réunis de la respiration et de la trans-
piration. En se pesant quelques instants avant d'en sortir, on
avait la perte de poids due seulement aux effets de la respira-
tion. » — En prenant la moyenne des effets réunis de la respi-
ration, de la transpiration cutanée et de la transpiration pulmo-
naire, Lavoisier parvint à confier qu'un homme, dans les
conditions ordinaires d'âge, de travail et de santé, éprouve une
perte du poids total de J8 grains par minute, ou de 2 livres
13 onces en vingt-quatre heures; que les deux extrêmes autour
desquels oscille cette moyenne sont de H et de 32 grains par
minute, ou de 1 livre 11 onces 4 gros , et de 5 livres par vingt-
quatre heures (1); enfin que le môme individu, après avoir aug-
menté de poids de toute la nourriture qu'il a prise, revient tous
les jours, après vingt-quatre heures révolues, au même poidsv^
que la veille, et que, si cet effet n'a pas lieu , l'individu est dans
un état de souH'rance ou de maladie.
Ces importantes recherches physiologiques se trouvent, en
partie, consignées dans le tome II des Mémoires de physique et
de chimie (2). Elles n'étaient pas encore terminées, quand la
(1) Lavoisier se servait encore des anciennes mesures. U importe de se rap-
pder que la livre était de 490 gramm., l'once de 30S'*- c, le gros de SS"^* 8, et le
grain de OS'- 05.
(2) Ce recueil devait former environ 8 volumes. Après la mort de Lavoisier, on
a trouvé dans ses papiers presque tout le premier volume, le 2® en entier, et
qu^ques feuilles du 4*. En tète du premier volume on lit : <r La plupart des
épreuves ont été revues dans les derniers moments de. Fauteur ; et, tandis quMl
n'ignorait pas qu^on préméditait son assassinat, M. Lavoisier, calme et coura-
494 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
hache révolutionnaire vint, le 8 mai 1794, trancher l'existence
• de ce grand citoyen, à Tâge de 51 ans et trois mois.
Lavoisier était le quatrième des vingt-huit fermiers généraux
qui périrent le môme jour. Son beau-père, M. Paulz€, dont il
avait épousé la fille en 1771, fut guillotiné le troisième. Cette
exécution sommaire de tous les fermiers généraux avait été pro-
voquée par le rapport de Dupuis, membre de la Convention
nationale {Moniteur^ 1794, n** 227 ); les considérants de ce rap-
port portent :
. « ConTaincus d'être auteurs ou complices d'un complot tendant à fayorlser le
succès des ennemis de la France (1), notamment en exerçant toutes espèces
d'exactions et de concussions sur le peuple français, en mêlant au tabac de Peau
et des ingrédients nuisibles à la santé des citoyens qui en faisaient usage, en pre-
nant six et dix pour cent tant pOur l'intérêt de leur cautionnement que pour la
mise des fonds nécessaires à leur exploitation, tandis que la loi ne leur accor-
dait que quatre, en tenant dans leurs mains des fonds provenant des bénéfices
qui devaient être Tersés dans le trésor public, en pillant le peuple et le trésor
national pour enlever à la nation des sommes immenses et nécessaires à la guerre
contre les despotes coalisés et les fournir à ces derniers, ont été condamnés à la
peine de mort, etc. » (2).
Un mot sur la mort de Lavoisier.
On a signalé cette mort comme une tache ineffaçable de la
Révolution française. Les historiens ont répété et varié, sur tous
les tons, ces paroles de Lalande : « Un homme aussi rare, aussi
extraordinaire que Lavoisier aurait dû être respecté par les hom-
mes les moins instruits et les plus, méchants; il fallait que le
pouvoir fût tombé entre les mains d'une hôte féroce. »
Mais, pour rendre les hommes moins méchants, il faut d'abord
commencer par les rendre meilleurs en leur donnant les moyens
de cultiver l'esprit et le cœur; voilà ce qu'auraient dû se dire les
amis et collègues de Lavoisier. II fallait montrer « à cette bête
féroce » qu'elle commettrait un crime de lèse-humanité en
immolant un homme qui, par ses travaux et ses découvertes,
avait reculé les bornes de la science ; il fallait exposer aux re-
geux, s'occupant d'un travail qu'il croyait utile aux sciences , donnait un grand
exemple de la sérénité que la lumière et la Tertu peuvent conserver au milieu
des plus affreux malheurs. »
(1) Considérant banal, qui était appliqué indistinctement à presque toutes
les victimes du tribunal révolutionnaire.
(2) Moniteur, 19 floréal, an II.
mOISIÈME ÉPOQUE. ,495
gards de tous Lavoisier quintuplant la production du salpêtre
et délivrant la France d'un tribut qu'elle payait à Tétranger,
Lavoisier améliorant et encourageant Tagricullure, Lavoisier
consacrant son temps, sa fortune, les revenus de sa charge, à
produire dans Tordre intellectuel une révolution aussi grande
que celle qui se produisait alors dans Tordre politique et social ;
il fallait montrer que ces deux révolutions étaient sœurs, et que ce
serait souiller la patrie d'un crime irréparable que de traîner sur
Téchafaud un de ses plus glorieux enfants. L'Académie des scien^
ces se serait elle-même honorée aux yeux de la nation, si elle était
venue en corps, au pied du tribunal révolutionnaire , réclamer
un de ses membres ; si, par un suprême effort, elle eût tenté
d'arracher à Tignorance populaire et aux passions déchaînées
une aussi illustre victime.
Où étaient donc alors, nous le demandons, les amis, les colla-
borateurs, les confrères de Lavoisier?
Lalande, seul, ne pouvait rien. Il se tenait d'ailleurs complè-
tement à Técart des affaires publiques.
Mais Fourcroy siégeait à la Convention nationale quand Lavoi-
sier porta sa tête sur Téchafaud. Qu'a-t-il fait pour sauver son
ami et collègue ? Rien. — Sans doute Fourcroy ne fut pas directe-
ment l'auteur delà mort de son illustre compatriote : c'eût été un
de ces crimes monstrueux pour lesquels les anciens n'avaient pas
édicté de peine. Il devait donc traiter la calomnie avec le dédain
qa'elle méritait. « On m'accuse, dit-il, de la mort de Lavoisier,
moi, son ami, le compagnon de ses travaux, son collaborateur
dans la chimie moderne, son admirateur constant, comme on
peut le voir dans tous mes ouvrages écrits avant ou depuis la
révolution, moi, naturellement doux, non envieux, sans ambi-
tion. Elle est trop absurde, cette calomnie, pour avoir fait
quelque impression sur ceux qui me connaissent de près ou
de loin ; mais elle laisse des doutes dans quelques esprits peu
accoutumés à réfléchir ; elle fait plaisir à des hommes qui se re-
paissent de méchancetés, à quelques hommes jaloux de nos
succès et de la portion de gloire que j'ai acquise dans la carrière
des sciences. »
Sans doute cela est fort bien dit. Mais n'êtes-vous pas bien cou-
pable lorsque, assis sur le rivage, vous ne tendez point une main
secourable à l'homme qui se débat dans les flots et périt faute
de secours ? N'est-ce pas déplacer la question, vouloir donner le
496 UISTOIRE tE LA CHIMIE.
change à l'opinion publique, que de venir alléguer comme
excuse que ce n'est pas vous qui l'avez tué? — La Terreur, c'é-
tait le déchaînement de l'ignorance aveugle. Eh bien ! Four-
croy, membre de la Convention nationale, membre du Comité
d'instruction publique, plus tard sénateur avec une dotation de
20,000 francs de rente, aurait dû tout tenter pour éclairer le
tribunal révolutionnaire sur la valeur d'un homme tel que La-
voisier. S'il n'eût pas réussi, l'histoire, la postérité, au nom de
la science et du progrès, lui eussent tenu compte de la générosité
de ses efforts. Le Bureau des consultations essaya , il est vrai,
par l'organe de Hallé, d'intervenir en faveur de l'illustre victime;
mais sans le concours effectif des collègues et collaborateurs de
Lavoisier, siégeant à la Convention nationale et dans le Comité
de salut public , Hallé devait être d'avance condamné à l'im-
puissance.
Guyton Morveau, président, en 1791, de l'Assemblée légis-
lative, membre de la Convention nationale et du Comité de salut
public, profita, dit-on, de son crédit pour sauver les jours de
quelques savants. Fit-il au moins quelques efforts pour sauver
les jours de Lavoisier, son ami et collaborateur? L'histoire garde
là-dessus un terrible silence.
Monge et Laplace étaient également au nombre des amis et
collègues de Lavoisier. Monge, ministre de la marine sous la
Convention, se distingua au milieu de la tourmente révolution-
naire par son activité, en multipliant les ressources de la guerre
par la fabrication perfectionnée de la poudre et parla transfor-
mation des cloches en canons ; mais il ne fit rien pour sauver
Lavoisier.
Laplace, fils de pauvres cultivateurs, plus tard comte de l'Em-
pire, était lié, «ous la Terreur, avec les principaux républicains;
ministre du premier consul après le 18 brumaire, chancelier du
sénat sous le règne de Napoléon P**, marquis et pair de France
sous la Restauration, qu'avait-il fait pour sauver Lavoisier ?
Cependant, avec la conscience d'avoir bien rempli sa vie, et
comptant, — quelle illusion ! — sur l'appui de ses collègues,
Lavoisier avait conservé, jusqu'au dernier moment, l'espoir de
vivre pour la science. Peu de temps avant sa mort, il disait à La-
lande (qui avait alors plus de soixante ans) qu'il prévoyait qu'on
le dépouillerait de tous ses biens, mais qu'il travaillerait, qu'il
se ferait pharmacien pour vivre.
TBOISIÈME ÉPOQUE. - 497
Sans doute, il y avait du danger à intervenir en faveur des vic-
times désignées par le tribunal révolutionnaire. Mais n'aurait-
il pas été plus beau de s'armer de courage que de s'abslenir?
On ne craint rien, quand on vil de manière à être toujours prêt
à mourir.
§ 2.
TraTAuiL de lia^oisier*
Les travaux de Lavoisier sont multiples; ils touchent à presque
toutes les sciences. Il nous importe donc de mettre en relief
ceux qui se rapportent directement à la chimie.
Composition de Tair* Lavoisier connaissait les travaux de
ses prédécesseurs, tels que Rey, Boyle, Mayow, Haies, etc.; il les
cite même souvent. Il faisait surtout un grand cas des recher-
ches de Charles Bonnet Sur la fonction des feuilles dans les
plantes. Ces recherches lui inspirèrent les réflexions suivantes :
a On dira peut-être que si l'air est la source où les végétaux
puisent les différents principes que l'analyse y découvre, ces
mêmes principes doivent exister et se retrouver dans l'atmos-
phère. Je répondrai que, quoique nous n'ayons point encore
d'expériences démonstratives en ce genre, on ne saurait douter
cependant que la partie basse de l'atmosphère, celle dans la-
quelle croissent les végétaux, ne soit extrêmement composée.
Premièrement, il est probable que l'air qui en fait la base
n'est point un être simple, un élément, comme l'ont pensé. les
premiers physiciens. Secondement^ ce fluide est le dissolvant de
l'eau et de tous les corps volatiles qui existent dans la nature, n
C'est ainsi que Lavoisier posait le problème de la composi-
tion de l'air, problème dont la solution devait renverser l'antique
théorie des éléments.
Les paroles que nous venons de ciler se trouvent incidemment
dans le mémoire intitulé : Sur la nature de l'eau et sur les expé-
riences par lesquelles on a prétendu prouver la possibilité de son
changement en terre (1). Dans ce mémoire Lavoisier s'attache à
démontrer que le changement de l'eau en terre est une illusion,
(1) Voy. Mémoires de FAcadémie des sciences, année 1770, et comrnencereent
ùa t. II des Œuvres de Lavoisier (Paris, 1862).
HIST. I)E LA CHIMIE. — T. II. 32
\
i • .
49S
BI9I0IBB SB UL tÈOSXÈ.
que la nature de l'eau n'est pas altârée par la distillation, et que
la terre peut, en partie, se dissoudre dans l'eau.
Après a^oir posé le problème de la composition de l'air, voici
comment il essaye de le résoudre. Sachant qu'il est impossible
de calciner les métaux dans des vaisseaux exactement clos et
privés d'air, et que la caicination est d'autant plus rapide que,
le métal offre à l'air des surfaces plus multiples, Lavoisier com-
mençait à soupçonner^ — - ce sont ses propres expressions, — -
c qu'un fluide élastique quelconque , contenu dans l'air, était
susceptible, dans un grand nombre de circonstances, de se fixer,
de se combiner avec les métaux, et que c'était à l'addition de
cette substance qu'était dû le phénomène de la caicination,
l'augmentation de poids des métaux convertis en chaux. »
]^ bien, ce que cet homme de génie commençait à wiÊpçaih
nefj c'était la vérité même; malheureusement les expériences
sur lesquelles il croyait devoir s'appuyer l'induisirent en erreur.
Ces expériences consistaient à brûler soigneusement, à l'aide
d'un miroir ardent, un mélange pesé de minium (chaux de plomb)
et de charbon dans un volume d'air mesuré d'avance.' Nous
savons aujourd'hui quel résultat ces expériences devaient don-
ner : le fluide élastique, nommé plus tard oxygène^ qui par sa
combinaison avec le plomb formait la chaux (oxyde de plomb),
ce flurde, au lieu de se dégager librement, se portait, en aban-
donnant le plomb redevenu métal, sur le charbon et produisait
immédiatement un autre fluide, qui reçut par la suite le nom
de gaz acide carbonique. Or ce fut ce dernier gaz que Lavoisier
pritd*abord pour l'oxygène, c'est-à-dire pour le fluide élastique
qui se fixe sur le métal pendant la caicination. Évidemment il
se trompait, et, chose curieuse, son erreur était presque iné-
vitable; car, par une étrange coïncidence, il avait précisément
affaire à un gaz qui, en se combinant avec le charbon, ne change
pas de volume. Personne ne savait alors (en 1772) que le môme
volume d'oxygène donne, par sa combinaison avec le carbone,
exactement un égal volume d'acide carbonique. Et ce fut
Lavoisier lui-même qui le découvrit en brûlant du diamant (à
Taided'un miroir ardent) dans de l'oxygène pur.
Ainsi donc ce grand expérimentateur se trompait, de la
meilleure foi du monde, et il ne pouvait pas ne pas se tromper :
il lui manquait un terme nécessaire, — dans la série du pro-
grès.
TaOISlÈME EPOODE. 499
Dans toute l'histoire il n'y a pas^ à notre avis, de spectacle plus
grandiose que celui de Thorame aux prises avec l'erreur, mon-
trant combien il faut de patience et d'efforts presque surhu-
mains pour parvenir à saisir le terrible Protée.
Lavoisier croyait si bien tenir la vérité, en prenant le gaz
acide carbonique pour l'oxygène, qu'il déposa, le 1*' novembre
1772, le résultat de son expérience, sous pli cacheté, au secré-
tariat de l'Académie. Dans un document publié après sa mort,
il explique lui-même le motif de cette précaution, n J'étais, dit-
il, jeune ; j'étais nouvellement entré dans la carrière des sciences ;
j'étais avide de gloire, et je crus devoir prendre quelques pré-
cautions pour m'assurer la propriété de ma découverte. Il y avait
à cette époque une correspondance habituelle entre les savants
de France et ceux d'Angleterre; il régnait «ntre les deux na-
tions une sorte de rivalité, qui donnait -de l'importance aux
expériences nouvelles, et qui portait quelquefois les écrivains de
l'une et de l'autre nation à les contester à leur véritable auteur.»
— - Ces dernières paroles étaient probablement à l'adresse de
Black et de Priestley.
Mais revenons à la lutte du génie aux prises avec l'erreur.
Poussé en quelque sorte par Tinstinct du vrai, Lavoisier re-
commença ses expériences, et cette fois 'û réussH à démontrer
(( que ce n'est point le charbon seul, ni le minium seul, qui
produit le dégagement du fluide élastique ainsi obtenu, mais
que celui-ci résulte de l'union du charbon avec une partie du
minium n»
Cette fois, il tenait la vérité. Mais il la lâcha presque aussitôt,
entraîné par la théorie du phlogistique, dont il subissait malgré
lui l'empire. Afin de mettre les faits d^accord avec cette théorie,
Lavoisier inclinait à penser « que tout fluide élastique résulte
de la combinaison d'un corps quelconque avec un principe in-
flammable ou peut-être même avec la matière du feu pur, et
que c'est de cette combinaison que dépend l'état d'élasticité. »
— «J'ajouterai (c'est Lavoisier qui parle) que la substance
fixée dans les chaux métalliques et qui en augmente le poids
ne serait pas, dans cette hypothèse, un fluide élastique, mais
là partie fixe d'un fluide élastique,, qui a été dépouillée de son
principe inflammable. Le charbon alor$ » ainsi que toute sub-
stance charbonneuse employée dans les réductions, aurait
pour objet principal de rendre au fluide élastique fixé le phlo-
32.
500 HISTOIRE DE LÀ GflnOE.
gistique, la matière du feu, et de lui restituer en même temps
l'élasticité qui en dépend (4). »
Que d'efforts pour faire cadrer un fait avec une théorie fausse !
Avouons cependant qu'il n'était guère possible de mieux raison-
ner dans l'état de la science d'alors. Faites vivre nos plus habiles
chimistes à la même époque et dans les mêmes circonstances
que Lavoisier; ne se seraient-ils pas tous, nous le demandons,
trompés comme lui? Peut-être n'y auraient-ils pas mis autant
de réserve lorsque, comme correctif de l'hypothèse qu'il venait
d'émettre, il s'empressait d'ajouter : « Au surplus, ce n'est qu'avec
la plus grande <;irconspection qu'on peut hasarder un sentiment
sur celte matière si difficile^ et qui tient de près à une plus
obscure encore, je veux dire la nature des éléments mêmes,
au moins de ce que nous regardons comme éléments. »
Bientôt d'autres expériences obligèrent Lavoisier d'admettre
.((que l'air dans lequel on a calciné des métaux (sans charbon)
n'est point dans le même état que celui qui se dégage des ef-
fervescences et des réductions». Il reconnut en même, temps
que si les deux fluides élastiques éteignent la flamme, ce sont
cependant des corps très-distincts, puisque l'un trouble l'eau de
chaux, tandis que l'autre est sans effet sur cette solution. Ce sont
les mêmes gaz qui dans la nomenclature, créée plus tard par La-
voisier et Guyton Morveau, reçurent les noms d'acide carboni-
que et d'azote.
A côté de ces expériences, irréprochables, il y en avait d'au-
tres qui ne l'étaient guère; telle était l'expérience d'après la-
quelle un oiseau pourrait vivre sans souffrir dans le résidu de
rair, où l'on avait fait brûler du phosphore. Nous savons aujour-
d'hui que l'azote (2), — c'est le gaz dont il s'agit ici, — est aussi
irrespirable que le gaz acide carbonique. Mais ce qu'il y a de
singulier, c'est que l'erreur commise par Lavoisier, au sujet des
animaux pouvant vivre dans l'azote, fut partagée par d'autres
chimistes; bien plus, elle fut solennellement sanctionnée dans
le rapport publié, au nom de l'Académie des sciences, parMac-
quer. Le Roy, Cadet et Trudaine , chargés d'examiner le travail
de leur illustre collègue. Voici en quels termes l'Académie ra-
tifia cette erreur : «Enfin, l'air dans lequel le phosphore avait
(1) Opuscules chimiques, de Lavoisier, p. 288. »
(2) Le nom iVazoie lui vient précisément de ce q»'il est impropre à Tenlretieu
de la vie.
' TAOISIÂME EPOQUE. 501
cessé de brûler sous cloche, faute cLu renouvellement de l*air,
éprouvé sur les animaux^ ne les a pas fait périr, comme celui
des effervescences et des réductions métalliques, quoiqu'il étei-
gnit la bougie dans le moment même où il en touchait la
flamme (1). »
Quand donc les hommes comprendront-ils combien ils de-
vraient être réservés dans leurs jugements, et que la mise en
commun de tous leurs efforts n'est pas de trop dans la recherche
de la vérité I
' L'objectif de toutes ces expériences était que a la calcina-
tion des métaux dans des vaisseaux exactement fermés cesse
dès que la partie fixable de l'air qui y est contenu a disparu;
que l'air se trouve diminué d'environ un vingtième, par l'effet
de la calcination, et que le poids du métal se trouve augmenté
d'autant». C'est de ce fait-là que vont désormais rayonner les
principaux travaux de Lavoisier.
Dès 1774 le célèbre chimiste lut à l'Académie, dans la séance
publique de la Saint-Martin, son beau mémoire intitulé : Sur la
calcination de l'étain dans les vaisseaux fermés et sur la cause de
l'augmentation de poids qu'acquiert ce métal pendant cette opéra-
tion.
La vérité allait enfin, comme l'avait fait la fortune, sourire à
Lavoisier, quand le prestige d'un homme célèbre vint se jeter à la
traverse. La plupart des chimistes et des physiciens contempo-
rains de Lavoisier ne juraient que par l'autorité de Robert Boyle,
Ce grand expérimentateur croyait et était parvenu à faire croire
que la matière de la flamme et du feu pénétrait à travers la sub-
stance du verre, qu'elle se combinait avec les métaux, et que c'é-
tait à cette union qu'était due la conversion des métaux en chaux
et l'augmentation de poids qu'ils acquéraient.
Cette opinion semblait devoir venir à l'appui de la théorie du
phlogistique.
Lavoisier entreprit donc de contrôler les expériences de Boyle,
eVpour procéder avec méthode, il fit le raisonnement suivant :
« Si, se disait-il, l'augmentation du poids des métaux calcinés
dans les vaisseaux fermés est due, comme le pensait Boyle, à
l'addition de la matière du feu qui pénètre à travers les pores
(1) Ce rapport, publié le 7 décembre 1773, a été reproduit à la fin des OpuS'
crUes physiques et chimiques de Lavoisier, p. 369-387.
502 BISTOULB DS LÀ GHjams.
du verre et se combine avec le métal, il s'ensuivra que si, après
avoir introduit une quantité connue de métal dans un vaisseau
de verre et l'avoir seellé hennétiquement, on en détermine exac-
tement le poids, qu'on procède ensuite à la calcination par le
feu des charbons, comme l'a fait Boyle, enfin qu'on repèse le
même vaisseau après la calcination, avant de l'ouvrir, son poids
devra se trouver augmenté de toute la quantité de matière du
feu qui s'est introduite pendant la calcination. Si, au contraire,
l'augmentation du poids de la chaux métallique n'est point due
à la combinaison de la matière du feu, ni d'aucune matière exté-
rieure, mais à la fixation d'une portion d'air contenu dans la
capacité du vaisseau, le vaisseau ne devra point être plus pesant
après la calcination qu'auparavant, il devra seulement se trouver
en partie vide d'air, et ce n'est que du moment où la portion
d'air manquante sera rentrée que l'augmentation du poids, des
vaisseaux devra avoir lieu. »
Fort de ce raisonnement , Lavoisier répéta les expérieoces de
Bojle, en les variant très-ingénieusement. U en conclut qu'on
ne peut calciner qu'une quantité déterminée d'étain dans une
quantité d'air donnée, et que «les cornues scellées hermétique-
ment, pesées avant et après la calcination de la portion d'étain
qu'elles contiennent, ne présentent aucune différence de pesan-
teur, ce qui prouve évidemment que l'augmentation de poids
qu'acquiert le métal ne provient ni de la matière du feu, ni d'au-
cune matière extérieure à la cornue.»
Lavoisier remarque aussi , en passant, « que la portion de
l'air qui se combine avec les métaux est un peu plus lourde que
celle de l'atmosphère, et que celle qui reste après la calcination
est, au contraire, un peu plus légère; de sorte que dans cette
supposition l'air atmosphérique fournirait, relativement à sa
pesanteur spécifique, un résultat moyen entre ces deux airs. »
— « Mais, ajoute-t-il aussitôt, il faut des preuves plus directes
que je n'en ai pour pouvoir prononcer sur cet objet... C'est le
sort de tous ceux qui s'occupent de recherches physiques et
chimiques d'apercevoir un nouveau pas à faire sitôt qu'ils en
ont fait un premier, car ils ne donneraient jamais rien au pu-
blic, s'ils attendaient qu'ils eussent atteint le but de la carrière
qui se présente successivement à eux, et qui paraît s'étendre à
mesure qu'ils avancent. »
Quelle pénétration ! Ce que Lavoisier n'osait énoncer que sous
TROISlilME ÉPOQUE. 503
forme d'hypothèse était cependant la vérité, comme Jl allait lui-
môme le démlontrer par la suite. C'est ainsi qu'on marche de
découverte en découverte, quand on se trouve une fois engagé
dans la bonne voie. Enfin il termine son mémoire par cette
conclusion fondamentale a qu'une portion de l'air est suscep-
tible de se combiner avec les substances métalliques pour
former des chaux (oxydes), tandis qu'une autre portion de ce
même air se refuse constamment à cette combinaison». —
(c Cette circonstance, ajoute-t-il, m'a fait soupçonner que l'air de
Tatmosphère n'est point un être simple, qu'il est composé de
deux substances très-différentes.... Enfin, jejcrois pouvoir an-
noncer ici que la totalité de l'air de l'atmosphère n'est pas dans
un état respirable, que c'est la portion salubre qui se combine
avec les métaux pendant leur calcination, et que ce qui reste
après la calcination est une espèce de mofette, incapable d'en-
tretenir la respiration des animaux, et l'inflammation des
corps (1). »
Ki'oxygène et l'azote de l'air. — Lair n'est point un
corps simple : il se compose d'une portion salubre et d'une mofette
irrespirable. De cette déclaration de Lavoisier date le 89 de la
chimie. Rompant en visière avec les doctrines du passé, elle fut
le signal d'une véritable révolution dans la science.
A dater de ce moment, le hardi novateur devint le point de
mire d'innombrables attaques de la part des savants attachés
aux anciennes doctrines. D'un commun accord ils traitaient la
portion salubre de l'air et la mofette irrespirable^ de corps ima-
ginaires. Il fallait donc montrer ces corps aux incrédules. Mais
comment? Ce qui nous paraît aujourd'hui si simple était alors,
ne l'oublions pas, d'une difficulté extrême; et, sans l'interven-
tion de ce dieu qu'on appelle le Atward, Lavoisier ne serait
peut-être jamais arrivé à la démonstration de ce qu'il avait
avancé^ pour ainsi dire d'inspiration.
Voyons plutôt. Les métaux dont on s'était jusqu'alors seni
pour les expériences de l'augmentation de poids étaient le
plomb et l'étain. Or ces métaux absorbent bien, pendant leur
calcination, \2ip0rti0n salubre de l'air; mais, quand cet élément
a été une fois absorbé, ils ne le rendent plus par la même opé-
rPation. Et, si on l'enlève avec du charbon, on obtiendra, il est
(1) Extraits de son Journal d'expériencesy à la date du 14 féTrier 1774 .
804 mSIOIBI BB lA QHIIIIE. .
• ^ ■ '
vrai, un air irrespirable, mais- cette espèce de moiîette est bien
différente, cimme nous l'avons &it voir, de celle qm reste après
la calcination du plomb ou de Tétain dans Tair emprisonné dans
un vaisseau.
Heureusement il existe, — quelle chance ! — un^tnétal sin-
gulier, bien connu des alchimistes^ un métal liquide, qui rem-
plit ici à men^eille toutes les conditions nécessaires. Le mercure,
comme le savait déjà Eck de Sulzbach, a l'étrange propriété d'a-
bandonner, dans la seconde période de chaleur, la portion
d'air qu'il avait absorbée pendant la première. En absorbant cet
air, le mercure se transforme en une chaux rouge, le mercure
per se des anciens chimistes; puis il le rend, à l'état de liberté,
par une prolongation de la chaleur. Rien -de plus facile ensuite
que de recueillir cet air particulier dans des vases appropriés,
comme l'avait enseigné, cinquante-cinq ans auparavant, pour
J'air ordinaire, le pauvre Moitrel d'Élément.
Mais laissons ici parler Lavoisier lui-même. Après s'être as-
suré que le fer offrait les mêmes inconvénients que le plomb
et rétain, le grand chimiste eut enfin recours au mercure ou
vif-argent, a L'air qui restait, dit-il, après la calcination du mer-
cure et qui avait été réduit aux cinq sixièmes de son volume,
n*était plus propre à la respiration, ni à la combustion; car les
animaux qu'on introduisit y périssaient en peu d'instants, et les
lumières s'y éteignaient sur-le-champ, comme si on les eût plon-
gées dans l'eau. D'un autre côté, j'ai pris quarante-cinq grains
de matière rouge (chaux de mercure qui s'était formée pendant
l'opération), je les ai introduits et chauffés dans une petite cornue
de verre, à laquelle était adaptée un appareil propre à recevoir les
produits liquides et aériformes qui pourraient se séparer (Voy. la
figure ci-dessous). Lorsque la cornue a approché de l'incandes-
cence, la matière rouge a commencé à perdre peu à peu de son
volume cl, en quelques minutes, elle a entièrement disparu. En
même temps il s'est condensé, dans le petit récipient, 41 grains et
demi de mercure coulant, et il a passé sous la cloche 7 à 8 pouces
cubes d'un fluide élastique, beaucoup plus propre que l'air de l'ai-
mosphère à entretenir la combustion et la respiration. Ayant
fait passer une portion de cet air dans un tube de verre d'un
pouce de diamètre, et y ayant plongé une bougie, elle y répan-
dit un éclat éblouissant; le charbon, au lieu de s'y consommer
paisiblement comme dans l'air ordinaire, y brûlait avec une
TROISIÈUE ÉFOQUZ.
flamme et une sorle de décrépitation, à la manière du phos-
phore, et avec une vivacité de lumière que les jeux avaient peine '
à supporter, u
Voilà donc la portion salubre et la mofette irrespirable de l'air
parfiûtement isolées. La portion salubre, seule propre à entrete-
nir la respiration et la combustion, et qui donne tant d'éclat à la
flamme, reçut le nom à'oxygène (du grec i^ii;, acide, et yttvéM,
j'engendre). Ce nom signifie donc littéralement génércUeur de
l'acide. Quant à la mofette ou portion non respirable de l'air,
elle s'appellera asote (de 1'^ privatif et de i;w>î, vie). C'est Guyton
Morveau qui lui donna ce nom, « afin de distinguer, disait-il,
cet air non vilal et existant naturellement dans l'atmosphère,
des autres gaz, également non respîrables, mais qui ne font
partie^de l'atmosphère qu'accidentellement ».
Ici se présente une question souvent agitée en vain; il im-
porte de la vider. Est-ce réellement Lavoisier qui a découvert
l'oxygène? Non, répondrons-nous, si l'on n'entend par là que le
fait pur et simple de la découverte d'un corps aériforme, d'un gaz
particulier. Mai», si l'on comprend par là en même tems le nom
de celui qui donne à un fait nouveau toute sa valeur, qui en
Bait tirer toutes les conséquences, et qui l'élève à la hauteur
d'un principe, on ne devra jamais séparer le nom de Lavoisier
de la découverte de l'oxygène. Sans le génie fécondant de Lavoi-
sier, cette découverte serait restée un fait stérile : l'histoire est
là pour eu témoigner [1).
(1) Cette ^Unclioi), qu'on reacimtre ï chaque pas dans l'hiatoirc des sciences,
«st caintale. Faote de la faim, on s'engage daos d'întwniiiiables et fort irri-
>: ■ -
r
* • *. ■ .. j* t ■ . - V ' . "1.1
BCte HISTOLailIlt lA CHOOl.
Sans Lavoisfer, les remarquables travaux de J^riesfleyy'nésélraieiiC
jamais deyenas, pour le répéter^ la base d'one chimie nouvelle,
puisqu'ils ne devaient, dans l'esprit de leur auteur, servir qui
étayer l'échafaudage du phlogistique. Au reste, on aurait tort
d'accuser Lavoisier de s'être appropri^le bieqd'atttrui, sans avoir
rendu justice à qui de droit ; car voici ce qu*il dit au commeo:-
cernent de son célèbre mémoire Sur Uêjhitde$aéri formes •* «Les
expériences dont je vais rendre compte appartiennent presque
toutes au docteur Priestley ; je n'ai d'autre mérite que de lès
avoir répétées avec soin, et surtout de les avoir rangées dans un
ordre propre à présenter des conséquences (I). »
Voilà comment Lavoisier alla résolument à rencontre des insi-
nuations malveillantes de ses adversaires. Si nous avions quelque
doute à cet égard, l'insistance qu'il met à y revenir silffirait
pour le dissiper. Ainsi, dans un autre mémoire {Sur texistmce
de Vair dan» taeide nitreux ) : « Je commencerai, dit-il, avant
d'entrer en matière, par prévenir le public qu'une partie des
expériences contenues dans ce mémoire ne m'appartiennent
point en propre; peut-être même, rigoureusement parlant, n'en
est-il aucune dont M. Priestley ne puisse réclamer la prenaière
idée ; mais, comme les mêmes faits nous ont conduits à des con-
séquences diamétralement opposées, j'espère que, si Tourne
reproche d'avoir emprunté des preuves des ouvrages de ce célèbre
physicien^ on ne me contestera pas au moins la propriété des con-
séquences. »
Ces dernières lignes sont toute une révélation. II est certain
que le grand novateur devait avoir pour implacables ennemis
tous les partisans fanatiques de l'école ancienne. Les ennemis
qui se montrent sont faciles à combattre. Mais Lavoisier ne se
trouvait pas dans une position assez effacée, sa position était trop
enviable, pour espérer que tous ceux qui ne partageaient pas ses
idées l'attaqueraient au grand jour. Et quand il se plaignait de
n'être pas compris des chimistes, il ne répondait probablement
qu'aux objections d'une minorité assez loyale et assez courageuse
tantes questions de priorité ; témoin la discussion dont FAcadémie impériale de
médecine a donné récemment le spectacle à Toccasion de la méthode opératoire
sous-cutanée.
(i) De quelques substances qui sont constamment dans l'état de fluides
aériformes, aux degrés de chaleur et de pression habituels de Vatmosphère ;
dans le Recueil des mémoires de chimie de Lavoisier, t. II, p. 348.
TROISIEME ÉPOOeE. 507
I
pour repousser, sans arrière-pensée, des innovations qu'elle ne
comprenait point, et que Priestley avait essayé de faire concor-
der avec une théorie alors presque universellement adoptée.
Mais ceux qui travaillaient sous les auspices de Lavoisier, ses
collaborateurs et ses collègues de l'Académie, avaient-ils tous la
même franchise? Est-ce que sa supériorité ne devait pas porter
ombrage aux médiocrités jalouses? Il faudrait bien peu connaître
le cœur humain, pour conserver à cet égard le moindre doute.
On est naturellement porté à juger avec beaucoup d'indulgence
les hommes qui ont disparu de la scène. Aussi, pour bien s'é-
clairer, importe-t-il de tenir non-seulement compte des pen-
chants naturels de notre espèce, mais de s'adresser aux témoi-
gnages contemporains d'une incontestable autorité. C'est pour-
quoi-nous devons ajouter foi à ces paroles deLalande, quand, après
avoir tracé le portrait de Lavoisier, il ajoute : « Son crédit, sa
réputation, sa fortune, sa place à la trésorerie, lui donnaient
une prépondérance dont il ne se servait que pour faire le bien ,
mais qui n'a pas laissé de lui faire des jaloux. Taime à croire
qu'ils fCont pas contribué à sa perte, d
Ces paroles, pleines de réticence, laissent le champ libre à
bien des conjectures. Lavoisier avait accueilli la grande révo-
lution, sinon avec enthousiasme, du moins avec une parfaite
sérénité. C'était le moment que les esprits médiocres et ambi-
tieux devaient choisir pour abattre l'homme dont ils [enviaient
la gloire. Est-ce que de fanatiques phlogisticiens n'avaient pas
brûlé Lavoisier en effigie à Berlin?
£tat des corps. liear simplicité et leur composition. Si nous
effaçons un moment, par la pensée, tout le progrès que la science
avait fait depuis moins d'un siècle, nous n'aurons pas de peine
à comprendre que les chimistes contemporains de Lavoisier
n'eussent pas voulu tous admettre les conséquences que celui-
ci avait tirées des expériences de Priestley. Nous touchons là un
point d'une haute portée : il mérite d'être mis en relief.
n n'y a pas deux hommes qui voient les mêmes choses exacte-
ment de la même façon. On peut donc établir en principe qu'il
y a autant de manières de voir qu'il y a d'individus; mais, parmi
ces différentes manières de voir, il y en a très-peu qui se perfec-
tionnent et se transmettent indéfiniment. Priestley se faisait des
gaz ou corps aériformes une tout autre idée que Lavoisier. Ce
508^ HISTOIRE DB LA CUUflE.
qui fixait Tattenlion du premier u'attirait que- médiocrement
délie du second : il est si difficile de distinguer le principal de l'ac-
cessoire ! Vétat aériformey cet état d'un corps invisible et impal-
pable comme Tair, voilà la chose principale pour Priestley; ce
n'était là qu'un accessoire pour Lavoisier. De là deux théories
inconciliables', dont on trouve déjà des traces chez les philo-
sophes grecs, et dont il faut chercher l'origine dans l'organisation
même de la nature humaine.
Priestley employait toujours deux mots pour désigner un gaz,
le nom, constant, du genre (air), et le nom, variable, de l'espèce.
C'est ainsi qu'il parle d'AIR fixe, d'AiR inflammable, d'AIR ni-
treuxy d'AIR phlogistiqué, d'AIR depMogistiqué, etc. Tous ces
fluides élastiques n'étaient, suivant Priestley, que de l'atr, de
l'air commun, transformé ou diversement modifié; et le principal
agent de ces transformations ou modifications diverses devait
être le phlogistique.
Cette manière de voir cadrait à merveille avec la théorie dfes
anciens relativement à la composition des substances naturelfes.
L'air, l'eau, la terre, passaient pour les éléments des corps, non
pas dans le sens qu'on y attache aujourd'hui, mais parce que
tous les corps de la nature ne se présentent à nous que dans l'état
aéri forme , dans l'état liquide, dans l'état solide ^ auxquels il
faut ajouter encore l'état igné. Ces différents états de la matière
ayant pour type l'air, l'eau, la terre et le feu, voilà les élé-
ments, selon l'idée des anciens. La chaux, la silice, l'argile, etc.,
étaient des terres^ c'est-à-dire des modifications particulières
de la terre ou de ce qui se présente à nous à Télat solide.
La même manière de voir s'appliquait à ce qui est liquide,
gazeux, etc., de telle façon que tous les objets qui tombent sous
les sens ne seraient, en dernière analyse, que des modifications
diverses ou des étals allotropiques de l'air, de la terre, de l'eau
et du feu. Ce dernier élément (chaleur et lumière réunies) avait de
tout temps embarrassé les physiciens. Aussi l'avaient-ils tantôt
admis, tantôt retranché du nombre des éléments. Pour tout
concilier, Stahl le supposait fixé et inégalement répandu, sous le
nom de phlogistique, dans tous les corps matériels. C'est ainsi
que cette théorie fameuse tendait à tout ramener à Vunité de
substance à travers les évolutions et les formes infiniment variées
de la matière. Elle avait pour elle le prestige de l'autorité, et
semblait même sanctionnée par notre propre nature. En effet,
troisiAme époque. 509
est-ce que Tintelligence n'est pas organisée pour unifier ce que
les sens diversifient ?
En déclarant le phlogistique une chose fictive , imaginaire,
Lavoisier fitdonc un vrai coup d'État scientifique. Afin de le justi-
fier il eut soin de meltre en relief les embarras et les contradic-
tions des Stahliens qui, pour faire concorder Texpérience avec
la théorie^ étaient obligés de présenter le phlogistique, tantôt
comme quelque chose de pesant, tantôt comme ne pesant rien.
Mais, en retranchant le phlogistique du domaine des réalités, il
maintenait rigoureusement la distinction des corps en solides,
liquides et gazeux,
Lavoisier soutenait que la même substance peut être solide, liquide
ou aériforme, suivant les conditions où elle se trouve; que l'état de
gaz ou de fluide aériforme n'est qu'un accident qui ne touche en
rien à la nature du corps ; qu'il n'en modifie ni la simplicité, ni la
composition. Afin de mieux faire comprendre ce qu'il « ne ces*
sait vainement de répéter depuis plusieurs années », il s'élança,
sur les ailes du génie, dans l'infini de l'espace, a Considérons
un moment, disait-il, ce qui arriverait aux différentes substances
qui composent le globe, si la température en était brusquement
changée. Supposons, par exemple, que la terre se trouve trans-
portée tout-à-coup dans une région où la chaleur habituelle
serait fort supérieure à celle de l'eau bouillante : bientôt l'eau,
tous les liquides susceptibles de se vaporiser à des degrés voi-
sins de l'eau bouillante, et plusieurs substances métalliques
même se transformeraient en fluides aériformes qui devien-
draient partie de l'atmosphère. Ces nouveaux fluides aériformes
se mêleraient avec ceux déjà existants , et il en résulterait des
décompositions réciproques, des compositions nouvelles..,.
On pourrait, dans cette hypothèse, examiner ce qui arriverait
aux pierres, aux sels et à la plus grande partie des substances
fusibles qui composent le globe : on conçoit qu'elles se ramol-
liraient, qu'elles entreraient en fusion et formeraient des li-
quides.... Si , par un effet contraire , la terre se trouvait tout à
coup placéadans des régions très-froides, par exemple de Jupiter
ou de Saturne, l'eau qui forme aujourd'hui nos fleuves et nos
mers, et probablement le plus grand nombre des liquides que
nous coimaissons, se transformeraient en montagnes solides,
en rochers très-durs , d'abord diaphanes , comme le cristal de
roche, mais qui, avec le temps , se mêlant avec des substances
510 HISTOIRE DE LA C^^UÎE.
de différentes natures , deviendraient des pierres opaques di-
versement colorées. Une partie des substances cesserait d'exister
dans rétat de fluide invisible, faute d'un degré de chaleur suffi-
sant; il reviendrait donc à i*état de liquidité, et ce changement
produirait de nouveaux liquides, dont nous n'avons aucune idée. »
Voilà le point de vue élevé d'où Lavoisier envisageait la ques-
tion de l'état des corps. Si les uns sont solides, les autres liquides
et d'autres gazeux, cela tient tout simplement au plus ou
moins de chaleur qu'une planète reçoit du soleil ; si notre globe
venait à être placé plus près ou plus loin de ce foyer, les objets
dont s'occupe la chimie changeraient d'état , mais non de com-
position.
A l'époque de Lavoisier et devant l'autorité de l'école ré^^
gnante, ces idées nouvelles devaient faire l'objet de controverses
vives et passionnées. C'était tout simple; il était même impos-
sible qu'il en fût 'autrement. Mais, aujourd'hui que l'expérience
a prononcé, nous pouvons en apprécier la valeur avec une
parfaite sérénité.
Eh bien, est-ce que la science aurait pu, nous le demandons,
faire autant de progrès avec les idées de Priestley qu'avec celles
de Lavoisier? Non, évidemment. Jamais avec l'idée que les gaz
sont des transformations de l'air, jamais avec la théorie du phlo-
gistique, la question de la simplicité ou de la composition
des corps, cette question capitale de la chimie, n'aurait pu
être abordée d'une manière efficace. On ne serait certainement
pas parvenu de si bonne heure à démontrer que Vair déphlogis-
tiqué (oxygène) est un corps simple , gazeux, d'une nature par-
ticulière, et qu'il en est de même de Vair inflammable (hydro-
gène), ÙQ Vair phlogistiqué {dizoiç)^ etc. Jamais peut-être on
ne serait arrivé à démontrer que Vair fixe est un composé d'oxy-
gène (air déphlogisliqué) et de charbon pur (carbbne) , que
Valcali volatil est un composé d'azote (air phlogistiqué) et d'hy-
drogène, etc. Jamais enfin la prédiction de Lavoisier, que les
alcalis , tels que la potasse et la soude', que les terres, telles
que la chaux, l'alumine, la magnésie, etc., sont de véritables
oxydes métalliques , jamais celte prédiction du génie n'aurait
pu être réalisée sous l'empire de la théorie du phlogistiqué.
Sans doute on revient de nos jours sur la grande question de
Vunilé de matière; elle se complique même de celle de Vunitéde
forces. Mais, avant de l'aborder de nouveau, plus fructueusement
TROISlillE ÉPOQUE. 51 i
qu'autrefois, il fallait d'abord pouvoir s'orienter dans l'infinie
variété des corps qui nous entourent, il fallait avoir assez per-
fectionné les moyens d'analyse pour être à même d'affirmer
que tel corps est simple dans l'état actuel de nos connaissances.
