Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl
I
t STEPHEN SPAULDING
HISTOIRE
DE LA
CONFÉDÉRATION SUISSE
bE riUPRIMERIE DE BEAtJ,
à SaintjGvrmain-cn-Laye.
HISTOIRE
DE LAl
CONFÉDÉRATION SUISSE,
PAR
JEAN DE MULLER,
TRADUITE DB l'aLUIMAITD AYEC DES HOTBâ H0I7VBL1.KS
ET ooiTTiiruix jusqu'à hos jours
PAR MM. Charles MONNARD
ET Louis VTJLLIEMIN.
TOME SIXlàMB. = ^tM bt ^gb^ffet,
TRADUIT PAR M. MONNARD.
®
9
PARIS^ '
tH. BALUMORE, JBDITtUR,
RO, rtt« HanlefeaiUe.
GBNBYB ,
AB. CHERBUUEZ ET G^', UBRAIRES^
Aa Haut de U OU.
1839
fyY-U«yT> rO^-^t^ „
%^^X\13L
t^ éôuà œà Won^!der^.
Vous avez vu, dans le premier livre de cette histoire*, là
Confédération primitive et la liberté triomphante des an-
ciens flelvétiens, leur imprévoyance, leur malheur; les
légions de Rome et les faveurs de siîs empereurs impuis-
santes à sauver la nation d'une longue agonie , et son nom
méttié de l'oubli \ après tant de dominations diverses , après
tant de sang répandu dans des guerres intestines et même
extérieures, la sûreté, l'honneur ne renaissant enfin (en-
tendez-le, Confédérés!) qu'à la voix loyale et fidèle des trois
hommes du Grûtli. Le second livre ^ a montré le secret de
votre force : en effet, des armées mieux organisées, exercées
sans relâche^, des ressources prépondérantes ont toujours
dû céder à la résolution ferme et unanime de nos pères de
maintenir leur liberté; de là les victoires immortelles de
Morgarten, de Laupen, de Teôtwyl, de Sempach, de Nae-
fels et da pays d'Appenzell. Mais dans le troisième ^^^, quand
l'ambition et la cupidité remportent parfois sur l'innocence
et la modération, on assiste à la lutte éternellement mémo-
rable de l'Alliance, par laquelle nous existons y contre Tesprit
de parti qui la mine. Se soutenant avec une laborieuse cons-
tance, confondant bientôt les partis dans une union frater-
nelle, la Confédération redevenue bienfaisante pour ses amis,
terrible pour ^>e.^ ennemis , honorable parmi les jouissances ;
la mort glorieuse sur les rives de la Birse, la glorieuse victoire
* Chaque livre , dans l'ouvrage original, forme un tome ; les cinq vo-
Itames de MûUer, dont quatre sont énormes, en feront huit dans notre
traduction. Le premier livre remplit dans .ceDe-ei Se t. I et le t. n >
p. 1-287. C. M.
T. II, p. 289 — fin; t III ett IV, p. i-i60. G. M.
T. IV. p. 46i — fin . et t V. C. M. •
VI. I
2 DISGOUBft PRÉLmilfAIAE.
près de Ragaz, la merveilleuse entreprise de guerres plus
considérables y un esprit conGant et mâle qui ennoblit toutes
les vertus, répare toutes les fautes, c'est là, Confédérés, ce
que le quatrième livre* expose. Il Texpose avec détail , afin
qu'on voie l'origine , le caractère et les circonstances des
événemens et que les lecteurs s'étonnent moins qu'ils ne
s'instruisent^ il l'expose avec toutes les preuves, afin que
vous entendiez vos pères eux-mêmes , et que vous les
croyiez.
Dans l'espace de dix années, ce travail a été souvent
repris , souvent interrompu par les malheurs de l'Europe ,
pour ne point parler de ceux de l'écrivain. 11 faut pardonner
à l'historien la fatigue que les temps ont fait éprouver à
Vhomme. Il aurait perfectionné soii ouvrage, si le nombre
déjà grand de ses années, et le devoir que lui imposent
d'autres entreprises , lui eussent permis de consacrer plus de
temps à celle-ci.
Les cimes de l'Europe, les Alpes, vierges comme leurs
glaciers, brillaient depuis des siècles^ dans un vénérable si-
lence , au-dessus du bruit des nations , tandis qu à leurs pieds
desombres orages ravageaient tantôt le jardin de l'Italie»
tantôt les plaines de l'Allemagne et de la France. A la fin ,
vint l'heure où tous les élémens, par une fermentation subi-
te, menacèrent dans le monde entier l'ordre social du retour
de l'anarchie et de ses calamités; les flots dévastateurs qui
avaient déjà, dans un espace immense, emporté beaucoup
d'institutions anciennes, grandes et belles, atteignirent cette
fois le haut asile de la paix. Après que les gardiens eurent
été divisés et calomniés, beaucoup d'entr'eux , éblouis [par
des prestiges diversement puissans; d'autres, rendus furieux ;
d'autres encore, découragés; après que la couronne même
du pays, la tête invaincue de rUechtland eut été subjuguée,
le malheur n'épargna pas même les innocens agneaux des
hautes Alpes. Alors, quand tout fut profané, déchiré,
•
• T. VI cl VII. CM. '
« BISCOUAS PRÉLlMIlfAIU. 3
foulé aui pieds, pillé, détruit, les peuples fettigués (non
pas tous, car bien des frères ont été arrachés de nos bras)
se consolèrent par lombre d*un meilleur avenir, et quelque
baume fut versé dans la plaie par la main qui Tavait faite.
Ce fléau destructeur fut irrésistible comme un ouragan ,
et l'on ne saurait pas plus s'en venger, que des eaux du ciel
ou dé la foudre. G est à tort que quelques-uns sont accusés
d'en avoir été les auteurs. Instrumens, prétexte, premières
dupes, ils sont en proie à la douleur des souvenirs, comme
leurs maîtres et modèles sont l'objet , les uns des malédic-
tions, les autres du mépris, quelques-uns de la pitié du
monde. Bons et méchans furent emportés, réduits en poudre
par Tesprit colossal d'une époque dédaigneuse de la justice et
de la foi ; dans un moment d'ivresse et de somnolence, avec
toute l'incalculable énergie d'une fureur systématique sans
frein , cet esprit se jetant sur l'édifice mal gardé des anciennes
sectes et des anciennes constitutions, n'en laissa que des dé-
combres. Il finit lui-même (car le crime a une force dissol-
vante et non une force vitale) par se résoudre- en cette
horreur qui nous remplit à l'idée d'une pareille époque.
Ainsi l'a voulu le Père de l'ordre éternel , afin que tous les
partis reconnaissent le principe de la faiblesse, qu'ils sortent
de ce rêve d'opinions sans consistance, d'arbitraire tjranni-
que et de négligente paresse , qu'ils reviennent enfin au res«
pect pour la justice et la loi, pour la raison et Tordre, et
aux égards pour les sentimens de l'humanité. Tels sont les
résultats imposés à une révolution : alors seulement elle est
finie ; alors seulement elle est payée.
Voilà la contre-révolution' permise, seule véritable, né*
cessaire, qui n'a pas en vue des personnes et des formes,
mais le seul but essentiel : que l'esprit étroit et bas, qui pour
une fiButnille ou une tribu néglige l'avantage de la ville, poui'
les prérogatives de la ville le bien du canton, et pour celui-
en la prospérité de la Confédération et son honneur, se
transforme enfin en cet esprit public de la patrie, sans le-
quel une confédération est impossible , sans lequel nous ne
4 DISCOURS PUUMINAIBE. ^
•erions. pas un peuple, ou nous serions le plus faible , le der-^
nier des peuples , exposés de toutes parts aux insultes, aux
piroTocations outrageantes et à toutes les formes du pillage.
On peut se passer de trésors : sans eux nos ancêtres ont
aocomplî les plus grandes et les plus belles choses. Nous
pouvons nous passer de sujets, s'ils deviennent des frères
fidèles, soumis comme nous à Dieu et au droit. Mais l'es-
prit qui est en quelque sorte notre ftme coiàroune , et sans
l<?quel nous ne sommes rien, l'esprit suisse, Confédérés,
nous est indispensable. Le citoyen de Zurich, des bords du
Léman, de Becne, de Schaffhouse, d'Uri , tout Suisse en un
mot, qui dans les diètes et les conseils songe à son canton,
quel qu'il soit, plus qu'à la Confédération, celui-là renverse
ce qui. a droit à la première, à la plus haute place; celui-là
e«t rév^uftionnaire. Que l'esprit qui sacrifie avec joie toutes
les. petîAe^ choses à la seule grande, l'intérêt personnel et
capitonnai à la commune Confédération de l'antique et per-
ps^tuelie alUnnce, devienne notre pouvoir central, non sur
le papier, mais dims.le fond des cœurs.
Les AUemaeds ont un empereur, une diète, les constitu-
tions, de leurs cercles , des cours de justice impériale, beau*
ooup de points de contact, selon la loi : mais si la vie
générale n'est pas comprise, :que devient une nation, même
si grande ?
, Puisse notre ftge, bien que déchu de l'amour du divin et
de. l'immortal > du souvenir des pères, de la commisération
de leuvs neveux, notre âge, uniquement sensible à l'intérêt
de l'heure présente , ne pas lire et oublier ces paroles comme
un roniao ou un journal ! Le secret des tyrans , c'est que
chacun ne prenne soin, que de soi , personne de la patrie ; le
poison énervant, c'est la pompe des paroles sans cordialité,
ce sont' les formes, dont l'esprit a fui ou qu'il n'anima
jamais.
Le Saint-Bernard, le passage du Simplon, les défilés de
la Rhétie , Genève, Mulhouse, l'évêché de Bftle dans le Jura,
antiques bouleva^ et avant-postes de notre indépendance ,
DMGOUBS PHJBLIMINAIBK. 5
loog^-temps remparts sûrs de l'Italie ^ de T Allemagne , et
même de la France, ncrais sont enlevés. Les Valaisans, de
tons temps inébranlables et loyaux à défendre lalliaoce et
h liberté ; les Genevois, redevables à la liberté dune rare
aisance et d'iine grande considération ; Mulbouse , dont la
conquête par les armes de nos pères fut la source d*un long
et paisible bonheur; BiennOi TErguel, le YaUMoutiers, dont
les franchises, objet de leurs vo^ux unanimes, lurent assurées
par cent précieuses et laborieuses sentences et conventions ;
la Yahenlie , Ghiavenne, Bormio , heureux de participer à la
|Aix de kl Suisse au milieu des grandes guerres de Tltalie^
tous ces pays et ces peuples, importans aussi pour l'équilibre
de l'Europe, ne sont plus avec nous. La maison nous reste
i l'exception des portes et des fenêtres; nous en sommes
les propriétaires, mais largent nous est ravi.
Aujourd'hui, réduits à nous-mêmes, à ce qui est en nous^
commençant une ère nouvelle et incertaine , où les res^
sources du temps passé, la magie d'une gloire intacte, la
psîx sacrée du sol , les économies paternelles , le droit fondé
sur les traités, et les dernières traces du respect pour Dieu
M pour les hommes, ont disparu, nous reste-t-il, outre
Tunion , un autre bien que le mérite personnel que chacu*
peut acquérir? Or, en quoi consiste le mérite de l'homme^
ÛDon à être habile à beaucoup de choses , contenc à% peu,
résolu à tout P
Quand un homme possède ces biens, les arguties du phi-
losophisme, ni celles du despotisme, nie peuvent ofoscanûr
son bon sens. Au milieu de toutes les révolutions, dans ses.
montagnes natales, ou dans des zones lointaines, il saura,
libre et fier, défendre sa patrie, ou la rétablir, ou en fonder
)nie autre , ou mourir comme on mourut sur les rives de la
Krse. Les outrages du despotisme n'atteignent pas de tels
citoyens ; leur association fraternelle arrête l'insolence;
toutes les entreprises de l'indignation contenue, de la haine
exaltée, de la vengeance qui Bèuillonne. de l'espérance
6 DUGOURS PnéUMnCAIRE.
qui renaît, respectent la direction, l'ordre, la mesure que
prescrivent l'intelligence et la vertu.
Toute la vie sociale qui anime jusqu'à ce jour les divers
États de l'Europe, et qui^ tant qu'elle subsiste, empêche
que rien, de bon et de grand ne puisse être anéanti d'un seul
coup par un Galigula, repose sur le. même esprit public et
le même courage que l'on décrit ici, sur la même intelli-
gence que montrèrent alors les cantons^ en se soutenant
les uns les autres^ sur les mêmes sentimens simples, éner-
giques, étrangers à la crainte et au doute.
Ces anciens avaient une religion pleine de foi, fille de
la nature et du sentiment, source de repos et de courage ,
et non pas capitulation, ou jeu des systèmes de l'école.
Ce n'était point un moyen d'illusion pour le peuple , c'est
Dieu qu'ils cherchaient, et la puissance infinie du monde
invisible , pour les jours où il y allait de leur vie. Ils
avaient des autels, non pour y fonder leurs sièges, mais
pour jurer devant eux une alliance aussi durable que les
neiges des Alpes. Les efforts et la persévérance étaient leur
loi (aide-toi, et Dieu t'aidera); de terre et de poussière, ils
n'étaient pas exempts de défauts; mais, accoutumés dans
toutes les choses justes à se confier au Père de la justice,
défendre l'honneur de l'Alliance et de leurs armes leur pa-
raissait un droit; la mort pour cette cause, le chemin du del.
La mémoire des journées de Grandson, de Morat.et de
Nancy, titres immortels de la noblesse d'une nation; les
têtes couronnées par la victoire, s'indinant devant la sagesse
du pieux solitaire d'Unterwalden; un grand homme, héros et
magistrat, victime d'une envie sanguinaire; le complet dé-
veloppement de la vigueur inhérente au caractère; l'intelli-
gence et la loyauté soutenant contre les passions sauvages
une lutte quelquefois inégale, le plus souvent triomphante;
la suprême gloire, en six mois huit victoires sur l'Empereur,
la Lombardie conquise et donnée, la France, effrayée, près
de Novare une bataille de vieux Romains, près de Mari-
msGouBS PRBLmiirAimB. 7
gnan une bataille de géans; le feu et la vie, la fierté et la
jouissanoe ; et tout cela se déroulant arec laudadeuse sim-
plicité de l'esprit militaire et de sa discipline : telle est la
matière de notre cinquième partie*. Nous la traiterons ayec
«n doux sentiment; il ne s*agit , en effet, ni de trésors que
Ton emporte, ni de capitaux pour lesquels on fraude , ni du
commerce que Ton entraTC , mais d'un bien que nul n'enlève
parce qu'il est en nous, d'une manière de penser et de vivre
par laquelle ceux qui ont tout perdu peuvent, dans toutes
les situations et dans tous les pays, retrouver, défendre et
assurer à d'autres honneur et fortune.
Ce n'est pas le territoire ou la puissance, ce n'est pas le
bonheur qui consolide l'existence et le nom d'un peuple,
mais c'est l'indélébilité du caractère national. Ce caractère,
affaibli par le laps du temps, par les disputes religieuses,
par les sentimens mercantiles qui ont pris le dessus, par
d'autres événemens encore et par d'autres défauts, s'est
montré avec éclat chez les habitans de Schwjz, dans la mi-
sère de Stanz, dans beaucoup de lieux et chez beaucoup
d'hommes, même de nos jours; mais quand l'a-t^on vu dans
un conseil unanime, quand dans un armement complet et
résolu de tous les cantons ?
Les États de l'ancien monde ne sont plus; elles sont tom-
bées Tjr et Girthage, les reines de la mer ; Rome, n'est pas
demeurée étemelle. L'empire révolutionnaire des Khalifes
s'est dissous, a disparu. D'autres , semblables à des comètes ,
menacèrent un moment; leur passage fut rapide. Les glacier»
qu'on appelle éternels, se rompent; des Alpes même s'écrou-
lent. Les temps viennent, les temps s'en vont; d'autres sont
là. Qu'y a-t-il d'indestructible ? ce qui, gravé dans l'âme ,
se propage de génération en génération. Et maintenant,
Confédérés de la grande, antique, et perpétuelle Alliance
du haut pays allemand , et vous, récemment honorés de la
même dignité , et vous, séparés de nous, si, comme on n'en
* T. VIII, le dernier de Mûller, et t. IX , Glontz.Bioiheim. C. M.
8 JDISGOITBS PBBUMIlfÀIBB.
saurait douter, le souvenir de plusieurs siècles d'amitié ferme
el lojale daus l'afFectiQn et dans la souffrance vit aussi dans
▼os cœurs, voici les histoires des anciens temps; ouvrez-les,
eacaminez et voyez si, pour le salut, la gloire et le repos de
tous les pays, depuis le passage de Bormio jusqu'à Bâle, et
depuis Genève jusqu'à Tarrasp, on a jamais rien trouvé de
meilleur que la vieille fidélité de courageux Confédérés.
J^tàn DE Mu^XAR.
1806.
HISTOIRE
DE LA.
GOJVFÉDÉRATIO]^ SUISSE.
m0>0i»mm0tmm^m>0>0>0 ^téf» ^»#*wy»»»^i^a>»*<»^»^^»*<»<>»<i*w^^#i»^)i#i^^ #i^^i»4ii^i^^^i»i»»»ij>»i»»<
LIVRE QUATRIÈME.
CHAPITRE PREMIER.
GimftRE DBS GtHIpfoéEÉft ÛOIVTRB ZtmiCII ^ L AOTftfCHR
BT LA FRANCE.
Siège de Rai>per9chwyl et de Laufenbourg. — Vastei préparati&
desenoemis. — ^DissimuUtioii. — Henri Meyss. — Chant de guerre
d'Isenhofer. — Greifensée. — Siège de Zurich (Werdniuller)i
— Diète impériale. — - L'expédition des Armagnacs résolue. —
Broogg. — Siège de Famsboui^. —-Approche des Armagnacs.
«- BataîBd d« Saint-Jacques sur la Birse.
[1443, 23 juillet 1444, 26 août.]
Après l'affiaiire de St.-Jacques sur la Sihl , où le
bourgmestre de Zurich , Rodolphe Stûssi , était tombée
les Confédérés^ suivant l'ancienne coutume ^ en signe
de yictoire , demeurèrent jusqu'au troisième jour sur
le champ de bataille. Les bourgeois et les campagnards^
enfermés dans Zurich avec de nombreuses troupes
étrangères^ et divisés d'opinion sur la nature et la
continuation de la guerre intérieure , étaient plus re-
{0 HI?rOîK£ DE LA 80I8SB.
doutables les uns aux autres qu'à l'ennemi, ou que
Fennemi de son côté, privé de machines de siège ,
ne l'était pour eux. Le parti autrichien remit les
clefs de la ville au margrave Guillaume de Bade ,
bailli ducal de T Autriche. antérieure. Pour la sûreté
de ce parti et pour la sienne , il fit garder les portes
par quatre des principaux et des meilleurs capitaines ^ •
La plaine cle la Sihl était dévastée ; la Sihl elle-même ,
dont les Suisses avaient détruit les digues ^ , semblait
tristement rouler des flots menaçans ; les Confédérés ,
dans le but de se porter sur la rive orientale du lac,
et d'assiéger, suivant le désir de Schwyz^, la ville
hostile de Rapperschwy 1 ^ qui, située à l'entrée des
Alpes, les inquiétait, partirent le troisième jour (25 juil-
let) sans être attaqués pendant leur retraite , et passè-
rent la Limmat sur le pont de Bade *.
La commune militaire, assemblée prés des ban-
nières, résolut de ne pas marquer sa marche comme
les précédentes , par la dévastation , mais de ramener
le peuple réfugié dans Zurich à ses anciens senti-
mens fédéraux , en épargnant ses propriétés. Des ex-
ceptions furent faites par des haines particulières ou
avant que l'approbation générale eût | sanctionné la
résolution ^.
* Le comte Loais de Helfenstein , le comte Jacques de LOzelsteîn ,
Barkhard MOnch de Landscron, Jeaa de Rechberg. Tschudi, H, 887.
^ Jbid. La plaine de la Sihl était toute en p&torages communs, à l'ex-
ception de quelques jardins et enclos.
' BulUnger,
* Le pont du Hard n'existait plus depuis iS45 {Leu) ; déjà dans le
Richtebrieve , il était défendu sous des peines sévères de jeter un pont
sur la Limmat , entre Zurich et Bade.
^ On incendia dans une seule matinée à Eàngg quarante maisons.
Tichtâdi.
LIVRE IV. CHAP. I. 41
Les CoitfSédérés , l'avant-garde et rarrière-garde
appuyées sur le oorps d'armée, marchèrent pendant
quatre heures enbon*ordre, au nord-ouest de Zuridti.
Le feu de l'artillerie de ta ville ne les atteignit pas;
ils repoussèrent une sortie; mats, irrités par ces atta--
ques, des soldats coururent sur le Kœferberg^, rava*
gèrent des maisons de campagne, montèrent rapide-
ment au haut de la colline , et minèrent une tour forte ,
leKratenthourm*^. Ensuite, non sans laisser des marques
de leur colère, ils traversèrent cette magnifique, con-
trée jusqu'à Kûssnacht, où les chevaliers de St. Jean
leur offrirent des vivres et le repos. Restaurés, par un
repas, ils continuèrent de bon matin leur marche le
long du lac , à travers des villages abandonnés , et
parvinrent vers midi devant Rapperschwyl.
La ville de Rapperschwyl , remarquable par sa belle
et forte situation , s'avançait dans le lac sur un pro-
montoire dont la cime portait le château des anciens
comtes , et qui formait un port défendu par la nature
et par tme bonne tour. La population était plus que
jamais dévouée à l'Autriche avec un zèle unanime;
mie garnison autrichienne^ la mettait à l'abri d'une
surprise» Les bannières occupaient déjà toutes les hau-
teurs derrière la ville et les plaines arrosées par
la petite rivière de l'Ionen ; la colère de Schwyz et de
• EdUhaeh.
'' • Excellent donjon ; ils le renversent de fond en comble. » EdU-
baeh , qui pouvait mieux connaître ce fait que Ttchiuii.
* SoDS Louis Meyer de Hnningue, plus tard bourgeois de Bouiig dans
IlJechtUnd et chef d'une famille qui fleurit pendant plus de denKStèdes.
AU, Du reste, la garnison se composait de gens de TAIsace , de l'Âu tri-
che antérieure et des bords du lac de Zurich. Les chevaliers Jean de
Landek et Jean-Bernard Schnewli en faisaient aussi partie , ainsi que 70
serfs de Stœfa. HùplL
42 HISTOIBB DE LA SUISSE.
doits éciatait dans les flammes des champs et des
maisons de campagne ®j des châteaux voisins arri-
vaient des canons à boulets de pierre; de Schwyx et
de Lucerne^ de la grosse artillerie* Pendant la nui t, les
habitans de Rappcrsdiwyl enroyérent un messager
par eau, pour assurer le margrave de leur fidélité^
mais pour lui représenter en même temps la nécessité
de les débloquer dans l'espace de trois semaines. Per^
suadé de rimpwtance de cette clef des Alpes, mais
aussi du danger auquel il exposerait le parti autrichien
s'il quittait Zurich après tant de revers, il reconnut
que son seul moyen de salut était une trêve , pendant
laquelleil se renforcerait : il chercha donc à la conclure
par Tentremise du médiateur naturel, l'évéque du
pays ^^. Gelui-*ci, réfléchissant à la vénération de tous
les Confédérés pour Tabbaye de Notre -^Dame -des-
Ermites, s'associa l'abbé.
Les Confédérés, chantant des refrains guerriers,
dressèrent en deux nuits" deux batteries*^, canon-
nérent les murs, entreprirent de les miner par le feu "
et de combler les fossés. La ville et la garnison, sa-»
tisfaites de la promesse du margrave de les aider,
s'abstinrent de toute parole insultante, qui, en pro-
voquant une subite fureur, aurait peut-être amené
des désastres. Mais un bastion en saillie d'où Ton
pouvait attaquer l'ennemi en flanc, tandis que les
* Grûningen , Uznteh , Pfeffikon. Tickudi,
" Henri de Héwen , évéque de Constance.
'^ « Ceux de la Tille peDsaient qu'il devait y avoir une Iràve pour une
• noit, comme cela se pratiquait parmi les chevaliers et les écuyers. •
Ttehudi.
*' • Tarris, » terrasses.
" On faisait une mine , on plaçait sons leé murs des appuis en bois ,
auxquels on meltait ensuite le feu.
LIVRE IV. CHAP» U 13
Femmes préparaient sur les murailles de Teau bouil*
lante coptre les assaillaus*^ et une forte palissade ^^
munie secrètement de chausses-trappes donnaient à
la ville une si grande sécurité^ qu'elle fit dire à la
fin aux assiégeans : <i Qu'on regrettait ks mille florins
>} que la brèche devait leur avoir coûté ; que pour cent
/ florins les habitans leur en ouvriraient une plus
» grande ^^. » Du reste ^ hormis quelques chanscois
guerrières 9 on n'entendait pas une parole. Chaque
matin les brèches de la veille se trouvaient réparées.^
LcNTsque Tahbé d'Ëinsidlen et Frédéric de Héwen y
frère de Tévéque ^ proposèrent aux Confédérés un ar^
mistice , ils rencontrèrent de grands obstacles dans les
haines privées de beaucoup de Schwyzois et de Glaron-
nais contre Rapperschwyl , et dans leur désir d'affran«-
chir à jamais leur patrie de ce voi^nage ; mais ils virent
aussi des dispositions plus favorables chez d'autres can-
tons ^^ qui voulaient arriver par la guerre à la paix.
Cependant ceux-ci prétendaient conserver le territoire
conquis , et comme ils ne savaient pas si Berne avait
exécuté une entreprise concertée contre Lauflenbourg^
ils se tenai^oit prêts à soutenir au besoin ces confédérés.
U parut donc essentiel au margrave de gagner du
temps.
L'évêque Henri de Héwen ^ initié aux affaires et
aux plaisirs du monde ^ et qui faisait servir son ca-
ractère ecclésiastique, son grand âge " et son air ma-
ladif à augmenter son ascendant, vhit au camp avec
** « Un hériieon en pieuv de chdne et beaocoiip àe solides ^milles. »
Tnhudi.
" BmlUnger.
" Locerne , Un , Untefw»ldea , Zong.
*' Il les pria de voaloir bien hettorer sa vieillesse , va qu'il étail vn
14 HISTOIRE DE LA SUISBK.
UD6 suite nombreuse de Zuricois^ afin d'adresser aut
troupes des paroles pacifiques, en sa qualité de mi-
nistre de paix^^. Chemin faisant il entendit le tocsin;
cinq cents Confédérés étaient sortis pour piller la
contrée; ils rentrèrent chargés d'un butin payé de leur
sang ^^. Les communes se réunirent en assemblée
(8 août). L'évéque se leva , parla d'une manière tou-
chante, pleine de dignité, mais brève; il fit lire le
reste. Schwyz et Glaris eux-mêmes sentirent la né*"
cessité de paraître du moins entrer dans ses vues , par
respect pour sa personne ; toutefois , afin de rendre les
conditions moins acceptables, ils y ajoutèrent: « Que
» les Autrichiens en garnison à Zurich devaient se re-^
» tirer ; l'armistice , être conclu dans deux jours, pour
» l'espace de huit mois ^^; et qu'on négocierait une paix
)) durable à Bade, » ville qui leur avait prêté serment.
Us apprirent le lendemain que du côté opposé les
Bernois pressaient le margrave; mais ils ne savaient
pas que l'Empereur venait de prendre la résolution
d'appeler les Armagnacs à son secours ^^ Le margrave,
instruit de ces deux faits, agit conformément à la
prudence, en autorisant Tévêque à conclure l'annis^-
tice à leur gré ^^.
seignear impotent , malade. TtehudL II ?ëcQt néanmoins dix-neuf ans
encore^
i> • Car on nous appelle an prince de paix et noua devons rétre. »
Son discourt,
*^ Ils perdirent un seul homme, selon Tsehudi; quelques-uns , selon
HûpU,
** Depuis la Saint-Laureot ( iO août IA&8 ) jusqu'à la Saint-Geoiige
(23 avril Ui&4).
^ Les lettres citées t. V , p. 360 et suiv. et qu'on lit aussi en alle-
mand dans Tsehudi, sont du 22 ou du 84 août.
^ La eh. est dans Tsehudi , U , 893.
LIVRE IV. CHAP. I. 15
Le prëlàt et le bajN)û de Héwen rapportèrent cette
nouvelle à Rapperschwyl ; le peuple^ qui jouissait
encore librement de sa pèchme ^^ et de ses jardins ^*,
enflammé de courage et de haine , sans calculer ses
ressources , fut si fort irrité de la trêve ^ que les
pacificateurs n'osaient ni se montrer dans les rues^
ni rapporter les négociations dans leur réalité ^^. Le
jour suivant , l'évêque , Tabbé , le sire de Héwen , le
margrave 9 la ville de Zurich^ et les six cantons assié-
geans^ scellèrent la charte de la trêve dans le camp
(10 août). Les Confédérés retournèrent dans leurs
foyers.
Pendant ces mêmes jours ^^ les Bernois entreprirent
une expédition qu'ils comptaient exécuter par leurs
propres forces et avec l'aide de leurs alliés de Soleure
et de Bàle^ tandis que les Confédérés tenaient le mar-^
grave occupé. Dans leurs lettres de sommation ^'^, ils
ne firent point mention des affidres de Zurich^ aux--
quelles ces villes ne voulaient prendre aucune part,
mais motivèrent leur guerre par l'arrestation d'un de
leurs sufetset de quelques voitures de sel. Baie répugnait
à une guerre contre l'Autriche ; les seigneuries de cette
maison environnaient la ville ; ses serviteurs et ses
amis siégeaient dans le conseil ^'. La vieille Confédéra-
^ Quoiqu'il y eût près de Ytk d'Ufeoaa doute embarcatioiu des
Confédérés. EdUSoek.
^ • Les femmes allaient coeillir des légumes , mais les ennemis gà-
• taient les belles branches des arbres et enlevaient l'écorce. » Id,
^ Ils feignirent d'être hors de sens et eihalèrent de violentes injures.
TickMdi.
^ lisse mirent en campagne le h août; le 6 ils parurent devant
Uofenbouig; le 9 la nouvelle en parvint aux Goafédérés.
*^ Lettre de réquUiiion aàrueie à Baie, h août, dans Teehudi.
^ Bàle fatrequis deuifois, puis enfin sommé au nom de son serment.
16 HISTOIBE 0B LA. 6VISSE.
tion au sein des numtagues était beaucoup plus
âiroîte et plus active que cette association de cités ^ non
moins différentes par leur esprit^ que séparées par
leur situation* A la fin pourtant Falliance triompha^
et il naquit nue guerre acharnée qui, bientôt et sou-
vent interrompue y n'en dura pas moins plusieurs
années , et dont les conséquences furent importantes.
Le chevalier Henri de Bubenberg , général des Ber-
nois^ sortît de la ville à la tète de 5000 hommes, de
500 Soleurois^^ et de beaucoup de grosse artillerie
que Ton transporta paiwlessus des monts escarpés et par
les routes à peine praticables du Frikthal jusque vers
le Rhin, à l'endroit où, sur les deux rives de ce fleuve
qui roule ses flots sauvages parmi des rocs escarpés , se
voit près d'un antique château la ville de Laufenbourg*
Le chevalier Jean de Hohenrechberg en était gouver-^
neur. Baie, après avoir inutilement réclamé de lui b
restitution de mille florins, prix des marchandises
enlevées aux négodans de cette ville , résolut de sou-^
tenir les Bernois ^^ et fit partir pour l'année de Bur
beaberg, André Ospemelle, chef des tribuns, et Jean de
Lauffea^ oommandant de la cavalerie ^S avec ^iviron
2500 hommes et sept pièces de grosse artillerie.
Les bourgeois- de Laufenbourg étaient pleins 4^
courage ; ils avaient une garnison assez considérable ^^,
commandée par les meilleurs capitaines de l'Empe-
reur ^^; ils ne manquaient ni de vivres ni d'armes^ et
«• May, HUt. nUliU da Sitmeê, m, lAS.
so fVurêtisen, Chronique de Baie, dOO.
*^ MaUfaks Grûnzweig, le cadet , portait la bannière. 16.
" D'après Tukmdi MO chevaliers et éoayers et beaucoup d'infanterie
mercenaire; d'après BuUinger &00 hommes.
** Le comte Helfenateiii , les ohevalîers Afftnoh et Veaningen. •
LIVRE IV. GHAP. I. 47
la ville n'était pas bloquée de manière que le brave
peuple de la Forêt Noire ne pût venir du voisinage à
son secours. Quoique Tarmée bernoise ^ cette fois plus
capable d'audace que de modération ^*y pressât la ville
de prè8 et avec opiniâtreté^ et que du côté du châ-
teau fut tombée une grande muraille ^^, les habitans de
Laufenbourg tinrent ferme et firent une sortie si vi-
goureuse, que les Bernois ne conservèrent leurs pièces
qa en perdant le directeur de leur artillerie et bon
nombre de braves ^^. Irrités par là, ils requirent tous
les Confédérés, Ceux-ci obéirent et marchèrent. Sur
ces entrefaites s'écroula un autre pan de mur; les
chefs des assiégés et le conseil de la guerre commencè-
rent à trouver possible un subit assaut; ils donnèrent
alors les mains à la médiation de l'évéque de Bâle , du
comte Jean de Thierstein et du sire Rodolphe de Ram*
stein^'^. Ceux-ci engagèrent les villes à lever le siège
avant Tarrivée des Confédérés , moyennant une recon-
naissance de onze mille florins ^^ pour lesquels la ville
de Waldshut) peu distante de là, et une partie de la
forêt serviraient d'hypothèque ^^ ou fourniraient cau-
tion *^. Le siège était levé lorsqu'une lettre de l'Em-
** • Ils avaient ane nombreuse soldatesque indisciplinée , dont ils ne
* pouYaient se rendre maîtres. • Tschudi,
'^ TriUhemii , Jnn. Hirmug. U, diS ; St. Gall 1609.
>* T$chudi,àB;HûpU,60.
*' La négociation fut conduite par la noblesse; « les bourgeois et la
* commune n'en surent rien. • Ttchudi,
** Suivant £ff«r(m, p. 173, et ÉulUnger» Ttchudi parle de 10»000;
mais il ne fait aucune mention des mille florins que reçut Bàle.
" Sltttler , 1 , 152.
^ Etterlin : « le paiement fut différé, en sorte que les frais augmcn-
* tèrent la dette. ■ On connaît l'ancienne coutume : quand le débiteur
n^ payait pas aux termes fixés , on faisait entretenir à ses frais dans des
Ti. a
48 HISTOIRE DK LA SUISSE.
pereur ordonna aux Bernois et aux Soleurois de Ta-
bandonner, sous peine de perdre leur liberté impé-
riale; ils déclarèrent que la convention conclue par
suite des négociations les y- avait seule déterminés^ et
que, si le paiement rencontrait des difficultés, ils sau-
raient se faire justice les armes à la main.
Le succès de la guerre de Zurich donna aux Con-
fédérés , citadins et campagnards , une telle conscien-
ce de leur force qu'ils se croyaient invincibles ^K En
vain leurs adversaires affectaient-ils de les mépriser
cotnme de pauvres gens , et se permirent-ils de petites
vexations, jusqu'à .ce qu'on en vint à des explications;
les Suisses firent triompher leur volonté.
Les rapports des Balois avec les villes et les contrées
autrichiennes des environs révélèrent des dispositions
analogues, même après l'expédition de Laufenbourg^^.
On se querellait alors pour déterminer si un certain
homme avait été arrêté justement ^^, et, comme les
guerres naissaient aussi facilement qu'elles finissaient
vite, si les noix de l'un, l'acier** de l'autre, le vin d'un
troisième avaient été saisis pendant la durée effective de
auberges délerminées an cerlain nombre d'hommes et de chevaux. »>
Lorsque Muller dit que « la ville de Waldshut et une partie de la foréf
• serviraient d'hypothèque ou fourniraient caution , • la première de ces
conditions doit s'entendre de la localité ou du sol , la seconde de la
communauté ou des communautés qui l'habitaient. La personnification
des lieux est un trait caractéristique du langage suisse et du style de
Muller; le traducteur l'a fidèlement conservé. G. M.
** HûpU : • Il leur semblait que personne n'osait plus leur résister et
• qu'ils pouvaient tout faire à leur guise. »
** Voyex un prononcé fort détaillé, Rheînfelden , mercredi après
SL Luc 1448, dans les Remarques de J. Rod. Iselin sur Tschudi, II,
898—402.
*' Jean Bischof fut arrêté à Béfort , et « retenu dans une rude prison. »
** On • saisit l'acier * de Nicolas Schmildin , à Rapperschwyl.
LIVRE IV. CHAP. I. 49
h guerre , ou si l'on ^ vait bu une bonne partie du vin
après la conclusion de la paix *^. La ville de Seckingen
eraignitun siège par suite de Tinsolencede beaucoup de
gens, en partie étrangers , qui du haut du pont insulté^
rent les Balois revenant de Laufenbourg par le Rhin'^^.
Les nouveaux péages occasionaient beaucoup de dés-
<»dres; sans égard pour d'anciens traités et pour l'in*
tërét du commerce 9 on octroyait ces péages tantôt
aux villes du Brisgau pour qu'elles prospérassent^^,
tantôt aux possesseurs des seigneuries autrichiennes
hypothéquées'^^, afin d'en augmenter le produit. Il y
a dans le Rhin des passages dangereux ; au lieu de les
signaler ^^^ les villes en prenaient occasion d'imposer
leurs pilotes et des contributions diverses^ à des socié*
tés de voyageurs^', ainsi qu'aux négocians et aux
pèlerins qui se rendaient les uns à la foire de Francfort ^
les autres vers de saintes images ^. Sur terre ^ à moins
^ Les frères LOtfried perdirent à Tann S 4 chars de vin ; à la paix ,
il en restait encore 8 i;S dont on but alors seulement a i;S. = En
Suisse, le commerce en gros da vin se fait par chara; cette mesai%
quelque peu variable suivant les temps et les lieux , est de 800 à iOOO
bouteilles. G. M.
** Grief essentiel des B&lois mentionné spécialement par T$ehmdi et
" A ceux de « Neuenbourg à cause du grand souci que le Rhin a
» donné à leur ville. * = Neuenbourg entre Bâle et Brisach ; il y a beau-
ocNip de villes de ce nom , qui est aussi le nom allemand et la tra-
duction littérale de Neuchâtel. G. M.
** Pfirt , Allkirch et Landesehre.
*' Celte précaution fut prescrite alors. On ordonna que Bftle « fit
• sonder et dessiner le Rhin jusqu'à Brisach , et Brisach jusqu'à Slras-
• bourg. »
^* Les bourgeois de Brisach exigeaient aussi un péage territorial.
'* « Quand il y avait dans un bateau six ou huit frères. »
*' Dans les deux « péiennages d'Ache ( est-ce Achen , Aix-la-
• Chapelle?) et d'Einsidlen. •
20 HISTOIRE 0E LA SUISSE.
d'nne escorte considérable et dispendieuse ^^^ on ne
voyageait pas sans risquer d'être assailli et pillé ^^*
Quand, pour faciliter TapproTistonnement des troupes
de l'Autriche antérieure, on défendait l'exportation
des céréales , la ville de Bàle s'en plaignait comme d'un
acte d'hostilité ^^. Le gouvernement de cette province
de l'Autriche se plaignait à son tour de ce que des
fonctionnaires hors d'étiat de rendre leurs comptes , ou
des sujets condamnés à des amendes trouvaient asile
à Bàle ^^. L'audace, la haine, la grossièreté des mœurs
entraînaient les États dans des querelles privées qui ,
sans l'intervention des seigneurs ecclésiastiques et
de villes impartiales, pouvaient ainsi mettre un pays
à feu et à sang. Le concile, en conséquence, chargea^
deux cardinaux , l'un français ^'', l'autre espagnol ^, et
deux évèques, l'un voisin ^^, l'autre allemand ^®, de faire
cesser les désordres. Le pape Félix leur adjoignit quatre
s* A OUnanbeim.
** Cela arrivait même aux seigneurs et à leurs gens.
^" Sur sa plainte qu'on lai refusait le libre achat, il fut répondu :
« que pendant la guerre on avait dû interdire l'exportation des denrées »
• attendu qu'il était équitable que les sujets les vendissent à meilleur
» marché à leurs seigneurs qu'à d'autres personnes. »
^* Comme si les principes de la traite foraine étaient applicables à
de semblables circonstances.
*' • Louis Alamandi, surnommé Arlatensis» Français. •
^* Jean , du titre de Sainl-Calixte , espagnol.
^* George , de la famille des margraves de Salaces , évéque de Lau-
sanne,
** L'évéquede Bftle, qui, dans la juste crainte de blesser les deux
partis , se rendit ii Golmar , et ne Tonlnt gufere se mêler de cette affaire.
Gerang , nmommé BUtmemttin , Cktom. epiêoopp, in Smripit. wùn. rtr*
BoiiL t, l.
LEVER IV. tHAP. I. Hi
hommes d'affiiires^' et de savoir. Sept villes ^^ envoyè-
rent des délégués de leurs conseils et des greffiers. Le
margrave s^entoura des principaux chevaliei;fi< et con-
seillers de l'Autriche antérieure ^^. Les six députés du
conseil de Bàle ^ parurent^ appuyés par autant de
cantons suisses ^. La diète se tint à Rheinfelden } elle
décida tous les points aussi équitablement que possible^
surtout pour tranquilliser Bàle, la plus grande et la
plus puissante ville de cette contrée ^« Les citoyens
de Seckingen furent contraints de faire publiquement
amende honorable et de rendre un. bouclier qu'ih
avaient autrefois enlevé à la ville de Baie*
Les bords du lac de Zurich sentirent le. bras vic-
torieux des Confédérés qui, possesseurs de Grûningen ,
sans égard pour la vieille constitution y exigeaient le
serment de tous les serfs des seigneurs spirituels et
tempprels du voisinage^''. A toute proposition de re-*
cours à la justice il§ opposaient la force ^^ ; au peuple
*^ V^n d'eux mérite d'être distingué, c'est Rodolphe de Rfidisheim,
bofaine important dans l'archevêché de Mayence et enfin évêque de
Bmlao.
*^ ^tnçboiirg, qnidépn^ de nouveau Adam.Rnff, Constance, Hage-
oan, Gplmar, i^etstadt, Mulhouse, RheinfeldeQ.
** Conrad de Busnang ,. Barkhard MGnch de Landescfone , Grflnen-
berg, Hallwyl, Staufién, Masvaux.
^ JflBQl Rot , chevalier t Jean de Lanfen , mentionné d-desena | Osper-
oéUe et trois autres.
** Berne, SoJeure, Lucernç, ({ri, Schwyi, Unterwalden.
** La eh. est du 25 octobre , dans Tschudi, Il , A03.
<' tefmis les temps les plus anciens ces seigneurs et ces seigneurie»
relevaient immédiatement de l'Empire ( Tichudi, n, 897 ) ; car depuis
il à ans laSouabe n'avait point, d® duc, et le siège de la maison de
Habiboaig était éloigné.
** • On les fonderait de leur jurer fidélité ; • tel était le langage ovdi-^
naire dq land^mma^i^ de Scbwyx.
22 HISTOIRE J>E LA SUISSE.
ib promettaieDt protection s'il se joignait à eux. Le
vieux Bonstetten s'enfuit alors dé son château d'Usl^r^
et son cousin Landenberg de sa maison de Wézikooy
pour ne rien faire ou ne rien aouffirir personnellement
de contraire à leur honneur et à leurs droits. La trêve
fut appelée la mauvaise paix ^^» parce qu'elle ne
donnait aucune sécmilë pour le commerce et pour ks
autres relations sociales; les entraves commerciales
subsistèrent; beaucoup de bourgeois de Zurich^ les
habitans de Stiefa, ceux des contrées non conquises
furent réduits à quitter patrie et fortune^ ou à jurer
soumission aux vainqueurs '^^.
Dans cet état des choses les seigneurs et les villes de
la Thurgovie tinrent à Winterthur une diète (3 no<-
vembre) où chacun^ découragé^ perdit Fespérance de
se défendre. Le margrave Guillaume, convaincu de
la nécessité d'une protection plus active et plus puas-»
santé , proposa de déclarer à l'Empereur, par l'oiçane
de Thûring de Hallwyl , « que les États de l'Autriche
» antérieure, y compris l'Alsace, s'il ne les sauvait
» pas bientôt, seraient forcés de se rendre au duc de
» Bourgogne. » Cette proposition fut adoptée presque
unanimement. Rapperschwyl seul eut assez de con-
fiance et de courage pour continuer de se dévouer'sans
réserve à F Autriche '^K
La cour impériale était dans le plus grand embarras,
parce que les grands princes d'Empire séparaient de
plus en plus leur propre intérêt de l'intérêt général
et de celui de l'Empereur, et que ce monarque
** BuUinger : • La paix pourrie , méchanle. »
'* Près de l'église de Staefa , 27 octobre. TseUudL
'^ « Ib avaient cette confiance an roi , qa'îl ne les laîsseraft pas périr ;
• car ils ne méritaient pas qu'on les abandonnât afmri. • Dam T$thmàin
LIVRE IV. CHAP. K 23
se trouvait dans Tiinpossibilité , uniquement appuyé
sur l'Autriche intérieure, seul pays où Frédéric régnât
véritablement "^^^ de soutenir dans l'Europe occidentale
l'éclat de la dignité suprême y attendu que les entraves
constitutionnelles de ses États, les mésintelligences de
sa maison , et ses voisins turbulens et formidables "^^
ne lui permettaient pas de concentrer sa propre puis-
sance d'après un plan fixe et de la consolider.
Le tableau que Hallwyl fit de la détresse et de la fi--
délité ébranlée de l'Autriche antérieure obligea la
cour à hypothéquer des seigneuries afin de lever quel-
ques troupes, tandis que Ton pousserait vivement en
Fr^LDce les négociations relatives aux Armagnacs. Le
chevalier Pierre de Morimont, percepteur des impôts
dans l'Autriche antérieure "^^^ qui avait fait à l'Empe-
reur, de sa propre fortune, Tavance de 4,000 florins ,
hypothéqués sur Délie et Pfirt^^, fut envoyé à Zurich ,
en Bourgogne et en France. Le nouvel évêque de
Brixen ''®, deux conseillers auliques '''', et George Fuchs^,
le maréchal de la cour, reçurent l'autorisation d'hy-
pothéquer les châteaux et les villes des bords de l'A-
dîge. Le bailli impérial de Souabe , Jacques Truchsess ,
fut appelé avec eux à Inspruck pour une conférence!
^ Avec Albert , Bon frère , qui lai avait souvent fait la guerre. La
Basse-Autriche était gouvernée par Ladislas . fils du roi Albert , le T jrol
et les pays antérieurs par Sigismoûd ; toutefois ces deux princes étaient
sons la tutelle de Fempereur Frédéric
'^ Les Hongrois , les Hussites.
'* Il percevait les impôts d'après le cadasti^
'* Probablement la $eign$iirie, qu'il faut distinguer du comté* U était
loi-méme vassal de Pfirt pour son chUtean de lloriroont.
^* George ; « de cujus ortu nihil scriptnm reperllur. > Hund. melrop.
Salisburg. SOS.
^' Jean de Njfdberg et Rodolphe de Thicrstein.
24 HISTOIRE DE Ll SUISSE.
on y promit une ambassade plus considérable, ou la
présence même de l'Empereur avec une puissante ar-*
mée d'Armagnacs. Berne et Soleufe, qui paraissaient
respecter encore leurs relations avec l'Empire , ftirent
sérieusement invités à s'abstenir de faire cause com-
mune avec les Suisses ''^.
Pierre de Morimont réussit en France et en Bour-
gogne à faire organiser l'expédition des Armagnacs.
Cependant les Confédérés se considéraient comme les
propriétaires des contrées qu'ils avaient soumises. Le
peuple obéissait ^'; aux seigneurs qui refusaient le ser-
ment y on retenait leurs revenus ^^ on surprenait leurs
châteaux '^ Les Confédérés firent déterminer par des
décisions juridiques ^^ les limites incertaines entre leur
territoire et le comté de Kibourg^ redevenu propriété de
l'Autriche. Rendus audacieux par la fortune militai-
re®*, fiers des richesses conquises **, ils ne connais-
saient point la crainte ®^. En effet, on ne leur opposait
aucune mesure. Le seul acte hostile tenté par le bailH
** Vùrdrt et Pinitrmetùm soot dans T9ekëdi, H, 405.
** « Les Qpens de la métairie de Stsfa , tons à rezeeptioD da gonver-
• neur {eaiojé p«r Eineidlen; ont («été le serment • Bapport de Www&r
deRuffe, bailU de Grùningcm , adrêui d Sehwyu Thom. 1445; dans
Tuhudi.
** A Metstaler ses revenas de Liebenbeig. Ibid,
^ Anx sires de Hunwjrl (L«tt) Greifenberg. HûpU; TtchudL
" Prononcé de Vauoyer et du coneeii de Bade, eoneemant la haeiejaetiee
de TiaaeKwyl, portant qu'elle relevait de Kibonrg, non de Régensberg.
Lucie, 1445; dans TêcImiàL
** « Gens , super alta eor tanm posuisti. • Chant cité par HùfdL
** « Dives es; idqne dat ex multis collecta rapina. » Ihid.
" Surtout pas celle-ci :
T« , wbit , aqniia , nUi culainU imp«riaii«.
Jura reeogBoscM , fiemtt pcrnicibos alit.
UTRB iY. CHAP. I. 25
de Kibdurg ^^ fut uue expédition eontre Freyenstein ,
(^teau du mont Irchel , où un gentilhomme du pays ^"^
retenait injustement un homme prisonnier ; le château
fiit livré aux flammes ; mais les guerriers y oubliant
leur but pour le pillage y laissèrent étouffer le prisonr-
nier dans son cachot y au lieu de le délivrer ^^.
L'expédition des Armagnacs fut plus longue à orga^
mser qu'on ne pensait, et la trêve allait expirer; on
jugea donc utile de renouer des négociations pour ga^
gner du temps. Après le retour de Pierre de Morimont,
la conférence de pacification y convenue mais deux fois
différée ^^, eut enfin lieu à Bade sous la présidence de
Vévèque'de Constance (22 mars 1444). Deux prélats
da Concile dirigèrent les négociations ^. D'un côté pa«
nirent le margrave Guillaume, Grûnenberg, Mori-
mont, Hallwyl y Schwaid et d'autres seigneurs de l'Au*-
triche antérieure, les députés de six villes ^', des sei^^
giieurs spirituek et temporels de Zurich , de même que
Henri Meyss et ses amis ^, des délégués de la maison de
Wirtemberg et de dix villes amies ^^. Du côté opposé
n Schnend, qai figure t V, p* 81 6çt suiv.
" Uermann Kftnach.
^ Zûhn, HUi. de la Confia, p. S19.
'* Premièremeat le jour des rois, eiuaite le Jonr de S. Agathe.
** A leur tête le cardinal Alamandi , homme d'un grand mérite.
** Rapperschwyl , Winterthur , Waldshut , Seckingen , LauFen-
l'ooig, Fribonrgdans TUechtland Beaucoup de villes marquantes de
FAntriche antérieure ne paraissent point; Rheinfelden figure parmi
celles qui proprement ne se prononcèrent pas. L'idée de l'unité politique
^t si imparfaite que chacun se comportait suivant les circonstances.
** Edlibaeh; BulUnger. 11 était le chef du parti suisse, anti*aujri-
thieu. ^
'' Aogsbonrg , Nurembeig , Constance , Ëssiingen , Schafpiouu
( Conrad Schwager , plus tard bourgmestre ) , Lindau , Saint * Gail ,
MenimiDgen, Chur-IikêinftUgn,
26 HISTOIRE DB LA &UISSE.
se voyaient les députes des sept cantons confédérés ^^
des villes de Baie ®*et de Soleure'^, de Wyl en Thurgo-
vie ®^ et du pays d'Appenzell, appuyés par les représon-
tans de sept villes médiatrices^^. Les évèques de Cons-
tance et de Bâle^ avec une nombreuse suite dMiom*
mes versés dans les affaiires et de chevaliers ^^^ des
conseillers' du Wurtemberg *^, des délégués de diver-
ses villes'^', beaucoup de comtes^ de seigneurs et de
chevaliers ^^^^ amis de la paix et de la justice , obser-
vaient^^^ et s'employaient à rapprocher les partis.
Ignorant les plans secrets et dans l'opinion qu'il s'agis*
sait d'une pacification , les médiateurs travaillèrent en
conscience à extirper la racine et les fruits de la guerre ;
ils voyaient la première dans la nouvelle alliance des
Zuricois , les seconds dans les conquêtes des Confédé-
rés. Ils voulaient que lalliance cédât à la Confédération
et que les conquêtes fussent rendues. De part et d'au-
tre des amis de la paix donnaient les mains à cet arraii-^
genient. Les personnes animées d'autres s^ntimens en-
'* Les principaux étaient : le vieux avoyer Hofmeister; Henri de
Bubenberg , chevalier , seigneur de Spiez ; Ulrich d'Erlach , qui devint
avoyer cette année- lè; de LOlisbofen, avoyer deLucerne; liai Béding:
Jo3t Tschudi; treize autres.
•* Ospernell, Rot, Laufien.
^* Bernard de Malrein , un des hommes les plus ccmsidéfés.
«7 Allié i Schwyz et h Glaris.
** N. 9S, excepté Lindau, EsslingeOf Memmingeo et Coàre; en
revanche, Ueberlingen en était.
** Jean et Jean Bernard Ze Ehyne avec leur cousin de Bàle; avec
GoDStance le baron VTolfhard de Brandis.
^** Gomme suppléans ou pour observer les premiers. Ici figure Jean
Wyrich de Gemmingen.
*^* Strasbourg, Ulm , Ravensbonrg.
^^* Henri de Ramstein, Jean de Reischach, Lupfen^ Fttrstenberg,
Landenberg.
''' Ils écoutaient le bien et le mal qu'on disait.
. LiVilR IV. CHAP. I. 27 ^
trayaient la pacification en prétextant que l'une des
ccmditions était inconciliable avec l'honneur , et l'autre
avec la sûreté* Les Zuricois pensaient mériter qu'on
leur reslitu&t leur territoire s'ils priaient le roi de les
délier de la nouvelle alliance^ et si^ en cas de refus , ils
soumettaient l'affaire au jugeaient des évéques de Bâle
ec de Ck>|istance et des villes de l'Empire. Les Cantons
étaient d'avis que la restitution ne pouvait avoir Ifeu
que librement et lorsque les Zuricois y abjurant toute
relation étrangère^ consentiraient à redevenir confédé-
rés comme auparavant et às^mmettreles points litigieux
au droit fédéral ordinaire ^^^. Les choses se seraient
ainsi passées et de grands maux auraient été prévenus
sans l'influence de ceux qui ne voulaient point céder
tant qu'ils conservaient quelque espoir, fondé sur la
force et sur lea Armagnacs,
Quand le moment fut venu de soumettre le plan de
pacification au Grand-Conseil et aux bourgeois, ob ré«*
pandit parmi le peuple des noavelles propres à le ras-»
surer et à l'encourager; on lui parlait des dispositions
£aLvorables des grandes puissances , qui ne demeure*-
raient pas plus long*-temps ^ectatrices de l'insolence
des Suisses 9 mais la dompteraient dés qu'elles vou^
draient^ et^ ajontait-rai, elles le voulaient sérieusement
aujourd'hui ^^. Aux citoyens las de cette guerre fatale
on représentait que tout ce qu'on pouvait redouter
pour Zurich s'était déjà réalisé pleinement^ et qu'il n'y
avait plus rien à craindre 9 que la vengeance , le réta-
blissement de rhonneur^ les dédommagemens et la
sûreté pour l'avenir seraient d'autant plus certaine-
ment le prix d'une persévérance de courte durée , que
«•* Ttehadi ; BuUinger,
••• Tuhudi,n, 407.
^ 28 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
les puissances y auparavant trop dédaigneuses de l'en-
nemi y allaient le combattre avec énergie. c< Le secret
» du succès de nos ennemis ^ » continuaient les ad-
versaires de la paix, « n'est pas dans la supériorité
» des forces^ nous l'avons pour nous; il n'est pas dans
» la destinée y la justice de Dieu régne. C'est nous-mè-
» mes , c'est nous qui , par notre inconséquence , par
» nos divisions^ par notre infidélité , leur avons donné
» la victoire* Notre ennemi ne siége-t-il pas dans
» notre conseil ? Ne nous représente-t-il pas dans les
D diètes ? Nos projets ^ connus seulement de quelques
» conseillers, de dix bourgeois à peine , tous nos pro-
i» jets^ il les connaît, il les tient d'avance. Ou bien
» Henri M eyss , Ulmann Zornli Trinkler et leurs oon-
» sorts sont-ils encore Zuricois ? Oui , par leur nais-
» sance , par leurs dignités et par la confiance dont
» ils abusent ; mais ils sont Suisses dans leurs dis-
» COUPS, Suisses par leur conduite, Suisses par lecc»ir;
» traîtres dans la guerre, traîtres dans les négoda-
M tions , voilà ce qu'ils sont. De quoi s'entretinrent-ils
» à Bade avec les ennemis de la ville, le soir^ au
» chemin inférieur, près des bains? Qu'avaient-^ils
» à faire auprès d'eux dans la cour supérieure ? Ils
j» ont dit que le bourgmestre Stussi et d'autres , victi*
» mes d'un vertueux patriotisme, héroïquement tom*-
n bés près de la Sihl , avaient mérité leur sort ^^*
)» Le fondement de la sûreté publique, l'alliance chè^
» rement achetée , glorieuse , royale , que Tennemi
» redoute et qui fait de la ville de Zurich un objet
» d'envie , ils l'ont appelée une association de loups
» et d'agneaux ^^, à laquelle on ne saurait se sous^
'•• EdUbaeh ; BulUnger.
"' « Comme qoand le loup garde lei moutoas. »
UVHB. IV. GHAF. I. 29
M traire trop vite. Loyaux citoyens ée Zurich qu'on
»a trahis^ Ital Rëding pourrait-il eadire davantage?
nVous étonnez-vous encore que vos vaillans firéres
«gisent sans vengeance; que vos villages n'offrent
» que des monceaux de décombres , tandis que ceux
» des ennemis fleurissent ; que votre pays soit ruiné ^
AYOtre considération anéantie^ et, par la réunion de
» tontes les disgr&ces , votre courage même abattu ?
A Réveillez-vous, soyez hommes!»
Telle était la disposition des esprits lorsque les
députés des villes apportèrent à Zurich le projet de
pacification. A peine les eutK>n entendus , que Jac-
ques Schwarzmourer , nouvellement promu à l'office
<ie bourgmestre, leur déclara « qu'ils feraient bien d'at-
n tendre tranquillement la répense dans leurs cham^
»bres à Tauberge, que les sentimens actuels de la
«bourgeoisie ne leur offraient aucune garantie de
» sûreté dans les rues et sur les places publiques. »
Henri Meyss et ses quatre co-députés '^ devaient en-
ndte faire leur rapport sur les négociations de Bade ;
oa savait qu'ils le feraient avec cet esprit fédéral
naturel à leurs âmes, éprouvé durant tant d'années,
et avec cette fermeté qui, avant même les disgrâ-
ces de la patrie, avait résisté à un bourgmestre
tout puissant. Aussitôt s'éleva un grand bruit ; la
foule grossit rapidement; les gens du peuple, munis
d'armes diverses et poussant des cris de fureur, ac-
'** Les Trinkler et les matlres Henri Effinger, Jean Blnntschli et Jean
Birmoner ; Edtibach, Tschadi ne nomme ni Meyss ni Bluntschli, mais sii
«aires qui peuvent s'être trouvés Ih avec une opinion différente. Edli-
^^,lai-méme-Ziiricoi8, devait savoir cela plos exactement II parait
qa*on songeait déjà lors de leur élection à lenr fin malheurense; « le
* maigrave , Hallwyl et Aecbberg avaient machiné ce meurtre. •
30 HISTOIRB DR lA. SUISSE.
coururent vers l'hôtel -de- ville, u Oà sont«*iis7 c'en
» est assez '^^. Les traîtres siégentr-ils encore dans le
» conseil? Ouvrez; qu'ils sortent! » On ne lit nulle
part que dans ce péril extrême Henri Meyss et ses
amis aient renié leur courage , ou que , ocmime d'au-
tres, ils se soient cachés. Lorsque la multitude se
précipita par les portes , ouvertes de gré ou de force ,
elle les trouva dans la salle du conseil avec d'autres
vieillards qui avaient blanchi au service de la ville ^'^^
fils de pères renommés par leur patriotisme. Ils fu-
rent conduits de là au Wellenberg^ prison bâtie sur
un rocher dans le lac"". La crainte vague d'un péril
imaginaire, un sauvage tumulte poussèrent le peu-*
pie à monter sur les tours et les murailles pour
voir les bannières ennemies^ qu'on disait venir au
secours de Meyss. Rien ne se montra; l'enquête ne
fit découvrir aucun crime. Aussi, lorsque le bailli im-*
périal tînt un lit de justice pour juger les députés ^'S
la pluralité des voix se prononça pour la conserva-
tion de leur vie. Malgré cela Henri Meyss , Jean
Bluntschli et Ulmann Zornli Trinkler furent déca-*
pités : les suffrages favorables à la conservation de
leurs jours s'étaient divisés en deux minorités, dont
l'une prononçait la libération, et l'autre une amende;
réunies, elles formaient la majorité contre la peine de
mort; mais les voix qui demandaient cette peine
^** « L'affaire a duré assez long-temps , etc. » BuiUnger,
*** € Hommes âgés, vénérables et pieux. » Tschudi,
* On démolit aujourd'hui cette tour, comme on a démoli une partie
des fortîGcatioiis de Zurich. Le respect dû aux. monumens historiques ,
même à une prison témoin de tant de martyres politiques , disparait et
les boulevards s'aplanissent quand l'industrialisme trône. G. M.
*'* Les députés qui avaient représenté Zurich à la diète de Bade.
UVRB lY. CHAP. I. 31
étaient plus nombreuses que chacune des deux au-
tres minorités ^^^. Des juges , à qui la vue du sang hu-
main aurait inspiré cette horreur que Dieu a mise
dans notre nature '^^ et que les premiers législa-
teurs ont estimée si importante pour le bien général ,
auraient compté autrement; mais l'esprit de parti ,
les haines privées et les idées d'une fausse politique
ont fait commettre à d'autres époques encore de sem-
blables atrocités '^^. Ces trois citoyens eurent la tète
tranchée sur une place publique (le marché aux ppis-
soDs), non -seulement pour avoir voulu dans l'origine
empêcher la guerre, mais aussi parce qu'ils conseil-
laient maintenant dé la finir comme on aurait dû
le faire après plusieurs années de maux sans nom-
bre. Jean Brounner fut condamné à 2,000 florins d'a-
mende et à la prison ^^^. D'autres furent destitués
u* Edliback.
**' Qpand le besoin, la passioo, la démoralisation ne la défigurent pas.
"* Pour appliquer la peine de mort , il faut que la réalité du crime
el sa qualification soient hors de toute contestation. Rien ne saurait
excuser une condamnation irréparable , fondée sur un calcul si vicieux
da suffrages. Mais les principes et les coutumes de la procédure crimi-
nelle étaient la partie la plas imparfaite de l'oi^^anisation sociale en
Suisse, a Ponr parler vrai , les gouvernemens de la Suisse étaient , ainsi
qa'ane partie de TEurope , des barbares sur ce point. Ailleurs du moins
on le reconnot et Ton s'occupa de réformes ; mais en Suisse elles furent
proscrites comme autant d'innovations. Il n'a même jamais été possible
d'y introduire le jugement par jurés. D. L. H. » Depuis 1880, l'organi-
ntioD Judiciaire de plusieurs cantons et celle qu'on avait introduite
dans l'armée fédérale ont subi des réformes qui honorent la Suisse, de
nos jours. G. M,
*'* 11 fut enfermé à l'hôpital. BaUinger. = On avait ménagé dans les
hôpitaux de plusieurs villes de la Suisse des chambres d'arrêts , où l'on
cnfennait parfois des prisonniers privilégiés, ensuite de condamnations
cxtn*légales; c'était un moyen de les soustraire à la justice ordinaire
par égard pour leur famille. G. M.
32 HISTOIRE DE LA SUISSE.
des places qu'ils occupaient dans les conseils et les
tribunaux. Quand une république est irrévocable-
ment décidée à prendre des résolutions pernicieuses ^
rhomme trop noble pour sacrifier son opinion à la
majorité achète au prix de qudques années de sa
vie réternelle gloire de la constance.
Le bourgmestre fit sentir aux médiateurs, et ils
comprirent eux-mêmes que dans ces circonstances
Zurich n'était pas un lieu propice à des négocia-
tions pacifiques. De retour à Bade, les Zuricois leur
déclarèrent qu'ils étaient prêts à soumettre toutes
les affaires ' ^^ au jugement des évêques de Constance
et de Bâle et des villes représentées à fiade ou d'au-
tres villes de l'Empire '^"^^ ensemble ou séparément.
Les Confédérés témoignèrent de la confiance dans les
juges proposés ^^^, mais aussi du regret de ce que les
alliances étemelles , récemment sanctionnées par un
nouveau serment, étaient considérées par d'anciens
confédérés avec un mépris qui trahissait l'iiftention
de dissoudre la Confédération. Ils ajoutèrent (( que
j) personne ne devait leur en vouloir si, conformé-
» ment aux vieux traités, Uen de la république suisse,
» ils demeuraient attachés à la forme du droit de leur
» patrie ^'^; que cette forme si simple avait été res-
<*• La eh. est dans Tsekadi.
**' Elles ont été nommées ci-dessus , n. 98 , 98 et 101. Il faut y ajou-
ter ici Biberacb , Kempten , Rothw;yl, Golmar, Slelstadt et Pribourg en
UecktlancL Suivant Bullinger on offrit même de s'en rapporter à Berne
et à Soleure ; cela doit probablement s'entendre de la part que Zurich
eut dans l'offre du margrave dont nous allons parler.
*^* « Qu'ils ne leur inspiraient ni répugnance ni crainte. >
*^* « Nous avons cette confiance que votre grâce et amour ni p«r-
» sonne ne trouvera mauvais que nous n'aimions pas à nous écarter des
» droits résultant de nos traités. •
UVRE IV* CHAP. I. 33
M pectée juacju'alors au milieu des plus grands mou-
iuvemeus'^^; qu'ils étaient pféts à sacrifier aux lois
» le bonheur même de leurs armes ; qu'ils se faisaient
»fort, eux 9 les députés, d'obtenir de leurs gouver-
unemens'^'^ même après tout ce qui s'était passée
«que les Zuricois jouissent de l'égalité et de Fim*
» partialité de la justice fédérale ^^^. »
Cette volonté unanime , persévérante , des sept villes
et cantons victorieux fit impression sur les esprits.
Le margrave y à son tour^ déclara : « Qu'au sujet de
«la paix conclue entre son gracieux maître et les
)} Confédérés^ et sur la question de savoir qui l'avait
» rompue ^ il consentait à un jugement arbitral ; que
» puisque les Confédérés croyaient appartenir à l'Em^
»pire^^^, il leur offrait de prendre pour juges les
» électeurs 9 les princes et les villes '^*^ le sire de Wur-
0 temberg *^^ , le sire de Savoie /quoique allié de Berne
u etde Soleure, le nonce du Concile et du Saint-Père, et
» les évêques de Constance et de Baie. » Il demanda
d'ailleurs, ainsi que Zurich, que les arbitres dé-
cidassent si les Confédérés pouvaient équitablement
réclamer une autre procédure. Il finit en exprimant ^
le confiant espoir que les villes de Berne et de So-
*^ Par les Unterwildiens , par exemple , <laDs la gaerre de Rinken-
berg; t m, p. 91 et 92, et parScbwyi dans i'aifaire de Zoug. IhitL
^ 387.
'^^ « Qu'ils veuillent nous autoriser. •
'^ La eh, de cette noble et sage déclaration se trouve dans TêchudL '
'^ Il voudrait ne pas reconnaître que les cantons forestiers et sans
doute aussi Zoug et Luceme relèvent immédiatement de FËmpire.
*^ Bien entendu les députés ou les bourgmestres et les petits conseils
à^ villes susmentionnées. Il pouvait avoir ses raisons pour ne pas se
fier aux grands conseils , où dominait le principe démocratique.
^' Alors encore comte.
Tl. 3
\
34 HISTOIRK DE LA SUISSE.
leare, coq vaincues de la justice de ses procédés^ ne
soutiendraient plus les autres cantons, mais s'en se**
pareraient pour leur propre honneur ^^®.
Les Confédérés^ indivisibles dans leur unanimité ^^'^^
répliquèrent par Torgane de leur orateur , le fils d'Ital
Réding '^^ : « Qu'ils n'avaient point d'autorisation
>> pour un procès avec la maison d'Autriche^ mais
» seulement pour une réconciliation avec leurs vieux
n confédérés de Zurich; qu'on ne pouvait pas leur
n reprocher d'avoir négligé un seul moyen ^^®; que
» l'unique chose qu'ils demandaient à TÂu triche était
» de ne pas se mêler des affaires de la Confédéra-
» tion '^. Que si l'Autriche faisait quelque réclama-^
n tion à la Suisse , et que le margrave s'adressât aux
» villes et aux cantons, il recevrait une réponse qui
» laisserait leur honpeur intact ^^K »
La sollicitude des C!onfédérés pour leur indépen-
dance déplut au margrave. De leur côté , ils trou^
vèrent mauvais que ce seigneur proposât la pro-
longation de l'armistice , tandis qu'ils apprenaient
enfin, eux aussi, par le bruit public, ce qui se tra-
mait contre eux en France. On se sépara done (34
mars 4444); lui ^ dans l'espoir d'une prompte yen--
*^ Ttchudi nom donne le texte de cettie propontîon.
**7 On voit ici U promptitude des conseillers autrichiens et le désir
qu'ils avaient de diviser les Confédérés; mais Berne et Soleare n'étaient
point disposés à se laisser jamais déloomer de leurs chers confédérés.
Têchudi, U, diO.
*^ « Il était l'orateur et l'avocat des Confédérés. « T$ehaehHaH.
"* « Gracieui et cbeit seigneurs, nous avons fait des offres et des
» avances plus que snfilsanles. •
*** « Qu'ils laissent ceai de Zurich libres et nous laissent agir selon
• ce que news croyons juste d'après nos alliances. »
*'* Lkek de cêlU déclaration fédérale se trouve aussi dans Tsekadi»
UVRE IV. CHàP. I. 35
geance; eux^ satisfaits de ce que pour adieu le
vicaire-général de Gùnstance avait accordé l'absolu-'
don des péchés commis pendant les campagnes pré<-
eëdentes >^.
La plus prochaine expédition militaire fut diri-*
gëe^ non sans préméditation^ contre le margrave. Le
lendemain de l'expiration de la trêve ^^^^ de bon matin ,
des soldats de Wyl coururent par la Thurgovie vers
les châteaux de Spiegelberg et de Griessenberg, dont
il devait la possession à sa femme ^^*, les brûlèrent
et retournèrent chez eux.
Dans ce temps le jeune dlsenhofen^^^, dont le
père avait rempli des offices dans l'Autriche anté-
rieure '^ , s^efforça d'enthousiasmer par un chant pa-
triotique les électeurs y les princes et les seigneurs
de l'Allemagne^ pour une guerre à outrance contre
l'orgueil excessif et trop entreprenant '^''des paysans
*" AkêoUiiio Cùmmensmm dans TÈckmdL Le piys n'est pas désigné
d'une manière générale, mais seulement dit communes , les mies da
diocèse de Constance, les antres dn diocèse de Goire. L'évéque de
Constance était aussi administrateur de Goire. L'absolution embrassait
f homicidia , incendia , tacrilegia , ecclesiarnm effiractiones , manunm
i Tiolentanim injectiones in penooas eoclesîaaiticas , abn$mt et dtgtriteUo'
• ma rtrmm êaerarMM, blasphemias» et d'autres excès racontés, t. V,
p. 356 et suiv. et que le bon Tschudi fondrait taire. «» Il n'y a certes
pas de qwn regretter l'état de choses qui produisait tout cela. D. L. H.
*** Le S4 avril 1644.
t>* Petite-fille du comte Donat de Tokenbourg ; t V, p. S5.
"* T$9kmdi rapporte qu'il était de Waldshut.
*•• T. V, p. 49, n. 87 et ailleurs.
"^ « Si tu restais cbes toi, tu aurais de bons pâturages (toi , vache
• suisse), car personne ne ie chagrinerait et il ne t'arriverait aucun
• mal. • 11 appelle la vache suisse Bl&mi , expression ancienne que rap-
pelle le nom de BiùmUtalp, dans rOberhasll. »» J'ignore si quelque
pâturage de l'Oberhasli porte le nom de BlQmlisalp ; mais il a été donné
^ deux montagnes en Smmt , l'une sur les confins des cantons d'Un et de
36 HISTOIRE PB LA SUISSE.
suisses ^^^ y contre les Bernois éblouis par ceux^-ci''^^
contre le riche Bâle**^ et Finfidèle Argovîe^*^, en
faveur du roi élu par eux ; méprisé par ces adver-
saires**^, en faveur de la justice qu'ils avaient of-
ferte, et au-dessus de laquelle les Suisses plaçaient
un droit privé '*^, dans le but enfin de défendre
Schwyi, raubre, d'one imposante beaolé, aa fond du dislricC de Fruti-
gen et de la vallée de Gastern, BUimU, en allemand soiase, signifie aussi
nne petite fleur. Le professeur «/• A. Wyu, dans son voyage dan» COber-
Umd bemoiâ, ne connaît d'autre Bl&mlisalp que celle de la vallée de
Fmtigen ; mais il rappfelle qu'autrefois ce nom ( pâturage fleuri ) avait
été donné au glacier de Lanteraar, alors vallée fertile et riante; t. I,
p. 196, delà traduction française. Il raconte, t II, p, 14, une tra-
dition curieuse dont la scène est placée sur la montagne bernoise que
nous avons mentionnée. G. M.
*" « Les paysans font ^^es miracles , leur oiigueil est grand , celai
de Scbwyz et de Glaris surtout; nul n'est leur égal. Ib portent main-
tenant la couronne à la place des chevaliers et des écujers; ils se
surpassent les uns les autres en hardiesse; ib méprisent le roi, etc. »
ii» « Vous (Bernois) vous attachez aux paysans, et vous croyez que
si les choses suivaient leur marche naturelle, ils vous feraient passer
an travers des mursi sans de longs retards. •
>^ m Bile, tu peux te réjouir! on te donne une pui^^ation qui te
nettoiera l'estomac, après quoi tu te porteras bien. * (Allusion à ses
richesses déjà considérables.)
i«t « Bremgarten , MelUngen et Bade , ce n'est pas la premièie fois
que vous agissez ainsi; vous craignes de petits dommages et vous
rompez votre foi. •
**2 « Les Jeunes pâtres frappèrent sur leurs baquets de façon que la
montagne en retentit; la honte (l'élection du roi) ne leur plut gnère,
ils allèrent criant : Qui lui a donné le pouvoir ^itre roi? Que le diabU
les gouverne, ce» prinea du RhinI C'est ainsi qu'ils dédaignent noire
noble roi. »
*** « Si nous comparaissions devant les seigneurs, nous compromet-
trions nos droits ; nous serions forcés de faire des restitutions et de
garder les vaches chez nous; notre gouvernement deviendrait miséra-
ble, notre territoire petit, étroit; si donc le roi veut recourir à la
justice, qu'il vienne à Békenried, où nous lui donnerons audience. »
s Békenried , village du Bas-Unterwalden , sur le laç de Luceme, où la
LIV»B IV. CHAP, I. 37
leur propre cause ^^^. Il adressa des exhortations aux
villes de Zurich**^ et de Winterthur *** , des éloges
à RapperschwyP*'', n'attendit pas grand' chose des
autres cités *^' , et plaça tout son espoir dans la réus-
site'^^* De pareils moyens enflamment les passions
d'une nation ou d'un parti religieux ; mais il est im-
pradent d'opposer les seigneurs aux villes et aux cam^
pagnes, et la noblesse au peuple; par là l'on s'aliène
la majorité du genre humain , sans laquelle la mi-
norité ne peut rien entreprendre. Les illusions sur
la valeur de pareilles tentatives et l'attente de leur
succès font négliger la seule mesure utile , qui est de
rendre le peuple si heureux et si content^ qu'il ne
Teuille pas échanger son sort contre les dangers et
les terreurs d'une révolution.
Tandis que les seigneurs et les villes de l'Em-
pire germanique se tenaient mutuellement en échec
au sujet de lafiaire suisse, et que les premiers at-
tendaient le secours des puissances, les bançiiéres
diète et des conférences fédérales se sont rénnies plus d'une fois. G. M.
^^ f Défendec-vous donc à temps , braves gens , contre la déraison
• de la paysannerie; car si tous ne la prévenei pas , elle deviendra
» une grande tribu. Ne voalez-vons pas éloindre le feo avant qu'il ne '
» vous consume ? •
^ « Zaricb , quitte ta tristesse « ouvre Joyeusement les yeux; lance
• des regards railleurs aux paysans. »
*M « Ne vous eflrâyex pas des menaces , vos murs sont entourés de
> bons fossés. •
'^' « Ta justice trioinpbera , car tu n*as agi que pour le bien. »
>M « Que ce soient des villes ou des paysans » il n'y a guère de dif *
• férence; tous voudraient être les maîtres. »
*** « Les nuages sont pressés contre la montagne, c'est TefTet de
• rédat do soleil. Les paysans sont dépouillés de leur puis<»ince; c'est
> l'effet de k guerre du paon» (symbole de l'Autricbe). T$chëdi H,
US.4i5.
38 HISTOIRE DB LA SUISSE.
des sept Cantons se rendifent à Kloten , antique et
grand village situe non loin de la Glatt^ dans le
comté de Kibourg(30 avril 1444). Ils occupèrent les
villes et les forteresses conquises , et bloquèrent si
étroitement Rapperschwyl 'pendant trente et une se*
maines, que là garnison assez considérable de cette
place ^^ , les gentilshommes et les bourgeois notablea
de Bremgarten, qui s'y étaient réfugiés ^^S enfin les
habitans de Rapperschwyl eux-mêmes , en face du
lac et au milieu d'iin pays fertile^ manquaient d'eau
et de vivres. Ils résistèrent avec un invincible cou-
rage; ils apprirent à dompter des besoins nés de
l'habitude ; nul ne regardait comme sa propriété un
objet nécessaire à son compagnon d'armes. On fit
des moulins à bras; pour d'autres on se servit de
chevaux; comestibles et argent furent mis en réqui-
sition; bancs ^ parois^ bois de lits, cahutes^ tout fut
brûlé; les bœufs et les moutons consommés, on man-
gea des chevaux . et des chats.
Tandis que les Confédérés se rassemblaient prés
de Kloten , le pays d'Âppenzell aussi déclara la guerre
aux Zurieois^ parce qu'ils refusaient de suivre la
marche tracée par le droit fédéral , et au margrave ,
parce que l'Autriche soutenait Zurich '^.
Lorsque toutes les bannières et^ sous Ulrich d'Er^
lach, avoyer de Berne ^^^, le secours de Soleure
*** Le capitaine ïjoms Mejrer avec AS hommes; son beau -frère Jean
Ze Rbjne; beauconp de cavaliers; 120 fantassins mercenaires; 5<^
hommes des bords du lac de Zarich ; deux artilleurs.
*** Au nombre de 80 , parmi eux Tavoyer Megger. Tschudi,
*^* Les deux déclarations de guerre du Undammann, du ooBseil et
des habitans d'Appensell , 50 avril iàhà , se trouvent dans Tênkêdu
«M GinéalogU de» (TEri^uk. — Blac.
LIVRE IV. CHAP* U 89
aiiM 9 peul*élre même celui de Fribourg en Ueeht-
kmd ^^ furent arrivés, on délibéra sur l'action mi-»
litaire par laquelle on débuterait. SchwyK et Glaris
appelèrent les plaintes des babitans de Grûnkig^,
leors alliés , sur la violence eiercée envers eux ^ au
sem de la paiir , par la garnison luriooise de Greifen*
sée. Ce château ^ autour duquel s'était élevée une
jolie petite ville ^ avait été cédé par la maison de Ho-
benlandenberg, dans un moment de pénurie d'argent,
an père du dernier comte de Tokenbourg ^^p et par
Frédéric à la ville de Zurich pour une somme , en
reGonnaiaaanœ de ses services^ et comme gage de
leur nouvelle amitié ^^. Greifensée est situé à peu de
lieues d'Uster , seigneurie des Bonstetten, dans une
agréable et fertile- contrée au bord d'un lac char-
nsnt. Jean de Breiteolandenberg^ surnommé Jean-le-
Sanvage à cause de son audace militaire ^ occupait
ce lieu avec soiacante-dix ou quatre-vingts guerriers ,
h plupart jouissant d'une haute considération ^^''y
tais l^roiqnes et pour cela même entièrement dé-
voués à sa personne ^^. Il fit sentir d'autant phis vi-
vement son mépris aux babitans de Grûningen , qui
dans l'espace de deqx ans s'étaient rendus deux Cois
trés-promptement à l'ennemi^ que leur bailli schwy-
lois ^^ avait violemment forcé les contrées voisines à
hu prêter le même serment.
*** Chroniqti€ de Fribourg. — Msc. Cette TÎlle était ordinairement
très-fidèle à l'Autriche ; mais la gaerre se faisait contre Zurich.
'** Dietbelm en i»70.
*** En 1400 ; Uu.
"' Nous en retrouverons plusieurs dans la suite.
^^ n avait attsai deux valets et six hommes «qui étaient, venu» vers lui
• en guise de mercenaires, • EdUbach,
^ C'éUit encore Wemer de Ruff .
40 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Quand la flamme de métairies lointaines ^^ lui an-
nonça l'approche des Suisses , Jean-le-Sauvage se hâta
d'envoyer à Zurich les femmes et les enfans inutiles. Il
pouvait croire à la possibilité de défendre le chàteaia
jusqu'à l'arrivée des Armagnacs; en tout cas, pour
l'honneur de son nom , pour l'exemple et pour gagner
du temps il devait faire les plus grands efforts. Le pre-
mier de mai, après midi^ les Suisses parurent avec
des forces considérables dans les prairies voiânes du
lac^ sur la Usiére d'un petit bois de chêne ^ derrière le
château ; ils donnèrent l'assaut, pressèrent la ville. Jean-
le-Sauvage, hors d'état d'en défendre les faibles^murailr
les dans toute leur étendue, réfléchissant avec sagesse
au danger que court la position essentielle quand on
veut se soutenir sur tous les points , résolut de mettre
le feu à la ville. Il perdit six hommes '^^ dans un com*
bat contre les assaillans ; après minuit la flamme éclata
de tous les cotés ^^^. Les femmes restées pour garder les
bestiaux et les biens ^ à son insu ou par son ordre '^^,
poussant dans leur angoisse des cris lamentables , des^
cendirent avec leurs enfans ^ par les fenêtres, des mu-
railles dans la campagne. L'ennemi se prit de pitié
pour cette troupe misérable ^ la restaura et la fit pntir
pour Uster.
Jean*le-Sauvage, sufiisammeni pourvu de vivres, de
munitions et d'armes ^^^, du reste isolé, vu qu'on avait
occupé les rivages du lac et coulé à fond ses barques ,
tM Q'ç^i ic£ que BaiUnger place la destruction totale dn Kratentharm.
près de Zurich.
«•« BaiUnger.
^^ Auaû un grand nombre se montrèrent-ils nus. Tschudi,
'** Autrement il aurait aussi averti les femmes.
*** Mais il n'avait qa* « un petit de via, » Têekoâhilan.
UVRë IV. CHAP. I. 41
tint vingt-six jours. L'ennemi le canonna sans relâche
mais sans gi^nd résultat ^^^; Jean ne recourut ni aux
prière» ni aux menaces ; le feu des assiégés tua beau-
coup de monde. ^^. Tout le pays avait les yeux fixés
8ur Greifensée ; pendant quatre semaines les villes et
la milice entière des Cantons forestiers ^^'^ assiégèrent et
pressèrent vivement le château. Tous les sujets de Zu-
rich voyaient le courage de la garnison avec admira-
tion , avec inquiétude 3 avec amour ; ils craignaient des
malheurs imprévus. Ceux des bords du lac prirent les
armes et proposèrent ^u gouvernement de fondre, près
de Bade ou de Wésen , sur le pays dégarni de troupes
et de forcer l'ennemi à lever le siège de Greifensée '®*,
Âumoyend'une fausse alarmequ ilsdonneraientsur une
colline voisine pendant la nuit^ ils se proposaient aussi
' d'engager les troupes qui assiégeaient le château du
côté du lac à faire une forte reconnaissance, pendant la->
quelle ils délivreraient la garnison ^^^» Les Zuricois in-
terdirent l'un et l'autrestratagème, au nom de l'honneur
et du serment; on oublia que le sort peut triompher
du plus noble héros et de la forteresse la plus solide y
ou bien Ton craignait de la part de l'ennemi quelque
autre entreprise *''®, ou peut-être voulait-on occuper ici
ses principales forces ^ afin que les Armagnacs , qui ve-
naient de Toccident^ rencontrassent moins d'obstacles.
*** • c'était comme si Yen eût jeté des boules de neige. • EdUbaek.
**' • Us tirèrent habilement hors des murs , en sorte qulls tuèrent
■ bien des soldats. • Tschudi. = La garnison se composait^principalement
d'arquebusiers. G. M.
'" « Ce qui pouvait porter bâton ou lance. » Ediibaek,
'" Ediibach et BuUinger.
"• BMnger'.
"* P. e. la dévastation du pays de Kibourg. « En général il amvait
don dn o6lé de Zurich de grandesc alamités. > Edlibaeh,
42 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Jean-Ie-Sauvage , sans autre appui que le rempiirt
de son château et de sa bravoure, fatigua les eouemis au
point qu'ils songèrent à une retraite. Alors , soit amour
de la nouvelle domination^ haine de Tancienne, cupi-
dité ou méchanceté , un paysan du hameau d'Egg ,
nommé M aler ^^^, se rendit au camp et découvrit l'en-
droit par où Ton pouvait miner le château, lies Suisses^
transportés de joie et d'enthousiasme , préparèrent un
chat^''^, arrivèrent pendant la nuit par le lac au pied
«'i EàUhach : « Maller; » Builing^r: • MtalM*. » ^ nous ne liiîons
pas positivemeot qu'il était da district de Greifensée , nous raorions
pris pour le métayer d*Egg, près Mûncheaaltdorf , dépendant de Grtk-
ningen. Du reste, il fut arrêté dans la suite comme il portait du poisson
dans le c^mp des Confédérés et (avec raison) décapité à Zurich.
BulUnger,
*'* On donnait ce nom à la machine qui protégeait les travailleurs ,
parce qu'elle servait à saisir les souris enfermées dans la souricière.
»> Â rimi talion des Romains , les Suisses se servaient du bélier pour
faire des brèches et le suspendaient à la partie supérieure d'un écha-
faudage couvert d'un toit , et placé sur des roues on des rouleaux pour
qu'on pût l'approcher des murs. L'échafaudage se composait de pou-
tres; son toit , couvert de peaux fraîches ou d'autres préservatifs contre
le feu , défendait ceux qui faisaient Jouer le bélier tout comme les
travailleurs qui minaient les murs. Le nom de ckat est le terme techni-
que en français, comme en allemand et en latin (« musculus»). Voy.
de Rodi, Hisi» de l'art militaire chei Us Bernois, t. I, p. 77 et 78. — M.
J. 6. Zetlwéger dans son Histoire da peuple appetuelbis , t. I , p. 507^
Ht % aussi raconté le s&ége de Greifensée, d'après quelques sources
que Muller n'avait pas consultées , surtout la Chronique manuscrite de
BrennwaU qui se trouve à la bibliothèque de la ville de Zurich , et la
Chronique de Jean-Léo Judas, à la bibliothèque de Bftle. Le nouvel
auteur ne contredit presque aucun des détails du récit de Muller ; il
en ajoute de nouveaux , que nous donnerons d'après 1 ui. — Il ne se
passait aucun jour sans que les assises tuassent plusieurs des assiégeant.
Ceux-ci tinrent conseil dans une assemblée générale ; ils délibérèrent
slls abandonneraient le siège ou prendraient quelque antre parti. C'est
alors que Maler vint vers eux et leur dit : « Ghers Confédérés, renoncez
» à votre canonnade et suivez mon conseil ; car le cb&teau est si fort.
UVBE JV. CHAP. I. , 4S
du château et travaillèreat avec des eflForts inouis ; le
château était bâti sur le roc. Jeau-le-Sauvage ne fut pas
pris au dépourvu. Le maitre-^iutel avait été porté de
Téglise sur les créneaux de la muraille ; précipité de là ,
il écrasa le chat et les travailleurs qui se trouvaient des*
sous. L'ennemi 9 plein de rage et de douleur, reconstrui-
sit cette machine plus solidement ; dix ouvriers furent
envoyés pour aiguiser incessamment les pioches. Les
flèches des assiégés éclaircissaient les rangs des ennemis
éloignés ; les plus rapprochés étaient exposes au feu ; la
partie inférieure du mur n'avait point de meurtrières.
Le chat résista à des tonneaux remplis de pierres ^'^^.
Soit excès de confiance dans le roc , soit accidens for-
tuite ^''*, le mur n'était pas bien fort à l'endroit où Ton le
minait;ils*y trouvait beaucoup de mortier et de poutres.
Les travailleurs réussirent à découvrir les poutres , qu'on
rompit à coups de boulets ; le mortier fut enlevé et rem-
placé par des combustibles auxquels on menaça de met-
tre le feu; le château aurait alors irrésistiblement été
pris d*assàut. Dans ces circonstances , on proposa de
capituler*. Les Confédérés dirent : « Vous êtes nos
• que par ce moyen vous n'avancerei point ; j'y ai été fort souvent et je
• Fai observé ; vous n'y entrerez qu'en minant le mnr ; je vous ensei-
> goerai comment il faut s'y prendre. » Il ajouta que le côté faible du
cb&teaa était celui qui regardait le lac. Les Confédérés eurent à miner
qnalone mnraîlles d'enceinte de la ville , avant de parvenir au mur du
cbftteao. Alors seulement ils construisirent leur chat. G. M.
'^' « Us étaient trop petits. • BuUinger.
*^* Le voisin Blaler connaissait probablement œs particularités.
* A mesure que les Confédérés avaient miné une portion du mmr, ils
la tootenaient avec des pièces de bois et remplissaient l'espace vide de
paille et de fagots. La garnison remarqua que le mur commen^it à
s'affaisser et les pierres à se détacher des poutres. Les progrès des assié-
geas ne purent donc Un échsypper ; elle prévit aussi qu'elle allait être
enievdie sons les mines du chftteao. Le brave capitaine l'assembla ponr
AU HISTOIRE DE L4 SUISSE.
» prisonniers ^'^^ et vous prétendez négocier. » Jean-Ie—
Sauvage répondit : w Eh bien ! nous brûlerons le châ-
» teau avec tout ce qui s*y trouve et nous mourrons sous
» ses débris 9 nous, vos prisonniers. » On réfléchit de
part et d'autre : les assiégeans craignaient de perdre le
butin ; les assiégés ne redoutaient pas la mort , mais ,
privés d'un prêtre, un grand nombre répugnaient à
passer à l'éternité sans confession ^'^^. La capitulation
fut réglée verbalement*", suivant l'usage, dans des
termes qui rassurèrent, à ce qu'il parait, les assiégés^
mais sous lesquels Réding cacha de tout autres inten-
tions *^'.
délibérer. Animé d'un courage inébranlable , il proposa à ses soldats
de sortir du cbftteau au milieu de la nuit suiTante , en descendant par
les murs au moyen de cordes , et d'attendre que les Confédérés relevas-
sent leurs sentinelles. Pendant que celles-ci s'en iraient, ils cherche-
raient eui-mémes à échapper; si de nouvelles sentinelles étaient déjà
placées , ils les tueraient et s'enfuiraient. Une fois hors de la ville ,
comme ils connaissaient les chemins h travers les marais et les bois
mieux que les Confédérés, ils parviendraient en lieu sûr avant que les
troupes du camp ne pussent les poursuivre. La garnison , que les Con-
fédérés avaient souvent sommée de se rendre en lui promettant la vie ,
crut qu'il était encore ten^ps de capituler à la même condition. Sept
fois on tint conseil cette même nuit sans pouvoir s'entendre. EnGn » le
20 mai, après le déjeuner, les assiégés crièrent aux assiégeans qu'ils
étaient prêts à capituler. G. M.
"^ « A présent vous êtes dans le sac • BuUinger,
«^« Têchttdi.
*^^ On n'en a jamais vu de traité écrit.
*^* Ttchudi prétend qu'ils se rendirent à discrétion , mais « avec bon
espoir. • Etterlin ; « Hs se livrèrent complètement h la clémence des
• Confédérés. • Selon BuUinger, qui cite la tradition populaire , confir-
mée par un témoin oculaire, Kilian Kégler, ils remirent «leurs per-
> sonnes en grâce, le château en disgrâce. • Rahn et fValdkireh affirment
qu'on leur promit leur grâce. La manière dont nous concilions ces con-
tradictions se justifie parce que d'un côté BulUn^er rapporte que
dans un écrit au comte palatin du Rhin les Confédérés jurèrent par le
UVRB ly. CHAP. !• 45
On escalada les murs avec l'aide même de la garni-
son ; elle avait si bien barricadé la porte qu'il ne lui fut
pas possible de l'ouvrir ^'^*. Les intendans du butin *^^
étaient fort occupés à vider les vastes magasins de blé
et d'autres comestibles , l'arsenal richement pourvu
et les chambres remplies de tous les meubles précieux
de la contrée , tandis que le hérqs et ses fidèles com-
pagnons , les mains liées ^ descendaient tristement les
échelles ^^^
Le lendemain matin*, tous, au nombre de soixante-
douze , furent conduits dans les prairies situées entre
Greifensée et Naenîkon, pour être jugés par les Confé-
dérés réunis en conseil**; dans l'opinion de Réding, la
grâce y condition de la capitulation, offrait un sens
Jqge des vivans et des morts n'avoir commis aucune injustice, et qne
de Tantre Tsehudi raconte qu'un grand nombre furent inquiétés dans
leur conscience par ce qui se passait Ih. = Selon le récit de M. Zellwë-
ger, lorsque la garnison ent déclaré son intention de capituler, les
Confédérés répondirent : « Que ne l'avez'vous fait lorsque nous vous
> en «Tons; sommés; vous nous avez causé tant de mal depuis, que
• nous ne pouvons plus consentir ani mêmes conditions ; rendei-vouS
• à discrétion ; nous ne voulons rien vous promettre , sinon quant am
• glaive, > La garnison se rendit le mardi avant la Pentecôte. G. M.
'^* On y monta par un tas de bois. Edliback, == Selon d'autres les
Confédérés montèrent par^ des échelles et entrèrent par les fenêtres.
C. M>
*'* Ils étaient instflués dans les armées fédérales par la convention
de Sempach. T. III, 518-820.
*** Ils ne • sortirent > pas, comme dit Têfhadi; on les fit • glisser
misérablement le long des murs. » BuUinger. T»ehudi n'entre pas dans
beaucoup de détails; il était permis au descendant d'un des acteurs de
détoomer les yeux de ce tableau.
* 28 mai* C. M.
** Suivant l'usage , les capitaines et les autres conseillers foraièrenl
on o^rcle, au miliea duquel se tenaient les prisonniers pour entendre
les délibérations. G. M.
46 HISTOIRE DE LA SUISSE.
équivoque ^^^. Un Schwyzois * pfroposa le premier
que tous fussent mis à mort, à l'exception d'un senU
Il désirait sauver Ulrich Kupferschmid ^ d'une bonne
fomille de Schwyz ^^^, mais au service de la ville de
Zurich '^^^ et si fidèle à son serment , qu'après Jean-le-
Sauvage, il s'était le plus distingué par ses exploits ^^^.
Un autre déclara ce qu'il ne s'opposait point à ce
u qu'on punit de mort Jean*le-Sauvage , étranger à
» Zurich, et les mercenaires qu'une faible solde avait
» décidés à combattre les Suisses ; mais qu'il lui parais-
*) sait injuste d'infliger le dernier supplice aux trente
» hommes du district de Greifensée , sujets de Zurich ,
» loyalement dévoués à leurs devoirs militaires. » Alors
se leva Holzach, capitaine de la milice de Menzingen,
au pied de la montagne de Zoug ^^^ ; il soupira et dit :
a Confédérés , loyaux compagnons , craignez Dieu ,
») épargnez le sang innocent. Si Jean de Landenberg
**^ EdUbaeh même ne dit pas qu'on tit accusé Rédiag d'âne violalkni
hnaeWe de sa parole.
* Ital Jean RédÎDg , te jeune , ammann et commandant de la milice
de Sdkwyz. G. M.
'** Un membre de cette famille avait été landammann peu au para •
vaot; peut-être même rétail-il encore; un autre fut abbé d'Engelberg
en i4Sl.
«>* Vatet de vilte. Taehudi.
'*^ « Il tirait toujours plus et se montrait plus animé que les autres. •
Têchudi.
*" EdUbaeh savait son nom , mais , par un motif inconnu , il l'écrivit
en chiffres , illisibles pour nous ; peut-être par ménagement pour ses
deacendans établis à Schwyi. De là vient que BuUinger et les autres histo-
riens ne le nomment pas. Nous sommes redevables du plaisir dlionorer
la mémoire de ce noble campagnard an général de Zurlauben , qui nous
a fait connaître son nom d'après la constante tradition du pajs et nous
H prouvé par des documens que cette famille avait existé à Menxingen.
Ulrich Holaacb , peut-être son frère . fut depuis i4éO abbé de Mouri ; il
Vjftcut jusqu'en 4465.
LIVRE IV. GHAP. I. 47
» n'est pas né citoyen de Zurich , il n'en est pas moins
» seigneur allié à cette ville par son serment de corn*-
n bourgeoisie. Pouvait-îl^ sans déshonorer son nom, tie
A pas odbéir au gouvernement qui l'appelait à prendre
1» les armes pour sa défense*? Que tout homme insen-
D sible à l'honneur, s'il en est, réfléchisse que la dés-
A obéissance eût coûté à Landenberg sa fortune. Il a
» anprès de lui des valets qui depuis de longues années
il l'aiment et Thonorent : pouvions-nous exiger qu'ils
» l'abandonnassent au jour où le danger le surprit ?
« De pauvres gens, chargés de femmes et d'en fans,
il auxquels la stagnation de Fagriculture et de l'indus-
il trie n'a laissé d'autre subsistance pour leur famille
i» qne le pain misérablement gagné par les armes au
» péril de leurs jours, voilà les mercenaires; voulez-
A vous les mettre à mort ? Voulez-vous aussi la mort
I» de ceux qui sur leur terrain ont combattu pour leur
» gouvernement et leurs propriétés? Confédérés, crai-
n gnez Dieu, songez à vous-mêmes. » Holzach se tut ; la
soldatesque sanguinaire fit entendre un Sauvage et
sombre murmure**. « Par les plaies de Dieu! >îjura
Réding^'^, « qui parle ainsi est un traître, un secret
n Zuricois. » Mais Holzach, à haute voix : « Personne,
M sans t'excepter, Réding , n'est plus dévoué aux Con-*
n fédérés que moi ; j'ai donné mon conseil en con-
» science, selon mon serment, pour leur honneur et
^ Noos iToas m de nos jours însalter après sa mort le prince Lotris
de Prusse pour avoir snccombé noblement en défendant sa pairie et son
toL D. L. H.
** Tons n'étaient pas altérés de sang ; le discours de Hdiaach fit , an
€OMCrah« , une impreanon profonde ; c'est là surtovl ee «pi alluna la
colère de Réding, qui s'en aperçut G. M.
«•7 BdUbaek.
'48 HISTOIRE DB LA SUISSE.
» profit 9 d'uD cœur aussi loyal que le lieu peut Té-
» tre ^®' ; Dieu vengera le sang innocent ^*^. » Le lan-
dammann Rëding répliqua : « Cet homme a le cœur
i) autrichien'^* » On leur imposa silence; de moment
en moment redoublait le ressentiment^ la lutte en fa-
veur de l'honneur et de la conscience , la vengeance
furibonde ; les partis cherchaient à s'atterrer l'un l'au-
tre par leurs cris et leurs dures paroles. A la fin Réding
s'écria : « Eh bien ! que les habitans de Greifensée
» vivent; mais Jean-le-Sauvage et les autres mour-
«> ront ; il le faut! » Des voix s'élevèrent menaçantes :
K Hypocrite, désaltère-loi dans le sang; achève ton
>} ouvrage ou deviens homme tout-à-fait. » Celui qui
le premier avait proposé la peine de mort se leva et
dit avecd'afireux juremens: « Plutôt les faire mourir
» tous que de conseiller d'épargner le capitaine et les
» soldats* » D'une voix de tonnerre , Jean-le-Sauvage
cria ; « Tuez-moi , mais quel est le crime de ceux-ci?»
Dans cet instant accoururent de toute la contrée^
à pas chancelans, courbés sur leurs bâtons^ les pè-
res et les mères des prisonniers, leurs femmes pous-
sant vers le ciel des cris lamentables, de petits enfans
dans les bras , des nourrissons à la mamelle , ou dans
le sein des êtres qui n'avaient pas encore vu le jour ^^^;
tous ces infortunés demandaient la grâce des hom-
mes qui n'avaient pris les armes que pour les nour-
rir. Le tumulte s'accrut au sein de l'assemblée. La
passion n'espérait triompher de la miséricorde et de la
^'* • Je sois aussi loyal que toi et tous les tiens. »
*** « Jamais Dieu ne laissera cette action in^anie. >
*** « Je YOis bien par ten dbcours qu'one {dnme de la qneae do pami
• t'est restée plantée au c. *
"' «On dit cela pour vrai. • Edtibaek,
LIVRE iv. chàp. r. 49
justice qu'eo rendant suspects les sentimens humains,
et en les accusant de trahison. Vint le moment de
recueillir les suffrages. Autour de Réding se mon-
tra une multitude formidable de mains levées pour
voter l'exécution générale ^^^; cette décision fut dic-
tée par l'esprit de parti, Tàveuglement et la peur^®^.
La majorité s'étant formels, avant qu'on la proclamât
maint guerrier craignant Dieu s'enfuit loin de l'as-
semblée'^^. Aux sanglots de ces hommes, qui au-
raient voulu épargner à la nation un crime sangui-
naire y répondirent les cris lamentables des vieillards,
des femmes et des enfans. Les instigateurs s'affer-
mirent par l'opinion que le bien public exigeait cette
scène de terreur^ et que personne ne résisterait en
voyant le prix réservé à la constance '®^.
Après une courte confession, Jean de Landenberg
sortit des rangs , se tourna vers ses compagnons d'ar-
mes et dit : a Le Tout-Puissant l'a voulu ; sa toute-
>i science le voit. Camarades , afin que nul ne croie
» que Jean-le-Sauvage , qui a vécu et combattu avec
» vous et vous a conduits ici , cherche im motif ou un
» prétexte pour se séparer de vous, mes braves, dans
t> cette dernière heure je marche à la mort le premier.
» Maître Pierre '^, fais ton devoir. » Après lui , on
**> • Cem de Schwyz et d*Unterwalden se montrèrent parliculière-
• ment ardens, > dit le Glaronnaîs Tsefutdi, Les assiégés avaient tué V^elti
Schwendiner dlJnterwalden. =» Cependant le disconrs de Holiach gagna
beancoap de voix au parti de la démence. G. M.
^** • C'est le diable qai a donné à Ital Réding cette soif du sang des
• panvies gens. » EdUbaeh,
«** BalUnger.
**' « Ils voulaient par là effrayer les ennemis et en diminuer le nom-
• bre. ' TBchudL
*** Le bourreau de Berne. Edlibaefu
▼1. 4^
50 HI8T0IBB DB LA SUISSE.
trancha la tète à Ulrich Kupferschmid^^; ensuite
à l'autre huissier municipal de Zurich. Le bourreau
s'arrêta^ regarda Réding, espéra la grâce des simples
soldats. L'âme humaine, agitée par des émotions pro-
fondes, rapporte à soi les événemens de la nature : au
moment où tombèrent le capitaine et Kupferschmid ^
deux colombes blanches, suivies de tout un vol de
la même blancheur, vinrent à passer ^^, symbole
d'innocence, aux yeux des spectateurs émus ^^. Ré-
ding, élevant la voix, dit au bourreau: ffSi tu ne
» remplis pas ton o£Gice, il se trouvera quelqu'un pour
» le remplir à ton égard, » Alors périrent le père. d'une
grande famille , maitre Félix Ott , de Zurieh ^% le no-
ble JeanEscher^^', maitre Jean d'Ulm, le sous-bailli
de Greifensée , Pierre Schasrer , les deux Willich , père
et fils , Henri Keller , d'une ancienne et honorable fa-
mille , Âx et Sax et Liebenstein. Touché d'une compas-
sion profonde , maitre Pierre ^^^ arrachait de vaillans
jeunes hommes aux derniers embrassemens de mères
à cheveux blancs, d'épouses enceintes ^^^. Comme il
plaçait à part le dixième homme, attendu que dans les
exécutions considérables l'ancien droit impérial l'at-
**' Son frëre était dans les rangs ennemis.
**' • Des oiseanx étranges, blancs comme la neige et semblables à
» de blanches colombes » EdUbagk.
*** « Il semble que TaniTersité des choses soit compassionnée à notre
» état; et advient cela de ce qoe nous fusons trop de cas de nous. •
Montaigne, EuaU, II, i&. Cependant on peot admettre d'antres expli-
cations,
>«« BuUinggr.
'*' « Il 60 prit d'une très-grande pitié et qui était sans mesare. »
EdUbach.
^^ Lé m#ot«.
LIVRE IV. CIIÀP. I. 51
tribuait à l'exécuteur^ le landammann lui cria : « Nous
» ne reconnaissons pas ce droit; exécute; pas de paro-
M les ^^^ ! » Vingt cadavres gisaient aux pieds des spec-
tateurs; le bourreau jeta de nouveau un regard de
commisération au landammann ; une raillerie fut la ré-
ponse ^^^ ; en vain le fit-il encore au trentième , au qua-
rantième. Le jour baissait; la terre ne buvait plus le
sang^ qui formait une mare. A l'exécution du cinquan-
tième^ maître Pierre indigné renouvela sa prière. Ré-
ding fit apporter des torchés ^^. Leur flamme éclaira la
mort du soixantième ^^'^. Pierre saisit alors ^ à demi
glacée par la peur de mourir^ la main de Kilian Kegler , à
peine adolescent , et demanda sa grâce ; courbé sous le
poids des années^ un vieillard; ancien serviteur du châ-
teau^ attendait aussi dans une morne terreur le coup
qui devait trancher le fil de ses jours ; Réding ne vou-
lait épargner personne ^ mais il se peut qu il ait quitté
ce spectacle à la soixantième tète abattue : l'enfant et
le vieillard furent sauvés ^^^.
Les assistans s'éloignèrent pleins d'horreur. Sou-
vent dans la suite la vengeance de ce jour parut
une calamité ^^^; pendant long-temps les voisins de ce
lieu^ où la terre, saturée de sang, ne se couvrait
'*^ « Tais-toi , marand. * I<L
M* « TobU'boha. » BMnger.
^* « Il faut exécuter les derniers aux torches allumées. > EdUbach,
^' Selon Etterlin et Tuhudi on en exécuta 62 ; selon d'autres 59 , ou
61, oo même 70.
^* Ainsije rapporte BaZ/ifiger. r<i;Aiuii mande qu'on avait sauvé dix indi-
vidus , quelques-uns vieillards à barbe blanche, les autres jeunes garçons.
^* Têchudi, ami de la justice, dit x t Après cela, en divers endroits,
• on ne fut guère heureux; on crut généralement qu'on l'avait mérité par
• cetle action. • = La mort violente de Réding fut aussi regardée comme
une punition vengeresse. G. M.
52 UISTOIRB DE LA SUISSE.
plus de gazon ^^^9 crurent apercevoir , au milieu de
la nuit > des esprits gëmissans et des ombres erran-
tes ^^^; selon une opinion ancienne, Tâme séparée du
corps à regret ou par un Ëicte de désespoir, avant
le Vœu de la nature, errait sur la terre en se la-
mentant ^*^. Gaspard de Bonstetten, d'Uster, gen-
tilhomme pieux , bienveillant, âgé, bourgeois de Zu-
rich, mais à Tabri de cette guerre fatale par ses
relations avec Henri de Bubenberg , père de sa belle-»
fille ^"^, se rendit sur la prairie avec un cortège at-
tristé; Jean-le-Sauvage et ses deux serviteurs, fidèles
jusqu'à la mort, furent transportés au Turbenthal ,
dans l'antique sépulture des Landenberg^^^. Bonstet-
teti ensevelit les autres ^'^. A la place où ils périrent,
on érigea une petite chapelle; les Zuricois fondèrent
une messe et des prières hebdomadaires, et placè-
rent un bénitier près des tombeaux^'®. Long^temps
encore après la réforme religieuse, les crânes dessé-
chés, rangés dans un ossuaire, furent l'objet d'un res-
pect mêlé d'horreur; à la fin le gouvernement, pour
détruire les préjugés vulgaires qui s'attachaient au sou-
venir de ces héros, et pour diriger la vénération qu'on
s'o Edliboeh.
^* Fiiix Henonerlin.
*** Plotin dans Porphyre^ de Âbstinenùa , 1. IL Dans mon enfance cette
croyance r^pnaît encore à l'égard des suicides.
'^* t II ne se mêla de la guerre qu'en donnant aux deux partis des
• conseils pacifiques. » Edliboeh,
"* BaUinger.
*" La plupart près de l'église d'Uster.
*^* Ch. du bourgmestre et du eon$eU de Zurich, en faveur des âmes
des hommes pieux tués à Greifensée à leur service et pour leur honneur ;
George, 1659 dans l'annuaire de Téglise d'Uster, renouvelé en 1473.
Mm.
LIVRB IV. CHAP. I^ . ^
portait à leurs ossemens vers leur immortelle vertu , fit
disséminer dans le cimetière et couvrir de sable
ces déplorables restes^*''.
Les Confédérés brûlèrent le château de Greifensée ;
Dûbelstein, résidence du bailli de Greifensée ^^^^ du
vaillant Paul Gôldli^^^; Moosbourg^ vaste château de
la famille Schwendi; Werdegg^ manoir des Hunnwyl^
situé au sommet d'une belle colline , et l'édifice qu'a-
prés une calamité plus ancienne ^^^ les Landenberg
avaient rebâti à Pfefiikon; sur le Sonnenberg, ilstrai^
lèrent l'habitation de- leur ancien ami, le méchant
Béringer , comme il avait autrefois traité celle de son
voisin de Lommis^^^ Toutes ces calamités furent la
conséquence d'une division entre les paysans et les
seigneurs, qui fit mettre en oubli l'ancienne amitié.
Pendant le siège de Greifensée^ cinq cents hommes
de Schwyz et de Glaris firent prêter serment aux gens
des châteaux de Freudenberg. et de Nydberg dans le
pays de Sargans, et leur imposèrent un bailli (20
mai 1 444) ; leur combourgeois^ le comte Henri , sem*
bla satisfait de cet événement , qu'il ne pouvait pas em-
pêcher ; au contraire, cet acte rencontra de la résistance
de la part des barons de Brandis à Yaduz , retranchés
en quelque sorte derrière le Rhin , et à qui l'Autriche
avait hypothéqué ces châteaux; ils ne se contenter-
^^ Léonard Meiêter dans H Calendrier helyétique, 1786.
^** A Fallœnden et dans 1^ environs. Acte it achat 1444 , dans TAn-
naaire dUster. ,
m
>** Celui qni fit en 1426 Texpédition dans le val d'Ossola contre le
gré de son gooTemement et dont le courage fut récompensé par nn^
simple pardon. Lea,
««• T. m , 1. n , chap. 5.
»« T, V, p. JOl.
54 HISTOIRE DE LA SUISSE.
rent ^% de Tintégrité de leurs revenus, que les can-*
tons leur laissèrent par égard pour Berne ^ dont les
de Brandis étaient combourgeois.
Les Tyroliens ayant appris les exploits dés Suisses,
leur assemblée commune, par un mouvement de
loyauté, oii bien à la demande du seigneur du pays,
qui désirait sans doute gagner du temps, pria Ul-
rich de Metsch, comte de Kilchberg, capitaine dans
le pays de l'Adige, de se rendre en Suisse comme
médiateur. Le bailli connaissait les Confédérés; ils
condescendirent volontiers à ses désirs personnels, et
abandonnèrent sur ses représentations Tidée de ra-
vager le comté de Kibourg. Ils ne consentirent pas
à une trêve de six mois, que proposait l'ennemi;
mais ils l'auraient bien conclue pour six semaines. Ils
savaient vaguement qu'on enrôlait des troupes contre
eux dans des pays éloignés.
De jour en jour s'accréditait davantage le bruit que
les Suisses, adversaires de Zurich et de l'Autriche,
auraient à débattre leur cause avec une armée innom-
brable d'Armagnacs expérimaités. Dans une diète de
Luceme on exagéra si fort une entreprise des en-
nemis contre la garnison du nouveau Régensberg,
qu'elle parut un commencement des hostilités combi-
nées avec les Armagnacs. Le même jour, mardi 23
juin 1 444 , la diète se sépara ^^^ ; le mercredi, les ban-
nières se mirent en marche, pour forcer Zurich à
faire la paix, ou pour détruire cette ville avant l'ar-
rivée des armées étrangères ^^^ ; le jeudi, Uri , Schwyz
et Glaris se trouvèrent à Grûningen; Luceme, Zoug
>3i « Les nouvelles étaient fort duress les dentés se séparèrent à
» l 'heure même. » TtckudL
*" BuUinger.
UTRB IV. CHAP. I. 55
et Unterwalden, à Bade; les Bernois suivirent avec
quatre cents Soleurois. Les bannières se réunirent prés
deHôngg^ à une lieue de Zurich.
Ce mouvement n'était pas inattendu^ bien que la
première nouvelle d'un projet de cette nature parût
invraisemblable à la plupart des habitans; dans le con-t
seil de guerre des Suisses eux-mêmes les avis furent
partagés ^^^ : quelques-uns désapprouvaient d'avance
ia victoire 9 si elle devait coûter au corps de la Gon^
fédération une ville justement considérée comme l'un
de ses yeux ; d'autres réfléchissaient à l'impossibilité ^
alors presque certaine , de vaincre des hommes vaillans
derrière de fortes murailles. L'annonce de Vappi'odie
du danger réveilla chez les Zuricob ce patriotisme qui
oe voit plus ni pertes, ni périls, ni mort, absorbé
qu'il est par la conservation de l'honneur et de la
ville. A la distance d'un coup d'arquebuse, on dé-
truisit autour de la ville tout ce que la guerre de
Tannée précédente avait laissé intact, ou qui s'était
relevé depuis, afin que l'ennemi ne pût point se
nourrir des produits du sol, ni ne trouvât cabanes,
maisons 9 granges, pressoirs, clôtures de jardins , pour
s'approcher en sûreté des murs et s'établir à leur pied.
On creusa de profonds et larges fossés ; des retranche-
mens furent élevés et munis de pièces *. Le bourg-
*
i^ • La chose déplut à quelques hommes pradens et loyani. t
Tiekaehtlan,
* La plupart des villes étaient entourées de fossés qu'on passait sur
des ponts-levis adaptés aux portes de la ville. A l'époque des guerres
Iréqn&tes on défendait ces points-là par des ouvrages extérieurs, aux-
quels on donnait le nom de boaUifardê (Boliwerke); ite étaient formés
de poutres , de troncs d'arbres et d'autres matériaux de cetle eqpèoe»
Voy. sur tout le système des fortifications l'ouvrage déjà cité de M. de
Bodt,i,\, p. 102 Cl suiv. C. M.
56 HISTOIRE DE LA SUISSE.
mestre et le conseil ^ avec le consentement de la majo-
rité de la commune ^^^, remirent ensuite toute l'autorité
militaire et les clefs des portes au margrave Guillaume
de Bade^ et le gouvernement régulier fut suspendu^
pour tout ce qui ne concernait pas les procès civils.
Le vaillant et actif ^^^ chevalier Jean de Rechberg
de Hohenrechberg fut unanimement ncHnmé comman-
dant général des troupes de Zurich. Pour l'organi-
sation et l'administration on adjoignit a,u margrave, à
titre de conseillers de la guerre , quatre gentilshom-
mes 5 quatre bourgeois de la ville , et tout autant de
simples soldats distingués par leur habileté ; à Rech-
berg, pour Texécution des ordres, quatre nobles
étrangers ^^''. On plaça sous le commandement de
ceux-ci et sous leur garde les trois portes les plus
essentielles de la grande ville ^^*, et la porte princi-
pale de la petite ^^^ ; les issues secondaires furent gar-
dées par des postes moins coosidërables ^^. On commit
à la défense de ces régions la garnison autrichienne ,
*^ Edlibach rapporte que beaucoup de gens honorables en furent
fâchés , mais qu'il avait fallu en a^ ainsi à cause des mauvais succès
de l'année précédente.
^* Recfabeig était ino'uif, comme s'exprime Edlibach. Aussi figure-
t-il dans un grand nombre de faits d*armes que nous passons soas
silence.
*" BttUinger.
^^ Uifdorf, Niderdorf, Neumarkt. «:« Nous rappellerons que Zurich
est divisé par la Limmat en grande ville et petite ville. G. M.
^* Rennweg.
^* Le Kstzisthflrli dans BalUnger est probablement le Katzenthor
(porte des chats) , dans la petite ville, indiqué sur le plan exécuté en
1595. n mentionne en outre la petite porte de IJjTollishofen , qui devait
nécessairement se trouver dans le même quartier. Je ne sais s'il faut
distinguer de celles-là la petite porte de la rue de l'égKse , dont parie
Edlibach.
UVRB IV. GHAP. I. 57
et à celle des murs, des tours , des remparts et des
fossés, chaque jour à midi, six cents bourgeois ^^^
et campagnards ^^^. L'heure où Ton relevait la garde
était marquée par la cloche qui servait auparavant
à la invocation du Grand Conseil ^^^ ; dans la suite,
pour que nul signal ne pût faire deviner à l'ennemi les
opérations communes, on abandonna cette cloche,
comme toutes les autres, et Ton ne conserva, pour
mesurer le t%mps,,que la silencieuse aiguille de l'hor-
loge de la ville. Seize, et à la fin soixante hommes
dune vigueur extraordinaire, qui non-seulement ex-
posaient comme d'autres leur vie sur les champs de
bataille, mais, enflammés d'héroïsme, voulaient les
premiers courir toutes les grandes et audacieuses
aventures , s'unirent par serment en société et pri-
rent le nom de boucs ^*, défenseurs du troupeau.
Fondée sur cette concorde bien disciplinée , dans l'in-
térêt de 1 ^honneur et de la liberté , la confiance des
Zuricois changea ces jours de danger en jours de
plaisir et les craintes en joie. Les portes de la ville
"' T compris le clergé, qui alors n'était pas exempt des obligations
civiques. Félio! Hemmerlin, de Libert, eeeUs,
^^ Principalement des bords da lac et de Hôngg. EdUbacL Les quatre
portes étaient sans doute aussi dans la ville.
^' La cloche bourgeoise. Edlibach, La cloche du conseil. BiUiinger.
^ grande assemblée du conseil porte le titre de « Conseils et bourgeois. •
^* BaUinger et Rahn en connaissent seize ; Edlibach aussi est favorable
^ ce nombre. Sietiler parle de soixante, et May (HUt. tnilit, III , 134) de
cent Jusqu'à présent , je n*ai trouvé dans les sources aucune autorité
pour ce chiffre considérable ; mais à juger par les faits , par la durée de
^ société et par le nombre de ceux qui Tont maintenue jusqu'à nos jours,
ii est vraisemblable que les seize premiers en admirent quarante autres
ivec quelques officiers. Leur courage et leur activité leur valurent ce
nom de boucs. BaUinger, On les appelait aussi « les hommes au glaive ; »
plos tard, > la société de l'hôtel de l'Escaigot • Lêu.
58 HISTOIRE DE LA 8UISBB.
demeurèrent ouvertes; nulle sombre dévotion n'a-
battit les courages ^^^; les soldats dansaient sur les
remparts ^^^; la bravoure^ la ruse ^ voilà toutes leurs
pensées; Tennemi n'entendait pas d'autres cris que
des beuglemens moqueurs ^^'^ et « Ici Autriche I »
Le 1^ de juin 1444^ de grand matin ^ les Zougois
passèrent la Limmat entre Hôngg et Âltstetten; leur
bataillon , le corps des Bernois ^^^ et la milice de So-
leure s'approchèrent du couvent de; religieuses dans
la Seldnau, et appuyèrent leur camp contre la SihP^^;
l'autre côte ^^^ fut protégé par les bourgeois de Brem-
garten et de M ellingen , et par les habitans des bail-
liages libres. Au delà de la Limmat le Grand-Zurich
fut complètement cerné par les autres cantons. Depuis
la plaine de la Spannweide^ les collines vineuses de la
montagne de Zurich ^^^^ où se voyait autrefois le Kra-
tenthurm ^^^, étaient occupées par les Lucernois ; sur
leur flanc ^ depuis le grand sapin ^^' jusqu'à la plaine ,
la contrée voisine de la grange de l'hôpital et le sol de
Hottingen, par Ital Réding et Jost Tschudi, à la tète
de Schwyz et de Claris; plus loin^ du côté du lac^ les
plaines autour de Stadelhofen^ par les milices d'Unter-
walden et d'Uri ; près de St.-Léonard fut dressée Tar-
*'' « Us ne faisaient attention ni aox Jours ni aux fêtes sacrées. »
Tschachtlan,
^* Sur le boulevard devant la porte du Rennweg. Edlibach, Dans la
cour et près de la tour-aux-chèvres. TiehadL
^' De la ville et des tours , ils beuglaient comn\e les vaches et les
imitaient aussi avec des cors. TtchudL
^* Le plus considérable. BuUinger.
^* . Us Rétablirent dans le couvent et autour. Têchudi.
**• Près de St. -Jacques, où s'était livrée la bataille.
"■^ Entre les vignes. TsehudL
*** Près du Gratten. Edlibach .
'** Il en est que^ion dans BulUnger.
UTRB lY. GHAP. I. 59
dllerie; à peine le lac demeura-t-il ouvert ^^^. One»*-
time le nombre des Suisses à vingt mille ^^^ ; ils avaient
de Tartillerie de siège et diverses machines pour battre
les murs en brèche ; les deux camps étaient en com-
munication au moyen d'un pont jeté sur la Limmat
dans le Hard près de Wipkingen.
Cette armée considérable^ pourvue de tout, vail-
lante^ exaspérée y animée par l'idée de l'approche
de nouveaux ennemis , assiégea Zurich durant soixante
jours ^^^ mais inutilement. Les Suisses,, peuple en-
durci y courageux , guerrier ^ excellaient , surtout
comme fantassins , à tenter ou à soutenir une attaque
dans les batailles ; Tart des sièges , même quand il se
trouvait quelques hommes habiles, ne fut jamais dans
le caractère de la nation ; une partie de la Suisse n*a
point de villes ; les fortifications exigent des dépenses
et des connaissances pour lesquelles manquaient res-
sources, ètablissemens , institutions. Mais, ainsi que
Lacédémone , ville ouverte , subsista libre et glorieuse
tant que la muraille vivante demeura ferme , ainsi les
Suisses se maintinrent sans forteresse tant que demeura
générale et agissante la conviction que toutes les clas-
ses et tous les cantons jouissent également et vérita-
blement de la liberté, du bonheur et de la concorde ,
respectés par les plus grandes puissances parce qu'elles
^^ On ne voyait point d'ennemb à partir de la tonr-aux-chèvres et
da collines qui dominent Stadelbofen; ib n'occupaient pas la ronte.
Ttehadi.
^^ May, Hiêt. milU. deê Suimi, III, 180.
*^ D'après ButUnger, dix semaines et trois Jonrs. U compte depuis
leur arrivée à Hfin^ , Jusqu'au moment où il n'y en eut plus un seul
<)evantla ville; mais cet espace même ne comprend que 66 jonrs.
60 HISTOIRB DB LA SUISSE.
ne pourraient étouffer pour long-temps le sentiment
qui nait d'une conviction pareille *•
Les assiégeans , surtout les Bernois ^ tirèrent sur la
ville sept cent cinquante coups , qui tuèrent un prêtre
de la grande église dans sa maison^ le gardien d'une
tour, une femme , une poule avec son poussin ^^'^y et
renversèrent une tour ruinée dont on avait déjà décrété
la démolition ^^^. En général on choisissait inhabile-r
ment les positions et Ton visait mal; la plupart des
coups portaient trop haut *". Au-delà de la portée de
* Si la nation n'était pas devenue Fesdave des goavemans , il y au-
rait eu un esprit et des intérêts communs. D. L. H,
"' Edlibach; Tschadi.
"» Rahn, 327.
** Selon Halem, du Cange , Gaieclardim et d'autres , les canons furent
en usage en France déjà du temps de Pétrarque, en 1358; on ne les
connut en Allemagne et en Italie que vers 1879 et 1380. Le plus ancien
exemple de l'usage de l'artillerie en Suisse remonte à 1380 : on fondît
cette année-là deux canons à Bàle. On croit que les Bernois et leurs
alliés employèrent des armes à feu en 1384 au siège de Bertbond et en
1388 à celui de Nidau ; la chronique de Justinger n'est explicite à
l'égard de cette arme fiue depub 1413. La faible importance des bouches
à feu dans ces commencemens et le peu d'effet qu'elles produisirent au
siège de Zurich , trouvent leur explication dans le passage suivant de
l'ou^Tage de M. Emmanuel de Hodi sur X Histoire de Vart de ta guerre chei
/ei Bernois, t. I, p. 83 — 85, « La construction des premiers canons fut
» bien défectueuse et incommode; on le voit non-seulement par les
• descriptions d'anciens et de modernes écrivains sur cette matière ,
» mais par les dessins que nous en possédons , même encore d'époques.
» postérieures. Avant que l'on connût l'art de fondre les canons , on les
• formait de barres de fer soudées ensemble et liées comme un tonneau
> par des cercles du même métal. Une pareille construction ne permet-
> tait pas de proportionner la charge au projectile ; l'effet produit était
• si peu de chose qu'il n'égalait pas même celui des anciennes catapultes ,
» aussi se servit-on de celles-ci long-temps encore après l'invention des
» pièces d'artillerie. Même lorsque l'art de la fonderie eut considérable^
LIVRE IV. CHAP. I. 61
l'arquebuse^ leâ blés dans la plaine de la Sibl tombè-
rent sous la fauciUe de rennemi ; les ceps des collines
qui dominent cette plaine furent arrachés pour servir
à des retranchemens. On fit moins de ravages du coté
de la grande ville y où les hauteurs servirent de camp
retranché ; les femmes et les enfans qui s'esquivèrent
par quelques sentiers pour aller faire la moisson à
Hirslanden furent dépouillés et faits prisonniers. De
leur côté les boucs ^^^ enlevèrent trois chariots du
meilleur vin des bords du Léman ^^^ qu'on menait au
camp des Bernois ; ils le vendirent à l'enchère du haut
d'une tour pour que ceux-ci pussent entendre les voix;
• ment perfectionné la construction de l'immense canon , l'organisation
«do reste en rendit l'usage difficile et l'effet très-insuffisant. Le canon
• était Clé immobile sur un échafaudage bas ou sur des billots; nn
• chariot transportait la pièce ainsi faite dans le lieu où elle devait jouer;
i on lui donnait l'inclinaison convenable en enfonçant dans la terre ou
• en soulevant au moyen d'un corps la partie antérieure on la posté-
• rieore; pour empêcher le recul , on fixait à celle-ci , avec des chevil-
• les, une grosse pierre on un billoL La charge , comme on peut en
• JQger par les figures jointes à une vieille chronique , consistait dans un
• sac de calibre rempli de poudre non réduite en grains et qu'on en-
• fondait avec le refouloir; par-dessus on mettait un bouchon en bois
• «l ensuite seulement le boulet de pierre , qu'on nommait tout court
• U pierre ; on perçait la gargousse avec l'épingletle ; on remplissait la
> lumière de poudre et y mettait le feu avec nn charbon fixé au boute-
> feo. • Voy. aussi Struensée , Artillerie , Jnirod, p. 9 ; Manuel (Cartil-
^ie par le efieualier d'Urtubie ; Mémoires de Bajard, p. 84. G. M.
^* Seize lx>ns compagnons. EdUback,
^ Edlibaeh : « Vin du Niederland » (bas pays] ; BulUnger : « Vin de
• La Vaui. » Le vignoble de La Vaux (entre Lausanne et Veveyj portait
le nom de Niederland par opposition à TOberland ( haut pays ). =s An-
jdutfhai dans beaucoup de cantons de la Suisse centrale, le vin des
bords du lac Léman n'est connu du peuple que sous le nom d'Ober-
lamder, vin de TOberland , dénomination que rien ne justifie. G. M.
62 HISTOIRE DB LA SUISSE.
du camp et des barques ^^^ les Bernois virent les assié-
gés s'en régaler sur le pont. D*autres s'emparèrent d'un
transport de bestiaux. Des jeunes gens surprirent l'ar-
tillerie bernoise pour enclouer les pièces ^^^ ; un com-
bat opiniâtre s'engagea ; il dura deux heures ; les ar*
balétriers et les arquebusiers tirèrent six mille coups ;
à la fin l'attaque fut repoussée.
Les assiégeans étaient maîtres du pays ; ils pouvaient
espérer de prendre Zurich par la famine ^^. Mais de
l'inaction naquit l'ennui ^^^ ; les Suisses aiment les en-
treprises audacieuses. Pour donner le change à l'impa-
tience^ les chefs formèrent le projet d'envoyer du camp
des Bernois, avant l'aube (25 juillet 1444), mille
hommes de Zoug^^ incendier un moulin , la Werd-
mûhle f situé tout près du Petit-Zurich et du couvent
des religieuses d'Oetenbach entre l'Âa ^^^ et la Sihl;
tandis que les troupes stationnées aux retranchemens
voisins accourraient pour sauver des flammes du mou-
lin la maison d'Otton Werdmûller, citoyen aimé et
considéré ^^''y mille hommes devaient escalader un des
^*^ Qaelques-unes croisaient sur le lac pour faire prisonniers des
ennemis à qui Ton tranchait aussitôt la tête. Tichudi,
>^* t Ils voulaient enfoncer dans les lumières des pointes grossière-
• ment taillées. » Edlibach.
^^ Les rives peu laides qui n'étaient pas occupées par Tennemi de-
vaient aussi fournir à la subsistance de RapperschwyL
'^* « Combien de temps resterons-nous ici ? lies prendrons-nons
• d'assaut avec les yeui ? Ils ont à manger pour autant de temps que
• nous. > BnUinger, '
^* C'est à eux que Tsehadi attribue cette action.
^* Aa est le nom de la rivière d^uis sa sortie du lac jusqu'à l'em-
bouchure de la Sihl , où elle prend le nom de Limmat
»' Un de ses ancêtres s'était vaillamment baUu à Tctwyl {i$5l); il
remplit lui-même dans la suite des charges considérables. Lmi.
. LIVRE IT. CUàP. 1. 63
boolevards ; sur ces entrefaites les Confédérés empê-
cheraient au moyen d'une attaque de porter du secours
de ce côté ^^* Otton Werdmûller regardait la maison de
ses pères ^^^ comme un avant-poste de la ville ; aussi
lorsque les religieuses d'Oetenbach eurent avec unecorde
fait entrer dans leur couvent par dessus le mur son pre-
mier-né y encore à la mamelle ^^, grâce à son courage
et à celui de quelques amis ^^^ , il eut assez de présence
d'esprit pour défendre Tétage en pierre de sa maison
oontre un millier d'ennemis ^^^. Cependant les chefs se-
crètement avertis retinrent à leur poste ^ au nom du
serment et de l'honneur, les troupes des boulevards ^^.
Durant l'attaque générale, les ennemis , surtout ceux
qui étaient pris dans des chausses-trappes , furent ex-
posés aux plus cuisantes douleurs ^^^ par des flèches
enflammées et des corbeilles de chaux vive qui pro-
duisaient une vapeur épaisse ; un vieux linge ^^^, figu-
rant un drapeau , engagea les assiégeans à escalader une
tour vide; attaqués par le flanc, beaucoup tombèrent
des échelles^^^. Les boucs se battirent près du moulin
où le péril était le plus éminent^''. Les Zuricois déjoué-
*'* Ce plan est 'mentionné par BulUnger,
^^ On a représenté cette maison comme un poste confié à la garde.
Mais dans ce cas il n'y aarait pas fait transporter le berceau de son
enfant
^° Henri II devint un héros et moanit 69 ans après cet événement
Un.
^' D'abord quinze , ensuite vingt-sept « braves hommes. » BuUimgêr,
^^Mîlle des plus vaillans compagnons. EdUback,
^' On vit qu'il y^l avait eu trahison. Edlibach,
»« m fis gloussaient comme des poules qui ont la pépie. • EdUbadù
"* Un torchon à nettoyer j le four.
'** •[lA se montrèrent les plus fins titeurs. » Id.
<*^ Ma^, h Ut miiit. m, iS6.
64 HISTOIRE DB LA SUISSE.
rent cette attaque dans laquelle les Suisses perdirent
considérablement de inonde ^^^.
Jean de Rechberg n'était pas dans la ville. Le mar-^
grave Guillaume l'avait envoyé^ ainsi que le chevalier
Burkhard Mônch de Landskrone y avec Jean Schwend
et Rodolphe de Gham^ l'un des boucs ^ homme d^une
rare intelligence , porter à l'Empereur ^**, qui se ren-
dait à Nuremberg pour une diète ^ un message destiné à
mettre en mouvement les princes et les villes de l'Alle-
magne. Ils trouvèrent la cour à Passau ^''^. L'Empereur
leur fit espérer un bon résultat de la diète. Schvrend
et Cham l'accompagnèrent; le monarque envoya les
deux chevaliers à la cour de France ^'^^
L'Empereur avait au préalable sondé Fopinion des
États ; il leur avait représenté l'entreprise des Suisses
contre la ville impériale de Zurich, où l'on voyait la ban-
nière de l'Empire flotter sur plusieurs tours ^'^^y comme
intéressant leur commune patrie ; il leur avait proposé
une expédition armée et promis d'en donner le comman-
dement en chef au duc Albert, son frère. Berne et plu-
sieurs villes suisses entretenaientavec Ulm, Augsbourg,
Nurembergprincipalement, et d'autres villes importait-
^** Ediibaeh : « Us perdirent 70 hommes; 200 blessés furent conduits
« à Bremgarten et à Bade. • BuUinger estime le nombre des derniers à i^
*** Nons désignons ainsi Frédéric pour plus de clarté , quoiqu'il ne
reçût le titre de la puissance suprême que huit ans plus tard , après (^
avoir été couronné par le pape. ^^
s'o Avant Marie-Madeleine. BuUinger, ^
^^^ Us furent chargés de la n^ociation militaire avec les chefs des ^
Armagnacs; la dépntation dont il sera question plus tard le fut de la
négociation politique avec la cour.
"* rschiuU, Il , 420. D'après l'exemple de 1354. T. m, 1. H. .^
cbap. 4. ,,
LIVRE IV, CHAP. I. 65
tes de TEifipire^ des relations amicales. Avertis par
elles , les Suisses avaient adressé du camp de Greifen-
sëe dés lettres de justification aux électeurs , aux souve-
rains et aux Etats ^*, pour leur faire voir que la mai-
son d* Autriche^ en admettant Zurich dans son alliance,
avait agi contrairement à la paix qui subsistait entre
elle et la Suisse^''*, comme Zurich^ de son côté, par
une telle alliance ^^^ avec une telle cour ^'^^ et par son
refus de suivre la procédure fédérale ^'^'^ , était contre-
venu aux alliances perpétuelles. Depuis plusieurs
siècles , des princes puissans à Texcès , soutenus par les
papes, avaient désorganisé la grande république fé-
dérât! ve appelée Empire germanique; le déclin pro-
gressif de l'autorité impériale et Tinfluence croissante
de grandes maisons lui avaient ôté la facilité des en-
treprises communes, la force pour faire la guerre.
Beaucoup de princes d'Empire se distinguaient par
des qualités personnelles; mais chacun ne songeait
qu'à son agrandissement. Les princes moins puissans,
chacun trop faible pour soi, tous divisés par des intérêts
personnels, s'attachaient à l'Empereur par nécessité.
^^* La lettre ûdressée à l'électew palatin (14 mai iàH) est dans
Tuhmdi.
174 Parce qa'il j avait él6 clairement slipolé « qu'aucune des parties
B ne devait conUacler ni accepter d'alliance avec gens dépendans de
« Tautie.»
v% « Dont les limites n'étaient pas de beaucoup plus étendues que
t celles que la Confédération avait entendu fixer. »
^'* « D'ailleurs nos ancêtre» dans leurs anciennes guerres se sont mu-
» tnellement promis qu'aucun des cantons ne se réconcilierait avec la
■ maison d'Autriche que de concert avec les autres. •
s«7 c Votre royale Majesté comprend sans peine que si nous suivions
» avec eox mie antre voie juridique , nous agirions contre noire serment
* et notre honneur , ce que nous ne ferons jamais s'il plaît à Dieu; qu'il
• en advienne ce que Dieu voudra, t
VI. 5
66 HISTOIRE PE L\ SUISSE.
L'affaire principale des çcclësiasdc^ues était d'opter )K)iur
le concile et Félix ou pour le pape i^omain Eugène, en
tout cas de fixer de la manière la plus avantag^se el
d'assurer les. droits de l'Eglise germanûiue ^'^^. L'Alle-
magne orientale craignait les Iloâsites et a'étaif; pas
sans inquiétude sur les mouvemens du j^une roi de
Hongrie et de Pologne, qui paraissait enclin à risquer^
par une rupture de h paix , sa domination à peine af-«
fermie,, dans une périlleuse lutte coc^re les armées yie*
torieuses du Sultan y, phis sage que lui ^^^. Ifons ces
circonstances les princes s'excodèreat de ne paa ,se
trouver préparés pour la guerre contre les Suisses y,
entreprise^ sans leur participation^ Les villes ^^^ la dé-
clarèrent, dans rintërêt de la maison d'Autriche, à des
villes et à des cantons avec lesqjuuels elies* vivaient en.
bonne intelligence ^^^ Ces. dispositions élaienl; naturel-^
les, mais non sans conséquenoesi pour les autres £tat9.
Le commerce, passant de Venise par l'AUenui^e^, enri-
chissait encore ce pays; les ^es étaient supérieurea
aux. seigneurs par leur aisance., leurs' institutions et
leur esprit public; les seigneurs étaient turbulens,*
oppresseurs, fiers, portés à la guerre et au brigandage.
On pouvait donc craindre que les villes ne sentissent
les avantages d'une ligue entr'elles et avec la Suisse,
et qu'elles n'allumassent inopinément une révolution
générale en faveur du peuple ( ce qui Tempècha prin-
S78 Yoy, les négociations dans l'ouvrage important de Kock , Samtio
pragmatica Germon, , Strasb. 1789.
>^* n jura au cardinal légat à Si^edin, le 4 août, de prendre les
armes contre les Turcs. CA. dansD/n^o*,!, 794 (édit. de Leipsig 1711).
^* Dans une dièle à IJlm.
^" Jean Joachim MuUer, Théâtre de (a diète d^Empire squ» FrédérU F ,
t 1, p. 21S«
LIVRE ir. GHAP. 1. 67
dfxiiemeiit^ ce fut l'aristobratie des conseils). En pré--
seitee de la dîélê ainsi composée^ Rodolphe de Gham,
qui maniait la phime et l'épée avec la même vigueur ,
hit la description de la guerre de Zurich^ depuis TorH
gine jusqu'à ce jour ^*^. L'Empereur réitéra Ses repré-
sentations. Le seul dBfet dé la présence de Fimpériale
nsgesté fut que Ton voila la résolution de ne rieir faire
lous des paroles qui semblaient promettre beaucoup ^^^.
Ce langage n'étonna pas l'Empereur : il le comprit
et résohit d'envoyer en France Pierre de Schaum-
bei^, évéqne d'Augsbourg/ le comté de Sfarhaoï-
berg^^*, Thûring de Haliwyl et Frédéric de Hohen-
bourgs pour conclure la négociation relative âm
Armagnacs*^ déjà fort avancée par les soins de Moneh
et de Réchberg*
Gharles^yil avait décidé depuis longhtemps d'abaki-
donner à des princes* étrangers y dès qu'il serait en
paix avec l'Angleterre^ cette milice dispendieuse, in-
commode et dangereuse; il dédirait aussi occuper par
rfes guerres extérieuires'rhumeùr inquiète de son fife^^,
»« Btdlinger,
^* « Gonveoto difêoluto nihii aut paitim ex promissîs in' efféclahi
• dedocitiir; quitt pOllUs ad sua qaique reversl' promissorum obliti suht,
• ei privftta commonibus praetolerunL • Triithémitu Ann. Hinaug, H ,
m.
** Le notot' éèi éerft de celte minière' daits' mon tmîUngigr ; dan»
SltixUr on lit • Sternenberg. >
"* Il 8*«lait d^% ttiiii qliàtM éùs auj[>araVant à'ia I6tè de la Pragi^e.
fiitiûttii , A.' 144^. à • Le jdime Loois était d*cRi naturel ambitiem ,
• inquiet, empressé d'entreprendre toutes les choses nouTellcs, de tenlér
» UMii(!s \éA imr%oes; les liëiis du sang et les devoirs' de la môrttle
»' n*«r^ént point de pilke sur loi; Gharies , qiki Pavait tout récemment
> lioramé gdtiirérnëmr àé Languedoc , Tffvait en même léteps placé sdoi
» li^direcddn dli comte de la llarclie, fils du odtaite d'Armagnac; nkais
• Louis se cachait aîftant qu'il pouvait de ce surveillant , et il prêtait
» l'oreille aux grands qui lui proposaient de faire une révolution , ou ,
68 HISTOIRE DE LA SUISSE.
le dauphin Louis. Vers la Pentecôte ^^% les négocia^*
tions avec T Angleterre pix>ineûant la paix^ il fut
question à la cour de France de permettre au dau-
^phin de conduire au-delà des frontières une armée
de chevalins et de cavalerie, pour chercher des en-
nemis ^^''. Il n'était pas difficile de voir qu'une par-
ticipation aux démêlés inextricables de Tempire ger-
manique offrait le moins d'inconvéniens et le plus
d'avantages. Ce projet fut connu de la reine ^ Ma-
rie d'Anjou. Elle employa en faveur d'un frère ^ avec
une active vigilance^ son influence généralement peu
considérable ^^^ ; le margrave Jacques de Bade-Bade
était le beau-^rère de son frère ^*®, et la reine entre-
tenait des relations d'amitié avec l'électrice du Pala-
tînat, dont le premier mari avait été son frère ^^.
A la nouvelle d'une expédition sur les frontières d'Al-
lemagne, Marie intercéda pour ses parens auprès
• comme on disait alors , nnepragoerie ; Us soulèvemens de la ville de
• Pragae n'ajant cessé, depois la réforme de Jean Hnss, d'occuper tonte
• la chrétienté. » Sismûndi, Hist. des Français, t. XIII, p. 360. G. M.
'" Pàqoes 'était le 12 avril {Art de vérifier les dates, p. 29; Paris,
1774) ) ; la Pentecôte se trouvait donc être le 1*' juin. '
*'^ Eipression de la reine dans la lettre citée n. 295. = Voy. à la fin
du volume Appendice A. G. M.,
^* René d'Anjou , comte de Provence , roi titulaire de Sicile et duc
de Lorraine. Gette même année, le roi» pour ieur plaire, assiégea la
ville de Metz.
*** René avait épousé Isabelle , ^Ue aînée de Gharles-le*Téméraire de
Lorraine; le margrave, Catherine, soMir d'Isabelle. Art de vérifier les
date» , 646.
^* Marguerite de Savoie (t. V,.p. 297), après la mort.de Louis
d'Anjou , frère atné de René , avait épousé l'électeur palatin Louis-le-
Débonnaire. Dmn. Pareu, Hist, PaUuina, 222 (edit. Joannis). » De-
puis son premier mariage , Marguerite et sa belle-scsur la reine de France
étaient restées en grande amitié. Voy. de Baranie, Hist, des dues de
Bourgogne, Vif , 187 , (4« édit ) G. M.
llVRE IV. CHAP. i; 69
de son époux et de son fils. Bien qu'elle ne régnât
pas sur le cœur du roi , Charles honorait en elle un
grand et noble caractère ; elle eut plus de crédit dans
ce moment, où le mariage de sa nièce ^^Meyenait
le lien de la paix entre la France et l'Angleterre ^^^.
