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Full text of "Histoire de la Confédération suisse"

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I 


t  STEPHEN  SPAULDING 


HISTOIRE 


DE  LA 


CONFÉDÉRATION  SUISSE 


bE  riUPRIMERIE  DE  BEAtJ, 

à  SaintjGvrmain-cn-Laye. 


HISTOIRE 


DE   LAl 


CONFÉDÉRATION  SUISSE, 


PAR 


JEAN  DE  MULLER, 

TRADUITE   DB    l'aLUIMAITD   AYEC    DES    HOTBâ    H0I7VBL1.KS 

ET  ooiTTiiruix  jusqu'à  hos  jours 

PAR  MM.  Charles  MONNARD 
ET  Louis  VTJLLIEMIN. 


TOME  SIXlàMB.  =     ^tM  bt  ^gb^ffet, 

TRADUIT  PAR  M.  MONNARD. 


® 


9 

PARIS^    ' 

tH.    BALUMORE,   JBDITtUR, 
RO,  rtt«  HanlefeaiUe. 


GBNBYB , 

AB.  CHERBUUEZ  ET  G^',  UBRAIRES^ 

Aa  Haut  de  U  OU. 


1839 


fyY-U«yT>  rO^-^t^  „ 


%^^X\13L 


t^  éôuà  œà    Won^!der^. 


Vous  avez  vu,  dans  le  premier  livre  de  cette  histoire*,  là 
Confédération  primitive  et  la  liberté  triomphante  des  an- 
ciens  flelvétiens,  leur  imprévoyance,  leur  malheur;  les 
légions  de  Rome  et  les  faveurs  de  siîs  empereurs  impuis- 
santes à  sauver  la  nation  d'une  longue  agonie ,  et  son  nom 
méttié  de  l'oubli  \  après  tant  de  dominations  diverses ,  après 
tant  de  sang  répandu  dans  des  guerres  intestines  et  même 
extérieures,  la  sûreté,  l'honneur  ne  renaissant  enfin  (en- 
tendez-le, Confédérés!)  qu'à  la  voix  loyale  et  fidèle  des  trois 
hommes  du  Grûtli.  Le  second  livre  ^  a  montré  le  secret  de 
votre  force  :  en  effet,  des  armées  mieux  organisées,  exercées 
sans  relâche^,  des  ressources  prépondérantes  ont  toujours 
dû  céder  à  la  résolution  ferme  et  unanime  de  nos  pères  de 
maintenir  leur  liberté;  de  là  les  victoires  immortelles  de 
Morgarten,  de  Laupen,  de  Teôtwyl,  de  Sempach,  de  Nae- 
fels  et  da  pays  d'Appenzell.  Mais  dans  le  troisième  ^^^,  quand 
l'ambition  et  la  cupidité  remportent  parfois  sur  l'innocence 
et  la  modération,  on  assiste  à  la  lutte  éternellement  mémo- 
rable de  l'Alliance,  par  laquelle  nous  existons  y  contre  Tesprit 
de  parti  qui  la  mine.  Se  soutenant  avec  une  laborieuse  cons- 
tance, confondant  bientôt  les  partis  dans  une  union  frater- 
nelle, la  Confédération  redevenue  bienfaisante  pour  ses  amis, 
terrible  pour  ^>e.^  ennemis ,  honorable  parmi  les  jouissances  ; 
la  mort  glorieuse  sur  les  rives  de  la  Birse,  la  glorieuse  victoire 

*  Chaque  livre ,  dans  l'ouvrage  original,  forme  un  tome  ;  les  cinq  vo- 
Itames  de  MûUer,  dont  quatre  sont  énormes,  en  feront  huit  dans  notre 
traduction.  Le  premier  livre  remplit  dans  .ceDe-ei  Se  t.  I  et  le  t.  n  > 
p.  1-287.  C.  M. 

T.  II,  p.  289  — fin;  t  III  ett  IV,  p.  i-i60.  G.  M. 
T.  IV.  p.  46i  —  fin .  et  t  V.  C.  M.     • 

VI.  I 


2  DISGOUBft  PRÉLmilfAIAE. 

près  de  Ragaz,  la  merveilleuse  entreprise  de  guerres  plus 
considérables  y  un  esprit  conGant  et  mâle  qui  ennoblit  toutes 
les  vertus,  répare  toutes  les  fautes,  c'est  là,  Confédérés,  ce 
que  le  quatrième  livre*  expose.  Il  Texpose  avec  détail ,  afin 
qu'on  voie  l'origine ,  le  caractère  et  les  circonstances  des 
événemens  et  que  les  lecteurs  s'étonnent  moins  qu'ils  ne 
s'instruisent^  il  l'expose  avec  toutes  les  preuves,  afin  que 
vous  entendiez  vos  pères  eux-mêmes ,    et  que  vous   les 

croyiez. 

Dans  l'espace  de  dix  années,  ce  travail  a  été  souvent 
repris ,  souvent  interrompu  par  les  malheurs  de  l'Europe , 
pour  ne  point  parler  de  ceux  de  l'écrivain.  11  faut  pardonner 
à  l'historien  la  fatigue  que  les  temps  ont  fait  éprouver  à 
Vhomme.  Il  aurait  perfectionné  soii  ouvrage,  si  le  nombre 
déjà  grand  de  ses  années,  et  le  devoir  que  lui  imposent 
d'autres  entreprises ,  lui  eussent  permis  de  consacrer  plus  de 

temps  à  celle-ci. 

Les  cimes  de  l'Europe,  les  Alpes,  vierges  comme  leurs 
glaciers,  brillaient  depuis  des  siècles^  dans  un  vénérable  si- 
lence ,  au-dessus  du  bruit  des  nations ,  tandis  qu  à  leurs  pieds 
desombres  orages  ravageaient  tantôt  le  jardin  de  l'Italie» 
tantôt  les  plaines  de  l'Allemagne  et  de  la  France.  A  la  fin , 
vint  l'heure  où  tous  les  élémens,  par  une  fermentation  subi- 
te, menacèrent  dans  le  monde  entier  l'ordre  social  du  retour 
de  l'anarchie  et  de  ses  calamités;  les  flots  dévastateurs  qui 
avaient  déjà,  dans  un  espace  immense,  emporté  beaucoup 
d'institutions  anciennes,  grandes  et  belles,  atteignirent  cette 
fois  le  haut  asile  de  la  paix.  Après  que  les  gardiens  eurent 
été  divisés  et  calomniés,  beaucoup  d'entr'eux ,  éblouis  [par 
des  prestiges  diversement  puissans;  d'autres,  rendus  furieux  ; 
d'autres  encore,  découragés;  après  que  la  couronne  même 
du  pays,  la  tête  invaincue  de  rUechtland  eut  été  subjuguée, 
le  malheur  n'épargna  pas  même  les  innocens  agneaux  des 
hautes  Alpes.    Alors,  quand  tout  fut   profané,   déchiré, 

• 

•  T.  VI  cl  VII.  CM.    ' 


«  BISCOUAS  PRÉLlMIlfAIU.  3 

foulé  aui  pieds,  pillé,  détruit,  les  peuples  fettigués  (non 
pas  tous,  car  bien  des  frères  ont  été  arrachés  de  nos  bras) 
se  consolèrent  par  lombre  d*un  meilleur  avenir,  et  quelque 
baume  fut  versé  dans  la  plaie  par  la  main  qui  Tavait  faite. 

Ce  fléau  destructeur  fut  irrésistible  comme  un  ouragan , 
et  l'on  ne  saurait  pas  plus  s'en  venger,  que  des  eaux  du  ciel 
ou  dé  la  foudre.  G  est  à  tort  que  quelques-uns  sont  accusés 
d'en  avoir  été  les  auteurs.  Instrumens,  prétexte,  premières 
dupes,  ils  sont  en  proie  à  la  douleur  des  souvenirs,  comme 
leurs  maîtres  et  modèles  sont  l'objet ,  les  uns  des  malédic- 
tions, les  autres  du  mépris,  quelques-uns  de  la  pitié  du 
monde.  Bons  et  méchans  furent  emportés,  réduits  en  poudre 
par  Tesprit  colossal  d'une  époque  dédaigneuse  de  la  justice  et 
de  la  foi  ;  dans  un  moment  d'ivresse  et  de  somnolence,  avec 
toute  l'incalculable  énergie  d'une  fureur  systématique  sans 
frein ,  cet  esprit  se  jetant  sur  l'édifice  mal  gardé  des  anciennes 
sectes  et  des  anciennes  constitutions,  n'en  laissa  que  des  dé- 
combres. Il  finit  lui-même  (car  le  crime  a  une  force  dissol- 
vante et  non  une  force  vitale)  par  se  résoudre-  en  cette 
horreur  qui  nous  remplit  à  l'idée  d'une  pareille  époque. 
Ainsi  l'a  voulu  le  Père  de  l'ordre  éternel ,  afin  que  tous  les 
partis  reconnaissent  le  principe  de  la  faiblesse,  qu'ils  sortent 
de  ce  rêve  d'opinions  sans  consistance,  d'arbitraire  tjranni- 
que  et  de  négligente  paresse ,  qu'ils  reviennent  enfin  au  res« 
pect  pour  la  justice  et  la  loi,  pour  la  raison  et  Tordre,  et 
aux  égards  pour  les  sentimens  de  l'humanité.  Tels  sont  les 
résultats  imposés  à  une  révolution  :  alors  seulement  elle  est 
finie  ;  alors  seulement  elle  est  payée. 

Voilà  la  contre-révolution' permise,  seule  véritable,  né* 
cessaire,  qui  n'a  pas  en  vue  des  personnes  et  des  formes, 
mais  le  seul  but  essentiel  :  que  l'esprit  étroit  et  bas,  qui  pour 
une  fiButnille  ou  une  tribu  néglige  l'avantage  de  la  ville,  poui' 
les  prérogatives  de  la  ville  le  bien  du  canton,  et  pour  celui- 
en  la  prospérité  de  la  Confédération  et  son  honneur,  se 
transforme  enfin  en  cet  esprit  public  de  la  patrie,  sans  le- 
quel une  confédération  est  impossible ,  sans  lequel  nous  ne 


4  DISCOURS  PUUMINAIBE.  ^ 

•erions.  pas  un  peuple,  ou  nous  serions  le  plus  faible ,  le  der-^ 
nier  des  peuples ,  exposés  de  toutes  parts  aux  insultes,  aux 
piroTocations  outrageantes  et  à  toutes  les  formes  du  pillage. 
On  peut  se  passer  de  trésors  :  sans  eux  nos  ancêtres  ont 
aocomplî  les  plus  grandes  et  les  plus  belles  choses.  Nous 
pouvons  nous  passer  de  sujets,  s'ils  deviennent  des  frères 
fidèles,  soumis  comme  nous  à  Dieu  et  au  droit.  Mais  l'es- 
prit qui  est  en  quelque  sorte  notre  ftme  coiàroune ,  et  sans 
l<?quel  nous  ne  sommes  rien,  l'esprit  suisse,  Confédérés, 
nous  est  indispensable.  Le  citoyen  de  Zurich,  des  bords  du 
Léman,  de  Becne,  de  Schaffhouse,  d'Uri ,  tout  Suisse  en  un 
mot,  qui  dans  les  diètes  et  les  conseils  songe  à  son  canton, 
quel  qu'il  soit,  plus  qu'à  la  Confédération,  celui-là  renverse 
ce  qui. a  droit  à  la  première,  à  la  plus  haute  place;  celui-là 
e«t  rév^uftionnaire.  Que  l'esprit  qui  sacrifie  avec  joie  toutes 
les.  petîAe^  choses  à  la  seule  grande,  l'intérêt  personnel  et 
capitonnai  à  la  commune  Confédération  de  l'antique  et  per- 
ps^tuelie  alUnnce,  devienne  notre  pouvoir  central,  non  sur 
le  papier,  mais  dims.le  fond  des  cœurs. 

Les  AUemaeds  ont  un  empereur,  une  diète,  les  constitu- 
tions, de  leurs  cercles ,  des  cours  de  justice  impériale,  beau* 
ooup  de  points  de  contact,  selon  la  loi  :  mais  si  la  vie 
générale  n'est  pas  comprise,  :que  devient  une  nation,  même 
si  grande  ? 

,  Puisse  notre  ftge,  bien  que  déchu  de  l'amour  du  divin  et 
de.  l'immortal  >  du  souvenir  des  pères,  de  la  commisération 
de  leuvs  neveux,  notre  âge,  uniquement  sensible  à  l'intérêt 
de  l'heure  présente ,  ne  pas  lire  et  oublier  ces  paroles  comme 
un  roniao  ou  un  journal  !  Le  secret  des  tyrans ,  c'est  que 
chacun  ne  prenne  soin,  que  de  soi ,  personne  de  la  patrie  ;  le 
poison  énervant,  c'est  la  pompe  des  paroles  sans  cordialité, 
ce  sont'  les  formes,  dont  l'esprit  a  fui  ou  qu'il  n'anima 
jamais. 

Le  Saint-Bernard,  le  passage  du  Simplon,  les  défilés  de 
la  Rhétie ,  Genève,  Mulhouse,  l'évêché  de  Bftle  dans  le  Jura, 
antiques  bouleva^  et  avant-postes  de  notre  indépendance , 


DMGOUBS   PHJBLIMINAIBK.  5 

loog^-temps  remparts  sûrs  de  l'Italie  ^  de  T Allemagne ,  et 
même  de  la  France,  ncrais  sont  enlevés.  Les  Valaisans,  de 
tons  temps  inébranlables  et  loyaux  à  défendre  lalliaoce  et 
h  liberté  ;  les  Genevois,  redevables  à  la  liberté  dune  rare 
aisance  et  d'iine  grande  considération  ;  Mulbouse ,  dont  la 
conquête  par  les  armes  de  nos  pères  fut  la  source  d*un  long 
et  paisible  bonheur;  BiennOi  TErguel,  le  YaUMoutiers,  dont 
les  franchises,  objet  de  leurs  vo^ux  unanimes, lurent  assurées 
par  cent  précieuses  et  laborieuses  sentences  et  conventions  ; 
la  Yahenlie ,  Ghiavenne,  Bormio ,  heureux  de  participer  à  la 
|Aix  de  kl  Suisse  au  milieu  des  grandes  guerres  de  Tltalie^ 
tous  ces  pays  et  ces  peuples,  importans  aussi  pour  l'équilibre 
de  l'Europe,  ne  sont  plus  avec  nous.  La  maison  nous  reste 
i  l'exception  des  portes  et  des  fenêtres;  nous  en  sommes 
les  propriétaires,  mais  largent  nous  est  ravi. 

Aujourd'hui,  réduits  à  nous-mêmes, à  ce  qui  est  en  nous^ 
commençant  une  ère  nouvelle  et  incertaine ,  où  les  res^ 
sources  du  temps  passé,  la  magie  d'une  gloire  intacte,  la 
psîx  sacrée  du  sol ,  les  économies  paternelles ,  le  droit  fondé 
sur  les  traités,  et  les  dernières  traces  du  respect  pour  Dieu 
M  pour  les  hommes,  ont  disparu,  nous  reste-t-il,  outre 
Tunion ,  un  autre  bien  que  le  mérite  personnel  que  chacu* 
peut  acquérir?  Or,  en  quoi  consiste  le  mérite  de  l'homme^ 
ÛDon  à  être  habile  à  beaucoup  de  choses ,  contenc  à%  peu, 
résolu  à  tout  P 

Quand  un  homme  possède  ces  biens,  les  arguties  du  phi- 
losophisme,  ni  celles  du  despotisme,  nie  peuvent  ofoscanûr 
son  bon  sens.  Au  milieu  de  toutes  les  révolutions,  dans  ses. 
montagnes  natales,  ou  dans  des  zones  lointaines,  il  saura, 
libre  et  fier,  défendre  sa  patrie,  ou  la  rétablir,  ou  en  fonder 
)nie  autre ,  ou  mourir  comme  on  mourut  sur  les  rives  de  la 
Krse.  Les  outrages  du  despotisme  n'atteignent  pas  de  tels 
citoyens  ;  leur  association  fraternelle  arrête  l'insolence; 
toutes  les  entreprises  de  l'indignation  contenue,  de  la  haine 
exaltée,  de    la  vengeance  qui  Bèuillonne.  de  l'espérance 


6  DUGOURS  PnéUMnCAIRE. 

qui  renaît,  respectent  la  direction,  l'ordre,  la  mesure  que 
prescrivent  l'intelligence  et  la  vertu. 

Toute  la  vie  sociale  qui  anime  jusqu'à  ce  jour  les  divers 
États  de  l'Europe,  et  qui^  tant  qu'elle  subsiste,  empêche 
que  rien,  de  bon  et  de  grand  ne  puisse  être  anéanti  d'un  seul 
coup  par  un  Galigula,  repose  sur  le. même  esprit  public  et 
le  même  courage  que  l'on  décrit  ici,  sur  la  même  intelli- 
gence que  montrèrent  alors  les  cantons^  en  se  soutenant 
les  uns  les  autres^  sur  les  mêmes  sentimens  simples,  éner- 
giques, étrangers  à  la  crainte  et  au  doute. 

Ces  anciens  avaient  une  religion  pleine  de  foi,  fille  de 
la  nature  et  du  sentiment,  source  de  repos  et  de  courage , 
et  non  pas  capitulation,  ou  jeu  des  systèmes  de  l'école. 
Ce  n'était  point  un  moyen  d'illusion  pour  le  peuple ,  c'est 
Dieu  qu'ils  cherchaient,  et  la  puissance  infinie  du  monde 
invisible ,  pour  les  jours  où  il  y  allait  de  leur  vie.  Ils 
avaient  des  autels,  non  pour  y  fonder  leurs  sièges,  mais 
pour  jurer  devant  eux  une  alliance  aussi  durable  que  les 
neiges  des  Alpes.  Les  efforts  et  la  persévérance  étaient  leur 
loi  (aide-toi,  et  Dieu  t'aidera);  de  terre  et  de  poussière,  ils 
n'étaient  pas  exempts  de  défauts;  mais,  accoutumés  dans 
toutes  les  choses  justes  à  se  confier  au  Père  de  la  justice, 
défendre  l'honneur  de  l'Alliance  et  de  leurs  armes  leur  pa- 
raissait un  droit;  la  mort  pour  cette  cause,  le  chemin  du  del. 

La  mémoire  des  journées  de  Grandson,  de  Morat.et  de 
Nancy,  titres  immortels  de  la  noblesse  d'une  nation;  les 
têtes  couronnées  par  la  victoire,  s'indinant  devant  la  sagesse 
du  pieux  solitaire  d'Unterwalden;  un  grand  homme,  héros  et 
magistrat,  victime  d'une  envie  sanguinaire;  le  complet  dé- 
veloppement de  la  vigueur  inhérente  au  caractère;  l'intelli- 
gence et  la  loyauté  soutenant  contre  les  passions  sauvages 
une  lutte  quelquefois  inégale,  le  plus  souvent  triomphante; 
la  suprême  gloire,  en  six  mois  huit  victoires  sur  l'Empereur, 
la  Lombardie  conquise  et  donnée,  la  France, effrayée,  près 
de  Novare  une  bataille  de  vieux  Romains,  près  de  Mari- 


msGouBS  PRBLmiirAimB.  7 

gnan  une  bataille  de  géans;  le  feu  et  la  vie,  la  fierté  et  la 
jouissanoe ;  et  tout  cela  se  déroulant  arec  laudadeuse  sim- 
plicité de  l'esprit  militaire  et  de  sa  discipline  :  telle  est  la 
matière  de  notre  cinquième  partie*.  Nous  la  traiterons  ayec 
«n  doux  sentiment;  il  ne  s*agit ,  en  effet,  ni  de  trésors  que 
Ton  emporte,  ni  de  capitaux  pour  lesquels  on  fraude ,  ni  du 
commerce  que  Ton  entraTC ,  mais  d'un  bien  que  nul  n'enlève 
parce  qu'il  est  en  nous,  d'une  manière  de  penser  et  de  vivre 
par  laquelle  ceux  qui  ont  tout  perdu  peuvent,  dans  toutes 
les  situations  et  dans  tous  les  pays,  retrouver,  défendre  et 
assurer  à  d'autres  honneur  et  fortune. 

Ce  n'est  pas  le  territoire  ou  la  puissance,  ce  n'est  pas  le 
bonheur  qui  consolide  l'existence  et  le  nom  d'un  peuple, 
mais  c'est  l'indélébilité  du  caractère  national.  Ce  caractère, 
affaibli  par  le  laps  du  temps,  par  les  disputes  religieuses, 
par  les  sentimens  mercantiles  qui  ont  pris  le  dessus,  par 
d'autres  événemens  encore  et  par  d'autres  défauts,  s'est 
montré  avec  éclat  chez  les  habitans  de  Schwjz,  dans  la  mi- 
sère de  Stanz,  dans  beaucoup  de  lieux  et  chez  beaucoup 
d'hommes,  même  de  nos  jours;  mais  quand  l'a-t^on  vu  dans 
un  conseil  unanime,  quand  dans  un  armement  complet  et 
résolu  de  tous  les  cantons  ? 

Les  États  de  l'ancien  monde  ne  sont  plus;  elles  sont  tom- 
bées Tjr  et  Girthage,  les  reines  de  la  mer  ;  Rome,  n'est  pas 
demeurée  étemelle.  L'empire  révolutionnaire  des  Khalifes 
s'est  dissous,  a  disparu.  D'autres ,  semblables  à  des  comètes , 
menacèrent  un  moment;  leur  passage  fut  rapide.  Les  glacier» 
qu'on  appelle  éternels,  se  rompent;  des  Alpes  même  s'écrou- 
lent. Les  temps  viennent,  les  temps  s'en  vont;  d'autres  sont 
là.  Qu'y  a-t-il  d'indestructible  ?  ce  qui,  gravé  dans  l'âme , 
se  propage  de  génération  en  génération.  Et  maintenant, 
Confédérés  de  la  grande,  antique,  et  perpétuelle  Alliance 
du  haut  pays  allemand ,  et  vous,  récemment  honorés  de  la 
même  dignité ,  et  vous,  séparés  de  nous,  si,  comme  on  n'en 

*  T.  VIII,  le  dernier  de  Mûller,  et  t.  IX ,  Glontz.Bioiheim.  C.  M. 


8  JDISGOITBS  PBBUMIlfÀIBB. 

saurait  douter,  le  souvenir  de  plusieurs  siècles  d'amitié  ferme 
el  lojale  daus  l'afFectiQn  et  dans  la  souffrance  vit  aussi  dans 
▼os  cœurs,  voici  les  histoires  des  anciens  temps;  ouvrez-les, 
eacaminez  et  voyez  si,  pour  le  salut,  la  gloire  et  le  repos  de 
tous  les  pays,  depuis  le  passage  de  Bormio  jusqu'à  Bâle,  et 
depuis  Genève  jusqu'à  Tarrasp,  on  a  jamais  rien  trouvé  de 
meilleur  que  la  vieille  fidélité  de  courageux  Confédérés. 

J^tàn  DE  Mu^XAR. 
1806. 


HISTOIRE 


DE   LA. 


GOJVFÉDÉRATIO]^  SUISSE. 


m0>0i»mm0tmm^m>0>0>0  ^téf»  ^»#*wy»»»^i^a>»*<»^»^^»*<»<>»<i*w^^#i»^)i#i^^  #i^^i»4ii^i^^^i»i»»»ij>»i»»< 


LIVRE   QUATRIÈME. 


CHAPITRE  PREMIER. 

GimftRE    DBS   GtHIpfoéEÉft  ÛOIVTRB   ZtmiCII  ^    L  AOTftfCHR 

BT  LA   FRANCE. 


Siège  de  Rai>per9chwyl  et  de  Laufenbourg.  —  Vastei  préparati& 
desenoemis. — ^DissimuUtioii. — Henri  Meyss. —  Chant  de  guerre 
d'Isenhofer. —  Greifensée.  —  Siège  de  Zurich  (Werdniuller)i 
—  Diète  impériale.  — -  L'expédition  des  Armagnacs  résolue.  — 
Broogg. — Siège  de  Famsboui^.  —-Approche  des  Armagnacs. 
«-  BataîBd  d«  Saint-Jacques  sur  la  Birse. 

[1443,  23  juillet 1444,  26  août.] 

Après  l'affiaiire  de  St.-Jacques  sur  la  Sihl ,  où  le 
bourgmestre  de  Zurich ,  Rodolphe  Stûssi ,  était  tombée 
les  Confédérés^  suivant  l'ancienne  coutume  ^  en  signe 
de  yictoire ,  demeurèrent  jusqu'au  troisième  jour  sur 
le  champ  de  bataille.  Les  bourgeois  et  les  campagnards^ 
enfermés  dans  Zurich  avec  de  nombreuses  troupes 
étrangères^  et  divisés  d'opinion  sur  la  nature  et  la 
continuation  de  la  guerre  intérieure ,  étaient  plus  re- 


{0  HI?rOîK£  DE  LA  80I8SB. 

doutables  les  uns  aux  autres  qu'à  l'ennemi,  ou  que 
Fennemi  de  son  côté,  privé  de  machines  de  siège , 
ne  l'était  pour  eux.  Le  parti  autrichien  remit  les 
clefs  de  la  ville  au  margrave  Guillaume  de  Bade , 
bailli  ducal  de  T Autriche. antérieure.  Pour  la  sûreté 
de  ce  parti  et  pour  la  sienne ,  il  fit  garder  les  portes 
par  quatre  des  principaux  et  des  meilleurs  capitaines  ^  • 
La  plaine  cle  la  Sihl  était  dévastée  ;  la  Sihl  elle-même , 
dont  les  Suisses  avaient  détruit  les  digues  ^ ,  semblait 
tristement  rouler  des  flots  menaçans  ;  les  Confédérés , 
dans  le  but  de  se  porter  sur  la  rive  orientale  du  lac, 
et  d'assiéger,  suivant  le  désir  de  Schwyz^,  la  ville 
hostile  de  Rapperschwy  1  ^  qui,  située  à  l'entrée  des 
Alpes,  les  inquiétait,  partirent  le  troisième  jour  (25  juil- 
let) sans  être  attaqués  pendant  leur  retraite ,  et  passè- 
rent la  Limmat  sur  le  pont  de  Bade  *. 

La  commune  militaire,  assemblée  prés  des  ban- 
nières, résolut  de  ne  pas  marquer  sa  marche  comme 
les  précédentes ,  par  la  dévastation ,  mais  de  ramener 
le  peuple  réfugié  dans  Zurich  à  ses  anciens  senti- 
mens  fédéraux ,  en  épargnant  ses  propriétés.  Des  ex- 
ceptions furent  faites  par  des  haines  particulières  ou 
avant  que  l'approbation  générale  eût  |  sanctionné  la 
résolution  ^. 


*  Le  comte  Loais  de  Helfenstein ,  le  comte  Jacques  de  LOzelsteîn , 
Barkhard  MOnch  de  Landscron,  Jeaa  de  Rechberg.  Tschudi,  H,  887. 

^  Jbid.  La  plaine  de  la  Sihl  était  toute  en  p&torages  communs,  à  l'ex- 
ception de  quelques  jardins  et  enclos. 
'  BulUnger, 

*  Le  pont  du  Hard  n'existait  plus  depuis  iS45  {Leu)  ;  déjà  dans  le 
Richtebrieve ,  il  était  défendu  sous  des  peines  sévères  de  jeter  un  pont 
sur  la  Limmat ,  entre  Zurich  et  Bade. 

^  On  incendia  dans  une  seule  matinée  à  Eàngg  quarante  maisons. 
Tichtâdi. 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  41 

Les  CoitfSédérés ,  l'avant-garde  et  rarrière-garde 
appuyées  sur  le  oorps  d'armée,  marchèrent  pendant 
quatre  heures  enbon*ordre,  au  nord-ouest  de  Zuridti. 
Le  feu  de  l'artillerie  de  ta  ville  ne  les  atteignit  pas; 
ils  repoussèrent  une  sortie;  mats,  irrités  par  ces  atta-- 
ques,  des  soldats  coururent  sur  le  Kœferberg^,  rava* 
gèrent  des  maisons  de  campagne,  montèrent  rapide- 
ment au  haut  de  la  colline ,  et  minèrent  une  tour  forte , 
leKratenthourm*^.  Ensuite,  non  sans  laisser  des  marques 
de  leur  colère,  ils  traversèrent  cette  magnifique,  con- 
trée jusqu'à  Kûssnacht,  où  les  chevaliers  de  St.  Jean 
leur  offrirent  des  vivres  et  le  repos.  Restaurés,  par  un 
repas,  ils  continuèrent  de  bon  matin  leur  marche  le 
long  du  lac ,  à  travers  des  villages  abandonnés ,  et 
parvinrent  vers  midi  devant  Rapperschwyl. 

La  ville  de  Rapperschwyl ,  remarquable  par  sa  belle 
et  forte  situation ,  s'avançait  dans  le  lac  sur  un  pro- 
montoire dont  la  cime  portait  le  château  des  anciens 
comtes ,  et  qui  formait  un  port  défendu  par  la  nature 
et  par  tme  bonne  tour.  La  population  était  plus  que 
jamais  dévouée  à  l'Autriche  avec  un  zèle  unanime; 
mie  garnison  autrichienne^  la  mettait  à  l'abri  d'une 
surprise»  Les  bannières  occupaient  déjà  toutes  les  hau- 
teurs derrière  la  ville  et  les  plaines  arrosées  par 
la  petite  rivière  de  l'Ionen  ;  la  colère  de  Schwyz  et  de 

•  EdUhaeh. 

''  •  Excellent  donjon  ;  ils  le  renversent  de  fond  en  comble.  »  EdU- 
baeh ,  qui  pouvait  mieux  connaître  ce  fait  que  Ttchiuii. 

*  SoDS  Louis  Meyer  de  Hnningue,  plus  tard  bourgeois  de  Bouiig  dans 
IlJechtUnd  et  chef  d'une  famille  qui  fleurit  pendant  plus  de  denKStèdes. 
AU,  Du  reste,  la  garnison  se  composait  de  gens  de  TAIsace ,  de  l'Âu tri- 
che antérieure  et  des  bords  du  lac  de  Zurich.  Les  chevaliers  Jean  de 
Landek  et  Jean-Bernard  Schnewli  en  faisaient  aussi  partie ,  ainsi  que  70 
serfs  de  Stœfa.  HùplL 


42  HISTOIBB    DE   LA   SUISSE. 

doits  éciatait  dans  les  flammes  des  champs  et  des 
maisons  de  campagne  ®j  des  châteaux  voisins  arri- 
vaient des  canons  à  boulets  de  pierre;  de  Schwyx  et 
de  Lucerne^  de  la  grosse  artillerie*  Pendant  la  nui t,  les 
habitans  de  Rappcrsdiwyl  enroyérent  un  messager 
par  eau,  pour  assurer  le  margrave  de  leur  fidélité^ 
mais  pour  lui  représenter  en  même  temps  la  nécessité 
de  les  débloquer  dans  l'espace  de  trois  semaines.  Per^ 
suadé  de  rimpwtance  de  cette  clef  des  Alpes,  mais 
aussi  du  danger  auquel  il  exposerait  le  parti  autrichien 
s'il  quittait  Zurich  après  tant  de  revers,  il  reconnut 
que  son  seul  moyen  de  salut  était  une  trêve ,  pendant 
laquelleil  se  renforcerait  :  il  chercha  donc  à  la  conclure 
par  Tentremise  du  médiateur  naturel,  l'évéque  du 
pays  ^^.  Gelui-*ci,  réfléchissant  à  la  vénération  de  tous 
les  Confédérés  pour  Tabbaye  de  Notre -^Dame -des- 
Ermites,  s'associa  l'abbé. 

Les  Confédérés,  chantant  des  refrains  guerriers, 
dressèrent  en  deux  nuits"  deux  batteries*^,  canon- 
nérent  les  murs,  entreprirent  de  les  miner  par  le  feu  " 
et  de  combler  les  fossés.  La  ville  et  la  garnison,  sa-» 
tisfaites  de  la  promesse  du  margrave  de  les  aider, 
s'abstinrent  de  toute  parole  insultante,  qui,  en  pro- 
voquant une  subite  fureur,  aurait  peut-être  amené 
des  désastres.  Mais  un  bastion  en  saillie  d'où  Ton 
pouvait  attaquer  l'ennemi   en  flanc,  tandis  que  les 

*  Grûningen ,  Uznteh ,  Pfeffikon.  Tickudi, 

"  Henri  de  Héwen ,  évéque  de  Constance. 

'^  «  Ceux  de  la  Tille  peDsaient  qu'il  devait  y  avoir  une  Iràve  pour  une 
•  noit,  comme  cela  se  pratiquait  parmi  les  chevaliers  et  les  écuyers.  • 
Ttehudi. 

*'  •  Tarris,  »  terrasses. 

"  On  faisait  une  mine ,  on  plaçait  sons  leé  murs  des  appuis  en  bois , 
auxquels  on  meltait  ensuite  le  feu. 


LIVRE    IV.    CHAP»    U  13 

Femmes  préparaient  sur  les  murailles  de  Teau  bouil* 
lante  coptre  les  assaillaus*^  et  une  forte  palissade  ^^ 
munie  secrètement  de  chausses-trappes  donnaient  à 
la  ville  une  si  grande  sécurité^  qu'elle  fit  dire  à  la 
fin  aux  assiégeans  :  <i  Qu'on  regrettait  ks  mille  florins 
>}  que  la  brèche  devait  leur  avoir  coûté  ;  que  pour  cent 
/  florins  les  habitans  leur  en  ouvriraient  une  plus 
»  grande  ^^.  »  Du  reste  ^  hormis  quelques  chanscois 
guerrières  9  on  n'entendait  pas  une  parole.  Chaque 
matin  les  brèches  de  la  veille  se  trouvaient  réparées.^ 

LcNTsque  Tahbé  d'Ëinsidlen  et  Frédéric  de  Héwen  y 
frère  de  Tévéque  ^  proposèrent  aux  Confédérés  un  ar^ 
mistice ,  ils  rencontrèrent  de  grands  obstacles  dans  les 
haines  privées  de  beaucoup  de  Schwyzois  et  de  Glaron- 
nais  contre  Rapperschwyl ,  et  dans  leur  désir  d'affran«- 
chir  à  jamais  leur  patrie  de  ce  voi^nage  ;  mais  ils  virent 
aussi  des  dispositions  plus  favorables  chez  d'autres  can- 
tons ^^  qui  voulaient  arriver  par  la  guerre  à  la  paix. 
Cependant  ceux-ci  prétendaient  conserver  le  territoire 
conquis ,  et  comme  ils  ne  savaient  pas  si  Berne  avait 
exécuté  une  entreprise  concertée  contre  Lauflenbourg^ 
ils  se  tenai^oit  prêts  à  soutenir  au  besoin  ces  confédérés. 
U  parut  donc  essentiel  au  margrave  de  gagner  du 
temps. 

L'évêque  Henri  de  Héwen  ^  initié  aux  affaires  et 
aux  plaisirs  du  monde  ^  et  qui  faisait  servir  son  ca- 
ractère ecclésiastique,  son  grand  âge  "  et  son  air  ma- 
ladif à  augmenter  son  ascendant,  vhit  au  camp  avec 

**  «  Un  hériieon  en  pieuv  de  chdne  et  beaocoiip  àe  solides  ^milles.  » 
Tnhudi. 
"  BmlUnger. 

"  Locerne ,  Un ,  Untefw»ldea ,  Zong. 
*'  Il  les  pria  de  voaloir  bien  hettorer  sa  vieillesse ,  va  qu'il  étail  vn 


14  HISTOIRE   DE   LA   SUISBK. 

UD6  suite  nombreuse  de  Zuricois^  afin  d'adresser  aut 
troupes  des  paroles  pacifiques,  en  sa  qualité  de  mi- 
nistre de  paix^^.  Chemin  faisant  il  entendit  le  tocsin; 
cinq  cents  Confédérés  étaient  sortis  pour  piller  la 
contrée;  ils  rentrèrent  chargés  d'un  butin  payé  de  leur 
sang  ^^.  Les  communes  se  réunirent  en  assemblée 
(8  août).  L'évéque  se  leva ,  parla  d'une  manière  tou- 
chante, pleine  de  dignité,  mais  brève;  il  fit  lire  le 
reste.  Schwyz  et  Glaris  eux-mêmes  sentirent  la  né*" 
cessité  de  paraître  du  moins  entrer  dans  ses  vues ,  par 
respect  pour  sa  personne  ;  toutefois ,  afin  de  rendre  les 
conditions  moins  acceptables,  ils  y  ajoutèrent:  «  Que 
»  les  Autrichiens  en  garnison  à  Zurich  devaient  se  re-^ 
»  tirer  ;  l'armistice ,  être  conclu  dans  deux  jours,  pour 
»  l'espace  de  huit  mois  ^^;  et  qu'on  négocierait  une  paix 
))  durable  à  Bade,  »  ville  qui  leur  avait  prêté  serment. 
Us  apprirent  le  lendemain  que  du  côté  opposé  les 
Bernois  pressaient  le  margrave;  mais  ils  ne  savaient 
pas  que  l'Empereur  venait  de  prendre  la  résolution 
d'appeler  les  Armagnacs  à  son  secours  ^^  Le  margrave, 
instruit  de  ces  deux  faits,  agit  conformément  à  la 
prudence,  en  autorisant  Tévêque  à  conclure  l'annis^- 
tice  à  leur  gré  ^^. 

seignear  impotent ,  malade.  TtehudL  II  ?ëcQt  néanmoins  dix-neuf  ans 
encore^ 

i>  •  Car  on  nous  appelle  an  prince  de  paix  et  noua  devons  rétre.  » 
Son  discourt, 

*^  Ils  perdirent  un  seul  homme,  selon  Tsehudi;  quelques-uns ,  selon 
HûpU, 

**  Depuis  la  Saint-Laureot  (  iO  août  IA&8  )  jusqu'à  la  Saint-Geoiige 
(23  avril  Ui&4). 

^  Les  lettres  citées  t.  V ,  p.  360  et  suiv.  et  qu'on  lit  aussi  en  alle- 
mand dans  Tsehudi,  sont  du  22  ou  du  84  août. 

^  La  eh.  est  dans  Tsehudi ,  U ,  893. 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  15 

Le  prëlàt  et  le  bajN)û  de  Héwen  rapportèrent  cette 
nouvelle  à  Rapperschwyl  ;  le  peuple^  qui  jouissait 
encore  librement  de  sa  pèchme  ^^  et  de  ses  jardins  ^*, 
enflammé  de  courage  et  de  haine ,  sans  calculer  ses 
ressources ,  fut  si  fort  irrité  de  la  trêve  ^  que  les 
pacificateurs  n'osaient  ni  se  montrer  dans  les  rues^ 
ni  rapporter  les  négociations  dans  leur  réalité  ^^.  Le 
jour  suivant ,  l'évêque ,  Tabbé ,  le  sire  de  Héwen ,  le 
margrave 9  la  ville  de  Zurich^  et  les  six  cantons  assié- 
geans^  scellèrent  la  charte  de  la  trêve  dans  le  camp 
(10  août).  Les  Confédérés  retournèrent  dans  leurs 
foyers. 

Pendant  ces  mêmes  jours  ^^  les  Bernois  entreprirent 
une  expédition  qu'ils  comptaient  exécuter  par  leurs 
propres  forces  et  avec  l'aide  de  leurs  alliés  de  Soleure 
et  de  Bàle^  tandis  que  les  Confédérés  tenaient  le  mar-^ 
grave  occupé.  Dans  leurs  lettres  de  sommation  ^'^,  ils 
ne  firent  point  mention  des  affidres  de  Zurich^  aux-- 
quelles  ces  villes  ne  voulaient  prendre  aucune  part, 
mais  motivèrent  leur  guerre  par  l'arrestation  d'un  de 
leurs  sufetset  de  quelques  voitures  de  sel.  Baie  répugnait 
à  une  guerre  contre  l'Autriche  ;  les  seigneuries  de  cette 
maison  environnaient  la  ville  ;  ses  serviteurs  et  ses 
amis  siégeaient  dans  le  conseil  ^'.  La  vieille  Confédéra- 

^  Quoiqu'il  y  eût  près  de  Ytk  d'Ufeoaa  doute  embarcatioiu  des 
Confédérés.  EdUSoek. 

^  •  Les  femmes  allaient  coeillir  des  légumes  ,  mais  les  ennemis  gà- 
•  taient     les  belles  branches  des  arbres  et  enlevaient  l'écorce.  »  Id, 

^  Ils  feignirent  d'être  hors  de  sens  et  eihalèrent  de  violentes  injures. 

TickMdi. 

^  lisse  mirent  en  campagne  le  h  août;  le  6  ils  parurent  devant 
Uofenbouig;  le  9  la  nouvelle  en  parvint  aux  Goafédérés. 
*^  Lettre  de  réquUiiion  aàrueie  à  Baie,  h  août,  dans  Teehudi. 
^  Bàle  fatrequis  deuifois,  puis  enfin  sommé  au  nom  de  son  serment. 


16  HISTOIBE   0B   LA.   6VISSE. 

tion  au  sein  des  numtagues  était  beaucoup  plus 
âiroîte  et  plus  active  que  cette  association  de  cités  ^  non 
moins  différentes  par  leur  esprit^  que  séparées  par 
leur  situation*  A  la  fin  pourtant  Falliance  triompha^ 
et  il  naquit  nue  guerre  acharnée  qui,  bientôt  et  sou- 
vent interrompue  y  n'en  dura  pas  moins  plusieurs 
années ,  et  dont  les  conséquences  furent  importantes. 

Le  chevalier  Henri  de  Bubenberg ,  général  des  Ber- 
nois^ sortît  de  la  ville  à  la  tète  de  5000  hommes,  de 
500  Soleurois^^  et  de  beaucoup  de  grosse  artillerie 
que  Ton  transporta  paiwlessus  des  monts  escarpés  et  par 
les  routes  à  peine  praticables  du  Frikthal  jusque  vers 
le  Rhin,  à  l'endroit  où,  sur  les  deux  rives  de  ce  fleuve 
qui  roule  ses  flots  sauvages  parmi  des  rocs  escarpés ,  se 
voit  près  d'un  antique  château  la  ville  de  Laufenbourg* 
Le  chevalier  Jean  de  Hohenrechberg  en  était  gouver-^ 
neur.  Baie,  après  avoir  inutilement  réclamé  de  lui  b 
restitution  de  mille  florins,  prix  des  marchandises 
enlevées  aux  négodans  de  cette  ville ,  résolut  de  sou-^ 
tenir  les  Bernois  ^^  et  fit  partir  pour  l'année  de  Bur 
beaberg,  André  Ospemelle,  chef  des  tribuns,  et  Jean  de 
Lauffea^  oommandant  de  la  cavalerie  ^S  avec  ^iviron 
2500  hommes  et  sept  pièces  de  grosse  artillerie. 

Les  bourgeois-  de  Laufenbourg  étaient  pleins  4^ 
courage  ;  ils  avaient  une  garnison  assez  considérable  ^^, 
commandée  par  les  meilleurs  capitaines  de  l'Empe- 
reur ^^;  ils  ne  manquaient  ni  de  vivres  ni  d'armes^  et 


«•  May,  HUt.  nUliU  da  Sitmeê,  m,  lAS. 
so  fVurêtisen,  Chronique  de  Baie,  dOO. 
*^  MaUfaks  Grûnzweig,  le  cadet ,  portait  la  bannière.  16. 
"  D'après  Tukmdi  MO  chevaliers  et  éoayers  et  beaucoup  d'infanterie 
mercenaire;  d'après  BuUinger  &00  hommes. 
**  Le  comte  Helfenateiii ,  les  ohevalîers  Afftnoh  et  Veaningen.  • 


LIVRE   IV.    GHAP.    I.  47 

la  ville  n'était  pas  bloquée  de  manière  que  le  brave 
peuple  de  la  Forêt  Noire  ne  pût  venir  du  voisinage  à 
son  secours.  Quoique  Tarmée  bernoise  ^  cette  fois  plus 
capable  d'audace  que  de  modération  ^*y  pressât  la  ville 
de  prè8  et  avec  opiniâtreté^  et  que  du  côté  du  châ- 
teau fut  tombée  une  grande  muraille  ^^,  les  habitans  de 
Laufenbourg  tinrent  ferme  et  firent  une  sortie  si  vi- 
goureuse, que  les  Bernois  ne  conservèrent  leurs  pièces 
qa  en  perdant  le  directeur  de  leur  artillerie  et  bon 
nombre  de  braves  ^^.  Irrités  par  là,  ils  requirent  tous 
les  Confédérés,  Ceux-ci  obéirent  et  marchèrent.  Sur 
ces  entrefaites  s'écroula  un  autre  pan  de  mur;  les 
chefs  des  assiégés  et  le  conseil  de  la  guerre  commencè- 
rent à  trouver  possible  un  subit  assaut;  ils  donnèrent 
alors  les  mains  à  la  médiation  de  l'évéque  de  Bâle ,  du 
comte  Jean  de  Thierstein  et  du  sire  Rodolphe  de  Ram* 
stein^'^.  Ceux-ci  engagèrent  les  villes  à  lever  le  siège 
avant  Tarrivée  des  Confédérés ,  moyennant  une  recon- 
naissance de  onze  mille  florins  ^^  pour  lesquels  la  ville 
de  Waldshut)  peu  distante  de  là,  et  une  partie  de  la 
forêt  serviraient  d'hypothèque  ^^  ou  fourniraient  cau- 
tion *^.  Le  siège  était  levé  lorsqu'une  lettre  de  l'Em- 


**  •  Ils  avaient  ane  nombreuse  soldatesque  indisciplinée ,  dont  ils  ne 

*  pouYaient  se  rendre  maîtres.  •  Tschudi, 

'^  TriUhemii ,  Jnn.  Hirmug.  U,  diS  ;  St.  Gall  1609. 

>*  T$chudi,àB;HûpU,60. 

*'  La  négociation  fut  conduite  par  la  noblesse;  «  les  bourgeois  et  la 

*  commune  n'en  surent  rien.  •  Ttchudi, 

**  Suivant  £ff«r(m,  p.  173,  et  ÉulUnger»  Ttchudi  parle  de  10»000; 
mais  il  ne  fait  aucune  mention  des  mille  florins  que  reçut  Bàle. 
"  Sltttler ,  1 ,  152. 
^  Etterlin  :  «  le  paiement  fut  différé,  en  sorte  que  les  frais  augmcn- 

*  tèrent  la  dette.  ■  On  connaît  l'ancienne  coutume  :  quand  le  débiteur 
n^  payait  pas  aux  termes  fixés ,  on  faisait  entretenir  à  ses  frais  dans  des 

Ti.  a 


48  HISTOIRE    DK   LA    SUISSE. 

pereur  ordonna  aux  Bernois  et  aux  Soleurois  de  Ta- 
bandonner,  sous  peine  de  perdre  leur  liberté  impé- 
riale; ils  déclarèrent  que  la  convention  conclue  par 
suite  des  négociations  les  y- avait  seule  déterminés^  et 
que,  si  le  paiement  rencontrait  des  difficultés,  ils  sau- 
raient se  faire  justice  les  armes  à  la  main. 

Le  succès  de  la  guerre  de  Zurich  donna  aux  Con- 
fédérés ,  citadins  et  campagnards  ,  une  telle  conscien- 
ce de  leur  force  qu'ils  se  croyaient  invincibles  ^K  En 
vain  leurs  adversaires  affectaient-ils  de  les  mépriser 
cotnme  de  pauvres  gens ,  et  se  permirent-ils  de  petites 
vexations,  jusqu'à  .ce  qu'on  en  vint  à  des  explications; 
les  Suisses  firent  triompher  leur  volonté. 

Les  rapports  des  Balois  avec  les  villes  et  les  contrées 
autrichiennes  des  environs  révélèrent  des  dispositions 
analogues,  même  après  l'expédition  de  Laufenbourg^^. 
On  se  querellait  alors  pour  déterminer  si  un  certain 
homme  avait  été  arrêté  justement  ^^,  et,  comme  les 
guerres  naissaient  aussi  facilement  qu'elles  finissaient 
vite,  si  les  noix  de  l'un,  l'acier**  de  l'autre,  le  vin  d'un 
troisième  avaient  été  saisis  pendant  la  durée  effective  de 

auberges  délerminées  an  cerlain  nombre  d'hommes  et  de  chevaux.  »> 
Lorsque  Muller  dit  que  «  la  ville  de  Waldshut  et  une  partie  de  la  foréf 

•  serviraient  d'hypothèque  ou  fourniraient  caution ,  •  la  première  de  ces 
conditions  doit  s'entendre  de  la  localité  ou  du  sol ,  la  seconde  de  la 
communauté  ou  des  communautés  qui  l'habitaient.  La  personnification 
des  lieux  est  un  trait  caractéristique  du  langage  suisse  et  du  style  de 
Muller;  le  traducteur  l'a  fidèlement  conservé.  G.  M. 

**  HûpU  :  •  Il  leur  semblait  que  personne  n'osait  plus  leur  résister  et 

•  qu'ils  pouvaient  tout  faire  à  leur  guise.  » 

**  Voyex  un  prononcé  fort  détaillé,    Rheînfelden  ,  mercredi  après 
SL  Luc  1448,  dans  les  Remarques  de  J.  Rod.  Iselin  sur  Tschudi,  II, 
898—402. 
*'  Jean  Bischof  fut  arrêté  à  Béfort ,  et  «  retenu  dans  une  rude  prison.  » 
**  On  •  saisit  l'acier  *  de  Nicolas  Schmildin ,  à  Rapperschwyl. 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  49 

h  guerre ,  ou  si  l'on  ^ vait  bu  une  bonne  partie  du  vin 
après  la  conclusion  de  la  paix  *^.  La  ville  de  Seckingen 
eraignitun  siège  par  suite  de  Tinsolencede  beaucoup  de 
gens,  en  partie  étrangers ,  qui  du  haut  du  pont  insulté^ 
rent  les  Balois  revenant  de  Laufenbourg  par  le  Rhin'^^. 
Les  nouveaux  péages  occasionaient  beaucoup  de  dés- 
<»dres;  sans  égard  pour  d'anciens  traités  et  pour  l'in* 
tërét  du  commerce  9  on  octroyait  ces  péages  tantôt 
aux  villes  du  Brisgau  pour  qu'elles  prospérassent^^, 
tantôt  aux  possesseurs  des  seigneuries  autrichiennes 
hypothéquées'^^,  afin  d'en  augmenter  le  produit.  Il  y 
a  dans  le  Rhin  des  passages  dangereux  ;  au  lieu  de  les 
signaler  ^^^  les  villes  en  prenaient  occasion  d'imposer 
leurs  pilotes  et  des  contributions  diverses^  à  des  socié* 
tés  de  voyageurs^',  ainsi  qu'aux  négocians  et  aux 
pèlerins  qui  se  rendaient  les  uns  à  la  foire  de  Francfort  ^ 
les  autres  vers  de  saintes  images  ^.  Sur  terre  ^  à  moins 

^  Les  frères  LOtfried  perdirent  à  Tann  S 4  chars  de  vin  ;  à  la  paix , 
il  en  restait  encore  8  i;S  dont  on  but  alors  seulement  a  i;S.  =  En 
Suisse,  le  commerce  en  gros  da  vin  se  fait  par  chara;  cette  mesai% 
quelque  peu  variable  suivant  les  temps  et  les  lieux ,  est  de  800  à  iOOO 
bouteilles.  G.  M. 

**  Grief  essentiel  des  B&lois  mentionné  spécialement  par  T$ehmdi  et 

"  A  ceux  de  «  Neuenbourg  à  cause  du  grand  souci  que  le  Rhin  a 
»  donné  à  leur  ville.  *  =  Neuenbourg  entre  Bâle  et  Brisach  ;  il  y  a  beau- 
ocNip  de  villes  de  ce  nom ,  qui  est  aussi  le  nom  allemand  et  la  tra- 
duction littérale  de  Neuchâtel.  G.  M. 

**  Pfirt ,  Allkirch  et  Landesehre. 

*'  Celte  précaution  fut  prescrite  alors.  On  ordonna  que  Bftle  «  fit 

•  sonder  et  dessiner  le  Rhin  jusqu'à  Brisach ,  et  Brisach  jusqu'à  Slras- 

•  bourg.  » 

^*  Les  bourgeois  de  Brisach  exigeaient  aussi  un  péage  territorial. 

'*  «  Quand  il  y  avait  dans  un  bateau  six  ou  huit  frères.  » 

*'  Dans  les  deux    «  péiennages  d'Ache    (  est-ce  Achen ,    Aix-la- 

•  Chapelle?)  et  d'Einsidlen.  • 


20  HISTOIRE   0E    LA  SUISSE. 

d'nne  escorte  considérable  et  dispendieuse  ^^^  on  ne 
voyageait  pas  sans  risquer  d'être  assailli  et  pillé  ^^* 
Quand,  pour  faciliter  TapproTistonnement  des  troupes 
de  l'Autriche  antérieure,  on  défendait  l'exportation 
des  céréales ,  la  ville  de  Bàle  s'en  plaignait  comme  d'un 
acte  d'hostilité  ^^.  Le  gouvernement  de  cette  province 
de  l'Autriche  se  plaignait  à  son  tour  de  ce  que  des 
fonctionnaires  hors  d'étiat  de  rendre  leurs  comptes ,  ou 
des  sujets  condamnés  à  des  amendes  trouvaient  asile 
à  Bàle  ^^.  L'audace,  la  haine,  la  grossièreté  des  mœurs 
entraînaient  les  États  dans  des  querelles  privées  qui , 
sans  l'intervention  des  seigneurs  ecclésiastiques  et 
de  villes  impartiales,  pouvaient  ainsi  mettre  un  pays 
à  feu  et  à  sang.  Le  concile,  en  conséquence,  chargea^ 
deux  cardinaux ,  l'un  français  ^'',  l'autre  espagnol  ^,  et 
deux  évèques,  l'un  voisin  ^^,  l'autre  allemand  ^®,  de  faire 
cesser  les  désordres.  Le  pape  Félix  leur  adjoignit  quatre 

s*  A  OUnanbeim. 

**  Cela  arrivait  même  aux  seigneurs  et  à  leurs  gens. 

^"  Sur  sa  plainte  qu'on  lai  refusait  le  libre  achat,  il  fut  répondu  : 
«  que  pendant  la  guerre  on  avait  dû  interdire  l'exportation  des  denrées  » 
•  attendu  qu'il  était  équitable  que  les  sujets  les  vendissent  à  meilleur 
»  marché  à  leurs  seigneurs  qu'à  d'autres  personnes.  » 

^*  Comme  si  les  principes  de  la  traite  foraine  étaient  applicables  à 
de  semblables  circonstances. 

*'  •  Louis  Alamandi,  surnommé  Arlatensis»  Français.  • 
^*  Jean ,  du  titre  de  Sainl-Calixte ,  espagnol. 

^*  George ,  de  la  famille  des  margraves  de  Salaces ,  évéque  de  Lau- 
sanne, 

**  L'évéquede  Bftle,  qui,  dans  la  juste  crainte  de  blesser  les  deux 
partis ,  se  rendit  ii  Golmar ,  et  ne  Tonlnt  gufere  se  mêler  de  cette  affaire. 
Gerang ,  nmommé  BUtmemttin ,  Cktom.  epiêoopp,  in  Smripit.  wùn.  rtr* 
BoiiL  t,  l. 


LEVER  IV.    tHAP.    I.  Hi 

hommes  d'affiiires^'  et  de  savoir.  Sept  villes  ^^  envoyè- 
rent des  délégués  de  leurs  conseils  et  des  greffiers.  Le 
margrave  s^entoura  des  principaux  chevaliei;fi<  et  con- 
seillers de  l'Autriche  antérieure  ^^.  Les  six  députés  du 
conseil  de  Bàle  ^  parurent^  appuyés  par  autant  de 
cantons  suisses  ^.  La  diète  se  tint  à  Rheinfelden }  elle 
décida  tous  les  points  aussi  équitablement  que  possible^ 
surtout  pour  tranquilliser  Bàle,  la  plus  grande  et  la 
plus  puissante  ville  de  cette  contrée  ^«  Les  citoyens 
de  Seckingen  furent  contraints  de  faire  publiquement 
amende  honorable  et  de  rendre  un.  bouclier  qu'ih 
avaient  autrefois  enlevé  à  la  ville  de  Baie* 

Les  bords  du  lac  de  Zurich  sentirent  le.  bras  vic- 
torieux des  Confédérés  qui,  possesseurs  de  Grûningen , 
sans  égard  pour  la  vieille  constitution  y  exigeaient  le 
serment  de  tous  les  serfs  des  seigneurs  spirituels  et 
tempprels  du  voisinage^''.  A  toute  proposition  de  re-* 
cours  à  la  justice  il§  opposaient  la  force  ^^  ;  au  peuple 


*^  V^n  d'eux  mérite  d'être  distingué,  c'est  Rodolphe  de  Rfidisheim, 
bofaine  important  dans  l'archevêché  de  Mayence  et  enfin  évêque  de 
Bmlao. 

*^  ^tnçboiirg,  qnidépn^  de  nouveau  Adam.Rnff,  Constance,  Hage- 
oan,  Gplmar,  i^etstadt,  Mulhouse,  RheinfeldeQ. 

**  Conrad  de  Busnang ,.  Barkhard  MGnch  de  Landescfone ,  Grflnen- 
berg,  Hallwyl,  Staufién,  Masvaux. 

^  JflBQl  Rot ,  chevalier  t  Jean  de  Lanfen ,  mentionné  d-desena  |  Osper- 
oéUe  et  trois  autres. 

**  Berne,  SoJeure,  Lucernç,  ({ri,  Schwyi,  Unterwalden. 

**  La  eh.  est  du  25  octobre ,  dans  Tschudi,  Il ,  A03. 

<'  tefmis  les  temps  les  plus  anciens  ces  seigneurs  et  ces  seigneurie» 
relevaient  immédiatement  de  l'Empire  (  Tichudi,  n,  897  )  ;  car  depuis 
il  à  ans  laSouabe  n'avait  point,  d®  duc,  et  le  siège  de  la  maison  de 
Habiboaig  était  éloigné. 

**  •  On  les  fonderait  de  leur  jurer  fidélité  ;  •  tel  était  le  langage  ovdi-^ 
naire  dq  land^mma^i^  de  Scbwyx. 


22  HISTOIRE  J>E    LA  SUISSE. 

ib  promettaieDt  protection  s'il  se  joignait  à  eux.  Le 
vieux  Bonstetten  s'enfuit  alors  dé  son  château  d'Usl^r^ 
et  son  cousin  Landenberg  de  sa  maison  de  Wézikooy 
pour  ne  rien  faire  ou  ne  rien  aouffirir  personnellement 
de  contraire  à  leur  honneur  et  à  leurs  droits.  La  trêve 
fut  appelée  la  mauvaise  paix  ^^»  parce  qu'elle  ne 
donnait  aucune  sécmilë  pour  le  commerce  et  pour  ks 
autres  relations  sociales;  les  entraves  commerciales 
subsistèrent;  beaucoup  de  bourgeois  de  Zurich^  les 
habitans  de  Stiefa,  ceux  des  contrées  non  conquises 
furent  réduits  à  quitter  patrie  et  fortune^  ou  à  jurer 
soumission  aux  vainqueurs  '^^. 

Dans  cet  état  des  choses  les  seigneurs  et  les  villes  de 
la  Thurgovie  tinrent  à  Winterthur  une  diète  (3  no<- 
vembre)  où  chacun^  découragé^  perdit  Fespérance  de 
se  défendre.  Le  margrave  Guillaume,  convaincu  de 
la  nécessité  d'une  protection  plus  active  et  plus  puas-» 
santé ,  proposa  de  déclarer  à  l'Empereur,  par  l'oiçane 
de  Thûring  de  Hallwyl ,  «  que  les  États  de  l'Autriche 
»  antérieure,  y  compris  l'Alsace,  s'il  ne  les  sauvait 
»  pas  bientôt,  seraient  forcés  de  se  rendre  au  duc  de 
»  Bourgogne.  »  Cette  proposition  fut  adoptée  presque 
unanimement.  Rapperschwyl  seul  eut  assez  de  con- 
fiance et  de  courage  pour  continuer  de  se  dévouer'sans 
réserve  à  F  Autriche  '^K 

La  cour  impériale  était  dans  le  plus  grand  embarras, 
parce  que  les  grands  princes  d'Empire  séparaient  de 
plus  en  plus  leur  propre  intérêt  de  l'intérêt  général 
et  de  celui    de  l'Empereur,  et    que    ce  monarque 

**  BuUinger  :  •  La  paix  pourrie ,  méchanle.  » 
'*  Près  de  l'église  de  Staefa ,  27  octobre.  TseUudL 
'^   «  Ib  avaient  cette  confiance  an  roi ,  qa'îl  ne  les  laîsseraft  pas  périr  ; 
•  car  ils  ne  méritaient  pas  qu'on  les  abandonnât  afmri.  •  Dam  T$thmàin 


LIVRE    IV.    CHAP.    K  23 

se  trouvait  dans  Tiinpossibilité ,  uniquement  appuyé 
sur  l'Autriche  intérieure,  seul  pays  où  Frédéric  régnât 
véritablement  "^^^  de  soutenir  dans  l'Europe  occidentale 
l'éclat  de  la  dignité  suprême  y  attendu  que  les  entraves 
constitutionnelles  de  ses  États,  les  mésintelligences  de 
sa  maison ,  et  ses  voisins  turbulens  et  formidables  "^^ 
ne  lui  permettaient  pas  de  concentrer  sa  propre  puis- 
sance d'après  un  plan  fixe  et  de  la  consolider. 

Le  tableau  que  Hallwyl  fit  de  la  détresse  et  de  la  fi-- 
délité  ébranlée  de  l'Autriche  antérieure  obligea  la 
cour  à  hypothéquer  des  seigneuries  afin  de  lever  quel- 
ques troupes,  tandis  que  Ton  pousserait  vivement  en 
Fr^LDce  les  négociations  relatives  aux  Armagnacs.  Le 
chevalier  Pierre  de  Morimont,  percepteur  des  impôts 
dans  l'Autriche  antérieure  "^^^  qui  avait  fait  à  l'Empe- 
reur,  de  sa  propre  fortune,  Tavance  de  4,000  florins , 
hypothéqués  sur  Délie  et  Pfirt^^,  fut  envoyé  à  Zurich , 
en  Bourgogne  et  en  France.  Le  nouvel  évêque  de 
Brixen  ''®,  deux  conseillers  auliques  '''',  et  George  Fuchs^, 
le  maréchal  de  la  cour,  reçurent  l'autorisation  d'hy- 
pothéquer les  châteaux  et  les  villes  des  bords  de  l'A- 
dîge.  Le  bailli  impérial  de  Souabe ,  Jacques  Truchsess , 
fut  appelé  avec  eux  à  Inspruck  pour  une  conférence! 

^  Avec  Albert ,  Bon  frère ,  qui  lai  avait  souvent  fait  la  guerre.  La 
Basse-Autriche  était  gouvernée  par  Ladislas .  fils  du  roi  Albert ,  le  T jrol 
et  les  pays  antérieurs  par  Sigismoûd  ;  toutefois  ces  deux  princes  étaient 
sons  la  tutelle  de  Fempereur  Frédéric 

'^  Les  Hongrois ,  les  Hussites. 

'*  Il  percevait  les  impôts  d'après  le  cadasti^ 

'*  Probablement  la  $eign$iirie,  qu'il  faut  distinguer  du  comté*  U  était 
loi-méme  vassal  de  Pfirt  pour  son  chUtean  de  lloriroont. 

^*  George  ;  «  de  cujus  ortu  nihil  scriptnm  reperllur.  >  Hund.  melrop. 
Salisburg.  SOS. 

^'  Jean  de  Njfdberg  et  Rodolphe  de  Thicrstein. 


24  HISTOIRE   DE   Ll   SUISSE. 

on  y  promit  une  ambassade  plus  considérable,  ou  la 
présence  même  de  l'Empereur  avec  une  puissante  ar-* 
mée  d'Armagnacs.  Berne  et  Soleufe,  qui  paraissaient 
respecter  encore  leurs  relations  avec  l'Empire ,  ftirent 
sérieusement  invités  à  s'abstenir  de  faire  cause  com- 
mune avec  les  Suisses  ''^. 

Pierre  de  Morimont  réussit  en  France  et  en  Bour- 
gogne à  faire  organiser  l'expédition  des  Armagnacs. 
Cependant  les  Confédérés  se  considéraient  comme  les 
propriétaires  des  contrées  qu'ils  avaient  soumises.  Le 
peuple  obéissait  ^';  aux  seigneurs  qui  refusaient  le  ser- 
ment y  on  retenait  leurs  revenus  ^^  on  surprenait  leurs 
châteaux '^  Les  Confédérés  firent  déterminer  par  des 
décisions  juridiques  ^^  les  limites  incertaines  entre  leur 
territoire  et  le  comté  de  Kibourg^  redevenu  propriété  de 
l'Autriche.  Rendus  audacieux  par  la  fortune  militai- 
re®*, fiers  des  richesses  conquises  **,  ils  ne  connais- 
saient point  la  crainte  ®^.  En  effet,  on  ne  leur  opposait 
aucune  mesure.  Le  seul  acte  hostile  tenté  par  le  bailH 

**  Vùrdrt  et  Pinitrmetùm  soot  dans  T9ekëdi,  H,  405. 

**  «  Les  Qpens  de  la  métairie  de  Stsfa ,  tons  à  rezeeptioD  da  gonver- 
•  neur  {eaiojé  p«r  Eineidlen;  ont  («été  le  serment  •  Bapport  de  Www&r 
deRuffe,  bailU  de  Grùningcm ,  adrêui  d  Sehwyu  Thom.  1445;  dans 
Tuhudi. 

**  A  Metstaler  ses  revenas  de  Liebenbeig.  Ibid, 

^  Anx  sires  de  Hunwjrl  (L«tt)  Greifenberg.  HûpU;  TtchudL 

"  Prononcé  de  Vauoyer  et  du  coneeii  de  Bade,  eoneemant  la  haeiejaetiee 
de  TiaaeKwyl,  portant  qu'elle  relevait  de  Kibonrg,  non  de  Régensberg. 
Lucie,  1445;  dans  TêcImiàL 

**  «  Gens ,  super  alta  eor  tanm  posuisti.  •  Chant  cité  par  HùfdL 

**  «  Dives  es;  idqne  dat  ex  multis  collecta  rapina.  »  Ihid. 

"  Surtout  pas  celle-ci  : 

T« ,  wbit ,  aqniia ,  nUi  culainU  imp«riaii«. 
Jura  reeogBoscM ,  fiemtt  pcrnicibos  alit. 


UTRB  iY.   CHAP.  I.  25 

de  Kibdurg  ^^  fut  uue  expédition  eontre  Freyenstein , 
(^teau  du  mont  Irchel ,  où  un  gentilhomme  du  pays  ^"^ 
retenait  injustement  un  homme  prisonnier  ;  le  château 
fiit  livré  aux  flammes  ;  mais  les  guerriers  y  oubliant 
leur  but  pour  le  pillage  y  laissèrent  étouffer  le  prisonr- 
nier  dans  son  cachot  y  au  lieu  de  le  délivrer  ^^. 

L'expédition  des  Armagnacs  fut  plus  longue  à  orga^ 
mser  qu'on  ne  pensait,  et  la  trêve  allait  expirer;  on 
jugea  donc  utile  de  renouer  des  négociations  pour  ga^ 
gner  du  temps.  Après  le  retour  de  Pierre  de  Morimont, 
la  conférence  de  pacification  y  convenue  mais  deux  fois 
différée  ^^,  eut  enfin  lieu  à  Bade  sous  la  présidence  de 
Vévèque'de  Constance  (22  mars  1444).  Deux  prélats 
da  Concile  dirigèrent  les  négociations  ^.  D'un  côté  pa« 
nirent  le  margrave  Guillaume,  Grûnenberg,  Mori- 
mont,  Hallwyl y  Schwaid  et  d'autres  seigneurs  de  l'Au*- 
triche  antérieure,  les  députés  de  six  villes  ^',  des  sei^^ 
giieurs  spirituek  et  temporels  de  Zurich ,  de  même  que 
Henri  Meyss  et  ses  amis  ^,  des  délégués  de  la  maison  de 
Wirtemberg  et  de  dix  villes  amies  ^^.  Du  côté  opposé 


n  Schnend,  qai  figure  t  V,  p*  81 6çt  suiv. 

"  Uermann  Kftnach. 

^  Zûhn,  HUi.  de  la  Confia,  p.  S19. 

'*  Premièremeat  le  jour  des  rois,  eiuaite  le  Jonr  de  S.  Agathe. 

**  A  leur  tête  le  cardinal  Alamandi ,  homme  d'un  grand  mérite. 

**  Rapperschwyl ,  Winterthur  ,  Waldshut ,  Seckingen ,  LauFen- 
l'ooig,  Fribonrgdans  TUechtland  Beaucoup  de  villes  marquantes  de 
FAntriche  antérieure  ne  paraissent  point;  Rheinfelden  figure  parmi 
celles  qui  proprement  ne  se  prononcèrent  pas.  L'idée  de  l'unité  politique 
^t  si  imparfaite  que  chacun  se  comportait  suivant  les  circonstances. 

**  Edlibaeh;  BulUnger.  11  était  le  chef  du  parti  suisse,  anti*aujri- 
thieu.  ^ 

''  Aogsbonrg  ,  Nurembeig  ,  Constance  ,  Ëssiingen  ,  Schafpiouu 
(  Conrad  Schwager ,  plus  tard  bourgmestre  ) ,  Lindau ,  Saint  *  Gail , 
MenimiDgen,  Chur-IikêinftUgn, 


26  HISTOIRE   DB    LA    &UISSE. 

se  voyaient  les  députes  des  sept  cantons  confédérés  ^^ 
des  villes  de  Baie  ®*et  de  Soleure'^,  de  Wyl  en  Thurgo- 
vie  ®^  et  du  pays  d'Appenzell,  appuyés  par  les  représon- 
tans  de  sept  villes  médiatrices^^.  Les  évèques  de  Cons- 
tance et  de  Bâle^  avec  une  nombreuse  suite  dMiom* 
mes  versés  dans  les  affaiires  et  de  chevaliers  ^^^  des 
conseillers'  du  Wurtemberg  *^,  des  délégués  de  diver- 
ses villes'^',  beaucoup  de  comtes^  de  seigneurs  et  de 
chevaliers  ^^^^  amis  de  la  paix  et  de  la  justice ,  obser- 
vaient^^^  et  s'employaient  à  rapprocher  les  partis. 

Ignorant  les  plans  secrets  et  dans  l'opinion  qu'il  s'agis* 
sait  d'une  pacification ,  les  médiateurs  travaillèrent  en 
conscience  à  extirper  la  racine  et  les  fruits  de  la  guerre  ; 
ils  voyaient  la  première  dans  la  nouvelle  alliance  des 
Zuricois ,  les  seconds  dans  les  conquêtes  des  Confédé- 
rés. Ils  voulaient  que  lalliance  cédât  à  la  Confédération 
et  que  les  conquêtes  fussent  rendues.  De  part  et  d'au- 
tre des  amis  de  la  paix  donnaient  les  mains  à  cet  arraii-^ 
genient.  Les  personnes  animées  d'autres  s^ntimens  en- 

'*  Les  principaux  étaient  :  le  vieux  avoyer  Hofmeister;  Henri  de 
Bubenberg ,  chevalier ,  seigneur  de  Spiez  ;  Ulrich  d'Erlach ,  qui  devint 
avoyer  cette  année- lè;  de  LOlisbofen,  avoyer  deLucerne;  liai  Béding: 
Jo3t  Tschudi;  treize  autres. 

•*  Ospernell,  Rot,  Laufien. 

^*  Bernard  de  Malrein ,  un  des  hommes  les  plus  ccmsidéfés. 

«7  Allié  i  Schwyz  et  h  Glaris. 

**  N.  9S,  excepté  Lindau,  EsslingeOf  Memmingeo  et  Coàre;  en 
revanche,  Ueberlingen  en  était. 

**  Jean  et  Jean  Bernard  Ze  Ehyne  avec  leur  cousin  de  Bàle;  avec 
GoDStance  le  baron  VTolfhard  de  Brandis. 

^**  Gomme  suppléans  ou  pour  observer  les  premiers.  Ici  figure  Jean 
Wyrich  de  Gemmingen. 

*^*  Strasbourg,  Ulm ,  Ravensbonrg. 

^^*  Henri  de  Ramstein,  Jean  de  Reischach,  Lupfen^  Fttrstenberg, 
Landenberg. 

'''  Ils  écoutaient  le  bien  et  le  mal  qu'on  disait. 


.    LiVilR   IV.    CHAP.    I.  27  ^ 

trayaient  la  pacification  en  prétextant  que  l'une  des 
ccmditions  était  inconciliable  avec  l'honneur ,  et  l'autre 
avec  la  sûreté*  Les  Zuricois  pensaient  mériter  qu'on 
leur  reslitu&t  leur  territoire  s'ils  priaient  le  roi  de  les 
délier  de  la  nouvelle  alliance^  et  si^  en  cas  de  refus ,  ils 
soumettaient  l'affaire  au  jugeaient  des  évéques  de  Bâle 
ec  de  Ck>|istance  et  des  villes  de  l'Empire.  Les  Cantons 
étaient  d'avis  que  la  restitution  ne  pouvait  avoir  Ifeu 
que  librement  et  lorsque  les  Zuricois  y  abjurant  toute 
relation  étrangère^  consentiraient  à  redevenir  confédé- 
rés comme  auparavant  et  às^mmettreles  points  litigieux 
au  droit  fédéral  ordinaire  ^^^.  Les  choses  se  seraient 
ainsi  passées  et  de  grands  maux  auraient  été  prévenus 
sans  l'influence  de  ceux  qui  ne  voulaient  point  céder 
tant  qu'ils  conservaient  quelque  espoir,  fondé  sur  la 
force  et  sur  lea  Armagnacs, 

Quand  le  moment  fut  venu  de  soumettre  le  plan  de 
pacification  au  Grand-Conseil  et  aux  bourgeois,  ob  ré«* 
pandit  parmi  le  peuple  des  noavelles  propres  à  le  ras-» 
surer  et  à  l'encourager;  on  lui  parlait  des  dispositions 
£aLvorables  des  grandes  puissances ,  qui  ne  demeure*- 
raient  pas  plus  long*-temps  ^ectatrices  de  l'insolence 
des  Suisses  9  mais  la  dompteraient  dés  qu'elles  vou^ 
draient^  et^  ajontait-rai,  elles  le  voulaient  sérieusement 
aujourd'hui  ^^.  Aux  citoyens  las  de  cette  guerre  fatale 
on  représentait  que  tout  ce  qu'on  pouvait  redouter 
pour  Zurich  s'était  déjà  réalisé  pleinement^  et  qu'il  n'y 
avait  plus  rien  à  craindre  9  que  la  vengeance ,  le  réta- 
blissement de  rhonneur^  les  dédommagemens  et  la 
sûreté  pour  l'avenir  seraient  d'autant  plus  certaine- 
ment le  prix  d'une  persévérance  de  courte  durée ,  que 

«•*  Ttehadi  ;  BuUinger, 
•••  Tuhudi,n,  407. 


^  28  HISTOIRE  DE  LÀ  SUISSE. 

les  puissances  y  auparavant  trop  dédaigneuses  de  l'en- 
nemi y  allaient  le  combattre  avec  énergie.  c<  Le  secret 
»  du  succès  de  nos  ennemis  ^  »  continuaient  les  ad- 
versaires de  la  paix,  «  n'est  pas  dans  la  supériorité 
»  des  forces^  nous  l'avons  pour  nous;  il  n'est  pas  dans 
»  la  destinée  y  la  justice  de  Dieu  régne.  C'est  nous-mè- 
»  mes ,  c'est  nous  qui ,  par  notre  inconséquence ,  par 
»  nos  divisions^  par  notre  infidélité ,  leur  avons  donné 
»  la  victoire*  Notre  ennemi  ne  siége-t-il  pas  dans 
»  notre  conseil  ?  Ne  nous  représente-t-il  pas  dans  les 
D  diètes  ?  Nos  projets  ^  connus  seulement  de  quelques 
»  conseillers,  de  dix  bourgeois  à  peine ,  tous  nos  pro- 
i»  jets^  il  les  connaît,  il  les  tient  d'avance.  Ou  bien 
»  Henri  M eyss ,  Ulmann  Zornli  Trinkler  et  leurs  oon- 
»  sorts  sont-ils  encore  Zuricois  ?  Oui ,  par  leur  nais- 
»  sance ,  par  leurs  dignités  et  par  la  confiance  dont 
»  ils  abusent  ;  mais  ils  sont  Suisses  dans  leurs  dis- 
»  COUPS,  Suisses  par  leur  conduite,  Suisses  par  lecc»ir; 
»  traîtres  dans  la  guerre,  traîtres  dans  les  négoda- 
M  tions ,  voilà  ce  qu'ils  sont.  De  quoi  s'entretinrent-ils 
»  à  Bade  avec  les  ennemis  de  la  ville,  le  soir^  au 
»  chemin  inférieur,  près  des  bains?  Qu'avaient-^ils 
»  à  faire  auprès  d'eux  dans  la  cour  supérieure  ?  Ils 
j»  ont  dit  que  le  bourgmestre  Stussi  et  d'autres ,  victi* 
»  mes  d'un  vertueux  patriotisme,  héroïquement  tom*- 
n  bés  près  de  la  Sihl ,  avaient  mérité  leur  sort  ^^* 
)»  Le  fondement  de  la  sûreté  publique,  l'alliance  chè^ 
»  rement  achetée ,  glorieuse ,  royale ,   que  Tennemi 
»  redoute  et  qui  fait  de  la  ville  de  Zurich  un  objet 
»  d'envie ,  ils  l'ont  appelée  une  association  de  loups 
»  et  d'agneaux  ^^,  à  laquelle  on  ne  saurait  se  sous^ 

'••  EdUbaeh  ;  BulUnger. 

"'  «  Comme  qoand  le  loup  garde  lei  moutoas.  » 


UVHB.  IV.    GHAF.    I.  29 

M  traire  trop  vite.  Loyaux  citoyens  ée  Zurich  qu'on 
»a  trahis^  Ital  Rëding  pourrait-il  eadire  davantage? 
nVous  étonnez-vous  encore  que  vos  vaillans  firéres 
«gisent  sans  vengeance;  que  vos  villages  n'offrent 
»  que  des  monceaux  de  décombres ,  tandis  que  ceux 
»  des  ennemis  fleurissent  ;  que  votre  pays  soit  ruiné  ^ 
AYOtre  considération  anéantie^  et,  par  la  réunion  de 
»  tontes  les  disgr&ces ,  votre  courage  même  abattu  ? 
A  Réveillez-vous,  soyez  hommes!» 

Telle  était  la  disposition  des  esprits  lorsque  les 
députés  des  villes  apportèrent  à  Zurich  le  projet  de 
pacification.  A  peine  les  eutK>n  entendus ,  que  Jac- 
ques Schwarzmourer ,  nouvellement  promu  à  l'office 
<ie  bourgmestre,  leur  déclara  «  qu'ils  feraient  bien  d'at- 
n  tendre  tranquillement  la  répense  dans  leurs  cham^ 
»bres  à  Tauberge,  que  les  sentimens  actuels  de  la 
«bourgeoisie  ne  leur  offraient  aucune  garantie  de 
»  sûreté  dans  les  rues  et  sur  les  places  publiques.  » 
Henri  Meyss  et  ses  quatre  co-députés  '^  devaient  en- 
ndte  faire  leur  rapport  sur  les  négociations  de  Bade  ; 
oa  savait  qu'ils  le  feraient  avec  cet  esprit  fédéral 
naturel  à  leurs  âmes,  éprouvé  durant  tant  d'années, 
et  avec  cette  fermeté  qui,  avant  même  les  disgrâ- 
ces de  la  patrie,  avait  résisté  à  un  bourgmestre 
tout  puissant.  Aussitôt  s'éleva  un  grand  bruit  ;  la 
foule  grossit  rapidement;  les  gens  du  peuple,  munis 
d'armes  diverses  et  poussant  des  cris  de  fureur,  ac- 


'**  Les  Trinkler  et  les  matlres  Henri  Effinger,  Jean  Blnntschli  et  Jean 
Birmoner  ;  Edtibach,  Tschadi  ne  nomme  ni  Meyss  ni  Bluntschli,  mais  sii 
«aires  qui  peuvent  s'être  trouvés  Ih  avec  une  opinion  différente.  Edli- 
^^,lai-méme-Ziiricoi8,  devait  savoir  cela  plos  exactement  II  parait 
qa*on  songeait  déjà  lors  de  leur  élection  à  lenr  fin  malheurense;  «  le 
*  maigrave ,  Hallwyl  et  Aecbberg  avaient  machiné  ce  meurtre.  • 


30  HISTOIRB   DR   lA.  SUISSE. 

coururent  vers  l'hôtel -de- ville,  u  Oà  sont«*iis7  c'en 
»  est  assez  '^^.  Les  traîtres  siégentr-ils  encore  dans  le 
»  conseil?  Ouvrez;  qu'ils  sortent!  »  On  ne  lit  nulle 
part  que  dans  ce  péril  extrême  Henri  Meyss  et  ses 
amis  aient  renié  leur  courage ,  ou  que ,  ocmime  d'au- 
tres, ils  se  soient  cachés.  Lorsque  la  multitude  se 
précipita  par  les  portes ,  ouvertes  de  gré  ou  de  force , 
elle  les  trouva  dans  la  salle  du  conseil  avec  d'autres 
vieillards  qui  avaient  blanchi  au  service  de  la  ville  ^'^^ 
fils  de  pères  renommés  par  leur  patriotisme.  Ils  fu- 
rent conduits  de  là  au  Wellenberg^  prison  bâtie  sur 
un  rocher  dans  le  lac"".  La  crainte  vague  d'un  péril 
imaginaire,  un  sauvage  tumulte  poussèrent  le  peu-* 
pie  à  monter  sur  les  tours  et  les  murailles  pour 
voir  les  bannières  ennemies^  qu'on  disait  venir  au 
secours  de  Meyss.  Rien  ne  se  montra;  l'enquête  ne 
fit  découvrir  aucun  crime.  Aussi,  lorsque  le  bailli  im-* 
périal  tînt  un  lit  de  justice  pour  juger  les  députés  ^'S 
la  pluralité  des  voix  se  prononça  pour  la  conserva- 
tion de  leur  vie.  Malgré  cela  Henri  Meyss ,  Jean 
Bluntschli  et  Ulmann  Zornli  Trinkler  furent  déca-* 
pités  :  les  suffrages  favorables  à  la  conservation  de 
leurs  jours  s'étaient  divisés  en  deux  minorités,  dont 
l'une  prononçait  la  libération,  et  l'autre  une  amende; 
réunies,  elles  formaient  la  majorité  contre  la  peine  de 
mort;    mais  les  voix    qui  demandaient  cette  peine 

^**   «  L'affaire  a  duré  assez  long-temps ,  etc.  »  BuiUnger, 
***   €  Hommes  âgés,  vénérables  et  pieux.  »  Tschudi, 

*  On  démolit  aujourd'hui  cette  tour,  comme  on  a  démoli  une  partie 
des  fortîGcatioiis  de  Zurich.  Le  respect  dû  aux.  monumens  historiques , 
même  à  une  prison  témoin  de  tant  de  martyres  politiques ,  disparait  et 
les  boulevards  s'aplanissent  quand  l'industrialisme  trône.  G.  M. 

*'*  Les  députés  qui  avaient  représenté  Zurich  à  la  diète  de  Bade. 


UVRB  lY.   CHAP.    I.  31 

étaient  plus  nombreuses  que  chacune  des  deux  au- 
tres minorités  ^^^.  Des  juges ,  à  qui  la  vue  du  sang  hu- 
main aurait  inspiré  cette  horreur  que  Dieu  a  mise 
dans  notre  nature  '^^  et  que  les  premiers  législa- 
teurs ont  estimée  si  importante  pour  le  bien  général , 
auraient  compté  autrement;  mais  l'esprit  de  parti , 
les  haines  privées  et  les  idées  d'une  fausse  politique 
ont  fait  commettre  à  d'autres  époques  encore  de  sem- 
blables atrocités '^^.  Ces  trois  citoyens  eurent  la  tète 
tranchée  sur  une  place  publique  (le  marché  aux  ppis- 
soDs),  non -seulement  pour  avoir  voulu  dans  l'origine 
empêcher  la  guerre,  mais  aussi  parce  qu'ils  conseil- 
laient maintenant  dé  la  finir  comme  on  aurait  dû 
le  faire  après  plusieurs  années  de  maux  sans  nom- 
bre. Jean  Brounner  fut  condamné  à  2,000  florins  d'a- 
mende et    à  la  prison  ^^^.    D'autres  furent  destitués 

u*  Edliback. 

**'  Qpand  le  besoin,  la  passioo,  la  démoralisation  ne  la  défigurent  pas. 

"*  Pour  appliquer  la  peine  de  mort ,  il  faut  que  la  réalité  du  crime 
el  sa  qualification  soient  hors  de  toute  contestation.  Rien  ne  saurait 
excuser  une  condamnation  irréparable ,  fondée  sur  un  calcul  si  vicieux 
da  suffrages.  Mais  les  principes  et  les  coutumes  de  la  procédure  crimi- 
nelle étaient  la  partie  la  plas  imparfaite  de  l'oi^^anisation  sociale  en 
Suisse,  a  Ponr  parler  vrai ,  les  gouvernemens  de  la  Suisse  étaient ,  ainsi 
qa'ane  partie  de  TEurope ,  des  barbares  sur  ce  point.  Ailleurs  du  moins 
on  le  reconnot  et  Ton  s'occupa  de  réformes  ;  mais  en  Suisse  elles  furent 
proscrites  comme  autant  d'innovations.  Il  n'a  même  jamais  été  possible 
d'y  introduire  le  jugement  par  jurés.  D.  L.  H.  »  Depuis  1880,  l'organi- 
ntioD  Judiciaire  de  plusieurs  cantons  et  celle  qu'on  avait  introduite 
dans  l'armée  fédérale  ont  subi  des  réformes  qui  honorent  la  Suisse,  de 
nos  jours.  G.  M, 

*'*  11  fut  enfermé  à  l'hôpital.  BaUinger.  =  On  avait  ménagé  dans  les 
hôpitaux  de  plusieurs  villes  de  la  Suisse  des  chambres  d'arrêts ,  où  l'on 
cnfennait  parfois  des  prisonniers  privilégiés,  ensuite  de  condamnations 
cxtn*légales;  c'était  un  moyen  de  les  soustraire  à  la  justice  ordinaire 
par  égard  pour  leur  famille.  G.  M. 


32  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

des  places  qu'ils  occupaient  dans  les  conseils  et  les 
tribunaux.  Quand  une  république  est  irrévocable- 
ment décidée  à  prendre  des  résolutions  pernicieuses  ^ 
rhomme  trop  noble  pour  sacrifier  son  opinion  à  la 
majorité  achète  au  prix  de  qudques  années  de  sa 
vie  réternelle  gloire  de  la  constance. 

Le  bourgmestre  fit  sentir  aux  médiateurs,  et  ils 
comprirent  eux-mêmes  que  dans   ces  circonstances 
Zurich  n'était  pas  un  lieu  propice  à  des  négocia- 
tions pacifiques.  De  retour  à  Bade,  les  Zuricois  leur 
déclarèrent  qu'ils  étaient  prêts  à   soumettre  toutes 
les  affaires  ' ^^  au  jugement  des  évêques  de  Constance 
et  de  Bâle  et  des  villes  représentées  à  fiade  ou  d'au- 
tres villes  de  l'Empire '^"^^  ensemble  ou  séparément. 
Les  Confédérés  témoignèrent  de  la  confiance  dans  les 
juges  proposés  ^^^,  mais  aussi  du  regret  de  ce  que  les 
alliances  étemelles ,  récemment  sanctionnées  par  un 
nouveau  serment,  étaient  considérées  par  d'anciens 
confédérés  avec  un  mépris  qui  trahissait  l'iiftention 
de   dissoudre  la  Confédération.  Ils  ajoutèrent  ((  que 
j)  personne  ne  devait  leur  en  vouloir  si,  conformé- 
»  ment  aux  vieux  traités,  Uen  de  la  république  suisse, 
»  ils  demeuraient  attachés  à  la  forme  du  droit  de  leur 
»  patrie  ^'^;  que  cette  forme  si  simple  avait  été  res- 

<*•  La  eh.  est  dans  Tsekadi. 

**'  Elles  ont  été  nommées  ci-dessus ,  n.  98 ,  98  et  101.  Il  faut  y  ajou- 
ter ici  Biberacb ,  Kempten ,  Rothw;yl,  Golmar,  Slelstadt  et  Pribourg  en 
UecktlancL  Suivant  Bullinger  on  offrit  même  de  s'en  rapporter  à  Berne 
et  à  Soleure  ;  cela  doit  probablement  s'entendre  de  la  part  que  Zurich 
eut  dans  l'offre  du  margrave  dont  nous  allons  parler. 

*^*  «  Qu'ils  ne  leur  inspiraient  ni  répugnance  ni  crainte.  > 

*^*  «  Nous  avons  cette  confiance  que  votre  grâce  et  amour  ni  p«r- 
»  sonne  ne  trouvera  mauvais  que  nous  n'aimions  pas  à  nous  écarter  des 
»  droits  résultant  de  nos  traités.  • 


UVRE   IV*    CHAP.    I.  33 

M  pectée  juacju'alors  au  milieu  des  plus  grands  mou- 
iuvemeus'^^;  qu'ils  étaient  pféts  à  sacrifier  aux  lois 
»  le  bonheur  même  de  leurs  armes  ;  qu'ils  se  faisaient 
»fort,  eux 9  les  députés,  d'obtenir  de  leurs  gouver- 
unemens'^'^  même  après  tout  ce  qui  s'était  passée 
«que  les  Zuricois  jouissent  de  l'égalité  et  de  Fim* 
»  partialité  de  la  justice  fédérale  ^^^.  » 

Cette  volonté  unanime ,  persévérante ,  des  sept  villes 
et  cantons  victorieux  fit  impression  sur  les  esprits. 
Le  margrave  y  à  son  tour^  déclara  :  «  Qu'au  sujet  de 
«la  paix  conclue  entre  son  gracieux  maître  et  les 
)}  Confédérés^  et  sur  la  question  de  savoir  qui  l'avait 
»  rompue  ^  il  consentait  à  un  jugement  arbitral  ;  que 
»  puisque  les  Confédérés  croyaient  appartenir  à  l'Em^ 
»pire^^^,  il  leur  offrait  de  prendre  pour  juges  les 
»  électeurs  9  les  princes  et  les  villes  '^*^  le  sire  de  Wur- 
0  temberg  *^^ ,  le  sire  de  Savoie  /quoique  allié  de  Berne 
u  etde  Soleure,  le  nonce  du  Concile  et  du  Saint-Père,  et 
»  les  évêques  de  Constance  et  de  Baie.  »  Il  demanda 
d'ailleurs,  ainsi  que  Zurich,  que  les  arbitres  dé- 
cidassent si  les  Confédérés  pouvaient  équitablement 
réclamer  une  autre  procédure.  Il  finit  en  exprimant ^ 
le  confiant  espoir  que  les  villes  de  Berne  et  de  So- 


*^  Par  les  Unterwildiens ,  par  exemple ,  <laDs  la  gaerre  de  Rinken- 
berg;  t  m,  p.  91  et 92,  et  parScbwyi  dans  i'aifaire  de  Zoug.  IhitL 
^  387. 

'^^  «  Qu'ils  veuillent  nous  autoriser.  • 

'^  La  eh,  de  cette  noble  et  sage  déclaration  se  trouve  dans  TêchudL  ' 

'^  Il  voudrait  ne  pas  reconnaître  que  les  cantons  forestiers  et  sans 
doute  aussi  Zoug  et  Luceme  relèvent  immédiatement  de  FËmpire. 

*^  Bien  entendu  les  députés  ou  les  bourgmestres  et  les  petits  conseils 
à^  villes  susmentionnées.  Il  pouvait  avoir  ses  raisons  pour  ne  pas  se 
fier  aux  grands  conseils ,  où  dominait  le  principe  démocratique. 

^'  Alors  encore  comte. 

Tl.  3 


\ 


34  HISTOIRK   DE   LA    SUISSE. 

leare,  coq  vaincues  de  la  justice  de  ses  procédés^  ne 
soutiendraient  plus  les  autres  cantons,  mais  s'en  se** 
pareraient  pour  leur  propre  honneur  ^^®. 

Les  Confédérés^  indivisibles  dans  leur  unanimité  ^^'^^ 
répliquèrent  par  Torgane  de  leur  orateur ,  le  fils  d'Ital 
Réding  '^^  :  «  Qu'ils    n'avaient    point  d'autorisation 
>>  pour  un  procès  avec  la  maison  d'Autriche^    mais 
»  seulement  pour  une  réconciliation  avec  leurs  vieux 
n  confédérés    de  Zurich;  qu'on  ne  pouvait  pas  leur 
n  reprocher  d'avoir  négligé  un  seul  moyen  ^^®;  que 
»  l'unique  chose  qu'ils  demandaient  à  TÂu triche  était 
»  de  ne  pas  se  mêler  des  affaires  de  la  Confédéra- 
»  tion  '^.  Que  si  l'Autriche  faisait  quelque   réclama-^ 
n  tion  à  la  Suisse ,  et  que  le  margrave  s'adressât  aux 
»  villes  et  aux  cantons,  il  recevrait  une  réponse  qui 
»  laisserait  leur  honpeur  intact  ^^K  » 

La  sollicitude  des  C!onfédérés  pour  leur  indépen- 
dance déplut  au  margrave.  De  leur  côté ,  ils  trou^ 
vèrent  mauvais  que  ce  seigneur  proposât  la  pro- 
longation de  l'armistice  ,  tandis  qu'ils  apprenaient 
enfin,  eux  aussi,  par  le  bruit  public,  ce  qui  se  tra- 
mait contre  eux  en  France.  On  se  sépara  done  (34 
mars  4444);  lui  ^  dans  l'espoir  d'une  prompte  yen-- 

*^  Ttchudi  nom  donne  le  texte  de  cettie  propontîon. 

**7  On  voit  ici  U  promptitude  des  conseillers  autrichiens  et  le  désir 
qu'ils  avaient  de  diviser  les  Confédérés;  mais  Berne  et  Soleare  n'étaient 
point  disposés  à  se  laisser  jamais  déloomer  de  leurs  chers  confédérés. 
Têchudi,  U,  diO. 

*^  «  Il  était  l'orateur  et  l'avocat  des  Confédérés.  «  T$ehaehHaH. 

"*  «  Gracieui  et  cbeit  seigneurs,  nous  avons  fait  des  offres  et  des 
»  avances  plus  que  snfilsanles.  • 

***  «  Qu'ils  laissent  ceai  de  Zurich  libres  et  nous  laissent  agir  selon 
•  ce  que  news  croyons  juste  d'après  nos  alliances.  » 

*'*  Lkek  de  cêlU  déclaration  fédérale  se  trouve  aussi  dans  Tsekadi» 


UVRE   IV.    CHàP.   I.  35 

geance;  eux^  satisfaits  de  ce  que  pour  adieu  le 
vicaire-général  de  Gùnstance  avait  accordé  l'absolu-' 
don  des  péchés  commis  pendant  les  campagnes  pré<- 
eëdentes  >^. 

La  plus  prochaine  expédition  militaire  fut  diri-* 
gëe^  non  sans  préméditation^  contre  le  margrave.  Le 
lendemain  de  l'expiration  de  la  trêve  ^^^^  de  bon  matin , 
des  soldats  de  Wyl  coururent  par  la  Thurgovie  vers 
les  châteaux  de  Spiegelberg  et  de  Griessenberg,  dont 
il  devait  la  possession  à  sa  femme  ^^*,  les  brûlèrent 
et  retournèrent  chez  eux. 

Dans  ce  temps  le  jeune  dlsenhofen^^^,  dont  le 
père  avait  rempli  des  offices  dans  l'Autriche  anté- 
rieure '^  ,  s^efforça  d'enthousiasmer  par  un  chant  pa- 
triotique les  électeurs  y  les  princes  et  les  seigneurs 
de  l'Allemagne^  pour  une  guerre  à  outrance  contre 
l'orgueil  excessif  et  trop  entreprenant  '^''des  paysans 

*"  AkêoUiiio  Cùmmensmm  dans  TÈckmdL  Le  piys  n'est  pas  désigné 
d'une  manière  générale,  mais  seulement  dit  communes ,  les  mies  da 
diocèse  de  Constance,  les  antres  dn  diocèse  de  Goire.  L'évéque  de 
Constance  était  aussi  administrateur  de  Goire.  L'absolution  embrassait 
f  homicidia ,  incendia ,  tacrilegia ,  ecclesiarnm  effiractiones ,  manunm 
i  Tiolentanim  injectiones  in  penooas  eoclesîaaiticas ,  abn$mt  et  dtgtriteUo' 

•  ma  rtrmm  êaerarMM,  blasphemias»  et  d'autres  excès  racontés,  t.  V, 
p.  356  et  suiv.  et  que  le  bon  Tschudi  fondrait  taire.  «»  Il  n'y  a  certes 
pas  de  qwn  regretter  l'état  de  choses  qui  produisait  tout  cela.  D.  L.  H. 

***  Le  S4  avril  1644. 

t>*  Petite-fille  du  comte  Donat  de Tokenbourg ;  t  V,  p.  S5. 

"*  T$9kmdi  rapporte  qu'il  était  de  Waldshut. 

*••  T.  V,  p.  49,  n.  87  et  ailleurs. 

"^  «  Si  tu  restais  cbes  toi,  tu  aurais  de  bons  pâturages  (toi ,  vache 

•  suisse),  car  personne  ne  ie  chagrinerait  et  il  ne  t'arriverait  aucun 

•  mal.  •  11  appelle  la  vache  suisse  Bl&mi ,  expression  ancienne  que  rap- 
pelle le  nom  de  BiùmUtalp,  dans  rOberhasll.  »»  J'ignore  si  quelque 
pâturage  de  l'Oberhasli  porte  le  nom  de  BlQmlisalp  ;  mais  il  a  été  donné 
^  deux  montagnes  en  Smmt ,  l'une  sur  les  confins  des  cantons  d'Un  et  de 


36  HISTOIRE  PB   LA   SUISSE. 

suisses  ^^^  y  contre  les  Bernois  éblouis  par  ceux^-ci''^^ 
contre  le  riche  Bâle**^  et  Finfidèle  Argovîe^*^,  en 
faveur  du  roi  élu  par  eux  ;  méprisé  par  ces  adver- 
saires**^, en  faveur  de  la  justice  qu'ils  avaient  of- 
ferte, et  au-dessus  de  laquelle  les  Suisses  plaçaient 
un  droit  privé '*^,  dans  le  but   enfin   de  défendre 

Schwyi,  raubre,  d'one  imposante  beaolé,  aa  fond  du  dislricC  de  Fruti- 
gen  et  de  la  vallée  de  Gastern,  BUimU,  en  allemand  soiase,  signifie  aussi 
nne  petite  fleur.  Le  professeur  «/•  A.  Wyu,  dans  son  voyage  dan»  COber- 
Umd  bemoiâ,  ne  connaît  d'autre  Bl&mlisalp  que  celle  de  la  vallée  de 
Fmtigen  ;  mais  il  rappfelle  qu'autrefois  ce  nom  (  pâturage  fleuri  )  avait 
été  donné  au  glacier  de  Lanteraar,  alors  vallée  fertile  et  riante;  t.  I, 
p.  196,  delà  traduction  française.  Il  raconte,  t  II,  p,  14,  une  tra- 
dition curieuse  dont  la  scène  est  placée  sur  la  montagne  bernoise  que 
nous  avons  mentionnée.  G.  M. 
*"   «  Les  paysans  font  ^^es  miracles ,  leur  oiigueil  est  grand ,  celai 
de  Scbwyz  et  de  Glaris  surtout;  nul  n'est  leur  égal.  Ib  portent  main- 
tenant la  couronne  à  la  place  des  chevaliers  et  des  écujers;  ils  se 
surpassent  les  uns  les  autres  en  hardiesse;  ib  méprisent  le  roi,  etc.  » 
ii»  «  Vous  (Bernois)  vous  attachez  aux  paysans,  et  vous  croyez  que 
si  les  choses  suivaient  leur  marche  naturelle,  ils  vous  feraient  passer 
an  travers  des  mursi  sans  de  longs  retards.  • 
>^  m  Bile,  tu  peux  te  réjouir!  on  te  donne  une  pui^^ation  qui  te 
nettoiera  l'estomac,  après  quoi  tu  te  porteras  bien.  *  (Allusion  à  ses 
richesses  déjà  considérables.) 
i«t  «  Bremgarten ,  MelUngen  et  Bade ,  ce  n'est  pas  la  premièie  fois 
que  vous  agissez  ainsi;  vous  craignes  de  petits  dommages  et  vous 
rompez  votre  foi.  • 

**2  «  Les  Jeunes  pâtres  frappèrent  sur  leurs  baquets  de  façon  que  la 
montagne  en  retentit;  la  honte  (l'élection  du  roi)  ne  leur  plut  gnère, 
ils  allèrent  criant  :  Qui  lui  a  donné  le  pouvoir  ^itre  roi?  Que  le  diabU 
les  gouverne,  ce»  prinea  du  RhinI  C'est  ainsi  qu'ils  dédaignent  noire 
noble  roi.  » 

***  «  Si  nous  comparaissions  devant  les  seigneurs,  nous  compromet- 
trions nos  droits  ;  nous  serions  forcés  de  faire  des  restitutions  et  de 
garder  les  vaches  chez  nous;  notre  gouvernement  deviendrait  miséra- 
ble, notre  territoire  petit,  étroit;  si  donc  le  roi  veut  recourir  à  la 
justice,  qu'il  vienne  à  Békenried,  où  nous  lui  donnerons  audience.  » 
s  Békenried ,  village  du  Bas-Unterwalden ,  sur  le  laç  de  Luceme,  où  la 


LIV»B   IV.    CHAP,    I.  37 

leur  propre  cause  ^^^.  Il  adressa  des  exhortations  aux 
villes  de  Zurich**^ et  de  Winterthur *** ,  des  éloges 
à  RapperschwyP*'',  n'attendit  pas  grand'  chose  des 
autres  cités  *^' ,  et  plaça  tout  son  espoir  dans  la  réus- 
site'^^*  De  pareils  moyens  enflamment  les  passions 
d'une  nation  ou  d'un  parti  religieux  ;  mais  il  est  im- 
pradent  d'opposer  les  seigneurs  aux  villes  et  aux  cam^ 
pagnes,  et  la  noblesse  au  peuple;  par  là  l'on  s'aliène 
la  majorité  du  genre  humain ,  sans  laquelle  la  mi- 
norité ne  peut  rien  entreprendre.  Les  illusions  sur 
la  valeur  de  pareilles  tentatives  et  l'attente  de  leur 
succès  font  négliger  la  seule  mesure  utile ,  qui  est  de 
rendre  le  peuple  si  heureux  et  si  content^  qu'il  ne 
Teuille  pas  échanger  son  sort  contre  les  dangers  et 
les  terreurs  d'une  révolution. 

Tandis  que  les  seigneurs  et  les  villes  de  l'Em- 
pire germanique  se  tenaient  mutuellement  en  échec 
au  sujet  de  lafiaire  suisse,  et  que  les  premiers  at- 
tendaient le  secours  des  puissances,   les  bançiiéres 


diète  et  des  conférences  fédérales  se  sont  rénnies  plus  d'une  fois.  G.  M. 
^^  f  Défendec-vous  donc  à  temps ,  braves  gens ,  contre  la  déraison 

•  de  la  paysannerie;  car  si  tous  ne  la  prévenei  pas ,  elle  deviendra 
»  une  grande  tribu.  Ne  voalez-vons  pas  éloindre  le  feo  avant  qu'il  ne  ' 
»  vous  consume  ?  • 

^  «  Zaricb ,  quitte  ta  tristesse  «  ouvre  Joyeusement  les  yeux;  lance 

•  des  regards  railleurs  aux  paysans.  » 

*M  «  Ne  vous  eflrâyex  pas  des  menaces ,  vos  murs  sont  entourés  de 

>  bons  fossés.  • 

'^'  «  Ta  justice  trioinpbera ,  car  tu  n*as  agi  que  pour  le  bien.  » 

>M  «  Que  ce  soient  des  villes  ou  des  paysans  »  il  n'y  a  guère  de  dif  * 

•  férence;  tous  voudraient  être  les  maîtres.  » 

***  «  Les  nuages  sont  pressés  contre  la  montagne,  c'est  TefTet  de 

•  rédat  do  soleil.  Les  paysans  sont  dépouillés  de  leur  puis<»ince;  c'est 

>  l'effet  de k  guerre  du  paon»  (symbole  de  l'Autricbe).  T$chëdi  H, 
US.4i5. 


38  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

des  sept  Cantons  se  rendifent  à  Kloten ,  antique  et 
grand  village  situe  non  loin  de  la  Glatt^  dans  le 
comté  de  Kibourg(30  avril  1444).  Ils  occupèrent  les 
villes  et  les  forteresses  conquises ,  et  bloquèrent  si 
étroitement  Rapperschwyl 'pendant  trente  et  une  se* 
maines,  que  là  garnison  assez  considérable  de  cette 
place  ^^ ,  les  gentilshommes  et  les  bourgeois  notablea 
de  Bremgarten,  qui  s'y  étaient  réfugiés  ^^S  enfin  les 
habitans  de  Rapperschwyl  eux-mêmes ,  en  face  du 
lac  et  au  milieu  d'iin  pays  fertile^  manquaient  d'eau 
et  de  vivres.  Ils  résistèrent  avec  un  invincible  cou- 
rage; ils  apprirent  à  dompter  des  besoins  nés  de 
l'habitude  ;  nul  ne  regardait  comme  sa  propriété  un 
objet  nécessaire  à  son  compagnon  d'armes.  On  fit 
des  moulins  à  bras;  pour  d'autres  on  se  servit  de 
chevaux;  comestibles  et  argent  furent  mis  en  réqui- 
sition; bancs ^  parois^  bois  de  lits,  cahutes^  tout  fut 
brûlé;  les  bœufs  et  les  moutons  consommés,  on  man- 
gea des  chevaux .  et  des  chats. 

Tandis  que  les  Confédérés  se  rassemblaient  prés 
de  Kloten ,  le  pays  d'Âppenzell  aussi  déclara  la  guerre 
aux  Zurieois^  parce  qu'ils  refusaient  de  suivre  la 
marche  tracée  par  le  droit  fédéral ,  et  au  margrave , 
parce  que  l'Autriche  soutenait  Zurich  '^. 

Lorsque  toutes  les  bannières  et^  sous  Ulrich  d'Er^ 
lach,    avoyer    de  Berne  ^^^,    le  secours  de  Soleure 

***  Le  capitaine  ïjoms  Mejrer  avec  AS  hommes;  son  beau -frère  Jean 
Ze  Rbjne;  beauconp  de  cavaliers;  120  fantassins  mercenaires;  5<^ 
hommes  des  bords  du  lac  de  Zarich  ;  deux  artilleurs. 

***  Au  nombre  de  80 ,  parmi  eux  Tavoyer  Megger.  Tschudi, 

*^*  Les  deux  déclarations  de  guerre  du  Undammann,  du  ooBseil  et 
des  habitans  d'Appensell ,  50  avril  iàhà  ,  se  trouvent  dans  Tênkêdu 

«M  GinéalogU  de»  (TEri^uk.  —  Blac. 


LIVRE   IV.   CHAP*    U  89 

aiiM  9  peul*élre  même  celui  de  Fribourg  en  Ueeht- 
kmd  ^^  furent  arrivés,  on  délibéra  sur  l'action  mi-» 
litaire  par  laquelle  on  débuterait.  SchwyK  et  Glaris 
appelèrent  les  plaintes  des  babitans  de  Grûnkig^, 
leors  alliés ,  sur  la  violence  eiercée  envers  eux  ^  au 
sem  de  la  paiir ,  par  la  garnison  luriooise  de  Greifen* 
sée.  Ce  château  ^  autour  duquel  s'était  élevée  une 
jolie  petite  ville  ^  avait  été  cédé  par  la  maison  de  Ho- 
benlandenberg,  dans  un  moment  de  pénurie  d'argent, 
an  père  du  dernier  comte  de  Tokenbourg  ^^p  et  par 
Frédéric  à  la  ville  de  Zurich  pour  une  somme ,  en 
reGonnaiaaanœ  de  ses  services^  et  comme  gage  de 
leur  nouvelle  amitié  ^^.  Greifensée  est  situé  à  peu  de 
lieues  d'Uster ,  seigneurie  des  Bonstetten,  dans  une 
agréable  et  fertile-  contrée  au  bord  d'un  lac  char- 
nsnt.  Jean  de  Breiteolandenberg^  surnommé  Jean-le- 
Sanvage  à  cause  de  son  audace  militaire  ^  occupait 
ce  lieu  avec  soiacante-dix  ou  quatre-vingts  guerriers , 
h  plupart  jouissant  d'une  haute  considération  ^^''y 
tais  l^roiqnes  et  pour  cela  même  entièrement  dé- 
voués à  sa  personne  ^^.  Il  fit  sentir  d'autant  phis  vi- 
vement son  mépris  aux  babitans  de  Grûningen ,  qui 
dans  l'espace  de  deqx  ans  s'étaient  rendus  deux  Cois 
trés-promptement  à  l'ennemi^  que  leur  bailli  schwy- 
lois  ^^  avait  violemment  forcé  les  contrées  voisines  à 
hu  prêter  le  même  serment. 

***  Chroniqti€  de  Fribourg.  —  Msc.  Cette  TÎlle  était  ordinairement 
très-fidèle  à  l'Autriche  ;  mais  la  gaerre  se  faisait  contre  Zurich. 

'**  Dietbelm  en  i»70. 

***  En  1400  ;  Uu. 

"'  Nous  en  retrouverons  plusieurs  dans  la  suite. 

^^  n  avait  attsai  deux  valets  et  six  hommes  «qui  étaient,  venu»  vers  lui 
•  en  guise  de  mercenaires,  •  EdUbach, 

^  C'éUit  encore  Wemer  de  Ruff  . 


40  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

Quand  la  flamme  de  métairies  lointaines  ^^  lui  an- 
nonça l'approche  des  Suisses ,  Jean-le-Sauvage  se  hâta 
d'envoyer  à  Zurich  les  femmes  et  les  enfans  inutiles.  Il 
pouvait  croire  à  la  possibilité  de  défendre  le  chàteaia 
jusqu'à  l'arrivée  des  Armagnacs;  en  tout  cas,  pour 
l'honneur  de  son  nom ,  pour  l'exemple  et  pour  gagner 
du  temps  il  devait  faire  les  plus  grands  efforts.  Le  pre- 
mier de  mai,  après  midi^  les  Suisses  parurent  avec 
des  forces  considérables  dans  les  prairies  voiânes  du 
lac^  sur  la  Usiére  d'un  petit  bois  de  chêne  ^  derrière  le 
château  ;  ils  donnèrent  l'assaut,  pressèrent  la  ville.  Jean- 
le-Sauvage,  hors  d'état  d'en  défendre  les  faibles^murailr 
les  dans  toute  leur  étendue,  réfléchissant  avec  sagesse 
au  danger  que  court  la  position  essentielle  quand  on 
veut  se  soutenir  sur  tous  les  points ,  résolut  de  mettre 
le  feu  à  la  ville.  Il  perdit  six  hommes  '^^  dans  un  com* 
bat  contre  les  assaillans  ;  après  minuit  la  flamme  éclata 
de  tous  les  cotés  ^^^.  Les  femmes  restées  pour  garder  les 
bestiaux  et  les  biens  ^  à  son  insu  ou  par  son  ordre '^^, 
poussant  dans  leur  angoisse  des  cris  lamentables ,  des^ 
cendirent  avec  leurs  enfans  ^  par  les  fenêtres,  des  mu- 
railles dans  la  campagne.  L'ennemi  se  prit  de  pitié 
pour  cette  troupe  misérable  ^  la  restaura  et  la  fit  pntir 
pour  Uster. 

Jean*le-Sauvage,  sufiisammeni  pourvu  de  vivres,  de 
munitions  et  d'armes  ^^^,  du  reste  isolé,  vu  qu'on  avait 
occupé  les  rivages  du  lac  et  coulé  à  fond  ses  barques , 


tM  Q'ç^i  ic£  que  BaiUnger  place  la  destruction  totale  dn  Kratentharm. 
près  de  Zurich. 
«•«  BaiUnger. 

^^  Auaû  un  grand  nombre  se  montrèrent-ils  nus.  Tschudi, 
'**  Autrement  il  aurait  aussi  averti  les  femmes. 
***  Mais  il  n'avait  qa*  «  un  petit  de  via,  »  Têekoâhilan. 


UVRë   IV.    CHAP.    I.  41 

tint  vingt-six  jours.  L'ennemi  le  canonna  sans  relâche 
mais  sans  gi^nd  résultat  ^^^;  Jean  ne  recourut  ni  aux 
prière»  ni  aux  menaces  ;  le  feu  des  assiégés  tua  beau- 
coup de  monde.  ^^.  Tout  le  pays  avait  les  yeux  fixés 
8ur  Greifensée  ;  pendant  quatre  semaines  les  villes  et 
la  milice  entière  des  Cantons  forestiers  ^^'^  assiégèrent  et 
pressèrent  vivement  le  château.  Tous  les  sujets  de  Zu- 
rich voyaient  le  courage  de  la  garnison  avec  admira- 
tion ,  avec  inquiétude 3  avec  amour  ;  ils  craignaient  des 
malheurs  imprévus.  Ceux  des  bords  du  lac  prirent  les 
armes  et  proposèrent  ^u  gouvernement  de  fondre,  près 
de  Bade  ou  de  Wésen ,  sur  le  pays  dégarni  de  troupes 
et  de  forcer  l'ennemi  à  lever  le  siège  de  Greifensée  '®*, 
Âumoyend'une  fausse  alarmequ  ilsdonneraientsur  une 
colline  voisine  pendant  la  nuit^  ils  se  proposaient  aussi 
'  d'engager  les  troupes  qui  assiégeaient  le  château  du 
côté  du  lac  à  faire  une  forte  reconnaissance,  pendant  la-> 
quelle  ils  délivreraient  la  garnison  ^^^»  Les  Zuricois  in- 
terdirent l'un  et  l'autrestratagème,  au  nom  de  l'honneur 
et  du  serment;  on  oublia  que  le  sort  peut  triompher 
du  plus  noble  héros  et  de  la  forteresse  la  plus  solide  y 
ou  bien  Ton  craignait  de  la  part  de  l'ennemi  quelque 
autre  entreprise  *''®,  ou  peut-être  voulait-on  occuper  ici 
ses  principales  forces  ^  afin  que  les  Armagnacs ,  qui  ve- 
naient de  Toccident^  rencontrassent  moins  d'obstacles. 


***  •  c'était  comme  si  Yen  eût  jeté  des  boules  de  neige.  •  EdUbaek. 

**'  •  Us  tirèrent  habilement  hors  des  murs ,  en  sorte  qulls  tuèrent 
■  bien  des  soldats.  •  Tschudi.  =  La  garnison  se  composait^principalement 
d'arquebusiers.  G.  M. 

'"  «  Ce  qui  pouvait  porter  bâton  ou  lance.  »  Ediibaek, 

'"  Ediibach  et  BuUinger. 

"•  BMnger'. 

"*  P.  e.  la  dévastation  du  pays  de  Kibourg.  «  En  général  il  amvait 
don  dn  o6lé  de  Zurich  de  grandesc  alamités.  >  Edlibaeh, 


42  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

Jean-Ie-Sauvage ,  sans  autre  appui  que  le  rempiirt 
de  son  château  et  de  sa  bravoure,  fatigua  les  eouemis  au 
point  qu'ils  songèrent  à  une  retraite.  Alors ,  soit  amour 
de  la  nouvelle  domination^  haine  de  Tancienne,  cupi- 
dité ou  méchanceté ,  un  paysan  du  hameau  d'Egg , 
nommé  M aler  ^^^,  se  rendit  au  camp  et  découvrit  l'en- 
droit par  où  Ton  pouvait  miner  le  château,  lies  Suisses^ 
transportés  de  joie  et  d'enthousiasme ,  préparèrent  un 
chat^''^,  arrivèrent  pendant  la  nuit  par  le  lac  au  pied 

«'i  EàUhach  :  «  Maller;  »  Builing^r:  •  MtalM*.  »  ^  nous  ne  liiîons 
pas  positivemeot  qu'il  était  da  district  de  Greifensée ,  nous  raorions 
pris  pour  le  métayer  d*Egg,  près  Mûncheaaltdorf ,  dépendant  de  Grtk- 
ningen.  Du  reste,  il  fut  arrêté  dans  la  suite  comme  il  portait  du  poisson 
dans  le  c^mp  des  Confédérés  et  (avec  raison)  décapité  à  Zurich. 
BulUnger, 

*'*  On  donnait  ce  nom  à  la  machine  qui  protégeait  les  travailleurs , 
parce  qu'elle  servait  à  saisir  les  souris  enfermées  dans  la  souricière. 
»>  Â  rimi talion  des  Romains  ,  les  Suisses  se  servaient  du  bélier  pour 
faire  des  brèches  et  le  suspendaient  à  la  partie  supérieure  d'un  écha- 
faudage couvert  d'un  toit ,  et  placé  sur  des  roues  on  des  rouleaux  pour 
qu'on  pût  l'approcher  des  murs.  L'échafaudage  se  composait  de  pou- 
tres; son  toit ,  couvert  de  peaux  fraîches  ou  d'autres  préservatifs  contre 
le  feu ,  défendait  ceux  qui  faisaient  Jouer  le  bélier  tout  comme  les 
travailleurs  qui  minaient  les  murs.  Le  nom  de  ckat  est  le  terme  techni- 
que en  français,  comme  en  allemand  et  en  latin  («  musculus»).  Voy. 
de  Rodi,  Hisi»  de  l'art  militaire  chei  Us  Bernois,  t.  I,  p.  77  et  78.  —  M. 
J.  6.  Zetlwéger  dans  son  Histoire  da  peuple  appetuelbis ,  t.  I ,  p.  507^ 
Ht  %  aussi  raconté  le  s&ége  de  Greifensée,  d'après  quelques  sources 
que  Muller  n'avait  pas  consultées ,  surtout  la  Chronique  manuscrite  de 
BrennwaU  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Zurich  ,  et  la 
Chronique  de  Jean-Léo  Judas,  à  la  bibliothèque  de  Bftle.  Le  nouvel 
auteur  ne  contredit  presque  aucun  des  détails  du  récit  de  Muller  ;  il 
en  ajoute  de  nouveaux ,  que  nous  donnerons  d'après  1  ui.  —  Il  ne  se 
passait  aucun  jour  sans  que  les  assises  tuassent  plusieurs  des  assiégeant. 
Ceux-ci  tinrent  conseil  dans  une  assemblée  générale  ;  ils  délibérèrent 
slls  abandonneraient  le  siège  ou  prendraient  quelque  antre  parti.  C'est 
alors  que  Maler  vint  vers  eux  et  leur  dit  :  «  Ghers  Confédérés,  renoncez 
»  à  votre  canonnade  et  suivez  mon  conseil  ;  car  le  cb&teau  est  si  fort. 


UVBE   JV.    CHAP.    I.     ,  4S 

du  château  et  travaillèreat  avec  des  eflForts  inouis  ;  le 
château  était  bâti  sur  le  roc.  Jeau-le-Sauvage  ne  fut  pas 
pris  au  dépourvu.  Le  maitre-^iutel  avait  été  porté  de 
Téglise  sur  les  créneaux  de  la  muraille  ;  précipité  de  là , 
il  écrasa  le  chat  et  les  travailleurs  qui  se  trouvaient  des* 
sous.  L'ennemi  9  plein  de  rage  et  de  douleur,  reconstrui- 
sit cette  machine  plus  solidement  ;  dix  ouvriers  furent 
envoyés  pour  aiguiser  incessamment  les  pioches.  Les 
flèches  des  assiégés  éclaircissaient  les  rangs  des  ennemis 
éloignés  ;  les  plus  rapprochés  étaient  exposes  au  feu  ;  la 
partie  inférieure  du  mur  n'avait  point  de  meurtrières. 
Le  chat  résista  à  des  tonneaux  remplis  de  pierres  ^'^^. 
Soit  excès  de  confiance  dans  le  roc ,  soit  accidens  for- 
tuite ^''*,  le  mur  n'était  pas  bien  fort  à  l'endroit  où  Ton  le 
minait;ils*y  trouvait  beaucoup  de  mortier  et  de  poutres. 
Les  travailleurs  réussirent  à  découvrir  les  poutres ,  qu'on 
rompit  à  coups  de  boulets  ;  le  mortier  fut  enlevé  et  rem- 
placé par  des  combustibles  auxquels  on  menaça  de  met- 
tre le  feu;  le  château  aurait  alors  irrésistiblement  été 
pris  d*assàut.  Dans  ces  circonstances  ,  on  proposa  de 
capituler*.  Les  Confédérés  dirent  :   «  Vous  êtes  nos 

•  que  par  ce  moyen  vous  n'avancerei  point  ;  j'y  ai  été  fort  souvent  et  je 

•  Fai  observé  ;  vous  n'y  entrerez  qu'en  minant  le  mnr  ;  je  vous  ensei- 
>  goerai  comment  il  faut  s'y  prendre.  »  Il  ajouta  que  le  côté  faible  du 
cb&teaa  était  celui  qui  regardait  le  lac.  Les  Confédérés  eurent  à  miner 
qnalone  mnraîlles  d'enceinte  de  la  ville ,  avant  de  parvenir  au  mur  du 
cbftteao.  Alors  seulement  ils  construisirent  leur  chat.  G.  M. 

'^'  «  Us  étaient  trop  petits.  •  BuUinger. 

*^*  Le  voisin  Blaler  connaissait  probablement  œs  particularités. 

*  A  mesure  que  les  Confédérés  avaient  miné  une  portion  du  mmr,  ils 
la  tootenaient  avec  des  pièces  de  bois  et  remplissaient  l'espace  vide  de 
paille  et  de  fagots.  La  garnison  remarqua  que  le  mur  commen^it  à 
s'affaisser  et  les  pierres  à  se  détacher  des  poutres.  Les  progrès  des  assié- 
geas ne  purent  donc  Un  échsypper  ;  elle  prévit  aussi  qu'elle  allait  être 
enievdie  sons  les  mines  du  chftteao.  Le  brave  capitaine  l'assembla  ponr 


AU  HISTOIRE   DE   L4   SUISSE. 

»  prisonniers  ^'^^  et  vous  prétendez  négocier.  »  Jean-Ie— 
Sauvage  répondit  :  w  Eh  bien  !  nous  brûlerons  le  châ- 
»  teau  avec  tout  ce  qui  s*y  trouve  et  nous  mourrons  sous 
»  ses  débris 9  nous,  vos  prisonniers.  »  On  réfléchit  de 
part  et  d'autre  :  les  assiégeans  craignaient  de  perdre  le 
butin  ;  les  assiégés  ne  redoutaient  pas  la  mort ,  mais , 
privés  d'un  prêtre,  un  grand  nombre  répugnaient  à 
passer  à  l'éternité  sans  confession  ^'^^.  La  capitulation 
fut  réglée  verbalement*",  suivant  l'usage,  dans  des 
termes  qui  rassurèrent,  à  ce  qu'il  parait,  les  assiégés^ 
mais  sous  lesquels  Réding  cacha  de  tout  autres  inten- 
tions *^'. 


délibérer.  Animé  d'un  courage  inébranlable ,  il  proposa  à  ses  soldats 
de  sortir  du  cbftteau  au  milieu  de  la  nuit  suiTante ,  en  descendant  par 
les  murs  au  moyen  de  cordes ,  et  d'attendre  que  les  Confédérés  relevas- 
sent leurs  sentinelles.  Pendant  que  celles-ci  s'en  iraient,  ils  cherche- 
raient eui-mémes  à  échapper;  si  de  nouvelles  sentinelles  étaient  déjà 
placées ,  ils  les  tueraient  et  s'enfuiraient.  Une  fois  hors  de  la  ville , 
comme  ils  connaissaient  les  chemins  h  travers  les  marais  et  les  bois 
mieux  que  les  Confédérés,  ils  parviendraient  en  lieu  sûr  avant  que  les 
troupes  du  camp  ne  pussent  les  poursuivre.  La  garnison ,  que  les  Con- 
fédérés avaient  souvent  sommée  de  se  rendre  en  lui  promettant  la  vie , 
crut  qu'il  était  encore  ten^ps  de  capituler  à  la  même  condition.  Sept 
fois  on  tint  conseil  cette  même  nuit  sans  pouvoir  s'entendre.  EnGn  »  le 
20  mai,  après  le  déjeuner,  les  assiégés  crièrent  aux  assiégeans  qu'ils 
étaient  prêts  à  capituler.  G.  M. 

"^   «  A  présent  vous  êtes  dans  le  sac  •  BuUinger, 

«^«  Têchttdi. 

*^^  On  n'en  a  jamais  vu  de  traité  écrit. 

*^*  Ttchudi  prétend  qu'ils  se  rendirent  à  discrétion ,  mais  «  avec  bon 
espoir.  •  Etterlin  ;  «  Hs  se  livrèrent  complètement  h  la  clémence  des 
•  Confédérés.  •  Selon  BuUinger,  qui  cite  la  tradition  populaire ,  confir- 
mée par  un  témoin  oculaire,  Kilian  Kégler,  ils  remirent  «leurs  per- 
>  sonnes  en  grâce,  le  château  en  disgrâce.  •  Rahn  et  fValdkireh  affirment 
qu'on  leur  promit  leur  grâce.  La  manière  dont  nous  concilions  ces  con- 
tradictions se  justifie  parce  que  d'un  côté  BulUn^er  rapporte  que 
dans  un  écrit  au  comte  palatin  du  Rhin  les  Confédérés  jurèrent  par  le 


UVRB   ly.    CHAP.    !•  45 

On  escalada  les  murs  avec  l'aide  même  de  la  garni- 
son ;  elle  avait  si  bien  barricadé  la  porte  qu'il  ne  lui  fut 
pas  possible  de  l'ouvrir  ^'^*.  Les  intendans  du  butin *^^ 
étaient  fort  occupés  à  vider  les  vastes  magasins  de  blé 
et  d'autres  comestibles  ,  l'arsenal  richement  pourvu 
et  les  chambres  remplies  de  tous  les  meubles  précieux 
de  la  contrée ,  tandis  que  le  hérqs  et  ses  fidèles  com- 
pagnons ,  les  mains  liées  ^  descendaient  tristement  les 
échelles  ^^^ 

Le  lendemain  matin*,  tous,  au  nombre  de  soixante- 
douze  ,  furent  conduits  dans  les  prairies  situées  entre 
Greifensée  et  Naenîkon,  pour  être  jugés  par  les  Confé- 
dérés réunis  en  conseil**;  dans  l'opinion  de  Réding,  la 
grâce  y  condition  de  la  capitulation,  offrait  un  sens 

Jqge  des  vivans  et  des  morts  n'avoir  commis  aucune  injustice,  et  qne 
de  Tantre  Tsehudi  raconte  qu'un  grand  nombre  furent  inquiétés  dans 
leur  conscience  par  ce  qui  se  passait  Ih.  =  Selon  le  récit  de  M.  Zellwë- 
ger,  lorsque  la  garnison  ent  déclaré  son  intention  de  capituler,  les 
Confédérés  répondirent  :  «  Que  ne  l'avez'vous  fait  lorsque  nous  vous 
>  en  «Tons; sommés;  vous  nous  avez  causé  tant  de  mal  depuis,  que 

•  nous  ne  pouvons  plus  consentir  ani  mêmes  conditions  ;  rendei-vouS 

•  à  discrétion  ;  nous  ne  voulons  rien  vous  promettre ,  sinon  quant  am 

•  glaive,  >  La  garnison  se  rendit  le  mardi  avant  la  Pentecôte.  G.  M. 

'^*  On  y  monta  par  un  tas  de  bois.  Edliback,  ==  Selon  d'autres  les 
Confédérés  montèrent  par^  des  échelles  et  entrèrent  par  les  fenêtres. 
C.  M> 

*'*  Ils  étaient  instflués  dans  les  armées  fédérales  par  la  convention 
de  Sempach.  T.  III,  518-820. 

***  Ils  ne  •  sortirent  >  pas,  comme  dit  Têfhadi;  on  les  fit  •  glisser 
misérablement  le  long  des  murs.  »  BuUinger.  T»ehudi  n'entre  pas  dans 
beaucoup  de  détails;  il  était  permis  au  descendant  d'un  des  acteurs  de 
détoomer  les  yeux  de  ce  tableau. 

*  28  mai*  C.  M. 

**  Suivant  l'usage ,  les  capitaines  et  les  autres  conseillers  foraièrenl 
on  o^rcle,  au  miliea  duquel  se  tenaient  les  prisonniers  pour  entendre 
les  délibérations.  G.  M. 


46  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

équivoque  ^^^.  Un  Schwyzois  *  pfroposa  le  premier 
que  tous  fussent  mis  à  mort,  à  l'exception  d'un  senU 
Il  désirait  sauver  Ulrich  Kupferschmid  ^  d'une  bonne 
fomille  de  Schwyz  ^^^,  mais  au  service  de  la  ville  de 
Zurich '^^^  et  si  fidèle  à  son  serment ,  qu'après  Jean-le- 
Sauvage,  il  s'était  le  plus  distingué  par  ses  exploits  ^^^. 
Un  autre  déclara  ce  qu'il  ne  s'opposait  point  à  ce 
u  qu'on  punit  de  mort  Jean*le-Sauvage ,  étranger  à 
»  Zurich,  et  les  mercenaires  qu'une  faible  solde  avait 
»  décidés  à  combattre  les  Suisses  ;  mais  qu'il  lui  parais- 
*)  sait  injuste  d'infliger  le  dernier  supplice  aux  trente 
»  hommes  du  district  de  Greifensée ,  sujets  de  Zurich , 
»  loyalement  dévoués  à  leurs  devoirs  militaires.  »  Alors 
se  leva  Holzach,  capitaine  de  la  milice  de  Menzingen, 
au  pied  de  la  montagne  de  Zoug  ^^^  ;  il  soupira  et  dit  : 
a  Confédérés ,  loyaux  compagnons  ,  craignez  Dieu  , 
»)  épargnez  le  sang  innocent.  Si  Jean  de  Landenberg 


**^  EdUbaeh  même  ne  dit  pas  qu'on  tit  accusé  Rédiag  d'âne  violalkni 
hnaeWe  de  sa  parole. 

*  Ital  Jean  RédÎDg ,  te  jeune ,  ammann  et  commandant  de  la  milice 
de  Sdkwyz.  G.  M. 

'**  Un  membre  de  cette  famille  avait  été  landammann  peu  au  para  • 
vaot;  peut-être  même  rétail-il  encore;  un  autre  fut  abbé  d'Engelberg 
en  i4Sl. 

«>*  Vatet  de  vilte.  Taehudi. 

'*^  «  Il  tirait  toujours  plus  et  se  montrait  plus  animé  que  les  autres.  • 
Têchudi. 

*"  EdUbaeh  savait  son  nom ,  mais ,  par  un  motif  inconnu ,  il  l'écrivit 
en  chiffres ,  illisibles  pour  nous  ;  peut-être  par  ménagement  pour  ses 
deacendans  établis  à  Schwyi.  De  là  vient  que  BuUinger  et  les  autres  histo- 
riens ne  le  nomment  pas.  Nous  sommes  redevables  du  plaisir  dlionorer 
la  mémoire  de  ce  noble  campagnard  an  général  de  Zurlauben ,  qui  nous 
a  fait  connaître  son  nom  d'après  la  constante  tradition  du  pajs  et  nous 
H  prouvé  par  des  documens  que  cette  famille  avait  existé  à  Menxingen. 
Ulrich  Holaacb ,  peut-être  son  frère  .  fut  depuis  i4éO  abbé  de  Mouri  ;  il 
Vjftcut  jusqu'en  4465. 


LIVRE   IV.    GHAP.    I.  47 

»  n'est  pas  né  citoyen  de  Zurich ,  il  n'en  est  pas  moins 
»  seigneur  allié  à  cette  ville  par  son  serment  de  corn*- 
n  bourgeoisie.  Pouvait-îl^  sans  déshonorer  son  nom,  tie 
A  pas  odbéir  au  gouvernement  qui  l'appelait  à  prendre 
1»  les  armes  pour  sa  défense*?  Que  tout  homme  insen- 
D  sible  à  l'honneur,  s'il  en  est,  réfléchisse  que  la  dés- 
A  obéissance  eût  coûté  à  Landenberg  sa  fortune.  Il  a 
»  anprès  de  lui  des  valets  qui  depuis  de  longues  années 
il  l'aiment  et  Thonorent  :  pouvions-nous  exiger  qu'ils 
»  l'abandonnassent  au  jour  où  le  danger  le  surprit  ? 
«  De  pauvres  gens,  chargés  de  femmes  et  d'en  fans, 
il  auxquels  la  stagnation  de  Fagriculture  et  de  l'indus- 
il  trie  n'a  laissé  d'autre  subsistance  pour  leur  famille 
i»  qne  le  pain  misérablement  gagné  par  les  armes  au 
»  péril  de  leurs  jours,  voilà  les  mercenaires;  voulez- 
A  vous  les  mettre  à  mort  ?  Voulez-vous  aussi  la  mort 
I»  de  ceux  qui  sur  leur  terrain  ont  combattu  pour  leur 
»  gouvernement  et  leurs  propriétés?  Confédérés,  crai- 
n  gnez  Dieu,  songez  à  vous-mêmes.  »  Holzach  se  tut  ;  la 
soldatesque  sanguinaire  fit  entendre  un  Sauvage  et 
sombre  murmure**.  «  Par  les  plaies  de  Dieu!  >îjura 
Réding^'^,  «  qui  parle  ainsi  est  un  traître,  un  secret 
n  Zuricois.  »  Mais  Holzach,  à  haute  voix  :  «  Personne, 
M  sans  t'excepter,  Réding ,  n'est  plus  dévoué  aux  Con-* 
n  fédérés  que  moi  ;  j'ai  donné  mon  conseil  en  con- 
»  science,  selon  mon  serment,  pour  leur  honneur  et 

^  Noos  iToas  m  de  nos  jours  însalter  après  sa  mort  le  prince  Lotris 
de  Prusse  pour  avoir  snccombé  noblement  en  défendant  sa  pairie  et  son 
toL  D.  L.  H. 

**  Tons  n'étaient  pas  altérés  de  sang  ;  le  discours  de  Hdiaach  fit ,  an 
€OMCrah« ,  une  impreanon  profonde  ;  c'est  là  surtovl  ee  «pi  alluna  la 
colère  de  Réding,  qui  s'en  aperçut  G.  M. 

«•7  BdUbaek. 


'48  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

»  profit  9  d'uD  cœur  aussi  loyal  que  le  lieu  peut  Té- 
»  tre  ^®'  ;  Dieu  vengera  le  sang  innocent  ^*^.  »  Le  lan- 
dammann  Rëding  répliqua  :  «  Cet  homme  a  le  cœur 
i)  autrichien'^*  »  On  leur  imposa  silence;  de  moment 
en  moment  redoublait  le  ressentiment^  la  lutte  en  fa- 
veur de  l'honneur  et  de  la  conscience ,  la  vengeance 
furibonde  ;  les  partis  cherchaient  à  s'atterrer  l'un  l'au- 
tre par  leurs  cris  et  leurs  dures  paroles.  A  la  fin  Réding 
s'écria  :  «  Eh  bien  !  que  les  habitans  de  Greifensée 
»  vivent;  mais  Jean-le-Sauvage  et  les  autres  mour- 
«>  ront  ;  il  le  faut!  »  Des  voix  s'élevèrent  menaçantes  : 
K  Hypocrite,  désaltère-loi  dans  le  sang;  achève  ton 
>}  ouvrage  ou  deviens  homme  tout-à-fait.  »  Celui  qui 
le  premier  avait  proposé  la  peine  de  mort  se  leva  et 
dit  avecd'afireux  juremens:  «  Plutôt  les  faire  mourir 
»  tous  que  de  conseiller  d'épargner  le  capitaine  et  les 
»  soldats*  »  D'une  voix  de  tonnerre ,  Jean-le-Sauvage 
cria  ;  «  Tuez-moi ,  mais  quel  est  le  crime  de  ceux-ci?» 
Dans  cet  instant  accoururent  de  toute  la  contrée^ 
à  pas  chancelans,  courbés  sur  leurs  bâtons^  les  pè- 
res et  les  mères  des  prisonniers,  leurs  femmes  pous- 
sant vers  le  ciel  des  cris  lamentables,  de  petits  enfans 
dans  les  bras ,  des  nourrissons  à  la  mamelle ,  ou  dans 
le  sein  des  êtres  qui  n'avaient  pas  encore  vu  le  jour  ^^^; 
tous  ces  infortunés  demandaient  la  grâce  des  hom- 
mes qui  n'avaient  pris  les  armes  que  pour  les  nour- 
rir. Le  tumulte  s'accrut  au  sein  de  l'assemblée.  La 
passion  n'espérait  triompher  de  la  miséricorde  et  de  la 

^'*  •  Je  sois  aussi  loyal  que  toi  et  tous  les  tiens.  » 
***  «  Jamais  Dieu  ne  laissera  cette  action  in^anie.  > 
***  «  Je  YOis  bien  par  ten  dbcours  qu'one  {dnme  de  la  qneae  do  pami 
•  t'est  restée  plantée  au  c.  * 

"'   «On  dit  cela  pour  vrai.  •  Edtibaek, 


LIVRE  iv.  chàp.  r.  49 

justice  qu'eo  rendant  suspects  les  sentimens  humains, 
et  en  les  accusant  de  trahison.  Vint  le  moment  de 
recueillir  les  suffrages.  Autour  de  Réding  se  mon- 
tra une  multitude  formidable  de  mains  levées  pour 
voter  l'exécution  générale  ^^^;  cette  décision  fut  dic- 
tée par  l'esprit  de  parti,  Tàveuglement  et  la  peur^®^. 
La  majorité  s'étant  formels,  avant  qu'on  la  proclamât 
maint  guerrier  craignant  Dieu  s'enfuit  loin  de  l'as- 
semblée'^^. Aux  sanglots  de  ces  hommes,  qui  au- 
raient voulu  épargner  à  la  nation  un  crime  sangui- 
naire y  répondirent  les  cris  lamentables  des  vieillards, 
des  femmes  et  des  enfans.  Les  instigateurs  s'affer- 
mirent par  l'opinion  que  le  bien  public  exigeait  cette 
scène  de  terreur^  et  que  personne  ne  résisterait  en 
voyant  le  prix  réservé  à  la  constance  '®^. 

Après  une  courte  confession,  Jean  de  Landenberg 
sortit  des  rangs ,  se  tourna  vers  ses  compagnons  d'ar- 
mes et  dit  :  a  Le  Tout-Puissant  l'a  voulu  ;  sa  toute- 
>i  science  le  voit.  Camarades ,  afin  que  nul  ne  croie 
»  que  Jean-le-Sauvage ,  qui  a  vécu  et  combattu  avec 
»  vous  et  vous  a  conduits  ici ,  cherche  im  motif  ou  un 
»  prétexte  pour  se  séparer  de  vous,  mes  braves,  dans 
t>  cette  dernière  heure  je  marche  à  la  mort  le  premier. 
»  Maître  Pierre  '^,  fais  ton  devoir.  »  Après  lui ,  on 

**>   •  Cem  de  Schwyz  et  d*Unterwalden  se  montrèrent  parliculière- 

•  ment  ardens,  >  dit  le  Glaronnaîs  Tsefutdi,  Les  assiégés  avaient  tué  V^elti 
Schwendiner  dlJnterwalden.  =»  Cependant  le  disconrs  de  Holiach  gagna 
beancoap  de  voix  au  parti  de  la  démence.  G.  M. 

^**  •  C'est  le  diable  qai  a  donné  à  Ital  Réding  cette  soif  du  sang  des 

•  panvies  gens.  »  EdUbaeh, 
«**  BalUnger. 

**'  «  Ils  voulaient  par  là  effrayer  les  ennemis  et  en  diminuer  le  nom- 

•  bre.  '  TBchudL 

***  Le  bourreau  de  Berne.  Edlibaefu 

▼1.  4^ 


50  HI8T0IBB   DB   LA   SUISSE. 

trancha  la  tète  à  Ulrich  Kupferschmid^^;  ensuite 
à  l'autre  huissier  municipal  de  Zurich.  Le  bourreau 
s'arrêta^  regarda  Réding,  espéra  la  grâce  des  simples 
soldats.  L'âme  humaine,  agitée  par  des  émotions  pro- 
fondes,  rapporte  à  soi  les  événemens  de  la  nature  :  au 
moment  où  tombèrent  le  capitaine  et  Kupferschmid  ^ 
deux  colombes  blanches,  suivies  de  tout  un  vol  de 
la  même  blancheur,  vinrent  à  passer ^^,  symbole 
d'innocence,  aux  yeux  des  spectateurs  émus  ^^.  Ré- 
ding,  élevant  la  voix,  dit  au  bourreau:  ffSi  tu  ne 
»  remplis  pas  ton  o£Gice,  il  se  trouvera  quelqu'un  pour 
»  le  remplir  à  ton  égard,  »  Alors  périrent  le  père. d'une 
grande  famille ,  maitre  Félix  Ott ,  de  Zurieh  ^%  le  no- 
ble JeanEscher^^',  maitre  Jean  d'Ulm,  le  sous-bailli 
de  Greifensée ,  Pierre  Schasrer ,  les  deux  Willich ,  père 
et  fils ,  Henri  Keller ,  d'une  ancienne  et  honorable  fa- 
mille ,  Âx  et  Sax  et  Liebenstein.  Touché  d'une  compas- 
sion profonde ,  maitre  Pierre  ^^^  arrachait  de  vaillans 
jeunes  hommes  aux  derniers  embrassemens  de  mères 
à  cheveux  blancs,  d'épouses  enceintes ^^^.  Comme  il 
plaçait  à  part  le  dixième  homme,  attendu  que  dans  les 
exécutions  considérables  l'ancien  droit  impérial  l'at- 


**'  Son  frëre  était  dans  les  rangs  ennemis. 

**'  •  Des  oiseanx  étranges,  blancs  comme  la  neige  et  semblables  à 
»  de  blanches  colombes  »  EdUbagk. 

***  «  Il  semble  que  TaniTersité  des  choses  soit  compassionnée  à  notre 
»  état;  et  advient  cela  de  ce  qoe  nous  fusons  trop  de  cas  de  nous.  • 
Montaigne,  EuaU,  II,  i&.  Cependant  on  peot  admettre  d'antres  expli- 
cations, 

>««  BuUinggr. 

'*'  «  Il  60  prit  d'une  très-grande  pitié  et  qui  était  sans  mesare.  » 

EdUbach. 
^^  Lé  m#ot«. 


LIVRE   IV.    CIIÀP.    I.  51 

tribuait  à  l'exécuteur^  le  landammann  lui  cria  :  «  Nous 
»  ne  reconnaissons  pas  ce  droit;  exécute;  pas  de  paro- 
M  les  ^^^  !  »  Vingt  cadavres  gisaient  aux  pieds  des  spec- 
tateurs; le  bourreau  jeta  de  nouveau  un  regard  de 
commisération  au  landammann  ;  une  raillerie  fut  la  ré- 
ponse ^^^  ;  en  vain  le  fit-il  encore  au  trentième ,  au  qua- 
rantième. Le  jour  baissait;  la  terre  ne  buvait  plus  le 
sang^  qui  formait  une  mare.  A  l'exécution  du  cinquan- 
tième^ maître  Pierre  indigné  renouvela  sa  prière.  Ré- 
ding  fit  apporter  des  torchés  ^^.  Leur  flamme  éclaira  la 
mort  du  soixantième  ^^'^.  Pierre  saisit  alors  ^  à  demi 
glacée  par  la  peur  de  mourir^  la  main  de  Kilian  Kegler ,  à 
peine  adolescent ,  et  demanda  sa  grâce  ;  courbé  sous  le 
poids  des  années^  un  vieillard;  ancien  serviteur  du  châ- 
teau^ attendait  aussi  dans  une  morne  terreur  le  coup 
qui  devait  trancher  le  fil  de  ses  jours  ;  Réding  ne  vou- 
lait épargner  personne  ^  mais  il  se  peut  qu  il  ait  quitté 
ce  spectacle  à  la  soixantième  tète  abattue  :  l'enfant  et 
le  vieillard  furent  sauvés  ^^^. 

Les  assistans  s'éloignèrent  pleins  d'horreur.  Sou- 
vent dans  la  suite  la  vengeance  de  ce  jour  parut 
une  calamité  ^^^;  pendant  long-temps  les  voisins  de  ce 
lieu^  où  la  terre,  saturée  de  sang,  ne  se  couvrait 

'*^   «  Tais-toi ,  marand.  *  I<L 

M*   «  TobU'boha.  »  BMnger. 

^*   «  Il  faut  exécuter  les  derniers  aux  torches  allumées.  >  EdUbach, 

^'  Selon  Etterlin  et  Tuhudi  on  en  exécuta  62  ;  selon  d'autres  59 ,  ou 
61,  oo  même  70. 

^*  Ainsije  rapporte  BaZ/ifiger.  r<i;Aiuii  mande  qu'on  avait  sauvé  dix  indi- 
vidus ,  quelques-uns  vieillards  à  barbe  blanche,  les  autres  jeunes  garçons. 

^*  Têchudi,  ami  de  la  justice,  dit  x  t  Après  cela,  en  divers  endroits, 

•  on  ne  fut  guère  heureux;  on  crut  généralement  qu'on  l'avait  mérité  par 

•  cetle  action.  •  =  La  mort  violente  de  Réding  fut  aussi  regardée  comme 
une  punition  vengeresse.  G.  M. 


52  UISTOIRB   DE   LA   SUISSE. 

plus  de  gazon  ^^^9  crurent  apercevoir ,  au  milieu  de 
la  nuit  >  des  esprits  gëmissans  et  des  ombres  erran- 
tes ^^^;  selon  une  opinion  ancienne,  Tâme  séparée  du 
corps  à  regret  ou  par  un  Ëicte  de  désespoir,  avant 
le  Vœu  de  la  nature,  errait  sur  la  terre  en  se  la- 
mentant ^*^.  Gaspard  de  Bonstetten,  d'Uster,  gen- 
tilhomme pieux ,  bienveillant,  âgé,  bourgeois  de  Zu- 
rich, mais  à  Tabri  de  cette  guerre  fatale  par  ses 
relations  avec  Henri  de  Bubenberg ,  père  de  sa  belle-» 
fille  ^"^,  se  rendit  sur  la  prairie  avec  un  cortège  at- 
tristé; Jean-le-Sauvage  et  ses  deux  serviteurs,  fidèles 
jusqu'à  la  mort,  furent  transportés  au  Turbenthal , 
dans  l'antique  sépulture  des  Landenberg^^^.  Bonstet- 
teti  ensevelit  les  autres  ^'^.  A  la  place  où  ils  périrent, 
on  érigea  une  petite  chapelle;  les  Zuricois  fondèrent 
une  messe  et  des  prières  hebdomadaires,  et  placè- 
rent un  bénitier  près  des  tombeaux^'®.  Long^temps 
encore  après  la  réforme  religieuse,  les  crânes  dessé- 
chés, rangés  dans  un  ossuaire,  furent  l'objet  d'un  res- 
pect mêlé  d'horreur;  à  la  fin  le  gouvernement,  pour 
détruire  les  préjugés  vulgaires  qui  s'attachaient  au  sou- 
venir de  ces  héros,  et  pour  diriger  la  vénération  qu'on 


s'o  Edliboeh. 

^*  Fiiix  Henonerlin. 

***  Plotin  dans  Porphyre^  de  Âbstinenùa ,  1.  IL  Dans  mon  enfance  cette 
croyance  r^pnaît  encore  à  l'égard  des  suicides. 

'^*  t  II  ne  se  mêla  de  la  guerre  qu'en  donnant  aux  deux  partis  des 
•  conseils  pacifiques.  »  Edliboeh, 

"*  BaUinger. 

*"  La  plupart  près  de  l'église  d'Uster. 

*^*  Ch.  du  bourgmestre  et  du  eon$eU  de  Zurich,  en  faveur  des  âmes 
des  hommes  pieux  tués  à  Greifensée  à  leur  service  et  pour  leur  honneur  ; 
George,  1659  dans  l'annuaire  de  Téglise  d'Uster,  renouvelé  en  1473. 
Mm. 


LIVRB   IV.    CHAP.    I^  .  ^ 

portait  à  leurs  ossemens  vers  leur  immortelle  vertu ,  fit 
disséminer  dans  le  cimetière  et  couvrir  de  sable 
ces  déplorables  restes^*''. 

Les  Confédérés  brûlèrent  le  château  de  Greifensée  ; 
Dûbelstein,  résidence  du  bailli  de  Greifensée  ^^^^  du 
vaillant  Paul  Gôldli^^^;  Moosbourg^  vaste  château  de 
la  famille  Schwendi;  Werdegg^  manoir  des  Hunnwyl^ 
situé  au  sommet  d'une  belle  colline ,  et  l'édifice  qu'a- 
prés  une  calamité  plus  ancienne  ^^^  les  Landenberg 
avaient  rebâti  à  Pfefiikon;  sur  le  Sonnenberg,  ilstrai^ 
lèrent  l'habitation  de-  leur  ancien  ami,  le  méchant 
Béringer ,  comme  il  avait  autrefois  traité  celle  de  son 
voisin  de  Lommis^^^  Toutes  ces  calamités  furent  la 
conséquence  d'une  division  entre  les  paysans  et  les 
seigneurs,  qui  fit  mettre  en  oubli  l'ancienne  amitié. 

Pendant  le  siège  de  Greifensée^  cinq  cents  hommes 
de  Schwyz  et  de  Glaris  firent  prêter  serment  aux  gens 
des  châteaux  de  Freudenberg.  et  de  Nydberg  dans  le 
pays  de  Sargans,  et  leur  imposèrent  un  bailli  (20 
mai  1 444)  ;  leur  combourgeois^  le  comte  Henri ,  sem* 
bla  satisfait  de  cet  événement ,  qu'il  ne  pouvait  pas  em- 
pêcher ;  au  contraire,  cet  acte  rencontra  de  la  résistance 
de  la  part  des  barons  de  Brandis  à  Yaduz ,  retranchés 
en  quelque  sorte  derrière  le  Rhin ,  et  à  qui  l'Autriche 
avait  hypothéqué  ces  châteaux;  ils  ne  se  contenter- 

^^  Léonard  Meiêter  dans  H  Calendrier  helyétique,  1786. 

^**  A  Fallœnden  et  dans  1^  environs.  Acte  it achat  1444 ,  dans  TAn- 
naaire  dUster.  , 

m 

>**  Celui  qni  fit  en  1426  Texpédition  dans  le  val  d'Ossola  contre  le 
gré  de  son  gooTemement  et  dont  le  courage  fut  récompensé  par  nn^ 
simple  pardon.  Lea, 

««•  T.  m ,  1.  n ,  chap.  5. 

»«  T,  V,  p.  JOl. 


54  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

rent  ^%  de  Tintégrité  de  leurs  revenus,  que  les  can-* 
tons  leur  laissèrent  par  égard  pour  Berne  ^  dont  les 
de  Brandis  étaient  combourgeois. 

Les  Tyroliens  ayant  appris  les  exploits  dés  Suisses, 
leur  assemblée  commune,  par  un  mouvement  de 
loyauté,  oii  bien  à  la  demande  du  seigneur  du  pays, 
qui  désirait  sans  doute  gagner  du  temps,  pria  Ul- 
rich de  Metsch,  comte  de  Kilchberg,  capitaine  dans 
le  pays  de  l'Adige,  de  se  rendre  en  Suisse  comme 
médiateur.  Le  bailli  connaissait  les  Confédérés;  ils 
condescendirent  volontiers  à  ses  désirs  personnels,  et 
abandonnèrent  sur  ses  représentations  Tidée  de  ra- 
vager le  comté  de  Kibourg.  Ils  ne  consentirent  pas 
à  une  trêve  de  six  mois,  que  proposait  l'ennemi; 
mais  ils  l'auraient  bien  conclue  pour  six  semaines.  Ils 
savaient  vaguement  qu'on  enrôlait  des  troupes  contre 
eux  dans  des  pays  éloignés. 

De  jour  en  jour  s'accréditait  davantage  le  bruit  que 
les  Suisses,  adversaires  de  Zurich  et  de  l'Autriche, 
auraient  à  débattre  leur  cause  avec  une  armée  innom- 
brable d'Armagnacs  expérimaités.  Dans  une  diète  de 
Luceme  on  exagéra  si  fort  une  entreprise  des  en- 
nemis contre  la  garnison  du  nouveau  Régensberg, 
qu'elle  parut  un  commencement  des  hostilités  combi- 
nées avec  les  Armagnacs.  Le  même  jour,  mardi  23 
juin  1 444 ,  la  diète  se  sépara  ^^^  ;  le  mercredi,  les  ban- 
nières se  mirent  en  marche,  pour  forcer  Zurich  à 
faire  la  paix,  ou  pour  détruire  cette  ville  avant  l'ar- 
rivée des  armées  étrangères  ^^^  ;  le  jeudi,  Uri ,  Schwyz 
et  Glaris  se  trouvèrent  à  Grûningen;  Luceme,  Zoug 

>3i  «  Les  nouvelles  étaient  fort  duress  les  dentés  se  séparèrent  à 
»  l 'heure  même.  »  TtckudL 
*"  BuUinger. 


UTRB  IV.    CHAP.    I.  55 

et  Unterwalden,  à  Bade;  les  Bernois  suivirent  avec 
quatre  cents  Soleurois.  Les  bannières  se  réunirent  prés 
deHôngg^  à  une  lieue  de  Zurich. 

Ce  mouvement  n'était  pas  inattendu^  bien  que  la 
première  nouvelle  d'un  projet  de  cette  nature  parût 
invraisemblable  à  la  plupart  des  habitans;  dans  le  con-t 
seil  de  guerre  des  Suisses  eux-mêmes  les  avis  furent 
partagés  ^^^  :  quelques-uns  désapprouvaient  d'avance 
ia  victoire  9  si  elle  devait  coûter  au  corps  de  la  Gon^ 
fédération  une  ville  justement  considérée  comme  l'un 
de  ses  yeux  ;  d'autres  réfléchissaient  à  l'impossibilité  ^ 
alors  presque  certaine ,  de  vaincre  des  hommes  vaillans 
derrière  de  fortes  murailles.  L'annonce  de  Vappi'odie 
du  danger  réveilla  chez  les  Zuricob  ce  patriotisme  qui 
oe  voit  plus  ni  pertes,  ni  périls,  ni  mort,  absorbé 
qu'il  est  par  la  conservation  de  l'honneur  et  de  la 
ville.  A  la  distance  d'un  coup  d'arquebuse,  on  dé- 
truisit autour  de  la  ville  tout  ce  que  la  guerre  de 
Tannée  précédente  avait  laissé  intact,  ou  qui  s'était 
relevé  depuis,  afin  que  l'ennemi  ne  pût  point  se 
nourrir  des  produits  du  sol,  ni  ne  trouvât  cabanes, 
maisons 9  granges,  pressoirs,  clôtures  de  jardins ,  pour 
s'approcher  en  sûreté  des  murs  et  s'établir  à  leur  pied. 
On  creusa  de  profonds  et  larges  fossés  ;  des  retranche- 

mens  furent  élevés  et  munis  de  pièces  *.  Le  bourg- 

* 

i^  •  La  chose  déplut  à  quelques  hommes  pradens  et  loyani.  t 
Tiekaehtlan, 

*  La  plupart  des  villes  étaient  entourées  de  fossés  qu'on  passait  sur 
des  ponts-levis  adaptés  aux  portes  de  la  ville.  A  l'époque  des  guerres 
Iréqn&tes  on  défendait  ces  points-là  par  des  ouvrages  extérieurs,  aux- 
quels on  donnait  le  nom  de  boaUifardê  (Boliwerke);  ite  étaient  formés 
de  poutres ,  de  troncs  d'arbres  et  d'autres  matériaux  de  cetle  eqpèoe» 
Voy.  sur  tout  le  système  des  fortifications  l'ouvrage  déjà  cité  de  M.  de 
Bodt,i,\,  p.  102  Cl  suiv.  C.  M. 


56  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

mestre  et  le  conseil  ^  avec  le  consentement  de  la  majo- 
rité de  la  commune  ^^^,  remirent  ensuite  toute  l'autorité 
militaire  et  les  clefs  des  portes  au  margrave  Guillaume 
de  Bade^  et  le  gouvernement  régulier  fut  suspendu^ 
pour  tout  ce  qui  ne  concernait  pas  les  procès  civils. 
Le  vaillant  et  actif  ^^^  chevalier  Jean  de  Rechberg 
de  Hohenrechberg  fut  unanimement  ncHnmé  comman- 
dant général  des  troupes  de  Zurich.  Pour  l'organi- 
sation et  l'administration  on  adjoignit  a,u  margrave,  à 
titre  de  conseillers  de  la  guerre ,  quatre  gentilshom- 
mes 5  quatre  bourgeois  de  la  ville ,  et  tout  autant  de 
simples  soldats  distingués  par  leur  habileté  ;  à  Rech- 
berg, pour  Texécution  des  ordres,  quatre  nobles 
étrangers  ^^''.  On  plaça  sous  le  commandement  de 
ceux-ci  et  sous  leur  garde  les  trois  portes  les  plus 
essentielles  de  la  grande  ville  ^^*,  et  la  porte  princi- 
pale de  la  petite  ^^^  ;  les  issues  secondaires  furent  gar- 
dées par  des  postes  moins  coosidërables  ^^.  On  commit 
à  la  défense  de  ces  régions  la  garnison  autrichienne , 

*^  Edlibach  rapporte  que  beaucoup  de  gens  honorables  en  furent 
fâchés ,  mais  qu'il  avait  fallu  en  a^  ainsi  à  cause  des  mauvais  succès 
de  l'année  précédente. 

^*  Recfabeig  était  ino'uif,  comme  s'exprime  Edlibach.  Aussi  figure- 
t-il  dans  un  grand  nombre  de  faits  d*armes  que  nous  passons  soas 
silence. 

*"  BttUinger. 

^^  Uifdorf,  Niderdorf,  Neumarkt.  «:«  Nous  rappellerons  que  Zurich 
est  divisé  par  la  Limmat  en  grande  ville  et  petite  ville.  G.  M. 

^*  Rennweg. 

^*  Le  Kstzisthflrli  dans  BalUnger  est  probablement  le  Katzenthor 
(porte  des  chats) ,  dans  la  petite  ville,  indiqué  sur  le  plan  exécuté  en 
1595.  n  mentionne  en  outre  la  petite  porte  de  IJjTollishofen ,  qui  devait 
nécessairement  se  trouver  dans  le  même  quartier.  Je  ne  sais  s'il  faut 
distinguer  de  celles-là  la  petite  porte  de  la  rue  de  l'égKse ,  dont  parie 
Edlibach. 


UVRB   IV.    GHAP.    I.  57 

et  à  celle  des  murs,  des  tours ,  des  remparts  et  des 
fossés,  chaque  jour  à  midi,  six  cents  bourgeois ^^^ 
et  campagnards  ^^^.  L'heure  où  Ton  relevait  la  garde 
était  marquée  par  la  cloche  qui  servait  auparavant 
à  la  invocation  du  Grand  Conseil  ^^^  ;  dans  la  suite, 
pour  que  nul  signal  ne  pût  faire  deviner  à  l'ennemi  les 
opérations  communes,  on  abandonna  cette  cloche, 
comme  toutes  les  autres,  et  Ton  ne  conserva,  pour 
mesurer  le  t%mps,,que  la  silencieuse  aiguille  de  l'hor- 
loge de  la  ville.  Seize,  et  à  la  fin  soixante  hommes 
dune  vigueur  extraordinaire,  qui  non-seulement  ex- 
posaient comme  d'autres  leur  vie  sur  les  champs  de 
bataille,  mais,  enflammés  d'héroïsme,  voulaient  les 
premiers  courir  toutes  les  grandes  et  audacieuses 
aventures ,  s'unirent  par  serment  en  société  et  pri- 
rent le  nom  de  boucs  ^*,  défenseurs  du  troupeau. 
Fondée  sur  cette  concorde  bien  disciplinée ,  dans  l'in- 
térêt de  1  ^honneur  et  de  la  liberté ,  la  confiance  des 
Zuricois  changea  ces  jours  de  danger  en  jours  de 
plaisir  et  les  craintes  en  joie.  Les  portes  de  la  ville 

"'  T  compris  le  clergé,  qui  alors  n'était  pas  exempt  des  obligations 
civiques.  Félio!  Hemmerlin,  de  Libert,  eeeUs, 

^^  Principalement  des  bords  da  lac  et  de  Hôngg.  EdUbacL  Les  quatre 
portes  étaient  sans  doute  aussi  dans  la  ville. 

^'  La  cloche  bourgeoise.  Edlibach,  La  cloche  du  conseil.  BiUiinger. 
^  grande  assemblée  du  conseil  porte  le  titre  de  «  Conseils  et  bourgeois.  • 

^*  BaUinger  et  Rahn  en  connaissent  seize  ;  Edlibach  aussi  est  favorable 
^  ce  nombre.  Sietiler  parle  de  soixante,  et  May  (HUt.  tnilit,  III ,  134)  de 
cent  Jusqu'à  présent ,  je  n*ai  trouvé  dans  les  sources  aucune  autorité 
pour  ce  chiffre  considérable  ;  mais  à  juger  par  les  faits ,  par  la  durée  de 
^  société  et  par  le  nombre  de  ceux  qui  Tont  maintenue  jusqu'à  nos  jours, 
ii  est  vraisemblable  que  les  seize  premiers  en  admirent  quarante  autres 
ivec  quelques  officiers.  Leur  courage  et  leur  activité  leur  valurent  ce 
nom  de  boucs.  BaUinger,  On  les  appelait  aussi  «  les  hommes  au  glaive  ;  » 
plos  tard,  >  la  société  de  l'hôtel  de  l'Escaigot  •  Lêu. 


58  HISTOIRE  DE  LA   8UISBB. 

demeurèrent  ouvertes;  nulle  sombre  dévotion  n'a- 
battit les  courages  ^^^;  les  soldats  dansaient  sur  les 
remparts  ^^^;  la  bravoure^  la  ruse ^  voilà  toutes  leurs 
pensées;  Tennemi  n'entendait  pas  d'autres  cris  que 
des  beuglemens  moqueurs  ^^'^  et  «  Ici  Autriche  I  » 

Le  1^  de  juin  1444^  de  grand  matin ^  les  Zougois 
passèrent  la  Limmat  entre  Hôngg  et  Âltstetten;  leur 
bataillon ,  le  corps  des  Bernois  ^^^  et  la  milice  de  So- 
leure  s'approchèrent  du  couvent  de;  religieuses  dans 
la  Seldnau,  et  appuyèrent  leur  camp  contre  la  SihP^^; 
l'autre  côte  ^^^  fut  protégé  par  les  bourgeois  de  Brem- 
garten  et  de  M ellingen ,  et  par  les  habitans  des  bail- 
liages libres.  Au  delà  de  la  Limmat  le  Grand-Zurich 
fut  complètement  cerné  par  les  autres  cantons.  Depuis 
la  plaine  de  la  Spannweide^  les  collines  vineuses  de  la 
montagne  de  Zurich  ^^^^  où  se  voyait  autrefois  le  Kra- 
tenthurm  ^^^,  étaient  occupées  par  les  Lucernois  ;  sur 
leur  flanc  ^  depuis  le  grand  sapin  ^^' jusqu'à  la  plaine , 
la  contrée  voisine  de  la  grange  de  l'hôpital  et  le  sol  de 
Hottingen,  par  Ital  Réding  et  Jost  Tschudi,  à  la  tète 
de  Schwyz  et  de  Claris;  plus  loin^  du  côté  du  lac^  les 
plaines  autour  de  Stadelhofen^  par  les  milices  d'Unter- 
walden  et  d'Uri  ;  près  de  St.-Léonard  fut  dressée  Tar- 

*''  «  Us  ne  faisaient  attention  ni  aox  Jours  ni  aux  fêtes  sacrées.  » 
Tschachtlan, 

^*  Sur  le  boulevard  devant  la  porte  du  Rennweg.  Edlibach,  Dans  la 
cour  et  près  de  la  tour-aux-chèvres.  TiehadL 

^'  De  la  ville  et  des  tours ,  ils  beuglaient  comn\e  les  vaches  et  les 
imitaient  aussi  avec  des  cors.  TtchudL 

^*  Le  plus  considérable.  BuUinger. 

^* .  Us  Rétablirent  dans  le  couvent  et  autour.  Têchudi. 

**•  Près  de  St. -Jacques,  où  s'était  livrée  la  bataille. 

"■^  Entre  les  vignes.  TsehudL 

***  Près  du  Gratten.  Edlibach . 

'**  Il  en  est  que^ion  dans  BulUnger. 


UTRB   lY.    GHAP.    I.  59 

dllerie;  à  peine  le  lac  demeura-t-il  ouvert ^^^.  One»*- 
time  le  nombre  des  Suisses  à  vingt  mille  ^^^  ;  ils  avaient 
de  Tartillerie  de  siège  et  diverses  machines  pour  battre 
les  murs  en  brèche  ;  les  deux  camps  étaient  en  com- 
munication au  moyen  d'un  pont  jeté  sur  la  Limmat 
dans  le  Hard  près  de  Wipkingen. 

Cette  armée  considérable^  pourvue  de  tout,  vail- 
lante^ exaspérée  y  animée  par  l'idée  de  l'approche 
de  nouveaux  ennemis ,  assiégea  Zurich  durant  soixante 
jours  ^^^  mais  inutilement.  Les  Suisses,,  peuple  en- 
durci y  courageux ,  guerrier  ^  excellaient ,  surtout 
comme  fantassins ,  à  tenter  ou  à  soutenir  une  attaque 
dans  les  batailles  ;  Tart  des  sièges ,  même  quand  il  se 
trouvait  quelques  hommes  habiles,  ne  fut  jamais  dans 
le  caractère  de  la  nation  ;  une  partie  de  la  Suisse  n*a 
point  de  villes  ;  les  fortifications  exigent  des  dépenses 
et  des  connaissances  pour  lesquelles  manquaient  res- 
sources, ètablissemens ,  institutions.  Mais,  ainsi  que 
Lacédémone ,  ville  ouverte ,  subsista  libre  et  glorieuse 
tant  que  la  muraille  vivante  demeura  ferme ,  ainsi  les 
Suisses  se  maintinrent  sans  forteresse  tant  que  demeura 
générale  et  agissante  la  conviction  que  toutes  les  clas- 
ses et  tous  les  cantons  jouissent  également  et  vérita- 
blement de  la  liberté,  du  bonheur  et  de  la  concorde , 
respectés  par  les  plus  grandes  puissances  parce  qu'elles 

^^  On  ne  voyait  point  d'ennemb  à  partir  de  la  tonr-aux-chèvres  et 
da  collines  qui  dominent  Stadelbofen;  ib  n'occupaient  pas  la  ronte. 
Ttehadi. 

^^  May,  Hiêt.  milU.  deê  Suimi,  III,  180. 

*^  D'après  ButUnger,  dix  semaines  et  trois  Jonrs.  U  compte  depuis 
leur  arrivée  à  Hfin^ ,  Jusqu'au  moment  où  il  n'y  en  eut  plus  un  seul 
<)evantla  ville;  mais  cet  espace  même  ne  comprend  que  66  jonrs. 


60  HISTOIRB   DB   LA   SUISSE. 

ne  pourraient  étouffer  pour  long-temps  le  sentiment 
qui  nait  d'une  conviction  pareille  *• 

Les  assiégeans ,  surtout  les  Bernois  ^  tirèrent  sur  la 
ville  sept  cent  cinquante  coups ,  qui  tuèrent  un  prêtre 
de  la  grande  église  dans  sa  maison^  le  gardien  d'une 
tour,  une  femme ,  une  poule  avec  son  poussin  ^^'^y  et 
renversèrent  une  tour  ruinée  dont  on  avait  déjà  décrété 
la  démolition  ^^^.  En  général  on  choisissait  inhabile-r 
ment  les  positions  et  Ton  visait  mal;  la  plupart  des 
coups  portaient  trop  haut  *".  Au-delà  de  la  portée  de 


*  Si  la  nation  n'était  pas  devenue  Fesdave  des  goavemans ,  il  y  au- 
rait eu  un  esprit  et  des  intérêts  communs.  D.  L.  H, 

"'  Edlibach;  Tschadi. 

"»  Rahn,  327. 

**  Selon  Halem,  du  Cange ,  Gaieclardim  et  d'autres ,  les  canons  furent 
en  usage  en  France  déjà  du  temps  de  Pétrarque,  en  1358;  on  ne  les 
connut  en  Allemagne  et  en  Italie  que  vers  1879  et  1380.  Le  plus  ancien 
exemple  de  l'usage  de  l'artillerie  en  Suisse  remonte  à  1380  :  on  fondît 
cette  année-là  deux  canons  à  Bàle.  On  croit  que  les  Bernois  et  leurs 
alliés  employèrent  des  armes  à  feu  en  1384  au  siège  de  Bertbond  et  en 
1388  à  celui  de  Nidau  ;  la  chronique  de  Justinger  n'est  explicite  à 
l'égard  de  cette  arme  fiue  depub  1413.  La  faible  importance  des  bouches 
à  feu  dans  ces  commencemens  et  le  peu  d'effet  qu'elles  produisirent  au 
siège  de  Zurich ,  trouvent  leur  explication  dans  le  passage  suivant  de 
l'ou^Tage  de  M.  Emmanuel  de  Hodi  sur  X Histoire  de  Vart  de  ta  guerre  chei 
/ei  Bernois,  t.  I,  p.  83 — 85,  «  La  construction  des  premiers  canons  fut 
»  bien  défectueuse  et  incommode;  on  le  voit  non-seulement  par  les 

•  descriptions  d'anciens  et  de  modernes  écrivains  sur  cette  matière , 
»  mais  par  les  dessins  que  nous  en  possédons ,  même  encore  d'époques. 
»  postérieures.  Avant  que  l'on  connût  l'art  de  fondre  les  canons ,  on  les 

•  formait  de  barres  de  fer  soudées  ensemble  et  liées  comme  un  tonneau 

>  par  des  cercles  du  même  métal.  Une  pareille  construction  ne  permet- 

>  tait  pas  de  proportionner  la  charge  au  projectile  ;  l'effet  produit  était 

•  si  peu  de  chose  qu'il  n'égalait  pas  même  celui  des  anciennes  catapultes , 
»  aussi  se  servit-on  de  celles-ci  long-temps  encore  après  l'invention  des 
»  pièces  d'artillerie.  Même  lorsque  l'art  de  la  fonderie  eut  considérable^ 


LIVRE   IV.     CHAP.    I.  61 

l'arquebuse^  leâ  blés  dans  la  plaine  de  la  Sibl  tombè- 
rent sous  la  fauciUe  de  rennemi  ;  les  ceps  des  collines 
qui  dominent  cette  plaine  furent  arrachés  pour  servir 
à  des  retranchemens.  On  fit  moins  de  ravages  du  coté 
de  la  grande  ville  y  où  les  hauteurs  servirent  de  camp 
retranché  ;  les  femmes  et  les  enfans  qui  s'esquivèrent 
par  quelques  sentiers  pour  aller  faire  la  moisson  à 
Hirslanden  furent  dépouillés  et  faits  prisonniers.  De 
leur  côté  les  boucs ^^^  enlevèrent  trois  chariots  du 
meilleur  vin  des  bords  du  Léman  ^^^  qu'on  menait  au 
camp  des  Bernois  ;  ils  le  vendirent  à  l'enchère  du  haut 
d'une  tour  pour  que  ceux-ci  pussent  entendre  les  voix; 


•  ment  perfectionné  la  construction  de  l'immense  canon ,  l'organisation 
«do  reste  en  rendit  l'usage  difficile  et  l'effet  très-insuffisant.  Le  canon 

•  était  Clé  immobile  sur  un  échafaudage  bas  ou  sur  des  billots;  nn 

•  chariot  transportait  la  pièce  ainsi  faite  dans  le  lieu  où  elle  devait  jouer; 
i  on  lui  donnait  l'inclinaison  convenable  en  enfonçant  dans  la  terre  ou 

•  en  soulevant  au  moyen  d'un  corps  la  partie  antérieure  on  la  posté- 

•  rieore;  pour  empêcher  le  recul ,  on  fixait  à  celle-ci ,  avec  des  chevil- 

•  les,  une  grosse  pierre  on  un  billoL  La  charge ,  comme  on  peut  en 

•  JQger  par  les  figures  jointes  à  une  vieille  chronique ,  consistait  dans  un 

•  sac  de  calibre  rempli  de  poudre  non  réduite  en  grains  et  qu'on  en- 

•  fondait  avec  le  refouloir;  par-dessus  on  mettait  un  bouchon  en  bois 

•  «l  ensuite  seulement  le  boulet  de  pierre ,  qu'on  nommait  tout  court 

•  U  pierre  ;  on  perçait  la  gargousse  avec  l'épingletle  ;  on  remplissait  la 

>  lumière  de  poudre  et  y  mettait  le  feu  avec  nn  charbon  fixé  au  boute- 

>  feo.  •  Voy.  aussi  Struensée ,  Artillerie ,  Jnirod,  p.  9  ;  Manuel  (Cartil- 
^ie  par  le  efieualier  d'Urtubie  ;  Mémoires  de  Bajard,  p.  84.  G.  M. 

^*  Seize  lx>ns  compagnons.  EdUback, 

^  Edlibaeh  :  «  Vin  du  Niederland  »  (bas  pays]  ;  BulUnger  :  «  Vin  de 

•  La  Vaui.  »  Le  vignoble  de  La  Vaux  (entre  Lausanne  et  Veveyj  portait 
le  nom  de  Niederland  par  opposition  à  TOberland  (  haut  pays  ).  =s  An- 
jdutfhai  dans  beaucoup  de  cantons  de  la  Suisse  centrale,  le  vin  des 
bords  du  lac  Léman  n'est  connu  du  peuple  que  sous  le  nom  d'Ober- 
lamder,  vin  de  TOberland ,  dénomination  que  rien  ne  justifie.  G.  M. 


62  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

du  camp  et  des  barques  ^^^  les  Bernois  virent  les  assié- 
gés s'en  régaler  sur  le  pont.  D*autres  s'emparèrent  d'un 
transport  de  bestiaux.  Des  jeunes  gens  surprirent  l'ar- 
tillerie bernoise  pour  enclouer  les  pièces  ^^^  ;  un  com- 
bat opiniâtre  s'engagea  ;  il  dura  deux  heures  ;  les  ar* 
balétriers  et  les  arquebusiers  tirèrent  six  mille  coups  ; 
à  la  fin  l'attaque  fut  repoussée. 

Les  assiégeans  étaient  maîtres  du  pays  ;  ils  pouvaient 
espérer  de  prendre  Zurich  par  la  famine  ^^.  Mais  de 
l'inaction  naquit  l'ennui  ^^^  ;  les  Suisses  aiment  les  en- 
treprises audacieuses.  Pour  donner  le  change  à  l'impa- 
tience^ les  chefs  formèrent  le  projet  d'envoyer  du  camp 
des  Bernois,  avant  l'aube  (25  juillet  1444),   mille 
hommes  de  Zoug^^  incendier  un  moulin ,  la  Werd- 
mûhle  f  situé  tout  près  du  Petit-Zurich  et  du  couvent 
des  religieuses  d'Oetenbach  entre  l'Âa  ^^^  et  la  Sihl; 
tandis  que  les  troupes  stationnées  aux  retranchemens 
voisins  accourraient  pour  sauver  des  flammes  du  mou- 
lin la  maison  d'Otton  Werdmûller,  citoyen  aimé  et 
considéré  ^^''y  mille  hommes  devaient  escalader  un  des 


^*^  Qaelques-unes  croisaient  sur  le  lac  pour  faire  prisonniers  des 
ennemis  à  qui  Ton  tranchait  aussitôt  la  tête.  Tichudi, 
>^*  t  Ils  voulaient  enfoncer  dans  les  lumières  des  pointes  grossière- 

•  ment  taillées.  »  Edlibach. 

^^  Les  rives  peu  laides  qui  n'étaient  pas  occupées  par  Tennemi  de- 
vaient aussi  fournir  à  la  subsistance  de  RapperschwyL 
'^*  «  Combien  de  temps  resterons-nous  ici  ?  lies  prendrons-nons 

•  d'assaut  avec  les  yeui  ?  Ils  ont  à  manger  pour  autant  de  temps  que 

•  nous.  >  BnUinger,  ' 

^*  C'est  à  eux  que  Tsehadi  attribue  cette  action. 

^*  Aa  est  le  nom  de  la  rivière  d^uis  sa  sortie  du  lac  jusqu'à  l'em- 
bouchure de  la  Sihl ,  où  elle  prend  le  nom  de  Limmat 

»'  Un  de  ses  ancêtres  s'était  vaillamment  baUu  à  Tctwyl  {i$5l);  il 
remplit  lui-même  dans  la  suite  des  charges  considérables.  Lmi. 


.     LIVRE   IT.    CUàP.    1.  63 

boolevards  ;  sur  ces  entrefaites  les  Confédérés  empê- 
cheraient au  moyen  d'une  attaque  de  porter  du  secours 
de  ce  côté  ^^*  Otton  Werdmûller  regardait  la  maison  de 
ses  pères  ^^^  comme  un  avant-poste  de  la  ville  ;  aussi 
lorsque  les  religieuses  d'Oetenbach  eurent  avec  unecorde 
fait  entrer  dans  leur  couvent  par  dessus  le  mur  son  pre- 
mier-né y  encore  à  la  mamelle  ^^,  grâce  à  son  courage 
et  à  celui  de  quelques  amis  ^^^ ,  il  eut  assez  de  présence 
d'esprit  pour  défendre  Tétage  en  pierre  de  sa  maison 
oontre  un  millier  d'ennemis  ^^^.  Cependant  les  chefs  se- 
crètement avertis  retinrent  à  leur  poste  ^  au  nom  du 
serment  et  de  l'honneur,  les  troupes  des  boulevards  ^^. 
Durant  l'attaque  générale,  les  ennemis ,  surtout  ceux 
qui  étaient  pris  dans  des  chausses-trappes ,  furent  ex- 
posés aux  plus  cuisantes  douleurs  ^^^  par  des  flèches 
enflammées  et  des  corbeilles  de  chaux  vive  qui  pro- 
duisaient une  vapeur  épaisse  ;  un  vieux  linge  ^^^,  figu- 
rant un  drapeau ,  engagea  les  assiégeans  à  escalader  une 
tour  vide;  attaqués  par  le  flanc,  beaucoup  tombèrent 
des  échelles^^^.  Les  boucs  se  battirent  près  du  moulin 
où  le  péril  était  le  plus  éminent^''.  Les  Zuricois  déjoué- 


*'*  Ce  plan  est  'mentionné  par  BulUnger, 

^^  On  a  représenté  cette  maison  comme  un  poste  confié  à  la  garde. 
Mais  dans  ce  cas  il  n'y  aarait  pas  fait  transporter  le  berceau  de  son 
enfant 

^°  Henri  II  devint  un  héros  et  moanit  69  ans  après  cet  événement 
Un. 

^'  D'abord  quinze ,  ensuite  vingt-sept  «  braves  hommes.  »  BuUimgêr, 

^^Mîlle  des  plus  vaillans  compagnons.  EdUback, 

^'  On  vit  qu'il  y^l  avait  eu  trahison.  Edlibach, 

»«  m  fis  gloussaient  comme  des  poules  qui  ont  la  pépie.  •  EdUbadù 

"*  Un  torchon  à  nettoyer j  le  four. 

'**  •[lA  se  montrèrent  les  plus  fins  titeurs.  »  Id. 

<*^  Ma^,  h  Ut  miiit.  m,  iS6. 


64  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

rent  cette  attaque  dans  laquelle  les  Suisses  perdirent 
considérablement  de  inonde  ^^^. 

Jean  de  Rechberg  n'était  pas  dans  la  ville.  Le  mar-^ 
grave  Guillaume  l'avait  envoyé^  ainsi  que  le  chevalier 
Burkhard  Mônch  de  Landskrone  y  avec  Jean  Schwend 
et  Rodolphe  de  Gham^  l'un  des  boucs  ^  homme  d^une 
rare  intelligence ,  porter  à  l'Empereur  ^**,  qui  se  ren- 
dait à  Nuremberg  pour  une  diète  ^  un  message  destiné  à 
mettre  en  mouvement  les  princes  et  les  villes  de  l'Alle- 
magne. Ils  trouvèrent  la  cour  à  Passau  ^''^.  L'Empereur 
leur  fit  espérer  un  bon  résultat  de  la  diète.  Schvrend 
et  Cham  l'accompagnèrent;  le  monarque  envoya  les 
deux  chevaliers  à  la  cour  de  France  ^'^^ 

L'Empereur  avait  au  préalable  sondé  Fopinion  des 
États  ;  il  leur  avait  représenté  l'entreprise  des  Suisses 
contre  la  ville  impériale  de  Zurich,  où  l'on  voyait  la  ban- 
nière de  l'Empire  flotter  sur  plusieurs  tours  ^'^^y  comme 
intéressant  leur  commune  patrie  ;  il  leur  avait  proposé 
une  expédition  armée  et  promis  d'en  donner  le  comman- 
dement en  chef  au  duc  Albert,  son  frère.  Berne  et  plu- 
sieurs villes  suisses  entretenaientavec  Ulm,  Augsbourg, 
Nurembergprincipalement,  et  d'autres  villes  importait- 


^**  Ediibaeh  :  «  Us  perdirent  70  hommes;  200  blessés  furent  conduits 
«  à  Bremgarten  et  à  Bade.  •  BuUinger  estime  le  nombre  des  derniers  à  i^ 

***  Nons  désignons  ainsi  Frédéric  pour  plus  de  clarté ,  quoiqu'il  ne 

reçût  le  titre  de  la  puissance  suprême  que  huit  ans  plus  tard ,  après  (^ 

avoir  été  couronné  par  le  pape.  ^^ 

s'o  Avant  Marie-Madeleine.  BuUinger,  ^ 

^^^  Us  furent  chargés  de  la  n^ociation  militaire  avec  les  chefs  des  ^ 
Armagnacs;  la  dépntation  dont  il  sera  question  plus  tard  le  fut  de  la 
négociation  politique  avec  la  cour. 

"*  rschiuU,  Il  ,  420.  D'après  l'exemple  de  1354.   T.   m,  1.  H.  .^ 

cbap.  4.  ,, 


LIVRE   IV,    CHAP.    I.  65 

tes  de  TEifipire^  des  relations  amicales.  Avertis  par 
elles ,  les  Suisses  avaient  adressé  du  camp  de  Greifen- 
sëe  dés  lettres  de  justification  aux  électeurs ,  aux  souve- 
rains et  aux  Etats  ^*,  pour  leur  faire  voir  que  la  mai- 
son d*  Autriche^  en  admettant  Zurich  dans  son  alliance, 
avait  agi  contrairement  à  la  paix  qui  subsistait  entre 
elle  et  la  Suisse^''*,  comme  Zurich^  de  son  côté,  par 
une  telle  alliance  ^^^  avec  une  telle  cour  ^'^^  et  par  son 
refus  de  suivre  la  procédure  fédérale  ^'^'^ ,  était  contre- 
venu aux  alliances  perpétuelles.  Depuis  plusieurs 
siècles ,  des  princes  puissans  à  Texcès ,  soutenus  par  les 
papes,  avaient  désorganisé  la  grande  république  fé- 
dérât! ve  appelée  Empire  germanique;  le  déclin  pro- 
gressif de  l'autorité  impériale  et  Tinfluence  croissante 
de  grandes  maisons  lui  avaient  ôté  la  facilité  des  en- 
treprises communes,  la  force  pour  faire  la  guerre. 
Beaucoup  de  princes  d'Empire  se  distinguaient  par 
des  qualités  personnelles;  mais  chacun  ne  songeait 
qu'à  son  agrandissement.  Les  princes  moins  puissans, 
chacun  trop  faible  pour  soi,  tous  divisés  par  des  intérêts 
personnels,  s'attachaient  à  l'Empereur  par  nécessité. 

^^*  La  lettre  ûdressée  à  l'électew  palatin  (14  mai  iàH)  est  dans 
Tuhmdi. 

174  Parce  qa'il  j  avait  él6  clairement  slipolé  «  qu'aucune  des  parties 
B  ne  devait  conUacler  ni  accepter  d'alliance  avec  gens  dépendans  de 
«  Tautie.» 

v%  «  Dont  les  limites  n'étaient  pas  de  beaucoup  plus  étendues  que 
t  celles  que  la  Confédération  avait  entendu  fixer.  » 

^'*  «  D'ailleurs  nos  ancêtre»  dans  leurs  anciennes  guerres  se  sont  mu- 
»  tnellement  promis  qu'aucun  des  cantons  ne  se  réconcilierait  avec  la 
■  maison  d'Autriche  que  de  concert  avec  les  autres.  • 

s«7  c  Votre  royale  Majesté  comprend  sans  peine  que  si  nous  suivions 
»  avec  eox  mie  antre  voie  juridique ,  nous  agirions  contre  noire  serment 

*  et  notre  honneur ,  ce  que  nous  ne  ferons  jamais  s'il  plaît  à  Dieu;  qu'il 

•  en  advienne  ce  que  Dieu  voudra,  t 

VI.  5 


66  HISTOIRE    PE   L\    SUISSE. 

L'affaire  principale  des  çcclësiasdc^ues  était  d'opter  )K)iur 
le  concile  et  Félix  ou  pour  le  pape  i^omain  Eugène,  en 
tout  cas  de  fixer  de  la  manière  la  plus  avantag^se  el 
d'assurer  les.  droits  de  l'Eglise  germanûiue  ^'^^.  L'Alle- 
magne orientale  craignait  les  Iloâsites  et  a'étaif;  pas 
sans  inquiétude  sur  les  mouvemens  du  j^une  roi  de 
Hongrie  et  de  Pologne,  qui  paraissait  enclin  à  risquer^ 
par  une  rupture  de  h  paix ,  sa  domination  à  peine  af-« 
fermie,,  dans  une  périlleuse  lutte  coc^re  les  armées  yie* 
torieuses  du  Sultan  y,  phis  sage  que  lui  ^^^.  Ifons  ces 
circonstances  les  princes  s'excodèreat  de  ne  paa  ,se 
trouver  préparés  pour  la  guerre  contre  les  Suisses  y, 
entreprise^  sans  leur  participation^  Les  villes  ^^^  la  dé- 
clarèrent, dans  rintërêt  de  la  maison  d'Autriche,  à  des 
villes  et  à  des  cantons  avec  lesqjuuels  elies*  vivaient  en. 
bonne  intelligence  ^^^  Ces.  dispositions  élaienl;  naturel-^ 
les,  mais  non  sans  conséquenoesi  pour  les  autres  £tat9. 
Le  commerce,  passant  de  Venise  par  l'AUenui^e^,  enri- 
chissait encore  ce  pays;  les  ^es  étaient  supérieurea 
aux.  seigneurs  par  leur  aisance.,  leurs'  institutions  et 
leur  esprit  public;  les  seigneurs  étaient  turbulens,* 
oppresseurs,  fiers,  portés  à  la  guerre  et  au  brigandage. 
On  pouvait  donc  craindre  que  les  villes  ne  sentissent 
les  avantages  d'une  ligue  entr'elles  et  avec  la  Suisse, 
et  qu'elles  n'allumassent  inopinément  une  révolution 
générale  en  faveur  du  peuple  (  ce  qui  Tempècha  prin- 


S78  Yoy,  les  négociations  dans  l'ouvrage  important  de  Kock ,  Samtio 
pragmatica  Germon, ,  Strasb.  1789. 

>^*  n  jura  au  cardinal  légat  à  Si^edin,  le  4  août,  de  prendre  les 
armes  contre  les  Turcs.  CA.  dansD/n^o*,!,  794  (édit.  de  Leipsig  1711). 

^*  Dans  une  dièle  à  IJlm. 

^"  Jean  Joachim  MuUer,  Théâtre  de  (a  diète  d^Empire  squ»  FrédérU  F , 
t  1,  p.  21S« 


LIVRE   ir.    GHAP.    1.  67 

dfxiiemeiit^  ce  fut  l'aristobratie  des  conseils).  En  pré-- 
seitee  de  la  dîélê  ainsi  composée^  Rodolphe  de  Gham, 
qui  maniait  la  phime  et  l'épée  avec  la  même  vigueur , 
hit  la  description  de  la  guerre  de  Zurich^  depuis  TorH 
gine  jusqu'à  ce  jour  ^*^.  L'Empereur  réitéra  Ses  repré- 
sentations. Le  seul  dBfet  dé  la  présence  de  Fimpériale 
nsgesté  fut  que  Ton  voila  la  résolution  de  ne  rieir  faire 
lous  des  paroles  qui  semblaient  promettre  beaucoup  ^^^. 

Ce  langage  n'étonna  pas  l'Empereur  :  il  le  comprit 
et  résohit  d'envoyer  en  France  Pierre  de  Schaum- 
bei^,  évéqne  d'Augsbourg/  le  comté  de  Sfarhaoï- 
berg^^*,  Thûring  de  Haliwyl  et  Frédéric  de  Hohen- 
bourgs  pour  conclure  la  négociation  relative  âm 
Armagnacs*^  déjà  fort  avancée  par  les  soins  de  Moneh 
et  de  Réchberg* 

Gharles^yil  avait  décidé  depuis  longhtemps  d'abaki- 
donner  à  des  princes*  étrangers  y  dès  qu'il  serait  en 
paix  avec  l'Angleterre^  cette  milice  dispendieuse,  in- 
commode et  dangereuse;  il  dédirait  aussi  occuper  par 
rfes  guerres  extérieuires'rhumeùr  inquiète  de  son  fife^^, 

»«  Btdlinger, 

^*  «  Gonveoto  difêoluto  nihii  aut  paitim  ex  promissîs  in'  efféclahi 

•  dedocitiir;  quitt  pOllUs  ad  sua  qaique  reversl' promissorum  obliti  suht, 

•  ei  privftta  commonibus  praetolerunL  •  Triithémitu  Ann.  Hinaug,  H , 

m. 

**  Le  notot'  éèi  éerft  de  celte  minière'  daits'  mon  tmîUngigr  ;  dan» 
SltixUr  on  lit  •  Sternenberg.  > 

"*  Il  8*«lait  d^%  ttiiii  qliàtM  éùs  auj[>araVant  à'ia  I6tè  de  la  Pragi^e. 
fiitiûttii ,  A.'  144^.  à  •  Le  jdime  Loois  était  d*cRi  naturel  ambitiem , 

•  inquiet,  empressé  d'entreprendre  toutes  les  choses  nouTellcs,  de  tenlér 
»  UMii(!s  \éA  imr%oes;  les  liëiis  du  sang  et  les  devoirs'  de  la  môrttle 
»'  n*«r^ént  point  de  pilke  sur  loi;  Gharies  ,  qiki  Pavait  tout  récemment 
>  lioramé  gdtiirérnëmr  àé  Languedoc ,  Tffvait  en  même  léteps  placé  sdoi 
»  li^direcddn  dli  comte  de  la  llarclie,  fils  du  odtaite  d'Armagnac;  nkais 

•  Louis  se  cachait  aîftant  qu'il  pouvait  de  ce  surveillant ,  et  il  prêtait 
»  l'oreille  aux  grands  qui  lui  proposaient  de  faire  une  révolution ,  ou , 


68  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

le  dauphin  Louis.  Vers  la  Pentecôte  ^^%  les  négocia^* 
tions  avec  T  Angleterre  pix>ineûant  la  paix^  il  fut 
question  à  la  cour  de  France  de  permettre  au  dau- 
^phin  de  conduire  au-delà  des  frontières  une  armée 
de  chevalins  et  de  cavalerie,  pour  chercher  des  en- 
nemis ^^''.  Il  n'était  pas  difficile  de  voir  qu'une  par- 
ticipation aux  démêlés  inextricables  de  Tempire  ger- 
manique offrait  le  moins  d'inconvéniens  et  le  plus 
d'avantages.  Ce  projet  fut  connu  de  la  reine ^  Ma- 
rie d'Anjou.  Elle  employa  en  faveur  d'un  frère ^  avec 
une  active  vigilance^  son  influence  généralement  peu 
considérable  ^^^  ;  le  margrave  Jacques  de  Bade-Bade 
était  le  beau-^rère  de  son  frère  ^*®,  et  la  reine  entre- 
tenait  des  relations  d'amitié  avec  l'électrice  du  Pala- 
tînat,  dont  le  premier  mari  avait  été  son  frère  ^^. 
A  la  nouvelle  d'une  expédition  sur  les  frontières  d'Al- 
lemagne,   Marie  intercéda  pour   ses  parens  auprès 

•  comme  on  disait  alors ,  nnepragoerie  ;  Us  soulèvemens  de  la  ville  de 

•  Pragae  n'ajant  cessé,  depois  la  réforme  de  Jean  Hnss,  d'occuper  tonte 

•  la  chrétienté.  »  Sismûndi,  Hist.  des  Français,  t.  XIII,  p.  360.  G.  M. 
'"  Pàqoes  'était  le  12  avril  {Art  de  vérifier  les  dates,  p.  29;  Paris, 

1774)  )  ;  la  Pentecôte  se  trouvait  donc  être  le  1*'  juin.    ' 

*'^  Eipression  de  la  reine  dans  la  lettre  citée  n.  295.  =  Voy.  à  la  fin 
du  volume  Appendice  A.  G.  M., 

^*  René  d'Anjou ,  comte  de  Provence ,  roi  titulaire  de  Sicile  et  duc 
de  Lorraine.  Gette  même  année,  le  roi»  pour  ieur  plaire,  assiégea  la 
ville  de  Metz. 