Il y a des termes intermédiaires par lesquels il faut passer pour
que la science avance d'un pas sûr et régulier.
L'idée sur laquelle Lavoisier revient souvent et qui fait de lui
le véritable promoteur de la chimie pneumatique^ c'est que « les
mots airêy vapeurs, fluides aériformeSy n'expriment qu'un mode
de la matière » (i).
Ainsi énoncé, c'était là un principe vraiment nouveau. Aussi
qu'arriva-t-il ? Lavoisier ne fut pas compris. Et c'est lui-même
qui nous l'apprend, a Ce principe, dit-il, que je n'ai cessé de
répéter depuis plusieurs années, sans jamais avoir eu la satisfac-
tion d'être entendUy va nous donner la clef de presque tous les
phénomènes relatifs aux différentes espèces d'air et à la vapori-
sation. )) — Puis il part de là pour établir que si la chaleur
change les corps en vapeur, la pression de l'atmosphère apporte
à ce changement une résistance d'une valeur déterminable ,
enfin que la tendance des corps volatiles à se vaporiser est
en raison directe du degré de chaleur auquel ils .'sont exposés,
et en raison inverse du poids ou de la pression qui s'oppose à
la vaporisation. »
Ce fut par une sorte d'intuition que Lavoisier prévit, au
sujet de certains corps composés, ce qui ne devait se réaliser
qu'après sa mort. Après avoir défini la chimie, « la science qui
a pour objet de décomposer les différents corps de la nature, »
il complète ainsi sa définition : fi Nous ne pouvons donc pas
assurer que ce que nous regardons comme simple aujourd'hui
le soit en effet; tout ce que nous pouvons dire, c'est que telle
substance est le terme actuel auquel arrive l'analyse chimique,
et qu'elle ne peut plus se diviser au delà, dans l'état actuel de
nos connaissances. 11 est à présumer que les terres (la chaux, la
magnésie, l'alumine, etc.), cesseront bientôt d'être comptées au
nombre des substances simples : elles sont les seules de cette
classe qui n'aient point de tendance à s'unir à l'oxygène , et je
(1) Sur quelques substancei qui sont constamment dans Vétat de fluides
aériformes, au degré de chaleur et dépression habituels de l'atmosphère.
Mémoire déposé à rAcàdémie des sciences le 5 septembre 1777, et publié dans
le t. I, p. 348-384, des Mémoires de physique et de chimie de LaToisicr.
< \
5i2 mSIOm SK LA. (BHDOB.
suis bien porté à croire que cette indifférence pour l'oxygène
tient à ce qu'elles en sont déjà saturées, l^s terres , daîis cette
manière devoir, seront peut-être des oxyda mélaUiques.... Ce
n'est, au surplus, qu'une simple conjecture que je présente
ici (1) » .
Lavoisier était ici guidé par Fanalogie. Voyant que les terres
et les alcalis se combinent directement avec les acides , tandis
que les métaux, pour se combiner avec ces mêmes acides, ont
besoin de se saturer préalablement d'oxygène, il en eonclut
que les terres et les alcalis sont des métaux déjà oxydés.
Cette conclusion fut un coup de génie; mais en voici le revers. .
L'oxygène étant admis comme le générateur des acides, l'acide
muriatique (l'esprit de sel des anciens), obtenu par la réaction de
l'acide sulfurique sur le sel marin, devait aussi avoir l'oxygène
pour élément. Or c'était là une erreur, et cette erreur prove-
nait de l'exagération d'une théorie. Voici le raisonnement 4xk
grand chimiste à l'appui de son système ; nous le livrons comme
un enseignement à la postérité : « Quoiqu'on ne soit pas encore
parvenu, dit Lavoisier, ni à composer; ni à décomposer l'acide
qu'on retire du sel marin, on ne peut douter cependant qu'il ne
soit formé, comme tous les autres, de la réunion d'une base aci-
difiable avec l'oxygène. Nous avons nommé cette base inconnue
base muriatique, radical muriatique , en empruntant ce nom du
latin murias, donné anciennement au sel marin. Ainsi, sans
pouvoir déterminer quelle est exactement la composition de
Tacide muriatique; nous désignerons sous, cette dénomination
un acide volatil , dans lequel le radical acidifiable tient si forte-
ment à V oxygène qu'on ne connaît jusqu'à présent aucun moyen de
les séparer, »
Dans ces dernières lignes, Lavoisier faisait, en quelque sorte,
un appel à tous les chimistes de son temps. Vains efforts! On
cherchait dans l'acide muriatique ce qui ne s'y trouvait pas ,
Toxygène.
Une fois engagé dans une fausse voie, on ne rencontre plus que
des exceptions ou des singularités; c'est ce qui arriva au sujet de
l'acide muriatique. Mais, ici encore, laissons d'abord parler le
maître : « Cet acide présente, au surplus, une particularité très-
remarquable ; il est, comme l'acide du soufre, susceptible de
(1) LaToisier, Traité de chimie, t. II, p. 194 (3e édit.).
TROISIÈME ÉPOQUE. 513
plusieurs degrés d'oxygénation ; mais , contrairement à ce qui a
lieu pour Tacide sulfureux et l'acide sulfurîque, l'addition d'oxy-
gène rend l'acide muriatique plus volatil^ d'une odeur plus pé-
nétrante, moins soluble dans l'eau, et diminue ses qualités ko-
cide. » — Ce dernier caractère aurait dû être pour Lavoisi«r un
traitde lumière : il indiquait la présence ^^V acide muriatique oxy-
9^n^(chlore). Mais continuons la citation : — «Nous avions d'abord
été tenté d'exprimer ces deux degrés de saturation , comme
nous avions fait pour l'acide du soufre, en faisant varier les ter-
minaisons : nous aurions nommé l'acide le moins saturé d'oxy-
gène acide muriaieuXf le plus saturé , acide muriatique; mais
nous avons vu que cet acide, qui présente des résultats particu-
liers et dont on ne connaît aucun autre exemple en chimie , de-
mandait une exception, et nous nous sommes contenté de le
nommer acide muriatique oxygéné. »
Défions-nous du recours aux exceptions ! c'est un des signes de
l'erreur. Cet acide muriatique oxygéné exceptionnel était préci-
sément le radical que Lavoisier cherchait : c'était le' chlore y. qui
fut plus tard découvert, comme corps simple , par Davy, et qui
se combine, nous le savons aujourd'hui, non pas avec l'oxygène,
mais avec l'hydrogène, l'un des éléments de l'eau , pour former
l'acide muriatique, appelé mdâniennni acide chlorhydrique. Mais
n'anticipons pas.
Le mystérieux radical de l'acide muriatique devint pour Lavoi-
sier l'objet de toutes ses préoccupations; il y revenait souvent,
mais chaque fois avec une certaine hésitation, comme s'il sentait
qu'il s'était trop aventuré : « Nous n'avons, dit-il, nulle idée de
la nature du radical de l'acide muriatique; ce n'est que par ana-
logie, plutôt que par suite d'une théorie préconçue, que nous
concluions qu'il contient le principe acidifiant ou oxygène.
M. BerthoUet avait soupçonné que ce radical pouvait être de
nature métallique; mais, comme il paraît que l'acide muriatique
se forme' journellement dans des lieux habités, il faudrait sup-
poser qu'il existe un gaz métallique dans l'atmosphère , ce qui
n'est pas sans- doute impossible, mais on ne peut l'admettre au
moins que d'après des preuves. »
Ce qu'il y a surtout d'étrange, c'est que Lavoisier était en
quelque sorte entretenu dans son erreur par un fait expérimental,
mais non compris ou mal interprété. En effet, ce qu'il appelait
acide muriatique oxygéné s'obtenait en distillant de l'acide mu-
I1T8T. DE lA aUM:t. — T. II. '33
^ ' '.•" . • •■'■'^ < - «.•-.■■-6 '■^1
• » • • / • . .*•-•■•- ^' ■ '. . . ». . :1
014 Hàitoqus ju M cânmu .
riatique sur des oxydes métalliques, tels que leSr oixyâes de «w*
ganèse et de plomb. Comme dans cette opératioQ des oij^ .
perdent leur oxygène, La?oisier croyait,, et tous les dÙitiisleft
d'alors croyaient a?ec lui, que l'oxygène ainsi devenu fibre se
portait sur Tacide muriatique; de là le nom d'acide moriativie
oxygéné! Bt comme il voyait ce prétendu acide se eoadbinear Àm
les baises, à l'exemple des autres acides dans la cc^posHâw des-
quels entre l'oxygtoe. Une pouvait guère faire autrement que, de
persister dans ce qu'il pensait être la vérité, et ce qm n'éttit^
au fond, qu'une erreur (4). . •. : - ; .^.iJ. '
■* ■. • ■ i .
Thém9%m île 1» wmmfàtMMmn* —- Lavoisier montna-expérir
mentalement que l'air qui a servi quelque temps à la respiration a,
par sa qualité délétère, beaucoup d'analogie avec celui dans re^nd •
un métal a été calciné, mais que ces deux airs diffèrent chimique-
ment Fun de l'autre en ce que le premier pécripitoi l'eau: dé ^
chaux, tandis que le dernier la trouble à peine ; que l'un eatde.ïSft-
cide carbonique, et l'autre de l'axote ; en£ip que, pour raibéoier
à l'état d'aûr commun ou respirable l'air qui a été vidé^îMic.li
respiration, il faut: 1* enlever à cet air, au moyen d'un dcsli
caustique, la portion d'acide carbonique qui s'y trouva; S* lui
rendre une quantité d'oxygène ^ale à celle qu'il a perditeV Or
voici les conséquences qu'il tire de ces données expérimentales :
(( De deux choses Tune : ou la portion d'oxygène contenue dans
l'air est convertie en acide carbonique en passant par les pou-
mons, ou bien il se fait un échange dans ce viscère : d'une part
l'oxygène est absorbé, et de l'autre le poumon rend une portion
d'acide carbonique presque égale en volume. »
Ces deux manières de voir ne s'excluent point ; la dernière a
môme été adoptée par beaucoup de physiologistes. Cependant
Lavoisier inclinait plutôt vers la première manière de voir. Dès
1777, il avait soutenu; que « la respiration estime combustUm
lente d'une portion de carbone contenue dans le sang, et que lâcha-
leur animale est entretenue par la portion de calorique qui se
dégage au moment de la conversion de Voxygène en acide carbo*
nique , comme il arrive dans toute combustion de charbon »•
Enfin, en 1785, il annonça, dans un mémoire inséré dans le
Recueil de la Société de médecine, que « très-probablement la
(1) Voyez plus loin Tanalyse des trayanx de Davy.
TROTSIKME ÉPOQUE. o1?>
respiration ne se borne pas à une combustion de carbone, mais
qu'elle est encore la combustion d'une partie de Thydrogène con*
tenue dans le sang; de là une formation à la fois d'eau et d'acide
carbonique pendant l'acte de la respiration )>. — - Cette dernière
théorie compte aussi de nombreux partisans.
HouTeinemt moléculaire. — La question du calorique fut
de la part de Lavoisier l'objet d'études particulières. C'est un fait
depuis longtemps connu que les corps se dilatent par la chaleur
' et se condensent par le froid. Pour expliquer ce fait général
Lavoisier supposait que les molécules des corps ne se touchent
pas , qu'elles sont, au contraire, placées à une certaine distance
les unes des autres. « Mais, se demandait-il, si le calorique tend
continuellement, par une cause quelconque , à s'introduire entre
les molécules des corps et à les écarter, comment ne cèdent- elles
pas à cet effort? Comment ne se désunissent-elles pas? Et com-
ment concevoir alors qu'il existe des corps solides? Il faut donc
admettre une force dont les effets soient en opposition avec la
précédente, qui retienne et lie entre elles les molécules des
corps , et cette force, qu'elle quen soit la cause , est la gravi-
teUion universelle, d
Ainsi, Lavoisier considère les molécules élémentaires comme
obéissant à deux forces antagonistes, au calorique, qui tend à
les écarter, et à l'attraction, qui les rapproche. Lorsque ces deux
forces sont à l'état d'équilibre , le corps est liquide; il devient
aériforme lorsque la force répulsive, le calorique, l'emporte.
L'écart qui existe, pour chaque corps, entre le degré de chaleur
nécessaire pour en opérer la liquéfaction, et celui qui en opère
la vaporisation , Lavoisier l'attribue à la pression de l'atmos-
phère.
Quant à l'espace que les molécules laissent entre elles, il dif-
fère aussi, selon la même théorie , pour chaque substance. « Ce
qui doit surtout faire varier les dimensions de cet espace, c'est ,
ajoute l'auteur, la figure des molécules primitives des corps,
puisqu'il est impossible que des sphères, des tétraèdres, des he-
xaèdres, des octaèdres, laissent entre eux des vides d'une même
capacité. C'est pourquoi il faut une quantité de calorique suffi-
sante pour élever la température de différents corps d'un même
nombre de degrés du thermomètre, ou, ce qui revient au même,
différents corps qui se refroidissent d'un même nombre de degrés
33.
»■ :
' • ■ . * ■'.'.. .- \ I ■ . ' r V *■■•-. *^ 'M
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sid
t»
HI8T01AE DE LA CtUUUE.
■»• •
f - :
abandooncni uue quantité âUTéreate de calorique, o . — Pour
Yérifier ce fait capital, Layoisier entreprit avee taplacé upe série
d'expériences, consignées dans lin important mémoire, intitulé :
&wr ie principe de la chaleur et les kiùffens éTen mesurer leseffàs (1).
Ces expériences sont fondées sur ce que a la quantité de gbce
que les corps fondent en se refiroidissant mesure exactement la
mfimè quantité de calorique qu'ils abandonnent ».
La chaleur est-elle un fluide ou une force f Cette question fon-
damentale de la physique, intimement liée à la çlûtniè, fût
pour la première fois nettement posée par Lavoisier. Ainsi
énoncée, elle impliquait deux hypothèses : l'hypothèse du calo?
rique fluide et celle du calorique mouvement. Voyons comment
il a abordé Tune et l'autre.
Pour justifier le mot fluide^ appliqué au calorique, Lavoîsier le
compare à l'eau qui s'introduit dans les pores de différentes espèces
de bois, les gonfle et en augmente la pesanteur. Chaque espèce
admettra une quantité d'eau différente, suivant sa qualité ; les
plua légers et les plus poreux en logeront davantage ; les hm
compactes n'en laisseront pénétrer que très>peu; la proportion
d'eau qu'ils absorbent dépendra encore de la nature du Ixâs; etc.
Ces différences de capacité des bois pour l'eau se présentent
aussi pour le calorique.
Dans cette comparaison, Lavoisier ne considérait que l'eau qui
mouille intérieurement le bois ; mais Teau entre aussî|dans la cons-
titution même du bois. Et comme il existe une eau libre^ une eau
adhérente et une eau combinéey il fut conduit par Tanalogie à
établir trois états différents de calorique : « 1^ le calorique libre;
c'est, dit-il, celui qui n'est engagé dans aucune combinaison et
qui ne louche à aucun corps; 2* le calorique adhérent ^ c'est
celui qui pénètre les corps, qui en écarte les molécules; ce ca-
lorique est encore dans un état d'agrégation, mais cette forme
agrégative est modifiée par l'adhérence qu'il contracte avec
les corps avec lesquels il est en contact; 3*^ le calorique combiné;
c'est celui dont l'agrégation est rompue et qui est combiné
molécule à molécule avec les parties élémentaires et constituan-
tes des corps. »
D'après cette hypothèse, le calorique est répandu dans tous
les corps de la nature et fait partie de toutes les combinaisons.
(1) Dans le lome I des Mémoires de physique et de chimie de LaVoisier.
.TaOlSIÈMli ÉPOQUB. 517
f^e calorique spécifique est la quantité de fluide absorbé el va-
riable pour chaque corps, ou, plus exactement» (c c'est la quantité
totale de calorique qui se dégagerait des corps, si^ les prenant
tous à un même degré de température, on les réduisait au zéro
absolu^ c'est-à-dire à une privation complète de calorique ». —
« Nous connaissons bien, ajoute Lavoisier, les augmentations ou
les diminutions dont le calorique spécifique des corps est suscep-
tible, suivant qu'on lui fait éprouver certains changements de
température ; mais la quantité totale nous est encore inconnue. »
— Le thermomètre n'indique que le fluide calorique libre. <( Il en
reçoit lui-même sa part en raison de sa capacité ; il n'indique
donc tout au plus que la portion qu'il a reçue ; mais il ne cons-
tate pas la quantité totale qui a été dégagée , déplacée ou ab-
sorbée. » Ce calorique devait être distingué de celui que le ther-
momètre n'indique pas et qui ne se manifeste que dans les com^
binaisons ou réactions chimiques.
L'autre hypothèse , celle du calorique-mouvement qui parait
aujourd'hui prévaloir, eut pour point de départ la sensation
de la chaleur, a Ce n'est, dit Lavoisier, que par un mouvement
quelconque imprimé à la matière que nous éprouvons des
sensations, si bien qu'on pourrait poser comme axiome : point
de mquvemeiUy point de sensation. » — Ces paroles, rigoureu-
sement exactes, devaient confirmer la nouvelle manière de
concevoir les choses. En effet, d'après la théorie du calorique-
mouvement, les molécules insécables, les atomes de la matière,
sont doués d'une oscillation permanente, quoique insensible. Ce
mouvement suppose que les atomes ne se louchent pas et qu'ils
sont séparés par des espaces intersticiels dont le volume peut sur-
passer infiniment celui de la matière contenue dans les atomes.
(( Ces espaces^ ajoute Lavoisier résumant sa théorie, ces espaces
vides laissent à leurs parties insécables (atomes) la liberté d'os-
ciller dans tous les sens, et il est naturel de penser que ces parties
sont dans une agitation continuelle qui , si elle augmente jusqu'à
un certain point, peut les désunir et décomposer les'corps ; c'est ce
mouvement intestin qui constitue la chaleur.»— Al'appuidecetle
opinion, Lavoisier rappelle le principe de la conservation des
forces. Ce principe, qui n'est que l'expression d'un fait général , '
consiste « en ce que, dans un système de corps qui agissent les
uns sur les autres d'une manière quelconque , la force vive,
c'est-à-dire la somme des produits de chaque masse par le carré
gi8 HISTOIRE M ÏK GMllIE.
' . • . -, . ■. . "
de sa vitesse,, est constante... l)ans ThypoUiëse que nous exa-
minons» la chaleur est là force vive qui réisulte des môuyeibieiÀ'ts
insensibles des molécules d'un corps ; elle eèi la somibé dés
produits de la masse de chaque molécule par le carré àé sa
vitesse. »
La dernière hypothèse explique, ainsi que la première, celrtaiiu -
'./■ . p}iénoaiènes, tels que .celui de la chaleur produite par lé fh)ttë- .
ment de deux corps, par le marteau frappant surrenclume, ètb.
r Elle explique aussi pourquo ilés rayons du soleil, tombant dlréc-
tiemeni sur les pics neigeux des plus hautes montkgnes , échauf-
fent, malgré leur puissance calorifique, beaucoup moins îè milieu
' environnant que iie ]e font les rayons réfléchis, dansiez vàlléel'
Lavdsier ne se déclara positivement ni pour runè, tii pour l'autre
' hypothèse; il laissa là* quesfîon indécise. On sait dn^ft ^e] sgens
elle a été résolue de nds jours.
i. -^^B'àprS^ sa théorie, la respirafibti Àfedt die-
inémé qu'un cas particulier de la combustion. Dans res;^rit
deLsivoisiér la combustioii' n'est pas seulement ui^ fait général,
c'est toute une méthode d'analyse et de synthèse; C'est Ipar'h
combustion des métjàux ' qnll parvint à la découverte de ta
composition dç l'air. C'est en' brûlant le phosphore dans l'air
qu'il obtint l'acide phosphôrique sous forme d'une matière blan-
che, floconneuse, soluble dans Teau, et qu'il put déterminer la
quantité d'oxygène employée pour transformer le phosphore en
acide phosphôrique. Des expériences semblables, entreprises avec
le soufre et le charbon, lui firent connaître les acides que ces
corps simples produisent par leur combinaison avec Poxygèné.
Mais, de tous les phénomènes de combustion, le plus intéres-
sant, c'est celui qui amena la découverte de la composition de l'eau.
Il a fallu des siècles pour arriver à douter de l'exactitude de
la doctrine ancienne, suivant laquelle l'air et l'eau sont des élé-
ments. Ce respect de la tradition aurait retardé peut-être encore
longtemps le triomphe de la vérité, sans l'heureuse audace d'un
esprit libre et indépendant. Mayow, Bayle, Lemery, connais-
saient déjà Tair inflammable ; mais l'idée que cet air pouvait
être un élément de l'eau ne leur était pas venu à l'esprit. Et
même plus tard on y fut conduit en cherchant tout autre chose
qu'un élément de Peau .
Essayons d'élucider ici un curieux point historique. Un physicien .
TROISIÈME ÉPOQUE. 519
anglais, Warltire, fit brûler, au moyen de Tétincelle électrique,
des gaz dans un globe de cuivre, d'une capacité et d'un poids dé-
terminés d'avance, afin de s'assurer « si la chaleur est ou n'est pas
pesante ». Dans une de ses expériences dont il rendit compte
par une lettre datée de Birmingham, le 18 avril 1781, et adressée
à Priestley, Warltire annonce qu'il a trouvé qu'une précipitation
aqueuse se dépose sur les parois d'un vase clos, en foudroyant
par l'électricité un mélange d'oxygène et d'hydrogène (1).
Vers la même époque, Gavendish montra qu'en allumant un
mélange d'air inflammable et d'air déphlogistiqué (oxygène),
on obtient de l'eau pure sous forme de rosée. Dans un mémoire,
lu à la Société royale de Londres, le 15 janvier 1784, et paru, six
mois après, dans les Transactions philosophiques ^ Gavendish dé-
. Clara que ses expériences furent faites dans l'été de 1781, et
que Priestley en eut connaissance. Il ajoute : « Un de mes amis
eii dit quelque chose (gave some account ) à Lavoisier, le prin-
temps dernier (le printemps de 1783), aussi bien que de la con-
clusion que j'en avais tirée, savoir, que l'air déphlogistiqué est
de l'eau privée de phlogistique. Mais, à cette époque^ Lavoisier
était tellement éloigné de penser qu'une semblable opinion fût
légitime, que jusqu'au moment où il se décida à répéter lui-
môme les expériences, il trouvait quelque difficulté à croire
que la presque totalité des deux airs pût être convertie en eau, »
Ge passage ne se trouve pas dans le mémoire de Gavendish,
imprimé en 1 784. Il fut plus tard ajouté au mémoire manuscrit par
unemaiii étrangère; l'écriture est celle de Blagden , secrétaire de
la Société royale de Londres. G'est ce qui résulte d'une notice
historique communiquée par lord Brougham à Fr. Arago (2). Le
. but de cette addition posthume saute aux yeux : c'était de reven-
diquer pour Gavendish l'honneur de la découverte de la décom-
position de l'eau.
Mais dans une question de priorité les documents imprimés
doivent seuls faire foi.
Dans un mémoire lu à l'Académie des sciences à la rentrée
publique de la Saint-Martin 1783, Lavoisier nous apprend que les
premières tentatives qui aient été faites pour déterminer la nature
(1) Priestley fait mention de celte lettre dans le vol. V de ses Experiments
and observations on différent kinds of air.
(3) Cetie notice a été reproduite à la fin de l'i^^o^e de James Watt par Aragp.
I
. i
1
IIISTOIHE Dt LA C1IIUIE. -
résultat d : la combustion de l'air intlammable (bydrog^i
remontent à 1116 ou 1177. «Acctle époque,raconte-t-il,M. Mac-
quer ayant présenté une soucoupe de porcelaine blanche à la
flamme de l'air inflammable qui brûlait tranquillement à l'ori-
fice d'uoe bouteille, il observa que cette flamme n'était accom-
pagnée d'aucune fumée fuligineuse ; il trouva seulement la sou-
coupe mouillée de gouttelettes assex sensibles d'une liqueur
blanche comme de l'eau, et qu'il a reconnue, ainsi que M. Sigaud
delà Fond, qui assistait à cette expérience, pour de l'eau pure.»
Cette espérience d'une flamme sans fumée donna à réfléchir.
Lavoisier croyait que l'air inflammable devait, en brûlant, donner
de l'acide vitrioUquc ou de l'acide sulfureux. Bucquet , au con-
traire, pensait qu'il en devait résulter de l'air fixe, h Pour éclair-
cir leurs doutes, nous remplîmes, continue Lavoisier, au mois
de septembre 1777, M. Bucquet et moi, d'air inflammable tib-
lenu par la dissolution du fer dans l'acide vitiolique , une bou-
teille de cinq à six pintes; nous la retournâmes, l'ouverture en
haut, et pendant que l'un de nous allumait l'air avec une bougie
à l'oriflce de la bouteille, l'autre y versa très-promptement , h
travers la flamme mÈme, deux onces de chaux; l'air brûla d'a-
bord paisiblement à l'ouverture du goulot, qui était fort large;
ensuite la flamme descendit dans l'intérieur de la bouteille,
et elle s'y conserva encore quelques instants. Pendant tout le
temps que la combustion dura, nous ne cessâmes d'agiter l'eau
de chaux et de la promener dans la bouteille , afin de la mettre,
le plus qu'il serait possible, en contact avec la flamme ; mais la
chaox ne fut point précipitée, en sorte que nous reconnûmes
'évidemment que lerésultatde la combustion.de l'air inflammable
et de l'air atmosphérique n'était point de l'air fixe (gaz acide
carbonique). i>
Mais cette expérience ne renversait que l'opinion de Bucquet;
elle Qe décidait rien pour celle de Lavoisier. Celui-ci varia
donc ses expériences, pendant une partie de l'hiver de 1781 à
1782, et s'il ne parvint pas plus tAt à s'éclairer, c'est qu'il ét^it
égaré par une théorie imaginaire, d'après laquelle « il se produit,
dans toute combustion un acide , que cet acide était l'acide vi-
triolique , si l'on brûlait du soufre, l'acide phosphorique, si l'on
brûlait du phosphore , l'air fixe, si l'on brûlait du charbon».
L'analogie l'avait ainsi porté à admettre que la combustion de
l'air inflammable devait également produire un acidcv
TROISIÈME ÉPOQUE. 521
Cependant Lavoisier ne tarda pas à s'apercevoir combien
Tanaiogie peut être trompeuse. Il comprit donc la nécessité de
renouveler ses expériences et d'y apporter le plus grand soin.
A cet effet, il fit construire deux caisses pneumatiques, dont
Tune devait fournir l'oxygène et l'autre l'hydrogène en assez
grande quantité pour qu'on pût continuer plus longtemps la
combustion ; des tuyaux à robinet permettaient de conduire à
volonté les deux gaz ; ils s'appliquaient exactement à la tubu-
lure supérieure de la cloche où devait se faire l'expérience.
Cette expérience fut faite le 24 juin 1783 par Lavoisier, assisté
de La Place, en présence de Le Roi, de Van der Monde, de
plusieurs autres académiciens, et de Blagden. « Ce dernier nous,
apprit, dit Lavoisier, que M. Cavendish avait déjà essayé, à
Londres, de brûler de l'air inflammable dans des vaisseaux
fermés et qu'il avait obtenu une quantité d'eau très-sensible. »
Mais, pour le rappeler, Cavendish ne lut son mémoire où il
rendait compte de ses expériences à la Société royale de Lon-
dres, qu'en 1784, tandis que Lavoisier avait lu le sien à l'Aca-
démie des sciences de Paris, en 1783. Cela tranche la question
de priorité évidemment en faveur du chimiste français.
Le résultat de l'expérience solennelle, décrite par Lavoisier,
ne devait pas être douteux. « L'eau obtenue, soumise à toutes
les épreuves qu'on put imaginer, parut aussi pure que l'eau
distillée : elle ne rougissait nullement la teinture de tourne-
sol ; elle ne verdissait pas le sirop de violette ; elle ne préci-
pitait pas l'eau de chaux ; enfin, par tous les réactifs connus ,
on ne put y découvrir le moindre indice de mélange (1). »
Lavoisier et La Place rendirent compte de leur expérience à
l'Académie le lendemain 25 juin, et ils en conclurent avec juste
raison que l'eau n'est point un élément ^ mais qu'elle est composée
d'air inflammable et d'air vital.
Monge s'était^ vers la même époque, occupé du même sujet.
Il trouva que le poids de l'eau pure, obtenue parla combustion
de l'hydrogène et de l'oxygène, est, à très-peu de chose près,
égal à celui des deux gaz employés.
Après avoir montré la composition de l'eau par la synthèse ,
(1) Mémoire y dans lequel on a pour objet de prouver que Veau n'est point
une substance simple ^ mais qu'elle est susceptible de décomposition et de
recomposition; réiroprimé dans le t, II dçs ŒutTcs de Lavoisier, p. 334 etsuir*
.iZi IIISTUIHE DE LA CIIIIIIE.
Lavoisier voulut la montrer aussi par l'analyse. El ici il partit
d'un principe digne d'être noié. «Si ïérilablement l'eau, faiaait-
il observer, est formée, comme l'annonce la combustion des deux
gai , de l'union de l'oryt/ine ( c'est ainsi qu'il appelait d'abord
l'oxygène), on ne pourra la décomposer et obtenir séparément
l'un de ses éléments sans présenter à l'aulre une substance avec
laquelle il eût plus d'affinité. L'hydrogène ayant plus d'affinili!
avec l'oxygine qu'avec aucun autre corps, ce n'était pas par ce
latux que pouvait élre tentée la décomposition : c'était donc
l'oxygine qu'il fallait attaquer. »
Voilà par quel raisonuement Lavoisier fut conduit à la décom-
po^ilion de l'eau au moyen du fer, du zinc, ou même du charbon.
Mais l'air inflammable (hydrogène), qui se dégage d'une dis-
solution du fer ou du zinc dans l'acide vitriolîque ou de l'acide
marin, provient-il réellement de la décomposition de l'eau? ■
Cette question, qui semblait d'abord embai-rasser Lavoisier, '
fut résolue par La Place en ces termes : « Par l'action des acides, ■
le métal se dissout sous forme de chaux (oxyde), c'est-à- [
dire, uni à l'air vital (oxygène), et, relativement au fer, celle ,
quantité d'air forme le quart ou le liers de son poids. La dis-
• solution ayant également lieu dans les vaisseaux fermés , il csl i
visible que l'air vital n'est point fourni par l'atmosphère; il ne '
l'est pas non plus par l'acide.. . Ce qui prouve qufi l'acide n'est
point altéré par son action sur le fer, c'est qu'après cette
action il faut, pour le saturer, employer la même quantité d'al-
cali. Il ne reste donc que l'eau à laquelle on puisse attribuer
l'air vital qui s'unit au métal dans sa dissolution; elle se dé-
compose donc, «t son principe inflammable se dégage sous
forme d'air; il suit de là que si, par la combustion, on com- ,
binait dé nouveau ce même principe avec l'air vital, on re-
produirait l'eau qui s'est décomposée, n
Toujours ingénieux pour varier ses expériences, Lavoisier con-
çut alors et réalisa l'idée de décomposer l'eau à une température
élevée en la faisant passer sur du fer incandescent. Il espérait
en même temps obtenir par ce moyen des quantités d'hydro-
gène sufBsantes pour gonfler des ballons aérostatiques, invention
alors tout nouvelle. A cet effet, il se servit d'un canon de fusil,
ouvert aux deux bouts , et chauffé dans un fourneau à réverbère.
Le fonctionnement de l'appareil donna lieu aux observations sui-
vantes : lorsque le canon de fusil est rouge et incandesceot, l'eau
TROISIÈME ÉPOQUE. ^ 523
qu'on y fait passer en petite quantité, goutte à-goutte, se décom-
pose en entier, et il n'en sort aucune portion par l'ouverture infé-
rieure du canon. C'est qu'en effet l'oxygène se combine avec le
fer et le calcine, en môme temps que l'hydrogène, devenu libre,
se dégage à l'état aériforme. Au commencement de Texpérience ,
la production d'hydrogène est très-rapide; elle se ralentit
bientôt^ et elle arrive à une uniformité qui dure pendant plu-
sieurs heures; enfin, au bout de 8 à iO heures, plus ou moins,
suivant l'épaisseur du canon , le passage de l'hydrogène se ra^
lentit, et l'eau finit par ressortir en totalité comme elle y était
entrée, sans se décomposer. L'oxydation est dès lors achevée :
tout le fer du canon se trouve converti en une substance noire ,
brillante, fragile, cristallisée en facettes comme la mine de fer
spéculaire; on peut la réduire èh poudre , et elle ne diffère en
rien de ce qu'on appelle en pharmacie, œthiops martial.
Le phénomène n'est pas le même , si au canon de fer on sub-
stitue un canon de cuivre rouge : l'eau, après. avoir été réduite
en vapeur dans la partie incandescente du tube, vient se con-
denser par le refroidissement dans le serpentin; il ne s'opère
qu'une simple distillation , et il n'y a ni calcination du cuivre,
ni production d'air inflammable. Cette différence d'action sug-
géra à Lavoisier l'idée de classer les corps, et particulièrement-
les métaux, suivant leur affinité pour l'oxygène, c'est-à-dire
suivant qu'ils sont plus ou moins susceptibles de décomposer
l'eau. L'idée d'une pareille classification, dont des chimistes
plus récents se sont attribué le mérite, revient donc de droit à
Lavoisier.
Si l'eau peut se décomposer en calcinant, en oxydant les mé-
taux, elle devra aussi se recomposer en réduisant les oxydes
par l'hydrogène. Lavoisier connaissait, comme il l'avoue lui-
môme, les expériences de Prieslley, sur la révivificaiion des
chaux métalliques dans Vair inflammable. Il y avait été initié par
Blagden, pendant le séjour que celui-ci fit à Paris. Priestley
avait employé pour ses expériences un oxyde ou chaux de
plomb, le minium. En voyant l'air inflammable disparaître, il
en concluait que l'air inflammable se combinait avec le plomb
pour le^révivifier et que, par conséquent, l'air inflammable et
le phlogistique n'étaient qu'une seule et même chose. Dans
l'esprit de Priestley les chaux métalliques ne cessèrent donc ja-
mais d'être des combinaisons d'un métal avec le phlogistique.
-I-
% . .
-•^ .
/-
■/
-•■. «
».
524
mSIOUUE VZ LA. CUUUE.
Tous les cliimistes anglais partagèrent alors cette manière de voir.
Lavoisier, qui s'était, de son côté, occupé de la réduction des
chaux (oxydes) métalliques au moyen de Thydrogène, ne put
s'empêcher de montra à Ùagden combien l'explication d(»mée
par Priestley était contraire aux bits. « J'observai , dit-il , que
II. Priestley n'a pas fait attention à une circonstance capitale
qui a lieu dans cette expérience (la réduction du minium par
l'hydrogène) , c'ost que le plomb (oxyde de plomb), loin d'aug-
menter de poids , diminue au contraire de près d'un douzième^
Mais, d'un autre côté, il ne reste, après cette opération, de
fluide élastique d'aucune espèce; non-seulement on ne retrouve
pas dans la cloche d'air vital , mais l'air inflammable lui-môme,
qui la remplissait, disparait; donc les produits ne sont plus
dans l'état aériforme ; et, puisque, d'un autre côté, il est prouvé
que Pun est un composé d'air inflammable et d'air déphlogis-*
tiqué (oxygène), il est clair que M. Priestley a formé de l'eau
sans s'en douter. »
Cette manière de voir, la seule vraie, que ne partageait alors
ni Cavendish (1), ni Watt (2), devait déjà, à défaut d'autres
preuves , suffire pour assurer à Lavoisier l'honneur de la dé-
couverte de la décomposUUm de l'eau.
En terminant ce détail historique, vivement controversé, nous
ajouterons que, d'après Lavoisier^ Teau est composée d'oxygène
et d'hydrogène dans la proportion de 85 parties contre 15; et
que la densité de l'oxygène est un peu plus forte que celle de
Pair, tandis que la densité de l'hydrogène n'est que d'environ
un douzième de celle de l'air/ Ces nombres ne s'éloignent pas
beaucoup de ceux qui ont été trouvés plus tard.
nétltode analytique. — Le rôle que Lavoisier voyait jouer à
l'oxygène dans l'analyse de l'air, de l'eau, de l'acide carbonique,
(1) En soutenant qiie « l'air déphl<^istiqaé est de l*eau pri?ée de phlogisti-
que ). (voy. le passage cité p. 519), CaTendish admettait, corome PriesUey,
l'identité du phlogistique avec Thydrogène qui devait, dans ces expériences de
réduction , se combiner avec le métal pour le révivifier.
(2) James Watt, à qui on a voulu attribuer la découverte de la composition
de Teau, considérait aussi l'air inflammable comme identique avec le phlogisti-
que. Voy. VÉlogede James Watt, dans le t. I, p. 501. àe& Notices biographi-
ques de Fr. Ârago.
tROISIÈME ÉPOQUE. 525
de Tacîde phosphorique et de l'acide nitrique, lui fît concevoir
ridée de l'étendre même aux composés organiques.
C'est par des combustions avec l'oxygène qu'il parvint à s'as-
surer que les huiles se composent presque uniquement d'hy-
drogène et de carbone, et que l'alcool est une combinaison
d'eau, de carbone et d'hydrogène (1).
Mais la combustion, telle que l'entendait Lavoisier, est un phé-
nomène général de décomposition et de recomposition , sus-
ceptible de s'effectuer à une température élevée aussi bien qu'à
la température ordinaire. Ainsi comprise, la fermentation elle-
même était une combustion. Il sut même en tirer parti pour
analyser le sucre. C'est dans son Mémoire sur la fermentation
spiritueuse (2) que sa puissance généralisatrice se manifeste
dans tout son éclat.
Dans l'esprit de Lavoisier, la manière de raisonner est la
même pour toutes les sciences; les chimistes, comme les géo-
mètres, ne peuvent procéder que du connu à l'inconnu , par une
véritable analyse mathématique, et tous leurs raisonnements
contiennent implicitement de véritables équations. « Supposons,
dil-il , que j'aie, par exemple, à analyser un sel dont je ne con-
nais ni l'acide^ ni la base. J'introduis un poids connu de ce sel
dans unô cornue ; je verse dessus de l'acide vitriolique, et je dis-
tille. J'obtiens de l'acide nitreux (acide nitrique) dans le réci-
pient, et je trouve dans la cornue du tartre vitriolé (sulfate de
potasse). Je conclus de là que le sel qu'on m'avait donné à exa-
miner était du nitre.
(( Mais quel fut, se demandait-il, le mécanisme du raisonnement
qui m'a conduit à cette conséquence ? Un instant de réflexion le
fera bientôt connaître. Il est clair d'abord que, si j'ai voulu faire le
calcul exact des quantités, j'ai été obligé de supposer que le poids
des matières employées était le même avant et après l'opération,
et qu'il ne s'était opéré qu'un changement. » — C'est là, comme
on voit, un cas d'application de l'axiome suivant lequel rien ne
se créey et rien ne se détruit; tout se transforme» — Mais écoutons
la suite. — « J'ai donc fait mentalement une équation dans la-
^1) Voy. Mémoire sur la combinaison du principe oxygène avec VespriMe-
vin, Vhvile et différents corps combustibles, dans les Mém. de VAcad. des
sciences, année 1784, et dans le t. II des Œuvres de Lavoisier, p. 586.
(2) Mém,y réimprimé dans le t. III, p. 777 et suiv., des Œuvres de Lavoisier.
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qaeUe les maUères ëmtantes avant l'opéralioafon^aieQjt-lèprer^
mier membre, et celles obtemiés apr^j'opératio^lwailûépl le
second^ et c'est réellement par h résolution de cette éqp^tiQa
que je suis parvenu au résultat; Àmsi, dans l'exemple ciljé|.Pacide
' . du sel que je me proposais d'examiner était une incoiume^ .eije
pouvais l'appeler x. Sa base m'était ég^emeot iACQimae,.iéi;je
pouvais rappeler y; et, puisque la quantité de inatièie^ fl^^tre
la même avant et après l'opération , j'ai pu dire a? -rh |( rhp^ifi .
. vitriolîque «» acide nitreux 4- tartre vitriolé «= jEtcide ni^re;^{. 4*
:'.. ^ acide yitriolique + alcali fixe (potasse); d'où je conclus. jq^e^f
SB acide nitreux, y == alcali fixe, et quç: le sel eu queatioô ô^
du nitre. > . . . . r
' ^< Le même raisonnement, XAvoisier. l'appliqiwt aux.prôppi^
"'-' .. tions d'eau et de sucre nécessaires à la fermeatatioà alcoolique,;
comme h levure employée se retrouvait intacte, il en ^sait abs-
traction.
Après différents essais il arriva à. établir l'équatioa suhraBj(e :
3 onces, 7 gros d'eau, plus â livres 8 onces d,e sucre, éi^Ô^t
' 1 livre 7 onces 5 gros 18 grains d'esprit-de-vin, pjiua.4.tli'nc«i
• d'acide carbonique. • . />
« Dans cette équation , ajoute^il » il n'y a que le sùcr^ dont
les parties constituantes me soient inconnues. Je conn^ celles
de l'eau , et j'ai fait voir que cette substance, regardée comme
élémentaire, était formée de la réunion de 85 parties d'oxygène
et de 15 parties d'hydrogène. Je connais également Tesprit-de-
vin, et je sais, d'après les expériences que j'ai publiées, qu'il
est composé d'eau, d'hydrogène et de carbone. Enfin je connais
les parties constituantes de l'acide carbonique : j'ai fait voir que
100 parties de cet acide sont composées de 72 d'oxygène et de
28 de carbone. Kien n'était donc plus facile que de substituer
toutes ces valeurs dans l'équation établie et d'en déduire par le
calcul celles des parties constituantes du sucre, les seules qui
me fussent inconnues. Ce calcul étant extrêmement simple^ il
me suffira de dire qu'au dernier résultat j'ai eu, pour les parties
constituantes de 2 livres 8 onces de sucre :
onces gros grains.
Hydrogène 3 4 49
Oxygène 8 54
Carbone 12 2 41
TROISIEME ÉPOQUE. 527
On voit que, d'après la théorie de la fermeafation, telle que
nous la présente Lavoisier, le sucre se partage sensiblement en
poids égaux, d'acide carbonique et d'alcool, qu'il y a fixation
d'eau et que l'hydrogène de celle-ci se retrouve dans l'alcool et
son oxygène dans l'acide carbonique. Le poids et le volume de
l'acide carbonique sont assez exactement évalués ; le poids seul
de l'alcool est un peu trop élevé. Cette erreur, très-excusable
d'ailleurs, provenait de ce que Lavoisier prenait pour de Talcool
pur ce qui n'était que de l'alcool impur, c'est-à-dire mêlé d'une
petite quantité d'eau.
Aucun des essais qu'on avait jusqu'alors tentés pour ana-
lyser les matières organiques n'est comparable , pour l'exacti-
tude , à celui dont nous venons de rendre compte. Recueillir
et apprécier^ au poids et au volume, les quantités d'acide car-
bonique et d'eau y résultant d'une combustion , tel était le pro-
cédé de Lavoisier. C'est ce procédé qui, sauf quelques mo-
difications , forme encore aujourd'hui la base de l'analyse orga-
nique.
Lavoisier avait l'habitude d'enregistrer jour par jour les expé-
riences de son laboratoire. Quelques feuillets de ce journal ont
été ^retrouvés; mais aucun ne dépasse l'année 1788, ainsi que
nous l'apprennent les éditeurs des Œuvres de Lavoisier, t. III,
p. 773. Sur un de ces feuillets, daté du vendredi 18 avril 1788,
on trouve une expérience inachevée, qui avait pour objet de
.recueillir les produits de la combustion de 1,000 grains de sucre,
mêlés avec 10,000 grains d'oxyde rouge de mercure. Le mé-
lange était placé dans une cornue , les produits passaient 1° dans
un matras vide; 2® dans un flacon renfermant de l'eau; 3^ dans
deux autres flacons renfermant de la potasse caustique liquide ,
pesée avec soin avant et après l'expérience^ et dont l'augmenta-
tion de poids représentait le poids de l'acide carbonique produit
par la combustion du sucre. L'oxygène que le mercure avait
abandonné étant connu, celui que l'acide carbonique contenait
l'étant également, on pouvait savoir par induction si l'hydro-
gène avait trouvé dans la matière même la quantité d'oxygène
exactement nécessaire à sa conversion en eau , s'il en avait cédé
au carbone ou s'il en avait pris à l'oxyde de mercure.