Dès qu'elle eut reçu la promesse qtfon épargnerait
Télecteiir palatin et la maison de Bade, elle écrivit
à Jacques ^•^. La lettre de la reine apporta aux prin-
XX9 d'Empire y qui ignoraient la négociation de l'Au-
triche 2^*, la première nouvelle du mouvement des
Armagnacs. Le margrave crut l'apprendre à l'Empe-
reur ^®^, alors qu'il avait envoyé déjà les chevaliers
destinés à conduire l'expédition. Cette charge fut prin-
cipalement confiée à Burkhard M ônch , guerrier de la
plus grande considératipn personnelle ^^, plein d'une
haine amère pour le peiiple audacieux de là Suisse.
L'activité de Rechberg le rendait propre à transmettre
avec célérité les plans arrêtés^ et à faciliter ainsi la
simultanéité de leur exécution ^^ .
Dans ce temps la plupart des seigneurs et des cheva-
liers de l'Argovie étaient au service des villes auxquel-
les leurs pères ou eux-mêmes avaient^ par ordre dé
••* Marguerite, fille de René, grande fcinine.
*•* Lettre du margrave, n. 295.
^* Lettre de la reine de France au margrave Jacques ; à Gwer ( la
Guerche ?) en Tonraîne , jeudi après la Pcnlecôle, 1444 ; dans Fugger,
Miroir tttionneur autrichien, 550 (édit. deBirkcn). =Voy. sur toute
celle histoire de Barante, t. VU, année iHàh' G. M.
^* Depuis le 22 août de Tannée précédente ; t. V , p. 960.
^^ Lettre du margroÊfû Jaeqmeê à V Empereur ; Btde, « feria quarta
• post Petr. et Paul. ; t dans Fugger, 551.
M* « Un grand seigneur, nommé Monseigneur Bourga le Mojnc«»
Enguerrand de MonstreUt,
>'^ Edlibaeh; Tsehudi; BuUinger, Nous allons le retrouTer tout do
saile.
70 HISTOIRE D£ LA SUISSE.'
Tempercur Sigismond^ prèle serment de fidélité trente
ans auparavant , la suzeraineté de TEoipire réservée;
un grand nombre étaient plus particulièrement unis
aux Bernois par des rapporte de combourgeoisie ou de
famille^ par la reoonnaissaoice pour leur protection , et
par égard pour la supériorité de leur puissance. Dans
les districts inférieurs , sur la rive gauche de TÂar,
les relations étaient encore plus indéterminées et les
frontières ae croisaient. Les gen$ des domaines patri*
moniaux de Habsbourg ^^^ et de la seigneurie 4^ Sch^i*
kenfaerg suivaient la bannière de la viUe de Broygg ^^;
à cet égard ils étaient bernois; d'un autre côté les
seigneurs continuaient, selon la coutume de leurs
pères , à chercher Téclat et la fortune à la cour d'Au-
triche .^^ ; i} parait qu'ils reçurent beaucoup de fiefs ,
sinon de la cour, du moins des Empereurs immédia-
tement^^ ; ik avaient pour Bernée tout juste les égards
^* Dans TËigen , « terra aviaUca. »
^* BuUinger d'après la chronique de la ville.
**^ Gaiilanme de Mfillinen fut le premier chambellan da duc Frédéric
% ÏDspf^ck; 'û possédait le cjiàteau de P^niek en Tyrol , et était baiUi
de Zylf et de Landek. Tout comme nous avons vu Albert de MQllinen
lié d*amitié avec le père de Frédéric , le dac Léopold tué à Sempach
(t. III, p. 271 ), ainsi Frédéric lai-m<^me et Guillaume de Mûilinen se
dopnèrent miituellement des gages d'amicale confiance. Ch, losprack,
^medi avant Quasîmodo 1427. On voit encore k Wilten nn ex volo
des deux amis avec leurs portraits.
'*^ Charte de V empereur Sigisnumd ( réconcilié avec l'Autriche) par
laquelle Jean EgU de Mklynen, Jean GuiHaume (le chambellan), son frère
et Jean-Albert, eon eousin , avec leurs gens , leurs châteaux et forteresses
Ruchenstain et Castal ( Castelen ) , ou tous les autres qui leur appartiens
nent ou qu'ils acquerront légitimement dans U suite, eux ou leurs
héritiers, sont totalement affranchie (placés sous la dépendance immé-
diate de l'Empire ) , de sorte qu'en ti^autres' aucune ville ni commune
du Saint-Empire romain (Berne était de ce nombre) ne puisse accprder
LIVRE IV. <m\T. I. 7\
auxquels iis ëtaieiK obligés. Marquard de Baldegg,
d'une ancienne famlHe ehautiement dévouée à «l'Âutin-
die ^^y possédait Sdienkenberg, unedesphis vastes sei-
gtteaiies de cette contrée ^ qac Thâring d'Àrbourg
avait achetée ^^, dont il avait reçu l'investiture de
ffimperewr***, mais que ses projets ambitieux '•^
et sa fréquente pénurie d'argent Tavaient forcé d'a-
bandonner à Marquard^ probablement à titre d'hy-
pothéqué ^•^. Dans la guerre de Zurich, Baldegg, quoi-
que bourgeois de Berne, avait épousé le parti de
TAntriche, la cause de la noblesse. Les Bernois n^a^^
valent pu le voir avec indifférence, parce que, dans
leurs expéditions contre Zurich ou Laufenbourg,
Schenkenberg pouvait nuire à leurs troupes ouver-
tement ou en secret. Baldegg avait sans doute fait
une tentative hostile, ou en avait menacé, car les
Bernois le chassèrent et occupèrent son château de
Schenkenborg ^^. Après avoir montré avec quelle fa-
cilité ils pourraient Técraser, ils prêtèrent l'oreille à
l'intercession de l'évéque de Baie , Frédéric Ze Rhyne,
et rétablirent Marquard , moyennant le paiement des
frais ^^. Bourgeois de Berne, cou^n des Buben-
h bourgeoisie à ienrs gens. Ratisbonnc » jendi aprt» St.'Miehel , i&SA ,
Msc
^ Les Baldegg avaient pronvé leur âdéUté près de Morgarten et de
teipMh aa prix de leor sang.
^ Des sires de Fridtngen qui <en avaient reçu l'îitvestîlure de l'Au-
widie.
*** Le« ; Sdienkenl>erg.
*** n fut on des liéritiers de f okenbonrg , t. V , p. 26.
^* Tbikring aliéna définitiTement celte seigneurie qnelqaes années
ploitard.
**'* Avec SO liommcs. May, HUU miiiK Ht, 157.
'** 1,000 florins. Stttiltr.
72 HISTOIRE DE LA SUI&SE.
berg ^^, au lieu de reconnaître qu*il avait agi sans
sagesse^ tandis que Berne , au contraire, avait mon-
tré prudence et générosité , il s abandonna au regret
de ne pouvoir plus à l'avenir, comme d'autres gen-
tilshommes, faire la guerre aux Suisses. Jean de Bal-
deggy son frère, partageait ses sentimens. Thomas
de Falkenstein, qui avait épousé ^^^ sa fille en pre-
mières noces ^'\ le visitait fréquemment.
Thomas et Jean , barons de Falkenstein , avaient
hérité de leur père le droit de bourgeoisie de Bern^;
cette ville les représenta pour toutes choses durant
leur longue minorité ^'^. Issu d'une très-ancienne no-
blesse ^'^, le jeune Thomas , landgrave du Buchsgau
et du Sissgau ^'^, possédait à titre de seigneur un
grand nombre de châteaux situés sur l'Aar ^^^; son
frère avait aussi de vastes possessions. Mais ils
étaient capables des actes les plus insensés et les plus
criminels pour prouver que la vie bourgeoise des
**' Béatrice de Rinkenberg, mère de Henri de BobcDberg, avait
Oponsé en secondes noces nn Baldegg. *
*** Ainsi le rapporte BuUingcr ; d'autrea font de BaLd^g le gendre
de Falkenslpin , ce qui est impossible ; Thomas était majeur depuis à
peine cinq ans. T. V, p. 246 et ci-dessous n. 314.
*'* Sa seconde femme était Ursule de Ramslein. Brukner.
•" T. y, l. c.
'** Parens de Becbbonrg , tons denx probablement de la maison des
vieux comtes de Falkenstein.
*'* Jean, évêqne de Bâle , lui en donna rinvestiture en 1499.
Haffner, Théâtre ioteurois , en pareille matière appuyé sur les documeob
**^ Gôsgcn , Kienberg , KôUikon ; on nomme aussi Tborberg ;
EdUbaeh ajoute que le baron Thabitait. Mais ce manoir était converti
depuis cinquante ans en chartreuse; t III, p. 347. lie chAteau de Fal-
kenstein , bàli dans un défilé , aurait-il reçu à cause de sa situation le
nom de Thorbourg (chàtcan-porte;, ou bien y avait-il à Ballslall un
cfa&tcau de Thorbourg ?
LIVRE ly. CHAP. u 73
Ba*Dois D6 les avait pas rendus si timorés qu*ils ne
pussent rivaliser d'audace avec tout seigneur et tout
chevalier. Jean conunença par hypothéquer Fams-
bourg à la maison d'Autriche^ pour pouvoir mener
joyeuse vie à Seekingen avec une courtisane ^^^* Tho-
mas ^ lorsque les nobles hii proposèrent d*abandon^
ner ses bienfaiteurs , témoigna qu'il craignait de s'ex-*
poser par un tel acte à la perte de tous ses biens.
0ès qu'ils lui assurèrent que le duc Albert l'indem-
niserait de tout^^'', il ne songea plus qu'au moyen de
faire à l'improvbte beaucoup de mal aux Bernois.
Le premier expédient du baron fut d'envoyer deux
de SCS gen9 pour incendier de nuit la ville d'Arau ^^^•
Cette tentative ayant échoué , il médita la ruine d'une
autre ville : rien ne lui paraissait ignoble de ce qu'un
gentilhomme pouvait entreprendre contre des bour-*
geois. •
Falkenstein et les deux Baldegg se rendirent à
Brougg. Cette petite ville, dans l'enceinte de l'anti**
que Yindonissa ^^^, est située non loin de Habsbourg,
sur un rivage dont les rochers forment un lit étroit
et profond , où l'Âar précipite ses flots bruyans
pour aller recevoir la Reuss. L'activité, les bonnes
mœurs et de vieilles franchises avaient conduit cette
communauté municipale à une florissante prospérité.
Les barons étaient aussi bourgeois de cette ville. Us
y reçurent un accueil amical, et le vin d'honneur.
^^* Elle i^appelait Hegenbach , IdAS. Hajfner.
**7 « Le dac Albert loi donnerait maint cbàtcau sar FAdîge, ce qu'ils
• ponvaîeot loi assurer. > Bdlibach.
*>' SîeiiUr, I, 157. Dans Taubergc du Lion.
•" Comment cette place militaire n*aurail-cilc pa? compris dans son
enceinte la contrée où se trouve le pont ?
74 HISTOIRE B£ hk SUISSE.
AU tèt^ de 1 aâmînisùrslion se voyait alors Tavoyer
Louis Ëffinger , dont les ancêtres avaient fidèlement
«er¥i Habdkourg et l'Autriche , et le père éfiak mort
environ soixante ans auparavant avee le duc pràs de
Sempach. Ce loyal vieîilard s'eSbrea de leur faire k
réeeption h plus honorable, lorsqu'il apprit que, pleins
de zèle pour la paix , œuvre agréable à Dieu , ces trois
seigneurs se rendaient du camp de Zurich à B&le pour
chercher Fëvèque afin qu'il mit la dernière m&in k
des articles déjà presque arrêtés, lies barons se hâ-
tèrent de poursuivre leur route, accompagnes de voeux
et de bénédîcdons. La ville entière se réjouissait de
voir, gr&ee surtout à leurs soins, la fin d'une Ion*
gue csdamitë publique. Le lendemain s^écoula dans
cette atttente; pour la seconde fois, chacun s'aban-
donna au sommeil avec une sécurité depuis long«-
temps inconnue. Une nuit profonde couvrait la terre,
lorsque du haut de la porte contiguê au pont de l'Aar,
le gardien entendit quelqu'un frapper et lui crier:
V Cc»npère, ne connais-^tu pas Falkenstein ? Voici 8a
» Grâce de Bàle; nous apportons la paix, nous som-
» mes pressés; ouvre; vite au camp de nos seigneurs
n de Berne I ouvre. » Ces paroles familières et joyeuses
du baron , bourgecMS éminent de Brougg , n'inspirèrent
aucune défiance au gardien. Deux huissiers à cheval
et aux couleurs de la ville de Bâle entrèrent les pre-
miers. Au milieu de la nuit et des joyeusetés de Fal<-
kenstein , on ne distinguait pas qu'à côté de lui , le
cavalier enveloppé d'un manteau n'était pas uq évé-
que, mais Jean de Rechberg. A titre de députés, de
secrétaires, de valets, entrérçnt deux, quatre, six
couples; le gardien trouvait le cortège considérable.
« Sire compère, ces seigneurs sont nombreux) p^r*
UVftE IV. GHAP. I. T5
> meltez que j'éveille Tavoyer. d 11 se tourna pour
fermer la porte; sa tète vola dans l'Aar ^^* EveîtMs
fsn sursaut par tin eri du gardiea ou par le bruit
ÎBSolite des nombreux dhevaux , les habitans des maU
sons voisines accoururent; plus de quatire oettbs^'
gentilshommes ^^ et cavaliers pénétrèrent avec des cris
sauvages par la porte restée ouverte^ tuèrent, blestr
sèrenty dispersèrent les bourgeois sortis de leurs dev
menres ^, et, sous la conduite d'un bandit ^^, s'em^
patrërent en up instant de Brougg. FallLeiistein avait
rassemblé la noble société dans un lieu solitaire ^^^i
entre Laufenbourg et Seckingen; p^endant la nuit^
commettant des désordres ^^^ mais en sâreté et ivres
de joie , ils avaient traversé le Mônenthal ^^'^ ; un paysan
osa devancer les cavaliers^ pour sauver la ville par
ses avertissemens; il fut atteint] et poignardé '^^* Le
baron crut son honneur à couvert parce qu'il avait
déclaré la guerre à Berne ^ quoique trop tard pour
que ses concitoyens eussent pu se précautionner ^^.
•'^ Chronique de Kônifêfelden dans BuUinger,
*^* An rapport de quelques-ans , près de 600. Teekadif
*>s Le comte Geoi^ de Sulz , Ballhasar de Blumenek , Thfiring de
Haliwjl » Geoi^ de Knôringen , Marx d'Embs , Frédéric Yom Hatis ,
Goi d^AsK, Hugues de Hegnan , Benlelin de llemmenhofen sont dUUn*
gués par BulLinger d'après la chronique municipale de Brougg.
*^ An nombre de treize. Ibid,
*^ Le tailleur Jfean , qui avait été banni de la ville.
'^ Dans une petite ville détruite depuis.
*^ Ils commettaient partout des insolences. Bultimger,
»? Par Rémigen et Rynikon , venant du Frikthal.
*^ A la courte montée. Il s'appelait Jean Geissbei^.
*>* U n'avait envoyé la déclaration de guerre que le soir , et il commit
cette action dans la.nuit Techudi, Ce récit est plus naturel qoo celui de
BuUinger , qui raconte que Favoyer de Berne n'osa décachetep les dépê-
ches arrivées dans la soirée ou pendant la nuit que le lendemain matin
76 HISTOIRE DE LA SUlftSE.
L'avoyer d'Erlach s'effraya ^^^. Il envoya en baie un
avertissement à l'Ârgovie; le messager parvint jus-
qu'au bois^^ que domine Habsbourg, et vit Brougg
«n ikmmes. Aussitôt la ville prise,* tandis qu'une
partie des nobles, coupant le chemin au peuple épou-
vanté, lui barraient les issues, d'autres enfermèrent
dans une grande maison ^^^ le vieillard Effinger^ chef
de la ville, son fils^^^, tout le conseil, Landv^ing,
Ulrich Stapfer '^* et tous les autres citoyens consi-
dérés et riches. Cent soixante et dix pièces d'arg^i-
terie, ornement des festins publics, toutes les pro-
priétés privées, les longues économies des pères, le
travail des mains maternelles, la bannière ^^, pure
de si honteux exploits, les armes, même les ôhaines
des portes ^^ fiu*ent prises et transportées dans des
bateaux. Le lendemain de bon matin , Thomas de Fal-
kenstein ordonna d'amener Tavoyer et les conseillers
auxquels il avait prêté serment, les combourgeois qui
l'avaient honoré, aimé; il ordonna de leur trancher
la tète. Cette rage fit horreur à Jean de Rechberg :
« Que vous ont fait ces braves gens? » s'écria-t-il. Ce-
pendant quelques habitans de maisons contiguês aux
aa coDsdl. Ud règlement si insensé » snrtout en temps de guerre, est pea
conforme à l'esprit élevé da gouvernement bernois ; aassî n'en trouve-
t-on pas de traces.
**^ 11 se frappa le front : « Sang de Dieu ! cela coû^e à Berne un
> château , quel qu'il soit ! » EdUbaek.
*>i « UfT die RQtinen. • BulUnger.
^*^ « La maison autrichienne à côté du cimetière. • BulUnger.
"* Balthasar.
*'^ De la famille qui fleurit ensuite à Berne.
'*' Deux tours noires et un pont découvert « Elle était de pure toile
» de lin. » BulUnger,
''* Elles furent adaptées aux portes de Laufenbourg.
LIVRE IV. CHAP. I. 77
murailles étaient sortis de la ville dans le premier
moment au moyeu de cordes, et avaient infoivé la
campagne du malheur de Brougg. Les villages prirent
les armes. On remarqua des mouvemens. Tout^à«*
coup rinceudie éclata dans Brougg sur divers points.
A ce moment les enfans et les femmes poussèrent des
cris si perçans, que Falkenstein lui-même, épouvanté,
jeta les clefs de la porte supérieure à une vieille
femme ^^'^^ afin que cette multitude se sauvât dans
U campagne, tandis que d'autres rassembleraient
les enfans de toutes les maisons pour les . conduire
sous les tilleuls, peu auparavant théâtre de leurs
joies innocentes ^^^; le butin et les prisonniers furent
emmenés; la flamme c<Hisuma toutes les chartes et
les donations ^^^, lesdocumens de la vieille histoire,
les cabanes des pauvres et les maisons des riches.
Dans la forêt de chênes non loin de la ville ^^^, où était
péniblement arrivé Tavoyer . à la . téie des conseillers
et des bourgeois, Thomas de Falkenstein eut une
seconde fois soif de . leur sang.: <c Ne pourrait-on pas,
» dit-il , faucher ici aussi bien que dans la prairie, de
)) Greif ensée ? » Jean de.Rechberg s'arrêta, lui. lança
un regard : « Falkenstein, répliquart-*il, tu as fait assez
» de mal à des gens qui ne. t'ont jamais offensé; si j a-"
» vais su ce qui se passe, tu ne m'aurais point amené.
M7 « Prends, p.... , et onvre la porle sapérienre, pour qae vous ne
• brûtiez pas. • BuUingei\
^'^ • Là se tronvaît aussi ma gran(l*mère , Gerlrude KCifier, âgée de
> qnatrc ans. » BuUinger, Elle moarqt en 1522, alors qu*il élait dans sa
18« année, en sorte qu'il put apprendre d'elle tous les détails.
**^ Concernant des créances , l'usage des terres , les bois et les cbampf.
*** Dans la KrspG. BuUingtr. '
i^ HISTOIRE BE LA SUISSE.
A idf'^^). Bientât le bois et la colline cachèrent aux
regarda la vHte qfue le feii dévorait. L'Argovie; aou-
levtSè foftC «Dfiéfe, ne put rieà contre k puissance des
flanuttes ^^^ i une partie du butîn fut sauvée. Quel-
qaeÀ-vn^f auparavant jaloux de l'éclat de Brougg,
^àpp^renl avec dureté (|n'on s'était toujours troj^
faflfiililairisé arvee les nbbles^^^. Les prisonniers furent
enfertnéfl^ dans la tour bàde sur les rochers qui forment
au-dessous de Laufenbourg k chute et les tournans
eu RltfB. On cela leur destinée , de peur qu'une ar-
Ihée bernoise Ae les délivrât avant que Falkenstein
A'eût le teittps^ de fea vendre aux Armagnacs , qui les
enMnénei^aieilt eMime aerCs dans <fes pays lointains.
Uû d'éuft '^ fit «Me corde avec des draps , et réussit
à di^endre sur un sureau à côté dé k tour^ sus^
pléiidtt' aïk-déssna du^ tournant; ae oonfiaiit en Difeu, il
litt^ardà le saut; les flots fe portèrent au rivage. Ilré^
Vék le dessein dé' 'rennemif les femmes se- hâtèrent
de tendre' d^ fù^^A^de terre pour amasser la rant^n.
Sbteure exerça sa première vengeance contre Gos-
geny ehftteail de Falkenstein. La baronne é'esliiit
▼èrs' Fa¥nsbourg.^ Elle se retourna une seule toà,
Ibrsqu'ellè eM attmt ka^ hauienrs'de k Sdurfosatte*
L'holtiUé spectacle de k fkmme dévorante l'arrilta
mk^ iHs^nt^^^elle^ aaisîfe et eondlmte à Berne ^^^
^^ On ne commença de rebâtir la ville qu'en i446 ; la porte supé-
rienre fut rétablie en 1448. Chronique municipale,
I 4 I
*^* On disait qu'elle portail la queue dé paon dans le sein. BulUnger.
'** B&rgj KOffer, fibre de Gerlrude, n. 338.
»*» BuUingtr.
»*• Ttchudi Avec Ursule, fille de Jean de Falkerislcîn, son bci»-
frl*re.
UVRB IV. CHAP. I. 79
•
On dkait^^^ que Falkenstctn oeciipeit avec aes çoifi^
pagpMmt la haute fortertsëc de Farnsbour^ ^ dans soit
landj^raviaf du SissgaiKi , entra le- Jvra sofeu^ok ^^ et
RhewfeMen ^ villeaiitridnenne enlouirée de fortfts* ïies
Bernois , quoiqu'ils serrassent de prés les remparts de
Zuricb y y acti^éreml! en corps d'armée coBsidéfable ;
ik se péiMiiceBlj pires de- la Wigger ar?ee AiîtcMie Il«i8d>
commandant des LuceirnQis ^^, qui leur amena siat
cents hoinmes^^; ila joig^iieent les Sblemiois, treùu
lérestdaifnére le HaAÉeastsin Hennann Séevogel^ capi^
laine des Bàbîs^ avec:centHtinqiMiite>lio»inl«s^ de Wal-^
lenboocg. et de Litostel '^^ ,. et rbteM arrive» en bâtie
le grand canon de la viDer de) Bàkd ^^ a¥ec beaiiieoAffr
de poudre et di'autves muliitions.' La soif de la ven-^
geance irrkbil oearguonrieir»;' kuv' assauts fut si violent
qu'aneunu rocher ne- paraiMait inaccessible ^ auenii
nur inéiffaiibbis^ isi MpiMiseitoent l'offre d'une ca-^
pîAilation conUlionnBHa; Sons eette^ e&trémi^é ,■ Jeatt
de Keclibcrg: exhonta hf (^nison^ à téAîr jnsqu^'à eé
^il se Sût assuf é » Tdn. wnait les débloquer ^K
A lar fibveiv des tèrnUbve^ les fars de son ébevat en*'
vdoppës db feutoe^ il ti)av^psa> le camp ennemi^
Vinc^adîe d*un< fenil sUr^ Itf nionta|p[ie' ik p&is voisina
**' Ce feit*«sfincerUdn; ta vein^de la bataille de Sàint-Jacqacs il était
àMtachenstelo; Brukner, Curmiiéêdê ia eampagrte dèBâU, tiTf,
^ loi le^HaveDSteÛL
"• Eiterlin, p. 171.
*** Selon TsckachUam, seolanent 400; selon ThKmS cPaooord av^ec
Ëatrlin , 600.
«*• Brukner, p. J1Î4.
>»> Estimé à 5 00 florins. Id.
^'' Warêtiêèh : Le sort le désigna pour faire cette reconnaissance.
m Brukner. Edlibach dllt • il dievaitclia par-des6QS dès cbapeauit d»
» fentre. »
80 HISTOIRE DE LA 8UISSE.
lui servit de signal pour annoncer son h€ureusc
arrivée dans ce lieu '^^; il fit diligence et trarersa
le Rhin. Il accéléra la mardie du prince fran-
çais; les bataillons des Armagnacs couvrirent le
pays.
Après la défaite du comte Jean d* Armagnac, le
dernier partisan sur lequel l'Angleterre compiait^^,
une trêve de deux ans ^^"^ mit fin à la longue et ter-
rible guerre. Le pays tremblait encore devant ces
hordes^ devant les Armagnacs infidèles à leur maî-
tre, devant ceux que le bâtard de Lescua né rete-
nait ensemble qu'avec peine , devant Matthias God ^^,
au service du roi avec 8,000 Anglais ^^^ et Normands
(les écorcbeui*s^^^), devant Antoine de Ghabannes^
comte de Dammartin, protecteur formidable et sans
pudeur des désordres de la soldatesque ^^^, enfin devant
beaucoup d^autres chefs de bandes pour qui le goût
et l'habitude ou la nécessité avaient fait du désordre
et. du brigandage une industrie journalière. L'Em-
pereur, le pape et les grands virent dans ces hordes
d'excellens instrumens pour contenir l'audacieux
courage des bourgeois, des paysans et du concile
assen]J>lé à Baie. Telle était la haine de tous les
m Brukner; Si2ii. fVursiUen : Il reçat on coup sur le br«$.
'^* Dttclos, LouU XI, cb. I , p. 21 et soiv.
'^^ Traité de t'armittice , Westminster, 27 juin 144&, dans Dumont ,
t. III , P. I , p. 551.
"' Matago dans nos chroniqacs. =3 «Sir Matthieu Gough, que les
• Français nomment souvent Matbago. > Sitmondi, Uist, des Français,
'*' Déserteurs on engagés dans des partis contraires à la cour.
''^ Dunod, lUsin du comté ds Bourgogne, t. Ilf.
"* DucloM, l. c. p. 51.
LIVRE IV. CHAP. I. 81
dépositaires du pouvoir contre ceux qui tentaient de
le limiter, qu'ils perdaient de vue la politique ordi-
naire des États ^^ et tous les principes de la morale
commune ^^^. Trop souvent les préjugés et la passion
déplacent le vrai point de vue, séduits par le but qu'ils
se proposent; quand la fin leur parait meilleure qu'elle
aest^ ils se tranquillisent ^ur le choix des moyens*.
Dans le même temps le pape Eugène IV promit
au roi de France la confirmation de la pragmatique
sanction^ concernant les libertés de TÈglise galli-
cane ^^y s'il employait ses armées à disperser le con-
cile^ auquel ces libertés devaient leur naissance, et
qui s'était brouillé avec le souverain pontife au su-
jet des droits de l'Église ^^. Les conseillers de l'em-
*** p. e. de ne pas montrer aux Français le chemin de TEmpire.
*** On trouve à ce sujet un passage remarquable dans une lettre de
Thûring de Hallwjl, l'atni , à son oncle le chevalier Guillaume de
Grfinenberg ( dans Brukmr ) i « Vous savei que c'est vous qui m'avez
> poossé à cela, et que , dans Tintérêl de la seigneurie (de la cour) , je
• me Suis chargé de choses qui me coûtent Vàme, le corps , l'honneur et
> la fortune, t (Vendredi saint 1444.) Cette lettre est antérieure à l'atten-
tat de Brougg, auquel on pourrait croire qu'elle fait allusion; s'agit-il
peut-être des complots avec les étrangers contre la patrie allemande ?
* Exemples de la politique des cantons en 1790, 91 , 92 , 9S. Qu'on
se rappelle l*alliance conclue sous Vergennes , qui renfermait le droit
d'appeler les Français au secours de la Suisse pour le maintien de
raristocratie et de la démocratie. D. L. H.
»A Pfeffel,Hiêt. de CEmpire 14AÂ.
*** On ne peut guère don ter que le pape n'eût trempé dans cette affaire.
Beppart for la guerre de» Armagnace dans Schilter sur KÔnigsbofen ,
p. iOOi; Tritthemius ad 1439 : « Âb ipso pontifice , ut dicebatur, susci-
B tatt. Alii , • dit cet abbé en 1444, « motum hune Papx ascribunL *
BeUinger : « Le roi , dans sa finesse , voulut à la fois accorder à l'Ëm-
• perenr les troupes et ne pas désobliger le pape. » H, Mutiiu , chron.
L XXVm : « Erat fama, Papam in eam rem magnam summam pecu«
• nie expendisse. »
VI. 6
84 HISTOIRE D£ LA SUISSE.
» dans l'intérêt commun , mais se persuaderont que,
» loin de songer au moindre acte d'hostilité contre
» l'Empire ^'^'^, il est plutôt résolu de consolider se-
» Ion ses moyens l'heureuse amitié qui subsiste entre
» eux ^^. >>
A cet égard le roi avait si peu à redouter l'Angle^
terre et la Bourgogne^ ses anciennes ennemies , que le
▼aillant Talbot ^'^^ avec quatre mille arquebusiers an-
glais marcha sous lui contre Metz ^^^^ et que le duc de
Bourgogne non-seulement accorda le passage au dau-
phin , mais ordonna aux nombreuses hordes errantes
de joindre ses drapeaux. Les écorcheurs pesaient si
lourdement sur le pays , que toutes les autres considé-
rations cédèrent au désir de s'en débarrasser. Le
duc Philippe était trop éclairé pour croire à la
prompte conquête de villes comme Strasbourg et
Bâle ^^^ ou à l'inaction prolongée des princes alle-
mands en présence d'un danger imminent : ce qu'il
croyait, au contraire, c'est que plus l'armée était
considérable , plus on pouvait compter qu'elle se dé-
vorerait bientôt elle«-même.
Le dauphin avait auprès de lui comme principaux
chefs ^^^ Jacques d'Armagnac, comte de la Mardieet
*'^ L'Alsace, Metz, Tool et Verdun en faisaient partie.
"* « Que du reste il n'avait ancan dessein hostile à l'Empire. • Bëp-
portôxas Sehilter, 1002^ ss» De Barante , lu due» de Bourgogne, VIEt
189, 190. G. M.
»'• M. Telbe d'Angleterre. Fugger.
*** Le dauphin avait sous ses ordres une division de troupes anglaises
que le roi d'Angleterre lui avait donnée. Techudi. Matago était avec lui.
Ditcloe»
*>t On voit par la lettre de Staufen que le roi tenait surtout aux villes.
'** « Directeurs de la campagne. » Tuhudi,
LIVRE IV. CHAP. I. 85
de Perdriac*^^, son ami et compagnon d'enfance^**;
Antoine de Chabannes, comte deDammartin^ déjà
maréchal de France***, héros aussi loyal qu'on peut
l'être avec des passions violentes '^^ , alors dans la
force de lage^'^; Jean de Bueil, fort avancé dans
la ccmfiance du dauphin*^* et qui aspirait à s'assurer
le comté de Sancerre^ comme héritage maternel,
par les voies juridiques non moins que par une faveur
méritée^*®; Beaujeu, de la maison de Bourbon^ et
k bâtard de Beaujeu*^^; Arnold Âmanieu, seigneur
d'Albret et chef de la maison Dorval **^ ; le maréchal
de Culant *^ ; le noble Amauri d'Estissae '^, adjoint
par le roi au dauphin *^^, à qui dans tous les temps
>•< Nevea du comte régnant, mentionDé, n. 35€.
^* DtKloê, II, S95. En montant snr le trône il le créa duc de Ne-
mours, pair de France. Son exécution ( 1477) Ait moins injuste dans le
principe que cruelle dans les circonstances.
"* Depuis 1459.
'** Dueloi , 1 , 8 , 17 , 29 ; n , as. Il y a dans Ck>mines beaucoup de
diartes qui le concernent
"' Né en 1891, H mourut en 1488. Camines, I, 20, n. (édition in-
k* de Qodefroy , publiée par les soins de Lenglet du Fresnoy en 1747).
"* Son chef et lieutenant ReUiiion dans Schilter, 391.
^ Il l'obtinl en 141(1. jitt de vérifier U$ dates, 658.
*'* C'est ainsi que j'explique dans la Belaiion citée le « sire de Beauon ,
• du sang de France , de la famille de Borbon , » et je crois que c'était
Pierre de Beaujeu , frère du duc de Bourbon.
'*^ La Relation l'appelle aussi Beauon.
*** Art de vérifier <«• dates, 756; la Relationnel qu'il éUit aussi, du
vag de France. Son arrière-grand'mère était Marguerite de Bourbon ;
9o frères furent plus célèbres que lui. , -
'" Philippe de Gulant , sire de Jalogne. Relation, 915. On voit à cette
occasion que la Relation n'est pas toQt-à-fait contemporaine, ce guerrie
n'ayant reçu le bâton de maréchal qu'en 1455. Hénault.
'** • De Stiasac, seigneur du pays. » Rflation^^
*« Du€los,l,ii.
86 HISTOIRE DE LA SUISSE.
il demeura fidèle ^^ ; Joachim Rouhault ^^, impatient
de^se distinguer par des exploits ^^; Blanchefort,
Clermont , le jeune la Hire; de nobles Ecossais ^^,
riralisant pour mériter l'approbation du gendre de
leur roi ^9^ ; l'Espagnol Salazar^ non moins empressé
de donner des preuves de sa nouvelle fidélité ^^, que
le Lombard Yalperga ^^^ de réparer d'anciennes fau-
tes ^^^ ; les chefs les plus exercés , les plus redouta-
bles^^ de beaucoup de peuples. Âuniessus de tous
brillaient les cuirassiers ^^^. Le dauphin était entraîné
par la pditique, les grands par l'amour de la guerre,
la multitude par l'amour du pillage ^^^. La noblesse ,
ravie de leur approche, alla triomphante au-devant
••• u I, 1&, 80.
»7 Rouhand , Relatkm.
*"* Voy. pour FécUt de ses actions subséquentes, Cominês I, 1 A et 45.
N.
*** Dasay , Moatgomérj , Robin Petitlo (on reconnaît le Loch écossais).
Relation, 9H.
*^* Marguerite, épouse du dauphin, était fille da roi Jacques Stuart I.
En butte à la calomnie , elle mourut de chagrin , pendant cette cam-
pagne de Louis. Jrt <U vérifier les dates , 567. Ch, dans Ducios,
**ft U avait été auparavant avec Jean d'Armagnac Du/ski I, 29. Dës-
lors il servit avec distinction pendant bien des années.
«•> Relation, 914. Il était sénéchal de Toulouse.
*^* • Valpergue n'ayant pas la fermeté du dauphin. • Dwslos,
*^* «Là était le peuple armagnac avec toutes ses forces et ce que la
» France , la Bourgogne • ( de même que la Bretagne et la Gascogne ,
Relation, 914 ) • et l'Angleterre avaient de guerriers exercés et renon-
• mes. • Tschttdi,
*** • Là je vi^ plus de 5,000 cairassiers en «n seul corps ; Jamais
> homme n'a vu une plus magnifique troape de Français. > Sehamdo*
cher, 1. c.
^* • Chacun ne songeait qa'à son profit ; personne aux pauvres. •
Relation, 1001.
LIVRE rV, CHAP. 1. 87
de ses sauveurs*^; les villes, averties par là ^^*, les
États Alsaciens *^^, les princes d'Empire*'^ et main-
tenant le duc Sigismond lui-même , qui avait appelé
les Français*", les virent avec une grande inquié-
tude*^^ et concertèrent des mesures de sûreté.
Dès qu'on apprit à Bâle Tarrivée de l'armée puis-
sante du dauphin , le gouvernement s'occupa du dif-
ficile projet de défendre une place de plus de dix mille
pas de circuit *^^, et où la discorde de la noblesse et
de la bourgeoisie avait de tout temps divisé les partis
eomme le vaste fleuve divise la ville elle-même. Baie
entier, qui , d'une plaine fertile et gracieuse , s'élève
en amphithéâtre sur plusieurs collines, à l'angle où
le Rhin tourne subitement au nord-ouest , fut partagé
en cinq quartiers ; on transporta toutes les machines
sur les tours et les murailles ; on construisit un bou-
levard devant la porte la plus exposée*^*; on établit
**' ■ Elle aida en matlre. • 16. a Les gentilshommes traitèrent ma-
• gnifiquement le roi et le dauphin. • Schamdoelier. • Ils les reçurent
• honorablement, et les conduisirent volontairement dans leurs sei-
• gncuries et lenr pays. • Première Relation ^ 9t5.
M' « Od avait deviné le projet des souverains avant learakrivée,
• parce que les nobles n'avaient pu s'en taire. » fVurêtUen » â02.
*** L'évéque de Strasbourg avec la seigneurie de licbtenberg et les
chevaliers ; Reinbard de Niperg , chevalier , au nom des bailliages et des
villes impériales ; Tammeistre et le conseil de Strasbourg. Ligue de» Etats
dans Sekifter, 949. Elle appartient & Thistoire de 1489 • mais je la cite ,
parce qu'elle fait connaître l'organisation des Etats.
^* Le comte palatin, ceux de Bade, le margrave Albert de Brande-
bourg, l'âme de llïmpire. Fagger et Schamdoeher.
*«» T. V , p. 561.
**^ «On ne fit rien parce qu'on manquait de confiance. ■ Sehatndo"-
eker.
M« Le Grand-Bàle 7,500 , le Petit-Baie8,000. Uu.
M 4 Du c5té (lu Sundgau.
88 HISTOIRE DE LA SUISSE.
des moulins sur le Rhin par ordonnance ^^^; on amassa
du pain pour la consommation d'une année ; on pres-
crivit à chaque tribu, à chaque couvent , son devoir
pour tous les cas de danger de la part des ennemis
ou du feu ; on abattit ensuite autour de la ville toutes
les maisons, tous les arbres nuisibles à la vue ou
avantageux à Tennemi^ on barricada les portes^ à l'ex-
ception de deux *^®, et l'on mit partout des corps-de-
garde *^''.
Dans r Alsace , le Sundgau et la campagne de Baie,
la nature, comme pour étaler sa magnificence à
l'approche des étrangers , avait répandu une extraor-
dinaire surabondance ^'^ des plus beaux fruits; tout
l'été fut d'une beauté singulière ^^^. Au milieu de cette
active plénitude de la vie universelle, les hommes se
signalaient par les tristes jeux d'une ambition et d'une
cupidité insatiables,
La maison de Wurtemberg ne voulut pas ou le com-
mandant n'osa pas défendre , contre le dauphin, le bou-
levard du pays, M ontbéliard ^^^. Louis s'avança donc
sans obstacle par Altkirch, sur les pas rapides de
Rechberg^^*, dans la contrée de Baie, résolu de dé-
bloquer le fort de Farnsbourg et la ville de Zurich *^,
de châtier les Suisses, de rompre leur ligue, de ven-
**^ Parce qu'on pojDvaît détourner les autres rivières. Wm:9ti$9%.
**• La porte de Spalen et d'Aesch.
*'^ Chacun de 35 hommes. fVurstisen.
*^" On en avait bien rarement vu autant. Relation dans Sehilter, 948,
**' « Un charmant et bon été. • Ibid
*^^ Le dauphin estima que celui qui avait si facilement abandonné
une forteresse si solide méritait la corde. Crutioê, Chronique êouabe. II*
53, a.
*'* La lettre aux Zuricois ; mercredi après l'Ascension , dans BulUnger.
*'* La Relation dans Schilter, 915 , spécifie tout cela.
LIVRE IV. CHàP. I. 89
ger la noblesse , et de tirer parti de tous ces évënemeas
au profit de la France, et , selon les circonstances ,
au sien propre.
Four la première fois TEmpire germanique, dont
les mille seigneurs ^^^ se faisaient continuellement la
guerre à la tète de troupes insignifiantes , comprit
la puissance d'une armée unie comme celle qui de la
France s'avançait menaçante vers le Rhin. Les prin-
ces d'Autriche eux-mêmes virent* ces troupes auxiliai-
res avec inquiétude et défiance ^^^ ; les villes les dé-
testaient comme un fléau pour le pays *^^, comme des
ennemis du nom allemand et de Tordre civil. Ces
étrangers n'av^ent pour eux que la noblesse, aveuglée
par la passion, oubliant, pour le plaisir de se venger des
Suisses, rintérét commun et l'avenir. Car les Français
disaient ouvertement que le Rhin deviendrait leur fron-
tière ^^^ ; ils imposaient des contributions excessives
pour Tentretien de leur armée ^^"^ , emmenaient des ota-
ges, pour en obtenir le paiement ^^^, et, sans égard pour
^^ Tj comprends aussi les chevaliers. C'est dans ce sens qae le spi-
rituel auteur de Técrit Au Congrès de Btutadt (1798) compte dans
l*Eropire 1^92 seigneurs souverains. Ils ne Tétaient-pas même à Tépoque
4ont nous parlons, dans le sens lég&l du mol; mais chacun faisait,
comme à présent , ce qui lui convenait
*** Schamdoeher,
*^ Voy. la Ktarration hUiariqtu dans Schiltet sur Kônigsbofen , 949.
*^ Sckamdocker : « car le roi était venu plutôt en Alsace à cause de
Strasbourg qu'à cause des Suisses. • « Et hoc probabile erat. » MtdiuB,
p. 940 , éd. Pialor*
*^' La guerre des Armagnaeê dans Sefiilter, î 003 : ? Le roi demanda
> que l'on voulût recevoir en Alsace 26,000 hommes de garnison. •
Mtaiuê : 25,000. Cela s'accorderait assez bien avec le nombre adopté
^MalUt (HUt. dêi Suiêêes, t. H), de 14,000 Françaisel 8,000 Anglais,
Yoy. n. S72. = Mallet a pris ces deux nombres dans Duetos. G. M,
*'< La Narration citée n. 425, p. 948.
90 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
la pureté des mœurs nationales , profanaient tes égli-
ses et assouvissaient tous les caprices de la volupté ^^®.
Dans le Sundgau , bourgeois et paysans cherchèrent
à Baie la sûreté de leur honneur^ de leur vie et de
leur fortune; on y reçut tous ceux qui apportaient
du pain pour une année et cédaient leurs autres pro-
visions au Conseil à un prix raisonnable ^^^.
Les cris de la contrée se firent entendre au camp
devant Famsbourg; les audacieuses insultes de la
garnison confirmèrent la nouvelle de rapproche du
secours. Les messagers des Mlois firent des rapports si
incroyables sur ces forces inouïes que l'un d'eux fut mal-
traité**^, comme gagné par l'ennemi, et un autre,
accablé de railleries comme si la frayeur avait centu-
plé les objets. Dans cette opinion , dont ils négligèrent
de faire vérifier la justesse par des émissaires , les
chefe se bornèrent à demander des renforts au camp
de Zurich. Là aussi régnait une confiance si exagérée
dans la fortune passée , qu'on ne fit aucune tentative
pour terminer la guerre civile, et qu'au lieu d'une
levée générale , on se contenta d'envoyer devant
Farnsbourg un secours de six cents hommes ^*^. Les
*^* Un peuple foneste, méchailt, abominable, maudit, elc« TêchuM,
*" fVurstUen, p. 404.
*•* D'après Fugger, p. 552 , il fut transpercé.
^' 800,faomme8 de Berne ; 60 de Luceme et de Solenre ; 50 de Schwyx,
de Zoug et de Claris ; 40 d'Un et dUnterwalden. Tiekudi, Il j en eut
en tout 650. :zsM, de TiUier (II, 104), ajoute à ce récit, d'aprèis le
recès de la diète de Luceme du 14 juillet 1444 , que la nouvelle de
rapproche de l'armée française ne causa point de surprise dans le camp
des Confédérés qui assiégeaient Zurich ; dès le milieu de juillet on avait
convoqué une diète à Luceme pour le 2*0, afin de se concerter, ensuite
de pleins-poinroirs donnés par les États, sur la résistance qu'on oppo^i
serait à l'armée des Armagnacs. Dans le camp même les opinions étaient
divisées sur ce grand intérêt de la patrie qui voyait son indépendance
LIVRE IV. CHAP. 1. 91
Confédérés n'hésitèrent point à se mesurer, dans i*in-
térét de la patrie , avec une armée dix fois pjius forte.
Toutefois cette résolution ne fut prise qu'à l'heUre
d'un péril que Ton n'avait pas prévu ; autrement les
chefs y magistrats intelligens et bons citoyens ^ n'au^
raient pas remis le soin d'une si grande cause à la for-
tune d'une poignée d'hommes.
Limite occidentale de la Suisse , la chaîne non in-
terrompue du Jura , qui s'étend depuis le Rhône
jusque près du Rhin , finit non loin de Baie , sans
abaissement bien sensible , presque tout-à-coup ^^^.
Un intervalle la sépare des Vosges ; entre elle et la fo-
rêt Noire s'étend une large vallée entrecoupée d'une
multitude de collines formées par des alluvions ou
abaissées par les eaux. Le Jura, pauvre en sources,
comparativement aux Alpes, envoie à Baie le Birsig
et dans la contrée voisine la rivière plus considéra-
ble de la Birse* Le premier se forme des ruisseaux
qui arrosent la vallée de Laimenthal ; la seconde
a sa source à l'entrée du Val de Moutiers , près du
rocher que sans doute elle a percé la première et par
lequel les Césars ont ensuite pratiqué un passage ^^.
menacée ; les avojen de Berne et de Luceme^ Ulrich d'Erlach et Ulrich
de Hertenstein, af^poyés par les laodammanns Réding et Tscbudi , pro-
posèrent, assnre-l-on, délaisser 6,000 hommes devant Zurich et 1,000
devant Famsbonrg, et démarcher avec le reste de |l*année, fort de
14,000 hommes , à la rencontre da daaphîn. Une brillante victoire sur
Firmée française eût été le résultat probable de ce plan. Malheureuse-
aeol une opinion moins sage prévalut dans le conseil de la guerre.
CM.
*** De là elle se dirige à TOrient vers Schaffhoose ; elle se perd au
fond du Wurtemberg. Voy. les excellentes DUtertaiiom géognoatiqnu de
H,'C. EMheVf dans le t I de la Bibliothèque de //.-C. For^A
«* Pierre Partuis.
92 HISTOIRE DE LA SUISSE.
La fertile contrée autour de Bâie^ déjà si florissante sous
les anciens Romains, était parsemée de bea^x villages ;
les paysans qui les habitaient ne négligeaient aucune
occasion d'acquérir de seigneurs souvent nécessiteux
des libertés partielles ; les gentilshommes de la contrée
désiraient d'autant plus vivement le triomphe des rois-
Là où le sol s'étend d'abord en larges et agréables val-
lées, puis se rétrécit et s'élève avec le Hauenstein,
montagne assez haute du Jura ^ mais en partie nue et
en dissolution , le landgraviat du Sisgau , ayant Lies-
tal pour chef-lieu , pour habitans des gens de cœur ^^^>
avait moins d'importance aux yeux de son seigneur
que la forteresse assiégée de Famsbourg.
Dans le but de la débloquer, l'armée passa d'Altkirch
par Landscrone^ château de Burkhard Mpnch, ettrd-*
versa le Birsig et la Birse. Le Laimenthal, la vallée de
la Birse, toute la contrée depuis la viUe jusqu'à Ffeffin-
gen était couverte de troupes en marche; ce qu'on
voyait, et encore plus ce qu'on disait *^®, jeta les bour^
geois de Baie et les pères du concile dans une surprise
mêlée d'inquiétude. Le dauphin suivit les conseils du
chevalier expérimenté Jean de Rechberg, qui liy re-
présentait d'une manière exacte l'héroïsme des Suisses,
en même temps que l'infériorité disproportiqnnée de
leur nombre , et lui dit d'éviter une bataille où leurs
rangs seraient dépassés sans doute, mais où ils pour-
raient, par des actions inouïes, répandre le désprdre
*" Dépendans deB&le depuis i&oe ; t m, p. 356 ; le Sl«fa bftlois.
*^ On voit par le discours de Séevogel . qui De croyait pas exagérer,
que Farinée entière fut estimée à 100,000 hommes. Edlibach, Antoor
de la ville environ , S0,000 hommes « cbampoyoient monts et vaax. •
Pury, n, 450.
r
LIVRE TVi CMAP. 1» 93
dans son armée ; il conseilla de former^ au tontraire, de
nombreuses divisions qui livreraient aux Suisses des
attaques incessantes; ceux-ci ne vaincraient aucune
d'elles sans essuyer des pertes ; ils se fatigueraient donc
et s'épuiseraient eux-mêmes*^''. Pour explorer leur si-
tuation et leurs mouvemens , Louis envoya le comte de
Sancerre du Bueil *^* avec environ huit mille hommes**®
par la plaine de Mûnchenstdn. Sancerre passa au pied
du Wartenberg^ à l'extrémité du Jura, emplacement
peut^tre du Robur des Romains **^, et entra dans la
seigneurie des sires d'Eptingen, dans le village de
Prattelen^^S ^î^^^ ^^ V^^^ ^^ collines et au milieu de
charmantes prairies**^. Il fut appuyé par le maréchsd
comte de Dammartin , dont la division était d'un tiers
plus forte *** et qui passa ce jour à M uttenz ; le quar-
tier-général du dauphin était sur ses derrières, à Pfef-
fingen, château du comte de Thierstein; selon l'opi-
nion deRechberg, le dauphin devait, à la' tète d'une
troupe d'élite, surveiller l'ensemble, ordonner, encou-
rager^ appuyer***.
«•? BttUinger.
*^ Les Français rapportent eipressériient qae du Bneil on de Baeil
attaqua le premier les Suisses , et qu'il les troava dans la plaine de
Prattelen ( Ducios écrit Bottelen ). Tuhadi nomme Dammartin , ce qui
le concilie facilement : Dammartin avait , sous le Dauphin , le condl-
mandement en chef.
*»• T»ehuU.
**• T. I,p. 82.
M En 1441 le roi romain donna l'investiture de ce fief à Gdtz Henri ;
**> « Pratula. > Ce village est bâti au-dessus d'un faubourg on d'une
villa d'Augusta Raoracomm.
*«> Ttehudi.
'** Non que le Dauphin évitftt de 8*expofier, mais parce que la véri-
table place do général en chef était là.
94 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Les Bàlois^ comptant que les Suisses leur enverraient
un renfort ou les débloqueraient ^ députèrent vers eux^
ayant ces mouvemens ^^^^ HemmannSéevogeP^^^ mem-
bre du conseil^ chargé de leur représenter le danger
de voir Baie coupé, afin qu'ils accélérassent et dispo-
sassent prudemment leur marche. Les Suisses, dans la
persuasion que rien ne résistait à l'intrépidité^ se rail-
lèrent de l'avertissement. « Non , » dit l'envoyé, « Sée-
» vogel n'est pas un poltron ; mon rapport est exact;
» l'ennemi vient , il approche ; mais je reste avec vous,
M afin que vous voyiez si j'ai du cœur**''. »
Lorsque les Suisses reçurent de Liestal la nouvelle
que l'onnemi campait dans la plaine de Mûnehenstein,
tous les courages s'émurent d'un irrésistible désir d'en
venir aux mains. Les chefs demandèrent à l'armée as-
semblée « si elle se mettrait en marche ou attendrait
» l'ennemi ; l'un et l'autre plan, exécuté avec ensem-*
M ble, pourrait réussir. Ne serait-il pas prudent et
» glorieux de persister dans un siège si avancé, que
» cette armée puissante avait pour but de faire lever,
» et, si l'ennemi n'était pas détourné de son projet, de
» combattre ses forces supérieures sur ce terrain plus
» resserré et du haut de collines si diversement dispo-
« sées***? »> A ces mots, les soldats poussèrent de sau-
vages cris de désapprobation. (( Le Suisse, dirent-ils,
**^ On ne peut pas déterminer avec certitude à quel moment il fol
«nvoyé.
**• fVurêtUen, 408; ci-dessus, n. S51.
**' EdUbaeh,
*** Comme Têchudi dit positivement que celte opinion fut énoncée,
je rattribue aux chefs qui , ce jour-là , se montrèrent hommes inteiii-
^ens, et même Antoine Rûss, long-temps encore après , fit preuve de la
même intelligence à la guerre et dans les affaires.
LIVRE IV. CHAP, I. ' 95
» ne fait pas dépendre la bataille de Tennemi. Eh quoi !
>} si l'ennemi prenait un autre chemin ! . £h quoi ! s'il
» s'éloignait! Quelle honte d'avoir évité le combat! »
Le tumulte devint fureur ; plus d'espoir de maîtriser
la multitude. Les assiégeans de Farnsbourg étaient las
de -leur inaction ; les six cents voulaient .mander le
même jour au camp de Zurich leur arrivée et une vic-
toire ; les habitans de Liestal et de Wallcnbourg , éloi-
gner l'ennemi de l'entrée des. vallées. Comme il arrive
quand la volonté de la multitude l'emporte sur l'opi-
nion des chefs y on prit un parti intermédiaire : les
nouveaux venus et neuf cents hommes du camp furent
envoyés pendant la nuit à Prattelen pour explorer la
force et la situation de l'ennemi^ pour le tenter ^^^^
mais en évitant un combat en forme ; dans aucun cas
ils ne devaient se laisser attirer au-delà de la Birse. Ils
partirent brûlans d'ardeur ^^^^ hâtèrent leurs pas, ren-
contrèrent près de Prattelen un avant-poste de cent
chevaux.
Dès huit heures du matin ^^^, le 26 août de l'an
1444, il y eut une rencontre dans la plaine voisine
4*9 Ils devaient voir • si Ton ne pourrait pas leur donner nn croc-en^
jambes. » Tschudi,
^* Tschudi se sert d'un mot heureux qu'il a créé « mutbbrflnstig. »
Notre récit est tiré de la Chronique eanonteaU de Henri Pury de Bive ,
chanoine de NenchAtel (dans Boyve sur llndigénat^. Cet écrivain et
soD collègue Antoine de Ghamvirey arrivèrent le même soir de Bàle ver»
cette troupe ; ils y furent très-bien reçus par Albert de Tissot , vaillant
chevalier, chef de 50 NeucbAtelois qui avaient suivi la bannière de
Berne en qualité de combourgeois. « La bande était joyeuse et adv^^
> nante ; oncques se vit jouvenesse plus merveilleusement belle et ac-
* corte. » A toutes les représentations qu'ils firent , « un de messieurs le»
» Confédérés » répliqua i « Sy faut-il qu'ainsi soit fait, et ne pouvant^
• nous baillerons nos &mes à Dieu et nos corps aux Armagnacs. »
*<« J.-J. Hottinger, HUi. eeeUs. H, Ali.
96 HISTOIRE D£ LA SUISSE.
de Prattelen entre les Armagnacs et plus de quinze
cents Suisses ^^^. Jamais auparavant la tactique et Tart
des Suisses et des Français ne s'étaient mesurés en
pleine campagne. L'arrivée des Confédérés n'était pas
inattendue. Des signaux de Famsbourg et de rapides
cavaliers allemands , campés près de Seckingen ^r
l'ordre du iharéchal comte Dammartin^ avaient an-
noncé leur marche et leur nombre. Le maréchal lui-
même s'avança vers Prattelen^ développa sa division ^^'^
disposa cent chevaux pour attirer l'ennemi*^*, d'autres
pour appuyer les premiers^ d'autres encore pour pren-
dre les ennemis en flanc. C'est ainsi que Dammartin les
attendit dans les prairies. Ils vinrent ; Antoine Rûss,
9enri Matter ^^ et Hemmann Séevogel ordonnaient les
rangs> mais l'ardem* de combattre enflamma la multi-
tude*^®. Les cent chevaux ayant été renversés sans
peine^ un grand nombre se précipitèrent sur l'artille-
rie; elle était défendue; ils mirent en fuite les troupes
*&> D*après Têchudi seulement 1200 (proprement 1250; ci-de»so5
n. &3S ) ; d'après Félix Faber 4000, ce qui s'accorde moins avec les cir-
constances qu'avec son désir de représenter le malheur comme bien
considérable. Peut-être le bruit publie avait-il accrédité ce nombre que
Ton trouve aussi dans Hemmerlin, Sehamdocher et P. JErniUta; comme
il périt plus de 1500 hommes ( BdUbaek) , kVitrsiisen qui en estime
le nombre total i 1600 ou Sdbtutien Mànster {Cosmographie, 1. lUi
ch. 107) qui le porte à 1650, sont probablement le plus près de la
vérité.
^* U éloigne tous les gens du train. Tsehëdi.
*»« Edlibach.
*^^ Le premier, commandant de 600 LucemoÎ8(n. 550); CfMt,
Description du lac des Quatre Cantons; ( les autres Lucemois étaient soas
les ordres d'Antoine Uofstetter ) ; le second , Bernois . chef de la troupe
ia plu$ considérable , commandait les autres. Tsckudi»
*&• ■ C'est le cœur de l'homme , quç voulez -vous? • dit à rdccasioD
de pareilles scènes le maréchal de Saxe.
LIVRE IV. CHAP. I. 97
qui la défendaient ; ils avancèrent avec une force et une
impétuosité si formidables qu^ils déjouèrent les calculs
de Tart et qu'il ne resta au maréchal d'espoir de salut
que dans le nombre. S'étant retiré avec une perte
considérable ^^'^ dans sa position de M uttenz ^ il y re-
trouva des forces doubles sur un terrain muni de
retranchemens ^^^ ; ni cette circonstance ni la fati-
gue de la marche et du combat ne rendirent les Con*
fédérés dociles aux ordres de leurs chefs. On fait des
miracles quand on a la force de le vouloir : ils repous-
lërent au-delà de la Birse^^^ plus de milliers d'hommes
qu'ils ne comptaient eux-mêmes de centaines. Ils vi-
rent de la hauteur le champ au loin couvert de morts ;
près d'eux Baie occupé par une forte garnison; la
poussière soulevée par les fuyards caohait ce qui se
passait au-delà ; pour eux, encore an complet ^^®, fiers
d^avoîr conquis bannières, chevaux, caissons d'argent,
diariots de provisions et de munitions j ivres de leur
victoire, hors d'eux-mêmes*®^, rien ne put les arrêter;
ils voulurent traverser la Birse , sur le bord opposé de
**' Fugger et Wurtiiêen ne parlent que de qnarante hommes ; mais
TêchuU, d'une partie asaes considérable; une relation dans SchiUer,
d'une troupe passablement nombreuse ( p. 915 ) ; JR. T, MulUr, théâtre
JOM Pr. F,^- 217 , en fixe le nombre à quelques centaines, et Brukner
rapporte que la plupart des morts de cette armée sont enterrés dans la
plaine de Mdnchenstein.
^* MaiiuM ap. Pistor. III, 941 : « In colle prope pagum Mutis
• castra , quorum hodie évidentes videntur fossae. > Ces fosses sont pro-
bablement plus anciennes et elles n'ont certainement pas été creusées
par les Suisses.
*»• LeBirsrain.
^* Beaucoup de soldats furent blessés. Tschudi
*** m Nimium aodax juyentns. • Mutiiu,
VI. 7
98 HISTOIRE DE LA SUISSE.
laquelle six ceats hommes *®^ paraissaient les provo-
quer *^^.
Les troupes du maréchal, admirant Tennemi, mais
se confiant dans la grande supériorité de leur nombre
et dans la tactique de leur chef ^ réunies au corps d'ar-
mée du dauphin, s'arrêtèrent non loin de la rivière.
Le général envoya 8,000 hommes dans le hameau de
Gundoldingen, voisin de la ville et de Ste-Marguerite^
de peur que la garnison ne Rt une sortie, ne renforçât
l'ennemi ou ne le i^dût dans la ville.
Le commencement de ce mouvement fut aperçu du
haut des tours ; Bàle fit sortir aussitôt un mercenaire,
Fritz le strasbourgeois ^^^, qui remonta le Rhin : il
passa la Birse à la nage près de son embouchure, se
glissa inaperçu entre les roseaux et les saules ^^^, vint
vers les Suisses et les avertit. Baie, dans cette néces-
sité, avait accordé le droit de bourgeoisie à tous ceux
qui lui dévouaient leur vie^^^; trois mille de ses bour-
geois, sous les bannières des tiîbus, sortirent par la
poile de St-Âlban , dans l'espérance que les Suisses les
joindraient et entreraient dans la ville. Ennemis et amis
firent échouer ce plan.
Les premiers remarquèrent la sortie des bourgeois ;
une partie de leur aile gauche s'avança pour les séparer
*« EdUbaeh.
*** Les ennemb les nargaaieol et les provoquaient Tschudù
♦•* fVuiêtUen.
*" Muliui.
466 Brukner a une liste de S26 d'entr'eui : Jean Ebinger, de Stein;
Henri Peyer, de DûnkelsbOhl; frère Ueiox, d'Oetiingen, Angustin;
cinq Schreiber ; maître Mettershôn , le médecin ; Ower, de ScbalTboase,
fondeur de bouchons; Jean de la Scblésie, valet de Henri Ze Ilhyne;
Pierre Smepper, bedeau de rarcbiprétre; Gérard Brunnel, de Bour-
gogne ; Jean Uocbg^cmulh , de Fribourg en Uccblland , etc«
UVRE iV. CHAP. I. 9d
de la villew Les sentinelles des tours, voyant le danger,
poussèrent des cris et multiplièrent les signaux de dé-
tresse ^^ ; des messagers à cheval et à pied sortirent en
hâte; le bourgmestre Jean Rot somma les bourgeois,
au nom de rhonneur et du serment, de rentrer dans
leurs murs pour les défendre ^^. Les Confédérés se
trouvèrent dans le plus grand danger ; les bourgeois
revinrent tristement dans la ville.
Sur la hauteur qui domine la Birse, les chefs rappe-
lèrent Tordre reçu à leur départ de Farnsbourg ; ils
firent voir que la modération couronnerait Tœuvre de
ia journée, que leur exploit et Tavantage de leur posi-
tion ^^^ tiendraient Tennemi en échec et permettraient
d'attendre un renfort; ils adressèrent de sévères pa-
roles aux criak*ds, exigeant obéissance au nom de
rhonneur et du serment. Mais en vain. Comme pous-
sés par les ombres irritées des victimes maltraitées près
de St-Jacques sur la Sihl et des victimes égorgées près
de Greifensée^''^, les bataillons se précipitèrent tumul-
tuairement^'^^ dans la Birse, pour escalader le rivage
opposé sous le feu de l'artillerie ennemie et sous les
yeux d'une armée innombrable.
**' Scliamdocker,
*•• fVur$ti$«n,
Mt « In edenliove looo. • MuiiuM.
*'* Ced n'est pas ane figure employée par fhistorieD ; c'était Topinion
des deux années. Voyes comme Félix Faber, p. 6k, en rappelant les
oatrages commis envers Stfissi, montre la corrélation entre la faute et
laponitioD. H€mmerUn et BuUinger rapportent, et Tuhudi ne cèle pas
que snr le champ de bataille même , beaacoap s'écrièrent x • G Grei-
* fensée, la vengeance [est cruelle; aujourd'hui se vengent les braves
• gens de Greifensée. • Malheorensement Ital Réding ne se trouvait pai
là : « qaidqoid délirant reges , plectunlor Achivi. •
*'^ « Forîeiu et tout bruyamment. • Tnkmdi.
100 HISTOIRE DE LA SUISSE.
•
L'artillerie française joua tout entière à la fois^*^^.
Le chevalier Jean de Rechberg avec six cents cava-
liers allemands ^^^ que suivaient huit mille hommes de
cavalerie pesante *^*, toute la puissance des Armagnacs,
le corps d'armée de Louis, s'élancèrent impétueuse-
ment au milieu des rangs des Suisses et les rompirent.
Les Suisses, arrivés à travers la Birse et l'étang de
St-Âlban ^'^^ du côté de St-Jacques, avaient perdu en-
viron deux cents hommes , et ils s'efforçaient vaine-
ment de reformer leurs rangs. Leurs troupes ^''^ furent
séparées en deux parts; cinq cents hommes repoussés
dans une prairie entre les eaux de la rivière ^'}'^ et en-
veloppés subitement ; les autres^ forcés de se frayer à
travers l'ennemi un passage vers la ville ^^^. Dans ce
moment, comme nous l'avons déjà rapporté*, les Ba-
lois qui arrivaient à leur rencontre furent contraints
de rentrer en hâte ^'^^ dans leurs murs, attendu que les
hordes étrangères auxquelles on avait promis le pillage
*^ • Alors le dauphin fit partir contre eux tontes ses pièces. » Id.
*7S Edlibaeh.
*'* « Seigneurs, chevaliers, écujers avec lourds chevaux. • TachudL
47» Brukner,
*7* n paraît que les 600 hommes sous les ordres d'A. ROss et les 600
sous ceux de H. Matter formèrent le noyau de deux divisions à Tuoe
desquelles se joignit Séevogel et à l'autre d'autres personnages.
*" . Tout entourée par la Birse. • Ecrit de Hallwyl, pseudonyme,
selon TêchudL fVuniUen nie le fait , prétendant qu'on n'en trouve nulle
part aucune mention , p. 405 ; mais on en voit des traces dans une
relation recueillie par Schilter, p. 1002 ; Tsehudi et Buitinger l'ont donc
admis avec raison.
*'« TschudL
• La disposition de quelques parties de la narration est moins lucide
dans Muller que dans M. de Barantc , qui a pris notre historien pour
guide. Voy. Dues de Bourgogne, à* édiU t. VII, 193-205. C. M.
«^* LôBingen. Edlibaeh.
LIVRE IV. GHAP. I. 401
de Baie, guidées par des valets salariés qui connais-
saient les maisons opulentes ^^^^ descendaient en pleine
course de Ste-Marguerite vers la porte. Privés de ce
secours^ fatigués de la marche, fatigués de vaincre**',
sûrs de mourir, résolus, indomptés, les cinq cents pri-
rent possession du jardin et de la maladrerie de St-Jac-
ques : ceux-ci derrière leurs retranchemens, ceux-là
snr une prairie découverte, dans des situations diver-
ses, étaient exposés à une mort également certaine.
Le dauphin, honorant leur bravoure, et beaucoup
de généraux français, persuadés que nul ne mourrait
sans vengeance, désirèrent arriver à la paix au moyen
d'une capitulation. Mais le chevalier autrichien Pierre
de Môrsberg se jeta aux genoux du maréchal de Dam-
martin, et le conjura de tenir la promesse qu'il avait
faite de n'épargner personne**^. Ce qui lui dictait ce
langage, c'était l'excessive haine de la noblesse contre
les bourgeois et les paysans et l'espérance d'humilier
les Suisses.
Dans toutes les maisons de Baie, où l'on voyait le
péril, ce n'était que gémissemens sur l'impossibilité de
recevoir du secours**^. Dans la prairie, dans le ci-
metière, les Confédérés oublièrent et leur sort et ceux
qu'ils voyaient, songeant avec douleur à la position
de leurs compagnons d'armes, à des dangers qu'ils
De connaissaient pas***. Beaucoup déploraient sans
doute la fortune du jour compromise par une témérité
^ Dépôt ilian devant lesjugei iàh^ , dans Brakner,
*•* • Vîncendo fatîgali. • jEneas Sylviua. • Epuisés à force de vaia-
» cre. • Hénauit,
*"* Dépoiition devant Cofpeial, 16 &6, dans Brakner.
*'• Schamdœher,
»* Tuhudi,
lot} HISTOIRE DE JA SUISSE.
aveugle; d'autres, à l'entrée de la redoutable éternité,
jetaient un regard repentant sur mainte action auda-
cieuse de leur vie prête à disparaître. Mais toutes ces
impressions cédaient au sentiment de leur devoir do-
minant de se montrer à toute heure, et surtout à la
dernière, véritablement hommes dans le poste qui leur
était assigné. Les héros s'abandonnent à Dieu; les
hommes vulgaires croient échapper à leur destinée par
la bassesse *.
Plus heureux que leurs compagnons, qui, cernés
dans 1^ prairie ouverte, furent tués de loin ou écrasés
dans l'eau par la cavalerie ^^^, ceux qui s'étaient retirés
à St-Jacques, sans inquiétude sur eux-mêmes, résolus
de mourir *^^, repoussèrent trois fois l'assaut trois fois
renouvelé ; ils firent une double sortie avec des efforts
surnaturels ^^'^y semant autour d'eux la terreur et la
mort. L'ennemi étonné céda ; mais à la fin , enflammé
par les reproches de la noblesse allemande ***, le grand-
* Cela ne leur réassit pas pour long-temps. Le faible qui a^abandoDoe
Iftchement est t6t ou tard perdo. La coaardise da Corps f^égislatif helvé-
tîqoe et d'une partie du Directoire en janvier, février» mars, avril et mai
1799 flt perdre en un moment à THelvétie tous les avantages qu'elle
aurait pu retirer de Tunité. En développant à propos de l'énergie»
elle eût repris une place honorable , rallié peut-être ses enfans égarés »
qui méprisèrent justement sa faiblesse. D. L. H.
*'^ BuUinger, Edlihach dit que beaucoup se noyèrent.
*" « Ut qui non in spem victoriae , sed in mortis ultionem pugnare se
» sciunt »
*•' Haf/ir^/|néme, leur ennemi, écrit : « Les paysans se défendirent
a bien chevaleresquement ; » et Sehamdocher , témoin oculaire : «I^
» Suisses combattirent comme des hommes , se défendirent comme des
» héros et se firent tuer chevaleresquement. »
*>* Le même : « Ua Français éuient fort affligés et voulaient laisser là
t leur ennemi , lorsque les Allemands les excitèrent par des injor^
» redoublées. •
LIVRE IV. CHAP. I. 103
mahre des chevaliers de St-Jean ^^^ et beaucoup d'au-
tres seigneurs distingués à la cour ^^ et dans Tarmée
tentèrent de tous les côtés et de toutes les manières une
attaque décisive. L'artillerie française fit croule^ jus-
qu'à ses fonderaens les murs du jardin de la maladre-
rie, rempart des Confédérés ; du côté opposé^ les Fran-
çais aidèrent aux chevaliers teutoniques à monter par-
dessus les murs *^^ ; ceux-ci mirent le feu à la chapelle^
à la maladrerie et à la tour dont les Suisses avaient dé-
noli l'escalier ^^, tandis que de tous côtés pénétrait , en
nombre irrésistible*^^, la cavalerie des Armagnacs, obli-
gée par ses pertes *•* et par l'ordre des chefs *^^ de com-^
battre à pied. Quatre-vingt-dix-neuf hommes , séparés
de leurs frères par la flamme, furent trouvés , bien des
semaines après, sous la voûte de la cave, étouffés, des-
séchés^ debout contre les murailles *^^. Tous les au-
tres ^^^ lions à l'heure de la mort, insensibles à la dou-
48* D'af.ros Scitamdocher , un comte Armagnac. Mais celui-ci ne péril
pas, comme on le rapporte ordinairement da premier. Sehamdocher
peut avoir commis une méprise ou une erreur de mémoire.
«•• « Un duc d'Ecosse , singulièrement cher au roi Charles, t Tsehadi,
**> Schamdoeher,
**< Edtibaeh. BuUinger mande que cette tour renfermait un dépôt
de poudre.
**' Ils furent dépassés en nombre. Relation dans Schilier , 915.
f«ggw-
*** • Magna c«des equorum fuit t MntM SylviuM,
^* Sehamdocher: • Le même officier (n. 489) fit donner le signal
• ponr que ses gens missent pied à terre. »
*** « Tabefacta corpora utidola in stuporem ammirantinm. » Félix
Fêber, Le bon moine ajoute : t Sicque eos de igné temporali ad ignem
. gebennalem fugere compulenmt , sicut sodomitis accidit t Mais une
choHiOH satirique, citée par Ttchudi 499, dit : «Que personne ne prie
• ponr les Saisses ; plût à Dieu qu'ils fussent en enfer ! a
*97 « Snitenses , quasi leones , per omnem exercitum in victores va •
« gantar. v Jb^ag Sylviu$.
404 HISTOIRE DE LA SUISSE.
leur^ à la pesanteur des trai^ suspendus à leur corps ^^,
triomphant de i'a£FaibUssement causé par la perte de
leur sang , frappaient d'estoc et de taille^ tiraient à
droite et à gauche^ même des flèches arrachées de leurs
blessures*®^, celui-ci avec la seulemainqui lui restait ^^,
celui-là appuyé sur ses genoux^ un autre sur son bras ;
nul d'entre eux ne se soumit à la mort sans avoir étendu
autour de lui cinq ou six ennemis ^^ ; maint autre
était tombé bien avant dans les rangs opposés ; Tami
blessé qui rapportait le corps de son ami se frayait un
chemin au milieu des cadavres ^^^. Après dix heures de
combat ^^^^ à l'exception de dix hommes ^^^ qu'au pas-
sage de la Birse, sous le premier feu de l'artillerie en-
nemie, le hasard avait séparés et sauvés ^^^, tous les
Confédérés postés près de St-Jacques ou dans la prairie,
onze cents quatre-vingt-dix hommes ^^ couvraient le
*" « Onosti telis inter Ânoenicos currebant. a I(L
*'* « Evellebant sangninolentas ex corporibus suis sagittas. •
»oo . Truncatîs manibus. »
^^^ TiehudL Noos verrons qu'il ne dit pas assez.
^*' Mneoi Syloius,
^*> Depuis huit heures du malin. fVuvtUen,
"* TnhudL
^*^ Ballmger et Haffner en comptent 16 ; le premier ajoute qu'ib
furent dégradés civilement , et que les personnes qui intercédèrent pour
eux ne leur laissèrent la vie qu'à grand'peine. Cette assertion n'est point
contredite par l'exemple de ceux qui obtinrent ensuite les premières
magistratures dans leurs cantons , mais du nombre des 52 qui . selon
Tichudi, furent guéris à Bâle de blessures en partie très-graves. Les pa-
piers remis aux arbitres en 1446 et cités par Brukner nous apprennent
qu'il y en eut qui se retirèrent du c6té de Rheinfelden , probablement
d'entre ceux qui furent séparés de l'armée tout au commencement de la
bataille. .£neas aussi rapporte i pancos fuga dilapsos. •
B** Tsehudi ne compte pas les 99 qui moururent dans la cave ( n. 496 ),
non plus peut-être ceux de la prairie; l'opinion commune est qu'il en
péril plus de quinze cents; c'est ce que rapportent Sthamdocher, témoÎD
LIVRE IV. GHAP. I. lOÔ
champ de bataille , grièvement blessés ou morts; la
plaine entière depuis Prattelen jusqu'au théâtre des
dernières souffrances était jonchée de onze cents che-
vaux et de huit mille hommes tués^^. Là tombèrent
auprès de JostRéding, leur capitaine ^ frère du kn-
dammann , les hommes de Schwyz ^^ ; dix respi-
raient encore; im d'eux eut le cœur de survivre à
ses compagnons d'armes ; aucune blessure ne le jus-
tifiait ; tant qu'il vécut , la haine et la honte furent
son partage ^^^. Là le sang de Rodolphe Netsialer
ternit ou plutôt releva l'éclat des perles de sa double
croix ^^^. Près de ce capitaine^ gendre de Jost Réding,
gisait le fils d\i landammann Tschudi, émule de la
ocolaîre» T$ehaektlan, Bernois, le Zaricois Edl^bach , Mûmtsr, de BMe,
Eaffner, de Solenre. Une des Relations dans Sehilier (p. 1003) ne parle
qoe de liOO. Mais Hallwjl, qui n'assista pas lui-même à la balaille, en
porte le nombre à 4>000 dans le rapport qu'il adressa le lendemain \
Zurich , d'après le dire de Rechberg. C'est là sans contredit qa^JEneag
SyUfiuê (Reê geêtœ êub Friderico; ap. Freher. II , 185 , éd. Struv.) a pris
ce nombre , copié ensuite par Daniel et par d'autres. Amelgard, mieux
înstmit, le réduit à 2,000. (Notices et extraits des M se. de la Bibliothèque
dm, Roi. I , il26 ) = Voj. sur ce point Oehs, Hist. de Bâte, m , 879-SS4.
C» M*
**7 Ce nombre est dans Tschudi. TsehachtUm , 3,000 ; BulUnger, 6,000.
Quant à la force de l'ennemi, nous sommes d'autant plus disposé à croire
lYCC Munster et le Protocole municipal de Bàle, cité par Brutcner, qu'il
avait 30,000 hommes, qu'un écrivain do parti opposé , £nêas (1. c)
est d'accord avec cette donnée. = Voj. sur le nombre des ennemis,
Oehs, III, ^kk et 36d. G. M.
^** Tschudi en donne la liste , extraite des annuaires. Là se trouve
aossi Wagner , peut-élre l'historien , fils du landammann ; 'Martin
Sehomo, JeanJûlz, Zwyer,Schik, Fr5wler; ces noms font voir que
mainte ancienne famille appartenait à plus d'un canton.
^*' C'est de lui, sans doute, que parle Mutius, 941 ; mais il ajoute
par erreur : « Supplicium ab eo sumptum > (voy. n. 505).
**' « Il portait deux croix blanches de peries et il eut le courage de
■ combattre, t Chanson satirique des Auirichiens.
106 HISTOIRE DE LA SUISSE.
▼ertu de son pére^'^, et, récoBcilië maintenant avec
son chef, Ulrich Loriti , qui , avant le passage de la
Birse, taxait sa modération de couardise ^^^ ; de tous
les miliciens et les mercenaires de Claris ^^^^ le seul
Wemer ^bli, de la patriotique famille de Kilchmat*
ten^^*, couvert de sept blessures, respirait encore avec
peine; il ne mourut pas, mais atteignit une haute
vieillesse, témoin de cette journée et chef de son peu-
ple. Courageux comme dans les diètes, où il défendait
les intérêts du pays, périt avec sa troupe le capitaine
d'Uri , Arnold Schik ; là moururent aussi deux
Zweyer, d'Evebach, trois Imhof de Blumenfeld , frères
pendant leur vie, inséparables encore sur le champ du
carnage ^^^. Non loin d'eux mordirent la poussière
Jean Matter, chef des Bernois, et Hemmann Séevo-
gel ^'•, l'un avec six cents compagnons, l'autre avec les
guerriers de Liestal et de Wallenbourg j le jeune Mé-
rian ^''', le jeune André Falkner, ami de la liberté,
'1* Conrad Tschudi.
^* Loriti dit an capitaine que « s'il Toolaît faire le lâche . il n*avait
• qn'à 86 retirer. » NeiitaUr répUqaa : « Misérable vermiaseao , je ne
• serai pas lâche à tes yenx, je venx vivre avec honneur on mourir. »
Ttehudi.
^^^ Tsehudi en donne la liste. Nous y trouvons trois Loriti, dont un
boulange; nons en faisons Tobservation en Thonnenr du cél6bre litté-
rateur * Glareanns , petit-fils de l'un d'eux; de plus Elmer, PrdwUr,
IluppkoH, Jacqnes Gallaii , Rod. SUtki, Pourquoi Claris ayait-il des
mercenaires? Sa milice était-elle trop peu nombreuse? ou bien l'indus-
trie l'emportai t-el le alors déjà?
"* Ttehnd*.
^^^ La liste se lit sans doute dans Tachudi, mais voy. F. F. Sehmîd,
lliêt. é^Vri, II, 99. nenri Mettler, d*Urseren , en était aussL
**• Brukner.
^'7 II n'était sûrement pas fils, mais plutôt frère de Diebold , maire
de LOtistorf, souche des Mérian, puisque celui-cî ne naquit qu'en 1409
LIVRE lY. CHAP* I. 107
quoique noble de naissance ^'^ ; Burkhard Ehrenfels^
au contraire^ n'eut pas le bonheur de finir avec ses
amis^^^. On comptait aussi deux cents soixante Soleu-
rois parmi les morts ^^. Les Unterwaldiens ^^^ mouru-
rent consolés , vengeurs du droit des gens ; leur cour*
rier ^^, porteur de la déclaration de guerre ^^*, avait
été tué au moment où les ennemis pénétraient dans
le pays. Cet acte fut probablement commis par des
gentilshommes allemands , qui ^ insensibles au mérite
et à la vraie noblesse ^^*y sans sympathie pour la vie
innocente et même pour Théroisme des Suisses , ne
voyaient en eux que des paysans ^^ déchus des droits
de rhumanité * ; aussi dit-on que Jean de Rechberg
(Lcv)^ et qu'il ne se maria probablement pas , contrairement anx mœurs
4'alors, à r^ige de 18 91ns.
*t» Ecnyer. Brukner,
»i* Comme il fat pris au bord dé la Birse , Falkensteîn , poQr quelque
raison particulière sans doute , le fit taxer et l'acheta. Sa dépositùm
devant l'offieialg 1446.
«M Brukner. HafTner déplore avec raison de n'en avoir pas trouvé la
liste. U est probable qu'ils vinrent du camp de Famsbonrg.
^** La liste dans Tichudi et dans Buesinger et Zelger, HUt, d'Unter-'
walden, II, ^7. Je remarque le capitaine Rod. Brendli; ensuite André
Traehsel , Jacques Rûllitnann , Rod. TwingU , Pierre Ghrittan , deux frères
Flueler, Mercbi Aekermann,
^^ Jeannot Scbmid , de Stanz. Buesinger et Zelger,
*** On lit dans la liste : « Il porta la déclaration de guerre à Ensisheim
• et fiU tué. » Passage remarquable ! il fait voir que de la part des Con-
fédérés eut lieu une déclaration de guerre , dont on ne connaît d'ailleurs
aocune circonstance.
**^ Ses caractères primitifs étaient la possession territoriale et 'l'obli-
gation de la défense , qui en résultait et qui formait cbes les Suisses
l'essence de la vie nationale.
*^ Hallwyi ne les appelle pas autrement Les t sfles paysans • dans
la Chanson aatriehienne,
* Après ce jugement plein de sagesse, on a lieu de s'étonner de l'afiec-
tation que met l'historien k parler des généalogies de familles patri-
108 HISTOIRE DE LA SUISSE.
en égorgea plusieurs qai, sur la foi de sa parole^ avaient
déposé les armes ^®, qu'il en maltraita d'autres et rom-
pit le cou à des blessés *^''. Un des principaux négocia-
teurs de la guerre, qui avait conduit les étrangers, non
à la bataille, mais dans son pays ^^® (car pendant la mê-
lée il resta en observation ^® dans le château avancé de
M ûnchenstein ^^^), Burkhard M ônch de Landscrone ^^*,
chevauchant avec d'autres chevaliers et gentilshommes
au milieu de ces grands cadavres ^^^, aperçut un héros
agonisant ^^^, crut lui rendre les derniers momens
ciennes dont l'illtistration se trouve circonscrite dans une circonférence
de quelques lieues. Les grandes actions seules donnent de l'iatérét à de
pareilles recherches. D. L. H.
^'^ Documens présentés aux arbitres i&46.
^^^ Tschudi 425. Ces atrocités sont conformes aux mœurs d'alors
(t. V, p. 876-), et prouvent seulement que la noblesse ne l'emportait
pas sur les paysans en humanité. ?=% Voici quelques traits qui peignent
cette époque. Les gentilshommes et la soldalesque enfermés dans le
château de Farnsbourg commettaient envers les B&lois des cruautés
inouïes.«La femme d'un pauvre soldat , leur prisonnier, n'ayant apporté
que la moitié de la rançon eiigée , ils coupèrent la tête à son mari , en
sa présence. Elle mit les mains sur ses yeux pour ne pas voir ce specta-
cle; ils les lui otërent pour la forcer à regarder le cadavre. Un autre
pauvre paysan n'ayant pu leur donner tout ce qu'ils demandaient , ils
lui coupèrent les mains sous les yeux de sa femme , les mirent dans un
panier qu'ils l'obligèrent de porter à Liestal. Oehs, Hist. de Bâle, 111,
327, 828. G. M.
, *'* Il ne fut capitaine que pour ce fait , selon Schamdocher , qui du
reste raconte ces événemens d'une manière inexacte.
»s* Probablement auprès du dauphin , aGn de lui servir à tout événe-
ment de guide par les chemins qu'il connaissait.
*'^^ Déposition d*Ehrenfels devant Vofpcial. George de Knôringen était
aussi auprès de lui.
*** Seigneur hypothécaire de Landesehre et seigneur d*Âugenstein
{Leu) ; il tirait ordinairement son nom de la seigneurie de Landscrone.
Relation dans Schilter, p. 1002.
*** BuUinger : « Ils contemplèrent ces corps vigoureux. »
"» Du capitaine Arnold Schik , d'Un , dit-on. Schmid, 11 , 98.
LIVRE IV. CHAP. I. 109
plus amers par des outrages et s'écria avec des éclats
de rire : ce Nous nous baignons aujourd'hui dans des
» roses. » La colère ralluma la vie du héros expirant :
« Avale une des roses, » s'écria-t-il , lançant avec vi-
gueur et adresse ^^* une pierre au chevalier qui avait
levé sa visière; la pierre lui écrasa les yeux, le nez
et la bouche. Privé de la vue et de la parole, messire
Burkhard tomba de cheval ; en proie aux souffrances ,
il attendit la mort pendant trois jours ^^^, et il ne fut
point déposé dans la sépulture de ses pères ^^^.
Supérieur en pareille matière aux préjugés et ac-
coutumé à ne pas estimer les hommes d'après leur
nom et les circonstances accidentelles, mais d'après
leur personne et leur mérite, n'oubliant pas au milieu
des événemens du jour les vicissitudes du sort, le dau-«
phin jura n'avoir jamais vu de tels hommes ni remporté
une victoire semblable qui le réduisait à déplorer non-
seulement une perte considérable de ses troupes, mais
encore la ruine de l'ennemi ^^'^. Dammartin, Sancerre,
tous les chefs et les conseillers, les pères et les hommes
d'affaires du concile de Baie ^^^, que le sort avait si di-
versement rassemblés dans ces lieux des extrémités
de l'Europe, payèrent un tribut unanime d'admiration
•SA Gomme celui qui dans Bàle lacça à Werner de Staufen une pierre
qoi ratteignit aa flanc et le désarçonna. Déposition d'Ehrenfels,
•*• Sehamdocher ; Hallwyli Relation âdxis Schilter ; Taehudi; BuiUnger;
tous les historiens de cette bataille.
»»• fVurtiiHn , 406.
**' Dzns Schilier , i002. Tschadi : • 11 souhaita plusieurs fois qu'ils
m fussent encore en vie et servissent sous les drapeaux de son père pour
• une forte solde. Il déclara sur sa conscience qu'il n'avait jamais ouï
• parler d'un peuple plus dur et qu'il ne voulait pas le tenter davantage. »
•<• Tschadi, 427. ^neas était à Nuremberg. Dueloi I, ai.
110 HlSTOlRB DE hk SUISSB.
aux héros suisses , de sorte que leur uom , vainemeui
outragé par les chevaliers souabes ^^^^ grandit encore
dans les pays étrangers *.
C'est là la journée de St- Jacques sur la Birse** que
des historiens étrangers ont comparée^ préférée même
au combat des Thermopyles **®. En effet, elle com-
mença par des fautes qu'une telle issue pouvait seule
réparer ^^ ; la première imprudence ayant frayé à l'en-
nemi le chemin de la victoire et l'entrée du pays^ les Suis-
ses formèrent de leurs cadavres un rempart qui l'arrêta
bien mieux que la plus forte muraille ; la mort sur les
rives de la Birse fut même plus glorieuse que la vic-
toire sur les rives de la Sihl. Le succès est souvent
accordé à la puissance , mais une pareille volonté ne
l'est qu'à la vertu ^^^. Que tous les peuples libres dont
l'indépendance est menacée apprennent des héros
de la Birse le secret de rester invincibles ! Si nous»
avions été unanimes ^^^ à mourir ainsi ^ les étrangers
«
'** La ehansoH êatirique des AutriehièiU est dans TtehudL
* Voyez Appendice note B.
** Les lectenis curieux de plus de détails sur ce fait mémorable en
trouveront dans Oehs, Hut. de Bàle, III, 919-385. G. M.
^** • Gedite , Thermopylae : Basileam pugna célébrât
• Marlia ; Germania cedite Grajugene :
» Uic major virtus , minor ut ât calcnlus ; faoslis
• Gallus atrox armîs , Persa ibi mollis erat
Miroir d^ honneur ^Autriche, p. 5&S.
*** « Suitenses nolla res magis exatinzit qoam magnanlmitas , «Te
» illa temeritas fuit. • JBnea$. L'insubordination est la perle de U
victoire. TechudL
^*' La vertu se compose de sacrifices , et sa force consbte dans la
résolution d'être à chaque poste et dans chaque cas ce que l'on doit
être.
^*> Dans le canton de Schwys, près de Stanzstad et dans beaucoop
UYRE IV. CHAP. I. ' m
venus pour nous piller auraient fait un mauvais caU
cul
*
(f antres reocontres, quelques troupes et quelques hommes de notre
temps ont combattu en descendans de ces héros.
* Sans doute : mais avant tout il fallait que tous les Suisses devenus
égaux fassent bien persuadés qu'ils combattaient, non pour des patri-
ciens y mais pour une commune patrie. D. L. U.
112 HISTOIRE DE LA SUISSE.
oo<x>o<>o<xxx>oo<x><>;x><xx>ooooo<xx>ooo<>^o<xx>CK^^
CHAPITRE II.
LES DERNIÈRES ANNEES DE LA GUERRE DES CONFEDERES
I
CX>NTRE ZURICH ET l' AUTRICHE.
Suites de la bataille. Paix conclue à Ensisheim avec les Français.
On l'annonce à l'Empereur. Continuation de la guerre intérieure.
— Guerre de Bâie. La noblesse expulsée en partie. Le château
de Rheinfelden. — Guerre suisse. Combat prés ^e Wollerau.
Exploit prés de Wigoltingen. Bataille de Ragaz. Projet contre
Bade. — Situation des affaires. Commencement des négocia-
tions. Congrès de Constance. Préliminaires de la paix. ï^égocia-
tions à l'intérieur. Prononcé d'Argun. Suite des négopiations.
Prononcé de Bubenberg.
[1444 — 1450.]
* Tandis que près de Bàle les cadavres des nobles
étaient rassemblés dans des sépultures du voisinage ^,
les simples guerriers , brûlés dans des maisons ou en
* D'après le droit de la guerre et en signe de yfctoire , le Dauphin resta
sur le champ de bataille jusqu'au troisième jour. Là il créa chevaliers
quelques Allemands , enchantés que ce prince fût venu dans leur pays.
Mais leur joio se modéra bientôt II leur flt si honnêtement payer leur
cheyalerie qu'au bout de huit jours il n'en restait plus un seul auprès
de lui. Les Allemands exercèrent leur vengeance même sur les ca-
davres des Confédérés : ils leur ouvraient le cou ou leur arrachaient la
gorge. Les Armagnacs eux-mêmes les en accusèrent du moins. Ockt W,
585 y 386. G. M*
* A Arlesheim , Rheinach , Esch. fVursiisen.
LIVRE IV. CHAP. II. 143
grands monceaux ^^ et que des ordres religieux, des
magistrats y des femmes de bourgeois sortaient en grand
nombre de la ville, sur l'offre de Louis, pour ensevelir
les hëros suisses dans le sol doublement sacré où ils
étaient morts , ou ailleurs en terre sainte ^, et afin de
sauver ceux qui respiraient encore ^, les Bernois et les
Soleurois rappelèrent leurs troupes campées devant
Zurich et Famsbourg. Un bruit qui se répandit leur
fit craindre que les principales forces de la France et
de la Bourgogne, sous les ordres de Charles et de Phi*
lippe , ne s'approchassent de leurs propres frontières.
Au camp de Famsbourg on attendait le retour des
quinze cents hommes envoyés pour reconnaître la po-
sition , lorsque des paysans fugitifs , dont les Arma-
gnacs et leurs compagnons avaient dévasté les villa-
ges ^^ apportèrent de nuit la nouvelle de la bataille,
du massacre , et du nombre prodigieux des ennemis.
A ce moment, étourdis par la douleur , entraînés par
k crainte , rompant tout ordre , tous remontèrent en
eonrant le Grimmenthal ^, du côté du Hauenstein et
de Hombourg avec une si grande précipitation qu'ils
n'écoutéreut point les Lucernois "^ qui les exhortaient
à sauver leur artillerie et celle de Bâle ^, à régulariser
> Têe/mdû Fafw mentionne aussi ce fait, mais il l'attribue aux
Smases , contrairement à tout l'ensemble des circonstances.
* Près d'une chapelle devant la porte d'Aescben dans la ville. Brukner.
^ Têekudi, 52 ; Munster, 150.
^ Déclaration de Jean Knôbel, intendant da prévôt du clwpitre d'Jndiaa.
Bnkner, 2558.
* La route par Zeglingen ; celle du Bukten était alors encore plus
mauvaise.
' Plus éloignés de la frontière , ils n'étaient pas immédiatement ex«
pMés au danger.
* fVuntiêen.
VI, 8
114 HISTOIRE DE LA SUISSE.
et à couvrir leur retraite. Thûring de Hall^yl ^ se
hâta^^ d^écrire. ces faits à Zurich; son courrier , soi*
gneusement instruit^ entra dés le second jour ^^ de boa
matin dans la ville sans être aperçu. Sur-le-champ ,
toutes les cloches^ grandes et petites, muettes depuis
plusieurs semaines, furent mises en branle à la fois,
et les gardiens de toutes les tours firent retentir
trompettes et timbales ; des chants de joie animèrent
toutes les rues de la ville ^^. Ce bruit frappa les as^
siégeans, qui en ignoraient la cause; ils distinguèrent
dans les insultes et les railleries des soldats les noms
de la Birse et de Farnsbourg ^^. Au milieu de cette in-
quiétude le courrier de Bàle les surprit avec la nouvelle
de la mort glorieuse de l'armée. Les cris de désespoir
et d^admiration se confondaient encore quand le cour-
rier de la ville de Berae annonça l'approche de toutes
les forces de la France et Tordre d'un prompt retour.
Lçs Suisses des cantons intérieurs représentèrent en
vain que la levée prématurée du siège augmenterait
le courage des ennemis et que la guerre contre Liods
ou son père serait bien plus dangereuse , l'armée une
fois dissoute. L'incertitude sur les périls dont on était
' Rechberg , selon Edliback, ce qui n'est pas exact.
** Le fond de la rclallon est conforme à la vérité; dans les détails se
retrouve l'exagération des premiers bruits.
'* Vendredi matin. De Seckingen à Zoricfa il y a enyiron doose
lieaes.
*> Se pavaner, boire et manger, 6gorer et chanter à haute voiiik
Edlibach.
** Quelqnes-nns, poussés par la curiosité, coururent vers la ville
( Edlibach ) et demandèrent : « Combien coûte chci vous une bouteille
de vin, que vous êtes si joyeux? » Réponse : « Ce que coûte devant Farnâ-
houTg une bouteille de sang. > Ballinger, = Les Zuricois criaient amt
Suisses par-dessus les murailles : « Allez à Bàle pour saler de la chair»
cheircbez vos gens qui oni été tués. • Oehê. HI , S90, G. M.
LIVRB IV. CHAP. II. * 115
menacé par la France y rÂUemagne et la Bourgogne >
fit prévaloir le parti de ne pas attendre que la dévas-
tation du territoire de Berne et de Soleure et le trou-
ble qui en naîtrait permissent à Tennemi de couper les
vivres destinés au camp^ et de Tépuiser en le forçant
de combattre tout ensemble Zurich et les Armagnacs ;
<m résolut donc de retourner en aussi bon ordre que
possible dans les villes et les Gantons^ afin de rassem-
bler de nouvelles forces et de se tenir prêt à tout évé-
nement. L'artillerie des Bernois et des Lucernois fut
transportée par la Limmat à Bade. Les bannières de
Berne et- de Soleure campèrent dans une position cen-
trale près de Lenzbourg en Ârgovie^^. Les troupes
des autres Gantons passèrent la Sihl y TAlbis^ la Rebst^
et se séparèrent près de Wettschwyl ; celles de Zoug
et de Lucerne prirent position ^ le reste retourna dans
les Gantons. L'arriére-garde ^ voyant les assiégés dis-
posés à faire une sortie^ ne leva pas entièrement le
camp^ mais laissa dans les tentes des objets imjportans
et des objets superflus ^^ ; elle rompit ses rangs dans
h montagne^ l'ennemi l'en punit par une défaite
méritée ^•.
Peu de jours après la bataille de St.- Jacques, le
dauphin reçut par la médiation du duc Louis de Sa^
voie^'' une députation composée de deux cardinaux,
de Tévèque de Bàle , du bourgmestre Jean Rot , du
tribun André Ospernelle et d'autres hommes considé-
» D'après la lettre écrite de là trois jours après. Sckmid, HUt d^Uri^
U, 401.
*' Cartes, dés, arquebuses, argenU BuLUnger.
** 60 hommes. Id»
*' Fils da pape élo par le concile^
116 HISTOIRE PB LÀ SUISSE.
rés'^ ; elle le pria^ au nom du concile et de la Tille>
d'épargner à Baie un traitement hostile et injuste*
Comme il leur montrait de la bienveillance et leur as-
surait qu'il ne marchait contre les Suisses que pour
secourir la maison d'Autriche , on parla de ce peuple,
de son invincible bravoure, de sa pauvreté., de son
pays sans routes , de telle façon que Louis résolut en
lui-même de ne pas continuer la guerre ; il crut avoir
rempli sa mission en faisant lever les sièges de Fams-
bourg et de Zurich* Tandis que l'évéque se rendait en
hâte à Villingen pour obtenir une déclaration sembla-
ble du duc Albert , chargé par son frère , le roi romain,
de l'administration de l'Autriche antérieure ^^, le dau-
phin se retira dans la haute Alsace, à Einsisheim. Son
armée ; renforcée ^^ par de nouvelles troupes dont la
France venait de se débarrasser, fut répartie en fortes
divisions ^' depuis l'embouchure de l'Aar jusqu'au
Jura suisse , le long des Vosges et dans l'Alsace jusqu'à
Strasbourg. Ses bataillons , qui passèrent le Rhin entre
Laufenbourg et Waldshut ^^ , envoyaient des chiens à
/•• Brukner.
** Hirt, de C Autriche aniérieiÊre II , 15$ ( fondée généralement snr les
chartes , soivant Tubage de saint l^laise) : du S au d septembre le pays
foi confié aux soins d'Albert; le 2 arriva l'évéque ; sa mission coûta
a 5 florins 7 schelings.
** Alors arriva Matthias God (Matago) avec 4,000 Anglais. Sehilteri
917.
*^ Listeê publiées par ScAcYter, 9î3 et 1005, 1006. D'après la première
il y avait encore en Alsace 29*580 chevaui ; d'après la seconde, plus
complète , 5S,S00.
** Sous les ordres de Commercy, d'après fVunii$eHs sous ceux de
Montgomery, d'après une relation publiée par Schiller, 1002. s Avec
l'aide de la noblesse autrichienne , ces troupes occupèrent Rheiafeldeo,
Seckingen , Waldshut et Lanfienbourg. Elles se comportèrent si modes-
LIVRE !¥• CHAP. II. HT
la découverte des habitations éparses dans la forêt
Noire ^^ ; ils pénétrèrent dans le SchônauertfaaP^ ; mais
les fossés y les abattis d'arbres , les vigoureux paysans
de la forêt les engagèrent à retourner sur leurs pas ^.
Partout sur le sol allemand l'habitant de la campagne,
économe et sage, leur était opposé; les seigneurs, au
contraire , les appelaient ; jusqu'au fond de la Bavière ,
les nobles cherchèrent à terroriser bourgeois et paysans
à l'aide des Armagnacs ^^. Mais leurs légions ressem-
blaient bien plus à une horde demi-nue ^'^ de barba-^
res afiamé^ qu*à une armée ré^ulièce^ et belliqueuse ^^«
tement pendant hnit jonrs qaé les habUans , toiit réjouis , croyaient
avoir déjà mis à leurs pieds la ville de Bâle. Les populatïons de ces
villes voulurent aller au-devant d'elles avec le Saint-Sacrement , disant
que c'étaient des envoyés de Dieu. Mais les Français ne justifièrent pas
cette opinion : vaissdle, linge , meubles, habillemens, ils enlevèrent
tout ; ce qu'ils ne purent emmener, fls le jetèsent dans le Rhin. Maint
bon père de famille fut ruiné. Les femmes a^écriaient avec amertume :
■ Voilà Yos envoyés de Dieu \ » Beinhêim; Oehs, lU, 891. G. M.
23 De même que des voyageurs. Sckilter^ 932 : « Us donnaient la
chasse aux gens dans les forêts comme à du giitHer. »
^ BÎMi. de VAutrUkc antirieart^ U» 150. On voit dans une chapelle
an milieu de la vallée un tableau monumental.
^ Dans SehUter, 1002 et ailleurs.
>* Burkhard Zengg, Chronique ttAugsbourg : le Jeune duc Louis avait
invité ches Ini près de SOC Armagnacs ; ils étaient auprès de lui à
Ingoldstadt OefeUin 1 , 274.
2' « Le quart d'entr^enx avait à peine une cuirasse ; pour un homme
» bien équipé , trois on quatre ne l'étaient point du tout s ils étaient
• uns aucune arme ; sans souliers , ni culottes» ni chapeaux , en mé-
• cfaans et sales vélemens ; comme d'autres bandits , ils n'avaient que
• ce qu'ils gagnaient par le meurtre et par le pillage. » Vieille relation
ûua Sehilier, 981 (afin qu'on n'attribne pas ce tableau à un écrivain
moderne).
^ m Quand de vigoureux compagnons les attaquaient hardiment ,
« ces misérables prenaient la fuite; une partie d'entr'eux se laissaient
> assommer comme une vache attachée, t Hid, 982.
118 IIISTOIBB DE LA SUISSE.
Ces sauvages étaient avides de vètemens ^^y de nourri-
ture et surtout d'argent ^. Aucun* acte d'inhumanité
ne leur paraissait trop cruel pour satisfaire leur cupi*
dité^^; ils assouvissaient avec la dernière brutalité
leurs passions charnelles^. La soumission ne sauvait
personne ; ils vexaient avant tout ceux qui les avaient
appelés ^^. Privé de tout sentiment de convenance et
d'équité , sans crainte de Dieu ni des hommes ^ chacun
d'eux ne connaissait qu'une loi^ son plaisir^ qu'un
moyen , la jouissance présente»
En s'expliquant sûr les causes de la guerre > les
Français changeaient de langage suivant les circon-
stances et les personnes ^* ; ils ne varièrent pas moins
dans leurs négociations avec Baie qui eurent lieu dan«
** • Dès qo'ils faisaieat un prisonnier» ils lui ôtaient son habit , ses
> culottes et ses souliers , et prenaient tout ce qu'il avait de bon sur
• lui. > Ibid. 9U.
*^ • Ils se permettaient tout pour obtenir des contributions, • IM
où Ton trouve une multitude d'exemples.
'* « Us les tourmentaient et martyrisaient horriblement» Si qoelija'on
• ne leur apportait rien, iU découpaient son corps en courroies; ils
• rôtirent quelques paysans. • Ibid, 100^.
*' • Ils violentaient même des femmes en couche et des lépreuses;
• ils liaient par les mains çt les pieds les vierges qui se tordaient de
• douleur , et en abusaient l'un après l'antre t ils commirent des hor-
• reurs qu'il serait dégoûtant de décrire. » «s Ils firent pôrir» pendant
l'hiver de 1A44 à 144^9 plus de vingt mille personnes ; mais ils|)erdirent,
en revanche , près de dix mille des leurs, A leur départ , ils brûlèrent
tçus les couvens , les églises et les villages qu*ib* trouvèrent sur leor.
route. Voy. Oeh$,m^ 423-429. G. M.
^* «Ils n'épargnaient rien : peu leur importait qu'une ville on un
château eût une sauve-garde ou non ; ils vivaient selon leur bon plaisir,
comme seigneurs et maîtres. • Ib, 925. On en trouve de nombreux
exemples p. 916-932.
** JSnaa» SylvUu : « Non qnod ita esset , sed qood favorem ob e8B\
• tausam se putabat habUurum » {U Dauphin),
LIVRE IT. CHAP. II. 119
Altkirch*^. D abord ils demandèrent d'une manière
menaçante mais vague une satisfaction conforme à la
dignité du dauphin , parce qu'un jour qu'il passait à
cheval^ on avait tiré un coup d'arme à feu de la
ville. Ensuite l'alliance des Bâlois avec les Suisses ^^
semblait dictée par la haine contre la noblesse , dont
k France avait éponsé les intérêts. Les députés ayant
exposé que la ville ^ éloignée de tout esprit de parti ou
d'hostilité y n'avait eu en vue que sa légitimé défense ,
la négociation fut continiiée dans Baie méme^'^. Tout-
à-eonp survint une proposition inattendue, cr Non seu-
A» lement^ » dit-on^ « le dauphin assure cette honora-
n ble cité de toute sa clémence y mais on se souvient ,
A d'après les anciennes chartes ^^^ que les rois de France
n ont été de tout temps les protecteurs de Baie ; le re-
)i nouvellement de ce rapport contribuera beaiicoup à
» oomolider et à augmenter la prbsp^ité de la ville ;
» qnand le dauphin aura reçu l'homiHage ^ il confir-
}) mera les franchises de Mie, et lui en octroiera de
» plus grandes qui la rendront plus florissante encore.»
La bourgeoisie ne se laissa ni éblouir par un avantage
apparent^ ni effrayer par quarante mille ennemis dans
le voisinage et par leurs partisans au sein de la ville ^^ ;
elle se montra résolue à maintenir ses anciens rapports
*^ Rapport snr cette négociation dans la Mitsive du boargntistre et du
toiuéil de BâU au roi romain ; feria sancta post Mîcb. 144 A, dans A. 7.
UuUer, théâtre eous Frédéric V, p. 232.
** Alliance avee Berne et Soleure; ci-dessus t. V, p. 246 et 247,
17 Devant les cardinaux du saint concile et quelques pères et en
présence de nos honorables amis , conseillers de nos confédérés de
Berne et de Soleure (extrait de la missive n. 35). Le 6 septembre.
^ Investigations et rôles. Il s'agit là des temps carlovingîens : la force
«aie peat donner de la puissance.
** 11 en sera question plus tard ; c'étaient des nobles*
120 HISTOIRE DB hJL SUISSE.
avec TEmpire germanique et avec l'évéque^ ainsi que ses
droits et sa constitution. Les négociateurs français dé-
clarèrent que cette réponse blesserait le dauphin et ne
Tempécherait pas de contraindre les Balois y par le dé-
ploiement de toutes les forces de la France y "à faire sa
volontés Sans autre secours que celui qu'ils pouv^ent
espérer de Berne et de Soleure^^^ les Bàlois persistèrent
à repousser de telles prétentions *.
Les électeurs, les princes et les États du Saint Empire
romain étaient assemblés à Nuremberg auprès du roi^^
Frédéric ouvrit la diète par des plaintes et des gémis-
semens sur le malheur des pays situés au pied des Alpes,
long-temps désolés par la révolte des Suisses ^^, main-
tenant entièrement ruinés par la formidable armée des
Armagnacs; ces circonstances, ajouta-t-il, exigent d'un
côté du secours, de l'autre une ambassade au dauphin.
Un grand nombre de seigneurs promirent le secours
contre les Suisses ^^, que Ion croyait effrayés et affaiblis;
le cardinal Pierre de Schaumberg, évéqued'Augsboui^,
se chargea de l'ambassade à Einsisheim avec quelques
conseillers autrichiens de sa confidence ^*. Au lieu
d'une réponse , il ramena le chevalier Jean de Finstin-
^ Nous a?ons été laissés sans consolation , excepté de la part de la
Confédération. MUêivê des BàloU d Vamme^tn et au conêeil dé Strasbourg.
St. -Thomas apôtre, 1444 ; dans Sehilter et M aller,
* Oekê, ni , 594-400 donne de plas amples détails sur cette ni-
dation; elle se termina par nne trfeve de vingt jonrs, da 19 septembre
an 9 octobre. G. M.
** Description de cette diète dans M aller ^ S06-S64.
*' Dans la Relation publiée par SehiUer, p. 986.
** Ibid,; compare! Schmid, HieL d^Vri, H , 101 ; voy. aussi ci> après.
** Ulrich de Rechbeig et le docteur Jean d'Aich. MaUer^ 119. Fuggir
( Miroir d'honneur, 56ft ) y ajoute un de Waldsée.
LIVRB IV. CHAP. II. 121
gen *^ en qualité d'envoyé. Louis l'avait chargé d'ex-
poser l'objet de sa mission ^ non en secret ^^, mais de-
vant toute la diète d'Empire. « Le fils aine du roi de
M France , dit-il , est venu dans les pays allemands
» avec de grandes forces ^ mais à la demande du chef
» de l'Empire germanique ,t ensuite de traités formels^
» non d'un malentendu. Il a été convenu que les
» Français réduiraient les Suisses à l'obéissance ; le roi
» Frédéric leur devait l'entretien et le logement ; ce
» que l'Autriche a perdu du côté des Alpes , les Fran-
» çais doivent le reconquérir au profit du duc Sigis-
» mond ; ce prince épousera une princesse française.
» Le dauphin a vaincu les Suisses dans une bataille
» dont les conséquences sont incalculables ; mais le roi
» romain n'ayant pris aucune mesure^ ils ont dû pour-
» voir eux-mêmes à leurs besoins. Toutefois le dauphin
» observera le traité^ sans grever les Etats de l'Em-
» pire , si ^ pour les frais de la guerre entreprise en fa-
» veur du duc Sigismond , on lui abandonne le trésor
)} laissé à ce duc par son père et demeuré intact à
N Inspruck. » Le roi Frédéric , blessé par cette révé-
lation d'un traité secret ^''^ Ai faire à l'envoyé du dau-
** MiêêiveiUs députée de Strasbourg A Cammeêtrt; SehiUêr, 98i. Fins-
tingeD connaissait les deox langues et les deux pays ; c'était ordinai-
rement lai qui conduisait les étrangers dans rAllemagne , sa patrie,
^ U cherchait à le compromettre aux yeux de l'Empire. • Noos
» voyons que cette affaire a été commencée secrètement à Francfort,
> brsqne^le Roi y était , mais que notre seigneur le Roi a pris sa réso-
• lotion de loi-méme , sans ses conseillers et sans les princes. • Rapport
an députée de Straeboarg à l'atnmettre Sehalk, dans Schilter, 981.
" « U rougit un peu » dit iS. J. Muller, 219. Il parait que Frédéric
ne commença pas par l'aveu qu'il fit faire ensuite sous forme d'explica-
tion. Une excessive discrétion amène de semblables embarras ; elle -est
souvent cause qu'on méconnaît même de bonnes intentions.
122 HIStOIRB DE LA SUISSE.
phin par le margrave Albert de ^andebourg *^ la con»
Ire-déclaration suivante : « Dans la gaerre difficile que
» le chef du Saint Empire soutient sans secours depuis
» trois ans , non-^seulement dans l'intérêt des biens pa-
» trimoniaux de TÂutriche , maïs pour la défense de
» la ville impériale de Zurich et pour la sûreté de la
>i noblesse allemande , Sa Majesté a , sans contredit ,
» demandé au roi de France un secours de cinq mille
» hommes^ auxquels eUe s'est engagée à fournir l*entre-
» tien et les quartiers ; à Toccasion de cette négociation
» un mariage a été arrangé. Mais tout s'est passé autre-
» ment que la loyauté allemande ne devait s'y atten-
H dre. Au lieu de cinq mille hommes de troupes auxi-
» liaireSy une horde de quarante mille s'est jetée ^ moins
» sur les Suisses que sur l'Empire pour le piller ^^.
» Une fois on a déployé de l'énergie contre les Suisses ,
» dont la folle audace a fbrcé le dauphin au combat^ ;
» mais ce prince' s'est aussitôt tourné contre des pays
» inoffensifs, qui ne pouvaient s'attendre à cette atta-
» que, et, tandis qu'on traitait hostilement un pays
» ami, on négociait avec les Suisses. Sa Majesté Impé^
» riale n'a pas l'habitude de rompre arbitrairement ses
» relations. Autant il importe à tous les États d'arrêter
I» les progrès de la Suisse , autant l'Empereur est éloi-
» gné de mettre à la charge de l'Empire ses engage-*
^ Principal commissaire et » dans les affaires de l'Empire , plénipo-
ientiaire de l'ElBipereor.
** Le roi d'Allemagne , dans nne Uiir$ adressée ensuite de ces évé-
nemens an roi de France (Neustadt, après Thomas, dans Schilter, 9d&).
se plaint nommément an sujet de Meti , de Toul et de Verdun ; il faut
y jgooter d'après Fugger (l. c ) MontbéUard et les villes d'Alsace.
^* • Nous avons pris plaisir à an pareil service , qui était un bon
• commencement d'affection fraternelle. • LeUre n. d9.
LIVRB lY. CHAP. II. 123
I) mens personnels ^^ Mais il exige que^ deleur câtë ,
w les Français se conforment au traité ; sinon , élee-
» teurs , princes , États concerteront avec le chef de
o FEmpire des mesures communes contre un malheur
» commun ^. Enfin il est contraire aux usages de la
u maison d'Autriche , dans la simple prévision du ma«-
» riage d'un prince encore mineur ^'^ de livrer d'à*
n vance son patrimoine à des mains étrangères. j> Cette
déclaration convainquit les princes que la noblesse
avait entraîné l'Empereur à de fausses démarches et
qu^eUe s'était adressée mal à propos aux Français, qui
avaient fait sentir la supériorité de leurs forces avec
une si dangereuse insolence que toute autre considéra-
tion devait céder à la nécessité d'une défense com-»
mune. L'électeur palatin fut nommé général en chef
des troupes de l'Empire ^ avec des pouvoirs si étendus
qu'en cas de besoin , sans égard à l'échelle des contin-
gens , il pouvait requérir les États les plus rapprochés
de mettre sur pied toute leur armée ^. Il fixa aussitôt
le jour du départ , le lieu du rendez-^ vous, la propor-
tion des fournitures ' ^. Les envoyés français perdirent
l'espoir de remplir leurs vues intéressées en divisant
** Les conseillers dr dauphin ont demandé oft ces tronpes devaient
camper; le roi a réponda : « Dans ses domaines et non sur le terri*
toire de l'Empire. » Rapport des SlraabowrgeoU , 988.
»* MuiUu, 9H.
** Sigismond était né en 1427 ; U princesse moamt avant le mariage.
** Décret de êa wtmmatUm ; Francf. après Mich. dans 5. J. MulUr,
no.
** Powoin; Heidelb. fer. 8* St-Gall. ; ibUL : « Nous vous requérons
» an nom du roi romain et de l'Emfnre , et nous vous prions expressé-
« ment et amicalement de notre part. •
** Ordre au sujet de la barricade de ehariùts, Ibid,
124 HISTOIRE DE LA SUISSE»
l'Empereur et TEmpire : Tespiit public sauva le
pays ".
Le dauphin^ sans rien entreprendre y se contenta de
nourrir son année le plus long-temps possible aux dé-
pens de rAllemagné ; bien des princes lui parurent
être moins à l'abri d'une influence étrangère que peu
préparés à la subir^ attendu qu'on les avait négligés
jusqu'à ce jour ; il s'e£Força donc d'en rallier quelques-
uns k la France par des relations plus étroites. Les
Suisses étaient difficiles à vaincre , dangereux à pro^
voquer; ils présentaient peu de chances de gain,
beaucoup de chances de perte : il leur offrit la paix.
Elle fut l'objet d'une diète tenue à Zofingue^. Ce
qui y dans cette première négociation^ servit à leur but,
la conservation de leur indépendance, ce fut, outre
leur bravoure et leur pauvreté, outre l'avidité et la dé-
fiance des puissances alliées, l'influence du duc de
Bourgogne , qui désirait qu'ils ne fussent ni autrichiens
ni français. Il L'exerça par l'intermédiaire de Neuchâ-
tel et Valangin, sans paraître lui-même, sans s'expo-
ser au danger d'o£Fenser l'Empereiu* ou le Roi. Jean, de
la famille des comtes de Fribourg ^^, héritiers de Z«b-
ringen , était seigneur de Neuchàtel ^ ; il portait la
Toison d'Or ; dans la vigueur de ses jeunes années ,
avant d'être sujet à la goutte , il remplit les fonctions
de lieutenant de la Bourgogne. Dans Valangin régnait
le comte Jean , de la maison d'Ârberg ^^ , alors ré-
^^ On ponvait encore dire avec orgueil : • Haclenus nulliim împnne
» (lennaniam lacessi^. • Muiius, 94i«
^> PVurêtisen ,409.
*• T. II, p. 35.
«• T. IV, p. 405 et 406.
»* Jbid, p. 406 et suiv.
LIVRE IV. CHAP. II. 125
concilié avec le comte de Neuchâtel , à la famille du-
quel il se trouvait allié ; cousin de Beaufremont , de
Vergy, la plus haute noblesse de la Bourgogne; Tun
des douze seigneurs qui brillèrent dans le célèbre tour-
noi près de Tarbre de Gharlemagne^ où , rivalisant de
force et d'adresse, il courut onze fois contre Louis de
la Basine, à Brumette. Ces deux comtes^ combourgeois
de Berne, travaillaient pour leur propre repos à la pa-
cification de la Suisse. Si les forces réunies de TAUema-
gne éloignaient tout-à-coup les Français des chemins
que Finstingen leur avait montrés; si la Haute-Bour-
gogne , bien défendue par Philippe ^^, refusait le pas-
sage ; si une armée suisse couvrait les frontières ber-
noises, il ne restait au dauphin pour retourner en
Dauphiné que Tévéché de Baie, le comté de Neuchâ-
tel^^, rUelvétie romande et la Savoie, à supposer que,
sous prétexte de prendre du service dans le Milanais ®^,
ses hordes ne se répandissent pas dans les plaines
d^Italie. Cette situation des choses ne pouvait être
indifférente à un prince inquiet pour son pays ^^.
Grâce à la médiation de cçs seigneurs, la Suisse fut
mise à Tabri des Armagnacs, et le dauphin > à Tabri de
*^ Olivier de ta Marche.
*' Par là le sire de Valangin aurait aussi été compromis , obligé qu^îl
était de marcher avec le comte de Meuchàtel.
•4 On trouve dans Sehilier, 967, une Missive de BàU à Strasbourg,
fer. 4* p* Palmar, 47, où il est question de la négociation du duc
Fliilippe Visconti demandant le secours du dauphin contre Venise et
rinstituant héritier de Milan.
** Car en tous lieux « ils faisaient moult des maux. * O.dela Marche.
Aussi , lorsque Milan demanda le passage en leur faveur, les Suisses
s'excusèrent , disant : « qu'il fallait traverser l'eau ( le lac des Quatre
• Cantons), et d'étroits défilés (le St-Gothard] où une armée nom-
> brense ne saurait passer. • Même Missive,
128 HISTOIRB DB LA 8UI86E.
Deax mois après le désastre de St-Jacques, pendant
les violences incessantes de la guerre autrichienne et
intérieure^ la fermeté suisse obtint du dauphin^ campé
non loin de la frontière avec quarante mille hommes
et des généraux expérimentés, cette paix conclue sur le
pied d'une honorable égalité entre la France et la Con-
fédération^ qui ne fit aucun sacrifice. Car alors qut
les grandes menaces et les propositions insidieuses
aboutirent à la réclamation d'une somme d'argent con-
sidérable , alors que le pape Félix et mainte autre ville
jugèrent nécessaire de faire à la paix un semblable sa-
crifice, tous les Confédérés, Baie excepté peut-être ^^,
déclarèrent qu'ils ne donneraient aux Français ni maille
ni denier".
Le siège de 2urich levé, les Confédérés, tantôt avec
leurs forces réunies, tantôt par divisions, campaient
entre l'Ârgovie ''^ et le pays de Sai^ans , et défen-
daient des avant^postes qu'on ne pouvait pas facilement
l^ir enlever''^; de là^ ils attaquaient les personnes
et les propriétés de l'ennemi. Le lac de Zurich était
nomme pas de Footaines; à la place de Bois-Roage il a « de Bons, de
Roguets • et Schmid • Boivogaes. >) =" Le traité fnt rédigé en latia ; il,
n*a été publié en entier qne dans la Colleetign, assez rare anjoard*hui»
des traités avec ta couronne de France {Sammtung der vomehmsten Bànd'
nissen, u. s. w. Bem. 1732 , 8*] ; il est signé : • Loys. Per DomiDnm
k Delphinuni in suo Goncilio, in quo erant Domini de Bueil, de
» Ghatillon, d'Estissac, de Malicome , de Fontaines, de BoisTogues, et
«. plaribus aliis presentibus. Poîcliers. » G. M.
7( fVurstUen : « Quelques-uns rapportent qu'ib ont payé au dauphin
» une somme d'argent On parle quelque part de 12,000 florins.
^7 Tsehudi, H , &80.
'' ÂLenzbourg. Schmid, Hist. d*Vri, II, 101, d'après la lettre de
sommation de Henri de Bubenberg.
''* Ils abandonnèrent Régensbcrg. Tsehudi, II , &81.
^ De Pfeffikon , de Grflningen. Ibid. 452.
LIVRE IV, CHAP. II. 129
sillonné par leurs embarcations ^' ; ils le dominaient au
moyen de l'Escargot de Schwyz, radeau couvert monté
par plus de soixante-dix hommes et pourvu de ca-
nons*^. La guerre fit perfectionner la construction des
barques^ fort ancienne branche d'industrie sur le lac
de Neuchatel ^^. Une seule fois, près d'Erlibach, à l'é-
poque des vendanges , Jean de Rechberg mit à profit
leur téméraire sécurité, alors qu'ils s'étaient éloignés
de teurs barques et de leur artillerie ^* ; mais leur
courage et leur présence d'esprit effrayèrent le vain-
queur ; il se retira en toute hâte, de peur qu'on ne
Ini coupât la retraite. Le pays de Sargans, où le comte
Henri avait conservé avec rAutrîehe, Schwyz et Glaris
des relations fort anciennes mais difiiciles à concilier ^^,
fut conquis sans résistance par les Autrichiens pendant
que les Glaronnais assiégeaient Zurich ; ils l'abandon-
nèrent tout aussi promptement à l'approche de la
bannière de Glaris. La conduite du comte dans cette oc-
casion lui fit craindre que les vainqueurs ne rexpulsa.s-
sent : tandis qu'il n'hésita pas à ouvrir à leurs ennemis
le passage du Rhin et son pays, il estima contraire à
la neutralité de leur donner à eux-mêmes un avertis-
sement ou de leur rendre Walenstadt, leur propriété
hypothécaire, qu'il ne voulait pas défendre. Dans la
** Ils vendangeaient le vignoble. Ibid, A 83.
*> Il sUttonnait à PfeiTikon. Ibid,
'^ Le « praefectas ratiariorum • d'Yverdun est mentionné dans des
inscriptions. Une eiiarte de Louis de Savoie de iàhk dit qu'il fit couper
des sapins et des chênes pour construire des barques sur le lac d'Yverdun.
** Le 13 octobre ; toutefois ils ne perdirent pas 170 hommes comme
le prétendit l'ennemi (Builinger); cette perte eût été sensible, et l'on
saurait les noms d'un plus grand nombre de tués ; la perte fut de 16
selon Ttehudi , ou de 21 selon Tschachtlan,
»* T. V, p. 181, 182.
VI. 9
130 HISTOIRE DE L4 SUISSE.
suite il leur fit demander un sauf«-conduit par ses
fils^ innecens de sa faute ^^. Une assemblée générale se
tint à Mels^''. Les Glaronnais cédèrent an ^œu des
amis qu'ils avaient dans ce pays ^^ et se contentèrent de
la déclaration que l'ennemi n'y rentrerait plus jamais.
Lorsque l'électeur palatin entreprit de défendre son
pays contre les Armagnacs^ le duc Albert, frère du roi
Frédéric 9 assembla auprès de lui à Villingen^ dans
l'Autriche antérieure , une nombreuse diète de sei-
gneurs et de chevaliers souabes, sous la présidence du
sage et vaillant margrave Albert de Brandebourg. Les
députés autrichiens déclarèrent que leur seul désir
était d assurer à l'Empire et à la maison d'Autriche la
paisible jouissance de leurs droits respectifs ; mais ils
regardaient encore comme propriété autrichienne*^
Schaffhouse, hypothèque rachetée de l'Empire*^, et
les terres patrimoniales depuis long^temps perdues*'.
Cependant la haine invétérée des seigneurs et des che-
valiers pour la liberté suisse et la Confédération ne
cherchait I au lieu de motifs, qu'un prétexte, une lueur
d'espérance. En peu de jours donc les Schwyzois.et
leurs Confédérés recurent d'innombrables déclarations
de guerre. Celle du margrave Albert ^ fut accompa-
gnée d'une autre de quarante-trois comtes et cheva-
liers de Franconie et de Souabe ** alliés avec lui et dont
'* Guillaume et George.
>' T$€hmdi, II, 4SS.
<• Conrad Méti à FlumB ; Locher à Ragai.
" RûppcTi du députée Stra$b<mrg€ùU à Vammtêtrê , dans StkiUtr, 9i6^
"• T. IV, p. 20J et suiv.
** On y avait renoncé à tout jamais. Ibid, 107.
*^ C/i. dans Tsekudi, prière et sommation au sujet du roi des Romains ;
jeudi avants. Denys; voj. aussi n. 93-98.
'* Le comte i'rédéric de Htlfemiéin, Guillaume de Btehbirg , che^
LIVRE IV. CHAP. II. 131
la plupart avaient à leur solde un cerCain nombre de
mercenaires^^. Les deux frères Ulrich et Louis^ com-
tes de \yi0rtemberg ^^, au-dessus et au-dessous de la
Staig^^ et soixante-quinze comtes, seigneurs et che-
valiers , unis avec eux ^y déclarèrent la guerre dans le
même temps. Ils furent imités par le margrave Jacques
de Bade-Hochberg ^^, que les menaces des Armagnacs
empêchèrent absolument de se rendre à la diète de
Villingen. Les grands des contrées et des châteaux voi«
sins^^ firent de même: pour la première fois Pilgram
de Hôwdorf manifesta une haine implacable'^; alors
valier, Réînbold de fVendingen, maréchal da margrave, Martin de
9ValdenflU, Jean de Sékéndorf, deux Ebertiein, Geoi^ge d'OsMeim»
Didier ù'Uffaœu^ Conrad de Knôrringen , Eberhard de Lichtêmiein, elc»
'* « Avec tous les valets qui sont d wtre pain, •
*^ Les eh, dans Tschudi.
'* Louis à Aarach , Ulrich à Stutlgard. Craaius , ehron, Souabe , II »
65 et sûiv.
'^ Avec Louis : le comte Sigismond de Hochenbêrg, Eberhard comte
de Kirchberg, Wemher de Zimbem. Fry, Ulrich de Reehberg et de
Hohenrechberg , chevalier» le vieui et le jeune Guillaume de fVelwart,
Conrad et Paul de Stein , Rod. de Fridingen , Michel de Breltenlanden^
é€rg, Jost de Hormttva , etc* Avec Ulrich : le comte Ulrich de Helfens-
iêin , le comte Jean de fVerdenberg, seigneur de HeiUgenberg, le comte
Jean de SuU (juge aulique), Eberhard Truehêen de fVaUparg, chevalier,
Hugues éeRechberg de Hohenrechberg^ chevalier, Thiébaut Gû$s de
Gûiêenberg, chevalier, Albert et Didier iS/nb^ ei Uofineisier, Jean Trucheee»
' de B'uhUhauêen, Frédéric de Sachsenheim , nommé U noir Fritz, Fré-
déric d^Enzbergf JemStouffer de Bloêsen Stoujen^ Burkhard iie Sia-
dion, etc.
** Dieiarûiwn de guerre dans Teehudi; Brisach, lundi après Saint-
Gall.
** Le comte Jean de Tengen, landgrave de Nellenboarg en Eiégau et
en Madach, seigneur d^Eglisau; le comte Henri de Lupfen. TechudiU^
436.
««• Fils de Henri , qui vendit, en 1443. le Rozbeig, près d'Osterfin-
gen, à deux lieues et demie de SchaJhouse! fValdkireh, Chron. dtt
Sehaffh, Les plus proches voisins devinrent les f^us grands ennemie
132 HISTOIRE DE LA SUISSE.
parurent les noms inconnus d'hommes qui en vue du
pillage ou par complaisance pour des nobles avaient
pris à leur solde quelques bandits ^^^ ; l'un déclarait la
guerre à Wyl en Thurgovie *^*; un autre rompait
avec Baie ^^^ ; en réalité , ces gens - là s'armaient
contre tous ceux que liait le serment des alliances
suisses. La haine les rendait ingrats pour les bien-
faits reçus, aveugles pour les bienfaits à venir : ainsi,
Thûring d'Arbourg*** et Wolfhard de Brandis*^*,
citoyens de Schwyz et de Glaris, bourgeois de Berne,
payèrent par une déclaration de guerre la sollicitude
avec laquelle ces cantons avai^t' appuyé - pendant
plusieurs années leurs prétentions à l'héritage^de To-
kenbourg ; le comte Henri de Sargans lui-même, ou-
bliant combien de fois ses combourgeois lui conser-
vèrent son pays, ne rougit pas de rompre avec les
Glaronnais, dont le tort avait été de ne pas le chas-
ser ^^^. L'âme de cette ligue de la noblesse était Jean
de Rechberg-Hohenrechberg ; ce chevalier ne ressem-
blait point au sauvage Eptingen, qui faisait parfois
crever les yeux à ses gens ^^"^y ni au cruel et voluptueux
*** Listes de semblables gens dans Tschudi, II, 4 S 6.
*** Le baîllî , le conseil et la commune de Frauenfeld , Jean Rod.
de Landenberg h Creifensée, les Znm Thor. Tschudi.
*•» C'est à Baie que fut adressée, selon Tschachtlan, la déclaration
de guerre signée par Henri de NQsplingen, an nom de beaucoup d'au-
tres. TschudL
*** Baron de Schenkenberg.
^^^ Outre Wolf et Sigismond, tous les trois de Brandis, bommcs
libres. Déetaration de guerre an bailli établi par Scbwyz cl Claris dans le
pays de Sargans ; la veille de St. André. Tschudi, II, 439.
*•• Déclarai ion de guerre du comte Henri de fVerdenberg , seigneur de
Sttrgant et Sonnenbcrg , en qualité de t comte d'Empire; • veille de St.-
André. Ibid,
^*' 69tz Henri d'Ë. défend en lUO à un de ses valets de comparaître
LIVRE IV. CliAP. II. 133
de Falkenstein^ destructeur de Brougg, incendiaire de
Baie ^^^, barbare envers les hommes sans défense ^^; il
était, au contraire^ fécond en expédiens ^ ^^ dans la guerre
et dans les négociations^ infatigable et prudent ^^' dans
les conseils ; aussi les Confédérés ne déjouèrent-ils
ses plans qu'à force de constance.
Les Suisses préservèrent leurs frontières de ces guer-
res et de bien d'autres encore ^^^ avec une vigilance si
active , ils les défendirent si vaillamment qu'à propre-
ment parler l'ennemi ne mit jamais le pied sur leur
territoire , et que pendant cette longue guerre chaque
année dix-huit mille charrues sillonnaient tranquille-
ment leurs champs ^^^. Trois fois les ennemis se portè-
rent de Zurich sur Bade; à la fin un stratagème sem-
bla leur assurer la conquête d'une ville qui avait
résisté à leurs béliers ^^* et à leur corps d'armée ^^^.
Un matin , au milieu d'un épais brouillard ^^^^ quelques
valets, décorés de croix blanches ^'"^^ s'approchèrent
amicalement ^^^ de la porte de la ville ^ à l'heure où on
dans on procës devant le juge ordinaire sons peine de perdre les yeux.
Brukntr, 1981. C'était une ancienne covtnme nobiliaire; on trouve dans
les G0$ta de Bongars : « Sub effosione ocaloram prascepît >
*** Brakncr d'après les chartes.
^** Ibid. La garnison de Falkenstein , après la levée da siège de
Famsboiirg , tae « un pauvre garçon libre , coupe les mains à un pri-
» sonnier et tue an honorable monsieur. •
*** • Inventif en ruses et pratiques. • Tsehudi,
*** « On dit que quand les affaires devenaient sérieuses , il s'esquivait
» à temps et y poussait les autres. • Tsehudi.
*'> « Qu'on ne peut pas raconter, & cause de leur multitude. • Id,
I** « Comme on l'avait calculé dans des diètes. • TtehudL
"* BuUinger.
*^^ De &,000 hommes. Id,
*'• Le 22 octobre.
^^^ Les ennemis en portaient de rougea.
<" -Saint! chers Confédérés. •
134 HISTOIRE DE LA SUISSE.
l'ouvrit; à peine entrés , ils poussèrent des cris d'at-
taque *^^; soudain retentirent des trompettes ; soudain
quinze cents cavaliers entrèrent irrésistiblement à bride
abattue et parcoururent les rues. Du coté opposé^ ni
l'avoyer Jean MuUer, ni les bourgeois que le danger
imminent fit passer du sommeil matinal au combat ,
ne perdirent l'espoir de sauver à force de bravoure la
ville surprise; on se battit avec foreur du sein des
maisons et dans les rues ; Tavoyer fut tué, mais Ten-
nemi , chassé.
Le concile , l'évêque de Baie et les villes de la Haute-
Allemagne tinrent une assemblée à Constance pour
négocier une médiation *^^. Le margrave Guillaume ^
bailli autrichien 9 remonta jusqu'aux temps antérieurs
à Guillaume Tell , et rappela que de toute ancien-
neté Habsbourg avait possédé autour de son château
le territoire de TEigen, qu'ensuite le roi Rodolphe
hérita dans Unterwalden, Zoug et Schwyz des domai-
nes de Lenzbourg et de Kibourg, que ses fils achetè-
rent les droits de Tabbé de M urbach sur Lucerne *, et
que sa maison acquit de la famille de Seckingen la-
vouerie de Glaris ; le bailli redemanda tous ces biens
avec un dédommagement pour la longue interruption
de leur possession. Cependant rAutriche se serait à la
fin contentée de TArgovie; mais la Suisse ne voulut
pas acheter la paix au prix d'un poucç de terrain ni
d'un florin d'indemnité. Car Schwyz et Glaris cernaient
si étroitement Rapperschwyl , que malgré sa position
sur le lac et la proximité de Zurich, éloigné de quelques
M9 • Courage et joie ! courage ! Tsciuuktlqn,
*^^ En novembre , voy. T$ekudi
' T. 11.171. C. M.
LIVRB IV. CHAP. H. 135
milles seulement , on ne put ni débloquer ni approTÎ*
sionner cette place; les chats et les chevaux y devinrent
des alimens délicats ; des enfans moururent de faim ^^^
Le duc Albert secourut les assiégés avec cette énergie
innée , féconde en ressources extraordinaires , qu'il sa-
vait se procurer à force de peines et d'argent. Contre
son gré, sans doute, on avait négocié un armistice*^;
chaque parti devait déposer entre les mains de l'évèque
de Bàle une charte d'acceptation. Le duc prescrivit à
son représentant de ne point remettre la charte au-
trichienne avant la remise de celle des Suisses , et de ne
pas attendre cellen^i bien long-temps; il paraissait pro-
bable que l'obligation de la faire circuler dans toutes
les villes et tous les cantons pour l'apposition des sceaux
causerait un retard. Le député ducal arriva peu avant
le député suisse ^^^ ; il retourna sur ses pas , et rien ne
fut fait. Le mén^e jour, tandis qu'en Suisse on croyait
l'armistice conclu ^'^, près de Meila sur les bords du
lac de Zurich , partirent de deux barques qu'on voyait
pour la première fois quatre cents coups de feu , et
dans le district de Gruningen , occupé par les Suisses ,
une flamme formidable montait vers le ciel '^^. Les
barques, construites à Brégenz, étaient venues par le
lac dé Constance et le Rhin à Diessenhofen , d'où on
les avait transportées h Zurich sur des chariots à tra-
vers un espace de plus de huit lieues de chemin ; à
Zurich elles fqrent lancées. Elles portèrent des vivres
>*> Tichacialan ; AnwyL
*>s Do 25 novembre ikiik au 24 juin ikk^,
'^* TêehaeklloM,
*** Aom tous les cantons , excepté Schwyz , élaionl-ils rclournC-s chez
tnx. Têchudi,
"* t Le ciel et la Icrrc n'offraient qnc fou et fumée. • ïd.
136 HISTOIRE DE LA SUISSE.
à Rappersdhwyl; le duc et le margrave de Brandebourç
protégèrent par terre rapprovisionnement. Bourgeois ,
mercenaires , cavaliers ^^^, tout fut restauré ; l'habitant
de la campagne, partisan des Suisses, ressentit la co-
lère des ennemis ; ceux-ci échappèrent à la levée en
masse.
Au milieu d'entretiens divers sur la perfidie ou la
ruse du duc Albert ^^"^^ les Glaronnais rentrèrent avec
leur bannière, à la nuit close, dans le chef-lieu de
leur canton ; ils soupérent. Avant l'heure du repos ,
il vint de Sargans, de Brandis , de la part des seigneurs
qu'ils avaient protégés ^ ménagés , souvent traités avec
indulgence, des déclarations de guerre. Après un court
sommeil 5 ils repartirent pour couvrir Walenstadt ^
boulevard du lac à l'entrée de leurs vallées* A peine
passaient-ils la frontière qu'ils virent accourir en
fuyant tous les chefs du peuple de Sargans, punis
d'avoir voulu concilier équitablement sa liberté avec
les droits de son seigneur ^^^. Dès la première pointe
du jour, alors qu'aucun paysan ne songeait à des hos-
tilités, le sire Wolfhard de Brandis avec six mille
guerriers rassemblés dans le Yorarlberg et dans les
seigneuries rhétiennes ^^^, avait passé le Rhin , avec le
*^ Il s'y trouvait 8,050 personnes, entr'antres Jean Waldner , Henri
de Hûnenbei^ , 40 cavaliers, 12^ fantassÎDs mercenaires , 20 émigrés de
Bremgarten.
i>7 D'un côté , le messager des Confédérés arriva deux jours trop tard,
et si ce retard était inévitable les Suisses auraient dû l'annoncer d'avan-
ce ; de l'autre , le duc les attaqua par surprise , sans déclarer selon la
convention qu'il ne voulait plus observer l'armistice.
'*• Les principaux de ces patriotes étaient George Locher et Werner
Kessler de Ragaz , Conrad Meili de Flnms. Tschudi.
*^' Dans ses domaines provenus delà maison de Werdcnborg , el dans
LIVRE IV. CHAP. II. 137
comte , et remonté le pays de Sargans sans résistance^
au milieu de la stupéfaction générale ; déjà ils étaient
â Walenstadt. Us occupèrent villes ^ villages et défilés,
Glaris se posta près de la frontière , à Quarten et à
Wésen , convaincu maintenant que sans égalité lami*
lié est impossible ^^^. L'orgueil des grands dédaigne le
dévouement des petits^ qui lui semble une obligation;
pour lui j il se croit supérieur au devoir de la récipro-
cité,
La guerre prit une tournure très-fâcheuse : crai-
gnant le bonheur et le courage des Suisses , on évitait
les rencontres décisives; deâ escarmouches aigrissaient
les esprits et inquiétaient les frontières sans utilité. Les
pertes des Confédérés , exagérées par les relations des
ennemis ^^^ y étaient sans conséquence; bien plus^ le
marché de Zurich fermé et les dispositions hostiles de
la Souabe ne firent pas même hausser les prix ^^^ ; on
cultiva mieux le sol suisse , on profita des moyens de
communication avec lltalie. Les Autrichiens et les sei-
gneurs^ contenus par les souvenirs de Morgarten et de
Naefels^ n'osaient approcher des frontières; Jes Confé-
dérés , tous guerriers^ n'hésitaient pas à s'avancer bien
au-delà du Rhin pour châtier une perfide ingratitude.
En punition de l'expédition de Brandis , près de qua-
i
ceux qn'il possédait à Davos et dans le Domleschg , dans ses^ propriétés
ï Hayenfeld et celles de ses partisans à Goire même.
*** Tsehacktlan : > On peut reconnaître par là qu'il vaut mieux laisser
• aller les bourgeois étrangers et les nobles de la campagne et qu'on ne
• peut guère se Ger à eux. »
"* Tschudi : ■ Ce fut la coutume des ennemis durant cette guerre,
» quand ils tuaient cinq hommes , d'écrire dix ; cela ne leur procura ni
• honneur ni profit. »
^'* Tsckudi, n , 4&i, ^48, fait voir combien on vivait à bon compte
à Lnceme et à Bâlc.
138 HISTOIRE DE LA SUISSE.
tre mille hommes, qui, au cœur de rhiver *^^, se réu-
nirent en hâte sous les bannières *^S firent tomber leur
colère sur Rankwyl , marché d'Empire , et sur les
beaux villages et manoirs situés entre Feldkirch et le
lac; le feu, le fer, les contributions *^* les vengèrent;
ils montèrent plus haut , réduisirent en cendres Bal-
zers, château de Brandis, repassèrent subitement le
Rhin y parurent au pied des remparts qui protégeaient
la ville de Sargans, les franchirent, précédés par k
terreur, et arrivèrent devant la ville où le comte avec
six cents lansquenets semblait défendu par de fortes
murailles contre une troupe sans artillerie et sans
échelles. Celle-ci , furieuse, donna énergiquement Tas-
saut; les habitans tirèrent sur elle*^^. Soudain les Suis-
ses pénétrèrent de tous côtés dans la ville. L'infidèle
comte s'enfuit; sur ses pas ses conseillers , les merce-
naires , les partisans des seigneurs se jetèrent dans le
château. Les Confédérés occupèrent la petite ville jusr
qu'à ce que les provisions fussent consommées ; puis
ils y mirent le feu ; la flamme éclaira les prisonniers
voloptaires du château sur la folie de leurs desseins.
Fer, acier ^^*', meubles, 'troupeaux, ils emmenèrent
un riche butin, traversèrent le pays sans inquiétude ,
quoique les Autrichiens occupassent Walenstadt, frap-
pèrent de contributions les complices de la perfidie '^^
4
*" Le 51 janvier 1445.
"* Tschudi : « Ils courorcnt l'on 9près Tautre. •
**^ Toreabûren et quatre antres villages pay&rent$,^0 florins. ïd.
'*^ Quarante blessés dont deux moururent.
"^ On exploitait une mine de fer à (3onien , pcès de Sargans , et l'on
y Tabriquaif d'excellent acier. Feui, Géogr. III, SI 7.
*** Ils frapp&rcnt Meils et Flums chacun d'une eontribnlion de 1,000
florins.
XIVRE IV. ClIAP. II, 139
et renlrérent intacts dan& leurs foyers, victorieux a
force d'héroïsme ^ ^^.
Ces exploits des Suisses animèrent les citoyens de
Baie , irrités d'être spectateursi inactifs d'une guerre de
la liberté contre l'oppression. Deux choses firent pren-
dre le dessus au parti populaire. Premièrement, le con-
seil, dirigé surtout par les chevaliers et les familles
notables soumises à leur influence, dut consentir à ne
pas déléguer sans la volonté des six représentans de cha*
qiie tribu ^*^ des députés à une diète où l'évêque et d'au-
tres seigneurs pourraient^ par leur ruse, détourner Baie
de la cause des Confédérés ^^^ En second lieu, le conseil
ayant été convoqué au sujet de placards dans lesquels
on accusait les magistrats nobles de sentimens peu ci-
Tiques, les sixeniers firent décider que dans les affai-
res du temps présent les vassaux de l'Autriche et des
antres seigneuries seraient exclus des délibérations
s'ils ne renonçaient pas à leurs fiefs *^^. Cette disposi-
tion si naturelle, depuis long-temps adoptée ailleurs ^^^,
affligea les de Bœrenhourg^ de Rotberg, d'Offenbourg
et d'autres familles ^^^ , qui dès les temps anciens
'" Tichûdi t « Ils ne reçarent de secours que dé Diea , de leor force
> et de lenr mâle témérilé. •
^^ Nommés les Sixeniers.
**i iruntUen,àit.
'*^ Id. AiS. Cela eut lieu le 7 avril iààS, Il faut soignensenvïnt dis-
tinguer celte mesure de rexclnsion totale des familles nobles par suite
do décret n. 159 ; la première ne subsista pas même huit mois.
'^* An troisième siècle, long-temps avant la « Serratura del con&ejo, •
OB eidut à Veiiife tous les vassaux de Chypre des délibérations sur les
aifaires de ce royaume ; une mesure analogue alLeignit bientôt les vas-
Mox des seigneoTS de la terre ferme , dans le Ferrarais et la Marche de
Trévise.
*** SQrlin, Krman, de Laafen, de Hégenheim, d'j&fringen , Walten-
^eim , Frôwler. PVurMtiten,
^^0 HISTOIRE DE LA SUISSE.
avaient bien mérité de la ville en paix et en guerre >*^
Mais ils ne sacrifièrent pas la patrie à l'esprit de parti.
Ils montrèrent ainsi leur âme, non sans succès **^
Dés que le dauphin eut commencé sa retraite , les
bourgeois de Baie , sous leur bourgmestre populaire ^*^
le chevalier Jean Rot , entreprirent des expéditions
contre les châteaux et les gens des nobles du voisinage,
qui, sans égard pour les relations d'amitié, avaient
pris parti pour les ennemis contre le peuple. Eptingen
et Flachsland , adversaires de la bourgeoisie , l'actif
chevalier de Môrsberg, l'infidèle comte Jean de Thièr^
stein, à peine délivrés du joug de leurs amis les Arma-
gnacs, sans union, sans appui, ne purent résister aux
milices de la bourgeoisie, nombreuses, belliqueuses,
unies ^^«, bien disciplinées ^^^ fleurs sujets aussi étaient
peuple ^^0^ Contre cette disposition des esprits nul ma-
noir n'avait des murs assez forts ^^^ On voulait pren-
dre la ville par la famine , mais elle s'approvisionnait
à l'aide de ses armes '^2. Les succès de la noblesse n'é-
taient qu'une vengeance irritante ^^^ ; les gentilshom-
mes qu'elle haïssait parce qu'ils ne faisaient pas caus^
"«^Discours da triboa André Ospernelle , 8 avriL IM.