***  René  avait  épousé  Isabelle ,  ^Ue  aînée  de  Gharles-le*Téméraire  de 
Lorraine;  le  margrave,  Catherine,  soMir  d'Isabelle.  Art  de  vérifier  les 
date» ,  646. 

^*  Marguerite  de  Savoie  (t.  V,.p.  297),  après  la  mort.de  Louis 
d'Anjou ,  frère  atné  de  René ,  avait  épousé  l'électeur  palatin  Louis-le- 
Débonnaire.  Dmn.  Pareu,  Hist,  PaUuina,  222  (edit.  Joannis).  »  De- 
puis son  premier  mariage ,  Marguerite  et  sa  belle-scsur  la  reine  de  France 
étaient  restées  en  grande  amitié.  Voy.  de  Baranie,  Hist,  des  dues  de 
Bourgogne,  Vif ,  187  ,  (4«  édit  )  G.  M. 


llVRE   IV.    CHAP.    i;  69 

de  son  époux  et  de  son  fils.  Bien  qu'elle  ne  régnât 
pas  sur  le  cœur  du  roi ,  Charles  honorait  en  elle  un 
grand  et  noble  caractère  ;  elle  eut  plus  de  crédit  dans 
ce  moment,  où  le  mariage  de  sa  nièce ^^Meyenait 
le  lien  de  la  paix  entre  la  France  et  l'Angleterre  ^^^. 
Dès  qu'elle  eut  reçu  la  promesse  qtfon  épargnerait 
Télecteiir  palatin  et  la  maison  de  Bade,  elle  écrivit 
à  Jacques  ^•^.  La  lettre  de  la  reine  apporta  aux  prin- 
XX9  d'Empire  y  qui  ignoraient  la  négociation  de  l'Au- 
triche 2^*,  la  première  nouvelle  du  mouvement  des 
Armagnacs.  Le  margrave  crut  l'apprendre  à  l'Empe- 
reur ^®^,  alors  qu'il  avait  envoyé  déjà  les  chevaliers 
destinés  à  conduire  l'expédition.  Cette  charge  fut  prin- 
cipalement confiée  à  Burkhard  M ônch ,  guerrier  de  la 
plus  grande  considératipn  personnelle  ^^,  plein  d'une 
haine  amère  pour  le  peiiple  audacieux  de  là  Suisse. 
L'activité  de  Rechberg  le  rendait  propre  à  transmettre 
avec  célérité  les  plans  arrêtés^  et  à  faciliter  ainsi  la 
simultanéité  de  leur  exécution  ^^ . 

Dans  ce  temps  la  plupart  des  seigneurs  et  des  cheva- 
liers de  l'Argovie  étaient  au  service  des  villes  auxquel- 
les leurs  pères  ou  eux-mêmes  avaient^  par  ordre  dé 

••*  Marguerite,  fille  de  René,  grande  fcinine. 

*•*  Lettre  du  margrave,  n.  295. 

^*  Lettre  de  la  reine  de  France  au  margrave  Jacques  ;  à  Gwer  (  la 
Guerche  ?)  en  Tonraîne ,  jeudi  après  la  Pcnlecôle,  1444  ;  dans  Fugger, 
Miroir  tttionneur  autrichien,  550  (édit.  deBirkcn).  =Voy.  sur  toute 
celle  histoire  de  Barante,  t.  VU,  année  iHàh'  G.  M. 

^*  Depuis  le  22  août  de  Tannée  précédente  ;  t.  V  ,  p.  960. 

^^  Lettre  du  margroÊfû  Jaeqmeê  à  V Empereur  ;  Btde,  «  feria  quarta 
•  post  Petr.  et  Paul.  ;  t  dans  Fugger,  551. 

M*  «  Un  grand  seigneur,  nommé  Monseigneur  Bourga  le  Mojnc«» 
Enguerrand  de  MonstreUt, 

>'^  Edlibaeh;  Tsehudi;  BuUinger,  Nous  allons  le  retrouTer  tout  do 
saile. 


70  HISTOIRE   D£   LA   SUISSE.' 

Tempercur  Sigismond^  prèle  serment  de  fidélité  trente 
ans  auparavant ,  la  suzeraineté  de  TEoipire  réservée; 
un  grand  nombre  étaient  plus  particulièrement  unis 
aux  Bernois  par  des  rapporte  de  combourgeoisie  ou  de 
famille^  par  la  reoonnaissaoice  pour  leur  protection ,  et 
par  égard  pour  la  supériorité  de  leur  puissance.  Dans 
les  districts  inférieurs ,  sur  la  rive  gauche  de  TÂar, 
les  relations  étaient  encore  plus  indéterminées  et  les 
frontières  ae  croisaient.  Les  gen$  des  domaines  patri* 
moniaux  de  Habsbourg  ^^^  et  de  la  seigneurie  4^  Sch^i* 
kenfaerg  suivaient  la  bannière  de  la  viUe  de  Broygg  ^^; 
à  cet  égard  ils  étaient  bernois;  d'un  autre  côté  les 
seigneurs  continuaient,  selon  la  coutume  de  leurs 
pères ,  à  chercher  Téclat  et  la  fortune  à  la  cour  d'Au- 
triche .^^  ;  i}  parait  qu'ils  reçurent  beaucoup  de  fiefs , 
sinon  de  la  cour,  du  moins  des  Empereurs  immédia- 
tement^^ ;  ik  avaient  pour  Bernée  tout  juste  les  égards 

^*  Dans  TËigen ,  «  terra  aviaUca.  » 

^*  BuUinger  d'après  la  chronique  de  la  ville. 

**^  Gaiilanme  de  Mfillinen  fut  le  premier  chambellan  da  duc  Frédéric 
%  ÏDspf^ck;  'û  possédait  le  cjiàteau  de  P^niek  en  Tyrol ,  et  était  baiUi 
de  Zylf  et  de  Landek.  Tout  comme  nous  avons  vu  Albert  de  MQllinen 
lié  d*amitié  avec  le  père  de  Frédéric ,  le  dac  Léopold  tué  à  Sempach 
(t.  III,  p.  271  ),  ainsi  Frédéric  lai-m<^me  et  Guillaume  de  Mûilinen  se 
dopnèrent  miituellement  des  gages  d'amicale  confiance.  Ch,  losprack, 
^medi  avant  Quasîmodo  1427.  On  voit  encore  k  Wilten  nn  ex  volo 
des  deux  amis  avec  leurs  portraits. 

'*^  Charte  de  V empereur  Sigisnumd  (  réconcilié  avec  l'Autriche)  par 
laquelle  Jean EgU de Mklynen,  Jean  GuiHaume  (le  chambellan),  son  frère 
et  Jean-Albert,  eon  eousin ,  avec  leurs  gens ,  leurs  châteaux  et  forteresses 
Ruchenstain  et  Castal  (  Castelen  ) ,  ou  tous  les  autres  qui  leur  appartiens 
nent  ou  qu'ils  acquerront  légitimement  dans  U  suite,  eux  ou  leurs 
héritiers,  sont  totalement  affranchie  (placés  sous  la  dépendance  immé- 
diate de  l'Empire  ) ,  de  sorte  qu'en ti^autres'  aucune  ville  ni  commune 
du  Saint-Empire  romain  (Berne  était  de  ce  nombre)  ne  puisse  accprder 


LIVRE  IV.  <m\T.   I.  7\ 

auxquels  iis  ëtaieiK  obligés.  Marquard  de  Baldegg, 
d'une  ancienne  famlHe  ehautiement  dévouée  à  «l'Âutin- 
die  ^^y  possédait  Sdienkenberg,  unedesphis  vastes  sei- 
gtteaiies  de  cette  contrée  ^  qac  Thâring  d'Àrbourg 
avait  achetée  ^^,  dont  il  avait  reçu  l'investiture  de 
ffimperewr***,  mais  que  ses  projets  ambitieux '•^ 
et  sa  fréquente  pénurie  d'argent  Tavaient  forcé  d'a- 
bandonner à  Marquard^  probablement  à  titre  d'hy- 
pothéqué ^•^.  Dans  la  guerre  de  Zurich,  Baldegg,  quoi- 
que bourgeois  de  Berne,  avait  épousé  le  parti  de 
TAntriche,  la  cause  de  la  noblesse.  Les  Bernois  n^a^^ 
valent  pu  le  voir  avec  indifférence,  parce  que,  dans 
leurs  expéditions  contre  Zurich  ou  Laufenbourg, 
Schenkenberg  pouvait  nuire  à  leurs  troupes  ouver- 
tement ou  en  secret.  Baldegg  avait  sans  doute  fait 
une  tentative  hostile,  ou  en  avait  menacé,  car  les 
Bernois  le  chassèrent  et  occupèrent  son  château  de 
Schenkenborg  ^^.  Après  avoir  montré  avec  quelle  fa- 
cilité ils  pourraient  Técraser,  ils  prêtèrent  l'oreille  à 
l'intercession  de  l'évéque  de  Baie ,  Frédéric  Ze  Rhyne, 
et  rétablirent  Marquard ,  moyennant  le  paiement  des 
frais ^^.  Bourgeois  de    Berne,    cou^n  des  Buben- 


h  bourgeoisie  à  ienrs  gens.  Ratisbonnc  »  jendi  aprt»  St.'Miehel ,  i&SA , 
Msc 

^  Les  Baldegg  avaient  pronvé  leur  âdéUté  près  de  Morgarten  et  de 
teipMh  aa  prix  de  leor  sang. 

^  Des  sires  de  Fridtngen  qui  <en  avaient  reçu  l'îitvestîlure  de  l'Au- 
widie. 

***  Le«  ;  Sdienkenl>erg. 

***  n  fut  on  des  liéritiers  de  f  okenbonrg ,  t.  V ,  p.  26. 

^*  Tbikring  aliéna  définitiTement  celte  seigneurie  qnelqaes  années 
ploitard. 

**'*  Avec  SO  liommcs.  May,  HUU  miiiK  Ht,  157. 

'**  1,000  florins.  Stttiltr. 


72  HISTOIRE  DE    LA   SUI&SE. 

berg  ^^,  au  lieu  de  reconnaître  qu*il  avait  agi  sans 
sagesse^  tandis  que  Berne ,  au  contraire,  avait  mon- 
tré prudence  et  générosité ,  il  s  abandonna  au  regret 
de  ne  pouvoir  plus  à  l'avenir,  comme  d'autres  gen- 
tilshommes, faire  la  guerre  aux  Suisses.  Jean  de  Bal- 
deggy  son  frère,  partageait  ses  sentimens.  Thomas 
de  Falkenstein,  qui  avait  épousé  ^^^  sa  fille  en  pre- 
mières noces  ^'\  le  visitait  fréquemment. 

Thomas  et  Jean ,  barons  de  Falkenstein ,  avaient 
hérité  de  leur  père  le  droit  de  bourgeoisie  de  Bern^; 
cette  ville  les  représenta  pour  toutes  choses  durant 
leur  longue  minorité  ^'^.  Issu  d'une  très-ancienne  no- 
blesse ^'^,  le  jeune  Thomas ,  landgrave  du  Buchsgau 
et  du  Sissgau  ^'^,  possédait  à  titre  de  seigneur  un 
grand  nombre  de  châteaux  situés  sur  l'Aar  ^^^;  son 
frère  avait  aussi  de  vastes  possessions.  Mais  ils 
étaient  capables  des  actes  les  plus  insensés  et  les  plus 
criminels   pour   prouver  que  la  vie  bourgeoise  des 


**'  Béatrice  de  Rinkenberg,  mère  de  Henri  de  BobcDberg,  avait 
Oponsé  en  secondes  noces  nn  Baldegg.  * 

***  Ainsi  le  rapporte  BuUingcr  ;  d'autrea  font  de  BaLd^g  le  gendre 
de  Falkenslpin ,  ce  qui  est  impossible  ;  Thomas  était  majeur  depuis  à 
peine  cinq  ans.  T.  V,  p.  246  et  ci-dessous  n.  314. 

*'*  Sa  seconde  femme  était  Ursule  de  Ramslein.  Brukner. 

•"  T.  y,  l.  c. 

'**  Parens  de  Becbbonrg ,  tons  denx  probablement  de  la  maison  des 
vieux  comtes  de  Falkenstein. 

*'*  Jean,  évêqne  de  Bâle  ,  lui  en  donna  rinvestiture  en  1499. 
Haffner,  Théâtre  ioteurois ,  en  pareille  matière  appuyé  sur  les  documeob 

**^  Gôsgcn ,  Kienberg  ,  KôUikon  ;  on  nomme  aussi  Tborberg  ; 
EdUbaeh  ajoute  que  le  baron  Thabitait.  Mais  ce  manoir  était  converti 
depuis  cinquante  ans  en  chartreuse;  t  III,  p.  347.  lie  chAteau  de  Fal- 
kenstein ,  bàli  dans  un  défilé ,  aurait-il  reçu  à  cause  de  sa  situation  le 
nom  de  Thorbourg  (chàtcan-porte;,  ou  bien  y  avait-il  à  Ballslall  un 
cfa&tcau  de  Thorbourg  ? 


LIVRE  ly.   CHAP.    u  73 

Ba*Dois  D6  les  avait  pas  rendus  si  timorés  qu*ils  ne 
pussent  rivaliser  d'audace  avec  tout  seigneur  et  tout 
chevalier.  Jean  conunença  par  hypothéquer  Fams- 
bourg  à  la  maison  d'Autriche^  pour  pouvoir  mener 
joyeuse  vie  à  Seekingen  avec  une  courtisane  ^^^*  Tho- 
mas ^  lorsque  les  nobles  hii  proposèrent  d*abandon^ 
ner  ses  bienfaiteurs ,  témoigna  qu'il  craignait  de  s'ex-* 
poser  par  un  tel  acte  à  la  perte  de  tous  ses  biens. 
0ès  qu'ils  lui  assurèrent  que  le  duc  Albert  l'indem- 
niserait de  tout^^'',  il  ne  songea  plus  qu'au  moyen  de 
faire  à  l'improvbte  beaucoup  de  mal  aux  Bernois. 
Le  premier  expédient  du  baron  fut  d'envoyer  deux 
de  SCS  gen9  pour  incendier  de  nuit  la  ville  d'Arau  ^^^• 
Cette  tentative  ayant  échoué ,  il  médita  la  ruine  d'une 
autre  ville  :  rien  ne  lui  paraissait  ignoble  de  ce  qu'un 
gentilhomme  pouvait  entreprendre  contre  des  bour-* 
geois.  • 

Falkenstein  et  les  deux  Baldegg  se  rendirent  à 
Brougg.  Cette  petite  ville,  dans  l'enceinte  de  l'anti** 
que  Yindonissa  ^^^,  est  située  non  loin  de  Habsbourg, 
sur  un  rivage  dont  les  rochers  forment  un  lit  étroit 
et  profond  ,  où  l'Âar  précipite  ses  flots  bruyans 
pour  aller  recevoir  la  Reuss.  L'activité,  les  bonnes 
mœurs  et  de  vieilles  franchises  avaient  conduit  cette 
communauté  municipale  à  une  florissante  prospérité. 
Les  barons  étaient  aussi  bourgeois  de  cette  ville.  Us 
y  reçurent  un  accueil  amical,  et  le  vin  d'honneur. 

^^*  Elle  i^appelait  Hegenbach ,  IdAS.  Hajfner. 

**7  «  Le  dac  Albert  loi  donnerait  maint  cbàtcau  sar  FAdîge,  ce  qu'ils 
•  ponvaîeot  loi  assurer.  >  Bdlibach. 

*>'  SîeiiUr,  I,  157.  Dans  Taubergc  du  Lion. 

•"  Comment  cette  place  militaire  n*aurail-cilc  pa?  compris  dans  son 
enceinte  la  contrée  où  se  trouve  le  pont  ? 


74  HISTOIRE   B£  hk    SUISSE. 

AU  tèt^  de  1  aâmînisùrslion  se  voyait  alors  Tavoyer 
Louis  Ëffinger ,  dont  les  ancêtres  avaient  fidèlement 
«er¥i  Habdkourg  et  l'Autriche ,  et  le  père  éfiak  mort 
environ  soixante  ans  auparavant  avee  le  duc  pràs  de 
Sempach.  Ce  loyal  vieîilard  s'eSbrea  de  leur  faire  k 
réeeption  h  plus  honorable,  lorsqu'il  apprit  que,  pleins 
de  zèle  pour  la  paix ,  œuvre  agréable  à  Dieu ,  ces  trois 
seigneurs  se  rendaient  du  camp  de  Zurich  à  B&le  pour 
chercher  Fëvèque  afin  qu'il  mit  la  dernière  m&in  k 
des  articles  déjà  presque  arrêtés,  lies  barons  se  hâ- 
tèrent de  poursuivre  leur  route,  accompagnes  de  voeux 
et  de  bénédîcdons.  La  ville  entière  se  réjouissait  de 
voir,  gr&ee  surtout  à  leurs  soins,  la  fin  d'une  Ion* 
gue  csdamitë  publique.  Le  lendemain   s^écoula  dans 
cette  atttente;  pour  la  seconde  fois,  chacun  s'aban- 
donna au  sommeil  avec  une  sécurité  depuis   long«- 
temps  inconnue.  Une  nuit  profonde  couvrait  la  terre, 
lorsque  du  haut  de  la  porte  contiguê  au  pont  de  l'Aar, 
le  gardien  entendit  quelqu'un  frapper  et  lui  crier: 
V  Cc»npère,  ne  connais-^tu  pas  Falkenstein  ?  Voici  8a 
»  Grâce  de  Bàle;  nous  apportons  la  paix,  nous  som- 
»  mes  pressés;  ouvre;  vite  au  camp  de  nos  seigneurs 
n  de  Berne  I  ouvre.  »  Ces  paroles  familières  et  joyeuses 
du  baron ,  bourgecMS  éminent  de  Brougg ,  n'inspirèrent 
aucune  défiance  au  gardien.  Deux  huissiers  à  cheval 
et  aux  couleurs  de  la  ville  de  Bâle  entrèrent  les  pre- 
miers. Au  milieu  de  la  nuit  et  des  joyeusetés  de  Fal<- 
kenstein ,  on  ne  distinguait  pas  qu'à  côté  de  lui ,  le 
cavalier  enveloppé  d'un  manteau  n'était  pas  uq  évé- 
que,  mais  Jean  de  Rechberg.  A  titre  de  députés,  de 
secrétaires,  de  valets,    entrérçnt  deux,  quatre,  six 
couples;  le  gardien  trouvait  le  cortège  considérable. 
«  Sire  compère,   ces  seigneurs  sont  nombreux)  p^r* 


UVftE   IV.    GHAP.    I.  T5 

>  meltez  que  j'éveille  Tavoyer.  d  11  se  tourna  pour 
fermer  la  porte;  sa  tète  vola  dans  l'Aar  ^^*  EveîtMs 
fsn   sursaut  par  tin  eri  du  gardiea  ou  par  le  bruit 
ÎBSolite  des  nombreux  dhevaux ,  les  habitans  des  maU 
sons  voisines  accoururent;  plus  de  quatire  oettbs^' 
gentilshommes  ^^  et  cavaliers  pénétrèrent  avec  des  cris 
sauvages  par  la  porte  restée  ouverte^  tuèrent,  blestr 
sèrenty  dispersèrent  les  bourgeois  sortis  de  leurs  dev 
menres  ^,  et,  sous  la  conduite  d'un  bandit  ^^,  s'em^ 
patrërent  en  up  instant  de  Brougg.  FallLeiistein  avait 
rassemblé  la  noble  société  dans  un  lieu  solitaire  ^^^i 
entre  Laufenbourg  et  Seckingen;  p^endant  la  nuit^ 
commettant  des  désordres  ^^^  mais  en  sâreté  et  ivres 
de  joie ,  ils  avaient  traversé  le  Mônenthal  ^^'^  ;  un  paysan 
osa  devancer  les  cavaliers^  pour  sauver  la  ville  par 
ses  avertissemens;  il  fut  atteint]  et  poignardé '^^*  Le 
baron  crut  son  honneur  à  couvert  parce  qu'il  avait 
déclaré  la  guerre  à  Berne  ^  quoique  trop  tard  pour 
que  ses  concitoyens  eussent  pu  se  précautionner  ^^. 


•'^  Chronique  de  Kônifêfelden  dans  BuUinger, 

*^*  An  rapport  de  quelques-ans ,  près  de  600.  Teekadif 

*>s  Le  comte  Geoi^  de  Sulz ,  Ballhasar  de  Blumenek ,  Thfiring  de 
Haliwjl  »  Geoi^  de  Knôringen ,  Marx  d'Embs ,  Frédéric  Yom  Hatis , 
Goi  d^AsK,  Hugues  de  Hegnan ,  Benlelin  de  llemmenhofen  sont  dUUn* 
gués  par  BulLinger  d'après  la  chronique  municipale  de  Brougg. 

*^  An  nombre  de  treize.  Ibid, 

*^  Le  tailleur  Jfean ,  qui  avait  été  banni  de  la  ville. 

'^  Dans  une  petite  ville  détruite  depuis. 

*^  Ils  commettaient  partout  des  insolences.  Bultimger, 

»?  Par  Rémigen  et  Rynikon ,  venant  du  Frikthal. 

*^  A  la  courte  montée.  Il  s'appelait  Jean  Geissbei^. 

*>*  U  n'avait  envoyé  la  déclaration  de  guerre  que  le  soir ,  et  il  commit 
cette  action  dans  la.nuit  Techudi,  Ce  récit  est  plus  naturel  qoo  celui  de 
BuUinger  ,  qui  raconte  que  Favoyer  de  Berne  n'osa  décachetep  les  dépê- 
ches arrivées  dans  la  soirée  ou  pendant  la  nuit  que  le  lendemain  matin 


76  HISTOIRE  DE  LA  SUlftSE. 

L'avoyer  d'Erlach  s'effraya  ^^^.  Il  envoya  en  baie  un 
avertissement  à  l'Ârgovie;  le  messager  parvint  jus- 
qu'au bois^^  que  domine  Habsbourg,  et  vit  Brougg 
«n   ikmmes.  Aussitôt  la  ville  prise,*  tandis  qu'une 
partie  des  nobles,  coupant  le  chemin  au  peuple  épou- 
vanté, lui  barraient  les  issues,  d'autres  enfermèrent 
dans  une  grande  maison  ^^^  le  vieillard  Effinger^  chef 
de  la  ville,    son  fils^^^,   tout  le  conseil,  Landv^ing, 
Ulrich    Stapfer  '^*  et   tous  les  autres  citoyens  consi- 
dérés et  riches.  Cent  soixante  et  dix  pièces  d'arg^i- 
terie,  ornement  des  festins  publics,  toutes  les  pro- 
priétés privées,  les  longues  économies  des  pères,  le 
travail  des  mains  maternelles,  la  bannière ^^,  pure 
de  si  honteux  exploits,  les  armes,  même  les  ôhaines 
des  portes  ^^  fiu*ent  prises  et  transportées  dans  des 
bateaux.  Le  lendemain  de  bon  matin ,  Thomas  de  Fal- 
kenstein  ordonna  d'amener  Tavoyer  et  les  conseillers 
auxquels  il  avait  prêté  serment,  les  combourgeois  qui 
l'avaient  honoré,  aimé;  il  ordonna  de  leur  trancher 
la  tète.  Cette  rage  fit  horreur  à  Jean  de  Rechberg  : 
«  Que  vous  ont  fait  ces  braves  gens?  »  s'écria-t-il.  Ce- 
pendant quelques  habitans  de  maisons  contiguês  aux 


aa  coDsdl.  Ud  règlement  si  insensé  »  snrtout  en  temps  de  guerre,  est  pea 
conforme  à  l'esprit  élevé  da  gouvernement  bernois  ;  aassî  n'en  trouve- 
t-on  pas  de  traces. 

**^  11  se  frappa  le  front  :  «  Sang  de  Dieu  !  cela  coû^e  à  Berne  un 
>  château  ,  quel  qu'il  soit  !  »  EdUbaek. 

*>i   «  UfT  die  RQtinen.  •  BulUnger. 

^*^  «  La  maison  autrichienne  à  côté  du  cimetière.  •  BulUnger. 

"*  Balthasar. 

*'^  De  la  famille  qui  fleurit  ensuite  à  Berne. 

'*'  Deux  tours  noires  et  un  pont  découvert  «  Elle  était  de  pure  toile 
»  de  lin.  »  BulUnger, 

''*  Elles  furent  adaptées  aux  portes  de  Laufenbourg. 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  77 

murailles  étaient  sortis  de  la  ville  dans  le  premier 
moment  au  moyeu  de  cordes,  et  avaient  infoivé  la 
campagne  du  malheur  de  Brougg.  Les  villages  prirent 
les  armes.  On  remarqua  des  mouvemens.  Tout^à«* 
coup  rinceudie  éclata  dans  Brougg  sur  divers  points. 
A  ce  moment  les  enfans  et  les  femmes  poussèrent  des 
cris  si  perçans,  que  Falkenstein  lui-même,  épouvanté, 
jeta  les  clefs  de  la  porte  supérieure  à  une  vieille 
femme  ^^'^^  afin  que  cette  multitude  se  sauvât  dans 
U  campagne,  tandis  que  d'autres  rassembleraient 
les  enfans  de  toutes  les  maisons  pour  les  .  conduire 
sous  les  tilleuls,  peu  auparavant  théâtre  de  leurs 
joies  innocentes  ^^^;  le  butin  et  les  prisonniers  furent 
emmenés;  la  flamme  c<Hisuma  toutes  les  chartes  et 
les  donations ^^^,  lesdocumens  de  la  vieille  histoire, 
les  cabanes  des  pauvres  et  les  maisons  des  riches. 
Dans  la  forêt  de  chênes  non  loin  de  la  ville  ^^^,  où  était 
péniblement  arrivé  Tavoyer .  à  la .  téie  des  conseillers 
et  des  bourgeois,  Thomas  de  Falkenstein  eut  une 
seconde  fois  soif  de .  leur  sang.:  <c  Ne  pourrait-on  pas, 
»  dit-il ,  faucher  ici  aussi  bien  que  dans  la  prairie,  de 
))  Greif ensée ?  »  Jean  de.Rechberg  s'arrêta,  lui. lança 
un  regard  :  «  Falkenstein,  répliquart-*il,  tu  as  fait  assez 
»  de  mal  à  des  gens  qui  ne.  t'ont  jamais  offensé;  si  j  a-" 
»  vais  su  ce  qui  se  passe,  tu  ne  m'aurais  point  amené. 


M7  «  Prends,  p.... ,  et  onvre  la  porle  sapérienre,  pour  qae  vous  ne 
•  brûtiez  pas.  •  BuUingei\ 

^'^  •  Là  se  tronvaît  aussi  ma  gran(l*mère ,  Gerlrude  KCifier,  âgée  de 
>  qnatrc  ans.  »  BuUinger,  Elle  moarqt  en  1522,  alors  qu*il  élait  dans  sa 
18«  année,  en  sorte  qu'il  put  apprendre  d'elle  tous  les  détails. 

**^  Concernant  des  créances ,  l'usage  des  terres ,  les  bois  et  les  cbampf. 

***  Dans  la  KrspG.  BuUingtr.  ' 


i^  HISTOIRE  BE  LA   SUISSE. 

A  idf'^^).  Bientât  le  bois  et  la  colline  cachèrent  aux 
regarda  la  vHte  qfue  le  feii  dévorait.  L'Argovie;  aou- 
levtSè  foftC  «Dfiéfe,  ne  put  rieà  contre  k  puissance  des 
flanuttes  ^^^  i  une  partie  du  butîn  fut  sauvée.  Quel- 
qaeÀ-vn^f  auparavant  jaloux  de  l'éclat  de  Brougg, 
^àpp^renl  avec  dureté  (|n'on  s'était  toujours  troj^ 
faflfiililairisé  arvee  les  nbbles^^^.  Les  prisonniers  furent 
enfertnéfl^  dans  la  tour  bàde  sur  les  rochers  qui  forment 
au-dessous  de  Laufenbourg  k  chute  et  les  tournans 
eu  RltfB.  On  cela  leur  destinée ,  de  peur  qu'une  ar- 
Ihée  bernoise  Ae  les  délivrât  avant  que  Falkenstein 
A'eût  le  teittps^  de  fea  vendre  aux  Armagnacs ,  qui  les 
enMnénei^aieilt  eMime  aerCs  dans  <fes  pays  lointains. 
Uû  d'éuft  '^  fit  «Me  corde  avec  des  draps ,  et  réussit 
à  di^endre  sur  un  sureau  à  côté  dé  k  tour^  sus^ 
pléiidtt'  aïk-déssna  du^  tournant;  ae  oonfiaiit  en  Difeu,  il 
litt^ardà  le  saut;  les  flots  fe  portèrent  au  rivage.  Ilré^ 
Vék  le  dessein  dé'  'rennemif  les  femmes  se-  hâtèrent 
de  tendre'  d^  fù^^A^de  terre  pour  amasser  la  rant^n. 
Sbteure  exerça  sa  première  vengeance  contre  Gos- 
geny  ehftteail   de  Falkenstein.  La  baronne  é'esliiit 
▼èrs' Fa¥nsbourg.^  Elle  se  retourna  une  seule  toà, 
Ibrsqu'ellè  eM  attmt  ka^  hauienrs'de  k  Sdurfosatte* 
L'holtiUé  spectacle  de  k  fkmme  dévorante  l'arrilta 
mk^  iHs^nt^^^elle^  aaisîfe  et  eondlmte  à  Berne  ^^^ 


^^  On  ne  commença  de  rebâtir  la  ville  qu'en  i446  ;  la  porte  supé- 
rienre  fut  rétablie  en  1448.  Chronique  municipale, 

I  4  I 

*^*  On  disait  qu'elle  portail  la  queue  dé  paon  dans  le  sein.  BulUnger. 

'**  B&rgj  KOffer,  fibre  de  Gerlrude,  n.  338. 

»*»  BuUingtr. 

»*•  Ttchudi  Avec  Ursule,  fille  de  Jean  de  Falkerislcîn,  son  bci»- 
frl*re. 


UVRB   IV.   CHAP.  I.  79 

• 

On  dkait^^^  que  Falkenstctn  oeciipeit  avec  aes  çoifi^ 
pagpMmt  la  haute  fortertsëc  de  Farnsbour^  ^  dans  soit 
landj^raviaf  du  SissgaiKi ,  entra  le-  Jvra  sofeu^ok  ^^  et 
RhewfeMen  ^  villeaiitridnenne  enlouirée  de  fortfts*  ïies 
Bernois ,  quoiqu'ils  serrassent  de  prés  les  remparts  de 
Zuricb  y  y  acti^éreml!  en  corps  d'armée  coBsidéfable  ; 
ik  se  péiMiiceBlj  pires  de-  la  Wigger  ar?ee  AiîtcMie  Il«i8d> 
commandant  des  LuceirnQis  ^^,  qui  leur  amena  siat 
cents  hoinmes^^;  ila  joig^iieent  les  Sblemiois,  treùu 
lérestdaifnére  le  HaAÉeastsin  Hennann  Séevogel^  capi^ 
laine  des  Bàbîs^  avec:centHtinqiMiite>lio»inl«s^  de  Wal-^ 
lenboocg.  et  de  Litostel  '^^ ,.  et  rbteM  arrive»  en  bâtie 
le  grand  canon  de  la  viDer  de)  Bàkd  ^^  a¥ec  beaiiieoAffr 
de  poudre  et  di'autves  muliitions.'  La  soif  de  la  ven-^ 
geance  irrkbil  oearguonrieir»;'  kuv' assauts  fut  si  violent 
qu'aneunu  rocher  ne-  paraiMait  inaccessible  ^  auenii 
nur  inéiffaiibbis^  isi  MpiMiseitoent  l'offre  d'une  ca-^ 
pîAilation  conUlionnBHa;  Sons  eette^  e&trémi^é  ,■  Jeatt 
de  Keclibcrg:  exhonta  hf  (^nison^  à  téAîr  jnsqu^'à  eé 
^il  se  Sût  assuf  é  »  Tdn.  wnait  les  débloquer  ^K 
A  lar  fibveiv  des  tèrnUbve^  les  fars  de  son  ébevat  en*' 
vdoppës  db  feutoe^  il  ti)av^psa>  le  camp  ennemi^ 
Vinc^adîe  d*un<  fenil  sUr^  Itf  nionta|p[ie'  ik  p&is  voisina 


**'  Ce  feit*«sfincerUdn;  ta  vein^de  la  bataille  de  Sàint-Jacqacs  il  était 
àMtachenstelo;  Brukner,  Curmiiéêdê  ia  eampagrte  dèBâU,  tiTf, 

^  loi  le^HaveDSteÛL 

"•  Eiterlin,  p.  171. 

***  Selon  TsckachUam,  seolanent  400;  selon  ThKmS  cPaooord  av^ec 
Ëatrlin  ,  600. 

«*•  Brukner,  p.  J1Î4. 

>»>  Estimé  à  5  00  florins.  Id. 

^''  Warêtiêèh  :  Le  sort  le  désigna  pour  faire  cette  reconnaissance. 

m  Brukner.  Edlibach  dllt  •  il  dievaitclia  par-des6QS  dès  cbapeauit  d» 
»  fentre.  » 


80  HISTOIRE   DE   LA   8UISSE. 

lui  servit  de  signal  pour  annoncer  son  h€ureusc 
arrivée  dans  ce  lieu '^^;  il  fit  diligence  et  trarersa 
le  Rhin.  Il  accéléra  la  mardie  du  prince  fran- 
çais; les  bataillons  des  Armagnacs  couvrirent  le 
pays. 

Après  la  défaite  du  comte  Jean  d* Armagnac,  le 
dernier  partisan  sur  lequel  l'Angleterre  compiait^^, 
une  trêve  de  deux  ans  ^^"^  mit  fin  à  la  longue  et  ter- 
rible guerre.  Le  pays  tremblait  encore  devant  ces 
hordes^  devant  les  Armagnacs  infidèles  à  leur  maî- 
tre, devant  ceux  que  le  bâtard  de  Lescua  né  rete- 
nait ensemble  qu'avec  peine ,  devant  Matthias  God  ^^, 
au  service  du  roi  avec  8,000  Anglais  ^^^  et  Normands 
(les  écorcbeui*s^^^),  devant  Antoine  de  Ghabannes^ 
comte  de  Dammartin,  protecteur  formidable  et  sans 
pudeur  des  désordres  de  la  soldatesque  ^^^,  enfin  devant 
beaucoup  d^autres  chefs  de  bandes  pour  qui  le  goût 
et  l'habitude  ou  la  nécessité  avaient  fait  du  désordre 
et.  du  brigandage  une  industrie  journalière.  L'Em- 
pereur, le  pape  et  les  grands  virent  dans  ces  hordes 
d'excellens  instrumens  pour  contenir  l'audacieux 
courage  des  bourgeois,  des  paysans  et  du  concile 
assen]J>lé  à  Baie.  Telle  était   la    haine  de  tous  les 

m  Brukner;  Si2ii.  fVursiUen  :  Il  reçat  on  coup  sur  le  br«$. 

'^*  Dttclos,  LouU  XI,  cb.  I ,  p.  21  et  soiv. 

'^^  Traité  de  t'armittice  ,  Westminster,  27  juin  144&,  dans  Dumont , 
t.  III ,  P.  I ,  p.  551. 

"'  Matago  dans  nos  chroniqacs.  =3  «Sir  Matthieu  Gough,  que  les 
•  Français  nomment  souvent  Matbago.  >  Sitmondi,  Uist,  des  Français, 

'*'  Déserteurs  on  engagés  dans  des  partis  contraires  à  la  cour. 
''^  Dunod,  lUsin  du  comté  ds  Bourgogne,  t.  Ilf. 
"*  DucloM,  l.  c.  p.  51. 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  81 

dépositaires  du  pouvoir  contre  ceux  qui  tentaient  de 
le  limiter,  qu'ils  perdaient  de  vue  la  politique  ordi- 
naire des  États  ^^  et  tous  les  principes  de  la  morale 
commune ^^^.  Trop  souvent  les  préjugés  et  la  passion 
déplacent  le  vrai  point  de  vue,  séduits  par  le  but  qu'ils 
se  proposent;  quand  la  fin  leur  parait  meilleure  qu'elle 
aest^  ils  se  tranquillisent  ^ur  le  choix  des  moyens*. 
Dans  le  même  temps  le  pape  Eugène  IV  promit 
au  roi  de  France  la  confirmation  de  la  pragmatique 
sanction^  concernant  les  libertés  de  TÈglise  galli- 
cane ^^y  s'il  employait  ses  armées  à  disperser  le  con- 
cile^ auquel  ces  libertés  devaient  leur  naissance,  et 
qui  s'était  brouillé  avec  le  souverain  pontife  au  su- 
jet des  droits  de  l'Église  ^^.  Les  conseillers  de  l'em- 

***  p.  e.  de  ne  pas  montrer  aux  Français  le  chemin  de  TEmpire. 

***  On  trouve  à  ce  sujet  un  passage  remarquable  dans  une  lettre  de 
Thûring  de  Hallwjl,  l'atni ,  à  son  oncle  le  chevalier  Guillaume  de 
Grfinenberg  (  dans  Brukmr  )  i  «  Vous  savei  que  c'est  vous  qui  m'avez 

>  poossé  à  cela,  et  que ,  dans  Tintérêl  de  la  seigneurie  (de  la  cour) ,  je 

•  me  Suis  chargé  de  choses  qui  me  coûtent  Vàme,  le  corps ,  l'honneur  et 

>  la  fortune,  t  (Vendredi  saint  1444.)  Cette  lettre  est  antérieure  à  l'atten- 
tat de  Brougg,  auquel  on  pourrait  croire  qu'elle  fait  allusion;  s'agit-il 
peut-être  des  complots  avec  les  étrangers  contre  la  patrie  allemande  ? 

*  Exemples  de  la  politique  des  cantons  en  1790,  91 ,  92 ,  9S.  Qu'on 
se  rappelle  l*alliance  conclue  sous  Vergennes ,  qui  renfermait  le  droit 
d'appeler  les  Français  au  secours  de  la  Suisse  pour  le  maintien  de 
raristocratie  et  de  la  démocratie.  D.  L.  H. 

»A  Pfeffel,Hiêt.  de  CEmpire  14AÂ. 

***  On  ne  peut  guère  don  ter  que  le  pape  n'eût  trempé  dans  cette  affaire. 
Beppart  for  la  guerre  de»  Armagnace  dans  Schilter  sur  KÔnigsbofen , 
p.  iOOi;  Tritthemius  ad  1439  :  «  Âb  ipso  pontifice ,  ut  dicebatur,  susci- 
B  tatt.  Alii ,  •  dit  cet  abbé  en  1444,  «  motum  hune  Papx  ascribunL  * 
BeUinger  :  «  Le  roi ,  dans  sa  finesse ,  voulut  à  la  fois  accorder  à  l'Ëm- 

•  perenr  les  troupes  et  ne  pas  désobliger  le  pape.  »  H,  Mutiiu ,  chron. 
L  XXVm  :  «  Erat  fama,  Papam  in  eam  rem  magnam  summam  pecu« 

•  nie  expendisse.  » 

VI.  6 


84  HISTOIRE    D£    LA    SUISSE. 

»  dans  l'intérêt  commun ,  mais  se  persuaderont  que, 
»  loin  de  songer  au  moindre  acte  d'hostilité  contre 
»  l'Empire  ^'^'^,  il  est  plutôt  résolu  de  consolider  se- 
»  Ion  ses  moyens  l'heureuse  amitié  qui  subsiste  entre 
»  eux  ^^.  >> 

A  cet  égard  le  roi  avait  si  peu  à  redouter  l'Angle^ 
terre  et  la  Bourgogne^  ses  anciennes  ennemies ,  que  le 
▼aillant  Talbot  ^'^^  avec  quatre  mille  arquebusiers  an- 
glais marcha  sous  lui  contre  Metz  ^^^^  et  que  le  duc  de 
Bourgogne  non-seulement  accorda  le  passage  au  dau- 
phin ,  mais  ordonna  aux  nombreuses  hordes  errantes 
de  joindre  ses  drapeaux.  Les  écorcheurs  pesaient  si 
lourdement  sur  le  pays ,  que  toutes  les  autres  considé- 
rations cédèrent  au  désir  de  s'en  débarrasser.  Le 
duc  Philippe  était  trop  éclairé  pour  croire  à  la 
prompte  conquête  de  villes  comme  Strasbourg  et 
Bâle  ^^^  ou  à  l'inaction  prolongée  des  princes  alle- 
mands en  présence  d'un  danger  imminent  :  ce  qu'il 
croyait,  au  contraire,  c'est  que  plus  l'armée  était 
considérable ,  plus  on  pouvait  compter  qu'elle  se  dé- 
vorerait bientôt  elle«-même. 

Le  dauphin  avait  auprès  de  lui  comme  principaux 
chefs ^^^  Jacques  d'Armagnac,  comte  de  la  Mardieet 

*'^  L'Alsace,  Metz,  Tool  et  Verdun  en  faisaient  partie. 

"*  «  Que  du  reste  il  n'avait  ancan  dessein  hostile  à  l'Empire.  •  Bëp- 
portôxas  Sehilter,  1002^  ss»  De  Barante ,  lu  due»  de  Bourgogne,  VIEt 
189,  190.  G.  M. 

»'•  M.  Telbe  d'Angleterre.  Fugger. 

***  Le  dauphin  avait  sous  ses  ordres  une  division  de  troupes  anglaises 
que  le  roi  d'Angleterre  lui  avait  donnée.  Techudi.  Matago  était  avec  lui. 
Ditcloe» 

*>t  On  voit  par  la  lettre  de  Staufen  que  le  roi  tenait  surtout  aux  villes. 

'**  «  Directeurs  de  la  campagne.  »  Tuhudi, 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  85 

de  Perdriac*^^,  son  ami  et  compagnon  d'enfance^**; 
Antoine  de  Chabannes,  comte  deDammartin^  déjà 
maréchal  de  France***,  héros  aussi  loyal  qu'on  peut 
l'être  avec  des  passions  violentes '^^ ,  alors  dans  la 
force  de  lage^'^;  Jean  de  Bueil,  fort  avancé  dans 
la  ccmfiance  du  dauphin*^*  et  qui  aspirait  à  s'assurer 
le  comté  de  Sancerre^  comme  héritage  maternel, 
par  les  voies  juridiques  non  moins  que  par  une  faveur 
méritée^*®;  Beaujeu,  de  la  maison  de  Bourbon^  et 
k  bâtard  de  Beaujeu*^^;  Arnold  Âmanieu,  seigneur 
d'Albret  et  chef  de  la  maison  Dorval  **^  ;  le  maréchal 
de  Culant  *^  ;  le  noble  Amauri  d'Estissae  '^,  adjoint 
par  le  roi  au  dauphin  *^^,  à  qui  dans  tous  les  temps 

>•<  Nevea  du  comte  régnant,  mentionDé,  n.  35€. 

^*  DtKloê,  II,  S95.  En  montant  snr  le  trône  il  le  créa  duc  de  Ne- 
mours, pair  de  France.  Son  exécution  (  1477)  Ait  moins  injuste  dans  le 
principe  que  cruelle  dans  les  circonstances. 

"*  Depuis  1459. 

'**  Dueloi ,  1 ,  8 ,  17 ,  29  ;  n ,  as.  Il  y  a  dans  Ck>mines  beaucoup  de 
diartes  qui  le  concernent 

"'  Né  en  1891,  H  mourut  en  1488.  Camines,  I,  20,  n.  (édition  in- 
k*  de  Qodefroy ,  publiée  par  les  soins  de  Lenglet  du  Fresnoy  en  1747). 

"*  Son  chef  et  lieutenant  ReUiiion  dans  Schilter,  391. 

^  Il  l'obtinl  en  141(1.  jitt  de  vérifier  U$  dates,  658. 

*'*  C'est  ainsi  que  j'explique  dans  la  Belaiion  citée  le  «  sire  de  Beauon , 
•  du  sang  de  France ,  de  la  famille  de  Borbon ,  »  et  je  crois  que  c'était 
Pierre  de  Beaujeu ,  frère  du  duc  de  Bourbon. 

'*^  La  Relation  l'appelle  aussi  Beauon. 

***  Art  de  vérifier  <«•  dates,  756;  la  Relationnel  qu'il  éUit  aussi, du 
vag  de  France.  Son  arrière-grand'mère  était  Marguerite  de  Bourbon  ; 
9o  frères  furent  plus  célèbres  que  lui.  ,       - 

'"  Philippe  de  Gulant ,  sire  de  Jalogne.  Relation,  915.  On  voit  à  cette 
occasion  que  la  Relation  n'est  pas  toQt-à-fait  contemporaine,  ce  guerrie 
n'ayant  reçu  le  bâton  de  maréchal  qu'en  1455.  Hénault. 

'**  •  De  Stiasac,  seigneur  du  pays.  »  Rflation^^ 

*«  Du€los,l,ii. 


86  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

il  demeura  fidèle  ^^  ;  Joachim  Rouhault  ^^,  impatient 
de^se  distinguer  par  des  exploits  ^^;  Blanchefort, 
Clermont ,  le  jeune  la  Hire;  de  nobles  Ecossais  ^^, 
riralisant  pour  mériter  l'approbation  du  gendre  de 
leur  roi  ^9^  ;  l'Espagnol  Salazar^  non  moins  empressé 
de  donner  des  preuves  de  sa  nouvelle  fidélité  ^^,  que 
le  Lombard  Yalperga  ^^^  de  réparer  d'anciennes  fau- 
tes ^^^  ;  les  chefs  les  plus  exercés ,  les  plus  redouta- 
bles^^ de  beaucoup  de  peuples.  Âuniessus  de  tous 
brillaient  les  cuirassiers  ^^^.  Le  dauphin  était  entraîné 
par  la  pditique,  les  grands  par  l'amour  de  la  guerre, 
la  multitude  par  l'amour  du  pillage  ^^^.  La  noblesse , 
ravie  de  leur  approche,  alla  triomphante  au-devant 


•••  u  I,  1&,  80. 

»7  Rouhand ,  Relatkm. 

*"*  Voy.  pour  FécUt  de  ses  actions  subséquentes,  Cominês  I,  1 A  et  45. 
N. 

***  Dasay ,  Moatgomérj ,  Robin  Petitlo  (on  reconnaît  le  Loch  écossais). 
Relation,  9H. 

*^*  Marguerite,  épouse  du  dauphin,  était  fille  da  roi  Jacques  Stuart  I. 
En  butte  à  la  calomnie ,  elle  mourut  de  chagrin ,  pendant  cette  cam- 
pagne de  Louis.  Jrt  <U  vérifier  les  dates ,  567.  Ch,  dans  Ducios, 

**ft  U  avait  été  auparavant  avec  Jean  d'Armagnac  Du/ski  I,  29.  Dës- 
lors  il  servit  avec  distinction  pendant  bien  des  années. 

«•>  Relation,  914.  Il  était  sénéchal  de  Toulouse. 

*^*  •  Valpergue  n'ayant  pas  la  fermeté  du  dauphin.  •  Dwslos, 

*^*  «Là  était  le  peuple  armagnac  avec  toutes  ses  forces  et  ce  que  la 
»  France ,  la  Bourgogne  •  (  de  même  que  la  Bretagne  et  la  Gascogne , 
Relation,  914  )  •  et  l'Angleterre  avaient  de  guerriers  exercés  et  renon- 
•  mes.  •  Tschttdi, 

***  •  Là  je  vi^  plus  de  5,000  cairassiers  en  «n  seul  corps  ;  Jamais 
>  homme  n'a  vu  une  plus  magnifique  troape  de  Français.  >  Sehamdo* 
cher,  1.  c. 

^*  •  Chacun  ne  songeait  qa'à  son  profit  ;  personne  aux  pauvres.  • 
Relation,  1001. 


LIVRE   rV,    CHAP.    1.  87 

de  ses  sauveurs*^;  les  villes,  averties  par  là  ^^*,  les 
États  Alsaciens *^^,  les  princes  d'Empire*'^  et  main- 
tenant le  duc  Sigismond  lui-même ,  qui  avait  appelé 
les  Français*",  les  virent  avec  une  grande  inquié- 
tude*^^ et  concertèrent  des  mesures  de  sûreté. 

Dès  qu'on  apprit  à  Bâle  Tarrivée  de  l'armée  puis- 
sante du  dauphin ,  le  gouvernement  s'occupa  du  dif- 
ficile projet  de  défendre  une  place  de  plus  de  dix  mille 
pas  de  circuit  *^^,  et  où  la  discorde  de  la  noblesse  et 
de  la  bourgeoisie  avait  de  tout  temps  divisé  les  partis 
eomme  le  vaste  fleuve  divise  la  ville  elle-même.  Baie 
entier,  qui ,  d'une  plaine  fertile  et  gracieuse ,  s'élève 
en  amphithéâtre  sur  plusieurs  collines,  à  l'angle  où 
le  Rhin  tourne  subitement  au  nord-ouest ,  fut  partagé 
en  cinq  quartiers  ;  on  transporta  toutes  les  machines 
sur  les  tours  et  les  murailles  ;  on  construisit  un  bou- 
levard devant  la  porte  la  plus  exposée*^*;  on  établit 

**'   ■  Elle  aida  en  matlre.  •  16.  a  Les  gentilshommes  traitèrent  ma- 

•  gnifiquement  le  roi  et  le  dauphin.  •  Schamdoelier.    •  Ils  les  reçurent 

•  honorablement,  et  les  conduisirent  volontairement  dans  leurs  sei- 

•  gncuries  et  lenr  pays.  •  Première  Relation  ^  9t5. 

M'   «  Od  avait  deviné  le  projet  des  souverains  avant  learakrivée, 

•  parce  que  les  nobles  n'avaient  pu  s'en  taire.  »  fVurêtUen  »  â02. 

***  L'évéque  de  Strasbourg  avec  la  seigneurie  de  licbtenberg  et  les 
chevaliers  ;  Reinbard  de  Niperg ,  chevalier ,  au  nom  des  bailliages  et  des 
villes  impériales  ;  Tammeistre  et  le  conseil  de  Strasbourg.  Ligue  de»  Etats 
dans  Sekifter,  949.  Elle  appartient  &  Thistoire  de  1489  •  mais  je  la  cite , 
parce  qu'elle  fait  connaître  l'organisation  des  Etats. 

^*  Le  comte  palatin,  ceux  de  Bade,  le  margrave  Albert  de  Brande- 
bourg, l'âme  de  llïmpire.  Fagger  et  Schamdoeher. 

*«»  T.  V ,  p.  561. 

**^  «On  ne  fit  rien  parce  qu'on  manquait  de  confiance.  ■  Sehatndo"- 
eker. 
M«  Le  Grand-Bàle  7,500  ,  le  Petit-Baie8,000.  Uu. 
M  4  Du  c5té  (lu  Sundgau. 


88  HISTOIRE  DE   LA   SUISSE. 

des  moulins  sur  le  Rhin  par  ordonnance ^^^;  on  amassa 
du  pain  pour  la  consommation  d'une  année  ;  on  pres- 
crivit à  chaque  tribu,  à  chaque  couvent ,  son  devoir 
pour  tous  les  cas  de  danger  de  la  part  des  ennemis 
ou  du  feu  ;  on  abattit  ensuite  autour  de  la  ville  toutes 
les  maisons,  tous  les  arbres  nuisibles  à  la  vue  ou 
avantageux  à  Tennemi^  on  barricada  les  portes^  à  l'ex- 
ception de  deux  *^®,  et  l'on  mit  partout  des  corps-de- 
garde  *^''. 

Dans  r Alsace ,  le  Sundgau  et  la  campagne  de  Baie, 
la  nature,  comme  pour  étaler  sa  magnificence  à 
l'approche  des  étrangers ,  avait  répandu  une  extraor- 
dinaire surabondance  ^'^  des  plus  beaux  fruits;  tout 
l'été  fut  d'une  beauté  singulière ^^^.  Au  milieu  de  cette 
active  plénitude  de  la  vie  universelle,  les  hommes  se 
signalaient  par  les  tristes  jeux  d'une  ambition  et  d'une 
cupidité  insatiables, 

La  maison  de  Wurtemberg  ne  voulut  pas  ou  le  com- 
mandant  n'osa  pas  défendre ,  contre  le  dauphin,  le  bou- 
levard du  pays,  M ontbéliard  ^^^.  Louis  s'avança  donc 
sans  obstacle  par  Altkirch,  sur  les  pas  rapides  de 
Rechberg^^*,  dans  la  contrée  de  Baie,  résolu  de  dé- 
bloquer le  fort  de  Farnsbourg  et  la  ville  de  Zurich  *^, 
de  châtier  les  Suisses,  de  rompre  leur  ligue,  de  ven- 

**^  Parce  qu'on  pojDvaît  détourner  les  autres  rivières.  Wm:9ti$9%. 

**•  La  porte  de  Spalen  et  d'Aesch. 

*'^  Chacun  de  35  hommes.  fVurstisen. 

*^"  On  en  avait  bien  rarement  vu  autant.  Relation  dans  Sehilter,  948, 

**'   «  Un  charmant  et  bon  été.  •  Ibid 

*^^  Le  dauphin  estima  que  celui  qui  avait  si  facilement  abandonné 
une  forteresse  si  solide  méritait  la  corde.  Crutioê,  Chronique  êouabe.  II* 
53,  a. 

*'*  La  lettre  aux  Zuricois  ;  mercredi  après  l'Ascension ,  dans  BulUnger. 

*'*  La  Relation  dans  Schilter,  915  ,  spécifie  tout  cela. 


LIVRE   IV.    CHàP.    I.  89 

ger  la  noblesse ,  et  de  tirer  parti  de  tous  ces  évënemeas 
au  profit  de  la  France,  et ,  selon  les  circonstances , 
au  sien  propre. 

Four  la  première  fois  TEmpire  germanique,  dont 
les  mille  seigneurs  ^^^  se  faisaient  continuellement  la 
guerre  à  la  tète  de  troupes  insignifiantes ,  comprit 
la  puissance  d'une  armée  unie  comme  celle  qui  de  la 
France  s'avançait  menaçante  vers  le  Rhin.  Les  prin- 
ces d'Autriche  eux-mêmes  virent*  ces  troupes  auxiliai- 
res avec  inquiétude  et  défiance  ^^^  ;  les  villes  les  dé- 
testaient comme  un  fléau  pour  le  pays  *^^,  comme  des 
ennemis  du  nom  allemand  et  de  Tordre  civil.  Ces 
étrangers  n'av^ent  pour  eux  que  la  noblesse,  aveuglée 
par  la  passion,  oubliant,  pour  le  plaisir  de  se  venger  des 
Suisses,  rintérét  commun  et  l'avenir.  Car  les  Français 
disaient  ouvertement  que  le  Rhin  deviendrait  leur  fron- 
tière  ^^^  ;  ils  imposaient  des  contributions  excessives 
pour  Tentretien  de  leur  armée  ^^"^ ,  emmenaient  des  ota- 
ges, pour  en  obtenir  le  paiement  ^^^,  et,  sans  égard  pour 


^^  Tj  comprends  aussi  les  chevaliers.  C'est  dans  ce  sens  qae  le  spi- 
rituel auteur  de  Técrit  Au  Congrès  de  Btutadt  (1798)  compte  dans 
l*Eropire  1^92  seigneurs  souverains.  Ils  ne  Tétaient-pas  même  à  Tépoque 
4ont  nous  parlons,  dans  le  sens  lég&l  du  mol;  mais  chacun  faisait, 
comme  à  présent ,  ce  qui  lui  convenait 

***  Schamdoeher, 

*^  Voy.  la  Ktarration  hUiariqtu  dans  Schiltet  sur  Kônigsbofen ,  949. 

*^  Sckamdocker  :  «  car  le  roi  était  venu  plutôt  en  Alsace  à  cause  de 
Strasbourg  qu'à  cause  des  Suisses.  •  «  Et  hoc  probabile  erat.  »  MtdiuB, 
p.  940  ,  éd.  Pialor* 

*^'  La  guerre  des  Armagnaeê  dans  Sefiilter,  î  003  :  ?  Le  roi  demanda 
>  que  l'on  voulût  recevoir  en  Alsace  26,000  hommes  de  garnison.  • 
Mtaiuê  :  25,000.  Cela  s'accorderait  assez  bien  avec  le  nombre  adopté 
^MalUt  (HUt.  dêi  Suiêêes,  t.  H),  de  14,000  Françaisel 8,000  Anglais, 
Yoy.  n.  S72.  =  Mallet  a  pris  ces  deux  nombres  dans  Duetos.  G.  M, 

*'<  La  Narration  citée  n.  425,  p.  948. 


90  HISTOIRE   DE   LA.   SUISSE. 

la  pureté  des  mœurs  nationales ,  profanaient  tes  égli- 
ses et  assouvissaient  tous  les  caprices  de  la  volupté  ^^®. 
Dans  le  Sundgau ,  bourgeois  et  paysans  cherchèrent 
à  Baie  la  sûreté  de  leur  honneur^  de  leur  vie  et  de 
leur  fortune;  on  y  reçut  tous  ceux  qui  apportaient 
du  pain  pour  une  année  et  cédaient  leurs  autres  pro- 
visions au  Conseil  à  un  prix  raisonnable  ^^^. 

Les  cris  de  la  contrée  se  firent  entendre  au  camp 
devant  Famsbourg;  les  audacieuses  insultes  de  la 
garnison  confirmèrent  la  nouvelle  de  rapproche  du 
secours.  Les  messagers  des  Mlois  firent  des  rapports  si 
incroyables  sur  ces  forces  inouïes  que  l'un  d'eux  fut  mal- 
traité**^, comme  gagné  par  l'ennemi,  et  un  autre, 
accablé  de  railleries  comme  si  la  frayeur  avait  centu- 
plé les  objets.  Dans  cette  opinion ,  dont  ils  négligèrent 
de  faire  vérifier  la  justesse  par  des  émissaires ,  les 
chefe  se  bornèrent  à  demander  des  renforts  au  camp 
de  Zurich.  Là  aussi  régnait  une  confiance  si  exagérée 
dans  la  fortune  passée ,  qu'on  ne  fit  aucune  tentative 
pour  terminer  la  guerre  civile,  et  qu'au  lieu  d'une 
levée  générale ,  on  se  contenta  d'envoyer  devant 
Farnsbourg  un  secours  de  six  cents  hommes  ^*^.  Les 

*^*  Un  peuple  foneste,  méchailt, abominable,  maudit,  elc«  TêchuM, 

*"  fVurstUen,  p.  404. 

*•*  D'après  Fugger,  p.  552 ,  il  fut  transpercé. 

^'  800,faomme8  de  Berne  ;  60  de  Luceme  et  de  Solenre  ;  50  de  Schwyx, 
de  Zoug  et  de  Claris  ;  40  d'Un  et  dUnterwalden.  Tiekudi,  Il  j  en  eut 
en  tout  650.  :zsM,  de  TiUier  (II,  104),  ajoute  à  ce  récit,  d'aprèis  le 
recès  de  la  diète  de  Luceme  du  14  juillet  1444 ,  que  la  nouvelle  de 
rapproche  de  l'armée  française  ne  causa  point  de  surprise  dans  le  camp 
des  Confédérés  qui  assiégeaient  Zurich  ;  dès  le  milieu  de  juillet  on  avait 
convoqué  une  diète  à  Luceme  pour  le  2*0,  afin  de  se  concerter,  ensuite 
de  pleins-poinroirs  donnés  par  les  États,  sur  la  résistance  qu'on  oppo^i 
serait  à  l'armée  des  Armagnacs.  Dans  le  camp  même  les  opinions  étaient 
divisées  sur  ce  grand  intérêt  de  la  patrie  qui  voyait  son  indépendance 


LIVRE   IV.    CHAP.    1.  91 

Confédérés  n'hésitèrent  point  à  se  mesurer,  dans  i*in- 
térét  de  la  patrie ,  avec  une  armée  dix  fois  pjius  forte. 
Toutefois  cette  résolution  ne  fut  prise  qu'à  l'heUre 
d'un  péril  que  Ton  n'avait  pas  prévu  ;  autrement  les 
chefs  y  magistrats  intelligens  et  bons  citoyens  ^  n'au^ 
raient  pas  remis  le  soin  d'une  si  grande  cause  à  la  for- 
tune d'une  poignée  d'hommes. 

Limite  occidentale  de  la  Suisse ,  la  chaîne  non  in- 
terrompue du  Jura  ,  qui  s'étend  depuis  le  Rhône 
jusque  près  du  Rhin ,  finit  non  loin  de  Baie ,  sans 
abaissement  bien  sensible ,  presque  tout-à-coup  ^^^. 
Un  intervalle  la  sépare  des  Vosges  ;  entre  elle  et  la  fo- 
rêt Noire  s'étend  une  large  vallée  entrecoupée  d'une 
multitude  de  collines  formées  par  des  alluvions  ou 
abaissées  par  les  eaux.  Le  Jura,  pauvre  en  sources, 
comparativement  aux  Alpes,  envoie  à  Baie  le  Birsig 
et  dans  la  contrée  voisine  la  rivière  plus  considéra- 
ble de  la  Birse*  Le  premier  se  forme  des  ruisseaux 
qui  arrosent  la  vallée  de  Laimenthal  ;  la  seconde 
a  sa  source  à  l'entrée  du  Val  de  Moutiers ,  près  du 
rocher  que  sans  doute  elle  a  percé  la  première  et  par 
lequel  les  Césars  ont  ensuite  pratiqué  un  passage  ^^. 

menacée  ;  les  avojen  de  Berne  et  de  Luceme^  Ulrich  d'Erlach  et  Ulrich 
de  Hertenstein,  af^poyés  par  les  laodammanns  Réding  et  Tscbudi ,  pro- 
posèrent, assnre-l-on,  délaisser  6,000  hommes  devant  Zurich  et  1,000 
devant  Famsbonrg,  et  démarcher  avec  le  reste  de  |l*année,  fort  de 
14,000  hommes ,  à  la  rencontre  da  daaphîn.  Une  brillante  victoire  sur 
Firmée  française  eût  été  le  résultat  probable  de  ce  plan.  Malheureuse- 
aeol  une  opinion  moins  sage  prévalut  dans  le  conseil  de  la  guerre. 
CM. 

***  De  là  elle  se  dirige  à  TOrient  vers  Schaffhoose  ;  elle  se  perd  au 
fond  du  Wurtemberg.  Voy.  les  excellentes  DUtertaiiom  géognoatiqnu  de 
H,'C.  EMheVf  dans  le  t  I  de  la  Bibliothèque  de  //.-C.  For^A 

«*  Pierre  Partuis. 


92  HISTOIRE   DE   LA  SUISSE. 

La  fertile  contrée  autour  de  Bâie^  déjà  si  florissante  sous 
les  anciens  Romains,  était  parsemée  de  bea^x  villages  ; 
les  paysans  qui  les  habitaient  ne  négligeaient  aucune 
occasion  d'acquérir  de  seigneurs  souvent  nécessiteux 
des  libertés  partielles  ;  les  gentilshommes  de  la  contrée 
désiraient  d'autant  plus  vivement  le  triomphe  des  rois- 
Là  où  le  sol  s'étend  d'abord  en  larges  et  agréables  val- 
lées, puis  se  rétrécit  et  s'élève  avec  le  Hauenstein, 
montagne  assez  haute  du  Jura  ^  mais  en  partie  nue  et 
en  dissolution ,  le  landgraviat  du  Sisgau ,  ayant  Lies- 
tal  pour  chef-lieu ,  pour  habitans  des  gens  de  cœur  ^^^> 
avait  moins  d'importance  aux  yeux  de  son  seigneur 
que  la  forteresse  assiégée  de  Famsbourg. 

Dans  le  but  de  la  débloquer,  l'armée  passa  d'Altkirch 
par  Landscrone^  château  de  Burkhard  Mpnch,  ettrd-* 
versa  le  Birsig  et  la  Birse.  Le  Laimenthal,  la  vallée  de 
la  Birse,  toute  la  contrée  depuis  la  viUe  jusqu'à  Ffeffin- 
gen  était  couverte  de  troupes  en  marche;  ce  qu'on 
voyait,  et  encore  plus  ce  qu'on  disait  *^®,  jeta  les  bour^ 
geois  de  Baie  et  les  pères  du  concile  dans  une  surprise 
mêlée  d'inquiétude.  Le  dauphin  suivit  les  conseils  du 
chevalier  expérimenté  Jean  de  Rechberg,  qui  liy  re- 
présentait d'une  manière  exacte  l'héroïsme  des  Suisses, 
en  même  temps  que  l'infériorité  disproportiqnnée  de 
leur  nombre ,  et  lui  dit  d'éviter  une  bataille  où  leurs 
rangs  seraient  dépassés  sans  doute,  mais  où  ils  pour- 
raient, par  des  actions  inouïes,  répandre  le  désprdre 

*"  Dépendans  deB&le  depuis  i&oe  ;  t  m,  p.  356  ;  le  Sl«fa  bftlois. 

*^  On  voit  par  le  discours  de  Séevogel .  qui  De  croyait  pas  exagérer, 
que  Farinée  entière  fut  estimée  à  100,000  hommes.  Edlibach,  Antoor 
de  la  ville  environ  ,  S0,000  hommes  «  cbampoyoient  monts  et  vaax.  • 
Pury,  n,  450. 


r 


LIVRE   TVi    CMAP.    1»  93 

dans  son  armée  ;  il  conseilla  de  former^  au  tontraire,  de 
nombreuses  divisions  qui  livreraient  aux  Suisses  des 
attaques  incessantes;  ceux-ci  ne  vaincraient  aucune 
d'elles  sans  essuyer  des  pertes  ;  ils  se  fatigueraient  donc 
et  s'épuiseraient  eux-mêmes*^''.  Pour  explorer  leur  si- 
tuation et  leurs  mouvemens ,  Louis  envoya  le  comte  de 
Sancerre  du  Bueil  *^*  avec  environ  huit  mille  hommes**® 
par  la  plaine  de  Mûnchenstdn.  Sancerre  passa  au  pied 
du  Wartenberg^  à  l'extrémité  du  Jura,  emplacement 
peut^tre  du  Robur  des  Romains  **^,  et  entra  dans  la 
seigneurie  des  sires  d'Eptingen,  dans  le  village  de 

Prattelen^^S  ^î^^^  ^^  V^^^  ^^  collines  et  au  milieu  de 
charmantes  prairies**^.  Il  fut  appuyé  par  le  maréchsd 
comte  de  Dammartin ,  dont  la  division  était  d'un  tiers 
plus  forte  ***  et  qui  passa  ce  jour  à  M uttenz  ;  le  quar- 
tier-général du  dauphin  était  sur  ses  derrières,  à  Pfef- 
fingen,  château  du  comte  de  Thierstein;  selon  l'opi- 
nion deRechberg,  le  dauphin  devait,  à  la' tète  d'une 
troupe  d'élite,  surveiller  l'ensemble,  ordonner,  encou- 
rager^ appuyer***. 

«•?  BttUinger. 

*^  Les  Français  rapportent  eipressériient  qae  du  Bneil  on  de  Baeil 
attaqua  le  premier  les  Suisses ,  et  qu'il  les  troava  dans  la  plaine  de 
Prattelen  (  Ducios  écrit  Bottelen  ).  Tuhadi  nomme  Dammartin ,  ce  qui 
le  concilie  facilement  :  Dammartin  avait ,  sous  le  Dauphin ,  le  condl- 
mandement  en  chef. 

*»•  T»ehuU. 

**•  T.  I,p.  82. 

M  En  1441  le  roi  romain  donna  l'investiture  de  ce  fief  à  Gdtz  Henri  ; 

**>  «  Pratula.  >  Ce  village  est  bâti  au-dessus  d'un  faubourg  on  d'une 
villa  d'Augusta  Raoracomm. 

*«>  Ttehudi. 

'**  Non  que  le  Dauphin  évitftt  de  8*expofier,  mais  parce  que  la  véri- 
table place  do  général  en  chef  était  là. 


94  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

Les  Bàlois^  comptant  que  les  Suisses  leur  enverraient 
un  renfort  ou  les  débloqueraient  ^  députèrent  vers  eux^ 
ayant  ces  mouvemens  ^^^^  HemmannSéevogeP^^^  mem- 
bre du  conseil^  chargé  de  leur  représenter  le  danger 
de  voir  Baie  coupé,  afin  qu'ils  accélérassent  et  dispo- 
sassent prudemment  leur  marche.  Les  Suisses,  dans  la 
persuasion  que  rien  ne  résistait  à  l'intrépidité^  se  rail- 
lèrent de  l'avertissement.  «  Non ,  »  dit  l'envoyé,  «  Sée- 
»  vogel  n'est  pas  un  poltron  ;  mon  rapport  est  exact; 
»  l'ennemi  vient ,  il  approche  ;  mais  je  reste  avec  vous, 
M  afin  que  vous  voyiez  si  j'ai  du  cœur**''.  » 

Lorsque  les  Suisses  reçurent  de  Liestal  la  nouvelle 
que  l'onnemi  campait  dans  la  plaine  de  Mûnehenstein, 
tous  les  courages  s'émurent  d'un  irrésistible  désir  d'en 
venir  aux  mains.  Les  chefs  demandèrent  à  l'armée  as- 
semblée «  si  elle  se  mettrait  en  marche  ou  attendrait 
»  l'ennemi  ;  l'un  et  l'autre  plan,  exécuté  avec  ensem-* 
M  ble,  pourrait  réussir.  Ne  serait-il  pas  prudent  et 
»  glorieux  de  persister  dans  un  siège  si  avancé,  que 
»  cette  armée  puissante  avait  pour  but  de  faire  lever, 
»  et,  si  l'ennemi  n'était  pas  détourné  de  son  projet,  de 
»  combattre  ses  forces  supérieures  sur  ce  terrain  plus 
»  resserré  et  du  haut  de  collines  si  diversement  dispo- 
«  sées***?  »>  A  ces  mots,  les  soldats  poussèrent  de  sau- 
vages cris  de  désapprobation.  ((  Le  Suisse,  dirent-ils, 

**^  On  ne  peut  pas  déterminer  avec  certitude  à  quel  moment  il  fol 
«nvoyé. 

**•  fVurêtUen,  408;  ci-dessus,  n.  S51. 

**'  EdUbaeh, 

***  Comme  Têchudi  dit  positivement  que  celte  opinion  fut  énoncée, 
je  rattribue  aux  chefs  qui ,  ce  jour-là ,  se  montrèrent  hommes  inteiii- 
^ens,  et  même  Antoine  Rûss,  long-temps  encore  après ,  fit  preuve  de  la 
même  intelligence  à  la  guerre  et  dans  les  affaires. 


LIVRE   IV.    CHAP,    I.  '  95 

»  ne  fait  pas  dépendre  la  bataille  de  Tennemi.  Eh  quoi  ! 
>}  si  l'ennemi  prenait  un  autre  chemin  ! .  £h  quoi  !  s'il 
»  s'éloignait!  Quelle  honte  d'avoir  évité  le  combat!  » 
Le  tumulte  devint  fureur  ;  plus  d'espoir  de  maîtriser 
la  multitude.  Les  assiégeans  de  Farnsbourg  étaient  las 
de  -leur  inaction  ;  les  six  cents  voulaient  .mander  le 
même  jour  au  camp  de  Zurich  leur  arrivée  et  une  vic- 
toire ;  les  habitans  de  Liestal  et  de  Wallcnbourg ,  éloi- 
gner l'ennemi  de  l'entrée  des. vallées.  Comme  il  arrive 
quand  la  volonté  de  la  multitude  l'emporte  sur  l'opi- 
nion des  chefs  y  on  prit  un  parti  intermédiaire  :  les 
nouveaux  venus  et  neuf  cents  hommes  du  camp  furent 
envoyés  pendant  la  nuit  à  Prattelen  pour  explorer  la 
force  et  la  situation  de  l'ennemi^  pour  le  tenter ^^^^ 
mais  en  évitant  un  combat  en  forme  ;  dans  aucun  cas 
ils  ne  devaient  se  laisser  attirer  au-delà  de  la  Birse.  Ils 
partirent  brûlans  d'ardeur  ^^^^  hâtèrent  leurs  pas,  ren- 
contrèrent près  de  Prattelen  un  avant-poste  de  cent 
chevaux. 

Dès  huit  heures  du  matin ^^^,  le  26  août  de  l'an 
1444,  il  y  eut  une  rencontre  dans  la  plaine  voisine 

4*9  Ils  devaient  voir  •  si  Ton  ne  pourrait  pas  leur  donner  nn  croc-en^ 
jambes.  »  Tschudi, 

^*  Tschudi  se  sert  d'un  mot  heureux  qu'il  a  créé  «  mutbbrflnstig.  » 
Notre  récit  est  tiré  de  la  Chronique  eanonteaU  de  Henri  Pury  de  Bive , 
chanoine  de  NenchAtel  (dans  Boyve  sur  llndigénat^.  Cet  écrivain  et 
soD  collègue  Antoine  de  Ghamvirey  arrivèrent  le  même  soir  de  Bàle  ver» 
cette  troupe  ;  ils  y  furent  très-bien  reçus  par  Albert  de  Tissot ,  vaillant 
chevalier,  chef  de  50  NeucbAtelois  qui  avaient  suivi  la  bannière  de 
Berne  en  qualité  de  combourgeois.  «  La  bande  était  joyeuse  et  adv^^ 
>  nante  ;  oncques  se  vit  jouvenesse  plus  merveilleusement  belle  et  ac- 

*  corte.  »  A  toutes  les  représentations  qu'ils  firent ,  «  un  de  messieurs  le» 
»  Confédérés  »  répliqua  i  «  Sy  faut-il  qu'ainsi  soit  fait,  et  ne  pouvant^ 

•  nous  baillerons  nos  &mes  à  Dieu  et  nos  corps  aux  Armagnacs.  » 

*<«  J.-J.  Hottinger,  HUi.  eeeUs.  H,  Ali. 


96  HISTOIRE   D£   LA   SUISSE. 

de  Prattelen  entre  les  Armagnacs  et  plus  de  quinze 
cents  Suisses  ^^^.  Jamais  auparavant  la  tactique  et  Tart 
des  Suisses  et  des  Français  ne  s'étaient  mesurés  en 
pleine  campagne.  L'arrivée  des  Confédérés  n'était  pas 
inattendue.  Des  signaux  de  Famsbourg  et  de  rapides 
cavaliers  allemands ,  campés  près  de  Seckingen  ^r 
l'ordre  du  iharéchal  comte  Dammartin^  avaient  an- 
noncé leur  marche  et  leur  nombre.  Le  maréchal  lui- 
même  s'avança  vers  Prattelen^  développa  sa  division  ^^'^ 
disposa  cent  chevaux  pour  attirer  l'ennemi*^*,  d'autres 
pour  appuyer  les  premiers^  d'autres  encore  pour  pren- 
dre les  ennemis  en  flanc.  C'est  ainsi  que  Dammartin  les 
attendit  dans  les  prairies.  Ils  vinrent  ;  Antoine  Rûss, 
9enri  Matter  ^^  et  Hemmann  Séevogel  ordonnaient  les 
rangs>  mais  l'ardem*  de  combattre  enflamma  la  multi- 
tude*^®. Les  cent  chevaux  ayant  été  renversés  sans 
peine^  un  grand  nombre  se  précipitèrent  sur  l'artille- 
rie; elle  était  défendue;  ils  mirent  en  fuite  les  troupes 


*&>  D*après  Têchudi  seulement  1200  (proprement  1250;  ci-de»so5 
n.  &3S  )  ;  d'après  Félix  Faber  4000,  ce  qui  s'accorde  moins  avec  les  cir- 
constances qu'avec  son  désir  de  représenter  le  malheur  comme  bien 
considérable.  Peut-être  le  bruit  publie  avait-il  accrédité  ce  nombre  que 
Ton  trouve  aussi  dans  Hemmerlin,  Sehamdocher  et  P.  JErniUta;  comme 
il  périt  plus  de  1500  hommes  (  BdUbaek) ,  kVitrsiisen  qui  en  estime 
le  nombre  total  i  1600  ou  Sdbtutien  Mànster  {Cosmographie,  1.  lUi 
ch.  107)  qui  le  porte  à  1650,  sont  probablement  le  plus  près  de  la 
vérité. 

^*  U  éloigne  tous  les  gens  du  train.  Tsehëdi. 

*»«  Edlibach. 

*^^  Le  premier,  commandant  de  600  LucemoÎ8(n.  550);  CfMt, 
Description  du  lac  des  Quatre  Cantons;  (  les  autres  Lucemois  étaient  soas 
les  ordres  d'Antoine  Uofstetter  )  ;  le  second ,  Bernois .  chef  de  la  troupe 
ia  plu$  considérable  ,  commandait  les  autres.  Tsckudi» 

*&•  ■  C'est  le  cœur  de  l'homme ,  quç  voulez -vous?  •  dit  à  rdccasioD 
de  pareilles  scènes  le  maréchal  de  Saxe. 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  97 

qui  la  défendaient  ;  ils  avancèrent  avec  une  force  et  une 
impétuosité  si  formidables  qu^ils  déjouèrent  les  calculs 
de  Tart  et  qu'il  ne  resta  au  maréchal  d'espoir  de  salut 
que  dans  le  nombre.  S'étant  retiré  avec  une  perte 
considérable  ^^'^  dans  sa  position  de  M uttenz  ^  il  y  re- 
trouva des  forces  doubles  sur  un  terrain  muni  de 
retranchemens  ^^^  ;  ni  cette  circonstance  ni  la  fati- 
gue de  la  marche  et  du  combat  ne  rendirent  les  Con* 
fédérés  dociles  aux  ordres  de  leurs  chefs.  On  fait  des 
miracles  quand  on  a  la  force  de  le  vouloir  :  ils  repous- 
lërent  au-delà  de  la  Birse^^^  plus  de  milliers  d'hommes 
qu'ils  ne  comptaient  eux-mêmes  de  centaines.  Ils  vi- 
rent de  la  hauteur  le  champ  au  loin  couvert  de  morts  ; 
près  d'eux  Baie  occupé  par  une  forte  garnison;  la 
poussière  soulevée  par  les  fuyards  caohait  ce  qui  se 
passait  au-delà  ;  pour  eux,  encore  an  complet  ^^®,  fiers 
d^avoîr  conquis  bannières,  chevaux,  caissons  d'argent, 
diariots  de  provisions  et  de  munitions  j  ivres  de  leur 
victoire,  hors  d'eux-mêmes*®^,  rien  ne  put  les  arrêter; 
ils  voulurent  traverser  la  Birse ,  sur  le  bord  opposé  de 

**'  Fugger  et  Wurtiiêen  ne  parlent  que  de  qnarante  hommes  ;  mais 
TêchuU,  d'une  partie  asaes  considérable;  une  relation  dans  SchiUer, 
d'une  troupe  passablement  nombreuse  (  p.  915  )  ;  JR.  T,  MulUr,  théâtre 
JOM  Pr.  F,^-  217  ,  en  fixe  le  nombre  à  quelques  centaines,  et  Brukner 
rapporte  que  la  plupart  des  morts  de  cette  armée  sont  enterrés  dans  la 
plaine  de  Mdnchenstein. 

^*  MaiiuM  ap.  Pistor.  III,  941  :  «  In  colle  prope  pagum  Mutis 
•  castra ,  quorum  hodie  évidentes  videntur  fossae.  >  Ces  fosses  sont  pro- 
bablement plus  anciennes  et  elles  n'ont  certainement  pas  été  creusées 
par  les  Suisses. 

*»•  LeBirsrain. 

^*  Beaucoup  de  soldats  furent  blessés.  Tschudi 

***  m  Nimium  aodax  juyentns.  •  Mutiiu, 

VI.  7 


98  HISTOIRE    DE    LA   SUISSE. 

laquelle  six  ceats  hommes  *®^  paraissaient  les  provo- 
quer *^^. 

Les  troupes  du  maréchal,  admirant  Tennemi,  mais 
se  confiant  dans  la  grande  supériorité  de  leur  nombre 
et  dans  la  tactique  de  leur  chef  ^  réunies  au  corps  d'ar- 
mée du  dauphin,  s'arrêtèrent  non  loin  de  la  rivière. 
Le  général  envoya  8,000  hommes  dans  le  hameau  de 
Gundoldingen,  voisin  de  la  ville  et  de  Ste-Marguerite^ 
de  peur  que  la  garnison  ne  Rt  une  sortie,  ne  renforçât 
l'ennemi  ou  ne  le  i^dût  dans  la  ville. 

Le  commencement  de  ce  mouvement  fut  aperçu  du 
haut  des  tours  ;  Bàle  fit  sortir  aussitôt  un  mercenaire, 
Fritz  le  strasbourgeois  ^^^,  qui  remonta  le  Rhin  :  il 
passa  la  Birse  à  la  nage  près  de  son  embouchure,  se 
glissa  inaperçu  entre  les  roseaux  et  les  saules  ^^^,  vint 
vers  les  Suisses  et  les  avertit.  Baie,  dans  cette  néces- 
sité, avait  accordé  le  droit  de  bourgeoisie  à  tous  ceux 
qui  lui  dévouaient  leur  vie^^^;  trois  mille  de  ses  bour- 
geois, sous  les  bannières  des  tiîbus,  sortirent  par  la 
poile  de  St-Âlban ,  dans  l'espérance  que  les  Suisses  les 
joindraient  et  entreraient  dans  la  ville.  Ennemis  et  amis 
firent  échouer  ce  plan. 

Les  premiers  remarquèrent  la  sortie  des  bourgeois  ; 
une  partie  de  leur  aile  gauche  s'avança  pour  les  séparer 

*«  EdUbaeh. 

***  Les  ennemb  les  nargaaieol  et  les  provoquaient  Tschudù 

♦•*  fVuiêtUen. 

*"  Muliui. 

466  Brukner  a  une  liste  de  S26  d'entr'eui  :  Jean  Ebinger,  de  Stein; 
Henri  Peyer,  de  DûnkelsbOhl;  frère  Ueiox,  d'Oetiingen,  Angustin; 
cinq  Schreiber  ;  maître  Mettershôn ,  le  médecin  ;  Ower,  de  ScbalTboase, 
fondeur  de  bouchons;  Jean  de  la  Scblésie,  valet  de  Henri  Ze  Ilhyne; 
Pierre  Smepper,  bedeau  de  rarcbiprétre;  Gérard  Brunnel,  de  Bour- 
gogne ;  Jean  Uocbg^cmulh ,  de  Fribourg  en  Uccblland ,  etc« 


UVRE   iV.    CHAP.    I.  9d 

de  la  villew  Les  sentinelles  des  tours,  voyant  le  danger, 
poussèrent  des  cris  et  multiplièrent  les  signaux  de  dé- 
tresse ^^  ;  des  messagers  à  cheval  et  à  pied  sortirent  en 
hâte;  le  bourgmestre  Jean  Rot  somma  les  bourgeois, 
au  nom  de  rhonneur  et  du  serment,  de  rentrer  dans 
leurs  murs  pour  les  défendre  ^^.  Les  Confédérés  se 
trouvèrent  dans  le  plus  grand  danger  ;  les  bourgeois 
revinrent  tristement  dans  la  ville. 

Sur  la  hauteur  qui  domine  la  Birse,  les  chefs  rappe- 
lèrent Tordre  reçu  à  leur  départ  de  Farnsbourg  ;  ils 
firent  voir  que  la  modération  couronnerait  Tœuvre  de 
ia  journée,  que  leur  exploit  et  Tavantage de  leur  posi- 
tion ^^^  tiendraient  Tennemi  en  échec  et  permettraient 
d'attendre  un  renfort;  ils  adressèrent  de  sévères  pa- 
roles aux  criak*ds,  exigeant  obéissance  au  nom  de 
rhonneur  et  du  serment.  Mais  en  vain.  Comme  pous- 
sés par  les  ombres  irritées  des  victimes  maltraitées  près 
de  St-Jacques  sur  la  Sihl  et  des  victimes  égorgées  près 
de  Greifensée^''^,  les  bataillons  se  précipitèrent  tumul- 
tuairement^'^^  dans  la  Birse,  pour  escalader  le  rivage 
opposé  sous  le  feu  de  l'artillerie  ennemie  et  sous  les 
yeux  d'une  armée  innombrable. 

**'  Scliamdocker, 

*••  fVur$ti$«n, 

Mt  «  In  edenliove  looo.  •  MuiiuM. 

*'*  Ced  n'est  pas  ane  figure  employée  par  fhistorieD  ;  c'était  Topinion 
des  deux  années.  Voyes  comme  Félix  Faber,  p.  6k,  en  rappelant  les 
oatrages  commis  envers  Stfissi,  montre  la  corrélation  entre  la  faute  et 
laponitioD.  H€mmerUn  et  BuUinger  rapportent,  et  Tuhudi  ne  cèle  pas 
que  snr  le  champ  de  bataille  même ,  beaacoap  s'écrièrent  x  •  G  Grei- 

*  fensée,  la  vengeance  [est  cruelle;  aujourd'hui  se  vengent  les  braves 

•  gens  de  Greifensée.  •  Malheorensement  Ital  Réding  ne  se  trouvait  pai 
là  :  «  qaidqoid  délirant  reges ,  plectunlor  Achivi.  • 

*'^  «  Forîeiu  et  tout  bruyamment.  •  Tnkmdi. 


100  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

• 

L'artillerie  française  joua  tout  entière  à  la  fois^*^^. 
Le  chevalier  Jean  de  Rechberg  avec  six  cents  cava- 
liers allemands  ^^^  que  suivaient  huit  mille  hommes  de 
cavalerie  pesante  *^*,  toute  la  puissance  des  Armagnacs, 
le  corps  d'armée  de  Louis,  s'élancèrent  impétueuse- 
ment au  milieu  des  rangs  des  Suisses  et  les  rompirent. 
Les  Suisses,  arrivés  à  travers  la  Birse  et  l'étang  de 
St-Âlban  ^'^^  du  côté  de  St-Jacques,  avaient  perdu  en- 
viron deux  cents  hommes ,  et  ils  s'efforçaient  vaine- 
ment de  reformer  leurs  rangs.  Leurs  troupes  ^''^  furent 
séparées  en  deux  parts;  cinq  cents  hommes  repoussés 
dans  une  prairie  entre  les  eaux  de  la  rivière  ^'}'^  et  en- 
veloppés subitement  ;  les  autres^  forcés  de  se  frayer  à 
travers  l'ennemi  un  passage  vers  la  ville  ^^^.  Dans  ce 
moment,  comme  nous  l'avons  déjà  rapporté*,  les  Ba- 
lois  qui  arrivaient  à  leur  rencontre  furent  contraints 
de  rentrer  en  hâte  ^'^^  dans  leurs  murs,  attendu  que  les 
hordes  étrangères  auxquelles  on  avait  promis  le  pillage 


*^  •  Alors  le  dauphin  fit  partir  contre  eux  tontes  ses  pièces.  »  Id. 
*7S  Edlibaeh. 

*'*  «  Seigneurs,  chevaliers,  écujers  avec  lourds  chevaux.  •  TachudL 
47»  Brukner, 

*7*  n  paraît  que  les  600  hommes  sous  les  ordres  d'A.  ROss  et  les  600 
sous  ceux  de  H.  Matter  formèrent  le  noyau  de  deux  divisions  à  Tuoe 
desquelles  se  joignit  Séevogel  et  à  l'autre  d'autres  personnages. 

*"  .  Tout  entourée  par  la  Birse.  •  Ecrit  de  Hallwyl,  pseudonyme, 
selon  TêchudL  fVuniUen  nie  le  fait ,  prétendant  qu'on  n'en  trouve  nulle 
part  aucune  mention ,  p.  405  ;  mais  on  en  voit  des  traces  dans  une 
relation  recueillie  par  Schilter,  p.  1002  ;  Tsehudi  et  Buitinger  l'ont  donc 
admis  avec  raison. 

*'«  TschudL 

•  La  disposition  de  quelques  parties  de  la  narration  est  moins  lucide 
dans  Muller  que  dans  M.  de  Barantc ,  qui  a  pris  notre  historien  pour 
guide.  Voy.  Dues  de  Bourgogne,  à*  édiU  t.  VII,  193-205.  C.  M. 

«^*  LôBingen.  Edlibaeh. 


LIVRE   IV.    GHAP.    I.  401 

de  Baie,  guidées  par  des  valets  salariés  qui  connais- 
saient les  maisons  opulentes  ^^^^  descendaient  en  pleine 
course  de  Ste-Marguerite  vers  la  porte.  Privés  de  ce 
secours^  fatigués  de  la  marche,  fatigués  de  vaincre**', 
sûrs  de  mourir,  résolus,  indomptés,  les  cinq  cents  pri- 
rent possession  du  jardin  et  de  la  maladrerie  de  St-Jac- 
ques  :  ceux-ci  derrière  leurs  retranchemens,  ceux-là 
snr  une  prairie  découverte,  dans  des  situations  diver- 
ses, étaient  exposés  à  une  mort  également  certaine. 

Le  dauphin,  honorant  leur  bravoure,  et  beaucoup 
de  généraux  français,  persuadés  que  nul  ne  mourrait 
sans  vengeance,  désirèrent  arriver  à  la  paix  au  moyen 
d'une  capitulation.  Mais  le  chevalier  autrichien  Pierre 
de  Môrsberg  se  jeta  aux  genoux  du  maréchal  de  Dam- 
martin,  et  le  conjura  de  tenir  la  promesse  qu'il  avait 
faite  de  n'épargner  personne**^.  Ce  qui  lui  dictait  ce 
langage,  c'était  l'excessive  haine  de  la  noblesse  contre 
les  bourgeois  et  les  paysans  et  l'espérance  d'humilier 
les  Suisses. 

Dans  toutes  les  maisons  de  Baie,  où  l'on  voyait  le 
péril,  ce  n'était  que  gémissemens  sur  l'impossibilité  de 
recevoir  du  secours**^.  Dans  la  prairie,  dans  le  ci- 
metière, les  Confédérés  oublièrent  et  leur  sort  et  ceux 
qu'ils  voyaient,  songeant  avec  douleur  à  la  position 
de  leurs  compagnons  d'armes,  à  des  dangers  qu'ils 
De  connaissaient  pas***.  Beaucoup  déploraient  sans 
doute  la  fortune  du  jour  compromise  par  une  témérité 

^  Dépôt ilian  devant  lesjugei  iàh^  ,  dans  Brakner, 
*•*  •  Vîncendo  fatîgali.  •  jEneas  Sylviua.  •  Epuisés  à  force  de  vaia- 
»  cre.  •  Hénauit, 
*"*  Dépoiition  devant  Cofpeial,  16  &6,  dans  Brakner. 
*'•  Schamdœher, 
»*  Tuhudi, 


lot}  HISTOIRE   DE   JA   SUISSE. 

aveugle;  d'autres,  à  l'entrée  de  la  redoutable  éternité, 
jetaient  un  regard  repentant  sur  mainte  action  auda- 
cieuse de  leur  vie  prête  à  disparaître.  Mais  toutes  ces 
impressions  cédaient  au  sentiment  de  leur  devoir  do- 
minant de  se  montrer  à  toute  heure,  et  surtout  à  la 
dernière,  véritablement  hommes  dans  le  poste  qui  leur 
était  assigné.  Les  héros  s'abandonnent  à  Dieu;  les 
hommes  vulgaires  croient  échapper  à  leur  destinée  par 
la  bassesse  *. 

Plus  heureux  que  leurs  compagnons,  qui,  cernés 
dans  1^  prairie  ouverte,  furent  tués  de  loin  ou  écrasés 
dans  l'eau  par  la  cavalerie  ^^^,  ceux  qui  s'étaient  retirés 
à  St-Jacques,  sans  inquiétude  sur  eux-mêmes,  résolus 
de  mourir  *^^,  repoussèrent  trois  fois  l'assaut  trois  fois 
renouvelé  ;  ils  firent  une  double  sortie  avec  des  efforts 
surnaturels  ^^'^y  semant  autour  d'eux  la  terreur  et  la 
mort.  L'ennemi  étonné  céda  ;  mais  à  la  fin ,  enflammé 
par  les  reproches  de  la  noblesse  allemande  ***,  le  grand- 


*  Cela  ne  leur  réassit  pas  pour  long-temps.  Le  faible  qui  a^abandoDoe 
Iftchement  est  t6t  ou  tard  perdo.  La  coaardise  da  Corps  f^égislatif  helvé- 
tîqoe  et  d'une  partie  du  Directoire  en  janvier,  février»  mars,  avril  et  mai 
1799  flt  perdre  en  un  moment  à  THelvétie  tous  les  avantages  qu'elle 
aurait  pu  retirer  de  Tunité.  En  développant  à  propos  de  l'énergie» 
elle  eût  repris  une  place  honorable ,  rallié  peut-être  ses  enfans  égarés  » 
qui  méprisèrent  justement  sa  faiblesse.  D.  L.  H. 

*'^  BuUinger,  Edlihach  dit  que  beaucoup  se  noyèrent. 

*"  «  Ut  qui  non  in  spem  victoriae ,  sed  in  mortis  ultionem  pugnare  se 
»  sciunt  » 

*•'  Haf/ir^/|néme,  leur  ennemi,  écrit  :  «  Les  paysans  se  défendirent 
a  bien  chevaleresquement  ;  »  et  Sehamdocher ,  témoin  oculaire  :  «I^ 
»  Suisses  combattirent  comme  des  hommes ,  se  défendirent  comme  des 
»  héros  et  se  firent  tuer  chevaleresquement.  » 

*>*  Le  même  :  «  Ua  Français  éuient  fort  affligés  et  voulaient  laisser  là 
t  leur  ennemi ,  lorsque  les  Allemands  les  excitèrent  par  des  injor^ 
»  redoublées.  • 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  103 

mahre  des  chevaliers  de  St-Jean  ^^^  et  beaucoup  d'au- 
tres seigneurs  distingués  à  la  cour  ^^  et  dans  Tarmée 
tentèrent  de  tous  les  côtés  et  de  toutes  les  manières  une 
attaque  décisive.  L'artillerie  française  fit  croule^  jus- 
qu'à ses  fonderaens  les  murs  du  jardin  de  la  maladre- 
rie,  rempart  des  Confédérés  ;  du  côté  opposé^  les  Fran- 
çais aidèrent  aux  chevaliers  teutoniques  à  monter  par- 
dessus les  murs  *^^  ;  ceux-ci  mirent  le  feu  à  la  chapelle^ 
à  la  maladrerie  et  à  la  tour  dont  les  Suisses  avaient  dé- 
noli  l'escalier  ^^,  tandis  que  de  tous  côtés  pénétrait ,  en 
nombre  irrésistible*^^,  la  cavalerie  des  Armagnacs,  obli- 
gée par  ses  pertes  *•*  et  par  l'ordre  des  chefs  *^^  de  com-^ 
battre  à  pied.  Quatre-vingt-dix-neuf  hommes ,  séparés 
de  leurs  frères  par  la  flamme,  furent  trouvés ,  bien  des 
semaines  après,  sous  la  voûte  de  la  cave,  étouffés,  des- 
séchés^  debout  contre  les  murailles  *^^.  Tous  les  au- 
tres ^^^  lions  à  l'heure  de  la  mort,  insensibles  à  la  dou- 

48*  D'af.ros  Scitamdocher ,  un  comte  Armagnac.  Mais  celui-ci  ne  péril 
pas,  comme  on  le  rapporte  ordinairement  da  premier.  Sehamdocher 
peut  avoir  commis  une  méprise  ou  une  erreur  de  mémoire. 

«••   «  Un  duc  d'Ecosse ,  singulièrement  cher  au  roi  Charles,  t  Tsehadi, 

**>  Schamdoeher, 

**<  Edtibaeh.  BuUinger  mande  que  cette  tour  renfermait  un  dépôt 
de  poudre. 

**'  Ils  furent  dépassés  en  nombre.   Relation  dans  Schilier ,  915. 

f«ggw- 
***  •  Magna  c«des  equorum  fuit  t  MntM  SylviuM, 

^*  Sehamdocher:  •  Le  même  officier  (n.  489)  fit  donner  le  signal 

•  ponr  que  ses  gens  missent  pied  à  terre.  » 

***  «  Tabefacta  corpora  utidola  in  stuporem  ammirantinm.  »  Félix 
Fêber,  Le  bon  moine  ajoute  :  t  Sicque  eos  de  igné  temporali  ad  ignem 
.  gebennalem  fugere  compulenmt ,  sicut  sodomitis  accidit  t  Mais  une 
choHiOH  satirique,  citée  par  Ttchudi  499,  dit  :  «Que personne  ne  prie 

•  ponr  les  Saisses  ;  plût  à  Dieu  qu'ils  fussent  en  enfer  !  a 

*97  «  Snitenses ,  quasi  leones ,  per  omnem  exercitum  in  victores  va  • 
«  gantar.  v  Jb^ag  Sylviu$. 


404  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

leur^  à  la  pesanteur  des  trai^  suspendus  à  leur  corps  ^^, 
triomphant  de  i'a£FaibUssement  causé  par  la  perte  de 
leur  sang ,  frappaient  d'estoc  et  de  taille^  tiraient  à 
droite  et  à  gauche^  même  des  flèches  arrachées  de  leurs 
blessures*®^,  celui-ci  avec  la  seulemainqui  lui  restait ^^, 
celui-là  appuyé  sur  ses  genoux^  un  autre  sur  son  bras  ; 
nul  d'entre  eux  ne  se  soumit  à  la  mort  sans  avoir  étendu 
autour  de  lui  cinq  ou  six  ennemis  ^^  ;  maint  autre 
était  tombé  bien  avant  dans  les  rangs  opposés  ;  Tami 
blessé  qui  rapportait  le  corps  de  son  ami  se  frayait  un 
chemin  au  milieu  des  cadavres  ^^^.  Après  dix  heures  de 
combat  ^^^^  à  l'exception  de  dix  hommes  ^^^  qu'au  pas- 
sage de  la  Birse,  sous  le  premier  feu  de  l'artillerie  en- 
nemie,  le  hasard  avait  séparés  et  sauvés  ^^^,  tous  les 
Confédérés  postés  près  de  St-Jacques  ou  dans  la  prairie, 
onze  cents  quatre-vingt-dix  hommes  ^^  couvraient  le 

*"  «  Onosti  telis  inter  Ânoenicos  currebant.  a  I(L 

*'*  «  Evellebant  sangninolentas  ex  corporibus  suis  sagittas.  • 

»oo   .  Truncatîs  manibus.  » 

^^^  TiehudL  Noos  verrons  qu'il  ne  dit  pas  assez. 

^*'  Mneoi  Syloius, 

^*>  Depuis  huit  heures  du  malin.  fVuvtUen, 

"*  TnhudL 

^*^  Ballmger  et  Haffner  en  comptent  16  ;  le  premier  ajoute  qu'ib 
furent  dégradés  civilement ,  et  que  les  personnes  qui  intercédèrent  pour 
eux  ne  leur  laissèrent  la  vie  qu'à  grand'peine.  Cette  assertion  n'est  point 
contredite  par  l'exemple  de  ceux  qui  obtinrent  ensuite  les  premières 
magistratures  dans  leurs  cantons ,  mais  du  nombre  des  52  qui .  selon 
Tichudi,  furent  guéris  à  Bâle  de  blessures  en  partie  très-graves.  Les  pa- 
piers remis  aux  arbitres  en  1446  et  cités  par  Brukner  nous  apprennent 
qu'il  y  en  eut  qui  se  retirèrent  du  c6té  de  Rheinfelden ,  probablement 
d'entre  ceux  qui  furent  séparés  de  l'armée  tout  au  commencement  de  la 
bataille.  .£neas  aussi  rapporte  i  pancos  fuga  dilapsos.  • 

B**  Tsehudi  ne  compte  pas  les  99  qui  moururent  dans  la  cave  (  n.  496  ), 
non  plus  peut-être  ceux  de  la  prairie;  l'opinion  commune  est  qu'il  en 
péril  plus  de  quinze  cents;  c'est  ce  que  rapportent  Sthamdocher,  témoÎD 


LIVRE  IV.    GHAP.    I.  lOÔ 

champ  de  bataille ,  grièvement  blessés  ou  morts;  la 
plaine  entière  depuis  Prattelen  jusqu'au  théâtre  des 
dernières  souffrances  était  jonchée  de  onze  cents  che- 
vaux et  de  huit  mille  hommes  tués^^.  Là  tombèrent 
auprès  de  JostRéding,  leur  capitaine  ^  frère  du  kn- 
dammann ,  les  hommes  de  Schwyz  ^^  ;  dix  respi- 
raient encore;  im  d'eux  eut  le  cœur  de  survivre  à 
ses  compagnons  d'armes  ;  aucune  blessure  ne  le  jus- 
tifiait ;  tant  qu'il  vécut ,  la  haine  et  la  honte  furent 
son  partage  ^^^.  Là  le  sang  de  Rodolphe  Netsialer 
ternit  ou  plutôt  releva  l'éclat  des  perles  de  sa  double 
croix  ^^^.  Près  de  ce  capitaine^  gendre  de  Jost  Réding, 
gisait  le  fils  d\i  landammann  Tschudi,  émule  de  la 

ocolaîre»  T$ehaektlan,  Bernois,  le  Zaricois  Edl^bach ,  Mûmtsr,  de  BMe, 
Eaffner,  de  Solenre.  Une  des  Relations  dans  Sehilier  (p.  1003)  ne  parle 
qoe  de  liOO.  Mais  Hallwjl,  qui  n'assista  pas  lui-même  à  la  balaille,  en 
porte  le  nombre  à  4>000  dans  le  rapport  qu'il  adressa  le  lendemain  \ 
Zurich ,  d'après  le  dire  de  Rechberg.  C'est  là  sans  contredit  qa^JEneag 
SyUfiuê  (Reê  geêtœ  êub  Friderico;  ap.  Freher.  II ,  185  ,  éd.  Struv.)  a  pris 
ce  nombre ,  copié  ensuite  par  Daniel  et  par  d'autres.  Amelgard,  mieux 
înstmit,  le  réduit  à  2,000.  (Notices  et  extraits  des  M  se.  de  la  Bibliothèque 
dm,  Roi.  I ,  il26  )  =  Voj.  sur  ce  point  Oehs,  Hist.  de  Bâte,  m ,  879-SS4. 
C»  M* 

**7  Ce  nombre  est  dans  Tschudi.  TsehachtUm ,  3,000  ;  BulUnger,  6,000. 
Quant  à  la  force  de  l'ennemi,  nous  sommes  d'autant  plus  disposé  à  croire 
lYCC  Munster  et  le  Protocole  municipal  de  Bàle,  cité  par  Brutcner,  qu'il 
avait  30,000  hommes,  qu'un  écrivain  do  parti  opposé ,  £nêas  (1.  c) 
est  d'accord  avec  cette  donnée.  =  Voj.  sur  le  nombre  des  ennemis, 
Oehs,  III,  ^kk  et  36d.  G.  M. 

^**  Tschudi  en  donne  la  liste ,  extraite  des  annuaires.  Là  se  trouve 
aossi  Wagner ,  peut-élre  l'historien  ,  fils  du  landammann  ;  'Martin 
Sehomo,  JeanJûlz,  Zwyer,Schik,  Fr5wler;  ces  noms  font  voir  que 
mainte  ancienne  famille  appartenait  à  plus  d'un  canton. 

^*'  C'est  de  lui,  sans  doute,  que  parle  Mutius,  941  ;  mais  il  ajoute 
par  erreur  :  «  Supplicium  ab  eo  sumptum  >  (voy.  n.  505). 

**'  «  Il  portait  deux  croix  blanches  de  peries  et  il  eut  le  courage  de 
■  combattre,  t  Chanson  satirique  des  Auirichiens. 


106  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

▼ertu  de  son  pére^'^,  et,  récoBcilië  maintenant  avec 
son  chef,  Ulrich  Loriti ,  qui ,  avant  le  passage  de  la 
Birse,  taxait  sa  modération  de  couardise  ^^^  ;  de  tous 
les  miliciens  et  les  mercenaires  de  Claris  ^^^^  le  seul 
Wemer  ^bli,  de  la  patriotique  famille  de  Kilchmat* 
ten^^*,  couvert  de  sept  blessures,  respirait  encore  avec 
peine;  il  ne  mourut  pas,  mais  atteignit  une  haute 
vieillesse,  témoin  de  cette  journée  et  chef  de  son  peu- 
ple. Courageux  comme  dans  les  diètes,  où  il  défendait 
les  intérêts  du  pays,  périt  avec  sa  troupe  le  capitaine 
d'Uri ,  Arnold  Schik  ;  là  moururent  aussi  deux 
Zweyer,  d'Evebach,  trois  Imhof  de  Blumenfeld ,  frères 
pendant  leur  vie,  inséparables  encore  sur  le  champ  du 
carnage  ^^^.  Non  loin  d'eux  mordirent  la  poussière 
Jean  Matter,  chef  des  Bernois,  et  Hemmann  Séevo- 
gel  ^'•,  l'un  avec  six  cents  compagnons,  l'autre  avec  les 
guerriers  de  Liestal  et  de  Wallenbourg  j  le  jeune  Mé- 
rian  ^''',  le  jeune  André  Falkner,  ami  de  la  liberté, 

'1*  Conrad  Tschudi. 

^*  Loriti  dit  an  capitaine  que  «  s'il  Toolaît  faire  le  lâche .  il  n*avait 

•  qn'à  86  retirer.  »  NeiitaUr  répUqaa  :  «  Misérable  vermiaseao ,  je  ne 

•  serai  pas  lâche  à  tes  yenx,  je  venx  vivre  avec  honneur  on  mourir.  » 
Ttehudi. 

^^^  Tsehudi  en  donne  la  liste.  Nous  y  trouvons  trois  Loriti,  dont  un 
boulange;  nons  en  faisons  Tobservation  en  Thonnenr  du  cél6bre  litté- 
rateur *  Glareanns ,  petit-fils  de  l'un  d'eux;  de  plus  Elmer,  PrdwUr, 
IluppkoH,  Jacqnes  Gallaii ,  Rod.  SUtki,  Pourquoi  Claris  ayait-il  des 
mercenaires?  Sa  milice  était-elle  trop  peu  nombreuse?  ou  bien  l'indus- 
trie l'emportai t-el le  alors  déjà? 

"*  Ttehnd*. 

^^^  La  liste  se  lit  sans  doute  dans  Tachudi,  mais  voy.  F.  F.  Sehmîd, 
lliêt.  é^Vri,  II,  99.  nenri  Mettler,  d*Urseren ,  en  était  aussL 

**•  Brukner. 

^'7  II  n'était  sûrement  pas  fils,  mais  plutôt  frère  de  Diebold ,  maire 
de  LOtistorf,  souche  des  Mérian,  puisque  celui-cî  ne  naquit  qu'en  1409 


LIVRE   lY.    CHAP*    I.  107 

quoique  noble  de  naissance  ^'^  ;  Burkhard  Ehrenfels^ 
au  contraire^  n'eut  pas  le  bonheur  de  finir  avec  ses 
amis^^^.  On  comptait  aussi  deux  cents  soixante  Soleu- 
rois  parmi  les  morts  ^^.  Les  Unterwaldiens  ^^^  mouru- 
rent consolés ,  vengeurs  du  droit  des  gens  ;  leur  cour* 
rier  ^^,  porteur  de  la  déclaration  de  guerre  ^^*,  avait 
été  tué  au  moment  où  les  ennemis  pénétraient  dans 
le  pays.  Cet  acte  fut  probablement  commis  par  des 
gentilshommes  allemands ,  qui  ^  insensibles  au  mérite 
et  à  la  vraie  noblesse  ^^*y  sans  sympathie  pour  la  vie 
innocente  et  même  pour  Théroisme  des  Suisses ,  ne 
voyaient  en  eux  que  des  paysans  ^^  déchus  des  droits 
de  rhumanité  *  ;  aussi  dit-on  que  Jean  de  Rechberg 

(Lcv)^  et  qu'il  ne  se  maria  probablement  pas ,  contrairement  anx  mœurs 
4'alors,  à  r^ige  de  18  91ns. 

*t»  Ecnyer.  Brukner, 

»i*  Comme  il  fat  pris  au  bord  dé  la  Birse ,  Falkensteîn ,  poQr  quelque 
raison  particulière  sans  doute ,  le  fit  taxer  et  l'acheta.  Sa  dépositùm 
devant  l'offieialg  1446. 

«M  Brukner.  HafTner  déplore  avec  raison  de  n'en  avoir  pas  trouvé  la 
liste.  U  est  probable  qu'ils  vinrent  du  camp  de  Famsbonrg. 

^**  La  liste  dans  Tichudi  et  dans  Buesinger  et  Zelger,  HUt,  d'Unter-' 
walden,  II,  ^7.  Je  remarque  le  capitaine  Rod.  Brendli;  ensuite  André 
Traehsel ,  Jacques  Rûllitnann ,  Rod.  TwingU ,  Pierre  Ghrittan ,  deux  frères 
Flueler,  Mercbi  Aekermann, 

^^  Jeannot  Scbmid ,  de  Stanz.  Buesinger  et  Zelger, 

***  On  lit  dans  la  liste  :  «  Il  porta  la  déclaration  de  guerre  à  Ensisheim 
•  et  fiU  tué.  »  Passage  remarquable  !  il  fait  voir  que  de  la  part  des  Con- 
fédérés eut  lieu  une  déclaration  de  guerre ,  dont  on  ne  connaît  d'ailleurs 
aocune  circonstance. 

**^  Ses  caractères  primitifs  étaient  la  possession  territoriale  et  'l'obli- 
gation de  la  défense ,  qui  en  résultait  et  qui  formait  cbes  les  Suisses 
l'essence  de  la  vie  nationale. 

*^  Hallwyi  ne  les  appelle  pas  autrement  Les  t  sfles  paysans  •  dans 
la  Chanson  aatriehienne, 

*  Après  ce  jugement  plein  de  sagesse,  on  a  lieu  de  s'étonner  de  l'afiec- 
tation  que  met  l'historien  k  parler  des  généalogies  de  familles  patri- 


108  HISTOIRE  DE  LA    SUISSE. 

en  égorgea  plusieurs  qai,  sur  la  foi  de  sa  parole^  avaient 
déposé  les  armes  ^®,  qu'il  en  maltraita  d'autres  et  rom- 
pit le  cou  à  des  blessés  *^''.  Un  des  principaux  négocia- 
teurs de  la  guerre,  qui  avait  conduit  les  étrangers,  non 
à  la  bataille,  mais  dans  son  pays  ^^®  (car  pendant  la  mê- 
lée il  resta  en  observation  ^®  dans  le  château  avancé  de 
M ûnchenstein  ^^^),  Burkhard  M ônch  de  Landscrone  ^^*, 
chevauchant  avec  d'autres  chevaliers  et  gentilshommes 
au  milieu  de  ces  grands  cadavres  ^^^,  aperçut  un  héros 
agonisant  ^^^,  crut  lui  rendre   les  derniers  momens 

ciennes  dont  l'illtistration  se  trouve  circonscrite  dans  une  circonférence 
de  quelques  lieues.  Les  grandes  actions  seules  donnent  de  l'iatérét  à  de 
pareilles  recherches.  D.  L.  H. 

^'^  Documens  présentés  aux  arbitres  i&46. 

^^^  Tschudi  425.  Ces  atrocités  sont  conformes  aux  mœurs  d'alors 
(t.  V,  p.  876-),  et  prouvent  seulement  que  la  noblesse  ne  l'emportait 
pas  sur  les  paysans  en  humanité.  ?=%  Voici  quelques  traits  qui  peignent 
cette  époque.  Les  gentilshommes  et  la  soldalesque  enfermés  dans  le 
château  de  Farnsbourg  commettaient  envers  les  B&lois  des  cruautés 
inouïes.«La  femme  d'un  pauvre  soldat ,  leur  prisonnier,  n'ayant  apporté 
que  la  moitié  de  la  rançon  eiigée ,  ils  coupèrent  la  tête  à  son  mari ,  en 
sa  présence.  Elle  mit  les  mains  sur  ses  yeux  pour  ne  pas  voir  ce  specta- 
cle; ils  les  lui  otërent  pour  la  forcer  à  regarder  le  cadavre.  Un  autre 
pauvre  paysan  n'ayant  pu  leur  donner  tout  ce  qu'ils  demandaient ,  ils 
lui  coupèrent  les  mains  sous  les  yeux  de  sa  femme ,  les  mirent  dans  un 
panier  qu'ils  l'obligèrent  de  porter  à  Liestal.  Oehs,  Hist.  de  Bâle,  111, 
327,  828.  G.  M. 
,  *'*  Il  ne  fut  capitaine  que  pour  ce  fait ,  selon  Schamdocher ,  qui  du 
reste  raconte  ces  événemens  d'une  manière  inexacte. 

»s*  Probablement  auprès  du  dauphin ,  aGn  de  lui  servir  à  tout  événe- 
ment de  guide  par  les  chemins  qu'il  connaissait. 

*'^^  Déposition  d*Ehrenfels  devant  Vofpcial.  George  de  Knôringen  était 
aussi  auprès  de  lui. 

***  Seigneur  hypothécaire  de  Landesehre  et  seigneur  d*Âugenstein 
{Leu)  ;  il  tirait  ordinairement  son  nom  de  la  seigneurie  de  Landscrone. 
Relation  dans  Schilter,  p.  1002. 

***  BuUinger  :  «  Ils  contemplèrent  ces  corps  vigoureux.  » 

"»  Du  capitaine  Arnold  Schik ,  d'Un ,  dit-on.  Schmid,  11 ,  98. 


LIVRE   IV.    CHAP.    I.  109 

plus  amers  par  des  outrages  et  s'écria  avec  des  éclats 
de  rire  :  ce  Nous  nous  baignons  aujourd'hui  dans  des 
»  roses.  »  La  colère  ralluma  la  vie  du  héros  expirant  : 
«  Avale  une  des  roses,  »  s'écria-t-il ,  lançant  avec  vi- 
gueur et  adresse  ^^*  une  pierre  au  chevalier  qui  avait 
levé  sa  visière;  la  pierre  lui  écrasa  les  yeux,  le  nez 
et  la  bouche.  Privé  de  la  vue  et  de  la  parole,  messire 
Burkhard  tomba  de  cheval  ;  en  proie  aux  souffrances , 
il  attendit  la  mort  pendant  trois  jours  ^^^,  et  il  ne  fut 
point  déposé  dans  la  sépulture  de  ses  pères  ^^^. 

Supérieur  en  pareille  matière  aux  préjugés  et  ac- 
coutumé à  ne  pas  estimer  les  hommes  d'après  leur 
nom  et  les  circonstances  accidentelles,  mais  d'après 
leur  personne  et  leur  mérite,  n'oubliant  pas  au  milieu 
des  événemens  du  jour  les  vicissitudes  du  sort,  le  dau-« 
phin  jura  n'avoir  jamais  vu  de  tels  hommes  ni  remporté 
une  victoire  semblable  qui  le  réduisait  à  déplorer  non- 
seulement  une  perte  considérable  de  ses  troupes,  mais 
encore  la  ruine  de  l'ennemi  ^^'^.  Dammartin,  Sancerre, 
tous  les  chefs  et  les  conseillers,  les  pères  et  les  hommes 
d'affaires  du  concile  de  Baie  ^^^,  que  le  sort  avait  si  di- 
versement rassemblés  dans  ces  lieux  des  extrémités 
de  l'Europe,  payèrent  un  tribut  unanime  d'admiration 

•SA  Gomme  celui  qui  dans  Bàle  lacça  à  Werner  de  Staufen  une  pierre 
qoi  ratteignit  aa  flanc  et  le  désarçonna.  Déposition  d'Ehrenfels, 

•*•  Sehamdocher  ;  Hallwyli  Relation  âdxis  Schilter  ;  Taehudi;  BuiUnger; 
tous  les  historiens  de  cette  bataille. 

»»•  fVurtiiHn ,  406. 

**'  Dzns  Schilier ,  i002.  Tschadi  :  •  11  souhaita  plusieurs  fois  qu'ils 
m  fussent  encore  en  vie  et  servissent  sous  les  drapeaux  de  son  père  pour 

•  une  forte  solde.  Il  déclara  sur  sa  conscience  qu'il  n'avait  jamais  ouï 

•  parler  d'un  peuple  plus  dur  et  qu'il  ne  voulait  pas  le  tenter  davantage.  » 
•<•  Tschadi,  427.  ^neas  était  à  Nuremberg.  Dueloi  I,  ai. 


110  HlSTOlRB   DE   hk   SUISSB. 

aux  héros  suisses ,  de  sorte  que  leur  uom ,  vainemeui 
outragé  par  les  chevaliers  souabes  ^^^^  grandit  encore 
dans  les  pays  étrangers  *. 

C'est  là  la  journée  de  St- Jacques  sur  la  Birse**  que 
des  historiens  étrangers  ont  comparée^  préférée  même 
au  combat  des  Thermopyles  **®.  En  effet,  elle  com- 
mença par  des  fautes  qu'une  telle  issue  pouvait  seule 
réparer  ^^  ;  la  première  imprudence  ayant  frayé  à  l'en- 
nemi le  chemin  de  la  victoire  et  l'entrée  du  pays^  les  Suis- 
ses formèrent  de  leurs  cadavres  un  rempart  qui  l'arrêta 
bien  mieux  que  la  plus  forte  muraille  ;  la  mort  sur  les 
rives  de  la  Birse  fut  même  plus  glorieuse  que  la  vic- 
toire sur  les  rives  de  la  Sihl.  Le  succès  est  souvent 
accordé  à  la  puissance ,  mais  une  pareille  volonté  ne 
l'est  qu'à  la  vertu  ^^^.  Que  tous  les  peuples  libres  dont 
l'indépendance  est  menacée  apprennent  des  héros 
de  la  Birse  le  secret  de  rester  invincibles  !  Si  nous» 
avions  été  unanimes  ^^^  à  mourir  ainsi  ^  les  étrangers 

« 

'**  La  ehansoH  êatirique  des  AutriehièiU  est  dans  TtehudL 
*  Voyez  Appendice  note  B. 

**  Les  lectenis  curieux  de  plus  de  détails  sur  ce  fait  mémorable  en 
trouveront  dans  Oehs,  Hut.  de  Bàle,  III,  919-385.  G.  M. 
^**     •  Gedite ,  Thermopylae  :  Basileam  pugna  célébrât 

•  Marlia  ;  Germania  cedite  Grajugene  : 

»  Uic  major  virtus ,  minor  ut  ât  calcnlus  ;  faoslis 

•  Gallus  atrox  armîs ,  Persa  ibi  mollis  erat 

Miroir  d^ honneur  ^Autriche,  p.  5&S. 

***  «  Suitenses  nolla  res  magis  exatinzit  qoam  magnanlmitas ,  «Te 
»  illa  temeritas  fuit.  •  JBnea$.  L'insubordination  est  la  perle  de  U 
victoire.  TechudL 

^*'  La  vertu  se  compose  de  sacrifices ,  et  sa  force  consbte  dans  la 
résolution  d'être  à  chaque  poste  et  dans  chaque  cas  ce  que  l'on  doit 
être. 

^*>  Dans  le  canton  de  Schwys,  près  de  Stanzstad  et  dans  beaucoop 


UYRE   IV.    CHAP.    I.     '  m 

venus  pour  nous  piller  auraient  fait  un  mauvais  caU 


cul 


* 


(f antres  reocontres,  quelques  troupes  et  quelques  hommes  de  notre 
temps  ont  combattu  en  descendans  de  ces  héros. 

*  Sans  doute  :  mais  avant  tout  il  fallait  que  tous  les  Suisses  devenus 
égaux  fassent  bien  persuadés  qu'ils  combattaient,  non  pour  des  patri- 
ciens y  mais  pour  une  commune  patrie.  D.  L.  U. 


112  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 


oo<x>o<>o<xxx>oo<x><>;x><xx>ooooo<xx>ooo<>^o<xx>CK^^ 


CHAPITRE  II. 


LES  DERNIÈRES  ANNEES  DE  LA  GUERRE  DES  CONFEDERES 

I 

CX>NTRE   ZURICH   ET   l' AUTRICHE. 


Suites  de  la  bataille.  Paix  conclue  à  Ensisheim  avec  les  Français. 
On  l'annonce  à  l'Empereur.  Continuation  de  la  guerre  intérieure. 
—  Guerre  de  Bâie.  La  noblesse  expulsée  en  partie.  Le  château 
de  Rheinfelden.  —  Guerre  suisse.  Combat  prés  ^e  Wollerau. 
Exploit  prés  de  Wigoltingen.  Bataille  de  Ragaz.  Projet  contre 
Bade. —  Situation  des  affaires.  Commencement  des  négocia- 
tions. Congrès  de  Constance.  Préliminaires  de  la  paix.  ï^égocia- 
tions  à  l'intérieur.  Prononcé  d'Argun.  Suite  des  négopiations. 
Prononcé  de  Bubenberg. 

[1444  —  1450.] 

*  Tandis  que  près  de  Bàle  les  cadavres  des  nobles 
étaient  rassemblés  dans  des  sépultures  du  voisinage  ^, 
les  simples  guerriers ,  brûlés  dans  des  maisons  ou  en 

*  D'après  le  droit  de  la  guerre  et  en  signe  de  yfctoire ,  le  Dauphin  resta 
sur  le  champ  de  bataille  jusqu'au  troisième  jour.  Là  il  créa  chevaliers 
quelques  Allemands ,  enchantés  que  ce  prince  fût  venu  dans  leur  pays. 
Mais  leur  joio  se  modéra  bientôt  II  leur  flt  si  honnêtement  payer  leur 
cheyalerie  qu'au  bout  de  huit  jours  il  n'en  restait  plus  un  seul  auprès 
de  lui.  Les  Allemands  exercèrent  leur  vengeance  même  sur  les  ca- 
davres des  Confédérés  :  ils  leur  ouvraient  le  cou  ou  leur  arrachaient  la 
gorge.  Les  Armagnacs  eux-mêmes  les  en  accusèrent  du  moins.  Ockt  W, 
585 y  386.  G.  M* 

*  A  Arlesheim  ,  Rheinach ,  Esch.  fVursiisen. 


LIVRE   IV.    CHAP.    II.  143 

grands  monceaux ^^  et  que  des  ordres  religieux,  des 
magistrats  y  des  femmes  de  bourgeois  sortaient  en  grand 
nombre  de  la  ville,  sur  l'offre  de  Louis,  pour  ensevelir 
les  hëros  suisses  dans  le  sol  doublement  sacré  où  ils 
étaient  morts ,  ou  ailleurs  en  terre  sainte  ^,  et  afin  de 
sauver  ceux  qui  respiraient  encore  ^,  les  Bernois  et  les 
Soleurois  rappelèrent  leurs  troupes  campées  devant 
Zurich  et  Famsbourg.  Un  bruit  qui  se  répandit  leur 
fit  craindre  que  les  principales  forces  de  la  France  et 
de  la  Bourgogne,  sous  les  ordres  de  Charles  et  de  Phi* 
lippe  ,  ne  s'approchassent  de  leurs  propres  frontières. 
Au  camp  de  Famsbourg  on  attendait  le  retour  des 
quinze  cents  hommes  envoyés  pour  reconnaître  la  po- 
sition ,  lorsque  des  paysans  fugitifs ,  dont  les  Arma- 
gnacs et  leurs  compagnons  avaient  dévasté  les  villa- 
ges ^^  apportèrent  de  nuit  la  nouvelle  de  la  bataille, 
du  massacre ,  et  du  nombre  prodigieux  des  ennemis. 
A  ce  moment,  étourdis  par  la  douleur ,  entraînés  par 
k  crainte ,  rompant  tout  ordre ,  tous  remontèrent  en 
eonrant  le  Grimmenthal  ^,  du  côté  du  Hauenstein  et 
de  Hombourg  avec  une  si  grande  précipitation  qu'ils 
n'écoutéreut  point  les  Lucernois  "^  qui  les  exhortaient 
à  sauver  leur  artillerie  et  celle  de  Bâle  ^,  à  régulariser 


>  Têe/mdû  Fafw  mentionne  aussi  ce  fait,   mais  il  l'attribue  aux 
Smases ,  contrairement  à  tout  l'ensemble  des  circonstances. 

*  Près  d'une  chapelle  devant  la  porte  d'Aescben  dans  la  ville.  Brukner. 
^  Têekudi,  52  ;  Munster,  150. 

^  Déclaration  de  Jean  Knôbel,  intendant  da  prévôt  du  clwpitre  d'Jndiaa. 
Bnkner,  2558. 

*  La  route  par  Zeglingen  ;  celle  du  Bukten  était  alors  encore  plus 
mauvaise. 

'  Plus  éloignés  de  la  frontière ,  ils  n'étaient  pas  immédiatement  ex« 
pMés  au  danger. 

*  fVuntiêen. 

VI,  8 


114  HISTOIRE   DE    LA   SUISSE. 

et  à  couvrir  leur  retraite.  Thûring  de  Hall^yl  ^  se 
hâta^^  d^écrire.  ces  faits  à  Zurich;  son  courrier ,  soi* 
gneusement  instruit^  entra  dés  le  second  jour  ^^  de  boa 
matin  dans  la  ville  sans  être  aperçu.  Sur-le-champ , 
toutes  les  cloches^  grandes  et  petites,  muettes  depuis 
plusieurs  semaines,  furent  mises  en  branle  à  la  fois, 
et  les  gardiens  de  toutes  les  tours  firent  retentir 
trompettes  et  timbales  ;  des  chants  de  joie  animèrent 
toutes  les  rues  de  la  ville  ^^.  Ce  bruit  frappa  les  as^ 
siégeans,  qui  en  ignoraient  la  cause;  ils  distinguèrent 
dans  les  insultes  et  les  railleries  des  soldats  les  noms 
de  la  Birse  et  de  Farnsbourg  ^^.  Au  milieu  de  cette  in- 
quiétude le  courrier  de  Bàle  les  surprit  avec  la  nouvelle 
de  la  mort  glorieuse  de  l'armée.  Les  cris  de  désespoir 
et  d^admiration  se  confondaient  encore  quand  le  cour- 
rier de  la  ville  de  Berae  annonça  l'approche  de  toutes 
les  forces  de  la  France  et  Tordre  d'un  prompt  retour. 
Lçs  Suisses  des  cantons  intérieurs  représentèrent  en 
vain  que  la  levée  prématurée  du  siège  augmenterait 
le  courage  des  ennemis  et  que  la  guerre  contre  Liods 
ou  son  père  serait  bien  plus  dangereuse ,  l'armée  une 
fois  dissoute.  L'incertitude  sur  les  périls  dont  on  était 

'  Rechberg ,  selon  Edliback,  ce  qui  n'est  pas  exact. 

**  Le  fond  de  la  rclallon  est  conforme  à  la  vérité;  dans  les  détails  se 
retrouve  l'exagération  des  premiers  bruits. 

'*  Vendredi  matin.  De  Seckingen  à  Zoricfa  il  y  a  enyiron  doose 
lieaes. 

*>  Se  pavaner,  boire  et  manger,  6gorer  et  chanter  à  haute  voiiik 
Edlibach. 

**  Quelqnes-nns,  poussés  par  la  curiosité,  coururent  vers  la  ville 
(  Edlibach  )  et  demandèrent  :  «  Combien  coûte  chci  vous  une  bouteille 
de  vin,  que  vous  êtes  si  joyeux?  »  Réponse  :  «  Ce  que  coûte  devant  Farnâ- 
houTg  une  bouteille  de  sang.  >  Ballinger,  =  Les  Zuricois  criaient  amt 
Suisses  par-dessus  les  murailles  :  «  Allez  à  Bàle  pour  saler  de  la  chair» 
cheircbez  vos  gens  qui  oni  été  tués.  •  Oehê.  HI ,  S90,  G.  M. 


LIVRB   IV.    CHAP.    II.       *  115 

menacé  par  la  France  y  rÂUemagne  et  la  Bourgogne  > 
fit  prévaloir  le  parti  de  ne  pas  attendre  que  la  dévas- 
tation du  territoire  de  Berne  et  de  Soleure  et  le  trou- 
ble qui  en  naîtrait  permissent  à  Tennemi  de  couper  les 
vivres  destinés  au  camp^  et  de  Tépuiser  en  le  forçant 
de  combattre  tout  ensemble  Zurich  et  les  Armagnacs  ; 
<m  résolut  donc  de  retourner  en  aussi  bon  ordre  que 
possible  dans  les  villes  et  les  Gantons^  afin  de  rassem- 
bler de  nouvelles  forces  et  de  se  tenir  prêt  à  tout  évé- 
nement. L'artillerie  des  Bernois  et  des  Lucernois  fut 
transportée  par  la  Limmat  à  Bade.  Les  bannières  de 
Berne  et-  de  Soleure  campèrent  dans  une  position  cen- 
trale près  de  Lenzbourg  en  Ârgovie^^.  Les  troupes 
des  autres  Gantons  passèrent  la  Sihl  y  TAlbis^  la  Rebst^ 
et  se  séparèrent  près  de  Wettschwyl  ;  celles  de  Zoug 
et  de  Lucerne  prirent  position  ^  le  reste  retourna  dans 
les  Gantons.  L'arriére-garde  ^  voyant  les  assiégés  dis- 
posés à  faire  une  sortie^  ne  leva  pas  entièrement  le 
camp^  mais  laissa  dans  les  tentes  des  objets  imjportans 
et  des  objets  superflus  ^^  ;  elle  rompit  ses  rangs  dans 
h  montagne^  l'ennemi  l'en  punit  par  une  défaite 
méritée  ^•. 

Peu  de  jours  après  la  bataille  de  St.- Jacques,  le 
dauphin  reçut  par  la  médiation  du  duc  Louis  de  Sa^ 
voie^''  une  députation  composée  de  deux  cardinaux, 
de  Tévèque  de  Bàle ,  du  bourgmestre  Jean  Rot ,  du 
tribun  André  Ospernelle  et  d'autres  hommes  considé- 

»  D'après  la  lettre  écrite  de  là  trois  jours  après.  Sckmid,  HUt  d^Uri^ 
U,  401. 
*'  Cartes,  dés,  arquebuses,  argenU  BuLUnger. 
**  60  hommes.  Id» 
*'  Fils  da  pape  élo  par  le  concile^ 


116  HISTOIRE   PB  LÀ  SUISSE. 

rés'^  ;  elle  le  pria^  au  nom  du  concile  et  de  la  Tille> 
d'épargner  à  Baie  un  traitement  hostile  et  injuste* 
Comme  il  leur  montrait  de  la  bienveillance  et  leur  as- 
surait qu'il  ne  marchait  contre  les  Suisses  que  pour 
secourir  la  maison  d'Autriche ,  on  parla  de  ce  peuple, 
de  son  invincible  bravoure,  de  sa  pauvreté.,  de  son 
pays  sans  routes ,  de  telle  façon  que  Louis  résolut  en 
lui-même  de  ne  pas  continuer  la  guerre  ;  il  crut  avoir 
rempli  sa  mission  en  faisant  lever  les  sièges  de  Fams- 
bourg  et  de  Zurich*  Tandis  que  l'évéque  se  rendait  en 
hâte  à  Villingen  pour  obtenir  une  déclaration  sembla- 
ble du  duc  Albert ,  chargé  par  son  frère  ,  le  roi  romain, 
de  l'administration  de  l'Autriche  antérieure  ^^,  le  dau- 
phin se  retira  dans  la  haute  Alsace,  à  Einsisheim.  Son 
armée  ;  renforcée  ^^  par  de  nouvelles  troupes  dont  la 
France  venait  de  se  débarrasser,  fut  répartie  en  fortes 
divisions  ^'  depuis  l'embouchure  de  l'Aar  jusqu'au 
Jura  suisse ,  le  long  des  Vosges  et  dans  l'Alsace  jusqu'à 
Strasbourg.  Ses  bataillons ,  qui  passèrent  le  Rhin  entre 
Laufenbourg  et  Waldshut  ^^ ,  envoyaient  des  chiens  à 

/••  Brukner. 

**  Hirt,  de  C Autriche  aniérieiÊre  II ,  15$  (  fondée  généralement  snr  les 
chartes  ,  soivant  Tubage  de  saint  l^laise)  :  du  S  au  d  septembre  le  pays 
foi  confié  aux  soins  d'Albert;  le  2  arriva  l'évéque  ;  sa  mission  coûta 
a  5  florins  7  schelings. 

**  Alors  arriva  Matthias  God  (Matago)  avec  4,000  Anglais.  Sehilteri 
917. 

*^  Listeê  publiées  par  ScAcYter,  9î3  et  1005,  1006.  D'après  la  première 
il  y  avait  encore  en  Alsace  29*580  chevaui  ;  d'après  la  seconde,  plus 
complète ,  5S,S00. 

**  Sous  les  ordres  de  Commercy,  d'après  fVunii$eHs  sous  ceux  de 
Montgomery,  d'après  une  relation  publiée  par  Schiller,  1002.  s  Avec 
l'aide  de  la  noblesse  autrichienne ,  ces  troupes  occupèrent  Rheiafeldeo, 
Seckingen ,  Waldshut  et  Lanfienbourg.  Elles  se  comportèrent  si  modes- 


LIVRE  !¥•    CHAP.  II.  HT 

la  découverte  des  habitations  éparses  dans  la  forêt 
Noire  ^^  ;  ils  pénétrèrent  dans  le  SchônauertfaaP^  ;  mais 
les  fossés  y  les  abattis  d'arbres ,  les  vigoureux  paysans 
de  la  forêt  les  engagèrent  à  retourner  sur  leurs  pas  ^. 
Partout  sur  le  sol  allemand  l'habitant  de  la  campagne, 
économe  et  sage,  leur  était  opposé;  les  seigneurs,  au 
contraire ,  les  appelaient  ;  jusqu'au  fond  de  la  Bavière , 
les  nobles  cherchèrent  à  terroriser  bourgeois  et  paysans 
à  l'aide  des  Armagnacs  ^^.  Mais  leurs  légions  ressem- 
blaient bien  plus  à  une  horde  demi-nue  ^'^  de  barba-^ 
res  afiamé^  qu*à  une  armée  ré^ulièce^  et  belliqueuse  ^^« 


tement  pendant  hnit  jonrs  qaé  les  habUans ,  toiit  réjouis ,  croyaient 
avoir  déjà  mis  à  leurs  pieds  la  ville  de  Bâle.  Les  populatïons  de  ces 
villes  voulurent  aller  au-devant  d'elles  avec  le  Saint-Sacrement ,  disant 
que  c'étaient  des  envoyés  de  Dieu.  Mais  les  Français  ne  justifièrent  pas 
cette  opinion  :  vaissdle,  linge  ,  meubles,  habillemens,  ils  enlevèrent 
tout  ;  ce  qu'ils  ne  purent  emmener,  fls  le  jetèsent  dans  le  Rhin.  Maint 
bon  père  de  famille  fut  ruiné.  Les  femmes  a^écriaient  avec  amertume  : 
■  Voilà  Yos  envoyés  de  Dieu  \  »  Beinhêim;  Oehs,  lU,  891.  G.  M. 

23  De  même  que  des  voyageurs.  Sckilter^  932  :  «  Us  donnaient  la 
chasse  aux  gens  dans  les  forêts  comme  à  du  giitHer.  » 

^  BÎMi.  de  VAutrUkc  antirieart^  U»  150.  On  voit  dans  une  chapelle 
an  milieu  de  la  vallée  un  tableau  monumental. 

^  Dans  SehUter,  1002  et  ailleurs. 

>*  Burkhard  Zengg,  Chronique  ttAugsbourg  :  le  Jeune  duc  Louis  avait 
invité  ches  Ini  près  de  SOC  Armagnacs  ;  ils  étaient  auprès  de  lui  à 
Ingoldstadt  OefeUin  1 ,  274. 

2'  «  Le  quart  d'entr^enx  avait  à  peine  une  cuirasse  ;  pour  un  homme 
»  bien  équipé ,  trois  on  quatre  ne  l'étaient  point  du  tout  s  ils  étaient 

•  uns  aucune  arme  ;  sans  souliers ,  ni  culottes»  ni  chapeaux ,  en  mé- 

•  cfaans  et  sales  vélemens  ;  comme  d'autres  bandits ,  ils  n'avaient  que 

•  ce  qu'ils  gagnaient  par  le  meurtre  et  par  le  pillage.  »  Vieille  relation 
ûua  Sehilier,  981  (afin  qu'on  n'attribne  pas  ce  tableau  à  un  écrivain 
moderne). 

^  m  Quand  de  vigoureux  compagnons  les  attaquaient  hardiment , 
«  ces  misérables  prenaient  la  fuite;  une  partie  d'entr'eux  se  laissaient 
>  assommer  comme  une  vache  attachée,  t  Hid,  982. 


118  IIISTOIBB   DE   LA  SUISSE. 

Ces  sauvages  étaient  avides  de  vètemens  ^^y  de  nourri- 
ture et  surtout  d'argent  ^.  Aucun*  acte  d'inhumanité 
ne  leur  paraissait  trop  cruel  pour  satisfaire  leur  cupi* 
dité^^;  ils  assouvissaient  avec  la  dernière  brutalité 
leurs  passions  charnelles^.  La  soumission  ne  sauvait 
personne  ;  ils  vexaient  avant  tout  ceux  qui  les  avaient 
appelés  ^^.  Privé  de  tout  sentiment  de  convenance  et 
d'équité ,  sans  crainte  de  Dieu  ni  des  hommes  ^  chacun 
d'eux  ne  connaissait  qu'une  loi^  son  plaisir^  qu'un 
moyen ,  la  jouissance  présente» 

En  s'expliquant  sûr  les  causes  de  la  guerre  >  les 
Français  changeaient  de  langage  suivant  les  circon- 
stances et  les  personnes  ^*  ;  ils  ne  varièrent  pas  moins 
dans  leurs  négociations  avec  Baie  qui  eurent  lieu  dan« 


**  •  Dès  qo'ils  faisaieat  un  prisonnier»  ils  lui  ôtaient  son  habit ,  ses 
>  culottes  et  ses  souliers ,  et  prenaient  tout  ce  qu'il  avait  de  bon  sur 

•  lui.  >  Ibid.  9U. 

*^   •  Ils  se  permettaient  tout  pour  obtenir  des  contributions,  •  IM 
où  Ton  trouve  une  multitude  d'exemples. 
'*  «  Us  les  tourmentaient  et  martyrisaient  horriblement»  Si  qoelija'on 

•  ne  leur  apportait  rien,  iU  découpaient  son  corps  en  courroies;  ils 

•  rôtirent  quelques  paysans.  •  Ibid,  100^. 

*'  •  Ils  violentaient  même  des  femmes  en  couche  et  des  lépreuses; 

•  ils  liaient  par  les  mains  çt  les  pieds  les  vierges  qui  se  tordaient  de 

•  douleur ,  et  en  abusaient  l'un  après  l'antre  t  ils  commirent  des  hor- 

•  reurs  qu'il  serait  dégoûtant  de  décrire.  »  «s  Ils  firent  pôrir»  pendant 
l'hiver  de  1A44  à  144^9  plus  de  vingt  mille  personnes  ;  mais  ils|)erdirent, 
en  revanche ,  près  de  dix  mille  des  leurs,  A  leur  départ ,  ils  brûlèrent 
tçus  les  couvens ,  les  églises  et  les  villages  qu*ib*  trouvèrent  sur  leor. 
route.  Voy.  Oeh$,m^  423-429.  G.  M. 

^*  «Ils  n'épargnaient  rien  :  peu  leur  importait  qu'une  ville  on  un 
château  eût  une  sauve-garde  ou  non  ;  ils  vivaient  selon  leur  bon  plaisir, 
comme  seigneurs  et  maîtres.  •  Ib,  925.  On  en  trouve  de  nombreux 
exemples  p.  916-932. 

**  JSnaa»  SylvUu  :  «  Non  qnod  ita  esset ,  sed  qood  favorem  ob  e8B\ 

•  tausam  se  putabat  habUurum  »  {U  Dauphin), 


LIVRE   IT.    CHAP.    II.  119 

Altkirch*^.  D  abord  ils  demandèrent  d'une  manière 
menaçante  mais  vague  une  satisfaction  conforme  à  la 
dignité  du  dauphin ,  parce  qu'un  jour  qu'il  passait  à 
cheval^  on  avait  tiré  un  coup  d'arme  à  feu  de  la 
ville.  Ensuite  l'alliance  des  Bâlois  avec  les  Suisses  ^^ 
semblait  dictée  par  la  haine  contre  la  noblesse ,  dont 
k  France  avait  éponsé  les  intérêts.  Les  députés  ayant 
exposé  que  la  ville  ^  éloignée  de  tout  esprit  de  parti  ou 
d'hostilité  y  n'avait  eu  en  vue  que  sa  légitimé  défense , 
la  négociation  fut  continiiée  dans  Baie  méme^'^.  Tout- 
à-eonp  survint  une  proposition  inattendue,  cr  Non  seu- 
A»  lement^  »  dit-on^  «  le  dauphin  assure  cette  honora- 
n  ble  cité  de  toute  sa  clémence  y  mais  on  se  souvient , 
A  d'après  les  anciennes  chartes  ^^^  que  les  rois  de  France 
n  ont  été  de  tout  temps  les  protecteurs  de  Baie  ;  le  re- 
)i  nouvellement  de  ce  rapport  contribuera  beaiicoup  à 
»  oomolider  et  à  augmenter  la  prbsp^ité  de  la  ville  ; 
»  qnand  le  dauphin  aura  reçu  l'homiHage  ^  il  confir- 
})  mera  les  franchises  de  Mie,  et  lui  en  octroiera  de 
»  plus  grandes  qui  la  rendront  plus  florissante  encore.» 
La  bourgeoisie  ne  se  laissa  ni  éblouir  par  un  avantage 
apparent^  ni  effrayer  par  quarante  mille  ennemis  dans 
le  voisinage  et  par  leurs  partisans  au  sein  de  la  ville  ^^  ; 
elle  se  montra  résolue  à  maintenir  ses  anciens  rapports 

*^  Rapport  snr  cette  négociation  dans  la  Mitsive  du  boargntistre  et  du 
toiuéil  de  BâU  au  roi  romain  ;  feria  sancta  post  Mîcb.  144 A,  dans  A.  7. 
UuUer,  théâtre  eous  Frédéric  V,  p.  232. 

**  Alliance  avee  Berne  et  Soleure;  ci-dessus  t.  V,  p.  246  et  247, 

17  Devant  les  cardinaux  du  saint  concile  et  quelques  pères  et  en 
présence  de  nos  honorables  amis ,  conseillers  de  nos  confédérés  de 
Berne  et  de  Soleure  (extrait  de  la  missive  n.  35).  Le  6  septembre. 

^  Investigations  et  rôles.  Il  s'agit  là  des  temps  carlovingîens  :  la  force 
«aie  peat  donner  de  la  puissance. 

**  11  en  sera  question  plus  tard  ;  c'étaient  des  nobles* 


120  HISTOIRE  DB   hJL  SUISSE. 

avec  TEmpire  germanique  et  avec  l'évéque^  ainsi  que  ses 
droits  et  sa  constitution.  Les  négociateurs  français  dé- 
clarèrent que  cette  réponse  blesserait  le  dauphin  et  ne 
Tempécherait  pas  de  contraindre  les  Balois  y  par  le  dé- 
ploiement de  toutes  les  forces  de  la  France  y  "à  faire  sa 
volontés  Sans  autre  secours  que  celui  qu'ils  pouv^ent 
espérer  de  Berne  et  de  Soleure^^^  les  Bàlois  persistèrent 
à  repousser  de  telles  prétentions  *. 

Les  électeurs,  les  princes  et  les  États  du  Saint  Empire 
romain  étaient  assemblés  à  Nuremberg  auprès  du  roi^^ 
Frédéric  ouvrit  la  diète  par  des  plaintes  et  des  gémis- 
semens  sur  le  malheur  des  pays  situés  au  pied  des  Alpes, 
long-temps  désolés  par  la  révolte  des  Suisses  ^^,  main- 
tenant entièrement  ruinés  par  la  formidable  armée  des 
Armagnacs;  ces  circonstances,  ajouta-t-il,  exigent  d'un 
côté  du  secours,  de  l'autre  une  ambassade  au  dauphin. 
Un  grand  nombre  de  seigneurs  promirent  le  secours 
contre  les  Suisses  ^^,  que  Ion  croyait  effrayés  et  affaiblis; 
le  cardinal  Pierre  de  Schaumberg,  évéqued'Augsboui^, 
se  chargea  de  l'ambassade  à  Einsisheim  avec  quelques 
conseillers  autrichiens  de  sa  confidence  ^*.  Au  lieu 
d'une  réponse ,  il  ramena  le  chevalier  Jean  de  Finstin- 


^  Nous  a?ons  été  laissés  sans  consolation  ,  excepté  de  la  part  de  la 
Confédération.  MUêivê  des  BàloU  d  Vamme^tn  et  au  conêeil  dé  Strasbourg. 
St. -Thomas  apôtre,  1444  ;  dans  Sehilter  et  M  aller, 

*  Oekê,  ni ,  594-400  donne  de  plas  amples  détails  sur  cette  ni- 
dation; elle  se  termina  par  nne  trfeve  de  vingt  jonrs,  da  19  septembre 
an  9  octobre.  G.  M. 

**  Description  de  cette  diète  dans  M  aller ^  S06-S64. 

*'  Dans  la  Relation  publiée  par  SehiUer,  p.  986. 

**  Ibid,;  compare!  Schmid,  HieL  d^Vri,  H ,  101  ;  voy.  aussi  ci>  après. 

**  Ulrich  de  Rechbeig  et  le  docteur  Jean  d'Aich.  MaUer^  119.  Fuggir 
(  Miroir  d'honneur,  56ft  )  y  ajoute  un  de  Waldsée. 


LIVRB   IV.    CHAP.    II.  121 

gen  *^  en  qualité  d'envoyé.  Louis  l'avait  chargé  d'ex- 
poser l'objet  de  sa  mission  ^  non  en  secret  ^^,  mais  de- 
vant toute  la  diète  d'Empire.  «  Le  fils  aine  du  roi  de 
M  France ,  dit-il ,  est  venu  dans  les  pays  allemands 
»  avec  de  grandes  forces  ^  mais  à  la  demande  du  chef 
»  de  l'Empire  germanique  ,t  ensuite  de  traités  formels^ 
»  non  d'un  malentendu.  Il  a  été  convenu  que  les 
»  Français  réduiraient  les  Suisses  à  l'obéissance  ;  le  roi 
»  Frédéric  leur  devait  l'entretien  et  le  logement  ;  ce 
»  que  l'Autriche  a  perdu  du  côté  des  Alpes ,  les  Fran- 
»  çais  doivent  le  reconquérir  au  profit  du  duc  Sigis- 
»  mond  ;  ce  prince  épousera  une  princesse  française. 
»  Le  dauphin  a  vaincu  les  Suisses  dans  une  bataille 
»  dont  les  conséquences  sont  incalculables  ;  mais  le  roi 
»  romain  n'ayant  pris  aucune  mesure^  ils  ont  dû  pour- 
»  voir  eux-mêmes  à  leurs  besoins.  Toutefois  le  dauphin 
»  observera  le  traité^  sans  grever  les  Etats  de  l'Em- 
»  pire ,  si  ^  pour  les  frais  de  la  guerre  entreprise  en  fa- 
»  veur  du  duc  Sigismond ,  on  lui  abandonne  le  trésor 
)}  laissé  à  ce  duc  par  son  père  et  demeuré  intact  à 
N  Inspruck.  »  Le  roi  Frédéric ,  blessé  par  cette  révé- 
lation d'un  traité  secret  ^''^  Ai  faire  à  l'envoyé  du  dau- 

**  MiêêiveiUs  députée  de  Strasbourg  A  Cammeêtrt;  SehiUêr,  98i.  Fins- 
tingeD  connaissait  les  deox  langues  et  les  deux  pays  ;  c'était  ordinai- 
rement lai  qui  conduisait  les  étrangers  dans  rAllemagne ,  sa  patrie, 

^  U  cherchait  à  le  compromettre  aux  yeux  de  l'Empire.  •  Noos 
»  voyons  que  cette  affaire  a  été  commencée  secrètement  à  Francfort, 
>  brsqne^le  Roi  y  était ,  mais  que  notre  seigneur  le  Roi  a  pris  sa  réso- 
•  lotion  de  loi-méme ,  sans  ses  conseillers  et  sans  les  princes.  •  Rapport 
an  députée  de  Straeboarg  à  l'atnmettre  Sehalk,  dans  Schilter,  981. 

"  «  U  rougit  un  peu  »  dit  iS.  J.  Muller,  219.  Il  parait  que  Frédéric 
ne  commença  pas  par  l'aveu  qu'il  fit  faire  ensuite  sous  forme  d'explica- 
tion. Une  excessive  discrétion  amène  de  semblables  embarras  ;  elle -est 
souvent  cause  qu'on  méconnaît  même  de  bonnes  intentions. 


122  HIStOIRB   DE   LA    SUISSE. 

phin  par  le  margrave  Albert  de  ^andebourg  *^  la  con» 
Ire-déclaration  suivante  :  «  Dans  la  gaerre  difficile  que 
»  le  chef  du  Saint  Empire  soutient  sans  secours  depuis 
»  trois  ans ,  non-^seulement  dans  l'intérêt  des  biens  pa- 
»  trimoniaux  de  TÂutriche ,  maïs  pour  la  défense  de 
»  la  ville  impériale  de  Zurich  et  pour  la  sûreté  de  la 
>i  noblesse  allemande ,  Sa  Majesté  a ,  sans  contredit , 
»  demandé  au  roi  de  France  un  secours  de  cinq  mille 
»  hommes^  auxquels  eUe  s'est  engagée  à  fournir  l*entre- 
»  tien  et  les  quartiers  ;  à  Toccasion  de  cette  négociation 
»  un  mariage  a  été  arrangé.  Mais  tout  s'est  passé  autre- 
»  ment  que  la  loyauté  allemande  ne  devait  s'y  atten- 
H  dre.  Au  lieu  de  cinq  mille  hommes  de  troupes  auxi- 
»  liaireSy  une  horde  de  quarante  mille  s'est  jetée  ^  moins 
»  sur  les  Suisses  que  sur  l'Empire  pour  le  piller  ^^. 
»  Une  fois  on  a  déployé  de  l'énergie  contre  les  Suisses , 
»  dont  la  folle  audace  a  fbrcé  le  dauphin  au  combat^  ; 
»  mais  ce  prince'  s'est  aussitôt  tourné  contre  des  pays 
»  inoffensifs,  qui  ne  pouvaient  s'attendre  à  cette  atta- 
»  que,  et,  tandis  qu'on  traitait  hostilement  un  pays 
»  ami,  on  négociait  avec  les  Suisses.  Sa  Majesté  Impé^ 
»  riale  n'a  pas  l'habitude  de  rompre  arbitrairement  ses 
»  relations.  Autant  il  importe  à  tous  les  États  d'arrêter 
I»  les  progrès  de  la  Suisse ,  autant  l'Empereur  est  éloi- 
»  gné  de  mettre  à  la  charge  de  l'Empire  ses  engage-* 

^  Principal  commissaire  et  »  dans  les  affaires  de  l'Empire ,  plénipo- 
ientiaire  de  l'ElBipereor. 

**  Le  roi  d'Allemagne ,  dans  nne  Uiir$  adressée  ensuite  de  ces  évé- 
nemens  an  roi  de  France  (Neustadt,  après  Thomas,  dans  Schilter,  9d&). 
se  plaint  nommément  an  sujet  de  Meti ,  de  Toul  et  de  Verdun  ;  il  faut 
y  jgooter  d'après  Fugger  (l.  c  )  MontbéUard  et  les  villes  d'Alsace. 

^*  •  Nous  avons  pris  plaisir  à  an  pareil  service ,  qui  était  un  bon 
•  commencement  d'affection  fraternelle.  •  LeUre  n.  d9. 


LIVRB   lY.   CHAP.    II.  123 

I)  mens  personnels  ^^  Mais  il  exige  que^  deleur  câtë , 
w  les  Français  se  conforment  au  traité  ;  sinon ,  élee- 
»  teurs ,  princes ,  États  concerteront  avec  le  chef  de 
o  FEmpire  des  mesures  communes  contre  un  malheur 
»  commun  ^.  Enfin  il  est  contraire  aux  usages  de  la 
u  maison  d'Autriche ,  dans  la  simple  prévision  du  ma«- 
»  riage  d'un  prince  encore  mineur  ^'^  de  livrer  d'à* 
n  vance  son  patrimoine  à  des  mains  étrangères.  j>  Cette 
déclaration  convainquit  les  princes  que  la  noblesse 
avait  entraîné  l'Empereur  à  de  fausses  démarches  et 
qu^eUe  s'était  adressée  mal  à  propos  aux  Français,  qui 
avaient  fait  sentir  la  supériorité  de  leurs  forces  avec 
une  si  dangereuse  insolence  que  toute  autre  considéra- 
tion devait  céder  à  la  nécessité  d'une  défense  com-» 
mune.  L'électeur  palatin  fut  nommé  général  en  chef 
des  troupes  de  l'Empire  ^  avec  des  pouvoirs  si  étendus 
qu'en  cas  de  besoin  ,  sans  égard  à  l'échelle  des  contin- 
gens ,  il  pouvait  requérir  les  États  les  plus  rapprochés 
de  mettre  sur  pied  toute  leur  armée  ^.  Il  fixa  aussitôt 
le  jour  du  départ ,  le  lieu  du  rendez-^ vous,  la  propor- 
tion des  fournitures  '  ^.  Les  envoyés  français  perdirent 
l'espoir  de  remplir  leurs  vues  intéressées  en  divisant 

**  Les  conseillers  dr  dauphin  ont  demandé  oft  ces  tronpes  devaient 
camper;  le  roi  a  réponda  :  «  Dans  ses  domaines  et  non  sur  le  terri* 
toire  de  l'Empire.  »  Rapport  des  SlraabowrgeoU ,  988. 

»*  MuiUu,  9H. 

**  Sigismond  était  né  en  1427  ;  U  princesse  moamt  avant  le  mariage. 

**  Décret  de  êa  wtmmatUm  ;  Francf.  après  Mich.  dans  5.  J.  MulUr, 

no. 

**  Powoin;  Heidelb.  fer.  8*  St-Gall.  ;  ibUL  :  «  Nous  vous  requérons 
»  an  nom  du  roi  romain  et  de  l'Emfnre ,  et  nous  vous  prions  expressé- 
«  ment  et  amicalement  de  notre  part.  • 

**  Ordre  au  sujet  de  la  barricade  de  ehariùts,  Ibid, 


124  HISTOIRE  DE  LA   SUISSE» 

l'Empereur   et    TEmpire  :   Tespiit  public  sauva  le 
pays  ". 

Le  dauphin^  sans  rien  entreprendre  y  se  contenta  de 
nourrir  son  année  le  plus  long-temps  possible  aux  dé- 
pens de  rAllemagné  ;  bien  des  princes  lui  parurent 
être  moins  à  l'abri  d'une  influence  étrangère  que  peu 
préparés  à  la  subir^  attendu  qu'on  les  avait  négligés 
jusqu'à  ce  jour  ;  il  s'e£Força  donc  d'en  rallier  quelques- 
uns  k  la  France  par  des  relations  plus  étroites.  Les 
Suisses  étaient  difficiles  à  vaincre ,  dangereux  à  pro^ 
voquer;  ils  présentaient  peu  de  chances  de  gain, 
beaucoup  de  chances  de  perte  :  il  leur  offrit  la  paix. 

Elle  fut  l'objet  d'une  diète  tenue  à  Zofingue^.  Ce 
qui  y  dans  cette  première  négociation^  servit  à  leur  but, 
la  conservation  de  leur  indépendance,  ce  fut,  outre 
leur  bravoure  et  leur  pauvreté,  outre  l'avidité  et  la  dé- 
fiance des  puissances  alliées,  l'influence  du  duc  de 
Bourgogne ,  qui  désirait  qu'ils  ne  fussent  ni  autrichiens 
ni  français.  Il  L'exerça  par  l'intermédiaire  de  Neuchâ- 
tel  et  Valangin,  sans  paraître  lui-même,  sans  s'expo- 
ser au  danger  d'o£Fenser  l'Empereiu*  ou  le  Roi.  Jean,  de 
la  famille  des  comtes  de  Fribourg  ^^,  héritiers  de  Z«b- 
ringen ,  était  seigneur  de  Neuchàtel  ^  ;  il  portait  la 
Toison  d'Or  ;  dans  la  vigueur  de  ses  jeunes  années , 
avant  d'être  sujet  à  la  goutte ,  il  remplit  les  fonctions 
de  lieutenant  de  la  Bourgogne.  Dans  Valangin  régnait 
le  comte  Jean ,  de  la  maison  d'Ârberg  ^^ ,  alors  ré- 


^^  On  ponvait  encore  dire  avec  orgueil  :  •  Haclenus  nulliim  împnne 
»  (lennaniam  lacessi^.  •  Muiius,  94i« 
^>  PVurêtisen  ,409. 
*•  T.  II,  p.  35. 
«•  T.  IV,  p.  405  et  406. 
»*  Jbid,  p.  406  et  suiv. 


LIVRE   IV.    CHAP.    II.  125 

concilié  avec  le  comte  de  Neuchâtel ,  à  la  famille  du- 
quel il  se  trouvait  allié  ;  cousin  de  Beaufremont ,  de 
Vergy,  la  plus  haute  noblesse  de  la  Bourgogne;  Tun 
des  douze  seigneurs  qui  brillèrent  dans  le  célèbre  tour- 
noi près  de  Tarbre  de  Gharlemagne^  où ,  rivalisant  de 
force  et  d'adresse,  il  courut  onze  fois  contre  Louis  de 
la  Basine,  à  Brumette.  Ces  deux  comtes^  combourgeois 
de  Berne,  travaillaient  pour  leur  propre  repos  à  la  pa- 
cification de  la  Suisse.  Si  les  forces  réunies  de  TAUema- 
gne  éloignaient  tout-à-coup  les  Français  des  chemins 
que  Finstingen  leur  avait  montrés;  si  la  Haute-Bour- 
gogne ,  bien  défendue  par  Philippe  ^^,  refusait  le  pas- 
sage ;  si  une  armée  suisse  couvrait  les  frontières  ber- 
noises, il  ne  restait  au  dauphin  pour  retourner  en 
Dauphiné  que  Tévéché  de  Baie,  le  comté  de  Neuchâ- 
tel^^, rUelvétie  romande  et  la  Savoie,  à  supposer  que, 
sous  prétexte  de  prendre  du  service  dans  le  Milanais  ®^, 
ses  hordes  ne  se  répandissent  pas  dans  les  plaines 
d^Italie.  Cette  situation  des  choses  ne  pouvait  être 
indifférente  à  un  prince  inquiet  pour  son  pays  ^^. 

Grâce  à  la  médiation  de  cçs  seigneurs,  la  Suisse  fut 
mise  à  Tabri  des  Armagnacs,  et  le  dauphin  >  à  Tabri  de 


*^  Olivier  de  ta  Marche. 

*'  Par  là  le  sire  de  Valangin  aurait  aussi  été  compromis ,  obligé  qu^îl 
était  de  marcher  avec  le  comte  de  Meuchàtel. 

•4  On  trouve  dans  Sehilier,  967,  une  Missive  de  BàU  à  Strasbourg, 
fer.  4*  p*  Palmar,  47,  où  il  est  question  de  la  négociation  du  duc 
Fliilippe  Visconti  demandant  le  secours  du  dauphin  contre  Venise  et 
rinstituant  héritier  de  Milan. 

**  Car  en  tous  lieux  «  ils  faisaient  moult  des  maux.  *  O.dela  Marche. 
Aussi ,  lorsque  Milan  demanda  le  passage  en  leur  faveur,  les  Suisses 
s'excusèrent ,  disant  :  «  qu'il  fallait  traverser  l'eau  (  le  lac  des  Quatre 
•  Cantons),  et  d'étroits  défilés  (le  St-Gothard]  où  une  armée  nom- 
>  brense  ne  saurait  passer.  •  Même  Missive, 


128  HISTOIRB  DB  LA  8UI86E. 

Deax  mois  après  le  désastre  de  St-Jacques,  pendant 
les  violences  incessantes  de  la  guerre  autrichienne  et 
intérieure^  la  fermeté  suisse  obtint  du  dauphin^  campé 
non  loin  de  la  frontière  avec  quarante  mille  hommes 
et  des  généraux  expérimentés,  cette  paix  conclue  sur  le 
pied  d'une  honorable  égalité  entre  la  France  et  la  Con- 
fédération^ qui  ne  fit  aucun  sacrifice.  Car  alors  qut 
les  grandes  menaces  et  les  propositions  insidieuses 
aboutirent  à  la  réclamation  d'une  somme  d'argent  con- 
sidérable ,  alors  que  le  pape  Félix  et  mainte  autre  ville 
jugèrent  nécessaire  de  faire  à  la  paix  un  semblable  sa- 
crifice, tous  les  Confédérés,  Baie  excepté  peut-être  ^^, 
déclarèrent  qu'ils  ne  donneraient  aux  Français  ni  maille 
ni  denier". 

Le  siège  de  2urich  levé,  les  Confédérés,  tantôt  avec 
leurs  forces  réunies,  tantôt  par  divisions,  campaient 
entre  l'Ârgovie  ''^  et  le  pays  de  Sai^ans ,  et  défen- 
daient des  avant^postes  qu'on  ne  pouvait  pas  facilement 
l^ir  enlever''^;  de  là^  ils  attaquaient  les  personnes 
et  les  propriétés  de  l'ennemi.  Le  lac  de  Zurich  était 

nomme  pas  de  Footaines;  à  la  place  de  Bois-Roage  il  a  «  de  Bons,  de 
Roguets  •  et  Schmid  •  Boivogaes.  >)  ="  Le  traité  fnt  rédigé  en  latia  ;  il, 
n*a  été  publié  en  entier  qne  dans  la  Colleetign,  assez  rare  anjoard*hui» 
des  traités  avec  ta  couronne  de  France  {Sammtung  der  vomehmsten  Bànd' 
nissen,  u.  s.  w.  Bem.  1732 ,  8*]  ;  il  est  signé  :  •  Loys.  Per  DomiDnm 
k  Delphinuni  in  suo  Goncilio,  in  quo  erant  Domini  de  Bueil,  de 
»  Ghatillon,  d'Estissac,  de  Malicome ,  de  Fontaines,  de  BoisTogues,  et 
«.  plaribus  aliis  presentibus.  Poîcliers.  »  G.  M. 

7(  fVurstUen  :  «  Quelques-uns  rapportent  qu'ib  ont  payé  au  dauphin 
»  une  somme  d'argent  On  parle  quelque  part  de  12,000  florins. 

^7  Tsehudi,  H ,  &80. 

''  ÂLenzbourg.  Schmid,  Hist.  d*Vri,  II,  101,  d'après  la  lettre  de 
sommation  de  Henri  de  Bubenberg. 

''*  Ils  abandonnèrent  Régensbcrg.  Tsehudi,  II ,  &81. 

^  De  Pfeffikon ,  de  Grflningen.  Ibid.  452. 


LIVRE   IV,    CHAP.    II.  129 

sillonné  par  leurs  embarcations  ^'  ;  ils  le  dominaient  au 
moyen  de  l'Escargot  de  Schwyz,  radeau  couvert  monté 
par  plus  de  soixante-dix  hommes  et  pourvu  de  ca- 
nons*^. La  guerre  fit  perfectionner  la  construction  des 
barques^  fort  ancienne  branche  d'industrie  sur  le  lac 
de  Neuchatel  ^^.  Une  seule  fois,  près  d'Erlibach,  à  l'é- 
poque des  vendanges ,  Jean  de  Rechberg  mit  à  profit 
leur  téméraire  sécurité,  alors  qu'ils  s'étaient  éloignés 
de  teurs  barques  et  de  leur  artillerie  ^*  ;  mais  leur 
courage  et  leur  présence  d'esprit  effrayèrent  le  vain- 
queur ;  il  se  retira  en  toute  hâte,  de  peur  qu'on  ne 
Ini  coupât  la  retraite.  Le  pays  de  Sargans,  où  le  comte 
Henri  avait  conservé  avec  rAutrîehe,  Schwyz  et  Glaris 
des  relations  fort  anciennes  mais  difiiciles  à  concilier  ^^, 
fut  conquis  sans  résistance  par  les  Autrichiens  pendant 
que  les  Glaronnais  assiégeaient  Zurich  ;  ils  l'abandon- 
nèrent tout  aussi  promptement  à  l'approche  de  la 
bannière  de  Glaris.  La  conduite  du  comte  dans  cette  oc- 
casion lui  fit  craindre  que  les  vainqueurs  ne  rexpulsa.s- 
sent  :  tandis  qu'il  n'hésita  pas  à  ouvrir  à  leurs  ennemis 
le  passage  du  Rhin  et  son  pays,  il  estima  contraire  à 
la  neutralité  de  leur  donner  à  eux-mêmes  un  avertis- 
sement ou  de  leur  rendre  Walenstadt,  leur  propriété 
hypothécaire,  qu'il  ne  voulait  pas  défendre.  Dans  la 

**  Ils  vendangeaient  le  vignoble.  Ibid,  A 83. 

*>  Il  sUttonnait  à  PfeiTikon.  Ibid, 

'^  Le  «  praefectas  ratiariorum  •  d'Yverdun  est  mentionné  dans  des 
inscriptions.  Une  eiiarte  de  Louis  de  Savoie  de  iàhk  dit  qu'il  fit  couper 
des  sapins  et  des  chênes  pour  construire  des  barques  sur  le  lac  d'Yverdun. 

**  Le  13  octobre  ;  toutefois  ils  ne  perdirent  pas  170  hommes  comme 
le  prétendit  l'ennemi  (Builinger);  cette  perte  eût  été  sensible,  et  l'on 
saurait  les  noms  d'un  plus  grand  nombre  de  tués  ;  la  perte  fut  de  16 
selon  Ttehudi ,  ou  de  21  selon  Tschachtlan, 

»*  T.  V,  p.  181,  182. 

VI.  9 


130  HISTOIRE   DE   L4   SUISSE. 

suite  il  leur  fit  demander  un  sauf«-conduit  par  ses 
fils^  innecens  de  sa  faute  ^^.  Une  assemblée  générale  se 
tint  à  Mels^''.  Les  Glaronnais  cédèrent  an  ^œu  des 
amis  qu'ils  avaient  dans  ce  pays  ^^  et  se  contentèrent  de 
la  déclaration  que  l'ennemi  n'y  rentrerait  plus  jamais. 
Lorsque  l'électeur  palatin  entreprit  de  défendre  son 
pays  contre  les  Armagnacs^  le  duc  Albert,  frère  du  roi 
Frédéric  9  assembla  auprès  de  lui  à  Villingen^  dans 
l'Autriche  antérieure ,  une  nombreuse  diète  de  sei- 
gneurs et  de  chevaliers  souabes,  sous  la  présidence  du 
sage  et  vaillant  margrave  Albert  de  Brandebourg.  Les 
députés  autrichiens  déclarèrent  que  leur  seul  désir 
était  d  assurer  à  l'Empire  et  à  la  maison  d'Autriche  la 
paisible  jouissance  de  leurs  droits  respectifs  ;  mais  ils 
regardaient  encore  comme  propriété  autrichienne*^ 
Schaffhouse,  hypothèque  rachetée  de  l'Empire*^,  et 
les  terres  patrimoniales  depuis  long^temps  perdues*'. 
Cependant  la  haine  invétérée  des  seigneurs  et  des  che- 
valiers pour  la  liberté  suisse  et  la  Confédération  ne 
cherchait  I  au  lieu  de  motifs,  qu'un  prétexte,  une  lueur 
d'espérance.  En  peu  de  jours  donc  les  Schwyzois.et 
leurs  Confédérés  recurent  d'innombrables  déclarations 
de  guerre.  Celle  du  margrave  Albert  ^  fut  accompa- 
gnée d'une  autre  de  quarante-trois  comtes  et  cheva- 
liers de  Franconie  et  de  Souabe  **  alliés  avec  lui  et  dont 

'*  Guillaume  et  George. 
>'  T$€hmdi,  II,  4SS. 

<•  Conrad  Méti  à  FlumB  ;  Locher  à  Ragai. 

"  RûppcTi  du  députée  Stra$b<mrg€ùU  à  Vammtêtrê ,  dans  StkiUtr,  9i6^ 
"•  T.  IV,  p.  20J  et  suiv. 
**  On  y  avait  renoncé  à  tout  jamais.  Ibid,  107. 
*^  C/i.  dans  Tsekudi,  prière  et  sommation  au  sujet  du  roi  des  Romains  ; 
jeudi  avants.  Denys;  voj.  aussi  n.  93-98. 

'*  Le  comte  i'rédéric  de  Htlfemiéin,  Guillaume  de  Btehbirg ,  che^ 


LIVRE    IV.    CHAP.    II.  131 

la  plupart  avaient  à  leur  solde  un  cerCain  nombre  de 
mercenaires^^.  Les  deux  frères  Ulrich  et  Louis^  com- 
tes de  \yi0rtemberg  ^^,  au-dessus  et  au-dessous  de  la 
Staig^^  et  soixante-quinze  comtes,  seigneurs  et  che- 
valiers ,  unis  avec  eux  ^y  déclarèrent  la  guerre  dans  le 
même  temps.  Ils  furent  imités  par  le  margrave  Jacques 
de  Bade-Hochberg  ^^,  que  les  menaces  des  Armagnacs 
empêchèrent  absolument  de  se  rendre  à  la  diète  de 
Villingen.  Les  grands  des  contrées  et  des  châteaux  voi« 
sins^^  firent  de  même:  pour  la  première  fois  Pilgram 
de  Hôwdorf  manifesta  une  haine  implacable'^;  alors 

valier,  Réînbold  de  fVendingen,  maréchal  da  margrave,  Martin  de 
9ValdenflU,  Jean  de  Sékéndorf,  deux  Ebertiein,  Geoi^ge  d'OsMeim» 
Didier  ù'Uffaœu^  Conrad  de  Knôrringen ,  Eberhard  de  Lichtêmiein,  elc» 

'*  «  Avec  tous  les  valets  qui  sont  d  wtre  pain,  • 

*^  Les  eh,  dans  Tschudi. 

'*  Louis  à  Aarach ,  Ulrich  à  Stutlgard.  Craaius ,  ehron,  Souabe ,  II  » 
65  et  sûiv. 

'^  Avec  Louis  :  le  comte  Sigismond  de  Hochenbêrg,  Eberhard  comte 
de  Kirchberg,  Wemher  de  Zimbem.  Fry,  Ulrich  de  Reehberg  et  de 
Hohenrechberg ,  chevalier»  le  vieui  et  le  jeune  Guillaume  de  fVelwart, 
Conrad  et  Paul  de  Stein ,  Rod.  de  Fridingen  ,  Michel  de  Breltenlanden^ 
é€rg,  Jost  de  Hormttva ,  etc*  Avec  Ulrich  :  le  comte  Ulrich  de  Helfens- 
iêin ,  le  comte  Jean  de  fVerdenberg,  seigneur  de  HeiUgenberg,  le  comte 
Jean  de  SuU  (juge  aulique),  Eberhard  Truehêen  de  fVaUparg,  chevalier, 
Hugues  éeRechberg  de  Hohenrechberg^  chevalier,  Thiébaut  Gû$s  de 
Gûiêenberg,  chevalier,  Albert  et  Didier  iS/nb^  ei  Uofineisier,  Jean  Trucheee» 
'  de  B'uhUhauêen,  Frédéric  de  Sachsenheim  ,  nommé  U  noir  Fritz,  Fré- 
déric d^Enzbergf  JemStouffer  de  Bloêsen  Stoujen^  Burkhard  iie  Sia- 

dion,  etc. 
**  Dieiarûiwn  de  guerre  dans  Teehudi;  Brisach,  lundi  après  Saint- 

Gall. 

**  Le  comte  Jean  de  Tengen,  landgrave  de  Nellenboarg  en  Eiégau  et 
en  Madach,  seigneur  d^Eglisau;  le  comte  Henri  de  Lupfen.  TechudiU^ 

436. 

««•  Fils  de  Henri ,  qui  vendit,  en  1443.  le  Rozbeig,  près  d'Osterfin- 
gen,  à  deux  lieues  et  demie  de  SchaJhouse!  fValdkireh,  Chron.  dtt 
Sehaffh,  Les  plus  proches  voisins  devinrent  les  f^us  grands  ennemie 


132  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

parurent  les  noms  inconnus  d'hommes  qui  en  vue  du 
pillage  ou  par  complaisance  pour  des  nobles  avaient 
pris  à  leur  solde  quelques  bandits  ^^^  ;  l'un  déclarait  la 
guerre  à  Wyl  en  Thurgovie  *^*;  un  autre  rompait 
avec  Baie  ^^^  ;  en  réalité ,  ces  gens  -  là  s'armaient 
contre  tous  ceux  que  liait  le  serment  des  alliances 
suisses.  La  haine  les  rendait  ingrats  pour  les  bien- 
faits reçus,  aveugles  pour  les  bienfaits  à  venir  :  ainsi, 
Thûring  d'Arbourg***  et  Wolfhard  de  Brandis*^*, 
citoyens  de  Schwyz  et  de  Glaris,  bourgeois  de  Berne, 
payèrent  par  une  déclaration  de  guerre  la  sollicitude 
avec  laquelle  ces  cantons  avai^t'  appuyé  -  pendant 
plusieurs  années  leurs  prétentions  à  l'héritage^de  To- 
kenbourg  ;  le  comte  Henri  de  Sargans  lui-même,  ou- 
bliant combien  de  fois  ses  combourgeois  lui  conser- 
vèrent son  pays,  ne  rougit  pas  de  rompre  avec  les 
Glaronnais,  dont  le  tort  avait  été  de  ne  pas  le  chas- 
ser ^^^.  L'âme  de  cette  ligue  de  la  noblesse  était  Jean 
de  Rechberg-Hohenrechberg  ;  ce  chevalier  ne  ressem- 
blait point  au  sauvage  Eptingen,  qui  faisait  parfois 
crever  les  yeux  à  ses  gens  ^^"^y  ni  au  cruel  et  voluptueux 

***  Listes  de  semblables  gens  dans  Tschudi,  II,  4 S 6. 

***  Le  baîllî ,  le  conseil  et  la  commune  de  Frauenfeld ,  Jean  Rod. 
de  Landenberg  h  Creifensée,  les  Znm  Thor.  Tschudi. 

*•»  C'est  à  Baie  que  fut  adressée,  selon  Tschachtlan,  la  déclaration 
de  guerre  signée  par  Henri  de  NQsplingen,  an  nom  de  beaucoup  d'au- 
tres. TschudL 

***  Baron  de  Schenkenberg. 

^^^  Outre  Wolf  et  Sigismond,  tous  les  trois  de  Brandis,  bommcs 
libres.  Déetaration  de  guerre  an  bailli  établi  par  Scbwyz  cl  Claris  dans  le 
pays  de  Sargans  ;  la  veille  de  St.  André.  Tschudi,  II,  439. 

*••  Déclarai  ion  de  guerre  du  comte  Henri  de  fVerdenberg ,  seigneur  de 
Sttrgant  et  Sonnenbcrg ,  en  qualité  de  t  comte  d'Empire;  •  veille  de  St.- 
André.  Ibid, 

^*'  69tz  Henri  d'Ë.  défend  en  lUO  à  un  de  ses  valets  de  comparaître 


LIVRE   IV.    CliAP.    II.  133 

de  Falkenstein^  destructeur  de  Brougg,  incendiaire  de 
Baie  ^^^,  barbare  envers  les  hommes  sans  défense  ^^;  il 
était,  au  contraire^  fécond  en  expédiens  ^  ^^  dans  la  guerre 
et  dans  les  négociations^  infatigable  et  prudent  ^^'  dans 
les  conseils  ;  aussi  les  Confédérés  ne  déjouèrent-ils 
ses  plans  qu'à  force  de  constance. 

Les  Suisses  préservèrent  leurs  frontières  de  ces  guer- 
res et  de  bien  d'autres  encore  ^^^  avec  une  vigilance  si 
active ,  ils  les  défendirent  si  vaillamment  qu'à  propre- 
ment parler  l'ennemi  ne  mit  jamais  le  pied  sur  leur 
territoire ,  et  que  pendant  cette  longue  guerre  chaque 
année  dix-huit  mille  charrues  sillonnaient  tranquille- 
ment leurs  champs  ^^^.  Trois  fois  les  ennemis  se  portè- 
rent de  Zurich  sur  Bade;  à  la  fin  un  stratagème  sem- 
bla leur  assurer  la  conquête  d'une  ville  qui  avait 
résisté  à  leurs  béliers  ^^*  et  à  leur  corps  d'armée  ^^^. 
Un  matin ,  au  milieu  d'un  épais  brouillard  ^^^^  quelques 
valets,  décorés  de  croix  blanches ^'"^^  s'approchèrent 
amicalement  ^^^  de  la  porte  de  la  ville  ^  à  l'heure  où  on 

dans  on  procës  devant  le  juge  ordinaire  sons  peine  de  perdre  les  yeux. 
Brukntr,  1981.  C'était  une  ancienne  covtnme  nobiliaire;  on  trouve  dans 
les  G0$ta  de  Bongars  :  «  Sub  effosione  ocaloram  prascepît  > 

***  Brakncr  d'après  les  chartes. 

^**  Ibid.  La  garnison  de  Falkenstein  ,  après  la  levée  da  siège  de 
Famsboiirg ,  tae  «  un  pauvre  garçon  libre ,  coupe  les  mains  à  un  pri- 
»  sonnier  et  tue  an  honorable  monsieur.  • 

***   •  Inventif  en  ruses  et  pratiques.  •  Tsehudi, 

***  «  On  dit  que  quand  les  affaires  devenaient  sérieuses ,  il  s'esquivait 
»  à  temps  et  y  poussait  les  autres.  •  Tsehudi. 

*'>  «  Qu'on  ne  peut  pas  raconter,  &  cause  de  leur  multitude.  •  Id, 

I**  «  Comme  on  l'avait  calculé  dans  des  diètes.  •  TtehudL 

"*  BuUinger. 

*^^  De  &,000  hommes.  Id, 

*'•  Le  22  octobre. 

^^^  Les  ennemis  en  portaient  de  rougea. 

<"   -Saint!  chers  Confédérés.  • 


134  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

l'ouvrit;  à  peine  entrés  ,  ils  poussèrent  des  cris  d'at- 
taque *^^;  soudain  retentirent  des  trompettes  ;  soudain 
quinze  cents  cavaliers  entrèrent  irrésistiblement  à  bride 
abattue  et  parcoururent  les  rues.  Du  coté  opposé^  ni 
l'avoyer  Jean  MuUer,  ni  les  bourgeois  que  le  danger 
imminent  fit  passer  du  sommeil  matinal  au  combat , 
ne  perdirent  l'espoir  de  sauver  à  force  de  bravoure  la 
ville  surprise;  on  se  battit  avec  foreur  du  sein  des 
maisons  et  dans  les  rues  ;  Tavoyer  fut  tué,  mais  Ten- 
nemi ,  chassé. 

Le  concile ,  l'évêque  de  Baie  et  les  villes  de  la  Haute- 
Allemagne  tinrent  une  assemblée  à  Constance  pour 
négocier  une  médiation  *^^.  Le  margrave  Guillaume  ^ 
bailli  autrichien  9  remonta  jusqu'aux  temps  antérieurs 
à  Guillaume  Tell ,  et  rappela  que  de  toute  ancien- 
neté Habsbourg  avait  possédé  autour  de  son  château 
le  territoire  de  TEigen,  qu'ensuite  le  roi  Rodolphe 
hérita  dans  Unterwalden,  Zoug  et  Schwyz  des  domai- 
nes de  Lenzbourg  et  de  Kibourg,  que  ses  fils  achetè- 
rent les  droits  de  Tabbé  de  M urbach  sur  Lucerne  *,  et 
que  sa  maison  acquit  de  la  famille  de  Seckingen  la- 
vouerie  de  Glaris  ;  le  bailli  redemanda  tous  ces  biens 
avec  un  dédommagement  pour  la  longue  interruption 
de  leur  possession.  Cependant  rAutriche  se  serait  à  la 
fin  contentée  de  TArgovie;  mais  la  Suisse  ne  voulut 
pas  acheter  la  paix  au  prix  d'un  poucç  de  terrain  ni 
d'un  florin  d'indemnité.  Car  Schwyz  et  Glaris  cernaient 
si  étroitement  Rapperschwyl ,  que  malgré  sa  position 
sur  le  lac  et  la  proximité  de  Zurich,  éloigné  de  quelques 

M9   •  Courage  et  joie  !  courage  !  Tsciuuktlqn, 
*^^  En  novembre ,  voy.  T$ekudi 
'  T.  11.171.  C.  M. 


LIVRB   IV.    CHAP.    H.  135 

milles  seulement ,  on  ne  put  ni  débloquer  ni  approTÎ* 
sionner  cette  place;  les  chats  et  les  chevaux  y  devinrent 
des  alimens  délicats  ;  des  enfans  moururent  de  faim  ^^^ 
Le  duc  Albert  secourut  les  assiégés  avec  cette  énergie 
innée ,  féconde  en  ressources  extraordinaires ,  qu'il  sa- 
vait se  procurer  à  force  de  peines  et  d'argent.  Contre 
son  gré,  sans  doute,  on  avait  négocié  un  armistice*^; 
chaque  parti  devait  déposer  entre  les  mains  de  l'évèque 
de  Bàle  une  charte  d'acceptation.  Le  duc  prescrivit  à 
son  représentant  de  ne  point  remettre  la  charte  au- 
trichienne avant  la  remise  de  celle  des  Suisses  ,  et  de  ne 
pas  attendre  cellen^i  bien  long-temps;  il  paraissait  pro- 
bable que  l'obligation  de  la  faire  circuler  dans  toutes 
les  villes  et  tous  les  cantons  pour  l'apposition  des  sceaux 
causerait  un  retard.  Le  député  ducal  arriva  peu  avant 
le  député  suisse  ^^^  ;  il  retourna  sur  ses  pas ,  et  rien  ne 
fut  fait.  Le  mén^e  jour,  tandis  qu'en  Suisse  on  croyait 
l'armistice  conclu  ^'^,  près  de  Meila  sur  les  bords  du 
lac  de  Zurich ,  partirent  de  deux  barques  qu'on  voyait 
pour  la  première  fois  quatre  cents  coups  de  feu ,  et 
dans  le  district  de  Gruningen ,  occupé  par  les  Suisses , 
une  flamme  formidable  montait  vers  le  ciel  '^^.  Les 
barques,  construites  à  Brégenz,  étaient  venues  par  le 
lac  dé  Constance  et  le  Rhin  à  Diessenhofen ,  d'où  on 
les  avait  transportées  h  Zurich  sur  des  chariots  à  tra- 
vers un  espace  de  plus  de  huit  lieues  de  chemin  ;  à 
Zurich  elles  fqrent  lancées.  Elles  portèrent  des  vivres 


>*>  Tichacialan  ;  AnwyL 
*>s  Do  25  novembre  ikiik  au  24  juin  ikk^, 
'^*  TêehaeklloM, 

***  Aom  tous  les  cantons  ,  excepté  Schwyz ,  élaionl-ils  rclournC-s  chez 
tnx.  Têchudi, 

"*   t  Le  ciel  et  la  Icrrc  n'offraient  qnc  fou  et  fumée.  •  ïd. 


136  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

à  Rappersdhwyl;  le  duc  et  le  margrave  de  Brandebourç 
protégèrent  par  terre  rapprovisionnement.  Bourgeois , 
mercenaires ,  cavaliers  ^^^,  tout  fut  restauré  ;  l'habitant 
de  la  campagne,  partisan  des  Suisses,  ressentit  la  co- 
lère des  ennemis  ;  ceux-ci  échappèrent  à  la  levée  en 
masse. 

Au  milieu  d'entretiens  divers  sur  la  perfidie  ou  la 
ruse  du  duc  Albert  ^^"^^  les  Glaronnais  rentrèrent  avec 
leur  bannière,  à  la  nuit  close,  dans  le  chef-lieu  de 
leur  canton  ;  ils  soupérent.  Avant  l'heure  du  repos , 
il  vint  de  Sargans,  de  Brandis ,  de  la  part  des  seigneurs 
qu'ils  avaient  protégés  ^  ménagés ,  souvent  traités  avec 
indulgence,  des  déclarations  de  guerre.  Après  un  court 
sommeil  5  ils  repartirent  pour  couvrir  Walenstadt  ^ 
boulevard  du  lac  à  l'entrée  de  leurs  vallées*  A  peine 
passaient-ils  la  frontière  qu'ils  virent  accourir  en 
fuyant  tous  les  chefs  du  peuple  de  Sargans,  punis 
d'avoir  voulu  concilier  équitablement  sa  liberté  avec 
les  droits  de  son  seigneur  ^^^.  Dès  la  première  pointe 
du  jour,  alors  qu'aucun  paysan  ne  songeait  à  des  hos- 
tilités, le  sire  Wolfhard  de  Brandis  avec  six  mille 
guerriers  rassemblés  dans  le  Yorarlberg  et  dans  les 
seigneuries  rhétiennes  ^^^,  avait  passé  le  Rhin ,  avec  le 


*^  Il  s'y  trouvait  8,050  personnes,  entr'antres  Jean  Waldner  ,  Henri 
de  Hûnenbei^ ,  40  cavaliers,  12^  fantassÎDs mercenaires ,  20  émigrés  de 
Bremgarten. 

i>7  D'un  côté ,  le  messager  des  Confédérés  arriva  deux  jours  trop  tard, 
et  si  ce  retard  était  inévitable  les  Suisses  auraient  dû  l'annoncer  d'avan- 
ce ;  de  l'autre ,  le  duc  les  attaqua  par  surprise ,  sans  déclarer  selon  la 
convention  qu'il  ne  voulait  plus  observer  l'armistice. 

'*•  Les  principaux  de  ces  patriotes  étaient  George  Locher  et  Werner 
Kessler  de  Ragaz ,  Conrad  Meili  de  Flnms.  Tschudi. 

*^'  Dans  ses  domaines  provenus  delà  maison  de  Werdcnborg ,  el  dans 


LIVRE    IV.    CHAP.    II.  137 

comte ,  et  remonté  le  pays  de  Sargans  sans  résistance^ 
au  milieu  de  la  stupéfaction  générale  ;  déjà  ils  étaient 
â  Walenstadt.  Us  occupèrent  villes ^  villages  et  défilés, 
Glaris  se  posta  près  de  la  frontière ,  à  Quarten  et  à 
Wésen ,  convaincu  maintenant  que  sans  égalité  lami* 
lié  est  impossible  ^^^.  L'orgueil  des  grands  dédaigne  le 
dévouement  des  petits^  qui  lui  semble  une  obligation; 
pour  lui  j  il  se  croit  supérieur  au  devoir  de  la  récipro- 
cité, 

La  guerre  prit  une  tournure  très-fâcheuse  :  crai- 
gnant le  bonheur  et  le  courage  des  Suisses ,  on  évitait 
les  rencontres  décisives;  deâ  escarmouches  aigrissaient 
les  esprits  et  inquiétaient  les  frontières  sans  utilité.  Les 
pertes  des  Confédérés ,  exagérées  par  les  relations  des 
ennemis ^^^ y  étaient  sans  conséquence;  bien  plus^  le 
marché  de  Zurich  fermé  et  les  dispositions  hostiles  de 
la  Souabe  ne  firent  pas  même  hausser  les  prix  ^^^  ;  on 
cultiva  mieux  le  sol  suisse ,  on  profita  des  moyens  de 
communication  avec  lltalie.  Les  Autrichiens  et  les  sei- 
gneurs^ contenus  par  les  souvenirs  de  Morgarten  et  de 
Naefels^  n'osaient  approcher  des  frontières;  Jes  Confé- 
dérés ,  tous  guerriers^  n'hésitaient  pas  à  s'avancer  bien 
au-delà  du  Rhin  pour  châtier  une  perfide  ingratitude. 

En  punition  de  l'expédition  de  Brandis ,  près  de  qua- 

i 

ceux  qn'il  possédait  à  Davos  et  dans  le  Domleschg ,  dans  ses^ propriétés 
ï  Hayenfeld  et  celles  de  ses  partisans  à  Goire  même. 
***   Tsehacktlan  :  >  On  peut  reconnaître  par  là  qu'il  vaut  mieux  laisser 

•  aller  les  bourgeois  étrangers  et  les  nobles  de  la  campagne  et  qu'on  ne 

•  peut  guère  se  Ger  à  eux.  » 

"*  Tschudi  :  ■  Ce  fut  la  coutume  des  ennemis  durant  cette  guerre, 
»  quand  ils  tuaient  cinq  hommes ,  d'écrire  dix  ;  cela  ne  leur  procura  ni 

•  honneur  ni  profit.  » 

^'*  Tsckudi,  n  ,  4&i,  ^48,  fait  voir  combien  on  vivait  à  bon  compte 
à  Lnceme  et  à  Bâlc. 


138  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

tre  mille  hommes,  qui,  au  cœur  de  rhiver  *^^,  se  réu- 
nirent en  hâte  sous  les  bannières  *^S  firent  tomber  leur 
colère  sur  Rankwyl ,  marché  d'Empire ,  et  sur  les 
beaux  villages  et  manoirs  situés  entre  Feldkirch  et  le 
lac;  le  feu,  le  fer,  les  contributions  *^*  les  vengèrent; 
ils  montèrent  plus  haut ,  réduisirent  en  cendres  Bal- 
zers,  château  de  Brandis,  repassèrent  subitement  le 
Rhin  y  parurent  au  pied  des  remparts  qui  protégeaient 
la  ville  de  Sargans,  les  franchirent,  précédés  par  k 
terreur,  et  arrivèrent  devant  la  ville  où  le  comte  avec 
six  cents  lansquenets  semblait  défendu  par  de  fortes 
murailles  contre  une  troupe  sans  artillerie  et  sans 
échelles.  Celle-ci ,  furieuse,  donna  énergiquement  Tas- 
saut;  les  habitans  tirèrent  sur  elle*^^.  Soudain  les  Suis- 
ses pénétrèrent  de  tous  côtés  dans  la  ville.  L'infidèle 
comte  s'enfuit;  sur  ses  pas  ses  conseillers ,  les  merce- 
naires ,  les  partisans  des  seigneurs  se  jetèrent  dans  le 
château.  Les  Confédérés  occupèrent  la  petite  ville  jusr 
qu'à  ce  que  les  provisions  fussent  consommées  ;  puis 
ils  y  mirent  le  feu  ;  la  flamme  éclaira  les  prisonniers 
voloptaires  du  château  sur  la  folie  de  leurs  desseins. 
Fer,  acier  ^^*',  meubles, 'troupeaux,  ils  emmenèrent 
un  riche  butin,  traversèrent  le  pays  sans  inquiétude , 
quoique  les  Autrichiens  occupassent  Walenstadt,  frap- 
pèrent de  contributions  les  complices  de  la  perfidie  '^^ 

4 

*"  Le  51  janvier  1445. 

"*  Tschudi  :  «  Ils  courorcnt  l'on  9près  Tautre.  • 

**^  Toreabûren  et  quatre  antres  villages  pay&rent$,^0  florins.  ïd. 

'*^  Quarante  blessés  dont  deux  moururent. 

"^  On  exploitait  une  mine  de  fer  à  (3onien ,  pcès  de  Sargans ,  et  l'on 
y  Tabriquaif  d'excellent  acier.  Feui,  Géogr.  III,  SI  7. 

***  Ils  frapp&rcnt  Meils  et  Flums  chacun  d'une  eontribnlion  de  1,000 
florins. 


XIVRE    IV.    ClIAP.    II,  139 

et  renlrérent  intacts  dan&  leurs  foyers,  victorieux  a 
force  d'héroïsme  ^  ^^. 

Ces  exploits  des  Suisses  animèrent  les  citoyens  de 
Baie ,  irrités  d'être  spectateursi  inactifs  d'une  guerre  de 
la  liberté  contre  l'oppression.  Deux  choses  firent  pren- 
dre le  dessus  au  parti  populaire.  Premièrement,  le  con- 
seil, dirigé  surtout  par  les  chevaliers  et  les  familles 
notables  soumises  à  leur  influence,  dut  consentir  à  ne 
pas  déléguer  sans  la  volonté  des  six  représentans  de  cha* 
qiie  tribu  ^*^  des  députés  à  une  diète  où  l'évêque  et  d'au- 
tres seigneurs  pourraient^  par  leur  ruse,  détourner  Baie 
de  la  cause  des  Confédérés  ^^^  En  second  lieu,  le  conseil 
ayant  été  convoqué  au  sujet  de  placards  dans  lesquels 
on  accusait  les  magistrats  nobles  de  sentimens  peu  ci- 
Tiques,  les  sixeniers  firent  décider  que  dans  les  affai- 
res du  temps  présent  les  vassaux  de  l'Autriche  et  des 
antres  seigneuries  seraient  exclus  des  délibérations 
s'ils  ne  renonçaient  pas  à  leurs  fiefs *^^.  Cette  disposi- 
tion si  naturelle,  depuis  long-temps  adoptée  ailleurs  ^^^, 
affligea  les  de  Bœrenhourg^  de  Rotberg,  d'Offenbourg 
et  d'autres  familles  ^^^ ,  qui  dès  les  temps  anciens 

'"  Tichûdi  t  «  Ils  ne  reçarent  de  secours  que  dé  Diea ,  de  leor  force 
>  et  de  lenr  mâle  témérilé.  • 

^^  Nommés  les  Sixeniers. 

**i  iruntUen,àit. 

'*^  Id.  AiS.  Cela  eut  lieu  le  7  avril  iààS,  Il  faut  soignensenvïnt  dis- 
tinguer celte  mesure  de  rexclnsion  totale  des  familles  nobles  par  suite 
do  décret  n.  159  ;  la  première  ne  subsista  pas  même  huit  mois. 

'^*  An  troisième  siècle,  long-temps  avant  la  «  Serratura  del  con&ejo,  • 
OB  eidut  à  Veiiife  tous  les  vassaux  de  Chypre  des  délibérations  sur  les 
aifaires  de  ce  royaume  ;  une  mesure  analogue  alLeignit  bientôt  les  vas- 
Mox  des  seigneoTS  de  la  terre  ferme ,  dans  le  Ferrarais  et  la  Marche  de 
Trévise. 