La même méthode avait été appliquée à la combustion des
principales résines : sandaraque, mastic, benjoin, gomme-laque,
bdellium, galipot, élémi; elle consistait à s'assurer combien ces
.".as . HISTOIRE DR L.\ nilHEK.
substances exigeaient d'oxyde de mercure pour leur complète
combustion.
Laîoîsier ne comprenait peut-Ctre pas lui-même toute l'im-
porlance de ces données ou pesées ; il n'entrevoyait pas qu'elles
ne tarderaient pas à devenir le point de départ de l'analyse
élémentaire des matières organiques.
Ce qui le surprenait, avec raison, c'était de voir que, par
exemple, le svcre n'est, en dernière analyse, qu'un composé
A'oxijgéne, A'hydroijène et de carbone, que ces mêmes élé-
ments entrent dans la composition des substances de formes si
variées du règne végétal , et que, pour avoir la composition des
matières animales, non moins variÉes, il suffisait d'ajouter à ces
trois éléments Vasott. Il avoue lui-même qu'il a eu de la peine
à se Familiariser avec ces idées, qui étaient alors , eu effet, d'é-
tonnantes nouveautés.
Les données analytiques que Lavoisier consignait sur ses re-
gistres de laboratoire ne devaient, au fond, servir qu'au con-
trôle ou qu'à la confirmation de ce qu'il appelait avec un légi-
time orgueil sa théorie, a Cet ensemble de preuves , dit-il , qni
toutes se soutiennent et se prêtent un mutuel appui , donne à la
théorie moderne de la chimie, à celle que j'ose appeler la
mienne, un degré de certitude auquel il est impossible de se
refuser. J'ai la satisfaction de voir, par !a correspondance que
j'entretiens avec un grand nombre de physiciens et de chimistes
les plus célèbres de l'Europe, que cette doctrine fait tous les
jours de nouveaux prosélytes , et que la plupart de ceux qui ne
sont point convaincus sont au moins très-ébranlés. »
Ces paroles sont précieuses à recueillir :' elles prouvent, une
fois de plus, que jamais la vérité, même en matière de science,
n'est acceptée avec empressement , et que son triomphe défi-
nitif est souvent sioguliëremenl retardé par ce qu'on pourrait ap-
peler Vêlement humain.
Une édition complète des CEuvres de Lavoisier manquait en-
core à la science lorsque, en i843, le gouvernement français en
chargea une commission académique , présidée par M. Dumas!
Mais cette entreprise resta pendant dix-neuf ans à l'état- de
projet; ce n'est qu'en 1862 que parut le tom. 11 (le \" dans
l'ordre chronologique), A^% Œuvres de Lavoisier, dans le format
in-4*, adopté pour les publications de luie. Ce volume con-
ÎROtSllÈME i?O0UÉ. S29
tient les Iravàux les plus importais de Lavoisier, particulière-
ment ceux qui ont fait l'objet de notre analyse.
Le tome I" (le 2* dans Tordre chronologique ) , pafu eo
4864, et orné du portrait de Lavoisier, est une simple réim-
pression du Traité élémentaire de chimie, 3^ édition, 1801 ; Paris
(Deterville), 2 vol. în-8*, et des Opuscules physiques et chimi-
ques, 4 Yol. 10-8*, 2" édit., ibid., même date. Il aurait peut-être
mieux valu choisir pour copie la 1'^ édition de ces deux ou-
vrages; car les éditions posthumes ont reçu beaucoup d'ad-
ditionSy rendues sans doute nécessaires par le progrès de la
sdence, mais où il est difficile, à moins de l'indiquer en note,
— * ce qui n'a pas été fait, — de faire la part exacte de ce qui
appartient à Lavoisier et de ce qui doit être mis sur le compte
de ses collaborateurs, que la révolution devait combler de places
et d'honneurs.
Le tome III, publié en 1865 , contient les premiers travaux de
Lavoisier, qui ont presque tous pour objet l'utilité publique et
particulièrement l'assainissement de la ville de Paris : tels sont
les mémoires sur les eaux de l'Yvette, qu'on avait, il y a cent ans,
proposé de conduire à Paris; sur l'établissement d'une pompe
à feu ; sur les prisons et les hôpitaux de Paris ; les rapports sur
les machines aérostatiques, sur le magnétisme animal , sur les
essais d'un miroir ardent; projets pour éloigner les tueries
( abattoirs) de Paris; pour transférer THôtel-Dieu. Ces projets,
dont quelques-uns sont encore pleins d'actualité, ont été de-
puis réalisés en partie.
Le mémoire Stfr le feu élémentaire , réimprimé dans le même
volume (p. 264-266), sous le titre de Réflexions sur les ex-
périences qu'on peut tenter à l'aide du miroir ardent, mérite une
mention spéciale : il peut servir à fixer la date de la révolution
scientifique à laquelle Lavoisier a attaché son nom. Ce mé-
moire, daté du 8 août 1772, fut lu à TAcadémie des sciences le
19 août 1772. Il montre qu'à cette époque Lavoisier pe possédait
pas encore les arguments nécessaires pour renverser la théorie
du phlogistique , et il se renfermait encore à ce sujet dans un
douté philosophique, u II faut avouer, dit-il, que même aujour-
d'hui nous ne connaissons pas encore bien la nature de ce que
nous nommons phlogistique pour pouvoir rien prononcer de très-
précis sur sa nature. » Et, pour éclaircir la question, il espérait
tirer parti de l'emploi du miroir ardent. « Lo fen du verre ardent
. OIST. DB LA CBimi:. ^ T. II. 34
SaU HISTOIRE CE LA CHIMIE,
offre, dit-il, un Irês-grand avanlage : il [leut pénétrer sous- le
récipient de la machine pneiimalique, ell'on peut par son moyen
faire des calcinations et des combinaisons dans le vide. »
Pour émettre de pareilles idées, il fallait ignorer la composi-
tion de l'air, l'existence et le rolc de l'oxygène. Voilà oh en
était encore I^voisier vers le milieu de l'année 1772.
S».
Ëcole de Lavoisier, ses adversaires et ses partisans.
En renversant la doctrine du phlogislique et en lui substi-
tuant la théorie de la combustion, Lavoisier devint le chef d'une
école nouvelle. Les phlogisliclens ne lui pardonnaient pas, sanf
quelques rares exceptions^ d'avoir eu raison contre eux. Mais les
pneumaticiens, — c'est ainsi qu 'on nommait les disciplesdc Lavoi-
sier,— prêtèrent le ilanc aux critiques justifiées de leurs adver-
saires en exagérant le rôle de l'oxygène, du gaz comburant.
Disons d'abord un mot de toute une catégorie de chimistes,
qui continuaient de travailler au progrès de la science en dehors
de toiit esprit de système.
Hacqner, dont nous avoiîs déjà parlé (1), fit de vains efforts,
dans son Dictionnaire de i-himie (Paris, 1778, 2 vol. 10-4"}, pour
concilier l'ancienne théorie avec la nouvelle. Ce futMacquer, di-
recteur de la Manufacture royale des porcelaines de SÔvrôS, qui
le premier montra que le diamant ne perd rien de son poids qoand
on le calcine dans le vide, et qu'il se dissipe, au Contraire, '>qDand
on le calcine au contact de l'air. Les expériences de Dareét, de
Rouelle et de Cadet confirmèrent ce fait , et amenèrebt Lavoisier
à découvrir l'identité du carbone avec le diamant. ■
Dareet {Jean), né en 1727 à Donazit (Landes), mort à Paris,
le 13 février 1801, se préoccupa moins de la partie-théorique
que de la partie pratique de la chimie. Précepteur des edfants
de Montesquieu, il se lia d'amitié avec Rouelle atné, qui fat sob
maître. Ses essais sur la porcelaine, tant sous le rapport do
choix des matériaux que sous celui des procédas de faturlcatioii,
marquent une épu^ue de progrès pour la M^nufafilare de
Sèvres, qu'il fut appelé à diriger après lâmOrt-de Maeipiar. Set
(1) Voy. page 3Sâ. "",,■--.,:.:,:., .. :
TROISIEME ÉPOQUE. . n31
recherches Sur Inaction du feu (1) le mirehl à môme d'intro-
duire des modifications notables et avantageuses dans Tart du
verrier, du potier, du métallurgiste, etc. Son mémoire Sur les
pierres précieuses, où il démontre la combustibilité du diamant,
fut présenté, en 1770, à TAcadémie des sciences. Darcet fut de
la commission chargée d'examiner le mesmérisme ou magné-
tisme animal^ il prit part au travail sur les hôpitaux dont Ëailly
était rapporteur, il indiqua les moyens d'extraire la soude du
sel^'marin, de fabriquer des savons avec toute espèce de graisse
ou d'huile , de perfectionner l'art du teinturier, de procéder
avec plus de précision dans l'essai des métaux destinés à la fa-
brication des monnaies , et d'opérer l'extraction de la gélatine
des os. Des expériences ultérieures ont démontré que la géla-
tine est loin d'être, comme on l'avait d'abord pensé, la ma-
tière nutritive par excellence. L'alliage fusible, qui porte le nom
de Darcet, et dont on attribue la découverte à Newton sans
preuves suffisantes, fond à une température un peu inférieure h
celle de l'eau bouillante. Il se compose de 8 parties de bismtith,
de 5 parties de plomb et de 3 parties d'étain. — Membre de
l'Académie des sciences, de 1784 à 1793, Darcet, lors de la
reorganisation.de cette compagnie savante, devint membre de
l'Institut national, entra plus tard au sénat et fut nommé ins-
pecteur général des essais à la Monnaie de Paris et des pein-
tures à la Manufacture des Gobelins. Il avait épousé , en 1771 ,
la ûÙe de Rouelle, et en eut un fils, chimiste distingué, qui
mourut en 1844.
Pelletier {Bertrand)^ né le 30 juillet 176i, à Dayonne, mort
le 21 juillet 1797, à Paris, préparateur du cours de Darcet au col-
lège de France, s'appliquait à confirmer les doctrines, encore con-
testées, de Lavoisier. Il publia dans les Annales de chimie et dans
le Journal de physique, des articles ou mémoires, ayant pour objet
la préparation de l'acide arsenique , la cristallisation des sels
déliquescents, le muriate de baryte, le carbonate de potasse, la
strontiane, le molybdène, la plombagine, l'éther acétique, la pré-
paration du savon, l'affinage du métal des cloches, le phosphore
et les phosphures métalliques, etc. En 1783, il découvrit, en
même temps que Gengembre, le gaz hydrogène phosphore
spontanément inflammable, et faillit devenir victime d'une ex-
(1) Darcet, Mémoires sur Vactiond'un fmégal, violent et continué pendant
plusieurs jours, sur un grand nombre de terres; Paris, 17CC et 1771, in-8".
'34.
•t
.'■■■■. ■ ^. -■ ^ ' . .. * ■ . -,• i- .•>.■ • :.•'-■ v-
jtSS • HIST0IBS 0S Là CàlHIS.
• - , . . ...
plosioa en traitani ce gaz par Tacide nitrenx. Membce de TA*
cadémie des sciences depuis 1791 , il mourat à Tige de trenté-soç
ans, par^snite d'une pblhisie pulmonaire. -^ Ses écrits ont ^fé
réunis et publiés par son fils Charles et par Sédtliot, soos le
. titre de Uimknê et obêervalUmi de éhimie; Paris^ n98/ 3 vol.
în-8^.
CtoMMMtoe, l'un des élèves les plus distingués de Lavdisler,
. découvrit Vhydrogène photpkùré en faisant bouillir, dans 'uû
tube de verre soufllé en boule i son extrémité , une dissolution
de potasse ou de soude caustique avec du pbospbore.coupé en
pcftits morceaux. Il obser\'a le premier que ce gaz a la propriété
de s'enflanuner spontanément au contact de l'air, et il en détend-
na la composition. Plus tard, Baymond, élève de Fourcroy, sim-
plifia le mode de préparation de ce gaz en chauffant le phosphore
avec de la chaux vive, légèrement humectée, dans une coroçe de
grès {ânnaiei de ekimie, année 1791).
Avant la découverte de l'hydrogène phosphore spontanément
inflammable i l'air, Oengembre avait analysé le gaz hépatiçne
(hydrogène sulfuré), et avait le premier constaté que c'était une
combinaison du soufre avec l'hydrogène.
wtmjmm [Pierre)^ né à Chàlons-sur-M|rne en '4725, mort à
tâm en 1798, fut amené à douter de la réalité du phlogistiqae
par ses Expériences sur quelques précipités de mercure, dont les
détails furent publiés dans le Journal de Physique depuis le
mois de février 1774 jusqu'en décembre 1775 , et réimprimés
dans le tome I, p. 203-345^ des Opuscules chimiques de Bayen
(Paris, an VI de la République). Il reconnut lui-môme que
plusieurs de ses expériences « ont beaucoup de rapport avec
quelques-unes de celles que Lavoisier venait de publier dans un
excellent ouvrage Sur l'existence d*un fluide élastique, fixé dans
quelques substances (1). »
Rappelant les expériences de Jean Rey, Bayen s'assura que
les métaux, en passant à Tétat d'oxydes, loin de perdre quelque
chose, se combinent, au contraire, avec une certaine quantité
d'air, et que c'est à cette combinaison qu'est due l'augmen-
tation de poids de ces oxydes, ainsi que leur couleur et leurs
différentes propriétés. Mais il n'osa pas aller plus loin. On
a de la peine à concevoir comment, après toutes les pré-
iscules chimiques de Bayen, 1. 1, p. 228.
■M
' ' ' TROISIÈME ÉPOQUE. / 533
eaations qu'il . avait prises pour s'assurer du volume et du
poids du fluide élastique qu'il avait retiré du mercure per se
(oxyde rouge de mercure), comment il n'a pas songé à déter-
miner la nature de l'air absorbé par le mercure pendant la cal-
cination : une bougie allumée, plongée dans le vase qui con-
tenait cet air, lui aurait révélé la présence du gaz oxygène. Ce
fut là un oubli que Parmentier lui-même, dans son Éloge de
Bayen, ne s'expliquait pas (i).
Bayen a attaché son nom au mercure fulminant. Il le décou-
vrit, sous forme d'une poudre blanche cristalline, en dissolvant
à chaud du mercure dans l'acide nitrique , en y ajoutant de
l'alcool, et chauffant le tout pendant quelque temps. Chargé par
le gouvernement d'analyser, en commun avec Yenel, les eaux
minérales de France, il publia, en 1765, son Analyse des eaux mi'
nérales de Luchon. La chimie minérale absorba principalement
ses moments de loisir. II analysa comparativement les différents
genres de marbres , et fit connaître ceux qui conviennent le
mieux aux architectes et aux statuaires. Il signala la présence
de la magnésie dans certains schistes , et proposa d'en faire
servir la décomposition à la fabrication du sel d'Epsom, qu'on
faisait venir de l'Angleterre ; il démontra que le fer spathique est
du carbonate de fer, eX indiqua le moyen d'analyser la serpentine,
les porphyres, les granifs^ etc. ( Paris, 4778, in-8° ). Par ses Re-
cherches chimiques sur Vétain (Paris^ HSi}^ faites par ordre du
gouvernement, il calma les craintes du public au sujet des
vases d'étain, qui passaient pour contenir de l'arsenic. Sesdi^
vers travaux ont été réunis et publiés sous le titre d'Opuscules chi-
miques; Paris, 1798, 2 vol. in-8°.
Bayen appartenait au corps des pharmaciens militaires. Il
remplit les fonctions^de pharmacien en chef de l'armée expédi-
tionnaire de Minorque et fit, en la même qualité, la guerre de
Sept ans. Son biographe nous le représente comme un homme
d'une modestie extrême , et qui n'eut le calme de sa vie inter-
(1) L*aateur de Partlcle Chimie dans V Encyclopédie méthodique (an iv dé
la Répablique ) cherche à insinuer que Bayen avait recueilli et déterminé la na-
ture de Toxygène retiré de Toxyde de mercure ; puis il part de là pour dire que
4c Bayen a manifestement à cet égard rantériorité sur Lavoisier ». Cette
assertion de Fauteur (Fourcroy) est absolument contraire à la vérité. Nous ne
Tanrions pas relevée, si on ne l'avait pas exhumée depuis pour contester à La-
voisier ce qui lui appartient.
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S94 msTonuE us ta Giiiù&
rompu, quelques mois avant de descendre dans la tombe, ipie par
un pamphet méprisable, a Lorsque cet écrit Yint, raccAiifte Par-
mentier, frapper son oreille de cette phrase : « Bayen et son col-»
lègue (Parmentier) ont rendu quelques seryices à la pharmacie^'
mais ce sont déyieilfes tétés -Kmp^és des préjugés de Pà'ncien
régime.» — « Écriyezà la matfge-^ dît-^if avec vîvacitéà son'secré-^.
taire : « Ces vieilles têtes sont tbiijou^ empressées de commun!^
quer à ceux qui y ont recours le frutideteorif lutnières^'ét de
leur expérience; il leur reste deùtpr^gésqu^Is' ont hérités -
de leurs pères et dans lesquds ils pèrsëVérérlôiift Jusqu'à la
mort : l'un, d'excuser leis sots; l'autre , dé pardt&nner kdi: mé*-
chants. » ■.■■.■... s i; .
Il mourût à Fàge de soixante-treize ans, emportent l'estime dé
ses concitoyens. Sous la Terreur il avait Irûlé ses iriantilsèrits V
dont la publication aurait pu être utile à la sciënè'è. ^^ ' '
Panaemtler (iln/ot'ntf-^ilff^^mX né à Môntdidièf,' {e')7-août
1737, mort le 13 décembre 1813 à Paris, n'envi^gea qûè leisltip*
piications utiles de la science^ indépendamment de toute cot^
ception théorique. OrpheHii sans- fortune, il entr» i^hei: tfn
pharmacien et fut, en 1757, attaché à l'armée franç^bse-qui oc-
cupait alors le Hanovre. Fait prisonnier par les Prussiens et
conduit à Berlin, il profita de sa captivité pour se Hertl'àimtié
avec le chimiste Meyer ; rendu à la liberté , il obtînt, en
1774, la place de pharmacien à Thôtel des Invalides. Ce fat vers
cette époque qu'il étudia les propriétés de la pomme de terre,
et qu'il eut la gloire de dissiper en France les préventions aveu-
gles qui s'opposaient à un usage plus général de ce précieux
tubercule. Il popularisa de même l'usage du maïs et de la châ-
taigne, jusqu'alors fort négligés. Non content de multiplier les
ressources alimentaires, il s'occupa aussi du perfectionnement
de la boulangerie , et proposa la mouture économique, dont
l'emploi augmente d'un sixième le produit de la farine. Chargé,
pendant la révolution, de surveiller les vivres destinés à la
marine, il modifia la préparation du biscuit de mer. Nommé, en
1803, inspecteur général du service de santé, il améliora le
pain des troupes, et rédigea un code pharmaceutique, qui fut
généralement adopté pour les hôpitaux civils, pour les secours à
domicile et les infirmeries des maisons d'arrêt ; il indiqua le
moyeu de rendre les soupes économiques aussi saines qu'agréa-
bles au goût; pendant le blocus continental, il proclama l'avan-
TROISIÈME ÉPOQUE. 535
tage de substituer le sucre de raisiii au sucre des colonies; en
un mot, toutes les découvertes utiles trouvèrent en lui un zélé
propagateur. «Peu d'hommes, dit son biographe, ont été assez
heureux pour rendre à leur pays des services aussi importants.
Un ardent amour pour l'humanité était le génie qui inspirait
Parmentier; dès qu'il voyait du bien à faire ou des services à
re;pdre, il s'animait, les moyens d'exécution se présentaient
en foule à son esprit et ne lui laissaient plus pour ainsi dire de
repos ; il sacrifiait tout pour satisfaire cette passion ; il interrom-
pait les études qu'il aimait le mieux , pour s'employer en faveut* •
des infortunés ; sa porte était ouverte à [toutes les sollicita- '
tions, et, pour concilier ses travaux littéraires avec cette faci-
lité qui dérobe des heures si précieuses à l'homme occupé , il
était tous les jours au travail à trois heures du matin (1). »
— Voilà, assurément, une vie bien remplie.
Parmentier s'éteignit d'une affection chronique de poitrine,
à l'âge de soixante-seize ans. — Outre ses mémoires publiés dans
le recueil de l'Institut, dont il faisait partie depuis 1796, il a
fourni un grand nombre d'articles à V Encyclopédie méthodique,
aux Annules de Chimie, à la Bibliothèque physico-économique y etc.
Parmi les savants étrangers , dont les travaux se rattachent
plus ou moins directement aux découvertes et aux idées nou-
velles, mises en avant par Lavoisier, npus ferons] une mention
particulière de Cavendish, d'Ingenhousz et de Senebier.
CaTendlsh.
CaTendUh {Henri), que nous avons déjà eu l'occasion de men-
tionner (2), naquit à Nice le 10 novembre 1731, Il était fils de
lord Cavendish et petit-fils du second duc de Devonshire ; sa mère,
Anne Grey, était fille du duc de Kent. Vivant longtemps,
comme cadet de famille^ d'un très-modique patrimoine, il de-
vint , à quarante-deux ans, fort riche, grâce au testament d'un
oncle qui lui laissa, en mourant, 300,000 livres sterling
(7,500,000 fr.). Cette fortune inattendue ne changea rien aux ha-
bitudes de Cavendish. Tout entier à l'étude des sciences phy-
(1)A. F. D. Silvestre, Notice hiographiqMe sur Pannentier ; Paris, 1815,
(2) Voy. plus haut p. 519 et auiv.
536 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
- #
# -
sico-chimiques, il conserva, jusque dans sa mise, la simplicité
qu'il s'était d'abord imposée autant par nécessité que par goût
Aussi laissa-t-il après sa mort une fortune de trente millions de
francs , bien qu'il ait , pendant sa vie , consacré des sommes
considérables à l'encouragement des gens studieux, à l'établis-
sement d'un cabinet de physique et à la création d'une biblio-
thèque. Il légua près de quatre millions de fr. à son ancien ami
Blagden ; le reste fut partagé entre des collatéraux. Gavendish
s'éteignit le 24 février 1810, à Londres, doucement comme
Black, après avoir demandé à boire un verre d'eau. Il avait
près de quatre-vingts ans.
Voici le portrait qu'en a fait un de ses plus illustres compa-
triotes, H. Davy : « De tous les physiciens de notre temps,
Gavendish était celui qui unissait, au plus haut degré, la pro-
fondeur et l'étendue des connaissances mathématiques à la net-
teté et à la précision de l'emploi de la méthode expérimentale.
On pouvait dire de lui que tout ce qu'il faisait était parfait au
moment de sa production. C'est, en général, l'amour de la
gloire ou le désir du pouvoir qui excite les hommes au travail.
Gela n'était point vrai pour Gavendish : l'amour seul de la vérité
l'animait. 11 fuyait la renommée, parlait avec la plus grande
l'éserve de ses propres travaux, aimait naturellement la retraite,
cl il conserva toute l'activité, toute la sagacité de son intelligence
jusqu'aux derniers instants de sa vie (1). »
Les travaux de Gavendish ne sont pas nombreux; mais ils ont
tous une importance extrême et témoignent d'une très-grande
habileté d'expérimentateur. Gavendish fut l'un des premiers à étu-
dier les gaz, qui étaient alors tous englobés sous le nom commun
d'air artificiel {factitious air), pour les distinguer de l'air naturel,
atmosphérique. Ses expériences sur l'air inflammable, qu'on
obtient en traitant le fer ou le zinc par une dissolution d'acide
sulfurique ou d'acide muriatique, remontent à 1765. Il trouva
cet air factice (hydrogène) plus de dix fois plus léger que l'air
naturel, et en constata la propriété détonante après avoir été
mêlé à de l'air atmosphérique. Dans son travail Sur l'air fiae
(l'acide carbonique), le sagace observateur établit que l'alcalifixe
(potasse ) absorbe, en se saturant, cinq douzièmes de son poids
d'air fixe, et l'alcali volatil sept douzièmes ; que l'eau peut dis-
(1) H. Davy, Collecied workSy t. VIT, p. 127,
TROISIÈME EPOQUE. 537
soudre uo peu plus de son volume d'air fixe, et que la quantité
qu'elle est capable de dissoudre est en raison de la pression et
de^ l'abaissement de la température; enfin, que l'eau, ainsi
saturée d'air fixe, peut dissoudre la chaux, la magnésie, le fer et
le zinc (1).
Nous avons discuté plus haut la part qui revient à Cavendish
dans la découverte de la décomposition de l'eau (2). Si ^l'on
peut lui contester la priorité de cette découverte , il faut avouer
que c'est incontestablement à lui que l'on doit celle de la compo-
sitian de l^acide nitrique.
Les expériences dont il se servait pour la démontrer étaient des
plus ingénieuses : elles consistaient à foudroyer par des étin-
celles électriques un mélange d'oxygène et d'azote, en présence
d'un alcali qui favorisait la formation de l'acide nitrique par
son affinité. A cet effet, il se servait d'un appareil fort simple :
c'était un tube de verre d'un dixième de pouce de diamètre ,
courbé à angle obtus, rempli de mercure, et ayant ses deux
extrémités ouvertes , plongées dans deux verres également rem-
plis de mercure , de sorte que la courbure du tube était la partie
la plus élevée de l'appareil. Il y introduisit , à l'aide d'un si-
phon, l'eau de chaux ou la lessive de potasse caustique ainsi
que le mélange gazeux qu'il voulait électriser. Ces expériences
dont les premiers résultats avaient été communiqués par Ca-
vendish à la Société royale de Londres , le 2 juin 1785, furent
continuées pendant trois années (1785-1788), en variant les
proportions d'azote et d'oxygène nécessaires pour former l'acide
azotique sans résidu gazeux, ainsi que la quantité d'alcali caus-
tique nécessaire pour se neutraliser complètement par l'absorp-
tion de l'acide formé, ce qui était reconnu au moyen de l'em-
ploi du tournesol. Elles furent répétées à Paris par Monge et par
Lavoisier avec le succès annoncé par leur auteur. On obtint pour
résultat final que l'acide azotique ou nitrique se compose, en
100 parties, de 92,2 d'oxygène et 27,8 d'azote. Ce résultat ne
s'éloigne pas sensiblement de celui que donne la décomposition
de l'acide nitrique par le potassium (73,85 d'oxygène et 26,15
d'azote).
La belle découverte de Cavendish jeta une vive lumière sur
{i)Philosoph. Traruact,, année 1766 et 1767.
(2) Voy. p. 519.,
'-'■-■...-. * •■■■;-.,*..■'■ ■.#. . .-..•:
« -
538 . HiSTonus BE ta cirJHis.; -.-/•'
l'on des poinU les pins obscurs et jasqu'alen les plus ootitro^
versés delascience: * • . ♦: :t , i ; •
> * . - '_ .
«
Analyse de f acide earbànique p&r Tènnslit» 'Noos rappro-
cherons de la découverte de Gavendish la démonstration de là
composition de l'acide carbonique par émiiAiara'Véiàiri««i, com-
patriote de Gavendish. LavoisSéir et d'aûtrësr k;hitnistes àvttîent
préparé le gaz acide carbohi^ùe éù dUâkifbnt du carb(^
dans l'oxygène; ce n'était donè'que t^tbé^quement que r^m
connaissait la composition de ce gaz. TennaÂipâhrint à le^fàiire
connaître analytiquemént. ÂcetidRèt, il chaûRa, dans un tube de
verre, un petit morçeaii de phosphore et du ckAonate éé chaOK
en poudre. Le phospWe se changea en acide phoeiïfaôrigue aux
dépens de l'oxygène de l'acide carbonique , et le carbotié se^dé-
posa dans le tube soùs forme d'une poudre noire, lei^ détails de
cette remarquable analyse de l'acide carbdtiique fârènt'èofbniU"
niques à la Société royale de Londres , en mars 1791. - •
.Ingenhousz (Jean)^ né à Bré^a (Holland^.) en 1730^ exerçait la
médecine en Angleterre tout en cultivant avec succès.la chimie
appliquée à la physiologie. Apprécié de Pringle, président de la
Société royale de Londres, il fut envoyé à Vienne auprès de Marie-
Thérèse lorsque cette impératrice, désespérée d'avoirperdudeux
de ses enfants, victimes de la petite-vérole, demandait à TAn-
gieterre un médecin pour vacciner les membres de sa famille.
Après avoir été comblé de faveurs à la cour de Vienne , où il
jouissait de Testime particulière de Josephll, il visita TAUemagne
et la France, et vint mourir le 7 septembre i799jàBowood, à Tâge
de soixante-neuf ans, dans une maison de campagne appartenant
au marquis de Lansdown.
Ingenhousz fit, en 1779, d'accord avec Pries tiey, une des plus
belles découvertes des temps modernes. Il trouva que les végétaux
dégagent, sous l'influence du soleil , un air éminemment respira-
ble (oxygène),, et que, pendant la nuit, ils dégagent, au contraire,
un air irrespirable (gaz acide carbonique). Il avait suivi ce phé-
nomène physiologique dans toutes ses phases depuis le lever jus-
qu'au coucher du soleil : il avait vu que, faible le matin , il était
dans toute son intensité à midi, et celssait le soir. Il avait féniarqué
TROISIÈME ÉPOQUE. 539
aussi que le dégagement d'air vital n'a pas lieu uniforinément sur
toute la surface du végétal, que lès feuilles, bien développées,
sont de toutes les parties celles qui en dégagent le plus , particu-
lièrement à leur face inférieure. Enfin, il avait observé que la
quantité d'oxygène dégagée est plus grande par un ciel sans nuage
ou sous Faction directe du solei( que par un temps couvert ou à
Tombrè. Ces importants résultats, aujourd'hui acquis à la science,
ont été exposés dans un volume intitulé^ : Experiments upon
vegetables discovering the great pawer of putifying the common
air in sun-shine , but injuring it in the shade or night; Londres,
1779, in-S*. L'auteur en donna lui-môme l'année suivante une tra-
duction française sous le titre : Expériences sur les végétaux yQic.\
Paris, 1780 in-8®. Un point qui mérite encore d'être signalé, c'est
l'explication que l'auteur donne du grand phénomène physio-
logique dont il s'agit ; il affirme que « l'air vital, ainsi dégagé
des plantes, n'est ni un produit nouveau, ni un produit dé trans-
formation d'un élément en un autre , mais qu'H provient sim-
plement de l'absorption de l'air ordinaire par les plantes qui
s'approprient le phlogistique et mettent l'air vital en liberté ».
Puis il ajoute : «Les plantes, en respirant, font' donc exacte-
ment l'inverse de ce que font les animaux. )> — Cette dernière
remarque est parfaitement fondée. Mais l'explication qui l'ac-
compagne fut reconnue inexacte ; l'explication vraie devait être
donnée par Senebier.
lienebier.
Senebier {Jean) y né à Genève, le 6 mai 1742, consacra à l'é-
tude des sciences naturelles les moments de loisir que lui lais-
saient ses fonctions de pasteur. Auteur de VArt d'observer et de
beaucoup d'autres ouvrages, il enregistra, pendant huit ans, une
série d'observations sur l'état de l'atmosphère pour la Société
météorologique de Mannheim , et fit des recherches, devenues
classiques, sur les phénomènes chimiques de la respiration des
végétaux et des animaux. Il avait entrepris de mettre au jour une
théorie des causes finales', lorsqu'il mourut dans sa ville natale,
le 22 juillet 1809, à l'âge de soixante- sept ans.
Senebier compléta les expériences, d'ingenhousz en mon-
trant que l'air déphlogistiqué ( oxygène ) dégagé par les végé-
taux, sous l'influence (le la lumière solaire , provient de la dé-
composition de l'air fixe (gaz acide Cc^rbonique), dissous dans
■ ■- *'■- .' - ,'•*■■'- j . • .. . %. ■■.^. .k r ■--■. .'•.-• • .* ; •■■- . ^
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540 HlSTOilE DE LA CRIMIk, - - - /. '
l'eau oa -dans l'air atmosphérique , et que cette décom|piCNiiti<Hi
. s*opère « dans les vaisseaux des plantes où l'air fixe est filtré et
agité en mille manières, et où il trouve des corps avides de
phlogistique. s -*- On voit que, malgréies travaux de Lavoisier
qu'il cite souvent, Senebier croyait encore au phlog^tique.
Les expériences, variées par Senebier avec beaucoup d'acides
et de sels dissous dans Peau, remontent fc 1783 ; elles ont été réu-
nies en un volume et publiées sous le titre de Reekereku sur
t influence de ta lumière solaire^ pour méiëMorpkaier Pedr fixe m
' air pur par ta vegAatUm; Genève, 1783, in-S*. — L'auteur^ qui
cite l'abbé Fontana et d'autres sur la même questic»} ne cife
qu'une seule fois Ingenboosz^ pour dire, en note, que ses ex^
périences sur les végétaux n'établissent guère que ce qu'avait,
déjà dit Priestley • Pour être juste, Senebier aurait dû avouer que,
sans les recherches d'IngeiÂousz, il n'aurait peut-être jamais
songé à faire les siennes.
§4.
Derniers adversaires de recelé de Lavoiaier, devenus - ses
plus sélés propagatenra.
L, Sekeele^ iPriestiey^ dont nous avons plus haUt ex-
posé la vie et les travaux, ne voulurent jamais se convertir aux
idées nouvelles, vraiment révolutionnaires, de Lavoisier. Sans
les combattre directement, ils demeurèrent fidèles à la théorie
du phlogistique, et moururent, comme on Ta dit, dans l'impé-
nitence finale.
Malgré ses expériences parfaitement démonstratives, Lavoisier
resta pendant bien des années seul de son opinion, relativement
à la nécessité d'une réforme radicale de la chimie. Que les Al-
lemands, les Anglais, les Italiens, les Espagnols, que les étran-
gers, en un mot, aient longtemps repoussé une innovation fran-
çaise , cela se comprend à la rigueur, par suite de ce sot orgueil
dont les nations^ pas plusqueles individus, ne savent se dépouiller
entièrement. Mais que des savants français, que les collègues
mêmes de Lavoisier, forcés d'admettre l'exactitude de ses expé-
riences et de ses déductions , aient continué de croire à la réa-
lité du phlogistique , voilà ce qui paraît plus difficile à compren-
dre 3 cela ne s'explique guère que par Tactionde ces rivalités
TROISIÈME £POQUS. 54 fl
jalouses dout le cœur humain déborde. L'un des contemporains
et collègues de Lavoisier s'en rendait compte à sa manière :
« Tout en admettant, dit Fourcroy, la base de ses expériences,
les chimistes qui en étaient témoins ne renonçaient point ^en-
core à l'existence du phlogistique , et la théorie qu'ils suivaient
dans leurs ouvrages , leurs mémoires et leurs démonstrations ,
n'était toujours qu'un accord plus ou moins forcé entre celle
de Stahl et l'action de l'air. C'était pour les bons esprits, pour
les têtes les plus froides et les plus exercées à la culture des
sciences, une sorte de neutralité qui résistait, non aux décou*
vertes , mais au renversement total de l'ancien ordre d'idées ; ce
parti sage attendait, pour adopter un changement total, une vic-
toire encore plus décisive sur la marche de la natur»(i). »
C'était là se payer de mots, comme on ne le fait que trop
souvent en politique. Résister , non aux découvertes , c'est-à-dire
au progrès, mais au renversement total de l'ancien ordre d'idées ,
.c'était là une de ces phrases ambiguës, à double sens , sous
lesquelles le parti sage masque, ici comme ailleurs, à la fois ses
haines et ses préférences, ses antipathies et ses sympathies.
CdijtoB MorTeau, BerthoUet et Fonreroy, obstinément ré-
fractaires aux idées novatrices de leur illustre collègue, ne se
rendirent qu'à la dernière extrémité, vaincus par l'évidence, à
là suite des travaux de Lavoisier sur la décomposition et la re-
composition de l'eau, dont nous venons de rendre compte.
Voyant le flot montant des expériences de Lavoisier « menacer
d'une ruine prochaine la plus belle partie de l'édifice de nos
connaissances B (la théorie du phlogistique), Gutton Morveau
entreprit d'étayer ce superbe édifice sur des raisonnements qui
pèchent par la base, a L'existence d'un fluide élastique dé-
gagéy dit-il, de certains corps, ses propriétés reconnues et déter-
minées par les expériences de Black, Priestley, Lavoisier, etc.,
ont paru démentir, les principes de Stahl sur quelques points
essentiels; et ces contradicions apparentes ont laissé une sorte
d'incertitude et de défiance, qui ne peut que nuire aux progrès
de la science. J'ai pensé, en conséquence, que ce serait rendre
service à la science, de faire voir que la découverte de l'air fixe
n'est qu'un pas de plus dans la carrière ; que les nouveaux phé-
nomènes se concilient parfaitement, soit avec la doctrine de Stahl
(1) Encyclopédie méthodique, article Chimie, p. è91.
: - V
i^or la composition des métaux, soit avec la tbéprie des afflaités*
cfonséqàentes à'ia loi de l'attraction (ij. a i r
Voilà bien le langa(;e d'un consef^yateor just0*milieu,..<pij,
cherche à conciliôr ce qui est inconciliable I En pi^nanti'âr flxe^
pour l'air inflammable, l'acide carbonique pour l'oxygène» Mor-
veau partait d'une erreur radicale pour concilier la théorie de
Stahl avec celle de Lavoisier.
La grande pierre d'achoppement, c'était raugm^ntation da
poids des métaux par la calcination. Aussi Bforveau, et. ayant loi,
Tesei, ont voulu l'un et l'autre expliquer le pljiéQoméne de.cette
augmentation, en privant le pjhlogistique de toute pesanteur*
Yenet soutenait, dès 1774, l'idée que la présence ou l'absence du
phlogistique était |a cause du phénomène qui ;dous, étonne : a I^e
phlogistique, disait^il, ne pèse pas vers le centre de la terrej il
. tend à s'élever ; de là l'augmentation de poids dans les chaux'mé-
talliques; de là la diminution de ce même poids dans leur rér
duction.-» — Venet coiximuniqua son .idée .|i Bayen,, qui lî^j.lt
beaucoup d'objections; mais il n'en tint- aucun compte (2).
De son côté, Morveau persistait, malgré ce qu'on pouvait. J^
objecter, à établir quç a la présence ou l'absence du phlo^istii^ae
^ est I9. véritable cause de la diminution ou de l 'augmentation .de^
corp^ susceptibles de.se combiner avec lui u. Cependant il n'hé-
sita point à faire, pendant l'hiver 1786, le voyage de Dijon à Pa-
ris pour voir répéter et répéter lui-même les expériences de
Lavoisier, surtout celles de la combustion du charbon dans l'o-
xygène, et pour discuter les preuves de la décomposition et
recomposition de l'eau. Il sortit de cette épreuve bien persuadé
de l'insuffisance de l'hypothèse du phlogistique et de la supé-
riorité de la doctrine pneumatique.
Un des meilleurs disciples de Lavoisier, Bertholiet^ n'aban-
donna entièrement la théorie du phlogistique qu'en j 758. €e
fut le 6 avril de la même année, à la séance publique de l'Acadé-
mie, qu'il exposa les motifs qui le forçaient à y renoncer. <c Les ex-
périences importantes, dit-il, par lesquelles on venait de déter-
miner la nature de l'eau, et l'application curieuse qu'en avait
faite M. de la Place à la production du gaz inflammable par la
(1) Guyton Morveau, Conciliation des principes de Stahl avec les expériences
modei^nes sur /'air^arc. Mémoire inséré dans le Journal de physique, en mai 1776.
(2)Bayen, Opuscules cJûmiq^es^ t. I, p. 251, en note.
THOISIÈMB ÉPOQUE. 543
dissolution des métaux, répandaient un grand jour sur toute la
6bimie; ce principe que Stahl avait ingénieusement imaginé
pour rendre raison d'une grande partie des phénomènes, et par
le moyen duquel on établissait réellement entre eux une liaison
qui a pu guider longtemps les chimistes dans leurs recherches^
le pblogistique me paraissait enfin être devenu une hypothèse inu-
tile, lorsque je crus devoir soumettre à de nouvelles expé-
riences l'acide marin déphlogistiqué (chlore), dont les proprié-
tés pourraient détruire ou confirmer Topinion que j'adoptais. »
Fonreroy inclinait encore vers la théorie du pblogistique dans
les deux premières éditions de ses Éléments de chimie^ parues en
1782 et 1786. Il lie se rendit à l'évidence, ainsi qu'il le déclarait
lui-même, qu'après les recherches qu'il avait faites sur la déto-
nation du nitre, sur les acides, sur les sels métalliques, sur
les eaux minérales, sur quelques fluides élastiques; et il de*
vint, à partir de 1787, un partisan zélé de ce qu'on appelait alors
la théorie pneumatique.
Chaptai^ qui professait jusqu'en 1796 la chimie dans la nou-
velle École de médecine, suivit l'exemple de Fourcroy, de Ber-.
thollet et de Morveau.
Les physiciens mettaient une insistance particulière à sou-
tenir ridentité du pblogistique avec l'hydrogène. I^a Mé-
tkerte^ rédacteur du Journal de physique, défendait cette thèse
depuis 1781, dans différents mémoires ; à l'aide de quelques
expériences, propres à faire illusion, il prétendait que les
métaux contiennent et donnent du gaz inflammable par Tac-
tion du feu. Il regardait ce gaz non-seulement comme le véritable
pblogistique, mais, en le considérant comme un des éléments
des métaux, il lui attribuait leur combustibilité, et allait jusqu'à
l'appeler V huile des métaux.
Les géomètres de l'Académie des sciences, La Place, Monge,
Cousin, Monnier, Vandermonde, furent, — il faut le proclamer en
leur honneur, — les premiers à défendre la théorie de Lavoisier
qu'ils avaient en partie contribué à fonder..
Parmi les chimistes étrangers, conservateurs des idées ancien-
nes et hostiles aux idées nouvelles, nous nous bornerons à citer
pour l'Allemagne, Gôttling,Hermbstaedt, Wiegleb, Karsten, etc.
pour l'Italie Santi et Landriani, et pour l'Angleterre Black, Bed-
does, Kirwan, etc.
Kirwan {Richard), né vers 1750, en Irlande, mort en 1812,
f . -
Mi nSTOOE 0K Li CTfWTE,
esAara de ci>iidlier, sur une large base, le srslèiiie aaeîcB am
le sjfttème oooreao dao» soq Esmt^ oa Wlffirf— aaitf an tir caas-
/f/vlto €faeid$; VOTé, ia-8". Sek» fan, Faîr îtiiatnMaMrestlc
Trai pfaiûcpstiqne, et peut en même temps prodnize Tair fu.