*" Ci-dessous n. 22*.
"' Ce qui le prouve, c'est que les ennemis lui incendièrent Brtbach,
que Froberg lui avait hypothéqué. fVuvstUen,
*" Serment de tous les bourgeois , chevalière, huiteniere, habitans et
valets; 15 avril.
"• Institution d'un conseil de la guerre de XHI; AS mai.
"® C'est pour cela que les ennemis se vengèrent des pajsans de
Xhierslein. = Pour résister au conquérant, il faut nationaliser la guerre.
D. L. H.
*" En six semaines on emporta Blotïheim , Pfenningen , Thierslcln ,
Diemenach et VValtighofen.
*" lie 3 de mai, près de;Pflrt, Oltingen et Allkircb.
*" Oltmarsheim l'éprouva.
LIVRE IV. CHAP. II. 141
commune ave<x elle , plus heureux , adoucissaient les
calaJmités *^^.^;Sou8 les yeux de la garnison de son châ-
teau , la ville de Rheinfelden fit avec les Bâlois une al-
liance pour dix ans^**. Ainsi la situation empirait cha-
que jour; néanmoins la noblesse conservait l'espérance
qu'à la fin les choses changeraient.
Lorsque, selon Tancienne coutume, le conseil sor-
tant de charge dut être remplacé *^®, délégués du cha-
pitre, chevaliers et nobles furent constitutionnellement
convoqués pour les élections • L'amour de la justice
était si puissant alors que l'on ne condamnait personne
à cause de son nom et que Ton n'imposait jamais per-
sonne au-delà de ce qu'exigeait le bien public. Ce mé-
lange de justice et de modération donnait une base so-
lide aux constitutions suisses. Les mécontens convo-
qués s'abstinrent d'abord; toutefois, craignant de per-
dre leurs droits, ils prirent part aux élections. Avec
leur coopération on élut bourgmestre Arnold de Rot-
berg , chevalier ; on lui associa deux autres chevaliers
et huit membres de la tribu des notables ^^'^ ; les tribus
nommèrent leurs maîtres et , à la recommandation de
l'évoque , Éberhard de Hiltalingen comme chef des
tribuns , pour diriger et défendre les intérêts du peu-
ple ^^^* Le nouveau conseil confirma l'exclusion des
nobles de toute délibération relative à la guerre. Ils
demandèrent alors et obtinrent d'être relevés du ser-
ment des conseillers qu'ils estimaient ne pouvoir pas
remplir. Mais le Grand Conseil les obligea de recon-
"* Ainsi Rodolphe et Henri de Ramsleln.
"* fVursiisen, 1. C.
"• Le dimanche avant St. Jean-Bapt. = Ochi, III, 445 ctsuiv. G. M.
"' Des chambres (cercles, clubs).
*^* Vov. Nouv, Musée suisse,, II, 939 cl suiv.
142 UISTOIEE DE LA SUISSE.
nattre *^^ là priorilé du serment civique sur les obliga^
lions féodales et sur les combourgeoisies étrangères; ils
ne refusèrent pas d'avancer à la ville , comme lés autres
citoyens ecclésiastiques et laïques ^ une part propor-
tionnelle de leur revenu. En Suisse on n'a jamais admis
qu'on dût exempter des charges communes ceux qui
peuvent les supporter le plus aisément "".
Une décision tolennelle du bourgmestre et des deux
conseils ^^^ exclut à perpétuité des droits civiques > des
élections et du domicile ^^^ dans les murs dé Baie les
seigneurs 9 les chevaliers et les vassaux qui ^ après avoir
attiré les Armagnacs dans cette contrée, les avaient
soutenus de leurs avis et de leurs secours conti^ la
ville et les Confédérés. Cette sentence, prononcée après
mûr examen '^^^ frappa des seigneurs inquiétans ou
redoutables par eux-mêmes , par leurs relations et leur
voisinage ^^^, mais qli^on ne craignait pas; elle n*attei-
*^^ AsBcmblée le 25 juin, dans fVuniUen.
* 11 existait quelque chose de pire , c'est que toutes les places , tous
les emplois lucratifs , les rerenus entiers des gouvememens étaient à U
disposition exclusive de quelques centaines de familles patriciennes, qui
traitaient la nation en sujette et l'excliiaient de toute participation au
affaires. D.L. II.
^** Le bourgmestre et le conseil avec les anciens et nouveaux Sixeuiers
de toutes les tribus. CA. mercredi, veille de Mar. Madel. i4â5; dans
Tuhudi, II, 440 et suiv. et dans fVwntUem, 418 et soin Voy. ci-après
cbap. V , vers la fin.
"^ « Si quelqu'un d'eux vient dans botre ville à pied ou à cheval \ il
> devra loger et manger dans les auberges et nulle part ailleurs. •
'** WwrttUtn n'est pas le seul qui parle des actes de cette enquête ;
plusieurs ont été rassemblés par Bruknw : Sentence dans l'affaire ée
Conrad d'Eptingen d PratteUn 1447; Sentence dam Caffaire.de Tkiébeti
de Dachsfelden , vers la Toussaint , 1447 , et d'autres encore.
**' Dans ce nombre sont le margrave Guillaume , bailli de rÂutricbc
antérieure ; le comte Jean de Thierstein ; le gentilhomme Jacques, comte
de Llktxelslein ; le sire de Géroldsek & Wecbsichcn ; les fiiTes Falkens*
LIVRÉ IV. CiJAt'. II. li«1
gnit personaellement aucun innocent ^^ ; on n'avait
point de haine pour les famillea et les noms : ainsi , au
miiieti de Texaspération générale^ le courage, dirigé par
Téquité et par l'intelligence , ne se laissa jamais entrai*
ner à une injustice par les passions. Les chevaliers et
les familles qui s'abstinrent de la lutte contre Topinion
publique n'eurent point à souffirir.. Jean de l^ren-
fels ^^ ne se ressentit point de la déchéance prononcée
GCMitre Adalbert ; malgré la réputation équivoque de
Henri de Ramstein ^^ et Texécution méritée du bâ-
tard de Ramstein ^^y la sagesse impartiale de Rodolphe
dans les arbitrages ne cessa pas d'inspirer de la con-
fiance ^^. Rodolphe de Ramstein^ dernier baron de ce
nom ^^'> pacifiqiie à raison de sa connaissance des hom-
tdn ; Gaillaame de Grflnenberg , possesseur du château de Ilfaeiafelden s
Pierre de M ôrsberg , percepteur de TAutricbe antérieure , seigneur
bjpothécairc dans le Sundgaa , homme d'affaires, et son frère Conrad ;
Lazare d'Andelo (Andlau); Jean de Rechbci*g; Guillaume de Slaufen,
lieatenanl dn bailliage autrichien ; Blumenek , Monstral , Oberkirch ,
Waldner , ^tingen , Mônch ; ThOring de Uallwyl , pbre et fils ; Lonia
Heyer, le vaillant guerrier et son frère Jean ; ces hommes étaient lea
plus considérés en pai^ et en guerre.
'** Non Conrad dont nous avons parlé , mais G5tz Henri et Heit-
inann dHEpdngen.
Hs Bottigmestre en 1459.
*** Charte du mwrgraoe, Villingen , samedi avant la Chandeleur ikk^i
on accuse injustement le noble chevalier; il n'a fait que ce que lui
oat ordonné les gens d'affaires , les conseillers et les baillis de l'Autri-
che. Il est au nombre des bannb. liais en i4âS il reparaît comme
arbitre. Brukner , iS&S.
w Ci-dessous n. 22S.
>** C'est de lui qu'est le prononcé pour Dachafelden et beaucoup
(Tantres.
*** Les Ramstein soivans étaient écuvers. BruknT»
144 HIStOlRE DB LA SUISSE.
mes ^'^, )>lus disposé à jouir du inonde *''* qu'à le trou-
bler, mourut sans voir les désordres de ses filles ^^^.
Depuis Bâle, l'Alsace et TAutriche antérieure jusque
dans le Frikthal et en Argovîe, aux frontières suisses,
sur le lac de Zurich, prés du pays de Glaris, dans le
Tokenbourg , sur le territoire saint-gallois , en Thur-
govie , dans TAppenzell , durant de longues et infruc-
tueuses négociations , la guerre se poursuivit avec une
irritation croissante; sur les frontières du pays ro-
mand , elle amena la discorde entre la Savoie, Fribourg
et Berne. Suivons, au milieu de ces troubles, les évé-
nemens de chaque contrée.
Louis ayant conclu la paix à Einsisheim avec la
Suisse , à Trêves avec l'Empire ^'^^y les hordes des Ar-
magnacs sortirent du pays après beaucoup d'actions
barbares *'^* et de pertes considérables *''^. Aussitôt
^'^ Il s'était rendu de Zurich vers les CÎODfédérés pour lenter une ré-
conciliation.
*'^ U faisait ménage avec une femme désordonnée qu'il avait trouvée
dans une maison publique ; en revanche sa femme était auprès du comte
de Saarwerden. Haffner. Bernard de Gilgenberg, conseiller impérial,
était son bMard; on présume que Jean Immer de Gilgenberg, cheva-
lier, bourgmestre de Bàle , Tétait aussi. Brukner, 184S et suiv.
^^^ Anne et sa sœur s'enfuirent du chàleau de Zwingen avec des sujets
de leur père et beaucoup de vaisselle. Leurs amans furent pris et mis à
mort ; on enferma les demoiselles à Famsbourg. Anne entra dans an
couvent de Bàle , où elle mourut 55 ans après celte aventure. Il n'est
plus fait menlion du père ; Ursule de Géroldsek , su veuve, vivait encore
en 1460. Brukner,
*" n. T. Muller, Théâtre sous Fréd. F, p. 271 et suiv.
'^* A la fin ils clouèrent dés gens aux parois par les mains et les
pieds , et brûlèrent plusieurs centaines de personnes. Schilier, i0i9.
^^^ Surtout près de Sainte-Croix. 16. 1018. Les Alsaciens leur repri-
rent là une bannière enlevée aux Suisses près de St. -Jacques. Les Fran-
çais évaluèrent leur propre perte en tout à 10,000 hommes. HœterUn,
Hist, de t'Empire [Bcicitshistorie) VI, 184.
UVRB IV. CHAP. II. 445
r^iatriche antérieure fut sotamée "* de marcher contre
Baie et contre les Suisses y non moins odieux que ces
étrangers"''. Pierre de Môrsberg commença les hosti-
lités "*. Elles devinrent fatales non-seulement aux
paysans relevant de Famsbourg ou du château de
Rheinfelden "^ mais aux châteaux mêmes des comtes
et des seigneurs. La guerre que le margrave fit au nom
de la maison d'Autriche envahit son propre pays ^^^ ;
jusque près de Fribourg la population surprise ne fit
aucune résistance. En vain Ton offrit de l'argent en
expiation des outrages ^^^ ; contre des ennemis armés
d'excellentes arquebuses ^^ et guidés par la prudence,
*'* Orért de Sigismond de fVtiubriach et de ThQring de HaHwyl , 15
mirs 1445 ; dans VHi$ioirê des Etais de l'Autriche OMtériemre, U, I7d.
*^ Exemple dans Sckilter, 1017. Un d'eax fit prisonnier on Soiise,
qni savair aussi peu le français qae l'Annagnac l'allemand; un haut
Alsacien sonrint qui parlait Tun et Taatre. L'étranger exigea da Suisse
cent couronnes; celui-ci , fort content » aurait même donné davantage.
L'Annagnac demanda à l'Alsacien ce qu'il disait Réponse : «H ne veut
pas donner un sou. » Aussitôt l'Armagnac le tua. Interrogé pourquoi il
n'avait pas dit la vérité , l'Alsacien répondit : t Parce que je voulais que
le Suisse perdit la vie , et le Français l'argent. »
*'* Ibid. et dans Brulcner, Il incendia les bains de BÎDniqgen et
Bottmingen.
«^ Tsehudi, II, 448.
*** Hcff. des Etais de l* Autriche antérieure, 1. c.
<>« On refusa mille florins pour sauver deux villages qui furent dévas-
tés, parce que les habitans avaient appelé les Confédérés « écorchenrs
» de vaches. • fVurstisen, 420. .
fttt La « CouUvrine de la grêle avait neuf canons sur son aflïït ; elle
« tua un porte-enseigne et cinq hommes. • Ibid, = Dans l'origine cha-
que pièce d'artillerie avait son nom; les vieilles chansons suisses compo-
sées à l'occasion de batailles nous font connaître beaucoup de ces noms
significatifs. En France aussi nous trouvons le b^'ise^mar, le passe-mur,
ItrégeilU-'matin, le dragon-volant , V aspic, etc. Voy. Encyclopédie» G. M.
VI. lo
146 HISTOIRB DE LA SUISSE.
la ruse ne servit de rien ^^^; en vain Bœrenfels^ dans
son manoir d'Oetlikon ^^^, invoqua le souvenir de son
cousin ^^^, général des Bàlois.
La guerre se porta vers Rheinfelden^ ville située sur
la rive gauche du Rhin, à trois lieues de Baie. Du
milieu du fleuve s'élève un roc autour duquel il roule^
à travers une contrée sauvage , des flots écumeux et
incessamment brisés ^^^. Sur le roc se voyait le châ-
teau fort ; la ville était hypothéquée à l'Autriche par
TEmpire ^^'^, le château , à Grûnenherg par la mai-
son d'Autriche. Une garnison considérable le proté-
geait. La ville, animée d'un esprit civique et suisse,
fut assaillie par Jean . de Falkenstein ^^^ à la tète de
cinq cents hommes ^®*, et défendue avec peine ^^,
parce que la bourgeoisie, peu nombreuse, était de
toutes parts et jusqu'aux portes environnée d'ennemis.
Baie envoya donc quatorze chariots chargés de ma-
chines ^^' pour balayer les créneaut du château, et, de
*** Les ennemis envoyèrent un incendiaire pour mettre le feu aux
quartiers; il fut décapité. Ibid.
*** • Âdalbert de Baerenfels . en descendant des crénsnix , avait
» beuglé contre eux. » Ibid,
**^ Arnold de Baerenfels, chevalier, Ibid. 419.
*** Cette partie du fleuve s'appelle le lieu sauvage^ Biêeking.
«•' T. II,a91,î9î.
«** Le 11 juillet. Tuhuài, II , 451.
i»« yrurstUen, ài7.
**< Les bourgeois firent 'des pertes.
*** On peut voir la représentation d'une de ces machines dans fTarf'
iisen, 422* =3 On en trouve une autre dans la chronique manuscrite de
Tichaehtlan, qui appartient à la bibliothèque de Berne. Celle de Wnr»-
tisen a été reproduite , ainsi qu'une autre du temps de la guerre de
Bourgogne dans la feuille IV des Eaquiêsei annexées à \*Hisloir$ de Cart
miliu chet Us Bernois par M. de Bodi; il en donne la description dans le
texte, I. î, 74 et 75. C. M.
LITRK IV. CHAP. II. 447
concert avec Berne et Soleure, une garnison ^®^, at-
tendu que cette ville était un boulevard de TArgovie.
Afin de rendre plus difficile l'approvisionnement et
l'arrivée des secours ^^^, on rompit avec des catapul-
4es '^* le pont suspendu entre le fort et la rive alle-
mande. Il ne resta qu'une périlleuse communication
aérienne : du château à la tour de la rive .droite on
avait tendu des cordes ^ le long desquelles on faisait
glisser un pétrin rempli de provisions ^^^. Mais ta ma-
chine de l'ingénieur Stuber soulevait sans peine des
pierres tumulaires et d'autres objets lourds qu'elle lan-
çait avec force contre le château ; elle y fit des brèches ;
on le jugea incapable • de tenir. Le duc Albert , à la
tète d'une grande partie des troupes de T Autriche an-
térieure^ soutenu par beaucoup de seigneurs et par
leur cavalerie, entreprit d'éloigner les assiégeans '^.
Mais leur artillerie joua par-dessus le Rhin contre son
camp d'«ne manière si formidable, qu'il abandonna
ridée de débloquer le château ^^. Comme celui-ci
croulait, Ulrich Schûtz^ réduit aux abois, demanda
une suspension d'armes d'une demi-heure , et par trois
'"^ 1,100 hommes. fVttrâtUen, 417. Le nombre des assiégeans fat
poité ensuite à plus de il, 500. fVuntisen, 42S.
"* On recneillit à Bftle lïsilron es de sapins emmenés par le Rhin,
419.
*^ Lia machine fnt deax fois détniite.
*** WtontUtn , 423 ; Etterlin aussi , 175 ; « singuliei^ appareil J »
ijonte-t-il.
*** Il avait , selon T$ehudi, 1500 chevaux et 500 fantassins ; SAlon
fVuniUen , 4000 hommes pour les deux armes. La tentative eut lieu
dans les premiers jours de septembre.
^*^ La maison de campagne de Pierre de Hégenheim à Grienxach fut
brûlée par les Confédérés, selon Tsehudi ; par les troupes du duc , selon
fVaniiten, ce qui est plus probable.
148 iil3T0lRB DB LÀ SUISSE.
fois^ mais inutilement, une libre retraite. A Tinsu des
assiégeans se trouvaient dans le fort Hallwyl , Jean de
Falkenstein et beaucoup de gentilshommes , et les An-
trichiens avaient donné l'exemple de décapiter les pri-
sonniers '^^. Sur la demande s'il y avait des nobles dans
le château, Ulrich Schûtz jura « que lui n'en connais-
» sait point , et qu'il n'y avait dans le fort que de bons
» compagnons '^^. » En même temps il déclara que, si
l'on refusait la retraite, tous feraient une sortie sous
l'invocation du chevalier saint George, et vendraient
chèrement leur vie. Le bourgmestre Jean Rot promit
libre retraite avec la cuirasse et Tépéci. Gomme le jour
baissait, ces ennemis mortels de la Suisse, méeonoais-
sables sous de pauvres armures et des vélemens sales,
se confiant dans la fidélité de quatre-vingts camarades
d'armes , descendirent le Rhin ; ils abordèrent au
Petit - Huningue , et rejoignirent de nuit le duc à
^kingen. Dans le château de Rheinfelden les Bàlois
s'enquirent tout d'abord de leur grand canon patiu
devant Farnsbourg; ils. le trouvèrent sous les décom-
bres des murailles ^^. Outre beaucoup d'artillerie ^^^ et
de provisions ^^^ diverses, on y découvrit la correspon-
dance de Guillaume de Grùnenberg relative à l'expédi-
tion des Armagnacs *.
*** A Laarenboarg , le 28 avril, ià guerriers de Berne et de BMe
furent exécutés. Ttchudi , BuUinger.
it* Par ce mot on entend ordinairement de simples soldats ; 0 l'em-
ploya dans un autre sens.
^* Wurgtiêen. Têehttdi dit par erreur qu'il appartenait aux Bernois.
=s Cette pièce s'appelait • la Romaine. • Oclu. Ul , 462. G. M.
loi Trente-six pièces. fVarêtUen,
901 Eotr^aulres 80 lits avec la literie.
* Le si^c avait duré qpatre semaines , du 17 août au 14 septembre.
Ochê, m , 461. Voy. aussi jus^ul p. 470. G. M.
LlYRB lY. GHAP. II. 449
Dix mille Bâlois^ Soleuroidi Bernois et Oberlan-
dais ^^^ marchèrent sur Seckingen, ravageant tout sur
leur passage ^^. Autour de Tantique couvent des reli-
gieuses de Saint-Fridolin , auquel appartenait autrefois
Claris ^^^ cette petite ville s'était formée dans le cours
des siècles au milieu des belles prairies de la rive droite
du Rhin , dont les eaux l'embrassaient en quelque
sorte ^^^ ; les comtes de Habsbourg en étaient de tout
temps les patrons ^ et , de droit ou par usurpation , ils
y exerçaient une grande autorité* Quoique la défense
du pays contre Zurich empêchât les autres Suisses de
prendre part à l'expédition 2^'', Lucerne, Uri et Schwyz
envoyèrent^ sur la demande de Berne , quelques cen*
taines d'hommes ^^^, pour montrer le bon accord de la
Confédération. On respecta la résolution des Glaron«
nais de ne pas combattre contre Saint-Fridolin^ contre
la princesse de leur abbaye, contre les bourgeois de
Seckingen^ pour ainsi dire leurs parens et leurs frè-
res '^^ ; ils ne craignaient pas la France et TAutriche ,
mais Dieu^^^. Du reste , l'ambition fit échouer le siège :
Berne et Baie se brouillèrent pour la priorité à l'as-
^* D'InterUchen , du Sibenthal et da Gessenay.
^* On brûle k la maison de Scbônan le ch&tean do SchweTstalf.
«•» T. I. p, 16S.
^' An moyen d'un fossé où Teau est rarement profonde.
**' Us déclinèrent la sommation de marcher vers Rbeinfelden. Tsehudi,
U , 454.
»• Têchmdi : Locerne »00, Uri 175, Schwyx lao. PTuntUen inexac-
tement : 1000 de Lnceme et Schwyi.
** • Parce qae c'était leur constant usage de ne pas faire la guerre
^ Seckingen. » Tickudi , â55.
^** Abêolution da vicaire-général en faveur de Glarii pour les déêordreê
de la guin-e, 70 févr. 14&5 ; dans Teekadi.
150 HISTOIRE DE Lk SUISSE.
saut^^^; la possession de la Tille pouvait en èti% la
conséquence : Seckingen n'était pas compris dans l'al-
liance comme Rheinfelden. L'ardeur ainsi amortie ^'^,
les Confédérés eurent moins de succès que dans d'au-
tres occasions où ils avaient moins de troupes ^^^.
Peu aprés^^^^ les Bàlois firent l'expérience que le
courage est impuissant où manquent l'ordre et la
concorde. Quatre cents chevaux ennemis accoururent
du côté de Neubourg contre le Petit-Bâle pour pro-
téger Tenlèvement d'un troupeau* Les bourgeois, se
levant à la voix de Didier Ammann ^^^, firent une sor-
tie sans plan et sans chefs. Les cavaliers se retirèrent
vers Riehen; les Bàlois les poursuivirent jusqu'au vil-
lage de Stetten^^®. Là l'ennemi fit volte-face et les
repoussa vers le Wiesen^ dont les eaux étaient fort
hautes ^^"^^ ils s'enfuirent en courant vers la ville, non
sans perte ^^^. Un seul avertissement suffit aux hommes
intelligens : sur les reproches de Conrad de Lauffen, o&
^e réunit de nouveau pour réparer la faute du matin.
««* fVuntisen , ài^,
*^> « Chacun n'était pas joyeux et entrain; on entendait des propos
» fort divers. • Tschudi. Le droit était pour Bàle , qui avait fait la som-
mation ; les Bernois, quoique plus nombreux , ne vinrent que comme
troupes auxiliaires.
'*' « Il advint toute sorte de mésaventures aux Confédérés. » Etterlin,
» On soupçonna que Tor des assiégés n'était pas étranger à la levée dn
siège. De TiUier, 11, 115. C. M.
*** Le 27 octobre 1444.
215 fVarstUen , 425.
^^^ Etterlin, 175 i « Une attaque eut lien dans le village de Stetten. >
V fVursiUen,
^** Tschudi : 52 hommes et une coulevrine ; fyurstisen : 16 furent
transpercés ; E/(er /m ; près de 40 transpercés, 16 faits prisonniers;
ce n'étaient pas des militaires , mais des gens qui conduisaient du fia
et du blé à Bàle.
LIVRE IV. CHAP. II. 151
On résolut ^^^ de ne pas priver plus loiig<-temps la
république de l'expérience y de Thabileté et de la consi*
dération héréditaire du bourgmestre Arnold de Rot-
berg '^^, de de Lauffen et d'autres chevaliers et fa-
milles possesseurs de fiefs étrangers , toutefois liés à la
ville par un serment , mais de leur rendre le droit de
participer aux délibérations ^^ Poussés par la ven-
geance ^ les Bàlots se portèrent ensuite- sur le bailliage
autrichien de Landesehre ^^^ y et par le Hard dans le
voisinage de Neubourg^^*, brûlèrent les richesses que
Tavoyer de Landesehre avait négligé de sauver à titre
de contributions, et même les églises hostiles à leur
cause ^^ \ ils vendirent à Tenchère les biens des prê-
tres dangereux ^^^^ condamnèrent au feu les incen-
diaires soldés ^^^ et noyèrent le bâtard de Ramstein ,
mis au ban; il. offrit en vain soixante florins pour ra-'
cheter sa vie^^"^.
En Argovie il se fit plus d'une tentative contre les
villes suisses de Bade^ Bremgarten et Mellingen. On
entreprit mainte expédition contre de riches villa-
ges ^^^^ ou dans le but de moissonner des blés mûrs ; à
'^' Jeudi après la Toussaint.
^ Quoique bourgmestre , il n'assistait pas au conseil ; le chef des
tribuns présidait.
^^ Excepté deux dont les frères étaient an service ennemi. fVurttiitn,
Yoy. ci-dessus n. 142.
^*^ Le 4 décembre , avec 100 chevaux et 600 fantassins. Tschudi.
*2' Le 24 décembre ; dix-huit citoyens furent tués dans celte occa-
sion. fVarstiun^
2>^ A Schlierbacb. fVuntUen.
m
*** De Tannkirch dans le pays de ade. fVurstisen,
^'* On en avait gagné un pour 14 plapparts. fVut^itiseiu
^^ L^ mêtM et Brakner, Lundi avant S. Thomas, 1445. *
*^^ Comme Mâri^hwanden. Louii Edlîbach,
152 HISTOIRE DB LÀ 6UISSB.
cet effet 9 on avait transporté des bateaux par-dessus
TAlbis de la Limmat dans k Reuss, qu'il fallait traver-
ser ; la corruption des chefs ^^^ ou le secours inattendu
des Confédérés ^^^ déjouait ces entreprises. Là où; les
gardes donnaient ^^* et les traîtres appelaienl^^, Rech-
berg faisait plus de butin qu'il n'en pouvait emme-
ner ^^^. A Bremgarten^ les partisans de l'Autriche'^*
étaient convenus avec lui de l'heure nocturne à laquelle
il passerait la Reuss prés de St- Antoine et] trouverait
leur ville ouverte ; mais les cris poussés par les senti-
nelles '^^ et dans les moulins éveillèrent les bourgeois^
bientôt armés*
Rechberg forma peu après avec Pilgram de Heudorf
un plus vaste complot contre l'Argovie. Non loin de
Brougg^ dans la Stille ^^^ où l' Aar^ grossie par la Reuss^
roule ses flots à travers une profonde vallée et offire un
*** Bdlibach n'en parle pas expressément , il écrit : « Rechbeig , arrivé
» sur l'Albis , apprit des nouvelles inattendues , mais je ne sais pas
f quelles ; « il venait de dire qu'on avait tâché de s'emparer de riches
paysans,
*** Ainsi dans l'Argovie depuis le 24 juillet jusqu'au 6 août Têchudi,
45S.
^* P. e. à GOsslilLon , où 8 hommes restèrent sur le carreau. Têchudi,
443.
'*' P. e. à Bremgarten le 12 mai, Edliboch.
^*' Il fut obligé de laisser courir des bestiaux pour une valeur de
«plus de 1500 florins. Id.
*•* Voy. t V. p. 548. Des émigrés, vivant à Rappeirschwyl , avaient
des intelligences à Bremgarten.
**^ Trob hommes furent pris dans les remparts , puis rachetés pour
000 florins. Ediibach, Tsehudi parait confondre cet événement avec
celui du 9 juillet (ou 9 août j.
'*• Nom de la contrée. = Il signifie lieu tranquille et se donne en
Suisse aux parties des rivières dont l'eau est presque dormante , comme
dans un bras de l'Aar près de Berne , dans l'Aarzihle. G. M,
LIVRB IV. CHAP. II. 153
passage sûr^ Pilgram^ à la tète de 4^000 Autrichieus ^^''^
devait rencontrer six cents hommes de la garnison de
Zurich, gravir les hauteurs et s'emparer de TArgovie.
Rechberg, au point du jour ^^^^ réunit toute l'armée
zuricoise en armes dans le Hof , choisit les six cents,
partit, cela son dessein. Au-dessous de Mellingen il
passa la Reuss, non inaperçu. A peu de distance de
Lenzbourg, au-dessus du village de Staufen, sur le
sommet d'une formidable montagne, est l'église parois-
siale des vieux comtes de Lei^zbourg; on le vit de
là ; le tocsin retentit ^^^. Rechberg essaya de cacher sa
marche à l'aide des mouvemens du terrain, escarmou-
cba contre Kônigsfelden , vint après minuit devant
Brougg. Soudain les murs, à peine un peu réparés,
furent assaillis avec de grands cris, mais vivement
défendus; une balle atteignit Rechberg; il tomba éva-
noui ^^^, surtout de saisissement. Tandis que ses guer-
riers les plus sauvages ^^^ pillaient le territoire de l'Ei-
gen, l'entreprise principale échoua parce queHeudorf
n'arriva pas, et la marche audacieuse de Rechberg
risqua d'avoir une issue fatale, les postes ennemis
dans le voisinage pouvant se réunir. Mais à la guerre
les incidens que l'ennemi ne prévoit pas réussissent et
ont rarement des suites fach^ses. Après avoir attendu
Heudorf jusqu'au milieu du jour, il fit sonner le rap-
*" Da bailliage de Kibourg, de la Thurgovié et de la Sonabe par
Zonach et KaiserstnhL
»• Le 9 Juillet 1445, selon Tuhudi; selon Edlibach, le 9 août,
le matin entre quatre et cinq heures.
»• Edlibaek.
^* ht même et Têchudi 486 et 451.
^*^ 80 du bataillon da sang (les grenadiers, selon nos armes). LouU
Kdlibaeh.
154 HISTOIRE DB LA SUISSE.
pel ; ses gens arrivèrent chargés de butin ^^^ ; ils avaient
à traverser une rivière et des montagnes^ et leur nom-*
bre égalait à peine le tiers de la gamisoa suisse de
Mellingen^ près .de laquelle ils devaient passer; celles
de Bade et de Bremgarten pouvaient accourir et les
cerner. Rechberg^ après une perte insignifiante^ tira
sa troupe et une partie considérable du butin ^^^ de cet
embarras ^^^9 par^ce qu'il ne parut point embarrassé.
Car lorsque Rodolphe de Ringoltingen , de Berne,
homme d'intelligence et d'expérience^ qui commandait
dans Mellingen , fut informé de ces circonstances par
des campagnards^ il vit dans ce courage Tintention de
rattirer hors des murs^ de lui couper la retraite et de
s emparer de Mellingen ^^^. Il se contenta de mettre
quatre cents hommes en observation dans le petit bois
voisin ^*^. Rechberg les voyant tira l'épée, non contre
les Suisses^ mais pour frapper son valet et d'autres qui
voulaient attaquer alors qu'il ne fallait que de la pru-
dence. Ringoltingen le fit poursuivre ^^''y tandis qu'il
passait lui-même le Heitersberg^ dans la pensée que, si
Fennemi se trouvait arrêté , il l'attaquerait de frcftit ou
en flanc. Mais Rechberg abandonna le plus lourd du
butin ^^^, et se sauva par la rapidité d'une marche bien
ordonnée ^*^.
'^' Meubles , gros bétail , porcs , chariots. Tsehudi,
2^^ Valant 1600 florins. BuUinger.
' '^* Deux ayant couru chez eux avaient annoncé à Zurich le périK
EdUbiuh.
2^^ « C'est une ruse et la plus grande finesse est encore cachée dcs-
» sous. » Edlibach
"• Le Vorfïolz.
s«7 Par les Argoviens qui accoururent.
**» Près de Rohrdorf. Ttchudi.
^** Attaque inutile près de Spceitenbach. Stumpfk7^ 6.
LIVRE IV. CHAP. IK 455
Les complots répétés ^^^ contre les boulevards de
l'Argovie furent attribués aux intrigues et aux parti-
sans des émigrés^ parmi lesquels se distinguaient qua-
tre-vingts des premières familles de Bremgarten^^^
Une grande partie du conseil de leur viïle ^^^ fut con-
duite à Lucerne^ soumise à une enquête ^ mais libérée.
Cependant les éqpiigrés ne furent pas même touchés de
cette justice; à la paix^ ils virent leur cause perdue;
ils implorèrent un retour souvent dédaigné et l'ache-
tèrent au prix de la capacité gouvernementale et même
des droits communs ^^, tMiX ils payèrent cher les illu-
sions de l'espérance !
A l'approche de l'hiver Jean Stûssi, frère du bourg-
mestre ^^^ entreprit avec 4^000 hommes de surprendre
Bade^ où il avait des intelligences. Il passa la Limmat
et cerna la ville; une construction déjà faite devait
empêcher de baisser la herse, tandis que le bélier en-
foncerait la porte ^^ ; mais l'esprit ferme du bailli ne
se laissa ni effrayer par 1^ préparatifs ni entraîner par
^* Je passe les attaques contre MeUingcn da 18 août et <fn 2 no-
vembre et l'expédllioa derant Bremgartea da 26 octobre. Tuhitdi 1^
raconte.
^* Sengen, HQnenberg, KriegdeBellikon, Rinkenberg, etc. Tichudi,
U, 45S.
^* Qnatone. Ibid. Le Grand Conseil se compose de XL.
^' Il leur fut interdit de servir jamais de témoins ; Tesprit de parti
ou de vengeance aurait pu les éblouir. On leur laissa leurs biens. On
était sévère, non rapacc.
«* BulUnger,
^^' Rapport de Jost KdB$ d^Uri , bailli de Bade , et de plusieurs simples
soldats des Confédérés, lundi avant la SU -Martin 14A5, dans Tsekudi.
Le bélier , nommé conformément à la terminologie ancienne , était un
grand tronc d'arbre sur un chariot. Ils avaient du reste des balles , des
flèches et ils faisaient feu.
456 HISTOIRE DE LA SUISSE.
le succès de sa défense à une sortie irréfléchie ^^. La
tentative fut déjouée. En vue des services qu'il espé*
rait encore de ses amis de l'intérieur^ l'ennemi n'in*
cendia pas les bains ^^'^.
Les Zuricois et les Schwyzois se disputèrent les ar-
mes à la main l'empire du lac^^. Les premiers. profi-
tèrent des forêts de la rive orientale ppur construire de
grands radeaux qu'ils garnirent d'hommes et d'artille-
rie'^*. Avant qu'ils fussent achevés ^ ceux de Schwyz
firetit abattre des sapins^ sous la direction d'un ingé-
nieur'^^ de Grùningen, dans le bois au-dessus de
Wœdenschwyl , et construire deux bateaux '^^ et un
radeau long de cent vingt pieds ^ sur lequel on fixa des
canons '^' et plaça six cents hommes, protégés par un
parapet et un mantelet. La marche de l'Ours '^^ (nom du
i*adeau) était lente; son attaque^ formidable; il régna
sur le lac avec puissance. GomiAe le duc Albert était
à Zurich, entouré d'une cour nombreuse, çt qu'on
faisait grand bruit de projets de ravages, les Schwyzois
dirent t « Faisons aux seigneurs un feu de joie. » Ils
approchèrent de la ville, brûlèrent le village de ZoUi-
kon; personne n'osa les attaquer '^^.
^'* C'était un des buts de rennemi.
>»7 Louis Edlibaeh,
>^* Nons omettons les excursions des Zuricois le 6 janvier, des Suisses,
au commencement de maL Tuhudi,
^* Edlibaeh a parfaitement raconté ces faits.
*^* BttUinger. Ces ingéniears s'occupaient des engins.
*'* L'un de 17 toises de long, l'autre de 20. Tschachtlan,
><2 Au moyen de poutrages. T$chadL C'étaient un grand canon et une
pièce de campagne , enlevés aux Zuricois. Le mantelet couvrait ces
bouches à feu et non tout le radeau.
''* « Il allait tout doucement. • Edlibaeh,
'^* Les Zuricois ne possédaient pas d'autres grands bateaux que ceox
que le duc avait fait transporter du lac de Constance. ïd.
LIVRB IV. CHAP. XI. 157
Un ingénieur ^^^ de Rapperschwyl plongea dans le
lac^ non loin de la Tille, un pieu de chêne y muni d'un
anneau en fer et de quatre crocs aigus ; une chaîne en
fer le faisait communiquer avec une corde fixée à la
porte de la ville. Les Schwyzois abordèrent. Les crocs
se plantèrent dans la poutre principale placée au-des-
sous du radeau ^^. Les habitans de Rapperschwyl tirè-
rent la corde si vigoureusement que le radeau et ceux
qui le montaient 5 étourdis de ce mouvement ^^'', ris-
quèrent d'être pris; mais la corde cassa ^ et ils s'en
retournèrent joyeux. Ils n'oublièrent pas cette leçon de
prudence***.
Dans une autre tentative contre Rapperschwyl**^,
le landammann de Schwyz , Jean Ab Yberg , homme
expérimenté I vaillant , brûlant de patriotisme , fut
mortellement blessé d'un coup de feu ^^^. Il alla re-
joindre son frère, tué près de la Birse ; l'ardeur guer-
rière de ses troupes ne s'amortit point, mais elles perdi-
rent cette vigilance d'un chef qui ne néglige aucune
circonstance *"''.
iM « Subtil et plein d'astuce. > Id.
^' On dit qu'un plongeur les fixa. May , HUt, milit, Ul , 167.
'*^ Aatrement ils auraient trouvé moyen de rompre la chaîne , et de
couper la corde , plus éloignée, en tirant contre.
Me EdUbaek raconte ce fait May évalue la perte à S 00 hommes. S'il
en était ainsi , tous les historiens en parieraient, et Ton saurait les noms
de quelques-uns des tués. Son HUioire militaire renferme beaucoup de
faits intéressans et précis ; mais comme il ne cite jamais les sources , on
ne peut pas dbtinguer les données anciennes des développemens de
l'historien.
^* Le fait qu'on vient de raconter se passa le iO mai , selon May;
le fait suivant eut lien le 2 août, selon Tichudi,
>^* n paraît que la grande pièce de position tirait des boulets de bois.
Selon Tichudi, le boulet lui traversa le corps.
''* « Quand il s'agissait d'attaquer , on était plein d'ardeur ; mais on
• néglfgeaît misérablement bien des choses. • Ttehudi.
'ISS HISTOIRE DE LA SUISSE.
a
Rapperschwyl s'approvisionna par terre sans obsta-
cle; lorsque les Zuricois s'aventurèrent jusqu'à Grû-
mingen^ le bailli Werner ^bli tua autant d'ennemis
qu'il portait de cicatrices, souvenir de la Birse^'^^.
N'ayant pas trouvé la mort à St-Jacques, il avait ré-
clamé ce commandement d'avant-poste.
Les Zuricois triomphèrent sur le lac. Non-seule-
ment, à la faveur du brouillard, leurs bateaux arri-
vèrient inaperçus près de Staefa ^"^^^ mais l'Ours recula
devant l'Oie et le €anard , parce que ces radeaux des
Zuricois, ses- égaux en grandeur ^'^^, le surpassaient par
le nombre des hommes ^'^^ et des armes ^'^*. Avant
tout, Zurich approvisionna Rapperschwyl^'''^. Ensuite^
comme ceux de Schwyz et leurs inséparables amis de
Lucerne ^'^^ attendaient en embuscade derrière l'île
d'Ufenau le retour de l'ennemi, Zurich envoya toutes
ses forces navales ^'^^, avec des munitions pour les assié-
gés ^^^, dans le but de dégager les premiers bateaux et
de livrer bataille^'. Les Confédérés^ n'écoutant que
^'' Il en avait 7. ItL Voy. ci-dessds ch. I à n. 514.
*7' Danft les StsfeD. Edlibaeh. Le grand village de Staefa était divisé
en trois sections. Le fait se passa le 19 septembre. Têchudi,
*f^ L'Oie avait cent pieds de long; le Canard nn pea moins. BulUnger,
>79 Le premier portait SOO hommes, le second 500. Id,
^^* « Les radeaux defrZoricoîs étaient très-bien pourvus de canons et
de munitions et avaient beaucoup de rames. EdUbaeh. Il s*j trouvait
surtout deux grandes pièces , fixées l'une derrière , l'antre devant Têchudi.
>77 De blé , d'orge , de légumes et d'avoine. EdUbach,
^'* « Pendant presque tonte la guerre , leurs troupes furent jointes
• à ceU^s de Schwyz. » TtehudL Non pas que d'autres fussent moins
bien disposés ; mais ils étaient eux-mêmes en danger ou moins forts en
hommes.
*'* Il y avait douze bateaux. Taehudi,
*•• De la poudre et des boulets de pierre.
*•* Non-seulement une bataille était prévue , mais concertée avec ceux
df Rapperschwyl.
LIVRE IV. CHAP. !!• ' 159
leur courage^ s'avancèrent subitement dans les eaux de
Mœnidorf , au milieu d'ennemis supérieurs en nombre
et que Rapperschwyl soutenait par des renforts. Gomme
dans d'autres occasions^ ils essuyèrent des pertes avec
honneur. Leur radeau et leurs deux grandes barques
furent mis hors de combat par l'artillerie ennemie ^^ ;
ils perdirent quelques hommes ^^^; mais^ vaincus^ ils
déployèrent un oourage si formidable que Tennemi ne
put ni les cerner ni leur couper la retraite; ils se nen-
dirent à Bsechi.
L'hiver vint; le pa3rs fut couvert de neige; deux
cents Schwyzois^^^ seulement étaient à Pfeffikon, sur*
vdUant les métairies défendues avec peine^^^, s'in-
quiétant peu des intentions de Tennemi, inhabiles à les
découvrir. Lorsque pendant une belle nuit d'hiver ^^^,
la plus froide de cette année, la sentinelle de WoUerau
aperçût les barques ennemies , derrière elles ^ sur les
hauteurs du rivage, des habitations enflammées, et que
des mouvemens furent remarqués du côté de Rap-
perschwyl, le péril imminent les surprit sans autres
'** On le sait positivement de TOors et de l'Oie ( Scfawyz avait nne
barque de ce nom ; Zoricb, an radeao); la Quille, le second de»
grands bateaux de Scbwyz , couvrait leur retraite ; elle perdit au moins
quelques hommes. Tsekudi.
^' Têchadi parle de i6 hommes ; May, TU , <iS9 suiv. , de 850. Gomme
faction avait en Mea le S9 octobre, la différence de ces deux nombres
s'explique par la Lettre de Berne d Sehwyz du à. novembre : « La faiblesse
• dominante aujourd'hui est d'exagérer toutes choses , loin d'en rien
» rabattre, »
>** Teekoehilm : 500 ; il compte les gens des méUirie^
^^ « Hs étaient constamment inoiiift à cause des métairies dont ils
I • avaient pris possession dans la guerre précédente. » TsehudL 11 j>ai'ait
qu'ils en eurent plus d'honneur que de proflt.
^^ Le 16 décembre, deux heures avant le }out; TschaehtUm dit une
heure , contre toute vraisemblance.
160 HISTOIRE DB LA SUISSE.
préparatifs de défense que la résolution qu'ui brave
porte toujours dans son cœur. Jean de Rechberg, suivi
de la bannière et du principal: corps d'armée de la ville
et de gens de la forêt Noire^ accoutumés aux sentiers des
montagnes^^*^^ s'avança par eau et par terre le long de la
rive occidentale ; des barques bien montées venaient
à la suite ; les habitans de Rapperschwyl passèrent sur
la langue de terre de Hurden. Avant dattaquer^ le che-
valier brûla le pont de la Schindelleggi pour couper aux
ennemis la retraite et les renforts; alors il se dessina
dans l'obscurité d'une contrée sombre tout entourée de
flammes. Ses guides rencontrèrent quelques soldats qui
accoururent vers l'incendie y que leur capitaine regar-
dait comme l'ouvrage d'un petit nombre et comme un
stratagème destiné à l'éloigner du lac où se ferait
l'attaque principale. Gris subits ^^^^ erreur mutuelle,
comme il arrive au milieu des illusions nocturnes que la
lune produit. Il s'en fallut que les Confédérés vissent la
totalité de l'ennemi; Rechberg^ les estimant plus nom-
breux , crut son plan trahi et voulut y renoncer ^**. La
plus grande partie de la garnison de Pfeffikon marcha
sur Wollerau ^^ ; épars dans les métairies et sur les
collines , habitans et soldats ^^^ se rassemblèrent. Irrité
du stratagème et de l'incendie, pressé d'en finir avant
l'arrivée des embarcations, chacun, de quelque côté
qu'il vint, se jeta sur l'ennemi de toutes parts exposé,
«' BaUinger.
'■> « Plus près, plas près ! sur les coquins , les b.... » T»ehadi.
''* BuUinger d'accord avec TtchudL Je crois qu'il se retira alors sar
la hauteur.
^* Le combat a tiré son nom de ce lien.
'•* D'après Ediibac/i on devrait croire qu'il se trouva là dès le com-
mencement d'antres divisions des Confédérés * enti'antres 50 hommes
de Zoug; Tsehudi n'en dit mot.
LIVRE lY. CIIAP. II. 161
qui, descendu dans la plaine et abasourdi^ cherchait à
regagner la hauteur. Dans ce désordre , Pantaléon Ha-
genauer, banneret de Zurich, habile à diriger toutes
les affaires, fiit, ainsi que beaucoup d'autres conseil- ^
1ers et bourgeois^*^ tué^®^ par ses propres gens, que
lobscurité trompait; le soleil éclaira Terreur. L'ar-
mée y honteuse , redescendit dans la plaine ; une
prompte jonction avec les barques et Rapperschwyl
semblait de nouveau promettre la victoire sur les en-
nemis si peu nombreux ^^. Voyant ces dispositions ,
ceux de Schwyz , par un mouvement à gauche , s'ap-
puyèrent en bon ordre contre une hauteur. Bientôt
rennenà occupa la plaine , et , rassemblant morts et
blessés y sans être arrêté par les Suisses qui n'osaient
quitter leur position vu leur petit nombre , il descendit
vers le lac, essuyant des pertes continuelles ^^^ , et
prit position dans là plaine de Grûtzen , adossé contre
mi cimetière. Les Schwyzois, croyant Rechberg dé-
couragé, hasardèrent de descendre. Entre eux et lui il
n'y avait plus qu'un fossé et une baie. L'ennemi em-
barqua ses morts; du reste, prévoyant un acte d'au-
dace ou l'arrivée d'un secours de Rapperschwyl , il se
tint sur la. défensive. Pfeffikon élait situé entre lui et
Hurden. Là ses barques et ses radeaux attaquèrent
rOurs sdiwyzois avec des forces et une artillerie si
tupérieures^^^, que les guerriers renoncèrent à se dé-
*** BaUinger estime la perte à 160 hommes, Rhan à SOO; il parait
qu'il n'en resta pas iOO sur le carreaa ; plus tard il peat en avoir péri
60 ou davantage*
>«> EdUbaeh.
'** • Ils les regardaient comme peu de chose. • T$ehudi.
^'> Jusqu'alors il n'y avait eu que 78 morts. Id,
'^* On ne put faire partir le grand canon des Schwysois, bien
VI. I I
162 HISTOIRE DB LA SUISSE.
fendre. Rechberg n'était pas encore à Grûtzen^ lorsque
les barques zuricoises , après avoir coulé bas ou brùié
celles de l'ennemi , emmenèrent l'Ours le long du ri-
vage en passant devant Freyenbach. Là ils entendirent
la voix et aperçurent les signes de Gonthard , qu'ils
connaissaient pour le porte-enseigne du vieux Hage-
nauer* Ils s'épouvantèrent quand ils le virent tirer de
dessous son manteau la bannière roulée, et, après un
bref récit du désastre ^ tomber évanoui ^^''. Pour ne pas
compromettre leur succès ^^, abandonnant les bar*
ques dans lesqudles Rechberg avait transporté les
morts, ils retournèrent chez eux. Les Rapperschwy*-
lois, en approchant , virent PfefBkon intact et encore
occupé ^^p et entendirent le tocsin le long du lac; çà et
là se montraient déjà les renforts destinés aux Gonfé-*
dérés. Quant à eux , inquiets de leur retraite ^^ et de
leur ville I ils s'arrêtèrent. L'irrésolution paralysait
tout. Pour les Suisses, c'était une vietoire suffisante
que d'arrêter l'attaque imprévue, simultanée ^ jusqu'à
l'arrivée de leurs confédérés* Rechberg vit échouer
son plan, assez habilement conçu ^ par deux fautes
dont Tune aurait pu être évitée. S'il était descendu vers
le lac en silence, sans incendier de maisons, il aurait
prévenu l'alarme prématurée et le combat nocturne; le
poste de Pfeffikon aurait été surpris , enlevé peut-être
ou même à coup sûr si les instans avaient été mieux
calculés; mais une partie des bateliers étaient débar-
qu*on y mit incessamment le feu. Ttchudi, L'artilleur L'avait négligé.
T$chachtlan.
«•' EdUbaek, BuUinger.
^* Si Tarmée en fuite surchargeait les radeaux , ou si les vainqaeurs
tenlaicnt de s*en rendre maîtres.
S"»» Avec 100 honunes de guerre. Tsehudi,
'°^ Il vint des troupes de la Marche. Id.
LIVRE IV. CHAP. H. 163
quës pour se réchau£Fer dans une auberge '^', et les
milices de Rapperschwyl auraient dû se trouver devant
Pfeffîkon en même temps que les forces navales. Mais
où la guerre n'est pas une occupation de toute la vie ,
où. manque une armée permanente, centre de tout
mouvement militaire, une exacte discipline est la der-
nière chose qu'on peut espérer, et un général, mérite
plutôt la pitié que le blâme''. Quand Rechberg vit
l'affaire perdue , il mit le feu aux maisons de Freyeu-*
bach, afin d'arrêter Tenneini, pendant qu'il fuirait si
rapidement qu'on ne pourrait l'atteindre. Cent pieu-
ses Zuricoises remontèrent le lac pour chercher les
morts ^^% afin de leur rendre les derniers devoirs. Au
prix d'une perte de quinze hommes, lés Schwyzois
avaient remporté la gloire d'un courage indomptable.
Mais ils durent céder le lac à l'ennemi, qui eut bien
de la peine à brûler les débris de la flottille ^^^. Ce qui
fait voir quels hoihmes étaient les Schv^ryzôis, c'est
qu'en dépit d'un si grand avantage, l'ennemi, plus
puissant et plus riche, non-seulement ne put rien
contre leur liberté , mais ne recouvra pas même ce
qn'ib avaient conquis sur lui.
La possession de Sargans ne servit pas davantage la
cause des ennemis. Dans la saison où les Alpes ne
nourrissent plus de bestiaux , ils rendirent celles qui
dominent les sources de la Thour accessibles par un
*" EdUbaeh.
* Un landsturm ( levée en masse } ne peut élre utile qn'auUnt que la
milice a été organisée militairement et trouve dans les troupes de ligne
soutien , direction et refuge. Nous avons pu voir tout cela en Suisse ;
nous avons négligé celte mesure; la pdne a suivi de près ; miis tous
n'ont pas été coupables. D. L. H.
*•> Encore 102 hommes. Tsthudi.
'** Le 2ft. décembre. Id.
464 HISTOIRB DB hk SUISSE.
côté fermé jusqu'alors. Lorsque Ton mena les trou-
peaux de la vallée supérieure de la Thour ^^ à la
montagne , avec la sécurité accoutumée , ils les sur-
prirent ^ les enlevèrent et tuèrent les bergers '^ .
Le nouveau chemin favorisa la ruse ce premier jour;
le lendemain Ton en profita pour châtier les aggre»-
seurs *^.
Une autre fois les gens du comte de Sargans et du
baron de Brandis ^^ prisèrent se jeter à l'improviste
sur trois cents Glaronnais qui gardaient la frontière
près de Quarten, sur le lac de Walenstadt. Ceux-ci
découvrirent le projet. Ils cachèrent cent hommes entre
les arbres de la colline située en avant d'eux à leur
droite. Derrière les retranchemens , tout reste immo-
bile; rennemi vient; la résistance l'arrête , les Glaron-
nais s'élancent avec de grands cris, ceux de la colliBe
le prennent en flanc; il fuit aussitôt, essuie un nouvel
échec près de Terzen , est repoussé jusqu'à Walenstadt
avec perte ^'.
De la Thurgovie et de la rive allemande du Rhin,
avant son embouchure dans le lac, on fit plus d'une
tentative sérieuse contre Tokenbourg, Wyl et le pays
d'Appenzell. Près de Kilchberg , non loin deFischingen,
six cents Thurgoviens et Kibourgeois forcèrent le rem*»
part ; la petite garnison ne perdit pas de vue l'ennemi ,
en attendant que le tocsin eût rassemblé quelques gens
du Bas-Tokenbourg ; les soldats étrangers furent sur-
^*4 De Wildenbftus, de Saint-Jean. Id,
*^^ 19. n en périt aussi 7 de Sargana. Id.
>•< • Bon nombre de compagnons se glisaërenl par la nouvellcf
route. • Id,
»«' De VaduB et Meycnfcld. Id.
'^^ n tomba 29 ennemis et un Glaronnais; le S2 novembre.
LIVRB IV. CHAP. II. 165
pris et battus ; la vengeance tomba principalement sur
ceux de Winterthur ^^*.
Rechberg avait projeté d'attaquer Wyl à l'impro^
viste^ le jour de Saint-Charlemagne (1446)| fête so*
leimelle pour les Zuricois^'^* Les babitans de Wyl et
les Confédérés revenant d'une expédition beureuse,
cbargés de butin ^ il inspira à ses gens du mépris pour
un ennemi si peu guerrier ^^^ et tenta de rendre inutile
la supériorité du nombre. Il ordonna que l'infanterie
parcourût la campagne et que les coulevrines et des
aniu(4>usiers attendissent derrière une baie l'ennemi
qui la poursuivait. Il alla se poster avec la cavalerie au
milieu des genévriers de la colline. Près de la baie
verte , les Confédérés furent surpris , effirayés. Dans ce
moment on sonna la cbarge; l'infanterie fit volte-face ;
il attaqua I lui ^ par derrière et en flanc. Il avait exigé
de ses gens le serment de tuer tout camarade qui bési-
terait. L'ennemi combattant et couvert de sang ^^^ se
retira vers la ville.
Quelque t^nps après ^% les Zuricois et les Tburgo-
*** Le li juin. 75 périrent ; Winterthur perdit son drapeau et
Mce homnea. TwhfàL
^^ Elle se céièbfe annaettemeoft le S8 Janvier avec une soiennité par*
licolièret parce que , suivant les légendes, Zurich doit à Gharlemagne
nue grande partie de sa prospérité. Voy. la dissertation du savant diplo-
mate Sckinz dans l'ancien Muiéé êuûsê , XU« 721. Sa fête contribua au
succès de la Journée , mande Edlibach.
>it ■ C'est une troupe de petits paysans inntilcs. • îd» Us n'étaient
comparables ni pour la stature ni pour le courage à ceux des monta-
gnes, dont ils n'avaient chez eux que quelques-uns.
*'* Edlibach mande qu'il périt 75 hommes; TschuM, 10 /avec l'ob-
6cnration : • On n'a pas perdu un homme de plus qu'il n'est dit ici. •
'" iLussi bien le 18 de mai que le 21; il s'agit ici de la dernière
action.
166 HISTOIRR DB LA SUISSE.
Tiens assaillirent celle-ci après minuit, avec un feu sou-
tenu. Mais rarement un projet hostile échappe à un parli
populaire. Les habitans de Wyl, prémunis contre les
flèches enflammées et les coulevrines, firent eux-mème^
un feu vif, rompirent ou renversèrent les échelles et
défendirent leur petite ville quatre heures durant ^^*,
avec un dévouement énergique ^'^, tandis que le tocsin
soulevait le Tokenbourg , Uznach , le Gaster , Glaris
et Schwyz. Déjà les Schwyzois étaient aux environs
d'Einsidlen; déjà les Glaronnais montaient la Lad,
montagne qui sépare Uznach du Tokenbourg , lorsque
de joyeux messagers de Wyl leur annoncèrent que
l'ennemi avait fui à leur approche , fort maltraité dans
sa fuite ^** par le sire Pierre de Rarogne**''.
Les Thurgoviens, dévoués à leurs vieux seigneurs ^
sous Tinfluence d'une noblesse qui cherchait sa fortune
dans les cours et dans les guerres des princes, sous
des autorités redevables à Kibourg et à Habsbourg de
Torigine, des franchises et de la prospérité de leurs
Tilles^ firent contre les Suisses plus que leur devoir.
Ulrich Wagner, de Schwyz , frappa donc leur pays de
son épée vengeresse ^'^^ dévasta la contrée comprise
entre la Mourg et la Thour, et passa celle-ci de force
près de Pfyn. Ceux de Frauenfeld rassemblèrent la
Thurgovie sous leur drapeau^**, marchèrent sur Wî-
»** Etterlin, p. 174.
»» Tschudi.
•" Etterlin, 7)1; Tsekudi, 78; BuUinger, de Wînterthur seul th.
•*' Etierlin ajoute par erreur un comte Rod. de Tokenbourg. L'exac-
titude diplomatique lui est presque toujours étrangère.
»*• Avec 800 hommes de Schwyz, Un, Unterwalden, Glaris, To-
kenbourg et avec la milice de V^yl. Tachadi
*^* « Aucuns lui donnaient le nom de bannière, parce que Frâuenfelu
9 p'eut jamais rien de plus grand. • Ttehaektlan,
LIVRE IV. CHAP. II. 167
goltingen^ encore peu aoinbreux^^^, mais acharnés^ et
trouvèrent rennemi. Il s'arrêta ^ fit feu (la nuit appro-
chait), battit les Thurgoviens^^, les mit en fuite, dé-
pouilla les morts et rentra dans son pays avec une
bannière conquise.
Les Autrichiens du Yorarlberg jetèrent leurs vues
sur le pays d' Appenzell , voisinage dangereux par
sa situation, position importante entre leurs mains.
Leur dessein fut favorisé par les Feyer, gentilshommes
depuis vingt ans en possession de Rheinek, à titre
d'hypothèque ^^^. Ce château, situé sur une hauteur à
l'entrée du pays d'Appenzell, devint le rendez-vous
de la noblesse , impatiente de terminer d'un seul coup
cette guerre, les anciennes luttes et les querelles
toujours renaissantes ^^^. La cavalerie monta de Thaï
par la fameuse Wolfhalde ^^*. Les Appenzellois et des
amis, leurs combourgeois, se postèrent dans le bois^^^.
L^ennemi traversa fièrement le rempart mal gardé ;
mais une subite attaque par le flanc, des pierres rou-
lées, des coups de massue effrayèrent les chevaux , et
la cavalerie, arme la plus désavantageuse dans cette
•I* Ce fot la faute qu'ils commirent» selon Siumpf, 177» k.
m Pins de 80e hommes, stloa Tschudi; selon T$chaehitan ;aen\emeni
iOO.
*** Il éUit proprement substitué an possesseur de l'hypothèque.
Rheinek appartenait à TEmpire , du moins depuis Sigismond » et avait
dé hypothèse par lui au dernier comte de Tokenbourg et par celui-ci
aux Peycr.
*" Au sujet des impôts» des contributions et d'autres droits. Stumpf,
370, b.
«* T. IV, p. lis.
"^ fValsfr, Chron. à*ApptnuH, r»i2.
168 HISTOIRE DB CA SUISSE.
position, fut rejetée avec une grande perte au bas
de la montagne ^^^.
Le chevalier de Rechberg voulait non -seulement
vaincre, mais exterminer un tel ennemi. Tous les faits
d'armes de cette longue guerre le convainquirent que
cela n'était possible qu'à des forces très-supérieures.
Ainsi, tandis que la crainte du retour des Armagnacs ^^
et les menaces de la noblesse du voisinage ^^ préoccu-
paient Soleure et Baie , que Berne soutenait une lutte
dangereuse contre Fribourg ^^, et que les cantons al-
pestres, faute d'artillerie et de barques, étaient im-
puissans contre Zurich, Rechberg, avec l'aide de
Wolfhard de Brandis, leva une armée considérable
pour le temps ^^^ dans la contrée guerrière entre le lac
de Constance et l'Adige. Elle se rassembla dans la
seigneurie de Yaduz : de là, quand il passait le Rhin, il
pouvait, suivant les circonstances, marcher contre
les Suisses avec la même sécurité à travers le Rhein-
thal ou le pays de Sargans , ses derrières étant à cou-
vert. Les Appenzellois instruisirent les Confédérés de
ces préparatifs ; les Glaronnais demandèrent en mècne
'" 177 hommes forent tués, 22 faits (nrisonniers ; c'était le il Juia.
TsehttdL Je lie place pas l'incendie de Rbeinek à celle aimée , comme
Leu eilseiin, mais à l'an 1466 avec Tnchudi; les Appenzellob farent
cités devant les Inbanaux d'Empire , parce qu'il n'y avait alors plus de
guerre.
"' De là Vunion du bailU impérial d'Alsace , l'électeuv palatin , avec
les yilles. St. -Martin, 14&6.
"^ Elle s'empara de nouveau de Pfeffingen le 16 février. Tichudi.
*'^ Nous raconterons cet événement plas tard , ponr ne pas embrouil-
ler le fil de l'histoire.
*** De 6,000 hommes. Têchudi Un pareil nombre avait déji passé
le Rhin. Etait-ce la levée en masse dti Vorarlberg?
LIVRE IVk CHAP. n. 100
temps qu'ils prissent possession du pays de Sargans,
vu qu'eux-mêmes ne pouvaient point participer, se-
lon leur dësir, à des expéditions lointaines, tant que
cette contrée leur serait hostile. Ils représentèrent que
de secrètes intelligences faciliteraient ce dessein. Les
eaux du Rhin étaient si basses (on se trouvait en hi-
ver ^^^)^ qu'il semblait possible de surprendre et de dis-
perser l'ennemi avant qu'il réunit sur l'autre Tive des
forces imposantes ^^^.
Les Confédérés destinèrent à cette entreprise cent
hoDftmes de chaque canton; B^me, engagé dans une
guerre plus voisine ^^^, n'en dut envoyer que cinquante;
Soleure^ pour le même motif, ne reçut aucune som-
mation*^*; en revanche, cinq cents Glaronnais mar-
chèrent sous les ordres du landammann Jost Tschudi ,
et cent hommes du Gaster joignirent Ulrich Wa-
gner*^^ de Schwyz ; Appenzell et les sujets tokenbour-
geois de Rarogne furent attendus au complet. L'art et
la promptitude pouvant seuls triompher de la force %
ces troupes devaient traverser rapidement le Haut-To-
kenbourg, Werdenberg, le Rhin, et prendre Sargans
par derrière , après avoir triomphé près de Ragaz. Ce
plan fut renversé et tout fut mis en péril par les Appen-
zellois mêmes : au lieu de troupes et de bannière, ils
*>* La £ète où Von i^occopa de cela eut lien & Locerae le 14 février.
*'* Trop éloijgné .d'ailleurs pour une expédition qai exigeait de la
promptitude.
*** Ckad de Jean Ower stir la bataille de Ragaz; il est dans T$ehndi\
= et traduit par M. E. Rocbholz dans sa chronique fédérale en chantons
[Kidgenâwsehe Lieder-Chronik) Berne, 1835; p. 75-78. G. M,
'^^ Tuhaehilan nous a fait connaître son nom. Est-ce par hasard que
Tschudi néglige si souvent de nommer cet homme ?
* Compenser l'exiguïté des. moyens par la rapidité. D. L. II.
1T0 HISTOIRE DB hk SUISSE.
eoToyèrent dans la vallée de la Thour la nouvelle que
rennemi n'était plus à Vaduz ^^^, et lorsque les Suisses
pensaient attaquer de concert avec eux Sargans de deux
côtés, ils refusèrent leur participation ; on ignore le mo-
tif de cette conduite ^^^. Comptant sur eux^ les Suisses
marchèrent promptement de la vallée de la Thour vers
le lac de Walenstadt, et avant Taube vers Quarten,
tombèrent sur le pays de Sargans , affiranchirent leurs
amis et s'avancèrent victorieux ^^® jusque près du Rhin
dans le village de Ragaz , à l'entrée de hautes vallées
des Alpes rhétiennes, poste important à plus d'un
>»• Proprement à l'Estnerberg , montagne isolée qui s'étend depuis
Dendern , au-dessus de Feldkirch , jusque près de Rankwjl et dont les
gorges sont traversées par le torrent de 1111. Tachudi, Haupttcklàuel ,
a il. On dit qu'elle tire son nom des anciens Estions. GuUr, 219, a.
Le nom Vaduz est en rbétien Valdutscb , val doux. l(L Sur la frontière
d'Italie , s'élève au-dessus de l'Eschenthal une montagne du nom de
Valdôscfa. Les noms géographiques sont une langue de l'ancien monde
devenue inintelligible et dont nous nous servons, sans nous embarrasser
du sens des mots. »b Les progrès faits dans la linguistique, Tétude plus ap-
profondie et plus phi losof «bique des langues de l'Orient et en particulier
du sanskrit comparé avec les idioipes de l'Europe ancienne et modeme,
l'étude plus rationnelle du celtique , même celle de la langue basque ,
ont en partie rendu plus intelligible ce langage dont les hiéroglyphes
sont des villes , des provinces , des fleuves et des montagnes. G. M.
''' Avaient-ils à craindre de quelque tntie côté? Ne portaient-ils leurs
vues que sur le Rheinthal? Etaient-ils en rapport avec le comte de
Sargans? Nous ne lisons nulle part qu'on leur ait fait des reproches. Je
regrette de n'avoir pas sous les yeux la relation d'Edlibach ; j'avais noté
les points dans lesquels il diffère de Tschudi sur mon exemplaire de ce
chroniqueur; mais cet exemplaire s'est perdu à Mayence en 179S ou
1793 ; dès-lors je n'ai plus disposé d'Edlibach. ^ M. ZeUwéger, qui a
si soigneusement étudié les sources et si consciencieusement reproduit
les faits dans son Histoire du peuple appenulloiê, n'a rien découvert qui
explique ce que Muller ignorait; voy. t I, p. 520 et 521. G. M.
^* Après deux escanoottcfaes près de Walenstidt et au-dessom d^
Sargans.
LIVRE IV. CHAP. U. 171
ëgard. Tandis qu^un jour de halte on assermentait le
peuple des campagnes ^^®, d'audacieux guerriers tra-
versèrent le Rhin par des bas-fonds et pillèrent Mayen-
feld. Les troupes ennemies ^*^, sans s'éloigner^ avaient
trouvé de meilleurs quartiers. Les maraudeurs en
furent instruits par une sortie que firent contre eux
trois cents hommes, la moitié du corps du sire de
Brandis posté dans Mayenfeld ^^K Les Suisses tinrent
bon jusqu'à ce qu'un renfort leur donna l'avantage ^^^.
Cet exemple facilita d'autres exploits. La colère que
Brandis avait provoquée plus que tous les autres
seigneurs ^*^ retomba terrible sur son pauvre peu-
ple ^^^. Les Suisses passèrent aussi le Khin ^^^ près de
Trisen y où la cavalerie ennemie courut sur eux , sans
leè charger. La nature sauva le reste du petit territoire
florissant de Yaduz : le torrent débordant tout-à-coup,
les Suisses retournèrent précipitamment sur leurs pas
afin de n'être pas coupés. A leur étonnement, ils ne
trouvèrent ni Appenzell, ni Tokenbourg au lieu du
rendez-vous ^^^. Us résolurent de rentrer dans leurs
foyers^ après avoir assuré la supériorité à leur parti
Mf Conrad Mélî, de Flnn», George Lochcr et .Wemer Kessier, de
Ragaz , amenèrent environ 100 campagnards. TtehudL
s** Dont les Appeniellois furent si frappés lorsqu'ils les virent réunies.
»" Taehaektlan.
'** Ils tuèrent 26 hommes. Id.
**' Ower dans le cliant de victoire : « Perfide seigneur de Brandis ,
» qu'est-ce qui fa excité? Tu étais bourgeois de Berne, concitoyen de
• Schwyz et de Claris. On ne t'avait point foit de mal et l'affaire ne
• te regardait pas. •
*** Bs ravagèrent d'une façon terrible les seigneuries du sire de Brandis.
**^ Tsckoekilan. Selon Tiekudi, ils traversèrent le pajs sans passer de
nouveau le Rhin.
^** Un changement de température avait-il rendu les sentiers alpestres
îinpraticables? Nous avons vu un débordement du Rhin.
172 HISTOIRE DE LA SUISSE.
dans le pays, autant du moins que faire se pouTail>
tant que Tennemi occupait Walenstadt et Sargans. La
campagne parut finir comme une simple excursion.
Ik stationnaient sans inquiétude à Mels. Mais Jean
de Rechbergy chevalier ^ gendre du comte de Sargans ^^'^^
passa le iRhin avec tonte son armée et des magasins
bien pourvus ^^^» Des amis, habttans de Ragaz ^^^, infor^
méreait les onze cents ^^ Confédérés que l'ennemi y au
nombre de six mille hommes de cavalerie et d'infan-
terie bien armés ^^ était arrivé à Ragaz. Les Suisses,
loin de songeç à une retraite^ prirent position aussi bien
qu'Ms purent sur la colline devant le village. L'ennemi
fit halte : peut-être attendait-»il un renfwt d'artillerie.
Au lieu de s'esquiver à la faveur de la nuit, les Confé-
dérés hésitaient uniquement s'ils devaient attendre ou
cfaerdier im ennemi cinq fois plus nombreux. Les Gla-
ronnais se dirent en regardant la bannière de saint
Fridolin , leur patron : « Celui qui pour l'amour de
» Dieu est venu ici des extrémités de la terre ^^ n'ob-
n tiendrait-^îl done pas de Dieu, que demain, jour de sa
'*^ Léo. Ower ne lai en veut pas comme à Brandis; il se borne à
llronie t t Pour Jean de Recbl;>eig, le noble , il avait , lui , bien médité.
• l'affaire. »
»" Ower.
**' Locher et Keasler.
*^^ Têckadi compte 100 hommes de chacun des 5 cantons, 500 Gla-
ronnais, iOO du Gaster, 50 de Berne, total iiSO. T$eha$hilan de k
cantons ensemble SOO, IQO de Schwys et du Gaster, 100 de Claris,
iOO dcBeme« dOdeSaigans, quelques-uns (fO?) deRagas, totali060.
Ceux de Sargans et de Ragaz, selon les anciennes limites géographiques»
sont probablement les Rhétlens , dont Spneher parle , PaUa» Rh, p. 95.
May, III, 178 , porte le nombre à 2,000 , sans citer de source.
. '^< Têckachilan, plus de 4,000 ; 6,000 d'après Tschudi et les exagéra-
tions du moment.
>»> De reitrémké septentrionale. de l'Irlande; t. I, 166.
LIVRE IV. CHAP^ IK 473
» fête ***, sa bannière triomphe comme autrefois ? »
N Cela ne peut manquer, » s'écrièrent-jls tous ensem-
ble : « Saint Fridolin et Dieu avec nous ! » A ces mots
ils mardient contre l'ennemi, en bon ordre, fermes,
^lencieux. Des guides expérimentés les conduisent, à
droite '^^, par un chemin inaccoutumé, contre le flanc
des ennemis, ou sur les derrières de son camp.
Le jour de St. -Fridolin parait : ils descendent
courageusement de la hauteur dans la plaine, où f en-
nemi, à peine éveillé, se fortifie à Ragaz par un dé-
jeuner pour marcher contre eux vers Mels. Le général
seul, suivi d*un petit nombre, est déjà à cheval ; il sort,
regarde, voit Ital Réding et derrière lui les Suisses.
Rechberg retourne en hâte sur ses pas, presque joyeux ;
il a évalué leur nombre ^^* ; d'autres s'étonnent, crai-
gnant une ruse ou le désespoir ^^. Les seigneurs, les
chevaliers et les cavaliers au milieu '^^, Tinfanterie aux
deux ailes, bien protégée par des bouches à feu ^^, ainsi
que le front, les derrières défendus par un corps de
réserve ^*, tel est Tordre de Tennemi lorsqu'il s'avance
dans la plaine pour rompre les lignes suisses par le
feu de l'artillerie, on pour les troubler par le Âoc de
la cavalerie, les culbuter, les hacher, tandis <|u'à droite
et à gauche l'infanterie les prendrait en flanc. Les Suis-
>" Le 6 mais iÂ&6.
"* Par Wangs.
>^ A prèa de 1500. TêehudL
'^* La nonvelle de Recbbeig fit taot de plaisir à qaelques-aiis qif ils
Itùsèreot tomber leur cuiller d^effifoi , bien qalls se fusBent vantés de
taer beaucoup d'ennemis* I(L
>^7 t Au dedans de l'infanlerie. • TêcImchiUm.
*^> « Devant eux les petites et les grandes coulevrines étaient placées
'Qr des chariots et autrement. » Id,
''* « L'autre corps s'étai* arrêté aa village. » Id,
474 HISTOIRE PB LA SUISSE.
ses prouvéreot leur iotelligence^ en ce qne^ malgré Fin-
fériorit^ de leur nombre, ils sacrifièrent encore Tavan-r
tage des hauteurs et osèrent affronter en rase campagne
une cavalerie forte et aguerrie. Quand la dispropor-
tion des forces est évidente, le dédain de toutes les ré*
gles ordinaires est le véritable art; il faut ôter à l'en-
nemi la présence d'esprit. Ce qu'on ne put empêcher,
c'est qu'en dépit de cette hâte Rechberg ne rangeât
assez bien ses troupes ; les principales dispositions
étaient faites, attendu qu'il se {uroposait de marcher
sur Mels en ordre de bataille. Le capitaine Ital Ré-
ding^^^, par le courage^ l'habileté, l'éloquence et la
faveur populaire, digne fils de son père, mort peu au-
paravant ^^^, et le landammann Jost Tschudi, que
trente ans de services dans les diètes et les batail-
les rendaient vénérable aux Confédérés ^^^ , parlé-;
rent en peu de mots, énergiquement^^^. Avant quele^
ennemis eussent formé leurs rangs ^^^, les bannières
de Glaris ^^^ et de Schwyz les attaquèrent résolument.
Les grands canons firent feu , sinon sans utilité ^^^, du
moins sans produire l'effet désiré , soit qu'on les eût
mal pointés, soit que les Suisses évitassent les coups.
Aussitôt la cavalerie, sous les ordres de Paul de Stein,
'** Il fut fait landammana cette même année, et en remplit la charge
pendant vingt ans , jusqu'à sa mort.
••* En décembre i4d5.
*'* Landammann depuis 14i9; nous l'avons vu en 1422 dans la
tMitaille de Bellinione ; t. IV» S70, S7i.
**' i Vivement pour l'attaque. • T$chudi,
*** Guler, 2ii, a : « Avant que l'ennemi pût établir un peu d'ordre. ■
Cest ainsi seulement que l'issue s'explique.
'"' Conrad Rieller, banneret
*'* 7 Confédérés furent tués , et un bon nombre blessés. Titkudi
LIVRE IV. CHAP. II. 175
pàiétra vivement dans les rangs ennemis ^^* Ils ré*
sistéreut ; de Stein tomba ; la bannière de Montfort fut
enlevée ^^^; bientôt un Unterwaldien arracha celle de
Brandis. Soudain ^int de la masse des Confédérés un
choc irrésistible ^^y semblable aux eaux amoncelées
des Alpes qui rompent tout-4-coupleur digue. L'aspect
de Tschudi et de Réding , Fimpétuosité des bannières
triomphantes rappelèrent à la noblesse le grand caiv
nage fait par ce même ennemi à Sempach et à Nœfels.
Saisi de terreur, on oublie tout^ supériorité du nombre^
avantages, ressources; l'armée, sur-le-champ dissoute,
s'enfuit à droite par les monts et les bois, mais surtout
à gauche vers le Rhin ^^. Les chevaliers piquèrent des
deux^^; l'infanterie, abandonnée, périt par centai-
nes^''^; un mouvement de la réserve prévint seul une
destruction totale ^^^. Lorsque l'ennemi, bien allégé
par l'abandon des munitions, de l'artillerie et des ma«^
gasins, mais encore fort par le nombre, parvint en dés-
*«' TêehachtUm*
*** BttlUnger ; da reste , la descriptioa qu'il fait de cette bataille n'est
guère instractive.
'** « Ils pénétrèreDt vigoaieusement et à coups de main. • Têckadi»
"* Selon Tsckadi cela dura un bon moment ; cependant il rapporte
aaasi que le combat commença de bonne heure , avant la prime , et
Ower écrit s « Les seigneurs s'enfmrent tôl; la nécessité les y poussait ;
» leurs pensées se dirigeaient vers leurs foyers. • Cela confirme notre
conjecture , n. 564.
''* Doue nobles seulement furent tués. Tschudi
*^ Plus de 500 outre ceux qui périrent dans le Rhin. Têehaektlan»
Omtr : « Près de douse cent cinquante hommes étaient couchés sur
• le carreau. » Au bord du Rhin et ailleurs près de 1500. T$ekudi, La
moitié des troupes de la seigneurie périt. BtUlingêr. iSOO sur terre*
i500 dans l'eau. May,
*^* • Gela nous entrava beaucoup, il en échappa d'autant plus d'en-
nemis. • Tiehachtlan.
• 176 HtSTQIRE DB LA SUISSE.
ordre sur les bords du Rhin^ et que chacun ^ sans
chercher les bas-fonds, voulut passer le preDoier, un
tiers des fuyards périt dans les eaux^'^^. On les pour-
suivit jusque là; d'EUhofen et d autres nobles reçu-
rent dans le fleuve même le coup mortel ^^ ; bientôt
la poussière les couvrit. Les vainqueurs célébrèrent
Saint Fridolin par des jubilations ; Stuki ^^, Wieser-
4en ^'^ s'avdncèrent triomphans avec des bannières con-
quises. Après la marche et le combat ^ les troupes se
. restaurèrent avec les vivres abondamment préparés à
Ragaz pour six mille hommes par les soins de Rech-
berg^'^^. Ceux qui lenlatin ne craignirent pas la mort
terminèrent la journée par le joyeux partage du bu-
tin ^^. Ils résolurent de célébrer à perpétuité ^^^ ce jour
de salut 9 qui, dès le commencement de Tannée, terrifia
les ennemis de la Confédération ^^ • Ower parcourut
-au loin les pays pour chanter cette délivrance ^^. Ce
jour merveilleux ^^ brisa le courage de Tennemi.
*^* t On en vit bien peu monter à l'antre rive. • T§ekudL
*'3 Ttehaehtiûn.
'^* Rod. Stuki , de Claris » enleva la bannière de Feldklrab. T§ekadi.
*" Cnnode Wieserlen. Buainger êi Zelgtr, Hiêf. <PUnierwaUUn ,
II , 7î.
'7' ùtBoer, Tickudi ; t pain , vin , ponles, viande et antres choses. ■
*'* Id, : • ils butinèrent amicalement •
•<• t Dieu {TêekachiUm ) , Iffarie avec son petit enfant et aussi saint
Fridolin. • Ower.
*>* « Sans cette issue , la Confédération entière se serait trouvée dans
• une flchense position. » Ttehaekttam.
*** t II le chante partout le pays. » Ces chantres des batailles allaient
de Heu en lieu. Le chant d'Ower offre un peu plttsde poésie que d'autres
du même genre.
'^' < L'histoire de ce combat parait tellement incroyable que 4'anleor
• n'en aurait pas fait mention , si toutes les annales n'en étaient d'ac-
• conL • May-
LIVRE IV. CHAP. Il, 47T
C^tte action mit fin à la guerre ; toutefois l'audace
et la ruse troublèrent encore quelque temps les négo-
ciations par des hostilités. Comme^ faute de grosse ar-
tillerie , les vainqueurs n'avaient pas pu prendre Wa-
lenstadt ni le château de Sargans, et que les probabilités
de paix rendaient inutile l'envoi de nouvelles troupes^
leurs amis^ les habitans rapprochés de la frontière
abandonnée > furent inquiétés par la haine des partis
internes ^^^ et par les incursions hostiles des voisins ;
les plus éminens se virent même privés de leurs biens
et de leur patrie ^*^. Le nouvel abbé de Pfeevers *®^ fut
contraint de payer les frais de la bataille de Ragaz ,
sous forme d'une forte amende ^^'', pour les sentimens
suisses de son peuple ^^^. Les anciens maîtres reprirent
sans obstacle possession de Sargans ^^^. A cet égard la
victoire demeura infructueuse ^ mais elle augmenta
rhéritage de gloire qui a fait respecter le nom suisse
même pendant des siècles d'inaction. La bataille de
Ragaz et la perte de Sargans auraient dû apprendre
à notre âge que la patrie n'a pas seulement besoin
d'hommes^ mais de Confédérés. Le pays s'est perdu
parce que l'avantage de chaque canton avait cessé d'in-
téressé les autres ^^.
^* « Le pettple des eampagnes était terriblement dlTÎsé. » Ttchudi.
>•• Bon nombre d'entre eux s'en allèrent avec ceux de Claris , nne
IMirtie par-dessus le Gungds dans les Grisons ; ils abandonnèrent leurs
biens et devinrent pauvres. • TichaektUm.
*** Frédéric de Reitenau , successeur de Guillaume de Mosheim« Leu,
••7 Fixée à 8000 livres milanaises, ensuite à i200 florins; il fut
obligé de vendre des dîmes pour la payer en sept ans. Têchudi ; Letu
*** Vettis, Valenx, Pf avers et Ragax auraient dû peut^tre attaquer
les Sniases par derrière on en flanc, ou du moins ne pas les traitir
amicalement.
>** L'Autriche et le comte de Sai<gans.
*'* Tickudi déplore cela , Il , 463 » Il faut que la patrie commune
VI. xa
178 HISTOIRE D£ LX SCJISdE.
Vers ce temps les gens de Rechberg vinreiit dam la
▼nie de Bade. Ils savaient qu'on y attendait un capi-
taine bernois dont le nom leur était connu. Décorés des
signes distinctifs des Bernois ^^^ et chantant des chan-
sons satiriques contre Zurich ^^, trente d'entre eux
parurent à la porte de la ville et furent introduits
comme une première division ^^^. Un garçon boucher
les reconnut ^**. Avant qu'il pût dire un mot, ils l'as-
sommèrent d'un coup de hallebarde et se rendirent maî-
tres de la porte en dépit de la sentinelle étonnée ^^^.
Ils se hâtèrent trop^ ou le reste de la troupe arriva trop
tard; l'audacieux valet de Rechberg^^ périt dans la
ville ; les autres furent chassés par des forces supé-
rieures.
Bade fut sauvé malgré la faiblesse de sa garnison.
Auparavant déjà ^^, quaraûte^uatre de ses guerriers
«oit reoonntie pnr Xojêè pùta tMiè bonM Mi«, aui yeox de laquelle toos
ses enfims sont égaox. Où est-elle aojoard'hiii qqe dn-neaf gonvenie-
mens vont se traitant eo étrangers? D. L. H. Ces paroles ont été
écrites avant le pacte de 1815 , qui reconnaît vingt-dent cantons. G. H.
<»< De casques et de brassards blancs. Edliboeh.
>*' « Grossièrement et êti f ustreé. •
*** Les gardes : « Où sont les autres? • Réponse : « Nous soapçob-
nons qu'il est arrivé à nos coiUpagnons comme à nous : nous noos
sommes égarés dans les montagnes an milieu de la nuit et du bronii-
laid. »
*** 11 sortit à cheval de la ville , se signa quand il les vil, et s'écria :
• Misérables , que faites-vous ici? »
>*^ £Ue leur tria : • Ck»nfédéré8, qu'est ced? « Ils lui réponcHrent
par le mot d'ordre.
'** n en a été question ci-dessus dans le teite après^ n. 246.
"' Les faits précédens se passèrent» selon EdUbaek^ dans les trois
ésraiers Jonn, à ee que je crob, avant le grand carême : ainsi, le 3S
février, le 1*' et le S mars. Les faits qui suivent eurent lieu le 8 mars,
oa , d'après une variante du texte de T$ckudi, le 17 du mds de la vigne
qjM, selon Wû9er, Annuaire, tab. VIU, est >le mois de février. La der^
LIVRE IV. CHAP. II. 179
les plus courageux s'étaient avancés jusqu'à la Glatt
pour ravager le territoire ennemi. Ils brûlèrent un
village ^^ dans la seigneurie d'Eglisau , ignorant que
le seigneur de ce lieu, le comte Jean de Tengen, avait
retiré sa déclaration de guerre ^^. Comme la levée en
masse approchait , ils résolurent d'attendre la nuit dans
d'épaisses broussailles ^^. Des paysannes trahirent leur
route y le bois fut cierné ; une arquebuse qui partit diri-
gea les pas de l'ennemi ^®^ Formidables de désespoir,
ils se rendirent néanmoins lorsque le comte leur pro-
mit de les recevoir en droit *®^. Huit étaient tombés;
seize autres suivirent. Le tribunal , composé de nota-
bles conformément au droit autrichien *^, prononça
niëre date est probablement plus exacte , parce que le 24 H n'est pa»
encore question des Bernois, dont le contingent arriva plus tard à
Bade.
••• Seglîngen.
•t» Voy. sa déclaration de guerre ci-dessus, n. 99. L'incoraîon de ces
tk partisans est jugée par les écrivains suisses eux-mêmes contraire à
la nentralité ; le comte Jean aura donc été forcé , j'igçore quand et
comment , à retirer sa déclaration, au moins pour Eglisau. Schaffhouse
aussi , situé entre Eglisau et Tengen , était neutre au fond ; toutefois
des mnnitiotis, de la pondre et des arquebuses destinées aux Confédérés
traversaient secrètement cette ville ; la ruse mercantile abuse eommn*
nément de la neutralité. Le duc Albert écrit au comte Âlwig de SuU ,
Stein , 6 janvier 1445, de visiter les chariots et d'éloignei' de cette ville
la rente commerciale.
^^ Au Strassberg , entre Glattfelden et Windlacb.
»•« BuLlinger.
**' On ne peut nier qu'il n*ait fait et violé une promesse. T$e/uuU.
C'est ce qni excita contre lui nne colère, qni nVuraitpas eo de motif
s'il eût combattu les ennemis les armes à la main, n y eut probable-
ment dans cette occasion ansai une ambiguïté de paroles destinée à
tromper les innocens.
*•) Bdlibaeh.
180 HISTOIRE DB LA SUISSE.
cette sentence injuste ^^*. Le$ victimes ofirirent de ra^
cheter leur imprudence par une rançon : le comte exé*
cuta le jugement rigoureux en les raillant ^^^. On voulut
épargner un bel adolescent; il dédaigna sa grâce , uni
à ses compagnons par le serment de vivre et de mourir
avec eux ^^. Sa mort et la leur furent vengées.
Il devint évident alors qu'à la guerre les batailles
font peu de mal et que la barbarie , les haines , les atro-
cités et toutes les misères sont plutôt le résultat de
causes accessoires et de la petite guerre , qui n'a rien
de noble^ ne décide rien y mais transporte daus les ca*-
banes de l'innocent peuple, des maux supportables
seulement sur un champ de bataille et dans une
grande journée. Alors aussi , autour de Mie , dans la
haute Alsace, dans la forêt Noire, une fureur crois-^
santé rasa des châteaux , brûla des villages y emmena
des troupeaux, répandit journellement le deuil et Fin-
quiétude^^, sans une action qui eût enflammé les ne-
veux au jour du péril ou mis un terme à l'ardeur bd-
liqueuse d'un parti.
On fit la paix par nécessité y persuadé que la prolon-*
gation de la guerre n'amènerait aucun résultat. L'Em-
pereur était en querelle avec sa maison , en guerre
avec la Hongrie , en défiance à l'égard des Autrichiens.
Le duc Albert, son frère, qu'il surpassait en prudence
*** Il était obligé de prononcer selon la lettre.
^* Gomme ils offraient , Tnn AOO , l'antre 600 florins de rançon , le
comte leur dit s t Poisque vons êtes si riches , que n'étes-voas restés
chei TOUS ? • Sdlihaeh,
^* Le comte dit : « lAeafs donc avec les antres ; tn es bien aussi
coupable que le pins Agé. • BulUnger,
**' Sur ces exp^tiona, yayet Twchudi H , 460 , &65, â6S; Siimpfj
668, a; Muntter Çé^U de 1598), 617; WuraiUtn 426 et sviv., Brukmr,
çà et là.
LIVRB IV. CHAP. II. 181
et en fermeté , était meilleur militaire et plus aimé
pour sa libéralité et sa franchise; celui--ci s'était fait
un parti, dangereux par la vivacité de ses passions et
par sa continuelle pénurie d'argent*^. Les Tyroliens,
qui veillaient, non sans raison, au trésor du dernier
due , désireux d'ailleurs , comme peuple indépen-
dant ^^, de posséder dans leur pays leur propre souve-
rain, Sigismond, fils de Frédéric , se soulevèrent quand
ils le virent éloigné du gouvernement au-delà du temps
convenu ^^^. Bien plus formidables, les Hongrois, de-
mandant que l'Empereur ne retint pas plus long-temps
Ladislas, fils de leurs rois ^^ S ^^ ^^ sainte couronne,
symbole et gsçe de la souveraineté nationale ^'^, se jetè-
rent avec une extrême fureur sur l'Autriche *^^, incen-
dièrent en un seul jour quatre cents villes et villages ^'^,
et commirent d'inexprimables ravages ^^^. Cependant
l'Empereur, dans Vienne ^^^, s'abandonnait à des plai-
sirs innocens au milieu de ses femmes et de ses jar-
**' n avait déjà fait avec l'Empereur la goerre dans laquelle Laybach
fot assiégé. Roo A. 1441.
M* Dont la constitution était ane des plus libres et des meilleores.
M* Trûté , Hall dans la vallée de llnn , St-Jacqaes. Fugger, p. 559,
b. n était né en i427.
4«i L'empereor Albert II l'avait en de la fille de l'emperenr Sigis-
mond.
^ Pierre dé Béwa, Gomment, de 5. Regni Hong, eoronas dans
^ekwemàer, Scriptt* H, 416.
Mt « Qoicqnid mali potnerunt facere, boc fecemni • VattonU
ikron. ap. Pet, Scripit. I, 756.
*^* Viti Arenpeck ehron. ad 1446 ; aussi dans Pe*,
41» • Damnom longo œvo irrecnperabUe. • fVolfg. de Siyra, liine-
rgrwei; dans le t. U de Peu
*** • Iste fait in Vienna. » Vatto,
182 HISTOIRE DE LA SUISSE.
dins ^^^^ et se montrait si indifférent à ces désastres ^^^,
qu'on le soupçonna de ne pas voir sans plaisir Thu-
miliation des riches et fiers Viennois et des seigneurs
des provinces*^®; peut-être remplirent-ils ses vues,
lorsque les uns prirent des mesures de sûreté ^^^ et que
les autres se soulevèrent enfin spontanément contre
l'ennemi ^^^ Dans ces circonstances , les chevaliers qui
faisaient la guerre aux Suisses par amour pour Albert
et par haine pour le peuple, iie pouvaient attendre
aucun secours en hommes ou en argent. L'espoir qu'on
avait conçu des Armagnacs s'était changé en une
aversion si profonde, qu'on forma des ligues pour
prévenir leur retour *^^. Loin de favoriser la noblesse,
le duc Visconti profita des conjonctures pour mettre en
'^^^ « Cœsar , velut alter Sardanapalos, in medio fœminarum filan-
» tium sedebat , berbas automnales evellebat » et propler imminentem
a byemem planlulas côoperiebat. > Fit, Arenpeck , 1. c. p. 1256. La
diiTérence des bommes se montre moins dans les occupations et les Jouis-
sances que dans la manière de faire et dans le caractère. Chez Matthias ,
roi de Hongrie , on louait les galeries parfumées! de fleurs, les terrasses
de son jardin et les aimables embellissemens qui ne lui firent jamais
négliger ses occupations. Bonfiniits, dans la dédicace de sa traduction du
traité d'architecture d'Antoine Avérulam de Florence.
*** « Quasi nihil curabat ; t les Autrichiens • clamabant lamcntabi-
• Uler et non erat qui aspiceret. > Id, p. iS55.
41* « Videbatur quia sub tali prœlextu intendebat subditos ( prxser-
» tim Australes) bumiliare; Viennenses tune opulentissimi , abundantes
> et prxpotentes erant, a quibus quotidie aurum et argentum extor-
» qucre cupiebat. » Id. ibid.
^^ Défense de bâtir un mur près de St. -Nicolas à Vienne. Vatzo.
^^* « Tantum quaedam delusio simplicîum , occupatio supervacua et
» pecuniarum dilapidatio erat » Arenpeck,
^'' Union du comte palatin Loaii, de la ville de Strasbourg et de quelques
riUes impériales d^ Alsace, au sujet des Armagnacs, S. Mart. 1A46, dans
Kônigshofen , édit. de Schiller, p. 953.
LIVRE IV. CHAP. H. 183
crédit le passage du Saini-Ghotard ^^^ ; il offrit ainsi aux
Suisses un ample dédonunagement pour les entraves
que rAllemagne opposait à Texportatiou de leurs
vins^^^. Le pacifique duc de Savoie ^^^ vivait dans la
meilleure intelligence avec eux^^®. Aussi quels hon-
neurs ils rendirent à sa sœur la princesse palatine^^'^ !
De nobles familles s'allièrent ^ au moyen de fiefs , avec
le pape^ son père ^^^. Le comte Jean de Neuchâtel et
Jean d'Arberg^ seigneur de Yalangin, tous deux con^*
sklérës à la cour de Bourgogne^ obéirent^ coomie ci-*
toyens , aux sommations de Berne , déclarèrent la
guerre à l'Autriche et marchèrent ^^^. Le duc Philif^
de Bourgogne , surnommé le Bon , non moins digoi
d'être appelé le Sage^ n'empêcha point cette partici-
paticm, mais ne fit rien pour troubler la paix ^^^* Afin
de se soustraire ^^^ aux importunités de l'ambassadeur
autrichien^ le chevalier de Morsberg p il lui déclara
^ n était très-fréqnenté pour le traii^rt da vin. Têchaehtlan.
*** On ayait aussi saflisamment de sel , quoique celui du Tyrol et de
Bavière manquât I(L
^ « n fut homme en petit effet d*annes. » OUv, de U Marche, 1. I.
^ Têchudi II, 455, et une chanson dans HûpU : t Auxilium fecisse
istis ; • qu'il avait prêté de l'artillerie aux B&lois. Il sera question ci-
après des rapports avec Berne,
^' Voyez dans fVaniUen et Brukner le magnifique cortège de ftOO
chevaux et 1600 hommes d'infanterie qui alla au-devant d'elle à
liSDgenbrongg.
*^ Après que Félix V eut incaméré le couvent de Pajeme , son légat
Jean , cardinal S. Sîxti , inféoda la métairie payemoise de HOllstein k
Arnold de Rotberg et è Jean d'Offenbourg; 1445. Brukner.
**» Têchudi n . 465.
^^* Il remît à Louis de Savoie la décision de quelques points encore
ï régler avec Berne; 1446, Guichenon, Hi$U de la maiêon de Savoie.
"* Il ne pouvait pas s'attendre que la situation financière de l'Âu-
184 HISTOIRE DE LA SUISSE.
» que depuis un grand nombre d'années il avait udî-
j) quement en vue la paix et la prospérité de ses États;
» que l'équipement d'une armée exigerait de gran-
» des dépenses *^^j que* pour les couvrir, l'Autriche
» devrait lui payer ^ au préalable^ quelques centaines
» de mille florins *^^. » Les Confédérés furent informés
par les Bernois , ceux-ci par leur ami neuchàtelois^^,
des mouvemens hostiles de la cour de Bourgogne ; les
Bernois se chaînèrent de les arrêter ^^. A cet effet, ils
résolurent d'offrir au maréchal de Bourgogne , le sire
Thibaut de la maison bourguignone de NeuchateP^>
un présent de quatre mille florins et mille florins
par an comme témoignage de leur reconnaissance^ s'il
leur conciliait la faveur de son maître *'''. Cette dé-
marche réussit; Tavoyer Ulrich d'Erlach et le chevalier
Henri de Bubenberg , envoyés de la ville de Berne ^**,
reçurent du duc un accueil flatteur et une audience, et
furent congédiés avec des assurances tranquillisantes.
triche perptt de loi payer une fi forte somme. Soogefdt-il d^à peot-
étrc à se faire donner des hypothèques ?
^^ • M'étaient les nobles hommes nullement pourvus de chevaux lù
» d'armures; si , il fallut leur donner, m O, delà Marche, 1. I.
*" May, m. i 88.
"* StetiUr I , i«8.
^* May, m , 185. De semblables autorisations n'étaient pas inso
lites.
*>* Voy. sur cette maison , t. IV, 405, 400 ; sor Thiéban , même L V,
250. Peut-être succéda-t-il dans l'office de maréchal an comte Jean, tr^-
sujet à la gonlte. Nos historiens ont , dans ce cas , facilement pu les
confondre.
*'^ « II entend traiter cette affaire avec Votre Grftce , > disent au duc
de Bourgogne rAutricbe, Bade et le Wurtemberg dans la miuive qoi
sera citée tout-à-l'heure. Cette version est bien plus naturelle que celle
de BttUinger, qoi prétend qu'une si misérable somme fut offerte au doç
lui-même.
«* May in, 185.
LIVRE IV. CHAP. II. 185
Philippe reconnut dans le jeune Adrien de Buben-
berg *^^ les dispositions qui en firent un grand homme^
et il le retint à sa cour. Le duc Albert et ceux qui , par
dévouement pour sa personne et pour la cause des
seigneurs et des chevaliers , poussaient le plus vivement
à la guerre contre les Suisses, recoururent, pour ga-
gner Philippe, à l'un de ses penchans favoris ^^^. Fon-
dateur de la Toison-<l'Or, fier de sa gloire comme chef
et législateur de la noblesse , habitué à tenir en respect,
par l'éclat héroïque des chevaliers , les orgueilleux fa-
bricanset les paysans de la Flandre, encouragerait-il
l'audace des Suisses contre la noblesse, qui n'attendait
son salut que de lui ^^' ? Ils l'implorèrent et le prému-
nirent contre le maréchal; ces représentations (Berne
s'en inquiéta) parurent produire leur effet ^^^. De ce
côté donc l'espoir de Berne fut ébranlé, le danger
devint possible; quant aux Allemands, on savait qu'ils
mettraient enjeu tout ce que l'alliance, l'amitié**^, l'or-
gueil de la noblesse offraient de ressources ^*^ j la gran-
deur et la liberté même de Berne reposaient sur le
*** Fils de Henri , et alors âgé de vingMjleox ans.
^* Miuive adreêUe au due par Albert, Jaeque» de Bade, Louis et
Ulrich de Wurtemberg. Tfibingen, i&&6 ; pea de jours après la bataille
de Ragaz. Elle est dans EdlibaeL
**< On disait qu'il était l'amant et le défenseur delà noblesse , et qu'il
obtiendrait cet éloge en Allemagne.
**> « Tout annonçait que les princes s'entendraient avec les {^rinces,
el les communes avec les communes. • Suttûr I , i68.
*** T. in, 2i0, 2âi. C'est pour cela que le margrave Jacques invoque
dans la lettre qui va être citée le secours des chevaliers de St. -George
et S t -Guillaume.
*** Jacquee de Bade à ton bien cher RobauU de Thuiliierê à Luttringen.
Bade, 2 avril 1440. Il l'invite avec quatre autres à venir à la tôle de
lances à St.-Diedolt , dimanche avant St. -Gui et St. -Modeste (15 juin).
1
186 HISTOIRE DE LA SUISSE.
dévouement de citoyens libres et de nobles prêts à sa-
crifier vie et fcHTtune pour la république. Mais la durée
de la guerre fatigua ce dévouement : Henri de Buben-
berg ^ seigneur de Mannenberg et de Spiez ^ et Nicolas,
de Scharnachthal , seigneur d'Oberhofen^ aperçurent
dans rOberland des signes de mécontentement ^^^;
d'un autre coté^ la fortyne des nobles seigneurs ne
leur permettait plus de représenter leurs sujets dans
les assises ^^^. La concorde fédérale et le coi^rage dans
la défense du pays rendaient l'attaque périlleuse^ mais
la pauvreté neutralisait bien des avantages ; ces mêmes
Suisses n'avaient ni le goût des expéditions lointaines ,
ni l'argent qu'elles exigeaient. La meilleure paix est
celle que tous désirent, et qu'aucun parti ne redoute
trop.
*4^ Ils n'étaient pins en sûreté dans t'Oberland an miliea de leon
sujets.
**< Us firent des dettes qu'ils t|ansmirent à leurs enfans. Le triiorier
Frœnklin dans la Guerre des seigneurs de Thàring Frikard, es M. le
landammann de Tillier nous donne dans son Hist, de la répub. ds
Berne, t II , 119, 190, sur ces faits, de plus amples renseignemens ei-
traits des archives de l'ÉtaL Les sires de Bnbenberg et de Schamachtbal
s'étaient obérés , ainsi que les autres grands propriétaires , par les sa-
crifices faits à la patrie dans ses guerres. La fermentation excitée dans
rObcrland par les charges militaires ne pei-mettait plus à ces seigneurs
de se croire en sûreté dans leurs châteaux de Spiez et d'Oberhofen. A
la fin de février, les babitans de l'Oberland , du Gessenaj et du Siben-
thaï avaient formé une ligue et pris l'engagement de s'opposer, à moins
d'un commun consentement , aux guerres étrangères , aux expédilions,
à la taille , aux péages , aux achats forcés , aux taxations. Cette résis-
tance aurait entièrement paralysé les forces , si sdivent éprouvées, de
la république ; aussi Berne était-il bien résolu de la dompter ; mais
dans les circonstances critiques où l'on se trouvait, on crut devoir pré»
férer les voies de la douceur à une prompte violence ; on accepta doue
l'amicale médiation des Confédérés. Au commencement de mai les
députés des six anciens cantons, à l'exception de Zurich, se réunirent
LIVRE IV. CHAP, II. 187
Lorsque les nëgociatioiis ^ poussées avec vigueur,
promirent un résultat , on exposa des faits^ on fit des
offres et des conditions sur lesquelles on n'avait jamais
pu s'entendre^ aussi long-temps que Tespoir d'une
scission de la Suisse entretint l'amour de la guerre^ et
que Réding et Stûssi nourrirent la haine et la défiance.
L'artificieux manifeste du bailli ^ le margrave Guil-
laume^ était demeuré sans effet et sans réponse, parce
que ses allégations, littérales mais partielles, ne se rap-
portaient pas au fond du débat ^^''. Tant est vieux l'art
de déguiser l'amour de la guerre sous les dehors de
l'amour de la justice, et de cacher à tous les yeux la
vraie source des dispositions hostiles I II est bon de
dire aux gens loyaux qu'on se joue de l'innocence et
du droit, et que la force et la victoire assurent seules
la paix *.
h Thoone ; Berne y fut représenté par l'avoyer Ulrich d'Erlacb , Pierre
Scbopfer, Nicolas de Wattenwyl , TaToyer de Tboane et Jean Blam. An
débat des négociations, Berne montra de la défiance, parce que ses
députés h la dit>te de Luceme , Pélcrmann de Wabem et Simon Archer
avaient transmis la découverte faite par eux, que le représentant de
Schwyx délégué à Thoone était chargé de requérir des Obcrlandais un
secours pour lequel on se montrerait reconnaissant dans l'occasion. La
négociation traîna jusqu'à la fin d'août , époque où les arbitres fédé-
raux rompirent la ligue de l'Oberland en la déclarant illégale. Mais le
Oessenay, qui avait pris ses arbitres et son surarbitre dans le Pays-de-
Vaud , ne fut condamné que l'année suivante à se désister de la ligue
avec le Sibenthal et à remplir envers Berne les devoirs de la combonr-
geoisie. G. M.
**' Négœiaiiûn et ênireprUe du traité de meêêêigneurê d^Jmtrieke et deê
ZuricoU jusqu'au dinumcke Judiea &3, époque OÙ il remit cet écrit dans
Rheinfelden. L'introduction , partie sans doute la plus importante , est
dans Tschudi, H, 644-4d8.
* Poissent nos gouvemans s'en apercevoir avant qu'il soit trop tard 1
n. L. II.
188 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Après ces événemens^ le commandeur de l'ordre de
St.-Jeanà WaBdenschwyl**', ami des deux partis^ avait
organisé une conférence au milieu du lac. Là se ren-
contrèrent sans armes **• Jean de Rechberg, les sei-
gneurs de Zurich^ des magistrats considérés de la
plupart des cantons suisses ^^; deux cents hommes
vigoureux et bien armés de Waedenschwyl garantis-
saient la sûreté des personnes. Le loyal commandeur^
accompagné de sages conseillers, vint dans une nacelle
se placer entre les barques , salua ^^^^ s'adressa au
sentiment des partis et à leur raison. Les paroles de
Rechberg donnaient des assurances pacifiques ; il de«
mandait seulement que les Suisses rendissent ce qu'ils
avaient enlevé pendant le concile de Constance à la
maison d'Autriche^ en Ârgovie, et pendant la dernière
guerre aux Zuricois sur les bords du lac^^^. Le lan-
dâmmann de Schwyz^ Âb Yberg^ qui périt ensuite près
de Rapperschwyl*^', répondit : « En vain, Rechberg,
» tu attends de nous un langage de cour ; un homme
» est un homme ; tu n'es à mes yeux que toi ; mes
» paroles laissent ta noblesse intacte , comme ton dis-
» cours, mes prairies de Schwyz. » — « Vos outrages
*** Tsêhudi l'appelle Tadministrateur. Ëtait-ce Tintendant da oom-
mandear , absent peat-étre? Il se oommait Lésel on Lœsel. Lm. Ou bien
Tschadi entendait-il par l'administrateur le commandeur lui-même , \^
comte Hugues de Monlfort ?
**' « Nul ne portait une cotte de maille. » EdUbaek,
^** Schwyi , Uri , Unterwalden , Claris , Luceme.
**^ t Bien vertueusement • Bdlibaek,
•" Tsehudi,
*•• Sa présence détermine l'époque de cette conférence qa^EdUlnuh
confond avec la dernière, qui eut lien plus tard il doit être quesUon
ici de celle que Tsehudi (11, 443) raconte au milieu de l'année 1445*
LIYBB lY. CHAP. II. 189
» intempestifs ^^^ cher landammana ^ » interrcmipit
Rechberg, « ne souillent point ma noblesse ; mais comme
» les services que je voue à la ville de Zurich *^ me
» conduisent assez fréquemment sur vos frontières ^^,
» vous trouverez sans peine un jour plus convenable
» pour les provocations. » Le landammann Wagner
mit fin à cette dispute; si l'on manquait encore de
pouvoirs ou de bonne volonté pour l'affaire principale ,
du moins le ton de la bienveillance régna pendant les
négociations. Gomme on se trouvait encore réuni à
midi^ les Zuricois jetèrent leurs provisions ^^"^ dans les
barques suisses , de sorte qu'après un long temps on
vida de nouveau les coupes en commun. On fixa un
terme pour chercher des instructions ; en attendant ,
toutes choses devaient rester dans le même état jusqu'à
la nouvelle conférence ^^^. Soit ruse^ soit hasard , cette
réunion fut retardée; les Zuricois profitèrent du délai
pour vendanger les rives du lac *^^ ; la confiance trom-
pée irrita Réding ^^, au point qu'il provoqua en duel
l'artificieux greffier municipal **^
Instruits par l'expédition des Armagnacs des dan-
gers qu'avaient pour leurs frontières les agitations de
la Haute Allemagne^ l'électeur palatin Louis et les
électeurs de Trêves et de Mayence intervinrent et cal-
^^^ Les poinles saliriqaès.
^* « Attendu qne je sois le serviteur de messeigneurs de Zurich. #
^* « J'attache asseï souvent mon cheval I vos buissons. •
**' Du pain'blanc'et des brioches.
^* Entrevue le 12 octobre 1445. Tuhudi, U, 455.
*** Le 19 octobre. IbitL
*** Ital. Probablement le fils.
^^ Rodolphe de Cham. Jean Conrad FabrUiiu mentionne ce duel
dtosHa/(«r, BibU êuim, t V, 5S. Mais, d'afirts la date, il paraît avoir
^ lieu l'année auparavant
190 HISTOIRB DE LA SUISSE.
mérent cette irritation. La pacification des troubles de
rÉglise et de la société et un gouvernement bienveillant
firent la gloire du débonnaire ^^ Louis et des sages
archevêques Didier Schenk d'Et'pach ^^^ et Jacques de
Sirk ^^. Par la médiation du grand-maitre de la cour
de l'électeur de Mayence , Wiprecht de Helmstatt *^\
et de Henri de Fleckenstein , influent à la cour pala-
tine *^ et connu des Confédérés ^^, les électeurs con-
voquèrent une réunion à Constance *^ ; sans résultat
au fond^ mais non sans utilité pour rectifier les idées
des princes intéressés***. Ils se convainquirent que
l'espérance^ non la nécessité , entretenait la guerre ; h
seule bataille de Ragaz put assurer le succès de la
négociation.
' Véa auparavant les seigneurs avaient décliné une
**' Son sornom. Paréus, SSO« édlt. de Joannis.
*** Sa vie est racontée en détaii par £emu*cai, édit de Jôannb.
*** On attriboe sa participation à l'office de vice-chancelier d'Empire,
qa'il remplit vers ce temps. Kyriander dans les additions de Stmve à
MaUinekroi, de ytrchicanceUariii, p. 280. De là la singulière adresse de
la lettre des Saisses mentionnée n. 471.
«66 Serraritt» ad iàà^ le nomme ainsi.
*** Sa maison était en possession da soos-bail liage d'Alsace. SchâpfUn,
Al$0U. m. n , 6S6.
**' Jean , son cousin , avait occupé le siège épiscopal de Bàle (en \h^^)\
un autre Jean de Fleckenstein était alors prévôt à Moutier- Grand- Val ;
il le fut de iUlk à 1467; de ses frères est sortie une branche florissante
à Lucerne. Lea. Le reste de la généalogie se trouve dans Schôpflin , I. c.
*•* A la Saint-Martin 145. T$clmdi, \l , 457.
*** c Le bruit courut que les Confédérés se firent beaaoonp d'bon-
» neur. • On vit qu'ils ne songeaient qu'à se maintenir, et nnlledicnt à
détruire la noblesse , comme on leur en prétait le dessein. Rien n'était
pins étranger à l'esprit de la confédération qu'âne guerre de révolution
avec le but formel de renveiser les trônes. = Le contraire panrft évident
à juger par leurs actes. D. L. H.
Ur RB IV. CHAP. II. 191
entrevue ***• } peu auparavant*''^ les Suisses avaient
humblement remercié l'électeur *^^, imploré son in-
tercession pour obtenir justice impartiale, *^^^ et^ pleins
de dévouement à la commune patrie ^''^^ ils avaient si-
gnalé le danger de laisser des peuples non germani-
ques *^^ se mêler de leurs affaires. La journée de Ragaz
ayant renversé tout espoir de dompter la Suisse , les
seigneurs se montrèrent mieut disposés *''^.
A la faveur de cette disposition et de la considération
particulière que les antiques usages de l'Empire*''^
donnent à l'électeur palatin en sa qualité de juge de
*M A Dlm pourra mi-oartee. « Qadqaes petits saccès, dus à 1«
• négligence des Ck>nfédér4s» les avaient enflés. • TsehmUUf 460.
^'^ Le SA février 1440. Miuive de la Diète de Luceme (sans Schwys,
mab avec Solenre) au vénérable et noble eeigneur du saini'sUge de Menze,
Momeigneur Jacques , archevêque de la eainte église de Trêves , archi-
ehttneeUer, et au due Louis g comté palatin. Dans les notes d^Iselin sur
rieAwii, II, 466 et suiv.
*'s • Noos sommes trop petits et trc^ faibles pour remercier votre
• Grtoe. •
m
*'* L'Autriche devait choisir entre Ulm , Ueberlingen et Ravensbourg ,
et , de son côté , lenr proposer trois princes souverains devant l'un des-
quels ils comparattraiefit , comme ellennéme devant une de ces trois
fUies.
*^^ « Gomme sajets obéissans et fidèles membres du Saint-Empire
• romain. Si vous êtes ceux à qui le Dieu Tout-puissant a donné Tauto-
• rite de gouverner et d'agrandir le Saint-Empire romain , nous vous
• prions humblement de ne rien permettre qui puisse amcher la ruine
• de l'Empire entier. »
"* La Bourgogne.
"* « Le luxe engendre l'orgoeil , l'oigueil l'envie , et l'envie la colère;
• or la colère amène la guerre , la guerre la pauvreté, la pauvreté enfin
» la paix. • EdlibaeL Cette roue de la fortune a été figurée par Hemmer^
Un , dial, de nobilitate, et parait être de son invention.
*'^ « Suivant les anciennes eontomes. • BuUe d'or de Charles IV ^
VI . S.
192 HlSTOiaB DB Lk SUISSE.
l'Empereur même *''^, Louis déploya le zèle le plus
louable ^''^ pour réconcilier les partis > au congvés paci-
fique de Constance ^^^* Il parut lui-même dans Téclat
de la jeunesse *^^, avec les plus illustres amis de sa
maison ^^', le conseiller suprême de Télectorat de
Mayence^ vieillard expérimenté ^^^^ les grands-maitres
de Tordre teutonique ^^^ et de l'ordre des chevaliers de
SaintJean *^^, et avec une suite de trois cents chevaux.
Le duc Albert d'Autriche, au moment de céder à son
cousin Sigismond cette partie de ses domaines ^^^^ vou-
lut contribuer encore personnellement à leur pacifica-
tion ; les comtes et seigneurs de Souabe qui faisaient la
guerre ajoutèrent à Péclat de son entrée ^^"^^ De Berne
vint l'ancien avoyer Rodolphe Hofmeister ^^^, qui avait
*^* « Mais ce prhrilégè est si gfaûd (}tie, pour cela même, il parait
• prescrit dès long-temps. • Novtmviratiu , Francf. 1741 , p. 60.
*'* Les chroniques lai donnent à caose de cela le titre de t prince
» pieux et chrétien. •
*** n dit qu'il les convoquait en qualité de vicaires de TEmpire» sans
qu'ils puissent refuser.
*'^ Agé de vingt-deux ans.
*'* t Aux hauts et nobles seigneurs Guillaume comte de WartenbeiiD
(Wertheim) , Craft de Hohenloch , George d'Ochsenstein, Louis d'Ail,
prévôt du chapitre de V^nrSniss (Worms) , Jean de Gemmingeo,
maréchal, etc. Eiterlin, p. 176.
*** Didier dTsenbonrg, comte de Bûdingen, par l'intermédiaire
duquel le prince électeur reçut ses fiefs en 1AS3. SerrarUu. Joann. h. s.
et 1&&6. Jean , son père, était mort en 1407.
*** Eberhard de Stetten , grand maître en Allemagne et en France »
membre du conseil palatin. Eiterlin.
**' Hugues de Montfort Roo lui attribue la meilleure part de la paci-
fication. Toutefois son nom ne se lit pas dans les listes des penx>Dues
présentes à Constance.
*•• FiUx Fabtr, Hut. Suêp. L I . c. 16, p. 66.
*>' EdUbaeh lui donne à lui aussi SOO chevaux, Tschudi, 900.
**> Il avait été avoyer de 1414 à 1444.
LIVRE IV. CHAP. II. 193
blanchi sous le casque du chevalier, dans les victoires
et les conseils ^^^ ; de Schwyz, Ital Rëding, le jeune;
de Zurich et des autres cantons, les hommes les plus
sages y les plus habiles pour l'œuvre de la paix *^ ; bon
nombre de bourgmestres et de conseillers de villes
amies ^^^ ; le comte de Neuchàtel , vénérable par son
âge et par ses sentimens , Tenvoyë du duc de Savoie *^,
l'évéque de Baie.
Les princes, les seigneurs, les chevaliers et lesxlépu-
tés y réunis dans Constance au nombre de deux tiûUe
cavaliers ^^, donnèrent lieu à des jeux et des festinS>
d'où naquirent des dispositions pacifiques ^^. Ceux qui
peu de semaines auparavant étaient remplis de haine
et de défiance envers les Suisses, ennemis, pensaient-
ils, de toute justice et de tout gouvernement *^, recon-
nurent chez la plupart des députés un désir aussi ferme,
aussi loyal de conclure la paix dans cette diète que si
leur vie en dépendait ^^. Moins on s'occupa des occa-
*** Sons lui l'Ai^ovie avail été conqaÎM en 1419.
M* Schwyz regardait moins à cela ; Glaris n'envoya pas le béros
Tschadi, mais « le vîenx landammann Schûbelbach. • TsehudL
*** Strasbourg, Angsbonrg, Nflrembeig, Ulm , Constance, St-Gall
(Conrad Heer), Ueberlingen (le vieux Betz, bourgmestre), Lindau,
Ravensboorg, Rbeinfelden. EdUbach,
*'* Jean Champion , gouverneur du Pays-de-Vaud. Tsehudt,.
*»» JHaxm,19î,
*** Remarque fort juste de May.
**> Lettre d* Albert d^ Autriche, de Jacqueê de Bade, de Louis et d*Ulrieh
de fVwriemberg à cee trois princes électeurs; TObingue, lundi après In*
vocavit , 1A4S, dans EdUbach : « Les Suisses foulent aux pieds ouvertc-
• ment et audaciensement tous les droits, ils s'appliquent sérieusement à
• les anéantir, au mépris de tout gouvernement et de la noblesse entière,
» à qui pourtant l'Eglise et l'Empire doivent leur maintien et leur pros-
• périté.»
*»• On crut effectivement qu'ils avaient reçu l'oidre d'en finir vaille
que vaille, et que leurs tCtes en répondaient. EdUbach,
VI. 1 3
194 HISTOIRE DE LA SUI66B.
siens de la guerre ^ que le temps avait déjà fait ou-
blier '^^y plus le développement des questions prmci-
pales fut instructif ; on se convainquit que les Suisses »
bien éloignés de iPonger à des oonquèlssy ne voulaient
que défendre leur confédération de toute intervenlioa
étrangère ^^t L'électeur palatin ^ sensible au mérite de
terminer une semblable guerre ^^^ n épargna ni dé-
penses ni peines ^^ pour faciliter par des explications
cette œuvre bienfaisante. Au bout de quatre seiDSi-
nes^^^ heureux médiateur entre le duc Albert^ là
maison d'Autriche et tous les Confédérés^ entre la ville
de Zurich et les cinq cantons en guerre contre elle y
soutenus par quatre cantons auxiliaires^ entre Albert
et Baie 9 entre Baie et les villes de Fribourg et de
Berne ^j il réussit à faire modifier dans le sens sui*-
vaut les préliminaires de quatre ctifférens traités ^^ :
« Le très-noble prince et toute la maison d'Autriche^
» le comte Jean de Tengen-Nellenboui^ ^^^y tous les
» conseillers ^ serviteurs et vassaux de l'Autriche ^ les
»avoyers, landammanns^ conseillers, bourgeois et
**' Observation dn même.
*** Tsehaehtlan : « En général les Confédérés défendaient Icor caosc,
• en droit et avec Pépée , honorablement et loyalement »
*** La lettre n. 495 l'appelle « une guerre misérable et araôre. •
*** Tichudi : • en sorte que Zurich et les Confédérés devaient lui en
• garder, ainsi qu*à sa postérité, un souvenir reconnaissant à toat
• jamais. »
**< L'assemblée s^ouvrit le 15 mai 1446; on signa le 0 Juin. r««M
rectiûé d'après Vjirt de vérifier teê datée.
^** Il en sera question ci-après, parce que cette histoire se rattache
moins à la guerre de Zurich qu'à des événemens postérieurs.
^** Têckndi a donné le premier, le second et le qaatrièno traité, Ur
468, 471, 47S; nous en résumons les articles caractéristiques.
^** Probablement nommé à part, parce qu'il p'avail pas été compris
dans la déclaration de guerre; voy. ci-dessus à n* 399.
'LIVRE IV. CHAP. II. 195
» campagnards de Berne, Soleure^*^^, Lucerne, Uri ,
))Schwyz^ Unterwalden, Zoiig^ Glaris et Appenzeir
» oomparaissenl pour faire droite les premiers aux
» seconds devant le bourgmestre et le conseil de la ville
» d'Ulm y les seconds aux premiers devant nous ^ le
» duc Louis y comte palatin du Rhin ; ils ^devront éta«-
)»blir pasr des chartes ^ produites en copies vidi-
» mées^, comment châteaux et villes^ terres et gens^
» revenus et droits sont passés d'une main dans l'autre
tt depuis la paix de cinquante ans^^''. Les articles des
» réclamations réciproques seront adressés pour la
» prochaine fête de St.-Michel ^^ au bourgmestre de
j» Constance^ qui enverra dans le terme de huit jours le
» mémoire de TÂutriche à Luceme^ celui des Suisses
» à Villingen, et une notification à ceux d'Ulm. Deux
n mois après ^^ s*ouvriront les débats contradictoi-
M res oraux et par écrit ^ et la sentence sera pronon-*
» oée dans dix-huit mois ou dans vingt et un ^^^ au
» plus tard. La guerre est finie ^'^ ; toute hostilité ^^%
*** Mommé immédiatement après Berne , parce qu'il devint suisse par
Kmallianoe avee cette Tille.
^' L'évéquo de Gonstanceet Tahbé de Reichenan devaient les vidimer.
Les canlons possédaient beaucoup de chartes autrichiennes , Urées des
archives de Bade (t. IV, 329 j; les Autrichiens, des chartes suisses,
dont Sis étaient redevables à Zurich.
••T Du 28 mai 1413. Ci-dessus t. IV, 159.
*•' 30*septembre.
*** Sntie le jour de St-Gall (16 odobie) et NoCl.
^ On prit évidemment de longs termes pour que les esprits pussent
se calmer ; les parties s'en accommodèrent parce que dans oes entrefaites
pouvaient se développer des ehroonstanees favorables à la paii on à la
Soerre.
*^* Depuis le lever du soleil le dimanche de la Trinité, 12 juin.
"' Assassinat . brigandage , incendie , mine de chàte: a , eiil et
bannissement
496 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
» oubliée; les prisonniers dé guerre seront relâchés; tes
» firais de la guerre , remis ; les procédures pariicu*
» liéres^^^ auront leur paisible cours avec des ménage-
» mens équitables ^'*. » Tel fut le traité avec l'Au-
triche; le dyc Albert y fit^ comme premier sacrifice à
la paix, Tabândon de l'exigence que les Suisses rebâ-
tissent vingt-cinq châteaux y ruinés par eux dans cette
guerre *^^.
(c Le bourgmestre, les conseils et les bourgeois de
» Zurich, ceux de Lucerne, Uri, Schwyz , Unterwal-
» den et Zoug , parties belligérantes ; ceux de Berne ,
)) Soleure, Claris ^^^ et Appenzell, qui ont secouru les
» derniers contre les premiers , sont convenus d'un
» arbitrage qui aura lieu à Kaiserstuhl : les Zuricois
» et les cinq cantons belligérans ^^'^ nommeront , dans
» le terme d*un mois, deux arbitres-jurés pour chaque
» partie; si les arbitres ne peuvent tomber d'accord, ils
» choisiront le mois suivant un sur-arbitre ^^^ impar-
» tial dans une des villes d'Empire. La partie qui se
u montrerait réfractaire perdrait son droit , l'autre
i) aurait cause gagnée. La paix est faite; la guerre,
» oubliée , effacée. » Voilà la convention la plus diffi-
cile à conclure , et qui coûta des sacrifices mutuels à
ceux de Zurich et de Schwyz. En effet, Ital Réding,
cédant aux représentations les plus pressantes , se fit
*** Aa sujet des intérêts et des créances.
"* Afin qne Jusqu'à la St -Martin on ne pressftt pas les dâ>itefDS.
^*^ WwraUem 450. La plupart des châteaux avaient été ruinés dans
la guerre des Bàlois.
**' Glaris n'avait pris part à la guerre qu'à Tinvitation de Scbiryi.
T.V,S26.
^*' S'il restait quelque différend concernant les quatre villes auxiliaire»
en particulier , il devait être jugé de la même manière.
**' Un • homme commun, • dil la charte.
LIVRB IV. CHAP. U. 197
violence au point de se désister de rar4icle des alliances
éternelles qui fixait Einsidlen pour le lieu des arbi-
trages fédéraux et répudiait tout juge étranger^''; les
Zuricoisy de leur coté, alors que déjà quelques sceaux
étaient attachés à la charte , espéraient encore obtenir,
conune condition préalable , la restitution des métairies
de WoUerau et de Pfeffikon ^^; enfin la résolution
du landammann ^^^ et la crainte de nouveaux désas-
tres^^ les déterminèrent à iaire à la paix ce dernier
ttcrifice.
u Le duc et la maison d'Autriche , les seigneurs et
» chevaliers qui ont épousé leur querelle , le bourg-
n mestre et le conseil de Baie s'en sont amiablement
» rapportés à la sentence du vénérable évéque de Baie,
» Frédéric , ministre de Dieu notare Père et notf e Sei-
«gneur^^. »
« Cette guerre ayant occasionné du mécontente-
») ment et des malentendus entre l'avoyer, le conseil et
» les bourgeois de Berne et ceux de la vUle autrichienne
)}de Fribourg en Uechtland, les Bernois, par singu-
>)lier égard pour le sire Louis, comte palatin du
» Rhin^ (Hit abandonné les griefs qui en sont provenus,
i> de même que leurs prétentions ^^^« »
^^* Têchmdi II , 468 t • Ils estimaient que leurs alliances devaient
• demeurer debout et en force , tant qu& leur sang coulerait dans leurs
• veines. » Hoy, III, 195.
**• T. V, J12.
^*' • Schwyz était bien animé; mais j*ai appris en vérité qu*il se serait
• désisté si l'on avait persévéré cette nuit-là. • BdUbaeh.
*** « Ib craignaient qu'ils n'éprouvassent de nouvelles pertes. • /</•
''* Tichudi voulait aussi insérer cette charte dans son texte , II , &73 ;
mais il l'a oubliée; ce que je rapporte est extrait de b ienietiee, mer-
credi apris Cantate 1449, imprimée dans les notes ^helin,
^>* Cette charte se trouve dans Ttchudi. Tschaehtlan dit que les députés
Lcmois réservèrent la ratiJication de leur gouvernement.
198 HISTOIRE DE LA SUtSSE.
Le dimanche de la Sainte-Trinité ^ dés l'aube ^ toutes
les cloches de Zurich , des Tilles et des cantons de la
Suisse annoncèrent la joyeuse nouvelle de la paix , dis-
sipèrent les nuages de la haine et de Tinquiétude , ré-
veillèrent chez le vieittard l'espérance d un soir paisible
après des jours agités , chez le jeune homme Tardeur
de travailler au bonheur de sa maison. Lorsque le la-
boureur Eurioois^ las d'une vie long-temps captive,
sortit empressé dans les campagnes où les décombres
des maisons et des fermes, ensevelis sous Therbe , resr
daient presque méconnaissables les champs, les vignes,
le» prairies ^'^, il fit le rapprodiement entre* rheurense
aisance , fruit des pénibles travaux de tant de généra-
tions , et le moment horrible où , sur la parole d'un
guerrier^ flamme, épée, chevaux, cavaliers avaient
précipité dans la misère le père de famille , la mère et
les faibles enfans ; il déplora le pouvoir de quelques
hommes au cœur de pierre de faire fondre sur un pays
et sur un peuple une telle désolation ^^^. Les plus
loyaux, espérant le bienfait d'une longue paix, prirent
la courageuse résolution de rétablir leur fortune. D au-
tres, déshabitués de la vie domestique , avides de dés-
ordre, d'oisiveté et de licence, ne prenaient plaisir
qu'aux armes et aux combats; les occasions en furent
saisies avec plus d'empressement à datar de cette guerre,
en sorte qu'elle eut à cet égard la même influence sur
les mœurs que celle du Péloponèse ; mais ^e siècle ne
produisit pas un Philippe.
A la conférence de Kaiserstuhl entre Zurich et ses
vieux confédérés, parurent de chaque part, en qualité
"* Tsehudi.
^" Nous montrerons comment le droit de déclarer la guerre fut
sagement restreint dans la suite des temps.
uvRB nr. CHAP. II. 199
d'arbitres y deux des magistrais les plus considérés^'''',
les avocats y les cooseiUerSy beaucoup d'hommes ver-
tueux et sages, «mis de la patrie et de la paix ^'^.
Chaque partie produisit un àotiAe fgrief} sur les quatre
griefs Ait proDOn^ nue double sentence ^^.
Les Suisses se plaiguircait premièrem^iit de ce
qu'au siqet de falfiauee inoonvenante avec l'Autri*
die ^ les Zuricds déclinaient k Te|e juridiqne tra«»
oée ptr le pacte. Les Zurioois déclaarèreot qu'il ne
s'agissait poMtt d'une i¥iolatîou du pactes mais dp Tin*-
Mcent ^^ exercice d'un droit réservé à leur viDe; que ,
disposés à le soumettre ai» tapUcations d'émineus
emCidérés ^^i ils ne rétaient point k exposer leurs
droits aux chances d'une sentence arbitraire. « Nous
I) eutendbiis avec |daisir^ » dirent les Suisses, u men«*
>i lîoinicr honordbleineut l'antique alliance^ dont nous
N conserveos iielig^eusemiBnt ib charte à jamais «Uiga-*
» toire^ munie de tous ses sceaux, comprise de tout
» le monde dans sa sknplictté , pendant quatre-vingts
» dix ansct plusn^et qui, dans les cas de division d'à*
s pinioii,^ fenvoi0 par-d^ant des arbitres, à Einàidlen,
w Db côté die Zf^rith , )e UeiitapiiH Henri Sfiiilger 4f>^i )m onclea
étaient iftorts à Sempuch Av» les x«i^ mtrichieD^ {heu), et le greffier
municipal Rodolphe de Gham; du cà^é des Suisses, PétenoAnn Gold-
scfaiûd, avoyer de Lnceme et le landamtnatin liai Réding.
*^ Les n^^odatioi» de ce jour sont eqKMéés avec loss les détailB
SUIS te u U es JMmU, 474-49*.
^^ « Nona vB9^itû0m concevoir qi>e «to pmsblaWes alUmcçs nous
* fassent ailles ou seulement indifférentes. »
*** • Car nous avons toujours eu devant les yeux les alliances, les
» sennens et les engagcmens fédéraux. « j .
^*< L'avoyer Rodolphe Hoto^ter , ravoyér Ulrich'd'Brlaéh , le con-
«eiUcr Rod. de Ringoltingen , tous trois Bernois.
200 UISTOItlB DE LA' SUISSE.
» nos adversilires et nous^ nous et nos adversaires^ Kous
» laissons de côté Tinutile appréciation de la noavdle
i) alliance de nos Confédérés de Zurich ^^« Il s*agit de
» savoir si Tancienne ^ dont ils disent avoir fait la ré-*
» serve , peut subsister quand on rie^te la procédure
n qu'elle prescrit ; nous laissons la décision de cette
^) questicm à tous les hommes de bon sens et à la
» loyauté de nos juges, d ^— « Le parchemin ^ » répondi-
rent les Zuricois, « peut être intact^ mais la guerres
fi coupé en pièces ralliancè même à laqu^Ue hoiïs el
p n(>S' pères n'avons qiie trop sacrifié. » Les répliques
ne furent que de longues «t acrimonieuses répétitions;
le vice . fondamental était aussi ancien que la Gônfiidé-
ration. Lorsque des villes impériales , comme Zurich,
à rheure d*une crise ^^, entrèrent dans cette ligue ,
triomphe et gloire des Suisses., on songeait au besoin
du moment au Ueu d'embrasser le plan vaste et bien
arrêté d'une Confédération indépendante. On admit
sans balancer bien des réserves inconciliables avec, le
pacte. Ainsi, entre de grands Ëtats se concluent en-
core joumell^nent des traités, auxquels le premier
article assure une éternelle durée, tandis que le der-
nier, par une clause , en £iit le jouet de la politique \
L'union durable de la Suisse , en dépit de la faiblesse
de ces liens, fut le fruit d'un esprit national, créé par
des circonstances impérieuses**. Toutes les fois que
lies passions le réduisaient au silepce > la mauvaise ré-
daction du pacte donnait lieu aux interprétations les
plus forcées. Le maintien de la Confédération exigeait
*^* « tA bon entendenr , Balai !.»
"* T. m, a et !«•
* Ils fiQi'ascQt anflo par devenir les victimes de leur fourberie. D. L. H.
** En outre par sa position au centre des montagnes. D. L. H.
LIVRE IV. CHAP. II. 201
que chaque ville ^ chaque canton ^ privée hors de son
lerritoire, de compétence politique et militaire ^ ne fut
rien, ne put rien^^; que la patrie fut une^^; et la
diète , la seule autorité à oppose^ %ux étrangers ^^'^^
Lorsqu'on discuta le premier grief^ les Suisses ré-
pondiroit à la dernière réplique ^^, en exigeant que
Ion renouvelât le serment fédéral , dont la violation
avait amené la guerre. Les Zuricois , au ccmtraire , de-
mandaient à être libérés des obligations d'une alliance
^^ Gcnfonnément à Fespiit de la première alliance; t. H, S81 , 376
et $aiv. Cet e$prit était susceptible -da plos beau dévelq>pement.
^*^ U a*eBt pas besoin, pour l'intérieur, d'une machine législative
permanente ; une ville ne saurait subsister sans ordonnances et sans
justice municipales, mais on ne saurait prescrire le même ton à tous
les ménages , sans distinction de naissance , d'éducation et de fortune.
Les gouvememens démocratiques au sein des montagnes , les gouver-
nemens aristocraliques des villes étaient les résultats d'une origine et
d'une marche différentes, et en rapport avec la situation, les mœurs,
l'activité et les idées de la population; leur destruction a signalé l'époque
d'un bouleversement général et de la ruine du patriotisme.
^'^ Non pour former des alliances offensives , non pour décider pins
promptement une guerre , mais pour empêcher qu'une contrée on un
canton , ébloui par des étrangers, ne conclue avec eux une alliance peu
convenable ou ne se soustraie , au jour du péril , à ses devoirs fédéraux.
La première de ces entraves aurait empêché cette guerre ; la seconde ,
la dissolution et isolement de ceux qui ont été attaqués de nos jours.
n était facile de prévenir les abus d'une diète ; il fallait poser la neu-
tralité comme loi fondamentale, puis exiger pour chaque exception
l'accord d'au moins les deux tiers de l'autoiité iupréme de tous les can-
tons et des villes. =: L'ancienne confédération a dû succomber pour avoir
méconnu la vérité énoncée dans le texte. Son existence aurait été conso-
lidée , si l'unité avait pu 8nl)5ister. La nouvelle confédération est plus
que jamais dépendante de son médiateur, \e baron de Razûns. D. L. IL
( Note écrite avant iSih ].
sM D'abord vient la plainte ou proposition , puis la réponse, la ré-
plique, la duplique; enfin les conclusions, que suit la sentence. Voilà
la marche et les termes techniques.
n
2d2 HISTOIRE DB LA SUI86B.
que la guenre avait anéantie ^*. L'aecomplidsement de
ce vasa aurait pu ravaler la principale ville de la Suisse
au rang des viHes impériales de la Souabe , la plupart
si misérables^ oiTi^'une petite vitte insigmfiaiite du
voisinage ^^.
Le second grief des Suisses concernait les (rais de
la guerre que Zurich leur avait occasionnés par la
transgression de ses devoirs fédéraux ; la réponse dé*
coula de ce qui précède.
Les Zuricois élevèrent alors leur première plainte
au sujet de la guerre , et réclamèrent la restitution des
seigneuries enkvées^^ , l'annulation des sermens d*liom-
mage imposés de force , et une indemnité de quatre
cent mille florins pour les dommages soufferts. Les
Suisses répondirent que Zurich était l'auteur de ses
propres maux.
La seconde plainte suivit la même marche; die con-
cernait l'enlèvement des terriers et des chartes qui se
trouvaient dans les archives des châteaux pris de
force ^*'.
On comprit bientôt que tout dépendait de savoir si
l'ancienne et perpétuelle alliance entre Zurich et les can-
tons Suisses subsisterait à l'avenir ou non^^^. La charte
de cette alliance ^ la paix ^ilre Zurich et Schwyz ^^V
^** • Vous devei re^nnaitre que nous ne sommes pas obligés d'ob-
• sen'er à l'avenir envers eux les alliances. • Hemmerlin, de NobUiU C. 8S»
pensait de même.
&A0 xjae iitualion avanti^use sur an fleuve et un lac n'empécbe pas
la décadence; Constance en est un témoignage parlant ssSans liberté
point de patrie ; PAllemagne en fera l'épreuve à la suite de l'aoéantisse-
ment des villes impériales. D. L. H.
'** Dans cette guerre , et non dans la précédente contre Scbwys.
^*' GrOningen , Greifensée , Régensberg.
*** Il s'agissait moins d'en déterminer le uns, qui est clair.
**« Savoir le troisième article; t. V, 212.
LIVSB IV» CHAP. II. -203
la nature et la marche de leur différend ayant
été examinées par des hommes sages et savans ^*^^ fes
deux arbitres suisses prononcèrent que Zurich devait
observer l'aUiance perpétuelle dans tous ses points. Les
deux arbitres de Zurich i sans toucher la question au
fond y décidèrent qu'au préalable les Suisses donne-
raient satisfaction aux Zuriccns ^^. Il est également
invraisemblable qu'ils aient espéré obtenir ce résul-
tat , ou que, dans le cas contraire^ ils eussent continué
la guerre. Tous ceux qui assistèrent à la conférence de
Kaiseratuhl pendant dix semaines ^^^ se convainquirent
de la nécessité que Zurich redevint suisse ^^. Mais les
pas^ns populaires sont si aveugles et si ingustes que
les arbitres zuricois^ à moins de s'exposer au plus
grand péril ^^^ n'eussent osé parler contre les principes
qu'ils avaient soutenus ^^. Quelques-uns des arbitres
s'étaient fortement prononcés depuis plusieurs années
comme chefs de parti ; il eût fallu de Théroisme pour
tenir maintenant un autre langage ^^ On convint donc
^*^ Ces épilhètes ne sont pas s)iionymes; elles désignent ici des
bommo» qui ne connaissaient que le droit de leur] pays , et d'autres ,
instroits dans le droit romain , impérial et canonique.
»M « Car il n*e8t pas dit que les Zuricois doivent satisfaire les pre-
miers. .•
**'' Depuis la St -Jacques jusqu'au mardi avant la St.-Biiehel 1446,
*^ Ceit ce que donne à entendre PéUx Féh» l«i*ménie, p. 66.
*** Qui n*eùt été effrayé par l'exemple de Henri Meyss.
*'• C'est pour cette raison qu'à l'époque même du plas grand zèle des
Guelfes pour l'indépendance et pour le droit national , les villes d'Italie
chotrâsaient fréquemment des étrangers pour leurs podestats , capitani ,
escecoUnri fbarigelH) et en cbangeaieiit tous les ans ou tous les six
mois.
»&s Gomment l'attendre de Cbani et de Réding ? C'est eux qu'il au-
rait fallu nommer ; ils auraient exigé des autres l'impossible et traité
toute concession de trabison.
204 HISTOIRE DE LA SUISSE.
taciiemeDt ou en confidence , de remettre la décision à
un sur-arbitre choisi à l'étranger ^^^.
Ils élurent pour cet dfice Pierre d'Argun^ bourg-
mestre de la ville d' Augsbourg. Cet homme , issu de
riches n^ocians ^^^ actif et riche lui-mtoie ^ habile
et cher aux Empereurs» ressemblait surtout par la
toute-puissance qu'il exerçait dans le conseil de sa
ville natale, par l'intermédiaire des tribuns ^^^ au pre-
mier bourgmestre de Zurich ^^^ ; mais^ à Tégal de Rodol-
phe Broun , la fin de sa grandeur long-temps enviée
fut triste et obscure ^^"^^ et, comme lui, il hissa des
fils qui agitèrent sa patrie ^^^. Lorsque Pierre d'Argun
fut choisi pour arbitre, il était dans Téclat de sa
puissance.
•
'^' La rédaction modérée de la seoteDce des Zaricob et la fadlîté
avec laquelle ils consentirent en temps opportun à la nomination d*an
sur-arbitre montrent un esprit de conciliation inaccoutumé.
*** Tianrent Egen , son père , aussi bourgmestre , auteur d'une fon-
dation en faveur de douze vieillards , 1410. Paul de Stetien, HuU de
la ville d^Augsbourg, p. 2&0.
*^* Vers ce même temps il acheta de Tévèque la monnaie et le
pesage. Ibld, 169.
^^' Il était si peu habitué à la contradiction , qu'à la première qu'il
rencontra il se démit de sa charge. Ibid, A. 1650, p. 172.
•*• Voy. les passages correspoodans , 1. Il, cb. 2, t. II.
**^ On dit qu'il fut étranglé sur l'ordre secret du tribunal vébé-
miqne. Ibid. 1451, p. 17S.
^'^ Le bourgmestre cvait reçu des lettres de noblesse de l'empereur
Frédéric en 1442 et renouvelé le nom de l'ancienne famille d'Aigun.
Ses fils Antoine , Sigismond et Jacques eurent avec la ville d'Augsbourg
de longues querelles , qui furent apaisées en 1459 ; ils se prononcèrent
en faveur du duc de Bavière lorsqu'il devint ennemi de leur ville na-
tale en 1462 ; Jacques ne se réconcilia qu'en 1483. Outre ces faits ,
Stetten raconte comment ils dénièrent la justice , se pillèrent Tuii
l'aulre , vengèrent les inimitiés de leur père par le meurtre et le pillagi'.
On peut comparer leur conduite à celle des fiis de Broun ; t. III , 80
et suiv.
UVRË IV. GHAP. II. 205
Sur les représentations instantes de l'électeur pala-
tin^ de beaucoup de princes, de seigneurs et de villes ^
ainsi que des Âugsbourgeois mêmes ^^^ honorés dans
sa personne^ le bourgmestre à la fin accepta les fonc-
tions de sur-^arbitre. Voyant l'impossibilité de les remplir
à la satisfaction des deux parties, il se pénétra du sen-
timent de la dignité d'un acte dont l'influence sur des
âges et des pays éloignés transmettrait à la postérité le
nom de son auteur, entouré de gloire ou d'ignominie.
Il convoqua une conférence à Lindau ^®^. Après de
vaines tentatives de conciliation , il régla définitivement
que toutes les chartes seraient examinées, que les
deux parties exposeraient sincèrement leurs moyens ,
et qu'il aurait lui-même le droit de consulter qui
bon lui semblerait , et le pouvoir de prononcer enswte
selon sa conviction ^^, librement et péremptoire-
ment^^.
Onze semaines après ^^^ le bourgmestre convoqua
une seconde fois à Lindau les Zuricois et tous les Con*
fédérés, et tenta de nouveau une conciliation. Effort
inutile. Debout, Pierre d'Argun leva pour lors la main
droite et fit serment déjuger avec justice. Pour la der-
nière fois on lut publiquement toutes les chartes. Le
bourgmestre se leva avec une gravité solennelle, prêt
à prononcer la sentence ; l'attente de rassemblée était
excitée au plus haut point; il déclara « que Pierre
^^* On leur écrivit de rengager à accepter. TêchudL
'** Le jour de St-Nicolas , 6 décembre 1&46.
^^ Après qu'il aura consulté sa propre raison et ses lumières.
^*' Aclû du consentement des 9 cantons confédérés (ci-dessus dans ie
texte n. 516 ) ; Lindau, 6 décembre iàhOj dans Tschadi II , 493. Zurich
expédia sans doute un acte analogue.
*•* Au vieux Carnaval , c'était le 27 février 1447. Tschudi,
206 HISTOIAB DE LA SViàSE.
» GoldsctwUd et liai Réding avaient bien jugé ^ el que
» les Zurioois devaient ohserver dans tous ses articles
» l'alliance perpétuelle de la Confédération ^^.
Si Ton considère les rapports du bourgmestre d^une
Tille d'Empire arec la cour impériale ^ les relaticms
personnelles de celui d'Âugsbourg avec Frédéric III ^^^
avec Rechberg et d'autres chevaliers aouabes ^^» on ne
peut refuser à Pierre d'Argun la glpire de s'être montré
pur dans un des actes les plus importans de sa vie. Il
sut discerner le point principal , passé sous silence dans
le jugement des arbitres zuricois ^^, et le considérer en
lui-même et sous le rapport du bonheur et de hi paix
de la Suisse ^^.^ Sa parole ftit un coup de tonnerre*
Quand la ville de Zurich reçut la nouvelle qu elle allait
refllrer dans la Confédération ^ la multitude aveuglée
poussa des cris et des gémissemens^^. Les autorités
s'assemblèrent^ tristes en même temps qu'embarrassées
sur les moyens de donner force à la décision sans ime
nouvelle guerre ^''®.
Pour faciliter ce résultat ^ Pierre d'Argun y non plus
sur^rbitre ^^^, mais de concert avec cinq villes impar-
^** PromomU du. iur-arèitre^ Ibid* 494*
^^^ Il avait logé chei loi à AugsixHirg et l'avait anobli. Sieuen , 1 442.