***  SQrlin,  Krman,  de  Laafen,  de  Hégenheim,  d'j&fringen ,  Walten- 
^eim ,  Frôwler.  PVurMtiten, 


^^0  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

avaient  bien  mérité  de  la  ville  en  paix  et  en  guerre  >*^ 
Mais  ils  ne  sacrifièrent  pas  la  patrie  à  l'esprit  de  parti. 
Ils  montrèrent  ainsi  leur  âme,  non  sans  succès  **^ 

Dés  que  le  dauphin  eut  commencé  sa  retraite ,  les 
bourgeois  de  Baie ,  sous  leur  bourgmestre  populaire  ^*^ 
le  chevalier  Jean  Rot ,  entreprirent  des  expéditions 
contre  les  châteaux  et  les  gens  des  nobles  du  voisinage, 
qui,  sans  égard  pour  les  relations  d'amitié,  avaient 
pris  parti  pour  les  ennemis  contre  le  peuple.  Eptingen 
et  Flachsland  ,  adversaires  de  la  bourgeoisie ,  l'actif 
chevalier  de  Môrsberg,  l'infidèle  comte  Jean  de  Thièr^ 
stein,  à  peine  délivrés  du  joug  de  leurs  amis  les  Arma- 
gnacs, sans  union,  sans  appui,  ne  purent  résister  aux 
milices  de  la  bourgeoisie,  nombreuses,  belliqueuses, 
unies  ^^«,  bien  disciplinées ^^^ fleurs  sujets  aussi  étaient 
peuple  ^^0^  Contre  cette  disposition  des  esprits  nul  ma- 
noir n'avait  des  murs  assez  forts  ^^^  On  voulait  pren- 
dre la  ville  par  la  famine ,  mais  elle  s'approvisionnait 
à  l'aide  de  ses  armes  '^2.  Les  succès  de  la  noblesse  n'é- 
taient qu'une  vengeance  irritante  ^^^  ;  les  gentilshom- 
mes qu'elle  haïssait  parce  qu'ils  ne  faisaient  pas  caus^ 

"«^Discours  da  triboa  André  Ospernelle ,  8  avriL  IM. 
*"  Ci-dessous  n.  22*. 

"'  Ce  qui  le  prouve,  c'est  que  les  ennemis  lui  incendièrent  Brtbach, 
que  Froberg  lui  avait  hypothéqué.  fVuvstUen, 

*"  Serment  de  tous  les  bourgeois ,  chevalière,  huiteniere,  habitans  et 
valets;  15  avril. 

"•  Institution  d'un  conseil  de  la  guerre  de  XHI;  AS  mai. 

"®  C'est  pour  cela  que  les  ennemis  se  vengèrent  des  pajsans  de 
Xhierslein.  =  Pour  résister  au  conquérant,  il  faut  nationaliser  la  guerre. 
D.  L.  H. 

*"  En  six  semaines  on  emporta  Blotïheim  ,  Pfenningen ,  Thierslcln , 
Diemenach  et  VValtighofen. 
*"  lie  3  de  mai,  près  de;Pflrt,  Oltingen  et  Allkircb. 
*"  Oltmarsheim  l'éprouva. 


LIVRE    IV.    CHAP.    II.  141 

commune  ave<x  elle ,  plus  heureux  ,  adoucissaient  les 
calaJmités  *^^.^;Sou8  les  yeux  de  la  garnison  de  son  châ- 
teau ,  la  ville  de  Rheinfelden  fit  avec  les  Bâlois  une  al- 
liance pour  dix  ans^**.  Ainsi  la  situation  empirait  cha- 
que jour;  néanmoins  la  noblesse  conservait  l'espérance 
qu'à  la  fin  les  choses  changeraient. 

Lorsque,  selon  Tancienne  coutume,  le  conseil  sor- 
tant de  charge  dut  être  remplacé  *^®,  délégués  du  cha- 
pitre, chevaliers  et  nobles  furent  constitutionnellement 
convoqués  pour  les  élections •  L'amour  de  la  justice 
était  si  puissant  alors  que  l'on  ne  condamnait  personne 
à  cause  de  son  nom  et  que  Ton  n'imposait  jamais  per- 
sonne au-delà  de  ce  qu'exigeait  le  bien  public.  Ce  mé- 
lange de  justice  et  de  modération  donnait  une  base  so- 
lide aux  constitutions  suisses.  Les  mécontens  convo- 
qués s'abstinrent  d'abord;  toutefois,  craignant  de  per- 
dre leurs  droits,  ils  prirent  part  aux  élections.  Avec 
leur  coopération  on  élut  bourgmestre  Arnold  de  Rot- 
berg ,  chevalier  ;  on  lui  associa  deux  autres  chevaliers 
et  huit  membres  de  la  tribu  des  notables  ^^'^  ;  les  tribus 
nommèrent  leurs  maîtres  et ,  à  la  recommandation  de 
l'évoque  ,  Éberhard  de  Hiltalingen  comme  chef  des 
tribuns ,  pour  diriger  et  défendre  les  intérêts  du  peu- 
ple ^^^*  Le  nouveau  conseil  confirma  l'exclusion  des 
nobles  de  toute  délibération  relative  à  la  guerre.  Ils 
demandèrent  alors  et  obtinrent  d'être  relevés  du  ser- 
ment des  conseillers  qu'ils  estimaient  ne  pouvoir  pas 
remplir.  Mais  le  Grand  Conseil  les  obligea  de  recon- 

"*  Ainsi  Rodolphe  et  Henri  de  Ramsleln. 

"*  fVursiisen,  1.  C. 

"•  Le  dimanche  avant  St.  Jean-Bapt.  =  Ochi,  III,  445  ctsuiv.  G.  M. 

"'  Des  chambres  (cercles,  clubs). 

*^*  Vov.  Nouv,  Musée  suisse,,  II,  939  cl  suiv. 


142  UISTOIEE  DE   LA  SUISSE. 

nattre  *^^  là  priorilé  du  serment  civique  sur  les  obliga^ 
lions  féodales  et  sur  les  combourgeoisies étrangères;  ils 
ne  refusèrent  pas  d'avancer  à  la  ville ,  comme  lés  autres 
citoyens  ecclésiastiques  et  laïques  ^  une  part  propor- 
tionnelle de  leur  revenu.  En  Suisse  on  n'a  jamais  admis 
qu'on  dût  exempter  des  charges  communes  ceux  qui 
peuvent  les  supporter  le  plus  aisément  "". 

Une  décision  tolennelle  du  bourgmestre  et  des  deux 
conseils  ^^^  exclut  à  perpétuité  des  droits  civiques  >  des 
élections  et  du  domicile  ^^^  dans  les  murs  dé  Baie  les 
seigneurs  9  les  chevaliers  et  les  vassaux  qui  ^  après  avoir 
attiré  les  Armagnacs  dans  cette  contrée,  les  avaient 
soutenus  de  leurs  avis  et  de  leurs  secours  conti^  la 
ville  et  les  Confédérés.  Cette  sentence,  prononcée  après 
mûr  examen  '^^^  frappa  des  seigneurs  inquiétans  ou 
redoutables  par  eux-mêmes ,  par  leurs  relations  et  leur 
voisinage  ^^^,  mais  qli^on  ne  craignait  pas;  elle  n*attei- 

*^^  AsBcmblée  le  25  juin,  dans  fVuniUen. 

*  11  existait  quelque  chose  de  pire ,  c'est  que  toutes  les  places ,  tous 
les  emplois  lucratifs ,  les  rerenus  entiers  des  gouvememens  étaient  à  U 
disposition  exclusive  de  quelques  centaines  de  familles  patriciennes,  qui 
traitaient  la  nation  en  sujette  et  l'excliiaient  de  toute  participation  au 
affaires.  D.L.  II. 

^**  Le  bourgmestre  et  le  conseil  avec  les  anciens  et  nouveaux  Sixeuiers 
de  toutes  les  tribus.  CA.  mercredi,  veille  de  Mar.  Madel.  i4â5;  dans 
Tuhudi,  II,  440  et  suiv.  et  dans  fVwntUem,  418  et  soin  Voy.  ci-après 
cbap.  V ,  vers  la  fin. 

"^  «  Si  quelqu'un  d'eux  vient  dans  botre  ville  à  pied  ou  à  cheval  \  il 
>  devra  loger  et  manger  dans  les  auberges  et  nulle  part  ailleurs.  • 

'**  WwrttUtn  n'est  pas  le  seul  qui  parle  des  actes  de  cette  enquête  ; 
plusieurs  ont  été  rassemblés  par  Bruknw  :  Sentence  dans  l'affaire  ée 
Conrad  d'Eptingen  d  PratteUn  1447;  Sentence  dam  Caffaire.de  Tkiébeti 
de  Dachsfelden ,  vers  la  Toussaint ,  1447  ,  et  d'autres  encore. 

**'  Dans  ce  nombre  sont  le  margrave  Guillaume  ,  bailli  de  rÂutricbc 
antérieure  ;  le  comte  Jean  de  Thierstein  ;  le  gentilhomme  Jacques,  comte 
de  Llktxelslein  ;  le  sire  de  Géroldsek  &  Wecbsichcn  ;  les  fiiTes  Falkens* 


LIVRÉ    IV.    CiJAt'.    II.  li«1 

gnit  personaellement  aucun  innocent  ^^  ;  on  n'avait 
point  de  haine  pour  les  famillea  et  les  noms  :  ainsi ,  au 
miiieti  de  Texaspération  générale^  le  courage,  dirigé  par 
Téquité  et  par  l'intelligence ,  ne  se  laissa  jamais  entrai* 
ner  à  une  injustice  par  les  passions.  Les  chevaliers  et 
les  familles  qui  s'abstinrent  de  la  lutte  contre  Topinion 
publique  n'eurent  point  à  souffirir..  Jean  de  l^ren- 
fels  ^^  ne  se  ressentit  point  de  la  déchéance  prononcée 
GCMitre  Adalbert  ;  malgré  la  réputation  équivoque  de 
Henri  de  Ramstein  ^^  et  Texécution  méritée  du  bâ- 
tard de  Ramstein  ^^y  la  sagesse  impartiale  de  Rodolphe 
dans  les  arbitrages  ne  cessa  pas  d'inspirer  de  la  con- 
fiance  ^^.  Rodolphe  de  Ramstein^  dernier  baron  de  ce 
nom  ^^'>  pacifiqiie  à  raison  de  sa  connaissance  des  hom- 

tdn  ;  Gaillaame  de  Grflnenberg ,  possesseur  du  château  de  Ilfaeiafelden  s 
Pierre  de  M ôrsberg ,  percepteur  de  TAutricbe  antérieure  ,  seigneur 
bjpothécairc  dans  le  Sundgaa ,  homme  d'affaires,  et  son  frère  Conrad  ; 
Lazare  d'Andelo  (Andlau);  Jean  de  Rechbci*g;  Guillaume  de  Slaufen, 
lieatenanl  dn  bailliage  autrichien  ;  Blumenek ,  Monstral ,  Oberkirch  , 
Waldner ,  ^tingen ,  Mônch  ;  ThOring  de  Uallwyl ,  pbre  et  fils  ;  Lonia 
Heyer,  le  vaillant  guerrier  et  son  frère  Jean  ;  ces  hommes  étaient  lea 
plus  considérés  en  pai^  et  en  guerre. 

'**  Non  Conrad  dont  nous  avons  parlé ,  mais  G5tz  Henri  et  Heit- 
inann  dHEpdngen. 
Hs  Bottigmestre  en  1459. 

***  Charte  du  mwrgraoe,  Villingen ,  samedi  avant  la  Chandeleur  ikk^i 
on  accuse  injustement  le  noble  chevalier;  il  n'a  fait  que  ce  que  lui 
oat  ordonné  les  gens  d'affaires ,  les  conseillers  et  les  baillis  de  l'Autri- 
che. Il  est  au  nombre  des  bannb.  liais  en  i4âS  il  reparaît  comme 
arbitre.  Brukner ,  iS&S. 

w  Ci-dessous  n.  22S. 

>**  C'est  de  lui  qu'est  le  prononcé  pour  Dachafelden  et  beaucoup 
(Tantres. 

***  Les  Ramstein  soivans  étaient  écuvers.  BruknT» 


144  HIStOlRE   DB    LA    SUISSE. 

mes  ^'^,  )>lus  disposé  à  jouir  du  inonde  *''*  qu'à  le  trou- 
bler, mourut  sans  voir  les  désordres  de  ses  filles  ^^^. 

Depuis  Bâle,  l'Alsace  et  TAutriche  antérieure  jusque 
dans  le  Frikthal  et  en  Argovîe,  aux  frontières  suisses, 
sur  le  lac  de  Zurich,  prés  du  pays  de  Glaris,  dans  le 
Tokenbourg ,  sur  le  territoire  saint-gallois ,  en  Thur- 
govie ,  dans  TAppenzell ,  durant  de  longues  et  infruc- 
tueuses négociations ,  la  guerre  se  poursuivit  avec  une 
irritation  croissante;  sur  les  frontières  du  pays  ro- 
mand ,  elle  amena  la  discorde  entre  la  Savoie,  Fribourg 
et  Berne.  Suivons,  au  milieu  de  ces  troubles,  les  évé- 
nemens  de  chaque  contrée. 

Louis  ayant  conclu  la  paix  à  Einsisheim  avec  la 
Suisse ,  à  Trêves  avec  l'Empire  ^'^^y  les  hordes  des  Ar- 
magnacs sortirent  du  pays  après  beaucoup  d'actions 
barbares  *'^*  et  de  pertes  considérables  *''^.  Aussitôt 

^'^  Il  s'était  rendu  de  Zurich  vers  les  CÎODfédérés  pour  lenter  une  ré- 
conciliation. 

*'^  U  faisait  ménage  avec  une  femme  désordonnée  qu'il  avait  trouvée 
dans  une  maison  publique  ;  en  revanche  sa  femme  était  auprès  du  comte 
de  Saarwerden.  Haffner.  Bernard  de  Gilgenberg,  conseiller  impérial, 
était  son  bMard;  on  présume  que  Jean  Immer  de  Gilgenberg,  cheva- 
lier, bourgmestre  de  Bàle  ,  Tétait  aussi.  Brukner,  184S  et  suiv. 

^^^  Anne  et  sa  sœur  s'enfuirent  du  chàleau  de  Zwingen  avec  des  sujets 
de  leur  père  et  beaucoup  de  vaisselle.  Leurs  amans  furent  pris  et  mis  à 
mort  ;  on  enferma  les  demoiselles  à  Famsbourg.  Anne  entra  dans  an 
couvent  de  Bàle ,  où  elle  mourut  55  ans  après  celte  aventure.  Il  n'est 
plus  fait  menlion  du  père  ;  Ursule  de  Géroldsek ,  su  veuve,  vivait  encore 
en  1460.  Brukner, 

*"  n.  T.  Muller,  Théâtre  sous  Fréd.  F,  p.  271  et  suiv. 

'^*  A  la  fin  ils  clouèrent  dés  gens  aux  parois  par  les  mains  et  les 
pieds ,  et  brûlèrent  plusieurs  centaines  de  personnes.  Schilier,  i0i9. 

^^^  Surtout  près  de  Sainte-Croix.  16.  1018.  Les  Alsaciens  leur  repri- 
rent là  une  bannière  enlevée  aux  Suisses  près  de  St.  -Jacques.  Les  Fran- 
çais évaluèrent  leur  propre  perte  en  tout  à  10,000  hommes.  HœterUn, 
Hist,  de  t'Empire  [Bcicitshistorie)  VI,  184. 


UVRB  IV.   CHAP.   II.  445 

r^iatriche  antérieure  fut  sotamée  "*  de  marcher  contre 
Baie  et  contre  les  Suisses  y  non  moins  odieux  que  ces 
étrangers"''.  Pierre  de  Môrsberg  commença  les  hosti- 
lités "*.  Elles  devinrent  fatales  non-seulement  aux 
paysans  relevant  de  Famsbourg  ou  du  château  de 
Rheinfelden  "^  mais  aux  châteaux  mêmes  des  comtes 
et  des  seigneurs.  La  guerre  que  le  margrave  fit  au  nom 
de  la  maison  d'Autriche  envahit  son  propre  pays  ^^^  ; 
jusque  près  de  Fribourg  la  population  surprise  ne  fit 
aucune  résistance.  En  vain  Ton  offrit  de  l'argent  en 
expiation  des  outrages  ^^^  ;  contre  des  ennemis  armés 
d'excellentes  arquebuses  ^^  et  guidés  par  la  prudence, 

*'*  Orért  de  Sigismond  de  fVtiubriach  et  de  ThQring  de  HaHwyl ,  15 
mirs  1445  ;  dans  VHi$ioirê  des  Etais  de  l'Autriche  OMtériemre,  U,  I7d. 

*^  Exemple  dans  Sckilter,  1017.  Un  d'eax  fit  prisonnier  on  Soiise, 
qni  savair aussi  peu  le  français  qae  l'Annagnac  l'allemand;  un  haut 
Alsacien  sonrint  qui  parlait  Tun  et  Taatre.  L'étranger  exigea  da  Suisse 
cent  couronnes;  celui-ci ,  fort  content  »  aurait  même  donné  davantage. 
L'Annagnac  demanda  à  l'Alsacien  ce  qu'il  disait  Réponse  :  «H  ne  veut 
pas  donner  un  sou.  »  Aussitôt  l'Armagnac  le  tua.  Interrogé  pourquoi  il 
n'avait  pas  dit  la  vérité ,  l'Alsacien  répondit  :  t  Parce  que  je  voulais  que 
le  Suisse  perdit  la  vie ,  et  le  Français  l'argent.  » 

*'*  Ibid.  et  dans  Brulcner,  Il  incendia  les  bains  de  BÎDniqgen  et 
Bottmingen. 

«^  Tsehudi,  II,  448. 

***  Hcff.  des  Etais  de  l* Autriche  antérieure,  1.  c. 

<>«  On  refusa  mille  florins  pour  sauver  deux  villages  qui  furent  dévas- 
tés, parce  que  les  habitans  avaient  appelé  les  Confédérés  «  écorchenrs 
»  de  vaches.  •  fVurstisen,  420.  . 

fttt  La  «  CouUvrine  de  la  grêle  avait  neuf  canons  sur  son  aflïït  ;  elle 
«  tua  un  porte-enseigne  et  cinq  hommes.  •  Ibid,  =  Dans  l'origine  cha- 
que pièce  d'artillerie  avait  son  nom;  les  vieilles  chansons  suisses  compo- 
sées à  l'occasion  de  batailles  nous  font  connaître  beaucoup  de  ces  noms 
significatifs.  En  France  aussi  nous  trouvons  le  b^'ise^mar,  le  passe-mur, 
ItrégeilU-'matin,  le  dragon-volant ,  V aspic,  etc.  Voy.  Encyclopédie»  G.  M. 
VI.  lo 


146  HISTOIRB    DE   LA   SUISSE. 

la  ruse  ne  servit  de  rien  ^^^;  en  vain  Bœrenfels^  dans 
son  manoir  d'Oetlikon  ^^^,  invoqua  le  souvenir  de  son 
cousin  ^^^,  général  des  Bàlois. 

La  guerre  se  porta  vers  Rheinfelden^  ville  située  sur 
la  rive  gauche  du  Rhin,  à  trois  lieues  de  Baie.  Du 
milieu  du  fleuve  s'élève  un  roc  autour  duquel  il  roule^ 
à  travers  une  contrée  sauvage ,  des  flots  écumeux  et 
incessamment  brisés  ^^^.  Sur  le  roc  se  voyait  le  châ- 
teau fort  ;  la  ville  était  hypothéquée  à  l'Autriche  par 
TEmpire  ^^'^,  le  château ,  à  Grûnenherg  par  la  mai- 
son d'Autriche.  Une  garnison  considérable  le  proté- 
geait. La  ville,  animée  d'un  esprit  civique  et  suisse, 
fut  assaillie  par  Jean  .  de  Falkenstein  ^^^  à  la  tète  de 
cinq  cents  hommes  ^®*,  et  défendue  avec  peine  ^^, 
parce  que  la  bourgeoisie,  peu  nombreuse,  était  de 
toutes  parts  et  jusqu'aux  portes  environnée  d'ennemis. 
Baie  envoya  donc  quatorze  chariots  chargés  de  ma- 
chines ^^'  pour  balayer  les  créneaut  du  château,  et,  de 


***  Les  ennemis  envoyèrent  un  incendiaire  pour  mettre  le  feu  aux 
quartiers;  il  fut  décapité.  Ibid. 

***  •  Âdalbert  de  Baerenfels  .  en  descendant  des  crénsnix ,  avait 
»  beuglé  contre  eux.  »  Ibid, 

**^  Arnold  de  Baerenfels,  chevalier,  Ibid.  419. 

***  Cette  partie  du  fleuve  s'appelle  le  lieu  sauvage^  Biêeking. 

«•'  T.  II,a91,î9î. 

«**  Le  11  juillet.  Tuhuài,  II ,  451. 

i»«  yrurstUen,  ài7. 

**<  Les  bourgeois  firent 'des  pertes. 

***  On  peut  voir  la  représentation  d'une  de  ces  machines  dans  fTarf' 
iisen,  422*  =3  On  en  trouve  une  autre  dans  la  chronique  manuscrite  de 
Tichaehtlan,  qui  appartient  à  la  bibliothèque  de  Berne.  Celle  de  Wnr»- 
tisen  a  été  reproduite ,  ainsi  qu'une  autre  du  temps  de  la  guerre  de 
Bourgogne  dans  la  feuille  IV  des  Eaquiêsei  annexées  à  \*Hisloir$  de  Cart 
miliu  chet  Us  Bernois  par  M.  de  Bodi;  il  en  donne  la  description  dans  le 
texte,  I.  î,  74  et  75.  C.  M. 


LITRK    IV.    CHAP.    II.  447 

concert  avec  Berne  et  Soleure,  une  garnison  ^®^,  at- 
tendu que  cette  ville  était  un  boulevard  de  TArgovie. 
Afin  de  rendre  plus  difficile  l'approvisionnement  et 
l'arrivée  des  secours  ^^^,  on  rompit  avec  des  catapul- 
4es  '^*  le  pont  suspendu  entre  le  fort  et  la  rive  alle- 
mande. Il  ne  resta  qu'une  périlleuse  communication 
aérienne  :  du  château  à  la  tour  de  la  rive  .droite  on 
avait  tendu  des  cordes  ^  le  long  desquelles  on  faisait 
glisser  un  pétrin  rempli  de  provisions  ^^^.  Mais  ta  ma- 
chine de  l'ingénieur  Stuber  soulevait  sans  peine  des 
pierres  tumulaires  et  d'autres  objets  lourds  qu'elle  lan- 
çait avec  force  contre  le  château  ;  elle  y  fit  des  brèches  ; 
on  le  jugea  incapable  •  de  tenir.  Le  duc  Albert ,  à  la 
tète  d'une  grande  partie  des  troupes  de  T Autriche  an- 
térieure^ soutenu  par  beaucoup  de  seigneurs  et  par 
leur  cavalerie,  entreprit  d'éloigner  les  assiégeans  '^. 
Mais  leur  artillerie  joua  par-dessus  le  Rhin  contre  son 
camp  d'«ne  manière  si  formidable,  qu'il  abandonna 
ridée  de  débloquer  le  château  ^^.  Comme  celui-ci 
croulait,  Ulrich  Schûtz^  réduit  aux  abois,  demanda 
une  suspension  d'armes  d'une  demi-heure ,  et  par  trois 

'"^  1,100  hommes.  fVttrâtUen,  417.  Le  nombre  des  assiégeans  fat 
poité  ensuite  à  plus  de  il, 500.  fVuntisen,  42S. 

"*  On  recneillit  à  Bftle  lïsilron  es  de  sapins  emmenés  par  le  Rhin, 
419. 
*^  Lia  machine  fnt  deax  fois  détniite. 

***  WtontUtn  ,  423  ;  Etterlin  aussi ,  175  ;  «  singuliei^  appareil  J  » 
ijonte-t-il. 

***  Il  avait ,  selon  T$ehudi,  1500  chevaux  et  500  fantassins  ;  SAlon 
fVuniUen ,  4000  hommes  pour  les  deux  armes.  La  tentative  eut  lieu 
dans  les  premiers  jours  de  septembre. 

^*^  La  maison  de  campagne  de  Pierre  de  Hégenheim  à  Grienxach  fut 
brûlée  par  les  Confédérés,  selon  Tsehudi  ;  par  les  troupes  du  duc  ,  selon 
fVaniiten,  ce  qui  est  plus  probable. 


148  iil3T0lRB  DB   LÀ  SUISSE. 

fois^  mais  inutilement,  une  libre  retraite.  A  Tinsu  des 
assiégeans  se  trouvaient  dans  le  fort  Hallwyl ,  Jean  de 
Falkenstein  et  beaucoup  de  gentilshommes ,  et  les  An- 
trichiens  avaient  donné  l'exemple  de  décapiter  les  pri- 
sonniers '^^.  Sur  la  demande  s'il  y  avait  des  nobles  dans 
le  château,  Ulrich  Schûtz  jura  «  que  lui  n'en  connais- 
»  sait  point ,  et  qu'il  n'y  avait  dans  le  fort  que  de  bons 
»  compagnons  '^^.  »  En  même  temps  il  déclara  que,  si 
l'on  refusait  la  retraite,  tous  feraient  une  sortie  sous 
l'invocation  du  chevalier  saint  George,  et  vendraient 
chèrement  leur  vie.  Le  bourgmestre  Jean  Rot  promit 
libre  retraite  avec  la  cuirasse  et  Tépéci.  Gomme  le  jour 
baissait,  ces  ennemis  mortels  de  la  Suisse,  méeonoais- 
sables  sous  de  pauvres  armures  et  des  vélemens  sales, 
se  confiant  dans  la  fidélité  de  quatre-vingts  camarades 
d'armes ,  descendirent  le  Rhin  ;  ils  abordèrent  au 
Petit  -  Huningue ,  et  rejoignirent  de  nuit  le  duc  à 
^kingen.  Dans  le  château  de  Rheinfelden  les  Bàlois 
s'enquirent  tout  d'abord  de  leur  grand  canon  patiu 
devant  Farnsbourg;  ils.  le  trouvèrent  sous  les  décom- 
bres des  murailles  ^^.  Outre  beaucoup  d'artillerie  ^^^  et 
de  provisions ^^^  diverses,  on  y  découvrit  la  correspon- 
dance de  Guillaume  de  Grùnenberg  relative  à  l'expédi- 
tion des  Armagnacs  *. 

***  A  Laarenboarg  ,  le  28  avril,  ià  guerriers  de  Berne  et  de  BMe 
furent  exécutés.  Ttchudi ,  BuUinger. 

it*  Par  ce  mot  on  entend  ordinairement  de  simples  soldats  ;  0  l'em- 
ploya dans  un  autre  sens. 

^*  Wurgtiêen.  Têehttdi  dit  par  erreur  qu'il  appartenait  aux  Bernois. 
=s  Cette  pièce  s'appelait  •  la  Romaine.  •  Oclu.  Ul ,  462.  G.  M. 

loi  Trente-six  pièces.  fVarêtUen, 

901  Eotr^aulres  80  lits  avec  la  literie. 

*  Le  si^c  avait  duré  qpatre  semaines ,  du  17  août  au  14  septembre. 
Ochê,  m  ,  461.  Voy.  aussi  jus^ul  p.  470.  G.  M. 


LlYRB   lY.    GHAP.    II.  449 

Dix  mille  Bâlois^  Soleuroidi  Bernois  et  Oberlan- 
dais  ^^^  marchèrent  sur  Seckingen,  ravageant  tout  sur 
leur  passage  ^^.  Autour  de  Tantique  couvent  des  reli- 
gieuses de  Saint-Fridolin ,  auquel  appartenait  autrefois 
Claris  ^^^  cette  petite  ville  s'était  formée  dans  le  cours 
des  siècles  au  milieu  des  belles  prairies  de  la  rive  droite 
du  Rhin ,  dont  les  eaux  l'embrassaient  en  quelque 
sorte  ^^^  ;  les  comtes  de  Habsbourg  en  étaient  de  tout 
temps  les  patrons  ^  et ,  de  droit  ou  par  usurpation ,  ils 
y  exerçaient  une  grande  autorité*  Quoique  la  défense 
du  pays  contre  Zurich  empêchât  les  autres  Suisses  de 
prendre  part  à  l'expédition  2^'',  Lucerne,  Uri  et  Schwyz 
envoyèrent^  sur  la  demande  de  Berne ,  quelques  cen* 
taines  d'hommes  ^^^,  pour  montrer  le  bon  accord  de  la 
Confédération.  On  respecta  la  résolution  des  Glaron« 
nais  de  ne  pas  combattre  contre  Saint-Fridolin^  contre 
la  princesse  de  leur  abbaye,  contre  les  bourgeois  de 
Seckingen^  pour  ainsi  dire  leurs  parens  et  leurs  frè- 
res '^^  ;  ils  ne  craignaient  pas  la  France  et  TAutriche , 
mais  Dieu^^^.  Du  reste ,  l'ambition  fit  échouer  le  siège  : 
Berne  et  Baie  se  brouillèrent  pour  la  priorité  à  l'as- 


^*  D'InterUchen ,  du  Sibenthal  et  da  Gessenay. 

^*  On  brûle  k  la  maison  de  Scbônan  le  ch&tean  do  SchweTstalf. 

«•»  T.  I.  p,  16S. 

^'  An  moyen  d'un  fossé  où  Teau  est  rarement  profonde. 

**'  Us  déclinèrent  la  sommation  de  marcher  vers  Rbeinfelden.  Tsehudi, 

U ,  454. 

»•  Têchmdi  :  Locerne  »00,  Uri  175,  Schwyx  lao.  PTuntUen  inexac- 
tement :  1000  de  Lnceme  et  Schwyi. 

**  •  Parce  qae  c'était  leur  constant  usage  de  ne  pas  faire  la  guerre 
^  Seckingen.  »  Tickudi ,  â55. 

^**  Abêolution  da  vicaire-général  en  faveur  de  Glarii  pour  les  déêordreê 
de  la  guin-e,  70  févr.  14&5  ;  dans  Teekadi. 


150  HISTOIRE   DE   Lk   SUISSE. 

saut^^^;  la  possession  de  la  Tille  pouvait  en  èti%  la 
conséquence  :  Seckingen  n'était  pas  compris  dans  l'al- 
liance comme  Rheinfelden.  L'ardeur  ainsi  amortie  ^'^, 
les  Confédérés  eurent  moins  de  succès  que  dans  d'au- 
tres occasions  où  ils  avaient  moins  de  troupes  ^^^. 

Peu  aprés^^^^  les  Bàlois  firent  l'expérience  que  le 
courage  est  impuissant  où  manquent  l'ordre  et  la 
concorde.  Quatre  cents  chevaux  ennemis  accoururent 
du  côté  de  Neubourg  contre  le  Petit-Bâle  pour  pro- 
téger Tenlèvement  d'un  troupeau*  Les  bourgeois,  se 
levant  à  la  voix  de  Didier  Ammann  ^^^,  firent  une  sor- 
tie sans  plan  et  sans  chefs.  Les  cavaliers  se  retirèrent 
vers  Riehen;  les  Bàlois  les  poursuivirent  jusqu'au  vil- 
lage de  Stetten^^®.  Là  l'ennemi  fit  volte-face  et  les 
repoussa  vers  le  Wiesen^  dont  les  eaux  étaient  fort 
hautes  ^^"^^  ils  s'enfuirent  en  courant  vers  la  ville,  non 
sans  perte  ^^^.  Un  seul  avertissement  suffit  aux  hommes 
intelligens  :  sur  les  reproches  de  Conrad  de  Lauffen,  o& 
^e  réunit  de  nouveau  pour  réparer  la  faute  du  matin. 

««*  fVuntisen ,  ài^, 

*^>  «  Chacun  n'était  pas  joyeux  et  entrain;  on  entendait  des  propos 
»  fort  divers.  •  Tschudi.  Le  droit  était  pour  Bàle ,  qui  avait  fait  la  som- 
mation ;  les  Bernois,  quoique  plus  nombreux ,  ne  vinrent  que  comme 
troupes  auxiliaires. 

'*'  «  Il  advint  toute  sorte  de  mésaventures  aux  Confédérés.  »  Etterlin, 
»  On  soupçonna  que  Tor  des  assiégés  n'était  pas  étranger  à  la  levée  dn 
siège.  De  TiUier,  11,  115.  C.  M. 

***  Le  27  octobre  1444. 

215  fVarstUen ,  425. 

^^^  Etterlin,  175  i  «  Une  attaque  eut  lien  dans  le  village  de  Stetten.  > 

V  fVursiUen, 

^**  Tschudi  :  52  hommes  et  une  coulevrine  ;  fyurstisen  :  16  furent 
transpercés  ;  E/(er /m  ;  près  de  40  transpercés,  16  faits  prisonniers; 
ce  n'étaient  pas  des  militaires ,  mais  des  gens  qui  conduisaient  du  fia 
et  du  blé  à  Bàle. 


LIVRE    IV.    CHAP.    II.  151 

On  résolut  ^^^  de  ne  pas  priver  plus  loiig<-temps  la 
république  de  l'expérience  y  de  Thabileté  et  de  la  consi* 
dération  héréditaire  du  bourgmestre  Arnold  de  Rot- 
berg  '^^,  de  de  Lauffen  et  d'autres  chevaliers  et  fa- 
milles possesseurs  de  fiefs  étrangers ,  toutefois  liés  à  la 
ville  par  un  serment ,  mais  de  leur  rendre  le  droit  de 
participer  aux  délibérations  ^^  Poussés  par  la  ven- 
geance ^  les  Bàlots  se  portèrent  ensuite- sur  le  bailliage 
autrichien  de  Landesehre  ^^^  y  et  par  le  Hard  dans  le 
voisinage  de  Neubourg^^*,  brûlèrent  les  richesses  que 
Tavoyer  de  Landesehre  avait  négligé  de  sauver  à  titre 
de  contributions,  et  même  les  églises  hostiles  à  leur 
cause  ^^  \  ils  vendirent  à  Tenchère  les  biens  des  prê- 
tres dangereux  ^^^^  condamnèrent  au  feu  les  incen- 
diaires soldés  ^^^  et  noyèrent  le  bâtard  de  Ramstein , 
mis  au  ban;  il. offrit  en  vain  soixante  florins  pour  ra-' 
cheter  sa  vie^^"^. 

En  Argovie  il  se  fit  plus  d'une  tentative  contre  les 
villes  suisses  de  Bade^  Bremgarten  et  Mellingen.  On 
entreprit  mainte  expédition  contre  de  riches  villa- 
ges ^^^^  ou  dans  le  but  de  moissonner  des  blés  mûrs  ;  à 

'^'  Jeudi  après  la  Toussaint. 

^  Quoique  bourgmestre ,  il  n'assistait  pas  au  conseil  ;  le  chef  des 
tribuns  présidait. 

^^  Excepté  deux  dont  les  frères  étaient  an  service  ennemi.  fVurttiitn, 
Yoy.  ci-dessus  n.  142. 

^*^  Le  4  décembre ,  avec  100  chevaux  et  600  fantassins.  Tschudi. 

*2'  Le  24  décembre  ;  dix-huit  citoyens  furent  tués  dans  celte  occa- 
sion. fVarstiun^ 

2>^  A  Schlierbacb.  fVuntUen. 

m 

***  De  Tannkirch  dans  le  pays  de     ade.  fVurstisen, 

^'*  On  en  avait  gagné  un  pour  14  plapparts.  fVut^itiseiu 

^^  L^  mêtM  et  Brakner,  Lundi  avant  S.  Thomas,  1445.  * 

*^^  Comme  Mâri^hwanden.  Louii  Edlîbach, 


152  HISTOIRE   DB    LÀ    6UISSB. 

cet  effet  9  on  avait  transporté  des  bateaux  par-dessus 
TAlbis  de  la  Limmat  dans  k  Reuss,  qu'il  fallait  traver- 
ser ;  la  corruption  des  chefs  ^^^  ou  le  secours  inattendu 
des  Confédérés  ^^^  déjouait  ces  entreprises.  Là  où;  les 
gardes  donnaient  ^^*  et  les  traîtres  appelaienl^^,  Rech- 
berg  faisait  plus  de  butin  qu'il  n'en  pouvait  emme- 
ner ^^^.  A  Bremgarten^  les  partisans  de  l'Autriche'^* 
étaient  convenus  avec  lui  de  l'heure  nocturne  à  laquelle 
il  passerait  la  Reuss  prés  de  St- Antoine  et]  trouverait 
leur  ville  ouverte  ;  mais  les  cris  poussés  par  les  senti- 
nelles '^^  et  dans  les  moulins  éveillèrent  les  bourgeois^ 
bientôt  armés* 

Rechberg  forma  peu  après  avec  Pilgram  de  Heudorf 
un  plus  vaste  complot  contre  l'Argovie.  Non  loin  de 
Brougg^  dans  la  Stille  ^^^  où  l' Aar^  grossie  par  la  Reuss^ 
roule  ses  flots  à  travers  une  profonde  vallée  et  offire  un 

***  Bdlibach  n'en  parle  pas  expressément ,  il  écrit  :  «  Rechbeig ,  arrivé 
»  sur  l'Albis ,  apprit  des  nouvelles  inattendues ,  mais  je  ne  sais  pas 
f  quelles  ;  «  il  venait  de  dire  qu'on  avait  tâché  de  s'emparer  de  riches 
paysans, 

***  Ainsi  dans  l'Argovie  depuis  le  24  juillet  jusqu'au  6  août  Têchudi, 
45S. 

^*  P.  e.  à  GOsslilLon ,  où  8  hommes  restèrent  sur  le  carreau.  Têchudi, 
443. 

'*'  P.  e.  à  Bremgarten  le  12  mai,  Edliboch. 

^*'  Il  fut  obligé  de  laisser  courir  des  bestiaux  pour  une  valeur  de 
«plus  de  1500  florins.  Id. 

*•*  Voy.  t  V.  p.  548.  Des  émigrés,  vivant  à  Rappeirschwyl ,  avaient 
des  intelligences  à  Bremgarten. 

**^  Trob  hommes  furent  pris  dans  les  remparts ,  puis  rachetés  pour 
000  florins.  Ediibach,  Tsehudi  parait  confondre  cet  événement  avec 
celui  du  9  juillet  (ou  9  août j. 

'*•  Nom  de  la  contrée.  =  Il  signifie  lieu  tranquille  et  se  donne  en 
Suisse  aux  parties  des  rivières  dont  l'eau  est  presque  dormante ,  comme 
dans  un  bras  de  l'Aar  près  de  Berne ,  dans  l'Aarzihle.  G.  M, 


LIVRB   IV.    CHAP.    II.  153 

passage  sûr^  Pilgram^  à  la  tète  de  4^000  Autrichieus  ^^''^ 
devait  rencontrer  six  cents  hommes  de  la  garnison  de 
Zurich,  gravir  les  hauteurs  et  s'emparer  de  TArgovie. 
Rechberg,  au  point  du  jour  ^^^^  réunit  toute  l'armée 
zuricoise  en  armes  dans  le  Hof ,  choisit  les  six  cents, 
partit,  cela  son  dessein.  Au-dessous  de  Mellingen  il 
passa  la  Reuss,  non  inaperçu.  A  peu  de  distance  de 
Lenzbourg,  au-dessus  du  village  de  Staufen,  sur  le 
sommet  d'une  formidable  montagne,  est  l'église  parois- 
siale des  vieux  comtes  de  Lei^zbourg;  on  le  vit  de 
là  ;  le  tocsin  retentit  ^^^.  Rechberg  essaya  de  cacher  sa 
marche  à  l'aide  des  mouvemens  du  terrain,  escarmou- 
cba  contre  Kônigsfelden ,  vint  après  minuit  devant 
Brougg.  Soudain  les  murs,  à  peine  un  peu  réparés, 
furent  assaillis  avec  de  grands  cris,  mais  vivement 
défendus;  une  balle  atteignit  Rechberg;  il  tomba  éva- 
noui ^^^,  surtout  de  saisissement.  Tandis  que  ses  guer- 
riers les  plus  sauvages  ^^^  pillaient  le  territoire  de  l'Ei- 
gen,  l'entreprise  principale  échoua  parce  queHeudorf 
n'arriva  pas,  et  la  marche  audacieuse  de  Rechberg 
risqua  d'avoir  une  issue  fatale,  les  postes  ennemis 
dans  le  voisinage  pouvant  se  réunir.  Mais  à  la  guerre 
les  incidens  que  l'ennemi  ne  prévoit  pas  réussissent  et 
ont  rarement  des  suites  fach^ses.  Après  avoir  attendu 
Heudorf  jusqu'au  milieu  du  jour,  il  fit  sonner  le  rap- 

*"  Da  bailliage  de  Kibourg,  de  la  Thurgovié  et  de  la  Sonabe  par 
Zonach  et  KaiserstnhL 

»•  Le  9  Juillet  1445,  selon  Tuhudi;  selon  Edlibach,  le  9  août, 
le  matin  entre  quatre  et  cinq  heures. 

»•  Edlibaek. 

^*  ht  même  et  Têchudi  486  et  451. 

^*^  80  du  bataillon  da  sang  (les  grenadiers,  selon  nos  armes).  LouU 
Kdlibaeh. 


154  HISTOIRE    DB   LA   SUISSE. 

pel  ;  ses  gens  arrivèrent  chargés  de  butin  ^^^  ;  ils  avaient 
à  traverser  une  rivière  et  des  montagnes^  et  leur  nom-* 
bre  égalait  à  peine  le  tiers  de  la  gamisoa  suisse  de 
Mellingen^  près  .de  laquelle  ils  devaient  passer;  celles 
de  Bade  et  de  Bremgarten  pouvaient  accourir  et  les 
cerner.  Rechberg^  après  une  perte  insignifiante^  tira 
sa  troupe  et  une  partie  considérable  du  butin  ^^^  de  cet 
embarras  ^^^9  par^ce  qu'il  ne  parut  point  embarrassé. 
Car  lorsque  Rodolphe  de  Ringoltingen ,  de  Berne, 
homme  d'intelligence  et  d'expérience^  qui  commandait 
dans  Mellingen ,  fut  informé  de  ces  circonstances  par 
des  campagnards^  il  vit  dans  ce  courage  Tintention  de 
rattirer  hors  des  murs^  de  lui  couper  la  retraite  et  de 
s  emparer  de  Mellingen  ^^^.  Il  se  contenta  de  mettre 
quatre  cents  hommes  en  observation  dans  le  petit  bois 
voisin  ^*^.  Rechberg  les  voyant  tira  l'épée,  non  contre 
les  Suisses^  mais  pour  frapper  son  valet  et  d'autres  qui 
voulaient  attaquer  alors  qu'il  ne  fallait  que  de  la  pru- 
dence. Ringoltingen  le  fit  poursuivre  ^^''y  tandis  qu'il 
passait  lui-même  le  Heitersberg^  dans  la  pensée  que,  si 
Fennemi  se  trouvait  arrêté ,  il  l'attaquerait  de  frcftit  ou 
en  flanc.  Mais  Rechberg  abandonna  le  plus  lourd  du 
butin  ^^^,  et  se  sauva  par  la  rapidité  d'une  marche  bien 
ordonnée  ^*^. 


'^'  Meubles ,  gros  bétail ,  porcs ,  chariots.  Tsehudi, 

2^^  Valant  1600  florins.  BuUinger. 
'  '^*  Deux  ayant  couru  chez  eux  avaient  annoncé  à  Zurich  le  périK 
EdUbiuh. 

2^^   «  C'est  une  ruse  et  la  plus  grande  finesse  est  encore  cachée  dcs- 
»  sous.  »  Edlibach 

"•  Le  Vorfïolz. 

s«7  Par  les  Argoviens  qui  accoururent. 

**»  Près  de  Rohrdorf.  Ttchudi. 

^**  Attaque  inutile  près  de  Spceitenbach.  Stumpfk7^  6. 


LIVRE   IV.    CHAP.    IK  455 

Les  complots  répétés  ^^^  contre  les  boulevards  de 
l'Argovie  furent  attribués  aux  intrigues  et  aux  parti- 
sans des  émigrés^  parmi  lesquels  se  distinguaient  qua- 
tre-vingts des  premières  familles  de  Bremgarten^^^ 
Une  grande  partie  du  conseil  de  leur  viïle  ^^^  fut  con- 
duite à  Lucerne^  soumise  à  une  enquête ^  mais  libérée. 
Cependant  les  éqpiigrés  ne  furent  pas  même  touchés  de 
cette  justice;  à  la  paix^  ils  virent  leur  cause  perdue; 
ils  implorèrent  un  retour  souvent  dédaigné  et  l'ache- 
tèrent au  prix  de  la  capacité  gouvernementale  et  même 
des  droits  communs  ^^,  tMiX  ils  payèrent  cher  les  illu- 
sions de  l'espérance  ! 

A  l'approche  de  l'hiver  Jean  Stûssi,  frère  du  bourg- 
mestre ^^^  entreprit  avec  4^000  hommes  de  surprendre 
Bade^  où  il  avait  des  intelligences.  Il  passa  la  Limmat 
et  cerna  la  ville;  une  construction  déjà  faite  devait 
empêcher  de  baisser  la  herse,  tandis  que  le  bélier  en- 
foncerait la  porte  ^^  ;  mais  l'esprit  ferme  du  bailli  ne 
se  laissa  ni  effrayer  par  1^  préparatifs  ni  entraîner  par 

^*  Je  passe  les  attaques  contre  MeUingcn  da  18  août  et  <fn  2  no- 
vembre et  l'expédllioa  derant  Bremgartea  da  26  octobre.  Tuhitdi  1^ 
raconte. 

^*  Sengen,  HQnenberg,  KriegdeBellikon,  Rinkenberg,  etc.  Tichudi, 
U,  45S. 

^*  Qnatone.  Ibid.  Le  Grand  Conseil  se  compose  de  XL. 

^'  Il  leur  fut  interdit  de  servir  jamais  de  témoins  ;  Tesprit  de  parti 
ou  de  vengeance  aurait  pu  les  éblouir.  On  leur  laissa  leurs  biens.  On 
était  sévère,  non  rapacc. 

«*  BulUnger, 

^^'  Rapport  de  Jost  KdB$  d^Uri ,  bailli  de  Bade ,  et  de  plusieurs  simples 
soldats  des  Confédérés,  lundi  avant  la  SU -Martin  14A5,  dans  Tsekudi. 
Le  bélier ,  nommé  conformément  à  la  terminologie  ancienne ,  était  un 
grand  tronc  d'arbre  sur  un  chariot.  Ils  avaient  du  reste  des  balles ,  des 
flèches  et  ils  faisaient  feu. 


456  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

le  succès  de  sa  défense  à  une  sortie  irréfléchie  ^^.  La 
tentative  fut  déjouée.  En  vue  des  services  qu'il  espé* 
rait  encore  de  ses  amis  de  l'intérieur^  l'ennemi  n'in* 
cendia  pas  les  bains  ^^'^. 

Les  Zuricois  et  les  Schwyzois  se  disputèrent  les  ar- 
mes à  la  main  l'empire  du  lac^^.  Les  premiers. profi- 
tèrent des  forêts  de  la  rive  orientale  ppur  construire  de 
grands  radeaux  qu'ils  garnirent  d'hommes  et  d'artille- 
rie'^*. Avant  qu'ils  fussent  achevés  ^  ceux  de  Schwyz 
firetit  abattre  des  sapins^  sous  la  direction  d'un  ingé- 
nieur'^^ de  Grùningen,  dans  le  bois  au-dessus  de 
Wœdenschwyl ,  et  construire  deux  bateaux '^^  et  un 
radeau  long  de  cent  vingt  pieds  ^  sur  lequel  on  fixa  des 
canons  '^'  et  plaça  six  cents  hommes,  protégés  par  un 
parapet  et  un  mantelet.  La  marche  de  l'Ours '^^  (nom  du 
i*adeau)  était  lente;  son  attaque^  formidable;  il  régna 
sur  le  lac  avec  puissance.  GomiAe  le  duc  Albert  était 
à  Zurich,  entouré  d'une  cour  nombreuse,  çt  qu'on 
faisait  grand  bruit  de  projets  de  ravages,  les  Schwyzois 
dirent  t  «  Faisons  aux  seigneurs  un  feu  de  joie.  »  Ils 
approchèrent  de  la  ville,  brûlèrent  le  village  de  ZoUi- 
kon;  personne  n'osa  les  attaquer '^^. 

^'*  C'était  un  des  buts  de  rennemi. 

>»7  Louis  Edlibaeh, 

>^*  Nons  omettons  les  excursions  des  Zuricois  le  6  janvier,  des  Suisses, 
au  commencement  de  maL  Tuhudi, 

^*  Edlibaeh  a  parfaitement  raconté  ces  faits. 

*^*  BttUinger.  Ces  ingéniears  s'occupaient  des  engins. 

*'*  L'un  de  17  toises  de  long,  l'autre  de  20.  Tschachtlan, 

><2  Au  moyen  de  poutrages.  T$chadL  C'étaient  un  grand  canon  et  une 
pièce  de  campagne ,  enlevés  aux  Zuricois.  Le  mantelet  couvrait  ces 
bouches  à  feu  et  non  tout  le  radeau. 

''*  «  Il  allait  tout  doucement.  •  Edlibaeh, 

'^*  Les  Zuricois  ne  possédaient  pas  d'autres  grands  bateaux  que  ceox 
que  le  duc  avait  fait  transporter  du  lac  de  Constance.  ïd. 


LIVRB   IV.    CHAP.    XI.  157 

Un  ingénieur  ^^^  de  Rapperschwyl  plongea  dans  le 
lac^  non  loin  de  la  Tille,  un  pieu  de  chêne  y  muni  d'un 
anneau  en  fer  et  de  quatre  crocs  aigus  ;  une  chaîne  en 
fer  le  faisait  communiquer  avec  une  corde  fixée  à  la 
porte  de  la  ville.  Les  Schwyzois  abordèrent.  Les  crocs 
se  plantèrent  dans  la  poutre  principale  placée  au-des- 
sous du  radeau  ^^.  Les  habitans  de  Rapperschwyl  tirè- 
rent la  corde  si  vigoureusement  que  le  radeau  et  ceux 
qui  le  montaient 5  étourdis  de  ce  mouvement  ^^'',  ris- 
quèrent d'être  pris;  mais  la  corde  cassa ^  et  ils  s'en 
retournèrent  joyeux.  Ils  n'oublièrent  pas  cette  leçon  de 
prudence***. 

Dans  une  autre  tentative  contre  Rapperschwyl**^, 
le  landammann  de  Schwyz ,  Jean  Ab  Yberg ,  homme 
expérimenté  I  vaillant ,  brûlant  de  patriotisme ,  fut 
mortellement  blessé  d'un  coup  de  feu  ^^^.  Il  alla  re- 
joindre son  frère,  tué  près  de  la  Birse  ;  l'ardeur  guer- 
rière de  ses  troupes  ne  s'amortit  point,  mais  elles  perdi- 
rent cette  vigilance  d'un  chef  qui  ne  néglige  aucune 
circonstance  *"''. 


iM   «  Subtil  et  plein  d'astuce.  >  Id. 

^'  On  dit  qu'un  plongeur  les  fixa.  May ,  HUt,  milit,  Ul ,  167. 

'*^  Aatrement  ils  auraient  trouvé  moyen  de  rompre  la  chaîne ,  et  de 
couper  la  corde ,  plus  éloignée,  en  tirant  contre. 

Me  EdUbaek  raconte  ce  fait  May  évalue  la  perte  à  S 00  hommes.  S'il 
en  était  ainsi ,  tous  les  historiens  en  parieraient,  et  Ton  saurait  les  noms 
de  quelques-uns  des  tués.  Son  HUioire  militaire  renferme  beaucoup  de 
faits  intéressans  et  précis  ;  mais  comme  il  ne  cite  jamais  les  sources ,  on 
ne  peut  pas  dbtinguer  les  données  anciennes  des  développemens  de 
l'historien. 

^*  Le  fait  qu'on  vient  de  raconter  se  passa  le  iO  mai ,  selon  May; 
le  fait  suivant  eut  lien  le  2  août,  selon  Tichudi, 

>^*  n  paraît  que  la  grande  pièce  de  position  tirait  des  boulets  de  bois. 
Selon  Tichudi,  le  boulet  lui  traversa  le  corps. 

''*  «  Quand  il  s'agissait  d'attaquer ,  on  était  plein  d'ardeur  ;  mais  on 
•  néglfgeaît  misérablement  bien  des  choses.  •  Ttehudi. 


'ISS  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

a 

Rapperschwyl  s'approvisionna  par  terre  sans  obsta- 
cle; lorsque  les  Zuricois  s'aventurèrent  jusqu'à  Grû- 
mingen^  le  bailli  Werner  ^bli  tua  autant  d'ennemis 
qu'il  portait  de  cicatrices,  souvenir  de  la  Birse^'^^. 
N'ayant  pas  trouvé  la  mort  à  St-Jacques,  il  avait  ré- 
clamé ce  commandement  d'avant-poste. 

Les  Zuricois  triomphèrent  sur  le  lac.  Non-seule- 
ment, à  la  faveur  du  brouillard,  leurs  bateaux  arri- 
vèrient  inaperçus  près  de  Staefa  ^"^^^  mais  l'Ours  recula 
devant  l'Oie  et  le  €anard ,  parce  que  ces  radeaux  des 
Zuricois,  ses- égaux  en  grandeur  ^'^^,  le  surpassaient  par 
le  nombre  des  hommes  ^'^^  et  des  armes  ^'^*.  Avant 
tout,  Zurich  approvisionna  Rapperschwyl^'''^.  Ensuite^ 
comme  ceux  de  Schwyz  et  leurs  inséparables  amis  de 
Lucerne  ^'^^  attendaient  en  embuscade  derrière  l'île 
d'Ufenau  le  retour  de  l'ennemi,  Zurich  envoya  toutes 
ses  forces  navales  ^'^^,  avec  des  munitions  pour  les  assié- 
gés ^^^,  dans  le  but  de  dégager  les  premiers  bateaux  et 
de  livrer  bataille^'.  Les  Confédérés^  n'écoutant  que 


^''  Il  en  avait  7.  ItL  Voy.  ci-dessds  ch.  I  à  n.  514. 

*7'  Danft  les  StsfeD.  Edlibaeh.  Le  grand  village  de  Staefa  était  divisé 
en  trois  sections.  Le  fait  se  passa  le  19  septembre.  Têchudi, 

*f^  L'Oie  avait  cent  pieds  de  long;  le  Canard nn  pea  moins.  BulUnger, 

>79  Le  premier  portait  SOO  hommes,  le  second  500.  Id, 

^^*  «  Les  radeaux  defrZoricoîs  étaient  très-bien  pourvus  de  canons  et 
de  munitions  et  avaient  beaucoup  de  rames.  EdUbaeh.  Il  s*j  trouvait 
surtout  deux  grandes  pièces ,  fixées  l'une  derrière ,  l'antre  devant  Têchudi. 

>77  De  blé ,  d'orge ,  de  légumes  et  d'avoine.  EdUbach, 

^'*  «  Pendant  presque  tonte  la  guerre ,  leurs  troupes  furent  jointes 
•  à  ceU^s  de  Schwyz.  »  TtehudL  Non  pas  que  d'autres  fussent  moins 
bien  disposés  ;  mais  ils  étaient  eux-mêmes  en  danger  ou  moins  forts  en 
hommes. 

*'*  Il  y  avait  douze  bateaux.  Taehudi, 

*••  De  la  poudre  et  des  boulets  de  pierre. 

*•*  Non-seulement  une  bataille  était  prévue ,  mais  concertée  avec  ceux 
df  Rapperschwyl. 


LIVRE   IV.    CHAP.    !!•  '  159 

leur  courage^  s'avancèrent  subitement  dans  les  eaux  de 
Mœnidorf ,  au  milieu  d'ennemis  supérieurs  en  nombre 
et  que  Rapperschwyl  soutenait  par  des  renforts.  Gomme 
dans  d'autres  occasions^  ils  essuyèrent  des  pertes  avec 
honneur.  Leur  radeau  et  leurs  deux  grandes  barques 
furent  mis  hors  de  combat  par  l'artillerie  ennemie  ^^  ; 
ils  perdirent  quelques  hommes ^^^;  mais^  vaincus^  ils 
déployèrent  un  oourage  si  formidable  que  Tennemi  ne 
put  ni  les  cerner  ni  leur  couper  la  retraite;  ils  se  nen- 
dirent  à  Bsechi. 

L'hiver  vint;  le  pa3rs  fut  couvert  de  neige;  deux 
cents  Schwyzois^^^  seulement  étaient  à  Pfeffikon,  sur* 
vdUant  les  métairies  défendues  avec  peine^^^,  s'in- 
quiétant  peu  des  intentions  de  Tennemi,  inhabiles  à  les 
découvrir.  Lorsque  pendant  une  belle  nuit  d'hiver  ^^^, 
la  plus  froide  de  cette  année,  la  sentinelle  de  WoUerau 
aperçût  les  barques  ennemies ,  derrière  elles  ^  sur  les 
hauteurs  du  rivage,  des  habitations  enflammées,  et  que 
des  mouvemens  furent  remarqués  du  côté  de  Rap- 
perschwyl, le  péril  imminent  les  surprit  sans  autres 


'**  On  le  sait  positivement  de  TOors  et  de  l'Oie  (  Scfawyz  avait  nne 
barque  de  ce  nom  ;  Zoricb,  an  radeao);  la  Quille,  le  second  de» 
grands  bateaux  de  Scbwyz ,  couvrait  leur  retraite  ;  elle  perdit  au  moins 
quelques  hommes.  Tsekudi. 

^'  Têchadi  parle  de  i6  hommes  ;  May,  TU ,  <iS9  suiv. ,  de  850.  Gomme 
faction  avait  en  Mea  le  S9  octobre,  la  différence  de  ces  deux  nombres 
s'explique  par  la  Lettre  de  Berne  d  Sehwyz  du  à.  novembre  :  «  La  faiblesse 
•  dominante  aujourd'hui  est  d'exagérer  toutes  choses ,  loin  d'en  rien 
»  rabattre,  » 

>**  Teekoehilm  :  500  ;  il  compte  les  gens  des  méUirie^ 

^^  «  Hs  étaient  constamment  inoiiift  à  cause  des  métairies  dont  ils 
I  •  avaient  pris  possession  dans  la  guerre  précédente.  »  TsehudL  11  j>ai'ait 

qu'ils  en  eurent  plus  d'honneur  que  de  proflt. 

^^  Le  16  décembre,  deux  heures  avant  le  }out;  TschaehtUm  dit  une 
heure ,  contre  toute  vraisemblance. 


160  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

préparatifs  de  défense  que  la  résolution  qu'ui  brave 
porte  toujours  dans  son  cœur.  Jean  de  Rechberg,  suivi 
de  la  bannière  et  du  principal:  corps  d'armée  de  la  ville 
et  de  gens  de  la  forêt  Noire^  accoutumés  aux  sentiers  des 
montagnes^^*^^  s'avança  par  eau  et  par  terre  le  long  de  la 
rive  occidentale  ;  des  barques  bien  montées  venaient 
à  la  suite  ;  les  habitans  de  Rapperschwyl  passèrent  sur 
la  langue  de  terre  de  Hurden.  Avant  dattaquer^  le  che- 
valier brûla  le  pont  de  la  Schindelleggi  pour  couper  aux 
ennemis  la  retraite  et  les  renforts;  alors  il  se  dessina 
dans  l'obscurité  d'une  contrée  sombre  tout  entourée  de 
flammes.  Ses  guides  rencontrèrent  quelques  soldats  qui 
accoururent  vers  l'incendie  y  que  leur  capitaine  regar- 
dait comme  l'ouvrage  d'un  petit  nombre  et  comme  un 
stratagème  destiné  à  l'éloigner  du  lac  où  se  ferait 
l'attaque  principale.  Gris  subits ^^^^  erreur  mutuelle, 
comme  il  arrive  au  milieu  des  illusions  nocturnes  que  la 
lune  produit.  Il  s'en  fallut  que  les  Confédérés  vissent  la 
totalité  de  l'ennemi;  Rechberg^  les  estimant  plus  nom- 
breux ,  crut  son  plan  trahi  et  voulut  y  renoncer  ^**.  La 
plus  grande  partie  de  la  garnison  de  Pfeffikon  marcha 
sur  Wollerau  ^^  ;  épars  dans  les  métairies  et  sur  les 
collines ,  habitans  et  soldats  ^^^  se  rassemblèrent.  Irrité 
du  stratagème  et  de  l'incendie,  pressé  d'en  finir  avant 
l'arrivée  des  embarcations,  chacun,  de  quelque  côté 
qu'il  vint,  se  jeta  sur  l'ennemi  de  toutes  parts  exposé, 

«'  BaUinger. 

'■>   «  Plus  près,  plas  près  !  sur  les  coquins  ,  les  b....  »  T»ehadi. 

''*  BuUinger  d'accord  avec  TtchudL  Je  crois  qu'il  se  retira  alors  sar 
la  hauteur. 

^*  Le  combat  a  tiré  son  nom  de  ce  lien. 

'•*  D'après  Ediibac/i  on  devrait  croire  qu'il  se  trouva  là  dès  le  com- 
mencement d'antres  divisions  des  Confédérés  *  enti'antres  50  hommes 
de  Zoug;  Tsehudi  n'en  dit  mot. 


LIVRE   lY.    CIIAP.    II.  161 

qui,  descendu  dans  la  plaine  et  abasourdi^  cherchait  à 
regagner  la  hauteur.  Dans  ce  désordre ,  Pantaléon  Ha- 
genauer,  banneret  de  Zurich,  habile  à  diriger  toutes 
les  affaires,  fiit,  ainsi  que  beaucoup  d'autres  conseil-  ^ 
1ers  et  bourgeois^*^  tué^®^  par  ses  propres  gens,  que 
lobscurité  trompait;  le  soleil  éclaira  Terreur.  L'ar- 
mée y  honteuse ,  redescendit  dans  la  plaine  ;  une 
prompte  jonction  avec  les  barques  et  Rapperschwyl 
semblait  de  nouveau  promettre  la  victoire  sur  les  en- 
nemis si  peu  nombreux  ^^.  Voyant  ces  dispositions , 
ceux  de  Schwyz ,  par  un  mouvement  à  gauche ,  s'ap- 
puyèrent en  bon  ordre  contre  une  hauteur.  Bientôt 
rennenà  occupa  la  plaine ,  et ,  rassemblant  morts  et 
blessés  y  sans  être  arrêté  par  les  Suisses  qui  n'osaient 
quitter  leur  position  vu  leur  petit  nombre ,  il  descendit 
vers  le  lac,  essuyant  des  pertes  continuelles ^^^ ,  et 
prit  position  dans  là  plaine  de  Grûtzen ,  adossé  contre 
mi  cimetière.  Les  Schwyzois,  croyant  Rechberg  dé- 
couragé, hasardèrent  de  descendre.  Entre  eux  et  lui  il 
n'y  avait  plus  qu'un  fossé  et  une  baie.  L'ennemi  em- 
barqua ses  morts;  du  reste,  prévoyant  un  acte  d'au- 
dace ou  l'arrivée  d'un  secours  de  Rapperschwyl ,  il  se 
tint  sur  la.  défensive.  Pfeffikon  élait  situé  entre  lui  et 
Hurden.  Là  ses  barques  et  ses  radeaux  attaquèrent 
rOurs  sdiwyzois  avec  des  forces  et  une  artillerie  si 
tupérieures^^^,  que  les  guerriers  renoncèrent  à  se  dé- 

***  BaUinger  estime  la  perte  à  160  hommes,  Rhan  à  SOO;  il  parait 
qu'il  n'en  resta  pas  iOO  sur  le  carreaa  ;  plus  tard  il  peat  en  avoir  péri 
60  ou  davantage* 

>«>  EdUbaeh. 

'**  •  Ils  les  regardaient  comme  peu  de  chose.  •  T$ehudi. 

^'>  Jusqu'alors  il  n'y  avait  eu  que  78  morts.  Id, 

'^*  On   ne  put  faire  partir  le  grand  canon   des  Schwysois,  bien 

VI.  I  I 


162  HISTOIRE    DB   LA   SUISSE. 

fendre.  Rechberg  n'était  pas  encore  à  Grûtzen^  lorsque 
les  barques  zuricoises ,  après  avoir  coulé  bas  ou  brùié 
celles  de  l'ennemi ,  emmenèrent  l'Ours  le  long  du  ri- 
vage en  passant  devant  Freyenbach.  Là  ils  entendirent 
la  voix  et  aperçurent  les  signes  de  Gonthard ,  qu'ils 
connaissaient  pour  le  porte-enseigne  du  vieux  Hage- 
nauer*  Ils  s'épouvantèrent  quand  ils  le  virent  tirer  de 
dessous  son  manteau  la  bannière  roulée,  et,  après  un 
bref  récit  du  désastre  ^  tomber  évanoui  ^^''.  Pour  ne  pas 
compromettre  leur  succès  ^^,  abandonnant  les  bar* 
ques  dans  lesqudles  Rechberg  avait  transporté  les 
morts,  ils  retournèrent  chez  eux.  Les  Rapperschwy*- 
lois,  en  approchant ,  virent  PfefBkon  intact  et  encore 
occupé  ^^p  et  entendirent  le  tocsin  le  long  du  lac;  çà  et 
là  se  montraient  déjà  les  renforts  destinés  aux  Gonfé-* 
dérés.  Quant  à  eux  ,  inquiets  de  leur  retraite  ^^  et  de 
leur  ville  I  ils  s'arrêtèrent.  L'irrésolution  paralysait 
tout.  Pour  les  Suisses,  c'était  une  vietoire  suffisante 
que  d'arrêter  l'attaque  imprévue,  simultanée ^  jusqu'à 
l'arrivée  de  leurs  confédérés*  Rechberg  vit  échouer 
son  plan,  assez  habilement  conçu ^  par  deux  fautes 
dont  Tune  aurait  pu  être  évitée.  S'il  était  descendu  vers 
le  lac  en  silence,  sans  incendier  de  maisons,  il  aurait 
prévenu  l'alarme  prématurée  et  le  combat  nocturne;  le 
poste  de  Pfeffikon  aurait  été  surpris ,  enlevé  peut-être 
ou  même  à  coup  sûr  si  les  instans  avaient  été  mieux 
calculés;  mais  une  partie  des  bateliers  étaient  débar- 

qu*on  y  mit  incessamment  le  feu.  Ttchudi,  L'artilleur  L'avait  négligé. 
T$chachtlan. 

«•'  EdUbaek,  BuUinger. 

^*  Si  Tarmée  en  fuite  surchargeait  les  radeaux ,  ou  si  les  vainqaeurs 
tenlaicnt  de  s*en  rendre  maîtres. 

S"»»  Avec  100  honunes  de  guerre.  Tsehudi, 

'°^  Il  vint  des  troupes  de  la  Marche.  Id. 


LIVRE    IV.    CHAP.    H.  163 

quës  pour  se  réchau£Fer  dans  une  auberge  '^',  et  les 
milices  de  Rapperschwyl  auraient  dû  se  trouver  devant 
Pfeffîkon  en  même  temps  que  les  forces  navales.  Mais 
où  la  guerre  n'est  pas  une  occupation  de  toute  la  vie , 
où. manque  une  armée  permanente,  centre  de  tout 
mouvement  militaire,  une  exacte  discipline  est  la  der- 
nière chose  qu'on  peut  espérer,  et  un  général,  mérite 
plutôt  la  pitié  que  le  blâme''.  Quand  Rechberg  vit 
l'affaire  perdue ,  il  mit  le  feu  aux  maisons  de  Freyeu-* 
bach,  afin  d'arrêter  Tenneini,  pendant  qu'il  fuirait  si 
rapidement  qu'on  ne  pourrait  l'atteindre.  Cent  pieu- 
ses Zuricoises  remontèrent  le  lac  pour  chercher  les 
morts  ^^%  afin  de  leur  rendre  les  derniers  devoirs.  Au 
prix  d'une  perte  de  quinze  hommes,  lés  Schwyzois 
avaient  remporté  la  gloire  d'un  courage  indomptable. 
Mais  ils  durent  céder  le  lac  à  l'ennemi,  qui  eut  bien 
de  la  peine  à  brûler  les  débris  de  la  flottille  ^^^.  Ce  qui 
fait  voir  quels  hoihmes  étaient  les  Schv^ryzôis,  c'est 
qu'en  dépit  d'un  si  grand  avantage,  l'ennemi,  plus 
puissant  et  plus  riche,  non-seulement  ne  put  rien 
contre  leur  liberté ,  mais  ne  recouvra  pas  même  ce 
qn'ib  avaient  conquis  sur  lui. 

La  possession  de  Sargans  ne  servit  pas  davantage  la 
cause  des  ennemis.  Dans  la  saison  où  les  Alpes  ne 
nourrissent  plus  de  bestiaux ,  ils  rendirent  celles  qui 
dominent  les  sources  de  la  Thour  accessibles  par  un 

*"  EdUbaeh. 

*  Un  landsturm  (  levée  en  masse  }  ne  peut  élre  utile  qn'auUnt  que  la 
milice  a  été  organisée  militairement  et  trouve  dans  les  troupes  de  ligne 
soutien ,  direction  et  refuge.  Nous  avons  pu  voir  tout  cela  en  Suisse  ; 
nous  avons  négligé  celte  mesure;  la  pdne  a  suivi  de  près  ;  miis  tous 
n'ont  pas  été  coupables.  D.  L.  H. 

*•>  Encore  102  hommes.  Tsthudi. 

'**  Le  2ft. décembre.  Id. 


464  HISTOIRB   DB   hk   SUISSE. 

côté  fermé  jusqu'alors.  Lorsque  Ton  mena  les  trou- 
peaux de  la  vallée  supérieure  de  la  Thour  ^^  à  la 
montagne ,  avec  la  sécurité  accoutumée ,  ils  les  sur- 
prirent ^  les  enlevèrent  et  tuèrent  les  bergers  '^ . 
Le  nouveau  chemin  favorisa  la  ruse  ce  premier  jour; 
le  lendemain  Ton  en  profita  pour  châtier  les  aggre»- 
seurs  *^. 

Une  autre  fois  les  gens  du  comte  de  Sargans  et  du 
baron  de  Brandis  ^^  prisèrent  se  jeter  à  l'improviste 
sur  trois  cents  Glaronnais  qui  gardaient  la  frontière 
près  de  Quarten,  sur  le  lac  de  Walenstadt.  Ceux-ci 
découvrirent  le  projet.  Ils  cachèrent  cent  hommes  entre 
les  arbres  de  la  colline  située  en  avant  d'eux  à  leur 
droite.  Derrière  les  retranchemens ,  tout  reste  immo- 
bile; rennemi  vient;  la  résistance  l'arrête ,  les  Glaron- 
nais s'élancent  avec  de  grands  cris,  ceux  de  la  colliBe 
le  prennent  en  flanc;  il  fuit  aussitôt,  essuie  un  nouvel 
échec  près  de  Terzen ,  est  repoussé  jusqu'à  Walenstadt 
avec  perte  ^'. 

De  la  Thurgovie  et  de  la  rive  allemande  du  Rhin, 
avant  son  embouchure  dans  le  lac,  on  fit  plus  d'une 
tentative  sérieuse  contre  Tokenbourg,  Wyl  et  le  pays 
d'Appenzell.  Près  de  Kilchberg ,  non  loin  deFischingen, 
six  cents  Thurgoviens  et  Kibourgeois  forcèrent  le  rem*» 
part  ;  la  petite  garnison  ne  perdit  pas  de  vue  l'ennemi , 
en  attendant  que  le  tocsin  eût  rassemblé  quelques  gens 
du  Bas-Tokenbourg  ;  les  soldats  étrangers  furent  sur- 

^*4  De  Wildenbftus,  de  Saint-Jean.  Id, 
*^^  19.  n  en  périt  aussi  7  de  Sargana.  Id. 

>•<  •  Bon  nombre  de  compagnons  se  glisaërenl  par  la  nouvellcf 
route.  •   Id, 

»«'  De  VaduB  et  Meycnfcld.  Id. 

'^^  n  tomba  29  ennemis  et  un  Glaronnais;  le  S2  novembre. 


LIVRB   IV.    CHAP.    II.  165 

pris  et  battus  ;  la  vengeance  tomba  principalement  sur 
ceux  de  Winterthur  ^^*. 

Rechberg  avait  projeté  d'attaquer  Wyl  à  l'impro^ 
viste^  le  jour  de  Saint-Charlemagne  (1446)|  fête  so* 
leimelle  pour  les  Zuricois^'^*  Les  babitans  de  Wyl  et 
les  Confédérés  revenant  d'une  expédition  beureuse, 
cbargés  de  butin  ^  il  inspira  à  ses  gens  du  mépris  pour 
un  ennemi  si  peu  guerrier  ^^^  et  tenta  de  rendre  inutile 
la  supériorité  du  nombre.  Il  ordonna  que  l'infanterie 
parcourût  la  campagne  et  que  les  coulevrines  et  des 
aniu(4>usiers  attendissent  derrière  une  baie  l'ennemi 
qui  la  poursuivait.  Il  alla  se  poster  avec  la  cavalerie  au 
milieu  des  genévriers  de  la  colline.  Près  de  la  baie 
verte ,  les  Confédérés  furent  surpris ,  effirayés.  Dans  ce 
moment  on  sonna  la  cbarge;  l'infanterie  fit  volte-face  ; 
il  attaqua  I  lui  ^  par  derrière  et  en  flanc.  Il  avait  exigé 
de  ses  gens  le  serment  de  tuer  tout  camarade  qui  bési- 
terait.  L'ennemi  combattant  et  couvert  de  sang  ^^^  se 
retira  vers  la  ville. 

Quelque  t^nps  après  ^%  les  Zuricois  et  les  Tburgo- 


***  Le  li  juin.  75  périrent  ;  Winterthur  perdit  son  drapeau  et 
Mce  homnea.  TwhfàL 

^^  Elle  se  céièbfe  annaettemeoft  le  S8  Janvier  avec  une  soiennité  par* 
licolièret  parce  que ,  suivant  les  légendes,  Zurich  doit  à  Gharlemagne 
nue  grande  partie  de  sa  prospérité.  Voy.  la  dissertation  du  savant  diplo- 
mate Sckinz  dans  l'ancien  Muiéé  êuûsê ,  XU«  721.  Sa  fête  contribua  au 
succès  de  la  Journée ,  mande  Edlibach. 

>it  ■  C'est  une  troupe  de  petits  paysans  inntilcs.  •  îd»  Us  n'étaient 
comparables  ni  pour  la  stature  ni  pour  le  courage  à  ceux  des  monta- 
gnes, dont  ils  n'avaient  chez  eux  que  quelques-uns. 

*'*  Edlibach  mande  qu'il  périt  75  hommes;  TschuM,  10 /avec  l'ob- 
6cnration  :  •  On  n'a  pas  perdu  un  homme  de  plus  qu'il  n'est  dit  ici.  • 

'"  iLussi  bien  le  18  de  mai  que  le  21;  il  s'agit  ici  de  la  dernière 
action. 


166  HISTOIRR   DB   LA   SUISSE. 

Tiens  assaillirent  celle-ci  après  minuit,  avec  un  feu  sou- 
tenu. Mais  rarement  un  projet  hostile  échappe  à  un  parli 
populaire.  Les  habitans  de  Wyl,  prémunis  contre  les 
flèches  enflammées  et  les  coulevrines,  firent  eux-mème^ 
un  feu  vif,  rompirent  ou  renversèrent  les  échelles  et 
défendirent  leur  petite  ville  quatre  heures  durant  ^^*, 
avec  un  dévouement  énergique  ^'^,  tandis  que  le  tocsin 
soulevait  le  Tokenbourg ,  Uznach ,  le  Gaster ,  Glaris 
et  Schwyz.  Déjà  les  Schwyzois  étaient  aux  environs 
d'Einsidlen;  déjà  les  Glaronnais  montaient  la  Lad, 
montagne  qui  sépare  Uznach  du  Tokenbourg ,  lorsque 
de  joyeux  messagers  de  Wyl  leur  annoncèrent  que 
l'ennemi  avait  fui  à  leur  approche ,  fort  maltraité  dans 
sa  fuite  ^**  par  le  sire  Pierre  de  Rarogne**''. 

Les  Thurgoviens,  dévoués  à  leurs  vieux  seigneurs ^ 
sous  Tinfluence  d'une  noblesse  qui  cherchait  sa  fortune 
dans  les  cours  et  dans  les  guerres  des  princes,  sous 
des  autorités  redevables  à  Kibourg  et  à  Habsbourg  de 
Torigine,  des  franchises  et  de  la  prospérité  de  leurs 
Tilles^  firent  contre  les  Suisses  plus  que  leur  devoir. 
Ulrich  Wagner,  de  Schwyz ,  frappa  donc  leur  pays  de 
son  épée  vengeresse  ^'^^  dévasta  la  contrée  comprise 
entre  la  Mourg  et  la  Thour,  et  passa  celle-ci  de  force 
près  de  Pfyn.  Ceux  de  Frauenfeld  rassemblèrent  la 
Thurgovie  sous  leur  drapeau^**,  marchèrent  sur  Wî- 

»**  Etterlin,  p.  174. 

»»  Tschudi. 

•"  Etterlin,  7)1;  Tsekudi,  78;  BuUinger,  de  Wînterthur  seul  th. 

•*'  Etierlin  ajoute  par  erreur  un  comte  Rod.  de  Tokenbourg.  L'exac- 
titude diplomatique  lui  est  presque  toujours  étrangère. 

»*•  Avec  800  hommes  de  Schwyz,  Un,  Unterwalden,  Glaris,  To- 
kenbourg et  avec  la  milice  de  V^yl.  Tachadi 

*^*  «  Aucuns  lui  donnaient  le  nom  de  bannière,  parce  que  Frâuenfelu 
9  p'eut  jamais  rien  de  plus  grand.  •  Ttehaektlan, 


LIVRE   IV.    CHAP.    II.  167 

goltingen^  encore  peu  aoinbreux^^^,  mais  acharnés^  et 
trouvèrent  rennemi.  Il  s'arrêta  ^  fit  feu  (la  nuit  appro- 
chait), battit  les  Thurgoviens^^,  les  mit  en  fuite,  dé- 
pouilla les  morts  et  rentra  dans  son  pays  avec  une 
bannière  conquise. 

Les  Autrichiens  du  Yorarlberg  jetèrent  leurs  vues 
sur  le  pays  d' Appenzell ,  voisinage  dangereux  par 
sa  situation,  position  importante  entre  leurs  mains. 
Leur  dessein  fut  favorisé  par  les  Feyer,  gentilshommes 
depuis  vingt  ans  en  possession  de  Rheinek,  à  titre 
d'hypothèque  ^^^.  Ce  château,  situé  sur  une  hauteur  à 
l'entrée  du  pays  d'Appenzell,  devint  le  rendez-vous 
de  la  noblesse ,  impatiente  de  terminer  d'un  seul  coup 
cette  guerre,  les  anciennes  luttes  et  les  querelles 
toujours  renaissantes  ^^^.  La  cavalerie  monta  de  Thaï 
par  la  fameuse  Wolfhalde  ^^*.  Les  Appenzellois  et  des 
amis,  leurs  combourgeois,  se  postèrent  dans  le  bois^^^. 
L^ennemi  traversa  fièrement  le  rempart  mal  gardé  ; 
mais  une  subite  attaque  par  le  flanc,  des  pierres  rou- 
lées, des  coups  de  massue  effrayèrent  les  chevaux ,  et 
la  cavalerie,  arme  la  plus  désavantageuse  dans  cette 


•I*  Ce  fot  la  faute  qu'ils  commirent»  selon  Siumpf,  177»  k. 

m  Pins  de  80e  hommes,  stloa  Tschudi;  selon  T$chaehitan ;aen\emeni 
iOO. 

***  Il  éUit  proprement  substitué  an  possesseur  de  l'hypothèque. 
Rheinek  appartenait  à  TEmpire ,  du  moins  depuis  Sigismond  »  et  avait 
dé  hypothèse  par  lui  au  dernier  comte  de  Tokenbourg  et  par  celui-ci 
aux  Peycr. 

*"  Au  sujet  des  impôts»  des  contributions  et  d'autres  droits.  Stumpf, 
370,  b. 

«*  T.  IV,  p.  lis. 

"^  fValsfr,  Chron.  à*ApptnuH,  r»i2. 


168  HISTOIRE   DB   CA    SUISSE. 

position,  fut  rejetée  avec  une  grande  perte  au  bas 
de  la  montagne  ^^^. 

Le  chevalier  de  Rechberg  voulait  non -seulement 
vaincre,  mais  exterminer  un  tel  ennemi.  Tous  les  faits 
d'armes  de  cette  longue  guerre  le  convainquirent  que 
cela  n'était  possible  qu'à  des  forces  très-supérieures. 
Ainsi,  tandis  que  la  crainte  du  retour  des  Armagnacs  ^^ 
et  les  menaces  de  la  noblesse  du  voisinage  ^^  préoccu- 
paient Soleure  et  Baie ,  que  Berne  soutenait  une  lutte 
dangereuse  contre  Fribourg  ^^,  et  que  les  cantons  al- 
pestres, faute  d'artillerie  et  de  barques,  étaient  im- 
puissans  contre  Zurich,  Rechberg,  avec  l'aide  de 
Wolfhard  de  Brandis,  leva  une  armée  considérable 
pour  le  temps  ^^^  dans  la  contrée  guerrière  entre  le  lac 
de  Constance  et  l'Adige.  Elle  se  rassembla  dans  la 
seigneurie  de  Yaduz  :  de  là,  quand  il  passait  le  Rhin,  il 
pouvait,  suivant  les  circonstances,  marcher  contre 
les  Suisses  avec  la  même  sécurité  à  travers  le  Rhein- 
thal  ou  le  pays  de  Sargans ,  ses  derrières  étant  à  cou- 
vert. Les  Appenzellois  instruisirent  les  Confédérés  de 
ces  préparatifs  ;  les  Glaronnais  demandèrent  en  mècne 


'"  177  hommes  forent  tués,  22  faits  (nrisonniers ;  c'était  le  il  Juia. 
TsehttdL  Je  lie  place  pas  l'incendie  de  Rbeinek  à  celle  aimée ,  comme 
Leu  eilseiin,  mais  à  l'an  1466  avec  Tnchudi;  les  Appenzellob  farent 
cités  devant  les  Inbanaux  d'Empire ,  parce  qu'il  n'y  avait  alors  plus  de 
guerre. 

"'  De  là  Vunion  du  bailU  impérial  d'Alsace ,  l'électeuv  palatin ,  avec 
les  yilles.  St. -Martin,  14&6. 

"^  Elle  s'empara  de  nouveau  de  Pfeffingen  le  16  février.  Tichudi. 

*'^  Nous  raconterons  cet  événement  plas  tard ,  ponr  ne  pas  embrouil- 
ler le  fil  de  l'histoire. 

***  De  6,000  hommes.  Têchudi  Un  pareil  nombre  avait  déji  passé 
le  Rhin.  Etait-ce  la  levée  en  masse  dti  Vorarlberg? 


LIVRE   IVk    CHAP.    n.  100 

temps  qu'ils  prissent  possession  du  pays  de  Sargans, 
vu  qu'eux-mêmes  ne  pouvaient  point  participer,  se- 
lon leur  dësir,  à  des  expéditions  lointaines,  tant  que 
cette  contrée  leur  serait  hostile.  Ils  représentèrent  que 
de  secrètes  intelligences  faciliteraient  ce  dessein.  Les 
eaux  du  Rhin  étaient  si  basses  (on  se  trouvait  en  hi- 
ver ^^^)^  qu'il  semblait  possible  de  surprendre  et  de  dis- 
perser l'ennemi  avant  qu'il  réunit  sur  l'autre  Tive  des 
forces  imposantes  ^^^. 

Les  Confédérés  destinèrent  à  cette  entreprise  cent 
hoDftmes  de  chaque  canton;  B^me,  engagé  dans  une 
guerre  plus  voisine  ^^^,  n'en  dut  envoyer  que  cinquante; 
Soleure^  pour  le  même  motif,  ne  reçut  aucune  som- 
mation*^*; en  revanche,  cinq  cents  Glaronnais  mar- 
chèrent sous  les  ordres  du  landammann  Jost  Tschudi , 
et  cent  hommes  du  Gaster  joignirent  Ulrich  Wa- 
gner*^^  de  Schwyz  ;  Appenzell  et  les  sujets  tokenbour- 
geois  de  Rarogne  furent  attendus  au  complet.  L'art  et 
la  promptitude  pouvant  seuls  triompher  de  la  force  % 
ces  troupes  devaient  traverser  rapidement  le  Haut-To- 
kenbourg,  Werdenberg,  le  Rhin,  et  prendre  Sargans 
par  derrière ,  après  avoir  triomphé  près  de  Ragaz.  Ce 
plan  fut  renversé  et  tout  fut  mis  en  péril  par  les  Appen- 
zellois  mêmes  :  au  lieu  de  troupes  et  de  bannière,  ils 

*>*  La  £ète  où  Von  i^occopa  de  cela  eut  lien  &  Locerae  le  14  février. 

*'*  Trop  éloijgné  .d'ailleurs  pour  une  expédition  qai  exigeait  de  la 
promptitude. 

***  Ckad  de  Jean  Ower  stir  la  bataille  de  Ragaz;  il  est  dans  T$ehndi\ 
=  et  traduit  par  M.  E.  Rocbholz  dans  sa  chronique  fédérale  en  chantons 
[Kidgenâwsehe  Lieder-Chronik)  Berne,  1835;  p.  75-78.  G.  M, 

'^^  Tuhaehilan  nous  a  fait  connaître  son  nom.  Est-ce  par  hasard  que 
Tschudi  néglige  si  souvent  de  nommer  cet  homme  ? 

*  Compenser  l'exiguïté  des.  moyens  par  la  rapidité.  D.  L.  II. 


1T0  HISTOIRE  DB  hk  SUISSE. 

eoToyèrent  dans  la  vallée  de  la  Thour  la  nouvelle  que 
rennemi  n'était  plus  à  Vaduz  ^^^,  et  lorsque  les  Suisses 
pensaient  attaquer  de  concert  avec  eux  Sargans  de  deux 
côtés,  ils  refusèrent  leur  participation  ;  on  ignore  le  mo- 
tif de  cette  conduite  ^^^.  Comptant  sur  eux^  les  Suisses 
marchèrent  promptement  de  la  vallée  de  la  Thour  vers 
le  lac  de  Walenstadt,  et  avant  Taube  vers  Quarten, 
tombèrent  sur  le  pays  de  Sargans ,  affiranchirent  leurs 
amis  et  s'avancèrent  victorieux  ^^®  jusque  près  du  Rhin 
dans  le  village  de  Ragaz ,  à  l'entrée  de  hautes  vallées 
des  Alpes  rhétiennes,  poste  important  à  plus  d'un 

>»•  Proprement  à  l'Estnerberg ,  montagne  isolée  qui  s'étend  depuis 
Dendern ,  au-dessus  de  Feldkirch ,  jusque  près  de  Rankwjl  et  dont  les 
gorges  sont  traversées  par  le  torrent  de  1111.  Tachudi,  Haupttcklàuel , 
a  il.  On  dit  qu'elle  tire  son  nom  des  anciens  Estions.  GuUr,  219,  a. 
Le  nom  Vaduz  est  en  rbétien  Valdutscb ,  val  doux.  l(L  Sur  la  frontière 
d'Italie ,  s'élève  au-dessus  de  l'Eschenthal  une  montagne  du  nom  de 
Valdôscfa.  Les  noms  géographiques  sont  une  langue  de  l'ancien  monde 
devenue  inintelligible  et  dont  nous  nous  servons,  sans  nous  embarrasser 
du  sens  des  mots.  »b  Les  progrès  faits  dans  la  linguistique,  Tétude  plus  ap- 
profondie et  plus  phi losof «bique  des  langues  de  l'Orient  et  en  particulier 
du  sanskrit  comparé  avec  les  idioipes  de  l'Europe  ancienne  et  modeme, 
l'étude  plus  rationnelle  du  celtique ,  même  celle  de  la  langue  basque , 
ont  en  partie  rendu  plus  intelligible  ce  langage  dont  les  hiéroglyphes 
sont  des  villes ,  des  provinces ,  des  fleuves  et  des  montagnes.  G.  M. 

'''  Avaient-ils  à  craindre  de  quelque  tntie  côté?  Ne  portaient-ils  leurs 
vues  que  sur  le  Rheinthal?  Etaient-ils  en  rapport  avec  le  comte  de 
Sargans?  Nous  ne  lisons  nulle  part  qu'on  leur  ait  fait  des  reproches.  Je 
regrette  de  n'avoir  pas  sous  les  yeux  la  relation  d'Edlibach  ;  j'avais  noté 
les  points  dans  lesquels  il  diffère  de  Tschudi  sur  mon  exemplaire  de  ce 
chroniqueur;  mais  cet  exemplaire  s'est  perdu  à  Mayence  en  179S  ou 
1793  ;  dès-lors  je  n'ai  plus  disposé  d'Edlibach.  ^  M.  ZeUwéger,  qui  a 
si  soigneusement  étudié  les  sources  et  si  consciencieusement  reproduit 
les  faits  dans  son  Histoire  du  peuple  appenulloiê,  n'a  rien  découvert  qui 
explique  ce  que  Muller  ignorait;  voy.  t  I,  p.  520  et  521.  G.  M. 

^*  Après  deux  escanoottcfaes  près  de  Walenstidt  et  au-dessom  d^ 
Sargans. 


LIVRE   IV.    CHAP.    U.  171 

ëgard.  Tandis  qu^un  jour  de  halte  on  assermentait  le 
peuple  des  campagnes  ^^®,  d'audacieux  guerriers  tra- 
versèrent le  Rhin  par  des  bas-fonds  et  pillèrent  Mayen- 
feld.  Les  troupes  ennemies  ^*^,  sans  s'éloigner^  avaient 
trouvé  de  meilleurs  quartiers.  Les  maraudeurs  en 
furent  instruits  par  une  sortie  que  firent  contre  eux 
trois  cents  hommes,  la  moitié  du  corps  du  sire  de 
Brandis  posté  dans  Mayenfeld  ^^K  Les  Suisses  tinrent 
bon  jusqu'à  ce  qu'un  renfort  leur  donna  l'avantage  ^^^. 
Cet  exemple  facilita  d'autres  exploits.  La  colère  que 
Brandis  avait  provoquée  plus  que  tous  les  autres 
seigneurs  ^*^  retomba  terrible  sur  son  pauvre  peu- 
ple ^^^.  Les  Suisses  passèrent  aussi  le  Khin  ^^^  près  de 
Trisen  y  où  la  cavalerie  ennemie  courut  sur  eux ,  sans 
leè  charger.  La  nature  sauva  le  reste  du  petit  territoire 
florissant  de  Yaduz  :  le  torrent  débordant  tout-à-coup, 
les  Suisses  retournèrent  précipitamment  sur  leurs  pas 
afin  de  n'être  pas  coupés.  A  leur  étonnement,  ils  ne 
trouvèrent  ni  Appenzell,  ni  Tokenbourg  au  lieu  du 
rendez-vous  ^^^.  Us  résolurent  de  rentrer  dans  leurs 
foyers^  après  avoir  assuré  la  supériorité  à  leur  parti 

Mf  Conrad  Mélî,  de  Flnn»,  George  Lochcr  et  .Wemer  Kessier,  de 
Ragaz ,  amenèrent  environ  100  campagnards.  TtehudL 

s**  Dont  les  Appeniellois  furent  si  frappés  lorsqu'ils  les  virent  réunies. 

»"  Taehaektlan. 

'**  Ils  tuèrent  26  hommes.  Id. 

**'  Ower  dans  le  cliant  de  victoire  :  «  Perfide  seigneur  de  Brandis  , 
»  qu'est-ce  qui  fa  excité?  Tu  étais  bourgeois  de  Berne,  concitoyen  de 

•  Schwyz  et  de  Claris.  On  ne  t'avait  point  foit  de  mal  et  l'affaire  ne 

•  te  regardait  pas.  • 

***  Bs  ravagèrent  d'une  façon  terrible  les  seigneuries  du  sire  de  Brandis. 

**^  Tsckoekilan.  Selon  Tiekudi,  ils  traversèrent  le  pajs  sans  passer  de 
nouveau  le  Rhin. 

^**  Un  changement  de  température  avait-il  rendu  les  sentiers  alpestres 
îinpraticables?  Nous  avons  vu  un  débordement  du  Rhin. 


172  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

dans  le  pays,  autant  du  moins  que  faire  se  pouTail> 
tant  que  Tennemi  occupait  Walenstadt  et  Sargans.  La 
campagne  parut  finir  comme  une  simple  excursion. 

Ik  stationnaient  sans  inquiétude  à  Mels.  Mais  Jean 
de  Rechbergy  chevalier ^  gendre  du  comte  de  Sargans  ^^'^^ 
passa  le  iRhin  avec  tonte  son  armée  et  des  magasins 
bien  pourvus  ^^^»  Des  amis,  habttans  de  Ragaz  ^^^,  infor^ 
méreait  les  onze  cents  ^^  Confédérés  que  l'ennemi  y  au 
nombre  de  six  mille  hommes  de  cavalerie  et  d'infan- 
terie bien  armés ^^  était  arrivé  à  Ragaz.  Les  Suisses, 
loin  de  songeç  à  une  retraite^  prirent  position  aussi  bien 
qu'Ms  purent  sur  la  colline  devant  le  village.  L'ennemi 
fit  halte  :  peut-être  attendait-»il  un  renfwt  d'artillerie. 
Au  lieu  de  s'esquiver  à  la  faveur  de  la  nuit,  les  Confé- 
dérés hésitaient  uniquement  s'ils  devaient  attendre  ou 
cfaerdier  im  ennemi  cinq  fois  plus  nombreux.  Les  Gla- 
ronnais  se  dirent  en  regardant  la  bannière  de  saint 
Fridolin ,  leur  patron  :  «  Celui  qui  pour  l'amour  de 
»  Dieu  est  venu  ici  des  extrémités  de  la  terre  ^^  n'ob- 
n  tiendrait-^îl  done  pas  de  Dieu,  que  demain,  jour  de  sa 

'*^  Léo.  Ower  ne  lai  en  veut  pas  comme  à  Brandis;  il  se  borne  à 
llronie  t  t  Pour  Jean  de  Recbl;>eig,  le  noble ,  il  avait ,  lui ,  bien  médité. 
•  l'affaire.  » 

»"  Ower. 

**'  Locher  et  Keasler. 

*^^  Têckadi  compte  100  hommes  de  chacun  des  5  cantons,  500  Gla- 
ronnais,  iOO  du  Gaster,  50  de  Berne,  total  iiSO.  T$eha$hilan  de  k 
cantons  ensemble  SOO,  IQO  de  Schwys  et  du  Gaster,  100  de  Claris, 
iOO  dcBeme«  dOdeSaigans,  quelques-uns (fO?)  deRagas,  totali060. 
Ceux  de  Sargans  et  de  Ragaz,  selon  les  anciennes  limites  géographiques» 
sont  probablement  les  Rhétlens ,  dont  Spneher  parle ,  PaUa»  Rh,  p.  95. 
May,  III,  178 ,  porte  le  nombre  à  2,000 ,  sans  citer  de  source. 
.  '^<  Têckachilan,  plus  de  4,000  ;  6,000  d'après  Tschudi  et  les  exagéra- 
tions du  moment. 

>»>  De  reitrémké  septentrionale. de  l'Irlande;  t.  I,  166. 


LIVRE  IV.    CHAP^    IK  473 

»  fête  ***,  sa  bannière  triomphe  comme  autrefois  ?  » 
N  Cela  ne  peut  manquer,  »  s'écrièrent-jls  tous  ensem- 
ble :  «  Saint  Fridolin  et  Dieu  avec  nous  !  »  A  ces  mots 
ils  mardient  contre  l'ennemi,  en  bon  ordre,  fermes, 
^lencieux.  Des  guides  expérimentés  les  conduisent,  à 
droite '^^,  par  un  chemin  inaccoutumé,  contre  le  flanc 
des  ennemis,  ou  sur  les  derrières  de  son  camp. 

Le  jour  de  St. -Fridolin  parait  :  ils  descendent 
courageusement  de  la  hauteur  dans  la  plaine,  où  f  en- 
nemi, à  peine  éveillé,  se  fortifie  à  Ragaz  par  un  dé- 
jeuner pour  marcher  contre  eux  vers  Mels.  Le  général 
seul,  suivi  d*un  petit  nombre,  est  déjà  à  cheval  ;  il  sort, 
regarde,  voit  Ital  Réding  et  derrière  lui  les  Suisses. 
Rechberg  retourne  en  hâte  sur  ses  pas,  presque  joyeux  ; 
il  a  évalué  leur  nombre ^^*  ;  d'autres  s'étonnent,  crai- 
gnant une  ruse  ou  le  désespoir ^^.  Les  seigneurs,  les 
chevaliers  et  les  cavaliers  au  milieu  '^^,  Tinfanterie  aux 
deux  ailes,  bien  protégée  par  des  bouches  à  feu  ^^,  ainsi 
que  le  front,  les  derrières  défendus  par  un  corps  de 
réserve  ^*,  tel  est  Tordre  de  Tennemi  lorsqu'il  s'avance 
dans  la  plaine  pour  rompre  les  lignes  suisses  par  le 
feu  de  l'artillerie,  on  pour  les  troubler  par  le  Âoc  de 
la  cavalerie,  les  culbuter,  les  hacher,  tandis  <|u'à  droite 
et  à  gauche  l'infanterie  les  prendrait  en  flanc.  Les  Suis- 

>"  Le  6  mais  iÂ&6. 

"*  Par  Wangs. 

>^  A  prèa  de  1500.  TêehudL 

'^*  La  nonvelle  de  Recbbeig  fit  taot  de  plaisir  à  qaelques-aiis  qif  ils 
Itùsèreot  tomber  leur  cuiller  d^effifoi ,  bien  qalls  se  fusBent  vantés  de 
taer  beaucoup  d'ennemis*  I(L 

>^7  t  Au  dedans  de  l'infanlerie.  •  TêcImchiUm. 

*^>  «  Devant  eux  les  petites  et  les  grandes  coulevrines  étaient  placées 
'Qr  des  chariots  et  autrement.  »  Id, 

''*  «  L'autre  corps  s'étai*  arrêté  aa  village.  »  Id, 


474  HISTOIRE  PB  LA   SUISSE. 

ses  prouvéreot  leur  iotelligence^  en  ce  qne^  malgré  Fin- 
fériorit^  de  leur  nombre,  ils  sacrifièrent  encore  Tavan-r 
tage  des  hauteurs  et  osèrent  affronter  en  rase  campagne 
une  cavalerie  forte  et  aguerrie.  Quand  la  dispropor- 
tion des  forces  est  évidente,  le  dédain  de  toutes  les  ré* 
gles  ordinaires  est  le  véritable  art;  il  faut  ôter  à  l'en- 
nemi la  présence  d'esprit.  Ce  qu'on  ne  put  empêcher, 
c'est  qu'en  dépit  de  cette  hâte  Rechberg  ne  rangeât 
assez  bien  ses  troupes  ;  les  principales  dispositions 
étaient  faites,  attendu  qu'il  se  {uroposait  de  marcher 
sur  Mels  en  ordre  de  bataille.  Le  capitaine  Ital  Ré- 
ding^^^,  par  le  courage^  l'habileté,  l'éloquence  et  la 
faveur  populaire,  digne  fils  de  son  père,  mort  peu  au- 
paravant ^^^,  et  le  landammann  Jost  Tschudi,  que 
trente  ans  de  services  dans  les  diètes  et  les  batail- 
les rendaient  vénérable  aux  Confédérés  ^^^ ,  parlé-; 
rent  en  peu  de  mots,  énergiquement^^^.  Avant  quele^ 
ennemis  eussent  formé  leurs  rangs  ^^^,  les  bannières 
de  Glaris  ^^^  et  de  Schwyz  les  attaquèrent  résolument. 
Les  grands  canons  firent  feu ,  sinon  sans  utilité  ^^^,  du 
moins  sans  produire  l'effet  désiré ,  soit  qu'on  les  eût 
mal  pointés,  soit  que  les  Suisses  évitassent  les  coups. 
Aussitôt  la  cavalerie,  sous  les  ordres  de  Paul  de  Stein, 

'**  Il  fut  fait  landammana  cette  même  année,  et  en  remplit  la  charge 
pendant  vingt  ans  ,  jusqu'à  sa  mort. 

••*  En  décembre  i4d5. 

*'*  Landammann  depuis  14i9;  nous  l'avons  vu  en  1422  dans  la 
tMitaille  de  Bellinione  ;  t.  IV»  S70,  S7i. 

**'   i  Vivement  pour  l'attaque.  •  T$chudi, 

***  Guler,  2ii,  a  :  «  Avant  que  l'ennemi  pût  établir  un  peu  d'ordre.  ■ 
Cest  ainsi  seulement  que  l'issue  s'explique. 

'"'  Conrad  Rieller,  banneret 

*'*  7  Confédérés  furent  tués  ,  et  un  bon  nombre  blessés.  Titkudi 


LIVRE   IV.    CHAP.    II.  175 

pàiétra  vivement  dans  les  rangs  ennemis  ^^*  Ils  ré* 
sistéreut  ;  de  Stein  tomba  ;  la  bannière  de  Montfort  fut 
enlevée  ^^^;  bientôt  un  Unterwaldien  arracha  celle  de 
Brandis.  Soudain  ^int  de  la  masse  des  Confédérés  un 
choc  irrésistible  ^^y  semblable  aux  eaux  amoncelées 
des  Alpes  qui  rompent  tout-4-coupleur  digue.  L'aspect 
de  Tschudi  et  de  Réding ,  Fimpétuosité  des  bannières 
triomphantes  rappelèrent  à  la  noblesse  le  grand  caiv 
nage  fait  par  ce  même  ennemi  à  Sempach  et  à  Nœfels. 
Saisi  de  terreur,  on  oublie  tout^  supériorité  du  nombre^ 
avantages,  ressources;  l'armée,  sur-le-champ  dissoute, 
s'enfuit  à  droite  par  les  monts  et  les  bois,  mais  surtout 
à  gauche  vers  le  Rhin  ^^.  Les  chevaliers  piquèrent  des 
deux^^;  l'infanterie,  abandonnée,  périt  par  centai- 
nes^''^; un  mouvement  de  la  réserve  prévint  seul  une 
destruction  totale ^^^.  Lorsque  l'ennemi,  bien  allégé 
par  l'abandon  des  munitions,  de  l'artillerie  et  des  ma«^ 
gasins,  mais  encore  fort  par  le  nombre,  parvint  en  dés- 


*«'  TêehachtUm* 

***  BttlUnger  ;  da  reste ,  la  descriptioa  qu'il  fait  de  cette  bataille  n'est 
guère  instractive. 

'**  «  Ils  pénétrèreDt  vigoaieusement  et  à  coups  de  main.  •  Têckadi» 

"*  Selon  Tsckadi  cela  dura  un  bon  moment  ;  cependant  il  rapporte 
aaasi  que  le  combat  commença  de  bonne  heure ,  avant  la  prime ,  et 
Ower  écrit  s  «  Les  seigneurs  s'enfmrent  tôl;  la  nécessité  les  y  poussait  ; 
»  leurs  pensées  se  dirigeaient  vers  leurs  foyers.  •  Cela  confirme  notre 
conjecture ,  n.  564. 

''*  Doue  nobles  seulement  furent  tués.  Tschudi 

*^  Plus  de  500  outre  ceux  qui  périrent  dans  le  Rhin.  Têehaektlan» 
Omtr  :  «  Près  de  douse  cent  cinquante  hommes  étaient  couchés  sur 
•  le  carreau.  »  Au  bord  du  Rhin  et  ailleurs  près  de  1500.  T$ekudi,  La 
moitié  des  troupes  de  la  seigneurie  périt.  BtUlingêr.  iSOO  sur  terre* 
i500  dans  l'eau.  May, 

*^*  •  Gela  nous  entrava  beaucoup,  il  en  échappa  d'autant  plus  d'en- 
nemis. •  Tiehachtlan. 


•    176  HtSTQIRE  DB  LA  SUISSE. 

ordre  sur  les  bords  du  Rhin^  et  que  chacun  ^  sans 
chercher  les  bas-fonds,  voulut  passer  le  preDoier,  un 
tiers  des  fuyards  périt  dans  les  eaux^'^^.  On  les  pour- 
suivit jusque  là;  d'EUhofen  et  d autres  nobles  reçu- 
rent dans  le  fleuve  même  le  coup  mortel  ^^  ;  bientôt 
la  poussière  les  couvrit.  Les  vainqueurs  célébrèrent 
Saint  Fridolin  par  des  jubilations  ;  Stuki  ^^,  Wieser- 
4en  ^'^  s'avdncèrent  triomphans  avec  des  bannières  con- 
quises. Après  la  marche  et  le  combat  ^  les  troupes  se 
.  restaurèrent  avec  les  vivres  abondamment  préparés  à 
Ragaz  pour  six  mille  hommes  par  les  soins  de  Rech- 
berg^'^^.  Ceux  qui  lenlatin  ne  craignirent  pas  la  mort 
terminèrent  la  journée  par  le  joyeux  partage  du  bu- 
tin ^^.  Ils  résolurent  de  célébrer  à  perpétuité  ^^^  ce  jour 
de  salut  9  qui,  dès  le  commencement  de  Tannée,  terrifia 
les  ennemis  de  la  Confédération  ^^  •  Ower  parcourut 
-au  loin  les  pays  pour  chanter  cette  délivrance  ^^.  Ce 
jour  merveilleux  ^^  brisa  le  courage  de  Tennemi. 


*^*  t  On  en  vit  bien  peu  monter  à  l'antre  rive.  •  T§ekudL 

*'3  Ttehaehtiûn. 

'^*  Rod.  Stuki ,  de  Claris  »  enleva  la  bannière  de  Feldklrab.  T§ekadi. 

*"  Cnnode  Wieserlen.  Buainger  êi  Zelgtr,  Hiêf.  <PUnierwaUUn , 
II ,  7î. 

'7'  ùtBoer,  Tickudi  ;  t  pain ,  vin ,  ponles,  viande  et  antres  choses.  ■ 

*'*  Id,  :  •  ils  butinèrent  amicalement  • 

•<•  t  Dieu  {TêekachiUm  ) ,  Iffarie  avec  son  petit  enfant  et  aussi  saint 
Fridolin.  •  Ower. 

*>*  «  Sans  cette  issue ,  la  Confédération  entière  se  serait  trouvée  dans 

•  une  flchense  position.  »  Ttehaekttam. 

***  t  II  le  chante  partout  le  pays.  »  Ces  chantres  des  batailles  allaient 
de  Heu  en  lieu.  Le  chant  d'Ower  offre  un  peu  plttsde  poésie  que  d'autres 
du  même  genre. 

'^'  <  L'histoire  de  ce  combat  parait  tellement  incroyable  que  4'anleor 

•  n'en  aurait  pas  fait  mention ,  si  toutes  les  annales  n'en  étaient  d'ac- 

•  conL  •  May- 


LIVRE   IV.    CHAP.    Il,  47T 

C^tte  action  mit  fin  à  la  guerre  ;  toutefois  l'audace 
et  la  ruse  troublèrent  encore  quelque  temps  les  négo- 
ciations par  des  hostilités.  Comme^  faute  de  grosse  ar- 
tillerie ,  les  vainqueurs  n'avaient  pas  pu  prendre  Wa- 
lenstadt  ni  le  château  de  Sargans,  et  que  les  probabilités 
de  paix  rendaient  inutile  l'envoi  de  nouvelles  troupes^ 
leurs  amis^  les  habitans  rapprochés  de  la  frontière 
abandonnée  >  furent  inquiétés  par  la  haine  des  partis 
internes  ^^^  et  par  les  incursions  hostiles  des  voisins  ; 
les  plus  éminens  se  virent  même  privés  de  leurs  biens 
et  de  leur  patrie  ^*^.  Le  nouvel  abbé  de  Pfeevers  *®^  fut 
contraint  de  payer  les  frais  de  la  bataille  de  Ragaz , 
sous  forme  d'une  forte  amende  ^^'',  pour  les  sentimens 
suisses  de  son  peuple  ^^^.  Les  anciens  maîtres  reprirent 
sans  obstacle  possession  de  Sargans  ^^^.  A  cet  égard  la 
victoire  demeura  infructueuse  ^  mais  elle  augmenta 
rhéritage  de  gloire  qui  a  fait  respecter  le  nom  suisse 
même  pendant  des  siècles  d'inaction.  La  bataille  de 
Ragaz  et  la  perte  de  Sargans  auraient  dû  apprendre 
à  notre  âge  que  la  patrie  n'a  pas  seulement  besoin 
d'hommes^  mais  de  Confédérés.  Le  pays  s'est  perdu 
parce  que  l'avantage  de  chaque  canton  avait  cessé  d'in- 
téressé les  autres  ^^. 

^*  «  Le  pettple  des  eampagnes  était  terriblement  dlTÎsé.  »  Ttchudi. 

>••  Bon  nombre  d'entre  eux  s'en  allèrent  avec  ceux  de  Claris ,  nne 
IMirtie  par-dessus  le  Gungds  dans  les  Grisons  ;  ils  abandonnèrent  leurs 
biens  et  devinrent  pauvres.  •  TichaektUm. 

***  Frédéric  de  Reitenau ,  successeur  de  Guillaume  de  Mosheim«  Leu, 

••7  Fixée  à  8000  livres  milanaises,  ensuite  à  i200  florins;  il  fut 
obligé  de  vendre  des  dîmes  pour  la  payer  en  sept  ans.  Têchudi  ;  Letu 

***  Vettis,  Valenx,  Pf avers  et  Ragax  auraient  dû  peut^tre  attaquer 
les  Sniases  par  derrière  on  en  flanc,  ou  du  moins  ne  pas  les  traitir 
amicalement. 

>**  L'Autriche  et  le  comte  de  Sai<gans. 

*'*  Tickudi  déplore  cela ,  Il ,  463  »  Il  faut  que  la  patrie  commune 
VI.  xa 


178  HISTOIRE   D£  LX   SCJISdE. 

Vers  ce  temps  les  gens  de  Rechberg  vinreiit  dam  la 
▼nie  de  Bade.  Ils  savaient  qu'on  y  attendait  un  capi- 
taine bernois  dont  le  nom  leur  était  connu.  Décorés  des 
signes  distinctifs  des  Bernois ^^^  et  chantant  des  chan- 
sons satiriques  contre  Zurich  ^^,  trente  d'entre  eux 
parurent  à  la  porte  de  la  ville  et  furent  introduits 
comme  une  première  division  ^^^.  Un  garçon  boucher 
les  reconnut  ^**.  Avant  qu'il  pût  dire  un  mot,  ils  l'as- 
sommèrent d'un  coup  de  hallebarde  et  se  rendirent  maî- 
tres de  la  porte  en  dépit  de  la  sentinelle  étonnée  ^^^. 
Ils  se  hâtèrent  trop^  ou  le  reste  de  la  troupe  arriva  trop 
tard;  l'audacieux  valet  de  Rechberg^^  périt  dans  la 
ville  ;  les  autres  furent  chassés  par  des  forces  supé- 
rieures. 

Bade  fut  sauvé  malgré  la  faiblesse  de  sa  garnison. 
Auparavant  déjà  ^^,  quaraûte^uatre  de  ses  guerriers 

«oit  reoonntie  pnr  Xojêè  pùta  tMiè  bonM  Mi«,  aui  yeox  de  laquelle  toos 
ses  enfims  sont  égaox.  Où  est-elle  aojoard'hiii  qqe  dn-neaf  gonvenie- 
mens  vont  se  traitant  eo  étrangers?  D.  L.  H.  Ces  paroles  ont  été 
écrites  avant  le  pacte  de  1815 ,  qui  reconnaît  vingt-dent  cantons.  G.  H. 

<»<  De  casques  et  de  brassards  blancs.  Edliboeh. 

>*'  «  Grossièrement  et  êti  f  ustreé.  • 

***  Les  gardes  :  «  Où  sont  les  autres?  •  Réponse  :  «  Nous  soapçob- 
nons  qu'il  est  arrivé  à  nos  coiUpagnons  comme  à  nous  :  nous  noos 
sommes  égarés  dans  les  montagnes  an  milieu  de  la  nuit  et  du  bronii- 
laid.  » 

***  11  sortit  à  cheval  de  la  ville ,  se  signa  quand  il  les  vil,  et  s'écria  : 
•  Misérables ,  que  faites-vous  ici?  » 

>*^  £Ue  leur  tria  :  •  Ck»nfédéré8,  qu'est  ced?  «  Ils  lui  réponcHrent 
par  le  mot  d'ordre. 

'**  n  en  a  été  question  ci-dessus  dans  le  teite  après^  n.  246. 

"'  Les  faits  précédens  se  passèrent»  selon  EdUbaek^  dans  les  trois 
ésraiers  Jonn,  à  ee  que  je  crob,  avant  le  grand  carême  :  ainsi,  le  3S 
février,  le  1*'  et  le  S  mars.  Les  faits  qui  suivent  eurent  lieu  le  8  mars, 
oa  ,  d'après  une  variante  du  texte  de  T$ckudi,  le  17  du  mds  de  la  vigne 
qjM,  selon  Wû9er,  Annuaire,  tab.  VIU,  est  >le  mois  de  février.  La  der^ 


LIVRE    IV.    CHAP.    II.  179 

les  plus  courageux  s'étaient  avancés  jusqu'à  la  Glatt 
pour  ravager  le  territoire  ennemi.  Ils  brûlèrent  un 
village  ^^  dans  la  seigneurie  d'Eglisau ,  ignorant  que 
le  seigneur  de  ce  lieu,  le  comte  Jean  de  Tengen,  avait 
retiré  sa  déclaration  de  guerre  ^^.  Comme  la  levée  en 
masse  approchait ,  ils  résolurent  d'attendre  la  nuit  dans 
d'épaisses  broussailles  ^^.  Des  paysannes  trahirent  leur 
route  y  le  bois  fut  cierné  ;  une  arquebuse  qui  partit  diri- 
gea les  pas  de  l'ennemi  ^®^  Formidables  de  désespoir, 
ils  se  rendirent  néanmoins  lorsque  le  comte  leur  pro- 
mit de  les  recevoir  en  droit  *®^.  Huit  étaient  tombés; 
seize  autres  suivirent.  Le  tribunal ,  composé  de  nota- 
bles conformément  au  droit  autrichien  *^,  prononça 


niëre  date  est  probablement  plus  exacte  ,  parce  que  le  24  H  n'est  pa» 
encore  question  des  Bernois,  dont  le  contingent  arriva  plus  tard  à 
Bade. 

•••  Seglîngen. 

•t»  Voy.  sa  déclaration  de  guerre  ci-dessus,  n.  99.  L'incoraîon  de  ces 
tk  partisans  est  jugée  par  les  écrivains  suisses  eux-mêmes  contraire  à 
la  nentralité  ;  le  comte  Jean  aura  donc  été  forcé ,  j'igçore  quand  et 
comment ,  à  retirer  sa  déclaration,  au  moins  pour  Eglisau.  Schaffhouse 
aussi ,  situé  entre  Eglisau  et  Tengen ,  était  neutre  au  fond  ;  toutefois 
des  mnnitiotis,  de  la  pondre  et  des  arquebuses  destinées  aux  Confédérés 
traversaient  secrètement  cette  ville  ;  la  ruse  mercantile  abuse  eommn* 
nément  de  la  neutralité.  Le  duc  Albert  écrit  au  comte  Âlwig  de  SuU  , 
Stein ,  6  janvier  1445,  de  visiter  les  chariots  et  d'éloignei'  de  cette  ville 
la  rente  commerciale. 

^^  Au  Strassberg ,  entre  Glattfelden  et  Windlacb. 

»•«  BuLlinger. 

**'  On  ne  peut  nier  qu'il  n*ait  fait  et  violé  une  promesse.  T$e/uuU. 
C'est  ce  qni  excita  contre  lui  nne  colère,  qni  nVuraitpas  eo  de  motif 
s'il  eût  combattu  les  ennemis  les  armes  à  la  main,  n  y  eut  probable- 
ment  dans  cette  occasion  ansai  une  ambiguïté  de  paroles  destinée  à 
tromper  les  innocens. 

*•)  Bdlibaeh. 


180  HISTOIRE   DB  LA   SUISSE. 

cette  sentence  injuste  ^^*.  Le$  victimes  ofirirent  de  ra^ 
cheter  leur  imprudence  par  une  rançon  :  le  comte  exé* 
cuta  le  jugement  rigoureux  en  les  raillant ^^^.  On  voulut 
épargner  un  bel  adolescent;  il  dédaigna  sa  grâce ,  uni 
à  ses  compagnons  par  le  serment  de  vivre  et  de  mourir 
avec  eux  ^^.  Sa  mort  et  la  leur  furent  vengées. 

Il  devint  évident  alors  qu'à  la  guerre  les  batailles 
font  peu  de  mal  et  que  la  barbarie ,  les  haines ,  les  atro- 
cités et  toutes  les  misères  sont  plutôt  le  résultat  de 
causes  accessoires  et  de  la  petite  guerre ,  qui  n'a  rien 
de  noble^  ne  décide  rien  y  mais  transporte  daus  les  ca*- 
banes  de  l'innocent  peuple,  des  maux  supportables 
seulement  sur  un  champ  de  bataille  et  dans  une 
grande  journée.  Alors  aussi ,  autour  de  Mie ,  dans  la 
haute  Alsace,  dans  la  forêt  Noire,  une  fureur  crois-^ 
santé  rasa  des  châteaux ,  brûla  des  villages  y  emmena 
des  troupeaux,  répandit  journellement  le  deuil  et  Fin- 
quiétude^^,  sans  une  action  qui  eût  enflammé  les  ne- 
veux au  jour  du  péril  ou  mis  un  terme  à  l'ardeur  bd- 
liqueuse  d'un  parti. 

On  fit  la  paix  par  nécessité  y  persuadé  que  la  prolon-* 
gation  de  la  guerre  n'amènerait  aucun  résultat.  L'Em- 
pereur était  en  querelle  avec  sa  maison ,  en  guerre 
avec  la  Hongrie ,  en  défiance  à  l'égard  des  Autrichiens. 
Le  duc  Albert,  son  frère,  qu'il  surpassait  en  prudence 

***  Il  était  obligé  de  prononcer  selon  la  lettre. 

^*  Gomme  ils  offraient ,  Tnn  AOO ,  l'antre  600  florins  de  rançon ,  le 
comte  leur  dit  s  t  Poisque  vons  êtes  si  riches ,  que  n'étes-voas  restés 
chei  TOUS  ?  •  Sdlihaeh, 

^*  Le  comte  dit  :  «  lAeafs  donc  avec  les  antres  ;  tn  es  bien  aussi 
coupable  que  le  pins  Agé.  •  BulUnger, 

**'  Sur  ces  exp^tiona,  yayet  Twchudi  H  ,  460 ,  &65,  â6S;  Siimpfj 
668,  a;  Muntter  Çé^U  de  1598),  617;  WuraiUtn  426  et  sviv.,  Brukmr, 
çà  et  là. 


LIVRB   IV.    CHAP.    II.  181 

et  en  fermeté ,  était  meilleur  militaire  et  plus  aimé 
pour  sa  libéralité  et  sa  franchise;  celui--ci  s'était  fait 
un  parti,  dangereux  par  la  vivacité  de  ses  passions  et 
par  sa  continuelle  pénurie  d'argent*^.  Les  Tyroliens, 
qui  veillaient,  non  sans  raison,  au  trésor  du  dernier 
due  ,  désireux  d'ailleurs ,  comme  peuple  indépen- 
dant ^^,  de  posséder  dans  leur  pays  leur  propre  souve- 
rain, Sigismond,  fils  de  Frédéric ,  se  soulevèrent  quand 
ils  le  virent  éloigné  du  gouvernement  au-delà  du  temps 
convenu ^^^.  Bien  plus  formidables,  les  Hongrois,  de- 
mandant que  l'Empereur  ne  retint  pas  plus  long-temps 
Ladislas,  fils  de  leurs  rois ^^ S  ^^  ^^  sainte  couronne, 
symbole  et  gsçe  de  la  souveraineté  nationale ^'^,  se  jetè- 
rent avec  une  extrême  fureur  sur  l'Autriche  *^^,  incen- 
dièrent en  un  seul  jour  quatre  cents  villes  et  villages  ^'^, 
et  commirent  d'inexprimables  ravages ^^^.  Cependant 
l'Empereur,  dans  Vienne ^^^,  s'abandonnait  à  des  plai- 
sirs innocens  au  milieu  de  ses  femmes  et  de  ses  jar- 


**'  n  avait  déjà  fait  avec  l'Empereur  la  goerre  dans  laquelle  Laybach 
fot  assiégé.  Roo  A.  1441. 
M*  Dont  la  constitution  était  ane  des  plus  libres  et  des  meilleores. 

M*  Trûté ,  Hall  dans  la  vallée  de  llnn ,  St-Jacqaes.  Fugger,  p.  559, 
b.  n  était  né  en  i427. 

4«i  L'empereor  Albert  II  l'avait  en  de  la  fille  de  l'emperenr  Sigis- 
mond. 

^  Pierre  dé  Béwa,  Gomment,  de  5.  Regni  Hong,  eoronas  dans 
^ekwemàer,  Scriptt*  H,  416. 

Mt  «  Qoicqnid  mali  potnerunt  facere,  boc  fecemni  •  VattonU 
ikron.  ap.  Pet,  Scripit.  I,  756. 

*^*  Viti  Arenpeck  ehron.  ad  1446  ;  aussi  dans  Pe*, 

41»  •  Damnom  longo  œvo  irrecnperabUe.  •  fVolfg.  de  Siyra,  liine- 
rgrwei;  dans  le  t.  U  de  Peu 

***  •  Iste  fait  in  Vienna.  »  Vatto, 


182  HISTOIRE   DE    LA   SUISSE. 

dins  ^^^^  et  se  montrait  si  indifférent  à  ces  désastres  ^^^, 
qu'on  le  soupçonna  de  ne  pas  voir  sans  plaisir  Thu- 
miliation  des  riches  et  fiers  Viennois  et  des  seigneurs 
des  provinces*^®;  peut-être  remplirent-ils  ses  vues, 
lorsque  les  uns  prirent  des  mesures  de  sûreté  ^^^  et  que 
les  autres  se  soulevèrent  enfin  spontanément  contre 
l'ennemi  ^^^  Dans  ces  circonstances ,  les  chevaliers  qui 
faisaient  la  guerre  aux  Suisses  par  amour  pour  Albert 
et  par  haine  pour  le  peuple,  iie  pouvaient  attendre 
aucun  secours  en  hommes  ou  en  argent.  L'espoir  qu'on 
avait  conçu  des  Armagnacs  s'était  changé  en  une 
aversion  si  profonde,  qu'on  forma  des  ligues  pour 
prévenir  leur  retour  *^^.  Loin  de  favoriser  la  noblesse, 
le  duc  Visconti  profita  des  conjonctures  pour  mettre  en 


'^^^  «  Cœsar ,  velut  alter  Sardanapalos,  in  medio  fœminarum  filan- 
»  tium  sedebat ,  berbas  automnales  evellebat  »  et  propler  imminentem 
a  byemem  planlulas  côoperiebat.  >  Fit,  Arenpeck ,  1.  c.  p.  1256.  La 
diiTérence  des  bommes  se  montre  moins  dans  les  occupations  et  les  Jouis- 
sances que  dans  la  manière  de  faire  et  dans  le  caractère.  Chez  Matthias , 
roi  de  Hongrie ,  on  louait  les  galeries  parfumées! de  fleurs,  les  terrasses 
de  son  jardin  et  les  aimables  embellissemens  qui  ne  lui  firent  jamais 
négliger  ses  occupations.  Bonfiniits,  dans  la  dédicace  de  sa  traduction  du 
traité  d'architecture  d'Antoine  Avérulam  de  Florence. 

***  «  Quasi  nihil  curabat  ;  t  les  Autrichiens  •  clamabant  lamcntabi- 
•  Uler  et  non  erat  qui  aspiceret.  >  Id,  p.  iS55. 

41*  «  Videbatur  quia  sub  tali  prœlextu  intendebat  subditos  (  prxser- 
»  tim  Australes)  bumiliare;  Viennenses  tune  opulentissimi ,  abundantes 
>  et  prxpotentes  erant,  a  quibus  quotidie  aurum  et  argentum  extor- 
»  qucre  cupiebat.  »  Id.  ibid. 

^^  Défense  de  bâtir  un  mur  près  de  St. -Nicolas  à  Vienne.  Vatzo. 

^^*  «  Tantum  quaedam  delusio  simplicîum ,  occupatio  supervacua  et 
»  pecuniarum  dilapidatio  erat  »  Arenpeck, 

^''  Union  du  comte  palatin  Loaii,  de  la  ville  de  Strasbourg  et  de  quelques 
riUes  impériales  d^ Alsace,  au  sujet  des  Armagnacs,  S.  Mart.  1A46,  dans 
Kônigshofen ,  édit.  de  Schiller,  p.  953. 


LIVRE    IV.   CHAP.    H.  183 

crédit  le  passage  du  Saini-Ghotard  ^^^  ;  il  offrit  ainsi  aux 
Suisses  un  ample  dédonunagement  pour  les  entraves 
que  rAllemagne  opposait  à  Texportatiou  de  leurs 
vins^^^.  Le  pacifique  duc  de  Savoie  ^^^  vivait  dans  la 
meilleure  intelligence  avec  eux^^®.  Aussi  quels  hon- 
neurs ils  rendirent  à  sa  sœur  la  princesse  palatine^^'^  ! 
De  nobles  familles  s'allièrent  ^  au  moyen  de  fiefs ,  avec 
le  pape^  son  père  ^^^.  Le  comte  Jean  de  Neuchâtel  et 
Jean  d'Arberg^  seigneur  de  Yalangin,  tous  deux  con^* 
sklérës  à  la  cour  de  Bourgogne^  obéirent^  coomie  ci-* 
toyens ,  aux  sommations  de  Berne  ,  déclarèrent  la 
guerre  à  l'Autriche  et  marchèrent  ^^^.  Le  duc  Philif^ 
de  Bourgogne ,  surnommé  le  Bon ,  non  moins  digoi 
d'être  appelé  le  Sage^  n'empêcha  point  cette  partici- 
paticm,  mais  ne  fit  rien  pour  troubler  la  paix  ^^^*  Afin 
de  se  soustraire  ^^^  aux  importunités  de  l'ambassadeur 
autrichien^  le  chevalier  de  Morsberg  p  il  lui  déclara 

^  n  était  très-fréqnenté  pour  le  traii^rt  da  vin.  Têchaehtlan. 

***  On  ayait  aussi  saflisamment  de  sel ,  quoique  celui  du  Tyrol  et  de 
Bavière  manquât  I(L 

^  «  n  fut  homme  en  petit  effet  d*annes.  »  OUv,  de  U  Marche,  1.  I. 

^  Têchudi  II,  455,  et  une  chanson  dans  HûpU  :  t  Auxilium  fecisse 
istis  ;  •  qu'il  avait  prêté  de  l'artillerie  aux  B&lois.  Il  sera  question  ci- 
après  des  rapports  avec  Berne, 

^'  Voyez  dans  fVaniUen  et  Brukner  le  magnifique  cortège  de  ftOO 
chevaux  et  1600  hommes  d'infanterie  qui  alla  au-devant  d'elle  à 
liSDgenbrongg. 

*^  Après  que  Félix  V  eut  incaméré  le  couvent  de  Pajeme ,  son  légat 
Jean ,  cardinal  S.  Sîxti ,  inféoda  la  métairie  payemoise  de  HOllstein  k 
Arnold  de  Rotberg  et  è  Jean  d'Offenbourg;  1445.  Brukner. 

**»  Têchudi  n .  465. 

^^*  Il  remît  à  Louis  de  Savoie  la  décision  de  quelques  points  encore 
ï  régler  avec  Berne;  1446,  Guichenon,  Hi$U  de  la  maiêon  de  Savoie. 

"*  Il  ne  pouvait  pas  s'attendre  que  la  situation  financière  de  l'Âu- 


184  HISTOIRE    DE   LA    SUISSE. 

»  que  depuis  un  grand  nombre  d'années  il  avait  udî- 
j)  quement  en  vue  la  paix  et  la  prospérité  de  ses  États; 
»  que  l'équipement  d'une  armée  exigerait  de  gran- 
»  des  dépenses *^^j  que*  pour  les  couvrir,  l'Autriche 
»  devrait  lui  payer ^  au  préalable^  quelques  centaines 
»  de  mille  florins  *^^.  »  Les  Confédérés  furent  informés 
par  les  Bernois ,  ceux-ci  par  leur  ami  neuchàtelois^^, 
des  mouvemens  hostiles  de  la  cour  de  Bourgogne  ;  les 
Bernois  se  chaînèrent  de  les  arrêter  ^^.  A  cet  effet,  ils 
résolurent  d'offrir  au  maréchal  de  Bourgogne ,  le  sire 
Thibaut  de  la  maison  bourguignone  de  NeuchateP^> 
un  présent  de  quatre  mille  florins  et  mille  florins 
par  an  comme  témoignage  de  leur  reconnaissance^  s'il 
leur  conciliait  la  faveur  de  son  maître  *'''.  Cette  dé- 
marche réussit;  Tavoyer  Ulrich  d'Erlach  et  le  chevalier 
Henri  de  Bubenberg ,  envoyés  de  la  ville  de  Berne  ^**, 
reçurent  du  duc  un  accueil  flatteur  et  une  audience,  et 
furent  congédiés  avec  des  assurances  tranquillisantes. 

triche  perptt  de  loi  payer  une  fi  forte  somme.  Soogefdt-il  d^à  peot- 
étrc  à  se  faire  donner  des  hypothèques  ? 

^^  •  M'étaient  les  nobles  hommes  nullement  pourvus  de  chevaux  lù 
»  d'armures;  si ,  il  fallut  leur  donner,  m  O,  delà  Marche,  1.  I. 

*"  May,  m.  i 88. 

"*  StetiUr  I ,  i«8. 

^*  May,  m ,  185.  De  semblables  autorisations  n'étaient  pas  inso 
lites. 

*>*  Voy.  sur  cette  maison ,  t.  IV,  405,  400  ;  sor  Thiéban ,  même  L  V, 
250.  Peut-être  succéda-t-il  dans  l'office  de  maréchal  an  comte  Jean,  tr^- 
sujet  à  la  gonlte.  Nos  historiens  ont ,  dans  ce  cas ,  facilement  pu  les 
confondre. 

*'^  «  II  entend  traiter  cette  affaire  avec  Votre  Grftce ,  >  disent  au  duc 
de  Bourgogne  rAutricbe,  Bade  et  le  Wurtemberg  dans  la  miuive  qoi 
sera  citée  tout-à-l'heure.  Cette  version  est  bien  plus  naturelle  que  celle 
de  BttUinger,  qoi  prétend  qu'une  si  misérable  somme  fut  offerte  au  doç 
lui-même. 

«*  May  in,  185. 


LIVRE   IV.   CHAP.   II.  185 

Philippe  reconnut  dans  le  jeune  Adrien  de  Buben- 
berg  *^^  les  dispositions  qui  en  firent  un  grand  homme^ 
et  il  le  retint  à  sa  cour.  Le  duc  Albert  et  ceux  qui ,  par 
dévouement  pour  sa  personne  et  pour  la  cause  des 
seigneurs  et  des  chevaliers ,  poussaient  le  plus  vivement 
à  la  guerre  contre  les  Suisses,  recoururent,  pour  ga- 
gner Philippe,  à  l'un  de  ses  penchans  favoris ^^^.  Fon- 
dateur de  la  Toison-<l'Or,  fier  de  sa  gloire  comme  chef 
et  législateur  de  la  noblesse ,  habitué  à  tenir  en  respect, 
par  l'éclat  héroïque  des  chevaliers ,  les  orgueilleux  fa- 
bricanset  les  paysans  de  la  Flandre,  encouragerait-il 
l'audace  des  Suisses  contre  la  noblesse,  qui  n'attendait 
son  salut  que  de  lui  ^^'  ?  Ils  l'implorèrent  et  le  prému- 
nirent contre  le  maréchal;  ces  représentations  (Berne 
s'en  inquiéta)  parurent  produire  leur  effet  ^^^.  De  ce 
côté  donc  l'espoir  de  Berne  fut  ébranlé,  le  danger 
devint  possible;  quant  aux  Allemands,  on  savait  qu'ils 
mettraient  enjeu  tout  ce  que  l'alliance,  l'amitié**^,  l'or- 
gueil de  la  noblesse  offraient  de  ressources  ^*^  j  la  gran- 
deur et  la  liberté  même  de  Berne  reposaient  sur  le 

***  Fils  de  Henri ,  et  alors  âgé  de  vingMjleox  ans. 

^*  Miuive  adreêUe  au  due  par  Albert,  Jaeque»  de  Bade,  Louis  et 
Ulrich  de  Wurtemberg.  Tfibingen,  i&&6  ;  pea  de  jours  après  la  bataille 
de  Ragaz.  Elle  est  dans  EdlibaeL 

**<  On  disait  qu'il  était  l'amant  et  le  défenseur  delà  noblesse ,  et  qu'il 
obtiendrait  cet  éloge  en  Allemagne. 

**>  «  Tout  annonçait  que  les  princes  s'entendraient  avec  les  {^rinces, 
el  les  communes  avec  les  communes.  •  Suttûr  I ,  i68. 

***  T.  in,  2i0,  2âi.  C'est  pour  cela  que  le  margrave  Jacques  invoque 
dans  la  lettre  qui  va  être  citée  le  secours  des  chevaliers  de  St. -George 
et  S t -Guillaume. 

***  Jacquee  de  Bade  à  ton  bien  cher  RobauU  de  Thuiliierê  à  Luttringen. 
Bade,  2  avril  1440.  Il  l'invite  avec  quatre  autres  à  venir  à  la  tôle  de 
lances  à  St.-Diedolt ,  dimanche  avant  St. -Gui  et  St. -Modeste  (15  juin). 


1 


186  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

dévouement  de  citoyens  libres  et  de  nobles  prêts  à  sa- 
crifier vie  et  fcHTtune  pour  la  république.  Mais  la  durée 
de  la  guerre  fatigua  ce  dévouement  :  Henri  de  Buben- 
berg  ^  seigneur  de  Mannenberg  et  de  Spiez  ^  et  Nicolas, 
de  Scharnachthal ,  seigneur  d'Oberhofen^  aperçurent 
dans  rOberland  des  signes  de  mécontentement  ^^^; 
d'un  autre  coté^  la  fortyne  des  nobles  seigneurs  ne 
leur  permettait  plus  de  représenter  leurs  sujets  dans 
les  assises  ^^^.  La  concorde  fédérale  et  le  coi^rage  dans 
la  défense  du  pays  rendaient  l'attaque  périlleuse^  mais 
la  pauvreté  neutralisait  bien  des  avantages  ;  ces  mêmes 
Suisses  n'avaient  ni  le  goût  des  expéditions  lointaines , 
ni  l'argent  qu'elles  exigeaient.  La  meilleure  paix  est 
celle  que  tous  désirent,  et  qu'aucun  parti  ne  redoute 
trop. 


*4^  Ils  n'étaient  pins  en  sûreté  dans  t'Oberland  an  miliea  de  leon 
sujets. 

**<  Us  firent  des  dettes  qu'ils  t|ansmirent  à  leurs  enfans.  Le  triiorier 
Frœnklin  dans  la  Guerre  des  seigneurs  de  Thàring  Frikard,  es  M.  le 
landammann  de  Tillier  nous  donne  dans  son  Hist,  de  la  répub.  ds 
Berne,  t  II ,  119,  190,  sur  ces  faits,  de  plus  amples  renseignemens  ei- 
traits  des  archives  de  l'ÉtaL  Les  sires  de  Bnbenberg  et  de  Schamachtbal 
s'étaient  obérés ,  ainsi  que  les  autres  grands  propriétaires  ,  par  les  sa- 
crifices faits  à  la  patrie  dans  ses  guerres.  La  fermentation  excitée  dans 
rObcrland  par  les  charges  militaires  ne  pei-mettait  plus  à  ces  seigneurs 
de  se  croire  en  sûreté  dans  leurs  châteaux  de  Spiez  et  d'Oberhofen.  A 
la  fin  de  février,  les  babitans  de  l'Oberland ,  du  Gessenaj  et  du  Siben- 
thaï  avaient  formé  une  ligue  et  pris  l'engagement  de  s'opposer,  à  moins 
d'un  commun  consentement ,  aux  guerres  étrangères ,  aux  expédilions, 
à  la  taille ,  aux  péages ,  aux  achats  forcés ,  aux  taxations.  Cette  résis- 
tance aurait  entièrement  paralysé  les  forces ,  si  sdivent  éprouvées,  de 
la  république  ;  aussi  Berne  était-il  bien  résolu  de  la  dompter  ;  mais 
dans  les  circonstances  critiques  où  l'on  se  trouvait,  on  crut  devoir  pré» 
férer  les  voies  de  la  douceur  à  une  prompte  violence  ;  on  accepta  doue 
l'amicale  médiation  des  Confédérés.  Au  commencement  de  mai  les 
députés  des  six  anciens  cantons,  à  l'exception  de  Zurich,  se  réunirent 


LIVRE   IV.    CHAP,    II.  187 

Lorsque  les  nëgociatioiis  ^  poussées  avec  vigueur, 
promirent  un  résultat ,  on  exposa  des  faits^  on  fit  des 
offres  et  des  conditions  sur  lesquelles  on  n'avait  jamais 
pu  s'entendre^  aussi  long-temps  que  Tespoir  d'une 
scission  de  la  Suisse  entretint  l'amour  de  la  guerre^  et 
que  Réding  et  Stûssi  nourrirent  la  haine  et  la  défiance. 
L'artificieux  manifeste  du  bailli  ^  le  margrave  Guil- 
laume^ était  demeuré  sans  effet  et  sans  réponse,  parce 
que  ses  allégations,  littérales  mais  partielles,  ne  se  rap- 
portaient pas  au  fond  du  débat  ^^''.  Tant  est  vieux  l'art 
de  déguiser  l'amour  de  la  guerre  sous  les  dehors  de 
l'amour  de  la  justice,  et  de  cacher  à  tous  les  yeux  la 
vraie  source  des  dispositions  hostiles  I  II  est  bon  de 
dire  aux  gens  loyaux  qu'on  se  joue  de  l'innocence  et 
du  droit,  et  que  la  force  et  la  victoire  assurent  seules 
la  paix  *. 


h  Thoone  ;  Berne  y  fut  représenté  par  l'avoyer  Ulrich  d'Erlacb ,  Pierre 
Scbopfer,  Nicolas  de  Wattenwyl ,  TaToyer  de  Tboane  et  Jean  Blam.  An 
débat  des  négociations,  Berne  montra  de  la  défiance,  parce  que  ses 
députés  h  la  dit>te  de  Luceme ,  Pélcrmann  de  Wabem  et  Simon  Archer 
avaient  transmis  la  découverte  faite  par  eux,  que  le  représentant  de 
Schwyx  délégué  à  Thoone  était  chargé  de  requérir  des  Obcrlandais  un 
secours  pour  lequel  on  se  montrerait  reconnaissant  dans  l'occasion.  La 
négociation  traîna  jusqu'à  la  fin  d'août ,  époque  où  les  arbitres  fédé- 
raux rompirent  la  ligue  de  l'Oberland  en  la  déclarant  illégale.  Mais  le 
Oessenay,  qui  avait  pris  ses  arbitres  et  son  surarbitre  dans  le  Pays-de- 
Vaud ,  ne  fut  condamné  que  l'année  suivante  à  se  désister  de  la  ligue 
avec  le  Sibenthal  et  à  remplir  envers  Berne  les  devoirs  de  la  combonr- 
geoisie.  G.  M. 

**'  Négœiaiiûn  et  ênireprUe  du  traité  de  meêêêigneurê  d^Jmtrieke  et  deê 
ZuricoU  jusqu'au  dinumcke  Judiea  &3,  époque  OÙ  il  remit  cet  écrit  dans 
Rheinfelden.  L'introduction ,  partie  sans  doute  la  plus  importante ,  est 
dans  Tschudi,  H,  644-4d8. 

*  Poissent  nos  gouvemans  s'en  apercevoir  avant  qu'il  soit  trop  tard  1 
n.  L.  II. 


188  HISTOIRE  DE   LA  SUISSE. 

Après  ces  événemens^  le  commandeur  de  l'ordre  de 
St.-Jeanà  WaBdenschwyl**',  ami  des  deux  partis^  avait 
organisé  une  conférence  au  milieu  du  lac.  Là  se  ren- 
contrèrent sans  armes  **•  Jean  de  Rechberg,  les  sei- 
gneurs de  Zurich^  des  magistrats  considérés  de  la 
plupart  des  cantons  suisses  ^^;  deux  cents  hommes 
vigoureux  et  bien  armés  de  Waedenschwyl  garantis- 
saient la  sûreté  des  personnes.  Le  loyal  commandeur^ 
accompagné  de  sages  conseillers,  vint  dans  une  nacelle 
se  placer  entre  les  barques ,  salua  ^^^^  s'adressa  au 
sentiment  des  partis  et  à  leur  raison.  Les  paroles  de 
Rechberg  donnaient  des  assurances  pacifiques  ;  il  de« 
mandait  seulement  que  les  Suisses  rendissent  ce  qu'ils 
avaient  enlevé  pendant  le  concile  de  Constance  à  la 
maison  d'Autriche^  en  Ârgovie,  et  pendant  la  dernière 
guerre  aux  Zuricois  sur  les  bords  du  lac^^^.  Le  lan- 
dâmmann  de  Schwyz^  Âb  Yberg^  qui  périt  ensuite  près 
de  Rapperschwyl*^',  répondit  :  «  En  vain,  Rechberg, 
»  tu  attends  de  nous  un  langage  de  cour  ;  un  homme 
»  est  un  homme  ;  tu  n'es  à  mes  yeux  que  toi  ;  mes 
»  paroles  laissent  ta  noblesse  intacte ,  comme  ton  dis- 
»  cours,  mes  prairies  de  Schwyz.  »  —  «  Vos  outrages 


***  Tsêhudi  l'appelle  Tadministrateur.  Ëtait-ce  Tintendant  da  oom- 
mandear ,  absent  peat-étre?  Il  se  oommait  Lésel  on  Lœsel.  Lm.  Ou  bien 
Tschadi  entendait-il  par  l'administrateur  le  commandeur  lui-même ,  \^ 
comte  Hugues  de  Monlfort  ? 

**'  «  Nul  ne  portait  une  cotte  de  maille.  »  EdUbaek, 

^**  Schwyi ,  Uri ,  Unterwalden ,  Claris ,  Luceme. 

**^   t  Bien  vertueusement  •  Bdlibaek, 

•"  Tsehudi, 

*••  Sa  présence  détermine  l'époque  de  cette  conférence  qa^EdUlnuh 
confond  avec  la  dernière,  qui  eut  lien  plus  tard  il  doit  être  quesUon 
ici  de  celle  que  Tsehudi  (11,  443)  raconte  au  milieu  de  l'année  1445* 


LIYBB   lY.   CHAP.   II.  189 

»  intempestifs  ^^^  cher  landammana  ^  »  interrcmipit 
Rechberg,  «  ne  souillent  point  ma  noblesse  ;  mais  comme 
»  les  services  que  je  voue  à  la  ville  de  Zurich  *^  me 
»  conduisent  assez  fréquemment  sur  vos  frontières  ^^, 
»  vous  trouverez  sans  peine  un  jour  plus  convenable 
»  pour  les  provocations.  »  Le  landammann  Wagner 
mit  fin  à  cette  dispute;  si  l'on  manquait  encore  de 
pouvoirs  ou  de  bonne  volonté  pour  l'affaire  principale , 
du  moins  le  ton  de  la  bienveillance  régna  pendant  les 
négociations.  Gomme  on  se  trouvait  encore  réuni  à 
midi^  les  Zuricois  jetèrent  leurs  provisions  ^^"^  dans  les 
barques  suisses ,  de  sorte  qu'après  un  long  temps  on 
vida  de  nouveau  les  coupes  en  commun.  On  fixa  un 
terme  pour  chercher  des  instructions  ;  en  attendant , 
toutes  choses  devaient  rester  dans  le  même  état  jusqu'à 
la  nouvelle  conférence  ^^^.  Soit  ruse^  soit  hasard ,  cette 
réunion  fut  retardée;  les  Zuricois  profitèrent  du  délai 
pour  vendanger  les  rives  du  lac  *^^  ;  la  confiance  trom- 
pée irrita  Réding  ^^,  au  point  qu'il  provoqua  en  duel 
l'artificieux  greffier  municipal  **^ 

Instruits  par  l'expédition  des  Armagnacs  des  dan- 
gers qu'avaient  pour  leurs  frontières  les  agitations  de 
la  Haute  Allemagne^  l'électeur  palatin  Louis  et  les 
électeurs  de  Trêves  et  de  Mayence  intervinrent  et  cal- 

^^^  Les  poinles  saliriqaès. 

^*  «  Attendu  qne  je  sois  le  serviteur  de  messeigneurs  de  Zurich.  # 

^*  «  J'attache  asseï  souvent  mon  cheval  I  vos  buissons.  • 

**'  Du  pain'blanc'et  des  brioches. 

^*  Entrevue  le  12  octobre  1445.  Tuhudi,  U,  455. 

***  Le  19  octobre.  IbitL 

***  Ital.  Probablement  le  fils. 

^^  Rodolphe  de  Cham.  Jean  Conrad  FabrUiiu  mentionne  ce  duel 
dtosHa/(«r,  BibU  êuim,  t  V,  5S.  Mais,  d'afirts  la  date,  il  paraît  avoir 
^  lieu  l'année  auparavant 


190  HISTOIRB  DE   LA   SUISSE. 

mérent  cette  irritation.  La  pacification  des  troubles  de 
rÉglise  et  de  la  société  et  un  gouvernement  bienveillant 
firent  la  gloire  du  débonnaire  ^^  Louis  et  des  sages 
archevêques  Didier  Schenk  d'Et'pach  ^^^  et  Jacques  de 
Sirk  ^^.  Par  la  médiation  du  grand-maitre  de  la  cour 
de  l'électeur  de  Mayence ,  Wiprecht  de  Helmstatt  *^\ 
et  de  Henri  de  Fleckenstein ,  influent  à  la  cour  pala- 
tine *^  et  connu  des  Confédérés  ^^,  les  électeurs  con- 
voquèrent une  réunion  à  Constance  *^  ;  sans  résultat 
au  fond^  mais  non  sans  utilité  pour  rectifier  les  idées 
des  princes  intéressés***.  Ils  se  convainquirent  que 
l'espérance^  non  la  nécessité ,  entretenait  la  guerre  ;  h 
seule  bataille  de  Ragaz  put  assurer  le  succès  de  la 
négociation. 
'  Véa  auparavant  les  seigneurs  avaient  décliné  une 

**'  Son  sornom.  Paréus,  SSO«  édlt.  de  Joannis. 

***  Sa  vie  est  racontée  en  détaii  par  £emu*cai,  édit  de  Jôannb. 

***  On  attriboe  sa  participation  à  l'office  de  vice-chancelier  d'Empire, 
qa'il  remplit  vers  ce  temps.  Kyriander  dans  les  additions  de  Stmve  à 
MaUinekroi,  de  ytrchicanceUariii,  p.  280.  De  là  la  singulière  adresse  de 
la  lettre  des  Saisses  mentionnée  n.  471. 

«66  Serraritt»  ad  iàà^  le  nomme  ainsi. 

***  Sa  maison  était  en  possession  da  soos-bail liage  d'Alsace.  SchâpfUn, 
Al$0U.  m.  n ,  6S6. 

**'  Jean ,  son  cousin ,  avait  occupé  le  siège  épiscopal  de  Bàle  (en  \h^^)\ 
un  autre  Jean  de  Fleckenstein  était  alors  prévôt  à  Moutier- Grand- Val  ; 
il  le  fut  de  iUlk  à  1467;  de  ses  frères  est  sortie  une  branche  florissante 
à  Lucerne.  Lea.  Le  reste  de  la  généalogie  se  trouve  dans  Schôpflin ,  I.  c. 

*•*  A  la  Saint-Martin  145.  T$clmdi,  \l ,  457. 

***  c  Le  bruit  courut  que  les  Confédérés  se  firent  beaaoonp  d'bon- 
»  neur.  •  On  vit  qu'ils  ne  songeaient  qu'à  se  maintenir,  et  nnlledicnt  à 
détruire  la  noblesse ,  comme  on  leur  en  prétait  le  dessein.  Rien  n'était 
pins  étranger  à  l'esprit  de  la  confédération  qu'âne  guerre  de  révolution 
avec  le  but  formel  de  renveiser  les  trônes.  =  Le  contraire  panrft  évident 
à  juger  par  leurs  actes.  D.  L.  H. 


Ur RB  IV.    CHAP.    II.  191 

entrevue ***• }  peu  auparavant*''^  les  Suisses  avaient 
humblement  remercié  l'électeur  *^^,  imploré  son  in- 
tercession pour  obtenir  justice  impartiale,  *^^^  et^  pleins 
de  dévouement  à  la  commune  patrie  ^''^^  ils  avaient  si- 
gnalé le  danger  de  laisser  des  peuples  non  germani- 
ques *^^  se  mêler  de  leurs  affaires.  La  journée  de  Ragaz 
ayant  renversé  tout  espoir  de  dompter  la  Suisse ,  les 
seigneurs  se  montrèrent  mieut  disposés  *''^. 

A  la  faveur  de  cette  disposition  et  de  la  considération 
particulière  que  les  antiques  usages  de  l'Empire*''^ 
donnent  à  l'électeur  palatin  en  sa  qualité  de  juge  de 

*M  A  Dlm  pourra  mi-oartee.  «  Qadqaes  petits  saccès,  dus  à  1« 

•  négligence  des  Ck>nfédér4s»  les  avaient  enflés.  •  TsehmUUf  460. 

^'^  Le  SA  février  1440.  Miuive  de  la  Diète  de  Luceme  (sans  Schwys, 
mab  avec  Solenre)  au  vénérable  et  noble  eeigneur  du  saini'sUge  de  Menze, 
Momeigneur  Jacques ,  archevêque  de  la  eainte  église  de  Trêves ,  archi- 
ehttneeUer,  et  au  due  Louis  g  comté  palatin.  Dans  les  notes  d^Iselin  sur 
rieAwii,  II,  466  et suiv. 

*'s  •  Noos  sommes  trop  petits  et  trc^  faibles  pour  remercier  votre 

•  Grtoe.  • 

m 

*'*  L'Autriche  devait  choisir  entre  Ulm  ,  Ueberlingen  et  Ravensbourg , 
et ,  de  son  côté ,  lenr  proposer  trois  princes  souverains  devant  l'un  des- 
quels ils  comparattraiefit ,  comme  ellennéme  devant  une  de  ces  trois 
fUies. 

*^^  «  Gomme  sajets  obéissans  et  fidèles  membres  du  Saint-Empire 

•  romain.  Si  vous  êtes  ceux  à  qui  le  Dieu  Tout-puissant  a  donné  Tauto- 

•  rite  de  gouverner  et  d'agrandir  le  Saint-Empire  romain ,  nous  vous 

•  prions  humblement  de  ne  rien  permettre  qui  puisse  amcher  la  ruine 

•  de  l'Empire  entier.  » 

"*  La  Bourgogne. 

"*  «  Le  luxe  engendre  l'orgoeil ,  l'oigueil  l'envie ,  et  l'envie  la  colère; 

•  or  la  colère  amène  la  guerre ,  la  guerre  la  pauvreté,  la  pauvreté  enfin 
»  la  paix.  •  EdlibaeL  Cette  roue  de  la  fortune  a  été  figurée  par  Hemmer^ 
Un ,  dial,  de  nobilitate,  et  parait  être  de  son  invention. 

*'^  «  Suivant  les  anciennes  eontomes.  •  BuUe  d'or  de  Charles  IV  ^ 
VI .  S. 


192  HlSTOiaB   DB  Lk  SUISSE. 

l'Empereur  même  *''^,  Louis  déploya  le  zèle  le  plus 
louable  ^''^  pour  réconcilier  les  partis  >  au  congvés  paci- 
fique de  Constance  ^^^*  Il  parut  lui-même  dans  Téclat 
de  la  jeunesse  *^^,  avec  les  plus  illustres  amis  de  sa 
maison  ^^',  le  conseiller  suprême  de  Télectorat  de 
Mayence^  vieillard  expérimenté  ^^^^  les  grands-maitres 
de  Tordre  teutonique  ^^^  et  de  l'ordre  des  chevaliers  de 
SaintJean  *^^,  et  avec  une  suite  de  trois  cents  chevaux. 
Le  duc  Albert  d'Autriche,  au  moment  de  céder  à  son 
cousin  Sigismond  cette  partie  de  ses  domaines  ^^^^  vou- 
lut contribuer  encore  personnellement  à  leur  pacifica- 
tion ;  les  comtes  et  seigneurs  de  Souabe  qui  faisaient  la 
guerre  ajoutèrent  à  Péclat  de  son  entrée  ^^"^^  De  Berne 
vint  l'ancien  avoyer  Rodolphe  Hofmeister  ^^^,  qui  avait 


*^*  «  Mais  ce  prhrilégè  est  si  gfaûd  (}tie,  pour  cela  même,  il  parait 
•  prescrit  dès  long-temps.  •  Novtmviratiu ,  Francf.  1741 ,  p.  60. 

*'*  Les  chroniques  lai  donnent  à  caose  de  cela  le  titre  de  t  prince 
»  pieux  et  chrétien.  • 

***  n  dit  qu'il  les  convoquait  en  qualité  de  vicaires  de  TEmpire»  sans 
qu'ils  puissent  refuser. 

*'^  Agé  de  vingt-deux  ans. 

*'*  t  Aux  hauts  et  nobles  seigneurs  Guillaume  comte  de  WartenbeiiD 
(Wertheim) ,  Craft  de  Hohenloch ,  George  d'Ochsenstein,  Louis  d'Ail, 
prévôt  du  chapitre  de  V^nrSniss  (Worms)  ,  Jean  de  Gemmingeo, 
maréchal,  etc.  Eiterlin,  p.  176. 

***  Didier  dTsenbonrg,  comte  de  Bûdingen,  par  l'intermédiaire 
duquel  le  prince  électeur  reçut  ses  fiefs  en  1AS3.  SerrarUu.  Joann.  h.  s. 
et  1&&6.  Jean  ,  son  père,  était  mort  en  1407. 

***  Eberhard  de  Stetten ,  grand  maître  en  Allemagne  et  en  France  » 
membre  du  conseil  palatin.  Eiterlin. 

**'  Hugues  de  Montfort  Roo  lui  attribue  la  meilleure  part  de  la  paci- 
fication. Toutefois  son  nom  ne  se  lit  pas  dans  les  listes  des  penx>Dues 
présentes  à  Constance. 

*••  FiUx  Fabtr,  Hut.  Suêp.  L  I .  c.  16,  p.  66. 

*>'  EdUbaeh  lui  donne  à  lui  aussi  SOO  chevaux,  Tschudi,  900. 

**>  Il  avait  été  avoyer  de  1414  à  1444. 


LIVRE   IV.   CHAP.    II.  193 

blanchi  sous  le  casque  du  chevalier,  dans  les  victoires 
et  les  conseils ^^^ ;  de  Schwyz,  Ital  Rëding,  le  jeune; 
de  Zurich  et  des  autres  cantons,  les  hommes  les  plus 
sages  y  les  plus  habiles  pour  l'œuvre  de  la  paix  *^  ;  bon 
nombre  de  bourgmestres  et  de  conseillers  de  villes 
amies  ^^^  ;  le  comte  de  Neuchàtel ,  vénérable  par  son 
âge  et  par  ses  sentimens ,  Tenvoyë  du  duc  de  Savoie  *^, 
l'évéque  de  Baie. 

Les  princes,  les  seigneurs,  les  chevaliers  et  lesxlépu- 
tés  y  réunis  dans  Constance  au  nombre  de  deux  tiûUe 
cavaliers  ^^,  donnèrent  lieu  à  des  jeux  et  des  festinS> 
d'où  naquirent  des  dispositions  pacifiques  ^^.  Ceux  qui 
peu  de  semaines  auparavant  étaient  remplis  de  haine 
et  de  défiance  envers  les  Suisses,  ennemis,  pensaient- 
ils,  de  toute  justice  et  de  tout  gouvernement  *^,  recon- 
nurent chez  la  plupart  des  députés  un  désir  aussi  ferme, 
aussi  loyal  de  conclure  la  paix  dans  cette  diète  que  si 
leur  vie  en  dépendait  ^^.  Moins  on  s'occupa  des  occa- 

***  Sons  lui  l'Ai^ovie  avail  été  conqaÎM  en  1419. 

M*  Schwyz  regardait  moins  à  cela  ;  Glaris  n'envoya  pas  le  béros 
Tschadi,  mais  «  le  vîenx  landammann  Schûbelbach.  •  TsehudL 

***  Strasbourg,  Angsbonrg,  Nflrembeig,  Ulm ,  Constance,  St-Gall 
(Conrad  Heer),  Ueberlingen  (le  vieux  Betz,  bourgmestre),  Lindau, 
Ravensboorg,  Rbeinfelden.  EdUbach, 

*'*  Jean  Champion ,  gouverneur  du  Pays-de-Vaud.  Tsehudt,. 

*»»  JHaxm,19î, 

***  Remarque  fort  juste  de  May. 

**>  Lettre  d* Albert  d^ Autriche,  de  Jacqueê  de  Bade,  de  Louis  et  d*Ulrieh 
de  fVwriemberg  à  cee  trois  princes  électeurs;  TObingue,  lundi  après  In* 
vocavit ,  1A4S,  dans  EdUbach  :  «  Les  Suisses  foulent  aux  pieds  ouvertc- 

•  ment  et  audaciensement  tous  les  droits,  ils  s'appliquent  sérieusement  à 

•  les  anéantir,  au  mépris  de  tout  gouvernement  et  de  la  noblesse  entière, 
»  à  qui  pourtant  l'Eglise  et  l'Empire  doivent  leur  maintien  et  leur  pros- 

•  périté.» 

*»•  On  crut  effectivement  qu'ils  avaient  reçu  l'oidre  d'en  finir  vaille 
que  vaille,  et  que  leurs  tCtes  en  répondaient.  EdUbach, 

VI.  1 3 


194  HISTOIRE    DE    LA  SUI66B. 

siens  de  la  guerre  ^  que  le  temps  avait  déjà  fait  ou- 
blier '^^y  plus  le  développement  des  questions  prmci- 
pales  fut  instructif  ;  on  se  convainquit  que  les  Suisses  » 
bien  éloignés  de  iPonger  à  des  oonquèlssy  ne  voulaient 
que  défendre  leur  confédération  de  toute  intervenlioa 
étrangère  ^^t  L'électeur  palatin  ^  sensible  au  mérite  de 
terminer  une  semblable  guerre  ^^^  n  épargna  ni  dé- 
penses ni  peines  ^^  pour  faciliter  par  des  explications 
cette  œuvre  bienfaisante.  Au  bout  de  quatre  seiDSi- 
nes^^^  heureux  médiateur  entre  le  duc  Albert^  là 
maison  d'Autriche  et  tous  les  Confédérés^  entre  la  ville 
de  Zurich  et  les  cinq  cantons  en  guerre  contre  elle  y 
soutenus  par  quatre  cantons  auxiliaires^  entre  Albert 
et  Baie  9  entre  Baie  et  les  villes  de  Fribourg  et  de 
Berne  ^j  il  réussit  à  faire  modifier  dans  le  sens  sui*- 
vaut  les  préliminaires  de  quatre  ctifférens  traités  ^^  : 

«  Le  très-noble  prince  et  toute  la  maison  d'Autriche^ 
»  le  comte  Jean  de  Tengen-Nellenboui^  ^^^y  tous  les 
»  conseillers  ^  serviteurs  et  vassaux  de  l'Autriche ^  les 
»avoyers,   landammanns^  conseillers,  bourgeois  et 

**'  Observation  dn  même. 

***  Tsehaehtlan  :  «  En  général  les  Confédérés  défendaient  Icor  caosc, 

•  en  droit  et  avec  Pépée  ,  honorablement  et  loyalement  » 

***  La  lettre  n.  495  l'appelle  «  une  guerre  misérable  et  araôre.  • 
***  Tichudi  :  •  en  sorte  que  Zurich  et  les  Confédérés  devaient  lui  en 

•  garder,  ainsi  qu*à  sa  postérité,  un  souvenir  reconnaissant  à  toat 

•  jamais.  » 

**<  L'assemblée  s^ouvrit  le  15  mai  1446;  on  signa  le  0  Juin.  r««M 
rectiûé  d'après  Vjirt  de  vérifier  teê  datée. 

^**  Il  en  sera  question  ci-après,  parce  que  cette  histoire  se  rattache 
moins  à  la  guerre  de  Zurich  qu'à  des  événemens  postérieurs. 

^**  Têckndi  a  donné  le  premier,  le  second  et  le  qaatrièno  traité,  Ur 
468,  471,  47S;  nous  en  résumons  les  articles  caractéristiques. 

^**  Probablement  nommé  à  part,  parce  qu'il  p'avail  pas  été  compris 
dans  la  déclaration  de  guerre;  voy.  ci-dessus  à  n*  399. 


'LIVRE    IV.    CHAP.    II.  195 

»  campagnards  de  Berne,  Soleure^*^^,  Lucerne,  Uri , 
))Schwyz^  Unterwalden,  Zoiig^  Glaris  et  Appenzeir 
» oomparaissenl  pour  faire  droite  les  premiers  aux 
»  seconds  devant  le  bourgmestre  et  le  conseil  de  la  ville 
»  d'Ulm  y  les  seconds  aux  premiers  devant  nous  ^  le 
»  duc  Louis  y  comte  palatin  du  Rhin  ;  ils  ^devront  éta«- 
)»blir  pasr  des  chartes  ^  produites  en  copies  vidi- 
»  mées^,  comment  châteaux  et  villes^  terres  et  gens^ 
»  revenus  et  droits  sont  passés  d'une  main  dans  l'autre 
tt  depuis  la  paix  de  cinquante  ans^^''.  Les  articles  des 
»  réclamations  réciproques  seront  adressés  pour  la 
»  prochaine  fête  de  St.-Michel  ^^  au  bourgmestre  de 
j»  Constance^  qui  enverra  dans  le  terme  de  huit  jours  le 
»  mémoire  de  TÂutriche  à  Luceme^  celui  des  Suisses 
»  à  Villingen,  et  une  notification  à  ceux  d'Ulm.  Deux 
n  mois  après  ^^  s*ouvriront  les  débats  contradictoi- 
M  res  oraux  et  par  écrit  ^  et  la  sentence  sera  pronon-* 
»  oée  dans  dix-huit  mois  ou  dans  vingt  et  un  ^^^  au 
»  plus  tard.  La  guerre  est  finie  ^'^  ;  toute  hostilité  ^^% 


***  Mommé  immédiatement  après  Berne ,  parce  qu'il  devint  suisse  par 
Kmallianoe  avee  cette  Tille. 

^'  L'évéquo  de  Gonstanceet  Tahbé  de  Reichenan  devaient  les  vidimer. 
Les  canlons  possédaient  beaucoup  de  chartes  autrichiennes ,  Urées  des 
archives  de  Bade  (t.  IV,  329  j;  les  Autrichiens,  des  chartes  suisses, 
dont  Sis  étaient  redevables  à  Zurich. 

••T  Du  28  mai  1413.  Ci-dessus  t.  IV,  159. 

*•'  30*septembre. 

***  Sntie  le  jour  de  St-Gall  (16  odobie)  et  NoCl. 

^  On  prit  évidemment  de  longs  termes  pour  que  les  esprits  pussent 
se  calmer  ;  les  parties  s'en  accommodèrent  parce  que  dans  oes  entrefaites 
pouvaient  se  développer  des  ehroonstanees  favorables  à  la  paii  on  à  la 
Soerre. 

*^*  Depuis  le  lever  du  soleil  le  dimanche  de  la  Trinité,  12  juin. 

"'  Assassinat .  brigandage ,  incendie  ,  mine  de  chàte:  a ,  eiil  et 
bannissement 


496  HISTOIRE    DE    LA.  SUISSE. 

»  oubliée;  les  prisonniers  dé  guerre  seront  relâchés;  tes 
»  firais  de  la  guerre ,  remis  ;  les  procédures  pariicu* 
»  liéres^^^  auront  leur  paisible  cours  avec  des  ménage- 
»  mens  équitables  ^'*.  »  Tel  fut  le  traité  avec  l'Au- 
triche; le  dyc  Albert  y  fit^  comme  premier  sacrifice  à 
la  paix,  Tabândon  de  l'exigence  que  les  Suisses  rebâ- 
tissent vingt-cinq  châteaux  y  ruinés  par  eux  dans  cette 
guerre  *^^. 

(c  Le  bourgmestre,  les  conseils  et  les  bourgeois  de 
»  Zurich,  ceux  de  Lucerne,  Uri,  Schwyz ,  Unterwal- 
»  den  et  Zoug ,  parties  belligérantes  ;  ceux  de  Berne , 
))  Soleure,  Claris ^^^  et  Appenzell,  qui  ont  secouru  les 
»  derniers  contre  les  premiers ,  sont  convenus  d'un 
»  arbitrage  qui  aura  lieu  à  Kaiserstuhl  :  les  Zuricois 
»  et  les  cinq  cantons  belligérans  ^^'^  nommeront ,  dans 
»  le  terme  d*un  mois,  deux  arbitres-jurés  pour  chaque 
»  partie;  si  les  arbitres  ne  peuvent  tomber  d'accord,  ils 
»  choisiront  le  mois  suivant  un  sur-arbitre  ^^^  impar- 
»  tial  dans  une  des  villes  d'Empire.  La  partie  qui  se 
u  montrerait  réfractaire  perdrait  son  droit ,  l'autre 
i)  aurait  cause  gagnée.  La  paix  est  faite;  la  guerre, 
»  oubliée ,  effacée.  »  Voilà  la  convention  la  plus  diffi- 
cile à  conclure ,  et  qui  coûta  des  sacrifices  mutuels  à 
ceux  de  Zurich  et  de  Schwyz.  En  effet,  Ital  Réding, 
cédant  aux  représentations  les  plus  pressantes ,  se  fit 

***  Aa  sujet  des  intérêts  et  des  créances. 

"*  Afin  qne  Jusqu'à  la  St -Martin  on  ne  pressftt  pas  les  dâ>itefDS. 

^*^  WwraUem  450.  La  plupart  des  châteaux  avaient  été  ruinés  dans 
la  guerre  des  Bàlois. 

**'  Glaris  n'avait  pris  part  à  la  guerre  qu'à  Tinvitation  de  Scbiryi. 
T.V,S26. 

^*'  S'il  restait  quelque  différend  concernant  les  quatre  villes  auxiliaire» 
en  particulier ,  il  devait  être  jugé  de  la  même  manière. 

**'  Un  •  homme  commun,  •  dil  la  charte. 


LIVRB   IV.    CHAP.    U.  197 

violence  au  point  de  se  désister  de  rar4icle  des  alliances 
éternelles  qui  fixait  Einsidlen  pour  le  lieu  des  arbi- 
trages fédéraux  et  répudiait  tout  juge  étranger^'';  les 
Zuricoisy  de  leur  coté,  alors  que  déjà  quelques  sceaux 
étaient  attachés  à  la  charte ,  espéraient  encore  obtenir, 
conune  condition  préalable ,  la  restitution  des  métairies 
de  WoUerau  et  de  Pfeffikon  ^^;  enfin  la  résolution 
du  landammann  ^^^  et  la  crainte  de  nouveaux  désas- 
tres^^ les  déterminèrent  à  iaire  à  la  paix  ce  dernier 
ttcrifice. 

u  Le  duc  et  la  maison  d'Autriche ,  les  seigneurs  et 
»  chevaliers  qui  ont  épousé  leur  querelle ,  le  bourg- 
n  mestre  et  le  conseil  de  Baie  s'en  sont  amiablement 
»  rapportés  à  la  sentence  du  vénérable  évéque  de  Baie, 
»  Frédéric ,  ministre  de  Dieu  notare  Père  et  notf  e  Sei- 
«gneur^^.  » 

«  Cette  guerre  ayant  occasionné  du  mécontente- 
»)  ment  et  des  malentendus  entre  l'avoyer,  le  conseil  et 
»  les  bourgeois  de  Berne  et  ceux  de  la  vUle  autrichienne 
)}de  Fribourg  en  Uechtland,  les  Bernois,  par  singu- 
>)lier  égard  pour  le  sire  Louis,  comte  palatin  du 
»  Rhin^  (Hit  abandonné  les  griefs  qui  en  sont  provenus, 
i>  de  même  que  leurs  prétentions  ^^^«  » 

^^*  Têchmdi  II ,  468   t  •  Ils  estimaient  que  leurs  alliances  devaient 

•  demeurer  debout  et  en  force ,  tant  qu&  leur  sang  coulerait  dans  leurs 

•  veines.  »  Hoy,  III,  195. 
**•  T.  V,  J12. 

^*'  •  Schwyz  était  bien  animé;  mais  j*ai  appris  en  vérité  qu*il  se  serait 

•  désisté  si  l'on  avait  persévéré  cette  nuit-là.  •  BdUbaeh. 

***  «  Ib  craignaient  qu'ils  n'éprouvassent  de  nouvelles  pertes.  •  /</• 
''*  Tichudi  voulait  aussi  insérer  cette  charte  dans  son  texte ,  II ,  &73  ; 
mais  il  l'a  oubliée;  ce  que  je  rapporte  est  extrait  de  b  ienietiee,  mer- 
credi apris  Cantate  1449,  imprimée  dans  les  notes  ^helin, 

^>*  Cette  charte  se  trouve  dans  Ttchudi.  Tschaehtlan  dit  que  les  députés 
Lcmois  réservèrent  la  ratiJication  de  leur  gouvernement. 


198  HISTOIRE   DE   LA   SUtSSE. 

Le  dimanche  de  la  Sainte-Trinité  ^  dés  l'aube  ^  toutes 
les  cloches  de  Zurich ,  des  Tilles  et  des  cantons  de  la 
Suisse  annoncèrent  la  joyeuse  nouvelle  de  la  paix ,  dis- 
sipèrent les  nuages  de  la  haine  et  de  Tinquiétude ,  ré- 
veillèrent chez  le  vieittard  l'espérance  d  un  soir  paisible 
après  des  jours  agités ,  chez  le  jeune  homme  Tardeur 
de  travailler  au  bonheur  de  sa  maison.  Lorsque  le  la- 
boureur Eurioois^  las  d'une  vie  long-temps  captive, 
sortit  empressé  dans  les  campagnes  où  les  décombres 
des  maisons  et  des  fermes,  ensevelis  sous  Therbe ,  resr 
daient  presque  méconnaissables  les  champs,  les  vignes, 
le»  prairies  ^'^,  il  fit  le  rapprodiement  entre*  rheurense 
aisance ,  fruit  des  pénibles  travaux  de  tant  de  généra- 
tions ,  et  le  moment  horrible  où ,  sur  la  parole  d'un 
guerrier^  flamme,  épée,  chevaux,  cavaliers  avaient 
précipité  dans  la  misère  le  père  de  famille ,  la  mère  et 
les  faibles  enfans  ;  il  déplora  le  pouvoir  de  quelques 
hommes  au  cœur  de  pierre  de  faire  fondre  sur  un  pays 
et  sur  un  peuple  une  telle  désolation  ^^^.  Les  plus 
loyaux,  espérant  le  bienfait  d'une  longue  paix,  prirent 
la  courageuse  résolution  de  rétablir  leur  fortune.  D  au- 
tres, déshabitués  de  la  vie  domestique ,  avides  de  dés- 
ordre, d'oisiveté  et  de  licence,  ne  prenaient  plaisir 
qu'aux  armes  et  aux  combats;  les  occasions  en  furent 
saisies  avec  plus  d'empressement  à  datar  de  cette  guerre, 
en  sorte  qu'elle  eut  à  cet  égard  la  même  influence  sur 
les  mœurs  que  celle  du  Péloponèse  ;  mais  ^e  siècle  ne 
produisit  pas  un  Philippe. 

A  la  conférence  de  Kaiserstuhl  entre  Zurich  et  ses 
vieux  confédérés,  parurent  de  chaque  part,  en  qualité 


"*  Tsehudi. 

^"  Nous  montrerons  comment  le  droit  de  déclarer  la  guerre  fut 
sagement  restreint  dans  la  suite  des  temps. 


uvRB  nr.  CHAP.  II.  199 

d'arbitres  y  deux  des  magistrais  les  plus  considérés^'''', 
les  avocats  y  les  cooseiUerSy  beaucoup  d'hommes  ver- 
tueux et  sages,  «mis  de  la  patrie  et  de  la  paix  ^'^. 
Chaque  partie  produisit  un  àotiAe  fgrief}  sur  les  quatre 
griefs  Ait  proDOn^  nue  double  sentence  ^^. 

Les  Suisses  se  plaiguircait  premièrem^iit  de  ce 
qu'au  siqet  de  falfiauee  inoonvenante  avec  l'Autri* 
die  ^  les  Zuricds  déclinaient  k  Te|e  juridiqne  tra«» 
oée  ptr  le  pacte.  Les  Zurioois  déclaarèreot  qu'il  ne 
s'agissait  poMtt  d'une  i¥iolatîou  du  pactes  mais  dp  Tin*- 
Mcent  ^^  exercice  d'un  droit  réservé  à  leur  viDe;  que , 
disposés  à  le  soumettre  ai»  tapUcations  d'émineus 
emCidérés  ^^i  ils  ne  rétaient  point  k  exposer  leurs 
droits  aux  chances  d'une  sentence  arbitraire.  «  Nous 
I)  eutendbiis  avec  |daisir^  »  dirent  les  Suisses,  u  men«* 
>i  lîoinicr  honordbleineut  l'antique  alliance^  dont  nous 
N  conserveos  iielig^eusemiBnt  ib  charte  à  jamais  «Uiga-* 
»  toire^  munie  de  tous  ses  sceaux,  comprise  de  tout 
»  le  monde  dans  sa  sknplictté ,  pendant  quatre-vingts 
»  dix  ansct  plusn^et  qui,  dans  les  cas  de  division  d'à* 
s  pinioii,^  fenvoi0  par-d^ant  des  arbitres,  à  Einàidlen, 


w  Db  côté  die  Zf^rith ,  )e  UeiitapiiH  Henri  Sfiiilger  4f>^i  )m  onclea 
étaient  iftorts  à Sempuch  Av»  les  x«i^  mtrichieD^  {heu),  et  le  greffier 
municipal  Rodolphe  de  Gham;  du  cà^é  des  Suisses,  PétenoAnn  Gold- 
scfaiûd,  avoyer  de  Lnceme  et  le  landamtnatin  liai  Réding. 

*^  Les  n^^odatioi»  de  ce  jour  sont  eqKMéés  avec  loss  les  détailB 
SUIS  te  u  U  es  JMmU,  474-49*. 

^^  «  Nona  vB9^itû0m  concevoir  qi>e  «to  pmsblaWes  alUmcçs  nous 
*  fassent  ailles  ou  seulement  indifférentes.  » 

***  •  Car  nous  avons  toujours  eu  devant  les  yeux  les  alliances,  les 
»  sennens  et  les  engagcmens  fédéraux.  «  j  . 

^*<  L'avoyer  Rodolphe  Hoto^ter ,  ravoyér  Ulrich'd'Brlaéh ,  le  con- 
«eiUcr  Rod.  de  Ringoltingen ,  tous  trois  Bernois. 


200  UISTOItlB  DE   LA'  SUISSE. 

»  nos  adversilires  et  nous^  nous  et  nos  adversaires^  Kous 
»  laissons  de  côté  Tinutile  appréciation  de  la  noavdle 
i)  alliance  de  nos  Confédérés  de  Zurich  ^^«  Il  s*agit  de 
»  savoir  si  Tancienne  ^  dont  ils  disent  avoir  fait  la  ré-* 
»  serve ,  peut  subsister  quand  on  rie^te  la  procédure 
n  qu'elle  prescrit  ;  nous  laissons  la  décision  de  cette 
^)  questicm  à  tous  les  hommes  de  bon  sens  et  à  la 
»  loyauté  de  nos  juges,  d  ^—  «  Le  parchemin  ^  »  répondi- 
rent les  Zuricois,  «  peut  être  intact^  mais  la  guerres 
fi  coupé  en  pièces  ralliancè  même  à  laqu^Ue  hoiïs  el 
p  n(>S' pères  n'avons  qiie  trop  sacrifié.  »  Les  répliques 
ne  furent  que  de  longues  «t  acrimonieuses  répétitions; 
le  vice .  fondamental  était  aussi  ancien  que  la  Gônfiidé- 
ration.  Lorsque  des  villes  impériales ,  comme  Zurich, 
à  rheure  d*une  crise  ^^,  entrèrent  dans  cette  ligue , 
triomphe  et  gloire  des  Suisses.,  on  songeait  au  besoin 
du  moment  au  Ueu  d'embrasser  le  plan  vaste  et  bien 
arrêté  d'une  Confédération  indépendante.  On  admit 
sans  balancer  bien  des  réserves  inconciliables  avec,  le 
pacte.  Ainsi,  entre  de  grands  Ëtats  se  concluent  en- 
core joumell^nent  des  traités,  auxquels  le  premier 
article  assure  une  éternelle  durée,  tandis  que  le  der- 
nier, par  une  clause ,  en  £iit  le  jouet  de  la  politique  \ 
L'union  durable  de  la  Suisse ,  en  dépit  de  la  faiblesse 
de  ces  liens,  fut  le  fruit  d'un  esprit  national,  créé  par 
des  circonstances  impérieuses**.  Toutes  les  fois  que 
lies  passions  le  réduisaient  au  silepce  >  la  mauvaise  ré- 
daction du  pacte  donnait  lieu  aux  interprétations  les 
plus  forcées.  Le  maintien  de  la  Confédération  exigeait 

*^*  «  tA  bon  entendenr ,  Balai  !.» 

"*  T.  m,  a  et  !«• 

*  Ils  fiQi'ascQt  anflo  par  devenir  les  victimes  de  leur  fourberie.  D.  L.  H. 

**  En  outre  par  sa  position  au  centre  des  montagnes.  D.  L.  H. 


LIVRE   IV.    CHAP.    II.  201 

que  chaque  ville ^  chaque  canton ^  privée  hors  de  son 
lerritoire,  de  compétence  politique  et  militaire  ^  ne  fut 
rien,  ne  put  rien^^;  que  la  patrie  fut  une^^;  et  la 
diète ,  la  seule  autorité  à  oppose^  %ux  étrangers  ^^'^^ 
Lorsqu'on  discuta  le  premier  grief^  les  Suisses  ré- 
pondiroit  à  la  dernière  réplique  ^^,  en  exigeant  que 
Ion  renouvelât  le  serment  fédéral ,  dont  la  violation 
avait  amené  la  guerre.  Les  Zuricois ,  au  ccmtraire ,  de- 
mandaient à  être  libérés  des  obligations  d'une  alliance 

^^  Gcnfonnément  à  Fespiit  de  la  première  alliance;  t.  H,  S81 ,  376 
et  $aiv.  Cet  e$prit  était  susceptible -da  plos  beau  dévelq>pement. 

^*^  U  a*eBt  pas  besoin,  pour  l'intérieur,  d'une  machine  législative 
permanente  ;  une  ville  ne  saurait  subsister  sans  ordonnances  et  sans 
justice  municipales,  mais  on  ne  saurait  prescrire  le  même  ton  à  tous 
les  ménages ,  sans  distinction  de  naissance ,  d'éducation  et  de  fortune. 
Les  gouvememens  démocratiques  au  sein  des  montagnes ,  les  gouver- 
nemens  aristocraliques  des  villes  étaient  les  résultats  d'une  origine  et 
d'une  marche  différentes,  et  en  rapport  avec  la  situation,  les  mœurs, 
l'activité  et  les  idées  de  la  population;  leur  destruction  a  signalé  l'époque 
d'un  bouleversement  général  et  de  la  ruine  du  patriotisme. 

^'^  Non  pour  former  des  alliances  offensives ,  non  pour  décider  pins 
promptement  une  guerre ,  mais  pour  empêcher  qu'une  contrée  on  un 
canton  ,  ébloui  par  des  étrangers,  ne  conclue  avec  eux  une  alliance  peu 
convenable  ou  ne  se  soustraie ,  au  jour  du  péril ,  à  ses  devoirs  fédéraux. 
La  première  de  ces  entraves  aurait  empêché  cette  guerre  ;  la  seconde , 
la  dissolution  et  isolement  de  ceux  qui  ont  été  attaqués  de  nos  jours. 
n  était  facile  de  prévenir  les  abus  d'une  diète  ;  il  fallait  poser  la  neu- 
tralité comme  loi  fondamentale,  puis  exiger  pour  chaque  exception 
l'accord  d'au  moins  les  deux  tiers  de  l'autoiité  iupréme  de  tous  les  can- 
tons et  des  villes.  =:  L'ancienne  confédération  a  dû  succomber  pour  avoir 
méconnu  la  vérité  énoncée  dans  le  texte.  Son  existence  aurait  été  conso- 
lidée ,  si  l'unité  avait  pu  8nl)5ister.  La  nouvelle  confédération  est  plus 
que  jamais  dépendante  de  son  médiateur,  \e  baron  de  Razûns.  D.  L.  IL 
(  Note  écrite  avant  iSih  ]. 

sM  D'abord  vient  la  plainte  ou  proposition  ,  puis  la  réponse,  la  ré- 
plique, la  duplique;  enfin  les  conclusions,  que  suit  la  sentence.  Voilà 
la  marche  et  les  termes  techniques. 


n 


2d2  HISTOIRE  DB  LA  SUI86B. 

que  la  guenre  avait  anéantie  ^*.  L'aecomplidsement  de 
ce  vasa  aurait  pu  ravaler  la  principale  ville  de  la  Suisse 
au  rang  des  viHes  impériales  de  la  Souabe ,  la  plupart 
si  misérables^  oiTi^'une  petite  vitte  insigmfiaiite  du 
voisinage  ^^. 

Le  second  grief  des  Suisses  concernait  les  (rais  de 
la  guerre  que  Zurich  leur  avait  occasionnés  par  la 
transgression  de  ses  devoirs  fédéraux  ;  la  réponse  dé* 
coula  de  ce  qui  précède. 

Les  Zuricois  élevèrent  alors  leur  première  plainte 
au  sujet  de  la  guerre ,  et  réclamèrent  la  restitution  des 
seigneuries  enkvées^^ ,  l'annulation  des  sermens  d*liom- 
mage  imposés  de  force ,  et  une  indemnité  de  quatre 
cent  mille  florins  pour  les  dommages  soufferts.  Les 
Suisses  répondirent  que  Zurich  était  l'auteur  de  ses 
propres  maux. 

La  seconde  plainte  suivit  la  même  marche;  die  con- 
cernait l'enlèvement  des  terriers  et  des  chartes  qui  se 
trouvaient  dans  les  archives  des  châteaux  pris  de 
force  ^*'. 

On  comprit  bientôt  que  tout  dépendait  de  savoir  si 
l'ancienne  et  perpétuelle  alliance  entre  Zurich  et  les  can- 
tons Suisses  subsisterait  à  l'avenir  ou  non^^^.  La  charte 
de  cette  alliance  ^  la  paix  ^ilre  Zurich  et  Schwyz  ^^V 

^**  •  Vous  devei  re^nnaitre  que  nous  ne  sommes  pas  obligés  d'ob- 
•  sen'er  à  l'avenir  envers  eux  les  alliances.  •  Hemmerlin,  de  NobUiU  C.  8S» 
pensait  de  même. 

&A0  xjae  iitualion  avanti^use  sur  an  fleuve  et  un  lac  n'empécbe  pas 
la  décadence;  Constance  en  est  un  témoignage  parlant  ssSans  liberté 
point  de  patrie  ;  PAllemagne  en  fera  l'épreuve  à  la  suite  de  l'aoéantisse- 
ment  des  villes  impériales.  D.  L.  H. 

'**  Dans  cette  guerre ,  et  non  dans  la  précédente  contre  Scbwys. 

^*'  GrOningen ,  Greifensée ,  Régensberg. 

***  Il  s'agissait  moins  d'en  déterminer  le  uns,  qui  est  clair. 

**«  Savoir  le  troisième  article;  t.  V,  212. 


LIVSB   IV»   CHAP.    II.  -203 

la  nature  et  la  marche  de  leur  différend  ayant 
été  examinées  par  des  hommes  sages  et  savans  ^*^^  fes 
deux  arbitres  suisses  prononcèrent  que  Zurich  devait 
observer  l'aUiance  perpétuelle  dans  tous  ses  points.  Les 
deux  arbitres  de  Zurich  i  sans  toucher  la  question  au 
fond  y  décidèrent  qu'au  préalable  les  Suisses  donne- 
raient satisfaction  aux  Zuriccns  ^^.  Il  est  également 
invraisemblable  qu'ils  aient  espéré  obtenir  ce  résul- 
tat ,  ou  que,  dans  le  cas  contraire^  ils  eussent  continué 
la  guerre.  Tous  ceux  qui  assistèrent  à  la  conférence  de 
Kaiseratuhl  pendant  dix  semaines  ^^^  se  convainquirent 
de  la  nécessité  que  Zurich  redevint  suisse  ^^.  Mais  les 
pas^ns  populaires  sont  si  aveugles  et  si  ingustes  que 
les  arbitres  zuricois^  à  moins  de  s'exposer  au  plus 
grand  péril  ^^^  n'eussent  osé  parler  contre  les  principes 
qu'ils  avaient  soutenus  ^^.  Quelques-uns  des  arbitres 
s'étaient  fortement  prononcés  depuis  plusieurs  années 
comme  chefs  de  parti  ;  il  eût  fallu  de  Théroisme  pour 
tenir  maintenant  un  autre  langage  ^^  On  convint  donc 

^*^  Ces  épilhètes  ne  sont  pas  s)iionymes;  elles  désignent  ici  des 
bommo»  qui  ne  connaissaient  que  le  droit  de  leur]  pays ,  et  d'autres , 
instroits  dans  le  droit  romain ,  impérial  et  canonique. 

»M  «  Car  il  n*e8t  pas  dit  que  les  Zuricois  doivent  satisfaire  les  pre- 
miers. .• 

**''  Depuis  la  St -Jacques  jusqu'au  mardi  avant  la  St.-Biiehel  1446, 

*^  Ceit  ce  que  donne  à  entendre  PéUx  Féh»  l«i*ménie,  p.  66. 

***  Qui  n*eùt  été  effrayé  par  l'exemple  de  Henri  Meyss. 

*'•  C'est  pour  cette  raison  qu'à  l'époque  même  du  plas  grand  zèle  des 
Guelfes  pour  l'indépendance  et  pour  le  droit  national ,  les  villes  d'Italie 
chotrâsaient  fréquemment  des  étrangers  pour  leurs  podestats ,  capitani , 
escecoUnri  fbarigelH)  et  en  cbangeaieiit  tous  les  ans  ou  tous  les  six 
mois. 

»&s  Gomment  l'attendre  de  Cbani  et  de  Réding  ?  C'est  eux  qu'il  au- 
rait fallu  nommer  ;  ils  auraient  exigé  des  autres  l'impossible  et  traité 
toute  concession  de  trabison. 


204  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

taciiemeDt  ou  en  confidence ,  de  remettre  la  décision  à 
un  sur-arbitre  choisi  à  l'étranger  ^^^. 

Ils  élurent  pour  cet  dfice  Pierre  d'Argun^  bourg- 
mestre de  la  ville  d' Augsbourg.  Cet  homme ,  issu  de 
riches  n^ocians  ^^^  actif  et  riche  lui-mtoie  ^  habile 
et  cher  aux  Empereurs»  ressemblait  surtout  par  la 
toute-puissance  qu'il  exerçait  dans  le  conseil  de  sa 
ville  natale,  par  l'intermédiaire  des  tribuns  ^^^  au  pre- 
mier bourgmestre  de  Zurich  ^^^  ;  mais^  à  Tégal  de  Rodol- 
phe Broun ,  la  fin  de  sa  grandeur  long-temps  enviée 
fut  triste  et  obscure ^^"^^  et,  comme  lui,  il  hissa  des 
fils  qui  agitèrent  sa  patrie  ^^^.  Lorsque  Pierre  d'Argun 
fut  choisi  pour  arbitre,  il  était  dans  Téclat  de  sa 
puissance. 

• 

'^'  La  rédaction  modérée  de  la  seoteDce  des  Zaricob  et  la  fadlîté 
avec  laquelle  ils  consentirent  en  temps  opportun  à  la  nomination  d*an 
sur-arbitre  montrent  un  esprit  de  conciliation  inaccoutumé. 

***  Tianrent  Egen  ,  son  père ,  aussi  bourgmestre  ,  auteur  d'une  fon- 
dation en  faveur  de  douze  vieillards ,  1410.  Paul  de  Stetien,  HuU  de 
la  ville  d^Augsbourg,  p.  2&0. 

*^*  Vers  ce  même  temps  il  acheta  de  Tévèque  la  monnaie  et  le 
pesage.  Ibld,  169. 

^^'  Il  était  si  peu  habitué  à  la  contradiction ,  qu'à  la  première  qu'il 
rencontra  il  se  démit  de  sa  charge.  Ibid,  A.  1650,  p.  172. 

•*•  Voy.  les  passages  correspoodans ,  1.  Il,  cb.  2,  t.  II. 

**^  On  dit  qu'il  fut  étranglé  sur  l'ordre  secret  du  tribunal  vébé- 
miqne.  Ibid.  1451,  p.  17S. 

^'^  Le  bourgmestre  cvait  reçu  des  lettres  de  noblesse  de  l'empereur 
Frédéric  en  1442  et  renouvelé  le  nom  de  l'ancienne  famille  d'Aigun. 
Ses  fils  Antoine  ,  Sigismond  et  Jacques  eurent  avec  la  ville  d'Augsbourg 
de  longues  querelles  ,  qui  furent  apaisées  en  1459  ;  ils  se  prononcèrent 
en  faveur  du  duc  de  Bavière  lorsqu'il  devint  ennemi  de  leur  ville  na- 
tale en  1462  ;  Jacques  ne  se  réconcilia  qu'en  1483.  Outre  ces  faits , 
Stetten  raconte  comment  ils  dénièrent  la  justice ,  se  pillèrent  Tuii 
l'aulre ,  vengèrent  les  inimitiés  de  leur  père  par  le  meurtre  et  le  pillagi'. 
On  peut  comparer  leur  conduite  à  celle  des  fiis  de  Broun  ;  t.  III ,  80 
et  suiv. 


UVRË   IV.    GHAP.    II.  205 

Sur  les  représentations  instantes  de  l'électeur  pala- 
tin^ de  beaucoup  de  princes,  de  seigneurs  et  de  villes  ^ 
ainsi  que  des  Âugsbourgeois  mêmes  ^^^  honorés  dans 
sa  personne^  le  bourgmestre  à  la  fin  accepta  les  fonc- 
tions de  sur-^arbitre.  Voyant  l'impossibilité  de  les  remplir 
à  la  satisfaction  des  deux  parties,  il  se  pénétra  du  sen- 
timent de  la  dignité  d'un  acte  dont  l'influence  sur  des 
âges  et  des  pays  éloignés  transmettrait  à  la  postérité  le 
nom  de  son  auteur,  entouré  de  gloire  ou  d'ignominie. 
Il  convoqua  une  conférence  à  Lindau  ^®^.  Après  de 
vaines  tentatives  de  conciliation ,  il  régla  définitivement 
que  toutes  les  chartes  seraient  examinées,  que  les 
deux  parties  exposeraient  sincèrement  leurs  moyens , 
et  qu'il  aurait  lui-même  le  droit  de  consulter  qui 
bon  lui  semblerait ,  et  le  pouvoir  de  prononcer  enswte 
selon  sa  conviction  ^^,  librement  et  péremptoire- 
ment^^. 

Onze  semaines  après  ^^^  le  bourgmestre  convoqua 
une  seconde  fois  à  Lindau  les  Zuricois  et  tous  les  Con* 
fédérés,  et  tenta  de  nouveau  une  conciliation.  Effort 
inutile.  Debout,  Pierre  d'Argun  leva  pour  lors  la  main 
droite  et  fit  serment  déjuger  avec  justice.  Pour  la  der- 
nière fois  on  lut  publiquement  toutes  les  chartes.  Le 
bourgmestre  se  leva  avec  une  gravité  solennelle,  prêt 
à  prononcer  la  sentence  ;  l'attente  de  rassemblée  était 
excitée  au  plus  haut  point;  il  déclara  «  que  Pierre 


^^*  On  leur  écrivit  de  rengager  à  accepter.  TêchudL 

'**  Le  jour  de  St-Nicolas ,  6  décembre  1&46. 

^^  Après  qu'il  aura  consulté  sa  propre  raison  et  ses  lumières. 

^*'  Aclû  du  consentement  des  9  cantons  confédérés  (ci-dessus  dans  ie 
texte  n.  516  )  ;  Lindau,  6  décembre  iàhOj  dans  Tschadi  II ,  493.  Zurich 
expédia  sans  doute  un  acte  analogue. 

*•*  Au  vieux  Carnaval ,  c'était  le  27  février  1447.  Tschudi, 


206  HISTOIAB   DE   LA   SViàSE. 

»  GoldsctwUd  et  liai  Réding  avaient  bien  jugé  ^  el  que 
»  les  Zurioois  devaient  ohserver  dans  tous  ses  articles 
»  l'alliance  perpétuelle  de  la  Confédération  ^^. 