L'fnoi fvr i^ PAfo^lfiK e/ MT la cMsIîlali^
doit en fran^is par M** LaToisier, a^ec des noies de laminer^
Morreao, Laplaêe, Mooge, Berihollet et Footrot; I^ris, tlW,
in-fr. Les annotateurs réfatèrent, chapitre par chapitre, lontcsks
assertions de l'antear , et Kirwan, complètement comainra, adepli
franchement la théorie de ses adTersaires. Gel exemple d'an
homme qni s'aToae Taîncn par ses antagonistes est trop bean et
trop rare poar que nous ne reproduisions pas ici ces lignes
adressées à Berthollet, en janrier 1791 : c Je mets bas les.armes,
écrivit Kirwan, et j'abandonne le phlogistiqne. Je toîs clairement
qu'il n'y a aucune expérience avérée qui atteste la prodoctioa
de l'air fixe par l'air inflammable pur; et, cela étant, il est im-
possible de soutenir le système du phlogistiqne dans les métaux,
le soufre, etc. Sans des expériences décisives nous ne pouvons
soutenir un système contre des faits avérés... Je donnerai moi-
même une réfutation de mon E$sai sur le pklogisiique. m
Black s'honora lui-même en faisant une déclaration analogue
dans une lettre à Lavoisier. a Vous avez été instruit, disait-il,
que je cherchais à faire comprendre dans mes cours à mes
élèves les principes et les explications du nouveau système que
vous avez si heureusement inventé, et que je commence à leur
recommander, comme plus simple, plus uni, mieux soutenu
par les faits que Tancien système. Et comment aurais-je pu
faire autrement? Les expériences nombreuses que vous avez
faites en grand, et que vous avez si bien imaginées, ont été sui-
vies avec un tel soin et une attention si scrupuleuse pour toutes
les eirronstances, que rien ne peut être plus satisfaisant que les
preuves auxquelles vous êtes parvenu. Le système que vous avez
fondé sur les faits est si intimement lié avec eux, si simple et
si intelligible, qu'il doit être approuvé de jour en jour davantage;
et il sera adopté par un grand nombre de chimistes qui ont été
longtemps habitués à Tancien système. Il ne faut pas s'attendre
à les convaincre tous; vous savez très-bien que l'habitude rend
esclave Tesprit de la plupart des hommes, et leur fait croire et
révérer les plus grandes absurdités. Je dois vous avouer que j'en
ai moi-même éprouvé les effets, ayant été habitué irente ans à
tROISlisME ÉPOQUE. 545
<;roire et à enseigner la doctrine du phlogislique, comme on l'en-
tendait avant la découverte de votre système. J'ai longtemps
éprouvé un grand éloignement pour le nouveau système qui
présentait comme une absurdité ce que j'avais regardé comme
une saine doctrine ; cependant cet éloignement, qui ne provenait
que du pouvoir de Thabitude seule y a diminué graduellement,
vaincu par la clarté de vos démonstrations et la solidité de votre
plan. Quoiqu'il y ait toujours, quelques faits particuliers dont
l'explication parait difficile, je suis convaincu que votre doc-
triiie est infiniment mieux fondée que la mienne, et sous ce rap-
port elles ne peuvent souffrir de comparaison. Mais, si le pouvoir
de l^abitude empêche quelques-uns des anciens chimistes d'ap-
prouver vos idées, les jeunes ne seront pas influencés par le
même pouvoir ; ils se rangeront universellement de votre côté. »
 partir de ces déclarations, aussi catégoriques que loyales,
le nombre des phlogisticiens diminua rapidement en France et
à l'étranger ; et il n'y eut plus d'obstacle sérieux, opposé à l'avé-
nement de la chimie moderne. Cet avènement de la science^ si
longtemps retardé et préparé de si longue date, montre, une
fois de plus , l'erreur de ceux qui s'imaginent que la vérité est
comme le soleil, qu'elle n'a qu'à apparaître pour être aussitôt
universellement reconnue. Pourquoi n'en est-il pas ainsi ? C'est
parce que la lumière de la vérité est d'une tout autre nature que
celle qui émane de notre astre central.
§3.
HVomenelatitre chimique*
Vers le milieu de l'année 1786, Guyton-Morveau, Berthollet et
Fourcroy se réunirent à Lavoisier pour se concerter ensemble
sur un projet de nomenclature, combiné avec le nouveau plan
de réforme chimique.
Un mot d'abord sur la vie et les travaux de ces trois collabo-
rateurs de Lavoisier.
Quyton-lIorTeau.
, Destiné à la magistrature par son père, qui était professeur
en droit, le jeune Guyton, né le 4 janvier 1737 à Dijon, obtint
en 1756, par dispense d'âge, la charge d'avocat général au par-
niST. DE LA CHIMIE. — T. II. 3â
H6 BisToiM ri u (minK.
lemeot de Dijon, n sot assez bien tonroer le nni comme le fé-
mingoe son Rat ieoHaelatte, on le Jénitte ènqué, pofime.héipl-
comiqae, qn'i) fit paraître à vingt-sït ans ; maia los-flciflfiçes; prii-
cipalement k chimlej de«rinreitt' blènÙM l'objet de'lôà^ va.
prMileetions. Cluncdierde l'Académie de Itijo^' ilolitint,' a ,
1774, des États deBoorgOpie, la AmdctlOndecottrstitibUcs^Âé
ehîmie, deminér^ogie et de ntatièie médicale, et ouvrit lai-
mSme,leSSavrildel'annéestiinnte,le cours de chimie. Ce cours
(toODB.-aù.iaeat^tiaj.ÉléiMiiX* deekimif théorique et pralique, ré-
digéiAmxmit nouvel or^e, ttapt^ le* découvertes modernes, etc.,
3 vol. in-13; Dijon, <TT7, Danage qui fit peudant quelque
. temps autorité. On y voit, entre aatret, l'auleur enseigner Vunilé
de malière: aCfest donc, dit-il, la modification de la matière homo-
gène qui constilne tons les dïffSrents corps, même les éléments;
et cette modificatioD est la densité, U porosité, la figure, ii
' Pour se teoirtoatàflit an couraotâelascience, il apprit plu-
Sieurs langues vÎTantes, et traduisit en français les principaux ou-
nages defiergmann, de Scheele et de Black, en les accompagnant
de notes. Dès 4773 il avait reconnu le pouvoir désinfectant de
l'acide muriatique ox^né (chlore), et appliqua sa découverte
à Passainïssement d'an cavean de la cathédrale de Dijon et au
prisons de cette ville. A la suite'de quelques démêlés qu'il eùE
avec ses confrères, il se démit, en IISS, de sa charge, et par-
tagea son temps entre Dijon et Paris oii il se lia d'amitié aïee
les principaux savants, particulièrement avec Lavoisier, Ayant
adopté avec chaleur les principes de la révolution de 1789,11
fut élu, l'année suivante, procureur syndic de son département,
et devint, en 1791, député à l'Assemblée législative, qu'il présida
dès l'année d'après. Devenu membre de la Conveotiou natio-
nale, il vota avec les membres les plus avancés du parti de la
Montagne. Dans le procès de Louis XVI, il s'opposa au renvoi
du jugement aux assemblées primaires, et intra, en 1793, dam
le comité dp Défense générale et de Salut public. La tourmente
politique ne le détourna pas de la culture tle la science. S'étant
intéressé, dès l'origine , à l'invention des aérostats , il essap
d'abord de les appliquera l'extraction des eaux des mines, puis
il imagina de les employer à la guerre. Ce fut sur son rapport
que le gouvernement décréta la formalion du corps des aeVo.i'(i-
tiera. Envoyé, en 1794, avec le titre de commissaire à l'armée
du Nord, il utilisa tes ballons pour les reconnaissances mili-
' TROISrÈME ÉPOOrE. 547
taires à la bataille de Fleurus. Vers la môme époque, il travailla
ayec Lavoisier au perfectionnement des procédés pour la fa-
brication desr poudres et du salpêtre. Après le 9 thermidor, Guy-
ton fut l'éélu membre du comité de Salut public, et pré-
senta plusieurs rapports relatifs aux sciences, aux art^ et à
l'industrie. Membre du conseil des Cinq-Cents, dont il cessa de
faire pa'rtfë le 20 mai 1797, il s'occupa des finances et de la na-
vigation intérieure, et prit une part active à la ctéation . de
l'École polytechnique, dont il devint professeur et directeur.
Comme administrateur des Monnaies, de 1800 à 1814, il contri-
bua beaucoup à l'établissement du nouveau système monétaire.
Membre de llnstitut national depuis sa réorganisation, il fut
créé baron de l'empire; à la Restauration il perdit sa place d'ad-
ministrateur des Monnaies, mais il en conservâtes émoluments.
Il s'éteignit, après un affaiblissement graduel, le 2 janvier 1816,
à l'âge de soixante-dix- neuf ans. Il avait épousé, en 1798, M™' Clau-
dine Poullet, veuve en premières noces de Pîcardot, ancien con-
seiller à la table de marbre de Dijon. Cette dame, qui survécut
à son second mari, l'avait aidé dans ses travaux. C'est à elle
qu'on doit la traduction des Mémoires de chimie de Scheele, 1785,
et celle du Traité des caractères extérieurs des fossiles de Wer-
ner, 1790.
H. Davy, qui vit G.-Morveau à Paris en 1813, en fait le por-
trait suivant : a Guyton-Morveau était très- vieux quand je fis sa
connaissance. Bien qu'il eût été un violent républicain, il était
directeur de la Monnaie sous Bonaparte et baron de l'empire.
Ses manières étaient douces et conciliantes. Une preuve de son
caractère, c'est qu'ayant promis sa voix à quelqu'un pour la place
de correspondant de l'Institut, il tint sa promesse, et c'est cette
seule voix qui m'avait manqué pour réunir l'unanimité des suf-
frages; ne m'étant jamais mêlé d'intrigues de ce genre, j'aurais
toujours ignoré ce détail, s'il ne m'avait pas été raconté pkv
lui-même un jour que je dînais chez lui (1). »
Les travaux de Guyton Morveau sont très-variés ; la plupart
sont anonymes. Outre ses poésies, ses plaidoyers, ses écrits
politiques et ses éloges historiques, on a de lui : Digressions
académiques, ou Essais sur quelques sujets de physique, de chimie
(l)Voy.F.Hoefer, la Chimie enseignée par la biographie de ses fondateurs,
p. 207. (Paris, 1865.)
35.
» .
'.• -• . •.■I..r-— ,
• _ - _ • .
S48 HISIOIBS DE U CHIIIII.
. et d^hisioire naiureUe ; Dijon et Paris^ 1773, in-lS ; — Défense 4e
la voUUilité du phlogistique, on Lettres de Fauteur deê pigresHons
académiques à fauteur du Journal de médecine^ sans daté ni
lieu (Dijon, 1773), in-12; ce sont ses premiers travaux scienti-
fiques.
Parmi ses travaux , insérés , sous forme d'articles ou de mé*
moires, dans la Collection académique de Difon, le Journal
de Physique, les Annales de chimie, le Journal des mines,.
et dans les Mémoires de f Institut, on remarque ses Ei^périences
sur la combustion du diamant, ses Recherches sur les ciments
propres à bâtir, ses Observations sur la théorie de la cristal-
lisation en général, et de celle des métaux en particulier, oit
vl'on trouve une indication précieuse du moiré méiattique;
ses Observations sur le dissolvant naturel du quartz, sur la fii-
sibililé ' des terres, sur le spath pesant et la manière {d'ob-
tenir la baryte pure, sur la congélation de l'acide sulfurique con-
centré, sur l'acide succinique, sur la composition des $els, sur
celle des différents gaz, sur les affinités chimiques, sur la nature
de l'acier, sur le platine, le bleu de Prusse, le caméléon minerai,
l'acide oxalique. Ses procédés de désinfection, qui l'ont bit
mettre au rang des bienfaiteurs de l'humanité, se trouvent dé-
crits dans son Traité des moyens de désinfecter l'air, <f^
viter la contagion ou ^en arrêter les effets; Paris, 1801, in-8®;
3* édit., 1805, avec des planches donnant la description des
appareils permanents de désinfection.
Son Rapport sur la restauration du tableau de Raphaël connu
sons le nom de la Vierge de Raphaël (présenté à l'Académie avec
Vincent, Tannay et BerthoUet) est d'un grand intérêt pour les
peintres. On y trouve clairement exposées les causes de l'allé-
ration des couleurs dans la plupart des tableaux modernes , une
analyse de ces couleurs, et l'indication des moyens d'en prévenir
l'altération.
Guyton proposa le premier un langage nouveau, sorte d'al-
gèbre, à l'usage des chimistes, dans son Mémoire sur les dé-
nominations chimiques, la nécessité d*en perfectionner le système,
les règles pour y parvenir, suivi d'vn tableau d'une nomenclature
chimique ; D'ijon, 1782, in-8°.
THOlSlfcMK ÉPOQUE. 549
Bertliollet.
Né à Tailloire près d'Annecy (Savoie), le 9 novembre 1748,
BertboIIet (Claude-Louis) fit ses humanités au collège de Gham-
béry, et étudia la médecine à l'université de Turin où il obtint
en 1768 le grade de docteur. Quatre ans après, il vint à Paris '
pour se perfectionner dans ses études, et fut admis aux confé-
rences de Lavoisier dont il reçut plus d'un conseil utile. Élu
membre de l'Académie des sciences le 15 avril 1780, à laî place
de Bucquet, il succéda en 1784, à Macquer comme directeur
des Gobelins. En appliquant le premier le chlore au blanchi-
ment des toiles, BerthoUet rendit à l'industrie un service signalé.
Plus expéditif, plus efficace et surtout moins cher que les ancien-
nes méthodes, le procédé de BerthoUet fut bientôt introduit dans^
toutes les manufactures de l'Europe. Ce savant désintéressé ne
voulut accepter des manufacturiers qu'il avait enrichis qu'un
ballot de toiles blanchies par son procédé.
En 1794, BerthoUet fut chargé d'enseigner la chimie à l'école
normale. Mais il n'eut pas, comme professeur, le succès espéré.
« Le respect^ dit Guvier, que l'on portait à la profondeur de son
génie ne put faire illusion sur l'obscurité et le peu d'ordre de
'ses expositions. On aurait dit que, toujours maître de sa matière,
pouvant la prendre à volonté par tous ses points, il supposait
dans ses auditeurs la même capacité; et c'est toujours de la sup-
position contraire qu'un professeur doit partir (1). »
En 1796, BerthoUet, associé à Monge, fut envoyé en Italie par
le gouvernement pour faire transporter en France les chefs-
d'œuvre des arts que la victoire avait livrés aux Français. Cette
mission très-délicate fut remplie avec habileté. Après le traité
de Campo-Formio, le vainqueur de l'Italie, de retour à Paris, de-
vint le disciple de BerthoUet, et reçut à TÉcole polytechnique les
leçons de l'illustre chimiste : le génie de la guerre s inclinait
devant la sience. Vers cette époque fut conçue et préparée
la mémorable expédition d'Egypte , à laquelle étaient associés
BerthoUet et Monge, membres fondateurs de l'Institut d'Egypte.
BerthoUet montra beaucoup de sang-froid au milieu des périls
qui l'entouraient. Ainsi, à la bataille de Chébréis, au moment où il
^ (1) Cuvier, Éloge de Berihollet.
550 HISTOIRE DE LA CHIMIE.
remontait le Nil, il était exposé au feu de rennemi pendant toute
la durée de la navigation. Comme on lui voyait les poches
pleines de pierres, et qu'on lui en démandait la cause : ce C'est
afin, disait-il, que je reste au fond de Teau, si je suis tué. » A la
révolte du Caire, l'Institut, assiégé par des bandes nombreuses,
fut sauvé, en partie, par la fermeté de Berthollet ; les livres, les
instruments, etc., demeurèrent intacts jusqu'à l'arrivée du gé-
néral qui fit cesser le danger. Pendant que la commission
scientifique se dirigeait vers la haute Egypte, le général Bona-
parte fit voile pour la France, emmeiiant avec lui les deux sa-
vants dont il ne pouvait se séparer. Rendu à rihslitut de France,
Berthollet reprit le cours de ses travaux. Rétiré à sa maison de
campagne d'Arcueil, il partageait son temps entre son labora-
toire, sa bibliothèque et une serre, qui lui senait de salon, où il
•
aimait à recevoir ses amis. Plein de goût pour les beaux-arts, il
avait fait décorer son cabinet à l'égyptienne, et peindre au pla-
fond le zodiaque de Denderah. Les savants les plus célèbres
d'alors venaient le visiter dans cette agréable retraite; Davy et
Wollaston étaient de ce nombre. Le premier de ces visiteurs a
tracé de Berthollet le curieux portrait que voici : « Berthollet
était un homme très-aimable. Ami de Napoléon, il était bon,
conciliant, modeste et franc. Son caractère n*avait rien de hau-
tain; inférieur à Laplace comme puissance intellectuelle, il lui
était supérieur par ses qualités morales. Berthollet n'avait au-
cune apparence d'un homme de génie; mais on ne pouvait pas
regarder la physionomie de Laplace sans se persuader que c'é-
tait un homme réellement extraordinaire (l).»
Le général Bonaparte, devenu Napoléon P^ n'oublia pas son
ami le chimiste. Berthollet fut nommé sénateur titulaire de lasé-
natorerie de Montpellier et créé comte de l'Empire. Il n'employa
ces faveurs de la fortune, ce qui fait son éloge, qu'au progrès de
la science. Il fonda la Société d'Arcueil qui publia un recueil de
mémoires physiques et chimiques, que l'on peut consulter en-
core aujourd'hui avec profit. Thenard, Gay-Lussac et Hum-
boldt, etc., y firent paraître leurs premiers travaux scientifiques.
A la Restauration, Berthollet accepta l'un des premiers la pai-
rie. Le Mémorial de Sainte-Hélène contient à ce sujet des ren-
(1) Voy. Davy, dans la Chimie enseignée par la biographie de ses fon-
dateurs, p. 208. Paris (Hachette), 1865.
t ■
TROISIÈME ÉPOQUE, 551
seignements. fort curieux : «Lors des désastres, y, est-il dit,
Berthollet avait été très-mal pour Terapereur, qui en fut vrai-
ment affecté, répétant plusieurs fois : « Quoi i Berthollet ! mon
ami Berthollet!... sur lequel j'aurais dû tant compter!» —
Au retour de l'île d'Elbe, Berthollet se hasarda à reparaître aux
Tuileries^ faisant dire par Monge à l'empereur que, s'il n'en ob-
tenait pas un regard, il se tuerait à la porte en sort^mt. Et l'empe-
reur ne crut pas pouvoir lui refuser un sourire en passant devant
lui. » — Que les savants, dignes de ce nom, apprennent par cet
exemple que leur place n'est point ,dans les antichambres des
puissants du jour.
Dans les dernières années de sa vie, Berthollet eut de fré-
quentes atteintes de goutte. Il les combattait par la sobriété et
l'exercice : il faisait très-souvent à pied le trajet de Paris à Ar-
cueil. Il souffrait depuis plusieurs jours d'un anthrax, quand
la violence de la douleur le força à recourir à une consultation :
il était trop tard ; il mourut à Arcueil , le 6 décembre 1822, à
l'âge de soixante-quatorze ans.
Tr»T»ux de Bertliellet.
Ce fut à l'âge de vingt-huit ans que Berthollet débuta dans la
carrière chimique par un mémoire Sur la crème de tartre^ inséré
dans le Journal de Physique (février 1776). L'analyse qu'il donna
de ce sel était aussi complète qu'elle pouvait l'être. Il sé-
para l'acide tartrique (alors appelé acide tartareux) par l'acide
nitrique, et la potasse par la chaux ou par la magnésie. Quel-
ques mois après il publia des Observations sur l'air, brochure
de 58 pages in-12 (imprimée en 1776, chez Didot jeune), devenue
rarissime. Il y traite particulièrement de l'air fixe (gaz acide car-
bonique) qu'il regarde comme l'un des principaux éléments de
l'engrais, et comme jouant, en général, un très-grand rôle dans
la nature. C'est pourquoi il voulait lui donner le nom d'acide
universel, et cherchait à concilier l'existence de cet acide avec
celle du phlogistique.
Dans le môme travail, l'auteur fait intervenir l'action de l'affi-
nité dans la double composition des sels, et il laisse déjà entre-
voir ce qu'on est convenu d'appeler depuis la loi de Berthollet, et
qu'on peut énoncer en ces termes : «Si deux sels quelconques, A
552- HISTOIRE DE LA CHIMIE.'
et B, dissous dans Peau, sont mêlés ensemble et que, par leur
l'éaction, il puisse se former dans la liqueur un sel soluble et un
sel insoluble, ou deux sels insolubles, les mêmes sels, Â et B, se'
décomposeront toujours, c'est-à-dire que Tacide de Tun s'em-
parera de la base de l'autre, et réciproquement, à moins qu'il
ne puisse se former un sel double soluble, ce qui arrive rare-
ment (i). » — C'est là, notons-le en passant, moins une loi que
l'expression d'un fait général, qui souffre quelques exceptions.
La découverte de la composition de talcali volafil, si impor-
tante pour la chimie, tant théorique que pratique, était loin d'être
appréciée à sa véritable valeur à l'époque où elle se produisit ; elle
passa presque inaperçue pour la plupart des chimistes contem-
porains; Fourcroy lui consacra à peine quelques lignes à l'article,
d'ailleurs si étendu, de Chimie deV Encyclopédie méthodique. On se
rappelle que Priestley, en foudroyant le gaz alcali volatil (ammo-
niaque ) par des étincelles électriques, avait obtenu un gaz in-
flammable et non absorbable par l'eau : c'était l'hydrogène. Ber-
thoUet répéta la même expérience, en la variant, et constata que
l'autre gaz, avec lequel l'hydrogène se trouvait combiné pour
former l'alcali volatil, était l'azote. Il fît usage, pour cette analyse,
de l'eudiomèlre de Volta, et constata que i,000 parties d'ammo-
niaque en poids se composent d'environ 807 d'azote et de 193
d'hydrogène. Les détails relatifs à cette découverte, dont l'ori-
gine remonte à 1784, ont été consignés dans V Analyse de Val-
mli volatil, mémoire communiqué par Berlhollet en 1785, et
imprimé en 1788 dans le recueil des Mémoires de l'Académie des
sciences, p. 306.
Le travail de Berthollet Sur la nature de l^ acide sulfureux j
paru en 1789, est pour ainsi dire une rectification des mémoires
qu'il avait publiés, ea 1782, sur le même sujet. A cette époque, il
soutenait encore que la formation des acides en général était le ré-
sultat d'un effet combiné de dégagement de phlogistique et de fixa-
tion d'air vital, et il regardait l'acide sulfureux comme un corps
qui contient moins d'air vital que l'acide sulfurique et moins de
phlogistique que le soufre. Sept ans plus tard, cette manière
de voir était complètement changée : s'étant rallié aux idées de
Lavoisier, il montra que l'acide sulfureux étaitde l'acide sulfuri-
(1) Vo>. liecherches sur les lois de Vafflmté^ dans les Mém. de PinsUlut
fsection malliémalique et physique). I. ÏIl, année 1801, et t. VIÏ, année 1806.
TR0IS1£M£ ÉPOQUE. 553
que surchargé de soufre, ou, ce qui revient au même,. privé d'une
partie de son oxygène, et que réciproquement Tacide sulfureux
pouvait prendre les propriétés de l'acide sulfnrique, ou par une
diminution du soufre, ou par une augmentation de Toxygène. li
n^entra pas dans le détail des proportions.
Le 15 décembre 1787, Berlhollet communiqua à l'Académie
des sciences un mémoire remarquable Sur la nature de l'acide
prus»ique et de ses sels. Par une suite d'observations habilement
déduites, il arriva à conclure que si Tacide prussique ne con-
tient pas Tammoniaqué toute formée, il en renferme au moins
les éléments, l'hydrogène et l'azote, combiné avec du carbone»
dans des proportions qu'il n'avait pu déterminer. Il semblait en-
trevoir l'existence du radical qui reçut plus tard le nom de
cyanogène. La théorie de Berthollet fut confirmée par Clouet,
qui parvint à former de l'acide prussique en faisant passer du gaz
ammoniacal à travers un tube de porcelaine chauHé au rouge,
contenant du charbon.
En 1788 il lut à l'Académie une série d'observations , aussi
neuves qu'intéressantes , sur la Combinaison des oxydes métalli-
ques avec les alcalis et la chaux . L'auteur avait pour but d'établir
a que si les métaux oxydés se comportent comme des alcalis
avec les acides, ils agissent à leur tour comme des acides
avec les alcalis » ; et partant de là il considérait les oxydes mé-
talliques comme un terme intermédiaire entre deux progres-
sions opposées. C'est en multipliant les faits à l'appui de cette
manière de voir qu'il parvint à découvrir Vargent fulminant. Il
l'avait obtenu, sous forme d'une poudre brunâtre, en traitant le
nitrate d'argent par l'eau de chaux pure, reprenant le préci-
pité par l'ammoniaque qui le dissout, et le desséchant sur du
papier.
Dans la môme année, Berthollet découvrit V acide chlorique
( appelé alors acide muriatique suroxygéné ), à l'état de combi-
naison avec la potasse. Il trouva que par l'action du feu ce sel
(chlorate ou muriate suroxygéné de potasse ) donne de l'oxy-
gène pur, ce qui permit d'étudier ce gaz mieux que par l'emploi
de tout autre mode de préparation. Il remarqua en même temps
la propriété explosible du chlorate de potasse, et proposa de l'em-
ployer au perfectionnement de la poudre à canon. Cette proposi-
tion amena un essai officiel à la fabrique royale des poudres
d'Essone, le 28 octobre 1788. Cet essai coûta la vie à deux per-
»'■ »■
»t . , ..i™«o,«„.i«-.. ■•
sonoes; Lavoisier, BertbpUet et Ghevraud^ comfnisjMiire royal»
faillireat ea être le» Tictioie$ (1).
C'est de 1789 que date anssi une révolutioii' industrielle : le
(1) Les détails de cet aodde&t ont été raoootés par te JawrptQi de. Pgri^ea
date .du vendredi, 31 octobre 17S8. En ToicI les principaux extraits s^k. tes ré-
gisseurs dés poudres ayant appris que M. BerdioUet «Tait découvert làie ma^*
tière très-propre à Abriquer di la ptiodre, bèanoetip plos forte ^e'ia -pondis
royale mtee, qid est la meiDeliieoNunie, ont cht <iii^ était de leur detoir da
ftjre une épreuve de cette Imbrication, quoique. ce soit un proUème assez ^^Hffloile
à résoudre, de saroir si les décourertes ^ ce genre sont j^ arantageus^. i^iie
nuisibles à l'humanité... On procéda à fépreuve le i7 octobrf^à 6 heures' du
matin : 16 livifes de matière (ddorate de potasse) forent pesées serapalettse^
ment au dosage oon?enii,et le eharbon ftitmonÎBé par précaution ;oii écND-
nMBça à battre à 7Jbeures pfécises; on ne tarda pu.às'aperoevoîr que la matièfo,
qudque médiocrement bumectée, se pdotonnait dans le matU/Bt et qn'^^ se
retournait mal sous le jiilon ; M. Ii^rs (Pun des régisseurs désigoés pour cons-
tater les effets de Pexpériénce) essaya de la faire retomber avec un bAton ; mais
cet eipédient noyant pas léossl complètement, on réselat'de porter la oomposi-
tionà 20 livres au lieu de 16, et te nouveau chaibon fot encore mouillé anwtf
d'être employé* Comme, malgré l'additii»! de la matière, die ne se r;rtounttit
pas beaucoup mieux, M. Letors, emporté par son zè|ie, çmitinua à la, faire.. re-
tomber à -chaque coup de pflon avec son espèce de spatule en bois, pensiuidé
que, la pondre n*étant pas encore fort avancée, il n'y avait aucun danger; il
était alors entouré de M. et de M"* Lavolsier, de M. Barthollet et de M. -de
CSievraud, commiasaire ; de M. MaUet» élève, et du sieur Aldin, maître poudiieri
et plaisantait avec sécurité sur les effets que produirait une explosion en plein
air. A 8 heures un quart on suspendit le battage pour faire un rechange com-
plet, et on trouva la poudre plus avancée qu'on ne s'y attendait. Alors M. Lavoi-
sier insista pour que son confrère cessât de la remuer avec un bâton durant le
battage et demanda que tout le monde se retirât derrière Testacade, tandis que
la machine jouerait, sauf à revenir remuer, lorsque le pilon serait arrêté, ce qui
fut convenu. Après quoi on descendit pour prendre quelque repos et déjeuner/ en
laissant l'élève et le maître poudrier pour continuer... Au bout d'un quart d'heure
on s'achemina pour retourner à l'appareil. M. Letors, toujours actif, devança les
autres de quelques instants, et fut suivi de près par l'une des demoiselles Che-
vraud, qui était accoutumée à des opérations des arts qu'elle entendait très-bien.
M. Berthollet, qui n'avait jamais vu de mortier à poudre, entra avec Mme et
M. Lavoisier et le commissaire dans une batterie en activité ; il n'y resta que
peu d'instants, et on se remit en chemin pour se rendre à l'épreuve; il était alors
8 heures 45 minutes. A peine avait-on fait quelques pas, qu'une forte explosion
se fit entendre et qu'une épaisse fumée s'éleva du lieu.de l'épreuve. On y courut
et on trouva toute la machine en pièces , le mortier en éclats, le pilon lancé au
loin, le malheureux M. Letors et Miie de Chevraud jetés l'un et l'autre à 30
pieds de distance, et fracassés contre un mur de meulières : le premier avait
une jambe emportée, le poignet droit cassé, une cuisse brisée, un œil crevé, la
peau du crâne enlevée ; il n'a survécu que peu d'instants à tant de blessures.
M^^^ dç Chevraud, mutilée aussi, était expirée avant lui. L'assemblage des plan-
TROISIEME ÉPOQUE. 555
• »
blanchiment des étoffes par remploi du chlore , alors appelé
acide muriatique oxygéné* Berthollet donna la description de
son nouvel art dans les Ârmales de chimie.
Lés Éléments de l'art de la teinture (2 vol. in-8®, 1791 ) ont
beaucoup contribué au progrès de l'industrie. Cet ouvrage est
divisé en deux parties : dans la première, l'auteur expose les
principes servant de base à l'explication des phénomènes sur
lesquels repose l'art du teinturier; la seconde partie est exclusi-
vement consacrée aux procédés de l'art pratique.
Ij Essai de statique chimique (2 vol. in-8®, 1803), qui seul suf-
firait pour faire la réputation d'un savant, a probablement pour
origine le cours de chimie que Berthollet avait été chargé de
faire à l'école normale, lors de la création de cet établissement
par la Convention nationale. Onze de ses leçons ont été impri-
mées dans le Journal de l'École normale.
Feiircroy,
Fourcroy (Antoine-François), de douze ans plus jeune que
La^oisier, fils d'un pharmacien, naquit à Paris, le 15 jan-
vier 1755. Après avoir fait ses études au collège d'Harcourt,
il se passionna pour la musique et la poésie, composa < quelques
pièces de théâtre, et eut un moment l'idée de se faire comédien ;
le mauvais succès d'un de ses amis l'y fit renoncer. Sur le conseil
de Vicq-d'Azir, ami de son père, il se décida à se faire médecin,
et fut reçu docteur en 1780. Quatre ans après, il obtint, par la
protection de Buffon, la chaire de chimie au jardin du Roi, en
remplacement de Macquer : il avait eu pour compétiteur Ber-
thollet, moins protégé que lui. Dès 1782, Fourcroy était admis
aux réunions des savants que Lavoisier recevait chez lui et parmi
lesquels on remarquait Condorcel, Monge, Berthollet, Vicq-
d^Azyr, Vandermonde, Baume, etc. Bientôt la révolution lui
ouvrit un nouveau champ d'activité. Faisant partie du Comité
ches, derrière lequel étaient les ouvriers, avait résisté; ils avaient éprouvé une
vire commotion, mais sans aucune blessure. L'élève et le maître poudrier, qui
avaient été relevés de leur poste par M. Letors, s'étaient retirés un instant a\^nt
^ pour aller prendre quelque nourriture. »
Ce récit émouvant avait été évidemment communiqué au Journal de Paris
par un témoin oculaire, peut-être par Lavoisier ou par Berthollet lui-même.
A
I
t
586 HisrroiBB de là guimie. .
des électeurs, il fût élu/ en 1792, député suppléant de Paris 'S la
Convention nationale, et devint, dès l'wnée suivante, l'un des
membres les plus influents du Comité de l'iùstrùction publique.
II usa de son influence pour arracher des prison^ révofution-
naires le chirurgien Desault, mais il ne fit rien pour sauver Lavoi*
sier, comme nous l'avons fait ressortir plus haut. Au 9 thermi-
dor, il fut appelé au Comité de salut public. Il contribua à Tôr-
gani^tion de l'École polytechnique, alors l'École des travaux
publics, fit créer trois écoles de médecine et donna le plan de
l'École normale. Après le 18 brumaire, il fut nommé directeur
général de l'instruction publique, et rendit des services dans la
formation des lycées. Lors de la création de TuDiversité impé-
riale, il espérait en devenir grand-mattre, quand il apprit que
Fontanes lui était préféré. Ce fût un coup terrible porté & Four-
croy, qui se vantait d'être non ambiiieux. Sa gaieté naturelle l'a-
bandonna, et il disait aux amis qui cherchaient à le consoler :
a Ce coup me tuera; une griffe de fer me déchire le cœur. » En-
fin, le 6 décembre 1809, le jour même où Napoléon, pour lui
Cure oublier une préférence péniblc-signait les lettres patentes
qui le nommaient comte de l'empire avec une dotation sénato-
riale deM),000 fr.de rente, il s'écria tout à coup : «Jesuismort.»
. . Ce furent ses dernières paroles : il expira au milieu d'une fête
de famille, à l'âge de cinquante-quatre ans.
TraYanx de Fonrcroy.
Fourcroy débuta, à vingt-deux ans, par un mémoire lu à
TAcadémie des sciences, en décembre 1777, Sur la différence
des précipités martiaux, obtenus par les alcalis caustiques. Dans
un second mémoire, lu en janvier 1778, il étendit son travail
aux précipités de chaux, obtenus en traitant les sels calcaires
par des alcalis. On n'y voit aucun fait nouveau. Plus tard il s'at-
tacha à Tétude de la chimie organique, particulièrement de la
chimie animale. Mais ses analyses du quinquina, du gras de
cadavre^ du lait de vache, du foie humain, des calculs biliai-
res, etc., n'offrent qu'un intérêt historique : l'auteur avait abordé
des problèmes pour la solution desquels les éléments nécessaires
restaient encore à découvrir; ses erreurs n'étaient donc que des
péchés d'omission.
TROISIEME EPOOUE. 557
Fpurcroy eut le mérite incontestable d'avoir, par ses ouvrages
et par son enseignement, contribué. plus qu'aucun autre de ses
collègues à populariser la chimie. Parmi ses ouvrages nous ci-
terons : Système des connaissances chimiques et de leur application
aux phénomènes de la nature et de l'art, iSOi, 6 vol. in-4% ou
11 vol. in-8® : c'est le développement de ses Leçons d'histoire
naturelle et de chimie, parues en 178i , 2 vol. in-8*^; — Philosophie
chimique; 1792^ in-S" ; — Tableaux synoptiques de chimie ^ atlas
in-folio, 1805. Son article Chimie, de l'Encyclopédie méthodique,
est fort important pour l'histoire de la chimie au dix-huitième
siècle.
Gomme professeur, Fourcroy était sans rival. «Il était né, dit
M. Pariset, pour le talent de la parole^ et, ce talent, il l'a porté au
plui^ haut degré : ordre , clarté , expression , il avait toutes les
qualités d'un orateur consommé ; ses leçons tenaient de l'enchan-
tement A peine avait-il ouvert la bouche que le cœur était saisi par
les sens et l'esprit captivé par l'attente. Les phénomènes les plus
subtils, les théories les plus abstraites, prenaient, à mesure
qu'il parlait, une évidence et une simplicité qui jetaient dans la
surprise et le ravissement. Son élocution vive, facile, variée,
élégante et pourtant familière , semblait se jouer avec les obsta-
cles, et faisait tomber, pour ainsi dire en courant, les voiles sous
lesquels la nature s'est enveloppée. Tout cet éclat , soutenu par
les accents d'une voix sonore et flexible , et par le jeu d'une phy-
sionomie qui se prêtait à mille expressions et qui s'animait du
feu de la parole , donnait à ses démonstrations tout le prestige ,
et j'oserais presque dire, toute la passion d'une scène drama-
tique. Il savait distinguer sur les bancs les plus éloignés de son
amphithéâtre l'esprit difficile qui doutait encore , et celui qui ne
comprenait pas ; alors il variait ses expressions , la langue sem-
blait multiplier pour lui ses richesses , et il ne quittait sa ma*
tière que lorsqu'il voyait tout son nombreux auditoire également
satisfait. Aussi , quelque lieu qu'il choisît pour ses cours , ce
lieu n'était jamais assez vaste pour l'affluence de ses audi*
teurs (1). »
(I) Pariset, Éloge de Fourcroy,
iSB BisitmiK'nB la ciiniis.
* •
§■8.-
. -. . • ' • ■ ' • ; ■■ -.
Après avoir fidt connallfe 1m alrtéora de U
«htaime p . abordons la descriirtioii nléme de leur leavre 6oU
lectiTe. :•.;:.
Dire heaueùup de ehateê en peu de mate, tel est Ildéàl Ve' làpif^
f eclîoa du langage. L'algèbre , cette langne des mathdiùÀtîdeiîti
en approche le plus; la langae des chimistes tieût ktkmiéiBie^
mentaprèS'
Plus une science se perfectionne , plus le besoin de s'exprimer
avec autant de brièveté que de pr^sion se fiât sentir: C'est ce
dont étaient pénétrés Moupeau, Bertholiee et Ponrcroy; ioMpië
vers le œilieude Ifannéè 478dils se réunirent à Lavoisiery àh chef
de la nouvelle écfolevpour examiner un pirojetde nomenclature,
proposé par Horveau dè^ 1783, et pour conoeiler tiiïSi^ble un
plan de réforme devenu siéoesaaire. Os étaient 'dantf le coufant
des idées nouvellea qui entraînaient alors tous lêb èhisâilBies,
ceux-là môme qui semblaient tenir le plus ai£c idées ^iunennes^
« Ne faites grftce f éèrivait^ vers la fin de ses jours, Bergman à
Morveau , ne laites gi^ce à aucune dénomination impropre ; ceux
qui savent déjà entendront toujours; ceux qm ne savent pas en-,
core entendront plus tôt. s .'
Après huit mois de conférences presque journalières^ auxquelles
assistaient plusieurs géomètres de TAcadémie, Lavoisier exposa
à la séance publique de l'Académie du 18 avril 1787 les bases de
la Réforme eu du perfectionnement de la nomenclature delà chimie^
el il en donna les développements dans un second mémoire, la
le. 2 mai suivant.
Cette grande réforme, œuvre commune de Lavoisier, de Mor-
veau^ de Berthollet et de Fourcroy, porte principalement sur les
corps co>Hposés, Ces corps ont été divisés en acides, en bases et
en sels, La nomenclature nouvelle repose donc sur une véritable
classification des matières que traite la chimie.
Lavoisier, d'accord avec ses collaborateurs, avait établi en règle
que « toute dénomination d'un composé doit en même temps in-
diquer les noms des éléments de ce composé ». Appliquant cette
règle aux acides , il les terminait en ique; de là les noms diacide
sulfurique y diacide muriatique , d'acide carbonique y Qic, substi-
tués aux noms d^hiHle de vitriol, d'esprit de sel, d'air fixe, etc.
TROISIÈME ÉPOOÛE. 559
Si Lavoîsier n'eût pas fait jouer à Toxygène un rôle trop exclusif,
la nomenclature chimique aurait été presque parfaite dès son
origine. Mais, d'après sa théorie , a les acides sont composés de
deux substances de l'ordre de celles que nous regardons comme
simples (je cite textuellement) : l'un] qui constitue l'acidité;
c'est de cette substance que doit être emprunté le nom du genre;
l'autre qui est propre à chaque acide, qui les différencie les uns
des autres, et c'est de cette substance que doit être emprunté le
nom spécifique. »
Comme l'oxygène , en sa qualité de principe acidifiant ou de
générateur des acides (&esi la signification du mot oxygène)^ était
supposé exister dans tous ces composés ^ son nom pouvait être
omis sans inconvénient : il désignait le genre, exprimé par là ter-
minaison ique, tandis que le nom de l'élément^ auquel il s'asso-
ciait, désignait l'espèce. C'est pourquoi, au lieu d'acides oxysul-
furique, oxy carbonique ^ etc., on dira simplement acides sulfu-
riquCj carbonique^ etc.
Mais les auteurs de la nomenclature ne tardèrent pas à s'aper-
cevoir que les deux principes constitutifs , le principe acidifiant
et le principe acidifié, peuvent se combiner entre eux. dans des
proportions différentes; il fallait donc élargir le cadre. C'est ce
qu'ils firent en variant la teroiinaison du nom spécifique : ique
devait indiquer l'acide qui contient le plus d'oxygène; eux celui
qui en contient le moins. C'est ainsi que, par une simple modifi-
cation de la désinence, le seul énoncé des noms, tels que acide
sulfurique et acide sulfureux, acide arsénique et acide arsénieux
suffit pour indiquer une différence de composition. Maisja chimie
marchait vite; et bientôt les faits ne cadraient plus avec la théorie.
Il nous faut ici anticiper un peu sur l'avenir des contemporains
de Lâvoisier, avenir qui déjà n'est plus pour nous que le passé.
Dès le commencement de notre siècle on reconnut que c'est ,
non plus en deux, mais en trois et même en quatre proportions
différentes que l'oxygène peut se combiner avec une seule et
même substance pour former des acides différents. Afin de ne rien
changer aux terminaisons anciennes, on imagina alors de faire
précéder le nom de l'acide, contenant une proportion d'oxygène
moindre que l'acide terminé en ique, de la préposition grecque
hypo (u7C(5, au-dessous), A son tour, l'acide moins oxygéné que
celui-là dut recevoir la préposition hypo, en conservant la termi-
naison eux. Cette première modification fut apportée à la nomen-
,t
• . ' ■ •
-v
860 PSIOIBC DE LA CHtKUS.
clature \ l'époque où Gay-Liusac découvrit deux nouveaux acides
du soufre, moins oxygénés que l'acide sulfureux. C'est .ainsi' que
Ton dit depuis lôrs :
Acide paf^q^:. . , . V^^ ^^
Acide iulfiirettx )
Acide hypculfMque . . | ^^^^ ^^^^
Acide hyposuljwreux. . . )
On découvrit 9 presque en même temps, que le phosphore, 1'>-
zote, le chlore, etc., peuvent, comme le soufre, donner des
acides moins oxygénés que l'acide, terminé en ewc. Mais l'expé*
rience avait montré aussi que l'oxygène n'engendre' pas seolemeot
des acides.
Nous avons vu que les anciens chimistes appelaient ehxux le
produit de la calcination d'un métal à l'air. Après avoir dé-
montré que ce produit est dû à la fixation de l'oxygène par le
métal , Lavoisier remplaça le nom de chaux métallique^ d'abord
par celui de métal oxygéné, puis par celui d'oxyde. Les chaux
d'étain, de plomb, de mercure, etc., s'appelleront donc désorouds
oxydes d'étain, de plomb, de mercure, etc. Mais ici encore l'ex-
périence montra que l'oxygène peut, comme dans la formation
des acides, s'unir à un même métal en plusieurs proportions pour
produire des oxydes différents. Afin de distinguer entre eux des
oxydes plus ou moins oxygénés, on convint d'appeler ^o/oa?yrf«
(de wpwToç, premier), le composé qui contient la moindre ou pre-
mière proportion d'oxygène, et deui^xyde ou bioxyde , celui qui
en contient le double; on nomma sesquioxydeXe^ composés où
Toxygène entre pour un et demi, la quantité de métal restant
toujours la même; tritoxyde^ guadroxyde^eiCy des composés où
l'oxygène est le triple, le quadruple, etc., de celui du protoxyde;
enfin on nomma sous-oxyde tout composé où la quantité d'oxy-
gène est inférieure à celle du protoxyde.
La plupart des oxydes sont des bases, c'est-à-dire qu'ils ont la
propriété de se combiner avec les acides pour former des sels. Il
y a aussi des oxydes indifférents ou neutres, ainsi appelés parce
qu'ils ne sont susceptibles de se combiner ni avec les acides, ni
avec les bases. C'est le cas de beaucoup d'oxydes non métalli-
ques, tels que le protoxyde et le deutoxyde d'azote.
Les auteurs de la nomenclature chimique avaient reconnu que
TROISliME ÉPOQtE* â6l
(( plus la propriété d'oxygène augmente dans un oxyde basique,
plus celui-ci perd sa ph)priété de base et tend à devenir acide ^
de telle façon que les composés les plus oxygénés sont générale-
ment acides, tandis que les moins oxygénés sont basiques n . —
Ce fait général, qu'on appelle improprement une lai, s'applique
encore à d'autres éléments que l'oxygène ; mais c'est ce qu'igno-
rait alors Lavoisier. Il lui importait avant tout de faire ressortir
la différence qui existe entre une combinaison ou un composé
et un mélange. Le composé suppose l'union intime, moléculaire^
de deux ou de plusieurs éléments. Cette union^ souvent accom-
pagnée de dégagement de chaleur, de lumière et d'électricité,
se fait toujours dans des proportions déterminées; il est im-
possible de distinguer, à l'aide de nos sens, organoleptiquementy
la nature des éléments qui forment le composé, et ces éléments
ne peuvent être séparés que chimiquement. Il n'en est plus de
môme de ce qu'on nomme un mélange. Les éléments qui y en-
trent se reconnaissent déjà à l'aide de nos sens, et ils peuvent être
séparé$ mécaniquement ; le mélange s'effectue sans aucun phé-
nomène de chaleur, de lumière et d'électricité , et son volume
représente la somme de volumes des éléments mêlés, tandis que
dans l'union chimique il y a souvent condensation des volumes.