*«• Id. 1450.
^*' « Ils n'ont rien décidé touchant le fond des affaires. • Prononcé
du iuV' arbitre»
»«* «Virille, omnibus pensatis, judicavit, pro bono pads fore ne-
ceasarium , • etc. Faber, 1. c.
^** « Planctus et ulntatns in plèbe* • Id. Encore enfant., Faber lui-
même mêla ses pleurs ans lamentations de la ville.
^^* i II nous a lié les queues ensemble , dirent-ils , en sorte qu'il faut
• que nous nous tenions par les cheveux plus fortement qu'auparavant. •
Edlibach,
^^^ Le sur-arbitre avait été choisi uniquement pour ce point essentiel.
LIVHB IV. CHAP. \U 207
tiales et bienveillantes ^''^, obtint qu'une conférence
amiable ae réunirait à Bade en Âi^ovie ^'^^. II repré-
senta aux deux parties la nécessité de dégager Tarbi-»
trage fédéral tpà aurait lieu à Eûfisidlen^ confonnément
au pacte ^ de toutes les entraves que Texpéricnce et le
cours naturel de$ choses laissaient entrevoir f or^ une
issue fâcheuse serait à craindre ^ si la ruse et la passion
soulevaient d'autres questions que les seules esse»«
tidles ; après une telle guerre^ il était invraisemhtabie
qu'un Zuricois parut impartial aux yeux des Suisses ou
un Suisse aux yeux des Zuricois ; il serait donc à dé-
sirer que f dans cette occasion seulement^ en s'écartât
de l'article du pacte qui interdisait le choix d'un sur^
arbitre étranger. On reconnut sans peine comme points
essentiels du procès Talliance autricbienBe ^ les eon-^
quêtes des Suisses et les frais de la guerre. Mais toute
l'autorité d'Ârgun ne décida que di£EicilemeAt les Con-
fédérés à faire à la paix un immense sacrifice en ad->
mettant une exception au pacte , leur arche sainte ^'^*.
L'espoir que les parties choisiraient de concert dans
leur sein un arbitre absolu des différends qu'ils ne
pouvaient aplanir eux-mêmes caractérisait l'ancienne
simplicité des âges où la Confédération^ renfermée au
sein des Alpes » n'en sortait que pour secourir des amis
qui rimploraient au jour d'un grand péril. Plus tard^
^^ BIte délégaa son conseiller André Ospernclle , dont ii est son-
venl qsestioB ) Scbsfihovse , le bourgmestre Henri Barter d*unc famille
riche , mainmant éieiaie } Constance , Ravensboarg , Rothwyl dépa-
tèrenlansri.
^'* Le dimandie avani oelni des Rameaux ; Piques tombait sur le
9 avril.
^'* fionveiU cotiférenee pçmr déterminer ie$ pointé dm procà» et ta marche
àtmivrt, Bade, Teille des Rameaux, Hk^i Têihudi II, 494.
206 HISTOIRB DE LA SUISSE.
les Suisses eussent fait plus sagement de suivre le con--
seil de Pierre d'Argun , et de remettre la décision de
leurs contestations intérieures à des étrangers célèbres
pak* leurs lumières et leur Tertu. Quelquefois ce se-
cours leur vint d'un canton désintéressé ; mais des cir-
constances particulières ^^^ et les divisions religieuses
rendirent l'impartialité de plus en plus suspecte. Sans
doute y tant que la différence de religicm empécliait la
confiance , le choix d'un étranger eût aussi présenté des
difficultés* Il eût été d'autant plus nécessaire'^que dès
la première éducation , dans tous les sermons et tous les
discours publics, on travaillât à étouffer Tesprit can-
tonnai et à former Tesprit fédéral , à faire reconnaître
généralement 9 dans Fun^ l'abjection des sentimens,
et 9 dans l'autre, la noblesse morale / la vraie vertu ,
le caractère distinctif de l'homme appelé aux affaires et
aux dignités. Au lieu de cela , les malheureux se sont
de plus en plus renfermés chacun dans son canton ,
dans son chef-lieu, dans sa tribu, dans sa famille,
dans sa personne *.
A Einsidlen siégèrent aussi les arbitres de Kaiser-
. stuhl ^7^
Les Suisses se plaignirent d abord de ce qu*en oppo-
sition au pacte , qui ordonnait aux Confédérés de se
^^^ p. e. les anciennes alliances en Ire Berne, Soleure et Fribourg;
l'union des villes; le droit de bourgeoisie chrétien.
* On ne peut rien dire de mieux ni de plus forL Gomment après
cela l'auteur peut-il regretter que la vieille machine se soit écroulée ?
Si l'on peut être surpris de quelque chose , c'est qu'elle ait subsisté
aussi long-temps. Les auteurs de la révolution de 1798 , qui tentcrent
de relever l'édifice , seront mieux appréciés par la postérité. D. L. H.
^^' Âctei et négociations de VasiemhUe arbitrale ttEinsidUn, en mai
14^7, dans Tachudi II , 696-514 et 520 et suiv.
UYBE IV. GHAP. H. 209
réunir txmtre tous les ennemis ^ Zurich avait forme
une alliance ^"^"^ avec la maison d'Autriche ^ entre la-
quelle «t la Suisse ne subsistait, après de longues guer-
res > qu'une trêve limitée ^'^^. La députation de Zurich^
soutenue par les conseillers autrichiens , répliqua en
réservant selon sa coutume l'Empereur et l'Empire ^"^^^
ainsi que les alliances à venir ; elle insinua que les
Suisses eux-mêmes avaient déjà recherché une sem-
blable union avec l'Autriche ^^, et déclara que Zurich
comptait persister dans la sienne^ attendu qu'entre
l'Autriche et cette ville il y avait eu souvent ^ depuis ,
des alliances ^^^^ simplement renouvelées en dernier
lieu dans la forme la plus légale et sans préjudice de la
C<mfédération ^^^. Les Suisses^ à leur tour^ montrèrent
qu'il ne s'agissait point de la réserve de l'Empire ^^^ ,
que celle des alliances à venir ne pouvait donner à un
canton le droit ^e conclure avec les ennemis des autres
un traité dont l'effet dût se déployer sur le territoire
^' Il parait qu'ils ne connaissaient pas les initmetUms qni s'y ratta-
chaient et qo'ils auraient attaquées bien plus vivement; le traité d'al-
liance n'était que la partie ostensible. Voy. t. V, 276-279.
*^* Pendant la paix de cinquante ans ; la convention perpétuelle fut
conclue beaucoup plus tard.
•79 On cherchait à faire prendre en considération cette réserve,
parce que le roi romain était en même temps chef de la maison d'Au-
triche.
*** Allosion aux bonnes relations qui s'établirent entre Schwyz et les
cours ducales à l'occasion de l'héritage de Tokenbourg. T. V, 159 et
ailteurs.
Ml Oui, certes, en 15«5 et i3S% ; I. Il, chap. IV et V, t m* mais ne
fallut-il pas renoncer à la dernière de ces alliances? Un traité de cette
nature fut produit Ttchudi II, 554.
**> Parce que la Confédération était réservée.
^"* Ils ne voulaient pas que l'on confondit les alTaires de l'Einpire
M-ec celles delà maison d'Autriche.
VI, i4
^10 HISTOIRE DE LA SUISSE.
suisse ^^^ ; ils déclarèrent ne pas connaître les exemples
auxquels Zurich faisait allusion i et comparèrent le
long bonheur des temps ^^ où nul canton il'agissait
isolément ^^^ atec les troubles^ l'eiFusion du sang et les
ravages qu'en peu d'années la nouvelle alliance avait
attirés sur la Suisse. Les Zuricois invoquèrent l'esprit
inoffensif du pacie qui ne connaissait pas d'ennemis
héréditaires et réservait expressément les droits pri-
vés ^^T que la maison d*Autriche avait hérites de ses
ûieux de Habsbourg^ de Kiboufg et delienzbourg dans
les Waldstclten mêmes ^^. La paix^ la justice et Tor-
dre ^ seul but de la Confédération ^ recevaient ^ di-
saient^ils^ par leur alliance un fcHidement solide ^^^
mais les préjugés et la pasûon île savaient pas le com-
prendre. Us répétèrent y sans rien spécifier^ que de$
exemples semblables ne manquaient pas, et qu'en gé-
néral chaque canton Avait librement usé du droit d'al-
^** A chaque alKancc sa spht'fe d'aclîvitt*. Voy. ccl]e de la Soîsse et
de Zurich , t« III , iS el sait. ; nous HvoDs caractérisé en tl>ail9 géùéraot
relie de Zurich el de rAnIriche, L V, 276-tSi ; ellea étaient presque
identiques.
*s» • Personne n'est assez Agé ponr te rappeler tdut c^t lieareui
temps. •
^** • Telle était leur amitié fidèle qne nul ne 6'altia jaotaJs avec qui
que ce fût , h Tinsn oo sans le conaentement dte auUea. » Ib n'en«
tendent point par \h que toutes les alliances fussent communes à tdos,
ce qui eût valu bien miens, mais que Ton se cotisaHait les uns le»
autres à leur sujet.
^'^ Scr\i(udes , droits , juridictions , en tant qu'ils ne donnaient pé»
la souveraineté ; les anciennes lois de' l'Empire n'accoi^aîeat celle-ci
qn'à un roi ou à nn empereur ; d'autres exerçaient des portions de
souveraineté ensuite de privilèges et de traités particuliers.
^** Cette manliTc de représenter la chose est exacte* T. n , 220;
2S9; 200,-300 t^t suiv.
^** • Utile et bienfaisant pour eux , pour nous et pour'toat le pajs. »
LIVRE ly. CHAP. n. 211
Uance. Les Confédérés répliquèrent que la défense à
laquelle ils s'étaient engagés pour jamais avait en
vue leurs ennemis ^^; qu'il était inutile de rappeler
qui s'était présenté en cette qualité au Morgarten et à
Sempach. Qu'en réfléchissant que naguère , k Kaiser-
stuhl ^^^, les Zuricoîs avaient demandé d'être dégagés
des alliances éternelles f il leur paraissait que la nou«*
velle n'avait pas alors été considérée comme un appui
de ces alliances^ mais comme ineonciliable avec elles.
Les ZuriooiA ayant déclaré que l'obstination et la guerre
des Suisses leur avaient seules arraché cette demande ,
on décida de soumettre à l'arbitrage le traité de Zurich
avec la maison d'Autriche.
Les Zuricois se plaignirent ensuite de la guerre^ et
les Confédérés imputèrent à Zurich le tort de Tagres-
sion* Cette question , d'où dépend celle de la satisfac-
tion à donner ^% est ordinairement la plus difficile;
elle ne se décide ni par la priorité de l'apparition sur le
champ de bataille , ni par le premier acte hostile^ mais
par la mesure ou l'entreprise dont il faut prévenir
on annuler TefFet et les conséquences. L'obligation des
restitutions ne résultait pas de la date de la déclaration
de guerre ^^^, mais des rapports entre les anciennes et
les nouvelles alliances de Zurich , et de la question^
*'* • Nous avons conclu les alliances contre nos ennemis et non
contre nos amîs. »
^<« Plos hant n. 5S9.
*** Proprement la restitution de ce qu'on a enlevé.
*-* Noos avons décrit le commencement de la guerre, t V, Sil et
sûiv. ; ici les Gofiféd^>rés allèguent comme premières hostiiitds une
expédition des toricoia contre Zoog, sans détermination prfdse de
Vépoqoe, *
212 HISTOIRE DE LA SUIâ$E.
négligée jusqu'alors ^^^^ de la légalité des conquêtes
entre Confédérés ^*^.
Le territoire conquis par les Suisses cernait eti
quelque sorte Zurich et rendait la Suisse centrale in-
dépendante du marché zuricois ^^. Afin de prémunir
leurs conquêtes contre une décision défavorable de la
question précédente ^^ et de prévenir la réclamation des
frais de la guerre ^^^ les Suisses se présentèrent de-
vant les juges avec une demande en indemnités de six
cent mille florins ^^^. Les longues discussions sur ce
point prouvèrent que la décision dépendrait du juge-
gement sur les alliances et des vues d'avenir. Zurich ;
de son côté , ayant demandé des dédommagemens ^ les
députés prirent environ six mois pour réfléchir ^^ et se
séparèrent.
Ils s'occupèrent ensuite avec zèle, mais en vain^ de
régler le point fondamental. La sûreté non moins que
l'honneur semblait interdire à Zurich d'abjurer vo-
594 Qn 12e possédait pas encore de théorie des républiques fédéra-
tives ; on professait rarement des principes généraux. Un des bats de
celle histoire détaillée de noire Confédération est de faire mieni con-
natlre une forme sociale si respectable.
•9* T. V, 210.
*■• GrQningen 'et Greifensée d'un côté , Régensberg de Taulrc. Ces
localités n'étaient ni fortifiées , ni privilégiées ou organisées pour être
des centres de commerce , mais elles auraient pu le devenir.
^*7 On ramène ordinairement la question au « status quo anle
bellum. >
^•1 Faite à Kaiserstabl ; ci-dessus dans le teite entre n. 5^ 1 et 5â3.
*'* La réclamation de Zurich s'élevait ^ 400»000 florins ; on ne voo-
lait pas que les deux sommes se balançassent.
^^® On sait que la conférence commença au mois de mai ; elle se
prolongea peut-être jusqu'en juin , puis elle s'ajourna à Sie. -Lucie (IS
décembre ).
LIVRE IV. CIIAP. 11. 2t3
loolairement son alliance avec TAuti^iche ^®^ Il était
plus utile d'ailleurs que cette question de droit public
fédéral fut décidée par une sentence. Mais Zurich re-
fusa de joindre aux actes l'original du traité ; en vain
encore lui demanda-t-on une copie vidimée ^^ ; on fut
donc induit à croire qu'au milieu de l'ivresse de l'é-
poque de Stûssi on avait stipulé^ au nom de la ville ^
des conditions tout autrement choquantes que la ré-
ponse circonspecte de l'Autriche ne le faisait soupçon-
ner ^^^. Ce refus ranima la défiance ; les Suisses se
repentirent d'avoir^ par considération pour le sur-
arbitre , sacrifié un article de leurs alliances à Tespé-
rance illusoire de ]a paix ^^^.
Les arbitres revinrent à Einsidlen avec une triste
perspective. Ceux des Suisses prononcèrent la sentence
suivante : « Comme les Zuricois ont juré une alliance
» perpétuelle avec les Confédérés^ pour la paix et pour
» la guerre^ et que la maison d'Autriche^ après la
» trêve de cinquante ans , renouvelle ses hostilités
>} contre la Suisse ^ ils n'ont pu légalement conclure
» avec cette maison une alliance à perpétuité ^^. La
^** • Mulla opprobria sustinueruat a commuai vulgo per totam
• Alemannlam, • dit Fabcv, qui atteste leur innocence.
**' Us dirent que le traité avait passé promptement dans les mains
de rAatriche, en sorte qu'ils n'avaient pu en prendre copie; qu'ils ne
savaient comment obtenir une copie vidimée; qu'ils ne possédaient pas
non plus l'original d» la charte que leur avaient donnée les conseillers
autrichiens ; mais qu'ils en avaient une copie vidimée et que les deux
pièces étaient;parfaitement identiques. Tsekudi H, 520.
**' Peut-être dans leur charte les Zuricois se référaient-ils au con-
venant (t. V, 276) , non ostensible et que les Confédérés ne connais-
saient point
••* T$ehttdiU, 49«.
••* « Surtout pour des cercles donl les seigneurs ne wuhdicnl avoir
allaire qu'avec les Confédérés. » Ch,
2t4 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
ïi guerre a été légitime; les Zuricois ne doivent seo
» attribuer les suites qu à eux-mêmes. Trois délégués
n de chaque canton fixeront l'indemnité^^ qu'ils au-
» ront à payer aux Confédérés ^^. » La sentence des
arbitres de Zurich fut de tout point Topposé de celles
là. On ne put s*entendire sur le choix d'un sur*arhitre;
on déposa les documens entre les mains de l'abbé > et
chacun rentra mécontent dans ses foyers.
Souvent après cela les arbitres se virent , fbrent de
nouveaua efforts ^ essayèrent de s'accorder pour élire
un sur-arbitre; mats en vain. Après de longues (enta*^
tives^ la confiance commune choisit Ital Hundbiss,
bourgmestre considéré de Ra vensbourg y ville de l'AU-
gau, où de toute ancienneté ks habitans de la plaine de
Purs et de Leutlûrch > et annuellement la forêt entière
qui environne Altorf ^ qherchaient droit et justice ^*
Ital Hundbiss refusa cet honneur. Le gouvernement de
sa ville l'excusa ; les cités impériales de Souabe, dont la
ligue comprenait aussi Ravensbourg ^ déclinèrent toute
participation ^^^. Quoique cachée sous la cendre^ la
flamme des passions brûlait encore trop vive pour pro-
noncer avec le courage d'Argun^^^ un jugement de si
grave conséquence ^'^^ sans s'exposer à la vengeance
des Suisses ou à la disgrâce de TAutriche et de TEm-
M* « Ce qa*ib devaient fidre i cet égar<JL • Prohâblement le Uiti-
tpire conqsU serait resté au moins eo hypothèque.
<*7 Ch. dans TêckiUi II , 521 et saiv. ; celle de Zurich 5S3.
'** Bûiching,Géogr-
••» Tschudill, J25.
'^^ On ne sache pas qu'il ait reçu une récompense , oa sait seulement
que sa mine suivit de près. » Le loi de ceux que la destinée appelle ï
défendre les principes. D. L. H.
**^ Chacun redoutait de se mêler de celte affaire*
LIVRE lY. CIIAP. II. 2t5
pc^reur* Daa« cet embarrtâ oa lenta , par le moyca de
doux copseîllera de Berne et d'un de Soleure , joints
aux arbitres 9 d'engager Zurich à reqoncer voloniatre-i-
ment à roUianceautricbienae^^^. Pourvu que la Con-
fédération fût rétablie dans son intégrité, les Suisses
oSraieiH d'abandonner à la ville de Zurich le territoire
conquis et toutes leurs prétentions. Ces sentimens fra*
ternels reprirent aussi leur empire sur beaucoup de
eesurs zmkciap Mats comment r«ioncer d'eux-mêmes ^
sans nécessité , à une alliance adietée au prix de tant
de sang , d'argent 9 de soucis et de peines , à une alliance
avec le glorieux chef de l'Autriche et de la chrétienté ^
dont la &veur demeurait encore acquise à leur ville ^^'
après le mauvais succès des négociations avec les Suis-
ses? Il s'agissait moins d'un conflit entre des devoirs
que d'une option entre des amis, différens d oge, de
mérite, de qualité, mais inconciliables. On avait besoin
d*un sur-arbitre, dont la sagesse et Tintelligenee élevée,
à Tabri de toute objection personnelle ou politique,
dicteraient une sentence qu'il saurait faire respecter *•
Les autres diflférends entre rAutriche et les Confé-
dérés, une seconde guerre entre TAutriche et Baie
étaient oubliés ; l'électeur Louis, auteur de la pacifica-
*** A Bade, 29 décembre I4&8. Tschudi il, 527, 528.
*** FrunehiÊB deê Zuricois les autorisant à naviguer et à commercer
avec leurs propres barques et leurs marchandises sur la Ltinoiat et dans
tout le cours du Rbîn , exempts de péages , Gnances de passage , de
coodttile el aulfes contributions établies ancicnuemcnl. Vienne, 1.V|7
dans /. !/• Hottinger, Spéculum Tigur. i46.
* Si cet arbitre suprême n*a d'autres armes que sa \erlu, ses cou-
naissances et son génie, sa sentence sera illusoire. S'il est put>saul ,
plus puissant que ceux qu'il juge . c'est un mai Ire qui aura parit* ,
comoie en 1803. La république hcivéliquc une cl indivisible n'aurait
pas eu besoin de pareils médecins. L>. L. IL
216 HISTOIITE DE LA SUISSE.
liou , était mort ; sur la frontière de Savme et du Mi-
lanais plus d*iin changement était arrivé ou prévu ^^^^
et nul ne pouvait^ nul n*osait prononcer une sentence
sur l'alUance de Zurich et de l'Autriche. La Confédé-
ration suisse se trouvait encore dans la même situation
que la Ligue achéenne quand TAcrocorinthe était aux
main9de Philippe de Macédoine ^^^.
Le sentiment indéfinissable produit par cette rela-
tion étrange décida les Zurieois et les Confédérés à une
dernière tentative. Réunis ea conférence au couvent
de Cappel ^ entre Zurich et Zoug y les quatre arbitres
convinrent que y dans une nouvelle réunion à Einsid-
len^ ils choisiraient le surnarbitre dans un des neuf
cantons ^^^^ ou^ en cas de partage des opinions ^ invi-
teraient une ville étrangère à le désigner parmi plu-
sieurs confédérés qu'ils proposeraient **'' ; le sur-ar-
bitre prononcerait sur Talliance autrichienne ; aussitôt
Zurich recouvrerait tout le territoire perdu ^ en sorte
que la démarcation des droits de cette ville et de ceux
de Schwyz se trouverait de nouveau dans la seigneurie
de Waedenschwyl ^^^y tandis que le diâteau de Wœ-
M^ Toat cela est exposé en partie ci-après, en partie au chapitre
saivant
•t» Lisez sur cela Poljbe, ainsi que Xite-Iive et Plutarque, qui ont
écrit cTaprèS' lui. Nous nous proposons de commenter dans un autre en-
droit l'expérience de l'antiquité.
*** Appenzell n*est pas nommé , mais Zurich , les cinq cantons en
guerre avec lui et les trois cantons auxiliaires^ Aux termes du pacte, le
sor-arbilre aurait dû être pris à Zurich ou dans un des cinq cantons.
*^' Ces villes craignirent trop, même de parler, alors que la sentence
d'Argun eût été exécutable.
•i> Les droits des Schwyzoîs dérivaient de Tavonerie qu'ils exerçaienl
sur Einsidlen , dont l'abbaye possédait chez eux des fiefs ; ceux de Zuridi
provenaient de rapports semblables avec le couvent des reUgieai et
LIVRE lY. CHAP. H. 217
denschyl resterait inoffensif au pouvoir du grand-
maitrede l'ordre des chevaliers de Saint-Jean ^'^; an-
nulalicm réciproque des demandes d'indemnités ; con-
firmation de la dernière paix ; amnistie; renouvellement
des anciennes et perpétuelles alliances entre tous les
Confédérés et la ville de Zurich ^^^.
Ils ne se réunirent point pour le choix d'un sur-ar-
bitre ; il fallait éviter l'apparence d'un accord hostile à
l'alliance autrichienne ^^ Les noms des citoyens pro-
posés^ sans indication de la personne qui proposait
chacun d'eux , furent adressés au bourgmestre et au
conseil dlleberlingen avec prière de faire un (^hoix.
Ueberlingen ne refusa pas à la Suisse cette marque
d'amitié. Le choix tomba sur le meilleur ^ Henri de
Bubeuberg , chevalier, seigneur de Spiez , avoyer de la
ville de Berne.
Dans les grandes occasions^ cette cité, oubliant tous
les périls , n'écoutait que les inspirations de sa magna-
nimité ; ses deux conseils invitèrent l'avoyer à pronon-
cer la sentence arbitrale. Après avoir relu plusieurs
fois toutes les chartes , consulté à la ville et à la cam-
pagne tous les hommes sa vans ou simplement loyaux,
ecclésiastiques et laïques ; après avoir considéré du-
rant un mois toutes les faces de l'affaire avec sa haute
raison , exercée pendant une si longue et si glorieuse
(fane convention conclue en IdOS avec Tordre ( ci-dessus , t. UI» 3S3 ,
*** Ce pouvoir, alors neutre, est tombé.
*>^ Convention, Cappel, mercredi après Pâques 1450. Tschudi.
<M Ce qui eût été inévitable si les Zuri«ois eussent adopté la proposi-
tion des Suisses, on si l'arbiti'e proposé par Zurich , reconnu par les
Confédérés , eût prononcé contre le pacte. ^
218 HISTOIRE DE LA BVI»SE.
période ^^^ dans le gouvcraemeot de la république ^ et
qu'à la deruiére paix ^^^ , et souvent depuis *2*, tous
les confédéré^ vénérèrent comme un astre oonducCeur,
Bubenberg convoqua une assemblée à Tabbayede Notre-
Dame -des -Ermites ^^^^ prêta serment y parla , cen-'
firma la sentence de Pierre CoUUchmid ei dUtal Ré-^
diiig et déclara illégale f nulle et non avenue l'alliance
en litige ®^^,
La guerre continuée pendant c^inze aas ^^^ depuis
fVédéric» comte de Tokenbourg, à travers bien des
vicissitudes^ avec la participation de l'Autriche et de la
France » au milieu du sang et des ravages , finit, comme
les plus grandes guerres de Charles XII et de Fré^
déric ^^> saufi changement considérable dans les posses*
sions territoriales ^^^; ce fut le treize juillet de laa
quatorze-cent*cinquante.
*2^ Membre da Grand Conseil dopoi» iiOO, L«ii. (N'y auraMl-il pis
une faule d'iuipreesion dans cette date?)
"» Ci-dessus t. V, 211.
■
^^* On en tfOUTc la preuve dans des docnmens cit6s par Tschudi d
<<» On en Ut la relation dutailléedans Tsclutdi, U , 543-5^4.
^'^ U mit tant de ménageniens dans la forme qu'à peine nomma-l-il
TalUance , se bornant à conGrmer le pronoucô des arbitres suisses qui la
condamnaient.
^'-'A dater du commencement des tronbles , t. V. 37.
^'* La gi'ande guerre de Charles contre Frédéric-Auguste , roi de Po-
logne, s'assoupit sans traité de paix. Mably, Œuvret, VI. La guerre de
sept ans fut terminée k Uubcrlsbourg par un traité qui ne changea rico
à l'état des choses.
"' Cette paix de 1450 ne modifia point le traité de 1440 , excepté en
ce qui concernait l'alliance avec rAutrichc. Tschudi II , 324 i ^36.
LIVRE IV. CHAP. ni. 219
'^fWW WV^ A/\^V >^\/VVVSr!*<V'VV'V VNTsTirfVV'VV V V VV\rV'' w V
CHAPITRE III.
G0]fCUJ910N DE LA. PAIX.
Négociations avec rAutriche. — Paix de Bille. — Complot contre
Rheinfelden. -— Sort de l'héritage de Tokenbourg. — Autres
afi&iires ÎDtérfteures.
La marche du procès, fixée par le traité de paix
entre CoDBtanee et la SuiaeeS se compliqua par des
circoQStanoee dont dépendait en grande . partie la fin
des queiMles intérieures.
La maison d'Autriche soumit à la dédsion du boiu*g-
mestre et du conseil d'Ulm la question de savoir si
par la prise de possession violente de presque tous ^
ks domaines et les droits qui lui appartenaient en
Argovie, d'un grand nombre de ceux qu'elle possédait
* en Thui^ovie ^ et dans le Buchsgau ^ , ainsi que par
la conquête récente du château de Sdienkenberg ^,
tombé devant les armes bernoises^ par les violences
des Appenzellois dans le Rheinthal, par les événe-
^ Vpy. cfasp. U, le texte adepois n. (04 jnsqu à o. :^i5.
' La riTe nord-oaest de TAar ne fat pas occupée en 1415.
> Le chAleao oonliga an pont de Bads, le Sig^enthal, Kaiserstuhl ,
Zurzacli et KUogoau sont ici compris dans la ThurgoviC) comme si U
Reoss en formait la limiie.
* Entre G6sgen et Flumenthal. U y avait beaucoup de vassaux autri-
chiens dans ce district.
^ Plus hautcbap. I, n. 307; depuis, le ch&teau avait uté bypoihé(iti6
à Berne.
220 HISTOIRE DE LA SUISSE.
mens du Gaster ^^ les Confédérés ne s'étaient pas ren-
dus coupables de plus d'une rupture de la paix. Alors
le comte Jean de Thierstein , dont le grand-péi^ était
mort à Sempach^ le père à Nsefels^^ vieux et puissant
chevalier^ gouverneur autrichien du Sundgau et de
l'Alsace^ parut avec Frédéric^ son neveu , pour se
plaindre de Soleure, qui avait détruit le château de
Thierstein et celui de Falkenstein'^. Le comte Henri
de Werdenberg-Sargans , qui , après que son père eût
perdu la bataille de NaeFels^ passa sa longue et sou-
cieuse vie dans une lutte incessante contre la liberté
du peuple ^ et dont les relations dangereusement com-
pliquées expliquent la conduite équivoque ^ se plaignit
de ce que Schwyz et Glaris avaient accordé le droit de
cité à des habitans autrichiens de sa seigneurie^; pris
possession de son pays , qui ne devait point servir con-
tre l'Autriche^; et mis le feu à la ville pendant qu'on
négociait la paix^^. Wolfhard^ baron de Brandis ^ sei-
gneur hypothécaire de Yaduz, vieillard aussi , qui atti-
rait de plus en plus son ancienne famille ^ ^ hors de la
Suisse dans le voisinage de ses cousins tyroliens '^^ allé-
* L'Aalriche avait hypothéqué à regret le Gaster à Schwys et à Claris.
T. V, 114-116.
^ Le dœttment de ces griefs , important pour se faire une idée de U
constitution et des rapports du pays à cette époque, se lit dans Tsekudi,
H , 4S4-490.
* L'Autriche avait cru pouvoir la lui remettre en toute sûreté , comme
concitoyen des Confédérés.
' L'alliance donnait aux habitans du pays le droit de considérer le
château du seigneur, leur concitoyen , comme maison ouverte; le comte
2>'était réservé sa neutralité. CL 80 janvier 1457. Ttchudi H , 2S8.
" C'est le fait raconté chap. II à n. 136. Les circonstances n'en sont
pas connues exactement
" Qui avait fondé le monaslii-c de Trubon en 1139. T. ï, 400.
" Ils s'y étaient établis au XII* siècle et ils y florissent encore.
LIVRE IV. CHAP. ill. 221.
gtia comme grief que, bien que les sujets autrichiensdu
pays de Sargans fussent passés sous sa domination*-^,
les Suisses n'avaient point respecté cette circonstance ^*,
etque les Appenzellois, en pleine paix, avaient marché
contre lui sans nul autre motif ^^ ; qu'il avait en vain
offert aux uns les recours aux voies juridiques^ etque le
capitaine des autres'^ avait déchiré et foulé aux pieds sa
représentation. Guillaume de Grunenberg, chevalier,
d'une ancienne famille argovienne, ruinée peu à peu ,
comme d'autres, dans les guerres contre la Suisse *'^,
homme actif, expérimenté, porta plainte contre Berne
et Soleure : ces villes, loin de le dédommager du pillage
de son arsenal , aviùent brûlé son manoir héréditaire *%
pnni rinviolable fidélité de ses sujets d'Aarwangen ^^
par la confiscation d un pâturage et par un pôntonnage
nouveau , contrecarré tous' ses desseins ^, enlevé enfin
le château de Rheinfelden, hypothèque autrichienne ^^
Au nom cle Madeleine, sa cousine et sa femme, ïlerr-
'^ On les lui avait probablement abandonnas par la raison alignée
n. 8.
<» > Ds lui répondirent tout court : qu'ils voulaient les posséder. »
*^ A cause de leur alliance avec les Suisses.
" Brtchelcr.
" Nous avons vn ce Guillaume abandonner aux Bernois Wangen
(t. ÏIl , 849 ) et Arwangen ( t IV, 1. m , ch. 2).
" Grfinenbcrg était situé dans Tagreabh: contrée entre St. -Urbain et
Hutwyl , près de Melchnau.
'* L'avaît-il racheté ou bien les babitans s'attaçhèrent-ils à lui, sans
cela?
^ A Kestenfaols et Oberbucbsiten . jàuis le Buchsgau , hypothèques
qu'il lemût de Thkrstein» et à l'époque où il voolnt acheter de S. Ur-
bain un ch&teau de Grflnenb^ dont la situation ne m'esi pas connue*
'* Sans doute pour des services rendus à la guerre et en temps de paix.
T. ra.
222 HISTOIRE DE LA SUISSE.
mann d'Eptingen réclama des Bernois la haute juri-
diction^ et d*autres droits à Eriswyl et dans la contrée
environnante^^. Rodolphe de Landenberg-^reifensée
espéra obtenir par la protection de l'Antriche la sei-
gneurie d'Ârbourg ; Arbourg était hypothéqué par
TAutridhe aux nobles Kriecb ^^^ dont il avait épousé
l'héritière; dans les temps malheureux du concile de
Constance, son beau^pére s'était distingué par sa fer-*
meté ^* } mais à la fin , il avait à regret abandonné son
château aux Bernois pour deux mille floirinè^^. D'autres
représentaient que la iî|irenr appenzellcisa n'avait res-
pecté ni les sentimens pacifiques ni les traités; les
Peyer en firent l'expérience à Rhcahuc^ ^^^ de même
que le sire Gaspard de Bonitetten ^ à Sax , ch&teau de
sa femme ^''. Enfin Lauffenbourg déplora l'affreux piW
lage des villages du Frikduil ^^ et le siège qu'il avait eu
^ Us prirent la ksiile jti?îdifldon à son beta-pèrt Griinm d^ Grilnen-
berg, leur concitoyen et membre de leur conseil (ils exigeaient de pa-
reils sacrifices d'hommes placés dans une pareille position ) ; h sa femme
le village et Rorbach , outre le bl6 du bailli de Kuches (les motifs ne me
sont pas connus).
^ Au p^ de son beaU'père. Mais cela île s'accorde point areé la date
de ÎHO indiquée par Leu. Tootefdson troore dans cette même charte
beaucoup de gentilshommes d'une haute mais verte vieillesse*
>* T. IV. 216.
'^ On en payait encore annuellement un intérêt de 78 florins. Ainsi
Berne ne donnait pas même quatre pour cent
^* Jacques, fils de Conrad (était-il neveu de Henri qui avait habité
Arbon? Ch. dans Henri Uottinger, H. £. t. VIII, p. ihkh). Le silence
sur rincendiê du château est Une preuve à Tappui de l\>bservation ,
chap, II « n. 526.
*' Appevcell eiigeait probablement que les sires de Sax , en qnaliti^
de ses Concitoyens, embrassassent sa eause; le beau-père de Bonatctten
jura «ne alliance en S 610.
^ 11 se plaignit qu'on avait batta b blé et l'avoine pour renlever,
qu'on avait arraché les ferrures pour les emmener avec les meubles. (0«
LIVRE lY. CHAP. m. 223
à souffrir; Ra|>pflr9chwyl> Toppresèion sous laquelle
celte tilte gémissait depuis tant d*aiinées« M etah-^dte
pas le respectable chef-lieu ici du Iischenthal^ là des
métairies ^^? A elle appat^ienait le loog pont^^^ la tèle
du pontes la ehàrmante ile -d'Ufenau ; ne possédait**
elle pas un droit deniarohé ei^clusif ^^ et avec tous les
riverains un droU commun sur le lat supérieur ^?
Mainte coiitrée pastorale reconnaissait aunueUetnent à
son cbâteâli des droits de féodalité ou de patronage ^.
Scliwyz surtout 9 mais d autres aussi ^^^ tantôt au sein
de la paix, tantôt dans une guerre Sans déclamtion
préalable ^S perfide ^''^ inhumaine ^^ ont enlevé toutes
ces prérogatives aux habitans de Rappersdiwyl poutr
les puilir de leur fidélité reconnaissante envers leurs
fondatelira , leurs proteeteurs et leurs seigneurs légitî-^
voit par là qne te bon tieax tciups ne yfltélt pàft nilctix que le nôtre).
^ Elles avaient contracté alliance avec la ville , du consentement de
leurs seignears.
^ • Que noSs a¥oiil poteédé sèds eonlestatiM pltts de soixanle-dis
alis.» Il étiit l'ootrage des ducs (t. Ul, 196, 197}; ils en fronvèrenl
rnitrtillen trop énétcv^t , de totSme que les premiCïi^s df-penScS.
•* HardcD.
'^ A la distance d'un mille , il ne devait point y oroir de mkréhé qui
pûl loi porter pr^udice»
*^ Concernant la navigation el la pèche.
** Où les âCcftaillBiit en fitrtnage el en bebrre.
'* Eoridi avfsi, yiAc poar Iflqa^le ilB ne pouvalcitl pi» tttoir plus
d'ftUactemcbt que pour dékmju T« tn , id.
** On aurait dS se déctattr la gSett« trois jourB dVivaqceu Les SniM»
croyoeni biéa œtM fimnalîtô néceisiaiir»daiii une qa«t«llë piPttculi6re
avec Rappcrscfawyl , mais non pour une gtterre géiiéràle aveé les Statt de
l'Autriche.
*' « Ils ont anlllé l«s Jtmnes arbres dans les fortHs. >
*• Ils ont tué un lépttMlk qui fâdchftit dsns là pralti» de rhSpittt. On
> employait ces sortes de malades li la moisson et <i fa fciM^MAft. » Hem^
mêrim {MaUêoluê).
224 HISTOIRE DE LA SUISSE.
mes*"^^. Ces faiis^ le désastre du comte de Thengen ^^ et
même les hostilités continuées depuis la paix *^, for-
maient les griefs de rAulriche.
Les Suisses établirent, par des preuves nombreuses ^^,
que le commerce ^^ et les rapports journaliers avaient
été troublés impunément ^S ^^ temps de paix^ par la
violence 9 par la méchanceté , par des outrages^^; et
qu'en temps de guerre^ on n'avait respecté ni trêve ^
ni neutralité^''. Us croyaient par là tout expliqué^ tout
justifié. Ils soumirent leur cause au comte palatin , Të-
lecteur Louis. Celui-ci ne prononça pas. Les résultats
de la haine et de la guerre formaient une compensation
de ch&timens mutuels. Chaque vassal se tira d'affaire
selon les circonstances. On n'était ni assez faible pour
renoncer à ses prétentions^ ni assez fort pour les faire
valoir, en sorte que la guerre entre l'Autriche et la
Suisse s'assoupit plutôt qu'ellie n'eut un terme ^^.
** Tiliéritiëre de lears propres comtes les fit passer, en itSh, *ox
snins de Habsbourg-Lauffenboarg ; un achat , en ift58 , aux mains de
Hababoorg-Autriche; ils devinrent sajela de l'Empire en iil5, et de
nouvean de l'Autriche en ihà2 ; • dès cette heure les Suisses ont con-
• mencé li nous détester. •
*• Gbap. U , 4 n. 298w
** Les Appcnzellob particulièrement « portent peu à peu la main tat
> tout , sans rien excepter. •
«^ Ch, {Tschttdi n, 488), Kaîserstubl, mardi avant SL llichcl, ihkO,
avec le sceau du landammann Réding, l'aîné, de Schwyi. Or, il était
mort au mois de décembre 1445 ! Le fils «vait^il hérité de lai un scen
dont l'exergue portât la désignation personnelle du père?
** La cblute mentionne un commerce de sel avec Bemc^ le commence
de safran «t le colportage de Luceme.
** On Tait surtout ce reproche à l'autorité de Rappcrschwyl.
*^ Arrestations, eiactions, blessures, injures, meurtres.
** Berne , Schwys, Zoug et Glaris s'en plaignent
^^ Nommément Wyl.
** May (in, 211 J, mentionne un traité du 25 juin 1443, su» e*
LIVRE IV. CHAP. m. 225
La conciliation de rAutriche et des Bàlois fut confiée
à quatre arbitres^^ auxquels on adjoignit comme sur-
arbitre l'évêque de Baie, Frédéric Ze Rhvne. L'é-
cuyer d'Enzenberg exposa la grave plainte de l'Autri-
che^^ : « Les Bàlois^ intéressés et pleins d'orgueil , au
» temps où Ton fréquentait encore paisiblement les
» foires de Francfort^ ont fait du tort aux péages des
» ducs et à leur droit de conduite ^^; ils ont engagé
>i d'autres à les éviter ^^ ; en accordant illégalement
» l'asile, en refusant les sommations juridiques, ils ont
» entravé le cours de la justice ^^ et attribué à laju-
w ridiction de leur tribunal une extension usurpée *♦ ;
» à l'époque du concile, ils ont privé le laboureur, par
» de lourds péages, des avantages du marché ^^; à l'ap-
)» proche des Armagnacs, ils ont attiré les fuyards et
indiquer la teneur ; Tsekudi n'en parle point ; nous ne l'avons vu nulle
part Comme la suite le fait voir, on n'y aura rien déterminé de quelque
importance ; son effet ne s'est certainement pas étendu au-delà de la
période de cinquante ans.
*' Pour l'Autriche , Staufenbei^ et SUufen ; pour B&le , Jean de
Lanffen et André Ospemelle.
^ Tsehudi a donné dans son t n, 492, la négociation entre l'Autriche
et Bàle, mais ce n'est guère qu'un extrait Nous avons profité des Griefs
prëêentés au nom du duc Albert, dans la collection de Ualler.
»< Notamment la grande conduite à Otmarsheim.
** En suivant les nouvelles routes de Sokure , de Berne et de Luceme.
Ce sont là sans doute les désordres « dans le comté de Habsbouig. • Cette
dénomination si peu diplomatique désigne id toutes les possessions de
la maison de Habsbourg dans l'Argovie.
^ • lis n'ont pas même permis de proclamer les citations les Jours de
• marché. •
** « Ils oitent devant leur tribunal chevaliers et vassaux , et évoquent
■ les causes pour dettes à leur tribunal ecclésiastique; ils prétendent
• ne laisser juger qu'à B&le celles qui concernent leurs possessions en
• Alsace. •
" Huit scheliings pour chaque voiture de pain.
Ti. i5
226 mSTOIBB DB LA. SUISSE.
» leur fortune, gardé celle-ci, chassé ceux-là de la
>i Tille ^^, approvisionné les Armagnacs, acheté d'eux
» le butin ^'^y pris une part active à la guerre des Suis-
>} ses^^, qu'ils ont pourvus de poudre, d'armes à feu ^'
» et de provisions volées ; on passe sous silence les dé-
n lits forestiers commis sur les terres des vassaux ^^
» et la torture inQigée à l'innocent maire d'Âltkirch;
n n'oDt-ils pas, avant la guerre, soldé des incendiai-
» i*es^', mis eux-mêmes le feu à de saintes maisons ^^
» après en avoir enlevé beaucoup de grains ^^ et méms
» des joyaux consacrés ^^ ? »
Le docteur Henri de Beinheim répondit : « Voué à
n son trafic et à son commerce, Baie s'est appliqué à
» conserver la paix et le bon voisinage; il a souvent aidé
» le prince en lui prêtant de l'argent sans intérêt ^^; il
M en a été récompensé par les vexations les plus odieu-
» ses, ce qui l'a contraint de se liguer avec d'autres vil-
» lès^^; des traités de paix avaient mis fin à la guerre^»
^) l'envie et la baine l'ont renouvelée et ont fait refluer
>} sur la patrie des nations étrangères ; tant que cette
^ A l'origine de la guerre avec rAatriche.
*' On lenr fail ce reproche dans la Nigœiaiion,
** ALaufenboarg, à Rheînfelden.
^* Même contre Zarich et Greifeiuée.
** Surtout de Tbierstein; mais aussi par H6nch sur celles d'Epdng'OL
*^ Un valet qui fut exécuté pour ce crime à Tann ; ils lui avaient
donné ifuaire florins.
'^ Au couvent d'Otmarsheim.
*' Du vieux Pfirt , 80 vases remplis de Ué.
** « Pierres précieuses et omemens de Dieu. •
*^ Et rendu volontairement d'autres services. • Piégoeiatian.
*> Avec Berne et Solenre ( t. V, Î4S* 267). Hemmêrlin {DiaL deiffiki'
iiiate) déplore cette alliance, selon lui, d^radante et source de mal-
heurs.
^' EnJl44S encore, \ Rbeinfelden.
LIVRE IV. GHAP. III. 227
» source ne sera pas tarie , il est inutile de s'entendre
» sur tel ou tel article. »
Les Autrichiens nièrent Tenrôlement des *Arma«-
gnacs^^; ils dirent que par une coincidence fortuite^
le roi avait voulu se débarrasser de ce peuple à Té*
poque même où seigneurs et noblesse souffraient sous
l'oppression des Suisses ; qu'à St.-Jacques^ cette op-
pression avait été punie de Dieu ^^.
Le procès, prolongé par un éschange de mémoires ^
fut interrompu par la prise de Rheinfelden7^. Cette
ville ^ unie de sentiment à la Suisse^ était placée sous
la garantie de Baie ^ de Berne et de Soleure ; pendant
qu'on négociait la paix, chacune de ces cités n'était
représentée que par un seul gardien* Cette circonstance
empêcha Guillaume de Grunenberg de prendre posses-
sion du droit d*hypothèque que l'Autriche avait trans-
féré du château détruit sur la ville. Le chevalier im-
patient engagea Jean de Rechberg dont l'audace^ la
ruse et la haine pour les Suisses fuyaient le repos, à
s'emparer, à son intention, deRheinfelden''^ Thomas
de Falkenstein s'estima fort heureux de s'associer à
une expédition semblable à celle de Brougg. Us s'ad-
joignirent Blumeneck et Hatstatt'^^. Seigneurs etche-
** Ik dirent qae le roi romain avait complètement dissipé ce soapçon
à Nuremberg. Voy. chap. I à d. 41.
<9 Voyez le grand nombre de contes snperstitienx débités à ce snjet
dzBS Hemmerlin, Proeesêus eoram Dto eantra Suitense» , imprimé aussi
dans le Thuaur. Helvet, La journée de la Birse parut marquer Fépoqne
de la raine imminente de l'odieuse Confédération suisse. Le fait ne ré-
pondit pas à l'attente.
7* Le 22 octobre iUS.
'* Rechberg est nommé comme principal chef dans la chronique
d'Ellwangen. Freher, SeriptU I, 686.
'* Leun noms se trouvent dans Sttmpf, 644 • 6. A la place du der-
nier, une ek, nomme Jean de Bolsenhen.
228 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
valiers se disposaient à profiter de la fortune^'; Guil-
laume Felga , cheTalier , avoyer de Fribourg en Uecht-
-laad^ infatigable à susciter des ennemis aux Bernois,
fit espérer du secours de la France et de la Bour-
gogne^^. Certains symptômes inquiétaient le pays. De
bon matin, pendant le service divin d'une fête reli-
gieuse, parurent près de Rheinfelden des bateaux
chargés de bois ''^^ et un petit nombre d'hommes en
longs sarraux gris ^^. ce Ce sont des pèlerins, » dirent
les bateliers; « ils viennent de Notre-Dame-des-£rmi-
» tes, abondante en grâces; ils se {proposent de dîner
» ici. » Quelques-uns des voyageurs payèrent le péage ;
tous débarquèrent près de la porte; ils jetèrent leurs
sarraux; des cuirasses brillèrent. Péagers et gardes fu-
rent tués; de dessous le bois des bateaux s'élancèrent
cent vingt hommes armés; d'une embuscade voisine
arriva au galop vers la ville Grûnenberg à la tète de
six cents autres ^^. Alors toutes les calamités fondi-
rent sur les habitans de Rbeinfelden : ceux qui se
trouvaient dans les rues furent égorgés ^^; les magis-<
trats, arrêtés; tandis que les uns sautaient du haut des
murs, les autres dans le Rhin , on livra les maisons au
pillage, on commit des horreurs, enfin Ion chassa les
^* Rapports des avoyen et conseâlen de Rheinfelden et d*Araa et ce-
lui de Christian Willading, commandant les Bernob h Brongg, adressé
à la ville de Berne, dans StettUr 1 , 175.
'* Ibid.
'** Deux, Mûnêter Camogr, 596; trois, War$ti$€n 637; quatre.
^tehudi.
'* Saivant Mùngter, ils pissèrent le pont; solvant lea autres, ils vin-
rent dans desbateaox.
7' May ni, 2i4 ; T$ehadi estd*accord avec lui.
'* Dix, Rapport du bailli Enilibmehtr de Scfaenkenberg à la ville de
Berne, àxMSltttler: douze, T^chudi; quarante-quatre, fVuntiseH.
UVRB IV. CHAP. lit. 229
infortunés de la vifle avec femmes et enfans , sans leur
laisser un sou^^. Au milieu de railleries les guerriers
se partagèrent les biens; chacun eut trois cents flo-
rins ^. Les exilés trouvèrent l'hospitalité à Baie dans
les asiles de la pauvreté^^ et che^ des bourgeois. A son
tour cette ville toi aussitôt traitée hostilement, et enfin
attaquée en forme ^^, Les chevaliers firent ainsi échouer
les négociation» de la grande conférence de Lindau ^^.
Se livrant ensuite à d'inutiles atrocités ^^^ ils firent
celte espèce de guerre qui irrite sans rien finir. La né-
cessité justifie la guerre, et la manière la plus noble
de la faire est celle qui la termine le plus^ prompte-
ment. Ici l'on commit les hostilités les plus dures,
même contre des gens sans armes ®^, même contre des
innocens^; elles furent exécrables^'' : par leur ac-
tivité^, leur courage et leur audace, les Bàlois y
mirent bientôt un< terme. Us battirent Rechberg ^^
" Aa nombre de 400. WurHuen.
«• Têehudu
** • Hôpital et misérable auberge • {miiérabU signifie étranger ; litté-
ralement «xenodochiam, •) ITttrtfcMii.
^ Vers la fin de novembre.
** 30 novembre; 72 villes impériales s^y firent représenter. Ces cir-
ooDStances impliquent contradiction avec ce qui est dit ( n. 48 ) d'une
paix conclue au mois de juin entre TAutricbe et la Suisse.
'* Us coupaient les mains aux gens qui portaient leurs contributions à
B&le. fVuriiUeh, Cette barbarie était en usage quand on voulait prendre
one ville par la famine; voy. Jean Fillani, dans le siège de Pistoia,
1367 et suiv. On coupait aussi les pieds et le ne».
** De part et d'autre on égorgeait fréquemment et même on torturai!
les prisonniers.
** Malgré h neutralité de l'évéque de Bftle, on lui incendia le beau
village de Rieben.
*' Recbberg avait soldé un individu pour incendier le Pedt-B&le.
*• Voyez dans fVmrttUen les nombreuses eiqpédîlioas»
*' Près de Hésingca, le 6 janvier 1449..
230 HISIOIRB DE LA SUISSE.
blessèrent Thomas de Falkenstein ^^ châtièrent Grû-
nenberg®*, et ne se laissèrent arrêter ni par les représen-
tations ^^, ni par les menaces *^ de Herrmann d'Eptin-
gen^ qui avait insolemment déclaré la guerre à la ville
au moyen de son chien ®*. Aussi ses yeux virent-ils les
flammes de son manoir, du haut Blochmund sur le
Biauen^ et lui-même et les siens furent-ils emmenés
dans une prison ennemie ^^. Telle était la colère du
citoyen^ qu'il dédaigna les directions modérées de son
gouvernement'^. Les princes, Tévêque Frédéric et le
margrave Jacques^ se hâtèrent de conclure la paix
à Brisach ^^ par leur prononcé et par une conciliation.
On reconnut, sur la plainte des Bàlois, que depuis
que les districts de Pfirt, d'Altkirch et de Landesehre
avaient été hypothéqués ^•, les péages, le droit de con-
duite et les relations commerciales avaient subi bien
des innovations; qu'il fallait rétablir les 'choses sur
Tancien pied comme dans le Sundgau , le Brisgau et
toute la Forêt Noire ; à l'avenir, comme autrefois , les
dîmes et les cens, reconnus appartenir aux Bàlois ^
•• ibid.
'* Par la destruction deBinzheim.
*' Le goaYemement avait autorisé des négociations pour la paix.
'' Que le duc interromprait les négociations poar la paix.
*^ Ce chien 8 appelait « danphin. • Fmgger 568.
•• Wurtiiiên,
'* Cette action contribua le plus à hâter la conclusion de la paix.
Hœberlin, HUu de l'Empire, VI , i7i.
*' L'électeur Louis , trës-malade alors , monnit bientôt après*
'' La charte, mercredi après Cantate 1449 , a été imprimée dans
TschtuU IX , 529 , par les soins de J, R, Iselin» Nons y prenons les traits
qui fqnt connaître la constitution, les droits et les mœurs.
** A Pierre de Môrsbarg (MorimontJ» voy. chap. I, à n. 75.
LIVRB IV. GHAP. III. 231
seraient exempts du péage; le libre retrait subsisterait
comme anciennement^ excepté pour le serf ^^ ou
l'employé ^^^ poursuivi par son maître. On prit Yen-*
gagement de se faire rendre réciproquement justice
par tous les moyens '^^ ; les droits concernant les fo-
rêts ^ la chasse, les eaux^ les carrières et la possession
de tous ses biens furent assurés à chacun selon les do-
cumens. Pour rendre la paix complète , chaque parti
se chargea d^ satisfaire les siens ; on laissa leur cours
naturel à quelques procès commencés dans la forme
régulière *^^; pour d'autres avec l'Autriche ou des
▼illes autrichiennes ^% on se réfôra à l'arbitrage de
Tëvèque ^^ ou à une conciliation amiable ^^. On laissa
tomber les réclamations au sujet de la guerre ^^. On
rendit au commerce et aux communications la liberté-
*** La cliarte cite sur la manière de revendiquer ce droit une bulU
iPor dm roi Sigitmand, Nuremberg, mercredi après StrGeorge i49i«
**^ Des fonctionnaîres , pour ne pas rendre leors comptes , se faisaient
Rceroir bourgeois de Bàle,
**^ En saisissant, par exemple, les biens des mauvais créanciers.
*" Entr^autres, le procès au sujet de « la pension des chiens à Habgis-
aen 1, dont le chevalier Bernard de Ratberg réclamait la moiUé contre
les ooovens des religieuses de ][}ingenthal. C'était probablement le droit
de faire dresser des chiens de chasse , un de ces droits que les seigneurs
eeelésiastîques et temporels s^arrogeaient si fréquemment. Habgissen est
Habsheim dans le district de Landesehre. Hemmerlin {de Nobilitate) et
beaucoup d'autres se plaignent de ces usurpations.
Mi Brisaeh , Neobourg, Laufenbourg et Seckingen, au sujet de la na««-.
vigation du Rhin.
*** P. e. au sujet du tribunal ecclésiastique.
** Gomme pour la monnaie. Quant au droit de faire proclamer au
marché de BMe des citations par des huissiers des ducs, ainsi qu'à la
prétention de l'Autriche, qui réclamait la juridiction de St«-Âlban , les
médiateurs ne purent pas s'entendre ; les parties d'ailleurs refusèrent i^-
compromettre de ces affaires. On différa l'accommodement.
**' An sujet de Laufenbouig ej des tonagniLCS.
232 HISTOIRE bE L.i SUISSE.
des routes ^^^ et des eaux ^^^; dans Tintérét de la sûreté
de Baie même ^^^, l'Autriche libéra et reprit à elle le
Sundgau^^' jusque là hypothéqué , et fit à la ville un
emprunt de vingt-six mille florins ^^^.
Dans la même assemblée on détermina les rapports
de la ville de Rheinfelden V^* Sortie des décombres de
la ville d'Âugusta des Rauraques^^^, formée sous la
protection du château voisin , passée de la ligne mascu-
line de ses comtes ^^^ aux Zœringen^ leurs^héritiers par
les femmes^ après la mort de ces ducs à l'Empire ^'^
à la maison 4' Autriche comme hypothèque de Louis de
Bavière ^*^, puis derechef à l'Empire par la défaveur de
Sigismond ^^^, elle se voyait maintenant dans une si-
tuation incertaine y parce que l'empereur autrichien
Frédéric reprenait^ au nom de sa maison, possession
de ces sortes de localités '^^, et qu'elle était dans un état
déplorable depuis l'attentat commis par Rechberg l'an-
née précédente. En faveur de l'Autriche, elle fut déga-
*^* Même la noavelle route par le Hard , • que Bile tieot en boD-
neur. •
*** P. e. la Wiese à l'usage des sujets autrichiens.
*** Les passions de la noblesse causaient ordinaiiement tout le mal.
^*^ Les trois districts susmentionnés.
**' La ch. mentionne une note de chancellerie, dont Mûnsiir 618
( Augsb. i508 ) nous fait connaître la teneur : dix ans sans intérêt ; en-
suite à l'intérêt usité , les districts servant d'hypothèques à Bile. ( Cet
article est aussi dans Teehudi U» 529). Vingt ans après, Charles de Boor
gogne effectua le paiement définitif. fVuntUen.
"' Iselin a joint cette ch, ItTcchudi U , 5^i.
*^^ Gerbert, prince*abbé de SL^Blià^e . Rudolphue AntUCoêtw, p. t,
»« En 1090. T. 1,506,507.
"• iîiS.
"^ i«50.
«» 1415.
"• Nous l'avons vu t. V, 292, 296.
LIVRB IV. CHAP. III. 233
gée de ses obligations envers l'Empire et de son al-
liance défensive avec la Suisse ^^^; le duc promit de lui
rendre ses bourgeois exilés et sa constitution munici-
pale ^^^ A cette nouvelle, les nobles qui s'en étaient
emparés brisèrent les fenêtres , les portes et les poê-
les, chargèrent les meubles sur des chariots, et permi-
rent à ces malheureux de rentrer en possession de leurs
maisons, de leurs jardins et de leurs champs dévas-
tés *2^
La paix intérieure et la paix extérieure furent con-
solidées par les événemens suivans :
L'héritage de Tokenbourg avait donné lieu à la
guerre intérieure; le recouvrement des domaines pa-*
trimoniaux de Habsbourg , à la participation de l'Au-
triche.
Les contrées helvétiques, propriété du comte de
Tokenbourg , étaient restées à ses héritiers ; ceux-ci
et leurs sujets avaient contracté avec Schwyz et Glaris
des alliances *^^, protectrices tout ensemble des droits
seigneuriaux et de la liberté. Les sires de Rarogne
avaient hypothéqué Uznach et le Gaster aux cantons
•M Biue, Berne, Soleare et Strasbourg apposèrent aassi leurs sceaux.
*'^ Le duc devait choisir parmi eux , tous les deux ans , Tavoyer et le
conseil. H donna la première magistrature à Wemer de Stanfen. FTor-
iiUen,
*" fVarstisen , UL
*^ RenouoelUmêKt de l*hiUan€e par Tavoyer, le conseil et tous les bour-
geois, au dedans et au dehors de la ville de d'Utxnang ( Uznach) , par
Tammann , les conseils «t toute la communauté du mont dUmach et du
village de Schmérikon. Vendredi après l'Invention de la Croix* i450.
Têchudi, n, 5A0 et suiv. Ce titre indique une véritable démocratie , telle
qu'elle pouvait exister dans un si petit pays, où chacun agissait par lui-
même sans représentant. => Ce petit pays avait perdu tout cela en deve*
nant sujet de Schwyz. D. L. H.
234 HISTOIRE DE LA SUISSE.
alliés de ces pays '^^ ; les droits et les obligations étant
déterminés^ ces sortes de contrées pouvaient sans
difficulté être gouvernées par des égaux *^^. De deux
en deux ans Schwyz envoyait à Uznach et Glaris à
Windek ^^ ou vice versa , chacun un bailli qui per-
cevait sur les serfs seigneuriaux ^^y les Alpes *^* et les
autres propriétés *^*, deà contributions, et de ceux qui
n'étaient pas trop pauvres *^® les frais de la justice; ces
baillis restaient dans chaque lieu aussi long-temps qu'il
le fallait ^^^, et rendaient compte aux Gantons des fai-
bles revenus ^^^. De cette manière naturelle et innocente
se propagea en Suisse Thabitude d'administrer des bail-
liages communs 9 dont on retenait les habitans dans un
*'* Ponr 3,000 florins. Leiu Cependant ils demeurèrent « les légitimes
» et naturels seignears héréditdres. » Ch. en 128.
^^' Je les appelle égaux, parce que l'alliance de comboargeoisie était
me sorte d'alliance défensive , et que la plupart des obligations étaient
mutuelles: les habitans dlJznacb n'appelaient ceux de Schvjz et de
Glaris que « leurs bons amis. » = Gela avait bien changé depuis. D. L. H.
'^ Ce vieux chfttean entre Schennis et Wéscn s'écroula en 1450. Ce-
pendant le Gaster en a souvent reçu le nom de Windek , môme après
cette date.
*>' Compte de Jost dVspenial (Hospital) de Schwyz, bailli de Win-
deck , mercredi après Nie. 1449. TschudL Là sont rapportés divers cas.
^^* Impositions sur les vaches, les cbalets et les moutons.
*** Compte de Henri fVàst, de Glaris, bailli dOJznach , 1449. Tsehadi.
n y est fait mention de dix-huit muids de vin (qui furent presque entiè-
rement bus).
^'* Ospental met sur le compte des cantons les frais * pour juger de
« pauvres gens. «»
*•* n recevait pour cela douze plapparts par jour. Dans l'espace de
deux ans, WQst passa 108 jours à Uznach; Ospental, ISO à Windek.
** Le revenu net de ce qu'on perçut à Windek dans Tespace de deux
ans, non compris le péage de Wésen et quelques arrérages, fut de 165
livres de deniers, et dlJznach, 217. A cette époque, le marc fin était
évalué à 12 livres 5 schellings et 8 heller. Woeer de l'argent , 83.
LIVRB IV. CHAP. III. 235
état d'abaissement ^^, pour les exploiter^ non pour en
prendre soin *•*, gouvernement oppressif exercé sur
une population , souvent sans défense^ par des hommes
sans capacité pour gouverner *^^*.
Les domaines de la maison de Habsbourg en Argo-
▼ie restèrent entre les mains de Berne ; ceux du comté
de Bade et des bailliages libres *^® argoviens furent
administrés au nom de l'Empire ^^^ par la totalité des
cantons^ depuis qu*Uri s'était joint aux autres ***.
Leur bailli siégeait au château de Bade ^^^ ; ils dispo-
saient non moins librement que les premiers seigneurs
des serfs *^® et des métairies tributaires ^**. Les villes
*'^ Les nonveam maîtres étaient moins faYorables que les anciens à
one amétioration politique.
*** Wésen et Walenstatt tombèrent dans l'état le plus misérable; on
ne Toyait partout que marécage , mauvaise culture , négligence.
*^ Eclairé par l'expérience des siècles, Montesquieu a fait voir que les
sQjelB des démocraties sont le plus à plaindre. Nous ne nions pas qu'il y
ait en quelques baillis respectables, «s Nous avons prouvé à TEnrope la
réalité de cette misère ; mais nos patriciens n'ont été éclairés que par la
foudre qui les a effrayés sans les convertir. D. L. H.
* Quel tableau ! Le mode d'acquisition de ces droits de souveraineté
pnr les cantons a pu être légitime ; mais un souverain qui , au xvin*
âècle, veut gouverner comme an xiv* est un insensé qui mérite cor*
Ketion. D. U H.
*** Bailliage» lUrr$$, non à cause de la liberté du peuple , mais parce
qoe les anciens comtes les possédaient librement comme des alleux , et
non à titre de fiefs.
*'' Chartes des huit anciens cantons pour Bade, Bremgarten et Meiiin'*^
gtn; lundi après S t -Jacques 1450. TschudL
"* T. IV, 2S7* En 1445 , Jost Kaes d'Uri fut le premier bailli de Bade,
l^ri ne prit part au gouvernement des bailliages libres qu'en 15S9.
^' « Dans la maison » Compte annae/^ Pentecôte 1447. Tschudi*
'** Le bailli Ibeig vend nne femme pour huit florins. Compte ommuL
^ Gela vaut bien la Russie et les Antilles. D. L. H.
^ Us aliénaient certains fiefs héréditaires comme propriété libre et
^lae , à la réserve des intérêts. Compte annuel.
336 HISTOIRB DB LA SUISSB.
impériales y Bade , Bremgarten ^ Mellingen ^^^^ étaient
gouvernées suivant les anciennes coutumes par un^
avoyer et des conseils ^^^ sous la protection et Tautorité
de la Suisse ^^^. Les cas difficiles ^ comine ceux qu'a-
vaient fait naître la guerre ^^^ ou les abus de rautorité
bailllvale ^^^^ étaient soumis à la diète fédérale réunie
pour les comptes annuels; les députés référaient à leurs
cantons sur les points les plus importans. Rien ne res-
semble moins à la révolution de notre époque que Tan-
cienne révolution suisse qui laissa chaque chose dans
le même état ^^''^ parce que ses auteurs ne cherchaient
que la sûreté ou un profit commun^ et non le triomphe
d'un système. Ils suivaient la marche lente, tranquille,
presque insensible de la nature * ; un bonheur paisible
et durable recommandait leur œuvre ; elle aurait sub-
**^ CA. n. 764. Tichudi : «Ce n'est pas à dire qu'elles fassent sur lepîed
des véritables villes impériales qui siègent dans les diètes d'Empire. •
^^ Elles les élisaient elles-mêmes.
*** Rapport $ur les bandlii^ iHT. Tiehudi, Ce nom de bandiU îni
donné anx partisans de Zurich ou de TAutriche eiqpulsés du oonseO pour
violation de leur serment et qui avaient pris la fuite.
**^ La ligue illégale de Kempten , l'injuste prise de possession du bail-
liage de Hédingen , le pillage des fenils de Liebenbei^. Compte ommeL
A*« Le compte annuel en renferme plusieurs à la charge d'iberg.
^*' Bade prêta serment avant tout au Saint-Empire , puis à nos sei-
gneurs les Confédérés, en leur reconnaissant tous les droits que nos gra-
cieux seigneurs d'Autriche ont eus sur nous et sur notre ville. Ch. 770.
=» Ce ttatu quo est la raison pour laquelle les œuvres de l'ancienne révo-
lution n'ont pas tenu lorsque cela eût été nécessaire. D. L. H.
* Ceci n*est pas exact A mesure que les traces de la barbarie s'effa-
çaient au dehors » grftce au progrès des lumières, il aurait fallu abroger
ce qui n'était plus supportable ; mais c'est alors qu'on a appesanti le Joug
et que ces fameux apdtres de la.liberté ont voulu régner en despotes.
D. L. H.
LIVRE IV. CHAP. m. 237
sisté, si on l'eût corrigée d'une main soigneuse et dé-
licate au lieu de la fouler aux pieds ^^^.
Le comté de Kibourg^ quatre fois hypothéqué par
Tempereur Sigismond aux Zuricois '^^^ cédé ^^ par
eux presque [en totalité ^^* quand Tesprit de parti les
emporta ^^^, fut rendu à leur ville par le duc Sigismond
d'Autriche. La guerre avait coûté à Zurich un million
et soixante-dix mille florins ^^, de sorte que l'intérêt
de l'argent emprunté par la ville ^^^ monta de quatre à
sept et demi pour cent ^^; la guerre, la peste et toutes
les misères avaient enlevé plus de la moitié des ha-
bîtans'^^ de telle manière que le loyer des maisons
tomba plus bas qu'on ne l'avait vu depuis deux siècles
et demi. Dans cette nécessité la ville fit au général au-
trichien, le margrave Guillaume, une réclamation de
vingt et tm mille florins; les militaires en devaient
*** m Qnis talîafandotemperet a lacrjmîs. • |== Vous dites vons-m6me,
en plus (fan endroit , qo'on a omis de faire ce qu'il fallait pour préve-
nir le dernier malbeor ; vous adressez à ée sujet de pathétiques et inutiles
leçons aux gouvemans; vous savez d'ailleurs que toutes les tentatives
pour arriver à des réformes ont été punies comme des actes de trahison.
U fallait donc renverser les tyrans. D. l^ H.
*** Stumpf, S8d « 6. Ces hypothèques multiples pourraient bien être
celles dont il s'agit t V, 276 etsuiv. Voy. aussi t IV^ 337 et sniv. '
*•• T. V, 276 etsuiv.
'M Excepté le château de Néerach , qu'on appelle le fiouoeau bailliage*
Bltmisehli; Leu; t V, 277 et 278.
i»s Pour narguer les Confédérés. Tschadi, U, 562.
*** C'est la somme à laquelle fVaur, dans son ouvrage sur lu habita-
tions de Zariek, p. 87, évalue les 400,000 florins mentionnés dans les
chartes.
••* 14 43. lWa$er.
**» 1451.
<M En 1410, il y avait 10,570 habitans; en 1467, il n'en restait que
4,582. fVoier, d'après les rôles des impôts.
238 UISTOIRB DE LA SUISSE.
trente mille aux bourgeois ^^''. Oubliant toute animo-
sité^ les Suisses s'^tremirent amicalement et avec
énergie pour faire recouvrer à Zurich l'argent avancé
par cette ville à leur ennemi dans l'intérêt de la guerre ^^.
Cette disposition convainquit le duc que la possession
de Kibourg ne serait ni tranquille , ni fructueuse , ni
même bien assurée. Il y renonça donc ^^^, à condition
qu'on lui remit sa dette ^^. En échange^ il acheta d'É-
Usabeth^ épouse du margrave Guillaume^ fille de Cu-
négonde de Tokenbourg et du comte Guillaume de
Montfort^ ses droits patrimoniaux sur Brégenz et Ho-
henek ^^Ml vendit en même temps son comté de Fried-
berg et Zu der Scheer ^^^, et hypothéqua le margraviat
de Burgau ^^^. Sigismond était incapable d'un refus ^^
et singulièrement libéral envers le beau se;^e^ qu'il aimait
par-dessus tout ^^^; il en résulta que l'état des finances
de l'Autriche antérieure^ embarrassées déjà par les
*^ TêchêuU, L c. Tootes les narrations exactes s'accordent sorce
point
**" Le vieux Thûring de Hallvyl leur en fit l'observation; une si
bonne réconciliation ne leur agréait pas. Fétix Faber, 66.
'** A la diète de Constance , jeudi après la Chandeleur, 1451. TsehudL
'** Selon Stumpf, S8&, 6, on lui donna en outre une bonne somme.
t>i 1451. Son père était mort en 1481. Elle reçut de Sigismond
95,592 florins du Rhin.
^*^ A l'écuyer tranchant Eberhard de Waldbourg, pour la somme de
52,000 florins du Rhin. La eh. (dont la rubrique est fausse) Insprock,
George^ 1452 , se trouve dans les Archive* de* chevalière df Empire, de
/. Etienne Bàrgermeieter, U , 1560.
*** A l'évéque Pierre d'Angsbourg pour 82,000 ducats selon Hitt.
^Autriehe (de St -Biaise) II, 158; pour 60^000 florins d'or, selon de
Steiten, Hist. tCAugebourg , l, 242.
i»4 Félix Faber, l c
^*^ « Mnlieribus ultra modnm inclinatus Cpropter quod ultro se infe-
rebant, consentientes d ) in his actibos Salomonem quodammodo imi*
tabatur et Assuernm reges. » Id.
UVRR IV. CHAP. lU. 239
prodigalités du duc Albert "*, empirait de jour en jour.
Longtemps avant l'afiaiblissement de l'alliance dont
les Confédérés firent un crime à Zurich ^^''^ cette ville
prévint par une médiation amiable une guerre que
quatre audacieux champions ^^^ avaient déclarée à huit
cantons suisses ^^^. Tout le monde sentait le besoin
d'opposer aux flots dévastateurs des passions indomp-
tées la justice et la paix. D*autres hostilités furent ar-
rêtées par le sous-bailli de Bade^'^^ : on l'envoya à Bale^
pour s'informer auprès du bailli et du tribunal ^'^^ si les
Confédérés avaient été relevés en due forme ^''^ du ban
attiré sur eux par le meurtrier appenzellois Himme-
li ^'^^ (Rechberg avait inutilement tenté de le maintenir
en vigueur ^'^^); on l'envoya de même vers le bailli *''*
et le conseil de la ville de Schafifhouse, au sujet de l'au**
*** « Multa mala orla faenmt in terra propter dacis Aibertî prodigali-
tatem. • Id,
**' Elle fat annulée en 1450 ; ce qoi est raconté ici arriva samedi
après la St-Barthélemy , 1447. Ch. dans TachudL
'** H. Han , de Lftneren (territoire de Zurich), Q. Totx , de Frauen-
feld (Thurgovie), Nie. Gliss, de Rothwyl, H. Lustnower, d'Umacb.
L'occasion est inconnue.
<•* Les Vn (sans Zurich) etSoleure.
*'* Jean Hosang, au nom du premier bailli , WemerBlum. Celui-ci
était de Schwyz ; l'autre , de même , à ce qu'il parait.
*^^ Cfu de l'avoyer Didier de Sennheim , signée par huit antres arbitres;
jeudi après les Rois 1449 dans Tsehudi. •
*'* Par le prononcé de > l'honorable et sage » Jean Albysen, de B&le,
et de Schiller, de Constance, Guillaume de GrQnenbei|^ étant surarbitre.
T. V, 260.
*'» T. V, 257.
*'* Il déclare au sujet de Himmeli que TalTaire n'avait pas été enten-
due ainsL
«7* Le bailli impérial ; la eh. est de lundi avant St.-Thomas 1448, dans
T$chttdL
240 HISTOIRE DE LA SUISSE.
bergiste d'un village voisin ^''^^ qui, audacieux en rai-
son de ce ban , hébergeait des ennemis de ia Suisse ,
favorisait les contrebandiers^ faisait enfermer illégale-
ment des Confédérés dont on s'emparait, et partageait
la rançon avec ceux qui les avaient surpris. Le crime de
ces derniers entraînait la peine de mort ^'^'^ ; mais les
Suisses devaient prouver que leurs noms n'étaient plus
ou n'auraient jamais du être dans le registre du ban
tenu par le juge provincial du bourgrave de Nurem*
berg ^'^*.
Les Glaronnais ôtérent alors de leur église la bannière
de la ville de Zurich, conquise dans la plaine de la
Sihl ^^^. Les habitans de Rapperschwyl rendirent aux
Glaronnais la leur, enlevée dans ia nuit du massacre de
Wésen*'^. Les Schwyzois aussi ordonnèrent au lan-
dammannRéding, de ne pas laisser plus long-temps
dans leur église la bannière de la bonne ville d'Ueberlin-
gen, dont ils s'étaient emparés autrefois ^^^ Le désir
universel de voir renaître les relations loyales de confé-
dération et de voisinage étouffèrent tout souvenir d'une
époque funeste ^^.
A la fin, les boucs, défenseurs de Zurich ^^', de-
'^* Jean Âmmann , bailli de Gottmadingen, àtaé dans le Hégan à
quelques Ueues seolement de Schaffhouse.
*^^ Le prétexte da ban ne servit de rien à celui qui , pour ce crime ,
fut exécuté à Constance.
A 78 Parce que les Confédérés , dit la charte , ne relèvent pas du tribu-
nal provincial de Nuremberg ,.mais du tribunal anlique de Rothwjl.
«7* Tsehudi, II, 55&. En IdSO.
t*« « Us commencèrent alors à devenir bons amis et voisins. • Voy. sur
le massacre de Wésen, t III , 290.
**^ Dans Tuhudi II, 525. La correspondance est de l'an 1448.
4s> Il devrait en être de même après le malheur de nos jours.
"' Voy. chap. I à n. 254.
i.IVRE IV. CHAP. m. 2A\
meurèreikt seuls exclus de la réconciliation : comme les
Zuricois ne voulaient pas les abandonner, ni les Suisses
oublier lesblessures profondes qu'ils avaient souvent re-
çues de leur audace, les boucs se présentèrent devant
leur gouvernement et supplièrent le bourgmestre et le
conseil de continuer à leur servir de seigneurs et de
pères, comme jusqu'à ce jour, mais seulement au fond
du cœur, de rendre la paix à la patrieet de leur permettre
de pourvoir eux-mêmes à leur sort. Ils quittèrent aussi-
tôt la ville, achetèrent au-delà du Rhin le château et le
droit seigneurial de Hohenkrayen, restèrent tranquil-
les et attendirent du temps et des bonnes paroles qu'ils
faisaient portera chaque diète, leur propre paix. Long-
temps leur attente fut vaine; enfin l'indignation et la
pitié leur suscitèrent des avocats même parmi les Suis-
ses, et le landammann Friess d'Uri déclara : « qu'on
» ne pourrait pas leur en vouloir s'ils recommençaient
» les hostilités et s'emparaient de quelque Coiifédéré
» illustre. » Les bbùcs l'apprirent. Il advint que ce
même landammann descendait le lac de Zurich dans la
barque du marché. Tout-à-coup sortirent d'une petite
baie cachée par des arbres , en deux nacelles, beaii-
coup de gens armés , les boucs; ils s'écrièrent : « Lan-
» dammann Friess d'Uri , vous êtes notre prisonnier ;
» ne craignez rien. » Lui, homme sans reproche, par
conséquent sans peur, étonné toutefois, dit en pas-
sant de la barque dans une nacelle : « Vous recevez
«bien les conseils > bons compagnons, mais je né
» pensais pas que le mien dût me concerner. » Retenu
prisonnier à Hohenkrayen, mais objet de toutes sortes
de soins et de déférence, il écrivit aux Confédérés.
Ils furent contraints d'acheter des boucs , pour trois
cents florins, la paix à laquelle ils n'avaient pas voulu
""• i6
242 HISTOIRE DE LA SUISSE;
consentir. Ital Réding leur compta l'argent avec dépit ,
mais honora ces guerriers invaincus ; ils promirent
une paix non moins fidèle que leur courage ^^^. Leur
société subsista aussi longtemps que la Suisse ^^^.
Une vengeance plus dure atteignit le savant maître
Félix Hemmerlin ^ moins pour sa haine des Suisses-que
pour son amour de la vérité^ qui lui avait suscité des
ennemis irréconciliables. Mais ceci nécessite une ex-
position plus générale. Pour expliquer le courage,
les exploits et le gouvernement d'un peuple ^ il faut
connaître ses opinions , ses sentimens et son genre de
vie.
'^^ Le dialogue avec Réding nous a été conservé par BuUinger^ ^ qui
nons emprantons cette histoire. Béd. : « On ne nous a pas vus souvent,
nous autres Confédérés , réduits à donner autant d'argent à quelques
hommes. • Les bouc$: « Si tu regrettes Fargent, reprends-le; nous ai-
mons mieux avoir à le réclamer. > Réd. : t Mon , non » chers amis, pie-
nez ce qui vous a été promis ; il ne subsistera entre nous que de bonnes
et amicales relations. > Les boucs: «Eh bien ! ne nous narguez pas; ce
que nous avons promis , nous le tiendrons. •
"» Blantséhli; Leu.
LIVRE IV. CHAP. IV. 243
C>0O<XX>0<><X>C>O<>C<XXXX>00CC<><XXX>CK>0CK>0<^^
CHAPITRE IV.
OPINIONS ET CONNAISSANCES DES ANCIENS SUISSES.
Coup-d*Œii général sur la marche des connaissances, surtout en
deçà des Alpes. — Caractère de la vieille Suisse intérieure ;
mœurs; livres; études. — La religion secrète; la religion du
peuple : revenans ; danses des morts ; l'hostie d'Ettiswyl ; Ein-
sidlen.-^Du pape et de la hiérarchie; fin du concile de Bâlc.
— De la noblesse. — Vie et fin de maître Hemmeriin.
L'origine de la science' et de toute culture intelleo*
tuelle se perd dans les ténèbres de l'antiquité, dont les
traditions orales ou écrites furent propagées par les peu-
ples barbares; les unes ont été reçues avec foi, les au*
Ires, soumises à l'examen et à un admirable travail,
toutes diversement altérées, puis de loin en loin renouve-
lées ^ par de grands hommes et pour un long temps. Tel
fut le sort des idées sur Dieu, sur lorigine et la marche
du monde^ sur notre nature, nos devoirs et notre av^r .
Ce que l'homme a trouvé dans son âme, à ce premier
instant où, soi t dans une délicieuse prairie deGach&-
nûre , soit sur une stlubre colline du Thibet, l'étincelle
de l'esprit divin s'insinua dans une masse de terre ;
comment il l'a communiqué ; combien de fois le soleil
s'est levé dés lors; puis les longs travaux de la famille
humaine, la nature et la suite des révolu tiqns du globe
* « Relum'd her ancicnt light, not kindled ticw. » Popt.
244 HIStt>Iltte DB LA SUteSE*
et le nombre des peuples qui se sont succédé jusqu'à
ces temps dont nous retrouvons quelques traces dans
les chants orientaux et dans des symboles à peine
reconnaissables ; Toilà des mystères que nul ne peut
sonder! Mais ce n'est pas l'inventaire, c'est l'usage
des biens héréditaires qui constitue la fortune d'un
homme ; ainsi la sage application ou le perfectionne-
ment du trésor d'idées que l'on a reçu font le prix et
la gloire d'un peuple. L'ordre éternel veut que l'es-
prit gouverne le corps. De tout temps la nation la plus
intelligente a occupé le premier rang, jusqu^à ce que,
se négligeant elle-même , elle a laissé la prééminence à
la force. Mais alors encore les restes de ses travaux
intellectuels ont soumis le vainqueur ignorant; sa ruine
politique n'a point anéanti son nom et son influence :
là où brille la lumière et le feu, là réside la vie.
Toute la science transalpine vient des Romains , qui
durent la leur aux Grecs et aux Hébreux ; chez ces
deux peuples la science remonte à des temps inconnus.
Moïse et Homère ne sont pas des écrivains primitifs ;
leurs ouvrages portent un cachet de perfection , résul-
tat de bien des travaux antérieurs. Sans prédécesseurs
connus , sans successeurs immédiats^, ils sont là dâtis
leur majesté solitaire. Chez le plus ancien historien
grec on n'admire pas moins l'inimitable perfection de
l'art dans la disposition et le style ^, que cette plénitude
de renseignemens vrais et importans dont chaque nou-
* D'une pareille gnodeor, A FeiceptioQ de répoqne inoertaine
d'Hésiode, il se trouve après Homère ane lacune aussi considérable
qu'entre Moïse et le chant de Débora.
* Ce point de Tue a été développé par son concitoyen Denys ttHali'
cartuuse. Comparez les dissertations de Gatterer, an commencement de
sa Bibliothèque historique.
LIVRE lY. CHAF. IV^ 245
vel examen fait mieux apprécier li^ solidité^. Instruits et
guidés par ces modèles, sous le ciel le plus fayorable, au
sein de la natiire la plus libérale, sensibles à tous ses
charmes, secondés par la liberté des constitutions et des
mœurs , habiles à idéaliser tous les sujets et les frag*»
mens de la sagesse étrangère, les Grecs formèrent leur
littérature, modèle et délice de Rome et des nations
modernes, école la plus excellente de toute sagesse
}iumaine. Plus sublimes, plus rudes, moins variés, les
^ Catterer a montré, dsns les mémoires Ids à TAcadémie des sciences,
de 66Uingoe et dans d'antres écrits , avec quelle étonnante exactitode
Pérodote expose la géog^phie de la Scythie; cette exactitude a été con-
firmée par le voyage de madame Guthrie en Tauride et par tontes les
observations modernes. Voy. dans les Ephimérides de Zaeh,\h remarque
de H^rtn concernant la coïncidence des renseignemens d'Hérodote sur
le Niger a^c^ les découvertes de Mungo Park. Compares Renn$i*ê Geo^
graphy of Herodptiu explaine4. On le soupçonnait d'avoir confondu des
objets fort distans et pris les Pyrénées pour la forêt Noire. Mais le nom
de Pyrène a été souvent donné aux montagnes du Tyrol , qui l'ont en-
core conservé pendant le moyen âge et dont il reste des traces dans celui
do Brenner. Que dirait-on si cet historien» ainsi qu'Âristote et quelques
modernes , avait vu la source du Danube , non dans le petit ruisseau de
Doneschingen^ mab dans l'Inn? Considéré dans son vrai jour, ce rensei-
gnement aussi se présente donc avec toute la dignité de la vérité* s= La
confiance que mérite Hérodote par son amour pour le vrai, par les
infatigables recherches qu'il a faites pour découvrir ta vérité, par sa
candenr comme par son esprit judicieux , a trouvé un défenseur armé de
toutes pièces en M. Larcher, savant traducteur du père de l'histoire. Dans
aa préface , il rend un juste hommage à la véracité de son auteur ; dans
un grand nombre de notes il édaircit des doutes ou réfute des objections
mal fondées ; enfin dans le VI* volume , il a réimprimé le traité de Plu-
tarque de la Malignité iPHérodote, accompagné de ses propres remari
ques et de la Difense d^Hérodole contre Ut acenuAUm» de PUAarqae ,
insérée par l'abbé Geinot dans le XIX* vol. des Méwtoire» de l'Académie
du Inecriptionê et BelUê^Leitre$. Le beau travail de M. Larcher réunit
ainsi toat ce que l'on peut désirer sur un point si important de criUqVA
historique. C. M.
246 HISTOIRE DE Lk SUISSE.
modurs et les arts d'Israël ne furent pas moins utiles»
Formée pendant plus de mille ans ^, une colleetion d'ou«
vrages originaux ® de ce peuple enseigna que FEtre qui
a Texistence en soi'' est seul Dieu ; plus tard et avec plus
de douceur^ qu'il est miséricorde et amour. A défaut de
traditions indigènes comme celles des nations plus an-
ciennes , à défaut de l'ingénieuse sagacité des Grecs ,
Rome, reine du monde^ avait reçu du génie de l'uni-
vers ^ la sagesse nécessaire pour accomplir sa tacbe y en
gouvernant les peuples ^. Ce que la Bible fîit pour les be-
soins religieux^ la Grèce pour la culture humaine^ la lé-
gislation de Rome ^^ le devint pour l'organisation de la
société civile ; non une œuvre accomplie pour tous les
siècles à venir^ non une loi supérieure à son perfection-
nement I non une borne fixée aux progrès de l'esprit;
mais un guide^ un modèle^ un thème à développer^ une
colonne où l'on devait attacher le fil conducteur. Si rien
n'étouffe^ n'arrête^ ne devient à la fin étourdissant et
insupportable comme de tourner dans le même cercle ^ S
rien n'est plus dangereux qu'un chemin entre deux ef-
froyables abimes^ sans autre guide que les feux-follets
de l'imagination. Vu la brièveté de la vie , il est bon
* DepQÎs^ Moise jusque Malachie-, le dernier des «nciens auteois
hébreai.
* Ecrits dans la langne dn pays.
' Gelai qni tit, qui existe par Ini-méme; Jébova, Jao; le delphiqae ««
* Par là lions entendons la Providence de Dieo , le divin gouverne-
ment da monde. Les faibles qui se croient forts se scandalisant de ces
locotions anciennes.
* « To regere iroperio populos , Romane , mémento. •
** Celle des bons temps , h peu près Jusqu'à Alexandre Sévèra
** Gomme les pauvres animaux dont TOrient se sert pour faire tooroer
les meules, et auxquels on crl*ve parfois les yeux, afin de prérenirlc
vertige.
LIVRE IV. CHAP. IV. 247
d'avoir un poiai de départ. La plus grande partie des
hommes manquent ^ non pas de force, mais de loisir
pour faire leur chemin eux-mêmes ; rien donc de plus
désirable pour eux qu'un appui ; or, ils le trouvent dans
ces travaux préparatoires qui ont satisfait et conduit
de progrès en progrès des Etats européens florissans
depuis tant de siècles ^^, et non-*seulement la multitude
qui cherche des consola^ons, mais encore les hommes
accessibles aux nobles jouissances de l'esprit.
Lorsque , par suite d'une administration tyrannique,
l'empire de Rome périt après un long épuisement, les
vainqueurs se contentèrent .de quelques fragmens de
la sagesse antique, conservés dans la première et la
seconde Rome, dans l'ancienne et dans la nouvelle'^,
de même que dans quelques retraites sacrées ^^, et
qu'on leur expliqua bien qu'incomplets. Le liçre de
la religion devint alors pour tout peuple la somme du
devoir et du savoir: et comme les nouveaux États
échangèrent la simplicité germanique contre des for-
mes plus savantes, on recourut au livre de la loi
avant que des besoins plus raffinés fussent nés de la
plénitude de l'aisance et que la littérature se fût unie
à toutes les sphères d'idées.
Deux circonstances retardèrent l'éducation du Nord ^^.
Dans l'antique Midi, la sagesse, née au sein des
*^ Nous nom bornons à l'Earope. Les formules qui embrassent le
monde appMiiennent , avec leurs eiplications-, à Tbistoire de l'hu-
manîté.
'* Nous donnons le nom de ieconde Rome à celle des papes ; celui de
momftUt Rome apparient à Constantinople.
^* Les couvens où l'on s'occupait de littérature, comme celui de St.-
Gall , voj. t. L
^* Nous abrégeons^ pour en revenir à la Suisse.
248 HISTOIRE DE LA SUIfifiE.
bois sacrés des aieux et dé la libre nature y avait gran<fi^
raTÎssantQ comme le cèdre du Liban ou les charman-
tes fleurs du jardin de l'Ionie; fruit des plus belles
heures des grands libérateurs des peuples ou des sages
à rame sereine. Sur les débris d'un monde corrompu et
déyasté^ nos pères reçurent en échange des chants rudes
mais grandioses de leur temps héroïque y des doctrines
étrangères à leur histoire^ à leur pays^ à leurs idées,
qu'on leur imposa par les terreurs de ce monde et de
l'autre y mais que la plus dure discipline ne nationalisa
pas à régal de doctrines indigènes ^^. Toutefois la reli-
gion et la législation çxotiques avaient leur fondement
dans la nature > dans l'expérience et dans les besoins»
Accessibles à l'intelligence de nos pères^ on pouvait les.
inculquer à leurs âmes pauvres d'idées et candides. Mais
ceux qui les enseignaient l'une et l'autre ne les compre-
naient pas eui^-mèmes. La doctrine chrétienne^ qui se
résume dans la confiance en Dieu ^'^ et dans l'amour du
<* Qu'il nous soit permis de montrer dans an grand exemple le coo'
traste entre la vieille philosophie du Nord et la nouvelle, pbilosopbi»
chrétienne. Ossian était &gé de cent vingt ans lorsque des nûssionnaires
chrétiens vinrent en Calédonie. Paadruig (S. Patrice] lui dit : t Ossian,
ton père esL Oss, «Où, dis-moi, où est Fingal, toi qui es ios-
trait de tout? • Paadr, • Ton Fingal , ton père est dans le froid enfer,
et tous ses amis avec lui , enfermés dans le tombeau. » Oss, « Où est le
froid enfer, hypocrite Paadruig, puissant en méchanceté? Ne vaut-il
pas le ciel de votre Dieu , si Ton y voit courir le gibier et les chiens aox
pieds rapides? • Paadr, « Mon Dieu est tout-puissanL • Oss. «Si Garni
et Gaul étaient au pa^rs des vivans, Diarmid à la brune chevelure, et
Oscar, mon fils victorieux , le dieu de gens comme toi ne pourrait bitir
un mur qui protége&t contre eux. • Ossian dit d'une manière générale :
«Je suis vieux et je désire trouver Fingal dans son nuage; je ue veox
pas aller vers le dieu des fils des faibles.* Voy» Thomas HiU, ÀneieKt
Enepomns,
, ' ^' En sa providence spéciale. Luc. xii ; de même en sa miséricorde et
LIVRE IV. CHAP. |y. 249^
prochaines digne de captiver le noble héros ^^ et le
pauvre journalier, était enfouie sous une masse de dogi-
mes accessoires qui firent oublier les vues de son auteur,,
peu après qu'il eut quitté ce monde^^. La plu])art des
docteurs, sans culture esthétique, sans intelligence de.
Tesprit de l'antiquité orientale et de la réforme de Jésus,
en contradiction avec la nature, cherchèrent la gran-^
deur dans l'exagération. L'ignorance du latin classique
et de l'histoire romaine ne faussa pas moins l'interpré-
tation du droit ^^ En général ( avertissement utile).
beaucoup de sa vans du moyen-âge, égaux en talent et
en ardenr aux plus illustres des autres temps, furent
sans influence utile sur leurs contemporains et perdus,
pour la postérité, parce qu'ils abandonnèrent, pour les-
profondeurs sans fond des théories imaginaires, le
terrain de l'expérience et de l'observation, et que, sans
égards pour l'intention des auteurs , ils choisirent dans,
le texte de l'écriture et du droit ce qui leur agréait.
Ces imaginations, sans base dans l'antiquité, sans.
en nmiDortalité ; quelle conGance inspirerait la toute-pniflsance courrou-
cée (P<. cxxx» 8)? Qui ne s^appuierait sur celui qui est secoorable.
même après notre mort?
** Même de ceux qui ne sont pas chrétiens. Lue, x.
^* « Ne craignez point ceux qui tuent le corps , et qui après cela ne
peuvent rien faire de plus. • Luc. xn , 5.
^ Le caractère des communautés fondées par le disciple que Jésus
aimait, et qu'on reconnaît dans Pline , EpUu, 1. x, et dans les rajileries
de Locien , se perdit pour les savans; le zèle contre les hérésies et les
prétentions des chefs de l'Eglise en furent cause ; ce caractère ne se con-
serva en partie que chez l'homme du peuple.
*^ La vrni^ méthode pour faire cette étude est celle dont Montesquieu,
nous a laissé un exemple , comme on n'en trouve point dans tout le
moyen-ftge , ni dans les siècles qui l'ont suivi immédiatement : £ipri(,
é€9 ioi$, 1. xxvu» de V origine et de$ révolutiont des lois de^s Homains s^r^
les $ueee$tion$.
250 HISTOIRE DE LA SU188E.
rapport avec le temps présent^ ne fournissaient ni ma-
tière solide à la science, ni nourriture saine à un peu-
ple dépourvu de culture. Les savons et la multitude
(les ouvriers'^ et la matière, les docteurs et les disci-
ples, l'âme et le corps) se séparèrent ; chaque partie,
sans égard pour l'autre , suivit sa route ; aucun de ces
deux chemins ne conduisait à la sagesse et au bon-
heur, mais , à travers des ombres mystérieuses ^^, dans
des espaces fantastiques^ ou dans les régions sauvages
d'une grossière sensualité. Il arriva de là que, bien
qu'à la fin^^ Ton rentrât insensiblement^^ dans une
meilleure voie, la connaissance de ce que chacun est,
doit être et peut devenir ^^, resta rare. D'un côté on
prit les défauts , les abus , les mensonges , en un mot
le mal, pour base de la justice, de la vérité et de
la morale; de l'autre, la multitude négligée demeura
, livrée à de flatteuses séductions. Ainsi fut gravement
compromise la situation générale de l'Europe, qui offrait
à l'humanité et aux âges à venir tant de garanties de
sûreté, tant de moyens de culture.
Chez les anciens Suisses, à l'origine de la liberté, peu
de gens savaient lire et écrire^''; les expériences et
** > Per loca senta sitv vadant noctnmque profandam. •
*^ Depuis Erasme et Luther.
^ Depuis Descartes , Bayle , LeibnHz et Montesquieu.
^ Voilà le vrai progrès des lumières. Quelle démence que de ne pas
le vouloir !
*^ Introduction de l'alliance perpétuelle de ISiS : « Âlteiido que les
» sens humains sont faibles et transitoires , en sorte qu'on onblie facile-
» ment les choses qui doivent subsister à jamais , il est nécessaire qu'on
» fasse connaître par l'écriture et par des chartes ce dont on est convenu
• pour la paix et l'honneur des gens. » Ce début est celui de beaucoup
de docurocns et par te môme motif.
LIVRE IV. CHAP. IV. 251
les souvenirs des pères se transmettaient aux neveux
par la tradition orale ^ comme la sagesse des Druides ou
les chants d'Homère ^^. Le calme de la vie pastorale au
sein des Alpes solitaires ^ dans un air pur^ sous une
voûte étoilée plus étincelante^ et les phénomènes d'une
nature grande et merveilleuse , telle était leur école.
Dans cet isolement ne naissent pas des idées nouvelles^^^
mais les anciennes s'enracinent toujours davantage ; elles
pénètrent l'àme'^. Aussi le sentiment de la liberté et
fle la fraternité primitives fut-il plus profond à Schwyz
qu'ailleurs. Le peuple en conçut l'orgueil de la jus-
tice** et de la loyauté*'. L'honneur du nom national
a été compris d'abord dans la contrée pastorale**. La
conscience d'eux-mêmes fit de ces pâtres la terreur de
leurs ennemis 9 alluma chez les Glaronnais^ les Âppen-
zellois** et chez le peuple plus rude de la Haute-Rhé-
^ n serait donc peu raisonnable de révoquer en doute des événe-
mens dont il subsiste des indicée authentiques , parce qu'on manque
d'une chronique contemporaine. Mais }a eritique des traditions orales eal
on des chapitres de Tart historique dont on s'est le moins occupé.
^ Aussi peu que sur les bords fortunés d'Otahiti. Pour se dévelop-
per, il faut que l'homme soit électrisé par des traditions ou parle com-
merce avec les hommes.
** Aucune idée étrangère ne les efface.
*^ Hemmertinj leur ennemi acharné, dît: «Licet féroces, paccm ta-
• men accolis et incolis firmîter tenuerunt. • DiaL de Suiiensib, ; c'est le
dS* de son grand ouvrage de Nobilitaie et rusiieitaie.
*' U leur accorde aussi « magnx legalitatis apparentiam. »
** « Suitenses arroganter volunt appellari. » On préféra en 1798 le
nom helvétique, aGn que le nom de ceux qui avaient plié sous le joug
romain «ffaçàt le souvenir de la liberté victorieuse et florissante de»
Suisses, ss On restitua à la nation son ancien nom , celui sous lequel elle
avait formé un seul corps redoutable à ses voisins, ainsi que vous l'avez,
dit vous-même. D. L. H.
** Eux et ics Tokcnbourgeois « gens radicalitcr protcrvissima. »
252 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
tie^^ le désir de s'unir à eux et de les égaler, et valut à
cette petite peuplade un nom et un rang en Europe ^.
Ils laissaient aux chefs du pays le soin des relations
compliquées avec l'étranger^''; dans leurs institutions
internes et dans les traités , ils faisaient preuve de pru-
dence^ de réflexion et de candeur*^^. Heiu^eux d'une
paisible indépendance au sein des Alpes y sans autre
ambition que de posséder le plus beau troupeau et la
reine de la terre ^^^ aimés de leur bétail affectueux
et reconnaissant ^^, comme des divinités bienfaisan-^
*^ « Csteris ruralibos magis horribîliores. >
*' m Glamor famosissimus per Europam de Suitensium sapermirabili
> potentic pompa. »
*' Aux Réding dans la gaerre de Zonch. Voy. t. lU . 64-65, ce qa'iii
faisaient qua^d ils se croyaient Joués.
'* «In dooiibus providl, in consilib maturî, în tracta tibus circnm-
> specti. > Hemmerlin. Je regrette de n'avoir pas à ma disposition les
codes et les réglemens pastoraux des Hautes- Alpes pour en faire con-
naître l^esprit, comme celui des Zuricois d'après le Ricfatebrîcve , et
celui des Bernois d'après la Handveste. Cette lacune est nne imperfec-
tion involontdre de ce livre.
** La vache qui marche la première , ornée de la plus belle cloche et
de riches rubans, et à laquelle toutes les autres cèdent le premier rang
à l'ombre et à l'abreuvoir. Voy* Ebel , Peinture des population» alpeitrt»
de la Suisse. {Schilderung der GebirgsvÔlker der SehvDeitt) , t. I^ 157,
ouvrage écrit avec sagesse et avec impartialité. =» Malheureusement l'au-
teur n'çn a publié que deux volumes ; le premier ( 1798 ) est consacré an
peuple appenzellois ; le second (180^) aux habilans du canton de Claris,
des bailliages d'Usnach, Gaster, Saigans, Werdénberg, Sax et Rheintal,
du Tokenbourg , de l'ancien pays et de la ville de St.-Gall et de la partie
orientale du canton de Zurich. Les sollicitations d'achever cet intéres-
sant ouvrage n*ont pas manqué à mon savant et respectable ami. La la-
cune qu'il a laissée a été partiellement remplie par deux Voyages dam
tes Alpes, de M. Kastkofer, aujourd'hui membre du Conseil exécnlif de
Berne i Bemerkungen aaf einer Alpen-Reise àber den Susten, Gottkard,
H. s. w. Aarau , 1822 , în-8, 1 ; Bemerkungen au f einer Alpen-Beise âber
d<n Brànig, Bragel, u. s. w. Bern , 1822 , in-8 , T. G. M.
M Que ceux qui n'en ont jamais été témoins lisent les observations de
LIVRE IV. CHAP. IV. ^53
tes^S î^s ^^ riaient de TigooraDt mépris des citadins pour
la vie pastorale *^, ils ' représentaient volontiers aux
étrangers, en forme de spectacle, les joies du départ pour
les Alpes ^^. Si au milieu des pompes d'un cortège do-
lennel, comme à Constance, aux yeux des grands de
l'Empire, une vache , à la vue des députés de Schwyz ,
exprimait ainsi que de coutuQie sa joie caressante ^^, ils
pardonnaient la surprise et le jugement ^^ auxquels le
pâtre se vit exposé dans tous les temps et dans tous
les lieux ^®, et les attribuaient à l'ignorance d^s mœurs
de leur pays. Leurs corps vigoureux et gigantesques^'',
que les héros et les savans étrangers contemplaient
avec étonnement^^ et que le duc de Yiscônti consi-
madame Frédérique Broun daos son Voyage et dans le second tome de
ses Ecrit» en proie. Personne n'a peint la natore alpestre plos complète*-
ment , avec plus de vérité , ni ne l'a viviGée avec plos de talent. »
^* Ce qui constitue le droit souverain, mais trop négligé , de Tbomme
sur les t)estiaux, ce sont les soins qu'il leur donne en échange de leur utilité.
*^ Hemmertin : « Sic nominari coram gentibus opant; vaocarum cau-
» das pileis et capuciis ligant >
^ Le même : «ainsi que cela s'est vu à Bade. • C'était un charivari.
Voy. les Lettrée de mon ami de Bonsteiten, sur une contrée pastorale de ia
Suieee, p. iiS.
^ Lorsqn'ib vinrent de rb6tel*de-ville, une vache se prit à beugler et
les suivit jusqu'à leur logis , sans qu'on pût l'écarter. Hemmerlin fait celte
remarque malicieuse t «Naturaliter sequebatur corrîVales. »
*^ L'honnête maitie Hemmerlin déploie ici toute sa casuistique t
«Minus peccatum sodomiticum est» ubi nou debitus servator sexus ;
* minus autem est , dum homo peccat in corpus proprium. » Il ajoute :
Ils ne font pas grand cas de ce reproche ( absurde ).
^* Voy. dans Théocrité et Virgile des reproches de ce genre. Que
n'a-ton pas raconté des Calabrais!
«7 • Pre csteris filiis hominum robusti , proceri. » Hemmerlin.
** Hemmerlin raconte qu'il a vu le comte de Gruyère ( le comte pasto-
ral, t I, 338) « grossissimis membris ceterorum hominum modulos
» mnltnm excedentlbus j » il y h clans le château de Gruyère des armures
qui semblent avoir appartenu à des géans » « mensuram hominum pro
254 HtSTOIRB DE LA SUISSE.
dërait comme une merveiUe de la nature ^^ leur fu-
reur, leur impétuosité dans la bataille ^, leur inTÎn-
cible liberté ^^ prouvaient que ni la vie pastorale , que
l'on croyait efféminée ^^^ ni Fintempérance ne les éner-
vaient^^,,
NéanmcMnSy en partie à cause de cette simplicité de
mœurs qui ne déguisait rien^^^ les Suisses et les
Souabes passtMOt pom^ violer plus fréquemment que
la plupart des peuples d'alors les lois de la chasteté^,
à tel ppint que les astrologues s'efforçaient d*expliquer
ce phénomène par des constellations^®. Les causes en
étaient dans la plénitude de leur vigueur, dans leurs
■ nnnc majoram nimis eicedeotes. n Nons avons va beancoap de ces
grandes et belles statares dans le comté de Grnyère , dans le Sibenthal ,
dans roberhasii et dans le canton de Schwyi.
*• AndrœoM Bitliua, Ilitt, 1. III , p. 55 ( Marai,, Scriptt, XIX) , parle
d*an Suisse qni à la bataille de Bdlinzone (t. IV, d7i et suiv.), après
avoir tué beaucoup d'Italiens , fut lui-même transpercé » et se battit en-
core la lance dans le corps ; le duc fît porter dans le ch&teau de Milan
son cadavre d'une prodigieuse grandeur.
*^ BilUtu : « Intolerabilis gentis furor. •
^^ /(/. : « Nec tyrannum nec dominnm norunt »
^' Hemmertin les blftme. de traire eox-mémes leurs vaches. AiHems ,
dit-il » c^est l'occupation des femmes ; à cette occasion le bon prëvM fait
cette observation dans l'intérêt de la décence : « Dum se corvat ad hoc
• jttvencula (brevibus utens habitibos) , cunctis rétro patebit anuSi •
**, Qui n'a point prodigué sa vie
Dans les bras de la volupté. Birger.
^* Les Italiens s'en raillaient ; mais on lei^* reprochait , à leur tour,
d'être • macarelli et buseroncs. » Hemmerlin, de Matrimonio,
"^ « Dixerunt viri peritissimi , quod nunquam viderint reglonem , re-
• gnnm vel diocesin , in quibus tôt moverentur causœ matrimoniales. •
U
^^ Ils disaient que ce pays était fatalement entr^ainé à rendre un culte
à Vénus licencieuse. /</.
LIVRE IV. CHA.P. IV. 255
alimens nourrissans ^'^ et dans leurs opinions. La dé-
loyauté ^ la calomnie et la fraude leur semblaient plus
criminelles que la satisfaction d'un besoin dévopant^^.
Des transgressions de cette nature paraissaient faciles à
expier; les prédicateurs les censuraient rarement ^^.
Dans la lutte continuelle de lois très-imparfaites avec
le penchant de la nature, les moralistes se contentaient
de recommander la décence; lorsque les rois et les prin-
ces, les évêques^^, les abbés, les prêtres ^^ et même les
religieuses commettaient de semblables fautes , on blâ-
mait leur imprudence plus que la faute même^^, et l'on
" Note des yina pour la célébration des noces dn margrave Charles
de Dade avec Catheriat d'Autriche, à Pforxheiin , en 1447 : iOO bœufs ,
1500 veaax, 8,000 oies, 15,000 poales, des pigeons sans nombre, 150
chars de vin ; « chacun, ent de quoi se rassasier; des courtisanes et des
jeunes geos innombrables, des musiciens ambulans. > George Hagen
dans Sinn^r, eaiaL wuumêeriptt» bibl, Bem. Wl , 165. Il ne s'agit pas de
Susses , mais cela fait connaître l'époque.
*' • Sodomilis melius erit in die jndicii , qnam rerum vel honoris
> ib]at<»ihiis. » HemmtrUn , de Anno juhUeo. H ajoute , dans son sèle
qulb seront.moins à plaindre que les Beghards et les Béguines. Il croyait
pouvoir se fonder sur les paroles du Christ , Maith, xi , 24.
^' • Adolteriorum et concubinariorum tam terribilis est multitudiBis
• unis, et pastomm per tacitnmitatem declaratus consensus; quod pre-
• dicatio contra taies nullius est profectus. » Id.^ dans le livre de Religio-
*i» proprietariiê,
** L'évéque de Constance , Henri de Hewen , avait ouvertement des
concnbînea. ïd, de Bcni et mali oecnûme, Hemwterlin parle aussi de l'évé*
qaed'licliatedtj dont la mort fut implorée du Ciel par le Chapitre en
▼eriR du Ps. CIX , parce qu'il ayait autant de femmes que Salomon. Ibid,
*' Notre casuiste Hemmerlin permet qu'ils firéquenteat des qiaisons pu-
bliques plutôt que de vivre maritalement avec des cencubioes, mtac
dans un ^;e avancé; il estime qti'ils se repentiront plus t6t de la pre-
mière de ces habitudes et y renonceront, de JnnojMleo.
*^ On raconta an légat , évéqoe de Tare&te» que les relîgieoses se oon-
daisaient là comme bon leur semblait , qoe personne n'y prenait garde ,
qae toutefois on les enfermait dans on cachot sombre et terrible quand
856 HISTOIRE DE LA SUISSE.
désapprouvait la sévérité des diâtimens^. Les suites
fâcheuses de l'intempérance étaient rares ou acciden-
telles ^^ ; on apercevait à peine quelques signes précnr^
seurs du mal vénérien ^^. L'incontinence devint plus
coûteuse depuis que l'officialité de la cour épiscopale
de Constance , qui donnait l'absolution en peu de lignes
et pour quatre sous^ apprit ^ au temps du concile , les
usages de la chancellerie romaine ^ et commença d'ex-
pédier des actes plus longs ^^^ de les écrire sur parche-
min ^"^ et d'y attacher des sceaux^®. Ce mélange d'inté-
rêt et de principes exagérés à bonne intention et par
vanité^ et que jamais on n'avait exposés clairement,
perpétua sur cette partie de la morale de$ idées obscu-
res > qui tour à tour favorisaient la corruption^ trou-
illes devenaient grosses. Le légat s'écria : • Heureases les stériles ! » ffÀ»-
merlin, dePecunii» pro prœbenda. La publicité des relations de Charles Vil
avec Agnès Sorel scandalisa si fort Hemmerlin» qne, malgré les louanges
qu'il prodigua à ce roi pour la bataille de St -Jacques sur la Birse, il donte
qne l'on puisse encore lui donner le titre de Très-Chrétien. DutL (U No-
hilif.
*' Hemmerlin, 1. c, se plaint de la tyrannie sicilieime exercée contre
de malheureuses nonnes.
** Le ',vaillant roi de Naples , Ladislas -, mourut « igné Persico in po-
» dibundis vehementer accensus. • JbiiL On saitptr quelle main ce mal
lui fut infligé.
*^ On en trouve des traces dans le livre de nemmèrlin de Matrim,
mais elles sont bien indéterminées. Toutefois If of/mg-^r^ H, E, N. T, IV, 9»
rapporte que vers 1431 une contagion inouïe, appelée «scahies Galli-
> cana » ou « grossa verola, > attaqua une multitude de personnes. Dans
e même temps se présente « novus et molesius rugadiarnm morbns. •
Jannk Maneiii, Vita Nicolai V; Marat. Scriptt,
<* « Faciunt totam proaam ad latitndinem, cum infinilis clausulis. *
Bemmerlin^ de Mittrinu
*' Un paysan dit à ce sujet; « Lorsque je tombai entre les griffes des
gens à parchemin , je fus rudement écorché. • Ibid,
** Hemmerlin nomme ces gens iugiUaiortê,
UVRE IV. CHAP. IV. 257
Ualeiit la vie par des terreurs inhumaines^ subjuguaient
l'esprit et aggravaient l'heure de la mort^'.
Les sources de la sagesse humaine étaient peu nom-
breuses et troubles y et dans cette vieille Suisse la
religion fournissait matière à bien des controverses.
Les savans connaissaient les écrits des philosophes
grecs et romaius ''^ ; mais les absurdes chroniques^ les
études abrutissantes de l'école et l'extrême différence
des mœurs les empêchaient de comprendre l'esprit de
l'antiquité. Les contes de l'Orient sur Salomon et sur
Alexandre ne sont pas plus extravagans que ce qu'on
croyait d'eux à cette époque ''^ Le divin chantre du
pieux Énée dut en grande partie sa gloire à l'opinion
que ^ chancelier impérial d'Auguste , il tenait sous ses
ordres tous les esprits serviables enfermés dans la fiole
** «Sidiaboluf non esset^xlerns non haberet unde viveret, et sic
• Pa(Mi cnm Cardinalibiis ^;eret. • I<L de Boni et maU oc«iimom. On a lu
de nos jonn dans le commentaire d'an discours théologiqne do vioe-
cbtncdier d'une nnSvenité sonabe : « Oui, Mesiiettn • le diable est le fon-
m dément de la religion; si quelqu'un ne croit pas au diable, qu'il 6(e
» l'habit noir. » Nomv, Mercwre allem, iSOO, U, cahier S2*
^* U va sans dire qu'on leur attribue beaucoup d'écrits supposés; dans
ce nomlHe, certains ouvrages géographiques que Hemmfrlin met sur le
eampiedAriêioiê, le livre, soi-disant du même philosophe, d$ Rêgimime
principum ad JUsandrmm, VUinirairt connu sous le nom d'Ântonin
fut attribué à Jules César.
'* Voy. dans Hemmerlin^ dé NobiLiîate, comment Alexandre i^éleva
dans les régions célestes sur de» griffons et sonda les profondeurs de la
mer dans des cloches de verre attachées à des chaînes. Nous parlerons
une antre fois des rêveries de Skapder Mamdi ( d'Herbelat en donne des
échantillons). 11 n'est pas sans intérêt de remonter à la source de ops
fdbles et de fûre voir comment les imaginations de l'Orient et de TOc-
cident les ont développées. Du reste , ce n'est pas seulement en Suisse
que la critique hîst<Nrîque manquait : les absurdités que Cédrénus et
d^antres ont accumulées sur les premier» siècles de l'Empire dépassent
toute idée.
▼I. 17
256 niSTOlRB DB LA ftuisâs.
endutntée de Salomon^ et qui entre autres^ sur un
signe, avaient percé la grotte du Pausilippe'''.
Jean Frûnd , greffier de Schwyz, ami dltal Rëding,
s'efforça de rattacher à l'histoire romaine les traditions
de Torigine septentrionale de sa nation''^ par des réve-
ties non moins fiéyreuses^* que celles de Rioordano
Malespina, historien de Florence''^, tandis que le patron
du Paradis''^, Élogi Kiburger, liait aux annales bour-
guignonnes les vieilles traditions concernant le tem-
ple uniquedes douze communes riveraines du lac Van-
dale^'', la toUr de Strœttlingèn'^^, Téclat romantique de
la cour d'or de Spiet '^^. Ces travaux avaient le mérite
de révéler les idées et l'état de la nation; la sageMC
étrangère et antique devait féconder ce fonds d'idées et
non l'anéantir ; ce qui n'a pas son principe dans la na-
ture d'un peuple ne saurait lui être utile. Honneur
'* On xx9féî qoe le châteta de FCBof ( cagiêUo dêtC U<mo) à Naplo
BohBÛtlit ptr la magie d'une boole placée an centre et dans laqndle
Virgile afait enfermé on e^t HmmmtUn, de NohiL, foL 8, 9 et
ailleurs.
n L.I,cbap. XVn.tIL
«* Elles sont rénimées par T9ehmdi, GaUia Comala, p. iil.
'* Là Catilina, le roi Floriiras, l'emperear OctavieD, les empanan
saxons Attila et Cbarlemagne sont Jetés péle-méle comme dans f ima-
gination d*an aliéné; yoy. M uraiori^Scriptt, VUI, 88i.
'• CéUit le nom de l'église de St-Michel , )i Einigen , non loin Ai
lac de Thonne. La chronique n'a pas été imprimée; Je l'ai lue.
'^ « Lacos Vandalîcns , » ao VII* siècle; le même nom en allemand le
trouve dans des écrits postérieurs.
'* Gâëbre dans les traditions ; voy. BonBUttên, dans le. Mûgt$. ûUm.
JTEgger, €799, p. ISi et suiv. On a découTert lit des allées àntHméa»
construites en pierres, et au loin des traces d'une grande époqna Gelis
parUe de l'Oberland fut peut-être Fasile de la nation expulsée.
^ Les vestiges des murs de la ville subsistent encore, ainsi que 1^
noms des mes et des maisons noMes, la liste des avoyers jnsqnl des
temps rapprodiés de nous.
LIVRE IV. CHàP. IV. !259
donc au zèle desT greffiers de Schwyz ^ et de Glaris^^^
du landammann schwyzois Wagner^^^ du greffier mu-
nicipal de RapperschwyP^y qui ont raconté la guerre
funeste.de Zurich; du tribun balois, qui a décrit la
mort glorieuse des Suisses sur les bords de la Birse^^^
et du greffier municipal de Lucerne^ qui a magnifique-
ment coordonné dans un livre d'argent les chartes de
sa ville *^ !
L'Encyclopédie alphabétique de Tévéque Salomon
de Constance ^^ et le fablier de Conrad de Mure, chan-
tre d'église de Zurich ^y donnaient des idées générales
suffisantes sur les sciences et l'histoire de l'antiquité
étrangère. Les sentences morales de Denys Caton y tant
estimées ^^, inspirèrent à Jacques de Soleure l'idée d'un
•• Du oadme Fr&nd. HatUr, BibL, t V, 5i, 58.
** Jacques fFanner, TêckwU II, 556.
«s Ulrich Wagner. Halltr, L c
•* Eberhaid fVùêU Têchudi , 1. c FTSu, HalUr, 54.
** Jean Spérer, surnommé BrCkggHnger. HalUr, 59.
" Egloff Etterlin, de Brougg , bachelier ès-arts libéraux « entt^rit ce
travail en I48S. Le livre fut relié en velours blanc et bleu, avec des
gaxnitares d'aigent U renonça à sa place de greffier en iàk^ ; en 1452
on l'ensevelit pompeusement an couvent des Chartreux. Cjf$at, dans
HalUr, \l,thi.
** «liber vocabulorum. • Eemwurlin, dans le livre Contra validos
mtmdie,
*' Hemmerlin cite souvent son Fabalariiu ainsi que son Clypeariut ,
poème sur les armoiries. Nous avons mentionné cet auteur en son temps ;
ridée la plus complète de son fablier nous est donnée par J. H, Hottin-
gtr, Sekola Tigur; HemmwUn, de NobiL, cite un long fragment du
Cfypearius. Le premier de ces livres a été publié à Bàle par Berchtold
Rodt, à l'origine de Timprimerie. Denys, Curiosités de la biblioth. de
Garelli , p. 225 et suiv.
^ Elles ne sont pas sans mérite. Hemmertin {de ExorcUmU) reconnaît
l'aotenr ponr « hominem cbristianiMÎmam ; ■ il a écrit une^giose à son
sujet {d€ Credalitate drnmmib, exhiba); il mentionne aussi {4e Nobilit,
260 HI8TOIKE DE LA 8URSE.
esMÎ semblable ^^. Si la sagesse populaire se ccmaerva
flans des proverbes ^, la jeune littérature se complut
dans des vers gnomiques, fruit de l'expérience de la
vie et de la réflexion des sages et des vieillards^^ Ce-
pendant un chanoine lausannois^ Martin Franc , chaola
la lutte de la fortune et de la vertu et les mérites des
dames ^^ mieux que tous les poètes français qui le
précédèrent et que bon nombre de ceux qui le sui-
virent^; ce nouvdl élan de la poésie coïncidait avec
l'époque d'une transition non moins remarquable de la
musique ^^ à une plus savante modulation ^. La Suisse
ne vit pas avec indiffirence les sciences germer et fleu-
un livre probablement différent da premier» «qasdam nova compâlatio
• magiBtri Gathonis, Sacri jureocnsnlti. •
** « Flores moralinm. » HenuMrlin les cite souvenu Le but de Jac-
ques était de résumer dans des yen courts des choses mémorables ( « Jaro
nova curta placent, gaudent breviute modemi*) ; d'occuper les âmes
en les faisant réfléchir ( « Otia dant vitia. -^ Otia si tollu , pertere ca-
pidinis arcus > ) ; enfin d'exhaler sa mauvaise humeur. ( « Dime Jurislaa ,
Deus, Salans dthariatas ! »).
^ B^mmêfUn en dte un grand nombre , dont plusieurs se sont con-
servés. Dans nom époque de transition à d'autres temps , cet écho de
l'anckn monde i^aMblh. Il «rait à déafarair que quelqu'un éerivll les
souvenirs qu'en peut encore recueillir auprès des vieillards des villea et
des campagnes.
ti Gomme les proveite et les énigmes de Satomon , d'Agur et de
Lémuel , et ceux des Pythagoriden$.et du philosophe de H^are.
*> Le Champion de$ dames et VEstrif de la fortune et delà verta. Paris,
1505. s= La première édition du Champion des dames, petit in-foL gotb»,
a été imprimée sans date; une seconde en i5iO, in-8*; par Galliot-
Dupré eii 1580. VEstrif de fortune et de vertu en 1519, in-4*. G. 11.
'* Noos devons cette indication et ce jugement à Znrlanbeo , de res-
pectable mémoire.
•« lies modèles avaient été jusqu'alors Jacques des Murs, Philippe de
Vitiy et d'anties compositeurs paristeos. Hmmuêrlin,dê NoM., f* il6 e.
** •Gontrapunctus, d«kissimbrractttriscribratU8.« Ihid,
LIVRB IV. CHAP. IV. 261
rir. Suivant un usage ancien^, de jour en jour plus
ooounun , des gentilshommes et des seigneurs ecolé^as*
tiques^, fréquentaient les universités de Bologne^» de
Paris , de Heidelberg^. Bien qu'alors aussi les voyages
servissent fréquemment de prétexte à Tamour d'une vie
désordonnée^^ et que d^à l'on accordât légèrement les
diplômes du doctorat ^^^ ; bien que des hommes sensés
prissent en pitié ^^^ la prétentieuse incapacité de jeu-
nes gens qui savaient un peu de tout^ et que le auccés
dans des examens superficiels ^^^ dépendit orilinaire-
ment de Taisent ou de la faveur ^^*, on n'en eut pas
moins raison d'encourager le plus possible la fréquenta*
tioadea universités ^^^. A une époque où le commerce de
•• L.U, cfaap. I, t. II.
*' Hemmerlin loi-même, comme il le raconte souvent
** n n'est pas hors de Traisemblance qu'il y eût des relations de pa«
rente entre le grand jarisconsnlte bolonais Bartolomeo Saliceti et la
noble famille fribooigeoise de ce nom.
** Le premier Zuricois fat inscrit en 1405. UatrienU dé VUniverêUé^
Baiiing, Sehota Tigur,
'** Les prétendus étndiaos séjournaient quelquefois ailleurs ou res-
taient eicessivement long-temps en route. StatÊi$ de la grmid$ Ègiùê,
a. i420, Hotting. H. E. N. T. VIIL
'*^ « Stolidi per stolidos in stndiis gcneralibus Doctores fiunt » ut si-
• milis generet sîbi similem , et qualis est pater» talb sit fitius. • Ami-
«er/ifij dans sa satire Docioratu$ in ttuUitia.
A*> « Stndiorum baccalarii de se mnltum prcsumunt «t in practica.
s nihil concludunt • umbram pro veritate proclamantes. • HumMtlU^
de NobiL
*** «Bene legit, competenter exponit et sententiat, computnm ignor
« rat, maie cantat, in aliis competenter respondet. Fiat adanssioln
Bxmiun dé Léonard Broun, pasteur l Horgen , dont il a été question-. ,
L V, Si2. Hotting. Sekola Tig.
<** Hemmerlin, n. 101.
"» Siatati, n, 100.
262 HISTOIRE DE LA SUISSE.
la librairie était peu de chose^ les bibliothèques^ rares ,
misérables, difficiles à consulter ^^, et formées sans
plan y au gré du hasard ^^, alors que dans le vaste
diocèse de l'évéque de Constance aucun particulier ne
possédait plus de cinq cents volumes ^^, rien ne pouvait
tenir lieu des universités dont le but et l'utilité consis-
taient à donner une idée encyclopédique de chaque
science et des ouvrages qui la concernaient *•
Bien des gens en Suisse se distinguaient de FÉglise
par leurs croyances religieuses : d'un côté la popula-
tion pastorale, fidèle à l'ancienne simplicité qui lui
suffisait pour son usage domestique, rejetait tout ce
que la dévotion ou l'intérêt y avaient artificieusement
ajouté ^^^; de l'autre, la doctrine des frères de l'esprit
*** Qui ne «ah qoe tes ouvrages les plus précieux étaient enchaînés,
afin qiiV>n ne les enlevât pas ?
'^' Les livres réonis par Jean de Raguse, auquel le pape Félix donna
le chapeau de cardinal, formèrent, dans le couvent des Frères Prê-
cheurs deBàle, le premier fonds de la bibliothèque de ITJniversité.
Sinner, voy, da9$ la Suiâse aecideniaU, t. L II avait rassemblé la pins
grande partie de ses manuscrits à Constantlnople. Voy. Seripit, ord.
Prœdicaiar, 1 1 , p. 797. Dans leur nombre se trouvait le célèbre livre
des évangiles grecs du VU® ou IX® siècle , de tous ceux que Wetstèin
connut le cinquièmj^ en importance , et ce N. T.» qui n'est pas de beaa-
coup phis récent , que Rencblin emprunta et garda trente ans , et dont
Érasme se servit pour son édition. MiehaeU$s Introd, na iV. T.'^ y'oj»
aussi J.-J. Griesbach, DiuerU de codieibu$ Evangelhr, OrigenioMU
Halas, 1777; Cttr» m hiitoriam iêxltu epUioiar, Pamlinar. Grœei; Jenc>
1777. C. M.
'*' C^t le nombre des volumes que possédait Hemmerlin (m Pauio'
naU), Hotting, Schola.
^ Huiler, comme tous les savans allemands, se sert de Texpression
commode et qui nous manque de la littérature et une edence, pour dési«
gner Tcnsemble des ouvrages qui s'y rapportent C. M^
"• Voy. t, IV, p, 502 , n, 806,
UVRE IV. CRAP. IV 263
■
iodépendanl^^^ pénétrait par plus d*UQ chemin de-
rOrient dans les Alpes.
De toute antiquité l'instinct du bonheur a conduit les.
h<Mnme8 à méditer sur Torigine du mal et sur les
moyens d'y remédier; on a fait bien des tentatives pour
adapter ces explications au système chrétien ; sa mo-
dération et sa simplicité permettent des interpréta«f-
tions diverses. Mais la position et les passions des chefs
ont limité cette liberté; ils ont établi des formulaires ,
comme partie intégrante d'une religion qui ne pouvait,
que dans sa parfaite pureté ^ devenir la base invariable
du bonheur. Lorsque, par des artifices ^^^ souvent
ignobles^ ces adjonctions eurent passé dans la langue
des cours et dans la loi de FÉtat , les sociétés qui ne
voulaient point sacrifier leur opinion durent se cacher
ou se défendre par la force. Four l'un et l'autre but les
montagnes offraient le plus sûr asile : ainsi en Syrie ^^%
ainsi en Arménie, où se réunissent le Caucase et le
Taurus. Les Manichéens défendirent longtemps et
puissamment à Téphriké^^^ et dans les alentours leur
siège en apparence inexpugnable; leur croyance ré*
goa au loin dans les villages et les cavernes des hautes
montagnes, jusqu'à ce que le premier Basile, l'un des
^* Cesl le nom que preDsient les Begbardi. Matkàm, Inêîk. H. Bi
484 , n. i.
"' NooB infitons eeax qui trouvent cette etpceaslon trop dnre à lire
h Inmtease hisKnre da concile d'Éphèae dans VHkimrû 4$$ hirétiut, de
WaUkg qi^on n'accosen pas d*bétérodoxie.
*^* Les dogmes des Drnses se rattachent avx idées de trèsranciennes
secles ; lenr Hakem n'est pas le calife.
'** Ai^oonflmi Divrigni. La plapart des noiss claasiqoes, dont la
I^tonondation est un peu changée» ne sont rendus méconnaissabiei que
pu les altérations de l'orthograplie.
364 HI8T0IRK 9B LA 8UI6SB.
plus excellens empereurs ^^^^ vainquit^ par une infatiga*
ble habileté et par la prépondérance de ses forces, les
Manichéens alors que Tempire des Arabes ne pouvait
plus les soutenir ^^^. Il les transplanta dans la mon-
tagneuse Thrace, où ils étaient sous ses yeux. Tant (pie
cette frontière Ait inquiétée par les Bulgares > par les
Russes et par diverses tribus de Turcs , comme aussi
sous l'administration vigoureuse du second Basile , ib
vécurent inaperçus^ la plupart dans THémus^^^^ jusqu'à
ce qu'Alexis^ le premier Comnéne^ les amena par la per-
suasion et par la force à renoncer à leur schisme. Cette
entreprise tyrannique n'était pas inattendue; leurs
principaux chefs avaient depuis longtemps cherché leur
sûreté dans la Bulgarie ^^''; de là ils répandirent leur
docttiae dans toute la Hongrie et en Bohême, de même
que par la Dalmatie en Italie ^^^^ et par la Rhétie^'^ en
Suisse. Ils trouvèrent les esprits préparés. Comme il
arrive communément quand la force prend la place de
*** S67-S86. Sa maison occupa le trône jasqa'en 1056.
**> Autrefois ils s'appnyaicnt sur l'empire des Arabes ; mais depuis
Al HttDovn , et sartont depuis Tassassinat de Motawakkel , la puissance
du pripce des croyans marcha vers son dédio.
'*' Particulièrement autour de Philippopolis. Lorsque la domination
barbare aura été ruinée dans tonte la Turquie , on découvrira les traces
de beauooqp de choses anciennes et aussi do sectes; bien des ténèbres se
dittiperont.
«^' Matihiêm ParU, à l'an ltS8 ; la Botnie, pays limitrophe de la Bal-
gsrie, de la Dalmatie et de la Croatie, devint le siège de leur cbef^-
rituel. Fànlin, HUt. tceL du moyen-âge, I; Enget, Hitt, de Hmgrie,
ni, 316 et 8oiv« ; comparez notre t. IV, 501.
^** FùMsUn, i, II , d'après les sources recueillies par Muralori.
*^* Où se trouvait an siège prindpal. Moektim, l. c. Il eftt été à dési-
rer q«e l'éditeur de son livre de Begkardù (Letpag, 1790) eftt fait im-
primer en entier les 89 sententiœ Begkardorttm,
LIVRB IV. CUAF. IV. 265
la persuaMon^ les opinions gnostiquet et ariennes ^^^
avaient été condamnées, mais non oubliées; publique-
ment on gardait le silence , entre amis le mécontente-
ment éclatait. Quand on réfléchit que l'emploi de tous
les moyens n*a jamais empêché la propagation d^une
vérité^ et n'en a retardé la manifestation que peu
de tempe, on reconnaît le danger et la folie de toute
lutte contre des opinions tt Tillusion des chefs sur les
sentimens de la multitude forcée à rhypocrîsie« Sou-
straite ainsi à Toeil de l'autorité, cette multitude était
livrée à ces inspirations désordonnées et hostiles , source
de révolutions inévitables , mais inattendues pour ceux
qui ne connaissaient point leur peuple, éloigné d eux
par la terreur **^'
Les Suisses, portés à la piété et aux spéculations
religieuses par une sublime nature et une vie solitaire,
souvent en hitte avec des papes '^^ et des couvens'^,
eurent de tout temps de la propension pour les doc-
trines secrètes et pour les sociétés mystérieuses ''^,
Comment pénétrer ce qui était inomnu à cette époque
même ? Qui dira les dogmes qu'annonçaient les mis-
*^ IréUt noua apprend que les Gnoetiqoes eweat, an aecond aAde,
beavcoop de partisans en Gaule ; on en trouve la pteoTe dans les rapides
progrès des PriseiUiens à la fin do quatrième sîède, Lears doelears se
firent nn parti nombrenx en Gotbie, des deux côtés des Pyrénées, où
les opinions ariennes avaient régné le plos long^temps.
*^ Les preuves dé beaucoup de faits allégués dans eette partie se
trouvent dans les sources byzantines , et elles seront produites aiHears.
>» La plupart étaient Gîbellîns, L I, cbap. XV et XVI, 1. 1 et IL
*^ P. e. avec Einsidlen , 1. 1 , cb. XV, t L
«>« Sur la société du cordonnier Bercbtbold à RQti , voy. 1. 1, cb. XIV,
fers la fin. Hortmann. en fnl mention dans ses AnnaL Ertmi ad a. lSi6.
266 HISTOIBB DB LÀ SUISSE.
sionnaires de la Hongrie '^^ et de la Rhétie , les apôtres
qui venaient presque annuellement de Bohème en
Suisse '^^ ; les germes semés dans quelques vallées des
Alpes ^^, pendant leur fuite/ par les maies disciples de
Tinfortuné Dolcino ^^y ou dans le pays romain par le
zèle captivant du jeune Hanrich ^^^; Teffet produit par
la sublime obscurité du . livre de la Théologie aÛe*
mande ^^, dans leurs innombrables sociétés secrètes ''* ?
On adorait généralement la trinité de Dieu dans
Tunité de volonté, le Fils comme la première idée du
seul Dieu étemel , TEsprit comme l'effet commun ^^';
*^ Lt doctrine secrèle fat aussi propagée dans les protinoes anlri*
chiennes entre ce pays et la Rhétie. L. n, ch. V, t m.
'^ HemmerUn, de LoiiharéU : surtoat dans les villes et les campagnes
de Solenie et de Berne. Il faut y ijoater Friboniief , d'après l'Hist eccL
de Long, à Tannée i4S0.
'^^ Ck du val de la Séêia, iSOS t «Plnsiears «propter fisctioniim et
• bellonim calamitates in his Alpibus pacem qassiveront » Saxima in
aHÙÊuUherêùmib. ad kigt. DuleinL GeiiXrci étaient, k la vérité, de TÉglise
dominante ; mais ceux d'une adtre opinion avaient an motif de plus.
*^ Son Hiêtoire dans Muratcri, Scriptt, IX , ht%.
*^ Fuêêlin rapporte les feits qni le concernent dans le t H de VHki.
eeeL dm moyen^âgû,
*** Le wiime, dans .le t m. ses Le livre rare et ancien de la ThélogU
allemande, attiîbaé plos loin à on ami de Tanler, mais plos constam-
ment à Ta«/<r lai-méme, dominicain allemand, qoi brilla dans la
chaire vers le milieu dn XIV® siècle etméritapar ses écrits les éloges de
Luther, a été récemment publié avec une introduction pleine de vie et
de sagesse par le docteur TroxUr^ professeur de philosophie à l'Univer-
sité de Berne (SL Gail, iSS7, i voL in-8). L'éditeur appelle cet écrit
« le saint livre d'un chrétien pur et véritable , catholique et protestant
dans une même personne , type et interprète de l'invisible Église de
Dieu, une et libre, universelle et étemelle. Ce sont, qonte-t-il, des
fruits d'or dans un vase d'argent. «CM.
**^ HemmerUn, 1. c, s'en plaint.
*'^ S. Bernard attribue cette opinion à Arnold de Brcacia; FMuUn h
LIVRB IV. GHAP. IV. 267
on cherdiait la religion , supérieure à ce monde des
sens et à toutes les opinions factices des hommes y dans
Tétemel travail de Viime tendant à se rapprocher de
ce type de perfection qu'elle ne peut jamais atteindre ;
on parlait avec dédain « du haptème des enfans sans
» intelligence ^^, des mystères du pain et du vin ^'^^
n des vertus particulières d'un bois maudit ''^^ de la
» sainteté des temples de pierre et de tout ce qui est
» poudre ^^, de la tourbe du clergé ^'''y de ses préten-
» tions, de ses mille ordonnances. A quoi bon lesin-
» dulgences '^' ? A quoi bon les cierges perpétuels^ les
n messes pour les morts , les pèlerinages , les vigiles,
» les fêtes des saints '''? L'homme est ce qu'il est; le
» Dieu qui sonde les cœurs prendrai tr-il le mérite étran-
a ger pour le vôtre ^^^ ? ou quelqu'un Tengagerait-il à
Jêm de Winterthar ( Fitod^ramu ) TaUriboe an hérétiques de Con-
stance. 1559.
*** Selon Cabbé de Clugny, Pierre de Bniejs, maître dUanrich. Firtf •
Un. Cette opposition an baptême des enfans éclata derechef en Snisse an
siècle de la réformation.
'** Pierre de Brujrê. Les partisans de ces opinions , 8*il en faut croire
leurs ennemis , ^exprimèrent au concile de Gonslanoe CD tenues si in-
coDTenans que nous ne les répétons pas.
*** La croix que le Christ arrosa de son sang. Pierre-le-FénérabU, abbé
de Clttgny, rapporte que Bruys et Hanrich brûlèrent à SL-Gilles , un
▼endredi saint, des crucifix, et firent rôtir de la viande à ce feu.
*** Bruyê. On dit que Hanrich condamnait aussi le ch^nt d'alise
dans sa forme d'alors et dans un langage étranger; cette aversion se
propagea en Suisse. Hemmerlin, de Navit Offieiis.
**' Tous les partis le traitaient hostilement
*** Ils attribuaient le pouvoir de Fabsolution à leurs propres doc-
teurs , aux parfaits. Reiner de Saclie, dans FSeeUn. Les Flagellans s'ab-
solvaient les uns les autres. BUerlin.
*** Rapport sur dee hérétiqueê dans le dàirld d^Eieheteit, dans liœker
Àniiquliét de Heilbronn, cité par Futslin, et^aucoup d'autres.
*^ Ils voyaient en Christ un modèle , non un rédempteur.
268 HISTOIRE D£ LÀ Sin$8E.
» Touloirce qu'il ne veut pas? Le corps de tente ^^^
» est pur, impérissable , indestructible comme la lu«
» miére; notre corps, en rapport avec le mon<la ma-
» târid, nous sert de vêtement jusqu'à ce qu'il soit
» usé : l'homme par&it^^' lui commande ^^'; ne lui
» sois pas asservi, mais si toi qui. aspires encore à la
» perfection, tu anéantis ses désirs ^^^ en les satisfais*
H sant ^^^, ne crois pas que la justice suprême du Père
» du monde rende l'àme éternellement malheureuse
» pouf: les affections du corps qui lui a servi d'en-
» velpfq^ie ^^^. Silh £oi et la dj^rité rempUsseat ton
*** FùMêlin l , d'après le» toaroei.
*** Leurs exigeDces pour l'àme étaient les plos rigonreases.
**' Ils paraissent n'aYoir attaché aucune importance aux choses sen-
ribles, et ils se raillaient du mérite qu'on attachait à l'abstinence des
viandes ou au^célibat. H en fut ahisi dans^le pays de Zurich en iSiS.
'^* Dans la doctrine de Dolcino : • coi^ungere ventrem , ut cesset
• tentatio , non estpeccatum. •
*** Ils prescrivaient aux parfaits une continence absolue ; ils permet-
taient aux imparfaits la cohabitation pour la propagation de l'espèce.
Comme les sociétés mystiques et secrètes de toqs les temps , leurs enne-
mis les accusèrent de beaucoup de désordres. S. Bernard accosa de
même Hanrich. En 1216 les Zuricois furent exposés à des inculpations
semblables , comme s'étant perinb « omnis veneris usum, > Hewtmerlin
[de Lollk, ) reproche à beaucoup d'entre eux l'amour.'grec, et FmuUn
rappelle les hérétiques qui commettaient entre eux • delictum spin«
> dorsl. > La nature et l'histoire attestent que l'imagination exaltée porte
à des penchans voluptueux; il parait certain que ces penchans furent
permis , mais non autorisés.
'** Ils ne croyaient pas plus qu*Origène et les Gnostiques à la résv-
recUon de la chair dans l'acception vulgaire. De tout temps les tentatives
de conciliation entre nos désirs , nos intérêts et les systèmes qu'ils sem-
blent détruire, ont été aussi diverses que les idées sur la nature de l'àme.
Ainsi l'on a montré que dans la supposition de l'anéantissement total de
notre organisation et dans l'impossibilité de prouver l'existence d'un
germe indestructible , le devoir de tout sacriûer pour les générations à
LITRE IV. CHAP. IV. 269
» cœur "', Dieu est en toi , lui qui a parlé par Christ
» et par les sages de Rome et d^Athènes "«. Il y a un
» seul Etre; Dieu est cet être unique"®; ses manifesta-
» tions sont infinies ; mais Dieu n'est pas moins dans le
» moucheron*^, qu'en toi, homme orgueilleux. La di-
Tcnir ne senit pas moms sacré. Ce corps, qne la décomposition fait
passer dans le régne végéUl , <iae l'usage des plantes animalm de non-
veau , qui aert enfin ^ reformer des figures humaines, revivra dans un
monde libre ou esclave, barbare ou civilisé, selon l'avenir que nous
aurons préparé. L'heureux tyran , le suicide n'échappera point par la
mort à la cause première qm règle et eoonlonnerunivers; elle lerq^pel-
lera de nouveau sur la scène du monde dans la situation des oboacs à la-
quelle il aura contribué. Peut-être ne se 80uviendra-t-il pas plus de son
existence antérieure qu'on ne se souvient de sa première enfance; mais le
dépliôsir que lui cause k torttipliott du monde doit l'engager à travailler
k Famâioration humaine. Aseon sacrifice fait dans ce bot n'est perde.
Lgumg dit avec raison : • Pourquoi chaque bcMnme ne pourrait-il easter
> dans ce monde qu'une fob? L'opinion contraire est-elle si ridicule
> parce qu'elle est la plus ancienne?» Mortel ne cherche pas le oom-
ment; notre partage, c'est une lumière incertaine;
Qoale per incertam lunam , sub lace maligna ,
Est iter in syivis, obi cœlum condldit umbra
Jvpiter et rebva nos «btfalit aân coIomm ;
plus de clarté troublerait les Jouissances de la vie ou la rendrait insup-
portable ; peut-être nous sera-t-il accordé un Jour d'embrasser l'ensemble
de la carrière; en attendant , 6 homme composé de terre et d'un esprit
divin, riche en Jouissttioes et eA éonleuts, IMe , mais étemel, dépose
cet soins inutiles dans le sein de l'infinie fifisériceirde par qui tu es.
(There they alike in trembling bope repoM)
Tbe boaom of Ihy Father and tby God.
M p„ la charité , le péché cesse d'être péché. Amalrieh ( dont la
doctrine approcha de nos frontières ) , dans Dupin , Bibl. eecU$. X ; Pau-
lin, H.E.UL
^** Dieu a aussi parlé par la bouche d'Ovide. Id. Combien plus par
celle de Virgile !
*^* Le mime,
M Dans le pou, disrient les Beghards thnrgoviens {Jean de fFinter-
thmr, 13 S9). Ce propos fut aussi mal interprété que des expressions sem-
Uables de Vanini.
272 HI8T01RB DE LA SUISSE.
de sa grandeur , il commande puissamment aux sens
et leur impose silence *^ .
Par son livre de la Théolpgie allemande ou de
l'exacte intelligence de ce que sont Adam et le Christ ^^^
le digne ami ^^^ du prédicateur illuminé ^''^ Jean Tauler
compta préseryer b doctrine secrète ^'^^ de tout abus ^^^.
H Dieu est le principe des êtres et de leur mouTement;
» tout ce qui estj le diable lui-même , en tant qu'il
i> existe^ est bon, est une émanation de la Divinité ; sans
» activité. Dieu ne serait pas Dieu '''^; l'homme vérîia-
» blement libre ^ bon, noble, est celui qui n'a pas d'aU'-
» tre volonté que celle de Dieu '"^^ ; en revanche l'atta-
» chement au moi ou l'égoisme est une lumière
» naturelle d'une clarté trompeuse, c'est le diable
» même ^'^^ ; dans l'égoiste obstination de la volonté ^t
*'^ Josephe mpt Maxxaê, surtout vers la fin.
•M Titre de ce U?re composé ven i57S et souvent imfMiaié k l*époqi»e
delà réformatîoii» entre autres à Strasbouig en 1590.
**' Le custode de la maison de Tordre teutonique à Francfort ( où
Tauler avait été dans le couvent des Dominicains). Ce laïque fort éclairé,
et dont Tauler disait avoir appris beaucoup (Dwf. kUu tCIuUn) fut
probablement r auteur de cet écrit. obVojt. ci-dessus n. iao. G. H.
*^* C'était son surnom , Illuminatuê.
*'* Non pas tenue secrète, puisque , au contraire , le livre fut écrit en
allemand, mais secrète, intime, s^adresaant aux cœurs religieui et non
à tout le monde.
"^ Qudqnes^uns n'admettaient rien comme péché, pas même le
meurtre.
^^* Cette proposition scandalisait ceux qui , avant et à côté de la cos-
mogonie et de la chronologie mosaïques, si mal comprises, n'osaient
pas admettre d'antres mondes.
*'* On verra dans le cinquième livre (t Vin) que Nicolas de Flue
vivait entièrement dans cet esprit, qui se propagea rapidement tu sein
des Alpes, où ce point particulier est un arUcIe fondamental des
croyances du peuple.
*^* Le péché originel et journalier consistait, selon cette doctrine , i
LIVRE IV. CBAP. IV. 273
n tout le pëchë et Teafer; la patience^ le calme ré-
n signé de Tàme humanise la Divinité et divinise
» l'homme , comme Jésus-Christ homme a été divi-
» nisé ^'^^j » telle était la somme de cette doctrine. Bien
comprises 9 ces idées pouvaient fonder les plus grandes
vertus , l'abnégation de soi-même^ l'abstinence^ la fer-
meté, l'héroïsme^ l'esprit public et un bonheur inté*
rieur inébranlable. Mais comme un vase impur cor-
, rompt la plus noble liqueur et la change en poison,
ainsi Thomme ^i qui tout sentiment était mort ^ pou-
vait chercher dans cette doctrine une excuse pour
négliger son ame^ et l'homme immoral une justification
pour toutes ses passions. Quand on considère l'abus
non^seulement des enseignemens mystiques, mais des
endeignemeûs de la Bible et de ceux qui lui sont oppo-
sés, on doit en conclure que YetSei des écrits connne
des actions dépend moins de Tintentioii présumable de
lem^ auteurs , que de k destinée ou de la volonté de
Dieu, qui , par là, veut aujourd'hui ou demain affer-
nur un ordre de choses ou le remplacer par un autre.
Tout comme les ancien» sages avaient attendu la
ruine finale ^'^'^ ou une compfète rénovation du gio-
opposer à la volonté de Dieu son propre' jogement et son prétendu
intérêt.