Si  Ton  considère  les  rapports  du  bourgmestre  d^une 
Tille  d'Empire  arec  la  cour  impériale  ^  les  relaticms 
personnelles  de  celui  d'Âugsbourg  avec  Frédéric  III  ^^^ 
avec  Rechberg  et  d'autres  chevaliers  aouabes  ^^»  on  ne 
peut  refuser  à  Pierre  d'Argun  la  glpire  de  s'être  montré 
pur  dans  un  des  actes  les  plus  importans  de  sa  vie.  Il 
sut  discerner  le  point  principal ,  passé  sous  silence  dans 
le  jugement  des  arbitres  zuricois  ^^,  et  le  considérer  en 
lui-même  et  sous  le  rapport  du  bonheur  et  de  hi  paix 
de  la  Suisse  ^^.^  Sa  parole  ftit  un  coup  de  tonnerre* 
Quand  la  ville  de  Zurich  reçut  la  nouvelle  qu  elle  allait 
refllrer  dans  la  Confédération  ^  la  multitude  aveuglée 
poussa  des  cris  et  des  gémissemens^^.  Les  autorités 
s'assemblèrent^  tristes  en  même  temps  qu'embarrassées 
sur  les  moyens  de  donner  force  à  la  décision  sans  ime 
nouvelle  guerre  ^''®. 

Pour  faciliter  ce  résultat  ^  Pierre  d'Argun  y  non  plus 
sur^rbitre  ^^^,  mais  de  concert  avec  cinq  villes  impar- 

^**  PromomU  du.  iur-arèitre^  Ibid*  494* 

^^^  Il  avait  logé  chei  loi  à  AugsixHirg  et  l'avait  anobli.  Sieuen ,  1 442. 

*«•  Id.  1450. 

^*'  «  Ils  n'ont  rien  décidé  touchant  le  fond  des  affaires.  •  Prononcé 
du  iuV' arbitre» 

»«*  «Virille,  omnibus  pensatis,  judicavit,  pro  bono  pads  fore  ne- 
ceasarium  ,  •  etc.  Faber,  1.  c. 

^**  «  Planctus  et  ulntatns  in  plèbe*  •  Id.  Encore  enfant.,  Faber  lui- 
même  mêla  ses  pleurs  ans  lamentations  de  la  ville. 

^^*  i  II  nous  a  lié  les  queues  ensemble ,  dirent-ils  ,  en  sorte  qu'il  faut 
•  que  nous  nous  tenions  par  les  cheveux  plus  fortement  qu'auparavant.  • 

Edlibach, 
^^^  Le  sur-arbitre  avait  été  choisi  uniquement  pour  ce  point  essentiel. 


LIVHB  IV.    CHAP.    \U  207 

tiales  et  bienveillantes  ^''^,  obtint  qu'une  conférence 
amiable  ae  réunirait  à  Bade  en  Âi^ovie  ^'^^.  II  repré- 
senta aux  deux  parties  la  nécessité  de  dégager  Tarbi-» 
trage  fédéral  tpà  aurait  lieu  à  Eûfisidlen^  confonnément 
au  pacte  ^  de  toutes  les  entraves  que  Texpéricnce  et  le 
cours  naturel  de$  choses  laissaient  entrevoir  f  or^  une 
issue  fâcheuse  serait  à  craindre  ^  si  la  ruse  et  la  passion 
soulevaient  d'autres  questions  que  les  seules  esse»« 
tidles  ;  après  une  telle  guerre^  il  était  invraisemhtabie 
qu'un  Zuricois  parut  impartial  aux  yeux  des  Suisses  ou 
un  Suisse  aux  yeux  des  Zuricois  ;  il  serait  donc  à  dé- 
sirer que  f  dans  cette  occasion  seulement^  en  s'écartât 
de  l'article  du  pacte  qui  interdisait  le  choix  d'un  sur^ 
arbitre  étranger.  On  reconnut  sans  peine  comme  points 
essentiels  du  procès  Talliance  autricbienBe  ^  les  eon-^ 
quêtes  des  Suisses  et  les  frais  de  la  guerre.  Mais  toute 
l'autorité  d'Ârgun  ne  décida  que  di£EicilemeAt  les  Con- 
fédérés à  faire  à  la  paix  un  immense  sacrifice  en  ad-> 
mettant  une  exception  au  pacte ,  leur  arche  sainte  ^'^*. 
L'espoir  que  les  parties  choisiraient  de  concert  dans 
leur  sein  un  arbitre  absolu  des  différends  qu'ils  ne 
pouvaient  aplanir  eux-mêmes  caractérisait  l'ancienne 
simplicité  des  âges  où  la  Confédération^  renfermée  au 
sein  des  Alpes  »  n'en  sortait  que  pour  secourir  des  amis 
qui  rimploraient  au  jour  d'un  grand  péril.  Plus  tard^ 


^^  BIte  délégaa  son  conseiller  André  Ospernclle ,  dont  ii  est  son- 
venl  qsestioB  )  Scbsfihovse ,  le  bourgmestre  Henri  Barter  d*unc  famille 
riche ,  mainmant  éieiaie }  Constance ,  Ravensboarg ,  Rothwyl  dépa- 
tèrenlansri. 

^'*  Le  dimandie  avani  oelni  des  Rameaux  ;  Piques  tombait  sur  le 
9  avril. 

^'*  fionveiU  cotiférenee  pçmr  déterminer  ie$  pointé  dm  procà»  et  ta  marche 
àtmivrt,  Bade,  Teille  des  Rameaux,  Hk^i  Têihudi  II,  494. 


206  HISTOIRB   DE   LA   SUISSE. 

les  Suisses  eussent  fait  plus  sagement  de  suivre  le  con-- 
seil  de  Pierre  d'Argun ,  et  de  remettre  la  décision  de 
leurs  contestations  intérieures  à  des  étrangers  célèbres 
pak*  leurs  lumières  et  leur  Tertu.  Quelquefois  ce  se- 
cours leur  vint  d'un  canton  désintéressé  ;  mais  des  cir- 
constances particulières  ^^^  et  les  divisions  religieuses 
rendirent  l'impartialité  de  plus  en  plus  suspecte.  Sans 
doute  y  tant  que  la  différence  de  religicm  empécliait  la 
confiance ,  le  choix  d'un  étranger  eût  aussi  présenté  des 
difficultés*  Il  eût  été  d'autant  plus  nécessaire'^que  dès 
la  première  éducation ,  dans  tous  les  sermons  et  tous  les 
discours  publics,  on  travaillât  à  étouffer  Tesprit  can- 
tonnai et  à  former  Tesprit  fédéral ,  à  faire  reconnaître 
généralement  9  dans  Fun^  l'abjection  des  sentimens, 
et 9  dans  l'autre,  la  noblesse  morale /  la  vraie  vertu , 
le  caractère  distinctif  de  l'homme  appelé  aux  affaires  et 
aux  dignités.  Au  lieu  de  cela ,  les  malheureux  se  sont 
de  plus  en  plus  renfermés  chacun  dans  son  canton , 
dans  son  chef-lieu,  dans  sa  tribu,  dans  sa  famille, 
dans  sa  personne  *. 

A  Einsidlen  siégèrent  aussi  les  arbitres  de  Kaiser- 
.  stuhl  ^7^ 

Les  Suisses  se  plaignirent  d  abord  de  ce  qu*en  oppo- 
sition au  pacte ,  qui  ordonnait  aux  Confédérés  de  se 

^^^  p.  e.  les  anciennes  alliances  en  Ire  Berne,  Soleure  et  Fribourg; 
l'union  des  villes;  le  droit  de  bourgeoisie  chrétien. 

*  On  ne  peut  rien  dire  de  mieux  ni  de  plus  forL  Gomment  après 
cela  l'auteur  peut-il  regretter  que  la  vieille  machine  se  soit  écroulée  ? 
Si  l'on  peut  être  surpris  de  quelque  chose ,  c'est  qu'elle  ait  subsisté 
aussi  long-temps.  Les  auteurs  de  la  révolution  de  1798 ,  qui  tentcrent 
de  relever  l'édifice ,  seront  mieux  appréciés  par  la  postérité.  D.  L.  H. 

^^'  Âctei  et  négociations  de  VasiemhUe  arbitrale  ttEinsidUn,  en  mai 
14^7,  dans  Tachudi  II ,  696-514  et  520  et  suiv. 


UYBE   IV.    GHAP.    H.  209 

réunir  txmtre  tous  les  ennemis  ^  Zurich  avait  forme 
une  alliance  ^"^"^  avec  la  maison  d'Autriche  ^  entre  la- 
quelle «t  la  Suisse  ne  subsistait,  après  de  longues  guer- 
res >  qu'une  trêve  limitée  ^'^^.  La  députation  de  Zurich^ 
soutenue  par  les  conseillers  autrichiens ,  répliqua  en 
réservant  selon  sa  coutume  l'Empereur  et  l'Empire  ^"^^^ 
ainsi  que  les  alliances  à  venir  ;  elle  insinua  que  les 
Suisses  eux-mêmes  avaient  déjà  recherché  une  sem- 
blable union  avec  l'Autriche  ^^,  et  déclara  que  Zurich 
comptait  persister  dans  la  sienne^  attendu  qu'entre 
l'Autriche  et  cette  ville  il  y  avait  eu  souvent ^  depuis , 
des  alliances  ^^^^  simplement  renouvelées  en  dernier 
lieu  dans  la  forme  la  plus  légale  et  sans  préjudice  de  la 
C<mfédération  ^^^.  Les  Suisses^  à  leur  tour^  montrèrent 
qu'il  ne  s'agissait  point  de  la  réserve  de  l'Empire  ^^^ , 
que  celle  des  alliances  à  venir  ne  pouvait  donner  à  un 
canton  le  droit  ^e  conclure  avec  les  ennemis  des  autres 
un  traité  dont  l'effet  dût  se  déployer  sur  le  territoire 


^'  Il  parait  qu'ils  ne  connaissaient  pas  les  initmetUms  qni  s'y  ratta- 
chaient et  qo'ils  auraient  attaquées  bien  plus  vivement;  le  traité  d'al- 
liance n'était  que  la  partie  ostensible.  Voy.  t.  V,  276-279. 

*^*  Pendant  la  paix  de  cinquante  ans  ;  la  convention  perpétuelle  fut 
conclue  beaucoup  plus  tard. 

•79  On  cherchait  à  faire  prendre  en  considération  cette  réserve, 
parce  que  le  roi  romain  était  en  même  temps  chef  de  la  maison  d'Au- 
triche. 

***  Allosion  aux  bonnes  relations  qui  s'établirent  entre  Schwyz  et  les 
cours  ducales  à  l'occasion  de  l'héritage  de  Tokenbourg.  T.  V,  159  et 
ailteurs. 

Ml  Oui,  certes,  en  15«5  et  i3S%  ;  I.  Il,  chap.  IV et  V,  t  m*  mais  ne 
fallut-il  pas  renoncer  à  la  dernière  de  ces  alliances?  Un  traité  de  cette 
nature  fut  produit  Ttchudi  II,  554. 

**>  Parce  que  la  Confédération  était  réservée. 

^"*  Ils  ne  voulaient  pas  que  l'on  confondit  les  alTaires  de  l'Einpire 
M-ec  celles  delà  maison  d'Autriche. 

VI,  i4 


^10  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

suisse  ^^^  ;  ils  déclarèrent  ne  pas  connaître  les  exemples 
auxquels  Zurich  faisait  allusion  i  et  comparèrent  le 
long  bonheur  des  temps  ^^  où  nul  canton  il'agissait 
isolément ^^^  atec  les  troubles^  l'eiFusion  du  sang  et  les 
ravages  qu'en  peu  d'années  la  nouvelle  alliance  avait 
attirés  sur  la  Suisse.  Les  Zuricois  invoquèrent  l'esprit 
inoffensif  du  pacie  qui  ne  connaissait  pas  d'ennemis 
héréditaires  et  réservait  expressément  les  droits  pri- 
vés ^^T  que  la  maison  d*Autriche  avait  hérites  de  ses 
ûieux  de  Habsbourg^  de  Kiboufg  et  delienzbourg  dans 
les  Waldstclten  mêmes  ^^.  La  paix^  la  justice  et  Tor- 
dre ^  seul  but  de  la  Confédération  ^  recevaient  ^  di- 
saient^ils^  par  leur  alliance  un  fcHidement  solide  ^^^ 
mais  les  préjugés  et  la  pasûon  île  savaient  pas  le  com- 
prendre. Us  répétèrent  y  sans  rien  spécifier^  que  de$ 
exemples  semblables  ne  manquaient  pas,  et  qu'en  gé- 
néral chaque  canton  Avait  librement  usé  du  droit  d'al- 


^**  A  chaque  alKancc  sa  spht'fe  d'aclîvitt*.  Voy.  ccl]e  de  la  Soîsse  et 
de  Zurich ,  t«  III ,  iS  el  sait.  ;  nous  HvoDs  caractérisé  en  tl>ail9  géùéraot 
relie  de  Zurich  el  de  rAnIriche,  L  V,  276-tSi  ;  ellea  étaient  presque 
identiques. 

*s»  •  Personne  n'est  assez  Agé  ponr  te  rappeler  tdut  c^t  lieareui 
temps.  • 

^**  •  Telle  était  leur  amitié  fidèle  qne  nul  ne  6'altia  jaotaJs  avec  qui 
que  ce  fût ,  h  Tinsn  oo  sans  le  conaentement  dte  auUea.  »  Ib  n'en« 
tendent  point  par  \h  que  toutes  les  alliances  fussent  communes  à  tdos, 
ce  qui  eût  valu  bien  miens,  mais  que  Ton  se  cotisaHait  les  uns  le» 
autres  à  leur  sujet. 

^'^  Scr\i(udes ,  droits ,  juridictions ,  en  tant  qu'ils  ne  donnaient  pé» 
la  souveraineté  ;  les  anciennes  lois  de' l'Empire  n'accoi^aîeat  celle-ci 
qn'à  un  roi  ou  à  nn  empereur  ;  d'autres  exerçaient  des  portions  de 
souveraineté  ensuite  de  privilèges  et  de  traités  particuliers. 

^**  Cette  manliTc  de  représenter  la  chose  est  exacte*  T.  n ,  220; 
2S9;  200,-300  t^t  suiv. 

^**   •  Utile  et  bienfaisant  pour  eux ,  pour  nous  et  pour'toat  le  pajs.  » 


LIVRE  ly.  CHAP.  n.  211 

Uance.  Les  Confédérés  répliquèrent  que  la  défense  à 
laquelle  ils  s'étaient  engagés  pour  jamais  avait  en 
vue  leurs  ennemis  ^^;  qu'il  était  inutile  de  rappeler 
qui  s'était  présenté  en  cette  qualité  au  Morgarten  et  à 
Sempach.  Qu'en  réfléchissant  que  naguère ,  k  Kaiser- 
stuhl  ^^^,  les  Zuricoîs  avaient  demandé  d'être  dégagés 
des  alliances  éternelles  f  il  leur  paraissait  que  la  nou«* 
velle  n'avait  pas  alors  été  considérée  comme  un  appui 
de  ces  alliances^  mais  comme  ineonciliable  avec  elles. 
Les  ZuriooiA  ayant  déclaré  que  l'obstination  et  la  guerre 
des  Suisses  leur  avaient  seules  arraché  cette  demande , 
on  décida  de  soumettre  à  l'arbitrage  le  traité  de  Zurich 
avec  la  maison  d'Autriche. 

Les  Zuricois  se  plaignirent  ensuite  de  la  guerre^  et 
les  Confédérés  imputèrent  à  Zurich  le  tort  de  Tagres- 
sion*  Cette  question ,  d'où  dépend  celle  de  la  satisfac- 
tion à  donner ^%  est  ordinairement  la  plus  difficile; 
elle  ne  se  décide  ni  par  la  priorité  de  l'apparition  sur  le 
champ  de  bataille ,  ni  par  le  premier  acte  hostile^  mais 
par  la  mesure  ou  l'entreprise  dont  il  faut  prévenir 
on  annuler  TefFet  et  les  conséquences.  L'obligation  des 
restitutions  ne  résultait  pas  de  la  date  de  la  déclaration 
de  guerre  ^^^,  mais  des  rapports  entre  les  anciennes  et 
les  nouvelles  alliances  de  Zurich ,  et  de  la  question^ 


*'*  •  Nous  avons  conclu  les  alliances  contre  nos  ennemis  et  non 
contre  nos  amîs.  » 

^<«  Plos  hant  n.  5S9. 

***  Proprement  la  restitution  de  ce  qu'on  a  enlevé. 

*-*  Noos  avons  décrit  le  commencement  de  la  guerre,  t  V,  Sil  et 
sûiv.  ;  ici  les  Gofiféd^>rés  allèguent  comme  premières  hostiiitds  une 
expédition  des  toricoia  contre  Zoog,  sans  détermination  prfdse  de 
Vépoqoe,  * 


212  HISTOIRE    DE   LA    SUIâ$E. 

négligée  jusqu'alors  ^^^^  de  la  légalité  des  conquêtes 
entre  Confédérés  ^*^. 

Le  territoire  conquis  par  les  Suisses  cernait  eti 
quelque  sorte  Zurich  et  rendait  la  Suisse  centrale  in- 
dépendante du  marché  zuricois  ^^.  Afin  de  prémunir 
leurs  conquêtes  contre  une  décision  défavorable  de  la 
question  précédente  ^^  et  de  prévenir  la  réclamation  des 
frais  de  la  guerre  ^^^  les  Suisses  se  présentèrent  de- 
vant les  juges  avec  une  demande  en  indemnités  de  six 
cent  mille  florins  ^^^.  Les  longues  discussions  sur  ce 
point  prouvèrent  que  la  décision  dépendrait  du  juge- 
gement  sur  les  alliances  et  des  vues  d'avenir.  Zurich  ; 
de  son  côté ,  ayant  demandé  des  dédommagemens  ^  les 
députés  prirent  environ  six  mois  pour  réfléchir  ^^  et  se 
séparèrent. 

Ils  s'occupèrent  ensuite  avec  zèle,  mais  en  vain^  de 
régler  le  point  fondamental.  La  sûreté  non  moins  que 
l'honneur  semblait  interdire  à  Zurich  d'abjurer  vo- 

594  Qn  12e  possédait  pas  encore  de  théorie  des  républiques  fédéra- 
tives  ;  on  professait  rarement  des  principes  généraux.  Un  des  bats  de 
celle  histoire  détaillée  de  noire  Confédération  est  de  faire  mieni  con- 
natlre  une  forme  sociale  si  respectable. 

•9*  T.  V,  210. 

*■•  GrQningen  'et  Greifensée  d'un  côté ,  Régensberg  de  Taulrc.  Ces 
localités  n'étaient  ni  fortifiées ,  ni  privilégiées  ou  organisées  pour  être 
des  centres  de  commerce ,  mais  elles  auraient  pu  le  devenir. 

^*7  On  ramène  ordinairement  la  question  au  «  status  quo  anle 
bellum.  > 

^•1  Faite  à  Kaiserstabl  ;  ci-dessus  dans  le  teite  entre  n.  5^  1  et  5â3. 
*'*  La  réclamation  de  Zurich  s'élevait  ^  400»000  florins  ;  on  ne  voo- 
lait  pas  que  les  deux  sommes  se  balançassent. 

^^®  On  sait  que  la  conférence  commença  au  mois  de  mai  ;  elle  se 
prolongea  peut-être  jusqu'en  juin  ,  puis  elle  s'ajourna  à  Sie. -Lucie  (IS 
décembre  ). 


LIVRE   IV.    CIIAP.    11.  2t3 

loolairement  son  alliance  avec  TAuti^iche  ^®^  Il  était 
plus  utile  d'ailleurs  que  cette  question  de  droit  public 
fédéral  fut  décidée  par  une  sentence.  Mais  Zurich  re- 
fusa de  joindre  aux  actes  l'original  du  traité  ;  en  vain 
encore  lui  demanda-t-on  une  copie  vidimée  ^^  ;  on  fut 
donc  induit  à  croire  qu'au  milieu  de  l'ivresse  de  l'é- 
poque de  Stûssi  on  avait  stipulé^  au  nom  de  la  ville ^ 
des  conditions  tout  autrement  choquantes  que  la  ré- 
ponse circonspecte  de  l'Autriche  ne  le  faisait  soupçon- 
ner ^^^.  Ce  refus  ranima  la  défiance  ;  les  Suisses  se 
repentirent  d'avoir^  par  considération  pour  le  sur- 
arbitre ,  sacrifié  un  article  de  leurs  alliances  à  Tespé- 
rance  illusoire  de  ]a  paix  ^^^. 

Les  arbitres  revinrent  à  Einsidlen  avec  une  triste 
perspective.  Ceux  des  Suisses  prononcèrent  la  sentence 
suivante  :  «  Comme  les  Zuricois  ont  juré  une  alliance 
»  perpétuelle  avec  les  Confédérés^  pour  la  paix  et  pour 
»  la  guerre^  et  que  la  maison  d'Autriche^  après  la 
»  trêve  de  cinquante  ans ,  renouvelle  ses  hostilités 
>}  contre  la  Suisse  ^  ils  n'ont  pu  légalement  conclure 
»  avec  cette  maison  une  alliance  à  perpétuité  ^^.  La 

^**  •  Mulla  opprobria  sustinueruat  a  commuai  vulgo  per  totam 
•  Alemannlam,  •  dit  Fabcv,  qui  atteste  leur  innocence. 

**'  Us  dirent  que  le  traité  avait  passé  promptement  dans  les  mains 
de  rAatriche,  en  sorte  qu'ils  n'avaient  pu  en  prendre  copie;  qu'ils  ne 
savaient  comment  obtenir  une  copie  vidimée;  qu'ils  ne  possédaient  pas 
non  plus  l'original  d»  la  charte  que  leur  avaient  donnée  les  conseillers 
autrichiens  ;  mais  qu'ils  en  avaient  une  copie  vidimée  et  que  les  deux 
pièces  étaient;parfaitement  identiques.  Tsekudi  H,  520. 

**'  Peut-être  dans  leur  charte  les  Zuricois  se  référaient-ils  au  con- 
venant (t.  V,  276) ,  non  ostensible  et  que  les  Confédérés  ne  connais- 
saient point 

••*  T$ehttdiU,  49«. 

••*  «  Surtout  pour  des  cercles  donl  les  seigneurs  ne  wuhdicnl  avoir 
allaire  qu'avec  les  Confédérés.  »  Ch, 


2t4  HISTOIRE   DE   LA.   SUISSE. 

ïi  guerre  a  été  légitime;  les  Zuricois  ne  doivent  seo 
»  attribuer  les  suites  qu  à  eux-mêmes.  Trois  délégués 
n  de  chaque  canton  fixeront  l'indemnité^^  qu'ils  au- 
»  ront  à  payer  aux  Confédérés  ^^.  »  La  sentence  des 
arbitres  de  Zurich  fut  de  tout  point  Topposé  de  celles 
là.  On  ne  put  s*entendire  sur  le  choix  d'un  sur*arhitre; 
on  déposa  les  documens  entre  les  mains  de  l'abbé  >  et 
chacun  rentra  mécontent  dans  ses  foyers. 

Souvent  après  cela  les  arbitres  se  virent ,  fbrent  de 
nouveaua  efforts  ^  essayèrent  de  s'accorder  pour  élire 
un  sur-arbitre;  mats  en  vain.  Après  de  longues  (enta*^ 
tives^  la  confiance  commune  choisit  Ital  Hundbiss, 
bourgmestre  considéré  de  Ra  vensbourg  y  ville  de  l'AU- 
gau,  où  de  toute  ancienneté  ks  habitans  de  la  plaine  de 
Purs  et  de  Leutlûrch  >  et  annuellement  la  forêt  entière 
qui  environne  Altorf  ^  qherchaient  droit  et  justice  ^* 
Ital  Hundbiss  refusa  cet  honneur.  Le  gouvernement  de 
sa  ville  l'excusa  ;  les  cités  impériales  de  Souabe,  dont  la 
ligue  comprenait  aussi  Ravensbourg  ^  déclinèrent  toute 
participation  ^^^.  Quoique  cachée  sous  la  cendre^  la 
flamme  des  passions  brûlait  encore  trop  vive  pour  pro- 
noncer avec  le  courage  d'Argun^^^  un  jugement  de  si 
grave  conséquence  ^'^^  sans  s'exposer  à  la  vengeance 
des  Suisses  ou  à  la  disgrâce  de  TAutriche  et  de  TEm- 


M*  «  Ce  qa*ib  devaient  fidre  i  cet  égar<JL  •  Prohâblement  le  Uiti- 
tpire  conqsU  serait  resté  au  moins  eo  hypothèque. 

<*7  Ch.  dans  TêckiUi  II ,  521  et  saiv.  ;  celle  de  Zurich  5S3. 

'**  Bûiching,Géogr- 

••»  Tschudill,  J25. 

'^^  On  ne  sache  pas  qu'il  ait  reçu  une  récompense ,  oa  sait  seulement 
que  sa  mine  suivit  de  près.  »  Le  loi  de  ceux  que  la  destinée  appelle  ï 
défendre  les  principes.  D.  L.  H. 

**^  Chacun  redoutait  de  se  mêler  de  celte  affaire* 


LIVRE   lY.    CIIAP.    II.  2t5 

pc^reur*  Daa«  cet  embarrtâ  oa  lenta ,  par  le  moyca  de 
doux  copseîllera  de  Berne  et  d'un  de  Soleure ,  joints 
aux  arbitres  9  d'engager  Zurich  à  reqoncer  voloniatre-i- 
ment  à  roUianceautricbienae^^^.  Pourvu  que  la  Con- 
fédération fût  rétablie  dans  son  intégrité,  les  Suisses 
oSraieiH  d'abandonner  à  la  ville  de  Zurich  le  territoire 
conquis  et  toutes  leurs  prétentions.  Ces  sentimens  fra* 
ternels  reprirent  aussi  leur  empire  sur  beaucoup  de 
eesurs  zmkciap  Mats  comment  r«ioncer  d'eux-mêmes  ^ 
sans  nécessité ,  à  une  alliance  adietée  au  prix  de  tant 
de  sang ,  d'argent  9  de  soucis  et  de  peines ,  à  une  alliance 
avec  le  glorieux  chef  de  l'Autriche  et  de  la  chrétienté  ^ 
dont  la  &veur  demeurait  encore  acquise  à  leur  ville  ^^' 
après  le  mauvais  succès  des  négociations  avec  les  Suis- 
ses? Il  s'agissait  moins  d'un  conflit  entre  des  devoirs 
que  d'une  option  entre  des  amis,  différens  d  oge,  de 
mérite,  de  qualité,  mais  inconciliables.  On  avait  besoin 
d*un  sur-arbitre,  dont  la  sagesse  et  Tintelligenee  élevée, 
à  Tabri  de  toute  objection  personnelle  ou  politique, 
dicteraient  une  sentence  qu'il  saurait  faire  respecter  *• 
Les  autres  diflférends  entre  rAutriche  et  les  Confé- 
dérés, une  seconde  guerre  entre  TAutriche  et  Baie 
étaient  oubliés  ;  l'électeur  Louis,  auteur  de  la  pacifica- 

***  A  Bade,  29  décembre  I4&8.  Tschudi  il,  527,  528. 

***  FrunehiÊB  deê  Zuricois  les  autorisant  à  naviguer  et  à  commercer 
avec  leurs  propres  barques  et  leurs  marchandises  sur  la  Ltinoiat  et  dans 
tout  le  cours  du  Rbîn ,  exempts  de  péages ,  Gnances  de  passage ,  de 
coodttile  el  aulfes  contributions  établies  ancicnuemcnl.  Vienne,  1.V|7 
dans  /.  !/•  Hottinger,  Spéculum  Tigur.  i46. 

*  Si  cet  arbitre  suprême  n*a  d'autres  armes  que  sa  \erlu,  ses  cou- 
naissances  et  son  génie,  sa  sentence  sera  illusoire.  S'il  est  put>saul  , 
plus  puissant  que  ceux  qu'il  juge  .  c'est  un  mai  Ire  qui  aura  parit* , 
comoie  en  1803.  La  république  hcivéliquc  une  cl  indivisible  n'aurait 
pas  eu  besoin  de  pareils  médecins.  L>.  L.  IL 


216  HISTOIITE   DE   LA   SUISSE. 

liou ,  était  mort  ;  sur  la  frontière  de  Savme  et  du  Mi- 
lanais plus  d*iin  changement  était  arrivé  ou  prévu  ^^^^ 
et  nul  ne  pouvait^  nul  n*osait  prononcer  une  sentence 
sur  l'alUance  de  Zurich  et  de  l'Autriche.  La  Confédé- 
ration suisse  se  trouvait  encore  dans  la  même  situation 
que  la  Ligue  achéenne  quand  TAcrocorinthe  était  aux 
main9de  Philippe  de  Macédoine  ^^^. 

Le  sentiment  indéfinissable  produit  par  cette  rela- 
tion étrange  décida  les  Zurieois  et  les  Confédérés  à  une 
dernière  tentative.  Réunis  ea  conférence  au  couvent 
de  Cappel  ^  entre  Zurich  et  Zoug  y  les  quatre  arbitres 
convinrent  que  y  dans  une  nouvelle  réunion  à  Einsid- 
len^  ils  choisiraient  le  surnarbitre  dans  un  des  neuf 
cantons  ^^^^  ou^  en  cas  de  partage  des  opinions ^  invi- 
teraient une  ville  étrangère  à  le  désigner  parmi  plu- 
sieurs confédérés  qu'ils  proposeraient  **''  ;  le  sur-ar- 
bitre prononcerait  sur  Talliance  autrichienne  ;  aussitôt 
Zurich  recouvrerait  tout  le  territoire  perdu  ^  en  sorte 
que  la  démarcation  des  droits  de  cette  ville  et  de  ceux 
de  Schwyz  se  trouverait  de  nouveau  dans  la  seigneurie 
de  Waedenschwyl  ^^^y  tandis  que  le  diâteau  de  Wœ- 


M^  Toat  cela  est  exposé  en  partie  ci-après,  en  partie  au  chapitre 
saivant 

•t»  Lisez  sur  cela  Poljbe,  ainsi  que  Xite-Iive  et  Plutarque,  qui  ont 
écrit  cTaprèS'  lui.  Nous  nous  proposons  de  commenter  dans  un  autre  en- 
droit l'expérience  de  l'antiquité. 

***  Appenzell  n*est  pas  nommé  ,  mais  Zurich ,  les  cinq  cantons  en 
guerre  avec  lui  et  les  trois  cantons  auxiliaires^  Aux  termes  du  pacte,  le 
sor-arbilre  aurait  dû  être  pris  à  Zurich  ou  dans  un  des  cinq  cantons. 

*^'  Ces  villes  craignirent  trop,  même  de  parler,  alors  que  la  sentence 
d'Argun  eût  été  exécutable. 

•i>  Les  droits  des  Schwyzoîs  dérivaient  de  Tavonerie  qu'ils  exerçaienl 
sur  Einsidlen ,  dont  l'abbaye  possédait  chez  eux  des  fiefs  ;  ceux  de  Zuridi 
provenaient  de  rapports  semblables  avec  le  couvent  des  reUgieai  et 


LIVRE   lY.    CHAP.    H.  217 

denschyl  resterait  inoffensif  au  pouvoir  du  grand- 
maitrede  l'ordre  des  chevaliers  de  Saint-Jean  ^'^;  an- 
nulalicm  réciproque  des  demandes  d'indemnités  ;  con- 
firmation de  la  dernière  paix  ;  amnistie;  renouvellement 
des  anciennes  et  perpétuelles  alliances  entre  tous  les 
Confédérés  et  la  ville  de  Zurich  ^^^. 

Ils  ne  se  réunirent  point  pour  le  choix  d'un  sur-ar- 
bitre ;  il  fallait  éviter  l'apparence  d'un  accord  hostile  à 
l'alliance  autrichienne  ^^  Les  noms  des  citoyens  pro- 
posés^ sans  indication  de  la  personne  qui  proposait 
chacun  d'eux ,  furent  adressés  au  bourgmestre  et  au 
conseil  dlleberlingen  avec  prière  de  faire  un  (^hoix. 
Ueberlingen  ne  refusa  pas  à  la  Suisse  cette  marque 
d'amitié.  Le  choix  tomba  sur  le  meilleur  ^  Henri  de 
Bubeuberg ,  chevalier,  seigneur  de  Spiez ,  avoyer  de  la 
ville  de  Berne. 

Dans  les  grandes  occasions^  cette  cité,  oubliant  tous 
les  périls ,  n'écoutait  que  les  inspirations  de  sa  magna- 
nimité ;  ses  deux  conseils  invitèrent  l'avoyer  à  pronon- 
cer la  sentence  arbitrale.  Après  avoir  relu  plusieurs 
fois  toutes  les  chartes ,  consulté  à  la  ville  et  à  la  cam- 
pagne tous  les  hommes  sa  vans  ou  simplement  loyaux, 
ecclésiastiques  et  laïques  ;  après  avoir  considéré  du- 
rant un  mois  toutes  les  faces  de  l'affaire  avec  sa  haute 
raison ,  exercée  pendant  une  si  longue  et  si  glorieuse 


(fane  convention  conclue  en  IdOS  avec  Tordre  (  ci-dessus ,  t.  UI»  3S3  , 

***  Ce  pouvoir,  alors  neutre,  est  tombé. 

*>^  Convention,  Cappel,  mercredi  après  Pâques  1450.  Tschudi. 

<M  Ce  qui  eût  été  inévitable  si  les  Zuri«ois  eussent  adopté  la  proposi- 
tion des  Suisses,  on  si  l'arbiti'e  proposé  par  Zurich ,  reconnu  par  les 
Confédérés ,  eût  prononcé  contre  le  pacte.  ^ 


218  HISTOIRE   DE   LA   BVI»SE. 

période  ^^^  dans  le  gouvcraemeot  de  la  république  ^  et 
qu'à  la  deruiére  paix  ^^^ ,  et  souvent  depuis  *2*,  tous 
les  confédéré^  vénérèrent  comme  un  astre  oonducCeur, 
Bubenberg  convoqua  une  assemblée  à  Tabbayede  Notre- 
Dame -des -Ermites  ^^^^  prêta  serment  y  parla ,  cen-' 
firma  la  sentence  de  Pierre  CoUUchmid  ei  dUtal  Ré-^ 
diiig  et  déclara  illégale  f  nulle  et  non  avenue  l'alliance 
en  litige  ®^^, 

La  guerre  continuée  pendant  c^inze  aas  ^^^  depuis 
fVédéric»  comte  de  Tokenbourg,  à  travers  bien  des 
vicissitudes^  avec  la  participation  de  l'Autriche  et  de  la 
France  »  au  milieu  du  sang  et  des  ravages ,  finit,  comme 
les  plus  grandes  guerres  de  Charles  XII  et  de  Fré^ 
déric  ^^>  saufi  changement  considérable  dans  les  posses* 
sions  territoriales  ^^^;  ce  fut  le  treize  juillet  de  laa 
quatorze-cent*cinquante. 

*2^  Membre  da  Grand  Conseil  dopoi»  iiOO,  L«ii.  (N'y  auraMl-il  pis 
une  faule  d'iuipreesion  dans  cette  date?) 
"»  Ci-dessus  t.  V,  211. 

■ 

^^*  On  en  tfOUTc  la  preuve  dans  des  docnmens  cit6s  par  Tschudi  d 

<<»  On  en  Ut  la  relation  dutailléedans  Tsclutdi,  U ,  543-5^4. 

^'^  U  mit  tant  de  ménageniens  dans  la  forme  qu'à  peine  nomma-l-il 
TalUance ,  se  bornant  à  conGrmer  le  pronoucô  des  arbitres  suisses  qui  la 
condamnaient. 

^'-'A  dater  du  commencement  des  tronbles ,  t.  V.  37. 

^'*  La  gi'ande  guerre  de  Charles  contre  Frédéric-Auguste ,  roi  de  Po- 
logne, s'assoupit  sans  traité  de  paix.  Mably,  Œuvret,  VI.  La  guerre  de 
sept  ans  fut  terminée  k  Uubcrlsbourg  par  un  traité  qui  ne  changea  rico 
à  l'état  des  choses. 

"'  Cette  paix  de  1450  ne  modifia  point  le  traité  de  1440 ,  excepté  en 
ce  qui  concernait  l'alliance  avec  rAutrichc.  Tschudi  II ,  324  i  ^36. 


LIVRE  IV.   CHAP.    ni.  219 


'^fWW  WV^  A/\^V  >^\/VVVSr!*<V'VV'V  VNTsTirfVV'VV  V  V  VV\rV''  w  V 


CHAPITRE  III. 


G0]fCUJ910N   DE  LA.   PAIX. 


Négociations  avec  rAutriche.  —  Paix  de  Bille.  —  Complot  contre 
Rheinfelden.  -—  Sort  de  l'héritage  de  Tokenbourg.  —  Autres 
afi&iires  ÎDtérfteures. 

La  marche  du  procès,  fixée  par  le  traité  de  paix 
entre  CoDBtanee  et  la  SuiaeeS  se  compliqua  par  des 
circoQStanoee  dont  dépendait  en  grande .  partie  la  fin 
des  queiMles  intérieures. 

La  maison  d'Autriche  soumit  à  la  dédsion  du  boiu*g- 
mestre  et  du  conseil  d'Ulm  la  question  de  savoir  si 
par  la  prise  de  possession  violente  de  presque  tous  ^ 
ks  domaines  et  les  droits  qui  lui  appartenaient  en 
Argovie,  d'un  grand  nombre  de  ceux  qu'elle  possédait 
*  en  Thui^ovie  ^  et  dans  le  Buchsgau  ^ ,  ainsi  que  par 
la  conquête  récente  du  château  de  Sdienkenberg  ^, 
tombé  devant  les  armes  bernoises^  par  les  violences 
des  Appenzellois  dans  le  Rheinthal,  par  les  événe- 

^  Vpy.  cfasp.  U,  le  texte  adepois  n.  (04  jnsqu  à  o.  :^i5. 

'  La  riTe  nord-oaest  de  TAar  ne  fat  pas  occupée  en  1415. 

>  Le  chAleao  oonliga  an  pont  de  Bads,  le  Sig^enthal,  Kaiserstuhl , 
Zurzacli  et  KUogoau  sont  ici  compris  dans  la  ThurgoviC)  comme  si  U 
Reoss  en  formait  la  limiie. 

*  Entre  G6sgen  et  Flumenthal.  U  y  avait  beaucoup  de  vassaux  autri- 
chiens dans  ce  district. 

^  Plus  hautcbap.  I,  n.  307;  depuis,  le  ch&teau  avait  uté  bypoihé(iti6 
à  Berne. 


220  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

mens  du  Gaster  ^^  les  Confédérés  ne  s'étaient  pas  ren- 
dus coupables  de  plus  d'une  rupture  de  la  paix.  Alors 
le  comte  Jean  de  Thierstein ,  dont  le  grand-péi^  était 
mort  à  Sempach^  le  père  à  Nsefels^^  vieux  et  puissant 
chevalier^  gouverneur  autrichien  du  Sundgau  et  de 
l'Alsace^  parut  avec  Frédéric^  son  neveu ,  pour  se 
plaindre  de  Soleure,  qui  avait  détruit  le  château  de 
Thierstein  et  celui  de  Falkenstein'^.  Le  comte  Henri 
de  Werdenberg-Sargans ,  qui ,  après  que  son  père  eût 
perdu  la  bataille  de  NaeFels^  passa  sa  longue  et  sou- 
cieuse vie  dans  une  lutte  incessante  contre  la  liberté 
du  peuple  ^  et  dont  les  relations  dangereusement  com- 
pliquées expliquent  la  conduite  équivoque  ^  se  plaignit 
de  ce  que  Schwyz  et  Glaris  avaient  accordé  le  droit  de 
cité  à  des  habitans  autrichiens  de  sa  seigneurie^;  pris 
possession  de  son  pays ,  qui  ne  devait  point  servir  con- 
tre l'Autriche^;  et  mis  le  feu  à  la  ville  pendant  qu'on 
négociait  la  paix^^.  Wolfhard^  baron  de  Brandis  ^  sei- 
gneur hypothécaire  de  Yaduz,  vieillard  aussi ,  qui  atti- 
rait de  plus  en  plus  son  ancienne  famille  ^  ^  hors  de  la 
Suisse  dans  le  voisinage  de  ses  cousins  tyroliens  '^^  allé- 

*  L'Aalriche  avait  hypothéqué  à  regret  le  Gaster  à  Schwys  et  à  Claris. 
T.  V,  114-116. 

^  Le  dœttment  de  ces  griefs ,  important  pour  se  faire  une  idée  de  U 
constitution  et  des  rapports  du  pays  à  cette  époque,  se  lit  dans  Tsekudi, 
H ,  4S4-490. 

*  L'Autriche  avait  cru  pouvoir  la  lui  remettre  en  toute  sûreté ,  comme 
concitoyen  des  Confédérés. 

'  L'alliance  donnait  aux  habitans  du  pays  le  droit  de  considérer  le 
château  du  seigneur,  leur  concitoyen ,  comme  maison  ouverte;  le  comte 
2>'était  réservé  sa  neutralité.  CL  80  janvier  1457.  Ttchudi  H ,  2S8. 

"  C'est  le  fait  raconté  chap.  II  à  n.  136.  Les  circonstances  n'en  sont 
pas  connues  exactement 

"  Qui  avait  fondé  le  monaslii-c  de  Trubon  en  1139.  T.  ï,  400. 

"  Ils  s'y  étaient  établis  au  XII*  siècle  et  ils  y  florissent  encore. 


LIVRE   IV.    CHAP.   ill.  221. 

gtia  comme  grief  que,  bien  que  les  sujets  autrichiensdu 
pays  de  Sargans  fussent  passés  sous  sa  domination*-^, 
les  Suisses  n'avaient  point  respecté  cette  circonstance  ^*, 
etque  les  Appenzellois,  en  pleine  paix,  avaient  marché 
contre  lui  sans  nul  autre  motif  ^^  ;  qu'il  avait  en  vain 
offert  aux  uns  les  recours  aux  voies  juridiques^  etque  le 
capitaine  des  autres'^  avait  déchiré  et  foulé  aux  pieds  sa 
représentation.  Guillaume  de  Grunenberg,  chevalier, 
d'une  ancienne  famille  argovienne,  ruinée  peu  à  peu , 
comme  d'autres,  dans  les  guerres  contre  la  Suisse  *'^, 
homme  actif,  expérimenté,  porta  plainte  contre  Berne 
et  Soleure  :  ces  villes,  loin  de  le  dédommager  du  pillage 
de  son  arsenal ,  aviùent  brûlé  son  manoir  héréditaire  *% 
pnni  rinviolable  fidélité  de  ses  sujets  d'Aarwangen  ^^ 
par  la  confiscation  d  un  pâturage  et  par  un  pôntonnage 
nouveau  ,  contrecarré  tous'  ses  desseins  ^,  enlevé  enfin 
le  château  de  Rheinfelden,  hypothèque  autrichienne  ^^ 
Au  nom  cle  Madeleine,  sa  cousine  et  sa  femme,  ïlerr- 

'^  On  les  lui  avait  probablement  abandonnas  par  la  raison  alignée 
n.  8. 

<»  >  Ds  lui  répondirent  tout  court  :  qu'ils  voulaient  les  posséder.  » 

*^  A  cause  de  leur  alliance  avec  les  Suisses. 

"  Brtchelcr. 

"  Nous  avons  vn  ce  Guillaume  abandonner  aux  Bernois  Wangen 
(t.  ÏIl ,  849  )  et  Arwangen  (  t  IV,  1.  m ,  ch.  2). 

"  Grfinenbcrg  était  situé  dans  Tagreabh:  contrée  entre  St. -Urbain  et 
Hutwyl ,  près  de  Melchnau. 

'*  L'avaît-il  racheté  ou  bien  les  babitans  s'attaçhèrent-ils  à  lui,  sans 
cela? 

^  A  Kestenfaols  et  Oberbucbsiten .  jàuis  le  Buchsgau ,  hypothèques 
qu'il  lemût  de  Thkrstein»  et  à  l'époque  où  il  voolnt  acheter  de  S.  Ur- 
bain un  ch&teau  de  Grflnenb^  dont  la  situation  ne  m'esi  pas  connue* 

'*  Sans  doute  pour  des  services  rendus  à  la  guerre  et  en  temps  de  paix. 

T.  ra. 


222  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

mann  d'Eptingen  réclama  des  Bernois  la  haute  juri- 
diction^ et  d*autres  droits  à  Eriswyl  et  dans  la  contrée 
environnante^^.  Rodolphe  de  Landenberg-^reifensée 
espéra  obtenir  par  la  protection  de  l'Antriche  la  sei- 
gneurie d'Ârbourg  ;  Arbourg  était  hypothéqué  par 
TAutridhe  aux  nobles  Kriecb  ^^^  dont  il  avait  épousé 
l'héritière;  dans  les  temps  malheureux  du  concile  de 
Constance,  son  beau^pére  s'était  distingué  par  sa  fer-* 
meté  ^* }  mais  à  la  fin ,  il  avait  à  regret  abandonné  son 
château  aux  Bernois  pour  deux  mille  floirinè^^.  D'autres 
représentaient  que  la  iî|irenr  appenzellcisa  n'avait  res- 
pecté ni  les  sentimens  pacifiques  ni  les  traités;  les 
Peyer  en  firent  l'expérience  à  Rhcahuc^  ^^^  de  même 
que  le  sire  Gaspard  de  Bonitetten  ^  à  Sax ,  ch&teau  de 
sa  femme  ^''.  Enfin  Lauffenbourg  déplora  l'affreux  piW 
lage  des  villages  du  Frikduil  ^^  et  le  siège  qu'il  avait  eu 

^  Us  prirent  la  ksiile  jti?îdifldon  à  son  beta-pèrt  Griinm  d^  Grilnen- 
berg,  leur  concitoyen  et  membre  de  leur  conseil  (ils  exigeaient  de  pa- 
reils sacrifices  d'hommes  placés  dans  une  pareille  position  )  ;  h  sa  femme 
le  village  et  Rorbach ,  outre  le  bl6  du  bailli  de  Kuches  (les  motifs  ne  me 
sont  pas  connus). 

^  Au  p^  de  son  beaU'père.  Mais  cela  île  s'accorde  point  areé  la  date 
de  ÎHO  indiquée  par  Leu.  Tootefdson  troore  dans  cette  même  charte 
beaucoup  de  gentilshommes  d'une  haute  mais  verte  vieillesse* 

>*  T.  IV.  216. 

'^  On  en  payait  encore  annuellement  un  intérêt  de  78  florins.  Ainsi 
Berne  ne  donnait  pas  même  quatre  pour  cent 

^*  Jacques,  fils  de  Conrad  (était-il  neveu  de  Henri  qui  avait  habité 
Arbon?  Ch.  dans  Henri  Uottinger,  H.  £.  t.  VIII,  p.  ihkh).  Le  silence 
sur  rincendiê  du  château  est  Une  preuve  à  Tappui  de  l\>bservation , 
chap,  II  «  n.  526. 

*'  Appevcell  eiigeait  probablement  que  les  sires  de  Sax ,  en  qnaliti^ 
de  ses  Concitoyens,  embrassassent  sa  eause;  le  beau-père  de  Bonatctten 
jura  «ne  alliance  en  S 610. 

^  11  se  plaignit  qu'on  avait  batta  b  blé  et  l'avoine  pour  renlever, 
qu'on  avait  arraché  les  ferrures  pour  les  emmener  avec  les  meubles.  (0« 


LIVRE  lY.  CHAP.  m.  223 

à  souffrir;  Ra|>pflr9chwyl>  Toppresèion  sous  laquelle 
celte  tilte  gémissait  depuis  tant  d*aiinées«  M  etah-^dte 
pas  le  respectable  chef-lieu  ici  du  Iischenthal^  là  des 
métairies  ^^?  A  elle  appat^ienait  le  loog  pont^^^  la  tèle 
du  pontes  la  ehàrmante  ile -d'Ufenau  ;  ne  possédait** 
elle  pas  un  droit  deniarohé  ei^clusif  ^^  et  avec  tous  les 
riverains  un  droU  commun  sur  le  lat  supérieur  ^? 
Mainte  coiitrée  pastorale  reconnaissait  aunueUetnent  à 
son  cbâteâli  des  droits  de  féodalité  ou  de  patronage  ^. 
Scliwyz  surtout  9  mais  d  autres  aussi  ^^^  tantôt  au  sein 
de  la  paix,  tantôt  dans  une  guerre  Sans  déclamtion 
préalable  ^S  perfide  ^''^  inhumaine  ^^  ont  enlevé  toutes 
ces  prérogatives  aux  habitans  de  Rappersdiwyl  poutr 
les  puilir  de  leur  fidélité  reconnaissante  envers  leurs 
fondatelira ,  leurs  proteeteurs  et  leurs  seigneurs  légitî-^ 


voit  par  là  qne  te  bon  tieax  tciups  ne  yfltélt  pàft  nilctix  que  le  nôtre). 

^  Elles  avaient  contracté  alliance  avec  la  ville ,  du  consentement  de 
leurs  seignears. 

^  •  Que  noSs  a¥oiil  poteédé  sèds  eonlestatiM  pltts  de  soixanle-dis 
alis.»  Il  étiit  l'ootrage  des  ducs  (t.  Ul,  196,  197};  ils  en  fronvèrenl 
rnitrtillen  trop  énétcv^t ,  de  totSme  que  les  premiCïi^s  df-penScS. 

•*  HardcD. 

'^  A  la  distance  d'un  mille ,  il  ne  devait  point  y  oroir  de  mkréhé  qui 
pûl  loi  porter  pr^udice» 

*^  Concernant  la  navigation  el  la  pèche. 

**  Où  les  âCcftaillBiit  en  fitrtnage  el  en  bebrre. 

'*  Eoridi  avfsi,  yiAc  poar  Iflqa^le  ilB  ne  pouvalcitl  pi»  tttoir  plus 
d'ftUactemcbt  que  pour  dékmju  T«  tn ,  id. 

**  On  aurait  dS  se  déctattr  la  gSett«  trois  jourB  dVivaqceu  Les  SniM» 
croyoeni  biéa  œtM  fimnalîtô  néceisiaiir»daiii  une  qa«t«llë  piPttculi6re 
avec  Rappcrscfawyl ,  mais  non  pour  une  gtterre  géiiéràle  aveé  les  Statt  de 
l'Autriche. 

*'  «  Ils  ont  anlllé  l«s  Jtmnes  arbres  dans  les  fortHs.  > 

*•  Ils  ont  tué  un  lépttMlk  qui  fâdchftit  dsns  là  pralti»  de  rhSpittt.  On 
>  employait  ces  sortes  de  malades  li  la  moisson  et  <i  fa  fciM^MAft.  »  Hem^ 
mêrim  {MaUêoluê). 


224  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

mes*"^^.  Ces  faiis^  le  désastre  du  comte  de  Thengen  ^^  et 
même  les  hostilités  continuées  depuis  la  paix  *^,  for- 
maient les  griefs  de  rAulriche. 

Les  Suisses  établirent,  par  des  preuves  nombreuses  ^^, 
que  le  commerce  ^^  et  les  rapports  journaliers  avaient 
été  troublés  impunément  ^S  ^^  temps  de  paix^  par  la 
violence  9  par  la  méchanceté ,  par  des  outrages^^;  et 
qu'en  temps  de  guerre^  on  n'avait  respecté  ni  trêve  ^ 
ni  neutralité^''.  Us  croyaient  par  là  tout  expliqué^  tout 
justifié.  Ils  soumirent  leur  cause  au  comte  palatin ,  Të- 
lecteur  Louis.  Celui-ci  ne  prononça  pas.  Les  résultats 
de  la  haine  et  de  la  guerre  formaient  une  compensation 
de  ch&timens  mutuels.  Chaque  vassal  se  tira  d'affaire 
selon  les  circonstances.  On  n'était  ni  assez  faible  pour 
renoncer  à  ses  prétentions^  ni  assez  fort  pour  les  faire 
valoir,  en  sorte  que  la  guerre  entre  l'Autriche  et  la 
Suisse  s'assoupit  plutôt  qu'ellie  n'eut  un  terme  ^^. 

**  Tiliéritiëre  de  lears  propres  comtes  les  fit  passer,  en  itSh,  *ox 
snins  de  Habsbourg-Lauffenboarg  ;  un  achat ,  en  ift58 ,  aux  mains  de 
Hababoorg-Autriche;  ils  devinrent  sajela  de  l'Empire  en  iil5,  et  de 
nouvean  de  l'Autriche  en  ihà2  ;  •  dès  cette  heure  les  Suisses  ont  con- 
•  mencé  li  nous  détester.  • 

*•  Gbap.  U ,  4  n.  298w 

**  Les  Appcnzellob  particulièrement  «  portent  peu  à  peu  la  main  tat 
>  tout ,  sans  rien  excepter.  • 

«^  Ch,  {Tschttdi  n,  488),  Kaîserstubl,  mardi  avant  SL  llichcl,  ihkO, 
avec  le  sceau  du  landammann  Réding,  l'aîné,  de  Schwyi.  Or,  il  était 
mort  au  mois  de  décembre  1445  !  Le  fils  «vait^il  hérité  de  lai  un  scen 
dont  l'exergue  portât  la  désignation  personnelle  du  père? 

**  La  cblute  mentionne  un  commerce  de  sel  avec  Bemc^  le  commence 
de  safran  «t  le  colportage  de  Luceme. 

**  On  Tait  surtout  ce  reproche  à  l'autorité  de  Rappcrschwyl. 

*^  Arrestations,  eiactions,  blessures,  injures,  meurtres. 

**  Berne ,  Schwys,  Zoug  et  Glaris  s'en  plaignent 

^^  Nommément  Wyl. 

**  May  (in,  211 J,  mentionne  un  traité  du  25  juin  1443,  su»  e* 


LIVRE  IV.   CHAP.   m.  225 

La  conciliation  de  rAutriche  et  des  Bàlois  fut  confiée 
à  quatre  arbitres^^  auxquels  on  adjoignit  comme  sur- 
arbitre l'évêque  de  Baie,  Frédéric  Ze  Rhvne.  L'é- 
cuyer  d'Enzenberg  exposa  la  grave  plainte  de  l'Autri- 
che^^ :  «  Les  Bàlois^  intéressés  et  pleins  d'orgueil ,  au 
»  temps  où  Ton  fréquentait  encore  paisiblement  les 
»  foires  de  Francfort^  ont  fait  du  tort  aux  péages  des 
»  ducs  et  à  leur  droit  de  conduite  ^^;  ils  ont  engagé 
>i  d'autres  à  les  éviter  ^^  ;  en  accordant  illégalement 
»  l'asile,  en  refusant  les  sommations  juridiques,  ils  ont 
»  entravé  le  cours  de  la  justice  ^^  et  attribué  à  laju- 
w  ridiction  de  leur  tribunal  une  extension  usurpée  *♦  ; 
»  à  l'époque  du  concile,  ils  ont  privé  le  laboureur,  par 
»  de  lourds  péages,  des  avantages  du  marché  ^^;  à  l'ap- 
)»  proche  des  Armagnacs,  ils  ont  attiré  les  fuyards  et 

indiquer  la  teneur  ;  Tsekudi  n'en  parle  point  ;  nous  ne  l'avons  vu  nulle 
part  Comme  la  suite  le  fait  voir,  on  n'y  aura  rien  déterminé  de  quelque 
importance  ;  son  effet  ne  s'est  certainement  pas  étendu  au-delà  de  la 
période  de  cinquante  ans. 

*'  Pour  l'Autriche ,  Staufenbei^  et  SUufen  ;  pour  B&le ,  Jean  de 
Lanffen  et  André  Ospemelle. 

^  Tsehudi  a  donné  dans  son  t  n,  492,  la  négociation  entre  l'Autriche 
et  Bàle,  mais  ce  n'est  guère  qu'un  extrait  Nous  avons  profité  des  Griefs 
prëêentés  au  nom  du  duc  Albert,  dans  la  collection  de  Ualler. 

»<  Notamment  la  grande  conduite  à  Otmarsheim. 

**  En  suivant  les  nouvelles  routes  de  Sokure ,  de  Berne  et  de  Luceme. 
Ce  sont  là  sans  doute  les  désordres  «  dans  le  comté  de  Habsbouig.  •  Cette 
dénomination  si  peu  diplomatique  désigne  id  toutes  les  possessions  de 
la  maison  de  Habsbourg  dans  l'Argovie. 

^  •  lis  n'ont  pas  même  permis  de  proclamer  les  citations  les  Jours  de 

•  marché.  • 

**  «  Ils  oitent  devant  leur  tribunal  chevaliers  et  vassaux ,  et  évoquent 
■  les  causes  pour  dettes  à  leur  tribunal  ecclésiastique;  ils  prétendent 

•  ne  laisser  juger  qu'à  B&le  celles  qui  concernent  leurs  possessions  en 

•  Alsace.  • 

"  Huit  scheliings  pour  chaque  voiture  de  pain. 

Ti.  i5 


226  mSTOIBB   DB  LA.  SUISSE. 

»  leur  fortune,  gardé  celle-ci,  chassé  ceux-là  de  la 
>i  Tille ^^,  approvisionné  les  Armagnacs,  acheté  d'eux 
»  le  butin  ^'^y  pris  une  part  active  à  la  guerre  des  Suis- 
>}  ses^^,  qu'ils  ont  pourvus  de  poudre,  d'armes  à  feu  ^' 
»  et  de  provisions  volées  ;  on  passe  sous  silence  les  dé- 
n  lits  forestiers  commis  sur  les  terres  des  vassaux  ^^ 
»  et  la  torture  inQigée  à  l'innocent  maire  d'Âltkirch; 
n  n'oDt-ils  pas,  avant  la  guerre,  soldé  des  incendiai- 
»  i*es^',  mis  eux-mêmes  le  feu  à  de  saintes  maisons  ^^ 
»  après  en  avoir  enlevé  beaucoup  de  grains  ^^  et  méms 
»  des  joyaux  consacrés  ^^  ?  » 

Le  docteur  Henri  de  Beinheim  répondit  :  «  Voué  à 
n  son  trafic  et  à  son  commerce,  Baie  s'est  appliqué  à 
»  conserver  la  paix  et  le  bon  voisinage;  il  a  souvent  aidé 
»  le  prince  en  lui  prêtant  de  l'argent  sans  intérêt  ^^;  il 
M  en  a  été  récompensé  par  les  vexations  les  plus  odieu- 
»  ses,  ce  qui  l'a  contraint  de  se  liguer  avec  d'autres  vil- 
»  lès^^;  des  traités  de  paix  avaient  mis  fin  à  la  guerre^» 
^)  l'envie  et  la  baine  l'ont  renouvelée  et  ont  fait  refluer 
>}  sur  la  patrie  des  nations  étrangères  ;  tant  que  cette 

^  A  l'origine  de  la  guerre  avec  rAatriche. 

*'  On  lenr  fail  ce  reproche  dans  la  Nigœiaiion, 

**  ALaufenboarg,  à  Rheînfelden. 

^*  Même  contre  Zarich  et  Greifeiuée. 

**  Surtout  de  Tbierstein;  mais  aussi  par  H6nch  sur  celles  d'Epdng'OL 

*^  Un  valet  qui  fut  exécuté  pour  ce  crime  à  Tann  ;  ils  lui  avaient 
donné  ifuaire  florins. 

'^  Au  couvent  d'Otmarsheim. 

*'  Du  vieux  Pfirt ,  80  vases  remplis  de  Ué. 

**  «  Pierres  précieuses  et  omemens  de  Dieu.  • 

*^  Et  rendu  volontairement  d'autres  services.  •  Piégoeiatian. 

*>  Avec  Berne  et  Solenre  (  t.  V,  Î4S*  267).  Hemmêrlin  {DiaL  deiffiki' 
iiiate)  déplore  cette  alliance,  selon  lui,  d^radante  et  source  de  mal- 
heurs. 

^'  EnJl44S  encore,  \  Rbeinfelden. 


LIVRE   IV.    GHAP.    III.  227 

»  source  ne  sera  pas  tarie ,  il  est  inutile  de  s'entendre 
»  sur  tel  ou  tel  article.  » 

Les  Autrichiens  nièrent  Tenrôlement  des  *Arma«- 
gnacs^^;  ils  dirent  que  par  une  coincidence  fortuite^ 
le  roi  avait  voulu  se  débarrasser  de  ce  peuple  à  Té* 
poque  même  où  seigneurs  et  noblesse  souffraient  sous 
l'oppression  des  Suisses  ;  qu'à  St.-Jacques^  cette  op- 
pression avait  été  punie  de  Dieu  ^^. 

Le  procès,  prolongé  par  un  éschange  de  mémoires  ^ 
fut  interrompu  par  la  prise  de  Rheinfelden7^.  Cette 
ville ^  unie  de  sentiment  à  la  Suisse^  était  placée  sous 
la  garantie  de  Baie  ^  de  Berne  et  de  Soleure  ;  pendant 
qu'on  négociait  la  paix,  chacune  de  ces  cités  n'était 
représentée  que  par  un  seul  gardien*  Cette  circonstance 
empêcha  Guillaume  de  Grunenberg  de  prendre  posses- 
sion du  droit  d*hypothèque  que  l'Autriche  avait  trans- 
féré du  château  détruit  sur  la  ville.  Le  chevalier  im- 
patient engagea  Jean  de  Rechberg  dont  l'audace^  la 
ruse  et  la  haine  pour  les  Suisses  fuyaient  le  repos,  à 
s'emparer,  à  son  intention,  deRheinfelden''^  Thomas 
de  Falkenstein  s'estima  fort  heureux  de  s'associer  à 
une  expédition  semblable  à  celle  de  Brougg.  Us  s'ad- 
joignirent Blumeneck  et  Hatstatt'^^.  Seigneurs  etche- 

**  Ik  dirent  qae  le  roi  romain  avait  complètement  dissipé  ce  soapçon 
à  Nuremberg.  Voy.  chap.  I  à  d.  41. 

<9  Voyez  le  grand  nombre  de  contes  snperstitienx  débités  à  ce  snjet 
dzBS  Hemmerlin,  Proeesêus  eoram  Dto  eantra  Suitense» ,  imprimé  aussi 
dans  le  Thuaur.  Helvet,  La  journée  de  la  Birse  parut  marquer  Fépoqne 
de  la  raine  imminente  de  l'odieuse  Confédération  suisse.  Le  fait  ne  ré- 
pondit pas  à  l'attente. 

7*  Le  22  octobre  iUS. 

'*  Rechberg  est  nommé  comme  principal  chef  dans  la  chronique 
d'Ellwangen.  Freher,  SeriptU  I,  686. 

'*  Leun  noms  se  trouvent  dans  Sttmpf,  644  •  6.  A  la  place  du  der- 
nier, une  ek,  nomme  Jean  de  Bolsenhen. 


228  HISTOIRE   DE   LÀ   SUISSE. 

valiers  se  disposaient  à  profiter  de  la  fortune^';  Guil- 
laume Felga ,  cheTalier ,  avoyer  de  Fribourg  en  Uecht- 
-laad^  infatigable  à  susciter  des  ennemis  aux  Bernois, 
fit  espérer  du  secours  de  la  France  et  de  la  Bour- 
gogne^^. Certains  symptômes  inquiétaient  le  pays.  De 
bon  matin,  pendant  le  service  divin  d'une  fête  reli- 
gieuse, parurent  près  de  Rheinfelden  des  bateaux 
chargés  de  bois  ''^^  et  un  petit  nombre  d'hommes  en 
longs  sarraux  gris  ^^.  ce  Ce  sont  des  pèlerins,  »  dirent 
les  bateliers;  «  ils  viennent  de  Notre-Dame-des-£rmi- 
»  tes,  abondante  en  grâces;  ils  se  {proposent  de  dîner 
»  ici.  »  Quelques-uns  des  voyageurs  payèrent  le  péage  ; 
tous  débarquèrent  près  de  la  porte;  ils  jetèrent  leurs 
sarraux;  des  cuirasses  brillèrent.  Péagers  et  gardes  fu- 
rent tués;  de  dessous  le  bois  des  bateaux  s'élancèrent 
cent  vingt  hommes  armés;  d'une  embuscade  voisine 
arriva  au  galop  vers  la  ville  Grûnenberg  à  la  tète  de 
six  cents  autres  ^^.  Alors  toutes  les  calamités  fondi- 
rent sur  les  habitans  de  Rbeinfelden  :  ceux  qui  se 
trouvaient  dans  les  rues  furent  égorgés  ^^;  les  magis-< 
trats,  arrêtés;  tandis  que  les  uns  sautaient  du  haut  des 
murs,  les  autres  dans  le  Rhin ,  on  livra  les  maisons  au 
pillage,  on  commit  des  horreurs,  enfin  Ion  chassa  les 


^*  Rapports  des  avoyen  et  conseâlen  de  Rheinfelden  et  d*Araa  et  ce- 
lui de  Christian  Willading,  commandant  les  Bernob  h  Brongg,  adressé 
à  la  ville  de  Berne,  dans  StettUr  1 ,  175. 

'*  Ibid. 

'**  Deux,  Mûnêter  Camogr,  596;  trois,  War$ti$€n  637;  quatre. 
^tehudi. 

'*  Saivant  Mùngter,  ils  pissèrent  le  pont;  solvant  lea  autres,  ils  vin- 
rent dans  desbateaox. 

7'  May  ni,  2i4  ;  T$ehadi  estd*accord  avec  lui. 

'*  Dix,  Rapport  du  bailli  Enilibmehtr  de  Scfaenkenberg  à  la  ville  de 
Berne,  àxMSltttler:  douze,  T^chudi;  quarante-quatre,  fVuntiseH. 


UVRB   IV.    CHAP.    lit.  229 

infortunés  de  la  vifle  avec  femmes  et  enfans ,  sans  leur 
laisser  un  sou^^.  Au  milieu  de  railleries  les  guerriers 
se  partagèrent  les  biens;  chacun  eut  trois  cents  flo- 
rins ^.  Les  exilés  trouvèrent  l'hospitalité  à  Baie  dans 
les  asiles  de  la  pauvreté^^  et  che^  des  bourgeois.  A  son 
tour  cette  ville  toi  aussitôt  traitée  hostilement,  et  enfin 
attaquée  en  forme  ^^,  Les  chevaliers  firent  ainsi  échouer 
les  négociation»  de  la  grande  conférence  de  Lindau  ^^. 

Se  livrant  ensuite  à  d'inutiles  atrocités  ^^^  ils  firent 
celte  espèce  de  guerre  qui  irrite  sans  rien  finir.  La  né- 
cessité justifie  la  guerre,  et  la  manière  la  plus  noble 
de  la  faire  est  celle  qui  la  termine  le  plus^  prompte- 
ment.  Ici  l'on  commit  les  hostilités  les  plus  dures, 
même  contre  des  gens  sans  armes  ®^,  même  contre  des 
innocens^;  elles  furent  exécrables^''  :  par  leur  ac- 
tivité^, leur  courage  et  leur  audace,  les  Bàlois  y 
mirent  bientôt  un<  terme.  Us  battirent  Rechberg  ^^ 

"  Aa  nombre  de  400.  WurHuen. 

«•  Têehudu 

**  •  Hôpital  et  misérable  auberge  •  {miiérabU  signifie  étranger  ;  litté- 
ralement «xenodochiam,  •)  ITttrtfcMii. 

^  Vers  la  fin  de  novembre. 

**  30  novembre;  72  villes  impériales  s^y  firent  représenter.  Ces  cir- 
ooDStances  impliquent  contradiction  avec  ce  qui  est  dit  (  n.  48  )  d'une 
paix  conclue  au  mois  de  juin  entre  TAutricbe  et  la  Suisse. 

'*  Us  coupaient  les  mains  aux  gens  qui  portaient  leurs  contributions  à 
B&le.  fVuriiUeh,  Cette  barbarie  était  en  usage  quand  on  voulait  prendre 
one  ville  par  la  famine;  voy.  Jean  Fillani,  dans  le  siège  de  Pistoia, 
1367  et  suiv.  On  coupait  aussi  les  pieds  et  le  ne». 

**  De  part  et  d'autre  on  égorgeait  fréquemment  et  même  on  torturai! 
les  prisonniers. 

**  Malgré  h  neutralité  de  l'évéque  de  Bftle,  on  lui  incendia  le  beau 
village  de  Rieben. 

*'  Recbberg  avait  soldé  un  individu  pour  incendier  le  Pedt-B&le. 

*•  Voyez  dans  fVmrttUen  les  nombreuses  eiqpédîlioas» 

*'  Près  de  Hésingca,  le  6  janvier  1449.. 


230  HISIOIRB  DE  LA  SUISSE. 

blessèrent  Thomas  de  Falkenstein  ^^  châtièrent  Grû- 
nenberg®*,  et  ne  se  laissèrent  arrêter  ni  par  les  représen- 
tations ^^,  ni  par  les  menaces  *^  de  Herrmann  d'Eptin- 
gen^  qui  avait  insolemment  déclaré  la  guerre  à  la  ville 
au  moyen  de  son  chien  ®*.  Aussi  ses  yeux  virent-ils  les 
flammes  de  son  manoir,  du  haut  Blochmund  sur  le 
Biauen^  et  lui-même  et  les  siens  furent-ils  emmenés 
dans  une  prison  ennemie  ^^.  Telle  était  la  colère  du 
citoyen^  qu'il  dédaigna  les  directions  modérées  de  son 
gouvernement'^.  Les  princes,  Tévêque  Frédéric  et  le 
margrave  Jacques^  se  hâtèrent  de  conclure  la  paix 
à  Brisach  ^^  par  leur  prononcé  et  par  une  conciliation. 
On  reconnut,  sur  la  plainte  des  Bàlois,  que  depuis 
que  les  districts  de  Pfirt,  d'Altkirch  et  de  Landesehre 
avaient  été  hypothéqués  ^•,  les  péages,  le  droit  de  con- 
duite et  les  relations  commerciales  avaient  subi  bien 
des  innovations;  qu'il  fallait  rétablir  les  'choses  sur 
Tancien  pied  comme  dans  le  Sundgau ,  le  Brisgau  et 
toute  la  Forêt  Noire  ;  à  l'avenir,  comme  autrefois ,  les 
dîmes  et  les  cens,  reconnus  appartenir  aux  Bàlois ^ 

••  ibid. 

'*  Par  la  destruction  deBinzheim. 

*'  Le  goaYemement  avait  autorisé  des  négociations  pour  la  paix. 

''  Que  le  duc  interromprait  les  négociations  poar  la  paix. 

*^  Ce  chien  8  appelait  «  danphin.  •  Fmgger  568. 

••  Wurtiiiên, 

'*  Cette  action  contribua  le  plus  à  hâter  la  conclusion  de  la  paix. 
Hœberlin,  HUu  de  l'Empire,  VI ,  i7i. 

*'  L'électeur  Louis ,  trës-malade  alors ,  monnit  bientôt  après* 

''  La  charte,  mercredi  après  Cantate  1449 ,  a  été  imprimée  dans 
TschtuU  IX ,  529 ,  par  les  soins  de  J,  R,  Iselin»  Nons  y  prenons  les  traits 
qui  fqnt  connaître  la  constitution,  les  droits  et  les  mœurs. 

**  A  Pierre  de  Môrsbarg  (MorimontJ»  voy.  chap.  I,  à  n.  75. 


LIVRB   IV.    GHAP.    III.  231 

seraient  exempts  du  péage;  le  libre  retrait  subsisterait 
comme  anciennement^  excepté  pour  le  serf  ^^  ou 
l'employé  ^^^  poursuivi  par  son  maître.  On  prit  Yen-* 
gagement  de  se  faire  rendre  réciproquement  justice 
par  tous  les  moyens  '^^  ;  les  droits  concernant  les  fo- 
rêts ^  la  chasse,  les  eaux^  les  carrières  et  la  possession 
de  tous  ses  biens  furent  assurés  à  chacun  selon  les  do- 
cumens.  Pour  rendre  la  paix  complète ,  chaque  parti 
se  chargea  d^  satisfaire  les  siens  ;  on  laissa  leur  cours 
naturel  à  quelques  procès  commencés  dans  la  forme 
régulière  *^^;  pour  d'autres  avec  l'Autriche  ou  des 
▼illes  autrichiennes  ^%  on  se  réfôra  à  l'arbitrage  de 
Tëvèque  ^^  ou  à  une  conciliation  amiable  ^^.  On  laissa 
tomber  les  réclamations  au  sujet  de  la  guerre  ^^.  On 
rendit  au  commerce  et  aux  communications  la  liberté- 


***  La  cliarte  cite  sur  la  manière  de  revendiquer  ce  droit  une  bulU 
iPor  dm  roi  Sigitmand,  Nuremberg,  mercredi  après  StrGeorge  i49i« 

**^  Des  fonctionnaîres ,  pour  ne  pas  rendre  leors  comptes ,  se  faisaient 
Rceroir  bourgeois  de  Bàle, 

**^  En  saisissant,  par  exemple,  les  biens  des  mauvais  créanciers. 

*"  Entr^autres,  le  procès  au  sujet  de  «  la  pension  des  chiens  à  Habgis- 
aen  1,  dont  le  chevalier  Bernard  de  Ratberg  réclamait  la  moiUé  contre 
les  ooovens  des  religieuses  de  ][}ingenthal.  C'était  probablement  le  droit 
de  faire  dresser  des  chiens  de  chasse ,  un  de  ces  droits  que  les  seigneurs 
eeelésiastîques  et  temporels  s^arrogeaient  si  fréquemment.  Habgissen  est 
Habsheim  dans  le  district  de  Landesehre.  Hemmerlin  {de  Nobilitate)  et 
beaucoup  d'autres  se  plaignent  de  ces  usurpations. 

Mi  Brisaeh ,  Neobourg,  Laufenbourg  et  Seckingen,  au  sujet  de  la  na««-. 
vigation  du  Rhin. 

***  P.  e.  au  sujet  du  tribunal  ecclésiastique. 

**  Gomme  pour  la  monnaie.  Quant  au  droit  de  faire  proclamer  au 
marché  de  BMe  des  citations  par  des  huissiers  des  ducs,  ainsi  qu'à  la 
prétention  de  l'Autriche,  qui  réclamait  la  juridiction  de  St«-Âlban ,  les 
médiateurs  ne  purent  pas  s'entendre  ;  les  parties  d'ailleurs  refusèrent  i^- 
compromettre  de  ces  affaires.  On  différa  l'accommodement. 

**'  An  sujet  de  Laufenbouig  ej  des  tonagniLCS. 


232  HISTOIRE   bE  L.i   SUISSE. 

des  routes  ^^^  et  des  eaux  ^^^;  dans  Tintérét  de  la  sûreté 
de  Baie  même  ^^^,  l'Autriche  libéra  et  reprit  à  elle  le 
Sundgau^^'  jusque  là  hypothéqué ,  et  fit  à  la  ville  un 
emprunt  de  vingt-six  mille  florins  ^^^. 

Dans  la  même  assemblée  on  détermina  les  rapports 
de  la  ville  de  Rheinfelden  V^*  Sortie  des  décombres  de 
la  ville  d'Âugusta  des  Rauraques^^^,  formée  sous  la 
protection  du  château  voisin ,  passée  de  la  ligne  mascu- 
line de  ses  comtes  ^^^  aux  Zœringen^  leurs^héritiers  par 
les  femmes^  après  la  mort  de  ces  ducs  à  l'Empire  ^'^ 
à  la  maison  4' Autriche  comme  hypothèque  de  Louis  de 
Bavière  ^*^,  puis  derechef  à  l'Empire  par  la  défaveur  de 
Sigismond  ^^^,  elle  se  voyait  maintenant  dans  une  si- 
tuation incertaine  y  parce  que  l'empereur  autrichien 
Frédéric  reprenait^  au  nom  de  sa  maison,  possession 
de  ces  sortes  de  localités  '^^,  et  qu'elle  était  dans  un  état 
déplorable  depuis  l'attentat  commis  par  Rechberg  l'an- 
née précédente.  En  faveur  de  l'Autriche,  elle  fut  déga- 


*^*  Même  la  noavelle  route  par  le  Hard ,  •  que  Bile  tieot  en  boD- 
neur.  • 

***  P.  e.  la  Wiese  à  l'usage  des  sujets  autrichiens. 

***  Les  passions  de  la  noblesse  causaient  ordinaiiement  tout  le  mal. 

^*^  Les  trois  districts  susmentionnés. 

**'  La  ch.  mentionne  une  note  de  chancellerie,  dont  Mûnsiir  618 
(  Augsb.  i508  )  nous  fait  connaître  la  teneur  :  dix  ans  sans  intérêt  ;  en- 
suite à  l'intérêt  usité ,  les  districts  servant  d'hypothèques  à  Bile.  (  Cet 
article  est  aussi  dans  Teehudi  U»  529).  Vingt  ans  après,  Charles  de  Boor 
gogne  effectua  le  paiement  définitif.  fVuntUen. 

"'  Iselin  a  joint  cette  ch,  ItTcchudi  U ,  5^i. 

*^^  Gerbert,  prince*abbé  de  SL^Blià^e .  Rudolphue  AntUCoêtw,  p.  t, 

»«  En  1090.  T.  1,506,507. 

"•  iîiS. 

"^  i«50. 

«»  1415. 

"•  Nous  l'avons  vu  t.  V,  292,  296. 


LIVRB  IV.    CHAP.   III.  233 

gée  de  ses  obligations  envers  l'Empire  et  de  son  al- 
liance défensive  avec  la  Suisse  ^^^;  le  duc  promit  de  lui 
rendre  ses  bourgeois  exilés  et  sa  constitution  munici- 
pale ^^^  A  cette  nouvelle,  les  nobles  qui  s'en  étaient 
emparés  brisèrent  les  fenêtres ,  les  portes  et  les  poê- 
les, chargèrent  les  meubles  sur  des  chariots,  et  permi- 
rent à  ces  malheureux  de  rentrer  en  possession  de  leurs 
maisons,  de  leurs  jardins  et  de  leurs  champs  dévas- 
tés *2^ 

La  paix  intérieure  et  la  paix  extérieure  furent  con- 
solidées par  les  événemens  suivans  : 

L'héritage  de  Tokenbourg  avait  donné  lieu  à  la 
guerre  intérieure;  le  recouvrement  des  domaines  pa-* 
trimoniaux  de  Habsbourg ,  à  la  participation  de  l'Au- 
triche. 

Les  contrées  helvétiques,  propriété  du  comte  de 
Tokenbourg ,  étaient  restées  à  ses  héritiers  ;  ceux-ci 
et  leurs  sujets  avaient  contracté  avec  Schwyz  et  Glaris 
des  alliances  *^^,  protectrices  tout  ensemble  des  droits 
seigneuriaux  et  de  la  liberté.  Les  sires  de  Rarogne 
avaient  hypothéqué  Uznach  et  le  Gaster  aux  cantons 

•M  Biue,  Berne,  Soleare  et  Strasbourg  apposèrent  aassi  leurs  sceaux. 

*'^  Le  duc  devait  choisir  parmi  eux ,  tous  les  deux  ans ,  Tavoyer  et  le 
conseil.  H  donna  la  première  magistrature  à  Wemer  de  Stanfen.  FTor- 
iiUen, 

*"  fVarstisen ,  UL 

*^  RenouoelUmêKt  de  l*hiUan€e  par  Tavoyer,  le  conseil  et  tous  les  bour- 
geois, au  dedans  et  au  dehors  de  la  ville  de  d'Utxnang  (  Uznach) ,  par 
Tammann ,  les  conseils  «t  toute  la  communauté  du  mont  dUmach  et  du 
village  de  Schmérikon.  Vendredi  après  l'Invention  de  la  Croix*  i450. 
Têchudi,  n,  5A0  et  suiv.  Ce  titre  indique  une  véritable  démocratie ,  telle 
qu'elle  pouvait  exister  dans  un  si  petit  pays,  où  chacun  agissait  par  lui- 
même  sans  représentant.  =>  Ce  petit  pays  avait  perdu  tout  cela  en  deve* 
nant  sujet  de  Schwyz.  D.  L.  H. 


234  HISTOIRE   DE  LA  SUISSE. 

alliés  de  ces  pays  '^^  ;  les  droits  et  les  obligations  étant 
déterminés^  ces  sortes  de  contrées  pouvaient  sans 
difficulté  être  gouvernées  par  des  égaux  *^^.  De  deux 
en  deux  ans  Schwyz  envoyait  à  Uznach  et  Glaris  à 
Windek  ^^  ou  vice  versa ,  chacun  un  bailli  qui  per- 
cevait sur  les  serfs  seigneuriaux  ^^y  les  Alpes  *^*  et  les 
autres  propriétés  *^*,  deà  contributions,  et  de  ceux  qui 
n'étaient  pas  trop  pauvres  *^®  les  frais  de  la  justice;  ces 
baillis  restaient  dans  chaque  lieu  aussi  long-temps  qu'il 
le  fallait  ^^^,  et  rendaient  compte  aux  Gantons  des  fai- 
bles revenus  ^^^.  De  cette  manière  naturelle  et  innocente 
se  propagea  en  Suisse  Thabitude  d'administrer  des  bail- 
liages communs  9  dont  on  retenait  les  habitans  dans  un 

*'*  Ponr  3,000  florins.  Leiu  Cependant  ils  demeurèrent  «  les  légitimes 
»  et  naturels  seignears  héréditdres.  »  Ch.  en  128. 

^^'  Je  les  appelle  égaux,  parce  que  l'alliance  de  comboargeoisie  était 
me  sorte  d'alliance  défensive ,  et  que  la  plupart  des  obligations  étaient 
mutuelles:  les  habitans  dlJznacb  n'appelaient  ceux  de  Schvjz  et  de 
Glaris  que  «  leurs  bons  amis.  »  =  Gela  avait  bien  changé  depuis.  D.  L.  H. 

'^  Ce  vieux  chfttean  entre  Schennis  et  Wéscn  s'écroula  en  1450.  Ce- 
pendant le  Gaster  en  a  souvent  reçu  le  nom  de  Windek ,  môme  après 
cette  date. 

*>'  Compte  de  Jost  dVspenial  (Hospital)  de  Schwyz,  bailli  de  Win- 
deck ,  mercredi  après  Nie.  1449.  TschudL  Là  sont  rapportés  divers  cas. 

^^*  Impositions  sur  les  vaches,  les  cbalets  et  les  moutons. 

***  Compte  de  Henri  fVàst,  de  Glaris,  bailli  dOJznach ,  1449.  Tsehadi. 
n  y  est  fait  mention  de  dix-huit  muids  de  vin  (qui  furent  presque  entiè- 
rement bus). 

^'*  Ospental  met  sur  le  compte  des  cantons  les  frais  *  pour  juger  de 
«  pauvres  gens.  «» 

*•*  n  recevait  pour  cela  douze  plapparts  par  jour.  Dans  l'espace  de 
deux  ans,  WQst  passa  108  jours  à  Uznach;  Ospental,  ISO  à  Windek. 

**  Le  revenu  net  de  ce  qu'on  perçut  à  Windek  dans  Tespace  de  deux 
ans,  non  compris  le  péage  de  Wésen  et  quelques  arrérages,  fut  de  165 
livres  de  deniers,  et  dlJznach,  217.  A  cette  époque,  le  marc  fin  était 
évalué  à  12  livres  5  schellings  et  8  heller.  Woeer  de  l'argent ,  83. 


LIVRB  IV.   CHAP.    III.  235 

état  d'abaissement  ^^,  pour  les  exploiter^  non  pour  en 
prendre  soin  *•*,  gouvernement  oppressif  exercé  sur 
une  population ,  souvent  sans  défense^  par  des  hommes 
sans  capacité  pour  gouverner  *^^*. 

Les  domaines  de  la  maison  de  Habsbourg  en  Argo- 
▼ie  restèrent  entre  les  mains  de  Berne  ;  ceux  du  comté 
de  Bade  et  des  bailliages  libres  *^®  argoviens  furent 
administrés  au  nom  de  l'Empire  ^^^  par  la  totalité  des 
cantons^  depuis  qu*Uri  s'était  joint  aux  autres  ***. 
Leur  bailli  siégeait  au  château  de  Bade  ^^^  ;  ils  dispo- 
saient non  moins  librement  que  les  premiers  seigneurs 
des  serfs  *^®  et  des  métairies  tributaires  ^**.  Les  villes 


*'^  Les  nonveam  maîtres  étaient  moins  faYorables  que  les  anciens  à 
one  amétioration  politique. 

***  Wésen  et  Walenstatt  tombèrent  dans  l'état  le  plus  misérable;  on 
ne  Toyait  partout  que  marécage ,  mauvaise  culture ,  négligence. 

*^  Eclairé  par  l'expérience  des  siècles,  Montesquieu  a  fait  voir  que  les 
sQjelB  des  démocraties  sont  le  plus  à  plaindre.  Nous  ne  nions  pas  qu'il  y 
ait  en  quelques  baillis  respectables,  «s  Nous  avons  prouvé  à  TEnrope  la 
réalité  de  cette  misère  ;  mais  nos  patriciens  n'ont  été  éclairés  que  par  la 
foudre  qui  les  a  effrayés  sans  les  convertir.  D.  L.  H. 

*  Quel  tableau  !  Le  mode  d'acquisition  de  ces  droits  de  souveraineté 
pnr  les  cantons  a  pu  être  légitime  ;  mais  un  souverain  qui ,  au  xvin* 
âècle,  veut  gouverner  comme  an  xiv*  est  un  insensé  qui  mérite  cor* 
Ketion.  D.  U  H. 

***  Bailliage»  lUrr$$,  non  à  cause  de  la  liberté  du  peuple ,  mais  parce 
qoe  les  anciens  comtes  les  possédaient  librement  comme  des  alleux ,  et 
non  à  titre  de  fiefs. 

*''  Chartes  des  huit  anciens  cantons  pour  Bade,  Bremgarten  et  Meiiin'*^ 
gtn;  lundi  après  S t -Jacques  1450.  TschudL 

"*  T.  IV,  2S7*  En  1445 ,  Jost  Kaes  d'Uri  fut  le  premier  bailli  de  Bade, 
l^ri  ne  prit  part  au  gouvernement  des  bailliages  libres  qu'en  15S9. 

^'  «  Dans  la  maison  »  Compte  annae/^  Pentecôte  1447.  Tschudi* 

'**  Le  bailli  Ibeig  vend  nne  femme  pour  huit  florins.  Compte  ommuL 
^  Gela  vaut  bien  la  Russie  et  les  Antilles.  D.  L.  H. 

^  Us  aliénaient  certains  fiefs  héréditaires  comme  propriété  libre  et 
^lae ,  à  la  réserve  des  intérêts.  Compte  annuel. 


336  HISTOIRB   DB   LA  SUISSB. 

impériales  y  Bade ,  Bremgarten  ^  Mellingen  ^^^^  étaient 
gouvernées  suivant  les  anciennes  coutumes  par  un^ 
avoyer  et  des  conseils  ^^^  sous  la  protection  et  Tautorité 
de  la  Suisse  ^^^.  Les  cas  difficiles  ^  comine  ceux  qu'a- 
vaient fait  naître  la  guerre  ^^^  ou  les  abus  de  rautorité 
bailllvale  ^^^^  étaient  soumis  à  la  diète  fédérale  réunie 
pour  les  comptes  annuels;  les  députés  référaient  à  leurs 
cantons  sur  les  points  les  plus  importans.  Rien  ne  res- 
semble moins  à  la  révolution  de  notre  époque  que  Tan- 
cienne  révolution  suisse  qui  laissa  chaque  chose  dans 
le  même  état  ^^''^  parce  que  ses  auteurs  ne  cherchaient 
que  la  sûreté  ou  un  profit  commun^  et  non  le  triomphe 
d'un  système.  Ils  suivaient  la  marche  lente,  tranquille, 
presque  insensible  de  la  nature  *  ;  un  bonheur  paisible 
et  durable  recommandait  leur  œuvre  ;  elle  aurait  sub- 


**^  CA.  n.  764.  Tichudi  :  «Ce  n'est  pas  à  dire  qu'elles  fassent  sur  lepîed 
des  véritables  villes  impériales  qui  siègent  dans  les  diètes  d'Empire.  • 

^^  Elles  les  élisaient  elles-mêmes. 

***  Rapport  $ur  les  bandlii^  iHT.  Tiehudi,  Ce  nom  de  bandiU  îni 
donné  anx  partisans  de  Zurich  ou  de  TAutriche  eiqpulsés  du  oonseO  pour 
violation  de  leur  serment  et  qui  avaient  pris  la  fuite. 

**^  La  ligue  illégale  de  Kempten ,  l'injuste  prise  de  possession  du  bail- 
liage de  Hédingen ,  le  pillage  des  fenils  de  Liebenbei^.  Compte  ommeL 

A*«  Le  compte  annuel  en  renferme  plusieurs  à  la  charge  d'iberg. 

^*'  Bade  prêta  serment  avant  tout  au  Saint-Empire ,  puis  à  nos  sei- 
gneurs les  Confédérés,  en  leur  reconnaissant  tous  les  droits  que  nos  gra- 
cieux seigneurs  d'Autriche  ont  eus  sur  nous  et  sur  notre  ville.  Ch.  770. 
=»  Ce  ttatu  quo  est  la  raison  pour  laquelle  les  œuvres  de  l'ancienne  révo- 
lution n'ont  pas  tenu  lorsque  cela  eût  été  nécessaire.  D.  L.  H. 

*  Ceci  n*est  pas  exact  A  mesure  que  les  traces  de  la  barbarie  s'effa- 
çaient au  dehors  »  grftce  au  progrès  des  lumières,  il  aurait  fallu  abroger 
ce  qui  n'était  plus  supportable  ;  mais  c'est  alors  qu'on  a  appesanti  le  Joug 
et  que  ces  fameux  apdtres  de  la.liberté  ont  voulu  régner  en  despotes. 
D.  L.  H. 


LIVRE  IV.   CHAP.   m.  237 

sisté,  si  on  l'eût  corrigée  d'une  main  soigneuse  et  dé- 
licate au  lieu  de  la  fouler  aux  pieds  ^^^. 

Le  comté  de  Kibourg^  quatre  fois  hypothéqué  par 
Tempereur  Sigismond  aux  Zuricois  '^^^  cédé  ^^  par 
eux  presque  [en  totalité  ^^*  quand  Tesprit  de  parti  les 
emporta  ^^^,  fut  rendu  à  leur  ville  par  le  duc  Sigismond 
d'Autriche.  La  guerre  avait  coûté  à  Zurich  un  million 
et  soixante-dix  mille  florins  ^^,  de  sorte  que  l'intérêt 
de  l'argent  emprunté  par  la  ville  ^^^  monta  de  quatre  à 
sept  et  demi  pour  cent  ^^;  la  guerre,  la  peste  et  toutes 
les  misères  avaient  enlevé  plus  de  la  moitié  des  ha- 
bîtans'^^  de  telle  manière  que  le  loyer  des  maisons 
tomba  plus  bas  qu'on  ne  l'avait  vu  depuis  deux  siècles 
et  demi.  Dans  cette  nécessité  la  ville  fit  au  général  au- 
trichien, le  margrave  Guillaume,  une  réclamation  de 
vingt  et  tm  mille  florins;  les  militaires  en  devaient 

***  m  Qnis  talîafandotemperet  a  lacrjmîs.  •  |==  Vous  dites  vons-m6me, 
en  plus  (fan  endroit ,  qo'on  a  omis  de  faire  ce  qu'il  fallait  pour  préve- 
nir le  dernier  malbeor  ;  vous  adressez  à  ée  sujet  de  pathétiques  et  inutiles 
leçons  aux  gouvemans;  vous  savez  d'ailleurs  que  toutes  les  tentatives 
pour  arriver  à  des  réformes  ont  été  punies  comme  des  actes  de  trahison. 
U  fallait  donc  renverser  les  tyrans.  D.  l^  H. 

***  Stumpf,  S8d  «  6.  Ces  hypothèques  multiples  pourraient  bien  être 
celles  dont  il  s'agit  t  V,  276  etsuiv.  Voy.  aussi  t  IV^  337  et  sniv.  ' 

*••  T.  V,  276  etsuiv. 

'M  Excepté  le  château  de  Néerach ,  qu'on  appelle  le  fiouoeau  bailliage* 
Bltmisehli;  Leu;  t  V,  277  et  278. 

i»s  Pour  narguer  les  Confédérés.  Tschadi,  U,  562. 

***  C'est  la  somme  à  laquelle  fVaur,  dans  son  ouvrage  sur  lu  habita- 
tions de  Zariek,  p.  87,  évalue  les  400,000  florins  mentionnés  dans  les 
chartes. 

••*  14  43.  lWa$er. 

**»  1451. 

<M  En  1410,  il  y  avait  10,570  habitans;  en  1467,  il  n'en  restait  que 
4,582.  fVoier,  d'après  les  rôles  des  impôts. 


238  UISTOIRB  DE  LA  SUISSE. 

trente  mille  aux  bourgeois  ^^''.  Oubliant  toute  animo- 
sité^  les  Suisses  s'^tremirent  amicalement  et  avec 
énergie  pour  faire  recouvrer  à  Zurich  l'argent  avancé 
par  cette  ville  à  leur  ennemi  dans  l'intérêt  de  la  guerre  ^^. 
Cette  disposition  convainquit  le  duc  que  la  possession 
de  Kibourg  ne  serait  ni  tranquille ,  ni  fructueuse ,  ni 
même  bien  assurée.  Il  y  renonça  donc  ^^^,  à  condition 
qu'on  lui  remit  sa  dette  ^^.  En  échange^  il  acheta  d'É- 
Usabeth^  épouse  du  margrave  Guillaume^  fille  de  Cu- 
négonde  de  Tokenbourg  et  du  comte  Guillaume  de 
Montfort^  ses  droits  patrimoniaux  sur  Brégenz  et  Ho- 
henek  ^^Ml  vendit  en  même  temps  son  comté  de  Fried- 
berg  et  Zu  der  Scheer  ^^^,  et  hypothéqua  le  margraviat 
de  Burgau  ^^^.  Sigismond  était  incapable  d'un  refus  ^^ 
et  singulièrement  libéral  envers  le  beau  se;^e^  qu'il  aimait 
par-dessus  tout  ^^^;  il  en  résulta  que  l'état  des  finances 
de  l'Autriche  antérieure^  embarrassées  déjà  par  les 

*^  TêchêuU,  L  c.  Tootes  les  narrations  exactes  s'accordent  sorce 
point 

**"  Le  vieux  Thûring  de  Hallvyl  leur  en  fit  l'observation;  une  si 
bonne  réconciliation  ne  leur  agréait  pas.  Fétix  Faber,  66. 

'**  A  la  diète  de  Constance ,  jeudi  après  la  Chandeleur,  1451.  TsehudL 

'**  Selon  Stumpf,  S8&,  6,  on  lui  donna  en  outre  une  bonne  somme. 

t>i  1451.  Son  père  était  mort  en  1481.  Elle  reçut  de  Sigismond 
95,592  florins  du  Rhin. 

^*^  A  l'écuyer  tranchant  Eberhard  de  Waldbourg,  pour  la  somme  de 
52,000  florins  du  Rhin.  La  eh.  (dont  la  rubrique  est  fausse)  Insprock, 
George^  1452 ,  se  trouve  dans  les  Archive*  de*  chevalière  df Empire,  de 
/.  Etienne  Bàrgermeieter,  U ,  1560. 

***  A  l'évéque  Pierre  d'Angsbourg  pour  82,000  ducats  selon  Hitt. 
^Autriehe  (de  St -Biaise)  II,  158;  pour  60^000  florins  d'or,  selon  de 
Steiten,  Hist.  tCAugebourg ,  l,  242. 

i»4  Félix  Faber,  l  c 

^*^  «  Mnlieribus  ultra  modnm  inclinatus  Cpropter  quod  ultro  se  infe- 
rebant,  consentientes  d  )  in  his  actibos  Salomonem  quodammodo  imi* 
tabatur  et  Assuernm  reges.  »  Id. 


UVRR  IV.  CHAP.  lU.  239 

prodigalités  du  duc  Albert  "*,  empirait  de  jour  en  jour. 
Longtemps  avant  l'afiaiblissement  de  l'alliance  dont 
les  Confédérés  firent  un  crime  à  Zurich  ^^''^  cette  ville 
prévint  par  une  médiation  amiable  une  guerre  que 
quatre  audacieux  champions  ^^^  avaient  déclarée  à  huit 
cantons  suisses  ^^^.  Tout  le  monde  sentait  le  besoin 
d'opposer  aux  flots  dévastateurs  des  passions  indomp- 
tées la  justice  et  la  paix.  D*autres  hostilités  furent  ar- 
rêtées par  le  sous-bailli  de  Bade^'^^  :  on  l'envoya  à  Bale^ 
pour  s'informer  auprès  du  bailli  et  du  tribunal  ^'^^  si  les 
Confédérés  avaient  été  relevés  en  due  forme  ^''^  du  ban 
attiré  sur  eux  par  le  meurtrier  appenzellois  Himme- 
li  ^'^^  (Rechberg  avait  inutilement  tenté  de  le  maintenir 
en  vigueur  ^'^^);  on  l'envoya  de  même  vers  le  bailli  *''* 
et  le  conseil  de  la  ville  de  Schafifhouse,  au  sujet  de  l'au** 

***  «  Multa  mala  orla  faenmt  in  terra  propter  dacis  Aibertî  prodigali- 
tatem.  •  Id, 

**'  Elle  fat  annulée  en  1450  ;  ce  qoi  est  raconté  ici  arriva  samedi 
après  la  St-Barthélemy  ,  1447.  Ch.  dans  TachudL 

'**  H.  Han ,  de  Lftneren  (territoire  de  Zurich),  Q.  Totx ,  de  Frauen- 
feld  (Thurgovie),  Nie.  Gliss,  de  Rothwyl,  H.  Lustnower,  d'Umacb. 
L'occasion  est  inconnue. 

<•*  Les  Vn  (sans  Zurich)  etSoleure. 

*'*  Jean  Hosang,  au  nom  du  premier  bailli ,  WemerBlum.  Celui-ci 
était  de  Schwyz  ;  l'autre ,  de  même ,  à  ce  qu'il  parait. 

*^^  Cfu  de  l'avoyer  Didier  de  Sennheim ,  signée  par  huit  antres  arbitres; 
jeudi  après  les  Rois  1449  dans  Tsehudi.  • 

*'*  Par  le  prononcé  de  >  l'honorable  et  sage  »  Jean  Albysen,  de  B&le, 
et  de  Schiller,  de  Constance,  Guillaume  de  GrQnenbei|^  étant  surarbitre. 
T.  V,  260. 

*'»  T.  V,  257. 

*'*  Il  déclare  au  sujet  de  Himmeli  que  TalTaire  n'avait  pas  été  enten- 
due ainsL 

«7*  Le  bailli  impérial  ;  la  eh.  est  de  lundi  avant  St.-Thomas  1448,  dans 
T$chttdL 


240  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

bergiste  d'un  village  voisin  ^''^^  qui,  audacieux  en  rai- 
son de  ce  ban ,  hébergeait  des  ennemis  de  ia  Suisse , 
favorisait  les  contrebandiers^  faisait  enfermer  illégale- 
ment des  Confédérés  dont  on  s'emparait,  et  partageait 
la  rançon  avec  ceux  qui  les  avaient  surpris.  Le  crime  de 
ces  derniers  entraînait  la  peine  de  mort  ^'^'^  ;  mais  les 
Suisses  devaient  prouver  que  leurs  noms  n'étaient  plus 
ou  n'auraient  jamais  du  être  dans  le  registre  du  ban 
tenu  par  le  juge  provincial  du  bourgrave  de  Nurem* 

berg  ^'^*. 

Les  Glaronnais  ôtérent  alors  de  leur  église  la  bannière 
de  la  ville  de  Zurich,  conquise  dans  la  plaine  de  la 
Sihl  ^^^.  Les  habitans  de  Rapperschwyl  rendirent  aux 
Glaronnais  la  leur,  enlevée  dans  ia  nuit  du  massacre  de 
Wésen*'^.  Les  Schwyzois  aussi  ordonnèrent  au  lan- 
dammannRéding,  de  ne  pas  laisser  plus  long-temps 
dans  leur  église  la  bannière  de  la  bonne  ville  d'Ueberlin- 
gen,  dont  ils  s'étaient  emparés  autrefois  ^^^  Le  désir 
universel  de  voir  renaître  les  relations  loyales  de  confé- 
dération  et  de  voisinage  étouffèrent  tout  souvenir  d'une 
époque  funeste  ^^. 

A  la  fin,  les  boucs,  défenseurs  de  Zurich  ^^',  de- 

'^*  Jean  Âmmann ,  bailli  de  Gottmadingen,  àtaé  dans  le  Hégan  à 
quelques  Ueues  seolement  de  Schaffhouse. 

*^^  Le  prétexte  da  ban  ne  servit  de  rien  à  celui  qui ,  pour  ce  crime , 
fut  exécuté  à  Constance. 

A  78  Parce  que  les  Confédérés ,  dit  la  charte ,  ne  relèvent  pas  du  tribu- 
nal provincial  de  Nuremberg  ,.mais  du  tribunal  anlique  de  Rothwjl. 

«7*  Tsehudi,  II,  55&.  En  IdSO. 

t*«   «  Us  commencèrent  alors  à  devenir  bons  amis  et  voisins.  •  Voy.  sur 
le  massacre  de  Wésen,  t  III ,  290. 

**^  Dans  Tuhudi  II,  525.  La  correspondance  est  de  l'an  1448. 

4s>  Il  devrait  en  être  de  même  après  le  malheur  de  nos  jours. 

"'  Voy.  chap.  I  à  n.  254. 


i.IVRE  IV.   CHAP.   m.  2A\ 

meurèreikt  seuls  exclus  de  la  réconciliation  :  comme  les 
Zuricois  ne  voulaient  pas  les  abandonner,  ni  les  Suisses 
oublier  lesblessures  profondes  qu'ils  avaient  souvent  re- 
çues de  leur  audace,  les  boucs  se  présentèrent  devant 
leur  gouvernement  et  supplièrent  le  bourgmestre  et  le 
conseil  de  continuer  à  leur  servir  de  seigneurs  et  de 
pères,  comme  jusqu'à  ce  jour,  mais  seulement  au  fond 
du  cœur,  de  rendre  la  paix  à  la  patrieet  de  leur  permettre 
de  pourvoir  eux-mêmes  à  leur  sort.  Ils  quittèrent  aussi- 
tôt la  ville,  achetèrent  au-delà  du  Rhin  le  château  et  le 
droit  seigneurial  de  Hohenkrayen,  restèrent  tranquil- 
les et  attendirent  du  temps  et  des  bonnes  paroles  qu'ils 
faisaient  portera  chaque  diète,  leur  propre  paix.  Long- 
temps leur  attente  fut  vaine;  enfin  l'indignation  et  la 
pitié  leur  suscitèrent  des  avocats  même  parmi  les  Suis- 
ses, et  le  landammann  Friess  d'Uri  déclara  :  «  qu'on 
»  ne  pourrait  pas  leur  en  vouloir  s'ils  recommençaient 
»  les  hostilités  et  s'emparaient  de  quelque  Coiifédéré 
»  illustre.  »  Les  bbùcs  l'apprirent.  Il  advint  que  ce 
même  landammann  descendait  le  lac  de  Zurich  dans  la 
barque  du  marché.  Tout-à-coup  sortirent  d'une  petite 
baie  cachée  par  des  arbres ,  en  deux  nacelles,  beaii- 
coup  de  gens  armés ,  les  boucs;  ils  s'écrièrent  :  «  Lan- 
»  dammann  Friess  d'Uri ,  vous  êtes  notre  prisonnier  ; 
»  ne  craignez  rien.  »  Lui,  homme  sans  reproche,  par 
conséquent  sans  peur,  étonné  toutefois,  dit  en  pas- 
sant de  la  barque  dans  une  nacelle  :  «  Vous  recevez 
«bien  les  conseils  >  bons  compagnons,  mais  je  né 
»  pensais  pas  que  le  mien  dût  me  concerner.  »  Retenu 
prisonnier  à  Hohenkrayen,  mais  objet  de  toutes  sortes 
de  soins  et  de  déférence,  il  écrivit  aux  Confédérés. 
Ils  furent  contraints  d'acheter  des  boucs ,  pour  trois 
cents  florins,  la  paix  à  laquelle  ils  n'avaient  pas  voulu 
""•  i6 


242  HISTOIRE    DE    LA   SUISSE; 

consentir.  Ital  Réding  leur  compta  l'argent  avec  dépit , 
mais  honora  ces  guerriers  invaincus  ;  ils  promirent 
une  paix  non  moins  fidèle  que  leur  courage  ^^^.  Leur 
société  subsista  aussi  longtemps  que  la  Suisse  ^^^. 

Une  vengeance  plus  dure  atteignit  le  savant  maître 
Félix  Hemmerlin  ^  moins  pour  sa  haine  des  Suisses-que 
pour  son  amour  de  la  vérité^  qui  lui  avait  suscité  des 
ennemis  irréconciliables.  Mais  ceci  nécessite  une  ex- 
position plus  générale.  Pour  expliquer  le  courage, 
les  exploits  et  le  gouvernement  d'un  peuple  ^  il  faut 
connaître  ses  opinions ,  ses  sentimens  et  son  genre  de 
vie. 

'^^  Le  dialogue  avec  Réding  nous  a  été  conservé  par  BuUinger^  ^  qui 
nons  emprantons  cette  histoire.  Béd.  :  «  On  ne  nous  a  pas  vus  souvent, 
nous  autres  Confédérés ,  réduits  à  donner  autant  d'argent  à  quelques 
hommes.  •  Les  bouc$:  «  Si  tu  regrettes  Fargent,  reprends-le;  nous  ai- 
mons mieux  avoir  à  le  réclamer.  >  Réd.  :  t  Mon ,  non  »  chers  amis,  pie- 
nez  ce  qui  vous  a  été  promis  ;  il  ne  subsistera  entre  nous  que  de  bonnes 
et  amicales  relations.  >  Les  boucs:  «Eh  bien  !  ne  nous  narguez  pas;  ce 
que  nous  avons  promis ,  nous  le  tiendrons.  • 

"»  Blantséhli;  Leu. 


LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  243 


C>0O<XX>0<><X>C>O<>C<XXXX>00CC<><XXX>CK>0CK>0<^^ 


CHAPITRE  IV. 


OPINIONS   ET   CONNAISSANCES   DES    ANCIENS   SUISSES. 


Coup-d*Œii  général  sur  la  marche  des  connaissances,  surtout  en 
deçà  des  Alpes.  —  Caractère  de  la  vieille  Suisse  intérieure  ; 
mœurs;  livres;  études.  —  La  religion  secrète;  la  religion  du 
peuple  :  revenans  ;  danses  des  morts  ;  l'hostie  d'Ettiswyl  ;  Ein- 
sidlen.-^Du  pape  et  de  la  hiérarchie;  fin  du  concile  de  Bâlc. 
—  De  la  noblesse.  —  Vie  et  fin  de  maître  Hemmeriin. 

L'origine  de  la  science'  et  de  toute  culture  intelleo* 
tuelle  se  perd  dans  les  ténèbres  de  l'antiquité,  dont  les 
traditions  orales  ou  écrites  furent  propagées  par  les  peu- 
ples barbares;  les  unes  ont  été  reçues  avec  foi,  les  au* 
Ires,  soumises  à  l'examen  et  à  un  admirable  travail, 
toutes  diversement  altérées,  puis  de  loin  en  loin  renouve- 
lées ^  par  de  grands  hommes  et  pour  un  long  temps.  Tel 
fut  le  sort  des  idées  sur  Dieu,  sur  lorigine  et  la  marche 
du  monde^  sur  notre  nature,  nos  devoirs  et  notre  av^r . 

Ce  que  l'homme  a  trouvé  dans  son  âme,  à  ce  premier 
instant  où,  soi t  dans  une  délicieuse  prairie  deGach&- 
nûre ,  soit  sur  une  stlubre  colline  du  Thibet,  l'étincelle 
de  l'esprit  divin  s'insinua  dans  une  masse  de  terre  ; 
comment  il  l'a  communiqué  ;  combien  de  fois  le  soleil 
s'est  levé  dés  lors;  puis  les  longs  travaux  de  la  famille 
humaine,  la  nature  et  la  suite  des  révolu tiqns  du  globe 

*   «  Relum'd  her  ancicnt  light,  not  kindled  ticw.  »  Popt. 


244  HIStt>Iltte   DB   LA   SUteSE* 

et  le  nombre  des  peuples  qui  se  sont  succédé  jusqu'à 
ces  temps  dont  nous  retrouvons  quelques  traces  dans 
les  chants  orientaux  et  dans  des  symboles  à  peine 
reconnaissables  ;  Toilà  des  mystères  que  nul  ne  peut 
sonder!  Mais  ce  n'est  pas  l'inventaire,  c'est  l'usage 
des  biens  héréditaires  qui  constitue  la  fortune  d'un 
homme  ;  ainsi  la  sage  application  ou  le  perfectionne- 
ment du  trésor  d'idées  que  l'on  a  reçu  font  le  prix  et 
la  gloire  d'un  peuple.  L'ordre  éternel  veut  que  l'es- 
prit gouverne  le  corps.  De  tout  temps  la  nation  la  plus 
intelligente  a  occupé  le  premier  rang,  jusqu^à  ce  que, 
se  négligeant  elle-même ,  elle  a  laissé  la  prééminence  à 
la  force.  Mais  alors  encore  les  restes  de  ses  travaux 
intellectuels  ont  soumis  le  vainqueur  ignorant;  sa  ruine 
politique  n'a  point  anéanti  son  nom  et  son  influence  : 
là  où  brille  la  lumière  et  le  feu,  là  réside  la  vie. 

Toute  la  science  transalpine  vient  des  Romains ,  qui 
durent  la  leur  aux  Grecs  et  aux  Hébreux  ;  chez  ces 
deux  peuples  la  science  remonte  à  des  temps  inconnus. 
Moïse  et  Homère  ne  sont  pas  des  écrivains  primitifs  ; 
leurs  ouvrages  portent  un  cachet  de  perfection ,  résul- 
tat de  bien  des  travaux  antérieurs.  Sans  prédécesseurs 
connus ,  sans  successeurs  immédiats^,  ils  sont  là  dâtis 
leur  majesté  solitaire.  Chez  le  plus  ancien  historien 
grec  on  n'admire  pas  moins  l'inimitable  perfection  de 
l'art  dans  la  disposition  et  le  style  ^,  que  cette  plénitude 
de  renseignemens  vrais  et  importans  dont  chaque  nou- 

*  D'une  pareille  gnodeor,  A  FeiceptioQ  de  répoqne  inoertaine 
d'Hésiode,  il  se  trouve  après  Homère  ane  lacune  aussi  considérable 
qu'entre  Moïse  et  le  chant  de  Débora. 

*  Ce  point  de  Tue  a  été  développé  par  son  concitoyen  Denys  ttHali' 
cartuuse.  Comparez  les  dissertations  de  Gatterer,  an  commencement  de 
sa  Bibliothèque  historique. 


LIVRE   lY.    CHAF.    IV^  245 

vel  examen  fait  mieux  apprécier  li^  solidité^.  Instruits  et 
guidés  par  ces  modèles,  sous  le  ciel  le  plus  fayorable,  au 
sein  de  la  natiire  la  plus  libérale,  sensibles  à  tous  ses 
charmes,  secondés  par  la  liberté  des  constitutions  et  des 
mœurs ,  habiles  à  idéaliser  tous  les  sujets  et  les  frag*» 
mens  de  la  sagesse  étrangère,  les  Grecs  formèrent  leur 
littérature,  modèle  et  délice  de  Rome  et  des  nations 
modernes,  école  la  plus  excellente  de  toute  sagesse 
}iumaine.  Plus  sublimes,  plus  rudes,  moins  variés,  les 


^  Catterer  a  montré,  dsns  les  mémoires  Ids  à  TAcadémie  des  sciences, 
de  66Uingoe  et  dans  d'antres  écrits ,  avec  quelle  étonnante  exactitode 
Pérodote  expose  la  géog^phie  de  la  Scythie;  cette  exactitude  a  été  con- 
firmée par  le  voyage  de  madame  Guthrie  en  Tauride  et  par  tontes  les 
observations  modernes.  Voy.  dans  les  Ephimérides  de  Zaeh,\h  remarque 
de  H^rtn  concernant  la  coïncidence  des  renseignemens  d'Hérodote  sur 
le  Niger  a^c^  les  découvertes  de  Mungo  Park.  Compares  Renn$i*ê  Geo^ 
graphy  of  Herodptiu  explaine4.  On  le  soupçonnait  d'avoir  confondu  des 
objets  fort  distans  et  pris  les  Pyrénées  pour  la  forêt  Noire.  Mais  le  nom 
de  Pyrène  a  été  souvent  donné  aux  montagnes  du  Tyrol ,  qui  l'ont  en- 
core conservé  pendant  le  moyen  âge  et  dont  il  reste  des  traces  dans  celui 
do  Brenner.  Que  dirait-on  si  cet  historien»  ainsi  qu'Âristote  et  quelques 
modernes ,  avait  vu  la  source  du  Danube ,  non  dans  le  petit  ruisseau  de 
Doneschingen^  mab  dans  l'Inn?  Considéré  dans  son  vrai  jour,  ce  rensei- 
gnement aussi  se  présente  donc  avec  toute  la  dignité  de  la  vérité*  s=  La 
confiance  que  mérite  Hérodote  par  son  amour  pour  le  vrai,  par  les 
infatigables  recherches  qu'il  a  faites  pour  découvrir  ta  vérité,  par  sa 
candenr  comme  par  son  esprit  judicieux ,  a  trouvé  un  défenseur  armé  de 
toutes  pièces  en  M.  Larcher,  savant  traducteur  du  père  de  l'histoire.  Dans 
aa  préface ,  il  rend  un  juste  hommage  à  la  véracité  de  son  auteur  ;  dans 
un  grand  nombre  de  notes  il  édaircit  des  doutes  ou  réfute  des  objections 
mal  fondées  ;  enfin  dans  le  VI*  volume ,  il  a  réimprimé  le  traité  de  Plu- 
tarque  de  la  Malignité  iPHérodote,  accompagné  de  ses  propres  remari 
ques  et  de  la  Difense  d^Hérodole  contre  Ut  acenuAUm»  de  PUAarqae , 
insérée  par  l'abbé  Geinot  dans  le  XIX*  vol.  des  Méwtoire»  de  l'Académie 
du  Inecriptionê  et  BelUê^Leitre$.  Le  beau  travail  de  M.  Larcher  réunit 
ainsi  toat  ce  que  l'on  peut  désirer  sur  un  point  si  important  de  criUqVA 
historique.  C.  M. 


246  HISTOIRE   DE   Lk   SUISSE. 

modurs  et  les  arts  d'Israël  ne  furent  pas  moins  utiles» 
Formée  pendant  plus  de  mille  ans  ^,  une  colleetion  d'ou« 
vrages  originaux  ®  de  ce  peuple  enseigna  que  FEtre  qui 
a  Texistence  en  soi''  est  seul  Dieu  ;  plus  tard  et  avec  plus 
de  douceur^  qu'il  est  miséricorde  et  amour.  A  défaut  de 
traditions  indigènes  comme  celles  des  nations  plus  an- 
ciennes ,  à  défaut  de  l'ingénieuse  sagacité  des  Grecs , 
Rome,  reine  du  monde^  avait  reçu  du  génie  de  l'uni- 
vers ^  la  sagesse  nécessaire  pour  accomplir  sa  tacbe  y  en 
gouvernant  les  peuples  ^.  Ce  que  la  Bible  fîit  pour  les  be- 
soins religieux^  la  Grèce  pour  la  culture  humaine^  la  lé- 
gislation de  Rome  ^^  le  devint  pour  l'organisation  de  la 
société  civile  ;  non  une  œuvre  accomplie  pour  tous  les 
siècles  à  venir^  non  une  loi  supérieure  à  son  perfection- 
nement I  non  une  borne  fixée  aux  progrès  de  l'esprit; 
mais  un  guide^  un  modèle^  un  thème  à  développer^  une 
colonne  où  l'on  devait  attacher  le  fil  conducteur.  Si  rien 
n'étouffe^  n'arrête^  ne  devient  à  la  fin  étourdissant  et 
insupportable  comme  de  tourner  dans  le  même  cercle  ^  S 
rien  n'est  plus  dangereux  qu'un  chemin  entre  deux  ef- 
froyables abimes^  sans  autre  guide  que  les  feux-follets 
de  l'imagination.  Vu  la  brièveté  de  la  vie ,  il  est  bon 

*  DepQÎs^  Moise  jusque  Malachie-,  le  dernier  des  «nciens  auteois 
hébreai. 

*  Ecrits  dans  la  langne  dn  pays. 

'  Gelai  qni  tit,  qui  existe  par  Ini-méme;  Jébova,  Jao;  le  delphiqae  «« 

*  Par  là  lions  entendons  la  Providence  de  Dieo ,  le  divin  gouverne- 
ment da  monde.  Les  faibles  qui  se  croient  forts  se  scandalisant  de  ces 
locotions  anciennes. 

*  «  To  regere  iroperio  populos ,  Romane ,  mémento.  • 

**  Celle  des  bons  temps ,  h  peu  près  Jusqu'à  Alexandre  Sévèra 

**  Gomme  les  pauvres  animaux  dont  TOrient  se  sert  pour  faire  tooroer 

les  meules,  et  auxquels  on  crl*ve  parfois  les  yeux,  afin  de  prérenirlc 

vertige. 


LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  247 

d'avoir  un  poiai  de  départ.  La  plus  grande  partie  des 
hommes  manquent ^  non  pas  de  force,  mais  de  loisir 
pour  faire  leur  chemin  eux-mêmes  ;  rien  donc  de  plus 
désirable  pour  eux  qu'un  appui  ;  or,  ils  le  trouvent  dans 
ces  travaux  préparatoires  qui  ont  satisfait  et  conduit 
de  progrès  en  progrès  des  Etats  européens  florissans 
depuis  tant  de  siècles  ^^,  et  non-*seulement  la  multitude 
qui  cherche  des  consola^ons,  mais  encore  les  hommes 
accessibles  aux  nobles  jouissances  de  l'esprit. 

Lorsque ,  par  suite  d'une  administration  tyrannique, 
l'empire  de  Rome  périt  après  un  long  épuisement,  les 
vainqueurs  se  contentèrent  .de  quelques  fragmens  de 
la  sagesse  antique,  conservés  dans  la  première  et  la 
seconde  Rome,  dans  l'ancienne  et  dans  la  nouvelle'^, 
de  même  que  dans  quelques  retraites  sacrées  ^^,  et 
qu'on  leur  expliqua  bien  qu'incomplets.  Le  liçre  de 
la  religion  devint  alors  pour  tout  peuple  la  somme  du 
devoir  et  du  savoir:  et  comme  les  nouveaux  États 
échangèrent  la  simplicité  germanique  contre  des  for- 
mes plus  savantes,  on  recourut  au  livre  de  la  loi 
avant  que  des  besoins  plus  raffinés  fussent  nés  de  la 
plénitude  de  l'aisance  et  que  la  littérature  se  fût  unie 
à  toutes  les  sphères  d'idées. 

Deux  circonstances  retardèrent  l'éducation  du  Nord  ^^. 

Dans  l'antique  Midi,  la  sagesse,  née  au  sein  des 


*^  Nous  nom  bornons  à  l'Earope.  Les  formules  qui  embrassent  le 
monde  appMiiennent ,  avec  leurs  eiplications-,  à  Tbistoire  de  l'hu- 
manîté. 

'*  Nous  donnons  le  nom  de  ieconde  Rome  à  celle  des  papes  ;  celui  de 
momftUt  Rome  apparient  à  Constantinople. 

^*  Les  couvens  où  l'on  s'occupait  de  littérature,  comme  celui  de  St.- 
Gall ,  voj.  t.  L 

^*  Nous  abrégeons^  pour  en  revenir  à  la  Suisse. 


248  HISTOIRE  DE  LA   SUIfifiE. 

bois  sacrés  des  aieux  et  dé  la  libre  nature  y  avait  gran<fi^ 
raTÎssantQ  comme  le  cèdre  du  Liban  ou  les  charman- 
tes fleurs  du  jardin  de  l'Ionie;  fruit  des  plus  belles 
heures  des  grands  libérateurs  des  peuples  ou  des  sages 
à  rame  sereine.  Sur  les  débris  d'un  monde  corrompu  et 
déyasté^  nos  pères  reçurent  en  échange  des  chants  rudes 
mais  grandioses  de  leur  temps  héroïque  y  des  doctrines 
étrangères  à  leur  histoire^  à  leur  pays^  à  leurs  idées, 
qu'on  leur  imposa  par  les  terreurs  de  ce  monde  et  de 
l'autre  y  mais  que  la  plus  dure  discipline  ne  nationalisa 
pas  à  régal  de  doctrines  indigènes  ^^.  Toutefois  la  reli- 
gion  et  la  législation  çxotiques  avaient  leur  fondement 
dans  la  nature  >  dans  l'expérience  et  dans  les  besoins» 
Accessibles  à  l'intelligence  de  nos  pères^  on  pouvait  les. 
inculquer  à  leurs  âmes  pauvres  d'idées  et  candides.  Mais 
ceux  qui  les  enseignaient  l'une  et  l'autre  ne  les  compre- 
naient pas  eui^-mèmes.  La  doctrine  chrétienne^  qui  se 
résume  dans  la  confiance  en  Dieu  ^'^  et  dans  l'amour  du 


<*  Qu'il  nous  soit  permis  de  montrer  dans  an  grand  exemple  le  coo' 
traste  entre  la  vieille  philosophie  du  Nord  et  la  nouvelle,  pbilosopbi» 
chrétienne.  Ossian  était  &gé  de  cent  vingt  ans  lorsque  des  nûssionnaires 
chrétiens  vinrent  en  Calédonie.  Paadruig  (S.  Patrice]  lui  dit  :  t Ossian, 

ton  père  esL Oss,  «Où,  dis-moi,  où  est  Fingal,  toi  qui  es  ios- 

trait  de  tout?  •  Paadr,  •  Ton  Fingal ,  ton  père  est  dans  le  froid  enfer, 
et  tous  ses  amis  avec  lui ,  enfermés  dans  le  tombeau.  »  Oss,  «  Où  est  le 
froid  enfer,  hypocrite  Paadruig,  puissant  en  méchanceté?  Ne  vaut-il 
pas  le  ciel  de  votre  Dieu ,  si  Ton  y  voit  courir  le  gibier  et  les  chiens  aox 
pieds  rapides?  •  Paadr,  «  Mon  Dieu  est  tout-puissanL  •  Oss.  «Si  Garni 
et  Gaul  étaient  au  pa^rs  des  vivans,  Diarmid  à  la  brune  chevelure,  et 
Oscar,  mon  fils  victorieux ,  le  dieu  de  gens  comme  toi  ne  pourrait  bitir 
un  mur  qui  protége&t  contre  eux.  •  Ossian  dit  d'une  manière  générale  : 
«Je  suis  vieux  et  je  désire  trouver  Fingal  dans  son  nuage;  je  ue  veox 
pas  aller  vers  le  dieu  des  fils  des  faibles.*  Voy»  Thomas  HiU,  ÀneieKt 
Enepomns, 
,  '  ^'  En  sa  providence  spéciale.  Luc.  xii  ;  de  même  en  sa  miséricorde  et 


LIVRE  IV.  CHAP.  |y.  249^ 

prochaines  digne  de  captiver  le  noble  héros ^^  et  le 
pauvre  journalier,  était  enfouie  sous  une  masse  de  dogi- 
mes  accessoires  qui  firent  oublier  les  vues  de  son  auteur,, 
peu  après  qu'il  eut  quitté  ce  monde^^.  La  plu])art  des 
docteurs,  sans  culture  esthétique,  sans  intelligence  de. 
Tesprit  de  l'antiquité  orientale  et  de  la  réforme  de  Jésus, 
en  contradiction  avec  la  nature,  cherchèrent  la  gran-^ 
deur  dans  l'exagération.  L'ignorance  du  latin  classique 
et  de  l'histoire  romaine  ne  faussa  pas  moins  l'interpré- 
tation du  droit ^^  En  général  ( avertissement  utile). 
beaucoup  de  sa  vans  du  moyen-âge,  égaux  en  talent  et 
en  ardenr  aux  plus  illustres  des  autres  temps,  furent 
sans  influence  utile  sur  leurs  contemporains  et  perdus, 
pour  la  postérité,  parce  qu'ils  abandonnèrent,  pour  les- 
profondeurs  sans  fond  des  théories  imaginaires,  le 
terrain  de  l'expérience  et  de  l'observation,  et  que,  sans 
égards  pour  l'intention  des  auteurs ,  ils  choisirent  dans, 
le  texte  de  l'écriture  et  du  droit  ce  qui  leur  agréait. 
Ces  imaginations,  sans  base  dans  l'antiquité,  sans. 

en  nmiDortalité  ;  quelle  conGance  inspirerait  la  toute-pniflsance  courrou- 
cée (P<.  cxxx»  8)?  Qui  ne  s^appuierait  sur  celui  qui  est  secoorable. 
même  après  notre  mort? 

**  Même  de  ceux  qui  ne  sont  pas  chrétiens.  Lue,  x. 

^*  «  Ne  craignez  point  ceux  qui  tuent  le  corps ,  et  qui  après  cela  ne 
peuvent  rien  faire  de  plus.  •  Luc.  xn ,  5. 

^  Le  caractère  des  communautés  fondées  par  le  disciple  que  Jésus 
aimait,  et  qu'on  reconnaît  dans  Pline ,  EpUu,  1.  x,  et  dans  les  rajileries 
de  Locien ,  se  perdit  pour  les  savans;  le  zèle  contre  les  hérésies  et  les 
prétentions  des  chefs  de  l'Eglise  en  furent  cause  ;  ce  caractère  ne  se  con- 
serva en  partie  que  chez  l'homme  du  peuple. 

*^  La  vrni^  méthode  pour  faire  cette  étude  est  celle  dont  Montesquieu, 
nous  a  laissé  un  exemple ,  comme  on  n'en  trouve  point  dans  tout  le 
moyen-ftge ,  ni  dans  les  siècles  qui  l'ont  suivi  immédiatement  :  £ipri(, 
é€9  ioi$,  1.  xxvu»  de  V origine  et  de$  révolutiont  des  lois  de^s  Homains  s^r^ 
les  $ueee$tion$. 


250  HISTOIRE   DE  LA   SU188E. 

rapport  avec  le  temps  présent^  ne  fournissaient  ni  ma- 
tière solide  à  la  science,  ni  nourriture  saine  à  un  peu- 
ple dépourvu  de  culture.  Les  savons  et  la  multitude 
(les  ouvriers'^  et  la  matière,  les  docteurs  et  les  disci- 
ples, l'âme  et  le  corps)  se  séparèrent  ;  chaque  partie, 
sans  égard  pour  l'autre ,  suivit  sa  route  ;  aucun  de  ces 
deux  chemins  ne  conduisait  à  la  sagesse  et  au  bon- 
heur, mais ,  à  travers  des  ombres  mystérieuses  ^^,  dans 
des  espaces  fantastiques^  ou  dans  les  régions  sauvages 
d'une  grossière  sensualité.  Il  arriva  de  là  que,  bien 
qu'à  la  fin^^  Ton  rentrât  insensiblement^^  dans  une 
meilleure  voie,  la  connaissance  de  ce  que  chacun  est, 
doit  être  et  peut  devenir ^^,  resta  rare.  D'un  côté  on 
prit  les  défauts ,  les  abus ,  les  mensonges ,  en  un  mot 
le  mal,  pour  base  de  la  justice,  de  la  vérité  et  de 
la  morale;  de  l'autre,  la  multitude  négligée  demeura 
,  livrée  à  de  flatteuses  séductions.  Ainsi  fut  gravement 
compromise  la  situation  générale  de  l'Europe,  qui  offrait 
à  l'humanité  et  aux  âges  à  venir  tant  de  garanties  de 
sûreté,  tant  de  moyens  de  culture. 

Chez  les  anciens  Suisses,  à  l'origine  de  la  liberté,  peu 
de  gens  savaient  lire  et  écrire^'';  les  expériences  et 


**  >  Per  loca  senta  sitv  vadant  noctnmque  profandam.  • 

*^  Depuis  Erasme  et  Luther. 

^  Depuis  Descartes ,  Bayle ,  LeibnHz  et  Montesquieu. 

^  Voilà  le  vrai  progrès  des  lumières.  Quelle  démence  que  de  ne  pas 
le  vouloir  ! 

*^  Introduction  de  l'alliance  perpétuelle  de  ISiS  :  «  Âlteiido  que  les 
»  sens  humains  sont  faibles  et  transitoires ,  en  sorte  qu'on  onblie  facile- 
»  ment  les  choses  qui  doivent  subsister  à  jamais ,  il  est  nécessaire  qu'on 
»  fasse  connaître  par  l'écriture  et  par  des  chartes  ce  dont  on  est  convenu 
•  pour  la  paix  et  l'honneur  des  gens.  »  Ce  début  est  celui  de  beaucoup 
de  docurocns  et  par  te  môme  motif. 


LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  251 

les  souvenirs  des  pères  se  transmettaient  aux  neveux 
par  la  tradition  orale  ^  comme  la  sagesse  des  Druides  ou 
les  chants  d'Homère  ^^.  Le  calme  de  la  vie  pastorale  au 
sein  des  Alpes  solitaires  ^  dans  un  air  pur^  sous  une 
voûte  étoilée  plus  étincelante^  et  les  phénomènes  d'une 
nature  grande  et  merveilleuse ,  telle  était  leur  école. 
Dans  cet  isolement  ne  naissent  pas  des  idées  nouvelles^^^ 
mais  les  anciennes  s'enracinent  toujours  davantage  ;  elles 
pénètrent  l'àme'^.  Aussi  le  sentiment  de  la  liberté  et 
fle  la  fraternité  primitives  fut-il  plus  profond  à  Schwyz 
qu'ailleurs.  Le  peuple  en  conçut  l'orgueil  de  la  jus- 
tice** et  de  la  loyauté*'.  L'honneur  du  nom  national 
a  été  compris  d'abord  dans  la  contrée  pastorale**.  La 
conscience  d'eux-mêmes  fit  de  ces  pâtres  la  terreur  de 
leurs  ennemis  9  alluma  chez  les  Glaronnais^  les  Âppen- 
zellois**  et  chez  le  peuple  plus  rude  de  la  Haute-Rhé- 

^  n  serait  donc  peu  raisonnable  de  révoquer  en  doute  des  événe- 
mens  dont  il  subsiste  des  indicée  authentiques ,  parce  qu'on  manque 
d'une  chronique  contemporaine.  Mais  }a  eritique  des  traditions  orales  eal 
on  des  chapitres  de  Tart  historique  dont  on  s'est  le  moins  occupé. 

^  Aussi  peu  que  sur  les  bords  fortunés  d'Otahiti.  Pour  se  dévelop- 
per, il  faut  que  l'homme  soit  électrisé  par  des  traditions  ou  parle  com- 
merce avec  les  hommes. 

**  Aucune  idée  étrangère  ne  les  efface. 

*^  Hemmertinj  leur  ennemi  acharné,  dît:  «Licet  féroces,  paccm  ta- 
•  men  accolis  et  incolis  firmîter  tenuerunt.  •  DiaL  de  Suiiensib,  ;  c'est  le 
dS*  de  son  grand  ouvrage  de  Nobilitaie  et  rusiieitaie. 

*'  U  leur  accorde  aussi  «  magnx  legalitatis  apparentiam.  » 

**  «  Suitenses  arroganter  volunt  appellari.  »  On  préféra  en  1798  le 
nom  helvétique,  aGn  que  le  nom  de  ceux  qui  avaient  plié  sous  le  joug 
romain  «ffaçàt  le  souvenir  de  la  liberté  victorieuse  et  florissante  de» 
Suisses,  ss  On  restitua  à  la  nation  son  ancien  nom ,  celui  sous  lequel  elle 
avait  formé  un  seul  corps  redoutable  à  ses  voisins,  ainsi  que  vous  l'avez, 
dit  vous-même.  D.  L.  H. 

**  Eux  et  ics  Tokcnbourgeois  «  gens  radicalitcr  protcrvissima.  » 


252  HISTOIRE   DE   LA.   SUISSE. 

tie^^  le  désir  de  s'unir  à  eux  et  de  les  égaler,  et  valut  à 
cette  petite  peuplade  un  nom  et  un  rang  en  Europe  ^. 
Ils  laissaient  aux  chefs  du  pays  le  soin  des  relations 
compliquées  avec  l'étranger^'';  dans  leurs  institutions 
internes  et  dans  les  traités ,  ils  faisaient  preuve  de  pru- 
dence^ de  réflexion  et  de  candeur*^^.  Heiu^eux  d'une 
paisible  indépendance  au  sein  des  Alpes  y  sans  autre 
ambition  que  de  posséder  le  plus  beau  troupeau  et  la 
reine  de  la  terre  ^^^  aimés  de  leur  bétail  affectueux 
et  reconnaissant  ^^,  comme  des  divinités  bienfaisan-^ 

*^   «  Csteris  ruralibos  magis  horribîliores.  > 

*'  m  Glamor  famosissimus  per  Europam  de  Suitensium  sapermirabili 

>  potentic  pompa.  » 

*'  Aux  Réding  dans  la  gaerre  de  Zonch.  Voy.  t.  lU .  64-65,  ce  qa'iii 
faisaient  qua^d  ils  se  croyaient  Joués. 
'*   «In  dooiibus  providl,  in  consilib  maturî,  în  tracta tibus  circnm- 

>  specti.  >  Hemmerlin.  Je  regrette  de  n'avoir  pas  à  ma  disposition  les 
codes  et  les  réglemens  pastoraux  des  Hautes- Alpes  pour  en  faire  con- 
naître l^esprit,  comme  celui  des  Zuricois  d'après  le  Ricfatebrîcve ,  et 
celui  des  Bernois  d'après  la  Handveste.  Cette  lacune  est  nne  imperfec- 
tion involontdre  de  ce  livre. 

**  La  vache  qui  marche  la  première ,  ornée  de  la  plus  belle  cloche  et 
de  riches  rubans,  et  à  laquelle  toutes  les  autres  cèdent  le  premier  rang 
à  l'ombre  et  à  l'abreuvoir.  Voy*  Ebel ,  Peinture  des  population»  alpeitrt» 
de  la  Suisse.  {Schilderung  der  GebirgsvÔlker  der  SehvDeitt) ,  t.  I^  157, 
ouvrage  écrit  avec  sagesse  et  avec  impartialité.  =» Malheureusement  l'au- 
teur n'çn  a  publié  que  deux  volumes  ;  le  premier  (  1798  )  est  consacré  an 
peuple  appenzellois ;  le  second (180^)  aux  habilans  du  canton  de  Claris, 
des  bailliages  d'Usnach,  Gaster,  Saigans,  Werdénberg,  Sax  et  Rheintal, 
du  Tokenbourg ,  de  l'ancien  pays  et  de  la  ville  de  St.-Gall  et  de  la  partie 
orientale  du  canton  de  Zurich.  Les  sollicitations  d'achever  cet  intéres- 
sant ouvrage  n*ont  pas  manqué  à  mon  savant  et  respectable  ami.  La  la- 
cune qu'il  a  laissée  a  été  partiellement  remplie  par  deux  Voyages  dam 
tes  Alpes,  de  M.  Kastkofer,  aujourd'hui  membre  du  Conseil  exécnlif  de 
Berne  i  Bemerkungen  aaf  einer  Alpen-Reise  àber  den  Susten,  Gottkard, 
H.  s.  w.  Aarau ,  1822  ,  în-8,  1  ;  Bemerkungen  au f  einer  Alpen-Beise  âber 
d<n  Brànig,  Bragel,  u.  s.  w.  Bern ,  1822  ,  in-8 ,  T.  G.  M. 

M  Que  ceux  qui  n'en  ont  jamais  été  témoins  lisent  les  observations  de 


LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  ^53 

tes^S  î^s  ^^  riaient  de  TigooraDt  mépris  des  citadins  pour 
la  vie  pastorale  *^,  ils  '  représentaient  volontiers  aux 
étrangers,  en  forme  de  spectacle,  les  joies  du  départ  pour 
les  Alpes  ^^.  Si  au  milieu  des  pompes  d'un  cortège  do- 
lennel,  comme  à  Constance,  aux  yeux  des  grands  de 
l'Empire,  une  vache ,  à  la  vue  des  députés  de  Schwyz , 
exprimait  ainsi  que  de  coutuQie  sa  joie  caressante  ^^,  ils 
pardonnaient  la  surprise  et  le  jugement  ^^  auxquels  le 
pâtre  se  vit  exposé  dans  tous  les  temps  et  dans  tous 
les  lieux  ^®,  et  les  attribuaient  à  l'ignorance  d^s  mœurs 
de  leur  pays.  Leurs  corps  vigoureux  et  gigantesques^'', 
que  les  héros  et  les  savans  étrangers  contemplaient 
avec  étonnement^^  et  que  le  duc  de  Yiscônti  consi- 

madame  Frédérique  Broun  daos  son  Voyage  et  dans  le  second  tome  de 
ses  Ecrit»  en  proie.  Personne  n'a  peint  la  natore  alpestre  plos  complète*- 
ment ,  avec  plus  de  vérité ,  ni  ne  l'a  viviGée  avec  plos  de  talent.  » 

^*  Ce  qui  constitue  le  droit  souverain,  mais  trop  négligé ,  de  Tbomme 
sur  les  t)estiaux,  ce  sont  les  soins  qu'il  leur  donne  en  échange  de  leur  utilité. 

*^  Hemmertin  :  «  Sic  nominari  coram  gentibus  opant;  vaocarum  cau- 
»  das  pileis  et  capuciis  ligant  > 

^  Le  même  :  «ainsi  que  cela  s'est  vu  à  Bade.  •  C'était  un  charivari. 
Voy.  les  Lettrée  de  mon  ami  de  Bonsteiten,  sur  une  contrée  pastorale  de  ia 
Suieee,  p.  iiS. 

^  Lorsqn'ib  vinrent  de  rb6tel*de-ville,  une  vache  se  prit  à  beugler  et 
les  suivit  jusqu'à  leur  logis ,  sans  qu'on  pût  l'écarter.  Hemmerlin  fait  celte 
remarque  malicieuse  t  «Naturaliter  sequebatur  corrîVales.  » 

*^  L'honnête  maitie  Hemmerlin  déploie  ici  toute  sa  casuistique  t 
«Minus  peccatum  sodomiticum  est»  ubi  nou  debitus  servator  sexus  ; 
*  minus  autem  est ,  dum  homo  peccat  in  corpus  proprium.  »  Il  ajoute  : 
Ils  ne  font  pas  grand  cas  de  ce  reproche  (  absurde  ). 

^*  Voy.  dans  Théocrité  et  Virgile  des  reproches  de  ce  genre.  Que 
n'a-ton  pas  raconté  des  Calabrais! 

«7   •  Pre  csteris  filiis  hominum  robusti ,  proceri.  »  Hemmerlin. 

**  Hemmerlin  raconte  qu'il  a  vu  le  comte  de  Gruyère  (  le  comte  pasto- 
ral, t  I,  338)  «  grossissimis  membris  ceterorum  hominum  modulos 
»  mnltnm  excedentlbus  j  »  il  y  h  clans  le  château  de  Gruyère  des  armures 
qui  semblent  avoir  appartenu  à  des  géans  »  «  mensuram  hominum  pro 


254  HtSTOIRB  DE   LA    SUISSE. 

dërait  comme  une  merveiUe  de  la  nature  ^^  leur  fu- 
reur,  leur  impétuosité  dans  la  bataille  ^,  leur  inTÎn- 
cible  liberté  ^^  prouvaient  que  ni  la  vie  pastorale ,  que 
l'on  croyait  efféminée ^^^  ni  Fintempérance  ne  les  éner- 
vaient^^,, 

NéanmcMnSy  en  partie  à  cause  de  cette  simplicité  de 
mœurs  qui  ne  déguisait  rien^^^  les  Suisses  et  les 
Souabes  passtMOt  pom^  violer  plus  fréquemment  que 
la  plupart  des  peuples  d'alors  les  lois  de  la  chasteté^, 
à  tel  ppint  que  les  astrologues  s'efforçaient  d*expliquer 
ce  phénomène  par  des  constellations^®.  Les  causes  en 
étaient  dans  la  plénitude  de  leur  vigueur,  dans  leurs 

■  nnnc  majoram  nimis  eicedeotes.  n  Nons  avons  va  beancoap  de  ces 
grandes  et  belles  statares  dans  le  comté  de  Grnyère ,  dans  le  Sibenthal , 
dans  roberhasii  et  dans  le  canton  de  Schwyi. 

*•  AndrœoM  Bitliua,  Ilitt,  1.  III ,  p.  55  (  Marai,,  Scriptt,  XIX) ,  parle 
d*an  Suisse  qni  à  la  bataille  de  Bdlinzone  (t.  IV,  d7i  et  suiv.),  après 
avoir  tué  beaucoup  d'Italiens ,  fut  lui-même  transpercé  »  et  se  battit  en- 
core la  lance  dans  le  corps  ;  le  duc  fît  porter  dans  le  ch&teau  de  Milan 
son  cadavre  d'une  prodigieuse  grandeur. 

*^  BilUtu  :  «  Intolerabilis  gentis  furor.  • 

^^  /(/.  :  «  Nec  tyrannum  nec  dominnm  norunt  » 

^'  Hemmertin  les  blftme.  de  traire  eox-mémes  leurs  vaches.  AiHems , 
dit-il  »  c^est  l'occupation  des  femmes  ;  à  cette  occasion  le  bon  prëvM  fait 
cette  observation  dans  l'intérêt  de  la  décence  :  «  Dum  se  corvat  ad  hoc 

•  jttvencula  (brevibus  utens  habitibos) ,  cunctis  rétro  patebit  anuSi  • 

**,  Qui  n'a  point  prodigué  sa  vie 

Dans  les  bras  de  la  volupté.        Birger. 

^*  Les  Italiens  s'en  raillaient  ;  mais  on  lei^*  reprochait ,  à  leur  tour, 
d'être  •  macarelli  et  buseroncs.  »  Hemmerlin,  de  Matrimonio, 

"^   «  Dixerunt  viri  peritissimi ,  quod  nunquam  viderint  reglonem ,  re- 

•  gnnm  vel  diocesin ,  in  quibus  tôt  moverentur  causœ  matrimoniales.  • 
U 

^^  Ils  disaient  que  ce  pays  était  fatalement  entr^ainé  à  rendre  un  culte 
à  Vénus  licencieuse.  /</. 


LIVRE   IV.    CHA.P.    IV.  255 

alimens  nourrissans  ^'^  et  dans  leurs  opinions.  La  dé- 
loyauté ^  la  calomnie  et  la  fraude  leur  semblaient  plus 
criminelles  que  la  satisfaction  d'un  besoin  dévopant^^. 
Des  transgressions  de  cette  nature  paraissaient  faciles  à 
expier;  les  prédicateurs  les  censuraient  rarement ^^. 
Dans  la  lutte  continuelle  de  lois  très-imparfaites  avec 
le  penchant  de  la  nature,  les  moralistes  se  contentaient 
de  recommander  la  décence;  lorsque  les  rois  et  les  prin- 
ces, les  évêques^^,  les  abbés,  les  prêtres ^^  et  même  les 
religieuses  commettaient  de  semblables  fautes ,  on  blâ- 
mait leur  imprudence  plus  que  la  faute  même^^,  et  l'on 

"  Note  des  yina  pour  la  célébration  des  noces  dn  margrave  Charles 
de Dade  avec  Catheriat  d'Autriche,  à  Pforxheiin ,  en  1447  :  iOO  bœufs , 
1500  veaax,  8,000  oies,  15,000  poales,  des  pigeons  sans  nombre,  150 
chars  de  vin  ;  «  chacun,  ent  de  quoi  se  rassasier;  des  courtisanes  et  des 
jeunes  geos  innombrables,  des  musiciens  ambulans.  >  George  Hagen 
dans  Sinn^r,  eaiaL  wuumêeriptt»  bibl,  Bem.  Wl  ,  165.  Il  ne  s'agit  pas  de 
Susses ,  mais  cela  fait  connaître  l'époque. 

*'  •  Sodomilis  melius  erit  in  die  jndicii ,  qnam  rerum  vel  honoris 
>  ib]at<»ihiis.  »  HemmtrUn ,  de  Anno  juhUeo.  H  ajoute ,  dans  son  sèle 
qulb  seront.moins  à  plaindre  que  les  Beghards  et  les  Béguines.  Il  croyait 
pouvoir  se  fonder  sur  les  paroles  du  Christ ,  Maith,  xi ,  24. 

^'  •  Adolteriorum  et  concubinariorum  tam  terribilis  est  multitudiBis 

•  unis,  et  pastomm  per  tacitnmitatem  declaratus  consensus;  quod  pre- 

•  dicatio  contra  taies  nullius  est  profectus.  »  Id.^  dans  le  livre  de  Religio- 
*i»  proprietariiê, 

**  L'évéque  de  Constance ,  Henri  de  Hewen ,  avait  ouvertement  des 
concnbînea.  ïd,  de  Bcni  et  mali  oecnûme,  Hemwterlin  parle  aussi  de  l'évé* 
qaed'licliatedtj  dont  la  mort  fut  implorée  du  Ciel  par  le  Chapitre  en 
▼eriR  du  Ps.  CIX ,  parce  qu'il  ayait  autant  de  femmes  que  Salomon.  Ibid, 

*'  Notre  casuiste  Hemmerlin  permet  qu'ils  firéquenteat  des  qiaisons  pu- 
bliques plutôt  que  de  vivre  maritalement  avec  des  cencubioes,  mtac 
dans  un  ^;e  avancé;  il  estime  qti'ils  se  repentiront  plus  t6t  de  la  pre- 
mière de  ces  habitudes  et  y  renonceront,  de  JnnojMleo. 

*^  On  raconta  an  légat ,  évéqoe  de  Tare&te»  que  les  relîgieoses  se  oon- 
daisaient  là  comme  bon  leur  semblait ,  qoe  personne  n'y  prenait  garde , 
qae  toutefois  on  les  enfermait  dans  on  cachot  sombre  et  terrible  quand 


856  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

désapprouvait  la  sévérité  des  diâtimens^.  Les  suites 
fâcheuses  de  l'intempérance  étaient  rares  ou  acciden- 
telles ^^  ;  on  apercevait  à  peine  quelques  signes  précnr^ 
seurs  du  mal  vénérien  ^^.  L'incontinence  devint  plus 
coûteuse  depuis  que  l'officialité  de  la  cour  épiscopale 
de  Constance ,  qui  donnait  l'absolution  en  peu  de  lignes 
et  pour  quatre  sous^  apprit  ^  au  temps  du  concile ,  les 
usages  de  la  chancellerie  romaine  ^  et  commença  d'ex- 
pédier des  actes  plus  longs  ^^^  de  les  écrire  sur  parche- 
min ^"^  et  d'y  attacher  des  sceaux^®.  Ce  mélange  d'inté- 
rêt et  de  principes  exagérés  à  bonne  intention  et  par 
vanité^  et  que  jamais  on  n'avait  exposés  clairement, 
perpétua  sur  cette  partie  de  la  morale  de$  idées  obscu- 
res >  qui  tour  à  tour  favorisaient  la  corruption^  trou- 


illes devenaient  grosses.  Le  légat  s'écria  :  •  Heureases  les  stériles  !  »  ffÀ»- 
merlin,  dePecunii»  pro  prœbenda.  La  publicité  des  relations  de  Charles  Vil 
avec  Agnès  Sorel  scandalisa  si  fort  Hemmerlin»  qne,  malgré  les  louanges 
qu'il  prodigua  à  ce  roi  pour  la  bataille  de  St -Jacques  sur  la  Birse,  il  donte 
qne  l'on  puisse  encore  lui  donner  le  titre  de  Très-Chrétien.  DutL  (U  No- 
hilif. 

*'  Hemmerlin,  1.  c,  se  plaint  de  la  tyrannie  sicilieime exercée  contre 
de  malheureuses  nonnes. 

**  Le  ',vaillant  roi  de  Naples ,  Ladislas  -,  mourut  «  igné  Persico  in  po- 
»  dibundis  vehementer  accensus.  •  JbiiL  On  saitptr  quelle  main  ce  mal 
lui  fut  infligé. 

*^  On  en  trouve  des  traces  dans  le  livre  de  nemmèrlin  de  Matrim, 
mais  elles  sont  bien  indéterminées.  Toutefois  If of/mg-^r^  H,  E,  N.  T,  IV,  9» 
rapporte  que  vers  1431  une  contagion  inouïe,  appelée  «scahies  Galli- 
>  cana  »  ou  «  grossa  verola,  >  attaqua  une  multitude  de  personnes.  Dans 
e  même  temps  se  présente  «  novus  et  molesius  rugadiarnm  morbns.  • 
Jannk  Maneiii,  Vita  Nicolai  V;  Marat.  Scriptt, 

<*  «  Faciunt  totam  proaam  ad  latitndinem,  cum  infinilis  clausulis.  * 
Bemmerlin^  de  Mittrinu 

*'  Un  paysan  dit  à  ce  sujet;  «  Lorsque  je  tombai  entre  les  griffes  des 
gens  à  parchemin ,  je  fus  rudement  écorché.  •  Ibid, 

**  Hemmerlin  nomme  ces  gens  iugiUaiortê, 


UVRE  IV.   CHAP.   IV.  257 

Ualeiit  la  vie  par  des  terreurs  inhumaines^  subjuguaient 
l'esprit  et  aggravaient  l'heure  de  la  mort^'. 

Les  sources  de  la  sagesse  humaine  étaient  peu  nom- 
breuses et  troubles  y  et  dans  cette  vieille  Suisse  la 
religion  fournissait  matière  à  bien  des  controverses. 

Les  savans  connaissaient  les  écrits  des  philosophes 
grecs  et  romaius ''^  ;  mais  les  absurdes  chroniques^  les 
études  abrutissantes  de  l'école  et  l'extrême  différence 
des  mœurs  les  empêchaient  de  comprendre  l'esprit  de 
l'antiquité.  Les  contes  de  l'Orient  sur  Salomon  et  sur 
Alexandre  ne  sont  pas  plus  extravagans  que  ce  qu'on 
croyait  d'eux  à  cette  époque ''^  Le  divin  chantre  du 
pieux  Énée  dut  en  grande  partie  sa  gloire  à  l'opinion 
que  ^  chancelier  impérial  d'Auguste ,  il  tenait  sous  ses 
ordres  tous  les  esprits  serviables  enfermés  dans  la  fiole 


**  «Sidiaboluf  non  esset^xlerns  non  haberet  unde  viveret,  et  sic 
•  Pa(Mi  cnm  Cardinalibiis  ^;eret.  •  I<L  de  Boni  et  maU  oc«iimom.  On  a  lu 
de  nos  jonn  dans  le  commentaire  d'an  discours  théologiqne  do  vioe- 
cbtncdier  d'une  nnSvenité  sonabe  :  «  Oui,  Mesiiettn  •  le  diable  est  le  fon- 
m  dément  de  la  religion;  si  quelqu'un  ne  croit  pas  au  diable,  qu'il  6(e 
»  l'habit  noir.  »  Nomv,  Mercwre  allem,  iSOO,  U,  cahier  S2* 

^*  U  va  sans  dire  qu'on  leur  attribue  beaucoup  d'écrits  supposés;  dans 
ce  nomlHe,  certains  ouvrages  géographiques  que  Hemmfrlin  met  sur  le 
eampiedAriêioiê,  le  livre,  soi-disant  du  même  philosophe,  d$  Rêgimime 
principum  ad  JUsandrmm,  VUinirairt  connu  sous  le  nom  d'Ântonin 
fut  attribué  à  Jules  César. 

'*  Voy.  dans  Hemmerlin^  dé  NobiLiîate,  comment  Alexandre  i^éleva 
dans  les  régions  célestes  sur  de»  griffons  et  sonda  les  profondeurs  de  la 
mer  dans  des  cloches  de  verre  attachées  à  des  chaînes.  Nous  parlerons 
une  antre  fois  des  rêveries  de  Skapder  Mamdi  (  d'Herbelat  en  donne  des 
échantillons).  11  n'est  pas  sans  intérêt  de  remonter  à  la  source  de  ops 
fdbles  et  de  fûre  voir  comment  les  imaginations  de  l'Orient  et  de  TOc- 
cident  les  ont  développées.  Du  reste ,  ce  n'est  pas  seulement  en  Suisse 
que  la  critique  hîst<Nrîque  manquait  :  les  absurdités  que  Cédrénus  et 
d^antres  ont  accumulées  sur  les  premier»  siècles  de  l'Empire  dépassent 
toute  idée. 

▼I.  17 


256  niSTOlRB  DB  LA  ftuisâs. 

endutntée  de  Salomon^  et  qui  entre  autres^  sur  un 
signe,  avaient  percé  la  grotte  du  Pausilippe'''. 

Jean  Frûnd ,  greffier  de  Schwyz,  ami  dltal  Rëding, 
s'efforça  de  rattacher  à  l'histoire  romaine  les  traditions 
de  Torigine  septentrionale  de  sa  nation''^  par  des  réve- 
ties  non  moins  fiéyreuses^*  que  celles  de  Rioordano 
Malespina,  historien  de  Florence''^,  tandis  que  le  patron 
du  Paradis''^,  Élogi  Kiburger,  liait  aux  annales  bour- 
guignonnes les  vieilles  traditions  concernant  le  tem- 
ple uniquedes  douze  communes  riveraines  du  lac  Van- 
dale^'', la  toUr  de  Strœttlingèn'^^,  Téclat  romantique  de 
la  cour  d'or  de  Spiet  '^^.  Ces  travaux  avaient  le  mérite 
de  révéler  les  idées  et  l'état  de  la  nation;  la  sageMC 
étrangère  et  antique  devait  féconder  ce  fonds  d'idées  et 
non  l'anéantir  ;  ce  qui  n'a  pas  son  principe  dans  la  na- 
ture d'un  peuple  ne  saurait  lui  être  utile.  Honneur 


'*  On xx9féî  qoe  le  châteta  de  FCBof  (  cagiêUo  dêtC  U<mo)  à  Naplo 
BohBÛtlit  ptr  la  magie  d'une  boole  placée  an  centre  et  dans  laqndle 
Virgile  afait  enfermé  on  e^t  HmmmtUn,  de  NohiL,  foL  8,  9  et 
ailleurs. 

n  L.I,cbap.  XVn.tIL 

«*  Elles  sont  rénimées  par  T9ehmdi,  GaUia  Comala,  p.  iil. 

'*  Là  Catilina,  le  roi  Floriiras,  l'emperear  OctavieD,  les  empanan 
saxons  Attila  et  Cbarlemagne  sont  Jetés  péle-méle  comme  dans  f ima- 
gination d*an  aliéné;  yoy.  M uraiori^Scriptt,  VUI,  88i. 

'•  CéUit  le  nom  de  l'église  de  St-Michel ,  )i  Einigen ,  non  loin  Ai 
lac  de  Thonne.  La  chronique  n'a  pas  été  imprimée;  Je  l'ai  lue. 

'^  «  Lacos  Vandalîcns ,  »  ao  VII*  siècle;  le  même  nom  en  allemand le 
trouve  dans  des  écrits  postérieurs. 

'*  Gâëbre  dans  les  traditions  ;  voy.  BonBUttên,  dans  le.  Mûgt$.  ûUm. 
JTEgger,  €799,  p.  ISi  et  suiv.  On  a  découTert  lit  des  allées  àntHméa» 
construites  en  pierres,  et  au  loin  des  traces  d'une  grande  époqna  Gelis 
parUe  de  l'Oberland  fut  peut-être  Fasile  de  la  nation  expulsée. 

^  Les  vestiges  des  murs  de  la  ville  subsistent  encore,  ainsi  que  1^ 
noms  des  mes  et  des  maisons  noMes,  la  liste  des  avoyers  jnsqnl  des 
temps  rapprodiés  de  nous. 


LIVRE  IV.   CHàP.   IV.  !259 

donc  au  zèle  desT  greffiers  de  Schwyz  ^  et  de  Glaris^^^ 
du  landammann  schwyzois  Wagner^^^  du  greffier  mu- 
nicipal de  RapperschwyP^y  qui  ont  raconté  la  guerre 
funeste.de  Zurich;  du  tribun  balois,  qui  a  décrit  la 
mort  glorieuse  des  Suisses  sur  les  bords  de  la  Birse^^^ 
et  du  greffier  municipal  de  Lucerne^  qui  a  magnifique- 
ment coordonné  dans  un  livre  d'argent  les  chartes  de 
sa  ville  *^  ! 

L'Encyclopédie  alphabétique  de  Tévéque  Salomon 
de  Constance ^^  et  le  fablier  de  Conrad  de  Mure,  chan- 
tre d'église  de  Zurich  ^y  donnaient  des  idées  générales 
suffisantes  sur  les  sciences  et  l'histoire  de  l'antiquité 
étrangère.  Les  sentences  morales  de  Denys  Caton  y  tant 
estimées  ^^,  inspirèrent  à  Jacques  de  Soleure  l'idée  d'un 


••  Du  oadme  Fr&nd.  HatUr,  BibL,  t  V,  5i,  58. 

**  Jacques  fFanner,  TêckwU  II,  556. 

«s  Ulrich  Wagner.  Halltr,  L  c 

•*  Eberhaid  fVùêU  Têchudi ,  1.  c  FTSu,  HalUr,  54. 

**  Jean  Spérer,  surnommé  BrCkggHnger.  HalUr,  59. 

"  Egloff  Etterlin,  de  Brougg ,  bachelier  ès-arts  libéraux  «  entt^rit  ce 
travail  en  I48S.  Le  livre  fut  relié  en  velours  blanc  et  bleu,  avec  des 
gaxnitares  d'aigent  U  renonça  à  sa  place  de  greffier  en  iàk^  ;  en  1452 
on  l'ensevelit  pompeusement  an  couvent  des  Chartreux.  Cjf$at,  dans 
HalUr,  \l,thi. 

**  «liber  vocabulorum. •  Eemwurlin,  dans  le  livre  Contra  validos 
mtmdie, 

*'  Hemmerlin  cite  souvent  son  Fabalariiu  ainsi  que  son  Clypeariut , 
poème  sur  les  armoiries.  Nous  avons  mentionné  cet  auteur  en  son  temps  ; 
ridée  la  plus  complète  de  son  fablier  nous  est  donnée  par  J.  H,  Hottin- 
gtr,  Sekola  Tigur;  HemmwUn,  de  NobiL,  cite  un  long  fragment  du 
Cfypearius.  Le  premier  de  ces  livres  a  été  publié  à  Bàle  par  Berchtold 
Rodt,  à  l'origine  de  Timprimerie.  Denys,  Curiosités  de  la  biblioth.  de 
Garelli ,  p.  225  et  suiv. 

^  Elles  ne  sont  pas  sans  mérite.  Hemmertin  {de  ExorcUmU)  reconnaît 
l'aotenr  ponr  «  hominem  cbristianiMÎmam  ;  ■  il  a  écrit  une^giose  à  son 
sujet {d€  Credalitate  drnmmib,  exhiba);  il  mentionne  aussi  {4e  Nobilit, 


260  HI8TOIKE   DE   LA   8URSE. 

esMÎ  semblable ^^.  Si  la  sagesse  populaire  se  ccmaerva 
flans  des  proverbes  ^,  la  jeune  littérature  se  complut 
dans  des  vers  gnomiques,  fruit  de  l'expérience  de  la 
vie  et  de  la  réflexion  des  sages  et  des  vieillards^^  Ce- 
pendant un  chanoine  lausannois^  Martin  Franc ,  chaola 
la  lutte  de  la  fortune  et  de  la  vertu  et  les  mérites  des 
dames  ^^  mieux  que  tous  les  poètes  français  qui  le 
précédèrent  et  que  bon  nombre  de  ceux  qui  le  sui- 
virent^; ce  nouvdl  élan  de  la  poésie  coïncidait  avec 
l'époque  d'une  transition  non  moins  remarquable  de  la 
musique  ^^  à  une  plus  savante  modulation  ^.  La  Suisse 
ne  vit  pas  avec  indiffirence  les  sciences  germer  et  fleu- 

un  livre  probablement  différent  da  premier»  «qasdam  nova  compâlatio 
•  magiBtri  Gathonis,  Sacri  jureocnsnlti.  • 

**  «  Flores  moralinm.  »  HenuMrlin  les  cite  souvenu  Le  but  de  Jac- 
ques était  de  résumer  dans  des  yen  courts  des  choses  mémorables  (  «  Jaro 
nova  curta  placent,  gaudent  breviute  modemi*)  ;  d'occuper  les  âmes 
en  les  faisant  réfléchir  (  «  Otia  dant  vitia.  -^  Otia  si  tollu ,  pertere  ca- 
pidinis  arcus  >  )  ;  enfin  d'exhaler  sa  mauvaise  humeur.  (  «  Dime  Jurislaa , 
Deus,  Salans  dthariatas  !  »). 

^  B^mmêfUn  en  dte  un  grand  nombre ,  dont  plusieurs  se  sont  con- 
servés. Dans  nom  époque  de  transition  à  d'autres  temps ,  cet  écho  de 
l'anckn  monde  i^aMblh.  Il  «rait  à  déafarair  que  quelqu'un  éerivll  les 
souvenirs  qu'en  peut  encore  recueillir  auprès  des  vieillards  des  villea  et 
des  campagnes. 

ti  Gomme  les  proveite  et  les  énigmes  de  Satomon ,  d'Agur  et  de 
Lémuel ,  et  ceux  des  Pythagoriden$.et  du  philosophe  de  H^are. 

*>  Le  Champion  de$  dames  et  VEstrif  de  la  fortune  et  delà  verta.  Paris, 
1505.  s=  La  première  édition  du  Champion  des  dames,  petit  in-foL  gotb», 
a  été  imprimée  sans  date;  une  seconde  en  i5iO,  in-8*;  par  Galliot- 
Dupré  eii  1580.  VEstrif  de  fortune  et  de  vertu  en  1519,  in-4*.  G.  11. 

'*  Noos  devons  cette  indication  et  ce  jugement  à  Znrlanbeo ,  de  res- 
pectable mémoire. 

•«  lies  modèles  avaient  été  jusqu'alors  Jacques  des  Murs,  Philippe  de 
Vitiy  et  d'anties  compositeurs  paristeos.  Hmmuêrlin,dê  NoM.,  f*  il6  e. 

**  •Gontrapunctus,  d«kissimbrractttriscribratU8.«  Ihid, 


LIVRB   IV.    CHAP.    IV.  261 

rir.  Suivant  un  usage  ancien^,  de  jour  en  jour  plus 
ooounun ,  des  gentilshommes  et  des  seigneurs  ecolé^as* 
tiques^,  fréquentaient  les  universités  de  Bologne^»  de 
Paris ,  de  Heidelberg^.  Bien  qu'alors  aussi  les  voyages 
servissent  fréquemment  de  prétexte  à  Tamour  d'une  vie 
désordonnée^^  et  que  d^à  l'on  accordât  légèrement  les 
diplômes  du  doctorat  ^^^  ;  bien  que  des  hommes  sensés 
prissent  en  pitié  ^^^  la  prétentieuse  incapacité  de  jeu- 
nes gens  qui  savaient  un  peu  de  tout^  et  que  le  auccés 
dans  des  examens  superficiels  ^^^  dépendit  orilinaire- 
ment  de  Taisent  ou  de  la  faveur  ^^*,  on  n'en  eut  pas 
moins  raison  d'encourager  le  plus  possible  la  fréquenta* 
tioadea  universités  ^^^.  A  une  époque  où  le  commerce  de 


••  L.U,  cfaap.  I,  t.  II. 

*'  Hemmerlin  loi-même,  comme  il  le  raconte  souvent 

**  n  n'est  pas  hors  de  Traisemblance  qu'il  y  eût  des  relations  de  pa« 
rente  entre  le  grand  jarisconsnlte  bolonais  Bartolomeo  Saliceti  et  la 
noble  famille  fribooigeoise  de  ce  nom. 

**  Le  premier  Zuricois  fat  inscrit  en  1405.  UatrienU  dé  VUniverêUé^ 
Baiiing,  Sehota  Tigur, 

'**  Les  prétendus  étndiaos  séjournaient  quelquefois  ailleurs  ou  res- 
taient  eicessivement  long-temps  en  route.  StatÊi$  de  la  grmid$  Ègiùê, 
a.  i420,  Hotting.  H.  E.  N.  T.  VIIL 

'*^  «  Stolidi  per  stolidos  in  stndiis  gcneralibus  Doctores  fiunt  »  ut  si- 
•  milis  generet  sîbi  similem ,  et  qualis  est  pater»  talb  sit  fitius.  •  Ami- 
«er/ifij  dans  sa  satire  Docioratu$  in  ttuUitia. 

A*>  «  Stndiorum  baccalarii  de  se  mnltum  prcsumunt  «t  in  practica. 
s  nihil  concludunt  •  umbram  pro  veritate  proclamantes.  •  HumMtlU^ 
de  NobiL 

***  «Bene  legit,  competenter  exponit  et  sententiat,  computnm  ignor 
«  rat,  maie  cantat,  in  aliis  competenter  respondet.  Fiat  adanssioln 
Bxmiun  dé  Léonard  Broun,  pasteur  l  Horgen ,  dont  il  a  été  question-. , 
L  V,  Si2.  Hotting.  Sekola  Tig. 

<**  Hemmerlin,  n.  101. 

"»  Siatati,  n,  100. 


262  HISTOIRE    DE   LA    SUISSE. 

la  librairie  était  peu  de  chose^  les  bibliothèques^  rares , 
misérables,  difficiles  à  consulter  ^^,  et  formées  sans 
plan  y  au  gré  du  hasard  ^^,  alors  que  dans  le  vaste 
diocèse  de  l'évéque  de  Constance  aucun  particulier  ne 
possédait  plus  de  cinq  cents  volumes  ^^,  rien  ne  pouvait 
tenir  lieu  des  universités  dont  le  but  et  l'utilité  consis- 
taient à  donner  une  idée  encyclopédique  de  chaque 
science  et  des  ouvrages  qui  la  concernaient  *• 

Bien  des  gens  en  Suisse  se  distinguaient  de  FÉglise 
par  leurs  croyances  religieuses  :  d'un  côté  la  popula- 
tion  pastorale,  fidèle  à  l'ancienne  simplicité  qui  lui 
suffisait  pour  son  usage  domestique,  rejetait  tout  ce 
que  la  dévotion  ou  l'intérêt  y  avaient  artificieusement 
ajouté ^^^;  de  l'autre,  la  doctrine  des  frères  de  l'esprit 


***  Qui  ne  «ah  qoe  tes  ouvrages  les  plus  précieux  étaient  enchaînés, 
afin  qiiV>n  ne  les  enlevât  pas  ? 

'^'  Les  livres  réonis  par  Jean  de  Raguse,  auquel  le  pape  Félix  donna 
le  chapeau  de  cardinal,  formèrent,  dans  le  couvent  des  Frères  Prê- 
cheurs deBàle,  le  premier  fonds  de  la  bibliothèque  de  ITJniversité. 
Sinner,  voy,  da9$  la  Suiâse  aecideniaU,  t.  L  II  avait  rassemblé  la  pins 
grande  partie  de  ses  manuscrits  à  Constantlnople.  Voy.  Seripit,  ord. 
Prœdicaiar,  1 1 ,  p.  797.  Dans  leur  nombre  se  trouvait  le  célèbre  livre 
des  évangiles  grecs  du  VU®  ou  IX®  siècle ,  de  tous  ceux  que  Wetstèin 
connut  le  cinquièmj^  en  importance ,  et  ce  N.  T.»  qui  n'est  pas  de  beaa- 
coup  phis  récent ,  que  Rencblin  emprunta  et  garda  trente  ans ,  et  dont 
Érasme  se  servit  pour  son  édition.  MiehaeU$s  Introd,  na  iV.  T.'^ y'oj» 
aussi  J.-J.  Griesbach,  DiuerU  de  codieibu$  Evangelhr,  OrigenioMU 
Halas,  1777;  Cttr»  m  hiitoriam  iêxltu  epUioiar,  Pamlinar.  Grœei;  Jenc> 
1777.  C.  M. 

'*'  C^t  le  nombre  des  volumes  que  possédait  Hemmerlin  (m  Pauio' 
naU),  Hotting,  Schola. 

^  Huiler,  comme  tous  les  savans  allemands,  se  sert  de  Texpression 
commode  et  qui  nous  manque  de  la  littérature  et  une  edence,  pour  dési« 
gner  Tcnsemble  des  ouvrages  qui  s'y  rapportent  C.  M^ 

"•  Voy.  t,  IV,  p,  502  ,  n,  806, 


UVRE  IV.    CRAP.    IV  263 

■ 

iodépendanl^^^  pénétrait  par  plus  d*UQ   chemin  de- 
rOrient  dans  les  Alpes. 

De  toute  antiquité  l'instinct  du  bonheur  a  conduit  les. 
h<Mnme8   à  méditer  sur  Torigine  du  mal  et  sur  les 
moyens  d'y  remédier;  on  a  fait  bien  des  tentatives  pour 
adapter  ces  explications  au  système  chrétien  ;  sa  mo- 
dération  et  sa  simplicité  permettent  des  interpréta«f- 
tions  diverses.  Mais  la  position  et  les  passions  des  chefs 
ont  limité  cette  liberté;  ils  ont  établi  des  formulaires , 
comme  partie  intégrante  d'une  religion  qui  ne  pouvait, 
que  dans  sa  parfaite  pureté  ^  devenir  la  base  invariable 
du  bonheur.  Lorsque,  par  des  artifices ^^^  souvent 
ignobles^  ces  adjonctions  eurent  passé  dans  la  langue 
des  cours  et  dans  la  loi  de  FÉtat ,  les  sociétés  qui  ne 
voulaient  point  sacrifier  leur  opinion  durent  se  cacher 
ou  se  défendre  par  la  force.  Four  l'un  et  l'autre  but  les 
montagnes  offraient  le  plus  sûr  asile  :  ainsi  en  Syrie  ^^% 
ainsi  en  Arménie,  où  se  réunissent  le  Caucase  et  le 
Taurus.    Les  Manichéens  défendirent  longtemps  et 
puissamment  à  Téphriké^^^  et  dans  les  alentours  leur 
siège  en  apparence  inexpugnable;  leur  croyance  ré* 
goa  au  loin  dans  les  villages  et  les  cavernes  des  hautes 
montagnes,  jusqu'à  ce  que  le  premier  Basile,  l'un  des 


^*  Cesl  le  nom  que  preDsient  les  Begbardi.  Matkàm,  Inêîk.  H.  Bi 
484 ,  n.  i. 

"'  NooB  infitons  eeax  qui  trouvent  cette  etpceaslon  trop  dnre  à  lire 
h  Inmtease  hisKnre  da  concile  d'Éphèae  dans  VHkimrû  4$$  hirétiut,  de 
WaUkg  qi^on  n'accosen  pas  d*bétérodoxie. 

*^*  Les  dogmes  des  Drnses  se  rattachent  avx  idées  de  trèsranciennes 
secles  ;  lenr  Hakem  n'est  pas  le  calife. 

'**  Ai^oonflmi  Divrigni.  La  plapart  des  noiss  claasiqoes,  dont  la 
I^tonondation  est  un  peu  changée»  ne  sont  rendus  méconnaissabiei  que 
pu  les  altérations  de  l'orthograplie. 


364  HI8T0IRK   9B   LA   8UI6SB. 

plus  excellens  empereurs  ^^^^  vainquit^  par  une  infatiga* 
ble  habileté  et  par  la  prépondérance  de  ses  forces,  les 
Manichéens  alors  que  Tempire  des  Arabes  ne  pouvait 
plus  les  soutenir  ^^^.  Il  les  transplanta  dans  la  mon- 
tagneuse Thrace,  où  ils  étaient  sous  ses  yeux.  Tant  (pie 
cette  frontière  Ait  inquiétée  par  les  Bulgares  >  par  les 
Russes  et  par  diverses  tribus  de  Turcs ,  comme  aussi 
sous  l'administration  vigoureuse  du  second  Basile ,  ib 
vécurent  inaperçus^  la  plupart  dans  THémus^^^^  jusqu'à 
ce  qu'Alexis^  le  premier  Comnéne^  les  amena  par  la  per- 
suasion et  par  la  force  à  renoncer  à  leur  schisme.  Cette 
entreprise  tyrannique  n'était  pas  inattendue;  leurs 
principaux  chefs  avaient  depuis  longtemps  cherché  leur 
sûreté  dans  la  Bulgarie  ^^'';  de  là  ils  répandirent  leur 
docttiae  dans  toute  la  Hongrie  et  en  Bohême,  de  même 
que  par  la  Dalmatie  en  Italie  ^^^^  et  par  la  Rhétie^'^  en 
Suisse.  Ils  trouvèrent  les  esprits  préparés.  Comme  il 
arrive  communément  quand  la  force  prend  la  place  de 

***  S67-S86.  Sa  maison  occupa  le  trône  jasqa'en  1056. 

**>  Autrefois  ils  s'appnyaicnt  sur  l'empire  des  Arabes  ;  mais  depuis 
Al  HttDovn ,  et  sartont  depuis  Tassassinat  de  Motawakkel ,  la  puissance 
du  pripce  des  croyans  marcha  vers  son  dédio. 

'*'  Particulièrement  autour  de  Philippopolis.  Lorsque  la  domination 
barbare  aura  été  ruinée  dans  tonte  la  Turquie ,  on  découvrira  les  traces 
de  beauooqp  de  choses  anciennes  et  aussi  do  sectes;  bien  des  ténèbres  se 
dittiperont. 

«^'  Matihiêm  ParU,  à  l'an  ltS8  ;  la  Botnie,  pays  limitrophe  de  la  Bal- 
gsrie,  de  la  Dalmatie  et  de  la  Croatie,  devint  le  siège  de  leur  cbef^- 
rituel.  Fànlin,  HUt.  tceL  du  moyen-âge,  I;  Enget,  Hitt,  de  Hmgrie, 
ni,  316  et  8oiv«  ;  comparez  notre  t.  IV,  501. 

^**  FùMsUn,  i,  II ,  d'après  les  sources  recueillies  par  Muralori. 

*^*  Où  se  trouvait  an  siège  prindpal.  Moektim,  l.  c.  Il  eftt  été  à  dési- 
rer q«e  l'éditeur  de  son  livre  de  Begkardù  (Letpag,  1790)  eftt  fait  im- 
primer en  entier  les  89  sententiœ  Begkardorttm, 


LIVRB  IV.    CUAF.   IV.  265 

la  persuaMon^  les  opinions  gnostiquet  et  ariennes  ^^^ 
avaient  été  condamnées,  mais  non  oubliées;  publique- 
ment on  gardait  le  silence ,  entre  amis  le  mécontente- 
ment éclatait.  Quand  on  réfléchit  que  l'emploi  de  tous 
les  moyens  n*a  jamais  empêché  la  propagation  d^une 
vérité^  et  n'en  a  retardé  la  manifestation  que  peu 
de  tempe,  on  reconnaît  le  danger  et  la  folie  de  toute 
lutte  contre  des  opinions  tt  Tillusion  des  chefs  sur  les 
sentimens  de  la  multitude  forcée  à  rhypocrîsie«  Sou- 
straite ainsi  à  Toeil  de  l'autorité,  cette  multitude  était 
livrée  à  ces  inspirations  désordonnées  et  hostiles ,  source 
de  révolutions  inévitables ,  mais  inattendues  pour  ceux 
qui  ne  connaissaient  point  leur  peuple,  éloigné  d  eux 
par  la  terreur  **^' 

Les  Suisses,  portés  à  la  piété  et  aux  spéculations 
religieuses  par  une  sublime  nature  et  une  vie  solitaire, 
souvent  en  hitte  avec  des  papes '^^  et  des  couvens'^, 
eurent  de  tout  temps  de  la  propension  pour  les  doc- 
trines secrètes  et  pour  les  sociétés  mystérieuses ''^, 
Comment  pénétrer  ce  qui  était  inomnu  à  cette  époque 
même  ?  Qui  dira  les  dogmes  qu'annonçaient  les  mis- 


*^  IréUt  noua  apprend  que  les  Gnoetiqoes  eweat,  an  aecond  aAde, 
beavcoop  de  partisans  en  Gaule  ;  on  en  trouve  la  pteoTe  dans  les  rapides 
progrès  des  PriseiUiens  à  la  fin  do  quatrième  sîède,  Lears  doelears  se 
firent  nn  parti  nombrenx  en  Gotbie,  des  deux  côtés  des  Pyrénées,  où 
les  opinions  ariennes  avaient  régné  le  plos  long^temps. 

*^  Les  preuves  dé  beaucoup  de  faits  allégués  dans  eette  partie  se 
trouvent  dans  les  sources  byzantines ,  et  elles  seront  produites  aiHears. 

>»  La  plupart  étaient  Gîbellîns,  L  I,  cbap.  XV  et  XVI,  1. 1  et  IL 

*^  P.  e.  avec  Einsidlen ,  1. 1 ,  cb.  XV,  t  L 

«>«  Sur  la  société  du  cordonnier  Bercbtbold  à  RQti ,  voy.  1. 1,  cb.  XIV, 
fers  la  fin.  Hortmann.  en  fnl  mention  dans  ses  AnnaL  Ertmi  ad  a.  lSi6. 


266  HISTOIBB   DB   LÀ   SUISSE. 

sionnaires  de  la  Hongrie  '^^  et  de  la  Rhétie ,  les  apôtres 
qui  venaient  presque  annuellement  de  Bohème  en 
Suisse  '^^  ;  les  germes  semés  dans  quelques  vallées  des 
Alpes  ^^,  pendant  leur  fuite/  par  les  maies  disciples  de 
Tinfortuné  Dolcino  ^^y  ou  dans  le  pays  romain  par  le 
zèle  captivant  du  jeune  Hanrich  ^^^;  Teffet  produit  par 
la  sublime  obscurité  du .  livre  de  la  Théologie  aÛe* 
mande  ^^,  dans  leurs  innombrables  sociétés  secrètes  ''*  ? 
On  adorait  généralement  la  trinité  de  Dieu  dans 
Tunité  de  volonté,  le  Fils  comme  la  première  idée  du 
seul  Dieu  étemel ,  TEsprit  comme  l'effet  commun  ^^'; 

*^  Lt  doctrine  secrèle  fat  aussi  propagée  dans  les  protinoes  anlri* 
chiennes  entre  ce  pays  et  la  Rhétie.  L.  n,  ch.  V,  t  m. 

'^  HemmerUn,  de  LoiiharéU  :  surtoat  dans  les  villes  et  les  campagnes 
de  Solenie  et  de  Berne.  Il  faut  y  ijoater  Friboniief ,  d'après  l'Hist  eccL 
de  Long,  à  Tannée  i4S0. 

'^^  Ck  du  val  de  la  Séêia,  iSOS  t  «Plnsiears  «propter  fisctioniim  et 
•  bellonim  calamitates  in  his  Alpibus  pacem  qassiveront  »  Saxima  in 
aHÙÊuUherêùmib.  ad  kigt.  DuleinL  GeiiXrci  étaient,  k  la  vérité,  de  TÉglise 
dominante  ;  mais  ceux  d'une  adtre  opinion  avaient  an  motif  de  plus. 

*^  Son  Hiêtoire  dans  Muratcri,  Scriptt,  IX ,  ht%. 

*^  Fuêêlin  rapporte  les  feits  qni  le  concernent  dans  le  t  H  de  VHki. 
eeeL  dm  moyen^âgû, 

***  Le  wiime,  dans  .le  t  m.  ses  Le  livre  rare  et  ancien  de  la  ThélogU 
allemande,  attiîbaé  plos  loin  à  on  ami  de  Tanler,  mais  plos  constam- 
ment à  Ta«/<r  lai-méme,  dominicain  allemand,  qoi  brilla  dans  la 
chaire  vers  le  milieu  dn  XIV®  siècle  etméritapar  ses  écrits  les  éloges  de 
Luther,  a  été  récemment  publié  avec  une  introduction  pleine  de  vie  et 
de  sagesse  par  le  docteur  TroxUr^  professeur  de  philosophie  à  l'Univer- 
sité de  Berne  (SL  Gail,  iSS7,  i  voL  in-8).  L'éditeur  appelle  cet  écrit 
«  le  saint  livre  d'un  chrétien  pur  et  véritable ,  catholique  et  protestant 
dans  une  même  personne ,  type  et  interprète  de  l'invisible  Église  de 
Dieu,  une  et  libre,  universelle  et  étemelle.  Ce  sont,  qonte-t-il,  des 
fruits  d'or  dans  un  vase  d'argent.  «CM. 

**^  HemmerUn,  1.  c,  s'en  plaint. 

*'^  S.  Bernard  attribue  cette  opinion  à  Arnold  de  Brcacia;  FMuUn  h 


LIVRB   IV.    GHAP.    IV.  267 

on  cherdiait  la  religion ,  supérieure  à  ce  monde  des 
sens  et  à  toutes  les  opinions  factices  des  hommes  y  dans 
Tétemel  travail  de  Viime  tendant  à  se  rapprocher  de 
ce  type  de  perfection  qu'elle  ne  peut  jamais  atteindre  ; 
on  parlait  avec  dédain  «  du  haptème  des  enfans  sans 
»  intelligence  ^^,  des  mystères  du  pain  et  du  vin  ^'^^ 
n  des  vertus  particulières  d'un  bois  maudit ''^^  de  la 
»  sainteté  des  temples  de  pierre  et  de  tout  ce  qui  est 
»  poudre  ^^,  de  la  tourbe  du  clergé  ^'''y  de  ses  préten- 
»  tions,  de  ses  mille  ordonnances.  A  quoi  bon  lesin- 
»  dulgences  '^' ?  A  quoi  bon  les  cierges  perpétuels^  les 
n  messes  pour  les  morts ,  les  pèlerinages ,  les  vigiles, 
»  les  fêtes  des  saints '''?  L'homme  est  ce  qu'il  est;  le 
»  Dieu  qui  sonde  les  cœurs  prendrai tr-il  le  mérite  étran- 
a  ger  pour  le  vôtre  ^^^  ?  ou  quelqu'un  Tengagerait-il  à 


Jêm  de  Winterthar  (  Fitod^ramu  )  TaUriboe  an  hérétiques  de  Con- 
stance. 1559. 

***  Selon  Cabbé  de  Clugny,  Pierre  de  Bniejs,  maître  dUanrich.  Firtf  • 
Un.  Cette  opposition  an  baptême  des  enfans  éclata  derechef  en  Snisse  an 
siècle  de  la  réformation. 

'**  Pierre  de  Brujrê.  Les  partisans  de  ces  opinions ,  8*il  en  faut  croire 
leurs  ennemis ,  ^exprimèrent  au  concile  de  Gonslanoe  CD  tenues  si  in- 
coDTenans  que  nous  ne  les  répétons  pas. 

***  La  croix  que  le  Christ  arrosa  de  son  sang.  Pierre-le-FénérabU,  abbé 
de  Clttgny,  rapporte  que  Bruys  et  Hanrich  brûlèrent  à  SL-Gilles ,  un 
▼endredi  saint,  des  crucifix,  et  firent  rôtir  de  la  viande  à  ce  feu. 

***  Bruyê.  On  dit  que  Hanrich  condamnait  aussi  le  ch^nt  d'alise 
dans  sa  forme  d'alors  et  dans  un  langage  étranger;  cette  aversion  se 
propagea  en  Suisse.  Hemmerlin,  de  Navit  Offieiis. 

**'  Tous  les  partis  le  traitaient  hostilement 

***  Ils  attribuaient  le  pouvoir  de  Fabsolution  à  leurs  propres  doc- 
teurs ,  aux  parfaits.  Reiner  de  Saclie,  dans  FSeeUn.  Les  Flagellans  s'ab- 
solvaient les  uns  les  autres.  BUerlin. 

***  Rapport  sur  dee  hérétiqueê  dans  le  dàirld  d^Eieheteit,  dans  liœker 
Àniiquliét  de  Heilbronn,  cité  par  Futslin,  et^aucoup  d'autres. 

*^  Ils  voyaient  en  Christ  un  modèle ,  non  un  rédempteur. 


268  HISTOIRE  D£    LÀ    Sin$8E. 

»  Touloirce  qu'il  ne  veut  pas?  Le  corps  de  tente  ^^^ 
»  est  pur,  impérissable ,  indestructible  comme  la  lu« 
»  miére;  notre  corps,  en  rapport  avec  le  mon<la  ma- 
»  târid,  nous  sert  de  vêtement  jusqu'à  ce  qu'il  soit 
»  usé  :  l'homme  par&it^^'  lui  commande  ^^';  ne  lui 
»  sois  pas  asservi,  mais  si  toi  qui. aspires  encore  à  la 
»  perfection,  tu  anéantis  ses  désirs ^^^  en  les  satisfais* 
H  sant  ^^^,  ne  crois  pas  que  la  justice  suprême  du  Père 
»  du  monde  rende  l'àme  éternellement  malheureuse 
»  pouf:  les  affections  du  corps  qui  lui  a  servi  d'en- 
»  velpfq^ie  ^^^.  Silh  £oi  et  la  dj^rité  rempUsseat  ton 

***  FùMêlin  l ,  d'après  le»  toaroei. 

***  Leurs  exigeDces  pour  l'àme  étaient  les  plos  rigonreases. 

**'  Ils  paraissent  n'aYoir  attaché  aucune  importance  aux  choses  sen- 
ribles,  et  ils  se  raillaient  du  mérite  qu'on  attachait  à  l'abstinence  des 
viandes  ou  au^célibat.  H  en  fut  ahisi  dans^le  pays  de  Zurich  en  iSiS. 

'^*  Dans  la  doctrine  de  Dolcino  :  •  coi^ungere  ventrem ,  ut  cesset 
•  tentatio ,  non  estpeccatum.  • 

***  Ils  prescrivaient  aux  parfaits  une  continence  absolue  ;  ils  permet- 
taient aux  imparfaits  la  cohabitation  pour  la  propagation  de  l'espèce. 
Comme  les  sociétés  mystiques  et  secrètes  de  toqs  les  temps ,  leurs  enne- 
mis les  accusèrent  de  beaucoup  de  désordres.  S.  Bernard  accosa  de 
même  Hanrich.  En  1216  les  Zuricois  furent  exposés  à  des  inculpations 
semblables ,  comme  s'étant  perinb  «  omnis  veneris  usum,  >  Hewtmerlin 
[de  Lollk,  )  reproche  à  beaucoup  d'entre  eux  l'amour.'grec,  et  FmuUn 
rappelle  les  hérétiques  qui  commettaient  entre  eux  •  delictum  spin« 
>  dorsl.  >  La  nature  et  l'histoire  attestent  que  l'imagination  exaltée  porte 
à  des  penchans  voluptueux;  il  parait  certain  que  ces  penchans  furent 
permis ,  mais  non  autorisés. 

'**  Ils  ne  croyaient  pas  plus  qu*Origène  et  les  Gnostiques  à  la  résv- 
recUon  de  la  chair  dans  l'acception  vulgaire.  De  tout  temps  les  tentatives 
de  conciliation  entre  nos  désirs ,  nos  intérêts  et  les  systèmes  qu'ils  sem- 
blent détruire,  ont  été  aussi  diverses  que  les  idées  sur  la  nature  de  l'àme. 
Ainsi  l'on  a  montré  que  dans  la  supposition  de  l'anéantissement  total  de 
notre  organisation  et  dans  l'impossibilité  de  prouver  l'existence  d'un 
germe  indestructible ,  le  devoir  de  tout  sacriûer  pour  les  générations  à 


LITRE   IV.    CHAP.    IV.  269 

»  cœur  "',  Dieu  est  en  toi ,  lui  qui  a  parlé  par  Christ 
»  et  par  les  sages  de  Rome  et  d^Athènes  "«.  Il  y  a  un 
»  seul  Etre;  Dieu  est  cet  être  unique"®;  ses  manifesta- 
»  tions  sont  infinies  ;  mais  Dieu  n'est  pas  moins  dans  le 
»  moucheron*^,  qu'en  toi,  homme  orgueilleux.  La  di- 

Tcnir  ne  senit  pas  moms  sacré.  Ce  corps,  qne  la  décomposition  fait 
passer  dans  le  régne  végéUl ,  <iae  l'usage  des  plantes  animalm  de  non- 
veau ,  qui  aert  enfin  ^  reformer  des  figures  humaines,  revivra  dans  un 
monde  libre  ou  esclave,  barbare  ou  civilisé,  selon  l'avenir  que  nous 
aurons  préparé.  L'heureux  tyran ,  le  suicide  n'échappera  point  par  la 
mort  à  la  cause  première  qm  règle  et  eoonlonnerunivers;  elle  lerq^pel- 
lera  de  nouveau  sur  la  scène  du  monde  dans  la  situation  des  oboacs  à  la- 
quelle il  aura  contribué.  Peut-être  ne  se  80uviendra-t-il  pas  plus  de  son 
existence  antérieure  qu'on  ne  se  souvient  de  sa  première  enfance;  mais  le 
dépliôsir  que  lui  cause  k  torttipliott  du  monde  doit  l'engager  à  travailler 
k  Famâioration  humaine.  Aseon  sacrifice  fait  dans  ce  bot  n'est  perde. 
Lgumg  dit  avec  raison  :  •  Pourquoi  chaque  bcMnme  ne  pourrait-il  easter 

>  dans  ce  monde  qu'une  fob?  L'opinion  contraire  est-elle  si  ridicule 

>  parce  qu'elle  est  la  plus  ancienne?»  Mortel  ne  cherche  pas  le  oom- 
ment;  notre  partage,  c'est  une  lumière  incertaine; 

Qoale  per  incertam  lunam ,  sub  lace  maligna , 
Est  iter  in  syivis,  obi  cœlum  condldit  umbra 
Jvpiter  et  rebva  nos  «btfalit  aân  coIomm  ; 

plus  de  clarté  troublerait  les  Jouissances  de  la  vie  ou  la  rendrait  insup- 
portable ;  peut-être  nous  sera-t-il  accordé  un  Jour  d'embrasser  l'ensemble 
de  la  carrière;  en  attendant ,  6  homme  composé  de  terre  et  d'un  esprit 
divin,  riche  en  Jouissttioes et  eA  éonleuts,  IMe ,  mais  étemel,  dépose 
cet  soins  inutiles  dans  le  sein  de  l'infinie  fifisériceirde  par  qui  tu  es. 

(There  they  alike  in  trembling  bope  repoM) 
Tbe  boaom  of  Ihy  Father  and  tby  God. 

M  p„  la  charité ,  le  péché  cesse  d'être  péché.  Amalrieh  (  dont  la 
doctrine  approcha  de  nos  frontières  ) ,  dans  Dupin ,  Bibl.  eecU$.  X  ;  Pau- 
lin, H.E.UL 

^**  Dieu  a  aussi  parlé  par  la  bouche  d'Ovide.  Id.  Combien  plus  par 
celle  de  Virgile  ! 

*^*  Le  mime, 

M  Dans  le  pou,  disrient  les  Beghards  thnrgoviens  {Jean  de  fFinter- 
thmr,  13  S9).  Ce  propos  fut  aussi  mal  interprété  que  des  expressions  sem- 
Uables  de  Vanini. 


272  HI8T01RB  DE    LA  SUISSE. 

de  sa  grandeur ,  il  commande  puissamment  aux  sens 
et  leur  impose  silence  *^ . 

Par  son  livre  de  la  Théolpgie  allemande  ou  de 
l'exacte  intelligence  de  ce  que  sont  Adam  et  le  Christ  ^^^ 
le  digne  ami  ^^^  du  prédicateur  illuminé  ^''^  Jean  Tauler 
compta  préseryer  b  doctrine  secrète  ^'^^  de  tout  abus  ^^^. 
H  Dieu  est  le  principe  des  êtres  et  de  leur  mouTement; 
»  tout  ce  qui  estj  le  diable  lui-même ,  en  tant  qu'il 
i>  existe^  est  bon,  est  une  émanation  de  la  Divinité  ;  sans 
»  activité.  Dieu  ne  serait  pas  Dieu  '''^;  l'homme  vérîia- 
»  blement  libre  ^  bon,  noble,  est  celui  qui  n'a  pas  d'aU'- 
»  tre  volonté  que  celle  de  Dieu  '"^^  ;  en  revanche  l'atta- 
»  chement  au  moi  ou  l'égoisme  est  une  lumière 
»  naturelle  d'une  clarté  trompeuse,  c'est  le  diable 
»  même  ^'^^  ;  dans  l'égoiste  obstination  de  la  volonté  ^t 

*'^  Josephe  mpt  Maxxaê,  surtout  vers  la  fin. 

•M  Titre  de  ce  U?re  composé  ven  i57S  et  souvent  imfMiaié  k  l*époqi»e 
delà  réformatîoii» entre  autres  à  Strasbouig  en  1590. 

**'  Le  custode  de  la  maison  de  Tordre  teutonique  à  Francfort  (  où 
Tauler  avait  été  dans  le  couvent  des  Dominicains).  Ce  laïque  fort  éclairé, 
et  dont  Tauler  disait  avoir  appris  beaucoup  (Dwf.  kUu  tCIuUn)  fut 
probablement  r auteur  de  cet  écrit.  obVojt.  ci-dessus  n.  iao.  G.  H. 

*^*  C'était  son  surnom ,  Illuminatuê. 

*'*  Non  pas  tenue  secrète,  puisque ,  au  contraire ,  le  livre  fut  écrit  en 
allemand,  mais  secrète,  intime,  s^adresaant  aux  cœurs  religieui  et  non 
à  tout  le  monde. 

"^  Qudqnes^uns  n'admettaient  rien  comme  péché,  pas  même  le 
meurtre. 

^^*  Cette  proposition  scandalisait  ceux  qui ,  avant  et  à  côté  de  la  cos- 
mogonie et  de  la  chronologie  mosaïques,  si  mal  comprises,  n'osaient 
pas  admettre  d'antres  mondes. 