Aussi n'est-ce pas sur les mélanges, mais sur les composés, que se
portait l'attention des auteurs de la nomenclature.
Composés saUns ou sels. Il y a des sels neutres, acides et basiques.
Le sel neutre est la combinaison d'un acid^ avec une base, coni-
binaison dans laquelle les propriétés de l'un et de l'autre compo-
sants se sont neutralisées. C'est ce que la nomenclature indique
en changeant en ate la terminaison ique, et en ite la terminaison
eux des acides. L'oxygène étant supposé entrer dans la composi-
tion de toutes les bases , on retranche le mot oayde, comme un
facteur inutile , et on dit simplement acétate de plomb , nitrate
d* argent, etc., au lieu de combinaisons de l'acide acétique avec
l'oxyde de plomb , de l'acide nitrique avec l'oxyde d'argent, etc.
Cependant, lorsque plusieurs oxydes d'un même métal peuvent
se combiner avec un acide et produire des sels différents, il est
indispaiisable de faire précéder le nom du métal de celui de son
degré d^oxydation. C'est ainsi qu'on dit : sulfate deprotoxyde de
fi^, sulfate de sesquioxyde ou de peroxyde de fer. On dit aussi
ce cas : sels au minimum et sels au maximum (d'oxydation).
Les chimistes anciens connaissaient déjà l'action que les rom-
BIST. DK LA CBIUIE. — T. H. 36
< ■ . . j -.■*••■, *"■;■.■
■ • . . ■ - - ■■:.■■ - ■-■ :■ ■■■, ■ . '•■■ -^-
. soi ,uistoi»tm*tà'mmau.
posés acides et alcalins ou basiques eieiceiil sur. certaioés c)mi^
leurs irégétales. De là uu moyen bien simple pour distinguer oàs
composés entre eux. La couleur la plus ordinairement employée
à cet effet est lateinture de tournesol. Bile est «aas aefion sàrfe
sel parEûtemeni neutre; mais elle rougit au rcditaèl dtftn. sd
aeide^ comme elle le ferait an contact d'un àcidc: libre, tandis
qiie le sel àasiqMe ramène au blea la teinture de toonaesel longie
par un acide. '. • !. m; . :'.■/;
La nomenclature indique ces différences de réaction* AiWi
les sels acides sont appelés sur-êêU ; on les désigne par lesationii
de leagiiî-y U-, quadrirêeU^ ails contiennent une fbls.et demiey
deux fois, quatre fois autant d'adde que le seL neuârè^ pria poor
terme de comparaison* Exemples : «esgpttîMrtefiated'âmœoniaque^
bisuifàte de soude , qfmdroxakUe de potasse. Les seài, eu eon^
traire, dans lesquels la base domine , sont appelés fOtisHMit, oa
sels basifue$. On dit : sel M-teft^tie, iri-boaifuef Mss^buMiqm, etc.,
lorsque la quantité de base est le double, le triple, le sexto-
pie, etc., de la base qui entre dansL-la composition du sel
neutre. Exemple : acétate de plomb H'-ba9iq^eyifi4iwiqtêefêÊ4^4^^
Tek. sont les principes de la nomenclature )C]iimique.jâ8. s'ap*
pliquent presipie exclusivement aux ox-widm, aux oasy-itani et
aux oxy-sels. Voilà ce qu'il importe de ne point perdre de vue,
lorsqu'on veut apprécier sainement Tœuvre collective de La-
voisier, Morveau, Bert&ollet et Fourcroy.
La théorie de la combustion, jointe à la nomenclature , voilà
ce qu'on pourrait appeler Vécole chimique fraiiyçaise.
Progrès de Técole chintique française*
On a dit de la révolution française qu'elle était destinée à
faire le tour du monde. Cette prédiction ne s'est jusqu'ici com-
plètement réalisée que pour la chimie. Les idées nouvelles ,
scientifiquement révolutionnaires, après avoir^ non sans d'opinift-
res résistances, forcé la conviction des collaborateurs immédiats
deLavoisier, pénétrèrent, quoique lentement, dans l'esprit des
autres chimistes français, tels que Chaptal, Van-Mons, Darcet,
Pelletier, Achard, Âdet, Deyeux, Yauquelin , etc.; puis de là
elles se répandirent partout et finir^it^par être adoptées par
TROISIÈME ÉPOQUE. , 563
tous les savants. Les critiques passionnées dont la chimie noû*
velle était l'objet de la part de quelques retardataires , loin de
nuire à son succès , donnèrent à beaucoup de personnes le
désir de la connaître , et à peine en eut-on pris connaissance
qu'on en sentit immédiatement l'incontestable supériorité sur la
chimie ancienne. C'est ainsi qu'on ne renverse que ce qu'on rem-
place avec avantage.
En Angleterre , l'exemple donné par Black, Rirwan et Caven-
dishqui, après quelques hésitations, avaient franchement em*
brassé les principes de l'école chimique française, fut bientôt suivi
par Pearson, Tenant, Beddoes et Hope, successeur de Black à
la chaire de chimie d'Edimbourg. Les médecins anglais furent les
premiers à utiliser, pour leur art, les découvertes de la chimie
moderne. Ils employèrent les sels de baryte pour combattre les
scrofules^ et appliquèrent l'oxygène, au moment où il se dégage de
l'oxyde de mercure, dans le traitement des maladies de poitrine.
Mais c'est surtout dans les arts industriels que les Anglais songè-
rent à tirer parti des découvertes chimiques les plus récentes.
En Allemagne, la chimie pneumatique ou antiphlogistique, —
c'est ainsi qu'on y appelait l'école française , — rencontra le
plus grand nombre de contradicteurs, dont quelques-uns cher-
chaient à concilier la doctrine ancienne avec la théorie nouvelle.
Nous citerons ici particulièrement Gœttling, Gren et Girtanner.
^imtiiXLmg {F,'Frédéric-Auguste), né à Bernbourg, le 5 janvier
1755, mort à léna, le 1®' septembre 1809, professeur de chimie
à l'université de léna, auteur d'un Essai de chimie physique (léna,
1790, in-8"),d'une/i«cyc/oprfc?i> chimico-physique(^\A^., 1805-1807,
3 vol. in-S"), ût une série d'expériences sur plusieurs corps com-
bustibles mis en contact avec le gaz oxygène, le gaz azote , l'air
atmosphérique et d'autres fluides élastiques, dans le but de rec-
tifier la Chimie antiphlogistique ; il en publia les résultats dans
Beytrag zur Berichtigung der antiphlogistischen Chemie, etc.
(documents pour servir à la rectification de la chimie antiphlo-
gistique); Weimar, 1794-1798, in-8°; et en déduisit, entre autres,
que « le calorique et la lumière sont deux corps simples , dif-
férents l'un de l'autre , et tous deux à l'état de fluides élasti-
ques; que l'union de la lumière avec l'oxygène forme le gaz azote,
de même que celle du calorique avec l'azote forme l'oxygène ; que
la lumière a plus d'affinité pour l'oxygène que le calorique, ce
qui expliquerait pourquoi l'oxygène est, dans beaucoup de cas,
36.
i *
561 ,ttVnpp.n.Li GBliqt.
décomposé par laJmri^ , M 'converti en axote ». «- Bedboltet
mina 4c fond en comble ce système dans une note lue à F Aca-
déâoûe des sciences, en plnviAse de l'an IV (fénier 1798).
«Mil ^^nMt^^Ckarles), né à Bembourg, le l*' mai 4760,
mqrtleSftnovimWe 1798, professeur de chimie à Tuniversilé
de flrile , auteur de plusieurs ouvrages estimés , parmi leaqueb
on cite : Ùimmëtianes U experimenia eirea gmieiin tiêris fisci et
pUogUifti ( Halle, 1784, in-S*") ; SgtienMUekes Hmidbueh der fe^
ummnim Chemàe (1794, T édit.), repoussa la théorie française
sur l'oxydation et la désoiydation des métaux, et ne céda qoa
devant l'évidence des faits que Van-Hoos lui opposait MaiSyiiie^
pouvant pas renoncer entièrement i l'idée d'un principe, général
- combustible ,. ni se résoudre à regarder, avec les chimistes finui-
çais, la plupart des corps combustibles comme simples ou indé-
composés, il finit par se créer une ttiéorie mixte. D'après cette
théorie, le phlogistique serait une base expansible qui, par.son
unionavec le calorique, produirait lalumière. Quant au calorique,
ce serait, non pas un fluide, mais une force primitive, expansive,
mettant en mouvement les mplécules de la matière. Cette théorie
se trouve longuement exposée dans une lettre de Oren à son aim
Yan-Mons.
^ CUMauer {CkriUQphe ), né à $aint-Gall, le 7 décembre 1766»
mort ^ Gœttiogue le 17 mai 1800, professeur de médecine , au*
teur d'ouvrages sur des sujets variés, parmi lesquels on remarque
une Nouvelle Nomenclature chimique à rusage des AUenumds
(Gœttingue, 1791, in-8**), et Principes de chimie antiphlogistigue
(Ibid., 1795, in-8"), écrivit, en octobre i791, à de la Metherie
qu'il venait de trouver que «la base de l'acide muriatique est l'hy-
drogène, que cet élément, au premier degré d'oxydation, fournit
l'eau, et, au second degré, l'acide muriatique; qu'il existe ainsi
une analogie complète entre l'acide muriatique et l'acide nitri-
que, puisque l'azote au premier degré d'oxydation forme l'air at-
mosphérique , et au second l'acide nitrique. » C'est le cas de
dire que rien n'est plus séduisant que l'erreur. Aussi, que de vi-
gilance ne faut-il pas dans la recherche de la vérité I
. Dans une lettre adressée, en septembre 1796, à Van-Mons, Gir-
tanner fait le tableau suivant de l'attitude des chimistes alle-
mands, à la fin du dix-huitième siècle , vis-à-vis de l'école fran-
Qaise :... a La dévolution chimique s'est opérée en Allemagne. Il
n'yaplusqueCIren, savant distingué, mais opiniâtre, Westrumb,
TROISIÈME ÉPOQUE. 565
GineHneèGrell,qui défendent encore l'existence du phlc^istique.
Ces quatre chimistes ne se rendront jamais : ils ont déclaré une
guerre à mort à la doctrine antipblogistique. Trommsdorf, qui
cependant s'est rendu à la nouvelle doctrine , tient encore par
quelques chaînons à l'ancienne.... Parmi nos jeunes chimistes,
Scherer de léna promet de grandes choses ; il est zélé sectateur
de la chimie française, bon expérimentateur et doué de beau-
coup de connaissances. Le professeur Mayer, à Erlangen , est
une excellente tête , qui réunit des connaissances profondes en
mathématiques, physique et chimie, comme Monge à Paris,
qsoique, selon moi, Monge ait plus de génie. Hermbstœdt fait
tout ce qu'il peut pour l'avancement de la nouvelle doctrine. »
Voici maintenant le commentaire, dont Van-Mons accompagna
la lettre de Oirtanner. « Cette lettre pourrait, dit-il, faire croire
que les quatre chimistes (Gren, Westrumb, Gmelin etCrell)
dont parle Oirtanner, professent encore la théorie de Stahl. Je
dois détromper à ce sujet mes compatriotes français,^ auxquels
la guerre n'a pas permis de se mettre au courant des progrès de
la nouvelle doctrine chimique en Allemagne. Ce pays ne compte
plus parmi ses chimistes écrivains aucun partisan du pur système
du phlogistique depuis que je les ai convaincus de la présence de
l'oxygène dans l'oxyde de mercure rougi par le feu. Ils ont tous
adopté la nouvelle doctrine sans restriction ou avec des restric-
tions de peu d'importance. Crell, Westrumb, Wiegleb , Tromms-
dorf, Gmelin, Richter, Leonhardi, etc., tout en tâchant de
marier la nouvelle théorie avec la théorie du phlogistique dans
les corps combustibles , en admettent l'ensemble et les consé-
quences. » — « On peut croire, ajoute Fourcroy, que cette lutte
glorieuse établie depuis vingt ans, ce procès fameux qui s'instruit
encore tous les jours chez un des grands peuples les plus éclai-
rés de l'Europe , fera reconnaître au fond de quel côté se cache
l'erreur et l'illusion, et sur laquelle des deux théories brille la
lumière éclatante de la vérité (1). »
La Hollande opposa moins de résistance que l'Allemagne à l'in-
troduction de la chimie française. Ses chimistes se distinguaient
par leurs travaux aussi ingénieux que pratiques. Van Marum se fit
connaître par ses expériences sur la combustion des métaux au
(1) Encyclopédie méthodique^ article Chimie, pages 617 et 712 (Paris, an IV
de la Répabliqne fîrançaise).
• - ■ *
• > - . ,
566 ' usituai db £A' cuuue.
moyen derélectrieité» par sesgaiojaièlres» p^psie» observalions wOê
la comlmstioo du phosphore dans rair.rar^A. IkiMti'BekmêA'i
Paats, Van Troostwyk et Lau^renburif» forttièifeiït à Amsterdam
une société de chimistes^ connus sous 16 nom de tHdûiUimkoln
imidaiê,'ponT travailler en eoounun to {Mgrèa.dft'ia sdeface;
Ces chimistes parvinrent les premiers:^ en 1788 r^^^^^^nspos^
Teau par Télectricité en hydn^aièBe et eu oxygène, -et à. iàïeeo&i-
poser en foudroyant les.cleux gaa ainsi obtenus; Cette impèrtaati^
expérience d'analyse et de synthèse fui répétée à' Pairie pfarCSiappe
et Sylvestre. Les mêmes chimistes bollandais constatèrent aUèûcn*
m^encement de 1794^ tlana les sulfhres métEilUques et partkùttè*'
rement dans le sulfure de ouivre » la- propriété' de ttl7ûier»dai»
l'oxygène et de s^allumer dans 4e6gaB irre6piraUeft>Ibfanâéé jftai-
yante, ils étudièrent, d'une manière i^Môei^tov'^ Saaè ^dcogène
bicari)oné) qui ae dégage pendantia réaotion de Vaoide'4uife<
rique imr l'alcool; M.^: lui trouvèrent, centre autres*^ Ia<«pi90pfiét6
de former une sorte dïiaile av^ le gaz Adde muriatiquei cixygéné
(chlore). Ce produit d'aspect "oléagineux, -r- premier' produit dé
substitution où l'hydrogène est remplacé par un éflalr vélwne de
chlore, — * reçut. alo» le jpom de jgM olé/ûmi ote :d?kiÊUeéMtkh
mste$ hBlkm4^i^ (^^détaiis de cette décoaverte furent; IraKamis
par Van-Mona.^ l'InstUutde Franceen venMseraii IVdeinirépa-
blique (mars 1796). La Hollande, érigée en ré{»Ubliquebatave,
était alors en communauté d'idées politiques avec là France. La
science promettait d'en resserrer davantage les liens. Aussi
Fourcroy put- il dire avec une légitime confiance : a Tout an-
nonce que la république batave , dont le sot et la prospérité sont
les plus beaux et les plus étonnants monuments de l'industrie et
du génie, continuera à cultiver la science chimique ^ et que la
doctrine française y jettera de profondes racines et s'agrandira
par ses citoyens. »
U Italie ne resta pas en arrière de l'impulsion donnée par les
chimistes français. Giobert, Beauvoisin , le chevalier Saint-Réal,
les comtes Mocozzo et Balbo s'occupèrent à Turin de l'applica-
tion de la chimie nouvelle aux sciences naturelles et aux arts.
Dandolo publia à Venise une nomenclature chimique italienne ,
d'après le modèle de la nomenclature française. A Florence,
l'abbé Fontana, déjà bien connu par ses recherches sur les fluides
élastiques et particulièrement sur l'air fixe {Journal de physique,
octobre 1775), par son analyse de là malachite et par ses observa-
TROISIÈME EPOQUE.. 56l
lions sur Tair où ont séjourné des fourmis (Journal de physique,
juillet et septembre 1778), perfectionna les appareils chimiques
et météorologiques. A Pavie^ à Vérone, à Milan, àModène^et dans
d'autres villes de lltalie , la chimie française eut des partisans
nombreux, parmi lesquels il suffit de nommer Volta, Landrini ,
Lorgna, Fortis, Yenturi, Brugnatelli, Moscfati.
V Espagne elle-même voulut participer à Télan dotmé aux
études de la chimie par les découvertes récentes. Le gouverne-
ment espagnol créa des laboratoires, abondamment pourvus d'ins-
truments et d'appareils, à Madrid, à Séville, à Cadix et .dans
d'autres villes^ La plupart de ces instruments avaient été fabriqués
àParis par les ouvriers mêmes que Lavoisier avait employés . La no-
menclature chimique fut officiellement adoptée, et les ouvrages
français, où se trouvaient exposées les nouvelles doctrines, furent
rapidement traduits et répandus en Espagne. Proust et Ghaban-
neau, qui avaient longtemps résidé dans ce pays et possédaient
parfaitement l'espagnol, y furent les propagateurs 2élés de l'école
française.
De la Scandinavie f et plus particulièrement de la Suède, on ne
devait pas tarder à voir sortir des chimistes éminents , dignes
continuateurs de Bergmann et de Scheele. Quant à Ibl Russie, elle
sembla destinée à n'avoir pour propagateurs de la science que
des étrangers, notamment des Français et des Allemands.
Le Nouveau Monde même ne demeura pas étranger à ce mou-
vement scientifique. Au Mexique et au Pérou , où abondent les
mines d'or et d'argent, on sentit bientôt le besoin de se tenir au
courant des progrès de la chimie. A ce besoin répondirent les
travaux de Delrio, Angulo , Delhuyar et Dandrada, qui s'étaient
principalement livrés à l'analyse des produits minéralogiques. La
République des États-Unis, qui prit un si rapide essor par l'acti-
vité fiévreuse de ses citoyens , ne pouvait pas rester indifférente
au spectacle du développement extraordinaire de la chimie , qui
s'est rendu tributaires tous les arts industriels et agricoles.
Mais la science , fille du temps , est indépendante de l'espace :
elle n'appartient à aucune nation, à aucune contrée spéciale; elle
plane, comme l'esprit de vérité , au-dessus du chaos des agita-
tions humaines. Aussi ne fut-ce point un Français qui devait réa*
User les vœux et les prédictions de Lavoisier.
« m
568 Hi8Toaut ut xik. woese.
§8-
-• •;;!;•
, •
Peu de vies ont été aussi bien remplies que cdle de Hauh
phry Davy. Né le 17 décembre 1778, à Penzance, petite Tille da
comté de Comouailles , le jeune Homphiy Tint, avec ses parents;
babiter Yarfell, au bord de la mer, dans on nte piîtoresqae, en-
toaré de monomoits dmidiqnes. Ce séjour ne cootriboa ipas peu
à développer en lui le goût de la poésie qu*il cultiva toute sa vie
avec. une prédilection marquée. Les essais que cite de loi son
frère et son biographe, Jobn Bavy, sont pleins de vo^e et d^êvi*
ginalilé. A seiae ans , il perdit son père, graveur sur Iwis, et sa
mère resta avec cinq enfants sur les bras. Pour suffire à cettu
charge, elle ouvrit d'abord une boutique, de. mercerie, pms un
hôtel garni pour les voyageurs qui venaient visiter les rives de k
Boye, renommées pour la douceur du climat et ses beautés
agrestes. Quelques mois après la mort de son père> en. 1796,
Humphry fut mis en apprentissage chez Bingham Borlase^ maître
chirurgien et apothicaire à Penzance. C'est à cette époque (fé-
vrier KH9S) que commence le journal où il avait l'habitude de
consigner les pensées et les actes principaux de sa vie.
Rien de plus instructif que le développement graduel d'un es-
prit d'élite : débutant par le raisonnement froid, incisif, en quel-
que sorte mathématique du matérialisme, il finit généralement
par aboutir à un spiritualisme éclairé. Voici comment Davy rai-
sonnait à dix-huit ans : « La faculté pensante a sa source dans les
sens. Un enfant, quand il vient au monde, est sans idées, par
conséquent il ne pense pas. Tous ses actes émanent de l'instinct
Excité par la faim, il va sucer le lait de sa mère ; il ne diffère en
rien du plus stupide des animaux, si ce n'est qu'il a davantage
besoin de secours. Il ne possède que de faibles perceptions; son
attention est éveillée avec peine; sa mémoire est à peu près
nulle; et il ne retient les idées qu'à force de les lui répéter. A
mesure que l'enfant avance en âge, ses nerfs et son cerveau de-
viennent plus forts; la perception devient plus vive, et la mé-
moire plus tenace. Le jugement, résultant de la perception et de la
mémoire, commence à se montrer; la raison se développe à son
tour; enfin, l'homme apparaît avec les caractères de son intelli-
gence. Après que les facultés mentales ont atteint le summum de
leur développement à l'âge viril, elles commencent à décliner et
TROISIÈME ÉPOQUE. 569
rétrogradent vers l'enfance. Il suit de là, avec une indiscutable évi-
dence, que la faculté pensante ne reste pas constamment la même.
Or, ce qui n'est pas constant est naturellement variable, et ce qui
varie est mortel et matériel. La force corporelle et la force pen-
sante commencent Tune etrautreàcroiC)*e depuis zéro, pour reve-
nir, après un certain développement, à leur point de départ (1). »
Il est impossible de mieux faire ressortir ce parallélisme du
corps et de l'esprit, qui fut, en tout temps, le principal argument
du matérialisme.
Une circonstance, en apparence fortuite , fit naître dans Davy-
l'amour de la science qu'il devait illustrer. Grégoire Watt, fils de
l'immortel inventeur de la machine à vapeur, avait été envoyé
par son médecin à Penzance pour une affection de poitrine. Il
Tint loger chez Madame Davy. Le jeune pharmacien, pour se lier
avec ce personnage qui aimait la chimie , se procura une traduc-
tion anglaise des Éléments de chimie de Lavoisier. En deux jours
il avait lu et compris ce livre , et il songea dès lors à un nouveau
plan d'études, embrassant toutes les connaissances humaines. A
la suite des entretiens et discussions qu'il eut avec G. Watt, il se
consacra presque exclusivement à la chimie.
« Un bon physicien doit, disait Franklin, savoir percer avec
une scie. » Le jeune Davy construisit les premiers appareils avec '
quelques tubes de verre achetés à un marchand de baromètres
ambulant; il les compléta avec de vieux tuyaux de pipe et avec
une seringue dont l'avait gratifié le chirurgien d'un navire fran-*
çais , échoué près de Land's End. Sa chambre à coucher était
transformée en laboratoire, et les fourneaux de la cuisine ser-
vaient à ses expériences pour préparer les gaz.
Ses premières recherches expérimentales eurent pour objet la
détermination de l'espèce d'air que contiennent les vésicules de
certaines algues marines, telles que les fucus siliqtiosus etf. squar-
rosus. Il réussit ainsi à montrer que les plantes marines agissent
sur l'air comme les plantes terrestres, en décomposant, sous
l'influence de la lumière , l'acide carbonique pour fixer le car-
bone et dégager l'oxygène. Davy adressa ses Essais sur la chaleur
et la lumière au docteur Beddoes , qui les publia , en 1798, dans-
son recueil périodique ( Cmtribuiiens to physical and médical,
knowledge ).
(1) Extraits du journal de H. Davy^ dans Memoirs of the Ufe of H, Davy^
t. f, p. 16 (liOnd., 1839).
.V.. ' i-
"v
870 BIOTOUS- DE .'LA GlUnS*
' Le docteur Beddoes, anoién prbfeàiBeur d'^ ^diiiiiie k ^émwmW
d'Oxford, entretenait >iiQ oommeroe iinstolûrè. a?ecl ler prîndr
paux chîmiiites-de loo temps, notamaoaent «ree Lannsier. B vèf
nait de fonder à Glifton, près de Bristol^ on élahKsseiifréntquî»
sous lenomd'IntiUMiiM'fnêùMaiifuéimmtpanr tait:d%iip)î-
quer les gas, •— remède alors à la mode, ^* iuk tnâtement dc^t
nudadies pulmonaires, si comimnes en AngleMrre; |1 vësekitide
s'attacher le jeune cfaimistoy etetergeatAm.fimLDKFiil Ciilbeiijqn
succéda plus tard à H. Davy dans la présidence de la ficfeséféroyale
.de Londres) de négocier auprès de Papothicaîie dePensaBOè: la
résiliation du contrat d'apprentissage. Par bonheur ibpotliÛBttrë
ne demandait pas mieux que de se défaire:fd*ttn. apj^renti qui
passait à ses yeux pour < un bien pauyre sujet ni < .^^
Davy fut donc attaché, en 1780,. à llnstîtdtion.pneQmfttiqàe
dtf docteur BeddoesràCUifton, etit sut hiisntôt Axtfsur ktt Tal»
tention do monde sarant. Son contrat avec ié dooteuir ^eddoes
lui imposait Tebligatioii de s'ciccuper plus partienlièrement des
gaz en rapport avec l'économie animale. :< i : . i':
Le protoxyde d'azote, que Priestley avait, .«oua le nojBft d'toydé
nitreux^ confondu avec l'oxygène, fut l'un des premiers- gas
^u'il se mit à expérimenter. Son chouL •s'était p6rtèêiir;.cè gaz
parce que le docteur Mitchell avait fondé làniessufe toute une
théorie, prétendant que l'oxyde nitreux était lé principe immé-
diat de la contagion, et qu'il produirait les plus terribles effets,
sien le respirait même en quantité minime^ ou si on l'appliquait
seulement sur la peau. C'était dans le but de vérifier cette théorie
de la contagion que Davy avait choisi le gaz en question. L'auto*
rite d'un praticien aussi célèbre que le docteur Mitchell devait
avoir de quoi faire reculer d'épouvante l'expérimentateur le plus
hardi.
Les premières expériences furent faites avec du gaz impur ou
mêlé d'air ; elles ne donnèrent pas de résultats concluants. Davy
résolut alors, le 12 avril 1799, de respirer le protoxyde d'azote
pur. Nous notons cette date, parce que le jeune chimiste , plein
d'avenir, s'exposait à une mort certaine, pour peu que la théorie
signalée fût vraie. Cependant il ne songea pas même à faire valoir
son courage. « L'hypothèse du docteur Mitchell, dit-il, ne me troih
blait nullement; je m'attendais à des effets pénibles, mais j'avais
lieu de croire que l'inspiration d'un gaz qui en apparence n'a
aucune action sur le corps puisse détruire ou du mpins gravement
TROISIÈME EPOQUE. 571
endommager le principe de la vie. » — > Le gaz pasi^a dans les
bronches sans irriter la glotte, et il ne produisit* aucun sentiment
de malaise dans les poumons.
Cette première expérience , faite en une seule inspiration, en-
gagea Davy à en tenter d'autres. Le 16 avril suivant, il respira le
même ga/. pendant une demi^heure : îl éprouva un peu de ver-
tige, bientôt suivi d'un sentiment de bien-être particulier. Le
lendemain , il recommença Texpérience. il aspira pendant plus
longtemps le gaz par la bouche, en fermant les narines et après
avoir expiré Tair des poumons, a Au bout de trente secondes^
j'éprouvai, dit-il, comme une douce compression de tous les
muscles , accompagnée d'une sensation extrêmement agréable ,
surtout dans la poitrine et dans les membres. Tous les objets pa-
raissaient osciller autour de moi, et l'ouïe devint plus fine. Dans
les dernières inspirations, ces sensations augmentèrent et finirent
par se changer en une irrésistible tendance au mouvement. Je
ne me rappelle que vaguement ce qui se passa ensuite; mes-
mouvements devaient être désordonnés et violents » . — Cette
expérience , qui dura plus d'une minute , est remarquable en
ce qu'elle* détermina une espèce de danse de Saint-Guy.
Davy continua ainsi^ pendant plusieurs mois , à essayer sur
lui-même l'action du protoxyde d'azote , qui reçut depuis lors le
nom de gaz hilarant. Il varia ses expériences et finit par respirer
ce gaz en se tenant enfermé dans une sorte de toile imperméable
à l'air. Cette dernière expérience se fit en présence du docteur
Ringlake , le 26 décembre 1799. Après avoir rappelé les sensa-
tions précédemment éprouvées , Davy ajoute : « Bientôt je perdis
tout rapport avec le monde extérieur; des traces de visibles
images passaient devant mon esprit comme des éclairs , et se
liaient avec des mots de manière à produire des perceptions eii-
tièrement nouvelles. Je créais des théories et je m'imaginais
que je faisais des découvertes. Quand M. Ringlake m'eût fait sor-
tir de ce genre de demi-délire , l'indignation et le dépit furent
les premiers sentiments que j'éprouvais à la vue des personnes
qui m'entouraient. Mes émotions étaient celles d'un sublime
enthousiaste. Pendant une minute je me promenai dans la
chambre , complètement indifférent à tout ce qu'on me disait.
Après avoir recouvré mon état normal , je me sentis entraîné à
communiquer les découvertes que j'avais faites pendant mon ex-
périence. Je fis des efforts pour rappeler mes idées : elles étaient
>
* *
573
Bisnooks SX LA cpimi.
\-.
d'abord Ciibles et indistiiictes; puis elles se firent éoedain jour
par cette exclamatioii prononcée solenneUeinent, avee le ton d'un
inspiré qui a une foi absolue en ses paitoles : c Atoi n*exiêie fw
ta pensée; Fwniven $e eempôse dFimpressiom, d^iiéee^ de pkdein
^ei de peines {i).i^
Ces. expériences eurent un immense retentissement. On s'en
exagéra d'abord la portée : les pins enthousiastes voyaient déjà
dans l'emploi du gas kUaramt un moyen de varier les jomssance*
de la vie. Le nom de Bavy devint bientftt populaire sur le conti-
nent : chacun voulait respirer le gas auquel on attribuait le pou*
voir magique de mettre les uns dans une extase délideuse et
d'asphyxier les autres au milieu d'un rire inextinguible.
Davy ne s'en tint pas à ses expériences sur le protoxyde d'a-
sote ; il essaya encore d'autres gas sur lui*m6me. La respiration
de Vhfdrogimeiïe produisit dans le premier moment aucun efltot
sensible; mais, au bout d'une minute, il eut de la difficulté à
respirer. L'oppression augmenta au point de le forcer à cesser
l'expérience. Il n'avait éprouvé aucun vertige ; le pouls était fidble
etaccéléré ; les joues étaient devenues pourpres. — La respiration
de Vasoie, mêlé d'un peu d'acide carbonique, détermina à peu
près les mêmes symptômes.
' Voici l'action que produisit sur lui le gaz d'éclairage (hydro-
gène bicarboné). La première inspiration rendit la poitrine
presque insensible , les muscles pectoraux paraissant en quelque
sorte paralysés. Après la seconde inspiration, il perdit la faculté
de percevoir les objets du monde extérieur, avec un vif sentiment
d'oppression. Pendant la troisième inspiration , ce sentiment fut
suivi d'une prostration qui lui laissait à peine la force nécessaire
pour ôter de la bouche le tuyau par lequel il faisait ses inspi-
rations. Il reprit peu après ses sens, et, comme s'il venait de
sortir d'un rêve, il dit d'une voix affaiblie : « Je ne pense pas
^ mourir. »
Un mélange de trois parties d'acide carbonique et d'une partie
d'air produisit un peu de vertige et de la somnolence : l'expérience
^ dura près d'une minute. — Voxygène avait été respiré pendant
six minutes; l'expérimentateur n'en ressentit d'autre effet qu'un
peu d'oppression.
(1 ) Researches rdating io the effects prodnced by the respiration ofniirous
oxyde upon différent individuals, dans le tome III des Collected works of
B. Davy, p. 269 et boIt.
TROISIÈME ÉPOQUE . 573
pavy dut probablement à ce zèle pour la science Tétat valétu-
dinaire dans lequel il languissait jusqu'à la fin de sa vie.
Le comte de Rumford venait de créer à Londres V fnslituiion
royale. D'une humeur peu accommodante, il s'était brouillé avec
son professeur de chimie, le docteur Garnett, et songeait à lui'
donner un successeur. Davy fut proposé et accepté. Son air juvé-
nile et ses manières un peu provinciales lui valurent d'abord un-
accueil peu favorable. Mais , dès sa première leçon (\e â5 avril
1801), il sut, par la chaleur de son débit, par la vivacité et la clarté
de sa parole , charmer tous ceux qui étaient venus l'entendre
dans la petite chambre qu'on lui avait assignée pour ses cours.
Aux leçons suivantes , il fallut élargir le local pour contenir un
auditoire nombreux et de plus en plus enthousiasmé ; et bientôt
le jeune professeur devint l'homme à la mode dans la capitale de
la Grande-Bretagne.
Tant de succès , obtenus à un âge où d'autres commencent
leur carrière, donnaient la mesure de sa capacité. Nous expose-
rons plus loin les travaux qui lui valurent une réputation euro-
péenne. Contentons-nous ici de rappeler que Davy devint, en
1803, membre de la Société royale de Londres; que trois ans
après il remplit les fonctions de secrétaire, et qu'à la mort de
Joseph Bancks il fut élu président de cette savante compagnie.
Il conserva ce poste jusqu'à sa mort. En 1812 il fut créé baronnet,
et, en 1817, il fut élu associé de l'institut de France, qui deux
ans auparavant l'avait couronné , au moment où la guerre avec
l'Angleterre était dans toute sa violence.
Depuis longtemps Davy désirait visiter le continent. Ce désir
fut enfin réalisé vers le milieu d'octobre 1813, où il s'embarqua
à Plymouth, en compagnie de sa femme et de M. Faraday, son
préparateur et son secrétaire, alors un jeune homme de dix-
neuf ans. « Nous allons faire, écrivit-il à sa mère , un voyage
scientifique qui, je l'espère, nous sera agréable, à nous, et utile
au monde. Nous traverserons rapidement la France pour nous
riendre en Italie; de là nous pas'serons en Sicile, et nous revien-
drons par l'Allemagne. Nous avons l'assurance des gouverne-
ments de ces pays qu'on nous accordera partout aide et protec-
tion. Nous resterons probablement un ou deux ans absents. »
Davy s'arrêta six mois à Paris. Il profita de son séjour pour
faire personnellement connaissance avec des savants tels que Guy-
ton Morveau» Berlhollet, Cuvier, Laplace , Vauquelin , Alexandre
.i
' SS^i ' ', ' HISTOQUB'DI Lik CHIVIB.
de Hamfaûldt, Ghaptal; Gay-^Lossac, etoiy él tmcer 'levm por-^'
traits. Ces croquis bUniinphiqiiès, qoin'étatrat pas destinés. 4
voir le joaf , fitrent publiés, en 1839, par John Dayy, qui les avait
troavés dans les'papiers de son frère (!)•
Vers la fin de décembre 1843, Qavy quitta Paris pour conti-
nuer son vcqrage. Passant par Fontainebleao, il Tiàta le palais où
quelques mois plus tard Napoléon P*, devait abdiquer* Il admira la
beauté de la toréi sur laquelle s'étendait le lÎBcenl de l^ver. La
vue de ces chênes séculaires, couverts de glaçons étineelants^ : loi
inspira un morceau de poésie dont voiei quelques tagments :
«... La natore Tepon dans ksilaiee'da sommeil; les atlira m Migrent
d'aiicoDeYardiire;aiicnisiBniiedê la vie aelssmiims; — miSni91a9eniasl9ie
les revêt; —-le pfir cristal As la glaoe trinspartiile refète an sqMl ks ^lelb^. 4e
Tarc-en-dd... Voîei des Uocs ôa pieiTe, des fôcben laasslfo; vous les diriex eii**.
tassés par la main de llibmme , attristantes mines de qodqiie gnnd pâladiii,
Porgneil d'andens joors... Plus loin est le palais d*iuié iseè de ii>b imdssântfc;
a est à d^antrea tSMMts:.. L'aigle d'or y briHe... Tel' est lé sort cafnridMà -des
choses hmaaines : un empire a'âèfe «omma mi niiaes à llMxtiioa;:raii0S aa sa.
leil levant Jliépaad ses teintes matinales snr mie sfapospl^éhM^^
ses teintes s'assomlurissent , mi orage approobe, la foudre éclate , le tomiene
gronde; mais bientôt la tefmpéte ifapaise, et tout rentre dans le sQence'. »'
»■ «
Ces lignes portent la date du HQ décembre: 1813,. D^v; pour-
suivit sa route par TAuvergne, dont il visiia les yoïcans éteints. La
vue du mont Blanc des hauteurs de Lyon, les bor4s du Rhône, la
fontaine de Yâucluse, la Méditerranée à Montpellier, le Ganigou,
Carrara, etc., inspirèrent successivement la m use du poète chi-
miste. 11 entra en Italie par Nice et le soi de Tende ; il passa par
Turin et s'arrêta plusieurs jours à Gênes où il fit quelques re-
cherches sur la torpille. Il ne croyait pas que Torgane électrique
de ce poisson fût tout à fait analogue à la pile de Volta.
De Gênes Davy se rendit à Florence et de là à Rome, où il fut
en avril 1814. Après avoir séjourné quelque tempsàNaples et à
Rome , il revint par la Lombardie et la Suisse. A Milan , il vit
Volta. « C'était, racontè-t-il , un homme déjà avancé en âge et
d'une mauvaise santé. Sa conversation n'était pas brillante; ses
vues étaient assez restreintes, mais marquant beaucoup d'ingé-
nuité. Ses manières étaient d'une simplicité parfaite. Il n'avait
pas l'air d'un courtisan , ni même celui d'un homme qui a vécu
dans le monde. »
Davy franchit les Alpes par le Simplon, et arriva à Genève vers la
(1) Voy. les articles Guylon»Morveau, Berthollet, etc.
TlOISIÈME ÉPOQUE. . 575
fin de juin. Habitant une jolie maison de campagne aux bords
du. lac, il s'y livra, pendant trois mois, à la pêche à: la ligne,
pour laquelle il eut toute sa vie une véritable passion. A la fin
de septembre, il revint par le Tyrol en Italie , pour y passer Thi-
ver, et, au printemps de 1845, il était de retour à Londres. Il y
continua ses travaux, qu'il n'avait pas même interrompus pendant
son voyage.
Ce fut peu de temps après son retour en Angleterre que Davy
inventa la lampe de$ mineurs, qui porte son nom. Les anciens
savaient déjà que les mines des galeries souterraines sont quel- '
quefois remplies de! gaz détonants, tels que Thydrogène carboné
ouThydrogène simple, mêlé d'une petite quantité d'air atmosphé-
rique, susceptibles de déterminer l'asphyxie et des explosions
terribles au contact d'une flamme. Une de ces explosions eut
lien ^ en 4842, dans la mine de Felling, en Angleterre : en un
instant plus de cent ouvriers périrent , affreusement mutilés. Un
comité de propriétaires de houillères s'organisa, et fit un appel
à la science de Havy pour prévenir le retour de pareils désastres.
Xe problème paraissait bien difficile à résoudre : empêcher des
gaz inflammables défaire explosion au eontaiet du feu, c'était de-
mander presque l'impossible.
Cependant Davy ne désespéra point. Il se mit d'abord à étudier
les gaz explosibles ou inflammables , détermina les proportions
dans lesquelles leurs mélanges détonent, et observa le premier
que la flamme ne se propage pas dans les tubes à capacité très-
rétrécie, nia travers les mailles étroites d'un réseau métallique.
Ce fut là -pour lui un trait de lumière. Après quelques tâtonne-
ments, il parvint à construire un appareil fort simple , composé
d'une gaze ou toile métallique, entourant une lampe ordinaire :
l'air détonant ne peut qu'éteindre la flamme, sans produire au-
cune explosion , et même alors un fil de platine , roulé en spirale,
au-dessus de la mèche éteinte , suffira, par son incandescence, à
éclairer les mineurs , tant qu'ils pourront se maintenir dans un
air aussi peu respirable.
Telle est la lampe de Davy y qui, depuis son invention, a con-
servé la vie à des milliers d'ouvriers. Des amis engagèrent l'in-
venteur à prendre un brevet. «Vous pourriez, lui disait l'un d'eux,
gagner ainsi 5 à 10,000 livres sterling par an. » — « Non, mon
ami, répliqua Davy; ma pensée ne futjamais.de ce côté-là : ma
seiile ambition est de servir l'humanité. Et si l'on croit que
i' : ■
t .
576 " HinOlBB 01 U. GHIIIIS. ,
'■ . ' j'y ai réussi, je me trouverai amplement récompensé : par ta
' OQDSçienee d'avoir bit da bien k mes semUables. » • . r
Dans Que av^ occasion, il inontrale même désintérenemenk
L'Angleterre dépensait tons les ans des sommes constdéfld>les
pour la réparation de ses vaisseaux, dont les doublages ea cuinto
étaient rongés par l'eau de mer. Davy ftat invité i y porter remède.^
L'éminent chimiste , gui voyait dans ce phénomène une aetioa
électro-chimique, imagina de neutraliser l'état éleetriqae du
cuivre par de petits clous de fer, dont un sral devait prtemer de .
la décomposition au moins un pied carré de cuivre. Des navires,
préparés d'après cette méthode, allèrent en Amérique et ea^re^
vinrent.sans que leur doublage fût oxydé.
Dès ce moment on Croyait tout posdUe an génie de c^ homme
extraordinaire, et, pour employer une expression de Gnvier,;
« on lui commandait une découverte comme i d'autres une foui^
• ' niture ». . '
Le prince-régent, devenu roi sous le nom de Georges IV^ s'in^
téressaitaux fouilles d'HercuIanum et de Pompéi, deux cités
romaines ensevelies , en l'an 60 de notre ère, par les cendres
d'une éruption du Vésuve. On en avait retiré, entre autres^ , des
rouleaux de manuscrits; un livre de Cicéron, le De repiAUeti,
que l'on croyait depuia longtemps irréparablement perdu, nous
a été ainsi conservé. Mais ces manuscrits, tout en conservant
rintégrité de leurs caractères, étaient complètement carbonisés.
Il s'agissait de les dérouler sans les détruire, sans rendre l'écri-
ture illisible. Le souverain de la Grande-Bretagne chargea Davy
de résoudre ce difficile problème. Ce fut pour l'illustre chimiste
l'occasion de revoir l'Italie.
Davy quitta donc une seconde fois son pays natal, le % mai
4818. Son itinéraire le conduisit cette foi^ à travers l'Allemagne.
Le 43 juin il était à Vienne , et quatre mois après à Rome. De
là il se rendit à Naples pouf commencer immédiatement ses opé-
rations sur les manuscrits d'HercuIanum. La chimie donnait l'es-
poir de faciliter ce travail; mais l'effet d'une carbonisation pro-
fonde rendit inapplicable tout procédé de ramollissement. Davy
dut se borner à l'indication de quelques moyens propres h mieux
détacher les parties adhérentes et à étendre les rouleaux moins
imparfaitement qu'on ne l'avait fait jusqu'alors.
Il profita de son voyage pour étudier la nature des couleurs
dont se servaient les peintres de l'antiquité ; quelques écailles
TROISIEME ÉPOQUE. 577
détachées des murs de Pompé! et d'Herculanum lub suffirent
pour démontrer, à l'aide de l'analyse, que ces couleurs, à peu
près aussi variées que les nôtres , ont été, pour la plupart , em-
pruntées au règne minéral , et qu'elles sont d'une préparation
parfaite. Le voisinage du Vésuve devint pour lui une occasion
d'émettre des vues nouvelles sur la formation des volcans et sur
l'état primitif du globe. Il y rattacha en même temps des idées
d'un ordre plus élevé.
Ces idées se trouvent consignées dans un ouvrage extrêmement
remarquable , qui a pour titre : Consolations in travel, or the
last days of a philosopher (Consolations en voyage, ou les der-
niers jours d'un philosophe). Il est divisé en sept dialogues , dont
le principal personnage esi Vlnctmnu qui apparut à Davy pendant
une promenade nocturne dans les ruines du Colisée à Rome.