«7t Oq le représentait comme nn homme divinisé , et son humanité
comme la maison de Dieu. Les mystiques et Servet s^ accordaient, comme
PUêsiin le fait observer.
*?7 OvUU, Métamarph, 1,7.
£mc «fuoqiie in fatiB raminiMitiar, affore temput,
Qao mare , quo tellus oorreptaque regia ccbU
Ardeat , et mandi moles operota laboret }
bien entendu lorsque irupoç '^iu.o^^roL ôr<aaupâv oxocovi x^M^tttizhç aïOiip.
SoplweU
Voy. tes nombreux passages recueillis par Gale, Court of the gentiles,
VI. i8
274 HISTOIRE DE LA SUISSE.
be ''^^y de même alors un grand nombre d'esprits pré-
voyaient dans plus d'un sens une assez prochaine ré-
formation de Torganisation ecclésiastique et politique^
qui leur paraissait vieillie ; à cet égard les diverses
opinions s'appuyaient sur les interprétations diverses de
cet ancien livre chrétien qui porte le nom de révélation
( Apocalypse)^ bien qu'il n'y ait pas de livre dont le sens
nous soit moins révélé. Très-avancé en âge ^'^^ comme
son contemporain Juvénal, mais encore plein de vi-
gueur, le disciple dont Jésus aimait l'enthousiasme et
Tesprit élevé , parait ^^^ avoir chanté dans le cercle des
frères ^^' la formidable ruine de la liberté^ de la con-
stitution et de la ville sainte de son peuple ^^^, et, suivant
la méthode de son maître ^^^, avoir jeté ensemble ses
regai[ds sur l'accomplissement des temps '^^ et sur le
développement du drame du monde. Dans tous les âges
la marche des destinées éternelles a paru lente ^^^. aux
h(»nmes d'un jour, et chacun a trouvé son époque assez
B. ni, p. 74 et suiv. Groyait-on qac les orbites s'altéreraient , qae le
temps changerait les lois de la pesanteur, ou qa'après une longue lutte
un élément dissolvant prendrait le dessus?
^7* II Pierre m, iS, d'après Esaîe LXVI, 22.
*^* Lorsque dans les églises voisines l'écrit primitif commença de se
perdre. A cette circonstance se joint la tradition sor l'époque de son
séjour à Pathnios.
*'* L'Apocalypse fut ensuite attribuée à un autre , parce que l'on se
scandalisait de son sens, que Ton comprenait mal.
<s> Des sept évéques voisins.
*^* Il n'a pas mentionné dans son Évangile le discours de Jésus sur le
même sujet , parce qu'il se proposait d^à de développer ce sujet dans
des tableaux.
"» Matth. XXIV, Marc. XII, Luc. XXI.
«s* Avoue tçaXatttoiff.
*" Esale V, 49 ; Paal dans ses Épttres aui Corinthiens et aux Thessa-
loniciens.
LIVRE IV. CHAP. IV. 275
grande pour mériter de précéder immédiatement la
dernière ^^®. Aussi des dix-huit siècles les plus récens
ne s'en est-il écoulé aucun pour lequel on n'ait prédit
la fin du monde. Afin d'embrasser l'ensemble des évé-
nemenSy des historiens ont continué leurs annales dans
le plus grand détail jusqu'au dernier jour^^''. Mais la
pieuse simplicité ne savait que dire lorsqu'elle compa-
rait les oracles hébreux '^^ et les triomphantes prédic-
tions du royaume de Christ ^^^ avec l'incorrigible
dépravation des siècles et des hommes'^. t< Le Tout-
» Puissant se proposerait-il un but en vain ? les oracles
» de Tétemelle vérité ne s'accompliraient-ils pas ^^' ? »
*** Beaucoup de gens oublient aujourd'hui les temps bien plus cruels,
bien plus désastreux où les armes également barbares des Arabes et des
peuples du Nord ruinèrent non-seulement les constitutions politiques .
mais les villes et tonte la civilisation d'un monde florissant , depuis le
mur de la Calédonie jusqu'au Gange « auditumqne Médis (plus d'une
fois) Uesperi» sonitnm ruine. >
^*^ Sans parler d'Otton de Frîsingue et de beaucoup de chroniqueurs
du moyen-ftge , n'a*t-on pas enseigné de nos jours en Portugal la partie
prophétique comme un des élémens de l'histoire universelle? Bareiii ,
yoyagt9* Dans la Suisse protestante, Abraham Kybomrg, mort en 1765,
a professé l'histoire ecclésiastique , divisée en périodes apocalyptiques ,
jmqa'à la fin du mande.
*** Miekailiê même en attend l'accomplissement de l'avenir.
*** Luc il , i& , et partout où l'Évangile fut annoncé.
*** Comparez l'orageuse et formidable barbarie du moyen-ftge avec le
siècle de Trajan et des Antonins. Si le Nord s'est civilisé , comment le
Midi et l'Orient peuvent-ils soutenir la comparaison avec l'antiquité?
Juvénal a-t-il stigmatisé un vice qui ne règne pas chei nous? N'avons-
nous pas vu des tables de proscription? Que n'avons-nous pas vu com-
mettre au nom de la religion et de la philosophie? Mais le royaume de
Dieu ne se montre pas dans les affaires de ce monde.
*** Que Moïse et S. Pierre vous apprehnent la chronologie ! Ps. XC,à;
II Pierre m, 8. Lessing dit : « L'cxallé jette souvent un coup-d'œil très
M juste sur l'avenir, mais il n'a pas la patience de l'aUrndro ; il veut
276 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Maître Hemmerlin ^ il est vrai y croyait le dénoûment
prochain, parce que l'an quatorze cent quarante-quatre
était né l'Antéchrist **^} Christ allait le vaincre, puis
commencerait le régne des élus. Une autre opinion
encore prît faveur : comme le Père n'avait pu achever
par les prophètes Tœuvre du perfectionnement hu-
main, ni le Fils par les apôtres, dans un troisième âge
du monde, l'Esprit émané du Père et du Fils devait
fonder sur l'Évangile éternel le règne de la perfection
et de la félicité ^^^. Animé de cet esprit, Nicolas de Bul-
desdorf *•* apparut en Allemagne, en France, en Es-
pagne et devant le concile de Baie ^^^ pour annoncer
par sa parole et ses écrits l'approche du temps nou-
veau ^^, la fin de l'ancien Évangile et de Rome adultère ,
• YOir même dans l'instant de son existence le fraît que la natare met
• des milliers d'années à développer. •
*** Dans le DiaL <U NobiL et dans beaucoup d'autres endroits; il se
réfère à la chronologie prophétique d'an certain Cyrille et du célèibre
abbé Joachim. On voyait probablement quelque chose de mystériecx
dans les trois quatre, comme nos contemporains ont vu dans les chiflres
du nom LVDoVIGVs l'époque de la béte. Voj. xt. 196.
'*< Tel fut , au commencement du XIU* siècle , ou , selon Fleniy, un
peu plus tard, FËvangile étemel rédigé par le général des Francisciilis
Jean de Panne. Moêkêim, 496* Lening dit : « Peat-éire araient-ils sain
• un rayon de lumière , et ne se trompaient-ib qu'en croyant si pro-
> chain le commencement du nouvel Évangile étemel. >
**^ Fus$Un , n , conjecture avec raison que c'était un homme consi-
déré du diocèse de Ralisbonne.
<*s De là vient que Wurstisen raconte son histoire» p. âSO-433. H
fixe l'époque de sa mort au 8 juillet 1446.
**' D'après la chronologie de l'Église grecque , il s'écoula jusqu'à la
naissance de Jésus-Christ 5508 ans , par conséquent jusqu'à l'empereur
Frédéric UI, 6948 ans; on annonça la fin du monde pour l'an 7000,
c'est-à-dire l'an 1492 de notre ère, année dans laquelle on découvrit le
nouveau monde ; c'est là sans doute la base du calcul de Hemmerlin ,
RegUtr, querel. dans Hotting, H. E., t. IV.
LIVRE IV. CHAP. IV. 27T
le salut dlsraél , ravéuement de l'étemel et aagéUque
berger '^^ descendu du ciel et plein de grâce ^ fils de
Dieu 9 juge tout-puissant de la terre, de la mort et de
Tenfer ; ni la tristesse d'une prison qui dura pendant
des années, ni les flammes dans lesquelles il expira, ne
purent ébranler sa foi. De tout temps parmi les chré-
tiens une piété maladive a prétendu connaître l'avenir
mieux que le Christ ne le connaissait ^^^. Le Fils de
Dieu ni la sagesse humaine ^^^ ne parvenaient à détour-
ner les regards des hommes de ces fantômes de l'ima-
gination pour les ramener aux paisibles jouissances de
la vie 200 età la sérénité ^ot.
L'homme du peuple avait une religion pour son
usage domestique.
Une idée non sans grandeur attribuait à l'esprit di-
vin de l'homme l'empire sur toutes les créatures; perdu
par suite du péché , on pouvait le recouvrer par le re-
tour vers Dieu. De cette idée naquit la croyance que
par la vertu de Dieu et par des paroles d'un sens mys-
tique 202 {\ était possible de conjurer ^o^ les reptiles
tt7 fVuntiêên arnire qu'il croyait lui-mâme êlre ce berger.
"* JésDSrChnst Ini-mâme dit . Marc XIU , 82 : • Quant à ce Jour oo
• à cette beare-là , nul ne le sait, ni les anges qui sont dans le del, ni
• U FiUj mais le Père seul. •
«** Prndens futuri temporis exitnm
Galiginosa nocte premit Deus.
>*^ Le Christ permit à ses disciples de Jouir des biens de la vie.
Lue, V, 88. « Carpere diem. > Hor,
^* « Réjouissez-Tous sans cesse en notre Seigneur, • (en souTenir de
voire délivrance d'une crainte servile) ; «Je le dis encore une fois , ré-
9 Jonisses-votts. > Philip. IV, &.
** PormaU it exorcisme pour Us serpens : «Je vous adjure, vers, au
• nom du Dieu Tout-puissant, que cette maison vous soit aussi insup-
• portable qu'est insupportable à Dieu l'homme qui sciemment pro-
» nonce un faux jugement > Bemmerlin, de Exorci$mis, S® traité,
'*' Conjuration, pour une vache malade : ■ Gomme il est vrai que la
278 HISTOIRE DE LA SUISSE.
venimeux ^ les maladies du bétail^ les plaies et les ora-
ges. Le saint corps dû Maître de la nature serait-il
impuissant ^^^? Refuserait-on aux puissances de TÊglise^
qui ferment et ouvrent le ciel et changent le pain en
Dieu y le pouvoir sur les animaux malfaisans ? Loin de
là y puisque Guillaume de Chalant^ évéque de Lausanne^
vénérable par sa sainteté^ exorcisa les anguilles qui de
temps en temps venaient dans le lac Léman ^^^ et que
son successeur George de Saluées ^ plein de sollicitude
pour les grandes truites , lança contre leurs ennemies
les sangsues une sentence d'excommunication , dont il
frappa tout ensemble les vers de terre , les sauterelles
et les taupes ^^. Par complaisance pour Tavoyer et le
conseil de Berne , il fit communiquer ce même pouvoir
à leur curé par Tofficial de sa cour ecclésiastique^®'.
Dans l'exercice de ce pouvoir on exigeait un saint res-
pect pour l'humanité et pour les formes juridiques du
pays. Après les prières et la procession^ une autorité
• vierge Marie a mis an monde l'enfant Jésus, qu'ainsi le mauvais sang
• s'éloigne de cet animal; au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
• Amen. • Ib, 1^' traité. Conjuration pour les plaid : « Dans le monde
» Christ est venu ; par le monde Christ est perdu ; Christ est la voie sûre,
• il bénit cette blessure. Au nom, etc. • 2e traité. Parlant des sorcières
qui provoquent les tempêtes, il dit (de ï^obil. ) : «Elles font cuire des
• herbages vénéneux et les laissent évaporer en plein air. •
^** Hemmerlin lone l'usage d'apporter le saint sacrement sur le seuil
de Téglise et de bénir la température. De Benedictionibus aurœ.
^^^ Hemmerlin fait lui-même l'observation qu'il n'y en a point dans
les affluens du lac de Genève ( de Exorc, ) ; toutefois Beboulet et la Brune
( Voyage , La Haye,, 1686, 1 1 ) en ont vu , et Bumet parle d'une espèce
très-nuisible , de nouveau observée depuis 1679 , et qui paraissait y être
venue par des communications souterraines avec le lac de Ncuch&tel ou
avec d'autres eaux. ( Sinner, Voyage II. )
2<>< Extrait des deux traités de Hemmerlin.
^' Miisive de Voffieial au curé, 3& mars l/i51, dans Hemmerlin,
LIVRB IV. CHAP. IV. 279
judiciaire ^^ ou la commune donnait au peuple un
fondé de pouvoirs; la citation se faisait au bord des
eaux^ dans les champs et les vignes ; on apportait quel-
ques animaux devant les assises ^^^; leur défenseur ^'^
était entendu^ et après des termes exactement obser-
vés'^^^ au milieu de solennelles prières ^^% on bannis-
sait la créature de Dieu^^^ dans de sauvages montagnes,
et en eas d'opiniâtre résistance on la dévouait avec ma-
lédiction à tous les chatimens qui pourraient Tattein-
dre^^^. L'exorcisme manquait-il son effet ? la faute en
était aux péchés du peuple. Cette croyance générale ^^^,
sanctionnée par des universités ^^^^ confirmée par des
expériences tristes'^'' et heureuses^^^, concourait à la
grandeur d'une classe d'hommes dont l'autorité s'éten-
*dait sur les champs et les établé^ comme sur le ciel ,
^* Ordintirement le caré. Henmerlin,
^* Procès intenté par Tévéqne de Goîre aux hannetons et ans vers
blancs. Id.
Si* Quelles raisons poovait-il allégner ? Qu'ils étaient envoyés de Dieu,
afin de châtier le peuple pour certains péchés. C'était un beau texte pour
des sermons de censure.
sft* Le jugement final était ajoomé à une saison où ces insectes dimi-
naent natnrellemenL
s«s Formules, dans Hemmerliu, de Exore,, f* 78, a.
^* Dans le procès intenté par l'évéque de Goire, il est dit qu'il faut
bien que chaque créature de Dien trouve sa place.
^* Leur excommunication se bornait à la perte de la bénédiction
divine par laquelle le monde entier subsiste.
>*» ^cfiner^ voy. data la SuUêe oeeid., t II , S66 , cite une sentence de
l'offidal de Troyes de 1516. Dans la vallée de Verxasca , au Strict de
Locarno , on conjura des loups en 1772. H. R. Sekinz, Mém. pour $ervir
d la cannaiu* de la Saisie»
si< De Hâdelberg. Hemmerlin.
>>' Souvent, dit HemmerUn, S. Antoine a puni des gens qui avaient
maltraité des porcs , animaux qui lui sont consacrés.
>** HemmerUn croit tonnattre un grand nombre de cas.
280 HISTOIRE DE LA SUISSE,
également puissante à étouffer les flammes des pas*
sious impures ^^^ et à tirer une âme de la masse de
glace au milieu de laquelle elle endurait le feu du
purgatoire ^^^.
Le sentiment inné d'un être que n enchaînent ni le
présent ni le monde sensible rendait y surtout dans une
époque de commotion universelle^ les hommes avides
du moindre écho, du moindre reflet d'un autre monde.
Quel effroi s empara de Zurich lorsque le jour de la fête
des patrons de la ville ^^^^ à l'heure de minuit ^ un coup
formidable et pénétrant , oomme dans l'année du vaste
incendie ^^^^ retentit une seconde fois sous les voûtes de
la grande église ^^^ ! Le sang qu'on vit sourdre prés de
Mellingen ; des caillots de sang dans le paisible Soursée ;
le plein jour à minuit en Argovie, et après une subite
commotion, comme si la nature s'écroulait, un calme
subit; à Ébersek, la vue de cadavres amoncelés; la
neige au mois d'août; des oiseaux^ présage de mort, des
signes donnés par tes cloches, par les images; des for-
mes monstrueuses , un cliquetis nocturne , l'écho loin-
tain de cris de douleur; sur les bords de la Birse un
bruit formidable de chevaux , de bataille et de ruine ,
des gémissemens, des commotions ^^^, tout cela n'an-
^^> Sainte Ursule et àxox autres vierges apportèrent à Pierre de Go-
bl^oU , domîiûcaio de BAle^ ime amulette contre i'aîgoillon de la chair,
BzoTius, iAS2» dans Hottinger, H* B. W* On possède de semblables
spécifiques» mais ils sont dangereux. Qui ne connaît l'exemple d'Albert
Fvédéric de Orandebouig-Pmsse ?
"« Henri Nyàhard, dans Hottinger, Àntiqq. €ecL Tigar, {H. E. VIII),
a cité cette observation de S. Théobald.
^^^ Les iroXioûxoi de Zurich étaient S. Félix et S^ RégRie.
"2 i^SO.
**• Hemmtrlin, de TiokiL
?'^ Plusieurs écrits </a même.
LIVRE IV. GUAP. IV. 281
nooçait-il pas rintérèt que la nature et les esprits pre-
naient aux misères des mortels en démence ?
En général, toules les voix de l'empire des morts
étaient sombres et tristes , en sorte qu'on aimait mieux
ne pasr les entendre. Voa faisait voir ici à une commu-
nauté le chef qu'elle avait longtemps vénéré ^^^, là^ à un
frère attristé celui qu'il avait aimé comme lui-méme^^,
profondément plongés dans les flammes ou dans le lieu
d'un éternel tourment; dans le bois du Bruderholz
près de Bâle^ des âmes perdues gémissaient avec des
voix d'oiseaux sur la longue éternité ^^'^ ; à Berne , au
milieu de la nuit , une rumeur ^^^ et un gémissement
de morts réveilla les habitans en sursaut ^^^ ; le fan-
tôme du diable^ par Tordre de maître Léonard , méde-
cin et sorcier blanchi par l'âge , troublait les sources
sahitaires dans le Schschenthal inférieur ^^. Que dire
de ce que Satan , dont la grande expérience remontait
^^ Déclaration d'an possédé, 1&99. Hemmerlin, de CrtuUUtate ( iiseï
CredaL ) dtenumib. exkibtnda. Il y croit
'M Déclaration de Bernardin de Sienne. HemmerUn, de Boni et tnali
oceoM,
^^ Gonjnré par on père dn concile , le petit oîseaa sonpîra t « Je suis
• ane ftme damnée, et J'attends le jagemeni devnicr; ma 8oaffi«nce
• n'anra point de fin ; ô éternité , qoe ta es longne ! • Gtou, Chran. de
BAU.
a** H«mtaer<m raconte qu'à Bolofpae «ne grande maison est inhabitée
à oasse des revenans. De CreduL dmnumib, evh^ On m'a montié en
1797, non loin de Zorich , une maison semblable.
'S' Cet esprit fat penda ; c'était an fanx dévot « Craticellas qui spiri-
» tnalitatem pr« se ferebat, semibeghardus» » Joh» fiyder, in Fm^-
eœrio ; il le tenait de la bouche de l'inquisiteur fiic de Laadaa, dans HoU
timg. H. E. IV* Cet inquisiteur était à Berne en iS99.
^^ Une inecriptian dan$ la maiton deê baitu noos apprend qu'il était
professeur de magie; en dAi4 , il découvrit les bains; en 1450 , « sub-
vertît. » Sclteuehter, If cit. Alp, 204. Des causes souterraines peuvent
changer le degré de chaleur des sources.
282 NISTOIRB DE LÀ SUISSE.
à l'origine du inonde ^^\ pour un engagement écrit
avec du sang ^^^ ou enchaîné par les liens de Salo-
mon ^*^, montrait des trésors à un misérable ^^* ? Que
dire de ce que dans une vallée des Alpes méridioilliles ^
semblable à un paradis ^^^^ des sylphes lascifs ^^ ras-
sasiaient de voluptés l'étranger fasciné ^^'^ ? Des relations
supposées ou crues ^^ avec le roi des enfers firent périr
des milliers d'infortunés ^^' dans les flammes des bû*
chers , image des flammes éternelles.
Heureux qui , avant d'abandonner la terre , assurait
son passage par une intime dévotion ou par des dona-
^* Hemmerlîn fonde toojours sur l'expérience la htnte idée qu'il a des
artifices du diable.
^* Id. de Emiione uniui pro viginfi,
^* • NIgromantici in ono lifaronim suorum Tolnmine , quod didtar
» officiorum , babent canones qnoa dicunt Vincula Satomonis. • Trad.
de l'arabe par FirgiU, Id, dt Exort,
^^ Une subite richesse faisait nattre de semblables soupçons, n. 232.
Des trésors qui dataient de la décadence de l'empire romain étaient aussi
communs qu'ils le seront à l'aTenir dans les pajs travaillés par les révo-
lutions.
^' Entre Sienne et Pérugîa. Hemmerlin, de NobiL
^' « Incubi , succubi. • La croyance aux sylphes était fort ancieune
en Suisse ; voy. 1. 1 , chap. VI • n. 5i.
^' Si la déclaration de l'homme de Schwyi, sur laquelle Hemmerlin
se fonde, n'est pas inventée , le fait n'accuse que le caprice d'un libertin ;
l'étranger aura été traité comme dans les N<n/eHe di Laeea {GrtuÙMi)
celui dont s'amusa Laurent de Médicis.
S3> De nombreuses déclarations de choses impossibles prouvent qne
les gens interrogés étaient fous.
^* Surtout dans le diocèse de Sion, voy. n. 25S. Le diable se plaft
particulièrement dans les lieux où règne la pins profonde barbarie.
«Le scandaleux procès de Robiquet, en 1798, en offrit l'exemple; le
Directoire qui cassa les tribunaux, sur la dénonciation du Tribunal
suprême , ne put trouver des remplaçans : les coupables étaient la fleur
du pays. D. L. H.
LIVRE IV. CHAP. IV. 283
lions prudentes ^^^^ eût-il ramassé son foin ot^ son
blé '^^ un des cinquante-deux dimanches ou des cin-
quante-six jours de fête ^^^, ou aidé un de ses voisins
à établir, son pressoir ^^^ I Avec une considération pré-
voyante ^^^f Rome avait rendu plus accessibles aux pé-^
cheurs relaps ^^^ les indulgences du jubilé. Tandis que
la barbarie des Suisses avait dévasté des couvens ^^^,
que le nombre des ecclésiastiques était diminué ^^'^f que
*** Hemmerlin, de CreduL, rapporte quelques historiettes pour recom-
mander la prudence dans l'appréciation des faits. Un Bolonais étant à
l'article de la mort, son confesseur lui demanda «s'il consentait à don-
ner dii livres aux Carmélites. » — «Oui. • — «Et aux Frères-Précheurs? •
— « Onî. • Et ainsi de tous les autres couvens de la ville. Le fils , étonné
de cette libéralité subite , fit une question à son tour t • Doisje jeter ce
frocard en bas de l'escalier? » — « Oui. • A ce root on reconnut que le
Qionrant n'était pas dans son bon sens. — Un malade, qu'on savait n'ôtre
pas trop dévot, baisait ardemment le crucifix. Interrogé sur ce fait après
son rétablissement, il dit : «J'avais soif; ]e crus qne vous me donniez
ane bouteille de vin; Je cherchais à boire , mais , à mon grand chagrin ,
je ne pouvais trouver le goulot. •
*** On disait qne c'était permis • cnm modulo discretionis. » Dans
ma jeunesse encore les pasteurs protestans avaient des scrupules à cpt
égard. Les progrès depuis Hemmerlin ne sont pas aussi gigantesques
que certains livres pourraient le faire croire, a J'ai défendu devant le
consistoire romand un accusé de cette espèce. D. \u H.
^* Hemmerlin en compte un pareil nombre.
s** Hemmerlin écrivit contre les prédicateurs qui condamnaient cet
usage son opuscule railpnnable de TorcnUari in die festo ducemdo,
^^ Martin Y fixa l'année du jubilé à la 95« poar remonter Rome ap-
pauvrie par la longue absence de la cour. Hemmerlin, ReeapitaL de
jmbiUo.
^* Le mime rapporte qu'après 1À50 on remarqua peu d'améliorations.
Comme on représentait au comte Fréd. de Gylley que son voyage à Rome
ne lui servait de rien , puisqu'il n'avait pas changé de vie, il répondit :
• Mon cordonnier a aussi été à Rome , et il n'en fait pas moinj des
bottes comme auparavant. • Hotting, H. E, IV.
'** 2k couvens furent brûlés. Hemmerlin, dans beaucoup d*endroils.
'^' 1! s*cn plaint dans le livre de Novis ofpciis, le cumul des bénéfices
devinant par là inévitable.
284 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
la dévotion s attiédissait ^^^, Zurich fit tous ses efforts
pour entretenir par les pompes du culte ^^^ les impres-
sions religieuses. Bien que quelques prédicateurs émi-
nens ^^ exaltassent la mort expiatoire de Jésus-Christ ^^^
et la dignité de TÉcriture sainte ^^^, néanmoins les
images 9 les histoires extraordinaires ^^^, les ordonnan-
ces de l'Église^*, l'obéissance^ le chant ^^ et des prié-
'** Voy. comment Hemmtrlin s'en plaint EpUt, de eœlU muta per
patronoê eceL Tigur.
*** Dans tonte la hante Allemagne il ne se célébrait pas de culte plos
imposant. Î<L de Furto reliquiar.
^* Hoiiinger ( H. E. IV et ailleurs) se réfère souvent à une collection
de Sermofu de» théologien» de Vienne, trouvée dans le couvent des reli-
gieuses d'Oetenbach , près de Zurich. Avait^elle été apportée par le sa-
vant Thomas Ebendorfer de Haselbach? lui appartenait-elle?
>»< De même que l'antiquité accoiUimée aux sacrifices, ridée de la
nécessité d'une satisfaction prévalut cbes bien des chrétiens; elle fat
féconde en chaînes pesantes et en abus. Mais « l'homme qui considère
• sérieusement les souffrances de Christ , se réconcilie et répare le temps
• perdu ; il s'orne de beaucoup de vertus et acquiert le salut ; il appicod
• à conndtre sa dignité et s'unit à Dieu* Les soufiranœs de Christ,
• quand on les reçoit profondément dans son cœur» guérissent toato
• les misères, •
^^ Le malin esprit trouve moins facilement aϏs dans une maisQO
où l'on a le livre de l'Évangile. Sermon» viennoi»,
^* Hoiiinger a tiré de ces mêmes sermons un exemple digne des in-
ventions rabbiniques. Mais Filis Faber {de Mi»eria viim; Hotting,
H. E. VIII} avoue qu'on péchait surtout dans la [irédication ; on y pré-
sentait t aniculamm visiones et terriculamenta.»
^* La violation du jeûne est péché mortel. Serm, vienn.
^* Dont le latin s'adressait aux oreilles , non aux intelligences. Hem-
meriin, de NobiL, raconte qu'un curé qui chantait fort mal vojait avee
surprise une femme fondre en larmes toutes les fois qu'il entonnait le
chant A la fin il lui demanda la cause de cette émotion extraordinaire.
tM. le pasteur, • répondit-elle, «vous me rappelex toujours parfai^-
» ment un joli ànon que dernièrement les loups m'ont dévoré. •= Voua
l'origine savante d'une épigrammc de Mellin de St. -Gelais. C. M.
LIVRE IV. CHAP. IV. 285
res cordiales *^ paraissaient être rinstruction la plus
appropriée à l'homme du peuple. Dans cet esprit on
dressa au chœur de l'église de tous les Saints à Schaff-
fhouse le « grand Dieu » Christ , en bois , haut de
vingt-deux pieds ^^ . cette image inspirait aux pèlerins
venus de loin la vénération qui croit ^^ et quelquefois
opère des miracles ^^.
Dans les allées des cloîtres les danses des morts of-
fraient un au^e genre d'instruction ^^; là, au lieu d'un
génie ami avec un flambeau renversé *^*, appelant
l'homme du milieu du tumulte et des soucis dans les
demeures de la paix, un squelette grimaçant et armé
de Timpitoyable faux, arrachait sans pitié tous les âges,
tous les états à leurs travaux inachevés ou à leurs jouis-
sances incomplètes* Sous les voûtes de magnifiques
portails d'église ^ on voyait la fin des destinées hu-
•
*»• BùHinger accorde cet éloge aux 8erm. vienn.
>*' Riggr et WaUkireh, Chroniqaês de Schaffh. à l'ail ikhl ; l'érection
de la statae eut Ueu cette aonée-là , le 80 juillet La Brune ( Voy. i. U )
▼oit dans celle image celle du patron de la ville ; celle opinion est fondée
josqa'à un certain point , attendu que le monastère était consacré au
SaintSau^tur ^ à totts les sainis; elle fut érigée, non par la Tîlle, mais
par l'abbé Berthold Wiechser. Selon la plupart des descriptions, l'i-
mage était SDspendue.
*•• Haffner, Ckron, êolemroUe, 267 et suiv.
»• On ne tient pas asses compte, dans la critique des miracles, de la
puissance physique, résultat de certains états de l'àrae.
*•• Am. Em. de Ealier, BibL IV, 591, place avec beaucoup de vrai-
lemblanoe à cette époque la danse des morts la plus célèbre , celle de
BUe.
«* Letsing, Dissertation sur la manière dont les anciens représen-
taient la mort.
••* A rentrée de plusieurs églises, notamment de celle de St. -Nicolas,
à Fribonrg, bfttie en 4288, le clocher en 1440. Sinner, Voyage IL Le
portail paraît être du XV« on tout au plus du commencement du XVI«
siècle.
286 HISTOIRE DE LA SUISSE.
maines, la plus grande partie des mortels lancés par
les grilTes irrésistibles de monstres cru6b dans les
flammes inextinguibles de Tabime. Il fallait une forte
dose de foi ou d'incrédulité pour jouir du court instant
de la vie *.
Ce qu'est le màt pour les naufragés. Dieu dans llios-
tie ou les reliques d'un saint Tétait pour les croyans
au milieu des angoisses. Anne Yôgtti, qui, sous le
poids d'un soupçon , avait quitté Bischofzell sa patriey
vint, après avoir long-temps erré, dans le village ar-
govien d'Ettiswyl. Une mauvaise inspiration lui sug*
géra ridée de faire un essai magique avec des hosties.
A peine eut*elle ^ dans ce but , commis un sacrilège ,
que les terreur s^ de son crime l'assaillirent; le Dieu
l'accabla. Tremblante , elle jeta l'hostie dans les orties
d'une haie vive ; il en sortit une rose blanche à sept
feuilles portant le saint sacrement ; les bétes des champs
s'inclinaient ; un éclat lumineux découvrit ce miracle à
une innocente bergère. Le curé rapporta le saint sa-
crement en grande pompe , au milieu du bruit des clo-
ches et de l'afiQuence des fidèles^ portant croix , ban-
nières et flambeaux. La terre fortunée embrassa son
Seigneur. Dans une belle chapeUe qu'on érigea , une
portion de l'hostie assura aux chrétiens qui accouraient
le pardon de leurs péchés, qu'elle confirmait par des
signes miraculeux ^^^.
* Voy. à la fin Appendice C. C. M.
3** Cet évéoement arriva le 24 maii4A7. Mous suivons la relation de
Htmmann de BUsêek, seigneur de B'ûren, 16 juillet 1447, qui raconte lien
des choses que J. J. Hottinger, dans «on tble polémique , regarde
comme des inventions postérieures {HalUr UI, 16); Hemmerlin, de
Exore,, qui met Ettiswyl eu parallèle avec Wîlsnach (dans le Prigniti),
petite ville devenue florissante un peu plus tôt , gr&ce à un miracle sem-
LIVRE IV. jClUP. IV. 287
Depuis que y sur la représentation dltal Réding ,
l'ancien 9 Tempereur Sigismond eut confié lavouerie
d'Einsidlen à la loyauté des Schwyzois ^^\y population
de tout temps haie et méprisée par les religieux ^ pour
la plupart gentilshommes ^^^, la noblesse dédaigna de
se vouer dans ce lieu au service de la sainte Vierge ^^.
Comme cm répugnait à remplacer par de simples hom-
mes libres les seigneurs que le monastère perdait,
Tabbé resta seul à la fin avec le custode ^^''^ et , en rai-
son du nombre considérable des pèlerins ^^^, il appela à
son aide les moines d'autres couvens, accoutumés à
une vie licencieuse ^^^^ qui remplissaient avec légèreté
les offices de jour et négligeaient les offices nocturnes.
U arriva que trois étrangers^''® enlevèrent^''' les sain-
tes reliques de la reine du ciel ^'^^ et beaucoup de vases
sacrés. A deux lieues et demie au-delà de Zurich, la
Vierge céleste frappa ces hommes de terreur ; sembla-
blable; EUerlin, p. 130 ; Tsehudi, toujours fort réservé quand il rapporte
des ftits de cette nature ; Haffner, qui se trompe évidemment en fixant
la date de ce fait à 1487, et J. J. Hottinger H. E, II , di6 et suiv., inves-
tigateur infatigable, dont le seul tort est de se livrer trop aux contro-
verses. Il va sans dire qu'Anne Vôgtli fut brûlée.
**^ En 1&51. Hemmerlin, de NobiL, déplore extrêmement ce fait.
«« T.I, cb. XV; tll, I. H,cb. I.
»• ChroHÙfête d'Einêidlen, t. I, 188.
^'' Les trois ou quatre qui restaient avaient des offices ailleurs.
>•• Les pèlerinages rapportaient de si fortes sommes, qu'avec une
bonne administration on eût pu couvrir le monastère d'argent et d'or.
Hemmtrlin, de Furto relûfuiarum,
*** Gomme • diasointae laicc persons. • Hemmerlin, de Fwrio reliq.
17* Hemmerlin pense qu'ils fuient cboisis de Dieu ; aussi ne doute-t-ii
pas de leur salut
>'^ Le dimanche Laetare, à onse heures de la nuit, 1448. J. J, Ilot'
tinger.
*^^ De 9on lût, de ses cheveux, de sa ceinture, etc. Hemmerlin, n. 5.
288 HISTOIRE DE LA SUISSE.
bles aux ennemis dlsraël, qui avaient entevé l'arche
du Dieu des Dieux^ ils abandonnèrent au milieu de la
route les objets ravis. La nouvelle en étant parvenue
à Zurich^ toutes les autorités spirituelles et temporelles
et la population entière se mirent en route et rappor-
tèrent les reliques avec vénération jusqu'aux murs de
la ville; lorsque tout fut prét^ on les transporta dans la
grande église en pompe solennelle. Depuis long^temps
les Zuricois n'avaient eu à se féliciter d'une année
aussi fertile que celle où ils reçurent la mère du Sei-
gneur ^^. Triste , confus, craintif, Einsidien sentit
son abandon; à la fin François de Rechberg, llncon-
sokble abbé, rappelant le souvenir de la fidélité de
son cousin ^''S engagea le duc Albert à faire lé voyage
de Zurich. Le souverain de l'Au triche obtint que Ton
rendit les précieuses reliques au monastère ^'^K
Malgré une dévotion si générale, ce que le^ croyans
vénéraient le plus était menacé de ruine , moins par
les sociétés secrètes que par les idées exagérées qu'on
avait de l'autorité , de la puissance et de la grandeur
du pape et du clergé ; on se croyait autorisé à exiger
d'eux la perfection morale, tandis que le clergé, en
possession d'une ancienne considération et de la ri-
chesse, et se confiant dans la foi du peuple, observait
à peine les règles de la prudence la plus commune.
«'< HemmÊtUn.
'^* Son père Albert monrat en 1427; Ckmnd, son frère, était abbé
de Goire eo 144i ; on autre frère, Gaiidaii, fat U HHichedela maison
encore florissante. Parmi ses neTeax on en trowe «n da nom de Jean ,
qu'il ne faut pas confondre avec le chevalier, général en chef dans la
guerre de Zuricb. Gelni*ci éuit d'ane antre branebe, Mte de Tévégoe
Albert d'Eicbstelt.
'^^ Hêfnmerlin le raconte en soupirant.
- LIVRE IV. CHAP. IV. 289
Théoriquement , on vénérait la sainteté du pape
comme source permanente ^''^ de toutes les règles
imposées aux hommes ^'''', le droit canonique comn^e
une loi qui avait le pas ^''^ sur tous les formulaires
de la théologie*''®, même sur ceux qu'on avait extraits
des quatre grands docteurs *^^, enfin Saint Jean de
Latran comme église principale de toute la chré-
tienté '®^ Plein de savoir et de loyauté ^ s'attachant au
principe et non aux conséquences , maître Félix Hem-
merlin combattit ces idées par Texpérience qui faisait
voir rimposâibilité de leur application. Il attestait
qu'à Rome, sans égard à la pauvreté*'^ ni au mé-
rite **^, le pardon des péchés , ainsi que les dignités
ecclésiastiques s'étaient vendus de tout temps, ou
avec une publicité impudente '^, ou sous des pré-
textes aftificieusement variés *^^. Quelle qu'ait été,
>'< Les conciles ne s'assemblent que de temps en temps.
^' Le pouvoir temporel est une émanation de la toote^niisaiioe
papale.
f < « Prout sol praelocct omnium planetarum oorascationes. • Hem-
uurlin, de Exare,
^^ Hemmerlirij de NobiL, tout au commencement
>** Parce que d'autres temps exigeaient d'antres principes.
s<* Non S. Pierre, ni S^* Maria maggiore» Id* de Pio9iê oficiU.
^^ • Ad dîabolum panperes» nisi habeant patientiam et fadant de
» nscessitndine vîrtutem. » HemmerUn, de Negoiio wmmachorn C'était nn
proverbe favori d'un homme d'affaires de Boniface ULld^dê NobiL
^* Htmmtrlin se raille des bulles où se trouve l'éloge d'hommes qne
le souverain pontife n'a jamais vus et qui ont fait leur fortune dans la
cuisine papale.
^* Sous Martin V la vente des bénéfices se faisait aussi publiquement
que celle des porcs à la foire. îd. de Jubiteo.
^* « Si pro ecclesiarum consecrafione nihil ambiunt , pro utensiHbus
• et nrceolis reverenter toUunt ; si pro beneficîo nihil exigunt , pro coUa-
• tionîs littera pertînenler conquîrunt; si pro sigillonihU, at proceraet
VI. «9 .
290 HISTOIRE DE LA SUISSE.
SOUS ce rapport^ disait-il , Taudace de Boniface 1X^^«
l'inutile cupidité de Martin Y en faveur de sa fa-
mille ^^'', le rusé successeur ^^^ de rhomicide Eu-
gène ^^® surpasse tous ses prédécesseurs dans Tart
de convertir son plomb en or^^. (cEt ce serait là ^ »
soupirait Hemmerlin, « le très-sainl Fére '^'! Du
» sein de la bassesse et de la pauvreté, un religieux
» s'élève en un jour au-dessus des rois, brille et vit
» comme Assuérus ^^y comme un successeur de Cé-
» sar-Auguste, et non du péclieur, ou du fils du
» charpentier ^^^. Les cardinaux (plut à Dieu qu'il
» dioidala consoeindinaliter. Prssertim cleros per clericos angariatnr. ■
idm dû Libêrt. eetU$.
^* • Yia non palllata propler freqiMilUtioQem. • Id. Rêtapît. è
JubiUo.
^^ Id. in EpUt, CaroU M,, oh il ptrle aussi de l'iinitiUté de ces mojem.
Deux ans après la mort de Martin, ses nevenx avaient perda tout œ
tréscNT et lenr héritage paternel. Les historiens italiens conGnnent ce
ikwbtefait
^* Nicolas V, célèbre comme restaurateur de la Uttéralure.
^* EemmefUn, Reeap, de JubiL li accuse ce pape de l'assassinat d*An-
nibal BentiToglio. Toutefois nous devons faire observer que le cond-
nnateulr, digne de foi , de Fra Bartolameo delta PugUota ( Jfoittf.
Scriptu XVni), accuse de ce crime l'esprit de parti de Baldassare Cane-
dolo , et la cnu(,tilé de Francesco GhisiUeri , mais non le pape.
* ^* Hêmmertin le met au-dessus de tous les alchimistes : « In curialibcn
anupiain execnMiior-exorbitatîo. • ( Beeapit. ) Sous aucun autre pape
«SubâHor rapadtatis exactio. > {Id, in Con$otat. suppreMêor. ) Ce p^'
dépensait beaucoup pour les édifices, les livres, les savans; il avait un
aentiment de grandeur. Par celte considération, on lui a pardonné ce
dont Hemmeriin se plaint.
^^ Hemmeriin, de LiberU ecelet. Il estime que le positif suffisait, aioa
que dans Tépitbëte Beali$êimu$.
»> Ihid,
^* îd. de Nob.
LIVRE IV. CHAP. IV. 291
» n'y en eût point ^^M ), que font-ils autre chose que
>i de cumuler les commeiules pour la ruine du culte,
» de la discipline monastique et même des édifices ?
Ji Quels éloges ne mérita pas Tempereur Frédéric II ^
» qui s'efforça de ramener le clergé à la simplicité
» primitive ^^^ I Les conciles n'en feront pas autant ;
n à Baie aussi l'éclat de la vaisselle a ébloui audi-
M leurs et juges ^^^ £u Siii9$e^ que peut-on attendre
» d'un évéque vivant an pécfoé mortel et servant
» d'impudent mod^e à son clergé ^^'^ ? qu'attendre de
» prêtres dont la tonsure se cache sous un chapeau
» de prince, qui leur impose des devoirs contrai-
» res ^^® ? w En général , selon l'esprit du mémoire
adressé au feu roi Edouard I*^^^^^ maître Félix auraH
échangé même avec perle ^^^ les droits souverains
des personnes et des corporations ecclésiastiques
V* • Sî nallas esset» universali ecclesias plus proficereL • Ibid^ Ce-
pendant il fait la remarque que la plupart pèchent par ignorance.
^' Petrus de Vinèit dans Hemmerlin , de Libert. eecl, îl ajoute que des
prophéties annoncent qu'on jour tm empereur accomplirait ce dessein ;
il ^te auMÎ , d'après les actes dn concile de Bàle, les plaintes extrêmement
énergiques des Portugais sur les « squalores cnriœ Rom. •
** I(L dé JmbiL 0 cite pour enemple Njc&ard, pins tard prévôt de
Zaricb, qui aimait particulièremenl «vasa etudiosa , pretiosa. * De ConsoL
•**' Henri deflewen, éféqnede Goostance, •«onenbhitrias. • M de
Bmù et mdi 9eem*
^^ Id, de NoUL Danssoa aète. Il appelle les abbés mitres, des mulets
et des chapons couronnés. Q attaque en pattlenlier l'abbé de Saint-Grall.
V* Jh JUemperûiûme Tnrm S. Bemgwre^ H, Si6i L'anlenr veut épar-
gner toute distraction mondaine au pape, chargé q«*il est des plus
grands iatérél5 de Thuoianité qui se puissent imaginer, et lui demande
de donner ses biem temporels à on prince contre une penûon annuelle,
par un contrat emphytéotique, etc.
*** Hemwurlin, de Negotio monae/ior.
292 HISTOIRK DE LA. SUISSE.
contre un revenu fixe ^^K Quand il voyait les magni-
fiques palais ^^ des chevaliers de Tordre Teutonique
ou de celui de Saint-Jean, leurs cuisines et leurs
caves bien pourvues ^*, leur orgueil , leur vanité ^
leur mollesse ^^ et leur gourmandise ^^, tandis qu'ils
négligeaient le culte et oubliaient leur règle , il n'hé-
sitait pas à se prononcer contre leur inutile exi-
stence ^^. Il ne pouvait mettre un frein à sa langue
quand il voyait le vieux abbé envier la voluptueuse
jeunesse ^^9 les novices scandalisés par des fraudes
sordides^ les caves garnies de tonneaux de vin
plus spacieux que les cellules des pères vantés
**' Soirlout des dîmes, originairement destinées à cet usage.
**' «Palttiacnrialitatis amorenimiampraepoUentia.»
*** « Siaceriori fireqoentantar solUcitndine qnam ipsorom ecclesi» ,
in qnibns indnlgentiaram thesaori. •
*** t Odtosa inflatîone, religione saperba, proventos consnmiuit •
*** « Maior pan cniorem videre non merait, niai dam minatioDe
aangninis (saignée) frueretor. »
*** « Per lanceas caponibos contendant, et perdicîims, anseribos,
anetis (canards, Enten en «llem.j, palombîs, deliciosisslme mstitîs,
frixatis et politis. • tdde NobiL
**' « Quelle chevalerie! faire des pèlerinages au saint sépulcre ! Las
m
vieilles femmes en font autant! » 14»
*** Le même auteur mentionne dans le livre de NobiL ^'Wk moine qui ,
à force d'austérités , parvint k la première dignité du monastère; aussitôt
il fit appeler vers lui, au bain, deux belles courtisanes; mais il s'écria
bientôt en soupirant i « Maudites tentations*, elles m'ont importun^^
mal à propos ; elles m'abandonneni mal à prqpos. »
*** Dans le livre de Negot» rn^iuuK, Il raconte que fàbbé envoya un
gentilbomme, nouvellement reçu , vendre un àne; le gentilhomme le
ramena; comme il en avait dit loyalement les défauts aux acheteurs,
personne n'en voulut ; l'abbé tança le Jeune firèrc; c^ui-d répondit:
• J'ai quitté de beaux châteaux pour l'amour de Dieu , et je souillerais
mon (kme pour Vlne du couvent! •
UVftE IV. CHAP. IV. 293
par Saint Jérôme '^^, des prédicateurs chancelans
dont la langue appesantie recommandait le jeûne '^^
L'indignation embrasait cet homme juste quand il
voyait les foudres de FÉglise lancées pour obtenir
le paiement d'impôts onéreux^ toutes les chai^;es
foncières rejetées des terres du clergé sur celles du
paysan '^^. Il maudissait alors la libéralité de Con-
stantin ^^^, et prophétisait la ruine des nations ou ,
comme en Bohème^ un soulèvement contre la caste
dévorante *^*.
Un nuage de tristesse voila son âme, lorsque
Tissue du concile de Bâle fit évanouir tout espoir
de réforme ^'^. Si le cardinal Julien, un des pre-
miers défenseurs du concile, passa au parti de la
cour ^^^, dans la conviction que les Pères allaient
trop loin, ou par quelque autre motif de crainte ou
*^* Ibid. avec cette féflexion t « Quod non est comparatio de illorum
» liilari peiraria ad noslra sodetatis, com aniietate oontinoa'in omniam
• negotiationam Tarietate» abondantia. •
"* « Per rabentes buccas tomentiaque ora» • dans le livre de iVo6i<,
Hovs sommes le sel de la tene , disaient^ils , mais il faut llmmecter ; nnl
bon esprit n'babite dans le sel sac; Rapbaftl y a confiné le diable.
'*' Dans le livre de lAb. eceU$^
*** n nconte plos d'âne fois la légende suivante , aasea bien imaginée :
U>nqne GonstanUn fit sa donation , à laqadle on croyait alors, vne main
sortit dn mnr de Saint-Jean-de-Latran , ponr écrire ces moto s « Ai^oar-
dlwi le poison a élé répandn dans l'église. •
*•* H dit qu'on était accablé d'impôts en Bobéme , et qu'il ne sTy trou-
vait pas no ponce de terrain qui ne fftt grevé. De Nov* ofU*
*** On avait espéré entre autres la diminution du nombre des fêtes
{Hemm&rlin, de Jrborê iarcmUiri) et l'autorisation du mariage des prê-
tres. {De Libert, eccL)
••• DiaL dé NobiUu, où il est appelé Julien l'Apostat et oh l'on bénit
le jugement de Dieu , manifesté dans son désastre près de Varna*
294 HISTOIRE DE LA SUISSE.
de complaisance y la dissolution de cette assemblée
fut surtout due à Thabileté d*un des hommes d*ëtat
les plus fins , à £neas Sy Ivîus Ficcolomini , qui devait
sa fortune à son zèle pour le concile. Le change-
ment de disposition qu'on remarqua chez Jean de
Lysura , premier conseiller de l'électeur de Mayence ,
pour les affaires ecclésiastiques ^ ainsi que chez la
cour impériale y fut vraisemblablement dû à ce pré-
lat et à la libéralité de Nicolas V**^. Une lettre de
jussion de TEmpereur informa le bourgmestre et le
conseil de Baie, de la soumission promise à la cour
de Rome et du retrait du sauf-conduit impérial ac-
cordé au concile pendant seize ans '**. Dans le sen-
timent de ITionneur et de l'intérêt de leur viHe, les
B&lois maintinrent durant presque une année ^ contre
trois mandats menaçans '^^^ la parole donnée. A la
fin on essaya de les soumettre aux ordres de TËm-
pire par une rigoureuse défense d'importer du blé'^^
et par une sentence de la cour impériale de Gratz
*** Je m*éearlends de mon sujet , si Je roaltis exposer ce que Ëm*t
Kœk e( d'antres savans ont décotrrert sur cette époqne. Mais Je ne pois
passer son» silence une variante de la Chronique de Tuhadî. On lit dans
l'édition d'Iseiia» t. II, 49 A» que le pape avait gagné ta fcveor de la <fis-
solatioQ dtt concile, « le bmi (giUigen) roi des Eomakis, Frédéric.
h J* Hottingera in dans son nunascrit de Tschudi, Vanare (gaîIxigeB).
(lfâ#««M:/.« un. A&9). TjciWi a écr Ji «gjtjgen»i! Pour savoir le vni,
il faut considérer ce qoi est rappofté t. V« ebap. IX; on compreodra
pour lors parfaitement notre note 290 ci-dessus.
*" Mandat, Ascbaflenbourg, Jendi après Maiguer. 1447, dans Woisti-
sen, 1. Vj eh. 46. Voyez dans le Codex jurU gent, de Leibnitz, I, 377,
éUfiâota in dieta AschaffenburgensL
t*t Le second vers Noél 1447, le troisième au commencement da ca-
rême i 448. TVuratUen,
••• Frédéric prescrivît cette mesure à son frère Albert , vers la fin
de 14d7.
LIVRE IV. CHAP. IV. 295
en Siyrie ^^' . Lorsqu'il se fut écoulé assez de temps
pour coniraincre Bâte que^ depuis la retraite de TEm-
perear^ aucune puissance u'étah plus disposée à
soutenir le concile^ cette ville ^ qui ne cessa point de
montrer à la sainte assemblée les égards les plus
respectueux en lui faisant part de tous les nouveaux
încidensy annonça par une députation solennelle''^
aux pères inébranlables, mais préparés, sa douleur
de devoir remplacer, après un si long séjour dans
ses murSt la continuation de sa protection ^'^ par
des passeports ^^*. Le gouvernement ne conserva
qu'avec peine tant de dignité au milieu des orages
des partis. Jean Gemminger, licencié en droit, ofB--
cial^le Frédéric Ze Rhyne^ évêque de Bâle mais prélat
assez équivoque '^^, s'était hâté , avec ou sans pouvoirs
exprès ^'^^ de faire envers le pape Nicolas acte d'obé-
dience, au nom de la ville et de l'évèchéde Bâle '^'^,
*^ Sentence, 18 mai 1448. ïVurttUen.
*^' Le bouiigmestre Jean Ilot, le chef des tribuns André OsperneUe,
Jean Sorlin , le docteur Henri de Benbeim.
>^ U avait été çommiAbien des infractions dans le voiaiiiaga ; l'anteaf
n'en était pas inconnu. « Voyez , • disait , après être échappé à ané
poursuite, le cardinal d'Arles» président dn concile» « on a vendu
• Notre Seigneur pour SO pièces d'argent ; il parait que je vaux davan-
> tage : Gabriel (nom de baptême du pape Eugène) a dépensé SO.OOt
• florins pour m'avoir. • liemmtrlin, de Nobil.
'** Le 28 juin 1448.
*^ BemmerUn, de Boni et maii œeaeiene,
*
*^ Ils ne furent probablement donnés que verbalement; l'instructioa
écrite , comme il arrive encore aujourd'hui , était probablement équi-
voque.
'*' 11 débuta par ces mots : « Veulent ad te qui delrahebanl te et adora-
bunt le. • Henri le Minorité, Flor. temp, in Scriptt. minor, rer, Ba^
iH.f t. L
1
296 H1ST0IR£ DB LA 6U1SSB.
et^ richement récompensé ^^, il était venu inopi-
nément arec des bulles '^^ dans le Toisinage. Les
partisans du pape voulaient dissoudre le concile par
des outrages et des actes de violence ^^. Une heure
de différence entre les horloges préserva Baie de cette
ignominie ^^^ Dés-}ors Thorloge de la ville avança
toujours d'une heure ^ en souvenir de cette nuit ^^^.
Les pères , escortés par cinq cents Balois armés ^
partirent à chevaH^^. AuHauenstein, ils trouvèrent
des Soleurois et des Bernois, qui les accompagnèrent
jusqu'à Lausanne.
Ce concile, qui avait entrepris avec un zèle ho-
*^ n tirait mille ducats de • ofDdo scrîptaris bullanim , • dont jt
vente loi fat octroyée. Henri, 1. c.
*** Bmlle de NieoUu F, Rome, 8 kal. jnl. I A48, par laquelle l'interdit
mis sor Bâle fnt levé. ïïaUer,ColUc(Um de documenê, VL Elle est datée da
Joor, non de Texpédition , mais de la présenution qai eut lieu à B&le.
*'* Ils voulaient lui faire une réception solennelle, fermer tous les
lieux où le concile se réunissait, et s'opposer à un acte de prorogation.
HênrL
**' « Quasi difinitus ( les Allemands prononcent le v comme f) avisa-
U, • les pères tinrent le î5 juin, de grand matin, tandis qne leurs ad-
versaires dormaient encore , leur 45* séance , dans laquelle ils décrétërent
la translation. /</.
*" Conjecture présentée dans une note sur le récit de Henri , par Da-
niêl Brukner^ écrivain profondément instroit de toutes les affaires de
B&le. Une tradition constante a fait remonter cette singularité à l'époque
du concile, ou à une conjuration contre le gouvernement ou l'bonnear
de la ville. On cherche une cause astronomique dans la position du
maître-autel de l'élise cathédrale , qui n'est pas exactement tourné vers
l'Orient ; mais la première explication est plus conforme à l'écrit des
autorités municipales d'alors. L'importance qu'on attachait à la chose se
montre dans la poursuite à laquelle fut en butte, après cela, Gcmmîn-
gcr, et dont l'époque est plus exactement déterminée par fVur$ti$en que
par le Minorité, quelquefois inexact en matière de chronologie.
L
UVRE IV. CHAP. IV. 297
norable et poursuivi avec autant de science que
de. fermeté la réforme différée à Constance^ la con-
ciliation de la dissidence des Hussites, Tunion des
chréti^is d'Orient et d*Occident et d'autres plans
encore^ eut à Lausanne une pauvre issue, due aux
artifices du pape Nicolas ^^. Aucun siècle n'a revu,
depuis, une assemblée si générale, si npmbreuse,
si indépendante de cbefs élus par le peuple chrétien,
délibérant sur les intérêts publics de la religion ^^^.
La constitution de la société chrétienne répandue
dans toutes les contrées du globe, et si éminemment
favorable au développement de l'esprit ^^^, fut éner-
vée par Topiniàtreté des papes et par la rupture
d'un lien commun. Un instrument de culture mo«
raie, plus puissant, plus parfait que ceux de Moise,
de la prétresse de Delphes, de Pythagore et des
Bramin^, se brisa parce qu'on n'avait ni le courage
ni l'intelligence nécessaires pour le corriger ®^'^.
Les directeurs suprêmes des affaires ecclésiasti-
ques de la Suisse restèrent les mêmes; ce furent
l'évéque de Constance, Henri de Hewen, à qui l'on
»* Le 25 avril 1449. Hattinger, H. E. U, 4î4.
'** Personne ne nonsoppofera le concile de Latran, en 1511, qui fut
promptement anivi de la réformation.
u« Compares le monde chrétien avec le monde mahomélan*
*" Noos avons dit, t IV, S61, S7S et suiv., comment la hiérarchie,
pour snhusler et pour demeurer bienfaisante, aurait dû suivre les pro-
grès de l'esprit humain. La littérature pour flambeau, die se serait
proposé pour but, non d'arrêter, mais de diriger avec sagesse les déve-
loppemenade la raison. Elle tombe sous des coups étrangers et par sa
propre faute. Qui gagne à cela ? U n'j a de gain réel que là où les biens
de l'église, supprimés, s'emploient conformément à leur but primitif,
selon l'exigence des lumières.» Dissipés en France et ailleurs pour lever
des armées et massacrer des hommes. IL L. II.
298 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
pardonnait sa Tie privée , en faveur de ses efforts
pour le maintien de la paix, objet favori de sa vie
publique; Frédéric Ze Rhyne, évêque de Bàle,
accusé de dupliéité, sans doute parce qu'ennemi des
exagérations de tous les partis il voulait les ramener
tous à des sentimens pacifiques, disposé comme le
premier, malgré les sollicitudes de son administra-
tion '**, à sacrifier les convenances de l'évéché aux
}ustes prétentions appuyées sur des documens *'•;
Tévêque de Lausanne, Georges de Saluées, qui ré-
tablît ^^ les affaires délabrées de son siège ***, Fho-
nora par son habileté, l'affermit par des institutions ^^^
et avec le souvenir d'une justice pleine de clémence **'
laissa d'honorables monumens^^^. Le pape savoisien,
qui s'était arrogé le siège épiscopal de Genève ***
et avait gouverné sans peine les Genevois, dociles
parce qu'il respectait leur liberté •*•, rassasié même
SIS L«tt vante son esprit cTordre, et nomme les châteaux restaurés par
luî.
)M Diaprés on compromh , TErgnel rdevah , pour le temporel , de
révéché de B&le, maïs pour le spirituel , de celui de Lausanne- Cknm,
cpUcop. Lau$,, vers i440.
**^ On lui doit la coUeetion des décrets synodaux, i447.
*«i Délabrées par suite d'une lutte de plusieurs années entre les par-
tisans de Jean de Prangins et de Loob de la Paiu , i451*i4t9.
'^^ Gully, dont il fit une ville , obtint le droit de foire , 1440*
*** Dèmiére woUmti : croire et indemniser quiconque jurera avoir
MNiiert par lui quelque dommage; user d'indulgence en rédamant les
arrérages dus par de pauvres gens. Leiu
*** Une table d'argent, beaucoup d'habits pontificaux en soie , brodés
en or, le couvent de StoMaîre , quatre sacristains. Chran, epi§e. Léuu: 11
occupa le siège épiscopal de 14^9 à i46i.
li» Du vivant du faible François de Miei , toujours prêt à céder; mais
surtout après sa mort , arrivée en 1444*
*** Confirmation des franchit^ et des] droit», 4444; Bulle déclarant
LIVRE It. CrtAP. IV. 299
des grandeurs spirituelles^ traDSmit la erosse à son
neveu y enfant de huit ans^''^ et s'abandonna dans
son Ripaille & «m repos plein de jouissances '*^. A
Coire^ les querelles des partis empêchèrent les
habitans de s'entendre pour le dioix d'un évèque;
pendant bien des années celm de Constance admi-
nistra ce diocèse*^*.
Gràce à la hiérarchie y le dernier homme du peu-
ple pouvait s'élever par le savoir, la moralité et
la sagesse , au^éssus de là noblesse et des roiè ^^ :
mais^ en oppodtion à Tesprit des lois '^^ et à la
volonté des papes ^^^, beaucoup de chapitres faisaient
de la noblesse et même d'une très-haute naissance ^^
une condition si rigoureuse d*admission, qu'ils pré*
feraient donner les prébendes à des enfans, ou ne
pas les donner du tout, pjutôt que de déroger à
riioaneur du sacerdoce ^^^. Comme si les fondateurs
n'avaient eu pour but que de sanctifier des fonds
de femille, on oublia de concilier tout au moins
que (fest an acte de pwre compl aisance et uAe prenve volontaire <f«ffec*
lion. Lévrier, Comte» de GtnevoU II, 80, S3 ; la dernière cftarle dan«
M7 4450, d'âpre» fiM«M, éva^Baiier, BihL III, MM.
'^ Il nx>iinit& Genève en làM. Guiehenen,
>«* I>ei44iàl45S.
M« HenmerUn, déNML C'est là « cterictiîs militia. »
Mi GregerillX, DeeritoL III, V, 17. • Attendantes qnod nongeneris,
• sed TÎrtatum nobilitas idonenm Deo facit servitorem , eo qaod non
• est personanim accepiio apnd Ipsum. •
'*' « Nobilem pr« Ignobili nohierunt prKsignari. » Henmeriin, de
IMiL c« 33. La décr6tale citée le prouve.
*^* A Strasbourg et à Cologne it ne suffisait pas d'être •spectabîlh» et
«clariasimus;* on ne voulait que des «illustres et liberi. • Hemmerlin,
fbid.
*^* Jbid, et dans la décrélalc.
300 flISTOIRB 0B LA SUISSE,
avec ce but un but plus élevé ^^. En général^ Fin-
soudance laissait dégénérer des institutions qui
vieillissaient. Partout où Ton songeait à Taméliora-
tion des mœurs publiques > une lutte difficile s'en-
gageait entre le gouvernement et des moines sans
mœurs ^^, ou des seigneurs ecclésiastiques '^''. Les
prétentions de la cour de Rome jetaient le trouble
dans l'organisation monastique ^^ ; les statuts étaient
sans intelligence et sans vie ^^^, et l'administration
si mauvaise ^^^, que le moindre accident causait une
perte irréparable '^^ Tristes et sans consolation, les
vieilles religieuses d'Engelberg quittèrent pour un
monde inconnu les ruines fumantes de leur mo-
nastère ^^; long^^temps délaissées, les sœurs chari-
'** Hemmerlin Juge (comme nous t. lY, 1. UI, du U) qu'il fallut « ad
temporalium defensionem • des gentilshommes , forts de leur crédit , de
leur influence et de leur éducation , et • ad observitionem ritnalram •
des saTâns,
*** JehilU de Qraiii écrit des Dominicains de Berne i « Hi fratret toti
quanti sunt poltrones» ecclesie devoratores. • La Ckrtmiqmt de la vilU
les appelle des fripons fieffés d'Église. Grummr Délie Bern, S&6. Le
couvent dlnterlachen était ùkie école de tontes les impuretés. Hatting,
H. B. Il . 43S.
'*' Ghes les cheraliers de St-Jéan , an nombre de trois, il se oobh
somma dans une année 4»S00 pots de vin* Devant le conseil ils donnèrent
à leur mattre les épithètes d'athée , de Joueur, de diss^teur ; à leur tour
il les appelle paillards et &nes. Hottinger, d'apr^s les documens; ibid»
•»• En mm ceux de Klingenberg défendirent le couvent de St%
George près de Stein contre les attaques d'Eugène. J. J» Hottinger
Il , 4iS.
»s9 Comme ceux que le prévôt Eberfaard de HeUenboo^g domia en
LàH an couvent d'Embrach. J. J. Hottinger. Spec. Tig, B66.
>M Qg n'avaient ni placé de l'argent ni acheté des terres dans des pajs
étrangers. Hemnwrlin, de HegpU monack,
*'* Id, de PeemUis pro prmbenda.
**? « Aliqna , anxietatibus collapse, tnrpitodinis actus commiieniot.t
Id. de NobiL En Uk9.
LIVRE IV. GHAP. IV. 301
tables de Saint -Lazare gémirent à Séedorf et dans
le Gefenn, pour obtenir une supérieure ^^, et les
sœurs du couvent désolé de l'Oetenbach ^^ , pour
obtenir la construction d'un asile plus paisible ^^ :
la réclusion volontaire dans une des vingt-quatre
religions ^^ était généralement motivée par l'opinion
qu'elle effaçait les péchés de la vie précédente ^^.
La prédication théâtrale des moines mendians^^ ei
les spectacles de dévotion ^^ incitaient à de subites
résolutions plutôt qu'à une vie morale bien réglée ^'^^.
Du reste, les couvens riches surtout , fidèles à leur
M* Jjé général de C Ordre, frère Pierre de Rueuuo à eee Bupérieures et
eeuarê, dans Hoitinger SpeemL ft5S. Le préeepietr ei eommandêi/r frère
Jean ISchwarber) d^EgUeau ; en souvenir des fondateurs le comte Ro-
dolphe de Rapperschwyl , le frère Berthold Fanljli, etc.» dans ïjin-
muure itUster, Ces deux documens sont de i^dS.
*** Ce n'était pas une maison fondée tout à la fois, mais une agré-
gation formée librement et peu à peu.
*** Prére BarthiUmi Te^em, iupérieur de l'ordre de$ frères prêcheurs
pour Anne Strous, Lyon , ihM. Hotting. Spec,
*** HemmerUn {de Relig, proprietariis) réduit les ordres monastiques
d'alors à ce nombre et à trois règles, celles de Basile, de Benoit et
d'Augustin.
M' Jd. de JMleo.
*** «Gesttts, confabulationes, fictas religiositates, incunrationes, altos
manuum applausus • sursum et infra tendentium. • Id, de BeUg,
prûprêei»
*^ Missions de nos jours. Compares celle qui fut faite en 1779 I Ln-
gano ( B. R. Sckine, Mém.) avec les solennelles processions du XV*
siècle. {George Stella, JnnaL Genuene., p. 1170 de l'édition de Moralori)
*'* Hemmerlinp L c Mais dans les couvens aussi Ton vit fleurir une
religion libre , la religion du coeur ; la liberté et le sentiment s'unissent
intimement ches les hommes les meilleurs ; on en a la preuve dans les
prières poétiques pleines de ferveur du jeune Rodolphe et dans les règles
pleines de sens d'un M9neh (moine) du couvent de* Tous-les^aints à
Schaffhouse , dans les Restée des anciens tempe, de'mon frère , U II » SOS et
suiv. Combien ce moine était supérieur à beaucoup d'autres.
302 HISTOIRB DE LA SUISSE.
iastitutiim , eurent le mérite de vivifier des conlfëes
sauvages en occupant un grand nombre d^hoKimès^^'.
Un pays fleurit à proportion du nombre des centres
d'activité y qui propagent de tous côtés le mouve-
ment^''^.
Un changement daiia les moeurs devenait de jour en
jour plus sensible : à la grandeur exclusive des châ-
teaux et des couvons succédaient la dignité de la vie
et ses jouissances, plus répandues dans la société;
l'exemple de la liberté suisse y contribua beaucoup ^^^•
Les mortels , appliquant la mesure de leur existence
au travail incessant de la nature , s'épuisaient alors
aussi en plaintes et en luttes au sujet de l'œuvre du
temps. La résistance hâta Faccomplissement des des-
tinées.
La liberté ^ selon les idées de cette époque reculée ,
était une dignité naturelle de l'homme indépendante de
l'arbitraire ^''^y et la noblesse formait la classe des pro-
priétaires libres ; auxquels essentiellement appartenait
la défense du pays. Une vocation héréditaire^ une vo-
caticm de toute sa vie à se sacrifier pour la conservation
*'* BemmerUn, dej^eg, atonach, fomnit une liste de plus de 70 olices
indispensables dans un couvent.
S7> Avantages des nations formées debeanconp de petits États qn'onit
■n lien cominan. «La Grèce, randenne Étmrie, rAsie-Mineurt , fMt^
é^visle xm« jaaqa'aa XVIII« siècle, la HoUande, la Suisse, rAil^
magne ea ont offert la preove , ce qui n*emp6che pas d*eiaUer le sjfsltsne
centralisant, dont les résultats se voient en Turquie , «n Orient, en
Roasifi , en Italie , en Allemagne , partout où la barbarie du XIX« siècle
Ta éteignant ces foyers. D. U H.
a?* Gomme de nos jours des voyages en Suisse et des éloges sonvrnl
eiagévés ont concouru à faire faire en faveur de la liberté des tentatives
mal calonlées.
>?* Hemmerlin,dMNobiL
^'
LIVRE IV. CH4P. IV 303
de l'ensemble distinguait ^'^^ le noble chevalier; Thabi-
leté dans les armes ^"^^^ la pureté, l'élévation de 1 ame
étaient ses vertus ^'^. Aucune différence essentielle ne
séparait le libre cultivateur et le gentilhomme; beau-
coup de dignités ecclésiastiques ^'^^ et temporelles ^^
ftirent pendant long*temps accessibles au premier^ >et il
conserva, même parmi les libres habitans du Jura ^^^,
l'orgueil de ne pas déshonorer sa race par des mésal-
liances ^^K Le sang ^^2, la conception de l'homme dont
les pères ne s'étaient jamais servilement humiliés ^^^,
semblait garantir la noblesse des sentimens. On regar-
•75 • Nam pulthram esl qnod custodil ordinem. • Id, Dans Teiécution
eflBeDtiellement d'après Gerson.
*'* Le même quand il décrit les tournois, «cribra nervoram ezcelien-
ter necessaria. •
*^' Résultat de la description qu^il fait du cérémonial de la réception
en grande partie al)oli. == Les Bajards forent tonjonrs peu nombreux ;
et comMen de nobles voleurs ou brigands chaque nède de la chevalerie
ne eompta*t-il pas? Les vieux chftteaux n'attestent pas que les nations
fassent alors très-heureuses. D. L. H.
*'* On reçut dans le couvent des religieuses de Zurich des comtesses
et des demoiselles nobles ( « baronissc et liber» , nobtles et illustres , » ) ,
mais aussi la fille née libre tf un campagnard ( « rustici » ) libre. IdL
"* Les campagnards (« msttd ») libres pouvaient devenir vicomtes et
présidens de trR>nnaux. îd,
>** Hemmerlm dte ceux de F^jenberg dans l'évéché de B&le.
*** On disait que les mères «non su» libertatîs, suas et liberornm
conditiones in infiniium facere viHores. »
**' Fortes creantur fbrtibus ; et bonis
Est in ju vends, est in equis patrum
Viitns. Hor,
n Les annales de l'histoire attestent le contraire ; il y a eu sealement des
ocepliona plus on moins nombreuses. D. L. H.
'*< Lorsque Fk-édéric Bari>erous8e traversa Tfingen , le Iwron de Kren-
kingen refusa de se lever; il se contenta d'ôter son chapeau , car il était
entièrement libre de sa personne et de «es biens. Cette cooragnse indé-
pendance plut au noble empereur. Hemmerlin,
304 HISTOIRE DE hk SUISSE.
dait surtout au père ; on lui pardonnait même un mariage
disproportionné ^* ; bien plus^ quand la nécessité l'exi-
geait ^^^ ou que les mœurs du pays le permettaient ^^^
son bâtard héritait de lui. Malgré Tadulation d'histo-
riens ^^ et d'orateurs ^® empressés à orner de fables
Tprigine des maisons nobles^ le christianisme annonçait
trop hautement Végalité primitive ^^, pour qu'on pût
MA Par exemple , lorsqu'au seigneur bohémien , dont Tempercnr
Sigîsmond fit mention , renouvela sa maison en épousant la fille d'âne
blancbisseuse, on que cet empereur lui-même , conframément aa vœo
du peuple , légitima les fils illégitimes que Rappoltstein ( Schmassmann ?)
avait eus d'une rolurière. En revanche , dans des circonstances moios
favorables , la vieille race des comtes souabes de Landau descendit par
des mésalliances dans la classe vulgaire. Id,
**^ Autrement la famille Rappoltstein se serait éteinte.
*** D y en a plus d'un exemple dans la maison d^te.
'*^ Tel que Thùma» Lirer de Rankwyl, livre plein d'absurdité et de
bonhomie, dont le bourgmestre Wégelin a donné une nouvelle édition i
Lindau en 1761. L'auteur, qui a confondu les fables et les romans avec
l'histoire , comme il est arrivé des traditions islandaises dans le Nord ,
n'a pas vécu en 1188, encore moins en 9S0, mais dans le XV« siècle.
Gomment le savant éditeur a-t-il pu s'attacher exclusivement à la généa-
logie de la maison de Werdenberg, et oublier qu'en 930 il n'y avait ni
rois en Portugal ni ordre de chevalerie daos l'Ile de Rhodes? Qnelqoe-
fois , mais pas toujours . une ligne de vérité historique sert de base à nne
romance ; mais Lirer de Rankwyl , peut-être mattre-chanteur ( poète) de
la maison de Montfort , ne mérite pas plus è ce titre un rang parmi les
historiens que l'histoire de l'empereur Octavien , qui depuis le XUI* et
le X£y« siècle jusqu'à notre enfance a fait, avec Tyll Espiègle, les délices
de l'enfance.
*** Par exemple , Pierre Coêielleii, dans le Panégyrique de Jean Ga-
léasao Visconti, où, par une longue série de rois, il arrive d'Énée à
Uberto Visconti, qui, sous la porte de Milan, assomma d'un coup de
massue le dragon ; puis énumère un grand nombre de héros de romans
de cette famille. Hmnmerlin le raconte dans le livre de NohiLi le discours
est dansif uratori.
**' ■ Mémo non idem est a principio mundt. • Hemmerlin,
LIVRE lY. GHAP. IV. 305
Yoir reparaître des fils des dieux '^. La possibilité de
mériter ou d'acquérir la plus haute noblesse, la filiation
rendue souvent douteuse ^^^ par les frequens voyages
des chevaliers ^•^^ par les goûts dépravés ^^^ et les be-
soins des nobles dames ^^^, ne permettaient pas de re-
garder la naissance comme un titre indélébile ^^^ ni
exclusif ^^. La noblesse acquise n'était reprochée qu'à
Thomme sans noblesse morale ^^ et surtout par ceux
aux yeux de qui la vertu la plus commode était celle
de leurs aieux ^^.
^* Les tentatives ne manquèrent pas. Voyei la traduction que ThQ-
ring de Ringoltîngen , de Berne, fit vers 1470, de l'histoire de la belle
fée M élnâne » souche des rois de France.
*** « Omnia longa vartetas miscuit •
'*' Le campagnard prétend dans Hcmmerlin que souvent « coquns
supplet locnm; • le gentilhomme répond sagement «quod talium igno-
ratio jucundior est omni scientia. •
>** Hemmerlin se plaint de ce que les paysans et les moines obtien-
nent la préférence. Un des paysans en dit la cause avec une liberté d'ex-
pression qui caractérise l'époque , surtout si l'on considère que Hcm-
merlin était ecclésiastique , savant , homme de mœurs irréprochables.
*** « Nnmmus vçnales Dominas facit impériales ; • c'est un proverbe
qn'il rapporte.
**' Le chevalier Jean Erhard de Zésingen fut dégradé de sa noblesse
par IHËmpereur. Hemmerlin,
*** Il en appelle à l'exemple du grand Nicolas Piccinini , issu de la
famille d'un boucher, d'Ottobon Terzi , de Sforza.
>*' Un héraut avait coutume de tutoyer les nobles. Un gentilhomme
lui dit ! Use-s-en ainsi à l'égard des grands; leur grandeur peut le suppor-
ter ; mais mon honneur en souffrirait! Hemmerlin,
*** Un homme riche fut anobli à Berne. Il tutoya un baron. Celui-ci
lui dit: «D'où vient tant de confiance?* — «J'ai des lettres de no-
blesse. > — • Moi et mes pareils n'avons point de lettres , • répondit ave6
fierté l'ancien noble. Ainsi donc la jalousie entre l'ancienne noblesse et
là récente remonte à Berne jusqu'au temps de Hemmerlin ; elle a sub-
sisté jusqu'à nos jours et a produit, à côté de beaucoup de mauvais
effets , des effets ridicules.
VI. ao
306 HISTOIRE DE LA SUISSE.
La noblesse déchut , parce que^ se croyant née pour
tous les avantages > elle se di^nsait de les mériter^ et
que^ ignorante sUr sen origine^ elle luttait grossière-
ment contre le t^urs du temps ou se dégradait. L'acti-
vité avait créé des capitaux plus vastes, plus productifs
que les propriétés territoriales mal exploitées , et l'on
voyait s'accomplir les temps jadis prédits par un mi-
norite^^ comme le dernier âge, l'or et l'argent étant
devenus marchandise. Il s'éleva des capitalistes qui
prêtaient leurs fonds sur hypothèques, à cinq pour
cent d'intérêt ^^^, aux dissipateurs et aux entrepre-
neurs^ sans courir les risques des Juifs, dont une sen-
tence arbitraire ^^^ annulait les prêts. Dès cette époque,
les villes suisses se débarrassèrent des Juifs ^^^, à moins
que la pénurie d'argent *^* ou le mérite personnel ^^
ne les engageât à faire des exceptions, ou qu'à l'exem-
ple de Schaffhouse ^^ elles n'accordassent à de savans
*** Htmmsrlin : • Molli nobîles wi a me scire desidenbant qiiid
foerinL » C'était beaucoup. '
••• Frère Berthold de Ratiabonne (t U» 107). HemmêrUn, de Bm-
tione et venditiane tmiia pro vigintù
*** Les concUes de Goustaoce et de BAle approuvèrent ce taux. Id*
•1. c
*** Vempereer Frédàrie^ Vienne, Jeudi après St»Ambr. 1446 (dans
YHiei, des Juifs par Ulrich, 4ft0) , déclara que les Znricois n'étaient pai
tenus de payer des intérêts aux Juifs emprisonnés à Constance depuis le
jour de leur arrestation.
*** Les eonuiis et bosargeoie de Zurich, 1455 et suiv. Ckrieh, p. il9;
de fVinterthmr, p. ISS.
^* Ch. de Zuriek 14t5 , pour 2,000 florins. Vlri4dh iiS.
*** Exception en fa?enr dn médecin Joseph , en raison de son art.
Zuriek, 1428, Ulrich, ibid.
^' Le bourgmestre, le Petit et le Grand CaueeU et toute ta eomÊUumaaté
des bourgeois de Schaffheuse, dimanche avant Pentecôte , 1455 ; imprimé
ibid. 662.
LIVRE IV. CHAP. IV. 807
Israéliles ^^ y contre nne somme équitable ^^ ^ une
sphère d'activité honorable ^^ et assuré ^^^.
Le seul moyen de modérer les révolutions humaines^
c'est de marcher avec le temps ; mais la plupart trou-*
vèrent la ruse et la violence plus commodes. Opprimer
la noblesse , écarter les sages ^^'^ étouffer la raison po-
pulaire ^'^^ entretenir les divisions et la défiance ^^^^
s'entourer d'espions et de gardes ^ occuper le peuple de
ses besoins physiques ou de guerres étrangères ^^^y c'est
par de tels moyens que les princes cherchaient leur
grandeur et leur sûreté. Le commun des gentils-
hommes y au lieu de perfectionner Téconomie rurale et
de rivaliser d'industrie avec les bourgeois ^ plongeait
les subordonnés dans les afireux cachots des châteaux
pour leur extorquer des amendes démesurées ^^^,
abusait même pendant les fêtes saintes ^^^^ dans son
intérêt personnel^ avec son bétail et ses serviteurs^
M' Ldw, Juif, qai tenait nneéeole et célébrait le service religieux
pour les Joifs étrangers; il payait ce privilège en faisant chaque fois
mettre denx earreanx de fenêtre dans ta salie da conseil.
*** SO florins du Rhin par an.
^* Dans la ville seulement ils devaient porter une marque en drap
nwige à leor surtout.
*** La charte statue avec justice sur tears prêts hypothécaires, sur la
sûreté des biens qu'ils léguaient, sur la traite foraine et sur la garantie
qu'ils ne seraient jamais pnois plus rigoure«semefit que les autres*
^^ Hemmerlin, de Nobit, : «Me opéra arguant et popolum provocent»
Yoy. Jristote, Polit. Y, il } il a dévoilé ces artifices.
*** Fellet ittbditoê fore ignaroi, qtumiam odit luçem*
M* « Quoniam socii de se confidunt , et nolitia facit ûdem. •
*^* Il ajoute qu'on sénat ou une démagogie use aussi de semblables
moyens.
ui Le même se plaignant des prisons particulières et illégales. =
Comme de nos jours GhiHon , Arbourg , etc. D. L. H.
*** Ils avaient coutume de se rendre vers Pâques dans des couvens.
308 mSTOlK^ DE LA SUISSE.
de Tavouerie exercée sur des couvens craintifs ^'''^
épiait les roaiH;hands sur les. routes ^^* ou exerçait des
actes d oppression^ qu*on prétendait excuser par la né-
cessité ^^^. Les nobles qui se permettaient tant d'ini*-
quités négligeaient de s'assurer l'estime publique par
quelque supériorité même dans l'art de la guerre ^^^ ;
ils cherchaient leur gloire dans les plaisirs et non dans
l'audace ^^^, et trouvaient moins de jouissance à la
chasse ^^^ que dans les festins ^^^. De là ^ ruine et aban-
don des manoirs «ur les rochers et dans les bois ^^^; les
gentilshommes préféraient la vie des villes , moins pour
se mettre à la tête des affaires que pour faire bom-
bance dans les lieux de réunion ^^^, pour étaler des pré-
*^^ Mb 8*7 rendaient avec cheranx, mulets, chiens, valets, chasKon.
Les eoavens ne tiennent-ils pas tout de noos ? disaient-ils ; n'est-il pas de
leur devoir de noorrir notre pauvreté?
*'* • Nemo secaros nisi qui non potest exui jam nudatus, •
*** « Ungentem pungit , pungentem rostîcus ungit. » Et : • Rastict
gens, optima flens, pessima gandens. • Bien des gens croyaient des dé-
vastations périodiques nécessaires pour dompter les caractères trop indé-
pendans. Tout cela dans HemmerUn, de NobiL Le plus souvent le mal oe
commence pas parmi les campagnards ; Tinhumanité est le fruit de li
^Iture négligée , et le mécontentement le résultat de l'ignorance des
gouvemans. Ceux qui ont le plus à perdre sont les moins redoutables. H
ne convient pas que le pajsan gouverne , mais il a droit à la justice et à
l'espérance de s'élever un jour lui-même avec les siens.
** « Militaris disciplina, quam docuit Vegetius, se in quandam de*
linquendi licentiam et scurrilitatis speciem deformavit »
^^ Ib rentrent chei eux « sine ruga et macula, integris armis , per Dei
gratiam , ovantes, • et font les fanfarons.
**' « In miriGcîs generibus venationum , quibus dietim solatioso co-
namine occupabantur. •
*^ « In bibendi conflictu. •
*'* Alors déjà h plupart n'offraient que des ruines.
*^' • In popularinro mechanicorum conventicnlis. »
LIVRE tV. CHAP. IT. 309
rogatives vieillies ^^^ et pour descendre à tous égards ^^"^^
au niveau des classes qu'il eût été plus noble d'élever
à soi«
Félix Hemmerlin, ce savant et intrépide défenseur
de la véWté et de la vertu ^ était d'une ancienne et con-
sidérable famille bourgeoise ^^^ de Zurich ^^^; infati-
gable à augmenter une masse de connaissances peu
conunune à toutes les époques, mais alors bien éton-
nante, les ressources que l'Église lui fournissaient lui
servaient à poursuivre ce but ; son savoir, à ramener
tous les états au sentiment de leur destination ; il se
montra irréprochable dans sa vie ^^% sévère pour Ta-
bus des richesses autant que charitable et bienveillant»
envers les pauvres ^^^ Pendant et après ses savans^
voyages *^, il fut nommé chanoine à Zurich et à Zo-
fingue, et prévôt à Soleure ^^'. La cour de Rome se
persuader ^'^ de lui confier la prévôté du grand
'^ c Prstensas mm nobîlitatis prsrogfttivas. •
*>' fiefiiiii«r<ifi mentionne entre avUres Tosage de plus en plus générai*
de 88 tutoyer (• tibizare ■ ).
*** Ulrich , tribun au temps de Rodolphe Broun , depuis , membre du
eonaeil'; Tnn des chanoines de la grande Église. Le«.
*^ Né en i SB 9 , comme il nous l'apprend lui-même.
*M s Honest» conversationis. • Il en appelle sur ce point à la noto»
riélé publique IregUtr. quêrtUac, ) ; ses ennemis ne lui ont. Jamais re*.
proche aocun vice.
^* J. H. Hattinger ( SchoU Tig, ) a lire cela de la Biographie, de
Hemmerlin , écrite en allemand par Nie. de Wjl.
^^ Il obtint è Erf orlh le grade de bachelier en droit , à Bologne eix
i4SS celui de docteur des décrets. J. J. Hottinger, H. E, A, 1427 et
Le; diaprés son Pauionale, livre de ses souffrances.
***- U obtint le premier de ces offices en i&iS, le second en iâSl, le
troisième en i&SS. Hoiting» Sch. Tig, et Leu.
*^ Les moyens ne sont pas connus. On voit par tous les passages de
Hemmerlin sur le pqie Martin et sur sa cour qu'il ne croyait pas lai avoir
310 HISTOIRE DE LA CUISSE.
chapitre de Zurich. Le siège pontifical voulut abuaer de
l'ascendant de cet homme pour faire valoir une préten-
tion ; le chapitre s'empressa d'opposer un ancien droit
pour élire un préposé de moeurs moins incommo-
des ^^^. Hemmerlin se contenta volontiers ^^ des fonc-
tions de chantre de chœur^ relevées à ses yeux par l'ho-
norable souvenir de Conrad de Mure. Il approuvait les
revenus et les immunités du clergé , sources de loisir
tout comme de moyens pécuniaires pour les investiga-
tions savantes^ et d'indépendance pour censurer les
abus^^*^. Il estimait^ du reste ^ que les censeurs des
mœurs du monde devaient être personnellement a
l'abri de tout reproche ^^^. Il s'éleva avec tant de
zèle c<mtre la négligence de ses collègues dans les de-
d'obligatioiki. La simonie était à ses yeux on trop grand péché poar qa*ïi
8'«n MreDdii eo^paibte. H cenWent d'une chose : «^on simiis iiMrtioa
cnriosi, aut inqnisitores subtilitatum , circa donatione$ deprsbeodis»
{dePecun, pro prœb.) ; et dans le livre de JubiUo, il dit que c'était Tosage
h Rome d'envoyer des mets et des boissons, nosienrs Allemands élaient
employés à la chancellerie de Martin ( dans le livre Contre ini^moê jëàk.)*
Il reste donc incertain s'il fut favorisé à cause de aoo mérite, parée
qu'on désirtît le gagner, ou par politique , parce que fiome voulait ês-
poser de cette prébende , on à «i(re de eompalriote, ou pour quelque»
fromages suisses.
**^ En 1&S7 onnonina prévôt Henri Anensletter, qui avait uo Gis et
trois filles. Iam; J. H. Hahinger, SehoU et Jf . £. t VDI; J. J. Hêttm-
ger,^, £. a. H27,
^** 11 se dit « bene recompensatum. » Pa$»ion»
*>7 XI croyait en général un bon revenu favorable à la moralité (et
NoUL 64 a. ), et était fort éloigné de cette exaltation qui prescrit à tous
tes ecclésiastiques chrétiens le genre de vie des apôtres.
*** Pour ne pas s'exposer à la mésaventure du censeur Appios qni
accusa Gœlius, l'ami de Cicéron , de se livrer à l'amoar grec; à peine
eut -il achevé, que Cœlius , aux applaudissemens du peuple , intenta U
même accusation au cen^ur. Cic. çd famiL VIU, 12.
LIVRE IV. CHàP. IV. 311
voira de leur office ^^^ , contre l'irrëgulariié de leurs
mœurs ^^^^ qu'il s'en fit autant d'ennemis, et qu'un
jour il fut attaqué et blessé sur la grande route, dans
un guet-apens ^^^ Après avoir beaucoup oontr3>ué à
faire nommer prévôt Matthieu Nydhard, homme in-
telligent et expérimenté ^^^, il se livra de plus en plus
aux travaux scientifiques^*'. Le duc Albert ^^^^ le mar-
grave Guillaume **^, nombre d'autres hommes illustres
ou bien pensans ^^ savaient combien il pouvait être
utile à leur parti ou à la chose publique. Gomme il
**• Tiré du PoisionaU.
*^ U déclara qne le di^lam Prie» s^ait sons le ban , tant qu'il ne
renoncerait paa à sa concubine. Il sévit ^;»lement contre les cooriisanes
de i'Ârgovie. Mais la connivence valait à l'ôvéque deux miUe florins; les
prêtres achetaient volontiers pour «pecuniam copiosam, vitam in diebus^
suis solatiosam. ■ HtmmerL, RegUtr. quereL I.
**« En i4&9 près de Schamedingen. Hotling. H. £>
Ml «Inter inotUee minus inotilia,» dans le PatèUm»; du reste «doc-
lor f amosna. t
^* Les deiis collections de ses écrits dont noua avons bit usage ont
vraisemblablement été publiées ensemble s i* de NobilUate et rasticitaie
dUUagne, theohgm, Jwriem, pkUoe^pharmm et poêtaram eemtentiii, kietcriU
et faeetiU (sans contredit) refertUsimme, avec deux écrits cités n. 447 ,
iSS feuillets in-folio; V Varim obUetëtùmie opeeemU, khi feuillets in-
folio ; publiés par Sébastien Brant en i49S ou 97. On voit par la dédicace
que Laurent de Bibra avait d^à été sacré évétpie de Wfhrsbourg, ce quL
eol lien en i495, et que Sunon de la Lippe , évéqne titulaire de Pader-
bom , vivait encore; or il mourut en 1498. Le PaHÙmate, le BegiUrmn
qeerelm et d'autres écrits remarquables n'ont pas été publiés , que je
sache. On mériterait biei^du public en faisant un extrait authentique et
c<»iiplet des histoires et des pensées intéressantes renfermées dans de
semblables collections.
^^ Xignored^qs quel sens Uemmeriia appelle ce se^inenr «gratioais-
simimi prsBceptorem, > Dédie, tUaL de NobiL
**> U était son conseiller privé. Hotting. H. E.
*** Nous ferons remarquer Erasme, patron de l'église 4e Rappec^
achwyl* DeConiraetib. perGyeeL
312 HISTOIRE DE LA SUISSE.
arrive fréquemment à ceux qui vivent plus avec les
livres qu'avec les hommes^ et surtout quand ils
s'occupent des affaires publiques à des époques de
grandes divisions^ Hemmerlin, qui composa des écrits
politiques ^*'' pendant la guerre de Zurich , saisit
une idée dominante avec une ardeur qui l'empéclia
de voir les autres faces du sujets et^ plus tard en-
core **', Tentraina dans des exagérations **•. Oubliant
les faits passés ^ il proclama ^^^ la nécessité de dé-
porter ou d'exterminer toute la nation suisse ^^^, ne
doutant guère que Dieu n'eût destiné Réding et les
autres chefs , le peuple entier et même les plus
humbles vachers aux flammes éternelles ^^^. Il écrivit
ces choses avec d'autant plus de confiance qu'après
une pareille guerre le rétablissement de la Confédé-
ration lui paraissait impossible ^^^.
**' Le s s* chap. da livre de NobiL : de Suitenêiam, aiinam benel get-
tU; PrœeiêuM eoram Deo eonira SuUen$es; Epitf, CaroU M. ad Pridai'
cwn III iU de iUi$ vindietam «imaf. Âossi imprimés dans le ThetÊW,
HelveL
*** Le livre de NobiL , commencé en i4&8, ne fut terminé qo'i la fia
de ii49.
*** Des écrits composés pour les besoins da moment , surtout s'ils onl
été commandés et faits sous surveillance , ne peuvent , pas plus que les
discours de Gicéron et d'autres orateurs , être considérés comme des ei-
posés exacts de la conviction ou de là vérité ; aux yeux de Thistorien ib
ne prouvent que la direction que le gouvernement voulait donner wn
esprits.
*** Tout cela dans lo livre de NobilUate, -vers la fin.
*** U n*est pas moins irrité contre B&le , Aeme et d'autres villes suisses
qtie contre les cantons forestiers. Les Bernois « ursino more nobiles
laniando persequebantur. • Dans le C&nsoi, inique $up/nre$ior écrit eo
1455 au plus tard.
*'* Parce que les moyens d'instruction ne leur avaient pas manqué l
*» Dans le même ouvrage , feuillet 189. Les haines et les atrocités
produites par cette guerre , puis les sentimens fraternels réuoissaat de
LIVRE IV. CHAP. IV. 313
Moins passionné ^ le prévôt Nydhard ^^ jugea plus
sainement ^^^. Craignant et détestant la franchise
importune de Hemmerlin, il lui avait enlevé la bien-
veillance de ses supérieurs ecclésiastiques^^; il pro-
fita de ses imprudences pour consommer sa ruine.
Le savant candide lui en facilita le moyen par la
censure la plus franche des hommes dominans^ par
des railleries mordantes sur la vanité d'indignes
chanoines ^^"^ et par sa ccmfiance imprévoyante dans
la force de la vérité et de la justice. Nydhard irrita
sa susceptibilité par des actes d'injustice ^^^ et ^
quand il se plaignit , par le silence ^^*.
Une ancienne coutume consacre à des divertisse*
nonreau promptement et intimement tons les Confédérés pour des ac-
tions glôrieàses et ponr un grand nombre de générations , voilà ce que
vous devez méditer, mes contemporains , pour oser demeurer Suisses.
*^* Hemmerlin dans J. H. Hotiinger, Spec, Tig, 5S& : «Incedens in
agni vellere mansnetus. •
4*k n passe pour avoir été , à Zurich , du parti suisse. IbùL et Hot"
ting. biblioth, Tig. dans la SchoUu
*•• /. J. Hotiinger, H. E. a. 14Jf .
*^' Particulièrement PQrlin de Waldenbonrg , qu'il appelle « mris •
(au lien de « juris •) peritum, » et le • conthoralem • de Nydhard ( ContoL
imiqmê suppresêor ) , fils d'un père couronné et d*nne fiancée du Roi
des rots ( fils d'un prêtre tonsuré et d'une religieuse. Jean Beltramino ,
qui trahit Padoue , fat de même appelé fils d*un couronné, parce que
son père , en qualité de criminel , avait porté une couronne de papier
avec des diables peints. Chron, di Padova di Andréa GttHaro, 1405).
Waldenbourg était un des hommes les plus inflnens du chapitre. Lea,
*>• Dans sa ComoL iniqme iuppreeêor, il se plaint de la perte d'une
partie de son traitement Ce ne fui pas là sa dernière disgrâce , par la-
quelle il perdit tout , à moins qn'il n'en eût recouvré une partie. On
▼oit par son ouvrage de Relîg. proprietariU, écrit en 1457, qu'il renonça
volontairement à sa prévôté de Soleure , je ne sais à quelle époque • ut
poasit propositum iter in sanius dingerc. •
*** Il se contentait de marmotter qu'on n'avait fait aucun tort à
Henunerlin. De Ccneol.
314 HISTOIRE DE Lk SUISSE.
meus uoe partie de la saisoa sombre et morte, peu
avant oq après le solstice d'biver^^; une fois par
an on veui oublier le poids des affaires ordinaires
de la vie *^^ . Au milieu de leurs habitudes unifiâ-
mes^ les Suisses aimaient cette récréaticm après le
travail d'une année ^^^. Pendant le carnaval ^ l'ab--
bessedes religieuses, déguisée, courait aussi par la ville
avec son frère ^^^ ; la naiure faisait valoir trop fran-
chement ses droits suix dépens de vceux diffidles *^^.
De tous les cantons suisses, ou de plusieurs d*entre
eux, des centaines de jeunes gens, conduits par des
magistrats, se rendaient à cheval dans une ville con-
fédérale où se célébraient des jeux , où des prix ré-
compensaient rhabileté au tir, où surtout les cœurs
ouverts et réchauffés par le vin, se juraient une
étemelle amitié que confirmaient des serremens de
mains/ De cette façon, huit ans après la sentence
d' Argun ^^^, la plaine de la Sihl , Grdffensée ^ Tal-
liance étrangère , la longue guerre, tout fut oublié
dans le festin de carnaval que quinze cents jeunes
hommes de Schwyz , d'Unterwalden , de Lucerne , de
*** Les Saturnales commeaceat le i9 décemlMrc , notre caraâval jifuès
le jour des Rois,
A<i De là les masques.
Ml Gomme on sait , l'année ne finissait pas tocjonrs ni partoot avec
le mois de décembre, mais, en Italie surtout, fréquemment à la fin de
février on dans le mois de mars.
Ml ^ne (]e Héwen avec son frère Frédéric ( l'autre frère était évéqne
de Constance ) ; en 1433 ces courses firent accompagnées « d'asseï
grands désordres, • suivant des actes cités par J. J. Hûttmgtr, H. E, II,
696.
*** Des prêtres « se battirent pour la plus belle courtisane. » Càron,
turic. dans fVaatr, Annuaire, au mot Carnaval.
*•& En 1454 f Têchudi, Rah» et d'autres placent Thistoire qui suit à
Tan 1447 ; cette date est contredite par les écrits de Heounerlin , parfai-
LIVRB IV. CHAP. IV. 345
Z^ug et de Claris ^^^, célébrèrent dans la ville de Zu-
rich. La perfidie et la méchanceté abusèrent de ce jour
de plaisir pour perdre un innocent*
La joie était bruyante , les coupes circulaient rapi-
dement ^^'^ ; jamais l'amitié confédérale ne s'était mani-
festée plus chaleureusement que dans la réconcilialion
actuelle. Au milieu de l'^ianchemant général, un
des seigneurs ^®* fit obseri^er que le mccomnodement
durerait à jamais si quelques hommes n'entretenaient
oioore du ressentiment. Tandis qu'on portait un vwai
aux Confédérés 9 « Meurent les «nsiemisl » ajouta-tfril
à demi-voix. Les jeunes gens demandèrent : a Qui
n sont ces ennemis? où sont-ils? » Quelqu'un mur-
mura le nom du grand sautier Jean Asper, ennemi
acharné des Suisses, commandant des boucs. Plu-
sieurs, instruits par Finébranlable confédéré, le loyal
prévôt Nydbard, mentionnèrent maître Hemmeriin,
s'écriant que « cet Autrichien (car il rougirait d'être
» Suisse) leur imputait, dans des écrits publics^ des
>j crimes contre nature, insultait à la Confédération,
>j conseillait, à la façon de Landeûberg ^% un mas-
temenl iiutrnîl des faits. Od Taora annexé dans les chroniqaes à la *
guerfede Xntith*
*** Suivant Louis EdUbaçh» May cite tous les cantons , outre Soleure ,
Bâle et AppenzeU , mais , selon sa coutume, sans preuves» Le premier
attribue Tidée de ce carnaval commun aux cantons; Tuhudi, aux Zuri-
cois ; la contradiction disparait si l'on se rappelle qu'il y avait encore deux
espèces de Zuricois^ ceux du parti suisse et les autres.'
**' An diner» ordinairement à iO heures , au plus tard à ii.
^* Il s'agit de seigneurs laïques qui faisaient partie de la société t on
de seigneurs ecclésiastiques qu'on avait invités.
^** Voy. t IV, 1SS« n« 472, comment Béringer de Landeoberg voulut
exterminer les Appenzcllois^ HemmerUn, de NobîL c. SS, d^lore que
cela n'ait pas en lieu.
316 HISTOIRE DE LA SUISSE,
>i sacre général , même des femmes et des enfans , et les
» dévouait au diable. » Pendant que les esprits s'échauf-
faient et que quelques-uns des convives s'esquivaient
pour aller jeter le grand sautier par les fenêtres de
THôtel-de-ville ^ d'autres déclarèrent qu'ils feraient
de même à l'égard de maître Hemmetlin, sans l'im-
munité sacerdotale ^'^^^ « Dans ce cas, » dit l'un d'eux,
» personne n'aurait à redouter les foudres de Rome ; la
» plume acérée de cet homme n'a épargné ni pape ni
» évèque; le mal infligé à l'ennemi commun, par des
» braves qu'échauffent la colère et le vin , sera faci-
» lement excusé. » « Ne le tuez pas, » dit un autre;
(( le vicaire - général Gundolfingen est à Zurich ^^^
i) livrez -le -lui comme un criminel, et laissez aux
» ecclésiastiques le soin de lui rendre la vie amère. »
Tous ces propos étaient convenus d'avance*''*.
Les jeunes gens se levèrent de table *''^. Tandis que
Jean Asper n'était sauvé qu'avec peine par quelques
honorables conseillers , les autres coururent au domicile
de maitre Félix Hemmerlin, à la cour des chanoines ,
près de^ la grande église. Le vieillard était assis dans
son cabinet d'étude, entouré de sa bibliothèque choi-*
• sie et bien classée *''*• Il connaissait ses ennemis et
leurs projets; s'il s'était montré pour les confondre,
^'^ Ses ennemifl se chargèrent de son arrestation ; le gouvernement
légal ne l'eût jamais arrêté , Tévéqne même n'en eût pas donné l'antori-
sation.
*'* Nicolas Gundolfinger, qnî s'était entièrement laissé gagner.
*'> On soupçonnait une clause secrète du traité de paix. Siatder sur
eEntUhuek, t U.
*'' Le 18 février iA54, à midi. Pierre fiumagen dans HoUinger; lui-
même dans RegUtr, quereL
*'^ « Notabiliter regutrata el in studorio suo regulariter tabulais. •
Le même in PofiionalL
LIVRE IV. CHAP- IV. 317
peut-être se serait-il sauvé ^'^^ ; mais l'étude les lui fit
oublier. Au nom de l'évêque de Constance ^'^^, les
jeunes gens remmenèrent prisonnier. A l'instant même
le vicaire-général s'empara de son mobilier et de ses
livres. Hemmerlin passa quelques heures à l'hôtel
de la Justice *'''^. Le soir, au milieu de l'affluence
du peuple étonné ^''^j sous les yeux du gouvernement
en partie faible *'^*, en partie complice *^^, attaché sur
son cheval *^^y il fut conduit par un valet du vicaire-
général *®^ dans un château de l'évêque **' où il resta
quinze jours au fond d'un cachot sombre et infect ^^%
sans subir d'interrogatoire. L'intercession des ducs
d'Autriche , Albert et Sigismônd , lui procura quelque
adoucissement ^^^ , mais non la liberté ni l'accéléra-
tion de la procédure. La vengeance de la divinité
offensée ^^^y comme la vengeance de la majesté blessée
*'* «Si Maliens f Hammer, marteaa) non Malleolns (Hemmerlin,
petit marteau) fuissem , fortassis me defendissem. ». De Cotuol, inique
supffreee.
A'* Le vicaire général prêta son nom.
*'7 . Prstorîo. • Begistr, quer,
^'* n compta S,000 personnes. IbUL
*7* Le vicaire^énéral prétexta la nécessité de l'emmener poor le sous-
traire à la fureur de la multitude aveuglée et de ses ennemis.
**• Je vois que Jean Keller, bourgmestre depuis 1445, ne figure depuis
£454, pendant les six dernières années de sa vie, que comme simple
conseiller. Lmu Sa conduite dans cette affaire Taurait-elle rendu impo-
polaire?
**^ Les pieds attachés ensemble par-dessous le cheval , une main sur
le dos. Registr, quereU
**' Henri de Gerwyl , familier de Gundolfinger.
^'* Gottlieben , où Jean Huss avait été enfermé.
**^ n fait la remarque que les reptiles ne lui ont (ait aucun mal.
**^ Il fut transporté > in locum largum , » où il avait deux gardes.
*** C'est-à-dire du clergé.
318 HISTOIRB DE LA 8CISSE.
d'une nation ou d'un prmce^^'' ne connaît pas de
bornes ^ parce que le {nrétendu zèle étouffe toute jus-
tice et toute humanité.
Au bout de quatre mois^ du haut d'une tour où
il était enchaîné en compagnie d'un meurtrier lé-
preux , parce qu'il s'était évadé *^, maitre Hemmer-
lin fut conduit derant le vicaire-général. Là ^ on lui
reprocha avec véhémence l'audace de ses attaques
contre le pape et l'évéqne^ ses supérieurs, le scan-
dale de ses accusations contre les prêtres ^^^ et ks r^
ligieux, l'amertume de ses propos sur le compte des
vieux Confédérés de sa ville natale, k A proprement
)» parier^ répondit-il , toute justification est inutHe :
)> le procès a commencé par la condamnati<Mi dont
M les suites ont hâté le terme de ma vieillesse seoLS'*
» génaire *. Mais vous avez agi prudemment : votre
» haine devait s'assouvir avant l'interrogatoire , qui
» démontrera mon innocence. Je pourrais décliner la
» juridiction exercée par vous, au nom des supé-
» rieurs qu'on m'accuse d'avoir outragés *^ ; mais, si
» vous ne sentez pas vous-même l'inconvenance de
» siéger à la fois comme juges et comme accusateurs^
» tenez-moi compte, du moins, de la patience avec
» laquelle je supporte l'illégalité. Heureusement cette
M concession me devient facile : si quelque passage de
» mes écrits a pu offenser l'évéque, notre Seigneur,
» il ne concerne pas ce diocèse, mais l'administra-
*>7 G'est'à-dlre des démagogaes ou des ministres.
*<• II échappa en plein jour, tandis qne ses gardiens dormaient, el
demeura douze jours caché à Constance; mais il y fut découvert
*^* An sujet des (fbncnbines.
* U avait 65 ans.
"* U pouvait en appeler à Rome ou à un concile. Begistr. quereL
LIYRB IV. CHAP. IV* 319
» don de Tévèché de 0>ire , étranger pour nous ^^^ ;
>i de la part du pape^ ma modération mérite plutôt
» des éloges et de la reconnaissance. Sans rappeler
n les accusaticms bien plus véhémentes , faites de toute
>i antiquité ^^ par des empereurs et des rois^ par des
» princes et des villes^ par les pères des conciles et
j» par des écrivains indépendans et loyaux, je vous
» fais vous-mêmes juges, s'il est possible ^ s'il est dé-
» sirable que le devoir et la conviction restent muets
n devant les terreurs du pouvoir; si les supérieurs
» ont plus à redouter les avertissemens d'une plainte
» qui s'exhale que l'explosion d'un sentiment péni-
» ble long-temps comprimé^ qui, à la fin, renverse
n tout avec une irrésistible violence. Leurs amis, ce
» ne sont pas les flatteurs qui les endorment, mais
n les censeurs qui les empêchent d'oublier ce qu'ils
» sont. Vouloir briser le miroir de la vérité, c'est
» montrer qu'on a mauvaise opinion de soi. Un su-
M périeur aurait bien mal mérité de ses subordonnés,
M si de fausses accusations lui enlevaient facilement
» leur respect et leur amour ^^^. Mais je parle à des
^^ Cette excnse est qaelqoe peu sophistique et difficile à concilier
avec certains passages.
*^* Dé]à lors de la scission de FEmpire et de l'Église; bien pins en-
core depuis la querelle des Franciscains plus rigoureux et de Jean XXI ;
sortont pendant le schisme et dans les conciles auxquels il donna lieu.
^* Le ccenr du peuple a été enlevé même à des gouvememens bien-
faisans ; mais ce n'a pas été au moyen de livres latins imprimés en carac-
tères gothiques comme ceux de Hemmerlin , ni sans un travail long et
systématique favorisé par des armes victorieuses , ni sans qu'il y ait eu
de leur faute. Avait-on marché avec les temps? Avait-on influé sur Popi-
nion publique ? Avait-on demandé des conseils? les avait-on suivis ? Ne
s%9t-on pas abandonné soi-même ?== Les gouvernans de l'ancienne Con-
fédération helvétique ont perdu Taffection de ceux qu'ib refusèrent d*é-
320 HISTOIRE DB LA. SUISSE.
» juges qui y si j'ai péché, sont mes complices. Vous-
» mêmes m*avez fourni l'occasion de plusieurs de mes
>» écrits; vous les avez tous lus avant leur publica*
» tion; j'en ai corrigé quelques-uns, aucun n'a été
» réfuté durant le cours de tant d'années. Ce qui
» m'a inspiré , au milieu des guerres , le sentiment
» des souffrances de ma patrie bien-'aimée, à laquelle
» je dois existence, éducation, revenus, tant d'an-
» nées d'honneur, tant d'excellens amis, est compris
» dans l'amnistie de la paix. Je me suis trop étendu
» sur ces accusations, comme si je tenais aux biens de
» la fortune que j'ai perdus, ou si mon honneur était
M au pouvoir d'autrui. Le vieillard courbé, tremblant,
» rongé par les fers, fatigué du travail de la vie, ne
» demande qu'à finir paisiblement sa journée, dans
» une tranquille cellule, au milieu de bons reli-
» gieux***. »
Promesses et menaces furent prodiguées pour l'en-
gager à une rétractation *^^. Lui , jusqu'à la fin de sa
vie serviteur da la vérité, dédaigna d'acheter le par-
don des ennemis de la vérité, qui étsstient les siens,
en infirmant son propre témoignage ; il se confia dans
la postérité, reconnaissante de ce qu'il n'avait rien
remis en doute. Contre le gré du bon mais faible
évéque '^, il fut dépouillé de ses offices dans le grand
coûter, ou qu'ils insultèrent et opprimèrent en 1778, en 1790, 1791,
1792 et 1795. La un de la note , digne d'un historien homme d*ÉUt, est
en opposition avec le commencement. D. L. H.
*'* Ce discours est extrait de RegUir, querel.^ de CotuoL tuppreu» et
d'autres manifestations.
*»» Hoitinger, H. E. II, 456.
**' BuUinger. Hemmerlin lui-même le donne à entendre. Les maî-
tresses de l'évêqne ne pouvaient pas lui vouloir du bien.
LIVRE IV. CHAP. IV. 321
chapitre y et^ après trois mois d'une inébranlable fer-
meté , comme il avait déployé tout son zèle à démasquer
l'hypocrisie des moines mendians ^^^ il fut livré aux
frères^mineurs de Luceme , avec la recommandation
de lui faire endurer les plus mauvais traitemens. Au
pouvoir de ses plus vils ennemis ^^^ ^ abandonné ou fai-
blement soutenu par ceux à qui il avait été le plus
utile ^^^, enfin oublié dans sa tour ^^, maître Félix
Hemnfterlin ne se démentit {jas un seul instant jusqu'à
l'heure où il lassa la destinée. Un jour il dit au père
gardien, homme sans attention pour lui^^^, mais non
pas méchant : « Par un été bien chaud , la fonte des
» neiges grossit considérablement les eaux de l'Aar ;
M quelqu'un fit remarquer à cette occasion l'honnêteté
» des Soleurois qui pouvaient soustraire des milliers
**' Surtout dans son livre Contra Falidos mendieantu^
*** Autrefois prélat et docteur, il était alors esclave « ordinis fratrum
totîns ronndi Minorum. » Lui-même , de MUeric, capiivU imptnd,
*" Ceux de Zurich , où le parti suisse dominait de nouveau , ne firent
rien pour lui. Tschadi, Le parti opposé n* avait pas non plus épargné
Henri M^ss. •= Le vntgaire pense que ceux qui sont poursuivis pour
avoir pris sa défense sont suffisamment honorés par celle-ci. Cette ingra-
titude exista toujours; il faut en appeler à d*autres jugés et à d'autres
temps. D. L. H.
*^^ De sorte qu'on n'a pas même consigné l'arrêt de sa mort, floitin-
g$r^ !. c. 685. L'honnête TsChudi , sans doute dans le sentiment de la
vérité exprimée à la fin de ce chapitre, glisse sur Thistoire de Hemmerlin,
comme s'il Fabordait à regret. Pendant trois siècles et jusqu'au temps de
ma jeunesse, son nom, proverbial parmi le peuple, a désigné >un
homme de talent, mais dont l'entreprise échoue» ( BuUinger ), un
homme fécond en saillies et par là redoutable. Sur le titre de l'édition de
SCS œuvres diverses, donnée par Brant , se trouve son portrait gravé sur
bois; sa physionomie est spirituelle et sereine; il est entouré de taon?;,
dont un le pique, et de roseaux semblables à cehii dont on frappa le
Ohrîst.
^** «Inerlia naturali stîpatns. «Oe Miseric. capiivit imptnd.
▼I, ai
322 HISTOIRE DE LA SUISSE.
» de seaux d*eau/ sans que les Bàlois s'en aperçus^
» sent. Père gardien , de votre abondance vous pour-
» riez faire beaucoup pour moi, à Tinsu de mes
» ennemis ^^^. » Quel<|ues mois apré»^ grâce à un aoû
puissant, ou à Tévèque^^ou par un sentiment de pu*
deur, on permit de le traiter avec humanité ^^^ ; on lui
rendit au moins une partie de ses livres ^^, pro-
bablement aussi ses gens ^^^. Il oontînua de se servir
de sa bibliothèque pour défendre la justice/ même
quand elle était favorable à ses ennemis ^^, et pour
prouver son dévouement aux vérités pour lesquelles
il souffrait^''. Ses dernières paroles se perdirent de-
vant les frères -mineurs ^^; mais lui, ncm moins
joyeux, s'envola ^^ du monda de Gundolfinger et
••' RegUir. quereL
^*' Après cela les moines « ei omnem hnmanitatis clemeDliam prcsli*
tenint, »
^** Il se plaint souvent qu'il manque de livres; toutefois les ouvrages
composés par lui pendant sa captivité fourmillent de citations esacles
d'un si grand nombre d'auteurs que ses plaintes ne concernent sans
doute que la multitude de livres que , dans une meilleure fortams. it
emprunta des couvens et des ^lises. Pamioii. Si l^on réiéthi^quejsénie
ses derniers écrits, le Pasêionaie et le Regiftr, ifuêrel, deTÎnrenL la pro-
priété du grag^ chapitre de Zurich , on parait en droit de conclure que
sa bibliothèque lui fut rendue à condition qu'à sa mort tout itviendoit
au chapitre.
&•» C'est eux que j'entends par les « tribulaUoiinm aocii» dont il pade
dans son second traité iU Exoreitmis, écrit plus tard.
516 u était en prison depuis long-temps lorsqu'il écrivit, à la demande
du vicaire-général, son livre très-indépendant de Libertate êuluiattUa.
^*' P. e. ^ans RtgUtr. qiur. Hottlng., L c AS5. Cet écrit et le Pi»-
êionale mériteraient l'impression.
^^' « Lucemœ apud Minoritas mortuus dicUur, Ancienne anno&atioP
sur un exemplaire de ses œuvres. HotUng,
^^* Avant 146A. Ibid. 495. Cette année-là Nicolas de Wyl, mailre
d'école à Zurich , plus tard greffier municipal à Esslingen, écrivit»
biographie.
UVBE lY. CHAF» IV. 323
de Nydhard au sein du repos étemel^ ou peut-6ti*e
dans ce lieu espéré de lui et des btOBimes de bien,
où régnent l'ordre et la justice.
Rien de plus beau que les journées de Morgar-*
ten, de Laupen, de Sempach, de Morat ; de nobles
jours de paix et de guerre honorent les annales
suisses : ïnais que la Suisse, que tout prince, que tout
peuple le sache , Toppression d'un seul homme juste
est une tache dans l'histoire.
324 HISTOIRE DE LA SUISSE.
<x><x><x><><x>ô<><x><^<x>ô<:x><x>o<x><y>ôo<x>ô^
CHAPITRE V.
SITUATION De toutes tES œNTftEES DE l'hELVETIB PEN-
DANT LES DIX - NEUF ANNEES COMPRISES ENTRE LA
S&NTENCB DE BUBENBERG ET LA GUERRE DE WALDàHUT.
Le tays-de^Vaud ( et la Savoie ); possessions des princes d*Orange ;
les comtes de Gruyère (le Gessenay); les évéques de Lausanne
et ceux de Genève. ^-^ La ville de Fribourg , sa guerre ; elle passe
sous la domination de la Savoie.»* La maison de Neuchâtel. ^-
Le Vabis. -^ La vieille Suisse des cantons primitifs* Rapports
avec le Milanais ( Origine des Sforza); la Capitulation; la Valte-
line et Chiavenne. -^Agrandissement des Grisons. -^ Glaris* —
AppenEelly la ville et Tabbé de St.-Gall. (Ulrich RÔsch); le
Rheinthal; achat du Tokenbourg. — Zurich. — Démêlés de Wae-
denschwyl. — Zoug. — -- Luceme. -^ Berne. — Soleure. — Bàle y
son Université. — Evéché de Bàle.
[1460—1469*]
La lutte que la Confédération suisae venait de sou^
tenir avec bcmheur et gloire , non-seulement contre des
puissances irritées^ mais contre l'ennemi le plus redou-
table, contre la discorde intestine^ attira singulièrement
sur elle Tattention de ses grands voisins , et lui donna
tant de considération et de courage que personne ne
l'attaquait plus impunément et qu'elle devint l'appui
de beaucoup d'opprimés. L'esprit de la liberté rani-
mait. Les gouvernemens voyaient la liberté essentielle-
LIVRE IV. €HAP. V. " 329
ment dam l'indëpendaDce dé la patrie à l'égard de»
trônes étrangers*; dans les contrées qu'ils acquirent^
les autorités mêmes étaient soumises à l'ordre établi et
au- droit fondé sur des chartes. ' Nous allons décrire la
situation de chaque pays y en commençant par la fron-
tière sud-ouest pour finir par celle du nprd> parce que
la première fut le théâtre de troubles graves ^ déjà
même pendant la guerre de Zurich ^ et que sur 1^ se«-
ooade surgit une guerre avec l'Autriche qui occa-
sionna celle de Bourgogne.' Nous n'avons pour guide
ni prince ni sénat; les vieux Suisses ^ libres dans tous
leurs cantons y ne reconnaissaient d'autre centre que
leur Confédération y visible seulement par ses effets,
comme Dieu dans la nature.
Le pays romand ^ du lac de Genève à eenx de Neu«^
châtdl et de Morat^ du Jura à laSarine^ reconnaissait
la suzeraineté de la Savoie; exceptons toutefcns les
possessions bourguignones du prince d'Orange, le pays
allemand du comte de Gruyère , Lausanne et Genève ,
presque libres sous leurs évéques, et Fribpurg dépens-
dant de l'Autriche.
Le duc Louis de Savoie ^ dévoué, à son. épouse Anne
de Lusignan , prinoesse de Chypre , la plus belle femme
de son époque, dont il avait quinze enfans ^y lui aban-
donnait la direction des a£Eaires et confiait à des Cy-
priotes les principaux emplois^. La noUesse indignée
leva la tète. Le mécontentement public exigeant une
* Ce n'était pas assez : ainsi que v.ou8 Favet si bien dit en plusieurs,
endrmts, il fallait que cette liberté repos&t au-dedans sur l'égalité ()es
droits , sans laquelle}! ne pouvait y avoir de commune patrie. D. L. 1).,
' GuUktmn^ HUt, de la maiton <U Savait.
' Jd. A. 1465.
326 HISTOIRE DE LA SUI86E.
ftforme foadameDUle de la îustioe '^ elle exerça sur
le ebaoeeUer Guillaume de Bolomier une vengeance
provoquée par ses ridiesses^ et par Tabus de laoon-
fiance du {HÎiice précédent^ } on lui attacha une grosse
pierre au cou et on le précipita dans le lac de Genève.
Dirigée par le général Jean de Compeys, la cour sévit
contre des hommes ennemis moins encore du chance-
lier que de teut ministre en faveur *. La noblesse re-
chercha la protoctiande la France''. Le dauphin Louis
gouvernait le Daupfainé et cherdmt un appui ; à Tiasu
du roi C3barlea VU , défiant avec raison , le duc de Sa-
voie se laissa engager à lui promettre sa fille* en ma-
riage®. La France s'émut; Charles VII se montra dans
le haut Forez ^^; Compeys était mort ^^ Le duc se sou-
mit* et laissa au roi^ qui maria sa fille au prince de
PîéBkffll^^^ le aoin de contenter la noblesse savoi-
sienne^^. Profondément indigné de cette soumission qui
* Ké(€«iaa(wr9 génfou de l« joalio». M. iè4S. FIub taid les tnis
étab furent appelés à Oeaève au sa]et de semblables grielii.
* MntasSylviiÊ», de statu Ëairopardans Frelitr, Scriptt, II» 135.
^ Amé VUI , qai vivait encore comme pape.
* D« là, kl desitoction <te Tarimboii^ François de hr Pahi, I qai
celle «e^|ns«rîe apparte««it . éoàt le ehef de la rôfanne.
^ DupUiXf HifiU de France,
^ Charlotte de Savoie époasa le Dauphin en 1&&7, et mourut en i483i
qoe^ues ttioSs après tui , qui , sut îc trône, ne lui avait laissé que peu
d'intococti Atiéevirif. lêêdaie».
' Gmcâêmm,
^^ En 1452.
H Xué dans la guerre da Milanais, en 1449»
* Il fît un traité humiliant» et s'obligea de fournir an roi 400 laocet
à ses {ra& , envers et contre tous • excepté le pape et l'Emperenr. C. M*
*^ Jolande , dont il sera souvent question dans le eonrs de cette hûf
toire ; elle mourut en i 478.
«» Il députa dans ce but vers le roi l'évoque de Sion , Henri Asçer-
Hng et le chantre du chapitre de Genève , Antoine Piochct. Cuiehn^on»
LIVRE IV. CHAP. V. 327
dëiruisait taule l'utilité de son mariage ^^, le dauphin
prétexta oertaine» prétentions du Dauphiné^ déjà pres^
criles, pour faire la guerre à son beau-pére ^^. Les ar-*
mes de la Savoie furent malheureuses ^^ ; l'expérience
de la déloyauté rendant toute négociation difficile ^% le
duc envoya son fils ainé^^ deiix fois à Berne demander
du secours; Ta voyer Rodolphe de Ringoltingen ^^ cx>n-^
duisit trois mille hommes , sous ta bannière bernoise ,
dans les environs de Genève ^^. Charles VU ordonna
à son fils de faire la paix ; la démonstration des Ber-
nois ne fut vraisemblablement pas étrangère à cette dé-
cision ^^ Dans ces circonstances^ le duc remit tous les
droits qu'il avait lui-*méme exercés sur la baronie de
Yaud^^ à son fils le prince de Piémont^ gendre du roi
de France ^^. Les députés des villes prêtèrent serment
à ses représentans^ à Moudon, soua réserve que le
prince^ de son côté, confirmerait par serment leurs
** La Savoie lui aurait offert an asile plas sûr contre son père que la
cour de Boorgogne; il vit alors qu'il ne pouvait pas compter sur le duc.
** Gmekenon, ainsi que Tschudi, II, 574» Il expose avec plus de
clarté ces événemens que Stettler, qui a servi de guide à Iseiin et h
May.
'* Viij, seignenr de La Serra , Humbert Métrai , François de Senar-
clens, Gufllaume de Sacconex, de Colombier à Wuifflens et d'antres
gentilshommes du Pa^-de-Vaud forent faits prisonniers. GaUhe^
non, i&54.
*' Voyei plus loin les événemens de Fribourg.
** Amédée , prince de Piémont.
<• Avoyer en UhS, 51 et 54. M. Fréd. de MStUnen.
* Tichudi, 1, c; SteHUr.
M Jirflx,Vn,278.
*> • Baronia Vnandi • était le titre diplomatique ordinaire.
^ Mondon , Morat , le chftteau et la ch&tellenie de Montagny, Ro-
mont, Rue, Tverdun, Gudrefin, Sainte-Croix , Les Glées, Gossonay
(qui! possédait déjà à im autre titre) , Morges, Nyon , Belmont, Cor-
bière. Qrandcourt. Ch^ i&55.
328 HISTOIBE DB LA SUISSE.
franchises * ; les seigoeurs et les chevaliers promirent
de jurer lorsqu'il viendrait en personne ^^. Plus d'une
fois , pour doter des princes et des princesses ^^, pour
récompenser les mérites d'un frère illégitime^®, pour
assurer à des frères cadets une situation digne de
leur rang^'^ ou pour sortir d'un embarras pécu--
* Une charte da 14 mai 1451 ( voy. ci-dessoas n. 50 ) , pnbb'ée par
M. Grenus^ dans les Doctunemê, p. 78, citée par J. J. Cart et par PêUitf
EUmens , II , 120, renfenne la reconnûssaiice la plus explicite des fran-
chises du Pajs-de-Vaud. • Le duc, dit Pellis \p. 1)1), coqfirma le ser-
» ment de maintenir les franchises , libertés et immunités de la baronie,
• et ordonna à ses officiers de n*y contrevenir jamais, nonobtiani qaelqtM
» lettres, eommandemens et aatreê eoncuêion» tfue i^on pâtanamer pour foin
» au contraire d^s prétente», - C. M.
^* CA« du 9 mars 1456. Uqmbert Cerjat porte la parole pour les villes.
= Cette ch. importante a été publiée par M. Grenus dans ses Documens,
p. 77 à 89. C. M.
^ Louise, fille de Janus de Savoie , comte de Genevois, n'apporta^
l-elle pas Vevey, Blonay, la Tour de Peylz^ en dot à son second mari,
François de Luxembourg? Guichenon,
^ Testament fCÀnUdée FUI, 1439 (dans GuUhenon), par lequel il
transmet à spn frère illégitime le vaillant Humbert , outre Estavayer
( « Stavayaco • ] , que celui-ci possédait déjà , la ville , le cb&leaa, le
mandement et le ressort de Romont , qu'il érige en comté, « in augmen^
• tum feudi nobilis et ligîi. » Humbert mourut en 1445.
^' Ainsi Louis remit, à Quiers, en 1460, les biens qu*il possédait dans
cette contrée, à son fils Jacques , célèbre son$ le nom de IlomonL Gui-
chenon, s=s « On ignore l'époque précise où la coutume de donner des
apanages aux cadets de la maison souveraine devint en ce pays une loi
fondamentale. Ces apanages étaient des espèces de msjorats ou de sub-
stitutions, dépendantes de la couronne, et devaient y faire retour en cas
d'extinction de la branche qui en était investie. Cet important étabUsse-
ment, inconnu en France sous les deux premières races, avait pour ol^et
d'empêcher la division de la souveraineté, et sur ce principe furent
f^its en 1285 les partages entre les enfans de Thomas II. Auparavant,
les cadets de cette maison, appelés damoiseaux, et surtout les bâtards
étaient le plus souvent destinés à TEglise. Un grand nombre furent évé-
ques et abbés, moines ou chanoines des chapitre^ de Liège ou de Lyou.«
LIVRE IV. CHAP. V. 329
niaire^^^on disposa ainsi de l'usufruit de diverses parties
du Pays-de-Yaud ; la suzeraineté demeurait au seigneur
du fief^^. Même après cette cession^ Louis renouvela
son alliance avec Berne ^ ; Amédée la ratifia après sa
mort^'^ puis une seconde fois lorsque ce prince ma-
ladif^ heureux seulement quand il faisait du bien'^,
remit la direction des attires à sa femme Jolande de
France ^^. La cour du duc^ qui surpas^ten faiblesse
même son père^ fut une arène pour les partis, ex-
cités surtout par la passionnée duchesse et par l'es-
prit inquiet de son frère, le comte Philippe de
Bresse ^^. Son père lui-même ne s'était pas cru en
sûreté : Philippe avait intercepté l'argent que sa mère
comptait envoyer en Chypre dans des fromages ^^ ; il
avait poignardé de sa main le gouverneur de la cour
de sa mère *^ et envoyé enchaîné sur Tautre rive du
lac de Genève le chancelier de son père '^. A la prière
de ce souverain^ le roi Louis XI viola le sauf-conduit
Mémoires higtoriques $ur la maison royale de Savoie par M. le marquis
Costa de Beauregard; Turin , 1816, t I , p. 183. G. M.
^ Gex hypothéqué à Jean, bâtard d'Orléans (le grand Dunois) ; 1445 ,
2 0 mars. Guishenon.
>' Sans doute aussi « dona et subsidia per bonas villas gcneralîter im-
ponenda. > Ch, n. 26.
*^ Instruaion, Chambéry, 28 juillet 1457, pour le maréchal de Seissel,
pour François, comte de Gruyère, bailli de Vaud, etc.
•« Raiifieaiion, Pignerol, 15 avril 1467.
" Ch. 22 mai 1469, ibid.
» Guichemfn, 1469.
^ Né 1458 , mort comme duc 1497. Il fut la souche des rois.
'^ GuiehenoHf A. 4496, à rectifier d'après Lévrier, Comtes de Genevois ,
H, 41* Voy. plus de détails ci-après à n. d et suiv. Cet événement ap-
partient à l'an 1462.
** Jean de Varai.
'' Jacques Walpurg, comte Mazin«
330 HISTOIRE DB LA SUISSE.
qu'il lui avait doonë et le fit enfermer dans ks fameux
cachots du château de Loches ^^. Far leur intercession
et en se pwtant garans^ les Bernois obtinrent sa liberté
afrèy la mort du pdr6 ^^. Ce prince entreprenant avait
Famour du peuple ^^.
Maïs 9 dans les derniers temps du régne de Philippe-
le*Boiiy duc de Boni^gogne^ il se forma dans cette con-
trée de TEuropb occidentale un parti bourguignon et
un parti français ; le premier cherchait à comprimer la
royauté et la puissance de la France. Jolande, quoique
sœur du roi, et Philippe de Bresse, que Louis cher-
chait à gagner par tous les moyens ^^, embrassèrmt le
parti bourguignon ^^, non-seulement parce que ta cour
si cultivée de Bourgogne, et Charles, fils de Philippe,
en qui brillait tant de grandeur et de noblesse, avaient
plus de charme que la froide et sombre astuce du roi,
mais parce que les États, faibks et sans appui sur leurs
derrières ^^ n'avaient rien à redouter autant que l'u-
nion de toute la Gaule. La partie la plus éclairée du
gouvernement de Berne ^^ partageait ces vues et cette
propension de la cour de Savoie. Celle-ci consolida les
m
** Gaichenon , i. c.
** StettUr, l, 186. La Bottigogne s'intérefliaît beaucoup k lui.
** Le peuple espérait qae par ton énergie il affranchirai! la Savoie do
f ong da msavais oiinifllres ; il ne négligea rien de ce qui dépendait de loi
** Après sa mise en liberté il Ini confia le gouTemement do Limousin
et de la Guienne. Guiehenan, Mab il craignait Philippe « et o^i-ci ne
pouvait se plaire auprès do roi.
*' En 1467, alliances avec la Bourgogne , avec le doc de Calabre (en
réalité de Lorraine), avec le duc de Nonnandie, (gète du roi, instni*
ment de Topposîtion , avec le doc de Bretagne. 4jimekem9L
** Dans les temps snbséquens, l'Autriche ou TEspagne, aussi long-
temps que cette maison régna dans la haute Bourgogne et en Ixmibsr-
die, retarda la décadence de la Savoie.
** Principalement les Bubenberg,
UVRB IV. CHAP, y. 331
boûnes^ relations ; aussi la paix ne Ait «elle trou-
blée^ ni lorsque les habitans d'Âi^e, à la merci de
la domination oppressive de vassaux savoisiens *^^ les
humilièrent avec Taide des Bernois *^, ni par la réso-
lution avec laquelle Berne prit les armes pour se faire
rembourser une somme ^"^ qui lui était due par un per-
soimage puissant de Bex^'.
Dans le Pays-de^Vaud , on respecta les anciennes
franchises ^'^ même au milieu des embarras de la
oour^. On avait essayé autrefois, dans ks affiiires du
couvent de Hauterive^ d'opposer aux vieilles chartes^*
les lois de la maison souveraine^ et les nouvelles idées
*^ Sortont les de Torrens.
•• U64. Waiiewxl, HUU de la dmf. Meltf.
«^ 1466. Si€HUr.
** n s'appelait A^>er et avait probablement an droit de boorgeoisie en
Valais. Leu^ art Asper.
** Canfimuuùm par le doc LcMiis , en iààk, des franchises aecordées
eo id99 an boni^ de SainU^CrQim ( admirablement situé s«r le Jura) ; de
même des franebises d^Vverdm^ i46€) et de Tan 1459, pour cette ville et
pour GrandcQurt la confirmation da privilège que nul chftlelaiQ no peut
arrêter quelqu'un sans jugement
^* Lorsque les villes romandes , y compris Morat, Estavayer, Mon*
tagny et Corbière, ooniriboèrentdedenx florins par chaque feu pour la
dot de la princesse Charlotte (ci-dessus n. 8 ), le duc déclara par un re-
vers que c'était sans préjudice de leurs franchises. Revers, Saint Antoine
de Viennois, 44 mai 14^4 ( J^iit.}. *=» C'est la C4. que nous avoua citée
dans la note *, après la note S8. C. M.
'* Ilauterîve avait été acheté des vieui seigneurs d*Arconciel et d'Il-
lens; Louis, baron de Vaud , et les comtes de Savoie suivans, ainsi que
le premier duc, avaient ccmfirmé cet achat.
^> De l'inaliénabilité. » Ce qui concerne le principe de l'inaliénabilité
du domaine souverain dans la maison de Savoie , a été nettement et briè-
vement exposé par le marquis Ce$ta de Beamregardt dans l'ouvrage déjà
cité, 1 1, p. ift4et 435 : «L'inaliénabilité était de principe dans les sht
cicnnes coutumes des Bouiguignons et surtout des Lombards. Le moin-
dre feudaUire, n'étant qu'administrateur de son fief, ne pouvait alté-
332 HISTOIRE DE LA SUISSE.
de ressort et de souveraineté ^' ; mais là propriété fut
protégée par les formes de l'Empire ^^. La sûreté est la
base de la liberté.
Grâce à l'amitié de la Bourgogne , de graves débats
pour Orbe et Grandson eurent une issue pacifique. Le
vieux prince d'Orange , le bon Louis ^^ avait défendu
avec bonheur et prudence^ à la cour de Savoie et à celle
de Bourgogne, cette partie du pied du Jura^ héritage
de son épouse ^^^ contre les plus puissans adversaires^^.
Père plus irrité que prince prévoyant^*, il avait obtenu
k«r la valeur de cette espèce de fidéicommis. Les princes surtout se
seraient bien gardés de démembrer leur domaine , qu'ils devaient rendre
bonifié , ou du moins intact , à leur successeur. On voit dans les annales
des Bénédictins, par le père Mabillon, qu'Ardu in m, bisaïeul d'Adé-
laïde de Suse, en donnant à Saint-Michel de la Cluse le sol sur lequel de-
vaient être jetés les fondemens de cette abbaye , et en affranchissant ce
sol de toute dépendance séculière, en reçut fictivement le prix , afin, dit
l'annaliste, de pouvoir fournir au besoin la preuve que cette aliénation
n'avait point été onéreuse à son domaine. Cependant la coutume , dont
il est ici question , ne devint une loi écrite qu'en iàh^, sons le duc Louis,
et dès-lors elle dura intacte jusqu'à l'établissement des impôts. Nos
princes, qui vivaient , comme de simples gentilshommes , du produit de
leurs terres et de leurs droits féodaux , se permirent , dans de pressans
besoins , d'en engager quelques parties; mais ne cmrent jamais avoir le
droit de l'aliéner entièrement » G. M.
^* On voulait faire du Pays-de-Vaud un « territorium clausum » selon
le langage des publidstes ; mab les légistes consultés opposèrent à cette
prétention l'exemple de Besançon et de Lausanne.
** Aete$ de ce procès, débattu en U5i, à Gray-sur-Satee , devant
Otton de CUran, chevalier, diltelain de Vercelles, suppléant de l'arbitre
comte Jean de Neuch&tel. Lorsqtf'en 1452 Guillaume Felga, chevalier,
abdiqua l'avonerie , l'abbé et le chapitre lui élurent un successeur.
*^ C'était son surnom.
^ Jeanne de Montfaucon , t iV, au commencement.
^' Tbiébaut de Nenfch&lel en haute Bourgogne, son beau-frère , et la
Palu Varambon (ci-dessus n. 6).
^^ Le fils aîné , Guillaume , avait hypothéqué dans la guerre du Mil**
LIVRE IV. CHAP. y. 333
de Tune et de lautre de pouvoir léguer ^^ au moins
Tusufruit de ces contrées ^^ à des fils puinés.d'un second
lit ^' • Ceux^i , Louis et Hugues ^% habitaient à Grand-
son et à Orbe; l'ainé, Guillaume , reçut ®^ de sa tante
Marie ^^9 Gerlier sur le lac de Bienne, fief que sa mai-
son tenait de la Savoie ^^. Ainsi la prudence de la mai-
son d'Orange fut récompensée par les deux cours ^ qui ,
dans deux occasions , avaient . renversé la maison de
Grandson, redoutable à leur puissance par son in-
flAibilité««.
Les comtes de Gruyère n'avaient pas à redouter des
princes, mais des créanciers. Le comte François ^'^^ ma-
réchal de Savoie, bailli de Yaud, brillait dans les cours,
dans les conférences , dans les guerres, et lorsqu'il em-
bellissait par sa présence les fêtes du carnaval de Fri-
bourg ^. Trop juste ^^ et trop prudent pour payer son
nais flon héritage maternel pour les. intérêts. dn duc <f Orléans, qui
payait très-irrégnlièrement la solde t car • sy, U faloît leur donner » (aax
soldats). OUv. de la Marche, 1. I.
^' Guillaume lui-même vendît à sa belle-mère une partie. CA. 1450 et
saiv«, dans Inventaire dee titrée de la tnaieon de Chàlone,
<* L'alné prétendait, à cause d'Arlay, demeurer possesseur du fief de
Orandson; i) fut reeonnu en cette qualité , à Echallens par « gouverneurs
et pmdhommes. » CA. 1404 et 72. Ihid,
^ Avec Aliénor d*Armagnac.
** Appdé de Ghfttèaugnyon.
^ Ch.de franehiêe de GaiUaame; 1468.
** Veuve de Neucb&tel, 1457, sœur de son père. CA. 1459 où elle
rend hommage à la Savoie. Elle s'écrit en 1460, de Chàlons , Fribouig,
Neuchittel et VerceiL Cette dernière ville était son douaire.
« T. IV, 8^6.
» T. iy« 10 et sniv.
*' Fils da comte Antoine, petit-fils de Rodolphe , dont l'aïeul Pierre
combattit contre Berne dans la guerre de l^anpen.
" 1467.
' ' 'f Sa justice est prouvée par la confiance du peuple. -
336 HIBTOIRB DE LA SUISSE.
chelés^^ et de la juridiction qu il n'avait fcnrfaite^^ paur
quoi que ce soit. Combien paraissent innocens les
moyens par lesquels nos pères arrivaient à la liberté!
ils la possédèrent légitimement , aussi fu(r«lle long-
temps bénie.
A Lausanne , la sage administration ^^ de Creorges de
Saluées fut remplacée pour bien peu de temps par. celle
du bon vieillard Guillaume de Yarax^. A la mort de
cet évéque , le prince François de Savoie , dont le f rère^
encore enfant^ avait occupé le siège épiscopal de Ge-
nève ^'^ fut recommandé par les Bernois et vivement
appuyé par son frère Philippe de Bresse ^^. Mais il
parut dangereux d'élire un évéque de ce nom^^, ou in-
convenant de confier aux soins d'un enfant une admi-
nistration si compliquée ^^ ; le chapitre hésita et déter-
mina la cour de Rome ^^ à élire un simple particulier^
auquel le duc ne pouvait être défavorable , puisque
c'était son ancien chancelier ^^. Les syndics de la haute
«pam fabarum.» De même sur «Raoblax» (le Rabli) et Roagemont
11 revient au prieur sur ces montagnes qu'ib « accopant et inarpant» sh
journées et demie, et de chaque charrue dans la vallée, annuelleroent
deux « corvatas. •
*^ Ceux qui avaient été affranchis demeuraient affranchis.
'' «Mistralia,» la mairie. S40-844-
** Ci-dessus ch, IV, à n. Zki-Hk-
«• De 1462 k 1466.
9i Ci-dessus chap. IV, à n. 547.
*' Lettré in comU PhiUppa de Bug^, 9eigneur.ee Bretee , lieatenant-gé-
néral et gouverneur de Savoie. (Il l'était ahr$») 1AG6.
** StettUr le donne à entendre.
** Le pape Patd II dit dans son hréf: c Qu'il avait pour principe de ne
jamais nommer un évéque qui ne fàl au moins Igé de S7 ans.
>* On différa l'éleclion ; le pape cm t donc le temps d'intervenir. Il ne
le fit pas sans négocier avec la maison de Savoie.
**. JeanHichaêl. Guiekenon Yé cite dans la liste des chancelieis, ainsi
qu'en 1483 Pierre Michaêl.
LITRE IV. CUAP. y. 387
^1 basse ville de Lausanne ^ le prieur gouverneur de la
ville et de la vallée de Lutry , la grande commune de
Viliette et les autres localités du diocèse^ ne prêtaient '
serment à un évéque qu'après qu'il leur avait garanti
leurs droits ^. Le prélat nommait ensuite le bailli et les
tribunaux ^^. Il existait une convention sur les relations
diverses du chapitre^ sur les cbâtellenteç ^^^ les biens*
fonds épars ^^^ les chasses ^^^ et les justices ^^^. Elle n'a-
vait pas été conclue sans la participation de la ville ^^.
En général 9 on soumettait au peuple entier les ordon-
nances importantes ^^^y afin que personne n'ignorât à
quoi il devait concourir et dans quel but; chacun
remplissait plus volontiers des obligations sur les-
quelles il avait été consulté.
Aucune ville n'offrait le spectacle d'une aussi grande
activité que Genève; elle en était redevable au com-
merce; les villes florissantes de l'Allemagne ^^ ne trou-
vaient pas de route plus commode que la vallée du
Rhône pour transporter leurs marchandises à Lyon et
■
*' La charte de Guillaume de Farax, 1462, nomme ansri Glérolle,
Oorsier fprès Vevey), Villarsel, Lucens et Gonrlille (près Mondoa) ,
Balle et Avencbes.
*' Le plaid général ( 1. UI, 159} , les nouveaux statuts, les contâmes
non écrites.
•• CL n, 97.
*** Saint-Prex , Saint-Martin ( dans Rue de Vaod?) , Essertines.
'** Dans les limites des biens de la mense épiscopalc.
*** Outre les cerfs, il est fait mention d'ours et de sangliers.
*** Convention de L'évique Georges de SaltUeê^ 4 455.
*** « Matara deliberatione etiam cum nobiiibus, civibns et buigenst*
bûs nostris, et abundantia, prshabita. •
*** P. e. en 1454, Vordonnance sur les maisons et les jardins contigus aux
mars de la ville basse. Le peuple assemblé Tadopta le 24 juin.
*** Nuremberg faisait le commerce le plus considérable dans cette
fontrér,
vî. ^%
338 BISfOltB DE LA SIHSSE.
^as le midi de la France. La liberté et la neutralkë de
Genève faisaient toute la sûreté de cette route '^. Cet
i^tvepot de marchandises ^^^ et la grande foire de Ge-
B^ve ^^^ offraient à la Savoie même des avantages si évi-
dent > que le faible duc iiouis put seul les méconnaître
d^as raveuglement de sa coléra. Philippe ^ fils de ee
prince , après avoir enlevé sur la route de Fribourg"^,
comme nous l'avons rapporté^ les trésors long-tempe en-
tassé^ k Cba^tfm/erle et que sa mère comptait envoyer
en Chypre pour soutenir sa maison ^^^^ vint par Nyoa
k Genève, où son père, malade de la goutte , se croyait
en sûjpeté contre ce fils^^^. Accompagné de beaucoup
de jeunes gens fribourgeois et neuchàtelois, Philippe
trouva aussi des partisans parmi les jeunes Genevoise!
**^ Ordre de CharUâ Vfl, notifié par les syndics , le conseil et h
cç^mua^ de Geoève, aux sénéchaux de Toulouse, Garcassonne et Betn-
caire , au bailli de Màcon , au sénéchal de Lyon et aux juges de la Cov
du petit scel à Montpellier^ 11. déc. 1^55, dans la nouv. édit deSpoa.
'*' On avait déjà érigé un magasin en 1415 \ Fusage des marchands
français. Senebier, lUiU littér, de Genève ^ L I , S5.
*** Les dédicaces, les fêles palxonales ou les pèlerinages ters desainles
reliques étaient les occasions de ces grands mardiés. 11 en était ainsi à
Jérusalem et à la Mecque. George de Saluces voulut établir quelque chose
de semblable à Lausanne; Nicolas V donna, pour attker les pélerini,
quelques gouttes du sang de Ghrist et un morceau de la vraie croîi;
GalixtelII (ck 1456) transporta le pèlerinage à une saison plus com-
mode ; mais Tesprit commercial ne s'élaUit jamais à Lausanne conune
à Genève.
^'* Ro$et, Chroniques de Genève, msc. Cette expédition secrète devait
sans doute traversa la Suisse allemande pour la destination de Venise.
*** Sa nièce Charlotte et Tépoux de celle-ci, son fils Louis , éiaienl
vivement pressés par Jacques, prince illégitime, que le sultan des ma-
melouks favorisait. Voy. la conséquence de l'action de Philippe daof
pUlet, HUU desroiide Chypre, U, J76.
M' GuichenoH, Cette histoire appartient à Tan 146S.
LIVRE IV. CHAP. V. 839
même les ayndies^'^. Il fut introduit^ jeta l'argent aux
pîedd de son fé"e, se plaignit de la conduite indé*
oente*^* et nuisible ^^^ de sa mère, et chercha jusque
soiis te lit du duc les favoris cypriotes. Le duc apaisa
son fils '^^. L'évéque, fils aussi de ce prince , reproch
vivement au conseil et au peuple d'avoir donné entrée
à Philippe ^^''y et remit au père irrité la charte qui oc-
troyait aux Genevois les franchises de leurs foires ^^^.
Le duc se rendit à Chambéry^ déclara la ville rebeHe
et révoqua toutes les sûretés de la route commerciale.