*'*  On  verra  dans  le  cinquième  livre  (t  Vin)  que  Nicolas  de  Flue 
vivait  entièrement  dans  cet  esprit,  qui  se  propagea  rapidement  tu  sein 
des  Alpes,  où  ce  point  particulier  est  un  arUcIe  fondamental  des 
croyances  du  peuple. 

*^*  Le  péché  originel  et  journalier  consistait,  selon  cette  doctrine ,  i 


LIVRE   IV.    CBAP.    IV.  273 

n  tout  le  pëchë  et  Teafer;  la  patience^  le  calme  ré- 
n  signé  de  Tàme  humanise  la  Divinité  et  divinise 
»  l'homme ,  comme  Jésus-Christ  homme  a  été  divi- 
»  nisé  ^'^^j  »  telle  était  la  somme  de  cette  doctrine.  Bien 
comprises  9  ces  idées  pouvaient  fonder  les  plus  grandes 
vertus ,  l'abnégation  de  soi-même^  l'abstinence^  la  fer- 
meté,  l'héroïsme^  l'esprit  public  et  un  bonheur  inté* 
rieur  inébranlable.  Mais  comme  un  vase  impur  cor- 
, rompt  la  plus  noble  liqueur  et  la  change  en  poison, 
ainsi  Thomme  ^i  qui  tout  sentiment  était  mort  ^  pou- 
vait chercher  dans  cette  doctrine  une  excuse  pour 
négliger  son  ame^  et  l'homme  immoral  une  justification 
pour  toutes  ses  passions.  Quand  on  considère  l'abus 
non^seulement  des  enseignemens  mystiques,  mais  des 
endeignemeûs  de  la  Bible  et  de  ceux  qui  lui  sont  oppo- 
sés, on  doit  en  conclure  que  YetSei  des  écrits  connne 
des  actions  dépend  moins  de  Tintentioii  présumable  de 
lem^  auteurs ,  que  de  k  destinée  ou  de  la  volonté  de 
Dieu,  qui ,  par  là,  veut  aujourd'hui  ou  demain  affer- 
nur  un  ordre  de  choses  ou  le  remplacer  par  un  autre. 

Tout  comme  les  ancien»  sages  avaient  attendu  la 
ruine  finale  ^'^'^  ou  une  compfète  rénovation  du  gio- 

opposer  à  la  volonté  de  Dieu  son  propre' jogement  et  son  prétendu 
intérêt. 

«7t  Oq  le  représentait  comme  nn  homme  divinisé ,  et  son  humanité 
comme  la  maison  de  Dieu.  Les  mystiques  et  Servet  s^ accordaient,  comme 
PUêsiin  le  fait  observer. 

*?7  OvUU,  Métamarph,  1,7. 

£mc  «fuoqiie  in  fatiB  raminiMitiar,  affore  temput, 
Qao  mare ,  quo  tellus  oorreptaque  regia  ccbU 
Ardeat ,  et  mandi  moles  operota  laboret } 

bien  entendu  lorsque  irupoç  '^iu.o^^roL  ôr<aaupâv  oxocovi  x^M^tttizhç  aïOiip. 

SoplweU 

Voy.  tes  nombreux  passages  recueillis  par  Gale,  Court  of  the  gentiles, 
VI.  i8 


274  HISTOIRE   DE    LA   SUISSE. 

be  ''^^y  de  même  alors  un  grand  nombre  d'esprits  pré- 
voyaient dans  plus  d'un  sens  une  assez  prochaine  ré- 
formation de  Torganisation  ecclésiastique  et  politique^ 
qui  leur  paraissait  vieillie  ;  à  cet  égard  les  diverses 
opinions  s'appuyaient  sur  les  interprétations  diverses  de 
cet  ancien  livre  chrétien  qui  porte  le  nom  de  révélation 
(  Apocalypse)^  bien  qu'il  n'y  ait  pas  de  livre  dont  le  sens 
nous  soit  moins  révélé.  Très-avancé  en  âge  ^'^^  comme 
son  contemporain  Juvénal,  mais  encore  plein  de  vi- 
gueur,  le  disciple  dont  Jésus  aimait  l'enthousiasme  et 
Tesprit  élevé ,  parait  ^^^  avoir  chanté  dans  le  cercle  des 
frères  ^^'  la  formidable  ruine  de  la  liberté^  de  la  con- 
stitution et  de  la  ville  sainte  de  son  peuple  ^^^,  et,  suivant 
la  méthode  de  son  maître  ^^^,  avoir  jeté  ensemble  ses 
regai[ds  sur  l'accomplissement  des  temps  '^^  et  sur  le 
développement  du  drame  du  monde.  Dans  tous  les  âges 
la  marche  des  destinées  éternelles  a  paru  lente  ^^^.  aux 
h(»nmes  d'un  jour,  et  chacun  a  trouvé  son  époque  assez 


B.  ni,  p.  74  et  suiv.  Groyait-on  qac  les  orbites  s'altéreraient ,  qae  le 
temps  changerait  les  lois  de  la  pesanteur,  ou  qa'après  une  longue  lutte 
un  élément  dissolvant  prendrait  le  dessus? 

^7*  II  Pierre  m,  iS,  d'après  Esaîe  LXVI,  22. 

*^*  Lorsque  dans  les  églises  voisines  l'écrit  primitif  commença  de  se 
perdre.  A  cette  circonstance  se  joint  la  tradition  sor  l'époque  de  son 
séjour  à  Pathnios. 

*'*  L'Apocalypse  fut  ensuite  attribuée  à  un  autre ,  parce  que  l'on  se 
scandalisait  de  son  sens,  que  Ton  comprenait  mal. 

<s>  Des  sept  évéques  voisins. 

*^*  Il  n'a  pas  mentionné  dans  son  Évangile  le  discours  de  Jésus  sur  le 
même  sujet ,  parce  qu'il  se  proposait  d^à  de  développer  ce  sujet  dans 
des  tableaux. 

"»  Matth.  XXIV,  Marc.  XII,  Luc.  XXI. 

«s*  Avoue tçaXatttoiff. 

*"  Esale  V,  49  ;  Paal  dans  ses  Épttres  aui  Corinthiens  et  aux  Thessa- 
loniciens. 


LIVRE    IV.    CHAP.    IV.  275 

grande  pour  mériter  de  précéder  immédiatement  la 
dernière  ^^®.  Aussi  des  dix-huit  siècles  les  plus  récens 
ne  s'en  est-il  écoulé  aucun  pour  lequel  on  n'ait  prédit 
la  fin  du  monde.  Afin  d'embrasser  l'ensemble  des  évé- 
nemenSy  des  historiens  ont  continué  leurs  annales  dans 
le  plus  grand  détail  jusqu'au  dernier  jour^^''.  Mais  la 
pieuse  simplicité  ne  savait  que  dire  lorsqu'elle  compa- 
rait les  oracles  hébreux '^^  et  les  triomphantes  prédic- 
tions du  royaume  de  Christ  ^^^  avec  l'incorrigible 
dépravation  des  siècles  et  des  hommes'^.  t<  Le  Tout- 
»  Puissant  se  proposerait-il  un  but  en  vain  ?  les  oracles 
»  de  Tétemelle  vérité  ne  s'accompliraient-ils  pas  ^^'  ?  » 

***  Beaucoup  de  gens  oublient  aujourd'hui  les  temps  bien  plus  cruels, 
bien  plus  désastreux  où  les  armes  également  barbares  des  Arabes  et  des 
peuples  du  Nord  ruinèrent  non-seulement  les  constitutions  politiques  . 
mais  les  villes  et  tonte  la  civilisation  d'un  monde  florissant ,  depuis  le 
mur  de  la  Calédonie  jusqu'au  Gange  «  auditumqne  Médis  (plus  d'une 
fois)  Uesperi»  sonitnm  ruine.  > 

^*^  Sans  parler  d'Otton  de  Frîsingue  et  de  beaucoup  de  chroniqueurs 
du  moyen-ftge ,  n'a*t-on  pas  enseigné  de  nos  jours  en  Portugal  la  partie 
prophétique  comme  un  des  élémens  de  l'histoire  universelle?  Bareiii , 
yoyagt9*  Dans  la  Suisse  protestante,  Abraham  Kybomrg,  mort  en  1765, 
a  professé  l'histoire  ecclésiastique ,  divisée  en  périodes  apocalyptiques , 
jmqa'à  la  fin  du  mande. 

***  Miekailiê  même  en  attend  l'accomplissement  de  l'avenir. 

***  Luc  il ,  i& ,  et  partout  où  l'Évangile  fut  annoncé. 

***  Comparez  l'orageuse  et  formidable  barbarie  du  moyen-ftge  avec  le 
siècle  de  Trajan  et  des  Antonins.  Si  le  Nord  s'est  civilisé ,  comment  le 
Midi  et  l'Orient  peuvent-ils  soutenir  la  comparaison  avec  l'antiquité? 
Juvénal  a-t-il  stigmatisé  un  vice  qui  ne  règne  pas  chei  nous?  N'avons- 
nous  pas  vu  des  tables  de  proscription?  Que  n'avons-nous  pas  vu  com- 
mettre au  nom  de  la  religion  et  de  la  philosophie?  Mais  le  royaume  de 
Dieu  ne  se  montre  pas  dans  les  affaires  de  ce  monde. 

***  Que  Moïse  et  S.  Pierre  vous  apprehnent  la  chronologie  !  Ps.  XC,à; 
II  Pierre  m,  8.  Lessing  dit  :  «  L'cxallé  jette  souvent  un  coup-d'œil  très 
M  juste  sur  l'avenir,  mais  il  n'a  pas  la  patience  de  l'aUrndro  ;  il  veut 


276  HISTOIRE    DE    LA   SUISSE. 

Maître  Hemmerlin  ^  il  est  vrai  y  croyait  le  dénoûment 
prochain,  parce  que  l'an  quatorze  cent  quarante-quatre 
était  né  l'Antéchrist **^}  Christ  allait  le  vaincre,  puis 
commencerait  le  régne  des  élus.  Une  autre  opinion 
encore  prît  faveur  :  comme  le  Père  n'avait  pu  achever 
par  les  prophètes  Tœuvre  du  perfectionnement  hu- 
main, ni  le  Fils  par  les  apôtres,  dans  un  troisième  âge 
du  monde,  l'Esprit  émané  du  Père  et  du  Fils  devait 
fonder  sur  l'Évangile  éternel  le  règne  de  la  perfection 
et  de  la  félicité  ^^^.  Animé  de  cet  esprit,  Nicolas  de  Bul- 
desdorf  *•*  apparut  en  Allemagne,  en  France,  en  Es- 
pagne et  devant  le  concile  de  Baie  ^^^  pour  annoncer 
par  sa  parole  et  ses  écrits  l'approche  du  temps  nou- 
veau ^^,  la  fin  de  l'ancien  Évangile  et  de  Rome  adultère , 


•  YOir  même  dans  l'instant  de  son  existence  le  fraît  que  la  natare  met 

•  des  milliers  d'années  à  développer.  • 

***  Dans  le  DiaL  <U  NobiL  et  dans  beaucoup  d'autres  endroits;  il  se 
réfère  à  la  chronologie  prophétique  d'an  certain  Cyrille  et  du  célèibre 
abbé  Joachim.  On  voyait  probablement  quelque  chose  de  mystériecx 
dans  les  trois  quatre,  comme  nos  contemporains  ont  vu  dans  les  chiflres 
du  nom  LVDoVIGVs  l'époque  de  la  béte.  Voj.  xt.  196. 

'*<  Tel  fut ,  au  commencement  du  XIU*  siècle ,  ou ,  selon  Fleniy,  un 
peu  plus  tard,  FËvangile  étemel  rédigé  par  le  général  des  Francisciilis 
Jean  de  Panne.  Moêkêim,  496*  Lening  dit  :  «  Peat-éire  araient-ils  sain 

•  un  rayon  de  lumière ,  et  ne  se  trompaient-ib  qu'en  croyant  si  pro- 
>  chain  le  commencement  du  nouvel  Évangile  étemel.  > 

**^  Fus$Un ,  n ,  conjecture  avec  raison  que  c'était  un  homme  consi- 
déré du  diocèse  de  Ralisbonne. 

<*s  De  là  vient  que  Wurstisen  raconte  son  histoire»  p.  âSO-433.  H 
fixe  l'époque  de  sa  mort  au  8  juillet  1446. 

**'  D'après  la  chronologie  de  l'Église  grecque ,  il  s'écoula  jusqu'à  la 
naissance  de  Jésus-Christ  5508  ans ,  par  conséquent  jusqu'à  l'empereur 
Frédéric  UI,  6948  ans;  on  annonça  la  fin  du  monde  pour  l'an  7000, 
c'est-à-dire  l'an  1492  de  notre  ère,  année  dans  laquelle  on  découvrit  le 
nouveau  monde  ;  c'est  là  sans  doute  la  base  du  calcul  de  Hemmerlin , 
RegUtr,  querel.  dans  Hotting,  H.  E.,  t.  IV. 


LIVRE   IV.    CHAP.  IV.  27T 

le  salut  dlsraél ,  ravéuement  de  l'étemel  et  aagéUque 
berger '^^  descendu  du  ciel  et  plein  de  grâce  ^  fils  de 
Dieu 9  juge  tout-puissant  de  la  terre,  de  la  mort  et  de 
Tenfer  ;  ni  la  tristesse  d'une  prison  qui  dura  pendant 
des  années,  ni  les  flammes  dans  lesquelles  il  expira,  ne 
purent  ébranler  sa  foi.  De  tout  temps  parmi  les  chré- 
tiens une  piété  maladive  a  prétendu  connaître  l'avenir 
mieux  que  le  Christ  ne  le  connaissait  ^^^.  Le  Fils  de 
Dieu  ni  la  sagesse  humaine  ^^^  ne  parvenaient  à  détour- 
ner les  regards  des  hommes  de  ces  fantômes  de  l'ima- 
gination pour  les  ramener  aux  paisibles  jouissances  de 
la  vie 200  età  la  sérénité  ^ot. 

L'homme  du  peuple  avait  une  religion  pour  son 
usage  domestique. 

Une  idée  non  sans  grandeur  attribuait  à  l'esprit  di- 
vin de  l'homme  l'empire  sur  toutes  les  créatures;  perdu 
par  suite  du  péché ,  on  pouvait  le  recouvrer  par  le  re- 
tour vers  Dieu.  De  cette  idée  naquit  la  croyance  que 
par  la  vertu  de  Dieu  et  par  des  paroles  d'un  sens  mys- 
tique 202  {\  était  possible  de  conjurer  ^o^   les  reptiles 

tt7  fVuntiêên  arnire  qu'il  croyait  lui-mâme  êlre  ce  berger. 

"*  JésDSrChnst  Ini-mâme  dit .  Marc  XIU ,  82  :  •  Quant  à  ce  Jour  oo 

•  à  cette  beare-là ,  nul  ne  le  sait,  ni  les  anges  qui  sont  dans  le  del,  ni 

•  U  FiUj  mais  le  Père  seul.  • 

«**  Prndens  futuri  temporis  exitnm 

Galiginosa  nocte  premit  Deus. 

>*^  Le  Christ  permit  à  ses  disciples  de  Jouir  des  biens  de  la  vie. 
Lue,  V,  88.  «  Carpere  diem.  >  Hor, 

^*  «  Réjouissez-Tous  sans  cesse  en  notre  Seigneur,  •  (en  souTenir  de 
voire  délivrance  d'une  crainte  servile)  ;  «Je  le  dis  encore  une  fois ,  ré- 
9  Jonisses-votts.  >  Philip.  IV,  &. 

**  PormaU  it exorcisme  pour  Us  serpens  :  «Je  vous  adjure,  vers,  au 

•  nom  du  Dieu  Tout-puissant,  que  cette  maison  vous  soit  aussi  insup- 

•  portable  qu'est  insupportable  à  Dieu  l'homme  qui  sciemment  pro- 
»  nonce  un  faux  jugement  >  Bemmerlin,  de  Exorci$mis,  S®  traité, 

'*'  Conjuration,  pour  une  vache  malade  :  ■  Gomme  il  est  vrai  que  la 


278  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

venimeux  ^  les  maladies  du  bétail^  les  plaies  et  les  ora- 
ges. Le  saint  corps  dû  Maître  de  la  nature  serait-il 
impuissant  ^^^?  Refuserait-on  aux  puissances  de  TÊglise^ 
qui  ferment  et  ouvrent  le  ciel  et  changent  le  pain  en 
Dieu  y  le  pouvoir  sur  les  animaux  malfaisans  ?  Loin  de 
là  y  puisque  Guillaume  de  Chalant^  évéque  de  Lausanne^ 
vénérable  par  sa  sainteté^  exorcisa  les  anguilles  qui  de 
temps  en  temps  venaient  dans  le  lac  Léman  ^^^  et  que 
son  successeur  George  de  Saluées  ^  plein  de  sollicitude 
pour  les  grandes  truites ,  lança  contre  leurs  ennemies 
les  sangsues  une  sentence  d'excommunication ,  dont  il 
frappa  tout  ensemble  les  vers  de  terre ,  les  sauterelles 
et  les  taupes  ^^.  Par  complaisance  pour  Tavoyer  et  le 
conseil  de  Berne ,  il  fit  communiquer  ce  même  pouvoir 
à  leur  curé  par  Tofficial  de  sa  cour  ecclésiastique^®'. 
Dans  l'exercice  de  ce  pouvoir  on  exigeait  un  saint  res- 
pect pour  l'humanité  et  pour  les  formes  juridiques  du 
pays.  Après  les  prières  et  la  procession^  une  autorité 

•  vierge  Marie  a  mis  an  monde  l'enfant  Jésus,  qu'ainsi  le  mauvais  sang 

•  s'éloigne  de  cet  animal;  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit. 

•  Amen.  •  Ib,  1^'  traité.  Conjuration  pour  les  plaid  :  «  Dans  le  monde 
»  Christ  est  venu  ;  par  le  monde  Christ  est  perdu  ;  Christ  est  la  voie  sûre, 

•  il  bénit  cette  blessure.  Au  nom,  etc.  •  2e  traité.  Parlant  des  sorcières 
qui  provoquent  les  tempêtes,  il  dit  (de  ï^obil.  )  :  «Elles  font  cuire  des 

•  herbages  vénéneux  et  les  laissent  évaporer  en  plein  air.  • 

^**  Hemmerlin  lone  l'usage  d'apporter  le  saint  sacrement  sur  le  seuil 
de  Téglise  et  de  bénir  la  température.  De  Benedictionibus  aurœ. 

^^^  Hemmerlin  fait  lui-même  l'observation  qu'il  n'y  en  a  point  dans 
les  affluens  du  lac  de  Genève  (  de  Exorc,  )  ;  toutefois  Beboulet  et  la  Brune 
(  Voyage ,  La  Haye,,  1686,  1 1  )  en  ont  vu ,  et  Bumet  parle  d'une  espèce 
très-nuisible ,  de  nouveau  observée  depuis  1679  ,  et  qui  paraissait  y  être 
venue  par  des  communications  souterraines  avec  le  lac  de  Ncuch&tel  ou 
avec  d'autres  eaux.  (  Sinner,  Voyage  II.  ) 

2<><  Extrait  des  deux  traités  de  Hemmerlin. 

^'  Miisive  de  Voffieial  au  curé,  3&  mars  l/i51,  dans  Hemmerlin, 


LIVRB    IV.    CHAP.    IV.  279 

judiciaire  ^^  ou  la  commune  donnait  au  peuple  un 
fondé  de  pouvoirs;  la  citation  se  faisait  au  bord  des 
eaux^  dans  les  champs  et  les  vignes  ;  on  apportait  quel- 
ques animaux  devant  les  assises  ^^^;  leur  défenseur  ^'^ 
était  entendu^  et  après  des  termes  exactement  obser- 
vés'^^^  au  milieu  de  solennelles  prières  ^^%  on  bannis- 
sait la  créature  de  Dieu^^^  dans  de  sauvages  montagnes, 
et  en  eas  d'opiniâtre  résistance  on  la  dévouait  avec  ma- 
lédiction à  tous  les  chatimens  qui  pourraient  Tattein- 
dre^^^.  L'exorcisme  manquait-il  son  effet  ?  la  faute  en 
était  aux  péchés  du  peuple.  Cette  croyance  générale  ^^^, 
sanctionnée  par  des  universités ^^^^  confirmée  par  des 
expériences  tristes'^''  et  heureuses^^^,  concourait  à  la 
grandeur  d'une  classe  d'hommes  dont  l'autorité  s'éten- 
*dait  sur  les  champs  et  les  établé^  comme  sur  le  ciel , 


^*  Ordintirement  le  caré.  Henmerlin, 

^*  Procès  intenté  par  Tévéqne  de  Goîre  aux  hannetons  et  ans  vers 
blancs.  Id. 

Si*  Quelles  raisons  poovait-il  allégner  ?  Qu'ils  étaient  envoyés  de  Dieu, 
afin  de  châtier  le  peuple  pour  certains  péchés.  C'était  un  beau  texte  pour 
des  sermons  de  censure. 

sft*  Le  jugement  final  était  ajoomé  à  une  saison  où  ces  insectes  dimi- 
naent  natnrellemenL 

s«s  Formules,  dans  Hemmerliu,  de  Exore,,  f*  78,  a. 

^*  Dans  le  procès  intenté  par  l'évéque  de  Goire,  il  est  dit  qu'il  faut 
bien  que  chaque  créature  de  Dien  trouve  sa  place. 

^*  Leur  excommunication  se  bornait  à  la  perte  de  la  bénédiction 
divine  par  laquelle  le  monde  entier  subsiste. 

>*»  ^cfiner^  voy.  data  la  SuUêe  oeeid.,  t  II ,  S66 ,  cite  une  sentence  de 
l'offidal  de  Troyes  de  1516.  Dans  la  vallée  de  Verxasca ,  au  Strict  de 
Locarno ,  on  conjura  des  loups  en  1772.  H.  R.  Sekinz,  Mém.  pour  $ervir 
d  la  cannaiu*  de  la  Saisie» 

si<  De  Hâdelberg.  Hemmerlin. 

>>'  Souvent,  dit  HemmerUn,  S.  Antoine  a  puni  des  gens  qui  avaient 
maltraité  des  porcs ,  animaux  qui  lui  sont  consacrés. 

>**  HemmerUn  croit  tonnattre  un  grand  nombre  de  cas. 


280  HISTOIRE   DE    LA    SUISSE, 

également  puissante  à  étouffer  les  flammes  des  pas* 
sious  impures  ^^^  et  à  tirer  une  âme  de  la  masse  de 
glace  au  milieu  de  laquelle  elle  endurait  le  feu  du 
purgatoire  ^^^. 

Le  sentiment  inné  d'un  être  que  n  enchaînent  ni  le 
présent  ni  le  monde  sensible  rendait  y  surtout  dans  une 
époque  de  commotion  universelle^  les  hommes  avides 
du  moindre  écho,  du  moindre  reflet  d'un  autre  monde. 
Quel  effroi  s  empara  de  Zurich  lorsque  le  jour  de  la  fête 
des  patrons  de  la  ville  ^^^^  à  l'heure  de  minuit  ^  un  coup 
formidable  et  pénétrant ,  oomme  dans  l'année  du  vaste 
incendie  ^^^^  retentit  une  seconde  fois  sous  les  voûtes  de 
la  grande  église  ^^^  !  Le  sang  qu'on  vit  sourdre  prés  de 
Mellingen  ;  des  caillots  de  sang  dans  le  paisible  Soursée  ; 
le  plein  jour  à  minuit  en  Argovie,  et  après  une  subite 
commotion,  comme  si  la  nature  s'écroulait,  un  calme 
subit;  à  Ébersek,  la  vue  de  cadavres  amoncelés;  la 
neige  au  mois  d'août;  des  oiseaux^  présage  de  mort,  des 
signes  donnés  par  tes  cloches,  par  les  images;  des  for- 
mes monstrueuses ,  un  cliquetis  nocturne ,  l'écho  loin- 
tain de  cris  de  douleur;  sur  les  bords  de  la  Birse  un 
bruit  formidable  de  chevaux ,  de  bataille  et  de  ruine , 
des  gémissemens,  des  commotions  ^^^,  tout  cela  n'an- 

^^>  Sainte  Ursule  et  àxox  autres  vierges  apportèrent  à  Pierre  de  Go- 
bl^oU ,  domîiûcaio  de  BAle^  ime  amulette  contre  i'aîgoillon  de  la  chair, 
BzoTius,  iAS2»  dans  Hottinger,  H*  B.  W*  On  possède  de  semblables 
spécifiques»  mais  ils  sont  dangereux.  Qui  ne  connaît  l'exemple  d'Albert 
Fvédéric  de  Orandebouig-Pmsse  ? 

"«  Henri  Nyàhard,  dans  Hottinger,  Àntiqq.  €ecL  Tigar,  {H.  E.  VIII), 
a  cité  cette  observation  de  S.  Théobald. 
^^^  Les  iroXioûxoi  de  Zurich  étaient  S.  Félix  et  S^  RégRie. 
"2  i^SO. 

**•  Hemmtrlin,  de  TiokiL 
?'^  Plusieurs  écrits  </a  même. 


LIVRE    IV.    GUAP.    IV.  281 

nooçait-il  pas  rintérèt  que  la  nature  et  les  esprits  pre- 
naient aux  misères  des  mortels  en  démence  ? 

En  général,  toules  les  voix  de  l'empire  des  morts 
étaient  sombres  et  tristes ,  en  sorte  qu'on  aimait  mieux 
ne  pasr  les  entendre.  Voa  faisait  voir  ici  à  une  commu- 
nauté le  chef  qu'elle  avait  longtemps  vénéré  ^^^,  là^  à  un 
frère  attristé  celui  qu'il  avait  aimé  comme  lui-méme^^, 
profondément  plongés  dans  les  flammes  ou  dans  le  lieu 
d'un  éternel  tourment;  dans  le  bois  du  Bruderholz 
près  de  Bâle^  des  âmes  perdues  gémissaient  avec  des 
voix  d'oiseaux  sur  la  longue  éternité  ^^'^  ;  à  Berne ,  au 
milieu  de  la  nuit ,  une  rumeur  ^^^  et  un  gémissement 
de  morts  réveilla  les  habitans  en  sursaut  ^^^  ;  le  fan- 
tôme du  diable^  par  Tordre  de  maître  Léonard ,  méde- 
cin et  sorcier  blanchi  par  l'âge ,  troublait  les  sources 
sahitaires  dans  le  Schschenthal  inférieur  ^^.  Que  dire 
de  ce  que  Satan ,  dont  la  grande  expérience  remontait 

^^  Déclaration  d'an  possédé,  1&99.  Hemmerlin,  de  CrtuUUtate  (  iiseï 
CredaL  )  dtenumib.  exkibtnda.  Il  y  croit 

'M  Déclaration  de  Bernardin  de  Sienne.  HemmerUn,  de  Boni  et  tnali 
oceoM, 

^^  Gonjnré  par  on  père  dn  concile ,  le  petit  oîseaa  sonpîra  t  «  Je  suis 

•  ane  ftme  damnée,  et  J'attends  le  jagemeni  devnicr;  ma  8oaffi«nce 

•  n'anra  point  de  fin  ;  ô  éternité ,  qoe  ta  es  longne  !  •  Gtou,  Chran.  de 

BAU. 

a**  H«mtaer<m  raconte  qu'à  Bolofpae  «ne  grande  maison  est  inhabitée 
à  oasse  des  revenans.  De  CreduL  dmnumib,  evh^  On  m'a  montié  en 
1797,  non  loin  de  Zorich  ,  une  maison  semblable. 

'S'  Cet  esprit  fat  penda  ;  c'était  an  fanx  dévot  «  Craticellas  qui  spiri- 
»  tnalitatem  pr«  se  ferebat,  semibeghardus»  »  Joh»  fiyder,  in  Fm^- 
eœrio  ;  il  le  tenait  de  la  bouche  de  l'inquisiteur  fiic  de  Laadaa,  dans  HoU 
timg.  H.  E.  IV*  Cet  inquisiteur  était  à  Berne  en  iS99. 

^^  Une  inecriptian  dan$  la  maiton  deê  baitu  noos  apprend  qu'il  était 
professeur  de  magie;  en  dAi4  ,  il  découvrit  les  bains;  en  1450 ,  «  sub- 
vertît.  »  Sclteuehter,  If  cit.  Alp,  204.  Des  causes  souterraines  peuvent 
changer  le  degré  de  chaleur  des  sources. 


282  NISTOIRB   DE   LÀ   SUISSE. 

à  l'origine  du  inonde  ^^\  pour  un  engagement  écrit 
avec  du  sang  ^^^  ou  enchaîné  par  les  liens  de  Salo- 
mon  ^*^,  montrait  des  trésors  à  un  misérable  ^^*  ?  Que 
dire  de  ce  que  dans  une  vallée  des  Alpes  méridioilliles  ^ 
semblable  à  un  paradis  ^^^^  des  sylphes  lascifs ^^  ras- 
sasiaient de  voluptés  l'étranger  fasciné  ^^'^  ?  Des  relations 
supposées  ou  crues  ^^  avec  le  roi  des  enfers  firent  périr 
des  milliers  d'infortunés  ^^'  dans  les  flammes  des  bû* 
chers ,  image  des  flammes  éternelles. 

Heureux  qui ,  avant  d'abandonner  la  terre ,  assurait 
son  passage  par  une  intime  dévotion  ou  par  des  dona- 


^*  Hemmerlîn  fonde  toojours  sur  l'expérience  la  htnte  idée  qu'il  a  des 
artifices  du  diable. 

^*  Id.  de  Emiione  uniui  pro  viginfi, 

^*  •  NIgromantici  in  ono  lifaronim  suorum  Tolnmine ,  quod  didtar 
»  officiorum ,  babent  canones  qnoa  dicunt  Vincula  Satomonis.  •  Trad. 
de  l'arabe  par  FirgiU,  Id,  dt  Exort, 

^^  Une  subite  richesse  faisait  nattre  de  semblables  soupçons,  n.  232. 
Des  trésors  qui  dataient  de  la  décadence  de  l'empire  romain  étaient  aussi 
communs  qu'ils  le  seront  à  l'aTenir  dans  les  pajs  travaillés  par  les  révo- 
lutions. 

^'  Entre  Sienne  et  Pérugîa.  Hemmerlin,  de  NobiL 

^'  «  Incubi ,  succubi.  •  La  croyance  aux  sylphes  était  fort  ancieune 
en  Suisse  ;  voy.  1. 1 ,  chap.  VI  •  n.  5i. 

^'  Si  la  déclaration  de  l'homme  de  Schwyi,  sur  laquelle  Hemmerlin 
se  fonde,  n'est  pas  inventée ,  le  fait  n'accuse  que  le  caprice  d'un  libertin  ; 
l'étranger  aura  été  traité  comme  dans  les  N<n/eHe  di  Laeea  {GrtuÙMi) 
celui  dont  s'amusa  Laurent  de  Médicis. 

S3>  De  nombreuses  déclarations  de  choses  impossibles  prouvent  qne 
les  gens  interrogés  étaient  fous. 

^*  Surtout  dans  le  diocèse  de  Sion,  voy.  n.  25S.  Le  diable  se  plaft 
particulièrement  dans  les  lieux  où  règne  la  pins  profonde  barbarie. 
«Le  scandaleux  procès  de  Robiquet,  en  1798,  en  offrit  l'exemple;  le 
Directoire  qui  cassa  les  tribunaux,  sur  la  dénonciation  du  Tribunal 
suprême ,  ne  put  trouver  des  remplaçans  :  les  coupables  étaient  la  fleur 
du  pays.  D.  L.  H. 


LIVRE    IV.    CHAP.    IV.  283 

lions  prudentes  ^^^^  eût-il  ramassé  son  foin  ot^  son 
blé  '^^  un  des  cinquante-deux  dimanches  ou  des  cin- 
quante-six jours  de  fête  ^^^,  ou  aidé  un  de  ses  voisins 
à  établir,  son  pressoir  ^^^  I  Avec  une  considération  pré- 
voyante ^^^f  Rome  avait  rendu  plus  accessibles  aux  pé-^ 
cheurs  relaps  ^^^  les  indulgences  du  jubilé.  Tandis  que 
la  barbarie  des  Suisses  avait  dévasté  des  couvens  ^^^, 
que  le  nombre  des  ecclésiastiques  était  diminué  ^^'^f  que 

***  Hemmerlin,  de  CreduL,  rapporte  quelques  historiettes  pour  recom- 
mander la  prudence  dans  l'appréciation  des  faits.  Un  Bolonais  étant  à 
l'article  de  la  mort,  son  confesseur  lui  demanda  «s'il  consentait  à  don- 
ner dii  livres  aux  Carmélites.  »  —  «Oui.  •  —  «Et  aux  Frères-Précheurs?  • 
—  «  Onî.  •  Et  ainsi  de  tous  les  autres  couvens  de  la  ville.  Le  fils ,  étonné 
de  cette  libéralité  subite ,  fit  une  question  à  son  tour  t  •  Doisje  jeter  ce 
frocard  en  bas  de  l'escalier?  »  —  «  Oui.  •  A  ce  root  on  reconnut  que  le 
Qionrant  n'était  pas  dans  son  bon  sens. — Un  malade,  qu'on  savait  n'ôtre 
pas  trop  dévot,  baisait  ardemment  le  crucifix.  Interrogé  sur  ce  fait  après 
son  rétablissement,  il  dit  :  «J'avais soif;  ]e  crus  qne  vous  me  donniez 
ane  bouteille  de  vin;  Je  cherchais  à  boire ,  mais ,  à  mon  grand  chagrin , 
je  ne  pouvais  trouver  le  goulot.  • 

***  On  disait  qne  c'était  permis  •  cnm  modulo  discretionis.  »  Dans 
ma  jeunesse  encore  les  pasteurs  protestans  avaient  des  scrupules  à  cpt 
égard.  Les  progrès  depuis  Hemmerlin  ne  sont  pas  aussi  gigantesques 
que  certains  livres  pourraient  le  faire  croire,  a  J'ai  défendu  devant  le 
consistoire  romand  un  accusé  de  cette  espèce.  D.  \u  H. 

^*  Hemmerlin  en  compte  un  pareil  nombre. 

s**  Hemmerlin  écrivit  contre  les  prédicateurs  qui  condamnaient  cet 
usage  son  opuscule  railpnnable  de  TorcnUari  in  die  festo  ducemdo, 

^^  Martin  Y  fixa  l'année  du  jubilé  à  la  95«  poar  remonter  Rome  ap- 
pauvrie par  la  longue  absence  de  la  cour.  Hemmerlin,  ReeapitaL  de 
jmbiUo. 

^*  Le  mime  rapporte  qu'après  1À50  on  remarqua  peu  d'améliorations. 
Comme  on  représentait  au  comte  Fréd.  de  Gylley  que  son  voyage  à  Rome 
ne  lui  servait  de  rien ,  puisqu'il  n'avait  pas  changé  de  vie,  il  répondit  : 
•  Mon  cordonnier  a  aussi  été  à  Rome ,  et  il  n'en  fait  pas  moinj  des 
bottes  comme  auparavant.  •  Hotting,  H.  E,  IV. 

'**  2k  couvens  furent  brûlés.  Hemmerlin,  dans  beaucoup  d*endroils. 

'^'  1!  s*cn  plaint  dans  le  livre  de  Novis  ofpciis,  le  cumul  des  bénéfices 
devinant  par  là  inévitable. 


284  HISTOIRE   DE   LÀ   SUISSE. 

la  dévotion  s  attiédissait  ^^^,  Zurich  fit  tous  ses  efforts 
pour  entretenir  par  les  pompes  du  culte  ^^^  les  impres- 
sions religieuses.  Bien  que  quelques  prédicateurs  émi- 
nens  ^^  exaltassent  la  mort  expiatoire  de  Jésus-Christ  ^^^ 
et  la  dignité  de  TÉcriture  sainte  ^^^,  néanmoins  les 
images  9  les  histoires  extraordinaires  ^^^,  les  ordonnan- 
ces de  l'Église^*,  l'obéissance^  le  chant  ^^  et  des  prié- 

'**  Voy.  comment  Hemmtrlin  s'en  plaint  EpUt,  de  eœlU  muta  per 
patronoê  eceL  Tigur. 

***  Dans  tonte  la  hante  Allemagne  il  ne  se  célébrait  pas  de  culte  plos 
imposant.  Î<L  de  Furto  reliquiar. 

^*  Hoiiinger  (  H.  E.  IV  et  ailleurs)  se  réfère  souvent  à  une  collection 
de  Sermofu  de»  théologien»  de  Vienne,  trouvée  dans  le  couvent  des  reli- 
gieuses d'Oetenbach ,  près  de  Zurich.  Avait^elle  été  apportée  par  le  sa- 
vant Thomas  Ebendorfer  de  Haselbach?  lui  appartenait-elle? 

>»<  De  même  que  l'antiquité  accoiUimée  aux  sacrifices,  ridée  de  la 
nécessité  d'une  satisfaction  prévalut  cbes  bien  des  chrétiens;  elle  fat 
féconde  en  chaînes  pesantes  et  en  abus.  Mais  «  l'homme  qui  considère 

•  sérieusement  les  souffrances  de  Christ ,  se  réconcilie  et  répare  le  temps 

•  perdu  ;  il  s'orne  de  beaucoup  de  vertus  et  acquiert  le  salut  ;  il  appicod 

•  à  conndtre  sa  dignité  et  s'unit  à  Dieu*  Les  soufiranœs  de  Christ, 

•  quand  on  les  reçoit  profondément  dans  son  cœur»  guérissent  toato 

•  les  misères,  • 

^^  Le  malin  esprit  trouve  moins  facilement  aϏs  dans  une  maisQO 
où  l'on  a  le  livre  de  l'Évangile.  Sermon»  viennoi», 

^*  Hoiiinger  a  tiré  de  ces  mêmes  sermons  un  exemple  digne  des  in- 
ventions rabbiniques.  Mais  Filis  Faber  {de  Mi»eria  viim;  Hotting, 
H.  E.  VIII}  avoue  qu'on  péchait  surtout  dans  la  [irédication  ;  on  y  pré- 
sentait t  aniculamm  visiones  et  terriculamenta.» 

^*  La  violation  du  jeûne  est  péché  mortel.  Serm,  vienn. 

^*  Dont  le  latin  s'adressait  aux  oreilles ,  non  aux  intelligences.  Hem- 
meriin,  de  NobiL,  raconte  qu'un  curé  qui  chantait  fort  mal  vojait  avee 
surprise  une  femme  fondre  en  larmes  toutes  les  fois  qu'il  entonnait  le 
chant  A  la  fin  il  lui  demanda  la  cause  de  cette  émotion  extraordinaire. 
tM.  le  pasteur,  •  répondit-elle,  «vous  me  rappelex  toujours parfai^- 
»  ment  un  joli  ànon  que  dernièrement  les  loups  m'ont  dévoré.  •=  Voua 
l'origine  savante  d'une  épigrammc  de  Mellin  de  St.  -Gelais.  C.  M. 


LIVRE    IV.    CHAP.    IV.  285 

res  cordiales  *^  paraissaient  être  rinstruction  la  plus 
appropriée  à  l'homme  du  peuple.  Dans  cet  esprit  on 
dressa  au  chœur  de  l'église  de  tous  les  Saints  à  Schaff- 
fhouse  le  «  grand  Dieu  »  Christ ,  en  bois ,  haut  de 
vingt-deux  pieds  ^^ .  cette  image  inspirait  aux  pèlerins 
venus  de  loin  la  vénération  qui  croit  ^^  et  quelquefois 
opère  des  miracles  ^^. 

Dans  les  allées  des  cloîtres  les  danses  des  morts  of- 
fraient un  au^e  genre  d'instruction  ^^;  là,  au  lieu  d'un 
génie  ami  avec  un  flambeau  renversé  *^*,  appelant 
l'homme  du  milieu  du  tumulte  et  des  soucis  dans  les 
demeures  de  la  paix,  un  squelette  grimaçant  et  armé 
de  Timpitoyable  faux,  arrachait  sans  pitié  tous  les  âges, 
tous  les  états  à  leurs  travaux  inachevés  ou  à  leurs  jouis- 
sances incomplètes*  Sous  les  voûtes  de  magnifiques 
portails  d'église  ^  on  voyait  la  fin  des  destinées  hu- 

• 

*»•  BùHinger  accorde  cet  éloge  aux  8erm.  vienn. 

>*'  Riggr  et  WaUkireh,  Chroniqaês  de  Schaffh.  à  l'ail  ikhl  ;  l'érection 
de  la  statae  eut  Ueu  cette  aonée-là ,  le  80  juillet  La  Brune  (  Voy.  i.  U  ) 
▼oit  dans  celle  image  celle  du  patron  de  la  ville  ;  celle  opinion  est  fondée 
josqa'à  un  certain  point ,  attendu  que  le  monastère  était  consacré  au 
SaintSau^tur  ^  à  totts  les  sainis;  elle  fut  érigée,  non  par  la  Tîlle,  mais 
par  l'abbé  Berthold  Wiechser.  Selon  la  plupart  des  descriptions,  l'i- 
mage était  SDspendue. 

*••  Haffner,  Ckron,  êolemroUe,  267  et  suiv. 

»•  On  ne  tient  pas  asses  compte,  dans  la  critique  des  miracles,  de  la 
puissance  physique,  résultat  de  certains  états  de  l'àrae. 

*••  Am.  Em.  de  Ealier,  BibL  IV,  591,  place  avec  beaucoup  de  vrai- 
lemblanoe  à  cette  époque  la  danse  des  morts  la  plus  célèbre ,  celle  de 
BUe. 

«*  Letsing,  Dissertation  sur  la  manière  dont  les  anciens  représen- 
taient la  mort. 

••*  A  rentrée  de  plusieurs  églises,  notamment  de  celle  de  St. -Nicolas, 
à  Fribonrg,  bfttie  en  4288,  le  clocher  en  1440.  Sinner,  Voyage  IL  Le 
portail  paraît  être  du  XV«  on  tout  au  plus  du  commencement  du  XVI« 
siècle. 


286  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

maines,  la  plus  grande  partie  des  mortels  lancés  par 
les  grilTes  irrésistibles  de  monstres  cru6b  dans  les 
flammes  inextinguibles  de  Tabime.  Il  fallait  une  forte 
dose  de  foi  ou  d'incrédulité  pour  jouir  du  court  instant 
de  la  vie  *. 

Ce  qu'est  le  màt  pour  les  naufragés.  Dieu  dans  llios- 
tie  ou  les  reliques  d'un  saint  Tétait  pour  les  croyans 
au  milieu  des  angoisses.  Anne  Yôgtti,  qui,  sous  le 
poids  d'un  soupçon ,  avait  quitté  Bischofzell  sa  patriey 
vint,  après  avoir  long-temps  erré,  dans  le  village  ar- 
govien  d'Ettiswyl.  Une  mauvaise  inspiration  lui  sug* 
géra  ridée  de  faire  un  essai  magique  avec  des  hosties. 
A  peine  eut*elle  ^  dans  ce  but ,  commis  un  sacrilège , 
que  les  terreur s^  de  son  crime  l'assaillirent;  le  Dieu 
l'accabla.  Tremblante ,  elle  jeta  l'hostie  dans  les  orties 
d'une  haie  vive  ;  il  en  sortit  une  rose  blanche  à  sept 
feuilles  portant  le  saint  sacrement  ;  les  bétes  des  champs 
s'inclinaient  ;  un  éclat  lumineux  découvrit  ce  miracle  à 
une  innocente  bergère.  Le  curé  rapporta  le  saint  sa- 
crement en  grande  pompe ,  au  milieu  du  bruit  des  clo- 
ches et  de  l'afiQuence  des  fidèles^  portant  croix ,  ban- 
nières et  flambeaux.  La  terre  fortunée  embrassa  son 
Seigneur.  Dans  une  belle  chapeUe  qu'on  érigea ,  une 
portion  de  l'hostie  assura  aux  chrétiens  qui  accouraient 
le  pardon  de  leurs  péchés,  qu'elle  confirmait  par  des 
signes  miraculeux  ^^^. 


*  Voy.  à  la  fin  Appendice  C.  C.  M. 

3**  Cet  évéoement  arriva  le  24  maii4A7.  Mous  suivons  la  relation  de 
Htmmann  de  BUsêek,  seigneur  de  B'ûren,  16  juillet  1447,  qui  raconte  lien 
des  choses  que  J.  J.  Hottinger,  dans  «on  tble  polémique ,  regarde 
comme  des  inventions  postérieures  {HalUr  UI,  16);  Hemmerlin,  de 
Exore,,  qui  met  Ettiswyl  eu  parallèle  avec  Wîlsnach  (dans  le  Prigniti), 
petite  ville  devenue  florissante  un  peu  plus  tôt ,  gr&ce  à  un  miracle  sem- 


LIVRE   IV.   jClUP.    IV.  287 

Depuis  que  y  sur  la  représentation  dltal  Réding , 
l'ancien 9  Tempereur  Sigismond  eut  confié  lavouerie 
d'Einsidlen  à  la  loyauté  des  Schwyzois  ^^\y  population 
de  tout  temps  haie  et  méprisée  par  les  religieux  ^  pour 
la  plupart  gentilshommes  ^^^,  la  noblesse  dédaigna  de 
se  vouer  dans  ce  lieu  au  service  de  la  sainte  Vierge  ^^. 
Comme  cm  répugnait  à  remplacer  par  de  simples  hom- 
mes libres  les  seigneurs  que  le  monastère  perdait, 
Tabbé  resta  seul  à  la  fin  avec  le  custode ^^''^  et ,  en  rai- 
son du  nombre  considérable  des  pèlerins  ^^^,  il  appela  à 
son  aide  les  moines  d'autres  couvens,  accoutumés  à 
une  vie  licencieuse  ^^^^  qui  remplissaient  avec  légèreté 
les  offices  de  jour  et  négligeaient  les  offices  nocturnes. 
U  arriva  que  trois  étrangers^''®  enlevèrent^'''  les  sain- 
tes reliques  de  la  reine  du  ciel  ^'^^  et  beaucoup  de  vases 
sacrés.  A  deux  lieues  et  demie  au-delà  de  Zurich,  la 
Vierge  céleste  frappa  ces  hommes  de  terreur  ;  sembla- 


blable;  EUerlin,  p.  130  ;  Tsehudi,  toujours  fort  réservé  quand  il  rapporte 
des  ftits  de  cette  nature  ;  Haffner,  qui  se  trompe  évidemment  en  fixant 
la  date  de  ce  fait  à  1487,  et  J.  J.  Hottinger  H.  E,  II ,  di6  et  suiv.,  inves- 
tigateur infatigable,  dont  le  seul  tort  est  de  se  livrer  trop  aux  contro- 
verses. Il  va  sans  dire  qu'Anne  Vôgtli  fut  brûlée. 

**^  En  1&51.  Hemmerlin,  de  NobiL,  déplore  extrêmement  ce  fait. 

««  T.I,  cb.  XV;  tll,  I.  H,cb.  I. 

»•  ChroHÙfête  d'Einêidlen,  t.  I,  188. 

^''  Les  trois  ou  quatre  qui  restaient  avaient  des  offices  ailleurs. 

>••  Les  pèlerinages  rapportaient  de  si  fortes  sommes,  qu'avec  une 
bonne  administration  on  eût  pu  couvrir  le  monastère  d'argent  et  d'or. 
Hemmtrlin,  de  Furto  relûfuiarum, 

***  Gomme  •  diasointae  laicc  persons.  •  Hemmerlin,  de  Fwrio  reliq. 

17*  Hemmerlin  pense  qu'ils  fuient  cboisis  de  Dieu  ;  aussi  ne  doute-t-ii 
pas  de  leur  salut 

>'^  Le  dimanche  Laetare,  à  onse  heures  de  la  nuit,  1448.  J.  J,  Ilot' 
tinger. 

*^^  De  9on  lût,  de  ses  cheveux,  de  sa  ceinture,  etc.  Hemmerlin,  n.  5. 


288  HISTOIRE    DE    LA   SUISSE. 

bles  aux  ennemis  dlsraël,  qui  avaient  entevé  l'arche 
du  Dieu  des  Dieux^  ils  abandonnèrent  au  milieu  de  la 
route  les  objets  ravis.  La  nouvelle  en  étant  parvenue 
à  Zurich^  toutes  les  autorités  spirituelles  et  temporelles 
et  la  population  entière  se  mirent  en  route  et  rappor- 
tèrent les  reliques  avec  vénération  jusqu'aux  murs  de 
la  ville;  lorsque  tout  fut  prét^  on  les  transporta  dans  la 
grande  église  en  pompe  solennelle.  Depuis  long^temps 
les  Zuricois  n'avaient  eu  à  se  féliciter  d'une  année 
aussi  fertile  que  celle  où  ils  reçurent  la  mère  du  Sei- 
gneur ^^.  Triste ,  confus,  craintif,  Einsidien  sentit 
son  abandon;  à  la  fin  François  de  Rechberg,  llncon- 
sokble  abbé,  rappelant  le  souvenir  de  la  fidélité  de 
son  cousin  ^''S  engagea  le  duc  Albert  à  faire  lé  voyage 
de  Zurich.  Le  souverain  de  l'Au triche  obtint  que  Ton 
rendit  les  précieuses  reliques  au  monastère  ^'^K 

Malgré  une  dévotion  si  générale,  ce  que  le^  croyans 
vénéraient  le  plus  était  menacé  de  ruine ,  moins  par 
les  sociétés  secrètes  que  par  les  idées  exagérées  qu'on 
avait  de  l'autorité ,  de  la  puissance  et  de  la  grandeur 
du  pape  et  du  clergé  ;  on  se  croyait  autorisé  à  exiger 
d'eux  la  perfection  morale,  tandis  que  le  clergé,  en 
possession  d'une  ancienne  considération  et  de  la  ri- 
chesse, et  se  confiant  dans  la  foi  du  peuple,  observait 
à  peine  les  règles  de  la  prudence  la  plus  commune. 


«'<  HemmÊtUn. 

'^*  Son  père  Albert  monrat  en  1427;  Ckmnd,  son  frère,  était  abbé 
de  Goire  eo  144i  ;  on  autre  frère,  Gaiidaii,  fat  U  HHichedela  maison 
encore  florissante.  Parmi  ses  neTeax  on  en  trowe  «n  da  nom  de  Jean , 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  chevalier,  général  en  chef  dans  la 
guerre  de  Zuricb.  Gelni*ci  éuit  d'ane  antre  branebe,  Mte  de  Tévégoe 
Albert  d'Eicbstelt. 

'^^  Hêfnmerlin  le  raconte  en  soupirant. 


-  LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  289 

Théoriquement ,  on  vénérait  la  sainteté  du  pape 
comme  source  permanente  ^''^  de  toutes  les  règles 
imposées  aux  hommes  ^'''',  le  droit  canonique  comn^e 
une  loi  qui  avait  le  pas  ^''^  sur  tous  les  formulaires 
de  la  théologie*''®,  même  sur  ceux  qu'on  avait  extraits 
des  quatre  grands  docteurs  *^^,  enfin  Saint  Jean  de 
Latran  comme  église  principale  de  toute  la  chré- 
tienté '®^  Plein  de  savoir  et  de  loyauté  ^  s'attachant  au 
principe  et  non  aux  conséquences ,  maître  Félix  Hem- 
merlin  combattit  ces  idées  par  Texpérience  qui  faisait 
voir  rimposâibilité  de  leur  application.  Il  attestait 
qu'à  Rome,  sans  égard  à  la  pauvreté*'^  ni  au  mé- 
rite **^,  le  pardon  des  péchés ,  ainsi  que  les  dignités 
ecclésiastiques  s'étaient  vendus  de  tout  temps,  ou 
avec  une  publicité  impudente  '^,  ou  sous  des  pré- 
textes aftificieusement  variés  *^^.  Quelle  qu'ait  été, 

>'<  Les  conciles  ne  s'assemblent  que  de  temps  en  temps. 

^'  Le  pouvoir  temporel  est  une  émanation  de  la  toote^niisaiioe 
papale. 

f  <  «  Prout  sol  praelocct  omnium  planetarum  oorascationes.  •  Hem- 
uurlin,  de  Exare, 

^^  Hemmerlirij  de  NobiL,  tout  au  commencement 

>**  Parce  que  d'autres  temps  exigeaient  d'antres  principes. 

s<*  Non  S.  Pierre,  ni  S^*  Maria  maggiore»  Id*  de  Pio9iê  oficiU. 

^^  •  Ad  dîabolum  panperes»  nisi  habeant  patientiam  et  fadant  de 
»  nscessitndine  vîrtutem.  »  HemmerUn,  de  Negoiio  wmmachorn  C'était  nn 
proverbe  favori  d'un  homme  d'affaires  de  Boniface  ULld^dê  NobiL 

^*  Htmmtrlin  se  raille  des  bulles  où  se  trouve  l'éloge  d'hommes  qne 
le  souverain  pontife  n'a  jamais  vus  et  qui  ont  fait  leur  fortune  dans  la 
cuisine  papale. 

^*  Sous  Martin  V  la  vente  des  bénéfices  se  faisait  aussi  publiquement 
que  celle  des  porcs  à  la  foire.  îd.  de  Jubiteo. 

^*  «  Si  pro  ecclesiarum  consecrafione  nihil  ambiunt ,  pro  utensiHbus 

•  et  nrceolis  reverenter  toUunt  ;  si  pro  beneficîo  nihil  exigunt ,  pro  coUa- 

•  tionîs  littera  pertînenler  conquîrunt;  si  pro  sigillonihU,  at  proceraet 

VI.  «9  . 


290  HISTOIRE    DE   LA    SUISSE. 

SOUS  ce  rapport^  disait-il ,  Taudace  de  Boniface  1X^^« 
l'inutile  cupidité  de  Martin  Y  en  faveur  de  sa  fa- 
mille ^^'',  le  rusé  successeur  ^^^  de  rhomicide  Eu- 
gène ^^®  surpasse  tous  ses  prédécesseurs  dans  Tart 
de  convertir  son  plomb  en  or^^.  (cEt  ce  serait  là  ^  » 
soupirait  Hemmerlin,  «  le  très-sainl  Fére  '^'!  Du 
»  sein  de  la  bassesse  et  de  la  pauvreté,  un  religieux 
»  s'élève  en  un  jour  au-dessus  des  rois,  brille  et  vit 
»  comme  Assuérus  ^^y  comme  un  successeur  de  Cé- 
»  sar-Auguste,  et  non  du  péclieur,  ou  du  fils  du 
»  charpentier  ^^^.  Les  cardinaux  (plut  à  Dieu  qu'il 


»  dioidala  consoeindinaliter.  Prssertim  cleros  per  clericos  angariatnr.  ■ 
idm  dû  Libêrt.  eetU$. 

^*  •  Yia  non  palllata  propler  freqiMilUtioQem.  •  Id.  Rêtapît.  è 
JubiUo. 

^^  Id.  in  EpUt,  CaroU M,,  oh  il  ptrle  aussi  de  l'iinitiUté  de  ces mojem. 
Deux  ans  après  la  mort  de  Martin,  ses  nevenx  avaient  perda  tout  œ 
tréscNT  et  lenr  héritage  paternel.  Les  historiens  italiens  conGnnent  ce 
ikwbtefait 

^*  Nicolas  V,  célèbre  comme  restaurateur  de  la  Uttéralure. 

^*  EemmefUn,  Reeap,  de  JubiL  li  accuse  ce  pape  de  l'assassinat  d*An- 
nibal  BentiToglio.  Toutefois  nous  devons  faire  observer  que  le  cond- 
nnateulr,  digne  de  foi ,  de  Fra  Bartolameo  delta  PugUota  (  Jfoittf. 
Scriptu  XVni),  accuse  de  ce  crime  l'esprit  de  parti  de  Baldassare  Cane- 
dolo ,  et  la  cnu(,tilé  de  Francesco  GhisiUeri ,  mais  non  le  pape. 
*  ^*  Hêmmertin  le  met  au-dessus  de  tous  les  alchimistes  :  «  In  curialibcn 
anupiain  execnMiior-exorbitatîo.  •  (  Beeapit.  )  Sous  aucun  autre  pape 
«SubâHor  rapadtatis  exactio.  >  {Id,  in  Con$otat.  suppreMêor.  )  Ce  p^' 
dépensait  beaucoup  pour  les  édifices,  les  livres,  les  savans;  il  avait  un 
aentiment  de  grandeur.  Par  celte  considération,  on  lui  a  pardonné  ce 
dont  Hemmeriin  se  plaint. 

^^  Hemmeriin,  de  LiberU  ecelet.  Il  estime  que  le  positif  suffisait,  aioa 
que  dans  Tépitbëte  Beali$êimu$. 

»>  Ihid, 

^*  îd.  de  Nob. 


LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  291 

»  n'y  en  eût  point  ^^M  ),  que  font-ils  autre  chose  que 
>i  de  cumuler  les  commeiules  pour  la  ruine  du  culte, 
»  de  la  discipline  monastique  et  même  des  édifices  ? 
Ji  Quels  éloges  ne  mérita  pas  Tempereur  Frédéric  II  ^ 
»  qui  s'efforça  de  ramener  le  clergé  à  la  simplicité 
»  primitive  ^^^  I  Les  conciles  n'en  feront  pas  autant  ; 
n  à  Baie  aussi  l'éclat  de  la  vaisselle  a  ébloui  audi- 
M  leurs  et  juges  ^^^  £u  Siii9$e^  que  peut-on  attendre 
»  d'un  évéque  vivant  an  pécfoé  mortel  et  servant 
»  d'impudent  mod^e  à  son  clergé  ^^'^  ?  qu'attendre  de 
»  prêtres  dont  la  tonsure  se  cache  sous  un  chapeau 
»  de  prince,  qui  leur  impose  des  devoirs  contrai- 
»  res  ^^®  ?  w  En  général ,  selon  l'esprit  du  mémoire 
adressé  au  feu  roi  Edouard  I*^^^^^  maître  Félix  auraH 
échangé  même  avec  perle  ^^^  les  droits  souverains 
des    personnes   et  des    corporations   ecclésiastiques 

V*  •  Sî  nallas  esset»  universali  ecclesias  plus  proficereL  •  Ibid^  Ce- 
pendant il  fait  la  remarque  que  la  plupart  pèchent  par  ignorance. 

^'  Petrus  de  Vinèit  dans  Hemmerlin ,  de  Libert.  eecl,  îl  ajoute  que  des 
prophéties  annoncent  qu'on  jour  tm  empereur  accomplirait  ce  dessein  ; 
il  ^te  auMÎ ,  d'après  les  actes  dn  concile  de  Bàle,  les  plaintes  extrêmement 
énergiques  des  Portugais  sur  les  «  squalores  cnriœ  Rom.  • 

**  I(L  dé  JmbiL  0  cite  pour  enemple  Njc&ard,  pins  tard  prévôt  de 
Zaricb,  qui  aimait  particulièremenl  «vasa  etudiosa ,  pretiosa.  *  De  ConsoL 

•**'  Henri  deflewen,  éféqnede  Goostance,  •«onenbhitrias.  •  M  de 
Bmù  et  mdi  9eem* 

^^  Id,  de  NoUL  Danssoa  aète.  Il  appelle  les  abbés  mitres,  des  mulets 
et  des  chapons  couronnés.  Q  attaque  en  pattlenlier  l'abbé  de  Saint-Grall. 

V*  Jh  JUemperûiûme  Tnrm  S.  Bemgwre^  H,  Si6i  L'anlenr  veut  épar- 
gner toute  distraction  mondaine  au  pape,  chargé  q«*il  est  des  plus 
grands  iatérél5  de  Thuoianité  qui  se  puissent  imaginer,  et  lui  demande 
de  donner  ses  biem  temporels  à  on  prince  contre  une  penûon  annuelle, 
par  un  contrat  emphytéotique,  etc. 

***  Hemwurlin,  de  Negotio  monae/ior. 


292  HISTOIRK   DE  LA.    SUISSE. 

contre  un  revenu  fixe  ^^K  Quand  il  voyait  les  magni- 
fiques palais  ^^  des  chevaliers  de  Tordre  Teutonique 
ou  de  celui  de  Saint-Jean,  leurs  cuisines  et  leurs 
caves  bien  pourvues  ^*,  leur  orgueil ,  leur  vanité  ^ 
leur  mollesse  ^^  et  leur  gourmandise  ^^,  tandis  qu'ils 
négligeaient  le  culte  et  oubliaient  leur  règle ,  il  n'hé- 
sitait pas  à  se  prononcer  contre  leur  inutile  exi- 
stence ^^.  Il  ne  pouvait  mettre  un  frein  à  sa  langue 
quand  il  voyait  le  vieux  abbé  envier  la  voluptueuse 
jeunesse  ^^9  les  novices  scandalisés  par  des  fraudes 
sordides^  les  caves  garnies  de  tonneaux  de  vin 
plus    spacieux   que   les    cellules   des    pères    vantés 

**'  Soirlout  des  dîmes,  originairement  destinées  à  cet  usage. 

**'  «Palttiacnrialitatis  amorenimiampraepoUentia.» 

***  «  Siaceriori  fireqoentantar  solUcitndine  qnam  ipsorom  ecclesi» , 
in  qnibns  indnlgentiaram  thesaori.  • 

***  t  Odtosa  inflatîone,  religione  saperba,  proventos  consnmiuit  • 

***  «  Maior  pan  cniorem  videre  non  merait,  niai  dam  minatioDe 
aangninis  (saignée)  frueretor.  » 

***  «  Per  lanceas  caponibos  contendant,  et  perdicîims,  anseribos, 
anetis  (canards,  Enten  en  «llem.j,  palombîs,  deliciosisslme  mstitîs, 
frixatis  et  politis.  •  tdde  NobiL 

**'  «  Quelle  chevalerie!  faire  des  pèlerinages  au  saint  sépulcre  !  Las 

m 

vieilles  femmes  en  font  autant!  »  14» 

***  Le  même  auteur  mentionne  dans  le  livre  de  NobiL ^'Wk  moine  qui , 
à  force  d'austérités ,  parvint  k  la  première  dignité  du  monastère;  aussitôt 
il  fit  appeler  vers  lui,  au  bain,  deux  belles  courtisanes;  mais  il  s'écria 
bientôt  en  soupirant  i  «  Maudites  tentations*,  elles  m'ont  importun^^ 
mal  à  propos  ;  elles  m'abandonneni  mal  à  prqpos.  » 

***  Dans  le  livre  de  Negot»  rn^iuuK,  Il  raconte  que  fàbbé  envoya  un 
gentilbomme,  nouvellement  reçu ,  vendre  un  àne;  le  gentilhomme  le 
ramena;  comme  il  en  avait  dit  loyalement  les  défauts  aux  acheteurs, 
personne  n'en  voulut  ;  l'abbé  tança  le  Jeune  firèrc;  c^ui-d  répondit: 
•  J'ai  quitté  de  beaux  châteaux  pour  l'amour  de  Dieu ,  et  je  souillerais 
mon  (kme  pour  Vlne  du  couvent!  • 


UVftE  IV.    CHAP.   IV.  293 

par  Saint  Jérôme  '^^,  des  prédicateurs  chancelans 
dont  la  langue  appesantie  recommandait  le  jeûne '^^ 
L'indignation  embrasait  cet  homme  juste  quand  il 
voyait  les  foudres  de  FÉglise  lancées  pour  obtenir 
le  paiement  d'impôts  onéreux^  toutes  les  chai^;es 
foncières  rejetées  des  terres  du  clergé  sur  celles  du 
paysan  '^^.  Il  maudissait  alors  la  libéralité  de  Con- 
stantin ^^^,  et  prophétisait  la  ruine  des  nations  ou , 
comme  en  Bohème^  un  soulèvement  contre  la  caste 
dévorante  *^*. 

Un  nuage  de  tristesse  voila  son  âme,  lorsque 
Tissue  du  concile  de  Bâle  fit  évanouir  tout  espoir 
de  réforme  ^'^.  Si  le  cardinal  Julien,  un  des  pre- 
miers défenseurs  du  concile,  passa  au  parti  de  la 
cour  ^^^,  dans  la  conviction  que  les  Pères  allaient 
trop  loin,  ou  par  quelque  autre  motif  de  crainte  ou 


*^*  Ibid.  avec  cette  féflexion  t  «  Quod  non  est  comparatio  de  illorum 
»  liilari  peiraria  ad  noslra  sodetatis,  com  aniietate  oontinoa'in  omniam 
•  negotiationam  Tarietate»  abondantia.  • 

"*  «  Per  rabentes  buccas  tomentiaque  ora»  •  dans  le  livre  de  iVo6i<, 
Hovs  sommes  le  sel  de  la  tene ,  disaient^ils ,  mais  il  faut  llmmecter  ;  nnl 
bon  esprit  n'babite  dans  le  sel  sac;  Rapbaftl  y  a  confiné  le  diable. 

'*'  Dans  le  livre  de  lAb.  eceU$^ 

***  n  nconte  plos  d'âne  fois  la  légende  suivante ,  aasea  bien  imaginée  : 
U>nqne  GonstanUn  fit  sa  donation ,  à  laqadle  on  croyait  alors,  vne  main 
sortit  dn  mnr  de  Saint-Jean-de-Latran ,  ponr  écrire  ces  moto  s  «  Ai^oar- 
dlwi  le  poison  a  élé  répandn  dans  l'église.  • 

*•*  H  dit  qu'on  était  accablé  d'impôts  en  Bobéme ,  et  qu'il  ne  sTy  trou- 
vait pas  no  ponce  de  terrain  qui  ne  fftt  grevé.  De  Nov*  ofU* 

***  On  avait  espéré  entre  autres  la  diminution  du  nombre  des  fêtes 
{Hemm&rlin,  de  Jrborê  iarcmUiri)  et  l'autorisation  du  mariage  des  prê- 
tres. {De  Libert,  eccL) 

•••  DiaL  dé  NobiUu,  où  il  est  appelé  Julien  l'Apostat  et  oh  l'on  bénit 
le  jugement  de  Dieu ,  manifesté  dans  son  désastre  près  de  Varna* 


294  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

de  complaisance  y  la  dissolution  de  cette  assemblée 
fut  surtout  due  à  Thabileté  d*un  des  hommes  d*ëtat 
les  plus  fins ,  à  £neas  Sy Ivîus  Ficcolomini ,  qui  devait 
sa  fortune  à  son  zèle  pour  le  concile.  Le  change- 
ment de  disposition  qu'on  remarqua  chez  Jean  de 
Lysura ,  premier  conseiller  de  l'électeur  de  Mayence , 
pour  les  affaires  ecclésiastiques  ^  ainsi  que  chez  la 
cour  impériale  y  fut  vraisemblablement  dû  à  ce  pré- 
lat et  à  la  libéralité  de  Nicolas  V**^.  Une  lettre  de 
jussion  de  TEmpereur  informa  le  bourgmestre  et  le 
conseil  de  Baie,  de  la  soumission  promise  à  la  cour 
de  Rome  et  du  retrait  du  sauf-conduit  impérial  ac- 
cordé au  concile  pendant  seize  ans  '**.  Dans  le  sen- 
timent de  ITionneur  et  de  l'intérêt  de  leur  viHe,  les 
B&lois  maintinrent  durant  presque  une  année  ^  contre 
trois  mandats  menaçans  '^^^  la  parole  donnée.  A  la 
fin  on  essaya  de  les  soumettre  aux  ordres  de  TËm- 
pire  par  une  rigoureuse  défense  d'importer  du  blé'^^ 
et  par  une  sentence  de  la  cour  impériale  de  Gratz 

***  Je  m*éearlends  de  mon  sujet ,  si  Je  roaltis  exposer  ce  que  Ëm*t 
Kœk  e(  d'antres  savans  ont  décotrrert  sur  cette  époqne.  Mais  Je  ne  pois 
passer  son»  silence  une  variante  de  la  Chronique  de  Tuhadî.  On  lit  dans 
l'édition  d'Iseiia»  t.  II,  49  A»  que  le  pape  avait  gagné  ta  fcveor  de  la  <fis- 
solatioQ  dtt  concile,  «  le  bmi  (giUigen)  roi  des  Eomakis,  Frédéric. 
h  J*  Hottingera  in  dans  son  nunascrit  de  Tschudi,  Vanare  (gaîIxigeB). 
(lfâ#««M:/.«  un.  A&9).  TjciWi  a  écr Ji  «gjtjgen»i!  Pour  savoir  le  vni, 
il  faut  considérer  ce  qoi  est  rappofté  t.  V«  ebap.  IX;  on  compreodra 
pour  lors  parfaitement  notre  note  290  ci-dessus. 

*"  Mandat,  Ascbaflenbourg,  Jendi  après  Maiguer.  1447,  dans  Woisti- 
sen,  1.  Vj  eh.  46.  Voyez  dans  le  Codex  jurU  gent,  de  Leibnitz,  I,  377, 
éUfiâota  in  dieta  AschaffenburgensL 

t*t  Le  second  vers  Noél  1447,  le  troisième  au  commencement  da  ca- 
rême i  448.  TVuratUen, 

•••  Frédéric  prescrivît  cette  mesure  à  son  frère  Albert ,  vers  la  fin 
de  14d7. 


LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  295 

en  Siyrie  ^^' .  Lorsqu'il  se  fut  écoulé  assez  de  temps 
pour  coniraincre  Bâte  que^  depuis  la  retraite  de  TEm- 
perear^  aucune  puissance  u'étah  plus  disposée  à 
soutenir  le  concile^  cette  ville  ^  qui  ne  cessa  point  de 
montrer  à  la  sainte  assemblée  les  égards  les  plus 
respectueux  en  lui  faisant  part  de  tous  les  nouveaux 
încidensy  annonça  par  une  députation  solennelle''^ 
aux  pères  inébranlables,  mais  préparés,  sa  douleur 
de  devoir  remplacer,  après  un  si  long  séjour  dans 
ses  murSt  la  continuation  de  sa  protection  ^'^  par 
des  passeports  ^^*.  Le  gouvernement  ne  conserva 
qu'avec  peine  tant  de  dignité  au  milieu  des  orages 
des  partis.  Jean  Gemminger,  licencié  en  droit,  ofB-- 
cial^le  Frédéric  Ze  Rhyne^  évêque  de  Bâle  mais  prélat 
assez  équivoque  '^^,  s'était  hâté ,  avec  ou  sans  pouvoirs 
exprès  ^'^^  de  faire  envers  le  pape  Nicolas  acte  d'obé- 
dience, au  nom  de  la  ville  et  de  l'évèchéde  Bâle  '^'^, 


*^  Sentence,  18  mai  1448.  ïVurttUen. 

*^'  Le  bouiigmestre  Jean  Ilot,  le  chef  des  tribuns  André  OsperneUe, 
Jean  Sorlin ,  le  docteur  Henri  de  Benbeim. 

>^  U  avait  été  çommiAbien  des  infractions  dans  le  voiaiiiaga  ;  l'anteaf 
n'en  était  pas  inconnu.  «  Voyez ,  •  disait ,  après  être  échappé  à  ané 
poursuite,  le  cardinal  d'Arles»  président  dn  concile»   «  on  a  vendu 

•  Notre  Seigneur  pour  SO  pièces  d'argent  ;  il  parait  que  je  vaux  davan- 
>  tage  :  Gabriel  (nom  de  baptême  du  pape  Eugène)  a  dépensé  SO.OOt 

•  florins  pour  m'avoir.  •  liemmtrlin,  de  Nobil. 

'**  Le  28  juin  1448. 

*^  BemmerUn,  de  Boni  et  maii  œeaeiene, 

* 

*^  Ils  ne  furent  probablement  donnés  que  verbalement;  l'instructioa 
écrite ,  comme  il  arrive  encore  aujourd'hui ,  était  probablement  équi- 
voque. 

'*'  11  débuta  par  ces  mots  :  «  Veulent  ad  te  qui  delrahebanl  te  et  adora- 
bunt  le.  •  Henri  le  Minorité,  Flor.  temp,  in  Scriptt.  minor,  rer,  Ba^ 
iH.f  t.  L 


1 


296  H1ST0IR£  DB   LA   6U1SSB. 

et^  richement  récompensé  ^^,  il  était  venu  inopi- 
nément arec  des  bulles  '^^  dans  le  Toisinage.  Les 
partisans  du  pape  voulaient  dissoudre  le  concile  par 
des  outrages  et  des  actes  de  violence  ^^.  Une  heure 
de  différence  entre  les  horloges  préserva  Baie  de  cette 
ignominie  ^^^  Dés-}ors  Thorloge  de  la  ville  avança 
toujours  d'une  heure  ^  en  souvenir  de  cette  nuit  ^^^. 
Les  pères ,  escortés  par  cinq  cents  Balois  armés  ^ 
partirent  à  chevaH^^.  AuHauenstein,  ils  trouvèrent 
des  Soleurois  et  des  Bernois,  qui  les  accompagnèrent 
jusqu'à  Lausanne. 

Ce  concile,  qui  avait  entrepris  avec  un  zèle  ho- 

*^  n  tirait  mille  ducats  de  •  ofDdo  scrîptaris  bullanim ,  •  dont  jt 
vente  loi  fat  octroyée.  Henri,  1.  c. 

***  Bmlle  de  NieoUu  F,  Rome,  8  kal.  jnl.  I A48,  par  laquelle  l'interdit 
mis  sor  Bâle  fnt  levé.  ïïaUer,ColUc(Um  de  documenê,  VL  Elle  est  datée  da 
Joor,  non  de  Texpédition ,  mais  de  la  présenution  qai  eut  lieu  à  B&le. 

*'*  Ils  voulaient  lui  faire  une  réception  solennelle,  fermer  tous  les 
lieux  où  le  concile  se  réunissait,  et  s'opposer  à  un  acte  de  prorogation. 
HênrL 

**'  «  Quasi  difinitus  (  les  Allemands  prononcent  le  v  comme  f)  avisa- 
U,  •  les  pères  tinrent  le  î5  juin,  de  grand  matin,  tandis  qne  leurs  ad- 
versaires dormaient  encore ,  leur  45*  séance ,  dans  laquelle  ils  décrétërent 
la  translation.  /</. 

*"  Conjecture  présentée  dans  une  note  sur  le  récit  de  Henri ,  par  Da- 
niêl  Brukner^  écrivain  profondément  instroit  de  toutes  les  affaires  de 
B&le.  Une  tradition  constante  a  fait  remonter  cette  singularité  à  l'époque 
du  concile,  ou  à  une  conjuration  contre  le  gouvernement  ou  l'bonnear 
de  la  ville.  On  cherche  une  cause  astronomique  dans  la  position  du 
maître-autel  de  l'élise  cathédrale ,  qui  n'est  pas  exactement  tourné  vers 
l'Orient  ;  mais  la  première  explication  est  plus  conforme  à  l'écrit  des 
autorités  municipales  d'alors.  L'importance  qu'on  attachait  à  la  chose  se 
montre  dans  la  poursuite  à  laquelle  fut  en  butte,  après  cela,  Gcmmîn- 
gcr,  et  dont  l'époque  est  plus  exactement  déterminée  par  fVur$ti$en  que 
par  le  Minorité,  quelquefois  inexact  en  matière  de  chronologie. 


L 


UVRE   IV.   CHAP.    IV.  297 

norable  et  poursuivi  avec  autant  de  science  que 
de.  fermeté  la  réforme  différée  à  Constance^  la  con- 
ciliation de  la  dissidence  des  Hussites,  Tunion  des 
chréti^is  d'Orient  et  d*Occident  et  d'autres  plans 
encore^  eut  à  Lausanne  une  pauvre  issue,  due  aux 
artifices  du  pape  Nicolas  ^^.  Aucun  siècle  n'a  revu, 
depuis,  une  assemblée  si  générale,  si  npmbreuse, 
si  indépendante  de  cbefs  élus  par  le  peuple  chrétien, 
délibérant  sur  les  intérêts  publics  de  la  religion  ^^^. 
La  constitution  de  la  société  chrétienne  répandue 
dans  toutes  les  contrées  du  globe,  et  si  éminemment 
favorable  au  développement  de  l'esprit  ^^^,  fut  éner- 
vée par  Topiniàtreté  des  papes  et  par  la  rupture 
d'un  lien  commun.  Un  instrument  de  culture  mo« 
raie,  plus  puissant,  plus  parfait  que  ceux  de  Moise, 
de  la  prétresse  de  Delphes,  de  Pythagore  et  des 
Bramin^,  se  brisa  parce  qu'on  n'avait  ni  le  courage 
ni  l'intelligence  nécessaires  pour  le  corriger  ®^'^. 

Les  directeurs  suprêmes  des  affaires  ecclésiasti- 
ques de  la  Suisse  restèrent  les  mêmes;  ce  furent 
l'évéque  de  Constance,  Henri  de  Hewen,  à  qui  l'on 


»*  Le  25  avril  1449.  Hattinger,  H.  E.  U,  4î4. 

'**  Personne  ne  nonsoppofera  le  concile  de  Latran,  en  1511,  qui  fut 
promptement  anivi  de  la  réformation. 

u«  Compares  le  monde  chrétien  avec  le  monde  mahomélan* 

*"  Noos  avons  dit,  t  IV,  S61,  S7S  et  suiv.,  comment  la  hiérarchie, 
pour  snhusler  et  pour  demeurer  bienfaisante,  aurait  dû  suivre  les  pro- 
grès de  l'esprit  humain.  La  littérature  pour  flambeau,  die  se  serait 
proposé  pour  but,  non  d'arrêter,  mais  de  diriger  avec  sagesse  les  déve- 
loppemenade  la  raison.  Elle  tombe  sous  des  coups  étrangers  et  par  sa 
propre  faute.  Qui  gagne  à  cela  ?  U  n'j  a  de  gain  réel  que  là  où  les  biens 
de  l'église,  supprimés,  s'emploient  conformément  à  leur  but  primitif, 
selon  l'exigence  des  lumières.»  Dissipés  en  France  et  ailleurs  pour  lever 
des  armées  et  massacrer  des  hommes.  IL  L.  II. 


298  HISTOIRE   DE   LÀ   SUISSE. 

pardonnait  sa  Tie  privée ,  en  faveur  de  ses  efforts 
pour  le  maintien  de  la  paix,  objet  favori  de  sa  vie 
publique;  Frédéric  Ze  Rhyne,  évêque  de  Bàle, 
accusé  de  dupliéité,  sans  doute  parce  qu'ennemi  des 
exagérations  de  tous  les  partis  il  voulait  les  ramener 
tous  à  des  sentimens  pacifiques,  disposé  comme  le 
premier,  malgré  les  sollicitudes  de  son  administra- 
tion '**,  à  sacrifier  les  convenances  de  l'évéché  aux 
}ustes  prétentions  appuyées  sur  des  documens  *'•; 
Tévêque  de  Lausanne,  Georges  de  Saluées,  qui  ré- 
tablît ^^  les  affaires  délabrées  de  son  siège  ***,  Fho- 
nora  par  son  habileté,  l'affermit  par  des  institutions ^^^ 
et  avec  le  souvenir  d'une  justice  pleine  de  clémence  **' 
laissa  d'honorables  monumens^^^.  Le  pape  savoisien, 
qui  s'était  arrogé  le  siège  épiscopal  de  Genève  *** 
et  avait  gouverné  sans  peine  les  Genevois,  dociles 
parce  qu'il  respectait  leur  liberté  •*•,  rassasié  même 


SIS  L«tt  vante  son  esprit  cTordre,  et  nomme  les  châteaux  restaurés  par 
luî. 

)M  Diaprés  on  compromh ,  TErgnel  rdevah ,  pour  le  temporel ,  de 
révéché  de  B&le,  maïs  pour  le  spirituel ,  de  celui  de  Lausanne-  Cknm, 
cpUcop.  Lau$,,  vers  i440. 

**^  On  lui  doit  la  coUeetion  des  décrets  synodaux,  i447. 

*«i  Délabrées  par  suite  d'une  lutte  de  plusieurs  années  entre  les  par- 
tisans de  Jean  de  Prangins  et  de  Loob  de  la  Paiu ,  i451*i4t9. 

'^^  Gully,  dont  il  fit  une  ville ,  obtint  le  droit  de  foire ,  1440* 

***  Dèmiére  woUmti  :  croire  et  indemniser  quiconque  jurera  avoir 
MNiiert  par  lui  quelque  dommage;  user  d'indulgence  en  rédamant  les 
arrérages  dus  par  de  pauvres  gens.  Leiu 

***  Une  table  d'argent,  beaucoup  d'habits  pontificaux  en  soie ,  brodés 
en  or,  le  couvent  de  StoMaîre ,  quatre  sacristains.  Chran,  epi§e.  Léuu:  11 
occupa  le  siège  épiscopal  de  14^9  à  i46i. 

li»  Du  vivant  du  faible  François  de  Miei ,  toujours  prêt  à  céder;  mais 
surtout  après  sa  mort ,  arrivée  en  1444* 

***  Confirmation  des  franchit^  et  des]  droit»,  4444;  Bulle  déclarant 


LIVRE   It.   CrtAP.    IV.  299 

des  grandeurs  spirituelles^  traDSmit  la  erosse  à  son 
neveu  y  enfant  de  huit  ans^''^  et  s'abandonna  dans 
son  Ripaille  &  «m  repos  plein  de  jouissances  '*^.  A 
Coire^  les  querelles  des  partis  empêchèrent  les 
habitans  de  s'entendre  pour  le  dioix  d'un  évèque; 
pendant  bien  des  années  celm  de  Constance  admi- 
nistra ce  diocèse*^*. 

Gràce  à  la  hiérarchie  y  le  dernier  homme  du  peu- 
ple pouvait  s'élever  par  le  savoir,  la  moralité  et 
la  sagesse ,  au^éssus  de  là  noblesse  et  des  roiè  ^^  : 
mais^  en  oppodtion  à  Tesprit  des  lois  '^^  et  à  la 
volonté  des  papes  ^^^,  beaucoup  de  chapitres  faisaient 
de  la  noblesse  et  même  d'une  très-haute  naissance  ^^ 
une  condition  si  rigoureuse  d*admission,  qu'ils  pré* 
feraient  donner  les  prébendes  à  des  enfans,  ou  ne 
pas  les  donner  du  tout,  pjutôt  que  de  déroger  à 
riioaneur  du  sacerdoce  ^^^.  Comme  si  les  fondateurs 
n'avaient  eu  pour  but  que  de  sanctifier  des  fonds 
de  femille,  on   oublia   de  concilier  tout  au   moins 


que  (fest  an  acte  de  pwre  compl  aisance  et  uAe  prenve  volontaire  <f«ffec* 
lion.  Lévrier,  Comte»  de  GtnevoU  II,  80,  S3  ;  la  dernière  cftarle  dan« 


M7  4450,  d'âpre»  fiM«M,  éva^Baiier,  BihL  III,  MM. 

'^  Il  nx>iinit&  Genève  en  làM.  Guiehenen, 

>«*  I>ei44iàl45S. 

M«  HenmerUn,  déNML  C'est  là  «  cterictiîs  militia.  » 

Mi  GregerillX,  DeeritoL  III,  V,  17.  •  Attendantes qnod  nongeneris, 

•  sed  TÎrtatum  nobilitas  idonenm  Deo  facit  servitorem ,  eo  qaod  non 

•  est  personanim  accepiio  apnd  Ipsum.  • 

'*'  «  Nobilem  pr«  Ignobili  nohierunt  prKsignari.  »  Henmeriin,  de 
IMiL  c«  33.  La  décr6tale  citée  le  prouve. 

*^*  A  Strasbourg  et  à  Cologne  it  ne  suffisait  pas  d'être  •spectabîlh»  et 
«clariasimus;*  on  ne  voulait  que  des  «illustres  et  liberi.  •  Hemmerlin, 
fbid. 

*^*  Jbid,  et  dans  la  décrélalc. 


300  flISTOIRB  0B   LA  SUISSE, 

avec  ce  but  un  but  plus  élevé ^^.  En  général^  Fin- 
soudance  laissait  dégénérer  des  institutions  qui 
vieillissaient.  Partout  où  Ton  songeait  à  Taméliora- 
tion  des  mœurs  publiques  >  une  lutte  difficile  s'en- 
gageait entre  le  gouvernement  et  des  moines  sans 
mœurs  ^^,  ou  des  seigneurs  ecclésiastiques  '^''.  Les 
prétentions  de  la  cour  de  Rome  jetaient  le  trouble 
dans  l'organisation  monastique  ^^  ;  les  statuts  étaient 
sans  intelligence  et  sans  vie  ^^^,  et  l'administration 
si  mauvaise  ^^^,  que  le  moindre  accident  causait  une 
perte  irréparable '^^  Tristes  et  sans  consolation,  les 
vieilles  religieuses  d'Engelberg  quittèrent  pour  un 
monde  inconnu  les  ruines  fumantes  de  leur  mo- 
nastère ^^;  long^^temps  délaissées,  les  sœurs  chari- 

'**  Hemmerlin  Juge  (comme  nous  t.  lY,  1.  UI,  du  U)  qu'il  fallut  «  ad 
temporalium  defensionem  •  des  gentilshommes ,  forts  de  leur  crédit ,  de 
leur  influence  et  de  leur  éducation ,  et  •  ad  observitionem  ritnalram  • 
des  saTâns, 

***  JehilU  de  Qraiii  écrit  des  Dominicains  de  Berne  i  «  Hi  fratret  toti 
quanti  sunt  poltrones»  ecclesie  devoratores.  •  La  Ckrtmiqmt  de  la  vilU 
les  appelle  des  fripons  fieffés  d'Église.  Grummr  Délie  Bern,  S&6.  Le 
couvent  dlnterlachen  était  ùkie  école  de  tontes  les  impuretés.  Hatting, 
H.  B.  Il .  43S. 

'*'  Ghes  les  cheraliers  de  St-Jéan ,  an  nombre  de  trois,  il  se  oobh 
somma  dans  une  année  4»S00  pots  de  vin*  Devant  le  conseil  ils  donnèrent 
à  leur  mattre  les  épithètes  d'athée ,  de  Joueur,  de  diss^teur  ;  à  leur  tour 
il  les  appelle  paillards  et  &nes.  Hottinger,  d'apr^s  les  documens;  ibid» 

•»•  En  mm  ceux  de  Klingenberg  défendirent  le  couvent  de  St% 
George  près  de  Stein  contre  les  attaques  d'Eugène.  J.  J»  Hottinger 
Il ,  4iS. 

»s9  Comme  ceux  que  le  prévôt  Eberfaard  de  HeUenboo^g  domia  en 
LàH  an  couvent  d'Embrach.  J.  J.  Hottinger.  Spec.  Tig,  B66. 

>M  Qg  n'avaient  ni  placé  de  l'argent  ni  acheté  des  terres  dans  des  pajs 
étrangers.  Hemnwrlin,  de  HegpU  monack, 

*'*  Id,  de  PeemUis  pro  prmbenda. 

**?  «  Aliqna ,  anxietatibus  collapse,  tnrpitodinis  actus  commiieniot.t 
Id.  de  NobiL  En  Uk9. 


LIVRE   IV.    GHAP.    IV.  301 

tables  de  Saint -Lazare  gémirent  à  Séedorf  et  dans 
le  Gefenn,  pour  obtenir  une  supérieure  ^^,  et  les 
sœurs  du  couvent  désolé  de  l'Oetenbach  ^^ ,  pour 
obtenir  la  construction  d'un  asile  plus  paisible  ^^  : 
la  réclusion  volontaire  dans  une  des  vingt-quatre 
religions  ^^  était  généralement  motivée  par  l'opinion 
qu'elle  effaçait  les  péchés  de  la  vie  précédente  ^^. 
La  prédication  théâtrale  des  moines  mendians^^  ei 
les  spectacles  de  dévotion  ^^  incitaient  à  de  subites 
résolutions  plutôt  qu'à  une  vie  morale  bien  réglée  ^'^^. 
Du  reste,  les  couvens  riches  surtout ,  fidèles  à  leur 

M*  Jjé  général  de  C Ordre,  frère  Pierre  de  Rueuuo  à  eee  Bupérieures  et 
eeuarê,  dans  Hoitinger  SpeemL  ft5S.  Le  préeepietr  ei  eommandêi/r  frère 
Jean  ISchwarber)  d^EgUeau  ;  en  souvenir  des  fondateurs  le  comte  Ro- 
dolphe de  Rapperschwyl ,  le  frère  Berthold  Fanljli,  etc.»  dans  ïjin- 
muure  itUster,  Ces  deux  documens  sont  de  i^dS. 

***  Ce  n'était  pas  une  maison  fondée  tout  à  la  fois,  mais  une  agré- 
gation formée  librement  et  peu  à  peu. 

***  Prére  BarthiUmi  Te^em,  iupérieur  de  l'ordre  de$  frères  prêcheurs 
pour  Anne  Strous,  Lyon ,  ihM.  Hotting.  Spec, 

***  HemmerUn  {de  Relig,  proprietariis)  réduit  les  ordres  monastiques 
d'alors  à  ce  nombre  et  à  trois  règles,  celles  de  Basile,  de  Benoit  et 
d'Augustin. 

M'  Jd.  de  JMleo. 

***  «Gesttts,  confabulationes,  fictas  religiositates,  incunrationes,  altos 
manuum  applausus  •  sursum  et  infra  tendentium.  •  Id,  de  BeUg, 
prûprêei» 

*^  Missions  de  nos  jours.  Compares  celle  qui  fut  faite  en  1779  I  Ln- 
gano  (  B.  R.  Sckine,  Mém.)  avec  les  solennelles  processions  du  XV* 
siècle.  {George  Stella,  JnnaL  Genuene.,  p.  1170  de  l'édition  de  Moralori) 

*'*  Hemmerlinp  L  c  Mais  dans  les  couvens  aussi  Ton  vit  fleurir  une 
religion  libre ,  la  religion  du  coeur  ;  la  liberté  et  le  sentiment  s'unissent 
intimement  ches  les  hommes  les  meilleurs  ;  on  en  a  la  preuve  dans  les 
prières  poétiques  pleines  de  ferveur  du  jeune  Rodolphe  et  dans  les  règles 
pleines  de  sens  d'un  M9neh  (moine)  du  couvent  de* Tous-les^aints  à 
Schaffhouse ,  dans  les  Restée  des  anciens  tempe,  de'mon  frère ,  U  II  »  SOS  et 
suiv.  Combien  ce  moine  était  supérieur  à  beaucoup  d'autres. 


302  HISTOIRB   DE   LA    SUISSE. 

iastitutiim ,  eurent  le  mérite  de  vivifier  des  conlfëes 
sauvages  en  occupant  un  grand  nombre  d^hoKimès^^'. 
Un  pays  fleurit  à  proportion  du  nombre  des  centres 
d'activité  y  qui  propagent  de  tous  côtés  le  mouve- 
ment^''^. 

Un  changement  daiia  les  moeurs  devenait  de  jour  en 
jour  plus  sensible  :  à  la  grandeur  exclusive  des  châ- 
teaux et  des  couvons  succédaient  la  dignité  de  la  vie 
et  ses  jouissances,  plus  répandues  dans  la  société; 
l'exemple  de  la  liberté  suisse  y  contribua  beaucoup ^^^• 
Les  mortels ,  appliquant  la  mesure  de  leur  existence 
au  travail  incessant  de  la  nature ,  s'épuisaient  alors 
aussi  en  plaintes  et  en  luttes  au  sujet  de  l'œuvre  du 
temps.  La  résistance  hâta  Faccomplissement  des  des- 
tinées. 

La  liberté  ^  selon  les  idées  de  cette  époque  reculée , 
était  une  dignité  naturelle  de  l'homme  indépendante  de 
l'arbitraire  ^''^y  et  la  noblesse  formait  la  classe  des  pro- 
priétaires libres  ;  auxquels  essentiellement  appartenait 
la  défense  du  pays.  Une  vocation  héréditaire^  une  vo- 
caticm  de  toute  sa  vie  à  se  sacrifier  pour  la  conservation 

*'*  BemmerUn,  dej^eg,  atonach,  fomnit  une  liste  de  plus  de  70  olices 
indispensables  dans  un  couvent. 

S7>  Avantages  des  nations  formées  debeanconp  de  petits  États  qn'onit 
■n  lien  cominan.  «La  Grèce,  randenne  Étmrie,  rAsie-Mineurt ,  fMt^ 
é^visle  xm«  jaaqa'aa  XVIII«  siècle,  la  HoUande,  la  Suisse,  rAil^ 
magne  ea  ont  offert  la  preove ,  ce  qui  n*emp6che  pas  d*eiaUer  le  sjfsltsne 
centralisant,  dont  les  résultats  se  voient  en  Turquie ,  «n  Orient,  en 
Roasifi ,  en  Italie ,  en  Allemagne ,  partout  où  la  barbarie  du  XIX«  siècle 
Ta  éteignant  ces  foyers.  D.  U  H. 

a?*  Gomme  de  nos  jours  des  voyages  en  Suisse  et  des  éloges  sonvrnl 
eiagévés  ont  concouru  à  faire  faire  en  faveur  de  la  liberté  des  tentatives 
mal  calonlées. 

>?*  Hemmerlin,dMNobiL 


^' 


LIVRE    IV.    CH4P.    IV  303 

de  l'ensemble  distinguait  ^'^^  le  noble  chevalier;  Thabi- 
leté  dans  les  armes  ^"^^^  la  pureté,  l'élévation  de  1  ame 
étaient  ses  vertus  ^'^.  Aucune  différence  essentielle  ne 
séparait  le  libre  cultivateur  et  le  gentilhomme;  beau- 
coup de  dignités  ecclésiastiques  ^'^^  et  temporelles  ^^ 
ftirent  pendant  long*temps  accessibles  au  premier^  >et  il 
conserva,  même  parmi  les  libres  habitans  du  Jura  ^^^, 
l'orgueil  de  ne  pas  déshonorer  sa  race  par  des  mésal- 
liances ^^K  Le  sang  ^^2,  la  conception  de  l'homme  dont 
les  pères  ne  s'étaient  jamais  servilement  humiliés  ^^^, 
semblait  garantir  la  noblesse  des  sentimens.  On  regar- 


•75  •  Nam  pulthram  esl  qnod  custodil  ordinem.  •  Id,  Dans  Teiécution 
eflBeDtiellement  d'après  Gerson. 

*'*  Le  même  quand  il  décrit  les  tournois,  «cribra  nervoram  ezcelien- 
ter  necessaria.  • 

*^'  Résultat  de  la  description  qu^il  fait  du  cérémonial  de  la  réception 
en  grande  partie  al)oli.  ==  Les  Bajards  forent  tonjonrs  peu  nombreux  ; 
et  comMen  de  nobles  voleurs  ou  brigands  chaque  nède  de  la  chevalerie 
ne  eompta*t-il  pas?  Les  vieux  chftteaux  n'attestent  pas  que  les  nations 
fassent  alors  très-heureuses.  D.  L.  H. 

*'*  On  reçut  dans  le  couvent  des  religieuses  de  Zurich  des  comtesses 
et  des  demoiselles  nobles  (  «  baronissc  et  liber» ,  nobtles  et  illustres ,  »  ) , 
mais  aussi  la  fille  née  libre  tf  un  campagnard  (  «  rustici  »  )  libre.  IdL 

"*  Les  campagnards  («  msttd  »)  libres  pouvaient  devenir  vicomtes  et 
présidens  de  trR>nnaux.  îd, 

>**  Hemmerlm  dte  ceux  de  F^jenberg  dans  l'évéché  de  B&le. 

***  On  disait  que  les  mères  «non  su»  libertatîs,  suas  et  liberornm 
conditiones  in  infiniium  facere  viHores.  » 

**'  Fortes  creantur  fbrtibus  ;  et  bonis 

Est  in  ju vends,  est  in  equis  patrum 
Viitns.  Hor, 

n  Les  annales  de  l'histoire  attestent  le  contraire  ;  il  y  a  eu  sealement  des 
ocepliona  plus  on  moins  nombreuses.  D.  L.  H. 

'*<  Lorsque  Fk-édéric  Bari>erous8e  traversa  Tfingen ,  le  Iwron  de  Kren- 
kingen  refusa  de  se  lever;  il  se  contenta  d'ôter  son  chapeau ,  car  il  était 
entièrement  libre  de  sa  personne  et  de  «es  biens.  Cette  cooragnse  indé- 
pendance plut  au  noble  empereur.  Hemmerlin, 


304  HISTOIRE   DE   hk   SUISSE. 

dait  surtout  au  père  ;  on  lui  pardonnait  même  un  mariage 
disproportionné  ^*  ;  bien  plus^  quand  la  nécessité  l'exi- 
geait ^^^  ou  que  les  mœurs  du  pays  le  permettaient  ^^^ 
son  bâtard  héritait  de  lui.  Malgré  Tadulation  d'histo- 
riens ^^  et  d'orateurs  ^®  empressés  à  orner  de  fables 
Tprigine  des  maisons  nobles^  le  christianisme  annonçait 
trop  hautement  Végalité  primitive  ^^,  pour  qu'on  pût 

MA  Par  exemple ,  lorsqu'au  seigneur  bohémien ,  dont  Tempercnr 
Sigîsmond  fit  mention ,  renouvela  sa  maison  en  épousant  la  fille  d'âne 
blancbisseuse,  on  que  cet  empereur  lui-même ,  conframément  aa  vœo 
du  peuple ,  légitima  les  fils  illégitimes  que  Rappoltstein  (  Schmassmann  ?) 
avait  eus  d'une  rolurière.  En  revanche ,  dans  des  circonstances  moios 
favorables ,  la  vieille  race  des  comtes  souabes  de  Landau  descendit  par 
des  mésalliances  dans  la  classe  vulgaire.  Id, 

**^  Autrement  la  famille  Rappoltstein  se  serait  éteinte. 

***  D  y  en  a  plus  d'un  exemple  dans  la  maison  d^te. 

'*^  Tel  que  Thùma»  Lirer  de  Rankwyl,  livre  plein  d'absurdité  et  de 
bonhomie,  dont  le  bourgmestre  Wégelin  a  donné  une  nouvelle  édition  i 
Lindau  en  1761.  L'auteur,  qui  a  confondu  les  fables  et  les  romans  avec 
l'histoire ,  comme  il  est  arrivé  des  traditions  islandaises  dans  le  Nord , 
n'a  pas  vécu  en  1188,  encore  moins  en  9S0,  mais  dans  le  XV«  siècle. 
Gomment  le  savant  éditeur  a-t-il  pu  s'attacher  exclusivement  à  la  généa- 
logie de  la  maison  de  Werdenberg,  et  oublier  qu'en  930  il  n'y  avait  ni 
rois  en  Portugal  ni  ordre  de  chevalerie  daos  l'Ile  de  Rhodes?  Qnelqoe- 
fois ,  mais  pas  toujours .  une  ligne  de  vérité  historique  sert  de  base  à  nne 
romance  ;  mais  Lirer  de  Rankwyl ,  peut-être  mattre-chanteur  (  poète)  de 
la  maison  de  Montfort ,  ne  mérite  pas  plus  è  ce  titre  un  rang  parmi  les 
historiens  que  l'histoire  de  l'empereur  Octavien ,  qui  depuis  le  XUI*  et 
le  X£y«  siècle  jusqu'à  notre  enfance  a  fait,  avec  Tyll  Espiègle,  les  délices 
de  l'enfance. 

***  Par  exemple ,  Pierre  Coêielleii,  dans  le  Panégyrique  de  Jean  Ga- 
léasao  Visconti,  où,  par  une  longue  série  de  rois,  il  arrive  d'Énée  à 
Uberto  Visconti,  qui,  sous  la  porte  de  Milan,  assomma  d'un  coup  de 
massue  le  dragon  ;  puis  énumère  un  grand  nombre  de  héros  de  romans 
de  cette  famille.  Hmnmerlin  le  raconte  dans  le  livre  de  NohiLi  le  discours 
est  dansif  uratori. 

**'  ■  Mémo  non  idem  est  a  principio  mundt.  •  Hemmerlin, 


LIVRE  lY.    GHAP.    IV.  305 

Yoir  reparaître  des  fils  des  dieux '^.  La  possibilité  de 
mériter  ou  d'acquérir  la  plus  haute  noblesse,  la  filiation 
rendue  souvent  douteuse  ^^^  par  les  frequens  voyages 
des  chevaliers  ^•^^  par  les  goûts  dépravés  ^^^  et  les  be- 
soins des  nobles  dames  ^^^,  ne  permettaient  pas  de  re- 
garder la  naissance  comme  un  titre  indélébile  ^^^  ni 
exclusif  ^^.  La  noblesse  acquise  n'était  reprochée  qu'à 
Thomme  sans  noblesse  morale  ^^  et  surtout  par  ceux 
aux  yeux  de  qui  la  vertu  la  plus  commode  était  celle 
de  leurs  aieux  ^^. 


^*  Les  tentatives  ne  manquèrent  pas.  Voyei  la  traduction  que  ThQ- 
ring  de  Ringoltîngen ,  de  Berne,  fit  vers  1470,  de  l'histoire  de  la  belle 
fée  M élnâne  »  souche  des  rois  de  France. 

***  «  Omnia  longa  vartetas  miscuit  • 

'*'  Le  campagnard  prétend  dans  Hcmmerlin  que  souvent  «  coquns 
supplet  locnm;  •  le  gentilhomme  répond  sagement  «quod  talium  igno- 
ratio  jucundior  est  omni  scientia.  • 

>**  Hemmerlin  se  plaint  de  ce  que  les  paysans  et  les  moines  obtien- 
nent la  préférence.  Un  des  paysans  en  dit  la  cause  avec  une  liberté  d'ex- 
pression qui  caractérise  l'époque ,  surtout  si  l'on  considère  que  Hcm- 
merlin était  ecclésiastique ,  savant ,  homme  de  mœurs  irréprochables. 

***  «  Nnmmus  vçnales  Dominas  facit  impériales  ;  •  c'est  un  proverbe 
qn'il  rapporte. 

**'  Le  chevalier  Jean  Erhard  de  Zésingen  fut  dégradé  de  sa  noblesse 
par  IHËmpereur.  Hemmerlin, 

***  Il  en  appelle  à  l'exemple  du  grand  Nicolas  Piccinini ,  issu  de  la 
famille  d'un  boucher,  d'Ottobon  Terzi ,  de  Sforza. 

>*'  Un  héraut  avait  coutume  de  tutoyer  les  nobles.  Un  gentilhomme 
lui  dit  !  Use-s-en  ainsi  à  l'égard  des  grands;  leur  grandeur  peut  le  suppor- 
ter ;  mais  mon  honneur  en  souffrirait!  Hemmerlin, 

***  Un  homme  riche  fut  anobli  à  Berne.  Il  tutoya  un  baron.  Celui-ci 
lui  dit:  «D'où  vient  tant  de  confiance?* —  «J'ai  des  lettres  de  no- 
blesse. >  —  •  Moi  et  mes  pareils  n'avons  point  de  lettres ,  •  répondit  ave6 
fierté  l'ancien  noble.  Ainsi  donc  la  jalousie  entre  l'ancienne  noblesse  et 
là  récente  remonte  à  Berne  jusqu'au  temps  de  Hemmerlin  ;  elle  a  sub- 
sisté jusqu'à  nos  jours  et  a  produit,  à  côté  de  beaucoup  de  mauvais 
effets ,  des  effets  ridicules. 

VI.  ao 


306  HISTOIRE   DE    LA   SUISSE. 

La  noblesse  déchut ,  parce  que^  se  croyant  née  pour 
tous  les  avantages >  elle  se  di^nsait  de  les  mériter^  et 
que^  ignorante  sUr  sen  origine^  elle  luttait  grossière- 
ment contre  le  t^urs  du  temps  ou  se  dégradait.  L'acti- 
vité avait  créé  des  capitaux  plus  vastes,  plus  productifs 
que  les  propriétés  territoriales  mal  exploitées ,  et  l'on 
voyait  s'accomplir  les  temps  jadis  prédits  par  un  mi- 
norite^^  comme  le  dernier  âge,  l'or  et  l'argent  étant 
devenus  marchandise.  Il  s'éleva  des  capitalistes  qui 
prêtaient  leurs  fonds  sur  hypothèques,  à  cinq  pour 
cent  d'intérêt  ^^^,  aux  dissipateurs  et  aux  entrepre- 
neurs^ sans  courir  les  risques  des  Juifs,  dont  une  sen- 
tence arbitraire ^^^  annulait  les  prêts.  Dès  cette  époque, 
les  villes  suisses  se  débarrassèrent  des  Juifs  ^^^,  à  moins 
que  la  pénurie  d'argent  *^*  ou  le  mérite  personnel  ^^ 
ne  les  engageât  à  faire  des  exceptions,  ou  qu'à  l'exem- 
ple de  Schaffhouse  ^^  elles  n'accordassent  à  de  savans 


***  Htmmsrlin  :  •  Molli  nobîles  wi  a  me  scire  desidenbant  qiiid 
foerinL  »  C'était  beaucoup.  ' 

•••  Frère  Berthold  de  Ratiabonne  (t  U»  107).  HemmêrUn,  de  Bm- 
tione  et  venditiane  tmiia  pro  vigintù 

***  Les  concUes  de  Goustaoce  et  de  BAle  approuvèrent  ce  taux.  Id* 
•1.  c 

***  Vempereer  Frédàrie^  Vienne,  Jeudi  après  St»Ambr.  1446  (dans 
YHiei,  des  Juifs  par  Ulrich,  4ft0) ,  déclara  que  les  Znricois  n'étaient  pai 
tenus  de  payer  des  intérêts  aux  Juifs  emprisonnés  à  Constance  depuis  le 
jour  de  leur  arrestation. 

***  Les  eonuiis  et  bosargeoie  de  Zurich,  1455  et  suiv.  Ckrieh,  p.  il9; 
de  fVinterthmr,  p.  ISS. 

^*  Ch.  de  Zuriek  14t5 ,  pour  2,000  florins.  Vlri4dh  iiS. 

***  Exception  en  fa?enr  dn  médecin  Joseph ,  en  raison  de  son  art. 
Zuriek,  1428,  Ulrich,  ibid. 

^'  Le  bourgmestre,  le  Petit  et  le  Grand  CaueeU  et  toute  ta  eomÊUumaaté 
des  bourgeois  de  Schaffheuse,  dimanche  avant  Pentecôte ,  1455  ;  imprimé 
ibid.  662. 


LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  807 

Israéliles  ^^  y  contre  nne  somme  équitable  ^^  ^   une 
sphère  d'activité  honorable  ^^  et  assuré  ^^^. 

Le  seul  moyen  de  modérer  les  révolutions  humaines^ 
c'est  de  marcher  avec  le  temps  ;  mais  la  plupart  trou-* 
vèrent  la  ruse  et  la  violence  plus  commodes.  Opprimer 
la  noblesse ,  écarter  les  sages  ^^'^  étouffer  la  raison  po- 
pulaire ^'^^  entretenir  les  divisions  et  la  défiance  ^^^^ 
s'entourer  d'espions  et  de  gardes  ^  occuper  le  peuple  de 
ses  besoins  physiques  ou  de  guerres  étrangères  ^^^y  c'est 
par  de  tels  moyens  que  les  princes  cherchaient  leur 
grandeur  et  leur  sûreté.  Le  commun  des  gentils- 
hommes y  au  lieu  de  perfectionner  Téconomie  rurale  et 
de  rivaliser  d'industrie  avec  les  bourgeois  ^  plongeait 
les  subordonnés  dans  les  afireux  cachots  des  châteaux 
pour  leur  extorquer  des  amendes  démesurées  ^^^, 
abusait  même  pendant  les  fêtes  saintes  ^^^^  dans  son 
intérêt  personnel^  avec  son  bétail  et  ses  serviteurs^ 


M'  Ldw,  Juif,  qai  tenait  nneéeole  et  célébrait  le  service  religieux 
pour  les  Joifs  étrangers;  il  payait  ce  privilège  en  faisant  chaque  fois 
mettre  denx  earreanx  de  fenêtre  dans  ta  salie  da  conseil. 

***  SO  florins  du  Rhin  par  an. 

^*  Dans  la  ville  seulement  ils  devaient  porter  une  marque  en  drap 
nwige  à  leor  surtout. 

***  La  charte  statue  avec  justice  sur  tears  prêts  hypothécaires,  sur  la 
sûreté  des  biens  qu'ils  léguaient,  sur  la  traite  foraine  et  sur  la  garantie 
qu'ils  ne  seraient  jamais  pnois  plus  rigoure«semefit  que  les  autres* 

^^  Hemmerlin,  de  Nobit,  :  «Me  opéra  arguant  et  popolum  provocent» 
Yoy.  Jristote,  Polit.  Y,  il }  il  a  dévoilé  ces  artifices. 

***  Fellet  ittbditoê  fore  ignaroi,  qtumiam  odit  luçem* 

M*  «  Quoniam  socii  de  se  confidunt ,  et  nolitia  facit  ûdem.  • 

*^*  Il  ajoute  qu'on  sénat  ou  une  démagogie  use  aussi  de  semblables 
moyens. 

ui  Le  même  se  plaignant  des  prisons  particulières  et  illégales.  = 
Comme  de  nos  jours  GhiHon ,  Arbourg ,  etc.  D.  L.  H. 

***  Ils  avaient  coutume  de  se  rendre  vers  Pâques  dans  des  couvens. 


308  mSTOlK^   DE   LA   SUISSE. 

de  Tavouerie  exercée  sur  des  couvens  craintifs  ^'''^ 
épiait  les  roaiH;hands  sur  les.  routes  ^^*  ou  exerçait  des 
actes  d  oppression^  qu*on  prétendait  excuser  par  la  né- 
cessité ^^^.  Les  nobles  qui  se  permettaient  tant  d'ini*- 
quités  négligeaient  de  s'assurer  l'estime  publique  par 
quelque  supériorité  même  dans  l'art  de  la  guerre  ^^^  ; 
ils  cherchaient  leur  gloire  dans  les  plaisirs  et  non  dans 
l'audace  ^^^,  et  trouvaient  moins  de  jouissance  à  la 
chasse  ^^^  que  dans  les  festins  ^^^.  De  là  ^  ruine  et  aban- 
don des  manoirs  «ur  les  rochers  et  dans  les  bois  ^^^;  les 
gentilshommes  préféraient  la  vie  des  villes ,  moins  pour 
se  mettre  à  la  tête  des  affaires  que  pour  faire  bom- 
bance dans  les  lieux  de  réunion  ^^^,  pour  étaler  des  pré- 

*^^  Mb  8*7  rendaient  avec  cheranx,  mulets,  chiens,  valets,  chasKon. 
Les  eoavens  ne  tiennent-ils  pas  tout  de  noos  ?  disaient-ils  ;  n'est-il  pas  de 
leur  devoir  de  noorrir  notre  pauvreté? 

*'*  •  Nemo  secaros  nisi  qui  non  potest  exui  jam  nudatus,  • 

***  «  Ungentem  pungit ,  pungentem  rostîcus  ungit.  »  Et  :  •  Rastict 
gens,  optima  flens,  pessima  gandens.  •  Bien  des  gens  croyaient  des  dé- 
vastations périodiques  nécessaires  pour  dompter  les  caractères  trop  indé- 
pendans.  Tout  cela  dans  HemmerUn,  de  NobiL  Le  plus  souvent  le  mal  oe 
commence  pas  parmi  les  campagnards  ;  Tinhumanité  est  le  fruit  de  li 
^Iture  négligée ,  et  le  mécontentement  le  résultat  de  l'ignorance  des 
gouvemans.  Ceux  qui  ont  le  plus  à  perdre  sont  les  moins  redoutables.  H 
ne  convient  pas  que  le  pajsan  gouverne ,  mais  il  a  droit  à  la  justice  et  à 
l'espérance  de  s'élever  un  jour  lui-même  avec  les  siens. 

**  «  Militaris  disciplina,  quam  docuit  Vegetius,  se  in  quandam  de* 
linquendi  licentiam  et  scurrilitatis  speciem  deformavit  » 

^^  Ib  rentrent  chei  eux  «  sine  ruga  et  macula,  integris  armis ,  per  Dei 
gratiam ,  ovantes,  •  et  font  les  fanfarons. 

**'  «  In  miriGcîs  generibus  venationum  ,  quibus  dietim  solatioso  co- 
namine  occupabantur.  • 

*^  «  In  bibendi  conflictu.  • 

*'*  Alors  déjà  h  plupart  n'offraient  que  des  ruines. 

*^'  •  In  popularinro  mechanicorum  conventicnlis.  » 


LIVRE   tV.    CHAP.    IT.  309 

rogatives  vieillies  ^^^  et  pour  descendre  à  tous  égards  ^^"^^ 
au  niveau  des  classes  qu'il  eût  été  plus  noble  d'élever 
à  soi« 

Félix  Hemmerlin,  ce  savant  et  intrépide  défenseur 
de  la  véWté  et  de  la  vertu  ^  était  d'une  ancienne  et  con- 
sidérable famille  bourgeoise  ^^^  de  Zurich  ^^^;  infati- 
gable à  augmenter  une  masse  de  connaissances  peu 
conunune  à  toutes  les  époques,  mais  alors  bien  éton- 
nante, les  ressources  que  l'Église  lui  fournissaient  lui 
servaient  à  poursuivre  ce  but  ;  son  savoir,  à  ramener 
tous  les  états  au  sentiment  de  leur  destination  ;  il  se 
montra  irréprochable  dans  sa  vie  ^^%  sévère  pour  Ta- 
bus  des  richesses  autant  que  charitable  et  bienveillant» 
envers  les  pauvres  ^^^  Pendant  et  après  ses  savans^ 
voyages  *^,  il  fut  nommé  chanoine  à  Zurich  et  à  Zo- 
fingue,  et  prévôt  à  Soleure  ^^'.  La  cour  de  Rome  se 
persuader  ^'^  de  lui  confier  la  prévôté  du  grand 


'^  c  Prstensas  mm  nobîlitatis  prsrogfttivas.  • 

*>'  fiefiiiii«r<ifi  mentionne  entre  avUres  Tosage  de  plus  en  plus  générai* 
de  88  tutoyer  (•  tibizare  ■  ). 

***  Ulrich ,  tribun  au  temps  de  Rodolphe  Broun ,  depuis ,  membre  du 
eonaeil';  Tnn  des  chanoines  de  la  grande  Église.  Le«. 

*^  Né  en  i  SB  9 ,  comme  il  nous  l'apprend  lui-même. 

*M  s  Honest»  conversationis.  •  Il  en  appelle  sur  ce  point  à  la  noto» 
riélé  publique  IregUtr.  quêrtUac,  )  ;  ses  ennemis  ne  lui  ont.  Jamais  re*. 
proche  aocun  vice. 

^*  J.  H.  Hattinger  (  SchoU  Tig,  )  a  lire  cela  de  la  Biographie,  de 
Hemmerlin ,  écrite  en  allemand  par  Nie.  de  Wjl. 

^^  Il  obtint  è  Erf orlh  le  grade  de  bachelier  en  droit ,  à  Bologne  eix 
i4SS  celui  de  docteur  des  décrets.  J.  J.  Hottinger,  H.  E,  A,  1427  et 
Le;  diaprés  son  Pauionale,  livre  de  ses  souffrances. 

***-  U  obtint  le  premier  de  ces  offices  en  i&iS,  le  second  en  iâSl,  le 
troisième  en  i&SS.  Hoiting»  Sch.  Tig,  et  Leu. 

*^  Les  moyens  ne  sont  pas  connus.  On  voit  par  tous  les  passages  de 
Hemmerlin  sur  le  pqie  Martin  et  sur  sa  cour  qu'il  ne  croyait  pas  lai  avoir 


310  HISTOIRE   DE   LA   CUISSE. 

chapitre  de  Zurich.  Le  siège  pontifical  voulut  abuaer  de 
l'ascendant  de  cet  homme  pour  faire  valoir  une  préten- 
tion ;  le  chapitre  s'empressa  d'opposer  un  ancien  droit 
pour  élire  un  préposé  de  moeurs  moins  incommo- 
des  ^^^.  Hemmerlin  se  contenta  volontiers  ^^  des  fonc- 
tions de  chantre  de  chœur^  relevées  à  ses  yeux  par  l'ho- 
norable souvenir  de  Conrad  de  Mure.  Il  approuvait  les 
revenus  et  les  immunités  du  clergé ,  sources  de  loisir 
tout  comme  de  moyens  pécuniaires  pour  les  investiga- 
tions savantes^  et  d'indépendance  pour  censurer  les 
abus^^*^.  Il  estimait^  du  reste  ^  que  les  censeurs  des 
mœurs  du  monde  devaient  être  personnellement  a 
l'abri  de  tout  reproche  ^^^.  Il  s'éleva  avec  tant  de 
zèle  c<mtre  la  négligence  de  ses  collègues  dans  les  de- 


d'obligatioiki.  La  simonie  était  à  ses  yeux  on  trop  grand  péché  poar  qa*ïi 
8'«n  MreDdii  eo^paibte.  H  cenWent  d'une  chose  :  «^on  simiis  iiMrtioa 
cnriosi,  aut  inqnisitores  subtilitatum ,  circa  donatione$  deprsbeodis» 
{dePecun,  pro  prœb.)  ;  et  dans  le  livre  de  JubiUo,  il  dit  que  c'était  Tosage 
h  Rome  d'envoyer  des  mets  et  des  boissons,  nosienrs  Allemands  élaient 
employés  à  la  chancellerie  de  Martin  (  dans  le  livre  Contre  ini^moê  jëàk.)* 
Il  reste  donc  incertain  s'il  fut  favorisé  à  cause  de  aoo  mérite,  parée 
qu'on  désirtît  le  gagner,  ou  par  politique ,  parce  que  fiome  voulait  ês- 
poser  de  cette  prébende ,  on  à  «i(re  de  eompalriote,  ou  pour  quelque» 
fromages  suisses. 

**^  En  1&S7  onnonina  prévôt  Henri  Anensletter,  qui  avait  uo  Gis  et 
trois  filles.  Iam;  J.  H.  Hahinger,  SehoU  et  Jf .  £.  t  VDI;  J.  J.  Hêttm- 
ger,^,  £.  a.  H27, 

^**  11  se  dit  «  bene  recompensatum.  »  Pa$»ion» 

*>7  XI  croyait  en  général  un  bon  revenu  favorable  à  la  moralité  (et 
NoUL  64  a.  ),  et  était  fort  éloigné  de  cette  exaltation  qui  prescrit  à  tous 
tes  ecclésiastiques  chrétiens  le  genre  de  vie  des  apôtres. 

***  Pour  ne  pas  s'exposer  à  la  mésaventure  du  censeur  Appios  qni 
accusa  Gœlius,  l'ami  de  Cicéron ,  de  se  livrer  à  l'amoar  grec;  à  peine 
eut -il  achevé,  que  Cœlius ,  aux  applaudissemens  du  peuple ,  intenta  U 
même  accusation  au  cen^ur.  Cic.  çd  famiL  VIU,  12. 


LIVRE   IV.    CHàP.    IV.  311 

voira  de  leur  office  ^^^ ,  contre  l'irrëgulariié  de  leurs 
mœurs  ^^^^  qu'il  s'en  fit  autant  d'ennemis,  et  qu'un 
jour  il  fut  attaqué  et  blessé  sur  la  grande  route,  dans 
un  guet-apens  ^^^  Après  avoir  beaucoup  oontr3>ué  à 
faire  nommer  prévôt  Matthieu  Nydhard,  homme  in- 
telligent et  expérimenté  ^^^,  il  se  livra  de  plus  en  plus 
aux  travaux  scientifiques^*'.  Le  duc  Albert  ^^^^  le  mar- 
grave Guillaume  **^,  nombre  d'autres  hommes  illustres 
ou  bien  pensans  ^^  savaient  combien  il  pouvait  être 
utile  à  leur  parti  ou  à  la  chose  publique.  Gomme  il 


**•  Tiré  du  PoisionaU. 

*^  U  déclara  qne  le  di^lam  Prie»  s^ait  sons  le  ban  ,  tant  qu'il  ne 
renoncerait  paa  à  sa  concubine.  Il  sévit  ^;»lement  contre  les  cooriisanes 
de  i'Ârgovie.  Mais  la  connivence  valait  à  l'ôvéque  deux  miUe  florins;  les 
prêtres  achetaient  volontiers  pour  «pecuniam  copiosam,  vitam  in  diebus^ 
suis  solatiosam.  ■  HtmmerL,  RegUtr.  quereL  I. 

**«  En  i4&9  près  de  Schamedingen.  Hotling.  H.  £> 

Ml  «Inter  inotUee minus  inotilia,»  dans  le  PatèUm»;  du  reste  «doc- 
lor  f amosna.  t 

^*  Les  deiis  collections  de  ses  écrits  dont  noua  avons  bit  usage  ont 
vraisemblablement  été  publiées  ensemble  s  i*  de  NobilUate  et  rasticitaie 
dUUagne,  theohgm,  Jwriem,  pkUoe^pharmm  et  poêtaram  eemtentiii,  kietcriU 
et  faeetiU  (sans  contredit)  refertUsimme,  avec  deux  écrits  cités  n.  447 , 
iSS  feuillets  in-folio;  V  Varim  obUetëtùmie  opeeemU,  khi  feuillets  in- 
folio ;  publiés  par  Sébastien  Brant  en  i49S  ou  97.  On  voit  par  la  dédicace 
que  Laurent  de  Bibra  avait  d^à  été  sacré  évétpie  de  Wfhrsbourg,  ce  quL 
eol  lien  en  i495,  et  que  Sunon  de  la  Lippe ,  évéqne  titulaire  de  Pader- 
bom ,  vivait  encore;  or  il  mourut  en  1498.  Le  PaHÙmate,  le  BegiUrmn 
qeerelm  et  d'autres  écrits  remarquables  n'ont  pas  été  publiés ,  que  je 
sache.  On  mériterait  biei^du  public  en  faisant  un  extrait  authentique  et 
c<»iiplet  des  histoires  et  des  pensées  intéressantes  renfermées  dans  de 
semblables  collections. 

^^  Xignored^qs  quel  sens  Uemmeriia  appelle  ce  se^inenr  «gratioais- 
simimi  prsBceptorem,  >  Dédie,  tUaL  de  NobiL 

**>  U  était  son  conseiller  privé.  Hotting.  H.  E. 

***  Nous  ferons  remarquer  Erasme,  patron  de  l'église  4e  Rappec^ 
achwyl*  DeConiraetib.  perGyeeL 


312  HISTOIRE    DE    LA   SUISSE. 

arrive  fréquemment  à  ceux  qui  vivent  plus  avec  les 
livres  qu'avec  les  hommes^  et  surtout  quand  ils 
s'occupent  des  affaires  publiques  à  des  époques  de 
grandes  divisions^  Hemmerlin,  qui  composa  des  écrits 
politiques  ^*''  pendant  la  guerre  de  Zurich ,  saisit 
une  idée  dominante  avec  une  ardeur  qui  l'empéclia 
de  voir  les  autres  faces  du  sujets  et^  plus  tard  en- 
core **',  Tentraina  dans  des  exagérations  **•.  Oubliant 
les  faits  passés  ^  il  proclama  ^^^  la  nécessité  de  dé- 
porter ou  d'exterminer  toute  la  nation  suisse  ^^^,  ne 
doutant  guère  que  Dieu  n'eût  destiné  Réding  et  les 
autres  chefs ,  le  peuple  entier  et  même  les  plus 
humbles  vachers  aux  flammes  éternelles  ^^^.  Il  écrivit 
ces  choses  avec  d'autant  plus  de  confiance  qu'après 
une  pareille  guerre  le  rétablissement  de  la  Confédé- 
ration lui  paraissait  impossible  ^^^. 

**'  Le  s  s*  chap.  da  livre  de  NobiL  :  de  Suitenêiam,  aiinam  benel  get- 
tU;  PrœeiêuM  eoram  Deo  eonira  SuUen$es;  Epitf,  CaroU  M.  ad  Pridai' 
cwn  III  iU  de  iUi$  vindietam  «imaf.  Âossi  imprimés  dans  le  ThetÊW, 
HelveL 

***  Le  livre  de  NobiL ,  commencé  en  i4&8,  ne  fut  terminé  qo'i  la  fia 
de  ii49. 

***  Des  écrits  composés  pour  les  besoins  da  moment ,  surtout  s'ils  onl 
été  commandés  et  faits  sous  surveillance ,  ne  peuvent ,  pas  plus  que  les 
discours  de  Gicéron  et  d'autres  orateurs ,  être  considérés  comme  des  ei- 
posés  exacts  de  la  conviction  ou  de  là  vérité  ;  aux  yeux  de  Thistorien  ib 
ne  prouvent  que  la  direction  que  le  gouvernement  voulait  donner  wn 
esprits. 

***  Tout  cela  dans  lo  livre  de  NobilUate,  -vers  la  fin. 

***  U  n*est  pas  moins  irrité  contre  B&le ,  Aeme  et  d'autres  villes  suisses 
qtie  contre  les  cantons  forestiers.  Les  Bernois  «  ursino  more  nobiles 
laniando  persequebantur.  •  Dans  le  C&nsoi,  inique  $up/nre$ior  écrit  eo 
1455  au  plus  tard. 

*'*  Parce  que  les  moyens  d'instruction  ne  leur  avaient  pas  manqué  l 

*»  Dans  le  même  ouvrage ,  feuillet  189.  Les  haines  et  les  atrocités 
produites  par  cette  guerre ,  puis  les  sentimens  fraternels  réuoissaat  de 


LIVRE  IV.    CHAP.    IV.  313 

Moins  passionné  ^  le  prévôt  Nydhard  ^^  jugea  plus 
sainement  ^^^.  Craignant  et  détestant  la  franchise 
importune  de  Hemmerlin,  il  lui  avait  enlevé  la  bien- 
veillance de  ses  supérieurs  ecclésiastiques^^;  il  pro- 
fita de  ses  imprudences  pour  consommer  sa  ruine. 
Le  savant  candide  lui  en  facilita  le  moyen  par  la 
censure  la  plus  franche  des  hommes  dominans^  par 
des  railleries  mordantes  sur  la  vanité  d'indignes 
chanoines  ^^"^  et  par  sa  ccmfiance  imprévoyante  dans 
la  force  de  la  vérité  et  de  la  justice.  Nydhard  irrita 
sa  susceptibilité  par  des  actes  d'injustice  ^^^  et  ^ 
quand  il  se  plaignit ,  par  le  silence  ^^*. 

Une  ancienne  coutume  consacre  à  des  divertisse* 

nonreau  promptement  et  intimement  tons  les  Confédérés  pour  des  ac- 
tions glôrieàses  et  ponr  un  grand  nombre  de  générations ,  voilà  ce  que 
vous  devez  méditer,  mes  contemporains ,  pour  oser  demeurer  Suisses. 

*^*  Hemmerlin  dans  J.  H.  Hotiinger,  Spec,  Tig,  5S&  :  «Incedens  in 
agni  vellere  mansnetus.  • 

4*k  n  passe  pour  avoir  été ,  à  Zurich ,  du  parti  suisse.  IbùL  et  Hot" 
ting.  biblioth,  Tig.  dans  la  SchoUu 

*••  /.  J.  Hotiinger,  H.  E.  a.  14Jf . 

*^'  Particulièrement  PQrlin  de  Waldenbonrg ,  qu'il  appelle  «  mris  • 
(au  lien  de  «  juris  •)  peritum,  »  et  le  •  conthoralem  •  de  Nydhard  (  ContoL 
imiqmê  suppresêor  ) ,  fils  d'un  père  couronné  et  d*nne  fiancée  du  Roi 
des  rots  (  fils  d'un  prêtre  tonsuré  et  d'une  religieuse.  Jean  Beltramino , 
qui  trahit  Padoue ,  fat  de  même  appelé  fils  d*un  couronné,  parce  que 
son  père ,  en  qualité  de  criminel ,  avait  porté  une  couronne  de  papier 
avec  des  diables  peints.  Chron,  di  Padova  di  Andréa  GttHaro,  1405). 
Waldenbourg  était  un  des  hommes  les  plus  inflnens  du  chapitre.  Lea, 

*>•  Dans  sa  ComoL  iniqme  iuppreeêor,  il  se  plaint  de  la  perte  d'une 
partie  de  son  traitement  Ce  ne  fui  pas  là  sa  dernière  disgrâce ,  par  la- 
quelle il  perdit  tout ,  à  moins  qn'il  n'en  eût  recouvré  une  partie.  On 
▼oit  par  son  ouvrage  de  Relîg.  proprietariU,  écrit  en  1457,  qu'il  renonça 
volontairement  à  sa  prévôté  de  Soleure ,  je  ne  sais  à  quelle  époque  •  ut 
poasit  propositum  iter  in  sanius  dingerc.  • 

***  Il  se  contentait  de  marmotter  qu'on  n'avait  fait  aucun  tort  à 
Henunerlin.  De  Ccneol. 


314  HISTOIRE  DE  Lk   SUISSE. 

meus  uoe  partie  de  la  saisoa  sombre  et  morte,  peu 
avant  oq  après  le  solstice  d'biver^^;  une  fois  par 
an  on  veui  oublier  le  poids  des  affaires  ordinaires 
de  la  vie  *^^ .  Au  milieu  de  leurs  habitudes  unifiâ- 
mes^ les  Suisses  aimaient  cette  récréaticm  après  le 
travail  d'une  année  ^^^.  Pendant  le  carnaval  ^  l'ab-- 
bessedes  religieuses,  déguisée,  courait  aussi  par  la  ville 
avec  son  frère  ^^^  ;  la  naiure  faisait  valoir  trop  fran- 
chement ses  droits  suix  dépens  de  vceux  diffidles  *^^. 
De  tous  les  cantons  suisses,  ou  de  plusieurs  d*entre 
eux,  des  centaines  de  jeunes  gens,  conduits  par  des 
magistrats,  se  rendaient  à  cheval  dans  une  ville  con- 
fédérale où  se  célébraient  des  jeux ,  où  des  prix  ré- 
compensaient rhabileté  au  tir,  où  surtout  les  cœurs 
ouverts  et  réchauffés  par  le  vin,  se  juraient  une 
étemelle  amitié  que  confirmaient  des  serremens  de 
mains/  De  cette  façon,  huit  ans  après  la  sentence 
d' Argun  ^^^,  la  plaine  de  la  Sihl ,  Grdffensée  ^  Tal- 
liance  étrangère ,  la  longue  guerre,  tout  fut  oublié 
dans  le  festin  de  carnaval  que  quinze  cents  jeunes 
hommes  de  Schwyz ,  d'Unterwalden ,  de  Lucerne ,  de 

***  Les  Saturnales  commeaceat  le  i9  décemlMrc ,  notre  caraâval  jifuès 
le  jour  des  Rois, 

A<i  De  là  les  masques. 

Ml  Gomme  on  sait ,  l'année  ne  finissait  pas  tocjonrs  ni  partoot  avec 
le  mois  de  décembre,  mais,  en  Italie  surtout,  fréquemment  à  la  fin  de 
février  on  dans  le  mois  de  mars. 

Ml  ^ne  (]e  Héwen  avec  son  frère  Frédéric  (  l'autre  frère  était  évéqne 
de  Constance  )  ;  en  1433  ces  courses  firent  accompagnées  «  d'asseï 
grands  désordres,  •  suivant  des  actes  cités  par  J.  J.  Hûttmgtr,  H.  E,  II, 
696. 

***  Des  prêtres  «  se  battirent  pour  la  plus  belle  courtisane.  »  Càron, 
turic.  dans  fVaatr,  Annuaire,  au  mot  Carnaval. 

*•&  En  1454  f  Têchudi,  Rah»  et  d'autres  placent  Thistoire  qui  suit  à 
Tan  1447  ;  cette  date  est  contredite  par  les  écrits  de  Heounerlin ,  parfai- 


LIVRB   IV.    CHAP.    IV.  345 

Z^ug  et  de  Claris  ^^^,  célébrèrent  dans  la  ville  de  Zu- 
rich. La  perfidie  et  la  méchanceté  abusèrent  de  ce  jour 
de  plaisir  pour  perdre  un  innocent* 

La  joie  était  bruyante ,  les  coupes  circulaient  rapi- 
dement ^^'^  ;  jamais  l'amitié  confédérale  ne  s'était  mani- 
festée plus  chaleureusement  que  dans  la  réconcilialion 
actuelle.  Au  milieu  de  l'^ianchemant  général,  un 
des  seigneurs  ^®*  fit  obseri^er  que  le  mccomnodement 
durerait  à  jamais  si  quelques  hommes  n'entretenaient 
oioore  du  ressentiment.  Tandis  qu'on  portait  un  vwai 
aux  Confédérés  9  «  Meurent  les  «nsiemisl  »  ajouta-tfril 
à  demi-voix.  Les  jeunes  gens  demandèrent  :  a  Qui 
n  sont  ces  ennemis?  où  sont-ils?  »  Quelqu'un  mur- 
mura le  nom  du  grand  sautier  Jean  Asper,  ennemi 
acharné  des  Suisses,  commandant  des  boucs.  Plu- 
sieurs, instruits  par  Finébranlable  confédéré,  le  loyal 
prévôt  Nydbard,  mentionnèrent  maître  Hemmeriin, 
s'écriant  que  «  cet  Autrichien  (car  il  rougirait  d'être 
»  Suisse)  leur  imputait,  dans  des  écrits  publics^  des 
>j  crimes  contre  nature,  insultait  à  la  Confédération, 
>j  conseillait,  à  la  façon  de  Landeûberg  ^%  un  mas- 


temenl  iiutrnîl  des  faits.  Od  Taora  annexé  dans  les  chroniqaes  à  la  * 
guerfede  Xntith* 

***  Suivant  Louis  EdUbaçh»  May  cite  tous  les  cantons ,  outre  Soleure , 
Bâle  et  AppenzeU ,  mais ,  selon  sa  coutume,  sans  preuves»  Le  premier 
attribue  Tidée  de  ce  carnaval  commun  aux  cantons;  Tuhudi,  aux  Zuri- 
cois  ;  la  contradiction  disparait  si  l'on  se  rappelle  qu'il  y  avait  encore  deux 
espèces  de  Zuricois^  ceux  du  parti  suisse  et  les  autres.' 

**'  An  diner»  ordinairement  à  iO  heures ,  au  plus  tard  à  ii. 

^*  Il  s'agit  de  seigneurs  laïques  qui  faisaient  partie  de  la  société  t  on 
de  seigneurs  ecclésiastiques  qu'on  avait  invités. 

^**  Voy.  t  IV,  1SS«  n«  472,  comment  Béringer  de  Landeoberg  voulut 
exterminer  les  Appenzcllois^  HemmerUn,  de  NobîL  c.  SS,  d^lore  que 
cela  n'ait  pas  en  lieu. 


316  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE, 

>i  sacre  général ,  même  des  femmes  et  des  enfans ,  et  les 
»  dévouait  au  diable.  »  Pendant  que  les  esprits  s'échauf- 
faient et  que  quelques-uns  des  convives  s'esquivaient 
pour  aller  jeter  le  grand  sautier  par  les  fenêtres  de 
THôtel-de-ville  ^  d'autres  déclarèrent  qu'ils  feraient 
de  même  à  l'égard  de  maître  Hemmetlin,  sans  l'im- 
munité sacerdotale  ^'^^^  «  Dans  ce  cas,  »  dit  l'un  d'eux, 
»  personne  n'aurait  à  redouter  les  foudres  de  Rome  ;  la 
»  plume  acérée  de  cet  homme  n'a  épargné  ni  pape  ni 
»  évèque;  le  mal  infligé  à  l'ennemi  commun,  par  des 
»  braves  qu'échauffent  la  colère  et  le  vin ,  sera  faci- 
»  lement  excusé.  »  «  Ne  le  tuez  pas,  »  dit  un  autre; 
((  le  vicaire  -  général  Gundolfingen  est  à  Zurich  ^^^ 
i)  livrez -le -lui  comme  un  criminel,  et  laissez  aux 
»  ecclésiastiques  le  soin  de  lui  rendre  la  vie  amère.  » 
Tous  ces  propos  étaient  convenus  d'avance*''*. 

Les  jeunes  gens  se  levèrent  de  table  *''^.  Tandis  que 
Jean  Asper  n'était  sauvé  qu'avec  peine  par  quelques 
honorables  conseillers ,  les  autres  coururent  au  domicile 
de  maitre  Félix  Hemmerlin,  à  la  cour  des  chanoines , 
près  de^  la  grande  église.  Le  vieillard  était  assis  dans 
son  cabinet  d'étude,  entouré  de  sa  bibliothèque  choi-* 
•  sie  et  bien  classée  *''*•  Il  connaissait  ses  ennemis  et 
leurs  projets;  s'il  s'était  montré  pour  les  confondre, 

^'^  Ses  ennemifl  se  chargèrent  de  son  arrestation  ;  le  gouvernement 
légal  ne  l'eût  jamais  arrêté ,  Tévéqne  même  n'en  eût  pas  donné  l'antori- 
sation. 

*'*  Nicolas  Gundolfinger,  qnî  s'était  entièrement  laissé  gagner. 

*'>  On  soupçonnait  une  clause  secrète  du  traité  de  paix.  Siatder  sur 
eEntUhuek,  t  U. 

*''  Le  18  février  iA54,  à  midi.  Pierre  fiumagen  dans  HoUinger;  lui- 
même  dans  RegUtr,  quereL 

*'^  «  Notabiliter  regutrata  el  in  studorio  suo  regulariter  tabulais.  • 
Le  même  in  PofiionalL 


LIVRE   IV.    CHAP-    IV.  317 

peut-être  se  serait-il  sauvé  ^'^^  ;  mais  l'étude  les  lui  fit 
oublier.  Au  nom  de  l'évêque  de  Constance  ^'^^,  les 
jeunes  gens  remmenèrent  prisonnier.  A  l'instant  même 
le  vicaire-général  s'empara  de  son  mobilier  et  de  ses 
livres.  Hemmerlin  passa  quelques  heures  à  l'hôtel 
de  la  Justice  *'''^.  Le  soir,  au  milieu  de  l'affluence 
du  peuple  étonné  ^''^j  sous  les  yeux  du  gouvernement 
en  partie  faible  *'^*,  en  partie  complice  *^^,  attaché  sur 
son  cheval  *^^y  il  fut  conduit  par  un  valet  du  vicaire- 
général  *®^  dans  un  château  de  l'évêque  **'  où  il  resta 
quinze  jours  au  fond  d'un  cachot  sombre  et  infect  ^^% 
sans  subir  d'interrogatoire.  L'intercession  des  ducs 
d'Autriche ,  Albert  et  Sigismônd ,  lui  procura  quelque 
adoucissement  ^^^ ,  mais  non  la  liberté  ni  l'accéléra- 
tion de  la  procédure.  La  vengeance  de  la  divinité 
offensée  ^^^y  comme  la  vengeance  de  la  majesté  blessée 

*'*  «Si  Maliens  f  Hammer,  marteaa)  non  Malleolns  (Hemmerlin, 
petit  marteau)  fuissem ,  fortassis  me  defendissem.  ».  De  Cotuol,  inique 
supffreee. 

A'*  Le  vicaire  général  prêta  son  nom. 

*'7   .  Prstorîo.  •  Begistr,  quer, 

^'*  n  compta  S,000  personnes.  IbUL 

*7*  Le  vicaire^énéral  prétexta  la  nécessité  de  l'emmener  poor  le  sous- 
traire à  la  fureur  de  la  multitude  aveuglée  et  de  ses  ennemis. 

**•  Je  vois  que  Jean  Keller,  bourgmestre  depuis  1445,  ne  figure  depuis 
£454,  pendant  les  six  dernières  années  de  sa  vie,  que  comme  simple 
conseiller.  Lmu  Sa  conduite  dans  cette  affaire  Taurait-elle  rendu  impo- 
polaire? 

**^  Les  pieds  attachés  ensemble  par-dessous  le  cheval ,  une  main  sur 
le  dos.  Registr,  quereU 

**'  Henri  de  Gerwyl ,  familier  de  Gundolfinger. 

^'*  Gottlieben ,  où  Jean  Huss  avait  été  enfermé. 

**^  n  fait  la  remarque  que  les  reptiles  ne  lui  ont  (ait  aucun  mal. 

**^  Il  fut  transporté  >  in  locum  largum ,  »  où  il  avait  deux  gardes. 

***  C'est-à-dire  du  clergé. 


318  HISTOIRB  DE   LA   8CISSE. 

d'une  nation  ou  d'un  prmce^^''  ne  connaît  pas  de 
bornes  ^  parce  que  le  {nrétendu  zèle  étouffe  toute  jus- 
tice et  toute  humanité. 

Au  bout  de  quatre  mois^  du  haut  d'une  tour  où 
il  était  enchaîné  en  compagnie  d'un  meurtrier  lé- 
preux ,  parce  qu'il  s'était  évadé  *^,  maitre  Hemmer- 
lin  fut  conduit  derant  le  vicaire-général.  Là  ^  on  lui 
reprocha  avec  véhémence  l'audace  de  ses  attaques 
contre  le  pape  et  l'évéqne^  ses  supérieurs,  le  scan- 
dale de  ses  accusations  contre  les  prêtres  ^^^  et  ks  r^ 
ligieux,  l'amertume  de  ses  propos  sur  le  compte  des 
vieux  Confédérés  de  sa  ville  natale,  k  A  proprement 
)»  parier^  répondit-il ,  toute  justification  est  inutHe  : 
)>  le  procès  a  commencé  par  la  condamnati<Mi  dont 
M  les  suites  ont  hâté  le  terme  de  ma  vieillesse  seoLS'* 
»  génaire  *.  Mais  vous  avez  agi  prudemment  :  votre 
»  haine  devait  s'assouvir  avant  l'interrogatoire ,  qui 
»  démontrera  mon  innocence.  Je  pourrais  décliner  la 
»  juridiction  exercée  par  vous,  au  nom  des  supé- 
»  rieurs  qu'on  m'accuse  d'avoir  outragés  *^  ;  mais,  si 
»  vous  ne  sentez  pas  vous-même  l'inconvenance  de 
»  siéger  à  la  fois  comme  juges  et  comme  accusateurs^ 
»  tenez-moi  compte,  du  moins,  de  la  patience  avec 
»  laquelle  je  supporte  l'illégalité.  Heureusement  cette 
M  concession  me  devient  facile  :  si  quelque  passage  de 
»  mes  écrits  a  pu  offenser  l'évéque,  notre  Seigneur, 
»  il  ne  concerne  pas  ce  diocèse,  mais  l'administra- 

*>7  G'est'à-dlre  des  démagogaes  ou  des  ministres. 
*<•  II  échappa  en  plein  jour,  tandis  qne  ses  gardiens  dormaient,  el 
demeura  douze  jours  caché  à  Constance;  mais  il  y  fut  découvert 
*^*  An  sujet  des  (fbncnbines. 
*  U  avait  65  ans. 
"*  U  pouvait  en  appeler  à  Rome  ou  à  un  concile.  Begistr.  quereL 


LIYRB   IV.    CHAP.    IV*  319 

»  don  de  Tévèché  de  0>ire ,  étranger  pour  nous  ^^^  ; 
>i  de  la  part  du  pape^  ma  modération  mérite  plutôt 
»  des  éloges  et  de  la  reconnaissance.  Sans  rappeler 
n  les  accusaticms  bien  plus  véhémentes ,  faites  de  toute 
>i  antiquité  ^^  par  des  empereurs  et  des  rois^  par  des 
»  princes  et  des  villes^  par  les  pères  des  conciles  et 
j»  par  des  écrivains  indépendans  et  loyaux,  je  vous 
»  fais  vous-mêmes  juges,  s'il  est  possible ^  s'il  est  dé- 
»  sirable  que  le  devoir  et  la  conviction  restent  muets 
n  devant  les  terreurs  du  pouvoir;  si  les  supérieurs 
»  ont  plus  à  redouter  les  avertissemens  d'une  plainte 
»  qui  s'exhale  que  l'explosion  d'un  sentiment  péni- 
»  ble  long-temps  comprimé^  qui,  à  la  fin,  renverse 
n  tout  avec  une  irrésistible  violence.  Leurs  amis,  ce 
»  ne  sont  pas  les  flatteurs  qui  les  endorment,  mais 
n  les  censeurs  qui  les  empêchent  d'oublier  ce  qu'ils 
»  sont.  Vouloir  briser  le  miroir  de  la  vérité,  c'est 
»  montrer  qu'on  a  mauvaise  opinion  de  soi.  Un  su- 
M  périeur  aurait  bien  mal  mérité  de  ses  subordonnés, 
M  si  de  fausses  accusations  lui  enlevaient  facilement 
»  leur  respect  et  leur  amour  ^^^.  Mais  je  parle  à  des 

^^  Cette  excnse  est  qaelqoe  peu  sophistique  et  difficile  à  concilier 
avec  certains  passages. 

*^*  Dé]à  lors  de  la  scission  de  FEmpire  et  de  l'Église;  bien  pins  en- 
core depuis  la  querelle  des  Franciscains  plus  rigoureux  et  de  Jean  XXI  ; 
sortont  pendant  le  schisme  et  dans  les  conciles  auxquels  il  donna  lieu. 

^*  Le  ccenr  du  peuple  a  été  enlevé  même  à  des  gouvememens  bien- 
faisans  ;  mais  ce  n'a  pas  été  au  moyen  de  livres  latins  imprimés  en  carac- 
tères gothiques  comme  ceux  de  Hemmerlin ,  ni  sans  un  travail  long  et 
systématique  favorisé  par  des  armes  victorieuses ,  ni  sans  qu'il  y  ait  eu 
de  leur  faute.  Avait-on  marché  avec  les  temps?  Avait-on  influé  sur  Popi- 
nion  publique  ?  Avait-on  demandé  des  conseils?  les  avait-on  suivis  ?  Ne 
s%9t-on  pas  abandonné  soi-même  ?==  Les  gouvernans  de  l'ancienne  Con- 
fédération helvétique  ont  perdu  Taffection  de  ceux  qu'ib  refusèrent  d*é- 


320  HISTOIRE   DB  LA.   SUISSE. 

»  juges  qui  y  si  j'ai  péché,  sont  mes  complices.  Vous- 
»  mêmes  m*avez  fourni  l'occasion  de  plusieurs  de  mes 
>»  écrits;  vous  les  avez  tous  lus  avant  leur  publica* 
»  tion;  j'en  ai  corrigé  quelques-uns,  aucun  n'a  été 
»  réfuté  durant  le  cours  de  tant  d'années.  Ce  qui 
»  m'a  inspiré ,  au  milieu  des  guerres ,  le  sentiment 
»  des  souffrances  de  ma  patrie  bien-'aimée,  à  laquelle 
»  je  dois  existence,  éducation,  revenus,  tant  d'an- 
»  nées  d'honneur,  tant  d'excellens  amis,  est  compris 
»  dans  l'amnistie  de  la  paix.  Je  me  suis  trop  étendu 
»  sur  ces  accusations,  comme  si  je  tenais  aux  biens  de 
»  la  fortune  que  j'ai  perdus,  ou  si  mon  honneur  était 
M  au  pouvoir  d'autrui.  Le  vieillard  courbé,  tremblant, 
»  rongé  par  les  fers,  fatigué  du  travail  de  la  vie,  ne 
»  demande  qu'à  finir  paisiblement  sa  journée,  dans 
»  une  tranquille  cellule,  au  milieu  de  bons  reli- 
»  gieux***.  » 

Promesses  et  menaces  furent  prodiguées  pour  l'en- 
gager à  une  rétractation  *^^.  Lui ,  jusqu'à  la  fin  de  sa 
vie  serviteur  da  la  vérité,  dédaigna  d'acheter  le  par- 
don des  ennemis  de  la  vérité,  qui  étsstient  les  siens, 
en  infirmant  son  propre  témoignage  ;  il  se  confia  dans 
la  postérité,  reconnaissante  de  ce  qu'il  n'avait  rien 
remis  en  doute.  Contre  le  gré  du  bon  mais  faible 
évéque  '^,  il  fut  dépouillé  de  ses  offices  dans  le  grand 


coûter,  ou  qu'ils  insultèrent  et  opprimèrent  en  1778,  en  1790,  1791, 
1792  et  1795.  La  un  de  la  note ,  digne  d'un  historien  homme  d*ÉUt,  est 
en  opposition  avec  le  commencement.  D.  L.  H. 

*'*  Ce  discours  est  extrait  de  RegUir,  querel.^  de  CotuoL  tuppreu»  et 
d'autres  manifestations. 

*»»  Hoitinger,  H.  E.  II,  456. 

**'  BuUinger.  Hemmerlin  lui-même  le  donne  à  entendre.  Les  maî- 
tresses de  l'évêqne  ne  pouvaient  pas  lui  vouloir  du  bien. 


LIVRE   IV.    CHAP.    IV.  321 

chapitre  y  et^  après  trois  mois  d'une  inébranlable  fer- 
meté ,  comme  il  avait  déployé  tout  son  zèle  à  démasquer 
l'hypocrisie  des  moines  mendians  ^^^  il  fut  livré  aux 
frères^mineurs  de  Luceme ,  avec  la  recommandation 
de  lui  faire  endurer  les  plus  mauvais  traitemens.  Au 
pouvoir  de  ses  plus  vils  ennemis  ^^^  ^  abandonné  ou  fai- 
blement soutenu  par  ceux  à  qui  il  avait  été  le  plus 
utile  ^^^,  enfin  oublié  dans  sa  tour  ^^,  maître  Félix 
Hemnfterlin  ne  se  démentit  {jas  un  seul  instant  jusqu'à 
l'heure  où  il  lassa  la  destinée.  Un  jour  il  dit  au  père 
gardien,  homme  sans  attention  pour  lui^^^,  mais  non 
pas  méchant  :  «  Par  un  été  bien  chaud ,  la  fonte  des 
»  neiges  grossit  considérablement  les  eaux  de  l'Aar  ; 
M  quelqu'un  fit  remarquer  à  cette  occasion  l'honnêteté 
»  des  Soleurois  qui  pouvaient  soustraire  des  milliers 


**'  Surtout  dans  son  livre  Contra  Falidos  mendieantu^ 

***  Autrefois  prélat  et  docteur,  il  était  alors  esclave  «  ordinis  fratrum 
totîns  ronndi  Minorum.  »  Lui-même ,  de  MUeric,  capiivU  imptnd, 

*"  Ceux  de  Zurich  ,  où  le  parti  suisse  dominait  de  nouveau ,  ne  firent 
rien  pour  lui.  Tschadi,  Le  parti  opposé  n* avait  pas  non  plus  épargné 
Henri  M^ss.  •=  Le  vntgaire  pense  que  ceux  qui  sont  poursuivis  pour 
avoir  pris  sa  défense  sont  suffisamment  honorés  par  celle-ci.  Cette  ingra- 
titude exista  toujours;  il  faut  en  appeler  à  d*autres  jugés  et  à  d'autres 
temps.  D.  L.  H. 

*^^  De  sorte  qu'on  n'a  pas  même  consigné  l'arrêt  de  sa  mort,  floitin- 
g$r^  !.  c.  685.  L'honnête  TsChudi ,  sans  doute  dans  le  sentiment  de  la 
vérité  exprimée  à  la  fin  de  ce  chapitre,  glisse  sur  Thistoire  de  Hemmerlin, 
comme  s'il  Fabordait  à  regret.  Pendant  trois  siècles  et  jusqu'au  temps  de 
ma  jeunesse,  son  nom,  proverbial  parmi  le  peuple,  a  désigné  >un 
homme  de  talent,  mais  dont  l'entreprise  échoue»  (  BuUinger  ),  un 
homme  fécond  en  saillies  et  par  là  redoutable.  Sur  le  titre  de  l'édition  de 
SCS  œuvres  diverses,  donnée  par  Brant ,  se  trouve  son  portrait  gravé  sur 
bois;  sa  physionomie  est  spirituelle  et  sereine;  il  est  entouré  de  taon?;, 
dont  un  le  pique,  et  de  roseaux  semblables  à  cehii  dont  on  frappa  le 
Ohrîst. 

^**    «Inerlia  naturali  stîpatns.  «Oe  Miseric.  capiivit  imptnd. 

▼I,  ai 


322  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

»  de  seaux  d*eau/  sans  que  les  Bàlois  s'en  aperçus^ 
»  sent.  Père  gardien ,  de  votre  abondance  vous  pour- 
»  riez  faire  beaucoup  pour  moi,  à  Tinsu  de  mes 
»  ennemis  ^^^.  »  Quel<|ues  mois  apré»^  grâce  à  un  aoû 
puissant,  ou  à  Tévèque^^ou  par  un  sentiment  de  pu* 
deur,  on  permit  de  le  traiter  avec  humanité  ^^^  ;  on  lui 
rendit  au  moins  une  partie  de  ses  livres  ^^,  pro- 
bablement aussi  ses  gens  ^^^.  Il  oontînua  de  se  servir 
de  sa  bibliothèque  pour  défendre  la  justice/ même 
quand  elle  était  favorable  à  ses  ennemis  ^^,  et  pour 
prouver  son  dévouement  aux  vérités  pour  lesquelles 
il  souffrait^''.  Ses  dernières  paroles  se  perdirent  de- 
vant les  frères -mineurs  ^^;  mais  lui,  ncm  moins 
joyeux,  s'envola  ^^  du  monda  de  Gundolfinger  et 

••'  RegUir.  quereL 

^*'  Après  cela  les  moines  «  ei  omnem  hnmanitatis  clemeDliam  prcsli* 
tenint,  » 

^**  Il  se  plaint  souvent  qu'il  manque  de  livres;  toutefois  les  ouvrages 
composés  par  lui  pendant  sa  captivité  fourmillent  de  citations  esacles 
d'un  si  grand  nombre  d'auteurs  que  ses  plaintes  ne  concernent  sans 
doute  que  la  multitude  de  livres  que ,  dans  une  meilleure  fortams.  it 
emprunta  des  couvens  et  des  ^lises.  Pamioii.  Si  l^on  réiéthi^quejsénie 
ses  derniers  écrits,  le  Pasêionaie  et  le  Regiftr,  ifuêrel,  deTÎnrenL la  pro- 
priété du  grag^  chapitre  de  Zurich ,  on  parait  en  droit  de  conclure  que 
sa  bibliothèque  lui  fut  rendue  à  condition  qu'à  sa  mort  tout  itviendoit 
au  chapitre. 

&•»  C'est  eux  que  j'entends  par  les  «  tribulaUoiinm  aocii»  dont  il  pade 
dans  son  second  traité  iU  Exoreitmis,  écrit  plus  tard. 

516  u  était  en  prison  depuis  long-temps  lorsqu'il  écrivit,  à  la  demande 
du  vicaire-général,  son  livre  très-indépendant  de  Libertate  êuluiattUa. 

^*'  P.  e.  ^ans  RtgUtr.  qiur.  Hottlng.,  L  c  AS5.  Cet  écrit  et  le  Pi»- 
êionale  mériteraient  l'impression. 

^^'  «  Lucemœ  apud  Minoritas  mortuus  dicUur,  Ancienne  anno&atioP 
sur  un  exemplaire  de  ses  œuvres.  HotUng, 

^^*  Avant  146A.  Ibid.  495.  Cette  année-là  Nicolas  de  Wyl,  mailre 
d'école  à  Zurich ,  plus  tard  greffier  municipal  à  Esslingen,  écrivit» 
biographie. 


UVBE   lY.    CHAF»   IV.  323 

de  Nydhard  au  sein  du  repos  étemel^  ou  peut-6ti*e 
dans  ce  lieu  espéré  de  lui  et  des  btOBimes  de  bien, 
où  régnent  l'ordre  et  la  justice. 

Rien  de  plus  beau  que  les  journées  de  Morgar-* 
ten,  de  Laupen,  de  Sempach,  de  Morat  ;  de  nobles 
jours  de  paix  et  de  guerre  honorent  les  annales 
suisses  :  ïnais  que  la  Suisse,  que  tout  prince,  que  tout 
peuple  le  sache ,  Toppression  d'un  seul  homme  juste 
est  une  tache  dans  l'histoire. 


324  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 


<x><x><x><><x>ô<><x><^<x>ô<:x><x>o<x><y>ôo<x>ô^ 


CHAPITRE  V. 


SITUATION  De  toutes  tES  œNTftEES  DE  l'hELVETIB  PEN- 
DANT LES  DIX  -  NEUF  ANNEES  COMPRISES  ENTRE  LA 
S&NTENCB  DE  BUBENBERG  ET  LA  GUERRE  DE  WALDàHUT. 


Le  tays-de^Vaud  (  et  la  Savoie  );  possessions  des  princes  d*Orange  ; 
les  comtes  de  Gruyère  (le  Gessenay);  les  évéques  de  Lausanne 
et  ceux  de  Genève.  ^-^  La  ville  de  Fribourg ,  sa  guerre  ;  elle  passe 
sous  la  domination  de  la  Savoie.»* La  maison  de  Neuchâtel.  ^- 
Le  Vabis.  -^  La  vieille  Suisse  des  cantons  primitifs*  Rapports 
avec  le  Milanais  (  Origine  des  Sforza);  la  Capitulation;  la  Valte- 
line  et  Chiavenne. -^Agrandissement  des  Grisons.  -^  Glaris*  — 
AppenEelly  la  ville  et  Tabbé  de  St.-Gall.  (Ulrich  RÔsch);  le 
Rheinthal;  achat  du  Tokenbourg. — Zurich.  —  Démêlés  de  Wae- 
denschwyl.  —  Zoug.  — --  Luceme.  -^  Berne.  —  Soleure.  —  Bàle  y 
son  Université.  —  Evéché  de  Bàle. 

[1460—1469*] 

La  lutte  que  la  Confédération  suisae  venait  de  sou^ 
tenir  avec  bcmheur  et  gloire ,  non-seulement  contre  des 
puissances  irritées^  mais  contre  l'ennemi  le  plus  redou- 
table, contre  la  discorde  intestine^  attira  singulièrement 
sur  elle  Tattention  de  ses  grands  voisins ,  et  lui  donna 
tant  de  considération  et  de  courage  que  personne  ne 
l'attaquait  plus  impunément  et  qu'elle  devint  l'appui 
de  beaucoup  d'opprimés.  L'esprit  de  la  liberté  rani- 
mait. Les  gouvernemens  voyaient  la  liberté  essentielle- 


LIVRE   IV.    €HAP.    V.    "  329 

ment  dam  l'indëpendaDce  dé  la  patrie  à  l'égard  de» 
trônes  étrangers*;  dans  les  contrées  qu'ils  acquirent^ 
les  autorités  mêmes  étaient  soumises  à  l'ordre  établi  et 
au- droit  fondé  sur  des  chartes.  '  Nous  allons  décrire  la 
situation  de  chaque  pays  y  en  commençant  par  la  fron- 
tière sud-ouest  pour  finir  par  celle  du  nprd>  parce  que 
la  première  fut  le  théâtre  de  troubles  graves  ^  déjà 
même  pendant  la  guerre  de  Zurich  ^  et  que  sur  1^  se«- 
ooade  surgit  une  guerre  avec  l'Autriche  qui  occa- 
sionna celle  de  Bourgogne.'  Nous  n'avons  pour  guide 
ni  prince  ni  sénat;  les  vieux  Suisses  ^  libres  dans  tous 
leurs  cantons  y  ne  reconnaissaient  d'autre  centre  que 
leur  Confédération  y  visible  seulement  par  ses  effets, 
comme  Dieu  dans  la  nature. 

Le  pays  romand  ^  du  lac  de  Genève  à  eenx  de  Neu«^ 
châtdl  et  de  Morat^  du  Jura  à  laSarine^  reconnaissait 
la  suzeraineté  de  la  Savoie;  exceptons  toutefcns  les 
possessions  bourguignones  du  prince  d'Orange,  le  pays 
allemand  du  comte  de  Gruyère ,  Lausanne  et  Genève , 
presque  libres  sous  leurs  évéques,  et  Fribpurg  dépens- 
dant  de  l'Autriche. 

Le  duc  Louis  de  Savoie  ^  dévoué,  à  son.  épouse  Anne 
de  Lusignan ,  prinoesse  de  Chypre ,  la  plus  belle  femme 
de  son  époque,  dont  il  avait  quinze  enfans  ^y  lui  aban- 
donnait la  direction  des  a£Eaires  et  confiait  à  des  Cy- 
priotes les  principaux  emplois^.  La  noUesse  indignée 
leva  la  tète.  Le  mécontentement  public  exigeant  une 


*  Ce  n'était  pas  assez  :  ainsi  que  v.ou8  Favet  si  bien  dit  en  plusieurs, 
endrmts,  il  fallait  que  cette  liberté  repos&t  au-dedans  sur  l'égalité  ()es 
droits ,  sans  laquelle}!  ne  pouvait  y  avoir  de  commune  patrie.  D.  L.  1)., 

'  GuUktmn^  HUt,  de  la  maiton  <U  Savait. 

'  Jd.  A.  1465. 


326  HISTOIRE  DE   LA   SUI86E. 

ftforme  foadameDUle  de  la  îustioe  '^  elle  exerça  sur 
le  ebaoeeUer  Guillaume  de  Bolomier  une  vengeance 
provoquée  par  ses  ridiesses^  et  par  Tabus  de  laoon- 
fiance  du  {HÎiice  précédent^ }  on  lui  attacha  une  grosse 
pierre  au  cou  et  on  le  précipita  dans  le  lac  de  Genève. 
Dirigée  par  le  général  Jean  de  Compeys,  la  cour  sévit 
contre  des  hommes  ennemis  moins  encore  du  chance- 
lier que  de  teut  ministre  en  faveur  *.  La  noblesse  re- 
chercha la  protoctiande  la  France''.  Le  dauphin  Louis 
gouvernait  le  Daupfainé  et  cherdmt  un  appui  ;  à  Tiasu 
du  roi  C3barlea  VU ,  défiant  avec  raison ,  le  duc  de  Sa- 
voie se  laissa  engager  à  lui  promettre  sa  fille*  en  ma- 
riage®. La  France  s'émut;  Charles  VII  se  montra  dans 
le  haut  Forez  ^^;  Compeys  était  mort  ^^  Le  duc  se  sou- 
mit* et  laissa  au  roi^  qui  maria  sa  fille  au  prince  de 
PîéBkffll^^^  le  aoin  de  contenter  la  noblesse  savoi- 
sienne^^.  Profondément  indigné  de  cette  soumission  qui 

*  Ké(€«iaa(wr9  génfou  de  l«  joalio».  M.  iè4S.  FIub  taid  les  tnis 
étab  furent  appelés  à  Oeaève  au  sa]et  de  semblables  grielii. 

*  MntasSylviiÊ»,  de  statu  Ëairopardans  Frelitr,  Scriptt,  II»  135. 
^  Amé  VUI ,  qai  vivait  encore  comme  pape. 

*  D«  là,  kl  desitoction  <te  Tarimboii^  François  de  hr  Pahi,  I  qai 
celle  «e^|ns«rîe  apparte««it .  éoàt  le  ehef  de  la  rôfanne. 

^  DupUiXf  HifiU  de  France, 

^  Charlotte  de  Savoie  époasa  le  Dauphin  en  1&&7,  et  mourut  en  i483i 
qoe^ues  ttioSs  après  tui ,  qui ,  sut  îc  trône,  ne  lui  avait  laissé  que  peu 
d'intococti  Atiéevirif.  lêêdaie». 

'  Gmcâêmm, 

^^  En  1452. 

H  Xué  dans  la  guerre  da  Milanais,  en  1449» 

*  Il  fît  un  traité  humiliant»  et  s'obligea  de  fournir  an  roi  400  laocet 
à  ses  {ra& ,  envers  et  contre  tous  •  excepté  le  pape  et  l'Emperenr.  C.  M* 

*^  Jolande ,  dont  il  sera  souvent  question  dans  le  eonrs  de  cette  hûf 
toire  ;  elle  mourut  en  i 478. 

«»  Il  députa  dans  ce  but  vers  le  roi  l'évoque  de  Sion  ,  Henri  Asçer- 
Hng  et  le  chantre  du  chapitre  de  Genève ,  Antoine  Piochct.  Cuiehn^on» 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  327 

dëiruisait  taule  l'utilité  de  son  mariage  ^^,  le  dauphin 
prétexta  oertaine»  prétentions  du  Dauphiné^  déjà  pres^ 
criles,  pour  faire  la  guerre  à  son  beau-pére  ^^.  Les  ar-* 
mes  de  la  Savoie  furent  malheureuses  ^^  ;  l'expérience 
de  la  déloyauté  rendant  toute  négociation  difficile  ^%  le 
duc  envoya  son  fils  ainé^^  deiix  fois  à  Berne  demander 
du  secours;  Ta voyer  Rodolphe  de  Ringoltingen  ^^  cx>n-^ 
duisit  trois  mille  hommes ,  sous  ta  bannière  bernoise , 
dans  les  environs  de  Genève  ^^.  Charles  VU  ordonna 
à  son  fils  de  faire  la  paix  ;  la  démonstration  des  Ber- 
nois ne  fut  vraisemblablement  pas  étrangère  à  cette  dé- 
cision ^^  Dans  ces  circonstances^  le  duc  remit  tous  les 
droits  qu'il  avait  lui-*méme  exercés  sur  la  baronie  de 
Yaud^^  à  son  fils  le  prince  de  Piémont^  gendre  du  roi 
de  France  ^^.  Les  députés  des  villes  prêtèrent  serment 
à  ses  représentans^  à  Moudon,  soua  réserve  que  le 
prince^  de  son  côté,  confirmerait  par  serment  leurs 

**  La  Savoie  lui  aurait  offert  an  asile  plas  sûr  contre  son  père  que  la 
cour  de  Boorgogne;  il  vit  alors  qu'il  ne  pouvait  pas  compter  sur  le  duc. 

**  Gmekenon,  ainsi  que  Tschudi,  II,  574»  Il  expose  avec  plus  de 
clarté  ces  événemens  que  Stettler,  qui  a  servi  de  guide  à  Iseiin  et  h 
May. 

'*  Viij,  seignenr  de  La  Serra ,  Humbert  Métrai ,  François  de  Senar- 
clens,  Gufllaume  de  Sacconex,  de  Colombier  à  Wuifflens  et  d'antres 
gentilshommes  du  Pa^-de-Vaud  forent  faits  prisonniers.  GaUhe^ 
non,  i&54. 

*'  Voyei  plus  loin  les  événemens  de  Fribourg. 

**  Amédée ,  prince  de  Piémont. 

<•  Avoyer  en  UhS,  51  et  54.  M.  Fréd.  de  MStUnen. 

*  Tichudi,  1,  c;  SteHUr. 

M  Jirflx,Vn,278. 

*>  •  Baronia  Vnandi  •  était  le  titre  diplomatique  ordinaire. 

^  Mondon ,  Morat ,  le  chftteau  et  la  ch&tellenie  de  Montagny,  Ro- 
mont,  Rue,  Tverdun,  Gudrefin,  Sainte-Croix ,  Les  Glées,  Gossonay 
(qui!  possédait  déjà  à  im  autre  titre) ,  Morges,  Nyon ,  Belmont,  Cor- 
bière. Qrandcourt.  Ch^  i&55. 


328  HISTOIBE   DB   LA   SUISSE. 

franchises  *  ;  les  seigoeurs  et  les  chevaliers  promirent 
de  jurer  lorsqu'il  viendrait  en  personne  ^^.  Plus  d'une 
fois ,  pour  doter  des  princes  et  des  princesses  ^^,  pour 
récompenser  les  mérites  d'un  frère  illégitime^®,  pour 
assurer  à  des  frères  cadets  une  situation  digne  de 
leur  rang^'^  ou  pour   sortir    d'un  embarras  pécu-- 


*  Une  charte  da  14  mai  1451  (  voy.  ci-dessoas  n.  50  ) ,  pnbb'ée  par 
M.  Grenus^  dans  les  Doctunemê,  p.  78,  citée  par  J.  J.  Cart  et  par  PêUitf 
EUmens ,  II ,  120,  renfenne  la  reconnûssaiice  la  plus  explicite  des  fran- 
chises du  Pajs-de-Vaud.  •  Le  duc,  dit  Pellis  \p.  1)1),  coqfirma  le  ser- 
»  ment  de  maintenir  les  franchises ,  libertés  et  immunités  de  la  baronie, 

•  et  ordonna  à  ses  officiers  de  n*y  contrevenir  jamais,  nonobtiani  qaelqtM 
»  lettres,  eommandemens  et  aatreê  eoncuêion»  tfue  i^on  pâtanamer  pour  foin 
»  au  contraire  d^s  prétente»,  -  C.  M. 

^*  CA«  du  9  mars  1456.  Uqmbert  Cerjat  porte  la  parole  pour  les  villes. 
=  Cette  ch.  importante  a  été  publiée  par  M.  Grenus  dans  ses  Documens, 
p.  77  à  89.  C.  M. 

^  Louise,  fille  de  Janus  de  Savoie ,  comte  de  Genevois,  n'apporta^ 
l-elle  pas  Vevey,  Blonay,  la  Tour  de  Peylz^  en  dot  à  son  second  mari, 
François  de  Luxembourg?  Guichenon, 

^  Testament  fCÀnUdée  FUI,  1439  (dans  GuUhenon),  par  lequel  il 
transmet  à  spn  frère  illégitime  le  vaillant  Humbert ,  outre  Estavayer 
(  «  Stavayaco  •  ] ,  que  celui-ci  possédait  déjà ,  la  ville ,  le  cb&leaa,  le 
mandement  et  le  ressort  de  Romont ,  qu'il  érige  en  comté,  «  in  augmen^ 

•  tum  feudi  nobilis  et  ligîi.  »  Humbert  mourut  en  1445. 

^'  Ainsi  Louis  remit,  à  Quiers,  en  1460,  les  biens  qu*il  possédait  dans 
cette  contrée,  à  son  fils  Jacques ,  célèbre  son$  le  nom  de  IlomonL  Gui- 
chenon,  s=s  «  On  ignore  l'époque  précise  où  la  coutume  de  donner  des 
apanages  aux  cadets  de  la  maison  souveraine  devint  en  ce  pays  une  loi 
fondamentale.  Ces  apanages  étaient  des  espèces  de  msjorats  ou  de  sub- 
stitutions, dépendantes  de  la  couronne,  et  devaient  y  faire  retour  en  cas 
d'extinction  de  la  branche  qui  en  était  investie.  Cet  important  étabUsse- 
ment,  inconnu  en  France  sous  les  deux  premières  races,  avait  pour  ol^et 
d'empêcher  la  division  de  la  souveraineté,  et  sur  ce  principe  furent 
f^its  en  1285  les  partages  entre  les  enfans  de  Thomas  II.  Auparavant, 
les  cadets  de  cette  maison,  appelés  damoiseaux,  et  surtout  les  bâtards 
étaient  le  plus  souvent  destinés  à  TEglise.  Un  grand  nombre  furent  évé- 
ques  et  abbés,  moines  ou  chanoines  des  chapitre^  de  Liège  ou  de  Lyou.« 


LIVRE  IV.    CHAP.  V.  329 

niaire^^^on  disposa  ainsi  de  l'usufruit  de  diverses  parties 
du  Pays-de-Yaud  ;  la  suzeraineté  demeurait  au  seigneur 
du  fief^^.  Même  après  cette  cession^  Louis  renouvela 
son  alliance  avec  Berne  ^  ;  Amédée  la  ratifia  après  sa 
mort^'^  puis  une  seconde  fois  lorsque  ce  prince  ma- 
ladif^ heureux  seulement  quand  il  faisait  du  bien'^, 
remit  la  direction  des  attires  à  sa  femme  Jolande  de 
France  ^^.  La  cour  du  duc^  qui  surpas^ten  faiblesse 
même  son  père^  fut  une  arène  pour  les  partis,  ex- 
cités surtout  par  la  passionnée  duchesse  et  par  l'es- 
prit inquiet  de  son  frère,  le  comte  Philippe  de 
Bresse  ^^.  Son  père  lui-même  ne  s'était  pas  cru  en 
sûreté  :  Philippe  avait  intercepté  l'argent  que  sa  mère 
comptait  envoyer  en  Chypre  dans  des  fromages  ^^  ;  il 
avait  poignardé  de  sa  main  le  gouverneur  de  la  cour 
de  sa  mère  *^  et  envoyé  enchaîné  sur  Tautre  rive  du 
lac  de  Genève  le  chancelier  de  son  père '^.  A  la  prière 
de  ce  souverain^  le  roi  Louis  XI  viola  le  sauf-conduit 

Mémoires  higtoriques  $ur  la  maison  royale  de  Savoie  par  M.  le  marquis 
Costa  de  Beauregard;  Turin ,  1816,  t  I ,  p.  183.  G.  M. 

^  Gex  hypothéqué  à  Jean,  bâtard  d'Orléans  (le  grand Dunois)  ;  1445 , 
2  0  mars.  Guishenon. 

>'  Sans  doute  aussi  «  dona  et  subsidia  per  bonas  villas  gcneralîter  im- 
ponenda.  >  Ch,  n.  26. 

*^  Instruaion,  Chambéry,  28  juillet  1457,  pour  le  maréchal  de  Seissel, 
pour  François,  comte  de  Gruyère,  bailli  de  Vaud,  etc. 

•«  Raiifieaiion,  Pignerol,  15  avril  1467. 

"  Ch.  22  mai  1469,  ibid. 

»  Guichemfn,  1469. 

^  Né  1458 ,  mort  comme  duc  1497.  Il  fut  la  souche  des  rois. 

'^  GuiehenoHf  A.  4496,  à  rectifier  d'après  Lévrier,  Comtes  de  Genevois , 
H,  41*  Voy.  plus  de  détails  ci-après  à  n.  d  et  suiv.  Cet  événement  ap- 
partient à  l'an  1462. 

**  Jean  de  Varai. 

''  Jacques  Walpurg,  comte  Mazin« 


330  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

qu'il  lui  avait  doonë  et  le  fit  enfermer  dans  ks  fameux 
cachots  du  château  de  Loches  ^^.  Far  leur  intercession 
et  en  se  pwtant  garans^  les  Bernois  obtinrent  sa  liberté 
afrèy  la  mort  du  pdr6  ^^.  Ce  prince  entreprenant  avait 
Famour  du  peuple  ^^. 

Maïs  9  dans  les  derniers  temps  du  régne  de  Philippe- 
le*Boiiy  duc  de  Boni^gogne^  il  se  forma  dans  cette  con- 
trée de  TEuropb  occidentale  un  parti  bourguignon  et 
un  parti  français  ;  le  premier  cherchait  à  comprimer  la 
royauté  et  la  puissance  de  la  France.  Jolande,  quoique 
sœur  du  roi,  et  Philippe  de  Bresse,  que  Louis  cher- 
chait à  gagner  par  tous  les  moyens  ^^,  embrassèrmt  le 
parti  bourguignon  ^^,  non-seulement  parce  que  ta  cour 
si  cultivée  de  Bourgogne,  et  Charles,  fils  de  Philippe, 
en  qui  brillait  tant  de  grandeur  et  de  noblesse,  avaient 
plus  de  charme  que  la  froide  et  sombre  astuce  du  roi, 
mais  parce  que  les  États,  faibks  et  sans  appui  sur  leurs 
derrières  ^^  n'avaient  rien  à  redouter  autant  que  l'u- 
nion de  toute  la  Gaule.  La  partie  la  plus  éclairée  du 
gouvernement  de  Berne  ^^  partageait  ces  vues  et  cette 
propension  de  la  cour  de  Savoie.  Celle-ci  consolida  les 

m 

**  Gaichenon ,  i.  c. 

**  StettUr,  l,  186.  La  Bottigogne  s'intérefliaît  beaucoup  k  lui. 

**  Le  peuple  espérait  qae  par  ton  énergie  il  affranchirai!  la  Savoie  do 
f  ong  da  msavais  oiinifllres  ;  il  ne  négligea  rien  de  ce  qui  dépendait  de  loi 

**  Après  sa  mise  en  liberté  il  Ini  confia  le  gouTemement  do  Limousin 
et  de  la  Guienne.  Guiehenan,  Mab  il  craignait  Philippe  «  et  o^i-ci  ne 
pouvait  se  plaire  auprès  do  roi. 

*'  En  1467,  alliances  avec  la  Bourgogne ,  avec  le  doc  de  Calabre  (en 
réalité  de  Lorraine),  avec  le  duc  de  Nonnandie,  (gète  du  roi,  instni* 
ment  de  Topposîtion ,  avec  le  doc  de  Bretagne.  4jimekem9L 

**  Dans  les  temps  snbséquens,  l'Autriche  ou  TEspagne,  aussi  long- 
temps que  cette  maison  régna  dans  la  haute  Bourgogne  et  en  Ixmibsr- 
die,  retarda  la  décadence  de  la  Savoie. 

**  Principalement  les  Bubenberg, 


UVRB  IV.   CHAP,   y.  331 

boûnes^  relations  ;  aussi  la  paix  ne  Ait  «elle  trou- 
blée^ ni  lorsque  les  habitans  d'Âi^e,  à  la  merci  de 
la  domination  oppressive  de  vassaux  savoisiens  *^^  les 
humilièrent  avec  Taide  des  Bernois  *^,  ni  par  la  réso- 
lution avec  laquelle  Berne  prit  les  armes  pour  se  faire 
rembourser  une  somme  ^"^  qui  lui  était  due  par  un  per- 
soimage  puissant  de  Bex^'. 

Dans  le  Pays-de^Vaud ,  on  respecta  les  anciennes 
franchises  ^'^  même  au  milieu  des  embarras  de  la 
oour^.  On  avait  essayé  autrefois,  dans  ks  affiiires  du 
couvent  de  Hauterive^  d'opposer  aux  vieilles  chartes^* 
les  lois  de  la  maison  souveraine^  et  les  nouvelles  idées 


*^  Sortont  les  de  Torrens. 

••  U64.  Waiiewxl,  HUU  de  la  dmf.  Meltf. 

«^  1466.  Si€HUr. 

**  n  s'appelait  A^>er  et  avait  probablement  an  droit  de  boorgeoisie  en 
Valais.  Leu^  art  Asper. 

**  Canfimuuùm  par  le  doc  LcMiis ,  en  iààk,  des  franchises  aecordées 
eo  id99  an  boni^  de  SainU^CrQim  (  admirablement  situé  s«r  le  Jura)  ;  de 
même  des  franebises  d^Vverdm^  i46€)  et  de  Tan  1459,  pour  cette  ville  et 
pour  GrandcQurt  la  confirmation  da  privilège  que  nul  chftlelaiQ  no  peut 
arrêter  quelqu'un  sans  jugement 

^*  Lorsque  les  villes  romandes ,  y  compris  Morat,  Estavayer,  Mon* 
tagny  et  Corbière,  ooniriboèrentdedenx  florins  par  chaque  feu  pour  la 
dot  de  la  princesse  Charlotte  (ci-dessus  n.  8  ),  le  duc  déclara  par  un  re- 
vers que  c'était  sans  préjudice  de  leurs  franchises.  Revers,  Saint  Antoine 
de  Viennois,  44  mai  14^4  (  J^iit.}.  *=»  C'est  la  C4.  que  nous  avoua  citée 
dans  la  note  *,  après  la  note  S8.  C.  M. 

'*  Ilauterîve  avait  été  acheté  des  vieui  seigneurs  d*Arconciel  et  d'Il- 
lens;  Louis,  baron  de  Vaud ,  et  les  comtes  de  Savoie  suivans,  ainsi  que 
le  premier  duc,  avaient  ccmfirmé  cet  achat. 

^>  De  l'inaliénabilité.  »  Ce  qui  concerne  le  principe  de  l'inaliénabilité 
du  domaine  souverain  dans  la  maison  de  Savoie ,  a  été  nettement  et  briè- 
vement exposé  par  le  marquis  Ce$ta  de  Beamregardt  dans  l'ouvrage  déjà 
cité,  1 1,  p.  ift4et  435  :  «L'inaliénabilité  était  de  principe  dans  les  sht 
cicnnes  coutumes  des  Bouiguignons  et  surtout  des  Lombards.  Le  moin- 
dre feudaUire,  n'étant  qu'administrateur  de  son  fief,  ne  pouvait  alté- 


332  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

de  ressort  et  de  souveraineté  ^'  ;  mais  là  propriété  fut 
protégée  par  les  formes  de  l'Empire  ^^.  La  sûreté  est  la 
base  de  la  liberté. 

Grâce  à  l'amitié  de  la  Bourgogne ,  de  graves  débats 
pour  Orbe  et  Grandson  eurent  une  issue  pacifique.  Le 
vieux  prince  d'Orange ,  le  bon  Louis  ^^  avait  défendu 
avec  bonheur  et  prudence^  à  la  cour  de  Savoie  et  à  celle 
de  Bourgogne,  cette  partie  du  pied  du  Jura^  héritage 
de  son  épouse  ^^^  contre  les  plus  puissans  adversaires^^. 
Père  plus  irrité  que  prince  prévoyant^*,  il  avait  obtenu 


k«r  la  valeur  de  cette  espèce  de  fidéicommis.  Les  princes  surtout  se 
seraient  bien  gardés  de  démembrer  leur  domaine ,  qu'ils  devaient  rendre 
bonifié ,  ou  du  moins  intact ,  à  leur  successeur.  On  voit  dans  les  annales 
des  Bénédictins,  par  le  père  Mabillon,  qu'Ardu  in  m,  bisaïeul  d'Adé- 
laïde de  Suse,  en  donnant  à  Saint-Michel  de  la  Cluse  le  sol  sur  lequel  de- 
vaient être  jetés  les  fondemens  de  cette  abbaye ,  et  en  affranchissant  ce 
sol  de  toute  dépendance  séculière,  en  reçut  fictivement  le  prix ,  afin,  dit 
l'annaliste,  de  pouvoir  fournir  au  besoin  la  preuve  que  cette  aliénation 
n'avait  point  été  onéreuse  à  son  domaine.  Cependant  la  coutume ,  dont 
il  est  ici  question ,  ne  devint  une  loi  écrite  qu'en  iàh^,  sons  le  duc  Louis, 
et  dès-lors  elle  dura  intacte  jusqu'à  l'établissement  des  impôts.  Nos 
princes,  qui  vivaient ,  comme  de  simples  gentilshommes ,  du  produit  de 
leurs  terres  et  de  leurs  droits  féodaux ,  se  permirent ,  dans  de  pressans 
besoins ,  d'en  engager  quelques  parties;  mais  ne  cmrent  jamais  avoir  le 
droit  de  l'aliéner  entièrement  »  G.  M. 

^*  On  voulait  faire  du  Pays-de-Vaud  un  «  territorium  clausum  »  selon 
le  langage  des  publidstes  ;  mab  les  légistes  consultés  opposèrent  à  cette 
prétention  l'exemple  de  Besançon  et  de  Lausanne. 

**  Aete$  de  ce  procès,  débattu  en  U5i,  à Gray-sur-Satee ,  devant 
Otton  de  CUran,  chevalier,  diltelain  de  Vercelles,  suppléant  de  l'arbitre 
comte  Jean  de  Neuch&tel.  Lorsqtf'en  1452  Guillaume  Felga,  chevalier, 
abdiqua  l'avonerie ,  l'abbé  et  le  chapitre  lui  élurent  un  successeur. 

*^  C'était  son  surnom. 

^  Jeanne  de  Montfaucon ,  t  iV,  au  commencement. 

^'  Tbiébaut  de  Nenfch&lel  en  haute  Bourgogne,  son  beau-frère ,  et  la 
Palu  Varambon  (ci-dessus  n.  6). 

^^  Le  fils  aîné ,  Guillaume ,  avait  hypothéqué  dans  la  guerre  du  Mil** 


LIVRE  IV.   CHAP.   y.  333 

de  Tune  et  de  lautre  de  pouvoir  léguer ^^  au  moins 
Tusufruit  de  ces  contrées  ^^  à  des  fils  puinés.d'un  second 
lit  ^'  •  Ceux^i ,  Louis  et  Hugues ^%  habitaient  à  Grand- 
son  et  à  Orbe;  l'ainé,  Guillaume ,  reçut ®^  de  sa  tante 
Marie ^^9  Gerlier  sur  le  lac  de  Bienne,  fief  que  sa  mai- 
son tenait  de  la  Savoie  ^^.  Ainsi  la  prudence  de  la  mai- 
son d'Orange  fut  récompensée  par  les  deux  cours  ^  qui , 
dans  deux  occasions ,  avaient .  renversé  la  maison  de 
Grandson,  redoutable  à  leur  puissance  par  son  in- 
flAibilité««. 

Les  comtes  de  Gruyère  n'avaient  pas  à  redouter  des 
princes,  mais  des  créanciers.  Le  comte  François  ^'^^  ma- 
réchal de  Savoie,  bailli  de  Yaud,  brillait  dans  les  cours, 
dans  les  conférences ,  dans  les  guerres,  et  lorsqu'il  em- 
bellissait  par  sa  présence  les  fêtes  du  carnaval  de  Fri- 
bourg  ^.  Trop  juste  ^^  et  trop  prudent  pour  payer  son 


nais  flon  héritage  maternel  pour  les.  intérêts. dn  duc  <f Orléans,  qui 
payait  très-irrégnlièrement  la  solde  t  car  •  sy,  U  faloît  leur  donner  »  (aax 
soldats).  OUv.  de  la  Marche,  1.  I. 

^'  Guillaume  lui-même  vendît  à  sa  belle-mère  une  partie.  CA.  1450  et 
saiv«,  dans  Inventaire  dee  titrée  de  la  tnaieon  de  Chàlone, 

<*  L'alné  prétendait,  à  cause  d'Arlay,  demeurer  possesseur  du  fief  de 
Orandson;  i)  fut  reeonnu  en  cette  qualité ,  à  Echallens  par  «  gouverneurs 
et  pmdhommes.  »  CA.  1404  et  72.  Ihid, 

^  Avec  Aliénor  d*Armagnac. 

**  Appdé  de  Ghfttèaugnyon. 

^  Ch.de  franehiêe  de  GaiUaame;  1468. 

**  Veuve  de  Neucb&tel,  1457,  sœur  de  son  père.  CA.  1459  où  elle 
rend  hommage  à  la  Savoie.  Elle  s'écrit  en  1460,  de  Chàlons ,  Fribouig, 
Neuchittel  et  VerceiL  Cette  dernière  ville  était  son  douaire. 

«  T.  IV,  8^6. 

»  T.  iy«  10  et  sniv. 

*'  Fils  da  comte  Antoine,  petit-fils  de  Rodolphe ,  dont  l'aïeul  Pierre 
combattit  contre  Berne  dans  la  guerre  de  l^anpen. 

"  1467. 
'  '  'f  Sa  justice  est  prouvée  par  la  confiance  du  peuple.   - 


336  HIBTOIRB    DE    LA  SUISSE. 

chelés^^  et  de  la  juridiction  qu  il  n'avait  fcnrfaite^^  paur 
quoi  que  ce  soit.  Combien  paraissent  innocens  les 
moyens  par  lesquels  nos  pères  arrivaient  à  la  liberté! 
ils  la  possédèrent  légitimement ,  aussi  fu(r«lle  long- 
temps bénie. 

A  Lausanne ,  la  sage  administration  ^^  de  Creorges  de 
Saluées  fut  remplacée  pour  bien  peu  de  temps  par.  celle 
du  bon  vieillard  Guillaume  de  Yarax^.  A  la  mort  de 
cet  évéque ,  le  prince  François  de  Savoie ,  dont  le  f rère^ 
encore  enfant^  avait  occupé  le  siège  épiscopal  de  Ge- 
nève ^'^  fut  recommandé  par  les  Bernois  et  vivement 
appuyé  par  son  frère  Philippe  de  Bresse  ^^.  Mais  il 
parut  dangereux  d'élire  un  évéque  de  ce  nom^^,  ou  in- 
convenant de  confier  aux  soins  d'un  enfant  une  admi- 
nistration si  compliquée  ^^  ;  le  chapitre  hésita  et  déter- 
mina la  cour  de  Rome  ^^  à  élire  un  simple  particulier^ 
auquel  le  duc  ne  pouvait  être  défavorable ,  puisque 
c'était  son  ancien  chancelier  ^^.  Les  syndics  de  la  haute 

«pam  fabarum.»  De  même  sur  «Raoblax»  (le  Rabli)  et  Roagemont 
11  revient  au  prieur  sur  ces  montagnes  qu'ib  «  accopant  et  inarpant»  sh 
journées  et  demie,  et  de  chaque  charrue  dans  la  vallée,  annuelleroent 
deux  «  corvatas.  • 

*^  Ceux  qui  avaient  été  affranchis  demeuraient  affranchis. 

''  «Mistralia,»  la  mairie.  S40-844- 

**  Ci-dessus  ch,  IV,  à  n.  Zki-Hk- 

«•  De  1462  k  1466. 

9i  Ci-dessus  chap.  IV,  à  n.  547. 

*'  Lettré  in  comU  PhiUppa  de  Bug^,  9eigneur.ee  Bretee ,  lieatenant-gé- 
néral  et  gouverneur  de  Savoie.  (Il  l'était  ahr$»)  1AG6. 

**  StettUr  le  donne  à  entendre. 

**  Le  pape  Patd  II  dit  dans  son  hréf:  c  Qu'il  avait  pour  principe  de  ne 
jamais  nommer  un  évéque  qui  ne  fàl  au  moins  Igé  de  S7  ans. 

>*  On  différa  l'éleclion  ;  le  pape  cm t  donc  le  temps  d'intervenir.  Il  ne 
le  fit  pas  sans  négocier  avec  la  maison  de  Savoie. 

**.  JeanHichaêl.  Guiekenon  Yé  cite  dans  la  liste  des  chancelieis,  ainsi 
qu'en  1483  Pierre  Michaêl. 


LITRE  IV.   CUAP.    y.  387 

^1  basse  ville  de  Lausanne  ^  le  prieur  gouverneur  de  la 
ville  et  de  la  vallée  de  Lutry ,  la  grande  commune  de 
Viliette  et  les  autres  localités  du  diocèse^  ne  prêtaient  ' 
serment  à  un  évéque  qu'après  qu'il  leur  avait  garanti 
leurs  droits  ^.  Le  prélat  nommait  ensuite  le  bailli  et  les 
tribunaux  ^^.  Il  existait  une  convention  sur  les  relations 
diverses  du  chapitre^  sur  les  cbâtellenteç  ^^^  les  biens* 
fonds  épars  ^^^  les  chasses  ^^^  et  les  justices  ^^^.  Elle  n'a- 
vait pas  été  conclue  sans  la  participation  de  la  ville  ^^. 
En  général  9  on  soumettait  au  peuple  entier  les  ordon- 
nances importantes  ^^^y  afin  que  personne  n'ignorât  à 
quoi  il  devait  concourir  et  dans  quel  but;  chacun 
remplissait  plus   volontiers  des  obligations   sur  les- 
quelles il  avait  été  consulté. 

Aucune  ville  n'offrait  le  spectacle  d'une  aussi  grande 
activité  que  Genève;  elle  en  était  redevable  au  com- 
merce; les  villes  florissantes  de  l'Allemagne  ^^  ne  trou- 
vaient pas  de  route  plus  commode  que  la  vallée  du 
Rhône  pour  transporter  leurs  marchandises  à  Lyon  et 

■ 

*'  La  charte  de  Guillaume  de  Farax,  1462,  nomme  ansri  Glérolle, 
Oorsier  fprès  Vevey),  Villarsel,  Lucens  et  Gonrlille  (près  Mondoa) , 
Balle  et  Avencbes. 

*'  Le  plaid  général  (  1.  UI,  159} ,  les  nouveaux  statuts,  les  contâmes 
non  écrites. 

••  CL  n,  97. 

***  Saint-Prex ,  Saint-Martin  (  dans  Rue  de  Vaod?) ,  Essertines. 

'**  Dans  les  limites  des  biens  de  la  mense  épiscopalc. 

***  Outre  les  cerfs,  il  est  fait  mention  d'ours  et  de  sangliers. 

***  Convention  de  L'évique  Georges  de  SaltUeê^  4  455. 

***  «  Matara  deliberatione  etiam  cum  nobiiibus,  civibns  et  buigenst* 
bûs  nostris,  et  abundantia,  prshabita.  • 

***  P.  e.  en  1454,  Vordonnance  sur  les  maisons  et  les  jardins  contigus  aux 
mars  de  la  ville  basse.  Le  peuple  assemblé  Tadopta  le  24  juin. 

***  Nuremberg  faisait  le  commerce  le  plus  considérable  dans  cette 
fontrér, 

vî.  ^% 


338  BISfOltB   DE   LA    SIHSSE. 

^as  le  midi  de  la  France.  La  liberté  et  la  neutralkë  de 
Genève  faisaient  toute  la  sûreté  de  cette  route  '^.  Cet 
i^tvepot  de  marchandises  ^^^  et  la  grande  foire  de  Ge- 
B^ve  ^^^  offraient  à  la  Savoie  même  des  avantages  si  évi- 
dent >  que  le  faible  duc  iiouis  put  seul  les  méconnaître 
d^as  raveuglement  de  sa  coléra.  Philippe ^  fils  de  ee 
prince ,  après  avoir  enlevé  sur  la  route  de  Fribourg"^, 
comme  nous  l'avons  rapporté^  les  trésors  long-tempe  en- 
tassé^ k  Cba^tfm/erle  et  que  sa  mère  comptait  envoyer 
en  Chypre  pour  soutenir  sa  maison  ^^^^  vint  par  Nyoa 
k  Genève,  où  son  père,  malade  de  la  goutte ,  se  croyait 
en  sûjpeté  contre  ce  fils^^^.  Accompagné  de  beaucoup 
de  jeunes  gens  fribourgeois  et  neuchàtelois,  Philippe 
trouva  aussi  des  partisans  parmi  les  jeunes  Genevoise! 

**^  Ordre  de  CharUâ  Vfl,  notifié  par  les  syndics ,  le  conseil  et  h 
cç^mua^  de  Geoève,  aux  sénéchaux  de  Toulouse,  Garcassonne  et  Betn- 
caire ,  au  bailli  de  Màcon ,  au  sénéchal  de  Lyon  et  aux  juges  de  la  Cov 
du  petit  scel  à  Montpellier^  11.  déc.  1^55,  dans  la  nouv.  édit  deSpoa. 

'*'  On  avait  déjà  érigé  un  magasin  en  1415  \  Fusage  des  marchands 
français.  Senebier,  lUiU  littér,  de  Genève ^  L  I ,  S5. 