Voici, entre autres, les paroles qu'il met dans la boi^che de cet
Inconnu pour combattre le matérialisme. «.... Sans doute, dit-il^
la vision ne peut pas se passer du nerf optique, de même que la
pensée a besoin du cerveau. Mais le nerf optique et le cerveau ne
sont que les instruments matériels d'un pouvoir ou d'une force
qui n'a rien de commun avec eux. Cela s'applique aussi à tous les
autres organes. Si vous arrêtez le mouvement du cœur, vous ferez
cesser la vie ; mais le principe moteur n'est ni dans les muscles
du cœur, ni dans le sang artériel , que ces muscles envoient à
toutes les parties du corps. Un sauvage, qui voit la roue d'une
machine à vapeur s'arrêter tout à coup, peut très-bien s'imaginer
que le principe du mouvement est dans la roue qu'il a sous les
yeux; il lui sera même impossible de deviner que ce mouvement
dépend d'abord de l'action de la vapeur, puis du feu entretenu sous
une chaudière d'eau. Le physicien, qui en sait plus que le sauvage,
ne s'y trompera point : il prendra immédiatement le feu pour la
cause du mouvement de la machine à vapeur. Mais l'un et l'autre
sont également ignorants en ce qui concerne le feu divin qui fait
mouvoir les rouages de notre corps.. . Le développement de l'intel-
ligence consiste en une succession de changements ou de mouve-
ments, dont nous ne retenons que ce qui nous est utile ou néces-
saire. L'enfant qui vient de naître a oublié ce qu'il faisait au
sein de sa mère ; bientôt il ne se rappellera plus rien de ce qu'il
faisait dans les deux premières années qui suivirent sa naissance.
Nous ne sentons qu'à l'aide d'organes matériels , et nos sensa-
tions se modifient avec nos organes. Dans la vieillesse , les sen-
mST. DE LA CHIMIE. — T. II. 37
■• /
. . ■ .■ ■«/^•* ■ ■ ■ ■ *
t -
578
■isTooi hmk camBL
sations émouBsées font tomber Tâme dant une sorte tte^iôiÂmdly
d'où elle se réveillera pour one nonvelle vie. • Dans notlre fM
présent, rinfelligence est naturellement limitée el ilÉparfatt]^;
mais cette imperfection dépend de son mécanisme matériel' :
noos devons convenir qu'avec une organisation plus parfiita^i
l'intelligence jouirait d'un poqvoir beaucoup plus étendu. Si
rbomme, tel qu'il est actuellement organisé, était ûnnsKirtél, ce
serait l'éternité attachée à une machine : la plus. grande partie
de ses connaissances ou de ses souvenirs se perdraient peu i peu,
en sorte qu'il serait, relativement à ce qui est arrivé il.y a mille
ans, exactement comme l'enfant qui perd le souvenir dès événe»
ments des premières années de sa vie... On essayera vaùnemant
d'expliquer comment le corps est uni au sentiment ei à 1& pen*
sée. Les nerfs et le cerveau y interviennent sans doute ; mm
daps quel rapport? Voilà ce qu'il est impossible de dire. A juger
par la rapidité et la variété infinie des phénomènes de la percep**
lion , il parait extrêmement probable qu'il y a dans le cerveau i$
dans les nerfs une substance infiniment plus subtile que tout ^
que l'observation et l'expérience y font découvrir, et que l'union
immédiate du corps avec le sentiment et la pensée a liea par
l'intermédiaire de certains fluides élhérés, insaisissables par
nos sens, et qui sont peut-être à la chaleur, à la lumière , i l'é-
lectrîcité, ce que celles-ci sontauxgaz...Je n'ai aucune prétention
d'établir à cet égard une croyance certaine, et je suis loin d'ad-
mettre l'hypothèse de Newton qui place la cause immédiate de
nos sensations dans les oscillations d'un milieu éthéré. Cependant
il ne me paraît pas improbable que quelque chose du méca*
nisme si raffiné de la faculté sensitive , quelque chose d'indes-
tructible , n'adhère à la faculté pensante, après la destruction de
nos organes matériels, après la cessation de la vie du corps. »
En comparant ces idées avec celles que Davy avait à dix-huit
ans, on voit quelle révolution s'était opérée dans son âme par la
maturité de la réflexion : du matérialisme le plus affirmatif il était
arrivé à ce spiritualisme éclairé qui caractérise tous les hommes
de génie, les vrais bienfaiteurs de l'humanité!
La santé de Davy déclinait visiblement. Un séjour prolongé à
Florence et à Rome n'eut point sur lui l'heureuse influence qu'en
espéraient ses amis. Ce fut pendant ses pérégrinations de valétudi-
naire qu'il composai les Derniers Jonrs d'un Philosophe, que Cuvier
appelle « l'ouvrage de Platon mourant ». A peine arrivé à Ge-
. *J
TROISIÈME ÉPOQUE. 579
nèvie^.Davy expira à cinquante et un ans dans ies bras de son frère
John, accouru pour le soigner dans ses derniers moments.
Le tombeau de Davy se voit, dans le cimetière de Genève, à
côté de .celui de Pictet : c'est une simple pierre tumulaire,
posée à plat sur le sol ; en écartant les plantes rampantes qui la
couvrent» on y lit; profondément gravé en creux, ce seul mot :
Spero ! Il errait sur les lèvres du mourant qui mettait son espé-
rance dans une autre vie.
Travaux 4e DaTy*
A la terre la dépouilie mortelle ! A nous , aux générations à
venir, la pensée qui vivifie I -^Lavoisier avait légué à la posté-
rité deux idées qui semblaient devoir primer toute la science :
Tune, grande et simple, déjà entrevue dans Tantiquité; l'autre,
belle et séduisante , entièrement neuve. La première était vraie :
elle donnait à entendre que beaucoup de corps jusqu'alors répu-
tés simples étaient composés. La seconde était fausse : elle posait,
Toxygène comme le générateur de tous les acides et de toutes
les bases.
C'est ce programme en deux parties, contenant la vérité à côté
de l'erreur, que Davy eut la gloire de réaliser dans le sens que
nous venons d'indiquer. Voyons comment il y parvînt.
PREMIÈRE PARTIE DU PROGRAMME.
^ Les effets de l'électricité occupaient depuis plus d'un demi-
siècle l'attention des physiciens, lorsque la découverte de la pile
de Volta vint redoubler leur zèle : chacun voulait expérimenter
.raction de cet instrument simple et merveilleux. Rien de plus
instructif pour le penseur que ce conflit d'opinions et de théories
contraires que l'on vit alors surgir de toutes parts. Le premier
sera le dernier : Terreur ouvre la marche; la vérité ne viendra
qu'après; mais elle finira par marcher en tête : c'est elle qui aura
Le dernier mot.
En 1800, Carlisle et Nicholson firent, en Angleterre, une ex-
périence bien facile à répéter partout : elle consistait à plonger
dans l'eau commune les fils métalliques fixés aux deux pôles
(positif et négatif) de la pile. Ils virent ainsi l'eau se décompo-
ser : le gaz oxygène se portait au pôle positif, et le gaz hydro-
gène au pôle négatif; en même temps, il apparaissait un peu
37.
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. ■ . ■•.-.. ■ '» ••.■■■■ •
- V
580 HUnOIEl ]» Là CHOOS.'
d'acide d'an c6té et d'alcali de l'antre. Cette apparition, qui gî-
tait tout, semblait celle d'un génie malin-, Toolant épronTerli.
patience de l'homme. / '
Dans la même année , Ritter, en Allemagne, répéta,. »iec quel»
ques modifications, l'expérience des physiciens anglais ; il obtint
les mêmes résultats, liais il en conclut que l'oxygène et Itiy-
drogène sont de l'eau combinée ayec les deux élècMcités cen^
traires, que l'oxygène est de l'eau combinée avec l'électricité posi-
tive, tandis que l'hydrogène est de Teau combinée avec l'électricité
négative. Cette explication ne faisait qu*obscurcir le bit au lieu
de réclaircir. Dans d'autres expériences , oit l'on avait établi kl
communication entre les deux vases, destinés, à recevoir l'hydro-
gène et l'oxygène, il paraissait toujours de l'acide nmriatique
(chtorhydrique) au p61e positif. On en avait induit que cet acide!
était un sous-oxyde d'hydrogène. C'était là compliquer la ques-
tion d'une nouvelle erreur.. En 1803, Hizinger et Bersélius mon-
trèrent que l'action décomposante de la pile s'étend à tous les
composés^, et qu'elle fait toujours paraître les acides au pôle
positif et les alcalis au pôle négatif. C'était quelque chose; maii^ <
la question continuait à rester obscure.
Davy. avait suivi toutes ces expériences avec le plus vif intérêt-
li les répéta de son côté , avec des pUes plus fortes, et les varia; .
diversement. Il réussît ainsi à démontrer que, lorsque l'eau est
pure , on n'en extrait, par l'action décomposante de la pile, que
de l'hydrogène et de l'oxygène, exactement dans les proportions
où ces deux gaz se combinent pour former de l'eau ; et que,
quant aux acides et alcalis qui peuvent se produire , ils tiennent
à des matières salines que l'eau commune contient toujours en
dissolution. {Voy. ci-dessous la figure du petit appareil dont il se
servait.) Cette fois la lumière était faite.
- H
TROISIÈME EPOQUE. .581
Après avoir soumis beaucoup d'autres composés au même
agent de décomposition, Davy formula le premier la loi qui ser-
vit à Berzélius pour rétablissement de sa classification des corps
simples et de sa théorie électro-chimique, suivant laquelle
raffinité consiste dans Vénergie des pouvoirs électriques opposés.
Davy communiqua les résultats de son travail , le 20 novembre
1806, à la Société royale de Londres; ils ont été réimprimés
dans le tome V des Œuvres de H. Davy (Londres , 1840). Ce fut
pour ce travail que Davy remporta le prix de l'Institut de France,
fondé pour le progrès de l'électricité. Mais un triomphe plus
éclatant l'attendait.
DéeouTerCe 4u potassium^ 4a Bodioin^ etc. — NouS avons VU
que Lavoisier avait élevé des doutes sur la simplicité des alcalis
fixes (potasse et soude), et des terres (chaux, magnésie, alu-
mine, etc.). Ces doutes exercèrent particulièrement la sagacité
de Davy. Ici encore, la pile lui servit de moyen d'analyse. Il
l'essaya d'abord sur la potasse en dissolution aqueuse; puis, sur
de la potasse soumise à la fusion ignée. Il échoua dans l'un et
l'autre essai. 11 employa alors la potasse légèrement humide.
Mais laissons-le raconter lui-même cette expérience mémorable :►
<c J'en plaçai, dit-il, un petit fragment sur un disque isolant de
platine, communiquant avec le côté négatif d'une batterie élec-
trique de 250 plaques (cuivre et zinc) en pleine activité. Un fil
de platine, communiquant avec le côté positif, fut mis en con-
tact avec la face supérieure de la potasse. Tout l'appareil fonc-
tionnait à l'air libre. Dans ces circonstances une action très-vive
se manifesta; la potasse se mit à fondre à ses deux points d'é-
lectrisation. Il y eut à la face supérieure (positive) une vive effer-
vescence, déterminée par le dégagement d'un fluide élastique;
' à la face inférieure (négative), il ne se dégageait aucun fluide
élastique ; mais il y apparut de petits globules d'un vif éclat mé-
tallique, tout à fait semblables aux globules de mercure. Quel-
ques-uns de ces globules, à mesure qu'ils se formaient, brûlaient
avec explosion et une flamme brillante; d'autres 'perdaient peu à
peu leur éclat et se couvraient finalement d'une croûte blanche.
Ces globules formaient la substance que je cherchais : c'était un
principe combustible particulier, c'était la base de la potasse^
C'était \t potassium. »
On ne saurait raconter plus simplement une aussi grande dé-
couverte. Cependant elle causa à son illustre auteur une vive
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émotion que son frère raconte en ces terme : «Quand il ^Ites
petits globules de pot^sinm percer la cro&le de la potasse et -
8*enflammer au contact de l'eau et de l'air, il ne parconfèhîr te
joie : il se promenait dans sa chambre en sautant comme à^
d'un délire extatique; il lui fallut quelque temps pour se' re-
mettre et continuer ses recherches (4). d .
' Reprenant un à un tous les détails de son expérience, Dny
s'assura définitivement que ces globules, d*un éclat argenté, qiUf
jetés sur l'eau, s'y enflammaient, brûlaient avec une .flamme
' purpurine et s'éteignaient avec une légère explosion,' ea un met,
que cette substance brillante était un métal jusqu'alors' inconnu;
que la croûte blanche, dont se couvraient les globules, éiàil de
la potasse régénérée; que l'effervescence, remarquée au pAle
positif de la pile, provenait de l'oxygène dégagé delà potasse;
que ce nouveau métal décompose l'eau en s'emparant de l'oxy-
gène qui se fixe et en dégageant l'hydrogène qui s'enflamme.
Enfin c'est ce métal ou corps simple qui reçut de Davy Ini^ '
même le nom de potassium.
Le grand chimiste appliqua le même moyen de décomposi-
'tion à la soude, et il obtint le même succès. Seulemesnt le «h
diunty placé dans les mêmes conditions que le potassium, brû-
lait avec une flamme jaune, ce qui devait, outre sa densité pliu
faible, servir à le distinguer du potassium.
Ces expériences si décisives, ces découvertes si belles, trouvè-
rent cependant des contradicteurs. On supposa que ces corps
nouveaux, qui semblaient mettre les savants sur la voie du fa-
meux feu grégeois, n'étaient que des combinaisons d'hydrogène
ou de carbone avec les alcalis. Pour faire tomber ces objections
et hypothèses, Davy dut répéter ses expériences et montrer quele
potassium et le sodium non-seulement ne contiennent ni hydro-
gène, ni carbone, mais qu'ils ne peuvent brûler, en se changeant
en potasse et en soude, qu'au contact de matières oxygénées,
et qu'il faut les conserver dans des liquides exempts d'oxygène,
tel que le pétrole ou huile de naphte (2).
Voilà comment Davy découvrit et démontra que la potasse et
. (1) Memoirs ofthe life ofsir H, Davy, p. 109.
(2) On ihe décomposition of the fixed alcalies; Mémoire lu le 19 novembre
1807 à la Société royale de Londres, publié dans le recueil de ceUe société
{ Philosophical transactions )f année 1808, et réimprimé dans le tome T,
p. 60-61, des œuvres de H. Davy.
1
• .i
tEOisiiMB iPOOVE. 583
la soude sont de véritables oxydes^ des oxydes de potassium et
de sodium; et, comme on ne connaissait alors que des oxydes
métalliques, il assimila, par une conception hardie, le potassium
et le sodium à de véritables métaux.
La découverte du potassium e{ du sodium fit naturellement
songera la possibilité de décomposer de même les terres alca-
lines, telles que la chaux, la baryte, la strontiane, la magnésie.
Les premières tentatives échouèrent ou ne donnèrent que des
résultats incomplets. En modifiant ses expériences sur quelques
indications de Berzélius et de Pontin, engagés dans les mêmes
recherches, c'est-à-dire en mettant les terres alcalines, légère-
ment humectées et mêlées d'oxyde de mercure, en contact avec
des globules de ce métal, Davy obtenait des amalgames d'où il
expulsait ensuite le mercure par la distillation. C'est ainsi qu'il
découvrit le baryum, le strontium, le calcium et le magnésium^
en quantité très-petites, il est vrai, mais suffisantes pour mon-
trer que ces corps simples, non volatils à la chaleur rouge, ont
un éclat argentin, qu'ils sont plus pesants que l'eau, très-avidçs
-d'oxygène, et qu'à une certaine température ils enlèvent ce gaz à
tous les corps oxygénés, pour redevenir oxydes de baryum, de
strontium, de calcium, de magnésium, c'est-à-dire, baryte,
strontiane, chaux, magnésie; exactement comme le potassium*
et le sodium qui redeviennent, dans les mômes circonstances,
oxyde de potassium et oxyde de sodium, c'est-à-dire potasse et
soude.
C'estainsiquefut accompli ce que La voisier avait prédit. Davy
, démontra donc que les alcalis fixes et les terres alcalines sont»
non plus des corps élémentaires, mais des corps composés.
La nouvelle méthode fut féconde en découvertes. En éleclri-
sant négativement du mercure en contact avec une solution con-
centrée d'ammoniaque, Davy vit le mercure se solidifier et
perdre les trois quarts de sa densité par l'absorption d'une quan-
tité de gaz équivalant à peine à un deux cent trentième de son
poids. Celle expérience lui fit supposer que l'alcali volatil, l'am-
moniaque, pourrait aussi avoir pour base un métal, dont l'azote et
l'hydrogène seraient les éléments. Puis, par une sorte d'intui-
tion, reprise de nos jours, il se demandait si l'hydrogène ne se-
rait pas le principe métallisateur par excellence, et si les oxydes
ne seraient pas des radicaux combinés avec l'eau.
* A Ja suite des fatigues et des émotions que lui avaient causées
• • • I ■
4
584 HI8IÛIIX lix, là
H:if II
^ès^ travaus sur la décomposition de» alcalis, Diiiy tomba malade
et fût obligé, depuis, le 23 novembre 1807, de ^rder le lit peii-
daot neuf semaines. La maladie, espèce.de fièvre typhoïde, était
assez grave pour mettre sa vie en danger; ce qui contribuait
encore à l'augmenter, c'était la.craintedene pas pouvoir mettre
ses découvertes au jour. Enfin, grâce aux soins dont il était en-
touré, il se rétablit ; mais sa convalescence fut longue, eLil ne put
reprendre son cours à llnstitution royale que le 12 mars 1 808. .
Ses leçons, réunies à diverses notes communiquées à la Société
royale de Londres, ont été publiées, sous le titre de Bakerian
Ueturesy dans le tome V des Œuvres de H. Davy, coliigées par
son frère John Davy. Ce volume renfermé les travaux les plus
importants du célèbre chimiste anglais. Voici comment Xest
autres travaux ont été répartis dans les CoUecled Works, ouvrage
publié onze ans après la mort de l'auteur.
Le tome I comprend la Notice biographique^ mêlée de frag-
ments de lettres et de notes du Journal de H. Davy.
Le tome n contient des mélanges de physique et de chimie.
On y remarque des notices fort intéressantes sur la chaleur et
la lumière, ainsi que sur l'électricité galvanique, et les premières
expériences faites avec la pile de Yolta. Le volume se termine
' par un discours introductif au cours de chimie fait à rinstitution
royale.
Le tome III renferme des recherches chimiques et philosophi-
ques. C'est là qu'on trouve, entre autres, les expériences sur la
respiration des gaz dont nous avons rendu compte plus haut.
Le tome IV est Un traité de chimie élémentaire, intitulé : J^/e-
ments of Chemical philosophy, pvécédés d'un abrégé de l'histoire
de la chimie.
Le tome V contient les Bakerian lectures depuis 1806 jusqu'en
1815.
Le tome VI expose l'invention de la lampe de sûreté, et les
travaux sur les manuscrits d'Herculanuifn, ainsi que sur les cou-
leurs des anciens. Nous avons déjà dit un mot de ces travaux.
Les tomes VII et Vlll donnent un traité de chimie agricole du
plus haut intérêt, terminé par un exposé historique de l'électri-
cité.
Le tome IX contient, sous le titre de Salmoniay un curieux traité
de pèche et d'histoire naturelle; il est terminé par /es Derniers
Jours d'un Philosophe, dont nous avons déjà parlé.
TROISIEME iPOOUE. 58ë
SECONDE PARTIE BU PROGRAMME.
■ Davy était convaincu que le rôle de l'oxygène n'est pas aussi
général que Lavoisier l'avait prétendu. Fort de cefte opinion, le
grand chimiste aborda l'élude du corps que Scheele avait ob-'
tenu en traitant l'acide muriatique par l'oxyde de manganèse et
qu'il avait nommé acide muriatique déphlogistiqUê. — Le mot de
déphlogistiqué est ici synonyme de dêshydrogéné, parce que, sui-
vant la théorie stahlienne modifiée, le phlogistique était l'air in-
flammable, l'hydrogène lui-même. — Berthollet fit, sur le corps
découvert par Scheele, une série d'expériences qui montraient
que, dissous dans l'eau, ce corps donne de l'oxygène, sous l'in-
fluence de la lumière. Berthollet en conclut que c'était une com-
binaison d'oxygène avec l'acide muriatique, et il proposa de le
nommer acide muriatique oxygéné. Quant à l'acide mtiriatiqiie
ordinaire, c'était, suivant la théorie de Lavoisier, admise par
Berthollet, une combinaison de l'oxygène avec un radical encore
inconnu.
Démonstration 4e la simplieité 4e raei4e mnriatiqne
oxyg^éné^ ou 4écouTerte 4u ehlore*
Si la manière de voir de l'école française relativement à la corn-
^position de l'acide muriatique oxygéné avait été exacte, il n'y au-
rait eu, pour obtenir le radical inconnu, qu'à enlever à l'acide
muriatique son oxygène. Le potassium et le sodium, récemment
découverts, devaient se prêter à merveille à une pareille ana-
lyse. Aussi Davy essaya-t-il, dès 1808, l'action du potassium sur
le gaz acide muriatique (chlorhydrique ) humide, et il vit ainsi
constamment se produire de l'hydrogène. En variant ses expé-
riences, il ne tarda pas à reconnaître que, sans le concours de
l'eau ou de ses éléments, il lui était impossible d'obtenir l'acide
muriatique avec V acide muriatique oxygéné s^c.
Deux chimistes fra'nçais, Gay-Lussac et Thenard, voulurent
également s'assurer si, en désoxygénant l'acide muriatique oxy- .
gêné, ils ne reproduiraient pas l'acide muriatique. Mais, à leur
tour, ils constatèrent l'impossibilité d'y réussir sans avoir préa-,
lablement humecté le gaz en question. Grand fut leur embarras ;
car ils étaient partisans déclarés de la théorie de Lavoisier.
/
586 lilSTOIBS AE LA CBIMIE.
«L'eau, se disaient-ils^ est donc un ingrédient nécessaire à la
formation de Tacfde muriatique; mais comment se fait-il qu'elle
y adhère avec tant de force qu'on ne puisse l'en retirer par au-
cun moyen? Ne serait-ce pas seulement par un de ses deux élé-
ments, par l'hydrogène, qu'elle concourt à former cet acide ?
Et l'oxygène qui se dégage dans celte opération, et que l'on
croyait provenir de l'acide muriatique oxygéné, ne serait-il pas
simplement l'autre élément de l'eau? Alors, ni l'acide muriatique
oxygéné, ni l'acide muriatique ordinaire, ne contiendraient de
l'oxygène : V acide muriatique (chlorhydrique) ne serait que /'a-
6ide muriatique oxygéné (chlore), plus de l'hydrogène ( i ). »
Les deux éminents chimistes allaient, comme on vient de voir,
saisir la vérité; ils la tenaient déjàj quand l'autorité de la théorie
régnante la leur fît lâcher. Les paroles que nous venons de ci-
ter, ils ne les représentaient que comme l'expression d'une hy-
pothèse possible; mais ils n'osaient soutenir leur opinion en face
de leurs vieux et illustres maîtres BerthoUet, Fourcroy, Chap-
tal, pourlesquels la théoriedeLavoisier était une seconde religion.
Ce fait seul, à défaut d'autres, suffirait pour montrer combien
la liberté, l'indépendance d'esprit est nécessaire dans la re-
cherche du vrai.
Davy ne devait pas être dominé par les mêmes sentiments.
Il ne pouvait pas, ne fût-ce que comme Anglais, subir l'empire
d'une théorie à laquelle les savants demeuraient attachés comme
à une gloire nationale. Il aborda donc de nouveau le problème
avec une complète liberté d'esprit; résumant les tentatives qui
avaient été faites pour-désoxyder Tacide muriatique oxygéné,
il déclara que ce prétendu acide muriatique oxygéné ou dé-
phlogistiqué est un corps simple, et qu'en se combinant
avec l'hydrogène, il forme l'acide muriatique. Ce corps sim-
ple, gazeux, il l'appellacA/ome, du grec x^^poç^ jaune verdâtre ,
à cause de sa couleur; ce nom fut plus tard changé en celui
de chlore, qui a prévalu. Mais Davy ne se borna pas seulement
à lui donner un nom; il démontra que le chlore peut, dans
ses combinaisons avec les autres corps, jouer le même rôle
que l'oxygène, et que des réactions jusqu'alors incompréhen-
sibles s'expliquaient par là naturellement.
La théorie de Lavoisîer fut ainsi sapée par U b^se : il fallait
(1) Voy. tome II des Mémoires de la Société d'Arcueil.
T&OISIÈMB fPOOtE* MtfJ
bien i econpaitre que Toxygène n'est pas l'élément unique de la
combustion, qu'il y a des acides {hydracideê)^ des sels [haloides)
et des bases {chlorohases)^ dans la composition^esquels il n'entre
pas un atome d'oxygène. Cependant, malgré l'évidence de ces
faits, Davy ne trouva guère de partisans; et ce fut précisément
parmi ses compatriotes qu'il rencontra les plus violents ad%'er-
saires; tant.il est vrai que, même en science, nul n'est prophète
dans son pays. Murray, professeur de chimie à Edimbourg, per^
sistait à soutenir que le chlore est un composé d'oxygène et d'à- ,
cide muriatique sec. Il publia, dans le journal deNicholson, une
série d'articles pour défendre l'ancienne doctrine. Davy y fut -
l'objet de vives attaques. Il chargea son frère d'y répondre.
• «Cette controverse, rapporte John Davy, quoique conduite avec
une chaleur et une âcreté inutile, ne fut pas cependant tout à
fait sans résultats. Elle fit découvrir deux gaz nouveaux, l'^n-
chlorine ( acide chloreux), composé de chlore et d'oxygène, et le
phosgène, composé de chlore et d'oxyde de carbone. Ces deux
gaz, que Murray avait rencontrés dans ses espériences, et dont
il ignorait la composition, étaient en grande partie la cause de
l'erreur qu'il soutenait. »
Cependant d'autres faits vinrent s'ajouter aux premiers. La .
découverte de l'iode, substance qui, par ses propriétés chimi-^
ques, a la plus grande analogie avec le chlore, fit enfin aban-
donner forcément une théorie devenue insoutenable.
DéeouTerte 4e Tiode. — Un habile salpêtrier de Paris, qui
demeurait rue de Regard, et se nommait Courtois, — nous n'en
avons pas d'autres détails biographiques, — découvrit, vers le ^
milieu de 1811, dans les cendres des plantes marines une matière
noirâtre qui corrodait ses chaudières : c'était Viode, ainsi appelé
depuis, à cause de la couleur violette de sa vapeur : iw&o<, en grec,
signifie violet. Courtois donna des échantillons de cette matière,
sur laquelle il n'avait aucune idée, à Clément, chimiste. Celui-ci j
en fit l'objet de ses recherches, et en communiqua les résultats-
à l'Académie des sciences dans la séance du 20 novembre 1813;
mais il n'y était pas encore question de la matière de Courtois
comme d'un corps simple, nouveau, à jouter à la liste des élé-
ments. Davy, qui, par une faveur spéciale de l'empereur J^apo-
léon I**", avait obtenu la permission de traverser la France pour .
se rendre en Italie, se trouvait alors à Paris (1).
(1) Voy. pins hant, p. 573.
• . ; - r-
'i
58ë . . mmiBx db la chiiéib. -
' Ici s'tiève un éingulier conflit de priorité.' Qui dés deux,.dQ^
Gày-Lussac du de Davy» fit le premier connattre l'iode eomme
un élément nouveau ?Ai^nt de formuler un jjugemeiït, hous'allons
-entendre lès parties mises en cause.
Donnons d*abord la parole à Gay-Lussac. « M. Clément était»
ditril, encore occupé de ses recherches, lorsque M. Davy vint ï
Paris. Il ne crut pouvoir mieux accueillir un savant aussi disr*
tingué qu'en lui montrant la nouvelle substance qu'il n'avait
encore montrée qu'à MM. Ghaptal et Ampère. Je rapporte céi^
circonstances pour répondre à l'étrange assertion que l'on
trouve dans le journal de MM. Nicholson et Tilloch, n* 189^
p. 69 (année 1814); cette assertion est ainsi conçue : « Il pairaît
qœ l'iode fut découvert plus de deux ans auparavant; mais tel*
est l'état déplorable des savants en France» qu'on n'en avait rien
publié jusqu'à l'arrivée de notre philosophe anglais.» — «Peu
de temps après avoir montré l'iode à M. Davy et lui avoir com*^
.'itiunîqué le résultat de ses recherches, M. Clément lût, lyoute
Gày-Lussac, sa note à l'Institut et la termina en annonçant que
j'allais les continuer. Le 6 décembre, je lus en effet à l'Institut
uûenote qui fut imprimée dans le Moniteur le 12 décembre, et
qui l'a été ensuite dans les Annales de ehimiey t. LXXXYIII,
p. 311. Je ne rappellerai pas ici que lejs résultats qti'elle renferme
ont déterminé la nalui*e de l'iode et que j'y ai établi que cette
substance est un corps simple, analogue au chlore. Personne
n'a contesté jusqu'à présent que j'aie fait connaître le premier
la nature de l'iode, et il est certain que M. Davy n'a publié ses
résultats que plus de huit jours après avoir connu les miens (i).»
Nous venons d'entendre Gay-Lussac.
Écoulons maintenant Davy. «M. Ampère eut, dit-il, la bonté
de me donner un peu de cette substance (iode), et M. Clément
m'ayant sollicité de la soumettre à quelques essais analytiques,
je fis à ce sujet diverses expériences, qui me convainquirent que
c'était une substance nouvelle^ indécomposable dans aucune des
circonstances auxquelles fêtais capable de l'exposer, et que l'acide
auquel elle donnait naissance dans ses réactions n'était pas
Vàcide muriatique, mais un acide nouveau, ayant beaucoup de
ressemblance avec l'acide muriatique. »
Ces paroles de Davy se lisent au commencement d'un mé-
(1) Annales de chimie^X. XCI, p. 5. Moniteur du 12 décembre 1813.
TROISIEME ÉPOQUE. 889
moire intitulé : Some experiments and observations on anew subs* . ".
tance which bècomes a violet colored gas by heat (Quelques exi^é--
riences et observations sur une substance nouvelle qui se change,
par la chaleur, en une vapeur violette), et communiqué à la So-
ciété royale de Londres, le 20 janvier 1814 (1). Elles se trouvent •
confirmées et complétées dans une lettre adressée de Florence *
à John Dàvy, en date du 18 mars 1814 : « L'iode a été pendant
deux ans à l'état embryonnaire. Je vins à Paris. Clément me
pria de l'examiner : il croyait que c'était un corps composé ^pj^o-
avisant de l'acide muriatique. J'y travaillai quelque temps ; je
déterminai que c'était un corps nouveau, et qu'il produit un
acide particulier (acide iodhydrique) en se combinant avec Thy-. -
drogène. J'en fis part à Gay-Lussac, à Ampère et à d'autres chi-
mistes. Le premier prit immédiatement « la parole du Seigneur
de la bouche du serviteur», et il traita ce sujet comme il avait
traité le potassium et le bore. Le mémoire Sur l'iode, que j'ai
envoyé à la Société royale , je l'ai écrit avec l'approbation de
Clément, et une note, publiée dans le Journal de physique, éta-
blit mes droits de priorité. »
Nous avons vu que Gay-Lussac eut soin de nous apprendre
lui-même, dans une note imprimée au Moniteur du 12 décem-
bre 1813, comment il détermina le premier la nature de l'iode.
Or, voici ce que Davy avait écrit, en français, la veille du 12
décembre de la même année, dans le Journal de physique qui,
comme le Moniteur^ se publiait à Paris.
« Lettre sur une nouvelle substance découverte par M. Courtois dans le sel
de varech, à M. le chevalier Cuvier, par sir H. Davy.
« Paris, le 11 décembre 1813.
« Monsieur, je vous ai dit, il y a huit jours, que je n'avais pu découvrir l'a-
cide muriatique dans aucun des produits de la nouvelle substance découverte
par M. Courtois dans le sel de varech, et que je regardais Tacide qu'y a fait naître
le phosphore dans les expériences de MM. Desorraes et Clément, comme un
composé de cette nouvelle substance et d'hydrogène, et la substance elle-même
comme un corps nouveau. Jusqu'à présent indécomposé, et appartenant à la
classe des substances qui ont été nommées acidifiantes ou entretenant la com^
bv^ion. Vous m'avez fait l'honneur de demander communication de mes idées
par écrit. Plusieurs chimistes s'occupent aujourd'hui de cet objet, et il est pro-
(1) Ce mémoire a été réimprimé dans le t. V, p. 437 et suiv., des Collected v ■
Works de H. Davy.
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,1.1
btHe «{otee partie ds «et eoada^ion» «onwt ^ égataMat ftmiféai par eox,
priDcSpalemeBt pér M. Gay-Lmcac, dont la tagadté et llubltalé doî«wti[(oof
fidre eapërap nue birtoire complète de eette sabclance. Mais, paiiqae voua penses
qaHme eomparaiaon des diflTérentea Tues et expériences, fiiites d'i^^rès difTé^ts
plana» pourraient répandre phia de lumières dans m iehamp de redièrdies si
Bé»T6nn ei a* intftnMsant, je Yons coiamnnkmerai mes géaaitats génégam.., » ■
Suit l'exposé d'ane série d'ezpériencen, propres à faire con-
naître la nature de Tiode. L'auteur ajoute en terminant i
. « J^al ^^ayé de décomposer la nouTeUe substance en Fexposant à Tétat g^oenx
dans un petit tube, èraction de la pile de Yolta, par un filament die charbon qui
derient diauffé jusqif au rouge durant Popération. H se forme dans le oommen*
«ement un peu d*adde; mais cette Ibrmation cesse blentdt, et, quand letihaYbott
aélé chanflé au rouge, la anbatance n*a éprouré aucune idtératlon.
« Je suis, Monsifenr, etc.
« HonraaT D^itt. »
il siiffit de comparer, pour juger. GTest évidemment Davy, et
non Gay-Lussac, qui le premier a fiait connatlre la nature de
Viode. Le nom même &'iùde est dû à Davy : il l'avait d'abord
nommé iodine pour rappeler son analogie avec le chlore, nonmié
par lui c^orine.
L'éminenl chimiste anglais fut très-sensible au tour (ium)
que lui avait joué celui qu'il avait proclamé «le premier dès
chimistes français». Il s'en expliqua dans une lettre à son
frère. «Pendant mon séjour à Paris, je voyais, manda-l-il à John,
souvent Berlhoiiet, Cuvier, Ghaptal, Vauquelin, Humboldt, Mor-
veau, Clément, Chevreul et Gay-Lussac. Ils étaient tous polis et
attentifs pour moi, et, sauf le tour que m'a joué Gay-Lussac en
publiant, sans l'avouer, ce qu'il avait d'abord appris de moi, je
n'eus à me plaindre d'aucun de ces messieurs. Mais qui pour-
rait faire laire l'amour-propre?... Il n'est cependant pas bon
d'entrer en conflit avec la vérité et la justice. Mais laissons-là
la morale et mes griefs. L'iode est pour moi un utile allié... La
vieille théorie est maintenant presque tout à fait abandonnée en
France. Parmi les chimistes je ne connais que Thenard qui, à
Paris, la défende, et encore ne la défend-il que faiblement, et
peut-être en ce moment (mars 1814) y a-t-il aussi re-
noncé (1).»
(1) Mémoirs of ihe Ufe of sirHumphry Davy,p. 180-181.
I .
TROISIÈIÇE ÉP0Q6B. / 591
Lorsque Davy eut annoncé au monde savant son puissant
moyen d'analyse, ce furent Gay-Lussac et Th^nard qui se mirent
les premiers à l'étudier ; ils l-expérimentèrent en grand, grâce
à Napoléon P^ qui avait mis à la disposition derÉcoIe polytech-
nique le& fonds nécessaires à la construction d'une pile colossale.
Pendant une de ces expériences, Gay-Lussac faillit perdre la
vue par la projection d'un fragment de potassium (le 3 juin 1808).
Il reçut les soins empressés du célèbre chirurgien Dupuytren,
et se crut aveugle pendant un mois. Thenard faillit s'empoison-
ner avec du sublimé corrosif. Dulong perdit un œil et un doigt
en découvrant le chlorure d'azote par l'action du chlore sur le
sel ammoniac. Ampère parle de cet accident dans sa .correspon-
dance avec Davy : «Vous avez sans doute appris, lui dit-il dans une
de ses lettres, la découverte qu'on a faite à Paris il y a près
d'un an; d'une combinaison de gaz azote et de chlorine (chlore),
qui a l'apparence d'une huile, plus pesante que l'eau, et qui
détone avec toute la violence des métaux fulminants à la simple
chaleur de la main, ce qui a privé d'un œil et d'un doigt l'au-
teur de la découverte. » — L'accident qui estropia Dulong eut
lieu en 1812, quatre ans après celui qui faillit aveugler Gay-
Lussac.
La science aussi est un champ de bataille. Mais quelle diffé-
rence d'avec l'autre ! Ici l'humanité s'amoindrit; là elle grandit
I -
FJN. . ' .
r
TABLE ANALYTIQUE
DES MATIÈRES.
Abracadabra. Ij 236.
Afcadémie del Cimènto, II, 267.
Académie des curieux de la nature,
U, 272.
Académie des fisio-critici de Sienne,
n, 358.
Académie des lyncei. II, 267.
Académie royale des sciences de Berlin,
— sa fondation, H , 362.
Académie des sciences et des arts de
Bologne, — sa fondation, II, 358.
Académie des sciences de Paris, — his-
toire de sa fondation , II, 270.
Académie royale des sciences de Stock-
holm, II, 422.
Académie royale des sciences de Turin ,
11.359.
Académie des secrets, instituée par Porta,
II, 197.
Acétete de potasse , préparé par Tache-
DÎUS, II, 220.
Acides, leur nomenclature, II, 558.
Acide aérien ( Bergmann ), recueilli ; —
nature acide; — aérâtes, II, 435-438.
Acide arsénieux; acide arsénique, dé-
couverts par Scheele, II, 465.
Acide carbonique ou le gaz silvestre,
de Van-Helmont, II, 135; — chlor-
hydrique, connu de Yan-Helmont
sous le nom de gaz du sel, II, 139;
— sulfureux, connu de Van-Helmont,
II, 139; — de l'estomac; reconnu par
Yan-Heimont, II, 146.
Acide carbonique , son action dissol-
yante, 11,430.
Acide carbonique, sa présence cons-
tante dans Tair, II, 441.
Acide carbonique, dissous dans les eaux,
le Tin de Champagne, etc., II, 346.
Acide carbonique, expériences de Priest-
ley sur la formation de ce gaz, II ,
478-479.
niST. DE LA CHIUIE. — T. H.
I Acide carbonique, son action délétère
sur les animaux, II, 437, 438.
Acide carbonique, sa composition, II,
538.
Acide chlorhydrique; mélange de divers
sels remplaçant l'acide chlorhydrique,
1, 116.
Acide chlorhydrique gazeux (acide de
l'esprit de sel, recueilli par Priest-
ley, II, 478.
Acide chlorique, sa découverte, II, 553.
Acide du citron , découvert par Scheele,
— son histoire, II , 456-458.
Acide fluo-sUicIque, découvert par Scheele,
II, 464.
Acides forts, leur emploi est inconnu en
Chine, I, 20.
Acide des fourmis, II, 416; — recher-
ches d'Hiemesur cet acide, n, 297.
Acide gallique, découvert par Scheele,
II, 470.
Acide du lait, découvert par Scheele, II,
368.
Acides minéraux , étaient inconnus dans
l'antiquité, I, 46.
Acide muriatique oxygéné (chlore), II,
513, 585«
Acide nitrique, décrit par Albert le Grand,
I. 388. «
Acide nitrique (eau- forte) , n'attaque
pas les métaux, II, 163é
Acide nitrique, moyen de le concentrer
par l'acide sulfurique, II, 381.
Acide nitrique, sa composition, II, 537.
Acide oxalique (Scheele), II, 469.
Acide phosphorique (Sala), II, 213.
Acide phosphorique, découvert parMarg-
^raf, 11,412.
Acide des pommes (acide roalique), dé-
couvert par Scheele, II, 470.
Acide prussique , sa composition , II ,
468-469 et 553.
Acide du sucre (oxalic^ue), II, 4U.
Acide du sucre (oxalique), réactif dc!^
sels de chaux (Bergmann), II, 445.
38
:.a
894
TABLE ANÀITTIQUX
Acide da toofre (tointioo aqneme do
gaz acide sulfureux) , sa préparatkm
est indiquée par LilnTius, II, 28 1 —
benzoîqiie, découvert par B. de Vige-
Dère, 11, 116; — camphorique» connn
de Libavîus, II, 29.
Acide sulfureux sa composition, U, 552.
Acide sulfuriaue (Thuile de vitriol),
connu de Rtiasès, I, 341.
Acide sulfurique, employé par SchêfTer
pour analyser les matières d'or et d*ar-
. sent, II, 430.
Acide urique (Sclieele), II, 471.
Acides des végétaux, dissolvant Targent,
le mercure, etc., II, 414.
Acidum plngue (théories de Meyer sur
T), n, 3à6.
Acier (couleur de T), II, 56. — Trempe
des limes (d*), II, 57.
Acier Indien; moirié métallique, I, 25.
Actuarius, I, 860.
^gidius, I, 367.
AéroKthes,!, 187;— 'Plineasaore en avoir
vn tomber dans la Ganle NaitNHmaise,
I, iàid,
iEtites (pierres d'aigle), 1,176.
Affinage de l'or et de Target, I, 501.
AQinité, terme employé pour la pre-
mière /ois par Albert le Grand, dans
le sens qu on y attache anjourd'hui,
1, 385.
Affinités (tables des) de Geoffroy, II,
370.
Àgrieola (George)» sa vie et ses travaux,
11,38-65.
Agrippa (Ck)meliu8), tliéosophe, U, 125.
Ainr.ant, différentes espèces, 1, 135.
Air est le principe de toutes citoses
(Ânaxiitiène), 1, 74.
Air, possède les éléments de tous les
êtres (Anaxaçore), I, 89.
Air, sa matérialité mise Iiors de doute,
I, 180,181.
Airs (émanations d') irrespirables, I, 182.
Air, éviter le contact de Tair pour con-
server les matières organiques, 1, 211.
Airs irrespirables, — accidents qu'ils pro-
duisent, II, 250-259.
Air, intervient daos la formation du nitre,
II, 253.
Air formant les chaux métalliques (J.
Rey), II, 248.
Air, est raliment du feu (Bacon) , 1, 398.
Air, est nécessaire aux poissons,!, 481.
Air des souterrains, moyen de Tassai-
nir, I, 489.
Air, comparé au blanc de l'œuf dont le
jaune représentait le globe terrestre,
11, 17.
Air corrompu, et rétabli par la respira-
tion des plantes (Prieslley ), II, 478.
Air, sa composition, par Lavoisier, 1/, 497.
Air. oxygène et azote, II, 503.
Air défini ptr Boyie , aa compotitiMi,
II, 150; — son élasticité, U, 152.^
Ai^ flon intervention dans la prodoctîQB
des ooiileiir|L II, 167, — dans la for*
nation da nifrè, U, 170. -
Air, devient Irrespirable en passant sar
des métaux incandescents (Havritsbee),
11,156.
Air. — Opinion de Paraoelse sur l'air :
sans r«r les animanx meurent, et le
bois cesse de briHer» II, 12 ; — lerOle
qu'il joue dans la oombastion. II, 94.
Air, expériences de Moitrel pour manipu-
ler l'air, le transvaser, etc., etc., D,
333-336.
Air ÛTLe, augmente le poids des aleafo,«
de la chaux, de la magnésie, etc., jf,
347-349.
Air fixe, empêché la fermeatatkm et là
putrétjMtion, 0, 352.
Air fixe , reGherches de Priestley sor
Tair fixe, II, 477-478.
Air da nitre (oxyoàae impur), U, 481. ■
Air vidé (aiote) daïs l'air, 11,^142.
Airain, remplaçait andennaneat le fer
rr la librication des nstensUes, ete.,
, i7.
Airain (a?s), était an nom génériqoe,
diverses espèces d'atrain, 1, i06-il0i
Airain de Corinibe, 1, 110.
Alain de Lille, I, 368.
Albert le Grand, sa vie et sea'travam
chimiques, I, 379-390.
Alhucasiê, I, 358.
Alcali, — étymologie de ce mot, I, 3241
Alcali minéral, soude ainsi appelée par
Marggraf, 11,420.
Alcali volatil, sa composition, U, 552.
Alchahest, — deParacelse, II, 17.
Alchid Bechid, I, 358.
Alchimie, transmutation des clous de
cinabre, II, 110.— Gaston Claves
plaide la cause de l'alchimie, II, 118.
Alchimie, résume tout Tesprit du
moyen âge, I, 319.
Alchimie, définie par Nicolas Flamel,
1,459
Alchimiste, conditions qu'il doit rem-
plir. 1 , 382-384.