Les Crenevoisy favorisés par la sagesse de son
père ^^^, fortifiés par le grand nombre d'étrangers *^*
admis à la participation de leurs franchises et de leurs
droits civils ^^^ avaient une constitution bien ordon-
née. Quatre syndics portaient annuellement le bâton
de l'autorité ^^^. Quatre citoyens, que chacun d'eux
<i> Spon en menlîonue deax. Gautier prouve par les protocoles qa*il
n'est pas vrai que l'an d'eux ait été pendu.
* *** « Elle était taxée ( tachée) en son honneur fà et là. » jRofe/.
*i^ Elle voulait faire de ses ills les princes les plus pauvres de la duré-
lienté. Spon.
Al* Il lui fit bonne chère. Ro8$i.
*/^ D'autres l'attribuent au duc malade ; Roui, avec plus de vraisem-
i>lance , l'impute au vigoureux et jeune évoque Jean Louis* Voj. ci-
après, t. VU , chap. VII , non loin de la fin.
"» Spon,
Al* Ce Bolomier ( ci-dessus à n. 4 ) était un ami particulier de Ge-
nève (Haller, Bibl. de CttUu de la Saine V, 63). Il y avait aussi fondé
près de sa vigne («butins» Roitî) un couvent, en i&4ft. Pièces justii-
catives de la nouv. édit. de Spon,
A» Trois cents, de 1446 à 1455. Roeet.
A*A i^es bourgeois seuls pouvaient porter l'épée {ek, 14SS ) , tenir des
^liberges {ch, 1487), importer du vin {tk. 1496)» avoir des ateliers
ouverts (cA. de la même année).
*^ n est question de ce bâton pour la première fois en 1450. Ro$tt.
340 IIIATOIRE BK LA ifllSSP..
s'adjoignait ^^^> leurs prédécesseurs immédiats ^^ et k
boursier formaient leur conseil ^^^. Le grand conseil
comptait le double de membres , et on y ajoutait par-
fois un nombre indéterminé ^^^ de citoyens et de sa-
vans. On jugeait le commerce^ k liberté et la culture
intellectuelle si intimement unis, que Genève avait
déjà de bonnes écoles ^^''; chaque citoyen était en état
de lire dans sa langue les lois fondamentales ^^^ ; on
avait aussi aggrégé au conseil ordinaire quatre doc^
teurs en droit ^^®, mal payés ^'®, mais très-honorés,
puisqu'on leur accordait souvent le pas sur les syn-
dics. Le Conseil général se composait tantôt seule-
ment des pères de famille ^^^, tantôt de tous les
*^ Celle manière de s*aggréger des citoyens dans des cas difficiles a
subsisté dans les cantons démocratiques depuis l'origine de la Suisse.
*>* Dans rintérél de l'esprit de suite.
«» Uvriev il; k l'an i&57.
*'* Jusqu'à la concurrence de 800 ; le nombre était fixé par les syn»
dics. InMtrudum de 1457 t «50 et certi bnrgenses eligendi, si«it ne-
cesse. » Ch, 1458 ! « burgenses bono numéro. •
*'^ 14S0 : professeurs de théologie; 1429, école pour la grammaire,
la logique et les autres arts libéraux. Senebier 1,29.
*'* Le notaire Michel Monthyon traduisait en 1455 les Libertéê H /rnt*
ehiies d'Adhemar Fabri. Senebier I, 11 S.
"• Id. I. 29.
*'* Deux écas par an, 1457. Les salaires étaient aussi bas aillenrs
(j'ai reçu de 1788 à 1797, comme membre du Grand Conseil de Schaff.
bouse, ailnuellement trob florins, vingt kreutzer) ; il faut qu'il en soit
ainsi dans les républiques. s= Le principe n'est point vrai en général , et
ne le devient que selon l'application qu'on en fait Les ConuiU gémé^
vmux ne prennent que peu de temps , tandis que les magistratures et les
offices proprement dits , absorbant le temps du magistrat , ne lui per-
mettraient de subsister sans appointemens que dans le cas où il serait
riche. D. L. H.
"^ « Gapita domomm. » En 1495 on appelle à l'élection des sjndkt
de 100 Si 120 bourgeois.
UVRR iy. CHAP. y. 341
citoyens ^^, même aveo le concours des simples ha-*
bilans ^*'.
La haine impuissante du due pour cette ville lui
inspira une action dont il fut lui-même victime » Il
transmit son droit de foire au roi Louis XL Celui-ci
en gratifia la ville de Bourges ^^^^ et ensuite Lyon ;
les sujets savoyards ne perdirent pas moins à ce chan-
gement que les Genevois. Anne de Chypre avait prévu
ces conséquences ^^^ ; le comm'erce entre la Savoie et
Genève fut rétabli dans la suite ^^^, et l'on pria le roi
de France de rendre la charte ^^^. « Je la restituerai, »
dit Louis XI, « quand Genève sera savoisien. » Il sa-
vait que les Genevois n'y consentiraient jamais^ et ra-
lentit par là rintercession de la Savoie. Mais il donna
bientôt aux Genevois la liberté du commerce ^^^. Quoi-
que de pareils voisins empêchassent la ville de s'élever
à la hauteur où son esprit public devait atteindre,
grâce à son habileté singulière elle trouva toujours
*** « Sub pœna fidelltatis et privalionis burgesis ; • 1457.
*^ m Gi?es, bufgenses, incola et habitantes. • 1457. • Communitas
ci?iam , bnrgensium et incolanim , ut moris est , crea?it syndtcos. •
'^ Elle intervint et décida que les syndics donneraient 2,900 écus.
Cependant il vaut mieux suivre Boset, qui place ce fait au 4 octobre 1457,
où il'7 eut aussi un différend. Anne s'était réconciliée, car étant morte
peu après elle fut enterrée à Genève. Le petit Bugey lui doit la plantation
de vignes de Gb)'pre, qui produisent • le vin d'Altesse , • selon la tra-
(fition.
*** Lettre de franchise d'Amédée IX ; 1466. Spon et LévrUr d'après If^.
Citadin.
**' Les mêmes.
**• En 1467.
342 HISTOlBfi BZ'hà. 8ffI86E.
*
dans son actiyité iodiittmlle Téquivalenl des préni^
galives^^^*.
Dans ce temps ^^^ Jean-*Louis ^*^, fils du duc Louis;
fréi;e de l'ëvéque Pierre^ mort avant que les rnnéesde
k jeunesse eussent développé en lui de bonnes ou de
mauvaises qualités, occupait le siège épiscopal de Ge-
nève ; jeune homme plein d'esprit et de feu , il préfi^
rait à tout autre vêtement l'armure du chevalier ^*^
Après la mort de son frère ^ il oublia sa maison et ne
vécût que pour Genève; évêque, il ne viola jamais ks
franchises de cette cité; prince^ il les défendit avec
justice ^*^.
Nous avons vu la ville de Fribourg, dans TUecht-
land, passer de la main des Zaeringen^ ses fondateurs^
dans celles des héritiers deKibourg, qui la vendirent
ensuite à la maison d'Autriche ^^^. Cette ville n'avait
pris que peu ou }X)int de part à la guerre de Zurich,
parce qu'elle ne voulait ni secourir ses alliés de Berne
contre ses souverains ^ ni, dans Tàttente d'un secours
**' A la conférence monétaire de Boni); en Bresse en id69, il se Uonn
80. maîtres monnayeuis.
* L'incorporation de Genève à la France en 4798 fat un grand crime.
Un foyer actif de lumières fat étouffé sans fruit pour les étoniTeors.
L'imjprudence et la maladresse des agens genevois à Paris conlribnèrent
beaucoup à la perte de leor patrie. D. L. H. L'éclat indastriel et intel-
lectuel de Genève suisse et libre complète le tableau et la leçon. C. M.
'*<» De 1459 à 1483.
^^ Les (nrefê de prhentalion du pape se trouvent dans le BulUtrim M,
de Chérubin, t. IX , à la date du 6 févr. 1459.
• **^ « 11 avait les inclinations d'un gendarme. • Lévrier II , 37.
*** Vojr. le fondement de cet éloge dans Lévrier II , et ci-apès, t VH,
cliap. Vil , ainsi que dans d'autres passages.
"* T. î, 367; t. II, 7, 1J8, 129.
uvAK IV; GiiAP. y. 34â
écrangar et încerlaifl y offenser des Toism» |>iiistoiis* Be
tout temps ^^^, les Fribourgeois avaient été dévoués de
cœur à la maison d'Autriche ; sa puissance les protégeait
contre l'ambition de Berne; son éclat 1rs dédomma-
geait de celui dont \es Bernois brillaient par de grondes
actions couronnées de succès. Mais on fut choqué à
Berne de voir Fribourg solder une garnison merce-
naire ^*^, et ses jeunes gens choisir pour parure des
plumes de paon. On fut irrité de voir refuser^ même
contre les Armagnacs , le secours dû par des alliés ^^^.
Toutefois on garda le silence.
Le chevalier Guillaume d'Avenches ***, avoyer de
Fribourg, était alors par sa naissance, sa parenté , sa
richesse. Son jpa'rti et son courage, l'homme de beau-
coup le plus puissant de cette ville. Il possédait un grand
bombre de fiefs de la maison de Savoie. L'écuvcr-traii-
chant de Diessenhofen , uû des principaux fonction-
naires autrichiens^ ofiensa gravement, dansée temps-là
même, cette maison, en terrassant un camerlingue ^^^, et
"ea lui enlevant quatre mille florins. Soit cette affaire^^^,
**** T. II, 168.
**• Principalement des Valaisans. StetiUr 1 , 169.
**'' Tsehudi II , A&B. Cela dément Topinion inexacte que Friboarg prit
put à l'expédition de Greîfenséeé
*** « Meftsire Gnillie d'Aven clies • dans les relations françaises de ce
temps; dans plusieurs relations allemandes ce nom a été corrompu et
changé eo Âfflentschen. Nobilimre militaire suitge, t. I, Bàlc, 1787,
p. 179 et soiv. ssTovte Tfaistoire suivante de rémancipatfoh de Friîranrg
est racontée avec grftce dans le t IX du ConservaUur saisse (p. 289-321),
recueil que nous citerions plus souvent, si le savant et respectable auteur
afftit toujours , comme ici , indiqué les sources. C. M.
'** Champion, D'autres lui donnent le titre de chambellan , hiais ît
s'agit d'un camerlingue du pape Félix.
^^ OU prétend qu'il fit échapper «o prisonnier poMr de Tâfg^t. Côlt42
histoire appartient à l'an 1447.
344 BISTOIRB DE Lk WUnSE.
OU une dissidence entre le Conseil et la Gommiiney oo
quelque offense personnelle , ou le pouvoir de Tenvie^
Favoyer fut accusé d'actes intéressé et rois en état
d'arrestation ^^^ Tous ses parens, beaucoup de prin-
ces, de seigneurs et de villes^ auxquels il avait montré
deTaffeclion aux jours de sa grandeur, lui témoigné*
vent rintérét le plus chaleureux ^^. Lui-même, dans le
sentiment sioon de son innocence ^^% du moins de Tas-
eendant de la grandeur déchue sur la multitude y et du
peu de caractère de ses ennemis^ renonça aux formes^
juridiques et se soumit au jugement de la commune.
Ses adversaires oublièrent qu'il ne faut pas irriter on
qu'il faut anéantir des hommes comme lui, riches en
ressources , si bien au fait des côtés faibles de la ville*
On annula la plainte; on crut faire assez pour la sûreté
publique en exigeant de lui , de ses fils , de ses filles, de
ses gendres et des bourgeois d'Avenches^^ le serment
qu'il demeurerait à Fribourg, ne soustrairait pas se»
biens à la juridiction de la ville ^ et ne recourrait jamais
à des tribunaux étrangers ni à des actes de ven-
geance ^^^. Pour lui, ne se croyant pas lié par un ser-
Asi Je suis la CJironiqwe de Friboarg, manascrile, qne Phistonen
Ttehamer a aussi eue à sa disposition ; c*est un volume în-folio d* ooe
belle écriture, mais incorrect, ^ré avec beaucoup de soin des sources
authentiques.
*^' Nommément le prince d*Oraoge , les comtes de Nenchàtel et Va-
langin , te sire de Vauxmarcus ( de la ligne latérale naturelle de Nencb&-
tel) , Gruyère, Berne, Avencbcs. Alt, H Ut. dês lUUit. IV, i07.
*^ La chronique dit qu'il se reconnaissait coupable^
^^* Il était le premier gentilhomme de la petite ville bàlie sur les mine»
d'Avcnticum. La Villa Repos, près de là, était peol-être une de ses
propriétés.
*** Il fournit pour cela des cautions jusqu'à la eoQcurrenee de ••O Oo*
rinê* Ait.
uyRE ir. CHAP. y. 345
meAt prêté sans liberté^ il ne vit plus dans Fribourg
l'image de sa patrie, mais le siège d'une faction centre
laquelle Thonneur lui ordonnait de tout entreprendre.
L'bomme même le plus passionné ne méconnaît pas
l'obligation de pardonner à son pays ; mais à ses yeux
la vengeance sanguinaire se déguise en devoir envers la
liberté ^^. Le chevalier Guillaume d*Avenches s'enfuit
en Savoie. « Originaire du pays romand ^^''^ » repré-
senta-t-il au duc, « il tenait de lui ses principaux fiefs;
>j par son zèle pour les droits de son prince, il avait
» blessé le puissant écuyer-tranchant; pour ce fait il
D avait dû quitter Fribourg; la ville était faible; TÂutri-
» che elle-même, faible aussi dans ce pays, et Talliance
» avec Berne, en quelque sorte oubliée. » La Savoie in-
sista dès-lors plus violemment pour que l'écuyer-tran-
chant fût tenu de donner satisfaction , et elle fit saisir,
comme gage , les marchandises fribourgeoises envoyées
à Genève. Comme la ville, de son côté, mit la main
sur les biens de Tavoyer, il envoya de sa résidence
de Romont, lieu voisin et fortifié, de vigoureux servi-
teurs chercher des indemnités dans les villages et sur
les routes. Aux représentations de la ville, à l'inter-
vention de l'Autriche le duc répondit de façon que l'on
comprit que non-seulement il épousait la cause de son
vassal, mais qu'il aspirait à soulever Berne ^^^.
Les Bernois avaient abjuré dans la conférence paci-
'** Ainsi fit le dictateur Sylla*
<>' En tant qu'Avenches relevait de Lausanne , mais sous la protection
de la Savoie.
^^ Tout cela d'après la chronique, jyjlt, qui n'indique jamab le»
sources, rapporte que Fn^nçoîs Burckbard, chargé par G. d'Avencbes*
d'espionner ses ennemis Jacques Felga , Ulrich Prarovan , Jean de Gam-
kacb , Jean Aîgroi , fut découvert et écartelé.
346 HISTOIU DE ff<A BVnSE.
Eque de Coostanoe , par égard povtt rékcteor palMhi ,
tout r€SAeatimefit de la conduite de Fribour|g; pcsidâftt
la guerre de Zurich ^^^; ils cherchaient le repos '^^é La
paix ëiait réclamée par les intéi^ts des états ^ la guerre^
par les intérêts privés, toujotii's plus décisifs, panée
que les passions ^ plutôt que les principes , gouveraent
le HAonde*
Rodolphe de Ringoltingen , chevalier, seigneur de
Landshut, Tun des conseillers les plus considéré! et
enfin '^^ avoyer de Berne, était un homme actif, ridb'e
en belles terres *^^ et en capitaux solidement placés ^^,
vigilant pour l'éclat ^^* et la fortune *^^ de sa maison,
comme pour sa ville natale ^^^, Il eut un grand nombre
d'enfans '^^ de plusieurs femmes légitimes qu'il épousa
successivement, et deux enfans naturels d'une mhi^
tresse. Après la mort de Pétermann Hîtsch, Hcbe gelH
tîlh<M»0ie fribourgeoia ^^^, qui laissa une fille y Tavoy^
*'* Ci-dessns chap. If , ti. 52A.
*** Lettre tt Antoine d*Erlàch de Riggisberg, dn 18 août 4Aâ5 , dani
SMtler I9 170, et voy. ci-dbsi^ns cbÀp. H, n. àà^ et scriv.
"« 1468. U.deMùUimtu
"' A Gléresse, à It NeavevîUe, aoLanderon, à Muhlièrën. Extrait dé
son Te8i£tment,ilih6,
*•• A Schaffhoiise , Wîtitfetthur fet aîïletirs. Ibid.
^** Voy. {ibid,) )e soin qu^H ftfend poa^ la conserràtion ^ ftk dra^
pes que « son noble seign^eur et prince le dauphin > lai a données» ^ns
doute forsqn'il contribua à la conclusion de la paix en 14à5. Chap. II,
11. 66.
<<s Preuve en soit sa sollicitude pour que Lanâihut demeure h la fa-
Mille, -ibid.
"• Ces hommes d'État bernois avaient une ressemblance frappatïfe
avec les grands de Rome , de la première mbîlié du vu* sîèele , tels que
^6ieérmi tes dépeint.
^ U Botrécut à ^t dé ses enfans. Testamenf.
^^* Lequel avait vendu Burg^Htein en 14^5. Lea,
ëpoasasa r^uve^^^et résolut de flsil^ la fille ^ Louise,
à son propre fils, le chevalier Henri. Ce projet rencon-
tra de l'opposition de la part de Heînzmann Felga,
bouT-gmestre de Frifaourg^'^, qui avait obtenu une
promesse antérieure , et dont le fi*^re ^"^^ Guillaume
Felga , seigneur de Liebistorf^ occupait depuis la chute
de Guillaume d'Avenches la charge d'avoyer. Le Ber-
nois ne vou ant p s cédei^, il s' Huma une haine si vio-
lente qu'on craignit un embrasement plus général, et
que les deux gouvememenset les villes voisines purent
à peine obtenir que les parties attendissent la décision
du concile. Louise, affligée d'être la cause de si graves
dissensions, profita de la liberté que son beau-pére
dut lui laisser à Baie , fit à la patrie le sacrifice des joies
de sa jeunesse, et prit le voile dans un couvent dune
r^le austère ^''2. A cette nouvelle*, Ringoltingen ac-
courut et acheta des religieuses ^ pour dix-sept cents
florins, les biens de Louise. Le chevalier Rodolphe de
Vuippens, conseiller fribourgeois , l'accusa ponr ee
fait, d'une lésion inadmissible. Celui-ci, le plus pro^
che cousin du père do Louise, offrit trois mille flo-
rins ; Ringoltingen soutint la validité de son achat. La
question demeura indécise, jusqu'à ce que l'inimitié
*'* Margnerite de Gain. Je vois par uoe demande de son fils Thuring
(1656] que le père avait pris po^ession d'une moitié des terres de Ritsch,
mais je ne sais si ce fut h titre de dot on par une convention relative à
rachat dont il va être question. Voy. aussi à n. 211.
'7* Ce titre , à FnboUTgt ne se donnait pas an ehef de l'État , mais au
ebef de la police.
*'* Ttchœhilan.
A" Adoptée «n léSS. U couvent s'appelait Z« dân Sieimn ( nénXÀ
pierres on rocbers).
348 HISlt>lRB DB hk 8UI8SB.
particulière s'absorbât dans la guerre^ dont elle hâta
l'explosion ^''^.
Un autre incident irrita le commun peuple. Pierre ,
bourreau de Berne, qui remplit avec tant de regret son
ministère dans la sanglante journée de Greifensée ^^^^
fut assassiné dans une auberge de Fribourg, un jour de
foire, à Toccasion d'un échange de paroles assez insi-
gnifiantes et d'un reproche injuste ^'^^j ses compagnons
furent grièyement blessés "®^
Telles étaient les raisons qu'avait la Savoie d'espérer
le secours de Berne dans sa guerre contre les Fribour-
geois*
Les hostilités continuèrent entre les gens de Guil-
laume d'Âvencbes et la ville de Fribourg ; quand on
parvenait à saisir quelques-uns d'eux, la ville les fai-
sait décapiter ou écarteler comme traîtres.. Enfin on
obtint que le duc Albert d'Autriche, après d'inutiles
représentations, faites au duc de Savoie, en voyât Louis
Meyer de Huningue, ensuite Pierre de Môrsberg. avec
des troupes ^''^. La ville et la campagne avaient renou-
^7* Tschac/itlan, Tachudi, StetiUr; la Chron. frib. est d'accord avec
eux.
•7* Voy. ci-dessD8 chap. I , à n. 203.
«7» • Ici Grcîfensée! > T$chudi. A. 1615.
"* Miêsive de la ville de Berne, le lendemain de l'invention de la
eroîx , 1447, dans Steitter, =» L'assassinat du bourreau Pferre donna liea
à une correspondance entre Berne et Fribourg qui a été publiée dans
YInvettigateur de V histoire de Suiste ( Dcr tchweizeritthe Getchichifortcher)
Berne, t. VUI , p. 102-110 (1852) ; elle se compose de six lettres. C M.
'^^ Albert fit une première tentative d'accommodement au mois de
juillet 1147. Il envoya Guillaume de Grflnenberg et Pierre de MSrsbecg
( Morimont) , avec l'ancien avoyer Jacques de Praroman et d'antres dé-
putés fribourgeois , auprès du duc Louis à Genève. Mais en vain. Vers U
fin de l'année il fit faire une seconde tentative par Môrsberg et d'autrei ,
sans plus de succès , parce qu'on connaissait 'son épuisement D'^&' ^
LIVRE ir. CHAP. y. 349
▼elë de très-^boncœur leur serment d'ëterneHe fidélité,
et bon nombre de conseillers s'étaient rendus à Vienne
pour exposer la situation critiquedes affaires. La guerre
avec la Savoie éclata ^'^^ : les Fribourgeois^ les premiers,
mir^t tout à feu et à sang à Yillarzel , au pied du Gi-
D'Alt, comme l'a fait remarquer MoUer (ci-dessus, n. 158), ne cite
jamais les sources. II n'est fait ancuoe mention du premier accommode-
ment tenté par Albert dans un répertoire compulsé avec un soin sera-
{miens y et publié récemment sons le titre de Regesla chronologieo-diplo'
wMtiea Fridetici IV Roi^Ênorâm régi» ( JmpêndorU JII ), Extrait de$ re»
gUtres impériatUB qui se trouvent dtm$ U$ archivée eeeriteê de la maiêon ,
de ta cour et de VÈlai, à Vienne; avec des extraits de chartes originales,
de manuscrits et de livres; par Joseph Qhmel, Vienne, 1888, S vol. in-il*.
i" ToL Noos recourrons quelquefois à cette source diplomatique,
partie intégrante d'une série de publications dont quatre volumes seole-
■nent ont paru , et qui embrasseront près de huit siècles depuis Pépin
Jusqu'à MaximiUen I înclasîvement , de 752 à 1519. Au mois de juillet
1447, comme le rappwte M. de TilUer (Il , 128 ) , Berne, Bftie , Soleure
et d'autres villea s'efforcèrent inutilement, dans une conférence à Ge-
nève, de mettre un terme an différend qui divisait Fribourg et la Savoie.
De nouvelles négociations, qui eurent lieu en Valais et à Genève pen*
dant l'été et l'automne 1447, demeurèrent tout aussi irifructoeuses. Déjà,
irert la fin de juillet , Berne avait invité les Oberlandais à se tenir prêts à
marcher contre Fribourg; les historiens ne parlent pas de ce fait , mais
on peut le déduire d'une lettre de Thonne à Berae de jeudi après SL-
Jacques 1447, conservée dans le Protocole des Missives. Cependant on
n'en vint pas encore à une rupture. Mais les Fribourgeois , voyant qu'il
n'y avait rien à espérer des négociations et que le dnc leur interdisait le
libre achat dans le Pays-dC'Vaud, recoururent alors seulement à l'Au-
triche pour demander du secours. Celui-d fut envoyé , comme Mnller le
raconte. Chmel, dans un autre ouvrage, Materialien sur âsterrtiekisakea
GeechUhte {MatériatÊX poar l'Histoire d^Àatrickê, tirés ^archivée et de
bibUothiquêê) , in-4". Lins, 18SS » t« I , p. 279 et 280 , a donné teituel-
lement une adresse officine du 10 décembre 1447, de laquelle il résulte
que des dissensions s'iCaiept élevées entre la ville de Fribourg et son
gOBvemement et que les envoyés autrichiens étaient intervenus pour les
apaiser. Mais aucune pièce diplomatique de cette année-là ne se rapporte
à U mptne entre Fribourg et la Savoie.. G. M.
•'* 1447, vers la in de l'année.
1
350 HISTOIRE DE LA SUISSE.
bloux ; la vengeance Iqs atteignit à Mcmtagny ^^'; s'ils ne
remportèrent pas la victoire prés de la chapeàle de St.-
Jodel^ sur la route de Morat^ ils n'en laissèrent pas wm
plus la gloire à reaiiemi. Le duc requit Berne, au nom
de leur alliance^ de lui envoyer du secours. Après de
longs et inutiles pourparlers, les Bernois, sous l'avoyer
Henri de Bubenberg , unis à la Savoie , firent de deux
côtés ^^ une irruption si violente ^^^ que FriL:ourg fut
presque cerné pendant quelques jours ^^^. Morat et
Payerne suivirent avec joÎQ ^^^ ; Bieune, oubliant cette
fois l'alliance plus ancienne dont il avait eu souvent à
se féliciter, désira conserver par une posidon neutre
son sdliance avec Fri urbg^^'^; les vife habitansdet
^^* La bravonre d'Ulrich Gerber dans cette oceasioD mérita une ré*
compansa d'honoeor et une place dans rfaistoire.
"* &00 ailèrcot par Morat et Avenches joindre Tarmée savoyarde.
U4^n9r, Chnm* êoUwr. Ce furent eus sans doute qui aidèrent à riwHre ià
potence. L'avôyea conduisait le corps ie plus considérable par le vtHagé
d^ la Sîqgine.
^^^ DéeUoMiim d$ gmmre deê Bernoiê, à. janiûer t kàS.
*^ lias tulipes dttcales étaient près de Péraoles, les Bernois près de
Ooargulllon ; laSarine seule les sépaaaît; mais il ne se fît rien d'imper
tant, as Lfis Bernois tentèrent d'enlever la porte eMarpée de BonrgiiilloD ;
vaaia oette entrqiriae fut heureusement déjouée , ainsi qu'un complol
Iramé par quelques traâtrea qui avalent promis de livrer la ville aux en-
nemis, 9i qui furent punis «bu dernier supplice. Les comptes du trésorier
d^ fyibQuiis ^^ mentîan du supplice d^nn des traîtres en ces mob :
«4i4am à meiiteii WiUi» camader, ;pour éeartiUier Fraiicey Bbrcard,
« xaiOIX SolSb» Camêerm* miêêe, C« Mb
^^ Le.cbMKlaia , le conseil et la commune de Morat, Tavoyer, le eon-
aeil et la cvMUDune de Vvpsnm déclarèrent ausai la guerre le4 jsB*>^t
aAlefidu q^e H'fiboarg n'obseavaii ni rallianco cnoclue avec Berne ea
uns , ni oeUe deUit aveeJa Savoie dan» laquelle il avait été comprià
*** Sérieuse mifacar ik Bem^ à Biemê^ dans Sîttîiêru Les somoatioÀ
auaiimi été adecsséas la t% déc iéé7 à Bêenne pour iOO liommes, à Se-
leure pour SOO , à la Ncuvevitte pour M , • va que Berne si^ttendait joar-
9 nellement à être traité par Friboorg ooaame 1» Savoie.^
LITRE lY. CHAP. V. 351
charmao^teft coUînes qui environnait Schwarzenbourg ,
et ai^ gouveraement desquek Berne avait adaûs les
Fribourgeois ^^^^ suivirent Berne % L'entrée de leurs
vallées était défendue près de Plafeyon par un haut
reoAp^rt ; Pierre de Greyerz ^ bourgeoia de Berne ^ oe-
ciip^it ce poste fivec des Oberlandais, dont l'ailbetfon
lui avait valu ce commandement ^^^ ; une témérité ir-
réfléchie n^ntra de quel coté le remf^art pouvait s'es^
ç^lader '^^. U fut emporté, le capitaine tomba, et
bpentôit r^rmée entière des Bernois , réunie pour les
xn^^tinesi» apprit^ par la réverbération de l 'inottidie des
villages qu'il était impossible de prendre pour le feu
des signaux , quel désastre venait de frapper Sebwar*
zenbourg. A Tinstaiit Tavoyer de Bubenbevg se mit en
marche; s'écartant de la grande route ^^, il traversa
I^ampep ^^^ sept bas-fonds de la Singine, et arriva par
d^s seatiers peit pratiqués dans les environs de Ta-^
vel *^^, où, déguisé par des croix rouges *®^ et dans une
position avantageuse ^^% il attendit avec huit cents
hommes le retour de l'ennemi qui avait le double de
*» U24, tIV, 417,418.
* Oo txoavera dw éétaîb intéitiMns sur les pramièrts hostiliiés dans
pjae pièce olfiiÇÂ^UA W^ QOiv éMBPSA ikoft l'Appendice soas letl»e R
C. M.
"* On ^vaU ^. Ifi «pomtodeaieot à fieroard Wendscbes, «iisree
• qu'il n'éUilpafi aglt^ftbto «u peuple* • SiwUler.
^*7 Relation du capitaine, samedi de la mi-carSme, dans Sieitiêr* My»
et Môrsberg firent cet exploit le 28 février ihàS. D'AU,
A>> Qui çQoàmi^ fn t» ittilage ds la.£ângtne ( Nenenecfc y.
^** Ulrich d'Srlucb CteJ^Bwn») eo OKnmandaîl la gunkom. SuhUêp.
»w D*AU.
«•^ IknyMr^î^ Iqlen fall wisefmidiedaMle lim de iV^i/;; un ma?
noscrit cité ^vtà^Alt, iV, 129, s'exprime avec la mébie rigveov. IffVOf
llTDPa fait voie 1 1« Y,. liA ) «omUea im tel biftms est dénisohmrMe.
"> Dans le Pré nenf , an*dessas de Galtem. D'AU, lY, 423*
353 HISTOIRE DE LA SUIdSB.
forces ^^* Les Friboorgeois Tinrent avec beaucoup de
bétail et chargés de butin. La hauteur que Bubenberg
occupait, sa position qui grossissait le nombre ^^, la
vigueur de son attaque hnprévue troublèrent âiéme
Louis Meyer; pendant la fuite rapide et désordonnée,
^juatre cents hommes furent tués presque sans ven-
geance ^^^, et Tennemi saisi d'une terreur panique telle
que quelques-uns traversèrent en courant toute la
ville de Fribourg , voisine de là , comme s'ils sentaient
Tépée dans les reins ^^. Bubenberg^ modéré dans le
succès^ abandonna Tennemi à son effroi '^^^ rentra dans
Berne et renvoya aux habitans de Schwarzenbourg le
butin sauvé. On institua des actions de grâces annuel-
les pkmr remercier Dieu de la joie de cette journée ^^,
Après cette action , qui prit son nom du Pré neuf ou
du ruisseau du Galternbach^ les Bernois perdirent
trente hommes ^^^ pour s'être arrêtés trop pré» de l'en-
*** Stettler comipie 1500 Fribonrgcois'; May, 1600 ; Tichudi, en tonte
t>ccasîon pins modéré que les autres, plus de 1200.
*** I^es Fribourgeois évaluèreot sa troupe à 10,000 hommes eoTiroik
lyAlt, d*âprës un ancien manuscrit.
&*s ffAU compte , peut-être asseï exactement , 266 Frîbourgeois tués,
mais avec exagération < nombre de Bernois. » Selon Têchudi, les Bernois
eurent cinq tués et quarante blessés. Du côté de Fribourg tomba le vail-
lant bourgmestre Willy Perrotet, le dernier de son nom. D*Alu «"Ce
nom est fréquent dans le canton de Vaud ; un voyageur natundiste en-
core vivant l'a illustré. G. M.
»•• SMtUr.
"' n poursmTÎt l'ennemi le long de la descente du Schônenberg jus*
qu'ans portes de la ville , où il brftia quelques moulins à foulon. Chron,
frih.
*** Vendiedi après Pftqucs. Cette solennité fut abolie lors de la ré-
coneilialion. Tiekwii.
*** Pas le même jour. Mt^ ( HT » tS5 et suîv. ) a fort bien reetifié
•ette erreur.
LIVRE IV. CHAP. V. 353
nemi^^ afin de partager le butin , sans avoir placé des
vedettes et sans rester réunis ^^. Un barbier trahit
le stratagème par lequel ils voulurent se venger ^^.
L'État prit possession de ce qui ne pouvait se parta-
gei»203. Pierre d'AfFry, abbé de Hauterive^ paya dans
sa blanche vieillesse son amour pour Fribourg par la
perte de ses revenus ^^.
he duc d'Autriche mit en mouvement TAutriche an-
4
térîeure ^^^ ; on se battait encore au sujet de Rheinfel-
^** A Tavel. Pourquoi ne passèrent-ils pas la SIngine?
»« Tschudi II, 52A.
*•* André , de Thonne , décapité ensuite à Soleure pour ce fait. ItL
^* Schwarzenboùrg ( Grassbourg ) , Gûminen , Mons; Chron, frib.
^^ Sar l'ordre du pape Félix , l'abbé de St-Jean , près de Cerlier, les
adjugea à la prév6té. Ch. ' -
**^ Albert aim habitons de Frauenfeld; il leur annonce qu'il tiendra
une conférence à Diessenhofen et marchera pour Fribourg contre les
Bernois, sa Le duc Albert , qui pendant la guerre de Zurich se trouvait
dans le voisinage de la Suisse , quand il n'était pas dans ce pays même;
l'crivîl à son frère, l'empereur Frédéric, la situation des Friboui^^eois et
les dangers qu'ils courraient si on les abandonnait à leurs seules 'forces.
L'Empereur était alors à Grxii; il répondit à son frère, qu'occupé lui-
même à défendre ses États contre les Hongrois , les Turcs et d'autl^
ennemis, il ne pouvait envoyer un prompt et suffisant secours dans s^k
provinces antérieures, mais qu'il lui faisait parvenir h bannière' impé-
riale, des lettres pressantes pour ses sujets, une missive adressée' auï
Valaisans et une autre enfin à son cousin le duc Sigismond. 11 recom-
manda' vivement au duc Albert de soutenir et de protéger Fribourg. La
lettre est' du 27 avril it^^^S, Le même jour il adressa une circulaire anl
électeurs, princes spirituels et temporels, comtes, barons, chevaliers,
écuyers , bourgmestres , conseils , commune^ de toutes les villes , de tons
les bourgs et villages , et eu général à tous ses sujets et à ceux du Saint-
Empire, de même à ses chers neveux , oilcles, électeurs, princes, nobles
honorables , fidèles et bien-aimés, les invitant à prêter main-forte à son
frère Albert contre le/luc Louis, « qui se dit et qui s'écrit duc de Savoie. •
Ces deux documens se lisent textuellement dans l'Appendice des Begesien
publié par Chmel, 1 1, p. xcv et xcvi. I^ 30 juin, Frédéric, se trouvant en-
core h Grstz , enjoignit aux Bernois de s'abstenir de tout acte d'hostilité
VI. a3
354 HISTOIRE DK LA. 9UI6SR.
dcn, et Tallianee zuricoise n'était pas révoquée. Dans
des circoastailces si périlleuses ^ rintervention du roi
dé France, du duc de Bourgogne et des Confédérés
parvint à faire conclure une paix^^^ facilitée par la
coittiv les Fribouiqgedis, et de [Yoittsaîvre leurs prétendm droiU par les voies
juridiques Chmel, Regesien^ t. I , p. S5d. Le lendemain il adresse au
dnc lui-même «Ludovico se pro duce Sabaudis gercnti» une somma-
tion expresse de renoneer aux hostilités , de soumettre ses prétentions
au jugement de la cour aalîque , et il fixe pÀemptoirement trois termes
poursa comparution, chacun de 30 jours, après lesquels «prout jus-
» tum et moris fuerit procedemus ac procedi curabimus absentia toa ,
» sen contumatia ( sic ) in aliqno non obstante. • Il parle au commen-
cernent de cette même lettre des nombreuses diètes et conférences tenues
à Genève et ailleuri pour concilier les partis. 11 énumère les griefs a\cc
une rude franchise. Louis de Savoie » sous prétexte de représnlles, a sévi
contre les personnes et les choses , arrêté des Fribonigeois, mis la nain
sur leurs biens meubles et immeubles ; il leur a fermé les routes , inlordit
le commerce; il a même entravé les voyages et le trafic de toutes ks
personnes ^i fréquentaient les roules royales de l'Empire romain ; rien
n*a pu le déterminer à restituer les biens saisis ni à relftcber les penonnes
•iTétées, etc. Par toutes ces choses , « guerrarum incommoda^ ad tur-
• bationem rei publiée cum multorum dispendio, atque rerum etper-
» sonamm jaclura «t pemitie dietim snccrescunt et nutriontur. » Ckmtl»
Appendice des Meg,, p* xcvni et xcix. A la même date on trouve uae in-
vitalioa pressante de rBmpereur à Guillaume , évèque de Sion « à sou-
tenir le dnc Albert de toutes ses forces de ooacert avec ks babitaas du
Valais » aaxqneb il s'est d'ailleurs adressé dans ce buL — Un fait curieux,
quelque peu postérieur» a été révélé par .ujm lettre de l'avoyer et d«
conseil de Berne du i*' septembre dé la même année. Le brait s'était
répandu que les Bernois avaient soldé quelques nKlividus pour empei-
sonner oa assassiner le dnc Albert d'Antricbe. }h se justifient avec eau*
deur et noblesse dans leur missive, qu'on peut lire au t VQI du Gt*
schUhifancker, p. 12» et 183. €. M.
>•< Trûité d$ pmm* liorat, dans le veiger de l'anbeige de l'Atgle-Noîr,
16 juillet 1448. Le congrès ft2t très-nombreui. A la tête de l'ambMsade
française figurait Emérenœ , abbé de Tbieny, près Rbeimss le due dft
IkMUgqgne dépuU le gentilhomme de Vaudrey; Ital kédwg ic|)réseBla
les Confédérés. Le duc de Savoie délégua le marèchal Jean <k Mael,
.l^aspard de Vaivx, le sire Jean de Vàoxraarcus» Jean de Goopeys, k
UVAK IV. CHàF. V. 355
I
ooofiance dans la justice et la sagesse du comte Jean
de Neucbàtel, Habituellement neutre , sans arrière-
pensée et sans ambition , les partis le prirent pour ar-
bitre* Il prononça : < Guillaume d'Âvenches, cheva-
» valier^ le conseiller Âtitoine Saliceti ^'^ et d'autres
M exilés ^^ rentreront dans leur patrie et dans ieiirs
M biens ^^ et seront indemnisés de leurs pertes ^'^. La
h dame avoyére ^e Ringoltingen^^^ conservera les pro-
>} priétés dé sa fille Louise Ritscb. Huit conseillers
» de Fribourg passeront les montagnes ^^^ et implo-
>i reroni le pardon du duc de Savoie , la tète décou-
» verte et eu fléchissant les genoux. Il lui sera payé
M en quatre ans quarante mille florins pour ses frais ;
/> le paMon de Tinjuste incendie de Yillarzel et de
M Montagny sera demandé à Dieu^^^. L'alliance avec la
bailli de Vaud, Guîllattne de Genève, seîgneurjde Lullins, le procu-
rew-fSénéral de Vaad ttermét Grispin (D'AU : Ghrilstinet *) H beaocoup
cfaoMi; Berne, Babeobeiig, fUngolttagen, Waberns Fribourg, Mrs-
beig , Irob membres do conseil , le bannerel du Bourg , Jean d'Ellspacli
( regardé comme on des principaox auteurs des troubles^ , le bannerel
de Im fieBreriHe Jean Mnssflier, le greffier municipal Jacques Gudrefin.
Le prieur GoiUaome d'Âigaes-Mortes (non pas Iforlau» comme dit
^jiU) se dislIngttaH comme représentant do pape FéKx on do concile.
^' Chtênie, frié» Voy. dans le cbap précédent n. 98.
^* Fel^a, Vuippcns, Endlisperg'; parce quiis avaient été forcés,
comme feadalaires de la Savoie , de prendre parti pour elle.
^* OnUlanme d'Avencbes recouvra la charge de chef de rËtat , mats
q«l slon n'était psf I vie. 809 élection dépendait de la commune.
w* ▲ BaUeeli MO florins poor ses maisons de campagne brûlées.
tst ttorgnciite de Goin (de Doyno).
M> Le due était en Piémont ao sujet des affaires du Milanais.
'M D'après SteHUt la ville devait payer en outre une indemnité de
4,Mt florinsi de 6,00#, «don la Chronie. frib. Les 4,000 furenl-îls
abandonnés on eompcfs dans la somme plus forte ? Du reste , d'après la
.;
* CkrUtia \mi Chrittiaé) Ok. citéf à b a. M i Grenus, Dmêumêiu, f. 7S. C. V.
356 HISTOIRE DE L4 SUISSE.
)) Savoie et Berne est rompue. Fribourg cesse de partî-
)i ciper au gouvernement de Schwarzenbourg et de
)) Gûminen. Le comte de Neuchâtel prononcera sur
» l'avouerie de Hauterive ^**, sur les droits de l'évêché
» de Lausanne dans le Pays de la Roehe ^'^, et sur la
M régale des monnaies de la ville ^**. » On voulut per-
suader aux Fribourgeois que la situation de leur ville
leur faisait une loi de suivre d'autres règles de con-
duite que celle qu'ils se |)ermet(aient parfois d*adopt^,
dans leur confiance sur une puissance étrangère '^^
Dès qu'ils firent un pas , on leur montra de la condes-
cendance^'^^ et Soleure négocia une convention pour
défendre le respect des lois contre l'audace et les arti-
fices de Tesprit de parti ^i».
Celui-ci éclata avec fureur dans la ville; les parti-
sans les plus zélés de l'Autriche inspiraient aux ban-
nerets et à la campagne du découragement au sujet de
cette honteuse paix^ tandis que l'avoyer Guillaume
Felga et une grande partie du conseil acccusaient le
parti autrichien d'avoir causé tous ces maux en allu-
mant la guerre. L'irritation alla croissai^t lorsque, pour
Chron. de la ville , le comte doit avoir condamné en outre • certaines
personnes» à payer 100,000 florins, ce que itAlt admet aussi. lY, SIS.
2«* Ci-dessus à n. 51.
2t» Près de Yillardvollard , entre Bulle et Gcurbiëres.
^^^ Auparavant elle avait les monnaies de Savoie et de Lausanne.
^^^ La paix fut conclue par nécessité sans le consentement d'Albert
D*Alt» Toutefois $e* agene furent prisem», K. S74. ^^ Les articles du
traité de paix sont plus détaillés dans l'if ûf. dn Smieeee du baron ^AU,
t. IV, 136-138. C. M.
1» Voy. n. bk. Peut-être aussi abandonna-t-on les 4.000 flor., n. Sll.
La régale des monnaies fat certainement confirmée. VieUlee amnotatiams
dans Haller, Bibl. IV, &00. Kingoltingen ne céda-t-il pas aussi ia nioitié
(n. 169J?
^*^ Ch, de cette convention.
LIVRE IV. CHAP. V. 357
payer rintérét des dettes ^^^ pour solder les officiers
autrichiens ^^^ pour fournir les sommes stipulées en
faveur de la Savoie, on établit dès impots ^^^. La
colère et la nécessité firent ressortir tous les abus et
tous les défauts de la constitution ; ils étaient irrémé-
diables parce que les besoins de la patrie servaient de
prétexte aux haines particulières.
Cette fermentation pouvait amener des tumultes et
livrer Fribourg en des mains étrangères. Le duc Albert
résolut de la calmer en personne; Thûring de Hallwyl
accompagna le prince avec im grand cortège ^^^.
Il fut déclaré, au nom du peuple^ que la Commune
avait depuis long-temps mais en vain chargé les ban-
nerets d'exdure , le dimanche où l'on élit les autorités ^
tous ceux qui , par les fiefs ^ relevaient de seigneurs
étrangers; on se plaignit qu'un gouvernement astu-
cieux et cou vert de mystère énervait par des mesures
intéressées et par une coalition partiale la force de la
république, et opprimait citadins et campagnards. Le
prince, comme la plupart de ses pareils, mal disposé
envers des hommes puissans et nobles sans son appui ,
favorisa la multitude.
Il octroya d'abord une charte ouverte et bien pré-
cise *** ; « Tout le pays de Fribourg depuis la Singine
>^ On fit des empninU à Slrasboorg et à B&le. Chran. frib. ; sous !^
caotionnement des Felga , Praroman, Endiisperg , Ellspacb, Gorbi^ ,
Bognet D'AU.
*^ Ils coûtaient 4,000 florins. D'AIL
»* TaiUes.
'^ Là se trouvait aussi le margrave , non ceini de la guerre de Zu-
rich , mais Rodolphe , son fils , dont nous parlerons souvent. Le duc
vint an mois d'août iââO.
>^ Les bannerets décrétèrent en 1647 de faire imprimer cette Charfe f
un document constitutionnel est certes destiné à la publicité.
*
à58 HISTOIRE DE LA SUISSE.
n jusqu'au ruisseau de M aconens et depuis Villars-les*
» Moines jusqu'au ruisseau de Planfeyon, avec tous les
)) droits seigneuriaux et toutes les justices dont Torigiiie
» remonte aux temps où prés du boui^ il n*y avait
» point encore de Fribourg ^^^^ avec tous les impôts et
» toutes les obligations militaires '^^, nous appartiens
» nent à noys^ le prince; un capitaine ^^, un avoyer
» ou avoué ^^ sont chargés de l'administration. Tout
» seigneur censier peut aider ses censitaires; mais que
» nul ne s'avise de prendre nos gens sous sa protection
» ou de les faire admettre dans une bourgeoisie étran-
» gère. Ik trouveront auprès de nous une justice équi-
» table j égale pour tous ^^. Notre juge municipal ëla-
» blira des fonctionnaires dignes de confiance et les
» surveillera ^^; chaque année nous enverroas des
» juges d'appel à Fribourg ^^. La constitution ( Hand-
>» 9este ) doit être respectée ; nous confirmerons tout ce
)» qui sera ordonné pour le bien commun ; les dâibért-
» tions sur la chose publique auront lieu en commun y
"• T.l, 367, n. 105.
'^ Dans le texte : « des voyages, • c-à-ë. des «ipéditkMis pàwlt
défense dn pays dans des limites détemiinées et asset étroites T. I .
<
P. 3S.
**' Le bailtî autrichien ou commandant de la ville perlait ordina&v-
ment ce titre dans la charte dn pays.
'*' lieutenant ou avoué d« prince. Au xvi* aiMe encore Cospinlen et
d'autres apr^ lui reçurent I Vienne le titre d'avocat Getle foMobon pou-
vait être et sans doute était ordinairement dévolue à l'avoyer, qieod
celui-ci agréait an prince.
3'* Ce qui n'a pas lieu dans l'oligarchie ni dans les autRi goofene-
meos irrégoliers.
^^ 11 est même chargé de les faire oiaBerver secrèieBent ^aand il y
a des plaintes contre eux.
^ On regardait comme une ptirpgatiye importante de ne devoir pas
coraparailre devant des trihvÉaux établis aillents.
I
LIVRE ly. CHAP. Y. 359
» en présence du capitaine , de Tavoyer^ du conseil et
» des bannereu '^^, et non dans un mysMre ^quivo-
V que ^^. » En outre Albert régla les rapports des fer-
mages emphytéotiques ou des intérêts du sol de ma-
nière k encourager l'activité agricole et à prévenir les
torts que pourraient ehdurer les paysans ou les sei-
gneurs ^'^. La véritable égalité , c*est la protection
égale pour tous les droits ^^.
Cette charte^ certainement l'ouvrage d*un sage chan-
celier ^^^ ne rendit pas la paix aux Fribourgeois y parce
que l'indulgence excessive du duc pour les passions
d'un parti lui aliéna l'autre à toujours , et inspira de
Fintârét pour ses souffrances. Il convoqua l'avoyer et le
conseil et les contraignit de jurer qu'ifs attendraient ses
<>> Originairement chefs des arrondissemens militaires d'une ville ;
plus tard représentans des sections ou quartiers.
** La tjraimie , la bêtise et la penrersité n'ont pas d'ennemie plus re-
doutable q«e la pnUicifé.
^* • Pour l'ttméUoration dm fonds d$ tvrt, il est permis de le9 afler-
• mer, sous réserve du droit de propriété ; le fermier ne doit ni diviser,
• ni détériorer, ni aliéner le fonds; le propriétaire ne doit ni aggraver
» le ¥ail , ^i expulser le censitaire. Les terres le transmettent par kérî-
» tage. Si le fermier quitte volontairement une terre, on l'indemnise
• pour les ainéliorations qu'il y a faites. • Les baux emphytéotiques des
fiefs inaliénables sont ordinairement fondés sur les mêmes principes.
Dans là Suisse r^énérée on a voulu fes anéantir. Le costume révolu-
tionnaire voulait qu'on soulagent le peuple de ses cbaiges ; or, nous ne
cohiinaissions point de charges illégales. Lorsque ces anciens revenus
fondés en droit furent supprimés , il ne se trouva plus de ressources
pour coBTrir les dépenses. On résolut donc de tuer la poule aux œufs
d'or ; Ta vente des domaines fut annoncée.
*** « Vous ne ferez point d'iniquité en jugement ; tu n'auras point
• d'égard 5 l'apparence du pauvre , et tu n'honoreras point la personne
• du grand; mais tu jugeras justement ton prochain. » ÎAvit, xix, 15.
*' Sa mémoire demeura chtre au peuple plus de trois siècles après 11
^cltutr de ws seigneurs (17ftl).
360 HISTOIRE «DB hX SUISSE.
I
ordres. diins la salle ordinaire des séances. Au bout de
quelques jours le maréchal de Hallwyl leur apporta
l'ordre de se laisser lier et conduire en prison. Quatre
semaines durant, le gouvernement resta emprisonné
dans les tours j sans que ses ennemis pussent articuler
contre lui un seul crime. Mais on le crut si offensé que
la sûreté sembla exiger qu'on ôtât la dignité d'avoyer
au chevalier Guillaume Felga et qu'on destituât le con-
seil entier, à l'exception de cinq membres. Felga et six
des principaux conseillers furent exilés à Fribourg en
Brisgau , et là , répartis et enfermés dans des couvens ,
où, protestant de leur innocence ^^^, ils demeurèrent
six mois^^^, jusqu'à ce que chacun d'eux eut amassé
sa rançon. Le duc tiomma le maréchal de Hallwyl capi-
taine de la ville ^^^, et le chevalier Thierri de Monste-
rol * dans le Sundgau , avoyer ^^^ ; il institua\in conseil
qui étendit arbitrairement sa compétence.
La ville gémissait sous une oppression si étrange,
que l'impatience du présent et le regret d'un passé
tranquille étouffa au fond de beaucoup de cœurs la
haine des partis $ le capitaine, par des mesures vio-
lentes ^ ne réussit qu'a provoquer le désespoir ^^^ Plus
"^ On lear faisait surtout un grief de la dernière paix ; mais le pripci-
pal motif de leur disgrâce fut, à ce qu'on croit, leur refn^ d*aiderà
Texécntion d*un plan formé par le duc contre Berne; TsehacJitlatu
^* Jusqu'au mercredi après Pâques 1450. Nous suivons dans cette
narration la Chran, frib,
^^ A la place de Louis Meyer, qui adopta Fribourg pour sa patrie.
* D'AU l'appelle de Monstral. C. M.
'*® On dit qu'il descendait du premier avoyer connu de celte ville,
(Jont il portait le nom ; mais son nom n'est pas dans les registres , parce
qu'il ne fut pas élu par la commune. D'AU,
Ceux du Bourg, quartier supérieur de la ville, marchèrent, en-
141
..\ . .; — : ro' ^ «^^ — '
soignes déployées, contre ceux de l'Auge, quartier inférieur. T»cha€luUm*
LIVRE IV. CHAP. V. 361
de deux cent cinquante citoyens considérés ^*^, esti-
mant la servitude insupportable, surtout au sein de la
patrie , s'enfuirent vers Guillaume d'Avenches, qui , à
l'arrivée d'Albert, s'était de nouveau réfugié à Ro-
mont. Gomme il arrive au milieu des agitations^ on
brouilla tout^ le droit et l'injustice; on confondit les
franchises de la ville avec. les abus: d'un autre côté
on défendit la cause d'un gouvernement,. qui n'était pas
illégal, par des mesures arbitraires. De là les fréquentes
transmigrations d'un parti dans l'autre, suivant le côté
où Ton croyait voir le mal le plus funeste ; de là encore
les sermens prêtés avec sincérité à la patrie et au bon
droit ; puis , quand W passion s'allumait , la foi et la
parole violées sans retenue ^*^.
Le maréchal de Hallwyl ayant fait arrêter de force
au milieu de la ville le président du tribunal su-
prême ^** qui s'y était rendu avec un sauf-conduit , il
le fit pendre non loin de Fribourg^^^à un arbre, en
lui refusant la dernière consolation des chrétiens. Les
fugitifs abjurèrent toute obéissance envers un gouver-
nement réduit à tolérer de pareilles horreurs , et cher-
»*> SUiiltr. .
^^ Le paiement de la Savoie devint l'objet principal. Les conselis et
trente citoyens de chaque bannière établirent, le li décembre 4449 , un
impôt auquel ne se soumirent ni les paysans de la banlieue ni les exilés*
Ib demandaient la destitution et l'exécution des auteurs de la guerre,
ainsi que la confiscation de leurs biens. De là des troubles périlleux ,
l'occupation de la ville par les gens de la campagne , des dépulations
dispendieuses et inutiles, des diètes, l'épuisement, le mépris, l'aban-
don, un désordre voisin de la dissolution de la république. ïfAii a dé-
crit tout cela en détail.
2A« Le grand saulicr Jean Specht, qui présidait le tribunal de la ville
au nom de Tavoyer. Chron. frib. ; Piat; d*AU,
'" Du côté des Naigles. D*Alt, ÎV, 188.
3G2 HISTOIRE DE LA ftUIdSE.
chèrent une protection à Berne et en Savoie. Les dé«
pûtes de Berne ^ appuyés par ceux du duc^ firent
entendre un langage menaçant et forcèrent Hallwyl a
éloigner sa soldatesque effrénée et à réintégrer le gou-
vernement qui avait fait la paix '*®.
Ce jour marqua dans Fribourg la décadence de Tau-
torité de TAutriche, que le maréchal avait poussée trop
loin sans calculer s'il pourrait la sou tenir é Toute sa
force était dans la jalousie des campagnards contre
les gouvernans^ qui opposaient à ces adversaires leur
fermeté et le secours de puissans voisins. Les Bernois
ne pouvaient permettre que TAutriche devint toute-
puissante à Fribourg ; le duc de Savoie , qui avait à
ïréclamer près de deux cent mille florins ^^"^ de cette
ville obérée y commençait à regarder comme possible
l'acquisition de la souveraineté. Lorsque TAutriche
vit l'impossibilité de se maintenir à Fribourg, la cour
elle-même entama des négociations avec la Savoie.
^* Le dénoûment en janvier 1451. s^Les archives secrètes de la
tntisda impériale ei royale d^AUtncbe renferment an grand nombre de
pièces relatives aux évènemens qui viennent d'être racontés , enlr^aotiies
des plaintes adressées à l'Empereur, leur souverain. Chmel (appendice eu
Begeites, p. cv-cxi) en a publié deux qui remplissent six pages et demie
în-4* en petits caractères; il en mentionne plusieurs autres formait IS
feuillets in-folio et 9 feuillets d'un autre formaL Ces pièces sei^ient pins
utiles pour une histoire spéciale de la république fribourgeoise qu'elles
ne le sont à ll^istoire de la Suisse. G. M.
**' Il a été question ci-dessus, avant et dans la n. 21S, de 64tO0O et
non de 140,000. Je vois par la Ch,, n. 979, que le comte de Meuch&tel
reconnaît au duc certaines terres et Juridictions , peut-être avec des in-
demnités pour le temps pendant lequel il n'en a pas Joui. La Ckron,
nomme aussi Chenaux et Cbeire. La Ch, que nous avons extraite depuis»
n. 268, nous apprend que toute transgression f peut-être aussi la négli-
gence de payer au terme fixé) était punie d'une amende de 10,000 tor
La somme à payer surpassa promptemcnt tes ressources de la ville.
LIVRE IT. CHAP. Y. ^^
Hallwjl^ pour sa part, médita auparavant une ven-
geance qui enlèverait aux grands les moyens d'accom-
plir leurs desseins. Leur intention était d'élever Fri-
bourg au rang de ville libre et impériale, et de l'y
maintenir par une alliance perpétuelle avec Berne-
Pour accomplir ce projet'** et pour satisfaire la Savoie^
il fallait beaucoup d'argent. Les Fribourgeoîs avaient
trois ressources : les sommes que la cour devait à la
ville '♦^ l'argenteHe que possédaient les grandes mai-
sons, et le crédit que la liberté consolidée ne manque-
rait pas de faire naître ^^.
Tout-à-coup, le maréchal annonça au gouverne-
ment la prochaine arrivée du duc Albert. On en conçut
de rinquiétude. 11 assura que le seul but du prince était
d'opérer uiie complète réconcilialion, et de se concerter
avec les magistrats sûr les moyens de rétablir Taisance
générale. En même teiiips il fit les préparatifs d'une
i^ception solennelle et pria les riches de lui prêter leur
argenterie pour orner la fête. Le jour fixé parut ; le
maréchal monta à cheval avec l'avoyer Felga et tous
les grands pour aller au-devant du duc. A une lieue
de la ville se montra de la cavalerie. Hallwyl tourna
son cheval , remit à Tavoyer la charte '^^ par la-
quelle ie duc Albert renonçait à la souveraineté, puis
^* Sinon pour le rachat, du moins pour les taxes. On négocia bead-
coup auprès de l'Empereur. CAron.
^* Pour les soldats mercenaires et hes grandes dépenses faîtes Ion de
la présence d'AlberL TêchudiÛ, d&9. iS.OOO flor. D'AU.
^ Nous verrons plus urd le triste éUt des fimnces de Berne, qui ne
permettait aucun espoir de ce côté-li.
^ Maj en parie, lU, S&S. J'aurais désiré l'indication de la source,
que Je n'ai pas pu déconrrir; il n'y a aucune mendon du fait le o(k roii
aurait dû la trouver avant tout , dans l'acte n. sISS.
364 HISTOIRE DE LA SUISSE.
déclara que les sommes dues à la ville et Targen-
terie secrètement emmenée ^^^ seraient le prix de la
liberté.
Vers le mê^ie temps ^^^ des gens de la campagne ^^^
complotèrent ^^^ de s'emparer des portes de la ville ^^^,
d'égorger le conseil et les soixante, et de prendre pos-
session de leurs maisons. Quatre cents hommes de
cavalerie autrichienne les auraient secondés ^^'^. La
république ^^^^ en proie aux dissensions , dénuée de
ressources, poursuivie par des créanciers, était prés
>*s La CA. se rapportait probablement à la renonciation personnel le
du duc Albert; on sait qu*il abandonna peu à peu radministralion de
l'Antriche antérieure à Sigismond. Du reste, il pouvait faire une re-
nooclation sans mentionner son cousin. La Charte n'éuit pas claire
( d*AU. IV, 21S comparé avec 199). 11 y a là un point qui n'a jamais élé
éclairci diplomatiquement. Ni la Chron. de la ville ni d'Jlt ne parlent de
l'argenterie; mais ce dernier cite la charte de Hallwyl sans en raconter
l'histoire. La plupart des historiens suisses , surtout Simter et Leu, p. 167,
même François 6tt^ï//fn«iin,Fribourgeois d'origine et historien aiUriehient
rapportent eipressément le fait. L'acte n. 268 laisse percer une amer-
tume causée peut-être par une semblable déception , dont le souvenir
n'était pas bon à consigner dans une charte* Le confesseur du chevalier
pouvait trouver dans l'Exode de quoi calmer sa conscience.
"• Sans doute un jour de marché. Chron, frib,
'^ La conspiration qui tira son nom du Vogelhaus. = Le Vogelhau» ou
VogUrshatu est un vaste domaine , orné d'une belle habitation , autrefois
propriété de l'ordre teutonique ; il est situé dans la paroisse de Besingue,
entre Fribouig et Laupen. ۥ M.
ss» Vers la fin de lA&l et au commencement de l'année suivante.
25« ITAit. IV, 205, fournît une liste incomplète.
^" Ils avaient correspondu à ce sujet avec Rheinfelden. Chron, frib, ;
\CA\L Hàllwyl , Grflnenberg , Béringer de Landenberg , étaient hommes
à courir de pareilles aventures sans un ordre exprès de la cour.
^^" La ville et 27 paroisses environnantes s'appelaient « la vieille répu-
blique; • ces paroisses , « l'ancien pays ; » autrefois ( d'Alt) , « le cercle. •
^ Selon Kuenlin, D'ut, géogr., t. 1, p. 241, l'ancien pays {die aUe
Landiehaft) comptait hk paroisses et formait autour de Fribourg un ter-
ritoire de trois lieues à là ronde. G. M.
LIVRB IV. CUAP. V. 365
de sa ruine. Un gouvernement de paysans ^ injuste et
sanguinaire^ aurait-il eu plus de force contre ses voi*
sins ? aurait*il pu donner davantage au prince? On fut
tiré de cette crise par un guerrier valeureux et expé-
rimenté^ Louis Meyer de Huningue, autrefois capi-
taine autrichien ^^*, dés -lors, grâce à un heureux
mariage , bourgeois de Fribourg et père d'une nom-
breuse famille ^^^. La conspiration ayant été décou-
verte par Conrad Grauser de Baerischw^yl , Meyer in-
spira de la vigueur au conseil par ses mâles discours ,
surprit pendant la nuit qui précéda le jour fixé les
chefs assemblés dans le Vogelhaus^ et en arrêta les
huit principaux^ tandis que la multitude se dipersait.
Au matin ^^^, beaucoup de paysans venus à la ville
dans de mauvaises intentions furent arrêtés de même.
Les huit eurent la tête tranchée sur la place de St.-
George, devant le nouvel Hôtel-de-Ville ^^; on se
contenta d*infliger des amendes aux autres ^*^*.
Dans ces temps si malheureux ^^^ les Fribourgeois
entreprirent la construction du clocher de leur cathé-
^* CoDna déjà par h guerre de Zurich.
M» Voy. Lea.
*" 15 fétrier 1452.
^* Pierre Ffllistorf le premier.
>** Essentiellement tiré de la Chronique complétée d'après itAlt et
May. En 17Sl, des campagnards excités parlèrent des conjurés du Vo-
gelhaus comme de martyrs de la liberté; et toutefois ils avaient voulu
renverser le gouvernement de leur pays avec l'aide dés Autrichiens. =3 Les
paysans insurgés en 1781 avaient bien le sentiment de leurs souffrances
et la mémoire de leurs droits , mais ils ne surent pas tes présenter et les
faire valoir. D'ailleurs ils furent écrasés par leurs voisins , qu'on fit mar-
cher de toutes parts en vertu de l'aveugle garantie que les anciens gou*
vernans s'étaient promise contre leurs sujets respectifs. Chenaux , Cas-
tclla, etc. , étaient de pauvres chefs. D. L. H.
^* On l'acheva dans l'espace de soixante ans.
366 HISTOIRE DB LA SUISSE.
drale haut de trois cent soixaDte-cinq pieds ^^^, d après
le plan qu*un des exilés avait rapporté de Friboui^ ei|
Brisgauy afin qu*à l'aspect de ce monument grandiose
les générations futures prévinssent par leurs prières le
retour de semblables événemens ^^* Ces hommes , bien
que passionnés comme nous ^ Tonnaient des entreprises
vastes et calculées pour Tavenir ; ils n'avaient qu'une
crainte, celle de Dieu.
Le duc de Savoie employa les moyens les plus vio-
lens pour se faire payer ; par là il entrava le commerce
intérieur et le transit des marchandises étrangères. Il
promit aussi à ^ ville la fin de tous les troubles et de
toutes les attaques , un bonheur paisible » un gouver-
nement bon^ juste y avantageux à la chose publique;
en un mot, un avenir digne d'envie^ si, suivant l'exem-
ple donné souvent ^^'^^ dans des circonstances moins
difiiciles, par des républiques plus puisantes, plus
^ches et victorieuses, elle consentait à le recevoir pour
maître. Les Fribourgeois y furent forcés.
Dans la deux cent soixante-treizième année de la
ibndation de la ville, dans la cent soixante-quinzième
de la domination autrichienne, Jean PaviHard étant
avoyer, le magnifique et puissant seigneur ^ Fran-
^* Probablement d'après les mesures rhénanes , dont le pied est au
pied français comme i39i tV ^^ ^ ^^^^* ^ clocher de ât»-ÉUenne à
' Vienne a 4SS pieds français de hauts la coupole de St-Pierre à Aooe ,
4S0 ; le clocher de Strasbourg , 44S ; la plus g;rande pyramide «470. M-
È^ia iUuMir. U » 19J.
*** U CAftw. frib. allègue ce motif.
M7 pQQf xciAt lieu de beaucoup d'aatrea, nous cileroBs l'exemplt
fameitt das Florentins et de Walther de Brienne » 1342 ; le plus réceol
'eiemple des Milanais est de i4ôO.
^* •llagnificns et potetia. » Ch. Frib., 10 Juin 14S1 , les témoins
siont, pour la Savoie, Pierre d'Amnissié (Anne$$Ufo)^ pour la ville
UVRB lY. GUAP. Y. 367.
çoi$, comte de Gruyère, ami déjà ville, gouverneur
et bailli de Vaud , et le noble Mermct Ghrisiin ^^^ se-
crétaire du duc et procureur-général de Vaud j qui
avaient coopéré à U paix à Morat, vinrent à Fribourg
le 10 juin (1452), de bon matin* L'avoyer, le conseil,
les Soixante, les bannerets, les Deux*Cenis et toute la
communauté de la ville et de la campagne se rendirent
auprès d'eux dans Téglise de St.-Nicolas. Là , par une
charte scellée d'un serment et à main levée , on déclara
éteint le contrat fondamental ^'^^ qui avait subsiste jus-
qu'alors entre le duc d'Autriche et la république ded
Fribourgeois , vu la funeste administration de ce prince
^i sa négUgencç à remplir ses obligations ; on repré-
senta comment Albert avait ploi^é Fribourg dans un
abime de misère ^''^ par une guerre entreprise sur son
ordre ^"^^ et dans liaquelle il les avait abandonnés ^'^^,
Pierre Faulcon, tous deo) notaire». D'AU rapporte que l'év6q«e de Lan*
Mone, G«oiige de Salaces » fol aiuri présent Parmi les signataires on
remarque encot« l'abbé Pierre de ^anlerîve ( Masalery , car ê^kftj était
mort) , Antoine le bAlard de Gruyère , seigneur d'Aigremont (il avait
époasé Jeanne Saliceti ) , le seigneur François de Biolaj, Françab ei Aj*
monde Champion, Humbert Gerjat
*** U poorrrit aossi s'appeler Cri^in ; le nom était aHéré dans la co-
pie. «Voj. n« S06. G. M.
''^ 11 n'en reste aucun document. Son existence est prouvée par la
serment que les princes prêtaient à leur avènement de maintenir et pro-
téger les droits de la ville et de la campagne. Comment les abus permet-
Inient-ilB de nier que les pactes constitutionnels existent en tout pays par
la foite des cboses? La nourriture fortifie l'homme et le vin réjouit son
esur, quoique beaucoup dThommes mangent en gloutons ou h&tent leur
mort par l'ivrognerie.
^* «Ut nulla subesset spes , rem suam pnblicam posse tnerL •
*'' « De jussu et voluntate dacum Austri» inita gwarra. Ab f»sis La
gwerram inducti ac seducti. •
^^ • Iteralis vicibos sublevamen ab ipsis illustribus dnribiis poatnla*
368 HISTOIRE DB LA SUISSE.
après une paix conclue avec sa participation^* et dont
il entendait les punir ^^, enfin en trompant cruelle-
ment les espérances fondées sur sa présence ^^® ; on dé-
clara que. sa maison ayant voulu spontanément les
vendre ^''^j les Fribourgeois acceptaient dès ce jour à
perpétuité le sire Louis de Savoie comme protecteur
légitime^ titre transmissible à ses descendans ; qirils le
reconnaissaient en cette qualité et lui prêtaient ser-
ment ^''*.
Une députation porta la charte de cet acte au duc à
Seissel dans le val Romey. Il remit en échange la dé-
claration suivante ^'^, portant : « Que sa maison s'é-
» tait successivement agrandie par la douceur de son
« gouvernement ^•^ ; qu'en ce jour il donnait avec joie
» à ses nouveaux sujets la première preuve des mêmes
hanl i a quibus nuilo misso suf carsa , oportebat at jugo colla submilte-
rcnt ; ad perditionem conductl fuerc , ut indefensi derelicti. •
'^* Ses m capitanei et gwerrs ductores , Dominas Petros de Mormonte
(Morimont) et Petras..... • (le nom est effacé par le temps, est-ce Cor-
bière? ) y étaient; « de priesentia, jassu et voluntate illoram deventam
eiUtit ad paeis tractatom. »
276 N. 237; Ch.T\.il9,
276 , Adventam Dnl Alberti velnt redemptionem expectal)ant ; ipse
sub imagine pacit et consolationis simulatione villam ingressos, fractis
omnibus bcne regendi legibus , non ut dax et rector, sed ut boalis in-
surgcns » ad omne nefas nu lia ratione prorupit •
277 « Duces Austrise, appretlato pretio eorom, vendere perqaisîeranL*
27^ « In con$iUum congregati in quo residet potetiaê forma CommmnU tt
UniversitatU ipsius Villae , congregalis voce prsconis et sono campanc
omnibus et singulis in unum , se, posteritales, villam, territorium et
incolas subjiciunt dominio ipsius illmi ducis Sabaudise, ut ipsius bo-
mines sint, sub tamcn franchesiis eidem villae pertinere consuetis. >
27* Cfi. de Louis, Seissel , 19 juin 1452 ; celle-ci est dans la collection
de Ualler ; je tenais l'autre de Zuricli. = Voy. <tAit, 222 et 225. G. M.
2'^ Allusion aux communes qui se plaçaient volontairement sous la
protection de la Savoie.
LIVRE IV. CHAP. V. 369
» dîs]x>3itions ; qu'il confirmait les franchises octroyées
M à la ville y aux faubourgs et à la campagne par des
» empereurs, des rois, des princes et des dames ^^' ;
» qu'ils éliraient, eux, leurs curés et leur gouverne-
» ment à leur guise; que celui-ci, composé du nombre
» de membres qulls jugeraient convenable ^^^, ferait
» des ordonnances obligatoires pour tous ^^ sur les ac-
Mcises^^^,-les impôts et tout le reste conformément à
)) la constitution de la ville. Lui , leur fidèle protecteur
» contre princes , capitaines ^^, communes et allian-
» ces ^^^^ se contentait des revenus légitimement perçus
» par la maison d'Auriche; ses percepteurs seraient ses
M seuls employés à Fribourg ^^"^ ; il ne construirait ni
» château ni entrée particulière dans leur ville ^^^ ; il
» faisait à ses chers Fribourgeois un triple présent en
» leur remettant la grande dette de la ville , une plus
» petite de l'hôpital et de la confrérie , enfin l'avouerie
^^ Allusion nos doute à Elisabeth de Hanle-BourgogDe, vctive de
HarhMon de Kibonrg le jeune, dame régnante à Fribourg depuis 1265
jusqu'à 1371 au moins, année où Eberbard de Habsbourg-LaufTenbourg
épousa sa fille ( L U , 29 , 110 ) , très-disposée à favoriser les villes , soit
par pénurie d'agent, soit par principes. On voit son image sur le sceau
de la constitution (Handveêie) qu'elle donna aux citoyens de Thoune, et
dans Teicellent travail qu'a publié sur cette constitution , Rubin , con-
seiller de cette ville.
'*^ Contre l'article de la charte du pays opposé an conseil secret.
^* Aussi pour la campagne et les simples habitans qui naguère refu-
saient de se soumettre.
^* Les paysans refusèrent aussi en 1A49 l'ohmgeld ( les accises ).
^^ Qui agissaient pour leur propre compte , en qualité de condot-
tieri, n. 257.
>** Avis h Berne , Morat , Payeme.
'^^ Les princes précédens avaient aussi des capitaines.
^^* lies citadelles étaient une mesure de sâreté ordinaire des nouveaux
souverains , comme les anciennes acropoles.
VI. «4
370 HISTOIRE 1>E Lk SUlfi&B.
» de Hauterive '^^^; plein de sollicitude pour leur sou^-
>i lagemeot^^ et leur prospérité, il leur enverrait an-
>} nuellement pendant vingt ans deux mille deux cents
» florins^®'. »
Ainsi la modération et la sagesse acquircsit ce qui
échappa à la violence, et ce que d^autres auraient pu
obtenir s'ils- n'avaient pas été trop circonspects^^.
Les Fribourgeois n'ayant plus à ci*aindre de tcmaber
sous le joug des Bernois ^^^, les deux villes renouvelè-
rent leur ancienne oombourgeoisîe ^^ avec d'autant
plus d'empressement ^^^ que l'une et l'autre désiraient
(^ la puissance savoisienne se renfermât dans^ les bor-
nes légales. Us fournissaient de bon cœur des secoitfs
au duc de Savoie ^^^> mais, ils estîmaieivt avantageux à
tous^^ que la constitution et bipaix dc^lenrs frontières
fussent à l'abri de rinfluence des partis qui ébranlaient
>** Elle était en litige, comme on sait : n. 5i , 21 &.
*•• Us avaient beaucoup d'intérêts à payer à BAle et à Strasbourg.
>'^ Cet article ne se tnnive pas dans la CA. n. S79« mais dans la C/nv-
nique. Les 44,000 (n. 213) éUleot-iis payés? ne faisait-U que les lesr
rendre?
i>i Les Bernois que cette issue chagrina beaucoup. Chrtm. frib.
^* La domination de Berne ne pouvait pas être consîdirée autrement
par les Fribouiigeois , parens ou antagonistes des grandes maisons ber-
noises ; il est dur d'avoir ses égaux pour maîtres à toujmrs et sans eqMir
de changemenL = Si vous l'avies éprouvé comme nous , vous- ne Teiprî-
meries pas mieux. Enfin cette honte a cessé le 2i janvier 1798. D; L. B.
^** Tout reposait sur la, priorité de ces droits par rapport h FaUiance
avec la Savoie.
^* On en vint à un prononcé* Chr^n* fine, lASd. lui Réding» ainsi
que des arbitres de Soleure et de Bieaae , se décUrèvent contre ', mab
en vain. La volonté publique décida. D'AU.
^* Expédition en Bresse» 1452 (ci^dasos n. AS) ; contre le danphin ,
1454 (n. 20).
"^ Us répondirent qu'ils rava&BRi fait dan son intérêt et dans le leur.
Chran. frib,^ 145 S.
UVftE ÏV. CHAP. V. 371
souvent la cour de Savoie. Loiûs osa d'autant moins
se plaindre gravement à ce sujet qu'il dut payer aux
Bernois quinze cents florins pour avoir gagné en sa
faveur la ville de Friboui^ par ruse^^, au mépris
d'une conventions^.
Le nouvel équilibre valut à la ville la considération
dont elle avait été long-temps privée; on y vit renaître
l'ordre et la prospérité. Lorsque Guillaume d'Avenches
et Antoine Saliceti provoquèrent contre elle les juge-
mens et les foudres de l'Eglise ^^^ et qu'elle en vint
même à une guerre ouverte avec Saliceti ^^^, le duc n'osa
plus, comme autrefois, prêter son appui aui: ennemis
de cette cité. Gonune elle ne craignit pas de surprendre
Salioeti dans la petite ville lausannoise d'Avenches, le
due, en sa qualité de protecteur, obtint seulement que
celui-ci f&t libéré de la prison dure^^, sous serment de
hannissement. Saliceti ayant violé sa parole , oa lui
trancha «usnl&tla tète (1460).
^" CL du traité fait d Morat, 1452. Médiatears : l'éTâqne George de
Salaces, le comte Jean de Neach&tel, le chevalier bftlois de Flachslanden,
le bourgmestre Schwaramoaier de Zurich, Hanwyl, aToyerde Lucerne, et
Ital Réding. Chef des Savoisieos s le comte Jacques de Valperge, chance-
fier ; et des Bernois : Bubenberg. La manière est gracieuse, ob annule les
offenses, mais oone les nomme (ms. Dans les guerres de l'Autriche contre
la Savoie ou Fribourg , Berne reste neutre , mais n'accorde pas le pas-
sage (ce qui probablement n'eût pas eu lieu même sans le traité). Les
i5,0Q0 flor. à cause de l'ancienne amitié et par certaines raisons^ Accep-
tation par les Pritourgeois , i458 ; la convention ne leur agrée pas entiè-
rement ; mais ils ne veulent en aucune façon causer des ziianies.
>** Aucune des parties ne devait agir d'une manière décisive sans
rantre. Tichudill, 559.
*** Chrtnu frîh,, i45&. Leur querelle concernait probablement la rcs-
litatioa des biens, en partie grevés de dettes , et les indemnités ; les ser-
mens , prétexte pour s'adresser à l'évèque.
»•• Ibid.
>•* An fond de la tour ronge.
372 HISTOIRE DK LA SUISSE. '
La ville effectua sur le territoire de la république
le rachat souvent tenté de tous les droits féodaux
reconnus et litigieux '^^ des comtes de Thierstein ^•^j
anciens seigneurs de ces contrées comme les comtes de
Neuchâtel et de Gruyère, elle les rectifia ^^^ et les in-
féoda à son tour^^^. Les troubles si souvent renouve-
lés avaient fait voir à quel point les vassaux de princes
étrangers ^^^ étaient dangereux pour la république.
Le seigneur de Menthon ayant refusé de payer une
dette y ni la crainte de la Savoie ni la forte position de
son châtel de Saint-Denys ne purent empêcher qu'on
lui saisit ce manoir et Yuippens^^^ jusqu'à ce qu il se
soumît au droit ^^^.
Dans la ville, la tour du cbàteau de Zsringue,
monument de souveraineté territoriale ^*®, fut ra-
sée3»^
Lorsque l'opinion républicaine devint dominante à
Fribourg , les Bernois rendirent spontanément à cette
ville sa part de souveraineté qu'ils avaient conquise à
'*' Peut-être (levait-on «ncore en découvrir d'autres.
*•* CA. il mai 1456. Jean, frère de Bernard, oncle de Frédéric,
traita avec la ville.
*•* Bonzewyl fut affranchi, et devint propriété de l'abbaye des reli-
gieuses en Maigreauge.
>** Le bailliage de W^englischwyl , prts Tavel , fut inféodé aux reli-
gieuses d*Interiachen pour 1 flor. du Rhin et un quart par an.
>*' Thiersteîn avait des vassaux dans la maison des Praroman
(C7t. 1454) et des Endlîsperg ( 1484 , 15 févr. )
^^^ Ces seigneuries , en grande partie allodiales, ptovenaient originai-
rement, par des mariages, des familles dont elles portaient le nom, cl
elles y rentraient.
î" Chron. frib., 1460.
'** La souveraineté de protection en avait pris la place.
»" Jbid., 1463.
UVRK IV. CIIAP. V. -ÎTS
Gùininen ct^ Grasbourg^*^, acte de sagesse qui aurait.
dû servir à jamais d'exemple aux Confédérés récon-
ciliés^*^. Ensuite^** ils convinrent, conformément aux
principes d'ordre et de sûreté, que Berne resterait seul
maître du défdé de Gûminen, cette porte de Berne,
mais céderait en revanche à Fribourg les villages situés
au-delà de la Singine^*^, et qui lui avaient appartenu ,
à cause de leur dépendance de Laupen ; qu'enfin les
deux villes gouverneraient alternativement , par le mi-
nistère d'un bailli , la contrée pastorale voisine de Tan-
cien Grasbourg. La souveraineté du pays eut des limites
fixes ^^^; les propriétés particulières des seigneurs'^'',
des bourgeois et des campagnards *** demeurèrent in-
violables, comme cela doit être. Chacun payait le
pontonage dans les lieux où il fallait entretenir un
^^^ Aa renouvellement de la combourgeoisie.
•" On a prêché soavenlet avec énergie la restitation de la co-sou-
veraineté de Bade, qui a été enlevée aux vieux cantons catholiques;
maison ne sentait pas Tiraportance de renouveler l'ancien esprit fédéral^
aassi chaque canton se battit-il encore une fois pour son compte , et avec
Fespt'ce de succès facile à prévoir. =9 Nouvelle preuve que Tédifice était
pourri dans ses fondemens. Des républicains sans liberté , sans esprit
public I 0. L. H.
''^ Rapport (accommodement) f/e«<itffu; v'dUs, 1^67.
^'^ Et. donnerait en sus 300 florins du Uliin.
*" Une borne éternelle. CA.
''^ Les de Yuippenset leurs héritiers continuèrent de résider an châ-
teau de Gûminen jnsqu^en 1501.
SIS Pâturages communs et droit da pacage indivis entre les habitans de
Laupen et ceux de Besingue et de Noflen ; cens, dimea La sécnrité est in-
dispensable à la civilisation et au bonheur, mais est-elle possible quand
la théorie triomphe du droit fondé sur des chartes? = Lorsque les char-
tes sont absurdes on ne conviennent plus aux temps, il faut bien modi-
fier ce qui en est l'objet, et lorsque cette modiCcation s'ppère d'ailleurs
dans des vues^sages , il y a sagesse. 11 faudrait admettre sans cela qne le
genre humain peut être à jamais asservi par les conquêtes et par la bar-
barie, qui ne marchent jamais sans chartes. La première charte, issue
d'un tel principe , serait immuable. D. L. II.
374 HISTOIRE DE LK SCISSE.
pont 3^^; afia de vivifier le commerce ^ là sûreté des
marchandises qui passaient d'Allemagne à Lycm fiit
stipulée par un traité que Fribourg négocia entre B^ne
et la Savoie *^^.
m
A Meuchâtel , c^te branche de la famille de Fur»-
tenberg qui avait acquis par des mariages Aurach^^S
Fribourg en Brisgau ^^^ et soixante ans auparavant le
comté de Neucbàtel^^^, s'éCeignit dans la personne du
sage et bienveillant comte Jean. Peu d^années avant sa
mort, il reconnut dans la grande salle du diateau de
Grandson ^ la suzeraineté de la maison d^Orange '^* ; il
inféoda lui-même aux deseendans illé^times des com-
tes primitifs de Neuchàtel leur héritage ^^^y et à la mai*'
son d'Arbei^ une partie du Valangin^^^. La loi bour-
guignonne régissait le pays ^"^ ; le droit municipal de
*** Sur la Sarine et la Singine; ceax qai les traversaient à gné, qaaod
les eaox étaient basses, n'en payaient pas moins le pontonage.
'^ CL 1467, 12 octobre. La cour avait arrêté des négocîans qui se
rendaient à la foire de Lyon (d-dessus n. 155 et suiv.). il était interdit
à ces marchands d'amener dea marchandises italiennes on lombardes.
L'évêque de Genève fat aussi compris dans le traité.
**^ An temps d'Rgo, dont la seconde femme était la soeur du dernier
duc de Zaeringen.
*^ T. II, 6 et 7. La Ch. ftowr SébenJtaïuen , 122S (Crusias Ckron.
Souabe, 1, 741, édit. de Moser.), fait voir qu'Ego, fib de la duchesse de
Zaeiîngen , fut le premier qui joignit à ses titres le nom de Fribouig.
*** T. IV, 2. Conrad parait avoir été le fils de cet Ego qui perdit Fri-
bourg par sa faute (t III, 183) ; les tableaux généalogiques dans Cruùus
(1, 729) et H«6iMr {TabL généaU, 266 et 58) sont fautifs; en Souabe,oa
oublia cette branche transplantée.
>*« 1465 Dunod.
**^ A cette époque (1485) , Jean n fit l'acquisition de la seigneurie de
Oorgier que Pierre de Savoie avait donnée vers 1261 aux sires d'Esta-
i^ayer. Dunod; J.-G, P'ûssUn, Géogr. III.
*** Hommage dit comte Jean à Jean de Ncuch&tei , dans le cimetière de
régjise collégiale, 1450. Schâpflin, Hisl. Zœring, Bad. VI.
^>7 i^ comte Jean renvoya les habitans de Gorgîer à cette loi. Dunod.
LIVRE IV. CHÀP. V, 375
Besançon servait de type à ceiui de Neuchatel ^K La
constitution rappelait les anciens temps où les barons
vivaient en pères de £aiviiUe avec leurs métayers réunis
dans la proximité de leur tour« Il avait été stipulé que
Meucfaàiel paierait nne contribution k)i*sque le comte
serait fiiit chevalier ^^^ lorsque sa fille se [marierait,
lorsqu'il ferait le voyage d'outre-mer ^^> ou serait (ait
prisonnier^ on adièterait nne seigneurie ^^^ Un pro-
noncé des £emoîs allégea cette obligation en détermi-
nant^^ que le pays ne contribuerait que pour une seule
fiUe, pour un seul achat, pour la captivité à la suite d^une
guerre du pays méme^ mais non pour la chevalerie des
fils ni pour les pèlerinages. Du reste ^ soit droit ou cou-
tume^ les pêcheurs transportaient gratuitement sur le
lac le comte et sa famille , ils le pourvoyaient avant tou-
tes autres personnes de viande et de poisson au prix
du marché ; les artisans travaillaient pour son usage
avant tout ^ et les messagers ^^ couraient aussi
pour lui en premier lieu; la ville lui entretenait un
garde de nuit; les boulangers lui payaient un fenning
pour chaque mesure de blé ; quiconque se mariait lui
oflrait un demi-quartaut devin d'honneur; en au-
tomne les messiers ^^^ lui fournissaient des raisins et
*^ ilse référa à ee droit, lorsque les chartes des Neachàlelois Turent
brûlées. léL
*** On donnaît à cette occasion de grands festins et des présens
dlionnear.
'** En Tenre sainte ; « passagium facere. »
M* Cfu de» m»ettigati<m$ , il|58.
us Ck., ihhà. Ibid.
*** Que de fois ils servirent pour une solde ou par confraternité
d'armes!
>M Les messagers tenaient encore Heu de postes.
' '** li parait qu'ils étaient en même temps gardiens des vignes.
37G HISTOIRE DE LA SUISSE.
des noix , et chaque propriétaire^ un baquet de moût;
le jour de Noël les vingt-quatre bourgeois, les boulan-
gers et les meuniers lui faisaient don d'un pain fait
d'une mesure de farine , et d'un pot de vin ; la chasse
aux oiseaux et au gibier , les cours d'eau , les appels ,
les vignes laissées en friche pendant trois ans^^^, les
maisons laissées pendant le même temps sans toiture
et les biens des bâtards morts sans enfans, lui appar-
tenaient. La ville de Berne prononçait codMne airbitre
sur tous ces cas ^^'^ : ainsi se conservaient les anciens
usages encore utiles ^^^, et rien de ce que le temps avait
effacé ^^® ne troublait la bonne harmonie en donnant
lieu à des abus ^^®.
**• On voDlut empêcher par là de laisser des terres en friche.
"' T. IV. à.
3SS Le comte, de son côté, devait donner aux bateliers du pain et di
vin ; un terme de cinq ans fut accordé pour rebâtir une maison brûlée;
les bourgeois pouvaient chasser aux oiseaux sans filet. Que ceux-là dédai-
gnent ces détails économiques des anciens princes , qui n'attachent de
Fimportance qu'aux guerres et aux ruses politiques.
*'' Sentence des Bernois lorsque les Neuchàtelois trouvèrent auprès
de l'évéque de I^usanne une charte de leur droit municipal de 1214 ;
en 1454, 1. 1,385.
'** Comme on abusa en 1797 de nos renseîgnemens sur l'ancienne
constitution du Paysde-Vaud quand on voulut préparer la révolution;
par là cet heureux pays a été plongé dans la plus affreuse misère. = Alla-
sion principalement à l'Essai sur ta constitution du Pays-deFaud, pv
Fréd. Ces. La Harpe. Paris, 1796, S vol. in-8% où ('autorité de Maller est
invoquée pins d'une fois. C. M. ss Je conviens que nous vous avons fait
payer un peu cher le plaisir que vous aviez eu , il y a trente ans , de le\er
un coin du voile qui couvrait les œuvres de messieurs vos collines patri-
ciens. 'Mais pourquoi citer ces chartes tombées en désuétude? Voos voos
fâchez de ce qu'on a voulu commuer la dîme, les cens , les pacages etc. .
sacrés, félon vous , parce que des chartes les établissaient; et voos regar-
deriez comme moins importantes ces chartes sur lesquelles reposent les
droits des princes et des peuples ! Vous nous avez rendu le graod serfice
LIVRE IV. CHAP. V. 377
Le comte mourant envoya son testament à Tofficial
de Besançon ^^\ et nomma pour son héritier Rodolphe,
fils du margrave Guillaume de Bade^ en considération
de sa grand'mére , tante paternelle de Jean et nièce de
la dernière comtesse de la maison primitive de Neu-
chàtel ^^^. Le prince allemand , héritier de sa sagesse
comme de ses États ^ ne tarda pas à se présenter. Il
plut aux Neuchàtelois et se rendit sur-le-champ dans
les villes suisses alliées ^ afin de gagner leur amitié per-
sonnelle dans les affaires et par des festins '^^. Car la
comtesse douairière Marie réclamait l'usufruit de tout
rhéritage et la propriété de tous les bijoux , les meu-
bles et les capitaux; le prince d'Orange refusait d'ail-
leurs l'investiture. Toutefois Marie ne voulait pas , à
proprement parler, faire casser le testament ^^^; bientôt
de publier ces docamcns que nos maîtres nous auraient éternellement
celés. No» descendans vous en remercieront, quoique vous ayez encouru
rinimitié des anciens gonvernemens : vous avez dil la vérité. D. L. H.
*** Ce document pouvait n*êtrc pas en sûreté dans les mains de sa
veuve , issue de la maison de ChSilons.
'** Louiê , le derriler comte de l'ancienne maison.
lêabelle la dernière Vérène
dame riante, f 1895. avec Ego de Frîbourg.
Le comte Conrad Anne
1897 f 1424. avec le margrave Rodolphe
de Bade.
1 I
Le comte Jean Le margrave Guillaume,
iàn 1 1457.
Rodolphe*
**^ Haffner : en dépensa 7 litres 14 schelUngs 4 fennings, lorsqu'il
fut traité à Solenre en 1457.
*** Son frère lui offrit inutilement la régence.
378 HISTOJRB DE LA SUISSE.
des arbitres trouvèrent dans le riche héritage de quoi ia
contenter ^^^. Le frère de la comtesse , le prince d'O-
range , tâcha d*infîrmer les pcincipes du droit neuchâ-
telois^® par des distinctions ^^"^ ; quand il faisait des-
cendre sa maison éo^ anciens sénateurs de Rome ^^ ou
même des dieux par Athanaric le Goih^^^ et^ du coté
maternel y d'un des trois Rois ^^^, et qu'il étalait son
illustre parenté , l'intention d'éblouir les yeux perçait
dans ses discours. C!omme les cours de justice IxNirgui-
gnones paraissaient peu désireuses d'agrandir sa mai-
son déjà riche et puissante , mais qu'elles honoraient
plutôt en Rodolphe l'ami des Bernois^ le prince porta
cette affaire devant le pape. Rodolphe résolut aussitôt
d aller en personne à Rome ^^^ Pie II renvoya à l'Em-
pereur cette difficulté qui concernait un arriére-fief
*** Elle reçut Gerlier (yoj. n. 6h et suiv.)» 47iA francs sur le mobi-
lier de Champlille , seigneurie à laquelle on mettait un prix singulier,
Rîgny et VerceU; elle avait déjà pris 50 marcs en argenterie. SemiMu
de 1458 , dans les papiers de la maison de Chàlons, à D6le.
*** T. IV, p. 2 , n. S. 11 dit que c'était là le droit commun en Bour-
gogne, reconnu depuis 1397 par les investitures de Chftlons.
3*7 II prétendit que l'expression de l'hommage de Louis en 1357 « ad
usus et consuetudinem Burgnndis » se rapportait non au droit de suc-
cession, mais k la forme de l'hommage. Dédaction pour Orumge, 1458.
>** Gela n'est pas entièrement inexact; toutefois il ne peut pas élre
question des sénateurs de Vaneienne Rome ; mais il est possible qu'un des
aïeux du premier archi-comte de la Haute-Bourgogne ait été sénateur à
Rome au x* siècle.
*** Peut-être quelques-uns faisaient-ils venir la maison de Cbfclons,
non pas comme nous de la frontière dltalie , mais d'une province de la
France méridionale , autrefois soumise aux Visigoths.
*^* Je ne vois aucun moyen d'expliquer la fable qui fait descendre la
maison Baux du roi Balthasar, à moins qu'elle ne se trouve dans quelque
ressemblance imparfaite des noms.
>^* Haffncr'ikbB, Soleure (et sans doute Berne ^promit de veiller fidè-
lement sur son pays pendant son absence.
LIVRE IV. CHAP* V. 379
bourguignon ^^. L'Empereur en chargea diverses cours
de justice ^^ qui ne la vidèrent jamais ; le margrave
transmit Neuchàtel à sa famille ^^.
Son oncle ^^, plein de prudence, l'avait mis de bonne
heure en relation de comboiirgeoisîe avec Bei^e ; le
neveu promit par sermwt pour son territoire entier ^^^
secours dans tous les dangers ^^^^ liberté du com-
merce ^^9 égalité de droits ^^ et soumission à 1 arbi^
trage '^^. Il renouvela des traités semblables ^^ avec
Soleure ^^^ et Morat ^^. Dans la guerre avec l'Autriche
qui suivit bientôt , on ne requit pas indisarètement
ses troupes ^^^ : on le pria seulement d'entretenir les
*^> AASS, Dajmm/; ScliQpflUu
'** DôU; 1551, le conseil souverain de Malines.
*^t La branche masculine flnit son avec fils; raais la famille de sa pe-
tlte-fille régna Jusqu'en 1707.
* L'histoire de celle succession est imporlanie; elle a été parfaîtement
éctairde dans un ovvrage historique des plus pfécîeux, les Mimoirt$êmr
le Comté de Neuehâiel en Suisse , par le chancelier de MontmoUin, restés en
mannscrit près d'un siècle et demi . et imprimés seulement en 1831, grâce
am soins éclairés de MM. PctitpicTre et Prince. Ils forment 2 vol. in-8*.
Noos donnons dans VJppendiee sous la lettre E, les pages relatives à la
aoccession du comte Jean. G. M.
*** m Le noble et excellent comte Jelian , notre très-cber seigneur et
oocle» (non pas beau-frère, comme d'autres l'ont cru).
*^^ Depuis le bois de Vauxmarcus jusqu'il l'église do Verrières.
»7 S'il était requis.
*^* Le sel et le vin sont spécialement désignés.
*** Walperschwjl était le lieu où devait se rendre la justice ; ce sont des
dispoÂtions ordinaires.
»•• « Puisqu'il est ainsi. » Leitre de bourgeoisie 1458 » vendredi après
Pâques, dans Leibnitz. Cod. juris genU, Man tissa II, 115.
*^* Leibnitz donne le traité avec Fribourg sous l'an 1465 ; de môme
Géorgisch II, 1229 ; mais il est de 1495 , comme le prouve la signature.
'** Lettre de bourgeoisie, 1458; Saint George, ibid. 119.
**' Gité dans la Ch. n. 560.
*** Lui, le fils do margrave Gnillanme!
380 HISTOIRE DE LA SUISSE.
dispositions amicales du duc de Bourgogne *^^ ; loutc-
fois, des secours furent demandés à son vassal dans le
Valangin , non formellement par la Tille de Berne ^ mais
confidentiellement par Adrien de Bubenberg, son gen-
dre^^^« Les Bernois Tempêchèrent d'augmenter les
péages de manière à gêner le transit ^'^.
Le Valais^ dont les passages ouvrent la Suisse et la
France aux attaques ou au commerce de l'Italie , re-
nouvela son alliance avec Berne ^^. Guillaume de
Rarogne^ évéque de Sion , s'efforça entre autres par
ce moyen de cicatriser les blessures faites pendant la
guerre de sa maison. Il restaura aussi la demeure des
évéques ^^^ et donna son consentement à une constitu-
tion plus conforme aux dispositions des esprits qu'aux
coutumes ou aux prétentions de Tévêché ^'®. Cette con-
descendance à laquelle on contraignit Thumeur paci-
fique de s^ vieillesse fatiguée fut neutralisée par le
courage de son successeur et par le chapitre. Celui-ci
adressa des plaintes au pape , protecteur généralement
reconnu même des intérêts temporels de TÉglise. L'é-
vèque s*étant rendu personnellement à Rome pour ex-
cuser par la nécessité un acte illégal ^', mourut en
"5 Lettre, ÎO mars 1468. SiettUr.
"« StettUr, d'après sa lettre. I, 195.
^^^ Lettre de 1466 {IbU. 186), sur la plainte de marchands lombards,
dont beaucoup étaient établis en Allemagne ou se rendaient des foires
d'Allemagne à celle de Lyon en passant près du péage de la Thielle , par
Neach&tel et le Val de Travers,
'•* 1446, le 30 août L'évoque, le chapitre et le pays. Tiré de l»
Chronique de Pierre Branc lien, chanoine de Sion.
"» Tûrbelen et Majorie, Siampf, 622, a.
^"^^ A Narres, 1446, 28 janvier.
''* Il parait qu'il avait agi sans s'être concerté avec le chapitre.
LIVRB IV. CHAP. V. 381
roule comme il revenait ^*^. he doyen du chapitre ,
Henri Asperling de Rarognc ^"^, ne voulut accepter la
mitre que lorsque, cinq ans après , trois cents délégués
du peuple déclarèrent ^^^ que les ecclésiastiques ne su-
biraient plus Tautorité des laïques ^''^^ et le reconnu-
rent lui-même comme comte du Valais^ à Tégal de
tous les évèques depuis sept cents ans ^''^. Si Tévéque
est bon et sage , la dignité de comte lui facilite Texer-
cîce de son autorité sur une population difficile à sou-
mettre; sans ces vertus son titre est inutile et inofiensif.
Asperling mourut bientôt ^^^ ; suivant Tancienne forme
des élections ^'*, on désigna dans les deux langues ^"^,
à rassemblée nombreuse du peuple ^^^, Walther de Su-
persax^^^ en qualité d'évéque et de comte. Grâce à ses
villages puissans comme des villes ^^^, à la bonne ad-
'^< 1450. SimUr, yalUsla,iiig. 150. Elzev.
*7> Da dizain de ce nom ; ci après t. VII , chap. VII.
'^* Ch, Deux causes agitaient le4)ays : l'évéque devait ratifier le traité
avec Milan, dont il sera question ci-après, et la cour de Rome voulait
imposer au Valais Guillaume d'Ëslaing, un étranger. Ch. 1454; Leu,
art Sîon.
*^^ Ils refusaient de se soumettre à l'exécution séculière (n. 374 j,
disposition ordinaire dans les démocraties.
■7* Depuis Charlemagne et Tévéque Théodule. On lut publiquement
cette légende et la confirmation de Charles IV. Ch, n. 974.
»'' 1457.
*7« • Via Spiritus Sancti » (Ch. 374) signifie que l'élection fut faite par
le chapitre.
*'' Française et allemande.
'** Composée de plus de mille personnes ; à la précédente installa-
tion le nombre était double.
*•* « A Snpcrsaxo — uff derFluo. »
3'* En 1465 et en 1469, 2400 personnes moururent à Brigue et h
Narres, sans que ces villages en fussent dépeuplés. Simler, 1. c 43.
382 HIdTOIltS DR LA. SUISSE.
ministration ^^^, à son alliance pacifique avec Berne ,
avec la Savoie ^* et Milan , le Valais prospérait. Fran-
cesco Sforza , à qui une réunion rare de grandes qua-
lités valut et conserva le duché de Milan ^ conclut avec
k Valais pour le terme de vingt*<»nq ans une capitu-
lation , type éternel pour ce pays et ses voisins *^;
elle portait qu'aucune des parties ne ferait tort à l'au-
tre^ ne donnerait passage à ses ennemis ^ n'entraverait
le commerce en haussant les péages, ni la justice m
souffrant les pratiques de Tavocasserie ^ mais qu'en
cas de besoin le duc pourrait enrôler en Valais des
volontaires ^^.
Les peuplades pastorales , berceau de la ligue suisse,
vivaient paisibles au milieu de leurs Confédérés, et,
chose rare alors ! aussi indépendantes de lautorité ec-
clésiastique que l'exigeait le bien général et le dfoit.
Comme l'olivier ne croit pas sur leurs collines , elles se
nourrissaient pendant le carême de beurre et de lai-
tage, sans attendre que le pape autorisât ce qu'il ne
pouvait empêcher ^^^ et ce que d'autres payaient à prix
d'argent ^^^. En Suisse l'ecclésiastique qui oubliait ses
^*' Articles de Louicehe, 21 janvier i4.S8« dans Bran^kêh; on y trcMii»
diverses dispositioDS concemai>t radminifrtratioo forestière : « Netnus ba-
gnatam (forêt bornée) super villam ; terebiathi vulgariter larses ( tarix);
opus universarii burgesii (caisse communale); procnratores villa et
custodes. •
»•* Cb. n. 5«t.
*'* Les renouvellemens éiaîent utiles soit pour l'impression qu'ils pro-
duisaient, soit à cause des péages. Il était, impossible qoe le tarif des
pé^es de i4&4 subsistât à toujours.
>** «Strepilus judicii, cavillationes « exceptîones. •
»" Ch. 1454.
»>• Bref du pape Calixtc III, 6 kal. jul. 1456, dans Tsekudi U, 58î
et suiv.
'•• Peu , il ejt vrai ; on a presque toujours exagéré les sommes cnvotécs
LIVRE IV. CHAP. V. «383
devoirs reteratt de la justice civile. Les anciens pro-
priétaires de domaines et les princes avaient par pru-
dence laissé à des couvens considérables la nomination
des carés de% églises fondées par eux**^; ce soin et les
ressources de ces ^lises que les couvens s'étaieift ap-
]M*opriées injustement ^^^ furent abandonnés même à
des étrangers ^•^ : la propriété^ ne fut-elle justifiée que
par la prescription^ doit être sacrée; sans cela, pas
d'ordre dans la société ^ pas de progrés dans la civilisa<*
tion, pas de bonheur tranquille. Les Unterwaldiens
s'empressèrent de profiter des bonnes dispositions d'un
abbé d*Engelberg ^^^, qui sut prévoir les besoins de
à-Roine. H en coûta 7 florins à la ville de Soleure. H a ffner II ^ 155;
autant k Sohaffhouse et à Appenieti en 1655 et 59. J. J. Hottin-
ger, fi. £# Il , 4^7. Il fat constamment interdît aux Scfaaffhonsois de
manger des fromages les jours de réte» CA.
*** Droit de patronage.
>*« Ce sont là les incorporations dont Hrnnmêrlin se plaini avec raison ;
par U on enlevait & un district le produit des fondations faites en Taveur
de son ^lise. Les papes justifièrent cette mesure; mais réeonomic poli-
tique met une telle opération dans la même classe que les sécularisations
qui furent, si nuisibles*
*'* Les réformés aussi agiront dans la suite de la même manière &
l'yard des couvens catholiques étrangers; le droit fondé sur les doco*
mens avait la garantie d*un respect dont la philosophie de nos jours a
triomphé. La jouissance de ceux qui s'enrichissent maintenant est expo-
sée avec justice aux mêmes chances. »>I1 est f&cheox, sans doote* qu'on
ait été aussi loin, et cerles, la pbilosofdue n'a point failli. Il a bien fallu
faire ce que les anciennes lois avaient omis, réparer les maux proveous
de leur incurie. Les deux tiers au moins des biens de la terre étaient entre
les mains des prêtres ou des nobles , qui avaient abusé de leur pouvoir
pour faire sanctionner par des actes ces abus dont la société souffrait de-
puis long-temps. Tous deux étaient coalisés pour empêcher les gouver-
nemens d*y porter remède d'une manière régulière; ainsi la faute est k
ceux dont l'entêtement et les manières coupables ont rendu la révolu-
tion nécessaire. D. L. H.
*'> Comme les habitans de Buochs profilèrent de la bonne volonté
384 HISTOIRE DE LA SUISSE.
ses successeurs'^^* ; ils suivirent l'exemple déjà donné^^^
et rachetèrent leur indépendance ^^. Dès-lors les com-
munes élurent leurs magistrats; nul étranger ne reçut
plus les dons de leur piété ^^^. Us laissèrent la surveil-
lance spirituelle aux personaes auxquelles la hiérarchie
la confiait ^^^ : cette institution , qui maintenait dans
toute la chrétienté l'uniformité des pratiques religieu-
ses^ subsista aussi long-temps que les connaissances et
la sagesse des chefs de rÉglise-iie restèrent pas au-
dessous de l'esprit du siècle.
de l'abbé Jean Am-Baci, leur combourgeois ; 1654, Bue$inger et Zelgtr,
HisU d'UnterwaUUn, U , 98.
*^* Le mauvais état des affaires d'Engelbeig résulte de la nécessité ok
l'oQ fat «le cé4er à Ëffinger. de Zurich, Seldenbaren , domicile du fon-
dateur, Wellschwyl et Stallîkon , riches villages , parce qu'on avait be-
soin de quarante florins; 1466. H, H. Roitiuger, Spéculum, 165; J. J.
Uottinger, H. E. Il, 650 ; likan, 573.
**^ La convention de Bnochs de 1454 fut suivie de celle de Stanz,
1462; de Kems, 1464; de Wolfenachiessen , 1466; et de Loogero,
d'une date inconnue. Baesinger et Zelger,
. *■• Outre les autorités citées, Ch, du prévôt et du chapitre de Léodegar
à Luceme pour leurs droits à Unterwalden , estimés à 500 livres , de 42
plapparts chacune ; 1657, Jeudi après Saint Gall. T$ehudî II , 583 etsuiv.
tiacliat de Zoug, d'Egcri et des montagnards d'Ëinsidlen pour 8,000
florins du Rhin ; 1666. Zurleuben , ch. Les historiens de la Suisse mo-
derne seront dispensés de rapporter ces sortes de rachats et les quittan-
ces. Nos pères, dans leur simplicité, n'estimaient pas leur appartenir ce
qu'ils n'avaient pas pajé. » Est-ce bien un historien qui parle? D. L. U.
''^ Dans quelques conventions, le couvent abandonna aussi la dime;
dans d'autres elle fut réservée. Les oflrandes demeurèrent partout aox
ofllciers. La dime est un impôt plus approprié que tout autre à l'entre-
tien d'ùisti tu lions d'utilité publique, et qui n'est certainement jamais
onéreuse ; les législateurs de l'Helvétie régénérée l'ont sagement abolie
dans le temps où ils augmentaient les dépenses. = Si vous saviez cal*
culer, vous sauriez qu'elle équivaut au quart du revenu. D. L. IL
^'' A l'abbé , à l'évéquc. On rencontre partout celte.réserve.
UYRB IV. CHAP. V. 385
Les anciens Suisses y oomme les anciens Grecs ^^ et
les Romains ^^, alliaient à une haute intelligence des
affaires une singulière religiosité. Us ne se laissèrent pas
enlever la surveillance des choses temporelles ^^^. De-
vant le Dieu que la nature , les consolations de leur foi
et l'esprit d'un perfectionnement progressif leur révé-
laient sous un ^iple aspect , et devant les monumens
de ceux dont la vertu avait dû obtenir sa faveur, ils
s'agenouillaient en prière, et vénéraient aussi chez les
vivans, chez Nicolas de ïlue, membre du conseil
d'Obwalden, une éminente piété. Comme un violent
incendie dévorait Sarnen y le chef-lieu , des députés al-
lèrent implorer en hâte l'intercession de ce juste ^^^; il
se rendit sur la montagne et invoqua son Dieu pour son
peuple. A l'heure même la flamme furieuse s'apaisa ^^^.
Gérold y de la famille des barons de Sax, abbé d'Ein-
sidlen y homme attaché à la pompe et à la grandeur,
mais encore plus à son monastère en décadence , non
content de l'absolution perpétuelle dont Pie II avait
favorisé cette sainte maison ^^, se rendit en personne
''* Actu des Apôtreê , XVU , 22 : « Je remarque qu'en toutes choses
voitt êtes, pour ainsi dire, dévots jusqu'à Texcès. •
*•• Polybe , Tite-Live.
^' Untenralden, l'avouerie d*Engelberg, 1465. Bussinger et Zel-
g«r, II , 79-
*<s U est dit qu'il habitait dans les montagnes derrière Saxelen ; il s'y
était retvê en id66 ; l'événement ici raconté est de iA68.
**' Lorsque Dieu veut produire un effet moral , il ne suspend pas les
lois de- la nature; son secret est dans la coïncidence des circonstances.
Nous verrons que le salut de la Suisse a reposé sur la vénération pour cet
excellent homme.
*•* Ch. Rome, 1" février 1465, citée par Albert de Bonstetten , dans
Gesta Monasterii B. M. V, loci lleremiiar,
▼I 25
38G HISTOIRE DE LA SUISSE.
en Italie ^^^, plut à ce pape et en obtint plus que ses
prédécesseurs^^. Pie conGrma les anciennes tradi-
lions ^^^ sur la consécration divine de la chapelle prin-
cipale où une antique image miraculeuse , comme à
Lorette ou à Âllôtting, commandait la conBance^^.
Un lieu où pendant des siècles des millions de mortels
trouvèrent la paix a reçu la consécration divine. Dans
la suite la chapelle merveilleuse a été violée ^^^, réduite
en cendres ^^^9 mais l'enthousiasme s'inspirait encore
dans cet asile comme sur les ruines de Jérusalem ^^^
Les Schwyzois , avoués de Fabbaye , décrétèrent la re-
construction des édifices brûlés; mais ils prétendirent
exercer sur le temporel une surveillance trop exacte
au gré de Tabbé^ mauvais administrateur. Gérold pré-
féra l'abdication à une principauté limitée. Il vécut
*** Avee cent chevaux. J. J* Hottingert A* 146&.
*•* Ch. à Id. Apr. ihSà , à PetroHo. L'absolntlon lu hH avait M
obtenue , non pour des années, comme à Tordinaîre, mais à perpétuité.
Celle-ci donnait l'autorisation d'accorder de plus grandes absolu lions^
Hottinger en mentionne une troisième, d'après laquelle les bulles en fa-
veur d'Einsidlen n'ont pas besoin de l'agrément de l'évoque.
*•' T. I, î79.
*^* Albert de Bontteifen raconte les anciens miracles ; l'auteur bien in-
tentionné de la Chronique d'EituidUn « H , 8*55 , a entrepris avec beau-
coup de zèle la défense de la tradition.
*** 1467. Tsckudi est plus digne de foi sur cette matière que ceux qui
se croient obligés de soutenir la conservation miraculeuse de la cha-
pelle.
*'* A la chute de l'ancienne Suisse , des barbares du voisinage com-
mirent cet attentat , non une armée ennemie. *= Einsidien fut pillé en
1798 par les Français. Ce fut le Directoire helvétique qui rétablît le
culte , nomma Oechsner curé , fil replacer les cloches , habilla les prê-
tres, etc. Nous avons vu que dans la guerre contre Zurich, ses ennemis
j[des autres cantons) avaient pillé de la manière la plus barbare vingt-cinq
ou trente églises et couvens. l\ faut avoir de la mémoire. D. L. U.
*" Jérémie, XU, 5.
UVRE IV. CHAP. V. 387
quatorze ans solitaire à St.-GéroM d'une modique
pension ^*^; Notre-Dame-des-Ermites fut relevée de
ses cendres par les Schwyzois*^^.
Vers ce temps le landammann Ital Réding le jeune
fut assassiné par un étranger , dont on ignore le mo«
tiP^^. Peu auparavant^ le meurtre commis par Jean
Ulrich sui* Werner Âb Iberg avait agité tout le pays de
Sctiwyz. Iberg était d'une famille illustre des premiers
Gonfédérés^^^^ et Ulrich faisait remonter la sienne aux
peuples venus du Nord dans ce pays *^^. Uri, Unter-
walden^ Lucerne, Zoug et Glaris tinrent une diète au
sujet de cet. homicide; la commune de Schi^^yz s'adjoi-
gnit les habitans de Kûssnacht et d'Einsidlen , de la
Marche et des métairies^ auxquels l'unissait une alliance
protectrice. Long-temps et inutilement on supplia les
Ab Iberg d'abandonner leurs projets de vengeance; du
côté de la famille Ulrich se présentaient, animés par
la colère^ des frères nombreux , hommes vigoureux ,
rudes y velus *^*', héroïques; des ressentim^ns récipro-
ques menaçaient donc la paix du pays : de tout temps
les Schwyzois se distinguèrent par leur caractère pas-
sionné. Blanchis par l'âge et commandant le respect,
les chefs du peuple parlèrent avec sagesse ; leur voix
dompta les cœurs. Ulrich ne fut pas exécuté, mais
banni. Il rompit son ban et son serment. Les vigoureux
jeunes gens jugèrent indigne d'eux de protéger Fin-
*^ 360 ilorios et ce que produisait la prévôté. TschudL
**' D'une façon digne de Dieu et de Notre-Dame , et honorable pour
la Confédération. Tuhudi.
*** Ttehudi; en août 1466. L'auteur du crime était des environs de
Fddkirch.
■
**» T. 11,224.
«• Leii.
**^ Une branche de la famille s'appelail«|es Velus.
388 HISTOIRE DE LA SUISSE.
subordination et le parjure : Ulrich fut décapité à
Uznach*'*.
Filippo-Maria-Angio Visconti, duc de Milan *^®, con-
tre qui les Suisses avaient combattu près de Bellinzone
malheureusement , mais non sans gloire ^^^^ et avec qui
ils avaient fait une paix solide et avantageuse ^^^^ comme
en pareil cas avec la France *^^^ mourut dans la cent
soixante-dixième annëe de la puissance des Visconti ^^'^
sanshéritiers mâles ni légitimes , dans une guerre enti*e-
prise témérairement contre Venise *^* et mal conduite *^*.
Instruit par Tinfortune dans les années difficiles de sa
jeunesse, Philippe avait gouverné d'après des prin-
cipes , avec présence d'esprit, maître de lui-même***;
mais Texpérience fréquente de Tinfidélité Tavait rendu
*^" Tschudi, A. 1464* Rédîng vivait encore.
«" Né en 1S9S , doc de 1412 à 14^7.
«• T. IV, 871-S78.
"» 1426. T.JV. 890.
A» 14^4 et 1515; la paix d*Ensishcim et l'alliance qui la suivît, ainsi
que la paix perpétuelle de 1516 et les alliances de 1521 et 1777, furent
les conséquences de l'estime acquise dans des défaites.
*^ A dater de la victoire de rarchevéqne Otton sur Napoléonc della
Terre, 1277.
*^ «Dcsperatione quadam et taedio quîescendi. » Petru* Candidat
Detembrlas in F lia. Murât, XX.
**^ « Negligenlla et inscilia ducum. » Id,
«>• Comme la plupart de ces princes italiens. Leur histoire , écrite en
détail par des contemporains, offre une riche instruction (natJiia) aux
jcimes gens qui se destinent aux affaires d'état Les caractères énergiques
qui figurent dans l'histoire d'Italie an moyen-5ge ne sont pas une mine
moins riche pour l'étude du cœur humain que l'histoire ancienne. Hais
il faut lire les historiens originaux; les imitations jusqu'à ce jour sont
manqnées. sss L'admirable Histoire des républiques italiennes du moye»'
âge, par M. Simonde de Sismondi , Paris , 16 vol. in-S*, est postérieure à
MuUer ; faits et caractères , tout y est vivant comme dans les chroni-
queurs du moyen-&ge , à la |pis énergiques , naïfs et pittoresques. C. M.
. LIVRE !¥• CHAP. V. 389
trop méfiant pour assurer convenablement à un succes-
seur la survivance de son autorité. Ainsi tomba la puis-
sance appelée milanaise, et qui était en réalité celle des
Visconti. Des pensées de liberté^ encore peu mûries ^''',
agitèrent la capitale. D'autres villes s'indignèrent à
ridée d'être sujettes de citoyens milanais. Le roi de
Naples, institué héritier, n'avait pas des forces de
terre suffisantes pour faire la guerre à une si grande
distance, et il ne jouissait pas de Tamitié des Génois.
Il manquait au duc d'Orléans , pour soutenir ses droits
maternels *^*, du courage, de l'argent et le secours des
Français. Le duc Louis de Savoie était d'un caractère
trop faible. Tout comme l'Empire germanique avait
donné aux anciens Visconti un titre et non une puis-
sance, dans cette occasion aussi l'intervention impé-
riale s'en tint à des mots. Dans de précédens troubles
survenus à Milan, les Vénitiens qui, à force de richesses
et d'habileté, avaient renversé le grand Carrara^^^, ac-
caparé l'héritage des Scala, ensuite conquis et admira-
blement défendu Brescia et Bergamo , conçurent l'am-
bition de gouverner la Lombardie.
Aussitôt les habitans d'Uri se levèrent et passèrent
par le Saint-Gothard dans la Léventine *^^. Quoiqu'ils
ne fussent appuyés ni par les mercenaires des Visconti
*'' Les diverses classes dans la ville étaient désunies, et celle-ci n*a-
vait pas formé d'alliance avec d'autres cités sur un pied d'égalité ; =
cause principale de leur mine. D. L. H.
*^ Sa mère Valentine, sœur du dernier duc, était morte depuis long-
temps.
*'* Si l'on veut savoir pourquoi nous donnons ce surnom à ce prince
infortuné , qu'on lise les Chroniques de Galéazzo et d'André Gattaro,
*'^ Têc/utdi II, 518. Les circonstances , l'occasion et les motifs fondés
sur le droit sont inconnus. Ce fait eut lieu en 4 âA7, année de la mort du
duc.
390 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
qui gardaient Bellinzone , sans savoir pour qui , ni par
Rusca , possesseur de Lugano grâce à la même mai-
son ^^^ ni par le jeune Santi , seigneur de la vallée de
Falenza^^, héritier incertain d'Ânnibal Bentivoglio,
qui alors, d'un bras mal assuré, prenait possession d'une
plus grande seigneurie ^^^, les habitans delà Léven-
tine se réjouirent d'être à l'abri de la fureur des par-
tis , et prêtèrent de nouveau à Uri le serment cher à
leurs pères***. Satisfaite, la communauté d'Uri*'* ré-
solut de détourner sa vigoureuse population de toute
participation aux guerres italiennes **^; son devoir était
de défendre la patrie.
Par son courage et son intelligence, un simple
paysin italien avait pris un tel essor , que la puissance
d'un grand nombre de princes sembla dépendre de son
amitié. Portées à un degré plus éminent, les mêmes
qualités donnèrent à son fils tout l'héritage des Y isconti
ainsi que Milan , et placèrent sa maison au niveau des
*** Decembritts,
*3s i^es Visconlî la donnèrent aux Pépoli , qui, chassés de Bolc^e,
la Tendirent probablement aux BentivogU , ou la leur transmirent par
mariage.
*'* JieridiGino Capponi [Comméniari, Muraiori XVm)ncoDte oetle
singulière histoire encore mieux que PugUola. H n'est guère possible de
prouver que Santé était déjà, en iàhS, efiDectivement en possession de la
▼allée de Palenza.
**^ T. IV, 591. Êlre Suisses et demeurer intacts était presque une
seule et même chose. » Il fallait par une conduite pleine de justice, de
sagesse et d'énergie, faire en sorte que cela dur&L D. L. H.
^^ S4:hmidt II , 106. On est tenté de croire que l'expéditioo dans la Lé-
ventine fut l'entreprise cfnnc troupe de volontaires ( comme cdle de
Rysig. t lY, 985 ). La résolution est du 11 septembre liiS*
*** Les Vénitiens aussi enrôlèrent des «pilularios» (mousquetaires?)
allemands. Simoneita , 1. XIII , précisément cette année-là.
LIVRE IV. CHAP. V 391
maisons impériales et royales *^'^. Comme les princes
oublient facilement que leur majesté n'a pas une autre
d'igine, de pareils événemens arrivent de loin en loin^
pour réveiller en eux la vigueur de l'âme sans laquelle
leur autorité ne saurait se maintenir^^^.
Le grand Jacques^ surnom dû à sa stature ^^^^ était
né à Cotignuola en Romagne, de parens honorables
et dans l'aisance^ dont on découvrit ensuite, comme
il arrive , les relations de parenté avec les Attendoli ,
Ëunille noble de leur lieu natal ^^^. Le jeune homme à
la taille haute et bieik proportionnée, au teint brun, à la
poitrine large, aux yeux pleins de feu, alliant la gravité
des manières à la bonté du cœur^^^ dédaignait les tra-
vaux delà campagne, dont les fruits sont à la merci
du guerrier ^^^. Dans le voisinage brillait, comme res-
taurateur de la gloire militaire de l'Italie ^^', le comte
Albérich de Barbiano. Jacques parla à son frère cadet,
1 audacieux Francesco **^ ; ils persuadèrent à deux de
*'^ Les mariages en sont la preuve.
**' L'ami da prince rappelle à œlni-ci sa position et son devoir ;
Fbomme qui éloafle en lai les sentimens de prince et l'accootume à voir
les choses comme un particulier, le rend étranger à l'état, et se com-
porte en ennemi.
*** Giaoomazio.
*** Afiif*«#0ri, préface de Crivelli.
^^ LfodrUio CrivelU, de rebuê Sfariiœ, belUcoiUsimi dueU ( Murât.
&r.XIX),Ln.
^' On dit (nonpasCn've/Zi) qu'enchanté de l'éclat d'une troupe de
•ddats qu'il vit passer, il lança sur un arbre la boue avec laquelle il tra-
vaillait» que celle-ci étant restée suspendue, il reconnut que la Provi-
dence rappelait à nne antre destinée
^ Le plus grand général de lltalie , à côté de lui, éUit alors John
Agot, Anglais; Grégoire XI lui avait cédé Cotignuola. CriveUi. En il8d
ou ilS7.
**^ Beccatello , dans liç dialecte de ce temps, signifie hardi. 11 aimait
392 HISTOIRE DE LA SUISSE.
ieurs aines et à un cousin de se joindre avec eux à la
horde de Saint-George ( c était le nom de la troupe du
comte). Un jour plusieurs compagnons d'armes se dis-
putèrent au sujet d'un butin. Jacques défendit contre
eux son droit avec Une formidable énergie que la pré-
sence du comte ne tempéra pas. Âlbérich dit : « C'est
» là me faire violence ; tu es Sforza ; que Sforza soit
» ton nom y à toi qui fais prévaloir la force ^^^. » Il
justifia ce nom par la conduite de toute sa vie. A la tète
d'une armée dévouée sans réserve à sa personne y il
tint en respect papes ^ rois^ communes. Il dut cet as-
cendant non à la fureur^ mais à l'usage bien entendu
de ses heureuses qualités qu'il ne gâta point par la
science de l'école, mais qu'il développa par la méditation
de l'histoire et des maximes des sages ^^. Lorsque à
l'âge de dix-][iuit ans son fils aîné Francesco , en qui il
prévit le plus grand prince de l'Italie^ prit congé de lui,
le père ne l'entretint pas de la guerre^ étude et occupa-
tion de leur vie, mais il lui recommanda d'avoir toujours
devant les yeux le Maitre tout-puissant des destinées,
d'écouter les sages conseils, de captiver les peuples par la
justice, de ne jamais souiller le lit d'un sujet ^^'', d'être
bon envers ses gens, de n'en maltraiter aucun , et d'é-
loigner convenablement celui qu'il aurait frappé dans
un mouvement de colère ^^. Â l'âge de quarante-cinq
singalièrement ce frère, dont il donna le nom à son fils. Deeemlnrin,
Vifa Franc. Sf.
*«' Crivelli II porta le nom de Sforza long-temps avant l'avènement
de la reine Jeanne.
*'* « Omnimodam historiam et praeclara sapienttssimorom homtnom
dicta , materna lingua , didictsse. • CriveUL
**^ Francesco eut beaucoup d'enfans de sa femme et un grand nombre
de b&tards. Decembrius,
**• CripcUi. En 1418.
LIVRB IV. CHAP. V. 393
ans ^^y lorsque Sforza , contre l'opinion générale ( son
heure était venue )^ traversa l'embouchure du Pes-
cara pour secourir un guerrier en péril ^ il fit un mou-
vement violent , le sable mobile céda sous son cheval
et au même moment le vent du sud refoula les flots de
la mer dans le bassin du fleuve.
Dès ce moment l'énergie de Francesco unit entre eux
et à sa personne les chefs ^ les troupes ^ les villes ^^^. La
reine de Naples^ dont son père avait commandé les ar-
mées , lui confirma le nom de Sforza ^^^ Il vint à Milan
pour la première fois Tannée où Agnès Maina donna au
dernier duc une fille illégitime ^ Bianca Maria ^^^^ qui
épousa dans la suite Francesco. 11 surpassa même son
père^ par la rapidité ^ l'éclat et le succès de ses entre-
prises. Une fois il conquit en peu de jours les nom-
breuses villes *^^ de la Marche d'Ancone*^. En trois
jours il sauva aux Florentins la ville de Pise (14-36).
**' 1424. Il parait qu'il porta les armes dès Tàge de seize ans. » Voy.
le récit détaillé de celte mort et des événeinens qui suivirent , dans le
t. Vm de l'histoire de M. de Sismondi, chap. lkiy. G. M.
*^* A l'instant même où son père périt, il traversa le fleuve dans un
tronc d'arbre creux qu*il dirigeait avec un b&ton , et se rendît vers Far-
inée. CrivêUL
*** Jusqu'alors le nom avait été personnel. Jeanne le donna à la mai-
son, en souvenir de Jacques. Id,
*»^ 1425. Deemnbritu.
*^* Alors fut prise entre autres « centnm oppidis insignis urbs Tuder-
tum> (Todi )./</. 1483.
> *^^ 11 devint pour ce fait gonfalonier de l'Église. Le pape crut un jour
prendre ses villes à meilleur compte et plus promptement Filippo Vis-
conti , dans un moment d'agitations intérieures , écrivit à Eugène IV et
Ini demanda conseil sur son saluL Le pape lui conseilla de céder plu-
sieurs ^lles à l'Église. Le duc répondit : J'aime mieux , il est vrai , mon
ftme que mon corps , mais l'Etat a le pas sur l'une et sur l'autre. Decem^
briui.
394 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Les armes milanaises avaient enlevé aux Vénitiens près*
que toute la terre ferme, lorsqu'il arriva par des lieux
sans chemins dans la ville de Vérone y ]e jour même où^
à Milan, on en célébrait la conquête ^^^« Comme le gé-
néral milanais Nicolo Ficcinini avait frappé de terreur
toute la Toscane par son habileté militaire et par la
supériorité de ses forces, Gosme, le père de la patrie,
dont la sagesse inspirait une grande confiance à Fran-
cesco y obtint que celui-ci risquât une bataille pour dé-
fendre l'Italie entière ^^ ; il là gagna près de Soncino
(1439). Filippo Visconti, victime d'une méfiance con-
tinuelle^ ne se fiant plus en lui-même ^''^ mourut
dans la plus grande perplexité ; chaque parti ambi-
tionna le bras de Sforza; lui^ comme eux tous, aspi-
rait à la possession de Milan.
Il accepta d'abord avec plaisir les fonctions de géné-
ral en chef du peuple milanais. Quiconque unit de
grandes qualités à des qualités aimables n'a rien à
craindre du peuple; il savait, lui^ que' la république
était Tédifice artificiel et fragile de quelques nobles.
Pavie se rendit; à force de persévérance il enleva aux
Vénitiens Plaisance ; pendant plusieurs mois il entretint
son armée avec le butin ; les cœurs de tout le peuple
se prononcèrent pour lui , pleins de vénération : les
grands de Milan reconnurent alors qu'il était plus re-
doutable pour leurs places que les Vénitiens mêmes.
Leurs intentions lui furent révélées. Il provoqua un
mouvement populaire qui les obligea de confier à sa main
la bannière de la ville. Aussitôt il battit les VéoitîeDS
*** 1417. U éuUâlon ao service de Venise^
*M , dq universe luliae imperio aot servitote. » Decembrùu»
*^' « Saspicionibus exagitatus , nec jam sibi îpsi satis Qdeas. ■
LIVRE IV. CHAP. V. 395
sur le Pô et dans la grande et formidable ba(aiUe près de
Caravaggio. Les négocians dont les intérêts constituent
dans l'État une communauté distincte ^ recherchèrent
la paix avec Venise^ la mère du commerce. Mais le gé-
néral victorieux les prévint auprès du Sénat. Dés ce
jour il tourna ses armes contre ses ennemis personnels*
La guerre ayant éclaté entre lui et la ville de Milan^
Franchino Rusca^ seigneur de Lugano^ et presque tous
les riverains du lac Majeur se déclarèrent pour le gé-
néral. Bellinzone resta guelfe. Milan , résolu de tout
oser^ de tout souffrir ^^^ pour la liberté et de chercher
du secours où que ce fût^^^, fit alliance même avec
Uri^^^. Charles Gonzague^ fils du premier margrave
de Mantoue ^ commandant de Milan , sentant l'impor^
tance d'une union immédiate avec ces vaillans hommes^
engagea Piccinino Tainé à une entreprise contre les Gi«
bellins placés entre eux et Milan. Piccinino marcha par
le Seprio vers les montagnes. Les habitans de Bellin-
zone^ ceux d*Uri et beaucoup de Confédérés marchèrent
contre lui; ils prirent Castiglione^^^ traversèrent la
Trésa et remportèrent sur les troupes de Sforza une
difficile victoire ^^^; après quoi les riverains du lac
**• Simtmetta, XV, A. 1448.
*^* « Vel Tnrcaram r^ vel démon i patriam potîus dedituios. » Jd.
XVL
^* n y a toute apparence qne les Milanais renoncèrent à la Léventine
à cette occasion.
**' Dans le comté de Bellinzone , selon Tschadi U , 528 ; ce n'est pro-
bablement pas ce qae5cmoiieffii(XVUI, A. 1440) appelle « Castellioneo^
mm an. •
**^ Têckudi^ II, 529; mais son récit est par fragmens comme tontes
les relations sor la part des Snisses dans cette gaerre; noos avons cher-
cbé à les rectifier d'après Simonetta , en attendant qu'on trouve des
renseignemens plus exacts. =9 M* de •SMmoiMfin'éclaircit pas ce point ob^
scur. G. M.
396 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
Majeur ci les Bellinzonais d'un coté , de l'autre les lia-
bitans de Venise et du mont Brianzo satisfirent les Mi-
lanais par des déclarations favorables. Ce fut ea vain.
Car dès que François Sforza eut gagné et tranquillisé
le pays de Parme , il ne laissa pas un instant de repos
à Tennemiy à qui chaque revers rendait redoutable dans
sa ville même le parti de Sforza. Tandis qu'il s'em-
parait en personne de places plus importantes , il envoya
sur le territoire de Lugano Rusca, demeuré fidèle , et
Fhabile général Robert di San Sévérino y à la tête de
quatre mille hommes. Son impétuosité dispersa les
hordes des paysans; leurs troupeaux furent enlevés;
Lugano se. soumit ^^^. Robert ne se porta pas devant
Bellinzone, où les forts pouvaient l'arrêter. Leshabi-
tans d'Uri assiégèrent cette ville ^^^, parce qu'on leur
avait refusé , à cause du mauvais succès , le prix de leur
précédente action ^^^. Les Milanais se hâtèrent de con-
tenter cet ennemi^ avant que Sforza pût le gagner; ils
payèrent le secours d'Uri ^ en affiranchissant de tout
droit de péage les marchandises des habitans de la Lé-
ventine et de la vallée d'Urseren ^^. Par là ils conser-
vèrent Bellinzone aussi long-temps que leur propre ré-
publique.
Milan était en proie aux troubles et à la misère qui
*•» .S4mon«<la,XlX.
*«* Tuhudi, II. bhb.
**^ Probablement du passage de la Trésa : selon leur coolume, ce
traité était renfermé dans des limites fixes , et on y avait sans doute
stipulé une solde,
««• Ces vallées étaient coalisées avec Uri de toute ancienneté ; mais
Textension à donner aux avantages autrefois parlîculicrs à Uri fit naître
une question semblable à celle qui s'agite maintenant entre Alger el
rAulricbe, pour savoir jusqu'à quel point la paix de Ssislow prêtée
depuis 1798 la navigation vénitienne.
LIVRB IV. CHAP. V. 397
en est la conséquence. Les fondateurs de la liberté, les
nobles, avaient été renversés ou assassinés par Tenvie et
la défiance. La Savoie et Orléans, qui attendaient tout
du désespoir, attisaient le feu et poussaient aux extré-
mités ; le commissaire vénitien Yenieri éveillait par des
lettres fausses l'espérance et la crainte. Dans cette si-
tuation*^'', Francesco Sforza suivit le meilleur plan : il
prit une ville après Tautre, battit tous les généraux
ennemis et conquit tous les cœurs par la majesté de sa
stature *^^ et par son extraordinaire bonté. Il résulta de
là que Guidone de Vimercato réalisa sans peine ce que
depuis long-temps Piero délia Pusterla affirmait être le
parti le plus sage , ce fut une coalition des principaux
citoyens qui s'empara de la forteresse , égorgea l'inepte
municipalité et le commissaire vénitien, et porta Fran-
cesco Sforza Viscouti sur le siège ducal de Milan *^^. Il
n'y avait d'autre droit que la réunion des qualités les
plus éminentes de l'homme, du général et du prince.
Au bout de deux jours Bellinzone aussi rendit hommage
à ce titre et à cette fortune *''^*^.
L'élévation de Sforza au siège de Milan peina le
plus les Vénitiens, qui avaient fondé sur son affaiblis-
sement par la discorde le plan d'une vaste domination.
Ils l'environnèrent donc d'ennemis, et semèrent la
guerre dans son État avant qu'il pût le consolider
par un gouvernement sage. Mais Francesco les pré-
vint. Dès qu'il eut pénétré par les bas-fonds de l'Adda
*" T9chudill, 588.
^*' « Majestate quadain supra raortalem , facie serena atqne bilari ,
sermoDe mira sttavitate condito. • SimoneltaXXÎ, Â, 1450.
*•• Le Î6 février 1450.
^^* Simonetia et Tschudi sonl entièrement d'accord.
398 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
dans le Bressan , il ne leur laissa ni trêve ni repos ,
même pendant l'hiver ^'^
Tout-à-coup la chrétienté d'Europe fut saisie d e-
pouvante à la conquête deConstantinople. Quinze cents
ans après que Gésar^ dans les plaines de Pharsale ^ eut
soumis le monde romain au pouvoir d'un seul homme,
tomba y digne de l'ancienne grandeur de Rome ^"^^^ le
dernier empereur Constantin. Le padischah Gasi Mo*
hammed el Fatih ^''^, prince entreprenant et d^une
volonté de fer ^'^^^ ayant soumis cette résidence , sîëge
principal du commerce du Levant et clé de deux mers,
effraya tour à tour les îles , la Morée, l'Italie ^ laHon-
grie, les frontières de la Pologne^ de la Russie et de la
Perse. Le sénat de Venise oublia pour lors son ambition
insensée^ et maudit la fatale guerre. Le siège pontifical
adressa un honorable joiessage aux Schwyzois aussi ^'^^f
afin que par l'autorité de la Confédération à laquelle ils
avaient donné leur nom ^ ils engageassent Sforza vic-
torieux à faire la paix ^''^. Ils la lui demandèrent^ Sforza
l'accorda *''''.
Plein de sens et d'expérience^ le prince militaire
^'* Voy., ddnsSimmetta XXIIetsuiv., lagnerre de Venise.
^'^ Nous prenons pour gnide Phrames, historien également recom-
mandable par une grande connaissance des choses, par la loyauté et par
une haute raison.
^^* El Fatih, le conquérant; Gad, le vainqueur.
*'* Comme ses pères et comme son petit-fils , il attend encore qa*un
historien exempt de préjugés lui érige un monument digne de lui.
*" Tickudi, II, 575.
*'* Lettre du. landammann et du ecmieil de Sehwyz, demandant la convo-
cation d'une diète à Luceme sur cet objet ; mercredi avant la mi-caréme.
1454.
*" Le 9 avril 4454. S'monetta XXIV.
LIVRE IV. CHAP. V. 399
rechercha Tamitié des Suisses '^'^^^ qu'entretenaient ou
que troublaient les relations commerciales. Les chefs
du pays manifestèrent à l'envoyé Antonio Bésana des
dispositions favorables ^''^j mais dans les monarchies, le
système des péages se modifie arbitrairement et sui-
vant les besoins; d'ailleurs, entre Tastuce italienne et
la simplicité souvent turbulente des Suisses, la con-
fiance était difficile à établir. Plus d'une fois le res-
sentiment ou un malentendu engagea des particuliers
à déclarer la guerre au puissant duc^^^. Cependant
Francesco accorda aux Suisses la libre fréquentation
du marché principal de Varèse^^^ ; les négocians de
cette nation suivaient sans entrave la grande route
jusqu'au fossé de la ville de M ilan^^^ ; la justice du
«78 Prancesco Sforza aux Confédérés; Milan, Si mars 146â; dans
TsehtuU,
*'* Le duc vante cette disposition bienveillante; il dit qa'il les consi-
dère, non comme des voisins, mais comme des fréra»
*** Le landamtnann et les citoyens tTUri à ceux de Claris, jeudi de
Notre-Dame, 1446, dans Tschudi. Ils se plaignent de ce que Jean Znm
Brunnen, conseiller d'Uri, pour une insulte et un dommage reçus à la
foire de Varèze, avait, à l'insu du pays, fait une déclaration d'hostilité
au seigneur de Milan, sur quoi le paya lui avait ordonné de se désister,
sons menace de punition en son corps et dans ses biens. Ils rappellent
anssi que Tammann Wolleb rainé> d'Urseren, avait été un peu maltraité
par les Milanais. L'affaire de Zum Brunnen concernait un Jeune garçon
auquel il devait payer ses frais et le médecin. Quelqu'un jura qu'il avait
maltraité le jeune homme (l'avait-il battu pour négligence dans son ser-
vice ?) ; on ne voulut admettre en opposition à ce serment ni trois témoi-
gnages italiens corroborés par serment aussi, ni six témoignages alle-
mands, « attendu qu'on ne pouvait point se fier aux Allemands , qui ne
respectaient ni leur serment» ni leur honneur. » Le différend fut aplani
àFaido,
*** Plainte de Jean Zum Brunnen, Ibid,
*•> Comme on peut le voir par la capitulation qui suit, à n. 488.
^
400 HISTOIRE DE LA SUISSE^
duc, sa bonté, sa considération entretenaient la bonne
intelligence.
Après la mort de son père , Galéazzo consultait en-
core la sagesse de sa mère Marie ^^^ ; les relations de
Milan avec la Suisse furent consolidées à la diète de
Lucerne, grâce à l'babile négociation d'Antonio de
Bésana, par la convention fondamentale appelée la ca-
pitulation ^^^. La Léventine, ce versant du passage da
Saint-Gothard, fîit cédée pour toujours à Uri. Mais
sous prétexte d'égards convenables envers le chapitre
de Milan, vrai possesseur de l'ancienne souveraineté,
et en réalité pour ne pas renoncer à toute prétention »
le prince reçut de TÉglise l'investiture de la vallée et
la transmit aux habitans d'Uri à condition « qu'ils
» enverraient chaque année à Milan quatre vautours
« et une arbalète ^^^. Des arbitres ^^^ devaient déter-
» miner les revenus qui resteraient à la cour **', et
» les dédommagemens qu'elle donnerait au chapi-
» tre. L'exemption du péage sur toutes les routes
**' Blanche- Marie est aussi nommée dans la charte et même avant loi;
c'est elle qui donna à la nouvelle maison régnante l'ancien nom yénéré
de Visconti.
*** il en existait deux rédactions souvent confondues par les pubfi-
cistes, la première du 15 août i4S6 ; >e la tire de la chronique d^EdUbaek;
Leu sur Simier, p. 558, Bischorberger A25 et d'autres l'ont suivie; la
seconde, authentique, du 26 janvier 1467, se trouve en latin et en alle-
mand dans Tsehudi II, 662. Géorgisch les cite toutes deux d'après Lflnig»
Nous désignerons la première par A, la seconde par B.
*"* B. : « Austures quatuor formosas et landabiles, nec non balistam
seu stambuchinam novam et honorabilem , juxti bonam eorum intelh-
gentiam. •
^*' Le surarbitre pris dans la Confédération.
**' Le chapitre réclamait un fermage (fictum) annuel de 500 livres,
mais les habiUns de la Léventine ne confessaient être redevables tp^
< brevis vel parvx quanti tatis. •
•LIVRE IV. CHAP. V. 401
» jusqu'aux fossés de la ville ^^^ fut confirmée aux
j> Confédérés et à tous ceux qui prouveraient qu'ils
» relevaient d'eux; on stipula des garanties contre
» le passage d'ennemis étrangers ^ la liberté du corn-
}} merce*®\ prompte et bonne justice , et en cas de
» besoin secours amicaP^^. A Bellinzone^ à Como^ à
» Milan il y aurait des juges particuliers pour les
» causes des Suisses; les arbitrages pour les difficultés
n entre les gouvernemens auraient lieu à Faîdo , chef-
» lieu de la Léventine; la sentence finale serait pro-
» noncée par un conseiller valaisan ou rhétien. » Ce
traité déplut aux Bernois et aux habitans d'Uri. Les
Bernois virent que l'engagement de donner du secours
pouvait les compromettre à l'égard d'anciens amis et
vis-à-vis de la maison de Savoie*^'. Les habitans d'Uri,
se défiant de toute complication artificielle ^^^ et sin-
gulièrement jaloux de leur honneur, demandèrent
avec colère : « Que signifie ici le chapitre? Notre bras
» a conquis la Léventine au duc ; qu'il ne s'iiM{uiète
» pas de savoir si en cela nous avons péché ^^^ ;
*** Les conventions plus anciennes de 1436 obligeaient les marchands
caisses k rester sur la grande route, ce qui était incommode, vn le nombre
considérable de passages ouverts dans les Alpes.
**• Le gouvernement milanais avait souvent interdit l'importation des
chevaux.
^** Sans fixer le nombre des troupes ni la solde. Bésana en laissa la
fixation aux agens de la cour qui devaient chaque fois se conformer aux
circonstances.
*»* Stetiler, I, JS9.
**s Ou bizarre, comme ils l'appelaient.
*** Dans la charte était mentionnée : « Pernicies animamm illustrissi-
Dior. Ducum , necnon Magnificor. Dnor. Gonfœderatorum. • I^es habi-
tans dUri firent la remarque que ni eux ni leurs pères n'avalent chargé
le dac de Mibn du soin de leurs ftmes. Tschudi^ II, 670.
▼I. a6
402 HISTOIKE DK LA SUISSE.
»
}f lui-même retient depuis long - temps cette vallée
» au préjudice des prêtres; qui accuse le pays d'Uri
» d'injustice? celui qui^ au nom d'une bâtarde, occupe
M le siège des Visconti ! « La défiance s'accrut loi's-
qu'on vit circuler des copies divergentes du traité *•*
et une traduction inexacte, ambiguë, qui mitigeait
certains passages ^^^. Bésana craignit de voir échouer
son œuvre; intervention active, représentations, ex-
plications, rectifications, autres moyens encore, il ne
négligea rien, jusqu'à ce qu'après plus de cinq mois,
la capitulation considérablement modifiée ^^ fut for-
mellement adoptée à Lucerne par la puissante ligue
des Suisses.
«
Peu après, la duchesse-mère mourut, le cœur brisé
par la conduite inconvenante de son fils ^^^ ; toutefois
elle espérait encore un peu , car il venait d'épouser Bona
de Savoie , femme qui lui ressemblait à elle-même ^^.
Lorsque le duc voulut abuser de la loyauté des Suisses,
ils députèrent vers lui un de leurs vieux et austères
♦•* SiettUr, I. c.
^'^ Heeéa de Lueeme^ mercr. après Laet. i467. Tsckudi^ ]. c.
*** B diffère (TA par la forme et l'ordre des articles ; la tradoction
diffère bica plus encore de l'original latin. Abiasco est devenu le siège
de la justice au lieu de Faîdo. Dans l'article relatif aux secours, afin de
satisfaire les Bernois, la traduction allemande réserve les alliances anté-
rieures , dont le latin ne parle pas. A l'endroit où il est question de la
Léventine, la traduction ne renferme pas le passage relatif au salut des
ftmes, et qui choquait si fort ceux d'Un. Les Confédérés prirent la charte
allemande pour le véritable original ; ils sentaient en eux-mêmes une
force contre laquelle échouerait la ruse italienne avec toutes ses va-
riantes.
^*' Le 3S octobre 1468. Tschudi.
^' Le 9 mai 1488. Guiclienon,
LIVRE IV. CHAP. V. 403
béros **• ; le voyage coûta peu ^^ ; le caractère de
Tambaesadeur constituait sa dignité.