***  Les  dédicaces,  les  fêles  palxonales  ou  les  pèlerinages  ters  desainles 
reliques  étaient  les  occasions  de  ces  grands  mardiés.  11  en  était  ainsi  à 
Jérusalem  et  à  la  Mecque.  George  de  Saluces  voulut  établir  quelque  chose 
de  semblable  à  Lausanne;  Nicolas  V  donna,  pour  attker  les  pélerini, 
quelques  gouttes  du  sang  de  Ghrist  et  un  morceau  de  la  vraie  croîi; 
GalixtelII  (ck  1456)  transporta  le  pèlerinage  à  une  saison  plus  com- 
mode ;  mais  Tesprit  commercial  ne  s'élaUit  jamais  à  Lausanne  conune 
à  Genève. 

^'*  Ro$et,  Chroniques  de  Genève,  msc.  Cette  expédition  secrète  devait 
sans  doute  traversa  la  Suisse  allemande  pour  la  destination  de  Venise. 

***  Sa  nièce  Charlotte  et  Tépoux  de  celle-ci,  son  fils  Louis , éiaienl 
vivement  pressés  par  Jacques,  prince  illégitime,  que  le  sultan  des  ma- 
melouks favorisait.  Voy.  la  conséquence  de  l'action  de  Philippe  daof 
pUlet,  HUU  desroiide  Chypre,  U,  J76. 

M'  GuichenoH,  Cette  histoire  appartient  à  Tan  146S. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  839 

même  les  ayndies^'^.  Il  fut  introduit^  jeta  l'argent  aux 
pîedd  de  son  fé"e,  se  plaignit  de  la  conduite  indé* 
oente*^*  et  nuisible  ^^^  de  sa  mère,  et  chercha  jusque 
soiis  te  lit  du  duc  les  favoris  cypriotes.  Le  duc  apaisa 
son  fils  '^^.  L'évéque,  fils  aussi  de  ce  prince ,  reproch 
vivement  au  conseil  et  au  peuple  d'avoir  donné  entrée 
à  Philippe  ^^''y  et  remit  au  père  irrité  la  charte  qui  oc- 
troyait aux  Genevois  les  franchises  de  leurs  foires  ^^^. 
Le  duc  se  rendit  à  Chambéry^  déclara  la  ville  rebeHe 
et  révoqua  toutes  les  sûretés  de  la  route  commerciale. 
Les   Crenevoisy    favorisés  par  la  sagesse    de   son 
père  ^^^,  fortifiés  par  le  grand  nombre  d'étrangers  *^* 
admis  à  la  participation  de  leurs  franchises  et  de  leurs 
droits  civils  ^^^  avaient  une  constitution  bien  ordon- 
née. Quatre  syndics  portaient  annuellement  le  bâton 
de  l'autorité  ^^^.  Quatre  citoyens,  que  chacun  d'eux 


<i>  Spon  en  menlîonue  deax.  Gautier  prouve  par  les  protocoles  qa*il 
n'est  pas  vrai  que  l'an  d'eux  ait  été  pendu. 
*    ***  «  Elle  était  taxée  (  tachée)  en  son  honneur  fà  et  là.  »  jRofe/. 

*i^  Elle  voulait  faire  de  ses  ills  les  princes  les  plus  pauvres  de  la  duré- 
lienté.  Spon. 

Al*  Il  lui  fit  bonne  chère.  Ro8$i. 

*/^  D'autres  l'attribuent  au  duc  malade  ;  Roui,  avec  plus  de  vraisem- 
i>lance ,  l'impute  au  vigoureux  et  jeune  évoque  Jean  Louis*  Voj.  ci- 
après,  t.  VU ,  chap.  VII ,  non  loin  de  la  fin. 

"»  Spon, 

Al*  Ce  Bolomier  (  ci-dessus  à  n.  4  )  était  un  ami  particulier  de  Ge- 
nève (Haller,  Bibl.  de  CttUu  de  la  Saine  V,  63).  Il  y  avait  aussi  fondé 
près  de  sa  vigne  («butins»  Roitî)  un  couvent,  en  i&4ft.  Pièces  justii- 
catives  de  la  nouv.  édit.  de  Spon, 

A»  Trois  cents,  de  1446  à  1455.  Roeet. 

A*A  i^es  bourgeois  seuls  pouvaient  porter  l'épée  {ek,  14SS  ) ,  tenir  des 
^liberges  {ch,  1487),  importer  du  vin  {tk.  1496)»  avoir  des  ateliers 
ouverts  (cA.  de  la  même  année). 

*^  n  est  question  de  ce  bâton  pour  la  première  fois  en  1450.  Ro$tt. 


340  IIIATOIRE    BK    LA    ifllSSP.. 

s'adjoignait  ^^^>  leurs  prédécesseurs  immédiats  ^^  et  k 
boursier  formaient  leur  conseil  ^^^.  Le  grand  conseil 
comptait  le  double  de  membres ,  et  on  y  ajoutait  par- 
fois un  nombre  indéterminé  ^^^  de  citoyens  et  de  sa- 
vans.  On  jugeait  le  commerce^  k  liberté  et  la  culture 
intellectuelle  si  intimement  unis,  que  Genève  avait 
déjà  de  bonnes  écoles  ^^'';  chaque  citoyen  était  en  état 
de  lire  dans  sa  langue  les  lois  fondamentales  ^^^  ;  on 
avait  aussi  aggrégé  au  conseil  ordinaire  quatre  doc^ 
teurs  en  droit  ^^®,  mal  payés  ^'®,  mais  très-honorés, 
puisqu'on  leur  accordait  souvent  le  pas  sur  les  syn- 
dics. Le  Conseil  général  se  composait  tantôt  seule- 
ment des  pères  de  famille  ^^^,   tantôt   de  tous   les 

*^  Celle  manière  de  s*aggréger  des  citoyens  dans  des  cas  difficiles  a 
subsisté  dans  les  cantons  démocratiques  depuis  l'origine  de  la  Suisse. 

*>*  Dans  rintérél  de  l'esprit  de  suite. 

«»  Uvriev  il;  k  l'an  i&57. 

*'*  Jusqu'à  la  concurrence  de  800  ;  le  nombre  était  fixé  par  les  syn» 
dics.  InMtrudum  de  1457  t  «50  et  certi  bnrgenses  eligendi,  si«it  ne- 
cesse.  »  Ch,  1458  !  «  burgenses  bono  numéro.  • 

*'^  14S0  :  professeurs  de  théologie;  1429,  école  pour  la  grammaire, 
la  logique  et  les  autres  arts  libéraux.  Senebier  1,29. 

*'*  Le  notaire  Michel  Monthyon  traduisait  en  1455  les  Libertéê  H  /rnt* 
ehiies  d'Adhemar  Fabri.  Senebier  I,  11  S. 

"•  Id.  I.  29. 

*'*  Deux  écas  par  an,  1457.  Les  salaires  étaient  aussi  bas  aillenrs 
(j'ai  reçu  de  1788  à  1797,  comme  membre  du  Grand  Conseil  de  Schaff. 
bouse,  ailnuellement  trob  florins,  vingt  kreutzer)  ;  il  faut  qu'il  en  soit 
ainsi  dans  les  républiques.  s=  Le  principe  n'est  point  vrai  en  général ,  et 
ne  le  devient  que  selon  l'application  qu'on  en  fait  Les  ConuiU  gémé^ 
vmux  ne  prennent  que  peu  de  temps ,  tandis  que  les  magistratures  et  les 
offices  proprement  dits ,  absorbant  le  temps  du  magistrat ,  ne  lui  per- 
mettraient de  subsister  sans  appointemens  que  dans  le  cas  où  il  serait 
riche.  D.  L.  H. 

"^  «  Gapita  domomm.  »  En  1495  on  appelle  à  l'élection  des  sjndkt 
de  100  Si  120  bourgeois. 


UVRR  iy.  CHAP.  y.  341 

citoyens  ^^,  même  aveo  le  concours  des  simples  ha-* 
bilans  ^*'. 

La  haine  impuissante  du  due  pour  cette  ville  lui 
inspira  une  action  dont  il  fut  lui-même  victime  »  Il 
transmit  son  droit  de  foire  au  roi  Louis  XL  Celui-ci 
en  gratifia  la  ville  de  Bourges  ^^^^  et  ensuite  Lyon  ; 
les  sujets  savoyards  ne  perdirent  pas  moins  à  ce  chan- 
gement que  les  Genevois.  Anne  de  Chypre  avait  prévu 
ces  conséquences  ^^^  ;  le  comm'erce  entre  la  Savoie  et 
Genève  fut  rétabli  dans  la  suite  ^^^,  et  l'on  pria  le  roi 
de  France  de  rendre  la  charte  ^^^.  «  Je  la  restituerai,  » 
dit  Louis  XI,  «  quand  Genève  sera  savoisien.  »  Il  sa- 
vait que  les  Genevois  n'y  consentiraient  jamais^  et  ra- 
lentit par  là  rintercession  de  la  Savoie.  Mais  il  donna 
bientôt  aux  Genevois  la  liberté  du  commerce  ^^^.  Quoi- 
que de  pareils  voisins  empêchassent  la  ville  de  s'élever 
à  la  hauteur  où  son  esprit  public  devait  atteindre, 
grâce  à  son  habileté  singulière  elle  trouva  toujours 

***  «  Sub  pœna  fidelltatis  et  privalionis  burgesis  ;  •  1457. 

*^  m  Gi?es,  bufgenses,  incola  et  habitantes.  •  1457.  •  Communitas 
ci?iam ,  bnrgensium  et  incolanim ,  ut  moris  est ,  crea?it  syndtcos.  • 

'^  Elle  intervint  et  décida  que  les  syndics  donneraient  2,900  écus. 
Cependant  il  vaut  mieux  suivre  Boset,  qui  place  ce  fait  au  4  octobre  1457, 
où  il'7  eut  aussi  un  différend.  Anne  s'était  réconciliée,  car  étant  morte 
peu  après  elle  fut  enterrée  à  Genève.  Le  petit  Bugey  lui  doit  la  plantation 
de  vignes  de  Gb)'pre,  qui  produisent  •  le  vin  d'Altesse ,  •  selon  la  tra- 
(fition. 

***  Lettre  de  franchise  d'Amédée  IX  ;  1466.  Spon  et  LévrUr  d'après  If^. 
Citadin. 

**'  Les  mêmes. 

**•  En  1467. 


342  HISTOlBfi   BZ'hà.   8ffI86E. 

* 

dans  son  actiyité  iodiittmlle  Téquivalenl  des  préni^ 
galives^^^*. 

Dans  ce  temps  ^^^  Jean-*Louis  ^*^,  fils  du  duc  Louis; 
fréi;e  de  l'ëvéque  Pierre^  mort  avant  que  les  rnnéesde 
k  jeunesse  eussent  développé  en  lui  de  bonnes  ou  de 
mauvaises  qualités,  occupait  le  siège  épiscopal  de  Ge- 
nève ;  jeune  homme  plein  d'esprit  et  de  feu ,  il  préfi^ 
rait  à  tout  autre  vêtement  l'armure  du  chevalier  ^*^ 
Après  la  mort  de  son  frère  ^  il  oublia  sa  maison  et  ne 
vécût  que  pour  Genève;  évêque,  il  ne  viola  jamais  ks 
franchises  de  cette  cité;  prince^  il  les  défendit  avec 
justice  ^*^. 

Nous  avons  vu  la  ville  de  Fribourg,  dans  TUecht- 
land,  passer  de  la  main  des  Zaeringen^  ses  fondateurs^ 
dans  celles  des  héritiers  deKibourg,  qui  la  vendirent 
ensuite  à  la  maison  d'Autriche  ^^^.  Cette  ville  n'avait 
pris  que  peu  ou  }X)int  de  part  à  la  guerre  de  Zurich, 
parce  qu'elle  ne  voulait  ni  secourir  ses  alliés  de  Berne 
contre  ses  souverains ^  ni,  dans  Tàttente  d'un  secours 

**'  A  la  conférence  monétaire  de  Boni);  en  Bresse  en  id69,  il  se  Uonn 
80.  maîtres  monnayeuis. 

*  L'incorporation  de  Genève  à  la  France  en  4798  fat  un  grand  crime. 
Un  foyer  actif  de  lumières  fat  étouffé  sans  fruit  pour  les  étoniTeors. 
L'imjprudence  et  la  maladresse  des  agens  genevois  à  Paris  conlribnèrent 
beaucoup  à  la  perte  de  leor  patrie.  D.  L.  H.  L'éclat  indastriel  et  intel- 
lectuel de  Genève  suisse  et  libre  complète  le  tableau  et  la  leçon.  C.  M. 

'*<»  De  1459  à  1483. 

^^  Les  (nrefê  de  prhentalion  du  pape  se  trouvent  dans  le  BulUtrim  M, 
de  Chérubin,  t.  IX ,  à  la  date  du  6  févr.  1459. 

•  **^  «  11  avait  les  inclinations  d'un  gendarme.  •  Lévrier  II ,  37. 

***  Vojr.  le  fondement  de  cet  éloge  dans  Lévrier  II ,  et  ci-apès,  t  VH, 
cliap.  Vil ,  ainsi  que  dans  d'autres  passages. 

"*  T.  î,  367;  t.  II,  7, 1J8, 129. 


uvAK  IV;  GiiAP.  y.  34â 

écrangar  et  încerlaifl  y  offenser  des  Toism»  |>iiistoiis*  Be 
tout  temps  ^^^,  les  Fribourgeois  avaient  été  dévoués  de 
cœur  à  la  maison  d'Autriche  ;  sa  puissance  les  protégeait 
contre  l'ambition  de  Berne;  son  éclat  1rs  dédomma- 
geait de  celui  dont  \es  Bernois  brillaient  par  de  grondes 
actions  couronnées  de  succès.  Mais  on  fut  choqué  à 
Berne  de  voir  Fribourg  solder  une  garnison  merce- 
naire ^*^,  et  ses  jeunes  gens  choisir  pour  parure  des 
plumes  de  paon.  On  fut  irrité  de  voir  refuser^  même 
contre  les  Armagnacs ,  le  secours  dû  par  des  alliés  ^^^. 
Toutefois  on  garda  le  silence. 

Le  chevalier  Guillaume  d'Avenches  ***,  avoyer  de 
Fribourg,  était  alors  par  sa  naissance,  sa  parenté ,  sa 
richesse.  Son  jpa'rti  et  son  courage,  l'homme  de  beau- 
coup le  plus  puissant  de  cette  ville.  Il  possédait  un  grand 
bombre  de  fiefs  de  la  maison  de  Savoie.  L'écuvcr-traii- 
chant  de  Diessenhofen ,  uû  des  principaux  fonction- 
naires autrichiens^  ofiensa  gravement,  dansée  temps-là 
même,  cette  maison,  en  terrassant  un  camerlingue  ^^^,  et 
"ea  lui  enlevant  quatre  mille  florins.  Soit  cette  affaire^^^, 

****  T.  II,  168. 

**•  Principalement  des  Valaisans.  StetiUr  1 ,  169. 

**''  Tsehudi  II ,  A&B.  Cela  dément  Topinion  inexacte  que  Friboarg  prit 
put  à  l'expédition  de  Greîfenséeé 

***  «  Meftsire  Gnillie  d'Aven clies  •  dans  les  relations  françaises  de  ce 
temps;  dans  plusieurs  relations  allemandes  ce  nom  a  été  corrompu  et 
changé  eo  Âfflentschen.  Nobilimre  militaire  suitge,  t.  I,  Bàlc,  1787, 
p.  179  et  soiv.  ssTovte  Tfaistoire  suivante  de  rémancipatfoh  de  Friîranrg 
est  racontée  avec  grftce  dans  le  t  IX  du  ConservaUur  saisse  (p.  289-321), 
recueil  que  nous  citerions  plus  souvent,  si  le  savant  et  respectable  auteur 
afftit  toujours ,  comme  ici ,  indiqué  les  sources.  C.  M. 

'**  Champion,  D'autres  lui  donnent  le  titre  de  chambellan ,  hiais  ît 
s'agit  d'un  camerlingue  du  pape  Félix. 

^^  OU  prétend  qu'il  fit  échapper  «o  prisonnier  poMr  de  Tâfg^t.  Côlt42 
histoire  appartient  à  l'an  1447. 


344  BISTOIRB  DE   Lk  WUnSE. 

OU  une  dissidence  entre  le  Conseil  et  la  Gommiiney  oo 
quelque  offense  personnelle  ,  ou  le  pouvoir  de  Tenvie^ 
Favoyer  fut  accusé  d'actes  intéressé  et  rois  en  état 
d'arrestation  ^^^  Tous  ses  parens,  beaucoup  de  prin- 
ces, de  seigneurs  et  de  villes^  auxquels  il  avait  montré 
deTaffeclion  aux  jours  de  sa  grandeur,  lui  témoigné* 
vent  rintérét  le  plus  chaleureux  ^^.  Lui-même,  dans  le 
sentiment  sioon  de  son  innocence  ^^%  du  moins  de  Tas- 
eendant  de  la  grandeur  déchue  sur  la  multitude  y  et  du 
peu  de  caractère  de  ses  ennemis^  renonça  aux  formes^ 
juridiques  et  se  soumit  au  jugement  de  la  commune. 
Ses  adversaires  oublièrent  qu'il  ne  faut  pas  irriter  on 
qu'il  faut  anéantir  des  hommes  comme  lui,  riches  en 
ressources ,  si  bien  au  fait  des  côtés  faibles  de  la  ville* 
On  annula  la  plainte;  on  crut  faire  assez  pour  la  sûreté 
publique  en  exigeant  de  lui ,  de  ses  fils ,  de  ses  filles,  de 
ses  gendres  et  des  bourgeois  d'Avenches^^  le  serment 
qu'il  demeurerait  à  Fribourg,  ne  soustrairait  pas  se» 
biens  à  la  juridiction  de  la  ville  ^  et  ne  recourrait  jamais 
à  des  tribunaux  étrangers  ni  à  des  actes  de  ven- 
geance ^^^.  Pour  lui,  ne  se  croyant  pas  lié  par  un  ser- 


Asi  Je  suis  la  CJironiqwe  de  Friboarg,  manascrile,  qne  Phistonen 
Ttehamer  a  aussi  eue  à  sa  disposition  ;  c*est  un  volume  în-folio  d* ooe 
belle  écriture,  mais  incorrect,  ^ré  avec  beaucoup  de  soin  des  sources 
authentiques. 

*^'  Nommément  le  prince  d*Oraoge ,  les  comtes  de  Nenchàtel  et  Va- 
langin ,  te  sire  de  Vauxmarcus  (  de  la  ligne  latérale  naturelle  de  Nencb&- 
tel) ,  Gruyère,  Berne,  Avencbcs.  Alt,  H  Ut.  dês  lUUit.  IV,  i07. 

*^  La  chronique  dit  qu'il  se  reconnaissait  coupable^ 

^^*  Il  était  le  premier  gentilhomme  de  la  petite  ville  bàlie  sur  les  mine» 
d'Avcnticum.  La  Villa  Repos,  près  de  là,  était  peol-être  une  de  ses 
propriétés. 

***  Il  fournit  pour  cela  des  cautions  jusqu'à  la  eoQcurrenee  de  ••O  Oo* 
rinê*  Ait. 


uyRE  ir.  CHAP.  y.  345 

meAt  prêté  sans  liberté^  il  ne  vit  plus  dans  Fribourg 
l'image  de  sa  patrie,  mais  le  siège  d'une  faction  centre 
laquelle  Thonneur  lui  ordonnait  de  tout  entreprendre. 
L'bomme  même  le  plus  passionné  ne  méconnaît  pas 
l'obligation  de  pardonner  à  son  pays  ;  mais  à  ses  yeux 
la  vengeance  sanguinaire  se  déguise  en  devoir  envers  la 
liberté  ^^.  Le  chevalier  Guillaume  d*Avenches  s'enfuit 
en  Savoie.  «  Originaire  du  pays  romand  ^^''^  »  repré- 
senta-t-il  au  duc,  «  il  tenait  de  lui  ses  principaux  fiefs; 
>j  par  son  zèle  pour  les  droits  de  son  prince,  il  avait 
»  blessé  le  puissant  écuyer-tranchant;  pour  ce  fait  il 
D  avait  dû  quitter  Fribourg;  la  ville  était  faible;  TÂutri- 
»  che  elle-même,  faible  aussi  dans  ce  pays,  et  Talliance 
»  avec  Berne,  en  quelque  sorte  oubliée.  »  La  Savoie  in- 
sista dès-lors  plus  violemment  pour  que  l'écuyer-tran- 
chant  fût  tenu  de  donner  satisfaction ,  et  elle  fit  saisir, 
comme  gage ,  les  marchandises  fribourgeoises  envoyées 
à  Genève.  Comme  la  ville,  de  son  côté,  mit  la  main 
sur  les  biens  de  Tavoyer,  il  envoya  de  sa  résidence 
de  Romont,  lieu  voisin  et  fortifié,  de  vigoureux  servi- 
teurs chercher  des  indemnités  dans  les  villages  et  sur 
les  routes.  Aux  représentations  de  la  ville,  à  l'inter- 
vention de  l'Autriche  le  duc  répondit  de  façon  que  l'on 
comprit  que  non-seulement  il  épousait  la  cause  de  son 
vassal,  mais  qu'il  aspirait  à  soulever  Berne  ^^^. 

Les  Bernois  avaient  abjuré  dans  la  conférence  paci- 

'**  Ainsi  fit  le  dictateur  Sylla* 

<>'  En  tant  qu'Avenches  relevait  de  Lausanne ,  mais  sous  la  protection 
de  la  Savoie. 

^^  Tout  cela  d'après  la  chronique,  jyjlt,  qui  n'indique  jamab  le» 
sources,  rapporte  que  Fn^nçoîs  Burckbard,  chargé  par  G.  d'Avencbes* 
d'espionner  ses  ennemis  Jacques  Felga ,  Ulrich  Prarovan ,  Jean  de  Gam- 
kacb ,  Jean  Aîgroi ,  fut  découvert  et  écartelé. 


346  HISTOIU   DE   ff<A  BVnSE. 

Eque  de  Coostanoe ,  par  égard  povtt  rékcteor  palMhi , 
tout  r€SAeatimefit  de  la  conduite  de  Fribour|g;  pcsidâftt 
la  guerre  de  Zurich  ^^^;  ils  cherchaient  le  repos '^^é  La 
paix  ëiait  réclamée  par  les  intéi^ts  des  états  ^  la  guerre^ 
par  les  intérêts  privés,  toujotii's  plus  décisifs,  panée 
que  les  passions  ^  plutôt  que  les  principes ,  gouveraent 
le  HAonde* 

Rodolphe  de  Ringoltingen ,  chevalier,  seigneur  de 
Landshut,  Tun  des  conseillers  les  plus  considéré!  et 
enfin  '^^  avoyer  de  Berne,  était  un  homme  actif,  ridb'e 
en  belles  terres  *^^  et  en  capitaux  solidement  placés  ^^, 
vigilant  pour  l'éclat  ^^*  et  la  fortune  *^^  de  sa  maison, 
comme  pour  sa  ville  natale  ^^^,  Il  eut  un  grand  nombre 
d'enfans  '^^  de  plusieurs  femmes  légitimes  qu'il  épousa 
successivement,  et  deux  enfans  naturels  d'une  mhi^ 
tresse.  Après  la  mort  de  Pétermann  Hîtsch,  Hcbe  gelH 
tîlh<M»0ie  fribourgeoia  ^^^,  qui  laissa  une  fille  y  Tavoy^ 


*'*  Ci-dessns  chap.  If ,  ti.  52A. 

***  Lettre  tt Antoine  d*Erlàch  de  Riggisberg,  dn  18  août  4Aâ5  ,  dani 
SMtler  I9 170,  et  voy.  ci-dbsi^ns  cbÀp.  H,  n.  àà^  et  scriv. 

"«  1468.  U.deMùUimtu 

"'  A  Gléresse,  à  It  NeavevîUe,  aoLanderon,  à  Muhlièrën.  Extrait  dé 
son  Te8i£tment,ilih6, 

*••  A  Schaffhoiise ,  Wîtitfetthur  fet  aîïletirs.  Ibid. 

^**  Voy.  {ibid,)  )e  soin  qu^H  ftfend  poa^  la  conserràtion  ^  ftk  dra^ 
pes  que  «  son  noble  seign^eur  et  prince  le  dauphin  >  lai  a  données»  ^ns 
doute  forsqn'il  contribua  à  la  conclusion  de  la  paix  en  14à5.  Chap.  II, 
11.  66. 

<<s  Preuve  en  soit  sa  sollicitude  pour  que  Lanâihut  demeure  h  la  fa- 
Mille,  -ibid. 

"•  Ces  hommes  d'État  bernois  avaient  une  ressemblance  frappatïfe 
avec  les  grands  de  Rome ,  de  la  première  mbîlié  du  vu*  sîèele ,  tels  que 
^6ieérmi  tes  dépeint. 

^  U  Botrécut  à  ^t  dé  ses  enfans.  Testamenf. 

^^*  Lequel  avait  vendu  Burg^Htein  en  14^5.  Lea, 


ëpoasasa  r^uve^^^et  résolut  de flsil^ la  fille ^  Louise, 
à  son  propre  fils,  le  chevalier  Henri.  Ce  projet  rencon- 
tra de  l'opposition  de  la  part  de  Heînzmann  Felga, 
bouT-gmestre  de  Frifaourg^'^,  qui  avait  obtenu  une 
promesse  antérieure ,  et  dont  le  fi*^re  ^"^^  Guillaume 
Felga ,  seigneur  de  Liebistorf^  occupait  depuis  la  chute 
de  Guillaume  d'Avenches  la  charge  d'avoyer.  Le  Ber- 
nois ne  vou  ant  p  s  cédei^,  il  s'  Huma  une  haine  si  vio- 
lente qu'on  craignit  un  embrasement  plus  général,  et 
que  les  deux  gouvememenset  les  villes  voisines  purent 
à  peine  obtenir  que  les  parties  attendissent  la  décision 
du  concile.  Louise,  affligée  d'être  la  cause  de  si  graves 
dissensions,  profita  de  la  liberté  que  son  beau-pére 
dut  lui  laisser  à  Baie ,  fit  à  la  patrie  le  sacrifice  des  joies 
de  sa  jeunesse,  et  prit  le  voile  dans  un  couvent  dune 
r^le  austère  ^''2.  A  cette  nouvelle*,  Ringoltingen  ac- 
courut et  acheta  des  religieuses  ^  pour  dix-sept  cents 
florins,  les  biens  de  Louise.  Le  chevalier  Rodolphe  de 
Vuippens,  conseiller  fribourgeois ,  l'accusa  ponr  ee 
fait,  d'une  lésion  inadmissible.  Celui-ci,  le  plus  pro^ 
che  cousin  du  père  do  Louise,  offrit  trois  mille  flo- 
rins ;  Ringoltingen  soutint  la  validité  de  son  achat.  La 
question  demeura  indécise,  jusqu'à  ce  que  l'inimitié 


*'*  Margnerite  de  Gain.  Je  vois  par  uoe  demande  de  son  fils  Thuring 
(1656]  que  le  père  avait  pris  po^ession  d'une  moitié  des  terres  de  Ritsch, 
mais  je  ne  sais  si  ce  fut  h  titre  de  dot  on  par  une  convention  relative  à 
rachat  dont  il  va  être  question.  Voy.  aussi  à  n.  211. 

'7*  Ce  titre ,  à  FnboUTgt  ne  se  donnait  pas  an  ehef  de  l'État ,  mais  au 
ebef  de  la  police. 

*'*  Ttchœhilan. 

A"  Adoptée  «n  léSS.  U  couvent  s'appelait  Z«  dân  Sieimn  (  nénXÀ 
pierres  on  rocbers). 


348  HISlt>lRB  DB  hk   8UI8SB. 

particulière  s'absorbât  dans  la  guerre^  dont  elle  hâta 
l'explosion  ^''^. 

Un  autre  incident  irrita  le  commun  peuple.  Pierre , 
bourreau  de  Berne,  qui  remplit  avec  tant  de  regret  son 
ministère  dans  la  sanglante  journée  de  Greifensée  ^^^^ 
fut  assassiné  dans  une  auberge  de  Fribourg,  un  jour  de 
foire,  à  Toccasion  d'un  échange  de  paroles  assez  insi- 
gnifiantes et  d'un  reproche  injuste  ^'^^j  ses  compagnons 
furent  grièyement  blessés  "®^ 

Telles  étaient  les  raisons  qu'avait  la  Savoie  d'espérer 
le  secours  de  Berne  dans  sa  guerre  contre  les  Fribour- 
geois* 

Les  hostilités  continuèrent  entre  les  gens  de  Guil- 
laume d'Âvencbes  et  la  ville  de  Fribourg  ;  quand  on 
parvenait  à  saisir  quelques-uns  d'eux,  la  ville  les  fai- 
sait décapiter  ou  écarteler  comme  traîtres..  Enfin  on 
obtint  que  le  duc  Albert  d'Autriche,  après  d'inutiles 
représentations,  faites  au  duc  de  Savoie,  en voyât  Louis 
Meyer  de  Huningue,  ensuite  Pierre  de  Môrsberg.  avec 
des  troupes  ^''^.  La  ville  et  la  campagne  avaient  renou- 

^7*  Tschac/itlan,  Tachudi,  StetiUr;  la  Chron.  frib.  est  d'accord  avec 
eux. 

•7*  Voy.  ci-dessD8  chap.  I ,  à  n.  203. 

«7»   •  Ici  Grcîfensée!  >  T$chudi.  A.  1615. 

"*  Miêsive  de  la  ville  de  Berne,  le  lendemain  de  l'invention  de  la 
eroîx ,  1447,  dans  Steitter,  =»  L'assassinat  du  bourreau  Pferre  donna  liea 
à  une  correspondance  entre  Berne  et  Fribourg  qui  a  été  publiée  dans 
YInvettigateur  de  V histoire  de  Suiste  (  Dcr  tchweizeritthe  Getchichifortcher) 
Berne,  t.  VUI ,  p.  102-110  (1852)  ;  elle  se  compose  de  six  lettres.  C  M. 

'^^  Albert  fit  une  première  tentative  d'accommodement  au  mois  de 
juillet  1147.  Il  envoya  Guillaume  de  Grflnenberg  et  Pierre  de  MSrsbecg 
(  Morimont) ,  avec  l'ancien  avoyer  Jacques  de  Praroman  et  d'antres  dé- 
putés fribourgeois ,  auprès  du  duc  Louis  à  Genève.  Mais  en  vain.  Vers  U 
fin  de  l'année  il  fit  faire  une  seconde  tentative  par  Môrsberg  et  d'autrei , 
sans  plus  de  succès ,  parce  qu'on  connaissait  'son  épuisement  D'^&'  ^ 


LIVRE  ir.  CHAP.  y.  349 

▼elë  de  très-^boncœur  leur  serment  d'ëterneHe  fidélité, 
et  bon  nombre  de  conseillers  s'étaient  rendus  à  Vienne 
pour  exposer  la  situation  critiquedes  affaires.  La  guerre 
avec  la  Savoie  éclata  ^'^^  :  les  Fribourgeois^  les  premiers, 
mir^t  tout  à  feu  et  à  sang  à  Yillarzel ,  au  pied  du  Gi- 

D'Alt,  comme  l'a  fait  remarquer  MoUer  (ci-dessus,  n.  158),  ne  cite 
jamais  les  sources.  II  n'est  fait  ancuoe  mention  du  premier  accommode- 
ment tenté  par  Albert  dans  un  répertoire  compulsé  avec  un  soin  sera- 
{miens  y  et  publié  récemment  sons  le  titre  de  Regesla  chronologieo-diplo' 
wMtiea  Fridetici  IV  Roi^Ênorâm  régi»  (  JmpêndorU  JII  ),  Extrait  de$  re» 
gUtres  impériatUB  qui  se  trouvent  dtm$  U$  archivée  eeeriteê  de  la  maiêon  , 
de  ta  cour  et  de  VÈlai,  à  Vienne;  avec  des  extraits  de  chartes  originales, 
de  manuscrits  et  de  livres;  par  Joseph  Qhmel,  Vienne,  1888,  S  vol.  in-il*. 
i"  ToL  Noos  recourrons  quelquefois  à  cette  source  diplomatique, 
partie  intégrante  d'une  série  de  publications  dont  quatre  volumes  seole- 
■nent  ont  paru ,  et  qui  embrasseront  près  de  huit  siècles  depuis  Pépin 
Jusqu'à  MaximiUen  I  înclasîvement ,  de  752  à  1519.  Au  mois  de  juillet 
1447,  comme  le rappwte M.  de  TilUer  (Il ,  128  ) ,  Berne,  Bftie ,  Soleure 
et  d'autres  villea  s'efforcèrent  inutilement,  dans  une  conférence  à  Ge- 
nève, de  mettre  un  terme  an  différend  qui  divisait  Fribourg  et  la  Savoie. 
De  nouvelles  négociations,  qui  eurent  lieu  en  Valais  et  à  Genève  pen* 
dant  l'été  et  l'automne  1447,  demeurèrent  tout  aussi  irifructoeuses.  Déjà, 
irert  la  fin  de  juillet ,  Berne  avait  invité  les  Oberlandais  à  se  tenir  prêts  à 
marcher  contre  Fribourg;  les  historiens  ne  parlent  pas  de  ce  fait ,  mais 
on  peut  le  déduire  d'une  lettre  de  Thonne  à  Berae  de  jeudi  après  SL- 
Jacques  1447,  conservée  dans  le  Protocole  des  Missives.  Cependant  on 
n'en  vint  pas  encore  à  une  rupture.  Mais  les  Fribourgeois ,  voyant  qu'il 
n'y  avait  rien  à  espérer  des  négociations  et  que  le  dnc  leur  interdisait  le 
libre  achat  dans  le  Pays-dC'Vaud,  recoururent  alors  seulement  à  l'Au- 
triche pour  demander  du  secours.  Celui-d  fut  envoyé ,  comme  Mnller  le 
raconte.  Chmel,  dans  un  autre  ouvrage,  Materialien  sur  âsterrtiekisakea 
GeechUhte  {MatériatÊX  poar  l'Histoire  d^Àatrickê,  tirés  ^archivée  et  de 
bibUothiquêê) ,  in-4".  Lins,  18SS  »  t«  I ,  p.  279  et  280 ,  a  donné  teituel- 
lement  une  adresse  officine  du  10  décembre  1447,  de  laquelle  il  résulte 
que  des  dissensions  s'iCaiept  élevées  entre  la  ville  de  Fribourg  et  son 
gOBvemement  et  que  les  envoyés  autrichiens  étaient  intervenus  pour  les 
apaiser.  Mais  aucune  pièce  diplomatique  de  cette  année-là  ne  se  rapporte 
à  U  mptne  entre  Fribourg  et  la  Savoie..  G.  M. 
•'*  1447,  vers  la  in  de  l'année. 


1 


350  HISTOIRE  DE   LA  SUISSE. 

bloux  ;  la  vengeance  Iqs  atteignit  à  Mcmtagny  ^^';  s'ils  ne 
remportèrent  pas  la  victoire  prés  de  la  chapeàle  de  St.- 
Jodel^  sur  la  route  de  Morat^  ils  n'en  laissèrent  pas  wm 
plus  la  gloire  à  reaiiemi.  Le  duc  requit  Berne,  au  nom 
de  leur  alliance^  de  lui  envoyer  du  secours.  Après  de 
longs  et  inutiles  pourparlers,  les  Bernois,  sous  l'avoyer 
Henri  de  Bubenberg ,  unis  à  la  Savoie ,  firent  de  deux 
côtés  ^^  une  irruption  si  violente  ^^^  que  FriL:ourg  fut 
presque  cerné  pendant  quelques  jours  ^^^.  Morat  et 
Payerne  suivirent  avec  joÎQ  ^^^  ;  Bieune,  oubliant  cette 
fois  l'alliance  plus  ancienne  dont  il  avait  eu  souvent  à 
se  féliciter,  désira  conserver  par  une  posidon  neutre 
son  sdliance  avec  Fri  urbg^^'^;  les  vife  habitansdet 

^^*  La  bravonre  d'Ulrich  Gerber  dans  cette  oceasioD  mérita  une  ré* 
compansa  d'honoeor  et  une  place  dans  rfaistoire. 

"*  &00  ailèrcot  par  Morat  et  Avenches  joindre  Tarmée  savoyarde. 
U4^n9r,  Chnm*  êoUwr.  Ce  furent  eus  sans  doute  qui  aidèrent  à  riwHre  ià 
potence.  L'avôyea  conduisait  le  corps  ie  plus  considérable  par  le  vtHagé 
d^  la  Sîqgine. 

^^^  DéeUoMiim  d$  gmmre  deê  Bernoiê,  à.  janiûer  t  kàS. 

*^  lias  tulipes  dttcales  étaient  près  de  Péraoles,  les  Bernois  près  de 
Ooargulllon  ;  laSarine  seule  les  sépaaaît;  mais  il  ne  se  fît  rien  d'imper 
tant,  as  Lfis  Bernois  tentèrent  d'enlever  la  porte  eMarpée  de  BonrgiiilloD  ; 
vaaia  oette  entrqiriae  fut  heureusement  déjouée ,  ainsi  qu'un  complol 
Iramé  par  quelques  traâtrea  qui  avalent  promis  de  livrer  la  ville  aux  en- 
nemis, 9i  qui  furent  punis  «bu  dernier  supplice.  Les  comptes  du  trésorier 
d^  fyibQuiis  ^^  mentîan  du  supplice  d^nn  des  traîtres  en  ces  mob  : 
«4i4am  à  meiiteii  WiUi»  camader,  ;pour  éeartiUier  Fraiicey  Bbrcard, 
«  xaiOIX  SolSb»  Camêerm*  miêêe,  C«  Mb 

^^  Le.cbMKlaia ,  le  conseil  et  la  commune  de  Morat,  Tavoyer,  le  eon- 
aeil  et  la  cvMUDune  de  Vvpsnm  déclarèrent  ausai  la  guerre  le4  jsB*>^t 
aAlefidu  q^e  H'fiboarg  n'obseavaii  ni  rallianco  cnoclue  avec  Berne  ea 
uns  ,  ni  oeUe  deUit  aveeJa  Savoie  dan»  laquelle  il  avait  été  comprià 

***  Sérieuse  mifacar  ik  Bem^  à  Biemê^  dans  Sîttîiêru  Les  somoatioÀ 
auaiimi  été  adecsséas  la  t%  déc  iéé7  à  Bêenne  pour  iOO  liommes,  à  Se- 
leure  pour  SOO ,  à  la  Ncuvevitte  pour  M ,  •  va  que  Berne  si^ttendait  joar- 
9  nellement  à  être  traité  par  Friboorg  ooaame  1»  Savoie.^ 


LITRE   lY.    CHAP.    V.  351 

charmao^teft  coUînes  qui  environnait  Schwarzenbourg , 
et  ai^  gouveraement  desquek  Berne  avait  adaûs  les 
Fribourgeois  ^^^^  suivirent  Berne  %  L'entrée  de  leurs 
vallées  était  défendue  près  de  Plafeyon  par  un  haut 
reoAp^rt  ;  Pierre  de  Greyerz  ^  bourgeoia  de  Berne  ^  oe- 
ciip^it  ce  poste  fivec  des  Oberlandais,  dont  l'ailbetfon 
lui  avait  valu  ce  commandement  ^^^  ;  une  témérité  ir- 
réfléchie n^ntra  de  quel  coté  le  remf^art  pouvait  s'es^ 
ç^lader  '^^.  U  fut  emporté,  le  capitaine  tomba,  et 
bpentôit  r^rmée  entière  des  Bernois ,  réunie  pour  les 
xn^^tinesi»  apprit^  par  la  réverbération  de  l 'inottidie  des 
villages  qu'il  était  impossible  de  prendre  pour  le  feu 
des  signaux ,  quel  désastre  venait  de  frapper  Sebwar* 
zenbourg.  A  Tinstaiit  Tavoyer  de  Bubenbevg  se  mit  en 
marche;  s'écartant  de  la  grande  route ^^,  il  traversa 
I^ampep  ^^^  sept  bas-fonds  de  la  Singine,  et  arriva  par 
d^s  seatiers  peit  pratiqués  dans  les  environs  de  Ta-^ 
vel  *^^,  où,  déguisé  par  des  croix  rouges  *®^  et  dans  une 
position  avantageuse  ^^%  il  attendit  avec  huit  cents 
hommes  le  retour  de  l'ennemi  qui  avait  le  double  de 

*»  U24,  tIV,  417,418. 

*  Oo  txoavera  dw  éétaîb  intéitiMns  sur  les  pramièrts  hostiliiés  dans 
pjae  pièce  olfiiÇÂ^UA  W^  QOiv  éMBPSA  ikoft  l'Appendice  soas  letl»e  R 

C.  M. 

"*  On  ^vaU  ^.  Ifi  «pomtodeaieot  à  fieroard  Wendscbes,  «iisree 
•  qu'il  n'éUilpafi  aglt^ftbto  «u  peuple*  •  SiwUler. 

^*7  Relation  du  capitaine,  samedi  de  la  mi-carSme,  dans  Sieitiêr*  My» 
et  Môrsberg  firent  cet  exploit  le  28  février  ihàS.  D'AU, 

A>>  Qui  çQoàmi^  fn  t»  ittilage  ds  la.£ângtne  (  Nenenecfc  y. 

^**  Ulrich  d'Srlucb  CteJ^Bwn»)  eo  OKnmandaîl  la  gunkom.  SuhUêp. 

»w  D*AU. 

«•^  IknyMr^î^  Iqlen  fall wisefmidiedaMle  lim de  iV^i/;; un  ma? 
noscrit  cité  ^vtà^Alt,  iV,  129,  s'exprime  avec  la  mébie  rigveov.  IffVOf 
llTDPa  fait  voie  1 1«  Y,.  liA  )  «omUea  im  tel  biftms  est  dénisohmrMe. 

">  Dans  le  Pré  nenf ,  an*dessas  de  Galtem.  D'AU,  lY,  423* 


353  HISTOIRE    DE    LA    SUIdSB. 

forces  ^^*  Les  Friboorgeois  Tinrent  avec  beaucoup  de 
bétail  et  chargés  de  butin.  La  hauteur  que  Bubenberg 
occupait,  sa  position  qui  grossissait  le  nombre  ^^,  la 
vigueur  de  son  attaque  hnprévue  troublèrent  âiéme 
Louis  Meyer;  pendant  la  fuite  rapide  et  désordonnée, 
^juatre  cents  hommes  furent  tués  presque  sans  ven- 
geance ^^^,  et  Tennemi  saisi  d'une  terreur  panique  telle 
que  quelques-uns  traversèrent  en  courant  toute  la 
ville  de  Fribourg ,  voisine  de  là ,  comme  s'ils  sentaient 
Tépée  dans  les  reins  ^^.  Bubenberg^  modéré  dans  le 
succès^  abandonna  Tennemi  à  son  effroi  '^^^  rentra  dans 
Berne  et  renvoya  aux  habitans  de  Schwarzenbourg  le 
butin  sauvé.  On  institua  des  actions  de  grâces  annuel- 
les pkmr  remercier  Dieu  de  la  joie  de  cette  journée  ^^, 
Après  cette  action ,  qui  prit  son  nom  du  Pré  neuf  ou 
du  ruisseau  du  Galternbach^  les  Bernois  perdirent 
trente  hommes  ^^^  pour  s'être  arrêtés  trop  pré»  de  l'en- 


***  Stettler  comipie  1500  Fribonrgcois';  May,  1600  ;  Tichudi,  en  tonte 
t>ccasîon  pins  modéré  que  les  autres,  plus  de  1200. 

***  I^es  Fribourgeois  évaluèreot  sa  troupe  à  10,000  hommes  eoTiroik 
lyAlt,  d*âprës  un  ancien  manuscrit. 

&*s  ffAU  compte ,  peut-être  asseï  exactement ,  266  Frîbourgeois  tués, 
mais  avec  exagération  <  nombre  de  Bernois.  »  Selon  Têchudi,  les  Bernois 
eurent  cinq  tués  et  quarante  blessés.  Du  côté  de  Fribourg  tomba  le  vail- 
lant bourgmestre  Willy  Perrotet,  le  dernier  de  son  nom.  D*Alu  «"Ce 
nom  est  fréquent  dans  le  canton  de  Vaud  ;  un  voyageur  natundiste  en- 
core vivant  l'a  illustré.  G.  M. 

»••  SMtUr. 

"'  n  poursmTÎt  l'ennemi  le  long  de  la  descente  du  Schônenberg  jus* 
qu'ans  portes  de  la  ville ,  où  il  brftia  quelques  moulins  à  foulon.  Chron, 
frih. 

***  Vendiedi  après  Pftqucs.  Cette  solennité  fut  abolie  lors  de  la  ré- 
coneilialion.  Tiekwii. 

***  Pas  le  même  jour.  Mt^  (  HT  »  tS5  et  suîv.  )  a  fort  bien  reetifié 
•ette  erreur. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  353 

nemi^^  afin  de  partager  le  butin ,  sans  avoir  placé  des 
vedettes  et  sans  rester  réunis  ^^.  Un  barbier  trahit 
le  stratagème  par  lequel  ils  voulurent  se  venger ^^. 
L'État  prit  possession  de  ce  qui  ne  pouvait  se  parta- 
gei»203.  Pierre  d'AfFry,  abbé  de  Hauterive^  paya  dans 
sa  blanche  vieillesse  son  amour  pour  Fribourg  par  la 
perte  de  ses  revenus  ^^. 

he  duc  d'Autriche  mit  en  mouvement  TAutriche  an- 

4 

térîeure  ^^^  ;  on  se  battait  encore  au  sujet  de  Rheinfel- 

^**  A  Tavel.  Pourquoi  ne  passèrent-ils  pas  la  SIngine? 

»«  Tschudi II,  52A. 

*•*  André ,  de  Thonne ,  décapité  ensuite  à  Soleure  pour  ce  fait.  ItL 

^*  Schwarzenboùrg  (  Grassbourg  ) ,  Gûminen ,  Mons;  Chron,   frib. 

^^  Sar  l'ordre  du  pape  Félix ,  l'abbé  de  St-Jean ,  près  de  Cerlier,  les 
adjugea  à  la  prév6té.  Ch.  '  - 

**^  Albert  aim  habitons  de  Frauenfeld;  il  leur  annonce  qu'il  tiendra 
une  conférence  à  Diessenhofen  et  marchera  pour  Fribourg  contre  les 
Bernois,  sa  Le  duc  Albert ,  qui  pendant  la  guerre  de  Zurich  se  trouvait 
dans  le  voisinage  de  la  Suisse ,  quand  il  n'était  pas  dans  ce  pays  même; 
l'crivîl  à  son  frère,  l'empereur  Frédéric,  la  situation  des  Friboui^^eois  et 
les  dangers  qu'ils  courraient  si  on  les  abandonnait  à  leurs  seules 'forces. 
L'Empereur  était  alors  à  Grxii;  il  répondit  à  son  frère,  qu'occupé  lui- 
même  à  défendre  ses  États  contre  les  Hongrois ,  les  Turcs  et  d'autl^ 
ennemis,  il  ne  pouvait  envoyer  un  prompt  et  suffisant  secours  dans  s^k 
provinces  antérieures,  mais  qu'il  lui  faisait  parvenir  h  bannière' impé- 
riale, des  lettres  pressantes  pour  ses  sujets,  une  missive  adressée' auï 
Valaisans  et  une  autre  enfin  à  son  cousin  le  duc  Sigismond.  11  recom- 
manda' vivement  au  duc  Albert  de  soutenir  et  de  protéger  Fribourg.  La 
lettre  est'  du  27  avril  it^^^S,  Le  même  jour  il  adressa  une  circulaire  anl 
électeurs,  princes  spirituels  et  temporels,  comtes,  barons,  chevaliers, 
écuyers ,  bourgmestres ,  conseils ,  commune^  de  toutes  les  villes ,  de  tons 
les  bourgs  et  villages ,  et  eu  général  à  tous  ses  sujets  et  à  ceux  du  Saint- 
Empire,  de  même  à  ses  chers  neveux ,  oilcles,  électeurs,  princes,  nobles 
honorables ,  fidèles  et  bien-aimés,  les  invitant  à  prêter  main-forte  à  son 
frère  Albert  contre  le/luc  Louis,  «  qui  se  dit  et  qui  s'écrit  duc  de  Savoie.  • 
Ces  deux  documens  se  lisent  textuellement  dans  l'Appendice  des  Begesien 
publié  par  Chmel,  1 1,  p.  xcv  et  xcvi.  I^  30  juin,  Frédéric,  se  trouvant  en- 
core h  Grstz ,  enjoignit  aux  Bernois  de  s'abstenir  de  tout  acte  d'hostilité 
VI.  a3 


354  HISTOIRE    DK   LA.    9UI6SR. 

dcn,  et  Tallianee  zuricoise  n'était  pas  révoquée.  Dans 
des  circoastailces  si  périlleuses  ^  rintervention  du  roi 
dé  France,  du  duc  de  Bourgogne  et  des  Confédérés 
parvint  à  faire  conclure  une  paix^^^  facilitée  par  la 

coittiv  les  Fribouiqgedis,  et  de  [Yoittsaîvre  leurs  prétendm  droiU  par  les  voies 
juridiques  Chmel,  Regesien^  t.  I ,  p.  S5d.  Le  lendemain  il  adresse  au 
dnc  lui-même  «Ludovico  se  pro  duce  Sabaudis  gercnti»  une  somma- 
tion expresse  de  renoneer  aux  hostilités ,  de  soumettre  ses  prétentions 
au  jugement  de  la  cour  aalîque ,  et  il  fixe  pÀemptoirement  trois  termes 
poursa  comparution,  chacun  de  30  jours,  après  lesquels  «prout  jus- 
»  tum  et  moris  fuerit  procedemus  ac  procedi  curabimus  absentia  toa , 
»  sen  contumatia  (  sic  )  in  aliqno  non  obstante.  •  Il  parle  au  commen- 
cernent  de  cette  même  lettre  des  nombreuses  diètes  et  conférences  tenues 
à  Genève  et  ailleuri  pour  concilier  les  partis.  11  énumère  les  griefs  a\cc 
une  rude  franchise.  Louis  de  Savoie  »  sous  prétexte  de  représnlles,  a  sévi 
contre  les  personnes  et  les  choses ,  arrêté  des  Fribonigeois,  mis  la  nain 
sur  leurs  biens  meubles  et  immeubles  ;  il  leur  a  fermé  les  routes ,  inlordit 
le  commerce;  il  a  même  entravé  les  voyages  et  le  trafic  de  toutes  ks 
personnes  ^i  fréquentaient  les  roules  royales  de  l'Empire  romain  ;  rien 
n*a  pu  le  déterminer  à  restituer  les  biens  saisis  ni  à  relftcber  les  penonnes 
•iTétées,  etc.  Par  toutes  ces  choses ,  «  guerrarum  incommoda^  ad  tur- 
•  bationem  rei  publiée  cum  multorum  dispendio,  atque  rerum  etper- 
»  sonamm  jaclura  «t  pemitie  dietim  snccrescunt  et  nutriontur.  »  Ckmtl» 
Appendice  des  Meg,,  p*  xcvni  et  xcix.  A  la  même  date  on  trouve  uae  in- 
vitalioa  pressante  de  rBmpereur  à  Guillaume ,  évèque  de  Sion  «  à  sou- 
tenir le  dnc  Albert  de  toutes  ses  forces  de  ooacert  avec  ks  babitaas  du 
Valais  »  aaxqneb  il  s'est  d'ailleurs  adressé  dans  ce  buL  — Un  fait  curieux, 
quelque  peu  postérieur»  a  été  révélé  par  .ujm  lettre  de  l'avoyer  et  d« 
conseil  de  Berne  du  i*'  septembre  dé  la  même  année.  Le  brait  s'était 
répandu  que  les  Bernois  avaient  soldé  quelques  nKlividus  pour  empei- 
sonner  oa  assassiner  le  dnc  Albert  d'Antricbe.  }h  se  justifient  avec  eau* 
deur  et  noblesse  dans  leur  missive,  qu'on  peut  lire  au  t  VQI  du  Gt* 
schUhifancker,  p.  12»  et  183.  €.  M. 

>•<  Trûité  d$  pmm*  liorat,  dans  le  veiger  de  l'anbeige  de  l'Atgle-Noîr, 
16  juillet  1448.  Le  congrès  ft2t  très-nombreui.  A  la  tête  de  l'ambMsade 
française  figurait  Emérenœ ,  abbé  de  Tbieny,  près  Rbeimss  le  due  dft 
IkMUgqgne  dépuU  le  gentilhomme  de  Vaudrey;  Ital  kédwg  ic|)réseBla 
les  Confédérés.  Le  duc  de  Savoie  délégua  le  marèchal  Jean  <k  Mael, 
.l^aspard  de  Vaivx,  le  sire  Jean  de  Vàoxraarcus»  Jean  de  Goopeys,  k 


UVAK   IV.    CHàF.    V.  355 

I 

ooofiance  dans  la  justice  et  la  sagesse  du  comte  Jean 
de  Neucbàtel,  Habituellement  neutre ,  sans  arrière- 
pensée  et  sans  ambition ,  les  partis  le  prirent  pour  ar- 
bitre* Il  prononça  :  <  Guillaume  d'Âvenches,  cheva- 
»  valier^  le  conseiller  Âtitoine  Saliceti  ^'^  et  d'autres 
M  exilés  ^^  rentreront  dans  leur  patrie  et  dans  ieiirs 
M  biens  ^^  et  seront  indemnisés  de  leurs  pertes  ^'^.  La 
h  dame  avoyére  ^e  Ringoltingen^^^  conservera  les  pro- 
>}  priétés  dé  sa  fille  Louise  Ritscb.  Huit  conseillers 
»  de  Fribourg  passeront  les  montagnes  ^^^  et  implo- 
>i  reroni  le  pardon  du  duc  de  Savoie ,  la  tète  décou- 
»  verte  et  eu  fléchissant  les  genoux.  Il  lui  sera  payé 
M  en  quatre  ans  quarante  mille  florins  pour  ses  frais  ; 
/>  le  paMon  de  Tinjuste  incendie  de  Yillarzel  et  de 
M  Montagny  sera  demandé  à  Dieu^^^.  L'alliance  avec  la 


bailli  de  Vaud,  Guîllattne  de  Genève,  seîgneurjde  Lullins,  le  procu- 
rew-fSénéral  de  Vaad  ttermét  Grispin  (D'AU  :  Ghrilstinet  *)  H  beaocoup 
cfaoMi;  Berne,  Babeobeiig,  fUngolttagen,  Waberns  Fribourg,  Mrs- 
beig ,  Irob  membres  do  conseil ,  le  bannerel  du  Bourg ,  Jean  d'Ellspacli 
(  regardé  comme  on  des  principaox  auteurs  des  troubles^ ,  le  bannerel 
de  Im  fieBreriHe  Jean  Mnssflier,  le  greffier  municipal  Jacques  Gudrefin. 
Le  prieur  GoiUaome  d'Âigaes-Mortes  (non  pas  Iforlau»  comme  dit 
^jiU)  se  dislIngttaH  comme  représentant  do  pape  FéKx  on  do  concile. 

^'  Chtênie,  frié»  Voy.  dans  le  cbap  précédent  n.  98. 

^*  Fel^a,  Vuippcns,  Endlisperg';  parce  quiis  avaient  été  forcés, 
comme  feadalaires  de  la  Savoie ,  de  prendre  parti  pour  elle. 

^*  OnUlanme  d'Avencbes  recouvra  la  charge  de  chef  de  rËtat ,  mats 
q«l  slon  n'était  psf  I  vie.  809  élection  dépendait  de  la  commune. 

w*  ▲  BaUeeli  MO  florins  poor  ses  maisons  de  campagne  brûlées. 

tst  ttorgnciite  de  Goin  (de  Doyno). 

M>  Le  due  était  en  Piémont  ao  sujet  des  affaires  du  Milanais. 

'M  D'après  SteHUt  la  ville  devait  payer  en  outre  une  indemnité  de 
4,Mt  florinsi  de  6,00#,  «don  la  Chronie.  frib.  Les  4,000  furenl-îls 
abandonnés  on  eompcfs  dans  la  somme  plus  forte  ?  Du  reste ,  d'après  la 

.; 
*  CkrUtia  \mi  Chrittiaé)  Ok.  citéf  à  b  a.  M  i  Grenus,  Dmêumêiu,  f.  7S.  C.  V. 


356  HISTOIRE    DE   L4   SUISSE. 

))  Savoie  et  Berne  est  rompue.  Fribourg  cesse  de  partî- 
)i  ciper  au  gouvernement  de  Schwarzenbourg  et  de 
))  Gûminen.  Le  comte  de  Neuchâtel  prononcera  sur 
»  l'avouerie  de  Hauterive  ^**,  sur  les  droits  de  l'évêché 
»  de  Lausanne  dans  le  Pays  de  la  Roehe  ^'^,  et  sur  la 
M  régale  des  monnaies  de  la  ville  ^**.  »  On  voulut  per- 
suader aux  Fribourgeois  que  la  situation  de  leur  ville 
leur  faisait  une  loi  de  suivre  d'autres  règles  de  con- 
duite que  celle  qu'ils  se  |)ermet(aient  parfois  d*adopt^, 
dans  leur  confiance  sur  une  puissance  étrangère '^^ 
Dès  qu'ils  firent  un  pas ,  on  leur  montra  de  la  condes- 
cendance^'^^ et  Soleure  négocia  une  convention  pour 
défendre  le  respect  des  lois  contre  l'audace  et  les  arti- 
fices de  Tesprit  de  parti  ^i». 

Celui-ci  éclata  avec  fureur  dans  la  ville;  les  parti- 
sans les  plus  zélés  de  l'Autriche  inspiraient  aux  ban- 
nerets  et  à  la  campagne  du  découragement  au  sujet  de 
cette  honteuse  paix^  tandis  que  l'avoyer  Guillaume 
Felga  et  une  grande  partie  du  conseil  acccusaient  le 
parti  autrichien  d'avoir  causé  tous  ces  maux  en  allu- 
mant la  guerre.  L'irritation  alla  croissai^t  lorsque,  pour 

Chron.  de  la  ville ,  le  comte  doit  avoir  condamné  en  outre  •  certaines 
personnes»  à  payer  100,000  florins,  ce  que  itAlt  admet  aussi.  lY,  SIS. 

2«*  Ci-dessus  à  n.  51. 

2t»  Près  de  Yillardvollard ,  entre  Bulle  et  Gcurbiëres. 

^^^  Auparavant  elle  avait  les  monnaies  de  Savoie  et  de  Lausanne. 

^^^  La  paix  fut  conclue  par  nécessité  sans  le  consentement  d'Albert 
D*Alt»  Toutefois  $e*  agene  furent  prisem»,  K.  S74.  ^^  Les  articles  du 
traité  de  paix  sont  plus  détaillés  dans  l'if  ûf.  dn  Smieeee  du  baron  ^AU, 
t.  IV,  136-138.  C.  M. 

1»  Voy.  n.  bk.  Peut-être  aussi  abandonna-t-on  les  4.000  flor.,  n.  Sll. 
La  régale  des  monnaies  fat  certainement  confirmée.  VieUlee  amnotatiams 
dans  Haller,  Bibl.  IV,  &00.  Kingoltingen  ne  céda-t-il  pas  aussi  ia  nioitié 
(n.  169J? 

^*^  Ch,  de  cette  convention. 


LIVRE    IV.    CHAP.    V.  357 

payer  rintérét  des  dettes  ^^^  pour  solder  les  officiers 
autrichiens  ^^^  pour  fournir  les  sommes  stipulées  en 
faveur  de  la  Savoie,  on  établit  dès  impots  ^^^.  La 
colère  et  la  nécessité  firent  ressortir  tous  les  abus  et 
tous  les  défauts  de  la  constitution  ;  ils  étaient  irrémé- 
diables parce  que  les  besoins  de  la  patrie  servaient  de 
prétexte  aux  haines  particulières. 

Cette  fermentation  pouvait  amener  des  tumultes  et 
livrer  Fribourg  en  des  mains  étrangères.  Le  duc  Albert 
résolut  de  la  calmer  en  personne;  Thûring  de  Hallwyl 
accompagna  le  prince  avec  im  grand  cortège  ^^^. 

Il  fut  déclaré,  au  nom  du  peuple^  que  la  Commune 
avait  depuis  long-temps  mais  en  vain  chargé  les  ban- 
nerets  d'exdure ,  le  dimanche  où  l'on  élit  les  autorités  ^ 
tous  ceux  qui ,  par  les  fiefs  ^  relevaient  de  seigneurs 
étrangers;  on  se  plaignit  qu'un  gouvernement  astu- 
cieux et  cou  vert  de  mystère  énervait  par  des  mesures 
intéressées  et  par  une  coalition  partiale  la  force  de  la 
république,  et  opprimait  citadins  et  campagnards.  Le 
prince,  comme  la  plupart  de  ses  pareils,  mal  disposé 
envers  des  hommes  puissans  et  nobles  sans  son  appui , 
favorisa  la  multitude. 

Il  octroya  d'abord  une  charte  ouverte  et  bien  pré- 
cise ***  ;  «  Tout  le  pays  de  Fribourg  depuis  la  Singine 

>^  On  fit  des  empninU  à  Slrasboorg  et  à  B&le.  Chran.  frib.  ;  sous  !^ 
caotionnement  des  Felga ,  Praroman,  Endiisperg ,  Ellspacb,  Gorbi^ , 
Bognet  D'AU. 

*^  Ils  coûtaient  4,000  florins.  D'AIL 

»*  TaiUes. 

'^  Là  se  trouvait  aussi  le  margrave ,  non  ceini  de  la  guerre  de  Zu- 
rich ,  mais  Rodolphe ,  son  fils ,  dont  nous  parlerons  souvent.  Le  duc 
vint  an  mois  d'août  iââO. 

>^  Les  bannerets  décrétèrent  en  1647  de  faire  imprimer  cette  Charfe  f 
un  document  constitutionnel  est  certes  destiné  à  la  publicité. 


* 

à58  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

n  jusqu'au  ruisseau  de  M aconens  et  depuis  Villars-les* 
»  Moines  jusqu'au  ruisseau  de  Planfeyon,  avec  tous  les 
))  droits  seigneuriaux  et  toutes  les  justices  dont  Torigiiie 
»  remonte  aux  temps  où  prés  du  boui^  il  n*y  avait 
»  point  encore  de  Fribourg  ^^^^  avec  tous  les  impôts  et 
»  toutes  les  obligations  militaires '^^,  nous  appartiens 
»  nent  à  noys^  le  prince;  un  capitaine  ^^,  un  avoyer 
»  ou  avoué  ^^  sont  chargés  de  l'administration.  Tout 
»  seigneur  censier  peut  aider  ses  censitaires;  mais  que 
»  nul  ne  s'avise  de  prendre  nos  gens  sous  sa  protection 
»  ou  de  les  faire  admettre  dans  une  bourgeoisie  étran- 
»  gère.  Ik  trouveront  auprès  de  nous  une  justice  équi- 
»  table  j  égale  pour  tous  ^^.  Notre  juge  municipal  ëla- 
»  blira  des  fonctionnaires  dignes  de  confiance  et  les 
»  surveillera  ^^;  chaque  année  nous  enverroas  des 
»  juges  d'appel  à  Fribourg  ^^.  La  constitution  (  Hand- 
>»  9este  )  doit  être  respectée  ;  nous  confirmerons  tout  ce 
)»  qui  sera  ordonné  pour  le  bien  commun  ;  les  dâibért- 
»  tions  sur  la  chose  publique  auront  lieu  en  commun  y 


"•  T.l,  367,  n.  105. 

'^  Dans  le  texte  :  «  des  voyages,  •  c-à-ë.  des  «ipéditkMis  pàwlt 

défense  dn  pays  dans  des  limites  détemiinées  et  asset  étroites  T.  I . 

< 

P.  3S. 

**'  Le  bailtî  autrichien  ou  commandant  de  la  ville  perlait  ordina&v- 
ment  ce  titre  dans  la  charte  dn  pays. 

'*'  lieutenant  ou  avoué  d«  prince.  Au  xvi*  aiMe  encore  Cospinlen  et 
d'autres  apr^  lui  reçurent  I  Vienne  le  titre  d'avocat  Getle  foMobon  pou- 
vait être  et  sans  doute  était  ordinairement  dévolue  à  l'avoyer,  qieod 
celui-ci  agréait  an  prince. 

3'*  Ce  qui  n'a  pas  lieu  dans  l'oligarchie  ni  dans  les  autRi  goofene- 
meos  irrégoliers. 

^^  11  est  même  chargé  de  les  faire  oiaBerver  secrèieBent  ^aand  il  y 
a  des  plaintes  contre  eux. 

^  On  regardait  comme  une  ptirpgatiye  importante  de  ne  devoir  pas 
coraparailre  devant  des  trihvÉaux  établis  aillents. 


I 

LIVRE    ly.    CHAP.    Y.  359 

»  en  présence  du  capitaine ,  de  Tavoyer^  du  conseil  et 
»  des  bannereu  '^^,  et  non  dans  un  mysMre  ^quivo- 
V  que  ^^.  »  En  outre  Albert  régla  les  rapports  des  fer- 
mages emphytéotiques  ou  des  intérêts  du  sol  de  ma- 
nière k  encourager  l'activité  agricole  et  à  prévenir  les 
torts  que  pourraient  ehdurer  les  paysans  ou  les  sei- 
gneurs ^'^.  La  véritable  égalité ,  c*est  la  protection 
égale  pour  tous  les  droits  ^^. 

Cette  charte^  certainement  l'ouvrage  d*un  sage  chan- 
celier ^^^  ne  rendit  pas  la  paix  aux  Fribourgeois  y  parce 
que  l'indulgence  excessive  du  duc  pour  les  passions 
d'un  parti  lui  aliéna  l'autre  à  toujours ,  et  inspira  de 
Fintârét  pour  ses  souffrances.  Il  convoqua  l'avoyer  et  le 
conseil  et  les  contraignit  de  jurer  qu'ifs  attendraient  ses 


<>>  Originairement  chefs  des  arrondissemens  militaires  d'une  ville  ; 
plus  tard  représentans  des  sections  ou  quartiers. 

**  La  tjraimie ,  la  bêtise  et  la  penrersité  n'ont  pas  d'ennemie  plus  re- 
doutable q«e  la  pnUicifé. 

^*   •  Pour  l'ttméUoration  dm  fonds  d$  tvrt,  il  est  permis  de  le9  afler- 

•  mer,  sous  réserve  du  droit  de  propriété  ;  le  fermier  ne  doit  ni  diviser, 

•  ni  détériorer,  ni  aliéner  le  fonds;  le  propriétaire  ne  doit  ni  aggraver 
»  le  ¥ail ,  ^i  expulser  le  censitaire.  Les  terres  le  transmettent  par  kérî- 
»  tage.  Si  le  fermier  quitte  volontairement  une  terre,  on  l'indemnise 

•  pour  les  ainéliorations  qu'il  y  a  faites.  •  Les  baux  emphytéotiques  des 
fiefs  inaliénables  sont  ordinairement  fondés  sur  les  mêmes  principes. 
Dans  là  Suisse  r^énérée  on  a  voulu  fes  anéantir.  Le  costume  révolu- 
tionnaire voulait  qu'on  soulagent  le  peuple  de  ses  cbaiges  ;  or,  nous  ne 
cohiinaissions  point  de  charges  illégales.  Lorsque  ces  anciens  revenus 
fondés  en  droit  furent  supprimés ,  il  ne  se  trouva  plus  de  ressources 
pour  coBTrir  les  dépenses.  On  résolut  donc  de  tuer  la  poule  aux  œufs 
d'or  ;  Ta  vente  des  domaines  fut  annoncée. 

***  «  Vous  ne  ferez  point  d'iniquité  en  jugement  ;  tu  n'auras  point 

•  d'égard  5  l'apparence  du  pauvre ,  et  tu  n'honoreras  point  la  personne 

•  du  grand;  mais  tu  jugeras  justement  ton  prochain.  »  ÎAvit,  xix,  15. 
*'  Sa  mémoire  demeura  chtre  au  peuple  plus  de  trois  siècles  après  11 

^cltutr  de  ws  seigneurs  (17ftl). 


360  HISTOIRE  «DB   hX   SUISSE. 

I 

ordres. diins  la  salle  ordinaire  des  séances.  Au  bout  de 
quelques  jours  le  maréchal  de  Hallwyl  leur  apporta 
l'ordre  de  se  laisser  lier  et  conduire  en  prison.  Quatre 
semaines  durant,  le  gouvernement  resta  emprisonné 
dans  les  tours  j  sans  que  ses  ennemis  pussent  articuler 
contre  lui  un  seul  crime.  Mais  on  le  crut  si  offensé  que 
la  sûreté  sembla  exiger  qu'on  ôtât  la  dignité  d'avoyer 
au  chevalier  Guillaume  Felga  et  qu'on  destituât  le  con- 
seil entier,  à  l'exception  de  cinq  membres.  Felga  et  six 
des  principaux  conseillers  furent  exilés  à  Fribourg  en 
Brisgau ,  et  là ,  répartis  et  enfermés  dans  des  couvens , 
où,  protestant  de  leur  innocence ^^^,  ils  demeurèrent 
six  mois^^^,  jusqu'à  ce  que  chacun  d'eux  eut  amassé 
sa  rançon.  Le  duc  tiomma  le  maréchal  de  Hallwyl  capi- 
taine de  la  ville  ^^^,  et  le  chevalier  Thierri  de  Monste- 
rol  *  dans  le  Sundgau ,  avoyer  ^^^  ;  il  institua\in  conseil 
qui  étendit  arbitrairement  sa  compétence. 

La  ville  gémissait  sous  une  oppression  si  étrange, 
que  l'impatience  du  présent  et  le  regret  d'un  passé 
tranquille  étouffa  au  fond  de  beaucoup  de  cœurs  la 
haine  des  partis  $  le  capitaine,  par  des  mesures  vio- 
lentes ^  ne  réussit  qu'a  provoquer  le  désespoir  ^^^  Plus 


"^  On  lear  faisait  surtout  un  grief  de  la  dernière  paix  ;  mais  le  pripci- 
pal  motif  de  leur  disgrâce  fut,  à  ce  qu'on  croit,  leur  refn^  d*aiderà 
Texécntion  d*un  plan  formé  par  le  duc  contre  Berne;  TsehacJitlatu 

^*  Jusqu'au  mercredi  après  Pâques  1450.  Nous  suivons  dans  cette 
narration  la  Chran,  frib, 

^^  A  la  place  de  Louis  Meyer,  qui  adopta  Fribourg  pour  sa  patrie. 

*  D'AU  l'appelle  de  Monstral.  C.  M. 

'*®  On  dit  qu'il  descendait  du  premier  avoyer  connu  de  celte  ville, 
(Jont  il  portait  le  nom  ;  mais  son  nom  n'est  pas  dans  les  registres ,  parce 
qu'il  ne  fut  pas  élu  par  la  commune.  D'AU, 

Ceux  du  Bourg,  quartier  supérieur  de  la  ville,  marchèrent,  en- 


141 


..\     .    .; — : ro'  ^ «^^ —        ' 

soignes  déployées,  contre  ceux  de  l'Auge,  quartier  inférieur.  T»cha€luUm* 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  361 

de  deux  cent  cinquante  citoyens  considérés  ^*^,  esti- 
mant la  servitude  insupportable,  surtout  au  sein  de  la 
patrie ,  s'enfuirent  vers  Guillaume  d'Avenches,  qui ,  à 
l'arrivée  d'Albert,  s'était  de  nouveau  réfugié  à  Ro- 
mont.  Gomme  il  arrive  au  milieu  des  agitations^  on 
brouilla  tout^  le  droit  et  l'injustice;  on  confondit  les 
franchises  de  la  ville  avec. les  abus:  d'un  autre  côté 
on  défendit  la  cause  d'un  gouvernement,. qui  n'était  pas 
illégal,  par  des  mesures  arbitraires.  De  là  les  fréquentes 
transmigrations  d'un  parti  dans  l'autre,  suivant  le  côté 
où  Ton  croyait  voir  le  mal  le  plus  funeste  ;  de  là  encore 
les  sermens  prêtés  avec  sincérité  à  la  patrie  et  au  bon 
droit  ;  puis ,  quand  W  passion  s'allumait ,  la  foi  et  la 
parole  violées  sans  retenue  ^*^. 

Le  maréchal  de  Hallwyl  ayant  fait  arrêter  de  force 
au  milieu  de  la  ville  le  président  du  tribunal  su- 
prême ^**  qui  s'y  était  rendu  avec  un  sauf-conduit ,  il 
le  fit  pendre  non  loin  de  Fribourg^^^à  un  arbre,  en 
lui  refusant  la  dernière  consolation  des  chrétiens.  Les 
fugitifs  abjurèrent  toute  obéissance  envers  un  gouver- 
nement réduit  à  tolérer  de  pareilles  horreurs ,  et  cher- 


»*>  SUiiltr.    . 

^^  Le  paiement  de  la  Savoie  devint  l'objet  principal.  Les  conselis  et 
trente  citoyens  de  chaque  bannière  établirent,  le  li  décembre  4449  ,  un 
impôt  auquel  ne  se  soumirent  ni  les  paysans  de  la  banlieue  ni  les  exilés* 
Ib  demandaient  la  destitution  et  l'exécution  des  auteurs  de  la  guerre, 
ainsi  que  la  confiscation  de  leurs  biens.  De  là  des  troubles  périlleux , 
l'occupation  de  la  ville  par  les  gens  de  la  campagne ,  des  dépulations 
dispendieuses  et  inutiles,  des  diètes,  l'épuisement,  le  mépris,  l'aban- 
don, un  désordre  voisin  de  la  dissolution  de  la  république.  ïfAii  a  dé- 
crit tout  cela  en  détail. 

2A«  Le  grand  saulicr  Jean  Specht,  qui  présidait  le  tribunal  de  la  ville 
au  nom  de  Tavoyer.  Chron.  frib.  ;  Piat;  d*AU, 

'"  Du  côté  des  Naigles.  D*Alt,  ÎV,  188. 


3G2  HISTOIRE   DE   LA   ftUIdSE. 

chèrent  une  protection  à  Berne  et  en  Savoie.  Les  dé« 
pûtes  de  Berne  ^  appuyés  par  ceux  du  duc^  firent 
entendre  un  langage  menaçant  et  forcèrent  Hallwyl  a 
éloigner  sa  soldatesque  effrénée  et  à  réintégrer  le  gou- 
vernement qui  avait  fait  la  paix  '*®. 

Ce  jour  marqua  dans  Fribourg  la  décadence  de  Tau- 
torité  de  TAutriche,  que  le  maréchal  avait  poussée  trop 
loin  sans  calculer  s'il  pourrait  la  sou  tenir  é  Toute  sa 
force  était  dans  la  jalousie  des  campagnards  contre 
les  gouvernans^  qui  opposaient  à  ces  adversaires  leur 
fermeté  et  le  secours  de  puissans  voisins.  Les  Bernois 
ne  pouvaient  permettre  que  TAutriche  devint  toute- 
puissante  à  Fribourg  ;  le  duc  de  Savoie ,  qui  avait  à 
ïréclamer  près  de  deux  cent  mille  florins  ^^"^  de  cette 
ville  obérée  y  commençait  à  regarder  comme  possible 
l'acquisition  de  la  souveraineté.  Lorsque  TAutriche 
vit  l'impossibilité  de  se  maintenir  à  Fribourg,  la  cour 
elle-même  entama  des  négociations  avec  la  Savoie. 


^*  Le  dénoûment  en  janvier  1451.  s^Les  archives  secrètes  de  la 
tntisda  impériale  ei  royale  d^AUtncbe  renferment  an  grand  nombre  de 
pièces  relatives  aux  évènemens  qui  viennent  d'être  racontés ,  enlr^aotiies 
des  plaintes  adressées  à  l'Empereur,  leur  souverain.  Chmel  (appendice  eu 
Begeites,  p.  cv-cxi)  en  a  publié  deux  qui  remplissent  six  pages  et  demie 
în-4*  en  petits  caractères;  il  en  mentionne  plusieurs  autres  formait  IS 
feuillets  in-folio  et  9  feuillets  d'un  autre  formaL  Ces  pièces  sei^ient  pins 
utiles  pour  une  histoire  spéciale  de  la  république  fribourgeoise  qu'elles 
ne  le  sont  à  ll^istoire  de  la  Suisse.  G.  M. 

**'  Il  a  été  question  ci-dessus,  avant  et  dans  la  n.  21S,  de  64tO0O  et 
non  de  140,000.  Je  vois  par  la  Ch,,  n.  979,  que  le  comte  de  Meuch&tel 
reconnaît  au  duc  certaines  terres  et  Juridictions ,  peut-être  avec  des  in- 
demnités pour  le  temps  pendant  lequel  il  n'en  a  pas  Joui.  La  Ckron, 
nomme  aussi  Chenaux  et  Cbeire.  La  Ch,  que  nous  avons  extraite  depuis» 
n.  268,  nous  apprend  que  toute  transgression  f  peut-être  aussi  la  négli- 
gence de  payer  au  terme  fixé)  était  punie  d'une  amende  de  10,000  tor 
La  somme  à  payer  surpassa  promptemcnt  tes  ressources  de  la  ville. 


LIVRE    IT.    CHAP.    Y.  ^^ 

Hallwjl^  pour  sa  part,  médita  auparavant  une  ven- 
geance qui  enlèverait  aux  grands  les  moyens  d'accom- 
plir leurs  desseins.  Leur  intention  était  d'élever  Fri- 
bourg  au  rang  de  ville  libre  et  impériale,  et  de  l'y 
maintenir  par  une  alliance  perpétuelle  avec  Berne- 
Pour  accomplir  ce  projet'**  et  pour  satisfaire  la  Savoie^ 
il  fallait  beaucoup  d'argent.  Les  Fribourgeoîs  avaient 
trois  ressources  :  les  sommes  que  la  cour  devait  à  la 
ville '♦^  l'argenteHe  que  possédaient  les  grandes  mai- 
sons, et  le  crédit  que  la  liberté  consolidée  ne  manque- 
rait pas  de  faire  naître  ^^. 

Tout-à-coup,  le  maréchal  annonça  au  gouverne- 
ment la  prochaine  arrivée  du  duc  Albert.  On  en  conçut 
de  rinquiétude.  11  assura  que  le  seul  but  du  prince  était 
d'opérer  uiie  complète  réconcilialion,  et  de  se  concerter 
avec  les  magistrats  sûr  les  moyens  de  rétablir  Taisance 
générale.  En  même  teiiips  il  fit  les  préparatifs  d'une 
i^ception  solennelle  et  pria  les  riches  de  lui  prêter  leur 
argenterie  pour  orner  la  fête.  Le  jour  fixé  parut  ;  le 
maréchal  monta  à  cheval  avec  l'avoyer  Felga  et  tous 
les  grands  pour  aller  au-devant  du  duc.  A  une  lieue 
de  la  ville  se  montra  de  la  cavalerie.  Hallwyl  tourna 
son  cheval ,  remit  à  Tavoyer  la  charte  '^^  par  la- 
quelle ie  duc  Albert  renonçait  à  la  souveraineté,  puis 

^*  Sinon  pour  le  rachat,  du  moins  pour  les  taxes.  On  négocia  bead- 
coup  auprès  de  l'Empereur.  CAron. 

^*  Pour  les  soldats  mercenaires  et  hes  grandes  dépenses  faîtes  Ion  de 
la  présence  d'AlberL  TêchudiÛ,  d&9.  iS.OOO  flor.  D'AU. 

^  Nous  verrons  plus  urd  le  triste  éUt  des  fimnces  de  Berne,  qui  ne 
permettait  aucun  espoir  de  ce  côté-li. 

^  Maj  en  parie,  lU,  S&S.  J'aurais  désiré  l'indication  de  la  source, 
que  Je  n'ai  pas  pu  déconrrir;  il  n'y  a  aucune  mendon  du  fait  le  o(k  roii 
aurait  dû  la  trouver  avant  tout ,  dans  l'acte  n.  sISS. 


364  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

déclara  que  les  sommes  dues  à  la  ville  et  Targen- 
terie  secrètement  emmenée  ^^^  seraient  le  prix  de  la 
liberté. 

Vers  le  mê^ie  temps  ^^^  des  gens  de  la  campagne  ^^^ 
complotèrent  ^^^  de  s'emparer  des  portes  de  la  ville  ^^^, 
d'égorger  le  conseil  et  les  soixante,  et  de  prendre  pos- 
session de  leurs  maisons.  Quatre  cents  hommes  de 
cavalerie  autrichienne  les  auraient  secondés  ^^'^.  La 
république  ^^^^  en  proie  aux  dissensions ,  dénuée  de 
ressources,  poursuivie  par  des  créanciers,  était  prés 

>*s  La  CA.  se  rapportait  probablement  à  la  renonciation  personnel  le 
du  duc  Albert;  on  sait  qu*il  abandonna  peu  à  peu  radministralion  de 
l'Antriche  antérieure  à  Sigismond.  Du  reste,  il  pouvait  faire  une  re- 
nooclation  sans  mentionner  son  cousin.  La  Charte  n'éuit  pas  claire 
(  d*AU.  IV,  21S  comparé  avec  199).  11  y  a  là  un  point  qui  n'a  jamais  élé 
éclairci  diplomatiquement.  Ni  la  Chron.  de  la  ville  ni  d'Jlt  ne  parlent  de 
l'argenterie;  mais  ce  dernier  cite  la  charte  de  Hallwyl  sans  en  raconter 
l'histoire.  La  plupart  des  historiens  suisses ,  surtout  Simter  et  Leu,  p.  167, 
même  François  6tt^ï//fn«iin,Fribourgeois  d'origine  et  historien  aiUriehient 
rapportent  eipressément  le  fait.  L'acte  n.  268  laisse  percer  une  amer- 
tume causée  peut-être  par  une  semblable  déception ,  dont  le  souvenir 
n'était  pas  bon  à  consigner  dans  une  charte*  Le  confesseur  du  chevalier 
pouvait  trouver  dans  l'Exode  de  quoi  calmer  sa  conscience. 

"•  Sans  doute  un  jour  de  marché.  Chron,  frib, 

'^  La  conspiration  qui  tira  son  nom  du  Vogelhaus.  =  Le  Vogelhau»  ou 
VogUrshatu  est  un  vaste  domaine ,  orné  d'une  belle  habitation  ,  autrefois 
propriété  de  l'ordre  teutonique  ;  il  est  situé  dans  la  paroisse  de  Besingue, 
entre  Fribouig  et  Laupen.  ۥ  M. 

ss»  Vers  la  fin  de  lA&l  et  au  commencement  de  l'année  suivante. 

25«  ITAit.  IV,  205,  fournît  une  liste  incomplète. 

^"  Ils  avaient  correspondu  à  ce  sujet  avec  Rheinfelden.  Chron,  frib,  ; 
\CA\L  Hàllwyl ,  Grflnenberg ,  Béringer  de  Landenberg ,  étaient  hommes 
à  courir  de  pareilles  aventures  sans  un  ordre  exprès  de  la  cour. 

^^"  La  ville  et  27  paroisses  environnantes  s'appelaient  «  la  vieille  répu- 
blique; •  ces  paroisses ,  «  l'ancien  pays  ;  »  autrefois  (  d'Alt) ,  «  le  cercle.  • 
^ Selon  Kuenlin,  D'ut,  géogr.,  t.  1,  p.  241,  l'ancien  pays  {die  aUe 
Landiehaft)  comptait  hk  paroisses  et  formait  autour  de  Fribourg  un  ter- 
ritoire  de  trois  lieues  à  là  ronde.  G.  M. 


LIVRB   IV.    CUAP.    V.  365 

de  sa  ruine.  Un  gouvernement  de  paysans ^  injuste  et 
sanguinaire^  aurait-il  eu  plus  de  force  contre  ses  voi* 
sins  ?  aurait*il  pu  donner  davantage  au  prince?  On  fut 
tiré  de  cette  crise  par  un  guerrier  valeureux  et  expé- 
rimenté^ Louis  Meyer  de  Huningue,  autrefois  capi- 
taine autrichien ^^*,  dés -lors,  grâce  à  un  heureux 
mariage ,  bourgeois  de  Fribourg  et  père  d'une  nom- 
breuse famille  ^^^.  La  conspiration  ayant  été  décou- 
verte par  Conrad  Grauser  de  Baerischw^yl ,  Meyer  in- 
spira de  la  vigueur  au  conseil  par  ses  mâles  discours , 
surprit  pendant  la  nuit  qui  précéda  le  jour  fixé  les 
chefs  assemblés  dans  le  Vogelhaus^  et  en  arrêta  les 
huit  principaux^  tandis  que  la  multitude  se  dipersait. 
Au  matin  ^^^,  beaucoup  de  paysans  venus  à  la  ville 
dans  de  mauvaises  intentions  furent  arrêtés  de  même. 
Les  huit  eurent  la  tête  tranchée  sur  la  place  de  St.- 
George,  devant  le  nouvel  Hôtel-de-Ville  ^^;  on  se 
contenta  d*infliger  des  amendes  aux  autres  ^*^*. 

Dans  ces  temps  si  malheureux  ^^^  les  Fribourgeois 
entreprirent  la  construction  du  clocher  de  leur  cathé- 

^*  CoDna  déjà  par  h  guerre  de  Zurich. 

M»  Voy.  Lea. 

*"  15  fétrier  1452. 

^*  Pierre  Ffllistorf  le  premier. 

>**  Essentiellement  tiré  de  la  Chronique  complétée  d'après  itAlt  et 
May.  En  17Sl,  des  campagnards  excités  parlèrent  des  conjurés  du  Vo- 
gelhaus  comme  de  martyrs  de  la  liberté;  et  toutefois  ils  avaient  voulu 
renverser  le  gouvernement  de  leur  pays  avec  l'aide  dés  Autrichiens.  =3 Les 
paysans  insurgés  en  1781  avaient  bien  le  sentiment  de  leurs  souffrances 
et  la  mémoire  de  leurs  droits ,  mais  ils  ne  surent  pas  tes  présenter  et  les 
faire  valoir.  D'ailleurs  ils  furent  écrasés  par  leurs  voisins ,  qu'on  fit  mar- 
cher de  toutes  parts  en  vertu  de  l'aveugle  garantie  que  les  anciens  gou* 
vernans  s'étaient  promise  contre  leurs  sujets  respectifs.  Chenaux ,  Cas- 
tclla,  etc. ,  étaient  de  pauvres  chefs.  D.  L.  H. 

^*  On  l'acheva  dans  l'espace  de  soixante  ans. 


366  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

drale  haut  de  trois  cent  soixaDte-cinq  pieds  ^^^,  d  après 
le  plan  qu*un  des  exilés  avait  rapporté  de  Friboui^  ei| 
Brisgauy  afin  qu*à  l'aspect  de  ce  monument  grandiose 
les  générations  futures  prévinssent  par  leurs  prières  le 
retour  de  semblables  événemens  ^^*  Ces  hommes ,  bien 
que  passionnés  comme  nous  ^  Tonnaient  des  entreprises 
vastes  et  calculées  pour  Tavenir  ;  ils  n'avaient  qu'une 
crainte,  celle  de  Dieu. 

Le  duc  de  Savoie  employa  les  moyens  les  plus  vio- 
lens  pour  se  faire  payer  ;  par  là  il  entrava  le  commerce 
intérieur  et  le  transit  des  marchandises  étrangères.  Il 
promit  aussi  à  ^  ville  la  fin  de  tous  les  troubles  et  de 
toutes  les  attaques ,  un  bonheur  paisible  »  un  gouver- 
nement bon^  juste  y  avantageux  à  la  chose  publique; 
en  un  mot,  un  avenir  digne  d'envie^  si,  suivant  l'exem- 
ple donné  souvent  ^^'^^  dans  des  circonstances  moins 
difiiciles,  par  des  républiques  plus  puisantes,  plus 
^ches  et  victorieuses,  elle  consentait  à  le  recevoir  pour 
maître.  Les  Fribourgeois  y  furent  forcés. 

Dans  la  deux  cent  soixante-treizième  année  de  la 
ibndation  de  la  ville,  dans  la  cent  soixante-quinzième 
de  la  domination  autrichienne,  Jean  PaviHard  étant 
avoyer,  le  magnifique  et  puissant  seigneur  ^  Fran- 

^*  Probablement  d'après  les  mesures  rhénanes ,  dont  le  pied  est  au 
pied  français  comme  i39i  tV  ^^  ^  ^^^^*  ^  clocher  de  ât»-ÉUenne  à 
' Vienne  a  4SS  pieds  français  de  hauts  la  coupole  de  St-Pierre  à  Aooe , 
4S0  ;  le  clocher  de  Strasbourg ,  44S  ;  la  plus  g;rande  pyramide  «470.  M- 
È^ia  iUuMir.  U  »  19J. 

***  U  CAftw.  frib.  allègue  ce  motif. 

M7  pQQf  xciAt  lieu  de  beaucoup  d'aatrea,  nous  cileroBs  l'exemplt 
fameitt  das  Florentins  et  de  Walther  de  Brienne  »  1342  ;  le  plus  réceol 
'eiemple  des  Milanais  est  de  i4ôO. 

^*  •llagnificns  et  potetia.  »  Ch.  Frib.,  10  Juin  14S1 ,  les  témoins 
siont,  pour  la  Savoie,  Pierre  d'Amnissié  (Anne$$Ufo)^  pour  la  ville 


UVRB   lY.    GUAP.    Y.  367. 

çoi$,  comte  de  Gruyère,  ami  déjà  ville,  gouverneur 
et  bailli  de  Vaud ,  et  le  noble  Mermct  Ghrisiin  ^^^  se- 
crétaire du  duc  et  procureur-général  de  Vaud  j  qui 
avaient  coopéré  à  U  paix  à  Morat,  vinrent  à  Fribourg 
le  10  juin  (1452),  de  bon  matin*  L'avoyer,  le  conseil, 
les  Soixante,  les  bannerets,  les  Deux*Cenis  et  toute  la 
communauté  de  la  ville  et  de  la  campagne  se  rendirent 
auprès  d'eux  dans  Téglise  de  St.-Nicolas.  Là ,  par  une 
charte  scellée  d'un  serment  et  à  main  levée ,  on  déclara 
éteint  le  contrat  fondamental  ^'^^  qui  avait  subsiste  jus- 
qu'alors entre  le  duc  d'Autriche  et  la  république  ded 
Fribourgeois ,  vu  la  funeste  administration  de  ce  prince 
^i  sa  négUgencç  à  remplir  ses  obligations  ;  on  repré- 
senta comment  Albert  avait  ploi^é  Fribourg  dans  un 
abime  de  misère  ^''^  par  une  guerre  entreprise  sur  son 
ordre  ^"^^  et  dans  liaquelle  il  les  avait  abandonnés  ^'^^, 

Pierre  Faulcon,  tous  deo)  notaire».  D'AU  rapporte  que  l'év6q«e  de  Lan* 
Mone,  G«oiige  de  Salaces  »  fol  aiuri  présent  Parmi  les  signataires  on 
remarque  encot«  l'abbé  Pierre  de  ^anlerîve  (  Masalery ,  car  ê^kftj  était 
mort) ,  Antoine  le  bAlard  de  Gruyère ,  seigneur  d'Aigremont  (il  avait 
époasé  Jeanne  Saliceti  ) ,  le  seigneur  François  de  Biolaj,  Françab  ei  Aj* 
monde  Champion,  Humbert  Gerjat 

***  U  poorrrit  aossi  s'appeler  Cri^in  ;  le  nom  était  aHéré  dans  la  co- 
pie. «Voj.  n«  S06.  G.  M. 

''^  11  n'en  reste  aucun  document.  Son  existence  est  prouvée  par  la 
serment  que  les  princes  prêtaient  à  leur  avènement  de  maintenir  et  pro- 
téger les  droits  de  la  ville  et  de  la  campagne.  Comment  les  abus  permet- 
Inient-ilB  de  nier  que  les  pactes  constitutionnels  existent  en  tout  pays  par 
la  foite  des  cboses?  La  nourriture  fortifie  l'homme  et  le  vin  réjouit  son 
esur,  quoique  beaucoup  dThommes  mangent  en  gloutons  ou  h&tent  leur 
mort  par  l'ivrognerie. 

^*  «Ut  nulla  subesset  spes ,  rem  suam  pnblicam  posse  tnerL  • 

*''  «  De  jussu  et  voluntate  dacum  Austri»  inita  gwarra.  Ab  f»sis  La 
gwerram  inducti  ac  seducti.  • 

^^  •  Iteralis  vicibos  sublevamen  ab  ipsis  illustribus  dnribiis  poatnla* 


368  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

après  une  paix  conclue  avec  sa  participation^*  et  dont 
il  entendait  les  punir  ^^,  enfin  en  trompant  cruelle- 
ment les  espérances  fondées  sur  sa  présence ^^®  ;  on  dé- 
clara que.  sa  maison  ayant  voulu  spontanément  les 
vendre  ^''^j  les  Fribourgeois  acceptaient  dès  ce  jour  à 
perpétuité  le  sire  Louis  de  Savoie  comme  protecteur 
légitime^  titre  transmissible  à  ses  descendans  ;  qirils  le 
reconnaissaient  en  cette  qualité  et  lui  prêtaient  ser- 
ment ^''*. 

Une  députation  porta  la  charte  de  cet  acte  au  duc  à 
Seissel  dans  le  val  Romey.  Il  remit  en  échange  la  dé- 
claration suivante  ^'^,  portant  :  «  Que  sa  maison  s'é- 
»  tait  successivement  agrandie  par  la  douceur  de  son 
«  gouvernement  ^•^  ;  qu'en  ce  jour  il  donnait  avec  joie 
»  à  ses  nouveaux  sujets  la  première  preuve  des  mêmes 

hanl  i  a  quibus  nuilo  misso  suf carsa ,  oportebat  at  jugo  colla  submilte- 
rcnt  ;  ad  perditionem  conductl  fuerc ,  ut  indefensi  derelicti.  • 

'^*  Ses  m  capitanei  et  gwerrs  ductores ,  Dominas  Petros  de  Mormonte 
(Morimont)  et  Petras.....  •  (le  nom  est  effacé  par  le  temps,  est-ce  Cor- 
bière? )  y  étaient;  «  de  priesentia,  jassu  et  voluntate  illoram  deventam 
eiUtit  ad  paeis  tractatom.  » 

276  N.  237;  Ch.T\.il9, 

276  ,  Adventam  Dnl  Alberti  velnt  redemptionem  expectal)ant  ;  ipse 
sub  imagine  pacit  et  consolationis  simulatione  villam  ingressos,  fractis 
omnibus  bcne  regendi  legibus ,  non  ut  dax  et  rector,  sed  ut  boalis  in- 
surgcns  »  ad  omne  nefas  nu  lia  ratione  prorupit  • 

277  «  Duces  Austrise,  appretlato  pretio  eorom,  vendere  perqaisîeranL* 
27^   «  In  con$iUum  congregati  in  quo  residet  potetiaê  forma  CommmnU  tt 

UniversitatU  ipsius  Villae ,  congregalis  voce  prsconis  et  sono  campanc 
omnibus  et  singulis  in  unum ,  se,  posteritales,  villam,  territorium  et 
incolas  subjiciunt  dominio  ipsius  illmi  ducis  Sabaudise,  ut  ipsius  bo- 
mines  sint,  sub  tamcn  franchesiis  eidem  villae  pertinere  consuetis.  > 

27*  Cfi.  de  Louis,  Seissel ,  19  juin  1452  ;  celle-ci  est  dans  la  collection 
de  Ualler  ;  je  tenais  l'autre  de  Zuricli.  =  Voy.  <tAit,  222  et  225.  G.  M. 

2'^  Allusion  aux  communes  qui  se  plaçaient  volontairement  sous  la 
protection  de  la  Savoie. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  369 

»  dîs]x>3itions  ;  qu'il  confirmait  les  franchises  octroyées 
M  à  la  ville  y  aux  faubourgs  et  à  la  campagne  par  des 
»  empereurs,  des  rois,  des  princes  et  des  dames ^^'  ; 
»  qu'ils  éliraient,  eux,  leurs  curés  et  leur  gouverne- 
»  ment  à  leur  guise;  que  celui-ci,  composé  du  nombre 
»  de  membres  qulls  jugeraient  convenable  ^^^,  ferait 
»  des  ordonnances  obligatoires  pour  tous  ^^  sur  les  ac- 
Mcises^^^,-les  impôts  et  tout  le  reste  conformément  à 
))  la  constitution  de  la  ville.  Lui ,  leur  fidèle  protecteur 
»  contre  princes ,  capitaines  ^^,  communes  et  allian- 
»  ces  ^^^^  se  contentait  des  revenus  légitimement  perçus 
»  par  la  maison  d'Auriche;  ses  percepteurs  seraient  ses 
M  seuls  employés  à  Fribourg  ^^"^  ;  il  ne  construirait  ni 
»  château  ni  entrée  particulière  dans  leur  ville  ^^^  ;  il 
»  faisait  à  ses  chers  Fribourgeois  un  triple  présent  en 
»  leur  remettant  la  grande  dette  de  la  ville ,  une  plus 
»  petite  de  l'hôpital  et  de  la  confrérie ,  enfin  l'avouerie 


^^  Allusion  nos  doute  à  Elisabeth  de  Hanle-BourgogDe,  vctive  de 
HarhMon  de  Kibonrg  le  jeune,  dame  régnante  à  Fribourg  depuis  1265 
jusqu'à  1371  au  moins,  année  où  Eberbard  de  Habsbourg-LaufTenbourg 
épousa  sa  fille  (  L  U ,  29 ,  110  ) ,  très-disposée  à  favoriser  les  villes ,  soit 
par  pénurie  d'agent,  soit  par  principes.  On  voit  son  image  sur  le  sceau 
de  la  constitution  (Handveêie)  qu'elle  donna  aux  citoyens  de  Thoune,  et 
dans  Teicellent  travail  qu'a  publié  sur  cette  constitution ,  Rubin ,  con- 
seiller de  cette  ville. 

'*^  Contre  l'article  de  la  charte  du  pays  opposé  an  conseil  secret. 

^*  Aussi  pour  la  campagne  et  les  simples  habitans  qui  naguère  refu- 
saient de  se  soumettre. 

^*  Les  paysans  refusèrent  aussi  en  1A49  l'ohmgeld  (  les  accises  ). 

^^  Qui  agissaient  pour  leur  propre  compte ,  en  qualité  de  condot- 
tieri, n.  257. 

>**  Avis  h  Berne ,  Morat ,  Payeme. 

'^^  Les  princes  précédens  avaient  aussi  des  capitaines. 

^^*  lies  citadelles  étaient  une  mesure  de  sâreté  ordinaire  des  nouveaux 
souverains ,  comme  les  anciennes  acropoles. 

VI.  «4 


370  HISTOIRE   1>E    Lk   SUlfi&B. 

»  de  Hauterive  '^^^;  plein  de  sollicitude  pour  leur  sou^- 
>i  lagemeot^^  et  leur  prospérité,  il  leur  enverrait  an- 
>}  nuellement  pendant  vingt  ans  deux  mille  deux  cents 
»  florins^®'.  » 

Ainsi  la  modération  et  la  sagesse  acquircsit  ce  qui 
échappa  à  la  violence,  et  ce  que  d^autres  auraient  pu 
obtenir  s'ils- n'avaient  pas  été  trop  circonspects^^. 

Les  Fribourgeois  n'ayant  plus  à  ci*aindre  de  tcmaber 
sous  le  joug  des  Bernois  ^^^,  les  deux  villes  renouvelè- 
rent leur  ancienne  oombourgeoisîe  ^^  avec  d'autant 
plus  d'empressement  ^^^  que  l'une  et  l'autre  désiraient 
(^  la  puissance  savoisienne  se  renfermât  dans^  les  bor- 
nes légales.  Us  fournissaient  de  bon  cœur  des  secoitfs 
au  duc  de  Savoie  ^^^>  mais,  ils  estîmaieivt  avantageux  à 
tous^^  que  la  constitution  et  bipaix  dc^lenrs  frontières 
fussent  à  l'abri  de  rinfluence  des  partis  qui  ébranlaient 

>**  Elle  était  en  litige,  comme  on  sait  :  n.  5i ,  21  &. 

*••  Us  avaient  beaucoup  d'intérêts  à  payer  à  BAle  et  à  Strasbourg. 

>'^  Cet  article  ne  se  tnnive  pas  dans  la  CA.  n.  S79«  mais  dans  la  C/nv- 
nique.  Les  44,000  (n.  213)  éUleot-iis  payés?  ne  faisait-U  que  les  lesr 
rendre? 

i>i  Les  Bernois  que  cette  issue  chagrina  beaucoup.  Chrtm.  frib. 

^*  La  domination  de  Berne  ne  pouvait  pas  être  consîdirée  autrement 
par  les  Fribouiigeois ,  parens  ou  antagonistes  des  grandes  maisons  ber- 
noises ;  il  est  dur  d'avoir  ses  égaux  pour  maîtres  à  toujmrs  et  sans  eqMir 
de  changemenL  =  Si  vous  l'avies  éprouvé  comme  nous ,  vous-  ne  Teiprî- 
meries  pas  mieux.  Enfin  cette  honte  a  cessé  le  2i  janvier  1798.  D;  L.  B. 

^**  Tout  reposait  sur  la,  priorité  de  ces  droits  par  rapport  h  FaUiance 
avec  la  Savoie. 

^*  On  en  vint  à  un  prononcé*  Chr^n*  fine,  lASd.  lui  Réding»  ainsi 
que  des  arbitres  de  Soleure  et  de  Bieaae ,  se  décUrèvent  contre  ',  mab 
en  vain.  La  volonté  publique  décida.  D'AU. 

^*  Expédition  en  Bresse»  1452  (ci^dasos  n.  AS)  ;  contre  le  danphin , 
1454  (n.  20). 

"^  Us  répondirent  qu'ils  rava&BRi  fait  dan  son  intérêt  et  dans  le  leur. 
Chran.  frib,^  145 S. 


UVftE   ÏV.    CHAP.    V.  371 

souvent  la  cour  de  Savoie.  Loiûs  osa  d'autant  moins 
se  plaindre  gravement  à  ce  sujet  qu'il  dut  payer  aux 
Bernois  quinze  cents  florins  pour  avoir  gagné  en  sa 
faveur  la  ville  de  Friboui^  par  ruse^^,  au  mépris 
d'une  conventions^. 

Le  nouvel  équilibre  valut  à  la  ville  la  considération 
dont  elle  avait  été  long-temps  privée;  on  y  vit  renaître 
l'ordre  et  la  prospérité.  Lorsque  Guillaume  d'Avenches 
et  Antoine  Saliceti  provoquèrent  contre  elle  les  juge- 
mens  et  les  foudres  de  l'Eglise  ^^^  et  qu'elle  en  vint 
même  à  une  guerre  ouverte  avec  Saliceti  ^^^,  le  duc  n'osa 
plus,  comme  autrefois,  prêter  son  appui  aui:  ennemis 
de  cette  cité.  Gonune  elle  ne  craignit  pas  de  surprendre 
Salioeti  dans  la  petite  ville  lausannoise  d'Avenches,  le 
due,  en  sa  qualité  de  protecteur,  obtint  seulement  que 
celui-ci  f&t  libéré  de  la  prison  dure^^,  sous  serment  de 
hannissement.  Saliceti  ayant  violé  sa  parole ,  oa  lui 
trancha  «usnl&tla  tète  (1460). 

^"  CL  du  traité  fait  d  Morat,  1452.  Médiatears  :  l'éTâqne  George  de 
Salaces,  le  comte  Jean  de  Neach&tel,  le  chevalier  bftlois  de  Flachslanden, 
le  bourgmestre  Schwaramoaier  de  Zurich,  Hanwyl,  aToyerde  Lucerne,  et 
Ital  Réding.  Chef  des  Savoisieos  s  le  comte  Jacques  de  Valperge,  chance- 
fier  ;  et  des  Bernois  :  Bubenberg.  La  manière  est  gracieuse,  ob  annule  les 
offenses,  mais  oone  les  nomme  (ms.  Dans  les  guerres  de  l'Autriche  contre 
la  Savoie  ou  Fribourg ,  Berne  reste  neutre ,  mais  n'accorde  pas  le  pas- 
sage (ce  qui  probablement  n'eût  pas  eu  lieu  même  sans  le  traité).  Les 
i5,0Q0  flor.  à  cause  de  l'ancienne  amitié  et  par  certaines  raisons^  Accep- 
tation par  les  Pritourgeois ,  i458  ;  la  convention  ne  leur  agrée  pas  entiè- 
rement ;  mais  ils  ne  veulent  en  aucune  façon  causer  des  ziianies. 

>**  Aucune  des  parties  ne  devait  agir  d'une  manière  décisive  sans 
rantre.  Tichudill,  559. 

***  Chrtnu  frîh,,  i45&.  Leur  querelle  concernait  probablement  la  rcs- 
litatioa  des  biens,  en  partie  grevés  de  dettes ,  et  les  indemnités  ;  les  ser- 
mens ,  prétexte  pour  s'adresser  à  l'évèque. 

»••  Ibid. 

>•*  An  fond  de  la  tour  ronge. 


372  HISTOIRE    DK    LA    SUISSE.  ' 

La  ville  effectua  sur  le  territoire  de  la  république 
le  rachat  souvent  tenté  de  tous  les  droits  féodaux 
reconnus  et  litigieux '^^  des  comtes  de  Thierstein  ^•^j 
anciens  seigneurs  de  ces  contrées  comme  les  comtes  de 
Neuchâtel  et  de  Gruyère,  elle  les  rectifia  ^^^  et  les  in- 
féoda à  son  tour^^^.  Les  troubles  si  souvent  renouve- 
lés avaient  fait  voir  à  quel  point  les  vassaux  de  princes 
étrangers  ^^^  étaient  dangereux  pour  la  république. 

Le  seigneur  de  Menthon  ayant  refusé  de  payer  une 
dette  y  ni  la  crainte  de  la  Savoie  ni  la  forte  position  de 
son  châtel  de  Saint-Denys  ne  purent  empêcher  qu'on 
lui  saisit  ce  manoir  et  Yuippens^^^  jusqu'à  ce  qu  il  se 
soumît  au  droit  ^^^. 

Dans  la  ville,  la  tour  du  cbàteau  de  Zsringue, 
monument  de  souveraineté  territoriale  ^*®,  fut  ra- 
sée3»^ 

Lorsque  l'opinion  républicaine  devint  dominante  à 
Fribourg ,  les  Bernois  rendirent  spontanément  à  cette 
ville  sa  part  de  souveraineté  qu'ils  avaient  conquise  à 


'*'  Peut-être  (levait-on  «ncore  en  découvrir  d'autres. 

*•*  CA.  il  mai  1456.  Jean,  frère  de  Bernard,  oncle  de  Frédéric, 
traita  avec  la  ville. 

*•*  Bonzewyl  fut  affranchi,  et  devint  propriété  de  l'abbaye  des  reli- 
gieuses en  Maigreauge. 

>**  Le  bailliage  de  W^englischwyl ,  prts  Tavel ,  fut  inféodé  aux  reli- 
gieuses d*Interiachen  pour  1  flor.  du  Rhin  et  un  quart  par  an. 

>*'  Thiersteîn  avait  des  vassaux  dans  la  maison  des  Praroman 
(C7t.  1454)  et  des  Endlîsperg  (  1484  ,  15  févr.  ) 

^^^  Ces  seigneuries ,  en  grande  partie  allodiales,  ptovenaient  originai- 
rement, par  des  mariages,  des  familles  dont  elles  portaient  le  nom,  cl 
elles  y  rentraient. 

î"  Chron.  frib.,  1460. 

'**  La  souveraineté  de  protection  en  avait  pris  la  place. 

»"  Jbid.,  1463. 


UVRK    IV.    CIIAP.    V.  -ÎTS 

Gùininen  ct^  Grasbourg^*^,  acte  de  sagesse  qui  aurait. 
dû  servir  à  jamais  d'exemple  aux  Confédérés  récon- 
ciliés^*^. Ensuite^**  ils  convinrent,  conformément  aux 
principes  d'ordre  et  de  sûreté,  que  Berne  resterait  seul 
maître  du  défdé  de  Gûminen,  cette  porte  de  Berne, 
mais  céderait  en  revanche  à  Fribourg  les  villages  situés 
au-delà  de  la  Singine^*^,  et  qui  lui  avaient  appartenu , 
à  cause  de  leur  dépendance  de  Laupen  ;  qu'enfin  les 
deux  villes  gouverneraient  alternativement ,  par  le  mi- 
nistère d'un  bailli ,  la  contrée  pastorale  voisine  de  Tan- 
cien  Grasbourg.  La  souveraineté  du  pays  eut  des  limites 
fixes ^^^;  les  propriétés  particulières  des  seigneurs'^'', 
des  bourgeois  et  des  campagnards  ***  demeurèrent  in- 
violables, comme  cela  doit  être.  Chacun  payait  le 
pontonage  dans  les  lieux  où  il  fallait  entretenir  un 

^^^  Aa  renouvellement  de  la  combourgeoisie. 

•"  On  a  prêché  soavenlet  avec  énergie  la  restitation  de  la  co-sou- 
veraineté  de  Bade,  qui  a  été  enlevée  aux  vieux  cantons  catholiques; 
maison  ne  sentait  pas  Tiraportance  de  renouveler  l'ancien  esprit  fédéral^ 
aassi  chaque  canton  se  battit-il  encore  une  fois  pour  son  compte ,  et  avec 
Fespt'ce  de  succès  facile  à  prévoir.  =9  Nouvelle  preuve  que  Tédifice  était 
pourri  dans  ses  fondemens.  Des  républicains  sans  liberté ,  sans  esprit 
public  I  0.  L.  H. 

''^  Rapport  (accommodement)  f/e«<itffu;  v'dUs,  1^67. 
^'^  Et.  donnerait  en  sus  300  florins  du  Uliin. 
*"  Une  borne  éternelle.  CA. 

''^  Les  de  Yuippenset  leurs  héritiers  continuèrent  de  résider  an  châ- 
teau de  Gûminen  jnsqu^en  1501. 

SIS  Pâturages  communs  et  droit  da  pacage  indivis  entre  les  habitans  de 
Laupen  et  ceux  de  Besingue et  de  Noflen  ;  cens,  dimea  La  sécnrité  est  in- 
dispensable à  la  civilisation  et  au  bonheur,  mais  est-elle  possible  quand 
la  théorie  triomphe  du  droit  fondé  sur  des  chartes?  =  Lorsque  les  char- 
tes  sont  absurdes  on  ne  conviennent  plus  aux  temps,  il  faut  bien  modi- 
fier ce  qui  en  est  l'objet,  et  lorsque  cette  modiCcation  s'ppère  d'ailleurs 
dans  des  vues^sages ,  il  y  a  sagesse.  11  faudrait  admettre  sans  cela  qne  le 
genre  humain  peut  être  à  jamais  asservi  par  les  conquêtes  et  par  la  bar- 
barie, qui  ne  marchent  jamais  sans  chartes.  La  première  charte,  issue 
d'un  tel  principe ,  serait  immuable.  D.  L.  II. 


374  HISTOIRE   DE   LK  SCISSE. 

pont 3^^;  afia  de  vivifier  le  commerce  ^  là  sûreté  des 
marchandises  qui  passaient  d'Allemagne  à  Lycm  fiit 
stipulée  par  un  traité  que  Fribourg  négocia  entre  B^ne 
et  la  Savoie  *^^. 

m  

A  Meuchâtel ,  c^te  branche  de  la  famille  de  Fur»- 
tenberg  qui  avait  acquis  par  des  mariages  Aurach^^S 
Fribourg  en  Brisgau  ^^^  et  soixante  ans  auparavant  le 
comté  de  Neucbàtel^^^,  s'éCeignit  dans  la  personne  du 
sage  et  bienveillant  comte  Jean.  Peu  d^années  avant  sa 
mort,  il  reconnut  dans  la  grande  salle  du  diateau  de 
Grandson  ^  la  suzeraineté  de  la  maison  d^Orange  '^*  ;  il 
inféoda  lui-même  aux  deseendans  illé^times  des  com- 
tes primitifs  de  Neuchàtel  leur  héritage  ^^^y  et  à  la  mai*' 
son  d'Arbei^  une  partie  du  Valangin^^^.  La  loi  bour- 
guignonne régissait  le  pays  ^"^  ;  le  droit  municipal  de 

***  Sur  la  Sarine  et  la  Singine;  ceax  qai  les  traversaient  à  gné,  qaaod 
les  eaox  étaient  basses,  n'en  payaient  pas  moins  le  pontonage. 

'^  CL  1467, 12  octobre.  La  cour  avait  arrêté  des  négocîans  qui  se 
rendaient  à  la  foire  de  Lyon  (d-dessus  n.  155  et  suiv.).  il  était  interdit 
à  ces  marchands  d'amener  dea  marchandises  italiennes  on  lombardes. 
L'évêque  de  Genève  fat  aussi  compris  dans  le  traité. 

**^  An  temps  d'Rgo,  dont  la  seconde  femme  était  la  soeur  du  dernier 
duc  de  Zaeringen. 

*^  T.  II,  6  et  7.  La  Ch.  ftowr  SébenJtaïuen ,  122S  (Crusias  Ckron. 
Souabe,  1,  741,  édit.  de  Moser.),  fait  voir  qu'Ego,  fib  de  la  duchesse  de 
Zaeiîngen ,  fut  le  premier  qui  joignit  à  ses  titres  le  nom  de  Fribouig. 

***  T.  IV,  2.  Conrad  parait  avoir  été  le  fils  de  cet  Ego  qui  perdit  Fri- 
bourg par  sa  faute  (t  III,  183)  ;  les  tableaux  généalogiques  dans  Cruùus 
(1, 729)  et  H«6iMr  {TabL  généaU,  266  et  58)  sont  fautifs;  en  Souabe,oa 
oublia  cette  branche  transplantée. 

>*«  1465  Dunod. 

**^  A  cette  époque  (1485) ,  Jean  n  fit  l'acquisition  de  la  seigneurie  de 
Oorgier  que  Pierre  de  Savoie  avait  donnée  vers  1261  aux  sires  d'Esta- 
i^ayer.  Dunod;  J.-G,  P'ûssUn,  Géogr.  III. 

***  Hommage  dit  comte  Jean  à  Jean  de  Ncuch&tei ,  dans  le  cimetière  de 
régjise collégiale,  1450.  Schâpflin,  Hisl.  Zœring,  Bad.  VI. 

^>7  i^  comte  Jean  renvoya  les  habitans  de  Gorgîer  à  cette  loi.  Dunod. 


LIVRE    IV.    CHÀP.    V,  375 

Besançon  servait  de  type  à  ceiui  de  Neuchatel  ^K  La 
constitution  rappelait  les  anciens  temps  où  les  barons 
vivaient  en  pères  de  £aiviiUe  avec  leurs  métayers  réunis 
dans  la  proximité  de  leur  tour«  Il  avait  été  stipulé  que 
Meucfaàiel  paierait  nne  contribution  k)i*sque  le  comte 
serait  fiiit  chevalier  ^^^  lorsque  sa  fille  se  [marierait, 
lorsqu'il  ferait  le  voyage  d'outre-mer  ^^>  ou  serait  (ait 
prisonnier^  on  adièterait  nne  seigneurie  ^^^  Un  pro- 
noncé des  £emoîs  allégea  cette  obligation  en  détermi- 
nant^^ que  le  pays  ne  contribuerait  que  pour  une  seule 
fiUe,  pour  un  seul  achat,  pour  la  captivité  à  la  suite  d^une 
guerre  du  pays  méme^  mais  non  pour  la  chevalerie  des 
fils  ni  pour  les  pèlerinages.  Du  reste  ^  soit  droit  ou  cou- 
tume^  les  pêcheurs  transportaient  gratuitement  sur  le 
lac  le  comte  et  sa  famille ,  ils  le  pourvoyaient  avant  tou- 
tes autres  personnes  de  viande  et  de  poisson  au  prix 
du  marché  ;  les  artisans  travaillaient  pour  son  usage 
avant  tout  ^  et  les  messagers  ^^  couraient  aussi 
pour  lui  en  premier  lieu;  la  ville  lui  entretenait  un 
garde  de  nuit;  les  boulangers  lui  payaient  un  fenning 
pour  chaque  mesure  de  blé  ;  quiconque  se  mariait  lui 
oflrait  un  demi-quartaut  devin  d'honneur;  en  au- 
tomne les  messiers  ^^^  lui  fournissaient  des  raisins  et 

*^  ilse  référa  à  ee  droit,  lorsque  les  chartes  des  Neachàlelois  Turent 
brûlées.  léL 

***  On  donnaît  à  cette  occasion  de  grands  festins  et  des  présens 
dlionnear. 

'**  En  Tenre  sainte  ;  «  passagium  facere.  » 

M*  Cfu  de»  m»ettigati<m$ ,  il|58. 

us  Ck.,  ihhà.  Ibid. 

***  Que  de  fois  ils  servirent  pour  une  solde  ou  par  confraternité 
d'armes! 

>M  Les  messagers  tenaient  encore  Heu  de  postes. 
'  '**  li  parait  qu'ils  étaient  en  même  temps  gardiens  des  vignes. 


37G  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

des  noix ,  et  chaque  propriétaire^  un  baquet  de  moût; 
le  jour  de  Noël  les  vingt-quatre  bourgeois,  les  boulan- 
gers et  les  meuniers  lui  faisaient  don  d'un  pain  fait 
d'une  mesure  de  farine ,  et  d'un  pot  de  vin  ;  la  chasse 
aux  oiseaux  et  au  gibier ,  les  cours  d'eau ,  les  appels , 
les  vignes  laissées  en  friche  pendant  trois  ans^^^,  les 
maisons  laissées  pendant  le  même  temps  sans  toiture 
et  les  biens  des  bâtards  morts  sans  enfans,  lui  appar- 
tenaient. La  ville  de  Berne  prononçait  codMne  airbitre 
sur  tous  ces  cas  ^^'^  :  ainsi  se  conservaient  les  anciens 
usages  encore  utiles  ^^^,  et  rien  de  ce  que  le  temps  avait 
effacé  ^^®  ne  troublait  la  bonne  harmonie  en  donnant 
lieu  à  des  abus  ^^®. 


**•  On  voDlut  empêcher  par  là  de  laisser  des  terres  en  friche. 

"'  T.  IV.  à. 

3SS  Le  comte,  de  son  côté,  devait  donner  aux  bateliers  du  pain  et  di 
vin  ;  un  terme  de  cinq  ans  fut  accordé  pour  rebâtir  une  maison  brûlée; 
les  bourgeois  pouvaient  chasser  aux  oiseaux  sans  filet.  Que  ceux-là  dédai- 
gnent ces  détails  économiques  des  anciens  princes ,  qui  n'attachent  de 
Fimportance  qu'aux  guerres  et  aux  ruses  politiques. 

*''  Sentence  des  Bernois  lorsque  les  Neuchàtelois  trouvèrent  auprès 
de  l'évéque  de  I^usanne  une  charte  de  leur  droit  municipal  de  1214  ; 
en  1454,  1. 1,385. 

'**  Comme  on  abusa  en  1797  de  nos  renseîgnemens  sur  l'ancienne 
constitution  du  Paysde-Vaud  quand  on  voulut  préparer  la  révolution; 
par  là  cet  heureux  pays  a  été  plongé  dans  la  plus  affreuse  misère.  =  Alla- 
sion  principalement  à  l'Essai  sur  ta  constitution  du  Pays-deFaud,  pv 
Fréd.  Ces.  La  Harpe.  Paris,  1796,  S  vol.  in-8%  où  ('autorité  de  Maller  est 
invoquée  pins  d'une  fois.  C.  M.  ss  Je  conviens  que  nous  vous  avons  fait 
payer  un  peu  cher  le  plaisir  que  vous  aviez  eu ,  il  y  a  trente  ans ,  de  le\er 
un  coin  du  voile  qui  couvrait  les  œuvres  de  messieurs  vos  collines  patri- 
ciens. 'Mais  pourquoi  citer  ces  chartes  tombées  en  désuétude?  Voos  voos 
fâchez  de  ce  qu'on  a  voulu  commuer  la  dîme,  les  cens ,  les  pacages  etc. . 
sacrés,  félon  vous ,  parce  que  des  chartes  les  établissaient;  et  voos  regar- 
deriez comme  moins  importantes  ces  chartes  sur  lesquelles  reposent  les 
droits  des  princes  et  des  peuples  !  Vous  nous  avez  rendu  le  graod  serfice 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  377 

Le  comte  mourant  envoya  son  testament  à  Tofficial 
de  Besançon  ^^\  et  nomma  pour  son  héritier  Rodolphe, 
fils  du  margrave  Guillaume  de  Bade^  en  considération 
de  sa  grand'mére ,  tante  paternelle  de  Jean  et  nièce  de 
la  dernière  comtesse  de  la  maison  primitive  de  Neu- 
chàtel  ^^^.  Le  prince  allemand ,  héritier  de  sa  sagesse 
comme  de  ses  États  ^  ne  tarda  pas  à  se  présenter.  Il 
plut  aux  Neuchàtelois  et  se  rendit  sur-le-champ  dans 
les  villes  suisses  alliées  ^  afin  de  gagner  leur  amitié  per- 
sonnelle dans  les  affaires  et  par  des  festins  '^^.  Car  la 
comtesse  douairière  Marie  réclamait  l'usufruit  de  tout 
rhéritage  et  la  propriété  de  tous  les  bijoux ,  les  meu- 
bles et  les  capitaux;  le  prince  d'Orange  refusait  d'ail- 
leurs l'investiture.  Toutefois  Marie  ne  voulait  pas ,  à 
proprement  parler,  faire  casser  le  testament  ^^^;  bientôt 

de  publier  ces  docamcns  que  nos  maîtres  nous  auraient  éternellement 
celés.  No»  descendans  vous  en  remercieront,  quoique  vous  ayez  encouru 
rinimitié  des  anciens  gonvernemens  :  vous  avez  dil  la  vérité.  D.  L.  H. 

***  Ce  document  pouvait  n*êtrc  pas  en  sûreté  dans  les  mains  de  sa 
veuve ,  issue  de  la  maison  de  ChSilons. 

'**  Louiê ,  le  derriler  comte  de  l'ancienne  maison. 

lêabelle  la  dernière  Vérène 

dame  riante,  f  1895.  avec  Ego  de  Frîbourg. 

Le  comte  Conrad  Anne 

1897  f  1424.  avec  le  margrave  Rodolphe 

de  Bade. 

1  I 

Le  comte  Jean  Le  margrave  Guillaume, 

iàn  1 1457. 

Rodolphe* 

**^  Haffner  :  en  dépensa  7  litres  14  schelUngs  4  fennings,  lorsqu'il 
fut  traité  à  Solenre  en  1457. 

***  Son  frère  lui  offrit  inutilement  la  régence. 


378  HISTOJRB   DE  LA  SUISSE. 

des  arbitres  trouvèrent  dans  le  riche  héritage  de  quoi  ia 
contenter  ^^^.  Le  frère  de  la  comtesse ,  le  prince  d'O- 
range ,  tâcha  d*infîrmer  les  pcincipes  du  droit  neuchâ- 
telois^®  par  des  distinctions  ^^"^  ;  quand  il  faisait  des- 
cendre sa  maison  éo^  anciens  sénateurs  de  Rome  ^^  ou 
même  des  dieux  par  Athanaric  le  Goih^^^  et^  du  coté 
maternel  y  d'un  des  trois  Rois  ^^^,  et  qu'il  étalait  son 
illustre  parenté ,  l'intention  d'éblouir  les  yeux  perçait 
dans  ses  discours.  C!omme  les  cours  de  justice  IxNirgui- 
gnones  paraissaient  peu  désireuses  d'agrandir  sa  mai- 
son déjà  riche  et  puissante ,  mais  qu'elles  honoraient 
plutôt  en  Rodolphe  l'ami  des  Bernois^  le  prince  porta 
cette  affaire  devant  le  pape.  Rodolphe  résolut  aussitôt 
d  aller  en  personne  à  Rome  ^^^  Pie  II  renvoya  à  l'Em- 
pereur cette  difficulté  qui  concernait  un  arriére-fief 

***  Elle  reçut  Gerlier  (yoj.  n.  6h  et  suiv.)»  47iA  francs  sur  le  mobi- 
lier de  Champlille ,  seigneurie  à  laquelle  on  mettait  un  prix  singulier, 
Rîgny  et  VerceU;  elle  avait  déjà  pris  50  marcs  en  argenterie.  SemiMu 
de  1458 ,  dans  les  papiers  de  la  maison  de  Chàlons,  à  D6le. 

***  T.  IV,  p.  2 ,  n.  S.  11  dit  que  c'était  là  le  droit  commun  en  Bour- 
gogne, reconnu  depuis  1397  par  les  investitures  de  Chftlons. 

3*7  II  prétendit  que  l'expression  de  l'hommage  de  Louis  en  1357  «  ad 
usus  et  consuetudinem  Burgnndis  »  se  rapportait  non  au  droit  de  suc- 
cession, mais  k  la  forme  de  l'hommage.  Dédaction  pour  Orumge,  1458. 

>**  Gela  n'est  pas  entièrement  inexact;  toutefois  il  ne  peut  pas  élre 
question  des  sénateurs  de  Vaneienne  Rome  ;  mais  il  est  possible  qu'un  des 
aïeux  du  premier  archi-comte  de  la  Haute-Bourgogne  ait  été  sénateur  à 
Rome  au  x*  siècle. 

***  Peut-être  quelques-uns  faisaient-ils  venir  la  maison  de  Cbfclons, 
non  pas  comme  nous  de  la  frontière  dltalie ,  mais  d'une  province  de  la 
France  méridionale ,  autrefois  soumise  aux  Visigoths. 

*^*  Je  ne  vois  aucun  moyen  d'expliquer  la  fable  qui  fait  descendre  la 
maison  Baux  du  roi  Balthasar,  à  moins  qu'elle  ne  se  trouve  dans  quelque 
ressemblance  imparfaite  des  noms. 

>^*  Haffncr'ikbB,  Soleure  (et  sans  doute  Berne  ^promit  de  veiller  fidè- 
lement sur  son  pays  pendant  son  absence. 


LIVRE   IV.    CHAP*    V.  379 

bourguignon  ^^.  L'Empereur  en  chargea  diverses  cours 
de  justice  ^^  qui  ne  la  vidèrent  jamais  ;  le  margrave 
transmit  Neuchàtel  à  sa  famille  ^^. 

Son  oncle  ^^,  plein  de  prudence,  l'avait  mis  de  bonne 
heure  en  relation  de  comboiirgeoisîe  avec  Bei^e  ;  le 
neveu  promit  par  sermwt  pour  son  territoire  entier  ^^^ 
secours  dans  tous  les  dangers  ^^^^  liberté  du  com- 
merce ^^9  égalité  de  droits  ^^  et  soumission  à  1  arbi^ 
trage  '^^.  Il  renouvela  des  traités  semblables  ^^  avec 
Soleure  ^^^  et  Morat  ^^.  Dans  la  guerre  avec  l'Autriche 
qui  suivit  bientôt ,  on  ne  requit  pas  indisarètement 
ses  troupes  ^^^  :  on  le  pria  seulement  d'entretenir  les 

*^>  AASS,  Dajmm/;  ScliQpflUu 

'**  DôU;  1551,  le  conseil  souverain  de  Malines. 

*^t  La  branche  masculine  flnit  son  avec  fils;  raais  la  famille  de  sa  pe- 
tlte-fille  régna  Jusqu'en  1707. 

*  L'histoire  de  celle  succession  est  imporlanie;  elle  a  été  parfaîtement 
éctairde  dans  un  ovvrage  historique  des  plus  pfécîeux,  les  Mimoirt$êmr 
le  Comté  de  Neuehâiel  en  Suisse ,  par  le  chancelier  de  MontmoUin,  restés  en 
mannscrit  près  d'un  siècle  et  demi .  et  imprimés  seulement  en  1831,  grâce 
am  soins  éclairés  de  MM.  PctitpicTre  et  Prince.  Ils  forment  2  vol.  in-8*. 
Noos  donnons  dans  VJppendiee  sous  la  lettre  E,  les  pages  relatives  à  la 
aoccession  du  comte  Jean.  G.  M. 

***  m  Le  noble  et  excellent  comte  Jelian ,  notre  très-cber  seigneur  et 
oocle»  (non  pas  beau-frère,  comme  d'autres  l'ont  cru). 

*^^  Depuis  le  bois  de  Vauxmarcus  jusqu'il  l'église  do  Verrières. 

»7  S'il  était  requis. 

*^*  Le  sel  et  le  vin  sont  spécialement  désignés. 

***  Walperschwjl  était  le  lieu  où  devait  se  rendre  la  justice  ;  ce  sont  des 
dispoÂtions  ordinaires. 

»••  «  Puisqu'il  est  ainsi.  »  Leitre  de  bourgeoisie  1458  »  vendredi  après 
Pâques,  dans  Leibnitz.  Cod.  juris  genU,  Man tissa  II,  115. 

*^*  Leibnitz  donne  le  traité  avec  Fribourg  sous  l'an  1465  ;  de  môme 
Géorgisch  II,  1229  ;  mais  il  est  de  1495 ,  comme  le  prouve  la  signature. 

'**  Lettre  de  bourgeoisie,  1458;  Saint  George,  ibid.  119. 

**'  Gité  dans  la  Ch.  n.  560. 

***  Lui,  le  fils  do  margrave  Gnillanme! 


380  HISTOIRE   DE    LA   SUISSE. 

dispositions  amicales  du  duc  de  Bourgogne  *^^  ;  loutc- 
fois,  des  secours  furent  demandés  à  son  vassal  dans  le 
Valangin ,  non  formellement  par  la  Tille  de  Berne ^  mais 
confidentiellement  par  Adrien  de  Bubenberg,  son  gen- 
dre^^^«  Les  Bernois  Tempêchèrent  d'augmenter  les 
péages  de  manière  à  gêner  le  transit  ^'^. 

Le  Valais^  dont  les  passages  ouvrent  la  Suisse  et  la 
France  aux  attaques  ou  au  commerce  de  l'Italie ,  re- 
nouvela son  alliance  avec  Berne  ^^.  Guillaume  de 
Rarogne^  évéque  de  Sion ,  s'efforça  entre  autres  par 
ce  moyen  de  cicatriser  les  blessures  faites  pendant  la 
guerre  de  sa  maison.  Il  restaura  aussi  la  demeure  des 
évéques  ^^^  et  donna  son  consentement  à  une  constitu- 
tion plus  conforme  aux  dispositions  des  esprits  qu'aux 
coutumes  ou  aux  prétentions  de  Tévêché  ^'®.  Cette  con- 
descendance à  laquelle  on  contraignit  Thumeur  paci- 
fique de  s^  vieillesse  fatiguée  fut  neutralisée  par  le 
courage  de  son  successeur  et  par  le  chapitre.  Celui-ci 
adressa  des  plaintes  au  pape ,  protecteur  généralement 
reconnu  même  des  intérêts  temporels  de  TÉglise.  L'é- 
vèque  s*étant  rendu  personnellement  à  Rome  pour  ex- 
cuser par  la  nécessité  un  acte  illégal  ^',  mourut  en 

"5  Lettre,  ÎO  mars  1468.  SiettUr. 

"«  StettUr,  d'après  sa  lettre.  I,  195. 

^^^  Lettre  de  1466  {IbU.  186),  sur  la  plainte  de  marchands  lombards, 
dont  beaucoup  étaient  établis  en  Allemagne  ou  se  rendaient  des  foires 
d'Allemagne  à  celle  de  Lyon  en  passant  près  du  péage  de  la  Thielle ,  par 
Neach&tel  et  le  Val  de  Travers, 

'•*  1446,  le  30  août  L'évoque,  le  chapitre  et  le  pays.  Tiré  de  l» 
Chronique  de  Pierre  Branc lien, chanoine  de  Sion. 

"»  Tûrbelen  et  Majorie,  Siampf,  622,  a. 

^"^^  A  Narres,  1446,  28 janvier. 

''*  Il  parait  qu'il  avait  agi  sans  s'être  concerté  avec  le  chapitre. 


LIVRB   IV.    CHAP.    V.  381 

roule  comme  il  revenait  ^*^.  he  doyen  du  chapitre , 
Henri  Asperling  de  Rarognc  ^"^,  ne  voulut  accepter  la 
mitre  que  lorsque,  cinq  ans  après ,  trois  cents  délégués 
du  peuple  déclarèrent  ^^^  que  les  ecclésiastiques  ne  su- 
biraient plus  Tautorité  des  laïques  ^''^^  et  le  reconnu- 
rent lui-même  comme  comte  du  Valais^  à  Tégal  de 
tous  les  évèques  depuis  sept  cents  ans  ^''^.  Si  Tévéque 
est  bon  et  sage ,  la  dignité  de  comte  lui  facilite  Texer- 
cîce  de  son  autorité  sur  une  population  difficile  à  sou- 
mettre; sans  ces  vertus  son  titre  est  inutile  et  inofiensif. 
Asperling  mourut  bientôt  ^^^  ;  suivant  Tancienne  forme 
des  élections  ^'*,  on  désigna  dans  les  deux  langues  ^"^, 
à  rassemblée  nombreuse  du  peuple  ^^^,  Walther  de  Su- 
persax^^^  en  qualité  d'évéque  et  de  comte.  Grâce  à  ses 
villages  puissans  comme  des  villes  ^^^,  à  la  bonne  ad- 

'^<  1450.  SimUr,  yalUsla,iiig.  150.  Elzev. 

*7>  Da  dizain  de  ce  nom  ;  ci  après  t.  VII ,  chap.  VII. 

'^*  Ch,  Deux  causes  agitaient  le4)ays  :  l'évéque  devait  ratifier  le  traité 
avec  Milan,  dont  il  sera  question  ci-après,  et  la  cour  de  Rome  voulait 
imposer  au  Valais  Guillaume  d'Ëslaing,  un  étranger.  Ch.  1454;  Leu, 
art  Sîon. 

*^^  Ils  refusaient  de  se  soumettre  à  l'exécution  séculière  (n.  374  j, 
disposition  ordinaire  dans  les  démocraties. 

■7*  Depuis  Charlemagne  et  Tévéque  Théodule.  On  lut  publiquement 
cette  légende  et  la  confirmation  de  Charles  IV.  Ch,  n.  974. 

»''  1457. 

*7«  •  Via  Spiritus  Sancti  »  (Ch.  374)  signifie  que  l'élection  fut  faite  par 
le  chapitre. 
*''  Française  et  allemande. 

'**  Composée  de  plus  de  mille  personnes  ;  à  la  précédente  installa- 
tion le  nombre  était  double. 

*•*  «  A  Snpcrsaxo — uff  derFluo.  » 

3'*  En  1465  et  en  1469,  2400  personnes  moururent  à  Brigue  et  h 
Narres,  sans  que  ces  villages  en  fussent  dépeuplés.  Simler,  1.  c  43. 


382  HIdTOIltS   DR   LA.   SUISSE. 

ministration  ^^^,  à  son  alliance  pacifique  avec  Berne , 
avec  la  Savoie  ^*  et  Milan ,  le  Valais  prospérait.  Fran- 
cesco  Sforza ,  à  qui  une  réunion  rare  de  grandes  qua- 
lités valut  et  conserva  le  duché  de  Milan  ^  conclut  avec 
k  Valais  pour  le  terme  de  vingt*<»nq  ans  une  capitu- 
lation ,  type  éternel  pour  ce  pays  et  ses  voisins  *^; 
elle  portait  qu'aucune  des  parties  ne  ferait  tort  à  l'au- 
tre^ ne  donnerait  passage  à  ses  ennemis  ^  n'entraverait 
le  commerce  en  haussant  les  péages,  ni  la  justice  m 
souffrant  les  pratiques  de  Tavocasserie  ^  mais  qu'en 
cas  de  besoin  le  duc  pourrait  enrôler  en  Valais  des 
volontaires  ^^. 

Les  peuplades  pastorales ,  berceau  de  la  ligue  suisse, 
vivaient  paisibles  au  milieu  de  leurs  Confédérés,  et, 
chose  rare  alors  !  aussi  indépendantes  de  lautorité  ec- 
clésiastique que  l'exigeait  le  bien  général  et  le  dfoit. 
Comme  l'olivier  ne  croit  pas  sur  leurs  collines ,  elles  se 
nourrissaient  pendant  le  carême  de  beurre  et  de  lai- 
tage, sans  attendre  que  le  pape  autorisât  ce  qu'il  ne 
pouvait  empêcher  ^^^  et  ce  que  d'autres  payaient  à  prix 
d'argent  ^^^.  En  Suisse  l'ecclésiastique  qui  oubliait  ses 

^*'  Articles  de  Louicehe,  21  janvier  i4.S8«  dans  Bran^kêh;  on  y  trcMii» 
diverses  dispositioDS  concemai>t  radminifrtratioo  forestière  :  «  Netnus  ba- 
gnatam  (forêt  bornée)  super  villam ;  terebiathi  vulgariter larses  (  tarix); 
opus  universarii  burgesii  (caisse  communale);  procnratores  villa  et 
custodes.  • 

»•*  Cb.  n.  5«t. 

*'*  Les  renouvellemens  éiaîent  utiles  soit  pour  l'impression  qu'ils  pro- 
duisaient, soit  à  cause  des  péages.  Il  était,  impossible  qoe  le  tarif  des 
pé^es  de  i4&4  subsistât  à  toujours. 

>**  «Strepilus  judicii,  cavillationes  «  exceptîones.  • 

»"  Ch.  1454. 

»>•  Bref  du  pape  Calixtc  III,  6  kal.  jul.  1456,  dans  Tsekudi  U,  58î 
et  suiv. 

'••  Peu ,  il  ejt  vrai  ;  on  a  presque  toujours  exagéré  les  sommes  cnvotécs 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  «383 

devoirs  reteratt  de  la  justice  civile.  Les  anciens  pro- 
priétaires de  domaines  et  les  princes  avaient  par  pru- 
dence laissé  à  des  couvens  considérables  la  nomination 
des  carés  de%  églises  fondées  par  eux**^;  ce  soin  et  les 
ressources  de  ces  ^lises  que  les  couvens  s'étaieift  ap- 
]M*opriées  injustement  ^^^  furent  abandonnés  même  à 
des  étrangers  ^•^  :  la  propriété^  ne  fut-elle  justifiée  que 
par  la  prescription^  doit  être  sacrée;  sans  cela,  pas 
d'ordre  dans  la  société  ^  pas  de  progrés  dans  la  civilisa<* 
tion,  pas  de  bonheur  tranquille.  Les  Unterwaldiens 
s'empressèrent  de  profiter  des  bonnes  dispositions  d'un 
abbé  d*Engelberg  ^^^,  qui  sut  prévoir  les  besoins  de 

à-Roine.  H  en  coûta  7  florins  à  la  ville  de  Soleure.  H  a  ffner  II  ^  155; 
autant  k  Sohaffhouse  et  à  Appenieti  en  1655  et  59.  J.  J.  Hottin- 
ger,  fi.  £#  Il ,  4^7.  Il  fat  constamment  interdît  aux  Scfaaffhonsois  de 
manger  des  fromages  les  jours  de  réte»  CA. 

***  Droit  de  patronage. 

>*«  Ce  sont  là  les  incorporations  dont  Hrnnmêrlin  se  plaini  avec  raison  ; 
par  U  on  enlevait  &  un  district  le  produit  des  fondations  faites  en  Taveur 
de  son  ^lise.  Les  papes  justifièrent  cette  mesure;  mais  réeonomic  poli- 
tique met  une  telle  opération  dans  la  même  classe  que  les  sécularisations 
qui  furent, si  nuisibles* 

*'*  Les  réformés  aussi  agiront  dans  la  suite  de  la  même  manière  & 
l'yard  des  couvens  catholiques  étrangers;  le  droit  fondé  sur  les  doco* 
mens  avait  la  garantie  d*un  respect  dont  la  philosophie  de  nos  jours  a 
triomphé.  La  jouissance  de  ceux  qui  s'enrichissent  maintenant  est  expo- 
sée avec  justice  aux  mêmes  chances.  »>I1  est  f&cheox,  sans  doote*  qu'on 
ait  été  aussi  loin,  et  cerles,  la pbilosofdue  n'a  point  failli.  Il  a  bien  fallu 
faire  ce  que  les  anciennes  lois  avaient  omis,  réparer  les  maux  proveous 
de  leur  incurie.  Les  deux  tiers  au  moins  des  biens  de  la  terre  étaient  entre 
les  mains  des  prêtres  ou  des  nobles ,  qui  avaient  abusé  de  leur  pouvoir 
pour  faire  sanctionner  par  des  actes  ces  abus  dont  la  société  souffrait  de- 
puis long-temps.  Tous  deux  étaient  coalisés  pour  empêcher  les  gouver- 
nemens  d*y  porter  remède  d'une  manière  régulière;  ainsi  la  faute  est  k 
ceux  dont  l'entêtement  et  les  manières  coupables  ont  rendu  la  révolu- 
tion nécessaire.  D.  L.  H. 

*'>  Comme  les  habitans  de  Buochs  profilèrent  de  la  bonne  volonté 


384  HISTOIRE    DE   LA    SUISSE. 

ses  successeurs'^^*  ;  ils  suivirent  l'exemple  déjà  donné^^^ 
et  rachetèrent  leur  indépendance  ^^.  Dès-lors  les  com- 
munes élurent  leurs  magistrats;  nul  étranger  ne  reçut 
plus  les  dons  de  leur  piété  ^^^.  Us  laissèrent  la  surveil- 
lance spirituelle  aux  personaes  auxquelles  la  hiérarchie 
la  confiait  ^^^  :  cette  institution ,  qui  maintenait  dans 
toute  la  chrétienté  l'uniformité  des  pratiques  religieu- 
ses^ subsista  aussi  long-temps  que  les  connaissances  et 
la  sagesse  des  chefs  de  rÉglise-iie  restèrent  pas  au- 
dessous  de  l'esprit  du  siècle. 


de  l'abbé  Jean  Am-Baci,  leur  combourgeois  ;  1654,  Bue$inger  et  Zelgtr, 
HisU  d'UnterwaUUn,  U ,  98. 

*^*  Le  mauvais  état  des  affaires  d'Engelbeig  résulte  de  la  nécessité  ok 
l'oQ  fat  «le  cé4er  à  Ëffinger.  de  Zurich,  Seldenbaren ,  domicile  du  fon- 
dateur, Wellschwyl  et  Stallîkon ,  riches  villages ,  parce  qu'on  avait  be- 
soin de  quarante  florins;  1466.  H,  H.  Roitiuger,  Spéculum,  165;  J.  J. 
Uottinger,  H.  E.  Il,  650  ;  likan,  573. 

**^  La  convention  de  Bnochs  de  1454  fut  suivie  de  celle  de  Stanz, 
1462;  de  Kems,  1464;  de  Wolfenachiessen ,  1466;  et  de  Loogero, 
d'une  date  inconnue.  Baesinger  et  Zelger, 

.  *■•  Outre  les  autorités  citées,  Ch,  du  prévôt  et  du  chapitre  de  Léodegar 
à  Luceme  pour  leurs  droits  à  Unterwalden ,  estimés  à  500  livres  ,  de  42 
plapparts  chacune  ;  1657,  Jeudi  après  Saint  Gall.  T$ehudî  II ,  583  etsuiv. 
tiacliat  de  Zoug,  d'Egcri  et  des  montagnards  d'Ëinsidlen  pour  8,000 
florins  du  Rhin  ;  1666.  Zurleuben ,  ch.  Les  historiens  de  la  Suisse  mo- 
derne seront  dispensés  de  rapporter  ces  sortes  de  rachats  et  les  quittan- 
ces. Nos  pères,  dans  leur  simplicité,  n'estimaient  pas  leur  appartenir  ce 
qu'ils  n'avaient  pas  pajé.  »  Est-ce  bien  un  historien  qui  parle?  D.  L.  U. 

''^  Dans  quelques  conventions,  le  couvent  abandonna  aussi  la  dime; 
dans  d'autres  elle  fut  réservée.  Les  oflrandes  demeurèrent  partout  aox 
ofllciers.  La  dime  est  un  impôt  plus  approprié  que  tout  autre  à  l'entre- 
tien d'ùisti  tu  lions  d'utilité  publique,  et  qui  n'est  certainement  jamais 
onéreuse  ;  les  législateurs  de  l'Helvétie  régénérée  l'ont  sagement  abolie 
dans  le  temps  où  ils  augmentaient  les  dépenses.  =  Si  vous  saviez  cal* 
culer,  vous  sauriez  qu'elle  équivaut  au  quart  du  revenu.  D.  L.  IL 

^''  A  l'abbé ,  à  l'évéquc.  On  rencontre  partout  celte.réserve. 


UYRB   IV.    CHAP.    V.  385 

Les  anciens  Suisses  y  oomme  les  anciens  Grecs  ^^  et 
les  Romains  ^^,  alliaient  à  une  haute  intelligence  des 
affaires  une  singulière  religiosité.  Us  ne  se  laissèrent  pas 
enlever  la  surveillance  des  choses  temporelles  ^^^.  De- 
vant le  Dieu  que  la  nature ,  les  consolations  de  leur  foi 
et  l'esprit  d'un  perfectionnement  progressif  leur  révé- 
laient sous  un  ^iple  aspect ,  et  devant  les  monumens 
de  ceux  dont  la  vertu  avait  dû  obtenir  sa  faveur,  ils 
s'agenouillaient  en  prière,  et  vénéraient  aussi  chez  les 
vivans,  chez  Nicolas  de  ïlue,  membre  du  conseil 
d'Obwalden,  une  éminente  piété.  Comme  un  violent 
incendie  dévorait  Sarnen  y  le  chef-lieu ,  des  députés  al- 
lèrent implorer  en  hâte  l'intercession  de  ce  juste  ^^^;  il 
se  rendit  sur  la  montagne  et  invoqua  son  Dieu  pour  son 
peuple.  A  l'heure  même  la  flamme  furieuse  s'apaisa  ^^^. 

Gérold  y  de  la  famille  des  barons  de  Sax,  abbé  d'Ein- 
sidlen  y  homme  attaché  à  la  pompe  et  à  la  grandeur, 
mais  encore  plus  à  son  monastère  en  décadence ,  non 
content  de  l'absolution  perpétuelle  dont  Pie  II  avait 
favorisé  cette  sainte  maison  ^^,  se  rendit  en  personne 


''*  Actu  des  Apôtreê ,  XVU ,  22  :  «  Je  remarque  qu'en  toutes  choses 
voitt  êtes,  pour  ainsi  dire,  dévots  jusqu'à  Texcès.  • 

*••  Polybe ,  Tite-Live. 

^'  Untenralden,  l'avouerie  d*Engelberg,  1465.  Bussinger  et  Zel- 
g«r,  II ,  79- 

*<s  U  est  dit  qu'il  habitait  dans  les  montagnes  derrière  Saxelen  ;  il  s'y 
était  retvê  en  id66  ;  l'événement  ici  raconté  est  de  iA68. 

**'  Lorsque  Dieu  veut  produire  un  effet  moral ,  il  ne  suspend  pas  les 
lois  de-  la  nature;  son  secret  est  dans  la  coïncidence  des  circonstances. 
Nous  verrons  que  le  salut  de  la  Suisse  a  reposé  sur  la  vénération  pour  cet 
excellent  homme. 

*•*  Ch.  Rome,  1"  février  1465,  citée  par  Albert  de  Bonstetten ,  dans 
Gesta  Monasterii  B.  M.  V,  loci  lleremiiar, 

▼I  25 


38G  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

en  Italie  ^^^,  plut  à  ce  pape  et  en  obtint  plus  que  ses 
prédécesseurs^^.  Pie  conGrma  les  anciennes  tradi- 
lions  ^^^  sur  la  consécration  divine  de  la  chapelle  prin- 
cipale où  une  antique  image  miraculeuse ,  comme  à 
Lorette  ou  à  Âllôtting,  commandait  la  conBance^^. 
Un  lieu  où  pendant  des  siècles  des  millions  de  mortels 
trouvèrent  la  paix  a  reçu  la  consécration  divine.  Dans 
la  suite  la  chapelle  merveilleuse  a  été  violée  ^^^,  réduite 
en  cendres  ^^^9  mais  l'enthousiasme  s'inspirait  encore 
dans  cet  asile  comme  sur  les  ruines  de  Jérusalem  ^^^ 
Les  Schwyzois ,  avoués  de  Fabbaye ,  décrétèrent  la  re- 
construction des  édifices  brûlés;  mais  ils  prétendirent 
exercer  sur  le  temporel  une  surveillance  trop  exacte 
au  gré  de  Tabbé^  mauvais  administrateur.  Gérold  pré- 
féra l'abdication  à  une  principauté  limitée.  Il  vécut 

***  Avee  cent  chevaux.  J.  J*  Hottingert  A*  146&. 

*•*  Ch.  à  Id.  Apr.  ihSà ,  à  PetroHo.  L'absolntlon  lu  hH  avait  M 
obtenue ,  non  pour  des  années,  comme  à  Tordinaîre,  mais  à  perpétuité. 
Celle-ci  donnait  l'autorisation  d'accorder  de  plus  grandes  absolu lions^ 
Hottinger  en  mentionne  une  troisième,  d'après  laquelle  les  bulles  en  fa- 
veur d'Einsidlen  n'ont  pas  besoin  de  l'agrément  de  l'évoque. 

*•'  T.  I,  î79. 

*^*  Albert  de  Bontteifen  raconte  les  anciens  miracles  ;  l'auteur  bien  in- 
tentionné de  la  Chronique  d'EituidUn  «  H ,  8*55 ,  a  entrepris  avec  beau- 
coup de  zèle  la  défense  de  la  tradition. 

***  1467.  Tsckudi  est  plus  digne  de  foi  sur  cette  matière  que  ceux  qui 
se  croient  obligés  de  soutenir  la  conservation  miraculeuse  de  la  cha- 
pelle. 

*'*  A  la  chute  de  l'ancienne  Suisse ,  des  barbares  du  voisinage  com- 
mirent cet  attentat ,  non  une  armée  ennemie.  *=  Einsidien  fut  pillé  en 
1798  par  les  Français.  Ce  fut  le  Directoire  helvétique  qui  rétablît  le 
culte ,  nomma  Oechsner  curé ,  fil  replacer  les  cloches ,  habilla  les  prê- 
tres, etc.  Nous  avons  vu  que  dans  la  guerre  contre  Zurich,  ses  ennemis 
j[des  autres  cantons)  avaient  pillé  de  la  manière  la  plus  barbare  vingt-cinq 
ou  trente  églises  et  couvens.  l\  faut  avoir  de  la  mémoire.  D.  L.  U. 

*"  Jérémie,  XU,  5. 


UVRE   IV.    CHAP.    V.  387 

quatorze  ans  solitaire  à  St.-GéroM  d'une  modique 
pension  ^*^;  Notre-Dame-des-Ermites  fut  relevée  de 
ses  cendres  par  les  Schwyzois*^^. 

Vers  ce  temps  le  landammann  Ital  Réding  le  jeune 
fut  assassiné  par  un  étranger ,  dont  on  ignore  le  mo« 
tiP^^.  Peu  auparavant^  le  meurtre  commis  par  Jean 
Ulrich  sui*  Werner  Âb  Iberg  avait  agité  tout  le  pays  de 
Sctiwyz.  Iberg  était  d'une  famille  illustre  des  premiers 
Gonfédérés^^^^  et  Ulrich  faisait  remonter  la  sienne  aux 
peuples  venus  du  Nord  dans  ce  pays  *^^.  Uri,  Unter- 
walden^  Lucerne,  Zoug  et  Glaris  tinrent  une  diète  au 
sujet  de  cet. homicide;  la  commune  de  Schi^^yz  s'adjoi- 
gnit les  habitans  de  Kûssnacht  et  d'Einsidlen ,  de  la 
Marche  et  des  métairies^  auxquels  l'unissait  une  alliance 
protectrice.  Long-temps  et  inutilement  on  supplia  les 
Ab  Iberg  d'abandonner  leurs  projets  de  vengeance;  du 
côté  de  la  famille  Ulrich  se  présentaient,  animés  par 
la  colère^  des  frères  nombreux ,  hommes  vigoureux , 
rudes  y  velus *^*',  héroïques;  des  ressentim^ns  récipro- 
ques menaçaient  donc  la  paix  du  pays  :  de  tout  temps 
les  Schwyzois  se  distinguèrent  par  leur  caractère  pas- 
sionné. Blanchis  par  l'âge  et  commandant  le  respect, 
les  chefs  du  peuple  parlèrent  avec  sagesse  ;  leur  voix 
dompta  les  cœurs.  Ulrich  ne  fut  pas  exécuté,   mais 
banni.  Il  rompit  son  ban  et  son  serment.  Les  vigoureux 
jeunes  gens  jugèrent  indigne  d'eux  de  protéger  Fin- 

*^  360  ilorios  et  ce  que  produisait  la  prévôté.  TschudL 

**'  D'une  façon  digne  de  Dieu  et  de  Notre-Dame ,  et  honorable  pour 

la  Confédération.  Tuhudi. 
***  Ttehudi;  en  août  1466.  L'auteur  du  crime  était  des  environs  de 

Fddkirch. 

■ 

**»  T.  11,224. 

«•  Leii. 

**^  Une  branche  de  la  famille  s'appelail«|es  Velus. 


388  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

subordination  et  le  parjure  :  Ulrich  fut  décapité  à 
Uznach*'*. 

Filippo-Maria-Angio  Visconti,  duc  de  Milan  *^®,  con- 
tre qui  les  Suisses  avaient  combattu  près  de  Bellinzone 
malheureusement ,  mais  non  sans  gloire  ^^^^  et  avec  qui 
ils  avaient  fait  une  paix  solide  et  avantageuse  ^^^^  comme 
en  pareil  cas  avec  la  France  *^^^  mourut  dans  la  cent 
soixante-dixième  annëe  de  la  puissance  des  Visconti  ^^'^ 
sanshéritiers  mâles  ni  légitimes ,  dans  une  guerre  enti*e- 
prise  témérairement  contre  Venise  *^*  et  mal  conduite  *^*. 
Instruit  par  Tinfortune  dans  les  années  difficiles  de  sa 
jeunesse,  Philippe  avait  gouverné  d'après  des  prin- 
cipes ,  avec  présence  d'esprit,  maître  de  lui-même***; 
mais  Texpérience  fréquente  de  Tinfidélité  Tavait  rendu 


*^"  Tschudi,  A.  1464*  Rédîng  vivait  encore. 

«"  Né  en  1S9S  ,  doc  de  1412  à  14^7. 

«•  T.  IV,  871-S78. 

"»  1426.  T.JV.  890. 

A»  14^4  et  1515;  la  paix d*Ensishcim  et  l'alliance  qui  la  suivît,  ainsi 
que  la  paix  perpétuelle  de  1516  et  les  alliances  de  1521  et  1777,  furent 
les  conséquences  de  l'estime  acquise  dans  des  défaites. 

*^  A  dater  de  la  victoire  de  rarchevéqne  Otton  sur  Napoléonc  della 
Terre,  1277. 

*^  «Dcsperatione  quadam  et  taedio  quîescendi.  »  Petru*  Candidat 
Detembrlas  in  F  lia.  Murât,  XX. 

**^  «  Negligenlla  et  inscilia  ducum.  »  Id, 

«>•  Comme  la  plupart  de  ces  princes  italiens.  Leur  histoire ,  écrite  en 
détail  par  des  contemporains,  offre  une  riche  instruction  (natJiia)  aux 
jcimes  gens  qui  se  destinent  aux  affaires  d'état  Les  caractères  énergiques 
qui  figurent  dans  l'histoire  d'Italie  an  moyen-5ge  ne  sont  pas  une  mine 
moins  riche  pour  l'étude  du  cœur  humain  que  l'histoire  ancienne.  Hais 
il  faut  lire  les  historiens  originaux;  les  imitations  jusqu'à  ce  jour  sont 
manqnées.  sss  L'admirable  Histoire  des  républiques  italiennes  du  moye»' 
âge,  par  M.  Simonde  de  Sismondi ,  Paris ,  16  vol.  in-S*,  est  postérieure  à 
MuUer  ;  faits  et  caractères ,  tout  y  est  vivant  comme  dans  les  chroni- 
queurs du  moyen-&ge ,  à  la  |pis  énergiques ,  naïfs  et  pittoresques.  C.  M. 


.    LIVRE    !¥•    CHAP.    V.  389 

trop  méfiant  pour  assurer  convenablement  à  un  succes- 
seur la  survivance  de  son  autorité.  Ainsi  tomba  la  puis- 
sance appelée  milanaise,  et  qui  était  en  réalité  celle  des 
Visconti.  Des  pensées  de  liberté^  encore  peu  mûries  ^''', 
agitèrent  la  capitale.  D'autres  villes  s'indignèrent  à 
ridée  d'être  sujettes  de  citoyens  milanais.  Le  roi  de 
Naples,  institué  héritier,  n'avait  pas  des  forces  de 
terre  suffisantes  pour  faire  la  guerre  à  une  si  grande 
distance,  et  il  ne  jouissait  pas  de  Tamitié  des  Génois. 
Il  manquait  au  duc  d'Orléans ,  pour  soutenir  ses  droits 
maternels  *^*,  du  courage,  de  l'argent  et  le  secours  des 
Français.  Le  duc  Louis  de  Savoie  était  d'un  caractère 
trop  faible.  Tout  comme  l'Empire  germanique  avait 
donné  aux  anciens  Visconti  un  titre  et  non  une  puis- 
sance, dans  cette  occasion  aussi  l'intervention  impé- 
riale s'en  tint  à  des  mots.  Dans  de  précédens  troubles 
survenus  à  Milan,  les  Vénitiens  qui,  à  force  de  richesses 
et  d'habileté,  avaient  renversé  le  grand  Carrara^^^,  ac- 
caparé l'héritage  des  Scala,  ensuite  conquis  et  admira- 
blement défendu  Brescia  et  Bergamo ,  conçurent  l'am- 
bition de  gouverner  la  Lombardie. 

Aussitôt  les  habitans  d'Uri  se  levèrent  et  passèrent 
par  le  Saint-Gothard  dans  la  Léventine  *^^.  Quoiqu'ils 
ne  fussent  appuyés  ni  par  les  mercenaires  des  Visconti 

*''  Les  diverses  classes  dans  la  ville  étaient  désunies,  et  celle-ci  n*a- 
vait  pas  formé  d'alliance  avec  d'autres  cités  sur  un  pied  d'égalité  ;  = 
cause  principale  de  leur  mine.  D.  L.  H. 

*^  Sa  mère  Valentine,  sœur  du  dernier  duc,  était  morte  depuis  long- 
temps. 

*'*  Si  l'on  veut  savoir  pourquoi  nous  donnons  ce  surnom  à  ce  prince 
infortuné ,  qu'on  lise  les  Chroniques  de  Galéazzo  et  d'André  Gattaro, 

*'^  Têc/utdi  II,  518.  Les  circonstances ,  l'occasion  et  les  motifs  fondés 
sur  le  droit  sont  inconnus.  Ce  fait  eut  lieu  en  4  âA7,  année  de  la  mort  du 
duc. 


390  HISTOIRE   DE   LA.   SUISSE. 

qui  gardaient  Bellinzone ,  sans  savoir  pour  qui ,  ni  par 
Rusca ,  possesseur  de  Lugano  grâce  à  la  même  mai- 
son ^^^  ni  par  le  jeune  Santi ,  seigneur  de  la  vallée  de 
Falenza^^,  héritier  incertain  d'Ânnibal  Bentivoglio, 
qui  alors,  d'un  bras  mal  assuré,  prenait  possession  d'une 
plus  grande  seigneurie ^^^,  les  habitans  delà  Léven- 
tine  se  réjouirent  d'être  à  l'abri  de  la  fureur  des  par- 
tis ,  et  prêtèrent  de  nouveau  à  Uri  le  serment  cher  à 
leurs  pères***.  Satisfaite,  la  communauté  d'Uri*'*  ré- 
solut de  détourner  sa  vigoureuse  population  de  toute 
participation  aux  guerres  italiennes  **^;  son  devoir  était 
de  défendre  la  patrie. 

Par  son  courage  et  son  intelligence,  un  simple 
paysin  italien  avait  pris  un  tel  essor ,  que  la  puissance 
d'un  grand  nombre  de  princes  sembla  dépendre  de  son 
amitié.  Portées  à  un  degré  plus  éminent,  les  mêmes 
qualités  donnèrent  à  son  fils  tout  l'héritage  des  Y isconti 
ainsi  que  Milan ,  et  placèrent  sa  maison  au  niveau  des 


***  Decembritts, 

*3s  i^es  Visconlî  la  donnèrent  aux  Pépoli ,  qui,  chassés  de  Bolc^e, 
la  Tendirent  probablement  aux  BentivogU ,  ou  la  leur  transmirent  par 
mariage. 

*'*  JieridiGino  Capponi  [Comméniari,  Muraiori  XVm)ncoDte  oetle 
singulière  histoire  encore  mieux  que  PugUola.  H  n'est  guère  possible  de 
prouver  que  Santé  était  déjà,  en  iàhS,  efiDectivement  en  possession  de  la 
▼allée  de  Palenza. 

**^  T.  IV,  591.  Êlre  Suisses  et  demeurer  intacts  était  presque  une 
seule  et  même  chose.  »  Il  fallait  par  une  conduite  pleine  de  justice,  de 
sagesse  et  d'énergie,  faire  en  sorte  que  cela  dur&L  D.  L.  H. 

^^  S4:hmidt  II ,  106.  On  est  tenté  de  croire  que  l'expéditioo  dans  la  Lé- 
ventine  fut  l'entreprise  cfnnc  troupe  de  volontaires  (  comme  cdle  de 
Rysig.  t  lY,  985  ).  La  résolution  est  du  11  septembre  liiS* 

***  Les  Vénitiens  aussi  enrôlèrent  des  «pilularios»  (mousquetaires?) 
allemands.  Simoneita ,  1.  XIII ,  précisément  cette  année-là. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V  391 

maisons  impériales  et  royales  *^'^.  Comme  les  princes 
oublient  facilement  que  leur  majesté  n'a  pas  une  autre 
d'igine,  de  pareils  événemens  arrivent  de  loin  en  loin^ 
pour  réveiller  en  eux  la  vigueur  de  l'âme  sans  laquelle 
leur  autorité  ne  saurait  se  maintenir^^^. 

Le  grand  Jacques^  surnom  dû  à  sa  stature ^^^^  était 
né  à  Cotignuola  en  Romagne,  de  parens  honorables 
et  dans  l'aisance^  dont  on  découvrit  ensuite,  comme 
il  arrive ,  les  relations  de  parenté  avec  les  Attendoli , 
Ëunille  noble  de  leur  lieu  natal  ^^^.  Le  jeune  homme  à 
la  taille  haute  et  bieik  proportionnée,  au  teint  brun,  à  la 
poitrine  large,  aux  yeux  pleins  de  feu,  alliant  la  gravité 
des  manières  à  la  bonté  du  cœur^^^  dédaignait  les  tra- 
vaux delà  campagne,  dont  les  fruits  sont  à  la  merci 
du  guerrier  ^^^.  Dans  le  voisinage  brillait,  comme  res- 
taurateur de  la  gloire  militaire  de  l'Italie  ^^',  le  comte 
Albérich  de  Barbiano.  Jacques  parla  à  son  frère  cadet, 
1  audacieux  Francesco  **^  ;  ils  persuadèrent  à  deux  de 


*'^  Les  mariages  en  sont  la  preuve. 

**'  L'ami  da  prince  rappelle  à  œlni-ci  sa  position  et  son  devoir  ; 
Fbomme  qui  éloafle  en  lai  les  sentimens  de  prince  et  l'accootume  à  voir 
les  choses  comme  un  particulier,  le  rend  étranger  à  l'état,  et  se  com- 
porte en  ennemi. 

***  Giaoomazio. 

***  Afiif*«#0ri,  préface  de  Crivelli. 

^^  LfodrUio  CrivelU,  de  rebuê  Sfariiœ,  belUcoiUsimi  dueU  (  Murât. 
&r.XIX),Ln. 

^'  On  dit  (nonpasCn've/Zi)  qu'enchanté  de  l'éclat  d'une  troupe  de 
•ddats  qu'il  vit  passer,  il  lança  sur  un  arbre  la  boue  avec  laquelle  il  tra- 
vaillait» que  celle-ci  étant  restée  suspendue,  il  reconnut  que  la  Provi- 
dence rappelait  à  nne  antre  destinée 

^  Le  plus  grand  général  de  lltalie ,  à  côté  de  lui,  éUit  alors  John 
Agot,  Anglais;  Grégoire  XI  lui  avait  cédé  Cotignuola.  CriveUi.  En  il8d 
ou  ilS7. 

**^  Beccatello ,  dans  liç  dialecte  de  ce  temps,  signifie  hardi.  11  aimait 


392  HISTOIRE  DE  LA  SUISSE. 

ieurs  aines  et  à  un  cousin  de  se  joindre  avec  eux  à  la 
horde  de  Saint-George  (  c  était  le  nom  de  la  troupe  du 
comte).  Un  jour  plusieurs  compagnons  d'armes  se  dis- 
putèrent au  sujet  d'un  butin.  Jacques  défendit  contre 
eux  son  droit  avec  Une  formidable  énergie  que  la  pré- 
sence du  comte  ne  tempéra  pas.  Âlbérich  dit  :  «  C'est 
»  là  me  faire  violence  ;  tu  es  Sforza  ;  que  Sforza  soit 
»  ton  nom  y  à  toi  qui  fais  prévaloir  la  force  ^^^.  »  Il 
justifia  ce  nom  par  la  conduite  de  toute  sa  vie.  A  la  tète 
d'une  armée  dévouée  sans  réserve  à  sa  personne  y  il 
tint  en  respect  papes  ^  rois^  communes.  Il  dut  cet  as- 
cendant non  à  la  fureur^  mais  à  l'usage  bien  entendu 
de  ses  heureuses  qualités  qu'il  ne  gâta  point  par  la 
science  de  l'école,  mais  qu'il  développa  par  la  méditation 
de  l'histoire  et  des  maximes  des  sages  ^^.  Lorsque  à 
l'âge  de  dix-][iuit  ans  son  fils  aîné  Francesco ,  en  qui  il 
prévit  le  plus  grand  prince  de  l'Italie^  prit  congé  de  lui, 
le  père  ne  l'entretint  pas  de  la  guerre^  étude  et  occupa- 
tion de  leur  vie,  mais  il  lui  recommanda  d'avoir  toujours 
devant  les  yeux  le  Maitre  tout-puissant  des  destinées, 
d'écouter  les  sages  conseils,  de  captiver  les  peuples  par  la 
justice,  de  ne  jamais  souiller  le  lit  d'un  sujet  ^^'',  d'être 
bon  envers  ses  gens,  de  n'en  maltraiter  aucun ,  et  d'é- 
loigner convenablement  celui  qu'il  aurait  frappé  dans 
un  mouvement  de  colère  ^^.  Â  l'âge  de  quarante-cinq 

singalièrement  ce  frère,  dont  il  donna  le  nom  à  son  fils.  Deeemlnrin, 
Vifa  Franc.  Sf. 

*«'  Crivelli  II  porta  le  nom  de  Sforza  long-temps  avant  l'avènement 
de  la  reine  Jeanne. 

*'*  «  Omnimodam  historiam  et  praeclara  sapienttssimorom  homtnom 
dicta ,  materna  lingua ,  didictsse.  •  CriveUL 

**^  Francesco  eut  beaucoup  d'enfans  de  sa  femme  et  un  grand  nombre 
de  b&tards.  Decembrius, 

**•  CripcUi.  En  1418. 


LIVRB    IV.    CHAP.    V.  393 

ans  ^^y  lorsque  Sforza ,  contre  l'opinion  générale  (  son 
heure  était  venue )^  traversa  l'embouchure  du  Pes- 
cara  pour  secourir  un  guerrier  en  péril  ^  il  fit  un  mou- 
vement violent ,  le  sable  mobile  céda  sous  son  cheval 
et  au  même  moment  le  vent  du  sud  refoula  les  flots  de 
la  mer  dans  le  bassin  du  fleuve. 

Dès  ce  moment  l'énergie  de  Francesco  unit  entre  eux 
et  à  sa  personne  les  chefs  ^  les  troupes  ^  les  villes  ^^^.  La 
reine  de  Naples^  dont  son  père  avait  commandé  les  ar- 
mées ,  lui  confirma  le  nom  de  Sforza  ^^^  Il  vint  à  Milan 
pour  la  première  fois  Tannée  où  Agnès  Maina  donna  au 
dernier  duc  une  fille  illégitime ^  Bianca  Maria  ^^^^  qui 
épousa  dans  la  suite  Francesco.  11  surpassa  même  son 
père^  par  la  rapidité  ^  l'éclat  et  le  succès  de  ses  entre- 
prises. Une  fois  il  conquit  en  peu  de  jours  les  nom- 
breuses villes  *^^  de  la  Marche  d'Ancone*^.  En  trois 
jours  il  sauva  aux  Florentins  la  ville  de  Pise  (14-36). 


**'  1424.  Il  parait  qu'il  porta  les  armes  dès  Tàge  de  seize  ans.  »  Voy. 
le  récit  détaillé  de  celte  mort  et  des  événeinens  qui  suivirent ,  dans  le 
t.  Vm  de  l'histoire  de  M.  de  Sismondi,  chap.  lkiy.  G.  M. 

*^*  A  l'instant  même  où  son  père  périt,  il  traversa  le  fleuve  dans  un 
tronc  d'arbre  creux  qu*il  dirigeait  avec  un  b&ton ,  et  se  rendît  vers  Far- 
inée. CrivêUL 

***  Jusqu'alors  le  nom  avait  été  personnel.  Jeanne  le  donna  à  la  mai- 
son, en  souvenir  de  Jacques.  Id, 

*»^  1425.  Deemnbritu. 

*^*  Alors  fut  prise  entre  autres  «  centnm  oppidis  insignis  urbs  Tuder- 
tum>  (Todi )./</.  1483. 

>  *^^  11  devint  pour  ce  fait  gonfalonier  de  l'Église.  Le  pape  crut  un  jour 
prendre  ses  villes  à  meilleur  compte  et  plus  promptement  Filippo  Vis- 
conti ,  dans  un  moment  d'agitations  intérieures ,  écrivit  à  Eugène  IV  et 
Ini  demanda  conseil  sur  son  saluL  Le  pape  lui  conseilla  de  céder  plu- 
sieurs ^lles  à  l'Église.  Le  duc  répondit  :  J'aime  mieux ,  il  est  vrai ,  mon 
ftme  que  mon  corps ,  mais  l'Etat  a  le  pas  sur  l'une  et  sur  l'autre.  Decem^ 
briui. 


394  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

Les  armes  milanaises  avaient  enlevé  aux  Vénitiens  près* 
que  toute  la  terre  ferme,  lorsqu'il  arriva  par  des  lieux 
sans  chemins  dans  la  ville  de  Vérone  y  ]e  jour  même  où^ 
à  Milan,  on  en  célébrait  la  conquête ^^^«  Comme  le  gé- 
néral milanais  Nicolo  Ficcinini  avait  frappé  de  terreur 
toute  la  Toscane  par  son  habileté  militaire  et  par  la 
supériorité  de  ses  forces,  Gosme,  le  père  de  la  patrie, 
dont  la  sagesse  inspirait  une  grande  confiance  à  Fran- 
cesco  y  obtint  que  celui-ci  risquât  une  bataille  pour  dé- 
fendre l'Italie  entière  ^^  ;  il  là  gagna  près  de  Soncino 
(1439).  Filippo  Visconti,  victime  d'une  méfiance  con- 
tinuelle^ ne  se  fiant  plus  en  lui-même  ^''^  mourut 
dans  la  plus  grande  perplexité  ;  chaque  parti  ambi- 
tionna le  bras  de  Sforza;  lui^  comme  eux  tous,  aspi- 
rait à  la  possession  de  Milan. 

Il  accepta  d'abord  avec  plaisir  les  fonctions  de  géné- 
ral en  chef  du  peuple  milanais.  Quiconque  unit  de 
grandes  qualités  à  des  qualités  aimables  n'a  rien  à 
craindre  du  peuple;  il  savait,  lui^  que'  la  république 
était  Tédifice  artificiel  et  fragile  de  quelques  nobles. 
Pavie  se  rendit;  à  force  de  persévérance  il  enleva  aux 
Vénitiens  Plaisance  ;  pendant  plusieurs  mois  il  entretint 
son  armée  avec  le  butin  ;  les  cœurs  de  tout  le  peuple 
se  prononcèrent  pour  lui ,  pleins  de  vénération  :  les 
grands  de  Milan  reconnurent  alors  qu'il  était  plus  re- 
doutable pour  leurs  places  que  les  Vénitiens  mêmes. 
Leurs  intentions  lui  furent  révélées.  Il  provoqua  un 
mouvement  populaire  qui  les  obligea  de  confier  à  sa  main 
la  bannière  de  la  ville.  Aussitôt  il  battit  les  VéoitîeDS 


***  1417.  U  éuUâlon  ao  service  de  Venise^ 

*M  ,  dq  universe  luliae  imperio  aot  servitote.  »  Decembrùu» 

*^'  «  Saspicionibus  exagitatus ,  nec  jam  sibi  îpsi  satis  Qdeas.  ■ 


LIVRE  IV.    CHAP.  V.  395 

sur  le  Pô  et  dans  la  grande  et  formidable  ba(aiUe  près  de 
Caravaggio.  Les  négocians  dont  les  intérêts  constituent 
dans  l'État  une  communauté  distincte  ^  recherchèrent 
la  paix  avec  Venise^  la  mère  du  commerce.  Mais  le  gé- 
néral victorieux  les  prévint  auprès  du  Sénat.  Dés  ce 
jour  il  tourna  ses  armes  contre  ses  ennemis  personnels* 
La  guerre  ayant  éclaté  entre  lui  et  la  ville  de  Milan^ 
Franchino  Rusca^  seigneur  de  Lugano^  et  presque  tous 
les  riverains  du  lac  Majeur  se  déclarèrent  pour  le  gé- 
néral. Bellinzone  resta  guelfe.  Milan ,  résolu  de  tout 
oser^  de  tout  souffrir  ^^^  pour  la  liberté  et  de  chercher 
du  secours  où  que  ce  fût^^^,  fit  alliance  même  avec 
Uri^^^.  Charles  Gonzague^  fils  du  premier  margrave 
de  Mantoue  ^  commandant  de  Milan ,  sentant  l'impor^ 
tance  d'une  union  immédiate  avec  ces  vaillans  hommes^ 
engagea  Piccinino  Tainé  à  une  entreprise  contre  les  Gi« 
bellins  placés  entre  eux  et  Milan.  Piccinino  marcha  par 
le  Seprio  vers  les  montagnes.  Les  habitans  de  Bellin- 
zone^ ceux  d*Uri  et  beaucoup  de  Confédérés  marchèrent 
contre  lui;  ils  prirent  Castiglione^^^  traversèrent  la 
Trésa  et  remportèrent  sur  les  troupes  de  Sforza  une 
difficile  victoire  ^^^;  après  quoi  les  riverains  du  lac 

**•  Simtmetta,  XV,  A.  1448. 

*^*  «  Vel  Tnrcaram  r^  vel  démon i  patriam  potîus  dedituios.  »  Jd. 
XVL 

^*  n  y  a  toute  apparence  qne  les  Milanais  renoncèrent  à  la  Léventine 
à  cette  occasion. 

**'  Dans  le  comté  de  Bellinzone ,  selon  Tschadi  U ,  528  ;  ce  n'est  pro- 
bablement pas  ce  qae5cmoiieffii(XVUI,  A.  1440)  appelle  «  Castellioneo^ 
mm  an.  • 

**^  Têckudi^  II,  529;  mais  son  récit  est  par  fragmens  comme  tontes 
les  relations  sor  la  part  des  Snisses  dans  cette  gaerre;  noos  avons  cher- 
cbé  à  les  rectifier  d'après  Simonetta ,  en  attendant  qu'on  trouve  des 
renseignemens  plus  exacts.  =9  M*  de  •SMmoiMfin'éclaircit  pas  ce  point  ob^ 
scur.  G.  M. 


396  HISTOIRE    DE   LÀ    SUISSE. 

Majeur  ci  les  Bellinzonais  d'un  coté ,  de  l'autre  les  lia- 
bitans  de  Venise  et  du  mont  Brianzo  satisfirent  les  Mi- 
lanais par  des  déclarations  favorables.  Ce  fut  ea  vain. 
Car  dès  que  François  Sforza  eut  gagné  et  tranquillisé 
le  pays  de  Parme ,  il  ne  laissa  pas  un  instant  de  repos 
à  Tennemiy  à  qui  chaque  revers  rendait  redoutable  dans 
sa  ville  même  le  parti  de  Sforza.  Tandis  qu'il  s'em- 
parait en  personne  de  places  plus  importantes ,  il  envoya 
sur  le  territoire  de  Lugano  Rusca,  demeuré  fidèle ,  et 
Fhabile  général  Robert  di  San  Sévérino  y  à  la  tête  de 
quatre  mille  hommes.  Son  impétuosité  dispersa  les 
hordes  des  paysans;  leurs  troupeaux  furent  enlevés; 
Lugano  se. soumit ^^^.  Robert  ne  se  porta  pas  devant 
Bellinzone,  où  les  forts  pouvaient  l'arrêter.  Leshabi- 
tans  d'Uri  assiégèrent  cette  ville ^^^,  parce  qu'on  leur 
avait  refusé ,  à  cause  du  mauvais  succès ,  le  prix  de  leur 
précédente  action  ^^^.  Les  Milanais  se  hâtèrent  de  con- 
tenter cet  ennemi^  avant  que  Sforza  pût  le  gagner;  ils 
payèrent  le  secours  d'Uri  ^  en  affiranchissant  de  tout 
droit  de  péage  les  marchandises  des  habitans  de  la  Lé- 
ventine  et  de  la  vallée  d'Urseren  ^^.  Par  là  ils  conser- 
vèrent Bellinzone  aussi  long-temps  que  leur  propre  ré- 
publique. 

Milan  était  en  proie  aux  troubles  et  à  la  misère  qui 

*•»  .S4mon«<la,XlX. 

*«*  Tuhudi,  II.  bhb. 

**^  Probablement  du  passage  de  la  Trésa  :  selon  leur  coolume,  ce 
traité  était  renfermé  dans  des  limites  fixes ,  et  on  y  avait  sans  doute 
stipulé  une  solde, 

««•  Ces  vallées  étaient  coalisées  avec  Uri  de  toute  ancienneté  ;  mais 
Textension  à  donner  aux  avantages  autrefois  parlîculicrs  à  Uri  fit  naître 
une  question  semblable  à  celle  qui  s'agite  maintenant  entre  Alger  el 
rAulricbe,  pour  savoir  jusqu'à  quel  point  la  paix  de  Ssislow  prêtée 
depuis  1798  la  navigation  vénitienne. 


LIVRB   IV.    CHAP.    V.  397 

en  est  la  conséquence.  Les  fondateurs  de  la  liberté,  les 
nobles,  avaient  été  renversés  ou  assassinés  par  Tenvie  et 
la  défiance.  La  Savoie  et  Orléans,  qui  attendaient  tout 
du  désespoir,  attisaient  le  feu  et  poussaient  aux  extré- 
mités ;  le  commissaire  vénitien  Yenieri  éveillait  par  des 
lettres  fausses  l'espérance  et  la  crainte.  Dans  cette  si- 
tuation*^'', Francesco  Sforza  suivit  le  meilleur  plan  :  il 
prit  une  ville  après  Tautre,  battit  tous  les  généraux 
ennemis  et  conquit  tous  les  cœurs  par  la  majesté  de  sa 
stature  *^^  et  par  son  extraordinaire  bonté.  Il  résulta  de 
là  que  Guidone  de  Vimercato  réalisa  sans  peine  ce  que 
depuis  long-temps  Piero  délia  Pusterla  affirmait  être  le 
parti  le  plus  sage ,  ce  fut  une  coalition  des  principaux 
citoyens  qui  s'empara  de  la  forteresse ,  égorgea  l'inepte 
municipalité  et  le  commissaire  vénitien,  et  porta  Fran- 
cesco Sforza  Viscouti  sur  le  siège  ducal  de  Milan  *^^.  Il 
n'y  avait  d'autre  droit  que  la  réunion  des  qualités  les 
plus  éminentes  de  l'homme,  du  général  et  du  prince. 
Au  bout  de  deux  jours  Bellinzone  aussi  rendit  hommage 
à  ce  titre  et  à  cette  fortune *''^*^. 

L'élévation  de  Sforza  au  siège  de  Milan  peina  le 
plus  les  Vénitiens,  qui  avaient  fondé  sur  son  affaiblis- 
sement par  la  discorde  le  plan  d'une  vaste  domination. 
Ils  l'environnèrent  donc  d'ennemis,  et  semèrent  la 
guerre  dans  son  État  avant  qu'il  pût  le  consolider 
par  un  gouvernement  sage.  Mais  Francesco  les  pré- 
vint. Dès  qu'il  eut  pénétré  par  les  bas-fonds  de  l'Adda 


*"  T9chudill,  588. 

^*'   «  Majestate  quadain  supra  raortalem ,  facie  serena  atqne  bilari , 
sermoDe  mira  sttavitate  condito.  •  SimoneltaXXÎ,  Â,  1450. 

*••  Le  Î6  février  1450. 

^^*  Simonetia  et  Tschudi  sonl  entièrement  d'accord. 


398  HISTOIRE   DE   LA.   SUISSE. 

dans  le  Bressan ,  il  ne  leur  laissa  ni  trêve  ni  repos , 
même  pendant  l'hiver  ^'^ 

Tout-à-coup  la  chrétienté  d'Europe  fut  saisie  d  e- 
pouvante  à  la  conquête  deConstantinople.  Quinze  cents 
ans  après  que  Gésar^  dans  les  plaines  de  Pharsale  ^  eut 
soumis  le  monde  romain  au  pouvoir  d'un  seul  homme, 
tomba  y  digne  de  l'ancienne  grandeur  de  Rome  ^"^^^  le 
dernier  empereur  Constantin.  Le  padischah  Gasi  Mo* 
hammed  el  Fatih  ^''^,  prince  entreprenant  et  d^une 
volonté  de  fer  ^'^^^  ayant  soumis  cette  résidence ,  sîëge 
principal  du  commerce  du  Levant  et  clé  de  deux  mers, 
effraya  tour  à  tour  les  îles ,  la  Morée,  l'Italie  ^  laHon- 
grie,  les  frontières  de  la  Pologne^  de  la  Russie  et  de  la 
Perse.  Le  sénat  de  Venise  oublia  pour  lors  son  ambition 
insensée^  et  maudit  la  fatale  guerre.  Le  siège  pontifical 
adressa  un  honorable  joiessage  aux  Schwyzois  aussi  ^'^^f 
afin  que  par  l'autorité  de  la  Confédération  à  laquelle  ils 
avaient  donné  leur  nom  ^  ils  engageassent  Sforza  vic- 
torieux à  faire  la  paix  ^''^.  Ils  la  lui  demandèrent^  Sforza 
l'accorda  *''''. 

Plein  de  sens  et  d'expérience^  le  prince  militaire 

^'*  Voy.,  ddnsSimmetta  XXIIetsuiv.,  lagnerre  de  Venise. 

^'^  Nous  prenons  pour  gnide  Phrames,  historien  également  recom- 
mandable  par  une  grande  connaissance  des  choses,  par  la  loyauté  et  par 
une  haute  raison. 

^^*  El  Fatih,  le  conquérant;  Gad,  le  vainqueur. 

*'*  Comme  ses  pères  et  comme  son  petit-fils ,  il  attend  encore  qa*un 
historien  exempt  de  préjugés  lui  érige  un  monument  digne  de  lui. 

*"  Tickudi,  II,  575. 

*'*  Lettre  du.  landammann  et  du  ecmieil  de  Sehwyz,  demandant  la  convo- 
cation d'une  diète  à  Luceme  sur  cet  objet  ;  mercredi  avant  la  mi-caréme. 
1454. 

*"  Le  9  avril  4454.  S'monetta  XXIV. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  399 

rechercha  Tamitié  des  Suisses  '^'^^^  qu'entretenaient  ou 
que  troublaient  les  relations  commerciales.  Les  chefs 
du  pays  manifestèrent  à  l'envoyé  Antonio  Bésana  des 
dispositions  favorables ^''^j  mais  dans  les  monarchies,  le 
système  des  péages  se  modifie  arbitrairement  et  sui- 
vant les  besoins;  d'ailleurs,  entre  Tastuce  italienne  et 
la  simplicité  souvent  turbulente  des  Suisses,  la  con- 
fiance était  difficile  à  établir.  Plus  d'une  fois  le  res- 
sentiment ou  un  malentendu  engagea  des  particuliers 
à  déclarer  la  guerre  au  puissant  duc^^^.  Cependant 
Francesco  accorda  aux  Suisses  la  libre  fréquentation 
du  marché  principal  de  Varèse^^^  ;  les  négocians  de 
cette  nation  suivaient  sans  entrave  la  grande  route 
jusqu'au  fossé  de  la  ville  de  M ilan^^^  ;  la  justice  du 


«78  Prancesco  Sforza  aux  Confédérés;  Milan,  Si  mars  146â;  dans 
TsehtuU, 

*'*  Le  duc  vante  cette  disposition  bienveillante;  il  dit  qa'il  les  consi- 
dère, non  comme  des  voisins,  mais  comme  des  fréra» 

***  Le  landamtnann  et  les  citoyens  tTUri  à  ceux  de  Claris,  jeudi  de 
Notre-Dame,  1446,  dans  Tschudi.  Ils  se  plaignent  de  ce  que  Jean  Znm 
Brunnen,  conseiller  d'Uri,  pour  une  insulte  et  un  dommage  reçus  à  la 
foire  de  Varèze,  avait,  à  l'insu  du  pays,  fait  une  déclaration  d'hostilité 
au  seigneur  de  Milan,  sur  quoi  le  paya  lui  avait  ordonné  de  se  désister, 
sons  menace  de  punition  en  son  corps  et  dans  ses  biens.  Ils  rappellent 
anssi  que  Tammann  Wolleb  rainé>  d'Urseren,  avait  été  un  peu  maltraité 
par  les  Milanais.  L'affaire  de  Zum  Brunnen  concernait  un  Jeune  garçon 
auquel  il  devait  payer  ses  frais  et  le  médecin.  Quelqu'un  jura  qu'il  avait 
maltraité  le  jeune  homme  (l'avait-il  battu  pour  négligence  dans  son  ser- 
vice ?)  ;  on  ne  voulut  admettre  en  opposition  à  ce  serment  ni  trois  témoi- 
gnages italiens  corroborés  par  serment  aussi,  ni  six  témoignages  alle- 
mands, «  attendu  qu'on  ne  pouvait  point  se  fier  aux  Allemands ,  qui  ne 
respectaient  ni  leur  serment»  ni  leur  honneur.  »  Le  différend  fut  aplani 
àFaido, 

***  Plainte  de  Jean  Zum  Brunnen,  Ibid, 

*•>  Comme  on  peut  le  voir  par  la  capitulation  qui  suit,  à  n.  488. 


^ 


400  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE^ 

duc,  sa  bonté,  sa  considération  entretenaient  la  bonne 
intelligence. 

Après  la  mort  de  son  père ,  Galéazzo  consultait  en- 
core la  sagesse  de  sa  mère  Marie ^^^  ;  les  relations  de 
Milan  avec  la  Suisse  furent  consolidées  à  la  diète  de 
Lucerne,  grâce  à  l'babile  négociation  d'Antonio  de 
Bésana,  par  la  convention  fondamentale  appelée  la  ca- 
pitulation ^^^.  La  Léventine,  ce  versant  du  passage  da 
Saint-Gothard,  fîit  cédée  pour  toujours  à  Uri.  Mais 
sous  prétexte  d'égards  convenables  envers  le  chapitre 
de  Milan,  vrai  possesseur  de  l'ancienne  souveraineté, 
et  en  réalité  pour  ne  pas  renoncer  à  toute  prétention  » 
le  prince  reçut  de  TÉglise  l'investiture  de  la  vallée  et 
la  transmit  aux  habitans  d'Uri  à  condition  «  qu'ils 
»  enverraient  chaque  année  à  Milan  quatre  vautours 
«  et  une  arbalète  ^^^.  Des  arbitres  ^^^  devaient  déter- 
»  miner  les  revenus  qui  resteraient  à  la  cour  **',  et 
»  les  dédommagemens  qu'elle  donnerait  au  chapi- 
»  tre.  L'exemption  du  péage  sur  toutes  les  routes 

**'  Blanche- Marie  est  aussi  nommée  dans  la  charte  et  même  avant  loi; 
c'est  elle  qui  donna  à  la  nouvelle  maison  régnante  l'ancien  nom  yénéré 
de  Visconti. 

***  il  en  existait  deux  rédactions  souvent  confondues  par  les  pubfi- 
cistes,  la  première  du  15  août  i4S6  ;  >e  la  tire  de  la  chronique  d^EdUbaek; 
Leu  sur  Simier,  p.  558,  Bischorberger  A25  et  d'autres  l'ont  suivie;  la 
seconde,  authentique,  du  26  janvier  1467,  se  trouve  en  latin  et  en  alle- 
mand dans  Tsehudi  II,  662.  Géorgisch  les  cite  toutes  deux  d'après  Lflnig» 
Nous  désignerons  la  première  par  A,  la  seconde  par  B. 

*"*  B.  :  «  Austures  quatuor  formosas  et  landabiles,  nec  non  balistam 
seu  stambuchinam  novam  et  honorabilem ,  juxti  bonam  eorum  intelh- 
gentiam.  • 

^*'  Le  surarbitre  pris  dans  la  Confédération. 

**'  Le  chapitre  réclamait  un  fermage  (fictum)  annuel  de  500  livres, 
mais  les  habiUns  de  la  Léventine  ne  confessaient  être  redevables  tp^ 
<  brevis  vel  parvx  quanti tatis.  • 


•LIVRE   IV.    CHAP.    V.  401 

»  jusqu'aux  fossés  de  la  ville  ^^^  fut  confirmée  aux 
j>  Confédérés  et  à  tous  ceux  qui  prouveraient  qu'ils 
»  relevaient  d'eux;  on  stipula  des  garanties  contre 
»  le  passage  d'ennemis  étrangers  ^  la  liberté  du  corn- 
}}  merce*®\  prompte  et  bonne  justice ,  et  en  cas  de 
»  besoin  secours  amicaP^^.  A  Bellinzone^  à  Como^  à 
»  Milan  il  y  aurait  des  juges  particuliers  pour  les 
»  causes  des  Suisses;  les  arbitrages  pour  les  difficultés 
n  entre  les  gouvernemens  auraient  lieu  à  Faîdo ,  chef- 
»  lieu  de  la  Léventine;  la  sentence  finale  serait  pro- 
»  noncée  par  un  conseiller  valaisan  ou  rhétien.  »  Ce 
traité  déplut  aux  Bernois  et  aux  habitans  d'Uri.  Les 
Bernois  virent  que  l'engagement  de  donner  du  secours 
pouvait  les  compromettre  à  l'égard  d'anciens  amis  et 
vis-à-vis  de  la  maison  de  Savoie*^'.  Les  habitans  d'Uri, 
se  défiant  de  toute  complication  artificielle  ^^^  et  sin- 
gulièrement jaloux   de  leur  honneur,  demandèrent 
avec  colère  :  «  Que  signifie  ici  le  chapitre?  Notre  bras 
»  a  conquis  la  Léventine  au  duc  ;  qu'il  ne  s'iiM{uiète 
»  pas  de  savoir  si  en  cela  nous    avons    péché  ^^^  ; 

***  Les  conventions  plus  anciennes  de  1436  obligeaient  les  marchands 
caisses  k  rester  sur  la  grande  route,  ce  qui  était  incommode,  vn  le  nombre 
considérable  de  passages  ouverts  dans  les  Alpes. 

**•  Le  gouvernement  milanais  avait  souvent  interdit  l'importation  des 
chevaux. 

^**  Sans  fixer  le  nombre  des  troupes  ni  la  solde.  Bésana  en  laissa  la 
fixation  aux  agens  de  la  cour  qui  devaient  chaque  fois  se  conformer  aux 
circonstances. 

*»*  Stetiler,  I,  JS9. 

**s  Ou  bizarre,  comme  ils  l'appelaient. 

***  Dans  la  charte  était  mentionnée  :  «  Pernicies  animamm  illustrissi- 
Dior.  Ducum ,  necnon  Magnificor.  Dnor.  Gonfœderatorum.  •  I^es  habi- 
tans dUri  firent  la  remarque  que  ni  eux  ni  leurs  pères  n'avalent  chargé 
le  dac  de  Mibn  du  soin  de  leurs  ftmes.  Tschudi^  II,  670. 

▼I.  a6 


402  HISTOIKE   DK   LA   SUISSE. 

» 

}f  lui-même  retient  depuis  long  -  temps  cette  vallée 
»  au  préjudice  des  prêtres;  qui  accuse  le  pays  d'Uri 
»  d'injustice?  celui  qui^  au  nom  d'une  bâtarde,  occupe 
M  le  siège  des  Visconti  !  «  La  défiance  s'accrut  loi's- 
qu'on  vit  circuler  des  copies  divergentes  du  traité  *•* 
et  une  traduction  inexacte,  ambiguë,  qui  mitigeait 
certains  passages  ^^^.  Bésana  craignit  de  voir  échouer 
son  œuvre;  intervention  active,  représentations,  ex- 
plications, rectifications,  autres  moyens  encore,  il  ne 
négligea  rien,  jusqu'à  ce  qu'après  plus  de  cinq  mois, 
la  capitulation  considérablement  modifiée  ^^  fut  for- 
mellement adoptée  à  Lucerne  par  la  puissante  ligue 
des  Suisses. 

« 

Peu  après,  la  duchesse-mère  mourut,  le  cœur  brisé 
par  la  conduite  inconvenante  de  son  fils  ^^^  ;  toutefois 
elle  espérait  encore  un  peu ,  car  il  venait  d'épouser  Bona 
de  Savoie ,  femme  qui  lui  ressemblait  à  elle-même  ^^. 
Lorsque  le  duc  voulut  abuser  de  la  loyauté  des  Suisses, 
ils  députèrent  vers  lui  un  de  leurs  vieux  et  austères 

♦•*  SiettUr,  I.  c. 