Alchimistes, leurs réunions dans les
temples, I, 34.
Alchimistes raillés par Kunckel, II,
200-201.
Alchimistes combattus par Palissy, If,
89 ; — s'assemblant dans l'Église N.-D.
à Paris , II, 112. — Supplice de quel-
ques alchimistes, II, 123 et 124, —
parcourant l'Allemagne, l'Italie, la
France, etc., II, 124-132.
Alchimistes vivant à la cour des rois,
11,321.
Alchimistes divisés en plusieurs classes,
II, 331.
DES MATI£K£S<
595
Alcool ( préparation de V) avec des
fruits, des glands, des châtaignes,
etc.. Il, 29; — rectifié sur du tartre
calciné, II, 160.
Alcool, — étymologiede ce mot, 1, 422.
Aliments, sous le rapport de l'hygiène
publique, I, 505.
Allégorie sur la pierre philoosphale
(Bernard de Tré vise), 445.
Alliages, — départ des alliages d'argent
et d*or au moyen de l'eau-forte , dé«
crit pa rParacelse, 11^ 15, 16.
- Alpharabi, I, 343-344.
AlpidiuSf I, 348.
Alphonse X alchimiste, I, 407, 408.
Alumine distinguée de la chaux, II, 418.
Alun de Rome, sa fabrication décrite
parCésalpin, 11,53.
Alim, utile aux teinturiers, II, 86.
Alun, des anciens, est confondu avec le
Titriol de fer, I, 1 52.
Alun, sa composition est indiquée par
Marggraf, 11,417-418.
Amalgamation (procédé d'), II, 93.
Ame du monde (Platon), 1,96.
Amelung, alchimiste, II, 327.
Amidon, — étymologie de ce mot ; —
manière de le préparer chez les Romains,
I, 199.
' Ammoniaque obtenue en distillant ^e
Turine ou du sang avec des cendres,
ir, 261.
Ammoniaque caustique, préparée par
Kunckel, II, 202.
Ammonius, T, 240.
Analyse de la fonte , du fer, de Tacier,
II, 447.
Analyse des minerais par la voie humide,
II, 445.
Analyse organique, II, 524.
Analyse des plantes (Geoffroy) , II , 371.
Anaxagoras, ses idées sur les éléments et
les principes de la matière, 1, 87, 88, 89.
Anaximandret ses idées sur la matière.
I, 74.
Anaximène , ses idées sur Tair, I, 74.
Angélique^ alchimiste, II, 323.
Angélus (Geor^s) alchimiste, I, 467.
Animéux soumis à Finfluence du vide ,
II, 157.
Anneaux de Platon, I, 246.
Antimoine, stimmiou stibium des anciens,
I, 144.
Antimoine, naturel, sa composition , vin
stibié, etc, etc. (B. Valentin), I, 478.
Antimoine (verre d'antimoine préparé
parLibavius), II, 27. — Rend les au-
tres métaux fragiles ( Gésalpin ), II, 54.
— Verre (d'). sa préparation , II, 54.
Antimoine, entre dans l'alliage des clo-
ches, II, 56.
Antimoine trempé dans le vin , perd de
son poids (Yigani), II, 236.
Antony (Fr.), alchimiste, II, 130.
i4poI/07iit<5, alchimiste, I,45f.
Appareil distillatoire à trois ballons^ré*
cipients (tribicus), I, 261-262.
Appareil distillatoire, II, 105.
Appareil de Haies, pour recueillir les
gaz, II, 340.
Aqua TofTana, II, 224.
Arabes , — leur influence sur les scien-
ces, I, 314-315.
Arabes alchimistes, leurs écrits, I, 324<
325«
Arbre de Diane (€ck de Sulzbach). I,
471.
Arcane {double). Il, 245.
Arcet (d'), II, 394.
Arche de Van-Helmonf^ 11, 145.
Archélaus, ses idées sur les éléments
des corps, I, 91.
Argent ; son nom dans les langues an-
ciennes est très-signiticatif, I, 45.
Argent, ses mines , son extraction, etc.,
chez les Romains, I, 128.
Argent des philosophes, I, 425.
Argent alchimique, est du cuivre blanc,
I, 406.
Argent, décrit par Geber, I, 333.
Argent ( ordonnance de Charles IX dé-
fendant de laver les pièces d' ) dans
Teau forte, II, 65.
Argent pur, moyen de le préparer
(Kunckel), II, 203. — Séparé de l'or
au moyen de l'huile de vitriol (Kunc-
kel), II, 203. •
Argile, — étymologie, — difTérentes, espè-
ces (d'), — images (d'), II, 80.
Argyropéie, II, 118.
Aristote (pseudo-Aristole), J, 347.
AristoCef ses idées sur divers phénomè-
nes de la nature, I, 97-100.
Arnaud de Villeneuve, sa vie et ses
travaux alchimiques, I, 409-418.
Arnaud (R.), II, 240.
Arsenic, — composés d'arsenic connus
de Paracelse, II, 15.
Arsenic, étymologiede ce nom, I, 29.
Arsenic blanc, indiqué par Libavius, II,
27.
Arsenic; les composés arsenicaux con-
nus des anciens, 1, 143.
Arsenic, considéré comme un élément
des métaux, I, 331.
Arsenic, décrit par Geber, 1,332.
Arsenic métallique, I, 387.
Arsenic blanc ( acide arsénieux ) , sa
préparation, I, 399-400.
Arsenic, sa propriété décrite par Brandt,
n,423.
Arsenic classé parmi les métaux par
Brouwall, II, 432.
Arsenic contenu dans l'étain, II, 414.
Arsenic, sa nature d'après B. Valeotiq,
I, 483.
38.
. ■*
996
TÀBLK AVÀIiITIODI
Inenie, poifw trèt-eoiiiniHi aii noyea
Art sacré de itfre de l'or d de r^ffat,
I, J70-271.
Art sacré: ceux qoi exercent Tart sacré;
— pratique et théorie de l'art saeié»
I 227-231.
Art'sacré (éciîts sur Di h 24S-34l^.
Art disUlUtoire, II, 103-106.
Arts (leur coUure) en Egypte, 1, 37-43.
Artéfhu, I, 351.
Aritmont (d*). alchimiste, n, 324.
Asphyxie par du gas irrespiralile,daiis
nn piiits, II, 3e-87; — dans les cel-
liers, II, 137.
Atomes (é'après les philosophes grecs),
1,35-86.
Attraction et répolsion sont les grandes
lois de rooivers (HéracUte), I, 79.
' Attraction noirerselle. H, 348.
Attractions électlTCS, II, 444.
Angmentation dn poids des métanx , f,
471.
Augmentation dn poids de l'élain et do
plomb (J.Rey), II, 247.
AugurelU, I, 475.
. Auraeh^ alchimiste, 1, 466.
Avtntoar, I, 369.
AverrhoéSf I,' 359.
Avicenne, I, 345-347.
Axi (C), II, 241.
Azote (air phlogistiqoé) , étudié par
PriesUef, 11, 485.
Aiur artificiel , anciennement fSriiriqaé
en Egypte, li 101.
Azur, sa rabrication, I, 387*
B
Baccio (André). Histoire naturelle des
vins, H, 106-107.
Bacon (Roger). Sa vie et ses travaux
physicochiniiques, I, 390-402.
Bains minéraux artificiels, I, 482.
Bairo (P.), alchimiste, II, 126.
Balance (nécessité de remploi de la),
est proclamée par VanHelmont, II,
135.
Balbian (Jusl), alchimiste, II, 129.
Baldassari, H, 358.
Baldimis (Hier.), I, 491.
Braha (Alonso),II, 305-3tf.
Barbatm, (H.), 11,241.
Barhieri, H, 262.
Barlet, II, 240.
Barnaud (Nicolas), a découvert la pierre
philosophale sur une ancienne épitaphe,
II, 120.
Barner, II, 275.
Baron f 11, 383.
Bartholin (Thomas), II, 241.
Bartholomce (l'Anglais), ï, 447-451.
âarloitm (F.)i W. .
Baryte (terre pesante). — ni déeoufcrts
^ Sdieelt, n^ 463.
BaiUê (Talentin), I, 476-491.
AnmMi, alcMmigte, II| SS7.
AaMR^,n,390.
Baume de Fioraventi, D, 129.
Bamne des phUosofihes, J, 416^39.
Bauich (Laurent), U, 272.
Bayes, 11, 633.
BdeUien, — nature de cette auhstiioe,
1,62-63.
BeauêolêU (baronne de), U, S13.
Beeeari, II, 358.
BecAer (JoacUm), II, 306-206. -
Beliadone, — sonactiou véuéûeuM, H»
98.
Benii, aldiimiste, II, 337.
Bergmann , 11, 433*450. "
Bernard de Trêves , aleUn^ste, 1, 445.
Bernard de Trévise, alcbhniste L 463-
467.
BêmouiH (Jean), II, 362.
BeriMUif sa Tieet ses tnraux, U, 549
et soIt.
Bertrand, Uy 2iO.
Beford, aldiimiste, II, 333. -
Beurre d'antimoine, — théorie da sa
préoaration (Glaober), II, 187-188.
Beuther (Dav.), alchiniste de réleeteoi
de Saxe. II, 134.
Bézoard minéral, II, 393.
Bière , — Cibriquée en Ailefuagne, n,
310.
Bioxyde d'azote (air nitrenx) ; — expé-
riences de Priestley sur ce gaz , il,
476.
BirelHiJ. B.), alchimiste, U, 127.
Biringuccio, — ses travaux, II, 60, 51 ;
— croit à la composition des métaux,
II, 50 ; — mentionne Marcus Grsecus,
quMl fait vivre à l'époque de ta répu-
blique de Rome, II, 51.
£/acA (Joseph)^ II, 344-351.
Blancaard, II, 275.
Blanc d*06uf, — son usage dans la fil-
tration des eaux, 1, 184.
Blemmydas, I, 362-363.
Blende, minéral, II, 432.
Bleu de cobalt, généralement connu au
xvi« siècle, II, 100-101.
Bleu de Prusse, — acide prussique dé-
couvert par Scheele ,11, 466-467.
Blomfeld, alchimiste, II, 130.
Boehme (Jacques), II, 326.
Boerhaave, 11; 368.
Bohn (J.), II, 295,
Bohn, II, 275.
Bois, garanti de la pourriture par l'im-
prégnation de sels, II, 431.
Bolnest, II, 275.
Bolnest, alchimiste, II, 325.
Borax, — plusieurs espèces, I, 469.
DES MATIÈRES.
5Ô7
Borai, étymologie de ce mot, I, 324.
Borax, ^ sa composition ioidiquée par
BaroD, U, 383.
Borax, — son histoire^ II, 401-402.
Borel (Pierre), 11,239-240.
J?or9*i, alchimiste, If, 322.
Borrichitis (0\.),ll, 241.
Botanochimie , U, 211.
Bougie merveilleuse de Cardan , II, 95.
Boulduc.U, Z77,
Bourdelirif (Claude.), II, 392.
Bourdelotj n, 273.
JHoviti^ (Thomas), alchimiste, IL 126.
BoylCf II, 150; — théorie des alchimistes
^soufre, mercure, sel, etc.) combat-
tue par Boyle, II, 1 50 ; — esprits in-
YÎsibles s'^happant à travers tes join-
tures des vaisseaux (Boyle), II, 151.
Boyle (l^oberi). — Sa vie et ses travaux
chimiques, 11^ 146-148.
Brticeschi, alchimiste. H, 126.
Brandi^ II, 423-426.
Bronze, — sa trempe 110-111.
BrotoffeTf U, 319.
^rotfati//, alchimiste, H, 324.
Brouchhusen (Dan.),4ilcliimiste,II, 129.
Broawall, II, 432.
Brown (J.), 1, 358.
Brunnwiser, 11,364.
Bubacary I, 357.
Bucquel (Jean Baptiste), II, 393.
Burlet, II, 394.
Butler, alchimiste, II, 326.
Cabale, I, 247-249.
CcLdety II, 390.
CadmiedeCadmus,!, 106.
Cadmie des fourneaux, divisée en plu-
sieurs espèces, 1, 107-108.
Caicination (Geber), I, 334.
Caidnation définie par Paul de Cano-
tanto, 1,469.
Calculs urinaires, II, 446.
Calid, I, 350.
Caligula voulant faire de l'or avec de
Torpiment, 1, 128.
Caméléon, minéral découvert par Schee-
le,II, 462.
Camphre, son origine et son usage, II,
47.
Canon, — étymologie de ce mot, I, 309.
Canton (phosphore de), U, 360.
Capacité de saturation, II, 303.
CaravanteSf alchimiste, II, 129.
Cardan (Jérôme), II, 94-96.
Carillo (A.), II, 310.
Cariheuser (Fred.), II, 364.
Casciorolo, alchimiste, II, 328.
Casi, alchimiste, II, 130.
Cassius (André), II, 240.
Castaigne, alchimiste. II, 323.
Castelnaudari, alchimiste. II, 324.
Cavendish, II, 353 ; 535.
Cendres des végétaux. ( borith) , em-
ployées très- anciennement comme
fondant, I, 46.
Cendres (borith), employées pour le
blanchiment des étoffes, I, 58.
Céruse, sa préparation chez les Ro-
mains, I, 138.
Césalpin (André), II, 52-55 ; — appelle
les métaux des vapeurs condensées. II,
52 ; — donne la putréfaction comme
le caractère distinctif des corps orga-
niques. Il, 52.
Chaîne d'Homère. 1, 245-246.
Chaleur latente, aécouverte par Black.
II, 350.
Chaleur animale, à sa source dans la
respiration, II, 261.
Chalumeau, employé pour l'analyse des
minéraux. II, 428-430.
Chandelle, brûlant sous une cloche ren-
versée sur l'eau ; expériences de Yan-
Helmont, U, 130.
C haras (M.), Il, 241.
Charbons employés chez les anciens, I,
210.
Charlemagne fonda des écoles, I, 314.
Charles VI, I, 460.
CharUer, alchimiste, II, 324.
Chaire (de la), alchimiste, II, 323.
Chaucer, alchimiste, II, 130.
Chaux des anciens, I, 177-178.
Chemia, ancien nom de l'Egypte, I, 37.
Chesneau (Nicolas), II, 237.
Chiaramonte, alchimiste italien du xvu^
siècle, 11, 126 ; — II, 322.
Chimie , étymologie, I, 225-227.
Chimie (chaire de), — fondée au Jardin
des plantes, II, 102-108.
Chirac (Pierre), U, 241.
Chlore entrevu par Glauber, II, 186.
Chlore (acide muriatique déphloglsti-
qiié), découvert par Scheele; — son
histoire, 11,461-462.
Chlore, sa découverte par Davy, II,
585.
Christophe^ de Paris, I, 404.
Chrouet, II, 243.
Chrysocolle des anciens, I, 173.
Chrysocolle, 1, 178.
Chrysopéie d'Augurelli^ I, 475.
Chrysopéie, II, 118.
Cidre de Normandie, II, 210.
Ciel d*airain , synonyme de ciel bleu,
I, 71.
Cinabre, confondu avec le minium, L
141.
Cinabre, sa composition est indiquée
par Albert le Grand, I, 387.
Cinabre, préparation du cinabre par
Paracelse, II, 13.
. I
i
598
TABUB ANALYTIQUE
Circulation du sang, source de la clia-
leur animale (Sylvius), II, 216.
Cire^ — moyen de ta blanclUr (Pline),
I, 197.
€lauder, alchimiste, II, 327.
€laves (Etienne de), H, 323.
€ laves (Gaston), plaide la cause de rat-
chimie, II, 118.
Coagulation (Geber),I,.335.
Cobalt, mentionné pour la première fois
par Paracelse, II, 15^
Cobalt , découverte de ce métal par
Brandt, II, 424.
Cochenille (l'emploi de la) rend célèbre
rétablissement de Gobelin, II, 102.
Cointe, II, 65.
Co/co/ar, 1,342-343.
Colleson, alchimiste. II, .324.
Colophane, I, 202-203.
Combinaison des acides et des bases
en proportions déterminées (Yigani).
II,- 235-236.
Combinaison des parties similaires (théo-
rie de Platon), I, 95-97.
Combustion, confondue avec la distilla-
tion, II, 139 ; — distinguée de la dis-
tillation par Boyle, II, 152; — expé-
rience sur la — (Boyle), II, 154.
Combustion , théorie de Lavoisier, II ,
518.
Composition des eaux ; récit allégorique
de Zosime, I, 264-2GÔ.
Conjuration de démons (Pierre d'A-
pono), I, 418-421.
Conrad de Bergen, II, 318.
Conservation des matières animales et
végétales chez les anciens, I, 210, 21 ).
Constantin Porphyrogénète, I, 304.
Contif alchimiste, II, 322.
Contrepoison de l'arsenic , vanté par
Fioraventi, II, 127.
Corps simples sont inodores, I, 102.
Corps, leur division générale (Daustin),
I, 435.
Corps, leur division établie par Aristote,
I, 100.
Corps, leur division en volatiles et en
fixes, I, 273.
Corps élémentaires réduits à un très-
petit nombre (Boyle), II, 154.
Corps, leur état, leur simplicité et leur
composition, II, 507.
Cortese (Isabelle), alchimiste, II, 126.
Corteus, de Lodi, II, 105.
Cortinovis, II, 361.
Couche d'huile pour empêcher la fer-
mentation d'une liqueur, I, 491.
Couleurs, leur application, 1, 174.
Couleurs, employées chez les anciens,
1,160-162.
Couleurs employées par les anciens pour
teindre les étoffes ; — leur lixation par
des mordants, I, 59-61.
Couleur blanche, substance qui la four-
nissait, I, 174.
Couleurs bleues, les substances qui les
fournissent, I, 170-173.
Couleurs noires et brunes , substances
qui les fournissaient, 1, 173.
Couleurs rouges et jaunes, employées
chez les anciens ; -^ matières dont on
les préparait, I, 168-170.
Couleurs rouges des vitraux gothiques ,
ne pénètrent pas dans la substance
du verre, II, 159.
Couleurs vertes, substances qu! les four-
nissaient, l, 172-173.
Coupellation , décrite par Geber, I,
336-337.
Coupelles, leur fabrication, I, 470.
Coupelles, leur description, I, 499.
Coupelle (ancienne), recelant de l'ar-
gent, II, 116-117.
Courlange, transmute le fer en or. Il,
88.
Cours publies faits par Palissy, II, 81.
CourtanvauXf II, 394.
Craie, I, 176.
Crans f adversaire-de Black, II, 356-357,
CratOf de KraAheim , proscrit l'emploi
des vases de cuivre, II, 105-106.
Cremer (Jean), alchimiste, I, 435.
Creusets de Hesse (Glauber), II, 189.
Crinot (Jérôme), alchimiste, H, 124.
Cristallisation indiquée par Césalpin
comme caractère distinctif des miné-
raux, II, 53. — (Palissy), II, 80.
Cristallographie de Davisson, II, 235.
CroU (Oswald), disciple de Paracelse,
II, 21.
Cronstedty II, 428-430.
Ctésibius (machine de), I, 181.
Cuivre, son nom chez les Hébreux, I,
53.
Cuivre, ses propriétés chimiques chez
les Bomains, I, 129-132.
Cuivre, décrit par Geber, I, 333-334.
Cuivre jaune, I, 495.
D
Darcet, II, 530.
Daustin, alchimiste, I, 434-435.
Davisson (Guillaume), II, 234-235.
Davy {Humphry)f sa vie et ses travaux,
H, 568 etsniv.
Deane, alchimiste, II, 326.
Décoction propre à donner de l'en-
cre, II, 162.
Delius ( Fréd.), II, 3G6.
Démocrite d'Abdére , I, 35-36.
Démocrite, ses idées sur la philosophie
naturelle, I, 85-87.
Democri^c (pseudo-Démocrite),ses écrits
sur l'art sacré, I, 276-277.
DES MATIÈRES.
599
Densité de l'air évaluée par diTers phy.si-
ciens, comparativement à celle de l'eau,
II, 155-156.
Déplacement d'un acide par un autre
plus puissant ; loi établie par Tache-
nias, II, 223-224.
Desaguliers , II, 343.
Descension (Geber), ï, 334.
Diacode, manière de le préparer chez
les anciens, 1, 198.
Diamant brûlé, se convertit en air fixe,
II, 358.
Diamant ses propriétés miraculeuses,
1,448.
Diamant (le) des anciens n'est pas notre
diamant, I, 63.
Digby, II, 239.
Digestion comparée a une fermentation
(Sylvius), 11,215.
Digpy , alchimiste, II , 130.
Diogène d'Àpollonie, ses idées sur les
éléments de la nature, I, 90-91.
Dissolution n'est pas une destruction
(VanHelmont), II, 144-145.
Distillation vaguement indiquée par
Aristote, I, 98.
Distillation de l'essence de térébenthine
(Pline), I, 203.
Distillation ; — différents degrés admis
par Geber,. 334-335.
Distillation circulatoire, ï, 473.
Distillation de l'esprit-de- vin, I, 518.
Don dis (Jacques de), 1, 433.
Doorschooty II, 369.
Dorure sur bois, parchemin, etc., Il,
57-58.
Dorure dufer, II, 160-161.
Drebbel (Cornélius), conduit par une
expérience à l'emploi des tubes de
sûreté. H, 128.
Duchesne (Quercetanus) donne la pré-
paration du laudanum, du népenthès
et du gluten ; — dit que le nitre ren-
ferme un esprit de la nature de Tair,
If, 24-25.
Duclos, II, 242.
Duclos, II, 294.
Dîic/o5, alchimiste, 11,324.
î)ufay (François), II, 392.
Dvfour de Mie, I, 432.
Duhamel, II, 343.
Duhamel Dumonceau, II, 387-389.
Duns Scot, I, 428.
E
Eau . est le principe de toute chose
(Thaïes), I, 72-73.
Ëau, sa composition parait avoir été en-
trevue par Platon, I, 94.
Eaux, sous le rapport de l'hygiène pu-
blique, I, 455.
Eau ardente, — sa distillation, — son
emploi dans le feu grégeois, 1, 308.
Eau-argent,. — théories mystiques de
l'art sacré, 1, 268.
Eaux amères, I, 233.
Eaux (analyse des), par Bergmann, II,
443-444.
Eau distillée, agitée dans les flacons,,
détache des molécules de silice, II,
419.
Eau distribuée sur la surface de la terre,
et comparée au sang qui circule dans
les veines, II, 241 ; — ne peut point
élre changée en air, ni réciproque-
ment ( Yan-Helmont ) , II, 142 , —
s'infîltrant à travers les différents ter-
rains pour former à une c-ertaine pro-
fondeur les eaux thermales ( Yan-
Helmont ) , II, 1^3. — Vapeur d'eau
dans l'air (hygromètre), II, 95.
Eau de départ (acide nitrique) intro-
duite dans les monnaies, II, 65.
Eau ferrée, connue très-anciennement,.
ï, 135.
Eau-forte (acide nitrique), employée
par Agricola pour séparer l'argent de
l'or. II, 43. — Moyen de constater sa
pureté (Kunckel), II, 203.
Eau-forte sa préparation est décrite
par Geber, I, 329. »
Eau-forte, sa préparation et ses pro-
priétés sont indiquées clairement par
Ortholain, f, 442.
Eaux gazeuses artificielles fabriquées par
Bergmann, II, 436.
Eaux gazeuses, recherches de Venel, II,
342.
Eau de mer, rendue potable au moyen
de vases poreux (Aristote), 1, 98.
Eau de Minderer, sa composition don-
née par Taclienius, II, 220.
Eaux minérales, I, 183-184.
Eaux minérales acidulés, proposées par
Vilruve pour dissoudre les calculs,.
I, 185.
Eaux minérales (analyse des), par Hoff-
mann, II, 226-232.
Eaux minérales, moyen de reconnaître
si une ea« est minérale , proposé par
Libavius, II, 29 ; — analysées par
Boyle, H, 171-172.
Eaux thermales de Carlsbad, II, 231;
(origine de.s) , II, ibld.
Eaux thermales , sont produites , selon
Césalpin, par les combinaisons qui s'o-
pèrent au sein de la terre, II, 52: —
produites par le feu central de la terre
(Palissy), II, 87.
Eau quarte (Albert le Grand), I, 389.
Eau régale, appelée eau seconde par
Albert le Grand, I, ib.
Eau régale indiquée par Geber, 1,
839.
,-•■*■
%, -
600
TABLB .AHALrriQDB
Em tépùêi ufHfiMm décrite p«r
Odomir, I, 441.
Eto de roMs eoateimt da colne (T*-
dmii»), II, 111.
Eaox Mlées, I, 99.
Baa de Spa» oéiçatsedn )su sjlTestre (Van-
HelmoBt). If, 137.
Eau tierce (Albert le Grand), I, 389.
Eau-de-Tie, n'est encore qu'on médica-
ment au xt« aiède ; ses propriétés, II,
107; — sa fabrication. délendae par
des scnipides relicieux , II, 108 ; —
eao-de-vie d# frams» ail.
EauX'de-rie à différents degrés de con-
centration, préparées par Ortbolain,
I, 443.
Can-de-¥ie de Frédéric III, I, 474.
Eao-de-yie de grains, coneoe de Rbasès,
1,341.
teariate, ooQleor'(décoaTerte de Dreb-
hë ) (action du sel d*étain sor la
oodienHIe), II. 101.
Sek de SulztMÊeh , I, 471.
Éclair, défini par Aristote on esprit în-
candesoeut, 1, 100.
École éléatiqoe ; doctrines de cette école
sor la nature des choses, l, 77.
École de Lavoisier, II, 580.
Eooree, pins ricbe en alcali qne le bois
(Pali88y),n, 84.
BfferaH^ 1, 407.
EflloTes sortlmt des pores des corps,
1,83.
EffloTes ^i font jperdre anx corps de
lenr poids, n, 159.
Sgeling, H, 389.
Élasticité de Tair démontrée par Boyle,
II, 153154.
Elbe (lie d'), ses mines de fer étaient con-
nues des Romains, I, 134.
Electrum, I, 116.
Éléments des anciens (terre, eau, air,
feu), sont pour la première fois re-
gardés comme des corps complexes ,
par R. Boyle, 1, 181.
Éléments (feu, air, eau, terre), établis
par Empédocle, I, 81 . — Nature des
éléments, leur combinaison, etc., I,
82.
Éléments des corps, admis par Geber ,
I, 330-331.
Éléments du corps humain, d'après Pa-
racelse, II, 17-18. — de Bêcher, II ,
207-208.
Élixir, — étymologie de ce mot, I, 324.
Êlixir des philosophes, sa préparation
selon Arnaud de YilleneuTe, 413.
Élixir de graisse humaine, 434.
Élixir rouge (B. Yalentin), I, 486.
Eller, I, 404-406.
Émaux (Palissy), II, 78. — (Porta),
II, 97.
Emtfaumemcnt chez les Égyptiens ; ceux
ifA ca étalait chviés ^ lat
cClea snbilaMis «aplmaf I,.«^«88.
ÉoMfiode. élail souveal du ▼am vorl
artUkiel, 1, 6S-tt. - .> .
Émétiqae^ sa putentlcNi est Miiinéa '
par Libatfns, Iiri7; — fenqgfwMX
(Sala), If, 109.
Bmpédoele, prjndpea de sa phnoaojiiiie
natoreUe, 1,81-83.
Empoisonneinent par raraenic (Basile
l^entin) , I, 490.
Empoisonnement par Tarsenic (Tache-
nins). Il, 111. .
Encre des anciens, I, 61 . "^
Encre sym pathkine, oonniie des RomaiBS,
I, 104.
Encres sympathiques. 11, 188 et S76.
Encyclopédie japonaise {SaH'TktaU
mtf-Aoei), I, 11.
Engrais empkiyés nar les andens, ^
^ poudretle, — pttfra , I, 188-189.
Éolipyle, I, 180.
Épreuve des métaux, I, 409.
Eraste flliomu), adTersaire de Para-
cel8e,II,30.
Espagnei. alchimiste, IT, 314.
Esprits, dirisés en plosirars catégories,
I, 181, note.
Esprit acide Tilal (Tachaius). Il, 113.
Esprit adiaphoriqoe (de bois}, décou-
vert par Boyie, n, 158.
Esprit blanc de mercure, 1, 447.
Esprit du monde (Hémclite),.e8t .pres^
que analogue à roxygène, I, 79.
Esprit de mercure (B. Valentin), I. 485.'
Esprit nitro-aérien, est Taliment du feu
et entretient la restnration des ani-
maux, II, 253.
Esprit de sel, sa préparation, 1, 48t.
Esprit de sel, ses usages (Glauber),
II, 185-186.
Esprit subtil du nitre, I, 483.
Esprit sylvestre, produit gazeux de la
combustion des charbons ; il se dégage
pendant la fermentation du vin, do
pain, etc., II, 135.
Esprit universel (Lefebvre), II, 279.
Esprit-de-vin , n'existe pas tout formé
dans le jus des raisins, II, 157.
Esprit vital, expliqué par Yan-Helmont,
II, 145-146.
Esprit vital, ou esprit de feu (Mayow),
II, 253.
Esprit de vitriol, ses propriétés (Sala),
II, 213; ~ sa composition, II, ibid.
Essai des monnaies, connu des Romains,
1, 125-126.
Étain, connu très-anciennement, I, 139.
Étain, décrit par Geber, I, 333.
Étain , était anciennement confondu
avec le plomb, I, 52.
Étannage, inventé par les Gaulois, I,
140.
DES MATIÈRES.
601
Éther (Basile Valentin), I, 484.
Éther, méthode de le préparer, II, 389.
Étiiers , expériences sur leur produc-
tion (Scheele), II, 471.
Etschenreuter, alchimiste, I, 467.
Ettmûller (Michel), II, 291-293.
Évocation des morts, I, 475.
Exorcisme, décrit par Armand de Ville-
neuve, I, 416.
Expérience de Van* Helmont, tendant à
déraoûtrer que les plantes ne se nour-
rissent que d^eau, II , 141-142.
Fabriques d'alun, I, 494.
Faggoty II, 431-432.
fûWopia (G.), alchimiste. II, 127.
Fanianus, défenseur de Talchimie, II,
125.
Farine (Pline), î, 198.
Faux-monnayeurs, I, 501.
Fer cru et non travaillé, connu très-an-
ciennemefit, I, 47; — sa trempe, sa
dureté, etc., I, 47-49.
Fer dans les cendres, II, 290.
Fer, décrit par Geber, I, 334.
Fct, sa trempe, acier, I, 134; — pré-
servé de la rouille, I, 135.
Fer (trempe du) dans du suc de plantes
(Césalpin) , II, 55. — Rendre le fer
mou et malléable, II, 59.
Ferment employé chez les Romains et
les Gaulois, I, 198.
Fermentation arrêtée par les acides
(Kunckel), II, 202 ; — définie par Sala,
II, 208.
Fermentation définie par Yan-Helmont
la mère de la transmutation, II, 136.
Fermentation , est arrêtée par Tabsence
de Pair, II, 256.
Feu ( action du ) sur le groupement des
molécules élémentaires ( Boyie ) , II ,
152.
Feu, sa nature, 1, 186.
Feu, sa nourriture d'après Heraclite, I «
78.
Feu , n*est pas considéré par Van-Hel-
' mont comme un élément, II, 142.
Feu automate, I, 303.
Feu grégeois, I, 303-309.
Feu grégeois, sa composition d'après B.
de Vigenère, II, 117.
Feu liquide, I, 308.
Feu de Si va, 1,302.
.Feu volant, I, 300.
Feux volants, I^ 309.
Figure astrologique et mystique , — son
explication, I, 268.
Filaretto,, alchimiste. II, 126.
Finellif alchimiste, IL 322.
Fioraventi ( Léonard ) , alchimiste , II ,
127.
Flamel ( Nicolas ) , alchimiste , son his-
toire, I, 452-460.
Flamme , est, selon Yan-Helmont^ Une
vapeur allumée , II, 139.
Flamme (coloration de la), par des subs-
tances métalliques, II, 94-95.
Flaryme, est un air enflammé, I, ISI.
Flamme, est entretenue par un corps
aériforme (Théophraste), I, 102.
Flamme, interceptée par un crêpe métal-
lique (Kunckel), II, 204.
Flandre, ses draps , sa tourl)e , etc. , au
XIV' siècle, I, 450.
Fleurs d'antimoine, cheiri, II, 292.
Fleur du pécher, désignant symboli-
quement la mort, I, 232.
Fludd (Robert), II, 177-182.
Foie d'antimoine, 11,291.
Foie de soufre, préparé par Geber, I,
340.
Fossiles, sont regardés par Van-Helmont
comme les preuves d'un monde anté-
diluvien, II, 143.
Foudre et tonnerre, imités par des prê-
tres, I, 302.
Fougerouxde Bondaroy, 11,394.
Fourcroyj sa vie et ses travaux,.II, 555
et suiv.
Fourneau, — description des fourneaux
des anciens, I, 118.
Fourneau à registres (Northon), I, 4C8.
Fourneau à réverbère, — leur inventeur,
I, 73.
Fourneau à réverbère, II, 286.
Frisch (T.), II, 319.
Fromages chez les anciens, I, 213.
Fusées, connues des anciens, I, 308.
Gahella, H, 319.
Galeazzi, II, 358.
Garance, expérience de Duhamel sur là
coloration des os, II, 388.
Gaz, mot inventé par Van-Helmont, —
étymologie de ce mot, H, 135, note
(1); — divisés par Van-Helmont en in-
flammables et non inflammables , II ,
136 ; — sylvestre, dénomination géné-
rale, II, 137 ; — distingués par VaO'^
Helmont, de Tair atmosphénque^ IT»
137. •— Gaznitreux, connu de Van-
Helmont, II, 138.
Gaz, jouent un grand rôle dans les phé-
nomènes chimiques (Get>er), 331 .
Gaz, Priestley propose de recueillir les
gaz solubles sur le mercure, II, 479.
Gaz, recueillis par Haies, II, 341.
Gaz ammoniac (air alcalin), recueilli et
découvert par Priestley, H, 485. —
Gaz de la craie, recueilli par BemonlII
11,262-263.
■ f . • ■-■ i \
«02
TABLE AMllT^nOUE
Gaz hUaranif «xpéricoces de Dèfy. il,
571.
Gas inflamnwbles. I, isa.
Gu salforeax (air Titriol(ii«e), étodlé
par PriesUey, II, 4S&.
• ' Gaz, recaeiUU aa moyen de Teieies» II,
260.
G^far (Piard), 1, 327-840.
Gtnfftmitre^ II, 533.
Gentersberger^ JI, ^19.-
GenHlisda Foligno, 1,432.
Geoffroy aîné, U, 370-371.
CrM/froy jeane, II, 371-374.
Otfrjferl,!, 366.
6erAara,lI,86S.
Gerzan, alchimiste, II, 324.
Gilbert, d'Angleterre, I, 432.
' GUwannini^ II, 262.
GH-olarit alchimiste, II, i 26.
Girianner^ II, 564.
- Givrff (P.), II, 242.
^ Glace dans le Tide (expériences de Hom-
. berg), II, 302.
Glaee^ se forme à la sorface des eaai,
II, 91; *- fondue dans diverses li-
queurs, 11.176.
Giaser (Christophe), H, 281-233.
Glauber (Rudoiphe), sa vie et ses écrits,
11,182-191.
• GUdUsch, n, 363.
GKMen^i, alchimiste, n, 126.
GmUm, plusieurs ehUnistes de œ nom,
11,364.
Gobineau de Montluisant, alchimiste,
n, 324.
Goechel, II, 242.
Goettling, II, 563.
Gokorry, — fondation du Jardin des
plantes, II, 102.
Gommes, f, 207.
Gottsched, II, 337.
Gratarol (G.), alchimiste, H, 125.
Gravure sur métaux par le moyen d'un
acide, lï, 162.
Gren, IJ, 564.
Grewer, alchimiste, IF, 129.
Gr^yin (Jacques), s'élève contre l'usage
de l'antimoine, JI, 23.
Grimaldi (H.), alchimiste, II, 322.
Griwiwi (Nie), 11,275.
Grosparmy, alchimiste, II, 121.
Grosschedel ab Aïchay JI, 319.
Gro55C, II, 389.
Guetmann, alchimiste, II, 125.
Guibert (Nicolas), II, 121.
Guid'mSy alchimiste, II, 322.
Guidon de Montanor, I, 428.
Guillatyne de Paris , alchimiste , I ,
438.
Guyton-Morveau, II, 545.
Gypse; Marggraf donne le premier la
composition du gypse, U, 4 1 7 .
Gypse, I, 179.
H
Halmon, I, 354.
Haies, n, 338-342.
Banian, D, 295.
JSrnpeliUf , aldiimiste, U, 325.
Hartmann (J.), II, 240.
irar0ey(E.),U, 241.
BMUier (Gaspard), II, 343.
Bawkesbee, u, 337.
Hécla, volcan d'Islande mentionné par
Agncola, U, 45.
Belias, alchimiste, n, 327.
^feltol, U, 375, 377.
Belvétiui (Jean-Frédéric), H, 327.
Hématite,!. 176
Henckel (mdéric), II, 363.
Heraclite, sa philosophie natoreile, I,
78-80-
Hérissant, 11,99^.
Hermès Trismégiste, I, 34; — écrits
qu'on lui attribue, I, 249-254.
Beyde, II, 243.
ifie^ner^lchimiste, II, 326.
ifleme, II, 297.
Hildegarae, I, 370.
Bippocrate, ses idées sur les eaui, U
lonnatloo des ?ents, des t>roaillards ,
I, 80-81.
Boifer (François), analyse, en 1777, les
eaux de Toscane, contenant de l'acide
borique. If, 384.
Bo/fmann (Frédéric), II, 224, 233, 237,
243.
Hàgheland (Théobald de), alchimiste ,
II, 129.
Homberg (Guillaume), II, 298-304.
Hooky recueillit des gaz, II, 250.
Huber, H, 343.
Hugens, s'occupa de l'étude des gaz, II,
250.
Huile, différentes espèces, — kiki; —
omphacium; huile de noix, etc., I,
200-202.
Huiles essentielles, leur préparation, etc.,
I, 201-203.
Huiles essentielles, extraites par l'alcool
(Kunckel), II, 204.
Huile essentielle de térébenthine, est
appelée eau ardente, comme l'cau-de-
vie, \, 234.
Huile de nitre, I, 275.
Huile (d'olive); origine de sa fabrication,
I, 43.
Huile de vitriol préparée au moyen do
soufre et de l'eau froide, I, 483.
Huile de vitriol (acide sulfurique), mise
en usage par Agricola pour séparer
l'argent de l'or, II, 43.
Huile de vitriol, sa production est ex-
pliquée par Brandt, H, 425.
DES MATIÈRES^
€03
ffumboldt (Alexandre de), I, 203; II,
. 103.
Hydrogène (expériences de Priestley sur
1'), n,480.
Hydrogène, enflammé par Lemery, n,
287.
Jlydrogène , entrevu par Paracelse , II ,
12; — qui était confondu avec l'air,
est le premier gaz recueilli, II, 155.
Hydrogène, recueilli par Mayow, II , 259.
Hydromel, I, 191.
Hygiène publique au moyen âge, I, 502-
607.
Hypocras, sa préparation, 1, 474.
I
Idées alchimiques (de l'art sacré) sur les
corps en général, I, 287-289.
Imprimerie, sa découverte, I, 511-512.
Incubation artificielle, II, 118.
Indiens, leurs théories sur les éléments,
sur les principes mâle et femelle, sur
l'eau, etc., I, 26-30.
Indigo, couleur nouvelle, proscrite par
des princes allemands, II, 101.
Indigo, analysé par Bergmann, If, 449,
note (3).
Ingenhousz, II, 538.
Initiation; peines infligées aux parjures 9
I, 133.
Inquartation, — procédé décrit par Bi-
ringuccio, II, 51-56.
Instructions données aux pharmaciens
par Lefèbvre, II, 280.
Instruments dif forgeron, etc., en ai-
rain, au lieu d'être en fer, I, 51-52.
Iode, sa découverte, II, 587.
Isaac le Hollandais, 1,477.
Isnard, alchimiste, II, 324.
Jacques Cœur, I, 461.
Jacquirif se constitue le champion des
doctrines de Black, II, 356.
Jambliquef I, 242.
Jean XXII, h 431.
Jean de Meun, II, 397-399.
Jean de Saint-Amand, I, 432.
Jebsen, alchimiste, II, 326.
Johnson, alchimiste, U, 346.
Jonston, 11, 243.
Journal des savants , sa fondation , II ,
274.
Juncken, If, 275.
Juncken{i.)y II, 241.
Jussieu (Antoine de), II, 315.
Justi (Gottl.),II, 365.
Justin, ferme les écoles d'Athènes, I,
244.
K
^aàs, II, 369.
Kaïm, II, 363.
Kelley (Edouard), alchimiste, II, 129.
Kerkring, alchimiste, II, 326.
Kermès, employé en teinture, I, 375.
Kerner (Arn.), II, 239.
Khalkanthe (sel de cuivre), I, 132.
Khunrath (Conrad), n, 105.
Kireàer (Athanase), alchimiste, II, 330.
Klokhof, II, 369.
Knape, II, 363.
Kœnia (S.), II, 2^3.
Kofsky, alchimiste, I, 467.
Kolbats (esprits métalliques), I, 371.
Koumys des Asiatiques, II, 103.
Kriele, II, 369.
Kunckelfll, 191-205.
Za&or(f6, alchimiste, II, 324.
Lacini (Jean), alchimiste, I, 467.
Lacinif alchimiste, II, 126.
Laghi (Th.), II, 358.
Lait, ses usages chez les anciens, I, 212.
Lait de soufre, préparé par Geber, I,
340.
Lampe irès-éclairante, II, 116.
Lana (François) , président de la So-
ciété de Brescia, II, 265-266, 274.
Lancilotti, II, 275.
Lancïlotti, alchimiste, II, 322.
Lane, II, 338.
Lange, H, 337.
Lapis lazuli, II, 420.
Laque, — étymologie de ce mot, I, 324.
Larivière (Lazare), II, 237.
Lassone (François de), 393.
Latoscan, alchimiste, II, 322.
Lauragay, II, 394.
Lavage d'or, I, 113.
Lavoisier, se dit disciple de Black, II,
351; — accueille avec défiance les doc-
trines de Black, II, 355, note; 357,
note.
Lavoisier, sa vie, et ses travaux, 11,489
et 497.
Xe/ferrc, 11,276-281.
Lefèbvre, II, 394.
Lehmann, H, 367.
Ziemcry (Nicolas), II, 284-290.
Lemery (Louis), II, 374-375.
Lemort (Jacques), II, 275.
Lettres représentant des substances ou
opérations alchimiques, I, 425.
Leucippe , ses idées sur la composition
des corps, 1, 83.
Leutmann, II, 367.
Levain, manière de l'obtenir, I, 198.
."» . ,•
>■ . , . • -
«Oi
TABU ARALTTIQIS'
leipis, n, 361.
Leikiaes dûmiques, 1, S56. .
Xitevlicf, tes travaux, II, 26-30.
UM (GuUliame}, II, 93. 94-96, note
(5).
Imenx, lin, ootoB» dia lat «Kleiis,
I, 208-^09.
Limaille de fer, attinnt une eipèee d'ak
(oiy^ène), n, 2&3.
Lionear rouge proTcnant de U dlttilia-
wm de l*aeétate de plomb, employée
poar eorabettre la syphilis, I, 487.
Liqaear famante de Bojle, II, 175-176.
— aloooliqoepr<iparee avec les frolts
soerés (Konckei), II, 201. — anodine
minérale de Hoffmann, II, 232.
Liqueur fumante de Libavios, II, 28. —
des cailloux précipités par Tean-forte
(Van-Hdmont ) , II, 144. — Hes caU-
loox; explication du précipité qu'elle
forme au contact d'un adile (Glauber),
II, 189.
liqueur des cailkmx, prédpitée par Ta-
cide aérien (carbonique}, II, 440.
Liqueur corrosive d'arsenic, II, 282. .
Liqueur ftamante de Cadet, U, 390-391.
MM (de). U, 369.
IMitT^ n, 242.
Litbarge; on en distinguait aneiennemeot
deux espèces, 1,137.
LiHre (Al.), II, 262.
-Livre des propriétés des choses, traduit
en fran^is par ordre de Charles Y,
roi de France, I, 448.
Locatelliy alchimiste, n, 322.
Lomonosow (Mich.), 11,367.
Lune cornée (chlorure d^argent), moyen
de la réduire, II, 416.