La partie italienne des montagnes de la Rhétie était
presque tout entière dévouée à Milan. Le dernier
Visconti reconnut Timportance de cette contrée lors*-
que les généraux des Vénitiens^ Santa Veniçri et Gior-
gio Cornaro , son plus violent ennemi *^, vers la fin
de l'automne ^^^, descendant du Dosso du val Gamo-
nica ^®^, s'emparèrent en huit jours des défilés de la
Valteline, mirent inopinément Gomo en danger, et
ébranlèrent la fidélité de la Valsassina. Le duc embar-
rassé^^ envoya Micolo Piccinini^ son meilleur général
depuis la mort de Garmagnuolfl^ 411 couronna sa
pénible marche par la victoire près de Delebio ^*, où
furent pris les plus illustres capitaines vénitiens ^^.
Le duc rendit de joyeuses actions de grâces à la
madone du lieu^^*^; la Yalteline lui ayant aidé à
chasser l'ennemi ^^^^ il remit par reconnaissance à la
commune de Ponte ses cent livres de contribution
*** Gaspard de Hertcnslein , pour ceux dIJrî, 1469. Tschudi,
^* L'ambassade de Herlenstein coûta quarante-neuf florins. Beeé$ de
Zttrieh^ Ste-Lude, 1469. Ibid.
*** « Asperius in eum invectum, • dit Deeembrius dans la vie de Phi-
lippe. Marat. XX. A la place de Venieri, GuUr nomme Daniel Veturio.
Noos suivons Deeembrius^ Panegyr. Piccinini.
••s Le 9 octobre US S.
*** De TAuriga , dit GuUr ; le val Gamonica s'était sonrais aux Véni-
tiens six ans auparavant. ^
*•* • Trepidatum est • Deeembr, in Fita,
M* Gttler, 185. Nous avons emprunté à cet écrivain , t IV, 465, le
récit de cet événement que nous répétons brièvement pour donner plus
d'ensemble à la narration.
»** Cornaro, Marlinengo, Taliano, Furlano, Taddeo d'Esté.
M' D'après le vœu de Piccinino. GaUr, 186.
*•• Deeembrius, Piccin.
404 HISTOIRE DE LA SUISSE.
annuelle ^^'y et faTorisa l'entreprise des habitans de
Teglio contre le castel dangereux qui dominait ce
village^^^. Ils égorgèrent les seigneurs ^*^ et rasèrent le
manoir. Philippe honora par des franchises les habir
tans de Teglio ^ dont le secours presque dédaigne ^^^
rendit les services les plus importans.
Cette guerre développa d'une façon mémorable
l'esprit et la destinée d'une jeune Yaltelinoise. Bona
Lombarda^^^y petite^ brune, sans beauté, enfant de
parens pauvres, gardait les brebis. Pierre Brunor, de
Parme, un des meilleurs capitaines des Visconti ^**,
remarqua la force et la vivacité qui la distinguaient de
ses compagnes. ^1 li ^^ enlever et instruire. Son esprit
se développa d'une mj^ière si étonnante, qu'elle acquit
une rare intelligence des plus grandes affaires de la
vie et même de l'art de la guerre; jusqu'à la fin de
ses jours elle aima exclusivement son ami , dont elle
partageait les travaux et les récréations. Elle prouva
la grandeur de son amour lorsque son mari fut em-
prisonné à Naples par les artifices de la cour; elle mit
en mouvement non-seulement tous les princes italiens,
mais même la France et la Bourgogne , pour solliciter
la liberté de Brunor; elle engagea aussi le sénat de
^* Lehmann, la Falteline, C'était depuis 1868 leur quole-part à la
contribution annuelle de 8,000 livres.
>ii Par le commandant géaéral da pays Etienne Quadrîo de Ponte,
chef des Gibellins*
^** Sept fr&res Lazzaroni. Lehmann^ Ibid»
'** Jean Rusca les connaissait ; ils n'avaient pas plu à Piccinioo.
Guter.
**^ Ainsi nommée à cause de ses parens, ou parce qu'elle trouva son
bonheur avec un Lombard.
^** A la télé d'une petite troupe qui poussa de formidables cris do mi-
lieu des montagnes, il inspira aux ennemis une terreur panique.
LIVRE IV. CHAP. V. 405
Venise à le prendre à son service et à lui donner une
forte solde. Armée du casque et du bouclier, elle com-
battit victorieusement à ses côtés; Brunor suivait en
tout ses conseils. Après qu'il eut perdu la vie à Mégrepont
dont il était commandant, elle vint à Venise, toute à ses
devoirs de mère^'^ jusqu'au jour de sa mort. Elle
expira après avoir vu achever la tombe qu'elle s'était
préparée ^^^.
Lorsque après la mort des ducs Visconti , les Mila-
nais, sans égard à la situation de l'Italie et à la leur,
crurent pouvoir allier la liberté et la domination^ Bal-
dassar Vertemate, l'homme le plus considéré du
comté de Giavenna^^*^, apporta dans son pays le nom
et les armes de la liberté ^^^. Le sénat les avait approu-
vées^*^; le comte Jean Balbiani^ au nom de la républi-
que, avait été nommé bailli ^^^. A l'égard de la Valte-
line, Venise et Milan ambitionnèrent à l'envi la
faveur d'Antonio Beccaria, riche héritier des anciens'
Capitanei^ le chevalier le plus puissant par son in-
fluence y sa sagacité et sa résolution ; il eut plus de con-
fiance dans les Milanais^^ L'ombre d'une république
italienne commençant à disparaître, Balbiani s'efforça
de se rendre nécessaire au duc Sforza. Au milieu de
Ghia venue, sur un rocher partagé par la nature et par
^'' Brunor, en sortant de prison, l'avait épousée ; elle lui donna deux
fils.
"• Guler, 166. Elle mourut en 1468.
^^ Voyez Porta, Storia^ p. 180 et suiv. Il parait qu*il était de la fa-
mille Porla de Vertemate.^
*'* Un étendard blanc avec une croix rouge et le mol Libertas.
^** Ils devaient élire leur gouvernement, celui-ci devait exercer la juri-
diction criminelle. Guler, Il devint lui-même podestat à Pleui9. CampêU.
•M Spreclier. Pallas, 95; en 1447.
^'* Gâter, 179 et suiv., donne les traités conclus avec lui.
406 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Tait ^^^, se voyait une forteresse qui dominait le passage.
Le sénat ne lui en avait pas confié la garde. Se croyant
en conséquence peu obligé envers lui , il reçut secrè-
tement de l'Empereur Tinvestiture du pays. Une nuit
le comte monta en hâte vers la forteresse , feignit
l'angoisse^ frappa impétueusement comme poursuivi
par les gens de Sforza. Dés qu'il entendit le bruit des
clefs, il donna un signal à des gens cachés; ceux-ci
chassèrent le châtelain, entrèrent avec Balbiani et
le rendirent maître du fort. Balbiani dut donc remettre
Chia venue au duc Francesco. Les Valtelinois chassé*
rent de Poschiavo le bailli de Maetsch, le seigneur
Ulrich ^^^, et arrondirent ainsi la frontière milanaise du
côté de l'Engadine. Les Grisons, alors en proie à de
grands troubles, se contentèrent du renouvellement de
traités de commerce avantageux ^^*.
Les relations qui se multiplièrent rendirent ces trai-
tés insuffîsansou les firent violer; les libres Rhétiens
devinrent menaçans^^, dans le temps même où la
Suisse était mécontente du Milanais et où mourut
Francesco, le plus grand des Sforza. Mais en elle-même;
et par suite de la trop grande indépendance des corn*
munes, la ligue rhétienne était moins imposante que k
Suisse. Pour obtenir beaucoup. Milan n'avait qu'à
satisfaire à quelques égards un petit nombre de coiU'
*" Qaand on dit que la (issure est l'ouvrage de Jean Galéasio , cela
veut dire qu'il l'élargit et la rendit plus profonde.
^^ Spreeher, 226. Il parait que pendant les troubles Bormîo avait été
enlevé; en 1&5S il appartenait sans aucun doute aux Milanais {GuUr);
à l'époriue dont nous parlons il fut reconquis.
^ Voy. le renouvellement. Milan. 29 mars id51, dans SatU, Uist, poUt
de la ValteUne, IV. 80.
^» Becê» teEinsidlen, 1465. Tschudi, 11, 651.
LIVRE IV, CHAP. V. 407
munes* Les ammanns et les communautés de Berga-
glia, de l'Engadine, d'Oberhalbstein , de Schams et
d'Avers *^^, s'engagèrent volontiers à n'ouvrir les pas-
sages des Alpes à aucun ennemi des princes mila-
nais et à leur livrer les criminels ^^^. Leurs députés ^^^
obtinrent en échange ^^ l'exemption du péage pour
l'exportation d'une quantité déterminée de vin et de
blé ^30.
Les Grisons eux-mêmes, sujets d'un grand nombre
de seigneurs, tendaient incessamment à la liberté, mais,
suivant l'usage de ce temps, à condition de l'obtenir
par une guerre juste ou par achat. Le pays de Davos
el les juridictions voisines ^'^', telles qu'elles étaient
passées de la maison de Yaz dans celle de Tokenbourg,
puis paisiblement du dernier comte Frédéric à ses hé-
ritiers, en sûreté par leur union entre elles et par
leur alliance avec les sujets de l'abbaye de Coire (1 450)
souffrirent que Guillaume de MonlFort^^^ transmit
sans difficulté son pays à son cousin Hugues^^;ilre-
^^ Dans une conférence à Vico Soprano, 7 mars 1467, dtée dans la
charte n. 530.
^'^ On comptait aussi dans ce nombre ceux qui refusaient de se 800«
mettre aux jTlnccs.
'*• André Prévost el Antoine Salis.
*^ Btanea et Galéazzo, Milan, lA mars là67. Salis, I. c, p. 90. Cet
historien , aussi complaisant que distingué , m'a communiqué l'exem-
plaire allemand de celte lettre d'octroi.
^^ Pour Bergaglia 300 miiids et 80 voitures; pour lËngadine, 100
Toitures; 55 pour Schams, 50 pour Oberhalbslein et Avers.
^'^ Bclforl, Churwalden, la juridiction antérieure dans le SchanGk,
la postérieure près de la Wiese et le Préligau.
*»> T. V, 158, 159.
^** Seigneur de Rolbenfels. Ch. mardi avant Simon Jud. 1A59. Dé-
duction dans les négociations grisonnes, 1632.
408 HISTOIRE DE LA SUISSE.
connut leurs droits par une charte ^^^. Le revenu sei-
gneurial avait diminué de huit fennings par an ; deux
villages qui payaient cette contribution s'en étaient
rachetés ^^^. Leur alliance avec Tabbaye déplut à la ju-
ridiction de Mayenfeld ; mais le gouvernement zuricois,
pris pour arbitre^ déclara qu'une Confédération ne
pouvait^fsubsister^ si la minorité ne se soumettait pas
à la majorité ^^^. La liberté ne se maintient qu'en se
posant des limites.
Il fallait du courage pour faire alliance avec les gens
de la Maison -Dieu^ parce que leurs relations avec
l'Autriche et l'évêque n'étaient pas moins compliquées
que celles de leurs amis de la ligue Grise avec beaucoup
*de grands barons.
Le fameux ennemi de toutes les associations popiH
laireSi le comte Henri de Werdenberg-Sargans , tenta
de ruiner cette ligue Grise par le moyen d'une union
de gentilshommes que la couleur de leurs vêtemens ou
un signe distinctif fit nommer la ligue Noire ^^. A tra-
vers les montagnes de la partie supérieure du pays de
Sargans^ et par le haut passage du Gungel^ le célè-
bre général Jean de Rechberg conduisit de nuit cette
troupe dans la vallée , la fît monter de nouveau par
Tamins, Razûns^ Domleschg, aux défilés étroits et peu
nombreux de la vallée de Schams qu'il voulait sou-
^** Ch, Davos, nercredî avant Corp. Ghrisli, 4^60. Ibid.
*" Tschiersch et Malix, 1441. Gubert de fViezel. HisU de Churvfaldi»,
dans HaUer,BibL III, 415.
*** Sentence, 15 avril 1452, dans la Déduction ci-dessns mentionnée.
•»' Nous suivons pour cette histoire Sprecher (Pallas, 1»2), et Tsckedi
(II, 568} ; ces deux historiens ne se contredisent pas comme il semble,
mais se comf lètent Fun Tautre; celui-là raconte le commencement, ce-
lui^i l'issue; l'un d'après les traditions, f autre d'après desdccomeDS
<Uplonutiqaes.
LIVRE lY. CHAP. Y. 409
mettre^*, enfin jusqu'à la forteresse puissante de Bœ-
renbourg^ frein des vallées du Rheinwald et de Schams^
clef des passages les plus importans des Alpes. Avec lui
marchait le baron Henri de Razûns^^^, moins pré»
voyant que son père^ ou que son oncle , qui vingt-six ans
auparavant avait juré la ligue Grise ; Henri de Héwen,
évéque de Constance et administrateur de l'évéché de
Goire , favorisait le complot. Secondés par la fortune ,
les seigneurs auraient anéanti la ligue Grise ^ odieuse
parce qu'elle contenait leur pouvoir, et auraient pu
former avec Milan une alliance qui eût permis d'atta-
quer la Suisse par derrière. Far là les pères de la ligue
helvétique eussent été mis en danger. Les habitans de
Razûns entendirent sans inquiétude dans le silence de la
nuit retentir des pas de cheva ux sur des sentiers pierreux ;
leur baron avait répandu le bruit d'une partie de chasse.
Les seigneurs chevauchèrent tranquillement au pied du
Heizenberg, à travers des prairies solitaires, évitant la
vallée et les cabanes.Dès l'aube quelques patres sortirent
de côté et d'autre pour soigner leur bétail . Leurs cris ré-
veillèrent le pays. Les habitans de Schams, cernés et
voyant toutes les issues interceptées, prirent les armes,
toujours prêts à tout depuis le jour où ils ne consentirent
pas à tout souffrir. Un d'eux courut par la seule issue
libre vers leurs frères de Safien. Aussitôt la milice de
cette vallée, ardente de colère, traversa les déserts re-
tentissans de cris et du son des trompes. Les cris mon-
tèrent le long du Rheinwald; les hommes des hautes
solitudes oii naissent les fleuves , accoururent pour dé-
fendre le droit et la liberté. Là troupedevant la forteresse
•*• Voj. t'ÏV, p. 456 et suîv.
^* Leprtaom n'est pas certain^ on l'appelle aussi Ulrich, Campeil.
410 HISTOIRE DE LA SUISSE.
(le Baerenbourg, saisie d'une terreur panique^ fuyanten
avanty en arriére, sur le sentier trompeur^ dans la gorge
sans issue, chercha le salut et trouva la mort; les flots
roulèrent à travers le pays la multitude de leurs cada-
vres. Le sire de Razûns, qui ne s'enfuit pas, retardé par
sa corpulence, ou parce qu'il croyait qu'on ignorait sa
participation au complot, fut arrêté.
On le fit comparaître, comme parjure et violateur
des traités, devant un tribunal nombreux à Valen^
daun ^^^ ; il fut condamné à mort. Lorsque , suivant
une ancienne coutume, le bourreau demanda pardon
à son seigneur pour ce qu'il allait lui faire , celui-ci
ne parut craindre qu'un supplice prolongé par des
coups mal assurés. L'exécuteur, pour le tranquilliser^
coupa un cheveu en deux. Le baron vit avec terreur
la preuve d'une main sûre et d'une lame bien affilée;
les angoisses de la mort le saisirent. La présence d'es*
prit d'un de ses valets le sauva des terreurs de l'éter-
nité. Il se présenta devant la multitude. « Le sire
» Henri, dit-il, reconnaît sa grande faute, il ne se la
>} pardonne pas ; il respecte la justice et veut mourir.
» Mais votre ancien allié vous demande une grâce. Son
» père , son grand-père , ses ancêtres ont toujours vécil
» honorablement et simplement avec le loyal peuple des
» montagnes; on a vidé ensemble joyeusement mainte
» cruche de vin généreux ; souvent à Razûns , souvent
» dans les campagnes voisines du château, les cœurs se
» sontépanouis dans un festin amical. Le baron désirerait
*** La procédure fut militaire ; elle s'éloigna donc des formes ordî-
naires da drolL Cependant il est facile de concevoir qu'on ait en l'inten-
tion de l'exécuter dans la juridiction la plus voisine, celle de 6ruob,
dont Valendaun était une des principales localités, peut-être même le
domicile du landanimann.
LIVRE IV. CHAP. V. UH
» mourir comme ses pères ont vëcu» et^ avant de des-
» cendre dans la tombe^ revoir encore une heure ainsi
» passée. Voici du pain , du vin, de la viande. Que les
» libérateurs du pays boivent et mangent à leur aise.
» S'il les voit joyeux^ il mourra content, d Lesguer*'
riers fatigués goûtèrent la proposition. Le valet faisait
le tour des tables, exhortant à boire et à manger; peu à
peu il parla du jeune temps de son seigueur, des artifices
séducteurs de Tévéque , de la constante bienveillance
de la famille. A ce moment Henri apparut dans une
touchante affliction. Les héros se levèrent tous; leurs
voix unanimes lui accordèrent la vie. Ses genoux flé-
chirent ; il abjura la ligue Noire et prêta de nouveau et
pour toujours serment à la ligue Grise ^^'.
Du reste, en ce jour un ressentiment long-temps
contenu éclata avec fureur non-seulement contre Wer«
denberg-Sargans, mais aussi dans la ligue de la Maison-
Pieu, contre Tévéque- administrateur. Guillaume et
George, les jeunes fils du seigneur de Sargans^ mort
de douleur, confièrent à leur beau-frère de Rechberg
le gouvernement du haut-pays ; mais son expérience
militaire ne pouvait remédier à la défiance générale et
à laversion. Sa nomination excita le peuple à se coa*-
User et à unir toutes ses forces; elle enleva aux comtes
les avantages de la combourgeoisie de Glaris et de
Schfwyz, qui ne pouvaient être en relation avec Rech-
berg. Le peuple empêcha par sa promptitude qu'on ne
pourvût d'hommes et de munitions les châteaux mal
gat*dé$ du pays de Werdenberg. Ortenstein , de difficile
aceés, les vieilles forteresses deSûns et deCanova^%
»** Spreeker place ces faits h l'an 1^50 ; Ttchudi, les flDivana en 1451.
*^' Appelées aassi l'ancien et le nouveau Zeosenberg.
412 HISTOIRE DE LA SUISSE.
et celle qui dominait les agréables prairies du Heinzeu"
berg f furent prises ; les trois premières , rasées ; on
força par la faim seize volontaires glaronnais^ qui
gardaient Bœrenbourg ^^^, à s'évader pendant la nuit,
au moyen de cordes ^**; ce château fut ensuite livré aux
flammes. Les habitans de Tumils, secouant un joug
qui leur pesait depuis longtemps ^*^, prêtèrent serment
à la Haute-Ligue : leur origine remonte à la première
tribu des Rhétiens; c'est d'eux que vient le nom du
beau Tomiliasca^*^. A l'endroit où TAlbula verse dans
le Rhin les eaux des Alpes-Juliennes , à la cime du
rocher de Baldenstein, Jean Rink estima ses murs,
quoique extraordinairement forts ; moins sûrs que l'af-
fection du peuple : il rendit au comte ses fiefs afin de
jouir en liberté du repos ; son château subsiste encore.
Les habitans du Rheinwald entreprirent aussi de se
soustrairiB à leurs obligations envers Werdenberg. La
ligue de la Maison-Dieu refusa de reconnaître Tadmi-
nistration épiscopale.
Les comtes ne surent opposer à tant de résolution
que les tribunaux d'Empire ^"^ ; le ban qu'ils pronon-
cèrent, loin de calmer, irrita au point que les mécon-
tens osèrent se porter du sein des montagnes jusque
vers Sargans. Les seigneurs eflrayés invoquèrent en
^* Au dire de Spreeher, elle aarait été en i/i50 dans d'autres maios
que celles de son seigneur ; on bien ce fat l'effet de troubles à noos in-
connas, ou cet auteur a confondu des époques différentes.
^^ Gela se voit dans Y Accord, n. 5&8 ; Stumpf a placé par erreur cette
destruction dix-sept ans plus tard.
^^^ Plus tôt déjà, du vivant de Pierre de Greiffensée» qui peut-être
possédait chez eux des hypothèques, les droits avaient dû être édaircis.
AeeonL
^^ Domleschg.
**^ La cour provinciale de Rolhwyl, n. 5 AS.
LIVRE IV. CHAP. V. 4<3
hâte la médiation de leurs amis. La paix fut négociée
dans le lieu le plus favorable aux Grisons, dans la
plaine voisine de Meils, en vue de la principale forte-
resse de l'ennemi^*®. Des délégués du chapitre, de la
noblesse ^*^ et des bourgeois de Coire^^^, du pays de
Glaris^^^ et de la ligue des Juridictions ^^2, rétablirent
pour les choses non contestées Tordre qui subsistait
avant les jours de violence ^^^ ; les questions litigieuses
furent soumises au jugement impérial ^^* ; les châteaux
dangereux demeurèrent en ruines. Les Grisons durent
cette paix favorable au zèle avec lequel les Quinze de la
Haute-Ligue ^^^ et leurs amis dans le Bergell, à Bergûn,
à Oberhalbstein ^^ et dans l'Engadine embrassèrent la
cause des habitans de Schams comme la leur propre.
Le juge du pays, Albert de Mont, Rodolphe de Rin-
kenberg, Jean, fils deParcival, etHermann, Tun et
Tautre de la famille des Planta, influens dans leurs
communes, leur inspirèrent cet esprit ^^''.
**• V Accord stipulé dans le Domlescbg et cité par Ttchudi, II, 664, «e
rapporte à cette paii. La négociation de Meib eut lieu en octobre 1451;
elle est datée du vendr. av. SL -Jacques, 1453.
M* Henri de Siegbert, Werner, son fils et R. de Rinkenberg.
•M L'inspecteur des travaux et le conseil envoyèrent le greffier et nn
boaigeois.
*** Dont le rang est fixé ici entre la ville et les Juridictions rurales.
»M De Lenz , Tscbiers et Fideris.
*" • On laissera les seigneurs jouir de leur héritage paternel an
mêmes conditions qu'avant la guerre; on ne les troublera point dans
eette Jouissance. »
*** Du juge impérial dans le palais de Goire.
*** Nom du conseil de ligue.
»>• Schams partageait de tout temps avec eux le droit de pacage, de
pâturage et de ccuper du bois dans les foréls. Ck
^" Ils signèrent pour leurs contrées respectives V Accord n. $4S*
414 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Ainsi rintérét géDëral grandit aux dépens des sei-
gneurs. Les comtes de Werdenberg ^® vendirent à Té-
▼éque de Coire pour la somme de trois mille six cents
florins kors seigneuries ^^' de Schams et d'Obervaz *••,
héritage de leurs aïeux maternels^ les barons de Vaz ^* ;
les communes, chacune selon ses moyens , rachetèrent
deTëvéque^^ leur liberté entière ou partielle*®*. Le$
ciH&tes conservèrent des maisons et des domaines tels
que chacun peut en posséder ^^. Les Suisses protégè-
rent toujours leurs propriétés *•* ; la Confédération
avait été fondée contre la manie des révolutions ^^ *.
Feu après ceci le baron de Razâns^ Ulrich Broun *^,
^' George, avec ragrément de son fr(ïre GniHaame et de sa soeor
Elisabeth, feinrae de (lecbberg, en 145S. Ulysse de Salis m'a corooinDi-
qué une copie de Yaeie de vente, intéressant pour la fixation des limiteSi
*^* SerTs, droit d'alpage, délits forestiers, droit de chasse et de pèche,
droits capitaux permanens et passagers, échu tes, soecesiions, haute et
basse justice et toutes les juridictions {acte n. 558); le fief proprement
dit, qui rendait nécessaire la confirmation impériale.
*M Ofi voit par Vaecord, n. 548 , que la justice de- Vas était aussi en
querelle avec le comte.
*•« T. II, p. 586.
^* Schams, enihhB, pour 8,206 flor. Spreehêr, Patla$, 210.
***^ Obervaz en partie senlemeot Ihid. S28.
*** Usufruit, cens, dîme. Ch. 538.
*^ Pifçngmté de$ Glarmuniâ^ pour le comte Oeorge , conoemant la
dlme d*Obervas, 1458 ; prononcé dee Zurkoù poof le même» conœniaDt
ia village de Tomils, 14S8, cité dans Ttehmli, U U, p. 567.
^'* Chez les pg^oces aussi bien que ches les peuples.
* Le contraire est prouvé par les faits que Thistorien raooota» Las révo*
lutions résultent des dénis de justice répétés.de rincorrigibiUté desiUM et
de l'impatience des autres et des conjonctures qui favorisent les eas^ade
délivrance. L'historien qui tantôt prouve la nécessité d'une réforme et
tantôt la déplore, se montre ici petit patricien de Schaffhouse , désolé
de l'abolition du cher patriciat Voyez plus loin , après n. 612. D. L. H.
*•? i^rtfiuer le nomme George.
UVRH IV. CHAP. y. 4t5
dernier rejeton d'une famille reépeclabie , fut enterré
avec son casque et son bouclier ^^^ ; son manoir pater-
nel, les domaines qui en dépendaient ^ toutes les jus-
tices et la communauté de la Haute-Ligue furent dé-
volues au comte Jost Nicolas de Zoliern, son neveu ^*^,
eC à un échanson héréditaire de Llmpurg, député, aux
États ^•'^
Le chapitre ainsi que les sujets de Tabbaye refusè-
rent de recooinaitre désormais l'administration de Henri
de Héwen ^^^ Déjà le pape Eugène avait désapprouvé
l'interruption de la succession régulière des évéques ^'^^;
Nicolas V profita donc avec joie de la disposition du
peuple , et nomma Antonio Tosabéni de Pavie évèque
de Coire ^"^^^ Gelui^ rencontra une résistance si vive
de la part de Henri, et des dispositions si défavorables
chez les chanoines, jaloux de leur droit d'élection^ qu'il
a'osa pas sortir de son château fort de Réalta* L'ad-
ministrateur ayant été chassé ^'^^, Tosabéni espéra se
maintenir en dépit de Léonard Weissmayr, chancelier
du Tyrol , que quelques chanoines avaient élu , comp^
tant sur l'appui de l'Autriche ; ils pensaient que l'em-
pereur Frédéric ne résisterait pas ouvertement au pape.
Antonio mourut le jour de son entrée solennelle ^"'^.
•
»M Dimanche avant Matthieu, ld59. Sprtelier et tous les autres.
^* Sou père Frédéric, époux d'Ursule de Razûns , était mort 57 ans
«nparaTant Hûbner^ iabL généaL 2^2.
"^ Son nom et son droit me sont encore inconnus; il céda peu après
son droit au sire de Zollem. Sprecher,
"* Nous tirons cette donnée de VÀeeord , n. 5d8. On y voit aussi
qn*aocun é?éque n'était encore reconnu.
^'* Hemmerlin dans Hciiinger, H, E, de i'Helv., II, A 05.
»7< £ni452oul4S».
^^* A la fin , il dut abandonner Aspermont. Leu.
*'* A la SL -Michel iA54. Il va sans dire qu'on soupçonna un em-
poisonnement
416 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
L'adminislratioû de Léonard ne fut ni longue ni bril-
lante ^''^. La sagesse de son successeur , Ortlieb de
Brandis , rendit le pouvoir et la dignité au siège épis-
copaL
Celui-ci servit de médiateur^ à Fûrstenau^ entre
Tarchiduc Sigismond , qui gouvernait le Tyrol ^''^j et
les habitans de TEngadine ^'^^. Les difficultés qui les
divisaient dataient du temps où des dcscendans des
comtes rhétiens de Coire siégeaient encore au château
du Tyrol ^'^^, et elles s'étaient compliquées sous leurs
héritiers de la maison de Gôrz ^^. Celle-ci s'agrandit
après que Schweikher de Reichenberg eut vendu ^®' à la
maison de Tyrol la seigneurie de Tarasp , qui par elle-
même et par ses avoueries^^^ étendait sa domination
au loin, et après que l'extinction des autres grands
comtes ^^^ eut réuni leurs domaines sous une seule auto-
rité. A cette époque le gouvernement tyroRen embras-
*'* Ilmournt en 1458. Les babitans de Schams n'avaient jamais ?oula
8*accommoder de l'achat n. 556.
""^ L'évoque lui avait inféodé, en 1460, la fonction d'échanson héré-
ditaire. Crusiu» d'après Bruseh, II, 80.
*'* Le différend concernait les habitans de Trasp ( « Teperestiani*}.
Campell. Esquisse de l'hist, des Grisons, à Tan 1465, d'après les papiers
de Juoalta Zutz,
*'* Cette origine et tout ce qui est raconté ici n'a jamais été aussi bien
éclairci qne dans les Mémoires historiques et critiquée pour servir à Chist,
du Tyrot, par le baron Jot, de Hormayr, historien do Tyrol, recom-
mandé comme cilojen , comme homme et comme écrivain , par sa vie,
pal^ ses paroles et ses écrits.
^'* Elle gouverna, comme on sait, de i254 à 1S69.
**^ Acte de vente de Traspes en faveur du comte Albert; ap. Brnttes,
1259, dans Horma^r.
'*' Marienberg provient d'eux; Munster revendiqua aussi ce couvent,
entre 1181 et 1192. Hormayr.
**' D'Ândechs , à la fin ducs de Méranie ; d'Eppan , dont une bréndie
nommée dUUen , eierça un grand pouvoir jusqu'à Yinstennfini. Id.
LIVRE IV. CHAP. V. 4t7
sait toute la Basse-Engadine jusqu'à Pontalto^^. C'est
de lui que le bailli de Mstsch tenait Tarasp ^^^. Four
lui les seigneurs de Rémus gardaient leur château ou-
vert ^^ ; Steinsberg honorait dans le prince le propi^ié-
taire héréditaire ^^''. Les baillis reconnaissaient tenir
de lui la chasse aux oiseaux et Tautre chasse ^^^, et les
Planta , les mines y les eaux et forêts depuis le pont
St.-Martin jusqu'à Pontalto^^^.
La cour d'Inspruck s'efforça d'autant plus de gagner
l'évéque; elle inféoda ^^^ à son frère Ulrich ^^' le châ-
teau de Marschlins ^^^, à la porte du pays où la Land-
quart sortant du Frœtigau précipité ses flots vers le
Rhin. Il suivit les bonnes traditions économiques des
pères ^^^ et exerça l'autorité à l'égal des derniers comtes
de Tokenbourg en tout ce qui n'était pas usurpation
évidente ^^. Le château possédait des droits précieux,
*** CA. de l'évéque ^Conrad de Cotre, S kal. febr., 1182, dans Burg-
klechner.
••» Ch. 1S51 , ibid.
*'* Convention du comie Meinkard avec Nannes de Ramnss (ce nom
commence à se rapprocher de Ramnsch , prononciation usitée dans le
pays ) , 1356 , dans Hormayr.
'*' Le comte Albert se référa à ce fait dans la paix de Glarans , 1228.
• Solamen pro allodio et proprietate. > Id.
'*' Investit tare du roi Henri en faveur d*Ego de Mctsch, 1228, dans
Bargkleehner-
^* Lettres tt investiture, 1317, 82, 56. Ibid. Les Planta donnaient
entre autres annuellement 100 fers h chaval et 600 clous.
*** Ce fief provenait peut-être des seigneuries de Montfort.
s*ft Proprement à Louis, son fils mineur.
*** Alors depuis long- temps abandonné et à demi ruiné.
*** Le droit d'arroser par irrigation les quarante journées de prairies
dépendantes du cbMeau, depuis la St -Georges jusqu'à ce que l'on «dé-
charge les prés de leurs fleurs avec des faux et des rateaux« »ssOn appe-
laàt Journée l'espace qu'un homme pouvait faucher en un jour. G. M.
^** Les • députés des paroisses de Zizers et Igis • se plaignirent des
VI. 27
/fjH HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
mais non pas exclusifs ^^^^ autrement les habitans au-
raient quitté ce rude pays ou chassé les seigneurs. Du
reste, Marschlins était ouvert à TAutriche ^ et Ul-
rich était bailli à Feldkirch^^.
Ses voisins, les quatre villages^®' de l'ancienne sei-
gneurie d'Aspermont ^^, prêtèrent serment aux gens
de la Maison-Dieu et à la ligue Grise (1400), et orga*
nisérent avec intelligence une administration commune.
Coire , le chef-lieu , en relation honorable avec Té-
vêque, uni à Zurich par des rapports de combour-
geoisie pour le terme de cinquante et un ans ^^ et qui,
maintenant suisse, avait élu pour bourgmestre le vieux
Michel Clausner^', brûla presque tout entier ^2. Dans
ce désastre, la ville reçut de l'Empereur des franchises,
soutien de ses affaires et encouragement pour l'avenir.
innovations qa'il faisait de son autorité sur les pft tarages des Alpes et les
autres pâturages communs, en entourant de haies des prés et autres
|X)rtions de terrain ; mais ils ne purent pas fournir des preuves.
^*^ Lettre (finvettiture, 1662, Inspruck vendu après Jud.; Ch, da, Item-
tenant du tribunal de Malan$, jeudi av. J.-Bapt., 1665 ; celle de la ville de
Coire, }eudï ap. SL-Barthél. 1465. Ulysse de Salis Marschlins m'a com-
muniqué ces documens.
*** Conformément à la lettre d^ investiture.
'*^ Ch, de Coire: « Noble et généreux gentilhomme Dlrîchde Brandis,
bailli de Feldkirch , notre gracieux et bien-aimé seigneur. >
*** Ziiers faisait partie de la paroisse de Marschlins ; c'est là que ses
habitans jouissent de tous les droits ecclésiastiques et qu'ils déposent
leurs offrandes. Déposition d^un homme qui pense depuis soixante-dix ans ,
dans la Gh. de Malans.
^** Ruchaspermont(&pre Aspermont) est une tautologie.
*** Ch. 1460 , dans la collection de Haller. La contribution annuelle
était asseï forte, 52 florins.
'*' 1462 , Leu, On substitua ce titre à celui d'în^ctenr des travaux.
**' Tsehudi : à l'exception du palais épiscopal et de sept maisons.
Crusius nomme un couvent épargné dans la ville basse. Tous : 1464.
UVRE IV. ciiAP. y. 419
La charte de liberté de cette bonne ville porte ^^^ : « Les
» bourgmestres ^ les conseils, les bourgeois et tous
» ceux qui leur appartiennent ensuite d'un serment,
)) sont indépendans de toute juridiction étrangère ^®^, et
» chez eux le bailli, comme représentant de l'Empire ^^^,
» le vidomne et l'ammann de la ville rendent la justice,
» même à l'occasion des bannis qui reçoivent asile. Les
» conseils exercent les divers droits qu'exerçaient les
)* tribunaux publics ^^. Les habitans de Coire ont un
» bourgmestre et un conseil outre des tribus bour-
» geoises , et ils sont autorisés à racheter de Tévéque ,'
»pour sa valeur^i l'hypothèque impériale du bail-
» liage ^^''. Ils peuvent imposer, même entre les mains
» du clergé et comme ils s'imposent eux-mêmes , les
» domaines et les revenus compris dans les limites de
» leur territoire ^^^. La moitié du droit de consomma-*
» tion sur le vin leur appartient. La moitié de l'impôt
» sur les maisons leur est remise ^®®. » Rien ne donnait
*** Extrait da livre municipal relié en ronge : la Ch, fat donnée
dans la nonvelle ville de Vienne ; mardi après Jacq. de la moisson ,
i46â; « ad mandatum Dni Imp. in consilio Ulr. Ep. Pataviensis
CaQoeU. •
*** Nommément Rothwyl. On craignait les intrigoes et le» chicanes
de forme de ces tribunanx.
**^ D'après un pouvoir émané de Tomnipoteiioe impériale.
•»• On permit que ce qni se traitait autrefois en public eût lieu dans
la salle du conseil , mais en présence da juge devint lequel les affaires
étaient portées précédemment
*<^ On trouve sur ce point , h la même date , une charte spéciale dans
le nouveau livre municipal de Coire, relié en blanc L*£mperenr s'enga-
geait à ne pas racheter ce bailliage pendant seiae ans, et à ne le racheter
jamais que pour le omipte de l'EmjHre.
<•« Xaxe des gardes, contributions, servitudes.
*** Cette dernière clause se trouve dans le t I<^ de l'ouvrage de
X^a^omi sur les Grisons. Noos devons beaucoup de renseignemens cu-
rieux aux investigations de cet écrivain.
420 HISTOIRE DE LA SUISSE.
plus de ressort à une vitle^ que la liberté ({^organiser
son administration dans son propre intérêt.
Létirs plus proches voisins suisses y les Glaronnais ,
dés long-temps indépendans de Seckingen, hommes
vaillans qui rajeunirent près de Ragaz la gloire de
Nsefels, formés à des sentimens fédéraux pendant près
d'un siècle par une alliance quelque peu inégale avec
quatre Cantons seulement ^'^, obtinrent après la guerre
de Zurich, qui rapprocha les cœurs, une alliance
égale®** et avec tous les Cantons®*^. Dans notre vieille
Confédération nulle prérogative née des circonstances
u^était exclusive à tout jamais ; son défaut était Tab-
sence d'un terme pour des changemens utiles®'^; ils
ne pouvaient être amenés que par des orages *.
En dépit des victoires , des traités et des alliances,
on continua de nommer Glaris dans les actes par les-
quels l'abbaye de Seckingen inféodait l'avouerie®'*;
vanité presque universelle qui garde les titres des do-
maines perdus , comme si l'ambition avait besoin de
"• T. m, sa.
'" Le 6 mai 1450; mais la ch. est dans Tsehudi, 1 , 409, parce que la
nouvelle alliance fut écrite sous la date de Tancienne de 1552.
"* Aussi avec Berne, Lnceme et Zoug. Ce canton et Berne entrèrent
dans la Gonfédéralion après Glaris.
"' N*eûl-il pas été utile, par exemple, qu'une seigneurie conquise eût
fait sous une direc Lion protectrice, pendant cinquante ans, Tapprentis-
sage de Tégalité ?
* L'bbtorien devient ainsi digne de lui-même. Ce passage renferme
la justification entière de la révolution de 1798, qui ne fut tentée qu'a*
près qu'on eut essayé inutilement d'obtenir par des requêtes (pétitions) le
redressement des abus. Il fallait bien profiter des circonstances. Les goa-
vernans avaient eu soin de stipuler l'assistance de l'ancien gouvernement
français eu renouvelant l'alliance. D. L. H.
*^^ Chartêê : d'Albert d'Autriche , Nuremberg , Nie. 1454. Tschudilh
581 ; de Sigismond , Constance, Bonif.1459. Ibid, 591.
LIVRE IV. CHAP. V. 421
prétentions surannées quand elle est assez puissante
pour bouleverser les États !
Dans rintërêt de la sûreté et de la facilité de la route
commerciale dltalie à Zurich, qui traversait les Gri-
sons et entretenait Tindustrie et la prospérité , les Gla-
ronnais veillaient avec un soin extrême au maintien
de la bonne intelligence®^^ et à la régularité des expé-
ditions®^®. Ceux dont on avait volé les marchandises®*''
ou violé les droits®*® ne recouraient pas inutilement à
eux ®'^. Sans crainte des puissances humaines^ ilscrai-
gnaient le Maître de la nature, leur seul refuge, quand
les eaux des hautes montagnes menaçaient subitement
le pays de sa ruine ®2®.
La liberté de Claris, comme de la plupart des Can-
tons suisses , était le fruit de quelques journées hé-
roïques; la conciliation de la ville de St.-Gall et du
pays d*Appenzell avec le voisinage de l'abbé ^ la con-
ciliation de la liberté de Tancien et du nouveau terri-
toire de ce prélat avec sa domination fut, après les
premières victoires des Appenzellois, le résultat de
discussions aigres et presque interminables. C'était un
de. ces ménages où le père croit retenir sous sa férule
*^* Serment <U Pierre Honni, i& avril 1&59 (Ttehudi), promettant de
ne pas se venger pour la détention snbie à Claris parce qu'il avait imputé
à ceux de Zisers une offense envers les Glaronnais. .
*** Ordonnance pour la navigation par le$ eaux baneê, 14M* Tschudi.
**^ Lettre d'an sujet du margraviat de Bade, ^ qui, revenant de Rome,
on vola dans Tauberge d*Uznach de la soie, des coraux et de l'argent,
iâ67. Tschudi.
*" Lettre de l'abbé Frédéric de Pfoeven, au sujet d'un de ses serfs à
Quart, ià61. Tschudi.
**' On ne trouve aucune mention ultérieure des plaintes précédentes.
*2' Rapport du grejper Mad sur la grande inondation et la procession»
1460. Têchudi.
422 HISTOIRE 0E L4 SUISSE.
ses fils grandis et enrichis ^ et les fils^ une fois impatien-
tés f regardent les plus innocentes démarches du père
comme des abus d'autorité. Du reste, les coups d'épée
sont plus décisifs; les querelles où tout se discute ^
plus instructives. Nous considérerons l'abbé dans ses
rapports avec la ville, puis avec le pays qu'il perdit*'*,
avec celui qui lui resta***, avec le teritoire nouvel-
lement acquis •**, et nous dirons le succès de sa po-
litique qui s'attacha tour- à -tour à l'Empereur et à
la Suisse. Il n'eut pas moins besoin de prudence pour
conserver, en quelque sorte sans armes, sa position,
que d'autres pour s'en faire une.
Dans les circonstances les plus défavorables, l'abbaye
de St.-Gall se montra plus puissante et mieux affermie
qu'on ne l'avaitvue depuis des siècles : elle le dut à Ul-
rich*'*, fils d'un boulanger de Wangen, dans l'Allgau.
Le prince-abbé, Gaspard de Landenberg-Breîtenlanden-
berg, possédait une érudition monacale, aimait et parta-
geait volontiers avec d'autres les plaisirs delà science; il
gouvernait honnêtement son abbaye, et laissait faire
ôe qu'il ne pouvait pas empêcher. Ulrich, alors grand
maitre^d'hôtel, âgé de vingt et quelques années, esprit
fécond en ressources et d'une merveilleuse activité,
représenta aux conventuels les conséquences funestes
de cette administration : « A peine abbé , Gaspard a
"' Appenzell.
<''' L'ancien pays.
**• Le Tockenbourg.
*** Proprement « le rouge Uli (Ulrich). • Son nom de famille était
Resch ou ROsch. = Toute Thistoire qui suit a été racontée dans le plus
grand détail, d'après les documens, par M. Ildefonsê ttArx dans ses His-
toires du canton de St,-Gtdl {Getchiehten dei K, St.-G,), en S ▼ol. în-8*»
St.-Gal], iSii , au t. Il, p. 289-514. C. M.
LIVRE IV. CHAP. V. 423
» perdu la ville de St.-Gall. Sous prétexte d eclaircir
à> les relations litigieuses^ il a refusé la prestation d'un
» serment incontestablement obligatoire. Fort de sou
» droit et des cbartes impériales ^^^9 au lieu de sou-
» mettre la ville , il a perdu le temps en conférences ^^^;
^) elle en a profité pour changer les dispositions de la
» cour^^'^. Les quatre cents florins du Rhin offerts par
» elle dans une coupe de bois artistement ciselée , ses
» quatorze pièces de toile > son grand festin, ses se-
)) ductions secrètes, ont été largement payés par la
}> charte de sa liberté ^^*. On dit qu'à Feldkirch la nou-
» velle ville impériale a été détachée de TËmpire à prix
w d'argent, en notre faveur ^^^. Quelle est la teneur de
» la charte ? à quoi a-t-elle servi ? Ils ont juré comme
» ai*ticle fondamental de ne plus nous prêter ser-
}) ment^^^. On a recouru aux Cantons suisses pour as-
>j sujettir un prince à son peuple **^^ Mais , comme il
w était facile de le prévoir, les édiappatoires^^^ adminis-
<25 i^ colleclion des franchises impériales a été imprimée en un
volume in-folio.
**«. Acte$ de ces conférences depuis Sle. -Agathe jusqu'à la fin de
Tannée. D'après Rer, Sangallens,, ad corrigendos errorea Stumpfii e1 Va-
diani, L X; ouvrage communiqué par le P. Joseph Bloeh.
•^v « Patoit {Miolo post corropti animi suspicio. •
•» 1» décembre 14&2 ; ils devaient être sur le même pied qu'Ueber-
lingen et Ra^nsbourg.
^^* Ch. Feldkirch, Barbe 1445, conçue dans des termes ^ssez vagues
qui admettent facilement un grand nombre d'exceptions.
'*<* Aete$de$ conférenees, ihà7,
"« 1451.
•'2 Qu'on ne pouvait pas servir deui maîtres à la fois (l'Empereur et
Tàbbé), qu'on ne pouvait pas prêter double serment au même maître
(en qualité de prince du pays et pour des fiefs particuliers). Toutefois
Jes deux choses étaient fort ordinaires.
424 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
» tratifs et l'opiniâtreté bourgeoise ^^ leur ont paru
w invincibles. Tandis que l'Empereur dort, nos forces
» négligées nous ont fait descendre si bas, que cette
» abbaye princiére, honorée par de grands, monarques
» six cents ans avant que le nom de la Suisse fut pro-
» nonce , a trouvé dans une espèce d'alliance défensive,
» qui nous subordonne en réalité à quatre Gantons de la
» Suisse ^^*, dirai-je le seul moyen de salut ou la ruine
« la plus douce? Pères et frères , comme la plupart des
» événemenSy quand on sait commander à la fortune ,
» celui-ci sera pour nous ee que nous permettrons qu'il
» soit. Les évéques de Sion et de Baie ont fréquemment
» conclu de semblables alliances et n'ont pas perdu
» leurs États ; si le Valais et Bienne se sont élevés à une
» liberté menaçante , c^est qu'ils ont entretenu et
» resserré de semblables relations plus tôt que leurs
» seigneurs. Le même sort nous attend. L'année après
» notre alliance, nos Âppenzellois, malheureusement
» combourgeois et alliés de la Suisse déjà depuis l'an-
» cienne guerre , se sont unis à toujours comme confé-
» dérés avec sept Gantons^^^ ; la ville, avec six Gantons à
» peine dix-huit mois plus tard^*^^. Gomment un prêtre
» résistera-t-il à l'audace du pays, à l'argent de la ville
» avec quatre Gantons contre sept? Il le peut, n'en dou-
» tezpas : lesgouvernans des Gantons sont nombreux et
w leurs chefs changent ; cehii-ci est paralysé par l'esprit
» de parti; à celui-là manque la connaissance des hom*
*** Les députés de la ville s'opposèrent à toute négocîalion tant qu'on
ne renoncerait paspréalablement au serment.
*^^ Zurich , Lucerne, Schwyz et Claris.
*** L'alliance de l'abbé est du milieu du mois d'août i45i; celle des
Appenzellois de la veille de St.-Othmar (15 nov.) 1452,
' *'* Jeudi après la Pentecôte 1454.
LIVRE IV. ClIAP. V. 425
» mes; les autres, on les effraie, on les gagne, on les
)i endort*. Etre seul, quand on sait être le maître , est
» la moitié de la victoire. Mais maître, (pensez-y, mes
» frères! ) maître, on ne Test ni par élection ni par
» naissance , quand on est un homme vulgaire. Celui
» qui dans la paix et Tabondance, dans Torage et en
» péril de mort, toujours égal, considère d'un re*
» gard immobile le devoir d'un prince; qui oppose à
» Tennemi et à la fortune la plénitude des forces d*un
» pays et d'un peuple, unies et vivifiées par son esprit ;
j> qui, entouré des hommes les plus intelligens, les di-
» rige tous et les surpasse ; qui, dans ses manières et
» ses paroles, devant le peuple et au milieu des siais,
» apparaît incessamment^^'' bienveillant avec grandeur
h etsimple avec dignité, celui-là, mes frères, est un mai-
» tre.» Il prouva sans peine que Gaspard, bon homme et
rien de plus, ne suffisait pas pour ces temps périlleux.
Cette assertion fut justifiée par les événemens qui
jetèrent l'abbé dans un embarras croissant par suite
des mesures imprudentes qu'il avait prises. Lorsque,
dans le sentiment de sou impuissance ^^^, du consente-
ment et par le conseil de sa congrégation ainsi que des
babitans de Wyl^^^ et d'autres gens dépendans de l'ab-
baye, il eut conclu avec les quatre Cantons l'alliance per-
pétuelle ci-dessus mentionnée^^^ au nom de tous les
* L'histoire de 1* Europe et la nôtre. D. L. H.
^^ Aîiv àpKTTtuttv xai umipo^ov IJApjvat ôtXXttv.
*'* • Que nous et notre abbaye ne saurions nous maintenir ni subsister
sans le secours du bras séculier. •
•** Désigné comme la principale ville de l'abbé.
*** A Pfeffikon, à la date de n. 6S5. Voy. l'acte tCaUtance dans
Têchttdi, n, 560.
426 HISTOIRE DE L.\ SUISSE.
pays situés entre les lacs de Zurich et de Constance ^^',
au nom de Wyl, de sa forteresse d'Ibefg etde Roschach
récemment acheté *^^, il sembla vouloir gagner sou
peuple en abandonnant quelques droits ^^^ odieux à
Tesprit de liberté. Mais on prétend que dans cette oc-
casion même il se montra^ aux dépens de l'honneur de
sa parole^^^, partial en faveur de quelques amis de la
vilie^*^. La ville de St.*Gall, grâce à d'excellentes
ordonnances sur la fabrication des toiles •^^^ chef-lieu
de toute la contrée environnante, prit un si rapide ac-
croissement en population^*'', en richesse, encourage,
qu'elieacheta des seigneuries ^^^> forma des alliances de
cotiûbourgeoisie®^* et sous une constitution perfection-
née^^ aspira non-seulement à 1 indépendance , mais à
l'extension de son territoire. Elle ressentit vivement ce
qui advint à ses amis, et sembla chercher une occasion
de faire des démarches importantes. Les deux parties
*** L'abbé possédait aussi au-delà du Rhin et du lac de Coastance dei
domaines qui restèrent étrangers à la Suisse.
^** Acte d'achat 1449 ; de la main des nobles de Hôschach pour 2700 flo-
rins. On y mentionne les carrières, alors déjà fort productives.
**' Droit de meilleur catel et autres, exercés dans les cas de mort et
alors surtout onéreux. Ch, l&5i , dans la collection de Baller.
'^* On prétend qu'il trompa ceux de Romishom. Uottinger, Hiat.
ecclés. de l'Heivétie, IV, 94. Il paraît qu'ils furent engagés à prêter un
serment, dont la teneur, à laquelle Ils ne réfléchirent pas d'abord, les
empêcha de devenir bourgeois de la ville.
'*^ Tiré des griefs de la vilU dans les Actes 456.
*^ Établissement d'une inspection sur les toiles, 1452. Haltmeyer,
pag. 146.
**^ Griefs, n. 645 : la paroisse de St. -Laurent s'est accrue jusqu'au
nombre de 8500 communians.
•*• Oberberg et Annwyl, 1451. Haitmeyer.
■*' Avec Arbon , 1452. llaUmeyer.
«M Par l'amélioration des règlemensdes tribus, en 1458, et parla liberté
octroyée par Frédéric III , en 1451 , à Graetz. Ibid,
LiVRE IV. CHAP. V. 427
se Hférèrent, à regret ^^^ au jugement de TEmpereur,
mais aucune des deux n'osait paraître révitcr. Les qua-
tre Cantons alliés avec l'abbé , trois villes souabes qu'ils
s'adjoignirent®*^ et Appenzell cherchèrent à les conci-
lier. Ils obtinrent que le prélat et la ville^ avec leurs
griefs et leur réponse, avec la plainte, la réplique et la
duplique, s'en rapportassent à l'avoy er et au conseil de,
k ville de Berne ^ afin de terminer le différend au
moyen d'un rachat total à Tamiàble ou par voie juri-
dique**®.
Dans ce temps-là l'ancienne amitié des trois premiè-
res villes de la Suisse^ des pays de Schwyz et de Glaris
pour la ville de St.-Gall®**, fut convertie en une al-
liance perpétuelle *** semblable à ralliance primitive
des Glaronnais ®*® ; on voulait à la fois se montrer
impartial et amener les esprits à l'impartialité , proté-
ger St.-*Gall dans l'exercice de ses droits et le retenir
dans de justes bornes •*''. A Tapprochfe du jour décisif^
*M j^ cause des frais , de la peine el da travail , n. 658.
**^ Constance, Ueberb'ngen , Lindan.
*'* Exposé, St-Gall, jeodi avant dt.-6all là52 : combien la ville doit
payer à l'abbé pour le serment ; établissement d'un amniann , des inspec-
teurs des monnaies et du pain , des taxateurs du blé , du vin et de la
viande ; ordonnances sur le tarif des péages , sur l'aunage , les mesures ,
le fief de l'hôtel de ville, etc. ; tout cela fait connaître les relations de
l'ancienne Villa.
*^* m 11 faut consolider par l'écriture les conventions perpétuelles et la
perpétuelle amitié. » N. 655.
*»» Ch. d'alliance, jeudi après la Pentecôte 1454, Tichudi, U, 576.
*^* Ils s'engagent à lie pas faire la guerre et à ne s'allier avec personne
sans le consentement de la majorité des Confédérés, et à soumettre les
différends à leur justice.
•»' Le couvent en fut si- salisfïiit, que le jour du serment il traita
1500 bomttaes datis sotl verger. Les conditions avaient en quelque sorte
été préparées dansl'alllaâce^de l'abbé : «De niéme, tous cent qui ne nou»
428 HISTOIRE DB LA SUISSE.
l'abbaye fut reoommaQdée aux Confédérés par les qua-
tre présidens de la congrégation des Bénédictins de
Bursfeld^^*, et Berne convoqua des députés de presque
toute la Suisse®^*. Le pieux et savant abbé Gaspard ^^
se rendit en personne à la conférence ; mais^ dans son
aversion pour les choses temporelles ^^^^ il crut ses amis
et proposa aux Confédérés de charger le gouvernement
de la ville d'administrer tous les pays de la principauté.
Concentré tout entier dans la recherche de la vérité ,
dans le soin des âmes et dans le culte divin , il ne douta
pas de l'approbation des chefs de Tordre de Bursfeld.
La proposition plut aux Confédérés ^^^. Cette nouvelle
• ont pas encore juré fidélité et ceni qui nous jureront à Tavenir (Fabbé
> l'espérai t] prêteront aussi le môme serment. •
«" Les abbés de SU-Pierreà Erfurl, de SL-Étienne h WOrzbouiç , de
Hirscbau et de Waiblingen. Sur Bursfeld voy. Leuekfelden, Ce monastère,
sitaé non loin de GôtUngen, avait reçu des abbés Jean Dédenroth
de Minden et Jean de Uagen une discipline si exemplaire, qne près de
cent cinquante couvens se réformèrent d'après cette r^le, et qu'avec l'au-
torisation du concile de Bâle (iâÂO) et de la cour de Rome il se forma
nne union et une congrégation qui a subsisté, même après la ruine de
Bursfeld, jusqu'à nos jours. Leuekfeldne parle point de St.-Gall;Pienne
nomme pas non plus St.-Gall dans la bulle des libertés. L'accession saint-
galloise fut probablement l'œuvre du zèle de Gaspard ; Ulrich ne trouva
pas à propos d'être aussi complètement bioine. Leuckfeld cite l'exemple
d'Udenhein qui ne resta pas même dix ans dans l'union de Bursfeld.
En 1469 les Bnrsfeldiens visitèrent, sans faire sensation , Fabbaye de
St.-Gall, agrandie et soustraite à leur influence. Hottinger, IV, addi-
tions, p. 102.
*^* Henri Schwend, de Zurich ; Luceme ; Ytal Rédlng ; Unterw^lden;
Zoug; Glaris.
••• • Insigni religione et eruditione. » Herrmann Schenk.
**' Il aimait à répéter après St. Jérôme t « Monachos decet esse mona-
chos. • Hottinger, ^
*** Ch. Berne ( appelé U premier prononcé betncit ), samedi après U
Chandeleur, 1455. Nous y voyons la délimitation du temtoive : d^wis
Monst^'-" (dans leRheintbsA), jusqu'au lac de Constance; puis, en deâ-
LIVRE IV. CHAP. V. 429
remplit de joie la ville de St.-Gall. Les conventuels
effirayés s'assemblèrent. « Voilà , » dit Ulrich , affran-
chi par l'abbé de l'oflBce de maitre-d'hôtel ®^^, « voilà
I) où nous a conduits celui dont l'élection a été une
» honte pour nous ^®*, et l'administration notre ruine;
» nous sommes réduits à choisir entre notre conserva-
» tion et notre devoir. Cependant, non, l'obéissance sub-
» siste s'il n'y va que de notre bonheur et de notre vie :
» mais les saints dont les prières^ mais les cinquante
» abbés dont huit siècles de sollicitude ont maintenu
» honorablement jusqu'à ce jour Tabbaye de St.-Gall^
» demandent-ils une obéissance illimitée envers celui
» qui livre leur héritage aux fils de leurs serfs? » Les
conventuels refusèrent d'adhérer au traité ^^. Cette ré-
solution inspira du respect^ comme toute constance dans
le péril. Wyl aussi craignait moins la houlette du prince-
abbé que le gouvernement d'une bourgeoisie*®^. Une
diète de tout l'ancien pays fit entendre sa voix en fa-
veur de l'abbaye souveraine^ et Appenzell même écri-
vit aux chefs de l'ordre*®'' de protéger les droits du
cendant, jusqu'à Mflnsterlingen, de là à Bûrglen, eu remontant la Thonr
jusqu'à la Glatt, et encore jusqD*au pont au-dessus de Schwanberg; de
|à à Monstein» point de déparL Celte contrée aurait formé une espèce
d'avouerie , et comme on pouvait l'étendre ou la resserrer suivant les
limites naturelles, il ne serait presque rien resté aux ecclésiastiques.
'" Les Bursfeldiens lui avaient procuré cet emploi , sans consulter
l'abbé.
^^ Le pape l'avait nommé. Hotting. H. £. IV, additions, p. 95.
**' « Sat reverenti» datum ; conscientiis urgeri ad jura contra quem-
cunque manutenenda. •
*** Miêêive de fVyt, mercr. apr. les Rameaux, 1455.
'*' Mitsive à Vabbi Wolfram de Hir$ehau, mardi après Gorp. Chr.
1455 : « Qu'il veuille se montrer favorable et prendre les intérêts de
rabbaye. •
A30 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
vëaërable monastère y dont la décadence nuirait au cuUe
■
et jetterait le trouble dans le pays^^ : tant un gouver-
nement consacré par le temps et par sa dignité parais-
sait préférable à celui d^une ville marchande^ objet
d en vie ! L'expérience n'a jamais prouvé que le gouver-
nement des ecclésiastiques soit moins paternel que
celui des militaires , des hommes d'affaires et des négo-
cians.
La congrégation de Bursfeld , qui dans la ferveur
du premier zèle ^^ s'assemblait souvent^ tint un chapi*
tre général à Erfurt. Les chefs des couvens du haut
pays f dont la simplicité religieuse avait peut-être ex*
primé une approbation en termes généraux ^^^^ durent
protester solennellement^''^; on écrivit aux Gantons
protecteurs et à Berne; une visite de l'abbaye fut or-
donnée. Les visiteurs trouvèrent Ulrich Rôsch dans un
cachot (rigueur tardive de Gaspard!) et tout le pays
en désordpe; on jugea indi3pensable d'ôter provisoire-
ment l'administration à l'abbé et de nommer un
autre administrateur ^^^. Rien ne produit une irrita*
tion plus irrémédiable , que de prononcer sur la con-
stitution d'un pays sans consulter les habitans *. Des
*** « Nous cnûgnoDs qu'il n'en oaiaie da scandale. •
'** Jean de Uagco ( • ab Indagme • ) vivait encore.
«70 Gaspard s'y référa plnsieius fois. Lear ignorance des relations de
l'abbaye de St.-Gall aura servi de prétexte pour soustraire le cooTent à
leur influence.
*^^ Témoignage de$ abbés de Hirsehau et de fVaiblingen, mercr. av.
Ste. Marg. iA55 : Au nom de notre dignité, de notre devoir et de notre
respect pour la vérité.
•72 Henri Scbuchti, ami d^lricb.
* Vrai en général ; mais looMioe Ions les pouvoin sans les mojeiis sont
entre les mains des dépositaires infidèles de l'autorité, qu'il s'i^i de le*
mettre à Icnr place, il serait impossible de réunir une assemblée <le vrais
LIVRE IV. CHAP. V. 431
députés de toute la Suisse coaférérent avec la ville de
St.-Gall : la charte de bailliage fut à la fia rendue
et anéantie, la constitution remise en vigueur ^^^ etga*
rantie contre tout changepient opéré par Tune des
parties ^'*,
Avant même la fixatipn des rapports entre la ville et
I abbaye, le pape Galixte disposa de radministration
municipale, sur la proposition du cardinal jEnéas Sylrp
vins Ficcolomini^'^^. Riche d'expérience et chargé de
Texamen, ^iEnéas reconnut sans peine dans Gaspard
un meilleur religieux , et daus Ulrich le prince néces-
saire; à l'ijn il laissa rhonneur ^'^^ et un boq revenu ^'%
à rîmtre il remit toiite l'autorité ^7».
Ulrich Rôsch était dans sa trentième année lorsqu'il
fut x^hargé de l'administration deVabbaye; il gouverna
sept ans comme administrateur, vingt-huit comme abbé
et prieur, homme d'une stature imposante , maître de
lui-même, insinuant pour ceux qu'il respectait , impé-
rieux pour les autres , terrible à qui le craignait. Il
avait à côté de son lit une ardoise et de la craie, pour ne
représentans dn peuple. Il faut donc que les bommes qui osent , usent
d*abord contre ces dépositaires infidèles des mêmes moyens, et se pré-
cantionneqt contre leurs attaques ouvertes et contre leur infiaence.
D. L.U.
*^> Chacun fut replacé sous la haute et basse justice de laquelle il res .
sertissait ; les affaires féodales, sons la justice féodale ; celles qui con-
cernaient les domaines impériaux ressortirent de la justice impériale.
*^* DéeUion amiable de» huit Cantotu (le trésorier Nicolas Brennwald
était chef de la dépuUtion) ; SU-Gall, 6 août 1456.
•" Stumpf; J. J. Hottinger.
*~* L'habitation dans le palais épiscopal ; le droit de célébrer la messe
en mitre aux jours de fête (il aimait à la chanter) ; le droit d*octroyer les
ficfs nobles.
*^^ Jouissance de la cour, de la boulangerie, du jardin ; annuellement
60 poules, 300 florins.
•'• Confirmé par le pape, lo 19 décembre 1456.
432 HISTOIRE DE LA SUISSE.
laisser perdre aucune des bonnes pensées que la nuit
éveille dans les grandes âmes^'^^. Toute sa vie était
action ; il n'avait qu'une passion^ celle de relever l'Etat.
Il satisfaisait sans scrupule les besoins de la sensualité,
parce qu'il ne se laissait ni dominer ni affaiblir par
elle^^^. Il dirigea constamment les affaires religieuses
avec une habileté singulière; à côté d'un article essen-
tiel il en proposait un grand nombre d'accessoires,
qu'il abandonnait ensuite peu à peu^ afin d'obtenir des
négociateurs lassés, la chose principale. Le travail était
pour lui un plaisir ^^^ Il jouit ainsi de la vie plus que
d'autres ^*^; et plus grand prince que bien des rois*'*,
il acquit la considération et là gloire d'être le second
fondateur de St.-Gall.
«'• Stiunpf, Si6 b.
*'* Id, 321 a ; « il laissa de beaux enfans engendrés par lai. •
*'* Il se comparait aax « jeunes garçons qui jettent des b&tons dans les
• arbres; s'il tombe des fruits, ils les prennent; s'il n'en tombe point, îb
• ne regrettent pas leur petite peine. • Siumpf,
**^ « Profecto enim yita yigilia est. » Pline L'Ancien,
•" On dit de lui!
« Ulricom banc dubito monachnin «Ucam anne moBarcham ;
• Veste fait mosacbiu, corde mcmarcba fait. •
sa Ulrich Resch on Rôsdb, que l'abbé Eglof avait pris comme marmiton,
montra dans cet emploi les dispositions les plus heureuses; serviable, la-
borieux, alerte, rusé, habile dans tout ce qu'il entreprenait, ses talens
^'appelaient aux études. Il fut envoyé dans les universités, où il fit de ra-
pides progrès ; le droit eut sa prédilection.. Lorsqu'il entreprit d'adminis-
trer l'abbaye, elle ne possédait pas au-delà de iSOO florins de revenu net :
il parvint dans le cours de son administration à dépenser 128,935 flo-
rins pour des acquisitions et des constructions dont il enrichit et embel-
lit le monastère. Rien n'échappait à sa surveillance. La même activité
défendait les droits de l'abbaye, créait des moulins, des greniers publics,
dirigeait la pèche et la chasse, perfectionnait la culture de la vigne, s'é-
tendait sur l'alimentation des porcs et sur la multiplication des engrais.
Voy. lÂêtê de$ acquliitiont faites par i'abbé Ulrich FUI, dans le Livre de
copiée, msc gr. in-folio : d*ârx*, t II, p. 584 et S85; Zellwéger, f. D,
p. 11 et suiv. G. M.
LIVRE IV. CHAP. V. ^«33
Dés tpi'il eut fait prêter les sermens^'*, son premier
soin fut d^éclalrcir ses rapports avec la ville. Toutes
les chartes des deux partis furent présentées à Tavoyer
et au conseil de Berne. Us donnèrent droit à Tab-
baye^*, mais permirent à la ville de se racheter du
serment et de toutes les conséquences de cette souve-
raineté ecclésiastique^ moyennant sept mille florin^**®^.
Les Bernois «avoyèrent leur savant gpreffier •^^ afin
qu'avec d'autres conseillers ^ délégués par les Con fédé-
rés ^•^ il jugeât les prétentions nouvellement formées
ou celles» qui pourraient s'élever entre seigneurs égaux
de domaines voisins. Les' St. -Gallois donnèrent , en
échange de la complète liberté de tous les habitans
domiciliés entre leurs quatre croix , mille florins ^^ et
une grande place hors des murs, le Bniel^®^, blanchis-
serie on pâturage suivant les saisons ^^^ On décida de
plus que si Tabbé vendait en détail du vin acheté^ il
^^ Comme radmînittratenr Henri avait fait après ]a suspension de
l'abbé à la r^iatégralion des autorités judiciaires en aittomne i456.
**'^ m Quoique la ville ait présenté aux arbitres un grand nombre de
■ bonnes et louables grâces et franchises, l'abbé n*a présenté que des
> lettres, rôles et renscignemcns excellens qui sont de beaucoup meilleurs
• etp)as solides. »
'** Seconde sentence bernoise, 5 févr. 1457. î^e serment portait aupara-
vant qu'ils obéiraient aussi fidèlement à rabbé qu'un homme-lige à son
roattre (CA. de i&i9 et 29) ; il s'y trouvait d'autres expressions peu con-
venables des anciens temps.
^^^ Thomas de Speichingen, docteur en droit canon. Ch,
"* Ital Réding en était.
*** On ne peut pas prouver que les bourgeois relevaient de l'abbaye,
p. c. pour le droit de meilleur catel ; mais il sp peut que quelqnes-uits ,
soumis 2l cette redevance, se fussent établis dans la ville.
*** lies villes lombardes aussi avaient leur* broilo, broglio «peut-être
primitivement destiné aux ouvrages de la ville (« imbroglio >].
*•* On en payait le loyer à l'abbé, quand on voulait s'en servir en été
comme blanchisserie.
VI. a8
\
434 HISTOIRE DE LA SUISSE.
paierait le même droit qu'un bourgeois de la ville ^^^;
que les bâtimens commerciaux sur son territoire ^^^ ap-
partiendraient à la ville ^ mais les produits du péage à
Téglise du monastère pour les réparations et l'éclairage;
que les gens relevant du prince-abbé^ mais établis en
dehors de la franchise de Tabbaye ^^j ne pourraient se
soustraire aux sermens^ aux contributions et aux ser-
vices dus à l'Etat; quant au tribunal féodal qui siégeait
dans le palais ^ l'abbé le composerait du nombre de
citoyens qu'il voudrait ^ de manière cependant que la
campagne n'y eût jamais la majorité; qu'il ne rétablirait
jamais l'issue de l'enfer ^^^ du couvent , dont on avait
abusé pour des projets hostiles ; que les bourgeois pour-
raient continuer à tirer parti du terrain généralement
étroit dont ils avaient commencé à profiter ^^^; que du
reste la qualité de bourgeois ne soustrairait aucun sujet
de l'abbaye à ses devoirs et à la justice ordinaire ^^.
La ville , de son côté , se plaignait de ce que beau-
coup d'affaires qui devaient se juger publiquement
dans le palais ^^^^ se décidaient secrètement ou hors du
**' Ce droit de consommation élait nne franchise octrojée par i'Em*
l'erenr.
'*' La maison des cordonniers (était-ce une auberge pour les cordon-
niers?) , les boutiques, le marché au fil, au fromage et au beurre fonda,
ainsi que les crânes en pierre de la cour du palais.
*'* Les limites de son territoire et du droit d'asile.
•" Prison? cachot de pénitence?
<•< Pour établir des tuileries , des boutiques de rémouleurs , des jar-
dins, des blanchisseries et des champs.
<*7 L'esprit des associations de ce temps n'était pas de soustraire les
individus à leur position légale, mais de les y protéger contre les caprices
du pouvoir.
•9i L'abbé soustrayait le plus de causes que possible à ce tribuaalt qui
se montrait indépendant.
uvRB IV. CHAP. y. 435
pays; elle se plaignait de plus d*une fraude et des routes
et des poDts négligés à dessein ^^^ : mais elle fit aux
Confédérés le sacrifice de ses griefs ''^. Peu après, elle
procura par une convention équitable à ses citoyens
la sûreté à laquelle ils avaient droit'^^^
L'administrateur qui tantôt faisait des arrestations au
mépris des formes ''^^y tantôt semblait embrouiller les
différends aplanis par un tribunal provincial de l'Em-
plie 703^ actif et vigilant pour la liberté , comme on doit
l'être^ maintint la sûreté publique. Les églises^^, les
tours ^^^^ les grandes familles^^^, les nobles qui existent
*** Cette partie des travaux pablîcs le concernait à cause des péages ; il
la négligea, espérant qne la ville finirait par prendre soin des roules et
des ponts nécessaires à son commerce.
'** C'est là la troiêiéme êenienee^ H mai 4457» écrite sur deux feuilles
de parchemin attachées ensemble avec de la soie bleue. Au Jugement du
parti de l'abbaye cfétait* acerbior sententia, sed satis cqua; ne altemtrt
■ pars frustra litigatse videatnr, utrique pars sua cedit. » Quelques-unes
de ces dispositions s'appliquent mieux aux années précédentes , vu que
lef.griefs furent présentés déjà en i455.
^^^ Ch. de ta ville, 17 Juin 1^59, • lorsque le couvent rendit les doca*
mens déposés à Berne entre les mains des arbitres. » Les Bernois donnè«
rent-ils donc les chartes de la ville au préla^ , parce qu'ils reconnurent
que le droit étaitde son côté (n. 685)? Voici, comme exemple, un des dispo-
sitifs t « Si un sujet de l'abbaye, devenu bouiigeois de la ville, trouve ses
terres trop*imposées par l'abbé » les trois plus piroches voisins les exami-
neront et déclareront, sous serment, le Uux qui leur paraîtra équi-
table. •
7*2 i46i. Haltmeyer.
^** 1464 et suiv. Hottinger, H. E. IV, additions 98; CL dans la col-
lection de Haller. Il parait que l'abbé n'était pas entiteement innocent,
mais qu'il se cacha derrière l'ammann du palais , on feignit d'ignorer
en partie ce qu'on était charmé d'avoir annulé.
'•* Au Linsenbfihel, 1468. Haltmêyer.
'*^ St Michel dans la rue des Païens ( ainsi nommée peut-être à cause
, des Hongrois de 928) 1468. Id,
'•• Râle du Notensteim (société des nobles) 1466, dans HaUmexêr.
/hid HISTOIRE DE Là SUISSE.
encore ^^^ ou qui aujourd'hui fleurissent ailleurs^^, les
profils du commerce''^ et les institutions commer-
ciales "^^^y tout proclamait la prospérilë croissante de
la ville, défendue contre l'administrateur par le respect
qu'il avait pour la Suisse, et chargée avec lui de la con-
servation des choses saintes ^'^ sans méticuleuse sévé-
rité dans l'observation des ordonnances romaines ^'^.
Les Appenzellois , en paix et en guerre , visaient à la
liberté. Les habitans d'un village faisaient-ils quelques
économies à force de travaiP^', ils se hâtaient de s'af-
franchir d'une souveraineté étrangère ou de la do^
mination ecclésiastique ''**, ou bien de pourvoir leur
'•' Zollikofer, Fels , Schobinger, etc.
'«• Wftklkîrch, MftQdacb, Blartr, Bargaatfr, Grébel, GMcfi, Ram*
schw«g » Neukom^ Oscliirtld, Feycr» Slokar, ScfanilMM, etc. Nons ne
ckoM pas ces noms pour entretenir roigneil des familles, mais afin «fin-
spiter à ceux qai les portent vne bienveilisiice particnlière pour le b€r«
ceau de leurs maisoBs.
^^* Franchise </« Frédéric III , poor le péago et la tndie foraine « t^SS»
dans IlMttmeytr,
^'^ POnt sospendu an-deasas du Martiastobel , iASS , dans Halimeyer,
^*^ Conformément an pronmué de$ muImu proiuitmrt , iiSt. Roiiin*
ger, L C 98»
'^^ lorsque le nonce pennit, en iâ62« d*nser deiaitage pendant le
Qartee, il ae trouva que cela se pratiquait déjà dans ce pays. Hottingir,
1. c.
^" Us faisaient aussi le commerce des toileries. fVaUer, A. 1492.
^^* Trogen s'affranchit par rachat de son servage , de 1« suieraincté et
du bailliage de Roscbach, 143 i ; Trogen , Gaîsset Rfltf, de leors obliga-
tâMBs féodales envers Tabbé de SL-GalM 4S9 ; Trogen • Tenffen et SpH-
cher, de la dlme ecclésiastique due à l'église de St-Lanrent , & St-Gall,
1459 ; Trogen , des droits ecclésiastiques de la même église , 1460 , et
avec Rehtobel, des droits des sires de Goldach, IISI • k métairie sur
r£ugist , de ceux d'Altstetlen , i4SS. BUekêfberger, p. 477 et sniv. c=
Le t. II , lr« partie des Chartes annexées à l'Hisl. du ptupU appemzêUois de
M. Z^lwégm* ( UrkmndéH tu Joh, Cnp* Ztitwegir^s Gesehichte des appen-
LIVRE IV. CHAP. T. 437
comiBuoe d'uue église ^^^ ou d une foièl^^^^ afin de la
rendre plus îadép^Pidante. Par respect pour cet esprit,
et afia de protéger leur liberté^ les Suisses admirent ,
les Âppenzellois avec plaisir et honorablement dann
Valliance perpétuelle '^^'^^ espérant que leur amour de
la liberté ne franchirait pas les bornes de la justice.
Tandis qu'ils maintenaient fermement )e bon ordre
dans leur pays''^^ et parmi leurs troupes ''^^ ils n'hé-
sitaient pas à s'attacher par la combourgeoisie des com-
munes Yoisiiies''^ ou même éloignées '^^', qui ne les
r^ardaient point, mais queTexemple de leur liberté en-
traînait. L'austère loyauté des Suisses ne permettait
pas de semblables procédés; parfois la menace devenait
nécessaire''^. Les Âppenzellois montraient alors plus
de respect pour le déplaisir de leurs Confédérés que
pour le ban de l'Empire.
xeUiêchen Veikês ) renferme on grand oombre de docomens de ce genre
d'aifranchissemens , des années 1453 à 1481. G. M.
7^' Celle de Trogen 1463. Ch. dans la colleaion de Haller.
.'M Trogen, Teoffen, Speicho* achètent la forôt de Stein^g, 1A59.
Biuhafbtrgêr. Ces faits • en apparence insignifians, font voir la persévé-
rance et la sollicitude des loyaux ancêtres , et rendent leur œuvre plua
respectable.
^" Train df alliance , 1452. T$chmli, II. 570. = Voyez appendice,
sous lettre F.
'*' Vojf.^ dans Walur^ A. 1433 , covnnent on maintînt rautorilé des*
loia du pays sur tous les habitans.
^** Us dédommagèrent les habitans de Lindau de tout le mal que leur
avaient fait les soldats appeniellois. Bitehafbergm', 1447, p. 397.
'^* Sw le tarfiloire dépendant de l'abbaye el dans le Rhoînlbal.
"'^ Âltenau en Thurgovie, appartenant au chapitre de Constancf*.
CA. par laqneMe les Gonfiêdérés annulent ce traité, 1454. Ttckadi, 11^ 580.
'^ Miuive de$ canton^, 1459, les sommant de ne pas user plus long-'
temps de subterfuges, mais de se soumettre aux sentences, conformé-
meai à Tacte d'allianee. CoUeetion de Haller, = Il pouvait y avoir un
peu de jalousie. D. L. H.
438 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Ils se virent mis au ban par le tribunal de Rothwyl ,
sur la plainte des Feyer de Hagenwyl , seigneurs en--
gagistes de Rheineck. Us s*étaient brouillés ayee eux
parce qu'ils avaient chaudement embrassé la cause des
habitans du Rheinthal^ juste ou non. Dans une des plus
longues nuits d'hiver ''^^ les Appenzellois se portèrent
à la frontière pour, dompter le lendemain matin les
seigneurs. Ceux-ci avertis s'enfuirent au*delà du Rhin.
A trois heures du matin ^ l'artilleur du château su->
périeur, Appenzellois du village d'Urnaesch, tombé
dans la disgrâce de son pays^ mit le feu au château
par maladresse '^^^ ou dans l'espoir de sa réconcilia*
tion''^^. Réveillés par la flamme dont l'éclat et les ra-
vages se répandirent au loin dans le château inférieur
et dans les maisons des bourgeois , les habitans de la
vallée et les Appenzellois se hâtèrent de renverser la
haute tour et les murs de la ville. Mais l'honneur ne
permit point de pardonner à ce traître ^ qui fut au con-
traire poursuivi et â la fin écartelé à Berne ^ entre
autres pour cette action '^^^. Les Peyer ayant provoqué
le ban , tous leurs droits hypothécaires furent achetés
pour six mille florins; le ban^ annulé ''^^; le Rheinthal,
incorporé au pays d' A ppenzell .
Le plus difficile fut de fixer les rapports avec Ulrich/
administrateur de l'abbaye de Saint-Gall. Depuis le
^ 10 décembre 1455. Têekudi, II, 582.
'** Lorsqu'il mit le fea aux canons; on ne put pas éteindre prompte-
menlla flamme & cette hauteur. Sîumpf, S 79, 6.
V Ciomme à la bataille de Morgarten, les exilés de Schwyi; mai»
les ennemis ne leur avaient point confié de poste.
^ Têchudif Stumpf.
^*^ Jeté d^achat, Einsidlen, à la consécration des anges, 1460. TêcMadè,
H , 599.
LIVRE IV, CHAP. V. 439
temps où toute cette contrée ne formait qu'un seul pays,
les limites étaient restées indécises; les maux de la
guerre faisant accélérer la paix, on avait souvent oublié
de distinguer le droit et Tabus. Le zèle d*Ulrlch parut
louable aux Conf^Srés, parce qu'il assurait vouloir
s'en tenir au droit. De fréquentes diètes s'assemblèrent
à Einsidlen, à Saint-Gall, dans le pays même; on dé-
termina les frontières sur plusieurs points ; les préten-
tions furent peu à peu rachetées ou éclaircies"^^'. Tan-
tôt les Appenzellois trouvaient inconvenant pour des
hommes de parole d'entasser tant d'écritures''^^; tantôt
il fallait les plus fortes garanties '^^^ et toute l'énergie
fédérale ''^^ pour faire triompher l'équité. L'envie ni la
force ni l'occasion ne manquaient pour traiter Tabbé
d'une façon révolutionnaire; on eût épargné des né-
gociations pénibles et dispendieuses , mais (perte bien
plus grande!) on eût ruiné les notions du juste, base
de la sûreté individuelle et sociale*.
Le jeune Peyer"^^ avait vendu, ainsi que nous l'avons
^^ Sentence 'de» VU canton*, Eînsidien 1458, dans fVaUen plus
exactement dans Uottinger //. E. , IV, additions , 97. Sentence de» même»,
St.-Gall 1459. Recé» de Constance, déc. 1459; on y invile les Appenzel-
lois à se conformer & la sentence. ÉcUircusement des canton» à St.-Gall ,
A 460, dans fVaUer* Accord aeee HérUau, 1461. Ibid. Conpontion aoee les
ehefs et lescommumesdadûtrieldeHérùaiL, SL-Gall, &40S.
^^ Dans les ÉclaireUtemen», 1460..
7** Dans r^ccor</, 1461.
7H Gomme dans les recës , 1459.
* Elle Toas lient bien à cœur, celte révolalion que vous avouex (plus
liaut, après n. 612 } avoir été amenée par la force des choses ! Pourquoi
ne disiez-vous pas cela k vos collègues avant 1797 ? D. L. H.
'^^ Assez ftgé pour donner des pleins pouvoirs f d'après n. 7S7 ) ; Ipu-
tcfois, comme il vécut ehoore 64 ans (I«ea), il devait être jeune
alors. Da reste, on dit ces Peyer originaires de Feldkirch. FûesUn
Géogr, IV. =» Les faits relatifs à la cession du Rheinthal sont racontés
avec détail par M. (tJrx , II » S29 et saiv« G* M.
A\0 HISTOIRE DE LA SUi&8E.
dit, le droit d'hypothèque sur le Rheiothal qu'il tenait
de TEmpire; ce pays^ à. cause peut-être de divers droits
réservés ^^^ ne pouvait pas facilement s'incorporer au
canton d*Appenzell, mais s'administrait simplement au
nom de celui-ci ; Ulrich donc/juSqu à la fin de sa vie^
ne négligea rien pour se mettre en possession de cette
belle vallée, dans laquelle il avait un grand nombre de
domaines. A cet eiïet, au grand déplaisir des Appen-
zellois, il porta plainte contre eux auprès des Suisses,
sous prétexte qu'ils n'accomplissaient pas les traités ''^^y
et il se présenta même dans les diètes "^^^^^ appuyé peut-
être sur la lettre du droit. Il espérait déterminer les
Appenzellois à le satisfaire par la cession du Rbein-
thal ^'^^. .Geux*-ci n'y ét^^ient point disposés, car cela les
eût séparés du Rhin et du lac , en sorte qu'on eût pu
cerner leur forteresse alpestre et les contraindre par b
famine ^^"^^ D'un autre côté, ils n'avaient pas de sen-
tence favorable à attendre, parce que le parchemin
décide péremptoirement les questions du mien et du
tien. Trois fois ils furent sommés en vain^^^; à la fin,
conjurés au nom des alliances éternelles, ils ne vou-
lurent pas en venir aux dernières extrémités, sans voir
^^* U n'(»t pas fait mention de l'Autricèie , mais de TEmpire, du mo-
uasl(;rc de Sl.-<G«1I , des francfaiset d'AlMeUen. Le rachat avait été ré-
servé primitivement lors de la conslitaGoa de rbypotbèq«e.
"* Toutefois les babitans de Uérisau TaTaîcnl payé. Quittance» daus
}V'aUer.
'** lieccs, Happersctiwyl, 1465. Tsehudi, II, 654.
'«• fVaUer.
''^^ Quoique le Tockenboufg ne lui «pparLiot pas encore , il y exf*r-
çaU déjà beaucoup d'influence ; du côté 4^ midi • on ne trouve dans IV-
nornc parok de rochers que quelques sentiers à peine praticables, eo-
core ne le sont>ils pas en toute stîsoti.
"" Tschudi,Stumpf,HoHinger, tVnktr.
LIVRE IV. CIIAP. V. 441
si la prudence et l'amitié des Coufédérés ne trcmverait
pas un milieu entre le droit et leurs désirs« Déjà leur
ennemi s'était enfui de Saint -Gall, pour sauver ses
jours , disait^il^ mais en réalité pour exciter la commi-
sération.
La sentence prononcée sous serment par la diète de
Lucerne''^^ ne manqua ni de justice ni d'équité , mais
elle ne fut rien moins que conciliapte. u La dime de
>i l'avoine ^*^ ne sera ni élevée''^*', comme l'abbé le
)> pense, en raison des progrès de la culture, ni payée
» en argent ''^^^ comme les Appeuzellois le demandent^
u mais acquittée suivant le constant usage. Ces derniers
» paieront à Tabbé le rachat des contributions impé-
>/riales'^^*^ et de beaucoup de droits féodaux d'après
» l'ancien pied monétaire ''^^ et non dans la monnaie
» courante du pays. L'abbé se plaint qu'on le frustre
» du droit de meilleur catel ( la plus belle pièce de bé-
» taiP^^), bien souvent à la mort d'un chef de mai-
' " Débat et untenee , ireadredi av. la Toussaint 1465 ; Walser le doone
d'une manière suilisaniment compilée. =3 M. Zeiiwéger raconte denaéme
dans leur înlégrîlé, d'après les documens, les faits qui suivent et qoe
Muller a dû résumer dans une histoire générale de )a Suisse : voy. son
Hiât. du peuplé appenulloia, t. II, 44-57. G. M*
'*• 288 muîds A 6 quarterons.
7*1 11 enteodait sims doute des eoatrées difriolUee; d'antres, qui s'é-
taient associées aux Appenzellois , n'avaient rien à démêler avec lui.
'^* Dont le tettK haone et baine d'tprèt les pris des marchés , et ne
pMnroit ftre amsi déterminé*
"* 55 marcs à 2 livres 5 scheilîngs defennîngs de Constance, mon-
naie qui passait pour la meîlleatc. Du reste, Tabbaye avait racheté 175
ans auparavant de l'Empereur cette contribution. Fûselln, Géogr,
^*^ St.-Gall avait le môme pied monétaire que Constance.
'** Haclictablc moyennant une livre de fcnnings de Constance. =
Zeiiïx^er, Chartes, t. II, l»^* partie, cb. cccuvii, p. 58 et 59. C. M.
I
•^
442 HISTOIRE DE LA SUISSE.
» son '^^^ ou d*un père de famille , et toujours en cas de
» suicidé » ( cas fréquent chez des hommes libres dont
le cœur indompté oppose sa résolution à une indigne
destinée); a ils devront à cet égard lui faire droit, et
» ne pas Tempécher d'établir des inspecteurs ''^''. Ils
n devront recevoir Tinvestiture de leurs fiefs , et les
» citoyens du Speicher, restituer les titres féodaux en-
» levés par eux. L'abbé conférera suivant l'usage les
» bénéfices ecclésiastiques. A l'avenir les habitans du
» territoire de l'abbaye ne pourront plus se faire rece-
» voir bourgeois d'Appenzell , ni avoir sur ce territoire
» des capitaines étrangers, dont ils préfèrent tes ordres
» à la loi de l'abbé''**. Enfin, les Âppenzellois ayant vio-
» lemment enfreint Tancienne sentence, que l'abbé se
» proposait de changer''*®, ils paieront pour les frais,
» non pas deux mille florins, comme le prélat le de-
» mande , mais huit cents. »
Cette issue déplut aux deux parties, mais surtout
aux Appenzellois, comme trop favorable à l'abbé ; pour
lui , il aurait préféré un échange. Ils se tinrent tran-
quilles ^^; le prélat persista ; il évalua toutes ses pré-
'** Fréquemment des frères vivaient ensemble ; l'aîné élait le chef de
a maison ; ee n'est qa*à sa mort qne le droit en question était exigible.
^^^ Cet article est plus exactement rendu par Biêchofberger que par
Wtdêêr; voy. p. IIJ.
7A* Un individu , disaiCron , poorsotTi pour un délit forestier, en avait
commis un plus grand nombre et s'était réfugié cbes les Appenzellois,
dont il devint le concitoyen. A son retour, on rarréta ; mais il fut délivré
par une troupe de ses nouveaux combourgeois. ( Alors déjà il y avait des
pépinières d'insubordination; pour faire des révolutions, on ne man-
quait pas de la connaissance des moyens. )
'** Voyes I n. 741. On s'appuyait sur la sentence rapportée t. IV, 493-
497.
'** Ceux de Speicher ne rendirent point de chartes; ils dirent Its
LIVRE IV. CHAP. V. 443
»
tentions sur le pays d'Âppenzell à vingt mille florins '^^^y
et se montra disposé à en abandonner six mille en
échange du bailliage impérial du Rhrâithal. Les Ap
penzellois n'y donnant pas les mains^ les cantons pro-
tecteurs, favorables à Tabbé^ baissèrent les prétentions
de celui-ci "^^^ ; mais en vain. Ulrich alors renouvela ses
plaintes , requérant les cantons au nom de leur hon-^
iieur de faire exécuter leur sentence ; les Appenzellois
furent sommés avec ipenaces.
Ils se réunirent ensuite en assemblée générale, le pays
entier comme un seul homme % animés de leur ancien es*
prit, sans calculer leurs forces ni les conséquences pos-
sibles de la résolution de tout oser pour la liberté et
]K>ur rhonneur. Us décrétèrent « de ne point accepter la
» dernière sentence qui les accusait d'avoir enfreint les
» précédentes et les condamnait ignominieusement aux
» frais pour ce fait ; de ne se soumettre à aucun prononcé
n des sept cantons^ vu que les quatre cantons protec-
» teurs de Tabbé formaient une majorité toujours défa-
» vorable à leur cause. » Us firent cette déclaration à
la Suisse , sans dire s'ils attribuaient la partialité des
cantons à l'ancienne alliance avec l'abbé "^^^ ou à ses ri-
chesses. Leur démarche engagea la Confédération en-
tière''^^ à faire des représentations à l'abbé. Gelui-ei
avoir perdues. Les Appeniellois ne s'expliquèrent point sur le droit dTé-
lire leurs pasteurs. fVaUer; InformatUnu des LueernoU, 146S. Gollect. de
Uallcr.
'** Plus exactement 19,787. Id. Hattinger: iS,549, mais sans les
droits de patronage d'églises ni le Rheinthal.
'»> A 15,000 florins. WaUer, A. 14G7.
* Noble peuple! O utinam ! D. L. H.
^** Ci^kssns, n. 655. C'était un principe que les anciennes alliances
avaient le pas sur les nouvelles.
'** I^s sept et Berne, outre Soleure , qui, dans la plupart des cas>t
faisait cause commune avec eux.
444 msTOiRC dk la suisse.
augmenta l'embarras. Il dit « que c'était aux cantons
» de maintenir leur sentence. Que si un nùn hautain
» annulait les chartes^ H rejetterait^ lui^ avec plus de
» droit encore , les anciens prononcés par lesquels on
» avait soustrait ces rebelles à la domination de Tab-*
» baye* Qu'il attendrait^ pour prendre ses mesures, de
n voir ce qu'il pouvait espérer de la protection et de
» rhonneur des Confédérés. » Les'députés se rendirent,
le céeur serré^ dans le pays d'Appenzell. La land^e-
meinde se réunit ; elle déclara cr que les Appenzellois
» respectaient la sentence en tout ce qui concernait les
» biens et l'argent ; mais que nui d'eux ne souffrirait
» que leur loyal pays fut déclaré violateur de la justice
» et pour cela condamné à une amende; que pour re-
}} pousser cette injure ils s'exposeraient à tout, même à
» leur ruine totale, qui probablement ne resterait pas
h sans vengeance. » Cette manifestation engagea les
cantons à e^Eacer dans le prononcé toutes les expressions
offensantes "^^^ Quant à la dispense pour les sujets de
l'abbaye de prêter serment au pays d'Appenzell '^^^ ce
point, en ce qui concernait le Rheintbal, fut légalement
décidé dans ce sens'^^'^, que, partout où Tabbé ne poAsé^
dait que la juridiction seigneuriale, le serment de sou*
mission au gouvernement serait prêté aux Appenxel*
lois, conformément à leur droit. Ainsi la justice des
Suisses établit un pacifique équilibre entre l'activité
ambitieuse d'Ulrich et l'amour des Appenzellois pour
la liberté.
"* A la diète de Wvl , 1467.
^^* Les Suisses refusèrent d'approuver la mesure i^roiotionoaire.
^^^ Bccés de Lucerne, vendredi après la Toussaint, iA67, dMï^fVaUer,
que nous prenons pour guide dans ce récit, ainsi que Btscbofbcrgcr ei
Sljmpf.
LIVRE IV. CHAP. V. 445
Ces campagnards continuèrent de se racheter'^^^.
Les droits de l'abbaye ne furent pas injustes dans lori*
gine^ mais peu à peu on les exagéra ^^^; ils n'ëtaient
d'ailleurs plus à leur |dace depuis que Tancienne admi*^
iiistratioa> en quelque sorte domestique "^^^ avait été
remplacée par un gouvernement d'État*. Les Appen-^
eellois consolidèrent ce gouvernement par des franchi-
ses impériales. Ils statuèrent que leurs citoyens ne
comparaîtraient devant aucun tribunal étranger^ peu
familiarisé avec leurs mœurs , mais uniquement devant
les tribunaux du pays^^^^ et^ si la cause concernait le
pays même y devant le conseil d'une rille amie^^. De
leur commune devait aussi émaner le droit d'exercer la
'^* SalzbruDn, d'une redevance de il livres, moyennant la somme de
ISOIrrres. Bisehofberger, 1468, p. A88.
'^' On percevait la contribution pourTEmpire huit fois par an; les 5
ponr cent sur les héritages étaient parfois portés à 15 poarcent; à
Ckinx, on lâchait des chiens de chasse contre ceux qui ne payaient pas
le péage poiQ* chaque vase de lait. C'était, il est vrai, avant les guerres
de ta liberté. Fàsstln, Géogr, II, 210 et suiv. ^^ Puisque ces horreurs
s'exerçaient en vertu de documens pour lesquels Fauteur éprouve tant de
respect, il aurait dû, pour être conséquent, se prononcer pour leur
maintien. li reconnaît donc que si les hommes peuvent être liés par des
documens, dans l'intérêt du bon ordre, ceux-ci ne peuvent jamais les
enchaîner sans retour. D. L. II.
^** La plupart des droits féodaux doivent être appréciés d'apoès le
système des ordonnances d'une viUa. La coupe de via que chaque parti-
culier aisé ofifrait une fois par an à son curé était*clle autre chose qu'un
usage domestique? On transfonaa ce don en ohUgation» et la coQpe on
52 pots ( 104 bouteilles).
* L'auteur Reconnaît donc le priacipe qo.'il fant admeUit «b matière
de documens et de cbavtesh. I>. L. U.
7** L'êmpêremr Frédéric III , à la Nenstatt , mardi après PSem; et Paul,
1466; Biêchtfhêrger, 105.
^*' Lindau, Ucbcrlingcn, St.-Gall, Constance, à leur choix.
446 HI8TOIRB DB LA SITISSB.
justice criminelle "^^^ dans le conseil ou près de la grande
route impériale ''^^^ Avant la confusion et la ruine de
la vieille constitution thurgo vienne''*^, ce pouvoir ap-
partenait au landgrave ou à son lieutenant-crimiDeL
L'infatigable abbé affermit bien mieux son pouvoir
dans l'ancien territoire. Au nom de ses saints'^^^, à la fa-
veur de la protection des cantons et par le sage accom-
plissement des promesses qu'il avait faites '^^^ il ramena
sous l'autorité de l'abbaye des sujets qui s'y étaient
soustraits. Avec le prix de domaines éloignés ^^ il en
acheta de plus rapprochés , afin de s'arrondir ''^^ Il
conclut des échanges avantageux '^''^^ régularisa par des
statuts la marche de la justice ^''^ et la police générale''*^
et lassa les résistances les plus opiniâtres '^'^^. Quand il ne
'*> L'emperear Frédéric III, an même lieu, lundi «p. SU-Jacqnesdi
la moisson , 1466; dans l'appendice de fVaUer, p. 15.
7*^ Gomme il leur paraîtra chaque fois le plus coarenable. Âutrefoii
la justice criminelle s'exerçait ordinairement en public.
'<> Par les nombreux privilèges et par la guerre, 1460.
'*' CA. pour Tablât, 1459 : « Touché par les prières des saints da mo-
> nastère^ dont c'était la cause , Dieu a ramené ces gens à l'obéissance.*
^*7 La même ekarie SL-Gall après Ste. -Agathe : « il se désiste de biea
• des droits , et n'impose ni le mauvais denier ni d'autres nouvelles ooo-
• tributions; il cède la traite foraine. • On a des ch. semblables en faicor
de Roschach , Strubencell , etc.
7<8 II vendit ses propriétés de l'Ârgovie aux Bernois , dont la farw
lui était précieuse. Stettler, A. 1458, p. ISO.
^** 11 acheta Waldkirch de Walther de Blydegk , 1462. Rahn,
"* Avec l'évêque de Constance au sujet de Goldach. Stumpf, 347, K
Avec Pierre de Rarogne, échange du château et du bailliage de LofflaB
contre la métairie de Gainvryl. Ch, 1465.
77^ Déclaration de NietUrb&rên, 1469.
^'' Il lui apparlenaitde défendre de Jouer aux cartes. Ibid.
^'* JcU pour BemkardxelU^ 1455, 1460, au sujet de l'impôt dedo-
micile et de la contribution que ce lieu refusait de payer pour le fi^
suivant, ibid.
LIVRE IV. GHAP. V. 447
pouvait pas proscrire de vieux usages^ il brisait à Taide
d'un des cantons protecteurs le courage de la rébel-
lion^ là où ille croyait le plus dangereux ''^^x et il savait
confondre son intérêt avec celui de la patrie''''^. Grâce,
à la considération due à son tnérite'^^^, Ulrich fut ap-
puyé volontairement par le chef de l'Empire non-seu-
lement dans sa tentaviv^ infructueuse de racheter le
Rheinthal '^'^^^ mais encore pour l'acquisition de trois
bailliages considérables qui lui restèrent "^^^^ Il obtint
aussi cet affranchissement de toute juridiction étran-
gère qui imprimait aux tribunaux provinciaux le sceau*
de l'indépendance'^''^ ; comme un ecclésiastique nepou-
7^* Prononcé de Schwyt, à la défaTeor des habitans de Tablât, les pluft
proches voisins du couvent; 1Â70. Stumpfy 318 , 6.
'^* Lorsqu'on agita la question de savoir . si , lui ayant renoncé & de
nouveaux impôts ( n. 767 ) , ses sujets devaient néanmoins concourir
avec les Suisses à payer les frais de la guerre. Ch, 1461.
776 Gomme le témoigne expressément la cb. n. 777.
777 Frédéric JII, à la Neustatt , Pentecôte U6&. — Le même aux fidèles
Confédérés de sa personne et de l'Empire, les invitant à aider l'abbé dans
ceUe entreprise; mardi avant la Chandeleur; ainsi qu'à Tammann et à
la commune d'Appenzell , pour les engager de permettre à l'abbé le ra-
chat ( eod, ) ; mais cela n'eut pas lieu. = Ces chartes, qu'on trouve dans
la collection de documens réunie par Haller, et déposée à la bibliothèque
de Berne, t. XVII, p. 171 et 17S , ont été imprimées dans leseharteg an-
nexées par M. ZeUwéger à son H ut» du peuple appentelloiê, t H, P* p.,
p. I6â , 165. Ce grave et consciencieux écrivain ne s'appuie pas moins
que Mnller sur les documens authentiques, peut-être même quelquefois
pins réellement que notre célèbre historien ; maïs au lieu de multiplier
les notes ajoutées au texte , il sépare des volumes consacrés à la narra-
tion les volumes plus nombreux qui renferment une précieuse collection
de diplômes , en partie inédits avant lui ; de simples renvois su bas da
texte mettent en rapport ces deux parties distinctes d'un des plus beaux
monnmens élevés à notre histoire nationale. C M.
77» Frédéric III, au sujet de Roêckach, T'énbaeh et Muola ao détenteur
des hypothèques , Burkhard Schenk de Gastell à M ammertshofen. Néu*
slatt , mardi av. la Chandeleur, lAd&.
7'^ iMtre impériale. Barthél. 1466.
A/|8 HISTOIRH DE LA SUISSE.
vait exercer la justice criminelle, sans abjurer sa règle,
il en obtint l'investiture en faveur des baillis qu'il pré-
senterait "•^. Il usa de ce pouvoir et de tous les autres
de façon à conserver Tautorité^'* et à laisser à ses con-
citoyens la satisfaction d'être jugés par leurs égaux '^.
Sa soHicitude ne se porta pas moins sur la prospérité '^^j
la sûreté et Tagrandissement de son territoire, soit
quand il n'était qu'administrateur, soit lorsque Gas-
pard, pour se livrer sans trouble aux plaisirs de l'é-
tude et delà société"^**, renonça même au titre d'abbé''*^,
éK échange de cent florins ajoutés à sa pension an-
iraeUe. Tandis que l'abbé Ulrich prêtait son serment à
Rome'^*, et se faisait indemniser de ses frais d evoyage
par des franchises productives ^^'^, Gaspard mourut à
Constance chez son frère, le doyen du chapitre''**. Peu
après, Ulrich doubla le territoire de l'abbaye.
"* Le bailli Wicclipalmer investi par la ville de Liodau-, 1468. Le
batin Imliof par Jean de Randeck , Neust Sébasl. 146S. Dans la Trans-
Ution de ces sortes de hautes jnstices (Grstz ap. l'exaltalion de la Croix
f &69 ) , on accorde à SL>GalI aussi bien qu'à Wyl (ch&Leau cl habitation
» d« l'abbaye : Ch. ) le droit d*asîle.
'•* Convention avec Wyl, Dilaire Mx^h , dans Tscliudi^ II, 608 : Tam-
tnann abbatial assiste au Conseil ; Tabbé nomme Tavoyc^ el les con-
seî1îei"s.
' ^*> Ceux-ci sont bourgeois de la ville ; celui-là doit y être domicilié ao
moins depuis quatre aus.
73' VEmp9reu,r ( Neustatt 1464} accorde à Wyl deui^foive^pw aa.
7SA j] consacrait les heures û« la maUoée à l'éude. tkuatpf,
. 7^' ià&h • ei noa 67. La UMwempériaU dàwnlUt^e, qui donna à Ul-
rkà La tilae d'tbhé , e9t de i46S.
'•# Voy. le 9êrmen!t dans Stampf, Si7, n ; îl est prOté i Pîc lï , ceqnî
confirme notre note précédente.
'•* On Incorpore à Pabbaye tes paroisses de Roschacb, Bcrnang, 5t-
Jeande HSchst et Ste.-Marguerîle.
'** 1&67, lorsque Ulrich se rendit une seconde fois à Rome pour une
autre cause. Vers le même temps, le doyen du chapitre devînt évéque.
LIVRE IV. GHÀP. V 449
Le gentilhomme '^^^ Pétennann de Rarogne^ après le
décès de son frère ^ resta seul baron^^ de Tokenbourg.
Depuis la mort de Frédéric , les Tokenbourgeois étaient
demeurés unis avec SchwyzetGlaris par Tancien traité
d'alliance ''^^^ mais non plus par l'ancienne et confiante
amitié. Les Glaronnais et les Schwyzois^ avec lesquels
ils avaient espéré vivre fraternellement^ à la manière'
des Âppenzellois y étaient alors seigneurs d'Uznach^ lié
par le même serment qu'eux ''^^. Les Tokenbourgeois'
se sentaient tant de répugnance pour leur domination,
que les districts supérieurs '^^^ s'qpposèrent pendant
bien des années à ce qu'on dressât la charte d'alliance,
Jacob Peyer l'appelle son cousin. =» Ulrich , administralear abbatial «
ayant fait preuve d'activité et d'habileté , et montré qu'il était homme à
relever l'abbaye ruinée , les quatre cantons protecteurs le recommandè-
rent à la coar de Rome et le loi désignèrent comme futur abbé; le pape
* Pie n se fit on plaisir de lui assurer l'expectative de ce siège ( Bref iiSt,
Si juillet). Bien plus, l'année suivante, lorsque Gaspard abdiqua, puis
moamt , le Saint Père le nomma abbé , sans permettre qu'il y eftt une
élection ; il l'avait même expressément défendu dans son bref , et inter-
dit à Gaspard d'abdiquer la dignité abbatiale en faveur d'un autre qu'Ul-
rich Bfisch. Ulrich s'était rendu à Rome avec l'acte d'abdication de son
prédécesseur^ et là il avait obtenu sa survivance. En chemin pour retour-
ner à St-Gali , il apprit la mort du prélat , et revînt à Rome pour se faire
désigner dans les bulles comme successeur , non de l'abbé qui avait ré-
ngné, mais de l'abbé mort. D*Àrx, t II, SIâ. G. M.
'** Ce titre (en allemand Junker)^ donné par les chartes, objet de la
raillerie enfantine des ignorans, ne désigne pas un jeune seigneur, mais
on noble qui n'était pas chevalier.
'^* n exerçait les fonctions de comte, sans en avoir le titre. Un baron
tel que lui pouvait se passer de cette décoration.
'•* T. V, 176, 177.
w> Ihid. 162.
'** Uchtenstaig, la vallée de la Thour, la vallée de St-Jean, Wildhaus,
Gegenbarcbnch,Pétcrcel]e; telles sont originairement les parties consti-
tutives de ce pa}"».
VI. ag
éi$ HI8TOIHK DB Lk ilMBB.
et qn'ik oe «e «oumiment à une senlAiioe de Beme^**
qu*i risgrel leC après un long temps ''^^^ Le gentilhoauiie
lit^U âgé» et son héritière ayait épousé xm SaToyard^
Quiobcxt de ViUette , seigneur de Chivron ; Tavenir du
Tokepbourg apparaissait sombre. L'abbé de St«-4vaU
^it alors le plus grand (Mropriéiaire foneier du pays'^^,
et il accordait volootiers sa protoction; les anieieBS
comtes "^^ déj^ tenaient du couvent à titre d'hypothè-
que le cbeMieu et de^ domaines considéraUes'^^^; les
religieuses de Magdeuau releyaient de Tabbé '^^^^ Baro»
g/ae , dans sa vieillesse ^ voulut assurer à sa fiUe un
tranquille héritage * ; les campagnards craignaient
moins un maitre unique, un prélat ^% qu*un bailli de
leur rang. Les Suisses étaient occupés à guerroyer con-
'** SêtUenee dé Nipola$ dé SchértMekttuUt chevalier, et pour G-af^Mad dt
Steio, liealenant de l'avoyer de Berne; mardi aprèa St.-Jaoq. iâSS.
TscJwdù
^' Seulement an bout de six ans» Quoîqiie ropposilion ne At paa
fpndée, l'inqniélude élait excusable, ss La condnile des goaveincmeoa
de la Suisse inspirai l cette défiance. L'historien a dit aiUears qn'its avaient
d{9 lors adopté la fausse politique de vouloir des sujets, an lien de te fior»
tifier, en s'adjoignent des concitojeus. D. L. H.
^'' Yoj. ses acquisitions en 12SS, t. U, 91.
'*^ Licblenslaig, la métairie de BuzischwyL
^'* Harogne : « Mon hypothèque et celle de mes ancêtres. »
'** Elles lui donnaient annuellement une livre feooing, 10 livrvs t|S
de cire, 2 livres d'encens, deux surplis : Canvgntio» auee Vahbm$é VMm^
1A68.
* Ce n'était pas son seul motif. Ces domaines , malgré leur étendue,
ne rapportaient pas de quoi faire vivre un gentilhomme selon son rang,
et ils étaient grevés de dettes; il avait été forcé en 1450 déjà de vendre
aux Peyer sa seigneurie de Hagenwyl pour payer les créanciers les plos
pressans. Voy. d^Arx, II, 838, S 39. C. M.
** Les Tokenbourgeob, satisfaits de s^bir la domination de l'abbaye,
rappelèrent le vieux proverbe t • Il fait bon habiter sous la hpulelle» •
l c. Zhi. C. M.
tn rAntrichs prés à% Waldsbut. DiM tel deMoens
jonrs de Tam 1468^ le baron de RarogM Tendit hvé^
ToeaUement^ dans 9ism diàteau de LûlÎBpvrg^ aq
prinoe^^fabë Ulrich de St.-GaH et k aon monastère^
tcnat le pays de Tokenbourg ^^ pour la somme de qoa*
torse mille cinq cents florins. Cette vente, à ce qn'il pa*
sait, se fit mopinémeot^^.
Le aouTeau comte et sei^fneur ^^ s'empressa de oon«*
solider cette acquisition par des conventions avee la
Sttîsse et avec le Tokenbourg même , et d'obtenir la
oeofirmatiott impériale. Ulrich renouvela solennelle-
nvent et à perpétuité ^^ ralliance qui subsistait entre
Rarogne , Schwys et Claris ; il satisfit à tontes les de^
mandes légitimes. Le Tokenbourg demeura ouvert auit
Gantons pour leurs marchandises , sans nouveaux péa-
fj/o$y ainsi qu'à leurs troupes, et à regard de T Autriche
M* Attê de vente , jeofi av. St-TbomM lAOS. Têektdi fi , iSe et
wiv.l de Bite« éMM Dêommi^
**^ Selon réleadne et les liiaUes de ton droit» les aerfii, les nOtle de
bailliage, les simples faabitans, chacun suivant leur position.
**' Autrement divers points auraient encore été éclairas. Scbwyi et
Glaris étaient instruits de la chose (CA. n. 804) ; on ne pouvait être in-
diflérent au ressentiment de ces hommes énergiques.asGes deux cantons,
MtqjÊth le pays dUznach appartenait à titre dlijpothèque^ ne dési-
TSient pas étendre leur territoire ; Zurich ne trouvait phis dlntérét à
faite l'acquisition de cette seigneurie riche en franchises et en droit!
lerrileriaux, mais pauvre de revenus. L*d>ba7e de St^GaH trouvait seule
■en compte à posséder la souveraineté d*un pajfs où elle possédait plus
de la moitié des juridictions, des fiefs, des domaines et des revenus acci-
dentels. Pétermann avait offert de la lui rendre en 1^65 ; Fabbé Ulrich
avait traîné les négoclatioDs en longueur; il ne conclut le marché en
1468 que lorsqull vit le bailliage du Hheindial loi édiapper. Voyez
d^Ar», n, S40. G. M.
*** Les abbfo de SL-Gall prenaient ce titre.
*** Àcfe (talUaneê, mercredi av. St.-George 1469. Têehmii, II, 702.
452 HISTOIRE DE LA SUISSE.
il fut placé dans les mêmes relations qu eux sur tous
les points. Schwyz et Claris promirent de maintenir le
pays dans la légitime ^^^ obéissance envers son seigneur,
et celui-ci de son côté prit l'engagement de le maintenir
dans leur seule alliance'^.- Afin de tranquilliser corn-*
plétement ces Gantons ^^^^ Zurich et Lucerne renon-
cèrent formellement au droit qu'ils possédaient sur
le Tokenbourg en vertu de leur traité d'union avec
l'abbé 808.
L'activité y la finesse et l'énergie du nouveau souve-
rain ne parurent pas moins redoutables au pays que
le désordre et la faiblesse précédente. Albert Miles ^
avoyer de Lichtenstaig , assembla toute la population
dans la prairie des prêtres près du bourg de Wattviryl;
elle renouvela le serment national prêté trente«-trois ans
auparavant pour la défense des franchises 8^^. Comme
il arrive quand un peuple se montre unanime, le prince
respecta cette vigilance et cette fermeté , confirma tou-
tes les franchises de la ville ^'^ et de la campagne ***, et
permit 8*2 que le peuple, pour les consolider, dressât
une charte de son alliance avec Schwyz et Claris 8<*.
^^^ Gouformément aux convenances et à l'équité.
**' A moins qu'ils ne consentissent eux-mêmes à une autre aUlMiee.
*®^ « Pour consolider Tamitié entre la Maison-Dieu et nos chers Gon-
fédérés. •
^^* Renonciation, mardi av. la Pentecôte, 1/^69. Tscliadi, II, 704*
^^' Serment du pays, dimanche av. Ulr. 1469, dans les notes de
Tschudi ; nous avons eu une charte manuscrite un peu plus complète.
**o Confirmation pour Lichtenstaig ; même date.
''^ Confirmation de la ch, de GanterscUwylf i4A0, Wattwyl, même dais
(aussi dans L'ùnig, SpiciL EccL III, 217).
^*' Malgré lui, dit J, IL Tschudi, Cliron, glaronn,, 525. Aussi n'est-l
point fait mention de lui dans l'acte de renouvellement.
•'* Ch. même date que ci-dessus dans Tsehudi, II, 705.
-LIVRE IV. CHAP. V. 453
Le prince même reçut de l'Empereur Tinvestiture de
son comté *^*. Suivant les anciennes coutumes de l'Em-
pire, son titre lui donnait la juridiction provinciale;
conformément à l'ordre établi par Rarogne , les mem-
bres des tribunaux inférieurs étaient choisis entre les
campagnards par lui , sur leur proposition , ou par eux
sur la sienne*^*.
Ulrich fut redevable à un acte de justice des moyens
de couvrir ces dépenses extraordinaires. Un juif, Sa-^
muel Lévi ®'®, qui s'était fait recevoir habitant de Wyl
pour dix ans en payant trente ducats , ruinait le pays
par une usure exorbitante^^'', mais son titre de valet
de chambre impérial ®** et ses richesses le rendaient si
redoutable®*^, que le prince n'osa le juger ni sans l'au-
torisation de l'Empereur ®^^, ni, lorsqu'il Teut obte-
nue, sans le concours des Cantons protecteurs. Lévi fut
condamné à payer mille ducats en or®^* et à quitter
*<* L'Empereur, Graetz, vers l'Exaltation de la Croii 1469. Cette CA. et
d'autres se trouvent aussi dans Honneurs et droits de Su-Gall sauvés, 1710.
•» Fusslin, Géogr. III, 51.
"• Appelé Schmoll Juif.
'*^ Deux heller par florin chaque semaine, ce qui portait rinlérêl d*un
florin pendant vingt ans à 2,&96 flor. 15 schell. A heller. Calcul d^un
contemporain dans Ulrich, hisi, des Juifs en Suisse, 218; il ajoute :
« Quare minime mirandum quo tandem pecunifie noslrs dîlabantur. »
HS Tons les Juifs, du moins depuis le règne de Tempereur Frédéric II,
aimaient à prendre ce titre protecteur*; voyez Pfenningersttr Vitriarius III ,
4374 et suiv. , plus riche que les autres publicistes en faits historiques
qu'il rapporte exactem ent.
*** Il eût été facile au Juif de le faire mettre au ban et de l'exposer au
plus grand embarras , au moyen d'une cour provinciale ; et plus facile
encore au moyen d'un des tribunaux secrets dont la puissance était alors
à son apogée.
•» Ch. d'autorisation, Gtœtz apr. Barthél. 14«9. Ulrich.
*« Ulrich.
454 itittroiEB 9B M. «umti.
1^ paf«^^ afrès wmjp '^ê»é de no jmm^y miÊtw ^
Aimùf la priocipauté de St«-GaU s'aoerHl; grae» à un
seut bonofie ; la eonfiidératiea de b SuÎMe prit de YeoL'^
teMÎOQ grâce à Tesprit pid^et aux mœiurs.
Zurich f doiit la pc^uktion diminuait ccmstamm^ii
depuis Rodolphe Broun ^ son premier lM>ui'gmestre'^%
avait perdu par la peste et par la guerre la laoitié deaes
babitans^^^ et une partie pre8(}ue égale de sa fwUme^^.
L'esprit de la bourgeoisie triompha des malheura des
tepips; la vitle et la campagne, sagement gouvernéesi
avaient sous de boBnes lois de boeoes institutkMi»; cm
saisissiut toutes les oocasions d'étendre glori^isemeot
la domination à peine rétablie dans scm intégrilé^^.
Zuôch confirma les belles franebîses dont T Autriche
ayaît gratifié ^^^ le berceau de la famîUe de Habsbourg^
la forteresse de Kibourg, dans le eaiv t instant oui» dbr
mipatjoa lu» en fui rendue; à Fabride ^ dv^eiir» les
habitans du voisinage forméi^ent une communauté ^^
qu'une rare indépendance de leurs personnes et de leurs
*^ ÉUit-ce le même SchmoU qo^oa trovve éUbli à Vfiiilertliin en
*^ Cluifon urmmt^ dimtficbie tpr». St-GalK liiSS* IbiJU
•** ^Si iS97». Zurich compUit U»875 habiUii3 s en i87i, URnlfiwft
ti*il90 : tn 1410 y encore mow « 10^570* CeUe dUninnlioo dûU être en
partie attribua à la con»litutioii ; mais le XVI* siècle amena de» dicoii-
^OCM qw cQQlrebalaiicèrent UinAoence du gpavcmem/ent des Unbia»
*^ En 14^7, il n'en ressiait plus qjoe 4»5». Vf^oMn^dukMUùim^dâ
Zurich » Ubleaa}(«
"* Galcalée d'aprÈs la valeur actuelle de rai;eent (en 1799 > celle
fpi:time éuit en 1376 de^ S».a08 »aao flor, ; et en i4IK7. de 1,3SMS9
loiu fVoâtr, p» 47.
»7 fl#UtAa(»a 4e Kiboms.. U5i. Hma. dé Cjb^iée MOrÎMre^ t. A
ASS.
** Régie par un avoyer et quatre tonseillerk
UVIE IT. GHJP. T. 45&
propriétés*^, «me bonne police''^ et diverses préroga^
%ives *^ ooMoKdércaC. Si le paysan ne fut pas etktore
Mulagé de certaines diargea en «pparenoè onérëu-
aiea*^', des loîs^^^^ garantissaient aux serfs Féquité*^,
aux étrangers la justice ^^y au filage une économie
mm moins sage qu'au temps où il n'était cfue métai^
rie*^, à teux qui s*y établissaient certaines favenrs*^*^
La bonne harmonie entre. voisms*^*^ la mardierégu-^
Uére de k justice, malgré le coûSit des juridictions*^^
*^ Exemption da droit de meilleur catel , de toute contribution , ev
éeptê pont tes ponttf et fontaines , de toute expédition militaire à la dis-
tSùeé an plu0 d^oùe demi-jooméé; Tes propriétaires it la comniUBc oAI
jêtfla le drokée j«gtr en matière de propriété et d'kéritagc.
**' Ordonnance concernant les mes et les foires, etc.
<<^ Droit de couper du bois; à Winterthur, exemption du péage,
tfo^ pctdr seize bourgeob extintiesl
*** Ce ^ suit esr tiré de la eh. deê^frtmekUeê de Neftwtbm!^ À hr mort
du plus JDlifen meaibre de la famille , on donnait la mfeiHeiire pièced?
bétail, et au soos-bailli le meilleur habit que le défunt mettait pour se
rendre à l'église on pour faire des visites.
**< « Tout ce qui est dans le temps finit ayec le temps. L'homme est
■ dans le temps et n'est pas étemeL U arrive de ïk que beaucoup de
• droits se perdent, parce que personne n'y songe. Afin de prévenir
« cetâ , nous svùiris r^otu , etc. •
**^ Lesr sèrfc ne petiteàt éUre employés qu'à une distance qiti leur per-
mette de rentrer au logb le soir.
*** Quand il s^agM d'un hôte , lé jngemcnt srpronolMedife imir ad Ten-
**' Un» MHdrfe sujette à corvée entteii«ir on urareau; ott doi»afii«
exempt de dJme, un verrat; une métairie ordinaiie, an bélier.
*** « Si quelqu'un veut s'établir chea nous , on lui donne du bois peur
• eonstniire une maison et quarante poutres ; il a droit à un moroetn de
■ terrain pour le labourer ou le laisser en p&turage. »
*** Cwweniwi avec ceux de Mandmeh au s^jet des bestiaux et du pa*
cage» 1468.
*<*^ Comfèktûm M mjH de la mitaine de Laafftn entre Tévé^ue Burk-
bard de Constance et Conrad de Fnlach , baillis, 1465. .
456 HI8TOIRB DB LA 3inSSE.
la réunion des forces militaires ^^^ et des autres res*
sources ^^^ en cas de danger public furent l'objet dé
mainte convention. A mesure que les grandes familles
seigneuriales déclinaient^ la ville de Zurich achetait
d'antiques villages^ autrefois leurs joyaux; ainsi ^
même au loin, en Thurgovie^ elle acquit d'une veuve
affectionnée à cette cité , les deux Stammheim dans les
fertiles prairies au pied de collines couvertes de vignes
et couronnées de bois **^. Fiefs saint-gallois***, ils ap-
partenaient autrefois à la maison de Klingenberg;
mais cette maison, ainsi que ses cousins de Klingen et
Hohenklingen , autrefois baillis et seigneurs de la ville
de Stein et du château contigu, libres *^^, souvent
puissans à la cour et dans le pays , commençaient à dé-
cheoir : leurs gendres*^® aliénèrent bien des domaines
et vendirent même son indépendance **'' à la ville de
Stein qui faisait leur gloire. Stein, bâti sur d'anciennes
ruines romaines , organisa dès-lors sa liberté ***, et de^
**^ Convention de Nvéque de Constance aeee Zurich , 1461 , déclannt
que les gens de ses juridictions inférieares dans le comté de Kibonrg,
ressortissent » corps et biens , de la seigneurie da comté.
*** Révère des Zuricoiê en faveur de l'éoéque de Constance, au sojet ôê
rimpôt dUbwiesen , dont il était bailli en même temps que Falacb.
Dumoht, t. UI, sect. I, p. 375.
**■ Figura Blctscfaerinn , femme Zipp ; en 1464* Stmnpf S54 • t;
Bluntschli; Rahn « V, 16. C'est la grande histoire de Rahn que je dtei
elle se trouvait parmi les manuscrits de la Bibliotbèque impériale*
•** Voy. déjàtl.ch. xn.
*** Ils possédaient beaucoup d'alleux.
*** Ch. du gentilhomme Jean de Bosenek à fVattenfels, sur le fief de Té^
glise de Bourg, 1468. Stammheim avait été hypothéqué.
*«7 En 1457. Fàsslin,Géogr. I, 158. Lea et d'autres.
*** Francbiée impénale pour l'élection du bourgmestre et du conseO,
1458. Ltu.
. UVAE IV. CHAP. V. 457
vint Suisse pour la défendre ^^®. Un bourgeois ven*-
dit ^^ à la ville de Zurich , la charmante vallée jadb
siège glorieux du baron de Seldenbûren et les petits
villages de la contrée ^^' .
L'Autriche avait perdu pour la seconde fois Kibourg
et même la Thurgovie dans la guerre que nous racon-
terons; Winterthur , épuisé par les efforts de la fidélité
la plus généreuse , était cerné par le territoire zuricois*
L'archiduc Sigismond , qui prévoyait Tinévitable des-
tinée de cette ville dans la guerre qui paraissait immi*
nente^ l'hypothéqua pour dix mille florins aux Zuricoiç,
en stipulant le maintien de toutes les libertés que ses
aïeux de Kibourg et de Habsbourg lui avaient concédées
par bienveillance ou par pénuri^d'argent^^^. Il donna
à la ville même une grande partie de la somme hypo*
théquée **^ pour les frais de sa guerre. Quand par Ta-
chât d'un droit souverain on pouvait agréger quelque
commmune à la Suisse^ pays alors glorieux^ sûr et bien
organisé, et que la Confédération y trouvait une nou-
Yelle garantie pour ses frontières ainsi que d'autres
avantages encore, aucun bourgeois ne refusait une
contribution volontaire ^^, et communément^^ la camr
*** Alliance avec Zurich (et SchalThoDse}, 1459»
"* Stallikon , Wettschwjl. J, H. Hottltiger. Spee. Tigur. En 1467.
*** Henri Effinger, à qui le couvent d'Engelberg, héritier da fonda
leur ( 1. 1, 326}, devait quarante florins sur celte hypothèque ; il acheta
tes domaines à l'enchère. J, J, Hoiiinger,
<** 1467. Edlibaeh , BuUinger, nahn.
••* 8,000 fl. selon Btt//inger; dans d*aatres manuscrits , iljaS,000
on même 2,000. Le premier nombre est vraisemblablement le plus
exact. Lorsqu'il renonça au retrait, Zurich lui paya cet^e même somme
de 8,000 fl.
*** BulUnger en fait l'observation à cette même occasion.
•»» Souvent , à Berne du moins, les seuls bouigeois internes et ester*
nés payaient de semblables contributions.
AS8 HOTOHOI D& LA. MSAB.
psgQC êmtfÊok leB propositions du gouvernenient y qin
FiMtruisHt paterAeilement de tout^^. Lorsque pour
adieter Winterdrar, chaque fièté de femJRe dut pstyer
cinq plapparts^^^ et qu'on établit un impôt pour qua-
tre ans*^9 des riogl-six mille ^^ sujets de la ville de
Zttrich les seuls qoi montrèrent de l'humeur furent
les hilbttans de Wedensebwyl et de Richterschwyl ,
queftokèrent des représentalioifs réitérées*.
Us s'imajpnaioit en qualité de sfujets de Tordre de
^ÊËÊÊà^ean pouvoir se soustraire anx obKgations impo^
jsiespasrlesdiarte»*^* Leffips chefs sacrifièrent à cette
^** Les ancieDS n'appelaient pas le pa^'san an Conseil ^ ce n'est pas là
#lflaoe;itaais on s'entreten!iit (bfsnlage avec laî. ÏÏs avaient unepoliti*
^pieér fMBHs «1 non ds ealrinéL «» Le pêyvênûet éSmocraties entrak
{oortant dais ks conseils. D* L« IL
**' D'après le pied de 14^5, on plappart zoricois valait t scheR»
iTftéUieifl il ataît plutôt un peu haassé. fFoêer^ de l'Argent, p. 108*
M» A voir dânla «A. ik •«&.
*** IFoMr * dana les Notieéê poUHtfim { Sêaât$aÊumgm)ié9Sch6hm^
t VI, tableaa des impôts. Les rapports sontremarqaables : Zurich coiiip«
lait 4,476 ftmes, Kibonrg 6,S46, GrQningen 2,i04, Andelfitigen 1,541.
€V aoKil^les peysh^ons \ta pfos fortes. 11 ^y trouve aossi 139 ftnfes deH
domaines du bailliage impérial ; et l'on voit que les gens des seigneois
JostiderB payaient aussi ; Bon^tètten , qui n'appartenait plus à ses ba-
roas', comptait fth âmes. La comparaison aveé les tableaux de popu-
Mfl«r dtee époqne postérieure fait voîf lei^pide accroissement sous la
isirtaaiioto ée Zorteh. StammheiVn passa sous Zurich avec 487 hâbltans;
en 1762 , il en avait 1195. A là premiers épôqœ , Staefa en compUît
4S0 ; à la seconde, 4«8S6. W«den$chir]1' s'ëtéva , d'ans le lAênle inter-
ttÈ^, de 951 & 6,474.
* Al piff»ojfaiei# qtlll n'en fésnileralt d'avantages que pour les tribus
éilK vîNè, pour lés monopoleurs. D. L. H.
*^ Lorsqu'en 1408 Znrich avait cédé le château à l'ordiiB , il ^étàît
^UktÊkiJÊÊÊê êimi^mmt^vtm iTOfr eoàmuAica It SdMer da vUds doc».
MMl!! D. L. ■.
vumB fv. mu. r. 459
iiite vaiae cru Intérewée la ptix de b jMim. A kmto
de 9^vea noenacw, le ebevali^ et bout^gmestre linn
Schwead ayaDt été envoyé avecquaraiilehdiiniaseiiobH
aervalioB au châteaii de Wadeitteliwyl^ ils ongayteont
Sebwyx, par de iausaes accuaftlkma^', à faine aqpfnroH
eher diiL fim autant de (roupea* Ce danger d'une guem
•ivile au uMMaent où TÂutridie eo prépamit une aotra
engagea Zoug et Glark à intervenir. Lee ZnrkaiÉ
occupèrent le paya rebeUa avec |dua de qninee oenii
hoMnea^^^ ; ka agitateurs s'enAûetel sur le tavritaîre
Schwyzois; les baoniéresi, aépaii^ par le mviK d'isi
torrent, étaient en préarace et se nargndent^^; Jean
Ifeysa, animé du patriotisme dont son onele avait péra
vidifliay prévint avec peme l'effunon du sang« La Gno»
fiidérati(H» suisse apparat alors dame sa justice et sa dirf
gnité* L œuvre de h mlence^ indigne d'kenunteKhns^
doik être évitée tantcfae le droit peut inre cottiidre sA
voix. Les Confédérés pressèrent les habilans de Wae-
doMehvrfi de comparaHre^ pour répondre à la ville,
devant un canton que Zurich choisirait , et engagèrent
les Zuricois à ne pas dédaigner de se présenter aivec
leurs déléguée devant le conseil de Berne, (ftt'ib Am^
sissaient pour arfaitre^^. Schvryz s^absttnt dès qtte Itf
voie juridique fut ouverte. Les Bernois s*adjoigniren£
les Cantons les moins suspects, Schwyz mème„Uri,
tlntecwaUea et Zoug^ etpronûoeèreat^^^ avec fecmeté
■
céservé. 1» droit de l£¥er des impôts^ LêM, diploniaUqaeiatiitwnrr (\wm
çoiÊQtla de cliosn» swUNit qa»ud il s'ag»! de Zurich..
Ml xu accHteot Zorichde voutak saQpaqfitf r PfieIKboOr B^km*
*** Haffner, 2,000; Rahn, 1,500, ce qui est pins Yraisemblafele*
*** « Us Be T^ardtfieaL comme chiens et chats. • Edlibach.
*** EUpcession de WcL; W»deii8chw|l en envoya sept.
*'* Frontmeé du Bernois pour Wœdenêehvs^i^ 4 4ai|i iiS3, dam
Tê€kudL Poat le reste, voy. Edlibackei BuUinger.
460 HiSTOIftB pB LA SOMS.
et sagesse une sentence juste à Tëgard de la ville, clé-*
mente à Tëgard de la campagne : celle-ci, selon lor-^
dre, paierait les impôts communs, mais ne serait pas
recherchée pour cette querelle ; le manque de lumières^
la séduction ou quelque autre circonstance semblait
peut-être les excuser. On voulait que le gouvernement
conservât son pouvoir légitime, le campagnard ses
bonnes dispositions. Qu*on se garde de l'écraser ja-
mais^ son courage est le nerf de la patrie *.
L'énergie, la sérénité, le progrès, sans inimitié contre
l'ancien ordre , régn v^ni à la ville, à la campagne. On
vénérait encore le chef spirituel et temporel de l'É-
glise ^^; on respectait la noblesse de la naissance quand
la noblesse morale la relevait^^''. Le campagnard chan-
tait encore les aventures des anciens temps ^^^, et de
bons citoyens compilaient les annales de la patrie ®^^.
Les livres allemands se multipliaient ^''®, et la liberté de
* Comparez cette conduite à celle qu'on tint envers SUtbi et Uoigeo
en 1795 et 1796, et plus tard en 1805 et 1804. D. L. U.
*** Vers latins à ce sujet dans ff'ûpU,
**' Le même cite ce couplet d'une chanson allemande : « Celui qni est
> noble et bon , qni est pieui et vertueux, juste , modeste et clément,
• appartient à la caste de la noblesse. La noblesse méprise-t-elte la tai^
• son , elle descend dans la tribu des paysans. • Et ailleurs :
ffobilif est cunctuf qacm nobiUUt tua Tirtut.
'*' Histoire de Thierry de Berne, qui se mesura avec les héros. HSplL
*** « Le sire Jean Hftpli a terminé sa chronique , samedi avant St*
• Thomas, 1463 , pendant qu'on sonnait les compiles aux Chartreux. •
EHe est extraite, pour les anciens temps, des chroniques d'Eberhard
Mftlhier et de Jean Erhard , de Rheinach , tous denx chevaliers ; pins
tard, il la composa de son propre fonds; elle est bien écrite et avec in-
telligence.
*'^ Nicolas de Wyl , de Bremgarten , maître d'école à Zurich , élève de
Uemmerlin, traduisit, à la demande de personnes nobles, dix-huit on-
Wiges (depuis 1461). Dent» , CariosUéê de ta Bibliothèque de GarelU.
LI7RB IV. CHAP. V. 461
leurs plaisanteries excilait à les lire^^^ Xia scieoce était
récoiQpensée par des droits ^^^ et des places ^''^ ; on s'ap-
pliquait surtout à développer l'adresse corporelle, sans
laquelle Thomnie le plus Sage et le plus courageux est
emlitarrassé. De là des invitations amicales ^''^ aux cita-»
dins et aux campagnards , aizx habitans des villes et
des contrées voisines habiles à l'arbalète , à la course ^^^
au saut^''^^ à lancer de grosses pierres ^'^'^ ; on proposait
comme prix^ des chevaux ^''^^ des bœufs ^''^y des coupes
d'argent ®®^, des anneaux d'or ^^*, du drap^*% de l'ar-
gent; on établissait des lois^^^ et des juges du com-
bat ^^* } et ainsi^ à l'instar des anciens Grecs ^^, on per-
*^^ n traduisit en ià6S, entre autres llibtoire de deux amans, par
.£n6as Sylvius , « lascivam nimis prarientemque bistoriam , > dît iEnéas
lai*nkénie«
^^ Gaspard Schnéebeiger de Landshat , habile chirurgien, reçoit ea
i A 69 la bourgeoisie de Zurich. RegUtre des familles turicoises dans Tés-
trait de Jean Sekoop,
V* Wyl devint secrétaire du conseil de NnrendDerg , greffier manier
pftl d'Esslingen , chancelier anliqne dans le W&rtemberg. Denis*
■ *7* Invitation de Zurich à Glaris, vend. ap. Marguerite , i46S. Tsehudim
*^* L'espace était de âOO pas.
*^' 3 sauts , chacun de 8 distances , avec Tescousse, sur nu 8eiilpie&
*7' Lancer trois pierres à trois distances.
^* Valant 14 , 16 et 20 florins.
*'* De S, 10 et 12 florins.
M« Valant 6 florins.
Ml De 2 florins.
**^ Voyez le programme de 1465 cité par Stalder, Hist. de l'EntUbueht
t. U; on y trouve du drap noir d'Ârras . \]u rouge de L&nsch ( Li^e?),
de Hérenthal (au Brabant), du drap français, etc.
*n Eatre autres, Tarbalétrier devait tirer d*un bras libre , en sorte que
la croaae ne touchât pas son épaule, ni ia def sa poitrine » et ne tirer
qu'une seule flèche , portant sa marque. CA. 857.
tt4 « Gens honorables de notre ConseiL »
*** Lancer ou soulever de grosses pierres était une ancienne coutume
juive , « per omnem Judcam vêtus consnetudo. » St* Jirâme sur Za«
40i Hmom db îa imtB.
fctthMmrii yar V ënmkti w^ Tint dt m iékmif^, le pM»
BUtr àeè arts amt yeux de lIiomBQe Vbce^ Kon bmIbs
nlSts et ntgmfiqiiet farittaieiit les jonn des grattdi
tavvnois qoc les ckeratier» et les seigneurs donnaiewt
àieors amis ^^. De pareils exercices, qui fwlifiaMBl h
èei^i le esvrage et Tesprit fraterad , et qui doiuaaîeiil
t la ine Bs ton mâle , serraieiiC mieux la patrie et la
digmté humaine que le mëcanisme assoupissant dans
lequel le eommun des chefe voit l'essentiel de l'art mil»*
tabre. £nlre deux armées dont l'ime a plus d'âflue, la
i^otoire ne saurait être loag-^temps douteuse *•
Du reste, alors aussi se commettaient des crimes^
et des innocens subissaient la torture ^^, tandis que les
im^pabl^ décoraient leur proie.
Les Zougois saisissaient toutes les occasions d'acheter
tes droits de seigneurs étrangers sur leor territoire •••.
Slls vénéraient dévotement Thostie, seule demeurée in-
IMto 9» wilieu de rinaendie de l'église paroissiale^^,
cbarie iS, décrit clairement cet Dsage. Ge»4Hr«r8 ssetciceafe retrouvent
ikm 9»'SV|»4 Bombc» dft peuples; mtM lea jau Olympiijpies et leur
chantre ont mérité que tout cet art porte le nom dea Grecs,
*•* Edlibach 1407 parle du grand toanMils de 2aiick Lt aiie Tlifl-
ring dHEptingen y prit part. Parmi les ZuricoisfetiDorètfsnt toScaTiiMid,
Escher« Meyss, Muller*
*{éw« AysterJitz, IJlm» Eckm&hl , Friedland , Ejlan, Wagram. Lo
%Yeuglc9 continuant à Tètre. p. L. H.
•»' Le sacrilège de i46Ç» Hi^i^gv, H^ £. II. 44^. Le ^and tqI de
4i doimcu JM(Â4«f4 14(69»
' »» m BawmipéB towws §&êê fsisnlj giiwMwBf ul t&ttmék p— p «is.
mais on ne découvrit rtn. » Bdlibseli.
*** Achat des biens des Sêgesser et de la dhne taTijoe de Bonstetteo ï
Sfiîntiausên , en ftivenr de Zong, ft4St.
*'^ fVemer Steiner dans HoUingêr II, 4S9. En 1457.
trie le^ nwnastllre^ U$ plu» r«$pectabk$ ^^
La viUa deLuoerM^ vërii4l)I«Bent siiÎBte éefuk qa%
les anciens droîts d^ la Baaîson d'Autriche ^ t'ëtaÎMik
éteinte à la suite des évënemans^^^^ s'emMtfssoit onnme
il sied à la ca{>itale d'un pays libre 9^* Stte faissîl êm
acquisilions^^^ ; les bourgeois diéfeadaieut leurs dmlfts
canire le conseil ^^ et la ville eontrfe la campagne^.
On soumettaii; à Tarbitrage des Confédérés les droite
douleuj^. Lorsque séduic par des propos de cabaret ,
Wmggia brava h poliae de la ville , les Lueemois s'y
rjendirent dans leurs barques, emmenèrent les orgueii»-
leu(p9F^ans^ et les enfermèrent dans leurs tours jusqu'à
cf» qio lee Çqpfédérés médiateurs» eussent obtenu par-
don e( obéissance ^^* Les giMiverneteens ner iHUJgneieiii
pas aIot* l'intervention fédérakj e^lie oonsotidait le
IjençomoKinf la vanité d'états ind^ndbms s'est iMmr^
rie aux dépens des alliances.
w jR«nif db iMurmê, wùmvF. ap. St-Iftrc USS , concqmntle diffé-
TCodavee EiasklleD as ««îetdM jetliceB de la montagne de Zoog, dam
T$€httdL
MS T. IL StS etauÎT.
^* Bs foreel iocorpovêi an profit de PEmpire en i4iS ; le tel Slgb-
mond les Tendît prabaMement Têekadi, n , S75 , è l'an i4ft t » namt»
dana nn espiî* de patrioUime et de critîqne hiaUnriqoe la manière dont
la réMrva fet efiiaeée dam l'aete d'aHianee. La même chose eat lieo I
Zoog.
<** Bn MSA on p»va Looeme. Balihtitar, EtepiicaHom en tMêaam
4b p9mi de la ekmpéUê*
Mf La haele Joatiee de Tviengen des BSneclc et 4Sea afojenjdo Leai-
beuy, â455 et 89. Lm, iVofiM MU- 5<fiifar 5f7.
•*• Hagker, a. 146».
**? Iteoèa contre le distiiot de Mcyenbcrg an 8ii)et d%ne ntoceasion
USUL Jàê€éê de QmêUUHê, Me. fin. dane Ttekadi.
*** iA65. Têchudi, H, 658. U facilité avec laquelle 8dkWf%. céda
pronte qne Lnceme n'avait pas tort*
464 HttToias DE hk smssE.
A cette époque le HasB de l'Entlibuch racheta sa
liberté ^^. JLta petite ville de Soursée^ fière de la pro-
tection fédérale , invita cordialement à nn tir^^.^ Le
campagnard ne prêtait pas volontiers serment à des ec«
clésiastiques^S ^^ Béronmûnster put à peine sauver ses
vases et ses meubles précieux à Taide des foudres pa-
pales ^^. La vie régulière avait dés long-temps cessé
chez le clergé de St:-Léodegar à Luceme , avant que le
seul moyen de salut^ la conversion des moines en collège
de chanoines^ reçût Tapprobation du pape Calixte^^.
L'âme du conseil était Henri Hassfurter^ éprouvé
sur les champs de bataille et dans les affaires , vienx^
mais seulement par le nombre des années ^^, légèrement
boiteux I mais excellent général* Il surprit un homme
dormant dans les bras de sa femme ; Toutrage eût ex-
cusé la vengeance ; il se maîtrisa , plaça son flambeau
et suspendit son épée auprès du lit, puis laissa à la
«M En iA5S ; il sTafiniicfaU de la haute justice de l'ordre tealonlqne
et de la dépendance de Tégiise de Menznan. Schnydêr, Hki. de CEiaU'
bueh, I.
*** ItufUatian de la même année , dans StaUUr : « Mous prions votre
• Sagesse avec de sérieuses instances de vouloir bien envoyer vos tireurs
B à ce divertissement , et aussi vos voisins de les accompagner. »
*^^ Plainte de maUre Henri de Gundelflngen, prévôt de Minêier, portée
devant Luceme : les gens du district de SL-Michel lui refusent le ser-
ment, quoiqu'ils le reconnaissent pour leur seigneur; 1447.
**^ Le- pape Pand II, en 1467, commet les prévôts de Luceme
(Schônen ) Werd et Zofingue contre les usurpateurs (que le coUége-ne
voulut pas nommer) qui s'étaient emparés « monilium, tasseanim • d'or
et d'argent, • zonarum textarum, perljurum, culcitrarum, scnltello-
• rum«.»
*«* 1455. Voj. Baltha»ar{TU 894) et J. J. Hotting&r, U, 4SS. U existe
du premier prévôt , Jean Schwdger, une convention fondamentale avce
la ville , la lettre de Schweiger.
0 '** Déjà en 1430 , dans le conseil. Leu.
^IVUE IV. CHAP. V. 465
justice son cours; plus un homme est puissant^ plus il
doit se maîtriser^*.
A Berne, environ sept cents maisons ^^ étaient habi-
tées par onze ou douze cents pères de famille et loca-
taires •^'', et les bourgeois externes payaient plus de trois
mille florins pour leur contribution spéciale ^^. Dans
les guerres la moitié ou le quart des bourgeois prenaient
les armes ^^y en sorte que la dixième partie de l'armée
se composait de citadins de naissance ^^^.
On élisait chaque année comme chef de la Répu-
blique un avoyer, rééligible seulement après deux ans
d'intervalle ^^^ La ville se divisait en commune supé-
>«> £d 1465. 2?enfifv. Cysat dans Haller, Bibl. VI, 4S5. On fit alors
cette bi : « L'homme qui en surprend mi antre auprès de sa femme en
» flagrant délit et qui le tue , sera réputé innpcenL • Elle a subsisté
jusqu'à nos jours.
M* 688 et les granges. Livre des contribution de 1466.
••7 1084; ibid, mais en 1448 , d'après le râU (sous les voûtes de la
chancellerie ) , y compris les couvens , 1186 ménages. Dans le recense-
ment de 1446 {J. L. de fVattewyi) on ne compte que 752 ménages,
probablement des propriétaires de maisons seulement. Le nombre des
maisons avait peut-être diminué en 1466 , parce qu'on en avait agrandi
quelques-nnes en en réunissant plusieurs; ou bien celles du clergé ne
furent-elles pas comptées en 1466 ?
*** 3354 dans le livre de» contribution» A. 1466.
*** On compta 761 bourgeois en 1474 : Wattewyl. 311 partirent
ponr la guerre de Fribourg en 1448, Mantuerit» de Bueker; en 1449
seulement 202 , WattewyL 298 vont à la guerre de Mulhouse en 1468.
Aux batailles contre les Bourguignons on trouve à peine les 2;3 de ces
nombres , 181 , 174 , 165 , 184 ; les autres étaient commis à la garde des
passages et des châteaux.
•i« 2700 campagnards prirent part à la guerre de Mulhouse, où il n'y
eot, comme il vient d'être dit, que 293 bonrgeob. » Et néanmoins
ces citoyens de la campagne , dont le sang coulait pour la République ,
forent dégradés , devinrent, non pas citoyens de celle-ci, mais sujets
des bourgeois. D. L. H.
»" Loi de 1446.
VI. 3o
466 HISTOIRE DB LA. ftUISBB.
rieure et coinhiune inférieure '^^, chacune d'elles en
deux bannières ; à chaque bannière était adjoint un tri-
bunal; les abbayes ou tribus des boulangers, des ma-
réchaux> des bouchers et des tanneurs ^^^ nommaîatit
chacune un banneret pour quatre ans au plus '^^^ en
sorte que tous les ans on en remplaçait un alternative-
ment dans les bannières supérieures et dans les infé-
rieures^'^. Les abbayes des bannerets avaient le pds
sur celle des gentilshommes^'^. Ces tribus n'étaient
pas les corporations d^artisans, mais elles les renfer-
maient; celles-ci avaient leurs ordonnances^ utiles
pour la police municipale®^'' ; on punissait rigoureuse-
ment les contraventions®'^. La suprême autorité appar-
tenait au Grand Conseil, représentant®^® les conseils
et les bourgeois ou la communauté de Berne ®^®, et ap-
pelé suivant l'ancien usage les DeuX'Cents , bien qu'il
9is Chacune avait son boai^^mestre ; Toflage des biens comnhnnaox
était le principal objet de leurs délibérations.