^'^  Heeéa  de  Lueeme^  mercr.  après  Laet.  i467.  Tsckudi^  ].  c. 

***  B  diffère  (TA  par  la  forme  et  l'ordre  des  articles  ;  la  tradoction 
diffère  bica  plus  encore  de  l'original  latin.  Abiasco  est  devenu  le  siège 
de  la  justice  au  lieu  de  Faîdo.  Dans  l'article  relatif  aux  secours,  afin  de 
satisfaire  les  Bernois,  la  traduction  allemande  réserve  les  alliances  anté- 
rieures ,  dont  le  latin  ne  parle  pas.  A  l'endroit  où  il  est  question  de  la 
Léventine,  la  traduction  ne  renferme  pas  le  passage  relatif  au  salut  des 
ftmes,  et  qui  choquait  si  fort  ceux  d'Un.  Les  Confédérés  prirent  la  charte 
allemande  pour  le  véritable  original  ;  ils  sentaient  en  eux-mêmes  une 
force  contre  laquelle  échouerait  la  ruse  italienne  avec  toutes  ses  va- 
riantes. 

^*'  Le  3S  octobre  1468.  Tschudi. 

^'  Le  9  mai  1488.  Guiclienon, 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  403 

béros  **•  ;  le  voyage  coûta  peu  ^^  ;  le  caractère  de 
Tambaesadeur  constituait  sa  dignité. 

La  partie  italienne  des  montagnes  de  la  Rhétie  était 
presque  tout  entière  dévouée  à  Milan.  Le  dernier 
Visconti  reconnut  Timportance  de  cette  contrée  lors*- 
que  les  généraux  des  Vénitiens^  Santa  Veniçri  et  Gior- 
gio Cornaro ,  son  plus  violent  ennemi  *^,  vers  la  fin 
de  l'automne  ^^^,  descendant  du  Dosso  du  val  Gamo- 
nica  ^®^,  s'emparèrent  en  huit  jours  des  défilés  de  la 
Valteline,  mirent  inopinément  Gomo  en  danger,  et 
ébranlèrent  la  fidélité  de  la  Valsassina.  Le  duc  embar- 
rassé^^ envoya  Micolo  Piccinini^  son  meilleur  général 
depuis  la  mort  de  Garmagnuolfl^  411  couronna  sa 
pénible  marche  par  la  victoire  près  de  Delebio  ^*,  où 
furent  pris  les  plus  illustres  capitaines  vénitiens  ^^. 
Le  duc  rendit  de  joyeuses  actions  de  grâces  à  la 
madone  du  lieu^^*^;  la  Yalteline  lui  ayant  aidé  à 
chasser  l'ennemi  ^^^^  il  remit  par  reconnaissance  à  la 
commune  de  Ponte  ses  cent  livres   de  contribution 


***  Gaspard  de  Hertcnslein  ,  pour  ceux  dIJrî,  1469.  Tschudi, 

^*  L'ambassade  de  Herlenstein  coûta  quarante-neuf  florins.  Beeé$  de 
Zttrieh^  Ste-Lude,  1469.  Ibid. 

***  «  Asperius  in  eum  invectum,  •  dit  Deeembrius  dans  la  vie  de  Phi- 
lippe. Marat.  XX.  A  la  place  de  Venieri,  GuUr  nomme  Daniel  Veturio. 
Noos  suivons  Deeembrius^  Panegyr.  Piccinini. 

••s  Le  9  octobre  US  S. 

***  De  TAuriga ,  dit  GuUr  ;  le  val  Gamonica  s'était  sonrais  aux  Véni- 
tiens six  ans  auparavant.  ^ 

*•*   •  Trepidatum  est  •  Deeembr,  in  Fita, 

M*  Gttler,  185.  Nous  avons  emprunté  à  cet  écrivain ,  t  IV,  465,  le 
récit  de  cet  événement  que  nous  répétons  brièvement  pour  donner  plus 
d'ensemble  à  la  narration. 

»**  Cornaro,  Marlinengo,  Taliano,  Furlano,  Taddeo  d'Esté. 

M'  D'après  le  vœu  de  Piccinino.  GaUr,  186. 

*••  Deeembrius,  Piccin. 


404  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

annuelle  ^^'y  et  faTorisa  l'entreprise  des  habitans  de 
Teglio  contre  le  castel  dangereux  qui  dominait  ce 
village^^^.  Ils  égorgèrent  les  seigneurs ^*^  et  rasèrent  le 
manoir.  Philippe  honora  par  des  franchises  les  habir 
tans  de  Teglio  ^  dont  le  secours  presque  dédaigne  ^^^ 
rendit  les  services  les  plus  importans. 

Cette  guerre  développa  d'une  façon  mémorable 
l'esprit  et  la  destinée  d'une  jeune  Yaltelinoise.  Bona 
Lombarda^^^y  petite^  brune,  sans  beauté,  enfant  de 
parens  pauvres,  gardait  les  brebis.  Pierre  Brunor,  de 
Parme,  un  des  meilleurs  capitaines  des  Visconti  ^**, 
remarqua  la  force  et  la  vivacité  qui  la  distinguaient  de 
ses  compagnes.  ^1  li  ^^  enlever  et  instruire.  Son  esprit 
se  développa  d'une  mj^ière  si  étonnante,  qu'elle  acquit 
une  rare  intelligence  des  plus  grandes  affaires  de  la 
vie  et  même  de  l'art  de  la  guerre;  jusqu'à  la  fin  de 
ses  jours  elle  aima  exclusivement  son  ami ,  dont  elle 
partageait  les  travaux  et  les  récréations.  Elle  prouva 
la  grandeur  de  son  amour  lorsque  son  mari  fut  em- 
prisonné à  Naples  par  les  artifices  de  la  cour;  elle  mit 
en  mouvement  non-seulement  tous  les  princes  italiens, 
mais  même  la  France  et  la  Bourgogne ,  pour  solliciter 
la  liberté  de  Brunor;  elle  engagea  aussi  le  sénat  de 

^*  Lehmann,  la  Falteline,  C'était  depuis  1868  leur  quole-part  à  la 
contribution  annuelle  de  8,000  livres. 

>ii  Par  le  commandant  géaéral  da  pays  Etienne  Quadrîo  de  Ponte, 
chef  des  Gibellins* 

^**  Sept  fr&res  Lazzaroni.  Lehmann^  Ibid» 

'**  Jean  Rusca  les  connaissait  ;  ils  n'avaient  pas  plu  à  Piccinioo. 
Guter. 

**^  Ainsi  nommée  à  cause  de  ses  parens,  ou  parce  qu'elle  trouva  son 
bonheur  avec  un  Lombard. 

^**  A  la  télé  d'une  petite  troupe  qui  poussa  de  formidables  cris  do  mi- 
lieu des  montagnes,  il  inspira  aux  ennemis  une  terreur  panique. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  405 

Venise  à  le  prendre  à  son  service  et  à  lui  donner  une 
forte  solde.  Armée  du  casque  et  du  bouclier,  elle  com- 
battit victorieusement  à  ses  côtés;  Brunor  suivait  en 
tout  ses  conseils.  Après  qu'il  eut  perdu  la  vie  à  Mégrepont 
dont  il  était  commandant,  elle  vint  à  Venise,  toute  à  ses 
devoirs  de  mère^'^  jusqu'au  jour  de  sa  mort.  Elle 
expira  après  avoir  vu  achever  la  tombe  qu'elle  s'était 
préparée  ^^^. 

Lorsque  après  la  mort  des  ducs  Visconti ,  les  Mila- 
nais, sans  égard  à  la  situation  de  l'Italie  et  à  la  leur, 
crurent  pouvoir  allier  la  liberté  et  la  domination^  Bal- 
dassar  Vertemate,  l'homme  le  plus  considéré  du 
comté  de  Giavenna^^*^,  apporta  dans  son  pays  le  nom 
et  les  armes  de  la  liberté  ^^^.  Le  sénat  les  avait  approu- 
vées^*^; le  comte  Jean  Balbiani^  au  nom  de  la  républi- 
que, avait  été  nommé  bailli  ^^^.  A  l'égard  de  la  Valte- 
line,  Venise  et  Milan  ambitionnèrent  à  l'envi  la 
faveur  d'Antonio  Beccaria,  riche  héritier  des  anciens' 
Capitanei^  le  chevalier  le  plus  puissant  par  son  in- 
fluence y  sa  sagacité  et  sa  résolution  ;  il  eut  plus  de  con- 
fiance dans  les  Milanais^^  L'ombre  d'une  république 
italienne  commençant  à  disparaître,  Balbiani  s'efforça 
de  se  rendre  nécessaire  au  duc  Sforza.  Au  milieu  de 
Ghia venue,  sur  un  rocher  partagé  par  la  nature  et  par 

^''  Brunor,  en  sortant  de  prison,  l'avait  épousée  ;  elle  lui  donna  deux 
fils. 

"•  Guler,  166.  Elle  mourut  en  1468. 

^^  Voyez  Porta,  Storia^  p.  180  et  suiv.  Il  parait  qu*il  était  de  la  fa- 
mille Porla  de  Vertemate.^ 

*'*  Un  étendard  blanc  avec  une  croix  rouge  et  le  mol  Libertas. 

^**  Ils  devaient  élire  leur  gouvernement,  celui-ci  devait  exercer  la  juri- 
diction criminelle.  Guler,  Il  devint  lui-même  podestat  à  Pleui9.  CampêU. 

•M  Spreclier.  Pallas,  95;  en  1447. 

^'*  Gâter,  179  et  suiv.,  donne  les  traités  conclus  avec  lui. 


406  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

Tait  ^^^,  se  voyait  une  forteresse  qui  dominait  le  passage. 
Le  sénat  ne  lui  en  avait  pas  confié  la  garde.  Se  croyant 
en  conséquence  peu  obligé  envers  lui ,  il  reçut  secrè- 
tement de  l'Empereur  Tinvestiture  du  pays.  Une  nuit 
le  comte  monta  en  hâte  vers  la  forteresse ,  feignit 
l'angoisse^  frappa  impétueusement  comme  poursuivi 
par  les  gens  de  Sforza.  Dés  qu'il  entendit  le  bruit  des 
clefs,  il  donna  un  signal  à  des  gens  cachés;  ceux-ci 
chassèrent  le  châtelain,  entrèrent  avec  Balbiani  et 
le  rendirent  maître  du  fort.  Balbiani  dut  donc  remettre 
Chia venue  au  duc  Francesco.  Les  Valtelinois  chassé* 
rent  de  Poschiavo  le  bailli  de  Maetsch,  le  seigneur 
Ulrich  ^^^,  et  arrondirent  ainsi  la  frontière  milanaise  du 
côté  de  l'Engadine.  Les  Grisons,  alors  en  proie  à  de 
grands  troubles,  se  contentèrent  du  renouvellement  de 
traités  de  commerce  avantageux  ^^*. 

Les  relations  qui  se  multiplièrent  rendirent  ces  trai- 
tés insuffîsansou  les  firent  violer;  les  libres  Rhétiens 
devinrent  menaçans^^,  dans  le  temps  même  où  la 
Suisse  était  mécontente  du  Milanais  et  où  mourut 
Francesco,  le  plus  grand  des  Sforza.  Mais  en  elle-même; 
et  par  suite  de  la  trop  grande  indépendance  des  corn* 
munes,  la  ligue  rhétienne  était  moins  imposante  que  k 
Suisse.  Pour  obtenir  beaucoup.  Milan  n'avait  qu'à 
satisfaire  à  quelques  égards  un  petit  nombre  de  coiU' 


*"  Qaand  on  dit  que  la  (issure  est  l'ouvrage  de  Jean  Galéasio ,  cela 
veut  dire  qu'il  l'élargit  et  la  rendit  plus  profonde. 

^^  Spreeher,  226.  Il  parait  que  pendant  les  troubles  Bormîo  avait  été 
enlevé;  en  1&5S  il  appartenait  sans  aucun  doute  aux  Milanais  {GuUr); 
à  l'époriue  dont  nous  parlons  il  fut  reconquis. 

^  Voy.  le  renouvellement.  Milan.  29  mars  id51,  dans  SatU,  Uist,  poUt 
de  la  ValteUne,  IV.  80. 

^»  Becê»  teEinsidlen,  1465.  Tschudi,  11,  651. 


LIVRE   IV,    CHAP.    V.  407 

munes*  Les  ammanns  et  les  communautés  de  Berga- 
glia,  de  l'Engadine,  d'Oberhalbstein ,  de  Schams  et 
d'Avers  *^^,  s'engagèrent  volontiers  à  n'ouvrir  les  pas- 
sages des  Alpes  à  aucun  ennemi  des  princes  mila- 
nais et  à  leur  livrer  les  criminels ^^^.  Leurs  députés  ^^^ 
obtinrent  en  échange ^^  l'exemption  du  péage  pour 
l'exportation  d'une  quantité  déterminée  de  vin  et  de 
blé  ^30. 

Les  Grisons  eux-mêmes,  sujets  d'un  grand  nombre 
de  seigneurs,  tendaient  incessamment  à  la  liberté,  mais, 
suivant  l'usage  de  ce  temps,  à  condition  de  l'obtenir 
par  une  guerre  juste  ou  par  achat.  Le  pays  de  Davos 
el  les  juridictions  voisines ^'^',  telles  qu'elles  étaient 
passées  de  la  maison  de  Yaz  dans  celle  de  Tokenbourg, 
puis  paisiblement  du  dernier  comte  Frédéric  à  ses  hé- 
ritiers, en  sûreté  par  leur  union  entre  elles  et  par 
leur  alliance  avec  les  sujets  de  l'abbaye  de  Coire  (1 450) 
souffrirent  que  Guillaume  de  MonlFort^^^  transmit 
sans  difficulté  son  pays  à  son  cousin  Hugues^^;ilre- 

^^  Dans  une  conférence  à  Vico  Soprano,  7  mars  1467,  dtée  dans  la 
charte  n.  530. 

^'^  On  comptait  aussi  dans  ce  nombre  ceux  qui  refusaient  de  se  800« 
mettre  aux  jTlnccs. 

'*•  André  Prévost  el  Antoine  Salis. 

*^  Btanea  et  Galéazzo,  Milan,  lA  mars  là67.  Salis,  I.  c,  p.  90.  Cet 
historien ,  aussi  complaisant  que  distingué ,  m'a  communiqué  l'exem- 
plaire allemand  de  celte  lettre  d'octroi. 

^^  Pour Bergaglia  300  miiids  et  80  voitures;  pour  lËngadine,  100 
Toitures;  55  pour  Schams,  50  pour  Oberhalbslein  et  Avers. 

^'^  Bclforl,  Churwalden,  la  juridiction  antérieure  dans  le  SchanGk, 
la  postérieure  près  de  la  Wiese  et  le  Préligau. 

*»>  T.  V,  158, 159. 

^**  Seigneur  de  Rolbenfels.  Ch.  mardi  avant  Simon  Jud.  1A59.  Dé- 
duction dans  les  négociations  grisonnes,  1632. 


408  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

connut  leurs  droits  par  une  charte  ^^^.  Le  revenu  sei- 
gneurial avait  diminué  de  huit  fennings  par  an  ;  deux 
villages  qui  payaient  cette  contribution  s'en  étaient 
rachetés  ^^^.  Leur  alliance  avec  Tabbaye  déplut  à  la  ju- 
ridiction de  Mayenfeld  ;  mais  le  gouvernement  zuricois, 
pris  pour  arbitre^  déclara  qu'une  Confédération  ne 
pouvait^fsubsister^  si  la  minorité  ne  se  soumettait  pas 
à  la  majorité ^^^.  La  liberté  ne  se  maintient  qu'en  se 
posant  des  limites. 

Il  fallait  du  courage  pour  faire  alliance  avec  les  gens 
de  la  Maison -Dieu^  parce  que  leurs  relations  avec 
l'Autriche  et  l'évêque  n'étaient  pas  moins  compliquées 
que  celles  de  leurs  amis  de  la  ligue  Grise  avec  beaucoup 
*de  grands  barons. 

Le  fameux  ennemi  de  toutes  les  associations  popiH 
laireSi  le  comte  Henri  de  Werdenberg-Sargans ,  tenta 
de  ruiner  cette  ligue  Grise  par  le  moyen  d'une  union 
de  gentilshommes  que  la  couleur  de  leurs  vêtemens  ou 
un  signe  distinctif  fit  nommer  la  ligue  Noire  ^^.  A  tra- 
vers les  montagnes  de  la  partie  supérieure  du  pays  de 
Sargans^  et  par  le  haut  passage  du  Gungel^  le  célè- 
bre général  Jean  de  Rechberg  conduisit  de  nuit  cette 
troupe  dans  la  vallée ,  la  fît  monter  de  nouveau  par 
Tamins,  Razûns^  Domleschg,  aux  défilés  étroits  et  peu 
nombreux  de  la  vallée  de  Schams  qu'il  voulait  sou- 

^**  Ch,  Davos,  nercredî  avant  Corp.  Ghrisli,  4^60.  Ibid. 

*"  Tschiersch  et  Malix,  1441.  Gubert  de  fViezel.  HisU  de  Churvfaldi», 
dans  HaUer,BibL  III,  415. 

***  Sentence,  15  avril  1452,  dans  la  Déduction  ci-dessns mentionnée. 

•»'  Nous  suivons  pour  cette  histoire  Sprecher  (Pallas,  1»2),  et  Tsckedi 
(II,  568}  ;  ces  deux  historiens  ne  se  contredisent  pas  comme  il  semble, 
mais  se  comf  lètent  Fun  Tautre;  celui-là  raconte  le  commencement,  ce- 
lui^i  l'issue;  l'un  d'après  les  traditions,  f autre  d'après  desdccomeDS 
<Uplonutiqaes. 


LIVRE  lY.    CHAP.    Y.  409 

mettre^*,  enfin  jusqu'à  la  forteresse  puissante  de  Bœ- 
renbourg^  frein  des  vallées  du  Rheinwald  et  de  Schams^ 
clef  des  passages  les  plus  importans  des  Alpes.  Avec  lui 
marchait  le  baron  Henri  de  Razûns^^^,  moins  pré» 
voyant  que  son  père^  ou  que  son  oncle ,  qui  vingt-six  ans 
auparavant  avait  juré  la  ligue  Grise  ;  Henri  de  Héwen, 
évéque  de  Constance  et  administrateur  de  l'évéché  de 
Goire ,  favorisait  le  complot.  Secondés  par  la  fortune , 
les  seigneurs  auraient  anéanti  la  ligue  Grise  ^  odieuse 
parce  qu'elle  contenait  leur  pouvoir,  et  auraient  pu 
former  avec  Milan  une  alliance  qui  eût  permis  d'atta- 
quer la  Suisse  par  derrière.  Far  là  les  pères  de  la  ligue 
helvétique  eussent  été  mis  en  danger.  Les  habitans  de 
Razûns  entendirent  sans  inquiétude  dans  le  silence  de  la 
nuit  retentir  des  pas  de  cheva  ux  sur  des  sentiers  pierreux  ; 
leur  baron  avait  répandu  le  bruit  d'une  partie  de  chasse. 
Les  seigneurs  chevauchèrent  tranquillement  au  pied  du 
Heizenberg,  à  travers  des  prairies  solitaires,  évitant  la 
vallée  et  les  cabanes.Dès  l'aube  quelques  patres  sortirent 
de  côté  et  d'autre  pour  soigner  leur  bétail .  Leurs  cris  ré- 
veillèrent le  pays.  Les  habitans  de  Schams,  cernés  et 
voyant  toutes  les  issues  interceptées,  prirent  les  armes, 
toujours  prêts  à  tout  depuis  le  jour  où  ils  ne  consentirent 
pas  à  tout  souffrir.  Un  d'eux  courut  par  la  seule  issue 
libre  vers  leurs  frères  de  Safien.  Aussitôt  la  milice  de 
cette  vallée,  ardente  de  colère,  traversa  les  déserts  re- 
tentissans  de  cris  et  du  son  des  trompes.  Les  cris  mon- 
tèrent le  long  du  Rheinwald;  les  hommes  des  hautes 
solitudes  oii  naissent  les  fleuves ,  accoururent  pour  dé- 
fendre le  droit  et  la  liberté.  Là  troupedevant  la  forteresse 


•*•  Voj.  t'ÏV,  p.  456  et  suîv. 

^*  Leprtaom  n'est  pas  certain^  on  l'appelle  aussi  Ulrich,  Campeil. 


410  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

(le  Baerenbourg,  saisie  d'une  terreur  panique^  fuyanten 
avanty  en  arriére,  sur  le  sentier  trompeur^  dans  la  gorge 
sans  issue,  chercha  le  salut  et  trouva  la  mort;  les  flots 
roulèrent  à  travers  le  pays  la  multitude  de  leurs  cada- 
vres. Le  sire  de  Razûns,  qui  ne  s'enfuit  pas,  retardé  par 
sa  corpulence,  ou  parce  qu'il  croyait  qu'on  ignorait  sa 
participation  au  complot,  fut  arrêté. 

On  le  fit  comparaître,  comme  parjure  et  violateur 
des  traités,  devant  un  tribunal  nombreux  à  Valen^ 
daun  ^^^  ;  il  fut  condamné  à  mort.  Lorsque ,  suivant 
une  ancienne  coutume,  le  bourreau  demanda  pardon 
à  son  seigneur  pour  ce  qu'il  allait  lui  faire ,  celui-ci 
ne  parut  craindre  qu'un  supplice  prolongé  par  des 
coups  mal  assurés.  L'exécuteur,  pour  le  tranquilliser^ 
coupa  un  cheveu  en  deux.  Le  baron  vit  avec  terreur 
la  preuve  d'une  main  sûre  et  d'une  lame  bien  affilée; 
les  angoisses  de  la  mort  le  saisirent.  La  présence  d'es* 
prit  d'un  de  ses  valets  le  sauva  des  terreurs  de  l'éter- 
nité. Il  se  présenta  devant  la  multitude.  «  Le  sire 
»  Henri,  dit-il,  reconnaît  sa  grande  faute,  il  ne  se  la 
>}  pardonne  pas  ;  il  respecte  la  justice  et  veut  mourir. 
»  Mais  votre  ancien  allié  vous  demande  une  grâce.  Son 
»  père ,  son  grand-père ,  ses  ancêtres  ont  toujours  vécil 
»  honorablement  et  simplement  avec  le  loyal  peuple  des 
»  montagnes;  on  a  vidé  ensemble  joyeusement  mainte 
»  cruche  de  vin  généreux  ;  souvent  à  Razûns ,  souvent 
»  dans  les  campagnes  voisines  du  château,  les  cœurs  se 
»  sontépanouis  dans  un  festin  amical.  Le  baron  désirerait 

***  La  procédure  fut  militaire  ;  elle  s'éloigna  donc  des  formes  ordî- 
naires  da  drolL  Cependant  il  est  facile  de  concevoir  qu'on  ait  en  l'inten- 
tion de  l'exécuter  dans  la  juridiction  la  plus  voisine,  celle  de  6ruob, 
dont  Valendaun  était  une  des  principales  localités,  peut-être  même  le 
domicile  du  landanimann. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  UH 

»  mourir  comme  ses  pères  ont  vëcu»  et^  avant  de  des- 
»  cendre  dans  la  tombe^  revoir  encore  une  heure  ainsi 
»  passée.  Voici  du  pain ,  du  vin,  de  la  viande.  Que  les 
»  libérateurs  du  pays  boivent  et  mangent  à  leur  aise. 
»  S'il  les  voit  joyeux^  il  mourra  content,  d  Lesguer*' 
riers  fatigués  goûtèrent  la  proposition.  Le  valet  faisait 
le  tour  des  tables,  exhortant  à  boire  et  à  manger;  peu  à 
peu  il  parla  du  jeune  temps  de  son  seigueur,  des  artifices 
séducteurs  de  Tévéque ,  de  la  constante  bienveillance 
de  la  famille.  A  ce  moment  Henri  apparut  dans  une 
touchante  affliction.  Les  héros  se  levèrent  tous;  leurs 
voix  unanimes  lui  accordèrent  la  vie.  Ses  genoux  flé- 
chirent ;  il  abjura  la  ligue  Noire  et  prêta  de  nouveau  et 
pour  toujours  serment  à  la  ligue  Grise ^^'. 

Du  reste,  en  ce  jour  un  ressentiment  long-temps 
contenu  éclata  avec  fureur  non-seulement  contre  Wer« 
denberg-Sargans,  mais  aussi  dans  la  ligue  de  la  Maison- 
Pieu,  contre  Tévéque- administrateur.  Guillaume  et 
George,  les  jeunes  fils  du  seigneur  de  Sargans^  mort 
de  douleur,  confièrent  à  leur  beau-frère  de  Rechberg 
le  gouvernement  du  haut-pays  ;  mais  son  expérience 
militaire  ne  pouvait  remédier  à  la  défiance  générale  et 
à  laversion.  Sa  nomination  excita  le  peuple  à  se  coa*- 
User  et  à  unir  toutes  ses  forces;  elle  enleva  aux  comtes 
les  avantages  de  la  combourgeoisie  de  Glaris  et  de 
Schfwyz,  qui  ne  pouvaient  être  en  relation  avec  Rech- 
berg. Le  peuple  empêcha  par  sa  promptitude  qu'on  ne 
pourvût  d'hommes  et  de  munitions  les  châteaux  mal 
gat*dé$  du  pays  de  Werdenberg.  Ortenstein ,  de  difficile 
aceés,  les  vieilles  forteresses  deSûns  et  deCanova^% 


»**  Spreeker  place  ces  faits  h  l'an  1^50  ;  Ttchudi,  les  flDivana  en  1451. 
*^'  Appelées  aassi  l'ancien  et  le  nouveau  Zeosenberg. 


412  HISTOIRE  DE   LA  SUISSE. 

et  celle  qui  dominait  les  agréables  prairies  du  Heinzeu" 
berg  f  furent  prises  ;  les  trois  premières ,  rasées  ;  on 
força  par  la  faim  seize  volontaires  glaronnais^  qui 
gardaient  Bœrenbourg ^^^,  à  s'évader  pendant  la  nuit, 
au  moyen  de  cordes  ^**;  ce  château  fut  ensuite  livré  aux 
flammes.  Les  habitans  de  Tumils,  secouant  un  joug 
qui  leur  pesait  depuis  longtemps  ^*^,  prêtèrent  serment 
à  la  Haute-Ligue  :  leur  origine  remonte  à  la  première 
tribu  des  Rhétiens;  c'est  d'eux  que  vient  le  nom  du 
beau  Tomiliasca^*^.  A  l'endroit  où  TAlbula  verse  dans 
le  Rhin  les  eaux  des  Alpes-Juliennes ,  à  la  cime  du 
rocher  de  Baldenstein,  Jean  Rink  estima  ses  murs, 
quoique  extraordinairement  forts  ;  moins  sûrs  que  l'af- 
fection du  peuple  :  il  rendit  au  comte  ses  fiefs  afin  de 
jouir  en  liberté  du  repos  ;  son  château  subsiste  encore. 
Les  habitans  du  Rheinwald  entreprirent  aussi  de  se 
soustrairiB  à  leurs  obligations  envers  Werdenberg.  La 
ligue  de  la  Maison-Dieu  refusa  de  reconnaître  Tadmi- 
nistration  épiscopale. 

Les  comtes  ne  surent  opposer  à  tant  de  résolution 
que  les  tribunaux  d'Empire  ^"^  ;  le  ban  qu'ils  pronon- 
cèrent, loin  de  calmer,  irrita  au  point  que  les  mécon- 
tens  osèrent  se  porter  du  sein  des  montagnes  jusque 
vers  Sargans.  Les  seigneurs  eflrayés  invoquèrent  en 

^*  Au  dire  de  Spreeher,  elle  aarait  été  en  i/i50  dans  d'autres  maios 
que  celles  de  son  seigneur  ;  on  bien  ce  fat  l'effet  de  troubles  à  noos  in- 
connas,  ou  cet  auteur  a  confondu  des  époques  différentes. 

^^  Gela  se  voit  dans  Y  Accord,  n.  5&8  ;  Stumpf  a  placé  par  erreur  cette 
destruction  dix-sept  ans  plus  tard. 

^^^  Plus  tôt  déjà,  du  vivant  de  Pierre  de  Greiffensée»  qui  peut-être 
possédait  chez  eux  des  hypothèques,  les  droits  avaient  dû  être  édaircis. 
AeeonL 

^^  Domleschg. 

**^  La  cour  provinciale  de  Rolhwyl,  n.  5 AS. 


LIVRE   IV.  CHAP.    V.  4<3 

hâte  la  médiation  de  leurs  amis.  La  paix  fut  négociée 
dans  le  lieu  le  plus  favorable  aux  Grisons,  dans  la 
plaine  voisine  de  Meils,  en  vue  de  la  principale  forte- 
resse de  l'ennemi^*®.  Des  délégués  du  chapitre,  de  la 
noblesse  ^*^  et  des  bourgeois  de  Coire^^^,  du  pays  de 
Glaris^^^  et  de  la  ligue  des  Juridictions  ^^2,  rétablirent 
pour  les  choses  non  contestées  Tordre  qui  subsistait 
avant  les  jours  de  violence  ^^^  ;  les  questions  litigieuses 
furent  soumises  au  jugement  impérial  ^^*  ;  les  châteaux 
dangereux  demeurèrent  en  ruines.  Les  Grisons  durent 
cette  paix  favorable  au  zèle  avec  lequel  les  Quinze  de  la 
Haute-Ligue  ^^^  et  leurs  amis  dans  le  Bergell,  à  Bergûn, 
à  Oberhalbstein  ^^  et  dans  l'Engadine  embrassèrent  la 
cause  des  habitans  de  Schams  comme  la  leur  propre. 
Le  juge  du  pays,  Albert  de  Mont,  Rodolphe  de  Rin- 
kenberg,  Jean,  fils  deParcival,  etHermann,  Tun  et 
Tautre  de  la  famille  des  Planta,  influens  dans  leurs 
communes,  leur  inspirèrent  cet  esprit ^^''. 


**•  V Accord  stipulé  dans  le  Domlescbg  et  cité  par  Ttchudi,  II,  664,  «e 
rapporte  à  cette  paii.  La  négociation  de  Meib  eut  lieu  en  octobre  1451; 
elle  est  datée  du  vendr.  av.  SL -Jacques,  1453. 

M*  Henri  de  Siegbert,  Werner,  son  fils  et  R.  de  Rinkenberg. 
•M  L'inspecteur  des  travaux  et  le  conseil  envoyèrent  le  greffier  et  nn 
boaigeois. 

***  Dont  le  rang  est  fixé  ici  entre  la  ville  et  les  Juridictions  rurales. 

»M  De  Lenz ,  Tscbiers  et  Fideris. 

*"  •  On  laissera  les  seigneurs  jouir  de  leur  héritage  paternel  an 
mêmes  conditions  qu'avant  la  guerre;  on  ne  les  troublera  point  dans 
eette  Jouissance.  » 

***  Du  juge  impérial  dans  le  palais  de  Goire. 

***  Nom  du  conseil  de  ligue. 

»>•  Schams  partageait  de  tout  temps  avec  eux  le  droit  de  pacage,  de 
pâturage  et  de  ccuper  du  bois  dans  les  foréls.  Ck 

^"  Ils  signèrent  pour  leurs  contrées  respectives  V Accord  n.  $4S* 


414  HISTOIRE    DE   LA   SUISSE. 

Ainsi  rintérét  géDëral  grandit  aux  dépens  des  sei- 
gneurs. Les  comtes  de  Werdenberg  ^®  vendirent  à  Té- 
▼éque  de  Coire  pour  la  somme  de  trois  mille  six  cents 
florins  kors  seigneuries  ^^'  de  Schams  et  d'Obervaz  *••, 
héritage  de  leurs  aïeux  maternels^  les  barons  de  Vaz  ^*  ; 
les  communes,  chacune  selon  ses  moyens ,  rachetèrent 
deTëvéque^^  leur  liberté  entière  ou  partielle*®*.  Le$ 
ciH&tes  conservèrent  des  maisons  et  des  domaines  tels 
que  chacun  peut  en  posséder  ^^.  Les  Suisses  protégè- 
rent toujours  leurs  propriétés  *•*  ;  la  Confédération 
avait  été  fondée  contre  la  manie  des  révolutions  ^^  *. 

Feu  après  ceci  le  baron  de  Razâns^  Ulrich  Broun  *^, 


^'  George,  avec  ragrément  de  son  fr(ïre  GniHaame  et  de  sa  soeor 
Elisabeth,  feinrae  de  (lecbberg,  en  145S.  Ulysse  de  Salis  m'a  corooinDi- 
qué  une  copie  de  Yaeie  de  vente,  intéressant  pour  la  fixation  des  limiteSi 

*^*  SerTs,  droit  d'alpage,  délits  forestiers,  droit  de  chasse  et  de  pèche, 
droits  capitaux  permanens  et  passagers,  échu  tes,  soecesiions,  haute  et 
basse  justice  et  toutes  les  juridictions  {acte  n.  558);  le  fief  proprement 
dit,  qui  rendait  nécessaire  la  confirmation  impériale. 

*M  Ofi  voit  par  Vaecord,  n.  548 ,  que  la  justice  de-  Vas  était  aussi  en 
querelle  avec  le  comte. 

*•«  T.  II,  p.  586. 

^*  Schams,  enihhB,  pour  8,206  flor.  Spreehêr,  Patla$,  210. 

***^  Obervaz  en  partie  senlemeot  Ihid.  S28. 

***  Usufruit,  cens,  dîme.  Ch.  538. 

*^  Pifçngmté  de$  Glarmuniâ^  pour  le  comte  Oeorge ,  conoemant  la 
dlme  d*Obervas,  1458  ;  prononcé  dee  Zurkoù  poof  le  même»  conœniaDt 
ia  village  de  Tomils,  14S8,  cité  dans  Ttehmli,  U  U,  p.  567. 

^'*  Chez  les  pg^oces  aussi  bien  que  ches  les  peuples. 

*  Le  contraire  est  prouvé  par  les  faits  que  Thistorien  raooota»  Las  révo* 
lutions  résultent  des  dénis  de  justice répétés.de  rincorrigibiUté  desiUM  et 
de  l'impatience  des  autres  et  des  conjonctures  qui  favorisent  les  eas^ade 
délivrance.  L'historien  qui  tantôt  prouve  la  nécessité  d'une  réforme  et 
tantôt  la  déplore,  se  montre  ici  petit  patricien  de  Schaffhouse ,  désolé 
de  l'abolition  du  cher  patriciat  Voyez  plus  loin ,  après  n.  612.  D.  L.  H. 

*•?  i^rtfiuer  le  nomme  George. 


UVRH  IV.   CHAP.   y.  4t5 

dernier  rejeton  d'une  famille  reépeclabie ,  fut  enterré 
avec  son  casque  et  son  bouclier  ^^^  ;  son  manoir  pater- 
nel,  les  domaines  qui  en  dépendaient  ^  toutes  les  jus- 
tices et  la  communauté  de  la  Haute-Ligue  furent  dé- 
volues au  comte  Jost  Nicolas  de  Zoliern,  son  neveu  ^*^, 
eC  à  un  échanson  héréditaire  de Llmpurg,  député, aux 
États  ^•'^ 

Le  chapitre  ainsi  que  les  sujets  de  Tabbaye  refusè- 
rent de  recooinaitre  désormais  l'administration  de  Henri 
de  Héwen  ^^^  Déjà  le  pape  Eugène  avait  désapprouvé 
l'interruption  de  la  succession  régulière  des  évéques  ^'^^; 
Nicolas  V  profita  donc  avec  joie  de  la  disposition  du 
peuple ,  et  nomma  Antonio  Tosabéni  de  Pavie  évèque 
de  Coire  ^"^^^  Gelui^  rencontra  une  résistance  si  vive 
de  la  part  de  Henri,  et  des  dispositions  si  défavorables 
chez  les  chanoines,  jaloux  de  leur  droit  d'élection^  qu'il 
a'osa  pas  sortir  de  son  château  fort  de  Réalta*  L'ad- 
ministrateur ayant  été  chassé  ^'^^,  Tosabéni  espéra  se 
maintenir  en  dépit  de  Léonard  Weissmayr,  chancelier 
du  Tyrol ,  que  quelques  chanoines  avaient  élu ,  comp^ 
tant  sur  l'appui  de  l'Autriche  ;  ils  pensaient  que  l'em- 
pereur Frédéric  ne  résisterait  pas  ouvertement  au  pape. 
Antonio  mourut  le  jour  de  son  entrée  solennelle  ^"'^. 

• 

»M  Dimanche  avant  Matthieu,  ld59.  Sprtelier  et  tous  les  autres. 

^*  Sou  père  Frédéric,  époux  d'Ursule  de  Razûns ,  était  mort  57  ans 
«nparaTant  Hûbner^  iabL  généaL  2^2. 

"^  Son  nom  et  son  droit  me  sont  encore  inconnus;  il  céda  peu  après 
son  droit  au  sire  de  Zollem.  Sprecher, 

"*  Nous  tirons  cette  donnée  de  VÀeeord ,  n.  5d8.  On  y  voit  aussi 
qn*aocun  é?éque  n'était  encore  reconnu. 

^'*  Hemmerlin  dans  Hciiinger,  H,  E,  de  i'Helv.,  II,  A 05. 

»7<  £ni452oul4S». 

^^*  A  la  fin ,  il  dut  abandonner  Aspermont.  Leu. 

*'*  A  la  SL -Michel  iA54.  Il  va  sans  dire  qu'on  soupçonna  un  em- 
poisonnement 


416  HISTOIRE  DE  LÀ  SUISSE. 

L'adminislratioû  de  Léonard  ne  fut  ni  longue  ni  bril- 
lante ^''^.  La  sagesse  de  son  successeur ,  Ortlieb  de 
Brandis ,  rendit  le  pouvoir  et  la  dignité  au  siège  épis- 
copaL 

Celui-ci  servit  de  médiateur^  à  Fûrstenau^  entre 
Tarchiduc  Sigismond ,  qui  gouvernait  le  Tyrol  ^''^j  et 
les  habitans  de  TEngadine  ^'^^.  Les  difficultés  qui  les 
divisaient  dataient  du  temps  où  des  dcscendans  des 
comtes  rhétiens  de  Coire  siégeaient  encore  au  château 
du  Tyrol  ^'^^,  et  elles  s'étaient  compliquées  sous  leurs 
héritiers  de  la  maison  de  Gôrz  ^^.  Celle-ci  s'agrandit 
après  que  Schweikher  de  Reichenberg  eut  vendu  ^®'  à  la 
maison  de  Tyrol  la  seigneurie  de  Tarasp ,  qui  par  elle- 
même  et  par  ses  avoueries^^^  étendait  sa  domination 
au  loin,  et  après  que  l'extinction  des  autres  grands 
comtes  ^^^  eut  réuni  leurs  domaines  sous  une  seule  auto- 
rité. A  cette  époque  le  gouvernement  tyroRen  embras- 


*'*  Ilmournt  en  1458.  Les  babitans  de  Schams  n'avaient  jamais  ?oula 
8*accommoder  de  l'achat  n.  556. 

""^  L'évoque  lui  avait  inféodé,  en  1460,  la  fonction  d'échanson  héré- 
ditaire. Crusiu»  d'après  Bruseh,  II,  80. 

*'*  Le  différend  concernait  les  habitans  de  Trasp  (  «  Teperestiani*}. 
Campell.  Esquisse  de  l'hist,  des  Grisons,  à  Tan  1465,  d'après  les  papiers 
de  Juoalta  Zutz, 

*'*  Cette  origine  et  tout  ce  qui  est  raconté  ici  n'a  jamais  été  aussi  bien 
éclairci  qne  dans  les  Mémoires  historiques  et  critiquée  pour  servir  à  Chist, 
du  Tyrot,  par  le  baron  Jot,  de  Hormayr,  historien  do  Tyrol,  recom- 
mandé comme  cilojen ,  comme  homme  et  comme  écrivain ,  par  sa  vie, 
pal^  ses  paroles  et  ses  écrits. 

^'*  Elle  gouverna,  comme  on  sait,  de  i254  à  1S69. 

**^  Acte  de  vente  de  Traspes  en  faveur  du  comte  Albert;  ap.  Brnttes, 
1259,  dans  Horma^r. 

'*'  Marienberg  provient  d'eux;  Munster  revendiqua  aussi  ce  couvent, 
entre  1181  et  1192.  Hormayr. 

**'  D'Ândechs ,  à  la  fin  ducs  de  Méranie  ;  d'Eppan ,  dont  une  bréndie 
nommée  dUUen ,  eierça  un  grand  pouvoir  jusqu'à  Yinstennfini.  Id. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  4t7 

sait  toute  la  Basse-Engadine  jusqu'à  Pontalto^^.  C'est 
de  lui  que  le  bailli  de  Mstsch  tenait  Tarasp  ^^^.  Four 
lui  les  seigneurs  de  Rémus  gardaient  leur  château  ou- 
vert ^^  ;  Steinsberg  honorait  dans  le  prince  le  propi^ié- 
taire  héréditaire  ^^''.  Les  baillis  reconnaissaient  tenir 
de  lui  la  chasse  aux  oiseaux  et  Tautre  chasse  ^^^,  et  les 
Planta ,  les  mines  y  les  eaux  et  forêts  depuis  le  pont 
St.-Martin  jusqu'à  Pontalto^^^. 

La  cour  d'Inspruck  s'efforça  d'autant  plus  de  gagner 
l'évéque;  elle  inféoda  ^^^  à  son  frère  Ulrich  ^^'  le  châ- 
teau de  Marschlins  ^^^,  à  la  porte  du  pays  où  la  Land- 
quart  sortant  du  Frœtigau  précipité  ses  flots  vers  le 
Rhin.  Il  suivit  les  bonnes  traditions  économiques  des 
pères  ^^^  et  exerça  l'autorité  à  l'égal  des  derniers  comtes 
de  Tokenbourg  en  tout  ce  qui  n'était  pas  usurpation 
évidente ^^.  Le  château  possédait  des  droits  précieux, 

***  CA.  de  l'évéque ^Conrad de  Cotre,  S  kal.  febr.,  1182,  dans  Burg- 
klechner. 

••»  Ch.  1S51 ,  ibid. 

*'*  Convention  du  comie  Meinkard  avec  Nannes  de  Ramnss  (ce  nom 
commence  à  se  rapprocher  de  Ramnsch ,  prononciation  usitée  dans  le 
pays  ) ,  1356 ,  dans  Hormayr. 

'*'  Le  comte  Albert  se  référa  à  ce  fait  dans  la  paix  de  Glarans ,  1228. 
•  Solamen  pro  allodio  et  proprietate.  >  Id. 

'*'  Investit  tare  du  roi  Henri  en  faveur  d*Ego  de  Mctsch,  1228,  dans 
Bargkleehner- 

^*  Lettres  tt investiture,  1317,  82,  56.  Ibid.  Les  Planta  donnaient 
entre  autres  annuellement  100  fers  h  chaval  et  600  clous. 

***  Ce  fief  provenait  peut-être  des  seigneuries  de  Montfort. 

s*ft  Proprement  à  Louis,  son  fils  mineur. 

***  Alors  depuis  long- temps  abandonné  et  à  demi  ruiné. 

***  Le  droit  d'arroser  par  irrigation  les  quarante  journées  de  prairies 
dépendantes  du  cbMeau,  depuis  la  St -Georges  jusqu'à  ce  que  l'on  «dé- 
charge les  prés  de  leurs  fleurs  avec  des  faux  et  des  rateaux«  »ssOn  appe- 
laàt  Journée  l'espace  qu'un  homme  pouvait  faucher  en  un  jour.  G.  M. 

^**  Les  •  députés  des  paroisses  de  Zizers  et  Igis  •  se  plaignirent  des 

VI.  27 


/fjH  HISTOIRE   DE   LÀ    SUISSE. 

mais  non  pas  exclusifs  ^^^^  autrement  les  habitans  au- 
raient  quitté  ce  rude  pays  ou  chassé  les  seigneurs.  Du 
reste,  Marschlins  était  ouvert  à  TAutriche  ^  et  Ul- 
rich était  bailli  à  Feldkirch^^. 

Ses  voisins,  les  quatre  villages^®'  de  l'ancienne  sei- 
gneurie d'Aspermont  ^^,  prêtèrent  serment  aux  gens 
de  la  Maison-Dieu  et  à  la  ligue  Grise  (1400),  et  orga* 
nisérent  avec  intelligence  une  administration  commune. 

Coire ,  le  chef-lieu ,  en  relation  honorable  avec  Té- 
vêque,  uni  à  Zurich  par  des  rapports  de  combour- 
geoisie  pour  le  terme  de  cinquante  et  un  ans  ^^  et  qui, 
maintenant  suisse,  avait  élu  pour  bourgmestre  le  vieux 
Michel  Clausner^',  brûla  presque  tout  entier  ^2.  Dans 
ce  désastre,  la  ville  reçut  de  l'Empereur  des  franchises, 
soutien  de  ses  affaires  et  encouragement  pour  l'avenir. 

innovations  qa'il  faisait  de  son  autorité  sur  les  pft tarages  des  Alpes  et  les 
autres  pâturages  communs,  en  entourant  de  haies  des  prés  et  autres 
|X)rtions  de  terrain  ;  mais  ils  ne  purent  pas  fournir  des  preuves. 

^*^  Lettre  (finvettiture,  1662,  Inspruck  vendu  après  Jud.;  Ch,  da,  Item- 
tenant  du  tribunal  de  Malan$,  jeudi  av.  J.-Bapt.,  1665  ;  celle  de  la  ville  de 
Coire,  }eudï  ap.  SL-Barthél.  1465.  Ulysse  de  Salis  Marschlins  m'a  com- 
muniqué ces  documens. 

***  Conformément  à  la  lettre  d^ investiture. 

'*^  Ch,  de  Coire:  «  Noble  et  généreux  gentilhomme Dlrîchde  Brandis, 
bailli  de  Feldkirch ,  notre  gracieux  et  bien-aimé  seigneur.  > 

***  Ziiers  faisait  partie  de  la  paroisse  de  Marschlins  ;  c'est  là  que  ses 
habitans  jouissent  de  tous  les  droits  ecclésiastiques  et  qu'ils  déposent 
leurs  offrandes.  Déposition  d^un  homme  qui  pense  depuis  soixante-dix  ans , 
dans  la  Gh.  de  Malans. 

^**  Ruchaspermont(&pre  Aspermont)  est  une  tautologie. 

***  Ch.  1460 ,  dans  la  collection  de  Haller.  La  contribution  annuelle 
était asseï  forte,  52  florins. 

'*'  1462 ,  Leu,  On  substitua  ce  titre  à  celui  d'în^ctenr  des  travaux. 

**'  Tsehudi  :  à  l'exception  du  palais  épiscopal  et  de  sept  maisons. 
Crusius  nomme  un  couvent  épargné  dans  la  ville  basse.  Tous  :  1464. 


UVRE  IV.  ciiAP.  y.  419 

La  charte  de  liberté  de  cette  bonne  ville  porte  ^^^  :  «  Les 
»  bourgmestres ^  les  conseils,  les  bourgeois  et  tous 
»  ceux  qui  leur  appartiennent  ensuite  d'un  serment, 
))  sont  indépendans  de  toute  juridiction  étrangère ^®^,  et 
»  chez  eux  le  bailli,  comme  représentant  de  l'Empire ^^^, 
»  le  vidomne  et  l'ammann  de  la  ville  rendent  la  justice, 
»  même  à  l'occasion  des  bannis  qui  reçoivent  asile.  Les 
»  conseils  exercent  les  divers  droits  qu'exerçaient  les 
)*  tribunaux  publics  ^^.  Les  habitans  de  Coire  ont  un 
»  bourgmestre  et  un  conseil  outre  des  tribus  bour- 
»  geoises ,  et  ils  sont  autorisés  à  racheter  de  Tévéque ,' 
»pour  sa  valeur^i  l'hypothèque  impériale  du  bail- 
»  liage  ^^''.  Ils  peuvent  imposer,  même  entre  les  mains 
»  du  clergé  et  comme  ils  s'imposent  eux-mêmes ,  les 
»  domaines  et  les  revenus  compris  dans  les  limites  de 
»  leur  territoire  ^^^.  La  moitié  du  droit  de  consomma-* 
»  tion  sur  le  vin  leur  appartient.  La  moitié  de  l'impôt 
»  sur  les  maisons  leur  est  remise  ^®®.  »  Rien  ne  donnait 

***  Extrait  da  livre  municipal  relié  en  ronge  :  la  Ch,  fat  donnée 
dans  la  nonvelle  ville  de  Vienne  ;  mardi  après  Jacq.  de  la  moisson , 
i46â;  «  ad  mandatum  Dni  Imp.  in  consilio  Ulr.  Ep.  Pataviensis 
CaQoeU.  • 

***  Nommément  Rothwyl.  On  craignait  les  intrigoes  et  le»  chicanes 
de  forme  de  ces  tribunanx. 

**^  D'après  un  pouvoir  émané  de  Tomnipoteiioe  impériale. 

•»•  On  permit  que  ce  qni  se  traitait  autrefois  en  public  eût  lieu  dans 
la  salle  du  conseil ,  mais  en  présence  da  juge  devint  lequel  les  affaires 
étaient  portées  précédemment 

*<^  On  trouve  sur  ce  point ,  h  la  même  date ,  une  charte  spéciale  dans 
le  nouveau  livre  municipal  de  Coire,  relié  en  blanc  L*£mperenr  s'enga- 
geait à  ne  pas  racheter  ce  bailliage  pendant  seiae  ans,  et  à  ne  le  racheter 
jamais  que  pour  le  omipte  de  l'EmjHre. 

<•«  Xaxe  des  gardes,  contributions,  servitudes. 

***  Cette  dernière  clause  se  trouve  dans  le  t  I<^  de  l'ouvrage  de 
X^a^omi  sur  les  Grisons.  Noos  devons  beaucoup  de  renseignemens  cu- 
rieux aux  investigations  de  cet  écrivain. 


420  HISTOIRE   DE  LA  SUISSE. 

plus  de  ressort  à  une  vitle^  que  la  liberté  ({^organiser 
son  administration  dans  son  propre  intérêt. 

Létirs  plus  proches  voisins  suisses  y  les  Glaronnais , 
dés  long-temps  indépendans  de  Seckingen,  hommes 
vaillans  qui  rajeunirent  près  de  Ragaz  la  gloire  de 
Nsefels,  formés  à  des  sentimens  fédéraux  pendant  près 
d'un  siècle  par  une  alliance  quelque  peu  inégale  avec 
quatre  Cantons  seulement  ^'^,  obtinrent  après  la  guerre 
de  Zurich,  qui  rapprocha  les  cœurs,  une  alliance 
égale®**  et  avec  tous  les  Cantons®*^.  Dans  notre  vieille 
Confédération  nulle  prérogative  née  des  circonstances 
u^était  exclusive  à  tout  jamais  ;  son  défaut  était  Tab- 
sence  d'un  terme  pour  des  changemens  utiles®'^;  ils 
ne  pouvaient  être  amenés  que  par  des  orages  *. 

En  dépit  des  victoires ,  des  traités  et  des  alliances, 
on  continua  de  nommer  Glaris  dans  les  actes  par  les- 
quels l'abbaye  de  Seckingen  inféodait  l'avouerie®'*; 
vanité  presque  universelle  qui  garde  les  titres  des  do- 
maines perdus ,  comme  si  l'ambition  avait  besoin  de 

"•  T.  m,  sa. 

'"  Le  6  mai  1450;  mais  la  ch.  est  dans  Tsehudi,  1 ,  409,  parce  que  la 
nouvelle  alliance  fut  écrite  sous  la  date  de  Tancienne  de  1552. 

"*  Aussi  avec  Berne,  Lnceme  et  Zoug.  Ce  canton  et  Berne  entrèrent 
dans  la  Gonfédéralion  après  Glaris. 

"'  N*eûl-il  pas  été  utile,  par  exemple,  qu'une  seigneurie  conquise  eût 
fait  sous  une  direc Lion  protectrice,  pendant  cinquante  ans,  Tapprentis- 
sage  de  Tégalité  ? 

*  L'bbtorien  devient  ainsi  digne  de  lui-même.  Ce  passage  renferme 
la  justification  entière  de  la  révolution  de  1798,  qui  ne  fut  tentée  qu'a* 
près  qu'on  eut  essayé  inutilement  d'obtenir  par  des  requêtes  (pétitions)  le 
redressement  des  abus.  Il  fallait  bien  profiter  des  circonstances.  Les  goa- 
vernans  avaient  eu  soin  de  stipuler  l'assistance  de  l'ancien  gouvernement 
français  eu  renouvelant  l'alliance.  D.  L.  H. 

*^^  Chartêê  :  d'Albert  d'Autriche ,  Nuremberg ,  Nie.  1454.  Tschudilh 
581  ;  de  Sigismond ,  Constance,  Bonif.1459.  Ibid,  591. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  421 

prétentions  surannées  quand  elle  est  assez  puissante 
pour  bouleverser  les  États  ! 

Dans  rintërêt  de  la  sûreté  et  de  la  facilité  de  la  route 
commerciale  dltalie  à  Zurich,  qui  traversait  les  Gri- 
sons et  entretenait  Tindustrie  et  la  prospérité ,  les  Gla- 
ronnais  veillaient  avec  un  soin  extrême  au  maintien 
de  la  bonne  intelligence®^^  et  à  la  régularité  des  expé- 
ditions®^®. Ceux  dont  on  avait  volé  les  marchandises®*'' 
ou  violé  les  droits®*®  ne  recouraient  pas  inutilement  à 
eux  ®'^.  Sans  crainte  des  puissances  humaines^  ilscrai- 
gnaient  le  Maître  de  la  nature,  leur  seul  refuge,  quand 
les  eaux  des  hautes  montagnes  menaçaient  subitement 
le  pays  de  sa  ruine  ®2®. 

La  liberté  de  Claris,  comme  de  la  plupart  des  Can- 
tons suisses ,  était  le  fruit  de  quelques  journées  hé- 
roïques; la  conciliation  de  la  ville  de  St.-Gall  et  du 
pays  d*Appenzell  avec  le  voisinage  de  l'abbé  ^  la  con- 
ciliation de  la  liberté  de  Tancien  et  du  nouveau  terri- 
toire  de  ce  prélat  avec  sa  domination  fut,  après  les 
premières  victoires  des  Appenzellois,  le  résultat  de 
discussions  aigres  et  presque  interminables.  C'était  un 
de.  ces  ménages  où  le  père  croit  retenir  sous  sa  férule 


*^*  Serment  <U  Pierre  Honni,  i&  avril  1&59  (Ttehudi),  promettant  de 
ne  pas  se  venger  pour  la  détention  snbie  à  Claris  parce  qu'il  avait  imputé 
à  ceux  de  Zisers  une  offense  envers  les  Glaronnais.     . 

***  Ordonnance  pour  la  navigation  par  le$  eaux  baneê,  14M*  Tschudi. 

**^  Lettre  d'an  sujet  du  margraviat  de  Bade,  ^ qui,  revenant  de  Rome, 
on  vola  dans  Tauberge  d*Uznach  de  la  soie,  des  coraux  et  de  l'argent, 
iâ67.  Tschudi. 

*"  Lettre  de  l'abbé  Frédéric  de  Pfoeven,  au  sujet  d'un  de  ses  serfs  à 
Quart,  ià61.  Tschudi. 

**'  On  ne  trouve  aucune  mention  ultérieure  des  plaintes  précédentes. 

*2'  Rapport  du  grejper  Mad  sur  la  grande  inondation  et  la  procession» 
1460.  Têchudi. 


422  HISTOIRE   0E    L4    SUISSE. 

ses  fils  grandis  et  enrichis  ^  et  les  fils^  une  fois  impatien- 
tés f  regardent  les  plus  innocentes  démarches  du  père 
comme  des  abus  d'autorité.  Du  reste,  les  coups  d'épée 
sont  plus  décisifs;  les  querelles  où  tout  se  discute ^ 
plus  instructives.  Nous  considérerons  l'abbé  dans  ses 
rapports  avec  la  ville,  puis  avec  le  pays  qu'il  perdit*'*, 
avec  celui  qui  lui  resta***,  avec  le  teritoire  nouvel- 
lement acquis  •**,  et  nous  dirons  le  succès  de  sa  po- 
litique qui  s'attacha  tour- à -tour  à  l'Empereur  et  à 
la  Suisse.  Il  n'eut  pas  moins  besoin  de  prudence  pour 
conserver,  en  quelque  sorte  sans  armes,  sa  position, 
que  d'autres  pour  s'en  faire  une. 

Dans  les  circonstances  les  plus  défavorables,  l'abbaye 
de  St.-Gall  se  montra  plus  puissante  et  mieux  affermie 
qu'on  ne  l'avaitvue  depuis  des  siècles  :  elle  le  dut  à  Ul- 
rich*'*, fils  d'un  boulanger  de  Wangen,  dans  l'Allgau. 
Le  prince-abbé,  Gaspard  de  Landenberg-Breîtenlanden- 
berg,  possédait  une  érudition  monacale,  aimait  et  parta- 
geait volontiers  avec  d'autres  les  plaisirs  delà  science;  il 
gouvernait  honnêtement  son  abbaye,  et  laissait  faire 
ôe  qu'il  ne  pouvait  pas  empêcher.  Ulrich,  alors  grand 
maitre^d'hôtel,  âgé  de  vingt  et  quelques  années,  esprit 
fécond  en  ressources  et  d'une  merveilleuse  activité, 
représenta  aux  conventuels  les  conséquences  funestes 
de  cette  administration  :  «  A  peine  abbé ,  Gaspard  a 

"'  Appenzell. 

<'''  L'ancien  pays. 

**•  Le  Tockenbourg. 

***  Proprement  «  le  rouge  Uli  (Ulrich).  •  Son  nom  de  famille  était 
Resch  ou  ROsch.  =  Toute  Thistoire  qui  suit  a  été  racontée  dans  le  plus 
grand  détail,  d'après  les  documens,  par  M.  Ildefonsê  ttArx  dans  ses  His- 
toires du  canton  de  St,-Gtdl  {Getchiehten  dei  K,  St.-G,),  en  S  ▼ol.  în-8*» 
St.-Gal],  iSii ,  au  t.  Il,  p.  289-514.  C.  M. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  423 

»  perdu  la  ville  de  St.-Gall.  Sous  prétexte  d  eclaircir 
à>  les  relations  litigieuses^  il  a  refusé  la  prestation  d'un 
»  serment  incontestablement  obligatoire.  Fort  de  sou 
»  droit  et  des  cbartes  impériales  ^^^9  au  lieu  de  sou- 
»  mettre  la  ville ,  il  a  perdu  le  temps  en  conférences  ^^^; 
^)  elle  en  a  profité  pour  changer  les  dispositions  de  la 
»  cour^^'^.  Les  quatre  cents  florins  du  Rhin  offerts  par 
»  elle  dans  une  coupe  de  bois  artistement  ciselée ,  ses 
»  quatorze  pièces  de  toile >  son  grand  festin,  ses  se- 
))  ductions  secrètes,  ont  été  largement  payés  par  la 
}>  charte  de  sa  liberté  ^^*.  On  dit  qu'à  Feldkirch  la  nou- 
»  velle  ville  impériale  a  été  détachée  de  TËmpire  à  prix 
w  d'argent,  en  notre  faveur  ^^^.  Quelle  est  la  teneur  de 
»  la  charte  ?  à  quoi  a-t-elle  servi  ?  Ils  ont  juré  comme 
»  ai*ticle  fondamental  de  ne  plus  nous  prêter  ser- 
})  ment^^^.  On  a  recouru  aux  Cantons  suisses  pour  as- 
>j  sujettir  un  prince  à  son  peuple  **^^  Mais ,  comme  il 
w  était  facile  de  le  prévoir,  les  édiappatoires^^^  adminis- 

<25  i^  colleclion   des  franchises    impériales  a  été  imprimée  en  un 
volume  in-folio. 

**«.  Acte$  de  ces  conférences  depuis  Sle. -Agathe  jusqu'à  la  fin  de 
Tannée.  D'après  Rer,  Sangallens,,  ad  corrigendos  errorea  Stumpfii  e1  Va- 
diani,  L  X;  ouvrage  communiqué  par  le  P.  Joseph  Bloeh. 

•^v  «  Patoit  {Miolo  post  corropti  animi  suspicio.  • 

•»  1»  décembre  14&2  ;  ils  devaient  être  sur  le  même  pied  qu'Ueber- 
lingen  et  Ra^nsbourg. 

^^*  Ch.  Feldkirch,  Barbe  1445,  conçue  dans  des  termes  ^ssez  vagues 
qui  admettent  facilement  un  grand  nombre  d'exceptions. 

'*<*  Aete$de$  conférenees,  ihà7, 

"«  1451. 

•'2  Qu'on  ne  pouvait  pas  servir  deui  maîtres  à  la  fois  (l'Empereur  et 
Tàbbé),  qu'on  ne  pouvait  pas  prêter  double  serment  au  même  maître 
(en  qualité  de  prince  du  pays  et  pour  des  fiefs  particuliers).  Toutefois 
Jes  deux  choses  étaient  fort  ordinaires. 


424  HISTOIRE   DE   LÀ   SUISSE. 

»  tratifs  et  l'opiniâtreté  bourgeoise  ^^  leur  ont  paru 
w  invincibles.  Tandis  que  l'Empereur  dort,  nos  forces 
»  négligées  nous  ont  fait  descendre  si  bas,  que  cette 
»  abbaye  princiére,  honorée  par  de  grands,  monarques 
»  six  cents  ans  avant  que  le  nom  de  la  Suisse  fut  pro- 
»  nonce ,  a  trouvé  dans  une  espèce  d'alliance  défensive, 
»  qui  nous  subordonne  en  réalité  à  quatre  Gantons  de  la 
»  Suisse  ^^*,  dirai-je  le  seul  moyen  de  salut  ou  la  ruine 
«  la  plus  douce?  Pères  et  frères ,  comme  la  plupart  des 
»  événemenSy  quand  on  sait  commander  à  la  fortune , 
»  celui-ci  sera  pour  nous  ee  que  nous  permettrons  qu'il 
»  soit.  Les  évéques  de  Sion  et  de  Baie  ont  fréquemment 
»  conclu  de  semblables  alliances  et  n'ont  pas  perdu 
»  leurs  États  ;  si  le  Valais  et  Bienne  se  sont  élevés  à  une 
»  liberté  menaçante ,  c^est  qu'ils  ont  entretenu  et 
»  resserré  de  semblables  relations  plus  tôt  que  leurs 
»  seigneurs.  Le  même  sort  nous  attend.  L'année  après 
»  notre  alliance,  nos  Âppenzellois,  malheureusement 
»  combourgeois  et  alliés  de  la  Suisse  déjà  depuis  l'an- 
»  cienne  guerre ,  se  sont  unis  à  toujours  comme  confé- 
»  dérés  avec  sept  Gantons^^^  ;  la  ville,  avec  six  Gantons  à 
»  peine  dix-huit  mois  plus  tard^*^^.  Gomment  un  prêtre 
»  résistera-t-il  à  l'audace  du  pays,  à  l'argent  de  la  ville 
»  avec  quatre  Gantons  contre  sept?  Il  le  peut,  n'en  dou- 
»  tezpas  :  lesgouvernans  des  Gantons  sont  nombreux  et 
w  leurs  chefs  changent  ;  cehii-ci  est  paralysé  par  l'esprit 
»  de  parti;  à  celui-là  manque  la  connaissance  des  hom* 

***  Les  députés  de  la  ville  s'opposèrent  à  toute  négocîalion  tant  qu'on 
ne  renoncerait  paspréalablement  au  serment. 

*^^  Zurich ,  Lucerne,  Schwyz  et  Claris. 

***  L'alliance  de  l'abbé  est  du  milieu  du  mois  d'août  i45i;  celle  des 
Appenzellois  de  la  veille  de  St.-Othmar  (15  nov.)  1452, 
'  *'*  Jeudi  après  la  Pentecôte  1454. 


LIVRE  IV.    ClIAP.    V.  425 

»  mes;  les  autres,  on  les  effraie,  on  les  gagne,  on  les 
)i  endort*.  Etre  seul,  quand  on  sait  être  le  maître ,  est 
»  la  moitié  de  la  victoire.  Mais  maître,  (pensez-y,  mes 
»  frères!  )  maître,  on  ne  Test  ni  par  élection  ni  par 
»  naissance ,  quand  on  est  un  homme  vulgaire.  Celui 
»  qui  dans  la  paix  et  Tabondance,  dans  Torage  et  en 
»  péril  de  mort,  toujours  égal,  considère  d'un  re* 
»  gard  immobile  le  devoir  d'un  prince;  qui  oppose  à 
»  Tennemi  et  à  la  fortune  la  plénitude  des  forces  d*un 
»  pays  et  d'un  peuple,  unies  et  vivifiées  par  son  esprit  ; 
j>  qui,  entouré  des  hommes  les  plus  intelligens,  les  di- 
»  rige  tous  et  les  surpasse  ;  qui,  dans  ses  manières  et 
»  ses  paroles,  devant  le  peuple  et  au  milieu  des  siais, 
»  apparaît  incessamment^^''  bienveillant  avec  grandeur 
h  etsimple  avec  dignité,  celui-là,  mes  frères,  est  un  mai- 
»  tre.»  Il  prouva  sans  peine  que  Gaspard,  bon  homme  et 
rien  de  plus,  ne  suffisait  pas  pour  ces  temps  périlleux. 
Cette  assertion  fut  justifiée  par  les  événemens  qui 
jetèrent  l'abbé  dans  un  embarras  croissant  par  suite 
des  mesures  imprudentes  qu'il  avait  prises.  Lorsque, 
dans  le  sentiment  de  sou  impuissance  ^^^,  du  consente- 
ment et  par  le  conseil  de  sa  congrégation  ainsi  que  des 
babitans  de  Wyl^^^  et  d'autres  gens  dépendans  de  l'ab- 
baye, il  eut  conclu  avec  les  quatre  Cantons  l'alliance  per- 
pétuelle ci-dessus  mentionnée^^^  au  nom  de  tous  les 


*  L'histoire  de  1* Europe  et  la  nôtre.  D.  L.  H. 

^^  Aîiv  àpKTTtuttv  xai  umipo^ov  IJApjvat  ôtXXttv. 

*'*  •  Que  nous  et  notre  abbaye  ne  saurions  nous  maintenir  ni  subsister 
sans  le  secours  du  bras  séculier.  • 

•**  Désigné  comme  la  principale  ville  de  l'abbé. 

***  A  Pfeffikon,  à  la  date  de  n.  6S5.  Voy.  l'acte  tCaUtance  dans 
Têchttdi,  n,  560. 


426  HISTOIRE    DE    L.\    SUISSE. 

pays  situés  entre  les  lacs  de  Zurich  et  de  Constance  ^^', 
au  nom  de  Wyl,  de  sa  forteresse  d'Ibefg  etde  Roschach 
récemment  acheté  *^^,  il  sembla  vouloir  gagner  sou 
peuple  en  abandonnant  quelques  droits  ^^^  odieux  à 
Tesprit  de  liberté.  Mais  on  prétend  que  dans  cette  oc- 
casion même  il  se  montra^  aux  dépens  de  l'honneur  de 
sa  parole^^^,  partial  en  faveur  de  quelques  amis  de  la 
vilie^*^.  La  ville  de  St.*Gall,  grâce  à  d'excellentes 
ordonnances  sur  la  fabrication  des  toiles  •^^^  chef-lieu 
de  toute  la  contrée  environnante,  prit  un  si  rapide  ac- 
croissement en  population^*'',  en  richesse,  encourage, 
qu'elieacheta  des  seigneuries ^^^>  forma  des  alliances  de 
cotiûbourgeoisie®^*  et  sous  une  constitution  perfection- 
née^^  aspira  non-seulement  à  1  indépendance ,  mais  à 
l'extension  de  son  territoire.  Elle  ressentit  vivement  ce 
qui  advint  à  ses  amis,  et  sembla  chercher  une  occasion 
de  faire  des  démarches  importantes.  Les  deux  parties 

***  L'abbé  possédait  aussi  au-delà  du  Rhin  et  du  lac  de  Coastance  dei 
domaines  qui  restèrent  étrangers  à  la  Suisse. 

^**  Acte  d'achat  1449  ;  de  la  main  des  nobles  de  Hôschach  pour  2700  flo- 
rins. On  y  mentionne  les  carrières,  alors  déjà  fort  productives. 

**'  Droit  de  meilleur  catel  et  autres,  exercés  dans  les  cas  de  mort  et 
alors  surtout  onéreux.  Ch,  l&5i  ,  dans  la  collection  de  Baller. 

'^*  On  prétend  qu'il  trompa  ceux  de  Romishom.  Uottinger,  Hiat. 
ecclés.  de  l'Heivétie,  IV,  94.  Il  paraît  qu'ils  furent  engagés  à  prêter  un 
serment,  dont  la  teneur,  à  laquelle  Ils  ne  réfléchirent  pas  d'abord,  les 
empêcha  de  devenir  bourgeois  de  la  ville. 

'*^  Tiré  des  griefs  de  la  vilU  dans  les  Actes  456. 

*^  Établissement  d'une  inspection  sur  les  toiles,  1452.  Haltmeyer, 
pag.  146. 

**^  Griefs,  n.  645  :  la  paroisse  de  St. -Laurent  s'est  accrue  jusqu'au 
nombre  de  8500  communians. 

•*•  Oberberg  et  Annwyl,  1451.  Haitmeyer. 

■*'  Avec  Arbon  ,  1452.  llaUmeyer. 

«M  Par  l'amélioration  des  règlemensdes  tribus,  en  1458,  et  parla  liberté 
octroyée  par  Frédéric  III ,  en  1451 ,  à  Graetz.  Ibid, 


LiVRE  IV.    CHAP.    V.  427 

se  Hférèrent,  à  regret  ^^^  au  jugement  de  TEmpereur, 
mais  aucune  des  deux  n'osait  paraître  révitcr.  Les  qua- 
tre Cantons  alliés  avec  l'abbé ,  trois  villes  souabes  qu'ils 
s'adjoignirent®*^  et  Appenzell  cherchèrent  à  les  conci- 
lier. Ils  obtinrent  que  le  prélat  et  la  ville^  avec  leurs 
griefs  et  leur  réponse,  avec  la  plainte,  la  réplique  et  la 
duplique,  s'en  rapportassent  à  l'avoy  er  et  au  conseil  de, 
k  ville  de  Berne  ^  afin  de  terminer  le  différend  au 
moyen  d'un  rachat  total  à  Tamiàble  ou  par  voie  juri- 
dique**®. 

Dans  ce  temps-là  l'ancienne  amitié  des  trois  premiè- 
res villes  de  la  Suisse^  des  pays  de  Schwyz  et  de  Glaris 
pour  la  ville  de  St.-Gall®**,  fut  convertie  en  une  al- 
liance perpétuelle  ***  semblable  à  ralliance  primitive 
des  Glaronnais  ®*®  ;  on  voulait  à  la  fois  se  montrer 
impartial  et  amener  les  esprits  à  l'impartialité ,  proté- 
ger St.-*Gall  dans  l'exercice  de  ses  droits  et  le  retenir 
dans  de  justes  bornes  •*''.  A  Tapprochfe  du  jour  décisif^ 


*M  j^  cause  des  frais ,  de  la  peine  el  da  travail ,  n.  658. 

**^  Constance,  Ueberb'ngen ,  Lindan. 

*'*  Exposé,  St-Gall,  jeodi  avant  dt.-6all  là52  :  combien  la  ville  doit 
payer  à  l'abbé  pour  le  serment  ;  établissement  d'un  amniann ,  des  inspec- 
teurs des  monnaies  et  du  pain ,  des  taxateurs  du  blé ,  du  vin  et  de  la 
viande  ;  ordonnances  sur  le  tarif  des  péages ,  sur  l'aunage ,  les  mesures  , 
le  fief  de  l'hôtel  de  ville,  etc.  ;  tout  cela  fait  connaître  les  relations  de 
l'ancienne  Villa. 

*^*  m  11  faut  consolider  par  l'écriture  les  conventions  perpétuelles  et  la 
perpétuelle  amitié.  »  N.  655. 

*»»  Ch.  d'alliance,  jeudi  après  la  Pentecôte  1454,  Tichudi,  U,  576. 

*^*  Ils  s'engagent  à  lie  pas  faire  la  guerre  et  à  ne  s'allier  avec  personne 
sans  le  consentement  de  la  majorité  des  Confédérés,  et  à  soumettre  les 
différends  à  leur  justice. 

•»'  Le  couvent  en  fut  si-  salisfïiit,  que  le  jour  du  serment  il  traita 
1500  bomttaes  datis  sotl  verger.  Les  conditions  avaient  en  quelque  sorte 
été  préparées  dansl'alllaâce^de  l'abbé  :  «De  niéme,  tous  cent  qui  ne  nou» 


428  HISTOIRE    DB   LA  SUISSE. 

l'abbaye  fut  reoommaQdée  aux  Confédérés  par  les  qua- 
tre présidens  de  la  congrégation  des  Bénédictins  de 
Bursfeld^^*,  et  Berne  convoqua  des  députés  de  presque 
toute  la  Suisse®^*.  Le  pieux  et  savant  abbé  Gaspard  ^^ 
se  rendit  en  personne  à  la  conférence  ;  mais^  dans  son 
aversion  pour  les  choses  temporelles  ^^^^  il  crut  ses  amis 
et  proposa  aux  Confédérés  de  charger  le  gouvernement 
de  la  ville  d'administrer  tous  les  pays  de  la  principauté. 
Concentré  tout  entier  dans  la  recherche  de  la  vérité , 
dans  le  soin  des  âmes  et  dans  le  culte  divin ,  il  ne  douta 
pas  de  l'approbation  des  chefs  de  Tordre  de  Bursfeld. 
La  proposition  plut  aux  Confédérés  ^^^.  Cette  nouvelle 

•  ont  pas  encore  juré  fidélité  et  ceni  qui  nous  jureront  à  Tavenir  (Fabbé 
>  l'espérai t]  prêteront  aussi  le  môme  serment.  • 

«"  Les  abbés  de  SU-Pierreà  Erfurl,  de  SL-Étienne  h  WOrzbouiç ,  de 
Hirscbau  et  de  Waiblingen.  Sur  Bursfeld  voy.  Leuekfelden,  Ce  monastère, 
sitaé  non  loin  de  GôtUngen,  avait  reçu  des  abbés  Jean  Dédenroth 
de  Minden  et  Jean  de  Uagen  une  discipline  si  exemplaire,  qne  près  de 
cent  cinquante  couvens  se  réformèrent  d'après  cette  r^le,  et  qu'avec  l'au- 
torisation du  concile  de  Bâle  (iâÂO)  et  de  la  cour  de  Rome  il  se  forma 
nne  union  et  une  congrégation  qui  a  subsisté,  même  après  la  ruine  de 
Bursfeld,  jusqu'à  nos  jours.  Leuekfeldne  parle  point  de  St.-Gall;Pienne 
nomme  pas  non  plus  St.-Gall  dans  la  bulle  des  libertés.  L'accession  saint- 
galloise  fut  probablement  l'œuvre  du  zèle  de  Gaspard  ;  Ulrich  ne  trouva 
pas  à  propos  d'être  aussi  complètement  bioine.  Leuckfeld  cite  l'exemple 
d'Udenhein  qui  ne  resta  pas  même  dix  ans  dans  l'union  de  Bursfeld. 
En  1469  les  Bnrsfeldiens  visitèrent,  sans  faire  sensation  ,  Fabbaye  de 
St.-Gall,  agrandie  et  soustraite  à  leur  influence.  Hottinger,  IV,  addi- 
tions, p.  102. 

*^*  Henri  Schwend,  de  Zurich  ;  Luceme  ;  Ytal  Rédlng  ;  Unterw^lden; 
Zoug;  Glaris. 

•••   •  Insigni  religione  et  eruditione.  »  Herrmann  Schenk. 

**'  Il  aimait  à  répéter  après  St.  Jérôme  t  «  Monachos  decet  esse  mona- 
chos.  •  Hottinger,  ^ 

***  Ch.  Berne  (  appelé  U  premier  prononcé  betncit  ),  samedi  après  U 
Chandeleur,  1455.  Nous  y  voyons  la  délimitation  du  temtoive  :  d^wis 
Monst^'-"  (dans  leRheintbsA),  jusqu'au  lac  de  Constance;  puis,  en  deâ- 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  429 

remplit  de  joie  la  ville  de  St.-Gall.  Les  conventuels 
effirayés  s'assemblèrent.  «  Voilà ,  »  dit  Ulrich ,  affran- 
chi par  l'abbé  de  l'oflBce  de  maitre-d'hôtel  ®^^,  «  voilà 
I)  où  nous  a  conduits  celui  dont  l'élection  a  été  une 
»  honte  pour  nous  ^®*,  et  l'administration  notre  ruine; 
»  nous  sommes  réduits  à  choisir  entre  notre  conserva- 
»  tion  et  notre  devoir.  Cependant,  non,  l'obéissance  sub- 
»  siste  s'il  n'y  va  que  de  notre  bonheur  et  de  notre  vie  : 
»  mais  les  saints  dont  les  prières^  mais  les  cinquante 
»  abbés  dont  huit  siècles  de  sollicitude  ont  maintenu 
»  honorablement  jusqu'à  ce  jour  Tabbaye  de  St.-Gall^ 
»  demandent-ils  une  obéissance  illimitée  envers  celui 
»  qui  livre  leur  héritage  aux  fils  de  leurs  serfs?  »  Les 
conventuels  refusèrent  d'adhérer  au  traité  ^^.  Cette  ré- 
solution inspira  du  respect^  comme  toute  constance  dans 
le  péril.  Wyl  aussi  craignait  moins  la  houlette  du  prince- 
abbé  que  le  gouvernement  d'une  bourgeoisie*®^.  Une 
diète  de  tout  l'ancien  pays  fit  entendre  sa  voix  en  fa- 
veur de  l'abbaye  souveraine^  et  Appenzell  même  écri- 
vit aux  chefs  de  l'ordre*®''  de  protéger  les  droits  du 

cendant,  jusqu'à  Mflnsterlingen,  de  là  à  Bûrglen,  eu  remontant  la  Thonr 
jusqu'à  la  Glatt,  et  encore  jusqD*au  pont  au-dessus  de  Schwanberg;  de 
|à  à  Monstein»  point  de  déparL  Celte  contrée  aurait  formé  une  espèce 
d'avouerie ,  et  comme  on  pouvait  l'étendre  ou  la  resserrer  suivant  les 
limites  naturelles,  il  ne  serait  presque  rien  resté  aux  ecclésiastiques. 

'"  Les  Bursfeldiens  lui  avaient  procuré  cet  emploi ,  sans  consulter 
l'abbé. 

^^  Le  pape  l'avait  nommé.  Hotting.  H.  £.  IV,  additions,  p.  95. 

**'  «  Sat  reverenti»  datum  ;  conscientiis  urgeri  ad  jura  contra  quem- 
cunque  manutenenda.  • 

***  Miêêive  de  fVyt,  mercr.  apr.  les  Rameaux,  1455. 

'*'  Mitsive  à  Vabbi  Wolfram  de  Hir$ehau,  mardi  après  Gorp.  Chr. 
1455  :  «  Qu'il  veuille  se  montrer  favorable  et  prendre  les  intérêts  de 
rabbaye.  • 


A30  HISTOIRE  DE    LÀ  SUISSE. 

vëaërable  monastère  y  dont  la  décadence  nuirait  au  cuUe 

■ 

et  jetterait  le  trouble  dans  le  pays^^  :  tant  un  gouver- 
nement consacré  par  le  temps  et  par  sa  dignité  parais- 
sait préférable  à  celui  d^une  ville  marchande^  objet 
d  en  vie  !  L'expérience  n'a  jamais  prouvé  que  le  gouver- 
nement des  ecclésiastiques  soit  moins  paternel  que 
celui  des  militaires ,  des  hommes  d'affaires  et  des  négo- 
cians. 

La  congrégation  de  Bursfeld ,  qui  dans  la  ferveur 
du  premier  zèle  ^^  s'assemblait  souvent^  tint  un  chapi* 
tre  général  à  Erfurt.  Les  chefs  des  couvens  du  haut 
pays  f  dont  la  simplicité  religieuse  avait  peut-être  ex* 
primé  une  approbation  en  termes  généraux  ^^^^  durent 
protester  solennellement^''^;  on  écrivit  aux  Gantons 
protecteurs  et  à  Berne;  une  visite  de  l'abbaye  fut  or- 
donnée. Les  visiteurs  trouvèrent  Ulrich  Rôsch  dans  un 
cachot  (rigueur  tardive  de  Gaspard!)  et  tout  le  pays 
en  désordpe;  on  jugea  indi3pensable  d'ôter  provisoire- 
ment l'administration  à  l'abbé  et  de  nommer  un 
autre  administrateur  ^^^.  Rien  ne  produit  une  irrita* 
tion  plus  irrémédiable ,  que  de  prononcer  sur  la  con- 
stitution d'un  pays  sans  consulter  les  habitans  *.  Des 


***  «  Nous  cnûgnoDs  qu'il  n'en  oaiaie  da  scandale.  • 

'**  Jean  de  Uagco  (  •  ab  Indagme  •  )  vivait  encore. 

«70  Gaspard  s'y  référa  plnsieius  fois.  Lear  ignorance  des  relations  de 
l'abbaye  de  St.-Gall  aura  servi  de  prétexte  pour  soustraire  le  cooTent  à 
leur  influence. 

*^^  Témoignage  de$  abbés  de  Hirsehau  et  de  fVaiblingen,  mercr.  av. 
Ste.  Marg.  iA55  :  Au  nom  de  notre  dignité,  de  notre  devoir  et  de  notre 
respect  pour  la  vérité. 

•72  Henri  Scbuchti,  ami  d^lricb. 

*  Vrai  en  général  ;  mais  looMioe  Ions  les  pouvoin  sans  les  mojeiis  sont 
entre  les  mains  des  dépositaires  infidèles  de  l'autorité,  qu'il  s'i^i  de  le* 
mettre  à  Icnr  place,  il  serait  impossible  de  réunir  une  assemblée  <le  vrais 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  431 

députés  de  toute  la  Suisse  coaférérent  avec  la  ville  de 
St.-Gall  :  la  charte  de  bailliage  fut  à  la  fia  rendue 
et  anéantie,  la  constitution  remise  en  vigueur  ^^^  etga* 
rantie  contre  tout  changepient  opéré  par  Tune  des 
parties  ^'*, 

Avant  même  la  fixatipn  des  rapports  entre  la  ville  et 
I  abbaye,  le  pape  Galixte  disposa  de  radministration 
municipale,  sur  la  proposition  du  cardinal  jEnéas  Sylrp 
vins  Ficcolomini^'^^.  Riche  d'expérience  et  chargé  de 
Texamen,  ^iEnéas  reconnut  sans  peine  dans  Gaspard 
un  meilleur  religieux ,  et  daus  Ulrich  le  prince  néces- 
saire; à  l'ijn  il  laissa  rhonneur  ^'^^  et  un  boq  revenu ^'% 
à  rîmtre  il  remit  toiite  l'autorité ^7». 

Ulrich  Rôsch  était  dans  sa  trentième  année  lorsqu'il 
fut  x^hargé  de  l'administration  deVabbaye;  il  gouverna 
sept  ans  comme  administrateur,  vingt-huit  comme  abbé 
et  prieur,  homme  d'une  stature  imposante ,  maître  de 
lui-même,  insinuant  pour  ceux  qu'il  respectait ,  impé- 
rieux pour  les  autres ,  terrible  à  qui  le  craignait.  Il 
avait  à  côté  de  son  lit  une  ardoise  et  de  la  craie,  pour  ne 

représentans  dn  peuple.  Il  faut  donc  que  les  bommes  qui  osent ,  usent 
d*abord  contre  ces  dépositaires  infidèles  des  mêmes  moyens,  et  se  pré- 
cantionneqt  contre  leurs  attaques  ouvertes  et  contre  leur  infiaence. 
D.  L.U. 

*^>  Chacun  fut  replacé  sous  la  haute  et  basse  justice  de  laquelle  il  res . 
sertissait  ;  les  affaires  féodales,  sons  la  justice  féodale  ;  celles  qui  con- 
cernaient les  domaines  impériaux  ressortirent  de  la  justice  impériale. 

*^*  DéeUion  amiable  de»  huit  Cantotu  (le  trésorier  Nicolas  Brennwald 
était  chef  de  la  dépuUtion)  ;  SU-Gall,  6  août  1456. 

•"  Stumpf;  J.  J.  Hottinger. 

*~*  L'habitation  dans  le  palais  épiscopal  ;  le  droit  de  célébrer  la  messe 
en  mitre  aux  jours  de  fête  (il  aimait  à  la  chanter)  ;  le  droit  d*octroyer  les 
ficfs  nobles. 

*^^  Jouissance  de  la  cour,  de  la  boulangerie,  du  jardin  ;  annuellement 
60  poules,  300  florins. 

•'•  Confirmé  par  le  pape,  lo  19  décembre  1456. 


432  HISTOIRE  DE  LA  SUISSE. 

laisser  perdre  aucune  des  bonnes  pensées  que  la  nuit 
éveille  dans  les  grandes  âmes^'^^.  Toute  sa  vie  était 
action  ;  il  n'avait  qu'une  passion^  celle  de  relever  l'Etat. 
Il  satisfaisait  sans  scrupule  les  besoins  de  la  sensualité, 
parce  qu'il  ne  se  laissait  ni  dominer  ni  affaiblir  par 
elle^^^.  Il  dirigea  constamment  les  affaires  religieuses 
avec  une  habileté  singulière;  à  côté  d'un  article  essen- 
tiel il  en  proposait  un  grand  nombre  d'accessoires, 
qu'il  abandonnait  ensuite  peu  à  peu^  afin  d'obtenir  des 
négociateurs  lassés,  la  chose  principale.  Le  travail  était 
pour  lui  un  plaisir  ^^^  Il  jouit  ainsi  de  la  vie  plus  que 
d'autres ^*^;  et  plus  grand  prince  que  bien  des  rois*'*, 
il  acquit  la  considération  et  là  gloire  d'être  le  second 
fondateur  de  St.-Gall. 

«'•  Stiunpf,  Si6  b. 

*'*  Id,  321  a  ;  «  il  laissa  de  beaux  enfans  engendrés  par  lai.  • 

*'*  Il  se  comparait  aax  «  jeunes  garçons  qui  jettent  des  b&tons  dans  les 

•  arbres;  s'il  tombe  des  fruits,  ils  les  prennent;  s'il  n'en  tombe  point,  îb 

•  ne  regrettent  pas  leur  petite  peine.  •  Siumpf, 

**^  «  Profecto  enim  yita  yigilia  est.  »  Pline  L'Ancien, 
•"  On  dit  de  lui! 

«  Ulricom  banc  dubito  monachnin  «Ucam  anne  moBarcham  ; 
•  Veste  fait  mosacbiu,  corde  mcmarcba  fait.  • 

sa  Ulrich  Resch  on  Rôsdb,  que  l'abbé  Eglof  avait  pris  comme  marmiton, 
montra  dans  cet  emploi  les  dispositions  les  plus  heureuses;  serviable,  la- 
borieux, alerte,  rusé,  habile  dans  tout  ce  qu'il  entreprenait,  ses  talens 
^'appelaient  aux  études.  Il  fut  envoyé  dans  les  universités,  où  il  fit  de  ra- 
pides progrès  ;  le  droit  eut  sa  prédilection..  Lorsqu'il  entreprit  d'adminis- 
trer l'abbaye,  elle  ne  possédait  pas  au-delà  de  iSOO  florins  de  revenu  net  : 
il  parvint  dans  le  cours  de  son  administration  à  dépenser  128,935  flo- 
rins pour  des  acquisitions  et  des  constructions  dont  il  enrichit  et  embel- 
lit le  monastère.  Rien  n'échappait  à  sa  surveillance.  La  même  activité 
défendait  les  droits  de  l'abbaye,  créait  des  moulins,  des  greniers  publics, 
dirigeait  la  pèche  et  la  chasse,  perfectionnait  la  culture  de  la  vigne,  s'é- 
tendait sur  l'alimentation  des  porcs  et  sur  la  multiplication  des  engrais. 
Voy.  lÂêtê  de$  acquliitiont  faites  par  i'abbé  Ulrich  FUI,  dans  le  Livre  de 
copiée,  msc  gr.  in-folio  :  d*ârx*,  t  II,  p.  584  et  S85;  Zellwéger,  f.  D, 
p.  11  et  suiv.  G.  M. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  ^«33 

Dés  tpi'il  eut  fait  prêter  les  sermens^'*,  son  premier 
soin  fut  d^éclalrcir  ses  rapports  avec  la  ville.  Toutes 
les  chartes  des  deux  partis  furent  présentées  à  Tavoyer 
et  au  conseil  de  Berne.  Us  donnèrent  droit  à  Tab- 
baye^*,  mais  permirent  à  la  ville  de  se  racheter  du 
serment  et  de  toutes  les  conséquences  de  cette  souve- 
raineté ecclésiastique^  moyennant  sept  mille  florin^**®^. 
Les  Bernois  «avoyèrent  leur  savant  gpreffier  •^^   afin 
qu'avec  d'autres  conseillers  ^  délégués  par  les  Con  fédé- 
rés ^•^  il  jugeât  les  prétentions  nouvellement  formées 
ou  celles»  qui  pourraient  s'élever  entre  seigneurs  égaux 
de  domaines  voisins.  Les' St. -Gallois  donnèrent ,  en 
échange  de  la  complète  liberté  de  tous  les  habitans 
domiciliés  entre  leurs  quatre  croix ,  mille  florins ^^  et 
une  grande  place  hors  des  murs,  le  Bniel^®^,  blanchis- 
serie on  pâturage  suivant  les  saisons ^^^  On  décida  de 
plus  que  si  Tabbé  vendait  en  détail  du  vin  acheté^  il 

^^  Comme  radmînittratenr  Henri  avait  fait  après  ]a  suspension  de 
l'abbé  à  la  r^iatégralion  des  autorités  judiciaires  en  aittomne  i456. 

**'^  m  Quoique  la  ville  ait  présenté  aux  arbitres  un  grand  nombre  de 
■  bonnes  et  louables  grâces  et  franchises,  l'abbé  n*a  présenté  que  des 
>  lettres,  rôles  et  renscignemcns  excellens  qui  sont  de  beaucoup  meilleurs 
•  etp)as  solides.  » 

'**  Seconde  sentence  bernoise,  5  févr.  1457.  î^e  serment  portait  aupara- 
vant qu'ils  obéiraient  aussi  fidèlement  à  rabbé  qu'un  homme-lige  à  son 
roattre  (CA.  de  i&i9  et  29)  ;  il  s'y  trouvait  d'autres  expressions  peu  con- 
venables des  anciens  temps. 

^^^  Thomas  de  Speichingen,  docteur  en  droit  canon.  Ch, 

"*  Ital  Réding  en  était. 

***  On  ne  peut  pas  prouver  que  les  bourgeois  relevaient  de  l'abbaye, 
p.  c.  pour  le  droit  de  meilleur  catel  ;  mais  il  sp  peut  que  quelqnes-uits , 
soumis  2l  cette  redevance,  se  fussent  établis  dans  la  ville. 

***  lies  villes  lombardes  aussi  avaient  leur*  broilo,  broglio  «peut-être 
primitivement  destiné  aux  ouvrages  de  la  ville  («  imbroglio  >]. 

*•*  On  en  payait  le  loyer  à  l'abbé,  quand  on  voulait  s'en  servir  en  été 
comme  blanchisserie. 

VI.  a8 


\ 


434  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

paierait  le  même  droit  qu'un  bourgeois  de  la  ville ^^^; 
que  les  bâtimens  commerciaux  sur  son  territoire  ^^^  ap- 
partiendraient à  la  ville  ^  mais  les  produits  du  péage  à 
Téglise  du  monastère  pour  les  réparations  et  l'éclairage; 
que  les  gens  relevant  du  prince-abbé^  mais  établis  en 
dehors  de  la  franchise  de  Tabbaye  ^^j  ne  pourraient  se 
soustraire  aux  sermens^  aux  contributions  et  aux  ser- 
vices dus  à  l'Etat;  quant  au  tribunal  féodal  qui  siégeait 
dans  le  palais  ^  l'abbé  le  composerait  du  nombre  de 
citoyens  qu'il  voudrait  ^  de  manière  cependant  que  la 
campagne  n'y  eût  jamais  la  majorité;  qu'il  ne  rétablirait 
jamais  l'issue  de  l'enfer  ^^^  du  couvent ,  dont  on  avait 
abusé  pour  des  projets  hostiles  ;  que  les  bourgeois  pour- 
raient continuer  à  tirer  parti  du  terrain  généralement 
étroit  dont  ils  avaient  commencé  à  profiter  ^^^;  que  du 
reste  la  qualité  de  bourgeois  ne  soustrairait  aucun  sujet 
de  l'abbaye  à  ses  devoirs  et  à  la  justice  ordinaire  ^^. 

La  ville ,  de  son  côté ,  se  plaignait  de  ce  que  beau- 
coup d'affaires  qui  devaient  se  juger  publiquement 
dans  le  palais  ^^^^  se  décidaient  secrètement  ou  hors  du 


**'  Ce  droit  de  consommation  élait  nne  franchise  octrojée  par  i'Em* 
l'erenr. 

'*'  La  maison  des  cordonniers  (était-ce  une  auberge  pour  les  cordon- 
niers?) ,  les  boutiques,  le  marché  au  fil,  au  fromage  et  au  beurre  fonda, 
ainsi  que  les  crânes  en  pierre  de  la  cour  du  palais. 

*'*  Les  limites  de  son  territoire  et  du  droit  d'asile. 

•"  Prison?  cachot  de  pénitence? 

<•<  Pour  établir  des  tuileries ,  des  boutiques  de  rémouleurs ,  des  jar- 
dins, des  blanchisseries  et  des  champs. 

<*7  L'esprit  des  associations  de  ce  temps  n'était  pas  de  soustraire  les 
individus  à  leur  position  légale,  mais  de  les  y  protéger  contre  les  caprices 
du  pouvoir. 

•9i  L'abbé  soustrayait  le  plus  de  causes  que  possible  à  ce  tribuaalt  qui 
se  montrait  indépendant. 


uvRB  IV.  CHAP.  y.  435 

pays;  elle  se  plaignait  de  plus  d*une  fraude  et  des  routes 
et  des  poDts  négligés  à  dessein  ^^^  :  mais  elle  fit  aux 
Confédérés  le  sacrifice  de  ses  griefs ''^.  Peu  après,  elle 
procura  par  une  convention  équitable  à  ses  citoyens 
la  sûreté  à  laquelle  ils  avaient  droit'^^^ 

L'administrateur  qui  tantôt  faisait  des  arrestations  au 
mépris  des  formes ''^^y  tantôt  semblait  embrouiller  les 
différends  aplanis  par  un  tribunal  provincial  de  l'Em- 
plie 703^  actif  et  vigilant  pour  la  liberté ,  comme  on  doit 
l'être^  maintint  la  sûreté  publique.  Les  églises^^,  les 
tours  ^^^^  les  grandes  familles^^^,  les  nobles  qui  existent 


***  Cette  partie  des  travaux  pablîcs  le  concernait  à  cause  des  péages  ;  il 
la  négligea,  espérant  qne  la  ville  finirait  par  prendre  soin  des  roules  et 
des  ponts  nécessaires  à  son  commerce. 

'**  C'est  là  la  troiêiéme  êenienee^  H  mai  4457»  écrite  sur  deux  feuilles 
de  parchemin  attachées  ensemble  avec  de  la  soie  bleue.  Au  Jugement  du 
parti  de  l'abbaye  cfétait*  acerbior  sententia,  sed  satis  cqua;  ne  altemtrt 
■  pars  frustra  litigatse  videatnr,  utrique  pars  sua  cedit.  »  Quelques-unes 
de  ces  dispositions  s'appliquent  mieux  aux  années  précédentes ,  vu  que 
lef.griefs  furent  présentés  déjà  en  i455. 

^^^  Ch.  de  ta  ville,  17  Juin  1^59,  •  lorsque  le  couvent  rendit  les  doca* 
mens  déposés  à  Berne  entre  les  mains  des  arbitres.  »  Les  Bernois  donnè« 
rent-ils  donc  les  chartes  de  la  ville  au  préla^ ,  parce  qu'ils  reconnurent 
que  le  droit  étaitde  son  côté  (n.  685)?  Voici,  comme  exemple,  un  des  dispo- 
sitifs t  «  Si  un  sujet  de  l'abbaye,  devenu  bouiigeois  de  la  ville,  trouve  ses 
terres  trop*imposées  par  l'abbé  »  les  trois  plus  piroches  voisins  les  exami- 
neront et  déclareront,  sous  serment,  le  Uux  qui  leur  paraîtra  équi- 
table. • 

7*2  i46i.  Haltmeyer. 

^**  1464  et  suiv.  Hottinger,  H.  E.  IV,  additions  98;  CL  dans  la  col- 
lection de  Haller.  Il  parait  que  l'abbé  n'était  pas  entiteement  innocent, 
mais  qu'il  se  cacha  derrière  l'ammann  du  palais ,  on  feignit  d'ignorer 
en  partie  ce  qu'on  était  charmé  d'avoir  annulé. 

'•*  Au  Linsenbfihel,  1468.  Haltmêyer. 

'*^  St  Michel  dans  la  rue  des  Païens  (  ainsi  nommée  peut-être  à  cause 
,  des  Hongrois  de  928)  1468.  Id, 

'••  Râle  du  Notensteim  (société  des  nobles)  1466,  dans  HaUmexêr. 


/hid  HISTOIRE   DE   Là   SUISSE. 

encore ^^^  ou  qui  aujourd'hui  fleurissent  ailleurs^^,  les 
profils  du  commerce''^  et  les  institutions  commer- 
ciales "^^^y  tout  proclamait  la  prospérilë  croissante  de 
la  ville,  défendue  contre  l'administrateur  par  le  respect 
qu'il  avait  pour  la  Suisse,  et  chargée  avec  lui  de  la  con- 
servation des  choses  saintes ^'^  sans  méticuleuse  sévé- 
rité dans  l'observation  des  ordonnances  romaines  ^'^. 

Les  Appenzellois ,  en  paix  et  en  guerre ,  visaient  à  la 
liberté.  Les  habitans  d'un  village  faisaient-ils  quelques 
économies  à  force  de  travaiP^',  ils  se  hâtaient  de  s'af- 
franchir d'une  souveraineté  étrangère  ou  de  la  do^ 
mination  ecclésiastique ''**,  ou  bien  de  pourvoir  leur 


'•'  Zollikofer,  Fels ,  Schobinger,  etc. 

'«•  Wftklkîrch,  MftQdacb,  Blartr,  Bargaatfr,  Grébel,  GMcfi,  Ram* 
schw«g  »  Neukom^  Oscliirtld,  Feycr»  Slokar,  ScfanilMM,  etc.  Nons  ne 
ckoM  pas  ces  noms  pour  entretenir roigneil  des  familles,  mais  afin  «fin- 
spiter  à  ceux  qai  les  portent  vne  bienveilisiice  particnlière  pour  le  b€r« 
ceau  de  leurs  maisoBs. 

^^*  Franchise  </«  Frédéric  III ,  poor  le  péago  et  la  tndie  foraine  «  t^SS» 
dans  IlMttmeytr, 

^'^  POnt  sospendu  an-deasas  du  Martiastobel ,  iASS ,  dans  Halimeyer, 

^*^  Conformément  an  pronmué  de$  muImu  proiuitmrt ,  iiSt.  Roiiin* 
ger,  L  C  98» 

'^^  lorsque  le  nonce  pennit,  en  iâ62«  d*nser  deiaitage  pendant  le 
Qartee,  il  ae  trouva  que  cela  se  pratiquait  déjà  dans  ce  pays.  Hottingir, 
1.  c. 

^"  Us  faisaient  aussi  le  commerce  des  toileries.  fVaUer,  A.  1492. 

^^*  Trogen  s'affranchit  par  rachat  de  son  servage ,  de  1«  suieraincté  et 
du  bailliage  de  Roscbach,  143 i  ;  Trogen ,  Gaîsset  Rfltf,  de  leors  obliga- 
tâMBs  féodales  envers  Tabbé  de  SL-GalM  4S9  ;  Trogen  •  Tenffen  et  SpH- 
cher,  de  la  dlme  ecclésiastique  due  à  l'église  de  St-Lanrent ,  &  St-Gall, 
1459  ;  Trogen ,  des  droits  ecclésiastiques  de  la  même  église ,  1460 ,  et 
avec  Rehtobel,  des  droits  des  sires  de  Goldach,  IISI  •  k  métairie  sur 
r£ugist ,  de  ceux  d'Altstetlen ,  i4SS.  BUekêfberger,  p.  477  et  sniv.  c= 
Le  t.  II ,  lr«  partie  des  Chartes  annexées  à  l'Hisl.  du  ptupU  appemzêUois  de 
M.  Z^lwégm*  (  UrkmndéH  tu  Joh,  Cnp*  Ztitwegir^s  Gesehichte  des  appen- 


LIVRE   IV.    CHAP.    T.  437 

comiBuoe  d'uue  église ^^^  ou  d  une  foièl^^^^  afin  de  la 
rendre  plus  îadép^Pidante.  Par  respect  pour  cet  esprit, 
et  afia  de  protéger  leur  liberté^  les  Suisses  admirent  , 
les  Âppenzellois  avec  plaisir  et  honorablement  dann 
Valliance  perpétuelle '^^'^^  espérant  que  leur  amour  de 
la  liberté  ne  franchirait  pas  les  bornes  de  la  justice. 
Tandis  qu'ils  maintenaient  fermement  )e  bon  ordre 
dans  leur  pays''^^  et  parmi  leurs  troupes ''^^  ils  n'hé- 
sitaient pas  à  s'attacher  par  la  combourgeoisie  des  com- 
munes Yoisiiies''^  ou  même  éloignées '^^',  qui  ne  les 
r^ardaient  point,  mais  queTexemple  de  leur  liberté  en- 
traînait. L'austère  loyauté  des  Suisses  ne  permettait 
pas  de  semblables  procédés;  parfois  la  menace  devenait 
nécessaire''^.  Les  Âppenzellois  montraient  alors  plus 
de  respect  pour  le  déplaisir  de  leurs  Confédérés  que 
pour  le  ban  de  l'Empire. 

xeUiêchen  Veikês  )  renferme  on  grand  oombre  de  docomens  de  ce  genre 
d'aifranchissemens ,  des  années  1453  à  1481.  G.  M. 

7^'  Celle  de  Trogen  1463.  Ch.  dans  la  colleaion  de  Haller. 
.'M  Trogen,  Teoffen,  Speicho*  achètent  la  forôt  de  Stein^g,  1A59. 
Biuhafbtrgêr.  Ces  faits  •  en  apparence  insignifians,  font  voir  la  persévé- 
rance et  la  sollicitude  des  loyaux  ancêtres  ,  et  rendent  leur  œuvre  plua 
respectable. 

^"  Train  df alliance ,  1452.  T$chmli,  II.  570.  =  Voyez  appendice, 
sous  lettre  F. 

'*'  Vojf.^  dans  Walur^  A.  1433  ,  covnnent  on  maintînt  rautorilé  des* 
loia  du  pays  sur  tous  les  habitans. 

^**  Us  dédommagèrent  les  habitans  de  Lindau  de  tout  le  mal  que  leur 
avaient  fait  les  soldats  appeniellois.  Bitehafbergm',  1447,  p.  397. 

'^*  Sw  le  tarfiloire  dépendant  de  l'abbaye  el  dans  le  Rhoînlbal. 

"'^  Âltenau  en  Thurgovie,  appartenant  au  chapitre  de  Constancf*. 
CA.  par  laqneMe  les  Gonfiêdérés  annulent  ce  traité,  1454.  Ttckadi,  11^  580. 

'^  Miuive  de$  canton^,  1459,  les  sommant  de  ne  pas  user  plus  long-' 
temps  de  subterfuges,  mais  de  se  soumettre  aux  sentences,  conformé- 
meai  à  Tacte  d'allianee.  CoUeetion  de  Haller,  =  Il  pouvait  y  avoir  un 
peu  de  jalousie.  D.  L.  H. 


438  HISTOIRE   DE   LA    SUISSE. 

Ils  se  virent  mis  au  ban  par  le  tribunal  de  Rothwyl , 
sur  la  plainte  des  Feyer  de  Hagenwyl ,  seigneurs  en-- 
gagistes  de  Rheineck.  Us  s*étaient  brouillés  ayee  eux 
parce  qu'ils  avaient  chaudement  embrassé  la  cause  des 
habitans  du  Rheinthal^  juste  ou  non.  Dans  une  des  plus 
longues  nuits  d'hiver ''^^  les  Appenzellois  se  portèrent 
à  la  frontière  pour,  dompter  le  lendemain  matin  les 
seigneurs.  Ceux-ci  avertis  s'enfuirent  au*delà  du  Rhin. 
A  trois  heures  du  matin  ^  l'artilleur  du  château  su-> 
périeur,  Appenzellois  du  village  d'Urnaesch,  tombé 
dans  la  disgrâce  de  son  pays^  mit  le  feu  au  château 
par  maladresse '^^^  ou  dans  l'espoir  de  sa  réconcilia* 
tion''^^.  Réveillés  par  la  flamme  dont  l'éclat  et  les  ra- 
vages se  répandirent  au  loin  dans  le  château  inférieur 
et  dans  les  maisons  des  bourgeois ,  les  habitans  de  la 
vallée  et  les  Appenzellois  se  hâtèrent  de  renverser  la 
haute  tour  et  les  murs  de  la  ville.  Mais  l'honneur  ne 
permit  point  de  pardonner  à  ce  traître  ^  qui  fut  au  con- 
traire poursuivi  et  â  la  fin  écartelé  à  Berne  ^  entre 
autres  pour  cette  action '^^^.  Les  Peyer  ayant  provoqué 
le  ban ,  tous  leurs  droits  hypothécaires  furent  achetés 
pour  six  mille  florins;  le  ban^  annulé ''^^;  le  Rheinthal, 
incorporé  au  pays  d' A  ppenzell . 

Le  plus  difficile  fut  de  fixer  les  rapports  avec  Ulrich/ 
administrateur  de  l'abbaye  de  Saint-Gall.  Depuis  le 


^  10  décembre  1455.  Têekudi,  II,  582. 

'**  Lorsqu'il  mit  le  fea  aux  canons;  on  ne  put  pas  éteindre  prompte- 
menlla  flamme  &  cette  hauteur.  Sîumpf,  S 79,  6. 

V  Ciomme  à  la  bataille  de  Morgarten,  les  exilés  de  Schwyi;  mai» 
les  ennemis  ne  leur  avaient  point  confié  de  poste. 

^  Têchudif  Stumpf. 

^*^  Jeté  d^achat,  Einsidlen,  à  la  consécration  des  anges,  1460.  TêcMadè, 
H ,  599. 


LIVRE   IV,    CHAP.    V.  439 

temps  où  toute  cette  contrée  ne  formait  qu'un  seul  pays, 
les  limites  étaient  restées  indécises;  les  maux  de  la 
guerre  faisant  accélérer  la  paix,  on  avait  souvent  oublié 
de  distinguer  le  droit  et  Tabus.  Le  zèle  d*Ulrlch  parut 
louable  aux  Conf^Srés,  parce  qu'il  assurait  vouloir 
s'en  tenir  au  droit.  De  fréquentes  diètes  s'assemblèrent 
à  Einsidlen,  à  Saint-Gall,  dans  le  pays  même;  on  dé- 
termina les  frontières  sur  plusieurs  points  ;  les  préten- 
tions furent  peu  à  peu  rachetées  ou  éclaircies"^^'.  Tan- 
tôt les  Appenzellois  trouvaient  inconvenant  pour  des 
hommes  de  parole  d'entasser  tant  d'écritures''^^;  tantôt 
il  fallait  les  plus  fortes  garanties  '^^^  et  toute  l'énergie 
fédérale  ''^^  pour  faire  triompher  l'équité.  L'envie  ni  la 
force  ni  l'occasion  ne  manquaient  pour  traiter  Tabbé 
d'une  façon  révolutionnaire;  on  eût  épargné  des  né- 
gociations pénibles  et  dispendieuses ,  mais  (perte  bien 
plus  grande!)  on  eût  ruiné  les  notions  du  juste,  base 
de  la  sûreté  individuelle  et  sociale*. 

Le  jeune  Peyer"^^  avait  vendu,  ainsi  que  nous  l'avons 

^^  Sentence  'de»  VU  canton*,  Eînsidien  1458,  dans  fVaUen  plus 
exactement  dans  Uottinger  //.  E. ,  IV,  additions ,  97.  Sentence  de»  même», 
St.-Gall  1459.  Recé»  de  Constance,  déc.  1459;  on  y  invile  les  Appenzel- 
lois à  se  conformer  &  la  sentence.  ÉcUircusement  des  canton»  à  St.-Gall , 
A  460,  dans  fVaUer*  Accord  aeee  HérUau,  1461.  Ibid.  Conpontion  aoee  les 
ehefs  et  lescommumesdadûtrieldeHérùaiL,  SL-Gall,  &40S. 

^^  Dans  les  ÉclaireUtemen»,  1460.. 

7**  Dans  r^ccor</,  1461. 

7H  Gomme  dans  les  recës ,  1459. 

*  Elle  Toas  lient  bien  à  cœur,  celte révolalion  que  vous  avouex  (plus 
liaut,  après  n.  612 }  avoir  été  amenée  par  la  force  des  choses  !  Pourquoi 
ne  disiez-vous  pas  cela  k  vos  collègues  avant  1797  ?  D.  L.  H. 

'^^  Assez  ftgé  pour  donner  des  pleins  pouvoirs  f  d'après  n.  7S7  )  ;  Ipu- 
tcfois,  comme  il  vécut  ehoore  64  ans  (I«ea),  il  devait  être  jeune 
alors.  Da  reste,  on  dit  ces  Peyer  originaires  de  Feldkirch.  FûesUn 
Géogr,  IV.  =»  Les  faits  relatifs  à  la  cession  du  Rheinthal  sont  racontés 
avec  détail  par  M.  (tJrx ,  II  »  S29  et  saiv«  G*  M. 


A\0  HISTOIRE    DE    LA   SUi&8E. 

dit,  le  droit  d'hypothèque  sur  le  Rheiothal  qu'il  tenait 
de  TEmpire;  ce  pays^  à. cause  peut-être  de  divers  droits 
réservés  ^^^  ne  pouvait  pas  facilement  s'incorporer  au 
canton  d*Appenzell,  mais  s'administrait  simplement  au 
nom  de  celui-ci  ;  Ulrich  donc/juSqu  à  la  fin  de  sa  vie^ 
ne  négligea  rien  pour  se  mettre  en  possession  de  cette 
belle  vallée,  dans  laquelle  il  avait  un  grand  nombre  de 
domaines.  A  cet  eiïet,  au  grand  déplaisir  des  Appen- 
zellois,  il  porta  plainte  contre  eux  auprès  des  Suisses, 
sous  prétexte  qu'ils  n'accomplissaient  pas  les  traités ''^^y 
et  il  se  présenta  même  dans  les  diètes  "^^^^^  appuyé  peut- 
être  sur  la  lettre  du  droit.  Il  espérait  déterminer  les 
Appenzellois  à  le  satisfaire  par  la  cession  du  Rbein- 
thal  ^'^^.  .Geux*-ci  n'y  ét^^ient  point  disposés,  car  cela  les 
eût  séparés  du  Rhin  et  du  lac ,  en  sorte  qu'on  eût  pu 
cerner  leur  forteresse  alpestre  et  les  contraindre  par  b 
famine ^^"^^  D'un  autre  côté,  ils  n'avaient  pas  de  sen- 
tence favorable  à  attendre,  parce  que  le  parchemin 
décide  péremptoirement  les  questions  du  mien  et  du 
tien.  Trois  fois  ils  furent  sommés  en  vain^^^;  à  la  fin, 
conjurés  au  nom  des  alliances  éternelles,  ils  ne  vou- 
lurent pas  en  venir  aux  dernières  extrémités,  sans  voir 

^^*  U  n'(»t  pas  fait  mention  de  l'Autricèie ,  mais  de  TEmpire,  du  mo- 
uasl(;rc  de  Sl.-<G«1I ,  des  francfaiset  d'AlMeUen.  Le  rachat  avait  été  ré- 
servé primitivement  lors  de  la  conslitaGoa  de  rbypotbèq«e. 

"*  Toutefois  les  babitans  de  Uérisau  TaTaîcnl  payé.  Quittance»  daus 
}V'aUer. 

'**  lieccs,  Happersctiwyl,  1465.  Tsehudi,  II,  654. 

'«•  fVaUer. 

''^^  Quoique  le  Tockenboufg  ne  lui  «pparLiot  pas  encore ,  il  y  exf*r- 
çaU  déjà  beaucoup  d'influence  ;  du  côté  4^  midi  •  on  ne  trouve  dans  IV- 
nornc  parok  de  rochers  que  quelques  sentiers  à  peine  praticables,  eo- 
core  ne  le  sont>ils  pas  en  toute  stîsoti. 

""   Tschudi,Stumpf,HoHinger,  tVnktr. 


LIVRE   IV.    CIIAP.    V.  441 

si  la  prudence  et  l'amitié  des  Coufédérés  ne  trcmverait 
pas  un  milieu  entre  le  droit  et  leurs  désirs«  Déjà  leur 
ennemi  s'était  enfui  de  Saint -Gall,  pour  sauver  ses 
jours ,  disait^il^  mais  en  réalité  pour  exciter  la  commi- 
sération. 

La  sentence  prononcée  sous  serment  par  la  diète  de 
Lucerne''^^  ne  manqua  ni  de  justice  ni  d'équité ,  mais 
elle  ne  fut  rien  moins  que  conciliapte.  u  La  dime  de 
>i  l'avoine ^*^  ne  sera  ni  élevée''^*',  comme  l'abbé  le 
)>  pense,  en  raison  des  progrès  de  la  culture,  ni  payée 
»  en  argent ''^^^  comme  les  Appeuzellois  le  demandent^ 
u  mais  acquittée  suivant  le  constant  usage.  Ces  derniers 
»  paieront  à  Tabbé  le  rachat  des  contributions  impé- 
>/riales'^^*^  et  de  beaucoup  de  droits  féodaux  d'après 
»  l'ancien  pied  monétaire ''^^  et  non  dans  la  monnaie 
»  courante  du  pays.  L'abbé  se  plaint  qu'on  le  frustre 
»  du  droit  de  meilleur  catel  (  la  plus  belle  pièce  de  bé- 
»  taiP^^),  bien  souvent  à  la  mort  d'un  chef  de  mai- 

'  "  Débat  et  untenee ,  ireadredi  av.  la  Toussaint  1465  ;  Walser  le  doone 
d'une  manière  suilisaniment  compilée.  =3 M.  Zeiiwéger  raconte  denaéme 
dans  leur  înlégrîlé,  d'après  les  documens,  les  faits  qui  suivent  et  qoe 
Muller  a  dû  résumer  dans  une  histoire  générale  de  )a  Suisse  :  voy.  son 
Hiât.  du  peuplé  appenulloia,  t.  II,  44-57.  G.  M* 

'*•  288  muîds  A  6  quarterons. 

7*1  11  enteodait  sims doute  des  eoatrées  difriolUee;  d'antres,  qui  s'é- 
taient associées  aux  Appenzellois ,  n'avaient  rien  à  démêler  avec  lui. 

'^*  Dont  le  tettK  haone  et  baine  d'tprèt  les  pris  des  marchés ,  et  ne 
pMnroit  ftre  amsi  déterminé* 

"*  55  marcs  à  2  livres  5  scheilîngs  defennîngs  de  Constance,  mon- 
naie qui  passait  pour  la  meîlleatc.  Du  reste,  Tabbaye  avait  racheté  175 
ans  auparavant  de  l'Empereur  cette  contribution.  Fûselln,  Géogr, 

^*^  St.-Gall  avait  le  môme  pied  monétaire  que  Constance. 
'**  Haclictablc  moyennant  une  livre  de  fcnnings  de  Constance.  = 
Zeiiïx^er,  Chartes,  t.  II,  l»^*  partie,  cb.  cccuvii,  p.  58  et  59.  C.  M. 


I 
•^ 


442  HISTOIRE    DE    LA  SUISSE. 

»  son  '^^^  ou  d*un  père  de  famille ,  et  toujours  en  cas  de 
»  suicidé  »  (  cas  fréquent  chez  des  hommes  libres  dont 
le  cœur  indompté  oppose  sa  résolution  à  une  indigne 
destinée);  a  ils  devront  à  cet  égard  lui  faire  droit,  et 
»  ne  pas  Tempécher  d'établir  des  inspecteurs ''^''.  Ils 
n  devront  recevoir  Tinvestiture  de  leurs  fiefs ,  et  les 
»  citoyens  du  Speicher,  restituer  les  titres  féodaux  en- 
»  levés  par  eux.  L'abbé  conférera  suivant  l'usage  les 
»  bénéfices  ecclésiastiques.  A  l'avenir  les  habitans  du 
»  territoire  de  l'abbaye  ne  pourront  plus  se  faire  rece- 
»  voir  bourgeois  d'Appenzell ,  ni  avoir  sur  ce  territoire 
»  des  capitaines  étrangers,  dont  ils  préfèrent  tes  ordres 
»  à  la  loi  de  l'abbé''**.  Enfin,  les  Âppenzellois  ayant  vio- 
»  lemment  enfreint  Tancienne  sentence,  que  l'abbé  se 
»  proposait  de  changer''*®,  ils  paieront  pour  les  frais, 
»  non  pas  deux  mille  florins,  comme  le  prélat  le  de- 
»  mande ,  mais  huit  cents.  » 

Cette  issue  déplut  aux  deux  parties,  mais  surtout 
aux  Appenzellois,  comme  trop  favorable  à  l'abbé  ;  pour 
lui ,  il  aurait  préféré  un  échange.  Ils  se  tinrent  tran- 
quilles ^^;  le  prélat  persista  ;  il  évalua  toutes  ses  pré- 


'**  Fréquemment  des  frères  vivaient  ensemble  ;  l'aîné  élait  le  chef  de 
a  maison  ;  ee  n'est  qa*à  sa  mort  qne  le  droit  en  question  était  exigible. 

^^^  Cet  article  est  plus  exactement  rendu  par  Biêchofberger  que  par 
Wtdêêr;  voy.  p.  IIJ. 

7A*  Un  individu ,  disaiCron ,  poorsotTi  pour  un  délit  forestier,  en  avait 
commis  un  plus  grand  nombre  et  s'était  réfugié  cbes  les  Appenzellois, 
dont  il  devint  le  concitoyen.  A  son  retour,  on  rarréta  ;  mais  il  fut  délivré 
par  une  troupe  de  ses  nouveaux  combourgeois.  (  Alors  déjà  il  y  avait  des 
pépinières  d'insubordination;  pour  faire  des  révolutions,  on  ne  man- 
quait pas  de  la  connaissance  des  moyens.  ) 

'**  Voyes  I  n.  741.  On  s'appuyait  sur  la  sentence  rapportée  t.  IV,  493- 
497. 

'**  Ceux  de  Speicher  ne  rendirent  point  de  chartes;  ils  dirent  Its 


LIVRE  IV.    CHAP.    V.  443 

» 

tentions  sur  le  pays  d'Âppenzell  à  vingt  mille  florins  '^^^y 
et  se  montra  disposé  à  en  abandonner  six  mille  en 
échange  du  bailliage  impérial  du  Rhrâithal.  Les  Ap 
penzellois  n'y  donnant  pas  les  mains^  les  cantons  pro- 
tecteurs, favorables  à  Tabbé^  baissèrent  les  prétentions 
de  celui-ci  "^^^  ;  mais  en  vain.  Ulrich  alors  renouvela  ses 
plaintes ,  requérant  les  cantons  au  nom  de  leur  hon-^ 
iieur  de  faire  exécuter  leur  sentence  ;  les  Appenzellois 
furent  sommés  avec  ipenaces. 

Ils  se  réunirent  ensuite  en  assemblée  générale,  le  pays 
entier  comme  un  seul  homme  %  animés  de  leur  ancien  es* 
prit,  sans  calculer  leurs  forces  ni  les  conséquences  pos- 
sibles de  la  résolution  de  tout  oser  pour  la  liberté  et 
]K>ur  rhonneur.  Us  décrétèrent  «  de  ne  point  accepter  la 
»  dernière  sentence  qui  les  accusait  d'avoir  enfreint  les 
»  précédentes  et  les  condamnait  ignominieusement  aux 
»  frais  pour  ce  fait  ;  de  ne  se  soumettre  à  aucun  prononcé 
n  des  sept  cantons^  vu  que  les  quatre  cantons  protec- 
»  teurs  de  Tabbé  formaient  une  majorité  toujours  défa- 
»  vorable  à  leur  cause.  »  Us  firent  cette  déclaration  à 
la  Suisse ,  sans  dire  s'ils  attribuaient  la  partialité  des 
cantons  à  l'ancienne  alliance  avec  l'abbé  "^^^  ou  à  ses  ri- 
chesses. Leur  démarche  engagea  la  Confédération  en- 
tière''^^  à  faire  des  représentations  à  l'abbé.  Gelui-ei 

avoir  perdues.  Les  Appeniellois  ne  s'expliquèrent  point  sur  le  droit  dTé- 
lire  leurs  pasteurs.  fVaUer;  InformatUnu  des  LueernoU,  146S.  Gollect.  de 
Uallcr. 

'**  Plus  exactement  19,787.  Id.  Hattinger:  iS,549,  mais  sans  les 
droits  de  patronage  d'églises  ni  le  Rheinthal. 

'»>  A  15,000  florins.  WaUer,  A.  14G7. 

*  Noble  peuple!  O  utinam  !  D.  L.  H. 

^**  Ci^kssns,  n.  655.  C'était  un  principe  que  les  anciennes  alliances 
avaient  le  pas  sur  les  nouvelles. 

'**  I^s  sept  et  Berne,  outre  Soleure ,  qui,  dans  la  plupart  des  cas>t 
faisait  cause  commune  avec  eux. 


444  msTOiRC  dk  la  suisse. 

augmenta  l'embarras.  Il  dit  «  que  c'était  aux  cantons 
»  de  maintenir  leur  sentence.  Que  si  un  nùn  hautain 
»  annulait  les  chartes^  H  rejetterait^  lui^  avec  plus  de 
»  droit  encore ,  les  anciens  prononcés  par  lesquels  on 
»  avait  soustrait  ces  rebelles  à  la  domination  de  Tab-* 
»  baye*  Qu'il  attendrait^  pour  prendre  ses  mesures,  de 
n  voir  ce  qu'il  pouvait  espérer  de  la  protection  et  de 
»  rhonneur  des  Confédérés.  »  Les'députés  se  rendirent, 
le  céeur  serré^  dans  le  pays  d'Appenzell.  La  land^e- 
meinde  se  réunit  ;  elle  déclara  cr  que  les  Appenzellois 
»  respectaient  la  sentence  en  tout  ce  qui  concernait  les 
»  biens  et  l'argent  ;  mais  que  nui  d'eux  ne  souffrirait 
»  que  leur  loyal  pays  fut  déclaré  violateur  de  la  justice 
»  et  pour  cela  condamné  à  une  amende;  que  pour  re- 
}}  pousser  cette  injure  ils  s'exposeraient  à  tout,  même  à 
»  leur  ruine  totale,  qui  probablement  ne  resterait  pas 
h  sans  vengeance.  »  Cette  manifestation  engagea  les 
cantons  à  e^Eacer  dans  le  prononcé  toutes  les  expressions 
offensantes  "^^^  Quant  à  la  dispense  pour  les  sujets  de 
l'abbaye  de  prêter  serment  au  pays  d'Appenzell  '^^^  ce 
point,  en  ce  qui  concernait  le  Rheintbal,  fut  légalement 
décidé  dans  ce  sens'^^'^,  que,  partout  où  Tabbé  ne  poAsé^ 
dait  que  la  juridiction  seigneuriale,  le  serment  de  sou* 
mission  au  gouvernement  serait  prêté  aux  Appenxel* 
lois,  conformément  à  leur  droit.  Ainsi  la  justice  des 
Suisses  établit  un  pacifique  équilibre  entre  l'activité 
ambitieuse  d'Ulrich  et  l'amour  des  Appenzellois  pour 
la  liberté. 


"*  A  la  diète  de  Wvl ,  1467. 

^^*  Les  Suisses  refusèrent  d'approuver  la  mesure  i^roiotionoaire. 
^^^  Bccés  de  Lucerne,  vendredi  après  la  Toussaint,  iA67,  dMï^fVaUer, 
que  nous  prenons  pour  guide  dans  ce  récit,  ainsi  que  Btscbofbcrgcr  ei 

Sljmpf. 


LIVRE    IV.    CHAP.    V.  445 

Ces  campagnards  continuèrent  de  se  racheter'^^^. 
Les  droits  de  l'abbaye  ne  furent  pas  injustes  dans  lori* 
gine^  mais  peu  à  peu  on  les  exagéra  ^^^;  ils  n'ëtaient 
d'ailleurs  plus  à  leur  |dace  depuis  que  Tancienne  admi*^ 
iiistratioa>  en  quelque  sorte  domestique  "^^^  avait  été 
remplacée  par  un  gouvernement  d'État*.  Les  Appen-^ 
eellois  consolidèrent  ce  gouvernement  par  des  franchi- 
ses impériales.  Ils  statuèrent  que  leurs  citoyens  ne 
comparaîtraient  devant  aucun  tribunal  étranger^  peu 
familiarisé  avec  leurs  mœurs ,  mais  uniquement  devant 
les  tribunaux  du  pays^^^^  et^  si  la  cause  concernait  le 
pays  même  y  devant  le  conseil  d'une  rille  amie^^.  De 
leur  commune  devait  aussi  émaner  le  droit  d'exercer  la 


'^*  SalzbruDn,  d'une  redevance  de  il  livres,  moyennant  la  somme  de 
ISOIrrres.  Bisehofberger,  1468,  p.  A88. 

'^'  On  percevait  la  contribution  pourTEmpire  huit  fois  par  an;  les  5 
ponr  cent  sur  les  héritages  étaient  parfois  portés  à  15  poarcent;  à 
Ckinx,  on  lâchait  des  chiens  de  chasse  contre  ceux  qui  ne  payaient  pas 
le  péage  poiQ*  chaque  vase  de  lait.  C'était,  il  est  vrai,  avant  les  guerres 
de  ta  liberté.  Fàsstln,  Géogr,  II,  210  et  suiv.  ^^  Puisque  ces  horreurs 
s'exerçaient  en  vertu  de  documens  pour  lesquels  Fauteur  éprouve  tant  de 
respect,  il  aurait  dû,  pour  être  conséquent,  se  prononcer  pour  leur 
maintien.  li  reconnaît  donc  que  si  les  hommes  peuvent  être  liés  par  des 
documens,  dans  l'intérêt  du  bon  ordre,  ceux-ci  ne  peuvent  jamais  les 
enchaîner  sans  retour.  D.  L.  II. 

^**  La  plupart  des  droits  féodaux  doivent  être  appréciés  d'apoès  le 
système  des  ordonnances  d'une  viUa.  La  coupe  de  via  que  chaque  parti- 
culier aisé  ofifrait  une  fois  par  an  à  son  curé  était*clle  autre  chose  qu'un 
usage  domestique?  On  transfonaa  ce  don  en  ohUgation»  et  la  coQpe  on 
52  pots  (  104  bouteilles). 

*  L'auteur  Reconnaît  donc  le  priacipe  qo.'il  fant  admeUit  «b  matière 
de  documens  et  de  cbavtesh.  I>.  L.  U. 

7**  L'êmpêremr  Frédéric  III ,  à  la  Nenstatt ,  mardi  après  PSem;  et  Paul, 
1466;  Biêchtfhêrger,  105. 

^*'  Lindau,  Ucbcrlingcn,  St.-Gall,  Constance,  à  leur  choix. 


446  HI8TOIRB   DB  LA   SITISSB. 

justice  criminelle "^^^  dans  le  conseil  ou  près  de  la  grande 
route  impériale ''^^^  Avant  la  confusion  et  la  ruine  de 
la  vieille  constitution  thurgo vienne''*^,  ce  pouvoir  ap- 
partenait au  landgrave  ou  à  son  lieutenant-crimiDeL 
L'infatigable  abbé  affermit  bien  mieux  son  pouvoir 
dans  l'ancien  territoire.  Au  nom  de  ses  saints'^^^,  à  la  fa- 
veur de  la  protection  des  cantons  et  par  le  sage  accom- 
plissement des  promesses  qu'il  avait  faites '^^^  il  ramena 
sous  l'autorité  de  l'abbaye  des  sujets  qui  s'y  étaient 
soustraits.  Avec  le  prix  de  domaines  éloignés  ^^  il  en 
acheta  de  plus  rapprochés ,  afin  de  s'arrondir  ''^^  Il 
conclut  des  échanges  avantageux '^''^^  régularisa  par  des 
statuts  la  marche  de  la  justice  ^''^  et  la  police  générale''*^ 
et  lassa  les  résistances  les  plus  opiniâtres  '^'^^.  Quand  il  ne 


'*>  L'emperear  Frédéric  III,  an  même  lieu,  lundi  «p.  SU-Jacqnesdi 
la  moisson ,  1466;  dans  l'appendice  de  fVaUer,  p.  15. 

7*^  Gomme  il  leur  paraîtra  chaque  fois  le  plus  coarenable.  Âutrefoii 
la  justice  criminelle  s'exerçait  ordinairement  en  public. 

'<>  Par  les  nombreux  privilèges  et  par  la  guerre,  1460. 

'*'  CA.  pour  Tablât,  1459  :  «  Touché  par  les  prières  des  saints da  mo- 
>  nastère^  dont  c'était  la  cause ,  Dieu  a  ramené  ces  gens  à  l'obéissance.* 

^*7  La  même  ekarie  SL-Gall  après  Ste. -Agathe  :  «  il  se  désiste  de  biea 

•  des  droits ,  et  n'impose  ni  le  mauvais  denier  ni  d'autres  nouvelles  ooo- 

•  tributions;  il  cède  la  traite  foraine.  •  On  a  des  ch.  semblables  en  faicor 
de  Roschach ,  Strubencell ,  etc. 

7<8  II  vendit  ses  propriétés  de  l'Ârgovie  aux  Bernois ,  dont  la  farw 
lui  était  précieuse.  Stettler,  A.  1458,  p.  ISO. 

^**  11  acheta  Waldkirch  de  Walther  de  Blydegk ,  1462.  Rahn, 

"*  Avec  l'évêque  de  Constance  au  sujet  de  Goldach.  Stumpf,  347,  K 
Avec  Pierre  de  Rarogne,  échange  du  château  et  du  bailliage  de  LofflaB 
contre  la  métairie  de  Gainvryl.  Ch,  1465. 

77^  Déclaration  de  NietUrb&rên,  1469. 

^''  Il  lui  apparlenaitde  défendre  de  Jouer  aux  cartes.  Ibid. 

^'*  JcU  pour  BemkardxelU^  1455,  1460,  au  sujet  de  l'impôt  dedo- 
micile  et  de  la  contribution  que  ce  lieu  refusait  de  payer  pour  le  fi^ 
suivant,  ibid. 


LIVRE   IV.    GHAP.    V.  447 

pouvait  pas  proscrire  de  vieux  usages^  il  brisait  à  Taide 
d'un  des  cantons  protecteurs  le  courage  de  la  rébel- 
lion^ là  où  ille  croyait  le  plus  dangereux ''^^x  et  il  savait 
confondre  son  intérêt  avec  celui  de  la  patrie''''^.  Grâce, 
à  la  considération  due  à  son  tnérite'^^^,  Ulrich  fut  ap- 
puyé volontairement  par  le  chef  de  l'Empire  non-seu- 
lement dans  sa  tentaviv^  infructueuse  de  racheter  le 
Rheinthal  '^'^^^  mais  encore  pour  l'acquisition  de  trois 
bailliages  considérables  qui  lui  restèrent  "^^^^  Il  obtint 
aussi  cet  affranchissement  de  toute  juridiction  étran- 
gère qui  imprimait  aux  tribunaux  provinciaux  le  sceau* 
de  l'indépendance'^''^  ;  comme  un  ecclésiastique  nepou- 

7^*  Prononcé  de  Schwyt,  à  la  défaTeor  des  habitans  de  Tablât,  les  pluft 
proches  voisins  du  couvent;  1Â70.  Stumpfy  318 ,  6. 

'^*  Lorsqu'on  agita  la  question  de  savoir .  si ,  lui  ayant  renoncé  &  de 
nouveaux  impôts  (  n.  767  ) ,  ses  sujets  devaient  néanmoins  concourir 
avec  les  Suisses  à  payer  les  frais  de  la  guerre.  Ch,  1461. 

776  Gomme  le  témoigne  expressément  la  cb.  n.  777. 

777  Frédéric  JII,  à  la  Neustatt ,  Pentecôte  U6&.  —  Le  même  aux  fidèles 
Confédérés  de  sa  personne  et  de  l'Empire,  les  invitant  à  aider  l'abbé  dans 
ceUe  entreprise;  mardi  avant  la  Chandeleur;  ainsi  qu'à  Tammann  et  à 
la  commune  d'Appenzell ,  pour  les  engager  de  permettre  à  l'abbé  le  ra- 
chat (  eod,  )  ;  mais  cela  n'eut  pas  lieu.  =  Ces  chartes,  qu'on  trouve  dans 
la  collection  de  documens  réunie  par  Haller,  et  déposée  à  la  bibliothèque 
de  Berne,  t.  XVII,  p.  171  et  17S ,  ont  été  imprimées  dans  leseharteg  an- 
nexées par  M.  ZeUwéger  à  son  H  ut»  du  peuple  appentelloiê,  t  H,  P*  p., 
p.  I6â  ,  165.  Ce  grave  et  consciencieux  écrivain  ne  s'appuie  pas  moins 
que  Mnller  sur  les  documens  authentiques,  peut-être  même  quelquefois 
pins  réellement  que  notre  célèbre  historien  ;  maïs  au  lieu  de  multiplier 
les  notes  ajoutées  au  texte ,  il  sépare  des  volumes  consacrés  à  la  narra- 
tion  les  volumes  plus  nombreux  qui  renferment  une  précieuse  collection 
de  diplômes ,  en  partie  inédits  avant  lui  ;  de  simples  renvois  su  bas  da 
texte  mettent  en  rapport  ces  deux  parties  distinctes  d'un  des  plus  beaux 
monnmens  élevés  à  notre  histoire  nationale.  C  M. 

77»  Frédéric  III,  au  sujet  de  Roêckach,  T'énbaeh  et  Muola  ao  détenteur 
des  hypothèques ,  Burkhard  Schenk  de  Gastell  à  M ammertshofen.  Néu* 
slatt ,  mardi  av.  la  Chandeleur,  lAd&. 

7'^  iMtre  impériale.  Barthél.  1466. 


A/|8  HISTOIRH   DE   LA    SUISSE. 

vait  exercer  la  justice  criminelle,  sans  abjurer  sa  règle, 
il  en  obtint  l'investiture  en  faveur  des  baillis  qu'il  pré- 
senterait "•^.  Il  usa  de  ce  pouvoir  et  de  tous  les  autres 
de  façon  à  conserver  Tautorité^'*  et  à  laisser  à  ses  con- 
citoyens  la  satisfaction  d'être  jugés  par  leurs  égaux '^. 
Sa  soHicitude  ne  se  porta  pas  moins  sur  la  prospérité  '^^j 
la  sûreté  et  Tagrandissement  de  son  territoire,  soit 
quand  il  n'était  qu'administrateur,  soit  lorsque  Gas- 
pard, pour  se  livrer  sans  trouble  aux  plaisirs  de  l'é- 
tude et  delà  société"^**,  renonça  même  au  titre  d'abbé''*^, 
éK  échange  de  cent  florins  ajoutés  à  sa  pension  an- 
iraeUe.  Tandis  que  l'abbé  Ulrich  prêtait  son  serment  à 
Rome'^*,  et  se  faisait  indemniser  de  ses  frais  d  evoyage 
par  des  franchises  productives  ^^'^,  Gaspard  mourut  à 
Constance  chez  son  frère,  le  doyen  du  chapitre''**.  Peu 
après,  Ulrich  doubla  le  territoire  de  l'abbaye. 

"*  Le  bailli  Wicclipalmer  investi  par  la  ville  de  Liodau-,  1468.  Le 

batin  Imliof  par  Jean  de  Randeck ,  Neust  Sébasl.  146S.  Dans  la  Trans- 

Ution  de  ces  sortes  de  hautes  jnstices  (Grstz  ap.  l'exaltalion  de  la  Croix 

f  &69  ) ,  on  accorde  à  SL>GalI  aussi  bien  qu'à  Wyl  (ch&Leau  cl  habitation 

»     d«  l'abbaye  :  Ch.  )  le  droit  d*asîle. 

'•*  Convention  avec  Wyl,  Dilaire  Mx^h  ,  dans  Tscliudi^  II,  608  :  Tam- 
tnann  abbatial  assiste  au  Conseil  ;  Tabbé  nomme  Tavoyc^  el  les  con- 
seî1îei"s. 

'  ^*>  Ceux-ci  sont  bourgeois  de  la  ville  ;  celui-là  doit  y  être  domicilié ao 
moins  depuis  quatre  aus. 

73'  VEmp9reu,r  (  Neustatt  1464}  accorde  à  Wyl  deui^foive^pw  aa. 

7SA  j]  consacrait  les  heures  û«  la  maUoée  à  l'éude.  tkuatpf, 
.  7^'  ià&h  •  ei  noa  67.  La  UMwempériaU  dàwnlUt^e,  qui  donna  à  Ul- 
rkà  La  tilae  d'tbhé ,  e9t  de  i46S. 

'•#  Voy.  le  9êrmen!t  dans  Stampf,  Si7,  n  ;  îl  est  prOté  i  Pîc  lï ,  ceqnî 
confirme  notre  note  précédente. 

'•*  On  Incorpore  à  Pabbaye  tes  paroisses  de  Roschacb,  Bcrnang,  5t- 
Jeande  HSchst  et  Ste.-Marguerîle. 

'**  1&67,  lorsque  Ulrich  se  rendit  une  seconde  fois  à  Rome  pour  une 
autre  cause.  Vers  le  même  temps,  le  doyen  du  chapitre  devînt  évéque. 


LIVRE  IV.    GHÀP.    V  449 

Le  gentilhomme '^^^  Pétennann  de  Rarogne^  après  le 
décès  de  son  frère  ^  resta  seul  baron^^  de  Tokenbourg. 
Depuis  la  mort  de  Frédéric ,  les  Tokenbourgeois  étaient 
demeurés  unis  avec  SchwyzetGlaris  par  Tancien  traité 
d'alliance ''^^^  mais  non  plus  par  l'ancienne  et  confiante 
amitié.  Les  Glaronnais  et  les  Schwyzois^  avec  lesquels 
ils  avaient  espéré  vivre  fraternellement^  à  la  manière' 
des  Âppenzellois  y  étaient  alors  seigneurs  d'Uznach^  lié 
par  le  même  serment  qu'eux ''^^.  Les  Tokenbourgeois' 
se  sentaient  tant  de  répugnance  pour  leur  domination, 
que  les  districts  supérieurs  '^^^  s'qpposèrent  pendant 
bien  des  années  à  ce  qu'on  dressât  la  charte  d'alliance, 

Jacob  Peyer  l'appelle  son  cousin.  =»  Ulrich ,  administralear  abbatial  « 
ayant  fait  preuve  d'activité  et  d'habileté ,  et  montré  qu'il  était  homme  à 
relever  l'abbaye  ruinée ,  les  quatre  cantons  protecteurs  le  recommandè- 
rent à  la  coar  de  Rome  et  le  loi  désignèrent  comme  futur  abbé;  le  pape 
*  Pie  n  se  fit  on  plaisir  de  lui  assurer  l'expectative  de  ce  siège  (  Bref  iiSt, 
Si  juillet).  Bien  plus,  l'année  suivante,  lorsque  Gaspard  abdiqua,  puis 
moamt ,  le  Saint  Père  le  nomma  abbé  ,  sans  permettre  qu'il  y  eftt  une 
élection  ;  il  l'avait  même  expressément  défendu  dans  son  bref ,  et  inter- 
dit à  Gaspard  d'abdiquer  la  dignité  abbatiale  en  faveur  d'un  autre  qu'Ul- 
rich Bfisch.  Ulrich  s'était  rendu  à  Rome  avec  l'acte  d'abdication  de  son 
prédécesseur^  et  là  il  avait  obtenu  sa  survivance.  En  chemin  pour  retour- 
ner à  St-Gali ,  il  apprit  la  mort  du  prélat ,  et  revînt  à  Rome  pour  se  faire 
désigner  dans  les  bulles  comme  successeur ,  non  de  l'abbé  qui  avait  ré- 
ngné,  mais  de  l'abbé  mort.  D*Àrx,  t  II,  SIâ.  G.  M. 

'**  Ce  titre  (en  allemand  Junker)^  donné  par  les  chartes,  objet  de  la 
raillerie  enfantine  des  ignorans,  ne  désigne  pas  un  jeune  seigneur,  mais 
on  noble  qui  n'était  pas  chevalier. 

'^*  n  exerçait  les  fonctions  de  comte,  sans  en  avoir  le  titre.  Un  baron 
tel  que  lui  pouvait  se  passer  de  cette  décoration. 

'•*  T.  V,  176,  177. 

w>  Ihid.  162. 

'**  Uchtenstaig,  la  vallée  de  la  Thour,  la  vallée  de  St-Jean,  Wildhaus, 
Gegenbarcbnch,Pétcrcel]e;  telles  sont  originairement  les  parties  consti- 
tutives de  ce  pa}"». 

VI.  ag 


éi$  HI8TOIHK    DB   Lk  ilMBB. 

et  qn'ik  oe  «e  «oumiment  à  une  senlAiioe  de  Beme^** 
qu*i  risgrel  leC  après  un  long  temps ''^^^  Le  gentilhoauiie 
lit^U  âgé»  et  son  héritière  ayait  épousé  xm  SaToyard^ 
Quiobcxt  de  ViUette ,  seigneur  de  Chivron  ;  Tavenir  du 
Tokepbourg  apparaissait  sombre.  L'abbé  de  St«-4vaU 
^it  alors  le  plus  grand  (Mropriéiaire  foneier  du  pays'^^, 
et  il  accordait  volootiers  sa  protoction;  les  anieieBS 
comtes  "^^  déj^  tenaient  du  couvent  à  titre  d'hypothè- 
que le  cbeMieu  et  de^  domaines  considéraUes'^^^;  les 
religieuses  de  Magdeuau  releyaient  de  Tabbé  '^^^^  Baro» 
g/ae ,  dans  sa  vieillesse  ^  voulut  assurer  à  sa  fiUe  un 
tranquille  héritage  *  ;  les  campagnards  craignaient 
moins  un  maitre  unique,  un  prélat  ^%  qu*un  bailli  de 
leur  rang.  Les  Suisses  étaient  occupés  à  guerroyer  con- 


'**  SêtUenee  dé  Nipola$  dé  SchértMekttuUt  chevalier,  et  pour  G-af^Mad  dt 
Steio,  liealenant  de  l'avoyer  de  Berne;  mardi  aprèa  St.-Jaoq.  iâSS. 
TscJwdù 

^'  Seulement  an  bout  de  six  ans»  Quoîqiie  ropposilion  ne  At  paa 
fpndée,  l'inqniélude  élait  excusable,  ss  La  condnile  des  goaveincmeoa 
de  la  Suisse  inspirai l  cette  défiance.  L'historien  a  dit  aiUears  qn'its  avaient 
d{9  lors  adopté  la  fausse  politique  de  vouloir  des  sujets,  an  lien  de  te  fior» 
tifier,  en  s'adjoignent  des  concitojeus.  D.  L.  H. 

^''  Yoj.  ses  acquisitions  en  12SS,  t.  U,  91. 

'*^  Licblenslaig,  la  métairie  de  BuzischwyL 

^'*  Harogne  :  «  Mon  hypothèque  et  celle  de  mes  ancêtres.  » 

'**  Elles  lui  donnaient  annuellement  une  livre  feooing,  10  livrvs  t|S 
de  cire,  2  livres  d'encens,  deux  surplis  :  Canvgntio»  auee  Vahbm$é  VMm^ 
1A68. 

*  Ce  n'était  pas  son  seul  motif.  Ces  domaines ,  malgré  leur  étendue, 
ne  rapportaient  pas  de  quoi  faire  vivre  un  gentilhomme  selon  son  rang, 
et  ils  étaient  grevés  de  dettes;  il  avait  été  forcé  en  1450  déjà  de  vendre 
aux  Peyer  sa  seigneurie  de  Hagenwyl  pour  payer  les  créanciers  les  plos 
pressans.  Voy.  d^Arx,  II,  838,  S 39.  C.  M. 

**  Les  Tokenbourgeob,  satisfaits  de  s^bir  la  domination  de  l'abbaye, 
rappelèrent  le  vieux  proverbe  t  •  Il  fait  bon  habiter  sous  la  hpulelle»  • 
l  c.  Zhi.  C.  M. 


tn  rAntrichs  prés  à%  Waldsbut.  DiM  tel  deMoens 
jonrs  de  Tam  1468^  le  baron  de  RarogM  Tendit  hvé^ 
ToeaUement^  dans  9ism  diàteau  de  LûlÎBpvrg^  aq 
prinoe^^fabë  Ulrich  de  St.-GaH  et  k  aon  monastère^ 
tcnat  le  pays  de  Tokenbourg  ^^  pour  la  somme  de  qoa* 
torse  mille  cinq  cents  florins.  Cette  vente,  à  ce  qn'il  pa* 
sait,  se  fit  mopinémeot^^. 

Le  aouTeau  comte  et  sei^fneur  ^^  s'empressa  de  oon«* 
solider  cette  acquisition  par  des  conventions  avee  la 
Sttîsse  et  avec  le  Tokenbourg  même ,  et  d'obtenir  la 
oeofirmatiott  impériale.  Ulrich  renouvela  solennelle- 
nvent  et  à  perpétuité  ^^  ralliance  qui  subsistait  entre 
Rarogne ,  Schwys  et  Claris  ;  il  satisfit  à  tontes  les  de^ 
mandes  légitimes.  Le  Tokenbourg  demeura  ouvert  auit 
Gantons  pour  leurs  marchandises ,  sans  nouveaux  péa- 
fj/o$y  ainsi  qu'à  leurs  troupes,  et  à  regard  de  T Autriche 

M*  Attê  de  vente ,  jeofi  av.  St-TbomM  lAOS.  Têektdi  fi ,  iSe  et 
wiv.l  de  Bite«  éMM  Dêommi^ 

**^  Selon  réleadne  et  les  liiaUes  de  ton  droit»  les  aerfii,  les  nOtle de 
bailliage,  les  simples  faabitans,  chacun  suivant  leur  position. 

**'  Autrement  divers  points  auraient  encore  été  éclairas.  Scbwyi  et 
Glaris  étaient  instruits  de  la  chose  (CA.  n.  804)  ;  on  ne  pouvait  être  in- 
diflérent  au  ressentiment  de  ces  hommes  énergiques.asGes  deux  cantons, 
MtqjÊth  le  pays  dUznach  appartenait  à  titre  dlijpothèque^  ne  dési- 
TSient  pas  étendre  leur  territoire  ;  Zurich  ne  trouvait  phis  dlntérét  à 
faite  l'acquisition  de  cette  seigneurie  riche  en  franchises  et  en  droit! 
lerrileriaux,  mais  pauvre  de  revenus.  L*d>ba7e  de  St^GaH  trouvait  seule 
■en  compte  à  posséder  la  souveraineté  d*un  pajfs  où  elle  possédait  plus 
de  la  moitié  des  juridictions,  des  fiefs,  des  domaines  et  des  revenus  acci- 
dentels. Pétermann  avait  offert  de  la  lui  rendre  en  1^65  ;  Fabbé  Ulrich 
avait  traîné  les  négoclatioDs  en  longueur;  il  ne  conclut  le  marché  en 
1468  que  lorsqull  vit  le  bailliage  du  Hheindial  loi  édiapper.  Voyez 
d^Ar»,  n,  S40.  G.  M. 

***  Les  abbfo  de  SL-Gall  prenaient  ce  titre. 

***  Àcfe (talUaneê,  mercredi  av.  St.-George  1469.  Têehmii,  II,  702. 


452  HISTOIRE   DE   LA  SUISSE. 

il  fut  placé  dans  les  mêmes  relations  qu  eux  sur  tous 
les  points.  Schwyz  et  Claris  promirent  de  maintenir  le 
pays  dans  la  légitime  ^^^  obéissance  envers  son  seigneur, 
et  celui-ci  de  son  côté  prit  l'engagement  de  le  maintenir 
dans  leur  seule  alliance'^.-  Afin  de  tranquilliser  corn-* 
plétement  ces  Gantons  ^^^^  Zurich  et  Lucerne  renon- 
cèrent formellement  au  droit  qu'ils  possédaient  sur 
le  Tokenbourg  en  vertu  de  leur  traité  d'union  avec 
l'abbé  808. 

L'activité  y  la  finesse  et  l'énergie  du  nouveau  souve- 
rain ne  parurent  pas  moins  redoutables  au  pays  que 
le  désordre  et  la  faiblesse  précédente.  Albert  Miles  ^ 
avoyer  de  Lichtenstaig ,  assembla  toute  la  population 
dans  la  prairie  des  prêtres  près  du  bourg  de  Wattviryl; 
elle  renouvela  le  serment  national  prêté  trente«-trois  ans 
auparavant  pour  la  défense  des  franchises  8^^.  Comme 
il  arrive  quand  un  peuple  se  montre  unanime,  le  prince 
respecta  cette  vigilance  et  cette  fermeté ,  confirma  tou- 
tes les  franchises  de  la  ville  ^'^  et  de  la  campagne  ***,  et 
permit 8*2  que  le  peuple,  pour  les  consolider,  dressât 
une  charte  de  son  alliance  avec  Schwyz  et  Claris  8<*. 

^^^  Gouformément  aux  convenances  et  à  l'équité. 

**'  A  moins  qu'ils  ne  consentissent  eux-mêmes  à  une  autre  aUlMiee. 

*®^  «  Pour  consolider  Tamitié  entre  la  Maison-Dieu  et  nos  chers  Gon- 
fédérés.  • 

^^*  Renonciation,  mardi  av.  la  Pentecôte,  1/^69.  Tscliadi,  II,  704* 

^^'  Serment  du  pays,  dimanche  av.  Ulr.  1469,  dans  les  notes  de 
Tschudi  ;  nous  avons  eu  une  charte  manuscrite  un  peu  plus  complète. 

**o  Confirmation  pour  Lichtenstaig  ;  même  date. 

''^  Confirmation  de  la  ch,  de  GanterscUwylf  i4A0,  Wattwyl,  même  dais 
(aussi  dans  L'ùnig,  SpiciL  EccL  III,  217). 

^*'  Malgré  lui,  dit  J,  IL  Tschudi,  Cliron,  glaronn,,  525.  Aussi  n'est-l 
point  fait  mention  de  lui  dans  l'acte  de  renouvellement. 

•'*  Ch.  même  date  que  ci-dessus  dans  Tsehudi,  II,  705. 


-LIVRE   IV.    CHAP.    V.  453 

Le  prince  même  reçut  de  l'Empereur  Tinvestiture  de 
son  comté  *^*.  Suivant  les  anciennes  coutumes  de  l'Em- 
pire, son  titre  lui  donnait  la  juridiction  provinciale; 
conformément  à  l'ordre  établi  par  Rarogne ,  les  mem- 
bres des  tribunaux  inférieurs  étaient  choisis  entre  les 
campagnards  par  lui ,  sur  leur  proposition ,  ou  par  eux 
sur  la  sienne*^*. 

Ulrich  fut  redevable  à  un  acte  de  justice  des  moyens 
de  couvrir  ces  dépenses  extraordinaires.  Un  juif,  Sa-^ 
muel  Lévi  ®'®,  qui  s'était  fait  recevoir  habitant  de  Wyl 
pour  dix  ans  en  payant  trente  ducats ,  ruinait  le  pays 
par  une  usure  exorbitante^^'',  mais  son  titre  de  valet 
de  chambre  impérial  ®**  et  ses  richesses  le  rendaient  si 
redoutable®*^,  que  le  prince  n'osa  le  juger  ni  sans  l'au- 
torisation de  l'Empereur ®^^,  ni,  lorsqu'il  Teut  obte- 
nue, sans  le  concours  des  Cantons  protecteurs.  Lévi  fut 
condamné  à  payer  mille  ducats  en  or®^*  et  à  quitter 


*<*  L'Empereur,  Graetz,  vers  l'Exaltation  de  la  Croii  1469.  Cette  CA.  et 
d'autres  se  trouvent  aussi  dans  Honneurs  et  droits  de  Su-Gall  sauvés,  1710. 

•»  Fusslin,  Géogr.  III,  51. 

"•  Appelé  Schmoll  Juif. 

'*^  Deux  heller  par  florin  chaque  semaine,  ce  qui  portait  rinlérêl  d*un 
florin  pendant  vingt  ans  à  2,&96  flor.  15  schell.  A  heller.  Calcul  d^un 
contemporain  dans  Ulrich,  hisi,  des  Juifs  en  Suisse,  218;  il  ajoute  : 
«  Quare  minime  mirandum  quo  tandem  pecunifie  noslrs  dîlabantur.  » 

HS  Tons  les  Juifs,  du  moins  depuis  le  règne  de  Tempereur  Frédéric  II, 
aimaient  à  prendre  ce  titre  protecteur*;  voyez  Pfenningersttr  Vitriarius  III , 
4374  et  suiv. ,  plus  riche  que  les  autres  publicistes  en  faits  historiques 
qu'il  rapporte  exactem ent. 

***  Il  eût  été  facile  au  Juif  de  le  faire  mettre  au  ban  et  de  l'exposer  au 
plus  grand  embarras ,  au  moyen  d'une  cour  provinciale  ;  et  plus  facile 
encore  au  moyen  d'un  des  tribunaux  secrets  dont  la  puissance  était  alors 
à  son  apogée. 

•»  Ch.  d'autorisation,  Gtœtz  apr.  Barthél.  14«9.  Ulrich. 

*«  Ulrich. 


454  itittroiEB  9B  M.  «umti. 

1^  paf«^^  afrès  wmjp  '^ê»é  de  no  jmm^y  miÊtw  ^ 
Aimùf  la  priocipauté  de  St«-GaU  s'aoerHl;  grae»  à  un 
seut  bonofie  ;  la  eonfiidératiea  de  b  SuÎMe  prit  de  YeoL'^ 
teMÎOQ  grâce  à  Tesprit  pid^et  aux  mœiurs. 

Zurich  f  doiit  la  pc^uktion  diminuait  ccmstamm^ii 
depuis  Rodolphe  Broun  ^  son  premier  lM>ui'gmestre'^% 
avait  perdu  par  la  peste  et  par  la  guerre  la  laoitié  deaes 
babitans^^^  et  une  partie  pre8(}ue  égale  de  sa  fwUme^^. 
L'esprit  de  la  bourgeoisie  triompha  des  malheura  des 
tepips;  la  vitle  et  la  campagne,  sagement  gouvernéesi 
avaient  sous  de  boBnes  lois  de  boeoes  institutkMi»;  cm 
saisissiut  toutes  les  oocasions  d'étendre  glori^isemeot 
la  domination  à  peine  rétablie  dans  scm  intégrilé^^. 

Zuôch  confirma  les  belles  franebîses  dont  T Autriche 
ayaît  gratifié  ^^^  le  berceau  de  la  famîUe  de  Habsbourg^ 
la  forteresse  de  Kibourg,  dans  le  eaiv t  instant  oui»  dbr 
mipatjoa  lu»  en  fui  rendue;  à  Fabride  ^  dv^eiir»  les 
habitans  du  voisinage  forméi^ent  une  communauté  ^^ 
qu'une  rare  indépendance  de  leurs  personnes  et  de  leurs 

*^  ÉUit-ce  le  même  SchmoU  qo^oa  trovve  éUbli  à  Vfiiilertliin  en 

*^  Cluifon  urmmt^  dimtficbie  tpr».  St-GalK  liiSS*  IbiJU 

•**  ^Si  iS97».  Zurich  compUit  U»875  habiUii3  s  en  i87i,  URnlfiwft 
ti*il90  :  tn  1410  y  encore  mow  «  10^570*  CeUe  dUninnlioo  dûU  être  en 
partie  attribua  à  la  con»litutioii  ;  mais  le  XVI*  siècle  amena  de»  dicoii- 
^OCM  qw  cQQlrebalaiicèrent  UinAoence  du  gpavcmem/ent  des  Unbia» 

*^  En  14^7,  il  n'en  ressiait  plus  qjoe  4»5».  Vf^oMn^dukMUùim^dâ 
Zurich  »  Ubleaa}(« 

"*  Galcalée  d'aprÈs  la  valeur  actuelle  de  rai;eent  (en  1799 >  celle 
fpi:time  éuit  en  1376  de^  S».a08  »aao  flor,  ;  et  en  i4IK7.  de  1,3SMS9 
loiu  fVoâtr,  p»  47. 

»7  fl#UtAa(»a  4e  Kiboms..  U5i.  Hma.  dé  Cjb^iée  MOrÎMre^  t.  A 

ASS. 

**  Régie  par  un  avoyer  et  quatre  tonseillerk 


UVIE  IT.   GHJP.   T.  45& 

propriétés*^,  «me  bonne  police''^  et  diverses  préroga^ 
%ives  *^  ooMoKdércaC.  Si  le  paysan  ne  fut  pas  etktore 
Mulagé  de  certaines  diargea  en  «pparenoè  onérëu- 
aiea*^',  des  loîs^^^^  garantissaient  aux  serfs  Féquité*^, 
aux  étrangers  la  justice  ^^y  au  filage  une  économie 
mm  moins  sage  qu'au  temps  où  il  n'était  cfue  métai^ 
rie*^,  à  teux  qui  s*y  établissaient  certaines  favenrs*^*^ 
La  bonne  harmonie  entre. voisms*^*^  la  mardierégu-^ 
Uére  de  k  justice,  malgré  le  coûSit  des  juridictions*^^ 


*^  Exemption  da  droit  de  meilleur  catel ,  de  toute  contribution ,  ev 
éeptê  pont  tes  ponttf  et  fontaines ,  de  toute  expédition  militaire  à  la  dis- 
tSùeé  an  plu0  d^oùe  demi-jooméé;  Tes  propriétaires  it  la  comniUBc  oAI 
jêtfla  le  drokée  j«gtr  en  matière  de  propriété  et  d'kéritagc. 

**'  Ordonnance  concernant  les  mes  et  les  foires,  etc. 

<<^  Droit  de  couper  du  bois;  à  Winterthur,  exemption  du  péage, 
tfo^  pctdr  seize bourgeob  extintiesl 

***  Ce  ^  suit  esr  tiré  de  la  eh.  deê^frtmekUeê  de  Neftwtbm!^  À  hr  mort 
du  plus  JDlifen  meaibre  de  la  famille ,  on  donnait  la  mfeiHeiire  pièced? 
bétail,  et  au  soos-bailli  le  meilleur  habit  que  le  défunt  mettait  pour  se 
rendre  à  l'église  on  pour  faire  des  visites. 

**<  «  Tout  ce  qui  est  dans  le  temps  finit  ayec  le  temps.  L'homme  est 
■  dans  le  temps  et  n'est  pas  étemeL  U  arrive  de  ïk  que  beaucoup  de 
•  droits  se  perdent,  parce  que  personne  n'y  songe.  Afin  de  prévenir 
«  cetâ ,  nous  svùiris  r^otu ,  etc.  • 

**^  Lesr  sèrfc  ne  petiteàt  éUre  employés  qu'à  une  distance  qiti  leur  per- 
mette de  rentrer  au  logb  le  soir. 

***  Quand  il  s^agM  d'un  hôte ,  lé  jngemcnt  srpronolMedife  imir  ad  Ten- 


**'  Un»  MHdrfe  sujette  à  corvée  entteii«ir  on  urareau;  ott  doi»afii« 
exempt  de  dJme,  un  verrat;  une  métairie  ordinaiie,  an  bélier. 

***  «  Si  quelqu'un  veut  s'établir  chea  nous ,  on  lui  donne  du  bois  peur 
•  eonstniire  une  maison  et  quarante  poutres  ;  il  a  droit  à  un  moroetn  de 
■  terrain  pour  le  labourer  ou  le  laisser  en  p&turage.  » 

***  Cwweniwi  avec  ceux  de  Mandmeh  au  s^jet  des  bestiaux  et  du  pa* 
cage»  1468. 

*<*^  Comfèktûm  M  mjH  de  la  mitaine  de  Laafftn  entre  Tévé^ue  Burk- 
bard  de  Constance  et  Conrad  de  Fnlach ,  baillis,  1465. . 


456  HI8TOIRB  DB  LA  3inSSE. 

la  réunion  des  forces  militaires  ^^^  et  des  autres  res* 
sources  ^^^  en  cas  de  danger  public  furent  l'objet  dé 
mainte  convention.  A  mesure  que  les  grandes  familles 
seigneuriales  déclinaient^  la  ville  de  Zurich  achetait 
d'antiques  villages^  autrefois  leurs  joyaux;  ainsi ^ 
même  au  loin,  en  Thurgovie^  elle  acquit  d'une  veuve 
affectionnée  à  cette  cité ,  les  deux  Stammheim  dans  les 
fertiles  prairies  au  pied  de  collines  couvertes  de  vignes 
et  couronnées  de  bois  **^.  Fiefs  saint-gallois***,  ils  ap- 
partenaient autrefois  à  la  maison  de  Klingenberg; 
mais  cette  maison,  ainsi  que  ses  cousins  de  Klingen  et 
Hohenklingen ,  autrefois  baillis  et  seigneurs  de  la  ville 
de  Stein  et  du  château  contigu,  libres  *^^,  souvent 
puissans  à  la  cour  et  dans  le  pays ,  commençaient  à  dé- 
cheoir  :  leurs  gendres*^®  aliénèrent  bien  des  domaines 
et  vendirent  même  son  indépendance  **''  à  la  ville  de 
Stein  qui  faisait  leur  gloire.  Stein,  bâti  sur  d'anciennes 
ruines  romaines ,  organisa  dès-lors  sa  liberté  ***,  et  de^ 

**^  Convention  de  Nvéque  de  Constance  aeee  Zurich  ,  1461 ,  déclannt 
que  les  gens  de  ses  juridictions  inférieares  dans  le  comté  de  Kibonrg, 
ressortissent  »  corps  et  biens ,  de  la  seigneurie  da  comté. 

***  Révère  des  Zuricoiê  en  faveur  de  l'éoéque  de  Constance,  au  sojet  ôê 
rimpôt  dUbwiesen ,  dont  il  était  bailli  en  même  temps  que  Falacb. 
Dumoht,  t.  UI,  sect.  I,  p.  375. 

**■  Figura  Blctscfaerinn ,  femme  Zipp  ;  en  1464*  Stmnpf  S54  •  t; 
Bluntschli;  Rahn  «  V,  16.  C'est  la  grande  histoire  de  Rahn  que  je  dtei 
elle  se  trouvait  parmi  les  manuscrits  de  la  Bibliotbèque  impériale* 

•**  Voy.  déjàtl.ch.  xn. 

***  Ils  possédaient  beaucoup  d'alleux. 

***  Ch.  du  gentilhomme  Jean  de  Bosenek  à  fVattenfels,  sur  le  fief  de  Té^ 
glise  de  Bourg,  1468.  Stammheim  avait  été  hypothéqué. 

*«7  En  1457.  Fàsslin,Géogr.  I,  158.  Lea  et  d'autres. 

***  Francbiée  impénale  pour  l'élection  du  bourgmestre  et  du  conseO, 
1458.  Ltu. 


.    UVAE   IV.    CHAP.   V.  457 

vint  Suisse  pour  la  défendre  ^^®.  Un  bourgeois  ven*- 
dit  ^^  à  la  ville  de  Zurich ,  la  charmante  vallée  jadb 
siège  glorieux  du  baron  de  Seldenbûren  et  les  petits 
villages  de  la  contrée  ^^' . 

L'Autriche  avait  perdu  pour  la  seconde  fois  Kibourg 
et  même  la  Thurgovie  dans  la  guerre  que  nous  racon- 
terons; Winterthur ,  épuisé  par  les  efforts  de  la  fidélité 
la  plus  généreuse ,  était  cerné  par  le  territoire  zuricois* 
L'archiduc  Sigismond ,  qui  prévoyait  Tinévitable  des- 
tinée de  cette  ville  dans  la  guerre  qui  paraissait  immi* 
nente^  l'hypothéqua  pour  dix  mille  florins  aux  Zuricoiç, 
en  stipulant  le  maintien  de  toutes  les  libertés  que  ses 
aïeux  de  Kibourg  et  de  Habsbourg  lui  avaient  concédées 
par  bienveillance  ou  par  pénuri^d'argent^^^.  Il  donna 
à  la  ville  même  une  grande  partie  de  la  somme  hypo* 
théquée  **^  pour  les  frais  de  sa  guerre.  Quand  par  Ta- 
chât d'un  droit  souverain  on  pouvait  agréger  quelque 
commmune  à  la  Suisse^  pays  alors  glorieux^  sûr  et  bien 
organisé,  et  que  la  Confédération  y  trouvait  une  nou- 
Yelle  garantie  pour  ses  frontières  ainsi  que  d'autres 
avantages  encore,  aucun  bourgeois  ne  refusait  une 
contribution  volontaire  ^^,  et  communément^^  la  camr 

***  Alliance  avec  Zurich  (et  SchalThoDse},  1459» 

"*  Stallikon ,  Wettschwjl.  J,  H.  Hottltiger.  Spee.  Tigur.  En  1467. 

***  Henri  Effinger,  à  qui  le  couvent  d'Engelberg,  héritier  da  fonda 
leur  (  1. 1,  326},  devait  quarante  florins  sur  celte  hypothèque  ;  il  acheta 
tes  domaines  à  l'enchère.  J,  J,  Hoiiinger, 

<**  1467.  Edlibaeh ,  BuUinger,  nahn. 

••*  8,000  fl.  selon  Btt//inger;  dans  d*aatres  manuscrits ,  iljaS,000 
on  même  2,000.  Le  premier  nombre  est  vraisemblablement  le  plus 
exact.  Lorsqu'il  renonça  au  retrait,  Zurich  lui  paya  cet^e  même  somme 
de  8,000  fl. 

***  BulUnger  en  fait  l'observation  à  cette  même  occasion. 

•»»  Souvent ,  à  Berne  du  moins,  les  seuls  bouigeois  internes  et  ester* 
nés  payaient  de  semblables  contributions. 


AS8  HOTOHOI  D&  LA.  MSAB. 

psgQC  êmtfÊok  leB  propositions  du  gouvernenient  y  qin 
FiMtruisHt  paterAeilement  de  tout^^.  Lorsque  pour 
adieter  Winterdrar,  chaque  fièté  de  femJRe  dut  pstyer 
cinq  plapparts^^^  et  qu'on  établit  un  impôt  pour  qua- 
tre ans*^9  des  riogl-six  mille  ^^  sujets  de  la  ville  de 
Zttrich  les  seuls  qoi  montrèrent  de  l'humeur  furent 
les  hilbttans  de  Wedensebwyl  et  de  Richterschwyl , 
queftokèrent  des représentalioifs  réitérées*. 

Us  s'imajpnaioit  en  qualité  de  sfujets  de  Tordre  de 
^ÊËÊÊà^ean  pouvoir  se  soustraire  anx  obKgations  impo^ 
jsiespasrlesdiarte»*^*  Leffips  chefs  sacrifièrent  à  cette 


^**  Les  ancieDS  n'appelaient  pas  le  pa^'san  an  Conseil  ^  ce  n'est  pas  là 
#lflaoe;itaais  on  s'entreten!iit  (bfsnlage  avec  laî.  ÏÏs  avaient  unepoliti* 
^pieér fMBHs  «1  non  ds  ealrinéL  «»  Le  pêyvênûet  éSmocraties  entrak 
{oortant  dais  ks  conseils.  D*  L«  IL 

**'  D'après  le  pied  de  14^5,  on  plappart  zoricois  valait  t  scheR» 
iTftéUieifl  il  ataît  plutôt  un  peu  haassé.  fFoêer^  de  l'Argent,  p.  108* 


M»  A  voir  dânla  «A.  ik  •«&. 

***  IFoMr  *  dana  les  Notieéê  poUHtfim  { Sêaât$aÊumgm)ié9Sch6hm^ 
t  VI,  tableaa  des  impôts.  Les  rapports  sontremarqaables  :  Zurich  coiiip« 
lait  4,476  ftmes,  Kibonrg  6,S46,  GrQningen  2,i04,  Andelfitigen  1,541. 
€V  aoKil^les  peysh^ons  \ta  pfos  fortes.  11  ^y  trouve  aossi  139  ftnfes  deH 
domaines  du  bailliage  impérial  ;  et  l'on  voit  que  les  gens  des  seigneois 
JostiderB  payaient  aussi  ;  Bon^tètten ,  qui  n'appartenait  plus  à  ses  ba- 
roas',  comptait  fth  âmes.  La  comparaison  aveé  les  tableaux  de  popu- 
Mfl«r  dtee  époqne  postérieure  fait  voîf  lei^pide  accroissement  sous  la 
isirtaaiioto  ée Zorteh.  StammheiVn  passa  sous  Zurich  avec  487  hâbltans; 
en  1762 ,  il  en  avait  1195.  A  là  premiers  épôqœ ,  Staefa  en  compUît 
4S0  ;  à  la  seconde,  4«8S6.  W«den$chir]1' s'ëtéva ,  d'ans  le  lAênle  inter- 
ttÈ^,  de  951  &  6,474. 

*  Al  piff»ojfaiei#  qtlll  n'en  fésnileralt  d'avantages  que  pour  les  tribus 
éilK  vîNè,  pour  lés  monopoleurs.  D.  L.  H. 

*^  Lorsqu'en  1408  Znrich  avait  cédé  le  château  à  l'ordiiB ,  il  ^étàît 


^UktÊkiJÊÊÊê  êimi^mmt^vtm  iTOfr  eoàmuAica  It  SdMer  da  vUds  doc». 

MMl!!  D.  L.  ■. 


vumB  fv.  mu.  r.  459 

iiite  vaiae  cru  Intérewée  la  ptix  de  b  jMim.  A  kmto 
de  9^vea  noenacw,  le  ebevali^  et  bout^gmestre  linn 
Schwead  ayaDt  été  envoyé  avecquaraiilehdiiniaseiiobH 
aervalioB  au  châteaii  de  Wadeitteliwyl^  ils  ongayteont 
Sebwyx,  par  de  iausaes  accuaftlkma^',  à  faine  aqpfnroH 
eher  diiL  fim  autant  de  (roupea*  Ce  danger  d'une  guem 
•ivile  au  uMMaent  où  TÂutridie  eo  prépamit  une  aotra 
engagea  Zoug  et  Glark  à  intervenir.  Lee  ZnrkaiÉ 
occupèrent  le  paya  rebeUa  avec  |dua  de  qninee  oenii 
hoMnea^^^  ;  ka  agitateurs  s'enAûetel  sur  le  tavritaîre 
Schwyzois;  les  baoniéresi,  aépaii^  par  le  mviK  d'isi 
torrent,  étaient  en  préarace  et  se  nargndent^^;  Jean 
Ifeysa,  animé  du  patriotisme  dont  son  onele  avait  péra 
vidifliay  prévint  avec  peme  l'effunon  du  sang«  La  Gno» 
fiidérati(H»  suisse  apparat  alors  dame  sa  justice  et  sa  dirf 
gnité*  L  œuvre  de  h  mlence^  indigne  d'kenunteKhns^ 
doik  être  évitée  tantcfae  le  droit  peut  inre  cottiidre  sA 
voix.  Les  Confédérés  pressèrent  les  habilans  de  Wae- 
doMehvrfi  de  comparaHre^  pour  répondre  à  la  ville, 
devant  un  canton  que  Zurich  choisirait ,  et  engagèrent 
les  Zuricois  à  ne  pas  dédaigner  de  se  présenter  aivec 
leurs  déléguée  devant  le  conseil  de  Berne,  (ftt'ib  Am^ 
sissaient  pour  arfaitre^^.  Schvryz  s^absttnt  dès  qtte  Itf 
voie  juridique  fut  ouverte.  Les  Bernois  s*adjoigniren£ 
les  Cantons  les  moins  suspects,  Schwyz  mème„Uri, 
tlntecwaUea  et  Zoug^  etpronûoeèreat^^^  avec  fecmeté 

■ 

céservé.  1»  droit  de  l£¥er  des  impôts^  LêM,  diploniaUqaeiatiitwnrr  (\wm 
çoiÊQtla  de  cliosn»  swUNit  qa»ud  il  s'ag»!  de  Zurich.. 

Ml  xu  accHteot  Zorichde  voutak  saQpaqfitf  r  PfieIKboOr  B^km* 
***  Haffner,  2,000;  Rahn,  1,500,  ce  qui  est  pins  Yraisemblafele* 
***  «  Us  Be  T^ardtfieaL  comme  chiens  et  chats.  •  Edlibach. 
***  EUpcession  de  WcL;  W»deii8chw|l  en  envoya  sept. 
*'*  Frontmeé  du  Bernois  pour  Wœdenêehvs^i^  4  4ai|i  iiS3,  dam 
Tê€kudL  Poat  le  reste,  voy.  Edlibackei  BuUinger. 


460  HiSTOIftB   pB  LA   SOMS. 

et  sagesse  une  sentence  juste  à  Tëgard  de  la  ville,  clé-* 
mente  à  Tëgard  de  la  campagne  :  celle-ci,  selon  lor-^ 
dre,  paierait  les  impôts  communs,  mais  ne  serait  pas 
recherchée  pour  cette  querelle  ;  le  manque  de  lumières^ 
la  séduction  ou  quelque  autre  circonstance  semblait 
peut-être  les  excuser.  On  voulait  que  le  gouvernement 
conservât  son  pouvoir  légitime,  le  campagnard  ses 
bonnes  dispositions.  Qu*on  se  garde  de  l'écraser  ja- 
mais^ son  courage  est  le  nerf  de  la  patrie  *. 

L'énergie,  la  sérénité,  le  progrès,  sans  inimitié  contre 
l'ancien  ordre ,  régn v^ni  à  la  ville,  à  la  campagne.  On 
vénérait  encore  le  chef  spirituel  et  temporel  de  l'É- 
glise ^^;  on  respectait  la  noblesse  de  la  naissance  quand 
la  noblesse  morale  la  relevait^^''.  Le  campagnard  chan- 
tait encore  les  aventures  des  anciens  temps  ^^^,  et  de 
bons  citoyens  compilaient  les  annales  de  la  patrie  ®^^. 
Les  livres  allemands  se  multipliaient  ^''®,  et  la  liberté  de 

*  Comparez  cette  conduite  à  celle  qu'on  tint  envers  SUtbi  et  Uoigeo 
en  1795  et  1796,  et  plus  tard  en  1805  et  1804.  D.  L.  U. 

***  Vers  latins  à  ce  sujet  dans  ff'ûpU, 

**'  Le  même  cite  ce  couplet  d'une  chanson  allemande  :  «  Celui  qni  est 
>  noble  et  bon ,  qni  est  pieui  et  vertueux,  juste ,  modeste  et  clément, 

•  appartient  à  la  caste  de  la  noblesse.  La  noblesse  méprise-t-elte  la  tai^ 

•  son ,  elle  descend  dans  la  tribu  des  paysans.  •  Et  ailleurs  : 

ffobilif  est  cunctuf  qacm  nobiUUt  tua  Tirtut. 

'*'  Histoire  de  Thierry  de  Berne,  qui  se  mesura  avec  les  héros.  HSplL 
***  «  Le  sire  Jean  Hftpli  a  terminé  sa  chronique ,  samedi  avant  St* 

•  Thomas,  1463 ,  pendant  qu'on  sonnait  les  compiles  aux  Chartreux.  • 
EHe  est  extraite,  pour  les  anciens  temps,  des  chroniques  d'Eberhard 
Mftlhier  et  de  Jean  Erhard ,  de  Rheinach ,  tous  denx  chevaliers  ;  pins 
tard,  il  la  composa  de  son  propre  fonds;  elle  est  bien  écrite  et  avec  in- 
telligence. 

*'^  Nicolas  de  Wyl ,  de  Bremgarten ,  maître  d'école  à  Zurich ,  élève  de 
Uemmerlin,  traduisit,  à  la  demande  de  personnes  nobles,  dix-huit  on- 
Wiges  (depuis  1461).  Dent» ,  CariosUéê  de  ta  Bibliothèque  de  GarelU. 


LI7RB   IV.    CHAP.    V.  461 

leurs  plaisanteries  excilait  à  les  lire^^^  Xia  scieoce  était 
récoiQpensée  par  des  droits  ^^^  et  des  places  ^''^  ;  on  s'ap- 
pliquait surtout  à  développer  l'adresse  corporelle,  sans 
laquelle  Thomnie  le  plus  Sage  et  le  plus  courageux  est 
emlitarrassé.  De  là  des  invitations  amicales  ^''^  aux  cita-» 
dins  et  aux  campagnards ,  aizx  habitans  des  villes  et 
des  contrées  voisines  habiles  à  l'arbalète ,  à  la  course  ^^^ 
au  saut^''^^  à  lancer  de  grosses  pierres  ^'^'^  ;  on  proposait 
comme  prix^  des  chevaux  ^''^^  des  bœufs  ^''^y  des  coupes 
d'argent  ®®^,  des  anneaux  d'or  ^^*,  du  drap^*%  de  l'ar- 
gent; on  établissait  des  lois^^^  et  des  juges  du  com- 
bat ^^* }  et  ainsi^  à  l'instar  des  anciens  Grecs  ^^,  on  per- 

*^^  n  traduisit  en  ià6S,  entre  autres  llibtoire  de  deux  amans,  par 
.£n6as  Sylvius ,  «  lascivam  nimis  prarientemque  bistoriam ,  >  dît  iEnéas 
lai*nkénie« 

^^  Gaspard  Schnéebeiger  de  Landshat ,  habile  chirurgien,  reçoit  ea 
i A 69  la  bourgeoisie  de  Zurich.  RegUtre  des  familles  turicoises  dans  Tés- 
trait  de  Jean  Sekoop, 

V*  Wyl  devint  secrétaire  du  conseil  de  NnrendDerg ,  greffier  manier 
pftl  d'Esslingen ,  chancelier  anliqne  dans  le  W&rtemberg.  Denis* 
■  *7*  Invitation  de  Zurich  à  Glaris,  vend.  ap.  Marguerite ,  i46S.  Tsehudim 
*^*  L'espace  était  de  âOO  pas. 

*^'  3  sauts ,  chacun  de  8  distances ,  avec  Tescousse,  sur  nu  8eiilpie& 
*7'  Lancer  trois  pierres  à  trois  distances. 
^*  Valant  14 ,  16  et  20  florins. 
*'*  De  S,  10  et  12  florins. 
M«  Valant  6  florins. 
Ml  De  2  florins. 

**^  Voyez  le  programme  de  1465  cité  par  Stalder,  Hist.  de  l'EntUbueht 
t.  U;  on  y  trouve  du  drap  noir  d'Ârras .  \]u  rouge  de  L&nsch  (  Li^e?), 
de  Hérenthal  (au  Brabant),  du  drap  français,  etc. 

*n  Eatre autres,  Tarbalétrier  devait  tirer  d*un  bras  libre ,  en  sorte  que 
la  croaae  ne  touchât  pas  son  épaule,  ni  ia  def  sa  poitrine  »  et  ne  tirer 
qu'une  seule  flèche ,  portant  sa  marque.  CA.  857. 
tt4  «  Gens  honorables  de  notre  ConseiL  » 

***  Lancer  ou  soulever  de  grosses  pierres  était  une  ancienne  coutume 
juive ,  «  per  omnem  Judcam  vêtus  consnetudo.  »  St*  Jirâme  sur  Za« 


40i  Hmom  db  îa  imtB. 

fctthMmrii  yar  V ënmkti w^  Tint  dt  m  iékmif^,  le  pM» 
BUtr  àeè  arts  amt  yeux  de  lIiomBQe  Vbce^  Kon  bmIbs 
nlSts  et  ntgmfiqiiet  farittaieiit  les  jonn  des  grattdi 
tavvnois  qoc  les  ckeratier»  et  les  seigneurs  donnaiewt 
àieors  amis  ^^.  De  pareils  exercices,  qui  fwlifiaMBl  h 
èei^i  le  esvrage  et  Tesprit  fraterad ,  et  qui  doiuaaîeiil 
t  la  ine  Bs  ton  mâle ,  serraieiiC  mieux  la  patrie  et  la 
digmté  humaine  que  le  mëcanisme  assoupissant  dans 
lequel  le  eommun  des  chefe  voit  l'essentiel  de  l'art  mil»* 
tabre.  £nlre  deux  armées  dont  l'ime  a  plus  d'âflue,  la 
i^otoire  ne  saurait  être  loag-^temps  douteuse  *• 

Du  reste,  alors  aussi  se  commettaient  des  crimes^ 
et  des  innocens  subissaient  la  torture  ^^,  tandis  que  les 
im^pabl^  décoraient  leur  proie. 

Les  Zougois  saisissaient  toutes  les  occasions  d'acheter 
tes  droits  de  seigneurs  étrangers  sur  leor  territoire  •••. 
Slls  vénéraient  dévotement  Thostie,  seule  demeurée  in- 
IMto  9»  wilieu  de  rinaendie  de  l'église  paroissiale^^, 


cbarie  iS,  décrit  clairement  cet  Dsage.  Ge»4Hr«r8  ssetciceafe  retrouvent 
ikm  9»'SV|»4  Bombc»  dft  peuples;  mtM  lea  jau  Olympiijpies  et  leur 
chantre  ont  mérité  que  tout  cet  art  porte  le  nom  dea  Grecs, 

*•*  Edlibach  1407  parle  du  grand  toanMils  de  2aiick  Lt  aiie  Tlifl- 
ring  dHEptingen  y  prit  part.  Parmi  les  ZuricoisfetiDorètfsnt  toScaTiiMid, 
Escher«  Meyss,  Muller* 

*{éw«  AysterJitz,  IJlm»  Eckm&hl ,  Friedland ,  Ejlan,  Wagram.  Lo 
%Yeuglc9  continuant  à  Tètre.  p.  L.  H. 

•»'  Le  sacrilège  de  i46Ç»  Hi^i^gv,  H^  £.  II.  44^.  Le  ^and  tqI  de 
4i  doimcu  JM(Â4«f4 14(69» 

'    »»  m  BawmipéB  towws  §&êê  fsisnlj  giiwMwBf ul  t&ttmék  p— p  «is. 
mais  on  ne  découvrit  rtn.  »  Bdlibseli. 

***  Achat  des  biens  des  Sêgesser  et  de  la  dhne  taTijoe  de  Bonstetteo  ï 
Sfiîntiausên ,  en  ftivenr  de  Zong,  ft4St. 

*'^  fVemer  Steiner  dans  HoUingêr  II,  4S9.  En  1457. 


trie  le^  nwnastllre^  U$  plu»  r«$pectabk$  ^^ 

La  viUa  deLuoerM^  vërii4l)I«Bent  siiÎBte  éefuk  qa% 
les  anciens  droîts  d^  la  Baaîson  d'Autriche  ^  t'ëtaÎMik 
éteinte  à  la  suite  des  évënemans^^^^  s'emMtfssoit  onnme 
il  sied  à  la  ca{>itale  d'un  pays  libre  9^*  Stte  faissîl  êm 
acquisilions^^^  ;  les  bourgeois  diéfeadaieut  leurs  dmlfts 
canire  le  conseil  ^^  et  la  ville  eontrfe  la  campagne^. 
On  soumettaii;  à  Tarbitrage  des  Confédérés  les  droite 
douleuj^.  Lorsque  séduic  par  des  propos  de  cabaret , 
Wmggia  brava  h  poliae  de  la  ville ,  les  Lueemois  s'y 
rjendirent  dans  leurs  barques,  emmenèrent  les  orgueii»- 
leu(p9F^ans^  et  les  enfermèrent  dans  leurs  tours  jusqu'à 
cf»  qio  lee  Çqpfédérés  médiateurs»  eussent  obtenu  par- 
don e(  obéissance  ^^*  Les  giMiverneteens  ner  iHUJgneieiii 
pas  aIot*  l'intervention  fédérakj  e^lie  oonsotidait  le 
IjençomoKinf  la  vanité  d'états  ind^ndbms  s'est  iMmr^ 
rie  aux  dépens  des  alliances. 

w  jR«nif  db  iMurmê,  wùmvF.  ap.  St-Iftrc  USS ,  concqmntle  diffé- 
TCodavee  EiasklleD  as  ««îetdM  jetliceB  de  la  montagne  de  Zoog,  dam 
T$€httdL 

MS  T.  IL  StS  etauÎT. 

^*  Bs  foreel  iocorpovêi  an  profit  de  PEmpire  en  i4iS  ;  le  tel  Slgb- 
mond  les  Tendît  prabaMement  Têekadi,  n ,  S75 ,  è  l'an  i4ft t  »  namt» 
dana  nn  espiî*  de  patrioUime  et  de  critîqne  hiaUnriqoe  la  manière  dont 
la  réMrva  fet  efiiaeée  dam  l'aete  d'aHianee.  La  même  chose  eat  lieo  I 
Zoog. 

<**  Bn  MSA  on  p»va  Looeme.  Balihtitar,  EtepiicaHom  en  tMêaam 
4b  p9mi  de  la  ekmpéUê* 

Mf  La  haele  Joatiee  de  Tviengen  des  BSneclc  et  4Sea  afojenjdo  Leai- 
beuy,  â455  et  89.  Lm,  iVofiM  MU- 5<fiifar  5f7. 

•*•  Hagker,  a.  146». 

**?  Iteoèa  contre  le  distiiot  de  Mcyenbcrg  an  8ii)et  d%ne  ntoceasion 
USUL  Jàê€éê  de  QmêUUHê,  Me.  fin.  dane  Ttekadi. 

***  iA65.  Têchudi,  H,  658.  U  facilité  avec  laquelle  8dkWf%.  céda 
pronte  qne  Lnceme  n'avait  pas  tort* 


464  HttToias  DE  hk  smssE. 

A  cette  époque  le  HasB  de  l'Entlibuch  racheta  sa 
liberté  ^^.  JLta  petite  ville  de  Soursée^  fière  de  la  pro- 
tection fédérale ,  invita  cordialement  à  nn  tir^^.^  Le 
campagnard  ne  prêtait  pas  volontiers  serment  à  des  ec« 
clésiastiques^S  ^^  Béronmûnster  put  à  peine  sauver  ses 
vases  et  ses  meubles  précieux  à  Taide  des  foudres  pa- 
pales ^^.  La  vie  régulière  avait  dés  long-temps  cessé 
chez  le  clergé  de  St:-Léodegar  à  Luceme ,  avant  que  le 
seul  moyen  de  salut^  la  conversion  des  moines  en  collège 
de  chanoines^  reçût  Tapprobation  du  pape  Calixte^^. 

L'âme  du  conseil  était  Henri  Hassfurter^  éprouvé 
sur  les  champs  de  bataille  et  dans  les  affaires ,  vienx^ 
mais  seulement  par  le  nombre  des  années  ^^,  légèrement 
boiteux  I  mais  excellent  général*  Il  surprit  un  homme 
dormant  dans  les  bras  de  sa  femme  ;  Toutrage  eût  ex- 
cusé la  vengeance  ;  il  se  maîtrisa ,  plaça  son  flambeau 
et  suspendit  son  épée  auprès  du  lit,  puis  laissa  à  la 


«M  En  iA5S  ;  il  sTafiniicfaU  de  la  haute  justice  de  l'ordre  tealonlqne 
et  de  la  dépendance  de  Tégiise  de  Menznan.  Schnydêr,  Hki.  de  CEiaU' 
bueh,  I. 

***  ItufUatian  de  la  même  année ,  dans  StaUUr  :  «  Mous  prions  votre 

•  Sagesse  avec  de  sérieuses  instances  de  vouloir  bien  envoyer  vos  tireurs 
B  à  ce  divertissement ,  et  aussi  vos  voisins  de  les  accompagner.  » 

*^^  Plainte  de  maUre  Henri  de  Gundelflngen,  prévôt  de  Minêier,  portée 
devant  Luceme  :  les  gens  du  district  de  SL-Michel  lui  refusent  le  ser- 
ment, quoiqu'ils  le  reconnaissent  pour  leur  seigneur;  1447. 

**^  Le- pape  Pand  II,  en  1467,  commet  les  prévôts  de  Luceme 
(Schônen  )  Werd  et  Zofingue  contre  les  usurpateurs  (que  le  coUége-ne 
voulut  pas  nommer)  qui  s'étaient  emparés  «  monilium,  tasseanim  •  d'or 
et  d'argent,    •  zonarum  textarum,  perljurum,  culcitrarum,  scnltello- 

•  rum«.» 

*«*  1455.  Voj.  Baltha»ar{TU  894)  et  J.  J.  Hotting&r,  U,  4SS.  U  existe 
du  premier  prévôt ,  Jean  Schwdger,  une  convention  fondamentale  avce 
la  ville ,  la  lettre  de  Schweiger. 
0    '**  Déjà  en  1430  ,  dans  le  conseil.  Leu. 


^IVUE   IV.    CHAP.    V.  465 

justice  son  cours;  plus  un  homme  est  puissant^  plus  il 
doit  se  maîtriser^*. 

A  Berne,  environ  sept  cents  maisons  ^^  étaient  habi- 
tées par  onze  ou  douze  cents  pères  de  famille  et  loca- 
taires •^'',  et  les  bourgeois  externes  payaient  plus  de  trois 
mille  florins  pour  leur  contribution  spéciale  ^^.  Dans 
les  guerres  la  moitié  ou  le  quart  des  bourgeois  prenaient 
les  armes  ^^y  en  sorte  que  la  dixième  partie  de  l'armée 
se  composait  de  citadins  de  naissance  ^^^. 

On  élisait  chaque  année  comme  chef  de  la  Répu- 
blique un  avoyer,  rééligible  seulement  après  deux  ans 
d'intervalle  ^^^  La  ville  se  divisait  en  commune  supé- 

>«>  £d  1465.  2?enfifv.  Cysat  dans  Haller,  Bibl.  VI,  4S5.  On  fit  alors 
cette  bi  :  «  L'homme  qui  en  surprend  mi  antre  auprès  de  sa  femme  en 
»  flagrant  délit  et  qui  le  tue ,  sera  réputé  innpcenL  •  Elle  a  subsisté 
jusqu'à  nos  jours. 

M*  688  et  les  granges.  Livre  des  contribution  de  1466. 

••7  1084;  ibid,  mais  en  1448  ,  d'après  le  râU  (sous  les  voûtes  de  la 
chancellerie  ) ,  y  compris  les  couvens ,  1186  ménages.  Dans  le  recense- 
ment de  1446  {J.  L.  de  fVattewyi)  on  ne  compte  que  752  ménages, 
probablement  des  propriétaires  de  maisons  seulement.  Le  nombre  des 
maisons  avait  peut-être  diminué  en  1466  ,  parce  qu'on  en  avait  agrandi 
quelques-nnes  en  en  réunissant  plusieurs;  ou  bien  celles  du  clergé  ne 
furent-elles  pas  comptées  en  1466  ? 

***  3354  dans  le  livre  de»  contribution»  A.  1466. 

***  On  compta  761  bourgeois  en  1474  :  Wattewyl.  311  partirent 
ponr  la  guerre  de  Fribourg  en  1448,  Mantuerit»  de  Bueker;  en  1449 
seulement  202 ,  WattewyL  298  vont  à  la  guerre  de  Mulhouse  en  1468. 
Aux  batailles  contre  les  Bourguignons  on  trouve  à  peine  les  2;3  de  ces 
nombres ,  181 ,  174 ,  165 ,  184  ;  les  autres  étaient  commis  à  la  garde  des 
passages  et  des  châteaux. 

•i«  2700  campagnards  prirent  part  à  la  guerre  de  Mulhouse,  où  il  n'y 
eot,  comme  il  vient  d'être  dit,  que  293  bonrgeob.  »  Et  néanmoins 
ces  citoyens  de  la  campagne ,  dont  le  sang  coulait  pour  la  République , 
forent  dégradés ,  devinrent,  non  pas  citoyens  de  celle-ci,  mais  sujets 
des  bourgeois.  D.  L.  H. 

»"  Loi  de  1446. 

VI.  3o 


466  HISTOIRE   DB   LA.   ftUISBB. 

rieure  et  coinhiune  inférieure '^^,  chacune  d'elles  en 
deux  bannières  ;  à  chaque  bannière  était  adjoint  un  tri- 
bunal; les  abbayes  ou  tribus  des  boulangers,  des  ma- 
réchaux>  des  bouchers  et  des  tanneurs  ^^^  nommaîatit 
chacune  un  banneret  pour  quatre  ans  au  plus  '^^^  en 
sorte  que  tous  les  ans  on  en  remplaçait  un  alternative- 
ment dans  les  bannières  supérieures  et  dans  les  infé- 
rieures^'^. Les  abbayes  des  bannerets  avaient  le  pds 
sur  celle  des  gentilshommes^'^.  Ces  tribus  n'étaient 
pas  les  corporations  d^artisans,  mais  elles  les  renfer- 
maient; celles-ci  avaient  leurs  ordonnances^  utiles 
pour  la  police  municipale®^''  ;  on  punissait  rigoureuse- 
ment les  contraventions®'^.  La  suprême  autorité  appar- 
tenait au  Grand  Conseil,  représentant®^®  les  conseils 
et  les  bourgeois  ou  la  communauté  de  Berne  ®^®,  et  ap- 
pelé suivant  l'ancien  usage  les  DeuX'Cents ,  bien  qu'il 

9is  Chacune  avait  son  boai^^mestre  ;  Toflage  des  biens  comnhnnaox 
était  le  principal  objet  de  leurs  délibérations. 