Lut, fait avec de la chaux et du biaoc
d'œuf (Pline), 1,212.
Lut; différentes espèces, I, 388.
Lut des philosophes, I, 440.
M
Macbride, II, 3S2.
Machines merveilleuses proposées par
Roçer Bacon, 1, 396.
Machine pneumatique perfectionnée et
expliquée par Byole, II, lô3.
Macquer, II, 385-386 et 530.
Magie, I, 244-246.
Magnésie, distinguée de la chaux par
Hoffmann, II, 328-329.
Magnésie, distinguée de la chaux par
Black, n, 346.
Magnésie, caractères des sels de ma-
gnésie« II, 447.
Maladies produites par des fluides (Syl-
vius), H, 215-216.
Malouin, II, 393.
Mandragore à tubercules, I, 292.
Minganèie, confondu andettnemenlavne
l'oxyde neir (roamétique) de fer, 1, 1)8.
Manganèse, appelé savon des vonen,
Manganèse, son empM dans, kn verre-
ries, II, 160.
Manginèse (Scbeele), II, 469-462.
Manganesium,'Sadéeonverte, 11^ 463-463.
JfoJi^ (J.), II, 241.
Manuserits grecs akliimiquea de la Bir
Mîothèque impériale de Paris, I, 398-
301.
Manuscrit latin alchimiqne, n* 7147 de
la Bibiiothèqne impériale, 1, 489.
Manuscrit latin. n« 7156 de la Biblio-
thèque impériale '(traités alddmiqnes).
I, 433-434.
JfnreoreUa, II, 394.
Mareus Grmeu$^ I, 304-310«
Marggra/, II, 407-421.
Mariage de Mars et de Vénus, I, 486.
Jfnrie; ses écrits snr l'art saeie, 1,28».
285.
Jf0H}ii, alehimisie, II, 322. - .
Marne , employée comme engrais, U, 82.
Maroc; l'aldilmie cultivée a Mnoe, It,
131.
MartOe Fiein, alchimiste, I, 496.
Mariinius (Valer.) . alchimiste, II, £12;
Matières combustibles (résme, naphthe^
nialtha, etc.) employées- par les an-
ciens, I, 301-303.
Matière (solide) consifiérée comme nn
produit de l'eau (Yan-Helmont), II,
142-143.
Mayer (Michel), alchimiste, II, 325.
Mayow (J.), II, 252-263.
Mazotta (B.), alchimiste, II, 322.
Méconion des anciens, I, 205.
Médecine, éclairée par la chimie, II, 150.
Médicaments chimiques, distingués des
préparations galéniques et arabes , II,
243.
Médicaments chimiques de Sylvius , II,
218.
Mélanges combustibles, employés par
les Grecs, I, 306-307.
Mélange, distingué de la combinaison
par Boy le, II, 152.
Mélanges frigorifiques, II, 167. — calo-
rifiques, U, 164.
Mélange réfrigérant, employé par Porta
pour extraire Teau de 1 air, II, 99-100.
Menghini, II, 358.
Mer ; procédé de Porta pour rendre l'eau
de mer potable, II, 99; — expérien-
ces sur l'eau de mer, par BoyIè, U,
169.
Mercure, décrit par Creber, I, 332.
Mercure, considéré comme un élément
des métaux, I, 437.
Mercure, sa signification cabalistique,
I, 248.
D£S MATIÈRES.
605
Mercure ( composés mercuriels ) em-
. ployé dans le traitement des afTec-
tions syphilitiques, II, 37 et 55.
Mercure (vif-argent), connu très-ancien-'
oement, I, 140-142. — son extraction,
I, 141. — son emploi dans la dorure,
I, 142.
Mercure ; on en perdait beaucoup dans
Texploitation des mines d'argent, II,
315.
Mercure intimement amalgamé avec Tor,
n,425.
Mercure sublimé; sa composition don-
née par Basile Valentin, I, 486.
Mercure des philosophes, I, 486.
Mercure, employé dans l'extraction de
l'argent au Pérou, II , 306.
Merlin ; son allégorie sur la pierre phi-
losophale, I, 355.
Métaux; moyen d'expliquer leur haute
antiquité, I, 45-46.
Métaux , sont indentiques dans leur es-
sence (Albert le Grand) , I, 384 .
Métaux; leur extraction par la voie hu-
mide, 1,481.
Métaux. — Composition des métaux se-
lon Paracelse , 11, 13; — gravure sur
métaux, 11, 57 ; — augmentation de
leur poids expliquée par Boyle , Il ,
158.
Métaux, consacrés aux sept planètes , I,
256-257.
Méthode expérimentale enseignée par
Palissy, II, 78, — popularisée par
Boyle, II, 149.
Méthode pour recueillir les corps aérifor-
mes (Boyle), Il , 154.
, Méthode analytique, II, 524 .
Meudrac (Marie) , II , 275.
Meyer (Frédéric) , ses théories sur l'aci-
dumpîngue, H, 354.
Michaelis (Jos.) f alchimiste , II , 129.
Miel; diverses espèces; — usages du
miel; h 196-197.
Milieu aérien. — Expériences de Fludd
sur le milieu aérien, II, 178-180.
illindcrcr (Ray.), 11,237.
Minerais, connus des anciens, 1, 175-180.
Minerais; procédés auxquels sont soumis
les minerais , II , 42-43.
Minéraux, leur division par Avicenne,
I, 346.
Minéraux, théorie de Paracelse sur la gé-
nération des minéraux, II, 16.
Mines d'Allemagne au moyen âge, I,
258-259.
Mines, leur exploitation au moyen âge,
I, 370-374.
Mines de France au moyen âge , I, 372.
Mines, leur exploitation aux xiv« et xv»
siècles, I, 492-494.
Mines (préceptes concernant Pexploita-
tion des), Agricola, II, 40. — La végé-
tation indiquant la présence des veines
métalliques, 11^ 41. — Démons dans .
les mines, II, 44. — Mines d^Allemagne
décrites par Agricola, II, 47 , 48. —
Mines d'Allemagne, II, 59. — Mines de
mercure d'Idria , II, 54. — Règlçments
concernant les mines, II, 58-59.
Mines; état des mines au xvu* siècle,
II, 311-316.
Mines de mercure d'Idria ; maladies dont
sont atteints les ouvriers, II, 313.
Mines du Pérou, leur exploitation, II,
308-309.
Mines de mercure d'Almaden, II, 315.
Mines de France, II, 60 ; — d'Angleterre,
II, 60; — de Suède et de Norvège ,
II, 64 ;— d'Amérique (Mexique, Pérou),
II, 61-65.
Minium, ses usages, I, 138.
Miroirs de verre, 1, 154.
Mithridate (thériaque) , II, 90.
Model, II, 367.
Moitrel d'Élément, II, 333-337.
Molitor, II, 242.
Molybdène; acide molybdique, décou-
vert par Scheele, II, 465.
Mongnot, II, 240.
Monnaies chez les anciens; titre des ,
monnaies; affinage de l'or et de l'argent,
I, 54-56.
Monnaies de plomb, 1, 118; — d^argent,
etc., I, 119-120.
Monnaies, analyse de monnaies romai-
nes, 1, 119-126.
Monnaies fourrées, I, 125.
Monnaies; fabrication et règlement au
moyen âge, I, 496-502.
Montagnes ; leur formation expUquée par
Avicenne, I, 345.
Montvolon, alchimiste, II, 323.
Morestel, alchimiste, II, 222-223.
Morhof (George), alchimiste, II, 327.
Morien, I, 349.
Mosca, II, 343.
Mouvement moléculaire, II, 515.
Moût bouilli (Pline), 1, 193.
Moyen âge ; aperçu de l'état de la science
pendant cette époque, I, 317-321.
Moyen de faire de l'or (Démocrite) , I ,
278.
Moyens d'effacer l'encre, II, 162.
Muffétius, sectateur de Paracelse, II,
23.
Miiller (Ph.), alchimiste, II, 325.
Multiplication des minerais (Tachenius),
II, 223.
Mundl, II, 262.
Muralt,U,2^i.
Musc artificiel, If, 420.
Muschenbroek, II, 343.
Mylius^ 'alchimiste , II, 327.
Mynsicht (Aàriea de), surnommé Tri-
budenius, II, 237.
■• • ■ •
A
• *
'V
■ ■ . •
■ vr .y
■■ I • I ,
6oa
TABLB ASÀIJTIQDE
Mysièntddi nombres, des leUm.ddi
. idanlM, des aBimiiix» etc. 1. 13i-
N
Nardku (I), II, 342.
.J¥atMré(Gftb.}, Ii,3t8.
ifasiiH,alelmiiiitte,II, lie.
Neri (Antoine) , II, 294.
Neuhaus (H.), II, 319.
Nemmann^ II, 411.
Jiiekeh métal découTert par Oonstedt,
n» 429-430.
NieoUu de C%ua, alchfmiste, 1, 467.
Nicolas (Pnepositus), 1, 367.
Nitrate d'argent fondu, II, 282.
If itre ; son nom, en hébrea (neter), si-
gnifie substance efferfeseente; est un
carbonate alcalin, I, 58-59.
Nitre dulcifié (Raymond Lnlle), I, 424.
Ifitre (nitrum), signification de ce mot
chez les anciens , I, 148 ; — son em-
ploi, I, 148-149.
ln«(coi
NIve (composition), II, 163.
Jlitre, renferme des particules nitro-aé-
riennes nécessaires à Palimentation de
la flamme, II, 254.
Nombres ; le principe des nombres est le
fondement de l'onivers (Pythagore),
. 1,75-76.
Nomenclature cAîmtd^ue, 11,558.
Northon (Samoel), alchimiste, II, 326.
Norton rrhomas), alchimiste, I, 467-
468.
mck (A.), Il, 243.
Nuysement, alchimiste, II, 323.
O
Odeur est due à la volatilité (Théopbras-
te), 1, 102.
Odomar, alchimiste, I, 441.
Offa Helmontii, II, 145.
Ohacany alciiimiste, I, 467.
Olympiodore^ ses écrits sur Tart sacré,
I, 272-276.
Opérations alchimiques comparées aux
fonctions du corps, II, 181.
Opium , son principe actif préparé par
Boyle, II, 163.
Opium des anciens, I, 205.
Or, premier métal connu ; son nom dans
les langues anciennes, 1, 43.
Or, purifié par le plomb, *1, 115.
Or obryze, I, 116.
Or, ses propriétés connues des anciens,
1, 127.
Or, roi des métaux ; — signification ca-
balistique, I, 248.
Or, décrit par GeiMr, 1^^333.*
Or (Bartholoaée l*Aii^)Af, 44«.
Or potable (dlfféraites eapèM d'), It,
Or ftifanfaiant (B. VatenliB), I, 481;
Or. allié aTee une tièe forte proportiçn
d'argent; est dissous par 1^-forte,
II, 425, ■
Orichalque on anrielttlmle. I, io^l io.
Orpiment, se reneonbre frégaemmieBt
dans lés mines de eiiiTfe(1néo^n»-
te). 1, 101. ~tr«
Orsdlie, matière tinctoriale, T, 495.
OiirU et /su, —leur signIilentioB dttu
les théories alchfaniqnes, I,' 36, 90l6
Ortheliui, alchinnste, II, S26. '
Ortkolan, alchimiste, I, 441-443.
OuTriers employés anx mines, JT, Ut-
115*
Overkamp (H.), II, 240.
Oxyde de carbone, étudié par Priestiey.
II, 485.
Oxygène, entrefu par Ecà de Solzbaehl
1,471-472 ~
Oxygène on protoxyde d'azote, eqtrefn
eir Cardan , n, 94 ; ^ entrevn par
laisedeV%enère,n, 115.—- Actionde
l'oxygèoe sur un mélange de eni?re et
d*ammonia(pie, II, I53; — oxygène
entrem par Boyle, n, 158.
Oxygène (particnles nitro-aériennes de
Mayow), change le sfng veineux en
sang atériel, 11, 260.
Oxygène (air dn feu); analyse de l'air
par Scheele , II, 455-456.
Oxygène (air déphlogistiqué) , décou-
vert et recueilli par Priestiey, n,
481-483. — Sa présence dans l*air,
son action sur la respiration, II, 485.
Oxymei, 1, 192.
Padoue (Jean de) , alchimiste, II, 321-
322.
Pain , son histoire primitive, I, 38.
Pain, non fermenté, I, 39.
Pain, sa porosité provient du dégage-
ment de fluides élastiques, II, 263.
Palissy (Bernard), vie et travaux, II,
67-92.
Panacée antimoniale. II, 289.
Panacée universelle, I, 239.
Panthëe, prêtre, alchimiste, !1, 126.
Papier (papyrus), manière de le fabri-
quer chez les anciens, I, 207.
Papier de lin et de coton, son invention,
1,512.
Parabole de saint Matthieu (nisi granum
frumenti), commentée alchiraique-
ment, I, 439.
,«■
DES MATIÈRES.
607
Paracelse, — sa vie, — son influence
sur le progrès des sciences, II, 5- 10.
-^ Ses opvrages; analyse de ses tra-
vaux-chimiques, II, 10-19.
Pbré (Ambroise), II, ICI.
Paris, ses carrières, etc. , au xiy* siècle,
I, 450.
Parmentier, II, 534.
Pastel , sa culture au moyen âge , I ,
375.
Paul de Canotanto, h 468-471.
Paumer^ alchimiste, II, 343.
Pechlin (N.), II, 243.
Pechlin^U, 262.
Pega (Th. de), II, 319.
Peinture sur verre, I, 376 ; II, 159.
Pelage, ses écrits sur Fart sacré, I,
271-272.
Pelletier (Jean) , II, 394.
Pelletier (Bertrand), II, 531.
Penot (Bernard) , martyr de l'école de
Paracelse, II, 24.
Pensa (Martin), alchimiste, 11,325.
Percival , II, 337.
Pèse-liqueur (hydroscopium) , sa décou-
verte, I, 280.
Pétard, connu des anciens, I, 308.
Pharmacie , règlement concernant les
pharmaciens chez les anciens, I, 359-
360.
Pharmacie réformée, par Yan-Helmont,
II, 146.
Pharmacie (exercice de la) au xvii« siè-
cle, II, 244.
Phengite, pierre transparente, I, 155-156.
Philosophie chimique , introduite par
Boyle, II, 149.
Philosophie chimique de Boyle, II, 164-
165.
Philtre donné à Charles Y, roi de France,
par Bernard de Trêves, I, 446.
Phlogistique, théorie de SUhl, II, 397-
401.
Phlogistique, d'autres auteurs en avaient
déjà parlé avant Stahl, I, 145.
Phlogistique (théorie du), attaquée par
Hoffmann, II, 233.
Phlogistique, théorie de Scheele, II, 455.
Phosphate d'ammoniaque , décrit par
Marggraf, 414.
Phosphore parait avoir été connu d'AI-
chid Bechil, I, 358.
Phosphore ( travaux de Boyle sur le ) ,
II, 174-175; —de Baudouin; — sa dé-
couverte racontée par Kunckel, II, 193.
Phosphore d'urine , histoire de sa décou-
verte par Kunckel, II, 194-200.
Phosphore d'Homberg, II, 301.
Phosphore, ses propriétés décrites par
Homberg, II, 300.
Phosphore, dans quel état il existe dans
l'urine ; ~ théorie de sa préparation
(MarggraO, U, 413.
Photius^,\, 361. ^
Pièces d'alchimie manuscrites conservées
à la bibliothèque de l'Arsenal , II ,
130, note (3).
Pièces rustiques de Palissy, II, 76.
Pierre (VApono, 1, 418-421.
Pierre le Bon de Lombardie, alchimiste,
I, 436-437.
Pierre de Tolède ^ alchimiste, I, 435.
Pierres calcaires dégagent de l'esprit
sylvestre (acide carbonique) au con-p
tact du vinaigre, II, 141.
Pierre infernale (nitrate d'argent), pré-
^ parée par Geber, I, 339.
Pierre inflammable artificielle, II, 18Ô;
— précieuse artificielle, rubis d'or
(Glauber), II, 188-189.
Pierre philosophale , d'après Arnaud de
Villeneuve,!, 410.
Pierre philosophale , divisée par Ripley
en douze parties ou portes, I, 444.
Pierre philosophale, II, 189-190.
Pierre philosophale (découverte de la),
II, 116-117.
Pierre-ponce, I, 176.
Pierres précieuses, leur usage est fort
ancien I, 62 ; ~ artificielles, I, 63.
Pierres précieuses -artificielles, — leur
fabrication dans l'antiquité, 1, 158*
160.
Pierres précieuses, 1, 405 et 470.
Pierres précieuses (principe de la fabri-
cation des) selon Porta, II, 97-98.
Pierre solaire (Pierre de Bologne), II,
328.
Pierre spéculaire, I, 179.
Pierres tranchantes, employées à la
place de lames métalliques, I, 49.
Pinch-beck, alliage imitant l'or. II, 430.
Pinkenau, II, 337.
Pi^cairn, II, 240.
PlaniS'Campif alchimiste, If, 323.
Platine , parait avoir été connu très-an*
ciennement, I, 140.
Platine, son histoire, II, 360.
PlatoUf ses idées sur les éléments' et les
principes de la matière, I, 93-97.
Plomb, exempt d'argent, II, 42 ; — aug-
mente de poids, étant exposé à l'air
(Agricola), II, 45 ; — augmentation de
son poids par la combinaison d'une
substance aérienne (Césalpin), II,
54.
Plomb argentaire, I, 109.
Plomb {plumbum), dénomination ap|)li-
quée par les anciens, tantôt à l'étain,
tantôt au plomb proprement dit, I,
137-138.
Plomb, décrit par Geber, I, 333.
Plomb, devient sonore dans certaines
circonstances, II, 374.
Plomb , augmente de poids en se chan-
geant en litharge, II, 387.
]mxF
3i9.
,1, 341.
iu^,..v »lïhjink)ue il l'imitalioii ilïs Mé-
tomorphous d'Oiidr, 11, 123.
Pmds KpécilXqius , iléterniinés par Bojlp,
H. 176.
PoiMH <le loup (Porta), )I, 9B. — sub-
til, âdniiiiiatré pendiiDl Je sommeil, II,
SS. — narcotiques; troU depés
d'action lelon leurs dose». 11. 99-
Poiions, — leur connaissance ibex les
anciens. I, 30-jt6; — lirÉs du re-
ine anitoil (canllwridea, hitpresle,
etc.), l, ÎJ6-5I7; — ifiés du r^i
i^éial (piTot, juiquiame, dgDê,elc.).
I, ïil-îiO.-^
Poisons tirés ds r^e minénil (saoria'
laqne, arsenic, litliBi^e, etc.), I, SîO-
élasUqaes qu'elle dégage, 0,
décrite, par Rog«^r
Poudre k cano
Bacon. 1,395.
Foudre li'Algarolli (onjcblorure il'antl-
mOÎDE). Il, Ï17.
Poudre de projecIioD, ttansrorme le ïif'
argent en or, II, 114.
Poudre dans laquelle In charbon e»l
remplacé par le sulfure d'anlimotoe,
II. IIS.
Poudrt
ve), 1, 4
i-417.
Poïfon. ce que les alchimistes enten-
daient par poïuHi, I. 434.
Polasono resiiirenl de l'air, II, 1&7.
PoUmann, BlcWiniale. ll,3S6.
Polunièi». 11, 3114.
Pominea de terre; ce mot etl mentionné
pour la première foie au xiv* siècle ,
1, 449.
PomptioljK (lleursde iinc), I, I3î-133.
Porcelaine de Chine; — iolrodiiction de
la porcelaine en Euiope, 1, 13-1 i.
Porphyre, I, 24'-
Porla (Jean-Baplinle), II, M-lOO.
PoTfa Ltonis, Juif, alcbiniisle, II, 176.
Potasse caustique, — sa préparation in-
diquée par Geber, I, 337.
Potasse raiislique attire lliumidilé, ),
3S7-38lt.
Potassium décourcrte par Davy, Il , 581 .
Poteiie, faïence, inaltriaux deomslnjc-
tioD, etc., 1, lâS.
Po<cri«i (P.), II, S37.
Potier, alibimiile, II, 333.
Potius, alcliimisle. 11, 3:ii.
Polt, 11, 401-404.
Poudre à canon, employée depuis long-
temps cliez les Cliinois (tour les (e»-%
d'anilice, I, 12.
Poudre à canon; fa composilion du
temps de Cardan, II, Sa.
Poudre à canon, na force est due au\
sai qui prenneol naissance par la com-
busUon, 11, Se3-2fl4.
Poudre it canon, — sa composition, —
, --.Mnuaage.l.aoï.SOJ, 309
'• taooa, — e\périencea sur les
pour argenler sans le mojendu
lire. Il, 160; — i encre.II, 101.
pour convertir le plomb en or,
e, — sa nature et sa préparation,
2-168.
-330.
Précipité ruuge (oNjde dé mercure) ,
pré[eré par Getier, I. 340.
Précipités i leur formation expliquée par
D0Tle.II, 167.
Prieslleg, II. 472-487.
Principe doui des boiles (glvcérine),
II, 3es.
Principes géolc^ques d'Aticcnne . J ,
34G.
Principe de l'imilation de li
T, 116.
■, I.
Procfui, 1, 143.
Projection alcliimiqoe; manière de la
faire, indiquée par Plamel, I, 459.
Proportions délinies. II, 303.
Proportions déterminées (Bergmann),
11, 438-439.
Piei;iM, I. 361.
Puits artésiens (Palissj), II, 83-84. —
(théorie des}, 11, 87.
Polrëfaclioo, considérée par Paracclse
comme une transmutation, U, 17.
Pyrite, l,I7S.
Pyrites (sulfures), «oumis i l'action de
l'air et de l'eau pour les cooTerlir en
vitriols (aulfales), It, 44.
Pythagore, ses idée» sur le principe des
choses. 1. 75-77.
Qtiufjrammo, alelumisle,Il, 1'
Quinleseeace, de Bu|ieBciesa p(
ger le mercure en or ou ei
DES MATURES.
eo9
Rai (Jean), II, 242.
JRain (Fréd. de), alchimiste, II, 326.
Raisins, moyen de les conserver (Pline),
I, 190.
Raisins, ne fermentent au contact de
Pair qu'autant que leur épiderme est
déchiré, II, 136.
Rapport entre le soleil et la terre, n,
116.
Rattray, II, 229.
Raymond LuUe, sa vie et ses écrits
alchimiques, I, 421-428.
Réactif (papier trempé dans du suc de
noix de galle) , employé pour consta-
ter la présence du fer, I, 13(.
Réaumur^ II, 391.
Recette pour faire de bons creusets, I,
440.
Régis (S.), II, 240.
Régule d'antimoine (B. Yalentin), I, 483.
Reich, alchimiste, II, 327.
Reineccius, II, 240.
Remèdes pharmaceutiques (règlements),
1,507.
Résine de térébenthine, mise par les Ro-
mains dans leurs vins, I, 193.
Respiration, ayant pour but d'enlever au
sang une matière excrémentitielte , II ,
156.
Respiration, absorbe une partie de l'air,
1), 341.
Respiration des animaux comparée à la
combustion, II, 258-259.
Respiration des plantes, donne des résul-
tats chimiques inverses de celle des
animaux (Priestley), II, 479.
Respiration, théorie de Lavoisier, II, 517.
Restentorium, vase destiné à retenir les
produits de la distillation, I, 427-428.
Rey (Jean), II, 245-247.
Rhasès, I, 340-343.
RhenanuSt alchimiste, II, 325.
Rhodez, II, 242.
Richard PAnglais, alchimiste, I, 437-
438.
Rieser (F.), II, 319.
Ripley (Georges), alchimiste, I, 444-445.
Rivinus (A.), Il, 276.
Rocca DevendrOy alchimiste, II, 322.
Boeh le baiUif, sectateur de Paracelse,
II, 23.
RochlitZf prêtre, alchimiste, II, 125.
Rqlfinli, alchimiste, II, 326.
Moquetailladey alchimiste, 1, 446*447.
Rose-croix; leurs règlements, II, 317.
Rosello (H.), alchimiste, II, 126.
Rosen-Kreutz, H, 318.
Rosetti (Ventura), II, 101.
RosinuSy I, ^67-368.,
kouelle atné, II, 378-383.
Rouillac (Ph.), alchimiste, IT, 127.
Rouille (oxyde), formée par l'absorption
de quelque chose (Platon), 1, 97.
niST. DE LA CUmiE. ^ T. U.
Rouille, engendrée par un humide aqueux,
II, 95; — engendrée par des efflu-
ves corrosifs de l'air, n, 157.
Roussetf alchimiste, II, 523.
Rubeus, II, 105.
Ryberg, II, 337.
Safran des métaux, II, 291.
Saint-Thomas d'/l^Miw, 1,404-407.
Sala (Angélus), II, 208-214.
Saladin d'Ascalo, I, 491.
Salmona, I, 344.
Salpêtre, sa purification connue très —
anciennement, 1,307.
Salpêtre; idées de B. Valentin sur la
composition de cette substance,* I,
483.
Salpêtre; moyen d'évaluer la quantité
<ie salpêtre dans la poudre à canon,
II, 431.
Salsola soda ; expériences de Duhamel ,
II, 382.
Salubrité de l'air (hygiène publique), I,
502.
Saluées (comte), II, 359.
Salzthal, alchimiste, II, 326.
Sang; recherches sur le san^ (Boyle),
II, 172-173; — sang artériel, coloré
par Tair (Svivius), H, 216.
Sang (recherches microscopiques sur le),
II, 405. '
Santés de Ardoynis, I, 491 .
Saturation (principe de), II, 437.
Saturer (saturare) ; expression employée
pour la première fois par Van-Hel-
mont, pour désigner la combinaison
d'un acide avec une base, II, 144.
Savon ; sa fabrication chez les anciens,
I, 147-148.
Savon; sa préparation, I, 353.
Savon (fabriques de), II, 220.
Savonarola (Mich.), I, 491 .
Çaxe au xiv** siècle, I, 450.
Scheeley II, 450-472.
Scheffer^ sur le platine, II, 361.
Schejfer (Théophile), II, 430.
Schlosser, II, 369.
Schmucker, alchimiste, II, 326.
Schnurr von Landsidel, alchimiste, II,
326.
Schreyer^ II, 242.
Schubert, II, 318.
Schûrer, invente le bleu de cobalt , II
101.
Schweighard, U, 319.
Schwerzer (Séb.), alchimiste de l'élec-
teur de Saxe et de l'empereur Ro-
dolphe, II, 120»
Sceaux alchimiques,!, 414.
Scopoii, II, 365.
39
TABLE ASALÏTIQUE
Satlui (Midi,), aldiimUlt^, II, 13U.
Secret (l'Iùs pour bire <le l'or, I,3eo-3Sl .
SeignrltelP.}, 11. 3.1N.
Sel amer, I, 4S9.
Sel ■mmoniac; sa prqiaratioD (Geber),
1,337.
Sel amnjoniac; sa eomposillon di
par Sata, tl, !t3; — na coraposilioa
dfiniiEï par Tscbenîu», il. 318.
Sel ammoniac, coudu des anciens, 1, ISI
SeU lires dti animaux, I, 483.
Seld«scen(JrM(potasseJi les aiaf.r»,l
146-147.
Sel gaame, iléerépîtaDt <lans le léa, I.
150-151.
Sel de Glauber; ra dtoiDTLfte , I). 184'
185; -d'oseille, appelé larlre,n,209-
310.
Set maria; sod histoire, ses nsages, etc.,
I, 149-lâi.
Bel de mercure (sutitiioé corrosif), em-
plDj'É par B. Valenlin contre la sj-
philis, I, 483.
Bel, partie la plus active de rengrais
JPalisB)), 11, Si 8ù.
d'anae, appelé par VaD-HeliDoot
tarlaru» urinm, II, 145.
Sel de phospliore, 1, 477.
Sel poljchreale de Glaser, II, 28ï.
Sd prunelle (sulfsle de potaese roDdu) ,
II, 2Sî.
Set oe soDfre (Foie de Boiifre), I, 4X3.
Bel du sang (cjanolernire jauae de pe-
tassiiim). II, 418-419.
Sd d'urine : M urépa ralioa (Geber), 1 , 318.
SeU (elissificauan dea). II, 378,
SeAdtnijiHa(MfcliH), alcbimisle,!!, 13t.
Senebier, II, 53!l.
Sennetl (Daniel), H, î39,
Seriimonii, alcUimisle.'II, 321.
SerHtii(P.), Il, 343.
Sethon (AleK.)lecofmopo1ile,alchirniale,
II, 130.
Riverin [Pierre), partisan des médica-
ments ciiimiques, 11, 11.
Slebenfreund (Sébastien), alchimiste. II,
123.
Signes chimiques, -I, 2S9.
SîTiCË reconnue pour an acide par Ta-
uhenias. II, 12^.
Silice ; ses UEatK», 1, ijâ-làS.
Sirop de violùte, employé comme réac-
tif,!!. 167.
Sifei-^fJ.). 1I,31S.
«arc (F.), II. 2B2.
Slare.U.iia.
SmaU,U, lis.
Smelh, adrersaire de Black. II, 3ûT.
Snoy (Rejner), alcliimiste, IT, lïli.
Société royale des sciences d'ilpsal, II,
Sudéti def inqnieli, II,'3_
Sodium dJcouTert par Darv, II,
SolulioD» saturées (Lefebrre), II, SSO.
SoliilioDS (Geber). I, 33ii .
Sondage in Tenté jorPalissv, 11,82-83.
SaphoT, 1,350-357.
Souile, distinguée de la potasse par Mac^.
graf, 11,419-420.
SoBfre ; son emploi , sa nature (Ro inaim),
I, 145.
Soufre doré d'antimoine. 11. 2S3.
Soufre, considéré comme un éh^uient des
métaux, I. 331,
Soufre, décrit par Geber, 1, 332.
Soufre, ses propriétés (Albeil le Grand],
Soufre roi^ (séléoioin), 1,413.
Soufre natif, se renrantre en plusieurs
EocBlilés indiquées par Aerlcola II,
4S; — employé pour Ibire des alln-
metles ou des Dis soufrés (Agricota),
II, 4B.
Soofre, en devenant un acide, se com-
"le BTec les particules nitro-aérieo-
) (oxygène). II, 255.
Spacher, n,.3i9-
Sttthi.U, 3S5-40I.
Slarktf, n, 240,
Slltltr, II, 24J.
SnastT, atdilraiste, 11,327,
'ranioine eo poudre produisant des
liBlluonatioas, H, 98.
StrutMm (Jos.), atcliimisle, II, tjg.
Sublimation (Geber), I, 334.
Sablimé corrmdf, ptdpart par Geber, I,
339.
Sublimé blanc fpréparalioo du] par Pa-
■IB), 11.
Siichten , trouve la pierre pliïlosophale
dans l'auttmoiae, II, 125.
Socre candi préparé par Libavius, II, 30.
Sucre; raffinerie de sucre, au xir' siè-
cle, I, 449.
Sucre, connu des anciens, 1, 19S-19G.
Sucre (aflinage et clarilicalioii du) (Sala),
II, 209.
Sucre de bellerave , découvert par Marg-
graf, 11,408-412.
Sucs astringents, employés par les an-
ciens, 1, 203-204-
Sacs de laitue et de flgoier, I, 200.
Sucs de pavot, de laitue et de figuier,
employés par les anciens. I, 205-200.
Sulfate de fer; moyen Oele préparer, I,'
4B8.
Sulfate d'ammoniaque préparé par VI-
gani. II, 23a.
Substance vitale dans l'aii
I5i.
DES MATIÈRES.
641
Sulfate de magnésie, II, 289.
Sulfure de fer, se transforme en sulfate,
en absorbant les particules nitro-aé-
riennes de Tair (oxygène), II, 256.
Sutton, II, 337.
St9a6 (Antoine), II, 42a.
Swammerdam (T.), II, 240.
Swedenborg (Emmanuel), II, 427-428.
Syluius (François), II, 214-217.
Syncelle, l, 282.
Synésius, ses écrits sur Part sacré et la
physique, I, 279-282.
Système monétaire usité en Chine, 1, 19.
Table d'émeraude, I, 253-254.
Table des matières de la petite encyclo-
pédie chinoise des arts et métiers,
I, 11.
Tachenius (Otto), II, 217-224.
Talismans (Thémiste), I, 311.
Tam-tams, leur fabrication en Chine,
I, 18.
Tartre vitriolé (sulfate de potasse),
préparé par la voie humide (Tache-
nius), II, 220.
Teinture des philosophes; ses vertus, I,
468.
Teinture sèche d*antimoine, U, 292.
Teinture des étoffes ( théorie d'Hellot
sur la), II, 376.
Teinture phiiosophale employée dans le
grand-œuvre, U, 119.
Télégraphie (système de) imaginé par
Porta. II, 100.
Tétragramme, I, 75, 235, 420.
Thaddée de Florence, I, 432.
Thaïes^ — principes de sa physique, I,
72-73.
Thémiste,!, 310-311.
Théophraste, ses idées physiques. I,
101-103.
Théorie préconçue, — son influence sur
la marche de l'expérience, II, 342.
ThéotonicuSf I, 364.
Thermomètre construit par J. Key, II,
248-249.
Thermomètre construit par Yan-Hel-
mont, II, 146; — perfectionné par
Boyle, II, 169.
Thile, II, 242.
r^or/t&tir^, alchimiste, II, 326.
Thuringe, au xiv« siècle, 1, 451.
Thurneysser, disciple de Paracelse, sa
vie et ses écrits, II, 19-20.
Tilemann, U, 242.
Tillet, II, 3S6-387.
Tissus incombustibles, I, 208-209.
7o/2( Jacques), alchimiste, II, 326.
Tourbe des philosophes ( titre d'un ou-
vrage alchimique), I, 311-312.
Transmutation des métaux; on trouve
des traces de cette théorie chez \e»
Chinois, 1, 22.
Transmutation des métaux ; — idées de
R. Bacon sur cette théorie, I, 397 .
Transmutation des métaux^ — sa possi-
bilité admise par Boyle, II, 166.
Transmutation de la chaux, II, 448.
Trevus (Persius), II, 242.
Trismosin (Salomon), alchimiste, II, 124.
Trithexm, I, 475.
Tube intermédiaire entre la cornue et le
récipient, manquait dans les premiers
appareils chimiques, II, 155.
Tungstène, — acide tungstique décou-
vert par Scheele, II, 466.
Turquet de Mayenne, II, 238.
Turre(Q,X.), U, 242.
U
Ulsted, 1, 472-474.
Urine des noourants, est privée de sel
(Tachenius), II, 220 ; — des malades
soumis à un traitement ferrugineux
(Tachenius), II, 221.
Ursini (H.), alchimiste, U, 322.
Usnée, II, 290.
Valentini (B.), II, 241.
Valerand de Bus- Robert, V^ 476-477.
Valois^ alchimiste, II, itl.
Fan-£f6/mo7i^ (Jean- Baptiste); sa vie et
ses travaux chimiques, n, 134-146.
Vapeur (définition de la), il, 142.
Vargas (Perez de); ses travaux, II, 55-
Vase distillatoire, I, 270.
Vases murrhins 1« 154-155.
Vases poreux, 1 , 1 84.
Veau d'or de Moïse, n'a pas été dissous,
mais divisé mécaniquement, I, 44.
Fe/a5co (Fernandez de), II, 64.
Venel (Fr.), U, 342.
Venel, II, 394.
Ventura, alchimiste, II, 126.
Veratti, II, 343.
Verge ardente, I, 490.
Vernis de poterie, I, 496.
Verre chinois, plus fragile que celui
d'Europe, I, 16.
Verre ; sa fabrication chez les anciens,
I, 156.
Verres colorés, connus des anciens, I,
158-159.
Verre coloré en rouge par le fer et Tor.,
11,28; — opac^ue (isomère), II, 95.
Verrerie de Venise, II, 44.
39.
f
TABLE ANALTTIOirE DES MATIEIIES.
Verre roBge fabriqué par Kunckel, U,
301.
Verre; Ntn usaec, Un inalièrca qui !«
retii|>la(a irai lia ns l'aiiliqatté, I. lâS.
Vtrreheubk, 1,157.
Verl-di
aprii,-- .-- ,
e«p«cfii lie Ecli
Vert àe Sclieele. II. isb.
VHementï ; le» étoffes qui serTûent aux
premier» TâlemenlB, I, bt-S!,
YellerUB.), U, loa.
Vieanui (F.), U, I4ï.
nra, »khimi«le, II, III.
Vk; )a vieel i'bomme pfaygiqoe déGni»
par Pararelse : la fie est un esprit qui
dévore le corps ; l'Iiomme e^t une va-
peur coDilendée, II, 17.
as.
Tigani (Jean 'François), II, 235-13S.
Yigfnèrti (Biaise de), 11, 115-118.
FlHo-feina, II, i».
VÎD (analyse du), par Libarius, II. 39.
Vin; son bisluire primitive, 1, 40; —
élyroologie de ce mot, I, 43.
Vin corrompu ; lie de tîh, son usage,
I, 194.
Via émétiai', IT, 313.
VÎDS; moTen» de corriger l'ocidilé àfi
Tins (Pline), I, 192-194.
Vioa; leur (abricalion chez les anciens;
_ l^eueog; - bioa. etc., I, 189 ISI.
Yim; leur sophisUeatlon (bjgtène pu-
blique), I, 190.
Vins des environs de Paris trouvés ex-
quis au xvi' siècle, 11, 107; — mous
Hux par Id présence de l'espril e>I'
veelre (acide earbonique], II, 136.
Vinaigre; se» pioprielés, ses usages, 1,
194-195.
Vinaigre de boia, découveil par Bojle.
Violet; sabstance qui donnail cette con-
Vogel (Augusie), II, 36î.
Voie liumide et voie sèciie (Lemerj),
II. 385.
Voie liumidc; moyen de dorer L'ar^L
par la voie humide. H, 415.
Volcan artificiel de Lemery. 11,387.
"olcdns; origine des volcans (HolT-
mauD), U, 383.
VuUsamos, II, 369.
W ^_
dénominations
II. i:
Vinaigre; son orii^ne
bébraiques. I, 41-43.
rincenf de Beauvais, i, 403-404-
rinei (Léonard de), U, 93-93.
Waldselmiedl, 11, 365-
WatterHa. !1 , 436-437.
Wation, II, 361.
Wfdtl (G.), Il, 343.
Wedil (Wolffgang), 11, 376.
yVeiget (Valenlin), explique le
de la transaubstantiBtHHi par la
mutation des mélaui:, 11,125
Well (Jacques) , partisan de Bli
35C.
Willii (TLomaa), U, 337.1
Wormiui (AI.), 11, 318.
Wren (Ch,), recueillit des {
2iicA a Puleo, alchimiste. H, 33S.
Zadilh, 1, 353-
Zanelli (H.), alchimisle, II, 136.
Znpalu, alcbimiâle, II. I2S.
Zecaire [Denis), II0'I14.
Zéolilhe, 11,430.
Zinc (métallique), parait avoir été connu
desRomains, I, 133-133.
Zioe, sa coinbustilililé à l'air ( Harg-
graf). II, 413.
Zinc, menlionné pour la première fuis
sous ce nom par Paracelse, II, 14.
ZBJe//'êr'{J.J,'ll, 337.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME DEUXIÈME.
Pagfs.
Préface I
Première section, xti* siècle 1
§ 1. Aperçu général du xvi^siècle ibid.
§ 2. Mouvement général de la science au xvi* siècle 3
h Chémiatrie (chimie appliquée à la médecine) 5
§ 3. Paracelse ibid.
§ 4. Disciples deParacelsc 19
§ 5. Libavius 26
§ 6. Adversaires de l'école de Paracelse. 30
§ 7. État de la pharmacie. — Médecins éclectiques 32
II. Chimie métallurgique 38
S 8. Georges Agricola ibid.
§ 9* Biringuccio 50
S 10. A. Césalpin S2
§ 11. B. Perez de Vargas 55
S 12. Mines.— Métallurgie 58
S 13. Monnaies 65
IIL Chimie technique »67
§ 14. Bernard Palissy ibid.
§ 14 ^ij. Léonard de Vinci ' 92
S 15. Jérôme Cardan 94
8 16. Jean-Baptiste Porta 96
§ 17. Bleu de cobalt. — Indigo. — Cochenille. — Ëtablissement des
Gobelins et du Jardin des plantes 100
S 18. De la distillation 103
IV. Alchimistes 109
% 19. Denys Zecaire (Dionysius Zaccharias) 110
S 20. Biaise de Vigenère : 115 '
% 21. Gaston Claves, dit Dulco 118
§ 22. Quelques alchimistes moins connus 120
S 23. Alchjmii^tes ambulants 12*
^ Deuxième section. xtu« siècle 132
% 1. Van-Hehnont (Jean-Baptiste) 134
8 2. Robert Boyle 1*6
5 3. Robert Fludd(R. de Fluctibus) 177
/
614 ' TAXLB DBS XATliftES
S 4. J. Rodolphe GUmber ..' 183
S 5. Jean Kiuickd de Lœwensteni 191
S 6. J. Joackiin Bêcher ..« 206
S 7. AngchuSala ', '. 208
S 8. François Syhiiu(DeMioë ou Dubois) Ai
S 9. Otto Tacheiiius 217
S 10. Frédéric Hofbnann 224
S 11. Guillaume Davisson 284
S 12. Jean-François Yigani .' 235
V. Chimie pharmaceutique 237
S 13. État de la pharmacie au xvn* siècle 244
S U. JeanRey 245
Chimie des gaz ■. • . 250
S 15. Jean Mayow ; ..' 252
S 16. Jean BemouilU 262
5 17. Nicolas Lefèbre 276
5 18. Christophe Glaser 281
S 19. Nicolas Lemery ^ . . . 283
S 20. Michel Ettmûller 291
Chimie technique • 294
S 21. Guillaume Hombei^ 298
Chimie métallurgique - 305
S 22. Alonso Bari» 305
S 23. État des moines au XTU* siècle .- 311
Alchimie 317
§ 24. Rosccroix 317
§ 25. Alchimistes du xvii* siècle 326
Troisième section. Coup d*œil général 332
§ 1 . Moitrel d'Élément 333
§ 2. Chimistes qui se sont occupés de rétiidedes gaz r 337
§ 3. Haies 338
§ 4. Bœrhaavc, Venel, Geoffroy aîné 342
§ 5. Black 343
§ 6. Chimistes partisans des idées de Biack 352
§ 7. Chimistes adversaires de Black » 354
§ 8. Partisans de Black] aux prises avec leurs adversaires, ......... 355
§ 9. Coup d'œil sur Tétat des sociétés savantes au commencement du
XVIII*' siècle 357
§ 10. Chimistes anglais .* 359
§ 11. Chimistes allemands 362
§ 12. Chimistes hollandais 367
§ 13. Progrès de la chimie en France antérieurement à l'époque de
Lavoisier 369
§ 14. Geoffioyaîné 370
§ 15. Geoffroy jeune 37 1
*
Dr TOME DEUXIÈME. 615
» Page?.
SM6. Louis Lemery ., 374
S 17. Hellot *' 375
S 18. Bouldiic 377
S 19. Rouelle 37g
§ 20. Théodore Baron 383
S 21 . François Hœfer 384
§ 22. Macquer 385.
§ 23. Tillet 386
§ 24. Duhamel Dumouccau 387
§ 25. Réaumur, Bourde lin, Dufay, Malouin, Bucquet. 391
S 20. Progrès de la chhnie en Allemagne jusqu'à répoque de Lavoisier.
Stahl 395
S 27 . Pott 401
S 28. Eller ; 405
S 29. Neumann 40G
§ 30. Marggraf , 407
§ 31. De la chimie en Suède 421
§ 32. Bergmann 423
§ 33. Scheele 450
§ 34. Priestley 472
Travaux de Priestley 47 7
ÉTAT DE LA CHIMIE DEPUIS LaTOISIER JUSQU'A GaY-LuSSAC ET ThE-
NARD 489
§ 1 . Lavoisier 489
§ 2. Travaux de Lavoisier 497
§ 3., .École de Lavoisier, ses adversaires et ses partisans 530
Cavendish 535
Ingenhousz 538
Senebier 539
§ 4. Derniers adversaires de l'école de Lavoisier 540
§ 5: Guyton-Morveau 545
BerthoUet, vie et travaux 549
Fourcroy, vie et travaux . , , 555
§ G. Nomenclature chimique 558
§ 7. Progrès de l'école chimique française 562
§ 8. Davy, vie et travaux 568-591
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU TOME DEUXIÈME.
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