^^* Autrefois ils étaient éins par les bannières; depuis environ 14S0,
par ces tribus.
•>* Loi de ihhS.
*'* Loi de iû37. HalUr, d'après les ooUectionB de Waltewyt , BibL
IV. 337.
•" fVattewxL
**^ Ordonnance de$ tanneurs sur les rapports des' apprentis avec les
maîtres , i450« On les engage publiquement; nul ne peat «voir en sa
garde plus de 30 schellings ; chacun sert pendant trois ans et donne à
son maître 12 muids de seigle , etc.
'** Ordonnance des boulangers lorsqu'on fit les pains trop petits;
1666. Stettler,l, 188.
'*' Ch, 1&56 , 21 juin, entre 9 et 10 heures do matin : • Noosl'avojer
> et les conseils de la ville de Beme, assemblés, ii rordinalre , dans la
» salle du conseil ; repréwentant et tenant notre coneil. »
*** Ces expressions sont syiionjmes. Voy. la Uiîre de frmMhm de
Brougg, 1447 ; là tantôt ce sont l'avoyer , le conseil , les deor-cents d
toute la comnuine qui parlent; tantôt la commune est omise.
LIVRE IV. CHAP. V. A67
comptât souvent plus de trois cents membres ®^^ Il
était élu par l'avoyer et seize citoyens des bannières ^^^,
de concert avec le Petit Conseil ^^^ quotidien. Pendant
long-temps on ne prit pour règle dans ces élections
que la capacité et le dévouement au bien de la ville ^^♦j
celui qui n'était pas bourgeois pouvait le devenir au
bout de quinze jours ^?^; enfin on élut les grands con-
seillers parmi les citoyens et les Confédérés domiciliés
à Berne, les uns depuis cinq ans®^^, les autres depuis
dix^^^. Les bannerets choisissaient dans les conseils •^®,
pour l'administration de» seigneuries acquises et pour
la garde des châteaux, des baillis qu'un salaire de cent
florins ^^^ indemnisait de la perte de leur temps ^^.
^^ En 1458 ils étaient 857, en 1466, 526. fVattevByL
^ Loi de 1457 , n. 915.
*^ n figare pour la premièi^ fois dans ces élections en 4458. fVaî-
iewyL 8S3 Qui loi en avait donné le droit? D. L. H.
*>* C'est là la véritable aristocratie qui suppose la manière d'agir la
plus libérale. Si elle était restée illimitée, et qu'elle se fût toujours asso-
cié des hommes de la campagne ou du voisinage , elle serait restée ,
sinon inébranlable (car rien n'est inébranlable en Europe quand la
souveraine puissance se permet toutj, du moins élevée au-dessus de la
calomnie et de l'envie , et elle aurait été mieux conseillée. = Il n'y a eu
ni envie ni calomnie; on a prouvé à l'Europe les torts de cette aristo-
cratie; elle n'a pas osé les nier; on a reprb son bien. D. U H;
•s» Loi de 1458.
*^ Contre les booigeois externes.
•S' Loi de 1461. s Etait-il sage d'abolir tout cela arbitrairement ,
paice que nul n'osait réclamer ? D. L. H.
•» Depuis 1457.
*^* 1464. fVattewyL Le premier bailli reçut pour la garde du cbftteau
50 livres et une égale valeur en blé.
*** c'est pour cela qu'en 1470 Frmnklin se frfaint de ce que le bailliage
de Lenibonig lui a fait négliger s»n métier de pelletier. » VE$êai but
la canttiittiiom dm Pay-de^Vamà et lee Mémohu de Hm»i Manod dMitien-
neot ks preuves du scandaleai^ Partage des revcooi de l%tat entre les
468 HISTOIRE DE LA SUISSE.
A Berne on jugeait chaque semaine les causes des dis*
trîcts de la campagne ^^^ et, tous les trois mois^^', celles
des bourgeois externes plus éloignés y de peur que la
justice négligée ne fit recourir à l'intervention de tri-
bunaux étrangers ®^^- Ce recours était contraire aux
franchises de Ui ville ^'^^; on n*aspirait à rien autant
qu'à l'indépendance ; sans elle , ni ordre^ ni repos ni
aisance progressive. Aussi le serment national enga-
geait-il à éviter la protection , les combourgeoisies et
les guerres des seigneurs étrangers^^^. Les conseils
s'efforçaient incessamment.d'engager les seigneurs jus-
ticiers ^^^ à éclaircir les droits, afin que rien n'entr&vât
la police générale. Car dans le désordre qui accompa-
gna le déclin des ducs de» Zseringen , la chute de la
puissance impériale et la faiblesse de la seconde maison
de Kibourg, chacun s'était fait donner ou avait pris
ce qu'il pouvait défendre . dans ses rapports avec ses
égaux et avec Berne. A cela se joignit le vague des tra-
ditions et des formules vieillies. Le gouvernement du
pays cherchait à se tirer d'affaire par des enquêtes ^^"^ et
des conventions à l'amiable ^^^; à la fin il fut formelle-
72 familles gouvernantes; Mullînen et cfËrlach n'ont pas osé les aUa-
(|ner. La révolution a révélé la majeure partie de ces vices. D. L. H.
^*^ Tribunal hebdomadaire.
''' Tribunal des Quatre-temps. Nouvelle ordonnance qui les concerne,
1467. •
'^* Protestation auprès du tribunal de Rotltwyl, lorsque Killan de Wa-
bern , bourgeois de Berne, y fut cité, 1451.
'^* Renouvellement par Frédéric lll, 1454.
''^ Serment national, 1465 , d'après un manuscrit de Tschamcr.
**' En allemand Twingherren; Twing, Dcitg, signifie juridiclion.
"7 Pierre Sckopfer Cancien fait en 1459 , dans le district de Seftigen,
une enquête auprès. de 364 personnes.
''* Convenù^n au sujet des iribahaax dans les villages dépendans de
LIVRE IV. CIIAP. V. 469
ment reconnu * que le droit de convoquer des assem-
blées^ de faire des ordonnances ^^^, de connaître des
crimes capitaux^^^ lui appartenait exclusivement, et
Ton détermina sa part aux successions fortuites ^^\
aux bêtes sauvages ^^, au gibier^*, aux essaims d'a-
beilles^**, au bétail égaré ^*^ et aux trésors ^*^,
Les plus grands avoyers et conseillersde Berne étaient
eux-mêmes seigneurs justiciers, et ils ne regardaient
pas comme des sacrifices les offrandes qu'ils faisaient
au bien public. Faire pour la patrie plus que tous les
Berlboud et dans ceux du comté de Wangen, et de la seigneurie de
Trachselwald , 1^00.
* Violation des chartes' nécessitée par la succession des siècles. Pour-
quoi respecter les chartes bien plus importantes qui flétrissaient la grande
masse des habitans , lorsque la succession des siècles commandait d'abro-
ger ce qui ne pouvait plus tenir? Toujours deux poids et deux mesures.
La révolution de 1798 a décidé tout cela pour le moment, mais sans
avoir sauvé la nation. D. L. H.
*^* Ordonnance et défense.
*^ Pourvoi, viol, incendie, meurtre, violation de la paix garantie.
Les cas d'homicide loyal (en combat public on par accident) étaient
annoncés au gouvernement après la mort du blessé; jusque là le meur-
trier était libre; comme à Rome, il pouvait se soustraire à la peine par
un exil volontaire.
9A1 Des bâtards et des étrangers. Cependant ils pouvaient tester. C/i.
n. 938.
*** Les ours et les autres animaux sauvages et dangereux appartien-
nent au gouvernement; pour le reste, les districts (n. 937) conservent
et peuvent garder la chasse du gibier.
*** La chasse aux oiseaux.
*** Les essaims errans appartiennent moitié au gouvernement , moitié
à celui qui les découvre (n. 987).
**^ Bestiaux ^arés et paissant dans des pâturages étrangers. Au bout
de trois semaines ils appartiennent au gouvernement.
*^* 1;5 au gouvernement, 1;S à celui qui les découvre, 1;3 au pro-
priétaire du sol. On a découvert bien des richesses enfouies à la chute
de Rome, lors de l'invasion des barbares et pendant les guerres.
470 HISTOIRE DE LK SUISSE.
autres était leur orgueil ; le titre de bourgeois de Berne,
leur récompense *• Tel se montra le vieux Henri de
Bubenbergy souvent avoyer^*^, médiateur de la guerre
de Zurich, et son fils Adrien^ guerrier intrépide, accou--
tumé dès sa jeunesse à sacrifier tout à sa patrie. Lors-
qu'il amena des troupes à Tévéque de Strasbourg pour
une guerre du duc Louis de Deux-Ponts , frère de ce
prélat ^^^^ afin d'épargner à Berne toute fôcbeuse com-
plication^^®, il renonça pour le temps de son service
à son droit de bourgeoisie ; bientôt il se brouilla pour
la solde avec l'évéque *^ au point de lui déclarer la
guerre. Quoiqu'il ne relevât plus du gouvernement
bernois ®^^, dont Tautorité, à son égard, se bornait à
garantit* la sûreté des routes commerciales à l'époque
des foires ®^^, Adrien de Bubenberg écouta Berne qui
intervint : il posa les armes et confia sa cause à sa pa-
trie ®^^. De la maison d'Erlach, Ulrich, seigneur de
* Gai certes ils eurent des grands hommes, mais lear postérité se
corrompit, et Tesprit qui animait les pères cessa d'animer les eafans.
Voyez le poème de Haller sur les nwun corrornipuâs. D. L. H.
*" Pour la première fois en 4447, pour la dernière en 1463 ; LUtê
des avoyers par Vavojer actuellement régnant , M. Frédéric ds MulUnem.
*" Peut-être contre Télecteur palatin auqoel le duc Louis fit une
guerre malheureuse. Pareu», hisU PaLaf. 189; edit. Joannis.
'*" Les Confédérés éuient dévoués à cet eicellent électeur, et les
bourgeois de Berne ne pouvaient prendre part à aucune guerre non
autorisée par la ville.
'^^ L'évéque était très-économe. Pareaa, 182; la gueire avait ma.
réussi. Les Wirich d'EpGch avaient prdiablement été cautions (Sckê^^
flm , AU, ilL , II , 678 ). C'est pour cela que StettUr es mentionne dans
cette affaire.
*^^ Réponse de Berne à l'épéqae de Strasbourg : que pout le présent il
n'était pas leur bourgeois ; 1463 •
•» Zurzach et Bade. Lettres de Berm à Bubenberg dans Stettim:
*^ 1405 SHttUr, I 185.
LIVRE IV. CHAP. V. 471
Wyl, souvent général, souvent avoyer*^*, siégea plus
d'un demi-siècle dans le conseil ^^^. Gaspard, de Tan-
ciemifi maison des chevaliers, de Stein, seigneur justi-
cier aussi ^^, et son frère étaient avoyers l'un à Berne ,
l'autre à Soleure. Nous avons vu Tavoyer Rodolphe de
RingolUngen figurer dans les guerres de Zurich et de
Fribourg» Superbe maison ^"^ à Berne, entourée (chose
rare I ) d'arbres et d*un jardin potager ; seigneurie de
Landshut; nombreux fiefs, dépendances militaires ^^,
patronages ecclésiastiques, vignobles ^^^ prairies^
coupes précieuses (souvenir du dauphin Louis ^^), cui-
rasses ^ armes , chevaux, sommes placées dans beau-
coup de villes^^, tout était passé à Thûring, son fils,
qui , bientôt avoyer aussi ^^, unit à la gloire politique
et militaire la gloire moins commune des belles-
lettres ^^« En mourant , le père songeant à son
*•* Dei>uis iàhà. MSlUnen.
*** Depais 1414 ; il mourut en 1465.
*** A Strstliogen , co-scigneur de Belp. MuUinen.
**' Dans son te$tament de 1456 , il nomme Tappartement intérieur;
chacun n'en avait pas plusieurs.
'*' Contrées dont la milice était tenue de le suivre à la guerre.
*** A Gléresse sur le lac de Sienne , à la Neuvevitle et an Landeron.
*^ Dont une près de Berne.
*** Pfiobdileiiienten lonvenir de la paix d'Eintisbeim ; il y en svait
ni.
**> n avait 60 flor. en obligation perpétMlle contre Sefaaffbcase et
Winlertbur.
•" 1458.
*'* On a de lui une traduction de YHistoire et aventures de la noble et
belle fié Méltuiné, de laquelle descendent les rois de France. Il nomme
comme auteur Guillaume de Portenacb , comte de Poitiers , mort le IS
mai 14M. H dit qu'un d'Erlach avait vu l)eaucoup de ch&teaux de Mé-
Insine (nous en trouvons un dans Brantôme) ; qu'il avait été encooragé
à traduire par le margrave Rodolphe (de Neuchfttel) , « qui sait la lan.«
472 HISTOIRE DE LA SUIS31B.
âme®^^, à sa mémoire^®, à sa maison ^^, à ses enfans
illégitimes ^^% à son fidèle serviteur^®, n'oublia pas la
République ) il ordonna qu'à l'extinction de la branche
mâle de Ringoltingen l'usufruit de Landshut appar*
tiendrait^ il est vrai^ aux ecclésiastiques et aux pau-
vres ^^^^ mais la haute justice à la ville de Berne. Nicolas
de Scbarnachthal ^ chevalier^ seigneur d'Oberhofen,
inspirait aussi le respect comme avoyer de Berne ^^'.
La première fois qu'il sortit de charge^ il eut pour suc-
cesseur un jeune homme de trente-quatre ans 5 grand
d'esprit et de courage^ Nicolas de Diessbach^ seigneur
de Worb, que nous verrons contribuer puissamment à
changer la situation de la Suisse entière et de l'Europe.
Il venait de sacrifier, comme Bubenberg^ une guerre
personnelle au vœu de la ville. Elle était dirigée contre
le sire de Ghémen; Westphalien, vassal de Clèves,
qu'il avait fait prisonnier pour refus d'un paiement ,
sans craindre le tribunal véhémique dont ce seigneur
gne mieux qne moi, » ajoute-t-il. La traduction fut achevée jeudi
après S t -Vincent iA56. Nous en avons vu à Maycnce dans la biblio-
thèque des Jésuites une édition de 1472, et à Vienne une édition d*Augs-
bourg de 1543.
"'^ Il donna une bonne dime pour une messe perpétuelle dans sa
propre chapelle.
'** Une lampe perpétuelle sur son tombeau dans Tégliae paroissiale;
les chevaliers de Tordre teutonique devaient faire annuellement une
procession sur son tombeau et sur celui de sa femme Paula de Hinnwyl.
^"^ Inaliénabillté de Landshut et de ces coupes.
*" A chacun 200 livres et à Talné des meubles et deux lits.
■
980 A celui-ci un cheval et .une cuirasse de cavalier.
*'* A l'ordre de St. Antoine et à dix mdigcns qui dewent recevoir
chaque jour du pain, de la viande ou du poisson, du fromage, de U
caillebottc et une bouteille de vin.
•'* 1464. 66, 69. 72.
LIVRE IT. CHAP. V. 473
était membre ^^^. Les de Diessbach avaient des relations
de famille ^^^ dans la Basse-Allemagne. Mais dés qne la
patrie le demanda^ il consentit à un accommode-
ment®^*. Le baron André Roll de-^nstetten®''^, ri-
che ^^^, vaillant et appréciateur des sciences^'''', beau-
frère de Bubenberg , fut conduit par cette alliance à
Berne®''®, où ses enfans s'unirent aux plus grandes
maisons®^®. En considération de ses propriétés loin--
taines ^^, ce Roll de Bonstetten n'entra jamais au con-
seil; les seigneurs-justiciers, les Scharnachthal, Buben-
berg, Diessbach, Ringoltingen , siégeaient avec une
dignité bienveillante à côté de sénateurs que la faveur
populaire ou le mérite avait tirés des rangs inférieurs
de la société ®*^ ; le margrave de Hochberg, les comtes
•'S Voy. Kopp, sar tes tribunaux secrets. II fait voir qu'ils n'abusèrent
jamais autant dd leur pouvoir qu'à cette époque-là. '
*'* Son oncle Louis avait épousé une dane noble de Roose , du paja
de Cologne. Ch, 1463.
*7* StettUr, à l'an 1460. Mais je Tois par une #/i. de 1 46» que l'afikiie
n'était pas terminée à cette époque.
<7» Fils de Gaspard et d'Elisabeth , baronne de Sax.
*'* L'archidoc Maximilien était son débiteur en 14S5, l'Empereur en
i4S9. Ch.
*'^ Son iils Albert reçut par ses soins une éducation qui en fit le Suisse
le plus savant de son temps. Un jeune fierrmann de Bonstetten mourut
à l'université de Paris. Ecrits de Bonstetten*
*'* Il avait épousé Jeanne , sœur de celui-ci. Il devint bourgeois de
Berne en 1468 , et mourut en 1495.
*'* Son fils Béat épousa Barbe de WaUewyl; sa fiUe Vérène , le sepood
ayojer de Scbamachtfaal ; son autre fille Agathe , George de Stein et
Louis deBiessbacb.
**" Les thariee nous le montrent habitant sontent Uster et son domai-
ne héréditaire à Sax.
*'^ C/i. concernant les Diessbach, 1465; Henri de Bubenberg , âvoyer;
Wa ttewyl ; le vieux Schopfer ; le vieux Bruggler ; Frenkli , trésorier , elc
CA. au sujet Jt an champ au Sulgenbach» 1466 ! Le pieux et noblo Pierre
474 HISTOIRE DB LA 5U1SSE.
de Gruyèi^e ^ de Sulz , les seigneurs ecclésiastiques du
pays, les Hallwyl, Cleraiont, Vergy, LaSarra, Esta-
vayer, et les libres communautés de la campagne^
trouvaient leur sûreté dans leurs rapports de combour-
geoisie avec eux. Cette vie politique fait l'éloge de la
sagesse de ces nobles plus encore que de leur vertu.
En ce point aussi semUables aux Romains ^^^ ib li-
raient leur puissance de leur soumi^^n à Dieu ; par
elle intrépides et respectables , leurs ménagemens pour
les formes de leur temps ne les rendaient pas {Jus mé-
prisables que le vainqueur de Zama^^^. Ce fut un
beau jour pour ce vieux Berne , que celui où Thomme
d'affaires des Diessbach, dans le pays de Cologne ^^,
rapporta dans sa patrie la tête long-temps désirée ^^
du patron de la ville ^®''^, enlevée par un vol pieux •*• ;
lorsqu'il renouvela cette joie en envoyant de Rome des
ossemens des dix mille chevaliers ^^, on le récompensa
par un emploi qui rapportait cent florins ^^«
Kklier , bsimerel et membre du conseil (bonoher de son métier). ilf«-
nuerUê dé fVilUuUng,
**^ RâU dêg conirihuiwtÊt ih96 : Le eomte Jean d'Arberg (Valangîn)
posi^Ml snr la douane an revenv de 900 florins; les habitans de Cbi-
tean-d'Oex; les de Béronmunster; Wolf, grefiier de Gessenay ; Nicolas
ravenlnrier.
'*' f Dis te minoiem qnod geris, imperas. » Horai* QI , 6.
*** Voy. Polybe et Tite-LWe qui a écrit d'après lui.
»» Nicolas Bail.
*** Auparavant on avait tâché en vain d'obtenir en Avagon qoelqve
rdxqae de lui. Grunêt, Délie. Berm.
»» St Vincent
*** t Un brave homme l'enleva par mse an péril de son coifa et ée
sa vie. • T$ehaehâian. Voy. celte histoire dans SMtUr. Elle arriva en
1463.
*** La vidolre de Laopen fuX remportée le jour de leur fête. Ces osse-
mens arrivèrent en 1464.
^* il Ait fait d'abord avoyer de BOren avec un rovenu da SO livres en
UYRE ly. CHA.P. V. 475
Moins vive avait été la terreur des Bernois à la nou-
velle de la ligue formée contre leur ville par rAutriche^
la Savoie et tous les grands eomtes , qu'elle ne le fut le
matin où les yeux de la multitude cherchèrent en vain
le Dieu dans l'église de St.-Vincpnt ^^. Un prêtre (il le
confessa sur le lit de mort , ttop tard pour les innocens
mis à la torture ), un pràtre avait enlevé dans le pré-
cieux ostensoir la sainte hestie , le mystère , le sacre-
ment de l'autel. On crut que Dieu, indifférent pour
Berne, l'abandonnait, puisque sa foudre 9'avait pas
écrasé le coupable. On ne vit pas un dédommagement
dans l'ostensoir plus beau d'or d* Arabie , orné de pier-
res précieuses ®^^. L'exemple séduisant du jeu^^^, du
luxe^^, desjuremens et de l'impureté ^^, était combattu
par les lois» On mit au jour la vénération pour la Mère
de Dieu , en restaurant ses édifices ^^. Les Bernois veil-
laient au bon ordre dans le culte ^'^ et à l'entretien de
argent, 20 moids de froment et autant d'avoine. Ch.; reconnu incapa-
ble de remplir cet emploi , il devint greffier de Tboune. Stetiler.
'*^ Gruner iSi : c En â466 arriva à notre chère ville ide Berne le
malheur qn'oa estima le plus grand qui lui soit jamais arrivé. • Voy.
Têckaehtlan et l'ouvrage imprimé de Dtebold Schilling ; ensuite Stettler,
**^ Pesant 166 onces en or ; on y voyait briller une turquoise estimée
à SOO couronnes ; à la tour supérieure on érigea la statue gigantesque
de Christophe , comme gardien de l 'autel. Gruner,
*** Aux cartes et aux dés. Nie d'Erlach présidait le tribunal pour ces
cas; là siégeaient d'entre les bourgeois Guno der Biderbe (le Preux),
Pierre Schilling, Simon Tormann, Jean de Graveur ied, TêchaekiUm;
Schilling. On continua de permettre le jeu des échecs.
•** Voyei an cbap. VIL
*** • 11 fut défendu , sous peine de 3 livres d'amende * aux fenunes
• et aux hommes de vivre en concubinage , comme tétait fort la eoutmne
• dan» ce iempê^là» » J» J, Hottinger, H. E. , II, &ii6.
**' Sur la hauteur près de la grande église. Tuhachilan, i46S.
•♦' Fisiiation 1455. Gruner, 177.
476 HISTOIRE DE LA SUISSE.
ses ministres®^; mais le clergé ne pouvait soustraire
ses biens aux impôts pour le service public •^. La célé-
bration des grands offices permettait du reste beaucoup
de liberté^ grâce à la facile expiation des péchés* Il suf-
fisait qu'on eût^ dans l'occasion, des moyens d'émou-
voir profondément les âmes.
' Des fêtes patriotiques perpétuaient des sentimens fé-
déraux : tantôt un bœuf gras couronné de fleurs et orné
de guirlandes ^ ou un cheval richement caparaçonné ,
et des drapeaux magnifiquement brodés ou des coupes
excitaient Témulation des tireurs dans un camp de
plaisance devant Berne ^^ tantôt^ le dimanche gras *^* ,
un grand nombre de magistrats et de citoyens des cités
et des cantons de la Suisse, des bourgeois externes et
des combourgeois ^^^ de la ville y venaient resserrer
la confraternité au milieu des réjouissances publiques.
De telles mœurs fondèrent, sans trésors, la domina-
tion de Berne , sa prospérité, sa gloire *• Après les guerres
avec Fribourg, Zurich, la France et TÂutriche, alors
que les châteaux bien munis des Bernois étaient les
boulevards de la Suisse '^^, leur embarras pécuniaire
s'accrut au point qu'ils hypothéquèrent aux Confédé-
rés pour vingt mille florins toute la partie bernoise de
l'Argovie inférieures^*. Les bourgeois et les sujets de
*'* Tableau des revenu» ecetésiastiqueê 1457. GollecU de Haller.
••• Loi de 1466. Hottinger, 1. c. 449.
"•• 1455. Sialder, Fragm. sur VEntUbuch, U II.
•••« Tschachtian, A. 1465.
*••« De Gessenay et de toute la contrée ; • bonne , vive et joyeuse
compagnie et vie amicale. > Id,
* Si les mêmes principes eussent duré , la domination de Berne aurait
été permanente ; c'est pour y avoir renoncé qu'elle a péri. D. L. U.
"•• Bcvers,ihhO.
*••* Vavoyer , le conseil et les bourgeois de Berne, le jour de Sl--Jca»
UVRE IV. CHAP. V, 477
Berne secoururent leur glorieuse patrie avec un si noble
dévouement, qu'un grand nombre firent plus que leur
devoir *^^. Urbain de Muhleren et Nicolas de Schar-
naclithal furent désignés pour percevoir pendant cinq
ans l'angster hebdomadaire ^^^, et il leur fut religieuse-
ment enjoint de ne faire servir cette lourde contribution
qu'à éteindre la dette publique ^^^"^^ Telle était alors
la confiance dans la loyauté et la force , qu'on trouvait
de largent à quatre pour cent ^^^, et que le cautionne-
ment de Berne pour le duc de Savoie ne fut pas dédai-
gné ^^^. A la faveur de son renom , la ville conclut avec
le duc de Bourgogne et le prince d'Orange des traités si
avantageux pour la fourniture du sel ^ qu'elle assura
au peuple cette indispensable marchandise à un prix
équitable^ et à la République un légitime profit ^^'^. On
■
TEvang. 1448» aox avoyers, conseils et bourgeois des communes de
Bade, Bremgarleo, Mellingen, Zofingue, Arau, Broagg, Lenzbourg,
au bailli, anx bourgeois et h la commune d*Arbourg, an bailli et aux
gens de Schcnkcnberg : ils doivent prêter serment aux Confédérés ,
excepté à Zurich. Où les Confédérés prirent-ils tant d'argent? les four-
nitures de guerre furent*elles taxées si haut?
«••5 ii(ous verrons tout ce que les seigneurs firent. Rêver» contre Zo"
fingue, 1449 ; de même contre U commandear provincial de l'ordre teuto-
nique, 1454, alors qu'il donna 350 florins. D'un autre côté, Tévêque
de Bâle pensait que ses gens de Midau devaient être libres ; mais en vain ,
suivant la miesive à lui adreuée, 1449*
«0*8 Un angster valait deux fcnniogs, dit Â. L. de Wattewyl, et en
aurait valu 12 de son temps (il y a 40 ou 50 ans) , selon ses calculs.
*^*^ Le conseil appliquait le produit des contributions des citoyens.
CL 8 novembre 1449.
***^ Jean Guillaume de Gr&nenberg avait prêté 600 fl. pour lesquels
il recevait 34 flor. d'intC^rêt annuel. Quittance pour Zofingue au sujet de
ta taille, 1A49.
1009 [Iqui- 20,000 flor. envers Strasbourg ; avec Soleore ; les nobles
du Pays-dc-Vand étaient amèrc-cau lions. Protocole de» mi»»ive», 1450.
ioio £|| 1448. Stettler, I, 172 , en donne un extrait Dès-lors le com-
merce du sel resta entre les mains du gouvernement.
478 HI8TOIRB DE LA SUISSE.
s'occupa sérieusement de régler ces péages ^^'^ de les
défendre *^*^ et de les rendre productifs par la sûreté
des routes; on évitait donc autant que possible les
guerres ^^^^, mais on protégeait énergiquement les né-
gocians indigènes^®** ou italiens ^^** contre les violen-
ces intéressées des seigneurs du voisinage.
Fort de Tappui des districts de la campagne ^ Berne
cherchait sa seconde colonne dans la contrée des hau-
tes Alpes en étendant de plus en plus son autorité sur
le brave peuple de l'Oberland. Sur les bords du lac de
Thoune , les gens des sei^eurs contribuaient pour les
besoins de la république, mais à regret ^^^^, parce que
leurs oMigations excédaient presque leurs ressources.
Les hommes de Rinkenberg et tous les riverains du lac
de Brienz^ sujets de l'abbaye d'Interlachen, marchaient
maintenant sans contestation pour Berne sous la ban-
nière d'Unterséen*^^''. Âpres le grand incendie, Un-
*'** U fattt ranger ici le traité avec Fribomrg i467 , par lequel à Yei-
cinsion des aalorités de Laupen , an-delà de la Singine, Berne devient
seal propriétaire da principal péage de GOmminen.
«•tî Momtoire contre Jean Dachs dç Strasboing , iAS6 , qui éluda le
péage; on Ini fit payer 2,&00 flor. StettUr,
«Ht pgr exemple avec Straaboorg , làSO , recé$ de Bade, dans
Têckudi.
uu pmp exemple Uenri StQdeli, à qui l'on toIh près de Génère les
sommes qa*il venait de tirer , 1468. Stettler,
iH6 Des Florentins forent rançonnés à Neachàtel en 1467 , et des
Lucqaois à Gerlier en 1468. Stettler,
^H* Gomme il a été remarqué dans l'avant-demier chapitre. En 14S0
Friboorg et Sokore servirent de médiateurs. Haffner.
«*«' Traité de 1446. StettUr, I, 162. Ce traité fut le résolut de troa-
blés dont les circonstances ne sont pas connoes et par lesquels l'Obcr-
land , fatigué de là guerre , tenta de secouer le joug de Berne, sa StettUr,
patricien de Berne, n'a pas osé dire ce qu'il savait. La même réserve règoc
dans tous les chroniqueurs depus que le goAt de la dominatkMi
aux principes de la confédération origilteîre. D. L. H.
LIVRE IV. CHAP. V. 479
terséen sentit la main paternelle et toujours ouverte
de Berne ^^^•. La joyeuse milice du Sibenthal avait déjà
combattu à la bataille de Lanpen ; ta forteresse de
Wimmis à Tentrée de leur pays, et toute Tantorité de
divers seigneurs furent achetées par la république ber-
noise ^^'^. Dans le haut Sibenthal , le château de Man-
nenberg*^^, fief cédé par les comtes de Gruyère aux
Rarogne^ devint, à l'extinction de cette famille ^^^',
l'occasion d'un procès entre l'avôyer de Bubenberg et
Heinzmann de ScharnachthaP^^^ : il s'agissait de savoir
si Mannenberg était un fief masculin libre ou s'il pou-
vait passer aux filles, et de quelle manière *^^5, et s'il
appartenait au gouvernement bernois*^* ou au comte
de Gniyère,comme suzerain, de connaître de cette cause.
Henri de Bubenberg était un homme d'un caractère
aimable ^^^^, mais très-ferme en matière d'honneur *®*®
«•*• i&69. T^kudi, II, 704.
**^* 1440 f des mains de Gaspard et de Nicolas de Schamacbllial ,
dont le père , François , avait acheté Wimmb des de Brandis , héritiers
des sires de Weissenbourg. StettUr,
«•>• Voy. t II, p. 443 , n. 115. Reichenstein en relevait.
tou jQnn de Rarogne était obéré. 11 n*^vait qa'nne fille, épouse de
Jean Rod. Hofmeister, qui avait eu pour pèro Tavoyer, conquérant de
l'Argovie , et qui moanit sans héritiers. Rarogne avait épousé une fille
de Heinsmann de Schamachthal.
**** CA. éê Berné, sani. av. Oculi 14&6 ; imprimée dans le Mnée suiae,
Bvbenberg est appelé noble et sévère, Schamachthal , pieuaf et ferme, le
comte de Gruyère bien ni.
tiu i^ réunion et la limite des deux genres de lois et de mteurs se
tronvait dans le comté de Gruyère.
**^ Qui achetèrent cette contrée des seigneurs de Thum. Mannenberg
était peut-être un arrière-fief.
i«u YQy, son jiceord avec l'honorable seigneur Raimbault Dum,
^ron de CéglUe de Spiet (un b&tard) , 1454 ; aussi dans le Mueée suiaee.
*^^* « Afin que chacun sache qu'il s'est comporté en pieux chevalier. >
CA. n. 1001.
480 X HISTOIRE DE LA. SUISSE.
et de justice; il avait juré de ne pas céder. Il avait
trop long-temps souffert la possession illégale de son
adversaire. Mais le chevalier ne put résister aux
prières de la patrie ^ et céda son droit à son fils Adrien,
avec lequel un arrangement eut lieu ^^^^. Le renouvelle-
ment des lois consolida la tranquillité de la vallée ^^^.
Berne ne prenait pas moins souvent les armes pour
ses bourgeois et ses Confédérés que pour la république
même. Gela rendait la combourgeoisie si onéreuse aux
pâtres du Gessenay y qu'oubliant la protection dont ils
avaient |oui '^^^^ ils songèrent à rompre ce lien et à
défendre les abords de leurs vallées par une alliance
avec le Sibenthal et d'autres contrées alpestre. Ils re-
poussèrent donc dans la guerre de Fribourg la somma-
tion officielle de marcher; les arbitres ^^*^, de leur
côté , établirent deux principes qui auraient arrêté les
progrés de la Suisse : premièrement que le Gessenay
n'était pas tenu de prendre les armes pour d'autres
citoyens de la commune république *®^* ; secondement,
que toute obligation s'éteint avec la vie de celui qui Ta
contractée '^^^. Les habitans du Gessenay semblaient
douter que le comte de Gruyère, leur seigneur, ap-
prouvât la combourgeoisie ^^*^; ils réclamèrent les frais
^^^ Heinsmann reçut 2,700 flor., entre antres en indemnité des 1800
qu'il avait donnés pour le rachat à Cécile de Ilheinach , veuve de Tavoyer
Ilofmeisler , héritière de son propre fils ; n. iOOi.
*^^ Ordonnance» pour le Haui'Sibenthal , 1457.
^^** A Tépoque où le sire de Gruyère « pendait, décapitait, on exilait
qui boa lui semblait » Ch. 145i.
**'* Procès des Bernois et de ceux du Gessenay, 1448.
i0H ]ja règle disait : • L'associé de mon associé est mon associé. ■
i«" Ils dirent qu'un père ne pouvait pas imposer une boui^geoisie à
son fils.
*•" Les campagnards, dirent-ils, n*ont pu céder une autorité qu'ils
LIVRB IV. CHAP. y. 481
de ces guerres dans lesquelles ils n'étaient- pas tenus
de servir, comme ils le voyaient maintenant*®*** Le
comte y qu'ils ne redoutaient plus , soutenait leurs pré-
tentions. Des avocats , dont les artifices éblouissent le
bon sens du peuple ^ dirigeaient leurs démarches*^^ ;
Berne risquait de perdre l'Oberland presque entier.
Les arbitres se divisèrent, ainsi qu'il arrive ordinaire-
' ment. Séryant, greffier de Kenne, fut nommé surar-
bitre. Il parla pour le maintien de la combouigeoisie.
Mais on ne donna suite à la sentence que lorsque Uri ,
Schwyz et Unterwalden, pères de la Confédération,
prononcèrent à Luoeme entre Berne, boulevard cœn*
mua., et le peuple du Gessenay, issu de leur sang*®^;
dans l'intérêt de tous deux ils confirmèrent à perpétuité
tous les articles de la combourgeoisie en litige.
Au milieu des collines verdoyantes de l'Emmenthal,
la vigilance bernoise profita des embarras dans les-
quels diverses complications et des guerres malheu-
reuses avaient jeté le sire Wolfhard de Brandis.
Berne ne put pas s'approprier le château principal, les
juridictions ni un grand nombre de métairies*®*^, faute
ne pMfiédaîent pu. (La comboBigeoisie ne lear semit-elle pas de pro-
tection même contre le comte , s*il devenait tjran ? )
«m 42,000 flw. pour d^anciennefrgaerres; 600 pour les dommages
soufferts pendant la goerre de Rarogne, etc.
«M» La charte est embreaillée , en beaoconp de points contraire aux
idées des populations allemandes, entremêlée de formules et de phrases
latines. *» A qoî devaient s'adresser eeax qui n'étaient pas instruits? Ce
n'était pas sans doute aux patriciens savans ou aux chancellerislcs de
Berne que les montagnards pouvaient avoir, confiance dans une affaire
de celte espèce. liCs gouvernemens aristocratiques de la Suisse n'ont ja-
mais favorisé les légistes et les avocats , parce qu'ils redoutaient ces scru-
tateurs des vieilles chartes et de leurs œuvres. D. L. H.
«*>• Voy. U 1, p. 40S. Le trmié est du 16 février 1451.
*•>? Trois d'entre elles relevaient du tribunal hebdomadaire d'Affoltcrn,
VI. 3i
482 HISTOIRE DE LA SUISSE.
d'argent^^^^; il permit aux habitans de racheter leur
liberté ^^^^; pendant la guerre le château élevé et
iTiaintenant embelli demeurait ouvert aux Bernois *^^.
Des avoucries^^^^, il ne resta que Troub ^^^^ dans une
étroite vallée alpestre^ contiguë aux frontières de TEnt-
libuch , et où se voient , sur une délicieuse pente
des Alpes , les cabanes disséminées comprises sous le
nom commun de Tschangnau. Les Confédérés déter-^-
minérent la limite ^^^^. Les barons de Brandis demeu-
rèrent bernois, à leur grand avantage ^^**; ainsi que les
sujets de Tordre Teutonique à Sumiswald '^^, ils pro-^
tégeaient la ville de Berne quand il se faisait une levée
générale; par égard pour leurs relations on ne les
obligeait pas à marcher contre les bannières autri-
chiennes.
Dans les montagnes et les plaines voisines du lac de
Bienne^ où , à la suite d'anciennes guerres, d'achats ou
des rapports primitifs, la domination bernoise se trou-^
dont les anciens et nobles scîgnenrs étaient pcot-ôlre une branche tU^
Brandis.
"" Stettler 1, 172 : comment Wolfhard vendit scs-propriélés à Borne
en 14&7. Acte de vente de 1A49, par lequel il les abandonne à bonis dr
Diessbacb. Acte de vente de 1454 en faveur de Gaspard de Scbarnachthïtl
pour 4,150 fl. (les deux premiers actes étaient inexécutables). Berne in-
corpora quelques justices à la seigneurie de Trachselwald.
*••» Conformément au râle des contributions de 1466.
'<^«« Suivant l'acte d'achat de Scharnachtbal.
"" Scliarnachthal paraît avoir gardé celle de liuggsau. Convention à
ce sujet entre i'abbesse de RQggsau et ceux de St. -Biaise sur le UOgçs-
bach, 1466,
"*» Schnyder, Uist. d'Entlibueh, I.
"** 1466. ïbid. A cela se rapporte le passage dans le reeés de DAtfc ,
1460. Tschttdi, II, 599.
"** On les secourut en 1467 contre Jean de Oéwen. SteftUr, I, I9ff.
"*^ IhUc des contributions, 146G.
, LIVRE IV. CTIAP. V. 483
vait en conflit avec celle de l'éveque de Baie , avec les
droits et les franchises de Bienne et de la Neuveville ,
et avec les coutumes tantôt d'une commune^ tantôt
d'une famille y Tintérét général exigeait de nouveaux
traités et de nouvelles ordonnances, afin de concilier
les vieux droits de parcours , de coupe des bois et de
pacage avec la division et la clôture des terres com-
munes^ la polioe forestière et le défrichement*^*^; afin
d'amener insensiblement les serfs de la campagne à la
liberté, puis à l'égalité sans préjudice des institutions
publiques *^*^ ; de procurer aux agriculteurs du ci'édit
auprès des capitalistes ^^^ ; de fixer la position des ci-
toyens, sujets par hérédité de plus d'une autorité sou-
veraine^ en sorte qu'ils ne fussent pas grevés de charges
excessives et ne pussent pas se soustraire à leurs obli-
gations *^^ ; d'empêcher enfin que le conflit des sou-
verainetés n'amenât l'impunité des criminels ^^^.
Berne régnait sans contestation sur l'Argovie, Toute-
fois lès grandes familles , par antique fidélité et suivant
le penchant de la noblesse, inclinaient pour Habs-
bourg et s'eflbrçaient de mille manières de conserver
les droits féodaux ou des hypothèques prescrites. Les
héritiers de Grûnenberg*^** réclamèrent son ma-
j^QÎi.i052^ Quoique les sires de Baldegg fussent unis à la
^®*' Convention entre Berne et Bienne, 1^64.
<B*7 Lettre deNidau concernant la récolte, du gland, Laur. 1467.
*^*' A Nidau , 1440 , abolition de la loi qoî exemptait le ûls de payer
)es dettes da père, ^attewyl dans Haller, Bibl. IV, 335.
***' Accord des villes de Berne et de Bienne au sujet des milices des bords
da lac, 12 mars ^442.
*•*• Râle eone^rnanl les voleurs, 1452.
*•»* Henri de Randeck avait épousé sa fille; Henri de Klîngenbei-g
était neveu de sa femme. Ch, 1455.
*«^5 On» avait été pris en 1415. Jhid.
484 HISTOIRE DE LA SUISSE.
ville par plus d'une obligation ^^'^ et à ses premiers
magistrats par les liens du sang^^^^, Marquard saisit
la première occasion pour marcher contre eux avec les
bataillons autrichiens; il le paya de la perte de Schen-
kenbergy chàleau-fort, et de tout le district du Rotz-
berg ^^^^. Thûring de Hallwyl, vieux et inébranlable
ami de Habsbourg , bien que sa maison eût droit de
bourgeoisie à Benie et à Soleure ^^^^ hailU de la sei-
gneurie ^^^^ avec le titre de maréchal comme ses pères,
et investi d'un nouveau fief^^^^^ se rendit à Vienne
pour aider l'Empereur de ses sages conseils *^^. Les de
Mûllinen, attachés aux ducs par une amitié person-
nelle *^^, ne remirent leurs châteaux aux Bern<HS*^'
que lorsque la faiblesse de l'archiduc Sigismond et les
embarras de l'Empereur eurent ôté aux seigneurs ar-
io5t Voyez dans Siettler côinment Marquard et Jeaa contractèveut des
engagemens envers la ville en 1453 , et ci-dessas , cbap. L
««»* Béatrix de Rinkenberg, mère de Henri deBubenberg, avait épousé
en secondes noces nn de Baldeck.
«<>»» Stumpf, 516 h. En 1460.
^*^* Rod. de Uallwyl devînt bourgeois de Soleure en 1457; sa contri-
bution était de 8 livras 6 schel. 8 fenn. Uaffiter. Quant à sa bonageoisie
de Berne voy. le rôle deê tontributionê , 14.66.
"" C/i. ci-dessous, n. 1075.
^06s D'après le livre des fiefs d'Autriche : Con/Smiaf ton, 1457; en
échange de son fief conditionné (Hallwyl!) , qui fut détaché de l'Au-
triche en 1415 , on lui donne Burkheim sur le Rhin , ainsi que la navi-
gation et le droit de visita sur le fleuve. SckdpfUn, AU. UL II.
^*^* Roo,Ann, Austr. Â. 1463. Mais s'étant aperçu que les conseils
de gens turbnlens avaient plus de crédit, il s'était retiré.
ioso Voy. t. m ^ 258. Confratemiié du duc Frédéric ei de Guillatm^ de
MuUinen , son premier chambellan , seigneur de Bemegg : celai des deux
qui survivrait à l'autre en hériterait cent florins. losprnck, Quaaim.
1427.
4o<^< Gastelen et Ruchenstein.
LIVRE IV. CHAP. V. 485
govicns toute espérance^^^. Sans rompre avec la mai-
son d'Autriche y ils devinrent bourgeois de Berne,
membres du gouvernement, et s'unirent par des lÀa-
riages à des familles puissantes ^^^. Le sire «de Rhei-
nachy au contraire, préféra perdre ses domaines si-
tués autour de Habsbourg plutôt que de reconnaître des
juges qui ne tenaient pas leur office de Sigismond ^^^ ;
rattachement de Berne aux intérêts populaires lui dé-
plaisait^^ et une inimitié divisait les Rheinach et
Bubenber^^^^. lis furent en vain cités devant des
tribunaux étrangers ^^^ pojir une somme qu*un ancien
duc avait empruntée du sire de M ûhlheim ^^^ , sous
la garantie des villes de TÂrgovie : Berne protégeait
ces villes contre des charges excessives ^^^ et contre les
prétentions mal fondées des seigneurs ^^''^. Chacun
N
*•<> 1460, volontairemenL Trantmisiion,
**" Uemmann , le premier qui fat bourgeois de Berne el membre du
conseil, avait épousé Mai^uerile de Bûltikon , petite-fille de Rodolphe
de Hingollîngen; Jean Albert, son frère, Dorothée fille d'Adrien de
Bubenberg ; le troisième , Jean-Frédéric , Barbe de Schamachthal-
Brandis , veuve de Nie de Diessbach. Généabgie de MiilUnen,
^*'* Ch, de 1456 concernant la forteresse de Vilnachem.
'^* Lettre dé Berne à lai, 1457 ; l'invitant à prendre pins de soin de
ses sujets de Schinznach , Veltheim et Gauenstein.
••" 1466. SfeHler.
***' A Mûhlheim entre Mésen et Limpach, dans la juridiction de Zol-
likofen.
^*" Ck, de la cour de justice de Rotkwyl , concernant l'afTaire de Henri
Béger contre le bourgmestre (sic), le conseil et la commune de Berne,
an sujet de 149 marcs qu'Arau, Sursée, Sempach, Zofingue et Leni-
hoarg devaient fomnir aux Mûhlheim et à leurs communes. Reminisc.,
1460.
**** Sa charte, 1456, comme quoi Brougg est inquiété contrairement Ji
ses franchises au sujet de Thûring Eflinger.
**^* Ck de Berne, 14>5, reconnaissant que Zofingue asuflisammenj
486 HISTOIRE DE LA SUISSE.
conserva ses droits basés sur des titres ^^^^; les Ber-
nois acquirent par achat la tour des vieux comtes de
Lenzbourg ^^^^. Berne ayant été accusé de participation
au complot de quelques aventuriers contre le château
de Rheinfelden ^ sentit si vivement l'outrage fait à son
honneur ^^^^y qu'il punit sévèrement les auteurs du
crime *^^*, et ne se reposa que lorsqu'une enquête en
forme eut prouvé l'innocence des conseils ^®'^. La sou-
veraineté commune sur Bipp, d'origine Carlovin-
gienne^^^^, sur l'héritage de Bechbourg et sur quelques
villages florissans^^''^ de la contrée autrefois sau-^
vage ^^'^^ voisine de la voie romaine ^^^®, fut partagée
entre Berne et Soleure de manière à faciliter les rap-
ports ; mais les Bernois renoncèrent amicalement à des
revenus considérables ^^®^.
Soleure, la première ville en deçà des défilés sau-
prouvé la légidmilé de sa juridiction criminelle contre VTallher de GrO^
nenberg. Jean-Rod, Sater dans Haller, lY, 3A9.
i»7i ^ Windisch , le péage et le droit de passage appartenaient encore
à un bourgeois de Waldsbut Ck. 1449.
<«7a i^QQ ^ (]e la main de Werner, avoyer de Lenzbou^. Steitler. La
maison sons la tour portait le nom d*Arbonrg.
*°^* « Noos et nos aïeux n'avons jamais été accusés d'une semblable
déloyauté. > Berne d Zurich, févr. 1465.
*°7* Etierlin: « Pas mis à mort, mais rigoureusement punis dans
leurs biens, •
«075 Déclaration de Thuring delîaUwyl, 1465: que les fiemoîs sont
sans don te fâchés de cette histoire ( l'expression est un peu ambigué ).
*«7« T. I, 214.
i077 Prononcé de Fribourg et de Sienne entre Berne et Soleure , au tujct
de Lcngnau, Granges et Kollikon, 81 juillet 1460.
^"^' La eh, de 1C59 mentionne la Fontaine-aux-Loups , la Maison-
nctte-auxjjoups.
"7» Walen-Weg. J6«V/.
*"• Partage de 1461. Stettler et Haffner, Cet esprit respire aussi dans
a c/i. 1460^ il est vrai par l'intervention des médiateurs.
LIVRE IV. CHAP. V. /|87
vages du Hauensteiu, était si bien uni à la Suisse par
ses mœurs et ses principes, que sims obligalion^^^^
il joignait ses armes à celles des Confédérés. Si la ja-
lousie n'avait pas, alors déjà, divisé les cantons fo--
restiers et les villes, nul doute que Soleure n'eût été
admis de bonne heure dans les alliances éternelles ^^^.
La plus ancienne et la plus étroite relation l'unissait
avec Berne. Quoique cette cité, forte de son génie na-
tional, saisit toutes les occasions de s'agrandir, elle
concourut par son union à la liberté, à la grandeur et
k la prospérité de Soleure. Fribourg en agit de même.
Bienne aussi , et, suivant le droit de la liberté antique ,
Berthoud*^^^ étaient alliés avec Soleure. Strasbourg *^^^
et d'autres villes sur la même route *®®^ reçurent de
cette cité de si glorieux secours que l'électeur palatin
rechercha son amitié *®^^. Honorable en toute chose,
Soleufe fit à l'illustre sire de Bourgogne une réception
digne de lui^^^''; ses chefs *^^^ l'accompagnèrent jusqu'à
Neuchâtel. La générosité soleuroise se déploya envers
Berne et envers Âugsbourg , à l'occasion d'un incen-
j^çioBo Qi d'une construction dispendieuse^®^, non par
*''* Recéide Constance, déc. 1Ï59 : «Ils l'ont fait par aficction , non à
cause du droit-^ • dans Tschudi,
^**' On le voit clairement par le commencement du passage cilé.
s«ss i4A7. Uenouvcllenient pour 20 ans. Uq/fncr, U ,152.
«"* U48. J6«(/. 153. — 1457.16. 158.
10S5 1454. Hagenau. 16. 156.
*•«* 1449. Ib. 153.
*•*' Liste de frais de 1^53; elle s*éleva en trois Jours à 253 livres 14
achel. p. 155.
loês L'avoycr de Wcngi et le banncrcl Byso.
io^o Kn 1453 , on envoya 100 flor. V, 156.
*-''o SL-Valcntin, 1.139. P. 1-52.
488 HISTOIRE DE LA SUISSE.
orgueil , car elle ne négligeait pas les petits ^^' . Dans
cette époque de prospérité naissante , le cœur des So-
leurols aimait à s'élargir pour faire accueil ou cort^e
à de nobles combourgeois ^^^^^ pour fêter les visites
d'honneur de quelque ami et voisin ^^'^ ou quand l'a-
voyer et les conseillers se rendaient dans d'autres villes
pour le carnaval *^^, ou lorsqu'on livrait à la joyeuse
émulation des tireurs une paire de bœufs énormes ^^^.
Quelquefois on abattait, dans les fossés de la ville ^ un
cerf pour un festin de la bourgeoisie ^^^, ou bien on lui
donnait dans l'hotel-de-ville un repas de poissons,
suivi d'un bal ^^^"^p on encore au milieu du concours de
tout le pays un spectacle représentait la vie des saintes
femmes '^^. Jean de Fleckenstein abandonna son béné-
fice pour qu'un organiste ajoutât à la solennité du culte
dans l'église de Saint-Ours ^^^* Des infortunés sans pa-
trie ^^^ ou exilés par la misère ^^^^ recevaient du pain à
leur passage.
**^ En 1495 , dtt pÛD et do vfai anx babitaos de WielUspacb. P. 156.
A ceai de Wolfwyl , ose ooDtribodoa au frai» de conalracUon de l'é-
glise, en 1 A 52.
loti piir exemple , le comte Jean de Nenebfttel , 1455 etsuiv.
!>«> 1451 , Fécuyer tranchant de Lenzbourg et l'avoyer dTAnni.
"»* En 1466, à Friboiiiç.
*•" 1461.
«•*• 1448. Le festin à; l'Hôtel-de-Ville coûta 2 livra 11 schelL 8 fen-
nings.
«••' 1451.
*••• 1465.
<••* 1450. Haffner a tiré tous ces petits détails des proloeolesdes mis-
sives qai commencèrent en 1448, et des comptes de la ville et delà
campagne.
<iM Les Zîgueunes ou Bohémiens, 1450 , 55.
>*** En 1465 , un grand nombre de gens appauvris de la Marche à
rorient du lac de Zurich..
LIVRE lY* CRAP. Y* 489
Left crimes, quand ils n'étaient pas imaginaires^ ^^^
ou commis pour de l'argent ^'^^ par la perversité vénale
d'un monstre ^^^y avaient la pétulance de Tenfance hu-
maine/ cruelle par irréflexion '^^^^ ou bien ils prooé-
daient de cette effervescence de vengeance ^'^ ou de
volupté ^'^"^ qui appartient à la jeunesse.
Un chef puissant ^^^^ ou une société ^^^ entrepre-
nait une expédition militaire ou une guerre y même
contre TAutridie'^'^^ parfois à Tinsu du gouverne-
«••> On brûla beaucoup de sorcières , en i45â , à Soleore et à Berne ;
en 1467, à Basseradi , au-dessous de Thlersteîn.
**** Ea U66, on exéooU W6to, qui «vak reçu 800 Sorins du bAUrd
de Wtkrtenbe^ et du chaDoine balois MaiîmiiîeQ de Stein, pour s'em-
parer de Neuenstein, genlilbomme soleurois, pendant un^ojageaui
bains.
i«o« Erbard Lug-Ins-Land , voleur et assassin , fut gagné en 1462 par
Jacques de Holienstein , moyennant 40 flor., pour incendier Soleure
pendant un grand tir.
**** En i46i , assises pour Juger un individu qui i ajant vu un Jeaue
garçon se réfugier -dans un arbre creux , y mit le feu par méchanceté.
Le coupable passa près des assises sans être reconnu. La même asoée,
amende prononcée contre deux paysans qui avaient rais un serpent dans
la soupe de leurs camarades* En 1468, 40 flor. d'amende infligée à un
homme qui avait coupé la langue à un enfant pour qu'à ne rapportât
pas une cbose qu'il avait vue. Ce ne fut pae , il est vrai , un acte de mé-
chanceté gratuite.
***' En 1458, Werlisperger est mortellement blessé par Vmoyer Hart-
mann de Stein. Celui-ci prend la fuite ; mais , en considératioii de son
mérite , on le raj^^eUe le lendemain.
t«o' En 1468, on tranche la télé au joueur de luth Nloolas, origi-
naire des Grisons , qui avait épousé trois femmes.
*<*• En 1467, AnUnneKrataer.
^<** Les ouvriers d'Oken incendient en t460Séewen, appartenant au
sire de Falkenstein , à coup sûr à Tinsn du gouvernement , puisque
même 1* cA. de 1099 ne l'en accuse pas.
*''* Expédition contre Pfirt, en 1460; ces 116 hommes en battirent
près de Roonedorf, non loin de Delémont, 800 qui les poursuivaient.
490 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
ment. Le gouvernement, de son côté, prenait* souvent
les armes pour ses combourgeois * ' " * contre les capri-
ces de tyrans qui outrageaient l'humanité ^^'^ ; pour
la cause de la ville, il les portait jusqu'en Liorraihe ^^^^;
mais c'est avec Rechbepg^*^*, Moenchenstein**'*, Fal-
kenstein et Eptingen , qu'il avait les querelles les
plus fréquentes^ les plus amères^ les plus irréconcilia-
bles. Vijigt-trois ans après son attentat sur Brougg, que
Soleure concourut à venger "^^, Thomas de Falken-
stein, dont nous connaissons lès vices *^*'', jugea con-
venable de demander insolemment^''^ satisfaclion à
cette ville, prétextant un scrupule au sujet du repos des
âmes de quelques hommes qui avaient péri alors '''^.
Cette demande fut repoussée avec mépris ' '^®. Lorsque
les habitans de Prattelen, sujets inquiets de Jean-Ber-
Bien qu'ils n'agissent qaeponr leur compte» leur trophée fut placé dans
h grande église: le courage est toujours louable. '
^^^^ Pour Oswald , comte de Thierstein , en 1665 ; il y a encore d'au-
tres exemples.
**is £n 1466, la femme d'un prisonnier» agenouillée devant U Irich de
Westerstetten , do^t elle ne voulait pas satisfaire les désirs , en rcçnt un
coup de pied si violent qu'elle accoucha d'un enfant mort.
M^s Devant Epinal, en 1467». pour obliger le maréchal de Bourgogne*
Ncuch&lel à payer à la ville les sommes qu'il lui devait.
"" Depuis 1465.
Mi^ Même date.
*^^^ A cause de l'alliance avec Berne ; Brougg appartenait aux Bernois.
*>" Dans le chap. !•* de ce livre , p. 69-78.
^^^' Il les déclara dépouillés de leurs diplômes» de leurs sceaux et de
leur honneur, et les menaça de détruire en tous lieux leur sceau , lo'ir
écu et leurs armes. Voy. dans Tsehudi sa Lettre^ St-Mart. 1^67; la re-
fonte des Soleurois » Sic. -Gath. ; et sa réplique » Ste. -Lucie.
*^^^ Un préli'c et deux gardiens; on ne connaît ni les auteurs , ni l»
cause de ce fait.
***" « Vous devriez en avoir hoiUc. » Ucponsc des Soictirvi»,
LIVRE IV. CHAP. V. 491
«
nard d'Eptingen, dont quelques-uns relevaient de So-
leureavecleursbîens^^^*, engagèrent cette ville à s'em-
parer de Prattelen et à ravager les propriétés de leur
seigneur "^^, ce chevalier intelligent se trouva bien
d'avoir gardé dans les grandes guerres une neutralité
excusable aux yeux de l'Autriche **^^, inofifensive à
l'égard de la Suisse '^^^. Fidèle à son noble caractère
non moins qu'à la prudence **^^, il tacha d'éviter une
guerre avec Soleure^ par le recours à d'illustres ar-
bitres"^® et par un appel à la loyauté suisse ^^^^. La
tentative de surprendre quelques villages par repré-
sailles lui réussit mal"^^; mais les Suisses"^* et les
plus grandes souverainetés du voisinage "^^ se li-
guèrent pour lui rendre sa position et sa sûreté"^*.
L'agrandissement du territoire de Soleure n^ fut
412^ Probablement au sujet de Doraek.
^^^ 11 l'estime 1S,000 florins. Gela eat lieu à Prattelen et à Virîld»
Eptingen.
^'^ N*était.il pas isolé et cerné ?
«•s* Ne leur donna-til pas du pain et du vin lorsqn'ib passèrent le
DanensteiD? C/i. 1406, dans Brit(^m«r.
'*2^ « En considération de mon nom, de ma race, de macheValerie et
de mon origine , je serai le plus sage et je ferai plus que mon devoir. »
*"* EpiingendSoUure, Concept. 1468. TsciiudL 11 offrit de s'en rap-
porter au jugement de l'Empereur, des évoques de Strasbourg , Con-
stance, Bâie, Spire; des ducs de Bavière, Veldens, Autriche; des mar-
graves de Bade; des sires de Rappoltstein et Flachslanden , etc. .
. "" Eptingen à GlarU, St^^bom. 14^8. Ibid. U écrivit de même h
tous les cantons.
**2* On exécuta à Soleure un habitant de Schlettstadt , qui avait voulu
lui livrer Nunningen et Busserach. Haffner,
**" Zurich, Luceme, Schwyz et Schaffhouse.
**>* L'évêque et la vil^ de Bftle, le comte de Nenchltel, le célèbre
bailli bourguignon Dagenbacb.
t^*^ Soleure dégagea ses gens du serment et lui restitua 500 flor., ré-
paration d'honneur plutôt qu'indemnité. Ha/fner a omis cette histoire.
492 HISTOIRE DE Lk SUISSE.
jamais le résultat d'une injuste violence, mais celui de
l'éco&omîe et du patriotisme des citoyens : soit qu'on
proitât du désordre des àfbires des derniers de Ram-
stein ^^^^ pour prot^er une certaine étendue de IWar
par Tachât de la seigneurie de Gosgra ^^'^^ ou pour
prévenir par celui de Séewen^^^ des procès chatioeux;
soit que le comte Oswald de Thiersteiû^ embarrassé
par la complication de ses affiiires, abandonnât à la
ville son manoir hypothéqué ^^'^ ; soit encore que des
seigneurs obérés vendissent leurs redoutables forfieres-
ses dans les gorges ou sur les hauteurs du Jura * ^^, on
un gentilhomme sa belle seigneurie ^^^'^^ ou qu*on tint
les châteaux ouverts à h ville en échange de sa protec-
tion "•^. On recherchait son argent **^', ses troupes "**
s
iisi voy. plus haut chap. II, à n. 170.
*^** En iA58 , pour 8,200 flor. Tschwii; Haffner; Rhan. Non-seale-
ment le district de GOsgen, mab encore des villages attribués à Berne
pttr des traités poatériedrs , Favouerie de Schônenberg et le péage de Vil-
inergen« Ces domaines furent vendus par Ursule de Ramstein, épouse de
Thomas de Falkenstdn , son tuteur, à ce qu'il parait , pour ce douaire
ed son préseilt de noces.
<«>4 4^61, Appartenant aussi à Ramsteitu Thomas de Falkenstein en
vendît rusufroit , et sa belle-mère Ursule de Ramsteiti, de la maxM>n de
Géroldaeck , la propriété.
*"* i46d. Hagner.
^*^ Falkenstein payé en 149S à Henri d'OMngen. Bernard de la
même maison avait vendu, en i4S6, Domeck à Solenre. Hajfker.
*^*' En t46S, Kriegstetlen f«lv6dd« par le gentilhomme de HalreîD:
l'année auparavant Waitenfels', par Adrien de Bubènberg.
*^** Pierre de Greifensée accepte la bourgeoisie avec sa seignenrie de
Wikiegg, en 1456; Anu de Witledbeinli convertit Dfetlkofi en d&neure
ouverte , 1462 ; Hemmann de Ramstein devient , avec Bflren , bourgeois
de Soleure en 1466.
^w Su 1467, la dame (veuve? ) de RamMeitt vint i Sokmre sans un
sou , fut hébergée gratuitement et reçut un doto de dnq florins.
**** En 1461 , Jean Bernard de Gilgenberg demanda en vain , dans sa
perplexité, un secours de SO hommes.
LIVRB IT. GIIAP. y. 493
et son alliance. Forte de ses murailles restaurées '^^^,
laborieusement défendue par des tours coûteuses ^'^^,
enrichie d'horloges utiles pour toutes les occupations
de la via '^^^ et de grosses cloehes pour les assenUëes
soudaines et les prises d*armes ^ ^^, la yille de Soleure,
accessible aux amis' ^^^^ fiére aux ennemis, ooeqpait
le centre de la contrée.
Elle avait des avoyers qui y élus à T&ge de la pl^ne
vigueur, souvent ridies et bienfaisans ^^^^, vénérés
conmie des pères ''^^, eux-^mémes pleins de confianee
dans le gouvernement '^^^, voyaient parfois pendant
Texercice de leurs fonctions passer une génération
entière ^^^^, infatigables jusqu'à leur moH ^^^, pleures
même par des voisins ^'^. Soleure prenait un soin re^
connaissant des enfans mineurs lais^ pair ^uî qui
avait longtemps servi de père à la république : il ne
permit pas que la belle etriohe héritière de Hemmanm
**** Od les construisit à neuf, en 1459, près de la porte de TEich-
thor.
**^^ En 1A62 , le Kaamauf ( • à pdne construite, > nom de le tour la
plus élevée dans le faubourg aor KAar ).
**** En iA52 , la graade horloge avec l'homme qui frappe les heures.
«A** En ihH • celle du vieux clocber fondoe par «n maître de Gham-
plitte. <
**** On en avait facilité les «bords à partir du pont de VEmmt, 1454.
Mê L'avoyer Nicolas de Wengi bâtit , en 1467, le grand h6pitaK
*^f Gomme le gentâbomme Bernard de Mahrein , avoyèr, mort en
1467.
«!«• Hemmann de Spiegelberg établit le gouvernement tuteur de sa
propre tlle, très-riche, 14S1.
*^** Spiegelberg fut avoyer S9 ans , Jean Wagner 50 , Ulrich Byao
29 ans.
^*^ Nicolas de Wengi mourut en roule pour Mulhouse , 1467.
(Hafner, II, 167, en contradiction avec ce qu'il rapporte, I, 861;
de Wengi n'était-il plus depuis 1454 qu'ancien avoyer? )
"» Gomme Wagner en 1451 , Wengi en 1467.
494 HISTOIRE DE. LA SUISSE.
(le Spîegelberg fût secrètement unie à un étranger
par le caprice de sa mère, mais il obtint par des voi(*s
juridiques que y selon le vœu du père, le mariage de la
fille tournât à Thonneur et au profit de la cité et ré-
compensât le mérite de son successeur dans la première
magistrature^ Bernard de Malrein; Reinbard de Ma la-
rcin devint son époux ^^^^.
Les revenus de la ville en argent ne s'élevant pas à
cinq mille livres ^'^^ restaient ordinairement au-dessous
des dépenses ^^^* : c'est que non-seulement elle entre-
tenait une garnison pour marcher contre les enne-
mis ^^^^ et achetait des armes pour ses citoyens **^,
mais elle avait des greniers '^^^ et des caves afin de
maiiitenir en cas de disette imprévue les premières den-
rées à des prix équitables ^^^. Elle couvrait ces dépen-
ses extraordinaires au moyen de contributions considé-
rables suivant la valeur de Targent à cette époque ' '^^
et dont ni ecclésiastiques **^^ ni campagnards ^*®* n'é-
««&> Le mariage en i&63.
HS3 £n 1455 ^ ils s*élevèrent à 4,679 livres 2 schel. A fenn.
<i54 £^g même année &»96i liv. 4 schei. 8 fenn,
^^^^ En 1450, Ulrich Matlhys et 16 antres reçoivent chacun 5 schci-
lings par jonr, forte solde!
*"« A Henri Steflan, 5 liv. 10 sch. par millier de fûts d'arbalMrs;
même année.
**^^ En 1465 , eonslruction d'an grenier à Séewen.
'"* En 1458 , le pot de vin valant 14 fennings, le gonvemcment le
fit vendre pour 8.
'*^' En 1444 , ordonnance sur TOhmgeld ( droit de consommation }.
En 1450, TégUse de Saint-Ours paya 150 flor. de contribution de
gueire.
<««« En 1463, établissement d*on impôt à Falkensteio. On connaît
aussi les époques de Gôsgon et d'autres localités.
^*** En 1447, cinquante hommes dînaient et soupaient pour 4 livres
G sch. ; et en 1466 oq achetait pour 25 florins une grande maison.
LIVHE IV. CtiXP. V. 495
liaient exempts. Cependant l'agriculture se perfection-
nait de jour en jour '*^^, et déjà des jeunes gens vigou-
reux trouvaient une ressource dans la garie des sou-
verains étrangers *^^^.
Du territoire soleurois une double route conduit par
le Hauensteia supérieur et inférieur sur les bords du
Rhin^ à travers des contrées qui passèrent la plupart
sous Tautorité de BâlCé Déjà Von se croyait en droit
d'exiger de Bàle la sûreté des chemins entre Walden-^
bourg et Liestal ^^^^. Des brigands déguisés parcou-
raient le pays avec des armes secrètes ; tout-à-coup le
son d'un cor rassemblait la horde cachée ; elle forçait
les voyageurs dépouillés à jurer sur leur \ie de ne
jamais revenir dans ces lieux ^^^^. Des grands se coali-
saient contre l'injuste violence qui ne respectait ni la
dignité du prêtre ^^^ ni le caractère sacré de l'ambas-
sadeur "^''. Dans bien des lieux d'interminables pro-
ces, concernant les droits de parens éloignés ou de sei-
gneurs absenSy empêchaient l'exercice de la police ^*®^.
De là vint qu'à Liestal la direction de la garde des
portes fut confiée à deux conseillers^ que pendant le
"«t En 1461 les habitans de Granges extirpent par le feu ane for^t
pour convertir le sol en pâturage.
^**' La garde bourguignonne fut autorisée en 1465.
*"* Sentence de Strasbourg, 1A6i, dans Brueknér; Curiosité» de la
Campagne de Bàle , p. 1477. 11 s'agissait de savoir ( Téquité le voulait )
si , outre le droit de chaussée et de pontonnage, la ville percevait aussi
un droit de conduite.
. **«* Dans les environs de Praltelen , 1456 , Bruckner, U , 251.
*»•• Le docteur Cyriacus fut terrassé par Jacques Ze Rhyne avec le
secours d'Eptingen^ 1464 , Ibid., 205.
"" L'ambassadeur d'Espagne en Angleterre, 1469, emmené à Pfcf-
fingoti , chrileaii d'Oswald de Thierslein.
«•••^ Les sentences do r*rnhrini sur les droits souverains de llôlslcin,
l/|5'i cl l/|.'îG. Vtvuckner,
496 HiSToniB DB hk sirnsB.
joiir un gardien reslak en observation sur le cioch»,
et chaque nuit un membre du conseil veillait dans te
château ^'^^« A la déloyauté se joignait la rudesse des
mœurs : la femme d*un prisonnier n'ayant pu rassem-
bler que la moâtié de sa rançon > la garnison de Fams-
boui^ la contraignit d'être témoin du supplice de son
mari ^^'^^. Une autre apportant dix florins pour qu on
ne coupât à son mari qu'une main , ils lui mirent les
deux dans son petit psmier ^^''^ Guillaume de Runs,
bailli du duc Albert au château de Farnsbourg» fcurça
un homme par des tortures à déclarer qu'au s^ de la
paix les B&loia avaient voulu s'^nparw du diâtean par
une petite porte latérale ^^^^; condamné à RheinCelden,
on l'écartela; le baiUi ordonna de lui arracher ausailôt
le cœur pour l'empêcher de parler ^^'^^.
Tandis que la violence et la barbarie compromel-
taient ainsi la sécurité publique^ Bâle florissait grâce à
son ordre^ à sa sagesse, à son énergie. Au-dessus de
toutes les autrea villes brillèrent les wmes et les
hommes que le dievaUer Burkhard de Rotberg,
bourgmestre de Bàle, conduisit à Rome pour emfaeffir
le couronnement de TEmpereur (1452) : il reçut en
récompense la grande charte des franchises qu'on lisait
annuellement devant le conseil et les bourgeois ''^^.
Sans les machines de siège de cette ville , sans ia nutice
*^<* Ordomiaiice de 1450. 16. p. 104S.
*"^ Elle vonlot se couvrir les yenx de ses mains. Smtmtee asfrtdk. Ibid.
p. 2126.
**^^ Par la maison des chevaliers de ^lempen cont^goe à la c6ar da
cbMeatt. Ibid, 2162.
««'* 1158. Ibid, 2129.
117* UlrUh Muiiiu, Chron. Germ. I. XXIX , édit Pistor. 946. WMtrti-
un, Chron, de BàU, 4&6.
r
UVRE IV. CHAP. V. 497
commandée par Flachsland et Bërenfels^ les murs et
les tours puissantes de la forteresse de Hohenkônigs*
bourg, bâtie sur la pointe d'un rocher de difficile accès,
ne fussent pas tombés (1 462) , et une association de
nobles eût continué d'exercer de là ses brigandages ^^''^.
Le plus grand danger menaçait de la part d*Oswald,
comte de Thierstein, jeune homme ardent et inventif^
qui ne dédaignait aucun moyen de s'emparer de la
ville. Il se procura d'abord de l'argent ^'"'^^ approvi-
sionna et munit Pfeffingen , un de ses châteaux qui ,
sur le penchant de la montagne Bleue, domine la Birse,
au-dessus de Baie ; mais ce qui le rendait surtout dan-
gereux^ c'était la combourgeoisie et l'étroite amitié de
Soleure et de Berne ^^'''^} cette union obligea les Bàlois
à des égards. Lorsque Oswald exigea d'eux dix-sept
mille florins , frais d'une guerre faite par son père
contre Bâle pour le compte de l'Autriche , et que la
ville n'était point tenue de lui rembourser ^^'^^, il ne
leur servit de rien d'en appeler à la justice; il fallut
de l'argent pour le contenter ^^'^*. Le comte forma ai-
**'* Ibid. 445 , à comparer avec Sehôpflin, AUai. iUu$tr,, ,U U , 205.
Il me parait vraisemblable que le château était entre les maios des de
Vinstingen ; le grand nombre de nobles qui prirent fait et cause pour ce
manoir et le caractère de celui qui servit de guide aux Armagnacs s'ac-
cordent avec ce fait
ii7( Il vendit Brunnstadt pour 2,900 florins. fVuritiien. ,
*^^^ Bhan^ dans son bbtoire non imprimée , mentionne la combour-
geoisie de Berne ; si elle a existé réellement , elle n'a sans doule pas sub-
sisté longtemps à cette époque : n'était-il comboorgeois de Berne qu'en
sa qualité de Soleurois?
«i7* Conformément an traité de paix , chaque parti devait indemniser
les siens , et son père Jean reçut réellement à cet efiet de l'Autriche une
somme , seulement , il est vfti , de cent florins. FVwr$ti$en,
**'* Le même et Stettler. En 1A65.
TI. 3i
498 HISTOIRE DE LA SUiSaB.
suite le projet de £aiice mettre ie feu par un gagne-deûer
à une auberge de Baie peodiaul \s$ fe&IÎBS que k& trî^
bunft célébrw^M dan$ la nuit du nouvel-^n, «t de s'eoi-
parer^ au milieu du troubte> de la porte d'Eadifin^ à
Taide de deux cents mercenaires qui a'étaieat iotro-
duita* A la découverte du complot > on se conteata de
bannir de la ville ^^^^ ces mercenaires, Suisses pour b
plupart. Lorsque enfi» > avec Tautorisation de la oha»-
cellef ie impériale, qui pouvait ignorer les rapports des
localités ^'^S i^ établit un péage sur la grande route
commerciale près de la ville ^^^^, Soleyrè menaça ceux
qui voudraient Ten empêcher, Ge cpii tira ka Bàloia
d'embarras ce furent, d^un côié, leura égaida pour les
Gonfédéiréa, qm, en retour, engagèrent Sokure à romt-
pre sea relatioos^ de combourgeoisie avec ce seigaeur
remuant; de l'autre, leur audace : ib sortirent, brû-
lèrent la maison du péage et emmenèrent ba per^
cepteurs "^^.
On n'avait chassé de la vilb d'autres gentibbcmmea
que sea ennemia déclarés ^^^^. L'ordre et rinteffî^nce
présidaient à l'administration municipale. La classe
d'hommes la plus dangereuse, celle qui n'a ni biens ni
honneur à perdre ^'^^, et contre l'audace, la ruse et la
multitude de laquelle la police de la plupart dçs pays
iiso fVuritUen,h^^> En 1466.
lifti 11 demandul , en gânéni , à» pouvoir éiôgar on péage dam ta
Seigneurie, qoi avait plusieun voiatus.
*^*> A Gandoldingen.
^** fVurêtiê$n , confirmé par Bruckner.
«tu Nous avons vu Rotberg, Flacbsland, Bérenfek eiîMa.
^^^ Des aveugles » des boiteux (quelques-uns qui fèigmicntde l'être),
des faiseurs de tours, et beaucoup de gens sans aveu,
*!** Témoin les meudians et les vagabonds, gens utiles pour les
de terreur en lemi» de révolution.
LITRB IV. CHAF. V. 499
soutient une lutte perpélnene^ mais inégale ^^^, fut
ramenée par une sage philanthropie à de certains sen-
timensde justice *^^^, et gagnée en faveur d*utt gou-
vernement d'une bienfaisance si clémente '^^.
Mais ce qui éleva B&le an^essns de tontes les villes
de la Suisse^ ce fut la pensée ée fonder une écc^ pour
la cuHure scientifique de la jeunesse^ œuvre méritoire,
calculée, non pour le moment et pour mie constitution
passagère, mais pour tous les âges et pour Hiumanitë
par l'influence des travaux qn^'elle fît entreprendre et
des facultés qu'elle développa. Une seule journée put
détruire, près de Chéronée, Tonvragc de Thémistocfe;
mais Athènes recueillit pendant neuf cents ans encore
les fruits de la semence jetée dans l'Académie^ au Lycée,
au Théâtre ^^^^. Un jour l'îianiorteUe admiration pomr
ses anciens écrivains remplira les esprits d'un enthou-
siasme qui la relèvera de ses ruines. Une seule journée
put anéantir, près de Fhilippes, l'œuvre du premier
Brutus : mais lorsque Rome perdit, après la liberté^
l'empire du monde ; par des souvenirs que nnl pape ne
***' Ik ftvfticnt. leur pcoprc tribunal' dMif laquai» ne slégaaicut q«a
« les enfans de U liberté, cenx qui vont «a» eulotiei et sànt coulaiw- » ,
arme aans emploi dans uie ville paiaibl& On les forfait de siéger et* de
se jnger les ans les autres , sous pcme d?4ti<e aciélés conma des fyfitm
et cités devant les juges des délits de poliaa.
*"* Ils jouissent de la francbise et de la présog^iive d'être traités
comme bourgeois et habitaus ( miauK^qua les paysans qui apparaissent
sur un échelon inférieur.) Ordonnance des dmtx eomeitf, samedi av. Jacq.
1457, dans HalUr, BibL VI , dA6.
**** Ce qu'attestent encore les renseignemens donnés par Proclus ,
Marinns et Domase; Pcocope rapporte qpe les écoles furent supprimées
par le zèle de Justinien. Gommant poovai«4Na onblte les Dieux si noble-
ment chantés, et lire les décrets d^ concHes aU lien des poèmes d'Ho-
mère?
500 HISTOIRE DE LA SUISSE.
put effacer, nul cpnquérant transporter ailleurs *,
elle n*en resta pas moins la ville éternelle. Si Fœuvre
des d'Erlach périt au Grauholz/*, les Erasme, les
Gessner; les Bernouilli, les Haller rappellent une autre
noblesse et une autre gloire. Les œuvres de la pensée
sont impérissables; lès autres ne vivent que par elle ***.
.£néas Sylvius Piccolomini, de Sienne, un des pre-^
miers hommes de son siècle par son intelligence, son es-
prit , les applications utiles dct son savoir et la noblesse
de ses sentimens, vint à Baie au temps du concile, jeune
homme pauvre et sans nom ; mais bientôt il attira tous
les yeux sur ce qui vivait en lui , fut élevé sous le nom
* Dieu le veaille! mab le système créé pour subordonner les lumières
ta despotisme , pomr former des instmmens aphtes à le soutenir, pour dé-
truire la liberté de la presse, potir faire disparaître tout -ce qui, dans
les anciens ouvrages, est regardé comme fausse doctrine, etc., ce sys-
tème se poursuit si mathématiquement, que le commencement du XLX*
siècle pourrait revoir la barbarie. L'Angleterre et TAmérique , voilà Ao-
tre espérance. D. L. H. ( Note écrite sous la domination de Napoléon à
laquelle elle se rapporte. G. M. )
** Vaste forêt à la jonction des routes de Soleure et d*Argovie , non
loin de Berne. Il s'y livra le 5 mars 1798, entre les Bernois et les Fran-
çais, un combat sanglant dont la prise de Berne, le même jour, ftft le
résnlUL G. M.
*** Le poète lyrique Lebrun a élevé un monument durable à cette
même pensée dans son Eseegi monutikentûm ( 1. Yl, G. 25 ) , où , pariani
des pyramides d'Egypte , il demi^nde:
Qa'attMte lear musa insensé 7
Bi«B qu'uB Béant ambitianx :
Bfab Touvrage d« la pensée
Est Immortel comme les Dieux.
Le temps a soufflé sur la cendre
Des murs qu'aux rÎTes du Scamandre
Cherchait Pami d*Ephestion ;
Biais quand tout meurt, peuples, mooarqnes,
Homère triomphe des Parques
Qui triomphèrent d*lUoB.
C. Bf.
LIVRE IV. CHAP, V, .501
de Pie II "•^ à la plus haute dignité de la clirétieuto de
l'Occident, et sut aimer, même pape, les sciences ^'^*
délices de sa jeunesse , fondement de sa fortune et son
titre d'honneur auprès'de la postérité. Lorsqu'on reçut à
Bâle la nouvelle de l'avènement de cet ^néas Sylvius ,
objet d'amour et d'admiration, les magistrats se rap-
pelèrent l'estime reconnaissante qu'il avait témoignée
dans ses écrits pour la loyauté de leur bonne ville.
Considérant qu'un homme de cette trempe n'oublie
ni ks bienfaits ni les joies ', ils cherchèrent quelle grâce
importante et digne de lui ils pourraient lui demander.
L^évéque de Bâle , Jean de Venningen y homme habile
dans la direction des affaires spirituelles et temporelles,
même dans les circonstances qui demandaient le recours
aux armes, ne voyait dans la richesse et la puissance
que des moyens de faire fleurir son évêché, d'élever
de magniGques édifices et de répandre tous les genres
de bienfaits ; homme distingué par sa dignité, son or-
dre et son bonheur, et qui prenait aussi plaisir aux
$cienceâ ^^^^. Grégoire, d'une antique famille de che-
valiers d'Andlau^*^, vieillard plein d'expérience et de
savoir"^, était prévôt du chapitre. Jean deFlachs-
land , Jean de Bérenfels et Pétermann Rot de Rotberg ,
tous trois chevaliers nobles et qui connaissaient le
monde, gouvernaient la ville **^. Sous leur présidence,
^*'* « Srnn Pios .£neas fa ma super «thera notas. »
*"* Plaiina : « qaando a manere vacabat , in leclione el scriptionc
» omnera voluptatem posuisse ; libros pins quam smaragdos et sapphiros
• cbaros babuisse. »
**^ NieoL Gerung Blawentiein, Chron. episeopor. dans le tome I«' des
Scriptt, minor, BoâiL
*M» Schôpflin, AU. i7(.,t. Il, 6&8.
'*** Qui avait assisté au concile de Constance. Leu,
iJ93 GernUr, de Ortu et progressu acad, Basil. B&le , 1660.
502 HJSTOIRB DE I.A SUISSE.
les conseils et les bourgeois de Baie résdiirent de de-
mander à Fie ^ non des reliques p des images miracu-
leuses, un jubilé 9 des indulgences, des pèlerinages;
mais ce qu'.£néas accorderait avec le plus de joie,
une université. Car l'empire des sciences, dont la reli-
gion est une des plus importantes et, à le bien prendre,
le rësullal de toutes les autre» , était aussi placé sous
la surveillance du <âief de o^te grande institution mo-
rale qu'on appelle le Christianisme ^^^. Vers ce même
temps on essaya de fonder de même une ilmversité à
IFribourg en Brisgau^^^. Hors de là, on ne trouvait
dans toute la Suisse et sur les bords du Rhin jusqu'au
NekLar, aucune institution publique pour les sciences;
Paris et Bologne étaient les mères du savoir; en Alle-
magne, Vienne, Heidelberg, Erfurt, Cologne et Leip-
zig marchaient sur leurs traces ^^^. Si les -arguties du
bavard ecclésiastique ou laïque ne servent qu'à £aire
dévier la rectitude de cœur et d'intelligence de l'homme
**** Lé pias hante fonetîofi qu'il y ait ta monde , digne &tm pré^-
dent-direclrar. Mail il aurakdà iT/coneacrer exclvalvoment, atancereo
sagesse I s'entourer d'hommes sages et nobles, et ne pas tenter d'atréler,
ail gré de son caprice ou de son intérêt, la marche de Tesprit, ce qu'au-
cun mortel , aucune cour ne peut faire long-temps. Uu pape tel qu*il de-
vrait être serall devenu la pierre angulaire de la vaste communauté du
monde dviiisé. >» Il est assez cari«nz de lire la eorrespoodance officielle
qui a eu lieu depuis iSOS Jusqu'en juin 1809 entre les autorités fran-
çaises et le pape Pie YII* Les soupirs de la papauté dans les fersi*oot
rendue intéressante pour toutes les âmes généreuses. Voyex Corrmptm^
dance authentique de la cour de Rome avee la France ^ depuis /'lavaiùm de
VEtat romain Jusqu'à l'enlèvement du Saint Père ( dans la nuit du 5 an 6
juillet 1809) , le i^ jour d'août , fite de saint Pierre dan* Us liens. 1SS9.
1 vol. in-8. D. L. H.
^^*7 Le 21 sept 1457. Hist. de l'Jutr. antér., II, 162. Ger&arf^ ^/(ra
ntgra, II. 292, comparé avec la buUe en faveur doBAle.
Ht* NoDunés dans les lettres d'octroi de B&le.
LIVRE IV. OIAP. V. 503
8Îiiipl« ; dun autre côtJé y l'ignorance des langues an-
ciennes y fruit de la jplus haute dvilisation des Grecs ,
rendait îiiabordabtes les documens primitifs du chris-
Pie se ressouvint de la tristesse que lui avait donnée
dans ces oontt^s le complet oubli des anciens > ces fa-^
voris de tous les hommes édairés. 11 reçut avec joie
daM Mantoue ^ le 1 2 novembre 4 459^ au milieu des
plu3 grandes affaires ^^^^^ le m^éssage de Baie. « Le plus
D beau titre des mortels, dit-iP^^S est de pouvoir
M coli€|uélir la perle de la science. Par elle le fils de
D l'homme pauvre devient indispensable au roi. Elle
» ëlève au-dessus de la poussière l'esprit immortel ,
M infini. C*est le seul trésor qu'on agrandisse en le dis-
» séminant. Gomment le Siège apostolique , destiné à
» l'avancement du bien , n'exaucerait-il pas une telle
» prière? Oui^ au nom de Dieu (et que ce soit au plus
» grand avantage de la foi, de la justice et de toute
» culture intellectuelle l ) les bourgmestres^ les conseils
» et les bourgeois de la belle et salubre ville de Baie ,
» avantageusetirient située à tous égards, reçoivent par
j» les présentes et pour toujours une and^erilâé, comme
A^*' • On a intenté une nouvelle langue , » dU un inoine dans un ser-
mon, « la langue grecque; elle est la mère de tous les schismes. On a
• publié dans cette langue un livre, le Nouveau- Testament , qui renferme
• beautonp de passages dangèreat. Il se forme maintenant une autre
• langtR encore» l'iiébrea^ qalcouqne Pàpphend devient Juif. » Conrad
Héreêbéwhf tité pflr 0«ml*r. Ce langage n'étontiera pas les personnes qui
vivent dans de certains lieux où ce même siècle dure encore.
**** Il étrà occupé des moyens de préserver roccidedt de Timpétueux
et infatigable Mahoiaet II.
<>*> fixttitt do sa MU; on la trouve dans les notes â^helin sur
Tscbudi.
504 HISTOIRE DE LÀ SUISSE.
» Bologne, où s'enseignera toute science permise ^ di^
» ^ine et humaine, et toute espèce de droit, ecclésias-
» tique et civil. Notre vénérable frère, Tévêque de
» Baie , et après lui chacun de ses successeurs sera
» chancelier de l'université. » Il consacra aux profes-
seurs huit prébendes du chapitre de Baie et des cha«
pitres voisins ^^^^. 11 permit à tous les ecclésiastiques
déjà placés de fréquenter les cours sans perdre leurs
revenus ^^^^. Les députés repartirent satisfaits : Bâle
reconnut son ^néas.
De bon matin , le jour du savant et intrépide évéque
saint Ambroise ( 4 avril 1 460 ), l'évêque Jean en habits
pontificaux, suivi de tous les chanoines, des chapitres
et des ordres, le chevalier Jean de Flachsland, bourg-
mestre en charge, avec tous les conseillers, les bour-
geois et la commune entière de Baie, montèrent à
l'église cathédrale. Après la grand'messe, le bourg-
mestre remit à Tévèque la bulle , Jean pron(»iça le dis-
cours d'inauguration, et, en qualité de chancelier, in-r
stalla comme recteur le prévôt d'Andlau ^^^. Ensuite
retentit l'hymne ambrosienne, car c'était un grand
jour pour l'avantage et l'honneur de la ville, surtout
en raison des lumières qu'une semblable institution
répand et des découvertes qu'elle fait faire.
^^*' Deux de la cathédrale , deux de St-Pierve» une de Zurich, une
de Soleure ( mais qui ne fut paa livrée , comme le remarque Hafner ],
me de SL-Maurice à Zoflngue , de St -Martin à Golmar, de SU -Ursuiiie.
Andlau, Programme , i&60.
^2** Cependant ib perdaient la finance de présence, et devaient don-*
ner un traitement considérable aux vicaires. fVurMtiêen*
"** Le même, et une bonne dis^rtalion dans TAboanach de Bàle.
1798.
LIVAB IV. CHAP. V. 505
•
Les franchises académiques, là discipline et les sa^
laires furent' ensuite Tobjet de délibérations ^^^^. Les
universités sont des républiques de jeunes citoyens, la
plupart étrangers y et qui changent incessamment. Afin
d*étre jugés par leurs pairs, antique coutume des
hommes libres, ils relevaient d'une régence ^ d'un tri-
bunal et du recteur, à l'élection desquels ils concou-
raient* La ville proclama leur immunité des charges
civiles ^^^. Elle promit de rendre la vie moins dis-
pendieuse ^^^^. On interdit aux empiriques qui exercent
la médecine d'après des observations incomplètes, mal
faites, incohérentes ^^^, une pratique dangereuse pour
la santé publique. L'université reçut un sceptre d'ar-
gent doré , des sceaux d'argent et une grande maison
au bord du Rhin, autrefois l'habitation des nobles
Schaler ^^^®. A l'aide de bourses ^^^®, les étudians for-
maient entr'eux des sociétés économiques où régnaient
la liberté, l'amitié, la décence, l'amour de l'étude et
de l'ordre ^^^^ Andlau défendit dans son premier pro-
^'^' CA. de Jean de BérenfeU , boargmestre en charge , mercr. après
la Pentecôte • 1460 , dans les notes &IseUn sur Tscbndi.
*>•• Péages, droit de consommation , impôts, accises pour blé, vin ,
viande , poisson, draps , livres.
<s*7 qq pourvut surtout à ce qu'il y eût des chambres à louer.
*'** Empiriques qui purgent et prescrivent des drogues sur Finspec-i
tipn des urines , etc.
iu« GemUr. La ville acheta cette maison.
iiii II y ^y^i beaucoup de ces bourses : près de la tour d'Egloff , celle
des Parisiens , celle du Seidenhof ( t bursa leonis» ), celle du collège des
Scbaler, etc. On les appelait en latin « psedagogia • . Écrite de la faeuUé
pkiloiophùfue dans Bmdbier ad Urêiùium in Scriptt, minor.
<2<i Chaque bourse («hall« en Angleterre) avait son recteur et ses
ço-régens ( « fellows • ). Le recteur faisait le compte à la fin de la semaine.
Chaque étudiant devait être attaché à une bourse; celui qui demeurait
506 UISTOIRB 1>E LA. 8UI88B. .
m
gramme les fraudes académiques ^^^^, Tabus intéressé
ou immoral des privilèges ^^^^^ les manières hardies et
offensantes ^^^^» £â {peu de temps la nouvelle école
réunit deux cent vingt jeunes gens '^^^; de gtiinds sa-
vais affectionnèrent cette ville InMpicaliëre ei libre;
nous les feroBS cOanaitrs.
Cette sagesse vigilante ne put manquer de doiiaer à
k ville de l'ascendant sur la campagne. Thomas de
Falk^iStein ne put défendre tx>ntre ses créanciers ^^'^ la
forteresse de Famsbourg qui s'était élevée poissante
au-dessus de gracieux pâturages et de forêts de sapins
et de hêtres , manoir de ses aieux qui avait résisté aux
Suisses; Baie acheta ce château -fort et le cotivertit
en boulevard du pays ^^^^» Une pénurie d'argent tou-
chlfi ses parens devait «voir uti billirt ( « signetntti » ) et plyer néaninoins
quelque dioee pour te dianttige (> pro Ugnalibos »).
t2ti CioÉntiie de se faire immatricaier sans suivre «a moins ton eooit.
i»i De vendre du vin , de dooher à jouer cfaea soi atit dés ou & d'an>
très jeux intéressés.
*2U ^||] ne doit se montrer le soir dans les mes sans lumières, ni sur-
tout dans des lieux suspects. Nul ne doit participer à des sociétés secrètes
dirigées contre la ville. Le programme se trouve dans les notes d'Iselin
sur Tscbudi. Ceux qui ne sont pas invités doivent s'abstenir de danser
aux fôtes bourgeoises, d'entrer dans les maisons, les vignes ou les
jardins des bourgeois; Il est intertfit de sortir armé. Ordonnances, dans
l'Almanach.
«
'**^ Sinner, d'après la matricule. Voyage dan» là SaUse ocdd. 1 , 38.
*^^^ Il avait hypothéqué Farttsbtnirg au duc Albiert èti iiiâ9 et Tavait
affranchi en 4459 , pois vendu à Mte en itei. (Cette ttégt>dalidn fut
oonduite par les bourgmestres de BaMnfeb et do Rotbeig. BHKkntr,
i9MetSttiv.)
'*>«7 On fournit an bailli Pierre! d'Ofl^nbourg six hommes, deux gros
canons nurembergeob, arutant de pièces de pontiotl, quatre couleni-
nés, des arbftlèlDs, quelques uiille flèches, delà poifdre et des balles.
/
UVBB IV..CHAP, V. 507
jours renaissante détermina G6tz Henri d'Epiîngen à
vendre Sissacfa^^^^, peu eon^dërable encore » mais
ohef-lieu da landgraviat du Sissgau^^^^. Le manoir
héréditaire des anciens coilites de Hombèrg fut aus^
vendu à Bale^^^. Des serfs sans libei^té dans les actions
les plus importantes de la vie^^^^ à peine admis à té^
moigner devant les tribunaux ^^'^^ et qu'on pouvait
vendre à vil prix^^^^, culdvaîent ks terrés des sei-
gneurs ^^^^ *; mais peu à peu on se vit c^ligé de respec*
ter la multitude et son aisance , de lui accor^r pour
juges ses pairs ^^^^ et de recevoir en matière de droit
le témoignage de gens du peuple ^^^^. Un tribun admi-
*>** Aprte Tatoir racheté de l'Autriche m 1^65, année où Sissach
pvSIa tercDent ^ k ville le Jour « de la froide Dédicace. » IbitL
*Mi ijQ landgraviat fut compris dans la vente de Falkenstein; toulerois
il parait qu'il en resta une partie aux comtes de Thierstdn ou qu'on la
leur abandonna à Foccasion de leur réclamation ci-dessus mentionnée ,.
puisqu'ils en firent cession à 6&le quarante ans plus tard.
1220 pgf Ueinzmann d'Eplingen 146&; Homberg est dans le Frlkthal.
Les comtes de Homberg sont les anciens seigneurs de Rapperschwyl.
^^^^ Avant le carnaval, alors qu'on se marie, l'ammann doit choisir
avec soin des garçons et des filles et les unir ensemble. Convention de
Jean Bernard d^Eptingen avec ses sujets à Praticien, d460. Bruckner.
<uî G5tz Henri d'Ëptingen défend à ttn de ses valets , sous peine de
perdre les yeux , de témoigner aux assises de Sistadi contre sa propre
déclaratîoB. Jdu 1440 dans Brmokntr.
i22s Jean de Falkenstein vend trois « pauvres hères • avec femmes et
eikfans pour 47 florins; 1450. Bruekner»
<^^ Ainsi à Famsbonrg en 1462. Bruekner,
* Tout cela en vertu de chartes; seraient-elles aussi sacrées ? D. L. H.
'2^ Tribunal du village de Bielbenken , composé de sept fermiers,
et siégeant «u printemps « et quand on peut boire le vin nouveau; •
1447. Bruekner.
*^^ La convention de 1201 a été faite par des arbitres pris dMis d'an-
tres villages.
508 HISTOIRE DE LA SUISSE.
nistrait réconomie de chaque village *^^''. Dans son cir-»
cuit le village formait une sorte de république close '^'*,
dont le sol était interdit à tout seigneur étranger *^^^.
La grande ville acquit les droits des seigneurs ; les fils
de ses plus mortels ennemis eurent besoin de son ar-
gent ^^^®, de son secours *^^^ et de sa médiation ^^^^.
Les évéques de Baie, entourés d'un chapitre dans le*
quel on n'était admis qu'en faisant la preuve de quatre
ancêtres nobles ^^^^, gouvernaient avec peine dans leurs
palais neufs et magnifiques à Baie et à Porrentruy ^^^
un pays dont une partie ^^^^ n'avait été ramenée que
•**' Bruckner et d'autres.
^'^^ Déclaration d'i^n ceatenaîre de Pcattelen , 1458 : an voleor de
chevaux devait être pendu ; Bàle refusa son bourreau ; tous les habitans
de Praltelcn furent obligés de mettre la main à Tceu^cre poujr le pendre
à un noyer sur le territoire du village.
*'^' Selon H'métM déclaration, on plaça pour le comte Simon de
Thicrstein sous le ^^nd tilleul un beau fauteuil avec des clous dorés;
il attendit là un sire de Ramslçin pour se battre avec lui. I^ gentilhomme
GqIz d'Kptingen, tenant son fils par la main, vint vers lui : «Seigneur,
• lui dit-il , veuillez me laisser tranquille àPrattelen ; on pourrait croire
» que vous exercez ici une juridiction. • Le comte répondit : « J'en
» serais f&ché ; donne-moi de la paille , et je m'assiérai hors de la cir-
» conscription. » Bruckner,
iuo Le gentilhomme Jean M5nch de Gachnang , du sang de Dnrkhard
Mdnch de Landescrone , vend Ilingen à la ville, 1467.
^^^ Conrad Mônch de Mônchenslein , capitaine des mercenaires,
soutenu par Bâle contre Njuremberg 1468,
i23s Gr&ce à Tintervention de B&le en 1469, les Spleurois restitokvnt
Mônchenstein à ce Conrad , et Muttepz , seigneurie de son frère Jean ,
fut exempté de la combourgeoisie. Ha/fner,
lUS Pitttves de nobleste de Jean Arnold Bych de Bychen$tein, 146S.
fVurdtwein, Sub$, dipL IV, 165. Voy. plus loin ch. vni.
**»* L'un commencé par le papo Félix, achevé par l'évéque Rotberg
(FVuratiten 446); l'autre construit par Jean de Venningen. Gemng
Blawenstein»
%ub Porrentruy. Id,
.LIVRE IV. CHAP. V. 509
rëcehiment sous rautorité de Jean de Venniogen.
A Bienne le prince jouissait d'une grande autorité en
paroles ^^^^, mais en réalité de peu de pouvoir *^^''.
L'Erguel se trouvait pour les affaires ecclésiastiques
entre lui et Lausanne ^^^^, pour les affaires temporelles
entre lui et Bienne ^^^^; le mont de Diesse se trouvait
entre lui, Bienne ^^^® et Berne ^^**; la Neuveville entre
ses obligations envers l'évéque et ses obligations envers
les Neuchâtelois voisins *^*^ ; le val Moutier entre So-
leure et lui'^*' ; même Saint-Ursanne*^**, la souverai-
i»< La haule et la basse justice. Vévêque Jean, en 1468 , daùs la lettre
par laquelle il abandonne à Bienne la juridiction criminelle.
i>s7 Q*^ i^e qne prouvent beaucoup de docnmeils , entre autres cduî
qui vient d'être cité.
«»8 Procès devant la cour arehiépi$eopaU de Besançon, 1452.
*^' En i45é on l'hypothéqua à Bienne pour 1200 florins. Bienne
selon sa constitution primitive, 1795. I^s « ray du meyrie de Bi^ne de
à la haute justice du Ergoeve • s'exercent ordinairement « à lue (au
lieu ) de St-Imier en nom de Monsieur de Baisle. • Transcript, Antiqui
Boduli 1465.
i24o i(g„^^ d'après lequel le mont de Diesse rend hommage avec
Bienne et non avec la Neuveville, 1451.
*^* Les sentences concernant les différends entre l'évéque Arnold el
Berne en 1452 et 1456, renferment beaucoup de données sur topt cela.
Tantôt Bemeréclamait tous les droits de l'ancienne maison de Neuchâtel,
va que les fondateurs de Nidan en étaient issus; puis, quand on niait
que Nidau eût été un fief masculin neucb&lelois, il réclamait la partie
qui était passée dans leurs nains à cause du lamdgraviat de Neuchfttel.
Les voleurs du mont de Diesse étaient jugés à Nidau ; quand on tuait
des ours, le maire de l'évéque en recevait les pattes et le bailli bernois
la tète.
is«2 pqup leurs domaines sur le territoire du Landeron , ils étaient
soumb à toutes les obligations communes qui ne concemaieiit pas ex-
clusivement la localité. Sentence bernoiee 1457.
114S Traité de combourgeoisie de Moutier-Grandval et de Soleure sous
le prévôt Jean de Fleckenstein, 1462 : Hagner. Géorgisch a tiré de LQnig
une convention conclue avec Berne en 1468 au sujet de ce petit pays
( 11 , 1250 ) ; mais elle est de 1486.
*'** Les habitans de St.-Ursanne devinrent bourgeois de Bienne et
510 HISITMRI DE Lk WISSB.
neté du Sëekind ^^^^ el ses droits sur les serfs des bords
opposés du lac'^^ étaient incertains et chanoelans.
De là les embarras qui engagèrent TéTéque Arnold de
Rotberg à demander au pape Nicolas^ s'il Vautorisait
à pereevoir les anoates et k& droits en seeati interdits
par le concile^ Le pape répendit : «c S'ils sont légidsieSy
» rautorisation n'est point nécessaire; s'ils ne le sont
» pas > je ne puis k dminer. m Amokt comprît ce lao*
gage et perçut le plus possible'^^^. Il étendit aussi la
compétence épiscopale tmx dispensrs peur le beurre ^^
qui rapportaient des sommes assez considérables '^*'.
A cet égard Jean de Venningea usa de plus de ré-
serve ^^^; des indi^geaces le dédommagèrent des re-
venus qu'il abandonnait à la chancellerie papatie'^^.
Le petit pays riverain du lac demeura sous Tautorité
du prince ^ grâce à la jalousie entre la Neuveville et
Bieane^^^^, et parée que Bienne se quevdlait avec
lai refusèrent en 1468 la traite-foraine. Bienne ielon «a conêtiimùm pri-
mitive {Biet in Beiner Uranlagê), oiHmge dlf^matiqcuBDKiil eiaet.
^^^ Ueme prélendit qu'il s'appelait lae de Ifidaa et non pas toe de
Bienae , et voulut établir une opdonnanoe pour la pédberie. L'évoque
soutint qu'il relevait de Bienne }n«qu*an ebaoibur de Gtéreee « que da
U jusqu'à Rndeval il appartenait à Nencfaàtel, et la moitié du pito-
rage vague, k la IfeuvevIUe. La Senimee de Liueme de iA5S le déelan
commun ans trois villes»
**' Sur le teiritoire de Nklan» Voye» hr même Senienee et son EmpU-
caiian , 145S. Le plus simple eût été de trancher la diileullé par m
rachat ou wi éobange.
*^' Gerang diettu Blawen»tein»
•»• Id.
^^^ Po«r en obtenir une on payait annuellement pendant trois ans
un fenning à crosse. Henri ie minorité dans Scriptt', min,
«^ Bnlte de Pie If, dans Gernng.
"" Ibid.
^'*^ Sentence bemoiee relative à la cause des boui||;ems héréditaires
de Gléresse, 1433; Sentence bernoiee an sujet de Billto, ponr savoir de
qui il était serf, t4S4 , et dHiutres.
LIVRE IV. CHAP. V. 511
Berne pour des misères "^^^, au lieu de resserrer Tunion
en faveur des grands intérêts. La défiance paralyse
tout ; c'est elle qui mine aujourd'hui le système poli-
tique de l'Europe/
La faible cour des ducs* de Savoie ; le sage Sforza ;
Orange, Gruyère, Neuchâtel, affermis par la prudence
et par de bienveillantes concessions ; Genève inquiet et
vigilant pour sa liberté ; Fribourg amené par des trou-
bles sous une domination plus rapprochée; dans le
Gessenay Famour de la liberté s*alliant à l'ambition;
les vieux Suisses jouissant d'un bonheur paisible ; les
Grisons encore en lutte ; l'entreprenant abbé de Saint-
Gall ne rencontrant d'obstacle que dans l'énergie appen-
zelloise et dans les plans opiniâtres de la ville ; les cités
s'agrandissant avec ardeur et développant leurs insti-
tutions et leurs lois ; le cours des temps défavorable à
ta noblesse qui le méconnaît; au sein des hautes Alpes
l'antique et perpétuelle alliance, si puissante qu'elle
fait la sûreté des princes qui la respectent : tout cela
vient de passer sous nos yeux. Nous allons voir main-
tenant la Confédération étendre son nom et son terri-
toire, agir pour ses amis de Schaffhouse et de Mul-
house, et se rendre si formidable, que l'Autriche ne
croira trouver que dans la mesure la plus extraor-
dinaire le moyen de sauver sa domination sur la haute
Allemagne.
«»> Pnmonei de SoUure entre Berné et Bienne, concernant ansfti des
bouigeois héréditaires de Gléresse, 4456 ainsi que 1^57.
APPENDICE.
A; PAGE 68, noTB 287.
« Il y avait impossibilité de rétablir Tordre dans le royaume
si on ne trouvait auparavant moyen d'en faire sortir la ma-
jeure partie de ces gens de guerre, qui, accoutumés depuis
plus de trente ans à vivre aux dépens du peuple, mettaient
leur point d*honneur à n'obéir à aucune loi, à aucune disci-
pline et s étaient endurcis contre toute pitié. L'ordonnance
qui avait fait éclater la praguerie n'avait été que fort im-
parfaitement exécutée. Le dauphin, les princes, les grands
seigneurs , s'empressaient toujours de défendre les gens de
guerre qui avaient commis des désordres, et d'empêcher leur
punition. D'ailleurs, on sentait que quelque effroyables que
fussent les déportemens de ces brigands enrégimentés, qu'on
désignait tour-à-tour par les noms d'Armagnacs, d'Écorcheurs,
de Routiers, il n'y aurait pas plus de prudence que d'huma-
nité à les livrer à la justice, pour qu'elle punit des crimes
que l'j^tat avait encouragés, et dont il avait profité. Si on
avait instruit leur procès, il n'y en avait pas un qui , d*après
les lois, eût pu échapper à la potence ; cependant ces mêmes
hommes avaient défendu la France pendant ses longues
guerres, et ils devaient la défendre encore, dès que les hosti-
lités se renouvelleraient; ear l'oppression avait éteint presque
tout courage dans les populations des armées, et l'on ne trou-
vait plus de bravoure que chez ces aventuriers accoutumés à
se mettre au-dessus de toutes les lois.
■
» Il y eut à ce sujet de longues délibérations dans un con-
seil extraordinaire, auquel le roi appela son fils le dauphin ,
le roi de Sicile et son fils le duc de Galabre, Charles, comte
du Maine, le connétable, comte de Richemont, et les comtes
de Clermont, de Foix, de Saint-Pol, de Fancarville et de
VI. 33
514 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
Dunois. Tous demeurèrent daccord qa*il fallait trouver
moyen d'entraîner hors des frontières du royaume , par
quelque entreprise de guerre , le plus grand nombre de ces
hommes dangereux qui avaient été licenciés en même temps
par les rois de France et d'Angleterre (i).
«Une heureuse occasion s'offrit alors pour arriver à ce but.
Peu après la trêve entre la France et l'Angleterre , une am-
bassade solennelle de Frédéric III d'Autriche^ empereifr élu,
arriva à Tours ^ et demanda à Charles VU de lui fournir des
soldat» expérimentés , que l'empereur s'engageait à soudoyer,
pour les opposer aux Suisses. Ceux-ci assiégeaient aloi's la
ville impériale de Zurich , qui s'était mise sous la protection
de l'Autriche, et cette guerre avait réveillé l'aneienne haine
de la noblesse contre ceux qu'elle nommait des paysans ré-
voltés , auxquels toute l'aristocratie de l'Europe ne pouvait
pardonner d'avoir conquis leur Ubeftë par les armes, et
d'avoir donné aux Allemands l'exemple de l'indépendance et
de ses heureux fruits. On retfouvait oe méine ietitiment de
haine contre les Suisses chez k noblesse de Souabe et d' Alsace,
chez le duo de Bourgogne et le duc de Savoie, quoique ces
derniers eussent contracté des alliances avec les ligues suisses^
et chez tous ceux des nobles français qui avaient eu occasion
d'entendre parler de ces montagnards^ Les autres, et surtout
les hommes d'armes qui depuis trente ans désolaient la France,
sans se soucier de savoir s'il y avait quelque ùfotif légitime de
guerre contre les Suisses, embrassèreift avee joie Toffrequi
leur était faite de port^ leurs armes dans un pays nouveau,
où ila se flattaient de retrouver en abondance te butin qui
commençait à leur manquer dans les campagnes de France.
Pour conserver ces liens entre ces bundes redoutables et le
royaume qui les poussait hors de son seiii, il fut convenu que
le dauphin commanderait Tannée qu'on en formerait ; et
celui-ci, avide de pouvoir, et désireux d'attacher leà soMati à
(1) Mslthien de Ck>ucj, c. 6 , p. ftS.
APPBNDICB 51 5
8a personne^ accepta avec empressement une mission qui
semblait plus faite pour un aventurier ^ que pour Théritier
delà monarchie (i). »
(Siêmondi, Hist. des Français ^ t. VUI, p. 419-4^^' )
Bj PAGE 110, nOTJB \
M. de Barante rend les mêmes pensées avec ce bonheur
d'expression qui caractérise ses écrits : « Les seigneurs alle-
mands ne se sentirent nulle admiration et nulle pitié pour
un si merveilleux courage. Le dauphin et les Français
pensaient bien autrement du courage et de la fierté de ces
hommes des communes suisses, dont auparavant ils savaient
à peine le nom« Les nobles capitaines qui avaient vu tant de
guerres et assisté à tant de batailles contre les Anglais et les
Bourguignons, disaient que jamais ils n avaient rencontré des
gens de si grande défense, si ardens à l'attaque , si téméraires
pour abandonner leur vie (a), sachant si bien inanier la longue
pique et la pesante hallebarde (5). Là commença la grande
renommée des ligues suisses; elles avaient ainsi montré ce
quelles valaient en combattant contre la fleur des capitaines
de Ffance et d'Angleterre^ et sous les yeux des Pères du con *
die, qui s'en allèrent après dans les divers états de la chré-
tienté, publiant cette vaillance dont ils avaient été témoins. »
Ducê de Bourgogne^ lY^ édit., t. VII, pag. ao4, ao5 et ao6.
G} PAGE 286, HOTE \
Les tianses des morts et les diables.
MuUer nous montre dans le jour le plus sombre les danses
des morts et les déBM>ns , sujets fréquens de la sculpture et
(i) Huiler HUu de la Confédér. miêêe, — Amelgardus , lib. IV, c S ,
i, 80. — Barante, Dues de Bourgogne. T. VU, p. i70
(S) Hatifaiea de Goacy.
(S) Gollut.
.516 HISTOIRE DE LA SUISSE.
de la peinture pendant le moyen-âge. Sous quelque sévère
couleur que s'offrent à Timagination les issues de la vie et
lavenir des pécheurs, les siècles qui sortaient de la barbarie
se plurent à les voir sous d'autres aspects encore : la parodie
impie ou enjouée, la satire amère ou plaisante colorèrent ces
funèbres images des reflets de la vie ou en tempérèrent Thor-
reur par la malice. Au XV^ siècle surtout l'art s'est distingué
par cette tendance; notre historien n'a donc pas dit à cet
égard la vérité tout entière; il a fait le diable même plus noir
que ne le firent les artistes précurseurs de la réformation. Le
moyen-âge, que quelques-uns croient si dévot, se permettait de
parodier, même dans les temples, les choses sacrées et de faire
des images funéraires l'assaisonnement de la satire. Des sculp-
tures de la cathédrale de Strasbourg représentent une messe
des morts pour le renard qui feint d*étre trépassé, puis son con*
voi funèbre. Les danses des morts, thème si fréquent de la pein-
ture et de la plastique à partir duXY ^ siècle, avaient sans doute
leur c6té sérieux; celle qu'on voit en relief sur le mur d'un ci-
metière de Dresde, celle qu'on a long- temps attribuée à tort
à Holbein et qui fut exécutée à Bftle par un peintre antérieur,
en souvenir de la peste de 1 43 1, ne furent point conçues dans
un intérêt plaisant, bien que le comique involontaire de la
surprise ait sûrement plus d'une fois effleuré d'un léger sou-
rire les lèvres du spectateur. L'origine même de ces sortes de
tableaux participe de ce caractère. On doit la chercher, en
effet, dans ces danses macabees ou macabres^ qui s'exécutaient
au milieu des travestissemens du carnaval. Des masques repré-
sentant la mort avaient le privilège de danser avec tous ceux
qu'ils rencontraient, hommes ou femmes. Les attitudes gro-
tesques de ces masques , la frayeur non moins grotesque des
danseurs malgré eux amusaient les spectateurs (i), dont les
quolibets formaient le commentaire vivant non-seulement des
(i) Voy. Com^rvaienr $uii$e, VI » 855, lettre de IL LotLiê Briciei, .depuis
professeur à Tacadémie de Lausanne.
APPENDICE. 517
groupes, mais aussi du caractère de cette parodie. A mesure
qu'on approcha de li réformatîon et que la corruption géné-
rale favorisée par celle du clergé rendit imminente une révo-
lution au sein deleglise^la tendance des arts devint de plus en
plus satirique. L'ironie s*unit à l'amertume, et la censure prit
habituellement le tonde la satire. Si l'on découvre une pensée
sérieuse sous toutes ces formes grotesques, le costume gro-
tesque est celui que le sérieux de la pensée et la satire mor-
dante affectionnaient. Telle est au XV® siècle la physionomie
de la mort et du démon; tels étaient les sentimens < qu'éveil»
Jaient les danses des morts dont la peinture couvrait à Berne
et à Bàle les murs des églises. On y voyait le hideux squelette
entraîner, avec un rire amer et d'insultans sarcasmes, le chef
suprême de l'Église comme le dernier des mendians et le
prêtre consacré à Dieu aussi bien que l'indiscipliné soldat.
Les conseillers ^bàlois, en gravissant les degrés de leur salle
de réunion y pouvaient chaque jour s'arrêler à voir lés dé-
mons, sémillans de joie, précipiter à l'envi dans le large
gouffre de l'enfer, moines, nonnes, évêques, cardinaux, et
même un front paré de la triple couronne. Devant les yeux
des chanoines d'Embrach on avait peint (avec une satirique
licence) de voluptueux fainéans; au couvent du Rûti c'étaient
des prêtres dont les bonnets étaient couverts de grelots. Prin-
cipalement sur les sièges des chanoines, sur les statues, aux
portes des temples et dans les vestibules des couvens on
retrouvait de burlesques saillies. Le ciseau , les pinceaux , la
plume des poètes, la gaîté du carnaval, la chaire aussi s'ac-
cordaient à représenter la génération des hommes de cet âge
comme folle et corrompue. Parfois il arrivait à cette généra-
tion elle-même, dans un accès de joyeuse humeur, de prendre
le cordon de l'ordre nombreux des fous. Et cependant, chose
à remarquer , elle se plaisait à garder, et non sans raison , les
traits les plus acérés de la plaisanterie pour en frapper des
hommes qui, par leur sacré caractère , eussent dû en être
le plus à l'abri. -— Ce fut surtout chose prodigieuse que l'effet
518 HISTOIRE DB LA SUISSE.
produit à Berne , dans toute la Confédération, et plus loin
encore, par les satires de Nicolas Manufi. Doué de beaucoup
d*e^rit naturel, et familiarisé de bonne heure par Lupnlus
avec Tantiquité classique, Manuel s'était tourné avec un même
amour vers la poéûe et la peinture. Son œil clairvoyant avait
promplement saisi quelles étaient les mœurs et la crédule
superstition de son siècle ; et quand la £ùneuse jonglerie des
Dominicains eut ouvert bien des yeux à Berne, Manuel tourna
contre les serviteurs de l'Empire des ténèbres toutes les armes
que lui fournit son esprit. La danse des morU, son ouvrage,
maint autre tableau dont il décora les églises et les maisons
de ses concitoyens, ses armoiries mêmes qui représentaient
deux prêtres couverts de peaux de loups, reproduisirent en
tout lieu les images de la vie déréglée et de l'hypocrisie du
clergé (i). «
L'un des trois ponts de Lucerne ornés de peintures, celui
des Moulins, montre dans une série de tableaux la mort sur*
prenant les hommes dans toutes les situations et à tous les
momekis de la vie. Bien qu'on ne voie point de squelettes
dansantj on ne saurait méconnaître l'intention semi-plaisante
du peintre. La mort présentant le bassin sous le bras d'un
malade qu'on saigtie fait une satire de la saignée fort amu-
sante, excepté pour le patient.
Le même caractère comique se retrouve dans les sculptures
des églises de la Suisse et dans les images des démons. Au
portail de l'église de Saint-Nicolas de Fribourg, un démon
d'une laideur comique porte une bottée d'âmes destinées au
gouffre enflammé. Au portail de la grande église de Berne ,
quelques-uns des supplices que des démons grotesques ii
(i) J, J. Hottingêr, HitU de» Saines d l'époque de la réfarmuaion,
continuation de J. de Muller, trad, par L. VulUemin, 1. II, cb. ii. Nicolas
Mtnael avait peint sa Dan$e de$ morte sur le ninr du jardin des Domi-
nicains, converti plus tard en dmetitee, près de l'église française. Os
démolit le mur en iSSO avec ses peintures pour élaigir te me..
ÀPPENIMCE. 519
geiit aux damoés sont rendus plaisans par le rapport entre le
péché et la pjeine. Les beaux-aris se montrent d'accord avec la
poésie contemporaine : les diables qui se torchonnent entre eux
ne sont-ils pas en effet les personnages plaisans des Mystères?
Ce petit nombre de faits su£Gra sans doute pour convaincre
le lecteur que Muller a exagéré la couleur sombre des pein-
tures et des sculptv^es du XV* siècle.}
On peut consulter sur la danse de^ morts de Bâle, attri-
buée à Holbein, les ouvrages suivans :
La danse de^ morU<, comme elle esi dépeinte dans la louable
et célèbre ville de Bdle, pour servir de miroir de la nature
humaine y dessinée et gradée sur l'original de feu M. Matthieu
Mérian : ony a ajouté une description de la ville de Baie et
des vers à chaque figure. Bâle, 1789, 1 vol. in-4*';
Holbein, le Triomphe de la Hfort, graifé par Hollard et
accompagné d'explications^ par C. de MécheL Londres ,
1790, in.8®,-
Uolbeins Todtentanz in 53 lithographirten Bkettern y
herausgegeben von Schlotthauer mit Text. Miinchen, iSSa.
Il existe à Berne une copie de la danse des morts de Nicolas
Manuel au lavis, faite par Albert Kauw; elle forme 1 vol.
Guillaume Stettler a copié cette copie en vingt-quatre ta-
bleaux, qu*on a encadrés* Schmidt, de Berne , a publié in*£olio
la Da^se des morts de Manuel. Der Luperner Todtentanz y
nach jategUnger, 7 BlœUer folio.
Le thème une fois donné, bien d autres peintres et dessi-
natefir9 exploitèrent cie trésor inépuisable de mortaliM l^u-
maine. Mais après la réformation l'art devint plus sérieux. Ce
caractèrie nouveau domine exclusivement, par exemple, dans
un Tolunie in-4* de 60 gravures, de vers et de cantiques
sur la mort, œuvre de deux p/eintres-graveurs zuricois du
XVll^ siècle, les frères Rodolphe et Conrad Meyer^ et publié
à Zurich eu 1 65o sous le titre de Miroir de la Mort^ ou Expo-
sition claire comme le soleil du néant humain dans tous les
520 HISTOIRE DE LA. SUISSE.
états et les sexes (Sterbensspiegel, das ist sonnenklare Forstel-
lung menschUcher NichtigkeU durch aile Stœnd und Ge-
schlechter). C. M.
D^ PAGE 351^ nOTE \ APRES LA KOTE 185.
Nous ajoutons au récit de Muller de nouveaux détails en
traduisant la lettre suivante, publiée pour la première fois en
i83ay par M. Joseph Chmelj dans ses Matériaux pour P his-
toire (VAutriche{Matericdien zur àsterreichischen Geschichte^
UxoLj i83a, i^ Theil, S. a8si und 283).
Missive de la ville de Frihourg en Véchtland au duc jilbert
^Autriche.
« A son altesse le prince et seigneur Albert, duc d'Autriche,
de Styrie, etc., notre gracieux seigneur.
» Altesse, gracieux prince et seigneur! Notre soumission et
notre obéissance à Y. A. sont prêtes à se manifester en tout
temps par des services* Gracieux seigneur, nous avons écrit
et fait savoir naguère par deux fois à Y. A. et aussi à Jean
de Gamback , notre cher et fidèle conseiller, le cours des
événemens qui se sont passés depuis que vos respectables dé-
putés envoyés à Genève ont pris congé de nous. Mais comme
nous ignorons si nos missives sont parvenues à Y. A., nous
lui faisons savoir derechef les violences et les injustices que
le duc de Savoie a commises et commet chaque jour contre
nous, au mépris de Dieu , de l'honneur et du droit, noiis re-
fusant la sûreté du commerce et la restitution des biens en-
levés à nous et aux nôtres. Nous ne doutons pas que Y. A.
n'ait été complètement instruite par les députés ci-dessus
mentionnés, de cet état des choses qui a nécessité de notre
part une légitime défense.
« Mercredi avant la récente fête de Noël, pendant la
nuit, quelques-uns des nôtres sortirent de la ville et arri-
APPENDICE. 521
vèrent le lendemain , jeudi , de bon matin , devant le châ-
teau de Yillarseil ( Villanel), près de Romont, appartenant
au sire de Challant. Quelques amis, sortis comme eux de la
ville y étaient retenus prisonniers dans ce château. Les pre-
miers demandant leur libération , les gens du château ti*
rèrent sur eux et leur adressèrent en même temps des pa-
rôles insultantes. Exaspérés, les nôtres assaillirent le manoir
et le prirent d*assaut^ après Tavoir pillé et avoir enlevé tout le
bien qu'ils y trouvèrent et qui était considérable, et quelques
prisonniers nobles et roturiers, au nombre d'environ trente-
six, ils amenèrent le tout dans notre ville et mirent le feu au
château qu'ils brûlèrent de fond en comble. Le samedi sui-
vant ils entreprirent une expédition semblable et arrivèrent
le dimanche devant Montagny. Us l'assaillirent de la même
manière, et dans un assaut ils s'emparèrent de la petite ville,
la pillèrent et emmenèrent tout dans nos murs, même les
prisonniers qu'ils y trouvèrent; ils ne purent se rendre
maîtres du château, mais ils réduisirent la ville en cendres.
• Le vendredi suivant , veille du jour des Rois, vers midi,
nous reçûmes une lettre de défi de ceux de Berne, alliés du
duc de Savoie, ainsi que de ceux de Payeme et de Morat. Le
même jour, à l'heure de vêpres, il nous en vint une autre des
Biennois, auxiliaires des Bernois. Une heure après que nous
eûmes répondu au défi de Berne, une troupe de cavaliers du
duc de Savoie descendit de Romont, et incendia tous les
villages appartenant à nous et aux nôtres, jusqu'à celui de
Yillar'(yiUars), voisin de la ville, et auquel ils mirent aussi le
feu. A la vue de ces faits, quelques-uns des nôtres montèrent
à cheval vers l'heure de vêpres, se rendirent promptement
du côté de Romont et brûlèrent près de huit villages, les
meilleurs des environs , tels que Orsunnens (Orsonnens) et
d'autres, et revinrent dans nos murs. Cette même nuit les
gens et les troupes du duc de Savoie, des Bernois et des
Biennois, s'étaient rassemblés dans la petite ville d'Âvenches ;
ils en sortirent le lendemain, samedi , jour des Rois, et am-
523 HISTOIRE DE LA SUISSE.
▼èreni tous les bannières du duc de Savoie, de Berne et
d'autres, i^vec une armée considérable de cavalerie et d'in-
fanterie j vers l'heure de midi devant notre ville, derrière les
hauteurs du Galgenberg (mont de la Potence) et dans les en-
virons. Prévoyant ce mouvement, nous avions envoyé le sa-
medi de bon matin quelques-uns des nôtres à dieval et à
pied^ ils rencontrèrent Tavant^garde de l'ennemi; une ▼!-
goureuse veneontre eut lieu; un des leurs fut percé d'un
004ip de lance. En outre, un des plus considérables d'entre
eux, nommé lean de Vergie, seigneur de Montrichier, qui
avait été commandant de Romont , fut fait prisonnier et
conduit dans notre ville , où nous le gardâmes et gardons
encore; aussitôt le gros de l'amiée suivit, et les nôtres furent
contraints de reculer. Les ennemb s'étant arrêtés derrière le
Galgenberg et dans les environs, on escarmoucha loyalement
avec eux et l'on tira sur eux avec des coulevrines de façon
qu'ils n'osèrent s'avancer en deçà du Galgenberg; quelques-
uns pourtant vinrent en avant avec des haches et abattirent
la potence. On tira aussi contre eux de telle manière que
nous croyons qu'ils ne retournèrent pas tous la vie sauTC.
Cela dura près d'une heure et demie. Au milieu de toutes
ces escarmouches, grftce à Dieu , aucun des nôtres ne fut
atteint ni blessé, excepté tin soldat assermenté, nommé Spar,
qui a eu le flanc percé d'une flèche , mais nous espérons en
Dieu qu'il ne lui en arrivera pas de mal. Après avoir abattu
la potence, ils retournèrent à Morat, brûlant tous nos vil-
lages situés hors de la porte de Morat. Ils en agirent de
même devant la porte de l'étang et la porte de Lausanne,
jusque près de la ville; quelques granges voisines de nos
murs furent incendiées par les nôtres sur l'ordre des chefs.
Le lendemain dimanche, plusieurs de nos villages en dehors
de la porte de Berne, tels que Schônfels, Heittenried et
d'autres furent brûlés par les troupes du Gouggisbei^, con-
trée qui nous appartenait en raison de la seigneurie de
Grasbottrg,mais dont les Bernois se sont emparés; les nôtres^
APPENDICE. 533
à leur tour, mirent dans la même journée le feu aux quatre
coins de plusieurs villages bernois.
» Le lundi les commissaires de tous les Confédérés nous
écrivirent pour nous demander un sauf*conduit, à la ÊAveur
duquel ils comptaient essayer de concilier Us af&ires; nous
obtempérâmes à leur vosu. Ils vinrent donc dans notre ville
le mardi et eurent avec les deux partis des conférences ami-
cales pendant trois jours; ils avancèrent leur négociation
pendant laquelle ii se passa bien des choses qull serait trop
long de raconter. A la fin on renvoya la décision à une con»
férence amiable, non obligatoire, qui aurait lieu à Bâie,
ainsi que le bit voir la eopie de la note ci-incluse, rédigée à
ee sujet et translatée de français en allemand.
« Tout cela , gracieux prince^ a été fait dans les meilleures
intentions, afin que Y. A« apprenne Voccasion de chaque
chose, que rien ne soit entrepris, fait ni résolu sans l'autori-
sation et la volonté de V. A., ni contre Téquité , que de notre
part les choses ne se passent pas autrement, s'il platt à Dieu,
et afin que chacun entende et sache ce qui dans ces affaires
est à notre honneur ou à notre déshonneur, vu que nous
n'aurions ni pu ni voulu nous adresser à Y. A. sinon loyale-
ment. C'est pourquoi, gracieux prince et seigneur, nous prions
Y. A. le plus humblement qu'il nous est possible, mais avec
instance, de ne pas prendre en mauvaise part, mais en bonne
part, au contraire, le consentement que nous avons donné a la
convocation d'une conférence non obligatoire, et remarquer
qu'il a été donné dans de bonnes intentions; nous vous
prions ensuite de vouloir bien envoyer et maintenir à cette
conférence, au nom de Y. A., une excellente députation, qui
nous donne aide et conseil dans toutes nos affaires , car nous
en avons bien besoin et nous nous y fions entièrement.
Que Y. A. veuille faire un appel à d*autres princes et sei-
gneurs à qui elle jugera convenable de s'adresser, surtout à
notre gracieux prince et seigneur le duc Sigismond, etc.,
afin que S. A. veuille aussi envoyer et maintenir là une ex-
524 HISTOIRE DE LA SUISSE.
cellente déjiulaUon, qu'à la susdite conférence rien ne se
fasse a Totre insu, mais que toutes les résolutions se
prennent au su et du consentement de Y^ A. S'il agréait à
y. A. que quelqu'un se rendit en son nom dans le Toisinage
de Bâle et y demeurftt durant le temps de la conférence, cela
^nous causerait une grande joie et nous serait précieux.
» De plus, gracieux prince et seigneur, ayant besoin pour
cette assemblée d un bon orateur, nous prions humblement
V. A. de nous en accorder un, particulièrement, s'il était
possible , maître Ulrich Riedrer, qi|i a suivi cette affaire de-
puis le commencement jusqu'à la fin, et s'en est occupé avec
tant de zèle que nous voudrions mériter de l'obtenir pour
cette conférence, ce qui nous serait à la fois nécessaire et
agréable. Si cela ne se peut, et que par les soins de Y. A.
Jean d'Entzbei^ veuille se rendre à la conférence, nous en
serions bien aises aussi. Nous chercherions toutes les occat-
sions de témoigner à notre gracieux seigneur le margrave
notre reconnaissance pour un tel service, ainsi qu'à celui qu'il
nous enverrait. Toutefois, quelle que soit à cet égard la vo-
lonté de Y. A., nous l'apprendrons avec gratitude, parce
qu'elle ne peut être qu'équitable. Nous sollicitons et implo-
rons Yotre Grâce, qu'elle veuille nous être favorable; nous
mettons en elle toute notre confiance et nous nous reposons
entièrement sur elle.
> Datum XYII mensis Januarii anno a nativitate Domini
M CCCC XLYIII.
» De Yotre Altessâ les dévoués et obéissans
dvoyer et conseil de Fribourg en Uechtiand. »
C. M.
APPENDICE. 525
Ej PAGE 379, N. % EIVTRB LB9 NOTES 354 ET 355.
Extrait des Mémoires sur le' comté de Neuchâtelen Suisse y
parle chancelier de Montmollin ^ Neuchdtel, i83i, ^. 1*',
p. 4i— 47-
« Le comte Jean de Néucbàtel , fils et successeur de Con-
rad, ne rendit hommage à la maison de Ghâlons que sur la
fin de sa vie, le 9 octobre i453; l'acte en gît aux archives de
Trje , et rappelle ceux de 1897 et de 1407 sous Conrad* Le
comte Jean se fit longtemps tirer l'oreille, et nous allons voir
pourquoi.
«Le margrave Rodolphe de Baden-Hochberg, arrière-petit*
fils de Yarenne de Neuchâtel , et le plus proche parent du
comte Jean, mort sans postérité , fut son héritier institué, à
condition de porter le titre et Técu de comte de Neuchâtel.
A cette nouvelle, Louis de Chàlons dit le Bon, prince d'O-
range, voulut mettre la main sur Neuchâtel, prétendant
que ce comté était de la nature et conditions des fiefs d'Em-
pire, et pourtant ne pouvait passer de fille en fille à l'infini.
Il envoya une grande députation à Neuchâtel, pour notifier
sa main-mise par un mandement daté du a8 février 14S7,
signé Louis de Châlons^Orange. Le comte Rodolphe , jeune
encore, mais certes déjà sage et habile , avait, tout en arri-
vant dans le pays, usé de si bonnes manières, caressant un
chacun, et si bien captivé les esprits à Berne et à Soleure,
nos alliés et bons bourgeois , que les députés de Châlons
perdirent temps et peines. Le comte Rodolphe , tout en fai*
sant fêtes et civilités auxdits députés, s'opposa nettement
à la main-mise, la déclarant nulle de toute nullité; à quoi
il ajouta qu'il consentait que l'archevêque de Besançon, dé-
signé dans le testament du feu comte Jehan exécuteur de
ses volontés dernières , jugeât le différend. Les ambassadeurs
de Ghâlons coururent à Berne pour engager la république
526 HISTOIRE DB L4 SOISSB.
à ne prêter aide ni secours au comte de Neuchfttel, lorsque
le prince d^Orange Tiendrait à main armée chasser Rodolphe
et se mettre en possession du comté, auquel dessein les
Bernois ne voulurent entendre. Sur ce, l'official de Besançon,
agréé des deux parts, et ménagé adroitement par Rodolphe,
ajourna les parties pour comparaître le vendredi avant
Pâques^fleuries. Elles s y rendirent par procureurs, et la
mise en possession du conlté fut demandée au nom de
Rodolphe, oomme descendant de Yarenne, seconde fille de
Louis, comte de Neuchâtel, et ce par les mêmes droits et
titres qui avaient rendu Conrad de Fribourg habile à suc-
céder à la comtesse Isabelle : que Conrad était fik de Va-
renne, et que Rodolphe, actuellement postulant, en était
Farrière-petît-fils; or, que le premier ayant succédé comme
étant du chésaulAt Neaehaatel^ le second, par égalité de
raisons, devait succéder aussi comme étant du même ché-
saul, vu que le comté était aux us de Bourgogne y où les
filles succèdent au défaut des mâles ^ appert les actes de
t3i I et 13579 etc. ; à quoi il fut ajouté au nom de Rodolphet,
et par surabondance, que la suzeraineté de la maison de
ûbâlons so^ Nenchfttel était elle-même bien disputable , vu
et d'autant que, lors du mariage du feu comte Jehan avec
Marie de Chàlons, Conrad, père dudit Jehan, assura par
traité de mariage public et solemel à son dit fib le comté de
Nenchfttel pour le posséder, Ini et ses héritiers, libremmit
avec toutes ses appMtenanees et dépendances, sans réserve
aUCttfie de foi et hommage à qni que ce sott^aoqnel acte et
traité fut présent et acceptant Jehan IV de ChâloBS, qnî
n'ayant fait anoune opposition fut censé consentir à labio-
gation de la relevance et renoncer au domaine direct; et qoe
di le dit feu comte Jehan ne laissa pas sur la fin de sa vie de
filire hommage au seigneur prince Louis de Châlons de ce
présent, ce fut pour bien de paix, sans préjudice des droits
aeqnië k lui et à ses héritiers par le susdit traité de mariage.
» I^s députés de Châlons n'opposèrent autre chose, si ce
\
APPENDICE. 527
n'est que le comte de Neuchàtel était un fief mâle aux
u^ et Allemagne y qui ne pouvait être possédé que par les.
descendans mâles en ligne droite; et pour appuyer leur
doctrine^ ils exhibèrent certains titres que je ne trouve pas
indiqués et que je ne puis deviner. Bref, Tofficial pronoû^
en faveur de notre comte Rodolphe; la sentence ^st aux
archives de Trje, ainsi que la plupart de» pièces et titres
relatifs i ce démêlé; de laquelle sentence le prince d'Orange
appela au saint père le pape et au siège apostolique, on^ ne
sait trop pourquoi , si ce n'est que les papes Se disaient co-
associés à l'Empire.
» Mats avant que de poursuivre cette affaire en cour de
Rome, Louis de Châlons essaya de rechef de gagner les
Bernois. Ses démarches furent d'autant plus vaines que le
comte Rodolphe venait de renouveler sagement l'alliance
et combourgeoisie avec ce canton, le 6 avril 14^8, et avec
celui de Soleure le jour de la Saint-Georges. Ce sage et ha-
bile sire s'était nourri de l'excellente doctrine, si bien étu«
diée et suivie par nos anciens comtes au regahl de messieurs
des ligues suisses, persuadés qu'ils étaient que Iner tout
consistait à se tenir et coller auxdites li^^ues. Dé muitère
que le prince d'Orange ainsi faridë par ces deux cantons, de
même que par la grande affection des peuples dtt pays pour
Rodolphe^ singulièrement celle des bourgeois qui avaient
mis eh pièces l'acte iameiix et très-indécent passé l'an
i4o6, en faveur de la maison dé Châlons, se rabattit à la
voie de la négociation, et proposa au comte Rodolphe de
soumettre le différend au jugement du duc de Savoie ou du
duc de Bourgogne. Rodolphe répondit froidement qàe l'sf*
faire était déjà jugée , et qu'il était en possession. Toutefois
et par l'avis do ointon de Berne , le comte Rodolphe ofbit
foi et hommage à Louis de CShâlons -pour les terres qu'il
reconnaissait relever de lui, mais sans spécifier tesdîles
terres, à quoi le prince d'Orange ne voulut entendre, pré>
528 HISTOIRE DE L\ SUISSE.
tendant toujours évincer Rodolphe qu'il traitait d'usur-
pateur.
• Ces expédiens nayant pu réussir, Louis de Cbftlons,
prince d'Orange, résolut de suivre son appel à Rome, l'an
1 459 ; alors était pontife Pie IK Les parties comparurent par
procureurs, et la sentence de l'official de Besançon fut con-
firmée en £aTeur du comte Rodolphe, lequel ayant appris
que les agens de Ct)àlfons remuaient ciel et terre pour ob-
tenir révision de jugement, résolut d'aller lui-même à
Rome, ce qu'il fit au mois de novembre, après avoir mis le
comté sous la garde et custode des cantons de Berne et de
Soleure, ses bons alliés et combourgeois. Le prince d'O-
range, apprenant ces choses, courut lui aussi à Rome, et
trouvant à son arrivée que le comte Rodolphe avait déjà su
détourner la révision de sentence , il se contenta de demander
que cette affaire fût soumise à l'Empereur comme suprême
juge féodal; à quoi le pape Pie II consentit, même d'écrire
à ce sujet à l'empereur Frédéric III. La première pensée
du comte Rodolphe fut de s'opposer à ce renvoi, se fondant
sur ce que l'empereur Albert ayant renoncé à toute supé-
riorité de la part de l'Empire sur les fiefs de la Suisse, l'Em-
pereur régnant n avait nul droit de jugement en cette af-
faire déjà terminée par deux sentences. Toutefois , par son
sage et bon escient, il crut nécessaire avant tout de con-
sulter les cantons de Berne el de Soleure, et leur dépêcha
en grande hâte Hugues de Vuillausens, son écuyer et prin-
cipal agent et conseiller. Les Cantons furent d'avis que Ro-
dolphe ne devait décliner de l'Empereur, ains se rendre tout
d'abord auprès de lui et le gagner par bonnes manières : en
effet l'Empereur fit défense à Louis de Châlons de rien en-
treprendre sur Neuchàtel, jusqu'à ce qu'il eût prononcé.
Et fit tant et si bien notre habile Rodolphe que ladite pro-
nondation resta et reste encore à venir; en telle sorte que
la tranquille possession du comté lui étant ainsi detneuree ,
APPENDICE. 529
fut le titre supérieur qui en assura la jouissance à ses des-
cendans, laquelle jouissance, par diverses fortunées entre-
faites, se convertit bientôt en une souveraineté pleine et
indépendante, du moins par le fait; certain est-il que la con-
duite sage et bien avisée du comte Rodolphe mérite louan-
ges , mais certain aussi qu il fut merveilleusement aidé par
les occurrences, car Louis de Châlons mourut à la peine de
ses poursuites en i463; puis Guillaume son fils fut presque
toute sa vie prisonnier du roi Louis onzième de France; en-
fin tout est allé si bien pour les après-venans de Rodolphe
que cette puissante maison de Ghàlons-Orange s*est éteinte
Tan 1 53o en la personne de Philibert*
Par cette longue déduction des démêlés de Rodolphe,
comte de Neuchàtel, avec Louis de Châlons , j ai voulu
indiquer les causes d'un grand effet, et montrer comment
nos comtes commencèrent au milieu du xv® siècle à remonter
.de rechef au premier rang, pour aller ensuite plus loin se
faire et dire souverains.
« Les particularités ci-dessus sont toutes tirées d*une ex-
cellente pièce que je trouvai aux archives de Trye ; c'est le
▼erbal en vieux et piquant langage, fort bien composé par
Hugues de Yuillausans, lequel récite avec ordre toute cette
querelle, en rapportant les pièces probantes, chacune en
son lieu. Certes cet homme avait bien de Tesprit et tnême
du savoir, chose remarquable, en ces temps où les nobles
pour la plupart ne savaient ni lire ni écrire. Et ne suis étonné
que le comte Rodolphe en ait fait son principal en cette
ardue affaire, ni que l'administration de ce comte ait été 4
bonne, sachapt si bien choisir ses serviteurs. »
VI. 34
530 HISTOIRE DE LA SUISSE.
Fj PAGE 437, NOTE 717«
AUiame d'Appennell a^ec la Suisse.
Millier passe trop légèrement sur Falliance des Âppentel'
lois et des Confédérés au milieu du xw^ nècle, et il n*en fait pas
connaître le caractère particulier. Il faut distinguer trois
époques et trois degrés dans Tunion d'Appemell avec h
Suisse.
Après leurs premières guerres dans lesquelles ils défen-
dirent leur liberté aux journées immortelles du Speicher, du
Stoss, du Haupllisbergy de la Wolfshalde^ les Appensellois
devinrent Suisses dans le sens un'peu Tague d*une simple al-
liance essentiellement défensiTe avec sept cantons sur huit,
qui les déclarèrent leurs combou^geois et concitoyens]; les
Bernois restèrent étrangers à ce traité. Gela se passait en 1 4 1 1 •
( Voy. notre t. IV, p. i43 et i440
A la suite des étàiemens que notre historien trient de nar-
rer, rallianœ fut resserrée. Appenzell devint un Éfat for
niellement allié de la Suisse {zugefPandter Orî) , dans le sens
le plus intime après l'incorporation complète à la Confédéra-
tion è titre de Canton* Ce fut le second degré de son union
nvec la Suisse; il date de Tan i45a.
Enfin Appenzell, canton, devint partie intégrante de b
Confédération suisse en i5i3, le i3 de décembre. Ce fut b
iroisième phase.
Nous revenons à la seconde pour compléter le récit trop
abrégé du texte de Muller, en suivant notre guide habituel
dans cette partie de Thistoire suisse , M. /. Gasp. Zellpt^èger
{HisU du peuple appenzellois , t. I, p. 53a-534).
« Lors de Texpédition de Sargans déjà, » dit cet historien,
toujours appuyé sur des documens , « les Confédérés avaient
promis aux Appenzellois de perfectionner leur alliance. Is
guerre de Zurich à peine terminée, les Appenzellois leur rap-
APPBKPIGB. 531
pelèrent cette promesse. Dès i447 '^^ Confédérés en délibé.
rèrent à Békenried. A la Pentecôte de la même année des
députés d'Appenzell se rendirent i cet effet à Bade, où la
diète suisse s'assemblait périodiquement au printemps. Au lieu
de prendre une résolution précise, Vss Confédérés exigèrent
que les Appenzellois formulassent par écrit les changemens .
quils demandaient. Pour satisfaire à cette exigence, les Ap-
penzellois écrivirent à Lucerne, le %G mai 144^9 qu'ils dési-
raient avoir une voix en diète et de plus que les secours réci-
proques fussent à la charge des Gantons qui les accordaient.
En revanche , ils consentaient à ne pas contracter d'autre
alliance et à n'entreprendre d'eux-mêmes aucune guerre; s'ils
se trouvaient entraînés dans des guerres et que les Confédérés
les en dissuadassent, ils leur obéiraient, tout comme ils ad-
mettaient que ceux-ci réservassent leurs anciennes alliances.
Au mois de juillet, les Glaronnais avertirent les Appenzellois
d'envoyer leurs députés à Lucerne, où Ton délibérerait sur
leur demande'; mats rien ne fut résolu. Les Appenzellois
idressèrent donc le lo août aux Luoernois une lettre pres-
sante demandant avec instance que, selon leur promesse,
ils les fissent recevoir dans l'alliance plus étroite *. Enfin,
l'an i45a , à l'exception de Berne , qui ne voulut pas encore
former d'alliance avec Appenzell, les sept anciens Cantons
accordèrent aux Appenzellois d*étre appelés leurs Confédérés
perpétuels au lieu de leurs perpétuels comhourgeois et conci-
/o7'e;i^(voy. ci-dessus). Ils. mirent à cette faveur les condi-
tions suivantes : i^ Les Appenzellois marcheront à leurs frais
au secours des Confédérés dès qu'ils en seront requis, a^
Quand les Appenzellois auront un différend ou une guerre,
ils pourront requérir l'appui des Confédérés, qui feront exa-
miner l'affaire par une députation ; si elle trouve qu'ils ont
réellement besoin de ce secours, ils détermineront eux-mêmes
(i) ColUctioH dei recés à Lueeme»
(S) LBtIrê originale dan» Uê archive» du gouvernement de Lucerne,
532 HISTOIRE DE L\ SUISSE.
le nombre des troupes, mais ils supporteront les frais. 3^ Les
Appenzellois ne devront ni commencer une guerre ni porter
recours à qui que ce soit hors de la Confédération , sans le
consentement des Confédérés. 4^ Lorsque dans le cas d'an
différend la totalité ou la majorité des Confédérés trouyera
convenable de le soumettre à un arbitrage, cette voie sera
suivie. 5^ Les Âppenzellois ne concluront d alliance avec' qui
que ce soit, sans l'autorisation des Confédérés. &* Dans les
querelles entre Confédérés , les Appenzellois pourront
concourir à une médiation; mais si la médiation n a pas de
succès, ilfi se rangeront au parti le plus fort. 7** Tout accusé
sera recherchable au lieu de son domicile. — Les Confédérés
réservent leurs alliances éternelles; les Appenzellois, TEm-
pereur et TEmpire. Ce pacte pourra être amélioré et dété-
rioré. On le jurera de dix en dix ans.
« Tous les Appenzellois âgés de seize ans révolus et ci-
toyens du pays jurèrent ces articles et obéissance à la majo-
rité des Confédérés. Le serment fut prêté la veille de Saint-
Othmar, 16 novembre i452. «
C. M.
FIN DU TOME VI.