^^*  Autrefois  ils  étaient  éins  par  les  bannières;  depuis  environ  14S0, 
par  ces  tribus. 

•>*  Loi  de  ihhS. 

*'*  Loi  de  iû37.  HalUr,  d'après  les  ooUectionB  de  Waltewyt ,  BibL 
IV.  337. 

•"  fVattewxL 

**^  Ordonnance  de$  tanneurs  sur  les  rapports  des'  apprentis  avec  les 
maîtres ,  i450«  On  les  engage  publiquement;  nul  ne  peat  «voir  en  sa 
garde  plus  de  30  schellings  ;  chacun  sert  pendant  trois  ans  et  donne  à 
son  maître  12  muids  de  seigle ,  etc. 

'**  Ordonnance  des  boulangers  lorsqu'on  fit  les  pains  trop  petits; 
1666.  Stettler,l,  188. 

'*'  Ch,  1&56  ,  21  juin,  entre 9  et  10  heures  do  matin  :  •  Noosl'avojer 
>  et  les  conseils  de  la  ville  de  Beme,  assemblés,  ii  rordinalre ,  dans  la 
»  salle  du  conseil  ;  repréwentant  et  tenant  notre  coneil.  » 

***  Ces  expressions  sont  syiionjmes.  Voy.  la  Uiîre  de  frmMhm  de 
Brougg,  1447  ;  là  tantôt  ce  sont  l'avoyer ,  le  conseil ,  les  deor-cents  d 
toute  la  comnuine  qui  parlent;  tantôt  la  commune  est  omise. 


LIVRE   IV.   CHAP.    V.  A67 

comptât  souvent  plus  de  trois  cents  membres ®^^  Il 
était  élu  par  l'avoyer  et  seize  citoyens  des  bannières  ^^^, 
de  concert  avec  le  Petit  Conseil  ^^^  quotidien.  Pendant 
long-temps  on  ne  prit  pour  règle  dans  ces  élections 
que  la  capacité  et  le  dévouement  au  bien  de  la  ville  ^^♦j 
celui  qui  n'était  pas  bourgeois  pouvait  le  devenir  au 
bout  de  quinze  jours  ^?^;  enfin  on  élut  les  grands  con- 
seillers parmi  les  citoyens  et  les  Confédérés  domiciliés 
à  Berne,  les  uns  depuis  cinq  ans®^^,  les  autres  depuis 
dix^^^.  Les  bannerets  choisissaient  dans  les  conseils  •^®, 
pour  l'administration  de»  seigneuries  acquises  et  pour 
la  garde  des  châteaux,  des  baillis  qu'un  salaire  de  cent 
florins  ^^^  indemnisait  de  la  perte  de  leur  temps  ^^. 


^^  En  1458  ils  étaient  857,  en  1466,  526.  fVattevByL 

^  Loi  de  1457  ,  n.  915. 

*^  n  figare  pour  la  premièi^  fois  dans  ces  élections  en  4458.  fVaî- 
iewyL  8S3  Qui  loi  en  avait  donné  le  droit?  D.  L.  H. 

*>*  C'est  là  la  véritable  aristocratie  qui  suppose  la  manière  d'agir  la 
plus  libérale.  Si  elle  était  restée  illimitée,  et  qu'elle  se  fût  toujours  asso- 
cié des  hommes  de  la  campagne  ou  du  voisinage ,  elle  serait  restée , 
sinon  inébranlable  (car  rien  n'est  inébranlable  en  Europe  quand  la 
souveraine  puissance  se  permet  toutj,  du  moins  élevée  au-dessus  de  la 
calomnie  et  de  l'envie ,  et  elle  aurait  été  mieux  conseillée.  =  Il  n'y  a  eu 
ni  envie  ni  calomnie;  on  a  prouvé  à  l'Europe  les  torts  de  cette  aristo- 
cratie; elle  n'a  pas  osé  les  nier;  on  a  reprb  son  bien.  D.  U  H; 

•s»  Loi  de  1458. 

*^  Contre  les  booigeois  externes. 

•S'  Loi  de  1461.  s  Etait-il  sage  d'abolir  tout  cela  arbitrairement , 
paice  que  nul  n'osait  réclamer  ?  D.  L.  H. 

•»  Depuis  1457. 

*^*  1464.  fVattewyL  Le  premier  bailli  reçut  pour  la  garde  du  cbftteau 
50  livres  et  une  égale  valeur  en  blé. 

***  c'est  pour  cela  qu'en  1470  Frmnklin  se  frfaint  de  ce  que  le  bailliage 
de  Lenibonig  lui  a  fait  négliger  s»n  métier  de  pelletier.  »  VE$êai  but 
la  canttiittiiom  dm  Pay-de^Vamà  et  lee  Mémohu  de  Hm»i  Manod  dMitien- 
neot  ks  preuves  du  scandaleai^  Partage  des  revcooi  de  l%tat  entre  les 


468  HISTOIRE    DE    LA    SUISSE. 

A  Berne  on  jugeait  chaque  semaine  les  causes  des  dis* 
trîcts  de  la  campagne  ^^^  et,  tous  les  trois  mois^^',  celles 
des  bourgeois  externes  plus  éloignés  y  de  peur  que  la 
justice  négligée  ne  fit  recourir  à  l'intervention  de  tri- 
bunaux étrangers ®^^-  Ce  recours  était  contraire  aux 
franchises  de  Ui  ville  ^'^^;  on  n*aspirait  à  rien  autant 
qu'à  l'indépendance  ;  sans  elle ,  ni  ordre^  ni  repos  ni 
aisance  progressive.  Aussi  le  serment  national  enga- 
geait-il à  éviter  la  protection ,  les  combourgeoisies  et 
les  guerres  des  seigneurs  étrangers^^^.  Les  conseils 
s'efforçaient  incessamment.d'engager  les  seigneurs  jus- 
ticiers ^^^  à  éclaircir  les  droits,  afin  que  rien  n'entr&vât 
la  police  générale.  Car  dans  le  désordre  qui  accompa- 
gna le  déclin  des  ducs  de»  Zseringen ,  la  chute  de  la 
puissance  impériale  et  la  faiblesse  de  la  seconde  maison 
de  Kibourg,  chacun  s'était  fait  donner  ou  avait  pris 
ce  qu'il  pouvait  défendre .  dans  ses  rapports  avec  ses 
égaux  et  avec  Berne.  A  cela  se  joignit  le  vague  des  tra- 
ditions et  des  formules  vieillies.  Le  gouvernement  du 
pays  cherchait  à  se  tirer  d'affaire  par  des  enquêtes ^^"^  et 
des  conventions  à  l'amiable  ^^^;  à  la  fin  il  fut  formelle- 


72  familles  gouvernantes;  Mullînen  et  cfËrlach  n'ont  pas  osé  les  aUa- 
(|ner.  La  révolution  a  révélé  la  majeure  partie  de  ces  vices.  D.  L.  H. 

^*^  Tribunal  hebdomadaire. 

'''  Tribunal  des  Quatre-temps.  Nouvelle  ordonnance  qui  les  concerne, 
1467.  • 

'^*  Protestation  auprès  du  tribunal  de  Rotltwyl,  lorsque  Killan  de  Wa- 
bern ,  bourgeois  de  Berne,  y  fut  cité,  1451. 

'^*  Renouvellement  par  Frédéric  lll,  1454. 

''^  Serment  national,  1465 ,  d'après  un  manuscrit  de  Tschamcr. 

**'  En  allemand  Twingherren;  Twing,  Dcitg, signifie  juridiclion. 

"7  Pierre  Sckopfer  Cancien  fait  en  1459 ,  dans  le  district  de  Seftigen, 
une  enquête  auprès. de  364  personnes. 

''*  Convenù^n  au  sujet  des  iribahaax  dans  les  villages  dépendans  de 


LIVRE   IV.    CIIAP.    V.  469 

ment  reconnu  *  que  le  droit  de  convoquer  des  assem- 
blées^ de  faire  des  ordonnances  ^^^,  de  connaître  des 
crimes  capitaux^^^  lui  appartenait  exclusivement,  et 
Ton  détermina  sa  part  aux  successions  fortuites  ^^\ 
aux  bêtes  sauvages ^^,  au  gibier^*,  aux  essaims  d'a- 
beilles^**, au  bétail  égaré  ^*^  et  aux  trésors  ^*^, 

Les  plus  grands  avoyers  et  conseillersde  Berne  étaient 
eux-mêmes  seigneurs  justiciers,  et  ils  ne  regardaient 
pas  comme  des  sacrifices  les  offrandes  qu'ils  faisaient 
au  bien  public.  Faire  pour  la  patrie  plus  que  tous  les 


Berlboud  et  dans  ceux  du  comté  de  Wangen,  et  de  la  seigneurie  de 
Trachselwald ,  1^00. 

*  Violation  des  chartes'  nécessitée  par  la  succession  des  siècles.  Pour- 
quoi respecter  les  chartes  bien  plus  importantes  qui  flétrissaient  la  grande 
masse  des  habitans ,  lorsque  la  succession  des  siècles  commandait  d'abro- 
ger ce  qui  ne  pouvait  plus  tenir?  Toujours  deux  poids  et  deux  mesures. 
La  révolution  de  1798  a  décidé  tout  cela  pour  le  moment,  mais  sans 
avoir  sauvé  la  nation.  D.  L.  H. 

*^*  Ordonnance  et  défense. 

*^  Pourvoi,  viol,  incendie,  meurtre,  violation  de  la  paix  garantie. 
Les  cas  d'homicide  loyal  (en  combat  public  on  par  accident)  étaient 
annoncés  au  gouvernement  après  la  mort  du  blessé;  jusque  là  le  meur- 
trier était  libre;  comme  à  Rome,  il  pouvait  se  soustraire  à  la  peine  par 
un  exil  volontaire. 

9A1  Des  bâtards  et  des  étrangers.  Cependant  ils  pouvaient  tester.  C/i. 
n.  938. 

***  Les  ours  et  les  autres  animaux  sauvages  et  dangereux  appartien- 
nent au  gouvernement;  pour  le  reste,  les  districts  (n.  937)  conservent 
et  peuvent  garder  la  chasse  du  gibier. 

***  La  chasse  aux  oiseaux. 

***  Les  essaims  errans  appartiennent  moitié  au  gouvernement ,  moitié 
à  celui  qui  les  découvre  (n.  987). 

**^  Bestiaux  ^arés  et  paissant  dans  des  pâturages  étrangers.  Au  bout 
de  trois  semaines  ils  appartiennent  au  gouvernement. 

*^*  1;5  au  gouvernement,  1;S  à  celui  qui  les  découvre,  1;3  au  pro- 
priétaire du  sol.  On  a  découvert  bien  des  richesses  enfouies  à  la  chute 
de  Rome,  lors  de  l'invasion  des  barbares  et  pendant  les  guerres. 


470  HISTOIRE   DE   LK  SUISSE. 

autres  était  leur  orgueil  ;  le  titre  de  bourgeois  de  Berne, 
leur  récompense  *•  Tel  se  montra  le  vieux  Henri  de 
Bubenbergy  souvent  avoyer^*^,  médiateur  de  la  guerre 
de  Zurich,  et  son  fils  Adrien^  guerrier  intrépide,  accou-- 
tumé  dès  sa  jeunesse  à  sacrifier  tout  à  sa  patrie.  Lors- 
qu'il amena  des  troupes  à  Tévéque  de  Strasbourg  pour 
une  guerre  du  duc  Louis  de  Deux-Ponts ,  frère  de  ce 
prélat ^^^^  afin  d'épargner  à  Berne  toute  fôcbeuse  com- 
plication^^®, il  renonça  pour  le  temps  de  son  service 
à  son  droit  de  bourgeoisie  ;  bientôt  il  se  brouilla  pour 
la  solde  avec  l'évéque  *^  au  point  de  lui  déclarer  la 
guerre.  Quoiqu'il  ne  relevât  plus  du  gouvernement 
bernois ®^^,  dont  Tautorité,  à  son  égard,  se  bornait  à 
garantit*  la  sûreté  des  routes  commerciales  à  l'époque 
des  foires  ®^^,  Adrien  de  Bubenberg  écouta  Berne  qui 
intervint  :  il  posa  les  armes  et  confia  sa  cause  à  sa  pa- 
trie ®^^.  De  la  maison  d'Erlach,  Ulrich,  seigneur  de 


*  Gai  certes  ils  eurent  des  grands  hommes,  mais  lear  postérité  se 
corrompit,  et  Tesprit  qui  animait  les  pères  cessa  d'animer  les  eafans. 
Voyez  le  poème  de  Haller  sur  les  nwun  corrornipuâs.  D.  L.  H. 

*"  Pour  la  première  fois  en  4447,  pour  la  dernière  en  1463  ;  LUtê 
des  avoyers  par  Vavojer  actuellement  régnant ,  M.  Frédéric  ds  MulUnem. 

*"  Peut-être  contre  Télecteur  palatin  auqoel  le  duc  Louis  fit  une 
guerre  malheureuse.  Pareu»,  hisU  PaLaf.  189;  edit.  Joannis. 

'*"  Les  Confédérés  éuient  dévoués  à  cet  eicellent  électeur,  et  les 
bourgeois  de  Berne  ne  pouvaient  prendre  part  à  aucune  guerre  non 
autorisée  par  la  ville. 

'^^  L'évéque  était  très-économe.  Pareaa,  182;  la  gueire  avait  ma. 
réussi.  Les  Wirich  d'EpGch  avaient  prdiablement  été  cautions  (Sckê^^ 
flm ,  AU,  ilL ,  II ,  678  ).  C'est  pour  cela  que  StettUr  es  mentionne  dans 
cette  affaire. 

*^^  Réponse  de  Berne  à  l'épéqae  de  Strasbourg  :  que  pout  le  présent  il 
n'était  pas  leur  bourgeois  ;  1463  • 

•»  Zurzach  et  Bade.  Lettres  de  Berm  à  Bubenberg  dans  Stettim: 

*^  1405  SHttUr,  I    185. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  471 

Wyl,  souvent  général,  souvent avoyer*^*,  siégea  plus 
d'un  demi-siècle  dans  le  conseil  ^^^.  Gaspard,  de  Tan- 
ciemifi  maison  des  chevaliers,  de  Stein,  seigneur  justi- 
cier aussi ^^,  et  son  frère  étaient  avoyers  l'un  à  Berne , 
l'autre  à  Soleure.  Nous  avons  vu  Tavoyer  Rodolphe  de 
RingolUngen  figurer  dans  les  guerres  de  Zurich  et  de 
Fribourg»  Superbe  maison  ^"^  à  Berne,  entourée  (chose 
rare  I  )  d'arbres  et  d*un  jardin  potager  ;  seigneurie  de 
Landshut;  nombreux  fiefs,  dépendances  militaires ^^, 
patronages  ecclésiastiques,  vignobles ^^^  prairies^ 
coupes  précieuses  (souvenir  du  dauphin  Louis  ^^),  cui- 
rasses ^  armes ,  chevaux,  sommes  placées  dans  beau- 
coup de  villes^^,  tout  était  passé  à  Thûring,  son  fils, 
qui ,  bientôt  avoyer  aussi  ^^,  unit  à  la  gloire  politique 
et  militaire  la  gloire  moins  commune  des  belles- 
lettres  ^^«   En   mourant  ,   le  père   songeant  à  son 


*•*  Dei>uis  iàhà.  MSlUnen. 

***  Depais  1414  ;  il  mourut  en  1465. 

***  A  Strstliogen ,  co-scigneur  de  Belp.  MuUinen. 

**'  Dans  son  te$tament  de  1456 ,  il  nomme  Tappartement  intérieur; 
chacun  n'en  avait  pas  plusieurs. 

'*'  Contrées  dont  la  milice  était  tenue  de  le  suivre  à  la  guerre. 

***  A  Gléresse  sur  le  lac  de  Sienne ,  à  la  Neuvevitle  et  an  Landeron. 

*^  Dont  une  près  de  Berne. 

***  Pfiobdileiiienten  lonvenir  de  la  paix  d'Eintisbeim  ;  il  y  en  svait 
ni. 

**>  n  avait  60  flor.  en  obligation  perpétMlle  contre  Sefaaffbcase  et 
Winlertbur. 

•"  1458. 

*'*  On  a  de  lui  une  traduction  de  YHistoire  et  aventures  de  la  noble  et 
belle  fié  Méltuiné,  de  laquelle  descendent  les  rois  de  France.  Il  nomme 
comme  auteur  Guillaume  de  Portenacb ,  comte  de  Poitiers ,  mort  le  IS 
mai  14M.  H  dit  qu'un  d'Erlach  avait  vu  l)eaucoup  de  ch&teaux  de  Mé- 
Insine  (nous  en  trouvons  un  dans  Brantôme)  ;  qu'il  avait  été  encooragé 
à  traduire  par  le  margrave  Rodolphe  (de  Neuchfttel) ,  «  qui  sait  la  lan.« 


472  HISTOIRE   DE   LA   SUIS31B. 

âme®^^,  à  sa  mémoire^®,  à  sa  maison ^^,  à  ses  enfans 
illégitimes ^^%  à  son  fidèle  serviteur^®,  n'oublia  pas  la 
République  )  il  ordonna  qu'à  l'extinction  de  la  branche 
mâle  de  Ringoltingen  l'usufruit  de  Landshut  appar* 
tiendrait^  il  est  vrai^  aux  ecclésiastiques  et  aux  pau- 
vres ^^^^  mais  la  haute  justice  à  la  ville  de  Berne.  Nicolas 
de  Scbarnachthal  ^  chevalier^  seigneur  d'Oberhofen, 
inspirait  aussi  le  respect  comme  avoyer  de  Berne  ^^'. 
La  première  fois  qu'il  sortit  de  charge^  il  eut  pour  suc- 
cesseur un  jeune  homme  de  trente-quatre  ans 5  grand 
d'esprit  et  de  courage^  Nicolas  de  Diessbach^  seigneur 
de  Worb,  que  nous  verrons  contribuer  puissamment  à 
changer  la  situation  de  la  Suisse  entière  et  de  l'Europe. 
Il  venait  de  sacrifier,  comme  Bubenberg^  une  guerre 
personnelle  au  vœu  de  la  ville.  Elle  était  dirigée  contre 
le  sire  de  Ghémen;  Westphalien,  vassal  de  Clèves, 
qu'il  avait  fait  prisonnier  pour  refus  d'un  paiement , 
sans  craindre  le  tribunal  véhémique  dont  ce  seigneur 

gne  mieux  qne  moi,  »  ajoute-t-il.  La  traduction  fut  achevée  jeudi 
après  S t -Vincent  iA56.  Nous  en  avons  vu  à  Maycnce  dans  la  biblio- 
thèque des  Jésuites  une  édition  de  1472,  et  à  Vienne  une  édition  d*Augs- 
bourg  de  1543. 

"'^  Il  donna  une  bonne  dime  pour  une  messe  perpétuelle  dans  sa 
propre  chapelle. 

'**  Une  lampe  perpétuelle  sur  son  tombeau  dans  Tégliae  paroissiale; 
les  chevaliers  de  Tordre  teutonique  devaient  faire  annuellement  une 
procession  sur  son  tombeau  et  sur  celui  de  sa  femme  Paula  de  Hinnwyl. 

^"^  Inaliénabillté  de  Landshut  et  de  ces  coupes. 

*"  A  chacun  200  livres  et  à  Talné  des  meubles  et  deux  lits. 

■ 

980  A  celui-ci  un  cheval  et  .une  cuirasse  de  cavalier. 

*'*  A  l'ordre  de  St.  Antoine  et  à  dix  mdigcns  qui  dewent  recevoir 
chaque  jour  du  pain,  de  la  viande  ou  du  poisson,  du  fromage,  de  U 
caillebottc  et  une  bouteille  de  vin. 

•'*  1464.  66,  69.  72. 


LIVRE   IT.    CHAP.    V.  473 

était  membre  ^^^.  Les  de  Diessbach  avaient  des  relations 
de  famille  ^^^  dans  la  Basse-Allemagne.  Mais  dés  qne  la 
patrie  le  demanda^  il  consentit  à  un  accommode- 
ment®^*. Le  baron  André  Roll  de-^nstetten®''^,  ri- 
che ^^^,  vaillant  et  appréciateur  des  sciences^'''',  beau- 
frère  de  Bubenberg ,  fut  conduit  par  cette  alliance  à 
Berne®''®,  où  ses  enfans  s'unirent  aux  plus  grandes 
maisons®^®.  En  considération  de  ses  propriétés  loin-- 
taines  ^^,  ce  Roll  de  Bonstetten  n'entra  jamais  au  con- 
seil; les  seigneurs-justiciers,  les  Scharnachthal,  Buben- 
berg, Diessbach,  Ringoltingen ,  siégeaient  avec  une 
dignité  bienveillante  à  côté  de  sénateurs  que  la  faveur 
populaire  ou  le  mérite  avait  tirés  des  rangs  inférieurs 
de  la  société  ®*^  ;  le  margrave  de  Hochberg,  les  comtes 

•'S  Voy.  Kopp,  sar  tes  tribunaux  secrets.  II  fait  voir  qu'ils  n'abusèrent 
jamais  autant  dd  leur  pouvoir  qu'à  cette  époque-là.  ' 

*'*  Son  oncle  Louis  avait  épousé  une  dane  noble  de  Roose ,  du  paja 
de  Cologne.  Ch,  1463. 

*7*  StettUr,  à  l'an  1460.  Mais  je  Tois  par  une  #/i.  de  1 46»  que  l'afikiie 
n'était  pas  terminée  à  cette  époque. 

<7»  Fils  de  Gaspard  et  d'Elisabeth ,  baronne  de  Sax. 

*'*  L'archidoc  Maximilien  était  son  débiteur  en  14S5,  l'Empereur  en 
i4S9.  Ch. 

*'^  Son  iils  Albert  reçut  par  ses  soins  une  éducation  qui  en  fit  le  Suisse 
le  plus  savant  de  son  temps.  Un  jeune  fierrmann  de  Bonstetten  mourut 
à  l'université  de  Paris.  Ecrits  de  Bonstetten* 

*'*  Il  avait  épousé  Jeanne ,  sœur  de  celui-ci.  Il  devint  bourgeois  de 
Berne  en  1468 ,  et  mourut  en  1495. 

*'*  Son  fils  Béat  épousa  Barbe  de  WaUewyl;  sa  fiUe  Vérène ,  le  sepood 
ayojer  de  Scbamachtfaal  ;  son  autre  fille  Agathe ,  George  de  Stein  et 
Louis  deBiessbacb. 

**"  Les  thariee  nous  le  montrent  habitant  sontent  Uster  et  son  domai- 
ne héréditaire  à  Sax. 

*'^  C/i.  concernant  les  Diessbach,  1465;  Henri  de  Bubenberg ,  âvoyer; 
Wa  ttewyl  ;  le  vieux  Schopfer  ;  le  vieux  Bruggler  ;  Frenkli ,  trésorier ,  elc 
CA.  au  sujet  Jt an  champ  au  Sulgenbach»  1466  !  Le  pieux  et  noblo  Pierre 


474  HISTOIRE  DB   LA   5U1SSE. 

de  Gruyèi^e  ^  de  Sulz ,  les  seigneurs  ecclésiastiques  du 
pays,  les  Hallwyl,  Cleraiont,  Vergy,  LaSarra,  Esta- 
vayer,  et  les  libres  communautés  de  la  campagne^ 
trouvaient  leur  sûreté  dans  leurs  rapports  de  combour- 
geoisie  avec  eux.  Cette  vie  politique  fait  l'éloge  de  la 
sagesse  de  ces  nobles  plus  encore  que  de  leur  vertu. 

En  ce  point  aussi  semUables  aux  Romains  ^^^  ib  li- 
raient leur  puissance  de  leur  soumi^^n  à  Dieu  ;  par 
elle  intrépides  et  respectables ,  leurs  ménagemens  pour 
les  formes  de  leur  temps  ne  les  rendaient  pas  {Jus  mé- 
prisables que  le  vainqueur  de  Zama^^^.  Ce  fut  un 
beau  jour  pour  ce  vieux  Berne ,  que  celui  où  Thomme 
d'affaires  des  Diessbach,  dans  le  pays  de  Cologne  ^^, 
rapporta  dans  sa  patrie  la  tête  long-temps  désirée  ^^ 
du  patron  de  la  ville  ^®''^,  enlevée  par  un  vol  pieux  •*•  ; 
lorsqu'il  renouvela  cette  joie  en  envoyant  de  Rome  des 
ossemens  des  dix  mille  chevaliers  ^^,  on  le  récompensa 
par  un  emploi  qui  rapportait  cent  florins  ^^« 


Kklier ,  bsimerel  et  membre  du  conseil  (bonoher  de  son  métier).  ilf«- 
nuerUê  dé  fVilUuUng, 

**^  RâU  dêg  conirihuiwtÊt  ih96  :  Le  eomte  Jean  d'Arberg  (Valangîn) 
posi^Ml  snr  la  douane  an  revenv  de  900  florins;  les  habitans  de  Cbi- 
tean-d'Oex;  les  de  Béronmunster;  Wolf,  grefiier  de  Gessenay  ;  Nicolas 
ravenlnrier. 

'*'  f  Dis  te  minoiem  qnod  geris,  imperas.  »  Horai*  QI ,  6. 

***  Voy.  Polybe  et  Tite-LWe  qui  a  écrit  d'après  lui. 

»»  Nicolas  Bail. 

***  Auparavant  on  avait  tâché  en  vain  d'obtenir  en  Avagon  qoelqve 
rdxqae  de  lui.  Grunêt,  Délie.  Berm. 

»»  St  Vincent 

***  t  Un  brave  homme  l'enleva  par  mse  an  péril  de  son  coifa  et  ée 
sa  vie.  •  T$ehaehâian.  Voy.  celte  histoire  dans  SMtUr.  Elle  arriva  en 
1463. 

***  La  vidolre  de  Laopen  fuX  remportée  le  jour  de  leur  fête.  Ces  osse- 
mens arrivèrent  en  1464. 

^*  il  Ait  fait  d'abord  avoyer  de  BOren  avec  un  rovenu  da  SO  livres  en 


UYRE  ly.    CHA.P.   V.  475 

Moins  vive  avait  été  la  terreur  des  Bernois  à  la  nou- 
velle de  la  ligue  formée  contre  leur  ville  par  rAutriche^ 
la  Savoie  et  tous  les  grands  eomtes ,  qu'elle  ne  le  fut  le 
matin  où  les  yeux  de  la  multitude  cherchèrent  en  vain 
le  Dieu  dans  l'église  de  St.-Vincpnt  ^^.  Un  prêtre  (il  le 
confessa  sur  le  lit  de  mort ,  ttop  tard  pour  les  innocens 
mis  à  la  torture  ),  un  pràtre  avait  enlevé  dans  le  pré- 
cieux ostensoir  la  sainte  hestie ,  le  mystère ,  le  sacre- 
ment de  l'autel.  On  crut  que  Dieu,  indifférent  pour 
Berne,  l'abandonnait,  puisque  sa  foudre  9'avait  pas 
écrasé  le  coupable.  On  ne  vit  pas  un  dédommagement 
dans  l'ostensoir  plus  beau  d'or  d* Arabie ,  orné  de  pier- 
res précieuses  ®^^.  L'exemple  séduisant  du  jeu^^^,  du 
luxe^^,  desjuremens  et  de  l'impureté  ^^,  était  combattu 
par  les  lois»  On  mit  au  jour  la  vénération  pour  la  Mère 
de  Dieu ,  en  restaurant  ses  édifices  ^^.  Les  Bernois  veil- 
laient au  bon  ordre  dans  le  culte  ^'^  et  à  l'entretien  de 


argent,  20  moids  de  froment  et  autant  d'avoine.  Ch.;  reconnu  incapa- 
ble de  remplir  cet  emploi ,  il  devint  greffier  de  Tboune.  Stetiler. 

'*^  Gruner  iSi  :  c  En  â466  arriva  à  notre  chère  ville  ide  Berne  le 
malheur  qn'oa  estima  le  plus  grand  qui  lui  soit  jamais  arrivé.  •  Voy. 
Têckaehtlan  et  l'ouvrage  imprimé  de  Dtebold  Schilling  ;  ensuite  Stettler, 

**^  Pesant  166  onces  en  or  ;  on  y  voyait  briller  une  turquoise  estimée 
à  SOO  couronnes  ;  à  la  tour  supérieure  on  érigea  la  statue  gigantesque 
de  Christophe ,  comme  gardien  de  l 'autel.  Gruner, 

***  Aux  cartes  et  aux  dés.  Nie  d'Erlach  présidait  le  tribunal  pour  ces 
cas;  là  siégeaient  d'entre  les  bourgeois  Guno  der  Biderbe  (le Preux), 
Pierre  Schilling,  Simon  Tormann,  Jean  de  Graveur ied,  TêchaekiUm; 
Schilling.  On  continua  de  permettre  le  jeu  des  échecs. 

•**  Voyei  an  cbap.  VIL 

***   •  11  fut  défendu ,  sous  peine  de  3  livres  d'amende  *  aux  fenunes 

•  et  aux  hommes  de  vivre  en  concubinage ,  comme  tétait  fort  la  eoutmne 

•  dan»  ce  iempê^là»  »  J»  J,  Hottinger,  H.  E. ,  II,  &ii6. 

**'  Sur  la  hauteur  près  de  la  grande  église.  Tuhachilan,  i46S. 
•♦'   Fisiiation  1455.  Gruner,  177. 


476  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

ses  ministres®^;  mais  le  clergé  ne  pouvait  soustraire 
ses  biens  aux  impôts  pour  le  service  public  •^.  La  célé- 
bration des  grands  offices  permettait  du  reste  beaucoup 
de  liberté^  grâce  à  la  facile  expiation  des  péchés*  Il  suf- 
fisait qu'on  eût^  dans  l'occasion,  des  moyens  d'émou- 
voir profondément  les  âmes. 

'  Des  fêtes  patriotiques  perpétuaient  des  sentimens  fé- 
déraux :  tantôt  un  bœuf  gras  couronné  de  fleurs  et  orné 
de  guirlandes  ^  ou  un  cheval  richement  caparaçonné , 
et  des  drapeaux  magnifiquement  brodés  ou  des  coupes 
excitaient  Témulation  des  tireurs  dans  un  camp  de 
plaisance  devant  Berne  ^^  tantôt^  le  dimanche  gras  *^* , 
un  grand  nombre  de  magistrats  et  de  citoyens  des  cités 
et  des  cantons  de  la  Suisse,  des  bourgeois  externes  et 
des  combourgeois  ^^^  de  la  ville  y  venaient  resserrer 
la  confraternité  au  milieu  des  réjouissances  publiques. 
De  telles  mœurs  fondèrent,  sans  trésors,  la  domina- 
tion de  Berne ,  sa  prospérité,  sa  gloire  *•  Après  les  guerres 
avec  Fribourg,  Zurich,  la  France  et  TÂutriche,  alors 
que  les  châteaux  bien  munis  des  Bernois  étaient  les 
boulevards  de  la  Suisse  '^^,  leur  embarras  pécuniaire 
s'accrut  au  point  qu'ils  hypothéquèrent  aux  Confédé- 
rés pour  vingt  mille  florins  toute  la  partie  bernoise  de 
l'Argovie  inférieures^*.  Les  bourgeois  et  les  sujets  de 

*'*  Tableau  des  revenu»  ecetésiastiqueê  1457.  GollecU  de  Haller. 

•••  Loi  de  1466.  Hottinger,  1.  c.  449. 

"••  1455.  Sialder,  Fragm.  sur  VEntUbuch,  U  II. 

•••«  Tschachtian,  A.  1465. 

*••«  De  Gessenay  et  de  toute  la  contrée  ;  •  bonne ,  vive  et  joyeuse 
compagnie  et  vie  amicale.  >  Id, 

*  Si  les  mêmes  principes  eussent  duré ,  la  domination  de  Berne  aurait 
été  permanente  ;  c'est  pour  y  avoir  renoncé  qu'elle  a  péri.  D.  L.  U. 

"••  Bcvers,ihhO. 

*••*  Vavoyer ,  le  conseil  et  les  bourgeois  de  Berne,  le  jour  de  Sl--Jca» 


UVRE   IV.    CHAP.    V,  477 

Berne  secoururent  leur  glorieuse  patrie  avec  un  si  noble 
dévouement,  qu'un  grand  nombre  firent  plus  que  leur 
devoir  *^^.  Urbain  de  Muhleren  et  Nicolas  de  Schar- 
naclithal  furent  désignés  pour  percevoir  pendant  cinq 
ans  l'angster  hebdomadaire  ^^^,  et  il  leur  fut  religieuse- 
ment enjoint  de  ne  faire  servir  cette  lourde  contribution 
qu'à  éteindre  la  dette  publique  ^^^"^^  Telle  était  alors 
la  confiance  dans  la  loyauté  et  la  force ,  qu'on  trouvait 
de  largent  à  quatre  pour  cent  ^^^,  et  que  le  cautionne- 
ment de  Berne  pour  le  duc  de  Savoie  ne  fut  pas  dédai- 
gné ^^^.  A  la  faveur  de  son  renom ,  la  ville  conclut  avec 
le  duc  de  Bourgogne  et  le  prince  d'Orange  des  traités  si 
avantageux  pour  la  fourniture  du  sel  ^  qu'elle  assura 
au  peuple  cette  indispensable  marchandise  à  un  prix 
équitable^  et  à  la  République  un  légitime  profit  ^^'^.  On 

■ 

TEvang.  1448»  aox  avoyers,  conseils  et  bourgeois  des  communes  de 
Bade,  Bremgarleo,  Mellingen,  Zofingue,  Arau,  Broagg,  Lenzbourg, 
au  bailli,  anx  bourgeois  et  h  la  commune  d*Arbourg,  an  bailli  et  aux 
gens  de  Schcnkcnberg  :  ils  doivent  prêter  serment  aux  Confédérés , 
excepté  à  Zurich.  Où  les  Confédérés  prirent-ils  tant  d'argent?  les  four- 
nitures de  guerre  furent*elles  taxées  si  haut? 

«••5  ii(ous  verrons  tout  ce  que  les  seigneurs  firent.  Rêver»  contre  Zo" 
fingue,  1449  ;  de  même  contre  U  commandear  provincial  de  l'ordre  teuto- 
nique,  1454,  alors  qu'il  donna  350  florins.  D'un  autre  côté,  Tévêque 
de  Bâle  pensait  que  ses  gens  de  Midau  devaient  être  libres  ;  mais  en  vain , 
suivant  la  miesive  à  lui  adreuée,  1449* 

«0*8  Un  angster  valait  deux  fcnniogs,  dit  Â.  L.  de  Wattewyl,  et  en 
aurait  valu  12  de  son  temps  (il  y  a  40  ou  50  ans) ,  selon  ses  calculs. 

*^*^  Le  conseil  appliquait  le  produit  des  contributions  des  citoyens. 
CL  8  novembre  1449. 

***^  Jean  Guillaume  de  Gr&nenberg  avait  prêté  600  fl.  pour  lesquels 
il  recevait  34  flor.  d'intC^rêt  annuel.  Quittance  pour  Zofingue  au  sujet  de 
ta  taille,  1A49. 

1009  [Iqui-  20,000  flor.  envers  Strasbourg  ;  avec  Soleore  ;  les  nobles 
du  Pays-dc-Vand  étaient  amèrc-cau lions.  Protocole  de»  mi»»ive»,  1450. 

ioio  £||  1448.  Stettler,  I,  172 ,  en  donne  un  extrait  Dès-lors  le  com- 
merce du  sel  resta  entre  les  mains  du  gouvernement. 


478  HI8TOIRB   DE   LA   SUISSE. 

s'occupa  sérieusement  de  régler  ces  péages  ^^'^  de  les 
défendre  *^*^  et  de  les  rendre  productifs  par  la  sûreté 
des  routes;  on  évitait  donc  autant  que  possible  les 
guerres  ^^^^,  mais  on  protégeait  énergiquement  les  né- 
gocians  indigènes^®**  ou  italiens ^^**  contre  les  violen- 
ces intéressées  des  seigneurs  du  voisinage. 

Fort  de  Tappui  des  districts  de  la  campagne  ^  Berne 
cherchait  sa  seconde  colonne  dans  la  contrée  des  hau- 
tes Alpes  en  étendant  de  plus  en  plus  son  autorité  sur 
le  brave  peuple  de  l'Oberland.  Sur  les  bords  du  lac  de 
Thoune ,  les  gens  des  sei^eurs  contribuaient  pour  les 
besoins  de  la  république,  mais  à  regret  ^^^^,  parce  que 
leurs  oMigations  excédaient  presque  leurs  ressources. 
Les  hommes  de  Rinkenberg  et  tous  les  riverains  du  lac 
de  Brienz^  sujets  de  l'abbaye  d'Interlachen,  marchaient 
maintenant  sans  contestation  pour  Berne  sous  la  ban- 
nière d'Unterséen*^^''.  Âpres  le  grand  incendie,  Un- 


*'**  U  fattt  ranger  ici  le  traité  avec  Fribomrg  i467 ,  par  lequel  à  Yei- 
cinsion  des  aalorités  de  Laupen ,  an-delà  de  la  Singine,  Berne  devient 
seal  propriétaire  da  principal  péage  de  GOmminen. 

«•tî  Momtoire  contre  Jean  Dachs  dç  Strasboing ,  iAS6  ,  qui  éluda  le 
péage;  on  Ini  fit  payer  2,&00  flor.  StettUr, 

«Ht  pgr  exemple  avec  Straaboorg  ,  làSO ,  recé$  de  Bade,  dans 
Têckudi. 

uu  pmp  exemple  Uenri  StQdeli,  à  qui  l'on  toIh  près  de  Génère  les 
sommes  qa*il  venait  de  tirer ,  1468.  Stettler, 

iH6  Des  Florentins  forent  rançonnés  à  Neachàtel  en  1467 ,  et  des 
Lucqaois  à  Gerlier  en  1468.  Stettler, 

^H*  Gomme  il  a  été  remarqué  dans  l'avant-demier  chapitre.  En  14S0 
Friboorg  et  Sokore  servirent  de  médiateurs.  Haffner. 

«*«'  Traité  de  1446.  StettUr,  I,  162.  Ce  traité  fut  le  résolut  de  troa- 
blés  dont  les  circonstances  ne  sont  pas  connoes  et  par  lesquels  l'Obcr- 
land ,  fatigué  de  là  guerre ,  tenta  de  secouer  le  joug  de  Berne,  sa  StettUr, 
patricien  de  Berne,  n'a  pas  osé  dire  ce  qu'il  savait.  La  même  réserve  règoc 
dans  tous  les  chroniqueurs  depus  que  le  goAt  de  la  dominatkMi 
aux  principes  de  la  confédération  origilteîre.  D.  L.  H. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  479 

terséen  sentit  la  main  paternelle  et  toujours  ouverte 
de  Berne  ^^^•.  La  joyeuse  milice  du  Sibenthal  avait  déjà 
combattu  à  la  bataille  de  Lanpen  ;  ta  forteresse  de 
Wimmis  à  Tentrée  de  leur  pays,  et  toute  Tantorité  de 
divers  seigneurs  furent  achetées  par  la  république  ber- 
noise ^^'^.  Dans  le  haut  Sibenthal ,  le  château  de  Man- 
nenberg*^^,  fief  cédé  par  les  comtes  de  Gruyère  aux 
Rarogne^  devint,  à  l'extinction  de  cette  famille  ^^^', 
l'occasion  d'un  procès  entre  l'avôyer  de  Bubenberg  et 
Heinzmann  de  ScharnachthaP^^^  :  il  s'agissait  de  savoir 
si  Mannenberg  était  un  fief  masculin  libre  ou  s'il  pou- 
vait passer  aux  filles,  et  de  quelle  manière  *^^5,  et  s'il 
appartenait  au  gouvernement  bernois*^*  ou  au  comte 
de  Gniyère,comme  suzerain, de  connaître  de  cette  cause. 
Henri  de  Bubenberg  était  un  homme  d'un  caractère 
aimable  ^^^^,  mais  très-ferme  en  matière  d'honneur  *®*® 

«•*•  i&69.  T^kudi,  II,  704. 

**^*  1440  f  des  mains  de  Gaspard  et  de  Nicolas  de  Schamacbllial , 
dont  le  père ,  François ,  avait  acheté  Wimmb  des  de  Brandis ,  héritiers 
des  sires  de  Weissenbourg.  StettUr, 

«•>•  Voy.  t  II,  p.  443 ,  n.  115.  Reichenstein  en  relevait. 

tou  jQnn  de  Rarogne  était  obéré.  11  n*^vait  qa'nne  fille,  épouse  de 
Jean  Rod.  Hofmeister,  qui  avait  eu  pour  pèro  Tavoyer,  conquérant  de 
l'Argovie ,  et  qui  moanit  sans  héritiers.  Rarogne  avait  épousé  une  fille 
de  Heinsmann  de  Schamachthal. 

****  CA.  éê  Berné,  sani.  av.  Oculi  14&6  ;  imprimée  dans  le  Mnée  suiae, 
Bvbenberg  est  appelé  noble  et  sévère,  Schamachthal ,  pieuaf  et  ferme,  le 
comte  de  Gruyère  bien  ni. 

tiu  i^  réunion  et  la  limite  des  deux  genres  de  lois  et  de  mteurs  se 
tronvait  dans  le  comté  de  Gruyère. 

**^  Qui  achetèrent  cette  contrée  des  seigneurs  de  Thum.  Mannenberg 
était  peut-être  un  arrière-fief. 

i«u  YQy,  son  jiceord  avec  l'honorable  seigneur  Raimbault  Dum, 
^ron  de  CéglUe  de  Spiet  (un  b&tard) ,  1454  ;  aussi  dans  le  Mueée  suiaee. 

*^^*  «  Afin  que  chacun  sache  qu'il  s'est  comporté  en  pieux  chevalier.  > 
CA.  n.  1001. 


480  X     HISTOIRE  DE   LA.  SUISSE. 

et  de  justice;  il  avait  juré  de  ne  pas  céder.  Il  avait 
trop  long-temps  souffert  la  possession  illégale  de  son 
adversaire.  Mais  le  chevalier  ne  put  résister  aux 
prières  de  la  patrie  ^  et  céda  son  droit  à  son  fils  Adrien, 
avec  lequel  un  arrangement  eut  lieu  ^^^^.  Le  renouvelle- 
ment des  lois  consolida  la  tranquillité  de  la  vallée  ^^^. 
Berne  ne  prenait  pas  moins  souvent  les  armes  pour 
ses  bourgeois  et  ses  Confédérés  que  pour  la  république 
même.  Gela  rendait  la  combourgeoisie  si  onéreuse  aux 
pâtres  du  Gessenay  y  qu'oubliant  la  protection  dont  ils 
avaient  |oui  '^^^^  ils  songèrent  à  rompre  ce  lien  et  à 
défendre  les  abords  de  leurs  vallées  par  une  alliance 
avec  le  Sibenthal  et  d'autres  contrées  alpestre.  Ils  re- 
poussèrent donc  dans  la  guerre  de  Fribourg  la  somma- 
tion officielle  de  marcher;  les  arbitres  ^^*^,  de  leur 
côté ,  établirent  deux  principes  qui  auraient  arrêté  les 
progrés  de  la  Suisse  :  premièrement  que  le  Gessenay 
n'était  pas  tenu  de  prendre  les  armes  pour  d'autres 
citoyens  de  la  commune  république  *®^*  ;  secondement, 
que  toute  obligation  s'éteint  avec  la  vie  de  celui  qui  Ta 
contractée  '^^^.  Les  habitans  du  Gessenay  semblaient 
douter  que  le  comte  de  Gruyère,  leur  seigneur,  ap- 
prouvât la  combourgeoisie  ^^*^;  ils  réclamèrent  les  frais 

^^^  Heinsmann  reçut  2,700  flor.,  entre  antres  en  indemnité  des  1800 
qu'il  avait  donnés  pour  le  rachat  à  Cécile  de  Ilheinach ,  veuve  de  Tavoyer 
Ilofmeisler ,  héritière  de  son  propre  fils  ;  n.  iOOi. 

*^^  Ordonnance»  pour  le  Haui'Sibenthal ,  1457. 

^^**  A  Tépoque  où  le  sire  de  Gruyère  «  pendait,  décapitait,  on  exilait 
qui  boa  lui  semblait  »  Ch.  145i. 

**'*  Procès  des  Bernois  et  de  ceux  du  Gessenay,  1448. 

i0H  ]ja  règle  disait  :  •  L'associé  de  mon  associé  est  mon  associé.  ■ 

i«"  Ils  dirent  qu'un  père  ne  pouvait  pas  imposer  une  boui^geoisie  à 
son  fils. 

*•"  Les  campagnards,  dirent-ils,  n*ont  pu  céder  une  autorité  qu'ils 


LIVRB  IV.   CHAP.   y.  481 

de  ces  guerres  dans  lesquelles  ils  n'étaient-  pas  tenus 
de  servir,  comme  ils  le  voyaient  maintenant*®***  Le 
comte  y  qu'ils  ne  redoutaient  plus ,  soutenait  leurs  pré- 
tentions. Des  avocats ,  dont  les  artifices  éblouissent  le 
bon  sens  du  peuple  ^  dirigeaient  leurs  démarches*^^  ; 
Berne  risquait  de  perdre  l'Oberland  presque  entier. 
Les  arbitres  se  divisèrent,  ainsi  qu'il  arrive  ordinaire- 
'  ment.  Séryant,  greffier  de  Kenne,  fut  nommé  surar- 
bitre. Il  parla  pour  le  maintien  de  la  combouigeoisie. 
Mais  on  ne  donna  suite  à  la  sentence  que  lorsque  Uri , 
Schwyz  et  Unterwalden,  pères  de  la  Confédération, 
prononcèrent  à  Luoeme  entre  Berne,  boulevard  cœn* 
mua.,  et  le  peuple  du  Gessenay,  issu  de  leur  sang*®^; 
dans  l'intérêt  de  tous  deux  ils  confirmèrent  à  perpétuité 
tous  les  articles  de  la  combourgeoisie  en  litige. 

Au  milieu  des  collines  verdoyantes  de  l'Emmenthal, 
la  vigilance  bernoise  profita  des  embarras  dans  les- 
quels diverses  complications  et  des  guerres  malheu- 
reuses avaient  jeté  le  sire  Wolfhard  de  Brandis. 
Berne  ne  put  pas  s'approprier  le  château  principal,  les 
juridictions  ni  un  grand  nombre  de  métairies*®*^,  faute 

ne  pMfiédaîent  pu.  (La  comboBigeoisie  ne  lear  semit-elle  pas  de  pro- 
tection même  contre  le  comte ,  s*il  devenait  tjran  ?  ) 

«m  42,000  flw.  pour  d^anciennefrgaerres;  600  pour  les  dommages 
soufferts  pendant  la  goerre  de  Rarogne,  etc. 

«M»  La  charte  est  embreaillée ,  en  beaoconp  de  points  contraire  aux 
idées  des  populations  allemandes,  entremêlée  de  formules  et  de  phrases 
latines.  *»  A  qoî  devaient  s'adresser  eeax  qui  n'étaient  pas  instruits?  Ce 
n'était  pas  sans  doute  aux  patriciens  savans  ou  aux  chancellerislcs  de 
Berne  que  les  montagnards  pouvaient  avoir,  confiance  dans  une  affaire 
de  celte  espèce.  liCs  gouvernemens  aristocratiques  de  la  Suisse  n'ont  ja- 
mais favorisé  les  légistes  et  les  avocats ,  parce  qu'ils  redoutaient  ces  scru- 
tateurs des  vieilles  chartes  et  de  leurs  œuvres.  D.  L.  H. 

«*>•  Voy.  U  1,  p.  40S.  Le  trmié  est  du  16  février  1451. 

*•>?  Trois  d'entre  elles  relevaient  du  tribunal  hebdomadaire  d'Affoltcrn, 
VI.  3i 


482  HISTOIRE    DE   LA   SUISSE. 

d'argent^^^^;  il  permit  aux  habitans  de  racheter  leur 
liberté  ^^^^;  pendant  la  guerre  le  château  élevé  et 
iTiaintenant  embelli  demeurait  ouvert  aux  Bernois  *^^. 
Des  avoucries^^^^,  il  ne  resta  que  Troub  ^^^^  dans  une 
étroite  vallée  alpestre^  contiguë  aux  frontières  de  TEnt- 
libuch ,  et  où  se  voient ,  sur  une  délicieuse  pente 
des  Alpes ,  les  cabanes  disséminées  comprises  sous  le 
nom  commun  de  Tschangnau.  Les  Confédérés  déter-^- 
minérent  la  limite  ^^^^.  Les  barons  de  Brandis  demeu- 
rèrent bernois,  à  leur  grand  avantage  ^^**;  ainsi  que  les 
sujets  de  Tordre  Teutonique  à  Sumiswald  '^^,  ils  pro-^ 
tégeaient  la  ville  de  Berne  quand  il  se  faisait  une  levée 
générale;  par  égard  pour  leurs  relations  on  ne  les 
obligeait  pas  à  marcher  contre  les  bannières  autri- 
chiennes. 

Dans  les  montagnes  et  les  plaines  voisines  du  lac  de 
Bienne^  où ,  à  la  suite  d'anciennes  guerres,  d'achats  ou 
des  rapports  primitifs,  la  domination  bernoise  se  trou-^ 


dont  les  anciens  et  nobles  scîgnenrs  étaient  pcot-ôlre  une  branche  tU^ 
Brandis. 

""  Stettler  1, 172  :  comment  Wolfhard  vendit  scs-propriélés  à  Borne 
en  14&7.  Acte  de  vente  de  1A49,  par  lequel  il  les  abandonne  à  bonis  dr 
Diessbacb.  Acte  de  vente  de  1454  en  faveur  de  Gaspard  de  Scbarnachthïtl 
pour  4,150  fl.  (les  deux  premiers  actes  étaient  inexécutables).  Berne  in- 
corpora quelques  justices  à  la  seigneurie  de  Trachselwald. 

*••»  Conformément  au  râle  des  contributions  de  1466. 

'<^««  Suivant  l'acte  d'achat  de  Scharnachtbal. 

""  Scliarnachthal  paraît  avoir  gardé  celle  de  liuggsau.  Convention  à 
ce  sujet  entre  i'abbesse  de  RQggsau  et  ceux  de  St. -Biaise  sur  le  UOgçs- 
bach,  1466, 

"*»  Schnyder,  Uist.  d'Entlibueh,  I. 

"**  1466.  ïbid.  A  cela  se  rapporte  le  passage  dans  le  reeés  de  DAtfc , 

1460.  Tschttdi,  II,  599. 

"**  On  les  secourut  en  1467  contre  Jean  de  Oéwen.  SteftUr,  I,  I9ff. 

"*^  IhUc  des  contributions,  146G. 


,  LIVRE   IV.    CTIAP.    V.  483 

vait  en  conflit  avec  celle  de  l'éveque  de  Baie ,  avec  les 
droits  et  les  franchises  de  Bienne  et  de  la  Neuveville , 
et  avec  les  coutumes  tantôt  d'une  commune^  tantôt 
d'une  famille  y  Tintérét  général  exigeait  de  nouveaux 
traités  et  de  nouvelles  ordonnances,  afin  de  concilier 
les  vieux  droits  de  parcours ,  de  coupe  des  bois  et  de 
pacage  avec  la  division  et  la  clôture  des  terres  com- 
munes^ la  polioe  forestière  et  le  défrichement*^*^;  afin 
d'amener  insensiblement  les  serfs  de  la  campagne  à  la 
liberté,  puis  à  l'égalité  sans  préjudice  des  institutions 
publiques  *^*^  ;  de  procurer  aux  agriculteurs  du  ci'édit 
auprès  des  capitalistes  ^^^  ;  de  fixer  la  position  des  ci- 
toyens, sujets  par  hérédité  de  plus  d'une  autorité  sou- 
veraine^ en  sorte  qu'ils  ne  fussent  pas  grevés  de  charges 
excessives  et  ne  pussent  pas  se  soustraire  à  leurs  obli- 
gations *^^  ;  d'empêcher  enfin  que  le  conflit  des  sou- 
verainetés n'amenât  l'impunité  des  criminels  ^^^. 

Berne  régnait  sans  contestation  sur  l'Argovie,  Toute- 
fois lès  grandes  familles ,  par  antique  fidélité  et  suivant 
le  penchant  de  la  noblesse,  inclinaient  pour  Habs- 
bourg et  s'eflbrçaient  de  mille  manières  de  conserver 
les  droits  féodaux  ou  des  hypothèques  prescrites.  Les 
héritiers  de  Grûnenberg*^**  réclamèrent  son  ma- 
j^QÎi.i052^  Quoique  les  sires  de  Baldegg  fussent  unis  à  la 

^®*'  Convention  entre  Berne  et  Bienne,  1^64. 

<B*7  Lettre  deNidau  concernant  la  récolte,  du  gland,  Laur.  1467. 

*^*'  A  Nidau ,  1440 ,  abolition  de  la  loi  qoî  exemptait  le  ûls  de  payer 
)es  dettes  da  père,  ^attewyl  dans  Haller,  Bibl.  IV,  335. 

***'  Accord  des  villes  de  Berne  et  de  Bienne  au  sujet  des  milices  des  bords 
da  lac,  12 mars  ^442. 

*•*•  Râle  eone^rnanl  les  voleurs,  1452. 

*•»*  Henri  de  Randeck  avait  épousé  sa  fille;  Henri  de  Klîngenbei-g 
était  neveu  de  sa  femme.  Ch,  1455. 

*«^5  On»  avait  été  pris  en  1415.  Jhid. 


484  HISTOIRE   DE   LA  SUISSE. 

ville  par  plus  d'une  obligation  ^^'^  et  à  ses  premiers 
magistrats  par  les  liens  du  sang^^^^,  Marquard  saisit 
la  première  occasion  pour  marcher  contre  eux  avec  les 
bataillons  autrichiens;  il  le  paya  de  la  perte  de  Schen- 
kenbergy  chàleau-fort,  et  de  tout  le  district  du  Rotz- 
berg  ^^^^.  Thûring  de  Hallwyl,  vieux  et  inébranlable 
ami  de  Habsbourg ,  bien  que  sa  maison  eût  droit  de 
bourgeoisie  à  Benie  et  à  Soleure  ^^^^  hailU  de  la  sei- 
gneurie ^^^^  avec  le  titre  de  maréchal  comme  ses  pères, 
et  investi  d'un  nouveau  fief^^^^^  se  rendit  à  Vienne 
pour  aider  l'Empereur  de  ses  sages  conseils  *^^.  Les  de 
Mûllinen,  attachés  aux  ducs  par  une  amitié  person- 
nelle *^^,  ne  remirent  leurs  châteaux  aux  Bern<HS*^' 
que  lorsque  la  faiblesse  de  l'archiduc  Sigismond  et  les 
embarras  de  l'Empereur  eurent  ôté  aux  seigneurs  ar- 

io5t  Voyez  dans  Siettler  côinment  Marquard  et  Jeaa  contractèveut  des 
engagemens  envers  la  ville  en  1453 ,  et  ci-dessas ,  cbap.  L 

««»*  Béatrix  de  Rinkenberg,  mère  de  Henri  deBubenberg,  avait  épousé 
en  secondes  noces  nn  de  Baldeck. 

«<>»»  Stumpf,  516  h.  En  1460. 

^*^*  Rod.  de  Uallwyl  devînt  bourgeois  de  Soleure  en  1457;  sa  contri- 
bution était  de  8  livras  6  schel.  8  fenn.  Uaffiter.  Quant  à  sa  bonageoisie 
de  Berne  voy.  le  rôle  deê  tontributionê  ,  14.66. 

""  C/i.  ci-dessous,  n.  1075. 

^06s  D'après  le  livre  des  fiefs  d'Autriche  :  Con/Smiaf ton,  1457;  en 
échange  de  son  fief  conditionné  (Hallwyl!) ,  qui  fut  détaché  de  l'Au- 
triche en  1415 ,  on  lui  donne  Burkheim  sur  le  Rhin ,  ainsi  que  la  navi- 
gation et  le  droit  de  visita  sur  le  fleuve.  SckdpfUn,  AU.  UL  II. 

^*^*  Roo,Ann,  Austr.  Â.  1463.  Mais  s'étant  aperçu  que  les  conseils 
de  gens  turbnlens  avaient  plus  de  crédit,  il  s'était  retiré. 

ioso  Voy.  t.  m  ^  258.  Confratemiié  du  duc  Frédéric  ei  de  Guillatm^  de 
MuUinen ,  son  premier  chambellan ,  seigneur  de  Bemegg  :  celai  des  deux 
qui  survivrait  à  l'autre  en  hériterait  cent  florins.  losprnck,  Quaaim. 
1427. 

4o<^<  Gastelen  et  Ruchenstein. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  485 

govicns  toute  espérance^^^.  Sans  rompre  avec  la  mai- 
son d'Autriche  y  ils  devinrent  bourgeois  de  Berne, 
membres  du  gouvernement,  et  s'unirent  par  des  lÀa- 
riages  à  des  familles  puissantes  ^^^.  Le  sire  «de  Rhei- 
nachy  au  contraire,  préféra  perdre  ses  domaines  si- 
tués autour  de  Habsbourg  plutôt  que  de  reconnaître  des 
juges  qui  ne  tenaient  pas  leur  office  de  Sigismond  ^^^  ; 
rattachement  de  Berne  aux  intérêts  populaires  lui  dé- 
plaisait^^ et  une  inimitié  divisait  les  Rheinach  et 
Bubenber^^^^.  lis  furent  en  vain  cités  devant  des 
tribunaux  étrangers  ^^^  pojir  une  somme  qu*un  ancien 
duc  avait  empruntée  du  sire  de  M ûhlheim  ^^^ ,  sous 
la  garantie  des  villes  de  TÂrgovie  :  Berne  protégeait 
ces  villes  contre  des  charges  excessives  ^^^  et  contre  les 
prétentions  mal   fondées  des  seigneurs  ^^''^.   Chacun 

N 

*•<>  1460,  volontairemenL  Trantmisiion, 

**"  Uemmann ,  le  premier  qui  fat  bourgeois  de  Berne  el  membre  du 
conseil,  avait  épousé  Mai^uerile  de  Bûltikon ,  petite-fille  de  Rodolphe 
de  Hingollîngen;  Jean  Albert,  son  frère,  Dorothée  fille  d'Adrien  de 
Bubenberg  ;  le  troisième ,  Jean-Frédéric ,  Barbe  de  Schamachthal- 
Brandis ,  veuve  de  Nie  de  Diessbach.  Généabgie  de  MiilUnen, 

^*'*  Ch,  de  1456  concernant  la  forteresse  de  Vilnachem. 

'^*  Lettre  dé  Berne  à  lai,  1457  ;  l'invitant  à  prendre  pins  de  soin  de 
ses  sujets  de  Schinznach ,  Veltheim  et  Gauenstein. 

••"  1466.  SfeHler. 

***'  A  Mûhlheim  entre  Mésen  et  Limpach,  dans  la  juridiction  de  Zol- 
likofen. 

^*"  Ck,  de  la  cour  de  justice  de  Rotkwyl ,  concernant  l'afTaire  de  Henri 
Béger  contre  le  bourgmestre  (sic),  le  conseil  et  la  commune  de  Berne, 
an  sujet  de  149  marcs  qu'Arau,  Sursée,  Sempach,  Zofingue  et  Leni- 
hoarg  devaient  fomnir  aux  Mûhlheim  et  à  leurs  communes.  Reminisc., 
1460. 

****  Sa  charte,  1456,  comme  quoi  Brougg  est  inquiété  contrairement  Ji 
ses  franchises  au  sujet  de  Thûring  Eflinger. 

**^*  Ck  de  Berne,  14>5,  reconnaissant  que  Zofingue  asuflisammenj 


486  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

conserva  ses  droits  basés  sur  des  titres  ^^^^;  les  Ber- 
nois acquirent  par  achat  la  tour  des  vieux  comtes  de 
Lenzbourg  ^^^^.  Berne  ayant  été  accusé  de  participation 
au  complot  de  quelques  aventuriers  contre  le  château 
de  Rheinfelden  ^  sentit  si  vivement  l'outrage  fait  à  son 
honneur  ^^^^y  qu'il  punit  sévèrement  les  auteurs  du 
crime  *^^*,  et  ne  se  reposa  que  lorsqu'une  enquête  en 
forme  eut  prouvé  l'innocence  des  conseils  ^®'^.  La  sou- 
veraineté commune  sur  Bipp,  d'origine  Carlovin- 
gienne^^^^,  sur  l'héritage  de  Bechbourg  et  sur  quelques 
villages  florissans^^''^  de  la  contrée  autrefois  sau-^ 
vage  ^^'^^  voisine  de  la  voie  romaine  ^^^®,  fut  partagée 
entre  Berne  et  Soleure  de  manière  à  faciliter  les  rap- 
ports ;  mais  les  Bernois  renoncèrent  amicalement  à  des 
revenus  considérables  ^^®^. 

Soleure,  la  première  ville  en  deçà  des  défilés  sau- 

prouvé  la  légidmilé  de  sa  juridiction  criminelle  contre  VTallher  de  GrO^ 
nenberg.  Jean-Rod,  Sater  dans  Haller,  lY,  3A9. 

i»7i  ^  Windisch ,  le  péage  et  le  droit  de  passage  appartenaient  encore 
à  un  bourgeois  de  Waldsbut  Ck.  1449. 

<«7a  i^QQ  ^  (]e  la  main  de  Werner,  avoyer  de  Lenzbou^.  Steitler.  La 
maison  sons  la  tour  portait  le  nom  d*Arbonrg. 

*°^*  «  Noos  et  nos  aïeux  n'avons  jamais  été  accusés  d'une  semblable 
déloyauté.  >  Berne  d  Zurich,  févr.  1465. 

*°7*  Etierlin:  «  Pas  mis  à  mort,  mais  rigoureusement  punis  dans 
leurs  biens,  • 

«075  Déclaration  de  Thuring  delîaUwyl,  1465:  que  les  fiemoîs  sont 
sans  don  te  fâchés  de  cette  histoire  (  l'expression  est  un  peu  ambigué  ). 

*«7«  T.  I,  214. 

i077  Prononcé  de  Fribourg  et  de  Sienne  entre  Berne  et  Soleure  ,  au  tujct 
de  Lcngnau,  Granges  et  Kollikon,  81  juillet  1460. 

^"^'  La  eh,  de  1C59  mentionne  la  Fontaine-aux-Loups ,  la  Maison- 
nctte-auxjjoups. 

"7»  Walen-Weg.  J6«V/. 

*"•  Partage  de  1461.  Stettler  et  Haffner,  Cet  esprit  respire  aussi  dans 
a  c/i.  1460^  il  est  vrai  par  l'intervention  des  médiateurs. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  /|87 

vages  du  Hauensteiu,  était  si  bien  uni  à  la  Suisse  par 
ses  mœurs  et  ses  principes,  que  sims  obligalion^^^^ 
il  joignait  ses  armes  à  celles  des  Confédérés.  Si  la  ja- 
lousie n'avait  pas,  alors  déjà,  divisé  les  cantons  fo-- 
restiers  et  les  villes,  nul  doute  que  Soleure  n'eût  été 
admis  de  bonne  heure  dans  les  alliances  éternelles  ^^^. 
La  plus  ancienne  et  la  plus  étroite  relation  l'unissait 
avec  Berne.  Quoique  cette  cité,  forte  de  son  génie  na- 
tional, saisit  toutes  les  occasions  de  s'agrandir,  elle 
concourut  par  son  union  à  la  liberté,  à  la  grandeur  et 
k  la  prospérité  de  Soleure.  Fribourg  en  agit  de  même. 
Bienne  aussi ,  et,  suivant  le  droit  de  la  liberté  antique , 
Berthoud*^^^ étaient  alliés  avec  Soleure.  Strasbourg  *^^^ 
et  d'autres  villes  sur  la  même  route *®®^  reçurent  de 
cette  cité  de  si  glorieux  secours  que  l'électeur  palatin 
rechercha  son  amitié *®^^.  Honorable  en  toute  chose, 
Soleufe  fit  à  l'illustre  sire  de  Bourgogne  une  réception 
digne  de  lui^^^'';  ses  chefs  *^^^  l'accompagnèrent  jusqu'à 
Neuchâtel.  La  générosité  soleuroise  se  déploya  envers 
Berne  et  envers  Âugsbourg ,  à  l'occasion  d'un  incen- 
j^çioBo  Qi  d'une  construction  dispendieuse^®^,  non  par 

*''*  Recéide  Constance,  déc.  1Ï59  :  «Ils  l'ont  fait  par  aficction ,  non  à 
cause  du  droit-^  •  dans  Tschudi, 

^**'  On  le  voit  clairement  par  le  commencement  du  passage  cilé. 

s«ss  i4A7.  Uenouvcllenient  pour  20  ans.  Uq/fncr,  U  ,152. 

«"*  U48.  J6«(/.  153. —  1457.16.  158. 

10S5  1454.  Hagenau.  16.  156. 

*•«*  1449.  Ib.  153. 

*•*'  Liste  de  frais  de  1^53;  elle  s*éleva  en  trois  Jours  à  253  livres  14 

achel.  p.  155. 

loês  L'avoycr  de  Wcngi  et  le  banncrcl  Byso. 

io^o  Kn  1453  ,  on  envoya  100  flor.  V,  156. 

*-''o  SL-Valcntin,  1.139.  P.  1-52. 


488  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

orgueil ,  car  elle  ne  négligeait  pas  les  petits  ^^' .  Dans 
cette  époque  de  prospérité  naissante ,  le  cœur  des  So- 
leurols  aimait  à  s'élargir  pour  faire  accueil  ou  cort^e 
à  de  nobles  combourgeois  ^^^^^  pour  fêter  les  visites 
d'honneur  de  quelque  ami  et  voisin  ^^'^  ou  quand  l'a- 
voyer  et  les  conseillers  se  rendaient  dans  d'autres  villes 
pour  le  carnaval  *^^,  ou  lorsqu'on  livrait  à  la  joyeuse 
émulation  des  tireurs  une  paire  de  bœufs  énormes  ^^^. 
Quelquefois  on  abattait,  dans  les  fossés  de  la  ville ^  un 
cerf  pour  un  festin  de  la  bourgeoisie  ^^^,  ou  bien  on  lui 
donnait  dans  l'hotel-de-ville  un  repas  de  poissons, 
suivi  d'un  bal  ^^^"^p  on  encore  au  milieu  du  concours  de 
tout  le  pays  un  spectacle  représentait  la  vie  des  saintes 
femmes  '^^.  Jean  de  Fleckenstein  abandonna  son  béné- 
fice pour  qu'un  organiste  ajoutât  à  la  solennité  du  culte 
dans  l'église  de  Saint-Ours  ^^^*  Des  infortunés  sans  pa- 
trie ^^^  ou  exilés  par  la  misère  ^^^^  recevaient  du  pain  à 
leur  passage. 


**^  En  1495 ,  dtt  pÛD  et  do  vfai  anx  babitaos  de  WielUspacb.  P.  156. 
A  ceai  de  Wolfwyl ,  ose  ooDtribodoa  au  frai»  de  conalracUon  de  l'é- 
glise, en  1 A  52. 

loti  piir  exemple ,  le  comte  Jean  de  Nenebfttel ,  1455  etsuiv. 

!>«>  1451 ,  Fécuyer  tranchant  de  Lenzbourg  et  l'avoyer  dTAnni. 

"»*  En  1466,  à  Friboiiiç. 

*•"  1461. 

«•*•  1448.  Le  festin  à;  l'Hôtel-de-Ville  coûta  2  livra  11  schelL  8  fen- 
nings. 

«••'  1451. 

*•••  1465. 

<••*  1450.  Haffner  a  tiré  tous  ces  petits  détails  des  proloeolesdes  mis- 
sives qai  commencèrent  en  1448,  et  des  comptes  de  la  ville  et  delà 
campagne. 

<iM  Les  Zîgueunes  ou  Bohémiens,  1450 ,  55. 

>***  En  1465 ,  un  grand  nombre  de  gens  appauvris  de  la  Marche  à 
rorient  du  lac  de  Zurich.. 


LIVRE  lY*    CRAP.    Y*  489 

Left  crimes,  quand  ils  n'étaient  pas  imaginaires^  ^^^ 
ou  commis  pour  de  l'argent  ^'^^  par  la  perversité  vénale 
d'un  monstre  ^^^y  avaient  la  pétulance  de  Tenfance  hu- 
maine/ cruelle  par  irréflexion '^^^^  ou  bien  ils  prooé- 
daient  de  cette  effervescence  de  vengeance  ^'^  ou  de 
volupté  ^'^"^  qui  appartient  à  la  jeunesse. 

Un  chef  puissant  ^^^^  ou  une  société  ^^^  entrepre- 
nait une  expédition  militaire  ou  une  guerre  y  même 
contre  TAutridie'^'^^  parfois  à  Tinsu  du  gouverne- 


«••>  On  brûla  beaucoup  de  sorcières ,  en  i45â ,  à  Soleore  et  à  Berne  ; 
en  1467,  à  Basseradi ,  au-dessous  de  Thlersteîn. 

****  Ea  U66,  on  exéooU  W6to,  qui  «vak  reçu  800  Sorins  du  bAUrd 
de  Wtkrtenbe^  et  du  chaDoine  balois  MaiîmiiîeQ  de  Stein,  pour  s'em- 
parer de  Neuenstein,  genlilbomme  soleurois,  pendant  un^ojageaui 
bains. 

i«o«  Erbard  Lug-Ins-Land ,  voleur  et  assassin ,  fut  gagné  en  1462  par 
Jacques  de  Holienstein ,  moyennant  40  flor.,  pour  incendier  Soleure 
pendant  un  grand  tir. 

****  En  i46i  ,  assises  pour  Juger  un  individu  qui  i  ajant  vu  un  Jeaue 
garçon  se  réfugier  -dans  un  arbre  creux ,  y  mit  le  feu  par  méchanceté. 
Le  coupable  passa  près  des  assises  sans  être  reconnu.  La  même  asoée, 
amende  prononcée  contre  deux  paysans  qui  avaient  rais  un  serpent  dans 
la  soupe  de  leurs  camarades*  En  1468,  40  flor.  d'amende  infligée  à  un 
homme  qui  avait  coupé  la  langue  à  un  enfant  pour  qu'à  ne  rapportât 
pas  une  cbose  qu'il  avait  vue.  Ce  ne  fut  pae ,  il  est  vrai ,  un  acte  de  mé- 
chanceté gratuite. 

***'  En  1458,  Werlisperger  est  mortellement  blessé  par  Vmoyer  Hart- 
mann de  Stein.  Celui-ci  prend  la  fuite  ;  mais ,  en  considératioii  de  son 
mérite ,  on  le  raj^^eUe  le  lendemain. 

t«o'  En  1468,  on  tranche  la  télé  au  joueur  de  luth  Nloolas,  origi- 
naire des  Grisons ,  qui  avait  épousé  trois  femmes. 

*<*•  En  1467,  AnUnneKrataer. 

^<**  Les  ouvriers  d'Oken  incendient  en  t460Séewen,  appartenant  au 
sire  de  Falkenstein ,  à  coup  sûr  à  Tinsn  du  gouvernement ,  puisque 
même  1*  cA.  de  1099  ne  l'en  accuse  pas. 

*''*  Expédition  contre  Pfirt,  en  1460;  ces  116  hommes  en  battirent 
près  de  Roonedorf,  non  loin  de  Delémont,  800  qui  les  poursuivaient. 


490  HISTOIRE    DE   LA.   SUISSE. 

ment.  Le  gouvernement,  de  son  côté,  prenait*  souvent 
les  armes  pour  ses  combourgeois  *  '  "  *  contre  les  capri- 
ces de  tyrans  qui  outrageaient  l'humanité  ^^'^  ;  pour 
la  cause  de  la  ville,  il  les  portait  jusqu'en  Liorraihe  ^^^^; 
mais  c'est  avec  Rechbepg^*^*,  Moenchenstein**'*,  Fal- 
kenstein  et  Eptingen ,  qu'il  avait  les  querelles  les 
plus  fréquentes^  les  plus  amères^  les  plus  irréconcilia- 
bles. Vijigt-trois  ans  après  son  attentat  sur  Brougg,  que 
Soleure  concourut  à  venger  "^^,  Thomas  de  Falken- 
stein,  dont  nous  connaissons  lès  vices  *^*'',  jugea  con- 
venable de  demander  insolemment^''^  satisfaclion  à 
cette  ville,  prétextant  un  scrupule  au  sujet  du  repos  des 
âmes  de  quelques  hommes  qui  avaient  péri  alors '''^. 
Cette  demande  fut  repoussée  avec  mépris  '  '^®.  Lorsque 
les  habitans  de  Prattelen,  sujets  inquiets  de  Jean-Ber- 


Bien  qu'ils  n'agissent  qaeponr  leur  compte»  leur  trophée  fut  placé  dans 
h  grande  église:  le  courage  est  toujours  louable.    ' 

^^^^  Pour  Oswald ,  comte  de  Thierstein ,  en  1665  ;  il  y  a  encore  d'au- 
tres exemples. 

**is  £n  1466,  la  femme  d'un  prisonnier»  agenouillée  devant  U  Irich  de 
Westerstetten ,  do^t  elle  ne  voulait  pas  satisfaire  les  désirs ,  en  rcçnt  un 
coup  de  pied  si  violent  qu'elle  accoucha  d'un  enfant  mort. 

M^s  Devant  Epinal,  en  1467».  pour  obliger  le  maréchal  de  Bourgogne* 
Ncuch&lel  à  payer  à  la  ville  les  sommes  qu'il  lui  devait. 

""  Depuis  1465. 

Mi^  Même  date. 

*^^^  A  cause  de  l'alliance  avec  Berne  ;  Brougg  appartenait  aux  Bernois. 

*>"  Dans  le  chap.  !•*  de  ce  livre ,  p.  69-78. 

^^^'  Il  les  déclara  dépouillés  de  leurs  diplômes»  de  leurs  sceaux  et  de 
leur  honneur,  et  les  menaça  de  détruire  en  tous  lieux  leur  sceau  ,  lo'ir 
écu  et  leurs  armes.  Voy.  dans  Tsehudi  sa  Lettre^  St-Mart.  1^67;  la  re- 
fonte des  Soleurois  »  Sic.  -Gath.  ;  et  sa  réplique  »  Ste. -Lucie. 

*^^^  Un  préli'c  et  deux  gardiens;  on  ne  connaît  ni  les  auteurs  ,  ni  l» 
cause  de  ce  fait. 

***"   «  Vous  devriez  en  avoir  hoiUc.  »  Ucponsc  des  Soictirvi», 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  491 

« 

nard  d'Eptingen,  dont  quelques-uns  relevaient  de  So- 
leureavecleursbîens^^^*,  engagèrent  cette  ville  à  s'em- 
parer de  Prattelen  et  à  ravager  les  propriétés  de  leur 
seigneur  "^^,  ce  chevalier  intelligent  se  trouva  bien 
d'avoir  gardé  dans  les  grandes  guerres  une  neutralité 
excusable  aux  yeux  de  l'Autriche  **^^,  inofifensive  à 
l'égard  de  la  Suisse  '^^^.  Fidèle  à  son  noble  caractère 
non  moins  qu'à  la  prudence  **^^,  il  tacha  d'éviter  une 
guerre  avec  Soleure^  par  le  recours  à  d'illustres  ar- 
bitres"^® et  par  un  appel  à  la  loyauté  suisse  ^^^^.  La 
tentative  de  surprendre  quelques  villages  par  repré- 
sailles lui  réussit  mal"^^;  mais  les  Suisses"^*  et  les 
plus  grandes  souverainetés  du  voisinage  "^^  se  li- 
guèrent pour  lui  rendre  sa  position  et  sa  sûreté"^*. 
L'agrandissement  du  territoire  de  Soleure  n^  fut 


412^  Probablement  au  sujet  de  Doraek. 

^^^  11  l'estime  1S,000  florins.  Gela  eat  lieu  à  Prattelen  et  à  Virîld» 
Eptingen. 

^'^  N*était.il  pas  isolé  et  cerné  ? 

«•s*  Ne  leur  donna-til  pas  du  pain  et  du  vin  lorsqn'ib passèrent  le 
DanensteiD?  C/i.  1406, dans Brit(^m«r. 

'*2^  «  En  considération  de  mon  nom,  de  ma  race,  de  macheValerie  et 
de  mon  origine ,  je  serai  le  plus  sage  et  je  ferai  plus  que  mon  devoir.  » 

*"*  EpiingendSoUure,  Concept.  1468.  TsciiudL  11  offrit  de  s'en  rap- 
porter au  jugement  de  l'Empereur,  des  évoques  de  Strasbourg ,  Con- 
stance, Bâie,  Spire;  des  ducs  de  Bavière,  Veldens,  Autriche;  des  mar- 
graves de  Bade;  des  sires  de  Rappoltstein  et  Flachslanden ,  etc.  . 
.  ""  Eptingen  à  GlarU,  St^^bom.  14^8.  Ibid.  U  écrivit  de  même  h 
tous  les  cantons. 

**2*  On  exécuta  à  Soleure  un  habitant  de  Schlettstadt ,  qui  avait  voulu 
lui  livrer  Nunningen  et  Busserach.  Haffner, 

**"  Zurich, Luceme,  Schwyz et Schaffhouse. 

**>*  L'évêque  et  la  vil^  de  Bftle,  le  comte  de  Nenchltel,  le  célèbre 
bailli  bourguignon  Dagenbacb. 

t^*^  Soleure  dégagea  ses  gens  du  serment  et  lui  restitua  500  flor.,  ré- 
paration d'honneur  plutôt  qu'indemnité.  Ha/fner  a  omis  cette  histoire. 


492  HISTOIRE   DE   Lk   SUISSE. 

jamais  le  résultat  d'une  injuste  violence,  mais  celui  de 
l'éco&omîe  et  du  patriotisme  des  citoyens  :  soit  qu'on 
proitât  du  désordre  des  àfbires  des  derniers  de  Ram- 
stein  ^^^^  pour  prot^er  une  certaine  étendue  de  IWar 
par  Tachât  de  la  seigneurie  de  Gosgra  ^^'^^  ou  pour 
prévenir  par  celui  de  Séewen^^^  des  procès  chatioeux; 
soit  que  le  comte  Oswald  de  Thiersteiû^  embarrassé 
par  la  complication  de  ses  affiiires,  abandonnât  à  la 
ville  son  manoir  hypothéqué  ^^'^  ;  soit  encore  que  des 
seigneurs  obérés  vendissent  leurs  redoutables  forfieres- 
ses  dans  les  gorges  ou  sur  les  hauteurs  du  Jura  *  ^^,  on 
un  gentilhomme  sa  belle  seigneurie  ^^^'^^  ou  qu*on  tint 
les  châteaux  ouverts  à  h  ville  en  échange  de  sa  protec- 
tion "•^.  On  recherchait  son  argent  **^',  ses  troupes  "** 

s 

iisi  voy.  plus  haut  chap.  II,  à  n.  170. 

*^**  En  iA58 ,  pour  8,200  flor.  Tschwii;  Haffner;  Rhan.  Non-seale- 
ment  le  district  de  GOsgen,  mab  encore  des  villages  attribués  à  Berne 
pttr  des  traités  poatériedrs ,  Favouerie  de  Schônenberg  et  le  péage  de  Vil- 
inergen«  Ces  domaines  furent  vendus  par  Ursule  de  Ramstein,  épouse  de 
Thomas  de  Falkenstdn ,  son  tuteur,  à  ce  qu'il  parait ,  pour  ce  douaire 
ed  son  préseilt  de  noces. 

<«>4  4^61,  Appartenant  aussi  à  Ramsteitu  Thomas  de  Falkenstein  en 
vendît  rusufroit ,  et  sa  belle-mère  Ursule  de  Ramsteiti,  de  la  maxM>n  de 
Géroldaeck ,  la  propriété. 

*"*  i46d.  Hagner. 

^*^  Falkenstein  payé  en  149S  à  Henri  d'OMngen.  Bernard  de  la 
même  maison  avait  vendu,  en  i4S6,  Domeck  à  Solenre.  Hajfker. 

*^*'  En  t46S,  Kriegstetlen  f«lv6dd«  par  le  gentilhomme  de  HalreîD: 
l'année  auparavant  Waitenfels',  par  Adrien  de  Bubènberg. 

*^**  Pierre  de  Greifensée  accepte  la  bourgeoisie  avec  sa  seignenrie  de 
Wikiegg,  en  1456;  Anu  de  Witledbeinli  convertit  Dfetlkofi  en  d&neure 
ouverte ,  1462  ;  Hemmann  de  Ramstein  devient ,  avec  Bflren ,  bourgeois 
de  Soleure  en  1466. 

^w  Su  1467,  la  dame  (veuve?  )  de  RamMeitt  vint  i  Sokmre  sans  un 
sou ,  fut  hébergée  gratuitement  et  reçut  un  doto  de  dnq  florins. 

****  En  1461 ,  Jean  Bernard  de  Gilgenberg  demanda  en  vain ,  dans  sa 
perplexité,  un  secours  de  SO  hommes. 


LIVRB  IT.  GIIAP.  y.  493 

et  son  alliance.  Forte  de  ses  murailles  restaurées  '^^^, 
laborieusement  défendue  par  des  tours  coûteuses  ^'^^, 
enrichie  d'horloges  utiles  pour  toutes  les  occupations 
de  la  via  '^^^  et  de  grosses  cloehes  pour  les  assenUëes 
soudaines  et  les  prises  d*armes  ^  ^^,  la  yille  de  Soleure, 
accessible  aux  amis' ^^^^  fiére  aux  ennemis,  ooeqpait 
le  centre  de  la  contrée. 

Elle  avait  des  avoyers  qui  y  élus  à  T&ge  de  la  pl^ne 
vigueur,  souvent  ridies  et  bienfaisans  ^^^^,  vénérés 
conmie  des  pères  ''^^,  eux-^mémes  pleins  de  confianee 
dans  le  gouvernement  '^^^,  voyaient  parfois  pendant 
Texercice  de  leurs  fonctions  passer  une  génération 
entière  ^^^^,  infatigables  jusqu'à  leur  moH  ^^^,  pleures 
même  par  des  voisins  ^'^.  Soleure  prenait  un  soin  re^ 
connaissant  des  enfans  mineurs  lais^  pair  ^uî  qui 
avait  longtemps  servi  de  père  à  la  république  :  il  ne 
permit  pas  que  la  belle  etriohe  héritière  de  Hemmanm 

****  Od  les  construisit  à  neuf,  en  1459,  près  de  la  porte  de  TEich- 
thor. 

**^^  En  1A62 ,  le  Kaamauf  (  •  à  pdne  construite,  >  nom  de  le  tour  la 
plus  élevée  dans  le  faubourg  aor  KAar  ). 

****  En  iA52 ,  la  graade  horloge  avec  l'homme  qui  frappe  les  heures. 

«A**  En  ihH  •  celle  du  vieux  clocber  fondoe  par  «n  maître  de  Gham- 
plitte.  < 

****  On  en  avait  facilité  les  «bords  à  partir  du  pont  de  VEmmt,  1454. 

Mê  L'avoyer  Nicolas  de  Wengi  bâtit ,  en  1467,  le  grand  h6pitaK 

*^f  Gomme  le  gentâbomme  Bernard  de  Mahrein ,  avoyèr,  mort  en 
1467. 

«!«•  Hemmann  de  Spiegelberg  établit  le  gouvernement  tuteur  de  sa 
propre tlle,  très-riche,  14S1. 

*^**  Spiegelberg  fut  avoyer  S9  ans ,  Jean  Wagner  50 ,  Ulrich  Byao 
29  ans. 

^*^  Nicolas  de  Wengi  mourut  en  roule  pour  Mulhouse ,  1467. 
(Hafner,  II,  167,  en  contradiction  avec  ce  qu'il  rapporte,  I,  861; 
de  Wengi  n'était-il  plus  depuis  1454  qu'ancien  avoyer?  ) 

"»  Gomme  Wagner  en  1451 ,  Wengi  en  1467. 


494  HISTOIRE   DE.  LA   SUISSE. 

(le  Spîegelberg  fût  secrètement  unie  à  un  étranger 
par  le  caprice  de  sa  mère,  mais  il  obtint  par  des  voi(*s 
juridiques  que  y  selon  le  vœu  du  père,  le  mariage  de  la 
fille  tournât  à  Thonneur  et  au  profit  de  la  cité  et  ré- 
compensât le  mérite  de  son  successeur  dans  la  première 
magistrature^  Bernard  de  Malrein;  Reinbard  de  Ma  la- 
rcin devint  son  époux  ^^^^. 

Les  revenus  de  la  ville  en  argent  ne  s'élevant  pas  à 
cinq  mille  livres  ^'^^  restaient  ordinairement  au-dessous 
des  dépenses  ^^^*  :  c'est  que  non-seulement  elle  entre- 
tenait une  garnison  pour  marcher  contre  les  enne- 
mis ^^^^  et  achetait  des  armes  pour  ses  citoyens  **^, 
mais  elle  avait  des  greniers  '^^^  et  des  caves  afin  de 
maiiitenir  en  cas  de  disette  imprévue  les  premières  den- 
rées à  des  prix  équitables  ^^^.  Elle  couvrait  ces  dépen- 
ses extraordinaires  au  moyen  de  contributions  considé- 
rables suivant  la  valeur  de  Targent  à  cette  époque  '  '^^ 
et  dont  ni  ecclésiastiques  **^^  ni  campagnards  ^*®*  n'é- 


««&>  Le  mariage  en  i&63. 

HS3  £n  1455  ^  ils  s*élevèrent  à  4,679  livres  2  schel.  A  fenn. 

<i54  £^g  même  année  &»96i  liv.  4  schei.  8  fenn, 

^^^^  En  1450,  Ulrich  Matlhys  et  16  antres  reçoivent  chacun  5  schci- 
lings  par  jonr,  forte  solde! 

*"«  A  Henri  Steflan,  5  liv.  10  sch.  par  millier  de  fûts  d'arbalMrs; 
même  année. 

**^^  En  1465 ,  eonslruction  d'an  grenier  à  Séewen. 

'"*  En  1458  ,  le  pot  de  vin  valant  14  fennings,  le  gonvemcment  le 
fit  vendre  pour  8. 

'*^'  En  1444 ,  ordonnance  sur  TOhmgeld  (  droit  de  consommation }. 
En  1450,  TégUse  de  Saint-Ours  paya  150  flor.  de  contribution  de 
gueire. 

<«««  En  1463,  établissement  d*on  impôt  à  Falkensteio.  On  connaît 
aussi  les  époques  de  Gôsgon  et  d'autres  localités. 

^***  En  1447,  cinquante  hommes  dînaient  et  soupaient  pour  4  livres 
G  sch.  ;  et  en  1466  oq  achetait  pour  25  florins  une  grande  maison. 


LIVHE  IV.   CtiXP.   V.  495 

liaient  exempts.  Cependant  l'agriculture  se  perfection- 
nait de  jour  en  jour  '*^^,  et  déjà  des  jeunes  gens  vigou- 
reux trouvaient  une  ressource  dans  la  garie  des  sou- 
verains étrangers  *^^^. 

Du  territoire  soleurois  une  double  route  conduit  par 
le  Hauensteia  supérieur  et  inférieur  sur  les  bords  du 
Rhin^  à  travers  des  contrées  qui  passèrent  la  plupart 
sous  Tautorité  de  BâlCé  Déjà  Von  se  croyait  en  droit 
d'exiger  de  Bàle  la  sûreté  des  chemins  entre  Walden-^ 
bourg  et  Liestal  ^^^^.  Des  brigands  déguisés  parcou- 
raient le  pays  avec  des  armes  secrètes  ;  tout-à-coup  le 
son  d'un  cor  rassemblait  la  horde  cachée  ;  elle  forçait 
les  voyageurs  dépouillés  à  jurer  sur  leur  \ie  de  ne 
jamais  revenir  dans  ces  lieux  ^^^^.  Des  grands  se  coali- 
saient contre  l'injuste  violence  qui  ne  respectait  ni  la 
dignité  du  prêtre  ^^^  ni  le  caractère  sacré  de  l'ambas- 
sadeur "^''.  Dans  bien  des  lieux  d'interminables  pro- 
ces,  concernant  les  droits  de  parens  éloignés  ou  de  sei- 
gneurs absenSy  empêchaient  l'exercice  de  la  police  ^*®^. 
De  là  vint  qu'à  Liestal  la  direction  de  la  garde  des 
portes  fut  confiée  à  deux  conseillers^  que  pendant  le 

"«t  En  1461  les  habitans  de  Granges  extirpent  par  le  feu  ane  for^t 
pour  convertir  le  sol  en  pâturage. 

^**'  La  garde  bourguignonne  fut  autorisée  en  1465. 

*"*  Sentence  de  Strasbourg,  1A6i,  dans  Brueknér;  Curiosité»  de  la 
Campagne  de  Bàle ,  p.  1477.  11  s'agissait  de  savoir  (  Téquité  le  voulait  ) 
si ,  outre  le  droit  de  chaussée  et  de  pontonnage,  la  ville  percevait  aussi 
un  droit  de  conduite. 
.    **«*  Dans  les  environs  de  Praltelen ,  1456 ,  Bruckner,  U ,  251. 

*»••  Le  docteur  Cyriacus  fut  terrassé  par  Jacques  Ze  Rhyne  avec  le 
secours  d'Eptingen^  1464 ,  Ibid.,  205. 

""  L'ambassadeur  d'Espagne  en  Angleterre,  1469,  emmené  à  Pfcf- 
fingoti ,  chrileaii  d'Oswald  de  Thierslein. 

«•••^  Les  sentences  do  r*rnhrini  sur  les  droits  souverains  de  llôlslcin, 
l/|5'i  cl  l/|.'îG.  Vtvuckner, 


496  HiSToniB  DB  hk  sirnsB. 

joiir  un  gardien  reslak  en  observation  sur  le  cioch», 
et  chaque  nuit  un  membre  du  conseil  veillait  dans  te 
château  ^'^^«  A  la  déloyauté  se  joignait  la  rudesse  des 
mœurs  :  la  femme  d*un  prisonnier  n'ayant  pu  rassem- 
bler que  la  moâtié  de  sa  rançon  >  la  garnison  de  Fams- 
boui^  la  contraignit  d'être  témoin  du  supplice  de  son 
mari  ^^'^^.  Une  autre  apportant  dix  florins  pour  qu  on 
ne  coupât  à  son  mari  qu'une  main ,  ils  lui  mirent  les 
deux  dans  son  petit  psmier  ^^''^  Guillaume  de  Runs, 
bailli  du  duc  Albert  au  château  de  Farnsbourg»  fcurça 
un  homme  par  des  tortures  à  déclarer  qu'au  s^  de  la 
paix  les  B&loia  avaient  voulu  s'^nparw  du  diâtean  par 
une  petite  porte  latérale  ^^^^;  condamné  à  RheinCelden, 
on  l'écartela;  le  baiUi  ordonna  de  lui  arracher  ausailôt 
le  cœur  pour  l'empêcher  de  parler  ^^'^^. 

Tandis  que  la  violence  et  la  barbarie  compromel- 
taient  ainsi  la  sécurité  publique^  Bâle  florissait  grâce  à 
son  ordre^  à  sa  sagesse,  à  son  énergie.  Au-dessus  de 
toutes  les  autrea  villes  brillèrent  les  wmes  et  les 
hommes  que  le  dievaUer  Burkhard  de  Rotberg, 
bourgmestre  de  Bàle,  conduisit  à  Rome  pour  emfaeffir 
le  couronnement  de  TEmpereur  (1452)  :  il  reçut  en 
récompense  la  grande  charte  des  franchises  qu'on  lisait 
annuellement  devant  le  conseil  et  les  bourgeois  ''^^. 
Sans  les  machines  de  siège  de  cette  ville ,  sans  ia  nutice 

*^<*  Ordomiaiice  de  1450. 16.  p.  104S. 

*"^  Elle  vonlot  se  couvrir  les  yenx  de  ses  mains.  Smtmtee  asfrtdk.  Ibid. 
p.  2126. 

**^^  Par  la  maison  des  chevaliers  de  ^lempen  cont^goe  à  la  c6ar  da 
cbMeatt.  Ibid,  2162. 

««'*  1158.  Ibid,  2129. 

117*  UlrUh  Muiiiu,  Chron.  Germ.  I.  XXIX ,  édit  Pistor.  946.  WMtrti- 
un,  Chron,  de  BàU,  4&6. 


r 

UVRE  IV.    CHAP.    V.  497 

commandée  par  Flachsland  et  Bërenfels^  les  murs  et 
les  tours  puissantes  de  la  forteresse  de  Hohenkônigs* 
bourg,  bâtie  sur  la  pointe  d'un  rocher  de  difficile  accès, 
ne  fussent  pas  tombés  (1 462) ,  et  une  association  de 
nobles  eût  continué  d'exercer  de  là  ses  brigandages  ^^''^. 
Le  plus  grand  danger  menaçait  de  la  part  d*Oswald, 
comte  de  Thierstein,  jeune  homme  ardent  et  inventif^ 
qui  ne  dédaignait  aucun  moyen  de  s'emparer  de  la 
ville.  Il  se  procura  d'abord  de  l'argent  ^'"'^^  approvi- 
sionna et  munit  Pfeffingen ,  un  de  ses  châteaux  qui , 
sur  le  penchant  de  la  montagne  Bleue,  domine  la  Birse, 
au-dessus  de  Baie  ;  mais  ce  qui  le  rendait  surtout  dan- 
gereux^ c'était  la  combourgeoisie  et  l'étroite  amitié  de 
Soleure  et  de  Berne  ^^'''^}  cette  union  obligea  les  Bàlois 
à  des  égards.  Lorsque  Oswald  exigea  d'eux  dix-sept 
mille  florins ,  frais  d'une  guerre  faite  par  son  père 
contre  Bâle  pour  le  compte  de  l'Autriche ,  et  que  la 
ville  n'était  point  tenue  de  lui  rembourser  ^^'^^,  il  ne 
leur  servit  de  rien  d'en  appeler  à  la  justice;  il  fallut 
de  l'argent  pour  le  contenter  ^^'^*.  Le  comte  forma  ai- 


**'*  Ibid.  445 ,  à  comparer  avec  Sehôpflin,  AUai.  iUu$tr,,  ,U  U ,  205. 
Il  me  parait  vraisemblable  que  le  château  était  entre  les  maios  des  de 
Vinstingen  ;  le  grand  nombre  de  nobles  qui  prirent  fait  et  cause  pour  ce 
manoir  et  le  caractère  de  celui  qui  servit  de  guide  aux  Armagnacs  s'ac- 
cordent avec  ce  fait 

ii7(  Il  vendit  Brunnstadt  pour  2,900  florins.  fVuritiien.  , 

*^^^  Bhan^  dans  son  bbtoire  non  imprimée ,  mentionne  la  combour- 
geoisie de  Berne  ;  si  elle  a  existé  réellement ,  elle  n'a  sans  doule  pas  sub- 
sisté longtemps  à  cette  époque  :  n'était-il  comboorgeois  de  Berne  qu'en 
sa  qualité  de  Soleurois? 

«i7*  Conformément  an  traité  de  paix ,  chaque  parti  devait  indemniser 
les  siens ,  et  son  père  Jean  reçut  réellement  à  cet  efiet  de  l'Autriche  une 
somme ,  seulement ,  il  est  vfti ,  de  cent  florins.  FVwr$ti$en, 

**'*  Le  même  et  Stettler.  En  1A65. 

TI.  3i 


498  HISTOIRE    DE   LA   SUiSaB. 

suite  le  projet  de  £aiice  mettre  ie  feu  par  un  gagne-deûer 
à  une  auberge  de  Baie  peodiaul  \s$  fe&IÎBS  que  k&  trî^ 
bunft  célébrw^M  dan$  la  nuit  du  nouvel-^n,  «t  de  s'eoi- 
parer^  au  milieu  du  troubte>  de  la  porte  d'Eadifin^  à 
Taide  de  deux  cents  mercenaires  qui  a'étaieat  iotro- 
duita*  A  la  découverte  du  complot  >  on  se  conteata  de 
bannir  de  la  ville  ^^^^  ces  mercenaires,  Suisses  pour  b 
plupart.  Lorsque  enfi»  >  avec  Tautorisation  de  la  oha»- 
cellef  ie  impériale,  qui  pouvait  ignorer  les  rapports  des 
localités  ^'^S  i^  établit  un  péage  sur  la  grande  route 
commerciale  près  de  la  ville  ^^^^,  Soleyrè  menaça  ceux 
qui  voudraient  Ten  empêcher,  Ge  cpii  tira  ka  Bàloia 
d'embarras  ce  furent,  d^un  côié,  leura  égaida  pour  les 
Gonfédéiréa,  qm,  en  retour,  engagèrent  Sokure  à  romt- 
pre  sea  relatioos^  de  combourgeoisie  avec  ce  seigaeur 
remuant;  de  l'autre,  leur  audace  :  ib  sortirent,  brû- 
lèrent la  maison  du  péage  et  emmenèrent  ba  per^ 
cepteurs  "^^. 

On  n'avait  chassé  de  la  vilb  d'autres  gentibbcmmea 
que  sea  ennemia  déclarés  ^^^^.  L'ordre  et  rinteffî^nce 
présidaient  à  l'administration  municipale.  La  classe 
d'hommes  la  plus  dangereuse,  celle  qui  n'a  ni  biens  ni 
honneur  à  perdre  ^'^^,  et  contre  l'audace,  la  ruse  et  la 
multitude  de  laquelle  la  police  de  la  plupart  dçs  pays 

iiso  fVuritUen,h^^>  En  1466. 

lifti  11  demandul ,  en  gânéni ,  à»  pouvoir  éiôgar  on  péage  dam  ta 
Seigneurie,  qoi  avait  plusieun  voiatus. 

*^*>  A  Gandoldingen. 

^**  fVurêtiê$n ,  confirmé  par  Bruckner. 

«tu  Nous  avons  vu  Rotberg,  Flacbsland,  Bérenfek  eiîMa. 

^^^  Des  aveugles  »  des  boiteux  (quelques-uns  qui  fèigmicntde  l'être), 
des  faiseurs  de  tours,  et  beaucoup  de  gens  sans  aveu, 

*!**  Témoin  les  meudians  et  les  vagabonds,  gens  utiles  pour  les 
de  terreur  en  lemi»  de  révolution. 


LITRB   IV.    CHAF.    V.  499 

soutient  une  lutte  perpélnene^  mais  inégale  ^^^,  fut 
ramenée  par  une  sage  philanthropie  à  de  certains  sen- 
timensde  justice  *^^^,  et  gagnée  en  faveur  d*utt  gou- 
vernement d'une  bienfaisance  si  clémente  '^^. 

Mais  ce  qui  éleva  B&le  an^essns  de  tontes  les  villes 
de  la  Suisse^  ce  fut  la  pensée  ée  fonder  une  écc^  pour 
la  cuHure  scientifique  de  la  jeunesse^  œuvre  méritoire, 
calculée,  non  pour  le  moment  et  pour  mie  constitution 
passagère,  mais  pour  tous  les  âges  et  pour  Hiumanitë 
par  l'influence  des  travaux  qn^'elle  fît  entreprendre  et 
des  facultés  qu'elle  développa.  Une  seule  journée  put 
détruire,  près  de  Chéronée,  Tonvragc  de  Thémistocfe; 
mais  Athènes  recueillit  pendant  neuf  cents  ans  encore 
les  fruits  de  la  semence  jetée  dans  l'Académie^  au  Lycée, 
au  Théâtre  ^^^^.  Un  jour  l'îianiorteUe  admiration  pomr 
ses  anciens  écrivains  remplira  les  esprits  d'un  enthou- 
siasme qui  la  relèvera  de  ses  ruines.  Une  seule  journée 
put  anéantir,  près  de  Fhilippes,  l'œuvre  du  premier 
Brutus  :  mais  lorsque  Rome  perdit,  après  la  liberté^ 
l'empire  du  monde  ;  par  des  souvenirs  que  nnl  pape  ne 


***'  Ik  ftvfticnt.  leur  pcoprc  tribunal'  dMif  laquai»  ne  slégaaicut  q«a 
«  les  enfans  de  U  liberté,  cenx  qui  vont  «a»  eulotiei  et  sànt  coulaiw-  » , 
arme  aans  emploi  dans  uie  ville  paiaibl&  On  les  forfait  de  siéger  et*  de 
se  jnger  les  ans  les  autres ,  sous  pcme  d?4ti<e  aciélés  conma  des  fyfitm 
et  cités  devant  les  juges  des  délits  de  poliaa. 

*"*  Ils  jouissent  de  la  francbise  et  de  la  présog^iive  d'être  traités 
comme  bourgeois  et  habitaus  (  miauK^qua  les  paysans  qui  apparaissent 
sur  un  échelon  inférieur.)  Ordonnance  des  dmtx  eomeitf,  samedi  av.  Jacq. 
1457,  dans  HalUr,  BibL  VI ,  dA6. 

****  Ce  qu'attestent  encore  les  renseignemens  donnés  par  Proclus , 
Marinns  et  Domase;  Pcocope  rapporte  qpe  les  écoles  furent  supprimées 
par  le  zèle  de  Justinien.  Gommant  poovai«4Na  onblte  les  Dieux  si  noble- 
ment chantés,  et  lire  les  décrets  d^  concHes  aU  lien  des  poèmes  d'Ho- 
mère? 


500  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

put  effacer,  nul  cpnquérant  transporter  ailleurs  *, 
elle  n*en  resta  pas  moins  la  ville  éternelle.  Si  Fœuvre 
des  d'Erlach  périt  au  Grauholz/*,  les  Erasme,  les 
Gessner;  les  Bernouilli,  les  Haller  rappellent  une  autre 
noblesse  et  une  autre  gloire.  Les  œuvres  de  la  pensée 
sont  impérissables;  lès  autres  ne  vivent  que  par  elle  ***. 
.£néas  Sylvius  Piccolomini,  de  Sienne,  un  des  pre-^ 
miers  hommes  de  son  siècle  par  son  intelligence,  son  es- 
prit ,  les  applications  utiles  dct  son  savoir  et  la  noblesse 
de  ses  sentimens,  vint  à  Baie  au  temps  du  concile,  jeune 
homme  pauvre  et  sans  nom  ;  mais  bientôt  il  attira  tous 
les  yeux  sur  ce  qui  vivait  en  lui ,  fut  élevé  sous  le  nom 


*  Dieu  le  veaille!  mab  le  système  créé  pour  subordonner  les  lumières 
ta  despotisme ,  pomr  former  des  instmmens  aphtes  à  le  soutenir,  pour  dé- 
truire la  liberté  de  la  presse,  potir  faire  disparaître  tout -ce  qui,  dans 
les  anciens  ouvrages,  est  regardé  comme  fausse  doctrine,  etc.,  ce  sys- 
tème se  poursuit  si  mathématiquement,  que  le  commencement  du  XLX* 
siècle  pourrait  revoir  la  barbarie.  L'Angleterre  et  TAmérique ,  voilà  Ao- 
tre  espérance.  D.  L.  H.  (  Note  écrite  sous  la  domination  de  Napoléon  à 
laquelle  elle  se  rapporte.  G.  M.  ) 

**  Vaste  forêt  à  la  jonction  des  routes  de  Soleure  et  d*Argovie ,  non 
loin  de  Berne.  Il  s'y  livra  le  5  mars  1798,  entre  les  Bernois  et  les  Fran- 
çais, un  combat  sanglant  dont  la  prise  de  Berne,  le  même  jour,  ftft  le 
résnlUL  G.  M. 

***  Le  poète  lyrique  Lebrun  a  élevé  un  monument  durable  à  cette 
même  pensée  dans  son  Eseegi  monutikentûm  (  1.  Yl,  G.  25  ) ,  où ,  pariani 
des  pyramides  d'Egypte ,  il  demi^nde: 


Qa'attMte  lear  musa  insensé  7 

Bi«B  qu'uB  Béant  ambitianx  : 

Bfab  Touvrage  d«  la  pensée 

Est  Immortel  comme  les  Dieux. 

Le  temps  a  soufflé  sur  la  cendre 

Des  murs  qu'aux  rÎTes  du  Scamandre 

Cherchait  Pami  d*Ephestion  ; 

Biais  quand  tout  meurt,  peuples,  mooarqnes, 

Homère  triomphe  des  Parques 

Qui  triomphèrent  d*lUoB. 

C.  Bf. 


LIVRE  IV.    CHAP,    V,  .501 

de  Pie  II  "•^  à  la  plus  haute  dignité  de  la  clirétieuto  de 
l'Occident,  et  sut  aimer,  même  pape,  les  sciences ^'^* 
délices  de  sa  jeunesse ,  fondement  de  sa  fortune  et  son 
titre  d'honneur  auprès'de  la  postérité.  Lorsqu'on  reçut  à 
Bâle  la  nouvelle  de  l'avènement  de  cet  ^néas  Sylvius , 
objet  d'amour  et  d'admiration,  les  magistrats  se  rap- 
pelèrent l'estime  reconnaissante  qu'il  avait  témoignée 
dans  ses  écrits  pour  la  loyauté  de  leur  bonne  ville. 
Considérant  qu'un  homme  de  cette  trempe  n'oublie 
ni  ks  bienfaits  ni  les  joies  ',  ils  cherchèrent  quelle  grâce 
importante  et  digne  de  lui  ils  pourraient  lui  demander. 
L^évéque  de  Bâle ,  Jean  de  Venningen  y  homme  habile 
dans  la  direction  des  affaires  spirituelles  et  temporelles, 
même  dans  les  circonstances  qui  demandaient  le  recours 
aux  armes,  ne  voyait  dans  la  richesse  et  la  puissance 
que  des  moyens  de  faire  fleurir  son  évêché,  d'élever 
de  magniGques  édifices  et  de  répandre  tous  les  genres 
de  bienfaits  ;  homme  distingué  par  sa  dignité,  son  or- 
dre et  son  bonheur,  et  qui  prenait  aussi  plaisir  aux 
$cienceâ  ^^^^.  Grégoire,  d'une  antique  famille  de  che- 
valiers d'Andlau^*^,  vieillard  plein  d'expérience  et  de 
savoir"^,  était  prévôt  du  chapitre.  Jean  deFlachs- 
land ,  Jean  de  Bérenfels  et  Pétermann  Rot  de  Rotberg , 
tous  trois  chevaliers  nobles  et  qui  connaissaient  le 
monde,  gouvernaient  la  ville  **^.  Sous  leur  présidence, 

^*'*   «  Srnn  Pios  .£neas  fa  ma  super  «thera  notas.  » 

*"*  Plaiina  :  «  qaando  a  manere  vacabat ,  in  leclione  el  scriptionc 
»  omnera  voluptatem  posuisse  ;  libros  pins  quam  smaragdos  et  sapphiros 
•  cbaros  babuisse.  » 

**^  NieoL  Gerung  Blawentiein,  Chron.  episeopor.  dans  le  tome  I«' des 
Scriptt,  minor,  BoâiL 

*M»  Schôpflin,  AU.  i7(.,t.  Il,  6&8. 

'***  Qui  avait  assisté  au  concile  de  Constance.  Leu, 

iJ93  GernUr,  de  Ortu  et  progressu  acad,  Basil.  B&le ,  1660. 


502  HJSTOIRB  DE  I.A  SUISSE. 

les  conseils  et  les  bourgeois  de  Baie  résdiirent  de  de- 
mander à  Fie  ^  non  des  reliques  p  des  images  miracu- 
leuses, un  jubilé 9  des  indulgences,  des  pèlerinages; 
mais  ce  qu'.£néas  accorderait  avec  le  plus  de  joie, 
une  université.  Car  l'empire  des  sciences,  dont  la  reli- 
gion est  une  des  plus  importantes  et,  à  le  bien  prendre, 
le  rësullal  de  toutes  les  autre» ,  était  aussi  placé  sous 
la  surveillance  du  <âief  de  o^te  grande  institution  mo- 
rale qu'on  appelle  le  Christianisme  ^^^.  Vers  ce  même 
temps  on  essaya  de  fonder  de  même  une  ilmversité  à 
IFribourg  en  Brisgau^^^.  Hors  de  là,  on  ne  trouvait 
dans  toute  la  Suisse  et  sur  les  bords  du  Rhin  jusqu'au 
NekLar,  aucune  institution  publique  pour  les  sciences; 
Paris  et  Bologne  étaient  les  mères  du  savoir;  en  Alle- 
magne, Vienne,  Heidelberg,  Erfurt,  Cologne  et  Leip- 
zig marchaient  sur  leurs  traces  ^^^.  Si  les  -arguties  du 
bavard  ecclésiastique  ou  laïque  ne  servent  qu'à  £aire 
dévier  la  rectitude  de  cœur  et  d'intelligence  de  l'homme 

****  Lé  pias  hante  fonetîofi  qu'il  y  ait  ta  monde ,  digne  &tm  pré^- 
dent-direclrar.  Mail  il  aurakdà  iT/coneacrer  exclvalvoment,  atancereo 
sagesse  I  s'entourer  d'hommes  sages  et  nobles,  et  ne  pas  tenter  d'atréler, 
ail  gré  de  son  caprice  ou  de  son  intérêt,  la  marche  de  Tesprit,  ce  qu'au- 
cun mortel ,  aucune  cour  ne  peut  faire  long-temps.  Uu  pape  tel  qu*il  de- 
vrait être  serall  devenu  la  pierre  angulaire  de  la  vaste  communauté  du 
monde  dviiisé.  >»  Il  est  assez  cari«nz  de  lire  la  eorrespoodance  officielle 
qui  a  eu  lieu  depuis  iSOS  Jusqu'en  juin  1809  entre  les  autorités  fran- 
çaises et  le  pape  Pie  YII*  Les  soupirs  de  la  papauté  dans  les  fersi*oot 
rendue  intéressante  pour  toutes  les  âmes  généreuses.  Voyex  Corrmptm^ 
dance  authentique  de  la  cour  de  Rome  avee  la  France  ^  depuis  /'lavaiùm  de 
VEtat  romain  Jusqu'à  l'enlèvement  du  Saint  Père  (  dans  la  nuit  du  5  an  6 
juillet  1809) ,  le  i^  jour  d'août ,  fite  de  saint  Pierre  dan*  Us  liens.  1SS9. 
1  vol.  in-8.   D.  L.  H. 

^^*7  Le  21  sept  1457.  Hist.  de  l'Jutr.  antér.,  II,  162.  Ger&arf^ ^/(ra 
ntgra,  II.  292,  comparé  avec  la  buUe  en  faveur  doBAle. 

Ht*  NoDunés  dans  les  lettres  d'octroi  de  B&le. 


LIVRE  IV.    OIAP.    V.  503 

8Îiiipl« ;  dun  autre  côtJé y  l'ignorance  des  langues  an- 
ciennes y  fruit  de  la  jplus  haute  dvilisation  des  Grecs , 
rendait  îiiabordabtes  les  documens  primitifs  du  chris- 

Pie  se  ressouvint  de  la  tristesse  que  lui  avait  donnée 
dans  ces  oontt^s  le  complet  oubli  des  anciens  >  ces  fa-^ 
voris  de  tous  les  hommes  édairés.  11  reçut  avec  joie 
daM  Mantoue  ^  le  1 2  novembre  4  459^  au  milieu  des 
plu3  grandes  affaires  ^^^^^  le  m^éssage  de  Baie.  «  Le  plus 
D  beau  titre  des  mortels,  dit-iP^^S  est  de  pouvoir 
M  coli€|uélir  la  perle  de  la  science.  Par  elle  le  fils  de 
D  l'homme  pauvre  devient  indispensable  au  roi.  Elle 
»  ëlève  au-dessus  de  la  poussière  l'esprit  immortel , 
M  infini.  C*est  le  seul  trésor  qu'on  agrandisse  en  le  dis- 
»  séminant.  Gomment  le  Siège  apostolique ,  destiné  à 
»  l'avancement  du  bien ,  n'exaucerait-il  pas  une  telle 
»  prière?  Oui^  au  nom  de  Dieu  (et  que  ce  soit  au  plus 
»  grand  avantage  de  la  foi,  de  la  justice  et  de  toute 
»  culture  intellectuelle  l  )  les  bourgmestres^  les  conseils 
»  et  les  bourgeois  de  la  belle  et  salubre  ville  de  Baie , 
»  avantageusetirient  située  à  tous  égards,  reçoivent  par 
j»  les  présentes  et  pour  toujours  une  and^erilâé,  comme 

A^*'  •  On  a  intenté  une  nouvelle  langue ,  »  dU  un  inoine  dans  un  ser- 
mon, «  la  langue  grecque;  elle  est  la  mère  de  tous  les  schismes.  On  a 

•  publié  dans  cette  langue  un  livre,  le  Nouveau- Testament ,  qui  renferme 

•  beautonp  de  passages  dangèreat.  Il  se  forme  maintenant  une  autre 

•  langtR  encore»  l'iiébrea^  qalcouqne  Pàpphend  devient  Juif.  »  Conrad 
Héreêbéwhf  tité  pflr  0«ml*r.  Ce  langage  n'étontiera  pas  les  personnes  qui 
vivent  dans  de  certains  lieux  où  ce  même  siècle  dure  encore. 

****  Il  étrà  occupé  des  moyens  de  préserver  roccidedt  de  Timpétueux 
et  infatigable  Mahoiaet  II. 

<>*>  fixttitt  do  sa  MU;  on  la  trouve  dans  les  notes  â^helin  sur 
Tscbudi. 


504  HISTOIRE   DE   LÀ  SUISSE. 

»  Bologne,  où  s'enseignera  toute  science  permise ^  di^ 
»  ^ine  et  humaine,  et  toute  espèce  de  droit,  ecclésias- 
»  tique  et  civil.  Notre  vénérable  frère,  Tévêque  de 
»  Baie ,  et  après  lui  chacun  de  ses  successeurs  sera 
»  chancelier  de  l'université.  »  Il  consacra  aux  profes- 
seurs huit  prébendes  du  chapitre  de  Baie  et  des  cha« 
pitres  voisins  ^^^^.  11  permit  à  tous  les  ecclésiastiques 
déjà  placés  de  fréquenter  les  cours  sans  perdre  leurs 
revenus ^^^^.  Les  députés  repartirent  satisfaits  :  Bâle 
reconnut  son  ^néas. 

De  bon  matin ,  le  jour  du  savant  et  intrépide  évéque 
saint  Ambroise  (  4  avril  1 460  ),  l'évêque  Jean  en  habits 
pontificaux,  suivi  de  tous  les  chanoines,  des  chapitres 
et  des  ordres,  le  chevalier  Jean  de  Flachsland,  bourg- 
mestre en  charge,  avec  tous  les  conseillers,  les  bour- 
geois et  la  commune  entière  de  Baie,  montèrent  à 
l'église  cathédrale.  Après  la  grand'messe,  le  bourg- 
mestre remit  à  Tévèque  la  bulle ,  Jean  pron(»iça  le  dis- 
cours d'inauguration,  et,  en  qualité  de  chancelier,  in-r 
stalla  comme  recteur  le  prévôt  d'Andlau  ^^^.  Ensuite 
retentit  l'hymne  ambrosienne,  car  c'était  un  grand 
jour  pour  l'avantage  et  l'honneur  de  la  ville,  surtout 
en  raison  des  lumières  qu'une  semblable  institution 
répand  et  des  découvertes  qu'elle  fait  faire. 


^^*'  Deux  de  la  cathédrale ,  deux  de  St-Pierve»  une  de  Zurich,  une 
de  Soleure  (  mais  qui  ne  fut  paa  livrée ,  comme  le  remarque  Hafner  ], 
me  de  SL-Maurice  à  Zoflngue ,  de  St -Martin  à  Golmar,  de  SU -Ursuiiie. 
Andlau,  Programme ,  i&60. 

^2**  Cependant  ib  perdaient  la  finance  de  présence,  et  devaient  don-* 
ner  un  traitement  considérable  aux  vicaires.  fVurMtiêen* 

"**  Le  même,  et  une  bonne  dis^rtalion  dans  TAboanach  de  Bàle. 

1798. 


LIVAB   IV.    CHAP.   V.  505 

• 

Les  franchises  académiques,  là  discipline  et  les  sa^ 
laires  furent'  ensuite  Tobjet  de  délibérations  ^^^^.  Les 
universités  sont  des  républiques  de  jeunes  citoyens,  la 
plupart  étrangers  y  et  qui  changent  incessamment.  Afin 
d*étre  jugés  par  leurs  pairs,  antique  coutume  des 
hommes  libres,  ils  relevaient  d'une  régence  ^  d'un  tri- 
bunal et  du  recteur,  à  l'élection  desquels  ils  concou- 
raient* La  ville  proclama  leur  immunité  des  charges 
civiles  ^^^.  Elle  promit  de  rendre  la  vie  moins  dis- 
pendieuse ^^^^.  On  interdit  aux  empiriques  qui  exercent 
la  médecine  d'après  des  observations  incomplètes,  mal 
faites,  incohérentes ^^^,  une  pratique  dangereuse  pour 
la  santé  publique.  L'université  reçut  un  sceptre  d'ar- 
gent doré ,  des  sceaux  d'argent  et  une  grande  maison 
au  bord  du  Rhin,  autrefois  l'habitation  des  nobles 
Schaler  ^^^®.  A  l'aide  de  bourses  ^^^®,  les  étudians  for- 
maient entr'eux  des  sociétés  économiques  où  régnaient 
la  liberté,  l'amitié,  la  décence,  l'amour  de  l'étude  et 
de  l'ordre  ^^^^  Andlau  défendit  dans  son  premier  pro- 

^'^'  CA.  de  Jean  de  BérenfeU ,  boargmestre  en  charge ,  mercr.  après 
la  Pentecôte  •  1460 ,  dans  les  notes  &IseUn  sur  Tscbndi. 

*>••  Péages,  droit  de  consommation ,  impôts,  accises  pour  blé,  vin , 
viande ,  poisson,  draps ,  livres. 

<s*7  qq  pourvut  surtout  à  ce  qu'il  y  eût  des  chambres  à  louer. 

*'**  Empiriques  qui  purgent  et  prescrivent  des  drogues  sur  Finspec-i 
tipn  des  urines ,  etc. 

iu«  GemUr.  La  ville  acheta  cette  maison. 

iiii  II  y  ^y^i  beaucoup  de  ces  bourses  :  près  de  la  tour  d'Egloff ,  celle 
des  Parisiens ,  celle  du  Seidenhof  (  t  bursa  leonis»  ),  celle  du  collège  des 
Scbaler,  etc.  On  les  appelait  en  latin  «  psedagogia  • .  Écrite  de  la  faeuUé 
pkiloiophùfue  dans  Bmdbier  ad  Urêiùium  in  Scriptt,  minor. 

<2<i  Chaque  bourse  («hall«  en  Angleterre)  avait  son  recteur  et  ses 
ço-régens  (  «  fellows  •  ).  Le  recteur  faisait  le  compte  à  la  fin  de  la  semaine. 
Chaque  étudiant  devait  être  attaché  à  une  bourse;  celui  qui  demeurait 


506  UISTOIRB  1>E   LA.  8UI88B.  . 

m 

gramme  les  fraudes  académiques  ^^^^,  Tabus  intéressé 
ou  immoral  des  privilèges  ^^^^^  les  manières  hardies  et 
offensantes  ^^^^»  £â  {peu  de  temps  la  nouvelle  école 
réunit  deux  cent  vingt  jeunes  gens  '^^^;  de  gtiinds  sa- 
vais affectionnèrent  cette  ville  InMpicaliëre  ei  libre; 
nous  les  feroBS  cOanaitrs. 

Cette  sagesse  vigilante  ne  put  manquer  de  doiiaer  à 
k  ville  de  l'ascendant  sur  la  campagne.  Thomas  de 
Falk^iStein  ne  put  défendre  tx>ntre  ses  créanciers  ^^'^  la 
forteresse  de  Famsbourg  qui  s'était  élevée  poissante 
au-dessus  de  gracieux  pâturages  et  de  forêts  de  sapins 
et  de  hêtres ,  manoir  de  ses  aieux  qui  avait  résisté  aux 
Suisses;  Baie  acheta  ce  château -fort  et  le  cotivertit 
en  boulevard  du  pays  ^^^^»  Une  pénurie  d'argent  tou- 

chlfi  ses  parens  devait  «voir  uti  billirt  (  «  signetntti  »  )  et  plyer  néaninoins 
quelque  dioee  pour  te  dianttige  (>  pro  Ugnalibos  »). 

t2ti  CioÉntiie  de  se  faire  immatricaier  sans  suivre  «a  moins  ton  eooit. 

i»i  De  vendre  du  vin ,  de  dooher  à  jouer  cfaea  soi  atit  dés  ou  &  d'an> 

très  jeux  intéressés. 

*2U  ^||]  ne  doit  se  montrer  le  soir  dans  les  mes  sans  lumières,  ni  sur- 
tout dans  des  lieux  suspects.  Nul  ne  doit  participer  à  des  sociétés  secrètes 
dirigées  contre  la  ville.  Le  programme  se  trouve  dans  les  notes  d'Iselin 
sur  Tscbudi.  Ceux  qui  ne  sont  pas  invités  doivent  s'abstenir  de  danser 
aux  fôtes  bourgeoises,  d'entrer  dans  les  maisons,  les  vignes  ou  les 
jardins  des  bourgeois;  Il  est  intertfit  de  sortir  armé.  Ordonnances,  dans 

l'Almanach. 

« 

'**^  Sinner,  d'après  la  matricule.  Voyage  dan»  là  SaUse  ocdd.  1 ,  38. 

*^^^  Il  avait  hypothéqué  Farttsbtnirg  au  duc  Albiert  èti  iiiâ9  et  Tavait 
affranchi  en  4459 ,  pois  vendu  à  Mte  en  itei.  (Cette  ttégt>dalidn  fut 
oonduite  par  les  bourgmestres  de  BaMnfeb  et  do  Rotbeig.  BHKkntr, 
i9MetSttiv.) 

'*>«7  On  fournit  an  bailli  Pierre!  d'Ofl^nbourg  six  hommes,  deux  gros 
canons  nurembergeob,  arutant  de  pièces  de  pontiotl,  quatre  couleni- 
nés,  des  arbftlèlDs,  quelques  uiille  flèches,  delà  poifdre  et  des  balles. 


/ 

UVBB  IV..CHAP,    V.  507 

jours  renaissante  détermina  G6tz  Henri  d'Epiîngen  à 
vendre  Sissacfa^^^^,  peu  eon^dërable  encore  »  mais 
ohef-lieu  da  landgraviat  du  Sissgau^^^^.  Le  manoir 
héréditaire  des  anciens  coilites  de  Hombèrg  fut  aus^ 
vendu  à  Bale^^^.  Des  serfs  sans  libei^té  dans  les  actions 
les  plus  importantes  de  la  vie^^^^  à  peine  admis  à  té^ 
moigner  devant  les  tribunaux  ^^'^^  et  qu'on  pouvait 
vendre  à  vil  prix^^^^,  culdvaîent  ks  terrés  des  sei- 
gneurs ^^^^  *;  mais  peu  à  peu  on  se  vit  c^ligé  de  respec* 
ter  la  multitude  et  son  aisance ,  de  lui  accor^r  pour 
juges  ses  pairs  ^^^^  et  de  recevoir  en  matière  de  droit 
le  témoignage  de  gens  du  peuple  ^^^^.  Un  tribun  admi- 

*>**  Aprte  Tatoir  racheté  de  l'Autriche  m  1^65,  année  où  Sissach 
pvSIa  tercDent  ^  k  ville  le  Jour  «  de  la  froide  Dédicace.  »  IbitL 

*Mi  ijQ  landgraviat  fut  compris  dans  la  vente  de  Falkenstein;  toulerois 
il  parait  qu'il  en  resta  une  partie  aux  comtes  de  Thierstdn  ou  qu'on  la 
leur  abandonna  à  Foccasion  de  leur  réclamation  ci-dessus  mentionnée ,. 
puisqu'ils  en  firent  cession  à  6&le  quarante  ans  plus  tard. 

1220  pgf  Ueinzmann  d'Eplingen  146&;  Homberg  est  dans  le  Frlkthal. 
Les  comtes  de  Homberg  sont  les  anciens  seigneurs  de  Rapperschwyl. 

^^^^  Avant  le  carnaval,  alors  qu'on  se  marie,  l'ammann  doit  choisir 
avec  soin  des  garçons  et  des  filles  et  les  unir  ensemble.  Convention  de 
Jean  Bernard  d^Eptingen  avec  ses  sujets  à  Praticien,  d460.  Bruckner. 

<uî  G5tz  Henri  d'Ëptingen  défend  à  ttn  de  ses  valets ,  sous  peine  de 
perdre  les  yeux ,  de  témoigner  aux  assises  de  Sistadi  contre  sa  propre 
déclaratîoB.  Jdu  1440  dans  Brmokntr. 

i22s  Jean  de  Falkenstein  vend  trois  «  pauvres  hères  •  avec  femmes  et 
eikfans  pour  47  florins;  1450.  Bruekner» 

<^^  Ainsi  à  Famsbonrg  en  1462.  Bruekner, 

*  Tout  cela  en  vertu  de  chartes;  seraient-elles  aussi  sacrées  ?  D.  L.  H. 

'2^  Tribunal  du  village  de  Bielbenken ,  composé  de  sept  fermiers, 
et  siégeant  «u  printemps  «  et  quand  on  peut  boire  le  vin  nouveau;  • 
1447.  Bruekner. 

*^^  La  convention  de  1201  a  été  faite  par  des  arbitres  pris  dMis  d'an- 
tres villages. 


508  HISTOIRE    DE   LA   SUISSE. 

nistrait  réconomie  de  chaque  village  *^^''.  Dans  son  cir-» 
cuit  le  village  formait  une  sorte  de  république  close  '^'*, 
dont  le  sol  était  interdit  à  tout  seigneur  étranger  *^^^. 
La  grande  ville  acquit  les  droits  des  seigneurs  ;  les  fils 
de  ses  plus  mortels  ennemis  eurent  besoin  de  son  ar- 
gent ^^^®,  de  son  secours  *^^^  et  de  sa  médiation  ^^^^. 

Les  évéques  de  Baie,  entourés  d'un  chapitre  dans  le* 
quel  on  n'était  admis  qu'en  faisant  la  preuve  de  quatre 
ancêtres  nobles  ^^^^,  gouvernaient  avec  peine  dans  leurs 
palais  neufs  et  magnifiques  à  Baie  et  à  Porrentruy  ^^^ 
un  pays  dont  une  partie  ^^^^  n'avait  été  ramenée  que 


•**'  Bruckner  et  d'autres. 

^'^^  Déclaration  d'i^n  ceatenaîre  de  Pcattelen ,  1458  :  an  voleor  de 
chevaux  devait  être  pendu  ;  Bàle  refusa  son  bourreau  ;  tous  les  habitans 
de  Praltelcn  furent  obligés  de  mettre  la  main  à  Tceu^cre  poujr  le  pendre 
à  un  noyer  sur  le  territoire  du  village. 

*'^'  Selon  H'métM  déclaration,  on  plaça  pour  le  comte  Simon  de 
Thicrstein  sous  le  ^^nd  tilleul  un  beau  fauteuil  avec  des  clous  dorés; 
il  attendit  là  un  sire  de  Ramslçin  pour  se  battre  avec  lui.  I^  gentilhomme 
GqIz  d'Kptingen,  tenant  son  fils  par  la  main,  vint  vers  lui  :  «Seigneur, 
•  lui  dit-il ,  veuillez  me  laisser  tranquille  àPrattelen  ;  on  pourrait  croire 
»  que  vous  exercez  ici  une  juridiction.  •  Le  comte  répondit  :  «  J'en 
»  serais  f&ché  ;  donne-moi  de  la  paille ,  et  je  m'assiérai  hors  de  la  cir- 
»  conscription.  »  Bruckner, 

iuo  Le  gentilhomme  Jean  M5nch  de  Gachnang ,  du  sang  de  Dnrkhard 
Mdnch  de  Landescrone  ,  vend  Ilingen  à  la  ville,  1467. 

^^^  Conrad  Mônch  de  Mônchenslein ,  capitaine  des  mercenaires, 
soutenu  par  Bâle  contre  Njuremberg  1468, 

i23s  Gr&ce  à  Tintervention  de  B&le  en  1469,  les  Spleurois  restitokvnt 
Mônchenstein  à  ce  Conrad ,  et  Muttepz ,  seigneurie  de  son  frère  Jean , 
fut  exempté  de  la  combourgeoisie.  Ha/fner, 

lUS  Pitttves  de  nobleste  de  Jean  Arnold  Bych  de  Bychen$tein,  146S. 
fVurdtwein,  Sub$,  dipL  IV,  165.  Voy.  plus  loin  ch.  vni. 

**»*  L'un  commencé  par  le  papo  Félix,  achevé  par  l'évéque  Rotberg 
(FVuratiten  446);  l'autre  construit  par  Jean  de  Venningen.  Gemng 
Blawenstein» 

%ub  Porrentruy.  Id, 


.LIVRE   IV.    CHAP.    V.  509 

rëcehiment  sous  rautorité  de  Jean  de  Venniogen. 
A  Bienne  le  prince  jouissait  d'une  grande  autorité  en 
paroles  ^^^^,  mais  en  réalité  de  peu  de  pouvoir  *^^''. 
L'Erguel  se  trouvait  pour  les  affaires  ecclésiastiques 
entre  lui  et  Lausanne  ^^^^,  pour  les  affaires  temporelles 
entre  lui  et  Bienne  ^^^^;  le  mont  de  Diesse  se  trouvait 
entre  lui,  Bienne ^^^®  et  Berne ^^**;  la  Neuveville  entre 
ses  obligations  envers  l'évéque  et  ses  obligations  envers 
les  Neuchâtelois  voisins  *^*^  ;  le  val  Moutier  entre  So- 
leure  et  lui'^*'  ;  même  Saint-Ursanne*^**,  la  souverai- 

i»<  La  haule  et  la  basse  justice.  Vévêque  Jean,  en  1468 ,  daùs  la  lettre 
par  laquelle  il  abandonne  à  Bienne  la  juridiction  criminelle. 

i>s7  Q*^  i^e  qne  prouvent  beaucoup  de  docnmeils ,  entre  autres  cduî 
qui  vient  d'être  cité. 

«»8  Procès  devant  la  cour  arehiépi$eopaU  de  Besançon,  1452. 

*^'  En  i45é  on  l'hypothéqua  à  Bienne  pour  1200  florins.  Bienne 
selon  sa  constitution  primitive,  1795.  I^s  «  ray  du  meyrie  de  Bi^ne  de 
à  la  haute  justice  du  Ergoeve  •  s'exercent  ordinairement  «  à  lue  (au 
lieu  )  de  St-Imier  en  nom  de  Monsieur  de  Baisle.  •  Transcript,  Antiqui 
Boduli  1465. 

i24o  i(g„^^  d'après  lequel  le  mont  de  Diesse  rend  hommage  avec 
Bienne  et  non  avec  la  Neuveville,  1451. 

*^*  Les  sentences  concernant  les  différends  entre  l'évéque  Arnold  el 
Berne  en  1452  et  1456,  renferment  beaucoup  de  données  sur  topt  cela. 
Tantôt  Bemeréclamait  tous  les  droits  de  l'ancienne  maison  de  Neuchâtel, 
va  que  les  fondateurs  de  Nidan  en  étaient  issus;  puis,  quand  on  niait 
que  Nidau  eût  été  un  fief  masculin  neucb&lelois,  il  réclamait  la  partie 
qui  était  passée  dans  leurs  nains  à  cause  du  lamdgraviat  de  Neuchfttel. 
Les  voleurs  du  mont  de  Diesse  étaient  jugés  à  Nidau  ;  quand  on  tuait 
des  ours,  le  maire  de  l'évéque  en  recevait  les  pattes  et  le  bailli  bernois 
la  tète. 

is«2  pqup  leurs  domaines  sur  le  territoire  du  Landeron ,  ils  étaient 
soumb  à  toutes  les  obligations  communes  qui  ne  concemaieiit  pas  ex- 
clusivement la  localité.  Sentence  bernoiee  1457. 

114S  Traité  de  combourgeoisie  de  Moutier-Grandval  et  de  Soleure  sous 
le  prévôt  Jean  de  Fleckenstein,  1462  :  Hagner.  Géorgisch  a  tiré  de  LQnig 
une  convention  conclue  avec  Berne  en  1468  au  sujet  de  ce  petit  pays 
(  11 ,  1250  )  ;  mais  elle  est  de  1486. 

*'**  Les  habitans  de  St.-Ursanne  devinrent  bourgeois  de  Bienne  et 


510  HISITMRI   DE   Lk  WISSB. 

neté  du  Sëekind  ^^^^  el  ses  droits  sur  les  serfs  des  bords 
opposés  du  lac'^^  étaient  incertains  et  chanoelans. 
De  là  les  embarras  qui  engagèrent  TéTéque  Arnold  de 
Rotberg  à  demander  au  pape  Nicolas^  s'il  Vautorisait 
à  pereevoir  les  anoates  et  k&  droits  en  seeati  interdits 
par  le  concile^  Le  pape  répendit  :  «c  S'ils  sont  légidsieSy 
»  rautorisation  n'est  point  nécessaire;  s'ils  ne  le  sont 
»  pas  >  je  ne  puis  k  dminer.  m  Amokt  comprît  ce  lao* 
gage  et  perçut  le  plus  possible'^^^.  Il  étendit  aussi  la 
compétence  épiscopale  tmx  dispensrs  peur  le  beurre  ^^ 
qui  rapportaient  des  sommes  assez  considérables  '^*'. 
A  cet  égard  Jean  de  Venningea  usa  de  plus  de  ré- 
serve  ^^^;  des  indi^geaces  le  dédommagèrent  des  re- 
venus qu'il  abandonnait  à  la  chancellerie  papatie'^^. 
Le  petit  pays  riverain  du  lac  demeura  sous  Tautorité 
du  prince  ^  grâce  à  la  jalousie  entre  la  Neuveville  et 
Bieane^^^^,  et  parée  que  Bienne  se  quevdlait  avec 

lai  refusèrent  en  1468  la  traite-foraine.  Bienne  ielon  «a  conêtiimùm  pri- 
mitive {Biet  in  Beiner  Uranlagê),  oiHmge  dlf^matiqcuBDKiil eiaet. 

^^^  Ueme  prélendit  qu'il  s'appelait  lae  de  Ifidaa  et  non  pas  toe  de 
Bienae ,  et  voulut  établir  une  opdonnanoe  pour  la  pédberie.  L'évoque 
soutint  qu'il  relevait  de  Bienne  }n«qu*an  ebaoibur  de  Gtéreee  «  que  da 
U  jusqu'à  Rndeval  il  appartenait  à  Nencfaàtel,  et  la  moitié  du  pito- 
rage  vague,  k  la  IfeuvevIUe.  La  Senimee  de  Liueme  de  iA5S  le  déelan 
commun  ans  trois  villes» 

**'  Sur  le  teiritoire  de  Nklan»  Voye»  hr  même  Senienee  et  son  EmpU- 
caiian ,  145S.  Le  plus  simple  eût  été  de  trancher  la  diileullé  par  m 
rachat  ou  wi  éobange. 

*^'  Gerang  diettu  Blawen»tein» 

•»•  Id. 

^^^  Po«r  en  obtenir  une  on  payait  annuellement  pendant  trois  ans 
un  fenning  à  crosse.  Henri  ie  minorité  dans  Scriptt',  min, 

«^  Bnlte  de  Pie  If,  dans  Gernng. 

""  Ibid. 

^'*^  Sentence  bemoiee  relative  à  la  cause  des  boui||;ems  héréditaires 
de  Gléresse,  1433;  Sentence  bernoiee  an  sujet  de  Billto,  ponr  savoir  de 
qui  il  était  serf,  t4S4 ,  et  dHiutres. 


LIVRE   IV.    CHAP.    V.  511 

Berne  pour  des  misères  "^^^,  au  lieu  de  resserrer  Tunion 
en  faveur  des  grands  intérêts.  La  défiance  paralyse 
tout  ;  c'est  elle  qui  mine  aujourd'hui  le  système  poli- 
tique de  l'Europe/ 

La  faible  cour  des  ducs*  de  Savoie  ;  le  sage  Sforza  ; 
Orange,  Gruyère,  Neuchâtel,  affermis  par  la  prudence 
et  par  de  bienveillantes  concessions  ;  Genève  inquiet  et 
vigilant  pour  sa  liberté  ;  Fribourg  amené  par  des  trou- 
bles sous  une  domination  plus  rapprochée;  dans  le 
Gessenay  Famour  de  la  liberté  s*alliant  à  l'ambition; 
les  vieux  Suisses  jouissant  d'un  bonheur  paisible  ;  les 
Grisons  encore  en  lutte  ;  l'entreprenant  abbé  de  Saint- 
Gall  ne  rencontrant  d'obstacle  que  dans  l'énergie  appen- 
zelloise  et  dans  les  plans  opiniâtres  de  la  ville  ;  les  cités 
s'agrandissant  avec  ardeur  et  développant  leurs  insti- 
tutions et  leurs  lois  ;  le  cours  des  temps  défavorable  à 
ta  noblesse  qui  le  méconnaît;  au  sein  des  hautes  Alpes 
l'antique  et  perpétuelle  alliance,  si  puissante  qu'elle 
fait  la  sûreté  des  princes  qui  la  respectent  :  tout  cela 
vient  de  passer  sous  nos  yeux.  Nous  allons  voir  main- 
tenant la  Confédération  étendre  son  nom  et  son  terri- 
toire, agir  pour  ses  amis  de  Schaffhouse  et  de  Mul- 
house, et  se  rendre  si  formidable,  que  l'Autriche  ne 
croira  trouver  que  dans  la  mesure  la  plus  extraor- 
dinaire le  moyen  de  sauver  sa  domination  sur  la  haute 
Allemagne. 

«»>  Pnmonei  de  SoUure  entre  Berné  et  Bienne,  concernant  ansfti  des 
bouigeois  héréditaires  de  Gléresse,  4456  ainsi  que  1^57. 


APPENDICE. 


A;  PAGE  68,  noTB  287. 

«  Il  y  avait  impossibilité  de  rétablir  Tordre  dans  le  royaume 
si  on  ne  trouvait  auparavant  moyen  d'en  faire  sortir  la  ma- 
jeure partie  de  ces  gens  de  guerre,  qui,  accoutumés  depuis 
plus  de  trente  ans  à  vivre  aux  dépens  du  peuple,  mettaient 
leur  point  d*honneur  à  n'obéir  à  aucune  loi,  à  aucune  disci- 
pline et  s  étaient  endurcis  contre  toute  pitié.  L'ordonnance 
qui  avait  fait  éclater  la  praguerie  n'avait  été  que  fort  im- 
parfaitement exécutée.  Le  dauphin,  les  princes,  les  grands 
seigneurs ,  s'empressaient  toujours  de  défendre  les  gens  de 
guerre  qui  avaient  commis  des  désordres,  et  d'empêcher  leur 
punition.  D'ailleurs,  on  sentait  que  quelque  effroyables  que 
fussent  les  déportemens  de  ces  brigands  enrégimentés,  qu'on 
désignait  tour-à-tour  par  les  noms  d'Armagnacs,  d'Écorcheurs, 
de  Routiers,  il  n'y  aurait  pas  plus  de  prudence  que  d'huma- 
nité à  les  livrer  à  la  justice,  pour  qu'elle  punit  des  crimes 
que  l'j^tat  avait  encouragés,  et  dont  il  avait  profité.  Si  on 
avait  instruit  leur  procès,  il  n'y  en  avait  pas  un  qui ,  d*après 
les  lois,  eût  pu  échapper  à  la  potence  ;  cependant  ces  mêmes 
hommes  avaient  défendu  la  France  pendant  ses  longues 
guerres,  et  ils  devaient  la  défendre  encore,  dès  que  les  hosti- 
lités se  renouvelleraient;  ear  l'oppression  avait  éteint  presque 
tout  courage  dans  les  populations  des  armées,  et  l'on  ne  trou- 
vait plus  de  bravoure  que  chez  ces  aventuriers  accoutumés  à 
se  mettre  au-dessus  de  toutes  les  lois. 

■ 

»  Il  y  eut  à  ce  sujet  de  longues  délibérations  dans  un  con- 
seil extraordinaire,  auquel  le  roi  appela  son  fils  le  dauphin , 
le  roi  de  Sicile  et  son  fils  le  duc  de  Galabre,  Charles, comte 
du  Maine,  le  connétable,  comte  de  Richemont,  et  les  comtes 
de  Clermont,  de  Foix,  de  Saint-Pol,  de  Fancarville  et  de 
VI.  33 


514  HISTOIRE   DE  LA.  SUISSE. 

Dunois.  Tous  demeurèrent  daccord  qa*il  fallait  trouver 
moyen  d'entraîner  hors  des  frontières  du  royaume ,  par 
quelque  entreprise  de  guerre ,  le  plus  grand  nombre  de  ces 
hommes  dangereux  qui  avaient  été  licenciés  en  même  temps 
par  les  rois  de  France  et  d'Angleterre  (i). 

«Une  heureuse  occasion  s'offrit  alors  pour  arriver  à  ce  but. 
Peu  après  la  trêve  entre  la  France  et  l'Angleterre ,  une  am- 
bassade solennelle  de  Frédéric  III  d'Autriche^  empereifr  élu, 
arriva  à  Tours  ^  et  demanda  à  Charles  VU  de  lui  fournir  des 
soldat»  expérimentés ,  que  l'empereur  s'engageait  à  soudoyer, 
pour  les  opposer  aux  Suisses.  Ceux-ci  assiégeaient  aloi's  la 
ville  impériale  de  Zurich ,  qui  s'était  mise  sous  la  protection 
de  l'Autriche,  et  cette  guerre  avait  réveillé  l'aneienne  haine 
de  la  noblesse  contre  ceux  qu'elle  nommait  des  paysans  ré- 
voltés ,  auxquels  toute  l'aristocratie  de  l'Europe  ne  pouvait 
pardonner  d'avoir  conquis  leur  Ubeftë  par  les  armes,  et 
d'avoir  donné  aux  Allemands  l'exemple  de  l'indépendance  et 
de  ses  heureux  fruits.  On  retfouvait  oe  méine  ietitiment  de 
haine  contre  les  Suisses  chez  k  noblesse  de  Souabe  et  d' Alsace, 
chez  le  duo  de  Bourgogne  et  le  duc  de  Savoie,  quoique  ces 
derniers  eussent  contracté  des  alliances  avec  les  ligues  suisses^ 
et  chez  tous  ceux  des  nobles  français  qui  avaient  eu  occasion 
d'entendre  parler  de  ces  montagnards^  Les  autres,  et  surtout 
les  hommes  d'armes  qui  depuis  trente  ans  désolaient  la  France, 
sans  se  soucier  de  savoir  s'il  y  avait  quelque  ùfotif  légitime  de 
guerre  contre  les  Suisses,  embrassèreift  avee  joie  Toffrequi 
leur  était  faite  de  port^  leurs  armes  dans  un  pays  nouveau, 
où  ila  se  flattaient  de  retrouver  en  abondance  te  butin  qui 
commençait  à  leur  manquer  dans  les  campagnes  de  France. 
Pour  conserver  ces  liens  entre  ces  bundes  redoutables  et  le 
royaume  qui  les  poussait  hors  de  son  seiii,  il  fut  convenu  que 
le  dauphin  commanderait  Tannée  qu'on  en  formerait  ;  et 
celui-ci,  avide  de  pouvoir,  et  désireux  d'attacher  leà  soMati  à 

(1)  Mslthien  de  Ck>ucj,  c.  6 ,  p.  ftS. 


APPBNDICB  51 5 

8a  personne^  accepta  avec  empressement  une  mission  qui 
semblait  plus  faite  pour  un  aventurier  ^  que  pour  Théritier 
delà  monarchie (i).  » 

(Siêmondi,  Hist.  des  Français ^  t.  VUI,  p.  419-4^^'  ) 
Bj  PAGE  110,  nOTJB  \ 

M.  de  Barante  rend  les  mêmes  pensées  avec  ce  bonheur 
d'expression  qui  caractérise  ses  écrits  :  «  Les  seigneurs  alle- 
mands ne  se  sentirent  nulle  admiration  et  nulle  pitié  pour 

un  si  merveilleux  courage. Le  dauphin  et  les  Français 

pensaient  bien  autrement  du  courage  et  de  la  fierté  de  ces 
hommes  des  communes  suisses,  dont  auparavant  ils  savaient 
à  peine  le  nom«  Les  nobles  capitaines  qui  avaient  vu  tant  de 
guerres  et  assisté  à  tant  de  batailles  contre  les  Anglais  et  les 
Bourguignons,  disaient  que  jamais  ils  n  avaient  rencontré  des 
gens  de  si  grande  défense,  si  ardens  à  l'attaque ,  si  téméraires 
pour  abandonner  leur  vie  (a),  sachant  si  bien  inanier  la  longue 
pique  et  la  pesante  hallebarde  (5).  Là  commença  la  grande 
renommée  des  ligues  suisses;  elles  avaient  ainsi  montré  ce 
quelles  valaient  en  combattant  contre  la  fleur  des  capitaines 
de  Ffance  et  d'Angleterre^  et  sous  les  yeux  des  Pères  du  con  * 
die,  qui  s'en  allèrent  après  dans  les  divers  états  de  la  chré- 
tienté, publiant  cette  vaillance  dont  ils  avaient  été  témoins.  » 
Ducê  de  Bourgogne^  lY^  édit.,  t.  VII,  pag.  ao4,  ao5  et  ao6. 

G}  PAGE  286,  HOTE  \ 
Les  tianses  des  morts  et  les  diables. 

MuUer  nous  montre  dans  le  jour  le  plus  sombre  les  danses 
des  morts  et  les  déBM>ns ,  sujets  fréquens  de  la  sculpture  et 

(i)  Huiler  HUu  de  la  Confédér.  miêêe,  —  Amelgardus ,  lib.  IV,  c  S , 
i,  80.  — Barante,  Dues  de  Bourgogne.  T.  VU,  p.  i70 
(S)  Hatifaiea  de  Goacy. 
(S)  Gollut. 


.516  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

de  la  peinture  pendant  le  moyen-âge.  Sous  quelque  sévère 
couleur  que  s'offrent  à  Timagination  les  issues  de  la  vie  et 
lavenir  des  pécheurs,  les  siècles  qui  sortaient  de  la  barbarie 
se  plurent  à  les  voir  sous  d'autres  aspects  encore  :  la  parodie 
impie  ou  enjouée,  la  satire  amère  ou  plaisante  colorèrent  ces 
funèbres  images  des  reflets  de  la  vie  ou  en  tempérèrent  Thor- 
reur  par  la  malice.  Au  XV^  siècle  surtout  l'art  s'est  distingué 
par  cette  tendance;  notre  historien  n'a  donc  pas  dit  à  cet 
égard  la  vérité  tout  entière;  il  a  fait  le  diable  même  plus  noir 
que  ne  le  firent  les  artistes  précurseurs  de  la  réformation.  Le 
moyen-âge,  que  quelques-uns  croient  si  dévot,  se  permettait  de 
parodier,  même  dans  les  temples,  les  choses  sacrées  et  de  faire 
des  images  funéraires  l'assaisonnement  de  la  satire.  Des  sculp- 
tures de  la  cathédrale  de  Strasbourg  représentent  une  messe 
des  morts  pour  le  renard  qui  feint  d*étre  trépassé,  puis  son  con* 
voi  funèbre.  Les  danses  des  morts,  thème  si  fréquent  de  la  pein- 
ture et  de  la  plastique  à  partir  duXY ^  siècle,  avaient  sans  doute 
leur  c6té  sérieux;  celle  qu'on  voit  en  relief  sur  le  mur  d'un  ci- 
metière de  Dresde,  celle  qu'on  a  long- temps  attribuée  à  tort 
à  Holbein  et  qui  fut  exécutée  à  Bftle  par  un  peintre  antérieur, 
en  souvenir  de  la  peste  de  1 43 1,  ne  furent  point  conçues  dans 
un  intérêt  plaisant,  bien  que  le  comique  involontaire  de  la 
surprise  ait  sûrement  plus  d'une  fois  effleuré  d'un  léger  sou- 
rire les  lèvres  du  spectateur.  L'origine  même  de  ces  sortes  de 
tableaux  participe  de  ce  caractère.  On  doit  la  chercher,  en 
effet,  dans  ces  danses  macabees  ou  macabres^  qui  s'exécutaient 
au  milieu  des  travestissemens  du  carnaval.  Des  masques  repré- 
sentant la  mort  avaient  le  privilège  de  danser  avec  tous  ceux 
qu'ils  rencontraient,  hommes  ou  femmes.  Les  attitudes  gro- 
tesques de  ces  masques ,  la  frayeur  non  moins  grotesque  des 
danseurs  malgré  eux  amusaient  les  spectateurs (i),  dont  les 
quolibets  formaient  le  commentaire  vivant  non-seulement  des 

(i)  Voy.  Com^rvaienr  $uii$e,  VI  »  855,  lettre  de  IL  LotLiê  Briciei, .depuis 
professeur  à  Tacadémie  de  Lausanne. 


APPENDICE.  517 

groupes,  mais  aussi  du  caractère  de  cette  parodie.  A  mesure 
qu'on  approcha  de  li  réformatîon  et  que  la  corruption  géné- 
rale favorisée  par  celle  du  clergé  rendit  imminente  une  révo- 
lution au  sein  deleglise^la  tendance  des  arts  devint  de  plus  en 
plus  satirique.  L'ironie  s*unit  à  l'amertume,  et  la  censure  prit 
habituellement  le  tonde  la  satire.  Si  l'on  découvre  une  pensée 
sérieuse  sous  toutes  ces  formes  grotesques,  le  costume  gro- 
tesque est  celui  que  le  sérieux  de  la  pensée  et  la  satire  mor- 
dante affectionnaient.  Telle  est  au  XV®  siècle  la  physionomie 
de  la  mort  et  du  démon;  tels  étaient  les  sentimens  <  qu'éveil» 
Jaient  les  danses  des  morts  dont  la  peinture  couvrait  à  Berne 
et  à  Bàle  les  murs  des  églises.  On  y  voyait  le  hideux  squelette 
entraîner,  avec  un  rire  amer  et  d'insultans  sarcasmes,  le  chef 
suprême  de  l'Église  comme  le  dernier  des  mendians  et  le 
prêtre  consacré  à  Dieu  aussi  bien  que  l'indiscipliné  soldat. 
Les  conseillers  ^bàlois,  en  gravissant  les  degrés  de  leur  salle 
de  réunion  y  pouvaient  chaque  jour  s'arrêler  à  voir  lés  dé- 
mons,  sémillans  de  joie,  précipiter  à  l'envi  dans  le  large 
gouffre  de  l'enfer,  moines,  nonnes,  évêques,  cardinaux,  et 
même  un  front  paré  de  la  triple  couronne.  Devant  les  yeux 
des  chanoines  d'Embrach  on  avait  peint  (avec  une  satirique 
licence)  de  voluptueux  fainéans;  au  couvent  du  Rûti  c'étaient 
des  prêtres  dont  les  bonnets  étaient  couverts  de  grelots.  Prin- 
cipalement sur  les  sièges  des  chanoines,  sur  les  statues,  aux 
portes  des  temples  et  dans  les  vestibules  des  couvens  on 
retrouvait  de  burlesques  saillies.  Le  ciseau ,  les  pinceaux ,  la 
plume  des  poètes,  la  gaîté  du  carnaval,  la  chaire  aussi  s'ac- 
cordaient à  représenter  la  génération  des  hommes  de  cet  âge 
comme  folle  et  corrompue.  Parfois  il  arrivait  à  cette  généra- 
tion elle-même,  dans  un  accès  de  joyeuse  humeur,  de  prendre 
le  cordon  de  l'ordre  nombreux  des  fous.  Et  cependant,  chose 
à  remarquer ,  elle  se  plaisait  à  garder,  et  non  sans  raison ,  les 
traits  les  plus  acérés  de  la  plaisanterie  pour  en  frapper  des 
hommes  qui,  par  leur  sacré  caractère ,  eussent  dû  en  être 
le  plus  à  l'abri.  -—  Ce  fut  surtout  chose  prodigieuse  que  l'effet 


518  HISTOIRE   DB   LA   SUISSE. 

produit  à  Berne ,  dans  toute  la  Confédération,  et  plus  loin 
encore,  par  les  satires  de  Nicolas  Manufi.  Doué  de  beaucoup 
d*e^rit  naturel,  et  familiarisé  de  bonne  heure  par  Lupnlus 
avec  Tantiquité  classique,  Manuel  s'était  tourné  avec  un  même 
amour  vers  la  poéûe  et  la  peinture.  Son  œil  clairvoyant  avait 
promplement  saisi  quelles  étaient  les  mœurs  et  la  crédule 
superstition  de  son  siècle  ;  et  quand  la  £ùneuse  jonglerie  des 
Dominicains  eut  ouvert  bien  des  yeux  à  Berne,  Manuel  tourna 
contre  les  serviteurs  de  l'Empire  des  ténèbres  toutes  les  armes 
que  lui  fournit  son  esprit.  La  danse  des  morU,  son  ouvrage, 
maint  autre  tableau  dont  il  décora  les  églises  et  les  maisons 
de  ses  concitoyens,  ses  armoiries  mêmes  qui  représentaient 
deux  prêtres  couverts  de  peaux  de  loups,  reproduisirent  en 
tout  lieu  les  images  de  la  vie  déréglée  et  de  l'hypocrisie  du 
clergé  (i).  « 

L'un  des  trois  ponts  de  Lucerne  ornés  de  peintures,  celui 
des  Moulins,  montre  dans  une  série  de  tableaux  la  mort  sur* 
prenant  les  hommes  dans  toutes  les  situations  et  à  tous  les 
momekis  de  la  vie.  Bien  qu'on  ne  voie  point  de  squelettes 
dansantj  on  ne  saurait  méconnaître  l'intention  semi-plaisante 
du  peintre.  La  mort  présentant  le  bassin  sous  le  bras  d'un 
malade  qu'on  saigtie  fait  une  satire  de  la  saignée  fort  amu- 
sante, excepté  pour  le  patient. 

Le  même  caractère  comique  se  retrouve  dans  les  sculptures 
des  églises  de  la  Suisse  et  dans  les  images  des  démons.  Au 
portail  de  l'église  de  Saint-Nicolas  de  Fribourg,  un  démon 
d'une  laideur  comique  porte  une  bottée  d'âmes  destinées  au 
gouffre  enflammé.  Au  portail  de  la  grande  église  de  Berne , 
quelques-uns  des  supplices  que  des  démons  grotesques  ii 


(i)  J,  J.  Hottingêr,  HitU  de»  Saines  d  l'époque  de  la  réfarmuaion, 
continuation  de  J.  de  Muller,  trad,  par  L.  VulUemin,  1.  II,  cb.  ii.  Nicolas 
Mtnael  avait  peint  sa  Dan$e  de$  morte  sur  le  ninr  du  jardin  des  Domi- 
nicains, converti  plus  tard  en  dmetitee,  près  de  l'église  française.  Os 
démolit  le  mur  en  iSSO  avec  ses  peintures  pour  élaigir  te  me.. 


ÀPPENIMCE.  519 

geiit  aux  damoés  sont  rendus  plaisans  par  le  rapport  entre  le 
péché  et  la  pjeine.  Les  beaux-aris  se  montrent  d'accord  avec  la 
poésie  contemporaine  :  les  diables  qui  se  torchonnent  entre  eux 
ne  sont-ils  pas  en  effet  les  personnages  plaisans  des  Mystères? 

Ce  petit  nombre  de  faits  su£Gra  sans  doute  pour  convaincre 
le  lecteur  que  Muller  a  exagéré  la  couleur  sombre  des  pein- 
tures et  des  sculptv^es  du  XV*  siècle.} 

On  peut  consulter  sur  la  danse  de^  morts  de  Bâle,  attri- 
buée à  Holbein,  les  ouvrages  suivans  : 

La  danse  de^  morU<,  comme  elle  esi  dépeinte  dans  la  louable 
et  célèbre  ville  de  Bdle,  pour  servir  de  miroir  de  la  nature 
humaine  y  dessinée  et  gradée  sur  l'original  de  feu  M.  Matthieu 
Mérian  :  ony  a  ajouté  une  description  de  la  ville  de  Baie  et 
des  vers  à  chaque  figure.  Bâle,  1789,  1  vol.  in-4*'; 

Holbein,  le  Triomphe  de  la  Hfort,  graifé  par  Hollard  et 
accompagné  d'explications^  par  C.  de  MécheL  Londres , 
1790,  in.8®,- 

Uolbeins  Todtentanz  in  53  lithographirten  Bkettern  y 
herausgegeben  von  Schlotthauer  mit  Text.  Miinchen,  iSSa. 

Il  existe  à  Berne  une  copie  de  la  danse  des  morts  de  Nicolas 
Manuel  au  lavis,  faite  par  Albert  Kauw;  elle  forme  1  vol. 
Guillaume  Stettler  a  copié  cette  copie  en  vingt-quatre  ta- 
bleaux, qu*on  a  encadrés*  Schmidt,  de  Berne  ,  a  publié  in*£olio 
la  Da^se  des  morts  de  Manuel.  Der  Luperner  Todtentanz  y 
nach  jategUnger,  7  BlœUer  folio. 

Le  thème  une  fois  donné,  bien  d autres  peintres  et  dessi- 
natefir9  exploitèrent  cie  trésor  inépuisable  de  mortaliM  l^u- 
maine.  Mais  après  la  réformation  l'art  devint  plus  sérieux.  Ce 
caractèrie  nouveau  domine  exclusivement,  par  exemple,  dans 
un  Tolunie  in-4*  de  60  gravures,  de  vers  et  de  cantiques 
sur  la  mort,  œuvre  de  deux  p/eintres-graveurs  zuricois  du 
XVll^  siècle,  les  frères  Rodolphe  et  Conrad  Meyer^  et  publié 
à  Zurich  eu  1 65o  sous  le  titre  de  Miroir  de  la  Mort^  ou  Expo- 
sition  claire  comme  le  soleil  du  néant  humain  dans  tous  les 


520  HISTOIRE   DE   LA.   SUISSE. 

états  et  les  sexes  (Sterbensspiegel,  das  ist  sonnenklare  Forstel- 
lung  menschUcher  NichtigkeU  durch  aile  Stœnd  und  Ge- 
schlechter).  C.  M. 

D^  PAGE  351^  nOTE  \   APRES  LA  KOTE  185. 

Nous  ajoutons  au  récit  de  Muller  de  nouveaux  détails  en 
traduisant  la  lettre  suivante,  publiée  pour  la  première  fois  en 
i83ay  par  M.  Joseph  Chmelj  dans  ses  Matériaux  pour  P his- 
toire (VAutriche{Matericdien  zur  àsterreichischen  Geschichte^ 
UxoLj  i83a,  i^  Theil,  S.  a8si  und  283). 

Missive  de  la  ville  de  Frihourg  en  Véchtland  au  duc  jilbert 

^Autriche. 

«  A  son  altesse  le  prince  et  seigneur  Albert,  duc  d'Autriche, 
de  Styrie,  etc.,  notre  gracieux  seigneur. 

»  Altesse,  gracieux  prince  et  seigneur!  Notre  soumission  et 
notre  obéissance  à  Y.  A.  sont  prêtes  à  se  manifester  en  tout 
temps  par  des  services*  Gracieux  seigneur,  nous  avons  écrit 
et  fait  savoir  naguère  par  deux  fois  à  Y.  A.  et  aussi  à  Jean 
de  Gamback ,  notre  cher  et  fidèle  conseiller,  le  cours  des 
événemens  qui  se  sont  passés  depuis  que  vos  respectables  dé- 
putés envoyés  à  Genève  ont  pris  congé  de  nous.  Mais  comme 
nous  ignorons  si  nos  missives  sont  parvenues  à  Y.  A.,  nous 
lui  faisons  savoir  derechef  les  violences  et  les  injustices  que 
le  duc  de  Savoie  a  commises  et  commet  chaque  jour  contre 
nous,  au  mépris  de  Dieu ,  de  l'honneur  et  du  droit,  noiis  re- 
fusant la  sûreté  du  commerce  et  la  restitution  des  biens  en- 
levés à  nous  et  aux  nôtres.  Nous  ne  doutons  pas  que  Y.  A. 
n'ait  été  complètement  instruite  par  les  députés  ci-dessus 
mentionnés,  de  cet  état  des  choses  qui  a  nécessité  de  notre 
part  une  légitime  défense. 

«  Mercredi  avant  la  récente  fête  de  Noël,  pendant  la 
nuit,  quelques-uns  des  nôtres  sortirent  de  la  ville  et  arri- 


APPENDICE.  521 

vèrent  le  lendemain ,  jeudi ,  de  bon  matin ,  devant  le  châ- 
teau de  Yillarseil  (  Villanel),  près  de  Romont,  appartenant 
au  sire  de  Challant.  Quelques  amis,  sortis  comme  eux  de  la 
ville  y  étaient  retenus  prisonniers  dans  ce  château.  Les  pre- 
miers demandant  leur  libération ,  les  gens  du  château  ti* 
rèrent  sur  eux  et  leur  adressèrent  en  même  temps  des  pa- 
rôles  insultantes.  Exaspérés,  les  nôtres  assaillirent  le  manoir 
et  le  prirent  d*assaut^  après  Tavoir  pillé  et  avoir  enlevé  tout  le 
bien  qu'ils  y  trouvèrent  et  qui  était  considérable,  et  quelques 
prisonniers  nobles  et  roturiers,  au  nombre  d'environ  trente- 
six,  ils  amenèrent  le  tout  dans  notre  ville  et  mirent  le  feu  au 
château  qu'ils  brûlèrent  de  fond  en  comble.  Le  samedi  sui- 
vant ils  entreprirent  une  expédition  semblable  et  arrivèrent 
le  dimanche  devant  Montagny.  Us  l'assaillirent  de  la  même 
manière,  et  dans  un  assaut  ils  s'emparèrent  de  la  petite  ville, 
la  pillèrent  et  emmenèrent  tout  dans  nos  murs,  même  les 
prisonniers  qu'ils  y  trouvèrent;  ils  ne  purent  se  rendre 
maîtres  du  château,  mais  ils  réduisirent  la  ville  en  cendres. 
•  Le  vendredi  suivant ,  veille  du  jour  des  Rois,  vers  midi, 
nous  reçûmes  une  lettre  de  défi  de  ceux  de  Berne,  alliés  du 
duc  de  Savoie,  ainsi  que  de  ceux  de  Payeme  et  de  Morat.  Le 
même  jour,  à  l'heure  de  vêpres,  il  nous  en  vint  une  autre  des 
Biennois,  auxiliaires  des  Bernois.  Une  heure  après  que  nous 
eûmes  répondu  au  défi  de  Berne,  une  troupe  de  cavaliers  du 
duc  de  Savoie  descendit  de  Romont,  et  incendia  tous  les 
villages  appartenant  à  nous  et  aux  nôtres,  jusqu'à  celui  de 
Yillar'(yiUars),  voisin  de  la  ville,  et  auquel  ils  mirent  aussi  le 
feu.  A  la  vue  de  ces  faits,  quelques-uns  des  nôtres  montèrent 
à  cheval  vers  l'heure  de  vêpres,  se  rendirent  promptement 
du  côté  de  Romont  et  brûlèrent  près  de  huit  villages,  les 
meilleurs  des  environs ,  tels  que  Orsunnens  (Orsonnens)  et 
d'autres,  et  revinrent  dans  nos  murs.  Cette  même  nuit  les 
gens  et  les  troupes  du  duc  de  Savoie,  des  Bernois  et  des 
Biennois,  s'étaient  rassemblés  dans  la  petite  ville  d'Âvenches  ; 
ils  en  sortirent  le  lendemain,  samedi ,  jour  des  Rois,  et  am- 


523  HISTOIRE   DE  LA  SUISSE. 

▼èreni  tous  les  bannières  du  duc  de  Savoie,  de  Berne  et 
d'autres,  i^vec  une  armée  considérable  de  cavalerie  et  d'in- 
fanterie j  vers  l'heure  de  midi  devant  notre  ville,  derrière  les 
hauteurs  du  Galgenberg  (mont  de  la  Potence)  et  dans  les  en- 
virons. Prévoyant  ce  mouvement,  nous  avions  envoyé  le  sa- 
medi de  bon  matin  quelques-uns  des  nôtres  à  dieval  et  à 
pied^  ils  rencontrèrent  Tavant^garde  de  l'ennemi;  une  ▼!- 
goureuse  veneontre  eut  lieu;  un  des  leurs  fut  percé  d'un 
004ip  de  lance.  En  outre,  un  des  plus  considérables  d'entre 
eux,  nommé  lean  de  Vergie,  seigneur  de  Montrichier,  qui 
avait  été  commandant  de  Romont ,  fut  fait  prisonnier  et 
conduit  dans  notre  ville ,  où  nous  le  gardâmes  et  gardons 
encore;  aussitôt  le  gros  de  l'amiée  suivit,  et  les  nôtres  furent 
contraints  de  reculer.  Les  ennemb  s'étant  arrêtés  derrière  le 
Galgenberg  et  dans  les  environs,  on  escarmoucha  loyalement 
avec  eux  et  l'on  tira  sur  eux  avec  des  coulevrines  de  façon 
qu'ils  n'osèrent  s'avancer  en  deçà  du  Galgenberg;  quelques- 
uns  pourtant  vinrent  en  avant  avec  des  haches  et  abattirent 
la  potence.  On  tira  aussi  contre  eux  de  telle  manière  que 
nous  croyons  qu'ils  ne  retournèrent  pas  tous  la  vie  sauTC. 
Cela  dura  près  d'une  heure  et  demie.  Au  milieu  de  toutes 
ces  escarmouches,  grftce  à  Dieu ,  aucun  des  nôtres  ne  fut 
atteint  ni  blessé,  excepté  tin  soldat  assermenté,  nommé  Spar, 
qui  a  eu  le  flanc  percé  d'une  flèche ,  mais  nous  espérons  en 
Dieu  qu'il  ne  lui  en  arrivera  pas  de  mal.  Après  avoir  abattu 
la  potence,  ils  retournèrent  à  Morat,  brûlant  tous  nos  vil- 
lages situés  hors  de  la  porte  de  Morat.  Ils  en  agirent  de 
même  devant  la  porte  de  l'étang  et  la  porte  de  Lausanne, 
jusque  près  de  la  ville;  quelques  granges  voisines  de  nos 
murs  furent  incendiées  par  les  nôtres  sur  l'ordre  des  chefs. 
Le  lendemain  dimanche,  plusieurs  de  nos  villages  en  dehors 
de  la  porte  de  Berne,  tels  que  Schônfels,  Heittenried  et 
d'autres  furent  brûlés  par  les  troupes  du  Gouggisbei^,  con- 
trée qui  nous  appartenait  en  raison  de  la  seigneurie  de 
Grasbottrg,mais  dont  les  Bernois  se  sont  emparés;  les  nôtres^ 


APPENDICE.  533 

à  leur  tour,  mirent  dans  la  même  journée  le  feu  aux  quatre 
coins  de  plusieurs  villages  bernois. 

»  Le  lundi  les  commissaires  de  tous  les  Confédérés  nous 
écrivirent  pour  nous  demander  un  sauf*conduit,  à  la  ÊAveur 
duquel  ils  comptaient  essayer  de  concilier  Us  af&ires;  nous 
obtempérâmes  à  leur  vosu.  Ils  vinrent  donc  dans  notre  ville 
le  mardi  et  eurent  avec  les  deux  partis  des  conférences  ami- 
cales pendant  trois  jours;  ils  avancèrent  leur  négociation 
pendant  laquelle  ii  se  passa  bien  des  choses  qull  serait  trop 
long  de  raconter.  A  la  fin  on  renvoya  la  décision  à  une  con» 
férence  amiable,  non  obligatoire,  qui  aurait  lieu  à  Bâie, 
ainsi  que  le  bit  voir  la  eopie  de  la  note  ci-incluse,  rédigée  à 
ee  sujet  et  translatée  de  français  en  allemand. 

«  Tout  cela ,  gracieux  prince^  a  été  fait  dans  les  meilleures 
intentions,  afin  que  Y.  A«  apprenne  Voccasion  de  chaque 
chose,  que  rien  ne  soit  entrepris,  fait  ni  résolu  sans  l'autori- 
sation et  la  volonté  de  V.  A.,  ni  contre  Téquité ,  que  de  notre 
part  les  choses  ne  se  passent  pas  autrement,  s'il  platt  à  Dieu, 
et  afin  que  chacun  entende  et  sache  ce  qui  dans  ces  affaires 
est  à  notre  honneur  ou  à  notre  déshonneur,  vu  que  nous 
n'aurions  ni  pu  ni  voulu  nous  adresser  à  Y.  A.  sinon  loyale- 
ment. C'est  pourquoi,  gracieux  prince  et  seigneur,  nous  prions 
Y.  A.  le  plus  humblement  qu'il  nous  est  possible,  mais  avec 
instance,  de  ne  pas  prendre  en  mauvaise  part,  mais  en  bonne 
part,  au  contraire,  le  consentement  que  nous  avons  donné  a  la 
convocation  d'une  conférence  non  obligatoire,  et  remarquer 
qu'il  a  été  donné  dans  de  bonnes  intentions;  nous  vous 
prions  ensuite  de  vouloir  bien  envoyer  et  maintenir  à  cette 
conférence,  au  nom  de  Y.  A.,  une  excellente  députation,  qui 
nous  donne  aide  et  conseil  dans  toutes  nos  affaires ,  car  nous 
en  avons  bien  besoin  et  nous  nous  y  fions  entièrement. 
Que  Y.  A.  veuille  faire  un  appel  à  d*autres  princes  et  sei- 
gneurs à  qui  elle  jugera  convenable  de  s'adresser,  surtout  à 
notre  gracieux  prince  et  seigneur  le  duc  Sigismond,  etc., 
afin  que  S.  A.  veuille  aussi  envoyer  et  maintenir  là  une  ex- 


524  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

cellente  déjiulaUon,  qu'à  la  susdite  conférence  rien  ne  se 
fasse  a  Totre  insu,  mais  que  toutes  les  résolutions  se 
prennent  au  su  et  du  consentement  de  Y^  A.  S'il  agréait  à 
y.  A.  que  quelqu'un  se  rendit  en  son  nom  dans  le  Toisinage 
de  Bâle  et  y  demeurftt  durant  le  temps  de  la  conférence,  cela 
^nous  causerait  une  grande  joie  et  nous  serait  précieux. 

»  De  plus,  gracieux  prince  et  seigneur,  ayant  besoin  pour 
cette  assemblée  d  un  bon  orateur,  nous  prions  humblement 
V.  A.  de  nous  en  accorder  un,  particulièrement,  s'il  était 
possible ,  maître  Ulrich  Riedrer,  qi|i  a  suivi  cette  affaire  de- 
puis le  commencement  jusqu'à  la  fin,  et  s'en  est  occupé  avec 
tant  de  zèle  que  nous  voudrions  mériter  de  l'obtenir  pour 
cette  conférence,  ce  qui  nous  serait  à  la  fois  nécessaire  et 
agréable.  Si  cela  ne  se  peut,  et  que  par  les  soins  de  Y.  A. 
Jean  d'Entzbei^  veuille  se  rendre  à  la  conférence,  nous  en 
serions  bien  aises  aussi.  Nous  chercherions  toutes  les  occat- 
sions  de  témoigner  à  notre  gracieux  seigneur  le  margrave 
notre  reconnaissance  pour  un  tel  service,  ainsi  qu'à  celui  qu'il 
nous  enverrait.  Toutefois,  quelle  que  soit  à  cet  égard  la  vo- 
lonté de  Y.  A.,  nous  l'apprendrons  avec  gratitude,  parce 
qu'elle  ne  peut  être  qu'équitable.  Nous  sollicitons  et  implo- 
rons Yotre  Grâce,  qu'elle  veuille  nous  être  favorable;  nous 
mettons  en  elle  toute  notre  confiance  et  nous  nous  reposons 
entièrement  sur  elle. 

>  Datum  XYII  mensis  Januarii  anno  a  nativitate  Domini 
M  CCCC  XLYIII. 

»  De  Yotre  Altessâ  les  dévoués  et  obéissans 
dvoyer  et  conseil  de  Fribourg  en  Uechtiand.  » 

C.  M. 


APPENDICE.  525 

Ej  PAGE  379,  N.  %  EIVTRB  LB9  NOTES  354  ET  355. 

Extrait  des  Mémoires  sur  le' comté  de  Neuchâtelen  Suisse  y 
parle  chancelier  de  Montmollin  ^  Neuchdtel,  i83i,  ^.  1*', 

p.  4i— 47- 

«  Le  comte  Jean  de  Néucbàtel ,  fils  et  successeur  de  Con- 
rad,  ne  rendit  hommage  à  la  maison  de  Ghâlons  que  sur  la 
fin  de  sa  vie,  le  9  octobre  i453;  l'acte  en  gît  aux  archives  de 
Trje ,  et  rappelle  ceux  de  1897  et  de  1407  sous  Conrad*  Le 
comte  Jean  se  fit  longtemps  tirer  l'oreille,  et  nous  allons  voir 
pourquoi. 

«Le  margrave  Rodolphe  de  Baden-Hochberg,  arrière-petit* 
fils  de  Yarenne  de  Neuchâtel ,  et  le  plus  proche  parent  du 
comte  Jean,  mort  sans  postérité ,  fut  son  héritier  institué,  à 
condition  de  porter  le  titre  et  Técu  de  comte  de  Neuchâtel. 
A  cette  nouvelle,  Louis  de  Chàlons  dit  le  Bon,  prince  d'O- 
range, voulut  mettre  la  main  sur  Neuchâtel,  prétendant 
que  ce  comté  était  de  la  nature  et  conditions  des  fiefs  d'Em- 
pire, et  pourtant  ne  pouvait  passer  de  fille  en  fille  à  l'infini. 
Il  envoya  une  grande  députation  à  Neuchâtel,  pour  notifier 
sa  main-mise  par  un  mandement  daté  du  a8  février  14S7, 
signé  Louis  de  Châlons^Orange.  Le  comte  Rodolphe ,  jeune 
encore,  mais  certes  déjà  sage  et  habile ,  avait,  tout  en  arri- 
vant dans  le  pays,  usé  de  si  bonnes  manières,  caressant  un 
chacun,  et  si  bien  captivé  les  esprits  à  Berne  et  à  Soleure, 
nos  alliés  et  bons  bourgeois ,  que  les  députés  de  Châlons 
perdirent  temps  et  peines.  Le  comte  Rodolphe ,  tout  en  fai* 
sant  fêtes  et  civilités  auxdits  députés,  s'opposa  nettement 
à  la  main-mise,  la  déclarant  nulle  de  toute  nullité;  à  quoi 
il  ajouta  qu'il  consentait  que  l'archevêque  de  Besançon,  dé- 
signé dans  le  testament  du  feu  comte  Jehan  exécuteur  de 
ses  volontés  dernières ,  jugeât  le  différend.  Les  ambassadeurs 
de  Ghâlons  coururent  à  Berne  pour  engager  la  république 


526  HISTOIRE   DB  L4   SOISSB. 

à  ne  prêter  aide  ni  secours  au  comte  de  Neuchfttel,  lorsque 
le  prince  d^Orange  Tiendrait  à  main  armée  chasser  Rodolphe 
et  se  mettre  en  possession  du  comté,  auquel  dessein  les 
Bernois  ne  voulurent  entendre.  Sur  ce,  l'official  de  Besançon, 
agréé  des  deux  parts,  et  ménagé  adroitement  par  Rodolphe, 
ajourna  les  parties  pour  comparaître  le  vendredi  avant 
Pâques^fleuries.  Elles  s  y  rendirent  par  procureurs,  et  la 
mise  en  possession  du  conlté  fut  demandée  au  nom  de 
Rodolphe,  oomme  descendant  de  Yarenne,  seconde  fille  de 
Louis,  comte  de  Neuchâtel,  et  ce  par  les  mêmes  droits  et 
titres  qui  avaient  rendu  Conrad  de  Fribourg  habile  à  suc- 
céder  à  la  comtesse  Isabelle  :  que  Conrad  était  fik  de  Va- 
renne,  et  que  Rodolphe,  actuellement  postulant,  en  était 
Farrière-petît-fils;  or,  que  le  premier  ayant  succédé  comme 
étant  du  chésaulAt  Neaehaatel^  le  second,  par  égalité  de 
raisons,  devait  succéder  aussi  comme  étant  du  même  ché- 
saul,  vu  que  le  comté  était  aux  us  de  Bourgogne  y  où  les 
filles  succèdent  au  défaut  des  mâles  ^  appert  les  actes  de 
t3i  I  et  13579  etc.  ;  à  quoi  il  fut  ajouté  au  nom  de  Rodolphet, 
et  par  surabondance,  que  la  suzeraineté  de  la  maison  de 
ûbâlons  so^  Nenchfttel  était  elle-même  bien  disputable ,  vu 
et  d'autant  que,  lors  du  mariage  du  feu  comte  Jehan  avec 
Marie  de  Chàlons,  Conrad,  père  dudit  Jehan,  assura  par 
traité  de  mariage  public  et  solemel  à  son  dit  fib  le  comté  de 
Nenchfttel  pour  le  posséder,  Ini  et  ses  héritiers,  libremmit 
avec  toutes  ses  appMtenanees  et  dépendances,  sans  réserve 
aUCttfie  de  foi  et  hommage  à  qni  que  ce  sott^aoqnel  acte  et 
traité  fut  présent  et  acceptant  Jehan  IV  de  ChâloBS,  qnî 
n'ayant  fait  anoune  opposition  fut  censé  consentir  à  labio- 
gation  de  la  relevance  et  renoncer  au  domaine  direct;  et  qoe 
di  le  dit  feu  comte  Jehan  ne  laissa  pas  sur  la  fin  de  sa  vie  de 
filire  hommage  au  seigneur  prince  Louis  de  Châlons  de  ce 
présent,  ce  fut  pour  bien  de  paix,  sans  préjudice  des  droits 
aeqnië  k  lui  et  à  ses  héritiers  par  le  susdit  traité  de  mariage. 
»  I^s  députés  de  Châlons  n'opposèrent  autre  chose,  si  ce 


\ 


APPENDICE.  527 

n'est  que  le  comte  de  Neuchàtel  était  un  fief  mâle  aux 
u^  et  Allemagne  y  qui  ne  pouvait  être  possédé  que  par  les. 
descendans  mâles  en  ligne  droite;  et  pour  appuyer  leur 
doctrine^  ils  exhibèrent  certains  titres  que  je  ne  trouve  pas 
indiqués  et  que  je  ne  puis  deviner.  Bref,  Tofficial  pronoû^ 
en  faveur  de  notre  comte  Rodolphe;  la  sentence ^st  aux 
archives  de  Trje,  ainsi  que  la  plupart  de»  pièces  et  titres 
relatifs  i  ce  démêlé;  de  laquelle  sentence  le  prince  d'Orange 
appela  au  saint  père  le  pape  et  au  siège  apostolique,  on^  ne 
sait  trop  pourquoi ,  si  ce  n'est  que  les  papes  Se  disaient  co- 
associés à  l'Empire. 

»  Mats  avant  que  de  poursuivre  cette  affaire  en  cour  de 
Rome,  Louis  de  Châlons  essaya  de  rechef  de  gagner  les 
Bernois.  Ses  démarches  furent  d'autant  plus  vaines  que  le 
comte  Rodolphe  venait  de  renouveler  sagement  l'alliance 
et  combourgeoisie  avec  ce  canton,  le  6  avril  14^8,  et  avec 
celui  de  Soleure  le  jour  de  la  Saint-Georges.  Ce  sage  et  ha- 
bile sire  s'était  nourri  de  l'excellente  doctrine,  si  bien  étu« 
diée  et  suivie  par  nos  anciens  comtes  au  regahl  de  messieurs 
des  ligues  suisses,  persuadés  qu'ils  étaient  que  Iner  tout 
consistait  à  se  tenir  et  coller  auxdites  li^^ues.  Dé  muitère 
que  le  prince  d'Orange  ainsi  faridë  par  ces  deux  cantons,  de 
même  que  par  la  grande  affection  des  peuples  dtt  pays  pour 
Rodolphe^  singulièrement  celle  des  bourgeois  qui  avaient 
mis  eh  pièces  l'acte  iameiix  et  très-indécent  passé  l'an 
i4o6,  en  faveur  de  la  maison  dé  Châlons,  se  rabattit  à  la 
voie  de  la  négociation,  et  proposa  au  comte  Rodolphe  de 
soumettre  le  différend  au  jugement  du  duc  de  Savoie  ou  du 
duc  de  Bourgogne.  Rodolphe  répondit  froidement  qàe  l'sf* 
faire  était  déjà  jugée ,  et  qu'il  était  en  possession.  Toutefois 
et  par  l'avis  do  ointon  de  Berne ,  le  comte  Rodolphe  ofbit 
foi  et  hommage  à  Louis  de  CShâlons  -pour  les  terres  qu'il 
reconnaissait  relever  de  lui,  mais  sans  spécifier  tesdîles 
terres,  à  quoi  le  prince  d'Orange  ne  voulut  entendre,  pré> 


528  HISTOIRE   DE    L\    SUISSE. 

tendant  toujours  évincer   Rodolphe  qu'il    traitait  d'usur- 
pateur. 

•  Ces  expédiens  nayant  pu  réussir,  Louis  de  Cbftlons, 
prince  d'Orange,  résolut  de  suivre  son  appel  à  Rome,  l'an 
1 459  ;  alors  était  pontife  Pie  IK  Les  parties  comparurent  par 
procureurs,  et  la  sentence  de  l'official  de  Besançon  fut  con- 
firmée en  £aTeur  du  comte  Rodolphe,  lequel  ayant  appris 
que  les  agens  de  Ct)àlfons  remuaient  ciel  et  terre  pour  ob- 
tenir révision  de  jugement,  résolut  d'aller   lui-même    à 
Rome,  ce  qu'il  fit  au  mois  de  novembre,  après  avoir  mis  le 
comté  sous  la  garde  et  custode  des  cantons  de  Berne  et  de 
Soleure,  ses  bons  alliés  et  combourgeois.  Le  prince  d'O- 
range, apprenant  ces  choses,  courut  lui  aussi  à  Rome,  et 
trouvant  à  son  arrivée  que  le  comte  Rodolphe  avait  déjà  su 
détourner  la  révision  de  sentence ,  il  se  contenta  de  demander 
que  cette  affaire  fût  soumise  à  l'Empereur  comme  suprême 
juge  féodal;  à  quoi  le  pape  Pie  II  consentit,  même  d'écrire 
à  ce  sujet  à  l'empereur  Frédéric  III.  La  première  pensée 
du  comte  Rodolphe  fut  de  s'opposer  à  ce  renvoi,  se  fondant 
sur  ce  que  l'empereur  Albert  ayant  renoncé  à  toute  supé- 
riorité de  la  part  de  l'Empire  sur  les  fiefs  de  la  Suisse,  l'Em- 
pereur régnant  n  avait  nul  droit  de  jugement  en  cette  af- 
faire déjà  terminée  par  deux  sentences.  Toutefois ,  par  son 
sage  et  bon  escient,  il  crut  nécessaire  avant  tout  de  con- 
sulter les  cantons  de  Berne  el  de  Soleure,  et  leur  dépêcha 
en  grande  hâte  Hugues  de  Vuillausens,  son  écuyer  et  prin- 
cipal agent  et  conseiller.  Les  Cantons  furent  d'avis  que  Ro- 
dolphe ne  devait  décliner  de  l'Empereur,  ains  se  rendre  tout 
d'abord  auprès  de  lui  et  le  gagner  par  bonnes  manières  :  en 
effet  l'Empereur  fit  défense  à  Louis  de  Châlons  de  rien  en- 
treprendre sur  Neuchàtel,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  prononcé. 
Et  fit  tant  et  si  bien  notre  habile  Rodolphe  que  ladite  pro- 
nondation  resta  et  reste  encore  à  venir;  en  telle  sorte  que 
la  tranquille  possession  du  comté  lui  étant  ainsi  detneuree , 


APPENDICE.  529 

fut  le  titre  supérieur  qui  en  assura  la  jouissance  à  ses  des- 
cendans,  laquelle  jouissance,  par  diverses  fortunées  entre- 
faites, se  convertit  bientôt  en  une  souveraineté  pleine  et 
indépendante,  du  moins  par  le  fait;  certain  est-il  que  la  con- 
duite sage  et  bien  avisée  du  comte  Rodolphe  mérite  louan- 
ges ,  mais  certain  aussi  qu  il  fut  merveilleusement  aidé  par 
les  occurrences,  car  Louis  de  Châlons  mourut  à  la  peine  de 
ses  poursuites  en  i463;  puis  Guillaume  son  fils  fut  presque 
toute  sa  vie  prisonnier  du  roi  Louis  onzième  de  France;  en- 
fin tout  est  allé  si  bien  pour  les  après-venans  de  Rodolphe 
que  cette  puissante  maison  de  Ghàlons-Orange  s*est  éteinte 
Tan  1 53o  en  la  personne  de  Philibert* 

Par  cette  longue  déduction  des  démêlés  de  Rodolphe, 
comte  de  Neuchàtel,  avec  Louis  de  Châlons  ,  j  ai  voulu 
indiquer  les  causes  d'un  grand  effet,  et  montrer  comment 
nos  comtes  commencèrent  au  milieu  du  xv®  siècle  à  remonter 
.de  rechef  au  premier  rang,  pour  aller  ensuite  plus  loin  se 
faire  et  dire  souverains. 

«  Les  particularités  ci-dessus  sont  toutes  tirées  d*une  ex- 
cellente pièce  que  je  trouvai  aux  archives  de  Trye  ;  c'est  le 
▼erbal  en  vieux  et  piquant  langage,  fort  bien  composé  par 
Hugues  de  Yuillausans,  lequel  récite  avec  ordre  toute  cette 
querelle,  en  rapportant  les  pièces  probantes,  chacune  en 
son  lieu.  Certes  cet  homme  avait  bien  de  Tesprit  et  tnême 
du  savoir,  chose  remarquable,  en  ces  temps  où  les  nobles 
pour  la  plupart  ne  savaient  ni  lire  ni  écrire.  Et  ne  suis  étonné 
que  le  comte  Rodolphe  en  ait  fait  son  principal  en  cette 
ardue  affaire,  ni  que  l'administration  de  ce  comte  ait  été  4 
bonne,  sachapt  si  bien  choisir  ses  serviteurs.  » 


VI.  34 


530  HISTOIRE   DE   LA   SUISSE. 

Fj  PAGE  437,  NOTE  717« 
AUiame  d'Appennell  a^ec  la  Suisse. 

Millier  passe  trop  légèrement  sur  Falliance  des  Âppentel' 
lois  et  des  Confédérés  au  milieu  du  xw^  nècle,  et  il  n*en  fait  pas 
connaître  le  caractère  particulier.  Il  faut  distinguer  trois 
époques  et  trois  degrés  dans  Tunion  d'Appemell  avec  h 
Suisse. 

Après  leurs  premières  guerres  dans  lesquelles  ils  défen- 
dirent leur  liberté  aux  journées  immortelles  du  Speicher,  du 
Stoss,  du  Haupllisbergy  de  la  Wolfshalde^  les  Appensellois 
devinrent  Suisses  dans  le  sens  un'peu  Tague  d*une  simple  al- 
liance essentiellement  défensiTe  avec  sept  cantons  sur  huit, 
qui  les  déclarèrent  leurs  combou^geois  et  concitoyens];  les 
Bernois  restèrent  étrangers  à  ce  traité.  Gela  se  passait  en  1 4 1 1  • 
(  Voy.  notre  t.  IV,  p.  i43  et  i440 

A  la  suite  des  étàiemens  que  notre  historien  trient  de  nar- 
rer, rallianœ  fut  resserrée.  Appenzell  devint  un  Éfat  for 
niellement  allié  de  la  Suisse  {zugefPandter  Orî) ,  dans  le  sens 
le  plus  intime  après  l'incorporation  complète  à  la  Confédéra- 
tion è  titre  de  Canton*  Ce  fut  le  second  degré  de  son  union 
nvec  la  Suisse;  il  date  de  Tan  i45a. 

Enfin  Appenzell,  canton,  devint  partie  intégrante  de  b 
Confédération  suisse  en  i5i3,  le  i3  de  décembre.  Ce  fut  b 
iroisième  phase. 

Nous  revenons  à  la  seconde  pour  compléter  le  récit  trop 
abrégé  du  texte  de  Muller,  en  suivant  notre  guide  habituel 
dans  cette  partie  de  Thistoire  suisse ,  M.  /.  Gasp.  Zellpt^èger 
{HisU  du  peuple  appenzellois ,  t.  I,  p.  53a-534). 

«  Lors  de  Texpédition  de  Sargans  déjà,  »  dit  cet  historien, 
toujours  appuyé  sur  des  documens ,  «  les  Confédérés  avaient 
promis  aux  Appenzellois  de  perfectionner  leur  alliance.  Is 
guerre  de  Zurich  à  peine  terminée,  les  Appenzellois  leur  rap- 


APPBKPIGB.  531 

pelèrent  cette  promesse.  Dès  i447  '^^  Confédérés  en  délibé. 
rèrent  à  Békenried.  A  la  Pentecôte  de  la  même  année  des 
députés  d'Appenzell  se  rendirent  i  cet  effet  à  Bade,  où  la 
diète  suisse  s'assemblait  périodiquement  au  printemps.  Au  lieu 
de  prendre  une  résolution  précise,  Vss  Confédérés  exigèrent 
que  les  Appenzellois  formulassent  par  écrit  les  changemens . 
quils  demandaient.  Pour  satisfaire  à  cette  exigence,  les  Ap- 
penzellois écrivirent  à  Lucerne,  le  %G  mai  144^9  qu'ils  dési- 
raient avoir  une  voix  en  diète  et  de  plus  que  les  secours  réci- 
proques fussent  à  la  charge  des  Gantons  qui  les  accordaient. 
En  revanche ,  ils  consentaient  à  ne  pas  contracter  d'autre 
alliance  et  à  n'entreprendre  d'eux-mêmes  aucune  guerre;  s'ils 
se  trouvaient  entraînés  dans  des  guerres  et  que  les  Confédérés 
les  en  dissuadassent,  ils  leur  obéiraient,  tout  comme  ils  ad- 
mettaient que  ceux-ci  réservassent  leurs  anciennes  alliances. 
Au  mois  de  juillet,  les  Glaronnais  avertirent  les  Appenzellois 
d'envoyer  leurs  députés  à  Lucerne,  où  Ton  délibérerait  sur 
leur  demande';  mats  rien  ne  fut  résolu.  Les  Appenzellois 
idressèrent  donc  le  lo  août  aux  Luoernois  une  lettre  pres- 
sante demandant  avec  instance  que,  selon  leur  promesse, 
ils  les  fissent  recevoir  dans  l'alliance  plus  étroite  *.  Enfin, 
l'an  i45a ,  à  l'exception  de  Berne ,  qui  ne  voulut  pas  encore 
former  d'alliance  avec  Appenzell,  les  sept  anciens  Cantons 
accordèrent  aux  Appenzellois  d*étre  appelés  leurs  Confédérés 
perpétuels  au  lieu  de  leurs  perpétuels  comhourgeois  et  conci- 
/o7'e;i^(voy.  ci-dessus).  Ils.  mirent  à  cette  faveur  les  condi- 
tions suivantes  :  i^  Les  Appenzellois  marcheront  à  leurs  frais 
au  secours  des  Confédérés  dès  qu'ils  en  seront  requis,  a^ 
Quand  les  Appenzellois  auront  un  différend  ou  une  guerre, 
ils  pourront  requérir  l'appui  des  Confédérés,  qui  feront  exa- 
miner l'affaire  par  une  députation  ;  si  elle  trouve  qu'ils  ont 
réellement  besoin  de  ce  secours,  ils  détermineront  eux-mêmes 

(i)  ColUctioH  dei  recés  à  Lueeme» 

(S)  LBtIrê  originale  dan»  Uê  archive»  du  gouvernement  de  Lucerne, 


532  HISTOIRE   DE   L\   SUISSE. 

le  nombre  des  troupes,  mais  ils  supporteront  les  frais.  3^  Les 
Appenzellois  ne  devront  ni  commencer  une  guerre  ni  porter 
recours  à  qui  que  ce  soit  hors  de  la  Confédération ,  sans  le 
consentement  des  Confédérés.  4^  Lorsque  dans  le  cas  d'an 
différend  la  totalité  ou  la  majorité  des  Confédérés  trouyera 
convenable  de  le  soumettre  à  un  arbitrage,  cette  voie  sera 
suivie.  5^  Les  Âppenzellois  ne  concluront  d  alliance  avec' qui 
que  ce  soit,  sans  l'autorisation  des  Confédérés.  &*  Dans  les 
querelles  entre  Confédérés  ,  les  Appenzellois  pourront 
concourir  à  une  médiation;  mais  si  la  médiation  n  a  pas  de 
succès,  ilfi  se  rangeront  au  parti  le  plus  fort.  7**  Tout  accusé 
sera  recherchable  au  lieu  de  son  domicile.  —  Les  Confédérés 
réservent  leurs  alliances  éternelles;  les  Appenzellois,  TEm- 
pereur  et  TEmpire.  Ce  pacte  pourra  être  amélioré  et  dété- 
rioré. On  le  jurera  de  dix  en  dix  ans. 

«  Tous  les  Appenzellois  âgés  de  seize  ans  révolus  et  ci- 
toyens du  pays  jurèrent  ces  articles  et  obéissance  à  la  majo- 
rité des  Confédérés.  Le  serment  fut  prêté  la  veille  de  Saint- 
Othmar,  16  novembre  i452.  « 

C.  M. 


FIN   DU  TOME   VI.